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Full text of "Histoire littéraire de la France"

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3  9007    0318    7950    5 


HISTOIRE 


LITTÉRAIRE 


DE  LA  FRANCE. 


HISTOIRE 

LITTÉRAIRE 

DE   LA  FRANCE. 


OUVRAGE 

COMMENCÉ    PAR    DES    RELIGIEUX    BÉNÉDICTINS 
DE    LA    CONGRÉGATION    DE    SAIN  T- M  AU  R, 

ET     CONTINUÉ 

Par  une  Commission  prise  clans  la  Classe  d'Histoire  et  de  Littérature 

ancienne  de  l'Institut. 

TOME   XIII. 

SUITE    DU     DOUZIÈME     SIECLE. 


A    PARIS, 


CHEZ  FIRMIN  DIDOT,  IMPRIMEUR  DE    L'INSTITUT, 

LIBRAIRE,    RUE     JACOB,     js"     l[\. 


M.  DCCC.  XIV. 


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AVERTISSEMENT. 


v^ET  ouvrage  fut  entrepris  par  des  religieux  be'ne'dictins , 
vers  le  commencement  du  siècle  dernier.  D.  Rivet  en  conçut 
le  plan.  Des  recherches  immenses  devaient  en  précéder  la 
rédaction.  Les  deux  principaux  collaborateurs  qu'il  choisit 
pour  ces  recherches  furent  D.  Poncet  et  D.  Colomb ,  qui  de- 
meuraient, ainsi  que  lui,  au  Mans,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Vincent.  Il  publia  le  premier  volume  en  iy33.  Le  neuvième, 
qui  contient  le  discours  historique  sur  l'état  des  lettres  en 
France  dans  le  cours  du  XIP  siècle,  et  l'histoire  des  auteurs 
décédés  dans  les  dix  premières  années ,  était  prêt  à  paraître 
quand  D.  Rivet  mourut,  le  y  février  1749- 

Deux  religieux  de  la  communauté  des  Blancs-Manteaux, 
D.  Clémencet  et  D,  Clément,  se  chargèrent  de  continuer 
l'ouvrage.  Les  collaborateurs  de  D.  Rivet  leur  firent  passer 
les  notes  et  recherches  qu'ils  tenaient  prêtes  sur  les  auteurs 
du  XIF  siècle.  Les  volumes  X,  XI  et  XII  parurent  en  lySG, 
1709  et  1763.  D'autres  ouvrages  occupèrent  alors  D.  Clémen- 
cet et  D.  Clément.  L'Histoire  littéraire  de  la  France  fut  inter- 
rompue, et  par  différentes  causes  qu'il  est  inutile  de  retracer, 
elle  n'a  point  été  reprise  depuis  ce  temps. 

Le  gouvernement  a  désiré  la  continuation  de  cet  utile  ou- 
vrage. Il  a  chargé  la  Classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne 
de  l'Institut  de  le  reprendre. 

La  Classe  a  confié  ce  travail  à  une  commission  nommée 
dans  son  sein ,  en  lui  prescrivant  de  suivi'e  jusqu'à  la  fin  du 
XIP  siècle ,  le  plan  et  la  méthode  des  premiers  auteurs.  Une 
circonstance  heureuse  a  beaucoup  abrégé  les  recherches  pré- 
liminaires qu'exigent  ces  sortes  d'ouvrages.  La  partie  des 
notes  envoyées  du  Mans,  qui  n'a  point  été  employée  dans 
les  X*^,  XP  et  XIP  volumes,  était  restée  entre  les  mains  d'un 
des  membres  de  la  Classe  et  de  la  Commission  qui  l'a  livrée  à 
ses  confrères ,  et  la  distribution  en  a  été  foite  selon  les  dif- 
Tome  XIII.  a 


ij  AVERTISSEMENT, 

férentes  branches  de  la  littérature  que  chacun  des  commis- 
saires avait  choisies. 

Ces  notes  consistent  principalement  en  dates  fixes  ou  pre'- 
sumées  de  la  vie  des  auteurs  et  de  la  composition  des  ou- 
vrages ,  en  indications  des  sources  oii  l'on  peut  puiser  à  leur 
sujet,  et  en  autres  recherches  de  cette  espèce,  qui  en  ont 
beaucoup  épargné  à  la  Commission,  sans  la  dispenser  cepen- 
dant d'y  en  ajouter  beaucoup  d'autres ,  soit  pour  rectifier  les 
inexactitudes  des  premières ,  soit  pour  suppléer  à  ce  qu'elles 
ont  d'incomplet,  particulièrement  en  ce  qui  regarde  les  juris- 
consultes ,  les  rabbins ,  les  troubadours ,  et  les  poètes  fran- 
çais ,  sur  lesquels  les  bénédictins  manquaient  de  documens. 

L'Histoire  du  XIP  siècle  étant  à-peu-près  terminée,  on  a 
cru  devoir  publier  successivement  les  trois  volumes  qu'elle 
doit  remplir.  Celui  qu'on  offre  avijourd'hui  au  public,  et  qui 
est  le  XlIP  de  l'ouvrage ,  sera  promptement  suivi  des  deux 
autres ,  si  le  public  accueille  favorablement  un  travail  auquel 
MM.  de  Pastoret,  Brial,  Ginguené,  Daunou  ont  mis  tout  le 
soin  qu'exigeaient  d'eux  la  confiance  de  la  Classe ,  les  ordres 
du  gouvernement ,  et  le  désir  d'achever  une  entreprise  utile 
à  la  gloire  littéraire  de  la  France. 

La  Commission  va  bientôt  s'occuper  de  l'histoire  du 
XIIF  siècle,  avec  des  secours  semblables  à  ceux  dont  elle  s'est 
servie  jusqu'ici.  Les  papiers  de  D.  Poncet,  relatifs  à  l'Histoire 
littéraire  du  XIIP siècle,  et  qui  s'étendent  même  jusqu'à  la  fin 
du  XVP,  furent  envoyés  aux  Blancs-Manteaux  après  sa  mort, 
arrivée  le  2  décembre  1764.  Ceux  de  D.  Coloml)  restèrent  au 
JMans  après  le  décès  de  ce  dernier.  Ils  ont  été  recueillis ,  mis 
en  ordre,  et  conservés  avec  soin  par  M.  l'abbé  Renouard,  con- 
servateur de  la  bibliothèque  départementale  du  Mans,  lequel, 
sur  un  ordre  de  S.  E.  le  Ministre  de  l'intérieur,  en  a  fait  la 
remise  à  la  Classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne. 

Quelque  insuffisant  cjue  soit  ce  secours,  la  Commission  se 
fait  un  devoir  d'en  reconnaître  l'utilité,  et  de  payer  le  tribut 
d'estime  du  à  deux  solitaires ,  qui ,  sans  aucune  espérance  de 
gloire ,  s'étaient  dévoués  à  ce  travail. 


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TABLE 

DES    CITATIONS- 


A. 


Jl  ETRi  AbœlarcU  et  Heloissœ  epistolae  et  opéra.  (Curà  Andi'.  Duchesne),      Abœlaid. 

Parisiis,  i6i6,  in-4"- 
De  Gestis  abbatum  Lobiensiuni.  Dans  le  Spicilège  de  Dachery,  p.  74^—      AJ)li.  Lob. 

955  du  tome  II  in-lol.  ,  p.  SSy  — 635  du  tome  VI  in-4". 
Conradi  a  Lichtenau ,  abbatis  Uspergensis  chronicon,  Argentorati,  1609,       Abh.  Usperg. 

in -fol. 
Conciliorum  Hispaniie  Collectio  maxima  ,  édita  à  Jos.  Saens  d'Aguirre.       Aguirre. 

Ronife,   1693,  4  ■vol.  in -fol. 
Alberici  monaclii  trium  fontium  ,  in  diœcesi  Leodiensi  chronicon.  Hano-      Alb.  Chron. 

via;,  1698,  in-4°,  et  t.  II,  Accession,  hlstoiic.  Leibnitz,  in-4'\ 
Michaèlis  Alford.  Annales  ecclesiastici  Britannorum,  Saxonum,  et  Anglo-       Alford. 

rum.  Leodii ,  Hovius ,  i663,  4  vol.  in-fol. 
Epigrammata  et  poemata  vetera ,  collecta  a  Theodoro  Janson  ab  Aime-      Almeloveen. 

loveen.  Amstœlodami,  1674,  ia-S". 
Annalista  Saxo.   Dans   le  t.   I   du    Recueil   d'Eccard ,   intitulé  ,    Corpus      Ann.  Sax. 

historicuni  incdii  œvi. 
Bibliotheca  bispana  vêtus  sive   notitia  sciiptoruni    hispanoium  usque  ad      Ant.Bibl.Hisp. 

ann.  MD,  à  Nie  Antonio.  Romaî,  1696,  a  vol.  in-fol.  Matriti,  Ibana 

1788  ,  a  vol.  in-fol. 
Vies  de  Saints  Pères  du  Désert,  etc.  par  Arnaud  d'Andilly.  Paris,  1668      Ain  d'And 

et  1680,  3  vol.  in-S",  Paris,  1733,  3  vol.  in-8". 
L'Art  de  vérifier  les  dates  des  faits  historiques,  des  chartes,  des  chro-      Art.  de  véiif. 

niques  ,  et  autres  anciens  monumens ,  par  des  religieux  bénédictins. 

Paris,  Jombert,  1783  — 1792,  3  vol.  in-fol. 
Histoire  de  la  ville  de  La  Rochelle  et  du  pays  d'Aunis,  par  M.  Arcère        Arcère. 

de  l'Oratoire.  La  Rochelle,  Desbordes,  1756  et  1757,  a  vol.  in -4° 
Assises  et   bons  usages   du  royaume  de  Jérusalem  ,  par  Jean  d'Ibelin         Ass.  de  Jérus. 

comte  de   Japhé  et  d'AscaJon  ,    avec    des   notes   et   observations   de 

Thaumas  de  la  Thaumassière.  Bourges,  1690,  in-fol. 

B. 

Vies  des  Saints,  par  Adrien  Baillet.  Paris,  1701,  etc.  17  vol.  in-S",  ou      Baillée. 

10  vol.  in-4°,  ou  4  vol.  in-fol. 
Scriptorum    illustrium    majoris    Britannia;   CataJogus  digestus   à   Joanne      Eal.Scr.  Angl. 

Balœo.  Basile»,  Oporin  ,  i557,  in-fol. 
Vita  Alberici  Trevirensis ,  archiep.  à  Baldrico,  p.  772  Prodromi  historiîe      Baldric. 

Trevir.  D.  de  Hontheim  .  in-fol. 


Baluze. 

Barailon. 

Barbazan. 


Baronius. 

Bartliius. 
Bartolocci. 

Sasnage. 

Bayle. 

Benj.  Tudel. 

Benoît. 

Bernardi  op. 

Bernardi'N'itn. 


Bcrnier. 

Bertrand. 

Besly. 

Besse- 


BIbl.  Floriac. 
Bibl.  pp. 
Blackslone. 
Bolland. 
BongarSjGest. 

Bossuet. 
Roivche. 


iv  TABLE 

Miscellanea ,    etlita   à   Stepliano   Baluzio.   Parisiis ,    16-8—1713,    7    vot. 

in-8";  Luct  ,  1761,  4  ^ol-  in-fol. 
Recherches  sur  plusieurs   monumens  ceUiques  et  romains  par  J.  F.  Ba- 
railon ,  (  oirespoiidant  de  llnstitut.  Paris,  1806,  in-8". 
L'oidene  de  chevalerie,  ancien  poëme ,  avec  une    Dissertation  sur  l'ori- 
gine de  la  langue   française,  par   Barbazan.  Paris,  i7i^9,  in-8°.  —  Le 

Castuiement ,   ou   Instructions   d  un   père    à  son   fils,   ouvrage   moral 

en  vers   du  XITF  siècle ,  avec  des   observations  siu'  les  étymologies  , 

par  Barbazan.   Paris,    1760,  in-8°. —  Fabliaux   et   Contes,    avec   les 

deux  ouvrages  préccdens ,  et  les  Dissert,  de  Barbazan  ;  édition  revue 

par  M.  Méon.  Paris,  Warèe  ,  1808,  4  vol.  in-S". 
Coesaris  Baronii  Annale.s  ecclesiastici,  cum  criticà  Antonii  Pagi,  etc.  Lucoe, 

1740—1757,  39  vol.  in-fol. 
J.  Barthii  adversaria.  Fran<  cf.   1624  vel  1648,  in-fol.  t 

Jul.  Bartolocci  Biblioth.  magna  Rabbinica.  Rome,  typ.  Propag.  Fid.  1675 

—  i683,  3  vol.  in-fol. 
Histoire  des  Juifs  depuis  J.   C.  jusqu'à  présent,  par  Basnage.  La  Haye, 

1716 ,   i5  vol.  in-  12. 
Dictionnaire  historique  et  critique,  par  P.  Bayle.  Roterdam,  Bohm ,  1720, 

4  vol.  in-fol.  Amsterdam,  1740,  4  ^ol.  in-fol. 
Benjamin!  de  Tudelà  itinerarium  hebraicè  et  latine.  Lugd.  Batav.  Elzevir, 

i633,  in -8°. 
Histoire  ecclésiastique  et  politique  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Toul ,  par 

le  P.  Benoît.  Toul,  1707,  in-4". 
S.  Bernardi  opéra,  cura  Joannis  Mabillon.  Parisiis,  1690,  2  vol.  in-foL 

(Autres  éditions  indiquées  ci-dessous  ,  p.  213  —  227). 
De  S.   Bernardi   vita   libri  7,  p.  1062   et  suiv.  du  t.    II   des   œuvres   de 

S.   Bernard,    édit.   de   i6go.   (Autres  vies   de    S.   Bernard,  indiquées 

ci-dessous  p.  i3o— i3i.) 
Histoire  de  la  ville  de  Blois,  par  J.  Bernier.  Paris,  Muguet,  1682,  in-4°. 
Gesta  Tholosanorum ,  autore  Bertrando.  Tolosœ ,  i5i5,  in-fol. 
Histoire  des  Comtes  de  Poitou  et  Ducs  de  Guyenne,  par  J.  Besly.  Paris, 

Bertault,   1647,  in-fol. 
Histoire  des  Ducs ,  Marquis  ,  et  Comtes  de  Narbonne  ,  autrement  appelés 

Princes  des  Goths ,  Ducs  de  Septinianie ,  et  Marquis  de  Gothie ,  par 

Besse.  ParLs,  1660,  )n-4". 
Floriacensis  vêtus  Bibliotheca  benedictina,  à  Joanne  à  Bosco  (Dubois). 

Lugduni ,  Cardon,  i6o5  ,  in-8°. 
Bibliotheca  maxima  Patrum  ,  cura  Ph.  Despont.  Lugduni,  Anisson ,  1677, 

3o  vol.  in-fol. 
Coinmentaries  on  the  lav^'s  of  england  by  W.  Blackstone.  Oxford,  1763, 

4  vol.  in- 8". 
Acta  Sanciorum  omnium,  cura  Joannis  Bollandi  ac  sociorum.  Antuerpiae, 

1643  — 1794,  :')3  vol.  in-fol. 
Gesta  Dei  per  Francos  sive  de  orientalibus  expeditionibus ,  et  de  regno 

Francorum   Hierosolyinitano  scriptores  varii,  collecti  à  Jacobo  Bon- 

garsio.  Hanoviae  ,   161 1,  2  vol.  in-fol. 
Histoire  des  Variations,  par  Bossuet.  Paris,  1770,  5  vol.  in-12,  et  t.  Uf 

des  œuvres  de  Bossuet.  Paris,  1743,  in-4''. 
Histoire  de  Provence,  par  H.  Bouche.  Aix,  1664?  2  vol.  in-fol. 


DES   CITATIONS.  v 

Rerum  galliraium  et  franc,  scriptores...  Recueil  des  historiens  de  France,       Bouquet, Hist 
par  D.   Bouquet  et  autres  bénédictins.  ^-  Depuis  le  t.  XIV  inclusive-  ^'^• 
ment,  par  M.  Brial  de  l'Institut.  Paris,  i^SS— i8i4,  i6  vol.  in-fol. 

Notice  du  roman  du  Rou  ,  par  Feudrix  de  Bréquigny ,  dans   les  notices      Bréquigny. 
des   manuscrits,  t.  V,  p.  a  i  —  78  ,  in -4°. 

Antiquitatum  et  annalium  Trevirensium  librl,25,  à  Ch.  Brouwero  et  Jac.       Brouwer. 
Masenio.  Leodii ,  Hovius  ,  1670,  2  vol.  in-fol. 

Buzelini  Cameracencis  Gallo-Flandria  sacra  et  profana.   Duaci  ,   Wyon  ,      Buzelin. 
1625  ,  2  vol.  in-fol. 

C. 


Histoire  ecclesiast.  et  civile  de  la  Lorraine,  par  D.  Aug.  Calmet.  Nancy, 

1728,  3  vol.  in-fol.  —  Ibid.  1745  —  1757,  7  vol.  in-fol. 
Catalogus  libr.  mss.  Angline  et  Hiberniœ.  Oxon.  Sheldon,  1697,  ^  ^o'-  in-fol. 
Bibliotheca   Baluziana ,  seu   catalogus   librorum   Steph.  Baluzii.  Parisiis , 

Martin,  1719,2  vol.  in-ia. 
Catalogus  librorum  mss.  Bibliothecae  Cottonianae,  1696,  in-fol. 
Catalogus  codicum  mss.  Bibliothecae  regiœ  (  studio  Aniceti  Mellot).  Pari- 
siis,  typis  regiis,  ly'ig—  iy44  ,  4  '^o'-  in-fol. 
Mém.  de  l'Hist.  du  Langued.  par  Guill.  Catel.  Tolose,  Bosc,  i633,  in-fol. 
Scriptorum  ecclesiasticorum  historia  litteraria,à  Guillelmo  Cave.  Oxon. 

Sheldon  ,  1740  et  1743,  2  vol.  in-fol. 
Histoire  des  auteurs  sacrés   et    ecclésiastiques ,    par   D.   Ceillier.    Paris , 

Barois,  1732— 1764,  23  vol.  in-4°. 
Historiée  ecclesiasticaB  centuriœ  i3  congestœ  per  Magdeburgenses ,  Flac- 

cum    lUyricum ,    Wigandum ,   etc.    Basileae ,    i55a  — i554,    i3    tom. 

8  vol.  in-fol. 
Discours  liistor.  concernant  le  mariage  d'Ansbert  et  de  Blitilde,  prétendue 

fille  du  roi  Clotaire  I  ou  II,  par  Chantreau  Lefebvre.  Paris,  1647  1  i^i-4". 
Histoire  de  la  sainte  église  de  Vienne  ,  par  C.  Cliarvet.  Lyon  ,  1761 ,  in-4". 
Sancti  Bernardi  genus  illustre  assertum  ,  à  Fr.  Chifflet.   Divione ,  Clia- 

vance,  1660,  in-4". 
Vesuntio ,  civitas  imperialis,  sequanorum  metropolis ,  illustrata  à  J.  Ja- 

cobo  Chifflet.  Lugduni,   1618,  in-4°. 
Histoire  générale  du  Dauphiné ,  par  Nie.  Chorier.  Grenoble,   i66i,  et 

Lyon,  1672,  2  vol.  in-fol. 
Brève  Chronicon   Elnonense  ,  p.    1 390  — 1400  du  t.  III  du  Recueil  de 

Martène  ,  intitulé,  Thésaurus  auccdotorum ,  \n-io\. 
Chronicon  Malleacencis  cœnobii,  p.  190  du  t.  II  du  Recueil  de  Labbe, 

intitulé,  Bibliotheca  mss.  cod.  in-fol. 
Chronicon   Mauriacensis   monasterii ,  p.   359   '^'^  *•   ^  '^^   Recueil    des 

historiens  de  France  de  Duchesne,  in-fol. 
Chronicon  monasterii  Reicherpensis  ,  161 1,  in-4°. 
Alfonsi  Ciaconii  vitas  et  res  gestœ  summor.  Pontificum  romanor.  et  S^nctas 

Ecclesiae  cardinalium.  Romae ,  de  Rubeis ,  1677,  4  '*'ol-  in-fol. 
Le   vrai  Childebrand ,  ou  réponse  au  traité    injurieux    de   M.   Chifflet , 

médecin   du  roi   d'Espagne,   contre   le    duc    Childebrand,  frère    du 

prince  Charles   Martel  ,  duquel   descend   la   maison   du    roi    Hugues 

Gapet;  par  Ch.  Combault,  baron  d'Auteuil.  Paris,  i656,  in-4". 


Cilmet,  H.  de 
Lorr. 

Cat.Bibl.  Angl. 
Cat.  Bibl.  Baluz. 

Cat.Bibl.  Cotton. 
Cat.  Bibl.  Reg. 

Catel. 
Cave. 

Ceillier. 

Centur.  Magd. 

Chantereau  lef. 

Charvet. 
Fr.  Chifflet. 

J^Jac.  Chifflet, 

Chorier. 

Chron.  EInon. 

Chron.    Malleac. 

Chron.    Maurin. 

Chron.  Reicherp. 
Ciacon. 

Combault. 


'] 


TABLE 


Coirozet. 


Antiquités,    chronique   et   singularités   de   Paris,   par   Gilles    Corrozet. 
Paris,  i586,  in-i6. 

Couiumiergén.   Nouveau  Coutumier  général,  ou  corps  de  coutumes  générales  et  parti- 
culières   de   France,  recueillies   par   Bourdot  de   Richebourg.   Paris, 
Robustel ,  1724,  4  ■''ol.  in-fol. 
Crowœus.  Guillelnii  Crowaei  Elencluis  scriptorum  in  Sacram  Scripturam.  Londini, 

16-72,  in-8". 

D. 


Dauiel  Mil.  Fr. 
Dempsier. 
De  Visch. 

Domiuici. 


Hist.  de  la  Milice  française,  par  le  P.  Daniel,  jés.  Paris,  1760  ,  2  vol.  in-4^. 
Thomœ  Denipsteri,  historia  gentis  Scotorum.  Bononia; ,  1627,  in-4°. 
Bibliotheca  scriptorum    ordinis  Cisterciensis  ,   autore  Carolo   de  Visch. 

ColonicE  ,  Agripp.  i656  ,  in-4°. 
'Marci  Antonii  Doniinici  faniilia  Ansberti  rediviva ,  sive  superior  et  infe- 

rior  stemmatis  B.  Arnulphi  linea  ,  contra  Lud.   Fabri  et  J.  Jac.  Chiffl. 

objectiones ,  vindicata.  Parisiis,  1648,  in-4". 
Pétri  Dorlandi  clironicon  Cartusiense ,  cuni  notis  Theodori  Petraei.  Colo- 

niae  ,  1668  ,  in-8°. 
Joannis  Doujat  prœnotiones  canonicae  et  civiles.  Parisiis,  1687,  in-4°- 
Gerardi  Dubois,  historia  Ecclesia;   Parisiensis.  Parisiis,  Muguet,  1690  — 

1710  ,  2  vol.  in-tol. 
Historia  Universitalis  parisiensis  ,  autore  Cresare  Egassio  Buloeo  (Du  Bou- 

lay).  Parisii.';,   1665—1673^  6  vol.  in-f'ol. 
Théâtre  des  antiquités  de  Paris  ,  par  Jacq.  Du  Breuil ,  bénédictin.  Paris, 

161 2,  in-4";  Paris,  1739,  in-4". 
Caroli  Dufresne  Ducanj^c  glossarium   média;  et  inflrmae  latinitatis  (cum 

indice  autorum  ).  Parisiis,  Osniont,  1733—1736",  6  vol.  in-fol. 
Histori»  Francoium  scriptores  ,  collecti  ab  Andréa  Duchesne.  Parisiis  , 

i636,  5  vol.   in-fol. 
Histori»  Normanorum  scriptores  antiqui ,  collecti  ab  Andréa  Duchesne. 

Parisiis,  1629,  in-fol. 
Bibliotheca  Cluniacensis ,  operà  Martini  Marrier  et  Andrese  Duchesne. 

Parisiis,  i6'i4,  in-fol. 
Histoire  généalogique  de  la  maison  de  Béthune,  par  André  Duchesne. 

Paris,  1639  ,  in-fol. 
Histoire  généalogique  des  maisons  de  Guines,  Ardres,  Gand,  et  Coucy, 

par  André  Duchesne.  Paris,  i63i,  in-fol. 
JVeustria  pia  ,  sive   de  abbatiis   et  prioratlbus   totius   Normanise ,  autore 

Arthuro  Dumoustier.  Rothomagi ,  i663,  in-fol. 
Histoire  des   auteurs  ecclésiastiques  du  XH*  siècle,   par  EUies  Dupin. 

Paris,  1696,  2  vol.  iîi-8°. 
Histoire   de    l'église   de  Meaux  ,    par  dom    Toussaint   Duplessis.    Paris, 

Gandouin,   1731,  2  vol.  in-4". 
Description   géographique   et  historique  de   la  Haute  Normandie,   par 

dom  Toussaint  Duplessis.  Paris,  1740,  2  vol.  in-4°. 

E. 

Eadmer.  Eadnieri  Cantuariensis  monachi  historia  novorum.  A  la  suite  des  œuvres 

de  saint  Anselme.  Paris,  1673  ,  in-fol,  ou  1721,  in-fol. 


Dorland. 

Doujat. 
Dubois. 

Duboulay- 

Dubreuil. 

Ducange. 

Duch.  H.  Fr. 

Diich.  Norm. 

Duchesne,  Bib. 
Clun. 

Duchesne,  GAi. 
Béth. 

Duchesne,  Gén. 
Guines. 

Du  Moustier. 

Dupin. 
Dtiplcss.  Meaux. 
DupIessis,Norm. 


DES   CITATIONS. 


v;j 


Corpus  liistoricum  niedii  revi ,  sive  scriptores  qui  res  gestas  prsecipuè  in 

Gennanià   illustraverunt ,  cura  J.  Georg.  Eccartli.  Francof.  et  Lipsiœ , 

Gleilitscli ,  i74'3,  2  vol.  in-fol. 
Scriptoi'cs  ordinis  pr.Tdicatorum,  opus  inchoatum  à  Jac.  Quetif,  absolutum 

à  Jac.  Ecliaixl.  Parisiis,  1719  et  lyii  ,  2  vol.  in-fol. 
Exordiuni  magnum  Cisterciense ,  t.  1,  Biblioth.  pp.  cisterc.  Bertr.  Tissier, 

1660,  in-fol. 

F. 

Joannis  Alb.  Fabricil,  Bibliotheca  médire  et  infimne  latinitatis.  Hamburgi, 

1734.   6  vol.   in-8'^'.  —  Cuni   notis   Dominici   Mansi.  Patavii ,   Manfré  , 

1754 ,  6  vol.  in-4''. 
J.  Alb.  Fabricii  Bibliotheca  ecclesiastira ,  in  qu.î  continentur  de  scriptori- 

bus  ecclesiasticis  libri  pluriinorum.  Hamburgi,  1718,  in-fol. 
Falconis  Beneventani  chronicon ,  p.  82  du  t.  V  du  Recueil  de  Muratori  ; 

Reruin  Italie.  Scriptores. 
Origine  de  la  langue  et  de  la  poésie  française,  par  Cl.  Fauchet.   Paris, 

Pâtisson,  i58r,  in-S*^. 
Histoire    de   l'abbaye  de  Saint-Denis,  par  dom    Mich-Félibien.    Paris, 

Léonard,  1706,  in-fol. 
Historia  de  Espaiîa  por  D.  Juan  Ferreras.  Madrid,  1700  — 1732,  16  vol. 

in-4°.  —  Hist.  générale  d'Espagne  par  Ferreras,  traduite  par  dHermilly. 

Paris,  Osmont,  1741  — ijSi,  10  vol.  in-4°. 
Ferrii  Locrii  Maria  augusta.  Atrebati,  Mandhuy,  1608,  in-4°. 
Hist.  ecclés.  par  Fleuri.  Paris,  1691  —  1737,  36  vol.  in-4",  ou  36  vol.  in-12. 
Biblioth.  BelgicaJ,  sive  Belgici  scriptores  à  Valerio  Andréa,  Auberto  Miraeo, 

Fr.  Svv^ertio  recensiti  :  cura  Fr.  Foppens.  Bruxellis,  i73g,  2  vol.  in-4°. 
Rerum  gernianicaruru  scriptores  aliquot   insignes ,  collecti  à  Marqnardo 

Frehero.  Editio  Struviana,  Argentorati ,  1717,  3  vol.  in-fol. —  Direc- 

torium  historicoruni  niedii  aevi,  à  Marquardo  Frehero.  Goetting»,  1772, 

in-4°. —  Theatrum  virorum   eruditione   clarorum  ,  à  Marq.    Frehero. 

Norimbergae,  1688,  2  vol.  in-fol. 
Pétri  Frison,  Gallia  purpurata.  Paris,  Lenioine,  i638,  in-fol. 
Hist.  de  l'abbaye  de  S.-Étienne  de  Dijon ,  par  Cl.  Fyot.  Dijon,  1696,  in-fol. 


Eccaid. 

Echard . 
Exord.M.Cist. 

Fabric.  Med. 

Fabric.B.Eccl, 
Falc.  Benev. 
Fauchet. 
Félibien. 
Ferreras. 

Ferr.  Loer. 

Fleuri. 

Foppens. 

Frcher. 


Frison. 
Fyot. 


Gallia  Christiana  (nova)  operâ  Dlonysii  Sammarthani  et  aliorum.  Parisiis        Gall.  Chr.  N. 
1715— 1785,  i3  vol.  in-fol. 

■Verbum  abbreviatum ,  opus  Pétri  Cantoris,  cum  notis  Georgii  Galopin.       Galopin. 
Montibus,  1637,  in-4°. 

Ghronologia  sacro-profana  à  mundo  condito  ad  ann.  5353  (Christi  1592) ,       Ganz. 
dicta  Germen  David ,  autore  R.  David  Ganz ,  in  latinum  versa  et  ob- 
servation, illustrata  per  Guill.  Henr.  "Vorstium.  Lugd.  Batav.  i644,  in-4°. 

Eloge  de  Suger  par  M.  Garât.  Paris  ,  Demonville  ,  1779,  in-8°.  Garât. 

Séries   Prœsulum  Magalonensium  et  Monspeliensiuni ,  autore   P.  Garicl.      Cariel 
Tolosae,  i652,  in-fol.  Ibid.  i6ô5,  in-fol. 

Gervasii  Dorobernensis  monachi  chronicon ,  inter  Anglicœ  Historia;  scrip-       Cerv  Dorob 
tores  10.  Lond.  i652,  in-fol.  —  Ejiisdem  bber  de  Pontificibus  Cantu.i- 
riensis  Ecclesiae,  ibid.  p.  i63o-i683. 


vnj 


TABLE 


Ghedai. 
Gotlwin. 
Goffr.  Vind. 


Gosse. 

GosTÎni  Vita. 

Grandin. 

Gregor.  j\I. 
Guibert. 

Gulg. 

Guiil.  Gr. 
Guill.  Neubr. 

Guill.  Tyr. 


Ghedalias  ben  Joseph,  Schalschelet  Hakkabala.  Venetiis,  1587,  in-4° 
Fr.  Goclwini  de  praesulibus  Angl.  comnientaiius.  Cantabrigiœ,  1743,  in-fol 
Goffridi  Vindocinensis  abbatis  epistolarum  libri  5  ,  cum  notis  Jac.  Sir- 

mondi.  Parisiis,  16 10,  in-8";  et  p.  61 5  du  t.  III  du  Recueil  de  Sirniond 

intitulé,  Opéra  Varia.  Parisiis,  1696,  in-fol. 
Histoire  de  l'abbaye  d'Arrouaise,  par  Gosse,  prieur  d'Arrouaise,  de  l'ac* 

demie  d'Arras.  Lille,  1786,  inVi". 
Vita  S.  Gosvini  Aquicintinensis  abbatis,  à  duobus  monachis  ejusdem  cœno 

bii  exarata  ,  à  Richardo  Gibbono  édita.  Duaci,  Wion ,  1620,  in-8°: 
Martini   Grandini  opéra   theologica ,  cuni  variis  disputationibus.    1710- 

1712 ,  in-4°. 
Sancii  Gregorii  magni  papse  I  opéra.  Parisiis,  1705,  3  vol.  in-fol. 
Guiberti  abbatis  de  Novigento  opéra  ,  édita  à   Lucà   Dachery.  Parisiis  , 

i65i  ,  in-fol. 
Statuta  ordinis  Cartusiensis  à  Guigone    compilata.   Basilea3,  Amerbach  , 

i5io ,  in-fol. 
Vita  Margaritse  romitissœ,  à  Guillelmo  canonico  Gratianop.  i643,  in-4°. 
Giiillelmi  Neidjrigensis  cbronica  rerum  Anglicarum  ,  cum  notis  J.  Picard. 

Oxon.    Sbeldon,  1719  ,  3  vol.  in-S";  et  dans  les  collcct.  d'histor.  dAngl. 
Guillelnii  Tyrii    archiepiscopi  historiœ   rerum   in    partibus   transmarinis 

gestarum  libri  23.  Dans  le  recueil  de  Bongars ,  intitulé,  Gesta  Dei per 

Franco  s. 

H. 


Harpsfeld. 
Helinand. 

Héiiault. 

Henr.  Gandav. 

"Henr.   Menol. 

Henr.  Fascic. 
llenriq.  Pliocn 
Herinann. 


Hervé. 


Hist.  ecclesiast.  Anglicana  à  Nie.  Harpsfeldio.  Duaci,  Wyon,  1622,  in-fol. 

Helinandi  monachi  chronicon,  dans  le  t.  VII  de  la  Bibliothèque  des 
Pères  de  Cîteaux,  publ.  par  Tissier,  1660,  in-fol. 

Abrégé  chronolog.  de  1  Hist.  de  France  ,  par  le  président  Hénault.  Paris , 
Prauh,   1768,  3  vol.  in-S"^. 

Henricus  Gandavensis  de  scriptoribus  ecclesiasticis  ;  dans  le  Recueil  de 
Fabricius,  intitulé,  Bibliotheca  ecclesiastica ,  1718,  in-fol. 

Menologium  Cistercience,  notationibus  illustratum,  cum  constitutionibus 
et  privilegiis  ejusd.  ordinis ,  cura  Chiysost.  Henriquez.  Antuerpiae , 
JVIoret ,  i63o,  in-fol. 

Fascicuhis  sanctorum  ordinis  Cisterciencis ,  cura  Chrysostomi  Henriquez. 
Colonise,  i63i,  2  vol.  in-4°- 

Chrysostomi  Henriques  Phœnix  reviviscens,  sive  ord.  Cisterciensis  scrip- 
toruni  Angliae  et  Hiberniae  séries.  Bruxellis  ,  1626,  in-4°. 

Heimanni  (  vel  Herimanni)  monachi,  de  niiracuhs  B.  Mariée  Laudunensis 
de  gestis  Bartholomœi  episcopi  et  S.  Norbert!  libri  3,  page  Saô  — 
56o  operum  Guiberti  de  Novigento.  —  Ejusd.  Hermanni  narratio  res- 
lauralionis  abbatia?  S.  Martini  Tornacensis.  Dans  le  Spicilège  de  Dachery, 
p.  888-926  du  t.  II  in-fol.;  p.  358-487  du  t.  XII,  in-4''. 

La  lignée  des  seigneurs  d'Amboise,  et  depuis  quel  temps  et  par  quels 
seigneurs  et  quels  mérites  ils  furent  reçus  en  icelle  ;  ou  bien,  Histoire 
Lo<  boise,  des  antiquités  des  villes  d'Amboise,  Loches,  Beaulieu,  Blois, 
Montrichard ,  et  incidemment  des  comtes  d'Anjou,  paraphrasée  en 
françois  par  Hervé  de  la  Queue  ,  de  l'ordre  des  frères  prêcheurs ,  à  la 
l^equète  de  Jeanne  d'Amboise,  dame  de  Revel  et  de  Tiffauge.  Manuscrit, 


DES   CITATIONS.  ix 

Ilistorim  anolicre  scriptores  lo  illustrati  a  Rogerio  Twissden ,  et  à  Seldeno. 

Lomlini ,   lô'ja,  in-fol. 
Hist.    britannicre  ,   saxon icœ  ,  anglo  -  saxonioee  ,   scriptores   20,  coUecti  à 

Tli.  Gale.  Oxon  ,  Shekloii ,  i6'gi,  2  vol.  in-fol. 
Histoire  de  l'Église  gallicane,  par  Longueval ,  Brumoy,  et  autres  jésuites. 

Paris,  17:^0  —  1749,  i8  vol.  in-4". 
Historia  Rngolismensiuni   pontificum  et  coniitum ,  ab   autore   anonymo , 

p.  249  — 36'4  du  t.  Il  de  la  Coll.  de  Labbe  ,  intitulée  :  Biblioth.  inss.  iioia. 
Supplementum  Bibliotliecaî  patruni ,  edilvuii  à  Jacobo  Hoinmey.  Parisiis, 

1684,  in-8°. 
Joannis  Nie.  ab  Hontlieini,  bistoria  Trevirensis  diplomatica  et  historica. 

—  Ejusdem  Prodromus  bistoriœ  Trevirensis.  Augustœ  \  indelicoruni , 

1750  — 1757,  5  vol.  in-fql. 
Antiquités  historiques  de  l'Eglise  royale  de  S-iint-Aignan  d'Orléans ,  par 

Rob.  Hubert.  Orléans,  Hotot,  1661,  in-4". 
P.  Dan.  Huet ,  de  optinio  génère  interpretandi ,  et  de  claris  interpretibus. 

Parisiis,  1661  ,  in-4". 
Hugonis  Flaviacensis   cbronicon    Yirdunense. — -Dans  le  t.  I  du   Recueil 

de  Labbe  ,  intitulé  :  Bibliotheca  mss.  nova. 
Hugonis    Rothoniagensis     archiepiscopi  ,     dialogorum    seu    quaestionuni 

libri  7,  p.  891  ,  et  du  t.  V  du  Rec.  de  Martène ,  intitulé  :    Thésaurus 

anecdotorum.  —  Ejusdem   Hugonis,  contra  Haereses  sui  temporis  sive 

de  ecclesiàet  ejus  miiiist.  libri  3.— A  la  suite  des  œuv.  de  Guibert,  p.  690. 
Caroli    Ludovici   Hugonis ,    annales   ordinis    prœnionstratcnsis.    Nanceii , 

Cusson  ,  1734  et    1736,   2  vol.  in-fol. —  Ejusdem  monunienta  sacrae 

antiquitatis.  Stigavii ,  1725,  2  vol.  in-fol. 
Magistri  Hugonis  de  S.-Victore  opéra  omnia.  Rotliom.  1648,  3  vol.  in-fol. 
History  of  england,  By  Dav.  Hume,  London  ,  1770,  8  vol.  in-4". 


H.  angl.  scr.  10. 
II.  angl.  scr.  30. 
II.del'Égl.GalI. 

Hist.  Engol. 

Ilommcy. 

Hontlieini. 

Hubert. 
Huet. 
Hug.  Flar. 
Hng.  Rot. 

Car.Lud.Huso. 


Ilug.  de  S.  'S'ict- 
Hume. 


I. 


Ivonis  Carnotensis  episcopl  epistolœ.  —  Et  opéra  0 
Jureti  et  J.  B.  Soucliet.  Parisiis,  1647,  in-fol. 


•a  omnia ,  cum  notis  Franc.       Iv.  Carn. 


Ludov.  Jacob  Bibliotheca  pontificia.  Lugduni,  i643,  in-4°,  1647,  in-4". 

Ludov.  Jacob  de  scriptoribus  Cabillonensibus  libri  3.  Parisis,  lôSa,  in-4°. 

Purpura  D.  Bernardi ,  sive  elogia  pontificum,  cardinalium,  archiepisco- 
porum  et  episcoporum  ex  ordine  Cisterciensi.  Coloniœ  Agrippinœ , 
Krafft,   1644  5  in-fol. 

Joannis  prioris  Hagustaldensis  ,  continuatio  historiœ  Simeonis  Dunolm. 
Inter  Hist.  Angl.  scriptores  10. 

Joannis  monachi  Majoris  monasterii  historia  Gauffridi  ducis  Normanno- 
rum  ,  comitis  Andegavorum  ,  Tur.  et  Cenomann.  ex  bibliotheca  Lau- 
rentii  Bochel.  Parisiis,  1610,  in-8".  —  Ejusdem  gesta  consuliun  Ande- 
gavensium.  Dans  le  Spicilège  de  Dachery  ,  p.  232  -  366  du  t.  III  in-fol. , 
p.  399-509  du  t.  X  in-4°.  — Ejusdem  liber  de  Compositione  castri 
Abasiœ  et  ipsius  dominorum  gestis,  ibid.  p.  367,  in-fol.,  p.  5io,  in-4'*. 

Joannis  Sarisberiensis  epistolœ,  cura  epistolis  Gilbert! ,  editis  à  Jeanne 


Jacob.  B.  Ponl. 

Jacob.  Scr.Cab. 
Jongelîû. 


J.  Ilagust. 

J.  de  Marmou- 
tier. 


J.  Sarisb. 


X  TABLE 

Masson.  Parisiis  ,  1611,  in-4''.  —  Joannis  Sarisb.  Policraticiis ,  sive  de 

nugis  curialium  et  vestigiis  philosophorum  libri  8  ,  et  Metalogic.  libri  4- 

Lugduni   Batav.  Maire,  i632  ,  in-8°. 
lueniii.  Hist.  de  Tabb.  de  Tomnus,  etc.  par  P.  Juenin.  Dijon,  Dupiiy,  i633,  in-4''. 

Jug.  d'Oler.      Jugemens  d'Oléron  ,  dans  les  Us  et  Coutumes  de  la  mer,  en  trois  parties, 

par  Clairac.  Bouen  ,   1671,  in-4"- 
Justel.  Histoire  généalogique  de  la  maison  d'Auvergne  ,  justifiée  par  chartes  ,  etc. 

par  Justel.  Paris,  Dupuy,  i643  ,  in-fol. 

K. 

Konig.  GeorgiiMath.KonigBiblioth.  vêtus  et  nova.  Altdorfii,  Endter,  1678,  in-fol. 

L. 

Labbe,  Bibl.      Nova  Bibliotli.  mss.  codicum  cura  Philip.  Labbe.  Parisiis,  1657,  2  vol.  in-fol. 
Labbe,  Conc.   Sacro-sancta  concilia,  collecta  et  édita  à  Phiiippo  Labbe  et  Gabriele  Cos- 

sart.  Parisiis,  1671,  17  tom.   18  vol.  in-fol. 
Lacr.   du   M.    Bibliothèque  française  par  la  Croix  du  Maine.  Paris,  1 584,  in-fol. — Avec 

Du\erdier,  éd.  de  Bigoley  de  Juvigny.  Paris,  1772  et  177^,  6  vol.  in-4''. 
Lambec.  Bibl.  P-  J^ambecii  commentariorum  de  Bibliotli  csesareà  \indobonensi  libri  8, 

sive  catalogus  codicum  mss.  Vindobonœ ,  i655,  8  vol.  in- toi. —  Ibid. 

1766,  etc.   10  vol.  in-fol. 
La  Roque.         Histoire  généalogique   de  la   maison  de  Flacourt  avec  les  preuves  ;  par 

A.  G.  de  la  Boque.  Paris,   1662,  4  '^'ol.  in-fol. 
Laurent.  Leod.  Kotitia  Episcoporum  Virdunensium  ,  à  Laureutio  Leodiensi ,  dans  le  Spi- 

cilege  de  Dacherv,  t.  II,  in-fol.  ,  t.  XII,  in-4°. 
Lebœuf,  Aux.    Jlénioires  concernant  l'iiist.  d'Auxerre,  par  l'abbé  Lebœuf.  Paris,  1742, 

3  vol.  in-4''. 
Lebœuf  Paris.  Dissertations  sur  l'Hist.  ecclés.  et  civile   du   diocèse  de  Paris,  suivies  de 

plusieurs  éclairclssemens  sur  l'histoire  de  France  ,  par  Lebœuf.  Paris , 

Lambert,  1739  et  suiv.  3  vol.  in-12. 
LcCarpenticr.   Histoire  de  Cambray  et  du  Cambrésis,  par  le  Carpentier.  Leyde ,  1764, 

2  vol.  in-4". 
Lcibn.Acc.H.  Godofr.   Guillelmi  Leibnitzii  accessiones  histor.  quibus  scriptores  rerum 

Germanicarum  continentur.  Hnnoverae,  1700,  2  vol.  in-4". 
Lelone,  Bibl.   Bibliothèque  historique  de  la  France,  par  Jac.  I^elong  de  l'Oratoire,  nouv. 
deFr.  édit.  augmentée  par  Fevret  de  Fontette.  Paris,  Hérissant,   1768-1778, 

5  vol.  in-fol. 
Lelone.BibS.   Bibliolheca  sacra  in  Binos  syllabos  distincta  ,  à  Jacobo  Lelong.  Parisiis, 

Couslelier,  1723,  2  vol.  in-fol. 
Le  Nain.  Essai  de  l'histoire  de  l'ordre  de  Cîteaux ,  par  D.  Pierre  le  Nain.  Paris , 

1696,  1697,  9  vol.  in-12. 
Lenglet  Dufr.  Méthode   pour  étudier  1  histoire,  avec  un   catalogue  des  historiens,  par 

Lenglet  Dufresnoy  ,  nouv.  édit.  augmentée  par  Droiiet.  Paris,  Tilliard, 
1772  ,  i5  vol.  in-12. 
LePaige.B.P.   Joannis le  Paige,  Bibliotli.  oïdinis  Prremonstiatensis.  Parisiis,  i633,  in-fol. 
Levasseur.         Annales  de  1  église  cathédrale  de  IVoyon ,  avec  une  description  de  la  ville , 

par  Le  Vasseur.  Paris,  Sara,   i633,  2  vol.  in-4°. 
Leyser.  Polycarpi  Leyseri,Hist.  poètarum  latin,  mediiœvi.  Halae,  RLigd.  1721,  in-8°. 


DES-  CITATIONS. 


xj 


Martini  Lipenii  Bibliotheea  realis  theologica.  Francof.  i685,  2  vol.  in-fol.  Lipen.  B.  Th. 

La  Cibliotlièque  cliartraine,  ou  Traité  des  auteurs  et  hommes  illustres  du  Liron  Bib.Ch. 

diocèse  de  Chartres,  par  Dom  .1.  Liron.  Paris,  1778,  in-4". 

Les  Aménités  de  la  critique,  par  Dom  .1.  Liron.  Paris,  1727,  2  vol.  in-12.  Liron    Amen 

Singularités  historiques,  par  Dom  J.  Liron.  Paris,  1738,  4  vol.  in-12.  Liiou    Sing 

Histoire  et  antiqixités  du  pays  de  Beauvais ,  par  Pierre  Louvet.  Beauvais ,  Louvet. 

i63o ,  2  vol.  in-8". 

Ottomari    Luscinii   allegori.-ie    simul    et    tropologiae    in   locos   communes  Luscin. 

utriusque  testamenti  selectiores.  Parisiis  ,  ii)74)  in-8". 

BI. 


Sancta  et  metropolitana  Ecclesia  Turonensis ,  sive   Séries  Turonensiuin 
archiepiscopor.  etc.,  autore  Joanne  Maan.  Augustae  Turonum,  in  sndi- 

busautoris,  1667,  in-t'ol. 
Acta   Sanctorum   ordinis  S.  Benedicti,  studio   Joannis  Mabillon  et  Lucœ 

d'Achery.  Parisiis,  1668— 1702,  9  vol.  in-fol. 
Vetera  Analccta  collecta  à  J.  Mabillon.  Parisiis,  Montalant,  1723,  in-fol. 
Annales  ordinis  S.  Benedicti,  à  Joanne   Mabillon    (et  Renato  Massuet). 

Parisiis,  Robustel ,  ijoS— 1789,  6  vol.  in-fol. 
Traité  des  études   monastiques   par  Dom   Mabillon.  Paris,   1691,  in-4". 

Paris,   1592,  2  vol.  in-12. 
Joannis  Magni  Gothorum  Sueonumque  historia.  Romae ,  i554,  in-fol. 
Histoire  des  Croisatles  par  Maimbourg.  Paris,  1670,  2  vol.  in-4'';  il'id. 

1686,  2  vol.  in -4". 
Antiq.  de  la  ville  de  Paris,  par  Claude  Malingi'c.  Paris,  Rocolet,  1640,  in-fol. 
Guillelmi  Malmesburiensis  de  gestis  Pontilicum  Angloruni  libri  4-  Francof. 

Wechel,  1601,  in-fol.  Et  liber  quintus,  t.  II  Anglite  sacrae  Henrici  VVar- 

thon.  Lond.  1691  ,  in-fol. 
Cistercienciuni   annalinm    lomi    4  1    autore    Angelo    Manrique.    Lugduni 

(Anisson),  i6"42— i6'53,   4  vol.  in-fol. 
Histoire  de  Béarn  ,  contenant  l'origine  des  rois  de  Navarre,  des  ducs  de 

Gascogne  ,  par  P.  de  Marca.  Paris,  Camusat,  1640,  in-fol. 
De  Concordià  sacerdotii  et  imperii ,  opus  Pétri  de  IMarca ,  cum  notis  Steph. 

Baluzii.  Parisiis  ,  i663  ,  in-fol.  Parisiis,  1704,  in-fol. 
Jacobi    Marchant ,   commentariorum   de   Flandrià    libri  4  )    Antuerpise , 

Plantin  ,   1 596,  in-8". 
Metropolis  Remensis  historia  ,  studio  Guillelmi  Marlot.  Insulis ,  de  Radie, 

1666 ,  3  vol.  in-fol. 
Les  histoires  des  anciens  comtes  d'Anjou  et  de  la  construction  d'Amboise, 

avec  des  reniarq.  par  de  MaroUes  ,  abbé  de  Villeloin.  Paris,  1681,  in-4". 
Thésaurus  novus  anecdot.  complectens  epistolas ,  diplomata ,  etc.  studio  Ed- 

mundi  Martène  et  Ursini  Duiand.  Parisiis,  Delaulne,  1717,  5  vol.  in-fol. 
Veteruni    script,    et    monument.    coUectio    amplissima  ,   studio  Edmundi 

Blartène  et  firsini  Durand.  Parisiis,  Montalant,  1724— 1733,  9  vol.  in-fol. 
Edmundi  Martène,  de  rilibus  Ecclesiœ  libri  4.  Antuerp.  (Mediolani,  cura 


IVIuratorii)  1736— 1738,  4  vol  in-fol. 


Maan. 

Mabillon,  Act. 

Miihill.  Anal. 
Mabillon, Ann. 

Mab.Ét   Mon. 

Magnus. 
Maimbonrg,  Cr. 

Malingre. 

Malmesb.angl. 
Pont. 

Rlanriqtie. 
Marca  Bearn. 
Marca  Conr. 
Marchant. 
Marlot. 
MaroUes. 
Mart.  Anecd. 

Martène,  Coll. 
ampl. 

Martène,  Rit. 


Voyage  littéraire  de  deux  bénédictins  (Martène  et  Durand).  Paris,  17 17 

et  1724  ,  2  vol.  in-4". 
Hist.de  la  poésie  f  rançaise  par  l'abbé  Massieu.  Paris,  Prault,  1739,  in-ia. 

b. 


Martène,  Vov 
Litt. 

Massieu. 


xij  TABLE 

D.  Hugonis  Mathoud  notre  in  Robertuni  Pulluni.  Dans  ledit,  des  œuvres 

de  Rob.  Pull.  Paris,  i655,  in-fol. 
Histoire  de  la  Sainte  Eglise  de  Vienne  ,  par  J.  Drouet  de  Maupertuv.  Lyon, 

Certe  ,  ijo8  ,  in-4°. 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  du  Dauphiné,  1711. 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  sciences  et  beaux-arts.  (Journal  de 

Trévoux,  par  Cation,  Touinemine  ,  Buffier,  et  autres  jés.)  ijoi  — IJ62. 
Histoire  de  Sablé ,  par  Gilles  Ménage.  Paris,  i683,  in-fol. 
Dictionn.  étymol.  par  Gilles  Ménage.  Paris,  Briasson ,  1730,  2  vol.  in-fol. 
Martyrologium  sanctorum  ordinis  S.  Benedicti ,  cum  observation.  Nicolai 

Hug  Ménard.  Parisiis,   1624  vel  1629,  in-8".  —  Ejusdem  Diatriba  de 

Unico  Dionysio.  Parisiis,  i643  vel  1644}  in -8". 
Histoire   civile  et  consulaire  de  la  ville  de  Lyon,  justiûée   par  chartes, 

chroniques,  etc.  par  Ménétrier.  Lyon,  de  Ville,  1^196,  in-fol. 
Jacobi  Meyeri  Commentarii  sive  Annales  rerum  flandricarum.  Antuerpiae, 

i56i,  in-fol.  Francof.  i58o,  in-fol. 
Histoire  littéraire  des  Troubadours,  par  Blillot  (sur  les  mémoires  deSainte- 

Palaye).  Paris,  Durand,  1774^  3  vol.  in-12. 
Origines   Cœnobiorum   ordinis  S.  Benedicti,  in   Belgio  ;  studio   Auberti 

Mirasi  (Le  Mire).  Antuerpiœ,  1606,  in-8°. 
Chronicon  Cistercience,  studio  Auberti  IMirœi.  Colonipe  ,  i6i4,  in-fol. 
Ord.  Prœni.  chron.  studio  Aub.  Miraei.  Coloniae  Agripp.  Gualtcr,  161 3,  in-8°. 
Auberti  Mirœi  opéra  diplomatica   et  historica  ;  cura  Francisci  Foppens. 

Lovanii  et  Bruxellis,  ijaS— 1748,  4  ^ol.  in-fol. 
Missale  Cisterciense.  Parisiis,  iSaô,  in-fol. 

Les  moines  empruntés,  par  P.  Joseph  f  de  Haitze).    1698,  2  tom.  in-i2. 
Rlartyrologimn  cum  notis  Joannis  IMolani.  Antuerpiae,   j583,  in-S". 
Natales  sanctorum  Belgii,  stiulio  Joannis  Molani.  Lovanii,  iSgS,  in-S". 
Monasticon  anglicanum ,  studio  Rogeri  Dodsworth  et  Guillelmi  Dugdale. 

Londini,  Hodgkinson ,  i655  — 1673,  3  vol.  in-fol. 
Montf. E.mss.   Bibliotheca   bibliothecarum  mss.  nova,  autore  Bernardo  de  Monfaucon. 

Parisiis,  Briasson,  1739,  2  vol.  in-fol. 
Dictionnaire  historique  de  Bloréri.  Paris,  i7.")9,  10  vol.  in-fol. 
Theatr.  sacri  ord.  carthusiani,  à  Carolo  Jos.  Morotio.  Taurini,  1681, in-fol. 
Antiquitates  italicœ  medii  sévi ,  sive  dissertationes  Lud.  Antonii  Muratorii. 

Mediolani,  1738— 1742,  6  vol.  in-fol. 
Rerum  italicarum  scriptores ,  coUecti  à  Lud.  Ant.  Muratorio.  Mediolani, 

1723  — 175 1,  aS  tom.  29  vol.  in-fol. 

N. 

Nie.  Arem.        Nicolai  Aremarensis  quondam  sancto  Bernardo  à  secretis,  epistoloe,  p.  5iy 

—  553  du  tome  21  de  la  Bibliothèque  des  Pères.  L.  1667,  in-fol. 
Nomencl.Cartl.   Nomenclator  cardinalium,  digestus  à  Lud.  Castaneo.  Tolosa»,  De  la  Case, 

1614,  in-4°. 
Not.  des  mss.     Notices  et  extraits  des  mss.  de  la  Bibliothèque  royale  et  autres  Biblioth.  de 

Paris,  pul)liés  par  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles -Lettres,  et  par 

l'Institut.  Paris,  1787  — i8i3,  9  vol.  in-4''. 

O. 

Odon.  JeDiog.  Odonis  de  Diogillo  libelli  7  de  profectione  régis  Ludovici  VII  in  orientera. 


Mathoud. 

Maupertuis. 

Mém.  Daiiph. 
Mém.  de  Trev. 

Ménage,  Sablé. 
Mén.Dicl.etym. 
Ménard. 


Ménétrier. 

Meyer. 

Millot. 

Mir.  Ben.  Or. 

Mir.Chr.Cist. 
Mir.  Clir.  Pr. 
Miraei  op. 

Miss.  Cisterc. 
Moines  empr. 
Molan.  martyr. 

Molan.Xat.SS. 
Monast.  anel. 


Moréri 
Moroli. 
Muratori  Ant 

Muralori   Scr 
rer.  ital. 


DES 

=  Dans  le  livre  tle  Chifllet, 
tuni.  Divione,  1660,  in-4". 


CITATIONS. 

intitulé  :  S 


Bernardi  gcnus  illustre  asser- 


Orderici  Yitalis,  libri  i3  histoiiœ  ecclesiaslicae.  =  Dans  le  recueil  de  Du- 

chesne,  intitulé:  Scriptores  historiœ  Normannorum ,  1619,  in-f'ol. 
Ordonnances  des  Rois  de  France,  recueillies  par  de  Laurière,  de  Bré- 

quigny,  etc.  continuées  par  M.  Pastoret.  Paris,  Inipr.  Roy.  1728-  i8i  i, 

16  vol.  in -fol. 
Ordonnances    de    Wisbuy ,   dans  les    Us  et  coutumes  de   la   Mer    (  par 

Clairac).  Rouen,  167-1,  in-4°. 
Othon  de  Frisingue.  (Les  éditions  de  ses  œuvres  sont  indiquées  p.  283  et 

284  de  ce  volume  ). 
Casimiri  Oudini  commentarius  de  script.  Ecclesi;e  autiquis,  cum  nuiltis 

dissertationibus.  Francoturti  et  Lipsias,  Weidnian,  1722,  3  vol.  in-f'ol. 


Order.  vital. 
Oj'donnances. 

Oïd.deVVisb. 
Oth.  Fiising. 
Oiidiu. 


Antonii  Pagi  critica  historlco-chronologica  in  universos  Annales  Baronii.       P.igl  Crit. 


9 
in 


■fol. 


•  Et  avec  les  Annales  de 


Antuerpiaj  (Genev.  ),  lyoa,  4  vol. 

Baronius ,  édit.  de  1740,  in-fol. 
G.  Wolfgangi   Panzer  Annales  typographici.  Norimbergae  ,   Zeli ,  1793— 

i8o3  ,   1 1  vol.  in-4''. 
Bibliothèque  des  auteurs  de  Bourgogne,  par  Papillon.  Dijon,  Marteret, 

1742 ,  2  vol.  in-fol. 
Mémoires  pour  l'histoire  de  Lyon,  par  Guillaume  Paradin.  Lyon,  i573, 

in-fol.;  ibid.   162 5,  in-fol. 
Mathœi  Paris  historia  major  Angliœ.  Londini ,  1640,  2  vol.  in-fol. 
Math.  Parkeri  historia  antiquitatum  Eccl.  britannica*.  Londini,  1729,  in-fol. 
Recueil  de  plusieurs  pièces  servant  à  l'histoire  de  Bourgogne  ,  par  Pérard. 

Paris,  Cramoisy,   i554,  in-fol. 
Monunienta  conventùs  Tolosani   ordinis    FF.   praidicatoruni  ,  ex    vetust. 

scriptis  originalibus  transcripta,  à  J.  Jacobo  Percin.  Tolos.-e,  1693,  in-fol. 
Theodori  Petroei  Bibliotheca  cartusiana.  Coloniœ,  1609,  in-12. 
Pétri  Blesensis  opéra,  édita  à  Petro  de  Gussanville.  Parisiis,  1667,  in-fol. 
Pétri  Cantoris  verbum  abbrev.  cum  not.  Georgii  Galopin.  Mont.  1637,  in-4°. 
Pétri  Diaconi  chronicon  Cassinense.  Parisiis,  1668,  in-fol.  —  Et  dans  la 

Biblioth.  ecclésiastique  de  Fabricius.  Hamb.  1718,  in-fol. 
Pétri  Venerabilis  opéra,  p.  589  —  1376  de  la  Bibliothèque  de  Cluni.  Paris, 

i6i4,  in-fol. — ^P.  8i3— 1142  du  t.  XXII  de  la  Bibliothèque  des  Pères. 

1667,  in-fol.  —  (Autres  éditions  indiquées  p.  205,  266  de  ce  vol.) 
D.  Bernardi  Pezii  Biblioth.  ascetica.  Ratisbonœ,  1726  — 1733  ,  4  vol.  in-8°. 
D.  Bernardi  Pezii  Thésaurus  anecdotorum  novissimus.  Augustae  Vindeli- 

corum  ,  1721 ,  7  tom.  6  vol.  in-fol. 
Philippi  abbatis  bonœspei  ordinis  Praem.  opéra  omnia.  Duaci,  162 1 ,  in-fol. 
Chronologie  historique  et  militaire  ,  par  Pinard.  Paris,  1760,  7  vol.  in-4°. 
.loannes  Pitseus  de  scriptoribus  Angliœ  illustribus.  Parisiis,  1619,  in-4". 
Hist.  génér.  et  particul.  de  Bourgogne,  avec  des  notes,  dissert,  et  preuves, 

parun  bénéd.  (Urbain  Plancher).  Dijon,  deFay,  1739—1748,  3  vol. in-fol. 
Hist.  des  archevêques  de  Rouen  ,  par  un  bénédictin  (  Fr.  Pommeraye). 

Paris,  Maurry,   1667,  in-fol. 
Antonii   Possevini   apparatus   sacer,  cum  appendicibus.  Venetiis ,  1606, 

3  vol.  in-fol. — Coloniaî,  1608,  2  vol,  in-fol, 


Panzer. 

Papillon. 

Paradin. 

M.  Pari.ç. 

Parker. 

Pérard. 

Percin. 

Tlieod.  Petrae. 
Petr.  Blés. 
Petr.  Cant. 
Petr.  Diac. 

Petr.  Veiier. 

Pcz.  Bibl.  Asc. 
Pez.  Th.  Anecd. 

Phil.  B.  Sp. 
Pinard. 
Pits. 
Plancher. 

Pomnieraje. 
Possev.  appar. 


xiv  TABLE. 

Poss.  Cat.  mss,   Catalogus  inanuscriptorum  ,  digestus  ab  Antonio  Possevino.  —  A  la  fin 

de  \ Apparatus  sacer. 
Pv.  Pull.  Robeitl   PuUi  cardinalis  sententiarum  libri  -,  editi  studio  Hugonis  Ma- 

thoud.  Parisiis,  i665  ,  in-fol. 

R. 

Radevlc.  Radevicus  de  gestis  Frederici  AEnobarbi  imper.  —  A  la  suite  d'Othon  de 

de  Fiisingue  ;  dans  la  Collection  des  historiens  d'Allemagne  d'Lrtisius. 
Rudul.  Trud.  Ges^a  aljbatum  Trudonensium  ,  autore  Rudulpho  ejusdem  loci  abbate. — 

Dans  le  Spicilége  de  d'Acbery,  t.  II,  in-t'ol;  p.  344  du  t.  VII,  in-4°. 
Kaisse.   Natal.   Ad   natales   sanctorum    Belgii    auctuarium  ,    autore   Arnoldo   de   Raisse, 
SS.  Belg.  Duaci,  Auroy,  1626,  in-8°. 

Rap.  Thoyr.      Histoire  d'Angleterre,  par  Rapin  de  Thoyras,  etc.  avec  les  remarques  de 

Tyndall.  La  Haye,  1726—1736,  i5  vol.  in-4''. —  Nouv.  édition  donnée 

par  Lelebyre  de  Saint-Marc.  La  Haye  (Paris),  1749,  16  vol.  in-4°. 
Rich.  Hagust.    Richardus  prior  Hagidstadensis  de  gestis   régis  Stephani  et  bello   Stan- 

dardi. —  înter  Historiœ  Angliœ  scriptores  10.  Lond.  lô'âa,  in-fol. 
Rich.àS.Vict.   Magistri  Richardi  à  Sancto-Victore  opéra.  Rothomagi,  i65o,  in-fol. 
Rob.  de  31.        Roberti   de    Monte,   abbatis  S.  Blichaelis,   cbronica,    sive   oppendix   ad 

Sigebertum    ab   anno   11 00,  usque  ail  1184.  —  A  la  suite  des  œuvres 

de  Guibert  de  Nogent,  p.  743  —  810. 
Rodrig. deC.      Bibliotbeca  Espanola  por  Rodriguez  de  Castro.  Madrid,  1781,  in-fol. 
Roquefort.        Glossaire  de   la  langue  romane,   par  J.  P.   Roquefort.   Paris,  Warée , 

1808,  1  vol.  in-8^. 
Rog.deHoved.   Rogerii  de  Hoveden  Annales  ab  anno  732  ad  annuni   1201.  P.  401  —  429 

du  recueil  intitulé  :  Anglicaruni  reruni  scriptores  post  Bedam  praecipni, 

editi  ab  Henr.  Savilio.  Lond.  1396,  in-fol.;  Francof   161 1,  in-fol. 
Rossi  Bibl.         Joanuis  Bern.  de  Rossi  Biblioth.  judaici  antidiristiana.  Parniae,  1800,  in-8''. 
Rossi  Diz.  Dizionario  storico  degli  autori  Ebrei  e  délie  loro  opère;  da  Giov.  Bern. 

de  Rossi.  Parma,  Stamp.  Reale,  1802,  2  vol.  in-8°. 
Rossi,  mss.       Manuscripti  codices  bibliothecœ  Joan.  Bernardi  de  Rossi  ab  ipso  accuratè 

descripti  et  illustrât!.  Parnife,  i8o5,  3  vol.  in-8". 
Roulliaid.  Histoire  tle  Mclun  ,  par  Séb.  Rouliiard.  Paris,  1628,  in-4''. 

P.  Rover.  Historia  nionasterii    Reomaensis  in  traclu   Lingonehsi  ;  à  Petro   Roverio. 

Parisiis,  Cramoisy,  1637,  in-4''. 
Rvmer.  Fœdera  ,  conventiones  ,  litterœ  et  cujuscunique  generis  acta  publica  ,  inter"~ 

reges   Angliœ  et  alios  quosvis  imperatores,  reges ,  etc.  studio   Thonia? 

Rymer.  Hagae,  Coni.  174J,  10  vol.  in-ful. 

S. 

Sander.  Bibliotbeca  Belgica  manuscr.  sive  Elencbus  nniversalis  codicum  manusc. 

in  celebrior.  Belgii  biblioth.  ab  Antonio  Sandero.  Insulis  ,  1641  ,  in-4". 
Sandius.  Christophi  Sandii  notœ  et  animadversiones  in  Vossium  de  historicis  lati- 

nis.  Amstel.  i677,in-i2. 
Sarti  Prof.  M.    De  claris  Archi-gTninasii  Bononiensis  professoribus  à  saeculo  XI  ad  XIV, 

opus  P.  D.  J\I.  Sarti.  Bononiœ,  1769   et  l'j'ji  ,  2  tom.  in-fol. 
Sa\nl.    Sciipt.   Anglicaruni  rerum  scriptores  post  Bedam  prœcipui ,  editi  ab  Henr.  Savilio. 
1er.  angl.  Lond.  i5gG,  in-fol.;  Francof.   1611,  in-fol. 

Seld.M.Cl,       Joannis  Seldeni ,  mare  clausuni  seu  de  dominio  maris.  Lond.  i636,in-r2. 
Ser  H.dcRoueii.   Histoire  de  la  ville  de  Rouen,  par  Servin.  Rouen,  1773,  2  vol.  in-ia. 


DES   CITATIONS.  xv 

Bihliotheca  Conradi  Gesneri ,  lecognita  et  aucta  à  Josià  Simlero.  Tiguri , 

i574)  in-fol.  ;  Tiguri,  Froschover,  i583,  in-fol. 
Catalogiis   manusciipt.  Bibliothecœ   Berncnsis ,  annotatioiiibus   illustratus 

à  J.  K.  Siiiner.  Bernœ,  Typogr.  reipubl.  1760,  2  vol.  in-8°. 
Jacobi  Sirniondi  opéra  varia.  (Collectio  scriptorum  et  monument,  eccles.) 

Parisiis,  Typ.  Reg.  1696,  5  vol.  In-l'ol. 


Simier.  Bifc. 


SiunerBibl.B. 


Sirmond.O.  V. 


1376,  in-fol.  ;  Parisiis,   1610,       SUt.Sen.B.S 


Sixti  Senensis  Bibliotheca  sancta.  Lugtluiii 
in-fol.;  Neapoli,   1742,  1  vol.  in-fol. 

Concilia   magnai   Britanniœ   et  Hibernise,  collecta  ab  Henrico  Spelman, 
cuin  notis  Davidis  Wilkins.  Londini ,  i747>  4  '^ol.  in-fol. 

Spicil.  sive  collectio  veter.  aliquot  scriptor.  cura  Lucae  d'Achery.  Parisiis, 
i655— 1677,  i4  vol.  in-4°  ;  Parisiis,  JVIontalant,  1723,  3  vol.  in-fol. 

Sugerii ,  abbatis  S.  Dionysii,  epistolre.  P.  49-5—556  du  t.  IV  du  Recueil 
de  Ducliesne  :  Scriptorcs  rerwn  franc. 

P.  Sutoris  (Cousturier)  de  viià  Cartusianà  liber.  Parisis,  Petit,  i522  ,  in-4". 

Fr.  Swertii  Atlicnre  Belgicre  ,  sive  Nomenclator  inferioris  Germanise  scrip- 
torum. Antuerp.  1628,  in-fol. 

T. 

Histoire  delà  grande  chancellerie  de  France,  par  Tessereau.  Paris,  1676, 

in-fol.  —  Continuée  par  Lecomte.  Paris,  17 10,  2  vol.  in-fol. 
Vetera   monumenta  contra  schisniaticos  ,    pro  Gregorio  VII,  collecta  à 

Sebastiano  Tcngna:>el.  Ingolstad,  161 2,  in-4''. 
Theodoii  cantuar.  episc.  pœnitentiale ,  operà  Jacobi  Petit.  Parisiis,  in-4". 
Thésaurus  monunicntorum  eccles.  et  liistor.,  sive  Henrici  Canisii  lectiones 

antiquœ,  cum  notis  M.  Jacobi  Basnage.  Antuerpiae,  Westein  ,   1725, 

7  part.  4  vol.  in-fol. 
Thom.ne  (Becket)  cantuariensis  arcliiepiscopi  epistolae ,  éditai  à  Christiano 

Lupo.  Bruxellis  ,  1G82,  2  vol.  in-4". 
Antonius  Thysius  de  memorabilibus  angl.  sax.   legibus  ;  ad  calcem  hist. 

angl.  Polydori  Vergilii.  Lugd.  Batavorum ,  i6"49  vel  i65i,  in-8°. 
Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  ecclésiastique  par  le  Nain  de  Tillemont. 

Paris  ,  169'î  ,  16  vol.  in-4''. 
Bibliotheca   patrum   Cisterciensum  ,   operà   et   studio    Bertrandi   Tissier. 

Bonofonte  ,  1660,  6  vol.  in-fol. 
Willelmus   Torne  ,  de   rébus   gestis   abbatum   S.  Augustini   cantuariens. 

p.  1758—2226  du  recueil  intitulé:  Historiœ  Anglicœ  sci intores  10. 
Joannis  de  Tritenhem  abbatis  Spanhemensis  liber  de  scriptor.  eccles.  — 

Dans  le  recueil  de  Fabricius,  intitulé  :  Biblioth.  Eccles.  Hamb.  17 18,  in-fol. 
Ejusdem    Joannis   Trithenùi   liber   de  viris  illustribus  Germaniae  ;   inter 

ejns  opéra  historica.  Francofurti ,  1601  ,  2  part,  in-fol. 
De  commendatione  Turonica?  provinciae  et  actibus   episc.  Turonensium  ; 

de  nomiiiibus  et  operibus  abbatum  Majoris  nionaslerii  ;  de  destructione 

et  reœdificatione  ejusdem  eccles.  et  qiiare  dicitur  majus  monasterium  : 

opus  anonynium,  editimi  à  Laurentio  Bochel  ad  calcem  historice  Gre- 

gorii  Turonensis  episcopi.  Parisiis,   i6io,  in-8". 
Camilli  Tutini  prospectus  historiœ  ordinis  Cartusiani.  Viterbii,  1660,  in-8'. 

U. 


Spelmon. 
Spieileg. 


Su 


ger.  ep. 


Sutor. 
Sivcit. 


Tessereau . 

Tengnagel. 

Theod.  Pœnit. 
Tlies.  Monuin. 

Th.  Caiit.  Ep. 

TLys.deMem. 

Tillemont. 

Tissier.  B.  pp. 
Clst. 

W.  Torne. 

Trithein.   Scr. 
Eccl. 

Tiilhem.      111, 
Genn. 

Tur.  ProYinc. 


Tuiin.Pr.  ord. 
Cart. 


Ferdinandi  Ughelli   Italia  sacra. 


Romœ,  1644-1662,   9  vol.  in-fol. —      Ughelli. 


XVJ 


TABLE   DES   CITATIONS. 


Editio  secunda  aucta  et  emendata  studio  Nie.  Coleti.  Venetiis, 


1717- 


1722,  9  tom.   10  vol.  in-fol.  —  Editio  teitia.  Florcnti.T,  i-63,  10  vol. 
in-  fol. 
Uss.Ant.E.Br.   Jacobi  Usserii  antiquitates  ecclesiae  britannicae.  Londini,  1729,  in-fol. 

V. 

Vaisselle.  Hist.  générale  de  la  province  de  Languedoc,  avec  les  pièces  justificatives, 

par  (Claude  de  Vie  et)  Vaisselle.  Paris,  Vincent,  1730—1745,  5  vol. 
in-fol. 
Valerii  Andreae  Bibliotheca  belgica.  Lovanii,  1623,  in-8";  i643,  in-4". 

—  Et  dans  le  recueil  de  Foppens,  intitulé  :  Bibliotheca  Belgica. 
Histoire  de  France  par  Velly  (  Villaret  et  Garnier).  Paris,  1770  — 1789, 

16  vol.  in-4°,  ou  1755,  32  vol.  in-i2. 
Mélanges   d'histoire    et  de  littérature  par  Vigneul-Marville 

gonnes,  chartreux).  Paris,   1723,  3  vol.  in-12. 
Bibliotheca  Carmelitana   notis  et  di.ssertationjbus  illustrata  1 

Villiers  à  S.  Stephano).  Aureliani,  Couret  de  Villeneuve, 

in-fol. 
Vincentii  Burgundi ,  episcopi    Bellovacencis  ,  spéculum  hisloriale. 

Speculo  ejusdeni  quadruplici.  Duaci  ,  4  vol.  in-fol. 
Vita  Theobaldi ,  Beccensis  abbatis,  ab  autore  anonymo  ,  p.   5i  append. 

ad  opéra  Lanfranci,  édita  cura  Lucae  d'Achery.  Parisiis,  i658,  in-fol. 
Gerardi  Joannis  Vossii ,  de  Historicis  latinis  libri  3.  Lugduni,  i65i ,  in-4'. 

—  Et  dans  le  t.  IV  de  la  collection  des  œuvres  de  Vossius.  Amsterd. 
Blaeu,  1695  —  1701,  6  vol.  in-fol. 

■\Varil).  Angl.S.  Anglia  sacra  sive  CoUectio  historiar.  de  archiepiscopis  et  episcopis  Angliae, 
cura  Henr.  Warton.  Londini ,  1691,  1692,  2  vol.  in-fol.  —  We/??  War- 
thon ,  de  Episcopis  et  Decanis  londinensibus.  Londini,  1693,  in-S". 

Wicumlje.  Willelini  de  Wicunibe  prologus  in  vitam  Roberti  Bituniensis,  p.  293  du 
t.  II  de  \ Anglia  Sacra. 

Wion.  Arnoldi  Wion  ,  Lignum  vita?,  ornamentum   et  decus  ecclesiœ,  sive  de 

illustribus  Cassin.  libri  5.  Venetiis,  i595,  2  vol.  in-8°. 

WBiLl.Utbr.  Joannis  Chi-ysostonii  Wolfii  Bibliotheca  Heb.  seu  notitia  Scriptoruni 
Hebrseorum.  Lipsiœ,  Liebezeit,  1715-1733,  4  vol.  in-4". 


Valer.  Andr. 
Velly. 

Vigneul-Marv. 
Vill,  B.  Carm. 

Vinc.  Bellov. 

Tita  Theob; 

Vossius  ,    de 
Hist.  latin, 


(dotn  d'Ar- 

à  Cosmà  de 
1752,  2  vol. 


In 


»'**.^»-vfc*-»-w*^^^-». 


TABLE 

DES    ARTICLES    CONTENUS    DANS    CE    VOLUME. 


A. 


^VEUTISSEMENT Pagfi  ] 

Table  des  Citations iij 

Table  des  Auteurs XYij 

Sur  quelques  Rabbins  de  la  fin  du  XF  siècle  et  du  commencement 

du  Xll" I 

Gerson  Hazaken 2 

Jacob  Bar-Jekar 4 

Judas  Cohen 5 

Autre  rabbin  du  nom  de  Judas 6 

Traducteur  anonyme  de  plusieurs  ouvrages  du  pape  S.  Grégoire. .  .  .  Ib. 

Traducteur  anonyme  des   livres  des  Rois  et  des  Machabées i3 

Richard  ,  cardinal  évèque  d'Albauo  ,  mort  en  1 1 14 24 

Conon,  cardinal  évèque  de  Palestine,  mort  en  1122 3o 

Arnauld  ,  abbé  de  Saint-Pierre-le-Vif  à  Sens,  abdiquant  en  111Z..  38 

Anonyme,  auteur  d'une  Passion  de  J.  C.  en  vers 4o 

Guillaume  IX,  comte  de  Poitou  et  duc  d'Aquitaine,  mort  en  1127.  .  42 

Anonyme,  auteur  des  Coutumes  de  la  ville  de  Laon,  en  1 128 47 

Loi  de  Vervins  ,  vers  i  i3o 5o 

Mathieu,  cardinal  évèque  d  Albano,  mort  en  11 34 5i 

Guillaume  de  Corbeil ,  archev.  de  Cantorbéry,  mort  en  ii36 55 

Pierre  Bei:hin  ,  auteur  d'une  Chronique  de  Tours,  écrite  vers  1 137.  .  5j 

Poètes  anglo-normands ,  vers   i  i4o 5g 

Philippe  de  Tlian 60 

■*  Geoft'roi  Gainiar 63 

David 64 

Everard  ou  Eberard  ,  poète  français  ,  vers  1 145 67 

Alvise,  abbé  d'Anchin  ,  puis  évèque  d'Arras  ,  mort  en  ii47 71 

Albéric  ,  cardinal  évèque  d'Ostie,  mort  en  1 148 73 

Simon  ,  premier  abbé  de  Saint-Bertin  ,  mort  en  n48 78 

Geoffroi  de  Lèves,  évèque  de  Chartres,  mort  en  11 49 82 

Anonyme,  auteur  dune  élégie,  composée  vers  ii49î  sur  le  mauvais 

succès  de  la  Croisade  de  Louis  VJI 88 

Henri,  dise,  de  Pierre  de  Bruis,  et  chef  des  Henriciens  vers  ii5o.  .  gi 

Philippe  de  Navarre,  jurisconsulte  vers  ii5o g4 

Anonyme,  auteur  des  Jugemens  dOléron,  vers  ii5o 96 

Zérachias,  lévite,  vers   11 5o loi 

Moyse  Haddarschan  ,  vers  i  i5o io3 

Etienne  de  Garlande,  chancelier  du  royaume,  mort  vers  ii5o io5 

Épîtres  farcies  ,  vers  1 1 5o 108 

Poètes  français  :  Thibaut  de  Vernon.  —  Alfrius,  vers  n5o.  —  (Lam- 
bert de  Liège,  mort  en  1 177) 112 

Pierre  de  Vernon ,  poète  français ,  vers  1 1 5o 1 1 5 

Tome  XIII  c 


xviij  TABLE 

Èl)les  de  Ventaclour,  poète  provençal ,  mort  en  ii52 Page  119 

Alhéron  de  Monsterol ,  archev.  de  Trêves,  mort  en  11 52 121 

Raoïd  ,  i"  abbé  de  Vaucelles  ,  au  dioc.  de  Cambrai ,  mort  en  i  iSa  .  .  i25 
Explication    d  Haimon  sur   les  épîtres   et   évangiles  de   la  dernière 

quinzaine  de  Carême,  vers  1 152 127 

Saint  Bernard  ,  abbé  de  Clairvaux  ,  mort  en  1 153 ..^ 129 

Raimond  de  Montredon  ,  archevêque  d'Arles,  mort  en  11 55 2,^(j 

Pierre -le-Vénérable  ,  mort  en  1 156 •  •  •  •  -4i 

Othon  de  Frisingue  ,  mort  en  1 158 206 

Milon  I ,  évêque  de  Térouenne  ,  mort  en  1 1 58  ou  1 1 5^  (et  son  neveu 

Milon  II ,  mort  en  1 169) 286 

Adrien   IV ,  pape ,   mort  en    1 1 59 287 

Raimond  ,  évêque   de  Maguelone  ,  mort  en  1 159 297 

Girard  de  Nazareth,  évêque  de  Laodicée  en  Syrie,  vers  1160 3oo 

Pierre  Hélie  ou  Elie  ,  vers  1 160 3oj) 

Teurède  ,  grammairien  ,  vers   1 160 3()4 

Anonyme,  auteur  d'une  Vie  de  saint  Morand,  vers  1160 Hk 

Pierre  de  Beaugency,  poète  français,  mort  vers  11 60 3o5 

Géraud  ou  Giraud-le-Roux ,  poète  provençal,  vers  iifio 3o6 

Anon.  aut.  de  l'Hist.  des  évêq.  et  des  conit.  d'Angoul.  écrite  vers  1 1 60 .  If>. 

Thibaut,  abbé  du  Bec,  puis  archev.  de  Cantorbéry,  mort  en  iiCi .  .  009 

Macaire  ,  abbé  de  Fleury,  mort  en  1 162 3i3 

Anon.  continuateur  (en  11 62)  de  1  histoire  des  abbés  de  Laubes.  .  .  3i5 

Léon  ou  Léonius',  abbé  de  Laubes,  puis  de  S.-Bertin ,  mort  en  1 163 .  .  017 

Burchard,  abbé  de  Balerne,  mort  en  1162  ou  11 63 323 

Guillaume  VI,  seign.  de  Montpell.  mort  vers  1 163  (et  Guillaume  VII, 

mort  en   1 172) 324 

Etienne,  archev.  de  Vienne  en  Dauphiné,  mort  vers  ii63 328 

Anon.  aut.  de  Généalogies  des  rois  de  France,  rédigées  vers  1164.  .  33 1 

Hugues  de  Cleers,  sénéchal  de  la  Flèche  et  de  Baugé,  m.  après  ii64-  336 

Gotlefroi ,  évêque  de  Langres  ,  mort  en  1 165 Sig 

Jean  ,  moine  de  Marmoutier,  liistorien  ,  vers  1 165 m'i 

Anonyme,  auteur  d'un  Traité  contre  les  Juifs,  composé  en  1166.  .  .  367 
Robert   de   Melun  ,   évêque  d'Héreford ,  mort  en   11 67  (et  Gilbert 


Folioth  ,  mort  en  1 1 87  ) 3 


Bernard  et  Thierry  frères,  profess.  à  Paris;  le  premier  mort  en  1167.  ^7^ 

Gilbert  dit  le  Grand  ,  abbé  de  Cîteaux,  mort  en  1 167 38 1 

Anonyme  ,  auteur  d'une  Vie  de  Charlemagne,  vers  1 167 385 

Anonymes  ,  sur  le  pays  Albigeois  ,  vers    1 1 67 387 

Anon.  aut.  d'un  écrit  ayant  pour  titre  :  Draco  Normannic.  vers  1 168 .  .  392 

Nicolas,  prieur  du  Mont-aux-Malades  de  Rouen,  mort  vers  1168.  .  393 

Thierry  d'Alsace,  comte  de  Flandre,  mort  en  ii68 396 

Hugues,  abbé  dHumblières,  puis  de  Saint-Amand  ,  mort  en  1168.  .  .  398 
Bertrand  de  Blanchefort  ou  Bianqucfort,  grand  maître  des  Templiers 

mort  en  1 1 68 4oo 

Nigelle,  évêque  d'Ely,  au  comté  de  Cambrige,  mort  en  1169 4o3 

Pierre  de  Raimond,  abbé  de  S.-]\Iaixcnt,  mort  entre  ii63  et  1170.  .  4o5 

André,  chanoine  régulier  de  Saint-Victor  de  Paris,  vers  11 70 4o8 

Garnier,  sous -prieur  de  Saint-Victor  de  Paris,  mort  en  11 70 409 

Arbard,  abbé  de  Clairvaux  ,  mort  en  11 70 4'° 


DES   AUTEURS.  xix 

Giraïul,  mort  vers  1 170 ,  auteur  d'une  Vie  de  saint  Jean  ,  évêque  de 

Valence  en  Dauphiné Paoe  412 

Adrien  ,  prévôt  de  l'église  de  Maubeuge ,  mort  vers  1170 4i3 

Anonyme ,  auteur  d'une  notice  sur  les  commencemens  du  monastère 

de  Saint-Mard,  écrite  vers  1170 4i4 

Anonyme,  auteur  d'une  Instruction  sur  la  manière  de  lire  la  Bible, 

instruction  composée  vers  iiyo 4 16 

Ogier  ou  Augier  ,  poète  provençal ,  mort  vers  1 170 419 

Bernard  Arnauld  de  Montluc,  poète  provençal,  mort  vers  1 170.  .  .  420 

Azalaïs  ou  Adél.  de  Porcaraigues ,  femme  poète,  morte  vers  1170.  .  422 

Benoît  de  Sainte-Maure,  poète  anglo-normand,  vers  1170 /jaS 

Pierre  le  Peintre  ,  poète  latin ,  vers  1 1 70 429 

Léonius  ,  prêtre  de  l'église  de  Paris,  poète  latin,  vers  11 70 434 

Pierre  de  la  Châtre,  archev.  de  Bourges,  mort  en  1171 44'' 

Acliard  ,  abbé  de  S. -Victor  de  Paris,  puis  év.  d'Avranch.  m.  en  uni .  45»'? 

Henri  de  Blois,  mort  en  117 1 457 

Gilbert  ou  Gislebert  de  Hoilandià,  mort  en  1 172 461 

Godescalc  ,  évêque  d'Arras  ,  mort  en  1 17a 469 

Varnier,  poète  français,  vers  1 172  ,  (et  Pierre  Longa-Testa  ) 470 

Rambaud  d'Orange  ,  mort  vers  1 173 4 


r 


Richard  de  Saint-Victor,  mort  en  1173 4^2 

Amaury ,   roi  de  Jérusalem  ,  mort  vers  1 174 4^0 

Hugues  de  Fouilloi,  prieur  de  S.- Laurent  de  Heilly,  mort  vers  1 174-  •  492 
Guillaume  Godel  ou  Godeau ,  moine  de  Saint-Martial  de  Limoees . 

et  autres  chroniqueurs ,  vers   1 1 74 5o8 

Gautier  delMortagne,  mort  en  11 74 5ir 

Robert ,  abbé  de  Wasor,  mort  en   1 174 5l5 

Rob.  Wace  ou  Eustace,  Huistace,  clian.  de  Bayeux,  poète,  vers  1175.  5i8 

Richard  de  Poitiers,  moine  de  Cluni,  historien  ,  vers  1175 53o 

Hugues  de  Champfleuri,  chanc.  de  France,  év.  de  Soiss.  m.  en  11 75.  536 

Henri  de  Fr.  év.  de  Beauvais,  puis  archev.  de  Reims,  mort  en  iirS.  54i 

Nicolas  de  Clairvaux ,  mort  après  1 175 553 

Auteurs  de  lettres,  1150—1176 568 

1.  Adélaïde  ou  Gertrude,  duchesse  de  Lorraine /^. 

2.  Raoul  ou  Rodolphe  II ,  abbé  de  Saint-Maurice 569 

3.  Thierry,  évêque  d'Amiens,  mort  en  ii63  ou  1164 Ib. 

4-  Pierre,  évêque  <le  Rhodes  ,  mort  en  1 164 570 

5.  Drogon ,  archidiacre  de  Lyon,  mort  api-ès  ii65 lè. 

6.  Hugues  de  Trazan  ,  abbé  de  Cluni ,  mort  vers  1166 671 

7.  Bauduin  II ,  évêque  de  Noyon  ,  mort  en  1167 572 

8.  Hugues  de  Toucy,  archev.  de  Sens,  mort  en  1168 5n3 

g.  Hillin  ,  archev.  de  Trêves,  mort  en  1169 375 

10.  Henri ,  évêque  de  Troyes  ,  mort  en  1 169 576 

11.  Simon,  prieur  de  la  chartr.  du  Mont-Dieu ,  mort  vers  1169.  ^77 

12.  Hugues,  prieur  du  Mont-Thabor,  vers  1170 578 

i3.  Jonas  ,  chanoine  de  Saint-Viclor,  vers  1170 lè. 

14.  Pierre,  év.  de  Chàlons-sur-Saône,  mort  entre  117861  1179.  579 
i5.  Basile,  huitième  prieur  de  la  grande  chartreuse,  mort  en 

,1174 -^ n>. 

16.  Etienne ,  archevêque  de  Bourges ,  mort  en  1174 58o 


XX 


TABLE   DES   AUTEURS. 


17.  Etienne,  abbé  de  Cluni,  mort  en  11 74 Page  58 1 

18.  Josse  ,  archevêque  de  Tours,  mort  vers  1 174 582 

19.  Pierre  de  Pise,  mort  vers  1176 Ib. 

Auteurs  d'opuscules,  11 50-1176 584 

I.   Arnoul ,  prieur  de  Saint-Thomas  d'Aniboise Ib. 

1.  Chrétien  ,  moine  de  l'Aumône Ib. 

3.  Guibert,  moine  de  Foigny,  mort  après  1157 585 

4.  Jean  l'Espagnol ,  mort  en  1 1 60 Ib. 

5.  Roger,  premier   abbé  dEIan,  mort  en    n6o,    (et  l'auteur 

anonyme  de  sa  vie  ) Ib. 

6.  Richard,  moine  de  Grandselve,  vers  n6o 586 

7.  Constantin  ,  prieur  d'Hérival ,  vers  1161 Ib. 

8.  Henri ,  abbé  de  Diligliem  ,  mort  en  1 162 Ib. 

i).  Guillaume ,  chanoine  de   Grenoble 587 

10.   Kilinde  et  Herrade  ,  abbesses  de   Hohenbourg Ib. 

j  I .  Bernard  ,  évèque  de  Saintes ,  en  1 1 67 590 

12.  Thierry,  moine  de  l'abbaye  de  Berne  ,  mort  en  1168 Ib, 

i3.  Guillaume  d'Andozile ,  mort  en  1 170 591 

14.  Pierre  de  Belmont,  abbé  de  Chaffre,  mort  vers  1172 592 

i5.   Hamon,  moine  de  Savigny,  mort  en   1173  ou  1174 Ib. 

16.   Pierre  de  Barry  ,  mort  en  1 174 Ib. 


7- 


Guillaume  de  Cherbourg Ib. 


'b 


18.  Hélie  de  Ruffec 593 

Valeurs  anonymes  de  Vies  de  Saints,  11 50  —  1176 Ib. 

I.  Actes  de  saint  Antonin  de  Pamicrs Ib. 

1.   Vie  du  Bienheureux  Richard,  abbé  de  S. -Vannes 695 

3.  Miracles  et  Vie  de  saint  Grégoire,  pape 596 

4.  Vies  du  Bienheureux  Amédée  ,  et  de  son  fils  saint  Amédée, 

évèque  de  Lausanne 597 

5.  Deux  relations  de  sainte  Geneviève 598 

6.  Vie  de  Garnier  de  Mailly Ib, 

n.  Vie  de  la  Bienheureuse  Angeluce 599 

8.  Relation  des  miracles  de  saint  Agile  ou  Ayeul 600 

9.  Relation  d'un  miracle  au  tombeau  du  Bienheureux  Milon .  .    601 

10.  Deux  relations  sur  les  reliques  de  saint  Taurin Ib. 

11.  Vie  de  saint  Lambert ,  évèque  de  Vence 602 

1 2.  Miracles  de  saint  Claude Ib. 

i3.   Relation  des  miracles  de  saint  Adalbert,  diacre 6o3 

14.  Histoire  des  miracles  de  sainte  Rictrude 604 

i5.  Circulaire   annonçant   la    mort   d'Yves   II  ,    abbé    de   Saint- 
Denis 6o5 

16.  Eloge  de  Walon  ,  moine  de  Haulmont Ib. 

17.  Vie  de  saint  Goswrin  ,  abbé  d'Anchin Ib. 

Sommes  de  Théologie 606 


HISTOIRE  LITTÉRAIRE 
DE  LA  FRANCE. 


SUITE  DU  DOUZIÈME  SIÈCLE 


SUR    QUELQUES    RABBINS    DE   LA    FIN    DU    ONZIEME   SIECLE, 
OU    DU    COMMENCEMENT    DU    DOUZIEME. 


JLa  France  avait  produit,  vers  la  fin  du  onzième  siècle,  ou    xii  SIECLE. 

au  commencement  du  douzième,  plusieurs  savans  rabbins, 

dont  il  n'a  pas  été  parlé  dans  cet  ouvrage  ;  Gerson  Hazaken, 

Jacob  Bar  Jekar,  Judas  Cohen,  et  quelques  autres  encore. 

Les  deux  premiers  sont  placés  dans  la  Table  chronologique 

de  Bartolocci ,  vers  l'an  1060;  le  troisième,  vers  l'an  xoyo  :      T.lVdesaBi- 

mais  ces  dates  sont  peu  exactes ,  comme  i)  sera  bientôt  facile  '>''<"i»î^q"e  rab- 

J       '  ■  i~«      1  '-11  bmique  ,    page 

de  s  en  convanicre.  Parlons  néanmoins  de  leurs  travaux,  avant  lxfv  . 
de   passer   aux  Rabbins   qui    sont    incontestablement    du 
douzième  siècle. 

Tome  XIII.  A 


2  SUR  QUELQUES  RABBINS. 

XII  SIECLE. 


Gerson  Hazaken. 


Gerson  Hazaken,  c'est-à-dire,  le  Vieux,  mérita  detre 
appelé  la  Lumière  ou  la  Splendeur  de  la  Captivité  de  France, 
Maor  Ha-gola  Tzarpbathi.  Ce  titre  suffirait  pour  nous  faire 
connaître  sa  véritable  patrie.  On  a  supposé ,  cependant , 
qu'il  était  né  en  Allemagne,  ou  du  moins  à  Mayence,  qui 
faisait,  au  onzième  siècle,  partie  de  cet  Empire;  mais  alors 
c'est  de  la  Captivité  d'Allemagne  qu'il  aurait  été  appelé  la 
Lumière ,  et  non  de  celle  de  France  :  peut-être  avait-il  vécu 
quelque  temps  à  Mayence  ,  soit  comme  attaché  à  sa  syna- 
gogue, soit  à  quelque  autre  titi'e.  Le  tait,  au  reste,  n'est  énoncé 
que  par  Ghedalias  Ben  Joseph  Jachija,  auteur  du  Schalschelet 
Hakkabala ,  ou  la  Chaîne  de  la  Cabale  (  la  suite  des  traditions 
hébraïques  depuis  Moïse  jusqu'à  l'époque  oii  l'auteur  écri- 
vait), lequel  ne  vivait  que  dans  le  seizième  siècle,  et  dont 
le  témoignage  se  trouve,  par  la  distance  même  des  temps, 
d'une  plus  faible  autorité  sur  des  faits  de  cette  nature.  Tous 
les  autres  écrivains  disent  ou  répètent,  doctor,  lumen,  splen- 
dor  Captivitatis  galîicœ ,  c'est-à-dire,  des  Juifs  dispersés  en 
France  :  on  sait  que  les  Israélites  se  legardent  comme  en 
captivité  hors  de  leur  patrie. 

Nous  devons  à  Gerson  Hazaken  vm  livre  intitulé  :  Sepher 
Hattekannoth ,  le  Livre  des  Constitutions  (des  Règles  établies, 
des  Observances  et  des  Cérémonies  prescrites  ).  Il  a  été  im- 
primé à  Venise,  in-folio,  en  iSaç).  M.  Bernard  de  Rossi,  pro- 
fesseur de  langues  orientales  à  Parme ,  en  conserve  plusieurs 
exemplaires  manuscrits  dans  sa  bibliothèque ,  si  riche  sur- 
tout en  ouvrages  hébreux  ;  il  les  rappelle  dans  le  dictionnaire 
ï.  I,  p.  12G.  historique  qu'il  a  publié  des  auteurs  de  cette  nation  ,  et  plus 
T.  i,p.  ^let  particulièrement  encore  dans  la  description  qu'il  a  donnée 

<>7;  t.ii,p.  89;  de  ses  manuscrits  mêmes. 

t.  I  ,  p.  2.}.  j^^  Misna  est  composée  de  plusieurs  sortes  de  traditions  : 

ï»  les  explications  reçues  par  Moïse,  de  Jehova  lui-même, 
indiquées  dans  l'écriture ,  ou  faciles  à  en  déduire  ;  2°  les  com- 
mandemens  que  l  on  croit  avoir  été  donnés  par  ce  prophète, 
sur  le  mont  Sinaï,  adoptés  avec  une  foi  égale;  '6^  des  opi- 
nions moins  certaines,  puisqu'elles  n'émanent  pas  du  légis- 
lateur inspiré,  mais  seulement  des  magistrats,  des  juges, 
dçs  prêtres  (les  différentes  écoles  ne  sont  pas  toujours  d'ac- 
cord entre  elles  sur  ces  opinions);  4°  les  maximes  etal^lies  par 
les  sages,  ces  maximes  que  nos  Israélites  appellent  Haies  de 


SUR  QUELQUES  RABBINS.  3 

la  loi,  et  les  traducteurs  latins  Sepes  legis ;  5°  les  coutumes,  XH  siECLlî. 

les  règles  transmises  depuis  les  temps  les  plus  anciens ,  et 

approuvées  par  un  consentement  unanime.  Ces  différentes 

traditions   sont   devenues  presque  toutes  des  lois  pour  les 

Hébreux ,  et  plus  encore  les  ordres  ou  les  pré(*fîptes  venus  du 

Seigneur ,    dont   ils    disent   ''2'DQ  Hti^oS  noSn    Halaca  le         llaiichoOi 

Mosce  mi  Sinaï ,  Décision  reçue  par  Moïse  au  Sinaï  :  elles       oiam.c.  i. 

sont  l'objet   de  l'ouvrage    de    Gei'son.    Il    a    fait    aussi   de 

nouvelles    observations  sur  quelques    parties    du   Talmud. 

M.  Bernard  de  Rossi  les  rappelle  également  dans  le  premier 

tome  de  son  dictionnaire  des  auteurs  hébreux.  P-  '^6. 

Wolf  (Jean  Chr. )  croit  que  Gerson  le  Vieux  est  le  même     Bibilot.  heb. 
que  Gerson  de  Paris.  Si  la  conjecture  était  vraie  et  que  l'iden-    '■  ï^''  P-  '75« 
tité   fût   certaine  ,  la  patrie  de  notre  rabbin   se  trouverait 
connue  d'une  manière  plus  fixe  encore ,  et  nous  n'en  enten- 
drions que  mieux  pourquoi  il  fut  nommé  la  Lumièi'e  de  la 
Captivité  de  France. 

Ghedalias  Ben  Joseph  Jachija  place  la  mort  de  Gerson  Ha-      Schal.  Hak. 
zaken  à  l'an  4828  de  la  naissance  du  monde,  1068  de  l'ère     v- 'i^- 
chrétienne.  David  Ganz ,  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Tzemach 
David ,  et  que  Vorstius  a  traduit  en  latin  sous  le  titre  de 
Chronologia  sacra-prof ana  ,  la  place  à  l'année  483o  ,  qui  est      P.  i32. 
l'an   10^0  de  Jesus-Christ.  Bartolocci  semble  préférer  cette     T.  i,  p.  735. 
opinion.  Nous  avons  dit  que ,  dans  sa  table  chronologique , 
il  faisait  fleurir  Gerson  Hazaken  en  1060.  C'est  l'année  où 
Henri  F'"  cessa   de  vivre,  et  où  Philippe  F^  monta  sur  le 
trône  français. 

Mais  n'a-t-on  pas  trop  reculé  l'époque  à  laquelle  vivait 
Gerson  Hazaken  ?  En  effet ,  l'auteur  du  Schalschelet  Hakka- 
bala,  et  après  lui  Bartolocci ,  le  font  disciple  du  rabbin  Léon      T.  i,  p.  735. 
le  Grand.  Ce  rabbin  n'est-il  pas  le  même  avec  qui  Odon, 
évêque  de   Cambrai ,  eut  une  dispute ,  célèbre  alors  ,   sur  Hist.  litt.  t.  ix, 
l'incarnation  de  Jésus-Christ;  dispute  qui  produisit  un  ou-  p.  Sggetsulv. 
vrage  de  ce  prélat ,  que  nous  avons  encore ,  et  sous  ce  titre  : 
Odonis ,  Cameracencis  episcopi ,  disputatio  cum  Leone  ju- 
dœo ,   de  incamatione    Christi?  Or   Odon   ne   fut  nommé 
qu'en  iio5;  on  refusa  même  quelque  temps  de  le  mettre  en 
possession  de  son  épiscopat;  Gaucher,  qui  l'occupait,  trou-      Fleury,Hist. 
vaut  encore  ,  bien  que  déposé  par  un  concile ,  un  protecteur  fcci.  tom.  xiv, 
inébranlable  dans  l'empereur  Henri  P''.  Quoique  élu  et  sacré,  ^'  ^'" 
Odon  fut  obligé  de  se  retirer  à  l'abbaye  de  Saint-Martin  de 
Tournay,  dont  il  était  abbé  au  moment  de  son  élection;  ce 

A. 


4  SUR  QUELQUES  RABBINS. 

XII  SIECLE,  jie  fut  qu'en  1106,  après  la  mort  de  Henri,  qu'il  vint  exer- 
cer à  Cambray  ses  fonctions  pastorales ,  et  il  y  mourut  sept 
ans  après ,  au  mois  de  juin  1 1 13.  Quelque  âge  qu'on  suppose 
à  Léon  quand  cette  discussion  eut  lieu  entre  Odon  et  lui , 
si  Gerson  Hazaken  fut  son  disciple,  il  est  impossible  de  croire 
que  ce  dernier  était  mort  depuis  environ  un  demi-siècle. 
Ajoutons  que  les  mêmes  auteui's  font  de  Gerson  le  maître 
de  Judas  Cohen  ou  le  prêtre  :  or  celui-ci ,  comme  nous  le 
verrons  bientôt,  appartient  au  douzième  siècle,  au  douzième 
siècle  même  un  peu  avancé.  Comment  aurait- il  étudié  sous 
un  rabbin  dont  on  place  la  mort  3o  ou  4o  îins  avant  la  fin 
du  siècle  qui  précède.'^ 

Gerson  eut  d'autres  disciples  qui  cultivèrent  avec  succès 
la   littérature   ou   plutôt  la  théologie  hébraïque  ;  nous  en 
parlerons  successivement.  Ses  Décisions  ne  furent  bien  con- 
nues et  généralement  adoptées  qu'un  peu  avant  le  milieu  du 
treizième  siècle,  vers  l'an  1240. 
Schal.  Hak. ,       Uu  petit  fds  de  Gerson  Hazaken  ,  le  R.  Moïse ,  a  écrit  un 
p.  55.   Baiioi.  ouvrage  qui  a  pour  titre  :  ^nSli-TI  Hasciidchan ,   la  Table 
>  p-    /•       (^jl/eiisa),  et  dans  lequel  il  recueille  toutes  les  décisions  de 
la  Gémare.  La  mort  l'ayant  empêché  de  le  finir,  1  ouvrage  a 
été  achevé  par  le  rabbin  Samuel ,  son  fils. 

Jacob  Bar  Jekar. 

Jacob  Bar  Jekar  eut  pour  maître  Gerson  Hazaken  ,  et 
compta  parmi  ses  disciples  un  des  plus  illustres  docteurs 
juifs ,  Salomon  Jarchi ,  qui  le  désigne  lorsqu'il  dit  :  Magistei- 
meus  senex.  J'expose  ces  faits  sans  prétendre  qu'ils  soient 
T.  m,  p.  854.  suffisamment  prouvés:  Bartolocci  néanmoins  aperçoit,  dans 
le  rapprochement  des  dates,  quelques  difficultés  qui  n'exis- 
tent pas;  elles  ne  sont  causées  que  par  une  erreur  facile  à 
détruire, 
p.  i34.  David  Ganz  s'est  trompé  en  faisant  de  Tannée  4^65 ,  iio5 

de  l'ère  chrétienne,  celle  de  la  mort  de  Salomon  Jarchi  ;  ce  ne 
fut  pas  même  l'année  de  sa  naissance  :  nous  le  prouverons 
dans  l'article  destiné  à  faire  connaître  la  vie  et  les  écrits  de 
ce  rabbin  célèbre.  Cela  posé,  il  deviendra  facile  de  concevoir 
que  Jacob,  fils  de  Jekar,  ait  été  le  maître  de  Salomon  Jarchi, 
et  aussi  qu'il  ait  eu  pour  maître  lui-même  Gerson  Hazaken, 
que  Bartolocci  place  ensemble  avec  Jacob ,  dans  sa  Table 
cnronologique ,  et  à  un  temps  qui  serait  plutôt  celui 
où  ils  commencèrent  que  celui  où  ils  cessèrent  de  vivre. 


SUR  QUELQUES  RABBINS.  5 

L'auteur  du  Schalsc  helet  Hakkabala  place  le  fils  de  Jekar    xii  SIECLE. 
vers  l'an  iiAo.  Bartolocci ,  ciui  accuse  ici  les  écrivains  iuifs  ~T~rïï     «kT 

1  r      ■  n-  •         ^!  Il  11  ''i     •  r. III, p. 85',. 

de  contusion   et  d  ineptie ,  s  est  tellement   abandonne  lui- 
même  à.  la  confusion,  que,  dans  un  autre  endroit  de  sa  Bi- 
bliothèque rabbinique  ,  il  fait  mourir  Jacob  Ben  Jekar  à      T.  m, p.  57. 
Mayence,  en  1028. 

Ce  rabbin  était  Français;  mais  nous  ignorons  dans  cjuelle 
province ,  dans  cjuelle  ville  il  reçut  le  jour.  L'épocpie  de  sa 
naissance  et  celle  de  sa  mort  sont  incertaines  :  on  peut  affir- 
mer cependant  qu'il  naquit  dans  le  onzième  siècle,  et  mourut 
dans  le  douzième. 

Ses  ouvrages  ont  encore  beaucoup  d'autorité  parmi  les 
Hébreux.  Il  n'y  en  a  pas  eu  d'édition  particulière.  On  les  „    35,°  \voii  ' 
trouve  répandus  dans  les  œuvres  des  docteurs  juifs.  t.i,p.  602. 

Jacob,  fils  de  Jekar,  fut  un  grand  musicien,  si  nous  en    iiist.  des  Juifs, 
croyons  Basnage  ;  mais  je  n'ai  trouvé  ce  fait  dans  aucun  autre  '■  ^^'  P'  ''*^' 
écrivain.  Une  lecture  trop  rapide  du  Tzemach  David  lui  a      P.  i32  ,  an 
fait  attribuer  sans  doute  au  rabbin  Jacob  ce  que  David  Ganz  'i^^"- 
ne  dit  que  d'un  autre  rabbin ,  dont  il  parle  immédiatement 
après,  Salomon,  fils  de  Gabii'ol,  que  les  Juifs  rangent  en 
effet  parmi  les  hommes  qui  se  sont  distingués  dans  la  mu-      ^^'o""»  *•  i. 
sique,  et  même  dans  la  poésie.  La  manière  dont  David  Ganz  [.  iv,  p.  3no. 
en  parle  nous  autoriserait  à  le  croire  Français,  puisqu'il  le 
met  avec  les  disciples  de  Gei'son  Hazaken ,  et  parmi  les  maîtres 
de  Salomon  Jarchi.  Wolf,  néanmoins,  le  déclare  Espagnol,     T.  i,  io.',4. 
et  le  fait  naître  à  Malaga.  L'opinion  de  Wolf  est  aussi  celle 
de  Rodriguez  de  Castro,  dans  sa  Biblioteca  espahola,   pu-       P- 9. 
bliée  à  Madrid,  in-folio,  en  1^81. 

Judas  Cohen. 

Judas  Cohen  (le  prêtre,  d'une  famille  sacerdotale)  lut  éga- 
lement disciple  de  Gerson  Hazaken.  Cela  même  nous  fait 
croire  qu'il  faudrait  rapprocher  un  peu  de  nous  l'époque  où 
il  vécut  :  ce  que  nous  avons  dit  de  &on  imutre,  de  Jacob  Ben         " 
Jekar,  du  temps  où  ils  vivaient,  s'applique  aisément  à  lui. 
Un  ouvrage  sur  les  lois  cérémonielles  des  Juifs  est  le  seul 
que  ce  rabbin  paraisse  avoir  composé.  Je  ne  sais  si  on  l'a 
imprimé;  mais  le  Schalschelet  Hakkabala  le  rappelle,  et,        p.  4a. 
d'après  lui ,  Bartolocci ,  au  tome  3  de  sa  Bibliothèque  rabbi-        p.  57. 
nique.  Wolf,  dans  sa  Bibliothèque  hébraïque,  parle  d'un    T.iîl,p.32r. 
commentaire  sur  un  des  livres  de  la  Misna ,  dont  il  croit 
que  Judas  Coheu  pourrait  être  l'auteur. 

J 


6  TRADUCTEUR  ANONYME 

xn  SIECLE.        On  ne  dit  pas  quelle  fut  sa  patrie  ;  mais  nous  savons  que 
~~  son  maître,  Gerson,  e'tait  Français;  que  Jacob  Ben  Jekar, 
son  condisciple,  était  Français;  que  ce  dernier  fut  un  des 
maîtres  de  Salomon  Jarchi,  également  Français  :  tout  an- 
nonce que  Judas  Cohen  doit  l'être. 

D'un  autre  Rabbin,  du  nom  de  Judas. 

Hist.  des  Juifs,       Basnage  nomme,  parmi  les  disciples  de  Gerson  Hazaken, 
t.  IX,  p.  i47-    un  autre  Judas  ,  c[ui  se  livra  sur-tout  à  l'étude  de  la  jurispru- 
dence. Mais  les  autres  écrivains  le  font  étudier  sous  Isaac 
Alphés,  en  Espagne.  (Voir,  entre  autres,  Bartolocci,  tome  3 
de  sa  Bibliothèque  ralDbinique,  page  4i  ;  Wolf,  tome  i  de  sa 
Bibliothèque  hébraïque,  page  4^1  ;  et  Rodriguez  de  Castro, 
dans  sa  Bibliothèque  espagnole ,  page  4-  )  Le  docteur  indiqué 
par  Basnage  est  dailleurs  universellement  connu  sous  le  nom 
p.  i32  ,  an  de  Judas  de  Barcelone.  David  Ganz,  que  Basnage  paraît  en- 
4a3o.  core  avoir  lu  ici  bien  légèrement ,  dit  uniquement  que  ce 

Judas  fut  contemporain  de  Gerson  Hazaken ,  de  JacoD ,  fils 
de  Jekar ,  et  de  Salomon  Jarchi.  P. 


■^-v  ^-^^fc  %^  ^  »^ 


TRADUCTEUR    ANONYME    DE    PLUSIEURS    OUVRAGES 
DU     PAPE    SAI>T     GRÉGOIRE. 

IN  DUS  avons  à  la  Bibliothèque  impériale  un  manuscrit  cjui 
était  autrefois  à  la  Bibliothèque  de  l'église  de  Paris,  et  qui 
renferme  la  traduction  de  trois  ouvrages  de  Saint  Grégoire  ; 
ses  Morales  sur  Job ,  ses  Dialogues ,  et  son  Sermon  sur  la 
Sagesse. 

On  trouve,  sur  le  premier  feuillet,  l'observation  suivante: 
«  Eciiture  du  onzième  siècle  ;  on  peut  en  être  certain.  C'est  le 
plus  ancien  manuscrit  en  langue  française  de  tous  ceux  qui 
sont  connus.  Il  n'y  en  a  auciui  d'aussi  ancien  en  cette  langue 
ni  à  la  Bibliothèque  du  roi,  ni  à  celles  de  Saint- Germain , 
de  Saint-Victor,  de  la  Sorbonne.  Celui  qui  approche  le  plus 
de  celui-ci  pour  l'antiquité  ,  est  la  traduction  des  quatre 
livres  des  Rois ,  qui  est  à  la  Bibliothèque  des  Cordeliers.  » 

Une  note  plus  moderne  exprime,  au  contraire,  l'opinion 
que  ce  manuscrit  n'est  que  du  treizième  siècle. 

Une  autre  note,  mise  en  regard  de  celle-ci,  porte  :  «  Je  crois 
que  les  traductions  renfermées  dans  ce  manuscrit  ont  été 


DE  SAINT  GREGOIRE.  7 

fiiites  dans  la  première  moitié  du  douzième  siècle.  Le  style   xn  SIF.CLE. 
et  l'orthographe  sont  de  cette  époque ,  et  j'en  juge  d'après  les 
différens   ouvrages  des  trouvèi'es  qui  ont  écrit  dans  la  pre- 
mière moitié  du  même  siècle.  3) 

Barbazan  s'exprime  ainsi  dans  sa  Dissertation  sur  l'origine  r.  10,  aux  nof. 
de  la  langue  française  :  «  Cette  traduction  est  écrite  dans  le 
douzième  siècle ,  mais  le  langage  nous  démontre  qu'elle  est 
beaucoup  plus  ancienne.  Pour  s'en  convaincre,  il  ne  faut 
que  le  comparer  avec  celui  du  roman  de  Wistace ,  ou  Eus- 
tache,  écrit  en  11 55,  qui  contient  la  chronologie  des  rois 
d'Angleterre,  manuscrit  du  roi  ^oSy  ». 

Ainsi ,  dans  toutes  les  opinions,  la  traduction  est  au  moins 
du  douzième  siècle  ;  et  peut-être  est-elle  plus  ancienne.  L'ou- 
vrage de  saint  Grégoire  est  du  sixième. 

Le  volume  commence  par  la  traduction  des  Morales  sur 
Job ,  ou  plutôt  de  quelques  extraits  de  cet  ouvrage  ;  car  l'ou- 
vrage a  trente-cinq  livres,  et  contient  près  de  d<3uze  cents 
pages  in-folio,  clans  la  grande  édition  que  les  Bénédictins 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur  ont  donnée,  en  lyoS,  des 
œuvres  de  saint  Grégoire,  et  il  ne  contient  ici  que  57  feuillets 
in-4*'.  On  est  surpris  que  ces  savans  religieux  n'aient  rien 
dit  de  notre  traduction;  ils  parlent  en  effet  des  abrévia-  T. l,p.  i3ct 
teurs  et  des  interprètes  qui  ont  traduit  cet  ouvrage,  vers  «^dclaprctace. 
cette  époque  même,  dans  les  langues  vulgaires,  et  indiquent 
une  traduction  allemande  et  une  traduction  espagnole  dans 
le  onzième  siècle. 

«  Il  y  avait  un  homme  en  la  terre  de  Hus ,  qui  s'appelait 
Job  :  cet  homme  était  simple  et  droit  de  cœur  ;  il  craignait 
Dieu,  et  fuyait  le  mal.  »  Ainsi  commence  le  livre  qui  porte 
le  nom  de  ce  personnage  également  célèbre  par  ses  mal- 
heurs ,  sa  patience ,  et  sa  sainteté.  Grégoire  tait  sur  ce  verset 
un  assez  long  commentaire.  Ce  passage  est  un  de  ceux  que 
notre  auteur  a  traduits.  Voyons  comme  il  s'exprime,  afin 
d'avoir  quelque  idée  de  son  langage  et  de  son  style. 

«  Un  hom  estoit  en  la  terre  Us ,  ki  out  nom  Job.  Par  ce 
est  dit  u  (où)  li  sainz  hom  demoroit,  ke  li  mérites  de  sa 
vertut  sont  expresseïz  (exprimés);  quar  ki  ne  sachet  (sait) 
ke  Us  est  terre  de  Païens  ;  e  la  païenie  (  le  paganisme  )  fut 
en  tant  plus  enloie  (liée,  enlacée)  des  visces,  ke  ele  n'out 
(n'a  pas)  la  conissance  de  son  faiteur  (créateur).  Dunkes 
diet  lom  u  (  disons  leur  où  )  il  demorat ,  par  ke  ses  loz 
(louanges)  creisset  (augmentassent),  cant  il  fut  bous  entre 


8  TRADUCTEUR  ANONYME 

Ji  SIECLE,  les  nialvais  ;  quar  estre  bon  entre  les  bons  n'est  une  chose  ki 
mult  (beaucoup)  facet  à  loeer  (  louer),  mais  estre  bon  entre 
les  nialz.  Alsi  (de  même),  com  ce  est  grevais  (plus  grave) 
pechiës  nient  (non)  estre  bon  entre  les  bons,  alsi  est  ce  grant 
loz  estre  bon  entre  les  malz.  De  ce  est  ke  li,  bieneurous  Job 
d!e  lui-mimes  et  si  dist  :  je  sui  frères  des  dragons  et  com- 
pains  des  ostrusces  (compagnon  des  autruches).  Pages  i  et  2 
du  manuscrit. 

Saint  Grégoire  joint  à  ce  passage,  tiré  de  Job  lui-même, 
chap.  3o,  verset  29,  plusieurs  autres  passages  tirés  de  l'an- 
cien et  du  nouveau  Testament.  Il  reprend  ensuite  le  texte  de 
soh  auteiu"  :  Siniplex  et  reclus ,  tiniens  Deiim  et  rccedens  à 
ma/o.  Voici  encore  comment  les  réflexions  de  Saint  Grégoire 
sur  ces  deiniers  mots,  sont  traduites  par  l'écrivain  anonyme 
dont  nous  faisons  connaître  l'ouvrage  en  ce  moment.  Pages  a 
et  3  du  manuscrit. 

Cremanz  Deu  e  repairanz  en  sus  del  mal.  Cremoir  Deu  est 
nul  bien,  ki  a  faire  soit,  trespasseir  (passer  outre,  négliger). 
De  ce  est  dit  parmi  Salomon  :  «  Cil  ki  crient  (craint)  Deu, 
ne  met  i4en  en  négligence  » .  Mais  par  ce  ke  li  alkant  (  quel- 
ques uns)  font  ensi  alcuns  biens,  ke  il  ne  soi  ostent  (dé- 
tachent, abstiennent)  mie  d'alcuns  malz,  si  est  bien,  après 
Deu  cremanz,  repairanz  en  sus  del  mal,  dit;  car  escrit  est: 
te  repaire  del  mal,  et  si  fai  lo  bien  ».  Car  li  bien  ne  sont  mie 
plaisant  à  Deu,  ki  devant  ses  oez  (yeux)  enboeit  (sont  tachés, 
souillés),  de  la,melhuice  (mélange)  des  malz.  De  ce  est  dit 
parmi  Salomon  :  «  Qui  en  un  foifait,  pluisors  biens  perdre- 
rat  ».  Or  ce  mimes  tesmonget  (atteste)  sainz  Jakemes  :  «  Qui 
en  un  forfoit,  culpables  est  de  toz,  mimes  se  il  avoit  gardeïe 
tote  la  loi  ».  De  ce  dist  sainz  Paules  :  «  Un  pau  de  levains 
mainet  (corrompt)  tote  la  masse  ».  Dunkes,  par  ce  ke  mos- 
treit  soit  com  nés  pur  li  bieneurous  Job  fut  es  biens ,  est 
soniousement  (  soigneusement ,  exactement  )  ensengiet  (  in- 
diqué, fait  connaître)  cum  estranges  il  fut  des  malz.  Cous- 
tume  suet  (  le  solet  des  Latins  )  estre  des  reconteors  (  de  ceux 
qui  racontent)  ke  cant  ils  descrient  (décrivent)  la  bataille  de 
la  Palestre,  premiers  descrient  les  membres  des  luiteors  (lut- 
teurs), cum  larges  soit  li  pis  (poitrine),  e  com  forz  e  sains, 
com  soient  plain  e  gros  li  bras,  e  com  li  ventres  desoz  soit 
teis  (tel)  ke  il  ne  soit  pesanz  de  groissere  ne  floibes  de  ten- 
neuece  (petitesse,  maigreur);  e  cant  il  ont  les  membres 
covenables  mostreiz  à  la  Jjatailhe,  dont  primes  recontent  les 


DE  SAINT  GREGOIRE.  9 

icols  (coups)  de  lur  grand  force.  Duiikes ,  porce  ke  nostre 
champions  soi  devoit  combattre  encontre  lo  dèable,si  recon- 
tet  alsi  com  à  ceaz  ki  en  la  gravelle  (  l'arène)  sunt  por  esgar- 
deir  (regarder,  considérer,  décider),  les  reconteres  de  la 
sainte  hystoire,  les  spiriteiz  forces  de  cest  champion  alsi 
com  uns  menbres  de  la  pense  (de  la  pensée,  de  l'esprit), 
quand  il  dist  :  «  Cil  hom  estoit  simples  e  cremans  Deu,  e 
repairans  en  sus  del  mal  » ,  ke  cant  on  conoist  le  grant 
atenement  (position)  de  ses  menbres,  de  la  fortièce  des 
menbres  puist  lom  devant  conoistre  la  victore  ki  après  vient. 

Se  levant  de  grand  matin  ,  Job  offrait  autant  d'holocaustes 
qu'il  avait  d'enfans ,  dit  le  verset  5  du  même  chapitre  ;  et  la 
Vulgate  :  Consurgens  diluculo,  offcrehat  holocausta  pro  sin- 
gulis.  Nos  levons  nos  matin ,  dit  le  traducteur  du  commen- 
taire de  Saint  Grégoire,  cant  nos  avironeit  (environne's)  de 
le  lumière  de  compunction ,  laissons  la  nuist  de  nostre  hu- 
maniteit,  et  ovrons  les  oes  (yeux)  de  nostre  pense  az  raiz 
(rayons)  del  vi'ai  soloilh  ;  et  dont  offrons  nos  sacrefices  por 
cascun,  cant  nos  sacrefions  a  Deu  sacrefice  de  prière  por 
cascune  vertut;  ke  la  sapience  ne  nos  ellievet;  ke  li  enten- 
demenz  ne  forvoiet  ki  subtilment  cueit  (court)  ;  ke  li  conselz 
ne  soit  confus,  cant  il  soi  multeplièe;  ke  la  force  ne  moint 
(mène)  à  trebuchement,  cant  ele  donet  fiance;  ke  la  science, 
eant  ele  conoist  e  n'aimet  mie ,  n'enflet  ;  ke  la  pieteiz  voist 
(aille)  fors  mesure,  cant  ele  plus  ke  droit  soi  abaisset;  ke 
la  cremors  (crainte),  cant  elle  dotet  (subjugue,  dompte)  plus 
ke  ele  ne  deust,  ne  chaiet  en  la  fosse  de  despei'ation.  Dunkes 
cant  nos  offrons  prières  à  nostre  sanior  (seigneur)  por  cas- 
cune ,  ke  ele  pure  soit ,  ke  faisons  alti-e  chose  se  ce  n'es  ke 
nos,  solunc  le  numbre  des  fiz,  offrons  sacrefice  cascun  toz 
por  <;ascuns .-^  Et  celé  manière  de  sacrefice  ke  Job  offrit,  si 
avoit  nom  holocaustes  ;  holocaustes  dit  altant  come  toz  ars 
(brûlé)  :  giers  (donc)  doneir  holocaustes,  ce  est  tote  la  pense 
del  fou  (feu)  dé  compunction  espandre,ke  li  cuers  ardet 
en  l'alteir  d'amor,  e  si  ardet  les  laicléces  (souillures)  des  pen- 
seirs  alsi  cum  les  péchiez  de  sa  propre  esclate  (race).  Mais 
ce  ne  sevent  faire,  se  cil  n'es  ki  bien  esgardent  (regardent, 
considèrent  ) ,  e  tapressent  (  compriment  )  lur  deventriens 
(  précédens,  antérieurs)  movemenz,  ains  (avant)  ke  il  eissent 
(sortent)  fors  al  œuvre.  Ce  ne  sevent  faire,  se  cil  n'es  ki  de 
bariu  (forte,  puissante)  guarde  sevent  guarnir  lur  cuers.  De 
ce  est  ke  à  droit  est  dit  ke  Hysboseth  fut  morz  de  une  puere 

Tome  XIII.  B 


XII'  SIECLE. 


XII  SIECLE. 


lo  TRADUCTEUR  ANONYME 

(mauvaise)  mort,  de  ciii  la  scritnre  tesmonfi,et  ke  il  n'avoit 
mie  en  sa  maison  portier, mais  portière,  ki  dist  ensi  :  Recha 
et  Banaïa  li  filh  Rcnmon  virent  (vinrent),  si  entrent  en  Li 
chalor  del  jor  en  La  maison  Hysboseth  ki  dormoit  sor  son 
lit  en  meidi  ;  il  i  entront  ;  et  la  chambrière  ki  portière  etet 
e  lo  frument  purgievet,  dormit.  Page  3  du  manuscrit. 

Citons  maintenant  quelques  passages  de  la  traduction  des 
dialogues.  Elle  commence  par  ces  mots  : 

«  Ici  sont  li  quatre  livre  des  dialoges  Grégoire  lo  pape  del 
hors  de  Rome ,  des  miracles  des  pères  de  Lumbardie.  »  Bors 
est  mis  pour  ville ,  et  ressemble  davantage  à  bourg.  Ce  der- 
nier mot  n'a  eu  que  plus  tard  la  signification  resserrée  qu'il 
a  aujourd'hui.  Borg,  bor,  bors,  bours,  exprimait  cet  espace 
habité,  bâti,  environné  de  murs,  que  nous  appelons  plus 
particulièrement  ville  ;  le  latin  dit  :  Apostolus  urhis  Romœ. 
Dans  le  quatrième  livre  du  même  ouvrage,  le  traducteur 
met  à  la  place  de  Mediolanensis  urhis  episcopus ,  vesque  del 
bore  de  Milan. 

Le  premier  chapitre  est  consacré  à  Honoré,  abbé  dePondi, 
à  l'abeit  Honoreit ,  comme  dit  le  traducteur.  «  Il  fut  une  vile 
(maison  de  campagne,  villa)  Venantii,  qui  jadis  fut  pa triées 
es  contreïes  de  Samnium  ,  en  laquelle  vile  ses  ahaneues 
(  fermier  )  ot  un  filh  Honoreit  par  nom ,  ki ,  del  enfantils  ans , 
arst  (brûla,  fut  embrasé)  par  abstinence,  à  l'amor  del  céleste 
païs  ;  e  quand  il  valoit  de  si  grande  conversation ,  e  soi  ja 
restraindoit  meismes  d'oisouse  parole,  e  mult  sa  char  don- 
toit  par  abstinence,  alsi  com  ge  ci  devant  ai  parleit,  en  un 
jor,  ses  peires  et  sa  mère  firent  un  convive  à  lur  voisins,  el 
queil  convive  chars  estoit  appareilhée  à  mangier  ;  laquelle 
char  quant  icil  refusoit  atochier  a  mangier,  por  Tamor  de 
l'abstinence ,  dunkes  lo  comencierent  ses  pères  et  sa  mère  à 
eschernir  (plaisanter,  railler)  e  dire  :  manjoué  (mange); 
aporterons-nos  dunkes  à  tei  peissons  en  icez  monz.-*  Or  en 
icel  liu  soloient  (avaient  coutume)  li  peisscn  estre  oit,  nient 
veut  (non  vus);  mais  quant  Honoi'eit  astoit  escherniz  de  ces 
paroles ,  manès  (  sur-le-champ  )  el  convive  deialit  aiguë 
(manqua  l'eau)  al  servise.  Or  uns  serjans  (serviteur,  es- 
clave), avoc  une  selge  de  fust  (un  seau  de  bois),  alsi  com  i 
lokes  (  en  ce  lieu  )  est  coustume ,  s'en  alat  à  la  fontaine  ; 
quant  il  puisievet  (  puisait )  l'aiguë,  si  entrât  uns  peissons 
en  la  selge;  e  retorneiz  li  serjanz,  devant  les  boches  des 
séans,  un  peisson  esîpandit  avec  l'aigufe,  ki,  al  vivre  de  tôt 


DE  SAINT  GRÉGOIRE.  ii 

lo  jor,  à  Honoreit  poist  estre  asseis  (pût  être  assez,  pût    xil  siècle. 
suffire);  e  restot  soi  meruilherent ;  e  toz  icil  eschernissemenz 
de  son  père  e  de  sa  mère  cessât  ». 

Ce  prodige  n'est  pas  le  seul  que  l'auteur  rapporte.  Son 
ouvrage  est  plein  d'actions  merveilleuses;  il  a  même  pour 
objet  principal  de  raconter  les  miracles  attribués  à  tous 
les  saints  personnages  d'Italie.  Dans  le  troisième  chapitre  du 
troisième  livre ,  il  nous  parle  ainsi  d'une  guérison  faite ,  au 
temps  de  Justinien  et  de  la  guerre  des  Goths ,  par  le  pape 
Agapit,  d'un  homme  cà-la-fois  boiteux  et  muet. 

Nient  (non)  après  mult  de  tens,  demandant  la  cause  des 
Gothes,  li  très  bieneurous  hom  Agapitus,  alsiment  (pareille- 
ment) li  eveskes  de  ceste  romaine  glise  à  cui  ge  serf,  dispo-  * 
sant  Deu,  il  alat  à  Justinien  lo  prince.  A  cui  encor  alant, 
par  un  jor,  ja  es  contreies  de  Grèce,  por  guarir  fut  offer/, 
ims  mucaz  et  clos,  ki,  unkes,  ne  pout,  ne  alcuncs  paroles 
fors  mctre ,  ne  soi  l(^tfi|^de  terre.  Or  quant  li  prochain 
(parens)  de  celui  ploraBPl'euissent  offert,  li  hom  del  sanior 
demandât  sonious  (avec  soin)  se  il  eussent  la  foid  de  celé 
guarison  ;  à  cui  quant  en  la  vertut  de  Deu  ,  de  l'auctoriteit 
sainz  Pirre ,  dissent  soi  avoir  ferme  sperance  de  la  santeit 
de  celui,  manès  (incontinent,  sur-le-champ)  li  honorables 
hom  soi  culchat  (se  prosterna)  en  orison  (prière),  e  il  com- 
mençant les  sollempniteiz  des  messes ,  el  regart  del  tôt 
poissant  Deu  offrit  sacreiîce.  Or  quant  il  ot  pariait  lo  sacre- 
hce,  il  eissanz  (sortant)  del  alteil,  tuit  (tint)  la  main  del 
clop,  e  là  estisant  (étant,  assistant)  lo  pople  e  regardant, 
manès  drezat  sus  celui  de  la  terre  en  ses  propres  alemens 
(pas,  faculté  d'aller,  de  marcher);  or  quant  il  li  mettoit  en 
la  boche  lo  cors  del  sanior,  dunkes  fut  desloié  cete  lengue, 
longement  muele  à  parleir ,  toz  en  orent  merveilhe  ;  si  comen- 
cerent  à  ploreir  de  joie  ;  e  manès,  corut  en  lur  penses  cremors 
e  révérence ,  quant  il  virent  quele  chose  poist  Agapitus  faire, 
en.  la  vertut  ciel  sanior,  par  l'aide  saint  Pirre.  Page  io5  du 
manuscrit,  "verso. 

Terminons  les  citations  de  notre  manuscrit  par  la  traduc- 
tion du  douzième  chapitre  du  même  livre.  Il  s'agit  encore 
d'un  miracle,  et  d'un  miracle  fait  à  l'égard  du  roi  Totila, 
par  saint  Fulgence,  évêque  d'Otricoli  en  Ombrie,  depuis, 
le  duché  de  Spolète. 

Fulgiens  li  veskes,  ki  astoit  dessore  (était  dessus,  prési- 
dait ,  gouvei'nait  )  la  glise  utruculente ,  il  avoit  lo  très  crueil 


12  TRADUCTEUR  ANONYME 

XII  SIECLE,  voi  Totvle, en  totes  manières,  coriocict  (courroucé).  E  quant 
li  rois  astoit  aprochiéz,  avec  son  ost  (armée),  à  cez  meismes 
parties,  dunkes  fut  cure  (soin)  al  veske  d'envoicr  dones  à 
lui  parmei  (par  le  moyen  de)  ses  clers,  e  d'asvagier  (adou- 
cir) la  dcrverie  (rage,  extravagance)  de  sa  f'orsenerie  (vio- 
lence, fureur)  per  dones,  se  il  poist.  Lesquels  dones  quant 
li  rois  vit,  si  les  despitat  (méprisa),  e  il,  corrociez,  comandat 
à  ses  homes  ke  il  cel  meisme  veske  déstrainsissent  (arrêtas- 
sent) dessuz  tote  aspreteit,  et  si  lo  gardassent  à  son  juge- 
ment. Loquel  cant  le  tinrent  li  crueil  Gothe ,  li  ministre  de 
la  sue  (de  sa )  cruelteit ,  il  fenvironèrent ,  si  lo  comandèrent 
asteir  en  un  lin,  e  il  li  ensengèrent  (désignèrent)  un  cercle 
en  la  terre,  defors  (hoi's)  loquel  il  nosast,  en  nule  manière, 
lo  piet  fors  traire.  Or  quant  li  hom  Deu  astoit  eschalfeiz  el 
mult  chalt  solhoil  (la  trop  grande  chaleur  du  soleil)  envi- 
roneiz  de  ceaz  meismes  Gothes ,  et  enclos  par  l'ensengement 
del  cercles,  dunkes  vint  sodaineçient  eclistres  (éclairs)  e 
tonoires,  e  si  granz  force  de  ploge,ke  cil  ki  l'avoient  pris  à 
gardeir  ne  porent  pas  soffrir  la  grandece  de  la  ploge.  Or 
quant  mult  granz  undeïe  astoit  faite,  devenz  cel  ensenge- 
mcnt  del  ceiTle  u  li  hom  Deu  Fulgiens  estiut,  ne  descendit 
voirement  nés  une  gote  de  la  ploge.  Or  quant  ceste  chose  al 
très  crueil  roi  fut  nuncie  (annoncée),  dunkes  soi  tornat  celé 
cruelle  pense  (ame,  esprit,  pensée)  à  grande  révérence  del 
veske  cui  poine  (peine,  supplice)  il  selgievet  anzois  par  nient 
solable  forsenerie  [sitiebat  priiis  insatiahili  fiirore,  dit  la 
traduction  latine).  Ensi ,  li  tôt  poissanz  Deus,  encontre  les 
sorleveies  (élevées,  soulevées)  penses  des  charneiz,  œuret 
(opère)  les  miracles  de  sa  poissance  parmei  les  despitiez,  par 
ke  cil  ki  orgailhousement  soi  ellievent  encontre  les  comanz 
(commandcmens)  de  la  veriteit,  la  veriteiz  presset  lur  hate- 
reaz  (cou)  parmi  les  humles  [eoriim  cervicem  veiitas  per 
huniùes premat ,  dit  encore  la  traduction  latine,  imprimée 
avec  le  texte  de  saint  Grégoire,  dans  l'édition  donnée  par  les 
Bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint-Maur).  Page  III  du 
manuscrit. 

La  traduction  des  Dialogues  comprend  depuis  le  58*^  feuil- 
let du  manuscrit  jusqu'à  la  fin  du  ijS*^,  recto.  Le  sermon 
sur  la  Sagesse  termine  le  volume.  Il  a  pour  texte  les  mots  si 
connus  de  Salomon,  Initiwn  sapientiœ  timor  Doniini ,  le 
comencemeiit  de  savoir  ce  est  la  cremors  de  Deu. 

Les  diverses  parties  dont  cette  traduction  se  compose,  ont 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  MACHAB.         i3 

fourni  aux  écrivains  qui  se  sont  occupes  de  la  langue  et  de  ^^i  siècle. 
la  littérature  du  moyen  âge ,  et  à  Barbazan  en  particulier ,  ' 
des  exemples  fréquens  de  l'emploi  des  mots  et  de  leur  accep- 
tion. Bai'bazan  cite,  par  exemple,  dans  le  glossaire  mis  à  la 
suite  de  l'ordène  de  chevalerie,  au  mot  coiffe,  ce  passage 
du  3*^  chapitre  du  i*"'^  livre  des  Dialogues,  oîi  l'on  parle  d'un 
vol  de  légumes  foit  dans  le  jardin  d'un  monastère  ;  «  or  li 
lerres  (larron)  avoit  acoustumeit  venir,  e  par  la  soif  (on 
disait  soif,  ou  coif,  ou  coiffe,  pour  exprimer  tout  ce  cpii 
couvrait,  environnait  ;  le  traducteur  latin  met  ici per  sepem) 
monteir,  et  repunsement  (furtivement)  les  iotes  (légumes) 
envoies  porteir....  dunkes  vint  li  lerres,  solunc  la  coustume 
cui  il  soloit,  si  montât  lo  soif,  et  quant  il  mettoit  lo  niez  el 
cortil,  si  vit  sodainement  ke  li  serpens  tendus  avoit  la  voie 
close  ;  or  il  espouits,  derrière  soi-meisme  chait,  et  ses  piez 
aerst  par  lo  chalzement  (chaussure)  en  une  stache  (pieu)  de 
la  soif.  »  Ce  passage  est  p.  62  et  63  du  manuscrit. 

Barbazan  avait  cité ,  au  mot  Baron ,  pour  prouver  que  ce 
mot  signifiait  homme,  W-,  un  autre  passage  des  Dialogues  de 
saint  Grégoire,  liv.  3,  chap.  171p.  1 19  et  120  du  manuscrit, 
dans  lequel  on  loue  saint  Paul  de  ce  que ,  élevé  ordinairement 
aux  plus  sublimes  méditations ,  il  ne  dédaignait  pas  d'en 
descendre  pour  s'occuper  des  devoirs  qu'une  tendresse  mu- 
tuelle impose  aux  époux  :  »  ke  il  fut  meneiz  as  secreies  choses 
del  tiers  ciel,  et  neliedent  (néanmoins)  reflekist  l'oelh  de  sa 
pense  par  compassion  à  ordineir  lo  lit  des  marieiz ,  disanz  ; 
li  barons  rendet  la  dete  à  sa  feme ,  et  la  feme  semblament 
à  son  baron.  P. 


TRADUCTEUR    ANONYME    DES    LIVRES    DES    ROIS 
ET    DES    MACHARÉES. 


JLiE  manuscrit  original  de  cette  traduction  existait  encore, 
avant  la  révolution ,  dans  une  des  principales  bibliothèques 
de  Paris  ;  il  n'y  est  plus  aujourd'hui.  On  ignore  comment 
cela  s'est  fait  ;  si  elle  a  été  prise,  si  elle  est  seulement  égarée, 
si  elle  est  entièrement  perdue.  Heureusement,  nous  en  avons 


i4  TRADUCTEUR  ANONYME 

XII  SIECLE,    cleux  copies ,  l'une  à  la  Bibliothèque  impériale ,  l'autre  à  la 
Bibliothèque  de  l'Arsenal.  La  première  avait  été  foite  par  les 
ordres  de  Sainte-Palaye,  qui  l'a  revue  et  corrigée  lui-même 
sur  l'original ,  et  a  écrit  en  marge  l'explication  de  quelques 
inots  plus  difficiles.  Le  manuscrit  original  devait  être  du 
douzième  siècle  :  on  pense  que  la  traduction  avait  été  faite 
dans  le  siècle  précédent  ;  ceux  qui  l'ont  lue  ont  géliéralement 
cru  y  i-econnaître  le  langage  du  onzième.  Il  avait  appartenu 
à  1  abbaye  de  Longchamp  près  de  Paris ,  ensuite  à  celle  des 
Bibl.sacr.      Cordeliers  de  la  même  ville,  comme  nous  le  rappelle  le  père 
t.    ,p.   22.       y^elong  ;  elle  passa  ensuite  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 
La  copie  faite  d'après  les  ordi'es  et  sous  la  direction  de  Sainte 
Palaye,  porte  :  «  Copiée  sur  le  manuscrit  des  grands  Cor- 
deliers de  Paris,  in -fol.  parchemin  ».  Une  note  mise  au  bas 
de  la  première  page  de  ce  manuscrit ,  note  signée  par  Tabbé 
Lebeuf,  confirme  ce  que  nous  avons  dit,  que  l'écriture  en 
Fabi.  t.  m,  était  regardée  comme  du  douzième  siècle.  Barbazan  avait  la 
pre  .p.  i\^        même  opinion ,  et  l'auteur  du  Glossaire  de  la  langvie  Ro- 
'      "       maine ,  M.  de  Roquefort ,  la  partage.  Le  même  abbé  Lebeuf, 
dans  un  mémoire  sur  les  plus  anciennes  ti'aductions ,  inséré 
T-  720.        au  tome  XVII  du  Recueil  de  l'académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres ,  donne  à  celle  dont  nous  parlons  la  date  de  la 
fin   du  XI*^  siècle  ou  du  commencement  du  XII*".  Il  dit  la 
T.  II,  p.  38.    même  chose  dans  une  dissertation  sur  l'état  des  sciences  en 
France,  depuis  le  roi  Robert,  imprimée  parmi  celles  cru'il  a 
réunies  sur  l'histoire  de  Paris.  Le  père  Lelong  avait  déjà  dit 
b;î)1.  sacr.      Q^'il  regardait  cette  traduction  comme  le  plus  ancien  ouvrage 
t.  I,  p.  332.      fi-ançais. 

Elle  commence  ainsi  : 

Uns  bers  fu  ja  en  l'antif  pople  Deu ,  e  out  nom  Helcana  ; 
fiz  fud  Jéroboam,  le  fiz  Heliud ,  le  fiz  Thaïr,  le  fiz  Suf  :  e 
fud  lie  Effrata ,  si  cum  li  alquant  entendent  de  la  cité  ki  puis 
fud  apelée  Bethléem  ;  e  mcst  al  munde  Esffraim  en  une  cité 
ki  fud  apelée  Ramathaïm  Sophim,  ki  puis  fud  apelée  Ari- 
mathie ,  dunt  fud  li  bonuréz  Joseph  ki  le  precius  cors  Jesu 
Crist  mist  al  sépulcre.  Cist  bers  Helcana  fud  del  lignage  as 
ordenez  Deu,  de  part  père,  e  de  lignage  réal,  de  part  mère. 
Ou  sait  (pic  ber  on  bers,  ainsi  que  nous  l'avons  remarqué 
pour  baron,  qui  avait  la  même  signification,  était  alors  em- 
ployé dans  le  sens  à -peu -près  du  mot  vir  des  latins.  Li 
alquant  est  là  pour  quelques-uns.  Ordcne  Deu  signifie  con- 
sacré a  Dieu  par  une  ordination  particulière.  Ce  sont,  je 


^ 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  MACHAB.         i5 

crois,  les  seules  expressions  dans  ce  passage  qui  aient  besoin   xir  siècle. 
de  quelque  explication  ;  toutes  les  autres   nous  paraissent 
assez  faciles  à  comprendre. 

Mais  j'ai  à  faire  une  autre  observation.  Elle  se  présente 
dès  le  commencement  de  l'ouvrage  ;  elle  pourra  s'appliquer 
encore  à  d'autres  passages  que  nous  citerons ,  et  à  tous 
ceux  que  nous  ne  citei'ons  pas.  * 

Le  manuscrit  est  indiqué  ordinairement  comme  la  traduc- 
tion du  livi'c  des  Rois.  Iln'a  pas  seulement  ce  caractère;  une 
paraphrase  y  est  souvent,  presque  toujours, jointe  à  l'inter- 
prétation du  texte.  Ce  que  nous  venons  de  lire,  par  exemple, 
ne  représente  cju'un  seul  verset,  le  premier  vei'set  du  pre- 
mier chapitre.  Quelques-uns  des  détails  offerts  ou  ajoutés 
par  le  traducteur  ne  peuvent  même,  d'aucune  manière,  être 
de  l'auteur  du  livre  des  Rois  ;  ils  s'appliquent  à  des  événe- 
ments postérieurs  d'un  grand  nombre  de  siècles.  Telle  est 
l'observation  sur  la  ville  qui  donna  le  jour  à  ce  Joseph  qui 
mit  au  tombeau  le  corps  de  Jésus  -  Christ. 

Le  second  verset  est  ensuite  exactement  traduit  ;  mais 
avant  de  passer  au  troisième,  l'interprète  ajoute  encore  ces 
mots,  qui  sont  bien  une  paraphrase,  ou  plutôt  un  véritable 
commentaire. 

Bien  lut  (fut  permis,  le  licuit  des  latins)  en  la  vielz  lei, 
c|ue  li  ordenes  oussent  od  (avec)  cumpaigne  cunversement 
(  habitation  )  ;  kar  des  treze  lignées  ki  vindrent  del  patriarche 
Jacob,  Deu  enseverad  (mit  à  part)  le  lignage  Levi,  e  eslit  e 
retint  especialment  à  sun  servise  del  tabernacle  ki  primes 
fud  levez  al  désert  de  Synaï ,  e  del  temple  que  li  reis  Sale- 
niun  funda  e  furni,  (exécuta,  finit)  :  e  pur  ço  que  cist 
lignages  niunëement  (nommément,  expressément)  dout  si 
le  service  Deu  célébrer,  bezuins  fud  ke  feist  sainte  engen- 
drure  en  atemprance  et  en  netée  (tempérance  et  pureté), 
que  li  servises  Deu ,  que  par  pères  que  par  fiz ,  fust  à  sun 
plaisir  furniz.  E  ourent  li  plusurs  muillers ,  pur  le  multiplie- 
ment  del  pople  Deu ,  ki ,  de  totes  parz ,  de  mescreantes  gens 
esteit  pursis  (poursuivis).  Mescreans  s'applique  ici  aux  enne- 
mis des  Juifs.  Dans  un  autre  passage  du  chapitre  suivant 
(vers.  12),  le  traducteur  appelle y^^/^/z  les  enfans  coupables 
d'Héli,  comme  des  vassaux  désobéissans  et  rebelles  envers 
leur  seigneur  :  furent  fiz  Belial,  ublierent  Deu  e  lur  mestier, 
encuntre  Deu  furent  felun,  e  encuntre  la  gent  torcenus 
(oppresseurs,  concussionnaires). 


iG  TRADUCTEUR  ANONYME 

xn  SIECLE.  Sur  le  troisième  vf  rset ,  nous  lisons  encore ,  au  lieu  de 
deux  lignes  qui  le  composent  dans  le  texte,  la  traduction 
ou  plutôt  la  longue  paraphrase  cjui  suit. 

En  cel  cuntemple  (temps),  fud  une  cité  Sylo ,  de  part 
Effraïm ,  cpie  Deu  ont  a  sun  oes  (  usage  )  saisie  et  sacrée.  Là 
fud  e  out  ested  li  tabernacles  et  li  sanctuaries  Deu,  dès  le 

*  tens  Josué  ki  le  pople  Deu  en  terre  de  promissium  conduist 

e  guiad  ;  là  fud  l'arche,  là  fud  li  propiciatories  ;  c'est  l'arche 
en  qui  fud  repost  e  guardéz  li  trésors  precius  des  tables  k 
Deu  meimes  escrist  la  lei ,  e  partie  de  la  manne  ki  del  ciel 
vint  e  le  pople  quarente  ans  en  lieu  de  vitaille  corporel  sus- 
tint ,  e  la  verge  à  Aron  ù  Deu  sa  vertud  mustrad ,  kar  en 
une  nui  fuilli  e  fluri  e  fruid  portad.  Icest  lieu  seintefied 
fud  li  bers  Helcana  acustumiers  à  visiter ,  pur  Deu  depreier , 
oblatiuns  faire  e  sacrifier  as  jui-z  asis  (marqués)  e  par  la  lei 
establiz,  numëement  à  la  Pasche,  à  Pentecuste,  à  la  feste 
salceie  ki  est  en  septembre,  quant  li  Judeu  mainent  (habi- 
tent, demeurent)  en  fuillées,  en  moniment  e  remembrance 
que  il  mestrcnt  lunges  (passèrent  long -temps)  à  mesaise  en 
loges  e  en  fuillées,  iesq  (jusqu'à  ce  que)  Deu  les  mist  en  terre 
de  promissiun ,  en  certaine  statiun. 

Ce  n'est  encore  ici  que  la  première  partie  du  troisième 
verset  du  premier  chapitre.  Le  texte  avait  dit  uniquement  : 
cet  homme  allait  de  sa  ville  à  Silo  aux  jours  ordonnés , 
pour  adorer  le  Seigneur  des  armées,  et  pour  lui  offrir  des 
sacrifices.  Il  n'y  a  là  ni  l'histoire  du  tabernacle,  ni  celle  de 
l'arche,  ni  les  tables  de  la  loi,  ni  la  manne  du  désert,  ni  ia 
verge  d'Aaron.  On  n'y  donne  pas  le  détail  des  jours  fixés  ou 
établis  par  Moïse ,  pour  rendre  au  Seigneur  des  hommages 
particuliers,  de  la  Pàque,  de  la  Pentecôte,  dg  la  fête  des 
Tabernacles,  célébrée  dans  un  lieu  ouvert,  sous  le  feuillage, 
à  une  épocjue  qui  correspond  à  notre  mois  de  septembre. 

Il  y  a  peu  de  changemens  et  d'additions  dans  le  passage 
qui  suit. 

A  cest  lieu  servir  furent  dui  pruveire  atitelé  (deux  prêtres 
apellés)  Ofni  et  Phinees.  Fiz  furent  Heli  ki  dune  (alors)  ert 
(était)  evesche  e  maistre  principals.  Le  traducteur  appelle 
ei'esche  le  grand-prêtre  Héli.  Il  désigne  plusieurs  fois  encore, 
dans  le  même  chapitre  et  ailleurs ,  par  ce  mot ,  le  pontife  des 
Hébreux.  Parlant  ainsi ,  un  peu  plus  bas ,  du  voyage  fait  par 
Anne  à  Silo,  pour  y  implorer  le  Seigneur,  il  dit  :  Vint  s'en 
al  tabernacle ,  truvad  l'evesche  Hely  al  entrée ,  ki  asis  iert , 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  MACHAB.         17 

qu'il  aSk  alanz  et  as  vcnanz  parole  de  salu  miistrast.  Et  plus    xil  siècle. 

bas  encore,   lorsque    Hely  la  croit  ivre  parce    qu'elle  prie 

avec  ferveur  :  La  clame  en  sa  preere    demurad,  ses  lèvres 

moût,  li  quers  parlad  {^loqitehatur  in  corde  siio ,  tantwnquc 

lahia  .illius  nio'.'ehnntur,  dit  la  Vulgate),  tant  que  li  evesclies 

l'esguardad,  e  pur  ivre  l'enteread  [temulentain  œstiinavit) ^  e 

si  li  dist  :  va,  boue  femme  à  tun  ostel  dormir;  si  te  desen- 

iveras    par    le    dormir.    Respundit    Anna sobre    sui , 

e  en  antçuisse,  e  en  plur  ;  a  Deu  ai  reveled  mun  duel  (ma 
douleur).  Dune  respundi  li  evesche  Hely:  va,  bonne  femme, 
as  veies  (dans  les  voies)  Deu....  La  dame  haitée  (contente, 
joyeuse)  s'en  parti. 

Je  reprends  le  passage  au  sujet  duquel  j'avais  observé 
qu'il  offrait  peu  de  changements  et  d'additions  faits  au  texte 
par  le  traducteur. 

E  a  un  jur,  avint  que  Elchana  fîst  sacrefise,  e  selunc  la  lei, 
a  sei  retint  partie ,  partie  dunad  à  sa  cumpaignie ,  e  à  Anne 
sa  muiller  (sa  femme)  que  il  tendrement  amad,  vuie  partie 
dunad,  ki  formen  ert  deshaitée  (qui  était  fort  ti'iste), 
kar  Deu  ne  li  volt  encore  duner  le  fruit  desired  de 
sun  ventre.  E  Fenenna  ico  (  cela  )  li  turna  a  repruce  (  re- 
proche ,  raillerie  ) ,  e  acustuméement  (  sans  cesse  )  l'en  ata-  » 
riout  (inquiétait,  tourmentait)  e  amèrement  rampodnout 
(raillait).  E  la  bonurée  Anna  n'en  out  retur  (revanche), 
mais  un  duleir,  plurer,  e  \dande  déporter  (rebuter,  rejeter). 

Siz  manj  Helchana  le  areisuna,  si  li  dist  :  pur  quei 

plures  ?  pur  quei  ne  manjues ,  e  pur  quei  est  tis  quers  (  ton 
cœur)  en  tristur.^  dun  n'as-tu  m'amur?  dun  n'as-tu  mon 
quer ,  ki  plus  te  valt  que  si  ousses  diz  enfans  "^ 

La  traduction  de  ces  versets  et  des  versets  suivans  nous 
avait  été  conservée  entière  et  sans  interruption  par  le  père 
Lerong,  dans  sa  Bibhothèque  sacrée.  Le  morceau  qu'il  en  t.  l,  p.  322. 
publie  commence  au  troisième  verset,  et  va  jusqu'au  ving- 
tième. Il  y  a  bien  quelques  inexactitudes  dans  la  manière 
dont  ce  passage  est  imprimé;  mais  elles  sont  très-légères. 

Dans  les  versets  cmi  suivent  ceux  que  nous  avons  cités, 
le  traducteur  s'abandonne  à  moins  de  développemens  qu'il 
ne  l'avait  ftiit  d'abord.  Un  des  plus  considérables  et  des 
plus  naturels  porte  sur  le  vœu  exprimé  par  Anne,  pour 
obtenir  que  le  Seigneur  lui  donne  un  fils.  Dabo  eiini  r/oniino 
omnibus  diebus  vitœ  ejus ,  et  novacula  non  ctscendet  super, 
caput  ejus,  dit  la  Vulgate  ;  et  notre  traducteur  :  Durrei  le 

Tome  XII.  C 


i8  TRADUCTEUR  ANONYME 

XII  SIECLE,  tei  à  tun  servise,  e  rasur  ne  U  munterad  el  chief,  mais  tus 
dis  (tous  les  jours)  à  tei  iert  (sera)  adeid  (dëdié,  consacré). 
Et  il  ajoute:  Usages  ert  (était)  en  celé  lei,  sealcuns,  par 
vud  (vœu^l,  a  Deu  se  sarrast,  tant  cum  cel  vud  li  durreit, 
rasur  le  chief  ne  li  muntereit.  On  explique  ici  une  des  prin- 
cipales ob^gations  contractées  à  l'occasion  de  certains  vœux 
appelés  vœux  de  prohibition,  dans  la  législation  de  Moïse. 
L'on  promettait,  si  la  demande  qu'on  faisait  était  exaucée, 
de  s  interdire  des  choses  ou  des  actions  permises  d'ailleurs 
par  le  culte  ou  la  loi.  Les  Nazaréens  (<z),  du  nombi^e  des- 
quels Samuel  se  trouva ,  par  le  vœu  de  sa  mère ,  ne  devaient 
ni  couper  leurs  cheveux,  ni  faire  leur  barJje,  ni  boire  du 
vin,  etc. 

Le  traducteur  reprend ,  avant  la  fin  du  chapitre  ,.la  marche 
et  le  langage  du  commentateur  ;  il  se  livre  inéme  à  des  inter- 
prétations allégoriques  ;  il  voit ,  dans  les  événemens  qu'il 
raconte ,  l'annonce  claire  et  certaine  des  événemens  à  venir. 

Quelques  morceaux  du  second  chapitre  sont  écrits  en 
vers.  Ils  n'y  sont  point  distingués  du  reste  de  la  traduction, 
Fabl.  t.  m,  mais  sont  écrits  de  suite  comme  la  prose  :  Barbazan  lavait 
pref.  p.  IV.  j^j^^  remarqué  ;  et  cela  prouve,  dit-il,  «  que  la  poésie  n  était 
.  nullement  nouvelle   chez  les   Français,  et  qu  il   fallait  C[ue 

l'art  des  vers  fût  connu  depuis  long-temps  parmi  eux ,  puis- 
qu'ils les  mêlaient  indifféremment  avec  la  prose ,  dans  de 
simples  traductions  w . 

Les  vers  commencent  au  quatrième  verset.  Arcus  fortium 
superatus  est  et  infinni  accincti  sunt  rohore ,  dit  la  Vulgate. 
Repleti  prius  pro  panihus  se  loccu'enint ;  et  fanieUci  saturât i 
sunt,  cloncc  steriUs peperit  plurimos ;  et  quœ  multos  habebat 
fillos ,  infirmata  est.  Voici  comment  ce  passage  est  rendu 
par  le  traducteur  français  :  ^ 

Li  arcs  des  forz  est  surmuntez, 

E  li  fieble  sunt  efforciez. 

Ki  primes  furent  saziéz , 

Orc  se  sunt  pur  pain  luéz 

E  li  fanieillus  sunt  asaziéz, 
Puisque  la  baraigne  plusurs  enfantad 
E  celé  ki  mulz  out  enfans  afebliail. 

•    •   {a)  De  nazar,  séparer.  On  les  nommait  ainsi  parce  qu'ils  se  séparaient 
fies  choses  profanes  pour  se  livrer  à  une  vie  ou  à  des  fonctions  religieuses. 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  RÎACHAB.         19 

La  haraigne ,  celle  qui  était  stérile,  comme  on  le  A^oit  en    ^'l  SIECLE, 
confrontant  ensemble  les  deux  traductions.  '' 

Ce  sont  les  versets  iv  et  v;  les  deux  suivans  sont  traduits 
en  prose.  Les  vers  recommencent  pour  le  huitième  verset,  un 
de  ceux  que  l'on  rappelle  le  plus  souvent ,  et  qui  méritent 
le  plus  d'être  cités.  Suscitât  ((/ornini/s)  de  pidvere  egenum , 
et  de  stercore  élevât  paupcrein ,  ut  sedeat  cwii  pvincipibus  et 
soliuni  gloriœ  teiieat. 

Le  mezaize  esdrezce  ciel  puldrier, 
I  e  Poure  sache  del  feniier 
Od  (avec)  les  princes  le  fait  sedeir, 
Chacre  de  gloiie  li  fait  aveir. 

Ceci  fait  partie  du  cantique  adressé  par  Anne  au  Seigneur, 
pour  le  remercier  de  la  naissance  de  Samuel.  Il  semble  que 
le  traducteur  aurait  àix  continuer  à  le  rendre  en  vers  ;  mais 
il  reprend  tout-à-coup,  pendant  un  assez  grand  nombre  de 
versets ,  le  langage  de  la  prose ,  que ,  du  reste ,  il  abandonnera 
encore  avant  la  fin  du  chapitre.  Il  termine  ainsi  le  cantique  : 

«  Al  Seignur  sunt  les  quatre  parties  del  munde,  e  en  chas- 
cune  ad  planté  le  son  pople  qu'il  ad  levé.  Les  piez  as  seinz 
governerad,  e  en  ténèbres  li  nel  tarrad  [et  inipii  in  tenehris 
conticescent\  e  nuls,  par  sei ,  force  n'aurad  :  ses  adversaires  le 
triendrunt,  et  sur  els,  del  ciel,  tunerad  ;  e  tute  terre  jugerad, 
e  sun  rei  eschalcerad.  »  On  remarque  ici  plusieurs  rimes. 

La  prose  continue  jusqu'au  vingt-troisième  verset.  Le  tra- 
ducteur dit  ensuite  : 

Vostre  famé  n'en  est  mie  seine  , 

Kar  a  mal  le  pople  meine.. 

Ne  faites  mais  tel  uverainne 

Dnnt  le  sacre  lise  rcmai"ne. 
Si  hom  pèche  vers  altre ,  a  Deu  se  purrad  acorder , 
E  s'il  pèche  vers  Deu,  ki  purrad  pur  lui  préïer.*' 

Tant  tendrement  les  filz  ania, 

Que  reddement  les  chastia  : 

Par  bel  les  reprist  e  pur  amur , 

Nient  par  destresce  ne  par  reddur 

Cumc  apent  à  maistre  e  a  pastur. 

ISon  est  hona  fama  ^  quant  ego  audio ,  ut  transgredi  faciatis 
populuni.  iSi  peccaverit  vir  in  viruni ,  placari  ei  potest  Deus  ; 
si  autem  m  Dominum  peccaverit  vir,_quis  orahit  pro  eoP 


20  TRADUCTEUR  ANONYME 

Xfi  siFXLE.  Voilà  tout  ce  que  dit  la  Vul^ate.  Le  traducteur  la  paraphrase 
encore  ici  ;  il  ajoute  plusieurs  vers  à  ceux  qui  rendent  la 
pensée  exacte  de  1  historien  ;  tels  sont  le  troisième  et  le  qua- 
trième, et  les  cinq  derniers.  U^'erainne ,  reddur,  apent ,  sont 
là   pour   œuvre ,    raideur ,   appartient.    Et    immédiatement 

après  : 

Li  fol  pruvcire  ne  receurent  le  chastiement , 
Kar  Deus  les  volt  occire  e  faire  vengement. 

Non  audicnint  ffilii  HeliJ  vocem  patris  sui ,  quia  voîuit  do- 
minus  occidere  eos.  Je  crois  avoir  déjà  dit  que  pruveire  ex- 
prime prctre. 

La  traduction  du  troisième  chapitre  n'ajoute  rien  au  texte; 
il  n'y  a  ni  glose,  ni  vers. 

On  retrouve  des  vers  dans  quelqvies  passages  du  quatrième 
chapitre.  L'auteur  dit  que  l'arche  d'alliance  étant  venue  dans 
le  camp,  tout  Israël  jeta  un  grand  cri,  dont  retentit  la  terre; 
que  les  Philistins  1  entendirent ,  et  quils  sentredisaient  : 
Quel  est  ce  grand  bruit  dans  le  camp  des  Hébreux.^  Et  ils 
apprirent  que  larche  y  était  venue. 

Notre  traducteur  dit  : 

E  cum  l'arche  vint  en  l'est, 
.Le  poples  Deu  duna  un  merveillus  cri 

Que  tute  la  terre  rebundi. 

Li  Philistien  virent  cest  cri 
Et  distrent  que  deit  c'est  cri  kil  funt  en  l'est 
Aparceurent  sei  que  l'arche  fud  venue  en  l'est. 

A  ces  lignes ,  où  le  même  mot  se  sert  de  rime  à  lui-même , 
nous  pouvons  joindre  celles-ci  qui  s'appliquent  au  dix-sep- 
tième verset  du  chapitre.  On  apporte  au  vieux  Héli  la  nou- 
velle de  la  défaite  d'Israël ,  de  la  fuite  de  l'armée  devant  les 
Philistins,  de  la  mort  de  Phinée  et  d'Ophni,  les  deux  fils  du 
grand  prêtre ,  de  la  prise  de  l'arche  ;  tout  cela  est  exprimé 
par  quatre  vers  sur  la  même  rime. 

Les  noz  del  ost  s'en  sunt  fuiz 
E  laidement  sunt  descunfiz, 
E  mors  sunt  anibes  deus  tes  fiz, 
E  larche  Dcu  i  un  cil  priz. 

En  voilà,  je  crois,  assez  pour  donner  l'idée  du  travail  fait 
par  l'anonyme  sur  les  livres  des  Rois.  Passons  à  la  traduction 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  MACHAB.         21 

des  livres  des  Machabées.  On  se  souvient  qu'ils  commencent   ^"t  siècle. 
par  parler  d'Alexandre,  de  ses  conquêtes,  et  de   sa  mort. 
'L'anonyme  traduit  ainsi  les  premiers  versets   du  premier 
chapitre. 

Il  avint  puisque  Alixandres  ,  fiz  de  Philippe  de  Mace'- 
doine,  qui  primers  régna  en  Grèce,  issanz  (sorti)  de  la  terre 
de  Cethim,  out  oscis  Daire  (eut  tué  Darius),  le  rei  de  Perse 
et  de  Medie,  si  fist  plosors  batailles,  et  prist  les  garnisons 
de  toz,  e  oscit  les  rois  de  la  terre,  et  ala  jusque  en  la  lin  de 
la  terre,  et  gaigna  toz  les  trésors  de  la  terre,  et  la  terre  fu 
en  pais  devant  lui  {et  siliiit  terra  in  conspectu  ejiis).  Et  assem- 
bla grant  force,  et  grant  ost  trop  {exercitwn fortem  nimis)^ 
et  sis  cuers  fu  essaucez  {ejcaltatum)  et  enorgoeilliz,  e  prist 
totes  les  terres  et  les  seignories ,  et  tuit  li  rendirent  treud 
(tribut);  e  après  co,  si  chay  (tomba)  en  maladie,  et  s'aper- 
ceut  que  il  se  moroit ,'  et  apela  ses  noJ>les  barons  qui  estoient 
od"  (avec)  lui  notri  dés  enfance,  e  si  lor  départi  son  réaume, 
dementiers  (  pendant  ,  tandis  )  que  il  vivoit.  Et  régna 
Alixandres  xu  ans  e  mûri  soi;  et  ses  chevaliers  ourent  son 
règne,  chascon  en  son  leu  (lieu);  e  tuit  se  firent  coronier, 
après  sa  mort,  et  lor  fil  en  après  eaus  (eux),  et  par  mainz 
anz,  et  li  mal  furent  acreu  en  la  terre,  et  issi  de  lor  racine 
de  pecché  {exiit  ex  eis  radix peccatrix). 

Le  traducteur  n'a  pas  mal  rendu ,  à  ce  qu'il  nous  semble , 
le  beau  mouvement  de  l'historien  sacré,  et  la  précision  re- 
marquable avec  laquelle  il  rassemble  et  énumère  les  actions 
d'Alexandre  et  leurs  effets.  Ge  style  paraît  être  de  la  même 
époque  que  celui  de  la  traduction  des  livres  des  Rois  ;  il  n'est 
certainement  pas  plus  ancien ,  et ,  si  nous  pouvions  avoir 
quelques  doutes,  ils  nous  porteraient  plutôt  à  croire  qu'il 
1  est  un  peu  moins.  La  terre  fut  en  paix  devant  lui  rend  bien 
l'idée  du  texte,  si  bien  traduite  déjà  par  la  'V^ulgate  :  siluit 
terra  in  conspecti^  ejus.  Ces  compagnons  d'Alexandre,  qui 
l'étaient  depuis  son  enfance ,  et  entre  lesquels  son  royaume 
fut  partagé,  sont  appelés  ici,  vme  fois  ses  barons,  une  autre 
fois  ses  chevaliers,  et  les  deux  fois,  par  la  vulgate , /?i/eri. 
Cette  racine  de  pecché ,  c'est  Antiochus  Epiphanes,  roi  de 
Syiie- 

II  n'y  a  ici  aucune  addition ,  aucune  paraphrase  ;  il  n'y  en 
A  pas  davantage  dans  la  traduction  des  versets  suivans. 
L'auteur  parle  des  Israélites  qui  abandonnèrent  la'i-eligion 
de  Moïse  pour  celle  du  vainqueur. 


22  TRADUCTEUR  ANONY]\IE 

iii  SIECLE.  E  en  ses  jors  si  issîrent  mavais  homes  et  consaillèrent  à 
~'  maiiiz  (plusieurs),  disanz  :  alons  et  establissons  acordement 
od  les  genz  qui  sont  prèz  de  nos  ;  car  dès  que  nos  nos  par- 
tîmes de  lor  (nous  nous  sommes  séparés  d'eux),  si  avons  eu 
moult  de  mal.  Et  ceste  parole  lor  semblera  bone,  et  lors 
furent  envoie  accon  (quelques-uns)  del  pople,  c  vindrent 
au  rey,  e  il  lor  dona  poesté  (pouvoir)  de  justifier  les  genz 
[^utfacerentjiistitiaingentium,  dit  la  Vulgate ,  de  vivre  selon 
les  coutumes  des  Gentils).  Et  il  establirent  les  genz  un  lue 
de  faire  en  Jérusalem  selonc  les  establissemenz  des  judex 
(^œdifîcavcrunt  gymnasiimi  in  Jeivsolymis ,  secundum  legcs 
nationiu7i)^  et  laissèrent  les  retaillemenz  [fecerunt  sibi pvœ- 
putia)^  e  départirent  say  de  la  sainte  loy  de  Deu.  [Retailler 
veut  dire  circoncire ,  et  retaillement ,  circoncision^.  Si  se 
jungstrent  od  les  mescreanz ,  et  ne  dotèrent  de  faire  toz 
raaus.  Ces  mots  et  ne  dotèrent ,  qui  if&  peuvent  signifier  ici 

Sue  et  ils  ne  craignirent  pas ,  expriment  ifhe  idée  différente 
e  celle  qu'exprime  la  Vulgate  ,  et  que  tous  les  traductein-s 
ont   adoptée  d'après  elle  ;  et  venunidati  sunt  ut  facerent 
s  malwn ,  et  ils  se  vendirent  pour  faire  le  mal.  Doter  est  em- 

jîloyé.dans  le  même  sens  par  le  traducteur  au  11^  verset  du 
'3*"  chapitre,  dans  un  discours  qu'adresse  à  ses  Jjraves  soldats 
Judas  Machabée,  cmi  venait  de  succéder  à  Mathatias,  son 
père,  comme  chef  d'Israël.  Nostre  sires,  dit-il,  les  abatra  de 
soz  noz  piéz ,  et  vos  ne  les  dotpz  de  néent.  Et  ipse  dominus 
conteret  eos  antefaciem  nostram  :  vos  aiitem  ne  timueritis  eos. 
Après  avoir  défait  Ptolemée  et  ravagé  lEgypte,  Antiochus 
marche  contre  Jérusalem  avec  une  puissante  armée.  Vint  en 
Jérusalem,  od  mult  granz  genz,  et  entra  el  temple  od  grant 
orgoil,  et  prist  de  loc  (place,  lieu)  l'autier  (autel)  d'or,  et 
les  chandelabres  des  lumeres ,  et  toz  les  riches  vesscas  (vases) 
qui  là  estoient ,  c  la  table  de  la  proposicion ,  et  les  hanas 
(coupes)  d'or,  et  les  moitiers  (lampes)  d'aj-gent,  et  les  fioles, 
et  la  cortine  (le  voile),  et  les  corones,  et  toz  les  guarnemenz 
(ornemens)  cfor  qui  el  temple  estoient,  et  tôt  dépeça....  e  li 
prince  et  li  vaillart  (les  anciens,  seniores)  sus  suspirerent; 
li  juvencel  et  les  puccles  devindrgnt  tuit  morne  et  la  beauté 
des  femmes  se  changea.  Toz  mariz  ploroit ,  et  iceles  qui 
estoient  es  liz  de  lor  mariz  ploroient ,  et  la  terre  se  mut  sor 
ceaus  (ceux)  c[ui  en  li  habitoient,  et  tote  la  mihon  de  Jacob 
se  vesti  de  honte  (  induit  confusioneni ,  fut  couverte  de 
confusio)!. 


DES  LIV.  DES  ROIS  ET  DES  MACHAB.         aS 

Je  puis  encore  faire  ici  l'observation  que  j'ai  faite  plus    ^n  .sif.ci.e. 
haut.  Point  d'addition  au  texte,  point  de  paraphrase.  C'est 
une  nouvelle  différence  que  nous  povivons  remarquer  entre 
la  traduction  des  livres  des  Machabées ,  et  la  traduction  des 
livres  des  Rois.  • 

Le  second  livre  n'y  est  pas  distinct  du  premier.  .Au  com- 
mencement de  l'ouvrajife ,  nous  trouvons  :  ci  commance  li 
livres  des  Machabeus.  Il  n'y  a  plus  de  nouveau  titre,  après 
la  hn  du  premier  livre;  ou  du  moins,  s'il  y  en  a  un,  on  voit 
clairement  qu'il  a  été  ajouté,  et  qu'il  est  beaucoup  plus  mo- 
derne. Le  traducteur  continue  à  s'y  resserrer  dans  le  texte, 
au  lieu  de  l'étendre  et  de  l'interpréter.  LTne  note  marfîfinale 
de  Sainte -Pnlaye ,  sur  le  manuscrit  qu'il  avait  fait  copier, 
semble  en  offrir  un  léger  témoignage  ;  c'est  sur  le  huitième 
chapitre  du  second  livre  :  mais  l'observation  que  la  note 
énonce  manque  d'exactitude.  Judas  Machabée  se  prépare  à 
combattre  Nicanor;  il  a  divisé  son  armée,  et  donné  à  ses 
frères  le  commandement  d'une  partie  des  troupes  ;  Esdras 
vient  de  lire  aux  soldats  la  Sainte  Ecritui'e  ;  Judas  «se  met  à 
la  tête  de  l'armée.  Le  traducteur  rend  arinsi  ce  passage. 

Lors  fist  Judas  ses  dous  (  le  texte  parle  de  trois ,  et  le  tra- 
ducteur aussi  va  les  nommer)  frères,  à  l'un  et  à  l'autre, 
ordre;  à  Symon,  et  h  Josepho,  et  à  Jonathan;  et  si  bailla  à 
chascou  M  et  V.  C.  home.  Et  encore  lor  list  Esdras  l'en- 
seigne par  l'aies  de  Deu.  La  note  marginale  dit  que  les  cinq 
derniers  mots  ne  sont  pas  dans  le  latin,  et  font  allusion*au 
cri  de  guerre  des  François,  à  l'aide  de  Dieu;  le  latin  cepen- 
dant dit  :  data  sigjio  adjntorii  Dei.  Ainsi ,  les  mots  y  sont , 
quoique  la  note  annonce  qu'ils  n'y  sont  pas  ;  et  l'allusion 
supposée  perd  alors  tout  fondement.  Notre  traducteur  s'était 
également  servi,  quelques  versets  plus  haut,  des  aies  de  Dett^ 
en  interprétant  un  passage  que  la  Vulgate  rend  ainsi  :  ad- 
monidt  eos  de  auxiUis  Dei.  Liv.  II,  chap.  8,  vers.  ig.  ^ 

A  la  fin  du  second  livre,  le  traducteur  ajoute  ces  mots  que 
justifie  l'ordre  des  temps ,  mal  suivi  par  l'historien  des  Ma- 
chabées. Et  plus  n'en  dirons  ores;  car  en  celui  de  sus  (dans 
le  premier  livre)  avons  dit  co  que  en  cestui  avons  laissé.  Et 
finist  le  second  livre  des  Machabées.  P. 


* 


k«.«%«'<«/V«^^««'»«'«'« 


^  RICHARD, 

CARDINAL  ÉYJLQUE  D'ALBANO, 

SA  VIE. 

Xn  SIECLE. 

Labbe  ,  Bibi.  il  ous  trouvoiis  daiis  la  Chronique  de  Hugues  de  Flavigny, 
mss.  tom.  I ,  laquelle  finit  à  l'an  1 102,  que  Richard,  avant  que  d'èti'e  élevé 
p.  269.  g^^  cardinalat,  était  doyen  du  chapitre  de  Sanit-Etienne  de 

Spicil.  in-foi.    Mctz.  Laurent  de  Liège,  dans  l'Histoire  des  évéques  de  Ver- 

t.  ii,p,  247.  f^m^  _^  (\[i  la  même  chose,  et  ajoute  que  Richard  avait  un 
frère  appelé  Arnoul ,  homme  de  guerre ,  ou  chevalier ,  qui , 
sur  la  hn  de  ses  jours,  s' étant  fait  religieux  à  Saint-Vanne 
de  Verdun,  fonda  dans  sa  terre  de  Bouzonville  un  prieuré 
dépendant  de  ce  monastèi'c.  Cela  n'a  pas  empêché  Uglielli  et 
Ciaconivis  de  confondre  notre  prélat  avec  un  autre  Richard , 
frère  de  Bernard  de  Milhaud ,  abbé  de  Saint-Victor  de  Mar- 
seille, l'un  et  l'autre  cardinaux  et  légats  du  Saint  Siège,  sous 
le  pontificat  de  Grégoire  VIL  Ce  qui  prouve  qu'il  faut  dis- 
tinguer 1  évêque d'Albano  de  l'autre  Richard,  c'est  que  celui- 
ci  ayant  succédé,  dans  l'abbaye  de  Saint -Victor,  à  son  frère 
décédé  l'an  107g,  fut  fait  archevêque  de  Narbonne,  et  gou- 
vei^ia  cette  église  depuis  l'an  11 06  jusqu'à  1121. 

Ciaconius  dit  que  Richard  fut  créé  évêque  d  Albano 
l'an  II 00,  à  la  première  création  du  pape  Paschal  II.  Lau- 
Spicil.  ibiii.  rent  de  Liège  ne  fixe  pas  l'année  ;  mais  il  rapporte  que  cette 
dignité  lui  fut  accordée  en  considération  de  son  attachement 
à  l'église  romaine,  pendant  le  schisme  de  l'antipape  Guibert, 
et  pour  avoir  suivi  Hérimanne ,  évêcpie  de  Metz,  lorsqu'il 
,i"ut  chassé  de  son  siège  par  les  Impériaux,  l'an  io85.  Is  Ri- 
cliardus  quondam  metensis  canoiiicus ,  pro  fide  apostoliccc 
sedis  cum  Hermanna  çpiscopo  suo  à  rege  et  IVihertinis  ca.pui- 
sus  fuejat ,  et  ideo  mmaiia  ecclesia  ita  eiini  extulerat. 

Labbe  ibid.  Si  uous  ii'avons  pas  de  preuves  qu'il  ait  été  fait  cardinal 
avant  l'an  1 100,  nous  savons  du  moins  qu'il  fut  envoyé  légat 
en  France ,  l'an  1 102  ;  qu'il  y  tint  des  conciles ,  et  qu'il  écrivit 
un  grand  nombre  de  lettres  relatives  aux  affaires  de  sa  léga- 
tion, dont  nous  allons  nous  occuper  pour  suppléer  ta  l'oubli 
des  auteurs  qui  ont  travaillé  avant  nous  à  l'Histoire  littéraire. 


RICHARD,  CARDINAL  ÉVÊQUE  D'ALBANO.       aS 

La  pi-iiicipale  affaire  qu'il  eut  à  traiter  fut  l'absolution  du  xii  siècle. 
roi  Philippe  I,  cpii ,  depuis  plusieurs  anne'es,  gémissait  dans 
les  liens  de  l'excommunication  à  cause  de  son  mariage  avec 
Bertrade  de  Montfort.  Ce  faible  monarqixe  avait  été  relevé 
de  l'excommunication  ,  sous  la  promesse  de  se  séparer  de 
Bertrade;  mais  toujours  esclave  de  sa  passion,  il  ne  tint  pas 
sa  promesse.  Etant  retombé  dans  les  liens  de  Bertrade,  il  ivoms  ep.  104. 
encourut  de  nouveau  les  liens  de  l'excommunication ,  qui  fut 
prononcée  contre  lui  au  concile  de  Poitiers  de  l'an  iioo. 
Pour  en  sortir,  il  voulait  faire  le  voyage  de  Rome;  mais  le 
pape  lui  en  épargna  la  peine,  en  envoyant  révêque  d'Albano, 
pour  négocier  cette  reconciliation,  avec  les  précautions  que 
î'évêque  de  Chartres  avoit  suggérées.  Cette  affaire  traîna 
jusqu'à  l'année  11 04.  Richard  ayant  convoqué  un  concile  à  ivonis  ep.  i/,i. 
Troyes  en  Champagne ,  pour  le  mois  d'avril  de  la  même 
année,  Ives  écrivit  au  légat  la  lettre  i4i,  dans  laquelle  il 
forme  des  vœux  pour  l'absolution  du  roi  ;  mais  il  n'ose 
conseiller  au  légat  de  s'écarter  des  instructions  qu'il  avait 
reçues  du  pape.  Nous  n'avons  pas  les  actes  de  ce  concile,  qui 
fut  nombreux  ,  comme  on  voit  par  les  souscriptions  des 
évêques  à  deux  chartes  de  Hugues,  comte  de  Champagne,  Lahbe,  Concii. 
On  sait  seulement  que  le  mariage  de  celui-ci  avec  Constance,  t.  x,  col.  740. 
fille  de  Philippe  I,  roi  de  France,  y  fut  dissous  pour  cause 
de  parenté;  mais  il  est  aisé  de  juger,  par  ce  qui  se  passa  la 
laême  année  au  concile  de  Baugenci ,  que  l'affaire  de  Philippe 
n'y  fut  pas  décidée. 

Nous  ne  connaissons  le  concile  de  Baugenci ,  auquel  pré-  ivonis  ep.  144. 
sida  Richard,  que  par  la  lettre  i44  d'Ives  de  Chartres  au 
pape  Paschal.  Ce  concile  fut  assemblé  le  3o  juillet  iio4,  et 
fut  composé  des  évêques  des  provinces  de  Reims  et  de  Sens. 
Ives  y  assista.  Le  roi  et  Bertrade  s'y  étant  rendus ,  offraient 
de  promettre  sur  les  saints  évangiles  ,  selon  que  le  pape 
l'avait  ordonné ,  qu'ils  n'habiteraient  plus  ensemble  ,  et 
même  qu'ils  ne  se  parleraient  point,  si  ce  n'est  en  présence 
de  témoins  non  suspects,  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  obtenu 
la  dispense  du  pape.  Cette  restriction  gâta  tout;  les  évêques 
se  trouvèrent  partagés,  les  uns  croyant  qu'on  pouvait  les 
absoudre  sans  inconvénient,  les  autres  disant  qu'on  ne  le 
pouvait  pas.  C'eût  été  au  légat  à  prononcer;  mais  le  pape 
lui  avait  prescrit  de  ne  rien  faire  que  par  le  conseil  des 
évêques,  et  ceux-ci  ne  voulaient  rien  prendre  sur  eux. 
Pendant  cette  altercation ,  le  roi  se  plaignait  c{u'on  lui  faisait 

Tome  Xlir.  D 


XII  SIECLE. 


Spicil.    in -fol. 

t.  m,  p.  128. 

Labbe,  Concil. 
t.  X,  col.  656. 


Abbas  Usperg. 
Annal,  saxo  , 
ad  an.  iio5. 


Alailene  , 
Anecd.  t.  III , 
col.  ii85. 


Ealuz.  Miscell. 

t.  m.  p.  i83. 


26      RICHARD,  CARDINAL  EVEQUE  D'ALBANO. 

injure  de  soupçonner  sa  sincérité,  et  on  se  retira  sans  avoir 
rien  conclu. 

Ives  termine  sa  lettre  en  suppliant  le  pape  d'user  de 
condescendance  envers  le  roi ,  parce  que ,  disait-il ,  à  force 
de  sucer,  on  tire  jusqu'au  sang,  qui  multiim  einimgit ,  elicit 
sanguinem.  Aussi  le  pape,  dans  sa  lettre  du  5  octobre  11  o4, 
aux  ëvêques  des  provinces  de  Reims,  de  Sens  et  de  Tours ^ 
prescrivit  lui-même  la  formule  de  serment  à  laquelle  le  roi 
de  France  devait  se  soumettre  pour  obtenir  le  bienfait  de 
l'absolution;  et,  comme  il  présumait  que  Richard  avait  déjà 
quitté  la  France,  il  chargea  Lambert,  évèque  d'Arras,  d'as- 
sembler les  évêques  pour  recevoir  le  serment  du  roi ,  et  lui 
accorder  l'absolution  :  ce  qui  fut  fait  à  Paris  au  mois  de 
décembre  de  la  même  année. 

Richard  était  allé  en  Allemagne  à  l'occasion  des  troubles 
survenus  entre  l'empereur  Henri  IV  et  le  roi  son  fils,  et  as- 
sista, aux  fêtes  de  Noël  de  l'année  suivante,  à  l'assemblée  de 
Mayence,  dans  laquelle  l'empereur,  excommunié  de  nouveau 
par  le  légat,  fut  contraint  de  se  dépouiller  des  attributs  de  la 
royauté  pour  en  revêtir  son  fils.  Ce  malheureux  prince  s'était 
jeté  aux  genoux  du  légat,  demandant,  pour  toute  consolation, 
d'être  absous  de  rexcomniunication.  Richard  prétendit  que 
cela  surpassait  ses  pouvoirs ,  qu'il  fallait  s'adresser  au  pape , 
qui  seul  pouvait  l'absoudre.  Il  se  rendit  ensuite  auprès  du 
pape ,  qui  devait  tenir  un  concile  à  Guastalla ,  au  mois  d'oc- 
tobre de  l'année  suivante.  De-là  il  rentra  en  France  avec  le 
pape,  qu'il  accompagna  pendant  l'année  iio^;  et  au  mois 
d'octobre  de  la  même  année ,  il  fit  la  dédicace  de  l'église  de 
Cliaumousset,  en  Lorraine. 

Nous  sommes  portés  à  croire  que  Richard,  après  le  départ 
du  pape,  fut  envoyé  en  Espagne.  Au  moins  est-il  certain 
qu'un  cardinal  nommé  Richard  tint ,  vers  ce  temps-là ,  un 
concile  à  Palencia,dans  le  royaume  de  Léon.  Dans  ce  concile, 
le  cardinal  Richard  rétablit  dans  l'ancienne  dignité  de  mé- 
tropole l'évêché  de  Brague ,  en  vertu  de  lettr^-S  accoi'dées 
par  le  pape  Paschal  II  à  lévêque  saint  Geiald  :  In  concilio 
enim  palentino ,  dit  l'auteur  de  la  vie  de  ce  prélat ,  quod 
venerahilis  Richardiis  cardinalis  Romœ  {romanus)  celehravit, 
episcopis  et  abbatibus  et  optimis  cleiicis  Hispaniœ  circinn- 
sedentibus ,  romanuni  privUegium  in  auribiis  omnium  feci- 
tatum  est,  etc.  A  la  vérité,  il  n'est  pas  dit  que  ce  cardinal 
Richard  fut  l'évêque  d'Aliiano ,  et  il  y  a  des  raisons  pour  et 


RICHARD,  CARDINAL  ÉVÊQUE  D'ALBANO.       27 
contre  notre  opinion.  Si  l'on  pouvait  s'en  rapporter  au  car-    xil  SIECLE. 
dinal  d'Aguirre ,  qui  place  ce  concile  à  l'an  1 1  o4 ,  ce  cardinal  ~  concii.  Hisp. 
Richard  ne  serait  autre  que  l'abbé  de  Saint-Victor  de  Mar-  t.  m,  p.  3i8. 
seille,  qui,  l'an  1088,  avoit  déjà  tenu  im  concile  à  Palencia. 
Mais  le  P.  Pagi  avoue  que  l'époque  du  rétablissement  de  la      Pagi,ad  an. 
métropole  de  Brague,  et  par   conséquent  celle   du   second  1109,  "um.  2. 
concile  de  Palencia,  sont  fort  incertaines.  Ce  qui  prouve, 
d'un    autre  côté ,  que  ce    concile    pourroit   bien    être   de 
l'an  1 108  ou   1109,  c'est   i"  que  nous  ne  trouvons  aucun 
indice  que  l'évêque  d'Albano  ait  séjourné  en  France  ou  en 
Italie   pendant  ces   deux    années  ;  a"    qu'à   l'époque  où   il 
rentra  en  France,  l'an  itio,les  Sai-rasins  ,  ou  les  Maures, 
avaient  fait ,  selon  la  chi'onique  de  Sens ,  de  tels  progrès  en  Sp|cil.  i"» -foi- 
Espagne  ,  que   les  chi-étiens  du  pays  avaient  demandé  du    "     '  !'•    ' 
secours  au  roi  Louis-le-Gros  ;  et  nous  ne  doutons  pas  que 
les  conciles  assemblés  par  l'évêque  d'Albano,  l'an   11 10,  à 
Toulouse  et  à  Saint-Benoît-sur-Loire ,  n'aient  eu  pour  objet 
les  secours  que  les  chrétiens  d'Espagne,  dont  le  légat  avait 
vu  par  ses  yeux  la  détresse,  réclamaient,  et  que  Louis  le 
Gros,  à  peine  monté  sur  le  trône,  ne  pouvait  leur  accorder. 
D'ailleurs,  D.  Vaissette  observe  que  Richard,  abbé  de  Saint-  Hist.Lang. t,li, 
Victor,  du  moment  qu'il  fixt  nommé  archevêque  de  Nar-  P- ^^3. 
bonne,  l'an  1 106 ,  ne  prit  plus  la  cjualité  de  cardinal. 

Quel  que  soit  le  mérite  de  notre  opinion  sur  l'époque  du 
concile  de  Palencia ,  il  est  certain  que  l'évêque  d'Albano 
reparut  en  France  l'an  11 10,  et  qu'il  présida  aux  deux 
conciles  dont  nous  venons  de  parler.  Nous  n'avons  les  actes 
ni  de  l'un ,  ni  de  l'autre.  Nous  ne  connaissons  celui  de  Tou- 
louse que  par  quelcpies  lettres  du  légat.  Celui  de  Fleuri ,  ou  Labbe ,  concU. 
Saint-lienoît-sur-Loire,  fut  assemblé  au  mois  d'octobre  de  la  '•  ^'  '^°''  7^^. 
même  année ,  et  fut  plus  solennel  ;  les  archevêques  de  Sens , 
de  Reims  ,  de  Tours ,  et  de  Bourges,  y  assistèrent  avec  les 
évêques  et  les  abbés  de  leurs  provinces  ;  mais  tout  ce  qui  en 
reste  se  réduit  à  quelques  décisions  relatives  à  des  affaires 
entre  particuliers. 

Six  mois  après ,  le  cardinal  Jean ,  évêque  de  Frascati ,  se      Notae  ad  ep. 

disant  vicaire  du  pape  dans  Rome  ,  écrivit  au  léfi;at  pour  l'in-  l'^oncarnot.p. 

fol  1  f   ^      •  '    •  1'  "^^1         243. 

rmer  des  troubles  qui  étaient  survenus,  l  an  1 1 1 1 ,  pendant 

qu'on   agitait  la  queslion  des  investitures ,  et  du  malheur 

qu'avait  eu  le  pape  d'être  fait  prisonnier  avec  la  plupart  des 

cardinaux,  par  l'emjjereur  d'Allemagne.  Il  paraît  que  Richard 

quitta  pour  lors  la  France ,  car  on  ne  trouve  plus  rien  dans 

1)2 


û8      RICHARD,  CARDINAL  EVEQUE  D'ALBANO. 

xn  SIECLE,    nos  documens  qui  soit  relatif  à  s.i  iëgr>tion.  Ughelli  place  sa 
7~rZ  7  mort  à  l'an  1 1 1 6 ,  parce  cru'il  trouve  sa  signature  à  une  bulle 

liai.  Sacra  t.  I,      ,  -r»       '  i      7    t t        i       '^    i        i  •       ■  r> 

rat  -.i',  et  89  5.  du  pape  Paschal  11,  dont  la  date  est  ainsi  conçue  :  Datum 
Laterani  ver  manum  Joannis  S.  R.  E.  cardinalis  et  hihliothe- 
carii ,  v.  hal.  martii ,  indict.  VII ,  incarnat.  Dom.  anno 
MCXV ,  pontificatûs  quoque  âonini  Paschalis  II  papce 
anno  XV.  L'indiction  VII  et  l'année  du  pontificat  indiquent 
suffisamment  qu  il  faut  l'apporter  cette  bulle  à  l'an  1 1 1 4-  On 
sait  dailleurs  que  Paschal  II  suivait  dans  ses  diplômes  le 
calcul  pisan  ,  selon  lequel  l'année  commençait  neuf  mois 
avant  l'année  julienne.  Par  conséquent,  cette  bulle  est  du 
Karou.  ad  an.  ^^  février  1114;  mais  comme,  cette  même  année,  on  trouve 
u^jiium.  .  ^^  Ana.stase  ,  évêque  d'Albano  ,  il  faut  que  Richard  soit 
mort ,  ou  ait  quitte  son  siège  peu  de  temps  après. 

SES  LETTRES. 

I  -,  -, 

Il  s'en  faut  bien  que  nous  ayons  toutes  les  lettres  que 
Richard  écrivit  pendant  huit  ans  cju'il  exerça  la  légation  en 
France.  Voici  celles  qui  ont  été  conservées ,  et  qu'on  trouve 
éparses  dans  diverses  collections  : 
ivoiiis.op.  i33.  I"  La  lettre  i33  d'Ives  de  Chartres  est  la  réponse  à  une 
lettre  de  Richard ,  que  nous  n'avons  pas.  Il  paraît  que  le 
légat,  sur  de  faux  rapports,  avait  fait  la  semonce  à  l'evècjue 
de  Chartres ,  sur  ce  qu'il  tolérait  la  simonie  dans  son  église. 
Ives  lui  répond  qu'à  la  vérité  le  doyen  et  l'église  de  Chartres 
étaient  dans  l'usage  de  percevoir  quelque  rétribution  des 
chanoines  récipiendaires;  cpi inutilement  il  avait  essayé  de 
remédier  à  cet  abus,  parce  que  les  coupables  s'autorisaient 
de  l'exemple  des  autres  églises  de  France,  et  même  de  la 
cour  de  Rome,  où  les  évéques  et  les  abbés  nouvellement 
consacrés  étaient  mis  à  contribution  à  titre  d'offrande. 

Richard  avait  aussi  mandé  le  clergé  de  Chartres  à  Blois, 
pour  répondre  aux  plaintes  que  formait  contre  eux  la 
comtesse  de  Chartres,  au  sujet  d'un  statut  capitulaire  qui 
excluait  des  prébendes  du  chapitre  les  enfans  de  ceux  qu'on 
appelait  conditionarii ,  espèce  d'affranchis  qu'on  distinguait 
des  manuniissi.  Ives  représente  ,  dans  la  même  lettre  au 
iégat,  cjuil  n'aurait  pas  dû  choisir  la  ville  de  Blois  pour 
tenir  ses  assises  ,  attendu  qu'elle  était  du  domaine  de  la 
comtesse ,  dont  les  cliens  intéressés  dans  la  querelle  pour- 
raient se  porter  à  des  A"iolences  contre  les  chanoines. 


RICHARD,  CARDINAL  ÉVÊQUE  D'ALBANO.       29 

û°  On  voit  par  la  lettre  de  Geofroi ,  abbé  de  Vendôme,    xii  siècle. 
à  Ramifie ,  évéque  de  Saintes ,  que  le  cai'dinal  évêque  d'Al-      _  ,  ,.   . 
bano  avait  porte  un   décret    qui   condamnait    leveque   de  iib.iii.epist.S;. 
Saintes  à  restituer  à   l'abbaye  de  Vendôme  l'île  de  Fléac, 
située  dans  des  marais  près  de  Surgères. 

3°    Dans  une  lettre  a  Robert,  comte  de  Flandre,  écrite    Baïuz.Misctl!. 
l'an  I  io3  ou  i  io4 ,  Richard  recommande  au  comte  de  prêter  '■  ^'  P'  ^^^^ 
main  forte  à  Lambert ,  évêque  d'Arras ,  contre  des  clercs 
rebelles,  que  Lambert  avait  excommuniés  à  cause  de  leur 
inconduite. 

4°  Lettre  ,de  Richard  à  Lambert ,  évêque  d'Arras ,  pour  BpJuz.  ibia. 
lui  enjoindre  de  faire  cesser  l'abus  qui  s'était  introduit  dans  r-  ^^"■ 
son  diocèse ,  de  nommer  à  un  seul  bénéfice  plusieurs  titu- 
laires à-la-fois,  dont  les  survivans ,  jusqu'au  dernier,  re- 
cueillaient la  part  du  défunt.  Dans  la  même  lettre,  le  légat 
décide  qu'un  usurier  doit  restituer  l'usure ,  lorsque  l'emprun- 
teur prouve  par  témoins  qu'il  a  rendu  le  sort  principal  avec 
l'intérêt  de  l'argent. 

5°  Jean -Baptiste  Souchet  a  publié  une  lettre  de  Richard  Notseadivonis, 
au  doyen  de  l'église  de  Chartres,  en  faveur  d'un  chanoine  •■?• '*^2- 
nommé  Robert ,  auquel  on  contestait  sa  prébende. 

6"  Deux  lettres  de  Richard  à  Pierre,  évêque  de  Clermont,     Splcil.  in-foi. 
rapportées  dans  la  chronique  de  Saint-Pierre-le-Vif  à  Sens,  '•  ^■'  P-  ^79  «' 
pour  lui  enjoindre  de  lancer  l'excommunication  contre  les  ^  "^^' 
iDourgeois  d'Escuroles,  de  Salers,  de  Monteclair,  et  de  Mau- 
riac ,   coupables   d'horribles   excès   contre    les    moines    de 
Mauriac.  Vient  ensuite  le  décret  d'excommunication  adressé 
aux  moines  de  Mauriac,  et  une  lettre  à  Arnaud,  abbé  de 
Saint-Pierre-le-Vif,  dans  laquelle  il  lui  annonce  c|ue  l'évêque 
de  Clermont,  malgré  sa  répvignance,  avait  lancé  l'excom- 
munication. Le  légat  était  alors  en  chemin  pour  se  rendre  à 
Toulouse,  où  il  avait  convoqué  un  concile. 

y°   Deux  lettres  à  Amelius ,  évêque  de  Toulouse.  Dans  la      Catel ,  Mem. 
première ,  il  lui  rappelle  que ,  conformément  au  décret  du  P"  ^"9" 
concile  de  Troyes  ,  de  l'an   1107,  il  avait  lancé,  dans  le 
concile  de  Toulouse,  l'excommunication  contre  les  usurpa- 
teurs des  dîmes  et  autres  biens  ecclésiastiques ,  et  lui  enjoint 
d'en  faire  l'application  à  ceux  qui  s'emparaient  des  biens  de 
l'église  cathédrale  de  Saint-Etienne.  Dans  l'autre,  il  lui  près-  Veissctio,  Hist. 
crit  de  jeter  l'interdit  sur  le  monastère  de  Saint-Pierre-de-la-  ^""S  tn,pr. 
Cour,  autrement  dit  le  Mas-Garnier,  parce  c[ue  ces  reli-  *^°  ' 
gieux ,  étant  en  procès  avec  ceux  de  Moissac ,  n'avaient  pas 


3o        CONON,  GARD.  EVÊQ.  DE  PALESTRINE. 

XII  SIECLE,    comparu  devant  lui  à  Vczelai ,  où  il  les  avait  ajournés  après 

le  concile  de  Toulouse. 
Theod.poenit.       go  Lettre  à  Leerer,  évêque  de  Viviers,  dans  laquelle  il  lui 

tom.II.p.  5o6.         .    .         ,  •    ^      •  *       1  1  1  '    1-^      I      j 

enjoHit  de  mauitenu-  contre  les  clercs  de  son  église  la  dona- 
tion faite  aux  chanoines  de  Saint-Ruf  de  réglise  de  Saint- 
Andéol,  par  lui  confirmée,  à  la  demande  de  levêque,  au 
Pagi,ad  an.  concile  de  Toulouse.  Le  P.  Pagi  fait  une  assez  longue  disser- 

iio2,nu   .     .  ^^^j-JQj^  gyj.  cette  letti'e,  et  tombe  dans  plusieurs  erreurs  qui 
ont  été'  relevées  par  le  continuateur  du  Recueil  des  histo- 
riens de  France,  tome  XV,  page  47- 
Gaii.  chnst.       go  Ayant  fait,  l'an  iiio,  la  dédicace  de  l'église  de  Ché- 

16™.  '^'''^°'  minon  ,  fondée  par  Hugues,  comte  de  Champagne,  pour 
des  chanoines  réguliers ,  dans  le  diocèse  de  Châlons ,  Ricnard 
leur  accorda  un  privilège  d'exemption  ,  rapporté  dans  le 
nouveau  GalUa-C luistiana ,  à  la  charge  de  payer  un  cens 
annuel  à  la  chambre  apostolique. 

Nous  ne  connaissons  pas  d'autres  productions  de  sa 
plume.  Ces  lettres  sont  certainement  recommandables  comme 
monumens  histoiiques  ,  mais  peu  sous  le  rapport  litté- 
raire. -  B. 


v^^*  *.•».•*.». 


CONON, 

CARDINAL  ÉVÈQUE  DE  PALESTRINE. 

SA  VIE. 

Boii.  i3  jaii.  CiO'Oî*,  ou  Conrad,  appelé  encore  Hugonon  par  un  auteur 

822.  ancien  ,   était  de  la  famille  des  comtes   d'Urrach  ,  né  par 

conséquent  en  Allemagne  [a]  ;  mais  il  appartient  à  la  France 

par  la  profession  religievise  ,  qu'il  embrassa   dans  l'abbaye 

d'Ari'Ouaise ,  dont  il  fut  le  fondateur  avec  le  bienheureux 

(«)  Conon  était  fils  d'Egenon,  comte  d'Urrach,  dans  le  Brisgaw,  ou 
d'Aurach,  dans  le  duché  de  Wurtemberg,  selon  l'auteur  de  l'Art  de 
vérifier  les  dates  (tom.  III,  p.  90),  petit-fils  de  Rodolphe,  comte 
d'Achalm  ,  et  d'Adélaïde,  comtesse  de  Wulflingen ,  parente  de  Brunon 
de  Egenslieim  ,  évêque  de  Toul  ,  qui  monta  sur  le  siège  de  Rome , 
Xaxx  io4>^;  sous  le  nom  de  Léon  IX, 


xri  SIECLE. 

Gosse 
d'Arr.  p. 
/,.a. 

5B9- 

CONON,  GARD.  ÉVÊQ.  DE  PALESTRINE.        3r 

Heldëmare,  auquel  il  succéda  en  qualité  de  prévôt.  S'il  n'a 
point  eu  un  article  dans  notre  histoire,  c'est  cpi'à  l'époque 
où  le  dixième  volume  a  paru ,  on  ne  connaissait  de  lui  que 
quelques  lettres  ;  mais  depuis  que  l'historien  de  l'abbaye 
d'Arrouaise  a  écrit  sa  vie  ,  et  que  les  continuateurs  du 
Recueil  des  historiens  de  France  ont  publié  de  lui  trois  ou 
quatre  nouvelles  lettres  anecdotes,  propres  à  jeter  un  plus 
grand  jour  sur  les  affaires  qu'il  eut  à  traiter  en  qualité  de 
légat,  soit  en  France,  soit  en  Allemagne,  il  est  juste  que 
nous  le  fassions  connaître  plus  particulièrement. 

Selon    Gautier,    abbé    d'Arrouaise,   qui    écrivait    vers      Boli.  i3jan. 
l'an  [  i8o,  Conon  était  en  Angleterre  à  la  mort  de  Guillaume-  ^'" 
le-Conquérant ,  dont  il  était  chapelain  avec  le  bienheureux  ' 

Heldémare.  Des  raisons  que  nous  ne  connaissons  pas  les 
ayant  déterminés  à  repasser  en  France ,  ils  se  fixèrent , 
l'an  lopo,  dans  un  endroit  de  la  forêt  d'Arrouaise,  nommé 
le  Tronc-Bérenger ,  du  nom  d'un  fameux  voleur  qui  avait 
désolé  le  pays ,  sur  les  confins  des  comtés  de  Flandre  et  de 
Vermandois ,  dans  lequel  était  alors  compris  l'Artois  ;  là  ils 
érigèrent  un  oratoire  qui  devint  en  peu  de  temps  un  éta- 
blissement considérable,  et  le  chet-lieu  d'une  congrégation 


de  chanoines  réguliers 


Les  affaires  de  sa  maison  ayant  conduit,  l'an  1107,  le  BoU.iùiJ.y. 
prévôt  Conon  au  concile  de  Troyes  en  Champagne ,  auquel  ''^^• 
pi'ésidait  le  pape  Paschal  II ,  celui-ci  fut  si  charmé  de 
retrouver,  dans  le  parent  du  pape  Léon  IX,  les  talents  et 
les  vertus  d'un  de  ses  prédécesseurs  d'une  sainteté  reconnue , 
C[u'il  l'attira  à  Rome ,  et  le  créa ,  l'année  d'après ,  cardinal 
evêque  de  Palestrine. 

Conon  était  en  Orient  en  qualité  de  légat  apostolique,  lors-  Labbe,  Concii. 
que  la  nouvelle  de  ce  qui  s  était  passé  à  Rome,  l'an   1 1 1 1 ,  '•  ^'  '^°'-  ^°"' 
entre  le  pape  Paschal  et  l'empereur  Henri  V ,  au  sujet  des  ^'^  ^^^'  ^"^' 
investitures,  y  arriva.  Attache  par  devoir  et  par  reconnais- 
sance au  souverain  pontife,  il  convoqua  un  concile  à  Jéru- 
salem ,  dans  lequel ,  ne  se  croyant  pas  obligé  aux  clauses 
d'un  traité  extorqué  par  la  violence,  il  porta  contre  l'em- 
pereur une  sentence  d'excommunication.  Reprenant  ensuite 
le  chemin  de  l'Europe,  pour  venir  au  secours  de  l'église, 
qu'il  croyait  opprimée;  il  traversa  la  Grèce,  la  Hongrie,  la 
Saxe ,  la  Lorraine ,  convoquant  par-tout  des  assemblées ,  et 
confirmant  dans  chacune  l'anathême  qu'il  avait  prononcé 
en  Palestine. 


32   CONÛN,  CARD.  ÉVÊQ.  DE  PALESTRINE. 

xn  SIECLE.        Au  concile  de  Latran,  de  l'an  1112,  il  fut  du  nombre  de 
Labbe   Concil    *^^^^  ^^^  1  ^^on  coutens  qu'on  eût  révoqué  le  privilège  des 
t.  X,  col.  771.  investitures  accordé  à  l'enipereur,  voulaient  qu'on  pronon- 
çât contre  lui  l'excommunication.  Quoique  le  Pape  eût  juré 
qu'il   ne   le  fei'ait  jamais  ,    il    souffrait   cependant    que    ses 
légats  en  usassent  autrement ,  et  ne  fît  pas  difiiculté  d'en- 
voyer poiu"  cela  en  France  le  légat  Conon.  Muni  de  ces 
pouvoirs,  lévêque  de  Palcstrine  assembla,  pendant  les  an- 
Labbe ,  ibid.  nécs   1 1 1 4  et   1 1 1 5 ,  cinq  conciles ,  à  Beauvais ,  à  Soissons , 
col.  797,  802.    ^\  Reims,  à  Cologne ,  à  Châlons-sur-Marne  :  conciles  dont  les 
actes  sont  perdus  ;  mais  on  sait  que  dans  tous  l'empereur 
fut  déclaré  excomnuinié.     . 
Sugeiii   vit.T       Le  plus  célèbre  fut  celui  de  Beauvais,  dont  l'abbé  Suger 
Liid.M,cap.2i.  jj  donné  une  courte  notice,  à  l'occasion  des  atrocités  com- 
mises par  le  trop  fameux  Thomas  de  Marie ,  de  la  maison 
de  Couci ,  qui ,  à  la  demande  des  églises  de  France ,  y  fut 
excommunié ,  et  privé  de  la  ceinture  militaire ,  et  le  Roi  prié 
d'en  faire  justice. 

De  toutes  les  affaires  qui  furent  traitées  au  concile  de 
Guibeiius,  de  Soissons,  uous  ne  connaissons  que  celle  de  Godefroi,  évêque 
m^  „!!!*',,  '     d'Amiens.  Ce  saint  prélat  avant  consenti  à  l'établissement 

m ,  cap.  II.  '      4       •  7/      ■  ,  '11  1 

Cl  une  commune  a  Amiens,  s  était  rendu  agréable  au  jieuple; 
mais  il  attira  sur  la  ville  tant  de  calamités  de  la  part  des 
sires  de  Couci,  qui  en  étaient  seigneurs  en  partie,  qu'ayant 
été  obligé  de  prendre  la  fuite,  et  de  renoncer  à  l'épiscopat, 
il  s'était  retiré  à  la  grande   Chartreuse.   Le  concile  ,  a  la 

Labbe  ibid.  col.  demande  du  roi  et  des  habitans ,  lui  ordonna  de  retourner 

Soi-  à  Amiens,  et  de  reprendre  ses  fonctions. 

A  Reims ,  il  fut  question  de  donner  un  évêque  catholique 

au  diocèse  de  Metz ,  à  la  place  d'Alberon ,  excommunié  par 

le  Pape ,  à  cause  de  son  attachement  à  l'empereur ,  dont  il 

Bouquet ,  était  parent.  Nous  avons  sur  cela  les  lettres  que  Conon  écrivit 

i.  xiv,  p.  209  à  l'église  de  Metz,  rapportées  dans  la  vie  du   bienheureux. 

et  seq.  Théodgcr ,  abbé  de  Saint-George,  dans  la  Forêt  noire,  qui, 

en  vertu  de  ces  lettres,  fut  élu  évêque  de  Metz.  Mais  cette 
affif^ire  ayant  traîné  en  longueur ,  ce  ne  fut  que  trois  ans 
après,  pendant  son  séjour  en  Allemagne,  que  Conon  put 

ibid.  p.  212  et  consommer  cette  affaire ,  comme  on  voit  par  deux  lettres 

seq.  qu'il  écrivit  à  Théodger ,  pour  le    contraindi'e  à  accejîter 

1  épiscopat. 

iTabil.   Annal.       Il  reste    du    concilc   de   Châlons  un  décret  du  légat  en 
v,p.  6g4-      faveur  du  monastère  du  mont  Saint  -  Quentin  ,  contre  les 


CONON,  GARD.  ÉVÈQ.  DE  PALESTRINE.        33 

religieux  de  Saint -Vast   d'Arras ,  publie'   par  D.  Mabillon.    Xil  SIECLE. 

A  Reims  et  à  Chalons ,  il  frappa  d'interdit  les  e'vêques  de      Eadm.  bist. 
Normandie  ,  poin-  ne  s'être  pas  rendus  aux  conciles  qu'il  nov.  ilb.  v,  p. 
avait  convoqués.  Le  roi  d'Angleterre,  qui  ne  reconnaissait  h- 
pas  dans  ses  terres  l'autorité'  des  légats ,  en  fut  extrêmement 
irrité;  il  fallut  C|u'Ives  de  Chartres  se  portât  pour  médiateur; 
il  écrivit  au  légat  en   faveur  des  évéques   de   Normandie,  ivonis  ep.  275. 
alléguant  pour  excuse   qu'étant   sous  la   domination    d'un 
prince   impérieux  ,  ils  ne   pouvaient  que  gémir  de  se  voir 
froissés  entre  la  soumission  qu'ils  devaient  au  prince  ,   et 
lobéissance  au  légat. 

Le  comte  de  Nevers  avant  été  fait  prisonnier  par  Thibaud,  ,.,  '^'".''; ^'"'l''*  ' 

,,,,.■  '-  II'  -  I-    •  1  •  •      lib.  XII,  p.oio. 

comte  de  Blois,  au  retour  de  1  expédition  que  le  roi  avait 
ordonnée  contre  Thomas  de  Marie,  Conon  chargea  l'évêque 
de  Chartres  de  signifier  au  comte  Thibaud  l'excommunica- 
tion qu'il  avait  lancée  contre  tous  ceux  qui  avaient  coopéré 
à  l'arrestation  du  comte  de  Nevers ,  avec  menace  de  l'excom- 
munier lui-même,  s'il  ne  rendait  la  liberté  au  prisonnier. 
Nous  n'avons  pas  la  lettre  du  légat;  mais  on  voit,  parla 
réponse  du  prélat  Ives,  que  le  coînte  de  Blois  était  persuadé  l'^o"'*  ^p-  «t'^- 
que  le  légat  n'agissait  en  cela  qu'à  l'instigation  du  roi  de 
France  contre  son  oncle,  le  l'oi  d'Angleterre,  dont  il  avait 
épousé  la  querelle  ;  il  offrait  cependant  de  mettre  en  liberté 
le  comte  de  Nevers,  mais  sous  caution. 

Il  y  a  encore  deux  lettres  d'Ives  à  Conon ,  relatives  à  une  Ivonis  ep.  266 
affaiie  qui   lui  était  personnelle  avec  les  moines  de  Mar-  *'  "'i" 
montier. 

Le  papePaschal  ne  croyant  pas  avoir  assez  fait  pour  réparer 
la  faute  qu'il  avait  commise  en  accordant  à  l'empereur  le  Labbe,  Condl. 
priviléare  des  investitures,  parce  qu'il  trouvait  touiours  des  t.  x,col.  807, 

I  •  •    1  1  >         •  1  '  >'-i  1    .      ex     abb     L'rs- 

contradicteurs  qui  i^lamaient  les  temperamêns  quil  voulait  ^j, 
garder  avec  l'empereur,  convoqua  un  concile  à  Rome,  au 
mois  de  mars  11 16  ,  pour  y  rendre  compte  de  sa  foi  et  de  sa 
conduite.  Conon  qui  ne  savait  pas  transiger  avec  les  prin- 
cipes cpi'il  avait  atloptés,  s'y  rendit;  et,  après  avoir  exposé 
tout  ce  qu'il  avait  fait  au  sujet  des  investitures ,  soit  à  Jéru- 
salem ,  soit  pendant  sa  légation  en  France ,  en  excommuniant 
l'empereur  et  ses  adhérens ,  demanda  au  paj^e  de  déclarer, 
en  présence  du  concile,  s'il  approuvait  et  ratifiait  ce  que  lui 
avait  cru  devoir  fiiire.  Le  Pape  l'approuva  ;  et ,  malgré  les 
murmures  de  ceux  qui  pensaient  autrement,  le  saint  concile 
donna  aussi  son  approbation.  Le  Pape  fit  plus  :  il  l'envoya , 
Tome  XllT.  E 


34   CONON ,  GARD.  ÉVÈQ.   DE  PAI.ESTRINE. 

XII  SIECLE,    peu  de  temps  après,  légat  en  Allemagne,  où  dominaient  les 
partisans  de  l'empereur ,  afin  qu'il  agît  dans  le  même  sens, 
l'rsperg.  ibid.        Paschal  étant  mort  au  mois  de  janvier  i  ii8,  eut  pour  suc- 
cesseur Jean  de  Gaëte,  chancelier  de  l'église  romaine,  qui 
prit  le  nom  de  Gélase  II.  Ce  nouveau  pontife  avait  eu  des 
altercations  avec  l'évêque  de  Palestrine,  qui  traitait  d'hérésie 
le  privilège  accordé  par  le  feu  pape  à  l'empereur.  Cependant 
il  le  confirma  dans  sa  légation  d'Allemagne ,  et ,  en  vertu  de 
ces  pouvoirs,  Conon  assembla  à  Cologne  et  à  Fritzlar  deux 
chion.s.Trud.  conciles  dont  nous  n'avons  pas  les  actes;  nous  savons  seu- 
'  ■  '   ■  lement  que  l'empereur  qui  était  en  Italie  y  fi^it  excommunié, 

que  les  assistans  n'y  furent  pas  sans  inquiétude  pour  leurs 
personnes,  et  qu'il  en  résulta  de  grands  troubles  dans  toute 
r  Allemagne. 
l'sperg.  ad  an.       L'empcrcur ,  de  son  côté,  fit  élire  vm  antipape  pour  l'op- 
"  '^'  poser  à  Gélase.  C'était  Maurice  Burdin,  archevêque  de  Brague 

en  Portugal ,  qui  prit  le  nom  de  Grégoire  VIII.  ]Mais  appre- 
nant que  le  légat  Conon ,  par  ses  excommunications ,  avait 
soulevé  contre  lui  une  portion  de  l'empire,  et  que  la  haute 
noblesse  avait  convoqué  urte  diète  à  Wurtzbourg ,  afin  de 
procéder  à  sa  déposition,  il  quitta  précipitamment  l'Italie, 
pour  aller  au-devant  du  danger  qui  le  menaçait. 
Falconischron.  Conon  cn  était  parti  pour  aller  joindre  le  pape  Gélase, 
?r'r  ^"^  ""  1^^^  arrivait  en  France.  Ce  pontife  étant  tombé  malade  à 
Cluni,  et  se  voyant  près  de  mourir,  donna  à  l'évêque  de 
Palestrine  un  témoignage  éclatant  de  la  haute  estime  qu'il 
avait  de  sa  capacité  :  il  proposa  aux  cardinaux  de  l'élire  a  sa 
place,  dès  cju'il  serait  mort.  Mais  Conon,  loin  d'être  ébloui 
de  l'éclat  de  la  tiare,  s'éci'ia  :  «A  Dieu  ne  plaise,  que  je 
«  me  charge  ,  moi  indigne  ,  d'un  fardeau  honorable  à-la- 
«  vérité ,  mais  aii-dessus  de  mes  forces ,  sur-tout  dans  un 
«  temps  où  le  Saint  siège  exposé  à  la  persécution,  a  besoin, 
«  pour  se  soutenir,  d'un  homme  puissant  dans  le  monde. 
«  Si  vous  m'en  croyez ,  nous  élèverons  à  ce  poste  dangereux 
«  l'archevêque  de  Vienne,  qui  joint  au  crédit  et  à  la  nais- 
«  sance  la  prudence  et  la  piété,  j)  C'était  l'archevêque  Gui , 
légat  comme  lui  du  Saint  Siège,  et  professant  les  mêmes 
principes  que  lui  sur  les  investitures.  Il  était  fils  de  Guillaume- 
le-Grand,  comte  de  Bourgogne,  oncle  d'Adélaïde  de  Savoie, 
reine  de  Fiance ,  et  parent  de  l'empereur  ;  il  fut  élu ,  le 
i*""^  février  1119.  par  les  cardinaux  présens,  et  agréé  par 
ceux  qui  étaient  restés  à  Rome  ;  il  prit  le  nom  de  Calixte  II , 


II. g. 


CONON,  GARD.  ÉVÈQ.  DE  PALESTRINE.   35 

et  il  justifia,  par  la  sagesse  de  son  administration,  les  hautes  '. 

espérances  qu'on  avait  conçues  de  son  pontificat. 

Le  nouveau  pontife,  après  avoir  été  couronné  à  Vienne  en     cinon^Man- 

Dauphiné,  le  dimanche  de  la  quinquagésime,  g  février  1 1 19,  """  ^'"     '' 

chargea  l'évéque  de  Palestrine  d'aller  annoncer  au  roi  Louis 

le  Gros  l'exaltation  de  son  oncle  «u  souverain  poirtificat. 

En  passant  par  Vézelai ,  Gonon  prit  connaissance  des  excès 

que  les  satellites  du  comte  de  Nevers  avaient  commis  sur 

les  rehgieux  de  cette  abbave.  Il  en  écrivit  à  Hugues,  évêque  Spi^'-  in- fol. 
j    AT  1    ■  j  '  .-        '1  VI         '  V  •     *■         t.  II,  p.  5l3. 

de  JNevers,  lui  dénonçant  qu  u  avait  lance  1  excommunication  ^ 

contre  les  coupables,  avec  menace  d'excommunier  le  comte 
lui-même ,  si ,  avant  la  mi-carême ,  il  ne  les  amenait  à  satis- 
faction. 

Gependant  l'empereur,  pour  conjurer  l'orage  excité  contre 
lui  par  Gonon,  avait  promis,  dans  une  assemblée  tenue  à 
Tribur,  qu'il  entrerait  en  accommodement  avec  le  nouveau 
pape  ;  mais  comme ,  dans  cette  assemblée ,  on  avait  élevé  des 
doutes  sur  la  validité  des  excommunications  lancées  par  le 
légat,  Gonon  écrivit  à  Frédéric,  archevecjue  de  Cologne:  ^'(['^."t'f'"'^]'' 
ce  II  y  a  parmi  nous  de  foux  frères  qui  prétendent  qu'il  ne  G64.  ' 
«  m'appartenait  pas  d'excommunier  l'empereur,  parce  qu'il 
«  n'est  pas  de  mon  diocèse  :  au  nom  de  Dieu,  n'écoutez  pas 
«  ces  discours  cjui  pourraient  vous  détourner  du  bon  parti 
«  que  vous  avez  embrassé.  Je  leur  réponds,  de  la  part  du 
«  Pape ,  que ,  quoique  l'empereur  ne  soit  pas  soumis  à  ma 
«juridiction  épiscopale ,  cependant,  autorisé  par  le  Saint 
«  Esprit  et  par  l'exemple  des  Saints  Pères ,  j'ai  du  l'excom- 
«  munier  pour  un  si  grand  crime ,  attendu  que  Saint  Am- 
«  broise,  qui  n'était  ni  pape,  ni  patriarche,  ni  légat  de  l'église 
«  romaine,  excommunia  l'empereur  Théodose,  dont  la  faute 
«  n'avait  pas  été  commise  à  Milan ,  mais  à  Thessalonique. 
«  Quelques  faux  frères  nous  ont  mandé  que  vous  avez  fait 
«  votre  paix  avec  l'empereur;  mais  ni  le  Saint  Père,  ni  moi, 
«  ne  voulons  le  croire ,  jusqu'à  ce  que  nous  l'apprenions 
«  de  vous-même.  » 

Gonon,  après  avoir  rempli  sa  mission  auprès  du  roi  de  Chron.JVlauriu. 

France,  rejoignit  le  Pape  dans  l'Auvergne,  et  parcourut  avec  '^'^' 

lui  une  grande  partie  de  la   France ,  jusqu'au  concile  de 

Reims ,  C[ui  s'ouvrit  au  mois  d'octobre.  Parmi  les  prélats  cjui 

s'y  distinguèrent  le  plus ,  on  remarque  le  cardinal  Gonon , 

qui ,  au  rapport  d'Orderic  Vital ,  fit  l'ouverture  du  concile      Ord.  vital , 

£2  liL.XII,p.858. 


36        CONON,  GARD.  ÉVÈQ.  DE  PALESTRINE. 

XII  SIECLE,  pai-  un  discours  sur  les  devoirs  des  pasteurs  envers  les 
peuples,  et  fut  un  des  prélats  choisis  pour  discuter  les  ques- 
tions qui  devaient  y  être  proposées  :  Hi  niininini  prœ 
ornjiibus  aliis  quœstioncs  suhtiliter  discutiehant ,  etmirâeru- 
ditione  imbiiti,  responsa  uhertiin  proferehant. 

Labbe,  Concii.       j^^  Pape  s'était  flatté  qu'il  terminerait  dans  ce  concile  la 

t.  X,  col.  875.  11    '^  1  •  •  ^    Ti  •  •      '    i>  11' 

querelle  des  investitures.  11  avait  quitte  1  assemblée  pour 
aller  jusquà  Mouson  au-devant  de  l'euipereur,  qui  devait 
ratifier  dans  une  conférence  des  propositions  d'accommode- 
ment ,  lesquelles  semblaient  ne  laisser  plus  d  obstacle  à  une 
reconciliation.  Mais  s'étant  aperçu  qu'on  n'agissait  pas  de 
bonne  foi  avec  lui ,  il  reprit  le  chemin  de  Reims ,  où ,  en  termi- 
nant le  concile,  il  lança  l'excommunication  contre  l'empereur. 
Il  partit  ensuite  pour  l'Italie ,  laissant  en  France  l'évêque  de 
Palestrine,  pour  continuer  sa  légation. 
Labbe ,  iôiW.  Ce  fut  Cil  Cette  qualité  qu'il  tint  un  concile  à  Beauvais, 
col.  882.  jg    jg  octobre   1120.  Quoiqu'on  voie,  par  la   vie  de  Saint 

Arnoul ,  évêque  de  Soissons,  que  de  grandes  affaires  y  furent 
traitées,  nous  n'en  connaissons  que  ce  qui  a  rapport  à  la 
canonisation  de  ce  saint  personnage.  Mais,  dans  un  concile 

au'il  convoqua  à  Soissons  l'année  suivante,  il  fut  question 
"une  affaire  bien  différente.  Un  homme  célèbre  dans  son 
temps  par  ses  talens ,  ses  faiblesses  et  ses  malheurs ,  et  qui 
encore  aujourd'hui  inspire  quelque  intérêt,  Abélard  fut  le 
principal  objet  de  cette  assemblée,  dont  il  a  tracé  lui-même 
l'histoire  en  ce  qui  le  concerne. 
Hist.  littér.       Nous  lie  répéterons  pas  ce  cjui  a  été  dit  à  son  sujet  dans 
t.  XII,  p.  93  et  iç  volume  précédent  de  notre  histoire.  Nous  dirons  seule- 
^'^T  II       i-j   nient  qu' Abélard  donne  à  entendre  que  le  légat  n'était  pas 

Labbe,   ibid.     .  ^     /     i  i  ■-  i    '    i        •  /~P  "■ 

col.  887.  fort  verse  dans  les  matières  theologiques.   Un  peut  croire 

que  c'est  l'orgueil  humilié  qui  a  dicté  ce  jugement,  car 
Orderic  Vital,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  nous  donne  du 
légat  une  idée  toute  différente. 

Le  pape  Calixte  s'étant  rendu  maître  de  la  personne  de 
l'antipape  Burdin  ,  les  négociations  pour  l'extinction  du 
schisme  et  pour  la  paix  avec  l'empereur  ne  tardèrent  pas  à 
se  renouer.  Ces  cii'constances  rappelèrent  le  légat  auprès 
du  souverain  pontife  ;  mais  il  n'eut  pas  la  satisfaction  de  voir 
conclure  cette  paix  si  désirée,  et  pour  laquelle  il  avait  tant 
travaillé  :  la  mort  le  surprit  à  Palestrine,  le  9  août,  non  de 
Gosse,  iiist.  l'an  II 17,  comme  on  lit  dans  Bollandus  ,  mais  de   1122, 

d'Arr.  p.  410.  '  ^  ^  ' 


CONON,  GARD.  ÉVÊQ.  DE  PALESTRINE.   87 

Î)eu  de  temps  avant  que  les  préliminaires  de  la  paix  avec    ^n  SIECLE, 
'empereur  eussent  été  signés  dans  l'assemblée  de  Worms, 
le  8  septembre  suivant. 

Pendant  ces  funestes  altercations  ,  Conon  s'acquit ,  au  Baron,  ad  an. 
jugement  du  cardinal  Baronius,  une  gloire  irnmortelle,  dans  "'*• 
un  temps  où  l'église  romaine  éprouvait  tant  de  violences  : 
«  Dieu  permettant,  dit-il,  que  ce  qui  mancpiait  de  vigueur  ^ 
«  dans  le  chef,  fut  compensé  dans  les  membres.  »  Il  est 
certain  que  Conon  déploya  dans  ce  conflit  un  grand  carac- 
tère ,  et  une  fermeté  à  toute  épreuve  ;  mais  on  est  fâché  de 
le  voir  toujours  armé  d'anathêmes ,  et  répandre  à  pleines 
mains  les  excommunications.  Nous  pensons  que  c'est  abuser 
du  pouvoir  des  clefs,  que  de  l'employer  dans  la  discussion 
des  matières  politiques;  mais  la  ndélité  de  l'histoire  exige 
qu'on  rapporte  les  choses  comme  elles  se  sont  passées.  On 
est  étonné  qu'en  France  on  ait  permis  au  légat  Conon  de 
prodiguer  les  excommunications  contre  l'empereur  d'Alle- 
magne, dans  une  affaire  qui  touchait  aux  intérêts  de  tous 
les  souverains  :  mais  tel  était  alors  l'empire  de  l'opinion 
fondée  sur  les  fausses  décrétales.  Peu  de  gens  étaient  en  état 
de  s'élever  au-dessus  des  opinions  reçues  ;  les  meilleurs 
esprits  payaient  le  tribut  à  leur  siècle.  Ives  de  Chartres,  qui  ivonis  ep.  236, 
connaissait  les  principes  et  les  anciens  canons  mieux  que 
les  autres,  n'en  fut  pas  tout-à-fait  exempt;  il  regardait  le 
privilège  des  investitures,  accordé  à  l'empereur  par  le  pape, 
comme  une  prévarication  excusable  par  son  motif,  mais  il 
n'avait  garde  de  taxer,  comme  tant  d'autres,  cette  conces- 
sion d'hérésie. 

SES  LETTRES  OU  DÉCRETS. 

En  faisant  l'histoire  du  cardinal  Conon ,  nous  avons  déjà 
indiqué  la  plupart  de  ses  lettres  que  les  ravages  du  temps 
ont  épargnées.  Il  ne  reste  plus  qu'à  mettre  sous  les  yeux  du 
lecteur  les  endroits  des  livres  où  l'on  peut  les  trouver. 

1°    Le  continuateur  du  Recueil  des  historiens  de  France         Bouqnet , 

en  a  publié  quatre  qui  n'avaient  pas  encore  vu  le  jour.  Elles  ^'  ^^^'  P-  ^°9 

sont  intéressantes  pour  l'histoire  de  l'église  de  Metz,  soumise 

alors  à  l'Empire,  en  ce  qu'elles  nous   font  connaître  l'état 

de  ces  contrées  pendant  la  querelle  des  investitures. 

2*^  On  trouve  de  lui  un  décret  publié  par  D.  Mabillon ,      Mab.  Annal. 

^  t.V,p.  694. 


38         ARNAUD,  ABBÉ  DE  S.-PIERRE-LE-VIF. 

XII  SIECLE,    portant  décision  d'un  procès  entre  l'abbaye  du  mont  Saint- 

Quentin  ,  et  celle  de  Saint -Vast  d  Arras. 
Antiq.fieBeau-       3°    Pierre  Louvct  cu    rapporte  un   autre   en  faveur   de 
vais,  1. 1,  p.  620.  l'abbesse  de  Saint -Paul  de  Beauvais   contre  les   chanoines 

de  Milli. 
Spicii.  in -fol.       4°  Nous  dcvons  à  D.  Luc  Dachéri  la  connaissance  d'un 
t.  II,  p.  5i3.      décret  de  lëvêque  de  Palestrine,  portant  excommunication 
de  quelques  satellites  du  comte  de  Nevers,  pour  avoir  com- 
mis des  violences  contre  les  moines  de  Vézelai,  sujets  immé- 
diats du  Saint  Siège. 
Spicii.   ihiâ.       50    Ljj   même   Dachéri  a  publié  une  lettre  de  Conon  à 
P"  ^^^'  Josceran,  évêque  de  Langres,  dans  laquelle  il  se  plaint  du 

déni  de  justice  qu'éprouvait,  de  la  paît  de  ce  dernier,  l'abbé 
de  Saint-Pierre-le-Vif,  à  Sens. 
Mariene,Ainpi.       6°  Nous  avous  déjà  dit  qu  on  contestait  au  légat  Conon 
coll.  t.  I,  col.  jg  (Ifoit  d'excommunier  l'empereur,  qui,  disait-on,  n'était 
004.  .       •■11      f^  -         1  ^  ^  .1  '       ■         1 

pas  son  justiciable.  Lonon  repond  a  cette  allégation  dans 

une  lettre  à  Frédéric,  archevêque  de  Cologne,  publiée  par 

D.  Martene. 

Boii.  i3  janu.       7°  Oii  attribue  encore  à  Conon  l'épitaphe  du  bienheureux 

p.  83'..  Heldemare,   qu'on    ht  dans   BoUandus   et  dans   le    Gallia 

t.  ni,  col  43*4!   Christiana  ;  mais  le  dernier  historien  de  l'abbaye  d'Arrouaise 

Gosse,  p.  i3.    estime  qu'elle  est  l'ouvrage  d'un  écrivain  postérieur.         B. 


««^v«>v«'^«' 


ARNAUD, 

ABBÉ  DE  S.-PIERRE-LE-VIF,  A  SENS. 

U  N  grand  zèle  pour  enrichir  de  livres  la  bibliothèque  de 
son  monastère ,  et  quelques  lettres  qui  nous  restent  de  cet 
abbé,  nous  autorisent  à  lui  consacrer  un  petit  article  dans 
cette  histoire. 
Spicii.  in -fol.  Résolu  d'abdiquer  la  prélature  de  son  monastère,  cju'il 
in,  p.  484-  avait  gouverné  clepuis  l'an  1096  jusqu'à  11 23,  il  fit  dresser 
le  catalogue  des  livres  qu'il  avait  procurés  à  .sa  bibliothèque, 
en  remplacement  de  ceux  qu'un  incendie,  arrivé  Tan  1093, 


ARNAUD,  ABBÉ  DÉ  S.-PIERRE-LE-VIF.         89 

avait  détruits.  Ce  catalogue  n'est  pas  bien  long;  il  ne  contient  ^H  SIECLE, 
que  vingt  articles;  iliais  il  est  curieux  en  ce  qu'il  nous  fait 
connaître  dans  quel  ordre  on  lisait  alors  l'écriture  sainte  à 
l'office  fie  la  nuit,  et  quels  étaient  les  ouvrages  des  pères 
qu'on  y  entremêlait.  Labbé  Arnaud  mettait  tant  d'impor- 
tance à  la  confection  de  ses  livres,  qu'il  préparait  lui-même 
le  parchemin ,  le  distribuait  ensuite  à  ses  copistes  ;  mais , 
plus  soigneux  encore  de  les  conserver,  il  fit  dresser  ce  cata- 
logue, pour  servir  li  les  retrouver,  s'ils  venaient  à  s'égarer. 
Il  était  d'ailleurs  défendu,  sous  peine  d'excommunication, 
de  les  vendre ,  et  même  de  les  prêter  au-dehors  à  qui  que  . 
ce  fût. 

2°  Lettre  d'Arnaud  à  Daimbert,  archevêque  de  Sens,  dans    Baïuz.Misceii. 
laquelle  on  voit  qu'étant  en  procès  avec  ce  prélat ,  Arnaud  t-  VI ,  p.  430. 
avait  fait  le  voyage  de  Rome,  peur  se  plaindre  des  vexations 
qu'il  éprouvait  de  sa  part,  et  que  le  pape,  faisant  droit  à 
ses  griefs ,  avait  enjoint  au  légat   Hugues ,  archevêque  de 
Lyon ,  de  lever  les  excommunications  ,  et  de  prendre  con- 
naissance   de   l'aftaire.  Baluze   rapporte    cette    lettre  ,  ainsi 
qu'une  autre  du  légat  à  l'archevêque  Daimbert,  à  l'an  i  lo/j; 
mais  le  continuateur  du  Recueil  des  historiens  de  France         Bouquet , 
prouve  qu'elles  ne  peuvent  être  que  de  l'an  logg.  t.  xiv,p.  yg";. 

3°  Le  roi  Louis -le -Gros  étant  en  guerre  avec  le  roi 
d'Angleterre ,  et  Thibaud ,  comte  de  Chartres ,  donna  ordre 
à  l'abbé  de  Saint-Pierre-le-Vif  de  fortifier  le  faubourg  où  est 
situé  ce  monastère,  et  de  veiller  à  sa  défense.  —  Le  même  Bouquet, t. XV, 
prince  ayant  demandé  à  l'abbé  un  emplacement  pour  can»-  P'  ^^3; 
tonner  les  lépreux  de  la  ville,  Arnaud  lui  représente,  au 
nom  des  religieux,  cpe  le  voisinage  de  ces  pestiférés,  beau- 
coup trop  multipliés  ,  leur  était  devenu  insupportable  et 
dangereux  :  il  prie  le  roi  d'approuver  la  mesure  cju'il  avait 
prise  ,  de  concert  avec  l'archevêque  ;  de  les  transférer 
ailleurs.  Ces  deux  lettres  ont  été  publiées  pour  la  première 
fois  dans  le  Recueil  des  historiens  de  France.  Spicil.  in- foi. 

4°  Lettre  d'Arnaud  à  Josceran ,  évêque  de  Langres,  rek-  P-  482. 
tive  à  un  procès  qu'il  avait  avec  les  abbés  de  Molême  et  de 
Réomé,  ou  Moûtier -Saint- Jean ,  au  sujet  de  la  dîme  et 
du  fief  {censwn)  des  Ricei  et  de  Pouilli ,  qu'ils  avaient  acquis 
des  comtes  de  Montbar  ,  quoique  ces  objets  eusseï  t  été 
donnés  auparavant  au  monastère  de  Saint-Pierre-le-Vif. — 
Une  autre  lettre  à  Bernard,  abbé  de  Moûtier-Saint-Jean , 
est  i-elative  à  la  même  affaire.  B. 


4o  AUTEUR  ANONYME 


XII  SIECLE. 


ANONYME, 

AUTEUR    D  UNE    PASSION    DE    jÉSUS-CHKXST    EN    VERS. 

^"7209,  gr.     tJ  N    manuscrit    Français   de    la    Bibliothèque    impériale, 
in-fol.  dont  l'écriture  paraît  de  la  fin  du  XIIP  ou  du  commence- 

ment du  XIV^  siècle  ,  contient ,  entre  autres  pièces  du  XIF, 
une  Passion  de  J.  C.  en  vers  (a).  L'auteur  n'est  point  nommé; 
et  le  titre ,  écrit  en  rouge ,  est  ainsi  conçu  : 

Ceste  est  la  Ystoire  dou  nostre  Seignor  Yhesiis  Ciist ,  et 
cornent  il  soji/ri  passion  et  tonnent  et  mort  por  sain'ement 
de  la  humaine  généracion,  et  por  gieter  les  armes  (âmes) 
hors  dou  limbe  d'enfer  qui  estaient  enténébrés. 

L'ouvrage  contient  i442  vers;  en  voici  le  commencement  : 

Celi  qe  sa  qe  tôt  est  nient 

Se  no  à  servir  au  roi  omnipotent 

M'a  fait  garder  en  ma  mémoire 

Dont  ai  eslit  toutes  les  jstoire 

La  plus  veraie  et  la  meilor  ; 

Ce  est  celle  dou  nostre  Seignor 

Yhesu  Crist  le  douz  fil  Marie ,  etc. 


Aisi  com  l'ai  apris  en  la  scriture, 
L'ai  mis  en  roman  tout  à  droiture, 
Por  la  membrance  d'une  pucelle 
Qi  est  moût  franche ,  cortoise  et  belle. 

On  croirait  ici  que  ce  n'est  point  un  simple  mouvement 
de  piété  qui  porte  l'auteur  à  entreprendre  cet  ouvrage,  et 
que  c'est  aussi  l'envie  de  plaire  à  sa  dame  ;  mais  on  voit , 
par  les  vers  suivans,  que  cette  dame  n'est  autre  que  la  Vierge 
Marie. 

Ce  est  ma  Dame  de  cui  hom  sui , 

La  ne  vois  (b) ,  la  sage ,  et  por  cui 

Auront  les  buens  joie  et  confort 

De  garantir  ses  armes  da  mort. 

,  (a)  Elle  commence  xu  folio  aa  verso  ^  et  finit  au  bas  au  folio  60  verso. 
{b)  Ces  mots  sont  ainsi  dans  le  manuscrit;  mais  ils  ne  p;'ésentent  aucun  sens. 


D'UNE  PASSION  DE  J.  C.  4i 

L'auteur  remonte  d'abord  jusqu'à  la  création  du  monde ,    Xll  siècle. 
mais  il  s'interrompt  bientôt,  pour  entrer  dans  son  sujet. 

De  tôt  en  primier  il  fist  les  Angles , 

Ou  les  Chérubins,  et  les  Archangles, 

Por  chanter  la  grant  doucor 

Del  père  et  dou  fil  cascun  jor. 

Et  pois  créoit-il  tôt  le  monde 

Itant  com  il  veit  à  la  réonde. 

Et  de  ce  me  voil-je  taisir, 

Qe  il  fist  tôt  qant  li  fu  à  plaisir, 

Qe  trop  seroit  longe  niatire 

A  reconter  tôt  et  à  dire ,  etc. 

La  vie  même  de  Jésus  est  fort  abrégée;  mais,  parvenu  à 
la  Passion,  l'auteur  en  raconte  toutes  les  circonstances.  Il 
finit  par  cet  épilogue  ,  précédé  de  quatre  vers  latins  rith- 
iniques ,  qui  sont  rimes  à  l'hémistiche  et  à  la  fin  : 

Hic  finitur  Passi'o  nostri  Sahatotis 

Nostra  est  redemptio  pena  creatoris 

Ipsa  resurectio  lux  existât  rohoris 

Pro  qiiam  justa  concio  i>itat  iter  netnoris. 

Ci  por  fenist  la  grant  ystoire 

De  Yhesu  Christ  le  roi  de  gloire  ; 

Cornant  il  fu  pris  et  liez, 

Ses  mans ,  ses  piez  fu  encloez , 

D'au  destre  laht  (côté)  il  fu  feruz 

Sus  en  la  croiz  dais  niescreuz. 

Et  por  nostre  rédemption 

Il  soufri  mort  et  passion  ; 

Com  il  est  voir  (vrai)  et  je  le  croi 

Hé  !  sire  Diex  ,  saintisnie  roi , 

Perdonez  moi  toz  mes  péchiez 

Et  me  gardez  d'aversitez. 

Rien  dans  le  manuscrit,  ni  dans  aucune  partie  de  l'ou- 
vrage, ne  peut  servir  à  en  fixer  la  date;  le  langage  seul 
indique  qu'il  est  du  commencement  du  XIP  siècle,  et  on  ne 
le  croit  pas  postérieur  à  ii25.  G. 


Tome  XIII. 


Xn  SIECLE. 

GUILLAUME    IX, 

COMTE  DE  POITOU,  ET  DUC  D'AQUITAINE. 

SA  VIE  ET  SES  ÉCRITS. 

On    trouve    déjà   sur   Guillaume  IX  («)  un   article  assez 
p.  S; -44.      étendu,  dans   le  volume    XI    de  cette   histoire,   mais  il  y 
est  sur-tout  considéré  comme  personnage  historique.  Il  le 
sera  principalement  ici  sous  le  point  de  vue  littéraire. 

C'est  à  ce  prince  que  l'on  fait  remonter  l'origine  de  la 
poésie  provençale ,  parce  cpi'il  est  le  premier  dont  quelques 
productions  soient  parvenues  jusqu'à  nous.  Né  en  1071  ,  il 
Giuntaaiievite  n^Qm^ut  cu  II 27.  Crcscimbeni  dit  qu'il  florissait,  et  il 
te/i^aïf  ^'°"  serait  plus  exact  de  dire  qu'il  commençait  à  fleurir  en  i  loo; 
mais  il  est  vraisemblable  que  la  poésie  provençale  était  née 
vers  le  milieu  du  siècle  précédent ,  temps  où  la  langue  com- 
mençait à  se  perfectionner  ,  et  à  devenir  susceptible  des 
formes  et  des  combinaisons  poétiques.  A  cette  époque , 
de  fréquentes  communications  s'étaient  établies  entre  le 
midi  de  la  France  et  l'Espagne ,  dont  la  reine  (  Constance , 
épouse  d'Alphonse  VI)  était  française.  Alors  aussi  les  Arabes, 
ou  Sarrasins,  cjuoique  vaincus  par  les  Espagnols,  avaient 
gardé  à  Tolède  leurs  écoles  pour  les  sciences  et  l'exercice  de 
leurs  arts.  Huet  {b)  et  Massieu  (c)  en  France,  Le  Quadrio  (r/) 
en  Italie,  et  plusieurs  autres  auteurs,  ont  reconnu  que  ce  fut 
des  Arabes  que  la  rime  passa  aux  Provençaux  ,  qui  nous 
l'ont  transmise.  Les  Troubadours  imitèrent  des  Arabes  autre 
chose  encore  que  k  rime  :  ils  leur  durent  aussi  la  forme  de 
quelques  morceaux  de  poésie,  et  quelques  usages  observés 
chez  les  deux  nations  parmi  les  poètes ,  comme  l'abbé  Andrès 
le  prouve  dans  son  Histoire  générale  de  la  littérature  (e). 

(a)  Il  n'est  guère  désigné  dans  les  manuscrits  que  sous  le  nom  de 
Coms  de  Pcityeu.  —  [U)  Lettre  à  Segrais  sur  l'origine  des  romans.  — 
(c)  Hist.  de  la  poésie  française,  Paris,  1739,  in-12,  p.  82.  —  [d)  Storia 
e  ragione  d'  ogni  poesia,  tom.  VI,  lib.  II,  p.  299.  —  [c)  Origine,  pro- 
gressi e  itato  attuale d'  ogniletteiatiira ^  Parnia,  1782  ,  in-4",  t.  I,  chap.  XI. 


GUILLAUME  IX,  COMTE  DE  POITOU.  43 

Les  premiers  essais  poétiques  des  Provençaux  furent  sans    ^^  SIECLk. 
doute  imparfaits  et  grossiers  ,  comme  l'ont   été   ceux   des 
nations  les  plus  célèbres  dans  les  lettres  :  sans  doute  aussi 
l'on  dédaigna  de  recueillir  et  de  conserver  ces  essais  informes; 
et  il  ne  fallut  pas  moins  d'un  demi-siècle  d'exercice  de  l'art, 
pour  qu'il  parvînt  au  degré  de  perfection  que  l'on  reconnaît 
dans  les  poésies  de  Guillaume  IX.  «  On  remarque ,  dit  l'abbé 
«  Millot  ,   dans   les   vers    de  cet  illustre   troubadour ,  une     jnst.  liu.  des 
ce  facilité,  une  élégance  et  une  harmonie  dont  les  premiers  Troubadours  , 
«essais  de   l'art  ne  sont  point  susceptibles  3).  Quant  à  la  t^'i'-'  • 
licence  qui  y  règne ,  il  fout  l'attribuer  en  partie  aux  moeurs 
de  son  temps ,  et  peut-être  encore  plus  aux  siennes. 

Tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  de  lui  l'ont  représenté 
comme  doué  de  tous  les  avantages  de  la  figure,  de  la  valeur 
et  de  l'esprit,  mais  d'une  corruption  de  mœurs  scandaleuse 
même  dans  ce  siècle ,  où  la  corruption  était  extrême  ;  d'un 
caractère  ouvert  et  enjoué,  mais  trop  sujet  à  avilir,  par  de 
basses  bouffonneries ,  sa  dignité  de  prince  et  son  talent.  On 
conserve  encore  à  Niort  la  tradition  d'un  trait  de  libertinage 
unique  peut-être  dans  son  genre.  Guillaume  y  avait  fait 
bâtir,  pour  son  usage,  une  maison  de  débauche,  en  forme 
de  couvent,  divisée  en  cellules,  gouvernée  par  une  abbesse, 
ou  prieure,  et  oii  toutes  les  sortes  de  prostitutions  étaient 
soumises,  comme  le  sont  les  exercices  monastiques,  à  des 
pratiques  régulières.  On  l'a  accusé  d'avoir  répudié  sa  femme 
Philippe,  dite  Mahauld ,  ou  Mathilde,  et  d'avoir  épousé,  du 
vivant  même  du  vicomte  de  Chàtelleraud ,  Malberge,  femme 
de  ce  seigneur.  On  dit  que  l'évêque  de  Poitiers  voulut  punir 
cet  adultère,  et  commenta  ,  en  présence  du  comte,  la  formule 
d'excommunication.  Guillaume  le  menace  de  son  épée  ; 
l'évêque  demande  un  moment ,  comme  s'il  eut  voulu  se 
rétracter;  il  en  profite  pour  achever  la  formule  :  Frappez 
maintenant ^  dit-il, ye  suis  prêt.  —  Non,  répond  le  prince, 
Je  ne  t'aime  point  assez  pour  t'erwojer  en  paradis  ;  et  il  l'en- 
voya en  exil. 


Cette  excommunication  est  attestée  par  la  chronique  de 
lillesais,  sous  l'an  iii4'»  et  par  une  lettre  de  Geoftroi  de 


Mailles 


Yo)'.  Lahbe . 


Vendôme  au  pape  Paschal  II  ;  mais  ni  l'une  ni  l'autre  ne  par-  Bibiioih.    mss 
lent  du  sujet  de  l'excommunication.  Besli ,  abbé  de  Vendôme,  ''  ^'  '''  ^''  ' 
n'a  rien  dit  de  l'excommunication  même ,  dans  son  Histoire 
de  Poitou ,  sans  doute  parce  que  le  motif,  quel  qu'il  soit ,  de 
cette  censure  ecclésiastique  aurait  contredit  les  éloges  qu'il 

Fa 


44  GUILLAUME  LX,  COMTE  DE  POITOU. 

xil  SIECLE,  donne  au  comte  Guillaume,  même  sur  le  chapitre  des  mœurs. 
La  notice  qui  précède  les  poésies  du  Comte,  dans  les  manus- 
crits provençaux ,  est  plus  sincère  :  elle  convient  qu'il  était 
grand  trompeur  de  dames,  qu'il  courut  sans  cesse  par  le 
monde,  cherchant  des  dupes  de  sa  coquetterie ,  mais  que  du 
reste  il  sut  bien  trouver,  et  bien  chanter.  D'ailleurs,  l'obscénité 
de  ses  vers  dépose  assez  des  désordres  de  sa  vie.  Il  n'en  avait 
pas  moins  cédé  à  la  manie  dévote  de  son  siècle,  en  partant 
pour  la  première  croisade ,  laissant  ses  terres  et  son  fils 
encore  enfant  à  la  garde  du  comte  d'Anjou ,  son  cousin ,  et 
les  recommandant  ta  la  protection  du  roi.  Dans  cette  expé- 
dition ,  où  les  croisés  firent  tant  de  fautes  et  de  folies ,  on 
doit  penser  que  Guillaume  ne  fut  pas  celui  qui  en  fit  le 
moins.  Il  eut  le  bonheur  de  revenir  dans  ses  états  vers  la  fin 
de  1 102;  il  chanta  les  fatigues  qu'il  avait  éprouvées,  et  les 
dangers  qu'il  avait  courus ,  dans  un  poème  qui  s'est  perdu , 
et  que  Crescimbeni  désigne  sous  le  titre  de  Voyage  de  Jéru- 
v\>\  supra,     salent. 

Orderic  Vital ,  cpi  avait  lu  ce  poème ,  dit  que  l'on  y 
recoimaissait  la  gaîté  naturelle  de  l'auteur ,  malgré  la  tris- 
tesse d'un  sujet  si  propre  à  l'éteindre.  Dans  une  pièce  cju'il 
avait  composée  à  son  départ  pour  la  Croisade ,  il  prenait  au 
contraire  un  ton  sérieux,  et  même  dévot,  plus  convenable 
à  la  circonstance  où  il  se  trouvait  qu'à  son  caractère.  Il  y  dit 
adieu  au  Limousin ,  au  Poitou ,  aux  vanités  du  monde ,  à  la 
chevalerie  qu'il  aimait  tant,  c'est-à-dire,  non  pas  aux  dan- 
gers et  aux  travaux  de  la  chevalerie ,  mais  aux  plaisirs  et  aux 
fêtes  qui  en  étaient  le  délassement  et  la  récompense. 

Aissy  lays  tôt  quant  amar  suelh 
Cavaleria  et  crguelh 
Et  de  drap  de  color  me  tuelh 
E  bel  causai-  e  sembeli. 

C'est  dans  cette  pièce  qu'il  confie  ses  états  et  son  fils  à  son 
cousin  le  comte  d'Anjou,  et  au  roi.  Il  craint  qu'en  son  ab- 
sence ,  voyant  ce  fils  jeune  et  faible ,  on  ne  lui  déclare  la 
guerre. 

Sil  pros  coms  d'Aiigieu  nol'  socor 

El  bon  rey  de  cuy  ten  honor 

Guerre  farlan  siey  sordeior, 

Quan  lo  veiran  jouen  et  meschi. 


GUILLAUME  IX,  COMTE  DE  POITOU.  45 

II  finit  en  se  jetant  dans  les  bras  de  Dieu  qu'il  implore,    xn  siècle. 
dit-il,  en  roman  (c'est-à-dire,  en  langue  vulgaire)  et  en 
latin , 

Et  en  romans  et  en  lati. 

Mais,  au  retour,  la  joie  d'avoir  échappé  à  tant  de  périls,  et 
de  se  retrouver  au  milieu  des  siens,  lui  avait  rendu  l'essor 
et  la  gaîté  de  son  esprit. 

Dans  l'une  des  pièces  libres  qui  restent  de  lui,  il  raconte 
une  aventure  qu'il  pi'étend  lui  être  arrivée  en  voyage  avec 
deux  dames  qui  ne  le  connaissaient  pas,  et  qui  se  livrent  à 
lui  en  toute  confiance,  parce  qvi'il  leur  fait  croire  qu'il  est 
muet.  Cette  pièce,  connue  en  1667  par  un  ouvrage  de  Rerum  Aquita- 
Hautcserre  ,  pourrait  jjien  ,  selon  l'abbé  Millot ,  avoir  '"ca"^"™- 
servi  d  original  a  Palaprat ,  qui  s'applaudissait  d'avoir  changé 
'l'Eunuque  de  Térence  en  muet,  pour  l'accommoder  à  notre 
théâtre  ;  mais ,  sans  connaître  cet  ouvrage  de  Hauteserre  et 
la  pièce  du  comte  de  Poitou,  Palaprat  pouvait  avoir  pris 
cette  idée  dans  leMazet  deBoccace,  cjui  lui-même  l'avait  peut- 
être  tirée  de  cette  pièce ,  insérée  dans  l'un  des  recueils  de 
poésies  des  Troubadours,  assez  communs  alors  en  Italie,  où 
l'on  en  faisait  beaucoup  de  cas.  Mais ,  au  reste ,  il  est  peu 
vraisemblable  que  Boccace  ait  pris  le  sujet  de  son  conte  dfans 
celui-ci.  Les  détails  n'ont  entre  eux  aucun  rapport,  si  ce 
n'est  l'idée  de  contrefaire  le  muet,  et  encore  avec  quelques 
différences  :  Mazet  feint  de  l'être  complètement  ;  au  lieu  ciue 
le  héros  de  l'aventure  provençale  fait  entendre  des  paroles 
confuses ,  dépourvues  de  sens ,  et  qui  ne  sont  qu'une  espèce 
de  brédouiilement , 

Tarrababart 

Marrababelioriben 

Saramahart. 

Ces  dames  lui  font  aussi  subir  une  très -rude  épreuve, 
dont  les  nones  de  Boccace  ne  s'avisent  pas  :  elles  vont  cher- 
cher le  chcit  de  la  maison,  le  glissent  dans  le  lit,  le  tirent 
par  la  queue,  et  l'excitent  à  déchirer  le  prétendu  muet  des 
giiffes  et  des  dents,  depuis  la  tète  jusqu'aux  pieds. 

Derreire  ni'aportero'l  cat 
Mal  e  fello 

Ed  escorgeron  me  del  cap,   , 
Tro  al  talo. 


46  GUILLAUME  LX,  COMTE  DE  POITOU. 

XII  SIECLE.  La  pièce  est  terminée ,  comme  il  arrive  souvent ,  par  une 
strophe  que  le  poète  adresse  à  son  jongleur.  Elle  est  d'un 
bon  ton  de  plaisanterie.  Tu  iras ,  dit-il ,  dès  le  matin  porter 
mes  vers  à  ces  deux  dames ,  et  les  prieras ,  pour  l'amour  de 
moi ,  de  tuer  leur  chat^ 

E  (liguas  lor  que  pcr  m'amor 
Aucizo'l  cat. 

Dans  d'autres  chansons,  où  le  comte  se  félicite  de  ses 
bonnes  fortunes ,  il  ne  manque  pa^  d'en  remercier  Dieu  et 
M.  Saint  Julien, 

Dieus  en  lau  e  sanh  Julia. 

Ce  dernier  sur-tout  était  le  patron  qu'on  invoquait,  et  que 
l'on  remerciait  en  pareil  cas.  Dans  1  origine ,  c  était  seule- 
ment pour  obtenir  ,  ou  pour  avoir  oljtenu  un  bon  gîte  : 
ce  qui  conduisit  à  le  prier  aussi  pour  cet  autre  genre  d'hos- 
pitalité. 

L'exemple  le  plus  ancien  peut-être  de  l'emploi  des  Fées , 
dans  la  poésie  moderne ,  se  trouve  dans  une  chanson  du 
comte  de  Poitou.  Il  y  parle  de  la  légèreté  de  ses  inclinations, 
et  de  la  diversité  de  ses  penchans ,  et  dit  pour  excuse  : 

Aissi  fuy  de  nueitz  fadatz  (a) 
Sobr  lin  puegau  (i6). 

«  Je  fus  ainsi  doué  par  les  Fées ,  la  nuit  sur  une  mon- 
tagne (c)  ». 

Guillaume  parle ,  dans  une  autre  de  ses  pièces ,  des  ten- 
sons ,  ou  Jeux  partis ,  sortes  de  dialogues  impro^^sés ,  dans 
lesquels  deux  troubadours  s'attaquaient  et  se  répondaient 
en  vers ,  au  milieu  d'assemblées  nombreuses ,  et  devant  des 
seigneurs  et  des  dames ,  qui  donnaient  un  prix  à  celui  des 
deux  qui  avait  montré  le  plus  d'esprit  et  de  talent.  Ces  jeux 

(a)  Les  Italiens  ont  conservé  ce  mot ,  et  disent  fatato  dans  le  même 
sens.  —  {f})  On  dit  encore  en  Auvergne  un  ^«;^-  pour  une  montagne.  — 
(c)  Mallet,  Introduction  à  l'histoire  du  Danemarck ,  et,  d'après  lui, 
Warton  ,  Hist.  of  english  poetrj ,  donnent  pour  origine  aux  Fées  les  Val- 
kyries  des  Scandinaves,  lesquels  répandirent  ces  fictions  lors  de  leurs 
incursions  et  de  leurs  conquêtes  dans  les  Gaules ,  aux  IX''  et  X*'  siècles. 


AUT.  ANON.  DES  COUTUMES  DE  LAON.        4; 

d'esprit  assez  difficiles  existaient  donc  dès  le  temps  de  notre    xil  SIECLE. 

f)oète;  et  c'est  une  raison  de  plus  pour  croire  que,  s'il  est 
e  premier  dont  on  ait  conservé  des  vers,  il  fut  cependant 
Précédé  de  plusieurs  autres  troubadours ,  et  qu'il  trouva 
art  tout  formé.  G. 


ANONYME 


AUTEUR    DES    COUTUMES    DE    LA    VILLE    DE    LAON. 


Lj'établissement  des  'communes  est  un  des  événemens  les 

plus  importans   du  douzième  siècle.  Nous  ne  l'envisaireons 

pas  ici  sous  les  rapports  politiques  ;  ils  sont  étrangers  à  une 

histoire   littéraire  :  la  matière   d'ailleurs  a  été  traitée   avec 

autant  de  clarté  que  de  profondeur  par  le  savant  auteur  du 

discours  préliminaire  du  onzième  volume  des  Ordonnances 

de  nos  rois.  Mais  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  un 

des  plus  anciens  monumens ,  écrits ,  de  l'effet  des  lumières 

et  des  principes  de  la   législation  ;  la  charte  accordée  par 

Louis  VI,  en   1128,  à  la  commune  de  Laon,  charte  qui 

devint  le  modèle  ou  la  règle  de  beaucoup  d'autres  que  les 

villes  obtinrent  de  la  justice  des  rois.  Elle-même,  à  ce  que 

prétend  Guibert,  abbé  de  Nogent-sous-Coucy,  auteur  con-     DeVitâsuà, 

temporain,  avait  eu  celle  de  Noyon  pour  modèle.  Amiens,  ''^iii'P-  5o4. 

Beauvais  ,  Saint-Quentin  ,  Soissons  ,  etc.  reçurent ,   à-peu- 

près  vers  le  même  temps ,  des  concessions  semblables.  Celle 

de  Reims,  donnée  en  11 38,  le  fut  expressément  ad  modum     Voy.  Marlot, 

communiœ  laudunensis.  f-  ^i^  P  ^^G. 

Il  est  rare ,  en  général ,  de  bien  connaître  l'auteur  de  ces 
sortes  d'ouvrages.  Des  incertitudes  s'élèvent  encore  sur  ceux 
à  qui  nous  devons  véritablement  l'idée  et  même  la  rédac- 
tion des  travaux  les  plus  considérables  sur  les  lois  ,  faits 
vers  cette  époque,  ou  sous  les  règnes  suivans.  Ordonnés  ou 
adoptés  par  les  rois,  soit  pour  un  lieu,  soit  pour  l'état  tout 
entier,  ils  ne  nous  parviennent  d'ordinaire  que  sous  le  nom 
du  lieu  auquel  il  furent  destinés,  ou  sous  le  nom  du  prince 


48  AUTEUR  ANONYME 

XII  SIECLE,  qui  les  consacra  par  son  autorité.  Le  rédacteur  des  Cou- 
T.  Yii,p.  287,  tûmes  de  Laon  nous  est  inconnu;  mais  ces  coutumes 
etc.  subsistent,  et  plusieurs  écrivains  les  ont  recueillies;  Baluze, 

p.  481,  cic.  entre  autres,  dans  ses  Miscellanea ;  d'Achery,  au  tome  III  de 
son  Spicilége,  édit.  in-fol.  (tome  XI  de  ledit.  in-4°),  et  Bre- 
quigny,  tome  XI  de  la  collection  des  Ordonnances,  pages  i85 
et  suivantes.  Elles  subsistaient  même  avant  que  Louis  VI 
les  proclamât  par  des  lettres  de  1 1 28  ,  que  1  on  regarde 
ordinairement  comme  l'époque  de  leur  institution.  Mais 
l'évêque  et  les  nobles  s'étaient  armés  contre  leur  établisse- 
ment même;  le  peuple  aussi  s'était  armé  pour  leur  lésister; 
les  troubles,  long- temps  prolongés,  s'appaisèrent  enfin;  et 
Louis-le-Gros  donna  ces  lettres,  qui  reconnaissent  ou  con- 
firment les  droits  réclamés  par  les  bourgeois  de  Laon.  Il 
appelle  cet  acte  institutio  pacis ,  mots  qui  peuvent  indiquer 
l'établissement  d'une  commune  sous  certaines  lois  ;  pax 
désignait  alors  assez  souvent  un  territoire,  une  banlieue;  il 
a  ce  sens  dans  plusieurs  articles  de  la  même  loi  :  mais  les 
circonstances  tumultueuses  où  la  ville  s'était  tiouvée  peuvent 
laisser  croire  que  c'est  ici  particulièrement  le  rétablissement 
p.  vin.  Voir  de  la  paix,  que  le  roi  veut  et  désigne  par  institutio  pacis, 
ssi  la  notée,  commc  le  i^cmarquc  l'auteur  du  discoui's  dont  nous  avons 

,85duu.x,e.   p^^j.l^^ 

Les  statuts ,  ou  lois  de  paix ,  donnés  à  la  commune  de 
Laon  ,  sont  au  nombre  de  vingt-deux  articles  ,  rédigés , 
comme  le  préambule  l'annonce,  du  consentement  des  nobles 
et  des  bourgeois.  Les  premiers  de  ces  articles  contiennent 
principalement  des  dispositions  sur  les  crimes  commis,  sur 
la  manière  de  les  poursuivre  et  de  les  punir.  Les  effets  de  la 
vengeance  privée  troidjlaient  encore  fréquemment  l'ordre 
public  ;  la  loi  défend  à  tout  homme  d'en  arrêter  un  autre , 
sans  l'intervention  du  juge;  si  le  juge  est  absent,  on  pourra, 
jusqu'à  son  retour,  garder  chez  soi  le  préveini,  ou  le  faire 
conduire  dans  la  maison  de  ce  juge  même.  Tout  habitant 
accusé  d'avoir  fait  tort  à  qui  que  ce  soit ,  noble ,  ecclésias- 
tique, marchand,  ou  autre,  doit  venir  s'en  justifier  devant 
le  maire  et  les  jurés  ou  syndics  de  la  commune,  subir  une 
peine  pécuniaire,  s'il  ne  se  justifie  pas,  sinon  quitter  la  ville 
et  son  territoire,  ou  bien  il  pourra  être  détenu  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  payé  la  somme  imposée.  Si  l'accusé  habite  ordinai- 
rement un  autre  lieu,  le  maire  et  les  jurés  le  poursuivront 
devant  son  seigneur,  et  se  feront  justice  eux-mgmes,  s'ils 


aussi 
P 


DES  COUTUMES  DE   LAON.  49 

ne  l'obtiennent  pas  dans  un  temps  déterminé.  Si  l'amende  xii  siècle. 
est  refusée  par  une  personne  à  laquelle  on  aura  dit  ou  fait 
une  injure,  son  refus  ne  l'autorisera  ,  ni  à  réclamer  luie 
autre  punition,  ni  à  se  venger  elle-même.  S'il  y  a  blessure, 
celui  qui  en  sera  l'auteur  paiera  les  frais  de  la  maladie.  Si  l'on 
est  accusé  d'avoir  frappé,  blessé,  ou  tué  son  ennemi,  dans  la 
commune ,  ou  dans  sa  baidieue ,  on  devra  se  purger  avec  ser- 
ment de  l'accusation ,  par  le  jugement  de  Dieu  ;  si  le  délit  a 
été  commis  hors  du  territoire,  et  que  l'existence  en  soit 
prouvée  par  des  témoins  dignes  de  foi,  le  coupable  paiera 
vie  pour  vie ,  membre  pour  meml^re ,  ou  rachètera  ses  mem- 
bres et  sa  vie  par  une  somme  d'argent  que  fixeront  le  maire 
et  les  jurés.  Ceux-ci  chercheront  tous  les  moyens  d'assurer 
l'accomplissement  de  la  justice  envers  un  plaignant  à  qui 
elle  aurait  été  refusée  par  le  seigneur  du  lieu  où  le  délit 
aurait  été  commis,  si  l'objet  de  la  plainte  est  un  crime 
capital.  Ils  feront  justice  aussi ,  dans  le  cas  de  vol ,  si  elle 
n'est  pas  faite  par  le  seigneur  de  la  terre  où  le  voleur  aura 
été  pris. 

Tel  est  l'objet  des  sept  premiers  articles  de  la  concession 
de  Louis-le-Gros.  Le  huitième  pardonne,  à  quelques  excep- 
tions près ,  tous  les  excès  commis  pendant  les  troubles ,  et 
avant  la  présente  loi  ;  il  rétablit  dans  levirs  possessions  tous 
les  bourgeois  qui  en  avaient  été  privés.  Les  obligations  des 
censitaires  envers  leur  seigneur  sont  réglées  dans  le  neu- 
vième article  ,  et  le  quatorzième  dit  h  quelle  condition  seule- 
ment ils  pourront  être  admis  dans  la  commune.  Les  mariages, 
les  dots ,  les  successions  ,  sont  l'objet  du  dixième  et  du 
treizième.  Le  onzième  veut  que,  si  une  personne  i>i/is  et 
inhonesta  dit  des  injures  grossières  à  une  femme,  ou  à  ce 
qu'il  appelle  aussi  honestus  vir ,  tout  citoyen  de  la  commune 
ait  le  droit  de  l'en  punir  à  linstant  même  par  quelques 
soufflets. 

Le  droit  de  main-morte  est  aboli  par  le  douzième  article. 
Le  quinzième  exige  que  tout  homme  qui  sera  admis  dans  la 
commune,  y  apporte  ou  y  acquièie  dans  l'année  une  pro- 
priété suffisante  ,  pour  aue  la  justice  puisse  être  exercée 
envers  lui,  dans  le  cas  où  il  s'élèverait  dfes  plaintes  fondées. 
Le  seizième  admet  à  se  justifier  par  serment  celui  qui  nierait 
avoir  ouï  le  ban  de  la  ville. 

Les  o!)ligations  du  châtelain  ,  la  manière  de  payer  la  taille, 
les   poursuites,  à  exercer  contre  les    ecclésiasticjues   et   les 

Tome  XIII.  G 


5o  LOI  DE  VERVINS. 

XII  SIECLE,  seigneurs,  sont  réglées  par  les  articles  suivans  ;  on  y  garantit 
aux  habitans  qu'ils  ne  pourront  être  contraints  à  aller 
plaider  hors  de  la  commune,  pour  quelque  affaire  que  ce 
puisse  être  ;  enfin ,  ils  promettent  au  i^oi ,  pour  prix  des  con- 
cessions qui  leur  sont  faites ,  que ,  sans  compter  le  service 
militaire,  ils  lui  payeront  annuellement  ti'ois  droits  de  gîte, 
évalués  à  vingt  francs ,  dans  le  cas  oii  le  roi  n'exigerait  pas 
personnellement  cette  redevance. 

Un  vingt-troisième  article  termine  ces  lettres;  il  exprime 
une  réserve,  commune  dans  ces  sortes  d'actes,  des  droits 
généraux  du  prince ,  de  ceux  des  évêques ,  des  ecclésias- 
tiques, et  des  seigneurs. 

Les  lettres  de  Louis -le- Gros  sont  datées,  comme  nous 
l'avons  dit,  de  lan  1128,  et  de  la  vingtième  année  de  son 
règne.  Elles  furent  données  à  Compiègne,  et  portent,  outre 
la  signature  du  roi,  celle  de  Philippe,  son  fils  aîné.  On  sait 
que  ce  malheureux  prince  mourut  peu  de  temps  après,  et 
qu'avant  sa  mort,  son  père  l'avait  associé  au  trône,  et  fait 
sacrer  à  Reims.  P. 


LOI  DE  VERVINS. 

Bibl. française,  J_jACROix  du  Maine  pai'le  d'un  livre  écrit  en  vieux  langage, 
p./,  et  467.  gj.  ij^^j^j^ig  .  /^  i^qI  (Iq  peivins,  au  pays  de  Thiérarche,  en 
Picardie  ,  contenant  un  formulaire  de  justice  ,  tant  civile 
que  criininelle.  Il  ajoute  que  ce  livre  n'a  pas  été  imprimé, 
et  qu'il  y  en  a  un  exemplaire  manuscrit  dans  la  bibliothèque 
de  François  de    l'Alouette,  bailli    du   comté  de  Vertus,  et 

f)résident  de  Sedan,  auteur  d'une  histoire  généalogique  de 
a  maison  de  Coucy  et  de  Vervins.  Lacroix  du  Maine  attri- 
bue cette  loi  à  Thomas  de  Coucy,  de  la  fiimille  illustre  de 
ce  nom,    lequel   florissait   sous  Henri   F'",   l'an    1080,    ou 
environ.  Cette  époque  est  inexacte;  car  Thomas,  seigneur 
de  Coucy  et  de  Marie ,  d'après  l'historien  particulier  de  cette 
p.  G6,auxnot.  maison,  dom  Duplcssis,  ne  succéda  qu'en  1 1 16  à  Enguerran, 
Hisi.  lit.  t.  MI,  son  père,  et  il  mourut  en  i  i3o  :  la  loi  de  Vervins  doit  être 
p  "s^^t  2/^'  à-peu-près  de  ce  temps.  II  est,  par  conséquent,  plus  inexact 
encore  de  prétendre;,  comme  l'a  fait  Boulainvilliers ,  dans 


MATTHIEU,  CARDINAL  EVEQUE  D'ALBANO.   5i 

son  Histoire  de  l'ancien  gouvernement  de  la  Erance ,  qu'elle   xil  SIECLE, 
est  du  milieu   du   XP    siècle.  D'un  autre    côté  ,   le   savant    „,  I 

auteur  du  Discours  préliminaire  du  onzième  volume  de  la 
collection  des  Oi'donnances  de  nos  rois,  en   retarde  trop 
l'époque,  cjuand  il  la  place  à  la  fin  du  XIF  siècle.  On  peut      Page  xiv. 
voir  au  reste  ce  qu'il  a  écrit  lui-même  sur  l'opinion  qu'il 
avait  d'abord  énoncée ,  dans  un  éclaircissement  joint  à  sa     p.  6G  et  G7. 

f)réface.  Vervins  n'avait  passé  à  la  maison  de  Coucy  que  par  Duchesne , 
e  mariage  de  Thomas,  premier  du  nom,  avec  Méîisende  de  Hist.  gén. de  la 
Crécy  ;  Méîisende  n'avait  été  que  sa  troisième  femme ,  et  le  p'^lsq  ^  °^'^^' 
mariage  avec  la  seconde  ne  fut  dissous  que  vers  1 108. 

Pierre  Desfontaines  parle  de  la  Loi  de  Vervins,  et,  d'après 
lui ,  Choppin ,  dans  son  ouvrage  sur  la  Coutume  d'Anjou. 
Ils  annoncent  également  que  c'est  une  des  plus  anciennes 
lois  coutumières  de  Fivmce ,  et  qu'à  Lille ,  et  en  d'autres 
lieux  de  Flandre,  elle  était  le  supplément  ordinaire  des  lois 
particulières  du  pays,  quand  celles-ci  n'avaient  pas  fourni  la 
règle  de  décision  pour  des  cas  qui  se  présentaient.  De  cette 
Loi  de  Vervins,  consistant  en  statut  de  règlement  d'éche- 
vinage  et  police  des  villes  ,  dit  Choppin ,  les  habitans  de 
Saint-Dizier  sont  tenus  d'user  précisément  par  leur  charte 
ancienne  de  Guillavime  de  Dampierre ,  leur  seigneur  ,  et 
comte  de  Flandre,  qui  vivait  en  1220. 

Dans  le  procès-verbal  des  Coutumes  de  Laon ,  imprimé 
au  tome  II  au  nouveau  Coutumier  général,  il  est  fait  mention 
plusieurs  fois  de  cette  ancienne  Loi  de  Vervins ,  et  notam- 
ment dans  les  observations  sur  le  trente-troisième  article, 
sur  le  soixante -quatorzième,  sur  le  quatre-vingt-cincpiième, 
et  sur  le  quatre-vingt-quatorzième.  P 


MATTHIEU, 

CARDINAL   ÉVÉQUE   D'ALBANO. 
SA  VIE  ET  SES  ÉCRITS. 


V^uoiQUE  le  cardinal  Matthieu  ait  composé  des  écrits  dont 
le  judicieiix  Hugues  d'Amiens ,  archevêque  de  Rouen ,  qui  a 

G2 


52     MATTHIEU,  CARDINAL  ÉVÊQUE  D'ALBANO. 

XII  SIECLE,  enrichi  la  littérature  du  moycH  âge  de  tant  de  productions 
~  j^j^^jp^p  de  sa  plume ,  taisait  beaucoup  de  cas  ,  comme  il  le  témoigne 
Anec.l.  t.v,col'  dans  une  de  ses  lettres  à  Matthieu  :  unde  et  scripta  vestra 
9S3.  l(ptl   susciphnus ,   et   i^obis  nosti-a  dirigimus   et  emendanda 

coviinittimus ;  cependant  les  re'dacteurs    de  cette  histoire, 
qui  nous  ont  précédés  dans  la  carrière  c{ue  nous  parcourons, 
se  sont  dispensés  de  faire  un  article  sur  le  cardinal  Matthieu , 
Hist.  iiit.fr.  parce  que,  disent-ils,  ils  ne  connaissaient  point  d'écrit  de 
t.x,pivf.  p.  3  i^i  ^  ou  qu'on  put  lui  attribuer.  Par  la   même  raison,   ni 
*^''*"  Oudin ,  ni  Fabridus,  ni  D.  Rémi  Ceillier,  ne  lui  ont  donné 

place  dans  leurs  catalogues  fies  auteurs  ecclésiastiques  ,  sans 
faire  attention  que  des  écrits  qu'on  croyait  perdus ,  ou  dont 
on  n'avait  aucune  connaissance ,  peuvent  se  retrouver.  C'est 
ce  qui  est  arrivé  plus  d'une  fois  ;  et ,  à  l'égard  de  ceux  du 
cardinal  Matthieu ,  le  hazard  nous  en  a  fait  découvrir  un 
qui  nous  autorisera  à  lui  consacrer  cet  article,  qu'il  eût  été 
juste  de  lui  accorder  à  plusieurs  titres,  comme  ayant  présidé 
à  plusieurs  conciles  de  France  dont  nous  avons  les  actes , 
et  comme  interlocuteur  dans  l'ouvrage  de  Hvigues  d'Amiens , 
intitulé  Dialogues ,  qui  est  une  réponse  aux  questions  de 
Matthieu. 
Aut.  eccies.       Nous  ne  diroHs  pas  avec  D.  Ceillier  qu'il  était  frère  de 
t.   XXIII ,   p.  fj^ig^es  ;  mais  ils  étaient   certainement  parens ,  comme   le 
'°^'  témoigne  ce  dernier  dans  l'épitre  dédicatoire  des  ses  Dia- 

Wartene ,  ihiil.  logucs  :  Nos  eiûm  una  geTieris    consanguinitas  et  ejusdem 
col.  8yi.  professionis    in    Christo   jitnxit  societas  ^   qiios    laiidunense 

solum  educavit  et  docuit ;  sed  te patria  tenait,  me  ohedientia 
exiilem  in  y4nglid  fecit;  te  Paiisius  apud  sanctum  Marti- 
mim  lœtatur  habere  piiorem ,  me  Radin gia  indignum  servat 
ahhatem ,  Mntlluve  frater.  Il  est  évident  que  le  mot  frater 
se  rapporte  ici  à  la  profession  religieuse  qui  leur  était  com- 
mune. 

On  voit  qu'ils  avaient  reçu  l'un  et  l'autre  leur  éducation 
à  Laon ,  sans   doute  à   l'école    du   professeur   Anselme ,  de 
laquelle  sont  sortis  tant  de  sujets  distingués.  Mais  Pierre  le 
Mirac.  liù.  II,  Vénérable  nous  apprend  que  Matthieu  était  né  à  Reims,  ou 
cap.  4-  dans  le  pays  rémois,  in,  r^emensi  pronncid ,  de  parens  nobles 

et  opulens  ;  qu'il  fut  successivement  attaché  au  clergé  de 
Laon  et  de  Reims ,  d'oii  il  se  rendit  <à  Paris  pour  y  embrasser 
la  vie  religieuse  à  Saint-Martin-des- Champs.  Il  était  déjà 
prieur  de  la  maison  ,  l'an  1 1 1 7  ;  mais  Pierre  le  Vénéi'able  , 
qui  connaissait  son  mérite ,  l'attira  à  Cluni  prescpie  aussitôt 


MATTHIEU,  CARDINAL  EVEQUE  D'ALBANO.      53 

qu'il  fut  installé  abbé,  l'an  1122.  L'abbé  Ponce  étant  venu  xil  siècle. 
bientôt  après  dévaster  l'abbaye,  Matthieu  accompagna  son 
abbé  à  Rome,  et  fit  ti'iompher  la  cause  de  Pierre  le  Véné- 
rable  contre   son   compétiteur.   Dans   ce   voyage  ,    le  pape 
Honorius  conçut  pour  Matthieu  une  si  haute  estime,  que, 
voulant  mettre  à  proiit  ses  talens ,  il  le  créa  cardinal  évéque 
d'Albano,  lan    1 126.  Nous  avons  les  lettres  que  Matthieu    Dubois,  Hisi. 
expédia    en    cette    qualité,   et    comme   délégué   du    pape, '^"'■^'^"*''-^^' 
l'an   ii2y,dans  l'affaire  de  l'évéque  de   Paris,  Etienne  de 
Senlis ,  avec  ses  archidiacres  ;  et  ]>ient6t  après ,  le  pape  l'en- 
voya en  France ,  en  qualité  de  légat. 

Revêtu    des    pouvoirs   du    siège   apostoIic|ue  ,    Matthieu 
assembla   plusieurs    conciles;    à   Troyes    en    Champagne ,  Labbe,  Concil. 
l'an  1128,  pour  donner  une  règle  aux  Templiers;  un  autre  '' '  '''o'-y^^- 
à  Rouen,  la  même  année,  où  il  publia  quelques  réglemens    Ord. lib. xil, 
rapportés  par  Orderic  Vital  ;  et  à  Reims  un  troisième,  dont  ^■°^°- 
il  existe  deux  décrets,  l'un  publié  par  Marlot ,  l'autre  par     Marlot,  Hisi. 
les    continuateurs    du   Recueil    des    historiens    de    France.  '^'''"-  '•  H^  P- 
L'an  1 129,  il  convocjua  aussi  deux  conciles,  l'un  à  Chàlons  t.'xv  p^'aG^'' 
sur  Marne,  dans  lecjuel  Henri,  évêque  de   Verdun,  pour  Algérie,  ad  an. 
éviter  la  honte  de  la  déposition,  se  tlémit  de  son  épiscopat  u^g- 
entre  les  mains  du  légat;  l'autre  à  Paris,  pour  prononcer,  Labbe , Concii. 
à  la  demande  du  roi,  l'expulsion  des  religieuses  d' Argenteuil ,  '•  X,  col.  giG. 
et  rétablir  dans  cette  maison  les  religieux  de  Saint-Denis, 
auxquels  elle  appartenait  originairement. 

Le  pape  Honorius  étant  mort,  au  mois  de  février  ii3o, 
Matthieu  s'attacha  au  pape  Innocent  II  contre  Anaclet,  et 
travailla  plus  que  tout  autre  à  le  faire  recevoir  en  France,    Mirac.  iib.  il, 
comme   l'assure  Pierre  le  Vénérable.  L'an  ii3i.   Innocent  cap.  iG. 
l'envoya  en  Allemagne,  où,  en  présence  du  roi  Lothaire,  il 
tint  un  concile  à  Mayence,  dans  lequel  il  fut  procédé  à  l'élec-  Hist.Trev.dipl.- 
tion   d'un    archevêque    de   Trêves,  et  à   la  déposition   de  'i^i'-Si?- 
Brunon ,  évêque  de  Strasbourg.  ^"^'^"'  ^°"f- 

11  arriva  ,  la  même  année ,  un  événement  qui  mit  en  deuil 
toute  la  France  :  le  fils  aîné  de  JjOuis-le-Gros ,  que  son  père 
avait  fait  couronner  roi  deux  ans  auparavant ,  traversant  les 
rues  de  Paris  avec  quelques  jeunes  seigneurs  de  son  âge ,  fit 
une  chute  de  cheval  qui  le  renversa  mor-t.  Le  père  était  Cliron.Mauiin. 
inconsolable.  Le  pape  venait  de  quitter  Paris ,  et  s'achemi- 
nait vers  la  vijle  de  Reims,  où  il  avait  indicpié  un  concile 
pour  le  mois  d'octobre.  A  cette  nouvelle,  le  pape  détacha  de 
sa  suite  l'évéque  d'Albano ,  pour  porter  au  roi  des  paroles 


54     MATTHIEU,  CARDINAL  EVÊQUE  D'ALBANO. 

XII  SIECLE,  (le  consolation  ;  et  ce  fut  à  sa  persuasion  que  le  roi  consentit 
à  faire  sacrer,  par  les  mains  du  pape,  son  fils  puîné,  au 
milieu  de  sa  cour  et  des  évêques  de  tous  les  pays ,  rassemblés 
pour  la  célébration  du  concile.  Après  cela ,  Matthieu  accom- 
pagna le  pape  retournant  en  Italie,  mais  non  au-delà  des 
frontières  de  France;  car  on  le  voit,  la  même  année  iiSa, 
retourné  à  Cluni. 

Il  avait  encouru  la  disgrâce  du  pape  Innocent,  pour  lui 
avoir  fait,  sans  ménagement,  et  n'écoutant  que  la  ferveur 
de  son  zèle ,  des  représentations  qui  déplurent  au  souverain 

PetiiVen.ep.  3  pontife.  En  vain  Pierre  le  Vénéral)le,  faisant  valoir  les  ser- 

'"'  y '  '^-  •  vices  que  l'ordre  de  Cluni ,  et  Matthieu  en  particulier,  avaient 
rendus  au  Saint  Siège ,  intercéda  pour  lui  :  le  pape  fut 
inexorable  ;  il  lui  retira  ses  pouvoirs  de  légat ,  et  le  rappela 
auprès  de  lui.  Il  fallut  obéir,  malgré  la  difficulté  qu'il  y  avait 
de  pénétrer  dans  l'Italie  couverte  des  armées  du  roi  Lothair^ 
et  des  partisans  d'Anaclet ,  malgré  le  mauvais  état  de  la  santé 
du  cardinal,  et  d'autres  raisons  que  Pierre  le  Vénérable  allé- 
guait en  sa  faveiu".  Il  partit  l'an  ii33,  et  demeura  auprès  du 
Mrac.  lib.  II,  pape  jusqu'au  concile  de  Pise,  tenu  fan  ii34,  après  lequel 

cap.  22.  jj  £j^|.  gj^YQy^  ^  Milan  avec  saint  Bernard ,  pour  ramener  à 

l'obéissance  du  pape  Innocent  les  partisans  de  l'antipape 
Anaclet.  Retourné  à  Pise ,  Matthieu  y  mourut  la  même  année 
le  28  décemlire. 

C'était  un  homme  de  mœurs  austères,  fort  zélé  pour  la 
discipline  ecclésiastique,  et  sur- tout  pour  la  réforme  des 
monastères  ,  si  bien  que  le  pape  Honorius  lui  reprochait 
•  d'être  trop  moine.  De  concert  avec  Alvise ,  évêque  d'Arras , 
autre  réformateur  de  moines ,  secondé  par  Renaud  de  IMar- 
tigné,  archevêque  de  Reims,  il  avait  soumis  à  un  même 
régime  les  monastères  de  la  province  de  Reims,  dont  les 
abbés  devaient  s'assembler  tous  les  ans  en  chapitre ,  pour  y 
rendre  compte  de  l'état  de  leurs  maisons  ,  et  remédier  aux 
relâchemens  qui  pourraient  s'introduire.  C'est  le  sujet  d'une 
longue  lettre  qu'il  écrivit  à  une  de  ces  assemblées  ,  dans 
laquelle  lettre  il  témoigne  la  satisfaction  qu'il  a  éprouvée  en 
apprenant  que  le  bon  ordre  était  rétabli  dans  les  monas- 
tères ;  mais  il  trouve  qu'on  va  trop  loin ,  parce  que ,  sous 
prétexte  de  vivre  dans  la  retraite  et  le  silence  ,  on  avait 
abrégé  la  psalmodie ,  abandonné  les  travaux  rustiques  ,  et 
les  occupations  manuelles  ,  réduit  enfin  la  célébration  de 
l'office  divin  et  le  culte  extérieur  à  une  trop  grande  simpli- 


GUILLAUME,  ARCHEVÈQ.  DE  CANTORBERY.      55 

cité.  Cette  lettre,  dont  les  continuateurs  du  Recueil  des  his-    ^n  SIECLE. 


toriens  de   France  ont  ijublié   le    commencement ,  existait  ,,       ,„. 

dans  un  manuscrit  du  XIII  siècle,  appartenant  aux  jésuites  t.  xiv,  p.  41g, 
du  collège  de  Clermont  à  Paris ,  et  devait  trouver  place  dans  »"  "o''*- 
la  nouvelle  collection  des  conciles  de  France.  Nous  n'en 
citerons  que  la  suscrijition ,  pour  donner  une  idée  de  la 
manière  de  l'auteur.  Fratribiis  coiiscriptis  cœlestis  curiœ 
senatorihus ,  ahhatihus  illis  qui  condixere  singulis  annis 
Remis  convenire  pro  monastici  ordinis  correctione ,  Matthœus 
Dei  gratiâ  Albanensis  episcopus^  eorum  f rater  et  devotus 
amiciis  :  gratin  et  pax  a  Dco  pâtre  et  Domino  Jesu-Christo , 
et  qui  ah  utroque  procedit,  spiritu  Paracleto.  Vestrœ  strenuœ 
probitatis ,  etc.  ■  B. 


GUILLAUME  DE   CORBEIL, 

ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBERY. 

jM 05  prédécesseurs  n'ont  point  fait  mention  de  lui,  soit  qu'ils    Pagi,  ad  ana 
ne  l'aient  pas  cru  français ,  soit  qu'une  courte  épître  et  quel-  n'^^^n- 18, 19 
ques  canons  de  concile,  rédigés  ou  peut-être  seulement  ap-  Har^feid^His^t 
prouvés  par  ce  prélat,  ne  leur  aient  point  paru  sufiire  pour  le  ecci.''angiic.'p 
compter  au  nombre  des  écrivains.  Mais  le  vaste  plan  qu'ils  3^^'  ^^t- 
ont  eux-mêmes  suivi  dans  les  douze  premiers  volumes  de 
cette  histoire  littéraire,  y  a  fait  admettre  plusieurs  person- 
nages dont  les  productions  ne  sont  guère  plus  importantes 
ni  les  titres  plus  réels. 

Quant  à  la  patrie  de  Guillaume,  son  surnom  de  Corheil 
autorise  à  croire  qu'il  était  né  près  de  Paris.  S'il  est  quel- 
quefois ?,\\x\\ov[\mé  Corhois ,    CorbuU  ^  Corboil^  de  Corbuilo,  Rob.  du  Mont. 
de  Corboilo ,  tous  ces  mots  peuvent  se  prendre  pour  des  va-  Ann.  nii. 
riantes  ou  pour  des  traductions  de  Corbeil.  Rapin  Thoyras,    Hist.  dAn^k- 
qui  l'appelle  Corbet,  défigure  la  plupart  des  noms  propres,  terre,  t.p.  i63, 
Guillaume  étudia  la  théologie  à  Laon  sous  Anselme;  et  en  '''^' 
même  temps  qvi'il  était  l'un  des  élèves  les  plus  distingués  de 
ce  docteur ,  il  instruisait  les  fils  de  Raoul  Flammard ,  chan- 


56      GUILLAUME,  ARCHEV.  DE  CANTORBÉRY. 

XII  SIECU.    celier  de  la  Granrle-bretagne.  Envain  l'on  voudrait  induire 

Heiman  de  *^^  ^^  dernier  fait  qu'il  était  angla,is  de  naissance  ;  cette  con- 

Mirac.  B.  Ma-  clusion  Serait  écartée  par  d'autres  détails  de  sa  vie,  même 

'!f'''i^l^^''^^'  P^*'  ^^  tableau  des  dignités  qu'il   obtint  successivement   à 

rum  GuibertH  Chichestcr ,  à  Durham,  à  Cantorbéry.  Car  nous  apprenons 

p.  536.  d'Eadmer  qu'Henri  premier.  c[ui  gouvernait  alois  le  Royaume, 

Hist.  jVov.  1.  V,  ne  laissait  en  général  parvenir  aux   plus  hautes  fonctions 

p.  86,  87.         ecclésiastiques  que  des  nommes  nés  dans  le  continent.  Or 

nous  voyons  Guillaume  quitter  le  monastère  de  Saint-Etienne 

de  Caen  pour  devenir  en  1120  prieur  des  chanoines  régu- 

Will.  Malmes-  }-çj,g  qu'on  établissait  à  Chichester;  peu-après  signer  une 

bury,  de  Gest.      ,  l  i-     '     i         i  i      i,  -    ,  ^    i      t4       i  °       i 

Pontif.  angl. p.  Charte  en  qualité  de  clerc  de  leveque  de  Durham;  olJtenir 

aîy-  ensuite  à  Durham  la  dignité  d'archidiacre,  et  s'asseoir  enfin 

Angl.    sacr.  p^    II 23  sur  le  siégc  archiépiscopal  de  Cantorbéry,  malgré 

*■   '  P"  ''  ■       la  coutume  cjui  jusqu'alors  en  avait  écarté  les  moines,  selon  la 

Annal,  lib.  l'emarquc de D.  ]VIabillon.  Le  nouvcau  prélat,  cjui  ne  manquait 

LXXVi,n.i3i.  j^i  jp  prudence,  ni  d'activité,  nec  iners  nec  imprudens ,  eut 

AVill.  Malmesb.  Jjieiitôt  triomphé-  des  murmures  qu'excitait  sa  promotion. 

^'  ^    '  Il  se  rendit  à  Rome  pour  obtenir  le  pallium,  revint  et  fut 

Spelm.  Conc.  gacré  par  l'évéque  de  Winchester.  En  1124  il  accompagnait 

ng^iae,    .      ,  ^^  Normandie  le  roi  Henri  Y^ .  Ce  fut  en    11 25  ou  26  qu'il 

écrivit  à  l'évecjue  de  Landaff  quelques  lignes  qui  n'ont  d'autre 

objet  cjue  la  convocation  d'un' concile.  Cette  lettre,  insérée 

dans    la    collection    de  Spelman,   était    vraisemblablement 

circulaire.  Le   concile  se  tint  à    Londres  ,   présidé    par   le 

cardinal  légat  Jean  de  Crème  ;  et  puiscpi'aloi's  Guillaume 

n'était  point    légat ,  il   nous    paraît    qu'on    ne    doit  placer 

Su'après  ce  concile  le  second  voyage  qu'il  fit  à  Rome,  et 
ont  il  ne  revint  qu'avec  la  cpialité  de  légat  du  pape  Hono- 
rius  pour  l'Angleterre  et  pour  l'Ecosse.  Il  prit  cette  cjualité 
en  II 27,  en  présidant  un  autre  concile  à  Westminster;  et, 
Spelman,  Conc.  commc  Ics  caiious  émaués  de  cette  assemblée  ont  été  ou 
A.ngiiae,  t.  II,  dictés ,  OU  adoptés  par  lui,  nous  croyons  devoir  les  faire 
P'    ^'  connaître  ici,  en  rappelant  qu'ils  interdisaient  aux  ecclésias- 

tiques la  profession  de  fermiers ,  cju'ils  ne  permettaient  pas 
de  posséder  à-la-fois  plusieurs  archidiaconés  ,  et  qu'ils 
défendaient  aux  communautés  religieuses  de  prendre  de 
l'argent  pour  la  réception  des  novices  de  l'un  ou  de  l'autre 
sexe.  Un  de  ces  canons,  en  ordonnant  l'exact  paiement  des 
dîmes,  les  appelle  les  domaines  du  Très-Haut.  Gislebert, 
surnommé  le  docteur  universel,  fut  sacré  évêque  de  Londres 
Alford^  ann.  par  GuiUaume ,  qui  lui  .fit  promettre  obéissance  et  soumis- 


An 

P 


p.  BECHIN,  AUT.  D'UNE  CHRON.  DE  TOURS.  57 
sion  au  siège  de  Cantorbe'ry.  Cette  cérémonie  eut  lieu  xn  SIECLE. 
en  1128,  une  année  avant  la  célébration  d'un  nouveau  Speiman,  Conc. 
concile  de  Londres,  que  Labbe  confond  avec  celui  de  11 26.  angi.  1.11,11.37. 
L'autorité  du  roi  sur  le  clergé  fut  reconnue  dans  le  concile  Lab.  Conciiior. 
de   II an,  dont  l'archevêque  de  Cantorbéry  était  encore  le  ''    ,"/',^'^' 

'  •  1       4-   f  Q        1  '  '1    ^        *  '       '  '1-  AUord,  ann. 

président.  Ln  1 1  jo ,  le  même  prélat  eut  a  reparer  son  église  ,  njo,  n.  9. 
qui  venait  d'essuyer  un  incendie  :  elle  en  devint  plus  belle, 
et  fut  consacrée  ,  le  4  ^^^^  1  par   une    dédicace    nouvelle. 
Guillaume  fit  aussi,  et  fort  peu  de  jours  après,  la  dédicace 
d'une  église  récemment  construite  à  Rochester.  Ce  fut  lui 
encore  qui,  au  commencement  de  janvier  11 36,  célébra  les  Orderic  vital, 
funérailles  du  roi  Henri  P'",  dont  le  corps  avait  été  transporté  ••  xiil,  p.  901, 
de  Lyons  à  l'abbaye  de  Radingues.  En  vain  ce  prince,  avant  9°*' 
de  mourir,  avait  obtenu  de  tous  les  prélats  de  son  royaume 
le  serment  de  soutenir  les  droits  de  Mathilde ,  sa  fille  et  son 
unique  héritière:  l'archevêque  de  Cantorbéry  reçut ,  bénit,  A.iford,adann. 
couronna   roi  d'Angleteri'e  le  comte  de  Boulogne  Etienne.   "     ^n-io- 
Quelques  auteurs  contemporains,  en  reprochant  à  GuilLaume       Hist.  Angi. 
cette  dernière  cérémonie,  observent  qu'il  la  fit  de  travers,  î""'"  P"   ^^^  • 
et  qu'il  laissa  tomber  la  sainte  hostie  ;  ils  remarquent  sur- 
tout qu'il  mourut  peu  de  mois  après  cet  acte   d'infidélité.        Robert   d 
Il  fut  inhumé,  selon  les  uns,  dans  l'abbaye  de  Westminster,  ]viont,an. ii36, 
selon  les  autres,  dans  son  église  de  Cantorbéry.  D.       P-  758. 

Antiq.  eccles. 
Britann.  p.  126. 


^^^«.^•^  V^^-%' 


PIERRE  BECHIN, 

AUTEUR  D'UNE  CHRONIQUE  DE  TOURS. 


JliN  rendant  compte,  dans  cette  histoire,  d'une  chronique  Hlst.utt.t.xn, 
de  nos  rois ,  imprimée  dans  le  Recueil  des  historiens  de  P-  ^o. 
France  par  Duchesne,  laquelle  finit  à  l'an  i  iSy,  on  l'a  attri- 
buée à  un  auteur  anonyme,  chanoine  de  Saint-Martin  de 
Tours,  parce  qu'effectivement  il  y  est  beaucoup  parlé  de 
cette  église.  On  observait,  à  la  fin  de  cet  article,  que  l'auteur 
avait  profité,  pour  composer  la  sienne,  d'une  chronique  de 
Pierre ,  fils  de  Basin  (  il  fallait  écrire  Bechin  ) ,  laquelle  com- 
mençait a  l'empereur  HéracUus ,  et  finissait  à  Louis-le-Gros. 
Tome  XllI.  H 


58     P.  BECHIN,  AUT.  D'UNE  CHRON.  DE  TOURS. 

XII  SIECLE.    Et  tout  de  suite  on  ajoutait  :  celle-ci  ne  parait  pas  être  venue 
jusqu'il  nous.  Cela  n'est  pas  exact;  ce  Pierre,  fils  de  Becliin, 
est  réellement   l'auteur  de  la  Chroniquç  attribuée  au  cha- 
noine de  Saint- Martin ,  et  il  le  dit  assez  clairement  dans  ces 
paroles  c]u'on  a  mal  interprétées  :  y-Zb  Eraclio  usque  ad  hoc 
tenipus  adclitum  est  ci  Petro  Bechinni  fdio.  Ce  texte  ne  dit 
pas   cpie  l'auteur  anonyme  a  profité  d'une  Chronique   de 
Pierre,  fils  deBechin,il  énonce  tjue  la  continuation  de  cet 
écrit ,  depuis  l'empereur  Héraclius ,  est  l'ouvrage  de  Pierre 
Bechin.  Pour  le  prouver,  nous  avons  eu  recours  au  manus- 
crit 4999  A.  de  la  Bil)liothèque  impériale  ,  cpii  contient  cet 
ouvrage.  Il  débute  par  les  chroniques  d'Eusèbe  et  de  saint 
Isidore  de  Séville;  et,  comme  ce  dernier  finit  à  l'empereur 
Héraclius,  Pierre  Bechin  a  marqué,  à  la  fin  de  sa  chronique,, 
qu'il  avait  continué  celle  d'Isitlore  jusqu'à  son  temps,  c'est- 
à-dire,  jusqu'à  la  mort  de  Louis-le-Gros  ;  ce  cpii  nous  donne 
à-peu-près  le  temps  où  il  écrivait. 
*  ?r,'"'"  '";("'•       Jean  ,  Moine  de  Marmoutier ,  qui  composa,  vers  l'an  11 60, 
les  (jcstes  des  comtes  dx'Vnjou,  nomme,  parmi  les  auteurs 
dont  il  s'est  servi ,  les  Chroniques  de  Geof'roi  Bechin  ,  que 
nous  n'avons  plus.  Il  y  a  toute  apparence  que  Pierre  Bechin 
était  fils  de  Geofroi,  et  qu'à  l'exemple  de  son  père,  il  s'était 
exercé  à  composer  des  chroniques,  ou  qu'il  a  fondu  dans  la 
sienne  celle  de  Geofroi.  Comme  on  a  trouvé  dans  sa  compo- 
sition assez  de  preuves  pour  le  croire  chanoine  de  Saint- 
Martin  de  Tours,  rien  n'empêche  qu'on  ne  lui  laisse  cette 
qualité.  Dans  le  catalogue  imprimé  de  la  bibliothèque  impé- 
riale, on  annonce  sa  chronique  comme  finissant  a  la  mort 
de  R-ichard^  roi  d'Angleterre,  l'an  1199;  c'est  une  erreur.  Il 

'      •  est  vrai  qu'à  la  suite  de  sa  chronique  il  se  trouve  trois  ou 

quatre  notes,  dont  la  dernière  annonce  la  mort  de  Richard; 
mais  ces  notes  n'existent  pas  dans  le  manuscrit  aSaS  de  la 
bibliothèque  impériale,  qui  contient  le  même  ouvrage;  ce 
sont ,  par  conséquent ,  des  additions  faites  par  un^  main 
postérieure  à  cette  chronique  qui  finit  à  lan  iiSy,  époque 
oii  l'auteur  a  placé  son  nom. 

Chesn.  t.  III,       Ce  qui  a  jeté  de  la  confusion  sur  cet  écrit,  c'est  la  manière 

or.  f«anc.  p.  Jqj^{-  Ducliesne  l'a  imprimé.  Il  n'en  a  extrait  cpie  ce  cnxi  est 

357-362.  1  f    '      l'i    •  •  1      't-.  I  '  '1 

relatif  a  1  histoire  de  l^rance,  sans  donner  une  notice  de 
l'ouvrage,  et  sans  indiquer,  par  des  points  d'omission,  les 
endroits  qu'il  supprimait.  Les  continuateurs  de  D.  Bouquet, 
et  D.  Bouquet  lui-même,  y  ont  été  trompés  :  ils  ont  réim- 


POÈTES  ANGLO-NORMANDS.  5g 

primé  le  texte  de  Duchesne ,  sans  se  clouter  qu'il  était  incom-  ^IT  siècle. 
plet.  L'auteur ,  à  la  fia  de  chaque  chapitre  ou  de  chaque 
règne,  a  ajouté  la  succession  des  papes,  dont  il  rapporte  les 
principaux  gestes.  Duchesne  a  entièrement  suppiimé  cette 
partie,  qui  n'est  pas  toujours  étrangère  à  l'histoire  de  France. 
D.  Boucpiet  et  ses  continuateurs ,  qui  ont  réimprimé  cette 
chronique  par  fragmens,  dans  les  tomes  III,  V,  VII  et  VIII, 
p.  3 1 6  ;  t.  X ,  p.  225  ;  t.  XI ,  p.  2 1 2  ;  t.  XII ,  p.  64 ,  ont  eu  soin 
de  rectifier  la  chronologie  cle  l'auteur,  ou  d'ajouter  aux  évé- 
nemens  les  dates,  qui  souvent  ne  sont  pas  indiquées.     B. 


POETES  ANGLO-NORMANDS, 

PHILIPPE    DE     THAN,    SAMSON     DE    NANTEUIL, 
GEOFFROY     GAYMAR  ,     ET    DAVID. 

Uis  que  Guillaume -le -Conquérant  se  fut  emparé  de  la 
Grande-Bretagne ,  et  en  fut  devenu  roi ,  son  premier  soin  - 
fut  d'y  introduire  l'usage  de  la  langue  française.  Il  promul- 
gua ses  lois  en  cette  langue  ,  fit  faire  des  traductions  fran- 
çaises des  livres  saints ,  et  encouragea  les  poètes  normands 
qui  venaient  contribuer  aux  plaisirs  de  sa  cour  et  à  l'amu- 
sement de  ses  nouveaux  sujets.  Le  désir  de  plaii^e  au  souve- 
rain et  d'attirer  ses  regards  rendit  bientôt  commun  chez  les 
grands  l'usage  de  la  langue  française.  Le  besoin  de  connaître 
les  lois  par  lesquelles  il  était  gouverné,  Ir.  répandit  chez  le 
peuple.  Attirés  par  l'appât  des  récompenses,  les  poètes  nor- 
mands s'empressèrent  de  passer  en  Angleterre,  pour  y  faire 
admirer  leurs  talens  ;  ils  produisirent  un  assez  grand  nombre 
d'ouvrages,  dont  la  plupart  ne  nous  sont  point  parvenus, 
ou  qui  sont  encore  enfouis  dans  les  bibliothèques  d'Angle- 
terre. On  n'avait  que  peu  de  renseignemens  sur  les  Trouvères 
anglo-normands,  jusqu'au  moment  où  un  Français  studieux 
de  notre  ancienne  histoire,  et  sur-tout  cle  notre  ancienne 
poésie,  passa  en  Angleterre.  Il  visita  les  bibliothèques,  et 
prit  grand  soin  d'étuclier  les  manuscrits  qu'elles  renferment. 
Admis  dans  la  société  royale  des  Antiquaires  de  Londres, 
M.  l'abbé  de  La  Rue  y  lut  plusieurs   dissertations  ,  dont 

H  2 


Go  POETES  ANGLO-NORMANDS. 

XII  SIECLE,  quelques-unes  furent  imprimées  dans  le  recueil  intitulé 
Archœologia,  et  c'est  d'après  ses  mémoires  que  nous  donnons 
ici  les  notices  de  quatre  poètes  anglo-normands ,  dont  les 
ouvrages  ne  se  trouvent  point  en  Fiance.  Nous  en  avons 
retranché  tout  ce  qui  nous  a  paru  inutile  à  notre  but,  et 
particidièrement  ce  qui  regardait  les  familles  anglaises,  en  ne 
conservant  que  ce  qui  pouvait  intéresser  l'Histoire  littéraire 
de  la  France. 

PHILIPPE  DE  THAN. 

Ce  poète,  l'un  des  plus  anciens  dont  les  ouvrages  se  soient 

conservés,  était  de  l'ancienne  famille  des  de  Than,  seigneurs 

de  la  terre  de  ce  nom,  à  trois  lieues  de  Caen. 

Les  premiers  auteurs  de  cette  Histoire  littéraire  n'ayant 

eu  d'autre  connaissance  de  ce  qui  le  concerne ,  que  la  petite 

notice  qui  se  trouve  dans  le  catalogvie  des  manuscrits  de  la 

Bibliothèque  Cottoniene,  folio  48,  pensèrent  qu'au  lieu  de 

Taonensis ,   il    fallait  lire    Toarcencis ;  en  conséquence,  ils 

ont  nommé  cet  auteur  Philippe  de  Thouars,  et  ils  en  ont 

T.  IX,  p.  173-  fait  un  Poitevin.  Ils  changèrent  ensuite  d'opinion,  et  vou- 

*^°'  lurent  conserver  le  mot   Taonensis  ;  mais   ayant  découvert 

une  charte  du  XII*"  siècle,  dans  laquelle  un  Thomas  deThaùn 

Martene,The-  était   nommé    comme   témoin,  ils   en    conclurent   cjue   ce 

saur.  An.ecdot.  xhomas  était  le  fils  ou  le  petit  iils  de  notre  poète,  et,  comme 
1. 1,  p.  624.       ,       ,  ,        ,         II      r       •      •   '  1^'    1    ^        ■ 

la  charte  dans  laquelle  il  était  cite  en  cjualite  de  témoin  se 

rapportait  à  la  terre  de  Combourg  en  Bretagne,  ils  décla- 
rèrent  cju'il  y  avait  lieu  de  croire  que  Philippe  de  Than 

T.  X,  p.  Lxxi.  était  breton. 
Archœoiogia,       M.  l'abbé  de  la  Rue  a  relevé  et  réparé  cette  erreur,  en 

loin.- XII.  donnant  à  ce  poète  l'origine  que  nous  avons  adoptée  au 

commencement  de  cet  article.  On  ne  sait  d'ailleurs  rien  de 
plus  sur  sa  vie. 

Le  premier  des  ouvrages  qui  nous  restent  de  lui  est  inti- 
tulé :  Liber  de  Creaturis.  C'est  un  traité  chronologique  en 
vers,  dans  lequel  l'auteur  traité  des  jours,  des  semaines, 
des  mois  solaires  et  lunaires,  des  éclipses,  et  en  général  de 
tout  ce  qui  sert  à  la  connaissance  du  comput  ecclésias- 
tique. 11  explique  avec  assez  de  précision  les  calculs  des 
Juifs ,  des  Grecs  et  des  Romains  ;  l'histoire  du  calendrier 
institué  par  Numa  Pompilius ,  et  celle  de  sa  réforme  par 
Jules  César.  Philippe  avait  beaucoup  lu  ;  aussi ,  à  chaque 
instant ,   cite- 1- il  Phne  ,  Ovide  ,   Macrobe  ,  le   vénérable 


POETES  ANGLO-NORMANDS.  6i 

Bède  ,  etc.  Enfin   il  rapporte  les  opinions    différentes   des    Xll  siècle. 
auteurs  qui  se  sont  livres  au  même  genre  d'étude,  et  dont  ' 
les  ouvrages  ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous. 

Philippe  de  Than  composa  ce  traité  pour  l'usage  du  clergé, 
et  le  dédia  à  Homfrei  de  Than,  son  oncle,  qui  était  cha- 
,  pelain  de  Hugues  Bigod  ,  sénéchal  de  Henri  P'',  et  ensuite 
comte  de  Nortolk.  Hugues  mourut  en  iio^,  et  son  fils  lui 
succéda  immédiatement.  Nous  pensons  que  l'ouvrage  doit  Orderic  vital, 
être  placé  avant  cette  époque ,  sur-tout  si  l'on  considère  que  '*''  ^' 
ce  poète  n'accorde  pas  le  titre  de  comte  à  Hugues  Bigod, 
et  qu'il  ne  lui  donne  que  celui  de  sénéchal. 

Le  second  ouvrage  cle  Philippe  de  Than  est  intitulé  :  Bes- 
tiarius.  C'est  un  traité  en  vers  sur  les  animaux ,  sur  les 
oiseaux  et  sur  les  pieiTes  précieuses.  L'auteur  le  dédia  à  la 
reine  Adélaïde  de  Louvain ,  que  Henri  P""  épousa  en  112.1. 
Cet  ouvrage  doit  donc  être  placé  peu  de  temps  après  cette 
époque,  et  nos  prédécesseurs  paraissent  avoir  hxé  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  pour  la  composition  du  Bestiaire, 
l'année  1 12.5. 

Dans  ses  ouvrages  ,  Philippe  ne  remplit  que  le  rôle  de 
traducteur.  Au  début  de  son  Bestiaire ,  il  prévient  qu'il  a 
tiré  son  sujet  d'un  traité  latin  dont  il  ne  nomme  pas  l'auteur. 
M.  de  la  Rue  ne  le  nomme  pas  non  plus  ;  mais  Sinner  cite      ^^'  •"'/""«• 
un  manuscrit  du  VIIP  ou  IX"  siècle ,  intitulé  :  Theobaldi     Cataiog.  ma- 
e,rpositio,  de  Naturtî  animalium ,  qui  paraît  être  la  source  ^Bemèllis^ul. 
où  Philippe  a  dû  puiser.  ' 

En  traduisant  ce  traité  en  vers  français  ,  Philippe  ne 
semble  avoir  eu  d'autre  but  que  celui  d'instruire  ses  contem- 
porains, et  de  corriger  leurs  mœurs.  Après  avoir  dépeint  le 
caractère  particulier  de  chacun  des  animaux ,  il  termine  sa 
description  par  une  leçon  morale ,  dans  laquelle  il  engage  - 
le  lecteur  à  pratiquer  la  vertu. 

A  l'égard  du  genre  de  poésie  employé  par  Philippe,  il 
serait  difficile,  selon  le  même  M.  de  la  Rue,  de  trouver  VUsuprà. 
d'autres  auteurs  qui  l'aient  adopté.  Sa  méthode,  dit-il, 
ne  consiste  pas  à  faire  rimer  un  vers  avec  un  autre,  mais 
une  moitié  avec  une  autre  ;  c'est-à-dire,  qu'il  écrit  en  grands 
vers  qui  ne  riment  point  ensemble  ,  mais  seulement  aux 
deux  hémistiches,  comme  la  plupart  des  vers  latins  de  ce 
temps.  Nous  pensons ,  au  contraire  ,  que  les  vers  de  Phi- 
lippe sont  de  petits  vers  de  six  syllabes,  dont  deux  sont 
réunis  en  un  seul  dans  le  manuscrit ,  et  qu'ils  sont  du  genre 


62  POETES  ANGLO-NORMANDS. 

xn  SIECLE,  de  ceux  qu'on  est  convenu  d'appeler  vers  à  rime  plate , 
c'est-à-dire ,  rimant  deux  à  deux.  Qn  en  pourra  juger  par 
ces  deux  fragmens ,  tirés ,  l'un  du  livre  des  Créatures ,  et 
l'autre  du  Bestiaire. 

Al  besuing  est  truved , 
L'ami  é  épruved , 
IJnchez  ne  fud  ami , 
Qui  al  buisuin^  failli. 
Pur  cel  di  ne  targez, 
Mes  ma  raison  oiez  : 
Prei  vus  deV  esculter, 
E  puis  del'  amender. 

Dans  les  vers  suivans ,  l'auteur  décrit  assez  bien  l'adresse 
d'un  hérisson  pour  emporter  des  grappes  de  raisin  : 

El tens  de  vendenger 

Lores  munte  al  palmer  ^ 

Là  il  la  grappe  veit , 

La  plus  meure  séit  ;  (coupe,  cueille). 

S'in  abat  le  raisin  , 

Mult  li  est  mal  veisin. 

Puis  del'  palmer  descent 

Sur  les  raisins  s'estent  ; 

Puis  desus  se  vulope  («) , 

Ruunt  cume  pelote  ,  * 

Quant  est  très  ben  charget 

Les  raisins  enbrocet , 

Eissi  porte  palture, 

A  ses  fis  par  nature. 

SAMSON  DE  NANTEUIL. 

Ce  poète  a  traduit  en  vers  français  les  proverbes  de  Salo- 
mon.  Si  l'on  en  juge  par  son  prologue,  il  devait  être  très- 
versé  dans  la  connaissance  des  auteurs  de  la  bonne  latinité, 
dont  il  dit  faire  sa  lecture  favorite;  en  effet,  il  cite  souvent 
Horace,  Cicéron,  Virgile,  Juvénal,  etc.  comme  des  auteurs 
qui  lui  sont  très -familiers. 

Il  dit  avoir  fait  cette  traduction  à  la  prière  d'Adélaïde  de 

(a)  Sic,  mais  ce  doit  être  viilote,  de  volutat. 


POÈTES  ANGLO-NORMANDS.  63 

Condé ,  qu'il  nomme  sa  Dame ,   et  déclare  qu'il  a  autant    xil  SIECLE. 
d'attachement  pour  sa  personne  que  de  respect  pour  ses 
vertus.  Cette  Dame  était  mariée  à  Osbert  de  Condé ,  seigneur 
de  Horn-Castle,  dans  le  Lincolnshire. 

D'après  les  autorités  rapportées  par  M.  de  la  Rue ,  on  peut    Jrchœoiogia , 
conclure  que  Samson  de  Nanteuil  éci'ivait  sous   le   règne  *""'•  ^"• 
d'Etienne,  qui  succéda  à  Henri  F',  en  ,ii35,  et  régna  jus- 
qu'en 1 1 54. 

Le  prologue  est  en  vers  de  huit  syllabes ,  comme  la  tra- 
duction ;  et  le  style  de  l'auteur  y  est  rempli  de  maximes  et 
de  sentences,  comme  celui  de  Salomon  lui-même. 

Nous  citerons  pour  exemple  les  vers  suivans ,  tirés  de  ce 
prologue. 

A  tort  se  lait  mûrir  de  fain 

Ki  assez  at  et  blé  et  pain , 

Turner  li  pot  lum  .à  peresce 

Se  ne  s'en  paist  u  à  feblesce  ; 

S'il  fameillet  é  ne  se  paisse, 

E  par  desdeing  mûrir  se  laisse , 

De  cels  est  dune ,  si  cum  jeo  crei , 

Ki  al  mutin  muèrent  de  sei , 

Pur  nent  irreit  conquerre  en  France, 

Ki  suffraite  at  en  habundance ,  etc. 

Ce  poëme  se  trouve  en  manuscrit  dans  le  Musœum  hritan- 
nicum,  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèc[Uc  Harléienne.     ]^rckœoi.  loc. 


cit. 


GEOFFROI  GAYMAR. 

On  a  de  ce  poète  une  Histoire  des  Rois  Saxons,  écrite 
en  vers  français,  et  continuée  jusqu'au  règne  de  Guillaume- 
le-Roux.  Dans   sa  Dissertation  sur  la   vie  et  les  écrits  de 
Robert  Wace,  M.  de  la  Rue  avait  affirmé,  d'après  Tyrwhitt,    ^'àiœoiogia , 
que  ce  Robert  avait  eu  pour  continuateur  de  son  roman  du  *°'"'  ^"' 
Brut,  Geoffroi  Gayraar,  et   conséquemment    c|ue   celui-ci  Ta/es"fc/iaZ 
avait  écrit  après  le  premier.  Mais,  depuis  ce  temps,  il  a  dé-  cer ,  toI.  iv, 
couvei't  que  l'Histoire  des  rois  anglo-saxons  était  antérieure  P*  ^'' 
de  plusieurs  années  au  roman  de  Wace. 

Gaymar  nous  apprend,  dans  le  préambule  de  son  Histoire, 
que  ,  |30ur  composer  ce  poëme ,  il  a  employé  un  temps 
considérable  à  la  recherche  de  matériaux  puisés  dans  des 
manuscrits  latins ,  français ,  anglais  et  gallois ,  qu'il  a  eu 


64  POÈTES  ANGLO-NORMANDS. 

XIT  SIECLE,  beaucoup  de  peine  à  rassembler.  Il  avoue  même  qu'il  n'aurait 
jamais  pu  réussir  à  se  procurer  un  de  ces  derniers ,  sans  le 
secours  de  Constance  Fitz  Gilbert.  Cette  dame  envoya  à 
Hamlake ,  en  Yorkshire ,  prier  un  baron  alors  célèbre  , 
nomme  VValter  Espec,  d'emprunter  pour  elle  à  Robert  de 
Caen,  comte  de  Gloucester,  une  Histoire  des  rois  d'Ai^^le- 
terre,  que  ce  dernier  avait  traduite  des  livres  gallois.  Robert 
lui  prêta  ce  livre,  et  Constance  le  confia  à  notre  poète. 
Walter  Espec  mourut  en  ii53;  Robert  de  Caen  en  ii46, 
ou  1 1 47  ;  et  Robert  Wace  n'ayant  écrit  son  Brut  qu'en  1 1 55 , 
l'ouvrage  de  Gaymar  est  donc  certainement  plus  ancien. 

Voici  ce  qui  achève  de  le  prouver  :  Geoftroi  Gaymar  pai'le 

de  la  reine  Adélaïde  de  Louvaiu  comme  existante  lorsqu'il 

écrivait  ;  or  cette  princesse ,  suivant  la  chronique  de  Thomas 

Zanner.  No-  Wikes  ,  mourut  en  1 1 5 1 .  D'autre  part ,  notre  poète  assure 

titia  monast.  p.  .  i         '      i  i>  ^  tt-  ^    •         i'  > 

55-  '^    avou"  employé  plus  dun  an  a  composer  son  riiston'e  d  après 

lès  manuscrits  qui  lui  avaient  été  confiés.  La  publication  de 
cet  ouvrage  doit  donc  avoir  ou  précédé  ou  suivi  de  près  la 
mort  du  comte  de  Gloucester,  arrivée,  comme  nous  l'avons 
dit,  en  1147  ^^  P^^^  tard. 

Dans  le  seul  manuscrit  connu  de  cette  Histoire  des  rois 
Mus.  Biitann.  anglo-saxons ,  l'ouvrage  est  précédé  du  Brut  de  Wace  ;  mais 
i3,A,xxi.  QQi  arrangement  du  copiste  ne  prouve  nullement  que  le 
poème  de  Wace  ait  précédé  celui  de  Gaymar. 

Ce  dernier  commence  son  ouvrage  par  une  description 
de  la  conquête  de  la  Toison  d'or.  De-la  il  passe  brusque- 
ment à  l'histoire  du  premier  roi  anglo-saxon.  Cette  lacune 
autorise  M.  de  la  Rue  à  penser  que  Gaymar  avait  aussi 
composé  une  histoire  des  rois  d'Angleterre,  dans  le  même 
genre  que  celle  des  anglo-saxons;  que  cette  histoire  s'est 
perdue,  et  que  nous  ne  possédons  pas  une  copie  complète 
des  productions  de  Gaymar. 

Après  avoir  appuyé  cette  opinion  de  plusieurs  preuves, 
il  fait  connaître  les  sources  dans  lesquelles  Gaymar  avait  dû 
puiser  pour  la  composition  de  ses  deux  ouvrages.  Ce  poète, 
dit-il,  cite  le  Brut  de  Walter,  archidiacre  d'Oxford,  traduit 
en  latin  par  Geoffroy  de  Monmouth  ,  l'histoire  latine  de 
fVinchester ,  et  le  livre  de  fVashinhurg ,  écrit  en  anglais.  Il 
cite  aussi  Bède,  Gildas  le  Sage,  et  Jean  de  Beverly.  Mais  on 
ignore  les  titres  des  ouvrages  français  et  gallois  dont  il  s'est 
servi ,  et  dans  lesquels  il  dit  avoir  trouvé  plusieurs  faits 
historiques  très -curieux. 


POETES  ANGLO-NORMANDS.  65 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  de  Gaymar,  ou  son  Histoire  ^H  SIECLE, 
des  rois  ang;lo-saxons  ,  ne  s'étend  que  jusqu'au  règne  de 
Guillaume-Ie-Roux.  Il  annonce  qu'il  avait  eu  d'abord  l'in- 
tention d'y  ajouter  l'histoire  de  Henri  F"",  successeur  de 
Guillaume ,  mais  que  ses  matériaux  étaient  si  nombreux ,  et 
leur  somme  si  grande ,  qu'il  avait  formé  le  dessein  d'écrire 
cette  histoire  séparément,  et  sur  un  plan  beaucoup  plus 
étendu  qu'aucune  de  celles  qu'avaient  déjà  publiées  d'autres 
historiens.  On  ignore  s'il  exécuta  ce  dessein ,  mais  aucune 
histoire  de  Henri  P'^,  écrite  eu  vers  français,  n'est  parvenue 
jusqu'à  nous. 

Parmi  les  choses  dignes  de  remarque  que  l'on  trouve 
dans  son  poëme ,  nous  citerons  un  passage  relatif  à  la  pro- 
fession des  Ménestriers,  ou  plutôt  des  Bardes  ou  Scaldes, 
qui  suivaient  l'armée  de  Guillaume-Ie-Conquérant. 

L'emploi  de  Taillefer ,  l'un  de  ces  Bardes ,  ne  se  réduisait 

f)as  à  chanter  les  chansons  de  Cliarlemagne  et  de  Roland  à 
a  tête  de  l'armée  des  Normands  ;  il  y  joignait  des  tours 
d'adresse  militaires ,  qui  amusaient  l'armée ,  étonnaient  et 
effrayaient  l'ennemi ,  et  qu'il  terminait  par  des  faits  d'armes 
de  la  valeur  la  plus  brillante.  On  le  voit  s'avancer  à  cheval 
vers  l'armée  anglaise,  jeter  trois  fois  sa  lance  en  l'air,  et  la 
recevoir  chaque  fois  sur  la  pointe;  à  la  quatrième,  il  la  lance 
et  blesse  un  des  ennemis.  Tirant  ensuite  son  épée,  il  la  jette 
aussi  en  l'air,  et  la  retient  avec  tant  d'adresse,  que  les  An- 
glais regardent  son  agilité  comme  l'effet  d'un  miracle  ou  d'un 
enchantement.  Enfin,  Taillefer  pique  des  deux  vers  l'ennemi, 
se  précipite  dans  ses  rangs ,  et  donne  ainsi  le  signal  du  combat. 
Les  vers  employés  par  Gaymar  sont  de  huit  syllabes,  et 
son  style  est  plus  coulant  que  celui  des  autres  poètes  ses 
contemporains.  On  en  jugera  par  ce  passage ,  où  sont  racon- 
tées les  prouesses  de  Taillefer. 

V 

Armes  aveit  et  bon  cheval , 
Si  est  hardiz  è  noble  vassal  ; 
Devant  les  altres  cil  se  mist, 
Devant  Angleis  mef veilles  fist,- 
Sa  lame  prist  par  le  tuet, 
Com  si  ço  fust  un  bastunet,- 
Encontre  mont  hait  la  geta , 
Et  par  le  fer  recéue  l'a 
Trois  fez  issi  geta  sa  lance, 
Tome  XIII.  I 


66  POÈTES  ANGLO-NORMANDS. 

XII  SIECLE.  La  quarte  feiz  mult  près  s'avance, 

Entre  les  Engleis  la  lança. 
Parmi  le  cors  un  en  naffra. 
Puis  treist  s'espée,  arere  vint, 
Geta  il  s'espée  k'il  tint, 
Encountre  mont,  puis  la  receit. 


Ke  ço  estoit  enchantement , 
Ke  cil  fesoit  devant  la  gent, 
Quant  treiz  faiz  ot  gété  l'espée,  etc. 


DAVID. 

Ce  poète  anglo -normand  était  contemporain  de  Geoffroi 
Gaymar  ,  et ,  comme  lui ,  vivait  sous  le  roi  Etienne.  Ses 
écrits  ne  nous  sont  point  parvenus,  et  on  ne  le  connaît  que 
par  la  mention  honorable  cju'en  fait  Geoffroi  Gaymar,  à  la 
hn  de  son  Histoire  des  Rois  Anglo-saxons.  Ce  qu'il  en  dit 
prouve  que  David  avait  composé  en  vers  français  un  abrégé  de 
la  vie  de  Henri  F'',  et  cet  abrégé  paraît  avoir  été  entrepris 
d'après  les  ordres  d'Adélaïde  de  Louvain ,  seconde  femme  de 
ce  monarque.  Gaymar  nous  apprend  aussi  qu'il  a  vu  quel- 
ques vers  de  David  mis  "en  musique. 

Ce  poète  était  un  excellent  Trouveur,  suivant  l'expression 
de  Gaymar.  Ses  compositions  étaient  très-répandues  ;  elles 
étaient  lues  avec  délices  par  la  reine  Adélaïde ,  et  jouissaient 
enfin  d'un  succès  tel,  que  Constance  Fitz,- Gilbert  paya  un 
marc  d'argent  ars  et  pesé  (<7),  pour  les  faire  transcrire; 
cependant  Gaymar  lui  reproche  d'avoir  oublié  beaucoup 
de  traits,  dont  le  souven}r  aurait  honoré  la  mémoire  de 
Henri  Y^ .  Il  l'exhorte  à  revoir  son  ouvrage ,  et  lui  annonce 
que,  s'il  ne  le  fait  pas,  il  prendra  lui-même  la  plume,  et 
publiera  une  histoire  complète  de  la  vie  de  ce  magnanime 
et  vertueux  monarque.  On  ignore  si  David  se  rendit  aux 
conseils  de  Gaymar,  ou  si  ce  fut  sur  son  refus  que  ce 
dernier  se  décida  à  célébrer  lui-même  les  vertus  et  les 
belles  actions  de  Henri.        ♦  G. 

(a)  C'est-à-dire ,  essayé  par  le  feu  pour  l'aloi ,  et  pesé. 


k>^^^«/V«> 


XII  SIECLE. 


In- 4"  N.n'S. 


ÉVERARD   OU   EVRARD, 

POÈTE  FRANÇAIS. 

IJ  N  manuscrit  du  fonds  de  l'ëglise  de  Paris  (a)  à  la  biblio- 
thèque impériale,  contient,  avec  plusieurs  autres  ouvrages, 
une  traduction  des  distiques  de  Caton  en  vers  français. 

On  ignorerait  le  nom  et  la  profession  du  traducteur,  s'il 
n'avait  pris  soin  de  se  nommer  à  la  fin  de  son  poëme.  Son 
nom  est  Éverard  ,  et  sa  profession  l'état  monastique.  Lacroix 
du  Maine  et  Du  Verdier  n'en  font  point  mention  ;  il  a  éga- 
lement été  inconnu  à  Fauchet,  à  Pasquier,  et  aux  autres 
bibliographes  français. 

Quoique  l'on  manque  de  renseignemens  à  son  sujet,  on 
s'aperçoit ,  tant  à  l'écriture  du  manuscrit  qu'au  style  de 
l'auteur,  qu'il  florissait  vers  la  moitié  du  XIP  siècle.  Il  écri- 
vait même  avant  l'année  ii45,  car  il  fut  nommé  abbé 
d'Holmcultram  cette  même  année  ;  et ,  comme  il  ne  prend  Monastlcum 
pas  ce  dernier  titre  dans  son  ouvrage ,  mais  seulement  celui  "^  'canum. 
de  moine  de  Kirkam ,  il  est  évident  qu'il  écrivait  avant  cette  ibid. 

année  1 145. 

Les  distiques   de   Caton  furent  encore  traduits  dans  le 
XIIP  siècle  par  deux  autres  religieux ,  Adam  de  Guiency  et  Manuscrits  in- 
Adam du  Suel,  comme  nous  le  verrons  en  son  lieu.  4" m,  n" 7,  folio 

La  traduction  d'Éverard  est  écrite  sur  deux  colonnes  ;  le  àg'  7I.!iis?"d' 
latin  et  le  français  sont  de  suite ,  sans  distinction  de  vers.  Paris  ,"  et  n" 
Les  vers  sont  de  cinq  syllabes,  mêlés  de  quelques  vers  de  six,  7''93(iel'i 
et  divisés  en  strophes  de  six  vers.  °^  ^' 

Le  prologue  en  prose  de  l'auteur  latin  est  ainsi  rendu  en 
vers  par  le  traducteur  : 

Cum  animadverterem  quam  pluriinos  homines  graviter  errare  in  via, 
morwii ,  succurrendum  et  consulendum  opinioni  eorum  fore  existimavi ^ 
maxime  ut  gloriose  viverent,  et  Iwnorem  contingerent, 

{a)  Ce  manuscrit  contient  plusieurs  autres  pièces.  Il  commence  par 
l'Image  du  monde  (qui  n'est  pas  la  traduction  de  Gautier  de  Metz),  et 
se  termine  par  le  Tornoicment  de  l'Antéchrist  de  Huon  de  Méri ,  relio-ieuîc 
de  labbaye  Saint-Germain. 

Ces  pièces  ont  été  transcrites  par  difterens  copistes,  et  composées  en 
différens  temps  j  elles  n'ont  été  réunies  que  postérieurement. 

I2 


l  ancien 


XII  SIECLE. 


68  LE  MOINE  ÉVERARD, 

Cum  jeo  aparsoie  Pur  ceo  maismement 

Plusurs  de  la  voie  Ke  gloriusement, 

De  mors  forvoier;  El  mont  vesquissent, 

Avis  pur  m'estoit,  E  par  tel  afere 

E  grant  bien  seroit,  Dignetez  en  terre, 

De  voir  cunsilier.  En  honors  conqxieissent. 

Nunc  te  ,Jili  charissime,  docebo  quo  pacto  mores  animi  tui  componas. 

Oie  beaus  fiz  très  chier,  Par  quel  covenant 

Toi  voel  jeo  enseignier  Purras  en  avant 

Ke  tu  soies  plus  sage  ;  Aomer  ton  curage. 

Igitiir  mea  prœcepta  ita  legito ,  ut  intelligas  }  légère  enim  et  non  intelli- 
gere  )  négliger  e  est  (a). 

Pur  tels  acheisons  Mais  nient  entendre  è  lire 

Fiz  jeo  te  enjoignons  Çeo  est  à  despire; 

Ke  mes  preceps  lises  ;  Si  voil  ke  t'en  chastises. 

Jtaqiie  Deo  supplica ,  parentes  ama  ,  etc. 

Deù  amez,  Père  et  mère  amez, 

E  le  requérez  Parenz  honurez 

De  çeo  ke  averois  mestier  E  mult  le  tenez  cliierz. 

Le  reste  de  cette  espèce  d'introduction  ou  de  pre'face  est 
toujours  alterné  d'un  passage  latin  et  de  la  traduction  fran- 
çaise. Les  distiques  sont  traduits  en  même  mesure,  et  dans 
le  même  style. 

Si  Deiis  est  animus^  nobis  ut  carmina  dicunt , 
Hic  tibi prœcipue  sit  purâ  mente  colendus. 

Si  Deu  à  coltiver  Là  soit  tun  curage 

Est  ou  purpenser,  Ferm  sans  être  remué 

Corne  dient  li  ditié  En  son  estage. 


(«)  On  lit  dans  de  bonnes  éditions  de  Caton ,  nec  légère  est;  mais ,  seloo 
quelques  étymologistes,  c'est  de  nec  légère  que  s'est  formé  ncglegcre ,  et 
ensuite  negligere ,  «négliger,  ne  pas  cueillir,  ne  pas  recueillir»,  etc.  Le 
traducteur  a  entendu  ce  mot  comme  s'il  y  avait  negligendum  est ,  et 
comme  si  cela  signifiait  «  mépriser,  méprisable;  à  despire  ,du  latin  despicerç. 


POÈTE  FRANÇAIS.  69 

„ ,       .  .    ,     .  XII  SIECLE. 

St  vitam  mspicias  hominum  ,  si  aeniqiie  mores  ,  ________^_ 

Cum  culpes  alios  ,  nemo  sine  crimine  vivit. 

Qant  autre  blâmeras  Kar  nul  n'est  ki  vit 

Tei  meismes  jugeras  Ou  ne  soit  grant  ou  petit, 

Tut  primerement.  Ki  soi  ne  mesprent. 

Noli  homiues  blando  nimiunt  sermone  probare  : 
Fistula  dulce  canit ,  volucrem  durn  decipit  auceps. 

Ne  voilles  losengier  Bel  chante  le  frestel 

Home  ne  trop  loer  Quant  l'oiselor  l'oisel 

Fors  sulunc  le  droit.  Tret  à  soi,  é  desçoit. 

Litein  inferre  cave,  cum  qiio  tibi  gratia  juncta  est  ; 
Ira  odium  générât ,  concordia  nutrit  amorcm. 

Ne  muef  jà  à  tençon  Kar  ire  engendre  haor," 

Vers  ton  compaignun,  Concorde  nurit  amur 

Ne  vers  ton  bien-voillant,  Ke  Deus  prise  tant. 

Telluris  si  forte  velis  cognoscere  cidtiis, 
Virgilium  legito. 

Si  tu  vois  savoir  Virgille  lises  ' 

Terre  cultiver,  E  savoir  purrés 

Ke  blé  ni  faille  mie  ;  Assez  de  gaignerie. 

Quod  si  mage  nosse  laboras 
Herbarum  vires ,  Macer  has  tibi  carminé  dicet; 

Si  uns  fisicien  Macre  ki  ne  ment 

"Volez  estre ,  e  bien  Les  granz  vertuz  aprent 

Douer  les  médicines ,  De  erbes  é  racines. 

Si  romana  cupis  et jpunica  noscere  bella  , 
Lucaniun  quœras-,  qui  Martis  prœlia  dixit. 

Si  vels  ke  tu  ne  failles  Lucan  apren ,  Kar 

De  savoir  les  batailles  llluec  troveras 

DAufrike  ou  de  Rome  ;  De  guère  la  summe. 

Si  quid  amare  libet,  ■vel  discera  amare  legendo , 
Nasonem  petite. 

Si  vels  savoir  d'amors  Dune  saveras  tost  amer 

Corne  voillent  li  plusurs ,  E  après  des-amer 

Lisez  dune  Ovides,  Melz  ke  tu  ne  quides.  . 


70       LE  MOINE  ÉVERARD,  POÈTE  FRANÇAIS. 

Conjugis  iratœ  noli  ta  verha  timere  ; 

Aa/n  stridt  iiisidias  lacrimis,  quumfœmina  plorat. 

Quant  ta  femme  irée,  Quant  ele  losange  é  plore 

Te  dit  sa  raponée,  Gartoi  icele  ore, 

N'en  tieng  jà  nul  plait.  Kar  dune  est  en  aguait. 

Miraris ,  verbis  midis  me  scribere  versus  ? 
Hos  brevitas  sensus  Jecit  coiijungere  birios. 

En  esmerveillez  Mais  ces  est  l'acheison 

Ceo  ke  jeo  aie  ces  Ke  deisse  ma  reison 

Vers  escrit  issi  nuement;  En  dous  vers  brièvement. 

L'auteur  termine  sa  traduction  par  cette  espèce  d'épilogue  : 

De  danz  Katon  la  trace,  Mes  si  jeo  ai  mespris 

Si  près  come  la  grâce  Ou  autre  chose  rais 

Deu  m'a  enseignié,  Ke  il  ni  doit  aveir 

Ai  par  trestut  suï  Li  sage  qui  l'orrunt, 

E  les  sens  de  lui  Amender  le  purrunt, 

En  romans  tresturné  ;  E  jeo  les  en  requier. 

Ne  me  doit  blasmer,  Trestut  cil  ki  l'orrunt, 

Home  seculer  E  en  quer  retendrunt 

Ne  nul  crestien ,  Le  sen  quant  l'unt  oï , 

Kar  c'est  mun  niestier  O  Dieu  aient  grand  part, 

De  fere  é  de  penser  E  de!  peccheo  Everart 

Tuz-jurs  sen  é  bien.  Ait  damne  Deu  merci. 

II  a  encore  répété  son  nom  à  la  fin. 

Mes  prolez  sans  essoine  De  mal  é  de  peccliié; 

Par  Everard  le  moine,  E  qu'il  lui  doint  sa  grâce, 

Ki  ceste  ovraigne  enprent.  Ke  il  la  chose  face 

Ore  proiez  pur  le  moine ,  Sulonc  la  vérité. 
Ke  Deus  sun  quer  esloigne  Amen. 

Le  mérite  qu'Éverard  doit  avoir  aux  yeux  des  amateurs 
de  notre  ancienne  poésie ,  c'est  qu'il  est  le  premier  qui  ait 
croisé  les  rimes ,  et  employé  les  strophes  avec  une  certaine 
régularité.  G. 


\ 


XII  SIECLE. 


ALVISE, 

ABBÉ  D'ANCHIN,  PUIS  ÉVÊQUE  D'ARRAS. 
ABRÉGÉ  DE  SA   VIE. 


Oi  ce  prélat  eût  e'te'  aussi  attentif  ;i  tenir  registre  des  lettres 
qu'il  écrivait,  qu  il  était  soigneux  de  conserver  celles  qui  lui 
étaient  adressées ,  il  aurait  rendu  un  grand  service  à  la  lit- 
térature ,  et  sur-tout  à  l'histoire  :  car  on  trouve ,  dans  les 
Mélanges  de  Baluze,  beaucoup  de  lettres  du  roi  Louis-le- 
Gros  et  des  papes  Innocent  II,  Célestin  II,  Lucius  II,  et 
Eugène  III,  qui  prouvent  la  haute  opinion  qu'on  avait  à  VitaGoswini, 
Rome  et  en  France  de  sa  capacité,  et  qui   confirment  le  Ari"'cin.abbat. 

^,        ■  j     <      r  '    >  l'A  *  1       lib.  I,  cap.  i3. 

témoignage  que  rend  a  1  eveque  d  Arras  un  auteur  du 
XIP  siècle,  disant  qu'il  était  grand  aux  yeux  des  hommes, 
et  d'un  mérite  supérieur  auprès  de  Dieu  :  Alvisus  homo 
inagnaniinus ,  et  pro  sua  inagnanimitate  magniis  apud 
homines ,  sed  apud  Deumpro  religionis  titulo  major  ;  et  quia 
parvus  erat  in  oculis  suis,  niaximus  hahebatur. 

On  a  mis  en  question  s'il  était  frère  germain  de  l'abbé 
Suger,  régent  du  royaume.  L'opinion  de  l'auteur  des  Sin-   Liron ,  slngni. 
gularites  liistonques ,  qui  s'est  prononcé  pour  l'affirmative,  liistt.ii,p.48. 
ne   nous   paraît  pas    entièrement   destituée   de  preuves.  Il 
observe    que   Louis-le- Jeune   annonçant  à   Suger  la  mort  Sugcr,  ep.  22, 
d'Alvise ,  parti  avec  lui  pour  la  Terre-Sainte ,  l'appelle  son  p.  499. 
frère ,  venerabilis  f rater  vester  episcopus  Atrehatensis  felici 
consumtnatione  inigravit  ad  Dominum.    Selon  le  style  du 
temps ,  le  roi  aurait  écrit  venerabilis  pater  noster,  s'il  n'eût 
eu  en   vue  que  la  dignité  du  défunt,  parce  cpie  ce  n'était 
qu'entre  eux  que  les  évécjues  s'appelaient   frères.  D.  Liron 
observe  encore  cju'Alvise  lui-même,  dans   une   charte   en 
fiiveur   de   l'abbaye,  de    Saint-Denis,  appelle   l'abbé  Suger  Hist.  de  s.  De- 
son  frère,  dilectissi me  f  rater,  Sugeri,  'venerahilis  ahha.  D'où  nis,pr.  p.  107. 
il  conclut  que  Suger  était  flamand  ainsi  qu'Alvise  ;  mais  la 
preuve  qu'il  en  donne,  fondée  sur   ce  que   celui-ci  avait 
embrassé  la  vie  religieuse  à  Saint-Bertin ,  nous  paraît  bien 
fail>)e. 

Quoiqu'il  en  soit ,  Alvise  fut  tiré ,  l'an  11 1 1 ,  de  ce  monas-    ^'if^-  ^^-  ^"• 
tèi'c,  où  il  était  prieur,  pour  être  promu  à  l'abbaye  d'Anchin, 


iiii. 


72      ALVISE,  ABBîi  D'ANCHIN,  ËVÊQ.  D'ARRAS. 
xn  SIECLE,    diocèse  d'Arras.  Non-seulement  il  maintint  dans  cette  abbaye 
les  pratiques  religieuses  dans  toute  leur  intégrité,  mais  il 
fut  encore  un  des  plus  ardents  réf"orm:iteuis  des  autres  mo- 
nastères de  Flandre,  même  après  qu'il  eut  été  élevé  à  l'épis- 
copat,  l'an  ii3i  :  ce  qui  ne  manqua  pas  de  lui  susciter  bien 
des  traverses  de  la  part  de  certains  religieux  peu  dociles. 
OdodeDiogilo,       Ce  digne  prélat  étant  parti  pour  la  Terre-Sainte  avec  le 
r-29-  roi  Louis-le- Jeune ,  mourut  le  6  septembre  ii47i  à  Fhilip- 

popoli  ,  avant  que  d'arriver  à  Constantinople  ,  oii  le   roi 
l'avait  envoyé  en  ambassade. 

SES  ÉCRITS. 

Baluz.Miscei.t.  Etienne  Baluze  a  publié  une  collrction  de  trente -cinq 
v,p.  401-A26.  lettres,  relatives  à  l'administration  d'Alvise  pendant  son 
épiscopat,  qui  supposent  ou  qui  annoncent  même  autant 
de  lettres  de  sa  part.  Cependant  il  n'y  en  a  qu'une  qui  soit 
Ibcd.p.ii2i.  proprement  de  lui,  écrite  en  son  nom.  Elle  est  adressée  au 
pape  Lucius  II,  pour  le  mettre  au  fait  d'une  question  de 
divorce,  qui ,  après  avoir  été  plaidée  devant  lui,  était  portée 
par  appel  au  tribunal  du  pape. 
ibid.  p.  403.  Parmi  les  autres  lettres  il  y  en  a  de  très-importantes.  De 
ce  nombre  est  un  jugement  de  la  cour  du  roi  Louis-le-Gros , 
en  matière  de  fief,  portant  cassation  d'une  sentence  du  juge 
d'Arras,  contre  laquelle  Alvise  s'était  pourvu. 
gbid.  p. /,io.  Une  lettre  du  pape  Innocent  II  au  roi  Louis-le- Jeune 
jette  de  grandes  lumières  sur  les  troubles  qui  régnaient  à 
Reims  pendant  la  vacance  du  siège  archiépiscopal  ,  vers 
l'an  1 1 38.  Après  de  vives  remontrances  faites  au  jeune  roi , 
le  pape  permet  aux  chanoines  de  Reims  de  procéder  à 
l'élection  d'un  archevêque,  sous  les  yeux  de  Geoffioi ,  évêque 
de  Chartres,  légat  du  pape,  de  Hugues,  évêque  d'Auxerre, 
de  Goslin  de  Soissons,  et  d'Alvise  d'Arras;  mais  à  condition 
que  le  roi  dissipera  l'association  qui  s'était  formée  à  Reims, 

3ue  le  pape  désigne  sous  le  nom  de  compagnies ,  c'est-à- 
ire,  que  le  roi  retirerait  la  charte  de  commune  qu'il  avait 
accordée  aux  habitans.  C'est  Alvise  à  qui  nous  sommes  rede- 
vables de  la  conservation  de  cette  pièce  importante, 
ftjrf.  p.  418.  La  lettre  23  du  pape  Célestin  II  à  Alvise  est  relative  au 
mariage  projeté  du  fils  aîné  de  Thibaud ,  comte  de  Cham- 
pagne, avec  une  fille  de  Thierri ,  comte  de  Flandre,  auquel 
mariage  le  roi  Louis-le-Jeuue  mettait  opposition.  Comme 


ALBÉRIC,  CARDINAL  EVEQUE  D'OSTIE.         73 

T'ëvêque  d'Arras  avait  écrit  au  pape  sur  cette  affaire ,  Cëlestin    xil  smcLE. 
lui  expose  les  raisons  pour  lesquelles  il  s'en  était  réservé  la 
connaissance ,  et  l'invite  à  se  rendre  à  Rome ,  s'il  veut  la 
poursuivre  canoniquement.  Dans  la  lettre  a.5 ,  Lucius ,  suc-    Baïui.  Miscei. 
cesseur  de  Célestin,  charge  l'évêque  d'Arras  de  travailler  à  P"  '•'9" 
rétablir ,  entre  le  roi  de  France  et  le  comte  de  Flandre ,  la 
paix ,  qui  sans  doute  avait  été  altérée  par  l'opposition  du  roi 
au  mariage  de  sa  fille. 

La  lettre  34  est  du  pape  Eugène  III  au  roi  Louis-le-Jeune ,  ibid.  p.  4aG. 
en  réponse  à  une  lettre  du  monarque  français ,  dont  Alvise 
fut  le  porteur.  Le  pape ,  en  la  terminant ,  recommande  au 
roi  d'écouter  favorablement  certaines  choses  que  l'évêque 
d'Arras  était  chargé  de  lui  communiquer  en  secret  et  de 
vive  voix.  Nous  pensons  que  cette  négociation  était  relative 
au  projet  de  croisade ,  qui  ne  tarda  pas  à  être  mis  à  exé- 
cution. 

Nous  ne  parlons  pas  des  autres  lettres  de  cette  collection , 
toutes  fort  honorables  pour  notre  prélat,  mais  la  plupart 
relatives  seulement  à  des  affaires  entre  particuliers.  Nous  ne 
dirons  rien  non  plus  des  chartes  émanées  de  lui ,  parce  que, 
sous  le  rapport  littéraire,  ces  pièces  n'ajoutent  pas  beaucoup 
au  mérite  d'un  écrivain.  B. 


ALBÉRIC, 

CARDINAL  ÉVÈQUE  D'OSTIE. 
SA  VIE. 

• 

Ueux  auteurs  anglais,  Jean  et  Richard,  prieurs  des  cha-       inter  Ang!. 
noines  réguliers  d'Hagustalde ,  nous  donnent  quelques  ren-  Hlst. Script.  x, 
seignemens  sur  les  différens  emplois  qu'Albéric  occupa  dans  *^°  "  ^  ^^'-'^''• 
l'église,  avant  qu'il  fût  arrivé  à  la  dignité  de  cardinal.  Il 
était  né  en  France  (  au  diocèse  de  Beauvais ,  selon  Guillaume  wiil.  Tyr.  lib. 
de  Tyr),  et  il  avait  embrassé  la  règle  de  Saint-Benoit  dans  XV,  cap.  xi. 
l'ordre  de  Cluni.  Recommandable  par  son  habileté  dans  les 
sciences  divines  et  humaines,  homme  éloquent  et  de  bon 
conseil ,  doué  d'une  physionomie  aimable  et  d'une  grande 
Tome  XIII.  K 


74         ALBÉRIC ,  CARDINAL  É^'ÊQUE  D'OSTIE. 

xri  SIECLE,  modestie,  qu'accompagnait  un  extérieur  tout-à-fait  religieux, 
il  fut  d'abord  sous-prieur  à  Cluni,  et  chargé  de  veiller,  en 
cette  qualité,  à  la  pratique  des  exercices  du  cloître.  De- là 
il  fut  envoyé  à  Paris,  pour  exercer  les  mêmes  fonctions  à 
Saint-Martin-des-Champs ,  en  qualité  de  prieur ,  ou  de  sous- 
prieur.  Le  besoin  d'un  homme  capable  de  rétablir  le  bon 
ordre  dans  l'abbaye  de  Cluni  ,  après  le  schisme  qu'avait 
tenté  d'y  introduire  l'abbé  Ponce,  le  fit  rappeler  à  son  ancien 
poste  par  l'abbé  Pierre  le  Vénérable,  successeur  de  Ponce. 
Bientôt  après,  l'an  n3o  ou  ii3i,  il  fut  nommé  abbé  de 
Vezelai ,  au  diocèse  d'Autun  ;  mais  cela  ne  se  fit  pas  sans 
opposition  de  la  part  des  religieux,  non  qu'ils  eussent  aucun 
éloignement  pour  sa  personne,  mais  pai'ce  qu'il  leur  était 
envoyé  par  l'abbé  de  Cluni,  duquel  ils  se  prétendaient  indé- 
.Spicil.  in-fol.  pcndans ,  ou  dont   ils  voulaient  secouer  le  joug.   L'affaire 

t.u,p.  5i7.  ayant  été  portée  au  tribunal  du  pape,  Innocent  II  donna 
gain  de  cause  à  l'abbé  de  Cluni  :  Albéric  fut  installé  api'ès 
que  la  plupart  des  religieux  eurent  été  dispersés  en  Provence, 
en  Italie ,  en  Germanie ,  en  France ,  et  en  Aquitaine ,  enchaî- 

Bern.epist.i5o,  nés  comme  des  criminels,  vinculis  colligati.  Saint  Bernard, 

iium.  2.  écrivant  au  pape  Innocent,  élève  jusqu'aux  nues  ce  trait  de 

vigueur  apostolicpie ;  et  Ihistorien  de  Vezelai,  de  qui  nous 

empruntons  ce  récit,  l'appelle  une  atrocité,  un  vrai  scandale, 

grave  scandalum. 

PetriVen.       L'ail  1 1 34 ,  Albéric  fut  un  des  abbés  qui,  au  retour  du 

lib.l,epist. -27.  concile  de  Pise,  furent  arrêtés,  dévalisés,  et  rais  en  prison 
à  Pontremoli   par  des    brigands.  Comme  il   était  question 

//w/.  li,cp.  28.  de  le  faire  évêque  de  Langres,  l'an  ii36  ou  113^,  Pierre  le 
Vénérable ,  qui  avait  besoin  de  lui  pour  maintenir  dans  sa 
dépendance  l'abbaye  de  Vezelai ,  demanda  si  instamment  au 

Eape  d'empêcher  cette  élection ,  qu'elle  n'eut  pas  lieu.  Mais 
ientôt  après  le  pape,  connaissant  le  mérite  d'Albéric,  le 
G.il).  Christ,  créa  cardinal  évêque  d'Ostie.  Les  auteurs  du  Gallia  Cliris- 
î.  IV,  col.  469.  fi^jjd  élèvent  des  doutes  sur  l'identité  de  la  personne  de  ce 
cardinal  et  de  l'abbé  de  Vezelai  ;  parce  qu'ils  ne  trouvent , 
disent-ils,  nulle  part  que  ce  cardinal  ait  été  abbé  de  Vezelai. 
Cependant  les  deux  auteurs  anglais  déjà  cités  le  disent  for- 
mellement ,  et  Pierre  le  Vénérable  le  fait  entendre  assez  clai- 
rement dans  la  lettre  48  du  second  livre. 

A  peine  élevé  au  cardinalat,  Albéric  fut  envoyé ,  l'an  11 38, 
avec  la  qualité  de  légat  en  Angleterre ,  pour  travailler  à 
rétablir  la  paix  entre  le  roi  Etienne  et  David ,  roi  d'Ecosse , 


ALBÉRIC,  CARDINAL  ÉVÈQUE  DOSTIE.         75 

comme  aussi  pour  rëgkn^  les  affaires  ecclésiastiques  du  pays.  Xïi  SIECLE. 
Il  assembla  pour  cela,  au  mois  de  décembre  de  la  même 
année,  un  concile  à  Westminster,  dont  les  actes  ont  été 
conservés  par  les  historiens  anglais  déjà  cités  ;  il  partit  au 
commencement  de  l'année  suivante,  accompagné  de  plusieurs 
évéques  d'Angleterre,  pour  assister  au  concile  général  de 
Latian. 

L'an  I  i4i  •)  ayant  été  envoyé  comme  légat  en  Orient,  il  tint  Labbe,  Concii. 
à  Antioche,  au  mois  de  décembre,  un  concile  dans  lequel  il  ^■^^^'  ^°^-  ^***^ 
prononça  la  destitution  du  patriarche  Raoul.  Etant  allé 
ensuite  à  Jérusalem ,  il  fit  la  dédicace  de  l'église  de  Sion , 
assembla  aux  fêtes  de  Pâques  un  concile  auquel  assista  le 
catholique  ou  patriarche  de  Arméniens ,  qui  promit  de  con- 
former sur  plusieurs  points  la  croyance  de  son  église  à  celle 
de  l'église  de  Rome.  Après  cela ,  le  légat  reprit  le  chemin  de 
l'Italie. 

Il  n'y  séjourna  pas  long-temps ,  car  le  pape  Lucius  II ,      chesn.  t.  iv, 
aussitôt  après  son  élection  ,  le  chargea  de  la  légation  de  jg^'     *^'^'  ''' 
France ,  selon  la  chronique  de  IMorigni ,  par  conséquent  l'an 
1 144-  Nous  ne  ferons  pas  le  détail  de  toutes  les  affaires  qu'il 
eut  à  traiter  en  France  :  il  suffira  d'indiquer  les  piùncipales. 

L'an  1 145  ,  et  non  l'an  1 147  1  il  partit  avec  saint  Bernard      s.  Bern.  op. 
et   Geofroi  ,  évêque   de  Chartres,   pour   aller   à  Toulouse  '•  Hj coi.  1192. 
prêcher  contre  les  hérétiques  Henriciens.  Nous  avons  la  rela- 
tion de  ce  voyage.  Ils  s'arrêtèrent  d'abord  à  Nantes,  afin  de    Guiberti,  Op. 
ramener  au  sein  de  l'église  les  sectateurs  d'Eon  de  l'Étoile,  p- 690. 
qui ,  à  leur  approche ,  craignant  pour  sa  personne ,  prit  la 
fuite.  N'ayant  pu  convaincre  de  vive  voix  cet  imposteur,  le 
légat  chargea  Hugues,  archevêque  de  Rouen,  qui  se  trouvait 
là ,  de  combattre  par  écint  ses  erreurs.  C'est  ce  que  fit  l'ar- 
chevêque dans  un  traité  adressé  au  légat  par  une   épître 
dédicatoire,  de  laquelle  nous  tirons  cette  circonstance  du 
voyage.  Passant  ensuite  par  Bordeaux,  ces  bons  mission-      Caii.Chrisi. 
naires  rétablirent  la  paix  entre  le  clergé  de  la  ville  et  l'arche-  '•  ^^'  '^°'-  ^'''• 
vêque  Geofroi  de  Loroux ,  qui ,  pour  avoir  excommunié  son 
chapitre  ,  n'avait  pu ,  depuis  cinq    ans  ,  rentrer  dans   son 
église.  Nous  renvoyons  à  l'article  de  saint  Bernard  ce  que 
nous  aurions  à  dire  sur  le  reste  du  voyage. 

Il  y  a  grande  apparence  qu'Albéric ,  après  avoir  concerté 
avec  le  roi  Louis- le- Jeune  le  voyage  de  la  Teri'e- Sainte, 
retourna  auprès  du  pape,  qui  donna,  au  mois  de  décembre 
de  la  même  année,  sa  bulle  portant  indulgence  ipour  les 


7G        ALBÉRIC,  CARDINAL  ÉVÊQUE  D'OSTIE. 

XII  SIECLE.  Croises.  Au  moins  est-il  certain  que  le  légat,  s'il  eût  été  en 
France  aux  fêtes  de  Noël  suivantes,  n'eût  pas  manqué  d'as- 
sister à  la  première  assemblée  qui  fut  teime  à  Bourges  sur 
cet  objet,  et  rien  ne  prouve  qu'il  y  ait  assisté.  11  est  certain 
d'ailleurs  qu'étant  à  Rome  au  premier  jour  de  février  de 
lannée  suivante,  il  souscrivit  une  bulle  rapportée  par  D.  Ma- 
billon,  t.  AI  des  Annales  de  l'ordre  de  Saint-Btnoît,  p.  6()8. 
Le  pape  Eugène  III  étant  venu  en  France,  l'an  1 147,  Albé- 
ric  fut  aussi  du  voyage,  et  il  mourut  à  Verdun  au  commen- 
cement de  l'année  suivante ,  se  rendant  de  Trêves  à  Reims , 
où  le  pape  avait  indiqué  un  concile  pour  la  mi-carême  1 148. 
vita  s.  Eern.  Saint  Bernard  avait  conçu  une  si  haute  idée  de  la  sainteté 

hb. l\,  caij.  4.  dAlbéric,  que,  passant  peu  de  temps  après  à  Verdun,  et 
offrant  pour  lui  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  au  lieu  de  dire 
la  collecte  pour  un  défunt ,  il  récita  celle  qu'on  lisait  à  l'office 
d'un  saint  pontife.  Cependant  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  sa 
gestion  comme  légat  ait  été  sans  reproches,  Guillaume  de 
Martene ,  Tyr  ne  lui  cst  pas  trop  favorable.  Etienne,  archevêque   de 

Anecd. t.i, col.  Vienne,  dans  une  lettre  à  lui  écrite,  se  plaint  de  l'irrégula- 
rite  d'une  procédure  qu'il  avait  intentée  contre  lui;  et,  ce 
qui  prouve  que  ce  n'était  pas  sans  raison ,  c'est  que  sa  pro- 
cédure fut  cassée  sous  le  pontificat  d'Adrien  IV,  et  Etienne 
rétabli  sur  son  siège ,  comme  nous  le  dirons  à  l'article  de  ce 
dernier. 

Baïuzii  Miscel.        Nous   n'insisteroiis    pas    sur    l'abus    tl'autorité    que    lui 

t.  iVjp. 459.  reproche,  pour  l'avancement  de  ses  neveux,  Thomas,  abbé 
démissionnaire  de  Morigni ,  dans  une  lettre  à  saint  Bernard. 
Le  portrait  peu  avantageux  qu'il  fliit  de  l'oncle  et  des  neveux 
est  trop  chargé,  pour  être  pris  à  la  lettre  de  la  part  d'un 
homme  qui  avait  sur  le  cœur  le  ressentiment  de  se  voir 
éloigné  de  son  ancien  poste,  auquel,  disait- il,  l'appelaient 
de  nouveau   les   vœux   des    religieux   et   des    habitans  de 


Morigni. 


SES  ECRITS. 


11  est  étonnant  qu'avec  la  réputation  de  science  que  s'était 
S.  Bern.  Op.  acquise  Albéric,  jusque-là  que  Geofroi  d'Auxerre ,  secré- 
t.  II, col.  i32o.  taire  de  saint  Bernard,  l'appelle  une  des  fortes  colonnes  de 
YégVisdy  columnajn  gf-andem  ecclesiœ ,  cwn  onini  reverentiâ 
nominandum ,  lequel ,  dit-il ,  parmi  tous  les  cardinaux  ,  au- 
rait été  le  plus  capable  de  déconcerter  au  concile  de  Reims, 
si ,  à  cette  époque ,  il  eut  été  en  vie ,  la  suffisance  de  Gilbert 


ALBÉRIC,  CARDINAL  ÉMiQUE  D'OSTIE.         77 

de  la  Porrée  ;  il  est  étonnant  qu'ayant  été  chargé  de  négo-    ^n  sieclk. 
dations  aussi  importantes  que  celles  que  nous  venons  de 
raconter ,  il  l'este  si  peu  d'écrits  de  sa  composition ,  dont 
nous  puissions  lui  faire  honneur.  Voici  ceux  que  nous  con- 
naissons : 

1°  Les  actes  du  concile  de  Westminster  en  Angleterre,  LahLe,  Condi. 
imprimés  dans  le  P.  Labbe,  d'après  les  historiens  anglais,  i- >^,  toi.  99/, - 
Richard ,  prieur  d'Hagustalde ,  col.  3^6  et  seqq. ,  et  Gervais  ^^ 
de  Cantorbéri,  col.  lo^y.  Quant  aux  actes  des  conciles  qu'il 
tint  en  Orient,  il  n'en  reste  que  le  souvenir  dans  l'histoire 
de  Guillaume  de  Tyr. 

2"  Gervais  de  Cantorbéri  nous  a  conservé  la  lettre  qu'Ai-       Hist.  Angi. 
béric  écrivit  au  prieur  de  Cantorbéri,  nommé  Jérémie,  pour  \'"q^'  '  ' 
lui  enjoindre  de  procéder  à  l'élection  d'un  archevêc[ue,  et 
de  se  rendre ,  avec  la  personne  qu'on  élirait ,  au   concile 
indiqué  à  Westminster,  afin  qu'il  put  lui  imposer  lui-même 
les  mains. 

3°   Dom   Duplessis  a  publié   des  lettres   d'Albéric  ,  qui  Hist  deMeaur, 
constatent  qu'il  fit ,  l'an  1 145 ,  la  dédicace  de  l'église  de  Fare-  ^"^'  *'  ^^'  P"  ^°' 
moûtier  au  diocèse  de  Meaux,  rétablie  après  un  incendie  cpi 
l'avait  consumée. 

4°  On  trouve,  dans  le  Trésor  des  Anecdotes  de  D.  Martene,  Martene  , 

des  lettres  tlu  légat  Albéric ,  adressées  à  l'abbé  et  aux  reli-  ^^^'^^'  '"  ^'  ^"^' 
gieux  de  Saint-Maixent ,  en  Poitou ,  portant  règlement  entre  ^^ 
les  religieux  et  les  chapelains  de  leur  dépendance. 

S''  Le  même  éditeur  a  mis  au  jour  d'autres  lettres  d'Albéric,  Martene,Ainpj. 
données  à  Limoges,  dans  lesquelles  il  annonce  aux  religieux  Coiiect. t.l,coi. 
de  Saint-Orens  d'Ausch  qu'il  a  rétabli  la  bonne  intelligence  ''^°' 
entre  leur  prieur  et  l'archevêque  Guillaume  de  Monta  ut,  son 
oncle ,  touchant  certaines  contestations  c|ui  s'^étaient  élevées 
entre  eux.  Ces  lettres  sont  aussi  imprimées  dans  la  Chronique 
d'Ausch  par  Clément  de  Brugelles,  page  49  des  preuves  de 
la  seconde  partie. 

6**  Une  lettre  à  Ponce,  abbé  de  Vezelai,  pour  lui  annon-     Siiicii.  in-foJ. 
cer  qu'il  a  mandé  au   comte   de  Nevers   de  renoncer  aux  ••^^'P-Sog. 

E rétentions  formées  par  ce  seigneur  sur  le  temporel  de  l'ab- 
aye ,  exhortant  l'abbé  à  ne  faire  aucun  sacrifice  des  privi- 
lèges de  sa  maison. 

Nous  indiquerons ,  en  finissant ,  les  lettres  qui  furent 
écrites  par  saint  Bernard  à  Albéric  étant  en  cour  de  Rome. 
Ce  sont  les  lettres  219,  a3o,  23i,  23a,  auxquelles  nous 
n'avons  pas  les  réponses  de  notre  cardinal. 


78        SIMON  F%  ABBÉ  DE  SAINT-BERTIN. 

MI  SIECLE.        Nous  avons  dëja  parlé  de  la  lettre  que  lui  écrivit  Hugues 
d'Amiens,  arclievéque  de  Rouen,  en  lui  envoyant  le  Traité 
qu'il  avait  com])Ose,  par  son  ordre,  contre  les  hérésies  qui 
Bouquet,  t.xv,  puUulaicnt  en  France.  Le  continuateur  du  Recueil  des  histo- 
P-  ^S**-  riens  de  France  en  a  produit  une  du  même  archevêque , 

non  encore  imprimée ,  touchant  ce  qui  s'était  passé  à  Seez , 
lors  de  l'élection  de  l'évêque  Girard,  sur  laquelle  le  légat 
Albéric  devait  prononcer.  B. 


SIMON  r, 

ABBÉ  DE   SAINT-BERTIN. 

SA   VIE. 


jcandYprcs,  OiMON    naquit   à    Gand  ,   d'une    famille   noble,    dans    le 
t.  III  du  Très,  -^p  gj^çiç   Place ,  dès  son  enfance ,  à  l'abbave  de  Saint-Ber- 

(ies  Anecil.    cte      .  ^     .         ,  '  11   1  1    /    t 

Mariene,p.63i.  tiiî ,  que  gouveriiait ,  a  cette  époque,  I  abbe  Jean,  premier 
du  nom,  il  y  eut  pour  maître  Lambert  qui  en  était  l'éco- 
lâtre,  qui  jouissait,  à  ce  titre,  d'une  grande  célébrité,  qui 
devint  ensuite  le  chef  du  même  monastère ,  et  dont  on  a 
]Darlé  un  peu  trop  brièvement  peut-être  au  tome  XI  de  notre 
p.  i3  et  I.',.     Histoii'e  littéraire. 

Simon  s'était  distingué  parmi  les  disciples  de  Lambert. 
Une  grande  difficulté  qu'il  éprouvait  à  parler  ne  l'avait  pas 
Mart.  ihid. ,  empêché  de  s'instruire.  Les  auteurs  qui  l'appellent  vir  im- 
Mabiii.  Annal.  ^^g^/^/^,.j^  Unguœ ,  l'appellent  en  même  temps  vir  litteratus. 
if>eet'2  79  Gaii!  Aussi  Lambert,  devenu  abbé  en  1096,  le  choisit-il  pour 
Christ,  t.  m,  l'aider  à  établir,  dans  un  grand  nombre  de  monastères  de 
P-  497-  Flandre  et  d'Artois ,  la  réforme  de  Cluni ,  qu'il  avait  aupara- 

vant introduite  à  Saint-Bertin.  Simon  s'y  livra  avec  beaucoup 
de  zèle,  au  commencement  du  XIP  siècle,  et  il  se  montra 
tellement  digne,  sous  tous  les  rapports,  de  la  confiance  de 
l'abbé  Lambert,  que  celui-ci  étant,  vers  11 24,  atteint  d'une 
paralysie  qui  le  mettait  hors  d'état  de  remplir  ses  fonctions , 
il  nomma  Simon  son  coadjuteur.  Mais  l'abbé  de  Cluni  s'étant 
élevé  contre  cette  élection ,  comme  faite  sans  son  concours , 
et  à  son  insçù,  un  autre  co-adjuteur  fut  donné  à  LamLert. 


SIMON  P'",  ABBÉ  DE  SAINT-BERTIN.         79 

Les  deux  abbayes,  celle  de  Cluni  et  celle  de  Saint-Bertin ,  "^^  siècle. 
eurent  à  ce  sujet,  et,  en  gênerai,  sur  leurs  relations  de  supré- 
matie  et  de  dépendance ,  des  différends  cpii  furent  soumis  au 
pape,  et  dui^èrent  plusieurs  années  :  il  n'y  eut  de  décision 
définitive  qu'en  1 189,  et  elle  fut  rendue  en  faveur  de  l'abbaye 
Saint-Bertin. 

Cependant,  les  religieux  d'Aucliy,  près  d'Hesdin ,  avaient  Mait.  Anecd. 
élu  Simon  pour  leur  abbé.  Il  les  gouverna,  pendant  plusieurs  '■  "^'  P'^^'  ''' 
années,  avec  tant  de  sagesse,  que  le  co-adjuteur,  devenu 
successeur  de  Lambert,  sous  le  nom  de  Jean  II,  ayant  été 
déposé  au  concile  de  Reims,  présidé  par  Innocent  II,  pour 
avoir  adhéré  à  l'antipape  Pierre  de  I>éon ,  les  suffrages  una- 
nimes des  religieux  se  réunirent  sur  Simon ,  en  1 1 3 1 .  Son 
élection  néanmoins  fut  encore  contestée.  Elle  avait  été  faite 
sans  attendre  que  la  cour  de  Rome  eût  prononcé  sur  les  dif- 
férends dont  nous  avons  parlé.  Pierre  le  Vénérable ,  abbé  de 
Cluni ,  se  saisit  de  cette  circonstance  pour  la  dénoncer  au 
pape.  Innocent  II  avait  reçu  do  cet  abbé,  et  de  tout  l'ordre 
de  Cluni  en  général  ,  de  grands  témoignages  de  dévouement 
et  d'affection ,  au  moment  où  le  pontificat  suprême  était  dis- 
puté entre  Anaclet  et  lui  ;  il  finit  par  céder  à  la  demande 
Ï)ressante  et  réitérée  de  Pierre  le  Vénérable.  Un  bref  annulla 
'élection  en  11 36,  comme  faite  pendant  la  litispendance, 
et  ordonna  aux  religieux  de  Saint-Bertin  de  choisir  un  autre 
abbé,  avec  l'avis  et  du  consentement  de  l'abbé  de  Cluni.  II 
y  avait  déjà  cinq  ans  que  Simon  remplissait  les  fonctions  que 
lui  ôta  la  décision  du  pape.  Innocent  II  atteste  d'ailleurs , 
dans  son  bref,  que  ce  n'est  pas  à  cause  de  la  personne  élue 

3u'il  annuUe  l'élection;  il  reconnaît  la  capacité  et  le  mérite* 
e  Simon. 

L'abbé  Simon  n'apporta  aux  ordres  du  pape  qu'une  rési-  Mart.  Md.  p. 
gnation  parfaite  et  une  soumission  absolue.  Abdiquant  aussi-  '^^'>- 
tôt  sa  dignité ,  il  se  retira  à  Gand ,  dans  une  de  ces  abbayes 
où  il  avait  aidé  Lambert  à  établir  la  réforme.  Il  y  passa  plu- 
sieurs années  ,  tout  entier  aux  exercices  de  la  piété  chrétienne 
et  de  la  pénitence.  Il  revint  cependant  finir  ses  jours  à  Saint- 
Bertin,  où  sa  mort  arriva  le  4  février  1 148.  Jean  d'Ypres 
rapporte  son  épitaphe  ;  elle  était  conçue  en  ces  termes  : 

Abbas  sacratus  virtute  vigens  jnonachatus , 
Cœlo  translatus  Sjmonjacet  hic  tuniulatiis , 
Quarta  elles  fcbrui  quein  pacejbvct  requiei. 


etc. 


80        SIMON  F%  ABBÉ  DE  SAINT-BERTIN. 

Xn  SIECLE. 

SES  ÉCRITS. 

p.  333.  Nous  avons  parlé,  dans  ie  G"^  tome  de  notre  Histoire  Lit- 

téraire, d'un  recueil  formé  dans  le  dixième  siècle,  par  un 
moine  de  l'abbaye  Saint-Bertin  ,  de  diplômes,  chartes,  et 
autres  actes  concernant  cette  abbaye,  disposés  dans  leur  ordre 
chronologic{ue,  accompagnés  d'observations  et  d'éclaircisse- 
mens ,  entremêlés  de  laits  historiques ,  et  cjui  offrent  le  ta- 
bleau de  la  vie  et  des  actions  de  chacun  des  abîmés  de  ce 
monastère.  Le  religieux  à  qui  on  le  doit  s'appelait  Folcuin. 
On  conservait  l'ouvrage  manuscrit ,  avec  sa  continuation , 
dans  la  l^ibliothèque  de  la  maison  dont  il  offrait  l'histoire, 
et  il  y  en  avait  des  copies  dans  quelques  bibliothèques  de 
Paris.  Mabillon  en  a  publié  plusieurs  fragmens  dans  sa  Di- 
P.  6o5  et  suiy.  plomatique ,  au  tome  3  de  ses  Annales  de  l'Ordre  de  Saint- 
T.  V,  p.  622,  Benoît,  et  dans  les  Actes  des  Saints  et  des  Personnes  célèbres 
de  cet  ordre.  11  regardait  ce  cartulaire  comme  le  plus  ancien 
qu'il  y  eût  en  France. 

L'ouvrage  de  Folcuin  avait  été  continué  dans  le  même 
ordre  et  sur  le  même  plan  par  notre  abbé  Simon  ,  pendant 
qu'il  n'était  encore  que  simple  religieux.  Il  forma  une 
histoire  suivie ,  jusqu'au  douzième  siècle.  Simon  l'avait  dédié 
à  Lamiiert,  son  abbé.  Jean  d'Ypres  l'a  inséré  dans  sa  Chro- 
nique, insérée  elle-même  au  tome  3  du  Trésor  des  Anec- 
p."/^43.  '  "  '  dotes  de  IMartène.  L'ouvrage  de  Simon  commençait  au  temps 
Gali.  chr.  t.  III,  de  Roderic  ouRotric,  devenu  abbé  de  Saint-Bertin  en  loar, 
p.  493  et  498-  ef  contenait  ainsi  f  histoire  du  monastère  pendant  un  siècle 
environ.  On  peut  regarder  l'auteur  comme  contemporain  de 
la  plupart  des  faits  qu'il  rapporte.  Les  bulles  des  papes ,  les 
diplômes  des  princes  et  des  comtes  de  Flandre,  les  autres 
monumens  historiques,  y  expliquent  aussi,  y  prouvent,  y 
développent  les  événemens  principaux  arrivés  sous  le  gou- 
vernement de  chaque  abbé  successivement.  Les  BoUandistes 
ont  également  parlé  de  cette  Chronique ,  d'après  un  savant 
religieux  bibliothécaire  de  l'abbaye  Saint-Bertin  ,  dom  de 
P.  55/,,  n.  22.  Cléry,  sous  la  date  du  5  septembre.  Le  travail  de  Simon  était 
divisé  en  trente-huit  chapitres ,  suivis  de  deux  livres  de  cens , 
qui  regardaient  deux  terres  de  l'abbaye,  et  où  se  voit  le  dé- 
tail des  rentes  et  redevances  auxquelles  les  vassaux  étaient 
assujétis.  L'auteur  y  ajouta  le  catalogue  des  livres  qui ,  de 
son  temps  ,  composaient  la  bibliothèque  de  Saint-Bertin , 


Mart.  Th. 
Anccd.    t.   III 


SIMON  I",  ABBÉ  DE  SAINT -BERTIN.  8ï 

suivi  d'une  généalogie  très -succincte  de  nos  rois  des  deux    ^if  SIECLE, 
premières  races  ;  elle  finit  au  roi  Robert. 

Simon  est  encore  auteur  d'une  vie  de  saint  Berlin  en  vers. 
Folcard ,  religieux  de  ce  monastère ,  en  avait  comjDosé  une 
en  prose.  Celle  du  nouvel  auteur  n'est  guère  que  l'ouvrage 
de  Folcard  versifié,  avec  le  retour  des  mêmes  sons  entre  le 
milieu  et  la  fin  du  vers,  suivant  le  goût  du  temps.  Simon  en 
a  adopté  ou  répété  toutes  les  opinions  ,  et  il  a  fidèlement 
imité  jusqu'à  la  diffusion  de  son  style.  Dom  de  Cléry  croit 

3ue  ce  poème  a  été  fait  peu  de  temps  avant  le  milieu  du 
ouzième  siècle.  Il  est  du  moins  indubitable  cpi'il  l'a  été 
entre  l'année  ii3(i,  époque  oii  l'élection  de  Simon  fut  an- 
nuUée  par  le  pape,  et  l'année  i  i4^i  qui  est  celle  de  sa  mort. 
Nous  dfevons  même  remai'quer  ici  une  erreur  échappée  à  un 
des  savans  les  plus  distingués  qu'aient  produits  l'ordre  de 
Saint-Benoît  et  la  France  en  général,  dom  Mabillon.  L'ab- 
baye de  Saint -Bertin  eut ,  dans  le  douzième  siècle  ,  un 
autre  abbé  du  nom  de  Simon  ;  c'est  à  lui  que  dom  Mabillon 
attribue  la  vie  de  ce  saint,  en  vers,  dont  il  cite  un  fragment 
au  tome  III  des  Acta  Sanctorwn  ordinis  Sancti  Benedicti.  Page  io6. 
C'est  le  commencement  du  poème. 

Films  et f rater  merito  tuus,  6  pîa  mater, 
Laudibus  immensis  celebremus plebs  Sithicnsis. 
Unani  curn  reputem  tibi  non  satis  esse  saluteni , 
Me  conjerre putes  tibi  cum  pâtre  mille  saintes. 
Ergo  fave  Simoni,  quœso ^ pater  aime,  Leoni, 
Cui  quod  concepi  dudiim ,  modo  scribere  cœpi 
Laude  Deijestâ  nostri patris  incljta  gesta. 

îl  semble  néanmoins  que  ces  vers  même  auraient  dû  faire 
changer  Mabillon  d'opinion.  Le  cinquième  annonce  qu'un 
abbé  du  nom  de  Léon  Tétait  alors  du  monastère  Saint- 
Bertin. 

Fave  Simoni ,  pater  aime ,  Leoni. 

Ce  Léon  est  le  même  qui  fut  nommé  quand  l'élection  de 
Simon  eut  été  annullée,  qui  gouverna  l'abbaye  jusqu'en 
ii63,  et  qui  avait  consacré  a  Simon  la  sépulture  dont  nous 
avons  rappelé  l'inscription.  L'ouvrage  doit  par  conséquent 
avoir  été  composé  pendant  que  notre  auteur  vivait  dans 
cette  abbaye  de  Gand ,  oii  il  se  retira  après  avoir  perdu  ses 
Tome  XIII.  L 


82     GEOFROI,  ÉVÈQUE  DE  CHARTRES. 

XII  SIECLE,    fonctions  abbatiales.  Ajoutons  que,  clans  le  manuscrit  que 

'  la  bibliothèque  de  Saint-Bertin  en  conservait,  et  duquel  dom 

Cléry  avait  envoyé  une  copie,  avec  des  observations,   aux 

continuateuis  de  Bollandus,  on  lisait  que  l'auteur  en  était 

Simon  pi". 

Un  religieux  du  même  monastère,  dont  le  nom  ne  nous 
est  pas  connu,  continua  jusqu'en  1179  la  Chronique  de 
Simon;  un  autre  ensuite,  jusqu'en  1229;  et  Jean  d'Ypres , 
abbé  de  Saint-Bertin  au  XIV*'  siècle,  jusqu'en  1294-  On 
peut  lire  ce  qu'en  dit  le  père  Lelong,  dans  sa  Bibliothèque 
Historique  de  la  France,  tome  I*^^  de  l'édition  de  Fontette, 
page  767.  P. 


GEOrPtOI  DE  LEVES, 

ÉVÈQUE  DE  CHARTRES. 

SA    YIE    ET    SES    ÉCRITS. 

Cil  t  IV  ^ELON  la  Chronique  de  Morigni,  Geofroi  de  Lèves  (  de 
Ecr.  Fi'au.  p!  Leugis  )  ne  manquait  pas  de  science ,  mais  il  excellait  sur- 
3S2.  tout  dans  le  maniement  des  affaires  :  Gaufridus  carnotensis 

provinciœ  episcopus  ,    scieiitiœ  quideni  literalis  non  indigiis ^ 
seculaiiwn  quoque  negotionun  dispositor  et  tractator famosus. 
Les  chanoines  de  Chartres,  qui,  dans  leur  nécrologe,  lui  ont 
consacré  un  bel  éloge,  fappellent  une  des  colonnes  du  sacer- 
doce et  de  l'état,  cjui  avait  un  talent  admirable  pour  annon- 
Gall.  Clirist.  ^cr  aux  peuples  la  doctrine  du  salut  :  Tarn  in  sacerdotii  di- 
toni.  VIII,  col.  gnitate quant  inlionore  regni coliunna ,  doctrinœ divinœ prœco 
"^°-  mirahUis.  Orderic  Vital  atteste  C[ue,  dès  l'an  11 19,  Geofroi 

s'était  distingué  par  son  éloquence  au  concile  de  Reims,  pré- 
Ord.  lib.  XII,  sidé  par  le  pape  Calixte  IL  Ibi  Gerardus  EncoUsmensis,  Hato 
P  862.  Vivariensis,  Gaufridus  Carnotensis ,  et  Guillehnus  Catalau- 

nensis  ,  duces  verbi  prœ  cœteris  intonuenint ,  et  dicacibus 
scholasticis  atque  fervidis  amatoribus  sophice  imddiosi  enitue- 
runt.  Si  ces  titres  n'étaient  pas  suffisans  pour  lui  mériter  un 
article  dans  notre  Histoire  Littéraire,  nous  en  trouverions 
d'autres,  non-seulement  dans  les  actes  émanés  de  lui  comme 
légat  du  saint  siège ,  dont  à  la  vérité  la  plupart  sont  perdus , 


GEOFROI,  ÉVÈQUE  DE  CHARTRES.     83 

mais  encore  dans  un  écrit  que  nous  croyons  pouvoir  lui  at-   xn  SIECLK. 
tribuer,  et  dont  il  sera  parlé  plus  bas  (i). 

Ce  n'est  pas  notre  objet  de  tracer  ici  l'histoire  de  sa  vie, 
ni  de  recueillir  les  actions  mémorables  de  son  épiscopat  : 
cette  tâche  a  été  remplie  par  les  auteurs  du  Gallia  Christiana 
de  manière  à  ne  rien  laisser  à  désirer.  Nous  ne  <levons  l'en- 
visager que  sous  le  rapport  des  lettres  ou  comme  protecteur 
des  savans ,  auquel  plusieurs  ont  dédié  leurs  ouvrages. 

Ayant  succédé,  l'an   1116,  au  fameux  Ives  de  Chartres, 
Geofroi  eut  comme  lui  une  contestation  sérieuse  avec  Geo- 
froi,  abbé  de  Vendôme,  relativement  à  l'exemption  de  cette 
abbaye ,  à  laquelle  les  souverains  pontifes  avaient  accordé 
de  grands  privilèges,  jusqu'à  la  revêtir  du  titre  du  cardinalat 
de  Sainte -Prisque  à  Rome.  Douze  lettres,  parmi  celles  de    ooffridi Vind. 
l'abbé  de  Vendôme,  roulent  presque  toutes  sur  cet  objet;  lib.  11,  ep.  21- 
elles  en  supposent  autant  de  la  part  de  1  évêque  de  Chartres,  ^*" 
auquel  elles  sont  adressées  ,  et  que  nous  n'avons  pas  :  mais 
on  a  conservé  celle  qui  termina  ce  différend  ,  dans  laquelle  Sirm.  Notœ  ad 
Geofroi  reconnaît  la  validité  des  privilèges  de  l'abbaye  de  ""P'*'-  Goffi-.  p- 
Vendôme  ,  et  en  ajoute  d'autres  de  sa  propre  autorité. 

Ives ,  son  prédécesseur  ,  fut  accusé ,  dans  son  temps  ,  de 
fomenter  la  simonie  des  doyens  et  prévôts  de  son  église  dans 
la  collation  des  bénéfices.  On  peut  voir,  dans  sa  lettre  i33, 
comment  il  se  défend  de  cette  imputation,  alléguant  son  im- 

(a)  Le  savant  estimable  qui  a  composé  le  tome  XII  de  cette  Histoire,  " 
pour  aller  au-devant  du  reproche  qu'on  aurait  pu  lui  faire  d'avoir  passé 
sous  silence  des  écrivains  qu'on   s'attendrait  à  y  trouver,  explique  dans 
lavertissenienl,  page  2  ,  pourquoi  il  n'avait  pas  fait  un  article  pour  Geo- 
froi, évêque  de  Chartres.  «  Notre  dessein  ,  dit-il,  a  été  de  les  retrancher 
t<  absolument,  comme  peu  propres  à  figurer  dans  cette  Histoire,  à  raison 
<c  de  la  modicité  de  leurs  productions.  Tels  sont,  entre  autres,  Geofroi  II, 
«  évêque  de  Chartres,  décédé  le  i\  janvier  1148,  et  Samson   de  Mau- 
«  voisin,  archevêque  de  Reims,  qui  termina  sa  carrière  le  12  septembre 
«  ii6i.  L'un  et  l'autre  prélat  étaient,  à  la  vérité  ,  recommandables  par 
«  leur  savoir,  mais  trois  ou  quatre   lettres  fort  courtes  qui  nous  restent 
«  de   chacun   d'eux ,  sans  autre   fruit  connu  de  leur   plume  ,  sinon   des 
'1  chartes,  ne  nous   ont  point  paru  mériter  que  nous  nous   occupassions 
«  ni  délies,  ni  de  leurs  auteurs.   Les   richesses  littéraires  de   la   France 
■i  sont  d'ailleurs  si  abondantes  au  XII*"  siècle,  que,  pour  en  sortir,  il  est 
«  nécessaire  de  supprimer  bien    des  bagatelles,   qui  pourraient  servir  à 
«  remplir  les  vides  d'iui  siècle  moins  fécond.  »  Sans  doute  il  ne  faut  pas 
donner  aux  choses  plus  d'importance  qu'elles  n'en  ont;  mais  les  lettres 
de  Geofroi,  sous  le  rapport  du   caractère  public  dont  il  était  revêtu, 
méritaient  plus  de  considération. 

La 


84     GEOFROI,  ÉVÊQUE  DE  CHARTRES. 

Fuissance  pour  remédier  à  un  mal  que  semblait  aiitoriser 
usage  de  la  cour  de  Rome.  Geofroi ,  dès  le  commeneement 
de  son  épiscopat ,  remédia  à  cet  abus  par  un  décret  qui  tut 
Gaii.  Christ,  confirme  au  concile  de  Reims  de  l'an  1 1 19,  par  le  pape  Ca- 
3iV"' 'rb*^*^'    lixte  II.  Ce  décret,  vraiment  épiscopal ,  n'est  connu  que  par 
la  lettre  confîrmative  du  pape. 
Abœi.  ep.  I,       S'il  faut  en  croire  Abailard,  l'évêque  de  Chartres  fut  le 
«"«P-  9-  seul  qui,  au  concile  de  Soissons  de  Tan  1 121  ,  sans  prendre 

ouvertement   sa  défense,  n'approuvait  pas  la  rigueur  dont 
S.Berij.ep.337.  usaient  envers  lui  ses  envieux.  Il  signa  cependant,  vingt  ans 
plus  tard ,  la  condamnation  de  cet  infortuné  philosophe  au 
concile  de  Sens  ,  dans  une  lettre  qui  lui  est  commune  avec 
d'autres  pi^élats  de  sa  province. 
ci!rou.aîaneac.       Deux  légats  du  pape  tinrent  à  Chartres  ,  l'an   1 1 24  ,  un 
concile  dont  on  ne  connaît  que  la  date.  Les  actes  de  ce  con- 
cile étant  perdus,  on  ne  peut  dire  positivement  quel  en  fut 
l'objet,  ni  quel  personnage  y  fit  l'évêque  Geofroi.  Nous  pen- 
sons c[u'il  y  fut  question  du  mariage  que  le  prince  Guillaume, 
fils  du  malheureux  Robert ,  duc  de  Normandie  ,  avait  con- 
tracté, sous  le  bon  plaisir  du  roi  de  France,  avec  une  fille 
de  Foulques,  comte  d'Anjou,  dont  le  roi  d'Angleterre  pour- 
suivait la  cassation,  comme  nul  à  raison  de  la  parenté;  mais 
Spicii.  in-foi.  nous  ne  counaissous  pas  le  résultat  de  ce  concile.  Ce  qu'il  y 
t.  m, p.  479.    a  de  certain,  c'est  qu'au  mois  d'août  de  la  même  année,  le 
Labbe,  Concii.  pape  Calixtc ,  cuvoyaut  en  France  ,  pour  terminer  cette  af- 
t.  x,coi.  85i.    faire,  un  nouveau  légat, le  cardinal  Jean  de  Crème,  qui  de-Ià 
devait  passer  en  Angleterre ,  enjoignit  aux  évèques  de  Char- 
tres ,  d  Orléans  et  de  Paris ,  de  faire  observer  l'interdit  que  ce 
légat  avait  prononcé  contre  le  prince  Guillaume ,  dans  tous 
les  lieux  où  il  se  montrerait. 

L'an  1 127,  Geofroi  accompagna  l'évêque  de  Paris,  Etienne 
Dubois,  Ilist.  de  Senlis,  allant  à  Rome  pour  plaider  sa  cause  contre  l'archi- 
ecci.Paris, t.ii,  Jiacre  Notier.  Ayant  assisté  au  jugement,  qui  fut  prononcé 
^'   °'  en  faveur  de  l'évêque  parles  cardinaux  nommés  arbitres  dans 

cette  affaire ,  il  expédia  ,  conjointement  avec  l'évêque  de 
Meaux ,  des  lettres  testimoniales,  portant  qu'en  leur  présence 
il  avait  été  fait  un  accommodement  enti'e  les  parties,  con- 
formément à  favis  des  cardinaux. 

Il  ne   fut  pas  d'un  moindre  secours  à  l'évêque  de  Paris 

f)0ur  terminer  le  différend  qu'il  avait  avec  Etienne  de  Gar- 
ande,  sénéchal  de  France  et  archidiacre  de  son  Eglise,  pour 
Bcrn.  ep.  /,7.    lequel  le  roi  Louis-le-Gros  avait  pris  parti.  Il  écrivit  au  pape 


GEOFROI,  ÉVÊQUE  DE  CHARTRES.     86 

Honorius   une  lettre  qui  est  la  47*^   parmi  celles  de  saint   xii  siècle. 
Bernard,  pour  se  plaindre  que  le  pape  eût  levé  l'interdit  que 
lévêque  de  Paris  avait  lancé  sur  les  terres  du  roi ,  dans  un 
moment  où  la  crainte  de  l'excommunication  l'avait  rendu 
plus  traitable  et  tout  disposé  à  rendre  à  lévêque  son  tem- 

Sorel ,  dont  il  s'était  saisi.  Dans  deux  autres  lettres  à  lévêque     Spicil.  in-/oi. 
e  Paris,  Geofroi  l'exhorte  à  se  montrer  accommodant,  soit  tni>p-  ^91  ^^ 
envers  l'archidiacre ,  soit  envers  le  roi.  ^  ^"^^' 

Nous  lisons  dans  la  Chronique  de  Morigni ,  près  d'Etampe ,     Chesn.  t.  iv, 
que  le  pape  Innocent  II  étant  dans  cette  abbaye  l'an  i  i3i  ,  ^^^-  Franc,  p. 
et  faisant  la  consécration  d'un  autel  avec  l'appareil  d'une  cour    ''' 
nombreuse,  Geofroi  fut  chargé  de  prononcer,  à  cette  occa- 
sion, un  discours  qui  na  pas  été  publié. 

Le  pape  ayant  conçu  une  haute  idée  de  la  capacité  de 
notre  prélat,  lui  confia,  l'année  suivante,  l'autorité  de  légat 
cju'il  avait  retirée  à  Mathieu,  évêque  d'Albano.  En  effet,  écri- 
vant,  l'an  irSa,  à  Henri  Sanglier,  archevêque  de  Sens,  en     Spicii.  in-foi. 
faveur  d'Archambaud,  sous-doyen  de  l'église  li'Orléans,  Geo-  'iH^p^Sy- 
froi  ne  prend  que  la  qualité  d'évêque  de  Chartres  ;  mais  In- 
nocent II ,  dans  une  lettre  du  mois  de  novembre  de  la  même         Jbid. 
année,  en  faveur  du  même  Archambaud  ,  qui  fut  massacré 
l'année  d'après,  lui  donne  la  qualité  de  légat.  Ce  fut  en  cette  Labbe,  Concii. 
qualité  qu  Etienne,  évêque  de  Paris,  lui  dénonça,  l'an  ii33,  t- x, col.  975. 
le  meurtre  commis  sur  la  personne  du  bienheureux  Thomas, 
prieur  de  Saint -Victor,  et  que  Geofroi  assembla  le  concile 
de  Jouare  pour  venger  sa  mort,  ainsi  que  celle  du  sous- 
doyen  de  l'église  d'Orléans. 

Pendant  sa  légation ,  qui,  selon  le  nécrologe  de  l'église  de 
Chartres,  dura  près  de  quinze  ans,  Geofroi  eut  à  combattre 
dans  l'Aquitaine  les  partisans  de  l'anti-pape  Anaclet,  et,  avec 
l'aide  de  saint  Bernard,  il  parvint  à  ramener  à  l'obéissance    s.  Bein.  vit», 
du  pape  Innocent  le  duc  Guillaume,  que  l'évêque  d'Angou-  ^'^-  ^^>  '^^v-  ^■ 
lême  avait  entraîné  et  retenait  depuis  six  ans  dans  le  schisme. 
Ce  fut  pour  seconder  ses  travaux  dans  une  entreprise  si  dif-     Spicil.  in-foi. 
lîcile,  qu'Arnoul,  pour  lors  archidiacre  de  Seez,  depuis  évêcrue  '^'  !'•  ^^^• 
deLisieux,  lui  adressa  une  sanglante  diatribe  contre  lévêque 
d'Angoulême,   avec  une  épître  dédicatoire  dans  laquelle  il 
relève  autant  la  science  et  les  autres  cpialités  de  Geofroi , 
qu'il  accumule ,  dans  le  corps  de  l'ouvrage ,  les  invectives 
contre  Gérard. 

L'an  iiS^,  ayant  accompagné  le  roi  Louis-le- Jeune  allant  ci.ron.  Mami- 
à  Bordeaux  pour  épouser  l'héritière  de  Guienne  ,  Geofroi  ■"ac,p.  H82. 


XII  SIECLE. 


De  Conccrd. 
col.  1092. 


Marte  ne  , 
Anccd.  t.  iri  , 
col.  886. 

Cliron.  Bî.imi- 
niac,  p.  3S4' 


De  Cop.sid.  Vth. 
IV ,  cap.  j. 

Maiténe  , 
Anecd.  t.  III , 
col.  887. 

S.  Bi-rn.  Vita  , 
11b.  Itl,  cap.  C. 

Bei'ii.  ep.  fj'ij 

Sugeiii  pp.  102. 


86     GEOFROI,  ÉVÈQUE  DE  CHARTRES. 

reçut  du  jeune  monarque  la  plus  grande  marque  de  con- 
fiance qu'un  souverain  puisse  donner  à  un  sujet.  Obligé  de 
retourner  précipitamment  à  Paris  pour  assister  aux  obsèques 
de  son  père,  c'est  à  lui  que  le  roi  confia  la  garde  de  son 
épouse,  jusqu'au  moment  où  ,  libre  de  tout  autre  soin,  il 
pourrait  les  appeler  à  sa  cour. 

Baluze  a  publié  un  décret  de  Geofroi  ,  comme  légat  du 
saint  siège  ,  adressé  à  l'archidiacre  et  au  doyen  de  l'église 
d'Angers,  relatif  au  rachat  des  autels,  dans  lequel,  confor- 
mément au  canon  du  concile  de  Clermont,  de  l'an  ioc)5,  il 
est  défendu  d'exiger  des  abbayes  un  cens  annuel  pour  com- 
penser le  rachat ,  qui ,  comme  dans  l'usage  des  fiefs ,  avait 
lieu  à  chaque  mutation  des  curés  ou  vicaires  [personas)  qu'on 
établissait  dans  les  paroisses. 

On  voit  dans  une  lettre  du  pape  Innocent  II  ,  de  l'an 
1 142  ,  cme  Geofroi  avait  assemblé  plusieurs  conciles,  à  Sau- 
mur,  à  vannes,  au  ]\îans,  à  Paris,  à  Poitiers;  mais  les  actes 
de  ces  conciles  sont  perdus  poiu-  nous.  Après  le  concile  de 
Latran,  de  l'an  11 89,  il  eut  ordre  de  parcourir  la  France,  et 
sur-tout  l'Aquitaine,  pour  détruire  les  autels  consacrés  par 
les  schismatiques,  et  d'en  ériger  de  nouveaux.  Bien  différent 
du  légat  Gérard  d'Angoulême ,  dont  l'avarice  donna  lieu  à 
tant' de  plaintes,  Geofroi  se  conduisit  toujours,  dans  l'exer- 
cice de  ses  fonctions ,  d'une  manière  irréprochable.  C'est  le 
témoignage  que  lui  rend  saint  Bernard,  dans  le  livre  de  la 
Considération ,  au  pape  Eugène. 

Geofroi  n'était  plus  légat  l'an  1 1 44  '■>  il  était  remplacé  par 
le  cardinal  Albéric,  évêque  d'Ostie ,  qu'il  accompagna  avec 
saint  Bernard ,  l'année  suivante ,  dans  une  mission  à  Tou- 
louse ,  pour  extirper  les  erreurs  qu'un  disciple  de  Pierre  de 
Bruis  avait  semées  dans  le  pays;  et  l'année  d'après,  il  alla 
prêcher  la  croisade  dans  la  province  de  Bretagne. 

Nous  avons  encore  de  lui  une  lettre  adressée  à  l'abbé  Su- 
ger ,  régent  du  royaume  ,  dans  laquelle  il  lui  dénonce  les 
vexations  qu'il  éprouvait  de  la  part  du  prévôt  royal  d'Hien- 
ville.  Cette  lettre  est  de  l'aii  ii^y  ou  1148.  Elle  fut  bientôt 
suivie  de  la  mort  du  jirélat,  arrivée  le  24  janvier  11491  et 
non  I  r48  ,  quoique  les  chroniqueurs  qui  commençaient 
l'année  à  Pâques,  la  placent  à  cette  dernière  aimée. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  du  peu  de  letti'es  qui  ont 
été  conservées  de  notre  prélat,  sans  rien  dire  de  ses  chartes, 
qu'on  peut  voir  dans  le  Gallia  Christiana.  Mais  il  existe  au 


GEOFROI,  ÉVÊQUE  DE  CHARTRES.  87 

Vatican ,  parmi  les  manuscvits  de  la  reine  Christine  de  Suède ,    xmsiECLE. 
n°  339 ,  un  ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Gilonis  Camofensis  isTo,;ces  ,]e  ^^5. 
episcopi  de  rniraculis  Sauctœ  Mariœ  f  irginis.  11  n'y  a  point  diiaiie,  t.  xir, 
eu  d'ëvêque  de  ce  nom  à  Chartres.  Le  savant  académicien  i^"'-  ^GfJo. 
Lacurne  de  Sainte-Palaye,  qui  a  laissé  une  notice  de  ce  ma- 
nuscrit ,  observe  que  ce  titre  est  d'une  écriture  différente  de 
celle  du  corps  de   l'ouvrage  ,    cju'il   estime  du  XIII«  siècle. 
Ainsi,  l'on  peut  supposer  que  c'est  sans  fondement  que  ce 
titre  a  été  ajouté  au  manuscrit.   Cependant,  il  faut  croire 
qu'on  avait  quelque  raison  povu'  attribuer  cette  production 
à    un    évêque  de  Chartres.    Peut-être  a-t-on    voulu    mettre 
L'oiiis,  le  plus  connu  des  évêques  qui  ont  occupé  ce  siège  ; 
mais  comme  aucun  des  bibliographes  anciens  ,  dans  le  dé- 
nombrement de  ses  écrits ,  n'a  parlé  de  celui-là ,  nous  sommes 
plus  portés  à  croire  qu'il  faut  l'attribuer  à  l'évêque  Geofroi , 
dont  vraisemblablement  le  nom  n'était  désigne  que  par  la 
lettre  initiale,  et  cela  pour  plusieurs  raisons:  1°  parce  que 
Gautier  de  Compiègne  ,  qui  a  aussi  composé  un   livre  des 
Miracles  de  la  Sainte  Vierge,  en  rapporte  un  c]u'il  disait  te- 
nir de  la  bouche  de  l'évêque  Geofroi  :   Et  ne  quis  ista  velut      i.ahbc,  Bibl. 
'vana  etfiwola  jvjicieiida  jmtet ,  scias  me  nequaquam  oculis  '"^*-  '•  H  ^  p- 
propriis  hœc  aspexisse,  sed  ah  uno  ^enerahili  Gojfrido  Car-    '^°' 
notensi  episcopo  et  apostolicce  sedis  legato ,  in  conventu  nobi- 
liian  personarimi  referente  cognovisse.  Gautier  ne  dit  jjas,  à 
la  vérité ,  que  Geofroi  l'eût  mis  par  écrit  ;  mais  rien  n'em- 
pêche de  croire  qu'il  l'aurait  foit  depuis.  2°  Parce  que ,  de 
son  temps ,  rien  ne  fit  plus  d'éclat  que  les  miracles  opérés 
par  l'intercession  de  la  Sainte  Vierge,  à  Paris,  à  Soissons, 
et  ailleurs ,  sur  des  malades  atteints  d'une  espèce  d'épidémie 
qu'on  appelait  des  Ardents. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  cet  écrit  commence  ainsi  à  la  page  53 
du  manuscrit  :  Cimi  plerosque  notarios  et  scriptonim  quàm 
plurimos  sœpissinie  videani  vana  quœdam  et prorsiis  inutilia 
litteris  exarare ,  et  quœ  memoria  vel  relatii  indigna  sunt , 
taniquam  menioranda  describcre ,  etc.  ;  et  finit  à  la  page 
6()  par  ces  mots  :  Citatis  equis  calcaribus  eos  inseqiii  cœpe- 
ï'unt  :  quos  repertos  expugnare  non  audentes ,  eo  quod  ex 
animaliwn  cadai'eiibus  sanguine  cruentatis  in  modwn  castri 
se  munissent ,  nullâ  re  prospère  actâ ,  citiiis  refugenint ,  Nor- 
mannis  ita  se  liberantibus ,  ducemque  suum  apud  Luxovium 
gaudenter  repetentibus.  B. 


xu  sim:le. 


ANONYME, 


AUTEUR    DUNE    ELEGIE     SUR     LE     MAUVAIS    SUCCES 
DE    LA    CROISADE    DU    ROI    LOU IS  -  LE  -  J  EUN  E. 


i_iA  croisade  de  Louis-le-Jcime,  quoique  conduite  par  deux 
princes  les  plus  puissans  de  l'Europe,  l'empereur  d'Alle- 
magne et  le  roi  de  France ,  fut  si  mal  concertée  ,  qu'elle 
éprouva  les  plus  grands  désastres.  De  cette  multitude  in- 
nombrable qui  s'était  enrôlée  sous  l'étendard  de  la  croix ,  il 
n'en  revint  qu'un  très-petit  nombre  d'hommes;  presque  tous 
avaient  péri  dans  l'Asie  Mineure  par  la  perfidie,  dit-on,  des 
Grecs ,  qui  avaient  laissé  manquer  l'armée  des  subsistances 

3u'ils  s'étaient  obligés  de  fournir.  Ce  ne  fut  qu'en  changeant 
e  route ,  et  en  prenant  la  voie  de  la  mer ,  qu'une  faible  por- 
tion des  croisés  parvint  jusqu'à  Jérusalem ,  où  elle  ne  fit 
d'autre  exploit  que  d'entreprendre  le  siège  de  la  ville  de 
Damas ,  qu'il  fallut  lever  presque  aussitôt. 

11  n'y  avait  pas  là  de  quoi  ciiiboucher  la  trompette  épique, 
comme  du  temps  de  la  première  croisade  ,  où  les  Français 
firent  des  prodiges  de  valeur,  et  fondèrent,  après  de  nom- 
breuses conquêtes  sur  les  Sarrazins ,  un  empire  florissant. 
Aussi  ,  autant  la  première  croisade  a  été  célébrée  par  les 
poètes  et  par  les  historiens ,  autant  ils  ont  gardé  le  silence 
sur  la  seconde.  Nous  n'avons  sur  celle-ci  qu'un  seul  histo- 
rien, qui ,  à  proprement  parler,  n'a  lait  que  le  journal  de 
Hist.iiii.t.xii,  nos  défaites  pendant  la  traversée.  Cet  historien  est  Odon  de 
r- 6i5-62/,.      Deuil,  moine  de  Saint-Denis,  dont  il  a  été  parlé  dans  cette 
Histoire.  Mais  comme  on  voulait  réparer  cet  échec  et  recom- 
mencer une  nouvelle  croisade,  on  composa  des  élégies  en 
grand  nombre ,  pour  représenter  vivement  la  grandeur  de 
nos  pertes,  la  periidie  des  Grecs,  et  l'opprobre  qui  rejail- 
lissait sur  la  nation  d'une  entreprise  si  peu  glorieuse ,  afin 
d'exciter  par  là  les  Français  à  reprendre  les  armes. 
Ampi.  Coiiect.       D.  Martène  a  imprimé  une  de  ces  élégies ,  composée  de 
t.  v,tol.  540.    j/^g  vers,  qui,  selon  le  goût  du  temps,  riment  à  la  fin  deux 
à  deux,  et  quelquefois  aux  hémistiches.  On  n'y  trouve  aucun 
fait  bien  articulé  ;  ce  ne  sont  que  des  lamentations  diversi- 


AUTEUR  ANONYME  D'UNE  ÉLÉGIE.  89 

fiées  de  mille  manières.  Voici  comment  l'auteur  dépeint  la    xii  siècle. 
perfidie  des  Grecs  : 

Vax  crucis  intonuit,  terras  fretumque  replevit, 

f^ox  crucis  inniiineros  traxit  ad  arma  viros  : 
Occubuere  duces ,  periit  collectio  plebis 

Milita  super  numenini  sicut  arena  maris. 


Arta  faînes,  diuturna  sitis ,  wolentior  hostis , 

Vobis^  Francigenœ ,  causa  Jiiere  necis. 
Et  tu  fraude  nocens  Constantinopolis  exlex , 

Spondens  obsequium  ,  niunera ,  robur ,  opes, 
Claudis  aquas ,  populoquc  negas  venalia  terras, 

Defîciuntque  sitî,  peste ,  labore ,  famé  ; 
Arte,  dolo  subicis ,  gladio  subjecta  peribis; 

Te  inanet  immanis  plaga ,  ruina  gravis. 

Ces  derniers  vers  indiquent  assez  l'intention  oii  l'on  était 
de  tirer  vengeance  de  la  perfidie  des  Grecs.  L'auteur  apos- 
trophe ensuite  les  infidèles  : 

Vos  Saraceni .,  gens  improba,  sœvior  kostis  ; 

Vos  Arabes ,  Turci,  gens  inimica  crucis, 
Perfida ,  plena  dolo  ,  ritu  polluta  profano , 

Mersa  lucu  scelerwn,  sordidafœce,  luto , 
■Quœ  spes,  quœve  tuas  acuit  fiducia  vires, 

Ut  cruce  signalas  perdere  non  dubitcs  ? 
Mos  tibi,  mos  subici,  succumbere ,  cedere  Francis, 

Accelerare  fugam ,  signa  timere  crucis. 
Nunc  spoliis  locuples ,  fera  cœde ,  superba  triumpliis , 

Laurea  certa  refers ,  kostis  in  Iwste  furis  : 
Hos  tormenta  pati  compellis ,  wncla ,  labores  ; 

Horum  strage  truci  fœda  cruore  mades. 
Te furor  exagitat ,  movet  ira,  superbia  tollit , 

Subdita  colla  premis ,  fortia  facta  teris; 
Hostibus  insultas,  gratanter  humum  pede  puisas. 

Proh  dolor  !  6  facinus  !  proh  pudorl  imo  nef  as  l 

Adressant  ensuite  la  parole  aux  Français ,  voici  comment 
il  tâche  de  ranimer  leur  courage  : 

Francia  crux  Arabum  ,  victrix  alienigenarum , 
En  ubifama  prior ,  nomen  et  imperium  ? 
Tome  XIII.  M 


90  AUTEUR  ANONYME  DUNE  ELEGIE. 

Xll  SIECLE.  Ferrea  turris  eras  ,  gens  insnperahilis  hosti, 

Eccejaces  2'oliicri  prœda  ,  rapina  cani. 
F'is  invicta,  tenax  -vigor ,  inconcussa  potestas , 
Utqiiid  et  unde  ruis ,  quœ  decus  orbis  eras? 
Restât  ut  ipsa  Jide  respires^  speque  resurgas  : 
Respirare  piwn ,  sur  gère  nolle  nef  as. 

11  est  évident  que  cette  élégie  est  relative  au  projet  de 
croisade  dont  on  était  occupé  l'an  ii5o,  pour  réparer  les 
désastres  qu'on  venait  d'éprouver.  On  aurait  dû,  par  consé- 
quent, en  rendre  compte  dans  un  des  volumes  précédens  ; 
et  c'est  pour  réparer  cet  oubli  que  nous  plaçons  ici  cet  ar- 
ticle. 
Mart.  Ampi.  1 1°  Ce  poëmc  est  précédé,  dans  la  collection  de  Martène, 
"f'si  '°"^^'  ^^^  poëme  plus  court  encore,  en  vers  hexamètres,  ayant 
pour  titre  :  De  Viris  iUustrihus  cliœcesis  Tan>aiiensis ,  qui  in 
sacra  fuere  expeditione ,  dont  nous  croyons  devoir  faire  men- 
tion ,  tant  à  cause  de  la  conformité  du  sujet  que  parce  qu'on 
n'en  a  pas  parlé  dans  les  volumes  précédens  de  notre  Histoire 
Littéraire.  L'auteur,  qui  vraisemblablement  vivait  au  com- 
mencement du  XIP  siècle,  ne  fait  que  nommer  les  premiers 
rois  latins  de  Jérusalem,  Godefroy  de  Bouillon  et  Baudoin, 
son  frère ,  issus  des  comtes  de  Boulogne  ;  les  patriarches  de 
Jérusalem  Ebrémar  et  Arnoul,  qu'il  dit  l'un  et  l'autre  natifs 
de  Ciches  (peut-être  faut-il  lire  Likes).  Il  nomme  encore 
Achard,  archidiacre  de  Térouane,  qui  fut  préposé  à  la  garde 
du  iem^Xe  ^  prœfuit  et  templo ,  et  d'autres  gentils- hommes 
du  pays,  qui  devinrent  seigneurs  de  quelque  portion  de  la 
Terre -Sainte;  Hugues  de  Falkemberghe,  qui  eut  en  partage 
la  ville  et  le  district  de  Tibériade  ;  Eustache ,  surnommé 
Gernirs,  la  principauté  de  Césarée;  Foulques  de  Guines,  la 
ville  de  Baruth  ;  et  Hugues  de  Rebèque ,  le  château  de  Saint- 
Abraham.  Il  finit  sa  nomenclature  par  ces  vers  : 

Hi  reges ,  hi  pontifîces,  dominique  fuere 
•'  In  lerosoljmd  ,  necnon  injînibus  ejus, 

Quos ,  Tarvenna,  tuus  cmisit  pontijicatus. 

II  est  difficile  de  lire  des  vers  plus  médiocres.  Vingt-quatre, 
au  reste  ,  composent  tout  le  poëme.  Il  doit  être  de  quelque 
Artésien;  le  choix  du  sujet  et  la  manière  dont  il  est  traité  nous 
persuade  aisément  que  l'auteur  a  voulu  rendre  ce  petit  hom- 
mage à  sa  patrie.  B. 


HENRI 


XII  SIECLE. 


DISCIPLE    DE    PIERRE    DE    BRUIS,    ET    CHEF 
DES     HENRICIENS. 

L  LusiEURS  hérétiques  se  montrèrent  en  France  dans  le 
XIP  siècle.  Un  des  plus  célèbres  fut  Pierre  de  Bruis  ,  dont 
les  sectatevirs  ont  été  connus  sous  le  nom  de  Pétrobusiens , 
et  qui  dut  peut-être  une  partie  de  cette  célébrité  au  mérite 
de  ceux  qui  le  comijattirent ,  entre  lesquels  nous  trouvons 
Pierre-le-Vénérable  et  saint  Bernard. 

Pierre  de  Bruis  evit  un  disciple  qui  n'eut  pas  moins  de 
succès  que  son  maître  pour  répandre  la  même  doctrine,  avec 
quelques  changemens  néanmoins.  Les  disciples  que  celui-ci 
eut  à  son  tour  furent  appelés,  de  son  nom  aussi,  Henriciens. 
Ils  s'appelaient,  eux,  Apostoliques,  parce  qu'ils  croyaient  et 
disaient  que  la  doctrine  qu'ils  professaient  n'était  que  celle 
qu'avaient  professée  les  apôtres  eux-mêmes. 

Quoique  plusieurs  écrits  aient  eu  pour  objet  de  réfuter  les 
principes  de  Henri ,  il  ne  paraît  pas  que  cet  hérésiarque  les 
ait  enseignés  dans  aucun  ouvrage.  Ses  antagonistes  du  moins 
ne  l'annoncent  pas,  et  c'est  toujours  d'une  manière  générale 
qu'ils  combattent  ses  erreurs.  Les  expressions  dont  ils  se 
servent  annoncent  plutôt  des  prédications  faites  par  Henri, 
que  des  livres  publies  par  lui.  Auditur  a  plurihus,  et popitlum 
qui  sibi  credat  liahet ,   dit  saint  Bernard  dans  une  lettre  à  Epit.  240  de  la 

Alphonse,  comte  de  Saint-Gilles nescio  quel  arte  dia-  i^^éditionjiAi 

bolicâ  persuasif  populo  stulto  et  insipienti ,  de  re  manifesta  ^'^^^^  • 

nec  suis  credere  oculis suh   tuo  doniinatu  in  gregem 

Christi  totofurore  hacchatur. 'vénale  distrahens  verbum 

Dei ,  evangelizabat  ut  manducaret. 

Saint  Bernard  pousse  plus  loin  ses  invectives  contre  l'hé- 
résiarque. Il  l'accuse  de  dissiper  en  jouant,  ou  en  s'abandon- 
nant  à  des  femmes  dissolues ,  l'argent  donné  par  ce  peuple 
même  que  séduisaient  de  dangereuses  prédications  :  Ludendo 
aleis ,  aut  certè  in  usus  turpiores  ;  fréquenter  siquidem,  post 
diurnum  populi  plausuin  ,  nocte  insecutd  cuni  nieretricibus 
inventus  est prœdicator  insignis ,  et  interdiim  etiam  cuni  con- 
jugatis.  Il  affirme  au  comte  de  Saint-Gilles  que  Henri  avait 
été  chassé  de  Lausane ,  du  Mans ,  de  Poitiers ,  de  Bordeaux , 

M2 


CJ2  HENRI,  CHEF  DES  HENRICIENS. 

xii  SIECLE,  et  que  toute  espérance  de  retoui^  dans  ces  villes  lui  est  ôtée 
à  jamais  :  Vt pote  qui,  post  se,  uhique,  fœda  reliquerit  i^es- 
tigia.  Lausane,  le  Mans,  Poitiers,  Bordeaux,  avaient  été  en 
etfet  témoins  des  prédications  de  Henri,  et  sa  doctrine  y 
avait  obtenu  beaucoup  de  sectateurs. 

La  lettre  de  saint  Bernard  est  datée  ordinairement  de 
ii47-  M.  Brial  et  M.  Daunou  pensent  avec  raison  qu'elle 
devrait  l'être  de  ïi45;  le  premier,  au  tome  i5  des  Histo- 
riens de  France,  page  5f)8,  note  h,  et  le  second  dans  la 
Notice  sur  saint  Bernaid ,  qui  sera  imprimée  dans  la  suite 
de  ce  volume. 

Le  pape  nomma  Albéric  ,  évêque  d'Ostie,  son  légat  pour 
arrêter  et  détruire  en  Languedoc  et  dans  les  provinces  voi- 
sines les  effets  des  erreurs  de  Hemi.  Albéric  s'associa ,  pour 
cette  importante  mission,  Geofroi,  évêque  de  Chartres,  et 
Vie  de  s.  Ber-  saJnt  Bernard.  Henri  fut  arrêté  peu  de  temps  après.  Conduit 
froi  '  Uv.  III    ^"  1 148  au  concile  de  Reims,  que  présidait  le  pape  lui-même  ,^ 
c.  6,§.  7.  Aibé-  Eugène  III,  il  y  fut  solennellement  déclaré  coupable  d'hé- 
nc  ,  chroniq.  résic ,  et,  par  indulgence  néanmoins,  condamné  seulement 

an  ii4q.  Hisl.    ,  ^         V  '^11        t^  -4.  '•,  ,       ^ 

de  Laiie.  par  ^  ^"^  prison  perpétuelle.  On  croit  quil  ne  survécut  pas. 
Vaissete  ,  liv.  loug-tcmps  à  Cette  Condamnation;  mais,  d'ailleurs,  on  ne 
xvir,§.  7/, ,  p.  gjjj^.  pgg  tl'uiie  manière  plus  précise  l'époque  de  sa  mort. 
France  t!  xill^  Picrre-lc- Vénérable  a  fait  un  .Traité  assez  long  contre  les 
p.  701;  t.  xiv^  erreurs  de  Pierre  de  Bruis  et  de  Henri.  On  l'a  inséré  dans  la 
p.  373.  Bibliothèque  de  Cluny  et  dans  celle  des  Pères  ;  il  occupe  dans 

Tom.  xxii,p.  celle-ci  près  de  60  pages  in-folio.  C'est  un  véritable  Traité.^ 
quoique  l'auteur  ne  lui  ait  donné  que  la  forme  de  Lettre. 
Cet  ouvrage  appartient  beaucoup  plus  à  la  Notice  sur  Pierre- 
le-Vénérable  qu'à  la  Notice  particulière  consacrée  au  disciple 
de  Pierre  de  Bruis.  Je  me  bornerai  donc  cà  rappeler  les  points 
principaux  qu'il  leur  reproche  d'admettre  et  d'enseigner , 
parce  que  ces  points  font  bien  connaître  la  doctrine  de  Henri 
et  de  celui  cjui  avait  été  son  maître.  Comme  Pierre  de  Bruis, 
Henri  établissait  qu'on  ne  pouvait  donner  le  baptême  aux 
enfans;  qu'il  fallait,  pour  y  être  admis,  être  parvenu  à  un 
âge  auquel  on  piit  soi-même  connaître  et  juger  ses  actions; 
que  la  garantie  religieuse  donnée  par  d'autres  ne  pouvait 
suffire  ,1  pas  plus  que  ne  pourrait  le  baptême  reçu  , 
sauver  ceux  qui  n'y  joindraient  pas  leur  propre  foi.  Il  sou- 
tenait que  les  chrétiens  n'avaient  pas  besoin  de  lieu  parti- 
culier pour  prier;  que  Dieu  entend,  écoute,  exauce  égale- 
ment ceux  qui  l'invoquent ,  qu'ils  le  fassent  dans  une  chau- 


HEÎ^RI,  CHEF  DES  HENRICIENS.  ^3 

mière  ou  dans  une  église,  sur  une  place  ou  au  sein  d'un  xii  siècle. 
temple ,  ante  altare  vel  ante  stabitlum.  Il  voulait  qu'on 
abattit  et  brûlât  les  croix  ,  et  ne  pouvait  concevoir  qu'on 
n'eût  pas  en  exécration  l'instrument  sur  lequel  Jésus-CIunst 
avait  été  placé  d'une  manière  si  barbare.  Il  niait  enfin  la  pré- 
sence réelle  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  dans  le  sa- 
crifice de  la  Messe,  et  l'efficacité  des  prières  faites,  des  au- 
mônes données,  des  sacrifices  offerts  pour  les  morts. 

Nous  croyons  devoir  nous  abstenir  d'entrer  ici  dans  des 
détails  auxquels  se  sont  livrés  tous  les  écrivains  ecclésias- 
tiques ,  et,  plus  particulièrement,  ceux  qui  ont  traité  des 
hérésies.  Nous  terminerons  cette  Notice  par  le  portrait  que 
trace  de  Henri  l'historien  des  évêques  du  Mans ,  en  parlant 
d'Hildebert,  qui  gouvernait  cette  église  dont  il  fut  un  des 
prélats  les  plus  distingués ,  dans  le  temps  que  Henri  com- 
mençait de  répandre  sa  doctrine  :  nous  y  voyons  toute  l'im- 
pression que  cet  hérésiarque  produisait ,  et  par  quels  moyens 
il  était  parvenu  à  la  produire. 

On  vit  paraître  dans  cette  contrée ,  vers  le  même  temps ,  Mabiii.  Anal, 
un  hypocrite  que  ses  actions,  ses  moeurs  et  ses  dogmes  rea-  P'  '"'■ 
daient  également  digne  des  plus  affreux  supplices  :  Scorpio- 
nibus  et  parricidalibus  dignum  suppliciis.  Il  cachait ,  sous 
une  peau  de  brebis ,  la  l'age  d'un  loup  dévorant.  L'agitation 
de  son  visage  et  de  ses  yeux  ressemblait  à  celle  d'une  mer 
en'^tourmente.  Ses  cheveux  étaient  courts  ;  il  ne  laissait  pas 
croître  sa  barbe;  sa  taille  était  élevée,  sa  marche  rapide,  ses 
pieds  nus ,  même  au  fort  de  l'hiver  ;  jeune ,  d'une  physiono- 
mie ouverte,  d'une  voix  forte  ;  et  Fauteur  ajoute,  ce  que  je 
ne  sais  comment  traduire  ,  serpens  veatigiis.  Il  portait  les 
habits  les  plus  simples  ;  sa  manière  de  vivre  était  entièrement 
différente  de  la  manière  ordinaire;  logé  chez  quelque  habi- 
tant, il  passait  ordinairement  sa  journée  sous  un  portique; 
il  mangeait  et  couchait  au  plus  haut  étage  et  à  découvert, 
non  sans  doute  à  l'instar  de  Daniel,  mais  selon  ces  mots  : 
intravit  mois  per  fenestras  vestras.  Est-il  besoin  d'en  dire 
davantage  ?  Il  avait  une  grande  réputation  de  savoir  et  de 
sainteté,  sans  la  mériter  beaucoup;  il  la  devait  bien  plus  à 
ses  opinions  qu'à  ses  mœurs  et  à  sa  piété.  Les  femmes ,  je  re- 
prends ici  la  langue  dans  laquelle  a  écrit  l'auteur  dont  je  cite 
l'ouvrage  :  Matronce  etiam  atque  impubes pueri  (^nam  utriiis- 
que  sexûs  utebatur  lenocinio  )  pro  varia  vice  huic  accedentes , 
excessus  suos  profitentur ;   sed  augmentant ,  plantas  ejus , 


94      PHILIPPE  DE  NAVARRE,  JURISCONSULTE. 

XII  SIECLE,  clunes ,  ungiiina ,  tenerd  manu  demulcendo.  Isti  plenè  tantl 
^iri  lascivid  exhilavati  et  adidterii  enormitate ,  publiée  tes- 
tahantur  nunquain  se  viruin  attrectasse  tantœ  rigiditatis , 
tantœ  hwnanitatis  et  fortitudinis  ;  cujus  affatu  cor  etiani 
lapideum  facUe  ad  compunctionem  posset  piwocari.  Sa  re- 
nommée, ajoute  l'auteur,  l'ayant  fait  désirer  dans  le  diocèse 
du  IMans,  deux  de  ses  disciples  y  vinrent  en  son  nom,  et  y 
furent  reçus  comme  des  anges  du  Seigneur;  ils  portaient, 
comme  leur  maître,  un  bâton  au  sommet  duquel  était  une 
croix  de  fer,  et  ils  étaient  vêtus  comme  des  pénitens.  L'é- 
vêque  lui-même  les  accueillit  avec  beaucoup  d'empiessement; 
il  autorisa  leurs  prédications  et  celles  de  Henri.  On  peut 
voir  les  événemens  qui  en  furent  la  suite,  à  l'article  Hd- 
debert,  tome  XI  de  cette  Histoire  Littéraire,  page  266,  et 
dans  les  Analectes  de  Mabillon  ,  page  3x6  de  l'édition  in- 
folio, 
p.  /iS'î.  Mabillon  cite  encore  une  lettre,  écrite  par  un  moine  ap- 

Voir  la  noxea,  pelé  Héribcrt ,  laquelle  prouve  jusqu'à  quel  point  les  erreurs 
xnuiesHistor   ^^  Henri  s'étaient  répandues  en  Périgord  et  y  subsistaient, 
de  France,  et  même  après  la  mort  de  celui  qui  les  avait  prêchées.  Ses  sec- 
aussi  la  p.  29.',;  tateurs  se  qualifiaient  également  d'<7y70ito//tV,  comme  l'avaient 
610*  note  à  ''    ^^*^*  Henri  et  ses  premiers  disciples.  Ils  ne  mangeaient  pas  de 
viande,  ne  buvaient  c|u'un  peu  de  vin  tous  les  trois  jours, 
se  mettaient  sans  cesse  à  genoux ,  ne  recevaient  jamais  d'ar- 
gent. Ils  ne  croyaient  pas  qu'on  dut  rien  posséder  en  propre. 
Ils  faisaient  pevi  de  cas  de  la  Messe,  refusaient  d'adorer  la 
croix ,  traitaient  cette  adoration  d'idolâtrie.  Le  moine  Héri- 
bert  ajoute  qu'inutilement  on  cherchait  à  les  arrêter,  parce 
que  le  diable  les  délivrait  à  l'instant.  P. 


PHILIPPE  DE  NAVARRE, 

JURISCONSULTE. 

p.  6i'2  et  suiv.  JL/ANS  le  huitième  volume  de  cette  Histoire,  on  a  placé, 
parmi  les  écrits  de  Godefroy  de  Bouillon ,  le  livre  des  Assises 


PHILIPPE  DE  NAVARRE,  JURISCO?vSULTE.       gS 

de  Jérusalem ,  appelé'  par  Guillaume  de  Tyr  le  Droit  Cou-    Xli  siècle. 
tumier  du  loyaume  d'Orient.  Le  titre  ]îorte  en  effet  qu'elles 
furent  établies  et  mises  en  écrit  par  le  duc  Godefroy  :  La 
Thaumassière  les  publia  en  1690. 

Néanmoins ,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  belles-  T.  XX,  p.  323. 
lettres,  M.  de  la  Ravalière,  donnant  la  vie  du  sire  de  Join- 
ville,   raconte   qu'un  des  sergens  de  l'armée  du  roi    ayant 
frappé  un  des  chevaliers  de  la  compagnie  de  ce  seigneur, 
celui-ci  exigea  du  prince  une  léparation ,  se  croyant  désho- 
noré si  on  ne  la  lui  accordait  pas.  Louis   ordonna  que  le 
sergent ,  en  chemise ,  pieds  nus  ,  à    genoux ,   demanderait 
pardon  au  chevalier,  et  lui  offrirait  son  épée  en  lui  disant  : 
Coupez -m'en  le  poing,  si  cela  vous  plaît.  L'auteur  observe 
que  le  roi  l'ordonna  conformément  aux  Droits,  c'est-à-dire 
aux  Assises  de  Jérusalem ,  rédigées ,  dit-il ,  par  Philippe  de 
Navarre ,    fameux    jurisconsulte   qui    passa    dans    la    Terre 
Sainte  ;  et  il  ajoute  :  La  Thaumassière,  en  les  publiant,  n'en 
a  pas  connu  le  véritable  rédacteur,  non  plus  que  le  père 
Labbe  et  Ducange  ;   il  ne  cite  d'ailleurs  aucune   autorité  à 
l'appui  du  fait  qu'il  alïîrme.  Nous  avons  cru  cependant  de- 
voir le  remarquer,  et  à  cause  de  l'importance  de  l'ouvrage, 
et  à  cause  de  ce  qui  en  avait  déjà  été  dit  dans  un  des  vo- 
lumes précédens.  Si  Philippe  de  Navarre  avait  été  le  rédac- 
teur des  Assises  de  Jérusalem ,  telles  qu'on  les  suivait  dans  le 
XIII*^   siècle,   il  est  facile  de  supposer  que   ce  jurisconsulte 
vivait  dans  le  XII«.  C'était  la   dernière  année  du  XI<=  que 
Godefroy  de  Bouillon  avait  ordonné  de  recueillir  les  usages 
et  les  coutumes  du  pays  où  il  venait  de  porter  ses  arjnes 
victorieuses.  On  choisit  ensuite  ,  dans  tout  ce  qu'on  avait 
ainsi  rassemblé ,  ce  qui  parut  digne  de  former  un  code.  Du       Hist.  Uuvr. 
reste,  plusieurs  fois  les  Assises  furent  augmentées  ou  modi-  ••vni,p.  6i3. 
fiées  par  les  successeurs  de  Godefroy,  et  il  serait  possible 
qu'une  des  rédactions  eût  été  confiée  à  Philippe  de  Navarre. 
Je   dois  néanmoins  remarquer  encore   que  Jean  d'Ibelin  , 
comte  de  Japhe  et  d'Ascalon ,  fut  chargé  de  celle  qu'on  or- 
donna vers  laSo  :  mais  c'est  l'année  même  de  la  captivité 
de  saint  Louis,  et  il  est  fort  possible  que  la  rédaction  de 
Philippe  de  Navarre  eût  été  adoptée  jusqu'alors  par  les  croisés 
et  les  chrétiens  d'Orient. 

Est-ce  de  lui  qu'on  veut  parler  dans  ces  vers,  rapportés 
par  Du  Boulay  au  second  tome  de  son  Histoire  de  l'Univer-        P-  '"'^C- 


96        AUTEUR  ANON.  DES  JUGEM.  D'OLÉRON. 

xn  SIECLE,    site ,  et  où  on  cite  plusieurs  hommes  dont  Paris  pouvait  alors 
(  dans  le  XII*^  siècle  )  se  gloi'ifier  ? 
•>  Oris 

Altisoni  jactat  dictantem  jura  Philippum. 


ANONYME, 

AUTEUR    BES    JUGEMENS     d'olÉRON. 

JLes  Jugemens  d'Ole'ron  sont  un  monument  précieux  de  la 
jurisprudence  maritime.  Ils  appartiennent  au  XIP  siècle,  et 
n'en  sont  pas  la  production  la  moins  remarquable.  Eléonore 
d'Aquitaine  revenait  de  la  Terre-Sainte;  elle  avait  été  témoin 
de  la  glande  autorité  qu'avait  dans  tout  l'Orient  le  livre  du 
Consulat  de  la  Mer  :  elle  voulut  procurer  un  bienfait  sem- 
blable au  pays  qu'elle  gouvernait.  L'ile  d'Oléron  faisait  partie 
du  duché  d'Aquitaine,  et  les  ducs  l'habitaient  souvent-  L'ou- 
vrage fut  publié  sous  le  nom  du  lieu  où  il  avait  été  conçu  et 
joréparé. 

Le  mariage  contracté  par  Eléonore,  après  le  divorce  de 
Louis -le- Jeune,  avec  Henri,  depuis  roi  d'Angleterre,  ayant 
Wai-cCiansum,  fait  pei'dre  à  la  France  la  souveraineté  de  la  Guienne,  Selden 
liv.  ii,c.  4-  et  d'autres  écrivains  de  sa  nation  n'ont  rien  oublié  pour 
prouver  que  l'Europe  devait  cette  loi  aux  Anglais.  Mais  il 
est  impossible  de  défendre  cette  opinion.  Le  langage  des 
Jugemens  d'Oléron  n'est  pas  celui  dont  on  se  servait  alors 
dans  la  Grande-Bretagne ,  ni  même  en  Normandie  ;  c'est ,  au 
contraire,  celui  que  l'on  parlait  en  France  et  dans  la  Guienne. 
Il  est  souvent  question  dans  l'ouvrage  de  nos  ports,  jamais 
de  ceux  d'Angleterre.  Toutes  les  hypothèses  y  sont  tirées  du 
commerce  de  Bordeaux  ou  de  ses  productions ,  jamais  des 
productions  ou  du  commerce  britanniques.  Il  nous  paraît 
difficile  de  répondre  à  ces  observations  et  de  leur  en  opposer 
qui  puissent  avoir  quelque  poids. 

Les  écrivains  britanniques ,  qui  ne  veulent  pas  que  les 
Jugemens  d'Oléron  soient  l'ouvrage  des  Français,  les  attri- 
buent à  Richard  I*^"",  roi  d'Angleterre,  lils  d'Eléonore  d'Aqui- 


AUTEUR  ANON.  DES  JUGEM.  D'OLÉRON.  97 
taine,et  ne  de  son  mariage  avec  Henri  II.  Selden  même,  xil  siècle. 
oubliant  ce  mariage  et  les  droits  qu'il  transmit  à  un  prince 
anglais ,  suppose  que  Richard  possédait  l'île  d'Oléron  de 
lui-même ,  comme  une  appartenance  de  sa  couronne.  Mori- 
sot,  dans  le  second  livre  de  son  Orhis  Maritimus;  Arcère, 
dans  la  description  chorographique  qui  précède  son  His- 
toire de  la  ville  de  la  Rochelle  et  du  pays  d'Aunis;  et  plu- 
sieurs autres,  ont  fait  connaître  l'absurdité'  de  cette  opinion. 
Nous  nous  contenterons  d'observer  que  les  écrivains  anglais 
sont  d'ailleurs ,  par  cela  même ,  d'accord  avec  les  écrivains 
français  sur  le  siècle  auquel  pararent  les  Jugemens  d'Oléron. 
La  date  du  XIIP ,  qu'on  trouve  à  la  fin  de  ces  Jugemens , 
n'est  que  celle  d'une  copie  authentique,  scellée  du  scel  établi 
dans  cette  île  pour  les  actes  publics. 

Une  autre  île  a  voulu  disputer  à  la  France  le  service  qu'elle 
rendit  à  l'Europe  ,  en  lui  présentant  sur  la  jurisprudence 
maritime  des  institutions  et  des  lois  qui  ont  fini  par  être 
universellement  adoptées.  C'est  l'île  de  Gothland,  dans  la 
îTier  Baltique ,  près  de  la  côte  orientale  de  Suède ,  dont 
Wisbuy  fut  la  capitale  et  presque  la  seule  cité.  Mais  on  a 
très-bien  prouvé  que,  dans  le  XII^  siècle,  elle  n'était  pas  en- 
core une  ville ,  quoiqu'elle  offrît  déjà  un  lieu  d'asyie  et  de 
dépôt  aux  marchanas  des  nations  voisines  et  aux  pirates 
goths  qui  voulaient  hiverner.  Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  XIII^ 
qu'on  y  forma  une  enceinte ,  qu'on  l'entoura  de  rem- 
parts ,  et  qu'une  administration  particulière  y  fut  établie. 
On  peut  voir,  sur  tous  ces  faits,  Jean  Magnus  lui-même  ,  LIv.  XX,  c.  9. 
quoique  historien  suédois. 

Les  Ordonnances  de  Wisbuy  ne  sont  que  les  Jugemens 
d'Oléron ,  traduits  et  augmentés  de  quelques  articles ,  comme , 
dans  la  suite,  elles-mêmes  ont  fourni  aux  villes  anséatiques 
les  réglemens  devenus  leurs  lois ,  avec  quelques  additions 
encore  et  quelques  changemens,  mais  qui  toujours  viennent 
des  Jugemens  d'Oléron ,  et  les  ont  pris  pour  base  et  pour 
modèle. 

Clérac  a  fait  imprimer  ces  Jugemens  au  XVII*'  siècle ,  avec 
d'utiles  commentaires ,  et  il  y  a  joint  les  lois  maritimes  faites 
d'après  eux  dans  le  nord  de  l'Europe.  Son  ouvrage  est  dédié 
à  la  reine ,  mère  de  Louis  XIV.  «  Ces  anciennes  pièces  de  la 
«  navigation  et  du  commerce  maritime,  y  dit-il,  reconnais- 
«  sent  qu'elles  sont  obligées  de  se  prosterner  aux  pieds  de 
«  votre  majesté  pour  y  faire  les  soumissions  de  l'ordonnance, 
Tome  XIII.  N 


98       AUTEUR  ANON.  DES  JUGE.AI.  DOLÉRON. 

xn  SIECLE.  «  et  requérir  humblement  leur  congé  et  le  passeport  néces- 
cc  saire,  avant  qu'entreprendre  la  navigation  qu'elles  se  pro- 
«  posent  de  faire  en  l'estime  et  au  service  de  vos  sujets.  La 
«  supérieure  partie  du  ciel,  et  principalement  l'étoile  de  la 
«  mer,  est  toujours  favorable  aux  navigans  :  or,  votre  ma- 
«  jesté  étant  égale  en  comparaison  et  en  tout  sens  à  l'étoile 
«  salutaire  de  la  mer ,  qui  tient  le  pivot  et  le  timon  du  monde , 
«  sous  laquelle  les  astres  et  les  plus  hautes  constellations 
«  s'inclinent,  cette  observation  a  donné  courage  à  ces  pièces 
«  d'entreprendre  l'adresse  de  leur  route  sous  l'aspect  de 
«  l'astre  favorable  de  votre  majesté,  sous  la  direction  duquel 
«  elles  ne  peuvent  s'écarter  et  n'ont  à  craindre  les  mauvais 
«  vents  ou  dangers  et  les  traverses  inférieures.  » 

La  manière  dont  Clérac  écrivait  en  prose ,  n'empêcha  pas 
que  les  poètes  du  temps  ne  le  célébrassent  en  latin  et  en 
français.  Un  de  ces  panégyristes ,  digne  de  celui  qu'il  loue , 
par  son  style ,  lui  dit  : 

11  semble  que  Thétis,  t'aimant  plus  que  Pelée, 
T'a  montré  les  secrets  de  son  oncle  salée, 
Conduisant  ton  esprit  de  l'aube  à  l'occident. 

Les  Jugemens  d'Oléron  sont  composés  de  quarante-sept 
articles. 

Les  quatre  premiers  règlent  tout  ce  qui  concerne  le  martre 
ou  le  patron  du  navire  ,  les  qualités  qu'il  doit  avoir ,  les 
obligations  qui  lui  sont  imposées  ,  les  conseils  cpi'il  doit 
prendre,  sa  responsabilité,  les  devoirs  de  tous  les  mariniers 
en  cas  d'échouement  et  de  naufrage ,  ce  qu'on  doit  fiiire  dans 
le  cas  où  le  voyage  ne  peut  s'achever,  soit  relativement  aux 
marchandises ,  soit  relativement  au  vaisseau  et  aux  dépenses 
exigées  pour  le  radouber  ou  le  conserver. 

Les  trois  articles  suivans  établissent  quelques  réglemens 
de  discipline  et  de  subordination  dans  l'intérieur  du  navire  ^ 
et  les  soins  qu'on  doit  avoir  du  matelot  blessé  ou  malade , 
si  c'est  dans  l'exercice  de  sa  profession  qu'il  l'est  devenu. 

T.,e  cas  du  jet  des  marchandises  à  la  mer  et  toutes  les  cir- 
constances qui  s'y  lient ,  l'examen  nécessaire  des  cordages 
avant  le  départ,  les  précautions  à  prendre  en  chai'geant  les 
vaisseaux  ,  sont  l'objet  des  articles  VIII  ,  IX,  X  et  XI  ;  et 
l'autorité  du  maître,  le  respect  qu'on  lui  doit,  la  manière 
dont  il  pourra  punir,  l'intervalle  qui  doit  s'écouler  entre  le 
délit  et  la  punition ,  du  douzième  et  du  treizième. 


t 


AUTEUR  ANON.  DES  JUGEM.  DOLERON.        99 

Le  quatorzième  et  le  quinzième  s'occupent  des  vaisseaux  xn  SIECLE. 

fui  s'endommagent  en  se  heurtant  l'un  l'autre;  le  seizième, 
e  la  location  faite  par  un  marinier  de  la  place  qui  lui  ap- 
partenait pour  y  mettre  ses  effets,  afin  qu  on  y  place  les 
marchandises  des  autres  ;  le  dix-septièine ,  le  dix-huitième , 
le  dix-neuvième  et  le  vingtième,  du  salaire  et  de  la  nourri- 
ture des  matelots. 

On  aperçoit  dans  tous  ces  articles ,  et  dans  ceux  qui  vont 
suivre ,  plusieurs  dispositions  prises  des  anciennes  lois  des 
Rhodiens,  et  beaucoup  qui  se  retrouvent,  avec  de  légères 
modifications ,  dans  les  Ordonnances  de  Wisbuy  et  dans  les 
Ordonnances  plus  modernes  de  divers  peuples  de  l'Europe. 
On  y  aperçoit  également  plusieurs  mots  cle  la  langue  gas- 
conne, ou  qui  n'ont  que  dans  cette  langue  la  signification 
dans  laquelle  on  les  prend.  Par  exemple,  article  XII  :  Si  au- 
cun des  compagnons  desdit  le  maître,  pour  exprimer  :  sou- 
tient fortement  le  contraire  de  ce  que  le  maître  assure  ; 
article  XIII,  oter  la  touaille ,  pour  exprimer  :  ôter,  enlever, 
refuser  de  donner  la  nappe  et  les  vivres  ;  et  beaucoup  d'autres 
ensuite  que  Clërac  a  déjà  remarquées. 

Le  fret ,  l'argent  emprunté  pour  fournir  aux  dépenses  du 
voyage,  les  lamaneurs  ou  mariniers  loués  sur  la  côte  pour 
diriger  des  navires  et  les  garantir  d'un  danger  local,  les  droits 
réclamés  sur  un  vaisseau  qui  périt,  les  vols  commis  sur  les 
effets  naufragés,  les  récompenses  à  donner  aux  matelots  qui 
empêchent  ce  malheur  ou  y  apportent  tous  les  soulagemens 
possibles  quand  il  est  arrivé,  les  délits  envers  les  personnes 
mêmes  qui  ont  été  les  victimes  du  naufrage,  le  droit  de 
poursuite  du  propriétaii'e ,  quand  les  effets  sauvés  sont  pos- 
sibles à  reconnaître  comme  siens ,  les  obligations  récipro- 
ques qui  se  forment  entre  ceux  qui  pèchent  ensemble,  la 
faculté  que  l'on  peut  avoir ,  dans  certains  cas ,  de  s'appro- 
prier ce  que  l'on  trouve  en  la  mer  ou  sur  ses  rivages,  quel- 
ques dispositions  relatives  aux  poissons  qui  viennent  échouer 
sur  la  côte,  d'autres  relatives  encore  à  la  pêche,  à  celle  des 
baleines  en  particulier ,  sont  l'objet  des  vingt-quatre  articles 
suivans. 

On  voit  dans  le  trente-septième  et  le  trente-huitième  que 
le  seigneur  devait  avoir  une  partie  des  gros  poissons  à  lard, 
c'est-à-dire  des  baleines ,  des  thons ,  des  marsouins ,  et  de 
quelques  autres.  Ce  droit  existait  en  Normandie  avant  que 
les  Jugemens  d'Oléron  fussent  publiés.  On  l'y  trouve  au 

Na 


loo  AUTEUR  ANON.  DES  JUGEM.  D'OLÉRON. 
XII  SIECLE,  temps  du  duc  Guillaume,  le  conquérant  de  l'Angleterre.  Il 
Liv  I  chap  L  l^t'it^lit  sans  doute  dans  ses  nouveaux  états;  car  Blackstone 
le  rappelle,  et  dit  que,  pour  toute  baleine  prise,  la  tête  ap- 
partenait au  roi  et  la  queue  à  la  reine,  rex  caput ,  regina 
caudam.  Nos  anciennes  ardiives  disent,  pour  motiver  cet 
usage,  ajoute  Blackstone,  que  la  queue  était  pour  le  service 
de  la  garde-robe  de  la  reine. 

Le  vingt-sixième  article  détermine  la  punition  du  seigneur 
qui ,  pour  avoir  les  droits  que  lui  rendait  un  naufrage ,  au- 
torisait les  actions  qui  pouvaient  le  produire.  La  loi  ordonne 
la  confiscation  et  la  vente  de  ses  biens  au  profit  de  ceux  qui 
en  ont  souffert,  et,  de  plus,  d'attacher  ce  seigneur  à  un  pi- 
lori, au  milieu  de  sa  maison  même;  «  et  puis,  ajoute-t-elle , 
«  on  doit  mettre  le  feu  aux  quatre  cornières  de  la  maison 
«  et  faire  tout  brviler,  et  les  pierres  et  les  murailles  jeter 
«  par  terre ,  et  là  faire  la  place  publique  et  le  marché  pour 
«  vendre  les  pourceaux  à  jamais  perpétuellement.  »  Je  rap- 
porte cet  article,  moins  à  cause  de  la  punition  qu'il  inflige, 
que  parce  qu'il  prononce  une  peine  qui  était  alors  en  France 
une  peine  fréquente,  et  que  cet  exemple  peut  fortifier  ce  que 
nous  avons  dit,  que  les  Jugemens  d'Oléron  sont  du  milieu 
du  XIP  siècle,  et  qu'on  les  doit  aux  Français.  Je  lis  même 
dans  vme  Coutume  de  la  fin  de  ce  siècle,  de  iigS,  celle  de 
Saint- Quentin,  l'attestation  de  cet  usage  povir  les  grands 
délits  :  et  en  est-il  de  plus  grands  que  de  méditer,  préparer, 
amener  un  naufrage;  d'attenter  amsi  tout-à-la-fois  à  la  pro- 
priété et  à  la  vie  de  tant  de  malheureux .? 

Le  quarante-cinquième  article  parle  du  cas  où  le  mauvais 
temps  force  un  navire  à  couper  ses  câbles,  à  abandonner 
ses  ancres,  à  marcher  au  gré  des  vents,  et  de  la  nécessité  de 
rendre  ces  ancres  et  ces  câbles ,  si  on  les  trouve  et  qu'on 
sache  à  qui  ils  appartiennent,  ou  d'en  faire  la  déclaration  à 
justice.  Le  quarante-sixième  revient  sur  les  peines  à  infliger 
aux  hommes  qui  occasionnent  un  naufrage  ou  qui  en  pro- 
fitent. Le  quarante-septième  et  dernier  déclare  que  tout  ce 
qui  a  été  prescrit  ne  s'applique  pas  aux  corsaires,  aux  écu- 
meurs  de  mer,  aux  ennemis  de  la  religion  catholique,  chacun 
pouvant  les  dépouiller  de  leurs  biens. 

Rien  ne  peut  nous  conduire  même  à  présumer  quel  fut  le 
jurisconsulte  chargé  de  cet  important  travail.  Son  objet ,  et 
l'analyse  que  nous  en  avons  faite,  montrent  assez  qu'il  fallait, 
pour  en  être  digne,  des  connaissances  particulières  et  une 


ZÉRACHIAS,  LÉVITE.  loi 

étude  préalable  des  lois  maritimes  plus  anciennes.  —  Mais ,  xii  siècle. 
nous  le  répétons ,  ce  qui  ne  peut  guère  être  douteux ,  c'est  ^ 
que  l'ouvrage  a  été  fait  en  France ,  qu'il  l'a  été  par  un  homme 
à  qui  l'idiome  particulier  des  provinces  dont  se  composait 
l'Aquitaine  était  bien^  connu,  et  qu'il  ne  peut  être  qu'anté- 
rieur au  mariage  d'Éléonore  avec  Henri ,  depuis  roi  d'An- 
ffleterre.  P. 


ZERACHIAS 

LÉVITE. 
SA    VIE. 


Z/ÉRACHiAS  LÉVITE  était  de  Lunel,  en  Languedoc.  Le 
Schalschelet  Hakkabala  le  fait  en  même  temps  Espagnol  :  p.  53. 
Rabbenu  Zerachia  hallevi  levita,  de  urbe  Lunel,  Hispanum , 
dit-il.  Nous  verrons,  en  parlant  de  David  Kimchi,  quelle 
peut  être  la  source  de  cette  erreur  et  des  erreurs  semblables 
souvent  renouvelées  dans  les  bibliothèques  heTaraïques. 

Bartolocci  n'est  pas  d'accord  avec  lui-même  sur  le  temps 
où  vivait  Zérachias.  Dans  sa  Table  Chronologique,  il  le  fait  t.  iv,p.  itiv, 
mourir  vers  l'an  1070;  dans  le  Dictionnaire  Historique,  il    t.  li,p.  823. 
lui  fait  écrire  un  de  ses  plus  importans  ouvrages  en  1 1 5o. 
Bartolocci  a  pour  garant  de  cette  dernière  opinion  Gheda- 
lias  Ben  Joseph  Jachija;  il  .avait  pour  garant  de  la  première  Schal.  Hak.  p, 
l'autorité  de  David  Ganz ,  auteur  d'une  chronologie  sacrée  53. 
et  profane,  publiée  sous  le  titre  de   Tzemach  David.  Mais        P.  i32. 
plusieurs  faits   se  réunissent  pour  prouver  que  Zérachias 
appartient  plutôt  au  XIP  siècle  cru'au  XI«.   On  le  nomme 
parmi  les  rabbins  qui  donnèrent  des  leçons  à  Salomon  Jar- 
chi ,  et  Salomon  Jarchi  ne  paraît  être  né  que  de  r  1 20  à  1 1 3o , 
comme  on  le  verra  en  lisant  la  notice  qui  sera  consacrée  à 
ce  rabbin  justement  célèbre.  Zérachias  excita  parmi  les  Juifs 
une  dispute  théologique ,  en  attaquant  un  ouvrage  d'Isaac 
Alphès  sur  le  Talmua,  qui  jouit  encore  de  quelque  réputa- 
tion ,  et  en  a  procuré  beaucoup  au  disciple  qui  défendit  son 


XII  SIECLE. 

Voir  Barlol. 
lui-mtme,  t.  I, 
p.  /,28. 

T.  I,  p.  208. 


P.  iSa.  Tzr- 
mach  David,  p. 
ii3.  ' 


ZERACHIAS,  LEVITE. 

contre   Zéracliias  (a)  :  or ,   ce   disciple ,  le 


rabl 


jm 


102 

ipaître 

Éphraïm  ,  vivait  en  ii5o;  ainsi  l'attestent  les  chroniques 
juives.  (  Wolf,  dans  sa  Bibliothèque  Hébraïque,  dit  i45o; 
mais  ce  qui  suit ,  et  la  correspondance  de  cette  année  avec 
celle  du  calcul  des  Hébreux  depuis  la  création  du  monde, 
prouvent  que  ce  n'est  qu'une  faute  d'impression.  )  Alphès 
lui-même  ne  mourut  qu'au  commencement  du  XII*'  siècle, 
comme  on  le  lit  dans  le  recueil  connu  sous  le  titre  de  Sepher 
Juchasin ,  ou  le  Livre  des  Familles ,  que  nous  devons  au 
rabbin  Abraham  Zacuth ,  lequel  y  a  réuni  plusieurs  traités 
de  chronologie  et  d'histoire. 

SES   ÉCRITS. 


L'ouvrage  contre  Alphès  'a  pour  titre  :  ni'^INQn  *J\y 
Schené  Hammeoroth,  les  Deux  Luminaires.  Zérachias  croyait 
faire  allusion  à  son  nom:  Zérach  jah,  le  Seigneur  s'est  levé; 
et  il  ajoutait  dans  sa  pensée  :  Il  s'est  levé ,  il  a  fait  luire  sa 
lumière ,  et  les  ténèbres  répandues  sur  la  véritable  doctrine 
ont  été  dissipées.  On  a  imprimé  cet  ouvrage ,  avec  celui 
même  qu'il  combat ,  et  plusieurs  autres  commentaires  ,  à 
Sabionetta ,  vers  le  milieu  du  XVP  siècle,  en  i554.  On  l'a 
Voii  Barlol.  imprimé  aussi  séparément.  Il  y   en  a  des  manuscrits  dans 

t.  II,  p.  823.  plusieurs  bibliothèques  d'Italie,  notamment  dans  celle  du 
Vatican.  L'adversaire  de  Zérachias  triompha  de  toutes  les 
attaques  dirigées  contre  lui  ;  et  rien  ne  prouve  mieux  tout 
ce  qu'il  obtenait  d'estime  et  de  vénération  auprès  des  disci- 
ples de  Moïse,  que  l'inscription  qui  fut  placée  sur  son  tom- 
beau ,  et  que  David  Ganz  nous  a  conservée  dans  le  Tzemach 
David  :  Sepultus  est  fans  sapientiœ  ;  confractœ  sunt  tabulœ 
legis;  'venit  mundus  in  cœcitatem  ;  finiti  sunt  dies  mundi. 
Wolf,  t.  l,p.       Wolf  attribue  à  notre  Zérachias  un  second  ouvrage,  que 

3Gi.  Bartoi.  t.  j3;,itolocci  attribue  à  un  autre  rabbin  du  même  nom.  C'est 
,p.  2/,.  j^32in  Hatsaba,  l'Armée.  On  y  explique,  on  y  développe 
les  treize  conditions  nécessaires  pour  lire  et  comprendre  le 
Talmud.  Les  animadversions  contre  l'ouvrage  qui  a  pour 
titre  les  Hommes  animés ,  ou  les  Possesseurs  des  âmes ,  par 
Abraham  Ben  David  ou  Ben  Dior,  lui  sont  également  attri- 


Barlol.  t.  I,  p. 
23.  Wolf,  t.  I, 
p.  48. 


(«)  Alphès  eut  pour  défenseur  aussi,  contre  Zérachias,  un  rabbin  phis 
connu  qu'Éphraim ,  Moïse  Bar  Nachnian  :  l'écrit  de  ce  dernier  a  été  im- 
primé à  Venise,  avec  les  œuvres  d' Alphès,  en  iSSa. 


moïse    HADDARSCHAN.  io3 

buées  par  Wolf  et  refusées  par  Bartolocci.  L'auteur  attaque   xii  siècle. 
re'ponait  par  des  aiiimadversions  contre  Zérachias.  Le  ma-  TT^Tl      l 
nage,  les  obligations  quil  impose,  les  incommodités  perio-  47. 
diques  des  femmes  ,   les  purifications  ne'cessaires ,  sont  les 
principaux  objets  de  ces  divers  écrits. 

Il  y  a  sous  le  nom  de  Zérachias  Lévite,  une  traduction 
d'arabe  en  hébreu  d'un  livre  sur  l'essence  de  l'ame.  Wolf    T.  r,  p.  862, 
croit  qu'il   pourrait  être  du  rabbin  dont  nous   venons  de 
parler.  P. 


moïse   HADDARSCHAN. 

On  nomme  également,  parmi  les  maîtres  de  Salomon  Jar- 
chi,  le  rabbin  Moïse  Haddarschau  ,  ou  le  Prédicateur.  Ce 
rabbin  était  de  Narbonne.  Il  avait  étudié  sous  Gerson  Haza- 
ken.  Il  eut  ainsi ,  et  pour  maître  et  pour  disciple ,  deux  des 
Juifs   les  plus  distingués  que  la  France  ait  produits.  Jarchi 
n'est  pas  le  seul  élève  qui  honora  le  rabbin  Moïse.  Ce  rabbin 
en  eut  d'autres  qui ,  sans  atteindre  à  un  si  haut  degré  de 
gloire,  n'en  obtinrent  pas  moins  quelque  renommée;  tels 
furent  Abraham  Chija  ,  qui  écrivit  plusieurs  Traités  de  géo-      Bartol.  t.  i, 
graphie,  d'astronomie,  et  même  d'astrologie,  rappelés  dans  P-  '^^'  'iv/p! 
la  Bibliothèque  Hébraïque  de  Wolf  et  dans  la  Bibhothèque  ^9-^^"'"^'  *•  i' 
Rabbiniciue  de  Bartolocci;  et  Nathan,  fils  de  Jéchiel,  auteur  Voir\lln%e', 
du  Lexique  talmudique,  intitulé  Anich ,   dont  il  est  parlé  txiii,p.i48' 
dans  le  Dictionnaire  des  auteurs    hébreux   de  Bernard  de    t  il       '6 
Rossi.  Salomon  Jarchi  a  fait ,  plus  d'une  fois ,  l'éloge  de  Moïse  '  P"  '  ' 

Haddarschau  dans  ses  Commentaires,  et,  plus  particulière- 
ment, sur  le  verset  trente-trois  du  quinzième  chapitre  du      P.  167  de  la 
Livre  des  Nombres.  Abarbanel  le  loue  aussi  sur  le  dixième  g«an«ie  Bible, 
verset  du  quarante-neuvième  chapitre  de  la  Genèse. 

On  commençait  alors,  dit  Basnage,  à  foire  des  sermons  T.Xiil,p.  148. 
dans  les  synagogues ,  ce  qui  avait  été  fort  négligé  jusque  là  • 
et  peut-être  que  Gerson  avait  introduit  cet  usage,  puisqu'on 
voit  deux  de  ses  disciples  cjui  se  firent  connaître  par  les  pré- 
dications. Moïse  sorti  de  Narbonne,  ajoute -t- il  était  sans 
doute  le  plus  éloquent ,  puisqu'on  lui  donnait  par  excellence 
le  titre  de  Prédicateur. 


io4  MOÏSE  HADDÀRSCHAN. 

XII  SIECLE.  Moïse  Haddarschan  est  auteur  d'un  Commentaire  sur  le 
Pentateuque,  intitule  Bereschith  Rabba,  dont  Pierre  Galatiii 
Entre  autres ,  a  fait  un  assez  fréquent  usage  pour  prouver  la  vérité  de  la 
't  36''^i'^'ii°  religion  chi'ëtienne  contre  les  Juifs,  dans  son  traité  de 
c. 4,8'et9; liv!  Arcanis  catholicœ  veritatis.  Bereschith  est  le  premier  mot 
Iii,c.i2,2iet  de  la  Genèse,  que  la  Vulgate  traduit  par  in  principio ,  au 
^^'5''^  ^\h  commencement;  Rabba  veut  dire  grande;  Bereschith  Rabba 
liv.  V,  «.  II-  est  le  Grand  Commentaire,  la  Grande  Exposition  :  un  autre 
iiv.viii,c.  11;  ouvrage,  également  cité  par  Galatin,  est  appelé,  au  con- 
etc.  etc.  traire,  la  Petite  Exposition,  l'Exposition  Abrégée,  Bereschith 

Keczara.    Nous  n'avons  plus  le   livre   composé  par  Moïse 
Haddarschan.  Ce  n'est  que  par  les  citations   de  Galatin  et 
de  quelques  autres  qu'il  nous  est  connu  ;  et  même  il  est  né- 
cessaire d'observer  que  deux  autres  rabbins  ont  fait,  sous  le 
même  titre,  deux  autres  commentaires  sur  la  loi  des  Hé- 
breux ,  et  que  ces  différens  Bereschith  Rabba  ont  été  quel- 
quefois confondus  ;  on  a  même  supposé  que  leurs  auteurs 
s'appelaient  aussi  Moïse  Haddarschan  ;  mais  un  plus  grand 
nombre  d'écrivains  les  attribuent  à  Hoschaja  et  à  Bar  Nach- 
y-  log-       man  :  tels  sont  David  Ganz,  dans  le  Tzemach  David;  Bar- 
P.  6rj.         tolocci,  au  tome  IV  de  sa  Bibliothèque  Rabbinique  ;  Joseph 
p.  243.        de  Voisin  ,  dans  ses  Observations  sur  le   Pugio  fidei;  et 
p.  818.        Wolf,  au  tome  V^  de  sa  Bibliothèque  Hébraïque.  Bartolocci 
semble  nier  l'exisfenre  des  trois  Bereschith  Rabba;  car  il  re- 
proche à  Joseph  de  Voisin  de  les  avoir  admis  :  mais ,  en  cela ,  il 
est  encore  peu  d'accord  avec  lui-même,  puisque,  aux  articles 
Voir  t.  II,  p.  (jgs  rabbins  à  qui  on  les  attribue,  Bartolocci  les  rappelle 
60 Vt  362.  '  ^    comme  leurs  productions, 
itiner.  p.  4.         Benjamin  de  Tudèle  parle  de  Moïse  Haddarschan  comme 
ayant  illustré  l'académie  juive  de  Narbonne,  où  se  trouvaient 
alors  beaucoup  de  Juifs  distingués.  Il  annonce  qu'à  l'époque 
de  son  voyage  ce  rabbin  avait  cessé  de  vivre.  Benjamin  de 
Tudèle  voyagea  vers  1 1 70. 
T.  I,  p.  818.        Wolf,  daîis  sa  Bibliothèqvie  Hébraïque,  et  le  père  Lelong, 
P.  868.        dans  sa  Bibliothèque  Sacrée ,  parlent  d'un  autre  Moïse  de 
Narbonne ,  à  qui  on  doit  un  commentaire  en  hébreu  sur  les 
Lamentations  de  Jérémie  ;  ils  ne  disent  pas  à  quelle  époque 
Wolf,  t.  I,  p.  il  a  vécu.  Celui-ci  est  Moïse ,  fils  de  David.  Wolf  et  le  père 
^^sfi  ^^'°"^  '  Lelong  indiquent  une  troisième  personne  du  même  nom  et 
^'     ^"  ayant  la  même  patrie,  qui  commenta  pareillement  les  La- 

mentations de  ce  prophète ,  et  aussi  les  ouvrages  de  cjuelques 
rabbins  plus  anciens  que  lui ,  comme  Alphès  et  Maimonide  ; 


ET.  DE  GARLANDE,CHANC.  DU  ROYAUME.     io5 

il  était  fils  d'un  Josiié  ,  fils  d'un  Isaïe  ,  fils  d'un  David  ;  on  lui   xil  SIECLE, 
donne  encore  d'autres  noms,  sitivant  Wolf:  mais  ce  Moïse       pTssT 
n'a  vécu  que  dans  le  XIV^  siècle;  Bartolocci  le  rappelle  deux  t. iv, p. 273  et 
fois;  il  en  fait  deux  rabbins  différens;  l'identité  du  nom,  des  **^- 
ancêtres,  des  ouvrages  ,  aurait  dû  l'empêcher  de  commettre 
cette   erreur.  Il  y  a  parmi  les  manuscrits  du  collège  de  la  Cm.  mss.  angi. 
Trinité,  à  Cambridge, un Commentaii'e  deMoïsede  Narbonne  part- ni) "•  601. 
sur  le  Moie  Nevochim  de  Maiilionide.  Le  Catalogue  des  ma-  Part,  i,  n.  aS? 
nuscrits  anglais  en  indique  d'autres  encore,  parmi  ceux  de  ^^  ^'^o.  Vou 
Bodley  ,  qui  sont  également  d'un  rabbin  Moïse  de  Narbonne.  n"i5or"i'part.' 

Puisque  Moïse  Haddarsclian  fut  le  disciple  de  Gerson  m,  n.  1871. 
Hazaken ,  et  un  des  maîtres  de  Salomon  Jarchi ,  il  est 
facile  de  déterminer  l'époque  où  il  a  vécu.  Mais  cette 
époque ,  comme  uous  l'avons  dit  en  parlant  de  Gerson ,  a  été 
trop  éloignée  de  nous  ;  on  s'en  convaincra  mieux  encore  , 
nous  l'espérons,  en  lisant,  dans  la  suite  de  cet  ouvrage,  l'ar- 
ticle de  Salomon  Jarchi.  Nous  avons  fait  remarquer  ce  que 
disait  Benjamin  de  Tudèle ,  dans  son  Itinéraire,  de  Moïse 
Haddarschan  et  de  sa  mort.  On  peut  la  placer  vers  le  milieu 
du  XIP  siècle.  On  ne  peut  la  placer  plus  tôt,  d'après  l'époque 
même  à  laquelle  était  né  ce  rabbin  Salomon,  le  plus  illustre 
de  ses  disciples.  P. 


ETIENNE  DE  GARLANDE, 

C?IANCELIER   DU  ROYAUME. 

JlLtienne,  quatrième  fils  de  Guillaume,  seigneur  de  Gar- 
lande  en  Brie  et  de  Livry,  sénéchal  ou  grand  maitre  de  la 
maison  du  roi ,  naquit  dans  la  terre  dont  son  père  portait  le 
nom,  sous  le  règne  de  PhiUppe  P'",  père  de  Louis-le-Gros. 
Rien  ne   nous   annonce   dune   manière  précise    quelle   fut 
l'année  de  sa  naissance;  mais  il  était  si  jeune,  qu'on  ne  l'avait    Gallia  CLrist. 
pas  encore  initié  aux  ordi'es  sacrés,  lorsqu'on  le  nomma  tix,p.  715. 
évêque  de  Beauvais,  en  1 100.  Aussi  son  élection  excita-t-elle,  t^^'in*  ^\^io\'- 
de  la  part  d'Ives  de  Chartres  en  particulier,  la  plus  forte  t]  ix,'p. 715.' 
opposition.  La  lettre  qu'il  adressa  au  pontife  qui  gouvernait 
l'église,  Paschal  II,  est  imprimée  dans  le  quinzième  volume 
2'oine  XIII.  O 


io6  ETIENNE   DE   GARLANDE, 

Xîi  SIECLE,    clu  Recueil  des  historiens  de  France.  Il  est  difficile  d'v  fafre 
~         7~~  d'Etienne  de  Garlande  un   portrait   moins   flatteur.   Après 

p.  109.  Voir  .  ,  1    ' I        w     •  A  T  ' 

Dubouiay,Hisi.  avon'  observc  c[ue  ce  nouvel  élu  n  était  pas  même  sous-diacre, 

deiUniv.  t.  II,  Ives  l'accuse  d'être  un  homme  sans  lettres,  un  joueur,  un 

^  coureur  de  (cmmes  ^  illiteratum ,  alcatorem  ,  mulienim  sec- 

tatorem,  un  adultère  public,  mis  par  le  légat  du  saint  siège 

hors  de  la  communion  de  l'église  :  Je  pourrais  y  joindre 

d'autres  actions  malhonnêtes  ,  ajoute  l'écrivain ,  mais   ceci 

doit  suffire  pour  le  repousser.  Il  paraît^  que  la  lettre  d'Ives 

de  Chartres  produisit  quelque  effet  :  Etienne  de  Garlande 

ne  fut  pas  évêcpie  de  Beauvais  ;  il  avait  néanmoins  écrit  au 

Callia  ci.iisN  pape ,  très-pcu  de  temps  après ,  une  lettre  beaucoup  moins 

t.  IX,  p.  716  et  véhémente,  une  lettre  même  en  faveur  de  cet  Etienne,  qu'il 

'  '"  lui  avait  dénoncé  dans  des  termes   si  outrageans  ;  mais  le 

prélat  eut  moins  de  succès  dans  sa  bienveillance  ciu'il  n'en 

avait  eu  dans  ses  accusations.  Le  pape  lui  reprocha  même 

une  recommandât  on  aussi  inattendue,  et  Ives  s'excusa  en 

déclarant    que   l  importunité   la   lui  avait   arrachée,   et  en 

remei'ciant  le  pontite  de  n'y  avoir  eu  aucun  égard.  Ces  lettres 

T.  XV,  p.  m  sont  également  dans  la  nouvelle  Collection  des  historiens  de 

*  "^"  France.  Nous  trouvons  cependant,  cpielcpies  années  après, 

.^.'*jj'^  Christ.  Étipmie  de  Garlande  doyen  de  plusieurs  églises  d'Orléans, 

"  et  arcliidiacre  de  Paris. 

Le  siège  de  Beauvais  ayant  vaqué  de  nouveau  en  1 1  1 3 , 
Etienne  voulut  y  faire  nommer  l'évêcpie  de  Paris,  à  la  place 
duquel  il  désirait  d'être  pi'omu.  On  lit  encore  dans  la  nou- 
velle Collection  des  historiens  de  France ,   sous  la  date  de 
p.  166.        II  i4')  une  Itttre  d'Ives  de  Chartres  à  Etienne  de  Garlande, 
Hist.  de  lEgi.  |g  pj,pp  n'avait  pas  voulu  opérer  cette  translation, 

deParis,t.  n,  1  11.  >'  r  '    ->    i,  '    I     n      •      t  i         •    .• 

p.  14.  et  nommer  anisi  Etienne  a  levecne  de  Pans.  La  subscription 

annonce  que  celui-ci  était  alors  chancelier  ;  il  l'était  depuis 

f)lusieurs  années,  dès  iioy,  sous  le  règne  encore  de  Phi- 
ippe  V^.  Une  charte  de  ce  prince,  confirmative  d'un  don 
t. "VII, Preuves,  f^^jj.  ^^  monastère  de  Saint-Eloi  à  Paris,  est  signée  par 
f'  ^  '"       ,,.      Etienne  de  Gariaiule,  comme  chancelier.  Il  signa  au  même  titre, 

resscreau,Hist.  ^o•J1l  c  1  ■  '   1 

de  la  Chancelle-  long-tcuips  aprcs ,  Cil  iioj,  dcs  Icttrcs  cu  lavcur  du  piieurc  de 
rie  de  France,  Saiiît-Amoul  dc  Cicspy  en  Valois,  et  Cil  1 1 34, d'autres  lettres  de 
l; ^n  "v^,^'- ^ *"^  Louis-le-Gros,  portant  don  à  l'abbaye  de  Saint-Martin-des- 

Gall.  Christ,   t.  1      r  <    f-  1      t-    •         t-v       •        1      1      /^i    ■>  '    1 

VII,  p.  521 ,  et  Champs ,  de  1  église  de  bamt-Denis-de-la-Cnatre ,  en  échange 

.nux  Preuves,  p.  de  l'église  de  Montmartre  et  de  ses  dépendances.  Il  cessa  de 

^'8A*'t  Js6^   l'être  à  la  mort  du  roi ,  en  ï  i37,  et  se  retira  à  Orléans,  où  il 

acheva  sa  vie  ,  se   contentant   d'être   doyen   de  l'église   de 


CHANCELIErx   DU  ROYAUME.  107 

Sainte-Croix,  après  avoir  désiré  et  rempli  tant  de  hautes  fonc-    Xlï  SIECLE, 
lions.  Celle  de  chancelier  n'est  pas  la  seule  à  laquelle  ou  l'avait     „  ,,.   ,.,  .  , 

.  .  ,1  ,       .  1       ,  ,  .  Galha  Christ. 

appelé.  11  hit  vrannent,  pendant  plusieurs  années,  le  prin-  t.viii,p.i5o9. 
cipal  ministre  d'état  (a).  Il  remplaça  aussi, en  1 120,  Guillaume  Uubois ,  Hist. 
de  Garlande,  son  frère,  qui  lui-même  avait  remplacé  depuis  p^^.^^  ^  Yi  'n 
peu  de  temps  Anselme  ou  Anseaii  de  Garlande,  son  frère  i5.  ' 
aussi,  tué  en  1118  (i^),  au  siège  du  Puiset,  dans  la  charge  Gaiiia  christ. 
que  leur  père  avait  eue,  de  sénéchal  ou  grand  maître  de  la  '^«''-  H'^'-  ''*« 
maison  du  roi.  De  toutes  ses  dignités,  aucune  nenrla  plus  t. lî, p.  14. Voir 
son  orgueil,  si  nous  nous  en  rapportons  à  Saint-Bernard,  la  chron.  de 
qui  dit  dans  une  lettre  à  Suger  :  Curiam  ecclesiœ  prœfert ,  ^i°"gny,  His- 
res:is  mensam  altari  Christi,  et  caJici  doinini  caliceni  dœtno-  ,°yi/  ..'^-^' 
niorum....  cuni  honores  non  paucos  teneat  in  ecciesia^  unius 
Quem  in  palatio  assecutus  est,  maûis  (ut  aiunt)  sioriatur  ex  Hist. «le France, 
nomme  qiiam  cœteronun  quolibet  appeilan  ;  cumque  sit  voir  iHist.  de 
archidiaconus ,  decanus ,  prœpositusque  in  dii'ersis  ecclesiis ,  rx'niv.  t.  ll,p. 
nihil  horum   tanieii  tàni  euni  quhni  régis   delectat  vocjiri  ^^^'  * 

dapiferum.  O  nova  et  exosa  peiversitas !  La  lettre  de  Saint- 
Bernard  est  de  1128.  Etienne  de  Garlande  ne  jouissait  plus  llist.deFrancc, 
de  la  faveur  du  roi  en  1 12c),  comme  on  le  voit  par  une  lettre  '■  ^^'P-  ^'^'*' 
d'Hildebert,  archevêque  de  Tours,  dont  l'objet  est  de  le  con- 
soler sur  cette  faveur  perdue.  Sa  nomination  à  la  place  de 
sénéchal  ne  l'avait  pas  empêché  de  continuer  à  être  chance- 
lier. Calixte  II  lui  donne  ce  titre  dans  une  lettre  écrite  à  Hist.  de  France, 
Louis-le-Gros ,  le  3o  septembre  1 121.  Il  était  rentré  en  grâce  '•  ^^'  ?•  ^'*'' 
et  avait  rempli  cette  dernière  fonction  en  ii3i  ;  il  la  garda    Callia  Christ. 
jusqu'au  nouveau  règne.  Une  charte  pour  l'abbaye  de  Saint-  tviii,  p.  i5o2. 
Martin-des-Champs  annonce  qu'il  faut  porter  à  1 128  l'année  Tcsser.p.6et7. 
de  la  disgrâce  d'Etienne  de  Garlande;  elle  dit,  après  avoir 
nommé  les  grands  officiers  de  la  couronne  :  cancellario  nidlo. 
D'autres   actes  du  même   temps   nomment  Simon   comme 
exerçant  alors  la  dignité  de  chancelier  (c). 

Etienne  de  Garlande  mourut ,  à  ce  qu'on  croit ,  vers  1 1 49 
ou  II  5o.  Dubois,  d'après  l'historien  d'Orléans ,  le  fait  mourir     Hist.  de  régi. 
quelques  années  plus  tôt.  ^^  Paris,  t.  li. 

C'est  à  tort  que  l'auteur  de  l'Histoire  de  la  Chancellerie  ^"  ^ 

(rt)  Voir  les  détails  que  donne  à  cet  égard  Charles  d'Auteuil ,  dans  son 
Histoire  des  Ministres  d'état  ;  et  Dubois  ,  Histoire  de  l'église  de  Paris , 
liv.  XH,  c.  2,  t.  H,  p.  14  et  1 5.  —  ib)  Et  non  en  iiSy,  comme  le  dit 
Duboulay,  Hist.  de  l'Université  de  Paris,  t.  II,  p.  724.  —  (c)  Etienne 
de  Garlande  est  aussi  nommé  dans  plusieurs  actes  antérieurs  insérés  parmi 
les  Preuves  du  t.  VII  de  la  France  Chrétienne,  p.  44  et  suiv. 

O2 


XII  SIECLE. 


io8  EPITRES  FARCIES. 

de  France  le  fiiit  d'abord  evêque  de  Beauvais,  et  ensuite 
evêcfue  de  Paris  :  il  ne  fut  jamais  ni  l'un  ni  l'autre. 

Nous  ne  connaissons  aucun  ouvrage  d  Etienne  de  Gar- 
lande.  Il  ne  reste  de  lui  que  c|uelques  actes  d'administration; 
et  sur  lui ,  que  quelques  lettres  ou  quelques  passages  de 
chroniques.  Sans  la  grande  influence  cju'il  a  exercée  pendant 
le  règne  presque  entier  d'un  prince  dont  les  travaux  ont 
tant  contriliué  à  l'artranchissement  des  communes ,  et  à  leur 
donner  de  meilleures  lois ,  nous  aurions  cru  pouvoir  le 
passer  sous  silence,  et  je  ne  sais  même  si  cela  nous  justifie 
d'en  avoir  parlé. 
Notamment ,  Quelques  lettres  d'Ives  de  Chartres  en  supposent  d'Etienne 
les  lettres  243  de  Garlaudc ,  ou  sont  des  réponses  qu'il  lui  fait;  mais  celles 
d'Etienne  n'ont  jamais  été  connues;  elles  ne  peuvent  être 
indiquées  autrement.  P. 


et  260. 


EPITRES  FARCIES. 


G 


<ES  épîtres  (a),  dont  on  peut  placer  la  date  vers  le  milieu 
Martène,de  Ju  XIF  siècle ,  se  chantaient   principalement  les  fêtes  an- 
Aniiq.Ecci.Rit.  j^^jçjipg  çj-  solennelles.  C'était  un  mélange  du  texte  latin  et 

hb.  I,  cap.  i  ,     ,,  1-        •  1  •  1  ^  1        c-    • 

art.  2.  d  une   explication  des  actions  et  des  vertus  du   Saint    en 

français. 
Pein  Biexcn.ùs       \]ne  chaitc  cl'Odon  de  Sully ,  evêque  de  Paris ,  de  l'an 
^^fi"'".'  ^^"*'  1 108,  nous  apprend  nue,  dans  l'éelise  de  Paris,  on  célébrait, 

1667  in-foho,    .      '.'     ^       ,      ,      11.  •' ■  1       !■>  1         T-'  r^  1 

Notœ  iccentio-  ic  jour  de  la  Lirconcision,  la  rete  des  roux.  Lette  charte  en 
7-«,  p.  778.  ordonne  la  suppression,  de  l'aveu  et  consentement  du  clia- 
Festum  Fatuo-  pitre  de  cette  église  :  l'évoque  n'entre  dans  aucun  détail ,  il 
"""•  dit  seulement  que  cette  fête  était  horrible,  et  que  l'on  pous- 

sait les  choses  jusqu'à  l'effusion  du  sang.  Par  la  même  charte, 
il  règle  la  manière  dont  cette  fête  se  fera  à  l'avenir.  Après 
avoir  parlé  des  premières  vêpres  et  des  matines,  il  ajoute  : 
Missa  similiter  cwn  cœteris  horis  ordinatè  celebrahitur  ab 

(a)  Du  Gange,  au  mot farcia,  dit  :  Incertum  quid  hœc  tox  denotet,  h. 
quâ  dictœ  epistolœjarcitœ.  Ce  mot  vient  du  Xsiùnfarcire,  qui ,  outre  qu'il 
signifie  remplir ,  signifie  encore  entremêler  ;  car,  en  effet,  une  farce  nest 
autre  chose  qu'un  mélange  de  différentes  viandes  ,  épiées  et  autres  ingré- 
diens.  Une  farce  n'est  autre  chose,  non  plus,  qu'une  espèce  de  comédie , 
remplie  et  entremêlée  de  bouffonneries ,  sans  conduite  et  sans  dénouement. 


ÉPITRES  FARCIES.  109 

aliqiiO  prœdictoninv,  hoc  addito,  quod  epistola  cwn  Farciâ    Xll  SIECLE. 
dicetur  a  duohus  in  cappis  seHceis.  Le  sous -diacre,  accom-  ""  " 

fagné  de  deux  clercs  en  chappe,  montait  donc  au  lieu  où 
on  chantait  l'épître;  il  la  chantait  en  latin  par  versets,  et, 
à  chaque  verset,  les  deux  clercs  en  chappe  recitaient  le  fran- 
çais de  la  manière  ci-apvès  [a).  L'exti'ait  de  deux  épîtres  far- 
cies suffira  pour  donner  vme  idée  de  ces  pièces  singulières. 
La  première  est  pour  la  fête  de  saint  Etienne ,  premier 
martyr.  Les  deux  clercs  en  chappe  commençaient  par  chan- 
ter (b)  : 

Entendez  tost  (c)  a  cest  sermon , 
Et  clerc  et  lai  tôt  environ , 
-  Conter  volons  la  passion 
De  saint  Estevene  le  baron. 
Gomment  et  par  quel  mesproison 
Le  lapidèrent  li  félon  , 
Por  Jhesu-Crist  et  por  son  non , 
Jà  l'orrez  dire  en  la  leçon. 

LE     SOUS-DIACRE. 

Lectio  actiium  Apostolorwn. 

LES    CLERCS. 

Geste  leçon  c'on  ci  vous  list , 
Sains  Lus  1  apele ,  cjui  la  fist, 
Fais  des  apostres  Jhesu-Crist, 
Sains  esperis  ces  li  aprist. 

Ce  t'ust  au  tans  ca  en  arriei-s 
Que  Jhesu-Crist  ot  maint  guerriers, 
Mescréant  estoient  en  leur  fei, 
Si  despectoient  nostre  lei , 
Qui  ci  est  à  Dieu  ;  or  escout 
Vérité  fine ,  voire ,  et  tout. 

In  diebiis  illis^ 

(a)  Manuscrit  n°  6989  in-folio,  ancien  fonds,  folio  333  verso.  Manus- 
crit de  Sorbonne,  n°  85 1 ,  qui  en  contient  deux.  Lebeuf,  Traité  du  Chant 
ecclés.  p.  122.  —  (^)  L'abbé  Lebeuf,  loco  cit.,  a  rapporté  la  musique 
de  ces  épîtres.  Cette  première  est  sur  le  quatrième  mode,  autrement  dit 
hypophrygien.  —  (c)  On  suit  ici  l'orthographe  du  premier  des  manuscrits 
cités.  Dans  le  texte  cité  par  Lebeuf,  on  lit  ;  tuit  au  lieu  de  tôt,  conter  vous 
vuéil  au  lieu  de  conter  volons ,  etc. 


iio  EPITRES  FARCIES. 

XII  SIECLE.  Jliesu-Crist  out  un  champion 

~~"~~~~~^~"~  Après  la  sainte  Ascension 

Qui  premiers  conquist  à  durs  cos 
Ce  que  Adam  perdit  corne  fos. 

Stephaims  plenus  gratta ,  etc. 

Sainz  Estevene  sout  et  moult  pot. 
Qui  force  et  grâce  de  Dieu  ot 
Au  pueple  fu  tant  de  Dieu  dignes 
Faisoit  miracles  et  grant  signes ,  etc. 

La  pièce  est  terminée  par  cette  invocation  : 

Or  prions  tous  le  saint  martyr, 
Qu'il  nous  puist  salver  et  garir, 
K'ensi  puissions  nos  tôt  morir, 
Al  règne  Dieu  parvenir. 
Amen. 

La   seconde  e'pître    farcie   e'tait   en   l'honneur  de    saint 
Thibaut  de  Provins. 

Or  entendez  très-douce  gent 

Un  dit  qui  est  et  bel  et  gent. 

Et  faite  festes  et  joie  tuit 

De  seint  Thibaut  et  grant  déduit. 

Seins  Thibaut  de  très  bone  enfance 

Fuit  engendrez  de  gent  de  France. 

E  terrouer  de  trois  fins , 

Mes  il  fu  norris  à  Provins 

Et  Arnoul  avait  non  ses  pères 

Et  Gineline  fvi  sa  niere, 

Et  parens  es  quens  de  Chanipaigne 

Et  à  l'avesque  de  Viane  (levèque  de  Vienne) 

Qui  Thibault  estait  apelez 

Avant  que  saint  Thibaut  fu  nez. 

Lectio  lihri  Sapientiœ. 

Ce  fuit  au  tans  Herri  li  Rois  (a) 
Qui  tint  le  règne  des  François , 
Et  au  tans  Phëlipe  son  fils  (ù) 
Roi  de  France ,  ce  dist  l'escrit , 

[a)  Henri  1"',  mort  en  1060.  —  {b)  Philippe  IV,  mort  en  1108. 


EPITRES  FARCIES.  ni 

Que  li  saint  vout  en  sa  jounece  XII  SIECLE^ 

An  son  cors  mètre  grant  destrece ,  ' 

Geuner  et  vestir  la  herre 

Force  qu  il  vout  à  Deu  plere ,  etc. 

Jnstuin  dcduxit  dominus  per  vias  rectas.. 

Or  oiez  très  bêle  aventure 
Qu'avint  si  coin  dist  l'escriture 
Car  à  l'issir  de  la  cité 
Ont  deux  pèlerins  encontre ,  etc. 

L'abbé  Lebeuf  rapporte  deux  différens  textes  de  l'ëpître  Loc.cît.p.izî, 
farcie  pour  la  fête  de  Saint-Etienne;  il  en  cite  de  plus  luie  ^^^• 
pour  la  fête  de  Saint-Jean  l'Evangeliste ,  vine  pour  la  fête  des 
înnocens ,  une  autre  pour  la  Circoncision ,  enfin  une  pour 
l'Epiphanie,  et  une  dernière  pour  la  fête  de  Saint-Biaise. 

Les  Kyrie  qui  se  chantaient  à  la  messe  étaient  Russïjhrcis, 
mais  la  farce  était  en  latin.  Les  trois  premiers  Kyrie  étaient 
adressés  à  Dieu  le  père ,  les  trois  Cliriste  h.  J.  C.  et  les  trois 
derniers  Kyrie  au  Saint  Esprit.  Ils  se  chantaient  encore  au 
commencement  du  XVIIP  siècle ,  clans  les  diocèses  de 
Meaux,  de  Sens  et  d'Auxerre.  Ce  n'est  cjue  vers  1740  cju'on 
les  supprima  dans  les  églises  de  Saint-Etienne  de  Reims  ,  Lebeuf,  loco 
de  Dijon,  etc.  En  voici  un  exemple  :  ciiato,p.  1,17, 

KiRiE,yÔ72.î  honitatis,  pater  ingenite,  a  quo  hona  cuncta  ^'^' 
procedunt,  Eleison.  Christe,  cϔitus  adsis  nostris  precihus , 
quas  pro  viribus  ^  ore ,  corde,  actuque  psalUmus ,  Eleison. 
KiRiE,  spiritus  aime,  pectora  nostra  succende,  ut  digni paii- 
ter prociamare  semper possimus ^  Eleison.  Ces  Kirie  farcis  se 
chantaient  aux  fêtes  solennelles  seulement.  Il  y  en  avait  aussi 
dont  la  farce  était  en  français  : 

KiRiE,  le  jour  de  Noël,  naquit  Emmanuel,  Jésus  le  Doux, 
fils  Dieu  Etemel ,  Eleison. 

Ils    se  chantaient    encore ,   vers    le   commencement   du 
XVIIP  siècle,  dans  le  diocèse  d'Auxerre.  G.  ibài. 


V  «r«>^  «^V^  V^  ^  V^.-^  «.^  «.^^^At.  %  ^/W«.  W  % -V  «.^«  %  ««^«^.«^V».  « 


XII  SIECLE. 


POÈTES  JRANÇAIS, 

THIBAUT  DE   VERNON,   ALFRIUS,   ET   LAMBERT 

DE   LIÈGE. 

Ihibaut  de  Vernon,  chanoine  de  Rouen ,  écrivait  vers 
le  milieu  du  XII*^  siècle.  Lévêque  de  la  Ravalière,  Histoire 
de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres ,  tome  XXIII, 
page  254,  lui  attribue  des  traductions  de  Vies  de  saints  qui 
se  trouvent  dans  un  manuscrit  français  dont  son  Mémoire 
contient  une  notice.  Ce  manusci'it  est  un  de  ceux  qui  furent 
donnes  à  la  maison  de  Sorbonne  par  le  cardinal  de  Riche- 
lieu. Il  renferme  cinquante-neuf  Vies  de  saints  et  de  saintes 
des  différens  siècles  de  l'église  ,  originairement  écrites  en 
latin  ,  composées  en  différens  temps  par  différens  auteurs , 
dont  quelques-uns  sont  connus,  les  autres  ignorés,  et  tra- 
duites en  français  aussi  par  plusieurs  écrivains  du  XIF  siècle. 
Cette  époque  ne  peut  être  douteuse ,  ces  mots  étant  écrits  à 
la  fin  du  manuscrit  :  ExpUcit  iste  liber,  ann.  ]\I.  CC.  L'au- 
teur du  Mémoire  fondé  sur  ce  qu'un  auteur  contemporain 
de  ce  Thibaut  a  dit  de  lui  qu'il  avait  traduit  en  langue  vul- 
gaire,  avec  élégance,  les  Fies  latines  rie  plusieurs  saints ,  lui 
attribue  la  traduction  d'une  grande  partie  de  celles  de  ce  re- 
cueil ,  sans  pouvoir  désigner  précisément  quelles  sont  celles 
qu'il  traduisit. 

Trois  de  ces  Vies  sont  traduites  en  vers,  savoir,  celles  de 
sainte  Thasie,de  sainte  Catherine,  et  de  sainte  Marie  l'Egyp- 
tienne. 

On  trouve  dans  ce  même  recueil  trois  autres  pièces  de 
vers,  jetées  sans  ordre  entre  des  Vies  de  saints  avec  lesquelles 
elles  n'ont  aucun  rapport.  La  première ,  intitulée  le  Livre  de 
la  Mort,  est  d'Helinan  ou  Elinan,  moine  de  Froidmont  ;  il 
en  sera  parlé  à  son  article.  La  deuxième  est  le  roman  des 
y^mours  et  de  la  conversion  d'un  Chevalier;  la  troisième,  qui 
est  dans  le  même  goût,  est  le  Miracle  du  Clerc  de  Rouen. — 
La  Ravalière  pense  que  ce  dernier  roman  est  de  la  même 
main  que  la  plus  grande  partie  des  traductions;  il  soupçonne 
même  que  le  Clerc  de  Rouen  n'est  autre  que  Thibaut  de 
Vernon  ,  cjui  a  foi't  bien  pu,  dit-il ,  faire  allusion  à  sa  propre 
histoire  dans  ce  petit  roman,  et  s"y  peindre  sous  le  nom 


THIBAUT  DE  VERNON^  ii3 

emprunté  d'un  clerc.  Ce  clerc  s  était  voué  pour  toujours  à  ^^^  SlECLi 
la  Vierge  Marie;  mais  subitement  épris  d'un  amour  profane, 
il  oublie  ses  vœux  et  songe  à  épouser  celle  qui  est  l'objet  de 
cet  amour.  La  Vierge  lui  apparaît  et  lui  reproche  son  infi- 
délité. Le  clerc ,  pénétré  de  repentir ,  s'engage  au  sei^vice  de 
la  Vierge  par  un  nouveau  serment.  La  scène  se  passe  à 
Rouen ,  où  l'on  a  vu  que  Thibaut  était  chanoine,  et  il  aura 
voulu  peindre  dans  ce  conte  quelque  retour  d'inclinations 
mondaines  qu'il  avait  éprouvées  avant  de  s'engager  dans  les 
ordres. 

Le  roman  de  V Aventure  du  Chevalier  est  du  même  genre, 
et  peut  bien ,  selon  le  même  La  Ravalière ,  être  du  même 
auteur.  Un  chevalier,  amant  d'une  dame  inflexible,  est  payé 
par  des  rigueurs.  Rebuté  d'une  maîtresse  ingrate ,  il  porte 
ses  soupirs  et  ses  vœux  aux  pieds  de  la  Vierge  Marie ,  qui 
daigne  les  accepter,  reçoit  son  hommage,  et  le  guérit  de  sa 
passion  malheureuse.  Cette  pièce  est  en  vers  de  huit  syllabes, 
dont  voici  les  cinq  premiers  : 

Pour  ce  vous  vuel  dire  et  conter 

Un  bien  que  j'oïs  raconter 

D'un  chevalier  qui  était  pris 

D'amors  et  si  fort  entrepris 

Qu'il  n'en  pouvait  être  livrés  (délivré). 

La  Vie  de  sainte  Thasie ,  qui  est  aussi  en  vers ,  ne  paraît 
pas  être  de  la  même  main.  Elle  est  envers  de  douze  syllabes, 
divisés  par  quatrains  ou  strophes  de  quatre  vers ,  dont  les 
rimes  sont  toutes  masculines  et  toujours  les  mêmes  dans 
chaque  strophe.  L'auteur  du  Mémoire  cite  ces  huit  premiers 
vers  : 

Qui  Dex  done  droit  sens,  certes  moult  peut  haïr. 

Ices  œvres  qui  font  lame  du  corps  partir. 

C'est  dure  départie  qui  l'ame  fait  morir 

Et  torment  en  enfer  sans  nule  fin  norir. 

Qui  des  pênes  d'enfer  sut  ances  (ainsi)  sermoner 
Il  puet  les  dévoies  a  voie  ramener, 
Si  com  vous  le  puis  dire,  s'el  voulés  escouter, 
Dame  entendez  moi,  je  veul  à  vos  parler. 

On  voit  que  ce  poète,  quel  qu'il  soit,  adopta  dans  cette 
Tome  XIII.  P 


ii4  ALFRIUS  ET  LAMBERT  DE  LIÈGE. 

\il  SIECLE,  pièce  le  rli\tlime  ,  dont  on  attribue  l'invention  aux  auteurs 
du  roman  d'Alexandre  ;  mais  il  le  suit  péniblement.  Il  rem- 
plit avec  effort  cette  longue  mesure;  il  y  délaie  plus  qu'eux 
ses  pensc'es  ;  il  a  moins  d'ait  ;  et  si  l'on  peut  établir  des  de- 
grés entre  des  choses  qui  nous  paraissent  aujourd  hui  si 
imparfaites  ,  il  est  infiniment  au-dessous  d'eux. 

La  Ravalière  ,  incertain  sur  les  auteurs  d'une  partie  des 
traductions  de  Vies  de  saints  comprises  dans  ce  manuscrit, 
croit  cependant  que  celle  de  la  Vie  de  saint  Antoine  ap])ar- 
tient  à  un  écrivain  nommé  Alfrius,  qui  est  cité  dans  IHis- 
toire  de  la  maison  de  Gaines,  d'après  la  Chronique  de  Lam- 
bert d  Ardves  ,  comme  ayant  traduit  dans  le  XIl*^  siècle  une 
Vie  de  saint  Antoine. 

Il  croit  aussi  que  Lambert  de  Liège  est  le  traducteur  de 
la  Vie  de  la  reine  sainte  Batilde,  épouse  de  Clovis  II,  fils  de 
Dagobert.  Il  adopte  en  ce  point  le  sentiment  de  l'abbé 
Le  Beuf,  qui,  dans  son  Mémoire  sur  les  plus  anciennes  tra- 
ductions françaises ,  attribue  à  Lambert  de  Liège  cette  tra- 
duction de  la  même  Vie,  dont  il  cite  un  autre  exemplaire, 
séparé  ,  faisant  aussi  paitie  des  manuscrits  de  Sorbonne. 
Lambert ,  autrement  surnommé  le  Bègue  ,  mourut  à  Liège 
en  1177,  à  son  retour  de  Rome,  où  Raoul,  son  évéque, 
l'avait  envoyé.  C'est  entre  lui  et  sainte  Bègue  que  les  opinions 
sont  partagées  sur  la  fondation  des  Béguins  et  des  Béguines, 
société  religieuse  qui  a  été  long-temps  si  répandue  dans  les 
Pays-Bas. 

L'auteur  inconnu  de  cette  Vie  de  sainte  Batilde ,  originai- 
rement écrite  en  latin ,  se  dit  presque  contemporain  des  faits 
âu'il  rapporte.  Après  avoir  cité  quelques  traits  de  l'histoire 
e  sainte  Clotilde  ,  épouse  de  Clovis  F'",  et  de  sainte  Rade- 
gonde ,  femme  de  Clotaire,  il  ajoute,  selon  les  expressions 
de  son  traducteur,  qu'il  parlera  plus  au  long  de  sainte  Baltet 
( Batilde ),/>«'7re  quelle fust plus  à  nostre  temps ,  et  que  nous 
msnies  et  oismes plus  de  sa  vie  que  des  vies  des  autres.  Mais 

auelque  peu  éloigné  que  cet  historien  fût  du  temps  qu'il 
écrit ,  nous  ne  lui  devons  pas ,  observe  fort  bien  Lévesque 
de  La  Ravalière,  une  confiance  à  beaucoup  près  sans  réserve, 
du  moins  pour  ce  qui  concerne  le  règne  de  Dagobert,  dont 
il  suppose  sans  preuve ,  et  contre  l'autorité  de  tous  les  rao- 
numens ,  un  pèlerinage  à  Jérusalem..  G. 


PIERRE   DE  VERNON 

POÈTE  FRANÇAIS. 


J_jE  nom  de  cet  auteur,  qui  florissait  dans  le  XIP  siècle,  ft 
échappé  aux  recherches  de  Pasquier,de  Fauchet,  de  La  Croix 
du  Maine,  de  du  Verdier ,  et  autres  bibliographes.  Il  a  été 
cité  par  Barbazan  (a)  et  par  l'auteur  du  Glossaire  de  la  langue 
romane  (A). 

On  ignore  à  quelle  époque  précise  il  écrivait  ;  on  recon- 
naît seulement  à  son  langage  que  ce  devait  être  dans  la  pre- 
mière moitié  de  ce  siècle.  Il  nous  apprend  lui-même  son 
nom  à  la  fin  de  son  poëme ,  et  l'auteur  du  Glossaire  croit  y 
voir  aussi  le  nom  de  sa  patrie  ;  mais  cela  nous  paraît  dou- 
teux ,  comme  nous  le  dirons  en  terminant  cet  article.  La 
Bibliothèque  Impériale  ne  possède  qu'une  seule  copie  de  ce 
poëme  (c)  ;  elle  se  trouve  dans  un  recueil  de  pièces  des  XIP 
et  XIIP  siècles. 

L'ouvrage ,  qui  est  traduit  du  latin ,  et  qui  contient  environ 
deux  mille  deux  cents  vers,  n'a  point  de  titi'e  particulier. 
M.  Roquefort  (r/)  le  nomme  les  Enseignemens  d! Aristote , 
parce  que  l'auteur  suppose  qu'il  est  tiré  de  lettres  écrites  par 
ce  philosophe  à  Alexandre-le-Grand,  son  élève.  Mais  le  se- 
cond vers  du  poëme  semblerait  autoriser  à  le  nommer  plutôt 
le  Secret  des  Secrets. 

Primes  saciez  ke  icest  tretiez 
Est  le  secré  des  secrez  nuniez  j 
Ke  Aristotle  le  philosophe  ydoine. 
Le  fiz  Nichomache  de  Macédoine, 
A  sun  déciple  Alisandre,  en  bone  fei, 
Le  graunt ,  le  fiz  Phelippe  le  rei , 
Le  fist  en  sa  graunt  vielesce, 
Qant  de  cors  estoit  en  fieblesce, 
Pus  qu'il  ne  pout  pas  travailler 
Ne  al  rei  Alisandre  repeirer. 

{à)  Fabl.  nour.  ëdit.  tom.  I,  p.  443,  sur  le  taot  estros.  —  {b)  Table 
des  auteurs  (tom.  II,  p.  768,  col.  2),  et  sur  les  mots  baailer  ^  baant , 
huche.,  clergie ,  cunverter ,  défamer ,  esprover,  etc.  —  [c)  Fonds  de  1  église 
de  Paris,  in-4''  N,  n°  5,  folio  i^S.  —  [d)  Gloss.  de  la  lang.  rom. 
loco  cit. 

Pa 


XII  SIECLE. 


ii6  PIERRE  DE  VERNON. 

XII  SIECLE.        Et  plus  bas  : 

Aristotle  mm  espistles  feseit 

De  moralitez;  car  il  desireit 

Ke  chescun  bon  fust  en  drcit  de  sei , 

E  en  dreit  des  autres,  en  bone  fei. 

■  Dans  cette  correspondance  imaginaire  ,  le  philosophe 
donne  au  roi  de  fort  bons  conseils  ;  il  lui  enseigne  à  être 
doux ,  tempérant ,  modeste ,  à  bien  gouverner  les  peuples 
que  la  victoire  rend  ses  sujets. 

Alisandre  ,  à  vus  cunvertez 
Les  corages  as  sugez  ke  vus  avez. 
Lur  trespas  (a)  et  lur  tort  estez. 
A  la  gent  niatire  (b)  pas  ne  donez 
Ke  mal  pussent  parler  de  vos  ; 
Car  le  pueple  lut  à  estrus  (c). 
Quant  mal  de  vus  dire  parreit 
De-legier  contre  vus  sereit. 

Il  prend  soin  du  corps  de  son  élève  comme  de  son  ame  ; 
il  lui  parle  des  différentes  maladies  dont  il  peut  être  attaqué , 
et  lui  indic£ue  les  moyens  de  s'en  garantir,  ou  de  les  traiter; 
Mais  sur-tout  il  lui  recommande  d'être  généraux  ;  c'est ,  sui- 
vant notre  poète ,  et  suivant  prescjue  tous  les  poètes ,  la  pre- 
mière de  toutes  les  qualités  d'un  monarque. 

Enfin,  il  l'invite  à  remplir  ses  devoirs  de  religion,  à  ho- 
norer les  savans,  à  éviter  la  société  des  hommes  pervers,  à 
être  généreux  après  la  victoire ,  à  rendre  à  tous  la  justice. 
Ce  que  doit  ambitionner  un  souverain,  dit-il,  c'est  l'amour 
de  son  peuple  ;  s'il  ne  l'q  pas ,  malheur  à  lui  !  La  pluie  en 
petite  quantité  ranime  la  verdure ,  nourrit  les  plantes  ,  les 
arbres ,  les  fruits ,  et  embellit  la  nature  :  tel  est  l'effet  du 
règne  d'un  bon  prince.  IVIais  trop  de  pluie  engendre  de 
grands  maux.  Les  espérances  du  laboureur  et  du  marchand 
sont  détruites  ;  les  tonnerres  se  mêlent  à  la  pluie ,  la  foudre 
tombe , 

En  rivières  fait  crestines  (crues  d'eau)  sovent, 
Les  russeaus  s'en  enflent  ensement, 
E  mut  avienent,  les  mers  frémissent, 
Par  qui  mut  vivanz  périssent. 

(fl)  Outrage,  transgression,  violation  de  la  loi.  — ■  {!')  Matière,  sujet, 
cause.  —  (c)  A  l'instant,  tout-à-1  heure. 


PIERRE  DE  VERNON.  u- 

^  Aristote  n'oublie  ni  le  bon  exemple  qu'un  souverain  doit    xil  SIECLE, 
à  tous  ses  peuples,  ni  le  secours  qu'il  doit  aux  malheureux, 
ni  enfin  aucun  des  devoirs  d'un  bon  roi.  Il  prévoit  même  les 
temps  de  disette  et  de  famine,  et  veut  que  le  roi  ouvre  alors 
ses  greniers  et  pourvoie  aux  besoins  du  peuple. 

En  tems  de  feim  liant  aurez  à  fere 
Si  com  avient  en  chieres  années 
Kant  défaute  est  par  les  cuntrées, 
Ke  pussez  partut  ptu'véer, 
Ta  gent  aider  kant  unt  mester. 
En  tems  de  bosoigne  de  veir  saez. 
Kesucure  covient  à  tes  citez;        ; 
Vos  celiers  donkes  overer  devez 
E  par  tun  règne  é  les  citez 
Fere  crier  et  publier 
Furment  et  greins  pur  resforer, 
Ceo  grarlt'citirtise  Vèirement 
E  purvéance  al  règne  ensement. 

Les  vers  du  poète  ont  souvent  le  ton  sentencieux ,  et  ren- 
ferment de  sages  maKimes,  auxquelles  il  ne  manque  qu'un 
langage  plus  forn^é.  En  voici  quelques  exemples  : 
,  .riij'  :'..''..!'.\; 

Petit  home  n  etez  en  despit 
Kar  celi  k'ore  est  vil  è  petit, 
Si  conie  avenu  est  sovent, 
A  richesces  é  à  honurs  ascent, 
E  dune  ert  fort  é  de  plus  poer 
A  nuir  les  autres  é  grever. 


Rei  vus  gardez 

Ke  vostre  fei  pas  n'enfi-eignez , 
E  gardez  aussi  fermement 
Sur  tute  rien  vostre  serment. 

Universitez  apparaillez 
Estudie  en  citez  establiez; 
E  en  tun  règne  le  suffrez, 
E  à  tes  hohies  le  comandez, 
Ke  lur  fiz  apreignent  de  lettrurc, 
E  ke  d'estudie  preignent  cure 
En  les  arz  é  en  moralitez 


ii8  PIERRE  DE  VERNON. 

XII  SIECLE.  Si  ke  seicnt  clers  esprovez. 

—'————''  (]3j.  Y-ostre  purvéance  apent 

De  trover  lur  susteinenient. 
Fêtes  dune  aucun  avantage 
A  bien  estudianz ,  c'est  fet  de  sage. 

JLe  philosophe  grec  prétend  que  ce  fut  des  Hébreux  que 
tous  les  peuples  anciens  reçurent  les  sciences  et  les  arts. 

Kar  de  eus  aveient  commencement 

Les  Latins  é  les  Indiens 

Le  Grius  et  les  Parsiens  ; 

De  ces  lur  science  espucherent, 

Lur  princes  de  art  par  eux  troverent, 

E  secrez  qu'en  lur  escriz  mitrent 

Dunt  bien  piert  ke  de  eus  le  pritrent , 

Kar  en  lur  escriz  riens  n'est  trové 

Ke  ne  seit  reisun  esprové. 

Ce  morceau  sur  l'instruction  publique  est  très-e'tendu  et 
assez  curieux.  L'auteur  le  termine  en  rappelant  à  Alexandre 
que  les  lettres ,  les  sciences ,  les  arts  ,  sont  ce  qui  rend  un 
royaume  florissant ,  et  que  le  souverain  qui  les  encourage 
reste  inscrit  dans  les  fastes  des  bienfaiteurs  du  monde. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  encore  ,  c'est  que  tout  cet 
enseignement  d' Avistote  finit  par  de  belles  sentences  sur  la 
religion  chrétienne ,  sur  Jésus-Christ ,  sur  les  vertus  théo- 
logales ,  etc. 

L'auteur  termine  par  ces  vers ,  oii  il  a  eu  soin  de  nous 
ajîprendre  son  nom  : 

Mes  ore  priez  pur  Deu  a  mur 
En  ceste  fin  pur  le  translatur 
De  cest  livre,  ke  Piere  ad  nun, 
K'estreit  est  de  ces  de  A  Bernun. 
Ke  de  bien  faire  lui  doint  sa  grâce 
E  à  nus  tuz  issi  le  face 
Ke  le  règne  pussum  merir 
Ke  done  à  suens  à  sun  pleisir. 
Amen. 

Il  est  clair,  d'après  ce  passage,  que  ce  poëme,  quelque 


EBLES  DE  VENTADOUIl,  119 

titre  qu'on  lui  donne,  était  traduit,  et  vraisemblaljlement  du    ^^^  siècle. 

latin  ;  ii  est  clair  encore  que  le  traducteur  s'appelait  Pierre  : 

mais  le  quatrième  vers  signifie-t-il,  en  effet,  que  ce  poète  fût 

né  à  Vernon  en  Normandie ,  comme  le  croient  Barbazan  et 

M.  Roquefort  ?  C'est  ce  qui  nous  paraît  assez  douteux.  A  Ber- 

nun  et  Vernon  ne  sont  pas  évidemment  la  même  chose. 

K'estreit  est  de  ces  de  A  Bernun 

f)eut  signifier  que  Pierre  est  issu  de  ceux  d'ABernon  ou  de 
a  famille  d'Abernon ,  et  peut  signifier  aussi  que  ce  livre  est 
extrait  de  ceux  d'A  Bernon  ;  ce  serait  alors  le  nom  de  l'au- 
teur, d'ailleurs  inconnu,  qui  l'avait  écrit  en  latin,  et  dont 
Pierre  ne   fut   que   le  traducteur.    Mais  jusqu'à    ce   qu'on 

{misse  résoudre  ces  doutes  par  quelques  documens  particu- 
iers  qui  nous  manquent,  il  n'y  a  pas  d'inconvénient  à  nom- 
mer ce  poète  Pierre  de  Vernon  ,  comme  l'ont  fait  Barbazan 
et  l'auteur  du  Glossaire  de  la  langue  romane.  G. 


EBLES, 

VICOMTE  DE  VENTADOLTR, 
POÈTE  PROVENÇAL. 


l_iE  seigneur  était  contemporain  de  Guillaume  IX,  comte 
de  Poitou,  son  suzerain,  dont  il  gagna  famitié  par  son  talent 
pour  la  poésie  et  par  son  goût  pour  les  chansons.  Ce  goût, 
qu'il  conserva  jusque  dans  sa  vieillesse ,  le  fit  surnommer 
le  Chanteur. 

Baluze,  dans  son  Histoire  de  la  maison  d'Auvergne,  dit      T.  i,  p.  284. 
que  c'est  Ebles  II  qui  avait  épousé  Agnès  de  Montlucon,  et  '^^^'^  1708,  2 
qui  mourut  au  Mont-Cassin  au  retour  de  son  voyage  de  Je-  ^°'"  '°"*^°^"'- 
rusalem ,  en  i  lyo.  Des  notes  manuscrites  laissées  par  les  pre- 
miers rédacteurs  de  cette  Histoire  Littéraire  ,  placent   au 
contraire  la  mort  d'Ebles  II  en  i  iSa.  En  effet,  pour  qu'il  y 
ait  eu  enti-e  le  comte  de  Poitou  et  lui  les  rapports  qu'on  leur 
attribue ,  il  faut  bien  qu'Ebles  soit  mort  au  plus  tard  à  cette 
époque ,  puisque  Guillaume  IX  était  mort  en  i  lay ,  c'est-à-dire 


120    EBLES  DE  VENTADOUR,  POETE  PROVENC. 

XII  SIECLE,    plus  de  vingt  ans  auparavant.  Selon  l'abljë  Millot,  qui  cite 
Hist  litt  des  '^"^si  Baluze  à  lappiii  de  son  opinion ,  ce  fut  Ebles  III ,  lils 

Troub.  t.  l,p.  de  notre  Ebles  II,,  qui  mourut  en  1 170  au  Mont-Cassin. 

19-  Geoffroy  de  Vigeois  rapporte  dans  sa  Chronique  un  trait 

p.  322.  curieux  entre  le  vicomte  de  Ventadour  et  le  comte  de  Poitou. 
Ce  trait  peint  les  mœurs  de  leur  siècle,  et  l'espèce  de  magni- 
ficence dont  les  seigneurs  se  jjiquaient  alors  dans  leurs  châ- 
teaux. Ebles  alla  un  jour  visiter  Guillaume  IX  à  Poitiers, 
dans  son  palais.  Guillaume  était  à  table.  Il  suspendit  son 
dîner ,  et  en  ordonna  un  splendide  pour  son  hôte.  Ebles  at- 
tendit long-temps  sans  que  le  service  parût.  A  la  fin ,  il  dit 
à  Guillaume  :  «  En  vérité ,  un  comte  comme  vous  ne  devrait 
«  pas  être  obligé  de  renvoyer  à  sa  cuisine  pour  recevoir  un 
«  petit  vicomte  comme  moi.  »  Le  comte  ne  répondit  inen; 
mais  quelques  jours  après,  quand  le  seigneur  de  Ventadour 
fut  retourné  dans  son  château,  il  y  arriva  subitement,  suivi 
de  cent  chevaliers  et  de  leurs  gens, à  l'heure  du  dîner.  Ebles 
ne  se  déconcerta  point;  il  se  leva  de  table,  et  ordonna  froi- 
dement à  ses  gens  de  donner  à  laver.  Ils  couvrirent  aussitôt 
la  table  d'un  si  grand  nombre  de  plats ,  qu'à  peine,  dit  l'his- 
torien ,  aurait-on  rien  vu  de  pareil  aux  noces  d'un  prince.  Le 
hasard  servait  à  souhait  le  vicomte.  C'était  jour  de  foire  à 
Ventadour  :  ses  vassaux  s'étaient  empressés  de  porter  au 
château  tout  ce  qui  s'était  trouvé  de  volailles  et  de  gibier. 
La  table  fut  servie  avec  luie  abondance  dont  le  comte  et  sa 
suite  furent  surpris.  Le  soir ,  un  paysan  ,  à  l'insu  du  sei- 
gneur ,  entra  dans  la  cour  du  château  avec  une  charrette 
traînée  par  des  bœufs,  et  cria  de  toute  sa  force  :  «  Que  les 
«  gens  du  comte  de  Poitou  viennent  apprendre  comment  on 
«  donne  la  cire  chez  le  vicomte  de  Ventadour.  »  Il  coupa  les 
cercles  d'un  tonneau  qui  était  dans  sa  voiture;  il  en  sortit 
une  quantité  prodigieuse  de  pains  de  cire  blanche  ,  denrée 
qui  était  alors  fort  chère ,  et  il  les  laissa  sur  la  place,  comme 
cliose  de  peu  de  valeur  ;  puis  il  sortit  de  la  cour  comme  il  y 
était  entré.  Ebles  fut  si  content  de  cet  à-propos ,  qu'il  donna 
en  propriété  au  paysan  le  lieu  de  Malmont,  où  il  demeurait; 
ce  qui  anoblit  les  enfans  de  ce  paysan ,  qui  furent  décorés , 
dit  la  Chronique ,  du  baudrier  de  chevalerie. 

Ebles  II  ne  se  borna  point  à  protéger  et  à  bien  traiter  les 
Troubadours  ;  il  composa  lui-même  un  grand  nombre  de 
chansons ,  mais  aucune  n'est  parvenue  jusqu'à  nous.         G. 


XII  SIECLE. 


ALBÉRON  DE  MONSTÉROL, 

ARCHEVÊQUE  DE  TRÊVES. 
SA  VIE. 


i\.LBÉRON  OU  Adalbéron,  appelé  aussi  j4lherius  par  l'auteur         Bouqnet , 
de  la  vie  du  bienheureux  Théodger,  évêque  de  Metz,e'tait  t.  xiv,p.  208. 
Lorrain.  Baldric ,  écolâtre  de  Saint-Pierre  à  Trêves ,  qui  a     De  Honriieim 
écrit  la  vie  de  ce  prélat ,  atteste  qu'il  était  né  d'une  famille  pi'od.  p.  77*- 
noble  dans  le  diocèse  de  Toul ,  et  qu'il  avait  fondé,  avant  son 
épiscopat ,  à  Monsterol ,  qui  faisait  partie  de  son  patrimoine , 
l'abbaye  de  Belchamp  ,   près  de  Mehoncourt.   Il   avait  un    r.aiiia  ciirist. 
frère  nommé  Pierre  ,  qui  concourut  avec  lui  à  cette  fon-  'o™-  xiii ,  j  r. 
dation.  "°'-^"- 

Albéron ,  avant  que  de  parvenir  à  l'épiscopat ,  était  prin-  Baldric.  ibid. 
cier  et  archidiacre  de  1  "église  de  Metz,  prévôt  de  Saint-Arnoual, 
archidiacre  de  Verdun ,  archidiacre  de  Toul ,  et  prévôt  de 
Saint -Gengoul.  C'était  un  homme  dun  caractère  ferme  et 
entreprenant  ;  il  en  donna  des  pi-euves  pendant  les  troubles 
qui  agitèrent  la  Lorraine  sous  la  domination  des  empereurs  * 

d'Allemagne.  Zélé  partisan  du  pape,  il  exposa  mille  fois  sa 
vie  pour  servir  la  cause  de  l'église  et  contrecarrer  l'empe- 
reur. Ce  qu'on  raconte  à  ce  sujet  de  traits  hardis  de  sa  part  Baldric.  iôjV/. 
est  pi^esque  incroyable.  L'empereur  avait  placé  sur  le  siège  P-  771- 
de  Metz  un  homme  de  son  parti,  nommé  Adalbéron,  que  ^"^l"^  ,  «  '  « 
le  pape  avait  excommunié,  mais  qui  se  maintenait  toujours 
par  le  crédit  de  l'empereur  et  de  ses  partisans.  Albéron  alla 
a  Rome  pour  demander  sa  déposition ,  laquelle  ayant  été 
prononcée  dans  le  concile  de  Reims  de  l'an  1 11 5 ,  par  le 
égat  Conon  ,  Albéron  n'eut  pas  de  repos  qu'il  n'eiit  f;iit  élire 
à  sa  place  un  évêque  catholique  dans  la  personne  de  Théod- 
ger  ,  abbé  de  Sauit-George ,  dans  la  forêt  Noire ,  frère  de 
Folmar ,  comte  de  Metz.  Mais  telle  était  alors  la  prépondé- 
rance des  partisans  de  l'empereur  à  Metz ,  que  jamais  ce 
saint  homme  ne  put  siéger  dans  sa  ville  épiscopale.  Heureu- 
sement la  querelle  des  investitures  fut  terminée  bientôt  après 
la  mort  de  celui-ci ,  et  le  princier  de  Metz  n'eut  plus  à  se 
défendre  que  d'accepter  les  dignités  auxquelles  on  voulait 

Tome  XIII.  Q 


1: 


122  ALBÉRON  DE  MONSTEROL, 

\ll  SIECLE,  l'élever.  Il  fut  postule'  pour  remplir  les  sièges  de  Magcle- 
bourg  et  d'Alberstad ,  qu'il  n'accepta  pas;  mais  ayant  été  élu 
archevêque  de  Trêves,  il  lut  contraint  d obéir  au  jiape  In- 
nocent II ,  des  mains  duquel  il  reçut  la  consécration  l'an 

Il32. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  guerres  qu'il  eut 
à  soutenir,  soit  contre  le  burggrave  de  Trêves,  qui  dispo- 
sait en  maître  des  biens  de  l'évêché,  soit  contre  le  comte 
de  Luxembourg,  qui,  à  titre  d'avoué  de  Saint-Maximin  , 
empêchait  l'archevêque  d'exercer  ses  droits  ou  ses  préten- 
tions sur  cette  abbaye,  soit  contre  d'autres  petits  tyrans  du 
HaUrld. ibid.  pays  ;  mais  nous  dirons  qu'il  accompagna,  l'an  iiSy,  le  roi 

r-  774-  Lothaire  en  Italie,  avec  un  contingent  de  soixante-sept  gens 

d'armes,  pour  faire  la  guerre  au  roi  de  Sicile,  et  remettre 

sur  son  siège  Innocent  II ,  qui ,  par  reconnaissance ,  le  fit 

légat  en  Allemagne. 

TiaUric.  ibid.       Avant  Contribué  plus  cpve  tout  autre  à  mettre  le  roi  Conrad 

^"  ''  sur  le  trône  d'Allemagne  ,  il  jouit  constamment  de  la  faveur 

de  ce  prince ,  dont  il  ne  fit  usage  cpie  pour  le  bien  de  son 
église.  Ce  prince  s'étant  dessaisi  en  sa  faveur  des  droits  de 
l'Empire  sur  l'abbaye  de  Saint-Maximin,  Albéron  entreprit 
de  soumettre  à  sa  juridiction  les  moines  du  lieu  ;  mais  il 
trouva  de  la  résistance  de  la  part  du  pape  et  du  comte  dé 
Luxembourg.  Le  pape  flottait  tantôt  d'un  côté  tantôt  de 
l'autre ,  et  il  ne  fallut  pas  moins  que  la  protection  de  saint 
Bernard,  qui  écrivit  à  Innocent  les  lettres  179  et  180,  pour 
le  déterminer  en  faveur  de  l'archevêque.  Quant  au  comte  de 
Luxembourg,  il  continua  la  guerre,  et  ne  posa  les  armes 
que  l'an  1 1 46. 
Baldùc. ibid.       Pendant  ces  hostilités,  il  arriva  que  les  chanoines  de  Co- 

P-  776-  blcntz  ayant  fait  l'élection  d'un  prévôt  sans  la  participation 

de  l'archevêque,  avaient  obtenu  du  pape  Innocent  des  lettres 
de  confirmation.  Ces  lettres  lui  ayant  été  présentées,  Albé- 
ron ,  dans  un  mouvement  de  dépit ,  les  jeta  par  terre  ;  mais 
cette  insulte  ne  demeura  pas  impunie  :  il  fut  interdit  de  ses 
fonctions ,  et  obligé  d'aller  à  Rome ,  l'an  1 1 4^ ,  rendre  compte 
de  sa  conduite. 
Baidric.  ibid.       L'ail  1 1 47 1  le  pape  Eugène  III  étant  venu  en  France , 

p.  777  et  seqq.  Albéron  vint  le  trouver  et  obtint  qu'il  irait  à  Trêves,  où  le 
pape  séjourna  plus  d'un  mois  avec  sa  cour  et  tint  un  concile. 
Au  concile  de  Reims ,  célébré  par  le  pape  à  la  mi-carême  de 
l'année  suivante,  il  demanda  la  confirmation  du  droit  de  pri- 


ARCHEVEQUE  DE  TREVES.  laS 

matie  de  son  église  sur  les  deux  Belgiques.  Cette  prétention  xii  SIECLE. 
occasionna  une  rixe  entre  les  Rémois  et  les  Allemands  de  sa 
suite,  dont  plusieurs  furent  blessés.  L'auteur  qui  nous  sert 
de  guide  assure,  qu'Albéron  indigné  menaçait  de  se  retirer 
à  Ivi"i ,  et  de  revenir  ensuite  avec  la  force  armée  pour  tirer 
vengeance  de  cet  attentat,  si  l'archevêque  de  Reims  ne  lui 
eût  livré  les  séditieux  ;  mais  il  ne  dit  pas  que  le  concile  lui 
ait  adjugé  ses  prétentions. 

Quoic[ue  déjà  vieux ,  on  le  voit  encore  à  la  tête  des  armées      Baldric.  ibid. 
dans  la  guerre  qu'il  eut  avec  le  comte  palatin  du  Rhin.  Son  P-  '>''9- 
historien  nous  a  conservé  la  harangue  qu'il  fit  à  ses  soldats 
avant  le  combat  ;  et  il  ajoute  qu'autant  il  avait  de  facilité  à 
parler  le  français  ,  sa  langue  maternelle  ,  autant  il  parlait 
difficilement  l'allemand.  Ce  prélat  mourut  le  i8  janvier  1 152. 
Il  aimait  les  arts  et  la  magnificence;  et,  sans  être  un  savant, 
il  se  plaisait  en  la  compagnie  des  savans,  qu'il  avait  soin  d'at- 
tirer auprès  de  lui  par  des  récompenses.  De  ce  nombre  fut 
Baldric  ou  Baudri ,  Liégeois ,  qu'il  connut  à  Paris  ,  et  qu'il 
voulut  s'attacher   après  l'avoir  entendu  plaider  devant  les       Hist.  litiér. 
tribunaux,  comme  on  l'a  dit  à  son  article.  Il  fit  le  même  hon-  *•  ^"'  P-  ^'7* 
neur  à  Gerland  de  Besançon  et  à  Thierri  de  Chartres ,  que    ^^"^'  ^'  "^"' 
Baldric  appelle  les  plus  habiles  docteurs  de  son  temps  :  duos 
famdet  glorid  doctores  nostri  teniporis  cxcellentissiinos.  Il  se  lia 
d'une  amitié  particulière  avec  l'illustre  abbé  de  Clairvaux,  saint 
Bernard ,  pour  lequel  il  fonda  des  monastères,  et  qui ,  comme 
nous  l'avons  vu ,  le  servit  avec  zèle  dans  toutes  les  occasions. 


SES  LETTRES. 

Jean  Nicolas  de  Hontheim,  évêque  suffragant  de  Trêves,  Hist.  Tievir. 
a   réuni,  dans  l'Histoire    diplomatique  de  cette   province,  U'p'om.  t.  i,p. 

Quelques  lettres  de  notre  prélat ,  et  un  plus  grand  nombre 
e  chartes  propres  à  jeter  du  jour  sur  l'histoire  de  sa  vie. 
Nous  ne  nous  occuperons  que  de  ses  lettres. 

i"  Ayant  assemblé  ,  l'an  i  iSa,  un  concile  des  évêques  de  Martène, 

la  province  à  Thionville ,  il  termina  un  différend  qui  s'était  Anecd.  t.  iv, 
élevé  entre  Simon,  duc  de  Lorraine,  et  le  chapitre  de  Saint-         '^'" 
Diez;  et,  attendu  que  le  duc  avait  encouru  l'excommunica- 
tion, il  l'en  relève  par  des  lettres  publiées  par  D.  Martène. 

2°  D.  Calmet  a  aussi  publié  des  lettres  de  notre  prélat,  Caimet,Hisr. 
portant  ratification  d'un  accord  passé  entre  l'abbé  de  Senones  de  Lorr.  t.  ir , 
et  Henri,  comte  de  Salm,  relativement  aux  droits  d'avouerie,  P'''  ''°'"  ^°^" 

Q2 


ia4   ALBÉRON,  ARCHEVÊQUE  DE  TRÈ\^ES. 

XII  SIECLE,    lettres  cju'il  fit  expédier  clans  un  concile  provincial  tenu  à 
Metz  l'an  ii35. 

3°  Le  pape  Innocent  II  n'ayant  pu  se  maintenir  à  Rome , 
après  que  l'empereur  Lothaire  en  fut  parti,  et  Roger,  roi 

S.  Bern.  cpist.  Je  Sicile,  fauteur  d'Anaciet,  ayant  lait  des  progrès  dans  la 
*'^-  Fouille,  Albéron,  dans  une  lettre  au  pape,  lui  mande  que, 

malgré  ces  revers,  tout  le  monde  en  France  et  en  Allemagne 
est  pour  lui  ;  que  l'empereur  Lothaire  se  prépare  à  lui  porter 
de  puissans  secours,  et  cpie  lui-même  n'épargnera  ni  soins 
ni  aigent  pour  lui  en  procurer.  Nous  avons  déjà  vu  qu'il 
accompagna  IV-mpereur  dans  cette  expédition  avec  un  contin- 
gent de  soixante-sept  gcndai'mes. 

s.  Bern.  epUt.       4°  Dans  une  auti-e  lettre  au  même  pape ,  il  se  plaint  que 
Ï77-  ce  pontife  le  gêne  beaucoup  dans  le  gouvernement  de  sa 

province,  par  la  faveur  qu'il  accorde  à  de  jeunes  évêques 
ses  suffragans,  beaucoup  trop  fiers  de  leur  noblesse,  ce  Est-ce 
«  que,  dit-il,  j'ai  demandé  à  votre  Sainteté  d'être  fait  évêque? 
«  Si  j'eusse  ambitionné  Tépiscopat,  ce  n'eût  jamais  été  celui 
«  de  Trêves  :  je  connaissais  trop  l'humeur  inquiète  de  ses 
«  habitans.  J'ai  eu  beaucoup  à  souffrir  pour  opérer  quelque 
«  bien  ;  mais ,  ce  qui  me  chagrine  le  plus,  c'est  que  j'éprouve 
«  des  contradictions  de  la  part  de  ceux  qui  devraient  con- 
«  courir  avec  moi  à  rétablir  le  bon  ordre.  Je  ne  les  nomme 
«  pas;  mais  un  autre  vous  les  fera  connaître.  »  Cet  autre  fut 
saint  Bernard ,  qui ,  dans  la  lettre  1 78  au  même  pape ,  entre 
sur  les  griefs  de  l'archevêque  de  Trêves  dans  un  grand  détail. 
intcr  epist.       5"  On  voit,  par  la  lettre  d' Albéron  à  l'abbé  Suger,  combien 

Sugerii,  ep.  3o.  j,g  prélat  avait  à  cœur  le  succès  de  la  Croisade  de  Louis-le- 
Jeune.  Ayant  appris  qu'on  avait  reçu  en  France  des  nouvelles 
du  roi ,  Albéron  prie  avec  instance  l'abbé  Suger  de  les  lui 
communiquer.  En  effet,  au  passage  de  ce  prince  près  de 
Trêves  ,  Albéron  alla  le  recevoir  cà  Saiut-Arnoual  ,  terre 
dépendante  de  son  évêché,  dans  laquelle  il  avait  préparé 
Baldnc.  ibid.  Jes  rafraîchissemcns  avec  tant  d'abondance ,  que  le  roi  et  sa 

P- 777-  suite,  qui  ne  s'étaient  pas  annoncés^  furent  dans  l'admira- 

tion ,  dit  l'historien  de  sa  vie. 

Hist.  deToui ,       6"  Le  P.  Benoît  de  Toul  a  mis  au  jour  un  jugement  porté 

pr.  p.  91.  pfjj.  notre  prélat,  l'an  1 149-)  à^u?,  une  contestation  qui  s'était 

élevée  sur  la  donation  faite  à  l'église  de  Toul  de  la  terre  de 
Commerci ,  par  un  des  seigneurs  nommé  Riquin.  B. 


V».  fc  **  m^  *  v*^  *■  * -«j  v^^  * 


XII  SIECLE. 

RAOUL  r,  

ABBÉ    DE    VAUCELLE,    DIOCESE    DE     CAMBRAI. 

'IVAOUL   fut  un  des  disciples  de  saint  Bernard.  Il  avait  à 

Feine  fait  profession  depuis  trois  mois ,  que  Bernard ,  qui 
avait  distingué  parmi  ses  religieux,  le  choisit  pour  aller 
gouverner  un  nouveau  monastère,  celui  de  Vaucelle,  près 
de  Crévecœur,  et  sur  l'Escaut,  que  venait  de  fonder  et  de 
doter  Hugues  d'Oisy,  vicomte  de  Cambrai.  L'abbé  de  Clair- 
vaux  y  contluisit  lui-même  Baoul  et  les  autres  religieux,  au 
nombre  de  onze ,  qui  devaient  en  former  la  communauté.  11 
le  mit  en  possession  du  gouvernement  de  ce  monastère,  le 
i*^''  août  I  iSa.  Hugues  d'Oisy  avait  rassemblé  toute  sa  famille 
et  toute  la  noblesse  defv  environs,  pour  recevoir  avec  plus  de 
solennité  Bernard,  Raoul,  et  les  autres  religieux. 

Arnold  de  Baisse,  qui  nous  apprend  ces  particularités,  a<1  Natales  ss. 
que  beaucoup  d'autres  ont  répétées ,  et  entre  autres  Lecar-  ^'^'>'''  auctuar. 
pentier,  dans  son  Histoire  de  Cambrai  et  du  Cambrésis,  dit  ^'  ^^'  ^^  ^^\ 
les   avoir  tirées  d'un  manuscrit  que  lui  avait  communiqué    "'  "     '  ^'  ^  ^ 
dom    Robert  Pierin  ,  prieur   de   ce  monastère  ;  manuscrit 
contenant    des   détails    qui   ne    se   trouvaient    point   dans 
celui  d'Abraham  Ortelius,  lequel  avait  appartenu  à  l'abbaye 
de  Vaucelle,  et  que  Lemire  a  publié  dans  ses  additions  à  la 
chroniqiie  d'Anselme  de  Gemblou.  L'auteur  de  cette  chro- 
nique dit  que  Baoul  était  originaire  d'Angleterre  ;  Baisse 
ajoute  qu'il  était  né  à  Merston.  Tous  les  écrivains  qui  ont  parlé 
de  Baoul  le  font  anglais  aussi ,  même  les  auteurs  du  nouveau 
Gallia  Christiana.  Cependant,  dom  Nicolas  Daussy,  prieur  T.  m,  p.  176. 
de  Vaucelle ,  dans  une  lettre  à  Bollandus ,  qui  l'avait  consulté      Boii.ind.  2a 
sur  les  premiers  abbés  de  ce  monastère,  lui  fait  connaître  J^^'^P-^g^- 
un  manuscrit  que  Baisse  qualifie  de  chronique,  dont  l'auteur 
dit  avoir  vécu  dix-sept  ans  avec  Baoul ,  et  assure  n'avoir  pu 
découvrir  de  quel  pays  il  était.  Quoi  qu'il  en  soit  du  lieu  de  sa 
naissance,  ce  qui  n'est  pas  douteux,  c'est  qu'il  fut  moine  à 
Clairvaux ,  et  ensuite  abbé  d'une  maison  du  même  ordre,  à  une 
très-petite  distance  de  Cambrai  ;  il  vécut  ainsi  et  mourut  en 
France.  Arnold  de  Baisse  suppose  qu'ayfint  passé  à  Clairvaux,  Auct.  ad  Natal. 
au  retour  d'un  voyage  qu'il  venait  de  faire  en  Italie,  dans  le  ^^-  ^^'S''  '  P" 
dessein  seulement  d'y  recevoir  l'hospitalité ,  Baoul  fut  si  édifié      ''' 


126  RAOUL  P',  ABBE  DE  VAUCELLE. 

XII  siE'ci.E.  (Je  la  manière  sainte  dont  on  y  vivait ,  qu'il  prit  la  résolution 
de  s'y  fixer,  et  d'embrasser  la  vie  religieuse,  sous  le  gouver- 
nement de  saint  Bernard. 

Devenu  abbé  de  Vaucelle,  Raoul  se  montra  digne  du  choix 
qu'avait  fait  de  lui  l'abbé  de  Clairvaux.  Honoré  des  grands , 
il  était  chéri  de  ses  religieux,  c[u'il  instruisait  plus  encore  par 
ses  exemples  (jue  par  ses  leçons.  Sa  charité  était  si  grande,* 
que  ,  dans  un  temps  de  disette ,  il  nourrit,  pendant  plusieurs 
mois,  jusqu'à  cinq  mille  pauvres  :  Simon  d'Oisy,  fils  du  fon- 
dateur de  l'abbaye,  et  l'évêque  de  Cambrai,  Nicolas  P"",  ne 
purent  le  porter  à  y  mettre  des  bornes.  La  maison  n'en  de- 
vint ni  moins  florissante,  ni  moins  nombreuse  :  douze  reli- 
Gail.  Ciirisf.  gicux  ,  lui   compris  ,   la  composaient  cjuand   il  en  prit   le 
f.  m,  p.  176.  jTouvcrnement ;  il  v  avait,  à  sa  mort,  cent  sept  proies,  trois 
i^jçQ  novices  et  cent  trente  convers.  11  avait  bati  de  plus  une  belle 

et  vaste  église,  cjue  Samson,  archevêque  de  Reims,  dédia 
en  I  i49i  assisté  de  Nicolas,  évêque  de  Cambrai,  de  Gérard, 
évêque  de  Tournai,  de  Miloii ,  évêque  de  Térouane,  et  de 
Josselin ,  évêque  de  Soissons. 

Raoul  mourut  le  3o  décembre  i  iSa,  après  avoir  gouverné 

son  monastère  dix-neuf  ans  et  cinq  mois.   Cette   date  est 

fournie  par  la  chronique  de  Vaucelle ,  que  Bollandus  et  Le- 

mire  avaient  sous  les  yeux  quand  ils  écrivaient.  Son  corps , 

d'abord  enterré  dans  le  chapitre ,  fut  transporté ,  en  1 1 70 , 

avec   celui  de   ses  deux  successeurs  ,  dans  le  vestibule   de 

rhr.  cister.  l'églisc.   Lemire  donne  à  entendre  c[ue  ce  fut  par  ordre  du 

Ordiiiis,  p.  87.  concile  de  Latran.   Henricpiès  en  effet,  dans  son  Fasciculus 

Lib.ii,p.  256.  sanctonim  ordinis  cisterciensis,  l'avait  pris  dans  ce  sens,  pour 

avoir  lu  dans  le  manuscrit  per  conciliuni ,  tandis  que  c'est 

seulement  yjt).y?  concilium  cpi'il  devait  y  avoir. 

Charles  de  Viscli ,  dans  sa  Bibliothèque  Cistercienne  ,  veut 
crue  Raoul  fut  illustre  par  son  érudition  comme  par  sa  sain- 
teté.   Il  lui  attribue  un  Commentaire  de  la  règle  de  Saint- 
'  Benoît ,  dont  fait  mention  également  Dempster ,  dans  son 

Histoire  ecclésiasticjue  d'Ecosse  :  on  lui  attribue  encore  plu- 
sieurs autres  ouvrages  ;  mais  il  ne  nous  en  reste  aucun.  Valère 
André  n'en  parle  même  pas  dans  sa  Biblioth.  Belgica ,  non 
j)his  que  Swertius ,  datïs  son  Athenœ  Belgicœ.  Manriques  en 
parle  au  contraire,  sur  l'an  iioi,  qu'il  suppose  à  tort,  au 
reste ,  être  l'année  de  sa  mort.  P. 


XII  SIECLE. 

EXPOSITION   D^HAIMON  ~ 

SUR    LES    É  PITRES    ET    EVANGILES    DE    LA    DERMKRE 
QUINZAINE    DE    CAREME. 


U  N  manuscrit  du  XIP  siècle ,  qui  faisait  partie  de  la  biblio- 
thèque Soubise,  avait  pour  titre  :  Exposition  cV Hainion  sur 
les  Epitres  et  Évangiles  de  la  dernière  semaine  de  carême. 
Cet  Haimon  est- il  le  même  dont  on  a  parlé  dans  le  douzième 
volume  de  notre  Histoire  littéraire ,  et  qui ,  d'abord  archi-  p.  42G  et  suiv. 
diacre  de  l'église  de  Châlons -sur- Marne,  en  devint  évèque 
quelques  années  après  P  Le  genre  de  ses  autres  travaux  nous 
porte  à  le  croire,  non  moins  que  le  caractère  de  ses  fonc- 
tions, et  les  devoirs  cju'elles  lui  imposaient.  Barbazan  en  cite 
le  passage  suivant,  dans  la  Dissertation  sur  l'origine  de  la 
langue  française,  qu'il  a  placée  à  la  tête  de  l'Ordène  de  che-  p.  8i. 
valerie  :  «  Et  tu  estoie  avec  Jhesus  de  Galilée  ;  cil  desnoict 
devant  tos ,  se  dist  neni ,  ne  sai  ne  ni  enten  ce  que  tu  dis , 
si  issist  fuers  devant  la  cort ,  se  chanteit  li  jas.  »  Jas  ici  signi- 
fie coq,  et  ce  substantif  a  produit  ensuite  le  verbe  jaser.  Le 
passage  est  traduit  du  26*^  chapitre  de  saint  Matthieu  :  Ex 
illis  es  qui  erant  cum  Jesu  Nazareno  ;  tune  cœpit  detestari  et  ^'^^s.  69  et  70. 
jurare  quia  non  novisset  hominem  ;  et  continub ,  gallus  can- 
tavit.  hj  consonne  avait  long-temps  été  prononcé  comme 
nous  prononçons  le  g  devant  Va  ou  Yo  :  ainsi ,  au  lieu  de 
j'as,  on  disait  gas,  qui  se  rapproche  davantage  du  mot  latin 
gallus.  Il  y  a  ,  dans  saint  Luc ,  un  passage  qui  diffère  peu  de  c.  aS,  v.  60. 
celui  de  saint  Matthieu. 

La  phrase  traduite  que  nous  venons  de  citer  est  tirée  d'un 
fragment  beaucoup  plus  étendu  sur  la   Passion  de  Jésus-^ 
Christ,  que  Lebeuf  a  recueilli  dans  les  Mémoires  de  l'Acadé-  T.XAii,p.7a5. 
mie  des  Belles-Lettres.  Le  voici  tout  entier  : 

«  Dons  encommencèrent  li  alquant  (quelquesiuns)  scupir 
(cracher)  en  lui,  et  cuverre  sa  face,  et  batre  à  coleies 
(soufflets),  et  dire  à  lui ,  devyne  :  e  li  ministre  lo  battoient  a 
facicies  (face,  figure).  Et  quant  Pieres  etoit  en  la  cort  de 
lez,  se  vint  une  des  ancelles  (servantes)  le  soverain  prestre; 
et  quant  ille  ot  veut  Pieron  ki  se  chafieuet  al  fe.u ,  se  lesvui 
ardeit,  et  se  dist  à  lui  :  et  tu  estoies  avec  Jehu  de  Galileie.  Cil 


128  EXPOSITION  D'HAIMON. 

XII  SIECLE,  desnoieit  davant  toz ,  et  se  dit  :  ne  ni  sai  ne  ni  n'entent  ce  ke 
tu  dis.  Si  ussit  fuei's  davant  la  cort  :  se  chanteit  li  jas.  Lo 
parax  (aussitôt,  sur-le-champ),  quant  un  altre  ancele  lot 
veut,  se  dist  à  céos  ki  lai  encor  esteivent,  car  cist  é  de  céos. 
Lo  parax,  un  petit  après,  dissent  à  Pieron  cil  ki  lai  esteivent: 
vraiment,  tu  es  de  céos ,  car  tu  es  aussi  Galileus.  Et  cil  encom- 
mençoit  excommunier  et  jurier  ke  ju  ne  sai  ke  cist  hom  soit, 
ke  vos  dites.  Maintenant,  lo  parax,  chanteit  li  jas  :  (car  es 
ta  parole  te  fait  aparissant  )  se  recordeit  Pieres  la  parole 
Jhesu.  » 

Voici  un  autre  fragment  d'Haimon  ;  il  est  tire'  de  son  Com* 
mentaire  sur  les  ëpitres  de  saint  Paul.  Le  texte  de  lapôtre 
est  d'abord  traduit  ;  le  commentateur  ensuite  l'ëclaircit  et  le 
développe. 

Christus  aiitein,  dit  le  verset  2  du  chapitre  9  de  l'ëpître 
aux  Hébreux  ,  assistens  pontifex  futurorwn  honorwn ,  per 
amplius  et  perfectius  tabeniaculum ,  non  manu  factum,  id 
est ,  non  hujus  creationis.  Haimon  traduit  :  «  Criz  estant 
eveskes  des  biens  kavenir  estoient  plus  granz  et  plus  parfetz 
tabernacles,  ne  miez  faiz  par  main,  c'est  ne  mies  de  cette 
création.  »  Et  il  ajoute  :  «  Li  eveskes  des  gens  ki  entreivet 
(entrent)  une  sole  fiere  (fois)  en  l'an  a  tôt  sans  dedanz  lo 
voile  el  saintuaire,  por  orer  (prier)  por  lo  peule  (peuple), 
signifie  ciet  Crist ,  si  cum  il  est  ja  manifesteit  en  pluisors 
leus ,  ki  par  lo  sanc  de  sa  passion  desarmeit  lo  ciel ,  sentreit 
ens  secreiz  del  celestial  pais ,  ou  il  estât  or  davant  la  face  de 
Deu  le  père,  priarit  por  nos.  Eveskes  des  biens  kavenir 
estoient,  l'apelet  ons  en  dou  manièi'es.  En  icel  temps,  disait 
Jhesus  as  torbes  des  gens  et  as  princes  des  prestes  :  liquel  de 
vos  m'arguerat  de  pechié?....  Puis  ke  nostre  sire  ot  les  gens 
convaincus ,  et  il  ot  mostreit  kil  estoient  fil  del  diaule 
(diable),  et  il  dist  :  li  diaules  est  vostre  peires,  et  vos 
voloiz  faire  les  desiers  de  votre  peire  :  et  puisqu'il  lor  mos- 
treit en  celle  mismes  histoire  cfe  soi ,  que  li  noblesce  de  la 
char  ne  valt  où  li  noblesce  del  cuer  ftilt  (manque),  pour  ceu 
kil  se  glorificuent  de  la  noblesce  de  lor  paraige  ;  et  il  disoient  : 
fil  Aljraham  sons,  ne  servîmes  onkes  nului  (aucun)  :  se  dit 
après;  voir  voir  vos  dit,  car  tuit  cil  ki  fons  lo  pechiet,  sunt 
serf  del  pechiet.  »  Voir ,  c'est  en  vérité  ;  voir ,  voir,  vos  dit , 
est,  amen,  amen,  dico  vobis.  P. 


Xn  SIECLE. 

s.   BERNARD, 

ABBÉ  DE   CLAIRVAUX. 

§.  I. 
SA  VIE. 

JlLiv  commençant  cet  article,  nous  avons  besoin  de  nous 

j  .  ,  .         ,         . 

souvenir  que  nous  écrivons  une  histoire  littéraire,  et  non  pas 
des  annales  ecclésiastiques.  C'est  comme  écrivain  que  se  pré- 
sente à  nous  saint  Bei'nard  ;  nous  n'avons  à  faire  ni  le  pané- 
gyrique de  ses  vertus ,  ni  l'apologie  de  son  zèle  :  on  n'attend 
point  de  nous  le  tableau  de  son  influence  sur  les  affaires 
politiques  et  religieuses  de  son  siècle.  Il  s'agit  de  choisir, 
dans  sa  vie  privée  et  dans  sa  vie  publique,  les  détails  qui 
tiennent  à  l'histoire  de  ses  ouvrages  ;  et ,  si  nous  sommes 
forcés ,  pour  ne  pas  rompre  l'enchaînement  des  faits ,  de 
reti'acer  quelques  cii-constances  étrangères  à  l'histoire  des 
lettres  ,  nous  devrons  nous  borner  à  rappeler  sommairement 
ce  qu'ont  raconté  fort  au  long  beaucoup  d'historiens  dont 
le  sujet  n'était  pas  circonscrit  comme  le  nôtre. 

S.  Bernard  vivait  encore  lorsque  le  premier  livre  de  sa  vie  V.  Hisi.  lîti. 
fut  rédigé  par  Guillaume,  abbé  de  Saint -Thierry,  près  de  de  la  Fr.  t.  xil. 
Reims.  Arnauld,  ou  Ernauld ,  abbé  de  Bonncval,  y  joignit  ^ 
un  second  livre  qui  fut  suivi  de  trois  autres  composés  par 
Geoffroi,  religieux  de  Clairvaux.  Un  sixième  livre  comprend 
une  relation  dont  l'auteur  est  un  autre  moine  de  Clairvaux, 
nommé  Philippe  ;  une  lettre  adressée  à  l'église  de  Cologne 
par  des  religieux  du  même  monastère ,  au  nombre  desquels 
on  remarque  Philippe  et  Geoffroi  ;  enfin  une  épître  de  ce 
dernier  à  l'évêque  de  Constance.  Il  résulte  de  ces  trois  écrits 
un  journal  des  miracles  de  saint  Bernard ,  à  la  suite  duquel 
on  a  placé,  comme  relatifs  au  même  objet,  et  pour  servir  de 
septième  livre,  des  extraits  du  grand  exorde  de  Cîteaux.  Si 
l'on  y  joint  des  fragmens  de  l'ouvrage  d'Herbert  sur  les 
miracles  de,s  Cisterciens  ,  on  complète  une  première  histoiie 
de  la  vie  de  saint  Bernard  en  huit  livres.  Il  en  existe  une 
seconde  par  Alain ,  évéque  d'Auxerre ,  une  troisième  par 
Jean  l'Hermite,  une  c[uatrième  sans  nom  d'auteur,  mais  qui, 

Tome  XIII.  R 


i3o      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,   bien  que  fort  distincte  des  livres  III,  IV  et  V  de  la  première, 
~  paraît  être  ,  comme  ces  trois    livres  ,  l'ouvrage   tlu  moine 

Geoffroi.  Toutes  ces  relations,  et  de  plus,  un  poëme  du 
moine  Philotbée  sur  la  vie  de  saint  Bernard ,  avec  quelques 
autres  pièces  moins  considérables ,  terminent  le  second  vo- 
lume des  œuvres  de  l'abbé  de  Clairvaux ,  dans  l'édition  de 
1690.  Du  reste,  ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  foire  connaître 
plus  particulièrement  les  auteurs  qui  viennent  d'être  nom- 
més :  chacun  d'eux  a  son  article  a  part  dans  notre  Histoire 
littéraire. 

On  voit  que,  dès  le  XIV  siècle,  saint  Bernaid  a  eu  plusieurs 
historiens.  Sa  vie  occupe  plus  ou  moins  d'espace  dans  la  plu- 
part des  histoires  géliérales,  soit  ecclésiastiques  ou  monas- 
tiques ,  soit  politiques ,  soit  littéraires  ,  composées  dans  le 
cours  des  derniers  siècles  (a)  :  mais  elle  est  l'unique  ou  la 
principale  matière  de  beaucoup  de  livres  qu'ont  écrits  ou 
compilés  en  latin  Gilbert  de  Hollande,  François  César,  reli- 
gieux de  Sainte-Marie-des-Dunes  ;  les  jésuites  François 
Chifflet  et  Théophile  Raynauld  ;  Gaspard  Jungelin ,  Nicolas 
Hacqueville ,  Luc  BertoUot ,  abbé  de  l'ordre  Cistercien  (b)  ; 

(a)  Baronius  et  Pagi ,  ann.  1119- 11 53.  —  Centuriat.  Magdeb.  centur. 
XII,  t.  VI,  p.  i632-i65o.  —  Mosheim  ,  Instit.  Hisi.  Eccles.  liv.  XII, 
part.  2  ,  c.  1,2,3.  —  Surius  ,  Act.  Sanctor.  20  aug. —  Bolland.  Act.  Sanct. 
(J.  Pinius),  t.  IV  Augusti,  p.  loi— 358.  —  Manrique  ,  Annal.  Cisterc. 
ann.  H19— ii53. — Mabillon  ,  Annal.  Ord.  Bened.  lib.  LXXII  — LXXIX. 
—  Idejn.  Mab.  in  Actis  Sanctor.  ord.  S.  Bened.  et  in  fronte  operiim  S. 
Bernardi  1690  in-fol.  —  Pope-Blount,  Censur.  auctor.  p.  372  — 3 j5. — 
Fabric.  Bibiioth.  nied.  et  inf.  Latinit.  t.  II,  p.  221-229  in-4°.  —  Cave, 
t.  II,  p.  175  et  seqq. — Casini.  Oudin.  t.  II,  p.  i233  et  seqq. —  Ribadeneira, 
n.  Sanct.  s.  libro  de  las  vidas  de  les  santos,  Madrid,  1610,  in-fol. — 
Senault,  Panégyr.  des  Saints,  t.  II.  —  François  Giry,  Recueil  des  vies  de 
Saints,  20  août. —  Baillet,  Vies  des  Saints,  20  août. — Pierre  le  Xain  , 
t.  II  et  III  de  l'Essai  de  IHist.  de  Cîteaux,  Paris,  1697,  in-12. — Mezeray, 
Règne  de  Louis  VI  et  de  Louis  VII.  —  Maindjourg,  Hist.  des  Croisades, 
liv.  III  et  IV.  —  Fleury ,  Hist.  Eccl.  liv.  LXVI ,  LXVII ,  LXVIII,  LXIX.— 
Dupin ,  XII"  siècle. — D.Ceillier,  t.  XX,  p.  317-470.— Papillon  ,  Bibiioth. 
des  Auteurs  de  Bourgogne,  t.  I ,  p.  32  —  37.  —  Moreri ,  Bayle,  Phil.  L. 
Joly ,  etc.  Dictionn.  art.  S.  Bernard. — Apologie  de  S.  Bernard  contre  Bayle, 
par  le  P.  Merlin,  dans  les  Mémoires  de  Trévoux,  mars  et  aoilt  1739. — 
Velly,  Hist.  de  France,  t.  III,  etc. 

{b)  Vita  S.  Bernardi ,  autore  Gilberto  de  Hoylandià ,  in  fronte  operum  , 
S.  13ern.  edit.  Horst.  Paris,  1640,  in-fol.  etc.— Vita  S.  Bern.  metricè  scripta 
à  Francisco  Caesare  religioso  B.  Mariœ  de  Dunis,  Paris,  i483,  in-4"  — 
Yita  et  Miracula  S.  Bern.  aeneis  formis  expressa,  R^omaï,  iSSy,  in-foL  — 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i3i 

en  langue  italienne,  Philippe  Malabayla  et  Jean  François    Xll  siècle; 
Minardo  (a)  ;  en  espagnol ,  Jean  Alvare,  Fernand  de  Velaseo;  '"" 

Gonzales  de  Perales ,  Joseph  Ahnonazid  (ù)  ;  en  portugais , 
Gonzalve  de  Silva  (c)  ;  en  allemand  ,  Henri  Regners  (d)  ;  en 
flamand ,  Gaspard  Verstockt  et  des  religieux  de  Baudeloo  (e)  ; 
en  latin  et  en  français ,  Guillaume  Flamcng  ;  en  français , 
Chiceré ,  bailli  de  Cîteaux ,  P.  Viel ,  Antoine  Lemaitre ,  sous 
le  nom  du  S*^  Lamy,  Villefore  et  dom  Clémencet  (/").  Les 

De  S.  Bern.  Miraculis  Poertia  heroicum,  Nanceii ,  1609 ,  in.  12.  —  Purpura 
S.  Bern.  à  Gasp.  Jungelino  ,  ColoniiB,  i644-  —  S.  Bernartli  Genus  illustre 
assertiîm  à  P.  Fr.  ChiT'tlelio  Jes.  Divionc,  Chavance,  i66o,in-4o.  —  S.  Ber- 
nardus,  Apis  gallica,  opus  Theoph.  Baynaud  jes.  in  Triade  fortiuni  David, 
Lugduni,  Carrier,  1637,  in-4"  et  t.  IX  operiim  ejusdem  Baynaud  ,  Lugd. 
i665  ,  in-fol.  —  Vita  S.  Bern.  à  Nicolao  Hacqueville,  in  operibus  S.  Bern. 
Paris,  1667,  in-fol.  —  S.  Bernardi  Gesta  relata  elegiaco  stylo  à  Luca  Berto- 
lotto  ord.  cisterc.  abbate,  Bomaj,  1682,  in-4°-- — -G.  H.  Goezii  Schediasma 
de  Lutheranismo  S.  Bernardi,  Dresdœ  et  Lipsiœ ,  1701 ,  in-4°.  —  Chr. 
Colbersii  Schediasma  historicum  de  Bernardo  in  nunierum  Sanctornm 
relato,  Regiozn.  Beussner,  1725,  in-4*'. 

(a)  Vita  di  S.  Bernardo  da  Fil.  Malabayla  d'Asti,  Napoli,  Gaffari,  i634, 
ÎTi-4".  ■ — L'Innocenza  trionfante  nella  vita  di  san  Bernardo,  da  Giov. 
franc.  Minardo,  Bologna,  i654,  in-4". 

(b)  Vida  y  Milagros  de  S.  Bern.  por  Juan,  Alvares ,  Saragoça ,  iSpS, 
in-4°.  —  Vida  de  S.  Bern.  por  Fernandez  de  Velaseo  ,  Antuerp.  in-4"  fig- 
—  Vida  y  Milagros  de  S.  Bern.  por  Christoval  Gonzales  de  Perales.  Val- 
ladolid,  1601,  in-4°  (eadem  vita,  latine,  ibid.  1601,  in-fol.)  —  Vida  de 
S.  Bern.  por  Jos.  Almonazid,  Madrid,  1682  ,  in-fol. 

(c)  i54i,in-4o.  (C'est  une  traduction  du  français  de  G uil.  Flameng). 

(d)  Wettingen  ,  1702  ,  in-12. 

(e)  Flandricè,  à  Gasp.  Verstockt,  i65o. — Flandricè  et  latine,  à  reli- 
giosis  de  Baudeloo,  i653.  (V.  Bolland.  aug.  t.  IV,  p.  a52.) 

(y)  Vie  de  Blonseigneur  S.  Bern.  dévot  chapelain  de  la  Vierge  ;  trans- 
latée du  latin  de  M*"  Guill.  Flameng.  Paris,  in-4°,  Goth. — Vie  de  S.  Bern. 
par  Guill.  Flameng,  jadis  chanoine  de  Langres.  Troyes ,  Pantoul  ;  Paris, 
Regnault  (  i520j,  in-4°.  —  Vie  de  S.  Bern.  par  Chiceré,  bailli  de  Cîteaux, 
Paris,  1601,  in-12. — Vie  de  S.  Bern.  par  P.  Viel,  Paris,  i6o3.  —  Vie  de 
S.  Bern.  par  le  S"^  Lamy  (Ant.  Lemaître)  :  les  trois  premiers  livres  sont 
traduits  du  latin  des  historiens  contemporains  de  S.  Bern.  et  les  trois 
derniers  tirés  de  ses  ouvrages;  Paris,  Vitré,  1648,  in-4°;  Paris,  1649, 
in-8";  Paris,  i656,  in-8°  ;  Paris,  i663  ,  in-8°;  Paris,  1674,  in-8";  P. 
Dezallier,  1679,  in -8°;  Paris,  Dezallier,  1684,  gr.  in-8".  —  Sommaire 
de  la  vie  de  S.  Bern.  avec  son  office  et  l'érection  dune  confrérie  en  son 
honneur,  à  Fontaine,  près  Dijon.  Dijon,  Palliot,  i653,in-8°. — Vie  de 
S.  Bern.  par  Franc.  Jos.  Bourgoing  de  Villefore,  Paris,  NuUy,  i7o4,in-4°; 
Paris,  Praslard,  1723,  in-4''. — -Histoire  littéraire  de  S.  Bernard  et  de 
Pierre  le  Vénérable  (par  D.  Clémencet).  Paris.,  1773  ,  in-4°. 

R2 


i32      SAMT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLATRVAUX. 

xn  SIECLE.  BoUandistes ,  qui  indiquent  plusieurs  de  ces  relations  [a)  ; 
Au  Tist.  t.  IV,  <?w  citent  une  écrite  en  langue  chinoise.  Après  tant  de  vies- 
p.  252.  de  saint  Bernard,  nous  sommes  sans  doute  dispenses  d'en 

entreprendre  une  ;  et  notre  travail  doit  se  borner  à  extraire 
des  plus  anciennes  les  faits  qui   peuvent  servir  d'introduc- 
tion à  l'analyse  des  ouvrages  du  plus  célèbre  écrivain  du 
XIP  siècle.  Nous  écarterons  les  détails  miraculeux  qui  sont 
en  grand  nombre  :  ce  n'est  pns  que  nous  ayons  aucunement 
l'intention  d'en  contester  la  vérité;  mais  ils  pourraient  don- 
ner lieu  à  des  discussions  fastidieuses;  et,  à  tout  prendre, 
ils  nous  paraissent  plus  convenablement   placés    dans    les 
légendes  recueillies  par  les  BoUandistes,  que  dans  une  his- 
toire de  la  littérature  française. 
V.  Fr.  CLif-       Bernard  naquit  en   ioc)i  ,  au  château  de  Fontaine,  à  une 
df^enu^'^liiul-  dcmi-lieue  de  Dijon.    Son  père  nommé  Tescelin ,  issu  des 
ue'assertum.     comtcs  de  Châtillon ,  avait  suivi^honorablement  la  carrière 
des  armes  :  sa  mère  Alèthe,  ou  Elisabeth,  fille  de  Bertrand, 
Gui,  Gér.ird,  comtc  de  Montbart,  se  distinguait  par  une  piété  exemplaire; 
Bernard  ,  An-  ^jj^  ^^^j.  gj^  Parcous  et  UHC  fille;  Bernard  était  le  troisième 
mi  ,    Nivard  ,  de  CCS  Sept  entans.  Envoyé  a  LhatiUon  pour  y  recevoir  une 
Hiimbeline.        éducation  chrétienne,  il  édifia  ses  maîtres  par  sa  conduite, 
et  les  étonna   par  ses  progrès  dans  les  lettres.  Il  passait  de 
lenfiiMce  à  l'adolescence,  lorsqu'il  perdit  sa  mère  :  c'^était, 
lHabillon;rhro-  sclou   toutc  apparence,  en  iio5.   Huit  années  s'écoulèrent 
noiogia  Beruar-  gjj|.j,(.  \^  mort  d  Alèthc  ct  l'cntréc  de  son  fils  à  Cîteaux  :  mais 

dina,  ad  calcem        .  ,  .  /  i     •  j  •  'x.  '         '       I  '  ^  ■  i 

tomi  I,  operiun  ni  Ics  attraits  seduisans  des  sociétés  séculières ,  ni  les  remon- 
Bein.  '  trances  de  ses  parens ,  ni  les  prières  de  ses  amis ,  rien  ne  put 

triompher  du  penchant  qui  entraînait  Bernard  au  sein  d'un- 
cloître.  Il  y  avait  même  du  péril  à  l'en  détourner  :  en  lui 
donnant  lieu  de  justifier  cette  vocation,  on  s'exposait  à  la 
partager  soi-même;  la  plupart  de  ceux  qui  essayèrent  de  le 
retenir  dans  le  monde  finirent  par  le  suivre  à  Cîteaux.  Telle 
fut  particulièrement  la  destinée  de  ses  cinq  frères  et  de  leur 
oncle  Gaudri.  L'élocjuence  déjà  miraculeuse  du  jeune  Ber- 


(«)  La  notice  qu'ils  en  donnent  n'est  pas  très-exacte.  Par  exemple, 
après  avoir  noihiné,  parmi  les  historiens  français  de  S.  Bernard,  Franc. 
Jos.  Bourgain,  en  1704,  ils  ajoutent:  «  His  a<ijici  possunt  alii  neoterici 
f  gain  duo,  videl.  Adr.  Baillet....  et  Fillefore.  «  Or  Villefore  et  Franc.  Jos. 
Bourj^oin  sont  le  même  personnage.  —  Le  livre  de  B.  de  Rosergio  (  du 
Rosier),  de  f^itâ  et  Miracidh  S.  Bernardi,  cité  par  les  BoUandistes,  sous 
l'année  i4745  est  resté  manuscrit. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i33 
nard,  son   ascendant  irrésistible,  ravissait  les  fils  à  leurs   ^ii  siècle. 
pères,  k'S  maris  à  leurs  épouses,  et  décomposait  les  familles    oiuiidm  - 
pour   peupler  les  monastères.  Nous    lisons  que   les  mères  Tiieodorico;-vi- 
cacliaient  leurs  enfans,  les  femmes  leurs  époux,  chacun  ses  ta  Hemanii,  c. 
amis,  pour  les  soustraire  à  ce  redoutable  apôtre  du  cénobi-     '"'     " 
tisme.  Ce  fut  avec  trente  de  ses  prosélytes  qu'il  embrassa  la 
vie  monastique  à  Cîteaux  vers  le  commencement  de  Tannée 
1 1 1 3  ,  et  qu  au  mois  d'août  1 1 1 4  il  s'engagea  par  des  vœux 
solennels. 

Quatre  abbayes ,  filles  de  Cîteaux  ,  furent  fondées  en  ce        .  Mabiilon  ; 
temps-là  par  l'abbé  Etienne  ;  La  Ferté  en  1 1 13,  Pontigni  en  J^""i ^""''*"''- 
1 1 14,  Clairvaux  et  Morimond  en  1 1 15.  Clairvaux  avait  porté  Aet  seqq.  '  " 
le  nom  de  vallée  d'Absinthe,  retraite  inculte  et  sauvage,  où 
Bernard,  ses  parens,  et  quelques  autres  moines,  vinrent  bâtir 
de  leurs  propres  mains  les  premiers  asyles  de  leur  modeste 
communauté.  Bernard,  à  peine  âgé  de  vingt-quatre  ans,  en 
fut  le  premier  abbé;  et,  en  l'absence  de  Josceran ,  évêque  de 
Langres ,  H  reçut  la  bénédiction  de  Guillaume  des  Cham- 
peaux ,  évéque  de  Châlons-sur-Marne.  Déjà  les  austérités 
auxquelles   se    condamnait   Bernard   avaient   fort   altéré  sa 
santé  :  Guillaume  des  Champeaux  lui  prescrivit  un  plus  doux 
régime,  le  logea  dans  une  maison  particulière,  hors  de  l'en- 
ceinte des  religieux,  et  le  laissa  entre  les  mains  d'un  médecin 
que  le  jeune  abbé  supportait  moins  patiemment  que  la  ma- 
ladie. «Voyez,  disait-il,  en  parlant  de  cet  empirique,  voyez         Mabnion  ; 
à  quel  animal  on  m'a  eonti'aint  d'obéir,  moi  qui  gouvernais  ^""-  Benedict. 
des  hommes  raisonnables,  m   II   paraît    que  des- lors   toute  j^"  ^^^"^''^" 
obéissance  coûtait  un  peu  au  saint  abbé  de  Clairvaux  ,  et 
qu'il  contractait  beaucoup  plus  aisément  l'habitude  de  com- 
mander. 

Il  eut  le  bonheur  d'attirer  à  Clairvaux  son  père  Tescelin, 
qui ,  le  r  I  avril  1 1 1 7 ,  y  termina  sa  carrière.  Seule  de  toute 
la  famille  de  saint  Bernard,  Humbeline,  sa  sœur,  tenait  en- 
core aux  plaisirs  et  aux  devoirs  de  la  société  :  mais  en  1122 
elle  vint  à  Clairvaux,  crut  n'y  faire  qu'une  simple  visite,  et 
n'en  sortit  qu'après  avoir  pris  l'engagement  de  changer  sa 
manière  de  vivre.  Le  point  capital  était  de  la  séparer  de  son 
mari;  on  en  vint  à  bout  après  deux  ans  d'efforts:  l'époux 
d'Humbeline  consentit  îi  la  laisser  partir  pour  l'abbave  de 
Juilly,  où  elle  passa  le  reste  de  ses  jours;  on  croit  cpi'elle 
mourut  en  ti36.  Voilà  comment  Bernard  étendit  sur  toute 
sa  famille  sa  propre  destinée. 


MI  SIECLE. 


i34      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

Fille  de  Cîteaux  ,  l'abbaye  de  Clairvaux  eut  bientôt  des 
'  filles  à  son  tour;  par  exemple,  Fontenay  et  Trois-Fontaines, 

monastères  institues  par  Bernard.  Ses  infirmités  l'obligèrent 
une  seconde  fois  de  quitter  le  sien,  ou  du  moins  de  se  dis- 
penser d'en  suivre  les  exercices  communs.  Il  devint  plus  ac- 
cessible aux  étrangers  ;  et  soit  qu'il  s'applaudît  en  secret  de 
l'influence  que  ses  vertus  et  ses  talens  exerçaient  sur  eux, 
soit  qu'il  sentît  que  ses  facultés  se  développaient  dans  ce 
commerce ,  il  s'habitua  pevi  à  peu  à  s'occuper  des  affaires 
générales  de  l'église,  et  par  conséquent  de  celles  de  l'état. 
Son  temps  se  partageait  entre  les  sociétés  qui  le  venaient 
chercher,  et  l'étude  solitaire  de  la  religion.  Il  lisait  les  écri- 
v^ims  ecclésiastiques  ;  il  lisait  sur-tout  la  Bible ,  qui  lui  de- 
vePri/t  plus  familière  quà  aucun  de  ses  contemporains.  Il  se 
préparait  ainsi  à  des  fonctions  éclatantes,  auxquelles  peut- 
être  il  ne  se  destinait  point  encore  ;  et  à  l'âge  de  trente-trois 
ans  ,  en  1 12.4 ,  il  ne  lui  manquait  plus,  pour  s'illustrer  comme 
prélat ,  comme  homme  d'état ,  comme  écrivain ,  que  de  le 
vouloir  et  d'en  saisir  les  occasions. 
AniMl.  cisterc.  Manrique  nous  le  l'eprésente  occupé,  dès  i  t24,  à  réconci- 
adaiia.  1124.  \[çj-  Jpg  habitans  de  Reims  avec  leur  archevêque  Renaud  : 
mais  il  ne  paraît  pas  que  telle  soit  la  véritable  époque  des 
troubles  c[ui  ont  agité  cette  église  ;  ils  n'éclatèrent  que  vers 
1 138,  et  ne  furent  pleinement  appaisés  qu'après  1 147.  Quoi- 
qu'il en  soit,  labbe  de  Clairvaux,  qui,  durant  la  famine  de 
II25,  s'était  distingué  par  la  charité  la  plus  active,  acqué- 
rait de  jour  en  jour  une  réputation  si  brillante  et  si  vaste , 
(ju'on  le  vit,  en  1128,  prendre  part  à  des  affaires  impor- 
tantes, tout-à-fait  étrangères  à  l'administration  de  son  ab- 
baye. La  première  était  une  querelle  entre  Etienne ,  évêque 
de  Paris ,  et  le  roi  de  France  Louis-le-Gros.  L'évêque  avait 
prétendu  se  soustraire  à  des  impositions  publiques ,  et  l'on 
s'était  efforcé  de  réprimer  ses  démarches  séditieuses,  en  sai- 
sissant ses  revenus.  Pour  s'en  venger,  il  osa  mettre  en  in- 
terdit le  diocèse  de  Paris  et  les  domaines  du  monarque.  Le 
pape  Honorius  II  eut  la  sagesse  de  lever  un  interdit  si  scan- 
daleux. Un  second  différend  éclata  entre  le  même  prince  et 
l'archevêque  de  Sens ,  qui  ne  voulait  reconnaître  d'autre  juge 
(jue  le  souverain  pontife.  Quand  nous  rendrons  compte  des 
Ep.  a5-5i.  lettres  de  saint  Bernard,  on  verra  quelle  part  il  prit  à  ces 
deux  démêlés.  Il  nous  est  pénible  d  avoir  à  raconter  que , 
pour  soutenir  des  prélats  rebelles ,  il  traita  son  roi  d  impie  , 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVALX.       i35 

de  persécuteur,  de  nouvel  Hérode  ,  et  pressa  la  cour  de  Rome  ^^^  SIECLE, 
de  commettre  des  attentats  dont  elle  s'abstint.  L'abbé  de 
Clairvaux  fut  remarcjué  en  1 1 28  au  concile  de  Troyes  ,  qui 
prescrivit  une  règle  aux  Templiers ,  nouvellement  institués. 
Nous  le  retrouvons  au  concile  de  Chàlons,  tenu  en  1 129,  et 
dans  lequel  Henri ,  évêque  de  Verdun ,  fut  déposé.  Ce  fut 
vers  ces  mêmes  temps  qu'on  lui  offrit  l'évêché  de  Gênes  et 
celui  de  Châlons-sur-Marne  :  il  les  refusa  l'un  et  l'autre, 
résolu  de   se  renfermer  désormais   dans  une   retraite  plus 

Erofonde  ;  mais ,  à  cette  époque  même ,  de  nouveaux  trou- 
les  dans  l'église  allaient  de  plus  en  plus  l'entraîner  hors  de 
son  cloître. 

Le  pape  Honorius  II  meurt  en  ii3o  dans  un  monastère;     Fieury,Hist. 
et  à  l'instant  des  cardinaux,  rassemblés  autour  de  lui,  sans  E^'^i- '■  xi^%  p- 
publier  sa  mort,  sans  appeler  leurs  collègues,  lui  élisent  un  viede^s.'BeTn.' 
successeur.  Dès  que  les  autres  cardinaux  sont  informés  de  p.  i45. 
cette  élection,  ils  la  déclarent  illégale,  et  nomment  encore 
plus  irrégulièrement  un  autre  pape.  L'église  se  partage  entrée 
ces  deux  pontifes  ,  dont  le  premier  prend  le  nom  d'Inno- 
cent II,  le  second  celui  d'Anaclet.  Ce  denïier  s'appelait  au- 
paravant Pierre  de  Léon  :  c'était  le  fils  d'un  juif  fameux  par 
sa  conversion  et  par  son  opulence.  Innocent  II  et  Anaclet 
sont  sacres  en  même  temps;  mais  Anaclet  reste  à  Rome,  où 
son  parti  domine,  et  Innocent  se  réfugie  en  France,  où  une 
assemblée  de  prélats  et  de  seigneurs  l'a  reconnu  pour  le  vé- 
ritable chef  de  l'église.  Cette  assemblée  ,  tenue  à  Étampes 
est  lune  des  plus  mémorables  époques  de  la  vie  publique 
de  saint  Bernard  ;  car  on  n'y  délibéra  que  pour  le  charo^er 
d'ex.im'ner  les  droits  des  deux  pontifes  ,  et  pour  confirrner 
le  jugement  qu'il  porta  en  faveur  d'Innocent  II.  Le  pape  fut 
reçu  à  Saint-Benoît-sur-Loire  par  le  roi  Louis-le-Gros ,  tandis  Arn.  vita  Ber. 
que  Bernard  se  rendait  en  Normandie  auprès  du  roi  d'An- 
gleterre, et  déterminait  ce  prince  à  reconnaître  le  même 
pontife.  Mais  en  vain  l'abbé  de  Clairvaux  s'efforça  d'entraîner  p'V:?-' 
aussi  le  duc  d'Aquitaine,  Guillaume;  un  vieux  évêque  d'An- 
goulême ,  nommé  Girard  ,  réussit  long-temps  à  retenir  le 
duc  dans  le  parti  d'Anaclet.  Bernard  vint  rejoindre  Innocent 
et  le  suivit  à  Liège ,  où  l'empereur  Lothaire ,  en  se  déclarant 
en  faveur  de  ce  pontife ,  cherchait  à  profiter  de  ces  circons- 
tances pour  reconquérir  le  droit  d'investiture.  A  cette  pro- 
position les  Romains  pâlirent,  dit  l'historien  Ernaud    et  le 
péril  qu'ils  rencontraient  à  Liège  leur  paraissait  plus  effrayant  apuriTodium 


nardi,  liv.  II  , 
c.  I ,  n.  3. -Su- 
cer, Vita  Lud. 


i36      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAU.t. 

xn  SIECLE,  que  celui  auquel  ils  avaient  échappé  à  Rome.  Heureusement 
pericuium  efiu-  Saint  Bernard,  toujours  enclin  à  rabaisser  l'autorité  civile, 
gisse  quàm  de-  employa  contrc  les  prétentions  de  Lothaire  son  éloquence 
chnaverint  Bo-  yictorieuse ,  et  Ic  rcHdit  docile  à  toutes  les  volontés  du  vicaire 

iiiœ.  Ain.  n.  5.     ,         ,  /-.i     • 

de  Jesus-Lhrist. 
Arn.  ibid.  n.  6.  Quand  Innocent  visita  Clairvaux ,  les  Romains  qui  l'ac- 
compagnaient admirèrent  sans  envie  la  modeste  simplicité 
de  ce  monastère.  Clairvaux  n'avait  alors  d'éclat  que  par  les 
moeurs  pures  de  ses  habitans ,  et  n'était  riche  que  de  leurs 
vertus.  Dès  ce  temps  néanmoins  cette  abbaye,  et  toutes  celles 
de  l'ordre  de  Cîteaux ,  s'affranchirent  des  dîmes  qu'elles  de- 
vaient aux  Clunistes.  Une  telle  exemption,  accordée  par  le 
pape  aux  Cisterciens ,  sans  doute  en  récompense  des  services 
cpie  Bernard  venait  de  lui  rendre,  mécontenta  Pierre- le- Vé- 
nérable ,  qui  avait  bien  aussi  quelques  droits  à  la  reconnais- 
sance d  Innocent  II ,  et  suscita  entre  Cluni  et  Cîteaux  des 
démêlés  auxquels  l'abbé  de  Clairvaux  ne  prit  pas  une  très- 
grande  part. 
Ann.  ii3i.  Après  avoir  assisté  à  un  concile  de  Reiras  où  le  pape  cou- 
ronna Louis-le-Jeune  ,  saint  Bernard  fit  un  premier  voyage 
en  Italie,  et  fut  présent,  sur  les  boixls  du  Pô  ,  à  une  entrevue 
d'Innocent  II  et  de  Lothaire.  Envoyé  à  Gênes  pour  réconci- 
lier cette  ville  avec  celle  de  Pise,  il  accjuit  sur  les  Génois  un 
tel  ascendant,  qu'ils  voulurent  une  seconde  fois  l'avoir  pour 
évéque,  sans  réussn'  plus  que  la  première  h.  l'y  déterminer. 
Les  Pisans  lui  offrirent  aussi  d'éclatans  hommages  lorsqu'il 
vint  dans  leur  ville  animer  un  concile  qu'Innocent  y  faisait 
tenir.  Un  succès  plus  difficile  l'attendait  à  IMilan;  il  s'agissait 
■d'an'acher  cette  cité  au  parti  de  Pierre  de  Léon  :  il  en  vint 
à  bout ,  et  n'éprouva  de  contradiction  chez  les  IMilanais  que 
lorsqu'ils  voulurent  le  contraindre  d'accepter  la  dignité  d'ar- 
chevêque. Mais  ils  n'obtinrent  de  lui  cju'une  colonie  de  reli- 
gieux ;  il  fonda  le  monastère  de  Cherval.  Saint  Bernard,  à 
cette  même  époque  ,  voyagea  aussi  en  Allemagne  ;  il  y  tra- 
vailla particulièrement  a  réconcilier  avec  Lothaire  et  avec 
Innocent  II  le  duc  Conrad,  l'un  des  partisans  de  l'anti-pape. 
Après  avoir  rempli  ces  diverses  missions,  toutes  avec  zèle  et 
la  plupart  avec  un  plein  succès,  il  reprit,  par  le  JMilanez  et 
par  les  Alpes,  le  chemin  de  sa  retraite ,  et  vit  accourir  suc- 
cessivement à  sa  rencontre  les  habitans  des  montagnes,  le 
Mabillori ,  peuple  de  Besancon ,  celui  de  Lancrres ,  et  ses  religieux  de 

Ann.Bened.hv.    î^i    •'  ^  ^  .     ,      .  ,  ^  •  i  ^        i 

Lxxvi  n  G-   Clau'vaux.  Leux-ci  étaient  devenus  si  nombreux ,  c|ue  leurs 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX.       iSy 

premières  demeures  ne  les  pouvaient  plus  contenir.  On  son-    ^^^  SIECLE, 
geait  à  leur  bâtir  un  plus  spacieux  monastère,  aux  frais  du- 

3uel  les  prélats,  les  commcrcans,  et  sur-tout  Thibaud, comte 
e  Champagne  ,  s'empressèrent  de  contribuer.  L'humble 
Bernard  n'applaudissait  point  à  cette  entreprise;  mais  oti  lui 
fit  comprendre  cpie  les  circonstances  la  justifiaient  ou  l'exi- 
geaient même ,  et  il  s'accoutuma  à  la  regarder  comme  indis- 
pensable. 

Est-il  revenu  d'Italie  en  France  une  première  fois  en  1 1 33 , 
et  une  seconde  fois  en  i  i34i'  ou  bien  a-t-il  été  absent  de  son 
abbaye  durant  deux  années  entières  ?  Nous  croyons  qu'on 
peut  hésiter  entre  ces  deux  hypothèses.  La  première  est 
néanmoins  généralement  adoptée  par  les  historiens  mo- 
dernes ;  mais  nous  ne  la  trouvons  point  assez  positivement 
établie  dans  les  relations  originales.  Un  premier  retour  de 
saint  Bernard  à  son  abbaye,  en  ii33,  n'est  clairement  indi- 
qué ni  dans  ses  lettres  ni  dans  les  écrits  d'Ernaud  ou  de 
Geoffroy.  Au  surplus ,  le  séjour  de  l'abbé  de  Clairvaux  chez 
les  Italiens  ayant  été  interrompu  par  une  mission  en  Alle- 
magne ,  il  est  fort  permis  de  dire  qu'il  est  allé  deux  fois  eu 
Italie  avant  1 135. 

Tandis  qu'on  bâtissait  à  sa  communauté  un  nouveau  mo- 
nastère ,  il  accompagna  en  Aquitaine  Geoffroi ,  évéque  de 
Chartres  et  légat  du  pape.  En  passant  à  Nantes ,  ils  fondèrent 
l'abbaye  de  Busay,  et  de-là  se  rendirent  à  Parthenay,  où  ils 
eurent  une  conférence  avec  le  duc  Guillaume.  Cette  fois, 
l'abbé  de  Clairvaux  parvint  à  détacher  Guillaume  du  parti 
d'Anaclet  ;  mais  en  reconnaissant  Innocent  II  pour  le  vrai 
pape  ,  le  duc  déclarait  qu'il  ne  rétablirait  point  sur  leurs 
sièges  les  pi'élats  qu'il  en  avait  expulsés.  Alors  saint  Bernard , 
renonçant  aux  moyens  de  persuasion ,  prit  le  ton  mena<^ant  vita  Bernard; 
de  l'autorité.  Les  historiens  nous  le  représentent  les  yeux  lib.  ii ,  c.  6 , 
étincelans,  le  visage  enflammé,  une  hostie  à  la  main,  tou-  °"  ^^"   ,  .„ 

1         ^   j  •     1   1       1  ^  '  '  ^  I     •  Mabillon; 

chant  du  pied  le  duc  prosterne  ou  renverse  par  terre,  et  lui  Ann.  Ben.  lib. 
ordonnant  d'écouter  la  sentence  du  Dieu  terrible  :  «  Voici ,  Lxxvi,n.68, 
a  lui  dit-il,  l'évêque  de  Poitiers  que  vous  avez  chassé;  hâtez-  "•  *^3" 
«  vous  de  le  reconduire  à  son  siège  et  de  lui  rendre  les  hon- 
te neurs  que  vous  lui  devez.  »  On  assure  que  le  duc  obéit  en 
silence  ;  et  l'on  donne  à  cette  action  du  saint  abl>é  des  éloges 
que  nous  ne  saurions  concilier  avec  le  respect  qui  est  dû  à 
1  autorité  civile. 

En  II 37,  Bernard  fut  appelé'  en  Italie  par  le  pape  Inno- 

Tome  XIII.  S 


i38      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE.    cQnt  11^  qui  le  reçut  à  A^iterbe  avec  d'e'clatans  témoignages 
d'estime  et  d'amitié.  Il  s'agissait  d'extiiper  les  derniers  restes 
du  schisme  :  Bernard  y  travailla  au  sein  de  la  ville  de  Rome 
avec  plus  de  succès  qu'aucun  autre  ami  d'Innocent.  Il  soumit 
à  ce  pontife  les  religieux  du  Mont-Cassin ,  qui  jusqu'alors 
avaient  soutenu  la  cause  d'Anaclet.  Il   prononça ,   dans  un 
chapitre   de   cette  abbaye ,    un    discours   qui    paraît   avoir 
t'tiiiuiaconi  Contribué  à  la  déposition  de  l'abbé  Rainald.  Mais  ce  fut  sur- 
ChrjniconCas-  tout  contrc  Rogcr,  duc  de  Sicile  et  protecteur  de  l'anti-pape, 
sinense,hb.l\,  q^^'^^lata  le  zèlc  ardent  de  saint  Bernard.  Il  anima  contre 
Roger  le  chef  de.  l'armée  impériale  ;  et ,  quelle  que  fût  la  fai- 
blesse de  cette  armée  ,  déjà  vaincue,  il  osa  prophétiser  qu'elle 
triompherait  du  duc  de  Sicile  ,  et  l'événement  justifia  cette 
Ernald.  viia  prédictioii.  Roger,  honteux  de  sa  défaite,  et  voulant  se  mé- 

lîcrnardi,  iib.  p^oer  le  temos  de  la  réiiarer,  proposa  une  conférence  à  Sa- 
li, n.  Aa,  etc.    ,     O  ,  i  .       ^  '■     '     1        j      -^      1         1  4-      J 

—  FipuiT,llist.  lerue,  ou  seraient  examnies  les  droits  des  deux  contendans 

Ecci.  t.  XIV,  p.  à  la  papauté  :  il  comptait  sur  l'éloquence  du  cardinal  de  Pise, 

^9-''  ~  ^,'"^"  l'un  des  meilleurs  amis  de  Pierre  de  Léon  ;  mais  ce  cardinal 

Beni'.  p.'^249.     t'éda  lui-méme  à  l'ascendant  de  Bernard  et  renia  l'anti-pape, 

qui  en  mourut  de  chagrin.  En  vain  les  schismatiques  élurent 

pour  le  remplacer  un  pontife  qui  prit  le  nom  de  Victor  : 

trop  sûr  de  sa  propre  impuissance,  et  se  voyant  sans  appui, 

Victor  vint  trouver  Bernard  et  déposer  entre  ses  mains  le 

signe  de  l'autorité  pontificale.  Le  2f)  mai  1 138,  Bernard  con- 

Bcrnardi  epist.  duisit  Victor  aux  pieds  d'Innocent,  et,  après  huit  années  de 

3i7-  troubles,  le  schisme  enfin  s'éteignit. 

Le  retour  de  l'illustre  abbé  de  Claii^aux  fut  retardé  par 
un  séjour  qu'il  fit  à  Lyon ,  pour  s'opposer  à  la  consécration 
d'un  évêque  de  Langres  nouvellement  élu ,  et  au  lieu  duquel 
il  fit  nommer  Godefroi,  prieur  de  Clairvaux.  Le  premier  élu 
était  un  cluniste,  dont  Pierre-le-Vénéial^le  défendit  vaine- 
ment les  droits.  Bernard  ne  voulut  pour  lui-même  ni  de  cet 
évêché  de  Langres  ,  ni  de  l'archevêché  de  Reims ,  qu'on  lui 
offrait  vers  le  même  temps.  Peu  de  temps  après,  il  perdit 
son  frère  Girard  ,  et  fit  un  voyage  k  l'abbaye  du  Paraclet,  où 
il  fut  honorablement  reçu  par  Héloïse.  Il  y  trouva  mauvais 
que,  dans  l'oraison  dominicale,  on  récitât paiiem  nostrum 
supersuhstantiaîem ,  au  lieu  de  quutidianuin ,  et  crut  que  ce 
changement  était  l'une  des  innovations  du  téméraire  Abai- 
Tov  dtpTov  »i(45v  lard.  Supersubstantialein  est  pourtant  la  véritable  leçon , 
-VI  i7;icû(jc6v.  cpiie  q|„.  présente  le  verset  XI  du  chapitre  VI  de  l'Evangile, 
selon  saint  Mathieu.  Mais  l'amant  d'Héloise  avait  dans  saint 


•      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.       139 

Bernard  un  censeur  intraitable.  Pour  ne  pas  reproduire  ce    xil  sifcle. 
au'ont  dit  nos  prëdëcesseux's  en  parlant  de  Pierre  Alsailard ,  ~.    7.       1717 

1  •   \         .•    ■  1     '  .  ,  '   Hist.htt.  t.XII, 

et  pour  ne  ponit  anticiper  sur  le  compte  que  nous  rendrons  p.  g,. 
liientôt  nous-mêmes  des  écrits  de  l'abLé  de  Clairvaux ,  nous 
n'entamerons  point  ici  l'affligeante  histoire  de  leurs  contro- 
verses. Nous  rappellerons  seulement  le  concile  tenu  à  Sens 
en  ii4o  ,  en  présence  du  comte  de  Nevers  et  du  roi  Louis- 
le-Jeune.  Bernard  y  exerçait  un  tel  empire,  qu'Abailai'd  n'osa        oanfr.  vita 
s'y  défendre ,  et  fut  condamné  sans  avoir  été  entendu.  Rome  Bem.  lib.  m, 
confirma  cette  sentence ,  et  le  théoloarien  censuré  vint  mourir  ^  ',' "ri  '^'  " 

\    ^^1  -  ■       c   ■  n  '   1   ■      1  Hayle,  Diction. 

a  Lluny,  après  avoir  tait,  pour  ileclnr  le  courroux  aposto-  cit.  art.  Bein. 
lique  de  saint  Bernard,  les  plus  honorables  tentatives.  Ac- 
crédité, décisif,  éloquent,  saint  Bernard  avait  d'énormes 
avantages  sur  un  homme  qui  donnait  beaucoup  de  temps  à 
l'étude ,  et  crue  le  caractère  de  son  ame  entraînait  tout-à-la- 
fois  à  des  affections  douces  et  à  des  méditations  profondes. 
Un  cœur  tendre  et  un  esprit  curieux  égaraient  Abailard;  son 
adversaire  était  prémuni  contre  ces  deux  genres  de  séduc- 
tions; contre  le  premier,  par  une  vie  austère,  et  contre  le 
second,  par  une  adliésion  ferme  aux  idées  généralement 
reçues,  par  une  invincible  horreur  de  toute  opinion  nou- 
velle ,  et  même  des  recherches  qui  pouvaient  conduire  à 
quelque  innovation.  Aussi ,  tandis  qu  Abailard  fut  pécheur 
et  presque  hérétique,  Bernard  prit  place  parmi  les  saints  et 
parmi  les  docteurs  de  l'église. 

Abailard  mourut  en  11 42.  Dans  le  cours  des  années  sui- 
vantes, l'abbé  de  Clairvaux  contribua  non-seulement  à  réta- 
blir sur  le  siège  de  Bourges  un  archevêque  dont  l'élection 
avait  déplu  à  Louis  VIT,  mais  encore  à  désarmer  ce  prince, 
dont  Thibaud  ,  comte  de  Champagne ,  avait  provoqué  le 
courroux;  Thibaud,  vassal  rebelle,  assez  peu  digne  peut- 
être  du  dévouement  c[u'il  obtenait  de  saint  Bernard.  Inno- 
cent II  aussi  justifiait  mal  l'intérêt  que  le  généreux  abbé  avait 
pris  à  sa  cause.  Sous  un  léger  prétexte,  à  l'occasion  de  la 
succession  d'un  cardinal,  Innocent  oublia  tout  ce  qu'il  devait 
d'égards  à  l'homme  qui  lui  avait  soumis  l'église.  Cette  ingra- 
titude affligea  Bernard ,  dont  le  cœur  noble  et  pur  ne  soup- 
çonnait point  encore  le  péril  iiuc|uel  demeure  exposé  tout 
bienfaiteur  d'un  grand  de  la  terre. 

Jusqu'ici  La  vie  de  saint  Bernard  se  divise  en  quatre  épo- 
ques. La  première,  depuis  119 1  jusqu'en  iii3,  comprend 
son  enfance  et  sa  jeunesse.  La  seconde,  jusqu'en  i  i3o ,  nous 

Sa 


i4o      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

XTi  SIECLE,  le  présente  moine  de  Cîteaux ,  abbé  de  Clairvaux  ,  prélat 
déjà  puissant  et  renommé.  Durant  la  troisième,  qui  finit  en 
1 138,  il  éteint  le  schisme,  et  soumet  la  France,  l'Allemagne, 
l'Italie  à  Innocent  II.  C'est  contre  Abailard  que  s'exerce  par- 
ticulièrement son  zèle  dans  le  cours  de  la  cjuatrième  époque. 
La  cinquième  et  dernière  ,  qui  nous  reste  à  parcourir ,  est 
celle  du  pontificat  d'Eugène  III,  depuis  1 145  jusqu'en  1 153; 
elle  va  nous  offrir  dans  saint  Bernard  l'éloquent  prédicateur 
d'une  fatale  croisade. 

Célestin  II,  successeur  d'Innocent  II  en  iï43i  mourut  en 
ii44i  et  fut  remplacé  par  Lvicius  II,  qui  cessa  de  vivre  en 
1145.  Alors  fut  élu  pape  un  religieux  qui  s'appelait  aussi 
Bernard,  et  qui,  après  avoir  été  à  Clairvaux  le  disciple  de 
notre  saint  abbé ,  était  devenu  lui-même  abbé  de  Saint- Anas- 
tase  à  Rome.  Ce  nouveau  pontife  prit  le  nom  d'Eugène  III, 
et  accorda  bientôt  à  saint  Bernard  la  confiance  la  plus  éten- 
Ep.  238.  due.  L'abbé  de  Clairvaux  parvint  sous  ce  pontificat  à  un  tel 
degré  de  puissance,  qu'il  écrivait  un  jour  à  Eugène  :  On  dit 
que  je  suis  plus  pape  que  vous. 

Cependant  une  ambassade  des  chrétiens  d'Arménie  vint 
consulter  le  souverain  pontife  sur  quelques  points  de  disci- 
pline, et  l'informer  du  triste  état  des  églises  d'Orient.  Les 
Sarrazins,  maîtres  d'Edesse  ,  menaçaient  Antioche  et  Jéru- 
Flenj7,Hist.  salem.  On  pensait  qu'une   croisade  remédierait   à  tant  de 
Eccl.  t.  XIV,  p.  maux  :  et  déjà  Louis-le- Jeune  avait  fait  connaître  à  quelques 
Hi^t  des  Beni'  scigueurs  quc,  pour  l'acquit  de  son  frère,  qui,  ayant  fait 
p.  390.  vœu  daller  à  la  Terre-Sainte,  était  mort  sans  avoir  tenu 

cette  promesse,  il  songeait  à  s'y  transporter  lui-même.  Les 
seigneurs  répondirent  qu'il  convenait  tle  consulter  avant  tout 
S.  Bernard;  S.  Bernard,  qu'on   devait  soumettre  ce  projet 
au  jugement  du  pape;  et  le  pape,  quil  fallait  absolument  se 
Otto  Fris,  croiser.  Eugène  en  même  temps  chargeait  rélocpient  abbé 
de  Gesiis  Frid.  d'cxcitcr  à  Cette  expédition  les  peuples  de  France  et  d'Alle- 
■*^"°'^'  '''^'  ^'  magne.  On  sait  avec  quel  succès  Bernard  s'acquitta  de  cette 
mission   :    on  ne    sait  pas   combien  de  milliers  de  croix  il 
a  distribués  durant  les  fêtes  de  Pâques  de  l'année  11 46  aux 
Hénauit,Abr.  grands  et  aux  peuples  rassemblés  à  Vezelai.  Il  finit,  dit-on, 
thr.  de  iHist.  par  découpcr  ses  propres  habits  en  ])etites  croix.  Suger  goii- 
de France, ann.  j^^jj.  p^^  cette  entreprise  :  mais  l'abbé  de  Clairvaux  avait,  dit 
„.  ',  ^  Velli,    «l'enthousiasme  et   l'inflexibilité  d  un    prophète;  le 

Hist.de  France,  i  <         i'  i  i-    •  i-    •  i-\ 

t.  m.  p.  95.       "  propliete  1  emporta  sur  le  sage  et  rehgieux  politique.  3)  De 
Vezelai  Bernard  passe  en  Allemagne,  où,  comme  en  France, 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i4i 

son  éloquence  apostolique  lève  des  armées ,  et  dépeuple  les   xn  siècle. 

champs,  les  bourgs  et  les  villes;  d'Allemagne,  il  revient  en     vita  s.  Bem. 

France,  et,  dans  une  assemblée  qui  se  tient  à  Etampes,  il  lib.  vi.   Oper. 

raconte  ce  qu'il  a  vu  en  Germanie,  ce  qu'il  a  fait,  ce  ciui  ^*^[."'  '•  ^^'  P- 

deja  s  exécute  pour  aiiranchir  les  lieux  saints  :  ses  récits  sont 

une  exhortation  nouvelle,  qui   agrandit  sans  mesure  l'effet 

des  premières.  On  se  dispose,  on  se  hâte,  et  Louis-le-Jeune 

entraîne  en  Palestine  d'innombrables  légions ,  dont  les  neuf 

dixièmes  ne  reverront  jamais  la  France.  Nous  n'avons  point 

à    raconter    ici    l'histoire    de    cette    expédition   lamentable. 

Lorsque  les  malheurs  des  Croisés  furent,  en  i  i/iQ,  reprochés      '^''°  '^"^-  '^^ 

■"        •    *  T>  1  ^      •      ..-p       11  •'  I'   V         1  Gestis     Frider. 

a  saint  Bernard,  on  le  justiha  de  deux  manières  :  d  abord  ses  lii,  j  ^  g,, 
prédications  avaient  été  accompagnées  d'éclatans  miracles,  Guill.  Neubr. 
que  la  providence  n'eût  jamais  permis,  si  elle  n'eût  approuvé  ''^'  ^'  *^-  ^°- 

1^    /-.      •       1  j  1-  '  v    V  n      ■     '  >  Oaufnd.     Vita 

la  Croisade;  en  second  lieu,  c  était  aux  Croises  eux-mêmes,  Bernardi  lib. 
à  leurs  péchés,  à  leurs  désordres,  qu'il  fallait  imputer  leurs  m,  e.  4. 
revers.  Quelques-uns  disaient,  pour  affaiblir  cette  seconde 
excuse ,  que  les  fautes  des  Croisés  avaient  dû  être  prévues  : 
quant  aux  miracles,  ils  devenaient  l'objet  d'une  discussion 
épineuse  :  étaient-ils  parfaitement  constatés.'^  l'église  avait- 
elle  ordonné  d'y  croire  .^  et  comment  comprendre  des  pro- 
diges qu'opérait  la  sagesse  divine,  pour  entraîner  de  faibles 
humains  à  leur  perte,  à  une  entreprise  qui  ne  devait  pas 
réussir  (a)?  A  ne  juger  cette  Croisade  que  par  les  lumières 

(a)  Voici  ce  qu'a  écrit  à  ce  sujet  le  P.  Maimbourg ,  Hist.  des  Croisades, 
liv.411  :  «  On  dit  qu'il  plut  à  Dieu  de  confirmer  les  prédications  de  saint 

«  Bernard  par  un  nombre  prodigieux  de  miracles Mais  conmie  d'une 

«  part  les  historiens  qui  l'assurent  n'en  produisent  aucune  preuve,  s'étant 
«  contentés  de  le  dire  en  général ,  et  que ,  de  l'autre ,  il  s'en  faut  bien 
«  qu'en  ce  temps-là  on  fût  aussi  exact  à  examiner  ces  sortes  de  choses , 
«  où  l'on  a  beaucoup  de  penchant  a  se  vouloir  faire  un  mérite  d'une  trop 
«  grande  crédulité,  je  crois  qu'il  est  libre  à  chacun  d'en  croire  ce  qu'il 
«  lui  plaira,  sans  rien  diminuer  de  l'éminente  sainteté  de  saint  Bernard. 
«  Cela  paraît  d'autant  plus  raisonnable,  que  co  grand  homme,  en  faisant 
•  son  apologie,  après  le  malheureux  succès  de  ce  voyage,  ne  se  justifia 
<•  point  par  les  miracles  que  Dieu  fit  à  ses  prédications,  mais  par  lobéis- 
n  sance  qu'il  devait  au  pape,  qui  lui  avait  commandé  de  prêcher.  »  Quel- 
que sensées  que  puissent  paraître  ces  réflexions  de  Maimbourg ,  on  y 
peut  remarquer  des  inexactitudes  :  1°  Saint  Bernard,  dans  son  apologie, 
dit  que,  si  on  lui  demande  quels  miracles  il  a  faits,  la  modestie  ne  lui 
permettra  point  de  répondre  à  cette  question  :  C'est  a  -vous ,  ajoute-t-il. 
Saint  Père,  de  répondre  pour  moi,  selon  ce- que  vous  avez  vu  et  entendu. 
2"  Le  P.  Merlin,  jésuite,  a  cité,  dans  les  Mémoires  de  Trévoux  (août 
1739  ) ,  quelques  textes  d'auteurs  du  XII*  siècle  ,  où  sont  racontés  certains 


i42      SAINT  BEPuNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

Ml  SIECLE,  de  la  raison,  sans  doute  elle  ne  semblerait  ni  juste,  ni  pru- 
dente.  Mais  aussi  l'équité'  veut  qu'on  reconnaisse  que  saint 
Bernard  n'en  fut  pas  le  premier  instigateur;  quil  n  en  conçut 
pas  le  projet;  qu'il  attendit,  pour  la  conseiller,  le  jugement 
du  pape;  pour  la  prêcher,  l'ordre  du  pape;  pour  la  com- 
mander aux  peuples,  le  consentement  des  rois.  Il  remplit 
sans  scrupule ,  comme  sans  intérêt  personnel ,  une  mission 
(lu'il  avait  reçue  dans  les  formes  les  plus  légitimes ,  et  dont 
I  utilité ,  dont  la  sainteté  ne  pouvait  lui  paraître  douteuse , 
imbu  comme  il  l'était  de  toutes  les  opinions  qui  avaient, 
durant  son  enfance  ,  déterminé  la  première  expédition  du 
même  genre  ;  il  fut  éloquent  parce  quil  était  persuadé  ;  et , 
s  il  le  faut  plaindre  d'une  erreur,  on  doit  un  hommage  solen- 
nel à  son  désintéressement ,  à  sa  bonne  foi ,  et  même  à  ce 
fatal  empire  c[ue  ses  talens  et  ses  vertus  exercèrent  sur  la 
multitude. 

Tandis  quà  la  voix  de  Bernard  on  s'enrôlait  contre  les 

infidèles ,  et  qu'on  partait  en  foule  pour  la  Palestine ,  le  saint 

abbé  restait  en  Fiance  pour  y  combattre  les  hérétiques.  Il 

Gaufria.  Vita  |]^  ^^ç^.  \^  léi^at  Albéric  et  l'évêque  de  Chartres  Geoffroi,  une 

p  excursion  en  Languedoc,  ann  d extirper  de  cette  province 

Mabiiion;  les  erreurs  de  Pierre  de  Bruis  et  de  son  disciple  Henri.  En 

A:in.nfned.Ub.   j  j /^g  ^  nous  rctrouvous  Saint  Bernard  réfutant  Gilbert  de  la 

xii.  '  "    Porée,  an  sein  d'un  concile  de  Reims  ]irésidé  par  Eugène  III. 

Hist.  ll;t.  de  Peu  après  ce  concile,  Bernard  reçut  à  Clairvauxet  le  souverain 

)a   iiance  ,  t.  pontife    oiu  s'cu    retournait  en  Italie ,   et  saint   Malachie , 

'  P-  4    •      primat  d'Irlande  ,  qui  termina  dans  cette  abbaye  sa  carrière 

édifiante  :  sa  mort  affligea  sensiblement  le  pieux  abbé ,  déjà 

si  malheureux  d'apprendre  à  chaque  instant  les  affreux  effets 

de  la  croisade  dont  il  avait  été  l  apôtre. 

La  dernière   assemblée  à  laquelle  assista   saint  Bernard 

fut  celle  qui  se  tint  ta  Chartres  en   ii 5o ,  et  que  jusqu'ici 

Disscriation  l'on  a  placéc  fort  mal-à-propos  en   ii46.  M.  Brial  a  parfai- 

luc  à  l'Institut ,  tpij^ej^t  éclairci  ce  point  de  chronologie  ;  il  a  démontré  que 

cigaoun  o  .  j^  ^^^  ^^  cette  assemblée  était  non  de  préparer  la  croisade 
de  1 1 47  •)  rnais  d'en  réparer  les  malheurs.  On  y  proposa  une 
expédition  nouvelle,  dont  l'abbé  de  Clairvaux  serait  le  chef: 
on  voulait  apparemment  que  le  plus  zélé  promoteur  de  ces 

miracles  opérés  par  saint  Bernard ,  prêchant  la  Croisade.  Resterait  à  exa- 
miner si  ces  auteurs  ne  possèdent  pas  un  peu  trop  ce  mérite  d'une  grande 
crcdulité,  "dont  parle  Maimbourg. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.       i43 

entreprises  se  chargeât  enfin  d'en  diriger  rexe'cution.  INÎais    ^^i  siècle. 
les  circonstances  le  dispensèrent  d'accepter  un  titre  dont  il 
était  fort   peu  jaloux.   Celte  ci'oisade  ,  que   l'assemblée  de    lîec.  des  Hist. 
Charti'es  déclarait  indispensable,  n'eut  pas  lieu.  Suger,  qui,  ^Z'  î'^'i^e,  t. 

,  .,,  ^,,  /i--  1*        /  11-^  XII ,   p.    no, 

après  avou'  desapprouve  1  expédition  de  ii47i  semblait  con-  4^4,  t.  xiii, 
seiller  celle  de  i  i5o,  mourut  en  i  i5i  ;  et,  jusqu'aux  temps  p-  332. 
de  Philippe  Auguste  et  de  R.ichard,  il  ne  tut  plus  question 
de  conquérir  la  Terre-Sainte. 

Vers  le  coinmencement  de  l'année  1 153,  une  maladie  grave 
avait  conduit  saint  Bernard  aux  portes  du  tombeau  :  délivré 
de  ce  premier  danger ,  il  avait  recouvré  assez  de  forces  pour 
se  transporter  en  Lorraine,  où,  à  la  prière  de  l'archevêque 
de  Trêves  ,  il  appaisa  les  dissensions  qui  s'étaient  élevées 
entre  la  noblesse  et  la  bourgeoisie.  Mais,  de  retour  à  Clair- 
vaux  ,  il  ne  fît  plus  que  dépérir;  et  le  20  août  1 153,  il  mourut     '^aufr-  l'bv, 

•  '     1      ^     1-    -^  *     1  'I    ^  .^^  '     1  II  ^    "•  2/1— Alan. 

environne  de  religieux  et  de  prélats,  regrette  des  nobles  et  (..30  n.  8/. 

du  jjeupie,  et  pleuré  sur- tout  par  les  femmes.  11  était  dans 

sa  soixante-troisième  année,  moine  depuis  quarante,  ans, 

abbé  depuis  trente-huit ,  ayant  fondé  ou  aggrégé  environ 

soixante-douze  monastères,  savoir  :  trente- cinq  en  France, 

onze  en  Espagne,  dix  en  Angleterre  et  en  Irlande,  six  en 

Flandre,  quatre  en  Italie,  deux  en  Allemagne,  deux  en  Suède, 

un  en  Hongrie  et  un  en  Danemark.  Il  fut  enterré  à  Clairvaux, 

où  il  laissait  sept  cents  religieux  :  depuis ,  son    corps  fut 

transfère  dans  la  nouvelle  église  de  cette  abl^aye ,  sous  l'autel 

matutinal.  Nous  ne  réimprimerons  ici  aucune  des  épitaphcs  1^"",*°"'  '^j"* 

,        ,  ,         .      i  ,  ,.  1.       1  les  eduions  des 

consacrées  a  sa  mémoire  :  aucune  nest  digne  dun  si  grand  œuvres  de  saint 
homme.  Il  a  été  canonisé  en  11 74;  et  l'aurait  été  dès  11 63,  Bem.  de  1601, 
si  le  pape  Alexandre  111,  à  qui  l'on  demandait  en   même  p^aoa^^^^ost 
temps  plusieurs  autres  canonisations,  n'eût  jugé  à  propos  de  etc. 
différer  la  plus  méritée ,  pour  se  mettre  en  droit  de  refuser     Boliand.  Act. 
les  plus  gratuites.  Bernard  avait  acquis  des  titres  à  cet  hon-  ^^"^}-  ^°  ""S- 
neur  sujirême  par  la  sainteté  de  ses  mœurs,  par  l&  ferveur         '  P- ^^  • 
de  son  zèle ,  par  la  loyauté  de  ses  actions ,  et  par  la  sincérité 
de  ses  discours.  Il  n'a  rien  dit  qu'il  ne  crût  vrai,  il  n'a  rien 
fait  c{u'il  ne  crût  juste.  Aucun  déguisement ,  pas  le  plus  léger 
symptôme  d'hypocrisie  ne  se  découvrirait  dans  toute  sa  con- 
duite; et  l'histoire  nous  présente  fort  peu  de  personnages 
qui  aient  porté  dans  les  afffaires  politiques  et  religieuses 
tant  de  franchise  à-la-fois  et  d'énergie.  Les  opinions  accrédi- 
tées de  son  temps  exerçaient  sur  lui  un  empire  qu'étendait 
et  agrandissait  de  toutes  parts  son  invincible  éloquence. 


ï44      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

xn  SIECLE.        Flcury  regarde  saint  Bernard  comme  la  merveille  de  son 
Disc  VIII  sur  siècle.  «  Dieu  semblait ,  dit-il ,  avoir  pris  plaisir  à  rassembler 
l'Hist.    Ecclcs.   «  en  lui  seul  tous  les  avantages  de  la  nature  et  de  la  grâce  : 
«i-iv-  «  la  noblesse,  la  vertu  des  parens,  la  beauté  du  corps,  les 

«  perfections  de  l'esprit  ;  vivacité ,  pénétration ,  discernement 
ce  lin ,  jugement  solide  ;  un  cœur  généreux ,  des  sentimens 
«  élevés ,  un  courage ,  une  volonté  droite  et  constante.  Ajou- 
te tez  à  ces  talens  naturels  une  bonne  éducation,  les  meilleures 
«  études  que  l'on  pût  faire  de  son  temps,  soit  pour  les 
«  sciences  numaines ,  soit  pour  la  religion ,  une  méditation 
«  continuelle  de  l'Ecriture  sainte ,  une  grande  lecture  des 
«  Pères ,  une  éloc|uence  vive  et  forte ,  un  style  véritablement 
«  trop  orné,  mais  conforme  au  goût  de  son  siècle  ;  ajoutez 
«  les  effets  de  la  grâce ,  une  humilité  profonde ,  une  charité 
«  sans  borne,  un  zèle  ardent,  enfin  le  don  des  miracles.  » 

Quelque  pompeux  qvie  soit  cet  éloge ,  nous  y  souscrivons 
sans  autre  réserve  que  celle  des  imperfections  naturellement 
attachées  à  tant  de  cjualités  brillantes.  Il  est  difficile  d'être 
toujours  zélé  avec  modération,  toujours  puissant  avec  sagesse, 
toujours  fort  avec  douceur,  toujours  persuadé  sans  intolé- 
rance ;  mais  c'est  par  l'examen  des  écrits  de  Bernard ,  cpie 
nous  avons  à  reconnaîti-e  les  caractères  de  son  talent,  de  ses 
idées ,  et  de  ses  mœurs. 

§.   II. 
SES  LETTRES. 

Ayant  à  rendre  compte  de  tous  les  écrits  de  saint  Bernard , 
nous  commençons  par  ses  lettres,  non -seulement  parce 
qu'elles  se  présentent  les  premières  clans  les  éditions  de  ses 
œuvres,  mais  sur-tout  parce  cpi'elles  tiennent  à  l'histoire  de 
sa  vie ,  et  que  nous  pourrons ,  en  les  parcourant ,  compléter 
ou  éclaircir  le  précis  historique  qu'on  vient  de  lire. 

Les  éditeurs  des  œuvres  de  saint  Bernard  n'ont  point 
retrouvé  toutes  les  lettres  qu'il  avait  écrites  :  celles  qui  sub- 
sistent («)  en  font  connaître  plusieurs  cjui  nous  mancpient  ; 
par  exemple,  une  à  Siiger,  quelques-unes  à  Innocent  II, 
et  à  Eugène  III.  Toutefois ,  nous  en  possédons  quatre  cent 

Opéra  S.  Bcra.  quarante-quatre  recueillies  par  dom  Mabillon ,  et  trente-six 

t.  I,  p.  I -4oo. 

(a)   V.  Bein.  Epist.  33,  198,  2o3 ,  2i3,  223,  233,  253,  284,  etc. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       r45 

publiées  par  dom  Maitène  ;  en  tout  quatre  cent  qviatre-vingt,    Xll  SIECLE, 
ou  du  moins  quatre  cent  trente-neuf,  en  nous  bornant  à  ~     T     ^TT 

11  1  r«  1  '-Il  1'  /~v  Ampliss.  Lol- 

celles  dont  Bernard  est  véritablement  1  auteur.  (Quarante  et  icct.  1. 1,  yïG- 

une  sont  en  effet  à  écarter;  savoir,  vingt-neuf  («)  qui  n'ont  742- 

été  insérées  parmi  celles  de  l'abbé  de  Clairvaux  que  parce 

qu'elles  lui  sont  adressées ,  deux  (b)  qui  ont  été  rédigées  par 

son  secrétaire  Nicolas ,  six  (c)  dont  l'authenticité  n'est  pas 

soutenable  ,  et  quatre  {d)  enfin  qui  ,  à  quelques  variantes 

près,  ne  sont,  dans  le  Recueil  de  Martène,  que  de  nouvelles 

copies  d'épîtres  déjà  publiées  dans  les  éditions  des  oeuvres 

du  saint  abbé. 

Mabillon  a  divisé  en  trois  séries  les  quatre  cent  quarante- 
quatre  lettres  qu'il  a  rassemblées.  La  dernière  série  ne  com- 
prend que  vingt-sept  pièces,  dont  presque  aucune  n'est  à 
compter  parmi  les  véritables  écrits  de  saint  Bernard.  La  série 
intermédiaire  se  compose  de  cent  sept  lettres  qui  n'avaient 
point  encore  été  réunies,  et  que  l'éditeur  dispose  dans  l'ordre 
chronologique.  Mais  il  s'abstient  d'établir  cet  ordre  entre  les 
trois  cent  dix  épîtres  qui  forment  la  première  et  principale 
série.  Il  les  laisse  telles  quil  les  trouve  dans  les  éditions 
précédentes,  c'est-à-dire,  arrangées  sans  méthode  et  presque 
au  hazard.  Il  est  fâcheux  que  Mabillon  ait  cru  devoir  tant  de 
respect  a  cet  ancien  désordre,  et  qu'il  n'ait  pas  fondu  les 
trois  séries ,  ou  du  moins  les  deux  premières ,  en  une  seule 
chronologiquement  disposée.  Ce  que  n'a  point  fait  Mabillon,  Recueil  des 
M.  Brial  vient  de  le  faire  pour  un  quart  de  ces  épîtres,  î^xv'^sj^^eas'. 
savoir  pour  celles  qui  concernent  l'histoire  de  France,  et  ce  ' 
travail  nous  sera  fort  utile. 

S'il  nous  fallait  parcourir  les   quatre  cent  quatre-vingt      Hist.  Uit.  de 
lettres  dans  l'ordre  où  Mabillon  et  Martène  les  ont  publiées,  ^-  ^"°-  P-  ^'' 
il  nous  suffirait  d'abréger  les  notices  qu'en  a  données  dom 
Clémencet.  Mais  puisque  ces  notices  font  déjà  partie  d'un 
volume  qui  sert  d'appendice  à  notre  Histoire  littéraire,  nous 
nous  imposerons  une  autre  tâche,  celle  d'établir  entre  ces 

{a)  Ep.  122,  194,  229,  264,  326,  343,  344,  352,  373,  386,  388, 
427,  428,  429,  43o,  43i,  432,  433,  434,  435,  436,437,  438,  439, 
440,  44 1,  442,  443,  444. 

(Â)  Ep.  423,  424. 

(c)  Ep.  4i8,  419,  420,  421,  422,  Mart.  36. 

{d)  Ep.  391 ,  3f6  ,  417,  4i3  ,  reproduites  dans  le  Recueil  de  Martène, 
sous  les  numéros  8,  lo,  24,  33. 

Tome  XIII.  T 


i46      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

icii  SIECLE,    e'pîtres  une  classification  plus  méthodique ,  et  qui  nous  per- 
mette  de  les  analyser  beaucoup  plus  succinctement. 

Pour  classeï-  les  lettres  de  saint  Bernard ,  on  peut  avoir 
égard  ou  aux  dates ,  ou  aux  matières ,  ou  aux  personnes.  Le 
premier  système  nous  paraît  préférable  :  mais  il  ne  sera  point 
inutile  de  prendre  d'abord  une  idée  sommaire  des  deux  autres. 

Les  personnes  à  qui  ces  lettres  sont  adressées  se  divisent 
en  quatre  ordres  :  i"  des  princes ,  des  grands ,  des  ministres, 
des  hommes  revêtus  de  quelque  autorité  ou  dignité  civile  ; 
2°  le  pape ,  les  cardinaux ,  les  légats ,  en  un  mot ,  le  chef  et 
les  officiers  de  la  cour  de  Rome;  3°  des  archevêques,  évêques, 
et'ïiutres  ecclésiastiques  séculiers;  4°  des  abbés  et  des  reli- 
gieux ;  5°  quelques  nommes  privés,  la  plupart  peu  connus, 
ou  même  anonymes. 

Entre  soixante-quinze  lettres  adressées  à  des  souverains, 
à  des  seigneurs,  à  des  cités,  ou  à  des  hommes  publics,  on 
en  distingue  deux  à  l'empereur  Lcthaire,  deux  au  roi  de 
France  Louis-le-Gros ,  huit  à  Louis-le- Jeune,  douze  à  Suger, 
six  à  Thibault ,  comte  de  Champagne ,  quatre  aux  Milanais , 
une  aux  Génois ,  une  aux  Pisans  (a). 

Cent  quarante-six  sont  adressées  à  la  cour  de  Rome, 
savoir,  six  à  Honorius  II,  cinquante-sept  à  Innocent  II, 
ciuatre  à  Célestin  II ,  trente-quatre  à  Eugène  III ,  cpiatorze  à 
Aimeric ,  chancelier  de  l'église  romaine ,  trente  et  une  à  di- 
vers cardinaux  ou  légats  {b). 

(a)  A  Lothaire,  ep.  iSp,  i4o;  à  Conrad,  i83,  244;  à  Richère , 
inipéiatrice ,  137;  à  Louis  \I,  45,  5-55;  à  Louis  VII,  170,  320,  221  , 
226,  282,  3o3  ,  3o4.  Mart.  29;  à  Suger,  78,  222  ,  266,  369,  370,  371 , 
876,  377,  378,  379,  38o,  38i  ;  à  Joslein,  évêque  île  Soissons  (minisire), 
223,225,227,  263,  342  ,  à  Henri ,  roi  d'Angleterre ,  92  ,  1 38;  à  Roger, 
roi  de  Sicile,  207,  2p8 ,  20g;  à  Alphonse,  roi  de  Portugal,  3o8  ;  à 
Sancia  ;  princesse  espagnole ,  3oi  ;  à  une  autre  princesse  espagnole,  Mart. 
35;  à  Méliscnde,  reine  de  Jérusalem,  206,  289,  354  ,  355;  à  Thibaut, 
comte  de  Champagne,  87 ,  38 ,  39 ,  4o ,  4i  ?  271;  à  Hugues,  comte  de 
Champagne,  3i  ;  à  Henri,  comte  de  Champagne,  279;  à  la  duchesse 
de  Bourgogne,  121  ;  à  kla,  comtesse  de  Nevers,  375  ;  à  Mathilde,  comtesse 
de  Blois ,  3oo,  3i5;  h  Ermengarde,  comtesse  de  Bretagne,  116,  117; 
à  Guillaume,  comte  de  Poitou,  127,  128;  au  comte  d'Angoulème , 
299;  à  Ildéfonse  ,  comte  de  Toulouse,  241  ;  au  duc  et  à  la  duchesse  de 
Lorraine,  119,  120;  à  Simon,  fils  du  Châtelain  de  Cambrai,  186;  aux 
Romains,  243;  aux  Milanais,  i3i,  i32,  i33,  i34;  aux  Génois,  129; 
aux  Pisans,  i3o;  aux  Toulousains,  242.  —  Encyclique,  pour  la  croi- 
sade, 363. 

(b)  A    Honorius  II,   i3,   i4,  46>47j495   5o  ;  à  Innocent  II,  1 36, 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       147 

Suivraient  soixante-seize  lettres  à  des  archevêques,  evêques    Xil  siècle. 
ou  dignitaires  ecclésiastiques;  par  exemple,  quatre  à  Henri, 
archevêque  de  Sens ,  trois  à  Atton ,  évêque  de  Troyes ,  trois 
à  Geoft'roi ,  évêqvie  de  Chartres  ,  trois  à  Malachie ,  arche- 
vêque d'Irlande ,  etc.  (a). 

On  en  compterait  cent  quinze  à  des  abbe's  ou  des  moines, 
et  l'on  remarquerait  dans  cette  quatrième  classe ,  neuf  lettres 
à  Pierre  le  Vénérable ,  abbé  de  Cluni  (b). 

Resteraient  vingt-sept  épîtres  adressées  à  des  personnages 
plus  ou  moins  obscurs ,  dont  quelques-uns  même  ne  sont 
ni  nommés ,  ni  désignés  (c). 

Maintenant ,  si  nous  considérons ,  dans  toutes  ces  lettres , 
les  matières  que  l'auteur  y  traite ,  voici  les  cinq  genres  que 
nous  y  pourrons  distinguer. 

1°  Cent  soixante  dix-neuf  lettres  monastiques,  exhortant 
les  uns  à  embrasser  la  profession  religieuse,  les  autres  à  y 
persévérer;  enseignant  comment  il  en  faut  remplir  les  de- 
voirs, ou  comment  on  en  peut  atteindre  la  perfection;  dis- 
cutant les  droits ,  les  intérêts ,  les  torts ,  les  obligations ,  le& 


i5o,  iSa,  i55,  i56,  i58,  iSg,  i6i,  164,  166,  167,  169,  171,  172, 
176—180,  184,  189,  190,  191,  198,  199,  210  —  218,  3 14,  3 18,  333, 
828  ,  33o  ,  337,  339  ,  340  ,  346'  — 35 1,  Mart.  1 1  — 19;  à  Gélestin  II,  192  , 
235  ,  358  ,  359  ;  à  Eugène  III ,  238  ,  239  ,  240 ,  245  —  249  ,  25i ,  aSa  , 
256  — 259  ,  261 ,  262 ,  268  ,  269 ,  270 ,  273  ,  275  —  278,  280 ,  283  —  285 , 
286,  291,  294,  298,  3o5  ,  309;  à  Aimeric,  i5,  20,  48,  5i— 54,  i57, 
160,  162,  181,  3ii,  338;  à  divers  cardinaux  et  légats,  16—19,  21, 
i63 ,  168,  188,  193,  196,  219,  224,  23o,  23i,  23a,  236,  237,  287, 
290,  295,  296,  3o2 ,  3o6 ,  307,  33i  — 335,  367,  368. 

[a)  A  Henri,  archevêque  de  Sens,  4a,  43,  44?  i8a,  3 16;  à  Atton,  évêque 
de  Troyes,  23,  ao3,  Mart.  7;  à  Geot'froi ,  évêque  de  Chartres,  55,  56, 
67;  à  Malachie  ,  34 1 ,  356 ,  357 ;  à  divers  prélats,  etc.  8  ,  9,  10 ,  22  ,  24— 
3o ,  33  —  36,  58  —  64,  93,  95,  100,  i23— 126,  i35,  i5i,  i65,  173, 
174,  175,  i85,  187,  195,  197,  200,  2oa ,  2o5,  27a,  3ia,  3i9,  32i , 
Say ,  36i,  362  ,  365 ,  372 ,  374 ,  390 ,  392  —  396,  402,  4o3  ,  41 1-  Mart.  3. 

(J?)  A  Pierre  le  Vénérable,  147,  i48,  i49'>  228,  265,  267,  364, 
387,  389  ;  à  divers  abbés  ou  religieux  ,  i  —7  ,  11,  1 2  ,  32  ,  65  —  77  ,  79  — 
91,  94,  96,  99,  ICI,  102,  io3,  106,  112,  ii4)  ii5,i4i— i4^,i53, 
i54,  201,  204,  233,  234,  25o ,  253,  254,  260,  274,  281,  288,  293, 
297 ,  3io,  3i3,  317,  320,  322,  324  ,  325  ,  327,  336 ,  345  ,  353  ,  36o , 
366  ,382  —  385,  391 ,  397  —  4oi ,  4o4  — 4o8,  4io,4i3,4'4î4i7-  Mart. 
a,  21 ,  22 ,  25,  27,  3i  ,  32. 

(c)  Ep.  98,  104,  io5 ,  107—111,  ii3,  118,  392,  409,  4i2,4i'>» 
416 ,  ^"iQ.  Mart.  i  ,  4  >  5  ,  6 ,  9 ,  20  ,  a3  ,.  26 ,  28 ,  3o  ,  34- 

Ta 


i48      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX. 

XII  SIECLE,  affaires  particulières  ou  locales  de  certains  moines  ou  de 
certains  monastères  («). 

2°  Cent  trente-ti'ois  lettres  ecclésiastiques ,  relatives  à 
l'élection  de  quelques  évêques,  li  l'administration  des  dio- 
cèses, ou  même  au  gouvernement  général  de  l'église,  par 
exemple ,  au  schisme  entre  Innocent  II  et  Anaclet  [b). 

3°  Cinquaiîte-quatre  lettres  politiques ,  dans  lesquelles  il 
s'agit  d'affaires  qui  intéressent  à-la-fois  la  religion  et  l'état, 
telles  que  les  croisades  et  les  démêlés  entre  le  sacerdoce  et 
l'empire  (c). 

4"  Vingt-six  lettres  dogmatiques  ou  polémiques  contre 
Abailard ,  contre  les  disciples  de  Pierre  de  Bruis ,  contre 
Arnauld  de  Brescia ,  contre  la  fête  de  l'immaculée  Concep- 
tion (<i). 

5°  Quarante-sept  lettres  de  complimens ,  de  remercie- 
mens,  d'excuses,  d'apologies,  ou  ci'aflaires  purement  per- 
sonnelles (e). 

Mais  déjà  nous  avons  divisé  la  vie  de  saint  Bernard  en 

(a)  Ep.  1-7,  II  ,  12,  i4,  i5,  i6,  32,  33,  34,  40,  4i,  43  ,  44, 
53-60,  64-68,  70-77,  79,  80,  82,  83,  84,  86,  87,  91  ,  92,  94, 
95,  96,  99-ii5,  i34,  141-146,  i49,  i53,  i54,  173,  176,  184,  186, 
197  ,  199 ,  200 ,  201 ,  207  ,  232  ,  233  ,  234,  25 1 ,  254 ,  257  —  263 ,  266, 
267,  270,  273,  274,  277  ,  281 ,  283,  285  ,  286  ,  287  ,  292  ,  293,  297, 
298 ,  299 ,  3oi  ,  3o6 ,  3io,  3i3,  3i5,  3i6,  317,  32o,  32i,  322,  325, 
341 ,  345  ,  355 ,  356,  359,  365 ,  366,  369,  370,  375 ,  378 ,  379,  382  — 
385,  391 ,  394  —  401  1  4o4  5  4o5  — 409,  4ii— 4i5,  41  y.  Mart.  2  ,  3,5, 
20,  21,  22,  25,  27,  28,  3i,  32,  35. 

(b)  Ep.  8,9,  10,  i3,  19,  20,  22  —  3o,  35,  42,  5o,  5i,  52,  61,  62, 
124—  127  ,  i3o,  i3i  ,  i32  ,  i35  ,  i36,  i38  ,  139,  i5o  ,  i5i ,  i52  ,  i55  — 

■172 ,  176  — 180 ,  182 ,  i85  ,  198 ,  202  ,  2o3 ,  210  —  2i5,  218,  235  —  240, 
247-200,  252,  268,  269,  271 ,  275 ,  276,  278,  280  ,  282  ,  284,  290  , 
291 ,  294 ,  295  ,  296,  3o2 ,  3o5 ,  3o7 ,  3o9 ,  3ii,  3i8,  3i9,  323,  328, 
329  ,  340 ,  342  ,  346 ,  347 ,  348 ,  353  ,  36i ,  362 ,  367  ,  374  ,  392  ,  393  , 
410  )  425  ,  426.  Mart.  7  ,  II,  12  ,  i3 ,  14  ,  17,18,  19 ,  29. 

(c)  Ep.  37,  38,  39,  45-49,78,97,120,  128,  129,  i33,  137, 
i4o ,  i83  ,  206,  208  ,  209 ,  216,  217,  219  —  226,  23o  ,  244  j  245  ,  246, 
255  ,  256,  279  ,  288  ,  289,  3oo  ,  3o3  ,  3o8  ,  3i4  ,  324  ;  354,  358  ,  363  , 
364  5  371  ,  376 ,  377  ,  38o ,  4i6. 

{d)  Ep.  69,  98,  174,  187-193,  195  ,  196  ,  241,  242,  243,  327, 
330-338,  4o3. 

(e)  Ep.  17,  18  ,  21  ,  63  ,  81  ,  85  ,  88  ,  89  ,  90  ,  93  ,  ii6—  119  ,  i23  , 
147  ,  148  ,  181  ,  204 ,  2o5  ,  227 ,  228  ,  253  ,  265  ,  272  ,  3o4  ,  3i2  ,  349, 
35o,  35i  ,  357,  368,  38i ,  387,  38g,  090,  402.  ^tlaat.  i,  4 ,  6,  g ,  i5  , 
16,  23  ,  24  ,  26  ,  3o.  »    • 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       149 

cinq  époques ,  et  c'est  dans  cet  ordre  chronologiqvie  que  XII  SIECLE, 
nous  allons  parcourir  ses  lettres.  Toutefois  ,  comme  nous 
n'en  trouvons  aucune  qui  appartienne  à  la  première  de  ces 
époques,  aucune  qui  soit  antérieure  à  l'année  mg,  nous 
n'aurons  ici  à  distinguer  que  quatre  classes  d'épîtres  :  la  pre- 
mière, depuis  1 1 19  jusqu  ;i  la  mort  du  pape  Honorius  II ,  en 
1 1 3o  ;  la  seconde  ,  durant  le  schisme  ,  jusqu'en  1 1 38  ;  la 
troisième ,  jusqu'à  la  mort  de  Célestin  II,  en  1 145  ;  et  la  qua- 
trième sous  le  pontificat  d'Eugène,  jusqu'en  11 53. 

De  quatre-vingt-treize  lettres  qui  appartiennent  à  la  pre- 
mière époque,  la  plus  ancienne  est  de  1 1 19  :  elle  est  adressée  Ep.  i. 
à  Robert,  que  Bernard  appelle  son  neveu,  et  qui  était  réel- 
lement son  cousin  germain.  Destiné  ,  offert  à  l'ordre  de 
Cluni ,  mais  ayant  fait  profession  à  Cîteaux  et  religieux  de 
l'abbaye  de  Clairvaux ,  Robert  fut  reconquis  par  les  clunistes , 
qui  obtinrent  de  Rome  un  bref  qui  le  déliait  de  tout  enga- 
gement avec  les  cisterciens.  Bernard  en  appelle  à  Jésus-Christ; 
il  conteste  au  pape  le  pouvoir  d'annuUer  des  vœux  ;  il  mé- 
nage encore  moins  les  clunistes ,  et  sur-tout  le  prieur  qui  a 
enlevé  Robert  ;  il  adresse  à  celui-ci  de  tendres  plaintes ,  et 
le  presse  de  revenir  à  Clairvaux.  Pie rre-le- Vénérable  l'y  ren- 
voya quelques  années  plus  tard  ;  mais ,  en  1 1 1 9 ,  l'éloquente 
éoître  de  Bernai'd  demeura  sans  effet.  Vers  le  même  temps ,  Ep.  2. 
il  écrivit  à  un  chanoine  régulier  nommé  Foulques ,  pour  le 
rappeler  au  cloître  qu'il  avait  déserté.  Trois  lettres,  compo-  Ep.  32  ,  33, 
sées  en  11 20,  concernent  Drogon ,  depuis  cardinal  évêque  3^- 
d'Ostie,  mais  qui  alors,  religieux  de  Saint-Nicaise  de  Reims, 
venait  d'abandonner  cette  communauté  pour  vivre  plus  sain- 
tement à  Pontigni.  En  écrivant  à  l'abbé  de  Saint-Nicaise, 
saint  Bernard  désapprouve  la  fuite  de  Drogon  ;  et  nous 
voyons  même  qu'il  avait  adressé  à  Hugues,  abbé  de  Pontigni, 
une  lettre  qui  ne  subsiste  plus,  et  dans  laquelle,  selon  toute 
apparence,  Hugues  était  invité  à  renvoyer  le  fugitif.  Mais  on 
a  conservé  une  seconde  lettre  de  l'abbé  de  Clairvaux  à  ce 
même  Hugues ,  laquelle  explique  ou  même  rétracte  la  pré- 
cédente; et  nous  avons,  de  plus,  une  lettre  où  Drogon  est  Ep.  67,68. 
félicité  de  sa  retraite  en  une  maison  plus  régulière.  En  1 126, 
un  moine  échappé  de  l'abbaye  de  Saint-Germer-de-Flay,  est 
reçu  à  Clairvaux  :  à  deux  repi'ises,  l'abbé  et  les  religieux  de 
Saint  -  Germer  le  redemandent  ;  mais  ,  quelque  vives  cjue 
soient  leurs  plaintes,  Bernard  soutient  que,  n'ayant  jamais 
entendu  parler  de  l'abbaye  de  Saint-Germer ,  il  n'est  point 


i5o      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE,    tenu  d'y  renvoyer  le  moine  qu'il  vient  d'accueillir.  C'était 
~"  ~  alors  qu'Arnould ,  abbé  de  Morimond ,  quittait  ce  monastère 

et  entraînait  dans  sa  désertion  plusieurs  religieux ,  dont  l'un 
Ep.4,5, 6, 7.  se  nommait  Adam  :  quatre  lettres  de  saint  Bernard  tendent 
à  les  ramener  dans  l'asyle  où  leurs  vœux  devaient  les  fixer. 
En  vain  ils  se  prévalent  d'une  permission  du  pape  :  Bernard 
prétend  que  ce  qui  est  mal,  est  mal  encore  après  qu'un  pape 
l'a  autorisé.  Cétait  aussi  du  consentement  de  son  évéque 
Ep.  87.  qij'Oger  renonçait  à  la  fonction  d'abbé  d'une  communauté 

de  chanoines  réguliers  :  saint  Bernard  veut  qu'il  la  reprenne. 
Ep.  88 ,  89.    Dans  deux  autres  lettres  au  même  Oger ,  l'abbé  de  Clairvaux 
parle  avec  beaucoup  de  modestie  de  ses  propres  ouvrages, 
spécialement  d'un  panégyrique  de  la  Sainte  Vierge.  Il  ne 
veut  plus  enseigner;  un  pécheur  tel  que  lui,  revêtu  de  l'habit 
monacal ,  ne  doit  que  gémir  (a).  Il  écrit  brièvement ,  parce 
qu'on  est  en  carême,  temps  de  silence.  Oger, dans  une  qua- 
Ep.  90.         trième  missive,  est  exhorté  à  n'être  point  un  correspondant 
trop  assidu  :  la  véritable  amitié  se  maintient  sans  de  longues 
Ep.  82.  écritures.  Un  autre  abbé,  celui  de  Saint-Jean  de  Chartres, 

songeait  de  même  à  quitter  sa  place  pour  aller  chercher  la 
solitude  et  le  repos  dans  la  Palestine  :  Bernard  n'applaudit 
Ep.  3o.  pas  à  ce  dessein.  Il  n'approuve  pas  davantage  les  nouveaux 

établissemens  monastiques  projetés  par  Adalbéron  ,  prieur 
Ep.  75.  de  l'église  de  Metz,  et  par  Artaud,  abbé  de  Prully.  Les  éga- 

remens  de  certains  religieux  lui  donnent  lieu  de  recomman- 
Ep  83  8'.  ^^^'  '^^^  supérieurs  tantôt  la  sévérité,  tantôt  l'indulgence  : 
Ep.  79.'  c'est  pour  de  telles  causes  qu'il  écrit  à  Simon,  abbé  de  Saint- 
Ep.  80.  Nicolas-au-Bois  ;  à  Luc  ,  abbé  de  Cuissy  ;  à  Guy  ,  abbé  de 

E^  85  86.  Molème;  aux  chanoines  réguliers  de  Saint-Pierre-Mont;  à 
Pp.  69,  70.  Guillaume  de  Saint-Thierry;  à  Guy,  abbé  de  Trois-Fon- 
taines.  Les  deux  lettres  adressées  à  ce  dernier  méritent  quel- 
que attention  ;  la  première ,  parce  qu'il  y  est  question  d'une 
messe  célébrée  sans  vin ,  le  calice  ne  contenant  que  de  l'eau 
pure,  distraction  grave,  dont  il  faut,  selon  saint  Bernard, 
se  repentir,  et  pourtant  se  consoler;  la  seconde,  parce  que 
dom  Mabillon  en  a  retranché  comme  apocryphes  certaines 
lignes  où  l'auteur  condamne  la  conduite  trop  rigoureuse  qu'il 
a  tenue  lui-même  envers  un  de  ses  inférieurs.  Ce  passage 
existe  dans  cinq  manuscrits  du  XIV  ou  du  XIIF  siècle,  et 

(a)  Vel  monachi  quod  esse  videor ,  vel  peccatoris  quod  sum  ,  officiura 
non  est  docere,  sed  lugere.  . 


Ep.  5;. 

Ep.  56. 

Mart.  cp. 

3i. 

Ep.  II. 

SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.        i5i 

nous  ne  voyons  pas  pourquoi  le  zèle  ardent  du  jeune  abbé  xn  siècle. 
de  Clairvaux  n'aurait  pas  pvi  l'entraîner  au  mouvement  pas- 
sionné  qu'il  se  reproche.  Dans  une  lettre  à  Geoffroi ,  évêque     Ep.  55. 
de  Chartres,  il  s'agit  aussi  d'un  moine  qui  a  quitté  son  état  : 
c'est  peut-être  à  l'occasion  de  ce  moine  qu'une  seconde  épître 
au  même  prélat  traite  des   engagemens  monastiques.  Une 
troisième  lettre  à  l'évêque  de  Chartres  a  pour  sujet  l'ante- 
christ,etce  qu'en  pensait  le  vénérable  Norbert.  L'antechrist 
était  attendu  à  la  fin  du  XIP  siècle,  et  saint  Norbert  parta- 
geait, accréditait  cette  opinion.  Une  lettre  sans  date,  mais 
adressée  à  des  religieux  en  un  temps  de  famine,  pour  les 
exhorter  à  faire  l'aumône,  pourrait  être  de  1 126.  En  écrivant 
à  Guignes  et  aux  Chartreux,  saint  Bernard  les  entretient  de 
la  charité  :  s'aimer  soi-même ,  aimer  Dieu  pour  soi ,  l'aimer 
pour  lui ,  n'aimer  que  lui ,  voilà  quatre  degrés  dont  le  der- 
nier n'est  point,  selon  l'auteur,  accessible  aux  mortels.  Dans 
une  seconde  lettre  aux  mêmes  religieux,  il  exprime  le  regret     Ep.  12. 
de  n'avoir  pu  les  visiter  en  passant  près  de  leur  demeure.  11 
fait  la  même  excuse  aux  moines  de  Trois-Fontaines ,  et  les      Ep. -i, 
console  de  la  mort  de  leur  abbé  Roger.  On  connaît  assez  peu 
les  chanoines  réguliers  d'Audicourt ,  au  diocèse  de  Châlons- 
ftur-Marne ,  cpie  saint  Bernard  remercie  avec  une  humilité      Ep.  3. 
profonde  des   complimens  qu'ils  lui   ont  prodigués.  Il  re- 
pousse également   les  louanges  dont  l'a   comblé   Rainaud  ,      Ep.  72,73, 
abbé  de  Foigny  :  un  vers  de  la  première  hérokle  d'Ovide.     74, 4 13. (Mart.' 

'33.) 
Quandb  ego  non  tiniid  graviora  pericula  veris  ? 

est  cité  dans  l'une  des  quatre  épîtres  à  Rainaud,  et  les  mots 
qui  amènent  cette  citation ,  y «a-^à  tuuni  Ovidium ,  donnent 
lieu  de  croire  que  les  poésies  d'Ovide  ne  déplaisaient  point 
à  l'abbé  de  Foigny,  ni  même  à  celui  de  Clairvaux.  Un  novice 
avait  été  trop  sévèrement  traité,  tant  par  Rainaud  que  par 
im  autre  religieux  de  Foigny  :  Bernard  leur  écint  en  faveur      Ep.  414. 
de  cet  élève.  Après  avoir  accueilli  et  retenu  à  Clairvaux  le 
nommé  Philippe,  parti  de  Lincoln  pour  aller  à  la  Terre- 
Sainte,  il  prie  l'évêque  de  Lincoln  de  permettre  ta  ce  pèlerin      Ep.  64. 
de  ne  point  achever  un  tel  voyage  :  Clairvaux  est  une  Jéru- 
salem; Philippe  a  su  abréger  sa  route;  il  est  véritablement 
arrivé.  Une  lettre  à  l'abbé  d'Anchin ,  Alvise ,  a  aussi  pour     Ep.  65, 
but  de  justifier  la  liberté  qu'on  a  prise  de  garder  à  Clairvaux 
un  moine  d'Anchin.  Mais  il  paraît  qu' Alvise  s'en  plaignit  ; 
car  Bernard  réclame ,  pour  regagner  son  amitié ,  l'interven-     Ep.  66. 


i52      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR  VAUX. 

XII  SIECLE,  tion  de  Geoffroy,  aljbé  de  Saint- Médard  de  Soissons.  On 
aperçoit  en  des  épîtres  du  même  temps  la  trace  de  quelques 
autres  démêlés  du  saint  abbé  ;  par  exemple ,  avec  Hugues 
Farsit,  avec  Gérard,  abbé  de  Pottières,  avec  Henri,  évèque 

Ep.  35,36.  ^|g  Verdun.  Farsit,  d'abord  exhorté  à  rétracter  une  erreur 
sur  les  sacremens  ,  est  ensuite  reconnu  pour  orthodoxe  ; 
mais  il  est  invité  à  laisser  en  paix  la  mémoire  d'un  prélat 

Ep.  8i.  que  Mabillon  croit  être  Guillaume  des  Champeaux.  Gérard 

se  figure  qu'on  a  indisposé  contre  lui  le  comte  de  Nevers, 

et  l'on  se  iustifie  de  ce  reproche.  Henri  prétend  qu'on  a  cen- 
Ep.  62,63.  ,  -1    ,    .^  '     ^  ,.,1.1 

sure  sa  conduite;  on  proteste  quil  nen  est  rien  :  aurait-on 

voulu  condamner  un  prélat  absent,  et  sans  connaissance  de 
cause  ?  On  lui  recommande  une  femme  pénitente  et  un  mo- 
nastère récemment  fondé  dans  son  diocèse.  L'évêque  de  Cliâ- 
Ep.  58.  Ions -sur -Marne,  Ébale,  est  supplié  de  maintenir  un  abbé 

que    des  chanoines   réguliers  ne   veulent    pas   reconnaître. 
Ep.  59.  Guillencus  est  sollicité  en  fiiveur  de  l'abbaye  de  Molême  ; 

Ep.  60.  et ,  dans  une  autre  lettre ,  il  est  exhorté  à  céder  certains 

Ep.  397.  biens  à  l'abbaye  de  Saint-Etienne  de  Dijon.  Les  religieux  de 
Marmoutiers  plaidaient  contre  des  clercs  ou  des  chanoines , 
et  ne  voulaient  pas  s'en  tenir  au  jugement  prononcé  par  l'é- 
vêque de  Chartres  et  par  le  comte  de  Champagne;  opiniâ- 
treté peu  chrétienne  contre  laquelle  s'élèvent  de  concert  les 
abbés  de  Pontigny  et  de  Clairvaux.  Une  attention  particu- 
Ep.gi.  lière  est  due  à  lépître  que  saint  Bernard  adresse  aux  abbés 

assemblés  à  Soissons  et  délibérant  sur  des  réformes  monas- 
tiques :  ses  occupations  ne  lui  permettent  pas  d'être  au  mi- 
lieu d'eux;  il  attend  tout  de  leur  zèle;  il  espère  que,  sourds 
aux  murmures   des  médians,  ils  rétabliront  l'honneur  du 
Ep.78.(Rec.  cloîtfe.  Mais  une  lettre  plus  mémorable  encore,  est  celle  où 
des  hist.  de  Fr.  Sugcr  cst  félicité  de  l'amendement  de  ses  mœurs  et  de  la  ré- 
t.xv,ep.Bern.  f-Qj.j^^g  introduite  enfin  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Deux 
scandales  affligeaient  l'église  :  l'un  était  la  conduite  de  Suger 
Du»  nostris  (  tica  Ula piistiiicB  tuœ  com'ersationis  insolentia  )  ;  ce  premier 
(emporibus  01-  désordre  a  cessé,  et  le  scandale  qui  dure  encore,  est  celui 
sfàno^vî^"!"!!!-  4^^   donne  Etienne  de  Garlande.    Insatiable  de  ^bénéfices, 
crandœ    prs  -  archidiacre,  doyen,  prévôt  en  diverses  églises,  Etienne  est 
sumptiones.       jg  pj^g  sénéchal.  Suger  doit -il  rester  l'ami  d'un  ambitieux 
qui,  se  faisant  à-la-fois  prêtre  et  soldat,  ne  sait  être  ni  l'un 
ni  l'autre? 

Les  cinquante-quatre  lettres  que  nous  venons  de  parcourir 
concernent  en  général  des  affaires  monastiques ,  et  sont  près- 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i53 

que  toutes  adressées  à  des  religieux.  Saint  Bernard  avait  en-   ^^^  SIECLE. 

core  quelque  répugnance  à  s'occuper  d'intérêts  étrangers  aux 

monastères.  En  1 127,  il  déclare  qu'il  n'aime  point  à  sortir  de 

son  cloître,  et  s'excuse  ainsi  auprès  de  Pierre, cardinal  légat,      Ep.  17. 

qu'il  n'est  point  allé  voir.  Sous  la  même  date,  il  donne  à  ce      Ep.  18. 

cardinal  une  liste  de  ses  ouvrages  ,  qu'il  réduit  à  un  petit 

traité  de  l'humilité,  quatre  homélies  sur  la  Sainte  Vierge, 

des  lettres  à  diverses  personnes,  et  ce  qu'on  a  pu  recueillir 

de  ses  sermons.  Il  recommande,  tant  à  ce  même  Pierre  qu'à      Ep.  19,  20. 

Aimeric,  chancelier  de  l'église  romaine,  des  députés  de  l'é-  C^ec.  des  hist. 

£;lise  de  Reims  et  les  moines  de  Saint-Bénigne  de  Dijon.  Deux    «F'^'-^^'<^P' 

O   ,.    .  xr-     •  1  1    '     1     II  1  ■'1»  Bern.  8,  9.) 

religieux  et  Vivien,  abbe  de  Hautecombe,  sont,  en  d  autres  Ep.  i6,  i5. 

lettres ,  recommandés  à    Aimeric  ,   que  Bernard  entretient  Ep-  ^'3 ,  54- 

ailleurs  des  obstacles  qu'on  oppose  à  ceux  qui  veulent  faire 

le  bien.  En   1128,  il  compte  parmi  ses  écrits  un  opuscule  Ep.  în. 

sur  la  grâce  et  le  libre  arbitre  :  c'est  encore  à  Aimeric  qu'il 

parle  de  cette  production ,  en  exprimant  vivement  le  désir  Ep.  52. 

de  n'être  chargé  d'aucune  affaire.  Les  lettres  à  Aimeric  avant 

ir3o  sont  au  nombre  de  huit,  en  y  comprenant  les  deux  Ep.  48,  5i. 

qui  concernent  l'évêque  de  Paris  et  l'archevênue  de  Sens ,  et  y''^^'  '^i'-^./"*'" 

^1  11  ^1  T.  1     '    '•  •^    i«*        deFr.t.XV,ep. 

sur  lesquelles  nous  reviendrons.  Bernard  écrit  aussi  a  Ma-  Bern.  14,12. 
thieu ,  légat  du  saint  siège  ,  pour  se  plaindre  de  ce  qu'on 
l'arrache  de  son  cloître.  S'il  s'agit,  dit-il,  d'affaires  simples      Ep.  ai. 
et  faciles ,  on  n'a  pas  besoin  de  moi  ;  si  elles  sont  épineuses , 
elles  exigent  une  capacité  que  ie  n'ai  pas.  Ricuin ,  evêque  de 
Toul ,  lui  avait  adressé  un  pécheur  :  il  répond  qu'il  ne  lui 
appartient  pas  de  se  mêler  ae  fonctions  pastorales.  Dans  un      Ep.  61. 
autre  billet,  il  demande  excuse  à  Ricuin  d'avoir,  sans  le  con-      Ep.  3o6. 
sentement  de  ce  prélat,  reçu  à  Clairvaux  un  religieux  de 
Toul.  Des  lettres  a  Etienne,  évêque  de  Metz,  à  Atton  de      Ep.29.(Rec. 
Troyes,  à  Gilbert  de  Londres,  à  Hugues,  archevêque  de  des  hist.  de  Fr. 
Rouen,  à  Raynaud,  archevêque  de  Reims,  à  Hildebert  de  *•    ^'^P-^ern. 
Tours  ,  ne  contiennent  que  des  félicitations,  ou  des  remer-      Ep.  23,  24, 
ciemens ,  ou  des  conseils.  Les  qiiatre  vertus  cardinales  sont  *5>  ^'*'  ^^^^'^ 
recommandées  à  Guy ,  évêque  de  Lausanne ,  dans  un  billet      Ep.  a6. 
de  six  lignes.  Quelques  années  auparavant ,  Bernard  avait , 
au  contraire  ,  adressé  à  l'archevêque  de  Sens  une  très-longue 
épître  sur  les  mœurs  et  les  devoirs  d'un  évêque.  Cette  pièce      Ep.  4a. 
est  d'une  telle  étendue ,  que  Mabillon  l'a  placée  parmi  les 
opuscules,  où  nous  la  retrouverons.  Deux  autres  lettres  à      Ep.  43,44. 
ce  même  prélat  de  Sens  sollicitent  sa  bienveillance  en  faveur 
de  l'abbaye  de  Molême.  Une  lettre  à  HunJjaud,  archevêque      Ep.22.(Rec, 
Tome  XIII.  V 


i54      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  de  Lyon,  légat  du  saint  siège,  a  pour  but  de  faire  valoir  les 
fleshist  deFr  ^'^^^it*  ^^  l'évêque  de  Meaux ,  dont  l'abbé  de  Rebais  déclinait 
t.xv,ep.Bern.  la  juridiction. 

4)  Nous  avons  à  remarquer  une  épitre  à  Hugues,  comte  de 

Ep.3i.(Rec.  Champagne  :  il  s'est  fait  Templier,  on  l'en  félicite;  il  a  doté 
t.xv'ep  Bern  Clairvaux,  OU  l'en  remeixie.  Ce  Hugues  était  fils  du  comte 
2.)    '  Thibaut,  auquel  Bernard  recommande  un  moine  indigent 

Ep.  37,  38,  et  pieux,  un  autre  moine  fort  âgé,  des  chanoines  réguliers, 
39,  40,41.  ^^j-,g  veuve,  un  concile  qui  va  se  tenir  à  Ti'oyes,  et  sui'-tout 
le  nommé  Humbert,  qui,  pour  s'être  battu  en  duel,  vient 
d'être  condamné  à  perdre  la  vue ,  avec  confiscation  de  ses 
biens.  Trois  fois  l'abbé  de  Clairvaux  intercède  pour  ce  Hum- 
bert auprès  de  l'inexorable  comte.  Mais  voici  deux  affaires 
plus  importantes. 

Le  roi  Louis  VI  ayant  fait  saisir,  comme  nous  l'avons  dit, 
le  revenu  de  l'évêque  de  Paris,  Etienne,  et  celui-ci   ayant 
jeté  un  interdit  sur  les  terres  du  monarque ,  Bernard ,  au 
nom  de  tous  les  abbés  de  l'ordre  de  Cîteaux  ,  rédigea  une 
Ep.  4?).  (Rec.  lettre  à  Louis ,  et  la  lui  remit  en  main  propre.  On  est  moins 
des  hist.  de  Fr.  étonué  des  meiiaces  que  les  abbés  y  font  au  roi ,  que  du  ton 
t.   \,ep.Bern.  f,j„-,i|iç^  qu'ils  prennent  avec  sa  majesté.  C'est  au  nom  de 
leur  aîuitié  mutuelle  et  fraternelle  {per  eain  quœ  invicem  est 
amicitiam  et  frateniitatein  )  qu'ils  l'avertissent  et  le  conju- 
rent de  se  désister  de  sa  coupable  entreprise.  Le  prince  s'é- 
tant  obstiné ,   il  fallut  écrire  au  souverain  pontiîe ,  Hono- 
Ep.i3.(Rec.  i""!»  II.   A  ce  pape   sont  adressées  deux   autres  lettres  de 
des  hist.  de  Fr.  Bernard ,  étrangères  à  ce  grand  démêlé  ;   l'une   en   faveur 
t.xv,ep.Bern.  (J'Albéric ,  élu  évêquc  de  Langres ,  l'autre  pour  l'église  de 
Ep.  i4.'Rec.  Dijon,  contre  les  moines  de  Luxeuil.  Mais  lorsqu'Honorius 
des  hist.  de  Fr.  eut  levé  l'interdit  lancé  par  Etienne ,  une  relation  de  toute 
t. XV, ep. Bern.  cett^  affaire  fut  rédigée  par  Bernard,  au  nom  de  Geoffroi, 
'^  Ep.  4-.  évêque  de  Chartres,  et  présentée  au  chef  de  l'église.  On  y 

gémissait  des  effets  de  son  bref;  la  spoliation  restait  impu- 
nie, la  licence  n'avait  plus  de  frein.  Hoc  denique  litteris  ves- 
tiis  factum  est ,  ut  inalè  ablata  pejhs  teneantur,   et  reliqua 
passini  in  (lies  rapiantar ,  eo  utique  securè ,  qub  impiinè  illa 
Ep.  46.(Rec.  retinentur.  Mêmes  complaintes  dans  une  lettre  souscrite  en 
des  hist.  de  Fr.  1 128  par  Bernard  et  par  Hugues  de  Pontigny  :  leur  tristesse 
t. XV, ep. Bern.  ^^^  profonde,  quand  ils  voient  l'église  perdre  son  honneur 
sous  Honorius,  Honorem  ccclesiœ  Hoxorii  tcmpore  lœsum. 
Selon  toute  apparence,  ce  n'est  point  sans  intention  que  les 
mots  honorem  et  Honorii  sont  ainsi  rapprochés  ;  et  quelque 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX.       i55 

sérieuse  que  soit  la  matière ,  quelque  affligé  que  soit  le  ré-  ^ï^  SIECLE, 
dacteur,  il  ne  s'interdit  pas  les  jeux  de  mots.  Du  reste,  l'ex- 
trême  nécessité  a  pu  seule  entraîner  Hugues  et  Bernard  hors 
de  leur  cloître  :  ils  voudraient  qu'on  les  eût  dispensés  de  pa- 
raître en  public.  (  Magna  nos  nécessitas  in publicum  traxit). 
La  nécessité  les  ramena  de  nouveau  sur  la  scène  en  1129,  Ep.  49(Rec. 
lorsque  Henri ,  archevêaue  de  Sens  ,  accusé  de  simonie ,  et  ^^^  '"*'•  ^^  ^^• 

J^^       .    1         •  ^   T         ■       I       A  1-  •..    '      1     •    t.XV.ep.Bern. 

redoutant  les  juges  que  ijOuis-le-Gros  se  disposait  a   lui   „  > 
donner,  voulut  être  jugé  par  le  pape,  et  mit  dans  ses  inté- 
rêts les  abbés  cisterciens.   Etienne  de  Cîteaux,  Hugues  de 
Pontigny,  et  Bernard  de  Clairvaux,  écrivirent  à  Honorius. 
C'est  dans  cette  lettre  que  Louis-le-Gros  est  appelé  nouvel 
Hérode,  alter  Herodes.  Le  pape  lui-même,  à  qui  l'on  parle, 
est  assez  peu  ménagé.  On  rappelle  sa  conduite  dans  l'affaire 
d'Etienne  de  Paris,  d'Etienne  que  Dieu  soutint,  quand  Rome 
aidait  à  le  renverser.  Malgré  toutes  ces  plaintes,  Honorius 
renvoya  l'affaire  de  Henri  devant  le  roi  de  France,  et  Ber- 
nard écrivit  au  pape  une  dernière   épître,  réclamant  pour      Ep    5o  (18 
l'archevêque  de  Sens  ,  s'il  venait  à  être  condamné,  le  droit  «îansieRec.des 
d'en  appeler  au  saint  siège.  Nous  avons  déjà  indiqué  deux  t'xv^  "°*^^' 
lettres  au  chancelier  Aimeric,  qui  sont  relatives  à  ces  affaires      ^p.  /§  5j, 
d'Etienne  et  de  Henri.  Bernard  y  tient  le  même  langage; 
mais,  en  outre,  il  repousse  les  accusations  qui  déjà  s'éle- 
vaient contre  lui ,  et  dont  le  principal  auteur  pouvait  bien 
être  cet  évêque  de  Verdun  dont  nous  avons  fait  mention.  Le 
saint  abbé  demande  à  rester  en  paix  ;  il  supplie  qu'on  lui 
permette,  ou  même  qu'on  lui  enjoigne  de  ne  plus  se  mêler 
d'affaires  étrangères  a  son  couvent.    Au  fond ,  personne  ne 
lui  avait  ordonné  de  soutenir  contre  son  roi  des  prélats  re- 
belles :  il  ne  tenait  qu'à  lui  de  s'abstenir  d'intrigues  interdites 
aux   cénobites,   et  de  se   prescrire  le   respect  du  au  sou- 
verain. 

Telles  sont  les  lettres  qu'écrivit  saint  Bernard  depuis  1119 
jusqu'au  schisme  de  ii3o.  Nous  en  rétablissons  dans  une 
note  {a)  l'ordre  chronologique ,  dont  nous  avons  été  obligés 

(a)Ann.  1119,  ep.  i.  Ann.  1126,  ep.   7,    i3,    i5^   iQ, 

Ann.  H20,   ep.  a,  3,  3»,  33,  34.  3o,  58,  87. 

Ann.  II23,   ep.  29.  Ann.  1127,  ep.    17,   18,  ai,  22, 

Ann.    II25,  ep.    4,    5  ,   6,    II,  39,40,41,45,47,69-74, 

12,  3i,  61,  396,  67,  68,  85.  4i3,  4i4,  75,  88,  89,  90. 

Mart.  3x.  Ann.  1128,  ep.  46,  i4,  19,  20, 

Va 


Ep. 

lia, 

Ep. 

99- 

Ep. 

lOI. 

Ep. 

102. 

Ep. 

io5, 

104 

Ep. 

107, 

411 

i56      SAINT  BERNARD ,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 
XII  SIECLE,    de  nous  écarter  quelquefois  pour  rapprocher  les  matières. 
Nous  en  userons  de  même  à  l'égard  des  lettres  qui  appar- 
tiennent aux  autres  périodes  de  la  vie  du  saint  abbé. 

On  trouvera  qu'il  en  a  écrit  cent  huit  durant  le  schisme , 
si  l'on  comprend  dans  ce  nombre  une  trentaine  de  pièces 
non  datées  et  dont  il  serait  impossible  de  fixer  la  date  pré- 
cise ,  mais  qui  semblent  se  placer  entre  1 1 3o  et  11 38.  Nous 
allons  rencontrer  encore  dans  cet  intervalle  beaucoup  d'é- 

Ep.  m.  pitres  purement  monastiques.  Lettre  au  nom  du  moine  Elie 
a  son  père  Ingorran  et  à  sa  mère  Yvette,  lettre  fort  dure 
et  bien  peu  filiale,  oii  ce  moine  dit  à  ses  parens  qu'ils  aiment 
mieux  l'entraîner  dans  leur  ruine  que  le  voir  triompher  sans 
eux.  Epîtres  de  l'abbé  de  Clairvaux  à  Geoffroy  de  Lizieux, 
que  ses  parens  ont  arraché  du  cloître;  à  un  religieux  mal  à 
propos  accusé  d'avoir  quitté  son  monastère;  à  des  moines, 
pour  les  prier  de  recevoii*  avec  indulgence  un  de  leurs  fières 
qu'on  leur  renvoie  ;  à  un  abbé ,  pour  lui  conseiller  d'être  sé- 
vère; à  Romain,  sous-diacre  de  Rome,  et  à  maître  Gautier 
de  Chaumont,  pour  qu'ils  embrassent  la  vie  monastique;  à 
un  anglais  nommé  Thomas ,  qui  a  pris  l'engagement  de  se 
retirer  à  Clairvaux  et  qui  n'accomplit  pas  ce  vœu  ;  à  l'anglais 

Ep.  106.  Henri  Murdach  ,  qui  songe  aussi  à  devenir  moine,  et  que 
son  goût  pour  l'étude  retient  dans  le  monde.  Bernard  lui 
promet  qu'il  trouvera  dans  les  forêts  bien  plus  de  lumières 
que  dans  les  livres  ;  que  les  arbres  et  les  rochers  lui  ensei- 
gneront ce  qu'il  n'apprendrait  d'aucun  maître.  Aliquid  am~ 
pliîis  inventes  in.  sylvis  quam  in  libris  :  ligna  et  lapides  doce- 
bunt  te  quod  à  magistiis  audire  non  possis.  Consulté  par 
Geoffroy ,  qui  gouvernait  l'abbaye  de  Sainte-Marie  d'Yorck , 

Ep.  94,3i3.  Bernard  se  délie  de  sa  propre  sagesse;  toutefois  il  approuve 
des  religieux  qui  ont  déserté  ce  couvent  pour  prendre  un 
genre  de  vie  plus  austère.  Ils  ont  embrassé  la  réforme ,  il  les 

Ep.  96.  en  félicite  :  ils  ont  fondé  l'abbaye  de  Fontaines,  il  compli- 

Ep.  q5.  mente  Richard ,  leur  nouvel  abbé  :  ils  ont  été  traités  avec  bien- 

veillance par  Turstin  ,  archevêque  d'Yorck  ,  il  en  remercie 

Ep.  319.  ce  prélat  qu'une  autre  épître,  d'une  date  postérieure,  dé- 
tourne du  projet  de  quitter  son  siège.  L'abbé  de  Fontaines 

a3  ,  35  —  38  ,  42 ,  4^  ,  A^,  Sa  —  Ann.  i  i3o  ,  ep.  24  ,  aS ,  26 ,  79 , 

57 ,  63 ,  76 ,  78 ,  82.  80 ,  81 ,  86,  91 ,  3ii ,  3i2 ,  123. 

Ann.  1129,  ep.  49?  5i,  5o,   48,  397. 
59,60,62,64,65,66,83,84. 


SAINT  BERNARD ,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       lô; 

étant  mort ,  l'élection  de  son  successeur  occupa  Bernard  ,    ^H  SIECLE. 
qui  envoya,  pour  y  présider,  Henri,  abbé  de  Vauclair,  et 
en  instruisit  le  prieur  de  Fontaines ,  Alexandre.  Une  lettre  à      Ep.  320. 
Henri  de  Vauclair  lui  prescrit  d'accepter  la  dignité  d'abbé  de      ^p.  321. 
Fontaines,  si  elle  lui  est  déférée  par  les  suffrages  des  reli- 
gieux. Henri  fut  élu  en  effet  ;  il  accepta  ,  et  dans  la  suite  il 
devint  archevêque  d'Yorck.  On  ignore  quel  est  le  moine  à 
qui  saint  Bernard  adresse  un  magnifique  éloge  de  la  pau-      Ep.  io3. 
vreté.  Là  sont  exposés  tous  les  motifs  de  mépriser  les  biens 
de  ce  monde  :  les  posséder  est  un  fardeau,  les  aimer  une     Possessa  one-' 
souillure,  et  les  perdre  un  tourment.  C'est  au  chartreux  rant,amata  in- 
Bernard  des  Portes  que  Bernard  de  Clairvaux  envoie  ses  ser-  q""'.=""f)an"ssa 

,  .        ^    ,  .  „  .      ,  cruciant. 

mons  sur  le  cantique  des  cantiques,  pour  être  examnies  avec  Ep.  i53, 154. 

soin  et  critiqués  sans  indulgence.  Guarin,  abbé  des  Alpes,  Ep.  254. 

est  félicité  d'avoir  entrepris  la  réforme  de  son  monastère;  Ep.  146. 

Bouchard ,  abbé  de  Balerne ,  d'avoir  fait  de  rapides  progrès  Ep.  32^. 
dans  la  vertu;  Hugues,  neveu  de  l'évêque  de  Grenoble,  d'a- 
voir embrassé  la  vie  monastique.  Mais  Humbert,  qui  abdique 
la  fonction  d'abbé  d'Igny  pour  vivre  à  Clairvaux  en  simple 

rehgieux,  est  blâmé  de  cette  désertion  comme  d'une  impiété.  Ep.  141.  — 

Humbert  persista  néanmoins  et  mourut  à  Clairvaux.  Les  rc-  Q"'«^  "O"  i™- 

lieieux  du  monastère  des  Alpes  ayant  perdu  leur  abbé ,  ré-  P"^'^''*  ^"^^f 

«5  ,,       ,    A  •       Ti  11  11  1  liaec  tua  liiga? 

cemment  élu  eveque  ,  saint  Bernard  les  console,  et  les  exhorte      £„.  ,42 
à  lui  donner  un  digne  successeur.  Il  avertit  l'abbesse  de  Fa-      Ep.  3qi.  (8, 
vernay  qu'il  ne  suffit  pas  de  réparer  les  murs  d'un  couvent,  deMartène.) 
qu'il  faut  encore  y  ramener  l'habitude  des  vertus  claustrales. 
Il  parle  à  une  vierge  nommée  Sophie  des  avantages  de  la      Ep.  ii3. 
virginité.  Sophie  était  née  de  parens  illustres ,  honneur  moins 
grand  que  de  s'être  placée  dans  le  petit  nombre  des  vierges 
sages.  ïllitstiior  quod  de  paucis  facta  es^  quhni  quod  orta  de 
niagnis.  Il  témoigne  aussi  à  Béatrix,  noble  et  dévote  per-      Ep.  uS. 
sonne,  beaucoup  d'estime  et  d'amitié.  Il  conseille  à  une  re-      Ep  ii5. 
ligieuse  du  monastère  de  Notre-Dame  de  Troyes  de  rester 
dans  ce  couvent,  et  de  ne  pas  chercher  ailleurs  une  perfec- 
tion imaginaire.  Une  auti'e  religieuse,  après  s'être  livrée  à 
quelques  déréglemens ,  était  rentrée  dans  le  devoir  :  il  s'en      Ep.  114. 
réjouit  avec  elle;  et,  en  lui  parlant  des  fautes  qu'elle  a  com- 
mises ,  spécialement  de  la  manière  dont  elle  s'habillait ,  il 
s'exprime  en  ces  termes  :  Vestitus  ornatior,  wimplatce  magis 
quam  velatœ  congruens.  Quelques  éditeurs  avaient  changé 
wimplatœ  en  uni  inflatce  :  Mabillon  rétablit  wimplatœ.    La 
wimple ,  guimple  ou  guimpe,   était  alors  une  parure  mon- 


i58      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

xn  SIECLE,   daine ,  et  le  voile  distinguait  les  femmes  les  plus  modestes. 

Moult  fut  humiliante  et  simple  , 
Elle  eut  un  voile  en  lieu  de  guimple, 

NotKinBern.  dit  UH  vieux  poète  français  cité  par  Mabillon,  d'après  Borel. 
p.  xLin.  Afin  de  rassembler  ici  toutes  les  lettres  écrites  par  saint  Ber- 

nard à  des  femmes,  entre  i  i3o  et  1 138,  nous  en  indiquerons 
Ep.  119. 120.  deux  à  la  duclicsse  de  Lorraine,  Adélaïde,  pour  la  prier, 
elle  et  son  mari ,  Simon ,  de  confirmer  une  exemption  ac- 
cordée aux  religieux  de  Clairvaux  ,  et  pour  les  exhorter  à 
céder  un  château   qu'ils  se  disposaient  à  défendre  par  les 
Ep.  116,117.  armes;  deux  à  la  duchesse  de  Bretagne,  Ermengarde,  pour 
applaudir  à  sa  piété  et   la  soutenir  dans  la  voie  du  salut; 
Ep.  lîi.        une  à  Màthilde ,  duchesse  de  Bourgogne  ,  pour  l'inviter  à 
Ep.  3i5.        consentir  au  mariage  d'un  de  ses  vassaux  ;  une  à  Màthilde, 
reine  d'Angleteri'e  ,  en  faveur  des  moines  de  la  Chapelle  ,  au 
Ep.  137.        diocèse  de  Boulogne-sur-Mer  ;  une  enfin  à  l'impératrice  Ri- 
chère  ,  en  faveur  des  Milanais. 

Le  vif  intérêt  que  prend  saint  Bernard  aux  moines  et  aux 
monastères  continue  de  se  manifester  dans  ses  épîtres  aux 
Ep.  93.  évéques  et   aux  seigneurs.    Il   recommande   l'abbé   Oger  à 

Ep,  175.    .    Henri  de  Blois  ,  évêque  de  Winchester;  les  chevaliers  du 
Ep.  100.        Temple  au  patriarche  de  Jérusalem.  Il  remercie  vin  évêque 
qui  n'est  point  nommé  de  la  charité  qu'il  a  exercée  envers 
des  cénobites.  Eloigné  de  sa  propre  abbaye ,  Bernard  écrit 
Ep.143, i4/|.  deux  fois  aux  religieux  de  Clairvaux  pour  s'excuser  et  se 
Ep.  1/(5.        plaindre  de  sa  longue  absence  :  il  écrit  aux  abbés  assemblés 
a  Cîteaux ,  les  conjurant  de  compatir  à  ses  peines ,  de  prier 
Dieu  pour  lui  et  d  obtenir  son  retour.  Voilà  celles  des  lettres 
de  cette  époque  qu'on  pourrait  distinguer  par  les  qualifica- 
tions de  monacales,  ascétiques  ou  mystiques.  Joignons-y 
Ep.  i35.        celle  qui  s'adresse  à  Pierre,  évêque  de  Pavie,  et  qui  exprime 
Ep.  98.  de  profonds  sentimens  d'humilité;  celle  encore  qui  ne  parle 

que  des  Macchabées,  et  qui  n'a  ni  inscription  ni  date.  Pour- 
quoi les  Macchabées  sont-ils  les  seuls  saints  de  l'Ancien- 
Testament  dont  l'église  célèbre  la  fête?  c'est,  dit  l'auteur, 
parce  qu'ils  sont  des  martyrs  semblables  à  ceux  que  l'église 
honore. 

Il  s'agit  principalement  d'affaires  ecclésiastiques  ou  épis- 

Ep.  8,9,10.  copales  dans  des  lettres  à  Bi'unon,  archevêque  de  Cologne; 

£p.  27,  28.    ^  Ardution,  évêque  de  Genève;  à  Eustache,  usurpateur  du 

'^'  '    ■        siège  de  Valence ,  en  Dauphiné  ;  à  Henri ,  archevêque  de 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAÎRVAUX.       i5,9 
Sens.  Brunon,  élu  archevêque  de  Cologne,  dem;tndait  s'il    xii  siècle. 
devait  accepter  :  la  réponse  est  indécise  ;  seulement  on  s'ef- 
force de  lui  inspirer  de  l'humilité,  de  la  crainte;  on  lui  con- 
seille de  réprimer  sévèrement  les  abus  et  les  crimes.  Ardution 
reçoit  des  leçons  du  même  genre,  et  l'on  s'applique  d'autant 
plus  à  les  lui  inculquer,  que  sa  vie  passée  n'a  pas  été  fort 
édifiante.    On  prêche  aussi  la   pénitence  à   Eustache.  Pour      £    ^g^. 
Henri ,  il  avait  destitué  son  archidiacre;  il  en  est  amèrement       ^n  putatis 
réprimandé.  On  se  plaint  de  sa  dureté  haïssable,  odibilejn  periisse  justi- 
duridam.  Croit-il  que  la  iustice   ait   disparu  de  l'univers  tiamdetoioor- 

,  ^.    ^^       J  ,  \  '      ^    1      f   •     •>     ue  sicut  de cor- 

comme  de  son  cœur:'   Une  autre  lettre,  adressée  a-la-rois  a  devesiro? 
l'archevêque  de  Sens  et  au  chancelier  Aimeric  ,  parle  d'un      Ep.  3i6. 

t'eune  homme  qui  se  propose  de  remettre  à  des  moines  des 
)iens  qu'il  possède  au  mépris  des  saints  canons  de  l'église  ; 
il  faudra  bien  se  garder  d  empêcher  cette  restitution. 

Mais  les  lettres  les  plus  importantes  que  Bernard  ait  écrites, 
sous  cette  seconde  époque ,  sont  celles  où  il  défend  la  cause 
d'Innocent  11  contre  Anaclet.  Tel  est  le  principal  sujet  des      Ep.  124,125 
épîtres  à  Hildebert ,  archevêque  de  Tours,  à  Geoffroy  de  126,  i5i.(i5,' 
Loroux ,  aux  évêques   de  Limoges  ,  de  Poitiers  et  de  Péri-  '  ^  '  '  '  '  ^^  ^?-  ■> 

\T«i-i'  ^  A-'  •  '  !•'•  1»    dans  le  Rec.  des 

gueux,  a  Philippe,  usurpateur  dun  siège  archiépiscopal,  a  hist.  de  Fr.  t. 
Guillaume,  duc  d'Aquitaine,  à  Henri  ,  roi  d'Angleterre,  aux  xv.) 
Génois,  auxPisans,  aux  Milanais,  à  Louis  VI,  roi  de  France, 
et  à  l'empereur  Lothaire.  Conrad,  duc  deZéringen,  est  le  seul 
prince  auquel  Bernard  écrive  sans  l'entretenir  du  schisme  :  il      En.  n-. 
se  borne  à  le  détourner  du  projet  de  faire  la  guerre  au  duc  de 
Genève ,  Amédée.  Mais  dans  les  autres  lettres  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  ,  l'anti-pape  Anaclet ,  ou  Pierre  de  Léon , 
est  peint  sous  les  plus  noires  couleurs  :  tous  les  textes  de  la 
Bible  où  il  s'agit  de  la  cruauté  du  lion  lui  sont  appliqués. 
Son  légat,  Gérard  d'Angoulême ,  est  chargé  des  mêmes  im- 
précations. Anaclet  et  Gérard  sont ,  en  propres  termes  ,  ap- 
pelés deux  bêtes ,  l'une  plus  féroce ,  l'autre  plus  maligne  ;  illa      Ep.   127   et 
ferocior ,  ista  callidior.  Trois  motifs  déterminent  à  préférer  j^^s^r'^."^^ 
Innocent  :  c'est  un  élu  plus  digne,  son  élection  est  plus  lé-  xv,duRé"des 
gale,  et  sa  conduite  plus  régulièi'e.  Et  electus  dignior ,   et  iiist.  de  Fr.) 
electio  sànior,  et  actio  ordinabilior.  Le  duc  d'Aquitaine  ,  s'il 
favorise  Pierre  de  Léon,  s'il  continue  de  maltraiter  les  clercs 
de  Saint-Hilaire ,  est  menacé  de  la  vengeance  divine  :  sur  lui      TembiJi   et 
vont  s'appesantir  des  mains  redoutables  aux  rois  de  la  terre.  •?"•  aufert  spi- 
Quant  au  roi  de  la  Grande-Bretagne,  il  est  si  bien  disnosé  ''''"'°   P""f!.: 
en  taveur  du  véritable  pape,  que  Bernard ,  en  1 133 ,  se  con-  apud  reges  ler- 
tente  d'exciter  le  zèle  de  ce  nrmce  nar  un  simple  billet ,  plus  ''*■ 


i6o      SAINT  BERNARD,  ABBË  DE  CLAIR  VAUX. 
XII  SIFXLE.   court  encore  que  celui  qu'il  lui  avait  adressé  l'anne'e  précé- 
En.i38.(i9,  dente,  en  lui  recommandant  des  moines  envoyés  pour  ton- 
dans  le  Rec.  des  der  l'abbaye  de   Rieval.  L'abbé  de  Clairvaux  remeicie    les 
ÎJ'^   '^P^'-  '•  Génois  de  leur  dévouement  à  la  bonne  cause  ;  il  les  appelle 
Ep.  129         un  peuple  dévot  ,  gens  honorables,  cité  illustre.  Il  loue  les 
Ep.  i3o.        Pisans  de  leur  résistance  aux  menaces  et  aux  séductions  de 
Ep.  i3i,i32,  Roger,  tyran  de  Sicile.  Il  félicite  les  Milanais  d'avoir  aban- 
i33,  i34.  donné  Anaclet,  et  leur  parle  de  la  puissance  pontificale  avec 

une  exagération  très -remarquable.  Le  pape,  dit-il,  peut 
évoquer  des  confins  du  monde  et  citer  à  son  tribunal  les 
personnages  du  rang  le  plus  sublime;  il  le  peut,  non  pas 
une  fois ,  deux  fois ,  mais  toutes  les  fois  qu'il  le  juge  à  propos. 
Ep.a55.(22,  Le  zèle  de  Louis-le-Gros  contre  les  schismatiques  semblait 
dansleRec.des  refroidi;  on  craignait  qu'il  ne  permît  pas  aux  prélats  français 

hist.   de  Fr.  t.    j  '  &  1*    j      r>-^  '  r>/  t 

XV.)  de  se  rendre  au  conçue  de  Pise,  convoque  en  1104  pai"  In- 

nocent IL  Une  lettre  de  saint  Bernard  a  pour  but  d'obtenir 
cette  permission.  Pourquoi,  dit-il  au  prince,  pourquoi 
votre  fureur  s'allume-t-elle  contre  l'élu  de  Dieu,  contre  celui 
que  votre  sublimité  a  préféré  ,  même  soutenu  .•'  En  1 1 35 , 
l'empereur  Lothaire  est  prié  de  réprimer  les  partisans  de 

Ep.  139, 140.  l'anti-pape,  d'arracher  la  Sicile  des  mains  du  schismatique 
Roger ,  et  de  renoncer  à  toute  prévention  contre  les  Pisans. 
La  dernière  épître  sur  le  schisme  est  celle  qui  annonce  à 

Ep.  317.  Geoffroi  ,  prieur  de  Clairvaux,  que  les  rebelles  viennent  de 
se  jeter  aux  pieds  du  saint  père,  et  de  lui  prêter  serment  de 
fidélité. 

Vingt-six  épîtres ,  dans  ce  même  intervalle  de  11  Sa  à  11 38 , 
ont  été  adressées  à  Innocent  II ,  et  voici  à  quelles  fins  elles 
tendent.  Venger  la  mort  de  Thomas,  prieur  de  Saint-Victor, 

Ep.  i58.(2o,  attaqué  sous  les  yeux  de  l'évêque  de  Paris  par  un  archidiacre 
dansleRec.des  exactcur  :  ne  point  écouter  cet  archidiacre,  qui  s'est  réfusrié  à 

hist.   de  Fr.   t.   _,  '  i      .   ,  •    ^     •  '         v    v  1^  i 

XV.)  Ep.  lâg.  Rome,  comme  si  le  sanit  siège  était  un  asyie  pour  les  meur- 
triers et  une  caverne  de  brigands  ;  punir  les  assassins  d'Ar- 

Ep.  161  et  chambaud,  sous-doyen  de  l'église  d'Orléans;  secourir  cette 
i56.  (  21  et  24,  église,  dont  les  membres  sont  dispersés  ;  traiter  avec  clémence 
hhu  de  Fr.  1!  ^n  jcunc  homme  nommé  Daufin  ,  chef  des  voleurs  qui  ont 
XV.)  pillé  les  évêques  revenant  du  concile  de  Pise  ;  ne  plus  espérer 

Ep.  i36.(23,  la  réconciliation  des  villes  de  Crémone  et  de  Milan,  si  l'on 
dansleRec.des  j^'emploic  dcs  movcns  plus  cfficaccs ;  prononcer  entre  Phi- 

iust.   de  Fr.  t.   ,.         i  -,  •'  r  'i  ^      i'        1         a    1    '      1 

XV.)  lippe   et  Hugues,  concurremment   élus   a    1  archevêché   de 

Ep.  3i4.  Tours  ,  casser  l'élection  dt;  Philippe ,  prendre  en  pitié  celle 
Ep.  II,  dans  de  Hugucs ,  et  réprimer  vigoureusement  son  rival  ;  protéger 

Martène.  (  26 ,  Atton ,  évêque  de  Troyes ,  dont  tout  le  tort  est  de  n'avoir  pu 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.       t6i 

tolérer  les  desordres  de  son  clergé;   réserver  Bernard  des    xii  siècle. 
Portes  pour  un  évèché  qui  ne  soit  point  en  Lombardie  :  ré-   ]      7~^     T~ 

'  I       n  I    i-     '     1' 1    1    11    '  ^'    A  1      m   ^  /  dans  le  Rec.  des 

compenser  la  ndelite  cl  AdalJiei'on ,  eveque  de  1  rêves ,  revo-  hist.  de  Fr.  t. 
cjuer  la   sentence  obtenue  contre  lui  par   l'abbé  de  Saint-  xv.)-Ep.  i5o. 
Maximin  ;    ne   pas    souffrir   que    l'autorité  épiscopale   soit  d^esilfs^de^r'^i 
anéantie  par  l'abus  des  appels  au  saint  siège;  accueillir  avec      Rp. i52.(3o 
bienveillance  deux  personnages  qui  ne  sont  point  nommés  dansieRcc.des 
Eli  désignés  ;  enfin  ,  casser  l'élection  d'un  cluniste  à  l'évêché  '"*'•  '^'^  ^''•) 
de  Lang-res,  quoiqu'elle  ait  été  confirmée  par  le  roi,  et  pour      ^P-  '^'  '^' 
amsi  dire  consommée  par  la  consécration  de   1  élu.   Nous  dans  Martène. 
sommes  obligxîs  d'avouer  que  saint  Bernard  a  montré  quelque      Ep.  i55. 
partialité  dans  cette  dernière  affiiire.  Ce  cluniste,  qu'il  ap-      Ep.  176, 178, 
pelle  un  monstre,  en  dérision  aux  médians,  en  horreur  aux  '79i  i  «. 
gens  de  bien ,  avait  obtenu  l'estime  de  Pierre-le-Vénérable.  dans^Mart.     ' 
Aussi  l'abbé  de  Clairvaux  lance-t-il  contre  Pierre  des  traits      Ep.  167, 164, 
satiriques  dont  nous  ferons  mieux  sentir  l'injustice  dans  l'ar-  166.  (5?,  34, 
ticlc  qui  concernera  cet  illustre  abbé  de  Cluni.  Le  démêlé  35,d^iisieRec. 

,,7,         .  1    n  '    A    1    /     1      T  1  <->n  1  1      (leslust.detr. t. 

sur  1  élection  a  1  eveche  de  Langres  est  de  1 100,  et,  dans  le  xv.)-Ep.  169. 
cours  de  cette  même  année,  Bernard  écrivit  à  Pierre  trois 
lettres  fort  amicales,  où  il  le  remercie  de  celles  que  Pierre      Ep.14-,148. 
a  daigné  lui  adresser  dans  une  terre  étrangère.  Mais  ces  trois  149- 
lettres  paraissent  écrites  d'Italie  ,  et  par  conséquent  anté- 
rieures k  l'affaire  du  cluniste  élu  évoque  de  Langres.  Bernard 
apprit  cette  élection  eu  xevenant  en  t'rance  ;  il  s'arrêta  à 
Lyon  tout  exprès  ]}our  s'y  opposer ,  et  il  écrivit  de  Clairvaux 
au  pape  pour  la  faire  déclarer  nulle. 

Deux  autres  lettres  de  saint  Bernard  contre  la  même  élec-      Ep.  16';. 
tion  sont  adressées,  l'une  ta  Falcon,  archevêque  de  Lyon,      Ep. i68.C56, 
l'autre  aux  évêques  et  cardinaux  de  la  cour  de  Rome.  Quand  lîfs"*  af  Fr'^ t* 
labbé  de  Clairvaux  recourait  au  souverain  pontife  pour  une  xv.) 
afïtiire  importante,  il  la  recommandait  en  même  temps  à 
quelque  officier  du  saint  siège.  C'est  ainsi  qu'il  écrit  au  chan-      Ep.  160. 
celier  Aimeric   sur  l'attentat  commis  contre    le   prieur   de     Ep.  1^7.(25 
Saint- Victor  ;  au  même  chancelier,  et  à  Jean  de  Crème,  car-  dans  le  Rec.  des 
dinal  prêtre ,  sur  le  meurtre  du  sous-doyen  d'Orléans.  Une  xv.) 
autre  lettre  à  Aimeric  encore  est  de  pure  civilité  (a).  Ep.  162,163. 

Ep.  181. 

(a)  Ordre  chronologique  des  lettres  4ii)  m  — iï8,  146,  3gi.Mart. 

de  S.  Bernard,  depuis  ii'ii  jus-  i5  et  16. 

qKen  II 38.  Ann.  ii3i ,  ep.  8,  124,  laJ. 

Ann.  ii3i  ou  32 , ep.  126,  127. 
Ann.    ii3i  — n38,   ep.  98  —  107,      Ann.  ii32  ,   ep.   9,    10,   92—96, 
Tome  XIII.  X 


i6a      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX, 

\ii  SIECLE.        Sous  l'époque  suivante,  depuis  ii38  jusqu'en  1 145,  nous 

trouvons  quatre-vingt-seize  lettres,  dont  dix.  sont  adressées  ,^ 

soit  à  Louis-le- Jeune ,  soit  à  ses  ministres,  Josselin  et  Suger. 

Ep.  170.(37,  La  première  à  Louis  concerne  Geoffroi,  élu  évêque  de  Lan- 

«lansleRec.des  „,,^g    Cette  élection  n'était  pas  confirmée  par  le  prince,  qui 
liist.  de  Fr.  t.   ï'      .  ^      .  ^n  -        11        1         1       ■  ..  •  i 

X\.)  avait,  au  contraire,  ratine  celle  du  cluniste  ,  premier  elu- 

Bernard,  en  plaidant  pour  Geoft'roi,  se  permet  de  déclarer  à 
Louis  VII  que  ce  prince  ne  remplit  pas  les  es[)érances  qu'on 
avait  conçues  de  lui.  Il  nous  est  bien  pénible,  dit  la  lettre, 
d'apprendre  que  votre  conduite  actuelle   répond  si  mal  à 
votre  début.   On  doit    ici  remarquer  une  circonstance  cjui 
honore  beaucoup  Louis-le-Jeune  :  c'est  cju'après  avoir  reçu 
une  telle  épître,  il  applaudit  au  choix  cju'on  faisait  de  Ber- 
nard pour  l'archevêché  de  Reims,  et  le  pressa  d'accepter  cette 
Ep.  29,  dans  dignité.  Bernard  la  refuse  dans  une  seconde  lettre  au  mo- 
dansleRec  del  n^ï'que.  Pour  comprendre  les  suivantes ,  il  faut  savoir  c{ue 
hist.  de  Fr.  t^  Raoul ,  comte  de  Vermandois ,  voulant  épouser  Pétronille , 
XV.)  parente  d'Eléonore,  reine  de  France,  fit  casser  le  mariage 

qu'il  avait  contracté  avec  la  nièce  de  Thibaud,  comte  de 
Champagne.  Les  évêques  de  Tournai ,  de  Laon ,  de  Senlis 
approuvèrent  ce  divorce,  contre  "lequel  Thibaud  et  ses  amis 
réclamèrent  vivement  aupiès  du  pape.  Louis  VII  craignant 
de  voir  Raoul  excommunié ,  s'était  adressé  à  saint  Bernard , 
et  l'avait  prié  d'employer  son  crédit  à  prévenir  cet  anathème. 
Ep.22o.(57,  L'abbé  de  Clairvaux  répond  cju'il  n'a  pas  tant  de  pouvoir, 
dans  le  Rec.  des  ^^      g    g'j[  l'^vait ,  il  n'cu  ferait  point  cet  usa^e;  il  ajoute  que 

List,  deti-.)        ,       1   .    ^  1  '   1    '  '    1    '  '•!  1  ^ 

le  roi  accumule  pèche  sur  pecne,  quil  provoque  le  courroux 
céleste.  Le  Texte  Sacré,  cjui  représente  Dieu  comme  formi- 
dable aux  potentats,  est  cité  dans  cette  épître,  comme  dans 
un  très-grand  nombre  de  celles  c|ue  Bernard  écrit  aux  sou- 
verains. Celle-ci  se  fait  remarquer  par  des  formes  très-impé- 
Ep.22i.(58,  rieuses.  Mais  Louis,  quelques  mois  après,  en  reçut  une  plus 

3i3,  97.  i55.  3Iart.  11. 

Ann.   ii33,  ep.   129,  i3o  ,   i38  ,  Ann.  1 135  ou  36 ,  ep.  i3o. 

i58— ifi3.  Ann.  ii36,  ep.    128,    i54  ,   176, 

Ann.  ii33    ou  34,  ep.    119,   120,  178,  180,    101.  Mart.    12  —  14, 

121.  17  —  19;  ep.  i8i,  182,  254. 

Ann.  n34  ,  ep.  3i5,^i32,    i33,  Ann.  iiij ,  ep.  i5i ,  i45. 

i34,  137,  253,  i36,  3i4,  i56',  Ann.  11 38,  ep.   i47  )  i48  ,   i49  > 

157.                                             ^  i4i,  142,  i44,  3i7,  319-322, 

Ann.  ii35 ,  ep.  27,  28,  i3i , i35,  i85  ,  i65  ,  167 ,  164, 166, 168, 

i39,  i4o,  143,  173,  3i6,  i53,  169,  179. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLArRVACX.       iG3 

magtsti:iîe  encore,  où  l'on  s'a<?eusait  d'avoir  eu  trop  d'indnl-    Xli  SfECLE. 

Ijeiioe  pour  sa  jeunesse,  et  où  l'on  ne  craignait  pas  de  lui  dans  le  Rec.  dos 

appliquer  ce  verset  tl'un  psaume  :  Si  videhas  fureni ,  currehas  liist.  de  Fr.) 

cuin  eo ,  etcuui  adultcris portioacin  tiiani  ponebas.  C'est  avec 

autant  de  franchise  et  de  véhémence  que  l'abbé  de  Clairvaux 

et  l'évèque  d'Auxerre  écrivent  en  commun  au  même  roi,      Ep.226.(63, 

pour  lui  enjoindre  de  déposer  les  armes  qu'il  a  prises  contre  f^ansleRecdes 

Thibaud,  et  pour  lui  déclarer  que,  s'il  persiste  dans  ses  cri-    "*''    *^    ^'' 

minels  desseins,  il  ne  devra  pas  leur  reprocher  sa  ruine  au 

jour  où  Dieu  vengera  contre  lui  son  église.  En  écrivant  à      Ep,  342.(5i, 

Josselin  ,    évêque    de   Soissons ,   et   l'un  des   ministres    de  ['i'^^'f  ^'^■<^" 

T         •      i7Tr  -^      T^  1    /•  ■      1  I  I-  hist.  deFr.) 

JjOuis  Vil ,  sanit  Dernard  tait  beaucoup  de  comj)lnnens  au 
ministre,  et  fort  peu  d'élo£;es  du  monarque.  Il  cite,  contre      v^terraru 
celui-ci,  l'auteur  sacré  cjui  déplore  la  destinée  d'un  peuple  J"*    "^^   P"*^' 
soumis  à  un  roi  enfant.  Cette  lettre  est  de  ii4i  i  et  Louis 
entrait   dans  sa  vingt-troisième  année.  Il  s'agissait  de  l'ar- 
chevêque de  Bordeaux  ,  qui  a\'^it  déplu  à  la  cour  en  consa- 
crant un  évêque  de  Poitiers  sans  le  consentement  du  roi.  La 
«juerelle  entre  Raoul  et  Thibaud  est  le  sujet  d'une  autre  épître ,      Ep.  222.  (  îg. 
adressée  en   ii43  à  Josselin  et  à  Suger,  lesquels,  cette  fois,  dansieiiec.des 
reçoivent  une  forte  partie  des  réprimandes  prodiguées  à  leur  ^"*''  ^'^  ^'^'^ 
maître.  Que  de  tels  excès ,  leiu"  dit  Bernard ,  se  commettent 
nialgré  vous ,  on  ne  saurait  le  supposer  ;  que  vous   les  ayez 
conseillés  ,  il  est  affreux  de  le  conclure.  A  la  lin ,  cette  ex- 
trême liberté  déplut  à  Josselin ,  qui  invita  l'abbé  de  Clairvaux 
à  se  guérir  de  cet  esprit  de  blasphème  :  Salutem  in  Domino 
et  non  spiritwn  blasphemiœ.   En  recevant  cette  leçon  avec 
ime  humilité  profonde,  Bernard  observe  toutefois  que  l'in-      Ep.223.(6e, 
dignation  de  Josselin  aurait  pu  éclater  i)lus  justement  contre  «^ansieRec.des 
ceux  qui  loulent  aux  pieds  1  église;  et  tout-a-coup,  de  peur 
qu'on  ne  prenne  cette  humilité  pour  de  la  faiblesse,  il  tonne 
contre  Louis  avec  plus   de   violence  que  jamais  :  c'est  un 
enfant  dont  la  conduite,  toujours  puérile,  est  souvent  cruelle; 
qui  bouleverse  son  royaume,  dévaste  l'église,  profane  les 
choses  sacrées  ,  protège  les  impies ,  persécute  les  gens  de 
bien ,  et  sacrifie  les  innocens.  Cette  plùlippique  est  pourtant 
suivie  d'une  courte  épître  au  même  Josselin,  épître  la  plus      £p.  227. 
suppliante  que  l'abbé  de  Clairvaux  ait  jamais  écrite  :  il  de- 
mande une  chose  cm'il  déclare  difficile,  il  prie  avec  instance, 
il  implore  la  pitié  d'un  ami ,  la  bonté  d'un  père  ;  la  main  du 
Seigneur  vient  de  s'appesantir  sur  lui ,  sa  conscience  le  tour- 
.  mente,  il  s'est  condamné  à  une  dure  prison.  Quel  est  le  sujet 

Xa 


i64      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR \^AUX. 

xn  SIECLE,    (le  ces  supplications  et  de  ce  repentir?  On  l'ignore  ;  et  lors- 

qu'on  suppose  qu'il  s'agissait  des  outrages  dont  il  avaitaccablé 

son  roi,  et  dont  celui-ci  commençait  peut  être  à  se  lasser, 

Ep.  2^5.  (64,  c'est  une  conjecture  extrêmement  hasardée.  Un  dernier  billet 

ans  eRpc.des  ^  Josselin  réclame  pour  le  rétablissement  de  la  paix  de  l'é- 

hist.  de  Fr.  )  ,.        ,  •  ,     ^       ,  ,  .     .  t^  '  , 

glise  les  soins  et  les  talens  de  ce  mniistre.  Dans  une  lettre  a 
Ep. 'VSi.(6i,  Suger,  il  est  dit  que  cet  abbé  n'a  siirement  pas  contribué  aux 
Ijiirde'i-Y^l'*"  maux  du  royaume,  mais  qu'il  y  a  des  personnes  qui  les  lui  im- 
putent; et  que,  pour  démentir  ces  bruits,  il  fera  toujours  bien 
de  n'entretenir  aucun  commerce  avec  les  ennemis  de  Dieu. 

Le  roi  Roger  s'était  réconcilié  avec  te  pape;  il  demandait 
des  religieux  à  Bernard  ;  il  invitait  le  saint  abbé  à  honorer 
les  Siciliens  d'une  visite.  Aussi  ce  prince  n'est-il  plus  appelé 
le  tyran  de  la  Sicile;  la  gloire  de  son  nom  est  au  contraire 
Ep.207,2oS,  fort  exaltée  dans  trois  lettres   qu'on   lui  adresse  en    ii3q. 
^°v      9?         Nous  rencontrons,  sous  la  même  date,  une  lettre  à  Conrad, 
devenu  empereur;  on  s  empresse  de  reconnaître  son  autorité, 
en  l'exhortant  toutefois  à  obéir  au  pape,  tout  comme  il  veut 
que  ses  sujets  lui  obéissent  à  lui-même  :  voilà  quels  rapports 
entre  la  puissance  civile  et  la  puissance  ecclésiastique  éta- 
blissait labbé  de  Clairvaux.  En  ii/ji  et  ii42,  il  écrit  trois 
lettres  à  Mélisende ,  reine  de  Jérusalem.  Dans  la  première, 
Ep.  206.        il  recommande  un  jeune  homme,  son  parent,  et  donne  à  Ja 
Ep.  354.         princesse  de  très-édifians  conseils.  La  seconde  traite  des  de- 
voirs qu'elle  doit  remplir  en  qualité  de  reine  :  elle  venait  de 
Ep.  3S5.        perdre  son  époux  et  son  fils.  La  troisième  n'est  qu'une  re- 
commandation en  faveur  des  Prémontrés. 

Nous  avons  compté ,  sous  l'époque  précédente,  vingt-quatre 
lettres  au  pape  Innocent;  en  voici  trente  depuis  l'année  1 138 
Ep.  2î3.        jusqu'en  1 1/\3.  L'une  des  plus  remarquables  est  une  vive  ré- 
clamation pour  le  cardinal  de  Pise,  qui ,  après  avoir  soutenu 
l'anti-pape,  avait,  en  l'abandonnant,  contribué  à  lextinction 
du  schisme ,  et  qui  néanmoins  venait  d'être ,  contre  la  foi 
publique,  déposé  par  le  concile  de  Latran.  Bernard,  qui  a 
ramené  ce  cardinal  à  Innocent  II,  ne  veut  point  passer  pour 
un  traître;  et  c'est  avec  l'énergie  la  plus  honorable  cju'i!  pro- 
teste contre  l'injustice  qu'on  vient  de  commettre.  D'autres 
Ep.  171,172.  épitres  au  même  pontife  recommandent  Falcon,  archevêque 
(41  et  42,  dans  fjg  Lyoïi  ,  digne  du  palliinyï  ;  Adalbéron ,  archevêque    de 
deFr  )  *^'    ^     Trèves,  qu'il  faudrait  soutenir  contre  ses  suffragans  et  contre 
Ep.  177,323.  l'abbé  de  Saint-Maximin;  Pierre,  l'un  des  trois  sujets  élus  a 
Ep.  212.        l'évêché  de  Salaœanque,  et  celui  qu'il  conviendrait  de  pré- 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i65 

fërer  ;  l'archevêque  de  Cantorbe'ry  et  1  evêque  de  Londres  ;    Xil  siècle. 
l'archevêque  de  Cambrai,  et  Godescalque  ,  a]>bé  de  Saint-      Z 
Martin  eu  Artois;  l'archevêque  et  l'éghse  de  Reims  ;  Ulger,      Ep.2i4.(38, 
qui  plaide  contre  l'abbaye  de  Fontevrault;  Guy,  abbé  de  «lansieRcc.des 
Charlieu ,  en  faveur  duquel  les  évêques   de  Valence  et  de    '%'   *  ^^'^  „ 

I  I  ^     1  '•  *  '  '  ^  '■!        *  *        Ep.2io,3i8. 

Grenoble  ont  cleja  prononce  une  sentence  quil  est  urgent  (4o,dansieRec. 
de  confirmer;  Arnoul,  évêque  de  Lisieux ,  menacé  par  un  deshist.deKr.) 
comte  d'Anjou,  persécuteur  des  hommes  de  bien;  et  les  dé-      e^  inS  icta 
pûtes  de  l'église  d'Yorck ,  qui  vont  soutenir  à  Rome  des  droits      Ep.  3/,8!  (  52, 
méconnus  par  leur  archevêque.  Innocent  est  encore  sollicité  'lansieRec.  des 
pour  des  indigens,  pour  un  ami  de  Bernard,  pour  un  gen-    "p"   |,g  3, 
tilliomme  qui  entreprenait  le  voyage  de  Jérusalem.  En  plai-      Ep.  35i. 
dant  pour  Hugues,  évêque  d'Auxerre,  et  pour  son  doyen,      Kp.  349. 
l'abbé  de  Clairvaux  s'excuse  de  tant  d'impoi  tunités  :  il  ne      5'^'     ?' 
sait  rien   refuser  à  ses  amis.  On  voit  même  qu'il  épousait      Épissy.fSo, 
quelquefois  avec  légèreté  des  intérêts  qu'il  se  voyait  ensuite  dansieRec.des 
obligé  d'abandonner.  Par  exemple,  après  avoir  soutenu  Al-  ^'^'"  '^®^'-) 
vise ,  évêque  d'Arras ,  contre  l'abbé  de  Saint- Vast  et  contre 
les  moines  de  Marchiennes,  il  rétracta  la  satire  qu'il  avait 
faite  dfe  ces  religieux,  et  convint  dans  un  concile  de  Lagny, 
où  elle  lui  fut  reprochée ,  qu'il  avait  été  trompé  par  Alvise. 
Deux  de  ses  lettres   à  Innocent  concernent  les  comtes   de      Ep. 216,417. 
Vermandois  et  de  Champagne,  Raoul  et  Thibaut.  Thibaut  i^^^  *■' ',^'??"* 

,  .     .^  .  '^^S     p-         1  r  •        •  leRec.desbist. 

S  était  engage  par  serment  a  taire  lever  1  excommunication  deFr.) 
prononcée  contre  Raoul  :  Bernard  prie  le  vicaire  de  Jésus- 
'  Christ  d'annuiler  ce  serment,  et  s'étonne  c[ue  Raoul ,  après 
son  divorce,  trouve  encore  à  Rome  des  protecteurs.  Le  pape 
avait  demandé  des  religieux  à  l'abbé  de  Clairvaux;  l'abbé  ré- 
pond que,  depuis  son  retour  d'Italie,  il  a  formé  trois  non-      £„  J84. 
veaux  établissemens ;  qu'il  en  va  commencer  d'autres;  qu'en 
conséquence ,  il  ne  peut  envoyer  aucun  moine  à  Rome.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  l'ingratitude  d'Innocent  II  envers  saint 
Bernard  :  celui-ci  ayant  laissé  distribuer  aux  pauvres  les      Ep.  218. 
biens  du  cardinal  Yves ,  conformément   aux   dernières  vo- 
lontés de  ce  légat ,  le  souverain  pontife ,  cmi  les  voulait  pour 
lui-même  («),tit  éclater  contre  l'abbé  de  Clairvaux  beaucoup 

(«)  Amissa  gratia  Innocentii ,  quam  tôt  laboiîLus  ,  tôt  obsequiis  me- 
ruisset.  Ivonis  cardinalis  legati  bona  ,  in  causa  ,  distributa  paiiperibus , 
quœ  pontifici  forent  reservanda  ;  et  distributio  iniputara  Bcrnard'o  diiplici 
titulo  :  quôd  distributor  designatus  in  testamento  ,  et  quôd  paupeium 
causœ  promotov  vel  ultroneus  se  ipsum  gessisset.  Difficile  Innocentio 
■ïisum  est,  inconsulto  Bernardo  jpatratum  quidquani ,  et  erat  in  eâ  causa 


iG6      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

xn  SIECLE,  tle  mauvaise  humeur.  Sa  Sainteté  parla  de  l'abbé  comme  d'un 
importun  qui  la  fatiguait  par  l'indiscrétion  de  ses  demandes 
et  par  la  multitude  de  ses  lettres.  Sur  ce  qui  concerne  l'ar- 
gent du  cardinal  \ves,  la  justification  de  saint  Bernard  est 
noble  et  concise  :  il  n'a  point  conseillé  ce  legs;  il  n'a  point 
désiré  d'être  chargé  de  cette  distribution  ;  il  ne  l'a  pas  faite 
lui-même  ;  deux  abbés  l'ont  exécutée  sans  lui  et  à  son  insu  : 
du  reste,  s'il  n'est  pas  insensible  aux  dédains  d'un  pontife 
dont  il  croyait  avoir  mérité  la  bienveillance ,  il  ne  s'en  plaint 

au'avec  modestie  et  dignité.  Nous  n'avons  plus  à  indiquer 
autres  lettres  à  Innocent  II ,  que  celles  où  il  s'agit  d'Aoai- 
lard.  Elles  sont  au  nombre  de  cinq,  en  y  comprenant  celle 
Lp.  lyo.         qui,  à  cause  de  son  étendue,  a  été  mise  par  Mabillon  au 
nombre  des  Traités.  Bernard ,  tantôt  en  son  propre  nom , 
Ep.  189,330.  tantôt  au  nom  de  plusieurs  prélats,  allume  contre  un  théo- 
( ^7  et /,8 , dans  i^pjgj^  imprudent  le  courroux  du  chef  de  l'éelise.  Voyez, 
de  Fr.  )  -  Ep.  dit-il ,  commc  les  scandales  se  succèdent  sans  interruption  ! 
191,  337.  A  peine  est-on  délivré  d'Anaclet,  qu'on  voit  s'avancer,  après 

ce  /ion ,  un  dragon ,  ou  un  autre  Goliath.  C'est  en  se  com- 
parant lui-même  à  David  que  le  saint  abbé  raconte  l%défaite 
d'Abailard  au  concile  de  Sens  :  il  ne  veut  pas  qu'on  reçoive 
à  Rome  l'appel  du  faux  docteur  condamné  par  ce  concile. 
Toute  indulgence  est  criminelle  envers  un  présomptueux 
qui  pense  sur  la  Trinité  comme  Arius ,  sur  Jésus -Christ 
comme  Nestorius,  sur  le  libre  arbitre  comme  Pelage  :  il  est 
temps  de  s'armer  du  glaive.  Innocent,  déjà  vainqueur  du 
lion,  doit  fouler  aux  pieds  le  dragon,  ^ccingere  gladlo  tuo , 
concidcahis  îeoneni  et  draconeni. 

Saint  Bernard  a  écrit  à  diverses  personnes  douze  autres 
Ep.  327.        lettres  contre  Abailard.  La  première  est  une  réponse  à  Guil- 
laume de  Saint-Thierry ,  qui  l'avait  exhorté  à  réfuter  les  er- 
Ep.  336.        reurs  de  ce  théologien.  Les  autres  sont  adressées  à  un  abbé, 
Ei)  i!i7.(/,6,  ^^^^  évêques  convoqués  à  Sens,  aux  prélats  de  l'éarlise  ro- 

«lansleRec.  des  .  <      i-  ^i-  ■      t    •  1       11  ^  i  i- 

hist.  deFr.)  maïuc  ,  a  divcrs  cardinaux  individuellement,  au  chancelier 
Ep.  188.  Aimeric.  Nous  y  lisons  cju' Abailard  est  le  précurseur  de 
?-P-^^''|\*'  l'antechrist  ,  un  fabricateur   de  mensonges,  un  fauteur  de 

i<p'  193',  196!  dogmes  pervers,  un  hérétique  dont  il  faut  punir  l'opiniâtreté. 
'Ep.338.(/,9,  Il  est  aussi  question  d\Abailard  dans  une  épftre  oii  l'évêque 

dans  le  Rec.  des  ^Je  Constance  cst  prié  de  chasser  ou  d'incarcérer  Arnauld  de 

h)st.  de  Fr.  )  .  '^ 

suspectiis  sanctus,  proprià  quia  pauperum ,  aut  propriis  praefercndâ 

Bollaïui  .Aiig.  t.  IV,  p.   178. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       167 
Bresse,  Arnaukl,  qui  ne  mange  ni  ne  hoit,  et  qui,  comme  le    xil  SIECLE. 
de'mon,  n'a  faim  et  soif  que  du  sang- des  canes.   Un  légat,      Ep.  i95.(/i4. 
protecteur  du  même  Arnauld,  est  aroèremeut  réprimandé,  'ifisieùec.  des 
Toutes  ces  lettres  sont  de  l'année  i  ido^  ffiii  est  aussi  l'énociue  '"*'•/'=  ^^■) 

11  /A  1  ■  11      ^    >   ,T  1    V.    •'^  Homo      est 

de  deux  autres  epitres  dogmatiques,  luneanugues  de  Sanit-  neque  mandu- 
Victor,  sur  le  baptême,  l'autre  aux.  chanoines  de  Lyon,  cans, neque bi- 
contre  la  fête  de  i'immieuîée Conception.  Nous  retrouverons  'j^"*' *°'o'^"'« 
la  première  parmi  les  1  raites  ;  la  seconde  oppose  a  une  nou-  riens  et  siticns 
veauté  liturgique  l'antique  foi  de  l'église  sur  la  tache  origi-  sangiiinem  ani- 
nelle  de  tous  les  enfans  d'Adam.  marum. 

Guy  du  Châtel ,  l'un  des  cardinaux  auxquels  l'abbé  de      Ep!  1V4. 
Clairvaux  écrivait  contre  Abailard  ,  devint  pape  en   11 43,      Ep.  192. 
sons  le  nom  de  Célestin  II ,  et  reçut  du  même  abbé  trois 
autres  lettres  :  la  première,  contre  un  Guillaume  qui  venait      Ep.  2Î3. 
de  s'emparer  du  siège  d'Yor.k,  et  qu'Innocent  avait  honoré 
d'une  faveur  dont  le  scandale  est  ici  exprimé  bien  énergique- 
ment  :  Monstratur  digito  matris  ecclesiœ  turpitudo,  patris 
Imiocentii  verenda  irridentiir ,   revelata  a  seivo  nequain\  la 
seconde  ,   contre  Raimond ,   qui  abandonnait   sa    fonction      Ep.  359. 
d'abbé  de  Morimond  pour  courir  à  la  Terre  Sainte  ;  la  troi- 
sième, contre  les  ennemis  de  Thibaut ,  comte  de  Champagne.      Ep.:î58.(G5, 
Six  autres   lettres  sont  adressées  aux  prélats  de  la  cour  de  «lansleRec.  des 
Rome,  et  spécialement  aux  évêques  cf'Ostie ,  de  Frascati  et  '"''•  •^•^f^'") 
de  Palestrine.  L'une,  écrite  sous  Innocent  II,  a  pour  objet      Fp.2i9.(56, 
l'interdit   qu'on  a  jeté  sur  Ip  royninne  de  France,    afin   de  v"'j^p?"{^" 
soutenir  contre  Louis  VII  le  comte  de  Champagne  et  Pierre    '*^    ^   ' 
de  la  Châtre ,  élu  h.  l'archevêché  de  Bourges.  En  se  plaignant 
de  cet  interdit  comme  d'une  mesure  trop  sévère,  saint  Ber- 
nard n'en  conteste  pas  la  justice  ;  il  demande  plus  d'indul- 
gence pour  le  coupable  monarque.  Une  seconde  lettre ,  écrite      Ep.  224.  (62, 
en  ii4^à  Étiennede  Palestrine,  contient  la  plus amère  satire  f'^nsieRecdes 
de  la  cour  de  France.  Dans  les  quatre  autres  de  ces  épîtres    '"*'"  ^^  ^"^'^ 
il  s'agit  du  diocèse  de  Metz,  dévasté  par  Mathieu,  duc  de      Ep.23o.(6f>, 
Lorraine;  des  abbés  de  Saint-Chaffre  et  de  Lagny;  enfin   de  ''<;'"» '"^i^^c. des 
ce  Guillaume,  archevêque  d'Yorck ,  contre  lequel  l'autorité  '"e  '^282 
de  Célestin  a  déjà  été  si  ardemment  invoquée.  Ep.  a3i! 

La  correspondance  avec  les  évêques  de  France  et  d'Angle-  ^P'  *^^' 
terre  consiste  ici  en  neuf  lettres  :  une  à  Falcon ,  évêcîue  de  Ep.  173. 
Lyon,  pour  l'informer  qu'on  a  écrit  en  sa  faveur  à  Inno- 
cent II  ;  une  à  Ulger  d'Angers ,  sur  son  différend  avec  l'ab-  Ep.  200. 
baye  de  Fontevrault  ;  une  à  Atton  et  au  clergé  de  Troycs  Ep.  2o3. 
contre  un  sous-diacre  qui  voulait  se  marier  e*;  prendre  le 


Xn  SIECLE. 

Ep. 
Ep. 
357. 

2o5. 

341,356, 

Ep. 

202. 

168      SAINT  BERNARD,  ABYSÈ  DE  CLAIRVAUX. 

parti  des  armes  :  7iec  clerici  est  pugnare  armis  nnliiaiihus , 
nec  suhdiaconi  iixorem  duccre  ;  une  à  l'évêque  de  Rochester, 
sur  le  séjour  de  Robert  Pullus  à  Paris;  trois  de  pure  amitié 
à  Malacliie,  prélat  d'Irlande;  une  au  clergé  de  Sens,  pour 
l'engager  à  ne  point  précipiter  l'élection  de  l'archevêque  ;  une 
Ep.  36i.  enfin  \  Thibaut  de  Cantorbéry,  pour  solliciter,  en  faveur  de 
Jean  de  Sarisbéry ,  les  plus  prompts  secours  pécuniaires  : 
Providete  ei  unde  honesth ,  immo  honorahditer  vwere  possit ; 
sed  et  hoc  'velociter,  quia  non  liahet  qub  se  vertat. 

Les  affaires  ecclésiastiques  et  politiques  occupaient  telle- 
ment saint  Bernard ,  que  nous  ne  trouvons  ,  sous  cette  époque , 
cpie  quatorze  lettres  écrites  par  lui  à  des  moines  ou  pour  des 
Ep.  4iOi        intérêts  de  moines.  Il  recommande  à  Gilduin ,  abbé  de  Saint- 
Victor,  et  à  sa  communauté,  un  théologien  qui  est  devenu 
Ep.  201.        célèbi'e  sous  le  nom  de  Pierre  Lombai'd.  Il  donne  des  con- 
Ep.  324, 323.  ggiis  \^  Bauduin  ,  abbé  de  Riéti ,  et  h  Robert,  abbé  des  Dunes, 
Ep.  27,  dans  qui  fut  dcpuis  son  successeur  à  Clairvaux.  11  entretient  l'abbé 
iMaitL-ne.  (  43 .  (fe  Hautecombe  du  projet  d'établir  en  Sicile  une  colonie  de 
dans  le  Rec.  des  j.gijpigux  :  il  Suffirait  de  profiter  de  l'occasion  qui  s'offre  par 
le  mariage  du  fus  de  Roger  avec  la  fille  du  comte  1  hibaut. 
Ep.  204.        Il  témoigne  à  l'abbé  de  Saint-Aubin  un  grand  désir  de  le 
Ep.  345.        voir.  Il  blâme  les  religieux  de  Saint-Anastase ,  qui,  sous  le 
prétexte  de  l'insalubrité  des  lieux  qu'ils  habitent,  ont  recours 
à  la  médecine;  c'est,  aux  yeux  de  Bernard,  un  outrage  à  la 
pureté  de  la  vie  monastique.  Species  emere ,  quœrere  medi- 
cos ,  accipere  potionee ,   religioin  indecens  est  et  contrariwii 
puritati;  maximeque  ordinis  nostri   nec  honestati  congruit, 
Ep.  iSG.        nec  puritati.  Il  recommande  les  religieux  du  monastère  de 
Vaucelles  à  Simon ,  fils  du  châtelain  de  Cambrai ,  et  le  prie 
Ep.  197.        de  confirmer  une  donation  faite  par  son  père.  Il  prescrit  à 
Pierre  ,  doyen  de  Besançon ,  qui  avait  maltraité  l'abbé  de 
Ep.353,35o.  Charlieu,  de  ne  plus  persécuter  les  saints.  Il  console  Guil- 
laume, abbé  de  Rieval,  qu'affligeait  l'ordination  d'un  arche- 
Ep.  233.        vêciue  d'Yorck  dont  nous  avons  déjà  fait  mention.  Il  répri- 
mande Jea-îi,  abbé  de  Rusai,  qui  déserte  son  abbaye  pour 
vivre  dans  la  solitude.  Cette  lettre  s'annonce  comme  la  troi- 
sième au  même  personnage ,  et  sur  le  même  sujet  ;  mais  les 
deux  premières  sont  perdues.  Un  religieux  de  Dijon  avait 
Ep.  234.        écrit  contre  Bernard  :  Bernard  intercède  pour  ce  religieux 
auprès  d'Herbert,  abbé  de  Saint-Etienne.  Nous  terminerons 
ce  qui  concerne  cette  avant-dernière  époque  ,  en  indiquant 
Ep.  228.        ïi"*?  lettre  fort  amicale  et  fort  polie  que  Xixbhé  de  Claii'vaux 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       169 

écrivait  eu  ii43  à  l'abbe  de  Cluui ,  Piene-le-Ve'nérable  (a).    ^H  SIECLK. 

Entre  cent  quarante-deux  ëpîtres  que  nous  avons  réser-  ' 
vées  pour  la  dernière  époque ,  il  y  en  a  trente-deux  dont  la 
date  n'est  point  connue.  Quelques-unes  pourraient  être  an- 
térieures à  l'année  i  il\5  ;  mais,  en  général,  nous  les  croyons 
mieux  placées  sous  le  pontificat  d'Eugène  III.  Voici ,  au  sur- 
plus, en  .quoi  elles  consistent,  et  à  qui  elles  s'adressent. 

A  deux  époux,  pour  les  exciter  à  faire  l'aumône;  à  des      Ep.  i,  dam 

amis,  sur  les  progrès  qu'ils  ont  à  faire  dans  la  piété,  sur  '^a'"'*"^- 

^       ,       ,  ,.  r      p         ^  .        '   .  ,   X  '  .  Ep.  20,  34, 

ceux   qua  deja  taits  un  certain  Etienne,  sur  des   services  4, 9 et  23, dans 
demandés  ,  rendus  ou  à  rendre.  Ce  que  vous  desirez ,  dit  Martùuo. 
Bernard  dans  l'une  de  ces  lettres ,  je  l'ai  fait ,  quoiqu'il  ne  me 
convienne  guère  de  me  mêler  d'un  tel  genre  d'affaires  ;  car 
que  m'importent  vos  propriétés,  vos  projets,  vos  mariages.^ 
Deux  billets  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  recommander  les      Ep.  6 ,  dans 
personnes  cfui  les  portent,  mais  dans  l'un  desquels   nous  Maitene. 

*  i,  *  .  T1  7^  ..  tp.   liUl. 

remarcjuons  le  mot  manerics,  avi  lieu  de  rnoaus ,  pour  signi- 
-lîer  manière.  Un  autre  billet  à  un  juge,  dont  le  zèle  pour      Ep.  5,  dan» 
l'abbaye  de  Fontevrault  s'est  refroidi.  Réponse  à  un  homme  ^'^"'^"'=- 
i  imputait  à  Bernard  la  mauvaise  distribution  des  aumônes      Ep.  416. 
u  comte  de  Champagne  ;  le  saint  abbé  déclare  qu'il  n'en 
est  point  le  dispensateur.  Réponse  à  l'archidiacre  d'Orléans,      Ep  4o3. 
ui  voulait  savoir  si  un  baptême  conféré  au  nom  de  Dieu  et 
e  la  vraie  croix  était  valide  ;  Bernard  le  juge  tel ,  et  l'on 
doute  de  l'authenticité  de  cette   réponse,  qui   n'est  point 
conforme  en  effet  à  la  doctrine  reçue  dans  l'église.  Lettre  au      Ep.  21,  dans 
prieur  de  Clairvaux,  en  lui  adressant  un  jeune  homme  qui  Manène. 
veut  embrasser  l'état  monastique  ;  à  des  abbés  ou  supérieurs      ^P-  ^^  et  \i, 

dans  Martène. 

(a)   Ordre  chronologique  des  épîtres  Ann.    ii4i.   Ep.   356,    198,   199, 

de  S.  Bernard^  depuis  l'an  iiSg  SSg  ,  349  ,  35o,  35 1,  346,  347, 

jusqu'en  ii45.  342,  348,  188,  197,  353. 

Ann.  ii4i  ou  42.  Ep.  216 ,  217. 

Ann.  1 1 39.  Ep.  170,  214.  Mail.  29.  Ann.   1142.   Ep.  218,   219,   357, 

173,  i83,  207,  208,  209,  323,  206,  354,  355. 

177,  2i3,  212,  211,  210,  3i8,  Ann.  1142  ou  43.  Ep.  220. 

334,325,327.  Ann.  1143.  Ep.  221,  222,  223, 

Ann.  ii39  ou  4o.  Ep.  171,  172,  38i ,  224,  227,  228,  235,  236, 

Mart.  27.  195.  359,  36o. 

Ann.  ii4o.  Ep.  174,77,186,215,  Ann.  ii43  ou  44-  Ep.  226,  201, 

340,  184,  187,  189,  igo,  191,  23i  — 234,410. 

330,337,19a,  193,331,  196,  Ann.  1144.  Ep.  202,  225,  358, 

332-336,  338,  200,  2o3,  204,  36(. 

2o5,  345,  341.  Ann.  1144  ou  45.  Ep.  23o. 

Tome  XIII.  Y 


r 

es 

3: 


i-o      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

xn  SIECLE,    qui  sont  pries  de  recevoir  avec  bonté  des  religieux  fugitifs: 

En.  400, 406,  ^   d'autres    abbés  ,   afin   qu'ils  admettent   dans    leur  com- 

408, 417.  (24,  munauté  des  novices  trop  délicats  pour  supporter  les  austé- 

dansMariene.    j,j(-^g  jg  Clairvaux  ;  à   un  abbé,  contre  un    moine  qui   se 

Ep.aëtaa^saiis  dispense  de  la  règle  sans  nécessité;  à  un  reclus,  pour  lui 

n°  [*]  ) ,  dans  conseiller  de  fermer  aux   femmes   l'entrée  de   sa  cellule  ;  à 

M^tcne.  deux  jeunes  gens  qui  ont  promis  d'entrer  à  Clairvaux,  et 

Ep.  404.        q^i  ^^  remplissent  pas  cet  engagement  ;  à  Baudoin  ,  abbé 

Ei).4i2,4i5.  de   Chàtillon -sur-Seine  (<?) ,    qui    craignait    mal-à-piopos 

Ep.  401.        d'avoir  offensé  saint  Bernard  ;  à  Otlon,  abbé  de  Beaulieu, 

Ep.  407-        q^^[  n'a  p^ig  rendu  un  dépôt  :  il  eût  mieux  valu  vendre  les 

vases  sacrés  ;  à  un  évêc[ue ,  pour  lui  recommander  les  intérêts 

Ep.  3,  dans  d'uu  mouastcre  ;  à  l'évéque  de  Troyes  Atton  :  il  est  vivement 

Maricne.  repris    ))our   avoir    conféré   la   dignité    d'archidiacre   cà   un 

Biar'ine.'  enfant  ;  à  l'archivéque  de  Lyon ,  plus  coupable  encore  :  il  a 

Ep.  3g4.        déposé,  condannié  illégalement  fabbé  d'Aisnay;  à  Rorgon, 

Ep.  40g.        seigneur  d'Abbeville  :  il  est  prié  de  donner  à  des  moines  une 

terre  inculte ,  dont  il  ne  tire  aucun  profit.  Enfin  l'on  ne  sait 

"Tp.  28,  dans  à  qui  cst  adressée  une  recommandation  en  faveur  de  l'abbé 

Maricne.  j^  p.^j,f., 

La  plupart  de  ces  lettres  sans  date  sont,  comme  on  voit, 

du  nombre  de  celles  que  nous  avons  appelées  monastiques. 

Le  même  caractère  appartient  à  une  vingtaine  de  celles  que 

nous  distribuerons  entre  les  neuf  dernières  années  de  la  vie 

de  l'abbé  de  Clairvaux.  En  1 1 4^  1  Bernard  des  Portes ,  et  les 

Ep.  aSo.        chartreux  dont  il  est  le  prieur,  sont  exhortés  à  s'humiher 

devant  Dieu  ;  c'est  le  profit  qu'ils  doivent  tirer  du  refus  que 

fait  le  pape  de  confirmer  l'élection  de  l'un  d'eux  à  un  évêché. 

L'humilité  est  aussi  recommandée,  en    ii4<),  à   la   pieuse 

Ep.  366.        Hildegarde.  Geoffroi  de  Perronne  qui  se  voue  au  cloître  est 

Ep.  109,110.  loué  de  cette  résolution,  et  ses  parens  en  sont  félicités.  Vers 

Ep.  382, 383,  les  mêmes  temps  ,  quatre   lettres  sont   adressées  soit   aux 

384,385.  moines  de  Saint-Bertin  ,  soit  cà  leur  abbé  Léonins:  il  est 

queslifon,  dans  l'une,  du  moine  Thomas  qui  a  fait  vœu  de 

venir  à  Clairvaux,  et  qu'il  n'en  faut  point  empêcher.  Une 

[*]  Cette  lettre  n'étant  point  nunîérotée  dans  la  collection  rie  Martène, 
le  n"  xxn  y  est  appliqué  à  l'épître  que  nous  appelons  la  23*";  la  même 
différence  a  lieu  à  1  égard  des  suivantes ,  jusqu'à  la  36*^  qui  porte  ,  chea 
Martène  ,  le  n"  xxxv. 

(a)  Ce  Baudoin  est  le  même  qui  fut  ensuite  évèque  de  Noyon ,  et  auquel 
est  adressé  le  billet  de  recommandation,  ep.  402. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       171 

épttre  à  ce  Thomas  lui-même  est  destinée  à  l'affermir  dans    xii  SIECLE. 

ce  dessein  ;  et  il  s'agit  aussi  de  ce  religieux  dans  une  missive   "eJTios! 

a  l'evêque  d'Arras  ,  Alvise  ,  qui  voulait  que  Thomas,  reçu  à      Ep.  395. 

Glairvaux,  fut  renvoyé  à  Saint-Bertin  :  «  Si  je  ne  craignais, 

«  dit  Bernard ,  de  manquer  au  respect  dû  à  un  évêque ,  je 

«  vous  dirais  comme  aux  cnfans  de  Zébédée  :  vous  ne  savez 

«ce  que  vous  demandez.»  Bernard,  en    11 48,   console  les      Ep.  374.   . 

religieux  d'Irlande,  qui  pleurent  la  mort  de  Malachie.  Dans 

le  cours  des  années  1 149  ^i  i  i5o  ,  il  écrit  à  Pierre  le  Véné-      Ep.  265, 267. 

rable  cinq  lettres  polies,   modestes  et  même  amicales  :  il  387,389,364. 

T^  .1  T  .  .     .  1         (94  1    dans    le 

joarait  que  certAnis  mots  dune  lettre  cjui  ne  subsiste  plus  Rec.desList.de 
avaient  pu  offenser  l'abbé  de  Cluni  ;  Bernard  lui  en  demande  Vr.) 
excuse,  et  en  rejette  la  faute  sur  ses  secrétaires,  qui,  dit-il, 
saisissent  mal  sa  pensée,  et  se  permettent  des  expressions 
qu'il  effacerait,  s'il  avait  le  temps  de  revoir  ce  qu'ils  écrivent: 
mais,  dans  la  suite,  il  relira  toute  épître  que  Pierre  devra 
recevoir.  Quelque  curieux  que  soient  ces  détails ,  la  plus  im- 
portante de  ces  cinq  lettres  est  celle  où  l'abbé  de  Cluni  est      Ep.  564. 
invité   à   l'assemblée  qui  va  se   tenir   à  Chartres  ,  et  dans 
laquelle  on  doit  proposer  une  nouvelle  croisade ,  pour  répa- 
rer, s'il  se  peut,  les  malheurs  de  l'expédition  de  ii47-  Un 
religieux  de  Chésy ,  admis  à  Clairvaux  ,  donne  lieu  a  une      Ep  2^3. 
lettre  écrite  vers   ii5o  à  l'abbé  de  Moutier-la-Celle.  C'est 
aussi  l'époque  de  celle  où  Bernard  intercède  auprès  de  Guy,      Ep.  297. 
abbé  de  Moûtier-Ramey ,  pour  un  religieux  fugitif,  et  peut- 
être  encore  de  celle  où  il  entretient  le  même  abbé  de  l'office      Ep.  398. 
divin  et  du  chant  ecclésiastique,  en  lui  envoyant  un  hymne, 
deux  sermons  et  douze  répons ,  composés  par  l'abbé  de  Clair- 
vaux,  à  la  prière  de  Guy,  pour  la  fête  de  Saint-Victor.  Des 
plaintes  de  l'abbé  de  Prémontré  contre   Bernard    obligent 
celui-ci  de  rappeler  tous  les  services  qu'il  a  rendus  aux  Pré-      Ep.  2 53. 
montrés.  Nous  avons  parlé  de  l'abbaye  de  Cherval ,  fondée 
près  de  Milan  par  saint  Bernard  :  Brunon,  qui  gouvernait 
cette  abbaye  ,  s'était  choqué  de  quelques  avis  cnaritables  que 
le  respectable  fondateur  lui  avait  donnés  ;  cette  mauvaise 
humeur   de  Brunon  lui  attii^a ,  en    iiSa,  une  réprimande      Ep.  281. 
beaucoup  plus  sévère,  moins  pourtant  que  celle  qu'adressa 
Bernard,  en  11 53,  à  un  séculier  qui  voulait  empêcher  un      Ep.  292. 
de  ses  parens  de  se  faii'e  moine. 

Un  moine ,  prédicateur  sans  mission ,  excitait  les  peuples 
à  massacrer  les  juifs  :  c'est  pour  mettre  fin  à  ce  désastre  que      „     ,gg 
Bernard  écrit  à  l'archevêque  de  Mayence.  Il  recommande  à      Ep'  263. 

Y2 


1-72      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE,    l'evêque  de  Soissons  les  intérêts  de  l'abbé  de  Chézy.  D'autres 
lettres  aux  évêques  n'ont  plus  rien  de  relatif  aux  monastères» 

Ep.  426-  On  a  inséré,  parmi  ces  lettres,  une  charte  de  11 45,  sous- 
crite par  l'abbé  de  Clairvaux ,  en  qualité  de  médiateur,  entre 
Hugues,  évêque  d'Auxerre,  et  le  comte  de  Nevers.  De  plus 

Ep.  372, 425,  véritables  épitres ,  adressées  à  Pierre,  évêque  de  Palenza  en 
3si2,  393.  Espagne,  à  l'evêque  de  Lucques,  à  Raoul,  patriarche  d'An- 

tioche,  à  Guillaume  ,  patriarche  de  Jérusalem  ,  n'ont  presque 
d'autre  objet  que  d'exposer  à  ces  prélats  les  avantages  de 
l'humilité  :  elle  doit  couronner  et  garantir  les  vertus  épisco- 
pales  ;  par  elle  seule,  on  est  rassuré  contre  les  chûtes  :  hu- 
militas  non  habet  undè  cadat.  On  voit  qu'ici  le  mot  humilitas 
est  ramené  à  sa  racine  humus  ;  quand  on  est  à  terre,  on  ne 

Ep.  272.  craint  pas  de  tomber.  L'evêque  de  Laon  est  invité  à  se  ré- 
concilier avec  le  porteur  d'une  lettre  que  Bernard  lui  écrit 

Ep.  390.  vers  liai.  L'année  suivante,  le  saint  abbé  remercia  Eskile, 
évêque  de  Lunden,  de  l'amitié  que  ce  prélat  lui  témoignait  : 
Eskile  méditait  en  secret  de  se  retirer  à  Clairvaux. 

Lorsquen    11 45,  les  cardinaux  et  les  évêques  de  Rome 
eurent  élu  pape  l'abbé  de  Saint-Anastase  ,  Bernard  leur  en 

Ep.  237.        exprima  sa  surprise.  «  Qu'avez-vous  fait  ?  C'est  un  solitaire , 

Rustiramim,  ^^  ^^  villageois,  un  homme  obscur  que  vous  chargez  de  pré- 
«  sider  les  rois  ,  de  régler  les  destinées  des  royaumes  et  des 
«  empires'.  »  Ad  prœsidenduin  regibus,  ad  régna  et  imperia 
disponenda!  En  traçant  ici  le  tableau  des  fonctions  pontifi- 
cales, l'auteur  y  comprend  celle  d'enchaîner  les  rois  de  la 
terre;  et  il  emprunte,  pour  la  désigner  ou  pour  la  peindre, 
ces  paroles  du  psaume  :  Ad  aUigandos  reges  eorwn  in  com^ 
pcdibus  et  nohiles  eorwn  in  mauicis  ferreis.  Bernard  craint 
que  son  ancien  disciple   ne  succombe  sous  le  poids  de  ces 

Ep.  3C2.         grands  devoirs.  Il  conjure  Robert  PuUus  d'aider  de  ses  con- 

Ep.  2.',3.  seils  le  nouveau  pontife.  Il  rapjx'lle  à  l'obéissance  les  Ro- 
mains ,  qu'Arnauld   de  Bresse  a  soulevés  contre  Eugène.  II 

Ep.  367.        s'intéresse  pour  l'evêque  de  Metz  auprès  du  chancelier  Guy, 

Ep.  368.  personnage  distinct  d'un  cardinal  Guy  qu'une  autre  lettre 
remercie  des  vases  sacrés  dont  il  a  fait  {)résent  à  l'église  de 

Ep.295,296.  Clairvaux.  Guillaume  Passavant,  évêque  du  Mans,  est  re- 
commandé, tant  au  cardinal  Henri  cpi'à  l'evêque  d'Ostie. 
Cinq  autres  lettres  à  ce  dernier  roulent  sur  differens  sujets  : 

Ep.  ?.o^.        l'une  est  une  apologie  modeste  et  tant  soit  peu  chagrine  ; 

Ep.  27/,.  une  seconde  rétracte  une  recommandation  que  l'on  a  surprise 
à  Bernard  en  faveur  d'un  neveu  de  l'evêque  d'Auxerre.  Les 


SAINT  BERNARD ,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       173 
deux  suivantes  recommandent  Odon,  abbé  de  Saint-Denis,    ^n  SIECLE, 
et  Henri,  évêque  de  Beauvais.  La  cinquième  offre  le  tableau      £0.287,30'-". 
des  dére'glemens  du  cardinal  légat  Jourdan  des  Ursins  :  cet  (106,  dans  le 
homme  apostolique  sème,  non  l'évangile,  mais  le  sacrilège.  J^'^p,'^-.*^*  ^'"'' 

Ovines  ecclesias mr  apostolicas  reple<.'it  non  evangelio ,  jp.    ,00 

sed sacrilegio :  turpia  fertiir  uhiqiie  commisisse,  spolia  ecclesi-  (no,  ibicl.y 

arum  asportasse ,  forniosulos  pueros  in  eccJesiasticis  honori- 

bus ,  ubi potuit ,  proinovisse ,  uhi  nonpotuit,  voluisse.  Multi 

se  redemenint  ne  veniret  ad  eos  ;  ad  quos  peivenire  non  po- 

tuit,  exegit  et  extorsit  per  nuntios.  In  scholis ,  in  curiis ,  in 

tm'iis  se  ipsum  fahulam  fecit.  Cette  pièce  et  quelques-unes 

des  précédentes  sont  de   11 53,  aussi  bien  qu'une  épître  à      Ep.  302. 

deux  légats  apostoliques,  pour  défendre  la  cause  de  l'évéque 

de  Mayence  ,  qui  pourtant  fut  déposé. 

La  première  lettre  à  Eugène  III  est  de  félicitation ,  ou  plu-      Ep.  ass. 
tôt  de  condoléance,  sur  son  exaltation.  Elle  se  termine  par 
des  plaintes  au  sujet  de  Guillaume ,  usurpatevir  du  siège 
d'Yorck  ,  plaintes  reproduites  dans  trois  autres  lettres  de      Ep.23o, 240, 
Bernard  au  même  pape.  Il  lui  dénonce  aussi  l'élection  ré-  ^^^ 
cente  d'un  évêque  de  Rhodes  ,   lequel    est  peint  des  plus  dans  le  Rec.  des 
noires   couleurs    et  dans  cette  lettre    et  dans  celle  qui  est  iiist.  deFr.) 
adressée  à  l'évêqiie  de  Limoges ,  chargé  par  Eugène  d'exa-      Ep.  329. 
miner  cette  élection.   L'une  des  épîtres  écrites  au  nouveau      Ep.309. (70, 
pontife   en   ii45,  contient  un  très-gi-and  éloge  de  Suger.  tiansieRec. des 
Rualenus  a  été,  malgré  lui,  élu  pour  succéder  à  Eugène  dans  '"*''  ^^  ^'•^ 
la  dignité  d'abbé  de  Saint-Anastase  :  Bernard  demande  que      Ep.  258. 
Rualenus  ne  soit  pas  contraint  de  l'accepter;  mais  le  pape 
veut  que  l'élection  ait  son  plein  effet ,  et  Bernard  applaudit      Ep.  259. 
à  cette  sentence  :  il  conjure  même  Rualenus  de  ne  ))oint  ab-      Ep.  260. 
diquer  sa  fonction  d'abbé.  Ailleurs,  le  pontife  est  fort  loué      Ep.    245 


et 


de  ce  qu'il  refuse  au  roi  de  France  la  grâce  d'Hélie,  évêque  ^4^-  (7^  et  7/5, 
d'Orléans  ;  il  est  invité  à  se  guérir  des  préventions  injustes  ],j'"t*  jg  py\  ^* 
qu'il  a  conçues  contre  Samson  ,  archevêque  de  Reims,  et  à  Ep.247.(75, 
se  défier,  au  contraire,  de  l'évéque  de  Séez,  prélat  astucieux  '^"'^•) 
qui  veut  substituer  des  chanoines  séculiers  a  des  réguliers.  //,,,/)' ^^        ' 
On  s'intéresse  aiqjrès  d'Eugène  pour  le  prieur  de  la  Chaise- 
Dieu,  qui  vient  d'être  élu  évêque  de  Valence  en  Dauphiiié;  Ep.  249.(77, 
pour  Pierre-le- Vénérable ,  qui  se  i-end  à  Rome;  pour  un  '•^''•) 
frère  Philippe,  qui  jadis  a  suivi  le  parti  de  Pierre  de  Léon ,  ^p"  257. 
mais  qui  en  fait  pénitence  à  Clairvaux  ;  pour  les  moines  de 
la  Baume,  qui  ont  aussi  expié  la  foute  quils  avaient  commise  Ep,  25r. 
envers  le  saint  siège;  pour  l'abbé  de  Samt-Urban,  trop  puni 


174      SAINT  BERNARD,  ABBii:  DE  CLAIR^'AUX. 

XII  SIECLE,    par  l'excommunication  du  tort  qu'il  a  eu  d'admettre  dans  sa 
Ep.  261.        communauté  un  chevalier  du  Temple  ;  pour  les  religieux  de 
Ep.  262.        ]\ïoussoii,  victimes  de  la  puissance  et  du  crédit  de  leurs  voi- 
sins. 11  est  à  remarquer  que,  dans  l'une  de  ces  lettres,  savoir 
dans  celle  qui  concerne  l'abbé  de  Saint-Urban  ,  le  pape  est 
Litteras    à  c[ualifié  de  majesté.  En  1 1 5o ,  il  est  supplié  de  terminer ,  entre 
vestra    mnjcs-  j^j,  j^Qi^gg  jg  Gimy  et  ccux  du  Miroir ,  un  différend  que 
Ep.  261.  Pierre-le-Venerable  na  pu  concilier,  ba  baintete  est  avertie 

Ep.  283.        qu'induite  en  erreur.  Elle  vient  d'élever  un  sujet  indigne  à 
Ep.  26S.        ^jj^  poste  éminent.  Elle  est  remerciée  de  la  lettre  qu'Elle   a 
bien  voulu  adresser  au  chapitre  de  Cîteaux ,  et  qui  a  comblé 
(le  joie  tous  les  membres  de  cette  assemblée  ;  seulement  on 
Ep.  273.        regrette  que,  devenu  cardinal  évêque  d'Ostie,  Hugues  soit 
enlevé  à  1  abbaye  de  Ti^ois-Fontaines.  C'est  encore  en   ii5o 
Ep. 236,(95,  que  le  pape  est  informé  du  projet  d'une  nouvelle  croisade, 
WsT liè^FT S*^^^  résolue  dans  l'assemblée  de  Chartres,  et  dont  Bernard  doit 
Ep.   278   et  ttre  le  chef.  Deux  fois  l'abbé  de  Clairvaux  sollicite  La  bien- 
ioS.  (<)7etioi,  veillance  d'Eugène  pour  Henri,  évêque  de  Beauvais,  frère  de 
îifsT  de^Fr  i*^"  Louis-le- Jeune  :  mais  cette  recommandation  est  peut-être 
Ep.  269.        celle  qui  est  désavouée  dans  une  lettre  de  la  même  époque. 
Ep.  270.        Une  avitre  épître  parle  des  troubles  qui  agitaient  la  grande 
Chartreuse,  et  de  ceitains  moines  indociles  que  le  pape  a 
eu  le  tort  d'accueillir.  Hugues,  évêque  d'Auxerre,  a  fait,  au 
profit  de  son  neveu ,  un  testament  dommageable  à  l'église  : 
Ep.    276.  le  saint  père  est  prié  de  le  casser  :  mais ,  de  plus ,  pour  rem- 
(  100  ,  dans  le  placer  Hugucs,  il  V  a  eu  double  élection;  et  rejetant  les  deux 

Rec.    des    hist.    K,  t-i        <  i"  '    J  •         •  1'  i  '   • 

deFr.)  élus,  Eugene  a  charge  des  commissaires  den  designer  un 

Ep.275.(99,  troisième.   Ces  commissaires  sont  au  nombre  de  trois,  et 
'*"'^)  saint  Bernard,  l'un  d'eux,  a  nommé  Alain,  qui  a  aussi  ob- 

tenu un  second  suffrage  :  le  dernier  lui  manque,  et  Bernard 
voudrai!  que  le  souverain  pontife  y  suppléât  en  confirmant 
Ep. 298,284.  les  deux  premiers.   Il  s'agit,  dans  deux  autres  épîtres ,  de 
{ loi,  ibid.)      TinfidéUté  de   Nicolas,  secrétaire   de  l'abbé  de   Clairvaux: 
Nicolas  a  supposé  des  lettres  ;  il  s'est  enfui ,  ernportant  de 
l'or,  de   l'argent ,    et  trois  cachets  ;  Bernard  est  obligé  de 
Kp-    291.  changer  son  .sceau.  Les  dernières  lettres  à  Eugène  recom- 
(102,^^/^/.)       niandeut  Guillaume  Passavant,  évêque  du  Mans,  l'évêque 
Ep!^285^èt  d'Arras,  l'église  de  Saint-Eugende ,  depviis  Saint-Claude ,  et 
286.   (  io3  et  l'abbé  de  Saint-Denis,  Odon. 

109  ,   dans  le       Maintenant ,  si  nous  rassemblons  les  lettres  adressées  aux 

deFr.)  princes  par   l'abbé  de   Clairvaux   sous  le  pontificat   d'Eu- 

Kp.  2/,i.(7i,  gène   IIÎ,  nous  rencontrons   d'abord  celle  qu'il  écrivit  eu 

ihicl. 


SAINT  BERNARD ,  ABBE  DÉ  CLAIRVAUX.        176 

ii45  à  IJrlefonse,  comte  de  Toulouse  :  envoyé  par  le  saint  >^I1  SIECLE, 
sie'ge  en  Languedoc ,  pour  y  combattre  l'hérétique  Henri , 
disciple  de  Pierre  de  Bruis ,  Bernard  annonçait  cette  mission 
à  Ildefonse.  Quand  elle  fut  terminée,  il  exhorta  les  Toulou-     Ep, 242. (8/1, 
sains  à  conserver  la  pureté  de  la  foi,  remerciant  Dieu,  crui  dans  le  Rrc.  des 
avait  jjcni  son  voyage  et  son  retour.  Lepitre  ou  1  empereur      £    ^44. 
Conrad  est  prié  de  soutenir  Eugène  contre  les  Romains  ré- 
voltés, est  cfe  1 146,  ainsi  que  la  lettre  encyclique  où  la  croi-     Ep.  ^63.(79, 
sade  est  prêchée  au  peuple  et  au  clergé  de  France.  Les  vassaux,  dans  ic  Rec.  des 
d'Ida,  comtesse  de  Nevei-s ,  tourmentaient  les  moines  de  Ve-  '^'*""  '^^  ^""^ 
zelai  :  il  la  supplie  de  mettre  un  terme  à  ces  vexations.   Il      Ep. 375.(85, 
sollicite  la  bienveillance  de  la  sœvir  et  de  la  tante  du  roi  de  ''"^'O 
Castille,  pour  des  religieux  établis  en  Espagne,  au  nombre      ep  35 'dans 
desquels  se  trouvait  son  frère  Nivard.  Une  lettre  à  Louis  VII  laCoU.deMait. 
concerne  un  seigneur  breton  excommunié  pour  cause  d'adul-      Ep.  303.(92, 
tère.  Dans  une  autre  ,  le  monarque  est  exhorté  à  confirmer  '''"') 
l'élection  d'Alain  ,  cfue  l'église  d'Auxerre  vient  de  choisir  pour         Ep.    282. 
son  évèque.  Une  dernière  parle  de  Robert  ,  frère  du  roi  :  (io5,/foV/.) 
Bernard,  C{ue  Robert  est  venu  visiter,  espère  que  désormais         Ep.    304. 
ce  prince  se  conduira  plus  sagement  qu'il  n'a  fait  jusqu'alors.  ('"7i  *'>•'•) 
Le  saint  abbé  presse  le  comte  d'Angouléme  d'exempter  ccr-        ^''  '^^^' 
tains  moines  d'un  impôt  que  ce  comte  exigeait  d'eux.  Thibaut, 
comte  de  Champagne  ,  songeait  à  pourvoir  de  bénéfices  ec- 
clésiastiques son  fils  Guillaume,  encore  enfant  :  Bernard  ne      Ep. 271.(98, 
veut  pas  seconder  ce  dessein.  J'offenserais  Dieu,  répond-il  j'-;»'''*' Rec. des 
à  Thibaut,   et  je  compromettrais  le  salut  de  votre  lils.  Ce    "^     ^   ' 
jeune  Guillaume  n'en  devint  pas  moins  archevêque  et  car- 
dinal. Un  autre  fils  de  Thibaut  lui  succéda  en  qualité  de 
comte  de  Champagne ,  et  c'est  à  lui  que  l'abbé  de  Clairvaux 
demande,  en   ii5i,  la  réparation  des  dommages  causés  à      Ep.  275. 
l'abbaye  de  ChatiUon.  Mathilde,  comtesse  de  Blois,  était  af- 
fligée de  la  conduite  peu  respectueuse  de  son  fils  :  Bernard      Ep.  3oo. 
s'applique  à  la  consoler;  il  s'efforce  d'espérer  la  conversion 
de  ce  j'eune  seigneur.  Ecrivant  en   11 53  à  Mélisendc ,  reine   .  Ep.  289. 
de  Jérusalem,  il  l'entietient  des  dcAoirs  qu'elle  doit  remplir 
comme  veuve  et  comme  souveraine.  Bernard  ,  en  cette  der- 
nière année  de  sa  vie,  songeait  encore  h  la  conquête  des  lieux 
saints,  ainsi  qu'on  le  voit  par  une  lettre  qu'il  adressait  alors      Ep.  3o8. 
au  roi  de  Portugal,  Alfonse. 

Nous  avons,  sous  les  années  11 46,  ii47i  ii48n  ii49  t't 
ii5o,  neuf  lettres  à  Suger;  mais  la  première  n'est  qu'une 
copie  d'une  épître  à  Louis  Yll  pour  le  dissuader  de  donner      r,j,.37i.(78. 


176      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

1  sa  fille  en  mariage  au  fils  de  Foulques ,  comte  d'Angers  ; 

dans  le  Rec.  des  mariage  illicite ,  selon  saint  Bernard,  parce  qu'il  y  a  parenté. 

"r'  tr  "^Ver    Sugcr  cst  loué ,  daus  la  seconde  et  dans  la  troisième,  de  la 

E)). 369. (86,         b  '•!      •      ,    r  V  1  r     '    c    •    .     /-  -  ^     i        1 

ibùi.)  reiorme  quil  vient  d  établir  a  bainte-Genevieve,  ou  des  cna- 

Ep.370. (87,  noines  réguliers  ont  remplacé  les  séculiers;  dans  la  qua- 

'"t.-    î  a  rc«    trième,  du  soin  qu'il  a  pris  de  donner  du  blé  à  des  religieux 

hp.  378.(88,  .         ^  .1  .    f  ,,       o     .    , 

ibicL)  qui  manquaient  de  pain  ;  dans  une  autre,  de  son  zèle  éclaire 

Ep.377.(9i,  pour  le  bien  public,  et  spécialement  du  dessein  qu'il  a  conçu 
'  '  ■  )  d'assembler  les  états  généraux.  Ailleurs ,  Bernard  l'implore 

Ep.379.(89,  çn  faveur  d'un  abbé  indigent,  et  le  prie  d'empêcher  un  duel 
'  "  '^  entre  Henri,  comte  de  Champagne,  et  Robert,  frère  du  roi. 

Ep.376.(9o,  Suger  a  bien  assez  de  puissance  pour  désarmer  ou  contenir 
'  "■)  de  tels  rivaux;  il  est  lui-même  un  très-grand  prince  dans  le 

royaume.    Ouia  maximus  prmceps  estis  in  regno.    Ailleurs 
Ep. 380.(93,  encore  il  lui  dépeint  fétat  déplorable  de  l'église  d'Orient,  et 
^^'^"^   nr  ,  r    ^^  Drcssc  d'v  porter  remède.  Dans  la  dernière  lettre,  Su^er 
ibid.)  mourant  est  exhorte  a  se  détacher  des  intérêts  de  la  terre  et 

à  se  préparer  à  la  vie  nouvelle  qui  va  s'ouvi'ir  pour  lui. 
Bernard  lui-même  s'avançait  aussi  vers  le  terme  de  ses 
Ep.  307.        travaux.  Dès   11  Sa,  dans  une  lettre  à  l'évêque  d'Ostie  que 
nous  avons  indiquée  plus  haut,  il  se  dit  attaqué  d'un  mal 
Ep.  304.        incurable,  et  annonce  qu'il  ne  peut  aller  loin.   La  dernière 
de  ses  lettres  à  Louis-le-Jeune  contient  des  remerciemens 
pour  l'intérêt  que  ce  prince  veut  bien  prendre  à  la  maladie 
de  l'abbé.  Mais  nous  avons  réservé,  pour  terminer  la  liste 
de  ses  épîtres ,  celles  dont  cette  maladie  semble  être  le  prin- 
Ep.  3o,dans  cipal  sujet.  En  répondant  cà  un  ami  qui  lui  avait  envoyé  un 
laCoil.deMart.  ouvrage  Utile  et  canonique ,  Bernard  écrit  qu'il  revient  des 
portes  du  tombeau;  mais  il  ajoute  que  sa  santé,  dont  on  dé- 
sespérait, commence  pourtant  à  se  rétablir;  et  c'est  à^peu- 
Ep.  26,  dans  près  dans  les  mêmes  termes  qu'il  parle  de  l'état  de  ses  forces 
laCoii.dcMait.   .\  ^^j^g  autre  personne  qui  en  était  inquiète  :  mais  bientôt  le 
danger  devint  imminent ,  et  il  l'envisagea  sans  faiblesse.  «  Je 
Ep.  288.         «  suis  une  victime  qui  va  être  immolée;  je  n'ai  pas  long- 
«  temps  à  vivre  »  ,  (fit-il  à  son  oncle ,  André ,  chevalier  du 
Temple,  qu'il  souliaite  ardemment  de  revoir,  et  dans  le  sein 
duquel  il  verse  la  douleur  dont  les  désastres  de  la  croisade 
Ep.  3io.        l'ont  navré.  Dans  une  lettre  qvi'il  adresse  à  Arnoul  de  Char- 
tres, abbé  de  Bonneval,  et  qui  peut-être  est  la  dernière  qu'il 
ait  écrite,  il  rend  un  compte  détaillé  de  faffaiblissement  de 
ses  organes  :  le  sommeil  a  fui  de  ses  yeux ,  son  estomac  ne 
supporte  plus  les  alimens  solides  ,  ses  jambes  et  ses  pieds 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       177 
sont  enfles;  il  désire  que  sa  délivrance  ne  tarde  point  :  voilà    XII  SIECLE. 
désormais  ce  que  ses  amis  doivent  demander  pour  lui  à  l'ar- 
bitre de  la  vie  et  de  la  mort  [a). 

Telles  sont  les  lettres  de  saint  Bernard.  Les  de'tails  dans 
lesquels  nous  venons  d'entrer  pour  en  rendre  comjîte ,  ont 
pu  sembler  fort  arides  ;  mais  s'ils  retracent  la  vie  de  l'illustre 
abbe',  s'ils  font  connaître  ses  relations,  ses  opinions,  ses  ha- 
bitudes ;  s'ils  manifestent  et  caractérisent  son  influence  sur 
les  institutions  monastiques,  sur  les  affaires  de  l'église  et  de 
l'état;  s'ils  le  mettent  en  contact  avec  la  plupart  des  hommes 
puissans  et  des  hommes  célèbi'es  de  son  temps  ;  s'ils  donnent 
une  idée  précise  de  son  activité ,  de  son  zèle ,  de  ses  lumières 
et  de  ses  mœurs,  nous  avons  du  les  préférer  à  des  considé- 
rations générales,  dont  nous  n'aurions  pu  garantir  aussi  bien 
ni  la  justesse  ni  l'utilité.  C'est  dans  ces  épîtres  qu'on  voit 
immédiatement,  et  pour  ainsi  dire  en  face,  l'apôtre  et  le  ré- 
formateur de  la  profession  religieuse ,  le  défenseur  des 
croyances  uaivei^seîlement  reçues  ,  l'ami  des  papes  et  leur 
conseiller  quelquefois  sévère;  plus  souvent  le  censeur  des 
rois,  et  presque  leur  juge;  par-tout  un  moine  humble  et 


(a)  Suite  de  l'ordre  chronologique  des  Ann.  ii49  ou  ii5o.  Ep.  3o3. 

épitres  de  S.  Bernard.  Ann.  n5o.   Ep.    387,    SSg  ,   38o  , 

364  >  253  ,  256 ,  266 ,  268 ,  273  , 

Ann.  n45—  ii53.  (Mart.  1—7,  9,  28.3,  293,  296,  296 ,  297,  398, 

20  —  23,   23,  28,  32,  34.)  Ep.  299. 

394 ,  399—  ^og,  412,  4i5,  4i6,  Ann.  ii5o  ou  ii5i.  Ep.  278. 

417.  Ann.  ii5i.  Ep.  270,    271  ,    272, 

Ann.    1143.  Ep.  237,362,    238,  273,276,279,305,269,298, 

239,  25o,  258,  239,  260,  328,  3o6. 

329,  309,  a4i ,  4a6.  Ann.  ii5i  ou  ii52.  Ep.  294,  284. 

Ann.  1145  ou  1146.  Ep.  245.  Ann.  ii52.  Ep.  280  ,  282  ,  281  , 

Ann.  1146.  Ep.  246,  109,  iio,  300,390. 

240,  243,244)247,  248,  249,  Ann.  ii53.  Ep.  274,  3o7  ,  3o4 , 
257,  263,  277,  371,  363,  365,  285,  286,  287,  289  —  292,302, 
366.  3o8.  (Mart.  3o,  26.)  288,  3 10. 

Ann.  1147.   Ep.   25i,   252,   367, 

368,  372,  423.  Nous  pensons  qu'on   lirait  avec 

Ann.  1147  ou  1148.  Ep.  242,  108,  beaucoup  plus  de  facilité  les  épîtres 

382  —  385,  395.  de  saint   Bernartl  ,    si   l'on  suivait 

Ann.  1148.    Ep.    261  ,    262  ,  374,  l'ordre  dans  lequel  nous  en  avons 

375,  369,  392,  393.  rendu    compte  ,    ou    l'ordre    plus 

Ann.  1148  ou  ii49-  Ep.  870.  strictement  chronologique  indiqué 

Ann.    ii49-   Ep.  3oi.  (Mart.    35.)  par  cett€  note  et  par  les  notes  pré- 

378,  379,  376,  377,  265,  267.  cédentes,  p.  i55,  i6i,  162,  lèg. 

Tome  XIII.  Z 


178      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVALX. 

XII  SIECLE,  puissant ,  un  lévite  ardent  et  désintéressé,  un  personnage 
actif  et  courageux  ,  un  grand  homme  ,  dont  les  opinions 
ne  sont  pas  toujours  saines,  ni  les  démarches  toujours  pru- 
dentes ,  mais  dont  les  mœurs  fortes  et  pures  ne  sont  jamais 
que  des  vertus. 

Le  style  de  ces  épîtres  est  fort  inégal.  Dans  quelques-unes , 
les  pensées  ont  de  la  noblesse  et  une  grâce  naturelle  qui  se 
communique  à  l'expression.  C'est  un  éloge  que  mériteraient, 
par  exemple  .j  presque  toutes  les  lettres  à  Suger ,  à  Inno- 
cent II ,  à  Eugène  II  I ,  plusieurs  de  celles  à  l'abbé  de  Cluni , 
et  celle  à  Robert,  cousin-germain  de  Bernard.  Mais  le  mau- 
vais goût  défigure  la  plupart  des  autres.  Tantôt  l'auteur  s'a- 
muse à  jouer  sur  les  mots,  et  même  sur  ceux  de  la  Bible; 
tantôt  il  s'épuise  en  déclamations  plus  violentes  qu'éner- 
giques :  souvent  il  revêt  des  idées  ou  subtiles  ou  communes, 
d'une  diction  barbare.  Il  emploie  le  mot  guerra  plus  volon- 
tiers que  hélium,  et  parle  le  latin  de  la  vulgate  beaucoup 
plus  assurément  que  celui  de  Cicéron,  ou  même  de  Lactance. 
Nous  dissimulons  d'autant  moins  ces  défauts,  que,  selon 
toute  apparence ,  le  saint  abbé  n'a  point  rédigé  de  sa  propre 
main  toutes  ces  missives.  Il  en  indiquait  le  sujet,  le  plan, les 
intentions  à  des  secrétaires  qui  n'exprimaient  pas  toujours 
assez  dignement  sa  pensée,  ainsi  que  nous  l'avons  entendu 
s'en  plaindre  lui-même  dans  une  lettre  à  Pierre-le-Vénérable. 
Composées  ainsi  par  différens  rédacteurs ,  elles  sont  diver- 
sement écrites  ;  et  nous  avons  lieu  de  croire  que  les  plus  re- 
marquables par  les  qualités  du  style,  sont  celles  dont  saint 
Bernard  se  réservait  la  rédaction  y  à  cause  de  l'importance  des 
matières  ou  de  la  dignité  des  correspoudans. 

§.  iir. 

SES  SERMONS. 

Les  sermons  de  saint  Bernard  sont  au  nombre  de  trois 
cent  quarante,  et  se  divisent  en  quatre  séries  :  1°  quatre- 
vingt-six  qui  s'adaptent  au  cours  de  l'Année  Ecclésiastique  ; 
2°  quarante-trois  sur  la  Vierge  Marie  et  sur  les  saints  ;  3"  cent 
vingt-cinq  sur  divers  sujets  ;  4^*  quatie-vingt-six  sur  le  can- 
tique des  cantiques.  Voilà  sans  doute  beaucoup  de  discours; 
mais  ils  ont,  en  général,  fort  peu  d'étendue  :  par  exemple,, 
les  quatre-vingt-six  sermons  de  la  première  série  n'occupent 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR  VAUX.       175 

que  cent  dix-iieiif  pages  ;  en  sorte  que  leur  longueur  moyenne    ^lï  siècle. 
n'est  pas  même  il'aae  j^ige  et  demie. 

Les  sept  premiers  commencent  Tannée  liturgique  ;  ils  ap- 
partiennent à  lavent.  Saint  Bernard  y  examine  pourquoi 
Dieu  le  fils  s'est  incarné  [)lutôt  que  Dieu  le  père  ou  le  Saint 
Esprit.  Il  applique  à  l'aveneniv^nt  de  Jésus-Christ  ces  paroles 
d'Isaïe  au  roi  Acliaz  :  «  Demandez  au  Seigneur  qu'il  vous 
«  fasse  voir  un  prodige.  »  Il  se  plaint  des  chrétiens  peu  soi- 
gneux de  se  disposer  à  célébrer  la  naissance  du  Sauveur.  Il 
distingue  deux  avénemens ,  lun  accompli ,  l'autre  qui  doit 
tout  accomplir  :  il  en  fait  même  observer  un  troisième,  ou 
intermédiaire  ;  c'est  la  grâce  sanctifiante  ou  l'entrée  de  Jésus- 
Christ  dans  lame  de  chaque  élu.  P]nfin,  il  soutient  que,  sans 
la  venue  du  Messie,  la  perte  du  genre  humain  était  inévitable. 

Suivent  quatre  homélies  sur  le  texte  où  saint  Luc  raconte 
comment  un  ange  fut  envoyé  à  Marie  pour  lui  annoncer 
qu'elle  serait  la  mère  du  fils  de  Dieu  :  missus  est  angélus. 
Ces  quatre  discours  forment  un  panégyrique- de  la  Sainte 
Vierge  ;  mais  l'orateur  n'y  suit  aucun  ordre  déterminé  ;  il 
se  laisse  conduire  par  son  texte,  il  en  commente  tous  les 
versets  ,  et  s'abandonne  aux  réflexions  et  aux  mouvemens 
qu'ils  lui  inspirent.  On  y  découvre  quelques  morceaux,  ou 
du  moins  quelques  traits  éloquens  ;  par  exemple ,  celui  où 
Marie  est  représentée  comme  l'étoile  de  la  mer  ,  comme 
lastre  qu'il  faut  invoquer  dans  tous  les  orages  de  la  vie.  On 
voit  que  Bernard  s'est  particulièrement  complu  à  composer 
ces  homélies,  ainsi  qu'il  en  convient  lui-même  dans  l'espèce 
d'épilogue  ou  d'apologie  qui  les  termine. 

Une  piété  affectueuse  caractérise  les  six  sermons  pour  la 
veille  de  Noël  :  leur  but  commun  est  d'enseigner  comment 
il  convient  de  se  préparer  à  la  solennité  du  aS  décembre. 
L'auteur  fait  observer  dans  le  mystère  de  l'incarnation  trois 
alliances  miraculeuses,  celles  de  Dieu  et  de  l'homme,  de  la 
virginité  et  de  la  maternité ,  de  la  foi  et  de  la  raison.  C'est 
du  martyrologe  d'Usuard  que  sont  prises  les  paroles  qui- 
servent  de  texte  à  ces  six  discours  :  /.  C.  filius  Dei  nas- 
citur  in  Bethléem  Jiida. 

Il  y  a  six  sermons  de  Noël ,  en  y  comprenant  celui  qui  cé- 
lèbre les  quatre  solennités  consécutives  de  Jésus  naissant, 
de  Saint-Etienne,  de  Saint- Jean-l'Evangéliste ,  et  des  Inno- 
cens.  Le  lieu ,  le  temps ,  les  circonstances  de  la  naissance  de 
Jésus-Christ ,  donnent  lieu  à  un  très-grand  nombre  de  ré- 

Z2 


i8o      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

Xïi  SIECLE,  flexions,  et  sur-tout  de  distinctions  :  par  exemple,  l'orateur 
distingue  trois  œuvres  de  Dieu ,  la  création ,  la  rédemption, 
et  la  glorification.  En  parlant  des  innocens,  il  dit  que,  sous 
l'ancienne  loi,  les  enfans  étaient  sauvés  parla  circoncision, 
comme  ils  le  sont  par  le  baptême  sous  la  nouvelle.  Cœteris 
infantihus  tune  qiiideni  ciivufncisio ,  nunc  vevb  baptismus 
sufficit  ad  salutem.  On  pouri'ait  trouver  ici  quelque  inexac- 
titude, ou  désirer  quelque  éclaircissement;  car,  selon  la 
doctrine  de  l'église,  le  brîptême  opère  par  lui-même,  et  la 
circoncision  n'avait  d'efficacité  cjue  par  la  toi  des  parens  du 
circoncis. 

La  circoncision  de  Jésus-Christ  est  le  sujet  de  trois  dis- 
cours, où  sont  sur-tout  exj)liqués  les  divers  noms  que  l'écri- 
ture et  l'église  donnent  au  Verbe  incarné.  Trois  sermons  de 
l'Epiphanie  parlent  de  la  foi  des  Mages  et  des  trois  appari- 
tions de  Jésus-Christ,  la  première  à  ces  mêmes  Mages,  la 
seconde  quand  il  fut  baptisé  par  saint  Jean ,  et  la  troisième 
aux  noces  de  Cana.  Un  parallèle  entre  la  circoncision  et  le 
baptême  est  la  principale  matière  d'un  discours  pour  l'octave 
de  l'Epiphanie,  discours  suivi  de  deux  autres  pour  le  di- 
manche dans  cette  octave ,  l'un  sur  les  noces  de  Cana ,  et 
l'autre  sur  les  noces  spirituelles  dont  celles  de  Cana  étaient 
l'emblème. 

De  deux  sermons  pour  la  Septuagésime,  l'un  traite  des 
signes  de  la  prédestination,  l'autre  est  une  explication  mys- 
tique de  cette  ligne  de  la  Genèse  :  Dieu  envoya  le  sommeil 
sur  Adam.  Imniisit  Deiis  soporem  in  Adam. 

Le  jeune,  la  prière ,  et  le  mépris  des  biens  terrestres  ,  sont 
les  principaux  articles  dont  il  s'agit  dans  sept  discours  sur  le 
carême  :  on  y  voit  avec  quelle  rigueur  le  jeûne  était  observé. 
«  Juscju'à  ce  jour,  dit  Bernard  «à  ses  religieux ,  nous  jeûnions 
«  seuls,  et  jusqu'à  l'heure  de  nones  :  maintenant,  rois  et 
«  princes ,  peuple  et  clergé  ,  nobles  et  roturiers ,  riches  et 
«  pauvres,  tous  vont,  durant  cjuarante  jours,  jeûner  avec 
«  nous  jus((u'à  l'heure  de  vêpres.  »  Il  distingue  trois  sortes 
de  prières ,  selon  que  l'on  demande  à  Dieu  des  biens  tem- 
porels ,  ou  des  vertus ,  ou  la  félicité  de  l'autre  vie.  Il  recom- 
mande l'oraison  dominicale ,  et  en  explique  un  verset.  Des, 
chrétiens,  et  sur-tout  des  religieux,  doivent  être,  par  rap- 
port au  monde,  comme  des  voyageui's,  comme  des  morts, 
comme  des  crucifiés  :  c'est  la  division  du  dernier  de  ces  sept 
discours. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i8i 

En  l'année  iii^o^  saint  Bernard  a  composé,  pour  le  ca-  Xli  SIEClk. 
rême,  dix-sept  autres  serinons, où  il  explique  successivement 
les  dix-sept  versets  du  psaume  XC  :  Qui  habitat  in  adjutorio 
Altissiini.  Le  but  général  de  ces  discouis  est  de  consoler  les 
religieux  de  Clairvaux,  et  de  les  encourager  dans  la  carrière 
pénible  et  rigide  à  laquelle  ils  se  sont  voués  :  d'ailleurs,  les 
réflexions  édifiantes  qvie  suggèrent  au  prédicateur  les  paroles 
de  ce  psaume  ,  ont  trop  peu  d'unité  et  de  cohérence  pour 
qu'il  y  ait  lieu  d'en  offrir  l'analyse.  Voici  comment,  dans  le 
sixième  de  ces  sermons,  il  peint  les  mœurs  du  clergé  sécu- 
lier de  son  temps  :  «  Aujourd'hui ,  dit-il ,  les  payens  et  les 
«  hérétiques  laissent  en  paix  l'église;  ce  sont  ses  faux  enfans 
«  qui  l'affligent  :  les  dignités  ecclésiastiques  sont  devenues 
«  1  objet  d'un  honteux  trafic,  d'un  négoce  ténébreux  :  on 
«  vient  chercher  dans  le  sanctuaire,  non  les  biens  spirituels, 
«  mais  l'opulence  et  le  luxe.  C'est  pour  satisfaire  à  la  ciqii- 
«  dite  qu'on  se  coupe  les  cheveux,  qu'on  assiste  aux  offices, 
«  qu'on  dit  des  messes,  qu'on  chante  des  psaumes.  On  se 
«  dispute  impudemment  les  évéchés ,  les  archidiaconés;  et 
«  c'est  à  qui  peut  parvenir  à  dissiper  les  revenus  des  églises 
«  en  superfluités  et  en  vanités  mondaines.  » 

Des  trois  sermons  pour  le  dimanche  des  Rameaux ,  l'un 
parle  du  culte  à  rendre  au  Rédempteur,  l'autre  de  l'humilité 
et  de  la  patience  dont  il  a  donné  l'exemple,  le  troisième  des 
divers  mystères  rappelés  et  célébrés  durant  la  Semaine  Sainte. 
Le  merci'edi-saint,  l'abbé  de  Clairvaux  prêche  sur  la  passion; 
le  jeudi,  sur  trois  sacremens,  le  baptême,  la  cène,  et  le  la- 
vement des  pieds.  Mais  l'orateur  n'emploie  sans  doute  ici  ce 
mot  de  sacrement  c|ue  dans  un  sens  très-étendu  :  il  s'agit  de 
trois  cérémonies  saintes  ou  sacrées,  dont  les  deux  premières 
sont  des  sacremens  proprement  dits  :  Mabillon  en  fait  l'ob- 
servation ,  et  les  théologiens  oithodoxes  répondent  comme 
cet  éditeur,  quand  ce  passage  de  saint  Bernard  leur  est  ob- 
jecté par  des  hérétiques.  Le  saint  abbé  reproduit  ici  et  n'é- 
claircit  point  assez  son  opinion  sur  la  circoncision  judaïque; 
il  entre  d'ailleurs  dans  plusieurs  détails  qui  nous  apprennent 
que  le  baptême  s'administrait  encore  par  une  trij)le  immer- 
sion ,  et  c[ue  l'investiture  se  donnait  à  un  chanoine  avec  le 
livre  ,  à  un  abbé  avec  la  crosse ,  à  un  évêque  avec  la  crosse 
et  l'anneau  {a). 

(a)  Investitur  canoniciis  per  librum  ,  abbas  per  baculum  ,  episcopus 
per  baculum  et  annuliiin. 


i82      SAL\T  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE.  Le  jour  de  Pâques  fournit  trois  sermons  :  le  premier  est 
une  explication  mystique  des  sept  sceaux  rompus  par  1  a- 
Ad  abbaics.  gneau  de  l'apocalypse;  le  second,  adressé  aux  abbés,  les  en- 
tretient des  parfums  de  la  vertu,  figurés  par  les  aromates 
que  les  saintes  femmes  achetèrent  pour  embaumer  Jésus- 
Christ;  le  troisième  ti'aite  des  purifications  spirituelles,  dont 
celles  de  l'ancienne  loi  furent  les  emblèmes.  A  l'octave  de 
Pâques ,  l'abbé  de  Clairvaux  célèbre  les  triomphes  de  la  foi  ; 
et,  dans  un  second  discours,  il  parle  des  trois  témoignages 
]-endus  à  la  vérité  sur  la  terre  par  l'esprit,  par  l'eau  et  par  le 
sang.  Suit  un  très -court  sermon  sur  les  Rogations,  où  les 
trois  pains  mentionnés  par  saint  Luc  [amice,  coniinoda  inihi 
1res  panes  )  deviennent  la  charité ,  la  vérité  et  la  force. 

Dans  les  deux  premiers  sermons  sur  l'Ascension,  le  pré- 
dicateur se  borne  à  célébrer  ce  miraculeux  événement,  qui 
lui  suggère  toutefois  quelcjues  réflexions  morales.  Le  troisième 
et  le  cinquième  sermon  pour  la  même  solennité  traitent  des 
pensées  et  des  afïéctions  :  il  s'agit  d  éclairer  les  prenaières, 
de  purifier  les  secondes,  d'élever  les  unes  et  les  autres.  Il  y 
a  de  louables  ascensions  ,  il  y  en  a  de  pernicieuses  ;  par 
exemple,  celles  dont  l'orgueil  est  le  mobile.  Distinguer  ces 
deux  espèces  d'élévations,  c'est  l'objet  dun  discours  qui  oc- 
cupe la  quatrième  place  parmi  les  cinq  qui  appartiennent  à 
la  fête  de  Jésus  montant  au  ciel. 

Les  effets  de  la  descente  du  Saint  Esprit  sur  les  apôtres  , 
ceux  qu'il  produit  sur  les  esprits  dociles  et  dans  les  cœurs 
humbles  :  telles  sont  les  idées  que  saint  Bernard  développe 
en  trois  sermons  pour  le  jour  de  la  Pentecôte.  En  expliquant 
ces  paroles  du  psaume,  Spiritu  principali  conjirma  me,  il 
dit  que  cet  esprit  principal  est  Dieu  le  père ,  piincipe  des 
deux  autres  personnes  divines. 

Un  sermon  sur  Goliath  et  David,  prêché  le  quatrième  di- 
manche après  la  Pentecôte,  a  été  quelquefois  attribué  à  Ni- 
colas de  Clairvaux  ;  mais  il  appartient  à  saint  Bernard  :  il 
ressemble  aux  autres  par  le  genre  des  idées-  et  par  le  caractère 
du  style;  il  se  ti'ouve  confondu  avec  eux  dans  les  manuscrits 
les  plus  authentiques.  Suivent,  pour  le  sixième  dimanche, 
trois  sermons  c[ui  traitent  de  la  multiplication  des  pains  et 
des  sept  œuvres  de  miséricorde.  Enfin ,  les  deux  derniers 
discours  de  la  première  série  appartiennent  au  premier  di- 
manche de  novembre  ;  ils  commentent  ce  texte  dlsaïe  : 
«  J'ai  vu  le  Seigneur  assis  sur  un  trône  élevé ,  et  sa  majesté 


SAINT  BERNARD,  ABRÉ  DE  CLAIR  VAUX.       i83 

«  remplissait  la   terre.  »   C'e'tait  un  noble   et  grand  sujet;    ^H  SIECLE, 
mais  l'orateur  y  a  jeté  trop  d'allégories,  beaucoup  trop  d'ex- 
plications  mystiques  des  six  ailes  de  chaque  séraphin. 

Dans  la  seconde  série,  qui  conijDrend  quarante-trois  ser- 
mons sur  les  saints ,  nous  indiquerons  d'abord  ceux  qui 
concernent  la  Vierge  Marie,  et  qui  sont  au  nombre  de  douze  ; 
savoir,  un  sur  sa  naissance,  trois  sur  l'annonciation ,  trois 
sur  la  purification ,  et  cinq  sur  l'assomption.  On  aurait  pu 
rapprocher  de  ces  douze  discours  les  quatre  homélies  sur 
l'évangile  Missus  est  angélus,  que  les  éditeurs  ont  laissées 
parmi  les  sermons  du  cours  de  l'année ,  et  cjue  nous  avons 
indiquées  plus  haut.  Voilà  en  seize  parties  un  vaste  panégy- 
rique où  règne  fort  souvent  une  éloquence  affectueuse. 

Il  y  a  deux  sermons  sur  la  conversion  de  saint  Paul  :  le 
second  est  fort  court  ;  mais ,  dans  le  premier ,  l'orateur  parle 
assez  au  long  des  bons  et  des  mauvais  ex«;mples ,  et  ce  n'est 

f)oint  dans  la  première  classe  qu'il  range  ceux  que  donnaient 
es  ecclésiastiques ,  et  sur-tout  les  prélats  de  son  temps.  Nous 
avons  fait  mention  d'une  lettre  ou  saint  Bernard  annonce  à 
l'abbé  de  Moutier-Ramey  qu'il  lui  envoie  deux  sermons  pour 
la  fête  de  Saint- Victor  :  nous  les  rencontrons  ici ,  et  nous  y 
trouvons  beaucoup  plus  de  réflexions  chrétiennes  que  de 
détails  sur  la  vie  du  saint  qu'ils  célèbrent.  L'orateur  toutefois 
s'arrête  au  nom  de  Victor ,  et  ne  manque  point  d'adapter  à 
ce  nom  tout  ce  qui  peut  concerner  les  combats  et  les  vic- 
toires spirituelles  de  ce  bienheureux.  y4nte  opère  quàm  no- 
mme î'  ictor,  adhuc  utero  claususjam  de  hoste  tiiuinphavit 

ô  Dictrix  anima!  d  miles  em^erite!  o  Victor  inclyte ,  qui  de 

terra  triumphasti! respice  ad  vinctos  terrœ ut pro 

nohis  vicisse  te  sejitiauius  et  de  plend  Dictond  glorieris.  En 
commençant  le  discours  sur  saint  Benoît  (Benedictus) ^Ber- 
nard souhaite  à  ses  auditeui's  les  bénédictiojis  célestes ,  et 
s'applique  à  leur  faire  sentir  la  douceur  du  nom  de  leur  glo- 
rieux fondateur.  Il  les  entretient  de  la  sainteté  de  Benoît , 
de  sa  piété,  de  sa  justice  :  sa  sainteté  est  prouvée  par  ses 
mii-acles,  sa  piété  par  sa  doctrine,  sa  justice  par  ses  actions  ; 
mais ,  sur  ces  trois  points ,  l'orateur  se  borne  à  des  idées  gé- 
nérales et  à  des  exhortations  pieuses. 

Le  sermon  pour  saint  Jean-Baptiste  est  un  vrai  panégy- 
rique ,  où  sont  rassemblés  tous  les  traits  de  l'histoiie  évan- 
géiique  qui  concernent  le  précurseur  de  Jésus-Christ.  Jean 
fut  une  lumière  ardente  et  brillante  :  ardeur  de  sa  pénitence, 


i84      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE,  (le  sa  dévotion,  de  son  zèle;  éclat  de  ses  exemples,  de  sa 
mission  et  de  ses  prédications  :  voilà  le  plan  de  ce  discaurs. 
Les  quati'e  sermons  sur  saint  Pierre  et  sur  saint  Paul  sont 
beaucoup  moins  méthodiques  et  ne  disent  presque  rien  de 
ces  deux  apôtres.  Des  detix  discours  pour  la  tète  de  Saint- 
Slichel ,  l'un  parle  du  ministère  des  anges  à  notre  égard  et 
du  respect  que  nous  leur  devons ,  l'autre  expose  les  perni- 
cieux effets  des  mauvais  exemples.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  re- 
marquajjle  dans  les  cinq  sermons  pour  la  Toussaint ,  c'est 
une  opinion  que  saint  Bernai'd  y  énonce  sur  l'état  des  bien- 
heureux. Selon  lui,  leur  félicité  ne  sera  complète  qu'après  la 
résuircction  des  corps;  il  dit  même  que  jusqu'alors  la  lu- 
mière de  la  face  du  Seigneur  leur  sera  voilée  {a)  :  sur  quoi  il 

r.p.  98 ,  aSG.  convient  d'observer  qu'en  deux  épîtres ,  et  au  chapitre  I  du 
livre  V  de  la  Considération ,  saint  Bernard  enseigne  au  con- 
traire qu'aussitôt  après  la  mort  les  âmes  justes  jouissent  de 
la  vue  de  Dieu  :  opinion  plus  généralement  reçue,  et  que 
sans  doute  il  faut  prendre  pour  celle  que  notre  illustre  auteur 
a  le  plus  réellement  professée. 

Saint  Malachie ,  archevêque  d'Irlande ,  décédé  à  Clairvaux 
en  11481  est  célébré  dans  les  deux  discours  suivans,  qui 
contiennent  beaucoup  plus  d'ampliiications  et  de  lieux 
communs  que  de  faits  et  d'idées  précises.  Ce  défimt  est  sur- 
tout remarquable  dans  la  secontle  harangue,  où  JMalachie 
est  comparé  à  jMoïse ,  à  Élie ,  à  l'olivier  fertile ,  au  lis  odo- 
riférant, au  soleil,  à  l'étoile  du  matin,  à  l'aurore,  et  à  la 
poule  qui,  dans  l'évangile,  rassemble  ses  petits  sous  ses  ailes. 
Il  n'est  question  que  de  l'obéissance  dans  un  assez  long  ser- 
mon pour  la  fête  de  Saint-I\Iartin  ;  que  du  bonheur  des  élus 
dans  l'instruction  pour  la  fête  de  Saint-Clément ,  pape  et 
martyr;  que  du  jeûne  et  de  la  crois,  et  de  ses  quatre  bran- 
ches, dans  les  trois  sermons  sur  saint  André  :  mais  celui  qui 
concerne  Humbert,  moine  de  Clairvaux,  est  plus  réellement 
un  panégvrique.  Cet  Humbert  est,  selon  toute  apparence, 
le  même  qui  avait  quitté  la  fonction  d'abbé  d'Igny ,  et  auquel 
Ep.  141.        est  adressée  une  des  épîtres  de  saint  Bernard. 

On  a  placé  à  la  suite  de  ces  sermons  sur  les  saints  six  ins- 
tructions siîr  la  dédicace  de  l'église  ;  elles  complètent  la  se- 
conde séi'ie ,  et  même  elles  l'enrichissent  :  car ,  au  milieu  de 


(a)  Adhiic  ergo  siynatum   est   super   eos   lunier.    vultiis    dominici. 
donec  veniat  dies  illa  qiui  implebit  illos  lœtilià  cuii     ultu  suo. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       i85 

beaucoii|>  d'allégories  forcées  et  de  distinctions  trop  subtiles,  xil  SIRCLS. 
on  démêle  quelques  idées  justes  et  nobles  sur  la  destination 
des  temples  et  sur  le  respect  dû  aux  lieux  saints.  Les  qua- 
rante-trois sermons  de  cette  seconde  série  sont  en  général 
plus  longs  que  ceux  de  la  première  ;  leur  étendue  moyenne 
est  de  plus  de  trois  colonnes  in-folio  dans  l'édition  de  Ma- 
billon.  Les  cent  vingt-cinq  sermons  sur  divers  sujets,  ou  de 
la  troisième  série,  sont  au  contraire  fort  courts;  ils  n'oc- 
cupent ensemble  que  cent  cinquante-cinq  colonnes  :  il  y  en 
a  de  trente  lignes,  de  quinze,  et  même  de  sept.  Ainsi,  plu- 
sieurs de  ces  pièces ,  et  spécialement  celles  qui  suivent  la 
quarante-deuxième,  sont  moins  des  sermons  que  des  pensées 
pieuses  ou  morales  et  des  réflexions  détachées. 

La  brièveté  et  les  illusions  de  la  vie  présente  sont  le  sujet 
du  premier  de  ces  discours.  L'obéissance,  la  patience  et  la 
sagesse  sont  lecommandées  dans  le  second.  Le  troisième  ex- 
plique le  cantique  du  roi  Ézéchias  ,  et  le  cinquième,  ces  pa- 
roles d'Habacuc  :  Super-  custodiani  staho.  Le  quatrième  nous 
entretient  de  la  nécessité  de  chercher  Dieu  et  du  triple  lien 
(  la  honte  ,  la  crainte  et  l'amour  )  qui  doit  nous  attacher  à 
lui.  On  a  quelquefois  attribué  le  sixième  et  le  septième  à 
Nicolas  de  Clairvaux,  ainsi  que  le  huitième  à  Guerric,  abbé 
d'Igny.  Mabillon ,  sur  la  foi  des  manus(;rits ,  les  revendique 
pour  saint  Bernard ,  dont  ils  sont  dignes.  Ils  traitent  de  la 
connaissance  de  soi-même,  de  la  vraie  gloire,  et  des  divers 
états  de  l'ame.  Les  attributs  invisibles  de  Dieu  sont  adorés 
dans  le  neuvième;  et  le  dixième,  sur  les  cinq  sens  de  l'ame, 
est  excessivement  mystique. 

Les  dix  suivans  ont  pour  sujets  le  baptême  et  la  profession 
religieuse  ,  la  mort ,  la  miséricorde  divine,  les  sept  dons  du 
Saint  Esprit,  l'amour  de  la  sagesse,  les  biens  de  la  nature, 
de  la  gloire  et  de  la  grâce,  la  triple  giu-de  que  chacun  doit 
exercer  sur  sa  main ,  sur  sa  langue  et  sur  son  cœur ,  les 
jouissances  spirituelles ,  l'abaissement  des  superbes  et  l'élé- 
vation des  humbles. 

Mabillon  pense  que  le  vingt-iuiième  sermon  est  de  saint 
Bernard  ,  et  non  de  Nicolas  de  Clairvaux  ,  auquel  il  a  été  at- 
tribué ;  il  ne  se  rencontre  point  parmi  les  dix-neuf  discours 
adressés  par  Nicolas  au  comte  de  Troyes,  Henri.  C'est,  au 
surplus,  une  fort  courte  instruction  sur  les  voies  droites  par 
lesquelles  le  Seigneur  conduit  les  justes.  Il  s'agit  dans  le 
vingt-deuxième  de  tout  ce  que  nous  devons  à  Dieu  ;  dans  le 

Tome  XIII.  A  a 


i86      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR  VAUX. 

XII  SIECLE,    vingt-troisième,  des  pièges  que  nous  tend  l'esprit  malin  :  la 
'  '  parole  de  Dieu  et  la  prière  sont  les  sujets  des  deux  instruc- 

tions suivantes.  La  vingt-sixième  nous  enseigne  à  soumettre 
notre  volonté  à  celle  du  Très-Haut ,  et  la  vingt-septième 
signale  le  plus  odieux  des  vices,  pessimwn  vitium;  c'est 
l'ingratitude.  Guerric  est-il  l'auteur  de  la  vingt-huitième.'* 
Mahillon,  qui  ne  le  croit  pas,  cite  en  preuve  le  manuscrit  de 
Cologne ,  qui  contient  les  sermons  cfe  l'abbé  d'Igny ,  et  ne 
renferme  point  ce  discours.  C'est  donc  saint  Bernard  qui 
nous  fait  connaître  ici  les  tribulations  par  lesquelles  Dieu 
nous  éprouve  et  nous  sauve.  Le  sermon  qui  suit  distingue 
trois  manières  d'aimer  Dieu  :  amour  tendre  qui  exclut  la 
concupiscence  de  la  chair,  amour  prudent  qui  bannit  la  cu- 
riosité ,  amour  fort  qui  déracine  l'orgueil.  Le  trentième  est 
intitulé  du  bois ,  du  Juin  et  de  la  paille  :  le  bois,  compacte, 
mais  qui  pourtant  se  rompt,  est  l'emblème  du  moine  qui 
commence  bien  et  linit  mal  ;  le  foin  représente  les  caractères 
mous,  et  la  paille  les  cœurs  volages. 

Nous  apprenons  dans  le  trente-unième  à  veiller  sur  nos 
pensées.  Le  trente-detixième  a  pour  objet  le  triple  jugement, 
savoir,  celui  de  chacun  de  nous,  celui  des  autres  hommes, 
celui  de  Dieu.  Le  trente-troisième  explique  ces  paroles  du 
psaume  XXIII  :   Quis  ascendet  super  montein   Domini?  et 
dans  le  trente-quatrième,  saint  Bernard  fait  quelques  obser- 
vations critiques  sur  un  texte  d'Origène.  «  A  présent ,  dit 
«  Oiigène,  le  Sauveur  pleure  mes  péchés  ;  il  est  dans  la  tris- 
«  tesse.  »  L'abbé  de  Clairvaux  enseigne,  au  contraire,  que 
Jésus  ne  peut  éprouver  dans  le  ciel  aucun  sentiment  pénible, 
et  il  ajoute  qu'Origène  est  tombé  dans  quelques  erreurs  : 
Contra  fidem  nonmdla  sr/ipsisse.  Les  prélats,  les  continens 
et  les  gens  mariés  sont  les  trois  ordres  que  le  trente-cin- 
quième  sermon   distingue  dans  l'église.   Le   trente-sixième 
nous  dit  comment  nous  devons  supporter  les  faibles  et  imiter 
les  forts.  En  commençant  le  trente- septième,  saint  Bernard 
se  félicite  d'être  enfin  réuni  à  ses  frères  après  un  long  voyage  : 
peut-être  arrivait-il  d'Italie.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  exphque 
ces  mots  du  Psalmiste  :  Hœc  est  generatio  quœrentium  Do- 
minum.  L'instruction  suivante  a  pour  but  de  rassurer  les 
religieux  trop  découragés  par  le  sentiment  de  leur  faiblesse. 
Dans  la  trente-neuvième,  prononcée  au  temps  des  récoltes, 
ainsi  que  les  deux  piécédentes,  il  expose  comment  on  doit 
supporter  les  fatigues  de  la  moisson ,  et  quels  avantages  spi- 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR  VAUX.       187 

rituels  on  en  peut  tirer.  Le  quarantième  sermon  et  le  quarante-  ^ii  STECLE. 
unième  ont  entre  eux  une  liaison  intime  :  d.uis  l'un, Bernard 
compte  sept  degrés  de  la  confession ,  savoir,  la  connaissance  de 
soi-même,  le  repentir,  la  douleur,  l'aveu,  les  macérations,  l'a- 
mendement des  mœurs ,  la  peisévérance  enfin  ;  et  dans  l'autre, 
sept  degrés  de  l'obéissance,  qui  consistent  à  obéir  volontiers, 
avec  simplicité,  avec  plaisir,  avec  promptitude,  avec  cou- 
rage, avec  humilité,  et  sans  interruption.  Le  quarante- 
deuxième  est  extrêmement  mystique  :  il  est  intitule  des  cinq 
négoces  et  des  cinq  régions ,  et  ne  diffère  que  par  un  certain 
nombre  de  variantes  d'un  sermon  pour  la  fête  de  saint 
Nicolas  ,  qui  pourrait  bien  être  l'ouvrage  de  Nicolas  de 
Clairvaux. 

Les  quatre-vingt-trois  discours  qui  suivent  sont  appelés 
petits  sermons;  dénomination  fort  juste,  puisqu'ils  ne  rem- 
plissent ,  à  eux  tous ,  que  soixante  colonnes  ou  demi-pages. 
Plusieurs  ne  sont  peut-être  que  des  fragmens  de  discours 
perdus,  ou  desimpies  notes,  dont  saint  Bernard  se  proposait 
de  faire  usage  dans  ses  prédications.  On  y  retrouve  les  mêmes 
sentimens  de  piété  que  dans  les  seimons  proprement  dits, 
mais  aussi  le  même  goût  pour  les  allégories  et  pour  les  dis- 
tinctions mystiques.  La  pièce  numérotée  C  nous  semble  re- 
marquable, non  seulement  par  la  citation  des  vers  d'Ovide, 

Pronaque  ciim  spectent  anitnalia  cœtera  terrant , 
Os  homini  sublime  dédit,  etc. 

mais  encore  par  l'étrange  application  de  ce  trait  à  l'évêque 
et  au  peuple  de  chaque  église  :  l'évêque  est  l'homme  dont  le 
front  s'élève  vers  les  cieux ,  et  les  fidèles  sont  les  animaux 
courbés  vers  la  terre. 

De  tous  les  sermons  de  saint  Bernard,  les  plus  intéressans, 
à  tous  égards,  sont  ceux  qu'il  a  composés,  au  nombre  de 
quatre-vingt-six ,  sur  le  cantique  des  cantiques.  Il  les  entre- 
prit en  ï  i35;  et  s'il  en  conçut  lui-même  le  projet,  il  fut  du 
moins  encouragé  .\  l'exécuter  par  le  chartreux  Beinard  des 
Portes.  Les  vingt-quatre  premiers  étaient  achevés  dès  i  i3y  ; 
mais  le  quatre-vingtième  ,  où  il  est  parlé  de  la  condam- 
nation des  erreurs  de  Gilbert  de  la  Porée,  n'a  pu  être  pro- 
noncé qu'après  le  concile  tenu  à  Reims  en  1 148.  Ces  quatre- 
vingt-six  sermons  ne  vont  pas  au-delà  des  premiers  versets 
du  chapitre  III  du  livre  sacré  qu'ils  expliquent.  Ce  livre  a 
huit  chapitres,  et  par  conséquent  le  commentaire  est  loin 

Aaa 


i88      SAINT  BERNARD,  ABBË  DE  CLAIR  VAUX. 

XII  SIECLE,    cl  être  complet.  Bernard  aurait  composé  cl(  ux  cents  sermons 
~~~  ~"  de  plus  sur  cette  matière,  s'il  avait  eu  le  temps  de  pour- 

suivre du  même  pas  une  si  longue  carrière.  Quarante-huit 
discours  de  Gilbeit  de  Hollande  contiiuient  ceux  de  l'abbé 
de  Clairvaux,  et  s'arrcteut  au  chapitre  V.  Ce  que  nous  avons 
déjà  dit  du  goût  de  saint  Bernard  pour  les  allégories  et  pour 
les  interprétations  mystiques ,  explique  assez  comment  il  a 
chcrclié  de  préférence  le  texte  de  tant  d'exhortations  dans 
un  livre  saint  dont  la  lettre  ne  présente  point  immédiatement 
un  cours  d'instructions  morales.  Son  esprit  et  son  imagina- 
tion trouvaient  dans  ce  travail  un  contiiuicl  et  doux  exercice. 
C'est  souvent  avec  un  art  ingénieux  qu'il  traduit  en  maximes 
édiiiaiites  les  images  poétiques  qui  remplissent  cet  épitlia- 
lame  divin. 

Le  premier  sermon  est  lUie  préface  qui  donne  une  idée  gé- 
nérale de  ce  chant  nuptial,  mystérieux  tableau,  dit-on,  de 
l'aUiance  de  Jésus-Christ,  soit  avec  l'égUse  entièi'e,  soit  avec 
i'amc  de  chaque  prédestiné.  De  tous  les  cantiques  ,  celui-là 
est  le  plus  suIjUme  ;  aussi  !'a-t-on  nommé  le  cantique  des 
canti(jues,  comme  on  appelle  Dieu  le  Roi  des  rois. 

Osculetw  nie  osculo  oris  siii,  quia  meliora  sunt  uhera  tua 
mno,  fragraiitia  ungiieiitis  optiuds.  Ces  premières  paroles 
du  poème  sont  expliquées  dans  le  second  sermon  et  dans 
ceux  qui  suivent,  jusqu'au  douzième  inclusivement.  On  y 
voit  que  le  baiser  di  nt  il  est  ici  parlé  n'est  autre  que  Jésus- 
Christ  ici)  même,  di  nt  les  patriarches  ont  attendu  et  les  pro- 
phètes annoncé  l'incarnation.  Baiser  les  pieds  du  Seigneur, 
c'est  le  premier  pas  dans  la  voie  du  salut  :  prosternés  devant 
celui  qui  nous  a  faits ,  nous  pleurons  ce  que  nous  avons  fait 
nous-mêmes  [b).  D'autres  baisers  sont  les  emblèmes  de  nos 
progrès  ultérieurs.  Un  de  ces  discours  a  pour  unique  sujet 
la  distinction  de  quatre  ordres  d'esprits,  Dieu,  les  anges,  les 
hommes  et  les  bêtes.  Vn  autre  traite  de  la  prière  et  du  re- 
cueillement profond  qu'elle  exige.  Il  y  en  a  quatre  qui  nous 
expliquent  en  quoi  consistent  les  mammelles  et  les  parfums 
que  le  poète  sacré  célèbre.  Les  mammelles  sont  la  patience 
et  la  clémence  du  Sauveur;  les  trois  parfums  ou  onguents, 
l'un  incisif,  l'autre  lénitif ,  et  le  troisième  curatif,  sont  la 

[d]  Patet  osculum  esse  non  aliud  quiini  mediatorem  Dei  et  hominum , 
hominem  Jesnm  Christum. 

{b)  Ploianius  coi àm  Domino ,  qui  fecit  nos .  ea  quse  fecimus  nos. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       189 

contriti  n  ,  la  iv^larite  paisible  et  la  pieté  ardente.  En  ter-  XII  SIECLE, 
minant  l'iui  de  ces  premiers  sermons,  saint  Bernard  dit  qu'il 
est  obligé  de  finir  pour  aller  recevoir  des  étrangers  qui  vien- 
nent d'arriver.  Selon  le  jésuite  Harduin,  c'est  un  artifice  de 
l'orateur ,  qui  veut  faire  croire  qu'il  improvise  ,  lorsqu'en 
effet  il  récite  une  harangue  où  tout  est  préparé,  jusqu'à  ce 
mensonge  même.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  observer 
la  témérité  de  cette  critique. 

Oleum  effuswn  noinen  tiiivn ,  ideb  adolescentulœ  dilexe- 
nint  te.  Voilà  le  texte  de  huit  instructions,  c'est-à-dire, 
de  la  treizième  et  des  suivantes,  jusqu'à  la  fin  de  la  vingtième. 
Comment  Dieu  est  la  source  de  tous  les  talens,  de  tous 
les  biens  ;  pourquoi  l'église  a  succédé  à  la  synagogue  ;  ce 
que  peut  le  nom  de  Jésus  contre  les  adversités  ;  à  quelles 
marques  on  reconnaît  la  santé  de  lame,  et  la  présence  ou 
l'ai^sence  du  Saint-Esprit  ;  comment  s'opère  l'effusion  et  l'in- 
fiision  de  ses  dons  ineffables;  comment  il  faut  les  recevoii', 
comment  les  répandre  ;  quelles  qualités  doit  avoir  la  confes- 
sion ,  et  quels  caractères  l'amour  :  telles  sont  les  questions 
que  résout  ici  l'éloquent  abbé ,  et  les  leçons  qu'il  développe. 
Jésus,  dit-il,  nous  a  chéris  tendrement,  sagement  et  forte- 
ment; il  le  iàut  aimer  de  même.  Enflammé  par  la  charité, 
réglé  par  la  science ,  affermi  par  la  constance ,  le  zèle  est 
fervent,  il  est  circonspect,  il  est  invincible;  il  exclut  la  tié- 
deur, évite  le  désordre,  et  bannit  la  timidité. 

Saint  Bernard  expHque  ensuite  ces  paroles  de  l'église  à  son 
époux  :  Entraînez-moi  sur  vos  pas.  Il  expose  les  devoirs  des 
ecclésiastiques  et  des  évêques  :  il  veut  que  leur  ministère 
soit  charitable,  que  leur  sévérité,  toujours  paternelle,  ne 
devienne  jamais  tyrannique.  La  calomnie  est  représentée 
comme  le  plus  odieux  des  vices  dans  le  vingt-quatrième 
sermon,  cjui  a  deux  exordes,  parce  qu'il  a  été  prêché  deux 
fois,  la  première  en  iiSy,  avant  le  aépart  de  l'auteur  pour 
l'Italie,  et  la  seconde  après  son  retour  en  1 138. 

Filles  fie  Jérusalerri,  je  suis  noire,  mais  belle.  Cette  ligne 
et  les  suivantes,  jusqu'à  si  ignoras  te ,  sont  expliquées  dans 
les  neuf  discours  qui  viennent  immédiatement  après  le 
vingt- quatrième.  Ils  enseignent,  en  quoi  consiste  la  beauté 
de  l'éghse,  quels  ornemens  la  parent,  de  quelles  tribulations 
son  époux  la  délivre  ou  la  console  ;  comment  la  vue  de  Dieu 
est  le  midi  éternel  ;  comment  Jésus  est  pour  les  âmes  faibles 
un  médecin ,  pour  les  âmes  fortes  un  époux  ;  combien  de 


igo      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  pièges  nous  tend  le  démon  ,  et  combien  les  désordres  du 
clergé  affligent  la  sainte  église.  Prévôts ,  doyens,  archidiacres, 
évêques  ,  archevêques,  ne  doivent  leurs  dignités  quà  l'in- 
trigue, qu'à  l'astuce  de  celui  qui  marche  dans  les  ténèbres. 
Cependant  les  biens  du  Seigneur  servent  à  les  revêtir  de 
parures  profanes ,  d'habits  de  théâtre ,  et  du  luxe  des  rois , 
à  les  environner  de  musiciens  et  de  courtisannes ,  à  couvrir 
leurs  tables  d'alimens  recherchés,  de  vins  exquis,  de  parfums 

f)récieux  ,  de  vaisselles  magnifiques ,  et  à  remplir  chaque  jour 
eurs  coffres  de  nouveaux  et  intarissables  trésors.  Ils  étalent 
l'or  jusque  sur  les  harnois  de  leurs  chevaux  ;  et  leurs  équi- 
pages, leurs  éperons  sont  plus  brillans  que  les  autels  {plus 
calcaria  quam  altaria  fidgent).  Ce  discours,  qui  est  le  trente- 
troisième,  se  fait  remarquer  par  l'énergie  et  la  véhémence 
du  style.  Une  éloquence  douce  et  pathétique  caractérise  le 
vingt-sixième,  où  le  saint  abbé,  déplorant  la  mort  de  son 
frère  Gérard ,  s'abandonne  aux  mouvemens  de  son  affliction 
profonde.  Il  essaie  en  vain  de  reprendre  le  fil  de  son  pieux 
commentaire  :  il  ne  parvient  à  exprimer  que  la  douleur  dont 
il  est  navré.  Bérenger  lui  a  reproché  cette  oraison  funèbre, 
empruntée,  disait -il,  de  celle  que  fit  saint  Ambroise  en 
l'honneur  de  son  frère  Satyrus  ;  mais  ce  plagiat  est  imagi- 
naire, ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  en  comparant  les 
deux  pièces. 

Si  Ignoras  te,  o  pulchra,  etc.  C'est  l'époux  qui  prend  la 
parole ,  et  les  tendres  discours  qu'il  adresse  à  sa  bien-aimée 
sont  commentés  dans  huit  sermons  de  saint  Bernard ,  c'est- 
à-dire,  depuis  le  commencement  du  trente-quatrième  jusqu'à 
la  fin  du  quarante  et  unième.  Il  y  parle  de  l'humilité,  de  la 
patience ,  de  l'ignorance  et  de  ses  dangers  ;  de  la  science,  et 
des  moyens  d'empêcher  qu'elle  ne  devienne  aussi  pernicieuse; 
du  luxe,  de  l'avarice,  de  l'hypocrisie  et  de  la  droiture. 

Dum  esset  rex  in  accubitu  suo ,  etc.  :  paroles  de  l'épouse, 
qui  amènent  dans  les  sermons  4^ ,  43  et  44 1  des  réflexions 
sur  la  manière  de  corriger  les  pécheurs ,  sur  le  profit  qu'ils 
iloivent  tirer  de  ces  corrections ,  sur  la  passion  de  Jésus- 
Christ  ,  sur  les  tribulations ,  et  sur  la  prospérité. 

Le  quarante -cinquième  explique  la  réponse  de  l'époux  : 
Ecce  tu  pulchra  es ,  oculi  tui  cohnnbnrum ,  et  fiiit  consister 
la  beauté  de  l'ame  dans  l'union  si  rare  de  l'humilité  et  de 
l'innocence.  La  bien-airaée  reprend  :  Ecce  tu pulcher  es ,  etc. 
et  ce  morceau ,  qui  achève  le  premier  chapitre  du  cantique , 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       191 

sert  de  texte  au  quarante-sixième  sermon,  où  il  s'agit  de  la    ^^^  sif.cle. 
composition   de  l'église,  et  de  la  distinction  entre  la  vie 
active  et  la  vie  contemplative. 

En  expliquant  les  premiers  versets  du  second  chapitre, 
l'orateur  distingue  trois  fleurs ,  la  virginité ,  le  martyre  et  la 
bonne  conduite  ;  mais  lorscjue  ces  fleurs  sont  mises  en  con- 
traste avec  les  fruits  ,/?/7c/te  me  floribus ,  stipate  me  malis, 
elles  deviennent  l'emblème  de  la  foi,  et  les  fruits  représentent 
les  bonnes  œuvres.  Il  y  a  deux  charités,  l'une  active,  l'autre 
affective  ;  et  cette  dernière  n'atteint  sa  perfection  qu'en 
l'autre  vie.  Cependant  saint  Bçrnard  nous  dépeint  l'extase 
contemplative  comme  un  état  où  lame  chrétienne,  morte 
aux  plaisirs  des  sens,  jouit,  par  avant-goût,  de  la  félicité 
céleste  :  ce  tableau  se  termine  avec  le  cinquante -deuxième 
sermon. 

Le  reste  du  chapitre  II  est  commenté  dans  vingt-deux 
sermons,  depuis  le  cinquante-troisième  jusqu'au  soixante- 
quatorzième  inclusivement.  La  sollicitude  pastorale  ,  les 
abaissemens  du  fils  de  Dieu ,  les  anges  figurés  par  les  mon- 
tagnes, et  les  hommes  par  les  collines,  la  crainte  dans  laquelle 
on  doit  s'entretenir ,  soit  qu'on  possède  la  grâce ,  soit  qu'on 
l'ait  perdue,  soit  qu'on  la  recouvre;  la  terreur  que  les  juge- 
mens  de  Dieu  doivent  inspirer,  le  mur  de  séparation  qu'élève 
le  péché  entre  Dieu  et  l'homme  ;  la  vocation  au  mmistère 
sacerdotal  ;  la  foi  et  la  piété ,  véritables  sources  de  l'éloquence 
apostolique;  l'incrédulité  des  Juifs;  les  plaies  de  Jésus-Christ; 
les  renards ,  emblèmes  des  médisans  ,  des  flatteurs  et  des 
hérétiques;  les  tentations  d'un  novice,  celles  d'un  profès; 
les  effets  de  la  charité  dans  une  ame  chrétienne  ;  l'amour  du 
verbe  pour  l'église;  les  lys  dont  il  se  nourrit,  et  qui  sont  la 
vérité,  la  douceur,  la  justice,  toutes  les  vertus;  d'autres 
fleurs  dont  une  conscience  pure  est  l'cdeur ,  et  que  la  bonne 
réputation  colore  :  voilà  sur  quels  sujets  roulent  principale- 
menr  ces  vingt-deux  discours.  On  remarque,  dans  le  soixante- 
neuvième,  l'opinion  de  saint  Bernard  sur  les  cnfans  morts 
sans  baptême  :  leurs  peines,  dit-il,  sont  les  plus  douces, 
mitissimœ  sunt  pœnœ.  Mais  on  a  donné  encore  plus  d'atten- 
tion au  soixante -cinquième  et  au  soixante -sixième,  où  il 
combat,  non  les  disciples  de  Pierre  de  Bruis  et  de  Henri, 
mais  d'autres  hérétiques  découverts  dans  les  environs  de 
Cologne,  et  dont  les  erreurs  ressemblaient  d'ailleurs  beau- 
coup à  celles  des  Henriciens.  Leur  doctrine  était  une  sorte 


Xn  SIECLE. 


Hist.  des  Va- 
lialions  ,  liv, 
XI.  n.  35. 


192      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

de  manichéisme ,  modifie'  par  des  opinions  singulières  sur  le 
mariage,  le  jeûne,  le  purgatoire,  l'invocation  des  saints,  et 
la  prière  pour  les  morts.  On  avait  livide  aux  flammes  quel- 
ques-uns de  ces  hérétiques  ;  en  approuvant  ce  zèle,  l'abbé  de 
Clairvaux  ne  conseille  pourtant  pas  d'en  suivre  les  mouve- 
mens  :  «  La  foi ,  dit-il ,  se  persuade ,  et  ne  s'impose  point.  Il 
«  faut  combattre  ,  non  par  les  armes ,  mais  par  les  argu- 
cc  mens  (a)  ».  Honorables  maximes,  avec  lesquelles  il  est  dif- 
ficile de  concilier  ces  autres  paroles  des  mêmes  sermons  :  c|u  il 
vaut  mieux  employer  le  glaive  que  de  souffrir  la  propagation 
de  l'erreur.  Pour  l'éclaircissement  de  ces  deux  discours ,  Ma- 
billon  y  a  joint  une  lettre  adressée  par  Évervin ,  prévôt  de 
Steinfels ,  à  l'abbé  de  Clairvaux  :  elle  rend  compte  des  pro- 
grès de  cette  hérésie  dans  les  environs  de  Cologne.  Mais  on 
voit  bien ,  dit  Bossuet ,  à  la  manière  ferme  et  positive  dont 
parle  saint  Bernard  ,  qu'il  était  instruit  d'ailleurs  ,  et  qu'il  en 
savait  plus  cju'Evervin  lui-même. 

Restent  douze  sermons  qui  roulent  sur  les  premiers  versets 
du  chapitre  lîl  du  Saint  Cantique ,  et  qui  traitent  de  la  ma- 
nière cle  chercher  Dieu ,  des  devoirs  à  remplir  par  les  pas- 
teurs, de  l'œuvre  du  salut,  des  erreurs  de  Gilbert  de  la  Porée, 
du  libre  arbitre,  du  péché,  et  de  la  prière.  A  propos  du 
quatre-vingtième  discours,  Harduin  dit  que  tout  y  est  fiction, 
et  l'hérésie  qu'on  y  combat ,  et  le  concile  c|u'on  y  cite ,  et 
jusqu'au  personnage  de  Gilbert  :  fictus  et  ipse  Gillehertiis 
fortassis.  Malgré  des  censures  si  déraisonnables ,  Harduin  est 
pourtant  forcé  de  rendre  quelque  hommage  au  talent  qui 
brille  dans  ces  quatre-vingt-six  sermons  ;  et ,  s'il  ose  dire 
qu'il  y  règne  une  merveilleuse  loquacité,  du  moins  il  ajoute 
qu'ils  sont  l'ouvrage  d'un  orateur  habile  :  mira  garnditate, 
non  niediocri  vi  âicendi. 

Tels  sont  les  trois  cent  quarante  sermons  de  saint  Ber- 
nard ;  il  en  avait  sans  nul  doute  prononcé  beaucoup  d'autres 
que  l'on  a  négligé  de  recueillir,  ou  qui  ne  nous  sont  point 
parvenus  :  car  sa  santé  ne  lui  permettant  pas  de  se  livrer  au 
travail  des  mains,  il  prêchait  plus  souvent  qu'on  n'avait  cou- 
tume de  le  faire  dans  les  monastères,  de  son  ordre,  ainsi 
Serm.X,  in  q^^  il  le  déclare  lui-même  dans  l'un  de  ses  discours.  Parce 
9-,.  Qui  habitat,  qu'il  existc  Une  très-ancienne  version  française  d'vme  partie 


(d)  Approbamus  zelum  ,  sed  factum  non   suademus ,  quia  fides  sua- 
denda  est,  non  imponeiida  ;  non  armis,  sed  argumenlis. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.       ig3 

de  ces  instructions,  on  s'est  hâté  de  supposer  qu'elles  avaient  xii  siècle. 
ëte'  composées  en  langue  vulgaire,  la  seule,  ajoutait-on,  que 
pussent  comprendre  en  effet  les  frères  lais  qui  se  trouvaient 
au  nombre  des  auditeurs  de  saint  Bernard.  Cette  dernière 
considération  mérite  peu  qu'on  s'y  ari-ête  :  les  sermons 
étaient  en  quelque  sorte  une  partie  de  la  liturgie,  qui  se  fai- 
sait et  a  continué  de  se  faire  en  langue  latine ,  même  depuis 
que  les  idiomes  modernes  se  sont  de  plus  en  plus  propagés 
et  perfectionnés.  Au  milieu  du  XV*^  siècle  on  prêchait  encore 
en  latin  devant  des  auditeurs  presque  tous  non  lettrés,  et 
ce  n'est  que  vers  l'an  i5oo  t[ue,  par  condescendance  pour 
la  populace  ignorante ,  on  s'est  avisé  d'introduire  dans  les 
prédications  un  mélange  assez  bizarre  de  phrases  latines  et 
d'expressions  françaises.  Les  langues  vulgaires  ne  se  sont 
emparées  que  par  degrés  des  chaires  chrétiennes,  où  même 
s'est  maintenu  l'usage  de  citer  beaucoup  de  textes  latins, 
inintelligibles  à  la  plupart  des  assistans. 

On  ne  peut  nier  sans  doute  l'ancienneté  d'un  manuscrit 
que  possédaient  jadis  les  Feuillans  de  Paris,  et  qui  contient 
des  sermons  français  intitulés  :  ci  enconimencent  li  sermons 
SAINT  Bernant;  mais  cette  inscription  même,  cette  qualifi- 
cation de  saint,  suffirait  pour  annoncer  une  traduction  écrite 
après  la  mort ,  après  la  canonisation  de  l'illustre  abbé.  Aussi 
dom  Mabillon ,  dom  Clémencet ,  et  plusieurs  autres  savans , 
n'ont-ils  pas  ciaint  d'affirmer  que  le  texte  original  de  tous 
les  sermons  de  saint  Bernard  aujourd'hui  connus  est  en 
langue  latine. 

M.  Roquefort,  qui  recherche  avec  soin  et  avec  sagacité  les 
plus  vieux  monumens  de  notre  langue ,  possède  un  manus- 
crit où  se  lisent  en  français  les  quarante-quatre  premiers 
sermons  sur  le  cantique  des  cantiques  et  les  homélies  sur 
l'évangile  Missus  est  angélus.  Mais ,  outre  qu'à  beaucoup  d'é- 
gards ce  manuscrit  nous  semblerait  encore  un  peu  moins 
ancien  que  celui  des  Feuillans,  nous  remarquons  que  le 
quarante-quatrième  sermon  sur  le  cantique  y  est  immédia- 
tement suivi  de  \ Epistle  lahei  Bernart  de  Clere'vals  a  un 
eK'eske  cardinal,  de  Diligendo  Deo  :  or,  ce  Traité,  adressé  à 
Aimeric ,  et  dont  nous  rendrons  compte  ,  ayant  été  sans 
contredit  composé  en  latin,  et  n'étant  ici  que  traduit,  nous 
croyons  avoir  le  droit  d'en  dire  autant  des  sermons  auxquels 
il  se  trouve  joint  dans  ce  même  volume.  Deux  autres  pièces 
qui  suivent  ce  Traité  peuvent  offrir  quelque  difficulté  :  l'une 
Tome  XIII.  Bb 


194  SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 
xn  SIECLE,  est  une  instruction  sur  le  psaume  Laudate  Dominum  in 
sanctis  ejus;  l'autre,  un  sermon  sur  sainte  Agnès.  Pour  sou- 
tenir que  la  première  est  originale,  qu'elle  est  naturellement 
française ,  on  pourrait  alléguer  les  textes  latins  qu'elle  traduit 
après  les  avoir  cités  ;  par  exemple  :  «  Li  titles  de  ceste  saume; 
«  c'est,  en  latin,  laudate  unwersalem,  et  en  romanz,  loez 
«  celui  ki  tôt  comprent.  »  Mais ,  sans  discuter  la  conséquence 
qu'on  prétendrait  tirer  de  ce  passage  et  de  ceux  qui  lui  res- 
semblent, nous  dirons  seulement  que  ces  deux  sermons  ne 
sont  point  du  nombre  des  productions  authentiques  de  saint 
Bernard;  que  même  le  manuscrit  ne  les  lui  attribue  pas. 
Tout  au  contraire,  l'auteur  du  discours  sur  sainte  Agnès  est 
indiqué  par  l'initiale  A  dans  l'annonce  que  nous  allons  trans- 
crire. «  Nostre  sire  comda  a  ses  déciples  ke  ils  conkeilhiset 
«  le  reste  kil  ne  porresist.  Por  ce  daukuns  sermons  ke  ge  ai 
«  oie  ai  je  conkeilhut  aucuns  moz  si  les  ai  escritz  en  ceste 
«  livre  por  ce  ke  il  ne  fuissent  obliez ,  etc.  Cest  sermon  ki  ci 
«  comance  fit  maistres  A.  » 

Ce  fut  sans  doute  en  langue  vulgaire  que  saint  Bernard 
prêcha  la  croisade  :  mais  ces  discours,  qui  produisaient  de  si 
vastes  mouvemens ,  qui  précipitaient  sur  lOrient  une  partie 
de  la  population  de  l'Europe  occidentale ,  on  ne  les  a  point 
recueillis  et  nous  ne  les  connaissons  que  par  leurs  effets 
Éloge deSiiger.  mémorables.  «  Lorsque  sortant  de  son  désert,  dit  M.  Garât, 
«  saint  Bernard  paraissait  au  milieu  des  peuples  et  des  cours, 
«  les  austérités  de  sa  vie  ,  peintes  sur  des  traits  oii  la  nature 
«  avait  répandu  la  grâce  et  la  beauté,  remplissaient  toutes 
«  les  âmes  d'amour  et  de  respect  :  éloquent  dans  un  siècle 
«  oii  le  pouvoir  et  le  charme  cfe  la  parole  étaient  absolument 
«  inconnus  ,  il  triomphait  de  toutes  les  hérésies  dans  les 
«  conciles,  il  faisait  fondre  en  larmes  les  peuples  au  milieu 
«  des  campagnes  et  des  places  publiques  :  son  éloquence  pa- 
«  raissait  un  des  miracles  de  la  religion  qu'il  prêchait.  Enfin , 
«  l'église,  dont  il  était  la  lumière,  semblait  recevoir  les  vo- 
ce lontés  divines  par  son  entremise.  Les  rois  et  les  ministres , 
«  à  qui  il  ne  pardonnait  jamais  ni  un  vice  ni  un  malheur 
((  public ,  s'humiliaient  sous  ses  réprimandes  comme  sous  la 
«  main  de  Dieu  même,  et  les  peuples,  dans  leurs  calamités, 
«  allaient  se  ranger  autour  de  lui  comme  ils  vont  se  jeter 


«  aux 


pieds  des  autels.  » 
A  la  suite  du  quafre-vingt-sixième  sermon  sur  le  cantique 
des  cantiques ,  Mabillon  a  imprimé ,  sous  le  titre  de  Flores 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.        iq5 

seit  Sententiœ,  environ  deux  cents  pensées ,  extraites  des  ^^^  SîËCLE. 
lettres,  des  discours  et  des  traités  de  saint  Bernard.  Clia- 
cune  de  ces  pensées  n'occupe  ici  qu'une  ou  deux  lignes.  Ce 
même  titre  de  Sententiœ  est  aussi  donné  à  quarante-trois 
fragmens  un  peu  plus  considérables  qui  suivent  les  sermons 
sur  divers  sujets,  et  dont  plusieurs  présentent  des  divisions 
ou  distinctions  paieilles  à  celles  qui  surabondent  dans  les 
prédications  de  fillustre  abbé.  Apres  ces  fragmens,  Mabillon 
a  placé  cinq  paraboles,  qu'on  pourrait  compter  comme  au- 
tant de  sermons.  Les  trois  premières  parlent  du  combat  spi- 
rituel ,  la  quatrième  de  Jésus-Christ  et  de  l'église,  la  cinquième 
de  la  foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité.  Suit  une  prière 
très-affectueuse,  et  qui  exprime  sur-tout  de  profonds  senti- 
mens  de  pénitence.  Ce  recueil  d'opuscules  est  terminé  par 
les  antiennes,  répons  et  hymnes  pour  la  fête  de  Saint-Victor, 
qui  sont  annoncés  dans  une  lettre  de  Bernard  à  l'abbé-  de 
Moutier-Ramey.  Les  trois  hymnes  sont  peu  poétiques;  l'au- 
teur ignoi-e  ou  méprise  les  règles  de  la  versification.  Les 
strophes  sont  saphiques,  mais  seulement  par  le  nombre  des 
syllabes,  jamais  par  la  distribution  régulière  des  longues  et 
des  brèves  :  un  exemple  va  suffire  pour  justifier  ces  cri- 
tiques : 

Hœc  satis  probant  aliaque  multa 
Prœrogativam  glorice  Victoris 
Nec  minoratam ,  quo  prœventus  fuit 
Spiritu  hono. 

Mais  ces  hymnes ,  ces  sentences ,  ces  fragmens ,  qui  servent 
d'appendices  aux  sermons  de  saint  Bernard,  auraient  été,  ce 
semble ,  mieux  placés  parmi  ses  opuscules. 

§  IV. 

SES  TRAITÉS  ET  OPUSCULES. 

Nous  avons  besoin  d'employer  ce  double  titre  d'opuscules 
et  de  traités  pour  désigner  douze  productions  fort  inégales 
en  étendue. 

I.  De  ces  douze  écrits  ,  le  plus  ancien  (car  nous  reprenons 
ici  l'ordre  chronologique  que  nous  n'avons  pu  établir  entre 
les  sermons  )  ;  le  plus  ancien ,  disons-nous  ,  est  celui  qui  est 
intitulé  des  Degrés  de  l'humilité  et  de  l'orgueil.  Composé 

Bb2 


196      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  avant  1 126,  et  adressé  à  Geoffroi ,  alors  prieur  de  Clairvawx, 
nous  l'avons  vu  désigné  comme  antérieur  à  tout  autre  ou- 
Ep.  18.  vrage  de  saint  Bernard,  dans  une  lettre  du  saint  abbé  au 
cardinal  Pierre.  Il  est  distribué  en  vingt-deux  chapitres,  qui 
remplissent  une  vingtaine  de  colonnes  dans  l'édition  de  dom 
Mabillon.  Il  est  précédé  d'une  rétractation,  et  par  consé- 
quent d'un  exemple  de  la  vertu  qu'il  enseigne.  Ce  que  ré- 
tracte ici  saintBernard,  c'est  une  citation  inexacte  d'un  texte 
sacré  :  il  avait  cité  nec  ip se  filins  hominis  scit,  tandis  qu'au 
verset  82  du  chapitre  XIII  de  saint  Marc,  on  lit  seulement 
neque  filius  scit,  dit  ici  l'abbé  de  Clairvaux.  La  vér«ité  est 
qu'on  lit  :  Nemo  scit neque  filius  ;  en  sorte  que  la  rétrac- 
tation même  pourrait  sembler  encore  inexacte.  L'humilité 
est  définie  vme  A^ertu  par  laquelle  l'homme ,  acquérant  une 
véritable  connaissance  de  lui-même,  devient  méprisable  à 
ses- pT'opres  yeux.  L'orgueil  a  douze  degrés;  savoir,  la  cu- 
riosité, la  légèreté  desprit,  la  folle  joie,  la  jactance,  la  sin- 
gularité, l'arrogance,  la  présomption,  l'opiniâtreté  à  nier  ou 
à  justifier  ses  fautes,  la  confession  mensongère,  la  révolte, 
la  licence,  et  l'habitude  du  péché.  Les  douze  degrés  de  l'hu- 
milité sont,  au  contraire,  la  crainte  de  Dieu,  le  renoncement 
à  sa  volonté  propre ,  l'obéissance ,  la  résignation  aux  traite- 
mens  les  plus  durs,  l'aveu  de  ses  faiblesses,  le  sentiment  de 
son  incapacité,  la  disposition  à  se  croire  inférieur  aux  autres, 
la  régularité ,  l'habitude  de  ne  parler  que  lorsqu'on  est  in- 
terrogé ,  celle  d'un  maintien  sérieux ,  celle  du  silence ,  et  la 
retenue  de  tous  les  sens,  particulièrement  des  yeux.  L'auteur 
oppose  ainsi  douze  fois  l'orgueil  à  l'humilité,  mais  de  telle 
manière,  que  c'est  la  retenue, douzième  degré  de  l'humilité, 

au'il  met  en  contraste  avec  la  curiosité,  cjui  est  le  premier 
egré  de  l'orgueil  ;  et  ainsi  de  suite ,  en  montant  l'échelle  du 
vice  et  en  descendant  celle  de  la  vertu.  Les  antithèses  four- 
millent dans  ce  petit  traité,  qui  est  écrit  avec  beaucoup  de 
soin  et  avec  une  sorte  d'élégance.  On  peut  d'ailleurs  juger  de 
tout  l'ouvrage  par  ces  lignes  du  premier  chapitre  :  «  Ayant 
«  à  parler,  dit  l'auteur,  de  ces  degrés ,  qu'il  faut,  selon  saint 
«  Benoît,  n(în  pas  compter,  mais  monter,  j'indiquerai  d'a- 
«  bord  le  terme  auquel  ils  conduisent,  afin  qu'en  découvrant 
«  le  but  qu'on  doit  atteindre,  on  sente  moins  la  fatigue  de 
«  l'escalade.  L'humilité  est  la  voie,  la  vérité  est  le  terme; 
«  l'une  est  la  carrière,  et  l'autre  la  récompense.  »  Locuturus 
de  gradihus  humilitatis,  quos  beatus  Benedictus  non  nume- 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       197 

randos,  sed  ascendendos proponit ,  prias  ostendo ,  sipossum,    Xil  SIECLE. 
quo  per  illos  peiveniendum  sit ,  ut  audito  fructu  perventionis 
minus  giuvet    labor  ascensionis.   Proponit  itaque  Dominus 

nobis  i'iœ  laborem,  laboris  niercedem viam  dicit  hunii- 

litatem  quœ  ducit  ad  veritatein.  Altéra  labor,  altéra  fnxctus 
laboris  est. 

II.  Le  livre  de  l'Amour  de  Dieu  (  de  Diligendo  Deo  )  est 
adressé  à  Aimeric,  déjà  ehancelier  de  l'église  romaine.  Ai- 
meric  n'obtint  eette  dignité  qu'en  11 26,  et  par  conséquent 
l'écrit  qui  va  nous  occuper  ne  saurait  avoir  une  date  plus 
ancienne;  mais  il  est  de  cette  année  même,  ou  du  commen-  Gaufr.  Vita 
cément  de  la  suivante  :  il  existait  en  if 27.  Environ  quinze  ^*'^"-  '''^-  ^^' 
colonnes  sont  occupées  par  les  quinze  chapitres  qu'il  com- 
prend, et  dont  les  derniers  ne  font  guère  que  répéter  ou  dé- 
velopper les  maximes  que  nous  avons  déjà  remaïquées  dans 

une  lettre  à  Guignes  et  aux  Chartreux  ;  mais  les  sept  pre-  Ep.  si. 
miers  chapitres  sont  extrêmement  recommandables  par  l'im- 
portance de  la  matière ,  par  l'enchaînement  des  idées ,  et  par 
la  précision  du  style.  «Vous  demandez,  dit  l'auteur,  pour- 
«  quoi  et  comment  il  faut  aimer  Dieu.  La  cause  pour  laquelle 
«  Dieu  doit  être  aimé,  c'est  Dieu  lui-même;  et  l'étendue  de 
«  l'amour  qu'on  lui  doit  n'a  point  de  mesure.  »  Causa  dili- 
gendi  Deuni,  Deus  est;  inodus ,  sine  modo  diligere.  Aimer 
«  Dieu  ,  c'est  à-la-fois  justice  et  sagesse  :  c'est  justice  à  cause 
«  des  Liens  naturels  et  surnaturels  dont  il  nous  a  comblés  : 
«  car  si  déjà  nous  lui  devons  tant  parce  qu'il  nous  a  créés , 
«  combien  plus  pour  nous  avoir  réparés ,  sur-tout  quand  la 
«  réparation  est  si  généreuse  .3  »  Quod  si  totum  me  debeo  pro 
me  facto ,  quid  addam  pro  refecto ,  et  refecto  hoc  modo  P 
Mais  cet  amour  dii  à  tant  de  titres  est  encore  un  moyen  de 
bonheur,  puisque  Dieu  lui-même  en  est  la  récompense.  Peut- 
être  n'a-t-on  point  assez  observé  combien  l'autevir  jette  ici 
de  lumière  sur  la  question  délicate  de  l'amour  désintéressé. 
Selon  lui,  il  faut  un  prix  à  l'amour,  mais  c'est  l'objet  même 
du  véritable  amour  qui  en  est  le  prix.  L'intérêt  pour  lequel 
on  aime  n'est  pas  distinct  de  l'objet  aimé.  Habet  prœmium , 
sed  id  quod  amatur. 

III.  L'apologie  à  Guillaume ,  abbé  de  Saint-Tliierri  ,  est 
indiquée  comme  déjà  écrite  dans  la  lettre  que  saint  Bernard     Ep.  18. 
adressait  au  cardinal  Pierre  en  1127.  Cet  opuscule,  partagé 

en  treize  chapitres,  et  imprimé  en  autant  de  colonnes,  mérite 
assez  peu  ce  nom  d'apologie,  car  l'auteur  y  attaqxie  bien  plus 


198      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

xu  SIECLE,    qu'il  ne  se  défend.  On  y  distinj^ue  deux  parties  :  dans  la  pre- 
•~  mière ,  qui  compi'end  les  sept  premiers  chapitres .  il  répri- 

mande vivement  les  Cisterciens,  qui  décriaient  l'ordre  de 
Cluni.  Il  commence  par  protester  que  ni  lui,  ni  ses  religieux, 
n'ont  jamais  médit  de  cet  ordre.  C'est  l'objet  des  deux  pre- 
miers chapitres,  les  seuls  qui  aient  un  caractère  véritablement 
apologétique.  Dans  les  cinq  suivans ,  l'auteur  exhorte  à  ob- 
server la  charité,  à  maintenir  l'unité;  il  expose  les  avantages 
qui  résultent  de  la  diversité  des  ordres  et  des  exercices  reli- 
gieux. Mais ,  après  avoir  ainsi  reproché  à  ses  propres  fi'ères 
leur  injustice  à  l'égard  des  Clunistes,  il  croit  avoir  acquis  le 
droit  d'adresser  aux  Clunistes  eux-mêmes  quelques  remon- 
trances, et  il  use  amplement  de  ce  droit  dans  la  seconde 
partie  de  l'opuscule.  On  voit  donc ,  par  les  six  derniers  cha- 
pitres, quels  désordres  s'étaient  introduits  et  multipliés  à 
Cluni ,  sans  doute  sous  l'abbé  Pons ,  et  avec  quelle  rapidité 
ils  s'étaient  propagés  dans  tous  les  monastères  du  même 
ordre.  Saint  Bernard  reproche  particulièrement  aux  Clunistes 
le  luxe  de  leurs  habits,  celui  même  de  leurs  églises,  mais 
sur-tout  celui  de  leurs  tables.  11  dépeint  ces  tables  couvertes, 
surchargées  de  mets  succulens  ,  par  exemple ,  d'énormes 
poissons  :  grandia  piscïuin  corpora  duplicantur.  «  L'art  des 
«  cuisiniers,  dit- il,  s'épuise  en  inventions  et  en  recherches 
«  pour  prolonger  l'appétit  au-delà  du  besoin  et  de  la  satiété 
«  même  :  les  parfums  et  les  saveurs  excitent  la  sensualité , 
«  et  il  n'y  a  pas  jusqu'à  l'œil  qui  ne  soit  séduit  par  les  couleurs 
«variées  des  alimens.  Cependant  le  malheureux  estomac, 
«  à  qui  ne  parviennent  ni  ces  saveurs  délicieuafts  ,  ni  ces 
«  couleurs  brillantes ,  demeure  accablé  sous  le  poids  des 
«  délices  dont  les  sens  extérieurs  ont  joui  {a).  »  L'auteur 
accumule  ici  tant  de  détails,  qu'il  n'omet  aucune  des  manières 
d'apprêter  les  œufs,  alors  usitées  et  perfectionnées  à  Cluni. 
Quis  enùn  dicere  sufficit  qiiot  modis  (  ut  cœtera  taceani  )  sola 
ova  versantur  et  vexantur ,  quanto  studio  evertuntur ,  sub- 
vertuutur,  liquantur ,  durantur  ^  diininuantur ,  et  nunc  qui- 


[d)  Tanta  quippè  accuratione  et  arte  coquorum  cuncta  apparantur  qua- 
tenùs  4  ^i^t  5  l'erculis  devoratis,  prima  non  impetliant  novissima,  iicc 
satietas  minuat  appetitum....  Ipsa  deindè  quaiitas  reruni  talis  defoiis  appa- 
rere  curatur,  ut  non  niiniis  aspectus  quàm  gustus  delectetur....  Sed  dùm 
oculi  coloribus,  palatium  saporihus  illiciuntur,  infelix  stomachus  cui  nec 
colores  lucent,  nec  sapores  demulcent...,  oppressus....  obruitur. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       199 

dem  frixa ,  nunc  assa ,  nunc  farsa ,   nunc  mixtirn  ,    nunc    Xli  siècle. 
sineillntim  apponuntur. 

Fleuri ,  après  avoir  rendu  compte  de  cet  opuscule,  ajoute  :      Hlst.  Eccles. 
«Pierre,  abbe  de  Cluni,  fit  de  son  côte  l'apologie  ae  son  ''^- lxvu,  n. 

«  ordre  par  une  lettre  écrite  à  saint  Bernard Le  sage  lec- 

«  teur  jugera  laquelle  est  la  plus  solide  de  cette  apologie  ou 
«  de  celle  de  saint  Bernard.  »  Il  y  a  de  l'inexactitude  à  pré- 
senter ainsi  l'apologie  de  Pierre  le  Vénérable  comme  une 
réponse  à  celle  de  l'abbé  de  Clairvaux.  C'est  à  d'autres  incul- 

{)ations  que  répond  Pierre  de  Cluni ,  ainsi  qu'on  le  verra  par 
e  compte  que  nous  rendrons  de  son  épître  apologétique. 

IV.  Mabillon  a  ,  comme  nous  l'avons  dit ,  détaché  du 
recueil  des  lettres  celle  qui  portait  le  n»  4^  ,  et  qui ,  adressée 
vers  1 1 27  à  Hugues ,  évêque  de  Sens ,  traite  assez  au  long 

des  moeurs  et  des  devoirs  des  évêques.  L'éditeur  l'a  distri-  ' 

buée  en  neuf  chapitres  qui  occupent  seize  colonnes.  On  y 
remarque  une  tirade  véhémente  contre  le  luxe  des  prélats  : 
l'auteur  y  cite  le  vers  de  Perse  : 

Dicite,  pontifices,  in  sancto  quidfacit  auriim? 

Un  abus  alors  très-commun,  puisque  l'auteur  le  signale 
en  plusieurs  endroits  de  ses  écrits ,  consistait  à  élever  sou- 
dainement aux  prélatures  de  jeunes  étudians  ,  issus  de 
familles  nobles  ;  il  peint  ici  ces  adolescens  qui  des  bancs  d'une 
école  passent  à  la  chaire  épiscopale ,  plus  joyeux  d'échapper 
à  leurs  maîtres  que  d'acquérir  eux-mêmes  le  droit  de  com- 
mander. Scholares  pueri  et  impubères  adolescentidi  oh  san- 
gidnis  dignitatein  promo^'entur  ad  ecclesiasticas  dignitates ; 
et  de  suh  fendâ  transferuntur  ad  principanduin  presbiteris  ; 
Icétiores  intérim  qubd  -virgas  evaserint  quàm  qubd  menierint 
principatum  ;  nec  tam  illis  hlanditur  adeptum,  quàm  ademn- 
tum  magisterium.  Mais  la  plus  grande  partie  de  cet  opuscule 
traite  de  l'humilité ,  que  l'auteur  représente  comme  la  vertu 
la  plus  indispensable  aux  évêques.  Quelques-unes  des  pen- 
sées développées  dans  le  traité  des  degrés  de  l'humilité  et 
de  l'orgueil,  sont  ici  reproduites,  mais  avec  beaucoup  moins 
de  méthode.  Saint  Bernard  y  donne  d'ailleurs  une  nouvelle 
définition  de  l'humilité  ;  il  la  fait  consister ,  non  plus  dans 
la  connaissance  de  notre  misère,  mais  dans  le  mépris  de 
notre  propre  grandeur.  Humilitas  est  contemptus  propriœ 
excellentiœ. 

V.  En  écrivant  au  chancelier  Aimeric  en   1 1 28 ,  Bernard      Ep.jja. 


200      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

XII  SIECLE,  dit  avoir  composé  un  traité  de  la  Grâce  et  du  libre  Arbitre. 
Cette  production  est  donc  de  1 128  au  plus  tard  ;  et  les  Bol- 
landistes ,  qui  la  rapportent  à  l'année  1 1 27 ,  ajoutent  cp'en 
le  composant ,  le  saint  abbé  rendit  un  service  éminent  à 
l'église.  Mabillon  s'étend  aussi  en  longs  éloges  de  ce  traité , 
qui  est  en  effet  recommandable  par  la  précision  des  idées , 
par  la  clarté  de  la  diction ,  et  même  par  les  orneniens  du 
style.  La  matière  offrait  un  riche  fonds  d'antithèses ,  et  con- 
venait par  cela  même  à  l'esprit ,  au  goût  et  au  talent  de  l'au- 
teur. Aussi  ce  livi-e  renferme-t-il,  plus  peut-être  qu'aucun 
autre  livre,  tout  ce  qu'on  peut  dire  d'ingénieux  et  d'ortho- 
doxe sur  un  tel  sujet.  Après  avoir  rendu  compte  d'une  con- 
versation qui  lui  a  fourni  l'occasion  d'écrire  un  traité  de  la 
Liberté  et  de  la  Grâce ,  saint  Bernard  établit  que  toutes  deux 
coopèrent  à  notre  salut.  Dieu  donne  la  grâce ,  mais  le  libre 
arbitre  la  peut  seul  recevoir ,  et  le  consentement  de  celui 
qui  reçoit  n'est  pas  ici  moins  nécessaire  que  la  bienveillance 
de  celui  qui  donne.  Il  n'y  a,  sans  la  grâce,  rien  qui  sauve  ; 
sans  le  libre  arbitre ,  rien  qui  puisse  être  sauvé  (a).  On  doit 
distinguer  trois  libertés  :  nous  échappons  par  l'une  à  la 
nécessité,  par  l'autre  au  péché ,  par  la  dernière  au  malheur. 
La  première  est  une  condition  de  notre  nature,  la  seconde 
est  la  grâce  en  cette  vie,  et  la  troisième  est  la  gloire  en 
l'autre.  Riais  la  liberté  dont  il  s'agit  essentiellement  dans  ce 
traité  est  celle  qui  exclut  toute  nécessité ,  toute  contrainte. 
C'est  par  le  libre  arbitre  qiie  nous  voulons,  et  c'est  par  la 
grâce  que  nous  voulons  le  bien.  Notre  volonté  s'exerce  sur 
tout  ce  que  nous  accomplissons  :  libre,  elle  nous  fait  appar- 
tenir à  nous-mêmes;  bonne,  à  Dieu;  mauvaise,  au  démon. 
Ce  n'est  pas  la  puissance  du  démon  qui  nous  assujétit  à  lui , 
c'est  notre  volonté  ;  mais  c'est  la  grâce  qui  nous  soumet  à 
Dieu.  Liberuni  arbitriwn  nosfacit  volentes ,  gratin  bene^'olos ; 
ex  ipso  nobis  est  velle,  ex  ipsâ  bonuin  velle.  Libéra  'vohmtas 
nos  facit  nostros  ;  niala^  aiaboli  ;  bona ,  Dei....  Sanè  diabolo 
jiostra  nos  mancipat  voîuntas ,  non  ejus  potestas  :  Deo  sub' 
jicit  ejus  gratia ,  non  nostin  voluntas. 


(a)  Toile  liberum  arbitrium  et  non  erit  quod  salvetur  :  toile  gratiam, 
non  erit  undè  salvetur....  Deii.s  autor  est  salutis,  liberum  arbitrium  tantùm 
capax  ;  nec  dare  illani  nisi  Deus ,  nec  capere  valet  nisi  liberum  arbitrium. 
Quod  ergô  à  solo  Deo  et  soli  datur  libero  arbitrio  ,  tàm  absque  consensu 
çsse  non  potest  accipientis ,  quàm  absque  gratià  dantis. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       aoi 

Le  premier  homme  avait  reçu  avec  ple'nitude  la  première 
liberté,  c'est-à-dire,  l'affranchissement  du  joug  de  la  néces- 
sité; il  avait  reçu,  dans  un  degré  inférieur,  la  deuxième  et 
la  troisième ,  c'est-à-dire ,  l'exemption  du  péché  et  du  mal- 
heur. Le  coupable  usage  qu'il  a  fait  de  la  première  lui  a  fait 
perdre  ce  qu'il  possédait  des  deux  autres.  Les  recouvrer  n'est 
plus  en  sa  puissance  :  il  ne  tenait  qu'à  lui  de  ne  pas  tomber  ; 
pour  se  relever,  il  a  besoin  d'aide,  semblable  à  l'imprudent 
qui  du  fond  d'un  précipice  qu'il  pouvait  éviter,  doit  appeler 
du  secours  pour  en  sortir.  Il  ne  faut  donc  pas  croire  c[ue  le 
libre  arbitre  soit  une  parfaite  indifférence  entre  le  mal  et  le 
bien ,  un  égal  pouvoir  de  faire  l'un  ou  l'autre.  Pour  pécher, 
notre  volonté  nous  suffit;  pour  nous  sanctifier,  les  dons  de 
l'esprit  saint  nous  sont  nécessaires  :  mais  ce  n'est  point  sans 
nous  que  ces  dons  opèrent ,  et  notre  consentement  rend 
méritoires  les  bonnes  œuvres  que  Dieu  nous  donne  de  mé- 
diter et  d'accomplir.  La  grâce  et  le  libre  arbitre  agissent 
conjointement  :  il  ne  faut  pas  dire  que  la  grâce  fait  une  partie 
de  l'œuvre ,  et  le  libre  arbitre  l'autre  :  leur  opération  com- 
mune ,  indivisible ,  appartient ,  dans  sa  totalité ,  à  chacune 
des  deux  puissances  coopérantes.  La  grâce  fait  tout  dans  le 
libre  arbitre ,  et  le  libre  arbitre  fait  tout  par  la  grâce.  Tels 
sont  les  résultats  les  plus  importans  des  quatorze  chapitres 
qui  composent  ce  traité ,  ouvrage  d'un  esprit  supérieur ,  qui 
a  mûrement  étudié  une  matière  difficile. 

VI.  De  Conversione  ad  Clericos  ou  ad  Scholares  :  tel  est 
le  titre  d'un  petit  traité  divisé  en  douze  chapitres,  et  qui 
occupe  seize  colonnes  dans  l'édition  de  Mabillon.  C'était  ori- 
ginairement un  discours  prononcé  en  i  lay  ou  1 128,  à  Paris, 
dans  une  assemblée  de  clercs  ou  dans  une  école  de  théologie. 
Saint  Bernard  s'élève  contre  ceux  qui  s'engagent  dans  les 
ordres  sacrés  sans  réflexion ,  sans  examen ,  sans  vocation.  Il 
les  exhorte  à  la  pénitence,  et  leur  trace  la  route  qui  doit  les 
ramener  à  la  vertu.  Fuir  le  mal ,  ce  n'est  pas  assez  pour  se 
dire  converti ,  il  faut  encore  faire  le  bien ,  et  en  rapporter  à 
Dieu  toute  la  gloire.  Ici ,  comme  en  plusieurs  autres  endroits 
de  ses  ouvrages,  saint  Bernard  trace  le  tableau  des  mœurs 
déréglées  du  clergé  de  son  siècle  ;  et  telle  est  l'énormité  des 
vices  dont  il  se  plaint,  qu'il  a  recours,  pour  effrayer  les  cou- 
pables, à  l'exemple  des  désastres  de  Gomore  et  de  Sodome. 
«  Qui  croirait,  ajoute-t-il,  qu'on  piît  retrouver  dans  la  race 
«  choisie,  dans  la  tribu  sainte,  de  pareilles  abominations.*'» 

Tome  XI IL  Ce 


XII  SIECLE. 


202      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE.    JSumquid  non  olim  civitates  illœ ,  spurcitipe  hujus  matres.... 

incendio  sunt  deletœ? Heu  !  geiius  electwn ,  regale  sacer- 

dotium ,  gens  sancta!  O  quis  credere  posset  passe  talia  in  te 
aliquando  reperiri  ? 

VII.  Un  opuscule  qui  remplit  treize  colonnes  et  comprend 
treize  chapitres ,  est  intitulé  Eloge  de  la  nouvelle  milice,  et 
adressé  aux  chevaliers  du  Temple,  ou  plutôt  à  Hugues  de 
Paganis,  leur  premier  grand-maître.  Hugues  mourut  en 
II 36,  et  fut  remplacé  par  Robert  :  l'opuscule  cjui  nous  oc- 
cupe n'a  donc  pas  été  composé  après  1 1 3G  ;  et ,  d'un  autre 
côté,  il  ne  l'a  point  été  avant  1 128,  c'est-à-dire  avant  le  con- 
cile de  Troyes ,  de  qui  les  Templiers  tenaient  leur  règle  et 
leurs  habits  blancs.  Avant  ce  concile,  en  effet,  les  chevaliers 
du  Temple  n'étaient  encore  qu'au  nombre  de  neuf,  au  lieu 
que  l'écrit  de  saint  Bernard  les  suppose  déjà  très-nombreux. 
Mabilîon  estime  que  cette  production  doit  se  placer  sous 
l'année  11 32  :  peut-être  conviendrait-il  de  la  rapprocher  un 
peu  plus  de  1 1 28 ,  c'est-à-dire  de  la  date  de  ce  concile ,  où 
siégea  Bernard.  Ainsi,  les  sept  premiers  ouvrages  de  l'illustre 
abbé  appartiendraient  à  la  seconde  époque  de  sa  vie ,  à  celle 
qui  se  termine  au  schisme  d'Anaclet.  Quoi  qu'il  en  soit,  on 
peut  distinguer  deux  parties  dans  l'opuscule  sur  la  Nouvelle 
milice.  La  seconde,  qui  est  la  plus  longue,  puisqu'elle  com- 
mence avec  le  cinquième  chapitre,  n'offre  guère  que  des  con- 
sidérations pieuses  sur  les  lieux  saints.  L'auteur  y  parle  du 
temple  de  Jérusalem,  de  Bethléem  ,  de  Nazareth,  de  la  mon- 
tagne des  Oliviers,  de  la  vallée  de  Josaphat,  du  Jourdain,  du 
Calvaire ,  du  Saint  Sépulcre ,  de  Bethphagé ,  et  de  Béthanie. 
Mais  dans  la  première  partie,  qui  se  compose  des  quatre 
premiers  chapitres ,  il  est  réellement  question  des  chevaliers 
au  Temple ,  de  cet  ordre  monastique  et  militaire  qui  offre 
de  si  frappans  conti-astes.  Un  tel  sujet  amène  fort  naturelle- 
ment ces  formes  antithétiques  si  familières  à  saint  Bernard. 
Les  mœurs  des  Tem[)liers  obtiennent  ici  de  magnifiques 
louanges  :  ils  renonçaient  à  tous  les  plaisirs ,  même  à  la 
chasse  et  au  jeu  d'échecs.  Leurs  vertus  sont  proposées  en 
exemple  aux  autres  gens  de  guerre ,  à  qui  l'auteur  adresse 
les  plus  graves  reproches;  il  leur  conteste  jusqu'à  la  vaillance, 
et  censure  leur  mollesse ,  qui  s'étale  jusque  dans  leurs  véte- 
mens:  on  doute, en  les  rencontrant,  si  l'on  voit  des  femmes 
ou  des  guerriers. 
A.  Mir.  Chr.       Aubert  Lemire  et  Manrique  attribuent  à  saint  Bernard  la 

Ci*t.  p.  42, «te. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       2o3 

rédaction  de  la  règle  des  Templiers ,  et  citent ,  à  l'appui  de    ^^  SïECLii 
cette  opinion ,  des  textes  qui  ne  la  confirment  guère,  quoique 
extraits  de  la  preTace  même  de  cette  règle.  Ces  textes  ne 
disent  aucunement  que  saint  Bernard  soit  le  rédacteur  :  ils 
donneraient  plutôt  à  entendre  qu'il  s'est  déchargé  de  ce  tra- 
vail  sur  Jean  Michel.  Ego  Joannes  Michaelensis  prœsentis      v.  Hist.  litt. 
paginœ,  jussu  concUii  ac  ■venerabilis  ahhatis  Clarcevallensis ,      Iq^['  ^.^^' 
cui  creditum  ac  debitum,  hoc  erat,  humilis  scriha  esse  divinâ 
gratiâ  merui. 

VIII.  Un  opuscule  sur  le  baptême  est  adressé  par  saint 
Bernard  à  Hugues  de  Saint-Victor  ,  qui  est  connu  par  plu- 
sieurs ouvrages,  et  qui  mourut  en  i  il^i.  Il  faut  donc  regarder 
comme  antérieur  à  cette  date  l'écrit  dont  nous  allons  rendre 
compte,  mais  qui  probablement  n'a  été  composé  qu'après 
l'extinction  du  schisme.  Ce  schisme  a  tellement  occupé  l'abbé 
de  Clairvaux  depuis  1 1 3o  jusqu'en   1 1 38  ,  que ,  selon  toute 
apparence ,  il   n'a  écrit  aucun  traité  durant  cet  intervalle. 
Celui  qui  concerne  le  baptême  est  le  plus  court  que  nous 
ait  laissé   saint  Bernard.   Ce  n'est ,  à  proprement  parlçr , 
qu'une  longue  lettre;  c'était,  dans  les  anciennes  éditions, 
1  épître  LXXVII.  On  l'a  partagée  en  cinq  chapitres,  qui  rem- 
plissent ensemble  dix  colonnes,  et  danslesquels  sont  traitées 
cinq  questions  distinctes  :   i"  Le  baptême  a-t-il  commencé 
d'être  d'obligation  depuis  l'instant  où  Jésus  a  dit  à  Nico- 
dême  :  Il  faut  renaître  par  l'eau  et  par  le  Saint  Esprit  pour 
entrer  dans  le  royaume  des  Cieux  "?  Selon  saint  Bernara ,  ces 
paroles ,  adressées  au  seul  Nicodême  ,  n'étaient  qu'une  ins- 
truction secrète  qui  n'avait  point  force  de  loi  ;  et  Tobligation 
d'être  baptisé  ne  peut  dater  que  de  l'époque  où  les  apôtres 
ont  promulgué  ce  précepte  évangélique.  2°  Pour  être  sauvé  ^- 
est-il  nésessaire  de  recevoir  le  baptême  ou  de  souffrir  le 
martyre  ?  ne  suffit-il  pas  qu'avec  une  foi  vive  et  une  contri- 
tion profonde  on  ait  désiré  et  demandé  le  sacrement  ?  L'au- 
teur  répond ,  ou  plutôt  saint  Augustin  et  saint  Ambroise 
répondent  pour  lui  que  de  tels  sentimens  suffisent,  quand 
une  mort  inopinée  ou  quelque  obstacle  invincible  empêche 
que  le  baptême  ne  soit  en  effet  administré.  3°  Les  patriar- 
cnes  de  l'Ancien  Testament  ont-ils  connu  l'incarnation  aussi 
claii-ement  que  les  chrétiens  la  connaissent  .3  Réponse  néga- 
tive, fondée  sur  la  prééminence  de  la  nouvelle    loi.  4°  Y 
a-t-il  des  péchés  d'ignorance  .^  Réponse  affirmative,  appuyée 
sur  des  textes  sacrés.  Anima,  si peccaverit per  ignorantiam , 

Cca 


2o4      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR^^4UX. 

xil  SIECLE,    offeret  arietem —  Ignorantias  viens  ne  memineris.  —  Si 

enim  cognoK'issent ,  niinquam  Dominum  gloiice  crucifixissent. 
5"  Les  anges  ont-ils  été  informés  avant  la  Sainte  Vierge  de 
la  triture  incarnation  du  Verbe  P  Sur  une  telle  question  , 
chacun,  selon  saint  Bernard,  peut  abonder  dans  son  sens. 
Pour  lui ,  il  distingue  entre  1  incarnation  considérée  en  elle- 
même,  sous  l'aspect  le  plus  général,  et  les  circonstances 
locales  ,  temporelles ,  personnelles ,  qui  la  devaient  accom- 
pagner. Il  croit  que  les  anges  n'ont  pas  été  instruits  avant 
Marie  de  ces  circonstances ,  et  qu'ils  n'ont  connu  ,  par 
exemple ,  la  ville  de  Nazareth  .  que  lorsqu'ils  ont  appris  que 
l'archange  Gabriel  venait  d'y  être  député.  Cette  production 
de  saint  Bernard  n'est  pas  celle  où  son  style  a  le  plus  d'or- 
nemens,  de  vivacité  et  de  couleur. 

IX.  On  a  placé  aussi  parmi  les  traités ,  et  divisé  en  neuf 
chapitres ,  la  lettre  i  ()o ,  adressée  au  Pape  Innocent  II ,  contre 
Abailard.  C'est,  en  effet,  un  petit  traite  polémique  d'environ 
treize  pages  in-folio. 

Abailard  disait  :  La  foi  est  l'appréciation,  l'estimation  des 
choses  qui  ne  frappent  point  les  sens  ;  il  faut  donc  examiner 
avant  de  croire ,  et  celui  cpii  croit  promptement  est  léger  de 
cœur,  comme  dit  l'auteur  de  l'Ecclésiastique.  Saint  Bernard 
répond  en  distinguant,  d'une  part,  la  foi  ou  croyance  hu- 
maine, qui,  en  effet,  doit  être  le  fruit  d'un  examen  circons- 
pect; de  l'autre,  la  foi  divine,  qui  ne  saurait  jamais  être 
trop  prompte.  Jésus  ne  reproche-t-il  pas  à  ses  disciples  leur 
lenteur  à  croire? 

Abailard  disait  :  Le  Père  est  la  pleine  puissance ,  le  Fils 
est  une  certaine  puissance,  et  le  Saint  Esprit  n'est  aucune 
puissance.  Que  sera-ce  donc  que  l'Esprit  Saint?  s'écrie  l'abbé 
de  Clairvaux.  Est-il  ou  n'est-il  pas  consubstantiel  au  Père  ? 
S'il  l'est,  comment  n'a-t-il  aucune  puissance?  et  s'il  ne  l'est 
pas,  cpie  devient  la  Trinité? 

Abailard  disait  :  Le  pouvoir  du  démon  sur  Ihomme  n'a 
jamais  été  que  le  pouvoir  d'un  geôlier,  qu'un  pouvoir  exercé 
par  la  permission  de  Dieu  ;  ainsi ,  ce  n'est  pas  pour  arracher 
l'homme  des  mains  du  démon  que  le  Verbe  s'est  incarné. 
Voilà,  dit  la  lettre  à  Innocent  II,  voilà  un  démenti  donné  à 
tous  les  théologiens,  et  à  saint  Paul  lui-même,  qui  nous  en- 
seigne cjue  les  médians  sont  retenus  captifs  dans  les  filets 
du  démon ,  et  (pie  Dieu  nous  a  délivrés  cîe  la  puissance  des 
ténèbres.    Ici   le   zèle   du  saint  abbé   s'anime  à   tel  point , 


cl 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       aoS 

u'après  avoir  traité  son  adversaire  d'arrogant,  de  téméraire,    ^^  SIECLE. 

'impie,  il  ajoute  qu'on  devrait  lui  fermer  la  bouche  autre- 
ment  que  par  des  raisons,  ^n  non  jus  fias  os  loqucns  talia 
fustibus  tunderetur  qiùun  rationibus  refelleretur  ? 

Abailard  disait,  enfin,  que  l'unique  but  de  Jésus-Christ, 
en  s'incarnant,  avait  été  de  nous  instruire  par  ses  paroles  et 

Far  ses  exemples.  Bernard  répond  que  c'est  là  renouveler 
hérésie  de  Pelage;  que,  dans  ce  système,  les  petits  enfans, 
3ui  ne  peuvent  profiter  ni  des  exemples  ni  des  instructions 
e  Jésus,  ne  seraient  point  rachetés  par  lui;  qu'il  laiit  dis- 
tinguer dans  l'œuvre  de  notre  salut  trois  clioses,  l'humilité 
du  Sauveur ,  sa  charité ,  et  notre  rédemption  consommée 
par  sa  mort.  Telles  sont,  dit-il  en  finissant,  les  principales 
erreurs  d'un  homme  qui  en  a  professé  bien  d'autres ,  ainsi 
que  le  pape  en  pourra  juger  par  les  quatorze  articles  que 
saint  Bernard  joint  à  sa  lettre.  Ces  articles ,  retrouvés  par 
dom  Jean  Durand ,  ont  été  placés  par  Mabillon  à  la  tête  de 
l'opuscule  dont  nous  venons  de  rendre  compte.  Il  est  à  re- 
marquer que  quelques-unes  de  ces  quatorze  propositions 
ne  se  découvrent  plus  dans  les  œuvres  imprimées  de  Pierre 
Abailard. 

X.  Les  rehgieux  de  Saint-Père,  près  de  Chartres,  avaient 
consulté  saint  Bernard  sur  l'étendue  de  leurs  obligations.  Il 
ne  leur  adresse  pas  directement  sa  réponse ,  parce  qu'en  lui 
écrivant  à  l'insu  de  leur  abbé ,  ils  avaient  enfreint  leur  règle. 
C'est  à  Roger,  abbé  de  Coulomb,  dans  le  diocèse  de  Char- 
tres, que  le  Traité  du  précepte  et  de  la  dispense  est  envoyé. 
Il  lui  est  annoncé  par  une  epître  qui  tient  lieu  de  préface ,  , 

et  dont  il  serait  difficile  d'établir  la  date  précise.  Mais  Roger 
n'a  été  fait  abbé  de  Coulomb  qu'en  i  i3i  ,  et  Pierre-le-Véné- 
rable,  dans  une  lettre  écrite  vers  ii43,  fait  mention  de  ce 
traité.  Il  nous  est  donc  permis  de  supposer  qu'il  a  été  com- 
posé vers  \\f\\  ou  42- 

La  principale  question  proposée  par  les  moines  de  Char- 
tres, était  de  savoir  comment  on  pouvait  distinguer,  dans 
la  règle  de  saint  Benoît ,  les  préceptes  rigoureux  et  les  sim- 
ples conseils.  L'abbé  de  Clairvaux  répond  que  la  règle  oblige 
tous  ceux  qui  l'ont  embrassée ,  et  qu'un  moine  ne  peut 
s'exempter  de  ce  qu'elle  prescrit  qu'en  vertu  d'une  dispense 
obtenue  de  ses  supérieurs.  Il  y  a  des  préceptes  immuables , 
fondés  sur  l'essence  des  choses  ;  Dieu  même  n'en  dispense 
point  :  il  y  en  a  d'inviolables  cjue  la  volonté  divine  a  établis  ; 


2o6      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE.  Dieu  en  est  l'auteur ,  lui  seul  en  dispense  :  il  en  est  enfin 
qui  ne  sont  que  stables,  et  tels  sont  les  régleniens  monas- 
tiques ou  ecclésiastiques,  dont  les  abbës  ou  les  prélats  peu- 
vent ,  au  besoin ,  adoucir  ou  modifier  les  dispositions. 

La  discussion  de  la  question  que  nous  venons  d'énoncer 
occupe  les  treize  premiers  chapitres  de  l'ouvrage.  Dans  les 
autres,  qui  sont  au  nombre  de  sept,  saint  Bernard  examine 
les  questions  suivantes  :  L'obéissance  est-elle  toujours  aussi 
méritoire  que  la  désobéissance  est  criminelle  .►'  A  qui  est-il 

{)ermis ,  à  qui  défendu  de  changer  de  monastère  ?  Pourquoi 
a  vie  religieuse  est-elle  regardée  comme  un  second  baptême  ? 
La  mort  ou  la  déposition  d'un  abbé  rend-elle  à  ses  religieux 
une  partie  de  leur  liberté,  par  exemple,  le  droit  de  se  retirer 
dans  un  autre  couvent  ?  Les  détails  dans  lesquels  ces  diffi- 
cultés entraînent  l'auteur  ne  sont  pas  d'un  intérêt  assez  gé- 
néral pour  qu'il  y  ait  lieu  de  les  retracer  ici.  Nous  dirons 
seulement  cjue  ses  réponses  sont  toujours  précises ,  et  que  sa 
morale  est  toujours  sévère.  Ce  traité  ,  qui  remplit  vingt- 
quatre  colonnes  dans  l'édition  de  Mabillon ,  passait  pour  l'un 
des  meilleurs  livres  de  morale  monastique. 

XL  La  Vie  de  saint  Malachie,  onzième  ouvrage  de  saint 
Bernard  ,  a  pour  le  moins  toute  l'étendue  que  comportait 
la  matière  ;  elle  comprend  trente-un  chapitres ,  en  trente- 
quatre  colonnes  in-folio.  L'auteur  paraît  avoir  donné  des 
soins  particuliers  à  la  composition  de  ce  livre,  entrepris  à  la 
prière  de  l'abbé  Congan ,  auquel  il  est  dédié. 

Semblable  aux  poissons  de  la  mer ,  qui  ne  conservent 
rien  de  son  âcreté,  Malachie,  né  en  Irlande,  ne  contracta 
rien  de  ce  qu'avait  de  barbare  une  telle  patrie  (a).  Ses 
progrès  dans  la  piété  furent  si  rapides  et  si  solides ,  qu'on 
le  fit  diacre  avant  l'âge  de  vingt-cinq  ans ,  prêtre  avant  trente , 
c'est-à-dire  plus  hâtivement  que  ne  permettaient  alors  les 
canons  ecclésiastiques.  Il  accepta  malgré  lui ,  dans  sa  trente- 
unième  année ,  l'evêché  de  Conneret ,  et  soumit  réellement 
à  Jésus-Christ  un  peuple  qui ,  jusqu'à  ce  moment,  avait  été 
chrétien  de  nom,  payen  de  fait.  Celse ,  qui  en  ce  temps-là 
gouvernait  toute  l'église  d'Irlande  en  quahté  de  primat  d'Ar-. 
mach ,  tomba  malade ,  et  sentant  sa  hn  prochaine ,  désigna 
Malachie  pour  son  successeur.  Malachie  monte  à  l'âge  de 

(a)  De  natali  barbarie  traxit  nihil ,  non  magis  quàm  de  salo  materna 
pisces  maris. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       207 

trente-huit  ans  sur  ce  nouveau  siège  ,  réprime  les  abus ,  re'-  Xll  SIECLE, 
tablit  la  paix ,  et  après  trois  années  de  travaux  et  de  succès, 
quitte  Armach ,  divise  en  deux  parties  le  diocèse  de  Conneret , 
et,  se  réduisant  à  gouverner  l'une  de  ces  deux  petites  églises, 
dcAdent  simple  évêque  de  Durham.  Il  désira  toutefois  le  Pal- 
lium ,  et  fit  un  voyage  en  Italie  pour  l'obtenir  du  pape  Inno- 
cent II,  qui  le  reçut  bien,  et  n'exauça  point  sa  prière.  En 
allant  à  Rome  et  en  revenant  en  Irlande ,  Malachie  passa  par 
Clairvaux ,  et  inspira  la  plus  profonde  estime  à  tous  les  na- 
bitans  de  ce  monastère ,  sur-tout  à  l'abbé.  Ici  la  conduite  de 
Malachie  est  mise  en  opposition  avec  celle  des  autres  prélats. 
«  Ils  dominent  le  clergé;  il  est  le  serviteur  des  clercs.  Ils 
«  mangent  sans  prêcher  ou  prêchent  pour  manger  ;  il  imite 
«  saint  Paul ,  en  mangeant  pour  annoncer  l'évangile.  Chez 
«  eux  la  piété  n'est  qu'un  trafic ,  qu'un  moyen  d'entretenir 
«  leur  faste  ;  le  travail  est  son  trésor, et  la  peine  son  héritage. 
«  Leur  bonheur  est  d'étendre  leurs  domaines  ;  sa  gloire  est 
«  de  propager  la  charité.  On  les  voit  recueillir,  accumuler 
«  les  dîmes ,  les  prémices ,  les  oblations ,  les  redevances  ;  il 
«  n'est  sorte  de  revenus  qu'ils  n'arrachent  à  la  libéralité  des 
«  princes  et  à  la  misère  des  peuples  :  Malachie ,  qui  ne  pos- 
«  sède  rien ,  enrichit  la  terre  des  trésors  de  la  foi  ;  et  tandis 
«  qu'une  inquiète  cupidité  les  dévore ,  il  ne  songe  pas  au 
«  lendemain.  Par  eux ,  le  pauvre  est  dépouillé  pour  enrichir 
«  l'opulent  ;  par  lui ,  les  riches  sont  exhortés  à  soulager  l'in- 
ft  digence.  Ils  bâtissent  des  palais ,  des  tours ,  des  forteresses  ; 
«  il  n'a  point  où  reposer  sa  tête  apostolique.  Orgueilleux  du 
«  luxe  de  leurs  équipages ,  ils  sont  environnés  d'une  nom- 
ce  breuse  escorte ,  et  la  nourrissent  d'un  pain  qui  ne  leur  ap- 
«  partient  pas  ;  il  marche  à  pied ,  accompagne  de  ses  coopé-  * 

«  rateurs  modestes  ,  et  porte  le  pain  des  anges  qui   doit 
«  rassasier  les  âmes  chrétiennes  {a).  » 

(a)  1111  dominantur  in  clero  ;  iste,  dùm  liber  esset  ex  omnibus,  omnium 
se  servum  fecit.  Illi  aut  non  evangelizantes  manducant ,  aut  evangelizant 
ut  manducent  :  Malachias,  imitans  Paulum  ,  manduoat  ut  evangelizet.  Illi 
fastum  et  quœstum  œstimant  pietatem,  Malachias  hereditatem  vindicat  sibi 
opus  et  onus.  Illi  felices  se  credunt,  si  dilataverint  termines  suos  :  Mala- 
chias in  dilatandà  caritate  gloriatur.  IIU ,  cùm  accipiant  décimas  et  primi- 
tias  et  oblationes  insuper,  et  de  Cœsaris  beneficio  telonia  et  tributa,  et  alios 
redilus  infinités  ,  soUiciti  sunt  nihilominùs  quid  manducent  et  quid 
bibant  :  Malachias  ,  nihil  horum  habens  ,  multos  tamen  locupletat  de 
promptuario  fidei.  lllis  nec  cupiditatis,  nec  sollicitudinis  ullus  est  finis; 


2o8      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE.        Pour  faire  connaître  pleinement  cette  histoire ,  pour  donner 
une  idée  complète  du  liéros ,  et  sur-tout  de  l'iiistorien ,  nous 
devons  dire  qu'elle  raconte  beaucoup  de  miracles ,  et  en  citer 
même  un  ou  deux.  Le  saint  évêque  avait  pour  adversaire  un 
Kigellus  qui-  Nigellus  ^  quc  l'auteur  appellerait  volontiers  Nigerrwius.  Cet 
dam,  immôve-  implacable  ennemi  avait  aposté  des  assassins  qui  devaient 
re  nigerrimus.    ^„Qy^ç.j-  Malachic.  Mais  la  prière  de  celui-ci  pénétra  le  Ciel  ; 
il  en  fit  descendie  les  ténèbres,  les  orages  et  la  foudre  sur  les 
malfaiteurs.    Quand   le   saint  partit   pour  Rome  ,   l'évêque 
d'Yorck  lui  prêta  un  cheval  très-vicieux.  Je  vous  le  donnerais 
plus  volontiers ,  lui  disait  ce  prélat,  s'il  était  meilleur.  N'im- 
porte ,  répond  Malachie ,  qu'on  le  selle  toujours  ;  c'est  la  main 
.     qui  me  l'offre  qui  me  le  rend  précieux.  Il  le  monte  en  eflét  : 
tout-à-coup  le  coursier,  jusqu'alors  rétif,   se  montre  docile; 
et  pour  que  la  métamorphose  soit  plus  visible ,  de  noir  qu'il 
était,  le  voilà  qui  devient  tout  blanc.   Quodque  evidentius 
miraciduin  cernentibusfecit ,  de  subnigro  cœpit  albescere ,  et 
non  multo  post ,  'vix  im<eniehatar  albior  illo. 

En  ii4oi  Malachie  désirant  toujours  le  Pallium,  et  se 
flattant  de  l'obtenir  d'Eugène  III,  vint  en  France,  et  se  ren- 
dit, vers  le  i5  octobre,  à  Clairvaux;  le  i8  il  tomba  malade, 
et  mourut  le  2  novembie  dans  les  bras  de  saint  Bernard, 
Le  récit  de  cette  mort  est ,  en  général ,  intéressant  et  pathé- 
tique, malgré  la  froideur  de  quelques  antithèses  ,  par  exem- 
ple, de  celles-ci:  Flendo  cantamus ,  et  cantando  flenius  ; 
JSÎalachias  etsi  non  cantat ,  non  plorat  tamen ,  etc.  Ce  fut 
dans  le  cours  de  l'année  suivante  (1149)  que  saint  Bernard 
composa  cette  vie,  la  seule  de  ses  productions  qui  appar- 
tienne au  genre  historique  ;  car  ses  panégyriques  sont  trop 
étrangers  à  ce  genre ,  et  l'on  n'y  saurait  rapporter  non  plus 
les  deux  oraisons  fiuièbres  de  saint  Malachie,  que  nous  avons 
fait  apeicevoir  parmi  ses  sermons. 

XII.  Le  principal  ouvrage  de  saint  Bernard  est  celui  qui 
a  été  composé  le  dernier,  le  Traité  de  la  Considération  , 
adressé  au  ,pape  Eugène  III.  L'auteur  entend  par  considé- 

'  Malachias ,  cupiens  nihil ,  non   novit  tamen  cogitare  de  crastino.  Illi  à 

pauperibus  exigunt  qiiofl  dent  divitibus  :  iste  sollicitât  divites  pro  paupe- 
ribns  sustentandis....  Illi  alta  palatia  erigunt ,  turres  ac  mœnia  ad  cœlos 
levant:  Malachias,  non  liabens  ubi  caput  reclinct,  opus  facit  evangebstae. 
Illi  cquos  ascendunt  cun»  tuibà  hominuni  gratis  manducantiuni  panem 
et  non  suuni  :  IMalachias,  septus  sanctorum  fratrum  collegio,  pedes  circuit 
portans  panes  angeloruni ,  quibus  satiet  animas. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.      209 

ration  l'habitude  des  réflexions  morales  et  des  méditations  Xll  sieclk. 
pieuses.  Dans  un  premier  livre,  il  établit  la  nécessité  de 
contracter  ou  de  conserver  cette  habitude  sur  le  siège  pon- 
tifical. Il  considère,  dans  le  second ,  ce  que  doit  être  un  sou- 
verain pontife;  dans  le  troisième,  ce  qui  est  au-dessous  de 
lui,  savoir,  tous  les  peuples  de  la  terre;  dans  le  quatrième, 
les  personnes  qui  l'environnent,  ses  conseillers,  ses  cai'di- 
naux,  sa  cour;  dans  le  cinquième  enfin,  les  êtres  qui  lui  sont 
supérieurs,  c'est-à-dire,  les. anges  et  le  Très-Haut. 

Le  prologue  est  affectueux  avec  dignité.  L'amitié,  dit  saint 
Bernard,  ne  connaît  point  de  maître,  et  la  tendresse  re- 
trouve un  fils  jusque  sous  la  pourpre.  Je  vous  aimai  pauvre, 
je  vous  chérirai  père  des  pauvres  et  des  riches.  Mais  un  jeu 
de  mots  entre  amans  et  amens  vient  terminer  et  gâter  ce 
morceau.  Le  saint  abbé  plaint  son  ancien  disciple  arraché 
aux  délices  de  la  solitude ,  et  entraîné  dans  le  tourbillon 
des  affaires.  Dira-t-on  que  l'apôtre  saint  Paul,  renonçant  aussi 
à  sa  liberté,  s'est  rendu  l'esclave  de  tous  les  hommes  .-^  Mais 
l'apôtre  avait-il  donc  cà  satisfaire  la  cupidité  des  bénéficiers .-' 
voyait- il  arriver  autour  de  lui,  de  toutes  les  parties  du 
monde,  des  ambitieux,  des  avares,  des  simoniaques,  des 
incestueux ,  des  sacrilèges  .^  Malheur  au  pontife  qui ,  se  né- 
gligeant lui-même  pour  gouverner  les  autres,  méconnaît  la 
nécessité  de  méditer  les  vérités  évangéliques  !  Grégoire-le- 
Grand  expliquait  Ezéchiel  pendant  que  les  barbares  assié- 
geaient Rome.  S'il  est  impossible  d'écarter  ces  innombrables 
affaires  qui  pourtant  ne  devraient  occuper  que  les  princes  et 
les  magistrats  séculiers,  du  moins  faut-il  en  corriger  les  plus 
révoltans  abus  :  par  exemple,  mettre  un  frein  à  la  loquacité 
des  avocats ,  prœcide  linguas  vaniloquas ,  et  i^éprimer  les 
excès  de  l'ambition  universelle  ,y;'/e/?(7  est  ambitiosis  ecclesia; 
corrige  pras'um  moreni  :  exurgat  auctontas  adversus  impu- 
dentiani  hanc  et  generalem  pesteni. 

Ce  premier  livre,  qui  a  onze  chapitres,  fut  composé  en 
II 49;  le  second,  qui  comprend  quatorze  chapitres,  ne  par- 
vint à  Eugène  qu'en  ii5o.  De  vifs  chagrins  avaient  inter- 
rompu cet  ouvrage  ;  les  désastres  de  la  croisade  avaient 
plongé  l'auteur  dans  une  affliction  profonde.  Ce  livre  com- 
mence par  une  sorte  d'apologie.  On  m'accuse  de  témérité, 
dit  Bernard  ;  on  me  reproche  de  magnifiques  promesses 
qu'aucun  effet  n'a  suivies.  Qu"ai-je  fait  pourtant  qu'exécuter 
vos  ordres,  ou  plutôt  ceux  que  Dieu  me  donnait  par  vous.-' 
Tome  XIII.  Dd 


210      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE.  Incrédules  et  rebelles  comme  les  Israélites  que  conduisait 
Moïse,  les  ci'oisés  ont  eu  le  même  sort;  ils  ont  subi  les  mêmes 
chatimens.  Moïse  prouvait  sa  mission  par  des  miracles;  et 
si  l'on  demande  quels  signes  ont  justifié  la  mienne,  ce  n'est 
pas  k  moi  de  répondre.  Peu  m'importe,  après  tout,  le  juge- 
ment des  mortels  ;  j'aime  mieux  qu'ils  murmurent  contre 
moi  que  contre  Dieu.  Périsse  ma  gloire, pouiTU  cjue  la  sienne 
soit  révérée.  Dans  le  reste  du  livre,  Eugène  est  exhorté  à 
se  considérer  lui-même,  à  examiner  ce  qu'il  était,  ce  qu'il 
est ,  quel  il  doit  être.  L'auteur  s'applique  sur-tout  à  montrer 
que  le  souverain  pontificat  est  un  ministère,  non  une  prin- 
cipauté ;  un  fermage,  et  non  un  domaine.  Non  tanquam  do- 
minus  ,  sed  tanquam  vUlicus.  Il  rassemble  les  textes  sacrés 
Ep.  I.  Pfir.  qui  prouvent  que  les  papes  ne  sont  point  établis  pour  do- 
c.  5,  V.  3.  Luc.  miner.  «  Non  dominantes  in  cleris ,  — principes  gentium 
c.  22,v.  a  .       a  domina ntur  eo/iwi ,    vos  autem  non  sic,    etc.   etc.  » 

Dans  les  cinq  chapitres  du  troisième  livre  achevé  en  1 1 52, 
il  est  question  des  personnes  sur  lescpielles  s'exerce  la  puis- 
sance du  souverain  pontité,  ou  plutôt  sa  surveillance;  car 
l'auteur  écarte  encore  ici  toute  idée  de  domination.  Il  veut 
que  la  sollicitude  d'Eugène  s'étende  sur  les  ])aïens,  sur  les 
scliismatiques,  sur  les  hérétiques,  mais  particulièrement  sur 
l'église  catholique.  Il  parle  fort  au  long  des  appellations, 
des  immunités,  des  dispenses.  Ces  institutions  ne  lui  pa- 
raissent point  essentiellement  abusives;  il  ne  soupçonne  au- 
cunement la  fausseté  des  décrétales  qui  les  ont  accréditées; 
il  dit  en  propres  termes  que  les  appels  au  pape  sont  aussi 
nécessaires  à  l'église  que  le  soleil  à  l'univers.  Mais  il  recom- 
mande à  Eugène  de  n'exercer  de  tels  pouvoirs  qu'avec  so- 
briété, clairvoyance  et  justice;  et  pour  montrer  combien  il 
s'en  faut  qu'on  en  ait  toujours  usé  ainsi,  il  cite  jilusieurs 
exemples,  et  spécialement  ceux  des  archevêques  de  Mayence 
et  de  Cologne,  qui  ont  dû  à  leurs  richesses  l'impunité  de 
leurs  scandales. 
'  En  commençant  le  quatrième  livre,  saint  Bernard  dit  qu'il 
ignore  comment  les  trois  premiers  ont  été  accueillis  à  Rome, 
et  il  annonce  qu'en  consécjuence  il  sera  plus  réservé  dans 
celui-ci.  C  est  néamnoins  avec  une  liberté  parfaite  qu'il  ca- 
ractérise les  Romains,  la  cour  de  Rome,  les  cardinaux,  toutes 
les  personnes  dont  le  pape  est  environné.  Il  dit  tant  de  mal 
des  habitans  de  Rome,  qu'il  permet  presque  à  Eugène  de 
les  regarder  comme  incorrigibles.  Mais,  ajoute-t-il,  vous  ne 


V.  17- 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.      211 

devez  pas  moins  essayer  cette  cure,  sans  répondi'e  du  succès.    ^^^  SIECLE. 
A  ce  propos  il  cite  le  vers  d'Ovide  : 

Non  est  in  inedico  semper  relevetur  ut  ceecr.  De    Ponto  , 

^  *  lib.  I,  Eleg.  III, 

Il  admire  au  milieu  de  la  corruption  génei-ale  le  désinté- 
ressement des  deux  légats,  Martin  et  Geoft'roi  de  Chartres. 
Qu'un  légat  revienne  sans  or  et  sans  argent  d'un  pays  où 
l'or  et  l'argent  ne  manquent  pas,  n'est-ce  pas,  dit-il,  une 
merveille  étrangère  à  notre  siècle.''  «  Nonne  alterius  sœculi 
«  est  rediisse  legatum  de  terra  auri  sine  aura;  transiisse  per 
ce  terrani  argenti ,   et  argentwn  nesciisse  ?  » 

Le  quatrième  livre  a  sept  chapitres,  et  le  dernier  qua- 
torze. Les  quatre  premiers  livres  contiennent ,  comme  on 
vient  de  le  voir,  un  grand  nombre  d'instructions  pratiques; 
mais  le  cinquième  est  de  pure  spéculation  :  il  traite  des 
anges  et  de  Dieu,  de  l'unité,  de  la  trinité  ,  de  l'incarnation 
de  Jésus-Christ,  personne  unique  réunissant  deux  natures; 
des  perfections  divines,  et  de  l'adoration  qui  leur  est  due. 

Tels  sont  les  douze  traités  de  saint  Bernard.  Mabillon  y  a 
joint  un  treizième  écrit,  c'est-à-dire,  un  opuscule  sur  le 
chant  ecclésiastique  ou  sur  la  réforme  de  l'antiphonier.  Mais 
le  saint  abbé  n'en  a  réellement  composé  que  l'épître  dédica- 
toire,  adressée  à  ceux  qui  transcriront  ou  liront  l'antipho- 
nier, auquel  le  traité  dont  il  s'agit  sert  de  préface.  L'épître 
est  fort  courte,  et  le  traité,  qui  ne  remplit  que  sept  colonnes, 
ne  nous  paraît  remarquable  que  par  certains  détails  tech- 
niques ,  qui  peuvent  servir  a  l'histoire  de  l'art  musical. 
L'auteur  distingue  quatre  modes  de  chant,  quatuor  manerice 
cantuum,  appelés,  dit-il,  chez  les  Grecs,  protus ,  deuterus , 
tritus ,  tetradus.  Chaque  mode  se  sous -divise  en  plusieurs 
tons,  et  admet  différentes  finales. 

§  V. 

OUVRAGES    MAL-A-PROPOS    ATTRIBUES    A    S.    BERNARD. 


Nous  partagerons  en  deux  ordres  les  productions  mal-à- 
propos  attribuées  à  saint  Bernard  :  i"  celles  que  Mabillon  a 
recueillies  ;  2°  celles  qu'il  a  négligées. 

Voici  les  premières  : 

Dd2 


212      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE.  Quarante-huit  sermons  de  l'abbé  Gillebert  sur  le  cantique 
des  cantiques  ;  sept  traités  ascétiques ,  et  quatre  lettres  du 
même  abbé. 

Lettre  de  Guillaume  de  Saint-Thierry  avix  chartreux  du 
Mont-Dieu ,  ses  Traités  de  la  Contemplation  et  de  l'Amour 
divin ,  et  le  Commentaire  attribué  au  même  Guillaume  sur 
le  cantique  des  cantiqvres  ,  commentaire  qui  n'est  qu'un 
abrégé  des  quatre-vingt-six  sermons  de  saint  Bernard  sur 
le  même  sujet. 

Réflexions  sur  l'entretien  de  saint  Pierre  avec  Jésus , 
extraites  par  Geoffroi  d'Igny  des  ouvrages  de  l'abbé  de  Clair- 
vaux. 

Scain  claustraJiwn  ou  scaJa paradisi ,  par  Guignes,  prieur 
des  chartreux. 

Un  traité  sur  l'Enfant- Jésus  (  âgé  de  douze  ans  )  ,  par 
AElrède,  abbé  de  Riéval;  mi  sermon  du  même  abbé  sur 
l'avent  ;  six  sermons  de  Nicolas  de  Clairvaux,  quinze  dOger, 
abbé  de  Locédia,  un  de  Bernard,  moine  de  Cluni,  un  de 
Guibert ,  abbé  de  Nogent. 

Quatre  sermons  sur  l'antienne  Salve  Regina  ,  attribués 
aussi ,  mais  sans  fondement ,  à  Bernard  de  Compostelle. 

Sur  la  même  antienne,  une  méditation  extraite  du  traité 
intitulé  Stimulus  amoris ,  qui  se  trouve  parmi  les  ouvrages 
de  saint  Bonaventure,  et  dont  Anselme,  evêque  de  Lucques, 
est  peut-êti-e  l'auteur. 

Un  sermon  sur  la  vie  et  la  passion  de  Jésus-Christ;  mor- 
ceau que  Trithême  et  Bellarmin  attribuent  au  même  saint 
Anselme. 

Un  sermon  sur  la  pureté ,  où  l'on  remarque  beaucoup  de 
phrases  extraites  des  écrits  de  Guerric ,  abbé  d'Igny. 

Le  Mii'oir  des  moines ,  par  Arnoul ,  religieux  de  l'abbaye 
de  Bohéri  ;  et  deux  autres  opuscules  du  même  auteur ,  inti- 
tulés ,  le  premier  Document  de  la  vie  religieuse ,  le  second 
les  Huit  points  de  la  perfection. 

Un  écrit  sur  ces  paroles,  ad  quid  venisti?  qui,  dans  la 
bibliothèque  des  Pères,  a  été  placé  parmi  les  œuvres  de 
David  d'Augsbourg,  frère  mineur. 

Des  Méditations  sur  l'ame ,  et  un  Traité  de  la  conscience, 
qui  font  partie  du  recueil  des  oeuvres  de  Hugues  de  Saint- 
Victor  ,  et  qui  ne  paraissent  pas  plus  appartenir  à  ce  théo- 
logien qu'à  saint  Bernard. 

Un  autre  Traité  de  la  conscience;  un  Traité  de  la  vie  réglée; 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.      21 3 

un  Traité  de  la  Passion  de  Jésus ,  et  une  lamentation  sur  le    ^^^  SIEClE. 
même  sujet. 

Gemma  crucifixi,  ou  Instruetion  sacerdotale  sur  les  mys- 
tères de  la  religion  ;  un  Traité  des  vertus  ;  une  Explication 
de  l'oraison  dominicale. 

Sermons  sur  le  dimanche  des  Rameaux ,  sur  la  cène ,  sur 
les  deux  disciples  allant  à  Emmaiis  ;  sur  la  dignité  sacerdo- 
tale, sur  la  parabole  des  dix  vierges,  sur  celle  du  marchand 
qui  cherche  des  pierres  précieuses,  sur  la  misère  de  l'homme, 
sur  les  sept  dons  du  Saint  Esprit,  sur  les  douze  portes  de 
Jérusalem ,  sur  le  renoncement  au  monde ,  sur  ce  texte  du 
prophète  Michée  :  «  O  homme,  je  vous  dirai  ce  cpii  vous  est 
«  utile.  » 

Un  sermon  prêché  au  concile  de  Reims ,  presque  entière  - 
ment  formé  de  centons  recueillis  dans  les  écrits  de  saint 
Bernard;  un  autre  discours  prononcé  dans  un  synode;  un 
troisième  adressé  à  des  prêtres ,  et  dans  lequel  il  est  question 
du  schisme  entre  Alexandre  III  et  l'anti-pape  Victor,  schisme 
postérieur  à  la  mort  de  saint  Bernard. 

Une  letti^e  sur  la  manière  de  bien  vivre ,  un  long  traité 
sur  la  même  matière ,  divisé  en  soixante-treize  chapitres ,  et 
adressé  par  l'auteur  à  sa  sœur;  mais  à  une  sœur  qui  n'a 
jamais  été  mariée ,  et  qui  par  conséquent  n'est  point  Hum- 
beline. 

Cent  quatre-vingt-six  sentences,  un  Soliloque,  un  Dia- 
logue entre  un  Juste  et  Dieu ,  enfin  six  pièces  de  vers ,  dont 
les  cinq  dernières  ne  consistent  qu'en  lignes  rimées. 

Parmi  ces  productions,  il  en  est  plusieurs  qui,  comme  on 
vient  de  le  voir,  appartiennent  à  des  auteurs  connus,  très- 
distincts  de  l'abbé  de  Clairvaux.  Celles-là  ont  été  ou  seront 
examinées  en  d'autres  ai'ticles  de  cette  histoire  littéraire;  et 
nous  ne  devons  point  nous  y  arrêter  dans  celui-ci,  non  plus 
qu'aux  discussions  critiqvies  qui  peuvent  s'élever  sur  l'au- 
thenticité de  quelques-unes  de  ces  productions.  Les  motifs 
de  Mabillon  pou»  ne  les  point  attribuer  à  saint  Bei^nard , 
sont  de  deux  genres  :  1°  la  dissemblance  du  style;  2°  les 
allusions  à  des  circonstanses  étrangères  à  la  vie  du  saint 
abbé  ;  motifs  qui  s'appliquent  également  aux  écrits  anonymes 
dont  nous  venons  aussi  de  recueillir  les  titres. 

Deux  caractères  distinguent  le  style  de  saint  Bernard  : 
d'une  part,  l'usage  et  quelquefois  l'abus  des  formes  anti- 
thétiques; de  l'autre,  les  textes  sacrés  qu'il  fond   dans  son 


2i4      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 

XII  SIECLE,  pi'opre  texte,  et  dont,  pour  l'ordinaire,  il  détourne  plus  ou 
moins  le  sens  naturel.  On  est  pleinement  autorise  à  ne  point 
lui  attribuer  des  compositions  où  l'on  ne  retrouve  ni  ces 
caractères,  ni  le  ton  noble,  ni  enfin  le  genre  d'idées  que 
présentent  ses  ouvrages  authentiques.  Il  ne  peut  sur- tout 
rester  aucun  doute  à  l'égard  des  pièces  qui  offrent  des  dé- 
tails inconciliables  avec  l'histoire  personnelle  de  l'auteur. 
Par  exemple, ce  long  traité  qu'on  suppose  adressé  à  sa  sœur 
Humbeline  ne  saurait  être  de  lui,  puisqu'Humbeline  avait 
été  mariée,  et  que  l'écrivain  parle  à  une  sœur  qui  a  tou- 
jours vécu  dans  le  célibat. 

Voilà  tout  ce  que  nous  dirons  de  ces  écrits  anonymes, 
c[ui,  d'ailleurs,  sont  d'un  bien  faible  intérêt  tant  pour  le 
fond  que  pour  les  formes. 

Mais  il  est  d'autres  productions  citées  ou  même  publiées 
sous  le  nom  de  saint  Bernard,  et  cjui  lui  appartiennent  si 
peu,  que  dom  Mabillon  n'a  pas  jugé  convenable  de  les  in- 
sérer même  parmi  les  œuvres  apocryphes  du  saint  abbé.  Ces 
productions,  qui  sont  au  nomore  de  soixante,  peuvent  se 
diviser  en  cinq  classes  : 

i"  Des  ouvi"ages  dont  on  peut  indiquer  les  auteurs; 

2°  Des  écrits  anonymes  en  prose  ; 

3°  Des  pièces  de  vers  ; 

4°  Des  opuscules  qui  sont  restés  manuscrits; 

5°  Divers  extraits  oes  œuvres  de  saint  Bernard ,  recueillis 
par  des  compilateurs  des  siècles  suivans ,  et  disposés  en 
forme  de  traités. 

I.  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  règle  des  Templiers,  dont 
Hist.  litt.  de  la  rédaction  nous  a  paru  devoir  être  attribuée  à  Jean  Michael- 

laFr.  t.  XI,  p.  lensis,  ainsi  que  l'avaient  déjà  dit  nos  prédécesseurs  à  l'ar- 
''°'  ticle  de  cet  écrivain.  Cette  règle,  un  traité    d'Arnauld    de 

Bonneval  sur  l'œuvre  des  six  jours,  l'explication  du  psaume 
ylfferte  par  Richard  de  Saint-Victor,  celle  du  Miserere  par 
Urbain  II,  un  commentaire  sur  les  psaumes  de  la  pénitence 
par  Innocent  III,  ont  été  attribués  sans  raison  et  même  sans 
vraisemblance  à  l'abbé  de  Clairvaux. 

II.  Il  serait  beaucovip  plus  difficile  de  désigner  les  auteurs 
de  quelques  autres  écx'its  dont  on  a  supposé  tout  aussi  mal- 
à-propos  cju'il  était  l'auteur.  Ces  écrits  ,  au  nombre  de  onze, 
sont  des  commentaires  sur  les  Epitres  de  saint  Paul,  sur 
l'Apocalypse  et  sur  l'hymne  Jesu  nostra  redemptio  ;  un 
sermon  sur  la  Vierge,  un  psautier  de  la  Vierge,  une  vie  de 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX.      2i5 

saint  Melcliiade,  un  livre  de  méditations,  des  sentences  con-    ^^l  siècle. 
templatives  ou  mystiques,  des  paraboles,  un  traité  du  corps 
de  Jésus-Christ,  et  deux  traités  de   musique.  Hommey,  re- 
ligieux angustin,  qui  a  inséré  ces  deux  traités,  les  paraboles 
et  les  sentences  dans  un  supplément  à  la  bibliothèque  des 
Pères,  en  les  attribuant  à  saint  Bernard,  n'allègue  aucune 
preuve  à  l'appui  de  ces  hypothèses ,  dont  il  ne  dissimule 
point  d'ailleurs  l'extrême  incertitude.  L'abbé  de  Clairvaux 
n'a  écrit  sur  la  mvisique  que  la  lettre  qui  sert  tle  préface  au 
traité  de  la   correction  de  l'antiphonier,  et  Ion   n'a  de  lui 
d'autres  sentences,  d'autres  paraboles  que  celles  qui  suivent 
ses  sermons  dans  l'édition  de  Mabillon.  Dom  Bernard  Pez,       Bibl.  Ascet. 
en  imprimant  sous  le  nom  du  saint  abbé  un  commentaire  t- "Vil,  p.  (jj. 
sur  l'hymne  Jesu  nostra  redemptio  ,   se  borne  aussi  à  pré- 
senter cette  opinion  comme  une  conjecture  qu'aucun  témoi- 
gnage ne  confirme  :  en  a  lieu  de  penser,  au  contraire,  ciue 
ce  commentaire  est  plus  ancien  cjue  saint  Bernard.  Enfin,      s.ind.  not.  in 
c'est  sans  doute  en  confondant  Malachie  et  Melchiade,  que  ^°^*'  ^'*'"  ^^^ 
le  père  Louis  Jacob  de  Saint-Charles  suppose  que  le  pape  visdi.Bibi.  srr. 
Melchiade  a  eu   l'abbé  de  Clairvaux  pour  historien.  ord.  cisterc.  p. 

Aux  veux  des  moines  de  Citeaux  et  de  Clairvaux,  la  poésie  ^l*"     „  „ 

,     .  ■'      ,  ,.  ,  .  ^        .  •  ^    I    •  Oper.  S.  Bern. 

était  un  talent  profane,  la  versincation  un  exercice  mondani.  t.  v,  vol.  ii,  p. 
Ils  ne  se  permettaient,  dit  Mabillon,  aucune  composition  Sgi. 
oii  la  mesure  fût  observée  ;  et  c'est  pour  cela ,  ajoute  le  même 
éditeur,  qu'il  n'y  a  ni  mètre  ni  rhythme  dans  les  hymnes 
que  fit  saint  Bernard  pour  la  fête  de  Saint- Victor.  On  ne  sau- 
rait donc  attribuer  à  ce  pieux  abbé  certaines  pièces  de  vers 
d'un  mécanisme  plus  régulier,  quoiqu'on  ne  pût  d'ailleurs 
les  considérer  comme  de  bien  graves  infractions  de  la  règle 
ou  de  l'usage  Cjui  défendait  aux  cisterciens  d'être  poètes.  L'au- 
teur du  Floretus  n'est  point  coupable  de  poésie,  mais  il  ver- 
sifie, sinon  avec  grâce,  du  moins  avec  un  soin  que  s'interdi- 
sait saint  Beinard.  Cette  production  est,  en  quelque  sorte, 
un  tissu  d'extraits  de  plusieurs  livres  de  théologie  et  de  mo- 
rale : 

Hic  Hier  extractus  de  phiribus  est  'vocitatus 

Rite  Floretus.  .  .  . 

Collegi  Jlores  non  omnes ,  sed  meliores. 

Ces  vers  expliquent  le  titre  donné  à  ce  livre,  et  en  font  con- 
naître la  nature.  Il  est  divisé  en  six  parties.  La  première 
traite  des  articles  de  foi,  la  seconde  des  préceptes,  la  troi- 
sième des  moyens  d'éviter  le  péché ,  la  quatrième  des  sacre- 


2i6      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  jneijs  ^  la  cinquième  des  vertus ,  la  sixième  de  la  mort  et  de 
ses  suites,  c'est-à-dire,  du  purgatoire,  du  paradis  et  de  l'en- 
fer. Gerson  a  commenté  cet  ouvrage ,  cjui ,  dans  quelques 
manuscrits  et  dans  la  plupart  des  imprimes,  porte  en  effet 
le  nom  de  l'abbé  de  Clairvaux,  mais  qui  n'est  mentionné 
dans  aucune  de  ses  lettres,  dans  aucun  de  ses  écrits  authen- 
tiques ,  qui  ne  leur  ressemble  en  aucune  manière ,  et  qiie 
nul  de  ses  contemporains  ne  lui  attribue.  Bérenger,  qui  de- 
puis lui  a  reproché  fort  témérairement  d'avoir  fait  dans  sa 
Apolog.  pro  jeunesse  des  vers  et  des  chansons,  ne  parle  ni  du  Floretus , 
Abaeiardo  con-  j^j  d'aucuii  autrc  poëmc  composé  après  1 1 1 5  par  l'abbé  de 
Clairvaux. 

Le  père  Hommey  présente  comme  des  productions  de  ce 
saint  abbé  dix-huit  odes  en  l'honneur  de  Marie ,  et  quelques 
auti'es  pièces  de  vers.  Il  est  vrai  que  ces  dix-huit  odes  et  les 
pièces  qui  les  suivent  sont  extrêmement  irrégulières ,  et  ne 
présentent  que  des  lignes  de  prose  rimée;  mais  ce  n'est  pas 
là  vine  raison  suffisante  pour  déclarer  que  saint  Bernard  en 
est  l'auteur.  Ici  l'hypothèse  du  père  Hommey  est  dénuée  non- 
seulement  de  toute  preuve,  mais  de  tout  indice. 

Les  mêmes  considérations  ont  autorisé  dom  Mabillon  à 
écarter  une  prose  pour  la  fête  de  la  Sainte-Vierge ,  une  épi- 
taphe  de  saint  Malachie ,  et  celle  de  Hugues  de  Saint-Victor  : 
Clauditur  hoc  tumulo ,  etc.  Cette  dernière  est  l'ouvrage  d'un 
confrère  de  Hugues. 

L'hymne  yive  maris  stella.    se  lisait   dans   un   manuscrit 

de  Saint-Germain-des-Prés  et  dans  un  bréviaire  du  Monf- 

Cassin ,  que  possédait  à  Paris  la  maison  de  l'institution  de 

l'Oratoire,  manuscrit  achevé  du  temps  de  l'abbé  Oderise, 

premier  du  nom,    mort  en   iio5.  Saint  Bernard  n'a  donc 

Arn.  wion.  point  composé  cct   hymne  ,    quoiqu'en  aient  pensé  Wion 

Lign.  vitae,lib.  g^.  Perri  de  Locrc.  A  l'égard  de  l'antienne  Salve  Regina ,  il 

MarJ^aû^lib.  ^^^'^  1^°"*  suffire  de  renvoyer  à  ce  qu'en  ont  dit  nos  prédé- 

viT   c.  4.  cesseurs  au  VHP  tome  de  cette  histoire   littéraire.  Albéric, 

dans  sa  chronique,  lui  donne  le  nom  d'Antienne  du  Puv, 

parce  qu'elle  était  l'ouvrage  d'un  évêque  de  cette  ville,  nommé 

Haymar  ou  Adhémar. 

Au  nombre  des  productions  attribuées  à  saint  Bernard, 
on  en  compte  neuf  qui  n'ont  jamais  été  imprimées,  et  dont 
nous  ne  pouvons  indiquer  ici  que  les  titres  : 

Quomodb  ]iomo  deheat  compati  Christo  crucifixo.  — De 
vitâ  et  morihus  —  Deux  ouvrages  réunis  dans  un  manuscrit 
cité  par  Lambecius  ; 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.      217 

Une  lettre  aux  religieux  de  Durliam  en  Angleterre,  que  la    ^n  SiECLf. 
cathédrale  de  Durham  possède  manuscrite  ;  ' 

Tractatus  contra  l-f-^aldenses ,  compi'is  par  Sanderus  au 
nombre  des  manuscrits  des  Jésuites  de  Bruges  [ci)  ; 

De  creatlùiie  niundi  et  reruin,  manuscrit  de  Vienne  cité 
par  Gessner; 

Breviaviwn  sancti  Bernardi,  manuscrit  du  collège  de  la 
Trinité  à  Cambridge; 

Liber  doctrinalis  — ■  De  simplicitate  —  manuscrits  de  l'hô- 
pital de  Gray  à  Londres; 

Enfin,  Summa  seu  casas  coiiscientiœ ,  l'un  des  manuscrits 
que  possédait  Guillaume  Laud,  archevêque  de  Cantorbéry. 

On  a  lieu  de  croire  que  ce  dernier  article  n'est  que  l'ou- 
vrage de  saint  Bernardin  de  Sienne  sur  les  cas  de  conscience; 
et  il  est  fort  vraisemblable  que  c'est  par  de  pareilles  méprises, 
que  les  huit  articles  précédens  sont  attribués  à  saint  Bernard. 

Il  nous  resterait  a  parlei-  de  dix  autres  ouvrages  sur  les- 
quels il  est  bien  aisé  de  s'entendre.  Ils  sont  de  saint  Bernard, 
en  ce  sens  qu'ils  sont  composés  de  fragruens  et  de  textes 
extraits  de  ses  œuvres  :  ils  ne  sont  pas  de  lui ,  si  l'on  en  con- 
sidère la  distribution  et  le  tissu.  En  un  mot,  ce  sont  des  re- 
cueils dont  il  a  fourni  toute  la  matière,  mais  dont  les  inti- 
tulés et  l'arrangement  appartiennent  à  des  compilateurs  des 
siècles  suivans;  tels  que  Ignace  Huart,  Nicolas  Pithou,  J.  Pis- 
torius,  Nidda  mus,  Windecius,  Théodore  Petreius ,  chartreux  ; 
Samuel  Cunon,  David  Lenfant,  dominicain;  Jean  Malgoire, 
Henriquez ,  Martin-Navarra-Alpisqueda ,  Jean  Barbarica ,  etc. 
—  Quelques-uns  de  ces  recueils  sont  restés  manuscrits. 

Quant  aux  éditions  particulières  de  certaines  lettres  ou  de 
certains  opuscules  de  saint  Bernard ,  nous  les  indiquerons 
dans  le  paragraphe  suivant,  qui  aura  pour  objet  le>s  éditions 
et  les  traductions  de  ses  œuvres. 

§  VI. 

•ÉDITIONS    ET    TRADUCTIONS  DES  OEUVRES   DE   S.   BERNARD. 

La  première  édition  de  saint  Bernard  est  de  i^'jS.  Elle 
parut  à  Mayence  chez  Pierre  Schoiffer,  l'un  des  inventeurs 

(fl)  C'est ,  selon  toute  apparence  ,  l'ouvrage  que  Bernaid ,  abbé  de 
Fontcaud  {fontis  calidi),  a  écrit  contre  les  Vaiidois ,  et  qui  a  été  imprimé 
dans  la  bibliothèque  des  Pères ,  t.  XXIV. 

Tome  XIII.  Ee 


ûi8      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  de  l'imprimerie  ;  elle  contient  le  traité  adressé  aux  Templiers, 
et  les  sermons  sur  les  fêtes  de  l'année,  sur  les  saints  et  sur 
divers  sujets.  Dom  Clemencet  parle  d'une  édition  donnée  à 
Rouen  vers  la  même  époque,  et  contenant  les  cinq  livres  de 
la  Considération;  mais  l'art  typographique  ne  s'est  introduit 
à  Rouen  qu'en  i483  au  plus  tôt,  et  nous  avons  lieu  de 
croire  qu'aucun  ouvrage  de  saint  Bernard  n'a  été  imprimé 
dans  cette  ville  avant  i5oi  ,  ni  même  avant  ibSy. 

Tous  les  sermons  de  saint  Bernard,  à  l'exception  de  ceux 
qui  expliquent  le  cantique  des  cantiques,  ont  été  réimprimés 
à  Bruxelles,  à  Spire,  à  Heidelberg  en  i48i;  à  Basle,  à  Milan 
et  à  Venise  en  i495;  à  Strasbourg  en   i497- 

La  première  édition  des  sei^mons  sur  le  cantique  des  can- 
tiques est  de  1 48 1  à  Rostock  ;  les  éditions  suivantes  des  mêmes 
sermons  ont  été  publiées  à  Pavie,  à  Venise,  à  Paris,  à  Stras- 
bourg, à  Brescia  ,  depuis  1482  jusqu'en  i5oo. 

Les  épitres,  imprimées  pour  la  première  fois  à  Bruxelles 
en  i48i  ,  l'ont  été  à  Paris  en  i494-)  et  à  Strasbourg  avant 
1 5oo ,   mais  sans  date  précise. 

Ce  fiit  aussi  en  i48i  que  furent  imprimés,  pour  la  pre- 
mière fois ,  les  cinq  livres  de  la  Considération  :  ils  sortaient 
des  pressas  établies  à  Zwoll,  et  il  en  parut  dans  la  même 
ville  une  deuxième  édition  en  i486. 

Les  traités  on  opuscules  de  saint  Bernard  sur  les  degrés 
de  l'humilité,  sur  le  précepte  et  la  dispense,  et  sur  quel- 
ques autres  matières ,  ont  aussi  été  imprimés  dès  le  XV® 
siècle;  à  Modène  en  1 491  1  à  Venise  en  i495,  à  Paris  en 
1495,   et  sans  date  à  Cologne  et  à  Augsbourg. 

Nous  croyons  devoir  nous  borner  ici  à  cette  indication 
des  premières  éditions  de  la  plus  grande  partie  des  écrits  de 
saint  Bernard  ;  mais  nous  donnerons  dans  une  note  un  plus 
long  catalogue  des  éditions  de  ces  mêmes  écrits ,.  publiées , 
soit  avant,  soit  après  l'année  i5oi  («). 

(a)  BiBLiOGRAPRiA  BERNARDiNA.  i5i5.  Cur.1  Jod.  ChlïctOTaei.  Lugd. 

Rleyn.  iii-fol. 
1°    S.    Bcrnardi    opéra    oinnia    vel      1620.  Cura  Lamberti  Campestrii  et 
pleraque.  Laurentii  Daiitisceni.  Lugd.  in-f'ol. 

1 53o.  Cura  eorumdeni.  Lugd.  in-fol. 
i5o8.  Cura  Andreae  Boccardi.   Pa-      i53(>.  Chlictoveana.    Paris.  Cheval- 

risiis,  J.  parv.  in-fol.  Ion.  in-fol. 

i5i3.  Cuià  (jusdem.  Paris.  Rem-      i538.  Chlictoveana.  Lugduni  Junt. 
boit,  J.  Pai-v.  in-lol.  in-fol. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.       219 

Ce  n'est  qu'après  cette  époque  qu'on  rencontre  des  édi- 
tions complètes  ou  presque  complètes  des  œuvres  de  saint 
Bernard.  Le  pi-emier  éditeur  de  cette  collection  fut  le  doc- 
teur Jean  Bocard  ,  qui ,  en   1 5o8  ,  fît  paraître  à  Paris  ,  chez 


XII  SIECLE. 


i54o.  Chlictoveana.  Paris.  Cheval- 
Ion,  in-fol. 
i544-  Cura  Lanib.  Camp,  et  Laur. 

Dant.  Lugd.  in-fol. 
i544  et  1545.  Cura  Franc.  Comes- 

toris.  Paris,  in-fol. 
i547  et  i548.  Cura  ejusd.  Paris.  V. 

Chevallon ,  in-fol. 
i55o.  Venet.  in-fol. 
i55i.  Coniestorina.   Paris.    Oudin. 

in-fol. 
■■  i552.  Coniestorina.  Paris,  in-fol. 
i552.  Cura  Ant.  Marcellini.   Basil. 

Hervag.  in-fol. 
i558.  Cura  ejusd.  Venet.  in-fol. 
i566\  Coniestorina.  Paris,  in-fol. 
i566.  Coniestorina.  Paris,  in-fol. 
i566.  Marcelliniana.    Basil.    Guill. 

Merl.  in-fol. 
1372.  Cura  Gillotii  Campani.  Paris. 

P.  Nivelle ,  in-fol. 
1576.  Cura  ejusd.    Antuerp.  in-fol. 
i586.  Cura  ejusd.    Paris,   gr.    Nav. 

2  vol.  in-fol. 
1601.  Cura    Edmundi  Tiraqueau , 

Mon.  Cisterc.  Paris,  in-fol. 
1609.  Gillotiana,  cum   notis  J.  Pi- 

cardi  in  epistolas.  Paris,  in-fol. 
i6i5.  Gillotiana,  cum  not.  Picard. 

Paris,  gr.  Nav.  in-fol. 
1616.  Cura  Carniinati.  Venet.  Sali- 

cata.  2  vol.  in-4''  max. 

1620.  Cum  notis  J.  Picard.  Antuerp. 
2  vol.  in-fol. 

162 1 .  Cum  notis  J.  Picard.  P.  in-fol. 
1640.  Paris,  Typogr.  Regia,  6  tom. 

in-fol. 

i64i.  Cura  Jac.  Merloni  Horstii. 
Colonise,  5  tom.  2  vol.  in-fol. 

1642.  Paris.  Typogr.  Regia.  6  tom. 
in-fol. 

1645.  Secunda  Horstiana.  Paris,  in- 
fol. 


1632.  'Tertia  Horstiana.  Paris,  in-fol. 

i6'58.  Quarta  Horstiana.  Paris,  gr. 
Nav.  in-fol. 

1662.  Quinta  Horstiana.  Paris.  2  vol. 
in-fol. 

1667.  Horstiana.  Paris.  5  tom.  'm-4°- 

1667.  Cura  Mabillonii.  Paris.  Léo- 
nard. 2  vol.  in-fol. 

1667.  Cura  ejusd.   Paris.  Léonard. 

5  tom.  9  vel  10  vol.  in-8". 

1668.  Horstiana.  Paris.  9  vol.  in-8°. 
1672.  Horstiana.  Paris,  in-fol. 
1690.  Secunda  MabiJloniana.  Paris. 

Guignard,  6  tom.  2  vol.  in-fol. 
1719.  Tertia  Mabilloniana.  Ed.  Mas-, 
suel  et  Texier.   Paris.   RobusteL 

6  tom.  2  vol.  in-fol. 

1726.  Quarta  Mabilloniana.  Vero- 
naî.  2  vol.  in-fol. 

OEuvres  de  S.  Bernard  ,  trad.  en 
franc,  par  Philippe-le-Bel,  curé 
de  Luzarches.  Paris,  Joly,  i6i5, 
2  vol.  in-fol. —  Paris,  Hacque- 
ville,  1622,  2  vol.  in-fol. 

OEuvres  de  S.  Bern.  trad.  en  franc, 
par  Antoine  de  Saint  -  Gabriel , 
feuillant,  i4  vol.  in-8" ,  savoir  : 

Lettres.  Paris,  1672,  4  vol.  in-8''. 

Sermons  de  Teitipore.  Paris  ,  de 
Bresche,  1677,  in-8". 

Sermons  sur  les  fêtes  des  Saints. 
Ibid.  1678,  in-8°. 

Sermons  sur  le  cantique  des  can- 
tiques. Ibid.  1682  ,  2  vol.  in-S''. 

Sermons  ou  Sentences ,  Paraboles. 
Ibid.  1681,  in-8°. 

Sermons  sur  le  psaume  Qui  habitat. 
Ibid.  1681,  in-8°. 

Traités  spirituels.  Ibid.  1674,  in-S". 

Traités  doctrinaux.  Ibid.  1675  , 
in -8°. 

Traité  de  l'Amour  de  Dieu.  Ibid. 
1667, in-S". 

Eea 


Xn  SIECLE. 


220 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

le  Petit ,  une  e'dition  qui  contient  tous  les  sermons ,  trois  cent 
cinquante  lettres,  l'apologie  à  Guillaume,  les  traités  de  la 
Considération,  des  degrés  de  l'humilité,  de  la  grâce  et  du 
libre  arbitre,  du  précepte  et  de  la  dispense,  et  en  outre  plu- 


Traité    de   la  Considération;  Ibid. 
1672,  in -8°. 

2°  S.  Bernardi  Epistolœ. 

1481.   Bruxellis ,  in-fol. 

i494-   Casileae,  in-fol. 

i494-   Palis,  in-4". 

1495.  Cum  tractatibus  aliqiiot  («pu- 

riis).  Mediolani,  in-4°. 
....  Sine  anni  et  loci  indicatione, 

cum  iistlem  traclatilius,  in-fol. 
....  Sine   anni   indicatione  ,  cum 

tractatu   de  gratià  et  libero  aibi- 

trio  ,  et  aliis  opusmlis  quibusdani. 

Argentorati,  in-fol. 
161 4-  Epistolœ  selectae.  Edit.   d'Es- 

tiolles.    Paris.   Cramoisy  ,    161 4, 

in-4''. 
1694.  Epistolœ  etSermonesin  cant. 

cant.  Paris.  1694,  in-4". 
Epistola  de  festo  Conceptionis  non 

celebrando  ;    cum   auctoritatibus. 

sanctorum.  Goth.  in-4".  (  Catal.  de 

La  Vallière,  n.  619.) 
Eadem  epistola ,  annexa  Vincentio 

de  Bandellis,  de  puritate  concep- 
tionis J.  C.  sine  loci  et  anni  indic. 

in-4".  —  Eadem  ,  in-12. 
Epistolae  9  et  Sermones  3  in  cant. 

cant.  cum  epistoiis  2  Pétri  Vene- 

rabilis  contra  Henricianos  et  Pe- 

trobusianos.  Ingolstad.   i545  vel 

1 546,  in-4".- Paris,  i64i,in-4o. 
Epistolae  Bernardi  aliquot  : 

P.  109  operiim  Cypriani.  Oxonii, 
1682,  in-fol. 

P.  270  operum  Abc-elardi.  Paris, 
i€lo,  in-4°. 

T.  II ,  p.  66  Monarcbiœ  Goldasti. 
Francof.  161 1  —  1614  ,  in-fol. 

T.  III,  p.  9  et  t.    IV,  p.    448- 
458  Scriptor.  de  Keb,  Gallic.  éd. 


Duchesne.  Paris,  i636,  in-fol. 

T.  m,  p.  16')-  168  SpicilegiiDa- 
cheriani.  Paris.  lôSg,  in-4''. 

In  Actis  sanctorum  Surii.  Die  i 
Augusti,  in-fol. 

T.  II,  p.  168,  etc.HistoiiaeUniver- 
sit.  Paris.  Egassii  du  Boulay. 
Paris.  i665,  in-fol. 

P.  72  —  77  Epistolarum  Hiberni- 
carum  Usserit.  Paris.  i665. 

Part.  II ,  p.  76  —  1 2 1  de  l'Histoire 
des  cardinaux  français ,  de  Du- 
chesne. Paris,  1660,  in-fol. 

P.  322  Aquilœ  saxonica;  J.  Palatii. 
\enet.  1679,  in-fol. 

T.  II,  p.  820  operum  diplomat. 
Miraei.  Bruxell.  1724,  in-fol. 

T.  I,  p.  726  —  342  Amplissimse 
CoUectionis  Edm.  Marten.  Paris. 
1724,  in-fol. 

T.  XV,  p.  521—620  Scriptor.  de 
Reb.    Gallic.    Ed.    Brial.    Paris. 
1808,  in-fol.  —  Etc.  etc. 
Lettere  di  sar.  Bernardo  volgarizzate 

dal  P.  D.  Gaspar.  Petrina.  Roma , 

Rossi,  1736,  2  part.  in-4". 
Tutte  le  opère  spirituali  di  Franc. 

Borgia,  cum  una  epist.  di  S.  Bern. 

tradotta    dal    niedesimo.   Venet, 

Giol.  de  Ferr.  i56i ,  in-8". 
Epistola  de  la  perfection  de  la  vida 

esperitual.  Venet.  1604,  in-8". 
Lettres  de  S.  Bern.  trad.  en  franc. 

par  Gabriel  de  Saint-Malachie, 

feuillant.   Paris,  Meturas.   1649, 

in-8".  — Par  Le  Roi.  Paris,  Mo- 

reau,  170a,   2  \ol.   in-8"'.  —  Par 

Villefore.  Paris,  deKully,  1715, 

2  vol.  in-8''. 

3°  S.  Bernardi  Sermones. 
Serm.  (omnes).  Lugd.  i520,in-foL 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX.      221 

sieurs  opuscules  mal-à-propos  attribués  à  l'illustre  abbë  de    ^n  SIECLE. 
Clairvaux.  On  l'éimprima  ce  même  recueil  à  Paris  en    i5i3 
et  1617. 

Cependant  Josse  Chlictove  avait,  en  i5i5,  publié  à  Lyon 


Sermones  de  Tempore  et  de  Sanctis  : 

1475.   Mogiintiae,  Schoiffer,  in- 
fol.  (Prima  edit.  oper.  Bern.) 

1481.  Bruxellis,  in-fol. 

1481.  Spirae,  Drach.  in-fol. 

....     Sine  anni  indic.  Spirae,  in- 
fol. 

1481.  Heidelbergœ ,  in-4°. 

1495.  Basileœ,  Kesler,  in-fol. 

1495.  Mediolani,  Pachel ,  in-4°. 

1495.  Venetiis,  in-4''. 

1495.  Sine  loci  indic.  in-fol. 

1497.  (  Sermones  de  Tenip.  )  Ar- 
gentor.  Flach.  in-fol. 

1662.  Sermones  de  Temp.  et  de 
SS.  cum  Vitâ  Malachiœ;  studio 
Claudii  Chanteloup.  Paris.  2  vol. 
in-4". 
Sermones  in  cantlca  canticorum  : 

1481.  Rostoch.  in-fol. 

1482.  Papiae,  in-fol. 

1492.  Cura    J.    Rouaud.     Paris. 
in-4°. 

i494-  Venet.  in-4°. 

1497.  Argentorati,  Flach.  in-fol. 

i5oo.  Brixiae,  in-4''- 

....     Sine    loci  et  anni  indicat. 
in-fol. 

i568.  Lugd.  Junt.  in-4°. 
Sermones  3  in  cant.  cant.  —  De  erro- 

ribus  circa  nuptias ,  etc.  Ingols- 

tad.  i546',  in-4". 
Sermones  aliquot,  sine  loci  et  anni 

indic.  in-4". 
Sermo  de  passione  Domini.  Venet. 

i5o5  ,  in-8". 
Sermo  de  nomine  Jesu.  — Oratio  ad 

Jes.  crucif  etc.  in-8". 
Sermo  in  mortem  Geraldi.  Apud  Su- 

rium  et  BoUand  ;  die  i3  junii. 
Sermo  in  mortem  Malachiae ,  cum 

ejusdem  vitâ.  Apud  Surium  ;  die 

5  novembr. 


Sermo  de  S.  Victore.  Apud  Surium  ; 
die  26  februar.  —  Cum  3  hymnis. 
Apud  Bolland.  februar.  t.  LU ,  p. 
667. 

Sermo  de  S.  Benedicto,  p.  97  —  100. 
Vitae  S.  Benedicti  graeco- latin ae. 
Venet.  Bartoli.  1723,  in-4". 

Excerpt.  e  sermonibus  S.  Bern.  io 
Bibliothecâ  concionatoriâ  P.  Com- 
besis.  Paris.  1662,  in-fol. 

Sermoni  morali  sopra  la  cantica. 
Milano  ,  Scinzenzeler ,  1 494)  in- 
fol. 

Omelia  sopra  lo  evangelio  de  la  se- 
conda feria  di  Pascha.  Venet.  Zan- 
chi ,  1 5o5 ,  in-4". 

Sermoni  sopra  le  solennitati  di  tutto 
l'anno.  —  Intorno  aile  solennitati 
del  Signor  ed  altre  feste  ;  tradotti 
da  Giov.  da  Tussignano ,  vescovo 
di  Ferrara.  Venet.  iSaSet  1629. 
in-fol. -Venet.  i558,  in-8°. 

Alcuni  sermoni  di  S.  Bern.  con  altri 
opuscoli  dellostesso,  tradotti  da 
R.  Retini.  Venet.  1606  ,  in-4°. 

Sermons  de  Tempore,  sur  le  psaume 
Quihabitat;  Traités  des  dégrés  de 
l'humilité,  du  commandement  et 
de  la  dispense  ,  de  l'amour  de 
Dieu ,  de  la  manière  de  bien 
vivre  ;  trad.  en  franc,  par  Hubert 
Lescot ,  prieur  des  chanoines  de 
Saint-Augustin  ,  etc.  Louvain  , 
1576,  m-lC--lhid.  1577,  in-4". 
Sermons  de  S.  Bernard ,  traduits  par 
J.  T.  A.  P.  (Jean  Tournes,  avocat 
Parisien).  Paris,  Joly,  1620,  2 
vol.  in-4". 
Sermons  sur  le  psaume  Qui  habitat, 
trad.  en  franc.  Paris  ,  Savreux , 
i658,  in-8". -2''  édition,  1668, 
in-i2. 
Sermons  sur  le  cantique  des  can- 


aaa      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,    une  autre  édition  des  œuvres  de  saint  Bernard,  édition  qui 
depuis  s'est  renouvelée  plusieurs  t'ois. 

Il  en  faut  distinguer  celle  que  donnèrent  à  Lyon,  en  1620, 
deux  moines   de  Clairvaux ,  Lambert  et  Laurent ,   et   que 


tiques ,  trad.  en  français.  Paris , 
1621,  in-S". —  Il>id.  1624,  2  vol. 
in-8".-Ibid.  i663,  in-4°. 

Sermons  sur  le  cantique  des  can- 
tiques, trad.  en  franc,  par  Pimen- 
tel.  Paris,  1 663  ,  in-S". —  Paris, 
Jac.  Dupuis,  i663,  in-8".-Paris, 
1679,  in-4". 

Sermons  sur  le  cantique  des  can- 
tiques. Lyon,  Plaignard,  1686, 
m-S". 

Sermons  choisis  ,  distribués  par 
ordre  pour  lavent ,  le  carême , 
etc.  trad.  par  \  illefore.  Paris , 
Després ,  lySy,  in-12. 

Traduction  flamande  des  sermons 
de   S.  Bernard  (autres  que  ceux 

•  sur  le  cantique  des  cantiques). 
ZwoU,  Peter  Van -Os,  i484  et 
i485  ,  in-ioL-I/^id.  i488,  in-fol.- 
lùid.  1495,  in-fol. 

4°  Singuli  S.  Bernardl  tractatus. 

Traités  des  degrés  de  l'humilité 
(  les  deux  yeux  de  lame ,  le  mi- 
roir de  la  vie  religieuse  ) ,  trad. 
en  franc,  par  Jacob  de  Pierre- 
Vive  ,  religieux  bénédict.  Paris  , 
Simon  Vostre,  i5io,  in-4°. 

Traités  de  Diligendo  Deo  et  de  hite- 
riori  bono ,  trad.  en  espagnol  par 
Ben.  Alvares,  moine  cistercien. 
Madrid,  1616,  in-8°. 

Traité  de  l'amour  de  Dieu,  trad. 
en  franc,  par  Cl.  Vérard,  religieux 
de  Clairvaux.  Paris  ,  Barbou  , 
1542,  in-12. -Trad.  par  J.  Co- 
gneux ,  religieux  de  Bonneval  en 
Rouergne.  Paris,  Chaudière,  1 566, 
in-S". 

De  gratià  et  libero  arbitrio.  Paris. 
Augerel  ,    i534  ,  in-12.  -  Inter 


opuscula  S.  Augustin!  et  ejus  dis- 
cipulorum.  Lovanii,  1648,  in-4°. 
—  Cum  comment.  Higatii.    1649, 
in-4^ 
Lettre  à  Bossuet ,  touchant  ses  sen- 
timens   et   sa    conduite  a  l'égard 
de   Fénélon ,  Traités   de  S.   Au- 
gustin  et   de   S.  Bernard   sur  la 
grâce  et  le  libre  arbitre  ,  trad.  en 
franc,  par  D.  Gerberon.  Toulouse 
ou  Amsterdam,   1698,  in-8". 
Traités  de  la  conversion  des  njœurs, 
de  la   vie  solitaire ,  du  précepte 
et  de  la  dispense  ;  trad.  en  franc, 
par  le  S"^  Lamy  (  Guill.  le  Roy, 
abbédeHauteconibe.)Paris,\itré, 
1649,   in-16.  — Paris  ,  le   Petit, 
i656 ,  in-12. 
Vie  de  S.  Malachie ,  trad.  en  italien , 
par   P.    Maffei  ;  dans   le   recueil 
intitulé  f'ite  di   i3   confcssori  di 
'     Cristo.  Roma,  1601  ,  in-4''. 
Vie  de  S.  Malachie ,  trad.  en  franc. 
parFr.  Chiceré.  Paris,  1601,  in-8". 
De  Consideratione ,  ad  Eugenium  : 
1481.  ZwoU,  in-4°. 
i486.  ZwoU,  in-4". 
....  (  Augustae  Vindelicor.)  in-fol. 
i5i5.  Paris,  Chaudière,  in-8°. 
iSyi.  Cum   libello   de   praecepto 

et  dispensatione,  et  notis  Cuyckii. 

Antuerpiae,  Plantin ,  in-16. 
1394.  Cum  Scholiis  Gerardi  Joan- 

nis  Vossii.  Romae,  Facciotti,  in-4'*. 
'i6o5.  Cum  iisdem  scholiis.  Colo- 

niae,  in-8°. 
1614.  T.  II,  p.  68  et  seqq.  Mo- 

narchiae  Goldasti.  Francolurti. 
1701.    Cura    Mabillonii.    Paris  , 

MaupeUier,  in-8".' 
Traité  de  la  Considération  ,  trad.  en 
italien  par  RinaldoRetini.  Venez. 
Ciotti ,  itio6  ,  in-4°. 


SAINT  BERNARD ,  ABBÉ  DÉ  CLAIRVAUX.       aaS 

Mabillon  recommande  comme  la  plus  correcte  de  celles  du 
XVP  siècle  :  Omnium  emendatissima.  Elle  s'est  aussi  plus 
d'une  fois  reproduite. 

Le  quatrième  éditeur  fut  François  Comestor,  ou  le  Man- 


XII  SIECLE. 


TraJuctions  françaises  (du  même 
traité)  par  Desmaves.  Paris,  Guill. 
de  Luynes  ,  i658,  in- 12.— Par 
François  de  S. -Claude ,  feuillant. 
Paris,  Josse,  1672,  in-i2.  — Par 
le  cardinal  le  Camus  (  avec  le 
texte  latin).  Grenoble,  Fr.  Champ. 
1695  ,  in-8°. 

5°    Collecta    S.   Bernardi   opusculn 
quœdam ,  sive  genuiiia,  sive  spuria. 

1491.  Mutinae,  Doniin.  Ricliisola, 
in-4". 

1495.  Venet.  Sim.  Bevilaqua ,  in-S". 

1496.  Paris  ,  Bouyer  et  Boucher  , 
in-4". 

....  Sine  loci  et  anni  indicatione. 
(Coloni*),  in-fol.  (De  dihgendo 
Deo.— De  Sacramento  altaris. — 
Libelli  •>.  ad  fratres  de  Monte  Dei. 

—  Apologia  contra  Monachos  ni- 
gros.  —  De  Praeceptis  et  Dispensa- 
tionibus. -De  hbero  Arbitrio  et 
Gratià.-De  Consideratione.-Me- 
ditationes.  ) 

....  Mediolani,  Scinzenzeler,  sine 
anni  indic.  (Opuscula  7;  scilicet  : 
Meditationes. -De  interiore  do- 
mo.  — De   Gubernatioue  faniiliae. 

—  Oratio  ad  orucem.  —  De  vitoe 
ordine  et  morum  institutione. — 
Spéculum  de  honestate  vitse.  — 
Octo  puncta  mediantibus  quibus 
pei-venitur,  etc.  =  Omnia  vel  ple- 
raque  spuria.  ) 

....  Sine  loci  et  anni  indic.  (Au- 
gustae  Yindelicor.  Sorg.  )  2  vol. 
in-fol.  (De  Consideratione.  —  De 
conflictu  Babylorùs  et  Jérusalem. 

—  De  interiori  homine.  —  Medita- 
tiones.—De  bonà  Conseientià.— 
De  raiserià  vitae.  ) 


....  Parisiis,  sine  anni  indic.  in-4°. 
(  De  concordià  statuum  religioso- 
rum  sui  temporis.  —  De  Praecepto 
et  Dispensatione.  -  De  Considera- 
tione.—Modus  benè  vivendi.) 

i5oi.  Spirœ,  Drach  ,  in-4V. 

t5o3.  Venet.  apud  Juntas ,  in-S". 

i5o8.  Paris,  in-4''. 

i55o.  Venet.  in-4".  (Opuscula  et 
sermones.  ) 

1575.  Venet.  in-4''. 

1617.  Opuscula  4  (spuria).  De  fu- 
gà  et  reductione  pueri.  —  De  Cari- 
tate.  -  Soliloquium.  -  Meditatio 
de  passione  Domini.  —  In  lucem 
prolata  à  Jac.  Gretsero.  Ingols- 
tad.  Eder.  in-4°.  -  Eadem  ,  tom. 
XVII,  part.  2,  p.  22-116  ope- 
rum  Gretseri.  Patisb  .1741,  in-fol. 

1696.  Musica. -Expositiones  mora- 
les. -  Tractatus  de  corpore  Do- 
mini. -De  laudibus  Mariœ  Virgi- 
nis  odcc  18.  -  Commentar.  in  cant. 
cant.  -  Addenda  ad  librum  de 
musicâ  (spuria).  P.  1-268  sup- 
plem.  Bibl.  PP.  editiàP.  Hommey. 
Paris,  in-8°.  ' 

Varias  obras  de  S.  Bernardo  tradu- 
cidas  por  F.  J.  Alvarez.  Valencia 
(cire.  i5go). 

6°   Opuscula  S.  Bernardi  nomine  im- 
merito  inscripta ,  singulatiin  édita, 

Floretus  : 

1478.  Argentorati ,  in-8°. 

(Hagenoa?,circà  i49o)in-4°. 

i494-   Lugduni ,  in-4''. 
1499.  Coloniœ,  in-4''. 
1 499.   Daventriae ,  Paffroed.  in-4''. 
i499-  Lugd.  in-4''. 
....    Sine  anni  et  loci  indica- 
tione, in-4°. 


224      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE,    geur,  docteur  de  Sorbonne ,  qui  inséra  pour  la  première 

"  fois  dans  cette  collection  le  traite  du  saint  abbé  sur  l'amour 

de  Dieu.  Entre  les  éditions  dues  aux  soins  de  Comestor,  on 

distingue  celle  de  i547  ^  Paris  chez  la  veuve  Chevalon;  mais 


i5oo.  Coloniae ,  in-4°- 
i5oi.  Coloniae,  Quentel,  in-4°. 
i5o3.  Venet.  Junt.  in-4°. 
i5o5.   Lugd.  Jannot.  de  Campis. 
in-fol. 

1009.  Lugd.  Huguetan ,  in-4°. 
i5io.  '  Aigentor.     Knoblouch  , 
in -4°. 

i5i2.  Cadomi,  in-4''. 
iSip.  Augustœ  Vindelic.  in-4''- 
i520.  Coloniae,  in-4". 
1320.   Lugd.  Maiion.  in-4°. 

Floret  en  (vers)  franczoys.  Rennes, 
i485,  in-4". 

De  contemptu  mundj,  versibus  hexa- 
metris.  Lips.  i493,  in-4°-  — Paris. 
16945  in-i2.— Sine  loci  indic. 
i499,in-4°. 

De  contemptu  niundi  liynini  4)  p- 
45  Bibliothecae  Cisterc.  Car.  de 
Visch.  Colon.  Agripp.  i656,  in-4". 

Carmen  Paraeneticum  editum  à  P. 
Possino.  Romae  ,  i663,  in-12. 

Rhythmica  oratio  ad  unum  quodque 
menibrorum  J.  C.  patientis  :  ad 
calceni  epitomes  Harraon.  evan- 
geL  Chemnitziana;,  editae  à  Poly- 
carpo  Lvsero.  Witteb.  Schurer. 
i633,in-8''. 

Oraiio  ad  Jesuni  et  Mariam.  Paris. 
J.  Parv.  sine  anni  indic.  in-8  .— 

Jubilus  de  noraine  Jesu.  Sletlini, 
1614,  in-8°. 

De  planctu  Beatae  Mariae,  sine  anni 
et  loci  indic.  (  Coloniae,  Ulric  Zel , 
circà  1470)  in-4°.  —  Sine  loci  in- 
dic. i486  ,  in-4".  —  Aigentorati  , 
i486  ,  in-4*'.  —  Argentorati ,  Kno- 
blouch ,  i5o8,in-4". 

Pianti  devotissimi  délia  Madona. 
Milano ,  Phil.  de  Lavania  (  senza 
l'anno),  in-8°. 

Devotissimopiantosopralapassione, 


morte  e  sepoltura  di  Giesu ,  trad. 

da   Giac.  de  Porsa.  Ronia ,  Ber- 

nabo  ,  i685  ,  in-8". 
De  laudibus  Beatae  Mariae  Virginis  , 

sine  loci  et  anni  indic.  (  Antuer- 

piœ  Leeu) ,  in-4".  —  Altéra  editio  , 

sine  loci  et  anni  indic.  in-4°. 
Psalterium    Mariae.     Venet.    1069  , 

in-12. 
Super  hymn.  Je$ii  nostra  redemptio. 

P.  3,  t.  VII,  Biblioih.  ascet.  B.  Pez. 
3Iedilationes  : 

....    Sine  loci  et  anni  ind.  (  circà 
1490)  in-4". 

....   Sine  anni  indic.  Coloniae , 
in-8". 

1492.  Argentorati,  in-8°. 

1492.  Basileae ,  in-8". 

1492.  Sine  loci  indic.  in-8". 

1493.  Paris.  Mitelhus,  in-8". 
....     Sine  anni  ind.  Paris.  Roce, 

in-8". 
....    Sine  anni  iadic.  Paris.  Re- 

gnaud,  in-8°. 

....    Sine  loci  et  anni  ind.  in-8". 
i5oi.  Coloniae,  in-8". 
i5o3.  Venet.  Junt.  in-8". 
i3o5.  Venet.  in-8°. 
i5i9.  Augustae  Vindel.  in-4°. 
i520.  Coloniaî,  in-4°. 
i520.  Lugduni,  in-fol. 
i535.    Venet.    J.    Patav.    in-12. 

(Cum  aliis  opusculis.  ) 
1543.  Venet.  Bern.  de  Bindonis, 

in -24.   (Cum    aliis    opuscidis.  ) 
i556.  (Meditationes  Augusti,  An- 

selmi ,  Bernardi.  )  Lugd.  Haered. 

Junt.  in-12. 

iSjS.  Lugd.  Gryph.  in -12. 
1609.  Lugd.  in-12. 
i6'3i.  (Meditationes  Augusti,  An- 

selmi ,  Bernardi.)   Coloniae,   ab 
Egniond,in-24— Ibid.  i649i in-12. 


SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.        aaS 

il  en  existe  d'antérieures  et  de  poste'rieures  à  cette  date.    Xil  SIECLE. 

On  ignore  qui  a  pris  ou  a  dû  prendre  soin  d'une  édition 
très-détectueuse  publiée  à  Venise  en  i55o  ,  et  l'on  considère 
comme  le  cinquième  éditeur  des  œuvres  de  saint  Bernard, 


Meditazioni  di  Bernardo,  Anselino, 
et  tradotte  da  Basadonna.  Venez. 
Farri,  £542  ,  in-i6.  — Venez.  Lo- 
renzini,  i562,in-i6.  — Venez.  Gu- 
lielmo  ,  iSyS,  in-i6.  —  Trad.  de 
Nie.  Aurifico  Buonfigli ,  Venez. 
Giolito  de  Ferrar.  i583,  i584, 
i586,  iSpS,  iSgti,  3  tom.  in-12. 

Traduction  franc,  des  Méditations 
de  S.  Bernard  et  de  S.  Anselme. 
Paris,  1642,  in-12. 

Traduction  anglaise.  W^estniinster , 
Wyncken  a  Worde  ,  1496,  in-4°. 

Modus  bene  vivendi ,  ad  sororem  : 
1490.  Venet.  in-4'*. 
1492.  Ven.  Bern.de  BenaliiSjin-S". 
1494.  Venet.  in-8°. 

1494.  Paris,  in-8°. 

i494-  Sine  loci  indic.  in-S". 

....     Sine  loci  et  anni  ind.  in-4''. 

i5o2.  Paris,  Roce.  in-8". 
Epistola  de  cura  et  modo  rei  fami- 

liaris  : 

1497.  Lips.  in-4°. 

1497.  ^'"'^  ^'^'^^  indic.  in-4°. 

i5o6".  Lips.  in-4''. 

i3og.  Lipsia;,  Thanner.  in-4°. 

1009.   Lipsiae,  Monac.  in-4"- 
Epistola  délia    cura ,   etc.   (  Venet. 

Jenson  ,  circà  1472)  in-4". 
Del  modo  del  ben  vivere  : 

1495.  Firenze,  Lor,    Morgiani, 
in-4''. 

1497.  Venez,  in-4''. 
....     Senza  l'anno.  Venez,  in-4". 
i5o2.  Venez.  Penza,  in-4''. 
i5o8.  Venez.  Quarengi,  in-4°. 
'  i5i8.  Venez.  in-4°. 
i528.  Venez,  in-4''. 
1529.  Venez,  in-4''. 
1567.  Venez.  in-S". 
1594.  Venez.  Moretti ,  in-S*". 
1619.  Venez.  Salis.  in-S". 
Tome  XIII. 


1674.   (  Trad.  dal  padre  D.  Pietro 
Vecchia.)  Bergamo,  Rossi,  in-8''. 

i6q3.  (Trad.  da   Giov.  B.  da  S. 
Giuseppe  Beneilettino.  )  Napoli  , 
Fasella,  i493,in-8''. 
El  libro   de  S.    Bern.  ad  sororem, 

traducido  por  S.  Gabriel  Castel- 

lanos.  Pinciap,  1602,  in-8''. 
Le  gouvernement  du  ménage  selon 

S.    Bernard.    Paris  ,   à   l'Escu   de 

Fr.  in-8''. 
Manière  de  bien  vivre ,  à  sa  sœur  ; 

trad.  par  Claude  du  Bellay.  Paris, 

1621 ,  in-12. 
Scala  cœli.  Augustae ,  i655  ,  in-12. 
Scala  de'  claustral!,  ovvero  del  mo- 
do di  orare.  Roma,Tizzoni,  1680, 

in-S". 
L'Eschelle   des   cloîtriers  ou  de  la 

manière  de  prier,  trad.  en  franc. 

par  F.  Julian  Warnier,  prieur  de 

Long-Pont.   Paris  ,   Georg.  Jou- 

venel,  1607 ,  in-12. 
Echelle   du   cloître,   et  apologie  à 

Guill.de  S. Thierry,  trad.  en  franc. 

par  M.  L.  N.  D.  G.  Paris,  Savreux', 

i65o ,  in-12. 
De  concordià  statuum  religiosorum 

sui  temporis.  Paris.  1481,  in-S". 

—  Paris.  Roce,  sine  anni  ind.  in-8''. 
Chronicon  Cisterciense  (  quod  à  S. 

Bernardo  supponitur  adauctum). 

Editunr  à  Mira;o,  161 4,  in-S". 
De  vitâ  solilariâ ,  etc.  Colonise,  1 548 . 

in-S". 
S.  Bernardus,  de  ImitationeChristi, 

sine   loci  et  anni  indic.  (1480), 

in-4''.  -  Brixiœ ,  i485,  in-8''. 
Le  livre  très-salutaire  de  l'Imitation , 

etc.   attribué   à  S.  Bernard  ou  à 

Maître  Jean  Gerson  etc.  T^iolose  , 

Hen.  Mayer.  1488,  in-S". -Paris, 

L  Lambert,    i493,  iu-4'',  fig- ~" 
Ff 


in  SIECLE. 


226      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

Antoine  Marcellin ,  qui  en  1 552  les  fit  paraître  à  Bàle  dans 
un  ordre  plus  méthodique,  et  en  rejetant  à  la  fin  du  recueil 
les  écrits  supposés.  Cette  édition  fut  copiée  à  Venise  en  i558, 
Bàle  en  i565. 


supp 
et  renouvelée  à 


Paris,  J.   Trepperel  (sans  date, 

avant  rSoa),  in-4''.  —  Paris  ,  Phil. 

le  Noir  (sans  date,  vers  i52o), 

in-4  . 
Aiguillon  d'amour  divine ,  trad.  de 

S.  Bernard  en  français    par  Ant. 

Vérard  ,  iSoy,  in-4". 
Spéculum  <le  honestate  vitœ  : 

....     Moguntiœ  ,    P.    Schoeffer 
(circà  1470) ,  in-4". 

1490.  Lubecee,  in-8". 

....     Sine  anni  indic.  Argentor. 
in-4''.  . 

....     Sine  anni  in  d.Romae,in-4°. 
Modello  di  fabbrica  interiore  di  S. 

Bernardo  ;   trad.    dal    P.    Pietro 

\ecchia.  Turlini ,  1673,  in-8°. 
In  che  modo  si  deve  tenere  la  co- 

scienza.    Bononiœ  ,    Kubbiera  , 

i522  ,  in-4°. 
De   humanà  miserià  ;   sine   loci   et 

anni  indic.  (Burgdoff.  )  in-4''. 
De  conflirtu  Babylonis  et  Jérusalem , 

sine  loci  et  anni  indic.  (  Augustse 

Yindelicor.  Sorg.)  in-fol. 
Trattato  délia  confessione.  Sine  loci 

et  anni  indic.  (1494),  in-4''. 
In  synibolum  apostolor.  et  in  orat. 

dominic.   Argentor.    Knoblouch. 

i5o6,  in-4''- —  Ibid.  i5o7,in-4''. 
Homilia  fidei  doctrinam  continens. 

Lipsiœ,  Lotter.  i5i6",  in-4°. 
Isagoge  in  musicam.   Lips.  Louer. 

1 5 1 7  ,  in-4''. 
Postillœ    majores.    Delphis.    1480  , 

in-fol. 
De  sex  circumstantiis  adventiis  do- 

minici.  Bruxell.   1481  ,  in-S". 
De  duoilecim  signis   prajtlestinatio- 

nis.  Lubecœ ,  1490,  in-8". 
Epître   à    Raymond ,    seigneur    du 

Cbàtel-S.-Ambroise  ;    translatée 

du  latiu.  Caract.  goth.  in-4''- 


7°  Excerpta  e  scriptis  S.  Bemardi. 

Florum  nobiliorum  divi  Bernardi 
libri  10.  Coloniœ ,  1482,  in-fol. 
—  (  Norimborgae)  sine  loci  et  anni 
indic.  in-fol. 

Florilegium  Bernardinum  ,  sive  flo- 
res ex  operibus  S.  Bernardi ,  col- 
lecti  à  Guillelnio  nionacho  S. 
Martini Tornacensis.  Paris,  i499j 
in-4''.  —  Lugduni ,  i556,  in-8". — 
Lugtluni,  Rovillius,  1570,  in-i6. 

Liber  florum  S.  Bernardi.  Paris. 
Pigouchet  et  J.  Petit ,  1 5o3 ,  in-8''. 

Bernardus  abbas  ,  sive  sanctus  prae- 
latus ,  hoc  est ,  flores  pastorales 
ex  selectissimis  D.  Bern.  operibus 
collecti  cura  Ignatii  Huart.  Lova- 
nii,  Nempaeus  ,  i65i,  in-4''. 

Thésaurus  è  monumentis  S.  Ber- 
nardi, erutus  per  Nicol.  Pithœum. 
Genevae,  1 589,  in-8''. —  Lugduni, 
le  Preux,  1089,  in -8°. 

De  omnibus  Dogmatibus  fidei  hodiè 
controversis,  ex  S.  Bernardi  scrip- 
tis, cura  J.  Pistorii ,  Kiddami  et 
J.  PauliWindecii.  Coloniae,  i5g4, 
in-8''. 

Confessio  Bernardina  ,  cura  Theo- 
dori  Petraeii  Carthusiani.  Coloniae, 

1606  ,  in-8".  —  Coloniae  ,  Hierat. 

1607  ,  in-8''. 

Oratorium  S.  Bernardi  latino-ger» 
nianicum  ex  scriptis  ejus  ccllec- 
tum ,  per  Samuelem  Cunoneni. 
Halae,  1609 ,  in-S". 

Biblia  S.  Bernardi,  seu  CoUectio  et 
explicatio  locorum  S.  scripturae 
quae  reperiuntur  in  omnibus  S. 
Bernardi  operibus ,  ordine  Bibli- 
co,  cura  Davidis  Lenfant  Doniini- 
cani.  Paris.  1646,  in-fol.  —  Paris. 
Hesnault.  i655 ,  in-4''- 


SAIN'T  BERNARD ,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX.      227 

Le  sixième  e'diteur  est  Gillot  de  Champagne,  qui  en  1672  Xll  SIECL8. 
fit  sortir  cette  même  collection  des  presses  de  Nivelle  à  Paris. 
L  édition  de  Gillot,  plusieurs  fois  reproduite,  le  fut  sur-tout 
en  i586  à  Paris,  en  deux  volumes  in-folio,  qui  pouvaient 
me'riter,  avant  1600, d'être  préférés  à  toute  autre  édition  des 
œuvres  de  saint  Bernard. 

On  compte  jusqu'à  vingt  ou  vingt-cinq  éditions  des  mêmes 
œuvres  dans  le  cours  du  XVP  siècle  :  elles  se  divisent  en  six 
.classes,  selon  qu'elles  sont  dues  aux  soins  ou  de  Bocard,  ou 
de  Chlictove,  ou  des  deux  moines  de  Clairvaux,  Laurent  et 
Lambert,  ou  de  François  le  Mangeur,  ou  d'Antoine  Mar- 
cellin,  ou  de  Jean  Gillot  de  Champagne. 

Parmi  vingt  éditions  du  XVIP siècle,  il  en  est  qui  ne  font 
que  renouveler  celle  de  Jean  Gillot.  Les  plus  remarquables 
entre  les  autres  sont  : 

I  "  Celle  que  fit  paraître  à  Paris ,  en  1 60 1 ,  Edme  Ti  raqueau , 
moine  cistercien  ; 

2°  Celle  que  Jean  Picard  enrichit  de  ses  notes  en  i6o(j; 

3"  Celle  de  16 16,  due  aux  presses  de  Salicati  à  Venise,  et 
aux  soins  d'un  neuvième  éditeur,  Jean -Baptiste  Carminati; 

If  Celle  du  Louvre  en  i64o  et  1G42 ,  en  six  volumes  in- 
folio ,  qui  ne  sont  recommandables  que  par  l'exécution  typo- 
graphique ; 

5°  Celle  que  Merlon  Horstius  publia  d'abord  en  i64i  à 
Cologne ,  et  qui  se  perfectionna  dans  plusieurs  réimpressions 
successives  jusqu'au-delà  de  1667; 

6"  Enfin,  celle  qu'en  1667  dom  Mabillon  dédia  au  pape 


S.  Bernard!  Theologia  didascalico-  Dictâmes  para  vida  religiosa  e  per- 

nioialis,  ex  mellifluis  ejus  scrip-  feyta  pelo  S.  Bernardo ,  traduzi- 

lisstudiosècollecta.  Erfurti,  1646,  dos  de  latim  en  portuguez  pelo 

in-fol.  Joam  Barbarica.  Lisboa,  Pereyra 

S.  Bernardi  Theologia  speculativa,  da  Sylva,  1721,  in-4''. 

cura  Laurentii  Bertrandi.  Astae ,  Sentences  et  Instructions  chrétiennes 

1675  ,  1676,  2  vol.  in-4''.  tirées  des  œuvres  de  S.  Bernard, 

D.  Bernardi  Mellilotpiitim  à  J.  Mal-  par  de  Laval  (le  duc  de  Luynes). 

goire.  Romae,  i663 ,  in-12.  Paris,  Villette ,   1709,   iD-12.— 

Régula  conversorum  ordinis  cister-  Ibid.  1734,  in-12. 
ciensis ,  secundiun  instituta  divi 

Bernardi  ;  in  Menolog.  Henriq.  8"  De  Vitâ  et  scriptis  S.  Bernardi. 

Doctrina  de  S.  Bernardo  romanzada 

por  Martin  Navarra  Alpisqueda.  V.  suprà  not.  (a),  [h),  p.  i3o,  [a), 

Anversa,  i554,  in-4°.  (b) ,  (c),  {d) ,  (e),  (/),  p.  i3i. 

Ffa 


228  SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX. 
XII  SIECLE.  Alexandre  VII,  et  qu'il  reproduisit  plus  correcte  et  plus  riche 
en  iGgo.  C'est,  sans  contredit,  la  plus  précieuse  par  la  pu- 
reté du  texte ,  par  la  distribution  des  matières ,  j>ar  les  dis- 
sertations et  les  notes  de  l'éditeur.  Ce  travail  avait  été  pro- 
jeté par  dom  Chanteloup,  qui  mourut  fort  peu  de  temps 
après  l'avoir  entrepris.  Dom  Mabillon,  sou  confrère,  y  con- 
sacra de  longues  veilles,  et  rendit  presque  inutiles  toutes 
les  éditions  précédentes.  Les  plus  dignes  d'être  recueillies 
dans  une  grande  bibliothèque,  seraient,  à  notre  avis,  celle 
de  1475,  comme  la  première;  celle  de  iSao,  à  cause  de  sa 
correction;  celle  de  i586,  comme  la  plus  belle  et  la  plus 
ample  qu'on  eût  alors;  celle  de  i6og,  pour  les  notes  de  Jean 
Picard;  celle  du  Louvre  en  1642,  à  raison  de  la  beauté  des 
caractères  ;  celles  d'Horstius ,  telle  qu'elle  parut  à  Paris  en 
i658;  et  enfin  celle  de  1690,  la  seconde  de  dom  Mabillon. 
On  y  pourrait  joindre  deux  éditions  publiées  au  XVIIP 
siècle  :  l'une  à  Paris  en  1719,  par  les  soins  de  dom  Massuet 
et  de  dom  Texier;  l'autre  à  Vérone  en  1^26;  mais  ces  deux 
éditions  ne  sont  réellement  que  celle  de  1690,  augmentée 
de  quelques  lettres  de  saint  Bernard,  qui  venaient  d'être  dé- 
couvertes et  mises  en  lumière  par  Baluze  ,  IMartène  et 
Durand. 

Nous  aurions  à  parcourir  de  bien  plus  longs  détails,  s'il 
nous  fallait  rendre  compte  ici  de  toutes  les  éditions  particu- 
lières dé  chacun  des  écrits  de  saint  Bernard.  Il  doit  nous  suf- 
fire d'en  donner,  dans  la  note  bibliographicjue  placée  ci-des- 
sous, un  catalogue  sommaire  qui  sera  sans  doute  incomplet. 
On  pourra  distinguer  dans  cette  multitude  d'éditions,  celle 
des  cinq  livres  de  la  Considération,  qui  sortit  des  presses  de 
Plantin  a  Anvers,  en  lÔyi  :  ces  mêmes  livres  ont  aussi  paru 
avec  des  commentaires  de  Jean  Gérard  Vossius. 

Celles  des  lettres  de  saint  Bernard  qui  ont  un  caractère 
historique  ,  ont  été  insérées  dans  le  recueil  de  Duchesne. 
M.  Brial  les  a  reproduites  plus  complètement  et  avec  plus 
de  méthode  dans  le  quinzième  volume  de  la  Collection  des 
historiens  de  France. 

Il  existe  probablement  beaucoup  plus  de  versions  ita- 
liennes, espagnoles,  anglaises  et  allemandes  des  oeuvres  de 
saint  Bernard ,  que  nous  n'en  avons  pu  connaître.  Par  un 
choix  fort  étrange,  les  bibliograghes  ont  spécialement  cité 
les  traductions  des  écrits  apocryphes  de  l'abbé  de  Clairvaux; 
par  exemple ,  de  sa  prétendue  règle  de  vie  adressée  à  sa  sœur. 


SAINT  BERNARD ,  ABBÉ  DE  CJ.AIRVAUX.      229 

Toutefois  les  Italiens  possèdent  une  version  des  sermons  sur  XII  SIECLE, 
le  cantique,  imprimée  dès  i494i  une  version  des  autres  ser- 
mons,  publiée  à  Venise  en  iSag  :  ils  doivent  à  Rinaldo  Re- 
tini  une  traduction  des  livres  sur  la  Considération ,  qui  pa- 
rut en  1606.  Benoît  Alvare,  moine  cistercien,  a  traduit  en 
espagnol  le  traité  de  diligcudo  Deo  ;  et  dès  i4^4>  on  avait 
mis  au  jour  une  version  flamande  des  sermons  sur  les  fêtes 
de  l'année,  sur  les  saints  et  sur  divers  sujets. 

L'un  des  plus  anciens  traducteui's  français  de  saint  Bernard 
est  Pierre  Vives,  religieux  bénédictin. Sa  traduction  duti^aité 
des  degrés  de  l'humilité  fut  imprimée  chez  Simon  Vostre  en 
i5io.  Claude Vérard,  religieux  deClairvaux,  traduisit  le  traité 
de  l'amour  de  Dieu ,  à  Paris  chez  Barbou  ,  en  1642.  Ce  même 
traité  a  trouvé,  en  i566,  un  autre  traducteur  dans  un  reli- 
gieux de  Bonneval  en  Rouergue,  nommé  Jean  Cogneur.Vers 
le  même  temps,  Hubert  Lescot,  prieur  des  chanoines  de 
Saint -Augustin  ,  translatait  tous  les  sermons  de  saint  Ber- 
nard et  quelques-uns  de  ses  traités.  P.  Chicheré  traduisit  en 
160 1,  la  vie  de  saint  Malachie;  et  Philippe  le  Bel,  curé  de 
Luzarche  ,  en  161 5,  presque  tous  les  écrits  du  saint  abbé. 
Les  autres  traducteurs  de  saint  Bernard,  dans  le  cours  du 
XVIP  siècle,  furent  Jean  Tournes,  avocat,  Claude  du  Bellay, 
le  cardinal  le  Camus,  Pimentel,  Desmares,  François  de  Saint- 
Claude,  dom  Gerberon,  cjuelques  anonymes  ,  mais  sur-tout 
Antoine  de  Saint- Gabriel,  religieux  feuillant.  Ce  dernier  a 
traduit  les  sermons ,  les  lettres  et  presque  tous  les  opuscules. 
Toutes  ces  versions  sont  assez  peu  dignes  de  leurs  textes,  et 
saint  Bernard  ne  peut  encore  être  lu  en  français  que  dans 
les  traductions  de  le  Roi  et  de  Villefore,  qui  ont,  l'un  et 
l'autre,  traduit  les  lettres  de  l'abbé  de  Clairvaux,  le  premier 
en  1702,  le  second  en  1 7 15. Villefore  a  laissé,  déplus,  une 
version  des  sermons  les  plus  remarquables ,  imprimée  en 
1787,  l'année  même  de  la  mort  de  ce  traducteur. 

§  VII. 

OBSERVATIONS  GÉNÉRALES. 

C'est  sur-tout  dans  les  ouvrages  des  plus  illustres  écrivains 
de  chaque  siècle  qu'il  faut  étudier  l'histoire  littéraire ,  c'estf 
à-dire  examiner  quelles  idées  occupaient  l'esprit  humain, 


23o      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

xn  SIECLE,  quelles  formes  prenait  l'art  d'écrire ,  quelle  direction  sui- 
vaient  ou  imprimaient  les  talens. 

Les  institutions  monastiques  avaient  alors  une  importance 
que  nous  ne  pourrions  soupçonner  aujourd'hui,  si  elle  n'était 
attestée  par  tous  les  monumens  de  cet  âge.  Le  nombi^e  tou- 
jours croissant  des  monastères  ,  la  multitude  des  moines , 
l'austérité  des  uns ,  l'opulence  des  autres ,  la  considération 
qu'attirait  à  plusieurs  d'entre  eux  ou  la  noblesse  de  leur 
extraction ,  ou  l'éclat  de  leurs  vertus  ,  ou  la  renommée  de 
leur  savoir,  ou  l'activité  de  leur  esprit,  de  leur  caractère; 
toutes  les  causes  enfin  qui  peuvent  distinguer,  illustrer,  enri- 
chir une  profession,  s'étaient  réunies  en  faveur  de  celle  des  re- 
ligieux. Les  cloîtres  étaient  à-la-fois  des  asyles  et  des  théâtres  : 
on  pouvait  y  être  également  entraîné ,  soit  par  le  goût  de  la 
solitude ,  soit  par  le  désir  de  la  célébrité ,  ou  même  de  la 
puissance.  La  carrière  monastique  conduisait  à  la  gloire  et 
aux  dignités  ;  à  l'épiscopat ,  au  souverain  pontificat ,  quelque- 
fois à  l'administration  des  Empires.  Les  couvens ,  et  à  plus 
forte  raison  les  ordres  ,  étaient  devenus  en  quelque  sorte  de 
petits  Etats ,  presque  indépendans  de  l'autorité  civile ,  même 
de  la  juridiction  ecclésiastique  ordinaire  ;  et  peu  s'en  fallait 
qu'un  abbé  ne  fût  véritablement  un  prince  au-dehors  comme 
au-dedans  de  sa  communauté.  11  n'est  donc  pas  étonnant  que 
les  œuvres  de  saint  Bernard  nous  offrent  un  si  grand  nombre 
de  considérations  et  de  détails  sur  les  monastères. 

Tous  ses  écrits  nous  rendent  sensibles  les  relations  qui 
existaient  entre  les  couvens  et  les  églises ,  comme  entre  le 
régime  ecclésiastique  et  le  gouvernement  des  peuples.  Le 
système  accrédité  par  les  fausses  décrétales  se  montre  d'au- 
tant plus  à  découvert  dans  ses  ouvrages ,  qu'il  n'y  est  jamais 
discuté  ;  saint  Bernard  le  reçoit  et  le  donne  pour  incontes- 
table. A  ses  yeux,  le  monarque  n'est  que  V évéque du  dehors, 
chargé  d'accomplir  les  décrets  de  l'église  et  de  prêter  force 
à  la  foi.  Ce  n'est  pas  que  le  saint  aî)bé  dissimule  les  abus 
qui  s'introduisent  dans  le  clergé  ,  ni  qu'il  pardonne  aux  vices 
qui  régnent  à  la  cour  de  Rome;  mais  lorsqu'il  censure  amè- 
rement les  prélats  et  les  pontifes ,  ce  n'est  jamais  envers  les 
rois  qu'il  les  trouve  coupables ,  c'est  aux  intérêts  de  l'église 
elle-même  qu'il  les  déclare  infidèles.  En  un  mot,  il  n'aper- 
çoit dans  le  monde  que  l'église;  sur  elle  reposent,  et  pour 
elle  sevile  doivent  exister  et  s'employer  toutes  les  autres  ins- 
titutions. Telle  est  l'idée  générale  que  développent  et  appli- 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIR  VAUX.      23 1 
quent,  lors  même  qu'elles  ne  1  énoncent  pas,  ses  epîtres  à    xn  SIECLE. 
Louis  VI,  à  Louis  VII  ^  à  Suger ,  à  Eugène  III,  et  sa  lettre 
encyclique  pour  la  croisade. 

Prémuni  de  bonne  heure  contre  les  innovations ,  soit  par 
le  sentiment  des  périls  auxquels  toujours  elles  exposent  leurs 
auteurs,  soit  plutôt  par  les  principes  et  l'ascendant  d'une 
éducation  orthodoxe  ,  il  fut  l'adversaire  inflexible  et  souvent 
formidable,  non-seulement  des  hérésies  manifestes  ,  mais  de 
toute  opinion  hasardée.  Bayle  (a)  et  quelques  autres  ont 
prétendu  qu'il  aurait  pu  traiter  avec  un  peu  moins  de  ri- 
gueur Pierre  Abailard  et  Gilbert  de  la  Porée;  mais, au  fond, 
les  doctrines  obscures  de  ces  deux  théologiens,  alors  même 
qu'elles  n'alarmeraient  point  la  foi ,  ne  séduiraient  pas  beau- 
coup la  raison  ;  le  jugement  le  moins  sévère  à  porter  sur 
elles  ,  consisterait  à  les  trouver  aussi  peu  dignes  d'être  pros- 
crites que  d'être  adoptées.  L'esprit  naturellement  judicieux 
de  l'abbé  de  Clairvaux  rejetait  les  rêveries  scholastiques  au- 

t 
(a)  "  S.  Bernard...  s'acquit  une  si  grande  considération,  qu'il  semblait  que 
toutes  les  affaires  de  l'église  reposassent  sur  ses  épaules ,  et  que  les  rois  et 
les  princes  l'eussent  choisi  pour  l'arbitre  de  leurs  différends.  Il  est  certain 
qu"'il  avait  de  fort  grandes  qualités ,  et  beaucoup  de  zèle  :  mais  quelques- 
uns  prétendent  que  ce  zèle  lui  donnait  un  peu  trop  de  jalousie  envers 
ceux  qui  s'acquéraient  un  grand  nom  par  l'étude  des  sciences  humaines  ; 
et  ils  ajoutent  que  son  naturel  doux  et  facile  le  rendait  un  peu  trop  cré- 
dule ,  quand  il  s'agissait  d'écouter  le  mal  que  l'on  disait  de  ces  savans-là. 
Ils  croient  que  par  ces  principes  il  se  laissa  trop  préoccuper  contre  Abai- 
lard. Il  est  difficile  de  s'imaginer  qu'il  ne  se  soit  pas  mêlé  beaucoup  de 
passions  humaines  dans  les  niouvemens  perpétuels  qu'il  se  donnait  pour 
faire  accabler  d'anathêmes  tous  ceux  qui  lui  paraissaient  hétérodoxes. 
Mais  il  est  fort  facile  de  comprendre  que  sa  bonne  réputation  ,  et  l'ardeur 
avec  laquelle  il  sollicitait  la  condamnation  de  ses  adversaires  ,  surprenaient 
les  juges ,  et  faisaient  succomber  sous  le  poids  des  préjugés  et  des  procé- 
dures peu  régulières  les  personnes  accusées.  Quoi  quil  en  soit,  il  vérifia 
l'interprétation  du  songe  qu'avait  fait  sa  mère  :  elle  songea  ,  lorsqu'elle 
était  grosse  de  lui ,  qu'elle  accoucherait  d'un  chien  blanc ,  dont  l'aboi 
serait  fort  sonore;  étonnée  de  ce  songe,  elle  consulta  un  bon  religieux , 
qui  lui  dit  :  jiyez  ion  courage ,  vous  aurez  mi  fils  qui  gardera  la  maison  de 
Dieu,  et  qui  aboiera  bien  contre  les  ennemis  de  la  foi.  Saint  Bernard  fit  plus 
que  ne  portait  la  prédiction ,  car  il  aboya  quelquefois  contre  des  ennemis 
chimériques  ,  contre  des  erreurs  qui  n'étaient  ou  que  pures  bagatelles  ou 
qu'une  interprétation  inique  des  paroles  et  des  pensées  d'autrui  :  et ,  soit 
qu'il  eût  raison  ,  soit  qu'il  eût  tort ,  il  savait  admirablement  donner 
l'alarme  ,  et  faire  retentir  le  tonnerre  de  ses  triomphes.  Il  fut  plus  heureux 
à  exterminer  les  Hétérodoxes  qu'à  ruiner  les  infidèles ,  et  cependant  il 
attaqua  ces  derniers ,  etc.  »  Bayle ,  Dict.  art.  Bern. 


232      SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,  tant  que  son  ortl;odoxie  scrupuleuse  repoussait  les  nou- 
veautes.  Il  a  même  combattu  certaines  croyances  qui  pou- 
vaient sembler  pieuses,  et  qui  depuis  ont  acquis  des  partisans, 
mais  qui ,  récentes  au  XIF  siècle ,  ne  se  conciliaient  point 
encore  assez  avec  les  traditions  antiques.  Ainsi ,  malgré  sa 
dévotion  si  éloquente  et  si  tendre  pour  la  Sainte  Vierge ,  il 
soutenait  que  le  privilège  d'avoir  été  conçu  sans  tache  n'avait 
jamais  pu  appartenir  qu'à  Jésus-Christ. 

En  vain  quelques  hérétiques  modernes  {a) ,  en  damnant 
les  saints  docteurs,  en  ont  excepté  saint  Bernai'd  ;  en  vain 
HIst.  des  Va-  ils  se  sont  efforcés  de  le  ranger  dans  leur  parti ,  rougissant , 
riauons,  iv.xi,  jj^  Bossuet ,  d' tti'oir  coiitre  eux  un  tel  témoin  :  l'église  catho- 
lique a  reconnu  si  hautement  la  pureté  de  sa  doctrine ,  qu'elle 
l'a  placé  au  nombre  des  écrivains  révérés  sous  le  nom  de 
Saints  Pères.  Il  faut  noter  que  les  bibliographes  ont  coutume 
de  comprendi^e  sous  ce  titre  presque  tous  les  écrivains  ecclé- 
siastiques qui  ont  précédé  saint  Bernard  :  mais ,  prise  dans 
son  acception  rigoureuse ,  cette  qualification  n'appartient 
réellement  qu'à  lui  seul ,  entre  tous  les  théologiens  qui  ont 
écrit  depuis  le  VF  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

Voilà  donc  les  trois  genres  d'idées  qui  servent  de  matières 
à  ses  ouvrages  :  i"  les  règles ,  les  devoirs ,  les  vertus  de  la  vie 


(a)  Bernardus  wnnes  ecclesiœ  cloctores  vinci't.  Luther,  in  Colloq.  conviv, 
c.  de  Patrib.  Ecoles.  — Plus  spiritùs  vitœ,  doctrinœ  etjîdei  in  paucis  aliquot 
jjaginis  D.  Bernardi  reperitur ,  qui  philosopliiani  non  attigit ,  solâ  scripturâ 
contentas ,...  qiiain  iritoto  Hieronyino,  qui linguarum  ,  artium,  philosopliice... 
cognitioiie  cunctis  prœstabat.  Mich.  Neander,  Gnomol.  Grfecor.  —  Excel- 
lebat  Bernardus  exactiore  judicio  omnes  suœ  œtatis  inros.  OEcolampad.  — 
Bernardus  abhas  in  libris  de  consideratione  ita  ioquitur,  ut  Veritas  ipsa  loqui 
mdeatur.  J,  Calvin.  Instit.  lib.  IV,  c.  ii,§  lo.  —  Quis  suavius  Bernardo 
scribit?  Dan.  Heinsius,  orat.  3,  etc..  —  Mabillon  ,  qui  a  recueilli  ces 
textes  à  la  (in  de  son  édition  des  œuvres  de  saint  Bernard ,  y  a  joint  les 
témoignages  rendus  aux  talens  et  aux  vertus  de  labbé  de  Clairvaux  ,  par 
les  papes  Innocent  II ,  Alexandre  III ,  Pie  V,  Grégoire  XIV  ;  par  les  car- 
dinaux Jacques  de  Vitry ,  S.  Bonaventure ,  Baronius ,  Bellarniin  ;  par  des 
évêques  ,  tels  qu'IIildebert ,  Othon  de  Frisingue ,  Guillaume  de  Tyr ,  et 
par  beaucoup  d'autres  personnages,  entre  lesquels  nous  citerons  Pétrarque 
et  Juste-Lipse.  Solebat  dicere  Bernardus  ovines  se  quas  sciret  litteras^  qca- 
RUM  NEScio  AN  ALics  SUA  .ETATE  coPiosiOR  FUERiT,  in  sihïs  et  agris  didicisse. 
Petrarch.  de  Vitâ  solit.  lijj.  II ,  c.  i4.  Inter  Latinos  Bernardus  me  capit, 
et  usum  habet  excitandi ,  ob  acrimoniam  ubique  et  calorem ,  tiini  etiam 
docendi  atque  inipriinendi ^  oh  sententiaruni  acunicn  quas  crebro  et  salubriter 
miscet.  Just.  Lips.  Epist.  centur.  3 ,  49- 


SAINT  BERN.\RD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX.      ;i33 

monastique  ,   les    affaires    et   les    intérêts  des  monastères  ;    xii  siècle. 
a°  l'ensemble  et  les  détails  du  régime  ecclésiastique,  auquel 
il  suÎJordonne  celui  des  empirq^;  3°  la  doctrine  catholique , 
qu'il  défend  contre  les  novateurs. 

Les  écrits  que  remplissent  ces  trois  ordres  d'idées  se  di- 
visent eux-mêmes ,  cpiant  à  leurs  formes ,  en  trois  classes  ; 
lettres,  sermons  et  traités.  Nous  avons  déjà  essayé  de  carac- 
tériser les  lettres  ;  nous  avons  sur-tout  reconnu  le  mérite  de 
celles  dont  saint  Bernard  a  véritablement  été  le  rédacteur. 
Elles  ne  sont  ni  hérissées  de  syllogismes ,  comme  celles  d  A- 
bailard  ;  ni  diffuses ,  comme  celles  de  Pierre-le-Vénérable  ; 
ni  farcies ,  comme  celles  de  Pierre  de  Blois ,  de  citations  pé- 
dantescpies  :  simples  avec  noblesse,  toujours  pleines  dépen- 
sées, et  quelquefois  de  sentimens,  elles  peuvent  être  consi- 
dérées comme  les  meilleures  productions  du  genre  épistolaire 
au  XIP  siècle. 

A  l'égard  des  sermons,  la  plupart,  nous  devons  l'avouer, 
nou3  paraissent  appartenir  assez  peu  au  genre  oratoire.  Ce 
sont  des  chapitres  de  morale  plutôt  que  des  discours  pro- 
prement dits  ,  les  pensées  d'un  auteur  pieux  et  mystique 
plutôt  cjue  les  paroles  d'un  orateur.  Nous  croyons  y  remar- 
quer plus  de  symétrie  que  d'enchaînement ,  plus  de  mouve- 
ment dans  les  idées  cjue  dans  les  affections,  plus  d'esprit 
que  d'éloquence.  Mais  quand  nous  hasardons  cette  observa- 
tion générale  ,  nous  sommes  bien  éloignés  de  n'y  vouloir 
mettre  aucune  restriction  ;  nous  l'avons  déjà  modifiée  nous- 
mêmes  ,  en  faisant  remarquer ,  au  milieu  des  trois  cent 
cinquante  sermons  de  saint  Bernard ,  plusieurs  morceaux 
tout-à-fait  dignes  d'un  orateur  chrétien. 

Ses  traités  sont,  à  nos  yeux,  ses  principaux  titres  litté- 
raires. La  piété  d'un  cénobite  et  l'imagination  d'un  écrivain 
bi'illent  à-la-fois  dans  la  description  des  degrés  de  l'humilité 
et  de  l'orgueil.  Mais  le  Traité  de  la  Grâce ,  par  la  difliculté 
du  sujet ,  par  la  clarté  des  idées  ,  par  la  vivacité  des  expres- 
sions ;  et  les  quatre  premiers  livres  de  la  Considération ,  par 
l'importance  des  matières,  par  la  hauteur  des  pensées,  par 
la  noblesse  et  les  mouvemens  du  style ,  méritent  peut-être  la 
première  place  parmi  les  productions  de  saint  Bernard  et  de 
tout  son  siècle.  Ce  n'est  guère  que  dans  ces  traités ,  dans  vingt 
sermons  et  dans  quatre  ou  cinq  grandes  épîtres ,  que  l'abbé 
de  Clairvaux  s'est  prescrit  le  travail  et  les  soins  que  l'art 
d'écrire  exige  :  ailleurs ,  il  s'abandonne  au  cours  naturel  de 

Tome  XIH.  G  g 


234      SAINT  BERNARD,  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX. 

XII  SIECLE,    ses  sentimens  et  de  ses  idées,  à  l'activité  liljre  de  son  imagi- 
'  "  nation  et  de  son  esprit  ;  et,  content  d'exprimer  ce  qu'il  sent 

et  ce  qu'il  pense  ,  il  ne  compose  point  des  ouvrages.  Son 
style  n'est  jamais  sans  couleur;  il  a  souvent  de  l'élégance  et 
de  la  grâce  :  mais  il  n'acquiert  de  force  et  ne  prend  de  ca- 
ractère que  lorsque  le  travail  les  lui  donne,  c'est-à-dire  dans 
le  petit  nombre  de  compositions  qui  viennent  d'être  dé- 
signées. 

La  diction  de  saint  Bernard  est  celle  des  meilleurs  écrivains 
de  son  temps.  Mais,  quoiqu'on  puisse  y  remarquer  cjvielques 
traces  de  l'étude  des  livres  classiques  latins ,  on  ne  saurait 
assurément  la  regarder  comme  assez  pure.  Elle  est  défigurée, 
non-seulement  par  certaines  expressions  tout-à-fait  barbares, 
mais  ])lus  souvent  par  des  locutions  et  des  constructions 
empruntées  de  la  vulgate.  Il  ne  se  contente  point  de  citer  les 
livres  sacrés  ou  d'en  recueillir  les  pensées  ;  il  en  adapte,  le 
plus  qu'il  peut ,  les  textes  latins  au  sien  propre ,  il  les  fond 
en  quelque  sorte  dans  ses  phrases,  sans  s'inquiéter  si  cette 
pratique  peut  altérer  la  latinité  de  ses  écrits.  Beaucoup  de 
théologiens  ont  suivi  cet  exemple ,  en  écrivant  en  latin  et 
même  en  français;  et  il  existe  dans  notre  langue  certains 
livres  dont  la  diction,  d'ailleui'S  excellente,  offre  des  lignes 
tout-à-foit  inintelligibles  à  quiconque  n'a  pas  étudié  la 
Bible  (a). 

Cette  étude  était  celle  qui  avait  le  plus  occupé  saint  Ber- 
nard :  à  la  vérité ,  il  n'avait  lu  l'Ecriture  Sainte  cju'en  latin , 
mais  il  la  savait  toute  entière ,  et  avait  recueilli ,  multiplié 
même  les  explications  diverses  que  chaque  verset ,  chaque 
expression  peut  recevoir.  Les  écrits  des  principaux  docteurs 
de  l'église  latine ,  de  saint  Augustin  sur-tout ,  lui  étaient  aussi 
très-familiers,  et  la  lecture  des  auteurs  classiques  latins  avait 
été  l'un  des  exercices  de  sa  jeunesse.  Il  cite  assez  souvent  Ovide, 
qui  peut-être  lui  avait  laissé  quelque  empreinte  de  la  mobi- 
lité de  son  esprit,  et  de  son  extrême  habileté  à  reproduire 
une  même  pensée ,  non  en  différens  termes ,  mais  sous  plu- 
sieurs  aspects  réellement   distincts.   L'abbé   de   Clairvaux , 

[a)  Massillon  a  écrit  :  Incorporé  dans  un  corps  mystique  formé  de  toute 
langue....  Le  royaume  de  Dieu  ne  ment  point  avec  obserMation  ,  etc.  Un  lec- 
teur qui  saurait  fort  bien  le  français  et  fort  peu  la  bible,  ne  comprendrait 
point  ces  phrases.  Heureusement  de  telles  lignes  ne  sont  point  assez  fré- 
quentes dans  Massillon  pour  lempêcher  crètre  l'un  de  nos  meilleurs 
éciivains. 


SAINT  BERNARD,  ABBE  DE  CLAIRVAUX.       235 

toujours  plus  occupé  d'affliires  que  d'études  ,  ne  fut  pas  ^ii  SIECLE, 
l'hozume  le  plus  savant  de  son  siècle  :  mais  toutes  ses  con- 
naissances  étaient  claires,  précises,  disponibles;  et  sa  mé- 
moire ,  qu'il  aurait  pu  enrichir  davantage,  avait  du  moins 
cette  heureuse  vivacité  qui  rend  à  chaque  instant  évocables, 
ou  pour  ainsi  dire  présentes,  toutes  les  notions  acquises 
dans  le  cours  de  la  vie. 

Sa  brillante  et  féconde  imagination  se  laisse  voir  dans 
plusieurs  de  ses  ouvrages,  quelque  comprimée  qu'elle  y  soit 
par  la  gravité  austère  et  du  sujet  et  de  l'auteur.  Sa  raison , 
inaccessible  à  toute  erreur  nouvelle ,  possédait  tout  ce  qu'il 
fallait  alors  de  vigueur  et  de  lumières  pour  dissiper,  ou 
écarter  du  moins,  les  prestiges  ténébreux  de  la  scholastique, 
et  pouvait  se  promettre  les  plus  siirs  résultats  de  tous  les 
examens  qu'elle  se  croyait  permis.  Mais ,  de  toutes  les  fa- 
cultés intellectuelles  de  saint  Bernard ,  celle  dont  la  nature 
l'avait  le  plus  libéralement  doué,  et  qu'il  a  le  plus  cultivée 
par  l'exercice,  est  celle  que  notre  langue  appelle  esprit,  et 
qui  semble  consister  particulièrement  à  saisir  entre  les  idées, 
ou  entre  leurs  expressions ,  de  nouveaux  rapports ,  des  si- 
militudes inattendues ,  des  contrastes  non  observés.  Cette 
faculté ,  au  degré  où  il  la  possède ,  mérite  le  nom  de  talent  ; 
c'est  elle  cjui  le  distingue ,  dans  son  siècle ,  de  la  foule  des 
auteurs  ;  et  l'on  peut  dire  même  fjue  si  elle  n'acquiert  pas 
chez  lui  le  caractère  du  génie ,  c'est  cju'elle  ne  cherche  ni  ne 
rencontre  l'occasion  de  le  prendre. 

Comment  douter  de  l'éloquence  et  du  génie  d'un  céno- 
bite qui  envoya  cent  mille  croisés  en  Palestine ,  sans  y  aller 
lui-même.''  Trop  digne  de  notre  admiration  pour  avoir  im- 
primé de  si  vastes  mouvemens,il  a  droit  aussi  à  notre  estime, 
parce  que  la  pureté  de  son  zèle  est  manifeste  ,  et  qu'il  a 
désiré  passionnément  le  bonheur  des  peuples ,  alors  même 
qu'il  les  égarait.  Quoiqu'il  soit  plus  célèbre  par  son  influence 
ou  son  autorité  sur  ses  contemporains ,  cpie  par  les  écrits 
qu'il  a  laissés  à  la  postérité  ,  ses  livres  suffiraient  encore 
pour  déceler  l'énergie  de  son  ame,  et  la  fécondité  de  son 
imagination.  La  plupart  des  auteurs  de  son  temps  écrivent 
ce  qu'ils  ont  appris ,  non  ce  qu'ils  ont  pensé  :  les  ouvrages 
de  saint  Bernard  sont  bien  moins  les  fruits  de  ses  études 
que  de  son  talent;  et  les  défauts  même  de  son  style  tiennent 
beaucoup  plus  à  l'ardente  vivacité  de  son  esprit,  qu'au  mau- 
vais goût  de  son  siècle.  D. 

Gg2 


XII  SIFCr.E. 


RAIMOND  DE  MONTREDON 

ARCHEVÊQUE  D'ARLES. 


Gail.  Cl.i-lst.    p  ,.  1      HT  '11 

I.I,p.  56o;t.    -TlAIMOND     DE     MONTROND,    OU    de    MoNTREDON,    116    dailS    16 

VI,  pnge  676.  diocèse  de  Nîmes,  fut,  dès  son  enfance,  offert  et  consacre 
Wouv.  Hist.  de  p^j,  gçg  parens  à  l'église  cathédrale  de  cette  ville .  où  il  em- 

I.ang.   t.  II,p.    {  r     ,  1    °         n-         •  1  1  •  '1-  Ti 

/,o6.  brassa  de  bonne  neui-e  Inistitut  des  cnanonies  réguliers.  11 

Gaii.  ciitiit.  devint  ensuite  archidiacre  de  Be/iers,  et  enfin  évêque  d'Agde, 

!;-^''j^V^''^'  en  ii3o,  à  la  place  d'Aldcbert  :  il  était  déjà  élu,  mais  n'était 

Ilist.  de  Fr.,  t.  ^  ^       '    '     i       c        i  •        i  i  i  ^ 

XIV,  p.  309.     pas  encore  sacre  a  la  hn  du  mois   de  novembre  de  cette 

Hist.  de  Fr.  année;  car  une  lettre  d'Innocent  II,  datée  du  29  et  adressée 
t.  XV,  p.  371.    aux  évêques  de  la  province  de  Narbonne,  l'appelle  -Aga- 

Hist.  de  Fr.  thens'is  electus.  Des  discussions  s'étant  élevées  entre  les  reli- 
t.  XIV,  p.  307  gig^^^x  de  Saint-Tiberi,  dans  le  diocèse  d'Agde  même,  et  ceux 
Chris?,  t.  VI t  fis  la  Chaise-Dieu,  dans  le  diocèse  de  Clermont,  au  sujet  de 
page  3i8,  aux  l'église  de  Bessan,  Guy,  cardinal  et  légat  du  saint  siège, 
Preuves.  rendit  ta  cette  occasion,  en  11  Sa,  un  décret  où  est  nommé 

Hist.  de  Fr.  Raimoud  évêque  d'Agde  :  il  est  nommé  encore  avec  la  même 
t.xiv,p.  3o8;  qxialité  dans  un  décret  de  l'année  11 34,  rendu  à  un  synode 
fn,  Preuvefi  de  Montpellier  par  Hugues,  archevêque  de  Reims  et  légat 
p. /,74  et  476.'  aussi  du  saint  siège,  comme  ayant  assisté  à  ce  synode.  La 

Hist.  de  Fr,  lettre  du  pape  Innocent  II,  du  troisième  jour  des  calendes 
*-.^^' P- ^70;  de  décembre  ou  du  29  novembre,  était  un  ordre  donné  à 
t.' n,  p.  4oi.  plusieurs  évêques  de  faire  faire  au  plus  tôt  satisfoction  à  l'ab- 
-  Gaii.  ciirist.  l)a\  6  dAniaiie,  diocèsc  de  Montpellier,  alors  deMaguelone(<3), 
t.  VI,  p.  839.     (Joj^t  m^  (Jes  hommes  avait  été  tué  par  quelques  chevaliers 

Gaii.  Christ,  de  leurs  diocèses.  L'objet  du  synode  tenu  à  Montpellier  en 
t.  AI,  p- ti76;  II 34,  auquel  présida  l'archevêque  de  Reims,  était  encore 
Preiiv.  p.  Jib.    j'j^g-ijgp  jç  gpggan  ;  elle  fut  alors  donnée  au  monastère  de  Saint- 

Gall.  Christ.  Tibcii.  La  coucordc  sc  trouva  enfin  totalement  rétablie  entre 
t.  VI,  p.  676;  ce  monastère  et  celui  de  la  Chaise- Dieu,  par  une  nouvelle 
Preuv.  p.  321  ;  .^ggçn^]jiée  de  prélats  tenue  à  Uzès  ea  iiSg,  sous  la  prési- 
il,Preuv.p°488.  deuce  du  cardinal  Guy,  légat  du  saint  siège,  et  à  Licpielle 
T.  vi,Prouv.  Piaimond  assista.  Les  auteurs  de  la  France  chrétienne  ont 
p.  279  61320.      raopelé  et  même  publié  quelques  autres  actes  de  cet  évêcpie, 

{a)    L'évêché ,  d'abord   à  M;iguelone  ,  ne  fut   transféré  à  Montpellier 
qu'en  i536. 


RAIMOND  DE  MONTREDON.  aSy 

dates  aussi  de  1 1  Sq  ou  des  années  précédentes ,  qui  tous  ont   ^^^  siècle. 
pour  objet  des  fondations  ou  des  institutions  pieuses. 

Bientôt  après,    en    1142,   il   fut  nommé   à   l'archevêché 
d'Arles.  Nous  l'apprenons  de  Pierre^Ie-Vénérable  dans  une  Lib.  v,ep.  4. 
lettre  au  pape  Eugène  III,  relative  à  la  contestation  entre 
l'évêque  cle  Nîmes  et  l'abbé  de  la  Chaise-Dieu,  pour  le  mo- 
nastère de  Saint-Bausile  ;  contestation  dont  le  pape  avait  ren- 
voyé l'examen  à  Raimond ,  si  suspect  à  une  des  deux  parties  , 
au'il  était  peu  différent  d'avoir  choisi  l'archevêque  d'Arles, 
it  Pierre-le- Vénérable ,  ou  l'évêque  de  Nîmes  lui-même,  ut     v.  Gall. air. 
pœnè  idem  sit  hoc  iinponi  Arelatensi  quod  esset  si  impone-  t- 1.  P- 56o. 
retur  episcopo  Nemausensi.  Il  fait  allusion  à  tous  les  motifs 
qui  devaient  inspirer  de  l'attachement,  de  la  prédilection  à 
Raimond  pour  l'église  du  lieu  où  il  avait  eu   la  naissance  ; 
pour  une  église  dans  laquelle  il  avait  été  reçu  et  adopté  dès 
ses  premières  années,  dont  il  avait  ensuite  été  chanoine,  ca- 
nonicat  qui  était  devenu  pour  lui  la  route  de  l'épiscopat.  La 
preuve  que  Raimond  était  archevêque  d'Arles ,  en  1 1 42 ,  ré- 
sulte encore  de  plusieurs  actes  rappelés  dans  le  premier  tome      p.  sgo   vers 
de  la  France  chrétienne.  Nous  trouvons  en  11 43  une  tran-  lafiu- 
saction  de  lui  avec  Alphonse  Jovu'dain,  comte  de  Toulouse  et 
maiT|uis  cle  Provence,  sur  des  différends  anciens  entre  leurs 
prédécesseurs  mutuels  au  sujet  de  la  terre  d'Argence,   qui 
comprenait  la  partie  du  diocèse  d'Arles  située  en  deçà  du 
Rhône.  Les  prélats  accusaient  les  comtes  d'avoir  usurpé  sur 
eux  plusieurs  droits  dont  jusqu'alors  ils  avaient   toujours 
été  en  possession.  Alphonse ,  par  cet  acte  du  1 1  septembre      Caii.  Christ. 
II 43,  de  l'avis  de  quelques-uns  de  ses  barons  ,  donne  ou  ii>  aux  Preu- 
rend  à  Dieu,  à  l'église  d'Arles,  à  l'archevêque  Raimond  et  ^^'P-oy-Hi^t- 

1         ]A  1  II       ^    -^  1  ■      .        de  Lani.'.  t.  II, 

a  ses  successeurs,  les  dîmes  des  nouvelles  terres  du  territoire  p.  436. 
d'Argence  et  de  l'île  du  Bois-Comtal.  Il  reconnaît  qu'il  doit 
et  que  ses  vassaux  doivent,  comme  lui,  tenir  en  fief  de  cette 
église  et  de  son  évêque,  tout  ce  qu'ils  possèdent  dans  ce  ter- 
ritoire, et  leur  en  faire  hommage  :  il  jure  de  leur  conserver 
toutes  les  propriétés  dont  ils  sont  en  jouissance.  Les  éditeurs 
de  la  France  chrétienne  font  encgre  mention  de  quelques      t  i       561 
actes  dont  Raimond  fut,  comme  archevêque  d'Arles,  ou  l'au-  etauxPieuves,' 
teur  ou  l'oljjet.  P-  97- 

Une  inscription  que  ces  savans  rapportent ,  placée  dans  la 
métropple  d'Arles,  annonce  que  Raimond  mourut  au  mois 
d'avril  1 160.  Ils  observent  à  ce  sujet  que  sa  mort  dut  arriver 
plus  tôt,  et  proposent  de  substituer  un  V  à  un  X,  c'est-à-dire. 


238  RAIMOND  DE  MONTREDON. 

XIT  SIECLE.    MCLV  à  MCLX.  Raimond,  en  effet,  n'était  plus  archevêque 
V.  Gaii.  chr.  d'Ailes  en  ii56  :  son  successeur  est  nommé  dans  l'acte  de 
1. 1,  p.  56i.       mariage  fait  cette  année  même  entre  l'empereur  Frédéric  1" 
et  une  duchesse  de  Bourgogne,  Béatrix,  fille  de  Renaud  III 
et  son  héritière  dans  ce  duché.  Ce  successeur,  tiré  de  la  char- 
Gali.  chr.  t.  treusc  de  Bonpas  oii  il  était  prieur ,  ne  gouvernait  déjà  plus 
ï,p.562.  iiya  l'église  d'Arles  en  ii63;  un  autre  prélat,  du  nom  encore  de 
todriu^i  ^ui,  Raimond,  (Raimond  de  Babolène),  en  était  alors  arclievêque. 
aux   Preuves ,  Nous  ne  parlons  ainsi  de  lui  que  parce  qu'il  s'est  élevé  quel- 
V-  99-  ques  doutes  sur  le  véritable  auteur  d'une  charte  mémorable 

dont  nous  allons  rendre  compte;  la  similitude  de  nom  et  de 
fonctions,  la  coexistence  des  deux  prélats  au  milieu  du  XIP 
siècle,  le  faible  intervalle  c[ui  les  sépara,  le  défaut  d'une  date 
bien  précise  pour  ce  monument,  ont  naturellement  dû  les  faire 
P.  56i.        naître  :  les  auteurs  de  la  France  chrétienne  demeurent  eux- 
mêmes  dans  l'incertitude  à  cet  égard.  Le  motif  que  l'on  donne 
pour  attribuer  de  préférence  cette  charte  au  second,  n'est  cepen- 
dant ni  assez  fort  ni  assez  vrai  pour  l'exiger  nécessairement  ; 
c'est  un  décret  ou  statut  en  faveur  des  consuls  d'Arles  :  mais 
Ordonn.  des  dcs  lois  favorablcs  aux  communes  avaient  été  rendues,  dès 
XV  "^^  ftfi  —  ^^  commencement  du  XIP  siècle,  par  Louis -le- Gros  ;  les 
note' J- et  aussi,  famcuscs  coutumcs  de  Lorris  en  Orléanois,  qui  devinrent  le 
p.  196 et  201.    type  de  beaucoup  de  concessions  semblables,  sont  du  lègne 
de  ce  prince.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  statuts  faits  par 
l'archevêque  Raimond  ;  en  voici  du  moins  les  dispositions 
principales.  On  y  voit  naître  et  se  former  une  jurisdiction 
alors  nouvelle;  on  la  voit  s'étendre  sur  beaucoup  d'affaires, 
dont  quelques-unes  même  semblent  appartenir  plutôt  à  l'or- 
dre judiciaire  cju'à  l'ordre  administratif. 

Si  un  gentilhomme  ou  tout  autre  commet  un  vol  ou  occa- 
sionne un  tort  quelconque,  on  lui  infligera  la  peine  déter- 
minée par  les  lois  établies,  et  il  paiera  une  amende  que  les 
consuls  fixeront  :  Justitiani  dahit ,  pi-o  volmitate  et  arhitrio 
consulwn.  Je  ne  crois  pas  avoir  besoin  de  justifier  le  sens 
que  je  donne  ici  au  mot  Justitia  :  ceux  à  qui  l'histoire  et 
la  législation  du  moyen  â^e  sont  familières ,  savent  qu'on  en 
trouve  souvent  des  exemples  dans  les  monumens  de  la  se- 
conde race  et  de  la  troisième. 

Nous  nous  réservons,  ajoute  le  prélat,  nous  nous  réser- 
vons la  connaissance  /?/v?Z(7«f/rtî,  c'est-à-dire,  de  la  caution, 
du  répondant  :  néanmoins ,  lorsqu'un  consul  gentilhomme 
aura  reçu  une  caution  offerte  par  un  gentilhomme ,  l'accepta- 


RAIMOND  DE  MONTREDON.  aSg 

tion  qu'il  en  aura  faite  le  sera  pour  tous,  pour  les  autres  con-   xil  SIECLE, 
suis  du  même  ordre.  Nous  voulons  qu'il  en  soit  de  même  à 
l'égard  des  consuls  choisis  dans  la  classe  du  peuple. 

Les  articles  suivans  établissent  qu'on  ne  peut  être  trouble' 
dans  la  possession  d'un  bien,  quand  on  en  a  joui  sans  in- 
terruption pendant  trente  ou  quarante  années,  suivant  qu'on 
est  ecclésiastique  ou  laïc.  Ils  disent  quelles  seront  les  obliga- 
tions du  détenteur  injuste,  et  tracent  des  règles  sur  les  dots 
et  les  successions. 

Quelques  délits  fixent  ensuite  l'attention  du  prélat.  Il  dé- 
termine à  qui  sera  confié  le  droit  de  les  poursuivre,  qui 
pourra  infliger  les  peines.  La  qualité  des  personnes  n'est  pas 
sans  influence  sur  la  punition.  Un  dédommagement  pécu- 
niaire est  accordé  à  celui  qui  a  souffert  du  crime.  Une  grande 
latitude  est  donnée  aux  consuls  pour  la  répression  et  le  châ- 
timent du  vol,  de  l'adultère,  du  rapt,  de  l'homicide,  de  plu- 
sieurs autres  attentats.  Une  exception  est  cependant  pronon- 
cée :  les  consuls  ne  pourront  recevoir  les  plaintes  qui  seraient 
formées  sur  les  flagellations  dont  le  chef  d'une  famille,  d'une 
maison,  aurait  puni  ceux  qui  la  composent,  pour  leur  mau- 
vaise conduite  ou  leur  insolence,  ou  sur  les  coups  qu'aurait 
donnés  un  noble  au  vilain  qui  lui  aurait  parlé  ou  répondu 
avec  arrogance  ou  avec  mépris,  si  ce  n'est  toutefois  que  fin- 
jure  fût  si  atroce ,  qu'elle  ne  pîit  être  tolérée  ni  dans  la  fa- 
mille ni  envers  aucune  personne  libre. 

Les  consuls  soumetront  à  un  conseil  les  délibérations  qui 
pourraient  avoir  lieu  sur  des  changemens  à  faire  dans  l'ad- 
ministration de  la  ville  ou  tians  ses  coutumes,  sur  une  guerre 
à  soutenir,  sur  une  contribution  à  percevoir;  et  ce  qui  aura 
été  décidé  par  ce  conseil,  sera  irrévocablement  observé. 

Les  statuts  parlent  ensuite  des  procès  que  les  étrangers 
auraient  à  soutenir  dans  la  commune.  Ils  défendent  aux  con- 
suls d'appeler  personne  en  jugement  pour  une  action  qui 
n'aurait  pas  eu  lieu  pendant  le  temps  cfe  leur  magistrature  : 
ils  leur  défendent  de  recevoir  aucune  récompense,  aucune 
promesse,  sous  peine  d'être  chassés  du  consulat,  et  veulent 
qu'on  poursuive  aussi  le  plaideur  qui  aurait  cherché  à  les 
corrompre. 

D'autres  articles  déterminent  le  nombre  général  des  con- 
suls, la  portion  cju'on  en  choisira  dans  les  différentes  classes 
de  la  cité,  les  formes  de  félection  ,  le  serment  exigé  de  ceux 
à  qui  elle  sera  confiée ,  le  serment  que  prêteront  les  consixls 


24o  RAIMOND  DE  MONTREDON. 

XII  SIECLE,    eux-mêmes  après  avoir  été  ëlus.  Il  devait  y  en  avoir  douze; 
quati'e  gentilshommes,  milites  ;  quatre  bourgeois,  de  huvgo ; 
deux  marchands ,  de  mercato  ,  et  deux  de  horriano ,  vraisem- 
blablement un  endroit  voisin  qui  faisait  partie  duterritoire  de 
P.  6/,8,  lig.  i5.  la  commune  et  en  dépendait  :  je  trouve  dans  le  même  volume 
de  la  France  chrétienne,  un  Tiburge  de  borriano.  Peut-être 
aussi  par  de  burgo ,  désigne-t-on  moins  des  consuls  choisis 
dans  la  bourgeoisie ,  que  parmi  les  habitans  des  faubourgs  : 
Volilap.99,  ce  qui  pourrait  le  faire  croire,  c'est  que  les  statuts  sont  don- 
aux  Preuves,      nés  pi'o  civitute  Arelateiisl  et  burgo. 

Voici  le  sei^ment  que  prêtaient  les  consuls  :  Ego...  eîectus 
consul,  jum  qubd ,  omnibus  modis ,  secundîim  scientiam 
meam,  illos  qui  mecuin  fueiint  in  consulatu ,  cum  melioii 
et  discrétion  consilio  eoruni  qui  erunt  in  consulatu  ,  regam 
et  gubernem,  et  qubd  consul  esse  non  desinam  donec  alius  eli- 
gatur  :  et  si  discordia  inter  nos  consules  orta  fuerit ,  con- 
silio archiepiscopi  et  melion  consulatûs  consilio  eam  termi- 
nabo ,  et  sic  teneri  faciam  ;  et  pro  discutiendo  negotio  , 
promissionem  aliquani  vel  pretium  ab  aliquo  non  accipiam ; 
etnullum,  tempore  mei  consulatûs ,  in  judicium  vocabo ,  nisi 
de  his  quœ  in  hoc  consulatu  facta  fuerint ,  vel  satisdatio 
antefacta.  Sic  me  Deus  adjuvet,  et  hœc  sancta  evangelia. 

On  les  élisait  parmi  ceux  qui  s'étaient  fait  inscrire  dans  le 
consulat,  et  qui  avaient  fait  le  serment  d'y  rester  cinquante 
années ,  serment  qu'ils  renouvelaient  tous  les  cinq  ans  :  ils 
promettaient  obéissance  aux  consuls  élus ,  et  d  accepter  le 
consulat  s'ils  y  étaient  eux-mêmes  appelés. 

L'archevêque  ne  veut  pas  qu'un  étranger  y  puisse  être 
reçu  sans  son  consentement  et  celui  des  consuls.  On  dit 
aussi  quel  serment  cet  étranger  prêtera  en  venant  se  fixer  à 
Arles. 

Les  habitans  devaient  d'ailleurs  jouir  de  tous  les  avantages 
dont  on  jouissait  dans  les  communes  où  déjà  des  consu- 
lats avaient  été  établis.  C'est  par  cette  disposition  même  que 
commencent  les  statuts  dont  nous  venons  de  présenter  l'ana- 
lyse. P. 


XII  SIÈCLE. 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 


SA  VIE. 

CjuE  Pierre -le -Vénérable  fût  issu  de  la  maison  de  Mont-  p^tri  Ven«?- 
boissier,  dès-lors  illustre  en  Auvergne,  Duchesne  ne  l'affirme  rab.vitaRodui 
pas;  mais  dom  Mabillon  le  conclut  avec  assurance  des  té-  vî°Anmi'is'si'm'. 
moignages  de  Pierre  de  Poitiers  et  de  GeoffVoi ,  prieur  de  coii.  p.  1187- 
Vigeois.  K  Ils  étaient  hommes  nobles  de  Montboissier,  chà-  1202.— cbron. 
a  teau  eu  Auvergne  »  :  Hi  fuerunt  de  uiris  nohilihus  de  tiun'^'^p'"  gqo' 
Montehuxerio ,  quod  est  castrimi  in  Arvernid  :  ainsi  s'ex-  —  d.  Ceiiilir, 
prime ,  en  parlant  de  Pierre-le-Vénérable  et  de  ses  frères ,  Hist.  des  aui. 
Geoffroi,  leur  contemporain.  Pierre  de  Poitiers  compare  le  !'^^'  ''  k,„  ' 
neuvième  abbe  de  Lluni  au  sixième,  cest-a-dire,  a  saint  Hist.  littér.  de 
Hugues,  qui  descendait  des  ducs  de  Bourgogne,  et  les  dé-  Pieire le VénCr. 
clare  égaux  en  noblesse.  dè's?'Bernard! 

Paris  ,     1773  j 

Nobilis  ille  (Hugo)yMiï,  magnisque  parcntibus  ortus  :  in-4°. 

Hune  quoque prœclarum  reddit  origo patrum.  Une  lesne  . 

Ille  super  cunctos  quos  excolit  ac  veneratur  Cluniac. 

Gallia  Lugduid,  nobilitate  nitet  :  Mabiil.  Ann. 

Hh/ic  Latiœ  gentes  regum  de  stirpe  patentes ,  Benea.   .      ,  p- 

Arverni populi  progenuere  duces. 

Pierre  -  le -Vénérable  est  quelquefois  surnommé  Maurice  ;      Baillet ,  vie 
c'était  le  nom  de  son  père  :  sa  mère  s'appelait  Ringarde.  Il  <!•=  pierre-ie-Vc- 
avait  SIX  treres,  dont  plusieurs  embrassèrent,  comme  lui, 
l'état  monastique.  Ses  parens  l'ayant  voué  à  Dieu ,  c'est-à- 
dire  ,  au  cloître ,  il  reçut ,  dans  le  prieuré  de  Soucilanges,  une     Martine,  Am- 
éducation  conforme  à  cette  destinée,  et  prit,  vers  1109,  à  piiss.CoU.t.vi, 
l'âge  de  seize  ou  dix-sept  ans,  l'habit  des  religieux  de  Cluni.  ^'  ''  ^' 
Saint  Hugues,  qui  l'en  revêtit,  mourut  peu  de  temps  après,  et 
fut  très-mal  remplacé  par  Pons,  qui  durant  près  de  treize  ans , 
favorisa  le  relâchement  des   mœurs  claustrales,  et  négligea 
même  l'administration  des  biens  temporels.  A  la  fin,  Pons  se 
vit  obligé  de  quitter  Cluni,  de  se  rendre  à  Rome,  et  d'abdi- 
quer sa  dignité.  C'était  en  1 122  ;  on  lui  donna  pour  successeur     Mannq.  Anu. 

*  '^  '  r  Cisterc.  t-  I,  p. 

Tome  XIII.  H  h  143, 144. 


242  PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 

y^^^  sri.CLE.   Hugues  second;  et  celui-ci  étant  moit  le  g  juillet  de  la  même 
année,  Pierre,  C[ui  déjà  avait  été  prieur  de  Vezclai,  et  qui 
deMi'r'acTii  II  ^^^^^^  alors  de  Domne ,  fut  élu,  le  22  aoùt,ai3bé  de  Cluni, 
c.  6.  'à  l'âge  de  trente  ans,  ou  même  seulement  de   vingt- huit, 

selon  quelques  exemplaires  de  la  chronique  de  ce  monastère. 
Il  était  donc  né  en  1092  ou  en  109^,  et  la  première  de  ces 
dates  nous  paraît  un  peu  plus  lîrobajjle. 

La  même  chronique  lui  attribue  une  heureuse  physiono- 
mie ,  une  taille  majestueuse,  beaucoup  d'autres  dons  exté- 
rieurs, signes  fidèles  de  ses  vertus,  et  qui  justifiaient  presque 
autant  qu'elles  ce  surnom  de  Vénérable  qui  le  distingue  dans 
l'histoire.  Mais  lorsqu'il   possédait  si  parfaitement  tous  les 
moyens  de  rétablir  l'ordre  au  sein  de  son  abbaye  ,  il  crut 
avoir  besoin  d'être  aidé  dans  cette  entre|)rise,  et  appela  près 
de  lui  Mathieu,  prieur  de  Saint-Mai'tin-des-Champs  de  Paris, 
homme  habile  et   recommandable ,  qui    depuis  parvint  au 
cardinalat.  En  moins  de  trois  ans  la  réforme  fut  opérée,  et 
parut  même  si  complète,  que  Pierre  ne  craignit  pas  de  s'ab- 
senter pour  aller  visiter  quelques  monastères.  Il  voyageait 
dans  la  seconde  Aquitaine ,  lorsque  Pons,  revenant  de  la  Pa- 
lestine oii  il  s'était  ti'ansporté  après  son  abdication ,  reparut 
tout-à-coup  à  Cluni,  s'y  rétablit  à  force  ouverte,  subjugua 
Mabiil.  Ann.  les  religicux,  et  mit  en  fuite  ceux  qui  refusèrent  de  lui  obéir. 
Bcned.  [.■\i,p.  |-)^  grands  désordres,  des  ravages,  des  profanations  signalè- 
rent le  retour  de  Pons,  qui ,  dans  les  écrits  de  Pierre-le-Véné- 
Lib.xil,p.87i.  rable,  est  seul  accusé  de  tous  ces  excès.  Ordéric  Vital,  témoin 
oculaire ,  en  attribue  la   meilleure  part  aux  nobles  du  voisi- 
nage et  à  certains  religieux  de  Cluni,  qui ,  comme  ces  nobles, 
favorisaient  la  réintégration  du  plus  commode  et  du  plus 
indulgent  des  abbés.  Ordéric  est  ici  d'autant  plus  croyable, 
qu'on  ne  conçoit  pas  comment  Pons  aurait  pu  se  rendre 
maître  de  l'abbaye,  s'il  n'avait  eu  au  dedans  et  au  dehors 
des  partisans  fort  zélés.  Cependant  Pierre  reçoit  la  nouvelle 
de  cette  révolution  claustrale,  et  en  informe  le  pape Honorius , 
qui  cite  les  deux  abbés  à  son  tribunal.  Après  de  longs  délais, 
Pons  comparut  enfin,  se  vit  condamné,  et  mourut  à  Rome 
Ann.  Bened.  en  II 26,  victime  d'une  maladie  épidémique  dont  Pierre  fut 
t.  \l,  p.  189,  atteint  et  guéri.  La  sentence  du  pontife  et  la  mort  de  Pons 
Hi°t.  "ÊcchTiv'.  rendirent  à  Pierre  le  gouvernement  de  l'abbaye  de  Cluni  ; 
Lxvii,  11.46.   mais  il  n'y  ramenait  point  Mathieu,  que  cette  affaire  avait 
aussi  attiré  auprès  du  saint  siège ,  et  qu'Honorius  v  retenait 
tj  ,ï  .!  .  en  le  créant  cardinal  eveque  d  Albano. 

41^  ' 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLET.  a^ 

De  retour  à  Cluni  en  1126,  Pierre  eut  à  recommencer  xii  siECi.s. 
les  mêmes  réformes  qu'en  1122.  Il  fallut  rébâtir  l'église,  re- 
couvrer  des  biens,  employer  en  réparations  et  en  paiemens 
dé  dettes  plus  de  se|)t  mille  marcs  d'argent  :  il  fallut  aussi 
éteindre  la  discorde,  réprimer  la  licence,  et  rétablir  l'empire 
de  la  règle  monastique.  Pierre  se  livrait  avec  fruit  à  de  pareils 
soins,  lorsqu'en  ii3o  la  mort  d'Honorius  II  amena  un 
schisme  dans  l'église.  Deux  papes  furent  à-la-fois  élus  ;  Pierre 
de  Léon,  qui  prit  le  nom  d'Anadet,  et  Grégoire  ou  Inno- 
cent II ,  qui  se  réfugia  en  France.  Personne  plus  que  saint 
Bernard  et  Pierre -le -Vénérable  n'a  contribue  à  faire  préva- 
loir chez  les  Français  le  parti  d'Innocent  II  ;  et  nous  oserons 
dire  que  sous  un  certain  aspect ,  l'autorité  de  l'abbé  de  Clair- 
vaux  pouvait,  en  cette  conjoncture,  paraître  moins  entraî- 
nante que  celle  de  l'abbé  de  Cluni  ;  car  Pierre  de  Léon  avait 
été  cluniste,  et  l'on  voit  par  une  lettre  de  cet  anti-pape  à  ses 
anciens  confrères ,  à  quel  point  il  comptait  sur  leur  dévoue- 
ment. L'abbé  de  Cluni ,  en  condamnant  Anaclet ,  donnait  un 
exemple  inattendu,  et  par  cela  même  plus  solennel  et  plus  sé- 
duisant. Mabillon  semble  ci-oire  que  la  magnifique  réception  Aiai.  Bened. 
que  fit  Pierre  à  Innocent  II  dans  le  monastère  de  Cluni,  in-  »•  vi.p.  i85. 
flua  sur  la  détermination  de  l'assemblée  d'Etampcs  en  faveur 
de  ce  pontife.  Mais  s'il  faut  reconnaître  que  l'assemblée  d'E- 
tampes  se  tint  au  mois  d'avril ,  et  que  le  pape  ne  fut  reçu  à  An  de  vu  ;  ■ 
Cluni  c[u'au  mois  d'octobre  de  la  même  année,  on  est  forcé  fi'^f  ''"'  dates, 
de  convenir  que  l'observation  de  dom  Mabillon  n'a  pas  toute  '•  '  P*  ^ 
l'exactitude  désirable.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  dévouement  de 
Pierre- le- Vénérable  à  la  cause  d'Innocent  fut  aussi  efficace 
que  manifeste  :  non-seulement  Pierre  écrivit  plusieurs  lettres 
pour  soutenir  cette  cause,  mais  il  se  rendit  en  Aquitaine 
tout  exprès  pour  détacher  le  duc  Guillaume  du  parti  d'Ana- 
det. 

Après  différentes  courses  dans  l'intérieur  de  la  France  ;, 
Innocent  II  revint  à  Cluni  au  mois  de  février  11 32;  et  mal- 
gré le  très-bon  accueil  qu'il  y  reçut  de  l'abbé  et  des  moines, 
il  les  mécontenta  vivement  en  accordant  aux  Cisterciens  un 
privilège  qui  exemptait  de  la  dîme  tous  les  biens  de  l'ordre 
de  Cîteaux.  Pierre-le-Vénérable  réclama  contre  ce  privilège  Ann.  Bened. 
avec  toute  l'énergie  que  pouvaient  permettre  la  charité  et  '•  ^^'i'  '^'^"" 
1  humilité.  ^"' 

Innocent  II  venait  de  partir  pour  Rome,   lorsque  Pierre 
tint  à  Cluni  le  chapitre  géuéi'al  de  son  ordre.  Il  y  présida 

II  h  2 


244  PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 

xnsiECLE.  deux  cents  prieurs  et  douze  cents  religieux,  français,  anglais, 
espagnols,  allemands,  italiens,  et  leur  fit  agréer  ou  accepter 
quelques  statuts  qui  rendaient  la  règle  plus  sévère.  C'était 
un  surcroît  de  jeûnes  et  d'austérités;  c'étaient  des  retranche- 
mens  considérables  dans  les  délassemens  communs, et  même 
dans  les  soulagemens  particuliers  jusqu'alors  accordés  aux 
malades.  Quelques  membres  de  l'assemblée  goûtaient  peu  ces 
rigueurs  additionnelles;  ils  représentèrent  humblement  que 
saint  Hugues  et  ses  prédécesseurs  avaient  marché  et  conduit 
leurs  frères  par  des  voies  bien  assez  étroites;  qu'il  pouvait 
suffire  de  suivre  leurs  traces;  qu'il  ne  semblait  pas  nécessaire 
d'aspirer  à  luie  perfection  dont  ils  n  avaient  pas  conçu  l'idée  : 
Lib.  xin,i>.  mais  Pierre  fut  inexoraUe.  Ordéric  Vital  nous  l'cnd  compte 
896  ,  ad  ami.  ^jg  ç^^  mécontentcmcns ,  et  il  les  partage;  il  oppose  à  Pierre- 


>  I  j2. 


le- Vénérable  la  maxime  de  Salomon  :  Ne  transgrediar-is  ter- 
minas antiquos  quos  posuenint  patres  tid.  Il  paraît  que  l'un 
des  motifs  de  cette  sévérité  de  Pierre  était  de  tenir  la  règle 
de  Cluni  au  niveau  de  celle  de  Cîteaux  :  l'esprit  de  rivalité 
inspirait  aux  deux  ordres  cette  émulation  ascétique.  Peu  à 
peu  cependant,  s'il  en  faut  croire  Ordéric,  Pierre  se  montra 
plus  traitable ,  et  apprit  à  compatir  aux  infirmités  humaines. 
Ani).  Bened.       En  1 1 34 ,  Innocent  II  tint  à  Pise  un  concile  contre  Ana- 

t.  VI, p.  237.  çiçj-  .  Pierre- le -Vénérable,  qui  ne  laissait  échapper  aucune 
occasion  de  voyager,  se  rendit  ta  Pise  avec  plusieurs  prélats 
français ,  et  continua  de  servir  Innocent  avec  un  zèle  exem- 
plaire. A  leur  retour,  ces  prélats  furent  attaqués  en  Ligurie; 
ime  troupe  de  brigands  fondit  sur  eux.  L'abbé  de  Cluni,  qui 
se  distingua  dans  cette  l'cncontre  par  une  résistance  coura- 
LLb.i,ep.  27.  geuse,  écrivit  à  Innocent  II  pour  l'informer  de  cette  catas- 
trophe ,  dont  le  saint  père  n'avait  pas  assez  songé  à  préserver 
ses  dévoués  serviteurs.  Avant  de  rentrer  à  Cluni ,  Pierre  ap- 
prit la  mort  de  sa  mère  Ringarde,  qui  s'était  retirée  au  mo- 
nastère de  Marcigny,  et  qui  venait  d'y  terminer,  le  a4  juin, 
Ann.  Bened.  unc  vie  édifiante.  A  cette  nouvelle,  il  courut  à  Marcigny, 

t.  VI,  j).  289.  rendit  à  sa  mère  les  derniers  devoirs,  et  trouva  les  reli- 
gieuses ,  les  séculiers ,  sur-tout  les  pauvres,  presque  aussi  sen- 
sibles à  cette  perte  qu'il  l'était  lui-même. 

Il  fit  en  1141  1111  troisième  voyage  en  Italie;  il  allait  réta- 
Ann.  Bened.  blir  la  paix  entre  les  habitans  de  Pise  et  ceux  de  Lucques. 

t.  VI,  p.  344.  Nous  ne  voyons  pas  qu'il  ait  réussi  dans  cette  entreprise  :  les 
Pisans  et  les  Lucquois  demeurèrent  irréconciliables.  Mais 
Pierre  visita  le  tombeau  de  son  ancien  ami  le  cardinal  Ma- 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  .^45 

tliieu ,  qui  était  décédé  à  Pise  quelques  années  auparavant,    ^ii  siècle. 
De  retour   à  Cluni,  l'infatigable  abbé   en   repartit  presque 
aussitôt  pour  aller  en  Espagne  parcourir  les  monastères  de 
son  ordre.  Ce  fut  là  que  témoin  des  progrès  et  de  la  puis- 
sance des  Sarrazins ,  il  voulut  connaître  leur  doctrine  reli- 
gieuse, et  fit  traduire  en  latin  le  koran.  Il  chargea  de  ce  tra-      Manr.  Ann. 
vail  Pierre  de  Tolède,  Herman  de  Dalmatie  et  un  anglais  Cisierc.  ad  ann. 
nommé  Robert  Kennetou  de  Rétines,  auxquels  il  associa  un  lo. -Ferrerai 
arabe  et  son  propre  secrétaire,  Pierre  de  Poitiers.  Ces  tra-  hhi.  d'Esp.  t. 
ducteurs  se  firent  payer  fort  cher,  mais  ils  dévoilaient  pour  i'^  '  P-  ^72  - 

1  .,         ^   .      ,    t,j/  ,        . I  '.  T        Journ.  des  Sav. 

la  première  lois  a  Ihurope  les  impostures  mahometanes.  Le  1734,0.  28a.- 
koran  traduit ,  Pierre-le-Vénérable  entreprit  encore  de  le  ré-  Nie.  Antonio, 
futer  :  travail  superflu  peut-être;  car,  pour  des  livres  tels  ,^'^'-  ^'*P-  ^• 
que  le  koran,  il  n'y  a  pas,  ce  semble,  de  réfutation  plus  re-  „.  04. -Fleuri' 
doutable  qu'une  version  fidèle.  Hist.  Ecci.  liv! 

Il  n'est  pas  aisé  de  fixer,  entre  i  i4i  et  1 144 1  l'époque  pré-  Lxviii,  n.  81.  ■ 
cise  d'une  épidémie  cruelle  qui  dépeupla  le  monastère  de 
Cluni;  ce  que  nous  savons  à  cet  égard  de  plus  certain  et  de      Ann.  Bened, 
plus  heureux,  c'est  que  Pierre  était  absent  :  au  fond,  il  voya-  ^'  ^^'  P-  ^'^^• 
geait  si  fréquemment  et  si  long-temps ,  qu'il  était  difficile  à 
à  une  épidémie  de  le  rencontrer  dans  sa  communauté.   La 
question  est  desavoir  s'il  parcourait  alors  l'Espagne,  ou  l'Ita- 
lie, ou  quelque  province  de  France.  Tout  ce  que  nous  en 
pouvons  dire,  c'est  qu'en  ii44i  Je  désir  de  voir  le  pape  Cé- 
îestin  second  l'ayant  attiré  à  Rome,  il  séjournait  dans  cette 
ville  vers  le  temps  de  l'élection  de  Lucius  II,  successeur  im- 
médiat de  Célestin.  C'était  le  quatrième  voyage  de  Pierre-le- 
Vénérable  en  Italie;  il  en  fit,  en  11 45,  sous  Eugène  III,  un 
cinc{uième,  qui  ne  fut  pas  le  dernier. 

Eugène  III  chargea  Pierre  d'examiner  la  conduite  de  l'é-  Petii  Venu. 
vêque  de  Clermont,  accusé  de  favoriser  par  sa  négligence  et  *P-  ^'''  ''^'  ^'• 
par  ses  exemples  les  désordres  qui  régnaient  en  Auvergne. 
L'abbé  de  Cluni  s'acquitta  de  cette  commission  avec  d'autant 
plus  de  ferveur,  que  l'Auvergne  était  sa  patrie.  Il  possédait 
au  même  degré  toutes  les  vertus  chrétiennes  ;  mais  en  cette 
circonstance,  il  ne  permit  point  à  la  charité  de  contenir  les 
mouvemcns  du  zèle;  ou  plutôt,  pour  se  montrer  plus  chari- 
table envers  la  province,  il  fut  extrêmement  zélé  contre  le 
prélat. 

Invité ,  par  les  promoteurs  d'une  nouvelle  croisade ,  à  une 
assemblée  de  Chartres  qu'on  a  coutume  de  placer  en  l'année 
i i4t) ,  mais  qui ,  selon  M.  Brial ,  ne  se  tint  qu'en  1 1 5o , Pierre-     Mém.surias- 


24G  PIERRE-LE-VENERABLE. 

XII  SIECLE,    le- Vénérable  ne  s'y  rendit  point ,  s' excusant  sur  l'altération 
sembi.de Char-  ^^  *^  sauté  et  sur  un  chapitre  général  convoqué  à  Cluni  pour 
très,  lu  à  lins-  le  jour  même  où  cette  assemblée  de  Chartres  devrait  s'ouvrir, 
titut  en  iSoG.     Mais  s'il  perdit  cette  fois  une  occasion  de  voyager  en  France, 
il  s'en  dédommagea  dans  le  cours  de  cette  même  année  i  i5o 
Ann.  Bened.  par  un  sixième  et  dernier  pèlerinage  en  Italie.  On  croit  que 
t.  VI,  p.  4;o.     son  ])^i  était  d'invoquer  l'autorité  du  pape  Eugène  III  contre 
certains  religieux  de  Cluni  ,  qui  se  montraient  encore  indo- 
ciles :  car  depuis  l'invasion  de  Pons ,  l'abbé  Pierre  n'avait  pu 
réformer  si  complètement  les  abus ,  qu'il  n'en  restât  quelques 
vestiges  ;  et  ses  fréquentes  absences  ne  contribuaient  point  à 
éteindre  ces  germes  d'indiscipline.  D'ailleurs ,  les  affaires  de 
l'abbaye  s'accumulaient  durant  ses  voyages  :  lorsqu'il  revint 
de  Rome  en  ii5o,  il  se  vit,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  lui- 
même,  accablé  par  la  multitude  des  occupations  qui  l'atten- 
daient, par  l'affluence  des  lettres  auxquelles  il  fallait  répondre, 
et  des  étrangers   qu'il  avait  à  recevoir. 

Au  XIP  siècle,  un  abbé  de  Cluni,  quoique  cénobite  de 
profession ,  était  dans  l'empire  et  dans  l'église  un  très-impor- 
tant personnage,  sur-tout  quand  cette  prélature  monastique 
se  trouvait  rehaussée ,  comme  chez  Pierre-le-Vénérable ,  par 
l'éclat  des  qualités  personnelles.  Aussi  le  voyons-nous  en  re- 
lation avec  presque  tous  les  hommes  qui  jouissaient  alors 
d'un  grand  crédit  ou  d'une  vaste  puissance  ;  avec  saint  Ber- 
nard, avec  Suger,  avec  le  comte '^ishibaut ,  avec  le  comte  de 
Savoie  Amédée,  avec  Henri  de  Blois,  frère  du  roi  d'Angle- 
terre ;  avec  les  rois  de  France ,  d'Espagne ,  de  Sicile ,  de  Jé- 
rusalem; avec  l'empereur  de  Constantinople,  avec  le  pape 
Pétri  Vener.  Innocent  II,  et  plus  encore  avec  Eugène  III,  qui  le  consul- 
ep.  46,iib.  VI.  ^,^jj.^  |g  recherchait,  et  ladmettait  même  à  délibérer  dans  le 
collège  des  cardinaux. 

Tant  de  correspondances ,  tant  d'affaires ,  tant  de  voyages 
épuisaient  quelquefois  l'activité  du  vénérable  Pierre ,  et  lui  tai- 
saient ressentir  le  besoin  d'une  vie  plus  paisible.  Mais  cette  dis- 
position ,  loin  de  le  ramener  ou  de  le  fixer  dans  son  abbaye, 
contribuait  à  l'en  éloigner  encore.  Cluni   ne  lui  paraissait 
plus  une  retraite  assez  déserte  ;  il  se  confinait  avec  un  très- 
petit  nombre  de  religieux  dans  une  solitude  si  profonde  et 
tellenient  ignorée,  que  nous  n'en  connaissons  ni  le  nom  ni 
Annal. Bened.  la  position  géographique,  et  il  vivait  durant  quelques  jours 
t.vi,p.  348.     gj^  Yj-gi  cénobite.  La  destinée  de  tous  les  esprits  actifs,  de 
•   -  tous  les  caractères  énergiques,  est  d'éprouver  ce  besoin  al- 


PIERRE-LE- ViÉMKR  AELE.  247 

ternatif  d'une  agitation  extrêra^Tt  de  majditations   profon-    xn  stecle. 

dément  solitaires  :  l'excès  même  de  leurs  raouvemens  les  re-  ' ' 

plonge  dans  la  retraite  qui,  en  coneentrant  leur  activité  la 
recompose.  Pi  erre-le- Vénérable  a  cédé  plus  qu'un  autre  à 
ces  deux  besoins,  symptômes  naturels  dune  même  énergie; 
mais  il  en  est  résulté  qu'un  séjour  un  peu  fixe  à  Cluni  ne 
lui  a  guère  convenu  qu'en  deux  circonstances,  en  1122 
après  son  élection,  en  1126,  après  l'invasion  et  la  mort  de 
Pons  :  Pons,  à  l'une  et  à  l'autre  de  ces  époques,  n'avait  laissé 
que  trop  d'alimens  à  l'activité  de  Pierre  ;  en  tout  autre  temps 
Pierre  trouvait  à  Cluni  ou  moins  d'affaires  ou  plus  de  dis- 
tractions qu'il  ne  lui  en  fallait. 

Le  plus  saint  zèle  assurément  imprimait  et  dirigeait  tous 
les  mouvemens   qui  agitaient  la  vie  de  ce  religieux.  Mais 

3uand  la  cause  était  si  pure,  les  effets  risquaient  pourtant 
e  ressembler  cjuelquefois  à  cevxx  cpie  l'intrigue  et  l'ambition 
produisent.  On  accusa  donc  l'abbé  de  Cluni  d'avoir  abusé 
tant  soit  peu  du  crédit  que  lui  obtenaient  son  mérite ,  sa 
dignité  et  l'opulence  de  son  monastère.  Non-seulement  des 
ennemis  et  des  envieux  lui  ont  adi-essé  de  tels  reproches,  mais 
saint  Bernard,  qui  les  pouvait  essuyer  lui-même,  ne  les  lui 
a  point  épargnes.  «  L'or  et  l'argent  ont  parlé,  dit  le  saint 
«  abbé  de  Clairvaux  ;  les  dieux  de  la  terre  ont  agi;  des  hom- 
«  mes,  qui  se  prévalent  de  leur  puissance  et  de  leurs  richesses 
a  se  sont  élevés  contre  les  justes,  contre  la  justice  ,  contre  la 
«  vertu,  contre  Rome,  contre  Dieu  même  ».  A  ces  traits-là 
sans  doute,  Pierre-le-Vénérable  ne  doit  jamais  être  reconnu  :      s    Bernardi 
cependant  le  nom  de  Pierre  est  l'un  de  ceux  que  saint  Ber-  epist.  168. 
nard  consigne  au  bas  de  ces  portraits.  Nous  dirons  ici  avec 
le  P.  Tournemine  que  le  feu  du  saint  docteur  l'emportait  au-      Hist.derE"). 
delà  des  bornes,  et  qu'après  tout  l'on  est  pas  obligé  de  croire  sa'i'c.  t.  ix,  p. 
qu'il  n'ait  rien  exagéré.  Nous  ajouterons  avec  Villefore  oue  ^*;r-    , 

1  •     ^  T»  J     '    1  I  -^    '    1'        1  1  ^1.  '''^  "^  saint 

lorsque  sanit  Bernard  s  abandonnait  a  1  ardeur  de  son  zèle    Bernard,p.3oo. 
rien  n'égalait  l'impétuosité  de  son  style.  Nous  observerons 
que  ces  expressions  hyperboliques  de  l'abbé  de  Clairvaux 
lui  étaient  dictées  par  ses  préventions  contre  un  cluniste 
cpon  venait  d'élire  évêque  de  Langres.  Enfin  nous  opposerons      s.   Bernard! 
à  saint  Bernard  saint  Bernard  lui-même,  qui,  en  plusieurs  epist. i64-i6y. 
autres  endroits  de  ses  écrits ,  rend  hommage  aux  éminentes      s.   Bernard! 
vertus  de  l'abbé  de  Cluni,  et  ne  craint  pas  de  l'appeler  son  epist. 264,277. 
cher  ami  et  son  respectable  père.  Honorez  cet  homme    écrit- 
il  au  pape  Innocent,  en  parlant  de  l'abbé  de  Cluni;  hono-^ 


Xn  SIECLE. 


Biblioth.Clu- 
niac.  p.  592. 


Biblioth.Clu- 
niac.  p.  593. 

Blanr.  Ann. 
Cisterc.  ad  ann. 
ii56,c.  6,  n.  3. 
—  Ann.  Bencd. 
t.  \'I,  p.  562.- 
Pagi,  ad  ann. 
ii56.  =  Rob. 
du  Mont  place 
cette  mort  en 
ii58  ,  et  a  été 
suivi  malàpro- 
pos  par  les  aut. 
de  la  nouvelle 
Gaule  Clirét.  t. 
IV,  p.  39. 

Le3Iire.Orig. 
Bened.  p.  9/). 

Bibl.Cluniac. 
p.  iGcV). 


a48  PIERRE-ia||.VÉNÉRABLE. 

rez-le  comme  urupiembre  précieux  du  corps  de  Jésus  :  c'est 
un  vase  d'honneur,  ou  j'y  suis  bien  trompé,  plein  de  grâce, 
de  vérité  et  de  bonnes  œuvres. 

En  1 153  ,  Pierre-le-Vénérable  fit  présider  par  Odon  ,  légat 
du  saint  siège  ,  une  assemblée  ou  siégèrent  les  comtes  de 
Bourgogne  et  de  Maçon,  plusieurs  autres  seigneurs,  les  suf- 
fragans  de  l'archevêque  de  Lyon,  et  ce  prélat  lui-même  qui 
s'appelait  Héracle,  et  qui  était  l'un  des  frères  du  vénérable 
abbé.  Le  but  de  cette  assemblée  était  de  garantir  les  posses- 
sions du  monastère  de  Cluni,  alors  exposées  à  divers  bri- 
gandages. Mais  Pierre  servit  encore  mieux  son  abbaye  en  y 
attirant,  en  ii55,  l'évêque  de  Winchester,  Henri  de  Blois, 
qui,  jadis  clunisto,  devint  le  protecteur  et  le  bienfaiteur  de 
ses  anciens  confrères.  Pierre,  qui  avait  toujours  désiré  de 
mourir  au  jour  même  où  naquit  Jésus,  mourut  en  effet  le 
20  décembre  1 156 ,  et  fut  enterré  par  Henri  de  Blois  au  che- 
vet de  la  grande  église  de  Cluni.  Il  n'a  point  été  cano- 
nisé dans  les  formes ,  mais  l'église  a  toujours  honoré  sa  mé- 
moire ;  et  ce  titre  de  Vénérable ,  qui  complète  son  nom,  et 
par  lequel  Ihistoire  le  désigne,  ce  titre,  assurément  bien  in- 
férieur à  celui  de  saint  ,  est  en  revanche  une  distinction 
beaucoup  moins  commune.  Toutes  les  vertus  de  l'abbé  Pierre 
sont  célébrées ,  à  la  manière  du  XIP  siècle ,  dans  l'épitaphe 
que  voici  : 

Paret  in  hàc  urnâ  quod  non  sit  vita  diurna  : 

Qualescumque  sumus ,  morte  coœquat  humus. 
Dum  Pctriis  moritur  pius  abbas  ;  jus  sepelitur, 

Pax  cadit,  ordo  jacet  ,Jlere  morique  placet. 
nie  salus  patriœ ,  mundi  decus ,  arca  SophUe  , 

Nescius  invidice ,  venu  fuit  veniœ. 
In  natale  Dei  solemnis  mane  diei 

Mortuus ,  obtinuit plurima  quœ  meruit. 


§  IL 
SES   LETTRES. 


Nous  avons  retranché  du  récit  succint  des  actions  de  Pierre- 
le-Vénérable  certains  détails  qui  vont  trouver  leur  place  dans 
le  compte  que  nous  avons  à  rendre  de  ses  écrits  et  sur- tout 
de  ses  épîtres ,  qui  forment  la  plus  grande   partie .  de  ses 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  249 

œuvres.  Elles  sont  au  nombre  de  deux  cent  trois ,  ou  plutôt  xn  siècle. 
de  cent  soixante-onze,  en  ne  comptant  point  celles  qui  lui 
sont  adressées ,  et  qu'on  a  inse'rées  parmi  les  siennes.  De  ces 
trente-deux  lettres  étrangères,  huit  sont  de  .saint  Bernard,      Liv.  11,  ep. 
deux  de  Nicolas,  secrétaire  de  l'abbé  de  Clairvaux,  deux  de  38  ;  liv.  iv,  ep. 
Suger,  trois  d'Atton  ,  évêque  de  Troyes,  et  les  autres  des  l  '^'^',-  '3*0 
papes  Innocent  II,  Lucius  II ,  Eugène  III ,  de  Pierre  de  Poi-  34 ,  etc.    ' 
tiers,  du  chartreux  Guignes,  de  Henri,  frère  de  Louis  VII, 
d'Héloïse,  enfin  de  quelques  autres  personnages  moins  re- 
marquables. 

Les  lettres  de  l'abbé  de  Cluni  sont  divisées  en  six  livres  :     BLbi.ciuniac. 
on  peut  considérer  comme  formant  un  septième  livre  celles  Z\^,^lrP^j'~ 

X  ,    ,  .  .  ,  ^'     '  I  i-      Bibl.  Patr.  Lug- 

qui  ont  ete  successivement  ajoutées  aux  précédentes  par  di-  dun.t.  xxii,i>. 
vers  éditeurs.  L'ordre  établi  dans  ces  sept  livres  n'étant  ni  825-967. 
chronologique,  ni  systématique,  ni,  pour  ainsi  parler,  ono-  xxn'  i^^'g-- 
mastique,  c  est-à-dire,  par  noms  de  correspondans,  nous  ta-  y,o.  —  Mal/ill. 
cherons  de  distribuer  toutes  ces  lettres  de  Pierre-le- Vénérable  Anaiect.  page 
avec  un  peu  plus  de  méthode,  afin  d'abréger,  autant  qu'il  An^eZ^^Y*^" 
nous  sera  possible ,  la  notice  que  nous  en  devons  donner.      407 ,  /,o8 ,  409, 

Nous  indicjuerons  d'abord  trente-huit  lettres  à  des  souve-  4 16. 
rains  pontifes,  savoir  :  vingt  à  Innocent  II,  une  à  Célestin  II, 
trois  à  Lucius  II ,  et  quatorze  à  Eugène  III. 

La  plupart  des  lettres  à   Innocent  II  consistent  en  pro-      Liv.  l,  ep.  i„ 
testations  de  fidélité,  en  recommandations  particulières,  en  "  ' '''^.''j*.  ' 
longs  détails  sur  des  affaires  ecclésiastiques  et  monastiques.  u'epÀ,g]i7 , 
Distinguons  néanmoins  deux  lettres  écrites  vers  11  Sa  en  fa-  28,^6;  ijv.  m, 
veur  du  cardinal  Mathieu,  qu'Innocent  II  traitait  avec  froi-  ^P'  3 ',''^'5^^' 
deur,  qiïoique  Mathieu  se  fût  montré  l'un  des  plus  chauds  9, 10. 
f^nnemis  de  l'antipape  Anaclet.  L'année    11  Sa  semble  aussi 
l'époque  de  la  vive  réclamation  de  Pierre-le-Vénérable  contre 
le  privilège  qui  exemptait  les  Cisterciens  de  payer  la  dîme. 
Nous  la  payons  bien,  dit  Pierre,  par-tout  où  nous  la  devons, 
à  des  moines,  à  des   clercs*,  à  des  laïcs  et  aux  Cisterciens 
eux-mêmes.  Pourcjuoi  les  Cisterciens  ne  nous  la  paieraient- 
ils  pas  où  ils  nous  la  doivent.''  Faut-il  que  nous  perdions  la 
dixième  partie  de  nos  revenus,  et  que  nous  soyons  forcés 
d'abandonner  plusievirs  de  nos  établissemens ?  Faut-il  que 
les  puînés  dépouillent  et  chassent  les  aînés  ?   Quand  donc 
avons-nous  vendu  notre  droit  d'aînesse,  et  comment  avons- 
nous  mérité  ce  commencement  d'exhédération  ?  En    114O7 
Pierre  écrit  au  pape  qu'Abailard  ,  après  avoir  appelé  de  la 
sentence  du  concile  de  Sens ,  et  s'être  mis  en  route  pour  se 

Tome  XIII.  li 


a5o  PIERRE-LE-VÉNERABLE. 

xu  SIECLE,  rendre  à  Rome  ,  s'est  arrêté  à  Cluni ,  où  il  se  propose  de 
finir  ses  jours.  En  ii4ii  l'abbé  de  Cluni  intercède  auprès 
d'Innocent  II  pour  un  évêque  de  Salamanque  qu'on  vient 
délire  archevêcpie  de  Saint -Jaccpes  en  Galice,  et  dont  la 
promotion  tient  fort  à  cœur  au  roi  de  Castille  Alphonse ,  à 
qui  Pierre  donne  ici  le  titre  d'empereur.  L'année  ii4i  ^st 
sans  doute  aussi  la  date  d'une  épître  en  faveur  du  roi  Louis- 
le-Jeune  :  ce  prince  venait  de  brûler  Vitry,  et  cet  excès  avait 
attiré  sur  la  France  un  interdit  général.  Pierre  fait  sentir  au 
pontife  les  dangers  d'un  tel  anathême ,  et  demande  cjuelque 
indulgence  pour  un  monarque  que  la  jeunesse  et  la  victoire 


ont  égalée. 


J.iv.  IV,  ep.  i8.       La  lettre  à  Célestin  II  est  une  réponse  à  celle  que  ce  pape 
Spiciieg.t.Ti,  avait  écrite  en    1 143  aux  religieux  de  Cluni  pour  leur  an- 
p.  /,6i.  noncer  son  avènement.  Pierre-le- Vénérable  appelle  Célestin 

pontife  universel  {uni\.'ersali  pontifici) ,  et  dit  qu'il  a  fait  lire 
l'épître  du  nouveau  pape  en  présence  de  tous  les  frères  let- 
Liv.  IV,  op.  très  et  non  lettrés.  Les  trois  lettres  à  Lucius  II  ne  sont  que 
19,22,24.       f|(^.s  recommandations.    Il  en  est  à-peu-près  de  même  des 
Liv.  IV,  ep.  quatorze  lettres  à  Eugène  III  :  elles  discutent  ou  défendent 
25,  28;  liv.  V,  des  intérêts  particuliers  qui  nous  sont  devenus  fort  indiffé- 
e^  ^o^'i^^^'  i'^"s.  Nous  avons  déjà  iucîic^ué  celle  qui  concerne  un  évêqixe 
25,  27,  28,  42  de  Clermont  fort  sévèrement  jugé  par  l'abbé  de  Cluni.  Cet 
-  |5.  évêque,  dit-il,  refuse  ou  vend  la  justice,  et  depuis  vingt  ans 

il  n  a  rempli  aucune  de  ses  fonctions  épiscopales.  On  peut 
remarquer  dans  une  lettre  en  faveur  du  clergé  et  du  peuple 
de  Plaisance,  des  expressions  qui  placent  saint  Augustin  à  la 
tête  de  tous  les  docteurs  de  l'église ,  immédiatement  après  les 
apôtres  (  summi  ccclesiœ  Dei  post  apostolos  doctoris).  Nous 
citeiT^ns  encore  celle  où  il  s'agit  d'Humbert  de  Ëeaujeu,  che- 
valier du  Temple,  cjui  avait  quitté  cet  ordre  pour  reprendre 
son  épouse  :  Pierre-le-Vénérable  parait  considérer  les  nœuds 
du  mariage  comme  plus  sacrés  que  les  vœux  d'un  templier; 
il  soumet  toutefois  cette  opinion  aux  lumières  du  saint  père, 
et  n'a  pas  la  présomption  d'offrir  des  leçons  à  son  maitre. 
Dix  lettres  de  Pierre-le-Vénérable  sont  adressées  à  des 
Liv.  II,  en. -.    princes.  Lettre  à  Siginard   ou  Sivard  P'",  roi  de  Norwège, 
pour  le  féliciter  de  ses  progrès  dans  les  vertus  chrétiennes. 
Liv.  I,  ep.  i5.    Lettre  à  Adela,  sœur  de  Henri  I*"',  roi  d'Angleterre,  pour  lui 
apprendre  que  ce  prince  a  manifesté  en  mourant  (en  1 135) 
des  sentimens  de  pénitence.  Lettre  de  remerciement  aux  sé- 
Mabii.  Anal,  natcurs  de  Venise.  Lettre  de  congratulation  au  roi  de  Jéi'u- 

p.  j5o. 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  aSi 

salem.  Lettre  à  l'empereur  de  Constantinople,  Jean  Comnène,    xu  siècle. 
pour  revendiquer  un    monastère  dépendant  de  l'ordre   de  lîv  n  ep  lC, 
Cluni.  Lettre  au  très -noble  prince  Amëdëe,  comte  et  mar-  Liv.  n,  ep.  39. 
quis,  qu'on  croit  être  le  comte  de  Savoie,  second  d.u  nom  Liv.  11,  ep.  32. 
cl'Amédëe,  qui  accompagna  Louis  VII  à  la  Terre-Sainte. Trois 
lettres  à  Roger,  roi  de  Sicile ,  relatives  aux  bienfaits  que  Cluni      lIv.  m ,  ep. 
attend  de  ce  prince,  à  la  paix  rétablie  entre  lui  et  le  pape,  3;  liv.  iv,  ep. 
à  la  mésintelligence  qui  règne  entre  ce  même  Roger  et  l'em-  ^q'  '^"      '*^^'' 
pereur;  discorde  d'autant  plus  affligeante,  qu'elle  empêche 
le  roi  de  Sicile  de  combattre  les  Sarrazins  et  de  venger  les 
Français  et  les  Allemands  trahis  par  les  Grecs.  Pierre  désire 
si  vivement  cette  vengeance,  cju'il  irait  la  tirer  lui-même  au 
péi^il  de  sa  vie,  s'il  ne  se  souvenait  qu'il  est  moine  :  il  offre 
d'aller  trouver  l'empereur  pour  le  reconcilier  avec  Roger.  Il 
n'existe  qu'une  seule  lettre  de  l'abbé  de  Cluni  à  Louis-le-Jeune  ;  Liv.  iv,  ep.  36. 
elle  contient  des  vœux  pour  le  succès  de  la  croisade,  et  des 
réclamations  contre  les  juifs*  impunément  usuriers  et  blas- 
phémateurs :  le  vénérable  abbé  ne  demande  point  qu'oni^es 
extermine,  il  voudrait  seulement  qu'on  réprimât  leur  cupi- 
dité. A  la  suite  de  ces  dix  lettres  à  des  princes,  plaçons-en 
six  adressées  cà  Suger,  ministre  de  Louis-le-Jeune  :  dans      Liv.  iv,  rp. 
l'une,  Suger  est  remercié  des  bienfaits  dont  il  a  comblé  les  i5;Uv.  vi,ep. 
religieux  de  Lluni ,  et  invite  a  visiter  ce  monastère  :  entre  ^u^a  t.  xxir 
les  cinq  autres,  nous  ne  remarquerons  ici  que  celle  oii  Pierre  p.  9G7,  968.- 
supplie  qu|pn  le  dispense  de  se  trouver  à   l'afesembléc   de  A^'K^^d.  1. 1 ,  p. 
Chartres.  ^'^• 

A  douze  lettres  de  Pierre -le -Vénérable  ta  saint  Bernard,      Liv.i,ep.28 
nous  en   réunirons  sept  à  Nicolas ,  "secrétaire  de  l'abbé  de  29; ''"f- if' «"P 
Clairvaux.  Toutes  les  dix-neuf  expriment  de  profonds  senti-  ep.'i";'ùv.  v' 
mens  d'estime  et  d'amitié  pour  saint  Bernard,  atnsi  que  le  ep.  8;  liv.  vi 
désir  de  resserrer  entre  Clairvaux  et  Cluni  les  liens  de  la  ''P-  ^j  ^'  '^ 
plus  parfaite  confraternité,  d'étouffer  sur-tout  les  germes  de  ^^Liv^'ii,  en 
dissention  qu'avaient  fait  éclore  certaines  circonstances;  par  5i;iiv.  vi,  ep 
exemple,  l'élection  d'un  cluniste  à  l'évêché  de  Langres,  élec-  5,  io,  34,  30 
tion  désapprouvée  par  saint  Bernard ,  et  dont  nous  avons   ''' 
déjà  parle.  Pierre  ne  met  aucune  limite  aux  ménagemens  et 
aux  hommages   qu'il   croit  devoir  à  l'abbé    de   Clairvaux. 
J'aimerais  mieux,   lui  écrit- il ,  vous  être  uni  par  les  liens  Liv.  vi,cp.  29 
les  plus  étroits ,  que  de  régner  sur  l'univers  entier  :  c|ue  ne 
m'est -il  permis  de  jouir  de  votre  société,  qui  ferait  les  dé- 
lices des  anges  !  Mais  puisque  Pierre  est  condamné  à  vivre 
loin  de  Bernard ,  il  le  supplie  de  lui  envoyer  Nicolas.  Dans 

I12 


202  PIERRE-LE-VENÉRABLE. 

xn  siECL^  les  lettres  qu'il  adresse  à  ce  dernier ,  l'un  des  plus  remar- 
quables passages  est  celui  oii  Nicolas  est  pi-ié  de  rappor- 
ter l'histoire  d'Alexandre  -  le  -  Grand  et  les  livres  de  saint 
Augustin  contre  Julien  ,  si  l'on  a  toutefois  achevé  de  corriger 
l'exemplaire  de  Clairvaux  sur  celui  de  Cluni  :  «  Historiam 
«  Alexaiidri  Magni  et  Augustinuin nostrum  contra  Julianum, 
«  si  taineri  rester  ex  illo  correctus  est ,    et  si  qua  alia  hona 

Liv.vi.ep.  3o.  «  hahueiis,  tecuni  déferai.  Ce  texte  est  un  témoignage  des  tra- 
vavix  littéraires  auxquels  on  se  livrait  dans  l'une  et  l'autre 
abbaye.  Mais  de  toutes  les  lettres  de  l'abbé  de  Cluni  à  saint 
Bernard,  la  plus  importante  et  la  plus  étendue  est  celle  qui 

i.iv.  I,cp.  28.  réfute  dix-neuf  ou  vingt  accusations  intentées  aux  Clunistes 
par  les  Cisterciens.  Abréger  le  temps  du  noviciat,  se  vêtir  de 
fourrures,  porter  des  chausses,  coucher  sur  trop  de  matelas, 
manger  de  trois  plats ,  de  quatre  même;  recevoir  les  apos- 
tats au-delà  de  trois  fois,  supprimer  des  jeûnes,  négliger  le 
travail  des  mains,  ne  point  s'incliner  devant  les  hôtes,  et 
ne  point  leur  laver  les  pieds  ;  n'avoir  point  d'inventaire  des 
outils  et  ustensiles  du  monastère;  retrancher  de  la  liturgie 
la  plupart  des  génuflexions  ;  servir  à  l'abbé  une  table  qui 
n'est  pas  celle  des  hôtes;  mépriser  l'usage  qui,  lorsque  deux 
moines  se  rencontrent,  ordonne  au  plus  jeune  de  demander 
la  bénédiction  de  l'ancien  ;  ne  point  confier  à  un  ancien  la 
garde  de  la  porte;  ne  pas  exiger  du  portier  qu'il  i-éponde  Deo 
gratias  à  ceux  qui  frappent;  prescrire  aux  reli^ux  de  re- 
nouveler les  vœux  qu'ils  ont  faits  en  d'autres  monastères  ; 
recevoir  des  moines  étrangers  sans  l'agrément  de  leur  ajjbé; 
se  soustraire  à  la  juridiction  de  l'évèqite  ;  posséder  des  pa- 
roisses et  des  dîmes ,  et  usurper  ainsi  ce  qui  n'appartient 
qu'à  ceux  qui  prêchent  et  administrent  les  sacremens;  pos- 
séder encore  des  seigneuries,  et  même  des  banques  ;  se  mêler 
d'affaires  séculières ,  remplir  les  fonctions  d'avocats  et  de  sol- 
liciteurs :  telles  sont  les  infractions  reprochées  aux  Clunistes; 
et  c'est  dans  cet  ordre  que  Pierre-le-Vénérable  les  discute. 
Ses  réponses  consistent  quelquefois  à  démentir  les  inculpa- 
tions, plus  souvent  à  nier  l'existence  des  règles  qu'on  sup- 
pose enfreintes.  Il  soutient,  par  exemple,  que  la  règle  de 
saint  Benoît  autorisant  les  novices  à  donner  leurs  biens,  quels 
qu  ils  soient,  au  monastère,  il  s'ensuit  qu'un  monastère  peut 
posséder  des  biens  de  toute  nature,  les  conserver  et  par  con- 
séquent les  défendre  en  plaidant,  s'il  est  besoin.  Quant  à  la 
juridiction  épiscopale ,  l'abbaye  de  Cluni ,  par  l'acte  même 


PIERRE-LE-VENERABLE.  253 

de  sa  fondation,  est  immédiatement  soumise  au  pape,  le  pre-   xil  siècle. 
mier  et  le  plus  digne  évêque  de  la  chrétienté.  Après  avoir 

fjarcouru  un  très-grand  nombre  de  détails ,  l'auteur  de  cette 
ettre,  ou  plutôt  de  ce  traité  apologétique,  finit  en  distinguant 
deux  sortes  de  préceptes ,  les  uns  immuables  comme  Dieu 
qui  les  a  établis  lui-même ,  les  autres  émanés  des  conciles , 
des  saints  pères  et  des  fondateurs  d'associations  monastiques  ; 
préceptes  révérés  sans  doute ,  mais  que  la  charité  domine  et 
modine  pour  obtenir  un  plus  grand  bien  ou  pour  éviter 
quelque  mal. 

Nous  venons  de  distribuer  en  trois  séries  soixante-onze 
lettres  de  Pierre-le- Vénérable ,  savoir ,  trente-huit  à  des 
papes,  seize  à  des  princes  et  à  Suger,  dix-sept  à  saint  Ber- 
nard et  à  Nicolas.  On  composerait  une  quatrième  série  en 
rassemblant  neuf  lettres  à  Henri  de  Blois ,  évêque  de  Win- 
chester, neuf  lettres  à  l'évêque  de  Troyes,  Atton ,  quatre  à 
Pierre  de  Poitiers,  quatre  à  Théotard,  prieur  de  la  Charité, 
et  trois  à  Odon ,  prieur  de  Saint-Martin-des-Champs.  Mais 
ces  vingt-neur  epitres  ne  sont,  en  gênerai,  que  des  recom- 
mandations particulières  ,  accompagnées  de  témoignages 
d'amitié  ,  de  complimens  ,  de  remerciemens  ,  et  quelquefois 
de  conseils.  Les  lettres  à  Henri  de  Blois  laissent  voir  le  vif  Liv.  ii ,  ep. 
intérêt  que  Pierre  attachait  à  la  protection  de  ce  prélat ,  frère  '^'  '9'  ^o,  ai, 

du  roi  d'Angleterre  Etienne ,  et  jadis  ,  ainsi  que  nous  l'avons  m'  *i'  ^"''Ji'^'" 
j '•  '       1-         j    n]      ■    n        r  j  i  ^^  ni,ep.  i;1it. 

deja  remarque,  religieux  de  Lluni.  Dans  lune  de  ces  lettres,  iv,  ep.  li. 

Henri  est  spécialement  prié  de  faire  en  sorte  que  le  roi  de  la 
Grande-Bretagne  ne  cesse  point  de  payer  cent  marcs  à  l'ab- 
baye de  Cluni  :  Specialiter  auteni  de  manerio  ccntwn  mar- 
carum  vos  rogamus.  Quand  il  écrit  à  l'évêque  Atton,  Pierre-      Llv. i,ep. 5- 
le-Vénérable  ne  manque  presque  jamais  de  l'inviter  à  venir  ^'  ''^^  ^''  ^P- 
à  Cluni,  et  de  l'exhorter  même  à  y  prendre  l'habit  religieux.  iv'ep.'i°2-'^* 
Des  quatre  épîtres  à  Pierre  de  Poitiers,  nous  n'extrairons      Liv.  i,ep.  p, 
qu'une  seule  ligne  :  Lihri ,  et  maxime  Augustiniani,  ut  nosti,  i»»  |6;  l'v.  iv, 
apud  nos  auro  pretiosiores  siint.  Voilà  quel  prix  on  atta-    ^' 
cnait  aux  livres  à  Cluni,  et  quelle  distinction  y  obtenaient, 
entre  les  livres ,  ceux  de  saint  Augustin.   Pierre  détourne 
Théotard  du  projet  dabdiquer  la  fonction  de  prieur,  et  en-      Liv.r,ep. u, 
tretient  Odon  des  vertus  de  quelques  religieux  récemment  '^°)}}^}^^^v-^- 

1  '     /j  /  i  A  *-'  Liv.Lep.  i3; 

décèdes.  liv.iv/ep^i; 

Aux  lettres  que  Pierre-le-Vénérable  écrit  à  ses  frères  et  à  42- 
ses  nièces,  joignons  celles  qu'ij^dresse  à  son  autre  famille, 
c'est-à-dire ,  à  l'ordre  de  Cluni ,  et  nous  formerons  une  cin- 


254  PIERRE-LE-VENERABLE. 

xn  SIECLE,  qviième  série  composée  seulement  de  dix  articles.  Marguerite 
et  Poncie ,  nièces  de  l'abbë ,  le  sachant  malade ,  lui  avaient 

Liv.  vi,cp. 3g.  envoyé'  quelques  remèdes  :  il  les  en  remercie,  mais  il  n'est 
point  édifié  de  voir  des  vierges  de  Jésus-Christ  fréquenter  la 
profane  école  d'Esculape.  Ces  deux  nièces  étaient  peut-être 

Liv.  VI, ep.  i.'|.  filles  d'Eustache  que  Pierre,  dans  une  épître  qu'il  lui  adresse, 
appelle  l'unique  espoir  de  leur  famille  :  Unica  spes  generis 
nostri.  Il  exhorte  d'ailleurs  cet  Eustache  à  ne  point  mépriser 
tous  les  songes  :  Nec  semper  esse  sequenda  soninia,  nec  sem- 
per  spernenda.  Trois  lettres  à  un  autre  frère  ,  Pons ,  abbé  de 
Liv. I, pp.  16;  Vezelai, n'offrent  aucun  détail  intéressant.  Celle  qui  est  adres- 

iiv.iii,ep./i,6;  gée  à  Jourdain,  Pons  et  Armanne ,  trois  frères  encore  de  l'abbé 

IV.     ,  ep.  17.  f}g(];im^i^  déplore  la  perte  qu'ils  viennent  de  faire  (en  11 34) 
*  de  Ringarde,  leur  mère  commune.  Nous  y  lisons  que  cette 

bienheureuse  est  décédée  le  jour  de  la  nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste  :  «  ^^gebatur  tune  solemni  more  nalivitas  prœciir- 
cc  soris  Doniini  :  in  nativitate  iliius  defuncta  est  in  ciijus 
«  nativitate  gaudium  multis  ah  angelo^ promissiini  est  ».  C'est 
donc  mal-à-propos  que  cette  mort  a  été  quelquefois  placée  au 

Liv.  Il,  ep.  16.  22  juin.  J-^e  trépas  de  Ringarde  est  aussi  le  sujet  de  Tune  des 

quatre  circulaires  de  Pierre-le-Vénérable  à  l'ordre  de  Clvuii. 

Anecd.  t.  I,  Il  s'agit  dans  la  seconde  d'une  association  avec  Noël,  abbé  de 

p.  416.  Rebais.  La  troisième  est  de  i  i4i  :  les  Clunistes  y  sont  vivement 

Liv.  \  ,  ep.  1  .  j^ppi-ii^^andés  de  l'habitude  qu'ils  ont  prise  de  manger  de  la 
viande  tous  les  jours  de  la  semaine ,  excepté  le  vendredi  seu- 
lement. Les  comédiens  eux-mêmes ,  dit  l'abbé ,  étendent  cette 
abstinence  au  samedi,  et  plusieurs  laïcs  à  deux  autres  jours 
encore.  Mais  votre  fondateur,  ajoute-t-il ,  saint  Odon  vous 
a  défendu  tout  usage  de  la  viande  ,  et  l'on  a  vu  un  moine 
prévaricateur  frappé  de  mort  au  moment  même  oii  il  trans- 

Liv.  IV,  ep.  39.  gressait  cette  règle.  La  quatrième  circulaire  concerne  l'épi- 
démie qui  dépeuplait  Cluni  en  i  i4i  ou  1 144  ^  l'abbé  revien- 
drait partager  les  péiils  et  les  douleurs  de  ses  frères ,  s'il 
n'était  appelé  à  Rome  par  des  devoirs  apparemment  plus 
impérieux. 

Entre  les  autres  correspcndans  de  Pierre  de  Cluni ,  on  peut 
distinguer  Gilon ,  évêque  de  Frascati,  Pierre,  archevêque  de 
Lyon,  Haimeric ,  chancelier  de  l'église  romaine,  Guigues, 
prieui'  de  la  Grande-Chartreuse ,  le  cardinal  Mathieu,  évêque 
d'Albanfi,  Hugues,  archevêque  de,Rouen,  et  la  célèbre  Hé- 
loïse.  On  a  des  lettres  du  ipiiérable  abbé  h.  chacune  de  ces 
Liv.  Il,  ep.  sept  personnes.  Les  deux  qui  s'adressent  à  Gilon  tendent  à 

k ,  3o. 


PIÈRRE-LE-VENÉRABLE.  255 

détacher  du  parti  de  l'antipape  Anaclet.  Celles  au  cardinal    xiisiecle. 
Mathieu  se  bornent  à  des  recommandations  particulières,  et      ,     . 

1  VI  V  II  '    A  '     1'         1         A  J-iv.l,ep.  Il; 

il  en  est  a-peu-pres  de  même  des  deux  epitres  a  1  archevêque  liv.  ii,  ep.  n. 
de  Rouen,  si  ce  n'est  pourtant  que  ce  prélat  est  prié  de  ren-      Liv. i,ep.  4; 
voyer  une  prose  et  un  répons  en  l'honneur  de  la  Vierge  Hv.  vii,ep.  32. 
Marie  ,  composés  et  communiqués  par  le  vénérable  abbé. 
L'archevêque  de  Lyon  est  invité  à  multiplier  les  établisse-      Liv.  11, ep. 2. 
mens  monastiques  :  son  église  est  la  première  des  Gaules,  i8- 
mais  son  diocèse  est  le  plus  pauvre  en  moines.  On  le  prie 
d'accepter  un  anneau  qui  renferme  une  pierre  précieuse ,  la- 
quelle possède  la  vertu  d'arrêter  les  hémorragies.  Le  chan- 
celier Haimeric  est  sollicité  en  fliveur  de  certains  religieux  Liv.r,  ep.  3,34. 
opprimés  par  l'évêque  de  Béziers  ;  on  lui  adresse  aussi  une 
réclamation  pressante  contre  ce  privilège  de  ne  point  payer 
la  dîme  que  le  pape  Innocent  accordait  en  i  iSa  aux  Cister- 
ciens. Deux  lettres  de  l'abbé  de  Cluni  aux  pères  de  Cîteaux      Liv.  i,   cp. 
traitent  de  ce  même  privilège,  et  en  font  sentir  l'injustice.  35,  36. 
Un  cruciiix  et  des  livres  sont  envoyés  à  Guigues  ;  mais  on  Liv.  i,  ep.  24. 
lui  demande  un  volume  de  lettres  de  saint  Augustin ,  parce 
que  l'exemplaire  de  Cluni  a  été  dévoilé  par  un  ours  cpii  s'est 
introduit  dans  une  cellule.  Une  seconde  lettre  au  même  Gui-  Liv.  11,  ep.  12. 
gués  est  destinée  à  le  consoler  de  la  mort  de  plusieurs  frères 
ensevelis  sous  les  neiges  en  11 33.  Pierre  exprime  ses  senti-  Liv.  iv,  ep.  38. 
mens  fraternels  pour  les  Chartreux,  non-seulement  dans  ces  ''^"'^:  Anaiect. 
deux  lettres  à  Guigues,  mais  dans  quatre  autres,  dont  deux  sont  Liv  vi  o 
adressées  à  l'ordre  entier;  une  troisième  au  chartreux  Basile,  Liv.  vi^  t-p.  27! 
et  la  quatrième  au  prieur  de  Majorève.  Les  deux  épîtres  à 
Héloïse  sont  au  nombre  des  plus  polies  et  des  plus  obhgeantes 
C|ue  Pierre-le-Vénérable  ait  écrites.  Mabillon  trouve  même  de 
l'excès  dans  les  éloges  dont  Héloïse  et  sur-tout  Abailard  y  Liv.  iv,  ep.  21; 
sont  comblés.  Leur  fils  x\strolabe  aura  une  prébende:  c'est  ''^- ^ï' fp.  22. 
du  monis  le  voeu  de  Pierre,  qui  s  engage  a  ne  rien  négliger  lib.   Lxxvii 
pour  atteindre  ce  but.  Les  prélats  étaient  alors  dans  l'usage,  "•  »38. 

3uand  ils  perdaient  un  ami  ou  un  homme  de  mérite,  de  lui 
onner  après  sa  mort  une  absolution  ]îar  écrit  :  Pierre  en- 
voie à  Héloïse  l'absolution  qu'à  sa  prière  il   a  donnée  au 
maître,  et  qu'elle  veut  suspendre  dans  son  tombeau.  C  est       v.  vigneul 
par  ce  terme  de  viailre  qu' Abailard  est  désigné.  Marviile    (  D. 

Les  lettres  que  nous  venons  d'indiquer  et  de  partager  en  Mdh  de'i"a.  Le! 
six  séries  sont  au  nombre  de  cent  trente  :  il  en  reste  pour  t.n,  p.  53. 
former  une  dernière  série  quarante  et  une  isolément  adressées 
à  autant  de  personnages  ,  a  des  archevêques ,  à  des  évêques , 


256  PIERRE-LE-VENERABLE. 

xn  SIECLE,    à  des  abbes ,  à  des  moines ,  et  presque  toutes  relatives  à  des 

"  affaires  ecclésiastiques  ou  cénobitic|ues  d'une  assez  faible  im- 

portance. Huit  seulement  nous  semblent  dignes  d'être  men- 
tionnées. 

Liv.  IV,  ep.  8.  i»  Lettre  écrite  en  i  i4i  à  Milon,  évêque  de  Térouenne, 
pour  se  plaindre  des  déclamations  publiques  de  ce  prélat 
contre  les  religieux  de  Cluni; 

Liv.  IV,  ep.  26.  2»  Lettre  à  Raynard,  abbé  de  Cîteaux,  écrite  vers  11 45  : 
c'est  un  monument  des  sentimens  affectueux  de  l'abbé  de 
Cluni  pour  les  Cisterciens. 

Liv.  v,ep.  7.  3°  Lettre  à  Tliibaud  ,  abbé  de  Sainte -Colombe.  Elle  ex- 
plique pourquoi  l'extrème-onction  s'administre  plusieurs  fois 
a  la  même  personne ,  tandis  que  l'on  ne  réitère  ni  l'onction 
baptismale,  ni  celle  de  la  confirmation,  ni  celle  de  l'ordina- 
tion. Thibaud  demandait  aussi  comment  le  songe  où  Joseph 
s'était  vu  adoré  par  son  père,  sa  mère  et  ses  frères,  avait  eu 
quelque  accomplissement  à  l'égard  de  sa  mère  Rachel  décédée 
avant  l'élévation  de  Joseph  en  Egypte  :  la  réponse  est  que  le 
songe  s'est  accompli  dans  les  descendans  de  ce  patriarche,  et 
nous  rapportons  ici  cet  éclaircissement,  sans  examiner  s'il 
résout  parfaitement  la  difficulté. 

Liv.  IV,  ep.  3o.  4"  Lettre  à  un  religieux  nommé  Pierre.  L'abbé  y  expiùme 
la  peine  qu'il  ressent  toutes  les  fois  qu'à  l'église  il  entend 
réciter  des  légendes  fabideuses  et  chanter  des  hymnes  oii 
sont  violées  les  lois  de  la  versification  et  de  la  grammaire. 

Liv.  IV,  ep.  23.  5°  Lettre  à  Raimond,  comte  de  Toulouse.  Ce  moine  était 
poète,  et  Pierre-le-Vénérable  lui  éciùt  en  vers.  Voici  les  deux 
premiers  :  Raimond  y  est  félicité  de  ce  cjue  sa  muse  ne  vieillit 
point. 

Ciiin  caput  albescat ,  tua  musa  senescere  nescit  : 
JVec ,  quia  tu  canes,  hinc  minus  illa  canit. 

Nous  reviendrons  sur  cette  pièce  c^uand  nous  parlerons 
des  poésies  de  l'abbé  de  Cluni. 

Liv.  l,ep.  20.  6°  Lettre  à  l'hermite  Gislebert  sur  les  tentations  qu'on 
éprouve  dans  la  l'ctraite ,  et  dont  les  préservatifs  ou  les  re- 
mèdes sont  la  prière,  la  méditation  ,  la  lecture,  le  travail  des 
mains.  Cette  lettre  a  presque  l'étendue  d'un  traité  sur  la  vie 
solitaire.  Pierre  y  conseille  à  Gislebert  de  copier  des  livres. 

Liv.  n,  ep.  I.  rjo  Lettre  à  un  ApoUinariste  qui  n'est  point  nommé.  C'est 
encore  un  petit  traité  ;  il  y  est  prouvé  par  des  textes  sacrés 
et  par  des  argumens  théologiques ,  que  le  Verbe ,  en  se  fai- 


PIERRE-LE-VENERABLE.  âSj 

sant  homme,  a  pris  non-seulement  un  corps,  mais  aussi  une    xn  SIECLE. 
ame  humaine.  " 

8*>  Lettre  au  moine  Gre'goire.  Ce  rehgieux  avait  proposé  Lib.  iii,ep.  7. 
trois  questions  :  La  grâce  qui  remphssait  la  Sainte  -  Vierge, 
quand  l'ange  la  salua,  s'accrut-elle  au  jour  de  la  Pentecôte? 
Marie  portant  la  sagesse  incréée  en  son  sein ,  a-t-elle  pu  igno- 
rer quelque  vérité?  Comment  expliquer  un  texte  de  saint 
Grégoire- le- Grand,  qui  semble  unir  le  Verbe  à  la  nature 
humaine  avant  que  Jésus  naquît  de  la  Sainte-Vierge  ?  L'abbé 
de  Cluni  répond  qu'à  la  Pentecôte,  les  dons  spéciaux  du 
Saint-Esprit  s'accrurent  en  Marie  sans  aucune  augmentation 
de  la  grâce  sanctifiante;  qu'enceinte  et  mère,  elle  continua 
d'ignorer  bien  des  choses  de  ce  bas  monde  et  de  l'autre  ; 
qu'enfin,  tout  ce  qu'a  pu  vouloir  dire  Grégoire-le-Grand  dans  ' 
un  texte  dont  on  a  souvent  abusé,  c^est  que  l'union  du  Verbe 
avec  la  nature  humaine  avait  été  déterminée  dans  les  secrètes 
pensées  de  la  providence  bien  avant  l'accomplissement  de 
ce  mystère.  On  voit  que  cette  lettre  est  encore  im  traité  théo- 
logique. 

Ces  trois  dernières  épîtres  ont  sans  doute  plus  d'étendue 
que  la  plupart  des  autres ,  mais  toutes  sont  diffuses.  Pierre- 
le -Vénérable  évite  d'être  court  :  il  déclare  que  la  brièveté 
épistolaire  ne  lui  semble  qu'un  symptôme  de  paresse ,  de  sé- 
cheresse ou  de  stérilité.  Ses  lettres  sont  prolixes ,  non-seule- 
ment parce  qu'il  ne  prend  pas  la  peine  de  les  faire  courtes, 
mais  parce  qu'il  s'impose  un  travail  particulier  pour  les  alongcr. 

§  IIL 
SES  TRAITÉS  ET  OPUSCULES. 

On  vient  de  voir  que  les  trois  lettres  à  Gislebert,  à  un 
\pollinai-iste,  au  moine  Grégoire,  auraient  pu  être  considérées 
comme  des  traités  aussi  bien  que  l'apologie  des  clunistes 
adressée  par  Pierre-le -Vénérable  à  saint  Bernard,  et  dont 
nous  avons  rendu  compte. 

L  Les  éditeurs  qui  ont  placé  ces  quatre  traités  parmi  les 
lettres ,  ont  mis  du  moins  au  nombre  des  traités  une  lettre 
à  Pierre  de  Saint-Jean  sur  la  divinité  de  Jésus-Christ.  Prou-       Bibi.    patt. 
ver  que  Jésus  s'est  expressément  déclaré  Dieu,^  tel  est  le  but  ^"S'i-  '•  xxii, 
que  l'abbé  de  Cluni  se  propose  dans  cette  épître.  Il  y  ras-  P' 970-9/7- 
semble  les  textes  évangéliques  qui  peuvent  le  mieux  étalilir 

Tome  Xlll.  Rk 


258 


PIERRE -LE- VÉNÉRABLE. 


XII  SIECLE. 


Jbul.-[i.  io3'-4 
—  1080. 


Hist.  des  Va- 
riations,liv. XI, 
n.  67. 


Hist.  deLan- 
ifuedoc,  t.  II , 
p.  472. 

Bouche.  Hist. 
de  Provence,  t. 
(I,p.  ijG-2i3. 


ce  fait  ;  et  si  ces  te.Ktes  ne  sont  pas  plus  nombreux ,  s'ils  ne 
sont  pas  plus  catégoriques ,  si  Jésus  ne  s'est  pas  toujours  qua- 
lifié Dieu  aussi  positivement  que  son  pèi-e  s'était  nommé, 
dans  l'ancien  Testament,  le  Dieu  d'Abraham  et  de  Jacob, 
c'est,  dit  l'auteur,  paice  que  les  juifs  n'étaient  pas  capables 
de  recevoir  ou  de  supporter  cette  vérité,  et  qu'il  les  fallait 
nourrir  de  lait  avant  de  leur  offrir  des  alimens  plus  solides. 

IL  Sous  la  forme  d'une  épître  «adressée  aux  archevêcjues 
d'Arles  et  d'Embrun,  aux  évêques  de  Die  et  de  Gap,  prélats 
zélés  contre  les  Pétrobusiens,  Pierre  a  composé  contre  cette 
secte  un  ouvrage  polémique  divisé  en  cinq  chapitres,  nombre 
égal  à  celui  des  principales  erreurs  des  sectateurs  de  Pierre 
de  Bruis.  Nous  disons  des  principales  ;  car  PieiTC  ajoute  qu'ils 
en  professent  peut-être  ciuelques  autres  ;  mais  parce  qu'il  n'en 
est  pas  bien  sûr,  il  diffère  de  les  réfuter.  Saint  Bernard,  qui 
avait  vu  de  plus  près  ces  hérétiques,  ainsi  que  Bossuet  l'ob- 
serve, a'pu  leur  reprocher  deségaremens  dont  l'abbé  deCluni 
nenousclonne  et  n'avait  lui-même  aucune  connaissance.  Quoi 
qu  il  en  soit,  voici  les  cinq  erreurs  pétrobusiennes  combat- 
tues dans  l'ouvrage  qui  nous  occupe  en  ce  moment.  1°  On 
ne  doit  pas  administrer  le  baptême  aux  enfans  avant  l'âge  de 
raison.  2°  Dieu  pouvant  être  prié  en  tout  lieu  ,  il  ne  faut  point 
d'église.  3°  Les  croix  sont  à  supprimer  comme  signes  du  sup- 
plice de  Jésus-Christ.  4°  Le  corps  et  le  sang  de  l'Homme-Dieu 
n'existent  point  dans  l'eucharistie.  5"  Il  est  inutile  de  prier 
pour  les  morts.  Pierre-le-Vénérable  emploie  contre  ces  cinq 
propositions  les  autorités  et  les  argumens  dont  les  théolo- 
giens ont  coutume  de  faire  usage  pour  prouver  l'efficacité  du 
baptême  administré  aux  enfans ,  le  besoin  d'élever  des  tem- 
ples ,  1  utilité  des  images  et  spécialement  des  croix ,  la  pré- 
sence réelle  et  la  transubstantiation ,  enfin  la  nécessité  d'of- 
frir pour  les  défunts  des  prières  et  des  sacrifices.  L'auteur 
allègue  pour  la  présence  réelle  l'autorité  des  actes  de  saint 
André.  Il  cite,  comme  exemple  de  transubstantiation,  la  verge 
de  Moïse  changée  en  serpent ,  les  eaux  du  Nil  métamorpho- 
sées en  sang,  et  le  pain  que  la  digestion  transforme  en  chair. 
Dom  Vaissette  pense  que  cet  ouvrage  a  été  composé  vers 
II 35;  peut-être  ne  l'a-t-il  été  qu'en  11 37  ou  1 138,  car  Pierre- 
le-Vénérable  le  dit  achevé  depuis  quatre  ou  cinq  ans  dans 
une  lettre  à  saint  Bernard,  qu'on  croit  écrite  en  ii/p  ou 
1143. 

TH.-  Il  s'agit  aussi  de  l'Eucharistie  dans  la  première  partie 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  aSg 

d'un  autre  ouvrage  du  vénérable  Pierre,  c'est-à-dire ,  dans  son    '^n  siècle. 
Traite  des   Miracles.  C'est  à  ce  mystère  que  se  rapportent      g;,_,,  p^,^  ^ 
vingt-huit  des  miracles  qui  sont  ici  racontés.  Trente  autres  xxn,[).  1087- 
composent  une  seconde  et  dernière  partie  beaucoup  plus  me-  'i-'S- 
langée.  Le  P.  Tournemine  trouve  tous  ces  miracles  si  singu-      Hist.deregi. 
liers ,  qu'il  ne  sait  trop  s'ils  obtiendraient  par-tout  une  sou-  l^^i''^.  t.  ix,  p. 
mission  de  croyance  (  ce  sont  ses  termes  )  égale  à  celle  de 
l'auteur  qui  les  célèbre.   Mais  ces  récits  attestent  au  moins 
que  la  présence  l'éelle  était  au  XIP  siècle  un  dogme  parfai- 
tement établi.  Le  dernier  des  cinquante -huit  prodiges  re- 
cueillis dans  cet  ouvrage,  est  celui  qui  depuis  deux  cents 
ans  ne  manquait  jamais  de  s'opérer  à  Rome  dans  l'église 
de  Sainte-Mai'ie  Majeure  la  veille  et  le  jour  de  l'Assomption. 
Dès  la  veille,  les   fidèles  apportaient  dans  cette  église  des 
cierges  bien  exactement  pesés  ;  et  quoique  ces  cierges  demeu- 
rassent allumés  depuis  le  soir  jusqu'après  la  messe  du  len- 
demain, leurs  poids  se  retrouvaient  les  mêmes,  sans  aucun 
déchet. 

IV.  Dans  un  traité  contre  les  juifs,  Pierre -le -Vénérable      BiLi.  Patr.  t. 
montre  que  Jésus-Christ  est  le  fils  de  Dieu  et  Pieu  lui-même ,  xxii,  p.  997- 
roi  éternel  et  céleste,  et  non  pas  monarque  terrestre;  qu'au  '"  "" 
temps  fixé  par  les  écritures ,  il  est  venu  sauver  le  monde ,  et 

qu'ainsi  les  juifs,  qui  s'obstinent  à  l'attendre  encore,  nour- 
rissent le  plus  fol  espoir. 

V.  Nous  avons  dit  que  Pierre-le-Vénérable,  après  avoir  fait 
traduire  en  latin  le  koran  de  Mahomet,  entreprit  de  réfuter 
ce  tissu  d'impostures  grossières.  Saint  Bernard ,  à  qui  l'abbé 

de  Cluni  avait  d'aboi'd  proposé  ce  travail,  ne  s'en  étant  point  Liv.  IV, ep.  17. 
chai'gé  ,  Pierre  composa  vm  traité  divisé  en  quatre  livres ,  et 
dont  Pierre  de  Poitiers  lui  avait  esquissé  le  plan.  Le  troi- 
sième livre  et  le  quatrième  sont  perdus ,  mais  les  deux  pre- 
miers ont  été  retrouvés  dans  l'abbaye   d'Anchin  par  Max--      voy.Uit.p.i: 
tène  et  Durand,  et  publiés   au  tome  IX  de  \ Amplissima  p.  180,  181. 
collectio.  Les  saints  Pères,  dit  l'auteur,  ont  démasqué  toutes  p.  1120-1180. 
les  erreurs  qui  se  sont  élevées  dans  l'église  :  aucune  hérésie 
n'a  échappé  a  leur  zèle.  Pour  établir  ce  fait,  l'abbé  de  Cluni 
s'engage  dans  une  longue  éruxméi^ation  qui    annonce .  une 
assez  grande  connaissance  de  l'histoire  et  de  la  littérature 
ecclésiastiques.  Il  laisse  à  décider  si  les  Mahométans  sont  des 
hérétiques  ou  des  payens  ;  mais  payens  ou  hérétiques ,  tou- 
jours doit-on  les  réfuter.  Mahomet  a  dit  :  tuez  et  ne  dispu- 

Kk2 


26o  PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 

xn  SIECLE,  putez  pas.  Pierre-le-Vënérable  réprouve  cette  horrible  maxime., 
et  pense  avec  raison  qu'elle  suffirait  pour  dévoiler  la  faus- 
seté du  mahométisme;  c'est  à  l'erreur  qu'il  appartient  de  re- 
douter la  discussion  et  de  contraindre  à  la  croyance.  L'au- 
teur s'attache  ensuite  à  prouver  que  les  livres  de  l'ancien  et 
du  nouveau  Testament  n'ont  souffert  aucune  altération  ;  il 
démontre  sur-tout  que  Mahomet  n'a  justilîé  sa  mission  ni  par 
des  prophéties  ni  par  des  miracles.  Telle  est  la  matière  des 
deux  premiers  livres;  ils  devaient,  avec  les  deux  autres,  ac- 
compagner la  version  duKoran  qui  venait  d'être  composée, et 
que  Pierre  de  Rétines  dédiait  à  l'abbé  de  Cluni.  Cette  version 

Basile»,  Opo-  que  Théodore  Bibliander  a  fait  impiimer  en  i543,  a  été 
*'V""ΰ''-         critiquée  par  Huet  et  par  Eri>enius.  Il  est  rare,  dit  ce  der- 

De  clans  in-       .        i         ,    },  .  ,  »  .1  i       i»         i  ■        ii        '      • 

teiprelibus,  p.  Hier,  quelle  exprime  le  vrai  sens  de  1  arabe  ;  mais  elle  était 
«Ai-  la  seule,  et  avait  servi  de  texte  aux  traductions  en  langues 

Erp.Praefat.in  jnodernes  avant  la  version  latine  qui  parut,  avec  le  texte 
arabe,  en  1698,  et  que  l'on  doit  à  Maracci. 

VI.  Pierre  acheva  son  traité  contre  Mahomet  vers  1 143.  Il 
Bibi.  Pair.  t.  recueillit  en  11 46  soixante-seize  statuts  à  l'usage  de  l'abbaye 

xxii,p.  ii32-  ^j.  ^g  tout  l'ordre  de  Cluni.  La  préface  apologétique  qui  les 
précède,  justifie  les  changemens  que  Pierre  a  cru  devoir  faire, 
soit  en  plus ,  soi^  en  moins ,  aux  anciens  réglemens.  En  pu- 
bliant ce  recueil,  Duchesne  y  a  joint  plusieurs  privilèges^ 
chartes  et  diplômes  qui   concernent  les  Clunistes.  Deux  de 

1417,  iVis""  *^^^  chartes  sont  de  Pierre -le -Vénérable;  l'une  adressée  à 
Richard  ,évèque  de  Coutances,  l'autre  à  Guillaume  de  Mont- 
bourg  :  ces  deux  pièces  autorisent  vm  arrangement  pris  entre 
Guillaume  et  le  monastère  de  Saint-Come.  Un  autre  acte  du 
Spicil.  t.  II,  vénéiahle  abbé ,  publié  par  Dacheri,  ordonne  des  messes  et 

p.  332,333.  ^jgg  prières  pour  lame  de  Raoul,  comte  de  Péronne,  en  re- 
connaissance des  bienfaits  dont  ce  seigneur  a  comblé  Cluni. 

VII.  Dispositio  rei  familiaris  cluniacensis ,  tel  est  le  titre 
d'un  écrit  où  Pierre  expose  (en  ii48)  l'état  de  l'abbaye  de 
Cluni  au  moment  où  il  en  prit  possession,  et  ce  qu'il  a  fait 
durant  vingt-six  ans  pour  la  rendre  florissante.  11  y  avait 
trouvé  trois  cents  religieux,  et  à  peine  assez  de  revenu  pour 
en  nourrir  cent.  Mais  l'ordre  quil  sut  rétablir  dans  les  re- 
cettes, le  dispensa  de  recourir  aux  emprunts,  ressource  qui 
avant  lui  avait  contribué  à  rappau\Tissement  du  monastère. 

Misceil.  t.  V,       VIII.  Baluze ,  qui  a  publié  cet  opuscule ,  en  a  imprimé  un 
\'id  t~vi    p.  3Utre  daté  de  11 54,  et  intitulé  :  Indulgentia  data  ecclesii%. 


BibLChiniac. 
p.  1377,  i387, 


PIERRE-LE-VENERABLE.  261 

ciuniacensihus  Italiœ  a  Petto  abbate  cluniacensi  :  c'est  une    xii  siècle. 

remise  pécuniaire  faite  aux  monastères  italiens  de  l'ordre  de 

Gluni. 

§  IV. 

SES  SERMONS. 

Un  sermon  de  Pierre -le -Vénérable  sur  la  transfiguration 
de  Jésus-Christ,  a  été  imprimé  dans  la  bibliothèque  de  Cluni , 
d'où  il  a  passé  dans  celle  des  Pères  et  dans  celle  des  prédi- 
cateurs de  Combefis.  Dom  Martène  en  a  publié  trois  autres ,  Anecd.  t.  t, 
l'un  sur  saint  Marcel ,  pape  et  martyr,  le  second  sur  le  Saint-  ?•  »4ï9-'45o. 
Sépulcre,  le  troisième  sur  le  culte  des  reliques.  Les  sermons 
sur  la  Transfiguration  et  sur  saint  Marcel  sont  peu  remar- 
quables. On  peut  noter  cependant  qu'il  est  dit  dans  celui  sur 
saint  Marcel ,  que  ce  pontife  n'a  succédé  à  saint  Marcellin 
qu'après  que  le  saint  Siège  eut  vaqué  sept  ans  ,  cinq  mois 
et  vingt -cinq  jours;  ce  qui  est  fort  inexact,  car  Marcellin 
mourut  en  3o4  ;  et  l'on  sait  que  sept  ans  plus  tard ,  c'est-à- 
dire,  en  3ii ,  Marcel  était  déjà  mort  lui-même  après  avoir 
gouverné  l'église  environ  deux  ans  :  l'interrègne  entre  ces 
deux  papes  n'avait  duré  que  trois  ans  et  demi.  Le  mor- 
ceau le  plus  oratoire  du  sermon  sur  le  Saint  -  Sépulcre ,  est 
celui  où  Pierre  exhorte  ses  auditeurs  à  faire  le  voyage  de 
Jérusalem  pour  y  voir  de  leurs  propices  yeux  le  miracle  qui 
s'y  accomplit  chaque  année  au  samedi  saint.  Un  feu  surna- 
turel descend  des  cieux,  et  à  la  vue  de  tous  les  assistans,  al- 
lume, une  à  une,  toutes  les  lampes  rangées  autour  du  sé- 
pulcre divin.  Dom  Martène  cite  dans  une  note  plusieurs  Anecd.  t.  ¥ , 
témoins  de  ce  prodige.  A  l'égard  des  reliques ,  l'abbé  de  Cluni  P'  "'^^• 
expose  les  deux  motifs  de  la  vénération  qu'on  leur  doit  :  d'un 
côté,  les  actions  chrétiennes  dont  ces  restes  aujourd'hui  ina- 
nimés ont  été  jadis  les  instrumens;  de  l'autre,  la  gloire  éter- 
nelle qui  les  attend  après  la  résurrection. 

§  V. 
SES  POÉSIES, 

Bibi.  Patr.  £ 

Les  pièces  devers  que  Pierre-le- Vénérable  nous  a  laissées  xxn,p»p5- 
sont  au  nombre  de  quatorze ,  en  y  comprenant  l'épître  à  Rai-  i,b.xLiv,c.  ig! 
jnond ,  dont  nous  avons  déia  cité  les  deux  premiers  vers.  Le      Biw.  Pair,  t 

XXXII.  i).<)2'.. 


3,  V,  II 


263  PIERRE-LE-VÉNERABLE. 

XII  SIECLE,  second  présente  un  jeu  de  mots  bien  puéril  ;  mais  il  ne  fau- 
drait  pas  juger  de  la  pièce  par  ce  début.  Elle  n'est  point  sans 
mérite ,  ni  même  sans  grâce.  On  y  retrouve  des  expressions  et 
des  constructions  empruntées  d'Ovide  :  par  exemple ,  quand 
Pierre  écrit  : 

Obstupui  ,fateor,  conticuique  diu. 
Non  aliter  qukm  si.... 

Lib.  I ,  eieg.  Ccs  liémistiches  rappellent  ce  vers  de  l'auteur  des  Tristes  : 

Non  aliter  stupui  quant  qui,  etc. 

L'épître  à  Raimond  est  de  soixante -quatre  vers  ,  et  nous  la 
croyons  préférable  aux  treize  autres  productions  poétiques 
de  l'abbe  de  Cluni. 

La  plus  longue  est  une  pièce  d'environ  quatre  cents  vers 
hexamètres  et  pentamètres  contre  les  détracteurs  des  poésies 
de  Pierre  de  Poitiers.  Les  principaux  poètes  latins  et  plu- 
sieurs pères  de  l'église  y  sont  nommés  et  célébrés  : 

Naso  ,  Flacce,  Maro  ,  Stati,  Lucane,  Boeti.... 
Hi  sunt  Hieronjmus  Augnstinusque  beati — 
Alpibus  Ambrosius  cetsior  Italicis. 

Pour  louer  saint  Augustin ,  Pierre  -  le  -Vénérable  dit  en  par- 
lant de  l'Afrique  : 

Partibus  ista  minor  spatiis  est  terra  duabus  : 
Ast  Augustino  vincit  utramque  suo. 

L'éloge  est  un  peu  emphatique  ;  mais  la  précision  du  second 
vers  est  d'autant  plus  remarquable ,  que  la  pièce  est  en  gé- 
néral d'une  prolixité  fastidieuse. 

La  troisième  pièce  est  une  prose  rhythmique,  ou  plutôt 
rimée,  en  l'honneur  de  Jésus-Christ  : 

A  pâtre  mittitur ,  in  terris  nascitur ,  deus  de  Virgine; 
Humana  patitiu.,  docet  et  moritur ,  libens pro  homine. 

Ces  deux  premières  lignes  peuvent  donner  une  idée  des 
cent  dix -huit  autres.  On  a  peine  à  concevoir  comment  ces 
formes  du  moyen  âge  pouvaient  séduire  un  homme  d'esprit 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  '  ^63 

qui  avait  étudie  quelques-uns  des  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité'.    X"  siècle. 

Mortis  partis  fortis  'vim  intuUt  : 

Tel  est  le  début  de  la  quatrième  pièce ,  et  sans  doute  il  est 
difficile  de  mettre  les  oreilles  délicates  à  une  plus  rude 
épreuve.  Heureusement  cette  pièce  ne  consiste  qu'en  seize 
lignes  rimées  ;  c'est  une  prose  sur  la  résurrection  du  Sauveur. 

Les  trois  suivantes  ne  sont  pas  non  plus  fort  longues  :  ce 
sont  des  proses  du  même  genre  en  l'honneur  de  la  Sainte-      Airald ,  au- 
Vierge  et  de  sainte  Marie-Madeleine.  vergnat,  en  Ct 

Suivent  deux  hymnes  pour  la  fête  de  saint  Benoît;  l'une  y. Peti"ciùn?a 
en  vers  saphiques,  l'autre  en  vers  asclépiades.  Les  strophes  cp.  4,  lib.  vi; 
en  sont  régulières,  les  règles  de  la  versification  y  sont  exac-  et  Pommerave, 
tement  observées  ,  mais  la  latinité  n'en  est  point  élégante  :  jè*  R^ue^  '^^. 
c'est  un  tissu  de  mots  d'église  et  de  phrases  du  moyen  âge  ;  338,  n.  14.' 
c'est  presque  une  autre  langue  que  celle  de  l'épître  à  Rai- 
mond  :  on  en  pouri^a  juger  par  cette  dernière  strophe  de 
l'hymne  saphique  : 

Laiidet  exidtans ,  deitas  creatrix , 
Te  chori  nostri  jubilus  perenrds , 
Quem  poli  jungas  superis  choreis 
QiuEsumus  omnes. 

La  dixième  pièce  est  une  prose  rimée  pour  la  fête  de  saint 
Hugues ,  abbé  de  Cluni  :  elle  contient  dix-huit  stances ,  dont 
chacune  est  de  quatre  vers  qui  riment  deux  à  deux. 

Les  quatre  derniers  morceaux  sont  quatre  épitaphes  :  sa- 
voir, du  comte  Eustache,  en  vingt  vers  hexamètres  et  pen- 
tamètres ;  de  Bernard ,  prieur  de  Cluni ,  en  cinq  distiques; 
de  Rainald ,  archevêque  de  Lyon ,  en  six  distiques  ;  enfin 
d'Abailard,  en  onze  vers  hexamètres  déjà  transcrits  dans 
cette  histoire  littéraire.  T.xii  p.  102. 

§  VL 

SES    ÉCRITS    NON    IMPRIMÉS. 

i"  Office  de  la  Transfiguration  de  Notre- Seigneur  selon 

l'usage  de  Cluni,  par  Pierre-le-Vénérable  :  c'est  la  dernière 

pièce  du  neuf  cent  quarante<leuxième  manuscrit  liturgique 

de  la  bibliothèque  impériale,  jadis  de  celle  de  Baluze.  ^'i)'-   ^a\\u. 

p.  III ,  p.  36  , 


2G4  PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 

XII  SIECLE.        20  Rei'elatioTîes  de  locis  purgatorii  et  patriœ  cœlestis  au- 

258    Catal   ^'^^^  Petro  ahhate  Cluniacensi  :  quatrième  pièce  du  manus- 

niss.  Bibi.  Reg.  crit  6686 ,   autrefois  de  Baluze  ,  aujourd'hui  de  la   biblio- 

t.  III,  p.  75.      thècrue  impériale.    Cette  pièce  ne  consiste  guère  qu'en  de 

Catal      rass       •         1  •  1       i-  \  •         i 

Libl  Re'"  t  iv'  Simples  extraits  du  livre  des  miracles. 

p.  527.  "  '  3°  Poëme  sur  la  vertu,  manuscrit  conservé  dans  la  biblio- 
thèque de  Leipsick.  Fabricius  l'indique  d'après  Joachim  Fel- 
ler,  et  en  cite  le  commencement  : 


Bibl.  med.  et 
Inf.  latin,  t.  V, 
p.  257,111-4°. 


Destituit  terras ,  decus  orbis ,  gloria  rerum  , 
Virtus. 

§  VII. 

OUVRAGES    DIVERS    QUf    LUI    SONT    ATTRIBUÉS. 

Quelques  auteurs  ont  alongé  la  liste  des  productions  de 

Pierre-le-Vénérable  ,  en  citant  sous  des  titres  particuliers  et 

comme  des  ouvrages  à  part ,  certaines  parties  de  ceux  que 

nous  avons  fait  connaître. 

De  sacra  po-       I  ^  Clioppiii  a  attribué  à  l'abbé  de  Cluni  un  traité  de  la 

litià,t.in,n.  8.  vie  érémitique  ,  de  conversatione  eremiticâ.  Henri  de  Gand  , 

Tnih.deScnpt.  Xritlièmc  discut  :  de  mtd  reclusorwn ,   de  mtd   soUtariâ  ; 

HennGaiidaY.  mai»  ces  divcrs  titres  ne  doivent  être  appliqués  qu'à  la  lettre 

Script.  Eccies.  à  Gislcbcrt  sur  la  solitude. 

o.  2y,p.  167.         2°  Revelationes  multorwn  :  l'ouvrage  de  Pierre-le-Véné- 
ihid.  rable,  que  Choppin  intitule  ainsi  ,  n'est  que  le  traité  des 

miracles ,  dans  lequel  il  s'agit  fort  souvent  d'apparitions  de 
morts ,  de  visions  et  de  révélations. 

3°  La  vie  de  Pons ,  abbé  de  Cluni ,  également  attribuée  à 

Leloni;,  Bibl.  Pierre,  est  tirée  du  second  livre  du  même  traité  des  miracles. 

hisior.  delai'r.       ^o  C'est  aussi  dans  ce  second  Xwvç  que  se  retrouve  la  vie 

1. 1 ,  n.  1 1839.    j^  cardinal  Mathieu,  quelquefois  annoncée  et  publiée  comme 

/te/.n.  12019.  I         •  ■       i->  I      1'    1  1    '    I      r^\        ■ 

une  production  particulière  de  l  abbe  de  Lluni. 
/i/rf.n.i478G.       5°   La  vie  de  sainte  Ringarde  par  Pierre-le-Vénérable, 
n'est  pas  distincte  de  la  circulaire  qu'il  écrivit  lorsqu'il  eut 
perdu  sa  mère. 
Vossius  ,  de       6°  De  même,  il  n'a  écrit  d'autre  vie  de  saint  Marcel  que 
Hist.iat.iib.il,  le  sermon  sur  les  vertus  et  le  martyre  de  ce  pontife. 
^'  ^°'  yo    Epistola  pvolixa   contra  murmuratores.  Cette   épître 

Bibiioth.mss.  citéc  par  Saudcrus ,  dans  le  catalogue   des  manuscrits  de 
Beig.p.i,p.93.  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Tournai,  ne  difïère  point  de  la 


PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.  a65 

longue  apologie  des  Clilnistes,  adressée  par  Pierre  à  saint    "^^^  siècle 
Berniird.  "~~ 

8°  Aucleus  de  sacrifîcio  rnissœ.  Cet  opuscule ,  imprimé  à 
part,  n'est  qu'un  extrait  de  la  quatrième  partie  du  Traité 
contre  les  Pétrobusiens. 

cf  Fabricius  compte  Pierre-le-Vénérable  au  nombre  des 
historiens  de  saint  Hugues,  abbé  de  Cluni.  Nous  ne  savons 
de  quel  écrit  de  Pierre  veut  parler  Fabricius ,  à  moins  que 
ce  ne  soit  des  dix-huit  stances  rimées  en  l'honneur  de  ce 
même  saint  Hugues. 

io°  Enfin  Fabricius,  qui  avait  publié  un  poëme  latin  sur 
la  messe ,  en  l'attribuant  à  Pierre-le-Vénérable ,  a  reconnu 
depuis  que  cette  production  appartenait  à  Hildebert. 

§  VIIL 

ÉDITIONS    ET    TRADUCTIONS    DE    SES    OUVRAGES. 


Bibl.  Bfed.  et 
inf.lal.lib.VIT, 
p.  178  ,  edit. 
in- 8". 


Bibl.  Med.et 
inf.  lat.  t.  V, 
p.  787  ,  cdit. 
in-S". 

Fabric.  ibid. 
edit.in-4°,  l.V, 
p.  256.  —  V. 
Oud.  de  script, 
eccl.  t.  n,  p. 
1196. 


La  première  édition  des  œuvres  de  Pierre-le-Vénérable 
parut  en  1622  à  Paris  ,  de  l'imprimerie  de  Jean  Dupré,  pour 
Damien  Higman  :  c'est  un  volume  in-folio ,  qui  renferme  les 
six  livres   d'épîtres,  les  deux  livres  sur  les  miracles,  et  les 
proses  rimées.  L'éditeur ,  Pierre  de  Montmartre ,  religieux 
cluniste ,  promet  d'écrire   un  jour  la   vie  de   l'auteur  :  en 
attendant ,  et  pour  y  suppléer ,  il  place  à  la  tête  de  ce  volume 
les  poésies  et   les  lettres   de  Pierre  de  Poitiers.   L'édition 
publiée  en   i546  à  Ingolstad ,  in-4°,  par  les  soins  de  Jean 
Hofmeister,  ne  contient  que  les  livres  contre  les  Pétrobusiens. 
Un  recueil  moins  incomplet  des  ouvrages  de  Pierre-le-Véné- 
rable se  trouve   dans   la  bibliothèque  de  Cluni ,  avec  des 
notes  fournies  par  André  Duchesne  a  l'éditeur,  dom  Marrier. 
De  cette  bibliothèque,  mise  au  jour  en  16 14,  les  écrits  de 
Pierre  de  Cluni  ont  passé  dans  celle  des  Pères,  imprimée  à 
Lyon  en  1677.  André  Duchesne  avait  inséré  quatre  lettres  8i3-ii42- 
historiques  du  vénérable  abbé,  dans  le  tome  IV des  historiens      P-  458-461, 
de  France  ;  M.  Brial  en  a  réimprimé  trente-quatre ,  dans  un 
meilleur  ordre,  au  tome  XV  de  la  grande  Collection  des  53:^,535. 
mêmes  historiens.  La  partie  qui,  dans  le  Traité  contre  les      P. 625-655. 
Pétrobusiens,  concerne  le  sacrifice  de  la  messe ,  a  été  souvent 
imprimée  à  part  :  à  Mayence ,  en  1 549  ;  à  Louvain ,  en  1 56 1  ; 
à  Venise  ,  en  1672;  à  Rome,  en  iSgi;  à  Paris,  en  1610  et 
Tome  XIII.  \A 


P.58g-i376. 


T.  XXII ,  p> 


outre  4  àSuger, 
ibid.    p.     5o2 


û66  PIËRRE-LE-VÉNÉRABLE. 

XII  SIECLE.  iGay,  toujours  in-8°.  L'édition  de  Mayence  est  due  à  Jean 
Coclilée ,  et  renferme  d'autres  écrits  sur  le  même  sujet  :  c'est 
un  recueil  intitulé  Spéculum  antiquœ  devotionis  supra  mis- 
sam.  L'édition  de  Louvain,  donnée  par  Jean  Ulimmier,  est 
un  autre  recueil  sur  la  même  matière ,  et  porte  pour  titre  : 
%  De  vetitate  cot'poris  et  sanguinis  D.  N.  J.  C.  auctores  vetusti. 

Quant  aux  éditi;  ns  de  Venise,  de  Rome  et  de  Paris,  ce  sont 
des  copies  de  celle  de  Mayence.  Les  deux  livres  de  Pierre  sur 
les  miracles  ont  eu  aussi  plusieurs  éditions  particulières  :  à 
Douai,  chez  Bélier ,  en  iSgo  et   i5(j6,  in-12;  à  Cologne,  en 
i6io,  in-4°;  à  Cologne,  en  161 1,  in- 12;  à  Cologne  encore, 
en  i(j'if\ .  in-4''-  Enfin  les  vies  de  Pons  et  de  Matthieu,  ex- 
traites de  ce  Traité  des  miracles ,  se  retrouvent  p.armi  les 
preuves  de  l'histoire   des  cardinaux  français ,  d'André  Du- 
T.  II, p.  81-  chesne.  On  peut  dire  qu'il  n'existe  point  d'édition  complète 
des  ouvrages  de   Pierre- le-Vénérable,   puisque  les  biblio- 
thèques de   Cluni  et  des  Pères,  où  ils  sont  en   plus   grand 
nombre  qu'iiilleurs  ,  ne  contiennent  pourtant  ni  les  deux 
livres  contre  Mahomet,  publiés  dans  X^mplissima  coUectîo 
T.  IX,  page  (Je  Martène  et  Durand,  ni  les  trois  sermons  insérés  dans  le 
"t'y  pi"  in  Thésaurus  Anecdotoruni ,  ni  plusieurs  lettres,  opuscules  et 
-i/,5o.'  chartes,  qui  ont  poiu'  éditeurs  Mabillon  ,  Martène ,  Dachei'i 

Anal,  in-fol.    gf  BaluZC. 

^  Inecd.  t.  I  V'ii^  traduction  française  du  traité  contre  les  Pétrobusiens 
p.  407  -  /,o()  '  est  intitulée  :  «  Les  œuvres  du  bon  et  ancien  père  Pierre , 
'iiC.  ,c  abbé  de  Cluni,  contemporain    du   vénérable  abbé  saint 

p.  rîî  1  33"^.   '  *  Bernard,  contre  les  hérétiques  de  son  temps,  où  se  voit 
Mise,  i.v,  p.   «  la  vraie  succession  de  doctrine  et  tradition  de  l'église  catho- 
''i4^-45\;t.vi,   ((  lique  ,  depuis  sa  naissance  jusqu'à  maintenant,  traduites 
00,   01.       ^^  ^^^  latin  de  l'auteur  eJi  français,  par  Jean  Bruneau ,  con- 
te seiller  et  avocat  du  roi ,  en  l'élection  et  grenier  à  sel  de 
I  a  Gien.  A  Paris,  chez  Guillaume  de  la  Noue,  iô84,  in-8*'.  y> 

La  partie  de  ce  Traité ,  qui  est  relative  à  leucharistie ,  avait 
paru  en  français  dès  i5[j3,  sous  ce  titre:  «  Traité  du  saint 
«  Sacrifice  de  la  messe ,  recueilli  des  écrits  du  vénérable  abbé 
«  Pierre  ,  jadis  abbé  de  Cluni ,  et  traduit  maintenant  en 
«  français ,  en  faveur  de  ceux  cjui  nouvellement  se  sont  réu- 
«  nis  à  l'église  catholique,  apostolique  et  romaine,  par  M.  Nico- 
«  las  Chesneau.  AReims,  chez  Jean  de  Foigny,  iby3,  in-8°.  » 
Quelques  morceaux  de  Pierre-le-VénéraJjle  sont  employés, 
comme  leçons,  dans  l  office  du  S.  -  Sacrement ,  traduit  en 
français  par  MM.  de  Port-Royal.  Lue  traduction  de  la  cir- 


PIERRE-LE-VP:NÉRABLE.  267 

culaire  de  l'abbë  de  Cluni ,  sur  la  mort  de  sa  mère  Ringarde ,    ^n  SIECLE, 
fait  partie  des  vies  de  Saints  d'Arnaud  d'Andilly.  p.  350-384 


« 


§  IX. 
OBSERVATIONS  GÉNÉRALES. 


Paris  ,     1675 
in- fol. 


Il  nous  semble  que  les  éerits  de  Pierre-le-Vene'rable  an- 
noncent plus  de  facilite  que  de  talent,  plus  de  vivacité  que 
d'imaginat'on  ,  plus  d'esprit  que  de  connaissances.  Il  avait  lu 
les  meilleurs  ouvrages  des  pères  de  l'église,  et  la  plupart 
des  livres  classiques  de  l'ancienne  Rome  :  mais  ces  premières 
études  n'avaient  été  ni  assez  étendues,  ni  assez  profondes, 
pour  le  prémunir  contre  le  mauvais  goiit  et  les  fausses  mé- 
thodes de  son  siècle.  Il  y  a  souvent  de  l'aisance  et  quelquefois 
de  la  grâce  dans  ses  épîtres  :  mais  il  s'applique  à  les  rendre 
diffuses ,  et  il  estime  la  prolixité.  Sa  raison ,  naturellement 
saine  et  droite,  n'est  pourtant  point  aguerrie  contre  les  rela- 
tions fabuleuses  ;  dans  ses  deux  livres  sur  les  miracles ,  peu 
s'en  faut  que  sa  crédulité  n'égale  celle  des  plus  naïfs  légen- 
daires. Les  théologiens  louent  ses  traités  polémiques,  recom- 
mandables  en  effet  par  l'orthodoxie  des  opinions ,  par  la 
clarté  des  discussions ,  et  souvent  «par  le  choix  des  preuves. 
Observons  sur-tout  que  les  formes  y  sont  en  général  moins 
scholastiques  ,  moins  barbares  que  dans  plusieurs  autres 
controversistes  de  la  même  époque.  Ajoutons  que  le  caractère 
moral  de  l'abbé  de  Cluni  se  peint  et  se  fait  aimer  dans  ses 
ouvrages  :  l'activité  et  la  bonté  sont  les  deux  principaux 
traits  de  ce  généreux  et  vénérable  caractère.  Pierre  s'est  sur- 
tout honoré  par  les  hommages  qu'il  a  rendus  à  deux  de  ses 
plus  illustres  contemporains ,  à  saint  Bernard ,  qui  ne  l'avait 

f)as  toujours  ménagé,  et  à  Pierre  Abailard ,  dont  les  talens,  les 
umières  et  l'infortune  n'ont  pas  obtenu  par-tout  le  même 
accueil  et  les  mêmes  égards  que  dans  l'abbaye  de  Cluni. 

D. 


Lift 


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\I1  SIECLE. 

OTHON  DE  FRISINGUE. 

SA    VIE. 

Manriq. Ann.  Othon  DE  Frisingue  était  fils  de  saiiit  Léopold ,  mai- 
Cistrrc.adann.  q^jg  d' Autriche ,  et  d'Agnès,  fille  de  l'empereur  Henri  IV ^ 
i'^i'27c!a  If^que-lle,  ayant  d'abord  épousé  Frédéric,  duc  de  Souabe,^ 
n.8,  ii3i;c.  5^  avait  eu  de  ce  premier  mainage  Frédéric,  qui  posséda  ce 
n.^io  et  II,  mèmedviché,  et  Conrad,  roi  des  Romains.  Petit  fils  de  Henri  IV, 
lîv'cis  n  e'  beau-frère  de  Henri  V,  frère  utérin  de  Conrad  III,  oncle  de 
iiSgjc.  io,n!  Frédéric  Barberousse ,  Othon  tient  à  cjuatre  des  empei'eurs 
I  et  2  ,  1140;  q^i  ont  régné  au  XIF  siècle.  Saint  Léopold,  après  les  pre- 
M  ii!m  l'i 58-  rni^ï'^s  études  de  son  fils  Othon,  le  nomma  prévôt  du  cha- 
c.  5,n.  I,  2,  3,  pitre  de  Neubourg  en  Avitriche  :  mais  le  jeune  homme,  avide 
iiSg;  c.  5,  11.  d'instruction,  vint  à  Paris,  et  y  fr-éqvienta  les  écoles  durant 
vfsch^B^brëVs*.  Quelques  années.  En  T126,  il  prit  l'habit  rehgieux  dans 
terc.  p.  255-  1  abbaye  de  Morimond,  or,dre  de  Citeaux;  douze  ou  quinze 
257.  — Henriq.  jeunes  gcus  de  son  âge  et  de  son  pays  en  firent  autant,  et 
afs^'^io'  c  ^'  quelques-uns  étaient  comme  Lui  d'une  naissance  illustre  : 
p.  108.'—  Eg'.  par  exemple,  Henri  de  Carinthie,  qui  fut  depuis  évêque  de 
BuiseiHist.uni-  Troyes.  Les  supérieurs  d'Othon  le  renvoyèrent  à  Paris  pour 


p!"ioo*  "Vîi^'  y  étudier  la  philosophie  et  la  théologie.  De  retour  à  Mori 
225  ,  23.).  —  mond ,  il  remplit  si  parfaitement  les  devoirs  de  la  vie  reli- 

Frehe-    i''- -*        "  '"'    '    ■     ^-       '  '    -'     '- ''   -     --'^- 

IlIs 

P 


eher,  Tlieat.  gieusc ,  qu'il  fut  fait  abbé  de  ce  monastère  vers  l'an   ii3i. 
1. 1    ,  F  IV,  "gp  1^^^-^  ^^^g  après ,  il  se  vit  appelé  à  l'évêché  de  Fri- 

j-i^ig— Cen-      .1  p  i        ^         'i  -^^     l      T*^  '  v       l 

tur.  Magdcb.  suîgue  :  ce  lUt  alors  quil  quitta  la  l^rance,  ou  il  avait  passe 
centiir.  XII ,  c.  1^  plus  grande  partie  de  sa  vie;  car  il  paraît  qu'il  ne  parvint 
î/q6^_*  GaV  poi^t  à  la  vicillesse.  Ce  long  séjour  en  France  nous  autorise 
Christ,  nov.  t.  d'autaiit  plus  à  lui  donner  une  place  dans  cette  Histoire  litté- 
IV,  p.  Si 5,  raire,  qu'ayant  voulu,  en  ii58,  se  rendre  au  chapitre  de 
nht^rlcP'uy  Cîteaux,  et  s'étant  arrêté  à  Morimond ,  il  y  mourut  le  21  ou 
Lxix,  n.  20,  le  22  septembre  de  la  même  année.  Il  avait  été,  dit-on  ,  averti 
iiv.LXX,n.26.  de  sa  mort  prochaine  en  quittant  son  neveu  Frédéric,  qu'il 
— -  1  emont ,  youlut  pas  suivrc  en  Italie:  il  lui  avait  recommande  les 
—  Mabiiion  ,  intérêts  de  l  egnse  de  l^nsnigue,  et  particuherement  la  liberté 
op.  s.  Beri).  t.  de  l'électioii  de  l'évêque  qui  lui  succéderait.  La  vie  épiscopale 


OTHON  DE  FRISINGUE.  1*69 

d'Othon  fournit  assez  peu  de  détails  :  il  racheta  des  biens  ^^^  siècle. 

ecclésiastiques    aliénés  ou    perdus  ;  il  fit   reprendre   à  son  i.  ciiron  Bem 

clergé  des  mœurs  régulières.  En  ii4ii  il  fonda  dans  son  p.  iv.  —  Ma- 

diocèse  le  monastère  de  Celle-Neuve,  de  l'ordre  des  Prémon-  biiion.desÉtu- 

trés  ;  en  ii47i  il  fut  l'un   des  prélats  qui  accompagnèrent  \^\  '".""o^'p 

Conrad  dans  son  expédition  à  la  Terre -Sainte,  et  qui  sié-  11,   c.  2/,.'  — 

gèrent  à  l'assemblée  d'Acre  avec   les  princes  croises.  Mais  ^o»"»"*  traves- 

on  rapporte,  et  ce  fait  tient  davantage  à  l'histoire  des  lettres,  a'e'i.— 'Rade*vi7 

qu'il  a  contribué    plus  qu'aucun  de    ses   contemporains  à  de  Oest.  Fiîd. 

introduire  chez  les  Allemands  la  philosophie  d'Aristote.  Du  ^'''-H'  c.  xi.— 

reste,  il  vécut  d'une  manière  si  édifiante,  qu'après  sa  mort,  AÎbericiChron 

des  miracles  opérés ,  dit-on  ,  sur  sa  tombe ,  l'ont  fait  inscrire  ad  ann.  nis  , 

dans  le  catalogue  des  saints  de  l'ordre  de  Cîteaux.  Mais  il  est  ''^g. 

encore  plus  connu  par  ses  travaux  littéraires  que  par  sa  iib.*^xvii  ^^c 

sainteté»  i.Maimboùrgi, 

(T     JJ^  Hist.  des  Crois. 

•''  *  liv.  III,  p.  2g2, 

.  3i4  ,    38i.  = 
SES     ECRITS.  Menol.  Cisterc. 

ad  7  sept. 

On  lui  attribue  des  opuscules  de  dialectique  et  de  philo- 
sophie ,  qui  n'ont  jamais  été  imprimés,  et  une  Histoire  d'Au- 
triche ,  qui  est  aussi  restée  manuscrite.  Il  se  pourrait  que 
cette  histoire  ne  tut  que  le  premier  livre  de  celle  de  Frédéric 
Barberousse,  dont  nous  allons  bientôt  rendre  compte,  et 
que  les  opuscules  philosophicjues  se  réduisissent  à  certaines 
digressions ,  qui  interrompent  quelquefois  le  cours  des  deux 
ouvrages  historiques  d'Othon  de  Frisingue.  Parmi  des  sen- 
tences recueillies  par  Alain  de  l'Isle  ,  et  publiées  par  Barthius 
et  Almeloveen,  on  l'encontre  trente-huit  petites  pièces  de     Barthiiadrer- 
vers  latins,  dont  l'auteur  porte  le  nom  d'Othon  :  mais  est-ce  "'l^ '''^' ^^^^' 
bien  celui  qui  nous  occupe  en  ce  moment.'^  Nous  devons  =Aimeio\'een; 
avouer  que  nous  manquons,  sur  ce  point,  de  renseignemens  Epigramm.    et 
positifs.  Voici,  au  surplus,  quelques-uns  de  ces  vers,  qui  P°«™a'"'«'''ra. 
sont  tous  hexamètres:  8°,  p.  1,6-^2. 

=Leyseri,  Hist. 
Qiiid  non  vel  aurum  vel  honorum  sacra  cupido,,  poet.  iMed.  xw^ 

Quid  non  ambitio  et  fidvi  skis  audeat  auri !  "'      "'■ 

Un  tel  lieu  commun  n'appartient  eîi  pi'opre  à  personne.  La 
quatorzième  pièce  ne  consiste  cju'en  ce  seul  vers  : 

Securos  pierùmque  niinis  sors  negli^it  ivsa. 


:i-o  OTHON  DE  FRISINGUE. 

•  -■-■'*. 
XII-  Siècle.    Deux  vers  composent  la  trente-huitième  et  dernière  pièce  : 

Nonnumjuhm  nocucsse  reor  differre  paratis  ; 
Nonnunquam piodessc  moras,  viens  spectct utrwnqiie. 

m 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  à  une  charte  d'Othon  de 
Chrouicon  Frisinguc ,  datée  de  1 155,  et  par  hiquelle  il  exempte  les  cha- 
iVionasteruRei-  xioines  réguliers  de  ReicherslDerg  cle  toute  redevance  pour 
\n-^\  —  Pe'z!  Iss  terres  qu'ils  possédaient  dans  son  diocèse.  Cette  charte 
Anecd.i,pra;f.  nous  apprend  seuleiTient  que  Rahewin ,  chancelier  de  l'église 
p.  XIV,  n.  28.     (}g  Frisingue,  est  l'auteur  d'un  opuscule  en  vers  rimes,  inti- 
tulé Floscidus ,  dédié  au  pape  Honorius  II ,  et  divisé  en  deux 
livres ,  qui  contiennent  des  sentences  théologiques ,  l'un  sur 
la  Sainte  Ti'inité ,  et  l'autre  sur  les  Anges.  Qu'il  nous  suffise 
aussi  de  faire  une  simple  mention  d'une  lettre  écriti"   par 
Ampl.CoUect.  Otlion  à  Wibaud,  en  11 5a,  et  publiée  par  D.  Martène  :  elle 
t.  II ,  p.  52/,  ,  explique  ce  verset  du  psaume  28  :  Attotlite  portas,  principes 
'vestras,  eleK'amini,  portœ  œteniales...  Quis  est  iste  rex  gloriœ? 
Nous  nous  hâtons  d'arriver  à  deux  ouvrages  considérables 
d'Othon  de  Frisingne;  sa  Chroniejue  ou  Histoire  universelle, 
depuis  le  commencement  du  monde  jusqu'à  l'an  1 146,  et  son 
Histoire  de  l'empereur  Frédéric  Rarberousse. 

La  Chronique  est  annoncée  par  trois  pièces  préliminaires  : 
I  "  une  dédicace  à  Frédéric  Rarberousse ,  qui  avait  commandé 
ou  demandé  l'ouvrage  ;  2°  une  lettre  au  chancelier  Reynald, 
pour  l'inviter  à  disposer  favorablement  le  prince,  de  telle 
sorte  que  ses  oreilles  impériales  ne  s'offensent  pas  de  cer- 
taines vérités  peu  honoraoles  à  la  mémoire  de  quelques-uns 
de  ses  devanciers  ;  3°  une  lettre  à  Singrimus ,  qui  avait  ex- 
horté Othon  à  composer  cette  chronique  :  Othon  déclare, 
dans  cette  troisième  lettre,  qu'il  a  pris  pour  guides  saint  Au- 
gustin et  Orose  ;  il  cite  le  vers  d'Horace , 

Scribiinus  indocti  doctique  poemata  passiin  ; 

et  parle  de  l'usage  qu'il  a  fait  des  livres  de  Trogue  Pompée , 
de  Justin  ,  de  Varron  ,  d'Eusèbe ,  de  saint  Jérôme  et  de  Jor- 
nandes.  Nous  devons  remarquer  ici  que,  lorsque  Trogue 
Pompée  est  cité  dans  le  cours  de  l'ouvrage,  ce  sont  toujours 
des  textes  de  Justin  qui  sont  transcrits. 

Le  premier  livre  de  la  chronique  contient  trente-trois 
chapitres,  et  conduit  l'histoire  ancienne  jusqu'au  temps  de 


OTHON  DE  FRISINGUE.  ^71 

Romulus.  1^'auteur  commence  par  diviser  la  terre  en  trois  ^^^  siècle. 
pjirties  ,  l'Asie,  l'Europe  et  l'Alrique  ;  mais  il  ajoute  que, 
l'Afrique  ayant  fort  peu  d'étendue ,  plusieurs  la  réunissent  à 
l'Europe.  Il  extrait  de  la  Bible  et  de  l'historien  Josèphe  les 
faits  les  plus  importans  de  l'Histoire  Sainte,  dqjuis  Adam 
ju.squ'à  Elisée.  Il  puise  principalement  dans  Justin  les  articles 
d'iiistoire  profane.  Il  y  mêle  quelques  récits  mythologiques, 
et  recueille  sur- tout,  mais  sans  trop  les  garantir,  les  tradi- 
tions relatives  aux  origines  des  empires  et  à  la  fondation  des 
villes.  Trêves,  par  exemple,  remonte  à  Trebeta,  qui,  chassé  c.  8. 
d'Assyrie  par  Sémiramis,  sa  belle- mère,  vint  bâtir  cette  cité 
dans  les  Gaules.  Le  ^trente-deuxième  chapitre  est  une  sorte 
d'amplification  sur  l'instabilité  des  choses  humaines  ;  le 
trente-troisième  et  dernier  n'offre  qu'une  nomenclature  des 
rois  d'Assvrie ,  depuis  Bélus  jusqu'à  Sardanapale. 

Un  court  prologue  à  la  tête  du  second  livre  nous  apjîi-end 
que,  tandis  que  l'auteur  le  composait,  le  duc  de  Welfon 
î-avageait  le  territoire  de  Frisingue.  On  parcourt ,  dans  le 
second  livre,  les  sept  siècles  qui  s'écoulèrent  entre  la  nais- 
sance de  Romulus  et  la  moi't  de  Jules  César.  Les  principaiix 
traits  de  l'histoire  des  Juifs ,  des  Perses ,  des  Grecs  et  des 
Romains  y  sont  recueillis,  ceux  du  moins  qui  l'avaient  été 
par  Justin  et  par  Orose  :  car  on  a  lieu  de  soupçonner 
qu'Othon  n'avait  lu  ni  Hérodote ,  ni  Thucydide ,  ni  Xéno- 
phon,  ni  Polybe,  ni  peut-être  même  Tite-Live.  C'est  pour 
l'ordin;iire  chez  les  abréviateurs  qu'il  puise  les  matériaux 
de  son  propre  abrégé.  Les  déclamations  qu'il  y  ajoute  ont 
toujours  pour  objet  la  fragilité  des  grandeurs  terrestres.  Ce 
lieu  commun  se  reproduit  dans  quatre  chapitres  de  ce  livre, 
au  quatorzième,  k  l'occasion  de  la  mort  de  Cyrus,  racontée 
ici  comme  dans  Justin;  au  vingt-cinquième,  après  la  mort 
d'Alexandre,  empoisonné,  selon  l'auteur  et  selon  Justin, 
par  ses  officiers;  au  quarante-troisième,  après  la  chute  de 
Carthage,  de  Corinthe  et  de  Numance  ;  enfin  au  cinquante- 
unième  et  dernier  chapitre,  intitulé  :  Exclamatio  contra 
reruin  mutahiUtates. 

Le  prologue  du  troisième  livre  est  l'un  des  plus  étendus  : 
l'auteur  y  expose  les  causes  et  les  effets  de  l'incarnation  du 
verbe.  Ce  livre  contient  essentiellement  l'histoire  des  trois 
premiers  siècles  de  l'ère  vulgaire.  Toutefois  les  six  premiers 
chapitres  retracent  fort  rapidement  quelques  faits  antérieuis 
à  la   naissance  de   Jésus -Christ  ;    la   mort  de   Brutus  et  de 


2-u  OTHON  DE  FRISINGUE. 


/ 


XII  SIECLE.  Cassius  ,  la  bataille  d'Actiiim  ,  la  soumission  des  Parthes ,  et 
certaines  circonstances  du  règne  d'Auguste ,  de  cet  Auguste 
qui ,  maître  du  monde ,  refusa  le  nom  de  seigneur ,  grande 

C-  5.  leçon ,  ajoute  l'évêque  de  Frisingue ,  pour  les  prêtres  dont 

l'orgueil  reclame  ce  fastueux  titre.  La  naissance  de  Jésus- 

C.  7.  Christ  est  ici  fixée  à  l'anne'e  ^2  du  règne  d'Auguste,  ySi  de 
Rome ,  55oo  depuis  Adam  ;  revolutù  ah  Adam  quinque  mil- 
lihus  quingentis  anjiis.  Au  chapitre  XI ,  Othon  cite  le  passage 
de  l'historien  Josèphe  sur  Jésus- Christ ,   et  n'élève  auciui 

c.  16.  doute  sur  l'authenticité  de  ce  texte.  Plus  loin ,  il  allègue  avec 
la  même  confiance  les  lettres  de  Sénèque  à  saint  Paul,  et  de 

c.  12.  saint  Paul  à  Sénèque.  Il  raconte  que  Tibère  voulut  placer  le 
Christ  au  nombre  des  dieux  adores  dans  Rome,  que  le  sénat 
s'y  refusa ,  et  que  telle  fut  la  cause  qui  transforma  cet  empe- 
reur jusqu'alors  humain  en  une  bête  féroce;  ob  quani  causam 
ex  mansuetissimo  principe  factus  est  sœvissima  hestia.  Ce 
qu'on  lit  dans  le  reste  du  livre  sur  les  autres  empereurs 
romains  jusqu'à  Constantin ,  sur  les  martyrs ,  sur  les  quarto- 
décimans,  les  manichéens  et  les  autres  hérétiques  des  trois 
premiers  siècles,  ne  diffère  presque  en  rien  de  ce  qu'ont  écrit 
sur  les  mêmes  sujets  la  plupart  des  historiens  ecclésiastiques. 
Seulement,  pour  donner  une  idée  de  la  manière  de  l'auteur, 
et  de  la  concision  remarquable  à  laquelle  il  parvient  cjuel- 
quefois,  nous  transcrirons  ici  le  chapitre  XLIII,  qui  contient 
en  quatre  lignes  l'abrégé  du  règne  de  Probus  :  Anno  ah  in- 
carnatioTie  Domini  281  ,  trigesimus  ah  Augusto  Prohiis 
regnuni  adeptus  ,  harharos  qui  Gallias  occupaverant  pcr 
multa  et  fortia  hella  déficit  ;  deinde  civilihus  beïlis  Saturni- 
nurn  in  Oriente ,  Procuhwi  et  BoTiosuni  apud  Agrippinani 
pressit  :  ipse  vero  apud  Synnium  in  turre  ferratd  a  niilitibus 
interficitur  anno  imperii  sui  VIL  Le  ciuarante- septième  et 
dernier  chapitre  est  une  récapitulation  des  dix  persécutions, 
que  l'auteur  compai'e,  comme  avaient  fait  ses  devanciers, 
aux  dix  plaies  d'Egypte. 

Le  prologue  du  quatrième  livre  traite  de  la  distinction 
tles  deux  puissances.  Si  l'histoire  de  la  Passion  de  Jésus-Christ 
fait  mention  de  deux  épées ,  Pierre  ne  se  servit  que  d'une 
seule,  et  notre  auteur  en  conclut  qu'il  faut  rendre  à  César 
•  ce  qui  est  à  César ,  \  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu.  Mais  déterminer 

rigoureusement  ce  qui  appartient  à  l'autel  et  ce  qui  est  réservé 
au  trône,  ce  problême  n'est  ici  ni  résolu,  ni  même  abordé. 
L'évêque  de  Fi'isingue  exprime  les  vœux  d'un  chrétien  paci- 


OTHON  DE  FRISINGUE.  3^3 

fique,  il  désire  ardemment  le  m;iintien ,  l'accord,  la  prospé-    xil  SIECLE 

rite'  des  deux  jmissaiices,  sans  énoncer  aucune  opinion  précise  " 

sur  l'étendue  et  les  limites  de  l'une  et  de  l'autre.  Les  trente- 
deux  chapitres  de  ce  quatrième  livre  conduisent  l'histoire  de 
l'église  et  des  empires  depuis  Constantin  jusqu'à  Clovis.  C'est 
un  espace  d'environ  deux  siècles ,  savoir  du  IV"^,  et  du  V  de 
notre  ère  vulgaire;  le  livre  commence  à  l'an  3(i,  et  finit  à 
490.  Le  quatrième  chapitre  oifre  un  résumé  de  toute  l'his- 
toire depuis  Adam  juscjuà  Constantin ,  avec  des  réflexions 
moins  neuves  qu'édifiantes.  On  trouve,  dans  la  suite  du  livre, 
l'histoire  abrégée  des  quatre  premiers  conciles  généraux,  celle 
de  saint  Athanase,  de  saint  Ambroise,  de  saint  Augustin ,  du 
pape  saint  Léon ,  celle  enfin  des  empereurs  jusqu'à  Augustule. 
La  chute  de  ce  dernier  amène,  dans  le  trente-unième  cha- 
pitre ,  de  longues  exclamations  sur  les  vicissitudes  de  cette 
vie  mortelle  ;  l'auteur  assure  qu'il  ne  peut  absolument  se  dis- 
penser de  cette  tirade  :  Exclamare  contra  rerum  mutabiliuin 
miserias ,  tempore  et  loco  exigente ,  cogimur.  Le  chapitre  3a 
traite  de  l'origine  des  Francs ,  et  fait  dériver  le  nom  de  la  loi 
salique  du  nom  de  Salagastus  (|ui  la  composa  :  ah  hoc  Sala- 
gasto  legeni  qiiœ  ex  noiitine  ejus  Saliva  usque  hocliè  vocatur, 
inventaiu  dicunt.  Voici  quelques  lignes  qui  concernent  l'ori- 
gine de  notre  langvie ,  et  qui  ne  sont  pas  tort  instructives  : 
Romani  etiam  qui  in  Galliis  habitabant ,  ita  ut  nec  reliquice 
ibi  hwenirentur,  externtinati sunt  :  vidctur  mihi  inde  Francos, 
qui  in   Galliis  tnorantur ,   à  Romanis  linguam  eorum  qud 
usque  hodiè  utuntur,  accommodasse  ;  nam  alii ,   qui  circh 
Rhenuin  ac  in    Germanid  remanserunt ,    teutonicd  lingud 
utuntur.  Le  trente-troisième  et  dernier  chapitre  n'est  qu'une 
transition  au  livre  suivant. 

La  science  et  la  puissance  vont  d'orient  en  occident  :  nées 
dans  ^|pde,  elles  ont  traversé  l'Egypte,  la  Grèce  et  l'Italie, 
pour  arriver  en  France.  Ce  grand  résultat  historique  est  ex- 
posé dans  le  prologue  du  cinquième  livre  ,  ou  il  s'agit 
d'ailleurs  de  li  fin  du  monde,  que  l'auteur  croyait  fort  \ïvo- 
chaine.  Les  trente-six  chapitres  de  ce  livre  contiennent  l'his- 
toire du  VP  siècle  ,  du  Vil*' ,  du  VHP  et  pi-esque  de  la  moitié 
du  IX*',  savoir  jusqu'il  8ii.  Justinien  et  ses  successeurs, 
jusqu'à  Michel -le-Begue,  Clovis  et  ses  descendans,  les  maires 
du  palais,  Pépin,  Charlemagne  et  Louis -le -Débonnaire, 
Grégoire-le-Grand  et  quarante  autres  papes ,  trois  conciles 
œcuméniques ,  des  hérésies ,  des  schismes ,  des  institutions 
Tome  XIII.  jVIm 


C.  24. 


^74  OTHON  DE  FRISINGUE. 

XII  SIECLE,  monastiques  :  c'est  évidemment  trop  de  matière  pour  quinze 
ou  seize  pages,  dont  plusieurs  encore  sont  remplies  de  lieux 
communs  sur  l'éternelle  mobilité  des  établissemens  humains; 
mobilité  qui  tient  à  la  nature  même  des  cLoses  et  des  hommes, 
et  sans  la(juelle,  après  tout,  il  n'y  aurait  point  d'histoire. 
Malgré  la  variété  et  la  multitude  des  laits  dorit  l'auteur  paraît 
accablé,  et  qu'il  démêle  bien  péniblement,  U  consacre  l'un 
des  plus  longs  chapitres  de  ce  livre  à  saint  Corbinien,  évêque 
de  Frisingue,  au  VHP  siècle;  et,  sur  ce  propos,  il  décrit  le 
territoire  de  cette  ville  :  Mons  in  pulchenimo  et  aniœnissimo 
loco  positifs ,  linipidissiniamm  aquarwn  ac  prœcipuè  Isarœ 
ropiclissimi  fliH'ii  cursu  coiispiciius ,  totam  ilîius  regionis  faciem 
et  ex  australi  plagâ  latissimmn  campi  planitiem  tanquam  e 
spécula  longé  latcqiie  contemplons.  Nous  citerons  encore , 
pour  faire  c.  nnaître ,  autant  qu'il  est  en  nous ,  Othon  de  Fri- 
singue, l'un  des  miracles  cpi'if  attribue  à  saint  Corbinien.  Ce 
prélat    avant  demandé    la   grâce    d'un    voleur    qu'on    allait 

Ï)endre,  et  ne  l'ayant  point  obtenue  des  juges,  fit  le  signe  de 
a  croix  sur  le  patient.  Trois  jours  après  son  supplice,  le 
Yoleur  vivait  encore,  quand  saint  Corbinien  vint  le  réclam>  r 
au  nom  du  roi  Pépin,  qui,  dans  cet  intervalle,  le  lui  avait 
accordé  mort  ou  vif. 

In  se  magna  ri/imt.  Cet  hémistiche  est  paraphrasé  dans  le 
prologue,  d'ailleurs  assez  court,  du  sixième  livre.  Ravages 
des  Normands ,  décadence  de  la  dynastie  carlovingienne , 
règnes  des  trois  premiers  rois  capétiens ,  schisme  de  l'église 
grecque  ,  catastrophes  à  la  cour  de  Constantinople ,  entre- 
prises de  Bérenger  en  ItaUe ,  couronnement  de  Conrad 
comme  empereur  électif,  pontificat  d'Hildebrand  ou  Gré- 
goire VII  :  tels  sont  les  principaux  événemens  rassemblés 
dans  ce  livre ,  où  l'on  parcourt  un  espace  d'environ  deux 
cent  cjuarante-cinq  ans,  depuis  84 1  jusqu'en  io86.  U-existe 
deux  leçons  du  chapitre  ao  ;  la  seconde  a  été  publiée  par 
Pierre  Pithou,  d'après  un  manuscrit  conforme  aux  autres 
maimscrits  en  presc[ue  tout  le  reste.  Ces  deux  leçons  diffèrent 
tellement  en  rédaction  ,  qu'on  ne  retrouve  presque  jamais  les 
mêmes  phrases ,  les  mêmes  constructions  en  l'une  et  en 
l'autre  ;  mais  le  fond  est  essentiellement  le  même  :  il  s'agit 
des  triomphes  d'Othon- le -Grand  sur  Jes  Hongrois  et  sur  les 
Esclavons  en  c)(i5  et  durant  les  années  suivantes.  Le  chapitre 
3o  nous  présente  une  distribution  géographique  des  Gaules  : 
l'auteur  y  distingue  la  Gaule  cisalpine  et  la  transalpine.  La 


OTHON  DE  FRTSINGUE.  276 

première ,  appelée  aussi  Togata,  est  comprise  entre  le  Pô  et  les  ^^i  SIECLE. 
Alpes;  la  seconde,  autrement  nommée  Comata ,  se  divise  en 
trois  parties,  la  Gaule  belgique,  la  Gaule  lyonnaise,  et  la  Gaule 
celtique,  qui  comprend  l'Aquitaine.  D'autres  auteurs,  ajoute 
Othon  de  Frisingue,  font  de  l'Aquitaine  une  des  trois  parties 
principales,  et  nomment  les  deux  autres  Gaule  lyonnaise  et 
Gaule  belgique,  en  comprenant  sous  cette  dernière  la  cel- 
tique :  ils  distinguent  en  conséquence  trois  primats  ,  celui 
de  Trêves  pour  la  Belgique,  celui  de  Lyon   pour  la  Gaule  ^ 

lyonnaise ,  et  celui  de  Bourges  pour  l'Aquitaine.  On  peut 
enfin  réduire  ces  trois  parties  à  deux,  savoir  la  Belgique  et 
la  lyonnaise,  et  ne  compter  ainsi,  en-deçà  et  au-delà  des 
Alpes,  que  trois  Gaules,  la  cisalpine,  la  lyonnaise  et  la  bel- 
gique. Le  chapitre  3i  fait  mention  de  l'incendie  de  Parme 
en  1089,  et  d'un  rhythme  en  forme  de  tragédie,  rhythmiirn 
in  moàum  tragœdiœ ,  composé  sur  ce  désastre.  Le  mot  de 
tragédie  ne  doit  signifier  ici  que  complainte ,  si  l'on  en  juge 
par  les  deux  vers  qu'Othon  de  Frisingue  a  transcrits ,  et  qui 
commençaient  la  pièce  : 

Qui  habet  voccin  serenam, 
Proférât  hanc  cantilenam. 

Au  chapitre  35  ,  il  est  parlé  d'une  comète  qui  parut  en  io6f), 
et  qui  ,  dit  l'auteur ,  ne  resta  point  sans  effet ,  effecta  non 
cariiit,  puisqu'en  cette  même  année  Guillaume  de  Norman- 
die conquit  l'Angleterre.  Le  trente-sixième  et  dernier  cha- 
pitre se  termine  par  un  court  récit  de  la  mort  de  Grégoire  VU 
et  par  un  éloge  de  ce  pontife,  déjà  trop  loué  dans  les  cha- 
pitres précédens  :  Forma  gregis  factus ,  qiiod  verho  docuit, 
exemplo  denionstravit ,  ac  fojfis  per  ODinia  athleta ,  niurum 
se pro  donio  domini ponere  non  timuit...  Ecclesui  tanto pas- 
tore  qui  inter  oinnes  sacerdotes  et  romanes  pontijices prœcipui 
zeli  ac  auctoritatis  erat ,  orhata ,  dolorem  non  modicwn 
habuit. 

Dans  le  prologue  du  septième  livre,  il  s'agit  de  la  bonté 
de  Dieu  et  de  la  perverse  ambition  des  prêtres ,  de  ceux  par- 
ticulièrement qui  s'efforcent  de  frapper  les  empires  du  glaive 
même  qu'ils  tiennent  de  la  grâce  des  empereurs  :  C  ulpandi 
sacerdotes  per  omnia  qui  regnum  suo  gladio  quem  ipsi  ex 
regum  hahent  gratid  ferire  conantur;  à  moins  cependant, 
ajoute  l'auteur,  et  cette  restriction  peut  sembler  étrange,  à 

M  m  1 


276  OTHON  DE  FRISINGUE. 

XII  SIECLE,  moins  qu'ils  n'aient  l'intention  d'imiter  David ,  qui  se  servit 
du  glaive  de  Goliath  pour  l'égorger  :  Nisi  forte  Dai'id  iini- 
tari  cogitent,  qui  Philistœum...  proprio  giadio  jugulmit.  Ce 
livre  n'embrasse  qu'environ  soixante  ans  ,  puisqu'il  com- 
mencQ  en  108G  [defancto  Salcrni  Gregoiio  l  II)-,  et  qu'il 
finit  en  ii46.  Cet  intervalle  renferme  la  première  croisade 
et  les  préparatifs  de  la  seconde,  les  deux  premiers  conciles 
de  Latran,  la  fin  du  règne  de  l'empereur  Henri  IV,  les  règnes 
d'Henri  V,  de  Lothaire  et  de  Conrad  III,  ceux  des  Comnènes 
à  C.  P.  ;  en  France,  ceux  de  Philippe  P'*",  de  Louis  VI,  et  en 

Méthodepour  pap^ie  de  Louis  VII.  Quoi  qu'en  dise  Lenolet  du  Fresnov, 

étudier     l'hisl.    i      .  .  ,.  i         ^       '        i  '^  i  i-       ' 

t.  x,p.  iSqde  qui  regarde  ce  livre  et  les  preceuens  comme  plus  digues 
ledit,  de  1772,  d'attention  que  les  autres,  il  nous  semble  quOthon  a  ieté 
iSvol.  m-i2.  i^ien  peu  d'intérêt  sur  des  faits  si  voisins  du  temps  ou  il 
écrivait,  et  de  la  plupart  desquels  il  avait  été  presque  témoin. 
Ses  récits  conservent  le  même  caractère  que  (fans  ce  qui 
précède , et  sont  interrompus  pai'  le  même  genre  de  reflexions. 
Toujours  linconstance  de  la  fortune,  l'instabilité  des  gran- 
deurs, la  mobilité  du  monde  :  Vaiietas  luinianamin  renim, 
nnindi  vo/iibi/itas ,  niutabiliuin  revwn  séries.  C'est  par- là 
qu'il  termine  cette  chronique  au  chapitre  34  de  ce  livre,  en 
indiquant  d'ailleurs  l'année  11 46  comme  celle  où  il  écrit. 
Mais  il  faut  bien  qu'il  ait  fait  plus  tai'd  quelques  corrections 
et  additions  à  cet  ouvrage,  puisqu'il  y  parle  (  liv.  V,  c.  18)  de 
la  croisade  de  ii47i  quod  et   nuper  dian  Hierosolymitana 

expeditio  sub    Conrado ageretur, experti  Jiiimus ;  eX. 

(  liv.  VIÏ ,  c.  3 1  )  du  Traité  de  la  Considération  ,  adressé  par 
saint  Bernard  au  pape  Eugène  ,  ad  Eugcnium  venerahilis 
Bernardus  librum  de  Consideratione  sui,  quatuor  distinctio- 
nihus  ordinatum  conscripsit.  Le  livre  septième  n'est  d'ailleurs 
terminé  que  par  un  trente -cinquième  chapitre,  oii  Fauteur 
a  rassemblé  quelques  notices  sur  les  ordres  religieux ,  et  un 
catalogue  chronologique  des  papes  jusqu'à  Adrien  IV,  et  des 
rois  jusqu'à  Frédéric  Barberousse  ,  dont  le  règne  ne  com- 
mence qu'en  11  Sa.  Les  éditeurs  d'Othon  ,  au  XVP  siècle, 
ont  prolongé  ce  catalogue  jusqu'à  Léon  X  et  Charles -Quint. 
C'est  aussi  à  une  main  étrangère  qu  il  faut  attribuer  un  trente- 
sixième  chapitre,  où  les  commencemens  du  i-ègne  de  Frédéric 
Barberousse  sont  brièvement  retracés. 

Mais  Othon  de  Frisingue  est  l'auteur  d'un  traité  de  la  fin 
du  monde ,  qu'il  a  joint  à  sa  chronique  comme  huitième  et 
dernier  livre.  Le  prologue  ronle  sur  la  distinction  des  deux 


OTHON  DE  FRISINGUE.  277 

cités,  la  cité  sainte  et  la  cité  perverse.  Celle-ci  suscite  à  la  ^^^  siècle. 
première  quatre  espèces  de  persécutions,  dont  l'auteur  parle 
dans  le  premier  chapitre  :  persécution  par  les  infidèles ,  par 
les  hérétiques ,  par  les  hypocrites  et  par  l'antechrist.  Il  est 
question  ,  dans  les  chapitres  suivans,  et  de  l'antechrist  et  des 
signes  qui  annoncent  le  second  avènement  du  Sauveur.  Que 
le  moiude  doive  finir  par  le  feu,  les  poètes  payens  eux-mêmes 
ne  l'oat  point  ignore  : 

Reminiscere  tempiis 
Affnrc  quo  marc ,  quo  Tellus  iminensaque  regia  cœli 
Afdeat^  et  mundi  moles  immensa  laboret  (a). 

Mais  la  résurrection  des  corps  est  un  dogme  que  les  livres 
saints  ont  pu  seuls  nous  apprendre.  Othon  consacre  plusieurs 
chapitres  a  l'explication  de  cet  article  de  notre  croyance.  Ij^ 
recherche  quels  seront  les  traits,  l'âge  et  le  sexe  des  ressusci- 
tes ,  si  ceux  qui  vivront  en  ce  dernier  jour  mourront  pour 
ressusciter,  confoimément  au  texte  de  saint  Paul  onines  qiii- 
dem  resurgemus ,  ou  si  les  saints  qui  vivront  alors  s'élèveront 
vivans  dans  les  cieux,  conformément  à  cet  autre  texte  du 
même  saint  Paul  :  Mortui  résurgent  primi,  deindè  nos  qui 
inx'imus ,  qui  relinquimur ,  rapiemur  cum  illis  in  nubibus 
obviant  Christo  in  aeru.  L'auteur  demande  aussi  comment 
Dieu  jugerait  les  vivans  et  les  morts ,  s'il  ne  restait  pas  de 
vivans.  Nous  sonnnes  forcés  d'écarter  beaucoup  dautres 
questions  non  moins  difficiles,  cjue  l'auteur  traite  avec  la 
même  sagacité.  Il  incline  vers  l'opinion  de  ceux  qui  adou- 
cissent les  peines  réservées  aux  enfans  morts  sans  naptéme. 
Il  estime  que  le  feu  de  l'enfer  brille  sans  éclairer ,  et  l'oppose 
au  buisson  ardent  qui  luisait  sans  combustion.  A  l'égard  des 
neuf  chœurs  angéliques,  leur  hiérarchie  surpasse  l'intelli- 
gence humaine,  ainsi  qvie  l'auteur  le  déclare  au  commence- 
ment du  long  et  savant  chapitre  qu'il  a  écrit  sur  ce  sujet.  Sa 
théologie  n'est  pas  moins  transcendante  dans  le  reste  de 
l'ouvrage;  il  y  traite  des  proporti^s  qui  régnent  entre  les 

fa)  Othon  de  Frisingue  altère  le  texte  d'Ovide ,  qui  se  lit  ainsi  ; 

Esse  quoque  in  fatis  reminiscùur  affore  tempus 
Quo  mare ,  quo  tellus ,  correptaque  regia  cœli 
Ardeat ,  et  miuidi  moles  opérera  laboret. 

Metamorph.  lib.  I,  v.  i3  — 15. 


278  OTHON  DE  FRISINGUE. 

xn  SIECLE,  ordres  de  bienheureux ,  du  rapport  qui  existe  entre  le 
nombre  des  élus  et  le  nombre  des  anges ,  de  la  béatitude  des 
saints ,  de  la  manière  dont  ils  voyent  Dieu ,  et  de  la  fin  der- 
nière des  deux  cités.  Ce  huitième  livre  a  trente -sept  cha- 
pitres ,  et  le  dernier  est  suivi  d  un  épilogue  qui  ne  se  trouve 
point  dans  tous  les  manuscrits,  et  qui  probablement  n'est 
point  de  l'auteur;  car  il  y  parlerait  de  lui-même  et  de  son 
ouvrage  avec  une  présomption  trop  peu  chrétienne ,  et  dont 
ses  autres  écrits  n'offrent  aucun  exemple.  La  dernière  phrase 
du  chapitre  Sy  est  au  contraire  fort  modeste ,  et  tout  annonce 
qu'elle  termine  en  effet  l'ouvrage  :  Tiium  vero  erit  minus 
dicta  supplere ,  malè  dicta  corrigere  ,  superfliia  resecare , 
meque  in  hoc  salo  mundi  peccatis  oneratwn  laborantein , 
orationwn  tuaiixin  remediis  suhlei'are. 

Le  Traité  de  la  fin  du  monde  n'ayant  point  avec  les  sept 
livres  précédens  une  connexion  très-nécessaire,  on  pourrait 
donner  plutôt  le  nom  de  huitième  livre  de  cette  chronique 
à  celui  cju  Othon  de  Saint-Biaise  y  a  joint.  C'est  en  effet  une 
continuation  de  l'histoire  universelle,  depuis  ii4t)  jusqu'en 
12 10.  Mais  nous  n'avons  rien  à  dire  ici  d'un  travail  fait 
au  XIIP  siècle  par  un  écrivain  qui  paraît  n'appartenir  d'au- 
cune manière  à  la  France. 

Le  second  ouvrage  d'Othon  de  Frisingue  consiste  en  deux 
livres  intitulés  de  Gestis  Frideiici  primi  Cœsaris  Augusti. 
Une  lettre  de  Frédéric  à  Othon  se  lit  à  la  tête  du  premier 
livre  :  Othon  y  est  remercié  de  la  Chronique  dont  nous 
venons  de  parler,  et  invité  à  s'occuper  d'une  histoire  parti- 
culière de  Frédéric.  La  lettre  est  accompagnée  d'un  mémoire 
où  sont  indiqués  sommairement  les  faits  les  plus  remar- 
quables des  cinq  premières  années  du  règne  de  cet  empereur. 
Ce  ne  sont  là ,  dit  Frédéric ,  que  des  ombres,  en  comparaison 
des  grands  traits  que  l'on  admire  dans  la  vie  des  anciens 
héros  :  mais  votre  génie  sait  ennoblir  les  plus  minces  détails, 
et  peu  de  matière  vous  suffit  pour  un  grand  ouvrage. 

Orhon,  dans  le  prologue  de  son  premier  livre,  ne  s'adresse 
à  Frédéric  Barberousse  qifaprès  s'être  occupé  fort  long-temps 
d'un  écrit  qui  avait  circulé  dans  l'Europe,  et  qui,  sous  des 
formes  apocalyptiques,  jiromettait  à  Louis  Vil  de  brillans 
succès  en  Orient,  des  triomphes  pareils  à  ceux  de  Cyrus  et 
d'Hercule.  Plusieurs  lignes  de  cette  prophétie  sont  ici  trans- 
crites par  Othon  :  Ciiin  peiveneris  ad  costam  tetragoni  seden- 
tis  œterni  et  ad  costam  tetragonorum  stantium  œternorum , 


OTHON  DE  FRISINGUE.  279 

et  ad  multiplicationem  heati  nunieri  per  actuale  primwn    ^"  SIECLE. 
cubum....  tuiim  L.    vertetur  in  C.  etc.   Si  ce  lanafaae  parait  ~.  , 

étrange,  ou  nest  guère  moins  étonne  de  celui  que  parle  LouiscnCyms. 
Othon  lui-même,  lorsqu'il  s'engage  en  des  distinctions  scho- 
lastiques,  pour  justifier  la  cjualification  de  spintiis  pere^rini 
dei,  qu'il  donne  à  la  manie  des  croisades  :  Siciit  enini,  dit-il, 
juxfà  quoruindam  in  logicâ  notonim  positionem ,  ciim  non 
formarum,  sed  suhsistentiutn  propriuin  sit  prœdican  seu  de- 
clarari ,  gênera  tanien  et  species  prœdicaniento  transswnpto 
ad  causant  prœdicari  dicnntur ,....  sic  et  causam  dicti  consi- 
dérantes,  spirituin  peregrini  dei  dicimus ,  qui  ut  lot  et  tanti 
propter  Deum  peregrinandi  habitum  assumèrent  causa  fuit. 
C'est  à  la  suite  de  cette  discussion  qu'Othon  félicite  Frédéric 
de  ce  que  ,  seul  entre  les  princes  romains ,  il  n'a  point  encore 
éprouvé  l'inconstance  de  la  fortune  [a).  L'auteur  finit  par 
annoncer  que,  pour  jeter  plus  de  lumière  sur  l'histoire  de 
Frédéric ,  il  va  reprendre  cle  plus  haut  le  fil  des  événemens. 
En  effet,  le  premier  livre,  quoiqu'il  ait  soixante-trois  cha- 
pitres ,  ne  contient  que  des  faits  antéi-ieurs  au  règne  de  Fré- 
déric Barberousse  :  il  offre  l'histoire  des  prédécesseurs  de  ce 
prince,  depuis  1076  jusqu'à  i  iSa.  C'est,  pour  ainsi  dire,  une 
seconde  rédaction  du  septième  livre  de  la  chronique ,  rédac- 
tion meilleure ,  à  beaucoup  d'égards ,  que  la  première.  Jus- 
qu'au chapitre  X ,  il  s'agit  de  l'empereur  Henri  IV  et  de  ses 
démêlés  avec  Grégoire  VII.  Mais  le  plus  remarquable  de  ces 
chapitres  est  le  cinquième ,  où ,  à  propos  d'une  révolte  des 
Saxons  en  1187,  l'auteur  discute  fort  au  long  le  sens  des 
mots  genuinuni  et  nativuni.  Genuinum  est  nécessairement 
simple,  et  natù'um  composé.  Genuinum  est  en  quelcjue  sorte 
engendrant  et  non  engendré,  nativum  au  contraire  est  né, 
il  est  comme  engendré  et  descendant  à  genuino.  La  généra- 
tion ,  dans  le  sens  le  plus  étendu ,  est  le  passage  du  non-étre 
à  l'être  ;  et,  dans  tout  natù'um,  le  négatif  a  précédé  le  positif. 
Suivent  des  considérations  sur  la  divinité,  sur  la  trinité,  sur 
ses  formes  générales  ,  différentielles  ,  accidentelles  ;  sur  la 
concrétion  qui ,  dans  les  choses  naturelles ,  résulte  non  seu- 
lement de  la  réunion  de  la  forme  et  de  la  substance,  mais 
sur- tout  de  la  multitude  des  accidens  qui  accompagnent 
• 

{a)  Inter  omnes  enim  Romanonim  principes,  tibi  pœnè  soli  hoc  reser- 
vatum  est  prlvilej^ium  ,  ut  quamvis  à  prima  adolescentià  bellicis  desudasse 
cognoscaris  ofticiis,  obscœnum  tibi  nondum  vultum  lortuna  verteiit. 


28o  OTHON  DE  FRISINGUE. 

XII  SIECLE,  l'être  substantiel,  et  qui  sont  ou  simples  comme  la  blan- 
cheur ,  ou  complexes  comme  Ihumanité.  Tout  corps  est 
composé  de  corps  et  divisible  à  l'infini ,  tandis  que  l'esprit 
est  simple  et  sans  aggrégation  de  paiticules.  Ce  chapirre  qui 
équivaut  en  étendue  à  huit  ou  dix  des  autres,  est  1  un 
de  ceux  que  nous  croyons  indiqués  par  quelques  auteurs , 
sous  le  titre  d'Opuscules  philosophiques  dOthon  de  Fri- 
singue.  Peut-être  les  avait-il  composés  avant  cette  histoire, 
et  a-t-il  jugé  à-propos  de  les  y  coudre,  pour  les  rendre 
moins  fugitifs.  Le  chapitre  5  n'est  lié  au  suivant  que  par  la 
transition  bannale  :  sed  ad  prvpositi/m  redeamiis ,  et  apics 
cette  longue  leçon  d'ontologie,  le  chapitre  6  commence 
brusquement  par  Igitur  Saxonihus. 

L'histoiie  d'Henri  V  se  termine  au  chapitre  i5,  et  celle 
de  Lothaire  au  ai*^.  Le  règne  de  Conrad  III  occupe  le 
reste  du  livre.  Othon  y  a  consigné  des  lettres  de  Conrad  à 
l'empereur  grec  Jean  Comnène  et  de  Jean  Comnène  à  Con- 
rad ;  une  lettre  du  sénat  et  du  peuple  de  Rome  à  ce  même 
Conrad  écrite  à  l'instigation  d'Arnauld  de  Bresse  contre  le 
pape  Innocent  II  ;  une  lettre  d'Eugène  III  à  Louis  VII ,  et 
aux  autres  princes  européens  pour  les  exciter  à  la  croisade; 
une  lettre  de  saint  Bernard  au  clergé  de  France ,  sur  le 
même  sujet;  une  lettre  contre  Aljailard,  adressée  au  pape 
Innocent  II  par  l'archevêque  de  Reims  et  ses  suffragans, 
avec  la  réponse  du  pontife  romain  ;  une  lettre  enfia  d'Eu- 
gène III  à  Conrad,  pour  le  consoler  des  revers  essuyés  en 
Orient. 

Le  chapitre  3i  offre  une  description  de  la  Hongrie  ,  con- 
trée délicieuse  que  l'auteur  compare  à  lEgypte  et  même 
au  paratlis.  Intiis  planicic  campi  latissie^a  ,  decursu  flinni- 
nuin  et  omnium  conspicufi^  nemoribus  diversarinn  Jeranim, 
generibus  plenis  conferta ,  tàm.  innatd  amœnitate  quam, 
agrorum,  fertditate  locuples  esse  cognoscitur ,  ut  tanquàm 
pavadisus  Dei  vel  Aegyptus  spectabdis  esse  videatur.  Il  s'en 
faut  bien  quOthon  fas&e  autant  d'éloges  des  Hongrois  :  il  se 
plaint  qu'un  si  beau  pays  soit  abandonné  à  de  farouches 
habitans,  qu'à  leurs  yeux  caves,  à  leur  courte  stature,  à 
leur  face  hideuse,  à  leur  langage  barbare,  à  leurs  «mœurs 
féroces  ,  on  ne  prendrait  que  pour  des  monitres.  Sunt 
autem  prœdictl  Hungaii  facie  tetri ,  profundis  oculis ,  sta- 
turd  humdcs ,  moribus  et  lingud  barbavi  et  féroces ,  ut  jure 
fortuna  culpanda ,  vel  potiùs   divina  patientia  sit  admi- 


OTHON  DE  FRISINGUE.      "  281 

ranâa  ,   qnœ ,   ne  dicavi  homiiiibus ,  sed  talibus  hominum    ^i  SiECLii;. 
monsttis  tant  delectnbilem  exposait  terrain.  ' 

L'historien  décrit,  dans  le  quarante-cinquième  cliapitre, 
le  désastre  que  les  croisés  essuyèrent  en  1 147  dans  l'Helles- 
pont.  Mais,  au  lieu  des  détails  historiques  qu'en  a  le  droit 
d'attendre  d'un  témoin  oculaire,  il  ne  compose"  qu'une  am- 
plilication  d'école ,  applicable  à  tout  autre  événement  du 
même  gcinv.  Videres  alios  natantcs ,  alios  eqids  adiiœrentes , 
alios  per  fîmes  nnserahditer  trahi .^  nonnuilos  natandi  iiidoc- 
tos.,  etc.  La  seule  circonstance  un  peu  précise  qu'il  retrace, 
c'est  qu'au  sein  de  ce  désordre,  plusieurs  d'entre  eux  assis- 
tèrent à  une  messe ,  et  chantèrent  dans  l'amertume  de  leur 
cœur,  gaudeannis.  Cum  multd  amaritudine  cordis,  nostrorum 
luctuni  et  gcmituni  audientes ,  gaudeamus  cecininius. 

*Au  chapitre  60 ,  Othon  s'efforce  d'excuser  la  croisade  par 
des  distinctions  scholastic^ies  sur  le  bien  et  sur  le  mal,  soit 
absolu  soit  relatif".  Il  explitjue  par  une  multitude  d'exemples 
comment  ce  qui  est  bon  à  une  espèce,  est  un  mal  pour  une 
autre.  Il  remonte  à  des  règles  de  logique,  dont  l'une  est 
conçue  en  ces  termes  :  Methodus  à  s;eneve  ad  destntendwn , 
a  specie  valet  ad  construenduin.  Ce  cliapitre  peut  passer 
encore  pour  un  opuscule  philosophique ,  lùen  plutôt  assu- 
l'ément  que  pour  une  apologie  des  croisades. 

Il  est  souyent  question  de  saint  Bernard  dans  ce  livre, 
mais  toujoui's  en  termes  honorables  ou  respectueux.  Othon 
se  "borne  à  mettre  quelques  restrictions  aux  éloges  cpi'il 
donne  au  zèle  ardent  du  saint  abbé.  11  pense  que  sa  piété 
fervente,  et  la  douceur  même  de  son  caractère,  le  dispo-  C.  at 
saient  en  quelque  sorte  [quodammodo)  à  la  crédulité  ,  et 
qu'abhorrant  la  confiance  des  docteurs  en  leurs  propres  lu- 
mières, il  prêtait  f^icilement  l'oreille  aux  rapports  qu'on  luf 
faisait  contre  leur  doctrine.  En  parlant  d'Abailard  et  de  la 
Bretagne  sa  patrie,  l'historien  dit  que  cette  province  produit 
des  clercs  recommandables  par  la  finesse  de  leur  esprit  et 
par  leur  goiit  pour  les  beaux  arts,  mais  beaucoup  moins 
propres  aux  autres  genres  d'occupations.  Ten'o,  clericoriiui 
acuta  ingénia  et^rtibus  applicata  liabentiwn  ^  scdf  ad  alia 
negotia  pcnè  stolidorwnferax.  Si  d'ailleurs  Othon  loue  dans 
Abailard  le  génie  et  le  savoir,  il  lui  reproche  sa  présomp- 
tion ,  son  obstination ,  et  son  dédain  pour  lés  opinions  des 
autres  docteurs  :  Tcini  arrogans  suoqiie  tantiini  ingénia 
coajldcns .,ut  vijc  ad  audiendos  niagistros  ah  altitudine  mentis 
Tome  XlII.  N  n 


âSa  OTIION  DE  FRISINGUE. 

"Swii  SIECLE,  suce  descender^et.  L  evêque  de  Frisingue  est  aussi  fort  éloigné 
d'adopter  les  erreurs  de  Gilbert  de  la  Porée  :  mais  il  craint 
qu'on  no  les  ait  imputées  avec  quelque  précipitation  à  cet 
evêque  de  Poitiers  ;  il  regrette  qu'on  ait  refusé  d'entendre  ou 
d'apprécier  les  explications  que  Gilbert  donnait  de  sa  doctrine. 
Ici,  le  dialecticien  Othon  ne  laisse  point  échapper  l'occasion 
€.  53.  de  placer  un  assez  long  chapitre  sur  la  nature  divine,  sur  la 
nature  humaine,  sur  les  trois  peisonnes  de  la  Trinité,  sur  les 
distinctions  à  faire  entre  TvpodojTrcv  et  ùTÔ^ctciv, "entre  oùciav  et 
oijGtw'Tiv  :  il  s'élève  même  à  des  vues  tout-à-fait  générales  sfir 
la  personalité,  la  siibsistance ,  l'essence,  la  nature  abstracti- 
vement  considérées  ;  en  soite  c[ue  ce  chapitre  encore  a  fort 
bien  jju  passer  pour  un  essai  théologico- philosophique. 
DeGestisFri-       Radevic   racoute   qu'Othon  de  Frisingue  ,  peu  de  joui's 

der.  hb.  II,  c.  avanf  sa  mort,  après  avoir  fait  son  testament  et  reçu  fex- 
trême  onction,  se  fît  apporter  le  livre  qui  vient  de  nous  occu- 
per, le  remit  à  des  hommes  lettrés  et  i^eligieux,  et  les  chargea 
de  corriger  ce  qu'ils  y  trouveraient  de  favorable  aux  erreurs 
de  Gilbert.  Soit  que  cette  dernière  volonté  de  l'évêque  de 
Frisingue  ait  été  exécutée  et  que  son  livre  ne  nous  soit  par- 
venu qu'avec  ces  rectiHcations,soit  que  les  expressions  modé- 
rées 1  les  opinions  impartiales  qu'il  nous  offre ,  aient  en  effet 
scandalisé,  de  son  temps,  d'inexorables  ennemis  d'Abailard 
et  de  Gilbert ,  d'enthousiastes  admirateurs  des  éminentes 
vertus  de  saint  Bernard ,  il  est  certain  que  ces  chapitres 
d'Othon  lui  attirèrent  beaucoup  de  reproches.  Gerohus, 
prieur  de  Reichersberg ,  lui  avait  écrit ,  sur  ce  sujet ,  une 


p 


Aiiecd.  t.  IV,  lettre  fort  rigoureuse  que  dom  Pez  a  publiée. 
I,  p.  5G5  et       Nous  venons  de  voir  que  le  premier  l 
^^^*I-  /i'  1  '11  '  »i'i 

Frédéric  Barberousse  est  réellement  étranger  a  la  vie  de  ce 


que  le  premier  livre  de  l'histoire  de 


prince  :  mais  le  second  livre  contient  en  effet  l'histoire  des 
premières  années  de  son  règne,  depuis  iiSa  jusqu'en  ii56. 
ÎJn  très-court  prologue,  adressé  a  Frédéric,  est  suivi  de 
trente-deux  chapitres.  L'auteur  a  inséré  au  chapitre  8  une 
lettre  du  pape  Eugène  III  à  des  évêques  d'Allemagne  sur 
une  affaire  particulière,  et  au  chapitre  3o  une  lettre  adressée 
par  l'empereur  Frédéric  à  Othon  de  Frifeingue  lui-même, 
pour  lui  annoncer  une  expédition  contre  les  IMilanais.  Ce 
second  livre ,  bien  moins  étendu  que  le  premier ,  l'est  peut- 
être  encore  trop  pour  sa  matière.  Mais  on  doit  savoir  gré  à 
l'auteur  d'avoir  évité  le  langage  de  l'adulation,  en  écrivant 
l'histoire  d'un  prince  vivant  et  victorieux ,  auquel  il  tenait 


OTHON  DE  FRISINGUE.  283 

par  les  liens  du  sang.  On  ne  remarque  d'exagération  ou  de  xi£  SIECLE, 
fadeur  que  dans  la  phrase  qui  termine  le  dernier  chapitre. 
Othon  y  dit  à  Frédéric  qu'un  historien  perdrait  haleine  s'il** 
avait  la  témérité  de  raconter  tout  d'un  trait  les  prodiges 
opérés  par  les  vertus  de  sa  majesté  (a).  Ce  compliment  n'est 
au  surplus  qu'une  transition  pour  renvoyer  à  un  troisième 
livre  la  suite  des  événemens. 

Ce  troisième  livr§,  Othon  n'a  point  eu  le  temps  de  l'écrire: 
il  ne  paraît  pas  même  c[u'il  l'ait  entrepris.  Un  de  ses  disciples, 
Radevic,  chanoine  de  Fiùsingue,  s'est  chargé  de  ce  travail,  et 
a  continué  l'histoire  du  règne  de  Frédéric  Barberovisse  ,  de- 
puis II 56  jusqu'en  i  i6o  seulement.  Cette  suite  est  divisée 
en  deux  livres  ;  et  le  onzième  chapitre  du  second  contient 
un  éloge  historique  d'Othon  de  Frisingue.  C'est  de  ce  chapitre 
que  nous  avons  extrait  presque  ce  cjue  nous  avons  dit  de 
la  vie  de  ce  prélat.  Au  quinzième  siècle  ,  Aeneas  Sylvius , 
depuis  Pie  II,  dans  une  harangue  peu  instructive,  a  célébré 
l'évéque  de  Frisingue,  en  l'appelant  Othon  de  Frise,  et  en 
le  faisant  neveu  de  Frédéric  Barberousse.Trithème  qui  relève 
la  première  de  ces  méprises,  reproduit  la  seconde,  et  désigne 
d'ailleurs  l'année  1260  comme  l'époque  des  travaux  litté- 
raires d'Othon.  Trithem.  de 
Le  seul  auteur  chez  qui  l'on  ait  à  puiser  avec  confiance  ?  ""  ''.''  ^'*''''"- 

1  1  '      -1  1      *   •         nr^   1  r     T-'    •    •  T.      1       ■       interejus  oper. 

quelques  détails  sur  la  vie  d  Othon  de  l^nsingue,  Radevic  hist.P. i,p.  lîg 
indique  textuellement  l'année  ii5g  comme  celle  de  la  mort  et  !'>°-  ~  ^^ 
de  ce  prélat.  Mais  nous  croyons  ciue  cette  date  a  été  mal  Scnpt.  Eccl.  ad 
Gopiee  et  quil  laut  lire   11 00;  car  Radevic  ajoute,  troisième  p.  296. 
année  de  l'empire  de  Frcdéric ,  c'est-à-dire  depuis  le  cou- 
ronnement de  ce  prince.  Or,  Frédéric  fut  couronné  à  Rome 
le  18  juin  II 55,  plus  de  cjuatre  ans  avant  une  mort  qui  ne 
serait  arrivée  que  le  22  septembre   ii5g.  Nous  pourrions 
ajouter  que  plusieurs  des  faits   racontés   par  Radevic  à  la 
suite  de  la  mort  d'Otbon  sont  de  Tannée  1 158.  Nous  préfé- 
l'ons    don^^   cette   dernière  date,   que  Duchesne,  Le  Mire,  Duchesne, ind. 
Freher,  Fabricius,  Fleuri,  Muratori  et  plusieurs  autres  ont  IV*^''  ~  j^'"^-'*'' 

,  "  '  '  1  Chron.  ad  ann. 

adoptée.  ii58. -1  abric. 

Jean  Cuspinien  fut,  en  i5i5,  le  premiej-  éditeur  d'Othon  P'W-  '"^d.   et 

-    de  Frisingue  :  il  pubUa ,  en  un  volume  in-folio,  imprimé  à  o[j,o'fv"s  ^[c' 

—  Pagl  crit.  ad 

/•  \   rr  .        .         .,  ,.   .  ....         ann.  Ii5g. 

[a)    ianta  sunt  quae   de  tuis  virtutibus  dici  possent,  ut  si  simul    sine 

interpellatione    insipienter    effundantiir  ,    scribentis    prœfocare    possint 

animum. 

N  na 


284  OTHON  DE  FRISINGUE. 

xir  SIECLE.  Strasbourg ,  les  huit  livres  de  la  chronique  et  les  deux  livres  de 
~~  Gcstis  Friderici  Aenoharln.  Cette  première  édition  est  dédiée 
à  l'empereur  Maximilien.  La  seconde,  due  aux  soins  de  Pierre 
Pithou,  parut  à  Basle ,  dans  le  même  format,  en  i56f).  Les 
suivantes,  toujours  in-folio,  sont  de  i585  à  Francfort,  de 
iSgô  à  Basle.  On  retrouve  d'ailleurs  les  deux  ouvrages 
d'Othon  dans  la  collection  d'historiens  d'Allemagne ,  pu- 
bliée par  Wurstisen  ou  Ui'stisius,  en^i584,  à  Basle,  et 
réimprimée  à  Francfort  en  1610.  Ces  deux  mêmes  ouvrages 
remplissent  aussi  les  cent  soixante-deux  premières  pages  du 
tome  VIII  de  la  Bibliothèque  des  Pères  de  Cîteaux ,  publiée 
par  dom  Bertrand  Tissier;  et  les  deux  livres  sur  Frédéric 
Barberousse  ont  été  insérés  ,  en  1726,  par  MuVatori ,  dans 
le  tome  VI  de  son  recueil  des  historiens  d'Italie.  Enfin  des 
morceaux  extraits  du  premier  de  ces  deux  livres  ,  et  du 
sixième  de  la  chronique,  ont  été  rassemblés  en  un  volume 
in -4°,  publié  à  Hanovre,  en  i56i  ,  sous  le  titre  de  Frag- 
mentuni    de   HUdebrnndo  papa. 

Les  ouvrages  d'Othon  de  Frisingue  font  juger  avanta- 
geusement de  la  douceur  et  de  la  loyauté  de  son  caractère. 
Ils  annoncent  un  esprit  distingué,  et  des  talens  que  l'étude 
n'a  exercés  qu'en  les  égarant  quelquefois.  Les  citations  ré- 
pandues dans  sa  chronique,  prouvent  qu'il  avait  appris  le 
grec,  connaissance  alors  peu  commune.  Il  n'avait  pu  lire 
qu'en  cette  langue  certains  écrits  ecclésiastiques,  et  spécia- 
lement une  vie  de  saint  Basile,  qu'il  cite  au  chapitre  10  du 
livre  IV,  et  cjui,  selon  toute  apparence,  n'a  été  traduite  qu'a^ 
près  le  douzième  siècle.  Les  grands  poètes  latins,  et  parmi 
les  prosateurs,  Cicéron  et  Justin,  lui  sont  familiers  :  non- 
s.  ulement  il  les  cite  au  besoin  et  sans  besoin  ,  mais  il  em- 
prunte leurs  expressions  et  imite  leurs  tours  de  phrase.  Par 
exemple,  la  finale  esse  videatur  est  fréquente  dans  l'un  et 
l'autre  de  ses  ouvrages.  Les  expressions  barbares  se  font 
remarquer  chez  lui  par  leur  rareté  :  tel  est  le  m(^  guerrani 
au  chapitre  21  du  septième  livre  de  la  chronique.  Il  ne 
recherche  point  les  consonnances  ;  mais  son  style  a  d'ailleurs 
peu  d  harmonie ,  encore  moins  de  couleur;  et  la  piécision 
qui  le  distingue  souvent  n'est  jamais  énergique.  Othon  s'in- 
terdit même  cette  précision ,  toutes  les  fois  qu'il  se.  croit 
obligé  d'interrompre  ,  par  des  amplifications  de  rhéteur, 
le  cours  naturel  de  son  ouvrage.  C'est  comme  une  tâche  qu'il 
s'impose  deux  ou  trois  fois  en  chaque  livre  ;  et  ce  travers 


OTHON  DE  FRISINGUE.    •  285 

étranger,  ce  semble,  au  caractère  de  son  esprit,  ne  doit  xn  SIECLE, 
être  imputé  qu'à  son  éducation  littéraire.  11  redevient  précis 
dans  des  digressions  d'un  autre  genre,  et  qui  d'ailleurs  ne 
sont  pas  moins  déplacées  :  savoir  dans  celles  où,  se  livrant  à 
un  penchant  plus  réel  et  plus  intime ,  il  entreprend  des 
recherches  cju'il  croit  être  philosophiques.  Hors  de  la  place 
C|u'elles  occupent  ou  cju'elles  usurpent,  ces  discussions  ne 
seraient  pas  toujours  méprisables.  Comme  historien ,  Othon 
a  obtenu  des  éloges  (a),  pour  les  détails  géographiques  semés 
dans  ses  deux  ouvrages,  et  sur-tout  pour  l'inviolable  sin- 
cérité de  ses"  récits.  A. partir  de  la  fondation  de  Rome,  sa 
chronologie  n'offre  en  général  d'autres  inexactitudes  que 
celles  dont  il  n'avait,  au  douzième  siècle,  aucun  moyen  de 
la  préserver.  On  excuserait  plus  difficilement  quelques  traits 
de  crédulité  que  nous  avons  rapportés  dans  le  cours  de 
cet  article ,  et  qui  montrent  combien  la  critique ,  combien 
la  raison  avait  encoi^e  de  progrès  à  faire. 

Radevic  a  composé  deux  épitaphes  d'Othon  de  Frisingue; 
la  première,  en  cjuaraiite-quatre  lignes  rimées,  est  sur-tout 
longue  par  son  insignifiance.  Voici  la  seconde, qui  du  moins 
n'a  que  dix  vers. 

Çhiidqidd  in  orbe  beat  prœclaros  et  meliores, 

Prœsulis  Ottonis  mire  cumulant  honores. 

Si  proavi  vel  aui  probitas ,  saccr  ordo ,  potestas , 

Deberent  mortis  Jiirias  cohibere  molestas , 

Non  moriturus  crat .,  prœclarè  prcvditus  illis. 

Heul  talem  coinmunihus  accessisse  favillisl 

Quamfacunda  viri  vox  ^  qualis  philosophia , 

Hortatu  regum  doCet  édita  chronographia. 

Luxit  eumpatria  propriâ  comitata  ruina,  Incendie    de 

Propitietur  ei  Deus  et  nia  Firso  Maria.  '^^'""^ deFrisin- 

'  j^  o  gue  ^  pp„  après 

la    mort    d'O- 

Othon  de  Frisingue  fut  enterré  près  du  grand  autel  de  '''°"- 
l'église  de  Morimond  :  son  tombeau,  dit  Martène,  est  fort      ^'°Y-    'inér. 
modeste.  *  j)      t.  j,p.  141. 


{d)  «  Othon  «  Radeyic  sont  regardés  avec  justice  comme  les  meilleurs 
■■  et  les  plus  judicieux  historiens  de  leur  temps.  •»  Journal  des  Savans , 
décembre  1782  ,  p.  749,  ^750,  où  l'on  ajoute  qu'Othon  était  neveu  de  Fré- 
déric Barberousse ,  etc. 


XII  SIECLE. 


MiLON  r. 

ÉVÊQUE  DE  TÉROUANNE, 
ET   SON  NEVEU   MILON  II. 

Gail.  Christ.  JLIeux  évêques  de  Térouanne,  dont  l'un  a  succède  immé- 
"cjr  '■  ^'  P'  diatement  à  l'autre,  ont  porté  le  nom  de  Milon.  Le  second 
'  était  neveu  de  l'autre.  Milon  P""  avait  été  abbé  de  Saint-Josse- 

aux-Bois,  de  l'ordre  des  Prémontrés;  et,  selon  Robert  du 
Mont,  il  était  chanoine  régulier  de  l'église  de  Térouanne, 
viiiefore,vie  lorsqu'il  en  fut  élu  évêcjue  en  ii3i.  Il  a  siégé,  en  ii48i  au 
de  s.  Bernard,  coucile  tcuu  à  Reinis  contre  Gilbert  de  la  Porée.   Arnoult, 
Frison'  ^  Gah.  ^^^^^  ^^^  prédicatcurs  de  la  croisade  de  ii47,  et  Pierre -le - 
Purpur.'p.  ii6.  vénérable,  ont  adressé  à  Milon   F''  des   lettres  qui  l'hono- 
Mariène  ,  rgiit.  Oïl  estimait,  dans  l'église,  sa  piété,  sa  science,  et  sur-tout 
f'i^'^^Goo"—  sa  modestie.    L'humilité   de   Milon  était,  pour  ainsi  diie, 
Spiciieg.  t.  VI,  passée  en  proverbe,  et  l'on  disait  :  in  Bernardo  charitas ,  in 
p.  625.  — Pétri  pif'orberto  Jides ,  in  Milone  humilitas.   Guillaume  de    Nangis 
Ub"iv  eTs"'    1^  compte  au  nombre  des  plus  illustres  prélats  Français  de 
Chro'n.  cia-  l'année   11 4o.  Il  mourut  en  odeur  de  sainteté,  le  16  juillet 
ravaii.  ad  ann.   j  j  5g  sclon  la  cliroiiique  de  Saint-Bertin,  ii5g  selon  Robert 
flèt'lTge^it  du  Mont,  Meyer  et  le  Paige.  On  a  de  lui  plusieurs  chartes 
Bernarditp  81  eii  faveur  de  certains  monastères  de  son  diocèse.  Il  est  fort 
et  82. —Frison,  (Jouteux  qu'il  soit  le  Milon  auteur  d'une  légende  de  saint 
^^116    "'^^"^'^'  Gorgone,  publiée  par  les  Bollandistes.  Ce  fut  aussi  un  autre 
Spieiieg.  t. XI,  Milou ,  quide  moine  de  Saint-Aubin  d'Angers  devint  cardinal, 
p-  A2'^-  et  fit  en  l'honneur  de  Paschal  II  quelques  mauvais  vers  pu- 

Anecd.  t.  III  \  l^liés  par  dom  Martene  dans  son  voyage  litteran-e  :  mais  c  est 
p.  65o.  '  à  l'évéque  de  Térouanne  qu'on  doit  attribuer  des  sermons 

Robert,  de  ^qj^j;  ['m^  est  cjté  par  Pierre -le -Chantre  dans  un  ouvrage 
^i°5q'^_*MeTer,  intitulé  :  Verhum  ahhrenatwn.  Ce  sermon  traite  du  luxe 
ad  ann.  1120,  des  femmes,  et  en  voici  quelques  paroles: 
ii3i,ii59.-Le  ]Son  decet  niatvonas  christianas  vestes  hahere  subtalares 
Prsinon'str.°'p!  et post  se  tvahentes ,  quibus  verrant  sordes pavimejiti  viarum. 
459-461.  Scitote,  dominée ,  quod  si  hiijus  modi  vestis  vobis  esset  neces- 
Spiciieg.t.ix,  gfjj^id  natiira  vobis  in  remediwn  ejus  aliquid  dedisset  quo 
Gali.  Chr.  nov.  terrcim  tergere possitis.  (L.  oJ,p.  222.  j 
t.  X,  app.  p.  Quoique  nous  n'ayons  aucune  preuve  positive  que  ce 
399-404. 


ADRIEN  IV,  PAPE.  287 

sermon  soit  de  Milon  l"  et  non  de  Milon  II ,  nous  sommes  xii  siècle. 
porte's  à  croire  que  Pierre-le-Ciiantre  aura  cité  l'oncle  plutôt  Voy.  liuérTT 
que  le  neveu,  qui  n'avait  pas,  à  beaucoup  près,  autant  de  ii,p-2/i4,  245. 
réputation  et  d'autorité.  Nous  possédons  toutefois  une  lettre   /"'*'' «"pis'o'as 

j  V..       •  I  '  n/i-i  TT  *i  1         TTr    iliomse      Can- 

de  trois  pages  adressée  par  Milon  11  au  pape  Alexandre  111  tuar.iib.in,ep. 
en  faveur  de  saint  Thomas  Becket  :  elle  exprime  un  dévoue-  16,  p. 505-507, 
ment  sans  bornes  aux  intérêts  de  l'archevêque  de  Cantorberv  ,^"'^-  ^^  ^■ 
qui,  en  i  idd,  tut  accompagne  jusqua  boissons  par  Milon  11.  inier  German. 
Celui-ci  avait  été  religieux  prémontré,  au  monastère  de  hist.  ediios  à 
Notre-Dame-du-Bois  ou  Russiauville  ;  et  Robert  du  Mont  ^'^q^^'1'^1'^°- 
dit  qu'il  fut  chanoine  et  archidiacre  de  Térouanne,  avant  de  nov.  t.  x,  p. 
succéder  à  son  oncle  sur  le  siège  épiscopal  de  cette  ancienne  ^548,  etinAp- 
ville.  Son  élection  donna  lieu  à  une  réclamation  des  Boulon-  jj*"^^  p-  4o5.— 
nais,  qui  voulant  avoir,  comme  autrefois,  un  évêque  parti-  ad'sams.'^Re 


prétention  tut  mal  accueillie  par  le  pape  Alexandre  111,  Martène 
qui ,  au  mois  de  janvier .  1 1 60 ,  cassa  l'élection  qu'on  avait  Anecd.  t.  m , 
faite  d'un  évêque  de  Boulogne,  et  déclara  que  cette  ville  res-  ^jyi^,^"  ~  ^^'" 
terait  comprise  dans  le  diocèse  de  Milon  II.  La  mort  de  cet  ecci.  Bdgic"" 
évêque  est  placée  en  1 167  dans  la  chronique  de  Saint-Bertin  ;  1. 1.— chron 


ic.ie  , 
le. 


il  est  plus  probable  qu'il  ne  mourut  que  le  i4  septembre  P'^*'"^"^^^^.  ad 
1169  :  deux  lettres  de  Jean  de  Sarisbéri  lui  sont  adressées,  i"eo.— Geor^! 
elles  concemient  Becket.  D.        Caiopin  in  Pe- 

trum      Cantor. 


ADRIEN  lY. 


P-49I. 

Inter  epist. 
Tliomoe  Cant. 
lib.  Il,  ep.  102, 
195. 


Puisque  Paschat  II,  né  en  Toscane,  et  mort  à  Rome  après 

un  pontificat  de  dix -neuf  ans,  occupe  une  place  dans  cette     ^  x      216 

histoire  littéraire  de  la  France,  pour  avoir  résidé  quelques  -25i. 

années  <à  Cluni,nous  ne  pouvons  omettre  Adrien  IV,  qui, 

bien  jeune   encore,  quitta    l'Angleterre  sa   patrie,  et  vint 

passer  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  en  France. 

Le  nommé  Breakspeare ,  (Brise-lance)  prêtre ,  ou  plus  vrai- 
semblablement simple  clerc  d'un  village  voisin  de  l'abbaye  de 
Saint-Alban,  eut  un  fils  qui  fut  appelé  Nicolas.  Lé  père  se  fit  cuiii.Neubrig. 
moine  de  cette  abbaye  ;  le  fils,  trop  pauvre  pour  fréquenter  rer.  Angiic. lib. 
long -temps  les  écoles,  vint  se  présenter  à  l'abbé  de  Saint-  MMlk*^  p  ^■■•~ 


288  ADRIEN  IV,  PAPE. 

XII  SIECLE.  Alban,  et  lui  demanda  l'habit  religieux.  Nicolas  était  bien 
Vit.  abbat.  S.  fait  de  sa  personne,  mais  peu  appliqué  à  l'étuc+e,  in  arie 
Aibaiii,p.66.—  cleiicali  satis  supinus ,  dit  Mathieu  Paris.  L'abbé  l'examina, 

f*      "Il      T*  1*1-»  J  '  ' 

^,1''  /y-  *  ■  et,  ne  le  trouvant  i)oint  assez  instruit,  exigea  un  délai  que 

X\III,C.  2.—    ,'.  .  1.  r  ^T         ?  •  i  1^ 

Centur.  Mag-  le  jeune  nomme  prit  pour  un  reius.  JNicolas  vmt  chercher 
deb.  cent.  XII,  fortune  en  France,  d'abord  à  Paris,  puis  en  Languedoc,  puis 
•=• '°' P-. /''°9-  dans  l'église  d'Arles,  enhn  à  Saint-Ruf.  où  il  devint  cha- 

—  J.    Plts.     de  .  o  .  .1  1  1     /      r-     •  r.      <•     '       • 

angl.  scripior.  nouic,  cusuitc  prieur,  et  vers  ri07,  abbe.  baint-Fxut  était 
p.  2i8.  —  Cia-  une  abbaye  de  chanoines  réguliers,  située  alors  près  d'Avi- 
Poniif*^*  Rom  gi^f^rifet  transplantée  depuis  à  Valence  en  Dauphiné.  L'abbé 
Hadiian.  IV, p.  Nicolas.  cut  le  malheur  de  déplaire  à  sa  communauté,  qui, 
653  et  seqq.  ^  pour  sc  débarrasscr  de  lui,  le  dénonça  au  pape  Eugène  III. 
Cave  II,  2jo.  j^g  souverain  pontife  écouta  les  accusations,  nui  étaient  assez 
Hist.  de  Laiig.  gravcs ,  et  fut  si  édifié  de  la  modération  des  ré[)ons('s  de 
t.  ll,p. /,79.  l'accusé,  qu'il  le  maintint  à  la  tète  de  l'abbaye.  Cependant 
Gariel.episc.  ^^^^^  rébellion  nouvelle  éclata  bientôt  à  Saint-Ruf,  et  le  pape, 

Magnelon.       V-    r     ■         ,  c    ■        i  i     •  i  i  ■  '        i-  i     • 

io4.-Baronius,  latiguc  ccttc  lois  (Ics  plauites  quc  les  chanomes  réguliers  lui 

ann.   ii54.  —  portèrent  encore,  leur  déclara  qu'ils  n'étaient  pas  dignes  de 

ann '/i"-    n    Posséder  un  tel  abbé,  et  qu'il  le  gardait  pour  l'employer  au 

23.         "       service  de  l'église  romaine.  Il  le  fit  en  effet  évêque  d'AÎbano, 

Magn.  Hist.  l'envoya ,  avcc  le  titre  de  légat,  dans  le  nord  de   l'P'urope 

^xix'^^^'^  pour  y  prêcher  l'évangile,  et  y  établir  des  églises.  Quand 

Nicolas  revint  de  cette  mission,  Eugène  III  ne  vivait  plus, 

il  étiiit  remplacé  par  Anastase  IV,  qui  mourut  lui-même  au 

commencement  de  décembre  de  la  même  année,  et  eut  pour 

successeur  révêc|ue  d'AIbano.  Nicolas,  devenu  pape,  prit  le 

nonx  d'Adrien  iV. 

Le  zèle  pontifical  d'Adrien  IV  éclata  d'abord  contre  Arnauld 
Baronius ,  dc  Bressc,  qui,  soutenu  par  les  plus  puissans  citoyens  de 
.tnn. iij5.         Rome,  déclamait  contre  les  richesses  du  clergé.  Le  pape  fit 
cesser  l'office  divin  dans  toutes  les  églises  de  Rome,  et  ne 
leva  cet  interdit  que  lorsque  les  sénateurs  lui  eurent  promis 
et  juré  sur  les  saints  évangiles  d'expulser  son  ennemi.  Peu 
de  mois  après,  Adrien  IV  se  fit  livrer  par  Frédéric  Barbe- 
rousse  l'hérétique  Arnauld  de  Bresse,  qui  fut  renvové  dans 
cette  même  ville  de  Rome  d'où  l'on  venait  de  le  bannir.  Il  y 
fut  condamné  par  le  clergé  à   être  brûlé  vif  ;  il  subit  cet 
arrêt  en  1 155,  et  ses  cendres  furent  jetées  dans  le  Tibre,  de 
Hist.  Ecclés.  peur ,  dit  Fleuri ,  que  le  peuple  n'honorât  ses  reliques  comme 
liv.  LXX,  n.  4-  celles  d'un  martyr. 

Peiri  Blesens.       Lc  l'oi  d'Angleterre,  Henri  II,  se  félicita  de  voir  un  Anglais 
opéra,  p.  2J2,  à  la  têtc  de  l'église.  Ajiiès  avoir,  dans  une  première  lettre, 

253. 


ADRIEN  IV,  PAPE.  289 

complimente  ce  pape  sur  son  élection,  il  fit  auprès  de  lui    xii  siècle. 
une  démarche  plus  importante.  Il  lui  demanda  la  permission 
de  s'emparer  de  l'Irlande ,  pour  y  rétablir  le  christianisme 
dans  sa  pureté.  Adrien  y  consentit,  ajoutant  que,  sans  aucun 
doute,  toutes  les  îles  où  l'on  avait  jadis  prêélié  la  foi  chrétienne 
appartenaient  de  droit  au  Saint  Siège,  ainsi  qu'Henri  II  le 
reconnaissait  lui-même.  Le  pape  veut  donc  bien  disposer  de 
l'Irlande  en  faveur  du  roi  d'Angleterre,  mais  à  condition  que 
celui-ci  fera  payer,  au  profit  de  l'église  romaine,  une  l'ente 
annuelle  d'un  denier  par  chaque  maison  hibernoise.  C'est 
l'objet  de  la  premièrewoes  lettres  d'Adrien  IV  recueillies  par 
le  père  Labbe.  Pagi   la   croit  de    11 55,  quoique   Henri  II      Conciiior.  t. 
n'ait  envahi  l'Irlande  qu'en  iiyi.  Flevni  suppose  que  Jean      '^crVt 
de  Sarisbéry  était  l'un  des  ambassadeurs  que  le  roi  d'Angle-  nSg. 
terre  avait  envoyés  au  pape  pour  lui  porter  cette  demande  :      Guiii.Neubr. 
mais  Mathieu  Paris  nomme  ces  députés,  savoir,  Robert,    'r/nist^Ecci 
abbé  de  Saint- Alban,  les  évêques  du  Mans,  de  Lisieux,  iiv.Lxx,n.  16. 
d'Evreux ,  et  il  ne  désigne  point  Jean  de  Sarisbéry.  Toute-      m.  Par.  Hist. 
fois  celui-ci  a  pu  être  chargé  d'appuyer  la  supplique  royale     n&ann.nSS. 
auprès  d'Adrien ,  dont  il  était  fort  aimé.  Quelques  auteurs 
même  ont  dit  qu'ils  étaient  frères  ;  c'est  une  erreur  qui  n'est 
fondée  que  sur  la  mauvaise  ponctuation  que  voici  :  Quuni 
enùn  matrem  haheret  et  f rat  rem  uterinum  me,  cjuam  illos 
arctiori  diUgchat  affectu.  La  virgule  doit  être  placée  après      J.  de  Sarisb. 
le  mot  uterinum^  et  en  détacher  le  monosyllabe  me;  en  sorte  ^^e'^iog.     lib. 
que  Jean  de  Sarisbéry  dise  seulement  d'Adrien  :  «  Quoiqu'il       '  '^' 
«  eût  une  mère  et  un  frère  utérin,  il  m'était  plus  étroite- 
ce  ment  attaché  qu'à  eux-mêmes,  -n  L'intimité  de  ces  deux 
personnages  n'est  point  douteuse  ;  ils  passèrent  ensemble 
trois  mois  à  Bénévent  :  ce  fut  là  qu'Adrien  versa  dans  le  sein 
de  son  ami  ses  inquiétudes  pontificales,  et  lui  demanda  ce 
qu'on  disait  de  l'église  romaine.  Jean  répondit  qu'elle  passait      J-  tic  .Sansb. 
pour  la  marâtre  des  autres  éelises   plutôt   que  pour   leur  P'j''^'"atic.  iib. 
mère,  que  le  pape  lui -même  était  tort  a  charge  au  monde,  viil,  c.  22. 
et  que  tant  de  concussions,  tant  d'avarice  et  d'orgueil  révol- 
taient la  chrétienté.    «  Est-ce  là,  dit  le  pape,  ce  que  vous 
«  en  pensez  vous-même  P  «  J'y  suis  fort  embarrassé,  répli- 
«  qua  Jean,  mais  depuis  que  le  cardinal  Guy  Clément  parle 
«  sur  ce  point  comme  le  public,  je  ne  saurais  être  d'un  autre 
«  avis.  Vous  êtes,  très-saint  père,  hors  du  droit  chemin.  Si 
«  vous  êtes  père,  pourquoi  exiger  de  vos  enfans  tant  de  tri- 
ce  buts  H  Et  ce  que  vous  avez  reçu  gratuitement ,  pourquoi  ne 
Tome  XIII.  '  O  o 


XII  SIECLE. 

Hist.  Ecclés. 
liv.LXX.n.  i5. 


Baronius,ann. 
ii5i.  — Pagi  , 
Ciit.ann.  ii5/|, 
n./,. 


Lib.  XVIII, 
c.  a  et  seqq. 
Ann.  Il 56. 


Labbe,  Con- 
cilior.  t.  X,  p. 
ii5j. 


Lib.XVIII,c.7. 


Critic.    ann. 
ii55,  n.  9. 


Otto  Fris,  de 
Gestis  Frid.  lib. 
II ,  c.  14,  1 5  , 
20.  —  Radevic. 
de  Geslis  Frid. 
li!;.  I  et  II 


290  ADRIEN  IV,  CAPE. 

«  pas  le  donner  de  même.-'  »  Le  pape,  dit  Fleuri,  se  prit  à 
rire  ;  et  pour  disculper  leglise  romaine,  allégua  la  fable  des 
Membres  et  de  l'Estomac.  Mais  pour  que  l'application  fût 
juste,  ajoute  le  même  historien,  il  erit  fallu  cjue  l'église 
romaine  eût  répandu  sur  les  autres  églises  des  bienfaits  pareils 
à  ceux  qu'elle  en  recevait. 

En  ce  temps-là,  régnait  en  Sicile  Guillaume,  surnommé 
le  Mauvais,  qui,  choqué  de  ne  recevoir  du  pape  que  le  titre 
de  seigneur,  au-lieu  de  celui  de  roi,  porta  la  guerre  dans  les 
domaines  de  l'Eglise.  Adrien,  après  l'avoir  excommunié,  sou- 
leva contre  lui  des  seigneurs  vassaux  0e  ce  prince,  leur  pro- 
mettant de  soutenir  leurs  droits  avec  une  constance  à  toute 
épreuve,  et  de  les  faire  rentrer  dans  les  héritages  dont  on 
les  avait  dépouillés.  Cependant  le  pape,  enfermé  dans  Béné- 
vent,  se  vit  forcé  de  capituler,  et  de  sacrifier  les  Siciliens  qui 
s'étaient  armés  pour  le  défendre.  Guillaume  de  Tyr  l'en  a 
blâmé,  mais  selon  Baronius,  nous  ne  devons  cnie  l'en  plain- 
dre :  car  il  manquait  des  moyens  de  rester  fidèle  à  ses  enga- 
gemens,  et  il  était  si  peu  liljre,  qu'il  fut  contraint  de  recon- 
naître, par  un  acte  authentique,  qu'il  jouissait  d'une  liberté 
parfaite.  Quoi  qu'il  en  soit,  Guillaume-le-Mauvais  et  le  pape 
Adrien  se  reconcilièrent,  et  il  n'y  eut  de  mécontens  que  les 
seigneurs,  qui,  sur  la  parole  du  saint  père,  avaient  espéré  dé 
n'être  jamais  abandonnés. 

Guillaume  de  Tyr  rapporte  aussi  qu'en  11 55,  et  durant  le 
siège  de  Bénévent,  Foucher,  patriarche  de  Jérusalem,  entre- 
prit, à  près  de  cent  ans,  le  voyage  d'Italie,  et  vint  accom- 
pagné ae  plusieurs  prélats  de  la  Palestine ,  se  plaindre  au 
f)ape  de  la  conduite  des  hospitaliers  de  Saint-Jean  ;  mais  que 
e  pape,  protecteur  déclare  de  cet  ordre,  et  gagné  par  de 
riches  presens,  évita  long -temps  de  donner  audience  au 
patriarche  centenaire,  et  ne  consentit  enfin  à  l'écouter  que 
pour  repousser  ses  prières.  Ce  récit  de  Guillaume  de  Tyr 
est  rejeté  par  le  père  Pagi,  qui  soutient  qu'Adrien  n'aimait 
point  les  présens,  et  qu'il  était  d'une  pi'obité  tout -à -fait 
incorruptible. 

Mais  ce  qui  remplit  principalement  l'histoire  du  pontificat 
d'Adrien  IV,  c'est  un  démêlé  avec  Frédéric  Barberousse. 
Dès  II 55 ,  quand  Frédéric  vint  recevoir  à  Rome  la  couronne 
impériale ,  on  avait  aperçu  les  premiers  germes  de  cette 
mésintelligence,  l^'rédéric ,  après  avoir  refusé  de  tenir  l'étrier 
au  pape ,  s'en  était  acquitté  de  fort  mauvaise  grâce.  Il  avait 


ADRIEN  IV,  PAPE.  291 

remarqué ,  dans  le  palais  de  Latran ,  un  tableau  où  Tempe-    ^n  SIECLE, 
reur  Lothaire  était  représenté  à  genoux  devant  le  souverain 
pontife ,  avec  l'inscription  si  connue  : 

Rex  venit  antc Jores ,  jurans prius  urbis  honores: 
•  Post  homo  fit papœ ,  sumit  qiio  dante  coronam. 

C'est-à-dire  :  «  Le  roi  se  présente  à  la  porte ,  et  après  avoir 
K  reconnu  solennellement  les  droits  de  la  ville ,  il  devient  le 
«  vassal  du  pape ,  des  mains  duquel  il  reçoit  la  couronne.  » 
Frédéric  s'était  plaint  de  ces  deux  vers  et  de  l'image  qu'ils 
expliquaient ,  et  n'avait  obtenu  qu'une  promesse  assez  vague 
de  les  faire  disparaître  un  jovir  ou  l'autre.  Ils  subsistaient 
encore ,  lorsqu'au  mois  d'août  1 1  Sy  des  légats  du  pape  se 
rendirent  auprès  de  l'empereur  qui  tenait  une  cou^r  à  Besan-  Radevic.  de 
çon  ,  et  lui  remirent  une  lettre  d'Adrien  IV.  C'est  la  seconde  Gestis  i-rui.^lib. 
de  ce  pontife  dans  le  recueil  de  Labbe.  Cette  lettre  a  pour  '  conciii'or.  t. 
objet  un  attentat  commis  dans  les  états  de  Frédéric  contre  X,p.  ii44- 
Esquil ,  évêque  de  Lunden.  Comment ,  dit  la  lettre ,  expli- 
quer l'impunité  d'un  tel  crime  ?  Est-ce  négligence  H  Serait-ce 
indifférence?  L'empereur  aurait- il  oublié  les  bienfaits  dont 
l'a  comblé  le  saint  siège  l!  Le  pape  ne  lui  a-t-il  pas  conféré 
de  bien  bon  gré  la  couronne  impériale  "}  N'est-il  pas  disposé 
à  lui  accorder  d'antres  bénéfices  P  Ce  langage  du  souverain 
pontife  déplut  fort  aux  princes  qui  environnaient  Frédéric  ; 
ils  murmurèrent ,  ils  menacèrent  ;  et  lorsqu'un  des  légats 
leur  eut  répliqué:  de  qui  donc  l'empereur  tient -il  sa  cou- 
ronne, s'il  ne  la  tient  pas  du  pape.^  Otton  de  Bavière  ne  con- 
tint plus  son  indignation  :  il  tirait  son  sabre,  et  il  eût  imman- 
quablement tranché  la  tête  du  légat,  si  Frédéric  ne  se  fût 
hâté  d'opposer  à  cette  violence  son  autorité  impériale ,  et  de 
faire  conduire  dans  leur  logis  les  envoyés  du  saint  siège, 
en  leur  ordonnant  de  pai'tir  le  lendemain  de  très -grand 
matin ,  et  de  s'en  retourner  à  Rome  par  le  chemin  le  plus 
droit  sans  s'arrêter  chez  les  évêques  ni  chez  les  abbés. 

De  retour  à  Rome ,  ils  racontèrent  et  exagérèrent  les  périls      Radevic.  lib. 
qu'ils  avaient  courus  ;  mais  ils  furent  accusés  d'imprudence  ^■>^-  ^^' 
et  d'ignorance  par  une  moitié  du  public  et  même  du  clergé. 
Le  pape  prit  le  parti  d'écrire  aux  evêques  d'Allemagne  :  c'est 
la  troisième  de  ses  lettres  dans  le  père  Labbe  ;  il  y  recom-      Condilor.  t. 
mande  aux  prélats  de  ne  rien  négUger  pour  ramener  Frédéric  ^'  P-  "^^• 
à  de  plus  humbles  sentimens.  On  a  la  réponse  de  ces  évêques  :      Radevic.  lil>! 

O02 


XII  SIECLE. 


Radevic 
17  —  23. 


292  ADRIEN  IV,  PAPE. 

elle  est  ferme  et  judicieuse  :  «  Vos  paroles ,  disent  -  ils  au 
«  saint  père ,  ont  choque  toute  la  cour ,  et  nous  ne  sam^ions 
«  les  approuver.  L'empereur  ne  peut  jamais  croire  qu'il 
<c  tienne  de  vous  sa  couronne  :  il  jure ,  que  lorsque  l'église 
«  veut  asservir  les  trônes,  cette  volonté  ne  vient  pas  de  Dieu. 
«  Il  parle  d'images  et  d'inscriptions  qui  chez  vous  outragent 
«  sa  puissance  :  il  ne  souffrira  point,  dit-il,  ces  insultes  ;  il 
«  renonceiait  plutôt  à  son  sceptre.  Nous  vous  invitons  à 
ce  détruire  ces  monumens  d'inimitié  entre  l'empire  et  le  sacer- 
«  doce  ;  nous  vous  conjurons  d'appaiser  un  prince  chrétien, 
«  en  lui  parlant  désormais  un  langage  plus  conforme  à 
«  l'évangile.  » 

En  même  temps  cpie  les  évêques  écrivaient  cette  épître , 
Frédéric  Barberousse  se  disposait  à  passer  en  Italie  ;  et  déjà 
son  chancelier  Reynald  y  était  arrivé.  Adrien  IV  se  souvint 
de  Guillaume  de  Sicile,  et  comprit  qu'il  était  temps  de  mon- 
trer plus  de  déférence  à  l'empereur.  Des  légats  plus  habiles 
et  plus  souples  que  les  précédens  se  rendirent  d'abord  à 
Modène ,  auprès  de  Reynald ,  qu'ils  étonnèrent  par  la  modestie 
de  leur  langage  et  l'humilité  de  leurs  démarches.  Ils  trou- 
Radevic.c.  22.  vèrent  Frédéric  à  Augsbourg  sur  le  Leck,  et  lui  présentèrent 
une  nouvelle  épître  d'Adrien.  Cette  lettre  est  la  quatrième 
dans  le  recueil  déjà  cité  ;  et  l'explication  qu'elle  donne  des 
termes  de  la  seconde  équivaut  à  une  rétractation.  «  Par  le 
«  mot  beneficium ,  dit  le  pape ,  nous  avons  entendu ,  non  un 
«  bénéfice  ou  un  fief,  mais  un  bienfoit  ou  un  service  ;  en 
«  parlant  de  votre  couronne,  nous  n'avons  pas  prétendu 
«  vous  l'avoir  conférée  ;  nous  rappellions  seulement  l'hon- 
«  neur  que  nous  avions  eu  de  la  placer  sur  votre  tête  auguste  : 
«  Contulimus  signifie  i?nposuimus.  »  Ce  commentaire,  qui 
ne  plaît  point  à  Baronius ,  satisfit  l'empereur ,  et  opéra  entre 
ce  prince  et  le  pape  une  reconciliation  cpi  ne  fut  pas  de 
longue  durée. 

Au  mois  d'octobre  11 58 ,  Frédéric  tint  à  Roncaille ,  entre 
Parme  et  Plaisance,  une  assemblée  où  les  évêques  et  les 
abbés  reconnurent  qu'ils  tenaient  de  lui  les  droits  régaliens. 
Mécontent  de  cette  déclaration  et  de  l'àpreté  avec  laquelle 
les  officiers  de  l'empereur  exigeaient  le  droit  de  fourrage  sur 
les  terres  de  l'église  romaine,  Adrien  IV  écrivit  à  Frédéric 
18.  une  lettre  qui  ne  nous  a  point  été  conservée  :  mais  Radevic, 
qui  nous  en  rend  compte  ,  dit  qu'elle  cachait ,  sous  des 
formes   humbles   et  douces  ,  beaucoup   d'amertume  et  de 


Concilier. 
X,  p.  ii47- 


Ann.  II 58,  76. 


Radev.lib.II 
c.  1  — i5. 


Lib.  II ,  c. 


ADRIEN  IV,  PAPE.  293 

hauteur.  En  y  ï^epondant,  l'empereur  aCI'eera  de  placer,  dans   ^^  SIECLE. 
l'inscription ,  son  nom  avant  celui  du  pape  :  c'était  levenir      Radev.  app. 
à  un  ancien  usage  auquel  on  substituait  depuis  quelques  v-  562. 
temps   des   formes  qu'on   croyait    plus   respectueuses.    Ces 
bagatelles  aigrirent  le  souverain  pontife;  et  le  bruit  courut 
qu'il  venait  d'écrire  aux  Milanais  et  à  quelques  autres  sujets 
de  Frédéric  pour  les  exciter  à  la  révolte  contre  ce  prince  : 
ces  lettres  furent,  dit- on,  interceptées. 

Nous  avons  dans  le  P.  Labbe,n°  6,  des  lettres  d'Adrien  IV,  Conciiior.  t.x. 
sa  réplique  à  l'empereur.  «Mettre  votre  nom  avant  le  nôtre, 
«  dit  le  pape,  c'est  arrogance,  c'est  insolence  :  et  vous  faire 
«  rendre  hommage  par  des  évêques ,  par  ceux  cjue  l'écriture 
«  appelle  des  dieux,  des  fils  du  Très -Haut  {dii  estis  et  filii 
«  exceUl  omnes)^  c'est  manquer  à  la  foi  que  vous  avez  jurée 
«  à  saint  Pieri-e  et  à  nous.  Hàtez-vous  donc  de  vous  amen- 
«  der,  de  peur  qu'en  vous  attribuant  ce  qui  ne  vous  apjiar- 
«  tient  pas,  vous  ne  perdiez  la  couronne  que  nous  vous 
«  avons  donnée 3).  Cette  épitre  ne  resta  point  sans  réponse; 
les  esprits  s'échauffèrent  ;  et  malgré  les  négociations  tentées 
dans  une  assemblée  de  Bologne  en   1 1 5g  après  Pâques ,  la 
guerre  allait  éclater,  si  le  pape  n'était  mort  le  i*^''  septembre 
de  la  même  année.  Il  mourut  d'une  esquinancie ,  et ,  s'il  en 
fallait  croire  l'abbé  d'Urspech ,  au  moment  même  011  il  pro-      ciironlc.   p. 
noncait  l'excommunication  contre  Frédéric.  Mais  cette  cir-  '^^.''  ~  ^'""Ç'  ' 
constance  nest  pouit  du  tout  avérée;  et  Ion  doute  aussi,  „.  4. 
malgré  le  récit  de  Mathieu  Paris,  que  ce  pape  ait  été  em-      vit.  abb.  s. 
poisonné  pour  avoir  refusé  d'ordonner  évêque  le  fils  d'un  Aiban.  p.  74. 
Romain  très -puissant. 

Nous  avons   cru  devoir   réduire   à   ce  petit  nombre  de 
faits  la  vie  d'un  pape  qui  n'est  pas  né  en  France,  et  qui 
n'appartient  guère  à  la  littérature  que  par  ses  épîtres  ponti- 
ficales.  Car  les  autres  écrits  que  lui  attribuent  Simler ,  Ol- 
doini ,  Jean  Pits,  Louis  Jacob ,  sont  fort  apocryphes  :  ce  sont      Simier,  Bibi. 
des  homélies,  des  instructions  ou  réglemens  ecclésiastiques  ^  •"'•  "à"T°'' 
pour  la  Norv^'ège,  deux  livres  sur  sa  légation  dans  le  nord,  Rom.  p.  11  Tp. 
deux  livres  sur  la  conception  de  la  Sainte- Vierge ,  et  un  494— J- Pits. 
ouvrage  adressé  à  Pierre  de  Pontigni,  ouvrage  qui,  selon  deillusti-.Angi. 
quelques-uns  n'est  pas  distinct  de  l'un  des  deux  livres  sur  i".Tacob.^R?bL 
la  conception.  Ces  écrits  composés,  dit- on,  par  Adrien  IV  Pomif.  -  No- 
avant  son  pontificat,  c'est-à-dire  avant  1 154 ,  ne  sont  connus  •"«^"Ç'^""'  «^ar- 
que  par  leurs  titres  ;  aucun  n  est  imprime ,  et  1  on  ne  cite  ]3as 
même  les  bibliothèques  ori  ils  se  conservaient  manuscrits. 


ûg/i  ADRIEN  IV,  PAPE, 

xn  SIECLE.    Jean  Magiius ,  dans  son  histoire  des  rois  goths  et  suédois , 
Liv.  XVIII    P^rle  fort  au  long  de  la  mission  remplie  auprès  des  peuples 
p.  19.  '  du  nord  par  Adrien,  alors  Nicolas  e'vêque  d'Albano  ;  mais 

des  deux  livres  que  ce  prélat  aurait  composés  sur  cette  léga- 
tion ,  Jean  Magnus  paraît  n'en  avoir  aucune  connaissance. 
Observons  aussi   que   Pierre  ne  devint   abbé  de  Pontigni 
Manriq.Ann.  qu'en  1 1 82 ,  vingt- trois  ans  après  la  mort  d'Adrien  IV,  et 
Cisterc.  t.  n,  q^^'ji  çg|-  par  conséquent  difficile  de  concevoir  comment  ce 
547!*^'^^"     ^   pontife   aurait  adressé  un  livre  ad  Petrum  Pontiniacum , 
comment  sur-tout  ce  livre  aurait  été  composé  avant  ri54» 
c'est-à-dire  en  un  temps  oîi  Pierre  de  Pontigni,  bien  jeune 
encore,  ne  pouvait  guère  avoir  de  relations  avec  l'évêque 
d'Albano  ou  avec  l'abbé  de  Saint-Ruf.  Nous  n'aurons  donc 
à  rendre  compte  ici  que  des  lettres  d'Adrien  IV. 

LeP.Labbé  en  a  inséré  cjuarante-une  dans  sa  collection  des 
Concilior.t.x,  conciles,  et  nous  avons  déjà  parlé  des  quatre  premières  et 
p.  1143-1175.  de  la  sixième.  La  cinquième  est  une  réponse  à  l'empereur, 

3ui  avait  nommé  à  l'évêché  de  Ravenne  Guy,  fils  du  comte 
e  Blandrate  :  Adrien  refuse  de  confirmer  cette  nomination. 
Dans  la  septième,  adressée  à  l'archevêque  deThessalonique, 
les  grecs  sont  exhortés  à  se  réunir  à  l'église  latine.  La  hui- 
tième est  l'acte  où  Adrien  déclare  que  Guillaume,  roi  de 
Sicile ,  lui  laisse  à  Bénévent  une  pleine  liberté.  La  neu- 
vième est  aussi  datée  de  Bénévent  ;  elle  ordonne  de  recom- 
mencer à  célébrer  l'office  divin  dans  une  chapelle  de  confrérie 
où  on  l'avait  interrompu.  Les  vingt  suivantes  jusqu'tà  la  vingt- 
neuvième  inclusivement  concernent  quelques  affaires  parti- 
culières des  églises  de  France,  et  sont  adressées  à  des  évêques, 
à  des  abbés ,  au  chancelier  Hugues ,  au  roi  Louis  VIL  II  y  en 
a  dix  (n°  lo  —  19)  qui  ont  pour  objet  le  maintien  et 
l'accroissement  des  revenus  ecclésiastiques  du  chancelier 
Hugues.  Dans  la  vingtième ,  ce  même  Hugues  est  remercié 
des  soins  efficaces  qu'il  a  pris  pour  concilier  les  rois  de 
France  et  d'Angleterre;  il  est  vivement  exhorté  à  ne  rien 
négliger  pour  cimenter  de  plus  en  plus  cette  union.  D'autres 
(n**  21,  aS ,  26,  27,  28)  sont  relatiA'es  aux  prétentions  des 
comtes  de  Nevers  sur  l'abbaye  de  Vezelai.  Par  la  vingt -neu- 
vième ,  l'abbaye  de  la  Baulne  au  diocèse  de  Besançon ,  est 
assujétie  à  celle  de  Cluny.  Mais  la  plus  remarquable  de  ces 
lettres  est  la  vingt-troisième,  où,  répondant  à  Louis  VII 
qui  lui  avait  demandé  des  indulgences  pour  ceux  qui  se 
croiseraient  contre  les  Sarrasins  d'Espagne,  le  pape  désa- 


ADRIEN  IV,  PAPE.  agô 

prouve  très -hautement  cette  entreprise.  «  Rappelez  -  vous , 
«  dit -il  à  Louis,  votre  voyage  à  Jérusalem.  Vous  partîtes, 
«  vous  et  l'empereur  Conrad ,  sans  précaution  et  sans  vous 
«  être  concertés  avec  les  chrétiens  de  la  Palestine.  Auriez- 
«  vous  oublié  les  désastres  qu'entraîna  votre  inconsidération? 
«  L'église,  toute  la  chrétienté  en  souffre  encore;  et  le  Saint 
«  Siège,  en  favorisant  vos  projets  a  mécontenté  l'Europe  et 
«  l'Orient,  qui  lui  ont  reproché  leurs  malheurs  ».  La  tren- 
tième lettre  d'Adrien  et  les  deux  suivantes  confirment  les 
privilèges  accordés  par  les  papes  précédens  aux  archevêques 
de  Tolède.  La  trente-troisième  charge  l'archevêque  de  Tolède 
Jean  de  s'informer  des  mœurs  de  l'évêque  de  Pampelune.  La 
trente- quatrième  et  la  trente -cinquième  sont  adressées  au 
clergé  et  au  peuple  d'Espagne  :  Adrien  y  ratifie  l'élection  de 
Hugues  à  l'evêché  de  cette  ville,  et  lève  l'interdit  mis  sur 
elle.  Les  cinq  qui  suivent  soumettent  plusieurs  diocèses  de 
Dalmatie  au  patriai'che  de  Grade.  La  quarante -unième  est 
écrite  à  Bérenger  archevêque  de  Narbonne ,  et  à  son  clergé  : 
le  pape  y  confirme  la  renonciation  d'Hermengarde ,  vicom- 
tesse de  Narbonne ,  aux  biens  des  évêques  décédés. 

M.  Brial  vient  d'insérer  dans  le  quinzième  volume  du 
Recueil  des  Historiens  de  France,  cmquante -  cinq  lettres 
d'Adrien  IV,  ou  plutôt  cinquante-deux  ;  car  il  y  en  a  trois  qui 
sont  adressées  à  ce  pape,  1  une  par  Gautier  évêque  de  Laon, 
et  les  deux  autres  par  l'évêque  du  Mans  .Guillaume.  Ces 
deux  dernières  étaient  encore  inédites  ,  ainsi  que  les  deux 
lettres  d'Adrien  IV  lui-même,  placées  par  le  savant  éditeur 
sous  les  numéros  5i  et  52,  et  relatives  à  un  différend  qui 
s'était  élevé  entre  des  moines  de  l'ordre  de  Chini  et  les 
chanoines  de  Périgueux.  Des  cinquante  autres,  vingt  sont 
du  nombre  des  quarante -une  qui  se  trouvaient  dans  la 
collection  du  P.  Labbe,  et  dont  nous  avons  rendu  compte; 
en  sorte  que  nous  n'avons  plus  à  indiquer  ici  que  les  trente 
que  M.  Brial  a  puisées  en  divers  recueils.  On  en  remarque 
une  à  Louis -le -Jeune  à  qui  le  pape  recommande  les  pré- 
montrés. Presque  toutes  les  autres  sont  adressées  à  des 
évêques  et  à  des  abbés.  Il  s'agit  dans  neuf  «u  dix  des  que- 
relles qui  divisaient  depuis  long -temps  les  archevêques  de 
Doî  et  de  Tours ,  et  qui  troublaient  les  diocèses  de  Bretagne. 
L'idée  générale  qu'on  peut  prendre  du  reste  de  ces  épîtres , 
c'est  qu'elles  sont  destinées  à  terminer  des  contestations 
locales ,  à  réprimer  quelques  désordres ,  ou  à  favoriser  quel- 


XII  SIECLE. 


p.  666-693. 


Martène  , 
Anecd.  t.  III , 
p.  898  —  902. — 
Mariène,  Am- 
pliss.  Coll.  t,  II. 

—  D'Acliery  , 
Spicileg.  t.  II , 
in-fol.  p.    517. 

—  Baluz.  Mis- 
cell.    t.    II  ,   p. 

223  ,      224-     — 

JBaliiz.  Capitui. 


'^9^  ADRIEN  IV,  PAPE. 

XII  SIECLE,  ques  intérêts  personnels.  Dans  celle  qui  est  adressée  à  Bé- 
t.  II,  p.  i66.—  renger  archevêque  de  Narbonne,  et  à  l'évêque  d'Elne,  Artaud, 
De  Hontiieim,  Adrien  confirme  l'excommunication  lancée  par  Eugène  III 
Hist.Tievir.Di-  contre  Geoffroi,qui  ayant  renvoyé  sa  première  femme  en 
58o"^p'lanchcrj  ^^^^^  épousé  uuc  seconde  :  celle-ci  est  déclarée  adultère,  ses 
Hist.  de  Bour-  eufaus  sont  illégitimes,  et  seront  excommuniés  s'ils  prétendent 
gogne,  t.i,pref.  jamais  succéder  à  leur  père. 

His^t'^de^Toùr-  Voilà  jusqu'ici  soixante -treize  lettres  d'Adrien  IV,  savoir 
nus,p.i,p.  166.  cinquante -deux  dans  le  quinzième  volume  des  Historiens  de 
-LeBœuf,Hist.  France,  et  vingt-une  autres  dans  les  Conciles  du  P.  Labbe. 
ii.^as'v"— Ga-  ^  ^^^  Soixante -treize  épîtres ,  il  en  faut  ajouter  six  que  Ma- 
riei,Eplsc.  Ma-  billon  a  l'ccueillies.  i"  Lettre  à  Hildegarde,  supérieure  du 
gueion.  p.  198,  monastère  de  Saint-Rupert  sur  la  montagne  de  Binge,  in 
Ouniâc.  p"  6s'.  '>^o/ite  Bingio  ;  le  pape  désire  recevoir  d'elle  des  avis  salu- 
-Bibiiotli.Pr»-  taircs  ,  commonitoiia  verha ,  parce  c[u'on  lui  a  dit  qu'elle 
monstr.  p.  43i.  était  imbue  de  l'esprit  des  miracles  de  Dieu,  quia  spiritu 
'^  Duchesne  iniraculorum  Dei  imbuta  diceris  ;  et  en  échange  des  leçons 
Script. Franc. t.  qu'elle  doit  lui  adresser,  il  lui  donne  le  conseil  de  se  montrer 
IV,  p.  586-592.  humble  et  persévérante  :  2°  lettre  à  l'archevêque  deSalzbourg 
Ann.Be^ned°Hb'.  ^^  ^  l'évêque  de  Ratisbonne ,  pour  leur  recommander  un 
LXXX,n.  42;  abbé  vexé  par  ses  religieux:  3°  réprimande  adressée  à  ces 
lib.  Lxxvii ,  moines  eux-mêmes  :  4°  courte  exhortation  à  Martin ,  abbé 
dius^M^ropoL  ^^  Saint -Vast  d'z\rras,  et  à  sa  communauté  :  5"  réprimande 
Sahb.  t.  Il ,  p.  à  Guillaume ,  abbé  de  Toulon ,  qui  avait  fait  éprouver  quel- 
212,  2i3.  que  dommage  aux  moines  de  Saint-Victor  de  Marseille  ses 

A      b'^''j''Î"k   anciens  confrères:  Çp  réprimande  à  Mac&ire,  abbé  de  Fleurv 

Ann.Bened.lib.  1    .  .  .  o       '    v\  ■     ^-  ^' 

LXXVii  ,  n.  ou  Saint -Benoit- sur- Loire  ,  qui  avoit  rehise  [hospitalité 
i56  ;  —  lib.  aux  évêques  du  Mans,  d'Evreux ,  et  à  Robert,  abbé  de  Saint- 
^^^^Txx'x'  Alban. 

-lib.    LXXX,  1  •  '  1  •  i-  (. 

u.  72;-n.  55.       Nous  croyons  devoir  séparer  de  ces  soixante- dix -neui 

-V.  ci-dessus,  lettres,  dix  à  douze  pièces  qui  méritent  mieux  le  nom  de 

P'  '^^^' .  ^^^^^    bulles ,  privilèges  ou  diplômes  :  une  bulle  du  mois  d'avril 

Hist.  duLang!  Il 55,  qui  confii-me  les  droits  de  légHse  de  Maguelonne; 

t.  Il,  p.  476-     une  autre  bulle  qui  permet  aux  abbés  et  prévôts  de  l'ordre 

^'^t^ub  ^"^T  ^^^  Prémontrés  de  tenir  tous  les  ans  des  chapitres  généraux; 

,/|  '      divers   privilèges   accordés  à  l'abbaye   de   Saint -Bertin    et 

Ou  Jean  Le-  indiqués  par  Jean  d'Ypres;  des  diplômes  en  faveur  des  cha- 

long.  —  Mar-  noiiics  réguliers  de  Saint- Victor  et  de   Sainte  -  Geneviève  à 

in^'p^5^7     '   Paris;  un  diplôme  qui  déclare  que  l'abbaye  de  Casaure  est 

Oudin,   de  immédiatement  soumise  au  Saint-Siège;  un  autre  qui  ratifie 

Scrip.  eccies.  t.  j^^  donation  laite  aux  chanoines  de  Saint-Eusèbe  à  Auxerre, 

^^'concU   an-  ^^  vevenu  de  la  première  année  des  prébendes  de  la  cathë- 


RAIMOND,  ÉVÊQUE  DE  MAGUELONNE.       297 
drale  à  chaque  mutation  ;  un  autre  qui  confirme  Geoffroi    Xll  SIECLE. 
dans  sa  fonction  d'abbé  de  Lagni  ;  un  autre  encore  qui  ga-  pend.  p.  i853. 
rantit  à  des  moines  de  Toul  les  biens  qu'ils  possèdent  ;  enfin       D.  CeiUier , 
un  diplôme  qui  subordonne  à  l'abbaye  de  Saint- Corneille  Hist.  des  Aut. 

^  '     ,  ,1,.  ,       ^  .,  y  ,_  '    -jctl. t. XXXIII. 

toutes  les  églises  de  Compiegne ,  et  qui  est  accompagne  Mabiii.  Ann. 
d'une  lettre  aux  clercs  de  cette  ville  pour  leur  enjoindre  Ben.  1.  lxxx, 
d'obéir  à  l'abbë  Ansold.         '  "' d  '  Caimet 

Tels  sont  les  écrits  d'Adrien  IV,  tous  ceux  du  moins  dont  gi^^'  ^^  Lor- 
on  a  connaissance;  on  ne  peut  guère  les  considérer  comme  raine,  t.  iv, p. 
des  travaux  littéraires  :  mais  ce  pape ,  durant  un  court  pon-  ^'*%~}'}^- . 

.p  11  •         •'     ^  1      (^    •  TA-  II  Mahill.  Ann. 

tiiicat,  a  su  enrichir  le  patrimoine  de  aamt  -  Pierre  de  plu-  Ben.l.LXXIx 
sieurs  acquisitions  importantes;  il   a  réparé,  agrandi  des  n.  142. 
églises,  sur-tout  le  palais  de  Latran,  songeant  d'ailleurs  si      ^''°'".-  ^^'J" 

o       ,     '       P       .,,  r  ,  \  &   ,  1         ..    -^      tuar.  Epist.  t.  I, 

peu  a  sa  tamille  que  sa  mère,  qui  lui  survécut,  subsistait,  p.37, 38,ep.24. 
dit -on  ,  des  charités  de  l'église  de  Cantorbéry.  D. 


RAIMOND, 

ÉVÊQUE  DE  MAGUELONNE.  gj^ 

JAaimond  était  de -la  maison  des  seigneurs  de  Montpellier, 

si  nous  en  croyons  Gariel  dans  son  histoire  des  évêques  de        p.  167. 

cette  ville,  et  les  auteurs  de  la  France  chrétienne.  La  manière  t.  vi,  p.  748. 

dont  ce   fait  est  rappelé  aussi  dans  l'histoire  générale  de 

Languedoc,  par  dom  Vaissette,  annonce  que  cet  historien    T.  Il,  p.  402. 

ne  le  regardait  pas  comme  certain.  L'année  de  la  naissance 

de  Raimond  ne  nous  est  pas  connue.  Gariel  dit  seulement 

qu'il  avait  été  doyen  de  Pesquières  dans  le  diocèse  de  Nîmes, 

avant  d'être  élevé  cà  l'épiscopat. 

Ce  fut  vers  le  mois  d'août  1 1 2()  que  Raimond  devint  nd.  ihid. 
évêque  de  Maguelonne.  Quelques  troubles  suivirent  son  élec- 
tion. Bernard  IV,  comte  de  Substantion  ou  de  Melgueil  (Mel- 
gueil  était  le  chef- lieu  du  comté  de  Maguelonne,  et  les 
seigneurs  de  ce  comté  en  avaient  pris  le  titre),  ne  voulut 
pas  le  reconnaître  ;  il  se  plaignait ,  dit-on ,  de  ce  que  le  nou- 
veau prélat  avait  été  choisi  par  d'autres  que  par  lui ,  contre 
le  droit  dont  sa  famille  avait  joui ,  de  faire  ces  nominations. 
Il  prit  même  les  armes,  et  ravagea  les  terres  de  l'évêché. 

Tome  Xlll.  '  Pp 


298       RAIMOND,  ÉVÊQUE  DE  MAGUELONNE. 
XII  SIECLE.   Nous  connaissons  l'opposition  qu'il  forma,  et  les  dommages 
Galiia  Christ.  *^1^  *^  causa,  par  un  acte  de  la  fin  de  la  même  année  ou  de 
t.  A'i,  aux  Pr.  l'année  suivante  i  i3o.  Bernard  y  déclare,  pour  la  rédemption 
p.  354.  Je  son  ame  et  de  celle  de  ses  parens ,  qu'il  a  commis  une 

«  injustice  envers  l'église  de  Maguelonne  ;  il  lui  promet  désor- 

mais révérence  et  protection  ;  il  lui  fait  des  dons  pour  répa- 
rer le  mal  qu'il  lui  avait  causé  ;  il  s'engage  même  et  y  oblige 
ses  successeurs,  à  donner,  chaque  année,  le  jour  de  l'Assomp- 
tion, un  très-bon  dîner,  optimum  apparatum ,  à  tous  les 
liabitans  de  Magvielonne.  L'acte  est  souscrit  par  Guillelmete 
de  Montpellier,  femme  de  Bernard , laquelle  l'econnaît  égale- 
ment les  dons  et  les  obligations  qui  y  sont  renfermés. 
Hist.  de  Lang.       Raimond  paraît ,  comme  évêque  de  Maguelonne  ,  dans  un 
t.ii,auxPreuv.  ^j^jg  antérieur  et  qui  doit  suivre  immédiatement  son  élection, 
''  '  puisqu'il  est  du  mois  d'août  1 129  ;  c'est  le  contrat  de  mariage 

de  Guillaume  VI,  seigneur  de  Montpellier;  il  le  signa  avec 
les  archevêques  d'Arles  et  de  Narbonne,  et  les  évêques  de 
Galiia  Christ.  Lodève  et  de  Béziers.  Il  paraît  au  même  titre,  vers  la  fin  de 
c  ^^'J'^'  ^^°'  la  même  année,  à  un  synode  tenu  dans  le  diocèse  d'Asde. 

67661839.  -,1  1  /        a"  1       •'l  •  1  TVT  1  "       1 

11  est  un  des  eveques  de  la  province  de  JNarDonne  auxquels 
Innocent  II  adresse,  au  mois  de  novembre  ii3o,  sa  lettre 
pQur  le  monastèi'e  d'Aniane,  dont  un  domestique  avait  été 
asèassiné  par  quelques  chevaliers  des  diocèses  qui  formaient 
cette  province.  La  lettre  de  ce  pape  est  imprimée  dans  le 
P.  370.  quinzième  volume  de  la  nouvelle  collection  des  historiens  de 
France.  Nous  en  avons  déjà  parlé ,  ainsi  que  de  l'événement 

Ci-dess.  p.  236.  qui  y  donna  lieu ,  à  l'article  de  Raimond  de  Montredon. 

Dans  le  même  temps ,  notre  prélat  assista  au  concile  tenu  à 

Galiia  Christ.  Clemiont ,  par  Innocent  II.    Il  assista  l'année  d'après,  au 

t"^i,  p-  7'i8  et  ij^ois  d'octobre,  à  celui  de  Reims,  et  par-conséquent  au  sacre 

749   Actaconc.     jt-it  ■  r        r   •  \  ^ 

t.  \i,  part.  2,  "*^  Louis-le-Jeune ,  qui  y  tut  tait  par  le  même  pape,  et  non 

p.  118761 1199.  par  Urbain  II,  comme  on  l'a  dit  par  inadvertance  dans  la 

France  Chrétienne  ;  Urbain  II ,  à  cette  époque ,  était  mort 

depuis  plus  de  trente  ans.  Il  assista  plus  tard   à  un  autre 

concile ,  celui  de  Narbonne ,  dans  lequel  on  s'occupa   des 

maux  faits  au  diocèse  de  Perpignan  par  les  courses  fréquentes 

des  pirates-sarrasins  qui  venaient  l'infester  par  les  pillages, 

les   contributions    pécuniaires ,   l'enlèvement   des   liabitans 

Hist.deLang.  qu'ils  menaient  en  captivité,  leur  massacre  même.  Quelques 

t.  II ,  p.  437 ,  actes   aussi  lui   sont   adressés  ;   comme   la   lettre   du   pape 

'*'^^  \  ^'    5o3  Lucius  II,  en   1144^  pour  la  restitvition  des  biens  légués  à 

et  552. -GaU.  l'abbaye  de  Saint -Chaffre  en  Vëlay  ;  celle  d'Eugène  III,  eu 


RAIMOND,  ÉVÊQUE  DE  MAGUELONNE.       299 

î  i53  1  relative  encore  au  monastère  d'Aniane  ;  celle  d'Adrien  xil  SIECLE. 

IV,  en  ii55,  pour  mettre  Guillaume  de  Montpellier  et  ses  chr.  t.  vi,  p. 

terres  sous  la  protection  du  saint  siège  ;  et  deux  chartes  de  840  ;   et    aux 

Louis -le -Jeune  en  faveur  de  l'e'glise  de  Magueionne.  Il  est  P""'^-  p-  357. 

cité  dans  quelques  actes  encore ,  indiqués  ou  consei'vés  dans  Oaii.  christ. 

la  France  Chrétienne,  et  dans  l'Histoire  générale  de  Lan-  tvi,auxPreuv. 

1  1  17-    •  P-   279  et   3iq. 

guedoc,  par  dom  Vaissette.  Vaiss.  t.  11,  p. 

Verdale  et  Gariel,  et  d'après  eux  les  auteurs  du  Gallia  42;),44i,etaux 
Christian  a ,  lui  donnent  trente  ans,  trois  mois  et  douze  jours  Pf^u^- P-  449' 
d'épiscopat.  On  doit  ainsi  placer  au  mois  de  novembre  1 169  '^''°  *  '" 
l'époque  de  sa  mort.  Ces  écrivains  font  tous  mention  égale- 
ment de  sa  libéralité  envers  l'église  de  Magueionne ,  des  édi- 
fices à  son  usage  qu'il  fit  réparer  ou  construire,  de  plu- 
sieurs autres  présens  en  livres ,  en  calices  et  ornemens 
précieux ,  etc.  Mais  ce  n'est  pas  là  ce  qui  doit  nous  occuper. 
Nous  devons  à  ce  prélat  des  statuts  synodaux  et  des  reglé- 
mens  qui  ont  plus  de  relation  avec  l'objet  de  cet  ouvrage. 
Les  premiers  furent  donnés  vers  l'an  11 55,  et  à  l'occasion 
d'une  visite  générale  de  son  diocèse,  que  Raimond  fît  alors. 
Les  auteurs  que  nous  avons  cités  se  contentent  de  rappeler 
l'existence  de  ces  statuts  synodaux,  sans  nous  dire  ce  qu'ils 
prescrivaient.  Nous  avons  en  entier,  au  contraire,  le  règle- 
ment fait  par  lui  pour  une  léproserie  fondée  par  Guillaume  VI, 
seigneur  de  Montpellier  ;  l'acte  porte  le  titre  de  décret.  Il 
contient  les  dispositions  suivantes. 

«  Tout  lépreux  ou  lépreuse ,  mesel  ou  meselle,  misellus  vel 
inisella  (  on  sait  que  mesel  exprime  aussi  un  homme  infecté 
de  ladrerie)  qui  voudra  être  reçu  dans  la  maison,  promettra 
de  s'y  donner  à  Dieu,  de  le  servir,  et  d'obéir  aux  adminis- 
trateurs. Aucun  ne  pourra  être  admis ,  s'il  refuse  de  pro- 
mettre cette  obéissance.  S'il  l'a  promise ,  dix  Jours  après 
son  entrée ,  on  lui  demandera  publiquement ,  en  présence 
de  tous  les  frères,  si  ce  genre  de  vie  lui  convient,  et  dans  le 
cas  de  l'affirmative ,  il  y  deineui'era  jusqu'à  sa  mort ,  et  l'ar- 
gent qu'il  aurait  apporté  restera  irrévocablement  à  la  maison  : 
s'il  déclare,  au  contraire,  que  ce  genre  de  vie  ne  lui  convient 
pas,  on  lui  rendra  cet  argent,  et  il  quittera  l'hospice.  » 

Raimond  leur  recommande  ensuite  de  ne  pas  se  rendre 
coupables  de  fornication,  de  vol,  de  rapines  ;  d'éviter  la 
médisance ,  la  flatterie ,  la  discorde.  Il  leur  ordonne  de  se 
lever  incontinent  dès  qu'ils  entendront  le  son  de  la  cloche, 
de  se  rendre  aussi-tôt  à  l'église  dans  un  profond  silence ,  d'y 

Ppa 


3oo 


GERARD  DE  NAZARETH. 


XII  SIECLE,  prier  pour  leurs  bienfaiteurs,  et,  la  messe  finie,  de  retour- 
ner ,  avec  le  même  ordre  et  le  même  silence ,  dans  leur 
cellule  :  les  malades  qui  ne  pourront  aller  à  l'église ,  diront 
en  leur  particulier  les  prières  que  le  prêtre  leur  aura  pres- 
crites. Les  dispositions  qui  suivent  sont  relatives  à  des  prières 
aussi  cju'on  leur  impose ,  et  qu'on  détermine  pour  des  morts 
qui  auraient  laissé  quelque  chose  à  l'établissement,  ou  avec 
cjui  on  y  aurait  eu  un  lien  de  confraternité.  Raimond  y 
indique  enfin  ce.cju'on  doit  faire  après  les  repas,  pendant  le 
jour,  dans  les  dortoirs,  et  au  moment  où  finit  le  sommeil. 
Il  promet  à  tous  ceux  qui  observeront  fidèlement  ces  statuts 
qu'il  leur  donne,  le  pardon  de  tous  leurs  péchés,  la  vie  éter- 
nelle, les  biens  temporels  même,  et  l'amitié  de  toutes  les 
personnes  qui  connaîtront  leur  conduite. 

Ces  statuts ,  si  imparfaits  et  si  courts ,  ne  forment  pas , 
comme  on  voit,  un  grand  titre  à  la  gloire  de  leur  auteur; 
c'est  néanmoins  tout  ce  que  nous  avons  pu  recueillir  de 
Raimond  de  Maguelonne.  Ils  furent  donnés  en  1 1 38.       P. 


GÉRARD  DE   NAZARETH, 

ÉVÊQUE  DE  LAODICÉE,  EN  SYRIE. 


lO,  p. 

p.  742. 


T.  II,  p.  219.    C^AVE,  dans  son  Histoire  littéraire  des  écrivains  ecclésias- 

Centur.  12,  tiques,  Ics  centuriatcurs  de  Magdebourg ,  et  le  père  Lelong, 

•37S-  dans  sa  Bibliothèque  sacrée,  ont  pensé  cjue  ce  prélat  était 

galilécn.  Ils  se  fondaient  sans  doute  sur  le  surnom  par  lequel 

on  le  désigne  ordinairement  ;  mais  ne  peut-il  l'avoir  tiré  de 

ce  qu'il  fut  d'abord  moine  à  Nazareth  .'^  Il  y  a  lieu  de  croire 

effectivement  que  Gérard  était  né  en  France,  comme  tant 

d'auties  ecclésiastiques  ou  religieux  qui  se  trouvaient  alors 

en  Palestine. 

CayeeiCenf.       Gérard  appartint  d'abord  à  l'ordre  de  Saint -Benoît  ;  il 

de  Magd.  ibid.  p^^^ga  ensuite  dans  l'ordre  des  Carmes,  qui  venait  de  s'établir, 

et  devint  enfin,  vers  ii4oi  évêque  de  Laodicée  en  Syrie.  Il 

GuUl.deTyr,  l'était  déjà  en  ii4i ,  puisqu'il  assista  en  cette  qualité,  cette 

liv.  XV,  §  16,  aniiée  même ,  au  concile  tenu  à  Antioche ,  sous  la  présidence 


GÉRARD  DE  NAZARETH.  3oi 

du  cardinal  Albe'ric,  lëgat  du  saint  siège,  concile  dans  lequel    ^i'  siècle. 

le  patriarche  de  cette  église ,  Raoul ,  tut  déposé.  Je  dis  en 

1141,  et  la  date   est  certaine,  comme  nous  le    verrons  à 

l'article  d'Aiméric,  patriarche  d'Antioche.  Guillaume  de  Tyr,  Liv.xv,p.  16. 

cependant ,  met  le  concile  sous  l'an   1 1 36  ;  et  Baronius  le       Annal,    an 

place  sous  la  même  année  ou  en  i  iSy.  ^ 

Gérard  de  Nazareth  fut  distingué  par  ses  connaissances    „    .  d  m 
dans  la  littérature  sacrée,  dans  la  philosophie,  dans  la  rhé-  p.  137g. 
torique ,  dans  les  langues  anciennes.  Nous  avons  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages.  Un  des  principaux  est  intitulé  de  Conversa- 
tions Servorum  /)eîVou,selon  Fabricius,dans  sa  Bibliothèque  T.  m,  p.  122. 
de  la  moyenne  et  basse  latinité ,  de  Com'ersatione  viroriun      „., ,   ^ 

T\    -    •      ^        -f  ^^  .■  T         •         1'-      !•  Bibl.  Eccles. 

L/ei  m  terra  sancta   commorantmm.  Lemn^e  1  indique  sous  deiabric  p.qo. 
le  même  titre.  Les  centuriateurs  de  Magdebourg  rapportent  p.  1603-1609. 
plusieurs  traits  qui  en  sont  tirés.  Dans  le  second  chapitre, 
par  exemple,  l'auteur  parle  d'un  ermite  du  Mont-Thabor,  p. i6o3eti6o4. 
qui ,   ayant  senti  pour  une  jeune  et  belle  musulmane  les 
aiguillons  de  la  volupté,  s'enfuit  au  milieu  des  bois,  espérant 
vaincre  le  penchant  qui  s'élevait  en  lui,  par  la  faim,  par  la 
soif,  par  le  travail ,  par  la  solitude  :  là  un  vieillard  se  pré- 
sente ;  c'était  le  diable  sans  doute  ;  et  pour  amortir  la  passion 
de  l'ermite,  il  en  frappe  la  tête  si  violemment,  ut  carnis 
strumam  evomeret  (on  sait  que  strurua  veut  dire,  tumeur^ 
goitre,  scrofihule.)  Il  parie  dans  le  cinquième  chapitre,  d'un        P.  1604. 
autre  ermite  du  Mont-Thabor,  qui  passait  le  carême  dans 
un  désert,  avec  un  petit  nombre  de  pains  et  de  racines,  lut- 
tant chaque  jour  contre  la  faim ,  et  il  termine  sa  narration 
par   ces   réflexions  assez   extraordinaires   dans   un   évêque 
chrétien  :  O  ineptuin  siniiarum  genus,  jejunium  Christi  sine 
mandata  Deiet  citrà  omneni  necessitatem  iniitari prœsumens! 
Il  se  moque  aussi  sans  pitié  de  beaucoup  d'autres  sohtaires,  P.  1604  et  suiv. 
de  leurs  macérations ,  de  ces  flagellations  par  lesquelles  ils 
espéraient  chasser  de  leur  corps  le  démon  qui  les  obsédait , 
de  cet  amour  profond  d'une   ignorance   absolue   qui  leur 
faisait  dire  que,  apprendre  quelque  chose  c'était  perdre  son 
temps  en  inutilités.   Tous  les  passages  de  l'auteur  n'ont  pas 
sans  doute  le  même  ton  ;  mais  on  concevra  aisément  que 
ceux-ci  aient  obtenu  la  préférence  pour  être  publiés ,  de  la 
part  des  centuriateurs  de  Magdebourg. 

Ils  rappellent  d'autres  ouvrages  de  Gérard  de  Nazareth,     P-  1379.  v. 
et  sous  les  titres  suivans  :  aussi  Fabridus, 

Ad  Ancillas  Dei  apud  Bethaniam.  ^'""  ^'^''' 


3o2  GÉRARD  DE  NAZARETH. 

XII  SIECLE.        Vita  ahhatis  Eliœ. 

De  unâ  Magdalend ,  contra  Grcecos. 
Contra  Salani  Preshyteruni. 
Hist.  (les       Cave  les  rappelle  aussi ,  mais  avec  un  changement  dans  un 
Eciiv.ecci.t.ii,  j|pg  titres  :  au  lieu  du  mot  plus  générique  àe presbiterwn ,  il 
désigne  Sala  par  templaiium. 
Cent.deMag.       Gérard  reprochait  à  Sala  d'avoir  favorisé  un  évèque  ffrec 

p.  lioo.aumot  ,.      ,.     i     ,,  ,    ,,  -      .  .-.,.'■        ^       , 

Sala.  ^^  préjudice  dun  eveque  latm  ;  et  aussi  d  avoir   consacre 

un  cimetière,  quoique  les  évêques ,  et  non  les  simples  prêtres , 
en  eussent  seuls  le  droit. 

Quelques  Grecs  avaient  affirmé  que  Marie,  sœur  de  Lazare, 
n'était  pas  la  même  qu'on  appelle  Mairie -Magdeleine.  Les 
latins  affirmaient  le  contraire;  Gérard  de  Nazareth  fit  un 

P.i23i  eisulv.  traité  pour  le  prouver.  On  peut  voir  le  chapitre  VIII  des 
centuriateurs  de  Magdebourg.  Genebrard  rappelle  aussi 
P.  1614.  cet  ouvrage,  sous  l'an  x  i44-  Si  Marie-Magdeleine  n'était  pas 
la  sœur  de  Marthe ,  les  évangélistes ,  dit  Gérard ,  la  distin- 
gueraient avec  plus  de  soin ,  comme  ils  le  font  pour  l'autre 
Judas ,  de  peur  qu'il  ne  soit  confondu  avec  celui  que  l'on  a 
sui'nommé  Iscai'iote.  La  sœur  de  Marthe,  ajoute-t-il ,  est 
toujours  aux  pieds  de  Jésus-Chinst ,  elle  les  arrose,  les  oint, 
les  embrasse  :  on  reconnaît  aisément  à  ces  traits  Marie- 
Magdeleine.  Gérard  invoque  ensuite  l'autorité  de  plusieurs 
pères  de  l'église ,  dont  l'opinion  est  conforme  à  la  sienne.  Il 
se  propose  et  résout  les  objections  qui  peuvent  être  faites. 

Le  traité  de  Gérard  de  Nazareth  fut  attaqué  par  Sala ,  ce 
prêtre  dont  nous  venons  de  parler.  Gérard  lui  répondit  avec 
beaucoup  de  force  et  de  hauteur.  Peut-être  même  est-ce  là 
l'ouvrage  qu'on  veut  plus  particulièrement  désigner  par  ce 

P.i232eii233.  titre,  contra  Salam  Preshyterum  ;  ces  mots  y  sont  précédés 
de  Defensio  Gerardi,  Laodicensis  episcopi.  Il  compare  l'état 
où  le  met  l'obligation  de  lire  les  écrits  de  Sala ,  à  l'état  où  il 
serait  s'il  ne  pouvait  avaler  parce  qu'il  trouverait  sans  cesse 
sous  ses  dents  une  matière  visqueuse  et  gluante  ;  il  cherche 
à  relever  cette  comparaison  peu  noble  par  un  passage 
Chap.  6,  V.  6.   connu  de  Job  :  Numquid  insulsum  edi  potest,  quod  non  est 

sale  conditum. 
GuiU.  deTyr,       Gérard    de    Nazareth    accompagna   en    1167    Raimond , 

liv.xvm,c.23.  prince  d'Antioche,  dans  le  voyage  que  fit  ce  prince  vers 

^^^'i^So*  ^'^^  Manuel  Comnène,  empereur  de  Constantinople,  pour  tâcher 
de  l'appaiser  sur  quelques  griefs  que  l'empereur  avait  con- 
tre lui.  P 


WV^.^^  *%*%*^**^%*^».'»^  fc^/»'^ 


XII  SIECLE. 

PIERRE  HÉLIE   OU   ÉLIE. 

iVlo  NT  FAUCON  uous  a  donne  le  précis  d'un  inventaire  de 
pièces  concei^nant  la  France,  dont  la  plus  moderne  est  de 
l'an  4 '8.  Cet  inventaire  est  dans  le  manuscrit  8354  de  la 
bibliothèque  impériale.  On  y  lit ,  à  la  fin ,  une  longue  dis- 
sertation attribuée  à  un  Pierre  Hélie,  qui  fuit  cancellaiius 
Franciœ,  ut  quidam  dicunt.  Il  n'y  a  jamais  eu  de  chancelier 
de  France  de  ce  nom;  mais  il  n'est  pas  rare  que  dans  les 
manuscrits  on  donne  à  l'auteur  d'un  ouvrage  des  qualités 
ou  des  titres  qu'il  n'eut  jamais.  Il  serait  donc  fort  possible 
que  ce  prétendu  chancelier  ne  fût  pas  un  autre  que  ce  pro- 
fesseur de  Paris,  sous  le  règne  de  Louis-le-Jeune,  dont  Jean 
de  Sarisbery  parle  dans  son  Métalogique ,  comme  en  ayant  Liv.  il,ch.  lo. 
reçu  lui-même,  pour  la  rhétoriqvie,  d'vitiles  leçons;  je  ne 
connais  du  moins  aucun  autre  Pierre  Hélie  :  mais  nous  avons 
parlé  de  celui-ci  dans  le  volume  précédent.  Ajoutons  seule-       T.  xii ,  p. 
ment  à  ce  qu'en  ont  dit  nos  prédécesseurs ,  qu'il  existait  l^^-  ^o'»'  a"ssi 
aussi  à  la  bibliothèque  de  Sorbonne  un  exemplaire  du  com-  ^l^  j/,^ '  ^'"  ^^ 
mentaire  rappelé  par  Antoine  Sander  dans   sa  Bibliotheca        p.  2o5. 
belgicamanuscriptoruin,&\XT\essç\ze\\\Ye?>àeVv'\scïçn.'Qii\azc      Note  sur  la 
atteste  l'y  avoir  vu,  et  il  en  cite  les  premiers  mots  qui  sont  '^^^  ''^"'''^  ^^ 
également  ad  mnjorcin  artis  grammaticœ  cognitionem.  ^h^^.   ^  ^^"^^'^ 

Baluze  croit  que  Pierre  Hélie  fut  professeur  de  grammaire 
à  Poitiers.  Il  se  fonde  sur  ce  que  disent  les  frères  de  Sainte- 
Marthe  dans  le  catalogue  des  abbés  de  Notre- Dame- de- 
l'Étoile  ,  près  de  cette  ville ,  d'une  contestation  élevée  au 
sujet  d'un  bois ,  entre  Pierre  Hélie  et  les  religieux  de  cette 
abbaye,  contestation  arrangée,  en  iiSa,  par  l'entremise  de 
Gilbert  de  la  Porée,  alors  évêque.  Cela  semble  prouver,  en 
effet ,  qu'il  résida ,  quelque  temps  du  moins ,  à  Poitiers  ou 
aux  environs.  L'abbé  Lebeuf  suppose  que  Pierre  Hélie  avoit  T.  ii  de  ses 
d'abord  été  moine  de  Saint -Martin- de -Limoges.  Dissert.    part. 

Peut-être,  au  lieu  d'être  chancelier  de  France,  comme  on  ^^'^'  '^^' 
le  lit  dans  Montfaucon,  Pierre  Hélie  fut -il  uniquement  chan- 
celier de  quelque  église,  de  celle  de  Poitiers,  de  Limoges  ou 
de  Paris.  P. 


*/V».  **/%.*^V*».».^  V»^*^«^*'W*  v%-«.  ».«.*.  *^v%.  *.•*.*.  *. 


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Xn  SIECLE.  , 

TEUREDE, 

GRAMMAIRIEN. 

I  EURÈDE  enseignait  à  Paris,  dans  les  premières  années  de 
règne  de  Louis -le- Jeune  ;  mais  il  paraît  que  l'Angleterre 

Metalog.  I,  l'avait  vu  naître  :  du  moins  Jean  de  Sarisbery  l'appelle-t-il 
c.  i/,.  Dubou^  Teurcdus  noster;  scientiâ  quàm  opinione  potentior ,  ajoute- 
çj5,'  ^  t-il;  plus  savant  qu'il  n'avait  la  réputation  de  l'être.  Jean 
de  Sarisbery  venait  de  dire  que  la  grammaire ,  comme  toutes 
les  autres  sciences ,  a  pour  mère  la  nature ,  et  qu'elle  doit 
toujours  s'en  rapprocher,  y  être  conforme,  quoique  d'ail- 
leurs elle  ait  été  principalement  arrangée  par  les  hommes. 

II  observe  que  c'est  d'après  l'indication  de  la  nature ,  qu'on 
a  dans  toutes  les  langues  admis  ou  reconnu  cinq  voyelles. 
Teurède  néanmoins  trouvait  un  plus  grand  nombre  de  sons 
élémentaires  ;  il  le  portait  jusqu'à  sept.  L'auteur  du  Métalo- 
gique  se  livre,  dans  un  chapitre,  à  beaucoup  de  discussions 
qui  n'appartiennent  plus  a  la  doctrine  grammaticale  de 
Teui'ède. 

Nous  ne  connaissons  pas  l'époque  précise  de  sa  mort; 
mais  il  professait  encore  à  Paris  vers  le  milieu  du  dou- 
zième siècle.  P. 

ANONYME,  ^ 

AUTEUR    d'une    vie    DE    SAINT    MORAND. 


P.  53a. 


Lja  vie  de  saint  Morand  se  trouve  dans  la  bibliothèque  de 

Cluni,  et  plus  correctement  dans  l'ouvrage  de  Lambecius 

T. II, p.  88g.   sur  la  bibhothèque  impériale  de  Vienne.  Le  père  Lelong, 

T.  l,p.  738  dans  sa  Bibliothèque  historique  de  la  France,  l'attribue  à 

de  redit,  de  Fon-  gaint  Hugucs  abbé  de  Cluni  :  Hugues  avait  eu  Morand  pour 

**"^'  disciple.  Lelong  indique  ensuite  im  abrégé  de  la  vie  du 

même  saint,  par  Hugues  Mçnard,  abrégé  imprimé  dans  leâ 

observations  de  celui-ci  sur  le  Martyrologe  bénédictin.  II 

en  annonce  une  autre  vie ,  composée  par  un  anonyme  près- 


PIERRE  DE  BEAUGENCI.  3o5 

que  contemporain,  et  imprimée  également  dans  le  marty-    xii  siècle. 
rologe  des  saints  de  l'ordre  de  Saint-Benoît.  Il  paraît  qu'il  y 
en  a  eu  une  beaucoup  plus  récente  par  un  prêtre  qui  por- 
tait le  même  nom  que  le  saint;  elle  a  été  publiée  a  Paris, 
en  1662. 

Lambecius  désigne  saint  Morand  comme  l'auteur  d'une 
épitaphe  de  saint  Bernard  ;  c'est  un  faible  titre  pour  une 
histoire  littéraire. 

L'auteur  de  sa  vie  était  Français,  et  écrivit  vers  l'an  1 160; 

c'est  à- peu-près  tout  ce  que  nous  en  savons.  On  peut  voir 

Christophe  Sandius  sur  1  ouvrage  de  Vossius  de  Historicis   r.  267  et  268. 

latinis ,  et  les  aménités  de  la  critique  par  dom  Liron.  t.  iv,p.  312 

1  p  -323. 


PIERRE   DE   BEAUGENCI, 

POÈTE  FRANÇAIS. 

I^'existence  de  ce  poète  n'est  guère  connue  que  par  ce 

qu'en  a  dit  D.  Martène  dans  son  Voyage  littéraire ,  où  il  rap-  Part,  i ,  p.  29. 

porte  qu'il  a  vu  parmi  les  manuscrits  de  l'abbaye  deBarzelle, 

diocèse  de  Bourges,  des  vers  de  Pierre  de  Beaugenci  sur  le 

Décret.  Il  faut  entendre  par- là  le  Décret  de  Gratien,  ou  le 

Recueil  de  Canons  et  de  Décrétales  rédigé  par  ce  célèbre 

professeur  de  Bologne.  Ce  peu  de  mots  suffît  pour  fixer  avec 

assez  de  vraisemblance  le  temps  où  vivait  notre  poète.  Ce 

dut  être  peu  après  que  le  Décret  de  Gratien  eut  commencé 

à  être  répandu  en  France ,  qu'il  composa  des  vers  à  ce  sujet. 

Or,  le  Décret  fut  publié  pour  la  première  fois  à  Rome,  vers 

l'an  I  i4o;  il  ne  tarda  pas  a  se  répandre  dans  l'Europe  et  sur-      Sanî,  deda- 

tout  en  France.  C'est  donc  vers  le  milieu   du  siècle  qu'il  '""  ^'"«/è^- -ffo^ 

faut  placer  la  vie  de  Pierre  de  Beaugenci  :  l'on  peut  croire  T"n  -,«0'  !^?r 

quil  vécut  au  plus  tard  jusqua  1  année  noo.  G. 


Totne  XIII.  Qq 


XII  SIECLE. 

GÉRAUD  OU  GIPxAUD  LE  ROUX, 

POÈTE  PROVENÇAL. 

Cj  e    ti'oubadour  ,  né   à   Toulouse ,  et   fils   d'un    chevalier 
pauvre,  entra  jeune  au  service  d'Alphonse  Jourdain,  comte 
de  Toulouse ,  successeur  de  son   frère  Bertrand ,  qui  était 
mort  en  Syrie,  en   1112.  Une  belle  voix,  l'art  de  chanter 
agréablement ,  des  manières  insinuantes   et   polies ,  et  une 
grande  assiduité  à  son  service,  intéressèrent   en  sa  faveur 
le  comte  Alphonse.   Giraud  aurait  voulu  inspirera  n^  autre 
genre  d'intérêt  à  sa  fille,  que  les  manuscrits  provençaux  ne 
nomment  point.  L'abbé  Millot  conjecture  que  c'était  Faidide, 
que   Guichenon  ,  dans   son   histoire    de   Savoie ,   tome    I , 
page  289 ,  dit  avoir  épousé  Humbert  III ,  comte  de  Savoie. 
Giraud  fut  très- amoureux  de  cette  fille,  quelle  qu'elle  soit, 
du  comte  de  Toulouse  ;  et  à  en  juger  par  les  sept  pièces  de 
vers  qui  nous  restent  de  lui,  il  ne  put  réussir  à  s'en  faire 
aimer.  Il  dit,  dans  une  de  ses  chansons,  qu'il  a  déjà  perdu 
son  seigneur;  et  que  s'il  faut  encore  qu'il  perde  tout  ce  cjue  son 
cœur  désire,  il  ne  pourra  survivre   à  ses  maux.  Alphonse 
Hist.duLan-  Joiirdain  mourut  à  Césarée  en  Palestine,  l'an  11 48;  ce  qui 

guedoc ,  t.  II,  ggj.j-  Jj  fixer  le  temps  où  Giraud  Le  Roux  florissait  à  sa  cour. 

^"  ^^''  On   ne  sait  rien  de  plus  sur  la  vie  de  ce  poète,  dont  les 

poésies  ne  présentent  rien  de  particulier.  G. 


ANONYME, 

AUTEUR    DE    l'histoire    DES    ÉVEQUES    ET    DES    COMTES 

d'angouléme. 

Labbe,Bibi.  Ui'auteur  de  cette  histoire,  dont  le  nom  n'est  pas  connu, 

mss.  t.  II ,  p.  ^i^jj  chanoine  de  l'église  d'AngouIême ,  comme  on  peut  le 

11. asVcap. 33!  conjecturer  de  quelques-unes  de  ses  expressions,  quoiqu'il 

ne  le  dise  pas  expressément.  Il  a  entremêlé  l'histoire  des 

évêques  et  des  comtes  qui  forment  des  chapitres  distincts. 


HIST.  DES  ÉVÊQ.  ET  COMT.  D'ANGOULÊME.     So; 

Son  écrit  se  termine  à  la  mort  de  Hugues  de  la  Rochefoucaud    xn  siècle. 
en  1 1 5() ,  mais  nous  ignorons  si  cet  auteur  lui  a  long-temps 
survécu. 

Il  commence  son  histoire  par  un  court  prologue  de  huit 
lignes,  dans  lequel  il  dit  avoir  fait  tout  son  possible  pour 
faire  l'evivre  la  mémoire  des  évéques  et  des  comtes  d'Angou- 
lême  qui  étaient  tombés  dans  l'oubli  par  le  défaut  de  monu- 
mens ,  negUgentid  scriptorurn.  Cependant  il  affirme  n'avoir 
rien  mis  du  sien ,  et  qu'il  a  tout  pris  des  anciens  livres  ou 
de  quelques  traditions,  et  d'un  écrit  de  l'évèque  Hugues 
d'heureuse  mémoire  ;  mais  il  ne  nomme  pas  la  chronique 
d'Adémar  de  Chabanois,  où  il  y  avait  tant  à  prendre,  et  où 
l'auteur  a  en  effet  beaucoup  puisé.  Quant  à  l'écrit  de  l'évèque 
Hugues,  qui  vivait  sur  la  fin  du  X*  siècle,  on  en  a  dit  un 
mot  dans  cette  histoire  à  l'article  de  ce  prélat,  pour  annon-  H's'-  'itt.  fi 
cer  quon  ne  le  connaissait  pas.  '     •' 

On  ne  peut  faire  aucun  fonds  sur  ce  que  notre  auteur  dit 
des  premiers  évéques  d'Angoulême.  Il  paraît  qu'il  a  puisé 
dans  la  mauvaise  légende  de  saint  Ausone  le  peu  qu'il  rap- 
porte de  ce  premier  évêcjue.  Il  a  omis  entièrement  Dyname,  <"'a"-  ciirisi. 
qui  gouvernait  néanmoins  cette  église  vers  le  milieu  du  V*^  1. 1  ,  co  .  977. 
siècle.  Depuis  Mererius,  qui  vivait  sur  la  fin  du  VF  siècle, 
jusqu'à  Launus,  qui  fut,  dit -il,  chapelain  de  Pépin,  roi 
d'Aquitaine,  et  qui  vécut  jusqu'au  temps  de  Charles  (c'est 
apparemment  Charles-le-Cliauve),  il  se  borne  à  donner  les 
noms  des  autres  évéques ,  presque  tous  supposés.  Il  est  un 
peu  mieux  instruit  sur  les  successeurs  de  Launus,  où  com- 
mençaient apparemment  les  mémoires  de  l'évèque  Hugues  ; 
mais  il  a  si  fort  abrégé  leur  histoire,  que  c'est  à-peu-près 
comme  si  on  ne  l'avait  pas,  d'autant  plus  qu'il  ne  fixe  aucune 
date  {a)  jusqu'à  la  mort  de  l'évèque  Foucaud ,  qu'il  place  en 
c)5i.  II  s'étend  passablement  sur  les  derniers  évéques  jusqu'à 
son  temps,  sur -tout  sur  l'évèque  Gérard,  devenu  fameux 
dans  l'histoire  par  sa  longue  légation,  et  par  son  attache- 
ment opiniâtre  au  schisme  de  l'anti-pape  Anadet.  Il  le  repré- 
.sente  comme  un  grand  prélat  et  un  habile  littérateur,  qui 
devait  à  la  culture  des  lettres  le  degré  de  splendeur  et  d'au- 
torité auquel  il  était  parvenu. 

{a)  On  peut  suppléer  à  son  silence,  quant  aux  dates,  par  la  petite 
chronique  d'Angoulême ,  imprimée  par  le  P.  Lal)l)e ,  au  tome  I  de  sa  Bi- 
bliothèque des  manuscrits,  p.  323.  Elle  commence  à  l'année  8i47  et 
finit  à  l'an  991. 

Qqa 


3o8     HIST.  DES  ÉVÊQ.  ET  COMT.  D'ANGOULÊME. 

XII  SIECLE.         Les  comtes  d'Angouléme  ne  remontant  pas  aussi  liant  que 
Labbe  Bibl.  '^^  cvêques,  l'auteur  paraît  aussi  plus  instruit  de  leur  histoire, 
inss.  t.  Il ,  cap.  Turpion ,  qu'il  donne  pour  le  pi'emier  comte,  fut  envoyé 
'>  '''  '"  selon  lui  par  Charles-le-Chauve,  auquel  il  attribue  l'institu- 

tioii  des  comtes  dans  toute  l'Aquitaine  pour  les  opposer  aux 
incursions  des  Normands.  Turpion  eut  pour  successeur  son 
frère  Emenon,  lequel  eut  un  {ils  nommé  Adémar,  qui  fut 
dans  la  suite  comte  de  Poitiers.  Tout  ce  qu'il  dit  relative- 
ment aux  comtes  est  fort  intéressant ,  soit  pour  l'histoire  de 
France  en  général ,  soit  pour  celle  de  l'Angoumois  et  des 
provinces  voisines  en  particulier. 

Le  père  Labbe,  qui  a  donné  cet  écrit  sur  trois  manuscrits, 
remarque  avec  raison  que  l'auteur  a  emprunté  beaucoup  .^.e 
choses  d' Adémar  de  Chabanois.  On  peut  s'en  convaincre  en 
confrontant  son  ouvrage  avec  la  chronique  d' Adémar,  dont: 
il  copie  jusqu'aux  fautes.  Par  exemple ,  en  faisant  l'énuméra- 
tion  des  savans  qui,  depuis  le  VHP  siècle,  propagèrent 
Labbe ,  ibàl.  Ics  bonnes  études  en  Europe ,  Adémar  met  Rhaban  Maur 
P- 1^9-  avant  Alcuin  ;  notre  anonyme  le  répète  tout  comme  lui  ;  et 

néanmoins  c'est  tout  le  contraire,  Alcuin  fut  le  maître  de 
ibid.  car..  8,  Riiaban.  A  cela  près,  le  tableau  qu'ils  font,  quoique  impar- 
^''  fait,  est  curieux.  «  Bede,  selon  eux  ,  fut  le  maître  de  Simpli- 

«  cius  ;  Simplicius  de  Rhaban ,  c|ui ,  ayant  été  appelé  d' An- 
ce  gleterre  par  l'Empereur  Charles,  fut  fait  évêque  en  France, 
«  (c'est-à-dire  à  Mayence);  Rhaban  fut  le  maître  d'Alcuin  ; 
«  Alcuin  de  Maragde  (Smaragde)  ;  Smaragde  de  Théodulfe, 
«  évêque  d'Orléans  ;  Théodulfe,  d'Hélie ,  Ecossais,  évêque 
«  d'Angouléme;  Hélie,  de  Henri  (c'est  Héric)  ;  Héric,  de 
«  Rémi  d'Auxerre  et  de  Hugbalde,  c[ui  héritèrent  de  leur 
«  philosophie,  m  On  a,  dans  le  cours  de  cette  histoire,  rendu 
compte  des  écrits  de  tous  ces  savans: 

Les  continuateurs  du  Recueil  des  Historiens  de  France 

ont  inséré  cet  écrit  par  parties  dans  levn-  collection ,  aux 

tomes  X,  p.  248  ;  XI,  p.  ^63  ;  XII,  p.  SpS,  4oo.  Ce  dernier 

extrait,  qui  est  le  plus  étendu  ,  est  aussi  le  plus  instructif, 

et  celui  qui  mérite  le  plus  de  confiance. 

Script.   Rer.       André  Duchesne ,  après  Pierre  Pithou,  a  imprimé  un  frag- 

franc.   t.  l\ ,  j^pj^j  jg  l'histoire  d'Aquitaine,  qui  finit  à  l'année  1028.  Ce 

n'est  qu'un  extrait  de  la  chronique  d'Adémar  de  Chabanois. 

On  trouve  à  la  suite  un  autre  fiagment  qui ,  selon  le  père 

Bibi.liist.de  Lcloug ,  descend  jusc[u'à  l'année  M'y 8.  Nous  ignorons  ou  ce 

îfj^'"" '•^^'' "■  savant  bibliographe  a  pris  cette  note,  car  dans  l'imprimé  ce 


THIBAUD,  ARCHEVÊQ.  DE  CANTORBÉRY.  309 
morceau  est  imparfait  au  commencement  et  à  la  lin ,  et  le  xii  SIECLE. 
dernier  trait  de  cet  écrit  concerne  saint  Odilon  qui  fut  abbé 
de  Cluni  depuis  l'année  990  jusqu'à  io49-  Duchesne  y  a 
ajouté  un  ancien  tableau  généalogique  des  comtes  d'x\ngou- 
léme ,  qui  se  termine  comme  les  deux  fragmens  vers  l'année 
io'3o.  B. 


THIBAUD, 

ABBÉ  DU  BEC,  PUIS  ARCHEVÊQUE 
DE  CANTORBÉRY. 

SA  VIE. 


1  niBAUD  ,  né  d'une  famille  noble  (on  ne  dit  pas  quelle  était      Append.  ad 
cette  famille,  ni  si  elle  était  normande),  était  depuis  dix  ans  Landaïui    op. 
prieur   de  l'abbaye  du  Bec,  lorsqu'il  en  fut  nommé  abbé  ^'^'' 
après  Boson  décédé  l'an  1 136.  Il  resta  plus  d'un  an  sans  être 
béni ,  parce  qu'à  l'exemple  de  ses  prédécesseurs  il  refusait  de 
faire  à  l'archevêque  de  Rouen  le  serment  d'obéissance  ou  \ti 
profession  canonique.  Ayant  été  choisi,  peu  de  temps  après,     Joan.HagusL 
pour  remplir  le  siège  de  Cantorbéry ,  il  reçut ,  à  l'Epiphanie  '^°'"  *  ^' 
de  l'an  iiSg,  la  consécration  épiscopale  des  mains  clu  car- 
dinal Albéric ,  évêque  d'Ostie ,  et  partit  bientôt  après  pour 
assister  au  concile  de  Latran ,  d'où  il  revint  décoré  du  Pal- 
lium. 

Henri  de  Blois ,  frère  d'Etienne ,  roi  d'Angleterre ,  évêque 
de  Winchester,  était  alors  légat  du  saint  siège  en  Angleterre.      Gervas.  jjo- 
Thibaud  ne  pouvant  s'accoutvimer  à  obéira  son  suffragant,  1°^^-  '^*'  ^°"'- 

n  1  1      ml  T>      1      ._  '•!  •.  ■      ^     Cantuar.      col. 

lit  tant  par  le  moyen  de  1  homas  Becket ,  qu  il  avait  pris  a  ig^jg. 
son  service ,  qu'il  obtint  du  pape  Célestin  II  la  commission 
de  légat  ;  mais  cet  accroissement  de  pouvoir  fut  pour  lui  une 
source  de  chagrins  et  d'adversités.  Dès  ce  moment  l'inimitié 
se  mit  entre  lui  et  l'évêque  de  Winchester ,  qui  trouva  bien- 
tôt l'occasion  de  le  compromettre,  soit  avec  le  roi,  soit  avec 
le  pape. 

Eugène  III  ayant  convoqué  un  concile  à  Reims  pour  le      Gervas.  md. 
mois  d'avril  1 148,  le  roi,  à  l'instigation  de  son  frère,  défendit 


et  roi.  i36H. 


3io     THIBAUD,  ARCHE^ÈQ.  DE  CANTORBÉRY. 

XII  SIECLE,    à  l'archevêque  de  s'y  rendre;  mais  Thiliaiid,  jugeant  qu'il 
était  moins  dangereux  de  désoljéir  au  loi  qu'au  pape,  s'em- 
barqua clandestinement ,  et  fut  reçu  à  Reims  avec  transport 
par  le  pape  ,  qui ,  faisant  allusion  au  danger  qu'il  avait  couiu 
clans  la  traversée,  le  remercia  en  l'embrassant  d'être  venu 
plutôt  à  la  nage  qu'en  vaisseau  par  respect  pour  le  siège 
apostolique.    Quanto  outem  gaudio  cum  honore  à  domino 
papa  susceptus  sit ,  de  facili  scribi  imn  potest ,  qui  natando 
mogis  qiiàm  navigando  dictus  est  ah  ipso  papa  coràni  omiii- 
bus  ob  rei'erentiaju  heati  Pétri  illiic  advenisse. 
Gervas.  Do-       S'il  fut  fêté  par  le  pape,  il  fut  mal  accueilli,  à  son  retour 
lo  .  de  Pont,  çj^  Aneleterre ,  par  le  roi  (lui  avait  saisi  son  temijorel.  Forcé 

Cintuar.      col.     ,  »  il  -f      '         -^       '     c    •    4.    r-i      ^ 

i3C4.  de  repasser  en  rrance,  il  s  arrêta  a  baint-Umer  pour  être 

plus  à  portée  de  veiller  sur  son  troupeau ,  et  jeta  l'interdit 
sur  toutes  les  églises  ;  mais  voyant  que  le  roi ,  bien  loin  de 
fléchir,  ne  faisait  qu'appesantir  sa  main  sur  les  terres  de 
l'archevêché ,  il  se  hasarda  à  repasser  en  Angleterre ,  et  il  fut 
assez  heureux  de  trouver  des  amis  qui  le  reconcilièrent  avec 
le  roi.  Mais  cette  paix  ne  fut  pas  de  longue  durée. 
Gervas.  ibid.       A  Cette  époque  la  maison  d'Anjou  faisait  les  derniers  efforts 

col.  1371.  pour  reconcpiérir  le  royaume  d'Angleterre.  Le  fds  de  Plan- 

tagenet,  pctit-iils  par  sa  mère  du  roi  Henri  F'',  déjà  maître 
de  la  Normandie,  venait  d'épouser  l'héritière  des  ducs  d'Aqui- 
taine, répudiée  par  le  roi  de  France.  Cet  accroissement  de 
puissance  effraya  le  roi  d'Angleterre  mal  affermi  sur  son 
trône  ;  il  voulut  faire  couronner ,  de  son  vivant ,  son  fils 
Eustache,  afin  de  lui  assurer  la  royauté  après  lui  ;  et  il  con- 
voqua pour  cela  les  évêques.  L'archevêque  de  Cantorbéry , 
requis  le  premier,  refusa  son  ministère,  alléguant  la  défense 
qu'il  avait  reçue  du  pape  ;  les  autres  évêques  refusèrent  éga- 
lement ,  et  furent  tous  constitués  prisonniers.  Thibaud , 
voyant  que  les  évêques  commençaient  à  l'abandonner,  trouva 
moyen  d'échapper ,  et  de  passer  en  France  ;  ses  biens  furent 
encore  confisqués ,  mais  le  couronnement  n'eut  pas  lieu. 
C'était  encore  Thomas  Becket  qui  conduisait  cette  intrigue, 
selon  Gervais  de  Cantorbéry. 
Gervas. /iiV/.  L'an  II 53,  le  jeune  duc  de  Normandie  étant  passé  en 
col.  1-375.  Angleterre ,  força  par  ses  victoires  le  roi  Etienne  à  déposer 

les  armes  ;  il  y  eut  des  pourparlers ,  et  il  parait  qu'à  cette 
occasion  l'archevêriue  Thibaud  rentra  dans  son  église.  Sur 
ces  entrefaites,  le  fils  du  roi  d'Angleterre  étant  mort,  Thibaud 
ne  trouva  plus  d'obstacle  à  concilier  les  deux  maisons  de 


THIBAUD,  ARCHEVÉQ.  DE  CANTORBÉRY.     3ii 
Blois  et  d'Anjou  ;  la  paix  se  fit  au  mois  de  novembre ,  aux    xii  siècle. 
clauses  et  conditions  qu'Etienne  conservei'ait  la  couronne  ' 

tant  qu'il  vivrait,  et  qu'elle  viendrait  à  Henri  d'Anjou  après 
sa  mort,  qui  arriva  l'année  d'après. 

Jusque-là,  l'archevêque  de  Cantorbéri  s'était  trouvé  dans 
une  position  difficile  entre  l'usurpateur  du  trône  et  l'héritier 
légitime.  En  soutenant  les  droits  de  celui-ci,  il  n'obligea  pas 
un  ingrat  :  après  l'avoir  couronné  et  proclamé  roi  le  dimanche 
avant  Noël  de  l'an  ii54i  il  jouit  constamment  de  la  faveur  Joan.  Sarisb. 
de  son  nouveau  maître  Henri  II,  qui,  pendant  son  absence,  ^l*-  9^' 
confiait  à  ses  soins  ce  qu'il  avait  de  plus  cher,  la  reine  et  ses 
entans.  Thibaud ,  après  une  longue  maladie  de  deux  ans , 
mourut  le  i8  avril  1161.  Thomas  Becket,  dont  il  avait  t'ait 
son  archidiacre ,  et  qui  fut  son  successeur  sur  le  siège  de 
Cantorbéry,  lui  dut  le  haut  degré  de  considération  où  il 
était  parvenu  avant  son  épiscopat. 

SES  LETTRES. 

Il  ne  reste  point  de  lettres  de  notre  prélat  avant  qu'il  eût 

Fris  pour  secrétaire  Jean  de  Salisbury,  c'est-à-dire  avant 
an  II 54  ou  II 55.  Celui-ci  nous  en  a  conservé  un  grand 
nombre ,  car  les  1 33  premières  de  sa  collection  sont  presque 
toutes  de  Thibaud,  ou  du  moins  écrites  en  son  nom  au 
pape,  aux  évoques,  et  au  roi  d'Angleterre.  La  plupart  ne 
sont  que  des  expéditions  de  sa  cour  métropolitaine  ou  pri- 
matiale  touchant  les  affaires  ecclésiastiques  de  l'Angleterre. 
Celles-là  ne  présentent  pas  aujourd'hui  un  grand  intérêt. 
Nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  un  petit  nombre  de  celles  qui 
ont  fixé  notre  attention. 

1°  Pendant  le  temps  que  le  roi  Henri  II  était  en  France, 
c'est-à-dire  dans  l'intervalle  des  années  ii58  et  1161,  Thi- 
baud lui  écrivit  plusieurs  lettres.  Dans  la  24^  il  félicite  le 
roi  des  heureux  succès  qu'il  a  eus  dans  toutes  ses  entreprises  ;  ibui.  ep.  24. 
il  lui  annonce  que  tout  est  en  paix  en  Angleterre ,  et  qu'il 
ne  manque  au  bonheur  de  tous  que  de  le  posséder.  La  lettre  Ep.  /14. 
44  a  pour  objet  d'instruire  le  roi  de  la  diversité  d'opinions 
qui  régnait  en  Angleterre  touchant  les  deux  papes,  Alexandre 
et  Victor,  qui  venaient  d'être  élevés  concurremment  à  la 
papauté ,  et  de  l'embarras  où  cela  le  jetait ,  jusqu'à  ce  qu'il 
plût  au  roi  de  se  déterminer  pour  l'un  ou  pour  l'autre. 
Ayant  appris   que    l'église  gallicane  s'était   déclarée   pour    ibid.  ep.  48. 


3 12     THIBAUD,  ARCHEVEQ.  DE  CANTORBERY. 
XII  SIECLE.   Alexandre ,  et  que  l'empereur  Frédéric  pressait  le  roi  d'An- 
gleterre de  se  déclarer  pour  Victor,  il  prie  le  roi,  dans  la 
lettre  48,  de  ne  prendre  aucun  parti  sans  avoir  consulté 
auparavant  l'église  d'Angleterre.    Il  répète   la  même  chose 
dans  les  lettres  62  et  63.  Le  roi  ayant  permis  aux  évêques 
Joan. Sarisb.  Je  délibérer  sur  cet  objet,  Thibaud  lui  rend  compte,  dans 
la  lettre  64,  du  résultat  du  concile  qu'il  avait  assemblé  îi 
Londres.  «  Ce  n'est  pas ,  dit-il ,  un  jugement  que  nous  avons 
«  porté  en  faveur  du  pape  Alexandre  ;  c'eût  été  empiéter  sur 
«  les  droits  de  votre  majesté,  mais  un  avis  que  nous  sou- 
ibid.  ep.  65.     (c  mettons  à  votre  décision,  y^   Le  roi  avant  adopté  cet  avis . 
Thibaud  adressa  à  tous  les  évêques  d'Angleterre  un  mande- 
ment (c'est  la  lettre  65),  par  lequel  il  déclare  que  l'église 
anglicane ,  d'accord  avec  l'église  gallicane  et  toute  l'église  de 
Rome,  ne  reconnaît  pour  souverain  pontife  que  le  pape 
Alexandre,  et  condamne  comme  hérétique  et  schismatique 
le  cardinal  Octavien  avec  ses  partisans. 
Angha    sac.       qo  Henri  Wliarton  a  tiré  des  archives  de  l'église  de  Can- 
.p.xi.  jQj.}jç'j,y  jg  testament  de  notre  archevêque.   Ce  n'est  qu'un 
fragment  du  vrai  testament  contenu  dans  la  lettre  ôy  parmi 
celles  de  Jean  de  Salisbury.  ^^oulant  en  assurer  l'exécution , 
il  écrivit  au  roi  la  lettre  54,  qui  est  comme  son  testament 
spirituel ,  dans  lequel  il  recommande  à  sa  protection  royale 
l'église  de  Cantorbéry ,  et  les  personnes  qui  pendant  sa  vie 
furent  attachées  à  son  service. 
Joan.  Sarisb.       3°  Lcs  lettres  98,  99,    loi,  sont  adressées  à  Henri  de 
'P-  98,99,  loi.  gioig^  évéque  de  Winchester,  qui,  ajuès  la  mort  de  son  frère 
Etienne,  roi  d'Angleterre,  était  passé  en  France  dans  le  des- 
sein de  finir  ses  jours  à  Cluni,  où,  dans  sa  jeunesse,  il  avait 
embrassé  la  vie  religieuse.  Thiliaud  lui  représente  le  tort 
que  son  absence  occasionne  à  son  troupeau  ;  le  presse  de 
retourner  à  son  poste,  l'assurant  que  le  roi  n'a  contre  lui 
aucun  ressentiment,  et  qu'il  peut  en  toute  sûreté  retourner 
en  Angleterre. 

4°  Thibaud  eut  avec  les  moines  de  Saint-Augustin ,  tou- 

cliant   l'exemption  du   monastère ,  titi    grand   procès  dans 

W.  Thorn.  lequel  il  échoua.  Il  mit  tant  de  chaleur  dans  la  poursuite  de 

''^  ■  \  ''^"  cette  aflikire,  cpil  in^Hsjxvsa  contre  lui  la  cour  de  Rome,  au 

point  qu'yïdricn  IV  ,  laisant  allusion  à  son  nom ,  ne  l'appelait 

plus  qme  Turhaldus,  c'est-à- dire,  un  brouillon  ,  un  turbu- 

Joan. Sarisb.  fent.  il   écrivit   donc    au    pape  Adrien   la  lettre    102,  dans 

np.  10?..  laquelle  on  voit  que  ce  pontife ,  en  guerre  avec  le  roi  de 


MACx\IRE,  ABBÉ  DE  FLEURY.  3i3 

Sicile,  était  attendu  en  France,  et  que  l'archevêque  de  Can-    xir  siècle. 
torbéry  se  proposait  de  passer  la  mer  pour  venir  le  trouver. 
Ce  voyage  du  pape  n'ayant  pas  eu  lieu,  Thibaud  redoubla       Ep.  lol. 
d'instances   auprès   des    cardinaux    Roland ,    chancelier   de       l'i'-  '«i- 
l'église  romaine,  Jean  du  titi-e  de  Saint-Jean  et  saint-Paul,        '^' 
et  Boson,  camérier  du  pape,   pour  dissiper  les  fâcheuses 
impressions  qu'on  avait  prises  à  Rome  sur  son  compte ,  fai- 
sant valoir  avec  dextérité  les  services  qu'il  avait  rendus  à 
l'église  dans  toutes  les  occasions ,  au  péril  de  sa  vie ,  et  au 
détriment  de  sa  tranquillité. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  plus  long -temps  sur  ses 
lettres  ;  mais  nous  ajouterons,  d'après  Jean  de  Salisbury,  un 
trait  qui  le  concerne  et  qui  intéresse  l'histoire  littéraire  :  c'est  Policrat.  lib. 
que  Tliibaud  voulut  introduire  en  Angleterre  l'étude  des  lois  ^^'^'  *^^i^ 
romaines,  et  qu'il  y  trouva  de  l'opposition.  Voici  le  texte: 
Tempore  régis  Stephani  a  regno  (^ahire)  jitssœ  sunt  leges 
romance ,  quas  in  Britanniam  aonius  venerabilis patris  Theo- 
baldi,  Britanniarum  priniatls ,  ascii>erat  ;  ne  quis  etiani 
libros  retineret  edicto  regio  prohihituni  est^  et  Vacario  nostro 
indictiim,  silentium.  Sed  Deo  favente ,  eb  ma  gis  virtus  legis 
invaluit ,  qub  eani  ampliiis  nitebatur  impietas  infirmare.  B. 


22. 


MACAIRE, 

ABBÉ  DE  FLEURY. 


IVIacaire,  neveu   d'Albéric    cardinal   évêque  d'Ostie ,  fut 
d'abord  prieur  de  Longpont  au  diocèse  de  Paris ,  puis  abbé 
de  Morigni ,  enfin,  en  1 189,  abbé  de  Fleuri,  ou  Saint-Benoît- 
sur-Loire.  En  cette  dernière  qualité ,  il  obtint  deux  bulles      cali.  ciirist. 
d'Eugène  III,  en  ii4().  Cette  date  est  sans  doute  aussi  celle  nov.  t.  vu,  p. 
d'un  statut  de  Macaire  pour  le  rétablissement  de  la  biblio-  ^f rQ'_4^^^||' 
thèque  de  Fleuri,  statut  que  l'on  a  fort  mal-à-propos  daté  Àmi.      Benéd. 
de  1 346,  en  l'imprimant  dans  la  Bibliotheca  Floriacensis.  Iih-Lxxvi,n. 
Taxé  à  une  contribution  de  trois  cents  marcs  d'argent  et  de  ^^^'s^^^n'' 
cinq  cents  besans  d'or  pour  la  croisade  de  i  i47i  et  n'ayant  lxxviii  ,   m. 
obtenu,  à  force  de  prières,  qu'un  très- faible  dégrèvement,  8,  3^,  gS;  lib. 
Tome  XI  11.  Rr  LXXrX,n.  5; 


3i4  MACAIRE,  ABBÉ  DE  FLEURY. 

XII  SIECLE.    Macaire   se   vit  réduit  à  vendre  les  encensoirs  et  les  vases 

'  ^Yvv     TT  sacrés  de  son  église.  Cet  abbé  mourut  en  1162  ;  il  avait  assisté 

Bibi.  î'ior.'p!  au  concile  tenu  à  Reims  contre  Gilbert  de  la  Porée.  Une 

/.og.  courte  lettre  de  Macaire  à  Pons,  abbé  de  Vézelai ,  contient 

fiec.deshist.  ^^^  conseils  sur  la  conduite  à  tenir  avec  le  comte  de  Nevers: 

p!^94^i  t.xiv'  tout  considéré,  l'abbé  de  Fleuri  est  davis  qu'on  attende  le 

p.  32',,  325.      retour  des  messagers  envoyés  au  pape  :  Libratis  causis 

Spicil.  t.  III,  (Jicinius   ut    expectetis   legatos   quos   ad    domiuwn  popani 

direxistis.  Le  même  abbé  est  aussi  l'auteur  d'une  sorte  de 

déclaration  publique  sur  le  diftéreiid  qui  s'était  élevé  entre 

Recueil    des  l'évéque  de  Meaux  et  l'abbesse  de  Faremoutier  :  cette  pièce, 

^'tî;^T'"^'^'\"fo'  écrite  en  11 55,  est  adressée  à  tous  ceux  auxquels  elle  pourra 

t.  XIV,  p.  388,  .        T,T  ■  j    ■  ^—    r-;      •  •    ^77  ^        j 

38g  parvenir.  Alacanus  aei  gratia  r  Lonacensis  abbas ,  omnibus 

ad  quoscumque  litterœ  istœ  peivenerint ,  salutem  in  domino. 
Une  production  un  peu  plus  importante  pourrait  être 
attribuée  à  cet  abbé  de  Fleuri  :  c'est  un  glossaire  grec-latin , 
l'un  de  ceux  que  Henri  Estienne  a  réunis,  en  lô^jS,  dans  le 
volume  in-folio  intitulé  :  Glossaria  duo  è  sinu  vetustatis 
crut  a ,  etc.  Nous  lisons,  à  la  page  235  de  ce  volume,  une  pré- 
face de  l'éditeur  où  ce  glossaire  est  indiqué  comme  l'ouvrage 
du  bienheureux  Benoît,  abbé  de  Fleuri,  heati  Bcnedicti 
ahhatis  Floriacensis ,  mais  on  ne  connaît  point  d'abbé  de 
Fleuri  du  nom  de  Benoît ,  et  il  est  permis  de  soupçonner  que 
heati  n'est  ici  que  la  traduction  de  Macarii ,  (;;ia/.apîoj) ,  qui 
en  grec  signifie  heureux.  Chacun  sait  que  plusieurs  noms 
propres  ont  été  défigurés  par  des  substitutions  de  cette 
Mabiii.  Ann.  espcce.  Il  cst  vrai  qu'il  faut  supposer  qu'en  transformant 

Uencd.l.xxix,  Macarii  en  heati ,  on  a  de  plus  supprimé  le  mot  sancti  ou 
'"■  l'initiale  s ,  et  interverti  l'ordre  des  deux  mots  ahhatis  Bene-  , 

dicti,  en  sorte  qu'au  lieu  de  Macarii  ahhatis  sancti  Benedicti 
Floriacensis,  on  aura  écrit  heati  (ou  B)  Benedicti  ahhatis 
Floriacensis.  Ces  altérations  ne  sont  pas  non  plus  sans  exem- 
ples ;  et  si  ce  glossaire  est  d'un  abbé  de  Fleuri ,  comme  ce 
titre  le  dit  positivement,  c'est  à  Macaire,  plus  qu'à  tout  autre, 
ciu'il  paraît  appartenir.  Quoiqu'il  en  soit,  G8  pages  du  volume 
r.  237-259.  cle  Henri  Estienne  sont  occupées  par  l'ouvrage  que  nous  avons 
indiqué,  ou  plutôt,  ainsi  que  la  préface  de  l'éditeur  l'annonce, 
par  des  extraits  de  ce  glossaire  ,  et  de  quelques  autres.  Sous 
clés  titres  généraux,  tels  que  ^e  ccelo  (rspl  cùpavoCi),..  de  honùne, 
de  memhris,  de  studiis,  de  m^ilitiâ,  etc. ,  sont  rangés  plusieurs 
mots  latins  accompagnés  des  mots  grecs  correspondans.  Ce 
n'est  point  un  dictionnaire  alphabétique ,  c'est  une  suite  de 


HIST.  DES  ABBÉS  DE  LAUBES.     3 


i5 


nomenclatures  dispose'es  par  ordre  de  matières,  comme  dans  ^^i  siècle. 
l'ouvrage  de  Julius  Pollux,  mais  sans  éclaiixissemens,  sans 
observations  ,  sans  paraphrase.  Chaque  article  ne  se  compose 
que  d'un  mot  latin  et  d'un  mot  grec  :  seivus  ^o5>o; ,  piiella 
xo'pY),  virgo  -«pOavc;,  ctc.  Ce  vocabulaire  est  suivi  de  collo- 
ques et  de  sentences  :  mais  les  prétendus  colloques  ne  con- 
sistent qu'en  de  très-pi'tites  phrases  familières  qui  souvent 
ne  correspondent  point  l'une  à  l'autre ,  et  qui  ne  sont  quel- 
quefois que  d'un  seul  mot  :  on  en  \rouve  de  pareilles  à  la 
suite  de  quelques  grammaires  de  nos  langues  modernes. 
Les  cinquante-neuf  dernières  pages  de  ce  glossaire  ou  plutôt 
de  ces  extraits  sont  remplies  par  deux  dictionnaires  alphabé- 
tiques extrêmement  incomplets,  et  qui  ne  sauraient  être 
d'aucun  usage. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  volume  dont  ces  inutiles  extrajts  font 
partie  se  joint  aux  quatre  volumes  du  Trésor  de  la  langue 
Grecque,  par  Henri  Estienne;  et  ce  Trésor  perd,  dit-on,  la 
moitié  de  sa  valeur,  quand  il  manque  de  ce  prétendu  cin- 
quième tome.  D. 


ANONYME, 

CONTINUATEUR    DE    l'hISTOIRE    DES  ABBES    DE    LAUBES. 


JLiE  monastère  de  Laubes  ou  Lobes  ,  dans  le  diocèse  de 
Cambrai-sur-la-Sambre,  à  douze  mille  de  Maubeuge ,  fut 
célèbre  dans  l'antiquité  du  moyen  âge,  par  les  savans  et  les 
grands  personnages  qui  sortirent  de  son  sein,  tels  que  An- 
son,  Rathier,  alternativement  évêque  de  Vérone  et  de  Liège, 
Folcuin,  Hariger,  tous  abbés  du  monastère  qui  ont  eu  leurs 
articles  dans  cette  Jiistoire,  sans  compter  une  multitude  de 
religieux  de  mérite,  qui  se  distinguèrent  par  leur  capacité,  et 
portèrent  la  science  dans  d'autres  monastères. 

Folcuin,  qui  mourut  en  991,  a  composé  de  son  monas- 
tère une  histoire  fort  bien  écrite,  sous   le  titre   de  Gesta 
abbatuni  Lobiensium.  Il  en  a  été  rendu  compte  au  tome  VI     Hist.    liiiér. 
de  cette  histoire.  Cet  ouvrage  ayant  été  continué  par  un  '■  ^^  P- 455- 

Rr2 


3i6  HIST.  DES  ABBES  DE  LAUBES. 

Xiî  SIECLE,  anonyme  qui ,  comme  il  le  dit  lui-même,  e'crivait  en  1 162  (a), 
c'est  ici  le  lieu  de  parler  de  sa  production. 

Cet  ouvi-age,  comme  celui  de  Folcuin,  n'est  pas  tellement 
consacré  à  l'histoire  de  ce  monastère  et  des  abbe's,  qu'il  ne 
s'y  rencontre  beaucoup  de  traits  qui  ont  rapport  aux  e've'- 
nemens  de  l'histoire  publicpie,  auxquels  ils  ajoutent  des 
circonstances  particulières  et  de  nouveaux  développemens. 
Nous  pourrions  en  citer  plusieurs  exemples.  Aussi  les  con- 
T.  XIV ,  p.  tinuateurs   du  Recueil  3cs  Historiens  de  France  n'ont  pas 

',12-423.  nèglifijé  d'en  foire  usage  pour  enrichir  leur  collection  ,  en 
élaguant  toutefois  certains  détails  qui  n'ont  rapport  cju'cà  la 
discipline  monasticiue  ou  au  temporel  du  monastère. 

ibid.  p.  416-       Vers  l'an  i  i3o,  il  se  fit  dans  la  province  ecclésiastique  de 

'•'8.  Reims  une  grande  réforme  dans  les  monastères  qui  étaient 

tombés  dans  le  relâchement.  Celui  de  Laubes  éprouva  sur 
cela  quelques  tracasseries  auxquelles  on  fut  obligé,  non  sans 
beaucoup  de  résistance,  de  céder  enfin.  A  la  tête  des  réfor- 
mateurs étaient  le  cardinal  Mathieu  évêque  d'Albano ,  légat 
en  France,  et  Renaud  de  Martigné  archevêque  de  Reims.  Il 
se  forma,  par  leurs  soins,  une  espèce  de  congrégation  ou 
association  de  plusieurs  monastères,  cjui  devaient  s'assembler 
tous  les  ans  pour  rendre  compte  de  leur  manière  d'observer 
la  règle.  C'est  le  premier  exemple  et  la  première  idée  des 
chapitres  généraux  qui  ont  été  si  fréquens  dans  les  temps 
postérieurs.  Nulle  part  on  ne  trouve  sur  cela  autant  de  dé- 
tail que  dans  notre  Anonyme,  c|ui  n'approuvait  pas  trop  ces 
innovations. 
7i«/.  p.  422.  Un  autre  réformateur  plus  récent,  que  l'Anonyme  nous 
foit  connaître ,  fut  un  cardinal  nommé  Gérard ,  qui ,  après 
avoir  enseigné  à  Laubes,  était  devenu  chanoine  à  Liège,  et 
puis  cardinal  du  titre  de  Sainte-lVLarie  in  via  latd.  Le  pape 
Adrien  IV  l'avait  envoyé  légat  dans  la  Belgique,  et  en  cette 
ciualité  il  tint  à  Liège  un  concile  duquel  nous  n'avons  pas 
connaissance  qu'aucun  historien  ait  parlé.  Nous  faisons  cette 
remarque,  parce  que  Duchesne  n'a  pas  non  plus  parlé  de  ce 
cardinal  dans  son  histoire  des  cardinaux. français, 
/è/ti.  p.  419.       Un  certain  Philippe,  neveu    de  Gilbert   archevêque   de 

ici)  Parlant  des  clercs  de  Moiitier-sur-SamLre  ,  auxquels  les  moines  de 
Laubes  avaient  succédé  en  1127,  il  en  restait  encore  un,  dit-il,  cette 
année  que  nous  comptons  1162  :  Cujns  succcssionis  hœrcs  ultimus  nunc 
îemporis  est ,  qui  est  a/mus  incarnationis  Doninicœ  MCLXII. 


LÉON,  ABBÉ  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTIN.  3 17 

Tours,  qui  s'était  fait  élire  en  i  i34i  pour  succe'der  dans  le  ^H  SIECLE, 
même  siège  à  l'archevêque  Hildebert ,  avait  excité  de  grands 
troubles  dans  cette  église,  et  pour  se  maintenir  s'était  jeté 
'  dans  le  parti  de  l'antipape  Anaclet.  Il  est  connu  par  les 
lettres  i5o  ,  i5i  et  267  de  saint  Bernard  ;  mais  ce  que 
D.  Mabillon  ne  dit  pas  ,  et  qu'on  n'a  su  que  par  notre 
Anonyme ,  c'est  que  cet  ambitieux  était  né  à  Fontenoi  près 
de  Laubcs ,  dans  une  terre  dépendante  du  monastère ,  de 
familid  ecclesiœ  Fontanis  oriundiis. 

D.  Dacheri  a  publié  cet  écrit  dans  leSpicilége  sur  un  ma-      Spicil.  iii-<fol. 
nuscrit  qui  lui  avait  été  envoyé  de  Laubes,  mais  non  tel  'vî''- ''o^^^r 
quil  avait  ete  compose  par  1  Anonyme.  Un  ecrivani  poste-  p.  ssg  — 635. 
rieur  s'est  permis  d'y  faire  des  retranchemens  et  d'y  ajouter 
du  sien,  comme  il  le  déclare  lui-même,  et  comme  on  le 
remarque  à  certaines  transitions.  Cependant  ce  qu'il  a  con- 
servé est,  de  son  aveu,  le  propre  texte  de  l'auteur,  et  il  n'a 
presque  point  touché  à  ce  qui  concerne  le  XIP  siècle. 

D.  "Martène  a  publié  une  Chronicjue  abrégée  de  l'abbaye      Anccd.  t.  m, 
de  Laubes,  qui  s'étend  depuis   l'année   4i^  jusqu'à    i64i.  ™i>4io-i43i. 
L'éditeur  pense  que  clepuis  l'année   1000,  cotte  chronicjue 
a  eu  presque  autant  d'auteurs  contemporains  qu'elle  con- 
tient d'articles.  Nous  n'en  parlons  ici  que  pour  avertir  que 
nous  ne  l'avons  pas  oubliée.  B. 


LEON  OU  LEONIUS, 

ABBÉ  DE  LAUBES  ET  ENSUITE  DE  S.-BERTIN. 


Blart.  Anecd. 


J-j'auteur  de  la  chronique  de  Saint-Beïtin  commence  ainsi  Man.Anec 
ce  qu'il  va  dire  de  Léon  :  Léo  fortissimus  hestianan  ad  nul-  '•  iHj  p-  63; 
lius pm'ehit  occiirsum;  et  immédiatement  après  cette  phrase, 
abaissant  un  peu  son  style,  il  se  contente  d'observer  que 
Léon  ou  Léonius  naquit  a  Furnes ,  que  sa  naissance  était 
illustre ,  qu'il  fut  élevé  'à  la  cour  des  comtes  de  Flandres , 
dans  les  manières  et  les  moeurs  du  monde,  urhanis  movibus, 
et  qu'il  y  remplaça,  très-jeune  encore,  son  oncle  et  son  père 
dans  les  soins  que  le  prince  leur  confiait  de  la  distribution 


3 £8  LÉON,  ABBÉ  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTIN. 
XII  SIECLE,  (le  ses  aumônes.  Il  quitta  la  cour  à  vingt -deux  ans,  ])our 
Mail /fov/—  alitai'  embrasser  la  vie  religieuse  au  monastère  d'Anchin, 
G.-:!!,  cinist.  t.  qu'x\lvise  gouvemait  alors.  Celui-ci  e'tant  devenu,  en  ii3i, 
lir,  p.  86.  —  evêque  d'Arras,  et  connaissant  toute  la  capacité  de  Léon,  il 
Bened  t  vi"  ^^  ^^^  nommcr ,  cette  année  même,  abbé  de  Laubes,  dans  le 
p.îoo. — Spicii!  diocèse  de  Cambrai.  Laubes  était  une  des  abbayes  les  plus 
de  d'Acii.  t.vi,  distinguées  par  les  honneurs  et  la  considération  dont  son 
^'    '  ■  chef  jouissait;  mais  elle  était  devenue  si  pauvre  que  les  reli- 

gieux y  avaient  à  peine  les  choses  nécessaires  à  la  vie.  Le 
zèle  et  le  dévouement  de  Léon  ne  firent  que  s'en  accroître. 
Mart.  p.  6'\'j  Tout  changea  de  face  en  peu  de  temps  :  le  monastère  reprit 
son  ancienne  splendeur;  soixante-dix  rehiïieux  s  v  trouvèrent 
reunis  sous  une  disciplnie  régulière,  et  1  abondance  reparut 
avec  les  mœurs  et  la  piété.  Innocent  II  y  vint  à  cette  époque 
et  paya  l'accueil  qu'il  reçut  par  la  concession  de  quelques 
privilèges ,  dont  il  est  fait  mention  encore  dans  la  France 
T.  m,  p.  86.    chrétienne ,  dans  les  Annales  bénédictines  de  dom  Mabillon  , 
r.  20I.        pj  jjj^^g  i^  Chronicpie  de  Laubes  imprimée  au  troisième  vo- 
P.  1421.       lume    du  Trésor  des  anecdotes  de   dom  Martène. 
Gall.  Christ.       Simoii,  c|uarante-deuxième  abbé  de  Saint-Bertin,  ayant  été 
t. III, p. 497.—  déposé  en  1 136,  après  un  gouvernement  de  cinq  années,  par 
Mabiii.  p.  27g.      ,j     d'Innocent  II ,  à  la  sollicitation  des  religieux  de  Cluiii  où 
p.  79.  *  le  pontife  était  alors ,  treize  mois  s'écoulèrent  sans  qu'on  pût 

se  réunir  sur  le  choix  du  successeur  que  le  pape  avait  or- 
Mart.p. 638.  doiiué  de  lui  élire.  Enfin,  après  bien  des  variations  et  des 
— Meyer,p.43.  obstaclcs ,  OU  conviut  de  nommer  Léon,  pour  opposer,  dit 
— Mab.  p.  279.  l'annaliste,  un  puissant  rempart  à  l'arrogance  des  moines  de 

n'*p,' '■'"'""  Cluni.  Il  fut  élu  d'une  voix  unanime. 
408.  —  Mabili!       Un  an  s'était  à  peine  écoulé  depuis  l'installation  de  Léon , 
p.  3i8.  quand  les  religieux  de  Cluni  le  citèrent  à  Rome,  où  il  se 

rendit  avec  Alvise,  évèque  d'Arras.  Ils  voulaient  rendre  dé- 
pendante de  leur  monastère  l'abbaye  de  Saint-Bertin.  Léon 
comparut  au  jour  marqué  ;  mais  l'abbé  de  Cluni  ne  se  pré- 
•  senta  pas,  ni  persopne  pour  lui.  Un  concile  œcuménique 
devait  s'assembler  quelques  mois  après  à  Saint -Jean -de - 
Latran  :  Léon  attendit  cette  époque,  et  pendant  le  temps 
qui  s'écoula,  il  s'acquit  tous  les  jours  davantage  les  bonnes 
grâces  du  pape  et  de  sa  cour.  L'abbé  de  Cluni,  c'était  Pierre- 
Ie-VénéraDle,vint  à  Rome  pour  le  co'ncile,  mais  il  évitait  de 
parler  des  contestations  élevées  entre  lui  et  Léon.  Celui-ci 
en  demanda  l'examen  et  le  jugement  :  ils  lui  furent  favo- 
rables. L'abbaye  de  Saint-Bertin,  après  la  lecture  des  pièces 


LÉON,  ABBÉ  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTIN.  819 

et  une  information  juridique ,  fut  solennellement  dëclarée    ^H  SIECLE, 
libre  à  jamais  de  toute  sujétion  env'ers  celle  de  Cluni.  Léon  " 
fit  dans  la  suite  deux  voyages  encore  à  Rome,  pour  y  obte- 
nir une  nouvelle  confirmation  de  ses  droits,  de  la  part  des 
successeurs  d'Innocent,  Célestin  II,  Luce  II  et  Eugène  III, 
sachant  bien ,  dit  toujours  l'annaliste  conservé  par  dom  Mar-        P  6io. 
tène,  qu'une  triple  corde  se  rompt   plus   difficilement,  et 
aussi,  pour  ôter  toute   espérance   à  ses  adversaires,  ef  wf 
Cluniacensium  ceivicem  diuissimam  frangeret.  La  bulle  de 
Célestin  est  datée  de  ii43j  celle  de  Luce  II,  de  ii44j  celle 
d'Eugène  III,  de  ii45. 

Louis-le-Jeune  étant  parti,  en  1 146 ,  pour  sa  croisade  dans      Gali.  Christ. 
la  Terre-Sainte,  Léon  l'y  accompai^na  avec  son  ami  Alvise,  '■  ^'^'P-  ^^^x-t 

■A    "  J'A  •  4.       ^rfi-  *      1     171         1  1198— Mabill. 

eveque  d  Arras,  qui  y  mourut ,  et  1  fnerry,  comte  de r  landres ,  „  4 ,8.— Mart 

qui  lui  confia  une  grande  partie  de  ses  troupes.  Thierry,  p. 642. 

ayant  reçu  de  Louis-le-Jeune  une  fîole  du  sang  de  Jésus-      Mart.  P.G43. 

Christ,  il  la  mit  entre  les  mains  de  Léon,  pour  la  déposer  — Meyer,p. 45. 

dans  l'église  de  Saint -Basile  à  Bruges,  quand   il  serait  de 

retour  de  la  Palestine.  On  montrait  auparavant  de  ce  sang 

en  beaucoup  de  lieux,  dit  Jean  d'Ypies;  mais  il  n'avait  pas,    Mart. p. 644. 

comme  celui-ci,  coulé  du  corps  môme  de  Jésus-Christ.  Léon 

porta  cette  fiole  suspendue  à  son  cou,  de  Jérusalem  à  Bruges, 

où  on  la  plaça  dans  la   chapelle  qui   lui  était  destinée.  Il 

trouva,  en  revenant,  le  monastère  livré  à  quelques  dissens- 

sions  et  à  beaucoup  de  relâchement;  il  appaisa  les  unes  et 

fît  cesser  l'autre  insensiblement  par  sa  vigilance  et  sa  sagesse. 

Un  incendie  ayant  consumé,  en  iiSa,  l'abbaye  de  Saint-      Mart.  p.  645 
Bertin,  Léon,  quoiqu'il  eût  droit  à  tant  de  repos  par  sa  ^'^46 -Meye, , 
vieillesse  et  ses  longs  voyages,  parvint  à  la  rétablir  ,  en  deux     ""^  •  P-  '<  ■ 
années,  plus  belle  qu'elle  n'était  avant  ce  malheur.  Guillaume 
d'Ypres  l'y  aida  sur-tout  par  ses  secours  généreux.  Entre  les 
dons  qu'il  fit  alors  au  monastère  de  Saint-Bertin,  était  celui 
de  deux  églises  situées  en  Angleterre.  Mais  le  roi  Etienne 
étant  mort  en  1 1 54 ,  et  Henri  II  ayant  chassé  de  ses  états 
Guillaume  et  tous  les  Flamands,  la   possession   des  deux 
églises  fut  contestée  à  Léon,  qui,  après  beaucoup  de  résis- 
tance et  de  prières,  parvint  enfin  à  les  obtenir  de  nouveau. 
L'auteur  de  la  Chronique,  Jean  d'Ypres,  loue  à  ce  sujet  l'adresse 
et  la  constance  de  Léon ,  et  le  besoin  qu'il  avait  de  s'occuper 
d'affaires ,  de  celles  des  autres  quand  il  n'en  avait  pas  pour 
lui-même;  il  se  trouvait  dans  les  conseils  des  princes,  ajoute 
l'écrivain;  il  allait  porter  leurs  négociations  d'un  royaume  à 


020    LEON,  ABBE  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTIN. 

xn  SIECLE,  l'autre;  et  peut-être  tirait- il  de  ces  soins  plus  de  vanité  qu'il 
ne  l'aurait  dû. 

Lëon  obtint  aussi  d'Anastase  IV  et  d'Adrien  lïl ,  succes- 
seurs des  papes  que  nous  avons  nommes ,  la  confirmation 
des  privilèges  de  son  abbaye,  et  quelques  autres  encore.  Par 

Mart.p.647.  yj^g  (jg  ggg  bulles  en  particulier,  Adrien  permet  à  l'abbë  et 
aux  moines  de  Saint-Bertin,  de  donner  l'habit  de  la  religion 
à  tous  ceux  qui  le  demanderont,  sains  ou  malades,  même  à 
l'article  de  la  mort,  même  à  des  hommes  maries  sous  la  con- 
dition toutefois  que  leurs  femmes  garderont  la  continence. 

La  vieillesse  et  les  infirmités  de  Léon  laissaient  un  peu 
relâcher  les  ressorts  du  gouvernement ,  quand  sa  fermeté  se 
remontra  tout  entière  contre  Thierry,  comte  de  Flandres, 
qui,  au  retour  de  son  quatrième  voyage  à  Jérusalem,  avait 
pris  quelques  biens  appartenans  à  l'abbaye  de  Saint-Bertin. 
Sur  sa  réclamation  ,  Thierry  les  lui  rendit  par  des  lettres 
Mart.  p.  6j2  datées  de   i  log.  Léon  survécut  quelques  années  à  cette  res- 

'■^633.  titution.  Son  monastère  le  perdit  en  11 63.  La  défense  et  la 

conservation  des  droits  de  l'abbaye  et  de  son  indépendance, 
ses  premières  œuvres,  d'autres  sen'ices  rendus  et  en  grand 
nombre  ,  firent  que  sa  mémoire  resta  honorée  et  chérie.  On 
mit  sur  son  tombeau  l'inscription  suivante. 

ï^irtus  Samsonis  mel  suinsit  in  ore  leonîs 

Qiiod  non  mysterio  passe  carcre  scio. 
Sic  quoque  diini  uioritur  noster  leo  ,  mel  reperitur 

Ejus  in  ore  jacens,  atque  sapore  placens. 
Nam  si  perpendas  mores  patris ,  atque  sequendas 

flirtâtes  ejus ,  iierbaqiie ,  mel/a  putes. 
O  clarum  %rhema  décore ,  splendida  gemma 

Et  decus  abbatum  contigit  esse  satum. 
Qui  dïim  templa  ,  domos  regales ,  horrea  ,  promos , 

Multaque  mira  struis ,  proh  dolorl  esse,  ruis 

yinte  diem  februi  sexta  suprema  tui, 

T.  III,  p.  'i99-       Il  y  ^  dans  la  France  chrétienne  au  lieu  de  esse  ims , 
dont  le  sens  est  incertain,  ecce  mis,  qui  se  lie  très-Lieu 
avec  ce  qui  précède. 
Gall.  Christ.       Vanté  diem  februi  sexta  est  le  26  janvier.  On  lit  pareil- 

i.  III,  p.  499-     lement  dans  un  ancien  manuscrit  de  l'église  de  Laon  et  dans 
YAuctuatium  de  Molaiius,que  le  très -pieux  Léonius,  très- 


LÉON,  ABBÉ  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTIN.  Sai 

savant  dans  les  lettres  divines  et  humaines,  mourut  le  2.G    >^ii  siècle. 
janvier  de  l'an  ii63. 

Saint  Berilard  lui  a  e'crit  deux  lettres;  ce  sont  la  SHa"  et      p.  3 ',0-342. 
la   383*^   dans   1  édition  donnée  par  Mabillon.  La  première  v.iesAnn.Bcn. 
est  commune  à  Léon  et  à  ses  religieux;  l'abbé  de  Clairvaux  V_3  '  ^' 
en  fait  l'éloge,  et  leur  témoigne  sa  reconnaissance  pour  les 
services  qu  il  en  a  reçus ,  avec  une  effusion  de  cœur   qui 
montre  combien  il  y  était  sensible  :  ils  lui  redemandaient 
un  de  leurs'confrères ,  que  Bernard  ne  croit  cependant  pas 
pouvoir  leur  accoi-der.  La  seconde  est  écrite  à  Léon  seul, 
qu'il  appelle  son  très -cher  ami;  il  le  remercie  de  ses  libéra- 
lités, de  ses  bienfaits  envers  les  religieux  de  Clair-Marais,  et 
le  prie  de  continuer  à  les  regarder  comme  ses  propres  enfans. 
Les  deux  lettres  qui  suivent  sont  également  adressées  à  la  com-    P-  342-34/,. 
munauté  de  Saint-Bertin  :  dans  la  première  il  la  remercie  aussi 
des  bons  offices  qu'elle  rendait  aux  mêmes  religieux  de  Clair- 
Marais;  et  dans  la  seconde  il  la  félicite  de  la  réforme  cju'elle 
a  introduite,  fexhorte  à  persévérer,  à  tendr^  de  plus  en 
plus  à  la  perfection  chrétienne,  à  faire  des  progrès  conti- 
imels  dans  la  pratique  du  silence  et  de  la  vertu. 

Son  nom  se  trouve  marqué ,  comme  celui  d'un  bienheu- 
reux, dans  les  actes  des  Bollandistes  et  dans  le  martyrologe  Llv.ii,p.  464. 
bénédictin,  au  G  février.  Ménard,  dans  ses  observations  sur 
ce  martyrologe,  le  qualifie  vir  multœ  eruditionis  et  religionis.    Liv.  Ul,  c.  4. 
Hermanne,  moine  de  Laon,  lui  donne  vui  semblable  éloge 
dans  son  ouvrage  sur  les  miracles  de  Marie  :  vir  reli^iosissi-^ 
nuis,  dit- il,  et  tàm  gentilium  quaui  divinarum  litterarimi 
peritissimiis. 

Plusieurs  actes  signés  de  lui  sont  rappelés  dans  le  tome  III        P.  498. 
de  la  France  chrétienne.  On  peut  voir  aussi  le  tome  III  du  P-  G38  tt 
Trésor  des  anecdotes,  par  dom  Martène. 

Léon  est  auteur  de  la  Coutume  de  Poperingue,  bourg  de 
Flandres,  alors  dans  le  territoire  de   Furnes,  aujourd'hui 
dans  le  département  de  la  Lys,  et  la  sous-préfecture  d'Ypres, 
en  latin  Pupurnen  Gahemum.  Les  abbés  de  Saint-Ber|pi  en 
furent  long-temps  seigneurs  :  ils  y  exerçaient  la  justice  et  y 
avaient  une  cour  féodale  dont  beaucoup  de  fiefs  relevaient. 
Cette  coutume  assez  semblable  à  celle  de  Furnes,  patrie  de 
Léon  ,  fiit  renouvellée  dans  la  suite  par  deux  abbés  du  même      Gali.  Chnst 
monastère,  Jean   d'Ypres  et  Jacques  de  Furnes  aussi,  qui  ';"i^p'^  "° 
vivaient  fun  et  l'autre  dans  le  XlIIf  siècle.  Quoique  nous  m'~.l 
ne  l'ayons  plus  aujourd'hui  telle  qu'elle  avait  été  faite  alors. 

Tome  XI II.  S  s 


SUIV. 


.  5oo  el 
Mart.  l. 
5ï.. 


322    LÉON,  ABBÉ  DE  LAUBES  ET  DE  S.-BERTJN. 

XII  SIECLE,    on  ne  peut  douter  qu'elle  ne  subsiste  presque  en  entier  dans 
Cout.  géncr.  Celle  qui  fut  donnée  à  Bruxelles,  en  1620,  par  Albert  et  Eli- 

t.  I,  p.  926  et  sabeth- Claire -Eugénie,  infans  d'Espagne,  archiducs  d'Au- 

*"'^'  triche  et  gouverneurs  de  Flandres.  On  le  peut  d'autant  moins 

que  le  préambule  annonce  que  les  baiUi,  amman,  bourgue- 
mestre  et  échevins  de  la  ville  de  Poperingue  avaient  envoyé 
au  conseil  du  prince  le  cahier  des  coutumes  et  usages  qu'ils 
maintenaient  avoir  été  observés  auparavant  dans  cette  ville , 
pour  en  obtenir  Ihomologation  que  Charles- Quint  avait 
prescrite,  et  à  laquelle  beaucoup  de  communes  avaient  né- 
gligé long-temps  de  piocéder;etque  qiiekjues  articles  en  furent 
modifiés ,  ce  qui  annonce  encore  que  l'ancienne  loi  fut  con- 
firmée en  très-grande  partie,  telle  que  Léon  favait  donnée. 
ibid.  p.  927 ,  La  nouvelle  commence  par  établir  le  droit  de  haute ,  moyenne 

m.  i,art.  I.  ^^  basse  justice  dont  les  abbés  et  religieux  de  Saint-Bertin 
jouissaient,  et  durent  jouir  encore,  comme  seigneurs  de 
Poperingue.  Le  pouvoir  et  les  prééminences  des  seigneurs 
et  de  la  loijsont  l'objet  du  premier  titre  ;  les  revenus  de  la 
ville,  l'objet  du  second;  les  achats  el  ventes,  saisines  et 
désaisines,  ventes  et  obligations,  du  troisième;  le  commerce 
du  houblon,  du  quatrième;  les  cautionnemcns  et  les  trans- 

Eorts,  les  louages  et  les  cens,  les   taillis  et  dépouilles  des 
ois,  le  retrait  et  l'échange   des  héritages,  les  successions, 
les  contrats  de  mariage,  les  tutèles  et  curatèlcs,  etc.,  des  cin- 
quième ,  sixième,  septième,  huitième,  neuvième,  dixième, 
onzième,  douzième  et  treizième  titres;  la  manière  de  procé- 
dei^n  matière  civile  et  criminelle  est  déterminée  dans  les 
titres  suivans  ;  et  les  derniers  sont  consacrés  à  quelques  points 
de  législation  pénale,  de  police  rurale,  de  la  législation  par- 
ticulière sur  les  fiefs,  leur  transmission,  leurs  droits,  les 
attributions  des  cours  féodales ,  et  la  procédure  qui  doit  y 
Tit.aget  3o,  ^ti'e  suivie.  On  y  consacre  de  nouveau  le  droit  qu'exerçaient 
p.  931  et 952.    |çg  abbés  et  religieux  de  Saint-Bertin,  comme  seigneurs  de 
Poperingue,  davoir  une  cour  d'hommes  de  fiefs ,  plusieurs 
vasi^lages  ,  et  toute  la  juridiction  qu'une  telle   cour  peut 
avoir,  ainsi  que  tous  les  titres,  facultés ,  redevances ,  privi- 
p.  95a.        léges  dont  une  semblable  seigneurie  fais;  it  jouir.  On  ordonne 
eniin,  dans  les  cas  que  la  loi  n'aurait  pas  prévus,  de  recourir 
Mari.Anecd.  aux  usages  commiius  du  pays  de  Flandres.  Léon  avait  dé- 
t.  iu,p.  (i>2.     claré,  d'une  manière  fixe,  les  usages  de  la  ville  de  Furnes, 
sup])lément  nécessaire  et  absolu  au  silence   de  la  coutume 
qu'il  donnait  à  Poperingue. 


Xn  SIECLE. 


BURCHARD,  ABBÉ  DE  BALERNE.    323 

Un  ouvrage  un  peu  moins  important  que  la  chronique  de  

Saint-Bertin  lui  attribue,  est  un  office  pour  la  fête  de  Tous     uu^uGitS. 

les  Saints,  office  qu'il  rendit ,  comme  on  peut  le  croire,  un 

peu  différent  de  celui  que  chantaient  les  religieux  de  Cluni, 

avec  lesquels  il  avait  eu,  dès  la  première  année  de  son  gou-  Ci-dess.p.3i8, 

vernement,  d'assez  importantes  discussions,  terminées  plu-  ^ig- 

sieurs  fois  en  sa  faveur  par  la  cour  de  Rome.  P. 


«  X«i%> VW/^^fV^  %, 


BURCHARD, 

ABBÉ   DE    BALERNE. 

IJRtJCHARD,   Burchard,  ou  Bouchard,    était  rehgieux  de     Manriq.Ann. 
Saint- Benoît,  lorsqu'il  vint  se  placer  à  Clairvaux  sous  la  Cistcrc.adann. 
direction   de   Saint -Bernard.    L'abbaye   de   Balerne  ,   l'une  ii'5G,c.  6,n.  i, 
des  filles  de  Clairvaux,  fut  fondée,  en  ii36,  au  diocèse  de  c.'g',  n""io,\i^! 
Besançon  :  Bouchard  en  devint  le  premier  abbé.   La  cent  — Mabiii.  Ann. 
quarante-sixième   lettre   de   saint  Bernard  est   adressée  à  ^' J'^"*''^-  ^'^• 
labbé  de  Balerne,  ou  plutôt  à  Dieu  même  :  car  elle  n'est,  _  pg  \-lid\  ', 
en  très  -  grande  partie  ,  qu'une  action  de  grâces  pour  les  Bibiioth.   cist. 
progrès  éminens  que  Bouchard  a  faits  dans  la  pratique  des  l'  ^^• 
vertus  claustrales.  Saint  Bernard  ne  parle  dii'ectement  à  son 
élève  que  dans  les  dernières  lignes  de  cette  épître  :  il  s'y 
déclare  son  serviteur,  son  compagnon  dans  cette  vie,  son 
cohéritier  dans  l'autre.  Me  vefà  utere  servo ,  comité  in  via, 
cohœrede  in  patrid.  Nous  ne  pouvons  douter,  d'api'ès  une 
telle  lettre ,  de   la   fervente  piété  de  Bouchard ,  que  nous 
retrouvons  d'ailleurs  inscrit,  comme  un  très- saint  religieux, 
dans  le  ménologe  de  Cîteaux ,  au  ic)  avril.  Ce  jour  est  celui 
de  sa  mort,  dont  l'année  n'est  pas  très-bien  fixée.  On  présume 
que  c'est  i  iGa  ou  1 163;  il  avait  été  depuis  peu  transféré  de 
l'abbaye  de  Balerne  à  celle  deBelleval  ouBellevaux,au  même 
diocèse  de  Besançon.  Il  était  abbé  de  Balerne,  lorsque,  vers    Bibiioth. mai. 
ii45,  il  écrivit  une  lettre  au  moine  Nicolas,  qui  venait  de  pp- 1.  xxi,  p. 
quitter  Mcnti^'ramé  pour  se  rendre  à  Clairvaux  près  de  saint  523.— Mannq. 
Bernard.  La  conduite  de  Nicolas  a  JVlontierame  n  avait  pas  t.  ix,  n.  n. 
été  fort  édifiante  :  Bouchard  le  félicite  de  sa  conversion.  Il 

SS2 


324    GUILLAUME  VI,  SEIGN.  DE  MONTPELLIER. 

XII  SIECLE,   commence  par  lui  demander  la  liberté  d'écrire  d'un  style 
simple  [in  siniplici  stylo  rccipe  7ne);  mais  dans  le  reste  de 
l'épître  il  n'use  aucunement  de  cette  permission.  La  pièce 
fourmille  de  métaphores,  de  comparaisons,  de  tours  figurés 
ou  recherchés.   Qu'il  soit  permis,  dit  Bouchard,  à  un  petit 
animal  sans  plume  de  s'élever,  comme  par  échelons,  jus- 
ques   au   prem-er  des  animaux  emplumés.    Sine   modo    ut 
qiiddam  compositione  gradiium  ,  liceat  ascendere  ad  animal 
primum  pennatum  iuiphimi  hcstiolœ.  Il  se  compare  ensuite 
à  une  tortue,  à  une  taupe,  à  une  cigale;  et  JNicolas  à  un 
oiseau,  à  un  cerf,  à  un  cygne;  et  après  quelques  autres  anti- 
thèses du  même  genre,  il  termine  ce  qu'il  appelle  sa  petite 
préface  :  H.œc  prœfatiiincula  stet  hic.  Cet  exorde  forme  un 
tiers  de  l'épître.  Suivent  des  actions  de  grâces  au  Tout-Puis- 
sant qui  vient,  en  renouvellant  Nicolas,  de  blanchir  un  Ethio- 
pien. Nous  ne  retrouvons  aucune  trace  de  ce  mauvais  goût 
dans  un  autre  écrit  de  Bouchard,  c'est-à-dire  dans  une  sorte 
Opor.   s.  de  conclusion  qu'il  a  placée  à  la  fin  du  premier  livre  dé  la 

Bernaidi  eJit.  ^^^  j^  saint  Bernard ,  par  Guillaume  de  Saint-Thierry.  Cet 

MabiU.  t.  II,p.  ,.  .  -4.  '  t         ..    •  11- 

1090,1091.  appendice,  qui  ne  consiste  quen  une  trentaine  de  hgnes, 
contient  un  éloge  de  Guillaume  ,  et  une  mention  de  ses 
autres  écrits,  savoir  d'un  Livre  apologétique,  et  d'un  Traité 
de  la  grâce  et  du  libre  arbitre.  Guillaume  n'a  conduit  l'his- 
toire de  saint  Bernai^d  que  jusqu'au  schisme  de  Pierre  de 
Léon ,  et  Bouchard  regrette  que  cet  historien  n'ait  pas 
vécu  assez  long -temps  pour  achever  un  ouvrage  si  bien 
commencé.  D. 


GUILLAUME  YI 


ET 


GUILLAUME   VIT, 

SEIGNEURS  DE  MONTPELLIER. 

(Quelques  écrits  de  Guillaume  VI,  seigneur  de  Montpcl 
lier,  tt  de  son  fils  Guillaume  VII,  nous  autorisent  à  faire  ic 


GUILLAUME  VI,  SEIGN.  DE  MONTPELLIER.     SaS 
mention  de  l'un  et  de  l'autre.  Mais  le  récit  de  leurs  actions   X"  SIECLK. 
appartient  aux  annales  de  leur  province,  et  nous  ne  profi- 
terons point  de  cette  occasion  de  transporter  dans  l'Histoire 
littéraire  de  la  France  de  longs  fragmens  de  l'Histoire  civile 
du  Languedoc.  Nous  renvoyons  à  dpm  Vaissette  les  lecteurs  ^  Hist.duLa^ng. 
qui  \oudront  connaître  les  circonstances  des  faits  que  nous  *-^;^'  ^^ 
allons  sommairement  indiquer. 

Guillaume  VI ,  ayant  succédé ,  en  1 1 2 1  ou  1 1 23 ,  à  son  père 
Guillaume  V,  seigneur  de  Montpellier,  fit  en  1 128  un  voyage 
à  la  Terre-Sainte,  et  en  rapporta  des  reliques.  En  1 129,  il      JbM.  p.  401. 
épousa  la  comtesse  Sibille ,  qui  est  désignée  par  quelques 
auteurs  comme  fille  du  roi  de  Jérusalem.  Partisan  d'Inno- 
cent II  contre  l'antipape  Anaclet ,  il  reçut  du  premier  plu- 
sieurs témoignages  d'affection  et  d'estime.  Innocent,  dans     Scriptor.Rer. 
une  lettre  qu'il  lui  adresse  en  11  Sa,  le  prend  sous  sa  pro-  ^^"3^5 '•^^' 
tection  ainsi  que  la  ville  de  Montpellier,  et  le  déclare  che-  333,^95, 4II! 
valier  spécial  de  Saint-Pierre ,  specialem  heati  Petii  militem.  406. 
En  II 35,  Guillaume  assista,  dans  la  ville  de  Léon,  au  cou- 
ronnement d'Alfonse  VII  roi  de  Castille;  et  contracta,  peu  de 
temps  après,  ime  alliance  étroite  avec  Bérenger-Raimond 
comte  de  Provence ,  auquel  il  donnait  en  mariage  sa  nièce 
et  sa  pupille,  la  jeune  Béatrix  comtesse  de  Melgueil.  Après         Vaissette, 
avoir  fait,  en  1 109,  avec  Raimond,  évèque  de  Maguelonne,  *•  "'  P-  '•*■• 
un  accord  avantageux  à  ce  prélat,  Guillaume  VI  voulut  exi-      ibid.  p.  429. 
ger  des  habitans  de  Montpellier  un  nouvel  hommage  et  de 
nouveaux  sermens  de  fidélité  :  ils  se  révoltèrent  contre  lui 
et  le  chassèrent  de  leur  ville  en  ii4i.  Innocent  II  excom-      lUd.  p.  4'îi 
munie  les  rebelles,  met  leur  territoire  en  interdit,  et  sou-  -4^6. 
tient,  par  plusieurs  lettres,  les  droits  du  seigneur  expulsé. 
Celui-ci,  malgré  sa  confiance  dans  les  armes  de  l'église,  ne 
négligea  pourtant  poiiit  d'en  employer  de  plus  matérielles: 
il  assiégea  Montpellier  et  s'en  rendit  maître  au  mois  de 
septembre  11 43.  Il  est  félicité  de  ce  succès  dans  une  lettre 
à  lui  adressée  par  Célestin  II,  successeur  d'Innocent.  Scilptor.Rcr. 

Un  des  écrits  qui  nous  restent  de  Guillaume  VI,  est  im  Gaiiic.  t.  xv, 
testament  qu'il  fit  au  mois  de  décembre  11 46,  avant  de  se  ^''  '*'"" 
rendre  en  Espagne  où  l'appellait  Alfonse  VII.  Ce  testanj^nt 
publié  par  d'Achery  nous  apprend  cjue  la  mère  du  seigneur      Spitii.  t.  ix, 
de  Montpellier  s'appelait  Ermesende,  et  qu'elle  vivait  encore;  P-  Mo-i  iS- 
qu'il  avait  quatre  filles,  dont  l'une  portait  ce  même  nom  d'Er- 
mesende,  et  quatre  fils  dont  deux  se  nommaient  Guillaume; 
que  l'aîné  ne  devait  commencer  à  gouverner  la  ville  et  le 


326    GUILLAUIVIE  VI,  SEIGN.  DE  MONTPELLIER. 

XII  SIECLE,    territoire  que,  lorsqu'il  aurait  atteint  lage  de  vingt  ans,  que 
jusqu'alors  la  régence  appartiendrait  à  la  mère  du  testateur, 
ou,  si  elle  venait  à  mourir,  au  cousin  Pons.  Ces  disposi- 
tions faites,  Guillaume  VI  équipa  des  vaisseaux,  les  joignit  à 
ceux  des  Pisans  et  des  Génois ,  et  se  rendit  avec  cette  flotte 
devant  Alméria  qu'Alfonse  VII  assiégeait  par  terre.  Les  Sar- 
rasins se  défendirent  assez  long-temps,  et  la  place  ne  fut 
Vaissette ,  prise  que  le    ly  octobre    luj;.  Alfonse,  dans  ses    remer- 
t.  II,  p.  ^4i,  ciemens  à  tous  ceux  qui  avaient  concouru  à  cette  expédition, 
''^*'  distingua   le  seigneur  de  Montpellier.  Un  poète  du  temps, 

qui  a  versifié  une  relation  de  ce  siège,  donne  à  Guillaume 
le  titre  de  duc  ;  mais  il  ne  faut  rien  conclure  de  cette  expres- 
sion poétique  :  Guillaume  et  les  siens  n'ont  jamais  pris  la 
qualité  ni  de  duc  ni  de  comte. 

L'année  suivante,  1 148,  Guillaume  VI  et  ses  enfans  aidè- 
rent le  comte  de  Barcelonne  à  chasser  de  Tortose  les  infidèles 
ibid.  t.  II ,  OU  Sarrasins.  Ce  fut  la  dernière  expédition  militaire  de  Guil- 
p-4'i2-  laume.  Quelques  mois  après  il  perdit  sa  femme  Sibille,  et 

embrassa  la  vie  monastique.  Nous  remarquerons  en  passant 
qu'il  n'est  fait  aucune  mention  de  cette  épouse  dans  le  tes- 
tament de  I i46. 

L'abbaye  de  Grandselve  était  récemment  réunie  à  l'ordre 
Und.  p.  .',',3.  de  Cîteaux,  lorsqu'en  1 149  Guillaume  y  prit  l'iiabit  religieux. 
Il  fut  employé,  en  i  i5o,  à  fonder  l'abbaye  de  Candeil,  située 
au  diocèse  d  Alby,  et  dont  Gansbert  fut  le  premier  abbé.  De 
Candeil  Guillaume  se  rendit  en  Catalogne,  où  s'établissait 
Manriq.  ad  l'abbaye  de  Valaure.  Nous  le  trouvons,  en  i  iSa,  àClairvaux; 
ann.  iiSî,  c.  6,  j|  venait  y  voir  saint  Bernard,  qui  depuis  lui  apparut,  dit-on, 
o.  5,  n.  i.      'à  Grandselve,  le  20  août   11 53,  c'est-à-dire  le  jour  même 
de  la  mort  du  saint  abbé  de  Clairvaux.  Guillaume  retourna 
en  Catalogne ,  et  transféra   labbaye  de  Vallaure  à  Santa- 
Cruz  en  1 157  :  mais  avant  la  fin  de  cette  dernière  année,  il 
était  revenu  a  Candeil,  et  de -là  à  Grandselve  où  il  mourut 
Vaissette  ,  en  I  i6i  ,  OU  1 1 62,  OU  enfin  1 163.  S'il  a  exercé  les  fonctions 
t.  II,  p.  489.      d'abbé  de  Vallaure  ou  de  Santa-Cruz,  il  les  avait  sans  doute 
abdiquées  avant  sa  mort.  On  l'a  mis  au  nombre  des  saints  de 
l'ordre  de  Cîteaux ,  et  quelquefois  aussi  au  nombre  des  écri- 
vains ,  en  lui  attribuant  une  vie  de  saint  Jean  ,  frère-convcrs 
de  l'abbaye  de  Grandselve  :  un  fragment  de  cette  édifiante 
J..I  <lec.  — V.  relation  se  lit  au  Ménologe  cistercien.  Elle  est  écrite  par  un 
.i.-^ l'oeil.  Bibi.  Guillaume  que  Séguin  fait  abbé  de  Vallade  en  Angleterre; 
(isKi..  p.  lis.  ^^  comme  on  ne  connaît  aucune  abbave  de  ce  nom  dans 


GUILLAUME  VI,  SEIGN.  DE  MONTPELLIER.     027 

la  Grande-Bretagne,  on  conjecture  qu'il  faut  substituer,  à  xil  SIECLE. 
Vallade,  Vallaure  ou  Valdrande  en  Catalogne,  d'où  l'on  con- 
dut  à-la-fois  que  Guillaume  VI  a  été  abbé  de  ce  monastère, 
et  qu'il  est  l'auteur  de  la  vie  du  frère  Jean  de  Grandselve  : 
hypothèse  d'autant  plus  plausil^le ,  que  Grandselve  ayant  été, 
depuis  1149  jusqu'en  iiGi,  le  séjour  le  plus  ordinaire  de 
Guillaume  de  Montpellier,  il  a  fort  bien  pu  connaître  le 
frère  iJean  et  devenir  son  panégyriste. 

Dès  que  Guillaume  VI  se  fut  fait  moine,  son  fils  Guil- 
laume VII,  qui  en  1 148  s'était  distingué  au  siège  de  Tor- 
tose ,  lui  succéda  en  qualité  de  seigneur  de  Montpellier  ; 
il  est  qualifié  ainsi  dans  un  traité  qu'il  signa  au  mois  de 
juillet  II 49-  Le  projet  qu'il  conçut  de  nommer  lui-même 
les  curés   et  les   prêtres   des  églises   de  sa  seigneurie ,  le  * 

brouilla  bientôt   avec  l'évéque   de  Maguelonne ,  et  donna         Vaissette , 
lieu,  en  11 5o,  h  une  lettre  d'Eugène  III,  laquelle  détermina  *■  ^^'P-  465. 
Guillaume  à  se  désister  de  ses  prétentions.  Il  épousa,  en 
II 56,  Mathilde   de  Bourgogne,  fillp  de  Hugues -le -Roux.      ibid.  j>.  i,^s. 
De   longs  démêlés   avec   le  comte  et  la  comtesse  de  Mel- 
gueil    composent    la   plus    grande    partie   de    l'histoire   de      ^*«'-  p-  488 
Guillaume  VII  :  il  s'agit  de  pareils  différens  dans  les  trois  *'  *"'^' 
courtes  lettres  adressées  par  lui  au  roi  Louis- le- Jeune.  Ces       Duchesne  , 
lettres,  une   charte   de    11 55   ou  56,  qui  consiste  en  une  Scnpiner. Gai- 
donation  à  Marie  sœur  du  duc  de  Bourffoane,  et  un  Testa-  -,«   ...'i*  ''  ' 
ate  de   11 72,  sont  les  seuls  écrits  authentiques  que     Spidi.  t.viir, 
nous  ayons  de  ce  seigneur  de  Montpellier.  Le  Testament  P'?'',  igS- 
se  trouve  au  Trésor  des  chartes ,  et  ressemble ,  quoique  plus  inv.^de°Dupuyj 
court,  à  celui  de  Guillavime  VI.  Dans  l'un  et  dans  l'autre ,  il  t.  v,  p.  375. 
est  défendu   de   laisser  exercer  par  un   juif  la  charge  de 
bailli  de  Montpellier.  Guillaume  VII   place  son  fils  aîné  , 
jusqu'à   ce  qu'il  ait  vingt  ans,  sous  la  garde  de  l'évéque 
de  Maguelonne.  Des  vers  rhythmiques  attribués  à  un  Guil- 
laume de  Montpellier,  qui  florissait  vers  1 190,  ne  sauraient      oiearius,  in 
être  de  Guillaume  VIL  qui  ne  vivait  plus  en  1175.  C'est  à  Abaco,p.  193. 
Guillaume-Raimond  evêque  de  Maguelonne,  mort  en  1 197,  ~   °"'S- 


vet.  et  nova. 


a 


u'appartiennent   des  Homélies   qui   portent  aussi  le  nom     Garioi, Séries 
'un  Guillaume  de  Montpellier  :  à  quel  propos  un  seigneur,  pra-suium  Ma- 
guerrier   de   profession,  aurait -il  compose  des  homélies?  s^ou.  p.  2,.. 
Encore  une  fois,  un  Testament,  une  Charte,  et  trois  Lettres 
missives  ,   voilà  toutes  les  productions  littéraires  de  Guil- 
laume VII,  si  toutefois  on  leur  peut  donner  un  tel  nom. 
Pour  achever,  en  fort  peu  de  mots,  la  notice  historique 


oaS        ETIENNE,  ARCHEVEQUE  DE  VIENNE. 

■\n  SIECLE,    de   la   vie    de    Guillaume   VII  ,   nous   dirons    qu'en    1 1 58 

Vaisselle,  Adrien  IV  lui  adressa  une  lettre  relative  à  la  réconstruc- 

t.  II,  p.  490.      tion  d'une  église  ;  qu'entre  Alexandre  III  et  l'antipape  Octa- 

GuUi.  Neubrig.  vien   OU  Victor ,  il  eut  le    bonheur  de   se  décider   pour  le 

Rer.  Angi.  liv.  premier  ;  c[u'il  résista  même  aux  sollicitations  de  l'empereur 

1  leurr    'hisT  Fi'cdéric  Barberousse,  qui,  en    1162,   le  pressait  de   livrer 

Eccl.Iiv'.LXXl,  Alexandre  alors  réfugié  à  Maguelonne;  qu'Alexandre  III  en 

"•  20.  fut  très-reconnaissant,  et  le  prouva  en  écrivant  à  GuiflaTîme 

Script.  Rer.  ^j.    ^^^,   Guillaume   plusieurs   lettres    infiniment  honoraljles 

GalUc.     t.    XV,  ,.  ,         i 

p.  7^5 ,  779  ,  audit  seigneur  de  Montpellier.  Guillaume  VII  mourut  en 
782,842,9/17.  iiya. 

T.  II.  p.  443.  Dom  Vaissette  ,  en  parlant  de  Guillaume  VI ,  dit  que  tous 
les   souverains  de  l'Europe  qui  vivaient  en    iG3o,  descen- 

•  daieut  de  lui  par  les  femmes.  D. 


'r- 


ETIENNE,. 

ARCHEVÊQUE   DE  VIENNE 
EN  DAUPHINÉ. 

IN  ou  s  n'avons  de  ce  prélat  qu'une  Lettre,  mais  elle  suffit 
pour  nous  donner  une  idce  avantageuse  de  sa  capacité,  et 
pour  lui  mériter  une  place  dans  notre  histoire.  Si  nous  n'a- 
vons pas  d'autre  production  de  sa  plume  ,  ce  n'est  pas  foute 
de  talent,  ni  que  les  occasions  de  l'exercer  lui  aient  manqué; 
car  nous  verrons  qu'il  fut  exposé  à  de  grandes  contradic- 
tions de  la  part  de  ses  ennemis ,  et  c'est  pour  cela  même 
qu'il  ne  reste  plus  rien  des  écrits  qu'il  dut  composer  pour 
sa  défense. 

Rien  dans  l'histoire  de  l'église  de  Vienne  n'est  plus  obscur 
que  le  temps  de  son  épiscopat.  Les  deux  frères  de  Sainte- 
Marthe  n'ont  j)as   même   placé  son  nom  dans  le  catalogue 
Baïuz.Miscei.  des  archevêques  de  Vienne.  Il  est  pourtant  vrai  qu'il  était 
t.  VII,  p.  74.     déjà  archevêque  l'an  i  i3o ,  et  qu'il  assista,  en  cette  qualité , 
au  concile  de  Clermont  en  Auvergne,  présidé  par  le  pape 
Péianl,p.224,  Innocent  II;  il  est  encore  vrai  que,  dès  l'année  précédente, 
et  Mal).  Annal,  jj  (î^j^jj  }çg.,f  (Ju  Saint  Siège  pour  la  décision  d'un  procès 
^^'  ''  '  entre  Ls  abbayes  jievS^Et-Rénigne-de-Dijon  et  de  Lu.x^uil. 


ETIENNE,  ARCHEVÊQUE  DE  VIENNE.         Say 

Nicolas  Chorier,  qui  a  avancé,  sans  preuves,  qu'Etienne    ^^i  siècle. 
était  fils  deThéodoric,  comte  de  Bar  et  de  Monçon,  l'a  con-     chorier.Hist. 
fondu  mal -à-propos  avec  Etienne  de  Bar,  évêque  de  Metz  deDauph.  t.ir, 
depuis  l'an  1 120  jusqu'à  1 163.  Mais  ce  qui  est  bien  prouvé,  P' 
c'est  qu'il  était  chanoine  de  Saint -Ruf  avant  son  épiscopat. 
Aussi  voit- on  que,  contre  le  gré  de  son  chapitre,  et  mal-     Chorier, î^jV. 
gré  l'opposition  des  abbés  de  Saint-Pierre  et  de  Saint-André-  P-  ^^■ 
de-Vienne ,  il  procura  aux  chanoines  de  Saint-Ruf  un  éta- 
blissement sur  le  Rhône,  dans  un  lieu  appelé  l'Isle;  et  c'est 
peut-être  une  des  causes  qui  attira  sur  lui  l'orage  qui  le 
mit  aux  prises  avec  les  évêques  de  sa  province.  Il  fut  con-  Martene , 

damné  sans  ménagement,  dans  un  concile  tenu  à  Bellai,  ^^'j"'^.,'"'"' ^  ' 
sous  la  présidence  de  l'archevêque  de  Lyon ,  comme  légat 
du  Saint  Siège;  concile  qui  ne  se  trouve  dans  aucune  des 
collections,  dont  on  ignore  l'année  précise,  et  qui  n'est 
cormu  que  par  la  lettre  d'Etienne  au  légat  Albéric,  évêque 
d'Ostie. 

S'étant  pourvu,  par  appel,  en  cour  de  Rome,  Etienne  fut  Mart.  ibid. 
cité  à  comparaître  a  Vézelai  devant  le  légat  Albéric ,  qui  lui 
prescrivit  le  mode  de  justification  auquel  il  devait  se  sou- 
mettre. C'était  l'an  1 144  ou  1 145  ;  mais  ne  trouvant  ce  mode 
ni  canonique  ni  praticable  ,  après  avoir  réfuté  les  griefs 
allégués  contre  lui,  qu'il  avait  vendu  des  églises,  qu'il  avait 
induit  au  parjure  des  militaires  de  sa  dépendance ,  qu'il 
avait  quitté  l'habit  de  son  état,  qu'il  n'avait  pas  gardé  la 
continence ,  qu'il  avait  enfin  altéré  la  monnaie ,  il  déclare  au 
légat  qu'il  appelle  de  nouveau  au  pape,  ben  résolu,  s'il 
n'obtient  justice,  de  retourner  à  Saint-Ruf 

Il  paraît  qu'il  y  retourna ,  ou  du  moins  qu'il  se  démit  de 
sa  charge.  Nous  en  avons  la  preuve  dans  une  lettre  que  lui       P^tri  Clun. 
adressa  Pierre-le-Vénérable ,  abbé  de  Cluni ,  pour  l'inviter  à  l'b- v,ep.  ■>.. 
venir  se  fixer  dans  sa  maison,  non  pour  un  temps,  mais  pour 
toujours.    «  Si ,  dit-il ,  depuis  le  fâcheux  accident  qui  vous  a 
«  forcé  de  quitter  Vienne  et  le  siège  archiépiscopal,  je  ne  vous 
«  ai  point  écrit  pour  vous  consoler,  ce  n'est  pas  que  je  n'aie 
«  pris  beaucoup  de  part  à  votre  infortune ,  mais  je  ne  savais 
«  en  cjuel  lieu  vous  trouver.  On  nous  disait  que  vous  étiez 
«  tantôt  à  Saint-Ruf,  tantôt  dans  quelque  autre  prieuré  de 
a  l'ordre,  tantôt  dans  d'autres  églises. ..  Venez  donc  à  Cluni, 
(c  où  tout  sera  à  votre  disposition;  car  il  n'est  pas  décent 
ce  qu'une  personne  de  votre  caractère  erre  de  lieu  en  lieu  «. 
Tome  XIII.  Tt 


XII  SIECLE. 


Hist.del'Egl 
de  Vienne ,  p 
2o4- 


33o        ETIENNE,  ARCHEVÊQUE  DE  VIENNE. 

L'abbé  de  Cluni  écrivait  cette  lettre  peu  de  temps  avant  le 
concile  de  Reims  de  l'an  1 148. 
I      Nous  ignorons  si  Etienne  se  rendit  à  cette  pressante  invi- 
tation ;  mais  nous  retrouvons  ce  prélat  agrégé  peu  de  temps 
après  au  clergé  de  Lyon.  Un  nouvel  archevêque,  Humbert 
de  Bugei ,  gouvei^nait  alors  cette  église;  ne  pouvant  assister 
en  personne  à  l'assemblée  de  Chartres ,  convocpée  par  l'abbé 
Suger  l'an  ii5o,  il  y  envoie  l'ancien  archevêque  de  Vienne, 
Suger.  ep.  i34.  dont  il  loue  les  sentimens  religieux  et  la  grande  expérience 
dans  les  affaires  :  His  igitur  ex  causis  mittimus  ad  vos  hune 
venerabitem  fratrem  nostrum  et   dilectum   ecclesiœ    nostrœ 
filiuni ,  domnum  Stephanum,  quondam  Viennensem  archie- 
piscopum ,   virum  utique  religiosum  et  in  maximis  exerci- 
tatum. 

Après  des  témoignages  aussi  formels,  on  est  étonné  que 
les  historiens  de  l'église  de  Vienne  traitent  de  fable  ce  que 
Chorier  avait  avancé  sur  d'aussi  bons  garans.  Maupertuis 
accuse  Chorier  d'avoir  ajouté  à  la  lettre  de  Humbert  ces 
mots  :  quondam  Fiennensem  ardùepùcopuni  ^  qui  s'y  trou- 
vent textuellement  dans  toutes  les  éditions,  et  ne  pouvant 
retenir  son  indignation  :  «Je  n'ai  pu,  dit-il,  refuser  cette 
«  digression  à  la  juste  indignation  que  m'a  causée  l'effron- 
«  terie  du  sieur  Chorier,  qui,  en  cent  endroits  de  son  his- 
«  toire  ,  sème  le  mensonge  et  la  fiction ,  et  remplit  tout  de 
«  confusion  par  ses  fausses  dates  et  les  erreurs  chionolo- 
«  giques  qu'on  y  rencontre  à  chaque  page  ».  Charvet,  d'un 
ton  plus  modéré  :  «  Je  ne  dirai  pas  avec  lui  (Chorier)  cju'E- 
«  tienne  renonça  à  l'épiscopat  pour  servir  Dieu  dans  l'église 
«  de  Lyon ,  en  qualité  de  simple  prêtre  ;  que  son  mérite  l'y 
«  fit  distinguer,  et  quil  fut  ensuite  placé  sur  le  siège  de 
«  Metz  :  un  semblable  récit  est  plutôt  un  conte  mal  fabriqué. 
«  Qui  croira  qu'il  soit  venu  dans  la  pensée  d'un  archevêque 
«  de  Vienne ,  qu'il  pouvait  se  cacher  à  Lyon  et  vivre  inconnu 
«  dans  le  clergé  de  cette  ville,  et  que  son  mérite  seul  l'y  ait 
«  foit  reconnaître  '}  Il  vaut  mieux  laisser  dans  l'histoire  le 
«  vide  que  l'on  y  trouve,  que  de  le  remphr  par  des  fables  «.  La 
maxime  est  bonne  ;  mais  ce  n'était  pas  ici  le  lieu  de  l'appli- 
quer. La  renonciation  forcée  ou  volontaire  d'Etienne  à  l'épis- 
copat est  un  fait  certain  ,  sur  lequel  il  n'y  aurait  jamais  eu  de 


Hist.del'Ec;]. 
de  Vienne  ,  p. 
336. 


contestation ,  si  on  eut  consulte  les  actes. 


Chorier  a  sans  doute  eu  tort  de  dire  qu'Etienne  passa  en- 


GÉNÉALOGIES  DES  ROIS  DE  FRANCE.        33 1 


XII  SIECLE. 


suite  à  l'évêchë  de  Metz.  Nous  pensons  qu'il  remonta,  l'an 

II 56 ,  sur  le  siège  de  Vienne ,  et  que  celui  qu'on  nous  donne 
pour  Etienne  II  n'est  autre  que  lui-même;  car  rien  ne  prouve 
que  ce  soit  un  personnage  différent.  Il  était  retourné  à 
Saint-Rut  Tan  ii53,  comme  on  le  voit  par  un  jugement  de 
Geofifroi ,  évêque  d'Avignon,  en  faveur  du  monastère  de  Saint- 
Remi-de-Reims,  dans  lequel  il  est  dit  :  Et  hœc  definitio  facta  Mab.  Annal. 
est  in  ptresentiâ  Stephani  cajionici  S.  Rit  fi ,  quondam  Vieil-  t- VI,  col.  645. 
nensis  archiepiscopi.  Il  est  probable  que  Nicolas  Brekspeare , 
lequel  avait  été  chanoine  et  abbé  de  Saint- Ruf,  étant  par- 
venu à  la  papauté  sous  le  nom  d'Adrien  IV,  après  avoir  mis 
à  néant  la  procédure  du  légat  Albéric ,  aura  rétabli  son 
ancien  confi-ère  dans  ses  droits  ,  sans  attendre  la  vacance 
du  siège ,  occupé  alors  par  un  bon  chartreux  qui  ne  deman- 
dait pas  mieux  que  de  retourner  dans  son  cloître.  Si  cette 
conjecture  n'est  pas  dépourvue  dfe  vraisemblance ,  il  faut  dire 
qu'Etienne  vécut  jusqu'en  11 64,  qui  est  l'époque  qu'on  as- 
signe à  la  mort  d'Etienne  II. 

Nous  n'avons  plus  rien  à  dire  sur  la  lettre  qui  a  donné 
lieu  à  cet  article,  lequel  doit  lui  servir  de  commentaire. 
Nous  ajouterons  que  c'est  à  notre  archevêque  qu'Héri- 
manne  ,  moine  de  Saint- Martin -de -Tournai ,  a  dédié  un 
Traité  de  sa  composition  sur  l'Incarnation  du  Verbe,  impri-  Hisi.Liit.Fr. 
mé  par  Casimir  Oudin  dans  un  recueil  d'écrits  de  plusieurs  *-^^^'  P-  ^^^■ 
théologiens  de  France  et  de  la  Belgique,  pendant  les  XF  et 
XIP  siècles.  Hérimanne  pouvait  avoir  connu  notre  arche- 
vêque à  Rome,  où  ils  étaient  l'un  et  l'autre,  l'an  ii45,  à  la 
poursuite  de  leurs  affaires.  B. 


ANONYMES 


AUTEURS    DE    GENEALOGIES    DES    ROIS    DE    FRANCE. 


iNous  réunissons  dans  cet  article  plusieurs  ouvrages  généa- 
logiques du  XIF  siècle ,  dont  les  auteurs  sont  inconnus.  Le 
mérite  de  ces  sortes  d'ouvrages,  qui  jettent  un  grand  jour 
sur  l'histoire ,  étant  reconnu  de  tout  le  monde ,  nous  ne  nous 
arrêterons  pas  à  le  démontrer. 

Tta 


332        GENEALOGIES  DES  ROIS  DE  FRANCE. 

\ll  SIECLE.         jo  Genealogia  B.  Amidfi ,  metensis  episcopi. 

La  généalogie  de  saint  Arnoul,  qui ,  après  avoir  été  maire 
du  palais  sous  Théodebert  II,  roi  d'Austrasie ,  fut  fait  évéque 
de  Metz  l'an  6i  i ,  selon  le  P.  Le  Cointe,  ou  fan  6i4,  .selon 
D.  Mabillon  ,  a  beaucoup  exercé  la  critique  des  savans  ; 
parce  qu'on  fait  remonter  jusqu'à  lui  l'origine  de  la  seconde 
race  de  nos  rois ,  et  même  celle  de  la  troisième ,  et  par  lui 
jusc|u'à  Tonantius  Ferreolus ,  préfet  du  prétoire  des  Gaules. 

Il  n'est  pas  douteux  que  saint  Arnoul  ne  soit  la  tige  des 
ancêtres  de  Pépin -le-Bref,  cjui  monta  sur  le  tiône  des  rois 
mérovingiens,  et  tous  les  savans  en  conviennent.  Dode,  son 
épouse,  lui  donna  deux  fils,  dont  l'un,  appelé  Clodulfe,  fut 
aussi  évêque  de  Metz  ,  l'autre  ,  nommé  Ansigise ,  épousa 
Begge,  fille  de  Pépin- le-Vieux,  et  fut  père  de  Pepin-le-Gros 
ou  d'Héristal  ,  grand  père  de  Pepin-le-Bref.  ]\iais  tout  le 
monde  ne  convient  pas  que  le  même  saint  Arnoul  descendît 
des  rois  de  la  première  race  par  le  mariage  d'Ansbert,  son 
grand-père,  avec  Blitilde,  soeur,  dit-on,  de  Clotaire  I  ou  II. 

Marc- Antoine  Dominicy,  pour  accréditer  cette  opinion, 
a  publié,  dans  un  livre  qui  a  pour  titre  Ansherti  et  Blitildis 
familia  redivwa ,  sept  généalogies  de  saint  Arnoul ,  compo- 
sées en  différens  temps  et  par  des  auteurs  différens,  qui 
toutes  se  terminent  avec  la  seconde  race.  Il  a  plus  fait  ;  il  a 
voulu  prouver  que  les  rois  de  la  troisième  race  n'avaient  pas 
une  autre  origine ,  et  pour  cela  il  bâtit  un  système  qui  fait 
descendre  Hugues  Capet  d'un  Childebrand  ,  frère  de  Charles 
Martel.  Ce  système  n'était  pas  nouveau  ;  il  avait  été  proposé 
par  le  grand  généalogiste  André  Duchesne ,  et  adopté  par 
la  foule  des  savans,  Charles  de  Combaut,  baron  d'Auteuil, 
■  Jean  du  Bouchet ,  David  Blondel ,  le  P.  Le  Cointe  et  le 
P.  Labbe  ;  mais  Dominicy  s'en  déclara  le  défenseur  contre 
les  Vindiciœ  Hispanicœ  de  Jean- Jacques  Chifflet,  et  contre 
un  discours  historique  de  Louis  Chantereau  Lefèvre,  qui 
relèguent  aux  fables  ce  faux  Childebrand.  On  croyait  alors 
qu'il  était  fort  important  de  prouver  que  la  troisième  race 
descendait  de  la  seconde ,  non  seulement  par  les  femmes , 
mais  encore  par  les  mâles ,  afin  de  laver  Hugues  Capet  du 
vice  d'usurpation  ou  d'intrusion.  Mais  ce  système  n'a  pas 
fait  fortune ,  non  plus  que  celui  qui  donne  à  Hugues  Capet 
une  origine  saxonne. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  ces  différens 
systèmes.  Nous  ne  parlerons  pas  non  plus  des  sept  généalo- 


GÉNÉALOGIES  DEIS  ROIS  DE  FRANCE.        333 

gies  anciennes ,  produites  par  Dominicy.  Elles  sont  trop  éloi-    ^n  siècle. 
gnëes  de  l'ëpoque  où  nous  en  sommes  pour  que  nous  devions  "" 
nous  occuper  des  autevn^s  qui  les  ont  composées  et  de  leurs  ' 

écrits.  Mais  il  en  existe  une  autre  plus  considérable,  publiée  ^e,.  j-,.an 
par  André  Duchesne,  qui  est  celle  dont  nous  avons  entrepris  Script,  t.  ii.p. 
de  rendre  compte.  ^'*'^' 

Elle  est  composée  de  deux  parties  et  par  deux  auteurs 
diftérens ,  dont  l'un  é<  rivait  en  1 1 64 ,  comme  il  le  dit  lui- 
même  en  parlant  de  Thierri  de  Bar,  qui  tut  élu  cette  même 
année  évêque  de  Metz,  mine  Metensem  elcctuni ;  et  l'autre, 
qui  vivait  en  ia6i  ,  n'a  fait  qu'ajouter  aux  suites  généalo- 
giques, données  par  le  premier,  les  générations  subsécjuentes 
jusqu'à  son  temps.  Nous  ne  devons  donc  nous  occuper  que 
du  premier.  ï 

Après  avoir  tracé  le  tableau  généalogique  des  rois  de  la 
première  et  de  la  seconde  dynastie,  l'auteur  anonyme  donne 
la  descendance  de  Henri-l'Oiseleur,  duc  de  Saxe,  dont  une 
des  filles  fut  la  mère  de  Hugues  Capet,  et  de  cette  famille  il 
fait  sortir  tous  les  princes  qui  jusqu'à  son  temps  régnèrent 
en  Saxe,  en  Italie  ,  en  Germanie,  en  France,  en  Normandie, 
en  Bavière ,  en  Suabe ,  en  Hongrie ,  en  Bohême ,  dans  les 
deux  Lorraines  et  en  Flandre.  Les  continuateurs  du  Recueil  T.  xiii.p.  6'|6. 
des  histoi'iens  de  France  ont  réimprimé  avec  des  notes  cette 
troisième  partie ,  mais  ils  n'ont  pas  jugé  à  propos  de  réim- 
primer les  tableaux  généalogiques  des  deux  premières  races, 
qui  aussi  bien  n'apprennent  rien  de  nouveau. 

II.   Genealogia  Caroli  Magni. 

Nous  avons  plusieurs  généalogies  qui  retracent  les  des- 
cendans  de  la  famille  de  Charlemagne.  M.  le  baron  Le  Roi, 
dans  ses  notes  sur  les  généalogies  de  Hainaut  par  Baudoin 
d'Avesnes ,  en  produit  une  qui  paraît  avoir  été  composée  sur 
la  fin  du  XF  siècle  ou  au  commencement  du  suivant.  Elle 
commence  à  Charles  ,  duc  de  Lorraine,  dernier  rejeton 
mâle  de  la  famille  de  Charlemagne.  D.  Luc  Dacheri  en  a  Spidi. info!. 
publié  une  autre  cjui  donne  non-seulement  les  descendans  '■  ^^'P-  ^a^- 
de  Charlemagne,  mais  encore  ses  ascendans,  en  remontant 
jusqu'à  Priam.»Il  l'avait  trouvée  à  la  fin  du  manuscrit  qui 
contenait  la  chronicpie  de  Saint-Médard  de  Soissons.  Elle 
finit,  comme  la  précédente,  par  la  généalogie  de  deux  prin-  * 

cesses  .  filles  de  Charles,  duc  de  Lorraine.  D.  Martène  ayant      Anecd.  t.iii, 
rencontré  cette  généalogie  du  duc  Charles  à  la  suite  de  la  <'oi-  J^^'- 
chronique  de  Laubes ,  l'a  aussi  imprimée ,  et  après  lui  les 


334  GÉNÉALOGIES  DES.  ROIS  DE  FRANCE. 
xn  SIECLE,  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France  l'ont 
T. XIII  p.  585.  iiiserée  dans  leur  collection,  parce  qu'elle  renferme  les  deux 
autres,  et  qu'elle  descend  un  peu  plus  bas,  c'est-à-dire, 
jusqu'à  l'année  1170.  Mais  ils  ont  marqué  les  petites  diffé- 
rences qui  se  rencontrent  dans  ces  diverses  rétlactions. 

L'objet  de  l'écrivain  est  d'indiquer  les  familles  qui ,  par 
les  femmes ,  ont  perpétué  la  race  de  Charlemagne.  Charles , 
duc  de  Lorraine,  oncle  de  Louis  V,  dernier  roi  de  la  dynas- 
tie carlienne,  eut,  entre  autres  enfans,  deux  HUes,  Ermèn- 
garde  et  Gerberge.  Ermengarde  fut  mariée  à  Albert ,  comte 
de  Namur,  et  de  ce  mariage  sortirent  les  comtes  de  Namur, 
de  Durbui  et  de  la  Roche,  en  Ardennes;  Gerberge  entra  dans 
la  maison  des  comtes  de  Louvain  et  de  Bruxelles.  D'autres 
princesses  issues  de  celles-ci  portèrent  le  sang  de  Charle- 
magne dans  les  familles  des  comtes  de  Hainaut  et  des  comtes 
de  Boulogne-sur-mer.  C'est  ce  qu'on  voit  dans  ce  petit  mor- 
ceau généalogique. 

IIÎ.  Genealogia  regiini  Francorum  tertiœ  stirpis ,  et  qua- 
rumdain  illustrium  familianun  ex  ed  per  maternwn  genus 
derivatanim. 
lîouquet ,  t.  Cette  Généalogie  a  été  publiée  pour  la  première  fois  à  la 
>pï-9-  j-^fg  fj^^  quatorzième  volume  du  Recueil  des  historiens  de 
France  par  les  Bénédictins ,  sur  un  manuscrit  qui  avait  ap- 
partenu à  D.  Thierri  Ruinart,  et  qui  est  aujourd  hui  à  la 
Bibliothèque  impériale.  C'est  un  petit  cahier  de  douze  feuillets 
de  parchemin  in-4° ,  d'une  belle  écriture  du  XIP  siècle. 

L'auteur  de  cette  Généalogie  ne  prend  l'origine  des  rois  de 
la  troisième  dynastie  qu'à  dater  de  Robert- le-Fort,  comte 
d'Anjou ,  sans  remonter  plus  haut.  C'est  l'opinion  à  laquelle 
se  sont  arrêtés  presque  tous  les  modernes  qui,  au-delà  de 
Robert -le -Fort,  n'ont  trouvé  qu'incertitude  et  obscurité 
dans  les  filiations.  Cette  partie  ,  qui  est  fort  succincte, 
se  termine  à  Louis  VII ,  surnomme  le  Jeune  ,  et  ne  parle 
pas  de  son  fils  Philippe  Auguste  ;  ce  qui  prouve  que  cet  ano- 
nyme écrivait  avant  la  naissance  de  ce  prince.  On  voit 
d'ailleurs  qu'il  ne  rapporte  aucun  fait  qui  soit  postéi'ieur  à 
l'année  11 60  ou  1161  :  d'oii  l'on  peut  conclure  que  cette 
Généalogie  a  été  dressée  dans  l'espace  de  temps  qui  s'est 
écoulé  depuis  cette  dernière  année  jusqu'à   l'année  ii65. 

Une  chose  digne  de  remarque,  c'est  que  l'auteur  ne  donne 
pas  le  nom  de  Capet  à  Hugues ,  qui  fut  le  premier  roi  de  la 
troisième  dynastie ,  mais  à  son  père  Hugues-le-Grand ,  duc 


GÉNÉALOGIES  DES  ROIS  DE  FRANCE.        335 

des  Français,  crue  d'autres  appellent  Hugues  l'abbé,  parce 
qu'il  e'tait  abbe  de  Saint-Martin-de-Tours  et  de  plusieurs 
autres  abbayes,  selon  la  coutume  qui  s'était  établie,  depuis 
Charles  Martel,  de  donner  les  abbayes  à  des  laïcs,  pour 
en  être  les  défenseurs  ou  les  avoués.  On  sait  que  ces  conces- 
sions, qui  d'abord  ne  furent  que  temporaires  ou  à  vie,  de- 
vinrent ensuite  des  propi'iétés  comme  les  fiefs.  Ces  abbés 
laïcs  furent  appelés  Ahhncoinites  ou  Ahhatcs- milites,  selon 
la  dignité  séculière  dont  ils  étaient  revêtus.  Nous  laisons 
cette  remarque  parce  qu'elle  sert  à  expliquer  le  surnom  de 
Capet,  Cappatus,  que  notre  généalogiste  donne  à  Hugues 
l'abbé.  A  la  vérité  ,  il  dit  que  ce  surnom  lui  fut  donné  à 
cause  de  la  chape  de  notre  Seigneur ,  qu'il  avait  apportée  en 
France,  au  retour  d'un  voyage  à  la  Terre -Sainte.  Mais  ce 
texte  a  donné  lieu  au  rédacteur  de  cet  article  d'éclaircir  cette 
origine;  il  croit  que  le  nom  de  chape  ou  porte-chape  vient 
plutôt  de  la  chape  de  saint  Martin ,  que  les  abbés  dîe  ce  mo- 
nastère étaient  dans  l'usage  de  porter  à  la  tête  des  armées. 
C'est  pourquoi  le  surnom  de  Chape ,  qui  fut  donné  d'abord 
à  Hugues  l'abbé,  est  resté  à  son  fils  Hugues,  qu'on  a  sur- 
nommé Capet ,  cortime  un  diminutif  de  Cappatus ,  le  petit 
Chape ,  pour  le  distingiier  de  l'ancien. 

Après  ce  court  tableau  généalogique  de  nos  rois ,  l'auteur 
entreprend  de  décrire  la  descendance  de  deux  princesses  de 
la  troisième  race ,  desquelles  sont  sorties  les  principales 
familles  du  nord  de  la  France.  L'une  de  ces  princesses,  fille 
de  Hugues  Capet,  nommée  Hadevide,  fut  mariée  à  Rainier  IV, 
comte  de  Mons  en  Hainaut,  et  de  ce  mariage  sortirent,  en- 
core par  les  femmes,  les  comtes  de  Rouci,  de  Marie  et  de 
Rethel,  etc.  L'auteur  entre  sur  ces  familles  dans  un  plus 
grand  détail  que  sur  celles  qui  sortirent  du  sang  français 
d'une  autre  princesse  ,  fille  du  roi  Robert,  qu'il  appelle  Ala , 
et  que  d'autres  appellent  Athela  ou  Adela.  Celle-ci  avait 
épousé  Baudouin  de  Lille  ou  le  Pieux,  comte  de  Flandre, 
dont  il  ne  fait  que  nommer  les  enfans  mâles;  mais  il  s'étend 
un  peu  plus  sur  une  des  filles  qu'il  nomme  Ala ,  comme  sa 
mère,  quoique  tous  les  historiens  l'appellent  Mathilde.  Elle 
épousa  Guillavime,  duc  de  Normandie,  avant  la  conquête 
de  TAngleterre,  et  fut  mère  de  la  comtesse  Adèle,  épouse 
d'Etienne ,  comte  de  Chartres  et  de  Blois ,  desquels  il  décrit 
la  descendance.  Il  ajoute  qu'Ala,  fille  du  roi  Robert,  eut 
encore  deux  filles ,  dont  l'une  épousa  Canut ,  roi  de  Dane- 


Xn  SIECLE. 


33G 


HUGUES  DE  CLEERS. 


Bouquet 
XIV,  p.  9. 


Kii  SIECLE,  marck,  et  l'autre  Thierri,  comte  d'Alsace;  mais  il  se  trompe. 
Celles-ci  étaient  filles  de  Robert  le  Frison ,  et  la  princesse 
Ala  était  leur  grand'mère. 

Il  est  visible  que  l'auteur  de  cette  généalogie  n'a  eu  en  vue 
que  de  décrire  la  postérité  de  Hadevide ,  fille  de  Hugues 
Capet,  à  laquelle  il  se  hâte  de  revenir,  et  sur  laquelle  il 
s'arrête  avec  complaisance,  et  cela  pour  prouver  l'illustre 
origine  de  Barthélemi  de  Jura ,  évêque  de  Laon ,  qui ,  après 
avoir  gouverné  ce  diocèse  depuis  l'année  1 1 13  jusqu'en  i  i5r, 

*•  s'était  retiré  à  l'abbaye  de  Foigni ,  dans  la  Thiérache ,  noi'is- 
swiè  devotus  in  Fusniaco  inonachus ,  oii  était  pour  lors  abbé 
Robert,  petit  neveu  de  Barthélemi  par  sa  mère.  D'oii  l'on 
peut  conclure  que  l'auteur  de  cette  Généalogie  était  un  moine 
de  Foigni,  si  ce  n'est  l'abbé  Robert  lui-même,  qui,  de  con- 
cert avec  Barthélemi,  aura  dressé  cette  Généalogie.  Si  cela 
est,  elle  mérite  d'autant  plus  notre  confiance  qu'ils  devaient 
connaître  mieux  que  tout  autre  leur  propre  famille.  Au 
reste ,  Hérimanne ,  abbé  de  Saint-Martin-de-Tournai  [a)  avait 
déjà  traité  ce  sujet  dans  un  ouvrage  qu'il  dédia  à  Barthélemi, 

r-  sous  ce  titre  :  De  Miraculis  B.  Mariœ  Laudunensis  ^  et  de 
venerahilis  Bartholomœi  episcopi  et  S.  Norberti  gestis ,  im- 
primé à  la  suite  des  œuvres  de  Guibert,  abbé  de  Nogent.  Il 
donne  au  chapitre  1  la  généalogie  de  notre  prélat,  tpii,  quant 
au  fond ,  est  la  inême  que  celle  dont  nous  rendons  compte, 
mais  moins  étendue.  B. 


Guib.  op 

f>28. 


HUGUES  DE  CLÉERS. 

SÉNÉCHAL  DE  LA  FLÈCHE  ET  DE  BAUGÉ. 


Généal.    de 


laeneai.    ue    t 

Mariigné,p.32.  I^'Anjou  fut  le  pays  natal  de  Hugues  de  Cléers,  en  latin 
de  Cleeriis.  Sa  maison  était  noble;  on  prétend  que  c'est  celle 
des  Clers  qui  subsistait  encore  dans  ces  derniers  temps,  et 
portait  d'or  à  six  chevrons  d'azur.  Quoi  qu'il  en  soit ,  Hugues 

(a)  Au  tome  XII  de  cette  Histoire ,  page  289 ,  on  a  fait  deux  person- 
nages différens  d'Hérinianne  qui  fut  abbé  de  Saint-Martin-de-Tournai. 
et  de  celui  qui  composa  la  relation  des  miracles  de  N.  D.  de  Laon.  Le 
continuateur  du  Recueil  des  historiens  de  France  n'en  fait  avec  Fabri- 
cius  qu'un  seul  et  même  auteur.  Voyez  comment  il  le  prouve  dans  la 
préface  du  tome  XIV,  page  xcviii. 


HUGUES  DE  CLÉERS.  337 

tint  un  rang  distingue  parmi  la  noblesse  angevine  de  son    ^H  sieclE. 
temps.  Une  charte  de  l'abbaye  de  Vendôme,  de  l'an  ii46,  ' 

lui  donne  le  titre  de  sénéchal  de  la  Flèche  et  de  Beaugé, 
dapifer  Fissœ  et  Balgiaci.  En  11 18  ou  11 19,  il  fut  envoyé 
à  la  cour  de  France  par  Foulques  V,  comte  d'Anjou,  qui  fut 
depuis  roi  de  Jérusalem ,  pour  remplir  une  négociation  im- 
portante, dont  il  a  laissé  par  écrit  une  relation  instructive 
et  curieuse,  qui  fera  le  sujet  de  cet  article. 

Hugues  avait  deux  frères,  Geoffroi  et  Foulques,  qui  sont     vita  Gaufridi 
nommés  dans  l'histoire  de  Geoffroi  Plantegenet,  comte  d'An-  *^°™-  Andegar. 
jou,  par  le  moine  Jean  de  Marmoutier.  Ce  prince  honora  ^'  '^' 
singulièrement  les  trois  frères  et  se  servit  utilement  de  leurs 
conseils  ;  il  eut  également  lieu  d'être  content  de  leurs  ser- 
vices dont  il  fit  l'épreuve  en  diverses  rencontres ,  et  particu- 
lièrement en  l'année    ii44i  pendant  la  guerre  qu'il  eut  à 
soutenir  contre  Robert  de  Sablé  c[ui  avait  engage  dans  son 
parti  presque  tous  les  barons  de  l'Anjou.  Le  comte  Geoffroi     Ménage, Hist. 
de  son  côté  assembla  ceux  de  ses  barons  qui  étaient  de-  deSablt,p.i6i. 
meures   dans  ses   intérêts,  à  la  tête  desquels  le  moine  de 
Marmoutier  nomme  Hugues  de  Cléers  et  ses  frères  :  quorum 
maximi  et  principales  erant  Hugo  de  Cleeriis  et  duo  fvatres 
eius ,   Gaufridus  et  Fulco.  Cette   guerre  ayant  fini   par  la 
défaite  des  rebelles ,  ne  fit  pas  moins  d'honneur  à  la  valeur 
C[u'à  la  fidélité  des  trois  frères. 

Vers  l'an  11 56,  Hugues  fut  présent  à  un  accord  passé  à     Baïuz.Miscei. 
Orléans  entre  le  roi  Louis -le -Jeune  et  Henri  II,  roi  d'An-  '•  ï^i  p- 486. 
gleterre,  touchant  la  garde  de  l'abbaye  de  Saint- Julien-de- 
Tours,  que  le  roi  d'Angleterre  revendiquait  comme  devant 
lui  appartenir  en  sa  qualité  de  grand  dapifère  de  la  cour  de 
France ,  héréditaire  clans  sa  maison.  Les  lettres  qu'expédia  le 
roi  d'Angleterre  pour  annoncer  cet  accord  à  tous  ses  sujets, 
fîdelibus  suis,  ne  portent  point  de  date;  mais  il  paraît  que 
ce  fut  peu  après   c[u'il  eût  rendu  hommage  ,  cette  même     RogpiHoved. 
année,  a  Louis-le- Jeune  pour  tous  les  domaines  qu'il  possé-  ^'   Robert  du 
dait  en  i^rance;  et  certaniement  avant  lan   1109,  puisque 
Robert  de  Neubourg,  qui  mourut  cette  année,  est  nommé 
dans  l'acte  (a).  Il  est  probable  que  ce  fut  à  cette  occasion, 

(a)  Du  Tillet ,  cité  par  le  P.  Daniel,  Hist.  de  la  Milice  française ,  liv.  III, 
chap.  X,  attribue  ces  lettres  à  Henri  III,  roi  d'Angleterre.  C'est  une  erreur 
que  le  P.  Daniel  ne  relève  pas.  D.  Mabillon  ,  de  Re  dip/oin.  \>.  6o5  ,  a  im- 
primé ces  mêmes  lettres  sur  une  copie  défectueuse  de  D.  Etiennot,  avef 

Tome  XIII.  Vv 


338  HUGUES  DE  CLEERS. 

XII  SIECLE,  et  pour  établir  les  droits  que  revendiquait  le  roi  d'Angle- 
terre, que  Hugues  di-essa  la  relation  dont  nous  avons  à  rendre 
compte. 

Le  surplus  des  actions  de  Hugues  est  demeuré  dans  l'oubli. 

On  ignore  aussi  la  date  de  son  décès.  11  vivait  encore  en 

II 64,  époque  où  saint  Thomas  de  Cantorbéry  lui  adressa 

inter  ep.  S.  une  lettre ,  selon  le  témoignage  de  Jean  de  Belmeis ,  évêque 

Thom^jib.l,  de  Poitiers. 

rp.  I ,  p.  3.  -  ,,  ,       .      . 

Hugues  est  auteur  d  un  écrit  important  qui  a  pour  titre  : 
Hugonis  de  Cleeriis  cornmentarius  de  majoratu  et  senescaliâ 
Franciœ ,  Andegavorum  oliin  comitibus  liereditarià.  C'est 
la  relation  et  une  espèce  de  procès-verbal  d'une  négociation 
dont  il  avait  été  chargé,  en  1119,  auprès  de  Louis-le-Gros, 
par  Foulques  V,  comte  d'Anjou,  et  qu'il  avait  heureusement 
terminée. 

A  cette  époque  le  roi  de  France  était  en  guerre  avec 
Henri  I,  roi  d'Angleterre,  et  avait  eu  le  malheur  d'être  battu 
complètement  à  la  bataille  de  Brenneville.  Pour  réparer  cet 
échec  et  se  procurer  de  nouvelles  forces ,  il  ap}>ela  le  secours 
de  tous  ses  vassaux.  Le  comte  d'Anjou  refusa  de  faii-e  le 
service  à  larmée  jusqu'à  ce  que  le  roi  feùt  rétabli  dans  sa 
dignité  de  grand  sénéchal  de  France,  qu'il  prétendait  être 
héréditaire  dans  sa  famille ,  et  dont  le  roi  ou  cjuelqu'un  de 
ses  prédécesseurs  l'avait  dépouillé.  Louis,  qui  était  dans  la 
détresse  et  avait  un  extrême  besoin  de  secours ,  ne  se  montra 
pas  difficile;  il  fit  savoir  au  comte  qu'il  était  prêt  à  lui  ren- 
dre justice  sur  ce  point  et  sur  tout  autre;  mais  qu'il  ferait 
examiner  la  chose.  Sur  cela  Hugues  de  Cléers,  muni  du  titre 
de  la  maison  d'Anjou  relatif  à  la  dignité  de  sénéchal ,  fut 
envoyé  à  la  cour  du  roi  pour  le  remercier  de  ses  bonnes 
dispositions,  et  stij)uler  les  intérêts  de  son  maître  qu'il  sut 
concilier  avec  les  intérêts  du  roi  à  la  satisfaction  des  deux 
parties. 

Tel  est  le  précis  de  cet  écrit,  qu'il  serait  peut-être  à -pro- 
pos de  transcrire  ici ,  à  raison  de  son  importance  et  parce 
qu'il  n'est  pas  bien  long ,  et  sur-tout  parce  cju'il  a  donné 
lieu  à  beaucoup  de  discussions  parmi  les  critiques.  Mais  il 
a  déjà  été  impiimé  tant  de  fois  eu  latin  et  en  français,  qu'il 

la  date  1288,  qui,  ilans  l'étlition  de  Baluze,  est  celle  de  lexpéditlon  de 
l'acte  par  un  riotuire.  Le  savant  Rlabillon  n'a  pas  fait  attention  que  ce  n  était 
pas  l'usage  des  rois  d'Angleterre"  de  dater  leurs  lettres ,  et  que  les  témoins 
qui  y  sont  dénommés  vivaient  tous  au  XIl^  siècle. 


HUGUES  DE  CLÉERS.  339 

est  inutile  de  le  reproduire.  On  peut  le  voir  parmi  les  notes  Xll  SIECLE. 
du  P.  Sirniond  sur  les  lettres  de  GeotTroi  de  Vendôme  , 
page  98  ,  d'où  il  a  passé  dans  la  Bibliothèque  des  Pères  , 
tome  XXI,  page  116;  dans  le  Recueil  des  historiens  de 
France  de  Duchesne ,  tome  IV,  page  028  ;  et  dans  celui  de 
D.  Bouquet,  tome  XII,  page  492;  dans  Baluze,tome  IV,  de 
ses  Mélanges,  page  474;  et  en  français  dans  le  Traité  du 
président  Fauchet,  des  Dignités  et  Magistrats  de  France,  et 
mieux  encore  dans  le  P.  Daniel ,  histoire  de  la  milice  fran- 
çaise, livre  III,  cliap.  10;  enfui  avec  un  long  commentaire 
dans  le  baron  d'Auteuil,  Histoire  des  ministres  d'état,  page  1 14 
—  122.  Mais  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  d'entrer  dans 
les  discussions  de  critique  auxquelles  cet  écrit  a  donné  lieu. 

Il  est  composé  de  deux  parties  :  la  première  a  pour  titre: 
Hoc  scriptum  fecit  Fulco  cornes  Hierosolymitanus ,  in  eccle- 
sid  Sepulchri  de  Lochis  cïim  magna  sepultus  honorificentid 
(c'est  Foulques  Nerra  dit  le  Jérosolymitain,  mort  en  io4o) 
de  donis  factis  antecessorihus  suis  a  rege  Francice.  Cette 
partie  que  l'auteur  dit  avoir  transcrite  fidèlement  sur  l'exem- 
plaire qui  était  conservé  dans  l'église  du  Saint-Sépulcre  à 
Loches ,  est  une  pièce  visiblement  supposée  ;  elle  fourmille 
d'anachronismes.  Nous  ne  les  relèverons  pas  ici;  nous  ne 
])ourrions  que  répéter  les  observations  déjà  faites  par  le 
P.  Daniel  à  l'endroit  cité;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de 
la  seconde  partie  qui  contient  la  relation  du  voyage  et  de  la 
négociation  de  Hugues  de  Cléers.  Cependant  cette  partie,  qui 
porte  tous  les  caractères  de  la  sincérité,  a  aussi  trouvé  des 
contradicteurs. 

L'auteur  de  la  Chronologie  militaire  prétend  que  c'est  une  Pinard,  1. 1, 
invention  postérieure  au  XIIFsiècle  ;  et  la  raison  qu'il  en  donne, 
«  c'est  quil  y  est  parlé  non- seulement  des  maréchaux  du 
«  roi  en  nombre  pluriel,  dès  le  temps  du  comte  Foulques 
«  et  de  Louis-le-Gros ,  vers  1 1 13  ou  1 1 18,  mais  encore  dune 
«  espèce  d'officier  des  troupes  des  communes ,  appelé  conné- 
«  table,  comme  existant  sous  Hugues  Capet  ou  son  fils  le 
«  roi  Robert.  Or,  il  est  authentiquement  prouvé,  dit-il,  que 
«  pendant  long-temps  il  n'y  a  eu  qu'un  seul  maréchal  en 
(c  France ,  et  que  ce  n'est  qu'entre  les  années  1 260  et  1 270 
«  qu'il  en  fut  créé  un  second;  et  qu'avant  le  règne  de  Phi- 
tt  lippe-le-Bel ,  c'est-à-dire,  avant  les  années  1290  et  i3oo, 
«  les  monumens  de  notre  histoire  militaire  ne  parlent  en 
«  aucune  façon  de  cet  officier  des  troupes  des  communes 

Vva 


49. 


34o  HUGUES  DE  CLÉERS. 

XII  SIECLE.     «  qu'on  appelait  connétable.  Cet  écrit,  conclut -on,  est  donc 
«  nécessairement  postérieur  à  ces  époques,  et  fabriqué  de- 
ce  puis  ces   mêmes  époques  par  un  homme  qui  a  ci'u  que 
«  les  choses  avaient  toujours  été  telles  qu'il  les  voyait  de  son 
«  temps».  Pour  appuyer  son   opinion,  l'auteur  ajoute  en 
note  :  «  Remarquez  que  l'écrit  de  Hugues  de  Cléers  ne  se 
«  rencontre  dans  aucun  des  cinq  manuscrits  du  Gesta  con- 
«.  suliini  yindegai^'eiisiwn,  qui  sont  à  la  bibliothèque  du  roi. 
ce  Ces  manuscrits  sont  6004,  6oo5,  6006,  6018,  6219.  Tous 
«  ces  manuscrits  diffèrent  entre  eux,  et  nul  ne  renferme  le 
et  Commentarius   de  notre  auteur,  ni  en  tout  ni  en   par- 
ce tie.  »  Telle  est  la  critique  et  la  remarque   de  Pinard.   A 
cela  nous  répondons  :  sans  doute  les  charges  de  maréchal 
et   de   connétable    n'étaient  pas   au  XP  et  XII"^   siècles  ce 
quelles  devinrent  depuis;  mais  nier  que  ces  charges  exis- 
tassent alors  et  même  auparavant  (<^),  c'est  n'avoir  aucune 
connaissance  des  monumens  de  l'histoire.  On  a  de  meilleurs 
argumens  pour  prouver  la  supposition  de  la  première  partie 
de  l'écrit  tlu  chevalier  de  Cléers  ;  mais  quant  à  la  partie  qui 
contient  sa  négociation  ,  elle  est  appuyée  sur  tant  d'aiitres 
monumens.  authentiques  ,  qu'elle  nous   paraît  inattaquable 
sous  le  rapport  de  l'ancienneté.  Nous  avons  rapporté  plus 
haut  des  lettres  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  dans  lesquelles 
Hugues  de  Cléers  est  cité  comme  témoin.  Ce  prince  y  déclare 
qu'en  sa  qualité  de  sénéchal  de  France,  il  a  la  garde  de  l'ab- 
baye de  Saint- Julien -de-Tours,  comme  le  roi  de  France, 
dit-il,  l'a  reconnu  dans  une  audience  publique  ta  Orléans: 
Sciatis  quod  fcx  Frariciœ  Aurelianis  in  conimuni  audientiâ 
recognoi'it ,  quod  ciistodia  ahhatiœ  S.  Juliani  Turonensis  ad 
vie  pertinet  ex  dignitate  dapiferatûs  mai.  On  voit  qu'à  cette 
époque,  c'est-à-dire  vers  i  ib6,  on  ne  mettait  pas  en  question 
si  le  dapiferat  de  France  appartenait  aux  comtes  cl  Anjou, 
mais  si  la  garde  de  l'abbaye  de  Saint -Julien -de -Tours  était 
comprise  dans  ses  attributions. 

Un  autre  monument  de  la  dignité  de  sénéchal  attachée 

(a)  Nous  n'acciimiilerons  pas  ici  les  citations  ;  nous  ne  ti-anscrirons 
qu'un  passage  de  la  Constitution  de  Cbarles-le-Gios,  empereur,  louchant 
son  expédition  de  Rome.  11  est  dit,  §  6  :  Sins;ull  veto  principes  suas  habeant 
ofjicionarios  spéciales ,  Blarschalcum ,  Dapi/erum  ,  Pincernani  et  Kamera- 
riiun  :  qui  quatuor  qiuinto  plus  in  stipendia  ,  in  vestitu  ,  in  equitatu ,  prœ 
cœtcris  sunt  honorandi ,  scilicet  et  nnicuique  istorum  deccni  librœ  cu/n  tribus 
equis  tribuantur ,  quartus  Marschalco  addatur,  etc. 


HUGUES  DE  CLÉERS.  34i 

au  titre  de  comte  d'Anjou ,  est  le  te'moignage  de  Robert ,  xil  SIECLE. 
abbé  du  Mont,  qui  écrivait  au  XIP  siècle.  Cet  historien 
raconte  qu'en  1 164,  Louis -le -Jeune,  en  mariant  une  de  ses 
filles  avecf  Thibaud  comte  de  Chartres  et  de  Blois,  lui  con- 
féra la  dignité  de  sénéchal  qui  d'ancienne  date  appartenait 
au  comte  d'Anjou,  si  bien  que  de  notre  temps  Raoul  de 
Péronne  en  faisait  le  service  pour  lui,  et  reconnaissait  qu'il 
lui  en  devait  l'hommage  comme  à  son  suzerain  :  Quem 
cornes  Ande^aK'ensis  antiquitiis  hahebat ,  undè  etiam  nostris 
temporibiis  Raditlpîius  de  Parrond  pro  co  seniebat ,  undè  ci 
homagiam  faciens  ut  dominum  honorabat.  Mais  en  1 169,  au 
jour  de  l'Epiphanie,  il  y  eut  un  traité  de  paix  conclu  entre 
le  roi  Louis-le-Jeune  et  Henri  II ,  roi  d'Angleterre  ;  le  résultat 
de  ce  traité  fut  que  le  fds  du  roi  d'Angleterre  fit  hommage 
au  roi  de  France,  son  beau-père,  pour  le  comté  d'Anjou  et 
le  duché  de  Bretagne,  et  que  le  roi  de  France  lui  donna 
l'investiture  de  la  scnechalie  comme  un  droit  attaché  à  son 
fief.  Voici  le  texte  de  Robert  du  Mont  :  Et  concessit  ei  rex  Rob.deMonte 
Franciœ^  ut  esset  sencscaUus  Franciœ ,  quod  pertinet  ^,7  ^^  .mn.  1169. 
feuduni  Andegavcnse.  Il  ajoute  qu'un  mois  après,  au  jour 
de  la  Pui^ification ,  le  jeune  prince  en  fit  les  fonctions  en 
servant  le  roi  à  table  :  In  Puiificatione  beatœ  Mariée  fuit 
Henricus  filius  régis  Anglorwn  Parisius,  et  sendvit  régi  Fran- 
corwn  ad  mensani  ut  senescallus  Fianciœ.  Et  tout  de  suite  : 
Hanc  senescalciam  ^  vel  ut  antiquitiis  dicebatur,  majoratum 
domûs  regiœ ,  Robertus  rex  Franciœ  dédit  Gaufrido  Grisa- 
gonella  comiti  Andegavorum ,  etc.  C'est  en  abrégé  la  pre- 
mière partie  de  l'écrit  de  Hugues  de  Cléers.  Il  était  dfonc 
connu  et  même  public  au  XIF  siècle ,  cet  écrit.  Comment 
donc  accorder  a  l'auteur  de  la  Chronologie  militaire  qu'il 
n'a  été  fabriqué  qu'après  le  XIIP  siècle? 

Quant  à  l'induction  qu'il  prétend  tirer  du  silence  des  ma- 
nuscrits du  roi ,  contenant  le  Gesta  consulum  Andegaven- 
sium,  dont  aucun,  à  ce  qu'il  assure,  ne  contient,  ni  en  tout 
ni  en  partie,  fécrit  de  Hugues  de  Cléers,  quoicju'il  existât,  au 
moins  quant  à  la  première  partie,  dans  celui  qu'a  fait  im-  Spitil.  t.  X, 
primer  D.  Luc  Dacheri;  il  est  aisé  de  lui  répondre  :  c'est  P'  '*'''■ 
que  le  Gesta  consulum  est  plus  ancien  que  l'écrit  de  Hugues; 
celui-là  finit  en  i  i5i ,  à  la  mort  de  Gecffroi-îe-Bel,  dit  Plan- 
tagenet,  et  j'ai  prouvé  ci-devant  que  Hugues  de  Cléers  n'a 
vraisemblablement  composé  le  sien  que  vers  11 56.  Il  ne 
donne  pas  la  première  partie  de  cet  écrit  comme  un  ouvrage 


342  HUGUES  DE  CLÉERS. 

>:n  SIECLE,  de  sa  composition;  il  dit  qu'elle  était  conservée  dans  l'église 
du  Saint -Sépulcre  à  Loches  comme  l'ouvrage  de  Foulques 
Nerra ,  et  il  le  donne  comme  le  fondement  des  prétentions 
des  comtes  d'Anjou.  Il  est  probable  que,  faute  a# critique, 
Hugues  le  croyait  sincère  et  véritable ,  quoique  tout  annonce 
sa  supposition;  ou,  si  l'on  veut,  lui  et  son  maître  avaient 
trop  d'intérêt  à  le  trouver  bon ,  pour  ne  pas  le  regarder 
comme  sincère. 

Si  l'on  demande  comment  à  la  cour  de  France  on  a  pu  se 
contenter  d'un  titre  aussi  vicieux  que  l'écrit  de  Foulques 
Nerra,  pour  accorder  aux  comtes  d'Anjou  leurs  prétentions, 
voici  quelle  est  la  réponse  du  P.  Daniel ,  que  nous  adoptons 

Daniel,  ibid.  avcc  quelques  modifications  :  «  Il  y  a  beaucoup  d'apparence, 
ce  dit-il ,  que  Geofroi  Grisegonelle  fut  fait  grand  sénéchal , 
«non  par  le  roi  Robert,  comme  porte  ce   titre,  mais  par 
«  Lotliaire  ou  Louis  V,  dernier  roi  de  la  seconde  race;  que 
«  Foulques ,  son  fils,  surnommé  le  Noir,  lui  succéda  après  sa 
«  mort  dans  cette  dignité ,  comme  dans  un  bien  qui  lui  ap- 
«  partenait,  selon  la  coutume  des  grands  vassaux  de  ce  temps- 
(c  là,  qui  s'appropriaient  ce  que  leurs  pères  avaient  possédé, 
«  soit  des  terres  des  domaines  du  roi,  soit  des  charges;  qvie 
«  Hugues  Capet,  qui  ne  faisait  que  monter  sur  le  trône,  et 
«  Robert,  son  fils,  qu'il  s'associa,  le  laissèrent  en  possession 
«de  cette  charge;  que  le  roi  Henri  F'  et  Philippe  F""  en 
«  gratifièrent  encore  ses  successeurs  jusqu'à  Foulques  V,  qui 
«  fut  depuis  roi  de  Jérusalem ,  sous  lequel  le  différent  se  leva 
«et  fut  vidé  en  sa  faveur.  A  cette  époque,  Louis-le-Gros 
«  ayant  besoin  de  lui  contre  Henri  F'  ,  roi  d'Angleterre ,  con- 
«  sentit  que  la  chose  fut  examinée  ,  avec  promesse  de  lui 
«  Instituer  cette  charge ,  s'il  pouvait  prouver  qu'elle  avait  été 
«  conférée  à  Geofroi  Grisegonelle  pour  ses  successeurs  ;  que 
«  le  comte  Foulques  ou  ses  ministres  pi'oduisirent  alors  l'écrit 
«  de  Foulques  Nerra ,  vrai  ou  supposé  ;  que  l'ignorance  de 
«  l'histoire  à  la  cour  de  France  la  fit  recevoir  comme  une 
«pièce  véritable;  ou  bien  (et  c'est,  dit-il,  ce  qui  me  paraît 
«le  plus  vraisemblable),  que  Louis-le-Gros  ayant  grand 
«  intérêt  à  avoir  le  comte  dans  son  parti ,  reçut  comme  un 
«  bon  titre  ce  qui  en  était  un  fort  mauvais  ,  et  lui  accorda  ce 
«  qu'il  ne  pouvait  lui  refuser  sans  un  grand  danger  pour  son 
«état;  qu'il  consentit  alors  cpie  les  sénéchaux  de  France, 
«  dont  on  a  la  suite  depuis  le  règne  de  Louis-le-Gros   [et 
«  même  depuis  l'année  1060],  fissent  à  ce  comte  et  à  ses 


HUGUES  DE  CLEERS.  34'J 

«  successeurs  hommage  de  leur  charge ,  comme  au  grand   xil  SIECLE. 
«  sénéchal ,  ainsi  que  l'atteste  Hugues  de  Cléers ,  à  la  tin  de 
«  l'histoire  de  sa  négociation  avec  Louis -le- Gros.  »  C'est  ce 
qu'on  peut  imaginer  de  plus  plausible  pour  expliquer  l'heu- 
reux résultat  de  cette  négociation. 

Quoique  nous  rejetions  la  première  partie  de  l'écrit  du 
chevalier  de  Cléers  comme  une  pièce  supposée ,  nous  n'en 
regardons  pas  moins  la  seconde  comme  un  monument 
curieux  et  très -intéressant  pour  l'histoire. 

On  y  voit  que  le  sénéchal  de  France  était  aussi  appelé 
Dapifer  et  Major  doinûs  regiœ.  C'est  que  cette  charge  avait 
succédé  à  l'ancienne  dignité  des  maires  du  palais.  Les  rois 
Carlovingiens  ,  instruits ,  aux  dépens  des  Mérovingiens  qu'ils 
avaient  dépouillés,  du  danger  qui  pouvait  résulter  cle  la 
trop  grande  puissance  des  maires ,  n'eurent  garde  de  rétablir 
cette  dignité.  Cependant,  pour  conserver  quelque  chose  de 
l'ancien  établissement,  ils  créèrent  des  comtes  du  palais,  qui, 
comme  les  anciens  maires,  avaient  l'intendance  de  la  maison 
royale,  administraient  la  justice,  et  jouissaient  de  beaucoup 
d'autres  prérogatives.  Les  Carlovingiens  avaient  dans  leur 
maison  plusieu]»s  autres  charge^  mais  celle  des  comtes  du 
palais  paraît  avoir  été  la  plus  considérable. 

Les  premiers  Capétiens ,  soit  que  cette  charge  leur  parût 
trop  relevée,  soit  que  ,  dans  un  commencement  de  dynastie, 
on  aime  à  innover,  les  Capétiens,  dis-je,  sans  supprimer 
la  charge  des  comtes  du  palais,  élevèrent  à  un  haut  degré 
de  puissance  la  dignité  de  sénéchal,  qui  jusque-là  n'avait 
été  cpi'une  charge  d'un  ordre  inférieur  ;  ils  la  rendirent  à  la 
fin  la  première  du  royaume ,  quoique  celle  des  comtes  du 
palais  conservât  encore  quelques  restes  de  son  ancien  éclat, 
et  se  soit  perpétuée  long -temps  dans  la  famille  des  comtes 
de  Champagne,  qui  s'en  étaient  réservé- le  titre,  comme 
ayant  été  probablement  les  vrais  et  les  plus  anciens  comtes 
du  palais.  De-Kà  vient  que  la  charge  de  sénéchal  est  appelée 
indistinctement  par  les  historiens  et  dans  les  chartes,  tantôt 
MajoT^atus ,  tantôt  Dapiferatus  doviùs  regiœ,  comme  ayant 
succédé  aux  droits  et  prérogatives  et  des  maires  et  des  comtes 
du  palais.  Il  est  certain  que  Philippe  Y^  la  mit  au  rang  des 
grands  officiers  de  la  couronne,  qu'il  réduisit  au  nom!)re  de 
cinq,  parmi  lesquels  le  sénéchal ,  dans  la  souscription  des 
chaites,  tient  toujours  le  premier  rang. 

On  ne  peut  décider  sur  un  titre  aussi  vicieux  que  celui 


344  HUGUES  DE  CLÉERS. 

XII  SIECLE,  que  produisit  Hugues  de  Cleers ,  si  effectivement  les  comtes 
d'Anjou  furent  étal^lis  sénéchaux  de  France  au  commence- 
ment de  la  troisième  race  ;  en  supposant  la  vérité  du  fait ,  on 
ignore  encore  à  quelle  époque  ils  cessèrent  d'exercer  les 
fonctions  de  cette  charge ,  dont  ils  ne  s'étaient  réservé  que 
les  droits  honorificpies ,  droits  dont  ils  ne  jouissaient  plus  au 
commencement  du  XIF  siècle.  Notre  historien  semble  indi- 

3uerque  ce  fut  Louis-le-Gros  qui  en  avait  dépouillé  le  comte 
'Anjou  :  Cornes  ei  respondit  quod  nullo  modo  ei  servira  dehe- 
hat  ^  euni  nainque  de  majoratit  et  senescalcid  Franciœ  exhœ- 
reditahat.  Il  nous  paraît  plus  prolîable  que  ce  fut  Philippe  F'", 
à  l'occasion  de  la  brouillerie  c[ui  s'éleva  entre  ce  prince  et 
Foulques  le  Réchin ,  dont  il  avait  enlevé  la  femme.  Dès  le 
commencement  de  ce  règne ,  on  trouve  des  sénéchaux  de  la 
cour  autres  que  les  comtes  d'Anjou,  dont  vraisemblablement 
ils  n'étaient  cjue  les  représentans  ou  les  mandataires  fieffés  ; 
car,  à  cette  époque,  tout  se  donnait  en  tief,  les  charges  et 
offices  comme  les  terres  et  les  seigneuries.  Mais ,  à  l'époque 
de  l'enlèvement  de  Bertrade  et  des  ressorts  que  faisait  jouer 
le  comte  d'Anjou  pour  ravoir  sa  femme ,  il  est  probable  que 
le  roi  de  France  dispensa,  ses  sénéchaux  ordinaires  de  lui 
rendre  hommage.  Louis-le-Gros,  à  son  avènement  au  trône, 
avait  laissé  les  choses  dans  l'état  où  il  les  trouvait,  et  c'est 
dans  ce  sens  qu'il  faut  entendre  ce  que  dit  le  chevalier  de 
Cléers,  qu'il  ôtait  au  comte  d'Anjou  cette  portion  de  son 
héritage. 

Quoi  cju'il  en  soit ,  voici ,  d'après  l'écrit  de  Hugues ,  quels 
étaient  les  droits  et  les  prérogatives  du  grand  sénéchal  de 
France,  tels  qvi'ils  furent  reconnus  en  1 119  par  Louis-le-Gros. 
A  cette  époque,  le  comte  d'Anjou  ne  prétendait  plus  à 
l'exercice  de  la  charge  de  sénéchal  ;  il  n'en  demandait  que  les 
droits  honorifiques,  la  mouvance  et  la  supériorité  féodale: 
Ihique  recognita  sunt  jura  comitis ,  videlicet  majoratus  et 
senescalcia  Franciœ.  GuiUelnms  de  Garlandd ,  tune  Franciœ 
senescallus ,  recognovit  in  illo  coUoquio  hominiuin  se  debere 
comiti  Fulconi  de  senescalcid  Franciœ ,  et  inde  fuit  in  Dolun- 
tate  comitis.  Post  GuHlehnvm  fuit  senescallus  Stephanus  de 
Garlandd ,  quifecit  hominiuni  comiti.  Post  Stephanum  Ra- 
dulfus  Peronœ  cornes ,  qui  similiter fecit  hominia  et  servitium. 
Raoul  de  Péronne  ou  de  Vermandois  moui'ut  en  11 52  :  cela 
prouve  ce  cjue  j'ai  avancé  plus  haut ,  que  cet  écrit  n'a  été 
composé  que  vers  11 56,  lorsque  Henri  II,  roi  d'Angleterre, 


HUGUES  DE  CLÉERS.  345 

avant  que  de  rendre  hommage  au  roi  de  France ,  stipulait  ses    Xil  SIECLE. 
droits.  Or  voici  quels  étaient  les  droits  attachés  à  la  dignité 
de  grand  sénéchal  ;  ils  répondent  aux  prérogatives  qui  ont 
été  depuis  attachées  à  la  dignité  de  connétable  et  à  celle  de 
grand  maître  de  l'hôtel,  c'est-à-dire,  qu'elle  était  la  première 
charge  militaire  et  la  plus  considérable  de  la  mSÎson  du  roi. 
On  le  voit  par  le  détail  dans  lequel  est  entré  notre  historien. 
.    1°  Il  commence  par  les  attributions  relatives  à  la  charge 
de  grand  maître  de  la  maison  du  roi.  «  Voici  l'hommage  et 
«  les  services  que  celui  qui  sera  sénéchal  de  France  fera  au 
«  comte  :  lorsque  le  comte  se  rend  à  la  cour  du  seigneur  roi , 
«  le  sénéchal  commande  aux  maréchaux  du  seigneur  roi  de 
«  lui  préparer  un  iQgis  ;  à  l'arrivée  du  comte ,  le  sénéchal  ira 
«  au-devant  de  lui ,  et  le  conduira  à  son  logis;  alors  le  séné- 
ce  chai  ira  dire  au  roi  que  le  comte  d'Anjou  est  arrivé.  Si  le 
«  comte  veut  aller  voir  le  roi ,  le  sénéchal  le  conduira  à  la 
«  cour,  et  de  la  cour  le  ramènera  au  logis. — ^  Si  le  comte 
«  veut  assister  aux  couronnemens  du  roi ,  le  sénéchal  fera 
«  préparer  les  logis  qui  sont  affectés  et  dus  au  comte.  Lors- 
«  que  le  roi  sera  à  table,  le  jour  de  son  couronnement,  le 
«  sénéchal  fera  pi'éparer  un  banc  des  plus  beaux ,  couvert 
(c  d'étoffe  ou  d'un  tapis,  et  le  comte  y  sera  assis  jusqu'à  ce  ^ 

<c  qu'on  apporte  les  services  de  table.  Quand  le  premier  plat 
«  paraîtra ,  le  comte  se  débouclant ,  se  defibulans  (  c'est-à- 
«  dire,  ôtant  son  manteau),  se  lèvera  de  son  banc,  recevra 
«  le  plat  de  la  main  du  sénéchal ,  le  placera  devant  le  roi  et 
«  la  reine ,  et  ordonnera  au  sénéchal  de  sei'vir  les  autres 
a  tables.  Le  comte  sera  assis  un  peu  en  arrière ,  en  attendant 
«  les  autres  services ,  et  fera  pour  les  suivans  comme  il  a  fait 
«  pour  le  premier.  Le  sei'vice  des  tables  étant  achevé,  le 
«  comte  montera  à  cheval ,  et  retournera  à  son  logis  accom- 
«  pagné  du  sénéchal.  Le  cheval  que  le  comte  aura  amené  en  * 
«  venant  à  la  cour  sera  un  cheval  de  bataille,  dextrarius ; 
(c  il  sera  donné  au  queux  du  roi,  comme  une  redevance  féo- 
«  dale,  et  le  manteau  dont  le  comte  était  revêtu  à  la  cour 
«  sera  donné  au  dépensier,  mais  seulement  après  le  dîner. 
«  Alors  le  panetier  enverra  au  comte  deux  pains  et  un 
«  septier  de  vin,  vini  sextarium ,  et  le  queux  un  morceau 
«  de  viande  et  une  pièce  de  rôti  {a).  Telle  est,  ajoute  de 

(«)   Il  y  a  dans  le  texte  imprimé  vini  Imustiim  ;  mais  d'autres  manuscrits 
portent  wiuin  hastum,  c'est-à-dire  ,  une  pièce  de  rôti,  ce  qui  est  plus  du 
Tome  XI H.  Xx 


346  HUGUES  DE  CLÉERS. 

XII  SIECLE,  a  Cléers,  la  livrée,  liberatio ,  c'est-à-dire,  la  ration  du  séne'- 
«  chai  ce  jour-là.  Le  sénéchal  du  comte  recevra  ces  livrées, 
«  et  les  donnera  aux  lépreux.  » 

2P  Quant  aux  prérogatives  qui  ont  rapport  à  celles  du 
connétable ,  voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  Quand  le  comte  ira  à 
«  l'armée  dh  roi ,  le  sénéchal  de  France  lui  fera  préparer  une 
(£  tente  assez  grande  pour  contenir  cent  hommes,  et  fournira 
a  un  cheval  de  somme  pour  la  porter  aA'^ec  les  cordages  et 
«  les  pieux ,  et  un  homme  a  cheval  et  deux  à  pied  pour  con- 
«  duire  le  sommier.  L'expédition  étant  finie ,  le  comte  rendra , 
ic  s'il  le  juge  à  propos ,  la  tente  au  sénéchal  ;  mais ,  quand 
«  bien  même  il  ne  la  rendrait  pas,  le  sénéchal  n'en  sera  pas 
a  moins  tenu  d'en  fournir  une  nouvelle,  dans  une  autre  ex- 
«  pédition.  Quand  le  comte  sera  clans  l'armée  du  roi,  il  com- 
«  mandera  l'avant- garde  protiitelam  en  allant,  et  l'arrière- 
«  garde  retutelam  au  retour  :  et  quelque  bon  ou  mauvais 
«  succès  qu'il  lui  arrive ,  il  n'en  sera  pas  responsable  et  le  roi 
«  ne  l'en  blâmera  point.  —  Moi,  Hugues  de  Cléers,  j'ai  vu 
«  qu'on  rendait  ces  services  au  comte  Foulques,  roi  de  Jéru- 
«  salem,  dans  deux  expéditions  en  Auvergne  (en  iiaa  et 
«  II 26),  et  dans  un  couronnement  à  Bourges;  et  je  les  ai 
«  vus  rendus  au  comte  GeofVoi ,  qui  est  enterré  au  Mans , 
<c  (c'est  Geofroi-le-Bel),  à  un  couronnement  à  Bourges/Ct  à 
ic  un  autre  à  Orléans  {a).y>  —  Au  reste,  le  comte  est  appelé 
maire  en  France,  major,  à  cause  qu'il  commande  lavant- 
garde  et  l'arrière- garde  dans  l'armée  du  roi. 

3°  Quant  au  droit  de  rendre  la  justice ,  le  rérit  de  l'histo- 
rien paraîtra  fort  étrange.  «Pareillement,  dit-il,  quand  le 
«  comte  sera  en  France,  ce  que  sa  cour  aura  jugé  sera  terme 
«  et  stable.  Mais,  s'il  naît  quelque  contestation  sur  un  juge- 
«  ment  rendu  en  France,  le  roi  mandera  le  comte  pour  venir 
'  «  le  réformer.  Que  si  le  comte  ne  juge  pas  à  propos  d'envoyer 
«  quelqu'un  pour  ce  sujet ,  le  roi  lui  fera  tenir  les  écritures 
«  des  deux  parties ,  et  le  jugement  que  rendra  la  cour  du 
•c  comte  demeurera  ferme  et  stable.  —  Moi,  Hugues  de  Cléers, 
«  j'ai  vu  plusieurs  fois  des  jugemens  rendus  en  France , 
«  qui  ont  été  réformés  en  Anjou.  Tel  fut  celui  qui  concernait 

ressort  du  queux  qu'une  fourniture  de  vin  que  le  dépensier  a  déjà  livrée. 
(«)  Coronainentum  :  cétaient  des  cours  plénières   qu'on  appelait  aussi 
ciiria  coronata ,  où  nos  rois ,  aux  grandes  solennités  de  l'année,  paraissaient 
I  ayec  toute  la  majesté  du  trône.  • 


HUGUES  DE  CLÉERS.  34; 

«  la  guerre  (a)  ou  le  combat  qui  eut  lieu  près  de  Saint-Omer,    xii  siècle. 
«  sans  parler  de  plusieurs  autres  plaids  et  jugemeus.  C'est  ce 
a  dont  je  suis  témoin  ,  et  plusieurs  autres  avec  moi.  » 

On  s'est  beaucoup  récrié  sur  cette  dernière  concession. 
Qui  peut  s'imaginer  qu'un  vassal  du  roi  de  Fx'ance  eut  l'au- 
torité de  réformer  les  jugemens  prononcés  à  la  cour  de  son 
souverain  ,  et  que  ceux  qu'il  portait  lui-même  ne  fussent  plus 
sujets  à  revision  .-^  Mais  notre  étonnement  cessera  si  l'on  fait 
attention  que  les  sénéchaux  de  la  cour  avaient  une  juridic- 
tion ,  qu'ils  présidaient  à  la  cour  féodale ,  et  prononçaient 
les  jugemens  qui  en  émanaient.  Cela  est  prouvé  par  une  foule 
de  monumens.  Nous  n'en  citerons  qu'un  des  plus  solennels ,  Bouquet ,  t. 
qui  fut  rendu  entre  le  vicomte  dePoIignac  et  l'évêque  duPuy,  ^'^'  P-  ''^''' 
en  1 1 7 1 ,  par  Thibaud ,  comte  de  Blois ,  pour  lors  sénéchal. 
Or,  d'après  le  traité  de  1 1 19,  dont  parle  Hugues  de  Cléers, 
les  sénéchaux  de  la  cour  n'étaient  que  les  lieutenans  des 
comtes  d'Anjou ,  en  leur  qualité  d;e  grands  sénéchaux.  Est-il 
donc  surprenant  que  les  jugemens  par  eux  rendus  fussent 
sujets  à  revision ,  et  réformables  par  l'autorité  supérieure  du 
suzerain  ? 

La  conclusion  qui  résulte  de  cette  discussion,  c'est  1°  que 
la  relation  du  chevalier  de  Cléers ,  comme  monument  histo- 
rique ,  mérite  toute  notre  confiance;  2°  que  les  comtes 
d'Anjou,  successeurs  du  dernier  Fougues,  tant  qu'ils  ne 
furent  point  revêtus  de  l'autorité  royale ,  exercèrent  plus  ou 
moins  rarement  les  fonctions  de  la  grande  sénéchalie. 

Nous  dison»  tant  qu'ils  ne  furent  point  reK'êtus  de  l'auto- 
rité royale,  car  on  ne  voit  point  que  les  comtes  d'Anjou, 
devenus  rois  d'Angleterre ,  aient  figuré  à  la  cour  de  France 
comme  sénéchaux  ,  depuis  leur  couronnement ,  et  encore 
moins  qu'ils  aient  commandé  les  armées.  Comme  ce  fut  alors 
que  commença  la  rivalité  entre  les  deux  nations,  qui  dès  ce 
moment  ne  cessèrent  d'être  en  guerre ,  on  était  bien  éloigné 
de  confier  aux  comtes  d'Anjou  le  commandement  des  armées; 
ceux-ci ,  de  leur  côté,  dédaignèrent  le  service  de  la  cour,  et 
tous  leui-s  droits  honorifiques  tombèrent  ainsi  en  désuétude. 
La  charge  même  de  sénéchal  de  France ,  sous  le  nom  de  dapi- 
férat,  cessa  d'être  remplie  après  la  mort  de  Thibaut,  comte  de 

{a)  Belluni  signifie  là  apparemment  un  duel  ou  un  combat  en  champ 
clos  :  c'est  la  signification  que  les  auteurs  donnaient  alors  à  ce  mot;  et  ils 
appelaient  guerra  une  guerre  véritable  de  nation  à  nation. 

XX2 


348  HUGUES  DE  CLEERS. 

XII  SIECLE.  Blois,  qui  mourut  en  1 191 ,  au  siège  d'Acre.  Cela  est  prouve 
par  les  chartes  de  nos  rois,  où  l'on  ne  voit  plus  la  souscrip- 
tion du  Dapi/ère ,  et  même  il  est  expressément  marc[ué  cpiil 
n'y  en  avait  point  alors,  par  ces  mots  qu'on  y  lit,  Dapifero 
nullo.  Cette  formule  se  trouve  dans  les  chartes  jusqu  à  lan 
1262,  sous  le  règne  de  saint  Louis.  Alors  le  commandement 
des  armées,  qui  faisait  une  partie  des  fonctions  du  sénéchal, 
fut  attribué  au  connétable ,  et  le  service  de  la  cour  passa  au 
grand  maître  de  l'hôtel  ;  par  là  ces  deux  charges  devinrent 
les  premières  dignités  de  l'état. 

La  formule  dapifero  nullo  prouvait  c|ue cette  charge  n'était 
point  remplie,  mais  non  qu'elle  fût  supprimée.  On  ue  vou- 
•  lait  pas  apparemment  qu  elle  continuât  à  relever  des  rois 
d'Angleterre ,  et  cependant  on  craignait  d'en  perdre  les  émo- 
lumens  :  on  les  appliqvia  au  fisc.  Cela  est  si  vrai ,  que  Philippe- 
le-Bel,  par  édit  de  l'an  i3oc),  en  applicjue  une  partie  à  marier 
Kcciieii  des  Jç  pauvres  filles  nobles  par  les  mains  du  grand  aumônier, 
r  onn.  t.  ,  ^^  Considérant,  est-il  dit,  cjuà  raison  du  dapifémt  et  de  la 
»  charge  de  sénéchal  de  France  que  nous  retenons  dans  nos 
«  mains ,  à  chaque  prestation  cle  serment  de  fidélité  de  la 
a  part  des  évêques ,  des  abbés ,  abbesses  et  autres  prélats  de 
«  notre  royaume,  nous  percevons  une  somme  déterminée 
«  de  dix  livres ,  pour  la  part  et  portion  qui  nous  revient  ; 
«  nous  faisons  savoy-  à  tous  présens  et  à  venir,  cjue^par 
a  ces  présentes ,  nous  avons  réglé  et  ordonné  tjue  tous  les 
«  émolumens,  sans  exception,  qui,  à  raison  de  ce,  seront 
«  perçus  à  l'avenir,  soient  versés  entre  les  mains  de  notre 
«  aumônier  ,  pour  être  employés  fidèlement  à  marier  de 
«  pauvres  filles  nobles  de  notre  royaume.  « 

Cependant,  comme  il  fallait  qu'il  y  eût  des  chefs  aux  dé- 
partemens  de  la  guerre  et  de  Injustice,  Philippe-Auguste 
institua  dans  ses  domaines  les  baillis ,  dont  les  fonctions 
étaient  non  seulement  de  rendre  la  justice,  mais  de  conduire 
à  l'armée  le  ban  et  l'arrière-ban ,  tandis  cjue,  dans  la  plu- 
part des  terres  des  grands  fiefs  de  la  couronne,  c'étaient  des 
sénéchaux  particuliers  cjui  exerçaient  ces  fonctions.  B. 


XII  SIECLK. 

GODEFROI, 

ÉVÈ^UE   DE  LANGRES. 

On   a  lieu  de  croire  que  Godefroi  naquit  en  Bourgogne,      ciiimei,Ge- 
puisqu'il  était  parent  de  saint  Bernard.  Il  fut  l'un  de  ceux  ""*  ii'usire  s. 

^      ■     h  ^^1  ^•i'/~'»..  Q     Bcin.  assertum, 

qui  1  accompagnèrent  dans  sa  retraite  a  Liteaux  en  iiij.  ,,.  gSo  et  senq. 
Peu  d'années  après ,  lorsque  Bernard  alla  fonder  le  monas- 
tère de  Clairvaux,  il  envoya  Godefroi  établir  celui  de  Fon- 
tenay,  dans  le  diocèse  d'Autun.  En  1127,  Godefroi  se  démit 
de  son  abbaye  de  Fontenay,  et  revint  à  Clairvaux  remplir 
la  charge  de  prieur ,  vacante  par  le  départ  d'Humbert ,  qui 
devenait  premier  abbé  d'igni.  Les  affaires  de  l'église  obli- 
geaient saint  Bernard  à  de  fréquens  voyages  :  mais  telles 
étaient  à  Clairvaux  les  vertus  et  la  vigilance  du  prieur,  qu'on  Blanric£. Anm 
s'apercevait  à  peine  de  l'absence  de  l'abbé.  Godefroi  étendait  Cist.ann.  mj 
ses  soins  sur  les  monastères  qui  dépendaient  de  cette  abbaye; 
il  en  établissait  même  de  nouveaux  :  par  exemple,  celui  de 
Hautecombe"  en  11 35.  Ce  fut  par  ses  avis  qu'en  cette  même 
année  11 35  saint  Bernard  prit  la  résolution  de  transférer 
dans  ini  plus  vaste  local  les  moines  de  Clairvaux ,  dont  le 
nombre  s'accroissait  de  jour  en  jour. 

Le  siège  épiscopal  de  Langres  ayani  vaqué  en   11 38,  on 
élut  d'abord ,  pour  le  remplir  ,  un  moine  de   Cluni   dont 
l'élection  fut  cassée.  Les  électeurs  réunirent  alors  leurs  suf- 
frages sur  Godefroi.  Saint  Bernard,  quoique  affligé  de  perdre     GailiaChiiit. 
en  ce  prieur  le  soutien  de  sa  faiblesse  et  la  lumière  de  ses  ""g"  ^"s^^'il"^ 
yeux  (ce  sont  ses  termes),  pressa  néanmoins  le  roi  Louis-  Viiie'foic  ,  Vie 
le-Jeune  de  consentir  au  sacre  du  nouveau  prélat  de  Langres.  ''*'  '^-  ^""-  P- 
Louis,  qui  avait  donné  l'investiture  de  cet  evôché  au  premier  J^J.^l  y  '  j,^ 
élu ,  semblait  fort  prévenu  contre  le  second  ,  c|ui  ne  fut  sacré      Fleuri ,  HUt. 
qu'en  i  i3q.  Presque  aussitôt  après  son  installation,  cet  évêque  Ecciés.  hv.  68 , 
ht  un  voyage  a  Rome.  Mais ,  ce  qu  ou  remarque  le  plus  dans     q^^^.^  Ouist. 
sa  vie  épiscopale ,  c'est  la  part  qu  il  prit  à  la  croisade  de  1 14^.   ""v.  t.  iv,  p. 
Dès  114.5  il  s'était  signalé  dans  rassemblée  de  Bourges  par  ''"• 
son  zèle  contre  les  payens  qui  venaient  de  saccager  Edesse  ;  iiist!\im°v"  p^il 
et  si  cette  assemblée  se  sépara  sans  rien  conclure,  ce  ne  fut  ris. 1. 11, p. 21g. 
point  du  tout  la  faute  de  Godefroi.  Dès  que  l'expédition  fut  —  f-a''-  Cl.rist. 
entreprise,  il  partit,  pour  la  Terre-Sainte,  emportant  avec  "né^q. ^^'^ 


35o     GODEFROI,  ÉVÊQUE  DE  LANGRES. 

XII  SIECLE,  lui  les  vases  d'or  et  d'argent  de  son  e'glise,  qu'il  promettait 
~~  de  restituer.  Il  se  rendit  d'abord  à  Ratisbonne ,  où  il  entendit 
les  longs  complimens  que  firent  à  Louis-le-Jeune  les  ambas- 
sadeurs de  l'empereur  d'Orient.  Godefrqj  augura  foit  mal  do 
ces  flatteries  excessives.  Il  serait  bien  temps,  leur  dit-il,  d'en 
venir  à  l'objet  de  votre  mission.  Vantez  moins  et  secondez 
mieux  un  prince  que  nous  connaissons,  et  qui  se  connaît 
lui-même.  L'ëvêque  de  Langres  était  d'avis  que ,  pour  con- 
quérir Jérusalem,  on  commençât  par  s'emparer  de  Constan- 
tinople  ;  et  l'on  se  repentit  de  n'avoir  pas  suivi  son  conseil. 
Godefroi  revint  de  cette  expédition  en  1 149;  deux  ans  après, 
il  assista  au  concile  de  Beaugency,  oii  Louis  VU  répudia 
Eléonore.  En  1 153,  Robert  des  Dunes  fut  élu  pour  succéder 
à  saint  Bernard  dans  l'abbaye  de  Clairvaux,  et  Godefroi, 
présent  à  cette  élection ,  y  eut  la  plus  grande  part.  Nous  le 
voyons  en  ii 62  envoyé  de  Montpellier  vers  le  roi  de  France 
Labbe,Conc.  par  le  pape  Alexandre  III,  qui  prie  ce  monarque  de  le  rece- 
t.  x,p.  i3i7.  YQ-j,  favorablement,  ainsi  que  les  évoques  de  Senlis  et  de 
Rennes ,  et  d'ajouter  foi  à  ce  qu'ils  lui  diront  tous  trois  de  sa 
part,  comme  à  ce  qu'il  dirait  lui-même. 

Dégoûté  du  monde ,  et  peut-être  même  un  peu  des  croi- 
sades ,  Godefroi  prit  le  parti  d'abdiquer  l'épiscbpat  et  de  se 
retirer  à  Clairvaux.  Alexandre  III  consentit,  quoique  avec 
peine,  à  cette  retraite,  qui  eut  lieu  en   116 1   selon  les  uns, 
en  II G3  selon  quelques  autres.  La  date  de  la  mort  de  Gode- 
froi n'est  pas  non  plus  très-bien  fixée;  il  mourut  à  Clairvaux, 
dans  la  cellule  même  de  saint  Bernard  ,  le  8  ou  le  9  novembre 
1 1G4  ou  1 165.  Nous  préférons  cette  dernière  date,  parce  que 
nous  la  rencontrons  dans  une  charte  souscrite  par  Godefroi, 
et  dans  l'épitaphe  qu'on  lisait  à  Clairvaux  sur  sa  tombe  :  Hic 
jacet  Dom.   Godefridus ,  tertius  piior  Clarœ-V allis ,  primus 
abbas  Fontaneti ,  dein  episcopus  Lingonensis.   Obiit  anno 
ii(J5. 
Hug.Menard.       Cette  épitaplie  est  bien  modeste  pour  un  homme  qui  est 
observ.  inMar-  compté  parmi  Ics  saiuts  de  son  ordre,  et  dont  les  auteurs 
nov  )'i"b.  11^  contemporains  célèbrent  l'éminente  piété.  La  trois  cent  dix- 
p.  740,7/,!.—  septième  lettre  de  saint  Bernard  lui  est  adressée  :  elle  lui 
Heiiriq.  Meno-  apprenait  en  peu  de  mots  l'extinction  du  schisme  de  Pierre 
Ji^m'^àTju!.  ^     ^^  Léon.  Mais   l'abbé  dé  Clairvaux  ,  dans  plusieurs  autres 
endroits  de  ses  œuvres,  et  spécialement  dans  la  lettre  cent 
quarante  et  unième ,  écrite  aux  moines  des   Alpes  ,  a  ex- 
primé plus   au  long  sa  profonde  esti  me   pour  Godefroi , 


GODEFROI,  ÉVÊQUE  DE  LANGRES.  35  r 

auquel  il  a  d'ailleurs  dédié  son  traité  des  degrés  de  l'humilité,    xn  siècle. 

Quelques  compilateurs  ont  confondu  Godefroi ,  évèque  s  Bern  o  er.T 
de  Langres ,  avec  Geoltroi ,  secrétaire  de  saint  Bernard,  et  t.  ii,p.  559. 
l'un  de  ses  historiens.  Godefroi  était,  dès  iii3,  le  compa- 
gnon de  saint  Bernard ,  tandis  que  Geoffroi  nous  déclare 
lui-même  que  ses  relations  avec  l'abbé  de  Clairvaux  n'ont 
commencé  que  vers  11 4o.  Il  y  avait,  dit-il,  environ  treize 
ans  que  je  lui  étais  attaché  lorsqu'il  mourut;  or  saint  Bernard 
est  mort  en  1 153. 

Le  P.  Chifflet  et  les  auteurs  du  nouveau  Gallia  Christiana     s.Bern.genus 
ont  publié  plusieurs  chartes  de  Godefroi.  La  première  est  de  1)1,*"*^   asser- 
ii4o;  elle  concerne  un  procès  que  l'abbé  de  Saint-Claude  461,'/, 88, '489, 
soutenait  contre  Herbert,  abbé  de  Saint-Seine  :  il  s'agissait  507,  5,0,  55o, 
d'une  terre  usurpée  sur  cette  dernière  abbaye  par  celle  de  ^^^iii   ch  ' 
Saint-Claude;  l'evèque  de  Langres  juge  en  fîiveur  de  l'abbé  t.  rv%  Appcnd' 
de  Saint-Seine;  toutefois  celui  de  Saint-Claude  n'est  con-  p- 170-180. 
damné  que  par  défaut.  La  seconde  charte  de  Godefroi  favo- 
rise les  chanoines  de  Saint-Etienne  de  Dijon  :  elle  est  datée 
de  I  i4i  1  troisième  année  de  son  épiscopat.  Dans  les  chartes 
suivantes,  il  maintient  les  privilèges  de  l'abbaye  d'Auberive, 
réunit  celle  de  Longue  à  l'ordre  de  Citeaux ,  garantit  aux 
moines  de  Quincy   leurs  jiropriétés  et  les  donations  qu'ils 
ont  reçues.  En  i  iSg ,  une  autre  charte  confirme  les  religieux 
de  Molesme  dans  la  possession  de  leurs  biens.  Il  y  en  a  deux, 
enfin   qui  concernent  Philippe,  abbé  de  Saint-Bénigne  de 
Dijon  :  la  première,  datée  de  i  i5c),  est  un  raccommodement 
entre  cet  abbé  et  Guy  de  Sombernon;  la  dernière,  datée  de 
II 60,  ratifie  une  transaction  entre  ce  même  abbé  et  Odon ., 
duc  de  Bourgogne. 

A  ces  chartes  il  faut  ajouter  huit  sentences  en  faveur  des 
religieux  de  Moutier-Saint-Jean  :  Pierre  Bouvière  les  a 
publiées  dans  l'histoire  de  cette  abbaye.  Les  deux  premières  H/st.  mo- 
sont  de  ii4i  ,  et,  comme  les  suivantes,  elles  terminent  des  "ast.Reomaen- 
affaires  qui  n'ont  plus  pour  nous  aucune  sorte  d'intérêt;  elles  t'*  '"  '"'^"^ 
confirment  certanies  possessions  contestées  a  ce  monastère  Pctio  Roverio. 
par  d'autres  établissemens  religieux.  Le  dernier  de  ces  juge-  Paris,  Cramoi- 
mens  ne  peut  passer  que  pour  un  simple  arbitrage  ,  nuisaue  *^'  '^.^^'  "ÎT^"' 

odeiroi  n  y  prend  que  la  qualité  d  ancien  eveque  de 
Langres ,  episcopus  quondam  Lingonensis  ;  cette  pièce  est 
celle  que  nous  avons  désignée  plus  havit  comme  datée  de 
ii65. 

Ce  fut  aussi  après  avoir  quitté  le  siège  de  Langres  que 


332    GODEFROI,  EVÊQUE  DE  LAXGRES. 

xu  SIECLE.    Godefroi    s'entremit   dans   une   affaire   qui   divisait  Alain , 

Mab.  not.  in  evêouc  d'Auxerre,  et  le  comte  de  Nevers  :  mais  la  transaction 

ep.  Bcrn.  /126.  qu'il  fit  acccjDter  aux  deux  contendans  est  de  1 164. 

—  Gall.  Christ.       Lgg   auteurs  du  nouveau    Gallia   Christiana  oi 

nov.   t.    Il  ,    I 


379 


ont  msere 
pai'mi  les  chartes  de  Godefroi  un  jugement  de  Louis  Vil 
en  faveur  de  ce  prélat,  contre  Odon ,  comte  de  Bourgogne; 
il  s'agissait  d*iui  domaine.  Les  deux  parties,  sans  procureur, 
avocat  ni  rapporteur,  plaidèrent  devant  le  roi,  qui  fut  leur 
seul  juge.  La  sentence  est  date'e  de  Moret,  l'an  1 158  ;  mais  les 
e'diteurs  pensent  qu'il  faut  lire  11 53  ovi  11 54,  parce  qu'en 
1 158  Louis-le- Jeune  ne  prenait  plus,  comme  il  le  fait  ici,  le 
titre  de  duc  d'Aquitaine. 
Duclicine ,       Qn  a  cinq  lettres  de  Godefroi  à  Louis  VIL  La  première 

Sci'iDtor     Rçr  ^  i 

Gaiiicar't  iv'  ^^'-  extrêmement  courte,  et  les  quatre  autres  ne  sont  pas 
p.  6',^ ,  644  ,  longues.  Le  roi  est  prie ,  dans  la  première ,  de  confirmer  une 
069,674.  redevance;  il  est  informe,  par  la  seconde,  de  quelques 
troubles  qui  agitaient  le  diocèse  de  Langres  ;  l'èvéque  le 
remercie,  dans  la  troisième,  de  sa  bienveillance  pour  ce  dio- 
cèse. La  quatrième  contient  des  plaintes  contre  le  comte 
Henri,  qui  ne  cesse,  dit  le  prélat,  d'inquiéter  notre  église, 
et  d'usurper  nos  possessions.  Dans  la  dernière ,  qui  n'a  que 
fort  peu  de  lignes  ,  Godefroi  ne  s'intitule  que  ci -devant 
évêque  de  Langres.  Ajoutons  que ,  dans  le  recueil  des  lettres 
de  saint  Bernard,  la  cent  soixante-douzième  est  écrite,  au 
nom  de  Godefroi ,  au  pape  Innocent  II ,  en  faveur  de  Falcon , 
élu  évèque  de  Lyon  en  ii3(). 

Si  Godefroi  a  laissé  des  notes  sur  la  vie  de  saint  Bernard, 
elles  n'ont  jamais  été  imprimées;  et  l'on  n'indicpie  aucune 
Jjibliothèque  où  elles  soient  conservées  manuscrites.  Elles 
auront  servi  apparemment  aux  premiers  historiens  de  l'abbé 
de  Clairvaux  :  Alain ,  l'un  d'eux ,  avoue  qu'il  a  beaucoup 
profité  des  conversations  de  l'évêque  de  Langres.  Le  princi- 
])al  écrit  de  celui-ci  est  une  traduction  latine  des  actes  de 
S.  Marna  ou  Mammès. 
Hist.  Littor.  ]Vos  prédéccsscurs  ont  déjà  revendiqué  pour  Godefroi, 
»"%  fii  '""!.V  évêque  de  Langres,  cette  traduction  quelquefois  attribuée  à 

t.  Mil,  p.   12».     T)         ^       1    1  ■  -i  '1  •    '  \      ■    ^  III 

—  Gaii.  Christ,  ncynald  ,  qui  avait  occupe  le  siège  ^piscopal  de  la  même 

nov.  t^  IV,  p.  ville  au  XI    siècle.  Les  Bollandistes ,  qui  font  insérée  dans 

"^     ~^7J-         \e\xv  recueil,  disent  aussi,  non  Reynaldi,  sed  Godefridi;  ils 

font  observer  que  le  traducteur  se  nomme  lui-même  dans  sa 

préface:  Ego   Godefridus  ,   indignus  licet ,  episcopus  Lingo- 

nensis.  Il  y  a  plus  :  cette  préface  fait  mention  ae  trois  versions 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.         353 

latines  antérieures  à  celles-ci  :  la  première  par  un  archidiacre    X'i  STFclk. 
d'Antioche ,  la   seconde  par  un   moine  de  Jérusalem ,  qui  ' 

devint  ëvéque  de  Saint-Georges;  la  troisième  par  un  reli- 
gieux calabrois ,  vivant  dans  un  monastère  que  saint  Bruno 
avait  établi.  Or  Bruno  n'a  fondé  ce  monastère  qu'en  lo^y, 
et  Reynald  était  mort  en   io85.  C'est  donc  sans  raison  que     Callia  christ. 
Dubosc ,  dans  la  Bibliothèque  de  Fleuri,  a  substitué  le  nom  "°^'  *•  ^^  '  P- 
de  Reynald  à  celui  de  Godefroi  ;  et  l'on  est  surpris  de  retrou-    Bibiioth.  fIo- 
ver  dans  Tillemont  la  même  erreur.  riac.  part,  ir, 

Ces  actes,  que  les  Bollandistes  ne  craignent  pas  de  déclarer  P;, '■,!°~^^^- 

f  1      ,  ^      I-    •     '  1  1         -^  I  •  lill.Mem.  sur 

ia}3uleux,  sont  divises  en  deux  chapitres:  le  premier  nous  iHist.    Ecciés. 
apprend  que  le  Saint,  dans  son  enfance,  prononçait  si  sou-  t.  iv,  p.  3Gi. 
vent  le  mot  marna,  que  le  nom  lui  en  est  resté.  Bientôt  ses      Boiiand.    17 
vertus  chrétiennes  l'exposèrent  aux  persécutions;  l'empereur  /,"^".  ^' 
Aurélien  le  condamna  au  feu  :  mais  les  flammes  environnèrent 
le  jeune  saint  et  ne  l'atteignirent  pas.  Le   chapitre  second 
raconte  ses  miracles  :  les  bêtes  les  plus  sauvages  perdaient 
auprès  de  lui  leur  férocité  :  on   ne  le   mit  à   mort  qu'en  le 
perçant  d'un  trident.  Depuis  le  X''  siècle  ses  reliques  étaient 
à  Langres;  et  cette  circonstance  détermina  Godefroi  à  tra- 
duire du  grec  les  actes  de  ce  martyr ,  si  toutefois  Godefroi  a 
su  le  grec ,  et  si  son  travail  ne  s'est  pas  réduit  à  corriger  ou 
modifier  l'une  des  anciennes  versions  latines;  ce  que  ferait 
un  peu  soupçonner  la  très-grande  ressemblance  de  la  sienne 
avec  celle  que  Surius  a  imprimée.  D.         Acta  Sanctor. 

17  aug.  p.  7io 

_  '>  " 

-7JJ. 


JEAN, 

MOINE  DE  MARMOUTIER,  HISTORIEN. 

SES  ÉCRITS. 

Jean  de  Marmoutier  était  Angevin;  il  le  déclare  lui-même,      Cesta  Cons. 
lorsque,  rapportant  à  quelle  occasion  Geofroi  Grisegonelle  Andeg.cap.vr, 
fut  ainsi  surnommé ,  il  dit  qu'étant  allé  à  Paris  pour  assister  °"™-  ^• 
à  une  assemblée  des  grands  du  royaume,  il  était  vêtu  d'un 
drap  que  les  Français  appellent  grisetum ,  et  que  nous  autres 
Angevins  nommons  huretum.  Mais  cet  auteur  n'étant  connu 
Tome  XIII.  Y  y 


354        JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER. 

XII  SIECLE,  d'ailleurs  que  par  les  écrits  qu'on  lui  attribue  en  assez  grand 
nombre,  il  nous  est  impossible  de  dresser  un  précis  de  sa 
vie.  Nous  tâcherons  cependant  de  déterminer  à-peu-près ,  à 
l'aide  de  ses  écrits,  le  temps  où  il  vivait. 

1°  Joannis,  monachi  Maj oiis-nionasterii,  Histona  Gaufredi 
Ducis  ISomiannorum  et  Comitis  Ande^avoium  ,  Turonoruni 
ac  t  enomannoniin . 

C'est  l'histoire  de  Geofroi,  dit  le  Bel  ou  Plantegenet,  fils 
de  Foulques  V,  comte  d'Anjou  et  puis  roi  de  Jérusalem, 
lequel  Geofroi  ayant  épousé  l'impératrice  Mathikle,  veuve 
de  Henri  V,  empereur  d'x\llemagne ,  fille  et  unique  héritière 
d'C  Henri  I ,  roi  d'Angleterre  et  duc  de  Normandie ,  fut  père 
de  Henri  II ,  et  la  tige  des  Flantegenets ,  qui  occvipèrent 
long-temps  le  trône  d'Angleterre. 

Nous  plaçons  cet  écrit  avant  les  autres ,  non  qu'il  soit  le 
premier  sorti  de  la  plume  de  l'auteur,  mais  parce  qu'il  est 
incontestablement  du  moine  Jean ,  dont  le  nom  et  la  profes- 
sion sont  marqués  sans  ambiguité  à  la  tête  de  l'épitre  dédi- 
catoire  à  Guillaume  de  Passavant,  évêque  du  Mans.  Ce  prélat 
était  si  affectionné  au  comte  Geofroi ,  qui  avait  été  inhumé 
dans  son  église,  qu'il  lui  érigea  un  superbe  mausolée,  et  il 
n'est  pas  douteux  cju'il  n'ait  engagé  le  moine  de  Marmoutier, 
comme  la  meilleure  plume  d'alors,  à  composer  son  histoire. 
Jean  lui  dit  formellement  qu'ayant  déjà  composé  les  histoires 
.  ijbt.  Gauf.  de  plusieurs  autres  princes,  il  s'étendra  sur  celui-ci  avec  plus 
^9--  de  complaisance  :  Et  cian  multorum  aUoruin  principuni  his- 

torias  colle gerimus ,  circa  hune  affectuosiiis  immoramur. 

Guillaume  ayant  gouverné  l'église  du  Mans  depuis  l'an- 
née 1 142  jusqu'en  1 186  ou  1187,  il  est  évident  que  l'auteur 
a  dû  écrire  dans  cet  intervalle  de  temps,  et  postérieurement 
à  l'année  ii5i,  qui  est  celle  de  la  mort  du  comte  Geofroi. 
Mais ,  à  la  fin  du  premier  livre  de  son  histoire ,  il  parle  de  ce 
pi'élat  comme  étant  déjà  mort  ^  piœ  recordationis  ;  ce  qui 
sujiposerait ,  contre  l'opinion  commune,  que  cet  auteur  lui 
aurait  survécu.  Dirons -nous  que  c'est  une  addition  faite  à 
son  livre .i^  cela  est  possible;  mais  nous  n'en  serons  pas  plus 
avancés  pour  trouver  la  vraie  époque  de  sa  composition. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  l'ouvrage  est  divisé  en  deux  livres  ou 
plutôt  deux  parties.  Dans  la  première ,  l'auteur  fait  le  détail 
des  actions  de  Geofroi  depuis  sa  naissance  jusqu  à  sa  mort; 
il  le  dépeint  comme  un  prince  religieux ,  plein  d'honneur  et 
de  probité,  d'un  zèle  éclairé  pour  faire  observer  les  lois. 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.         355 

maintenir  la  paix  dans  sesi  états ,  et  procurer  le  bonheur  du    xn  SIECLE-, 
peuple;  enfin  comme  un  prince  lettré,  savant  et  éloquent, 
qui  avait  bien  étudié  l'histoire,  les  livres  saints  et  les  philo- 
sophes. Son  style  est  plutôt  celui  d'un  panégyriste  que  d'un 
historien.  «Qui  ignore,  dit-il,  la  clémence  de  ce  prince  à      Hist.    Gauf. 
«  l'égard  des  vaincus,  sa  compassion  pour  les  malheureux,  '''  '°' 
«  la  justice  sévère  qu'il  exerçait  envers  les  rebelles,  sa  bra- 
«  voure  et  son  intrépidité  dans  les  combats ,  et  sa  dextérité 
«  dans  le  maniement  des  affaires  ?  »   Tout  ce  qu'il  rapporte 
n'a  pas  d'autre  objet  que  de  prouver  ces  vérités,  qu'il  réduit 
à  ces  deux  points ,  parcere  subjectis  et  debellare  superhos , 
qui  lui  servent  de  refrain. 

Il  commence  l'histoire  de  ce  prince  par  son  mariage  avec 
l'impératrice  Mathilde ,  et,  à  cette  occasion,  il  décrit  les  /w*/.  p.  18,  f)». 
cérémonies  qui  furent  observées  lorsque  le  roi  d'Angleterre 
l'arma  chevalier.  On  y  voit  en  deux  endroits  que  Geofroi 
avait  fait  peindre  sur  son  bouclier  des  lions ,  qui  sont  encore 
les  armes  d'Angleterre,  quoique  d'autres  les  prennent  pour 
des  léopards  [a).  Il  y  fait  mention  d'un  habile  fourbisseur 
appelé  Galane ,  fabrorurn  supeiiativus  Galanus ,  qui  avait 
forgé  son  armure.  C'était  l'usage  que  les  nouveaux  chevaliers  ibài^. 22-2'j. 
fréquentassent  les  tournois  :  l'auteur  en  décrit  plusieurs  où 
son  héros  acquit  de  la  célébrité. 

Pendant  que  ce  prince  faisait  le  siège  de  Montreuil-Bellay, 
s'étant  aperçu  que  les  assiégés  réparaient  la  nuit ,  avec  des 
poutres,  les  brèches  que  les  béliers  avaient  faites  aux  mu- 
railles durant  le  jour ,  il  consulta  les  savans  pour  remédier 
à  cet  inconvénient.  Un  moine  de  Marmoutier,  que  l'auteur  ibid.'^.gi. 
ne  désigne  c|ue  par  la  lettre  G ,  mais  qui  paraît  être  Gautier 
de  Compiègne ,  lui  indiqua ,  dans  Végece ,  un  expédient  qui 
fut  mis  en  pratique.  On  sera  peut-être  curieux  de  savoir  en 
quoi  il  consistait;  le  voici  :  on  remplit  de  noix,  de  graine 
de  chenevis  et  d'huile  de  lin  un  tonneau  de  fer  bien  lié  {cadum. 


(a)  Selon  Rapin  Thoiras  (  Hist.  tl'Angl.  tome  II,  p.  2io),  Richard  I" 
fut  le  premier  roi  d'Angleterre  qui  prit  trois  lions  dans  ses  armes.  Il  en 
avait  d'abord  fait  mettre  deux  dans  son  écu,  comme  le  rapporte  Thibaudeau 
dans  son  Abrégé  de  l'histoire  de  Poitou  ;  il  ajouta  sans  doute  le  troisième 
comme  duc  d'Aquitaine  ou  de  Guienne.  On  sait  que  celle-ci  en  portait  un 
dans  ses  armoiries ,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  médaille  de  Charles  VII ,  de 
145 1.  Extrait  des  Recherches  de  M.  Baraillon  sur  plusieurs  monumens  cel- 
tiques et  romains  ,  p.  347,  num.  io5. 

Yva 


356         JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER. 

XII  SIECLE.  Jerrcnm  ligaininihus ferrcis  astrictuni) ,  auquel  était  attachée 
une  chaîne  de  fer.  On  le  ht  rougir  au  feu,  et,  après  lavoir 
attaché  au  mangonneau  par  le  moyen  de  la  chaîne ,  on  le 
lança  tout  enflammé  contre  les  poutres  qui  fenuaient  la 
brèche,  auxquelles,  en  éclatant,  il  devait  communiquer  le 
feu.  Cet  expédient  réussit  parfaitement. 
Hist.  Gauf.  Ailleurs  il  dit  que  les  Poitevins  sont  naturellement  poètes; 
P- 1  -49-  ji  raconte  que  ce  talent  servit  merveilleusement  deux  cheva- 

liers de  cette  nation ,  cjui  avaient  été  faits  prisonniers  dans 
un  combat  ;  le  comte  prit  tant  de  plaisir  a  entendre  leurs 
chansons,  qu'il  se  les  ht  amener,  et  il  les  renvoya  non  seu- 
lement sans  rançon ,  mais  comblés  de  présens. 

On  ne  s'attendrait  pas  à  trouver  dans  un  auteur  dvi 
ifov/.  1>.  a6-4o.  XIP  siècle  l'idée  du  beau  drame  de  la  Partie  de  Chasse 
de  Henri  11';  elle  y  est  cependant.  Geofroi  s'étant  égaré  dans 
une  de  ces  parties,  rencontre  un  charbonnier  qu'il  prend  en 
croupe,  pour  lui  servir  de  guide;  la  conversation  s'établit 
entre  eux  ,  et  le  paysan  ,  sans  le  connaître  ,  lui  dévoile  toutes 
les  vexations  cjue  ses  ministres  ou  prévôts  exerçaient  en  son 
nom. 

Dans  la  seconde  partie,  il  reprend  l'histoire  à  la  mort  de 
Henri  I"^,  roi  d'Angleterre,  qu'il  place  mal-à-propos  en  1 13'-, 
et  dont  il  avait  déjà  fait  mention  dans  la  première  partie,  en 
copiant  l'historien  anglais  Henri  d'Kinitington.  Cette  mort 
donnait  au  comte  Geofroi,  du  chef  de  sa  femme  et  de  ses 
enfans,  des  droits  sur  le  trône  d'Angleterre  et  sur  le  duché 
de  Normandie.  Il  entreprit  de  les  faire  valoir  jiar  les  armes 
contre  Etienne  de  Blois,  qui  s'en  était  emparé.  Dans  l'espace 
de  quelques  années,  il  ht  la  conquête  de  la  Normandie, 
pendant  que  l'impératrice  Mathilde  était  passée  en  Angle- 
terre pour  revenaicjuer  son  patrimoine.  C'est  à  célébrer  les 
exjiloits  du  comte  pendant  ces  expéditions  cju'est  employée 
cette  seconde  partie,  dans  laquelle  l'auteur  décrit  mieux 
qu'on  ne  le  trouve  par- tout  ailleurs,  les  marches  et  contre- 
marches de  son  armée ,  les  sièges  des  villes  et  les  combats 
qu'il  eut  à  soutenir.  Mais ,  lorsqu'il  y  parle  des  affaires  d'An- 
gleteiTe,  il  copie  mot  pour  mot  Henri  dHnntington. 

Comme   la   première    partie  de   cet    écrit   n'est   presque 

composée  cjue  d'anecdotes  concernant  la  vie  privée  et  les 

qualités  personnelles  du  comte  Geofroi ,  l'auteur  a  eu  soia 

7iK/.  p.  10.      d'indiquer  les  courtisans  de  qui  il  les  avait  apprises,  savoir, 

Matthieu ,  doyen  d'Angers  ,  Ingenger  de  Bohon ,  Jourdain 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.         3:7 

Thesson,  Obert  de  Ocred ,  Rainaud  le  Roux  et  Gouffier  de    ^"  sîeclf. 
Bruères  {a).  ^ 

Cette  histoire  fut  donne'e  au  public  l'an  i6io,  par  Laurent 
Bochel ,  à  la  suite  de  l'histoire  des  Français ,  par  Gre'goire 
de  Tours.  Mais  cette  e'dition  ,  faite  à  Paris  chez  Nicolas  du 
Fossé ,  est  si  peu  correcte ,  que  souvent  le  texte  n'est  pas 
intelligible.  Les  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  T.  xn,  p.  Dig- 
France  l'ont  réimprimée  plus  exactement  sur  le  manuscrit  •'^'^^ 
6oo5  de  la  Bibliothèque  impériale.  Mais ,  comme  l'auteur  se 
plait  à  faire  des  harangues  et  des  réflexions  morales,  qu'il 
appuie  toujours  de  quelc[ues  passages  de  Cicéron  ou  de  Boëce, 
de  Virgile,  d'Horace,  de  Lucain,  etc.  ;  ils  y  ont  fait  beaucoup 
de  retranchemens ,  sur- tout  dans  la  première  partie.  Au 
reste ,  il  serait  à  souhaiter  cjue  nous  eussions ,  pour  le  moyen 
âge,  beaucoup  d'histoires  aussi  bien  écrites  que  celles-là. 

2°   Gesta  consnium  yj ndegavenshim. 

Cet  ouvrage  a  été  publié  par  D.  Luc  Dachéri ,  au  X^  tome      T.  m,  nov. 
de  son  Spicilége  in-4",  depuis  la  page  3()C)  jusqu'à  la  page  •^'|'_'-  '"-'"!•  P- 
609,  sur  un  manuscrit  de  l'église  collégiale  de  Saint-Laud  '■'■'■~'"^- 
d'Angers,  qui  lui  avait  été  communiqué  par  Vion  d'Hérou- 
val.  L'éditeur  révoque  en  doute  que  Jean  de  ]Marmoutier  en 
soit  l'auteur ,  sur  plusieurs  raisons  qui  ne  sont  rien  moins 
que  convaincantes,  en  quoi  il  a  été  suivi  par  le  P.  Leîong, 
dans  sa  Bibliothèque  historique  de  la  France.  D'autres  attri- 
buent cet  écrit  à  Paccius  ou  Thomas  de  Loches.  Nous  ne 
partageons  pas  leur  opinion.    C'est  pourquoi   nous  allons 
établir,  aussi  brièvement  qu'il  sera  possible,  que  le  moine 
Jean  en  est  le  véritable  auteur. 

Nous  avons  déjà  rapporté  le  passage  dans  lequel  il  dit  Suprà,p.  vi\. 
qu'avant  d'entreprendre  l'histoire  de  Geofroi  Plantegenet,  il 
avait  composé  celle  de  plusieurs  autres  princes  ;  nous  ne 
doutons  pas  que  ce  ne  soit  celle  des  comtes  d'Anjou.  Dans 
l'une  et  dans  l'autre ,  l'auteur  se  donne  les  mêmes  qualités , 
Frater  Joannes,  Majoris-monasterii  humillunus  monadiorum 


(a)  De  inrtute  et  actibus  principis  Andegavorwn  et  ducis  Normannoruin. 
Gaufredi  Matthœus  Andegavensis  decanus  nos  docuit  ;  Ingangerhn  de  Bohon 
nohis  legit  ;  Jordanus  Thesson  nos  monidt  ;  Obertus  de  Ocred.  nvbis  eiiarra- 
vit ;  Ranuiaudus  Rujus  nos  reflcit ;  Gujjerius  de  Brurrià  satiavit  :  qui  c'uca 
eum  quotidie  nova  ,  quotidie  admirantes  meliora  ,  fréquent iam  -virtutiun  pro 
miracnlo  jam  non  haberent ,  quœ  in  aliis personis  pro  iniraculo  celebrarent . 


358         JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER. 

XII  SIECLE,  et  pcripsema  (a)  clericorum.  Il  est  vrai  que  le  mot  Joannes 
ne  se  trouve  pas  dans  la  plupart  des  manuscrits  des  Gestes, 
Inais  le  reste  y  est  ;  il  n'était  pas  même  indiqué  par  la  lettre 
initiale  dans  celui  de  D.  Dacheri ,  mais  il  existait  en  toutes 

Not.  in  ep.  lettres  dans  le  manuscrit  cjvie  l'abbé  de  Marolles  avait  com- 
em      es.   p.  jyj^jj^iqu^  à  de  Goussainville ,  éditeur  des  lettres  de  Pierre  de 

Annal,  t.  A'i,  Blois.  Cela  Suffit  au  savant  Mabillon  pour  décider  qu'il  faut 

p.  552.  rétablir  le  nom  de  Jean  dans  l'édition  du  Spicilége.  D'ailleurs 

il  y  a  entre  ces  deux  écrits,  au  jugement  des  continuateurs 

T.  XII,  préf.  du  Recueil  des  historiens  de  France ,  une  telle  conformité 
p.  xLi.  jg  style,  l'ordre  et  l'arrangement  sont,  dans  l'un  et  dans 

l'autre,  tellement  les  mêmes,  qu'on  ne  peut  guère  les  attri- 
buer à  deux  auteurs  différens.  Cela  posé ,  nous  ne  risquons 
rien  d'attribuer  à  Jean  de  Marmoutier  les  Gestes  des  comtes 
d'Anjou. 

Gesta  cons.  Il  a  dédié  cette  histoire  a  Henri,  roi  d' Angleterre ,  duc  de 
Vndegav.  praef.  p^orniandie  ,  comte  d'Anjou ,  de  Touraine  et  du  Maine , 
prince  d' Aquitaine ,  duc  de  Gascogne  et  d' Auvergne  ,  et 
aussi  duc  de  Bretagne  {b).  Tous  ces  titres  ne  peuvent  con- 
venir qu'à  Henri  II ,  roi  d'Angleterre ,  et  doivent  nous  servir 
de  guide  pour  trouver  l'époque  à  laquelle  l'auteur  présenta 
son  écrit  a  ce  prince.  Il  ne  fut  duc  d'Aquitaine,  de  Gascogne 
et  d'Auvergne  qu'en  iiSa,  par  son  mariage  avec  la  reine 
Eléonore,  et  il  ne  monta  sur  le  trône  d'Angleteri-e  qu'en  1 155. 
Quant  au  duché  de  Bretagne,  il  n'en  prit  possession,  selon 

Ad  an.  1166.  Robert  du  Mont,  qu'en  11 66,  au  nom  de  son  fils,  qui  devait 
épouser  l'héritière  de  Conan  IV.  Ainsi ,  c'est  postérieurement 
à  cette  époque  que  l'ouvrage  lui  fut  présente.  Dans  la  même 
épître ,  l'auteur  fait  mention  des  frères  de  Henri  comme 
étant  déjà  morts  :  en  effet ,  Geofroi ,  comte  de  Nantes,  mou- 
rut, selon  Robert  du  Mont,  en  11 58,  et  Guillaume,  le  der- 
nier de  tous ,  en  II 64. 

Gesta,  ibiiL  Afin  de  concilier  plus  d'autorité  à  son  histoire,  il  nomme 
les  écrivains  dont  il  s'était  servi  pour  la  composer.  Le  pre- 
mier est  Thomas  de  Loches  (c),  qui  a  fint,  dit-il,  de  courtes 

(a)  Peripsema  ,  la  balayure.  On  lit  dans  l'édition  de  D.  Dacheri  parsima , 
dans  l'histoire  de  Geofroi-le-Bel,  per  ipsum. 

(b)  Dans  l'édition  de  Goussainville,  on  a  imprimé  Bituricum ,  au  lieu 
de  Britonum;  c'est  une  foute  :  Henri  II  n'a  jamais  été  duc  de  Béni,  et 
il  l'a  été  de  Bretagne,  par  la  cession  de  Conan  IV. 

(c)  Thomas  Paccius,  chanoine  de  Loches,  vivait  à  la  fin  du  XI'  siècle. 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.  35g 
chroniques  sous  le  nom  de  l'abbé  Odon  (c'est  apparemment  ^n  SIECLE. 
Odon,  abbé  de  Cluni),  comme  je  l'ai  appris  de  sa  propre 
bouche ,  mais  il  y  avait  ajouté  d'autres  choses  qu'il  avait  ap- 
prises par  la  renommée.  La  chronique  de  Thomas  de  Loches 
fut  retouchée  par  Robin  et  Briton  d'Amboise,  lesquels  avaient 
avoué  à  Jean  qu'ils  y  avaient  fait  quelques  additions.  «  Après 
«  eux ,  j'y  ai  fait,  dit-il ,  des  additions  en  plus  grand  nombre, 
«que  j'ai  empruntées  de  l'Histoire  des  Français,  de  Raoul 
«  Glaber ,  de  Geofroi  Bcchin ,  de  maître  Robin ,  de  Gautier 
«  de  Compiègne ,  moine  de  Marmoutier  (a),  v  Et  il  ne  dit 
ïien  de  l'excellente  Histoire  des  comtes  d'Anjou  par  Foulques 
le  Rechin ,  avec  lequel  il  est  souvent  en  coîitradiction.  Tous 
ces  auteurs  qu'il  cite ,  à  l'exception  de  Glaber ,  sont  perdus 
pour  nous,  et  ne  se  retrouvent  que  dans  sa  compilation. 

Il  faut  l'avouer,  s'il  les  a  copiés  fidèlement,  la  perte  n'est 
pas  grande  ;  car  son  écrit  est  rempli  de  fables  et  d'anachro- 
nismes  ;  il  y  règne  tant  de  confusion ,  qu'on  ne  peut  faire 
aucun  fond  sur  ce  qu'il  dit,  au  moins  jusqu'à  Foulques  Nerrà, 
sur  le  compte  duquel  il  n'est  pas  même  trop  exact.  Il  le  dit 
fils  de  Maurice,  qu'il  place  mal-à -propos  au  nombre  des 
comtes  d'Anjou ,  quoiqu'il  soit  constant ,  par  le  témoignage 
de  Foulques  le  Rechin ,  que  Foulques  Nerra  était  fils  de  Geo- 
froi Grisegonelle ,  auquel  il  avait  succédé. 

Il  est  aussi  très-peu  exact  sur  les  dates,  dans  les  choses 
même  qui  se  sont  passées  presque  de  son  temps.  Ce  sont 
peut-être  des  erreurs  de  copiste;  mais  il  place  en  iiio  le 
naufrage  du  prince  Guillaume ,  fils  de  Henri  l" ,  roi  d'Angle- 
terre ,  en  quoi  il  se  trompe  de  dix  ans  ;  et  en  1 1 3^  la  mort  dfe 
ce  dernier  prince ,  arrivée  certainement  deux  ans  plus  tôt,  eh 

D.  Housseau,  qui  avait  entrepris  une  histoire  d'Anjou  et  de  Touraine  , 
ayant  visité  les  registres  de  cette  église,  s'est  assuré  qu'il  existait  en  io8o, 
et  qu'il  n'est  plus  fait  mention  de  lui  après  cette  année.  Si  Jean  de  Mar- 
moutier l'a  connu,  il  devait  être  bien  âgé  lorsqu'il  composa  son  ouvrage. 
(a)  Primas  scriptor  extitit  Thomas  Leochensis ,  qui  brèves  chronicas  nomme 
Odonis  ahhatis  intitulatas ,  ut  ab  ejus  ore  audwi,  repéra,  et  multa  quœ  famâ 
-vulgante  cognovit ,  addidit.  Secundus  extitit  Robinus  et  Brito  Âmbasiacen- 
sis ,  qui  ipsas  chronicas  emendaverivnt ,  et  quœdam ,  ut  vivd  voce  ab  ipsis 
audivi ,  addidcrunt.  Tertius  ego  ex  multis  historiis  multa  addidi,  et  ad  auc- 
toritatem  historiée  et  studium  audientiuni  sive  legentium  nomiiia  auctorum 
annotare  curavi ;  primo  ex  historiâ  Francorum  nonnulla;  secundo  ex  Jiisto- 
rid  GlabeUi  Rodulfi  multa  ;  tertio  ex  chronicis  Gaufredi  Bechini  aliqua  y 
quarto  ex  dictis  magistri  Robini  quwdam  ncccssaria  ;  quinto  ex  scriptis  GaU' 
t'en  Compendiertsis  Majoris-monasterii  monachi,  non  negligenda. 


36o         JEAN,  MOiNE  DE  MARMOUTIER. 

xiî  SIECLE.    ii35.,  erreur  qu'il  a  répétée  dans  s©n  Histoire  de  Geofroi 
Hist  dePoit    Pl^ntegenet.  Jean  Besly  lui  reproche  un  anachronisme  bien 
p.  87.  pkis  considérable,  au  sujet  de  la  bataille  qui  fut  doiuiée  en 

106 1  à  Saint-Jouin-de-Marnes ,  entre  les  comtes  d'Anjou  et 
le  comte  de  Poitiers,  qu'il  confond  avec  ctUe  qui  eut  lieu 
en  io33  à  Chef-Boutonne ,  sur  les  confins  du  Poitou  et  de  la 
Saintonge.  Il  est  certain  que  c'est  une  grande  méprise.  «  Ce 
a  lieu ,  dit  Besly ,  montre  que  la  plupart  de  la  narration  de 
«  Paccius  (  c'est  à  lui  qu'il  attribue  les  Gestes  des  comtes 
«d'Anjou)  n'est  sinon  une  fantaisie  romancière,  inventée 
«  pour  complaire  au  comte  d'Anjou  auquel  il  dédie  son  ou- 
cc  vrage.  »  Quoique  cette  critique  soit  un  peu  trop  forte  dans 
sa  généralité,  il  n'est  que  trop  vrai  que  l'auteur  a  compilé 
sans  choix  et  sans  jugement  les  chroniques  qu'il  a  trouvées, 
et  que  ce  serait  une  étude  pénible  de  chercher  à  y  démêler 
le  vrai  d'avec  le  faux.  Cependant ,  pour  les  événemens  de  son 
temps,  on  peut  s'en  rapporter  à  lui;  la  vie  de  Geofroi-le- 
Bel  prouve  de  quoi  il  était  capable,  s'il  eût  eu  de  bons 
mérnoires. 

Cette  compilation  est  divisée  en  deux  parties ,  dont  la  pre- 
mière ne  contient  que  de  courts  éloges  des  comtes  d'Anjou, 
extraits,  à  ce  qu'il  paraît,  de  l'Histoire  des  Gestes,  pour  être 
présentés  avec  l'ouvrage  à  Henri  II  ,  roi  d'Angleterre.  Ces 
éloges,  qui  manquent  dans  la  plupart  des  manuscrits,  com- 
mencent à  Torquat  ou  Tertulle  ,  qui  vivait  du  temps  de 
Charles-le-Chauve,  et  finissent  par  l'éloge  de  Henri  II,  auquel 
l'auteur  dit  qu'il  est  le  quinzième  comte  d'Anjou.  A  ce  compte, 
il  met  au  nombre  des  souverains  d'Anjou  Torquat  et  Ter- 
tulle,  qui,  suivant  ce  qu'il  dit  lui-même,  ne  l'ont  jamais 
été.  En  retranchant  Torquat  et  Tertulle,  ainsi  que  Maurice, 
dont  nous  avons  déjà  parlé,  Henri  n'était  en  effet  que  le 
douzième  comte  d'Anjou. 

La  seconde  partie  contient  l'histoire  des  mêmes  comtes, 
mais  beaucoup  plus  étendue  :  on  y  trouve  les  éloges  dont 
nous  venons  de  parler,  et  dans  les  mêmes  termes.  Il  paraît 
que  c'est  là  proprement  l'ouvrage  de  notre  auteur,  à  en  juger 
par  le  style  oratoire  qui  ressemble  beaucoup  à  celui  employé 
dans  la  vie  de  Geofroi-le-Bel.  Les  continuateurs  du  Recueil  des 
historiens  de  France,  qui  en  ont  donné  plusieurs  extraits, 

T.  XI,  p.  645.  ont  remarqué,  d'après  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  im- 
périale, que  l'ouvrage  a  été  interpolé,  et  les  interpolations 
qu'ils  indiquent  sont  en  grand  nombre.  Ce  sont  ces  super- 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.        36i 

fetations  mal  assoi'ties  qui  ont  fait  naître  ces  contradictions    xn  siècle. 
et  ces  erreurs  grossières  qu'on  y  remarque.  Peut-être  qu'en  ' 

élaguant  ces  fourrures ,  l'ouvrage  de  Jean  serait  plus  sup- 
portable. Nous  voulons  parler  de  l'histoiredespremiers  temps; 
car,  pour  les  derniers  temps,  l'ouvrage  n'est  pas  sans  mente. 

3°  Liber  de  Coniposidone  castn  Anibasiœ  et  ipsius  domi- 
norum  Gestis. 

Nous  ne  déciderons  pas  si  Jean  de  Marmoutier  est  auteur 
de  cet  ouvrage ,  qui  a  été  publié  par  D.  Dacheri  à  la  suite  des 
Gestes  des  comtes  d'Anjou. Nous  n'avons  pas,  pour  pronon- 
cer affirmativement  des  autorités  aussi  positives ,  que  celles 
que  nous  avons  alléguées  pour  lui  adjuger  l'histoire  des 
comtes  d'Anjou.  A  en  juger  cependant  par  le  style  et  par 
l'ordonnance  de  l'ouvrage ,  on  peut  sans  témérité  le  donner 
au  même  auteur.  On  aperçoit  dans  l'une  et  dans  l'autre  pro- 
duction le  même  goût  pour  les  fables,  ou  du  moins  aussi 
peu  de  discernement  pour  les  apprécier  et  les  rejeter  :  les 
citations  tant  en  vers  qu'en  prose  sont  tirées  des  mêmes  au- 
teurs ,  et  souvent  les  mêmes  ;  les  portraits ,  les  harangues , 
les  tours  de  phrase  sont  si  ressemblans  dans  les  deux  écrits, 
qu'on  est,  pour  ainsi  dire,  forcé  d'y  reconnaître  un  même 
auteur  ;  enfin  on  trouve  des  morceaux  même  assez  longs  qui 
ont  été  copiés  mot  pour  mot  dans  les  deux  ouvrages ,  sans 
qu'on  avertisse  qu'on  les  a  empruntés  ailleurs.  N'est-ce  pas 
une  raison  de  croire  que  l'auteur  s'est  cité  lui-même,  et  a 
disposé  à  son  gré  de  ce  qui  lui  ajDpartenait?  et  comme  il  est 
prouvé  que  Jean  de  Marmoutier  est  auteur  d'un  de  ces  écrits, 
rien  n'empêche  qu'on  ne  puisse  lui  attribuer  l'autre. 

Nous  n'ignorons  pas  que  plusieurs  auteurs  ont  attribué  à 
Paccius  les  Gestes  des  seigneurs  d'Amboise  ;  mais  ceux  -  là 
même  ne  s'éloignent  pas  de  notre  opinion,  parce  qu'ils  attri- 
buent aussi  au  chanoine  de  Loches  les  Gestes  des  comtes  d'An- 
jou, et  nous  avons  démontré  plus  haut  que  Thomas  Paccius  Supra,  p.  357. 
n'avait  composé ,  sous  le  nom  de  l'abbé  Odon  ,  que  de  '^^^• 
courtes  chroniques  dont  l'auteur  des  Gestes  des  comtes  d'An- 
jou avait  fait  usage.  Ajoutons  encore  que  Paccius,  comme 
nous  l'avons  dit,  vivait  dans  le  XI"  siècle,  et  que  les  deux 
ouvrages  sur  les  comtes  d'Anjou  et  sur  les  seigneurs  d'Am- 
boise ont  été  composés  l'un  et  l'autre  presque  dans  le  même 
temps,  c'est-à-dire,  dans  l'intervalle  des  années  ii5o  à 
1160. 

Ce  qui  détermina  l'auteur  à  écrire  les  Gestes  des  seigneurs 

Tome  XIII.  Z  z 


IQ 


362        JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIËR. 

xii  SIECLE.  d'Amboise ,  c'est,  dit- il  dans  le  prologue  où  il  adresse  la 
parole  cà  une  personne  qu'il  ne  nomme  pas,  «  c'est  le  mal- 
«  heur  qui  vient  d'arriver  à  Sulpice  ,  seigneur  d'Amboise , 
«  de  Chaumont  et  de  Montrichart ,  et  à  ses  enfans,  lesquels 
«  ayant  été  attirés  à  Blois  par  le  comte  Thibaut ,  sous  prê- 
te texte  d'une  conférence,  avaient  été,  par  une  insigne  tra- 
«  hison ,  arrêtés,  mis  en  prison  et  traités  fort  durement». 

chap.vi,nuDi.  En  effet,  il  raconte  dans  le  corps  de  l'histoire  que  Sulpice 
expira  dans  les  tourmens  qu'on  lui  fit  endurer  pour  avoir 
rehisé  de  rendre  au  comte  le  château  de  Chaumont  en  Tou- 
raine,  et  qu'après  sa  mort,  son  corps  fut  attaché  à  un  gibet. 
Cet  événement  est  de  l'année  ii53  ou  ii54.  On  le  voit 
par  la  part  que  prit  dans  cette  affaire  Henri,  fils  de  Geofroi 

iLid.aum.io.  Plantcgcnet,  qui  venait  de  succéder  à  son  père.  Comme  l'au- 
teur ne  lui  donne  que  les  titres  de  duc  de  Normandie  et 
d' Aquitaine,  et  de  comte  d' Anjou,  et  non  de  roi  d'Angleterre, 
il  s'ensuit  qu'il  écrivait  postérieurement  à  l'année  ii5a  et 

jb;A.mxTa.-i.i.  avant  la  fin  de  Tannée  1 1 54- Cependant  il  dit  un  peu  plus  bas 
que ,  bientôt  après,  le  duc  Henri  ayant  été  appelé  en  Angleterre 
pour  succéder  au  roi  Etienne  qui  venait  de  mourir,  fit  sa 
paix  avec  le  comte  de  Blois,  à  condition  que  les  enfans  de 
Sulpice  seraient  mis  en  liberté;  d'où  l'on  peut  conclure  que 
cet  ouvrage  fut  composé  au  plus  tôt  en   ii55. 

Il  est  divisé  en  deux  parties  comme  les  autres  écrits  du 
moine  Jean.  La  première  a  pour  titre  :  De  la  Construction 
du  château  d'Amboise.  C'est  une  narration  des  plus  fabu- 
leuses d'un  bout  à  l'autre.  L'auteur  attribue  la  construction 
de  ce  château  à  Jules  César  ;  il  n'en  est  pourtant  rien  dit 
dans  ses  Commentaires,  et  l'on  sait  que  César  dans  son  ex- 
pédition était  plus  occupé  à  détruire  des  châteaux  qu'à  en 
construire  de  nouveaux.  De  là  il  pi^end  occasion  de  faire  à 
sa  manière  un  petit  abrégé  de  l'histoire  romaine  ;  il  passe 
ensuite  à  l'histoire  d'Artur,  de  Clovis  et  de  Charlemagne,  et 
par-tout  il  ne  débite  que  des  fables.  Nous  n'y  trouvons  qu'une 
chose  bonne  à  remarquer  pour  l'objet  qui  nous  occupe  ;  c'est 
qu'il  existait  du  temps  de  l'auteur,  sur  les  ravages  des  Nor- 
mands, des  poésies  tragiques  ou  complaintes  dans  lesquelles 
étaient  retracées  les  calamités  qu'avaient  éprouvées  alors  les 
habitans  des  Gaules  (a).  Ce  serait  aujourd  hui  une  chose  assez 

(a)   Quantas  Gallorum  strages  fccerint  [Normanni],  quantas  iirbcs  n^'gic- 
nesque  concremaverînf ,  enarrare  nolo ;  sed  tainen  hœc  dh'iiw  nutu  peccatis 


V,  nuin.  t2. 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.        363 

cui'ieuse  de  retrouver  quelqu'une  de  ces  pièces.  Cependant  ^H  SIECLE, 
sur  la  lin  de  cette  partie,  il  écrit  avec  un  peu  plus  de  juge- 
ment;  il  la  termine  par  une  courte  généalogie  des  rois  capé- 
tiens, sur  lesquels  il  n'est  guère  plus  exact  que  dans  le  reste, 
et  s'arrête  à  la  croisade  de  Louis-le-Jeune  en  1 147.  H  ne  dis- 
simule pas  le  mauvais  succès  de  cette  expédition ,  quoiqu'elle 
eût  été  provoquée,  dit-il,  par  le  pape  Eugène  ,  et  prêchée  DcComp.cas- 
par  Bernard,  abbé  de  Clairvaux  ,  homme  très-religieux.  Il  v'nnm'io'^^^ 
craint  d'en  dire  davantage,  parce  que  cette  malheureuse  ex- 
pédition fut  un  sujet  de  joie  pour  les  Infidèles  ,  qui  en  pri- 
rent occasion  d'insulter  aux  Chrétiens  et  d'aggraver  leurs 
maux.  Cependant  elle  produisit  le  bon  effet  de  réveiller  de 
leur  assoupissement  les  lâches  et  les  paresseux  :  De  quibus 
pliira  loqiii  pertimesco ,  quoniam  iter  eoriiin  gentihus  fuit 
lœtitia ,  Christianis  irvisio  et  pœna ,  et  tainen  deinceps  desi- 
dihus  et pigris  incitamentum.  Il  en  reste  là,  dit-il,  parce  que 
d'autres  avant  lui  ont  sufïisamment  écrit  sur  l'histoire  de 
France,  et  il  veut  travailler  à  autre  chose,  ad  alla  festino. 
L'ouvrage  auquel  il  voulait  travailler  est,  ce  semble,  l'his- 
toire des  comtes  d'Anjou,  qui  suit  immédiatement  dans  les 
manuscrits,  et  dont  le  prologue,  tel  qu'il  existait  avant  l'é- 
pître  dédicatoire  au  roi  d'Angleterre,  feit  le  sixième  cha- 
pitre du  livre  de  la  Construction  du  château  d'Amboise  ; 
ce  cpii  prouverait  de  plus  en  plus  que  ces  deux  ouvrages  sont 
partis  de  la  même  main.  Mais  il  y  a  une  ambiguïté  dans  ce 
prologue  :  l'auteur  commence  par  dire  que  ce  qu'il  vient  de 
rapporter  touchant  les  rois  de  France ,  il  l'a  fait ,  parce  qu'il 
l'a  cru  nécessaire  pour  mieux  entendre  ce  qu'il  a  dit  dans 
l'ouvrage  précédent,  et  ce  qu'il  dira  dans  l'ouvrage  suivant(rt). 
Cet  ouvrage  suivant  est  certainement  l'histoire  des  comtes 
d'Anjou.  Mais  que  faut-il  entendre  par  l'ouvrage  précédent.'' 
Est-ce  le  livre  de  la  Construction  d'Amboise  ,  qui  précède  en 
effet?  Il  aurait  donc  fait  ce  livre  pour  l'intelligence  de  ce 
livre.  11  est  plus  naturel  de  croire  qu'il  veut  parler  de  la  se- 

Gallorum  accidisse  puto.  P^enim  diras  mortaUum  calamitates  quas  GalUa- 
riim  incolœ  pertulerunt ,  tragicis  et  lugubiibus  canninibus  satis  alii  scripsere. 
Lib.  de  Comp.  castri  Amb.  cap.  5,  num.  6. 

(b)  Quoniam  in  ante  expositis  de  rcgibus  Francorwn,  qiiœ  hiiic  operi 
prœcedenti ,  maxinieque  sequenti  necessaria  esse  puto  ,  explanavi ;  munc  de 
consulibus  Andegavorum  ,  quœ  scripta  nimis  confuse  rudique  sermone  rcperi, 
quant  verissinie  potero  ,  paiicis  verbis  breviter  et  commode  cnuc/eabo.  Lib.  de 
Comp.  castri  Amb.  cap.  6,  num.  (^. 

Zz  1 


364         JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER. 

XII  SIECLE,    conde  partie  de  cet  ouvrage  qui  traite  des  seigneurs  d'Am- 

boise ,  lequel ,  par  conséquent ,  aurait  été  composé  avant  celui 

des  comtes  d'Anjou  ;  et  cela  est  conforme  à  l'époque   que 

nous  avons  assignée  plus  haut  à  ce  dernier. 

Gest.Ambas.       Quoi  qu'il  en  soit ,  voici  ce  que  contient  cette  seconde 

om.  cap.  .  partie,  qui  mérite  plus  de  confiance  que  la  première.  L'au- 
teur met  pour  le  premier  des  seigneurs  d'Amboise,  Lisoius  ; 
mais  il  parle  aussi  de  son  père  Hugues  de  Basougei;  qui  était 
filleul  de  Hugues-ie-Grand ,  duc  des  Français.  Hugues  Capet 
lui  Ht  épouser  l'héritière  de  Lavardin,  nommée  Helpes,dont 
il  eut  une  fille  nommée  Anceline,qui  porta  en  dot  cette  belle 
terre  à  Sehebrand  de  Mayenne  ,  d'oii  sont  sortis  les  seigneurs 
de  Lavardin  et  de  Fréteval.  Hugues  épousa  en  secondes  noces 
Odeline,  fille  de  Pvaoul,  vicomte  de  Sainte-Suzanne,  qui  lui 
porta  en  mariage  les  terres  de  Basouger  et  de  Sainte-Christine 
dans  le  Maine.  De  ce  mariage  naquit,  entre  autres  enfans, 
Lisoius  qui  fut  le  plus  grand  capitaine  de  son  temps.  Celui-ci 
épousa  une  fille  d'Archambaud  de  Buzençois  ,  qui  avait  de 
grandes  possessions  dans  le  pays  d'Amboise;  et  d'eux  sortirent 
les  seigneurs  d'Amboise,  dont  l'auteur  fait  l'histoire  jusqu'à 
son  temps,  c'est-à-dire,  jusqu'à  l'année  ii54.  On  voit  par 
cet  échantillon  combien  cette  seconde  partie  est  intéressante 
pour  l'histoire  de  Touraine ,  d'Anjou ,  du  Maine ,  du  Blésois 
et  du  Vendomois.  L'auteur  paraît  fort  instruit  des  faits 
Gest.Ambas.  qu'il  rapporte;  aussi  proteste-t-il  «  qu'à  l'égard  des  deux  der- 

dom.  cap.  VI,  ^^  niers  seigneurs  d'Amboise,  il  n'a  rien  écrit  que  ce  qu'il  a 
«  vu  de  ses  propres  yeux  et  entendu  de  ses  oreilles.  Quant 
«  aux  autres ,  il  dit  avoir  puisé  dans  divers  écrits  qu'il  a  ar- 
«  rangés  de  son  mieux  suivant  la  capacité  de  son  petit  génie». 
Heureusement  il  était  tombé  cette  fois  sur  de  bons  mémoires. 
Les  continuateurs  du  recueil  des  historiens  de  Fi-ance  ont 
donné  dans  différens  volumes  plusieurs  extraits  tant  des 
Bouquet  ,  Gestes  des  comtes  d'Anjou  que  des  seigneurs  d'Amboise.  Les 

t.Xl,p.  49  -  derniers  et  les  meilleurs  se  trouvent  au  tome  XH  de  leur 
collection. 

Ces  deux  ouvrages  ont  été  traduits  en  français  par  Michel 
de  Marolles,  abbé  de  Villeloin  ,  avec  des  remarques  sur 
chaque  ouvrage  :  Paris,  Langhns,  1681  ,  in-4".  Les  remar- 
ques sont  plus  estimées  que  la  traduction  ;  on  y  trouve  les 
généal(îgies  des  principales  familles  de  Touraine  et  d'Anjou. 
Le  livre  du  Château  d'Amboise  et  de  ses  seigneurs  a  été 
Bibi.   Ord.  traduit  en  vers  français,  vers  le  milieu  du  XIV®  siècle,  par 


JEAN,  MOINE  DE  MARMOUTIER.        365 
Hervé  de  la  Queue ,  de  Caiicld ,  sous  ce  titre  :  La  Lignée  des   xii  siècle. 
seigneurs  d'Amboise,   et  depuis  quel  temps ,    et  par  quels  v^xA.  t.  i,  p. 
seigneurs   et  quels  mérites  ils  furent  reçus    en   icelle  ;  par  363.— Leiong, 
Hervé  de   la    Queue,  de  l'ordre  et  couvent  des  frères  Pré-  '^^'^''^  ^^^;^.^^-  "|_' 
cheurs ,  h  la  requête  de  Jeanne  d'Amboise ,  dame  de  Revel  35667.' 
et  de   Tiffauges.  Cette  traduction  est  citée  par  Duchesne  ,      Bii>i-  l'ist.  de 
mais  n'a  jamais  été  imprimée,  non  plus  que  la  suivante  du  '"  ^"^  i'-  '39- 
même  auteur  en  prose,    qui  existait  dans  la  bibliothèque 
de  Baluze ,  ayant  pour  titre  :  Histoire  lochoise  des  antiqui-      Bibl.  Baluz. 
tés  des  villes  d'Amboise,  Loches^  Beaulieu ,  Blois ,    Montri-  '•  '"'?•  7'<- 
chard ,  et  incidemment  des  comtes  d'Anjou,  paraphrasée 
en  français  par  Hervé  de  la  Queue,  extraits  la  plupart 
du  latin  de  Thomas  Paccio ,  prieur  de  l'église  collégiale  de 
Loches,  in  folio.  C'est  peut-être  la  même  que  la  précédente. 
4°  Ménage ,  dans  son  histoire  de  Sablé ,  a  donné  une  no- 
tice qui  contient  le  catalogue  des  gentilshommes  du  Maine ,      Ménage,  Sa- 
3ui,  en  II 58,  se  croisèrent  avec  Geofroi  de  Mayenne,  fils  ^'^j  ue,7xî7 
e  Juhel  et  de  Clémence  de  Bellême.  Pn  y  lit  que  tous  ces  p.""^^^  no,.    ' 
seigneurs  s'assemblèrent  dans  l'église  de   Notre-Dame  de 
Mayenne;  qu'ils  i-ecurent  la  croix  des  mains  de  Guillaume, 
évêque  du  Mans  ;  cpi'ils  firent  eux-mêmes  le  signe  de  la  croix 
au  front ,  sur  la  bouche ,  sur  la  poitrine  et  sur  le  cœur,  et 
que  chacun  se  revêtit  du  scapulaire  de  la   croix,  scapuld 
cnicis ,  de  couleur  blanche  et  rouge.  On  peut  voir  dans  cette 
notice  les  autres  cérémonies  qui  étaient  sans  doute  les  mêmes 
dans  tous  les  cas  où  les  nobles  recevaient  la  croix  des  mains 
des  évêques.  L'êvêque  Guillaume  lit  ensuite  le  signe  de    la 
croix  sur  le  front,  de  chacun  des  croisés ,  en  disant  :  Remit- 
tuntur  tibi   omnia  peccata    tua ,    si  facis  qiiœ  promittis. 
Suivent  les   noms  des   croisés  au  nombre  de  cent  deux  , 
et  l'auteur  remarque   qu'il   n'en  revint  que   trente  -  cinq , 
lesquels  arrivèrent  le  7  novembre   i  i6a.  On  lit  à  la  fin  : 
Hoc  scripsit ,  prœsens  et  adfuit ,  f rater  Joannes  monachus 
B.  Benedicti patris  nostri  ad  Fustayam ,  anno  Domini  1 165, 
mensis  junii.  Ce  moine  Jean  pourrait  bien  être  le  même  que 
le  moine  de  Marmoutier,  qui  a  tant  écrit  sur  les  comtes 
d'Anjou.  Le  temps  s'y  accorde  parfaitement;  mais  le  prieuré 
de  la  Fustaye,  dans  le  Maine,  était  une  dépendance,  non  de 
l'abbaye  de  Marmoutier,  mais  de  celle  de  Saint -Jouin-des- 
Marnes  ;  ce  qui  peut  faire  doute;'  de  l'identité  des  deux  au- 
teurs. Quoi  qu'il  en  soit,  nous  avons  cru  qu'il  était  à  propos 
de  dire  un  mot  de  cette  notice,  et  nous  ne  pouvions  pas 
la  placer  plus  à  propos. 


3G6         JEAN,  MOINE  DE  MAP.MOUTIER. 

xiT  SIECLE.        'jo  Presque  tous  les  bibliographes   attribuent  à  Jean  de 
Ampl.CoUtct.  Marmoutier  une   Chronique  de  Touraine.  D.  Martène  a  im- 

t.  V,  col.  917-  primé,  sur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  impériale,  une 

'°^^-  chronique  de  Tours  qui  commence  à  la  création  du  monde, 

ArtaSS. t.ix,  et  se  termine  à  l'année  1226.  D.  Mabillon  cite  cette  chro- 

i>ief.  num.  G3.  nique  SOUS  le  nom  du  moine  Jean ,  et  en  rapporte  un  endroit 
c[ui  est  parfaitement  le  même  dans  l'édition  de  D.  Martène. 
11  n'y  a  cependant  aucune  apparence  qu'elle  soit  de  notre 
auteur.  Les  éditeurs  l'attribuent  avec  plus  de  fondement  à 
un  chanoine  de  Saint-Martin-de-Tours. 
Admon.   .k!       6°  Dom  Dacheri  semble  aussi  attribuer  à  Jean  de  Mar- 

4"|^„   *-'°"'"'  moutier  l'histoire  des  archevêques  de  Tours  et  des  abbés 
"    '  de  ce  monastère,  Cjue  Laurent  Bochel  a  publiée- à  la  suite 

des  onze  livres  de  Grégoire  de  Tours ,  sous  ce  titre  :  De 
Commcndatione  Turoiiicœ  provinciœ ,  et  de  nominibus  et 
actibus  episcoponini  civitatis  Turonicœ.  Similiter  de  nomi- 
.  nibus  et  operibus  àbbatum  Majoris-monasterii ,  et  de  des- 
tructione  et  reœdifi cabane  ejusdcm  ecclesiœ ,  et  quai e  dicitur 
Majus-monasteriuin.  Il  y  a  trois  histoires  dans  cet  écrit; 
celle  des  archevêques  de  Tours  jusqu'à  Jean  de  Paya , 
qui  fut  élu  en  1208;  celle  de  l'église  de  Saint-Martin,  qui 
hnit  en  1176;  et  celle  de  l'abbaye  de  Marmoutier.  Celle-ci, 
qui  s'étend  jusqu'à  l'année  1426,  a  été  composée  par  différens 
auteurs.  Le  premier  est  le  même  qui  a  composé  ou  compilé 
les  deux  précédentes ,  et  qui  vivait  par  conséquent  au  com- 
mencement du  XIIP  siècle  :  on  le  voit,  parce  qu'à  cette 
époque  c'est  une  autre  manière  de  rédiger  les  articles  des 
abbes.  Ainsi  rien  ne  prouve  que  cet  écrit,  dont  l'auteur  était 
certainement  un  moine  de  Marmoutier,  soit  du  moine  Jean, 
ni  en  tout,  ni  en  partie.  L'édition  cpi'en  a  donnée  Laurent 
Bochel  est  horriblement  mauvaise.  Nous  attribuons  à  l'im- 
perfection de  sa  copie  les  fautes  nombreuses  qu'on  y  re- 
marque,  sur -tout  relativement  aux  dates,  dont  aucune 
presque  n'est  exacte.  Les  continuateurs  du  Recueil  des  his- 
toriens de  France  aui'aient  l'éimprimé  plus  exactement  cet 
écrit,  s'il  en  eût  valu  la  peine. 
r.aii.  Christ.       7°  Entre  autres  livres  que  Jean  de  Sarisbéry,  évêque  de 

t.   VIII,    col.  Chartres ,  mort  en   1181  ,  légua  à  son  église,  on  remarqué 
"''9'  celui-ci   :  Historiée  Joannis   Turonensis.  C'était  vraisembla- 

blement les  histoires  d'Anjou  et  d'Amboise,  que  nous  avons 
attribuées  à  Jean  de  Marmoutier.  B, 


XII  SIECLE. 

■ANONYME,  

AUTEUR     d'un     traité     CONTRE     LES     JUIFS. 

JNIous  avons  parle,  clans  le  douzième  volume  de  cette  his-  i'. . '.:!(;  et  r-:- 
toire,  de  l'auteur  anonyme  d'un  Traité  contre  les  Juifs.  L'ou- 
vrage que  nous  annonçons  en  ce  moment  n'a  de  commun 
avec  celui-là  que  son  titre  et  son  objet.  Dans  la  notice  qu'on 
nous  donne  du  premier,  on  le  dit  adressé  à  W.  (Guillaume) 
comte  de  Nevers,  et  cette  dédicace  même  semble  indiquer 
que  le  livre  était  d'un  religieux  :  Gloriosissimo  Niveimensiuni 
coiniti  ff^.  frater....  devotissimain  salutem.  Lebeuf  a  donné 
l'épître  dédicatoire  dans  les  Pi-euves  de  son  histoire  d'Auxerre.  x.  ii ,  p.  i  n. 
L'ouvrage  dont  nous  allons  rendre  compte  n'est  dédié  à 
personne.  Il  n'y  a  pas  ce  mot  de  frère  qui  puisse  faille 
soupçonner  la  profession  de  l'écrivain,  ni  une  lettre  initiale 
qui  puisse  conduire  à  retrouver  son  nom.  Nous  ne  le  pla- 
çons même  dans  cette  histoire  que  parce  qu'il  y  a  tout  lieu 
de  présumer  qu'un  Français  en  est  l'auteur,  car  cela  même 
n'est  pas  très-certain.  Rien  n'est  plus  probable  néanmoins. 
En  effet,  c'est  dans  un  monastère  du  diocèse  d'Evreux,  à 
Couches,  que  le  manuscrit  en  était  conservé  :  Martène  et 
Durand  l'ont  tiré  de  cette  bibliothèque  pour  l'imprimer 
dans  le  cinquième  volume  de  leur  Trésor  des  anecdotes.  Plu-  P  i'>07ctsuiv. 
sieurs  endroits  de  l'ouvi-age  peuvent  faire  croire  aussi  qu'il 
a  été  composé  dans  une  ville  où  il  y  avait  beaucoup  de 
juifs,  et  celui-ci  en  particulier  :  «  De  quel  front  osez-vous  dire  N.  n  ,  p.  i.;i7. 
«  que  vous  observez  le  sabbat.^  Pour  l'observer,  ilfautj  d'après 
«  la  loi,  rester  tranquille  dans  sa  maison,  n'en  pas  sortir,  ne 
«  pas  poser  le  pied  hors  du  seuil,  et  je  vous  vois  sans  cesse, 
«  quand  ce  jour  revient,  errer  çà  et  là,  et  vous  promener  dans 
«  les  rues  :  est-ce  là  le  commandement  de  Moïse  .*'  » 

Il  n'y  a  aucun  doute  sur  ré{>oque  à  laquelle  l'ouvrage  fut 
composé.  L'auteur  nous  fapprend  lui-même  bien  clairement     N.  3/,,p.r53;t 
dans  ce  passage  :  MiUesiinus  centesimus  sexàgesimus  sextus  ^^  '"^ 
anniis  es'olvitur ,  ex  quo  filius  mrginalià  effidsit  in  mundo , 
tcmpore  constituto ,  juxtà  prœscriptum  numerum  hehdoma- 
danun  Danielis ;  et  dans  celui-ci  :  MUle  centuni  sexaginta  N. /,8,  p.  iS/,/,. 
sex  anni  postqïihin   incarnotus  est  Dominus.  Cette  époque 
correspond  à  celle  de  la  plus  grande  célébrité  des  acadé- 


308  TRAITÉ  CONTRE  LES  JUIFS. 

xri  SIECLE,  mies  juives  en  France.  Les  écrits  publies  par  des  rabbins 
distingués,  les  leçons  données  dans  leurs  écoles,  auraient 
naturellement  amené  sur  des  matières  religieuses  les  dis- 
cussions des  savans,  cjuand  l'esprit  général  du  siècle,  tant 
d'hommes  illustres  par  leur  savoir  et  par  leur  piété  ,  n'en 
auraient  pas  fait  l'objet  habituel  de  leurs  études  et  le  moyen 
de  leurs  succès. 

Le  commencement  de  l'ouvrage  est  modeste.  L'auteur  an- 
nonce que  ce  n'est  point  la  gloire  littéraire  qu'il  cherche; 
il  s'est  plus  occupé  à  défendre  la  foi  qu'tà  montrer 
une  érudition  profane  ou  une  éloquence  cicéronienne.  II 
prend  Dieu  à  témoin  que  la  vanité  n'a  aucune  part  à  son 
entreprise  ;  que  son  intention  est  droite  et  pure  ;  qu'il  ne 
veut  que  trouver  dans  l'écriture  même  de  quoi  mieux  dé- 
voiler la  perfidie  des  Juifs  et  venger  le  christianisme  de  leurs 
«  calomnies.  J'ai  écrit  pour  moi,  pour  mes  semblables,  dit-il, 
«  non  pour  ces  grands  et  savans  hommes  qui,  comme  le  veut 
ce  l'apôtre ,  sont  toujours  prêts  à  i-endre  raison  de  l'espérance 
«  qui  est  en  nous ,  mais  pour  ceux  à  qui ,  comme  à  moi ,  la 
«  simplicité  de  la  foi  sufht  ;  car  le  royaume  de  Dieu  est  là, 
«  et  non  dans  les  disputes  et  la  dialectique.  » 

Ce  qui  suit  nous  fait  assez  bien  connaître  quelle  était  alors 
dans  ces  discussions  religieuses  la  conduite  des  Juifs.  Ils  n'at- 
tendaient pas  qu'on  les  attaquât,  pour  se  défendre;  ils  étaient 
eux-mêmes  les  provocateurs  ;  ils  disaient  sans  cesse  aux  chré- 
tiens ,  comme  Goliath  dans  le  livre  des  rois  :  Choisissez  quel- 
qu'un parmi  vous,  et  qu'il  vienne  combattre. 

L'auteur  s'attend  à  avoir  des  censeurs  malveillans;  mais  il 
aime  mieux  supporter  leurs  critiques  dictées  par  la  haine, 
que  d'entendre  tranquillement  les  insultes  des  ennemis  de 
la  foi,  et  de  garder  le  silence  sur  la  victoire  de  Jésus-Christ. 
Il  déclare  qu'il  ne  leur  opposera  rien  qui  ne  soit  pris  de 
l'ancien  Testament  ;  il  abandonne  tous  les  argumens  qu'on 
pourrait  tirer  du  nouveau.  Les  Juifs  n'en  seront  liés  que 
par  de  plus  fortes  chaînes  ;  il  faudra  qu'ils  confessent  la  vé- 
f  rite,  ou  qu'ils  soient  convaincus  de  ne  pas  connaître  leur 

loi.  Nous  suivrons  leur  manière  de  disputer,  ajoute-t-il ,  afin 
qu'ils  ne  puissent  nous  accuser  de  les  avoir  plutôt  vaincus 
par  des  argumens  sophistiques  que  par  la  raison.  Notre  ano- 
nyme suit  en  effet  bien  plus  la  méthode  des  Pères  que  celle 
des  scholastiques  de  son  temps  :  il  ne  pourra  cependant 
adopter  toujours  l'ordre  ordinaire  de  la  dispute ,  parce  que 


TRAITÉ  CONTRE  LES  JUIFS.  369 

ses  adversaires  s'en  écartent  sans  cesse ,  sautent  d'un  ordre  xil  SIECLE. 
à  l'autre,  échappent  quand  on  croit  les  saisir;  il  tâchera  de 
les  retenir  et  de  les  soumettre  par  une  autorité  qu'ils  ne 
peuvent  contredire ,  celle  des  prophètes ,  et  il  leur  prouvera , 
par  cette  autorité  même ,  que  Dieu  s'est  fait  homme ,  quod 
maxime  exosiun  habent ,  ajoute-t-il,  ce  que  les  Juifs  dé- 
testent le  plus. 

Dans  le  paragraphe  suivant,  l'auteur  va  chercher  dans  la 
Genèse  des  preuves  de  la  trinité,  de  la  divinité  du  Saint- 
Esprit,  de  sa  procession  du  Père  et  du  Fils;  il  discute  égale- 
ment et  cite   à  l'appui  de  son  opinion  quelques  passages 
d'Isaïe,  de  Job,  de  Jérémie,  des  psaumes,  du  livre   de  la 
Sagesse ,  de  celui  des  Proverbes,  de  quelques  autres  livres  de 
l'Écriture.  11  passe  ensuite  aux  lois  hébraïques  relatives  au     N.ii,p.i5i5 
sabbat  :  l'observance  du  septième  jour  lui  semble  contraire  à  ^'  *"'''■ 
la  volonté  divine;   Moïse  n'y  annonce-t-il  pas  que  Dieu  ac- 
complit ce  jour-là  son  ouvrage,  et  se  reposa  ensuite?  Dieu 
acheva  ce  qu'il  avait  commencé  :  il  travailla  donc ,  il  travailla 
pour  consommer  ce  qu'il  n'avait  pu  consommer  la  veille. 
Maintenant  savez -vous  à  quelle  heure  il  cessa  .i^  A  la  neu- 
vième .-^  Mais  vous  commencez  auparavant  le  sabbat;  et  en 
le  commençant  dès  l'aurore,  c|ue  faites-vous  de  l'espace  pen- 
dant lequel  fut  terminée  l'œuvre  entreprise  par  le  Seigneur? 
A  minuit,  dites-vous  :  quoi  de  plus  ridicule!  est-ce  que  Dieu 
craignait  de  n'en  avoir  pas  assez  du  jour  ?  Mais  l'Exode  dit  :  Chap.  20,  v.  2. 
Souvenez-vous  de  sanctifier  le  sabbat.  Il  est  vrai  qu'on  devait 
d'abord  le  célébrer  en  offrant  des  victimes  ;  mais  Isaïe  est      Voir  le   i" 
témoin  que,  de  son  temps,  ce  n'était  plus  une  obligation  *^'-  '^ '!;'"!''  *' 
religieuse;  que  cette  otirande  même  était  repoussee.  vJuel  ^  j, 
fruit  me  l'evicnt-il  de  tous  vos  sacrifices,  fixit-il  dire  au  Sei- 
gneur? Ai-je  besoin  du  sang  des  boucs  et  des  génisses?  Jéhova 
nomme  des  fêtes  qu'il  ne  veut  plus,  et  le  sabbat  est  du  nombre 
de  celles  qu'il  désigne. 

L'enfantement  de  la  Vierge  est  prédit  dans  la  Genèse.  Le 
Christ  est  cette  race  d'Abraham  dans  laquelle  toutes  les 
nations  seront  bénies.  Dieu  n'a  pu  se  rendre  visible  que  dans 
la  chair  de  fhomme.  N'est-ce  pas  dans  la  Genèse  qu'on  lit  :  Ç.  î,  ▼•  i5. 
Ipse  conteret  capiit  tuum  (  la  tête  du  serpent)  ?  et  d  où  naîtra 
celui  qui  doit  produire  un  effet  si  salutaire  au  genre  humain? 
Semen  inuUens  erit.  Mulieris  et  non  viri,  remarque  l'auteur  : 
Ergb  id  de  muliere  sine  ■viro prœdictwn  est.  Le  Christ  est  donc 
cette  race  d'Abraham  dans  laquelle  toutes  les  nations  seront 
Tome  XI II.  A  a  a 


370  TRAITÉ  CONTRE  LES  JUIFS. 

XII  SIECLE,   l^enies.  Dieu  n'a  pu  se  rendre  visible  que  dans  la  chair  de 
l'homme. 

Et  cet  enfantement  de  la  Vierge,  que  les  Juifs  ne  veulent  pas 
reconnaître,  n'est-il  pas  annoncé  de  nouveau  dans  ces  pro- 
phètes ,  juifs  eux-mêmes,  honorés  par   les   sectateurs   de 
Moïse,  comme  par  les  chrétiens,  et  dont  les  ouvrages  font 
partie  de  l'ancien  Testament  ?  N'est-ce  pas  là  ce  que  veulent 
c.  3i,  V.  11.    dire  ces  mots  de  Jérémie  :  Faciet  Dominus  quodaam  novum 
super  terrain  ;  fœmina  circumdabit  viriwi  P  Que  signifient 
ces  derniers  mots  en  particulier,  si  ce  n'est,  Virum  totum 
includi  a  fœmina ,  non  ut  solet  amplexu  et  osculo  ,  sed  ita 
circumdari  ut  sit  vir  totus  in  fœinind ,  id  est  masculus  con- 
ceptus  in  utero.  La  naissance  de  l'Enfant-Dieu  n'est-elle  pas 
clairement  exprimée  par  ces  mots  d'un  autre  proplièt»-,  de 
C.  5,v.  2.      Michée,  qui   l'annonce  comme   devant  être  Dominât  or  in 
Israël,  egressus  ah  initio ,  a  diehus  œternitatis  ?  Ne  sont-ce 
pas  là  les  caractères  du  Christ?  Et  en   même  temps  qu'il 
•  est  appelé  par  Michée  dominator  in  Israël,   il  est  appelé 
jer.  3i,22.-  ^,j;.  novus  par  Jéi'éraie,  lustitiœ  doctor  iiar  Joël,  et  Dominus 

Joël, 2,  al.— Is.  T      ••      Vi.  r\    ' 

C.52.-OS.  10,  par  Isaieet  par  Osée.       .    . 

12.  La  naissance  et  la  divinité  du  Christ,  1  abaissement  des 

Israélites,  la  destruction  de  Jérusalem,  la  vocation  des  Gen- 
tils, ont  également  été  prédits  par  les  prophètes.  A  l'autorité 
c.  4,  V.  12.  (le  ceux  que  l'auteur  vient  d'invoquer,  il  joint  celle  d'Amos, 
qu'il  fortifie  encore  par  une  explication  tirée  du  livre  des 

Ps.  84,v.  14.  Psaumes,  et  plusieurs  passages  encore  d'Amos  lui-même 
(  c.  4  •)  V.  I  et  suivans),  de  Baruch  (  c.  3,  v.  3^),  d'Abdias 
(c.  I  ,  V.  1  ) ,  d'Habacuc  (  c.  2 ,  v.  2,  etc.  et  c.  3) ,  de  Jonas  (  c.  i , 
V.  2  ) ,  de  Nahum  (  c.  i ,  v.  1 5  ) ,  et  de  Malachie  (  c.  i ,  v.  10, 
et  c.  3,  V.  1  ).  Il  discute  et  affirme  successivement  toutes  ces 
propositions ,  et  il  répond  pareillement  à  celles-ci  qu'il  pré- 
sente sous  une  forme  interrogative  :  Par  quel  serpent  Eve 
llabac.  c.  3,  fut-cllc  trompée?  Que  faut -il  entendre    par  ce  milieu  des 

"*•  *  ^'  ^-  temps  où  doit  s'accomplir  l'œuvre  du  Seigneur  ,  par  ce  Dieu 

Sophon.  c.  3,  fort  qui  est  au  milieu  de  vous  et  qui  vous  sauvera,  par  les 

V.  17  ;  Nouibi.  soixante-dix  semaines  de  Daniel ,  par  le  temps  où  finira  le 

c.9,v.  2*.     pèche? 

L'auteur  expose  et  réfute  les  diverses  explications  que  les 
Juifs  font  de  1  Ecriture  pour  écarter  ou  combattre  le  sens 
qu'y  trouvent  les  chrétiens,  les  promesses  qu'ils  y  lisent,  et 
1  accomplissement  de  leurs  espérances.  Il  se  jette  quelquefois 
dans  des  interprétations  allégoriques  dont  on  peut  nier  la 


.5i8. 


ROBERT   DE  MELUN.  371 

justesse,  et  par  là  même  toutes  les  conséquences  qu'il  en  tire;    ^'^  SIECLE, 
mais  plus  souvent  il  s'attache  au  sens  littéral ,  et  le  rend 
d'une  manière  avouée  par  les  commentateurs  de  la  Bible,  il 
a  de  l'ordre,  du  mouvement,  et  s'écarte  peu  de  son  sujet. 
Nous  ne  savons  s'il  avait  pour  but  de  répondre  directement 
à  quelque  ouvrage  récemment  publié  contre  la  religion ,  ou 
s'il  cherchait  à  réfuter  en  même  temps  plusieurs  attaques 
dirigées  contre  elle.  Il  emploie  souvent  l'apostrophe  et  l'iro- 
nie ,  et  presse  vivement  ses  adversaires ,  en    opjiosant  sans 
cesse  de  nouveaux  passages  aux  réponses  qu'il  les  suppose 
faire  ,  et  qu'il  qualifie  plus  d'une  fois  de  niaiseries ,  de  fables, 
de  mensonges  :  d'autres  fois  il  assure  que  l'habitude  de  com-      y^j^.  ,^j 
battre  a  rendu  les  Juifs  plus  adroits,  plus  circonspects,  plus  64,  65  et  -o^ 
prudens  dans  les  moyens  qu'ils  emploient,   dans   les   taits  P-  "^5,  i566 
qu'ils  nient ,  dans  les  explications  qu'ils  donnent.  On  peut  ^'  'yj^  ]g,  ^ 
croire  que  la  langue  hébraïque  ne  lui  était  pas  moins  fami-  u. ,  19,  77,  p. 
lière  que  les  différens  livies  de   l'Écriture  et  les  prophètes  '^'^'  ^523  et 
en  particulier.  ^  ^' 

Dans  le  paragraphe  12  de  ce  Traité,  nous  remarquons  une  p 
phrase  où  l'auteur  renvoie  à  un  autre  ouvrage  qu'il  avait 
précédemment  composé  sur  le  serpent  qui  tenta  Eve.  Dieu 
n'a  pas  fait,  dit-il,  de  créature  plus  rusée  :  en  perdant  la 
félicité,  elle  n'a  pas  perdu  la  suîitilité  de  sa  nature  :  Etsi 
felicitatem  perdidit ,  non  tamen  natiirœ  suhtilitateni  amisit , 
de  cujiis  dolis  et  iiwidiâ^  continue-t-il ,  in  prœcedenti  trac- 
tatu  locuti  sumus.  Dolis  et  invidiâ  pourraient  faire  croire  que 
c'était  aussi  un  traité  contre   les  Juifs.  P. 


ROBERT  DE  MELUN, 

ÉVÊQUE  D'HÉREFORD, 
ET   GILBERT  FOLIOTH. 

rVoBERT,  né  en  Angleterre,  dit  Jean  de  Sarisbéri,  fut  sur-      Metaiog.  lib. 
nommé  de  Mehm,  à  cause  des  leçons   qu'il  avait  données  "><=»°- 
dans  cette  ville  :    Cognomen  meruit  scholarum   regimine  ; 

^  Aaa  a 


372  ROBERT  DE  MELUN. 

XII  SIECLE.    ans;Iigena  enim  erat.  Il  avait  d'abord  enseigné  à  Paris;  maïs 
les  professeurs  s  étant  multipliés  à  tel  point  dans  cette  Capi- 
tale, qu'ils  commençaient  k   s'y  gêner  l'un  l'autre,  l'Univer- 
Hîst.  Tniv.  site  leur  permit,  dit  du  Boulay,  d'établir   quelques  écoles 
Pans.  t.  II,  p.  j^j^^  j^g  lieux  voisins,  et  Robert  fut  l'un  de  ceux  qui  usèrent 
^  '*'  de  cette  jjermission.  Il  avait  eu  pour  maître  Abailard  ;  il  eut 

pour  disciples  Thomas  Becket,  Jean  de  Cornouailles ,  Jean 
Ep.  ad  Tlio-  de  Savisbéri.  Ce  dernier  loue  le  désintéressement  de  Robert, 
mam  Caiiiuar.  g^j^  activité,  ct  Ics  lumières  philosophiques  qu'il  répandait 
'"'■*T  l'b  l°'"r  sur  la  théologie  :  In  dwiins  Utteris ,  eminentioiis  piiilosophice 
i6i.-Mctaiog.  assccutus  est  glonam.  Jean  de  Cornouailles  rend  hommage 
lib.  ii,c.  10.      Jj  la  pvircté  de  la  doctrine  de  Robert  de  Melun;  il  l'associe 
Aiîxandr!^in'!  »  Mauricc  de   Sulli ,  pour  le  distinguer  entre  les  docteurs 
apud.  Biartene!  de    cette    époquc ,  comme    invariablement   oi^thodoxe  ,    et 
Thesaiir.anecd.  n'ayant  jamais  rien  enseigné  qui  sentît  de  près  ou  de  loin 
t,v,p.  i66y.     j'i^^j.^gjg   jg   n'ai  pas  lu   leurs  écrits,  ajoute-t-il,  mais  j'ai 
assisté  à  leurs  leçons,  à  leurs  thèses  sur  l'Incarnation  et 
sur  d'autres  matières  ;  ils   réfutaient   victorieusement    cer- 
taines opinions   de  Pierre  Lombard.  Robert  appartenait  à 
la  secte  des  réalistes ,  il  en  fut  même  un  des  coryphées ,  et 
Le  Beuf ,  l'on  donnait  à  ses  disciples  le  nom  de  Robertins.  Après  avoir 
Dissortai.    sur  séjourné  ciî  France  environ  trente  ans,  entre  i  i3o  et  11 60, 
l."ii','  p!  ^255  \  il  rei^assa  en  Angleterre,  et  fut  élu  évêque  d'Héreford  en  1 163, 
a56,'259.       '  après  Gilbert  Folioth  {a).  Il  était  alors  d'un  âge  avancé ,  ^m/z- 
Adann.  Ti63.  dœ'.'us ,  dit  Robert  du  Mont.  Il  mourut  en  1 167,  le  28  février; 
—  Du  Boulay,  ç|.  g'il  e&t  vrai  que  son  successeur,  Robert  Folioth,  n'ait  été 

î^irt  II ""^  324    no™i"^  qu'en    11 74-,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans  certaines 
us,  .    ,p.  2  .  ç|_^j,^j^jj.j^gg^  jl  f^m  qug  le  siège  d'Héreford  ait  vaqué  durant 

plusieurs  années  ;  car  on  ne  saurait  faire  vivre  Robert  de 

IMclun  au-delà  de   1167,  sans  contredii'e  tes  plus  anciens  et 

Ann.  Eccles.  les   plus    croyables  témoignages.  Cette   succession  de  trois 

•\Vigorn.  etc.  in  ^y^q^es  d'Hercford ,  dont  le  premier  et  le  troisième  s'ap- 

'tAfi\oi"n(i\  pèlent  Folioth,  le  second  et  le  dernier  Robert,  a  donné  lieu 

649.  —  Alford, 

Godw'în' ep^sc^  (")  Gilbert  Folioth  naquit  et  mourut  en  Angleterre,  et  Ton  ne  connaît 
Hereford.  ad  aucune  circonstance  de  sa  vie  qui  puisse  autoriser  à  lui  donner  une  place 
ann.  J167.  dans  IHistoire  littéraire  de  la  France.  Il  fut  évèque  d'Héreford ,  puis  de 

Londres,  et  décéda  le  18  féwier  1187.  Voici  les  titres  des  ouvrages  qu'on 
lui  attribue  :  Homiliœ  9  de  laudibus  Pétri  et  Pauli.  (Bibl.  Reg.  angl.  p.  ij, 
n.  XXXII.)  —  Super  executione  mandati  AJexandri  III  el  Pro  causa  Hert- 
rici  II  ad  Alex.  III.  (Simon,  Bibl.  du  Droit,  t.  II,  p.  11 3.)  —  Expositio 
cantici  co/j^/c.  Londini ,  i638,  in-4°.  (Crovœus,  de  Scrii>tor.  in  Sacr. 
Script,  p.  i54.  Lipen.  Bibl.  Theolog.  t.  I,p.  221.  Ribl.  Heins,  paît.  I,  p.  38. 


med.  et  inf.  lat. 
in-A". 
conim. 
Eccl. 


ROBERT   DE  MELUN.  SyS 

a  des  méprises.   Rouillard ,  Pits,  Vossius,  Faîjricius,  Oudin    xn  SIECLE. 

lui-même,  les  ont  diversement  confondus.  On  a  sur- tout      Hist.  de  Me- 

appliqué  fort  souvent  à  notre  Robert  le  surnom  de  Filiok  lun,p.  336. 

ou  de  Folioth  :  il  ne  doit  être  surnommé  (jue  Melidunen-      "^'oss.  de  his- 

sis,  de  Meliditno ,  de  Melun  ;  et  nous  croyons  que  ce  n'est  ub.' ii  c'! '5""* 

là  ni  le  nom  de  sa  famille,  qui,  d'ailleurs,  pouvait  être  ori-      Fabr.   Bihi. 

ginairement  française,  ni  le  nom  du  lieu  de  sa  naissance  "led.  etir"' 

en  Angleterre,  comme  l'a  supposé  Baluze,  mais  un  simple    oùd]n,ci 

monument  de  ses  fonctions  de  professeur  à  Melun  près  de  de  Script. 

Paris,  ainsi  que  nous  l'apprend  Jean  de  Sarisbéri,  son  con-  *•  ^J'  p-  "'t^i- 

•       /  1  ••   1  ^  1454,  etc. 

temporani  et  son  disciple. 

Quand  Vossius  dit  que  Robert  de  Melun  a  fait  un  livre 
d'extraits  de  la  Chronique  de  Marianus  Scotus,  Vossius  ou- 
blie qu'il  a  déjà  indiqué  ce  même  livre  comme  rédigé  par      DeHisioricis 
Robert  P"",  évêque  d'Héreford ,  décédé  en   1096.  C'est  aussi  latinis,  liv.  11, 
mal-à-propos  que  du  Boulay  attribue  à  Robert  de  Melun  un  ^'  '^^j^^    -^^^^ 
pénitciitiei  manuscrit,  jadis  conservé  à  Saint- Victor,  et  qui  Paris,  t.  11,  p! 
portait  à  la  vérité  le  nom  d'un  maître  Robert,  mais  qu'on  54a. 
a  reconnu  pour  l'ouvrage  de  Robert  de  Flamesbure,  victo- 
rin  du  XIV  siècle. 

Une  lettre  de  l'évêque  d'Héreford  à  Suger,  imprimée  dans 
les  Collections  des  Historiens  de  France,  n'est  point  de  Duclipsne  , 
Robert  de  Melun  ,  mais  d'un  de  ses  prédécesseurs.  Les  ou-  Scnpt.Rer.Cai- 
vrages  manuscrits  de  Robert  ont  été  cités  sous  les  titres  de  — Rec.drsHi's't. 
Livre  des  Sentences ,  de  Traité  de  l'Incarnation  et  de  Somme  de  Fr.  t.  xv, 
Théologique.  Ce  dernier  titre  doit  être  considéré  comme  P"^^^" 
renfermant  les  deux  autres,  qui  n'indiquent  réellement  que  d'Angleterre™; 
des  parties  d'un  seul  et  même  ouvrage.  Cette  Somme  n'est  mss.  de  s.-vic- 
connue  du  public  que  par  le  compte  qu'en  a  rendu  Casimir  '"''''  Mpntfau- 
Oudin  ,  par  les  longs  extraits  qu'en  a  donnés  du  Boulay,  bUothec.  mss! 
et  par  les  cinq  fragmens  qu'en  a  transcrits  dom  Mathoud  t.i,p.  639;  t. 
dans  ses  notes  sur  Robert  Pullus.  ^^'  piÎ75  — 

Dans  le  premier  de  ces  rragmens,  il  est  question  de  savoir  des  Dunes  ;San- 

der.  Bibl.  mss. 

Belg.  p.  167, 
Biblioth.  Baluz.  t.l,  p.  147.)  —  Une  lettre  de  Gilbert  Folioth.  à  Alex.  III,  169.  —  Variœ 
sur  l'affaire  de  Thomas  Becket ,  se  lit  p.  6'6  — 68  du  loni.  Il  des  Conciles  disputation.  ad 
d'Angleterre,  de  Spelman  :  là  se  trouvent  aussi ,  p.  68  — pS,  plusieurs  opéra  Martini 
lettres  adressées  à  Gilbert  Folioth ,  et   relatives  à  la  même  affaire.  V.  les  Grandini  adjec- 


-36o.  —  Centur.  Magdeb.  Centur.  XII ,  cap.  lo  ,  p,  1572. —  Pagi ,  ad  ann.   8^24. 
1167,  n.  i5,  etc. 


374  ROBERT   DE  MELUN. 

XII  SIECLE,  si  le  Saiut-Esprit  doit  être  appelé  principe  de  principe  , 
Observât. ad  ptiiicipiuiu  de  pHucipio ;  l'auteur  veut  que  Ion  s'abstienne 
Robertum  Pul-  de  cette  manière  de  parler,  parce  qu'elle  n'est  point  usitée  : 
lum  ,  p.  296,  ijgng  dîctinon  invenitiir.  Il  est  prouvé,  par  le  second  Irag- 
^/L/.  p.  3ii.  ment,  que  lame  et  la  chair  sont  dans  l'homme  vivant  une 
.'  seule  personne,  et  cependant  deux  substances  distinctes  et 

■,..^^"^:  ''"  ^^^'  divisibles.  Dans  le  troisième ,  Robert  de   Melun  répond   à 
oae,  33i.  ç^^xxx  qui .^  s'eii  tenant  à  dire,  le  Verbe  s'est  fait  chair,  n'ad- 

mettaient point  dame  humaine  en  Jésus-Christ  :  cette  ame 
est  si  peu  superflue,  qu'elle  est,  selon  saint  Augustin,  le 
lien  entre  le  Verbe  et  la  chair  :  d'oii  Robert  conclut  qu'il 
laut  croire  que  le  Verbe  s'est  revêtu  et  d'une  chair  et  d'une 
r.  335-".  16.  arae.  Il  examine,  dans  le  quatrième  fragment,  si  Dieu  le 
Père  peut  quelque  chose  dimpossil^le  à  Dieu  le  Fils  :  le 
Père,  disaient  quelques  docteurs,  peut  engendrer  le  Fils,  ce 
qu'assurément  le  Fils  ne  peut  pas;  mais  ce  n'est  point  là,  dit 
notre  auteur,  une  puissance  proprement  dite;  ce  n'est  que 
le  caractère  essentiel  de  la  paternité  :  les  pouvoirs  réels ,  et 
distincts  de  ce  qui  constitue  la  personne,  sont  égaux  dans  le 
p.  3.',i-342.  Père  et  dans  le  Fils.  Le  cinquième  fragment  nous  apprend 
ce  que  nous  devons  entendre  par  le  sein  d'Abraham  ;  ce 
n'est  pas  un  lieu ,  mais  une  récompense ,  celle  dont  jouit  le 
père  des  croyans. 
Hist.  Univers.  Du  Boulay  a  publié  quarante-trois  pages  in-folio  d'extraits 
k"'*/.!^^'  ^"  ^^^  traités  de  Robert  de  Melun  sur  la  Trinité,  sur  la  sagesse 
de  Dieu,  et  sur  l'Incarnation.  La  sagesse  de  Dieu  comprend 
science,  prescience,  providence,  disposition  et  prédestina- 
tion. La  prescience  ne  détruit  pas  plus  la  liberté  des  choses 
futures ,  que  le  souvenir  celle  des  choses  passées  :  Quemad- 
modiun  inemoiia  ad  res  prœteritas  se  habet ,  ità  prœscientia 
Dei  ad  futuras.  Y  a-t-il  deux  sciences  en  Jésus-Christ,  celle 
de  Dieu  et  celle  de  l'homme.''  L'homme  en  Jésus- Christ, 
homo  assumptus ,  sait-il  tout  ce  que  sait  le  Verbe  incarné , 
Verhiim  assumens?  La  chair  du  Christ  a -t- elle  été,  dans 
Adam,  sujette  à  la  tache  originelle  ?  Robert  fait  à  ces  trois 
questions  des  réponses  affirmatives,  en  observant  toutefois 
sur  la  dernière ,  que  le  Verbe  a  purifié  la  chair  dont  il  s'est 
revêtu  :  ^ssumendo  mundavit ,  niundando  assumpsit.  On 
trouve  ici  beaucoup  d'autres  recherches  théologiques  ,  par 
exemple,  sur  l'obombration  qu'éprouva  Marie,  sur  la  fonc- 
tion remplie  par  le  Saint-Esprit  dans  l'Incarnation  du  Verbe; 
sur  la  manière  dont  la  divinité  resta  unie  au  corps  de  Jésus 


585-6aiJ. 


ROBERT  DE   MELUN.  SyS 

durant  les  trois  jours  où  ce  corps  demeura  inanimé  et  en-    ^^  SIECLE, 
seveli.  ~ 

Du  Boulay  a  rédigé  ces  extraits  de  telle  manière,  qu'on 
ne  sait  le  plus  souvent  s'il  transcrit,  ou  s'il  abrège,  ou  s'il 
commente  :  on  ne  saurait  y  prendre,  avec  quelque  confiance, 
une  idée  du  style  de  Robert  de  Melun ,  ni  même  du  plan  gé- 
néral de  sa  Somme  de  théologie;  mais  ce  plan  a  été  indiqué 
tant  par  du  Boulay  lui-même  dans  un  autre  endroit  du  tome 
second  de  son   Histoire  de   l'Université,  que  par  Casimir    p.  772,77^. 
Oudin ,  qui   paraît  avoir  lait  q;uelque  étude  de  ce  volumi-      Comment,  de 
neux  manuscrit. L'ouvrage  est  divisé  en  cinq  parties;  la  cin-  Scnpt.    eccies. 
quième  sur  l'Incarnation,  la  quatrième  sur  1  Homme,  la  troi-  ,'453'.^''       *' 
sième  sur  les  Anges,  la  seconde  sur  un  seul  Dieu  en  trois 
personnes  {de  Deo  uno  et  trind).  La  première,  qui  contient 
des  cjuestions  sur  la  Bible  et  d'autres  généralités ,  pourrait 
porter  le  nom  de  Prolégomènes;  et  c'est  l'idée  qu'en  donne 
du  Bovday ,  qui  ne  compte  que  quatre  parties  principales  ou 
essentielles  dans  cette  Somme.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  Prolé- 
gomènes   nommés    piemier   livre    ou   première   partie   par 
Oudin,  sont  eux-mêmes  précédés  d'un  prologue  sur  les  cinq 
motifs  divers  qui  portent  les  hommes  à  rechercher  la  vérité: 
De  qidnque  stiidiis  cognoscendœ  ventatis ;  ces  motifs  sont  la      Du  Boulay, 
curiosité,  la  cupidité,  l'iniquité,  la  vanité,  et  la  piété  :  on  '^"^- p- 264. 
étudie  pour  être  savant  ou  pour  le  paraître  ,  pour  gagner 
de  l'argent,  pour  nuire  aux  autres  ou  pour  se  sauver  soi- 
même.  Robert  appelle  ce    dernier  motif  Stadiwn  coiisum- 
mationis ,  le  désir  de  l'éternelle  félicité. 

Du  Boulay  prétend  que  Robert  de  Melun,  quoique  péri-  •» 

patéticien,  méprisa  toujours  les   questions  inutiles;  que  sa 
philosophie  repose  sur  de  solides  fondemens  ;  que  sou  élé- 
gance ,  sa  pureté ,  sa  latinité  feront  à  jamais  honte  à  ceux 
qui,  venus  après  lui,  ayant  sovis  les  yeux  un  si  beau  mo- 
aèle,  ont  répandu  tant  de  barbarie  sur  les  matières  philo- 
sophiques et  théologiques.  Ces  éloges  ne  sont  pas  très-com- 
plètement justifiés  par   les  extraits  de  du  Boulay  ,  extraits 
qu'Oudin  trouve  longs  et   fastidieux,    ad  nauseam   usquè.      Comment.de 
Le  même  Oudin  cependant  approuvait  fort  le  projet  conçu  Script,    eccies. 
par  le  victorin   Boet,  d'imprimer  et  donner  au  puljlic   la  *•  ^^'t^'  '^'^^' 
Somme  toute  entière   de  Robert  de  Melun.  Dom  Mathoud      ïhici.  lin.  29 
s'était  proposé    la  même  entreprise,  et  n'y  avait  renoncé  •"'    ^"- .  9?".* 
qu'en  apprenant  qu'elle  occupait  les  Victorins.  En  sa  aua-  '"'*'''  digntssi- 
lite  d  éditeur  de   Robert  Pullus  ,  dom   Mathoud  déclare  la  sum  est. 


376       BERNARD  ET  THIERRI,  PROFESSEURS. 

xir  SIECLE.    Somme  de  celui-ci  bien  plus  e'rudite ,  eruditione  refertam  , 

Obseiv.  ad  Que  ccUe  de  1  evèque  d'Héietord ;  mais  il  ne  peut  s'empêcher 

Rob.  Puilum ,  de  reconnaître  dans  ce  dernier  un  théologien  fort  subtil, 

^'  '^'^  '  suhtilein;  et  ce  mot  sans  doute  doit  être  pris  ici  dans  une 

acception  plus  étendue  et  plus  favorable  que  celle  qu'il  a 

communément.  D. 


BERNARD   ET  THIERRI, 

FRÈRES,  PROFESSEURS  A  PARIS. 
RECHERCHES  SUR  LEUR  VIE  ET  LEURS  ÉCRITS. 


DeGest.rred.  Ijernard  ET  Thierri ,  SOU  frère  ,  étaient  Bretons,  selon  le 
lib.  I,  cap.  47.    témoignage  d'Othon  de  Frisingue ,  qui  avait  pu  les  connaître 
à  Paris  dans  les  écoles.  Il  parle  d'eux  à  l'occasion  de  Pierre 
Abailard,   qui  était  de  la  même  province,  pays,  dit-il,  fer- 
tile en  clercs  d'un  esprit  subtil ,  et  appliqués  aux  sciences  , 
mais  tout-à-fait   ineptes  à  toute  autre  sorte  d'affaires.  Tels 
furent  les  deux  très-savans  frères  Bernard  et  Thierri.  Est 
enim  prœdicta  tenu  clericorum  ,  acuta  ingénia  et  artihus 
appîicata  hahentiuni ,  sed  ad  alia  negotia  penè  stolidorum 
ferax,  quales  fueriint  duo  fratres  Bernardus  et  Tlieodericus , 
viri  doctissi?}ii.  Othon   donne  assez  à  entendre  par-là  que 
leur  talent  se  bornait  à  parler  avec  facilité  en  public;  car, 
du  reste ,  ils  n'ont  laissé  presque  aucun  monument  de  leur 
génie. 
Rob.deMon-       Bernard  est  sans  doute  le  même  que  maître  Bernard, 
te,adan.  iiSg.  bi^etou ,  qui,  de  chanceher  de  l'église  de  Chartres,  fut  fait 
évêque  de  Quimper  Tan   1109.  La  qualité  de  martre,  que 
lui  donne  ici  Robert  du  Mont,  ne  permet  pas  de  douter 
qu'il  n'ait  professé  les  sciences ,  et  qu'il  n'ait  eu  une  école  soit 
Mabill.  Ann.  à  Paris,  soit  à  Chartres.  L'an   iibi  ,  il  fut  un  des  arbitres 
t.  v,p.  96.        pour   l'accommodement  d'un   procès  entre  le  chapitre   de 
l'église  de  Nantes  et  les  moines  de  Quimperlé.  Il  mourut 
l'an  1 167  ,  selon  la  chronique  de  Quimperlé;  le  2  août,  selon 
l'obituaire  de  Landevenec.  On  lui  donne,  dans  l'ancien  Gal- 
lia  Christiana ,  le  surnom  de  Moellan ,  et  dans  IHistoii'e  de 


BERNARD  ET  THIERRI,  PROFESSEURS.       877     - 

Bretagne,  de  Moelan ,   sans  appuyer  ce  surnom  d'aucune    xn  sif.cle. 
preuve.  Ce  n'est  peut-être  qu'une  faute  d'impression;  mais  ce  ~ 
que  nous  venons  de  recueillir  des  circonstances  de  sa  vie  suf- 
fit pour  le  distinguer  d'un  autre  Bernard  de  Chartres .  sur- 
nommé Syhestris,  qui  mourut ,  comme  on  l'a  dit  précédem-       Hist.    Liit. 
ment,dansrexei'cicedeprofesseur,verslemilieuduXIFsiècle.  ^'  ^^^'  P"  ^^^ 
Thierri  nous  est  plus  connu  que  son  frère.  Jean  de  Salis-      Métal,  lib.  11, 
buri  dit  qu'il  avait  pris  dans  son  école  à  Paris  quelque  tein-  '^^i'-  '"• 
ture  de  la  rhétorique.  Ce  dut  être  vers  l'an  1 136 ,  époque  où 
ce  jeinie  anglais  vint  perfectionner  ses  études  en   France,      ihid.  \\h.  i, 
Thierri  était ,  selon  lui ,  un  homme  fort  appliqué  à  l'étude  "P*  ^• 
des  beaux  arts  :  magister  Theodoricus  artiuni  studiosissimus 
im'estigator.  Il  enseigna  ensuite  la  dialectique ,  et  fut  accusé 
de  témoigner  beaucoup  de  mépris  des  Topiques  d'Aristote; 
mais  je  me  souviens,  dit  encore  Jean  de  Sàlisburi ,  que  c'était      ibùi.  lib.  iv, 
des  Topiques  de  Progon  de  Troyes ,  et  non  des  Topiques  '^''P-  ^^• 
d'Aristote  qu'il  se  moquait  ;  il  est  pourtant  vrai  qu'il  les  avait 
enseignés  autrefois  :  Eadem  tanieii  qiiandoque  docuit.  Nous 
ne  serions  pas  éloignés  de  croire  qu'il  est  ce  Terriens  qui , 
au  concile  de  Soissons  de  l'an  i  lai  ,  prit  la  défense  d'Abai- 
lard ,  son  compatriote.  On  examinait  la  doctrine  d'Abailard      Abael.  epist. 
sur  la  trinité  des  personnes  en  Dieu  ,  savoir ,  s'il  fallait  dire  '  '  "^^p-  '"■ 
que  ce  sont  trois  êtres  tout-puissans  ou  un  seul  tout-puissant. 
Le    légat  Conon  avait  avancé  inconsidérément  qu'il  fallait 
admettre  trois  tout-puissans.  Alors  Terrique,  d'après  le  sym- 
bole de  S.  Athanase ,  s'écria  :  Et  tamen  non  très  omnipoten- 
tes,  sed  unus  omnipotens.  C'est  Abailard  qui  raconte  ce  fait. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  cette«>  anecdote ,  il  est  certain  que 
Thierri  assista  l'an  i  i4H  au  concile  de  Reims,  assemblé  pour 
proscrire  les  erreurs  de  Gilbert  de  la   Porrée,  évêque  de 
Poitiers,  et  les  folies  d'un  autre  de  ses  compatriotes,  appelé 
Eon  de  l'Etoile,  qui,  par  une  mauvaise  allusion  à  son  nom, 
croyait  bonnement  qu'il  était  celui  qui  tloit  venir  juger  les 
vivans  et  les  morts.  D.  Mabillon  nous  a  donné,  sur  un  ma-      Mab.  Annal. 
nuscrit  du  cardinal  Ottoboni ,  la  liste  des  théologiens  qui  '-^1.^01.435. 
assistèrent  à  ce  concile,  et  l'on  remarque  parmi  eux  un  Theo- 
dorieus  Carnotensis ,  qui  vraisemblablement  occupait  alors, 
comme  son  frère,  quelque  dignité  ou  prébeade  dans  cette 
église;  mais  nous  ignorons  quel  rôle  joua, Thierri  dans  cette 
assemblée.  Il  paraît  que  ce  fut  à  l'occasion  de  ce  concile  qu'il 
parvint  à  la  connaissance  d'Albéron,  archevêque  de  Trêves. 
Baldric,  qui  a  écrit  la  vie  de  ce  prélat,  nous  apprend  que,      Bouquet ,  t. 
Tome  XIII.  Bbb  XIV,  p.  36o. 


'4 


378       BERNARD  ET  THIERRI,  PROFESSEURS. 

XII  SIECLE,  yers  le  même  temps ,  Thierri  fut  appelé  dans  les  états  de  ce 
prince ,  avec  Gerland  de  Besançon  ,  deux  savans  les  plus 
distingués  de  son  temps  :  Magistrum  Jatiandum  Bisuntinwn 
et  magistrum  Theoclericum  Carnotensem  ,  famâ  et  gloriâ 
doctores  nosiri  temporis  excellentissimos ;  qu'Albéron  prenait 
un  singulier  plaisir  à  les  entendre  disputer  sur  les  matières 
Hisi.  Litt.  jg  l'école,  ainsi  qu'il  a  été  dit  à  l'article  de  Gerland.  On  ignore 
'  ^"  ^'  '  ce  que  Thiei-ri  devint  depuis.  On  peut  croire  qu'il  mourut 
avant  son  frère,  et  qu'il  était  peut-être  son  aine,  quoique 
Othon  de  Frisingue  le  nomme  le  dernier. 

Thierri  était  hardi  dans  ses  opinions.  Pour  dire  quelque 
chose  de  neuf  et  d'extraordinaire  (manie  cpii  avait  saisi  tous 
les  professeurs  du  \W  siècle),  il  enseignait  que  Dieu  n'était 
présent  en  tout  lieu  que  par  sa  puissance, /;ofe/2^/'rt/;Ve/',  et 
Spicil.  in-A°,  non  par  son  essence.  Nous  avons  sur  cela  la  lettre  que  lui 
t.  u,  p.  467.  écrivit  Gautier  de  Mortagne ,  pour  lui  témoigner  son  etonne- 
ment,  et  lui  prouver  que  son  opinion  est  absolument  con- 
traire à  lÉcriture  et  à  la  tradition;  mais  nous  n'avons  pas  la 
réponse  que  Thierri  a  dû  lui  faire,  soit  pour  défendre  son 
opinion,  soit  pour  la  réti-acter. 

Abailard  impute  aussi  à  Thierri  et  à  son  frère  des  erreurs 

Martène ,  bien  grossières  ,  s'il  est  vrai  que  c'est  d'eux  qu'il  a  voulu 

Anecd.  tom.  V,  ,^j,j,igj.  Jans   sa  ThcolosTie  chrétienne  ,   lorsqu'il  dit  :  «  Nous 

col.  i3i5.  1  .  1  r  '  •  J  4.  1  1 

«  connaissons  deux  rreres  cjui  se  donnent  pour  de  grands 

«  docteurs,  dont  l'un  accorde  tant  d'efficace  aux  paroles  sacra- 
«  mentelles  ,  qu  il  prétend  qu'elles  ont  leur  effet  dans  la 
«  bouche  de  quiconque  les  prononce,  sans  différence  d'ordre, 
«  d'état  et  de  sexe ,  de  sorte  qu'une  femme  ou  un  laïc  peu- 
«  vent  consacrer  l'eucharistie;  l'autre,  dit- il,  est  si  attaché 
«  aux  opinions  des  anciens  philosophes,  qu'il  soutient  que 
«  Dieu  n'est  pas  plus  ancien  que  le  monde.  3>  La  lettre  de 
Gautjer  de  Mortagne  est  très-propre  à  accréditer  cette  con- 
jecture. Cependant,  comme  Abailard  n'a  pas  jugé  à  propos 
de  nommer  les  deux  frères  Bernard  et  Thierri,  nous  suspen- 
drons notre  jugement. 

Il  parait  que  la  théologie  n'était  pas  le  fait  des  deux  frères 

bretons;  ils  étaient  plus  recommandables  sous  le  rapport  des 

Mctal.  lib.  I,  beaux  arts.  Jean  de  Salisburi  compte  Thierri  parmi  les  bons 

cap.  5.  esprits  qui  s'opposèrent  aux  effoijs  de  ceux  qu'il  appelle  les 

Cornificiens ,  lesquels  ne  tendaient  à  rien  moins  qu'à  anéantir 

Hist.  univ.  toutc  bonne  littérature.  Wood  va  encore  plus  loin;  il  assure 

Oxon.  que  Bernard  et  Thierri  prirent  la  plume  pour  défendre  Jean 


BERNARD  ET  THIERRI,  PROFESSEURS.       879 

de  Salisburi  contre  ses  adversaii'es  ;  mais  il  ne  reste  aucun   X"  SiECLt. 
vestige  de  leur  travail ,  s'il  est  vrai  qu'ils  aient  écrit. 

La  Bibliothèque  impériale,  n°  358  j,  conserve  de  Thierri 
un  ouvrage  manuscrit  qui  a  pour  titre  :  Magistvi  Thcoderici 
de  sex  dieritm  operihus  libri  duo.  C'est  une  explication  de 
l'ouvrage  des  Six  jours  ou  <de  la  Création  du  monde;  sujet 
qui ,  depuis  que  le  montle  existe ,  a  été  traité  tant  de  lois  et 
de  tant  de  manières  différentes  par  les  savans  de  tous  les 
siècles  ;  mais  Thierri  prétend  l'expliquer  philosophiquement 
et  par  des  raisons  purement  physiques  ,  en  prenant  à  la 
lettre  le  texte  de  Moïse  dans  la  Genèse. 

Voici  l'idée  que  nous  donne  de  cet  ouvrage  celui  qui  nous 
a  conservé  ce  manuscrit,  qui  est  peut-être  unique  dans  le 
monde.  Cet  anonyme  vivait  à  la  tin  du  XIP  siècle  ou  au 
commencement  du  XIIP,  à  en  juger  par  l'écriture  du  ma- 
nuscrit ,  qui  même  ne  paraît  pas  avoir  été  l'autographe.  Vou- 
lant faire  un  présent  à  une  dame  qu'il  ne  nomme  pas,  et  qu'il 
ne  désigne  par  aucune  quaMté,  mais  dont  il  loue  beaucoup 
la  science  et  l'amour  des  lettres,  qui  l'ont  rendue  célèbi-e 
dans  toute  l'Europe,  il  n'a  rien  trouvé  de  mieux  à  lui  offrir 
que  le  livre  de  maître  Thierri  sur  l'ouvrage  des  Six  jours  : 
livre  que  Rome  a  déjà  placé,  dit-il ,  dans  ses  archives.  C'est, 
selon  lui,  un  chef-d'œuvre  de  philosophie  du  plus  grand  des 
philnsophes  de  son  temps,  dans  lequel  il  explique,  par  des 
raisons  purement  physiques ,  par  quels  procédés  la  divine 
intelligence  a  tout  produit  d'une  matière  informe.  Dlrexi 
itaque  ■vestrce  suhliinitati  libelluin  queni  magister  Theoderi- 
cus ,  magnus  doctor,  de  sex  dieruni  operihus  edidlt ,  quem 
Roma  jani  suis  commisit  archùis  :  in  quo  quantiiin  plùloso- 
phice  contineatur  liquidb  appavet ,  citin  ipso,  ut  pote  totius 
Europœ philosophoruni prœcipuus,  qualitcr  exemplaris forma 
in  materid  operans  cuncta produxerit ,  juxta phjsicas  tantùm 
rationcs  edoceat. 

Quant  à  lui,  s'il  s'est  permis  d'ajouter  à  l'opuscule  de  Thierri 
un  second  traité  de  sa  façon  sur  la  même  matière ,  il  ne  se 
considère  que  comme  un  glaneur  qui  ramasse  les  épis  échap- 
pés à  la  faux  de  ce  vigovireux  moissonneur,  auquel  il  veut 
cju'on  rapporte'  toute  la  gloire  de  son  travail ,  si  l'on  trouve 
qu'il  n'est  pas  sans  quelque  mérite.  Mais,  comme  il  s'est 
proposé  de  concilier  la  plupart  des  opinions  des  philosophes 
avec  la  vérité  des  chrétiens,  il  ne  doute  pas  que  son  travail 
n'ait  quelqT3fe  degré  d'utilité.  Car  c'est  ainsi ,  ajoute-t-il ,  que 

Bbba 


f 


38o       BERNARD  ET  THIERRI,  PROFESSEURS. 

XII  SIECLE,  saint  Augustin  nous  a  appris  qu  il  fallait  agir  avec  nos  enne- 
mis :  leur  dérober  ce  qu'ils  ont  de  bon,  c'est  dépouiller  les 
Egyptiens  pour  enrichir  les  Hébreux  ,  sic  enim  in  Augustino 
me  legisse  recordor  :  philosophorum  sententias  chnstianœ 
'veritati  accomodare  ^  hoc  est  exspoliare  AEgyptios ,  et  ditare 
Hehrceos. .  « 

Les  deux  livres  qui  composent  ce  manuscrit  sont ,  par 
conséquent,  deux  traités  diftérens.  Le  premier  est  l'ouvi'age 
de  Thierri  ;  le  second  appartient  à  l'anonyme  dont  nous 
venons  d'analyser  la  préface ,  mais  celui-ci  est  incomplet ,  le 
manuscrit  étant  mutilé  à  la  fin.  Nous  ne  nous  occvqjcrons 
donc  que  de  l'ouvrage  de  Thierri,  sans  entrer  cependant 
dans  tous  les  développemens  qu'il  donne  à  son  système.  Il 
suffira  de  présenter  le  résumé  que  l'auteur  ^i  a  fait  lui-même 
en  ces  termes  : 

«  Il  suit  de  tout  ce  que  j'ai  exposé ,  dit-il ,  que ,  dès  le 
«  premier  jour,  le  mouvement  de  rotation  imprimé  au  ciel 
«  fit  jaillir  de  la  matière  du  feu  la  lumière  qui  éclaira  la 
«  région  de  l'air;  2°  l'air  échauffé  communiqua  sa  chaleur 
«  aux  eaux  qui  couvraient  la  terre,  et,  au  moyen  des  vapeurs 
«  qu'il  éleva,  fut  formé  ce  qu'il  appelle,  comme  Moïse,  le 
«  firmament  :  ce  fut  l'ouvrage  du  second  jour;  3°  le  firma- 
«  ment  réchauffé  lui-même  par  les  vapeurs  qu'il  contenait, 
«  put  agir  assez  efficacement  sur  le  chaos  des  eaux  et  de  la 
«  terre  pour  les  séparer,  et  pour  donner  la  fécondité  à  la 
«  terre  :  c'est  ainsi  que  l'auteur  explique  l'ouvrage  du  troi- 
«  sième  jour;  4°  des  vapeurs  qui  restaient  suspendues  dans 
«  le  firmament  furent  formés  le  soleil  et  les  étoiles ,  dont 
«  effectivement  Moïse  rapporte  la  création  au  quatrième 
«  jour;  S**  le  mouvement  et  l'influence  des  astres  donna  aux 
«  eaux  la  vertu  de  produire  des  animaux-,  et  des  eaux  cette 
«  vertu  se  communiqua  à  la  terre  [a)  »  :  ce  fut  l'ouvrage  du 
cinquième  et  du  sixième  jour. 

Tel  est  en  substance  le  système  de  notre  physic-en  ;  et, 
quoiqu'il  assure  qu'il  n'y  a  pas  une  autre  manière  d'expliquer 

(rt)  Sic  igitur  cœli  levissimi  et  ultimi ,  et  nuUo  modo  stare  valentis ,  prima 
conversio  illuminavit  aéra.  Aer  verô  illuminatus  calefaciens  aquam  ac 
super  se  suspendens  factus  est  firmamentuin.  Firmamentuui  verô  ex  supe- 
riori  vapore  vim  caloris  in  se  continens,  fecit  aridam  apparere,  et  inde  ad 
fecunditatem  terrœ  inserviit.  Tune  verè  ex  multitudine  aquarum,  ex  calore 
in  ipso  firmamento  suspensà,  stellae  creatœ  sunt.  Ac  sic  ex  motu  et  calore 
«tellariim  generatio  aniinalium  in  aquis  sumpsit  initinm.  Sl^diantibus  verô 


GILBERT,  ABBE  DE  CITEAUX.  38r 

l'œuvre  de  la  création,  il  ne  paraît  pas  que  les  théologiens  y    ^^^  SIECLE, 
aient  trouvé  à  redire.  On  peut  voir,  dans  l'ouvrage  même, 
les  raisonnemens  que  l'auteur  emploie  pour  étayer  ses  sup- 
positions, et  l'on  restera  convaincu  que  la  physique  était  au 
XIP  sièéle  dans  un  état  d'imperfection  inconcevable,  puis- 
que, au  jugement  de  ses  contemporains,  Thierri  était  le  plus 
habile  des  physiciens,  non  seulement  de  la  France,  mais  de 
toute   l'Europe.  Cependant  on  ne  peut  nier  que,  sur  des 
objets  de  détail ,  il  n'y  ait  quelques  observations  fondées  sur 
l'expérience,  ^i  prouvent  que  Thierri  était  un  assez  bon 
observateur  dans  les  choses  qui  étaient  à  sa  portée.  De-là  la' 
grande  réputation  dont  il  jouissait  de  son  temps ,  au  point 
que  les  savans  les  plus  distingués  s'empressaient  de  lui  dédier 
leui'S  ouvrages.  Nous  citerons  Bernard  Syh'estris ,  autre  phi-      ^ist.    littér. 
losophe  qui,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs,  lui  fit  hommage    '       '  P-  *  7- 
de  ^on  Megacosnic  et  de  son  Microcosme ,  et  Rodolphe  de 
Bruges ,  mathématicien ,  qui  ,  ayant  traduit  en  latin ,  vers 
l'an   II 46,  le  Planisphère  de  Ptolomée,  l'adressa  par  une      /i«/.  p.  237. 
préface  à  Thierri  le  platonicien,  son  maître,  qui  sans  doute 
n'est  autre  que  notre  Thierri. 

Il  n'est  pas  vraisemblable. que  Thierri  eût  acquis  autant 
de  célébrité  sans  avoir  produit  quelques  monumens  de  son 
génie.  Cependant  l'ouvrage  dont  nous  venons  de  parler  est 
le  seul  qui ,  à  notre  connaissance ,  ait  échappé  aux  ravages 
du  temps.  B. 


GILBERT,  DIT  LE  GRAND 

ABBÉ  DE  CITEAUX. 


vjiLBERT,  abbé  de  Cîteaux,  était  né  en  Angleterre.  Apres  Hemiq.  PLe- 
avoir  brillé  dans  les  plus  célèbres  écoles  de  sa  patrie  et  de  nixreviviscens, 
la  France,  particuhèrement  à  Toulouse  et  à  Paris,  il  alla  se  ?;^'f  ^^''.-T 

1  j  1  ^  \-,r^  1  -11.  .  1    ,    Menolog.   Cist. 

cacher  dans  le  monastère  dOurcamp,  dont  il  devint  abbe  17  oct. 

aqiiis  ad  terram  usqiiè  pcrvenit  :  et  ultra  hos  niodos  creandi  corpora, 
sive  in  aère  illa  sint,  sive  in  teri à ,  nuUus  modus  reliquiis  esse  poteiat. 
Fol,  4  verso. 


382  GILBERT,  ABBÉ  DE  CITEAUX. 

xn  SIECLE,  en  1143.  Il  commença  en  11 54  la  construction  d'une  église 
ciui  ne  fut  achevée  qu'en  1201.  Fastrècle,  abbé  de  Citeaux, 
étant  mort  en  ii63,  Gilbert  lui  succéda,  et  tint  l'année  sui- 
vante un  chapitre  général  de  son  ordre  ,  où  lurent  laits  des 
Manriq.Ann.  statuts  pour  Ics  chcvaliers  de  Calatrava.  C'était  un  ordre 
Cisterc.adaiiii.  militaire  institué  en  Espagne  depuis  fort  peu  d'années,  et 
lig.'  '^  '  "  composé  de  guerriers  qui  n'avaient  eu  d'abord,  dans  le  mo- 
nastère cistercien  de  Calatrava,  d'autre  existence  Cjue  celle 
de  frères  lais  ou  convers,  mais  qui ,  bientôt  las  de  cette  ma- 
nière d'être,  et  ne  voulant  plus  obéir  à  de  sWiples  moines, 
les  avaient  tous  chassés  de  cette  abbaye,  et  s'étaient  donné 
un  grand  maître  nommé  don  Garcie.  Ce  fut  avec  ce  grand 
maître  cjue  traita  Gilbert  dans  le  chapitre  général  de  1164. 
En  improuvant  les  procédés  militaires  que  les  chevaliers 
avaient  employés  pour  se  constituer,  l'abbé  de  Cîteaux  ne 
contesta  point  la  validité  de  l'élection  de  leur  grand  maitre, 
et  consentit  à  leur  donner  des  réglemens  adaptés  à  leur 
profession  guerrière.  Ces  statuts,  qui  furent  confirmés  par 
le  pape  Alexandre  III,  ont  pu  être  rédigés  par  Gilbert,  mais 
ils  sont  fort  courts ,  et  méritent  bien  peu  d'être  considérés 
comme  une  production  littéraire  :  ils  ont  été  d'ailleurs  mo- 

Ann.Cisterc.    difiés    eU     II 87. 

an.  1187,  c.  4,  Lp  pape  cpie  nous  venons  de  nommer  traita  Gilbert  et  les 
"  Hp^iriq.  Pli-  Cisterciens  avec  une  extrême  bienveillance.  Non-seulement 
vii.ord.Cisterc.  il  les  déclara  propriétaires  incommutables  de  tous  les  biens 
!'•  ^^-  qu'ils  possédaient ,  de  ceux  même  qu'ils  pourraient  acquérir, 

mais  il  leur  accorda  plusieurs  privilèges,  les  exempta  de  la 
juridiction  des  évêques  ,  et   prétendit   les    soustraire   aussi 
à    la  puissance  séculière.  De   son  côté,   le  roi  de  France, 
Louis-le-Jeune ,  honorait  à  tel  point  les  religieux  de  Cîteaux. 
et  leur  abbé,  que  durant  le   chapitre  de  1164,  il  vint  les 
prier  de  demander  à  Dieu  un  héritier  de  sa  couronne.  Un 
lils  lui  naquit  en  effet  l'année  suivante ,  lequel  fut  depuis  le 
roi   Philippe  Auguste. 
Martène  ,       Une  lettre  d'Alexandre  III,  adressée  à  Gilbert  en  11 65, 
Ampliss.   Coll.  ordonne  d'ôter  à  Geoffroi  le  gouvernement  de  l'abbaye  de 
KeaieyideshbL  Clairvaux.  Gilbert  n'obéit  point  à  cet  ordre,  dont  les  mo- 
de Fr.  t.  XV,  tifs  sont  fort  peu  connus;  il  soutint  contre  le  pape,  et  même 
p.  829,830.       contre  Louis  VII,  l'abbé  de  Clairvaux,  qui  pourtant  donna 
sa  démission.  Mais  Gilbert  fut  un  si  zélé  défenseur  de  Tho- 
mas Becket,  cju'il  n'eut  aucun  égard  à  une  lettre  que  le  roi 
d'Angleterre  lui  écrivit  pour  obtenir  que  Thomas  lut  chassé 


GILBERT,  ABBÉ  DE  CITjEAUX.  3^ 

de  l'abbaye  de  Pontigny  où  il  s'était  réfugié  :  Becket  n'eu    xii  siècle. 
fut  expulsé  qu'après  la  mort  de  Gilbert.  Henriquez  et  le  nou- 
veau Gallia  Clirùtiana  llxeiit  la  date  de.  cette  mort  au   ly      T.  iv,p.987, 
octobre  i  i6y.  Il  est  sûr  que  le  17  mai  de  cette  même  année,  988,  991,  992, 
Gilbert  signait  une  convention  avec  le  chapitre  d'Autun;  par     "     'i'"  °- 
conséquent  il  n'est  point  décédé  en  1 166,  quoi  qu'en  disent 
les  anuales  de  Cîteaux.  Jungelin  et  d'autres  auteurs  le  font 
vivre  au  contraire  jusqu'en   1168.  Tous  célèbrent  sa  piété, 
sa  doctrine,  son  savoir  immense  ;  il  a  même  dans  leurs  écrits 
un  surnom  destiné  à  distinguer,  dans  tous  les  genres,  les 
plus  éminens  personnages  :  c'est  Gilbert-le-Grand  que  l'ap- 
pellent les  chroniques,  les  biographes  et  bibliographes.  Mais 
ce  qu'ils  disent  de  sa  science ,  de  ses  ouvrages  et  de  sa  gran- 
deur, vient  sur-tout  de  ce  qu'ils  le  confondent  avec  quel- 
ques autres  Gilbert  de  son  siècle,  et  même  des  siècles  sui- 
vans.  Pitseus,  en   commettant  ces  erreurs,  nous  donne  la    P.  CGi,362. 
liste  suivante  des  productions  littéraires  de  l'abbé  de  Cîteaux.  : 


I 


Coimnentariorwn  in  di9krsos Scripturœ  textus  lihriplures.      Possevin,  in 
2.  In  Psalteriwn.    3.  Distinctiones   theologicœ.  ^'^^rt'  *'  ^' 

4-   Doctorum  Collectanea.  5.   Concionum  tond  i5.  Catal.  mss. 

6.  Pro    Christianis  contra  GentUes  versu  elegiaco.  ang-  P-  l,  n. 

7.  Concioncs  in    oracuhini    Cyrilli  Carmelitœ  grœci.  1869,  187C. 

8.  De  naturis  rerum.  C).  Liher  Epistolanini  ad  diversos.  Hist.  Univ.  ' \.. 
10.  Histona  adinstar  Scropi.  II,ann.  1189, 

p.  525. 

Cette  liste  se  retrouve  dans  les  annales  de  Manrique.  De      Ann.  1166, 
Visch  la  transcrit  aussi,   mais  en  remplaçant  le  Traité  de  c  5,n.  1,2. 
naturis  reri^ni  par  un  livre  intitulé  Quid  sit  monachus.  Phi-  „.  ^^„\  11.%^.^ 
lippe  de  Bergame  dit  que  Gilbert  avait  commenté  en  treize 
livres  les  Epitres  de  saint  Paul,  et  composé  un  ouvrage  sur 
la  Trinité.   Martin  le  Polonais,  eu  parlant  des  chroniques 
dont  il   s'est  servi  pour  rédiger  la  sienne,  en  cite  une  de 
Gilbert ,  Ex  chronicis  Gilberti  de  Gestis  ■Pontifîcwn  et  Inipe- 
ratoriun  ;  et  ce  Gilbeit  serait  l'abbé   d'Ourcamp  et  de.  Cî- 
teaux, s'il  en  fallait  croire  Sandius  et  Hallevord.  En  tout  cas,      V-   Ediard, 
cet  abbé    ne   peut  avoir  écrit  une  chronique  à  Yinsfar  de  Script. ord.pra- 
celle  de  Scropus ,  puisque  Thomas  Scropus  ou  Bradley  est  côi!?!.  '^     ^' 
un  auteur  du  XV *"  siècle,  mort  en  1 491.  On  remarque  parmi      Biw.  Carme- 
,     les  manuscrits  de  Bodley  un  article  intitulé  :  Gilbertus  ahhas  'î'  '•"'P-S^^g- 
Jw/:'^/'  Evangeliwn  Matthœi  ^  et  parmi  ceux  de  la  cathédrale  aii^i.'"p.ir ri- 
de Cambrai,  un  Abrégé  de  Médecine  par  maître  Gilbert,  187?,  4'.- ' 

Posscv.  Calai. 


384  GILBERT,  ABBÉ  DE  CITEAUX. 

XTi  SIECLE,  anglais  ;  Doujat  enfin  cite  un  abbé  Gilbert,  auteur  d'un  re- 
mss.  p.  127.  —  cueil  de  Constitutions  particulières;  mais  aucun  indice  n'au- 
Journ.desSav.  torisc  à  prétendre  que  ces  productions  soient  de  l'abbé  de 
tewr.  1728,  p.  cjtea^ix,  successeur  de»  Fastrède. 

Douj.Prsenot.       Lcs  éci'its  qu'ou  pourrait  lui  attribuer  avec  quelque  fon- 
Canon.  c.  i6,p.  dcment ,  seraient  trois  lettres  à  Louis-le- Jeune  ,  un  sermon 
j  1, 11.  5.         ^  jçg  prélats,  et,  si  l'on  veut,  ces  statuts  de  l'ordre  de  Cala- 
trava  ,  dont  nous  avons  déjà  l'ait  mention.  Le  sermon  à  des 
prélats  se  lit  dans  le  second  tome  des  œuvres  de  saint  Ber- 
P-  745.        nard,  et  y  est  précédé  d'une  note  de  Mabillon,  qui  observe 
que  ce  discours  prononcé  par  un  moine  cistercien  durant 
le  schisme  entre  Alexandre  III  et  Victor ,  pourrait  fort  bien 
être  de  l'abbé  Gislebert.  Ce  n'est  là  d'ailleurs  qu'une  conjec- 
ture, et  le  sermon  ne  consiste  cju'en  réflexions  morales  et 
souvent  mystiques  sur  ce  texte  de  saint  Paul  :  Oinnes  nos 
manifestari  oportet  antè  trihunal  Christi.  Les  tiois  letties 
T.  IV,  P.  670,  à  Louis-le- Jeune ,  publiées  dans  la  collection  de  Duchesne, 

..'?-' -^V'r  '*■  sont  écrites  au  nom  de  Gilbert  et  des  évêques  et  abbés  cis- 
ay  >,  J18,  5ii.  .  ,        .       •  ^  .  .c^ 

terciens  assembles  en  chapitre.  La  troisième  est  une  apo- 
logie de  l'évêque  de  Châlons -sur- Saône ,  contre  lequel  on 
avait  indisposé  le  monarque.  Dans  la  seconde,  il  s'agit  des 
intérêts  de  l'abbaye  de  la  Cour-Dieu,  et  du  préjudice  quelle 
éprouverait,  si  l'on  bâtissait  trop  près  d'elle  un  autre  monas- 
tère  :   Nani   si  tant  prope  domuin  curiœ  Dei  domus  reU- 
ComesRober-  siosofum  fiât ,  pevêmptio  ejus  est.  Le  comte  Robert  est  dé- 
tusfratcrvester,  noncé  daus  la  première  pour  avoir  mangé  de  la  viande  en 
des  maisons  de  l'ordre  de  Cîteaux  :  c'est  un  désordre  que 
les  statuts  défendent  sous   peine  d'excommunication  :  Sub 
excommunicatione  gravi  prohihitimi  ne  quis  in  dwnibus  nos- 
tris  aut  grangiis  hospitatus  comedat  cames.  Ces  trois  épîtres 
sont  fort  courtes  ;  et  quand  l'abbé  Gilliert  les  aurait  en  effet 
rédigées,  ce  qui  n'est  pas  certain,  il  n'y  aurait  pas  de  quoi 
le  placer  au  nombre  des  auteurs.  Pitseus  vante  la  finesse 
Acutiingenii,  de  SOU  esprit,  l'élégaïice  et  la  dignité  de  son  style;  mais  aucun 
stylo    imidus ,  o^iYpagg  authentique   de  Gilbert  ne  justifie  ces  éloges  ;  et 
cl  ailleurs  Pitseus  le  connaît  si  peu,  quil  le   tait  mourir  a 
Du    Cange  Toulouse  en   1280.  Au  reste,  si  Gilbert-le-Grand  a  fort  peu 
commet  les  mê-  jjg  titres  littéraires ,  en  revanche  son  nom  se  trouve  inscrit 
hi'd!  Tuctor. -^  fl^ns  un  catalogue  des  saints  et  des  bienheureux  de  l'ordre 
Frciier   aussi ,  de  Cîtcaux ,  imprimé  à  Paris  en  1 5^6  à  la  suite  du  missel 
1. 1,  p.  77, etc.  jg  pç^  ordre.  On  avait  prétendu,  sur  la  foi  d'une  note  aiou- 
terc  p  3i-        t<-"^  P^ï"  ""  Cistercien,  en   1087,  a  un  ancien  manuscrit  des 


VIE  DE  CHARLEMAGNE,  385 

concordances  de  la  Bible,  conserve  à  Cîteaux,  que  ces  con-    XII  SIECLE. 
cordances   avaient  été  composées  dans  cette    abbaye   vers 
11G6  sous  l'abbé  Gilbert  et  par  ses  ordres;  qu'il  avait  em- 
ployé plus  de  cinquante  religieux  à  aider  le  frère  Hugues 
qui  en  était  le  principal  rédacteur  :  mais  Echard  a  prouvé      Script.  Ord. 
que  ce  Hugues  est  Hugues  de  Saint-Cher ,  et  que  les  plus  Praedic.    t.  i , 
anciennes  concordances  de  la  Bible  sont  dues  aux  Jacobins  ^'  *"''  '  ^" 
de  Paris.  D. 


ANONYME, 

AUTEUR    d'une    vie    DE    l'emPEREUR    CHARLEMAGNE. 

Aux  fêtes  de  Noël  de  l'an   ii65,  l'empereur  d'Allemagne,      Boil.addie™ 
Frédéric  P'",  dit  Barberousse,  autorise  par  l'antipape  Pas-  aSjan.  p.  875. 
chai  qu'il  avait  placé  sur  le  siège  de  Rome,  fit  lever,  pour 
être  exposés  à  la   vénération  publique,  les  restes  de  l'em- 

Sereur  Charlemagne,  qui  depuis  35o  ans  étaient  ensevelis 
ans  l'église  d'Aix-la-Chapelle;  ce  qui  était  alors  la  manière 
de  canoniser  les  saints. 

A  cette  occasion  un  anonyme  composa  une  nouvelle  vie 
de  Charlemagne,  à  laquelle  il  donna  pour  titre  :  Micro- 
logies de  vitâ  Caroli-Magni.  Il  dit  dans  sa  préface  que  la 
mémoire  de  Charlemagne  a  été  célébrée  par  tant  d'éci'ivains 
du  premier  ordre,  qvi'il  y  a  peut-être  de  la  témérité  de  sa 
part  d'entreprendre  un  pareil  ouvrage.  De  là  le  titre  de  Mi- 
crologue  qu'il  a  adopté,  titre  qui  a  été  donné  à  plusieurs 
autres  ouvrages  d'une  nature  différente.  Il  déclare  donc  que 
son  intention  n'est  pas  de  composer  une  vie  entière  de  ce 
prince  ;  il  ne  veut  que  recueillir  des  écrits  antérieurs  ce  qui 
a  rapport  à  ses  vertus  éminentes ,  manifestées  de  son  temps 
par  des  miracles ,  afin  que  l'Empereur  ne  puisse  plus  douter 
de  la  sainteté  de  celui  dont  il  tient  la  place  ,  et  que  les 
peuples  qui  désiraient  ardemment  de  les  connaître,  y  trou- 
vassent leur  édification. 

C'est  ce  qu'il  a  exécuté  en  trois  livres  ou  distinctions  qui 
n'ont  pas  encore  vu  le  jour.  Lambecius  s'est  contenté  d'en     Eihl.  Vindob. 
donner  le  prologue  et  les  sommaires  des  chapitres  qui  sont  t.  il,  p.  329. 
Tome  XI II.  Ccc 


386  VIE  DE  CHARLEMAGNE. 

XII  SIECLE,  au  nombre  de  soixante.  BoUandus ,  outi^e  le  prologue  et  les 
B  „    7  •  j       sommaires,  a  publié  encore  les  trois  derniers  chapitres  de 

BoU.  ibid.  p  '     .  I^      ^  11-1  •        1        K 

890.  1  ouvrage,  qui  renterment  la  relation  des  miracles.  Un  a  né- 

gligé d'imprimer  le  surplus,  parce  que  ce  ne  sont  que  des 
extraits  d'auteurs  contemporains,  et  même  du  faux  Turjiin. 
T. II, p.  106,  ,^u  reste,  l'ouvrage  existait  manuscrit,  selon  la  nouvelle  édi- 
tion de  la  bibliothèque  du  P.  Lelong,  dans  la  bibliothèque 
de  M.  Jardel,  à  Braine  près  Soisscns,  et  il  est  indiqué  dans 
le  catalogue  de  la  bibliothèc^ue  impériale  sous  le  N"  4^95 
A.  et  6187. 
Boii.  ibid.  p.       Bollandus  a  encore  imprimé  ,  d'après  Aubert  le  Mire,  le 

888-890.  diplôme  dans  lequel  Frédéric  Barberousse  lait  l'histoire  des 

honneurs  qui  furent  rendus ,  à  cette  occasion  ,   à  Charle-» 
magne,  et  confirme  les  privilèges  accordés  par  cet  empereur 
à  l'église  d'Aix-la-Chapelle. 

Yolande,  comtesse  de  Saint-Paul ,  qui  vivait  sur  la  fin  du 
XIP siècle,  fit  traduire  en  français  une  vie  de  Charlemacne. 
C'est  ce  qu'atteste  le  président  Fauchet ,  livre  premier  de  la 
Ménage, Dict.  langue  et  poésie  française,  cité  par  Ménage  au  mot  Roman. 
i)m.  i.  ,  p.  ^^  Q^^^  ^j  quelcju'un  pense,  dit  Fauchet,  que  le  roman  ne  fût 
«  cpi'en  ryme,  je  lui  respons  qu'il  y  avait  aussi  des  romans 
«  sans  ryme  et  en  prose;  car  en  la  vie  de  Charles-le-Grand , 
«  mise  en  français  avant  l'an  1200  ,  à  la  requeste  d'Yoland, 
«  comtesse  de  Saint-Paul,  sœur  de  Baudouin,  comte  de 
«  Hainaut,  surnommé  le  Bâtisseur,  au  IV  livre,  l'auteur 
«  dit  ainsi  :  Baudoin,  comte  de  Hainau ,  trouva  à  Sens, 
«  en  Bourgogne ,  la  vie  de  Charlemagne ,  et  mourant  la 
«  donna  à  sa  sœur  Yoland ,  comtesse  de  Saint-Paul ,  qui 
V.  m'a  prie  que  je  la  mette  en  roman  sans  rjme  :  parce 
«  que  tel  se  délitera  el  roman,  qui  del  latin  n'eût  cure, 
«  et  par  le  roman  sera  mielx  gardée.  Maintes  gens  en  ont 
«  ouy  conter  et  chanter  ;  mais  n'est-ce  mensonge  non  ce 
«  qu'ils  en  dient  et  chantent  cil  canteor  ne  cil  jugleor.  Nuz 
«  contes  rymez  n'en  est  vrai,  tôt  est  mensonge  ce  qu'ils 
«  dient ,    etc.  » 

Nous  ne  <.-jnnaissons  cette  traduction  que  par  le  passage 
que  nous  venons  de  citer.  Si  c'était  la  traduction  du  Micro- 
îogue ,  cela  prouverait  combien  cet  ouvrage  fut  goûté  dans 
sa  nouveauté.  TMais  nous  pensons  qu'il  s'agit  là  d'une  tra- 
duction en  prose  du  poète  saxon  cjui  a  écrit  en  cinq  livres 
les  Gestes  de  Charlemagne.  Au  reste  ,  cette  Yolande  n'était 
pas  sœur,  comme  l'a  cru  Fauchet,  de  Baudouin  IV  ou  le 


ANONYMES,  SUR  LES  ALBIGEOIS.      38; 
Bâtisseur,  mort  en   1171  ,  mais  sa  fille.  Elle  était  soeur  de    "^^  SIECLE. 
Baudouin  V,  dit  le  Courageux  ou  le  Magnanime,  qui  mourut 
en  1 1()5.  Ainsi  l'on  voit  à-peu-près  le  temps  où  cette  traduc- 
tion a  pu  être  faite.  B. 


ANONYMES, 

AUTEURS     DE    QUELQUES     MORCEAUX    HISTORIQUES 
'    CONCERNANT    LE    PAYS    ALBIGEOIS. 

I.  Jjaluze  a  publié  sur  un  vieux  parchemin  du  chapitre  de  Baiuze,Misc. 
Sainte-Cécile  dAlbi,  une  notice  historique  de  l'église  Saint-  t.  vi,  p.  431. 
Eugène  de  Vioux  Ç/Je  Viancio  ) ,  à  trois  Ifeues  d'Albi ,  dans 
laquelle  l'auteur  foit  le  récit  de  quelques  événemens  concer- 
nant cette  église,  qui  tïit  d'abord  une  abbaye,  mais  qui,  ayant 
éprouvé  quelques  révolutions  ,  était  tombée ,  comme  tant 
d'autres ,  au  pouvoir  de  personnes  laïques  qui  en  disposaient 
comme  de  leur  bien ,  et  de  leurs  mains  dans  la  dépendance 
du  chapitre  dAlbi.  L'objet  de  l'écrivain  est  d'attaquer  la  pos- 
session des  moines  d'Aurillac  en  Auvergne,  auxqviels  Fro- 
tard,  évêque  d'Albi,  avait  fait  don  du  monastère  de  Vioux: 
selon  l'anonyme,  Frotard  le  leur  avait  vendu  par  une  simonie 
criante,  vers  l'an  1080,  après  en  avoir  chassé  les  chanoines 
qui  l'habitaient,  sous  prétexte  d'y  rétablir  la  régularité.  On 
voit  déjà  que  c'est  ici  le  factwii  d'un  plaideur  qui  cherche  à 
rendre  odieuse  son  adverse  partie;  on  verra  bientôt  que 
les  moyens  qu'il  emploie  ne  peuvent  soutenir  les  regards  de 
la  critique,  et  sont  démentis  par  d'autres  monumens  irré- 
cusables. 

Cet  auteur  n'est  nullement  contemporain  des  événemens 
qu'il  rapporte;  il  vivait  près  de  cent  ans  après,  et  il  ne  cite 
aucun  garant  de  ce  qu'il  avance.  11  est  certain  qu'il  n'a  écrit 
sa  relation  qu'après  le  milieu  du  XIP  siècle  ;  car  il  fait  men- 
tion de  Bertrand,  évêque  d'Albi,  d'heureuse  mémoire,  et 
d'Alfonse,  comte  de  Toulouse,  qu'il  nomme  Aiitifossus , 
comme  n'existant  plus.  Le  premier  mourut  l'an  1126,  et  le 
second  l'an  11 48.  A  la  vérité,  l'auteur  ne  dit  pas  expressé- 
ment qu'Alfonse  fut  déjà  mort;  mais,  comme  en  finissant 

Ccca 


388       ANONYMES,  SUR  LES  ALBIGEOIS. 

xn  SIECLE,  sa  relation,  il  prie  Dieu  qu'il  lui  fasse  miséricorde,  cela  sup- 
pose qu'alors  le  comte  n'était  plus  au  monde.  Ainsi ,  notre 
auteur  ne  peut  avoir  écrit  cju'après  le  milieu  de  ce  siècle,  et 
vraisemblablement  vers  l'an  ii65,  pour  appuyer  la  récla- 
mation que  le  chapitre  d'Albi  porta  au  tribunal  du  pape 
Alexandre  III ,  comme  on  le  voit  par  les  lettres  de  ce  pontife 

t.  IV 'p.^466*'^    données  à  Montpellier    le    i*^''    août    Ii65,  portant   nomi- 
nation   de  commissaires  pour  la  décision    de  cette  affaire. 
Les  auteurs   de   l'histoire  de  Languedoc  ,  qui  ont  donné 
Hist.fîeLang.  dc  cct  écrit  uuc  traductiou  en  notre  langue,  ont  examiné 

t.  II,  p.  519.  toutes  les  circonstances  dont  l'anonyme  accompagne  son  récit, 
pour  mieux  juger  de  la  confiance  qu'il  mérite.  Ils  prouvent 
évidemment  que  cette  histoire  est  pleine  de  contradictions 
et  d'anachronismes  qui  suffisent  pour  montrer  cju'il  n'y  avait 
aucun  fonds  à  faire  sur  cet  auteur.  Il  était,  selon  toutes 
les  apparences,  chanoine  de  l'église  d'Albi,  laquelle  n'avait 
cesse  de  réclamer  la  propriété  de  l'église  de  Vioux ,  depuis 
que  l'évèque  Frotard  en  avait  gratifié  les  moines  d'Aurillac; 
et  c'est  pour  rendre  leur  possession  odieuse  ,  cpi  il  a  accu- 
mulé sur  de  faux  mémoires,  ou  peut-être  de  son  propre 
fonds,  les  accusations  graves  dont  il  charge  et  les  moines 
d'Aurillac  et  l'évèque  Frotard.  Il  est  pourtant  vrai  que  ce 
prélat  avait  été  excommunié  et  déposé  pour  causé  de  si- 
monie ,  ce  qui  pouvait  donner  quelque  apparence  de  vérité 
aux  allégations  des  chanoines. 

Mais  si  l'auteur  avait  eu  connaissance  de  la  lettre  du  pape 

Lib.vil,ep.i9.  Grégoire  VII,  en  date  du  12  avril  de  la  troisième  indiction, 
c'est-à-dire,  de  l'an  1080,  cpii  confirme  les  moines  d'Au- 
rillac dans  la  possession  du  monastère  de  Vioux  qu'ils  ont 
acquis,  dit-il ,  des  princes  du  pays,  avec  le  consentement  de 
l'évèque  et  de  son  chapitre  {a) ,  sans  doute  il  n'aurait  osé 
avancer  si  hardiment  tous  les  faits  qu'il  entasse  pour  jjrou- 
ver  l'invasion  dont  il  charge  les  moines  d'Aurillac,  qui  em- 
ployèrent,  selon  lui ,  la  simonie, la  fraude  et  la  violence  pour 
acquérir  cette  possession.  Une  pi'euve  qu'il  mentait  sciem- 
ment ,  c'est  qu'il  n'est  pas  plus  véridique  sur  un  fait  qui  était 
alors  tout  récent ,  et  dont  il  ne  pouvait  ne  pas  avoir  con- 

(a)  Monasteriuni.  qiiidem  Viacense  in  viami  abhatis  Âureliacensis  reju- 
tatuin  a  principibus  ipsius  tcrrœ  ,  consensii  episcopi  et  clcncorum  ,  sibi  suisque 
successoribiis  concedimus  et  conjirmamus ,  et  fautoiibus  refutationis  aposto- 
licam  benvdictionem  largimur. 


ANONYMES,  SUR  LES  ALBIGEOIS.       389 

naissance.  Il  dit  en  finissant  que  Bertrand,  évêque  d'Albi,  et   xn  SIECLE. 
Alfonse,  comte  de  Toulouse ,  rendirent  au  chapitre  de  Sainte-  " 

Cécile  1  église  de  Vieux  :  cela  est  absolument  faux.  Les  moines 
d'Aurillac  continuèi'ent  d'en  jouir,  malgré  les  réclamations 
des  chanoines,  jusqu'à  l'année  i2o4,  qu'ils  l'échangèrent 
avec  eux  contre  d'autres  propriétés. 

Tel  est  le  précis  de  la  note  ou  dissertation  de  D.  Vais-       Notices  de 
sette.  M.  La  Porte  du  Theil,  membre  de  l'Institut,  a  donné  ■"*'•  *•  i^i  P- 
encore  plus  de  développement  aux  raisons  du  Bénédictin  '  ■'-^^9- 
dans  la  collection  des  notices  des  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque impériale.  Ainsi ,  ce  petit  écrit  a  été  bien  discuté  ;  et 
après  l'examen  de  deux  critiques  si  habiles ,  il  n'est  pas  à 
craindre  que  personne  y  soit  trompé. 

Les  continuateurs  du  Recueil   des  Historiens  de  France      T.  xiv ,  p. 
ont  reproduit  cet  écrit  avec  de  petites  notes,  non  comme  un  ^^~-''^- 
monument  recommandable  à  tous  égards,  mais  comme  con- 
tenant des  faits  étrangers  à  l'union   de  ce   monastère  ,  qui 
peuvent  donner  des  lumières  sur  l'histoire  du  pays. 

II.  On  rapporte  encore  au  XII*^  siècle  la  légende  de  sainte 
Carissime,  vulgairement  appelée  i5«««^e  Carc'me  ou  Chrcsme, 
dont  le  cbrps  reposait  dans  l'église  de  Vioux.  D.  Vaissette , 
dans  une  note,  s'exprime  ainsi  sur  cette  légende  :  «  Quant  Hist.deLang. 
«  aux  actes  de  sainte  Carissime,  insérés  dans  le  bréviaire  'IjP-^Gî. 
«  d'Albi ,  ils  ne  sont  guère  propres  à  nous  donner  des  éclair- 
«  cissemens  sur  l'époque  de  la  fondation  du  monastère  de 
«  Vioux  ou  sur  la  vie  de  cette  sainte.  Ils  portent  qu'elle 
«  naquit  à  Albi ,  d'Aspasius  et  d'Hélène  ,  personnes  nobles  ; 
«  qu'inspirée  du  Saint-Esprit,  elle  fît  vœu  de  virginité;  que 
«  s'étant,  par  cette  démarche,  attiré  la  persécution  desespa- 
«  rens,  qui  voulaient  la  marier  kHiigoliu  de  (lulteauvieux , 
«  elle  se  retira ,  sous  la  conduite  d'un  ange ,  dans  un  bois  où 
«  elle  demeura  cachée  pendant  trois  ans ,  sans  que  le  lieu  de 
«  sa  retraite  fût  connu  de  personne  que  de  sa  nourrice,  qui 
«  lui  apportait  de  temps  en  temps  un  pain  d'orge  pour  sa 
«  nourriture.  ...  ;  qu'après  avoir  erré  dans  des  lieux  déserts 
«  et  pleins  de  forêts,  elle  trouva  enfin  par  miracle  saint 
«  Eugène,  évoque  de  Carthage,  exilé  dans  ces  lieux,  auquel 
«  elle  se  joignit  ;  qu'ayant  marché  de  compagnie ,  ils  arri- 
«  vèrent  au  voisinage  de  la  rivière  de  Vère,  où  ce  saint  avait 
«  commencé  à  bâtir  un  monastère;  qu'enfin  la  sainte,  après 
«  avoir  passé  sept  ans  aupiès  de  lui,  eut  révélation  du  jour 
«  de  sa  mort ,  dont  elle  avertit  le  saint  évêque ,  qui  la  fit 
«  inhumer  dans  son   monastère. 


390       ANONYMES  SUR  LES  ALBIGEOIS. 

XII  SIECLE.  «  Telle  est  la  légende  de  sainte  Carissime.  Mais,  ajoute 
«  D.  Vaissette ,  si  saint  Eugène  n'a  pas  fondé  le  monastère  de 
«  Vieux  ,  comme  il  y  a  toute  apparence  ,  ces  actes ,  qui 
«  assurément  ne  ressentent  pas  la  simplicité  du  VF  siècle , 
«  n'auront  pas  beaucoup  d'autorité  ;  et  il  est  évident  par 
«  le  nom  d'Hugolin  deChâteauvieux ,  le  prétendu  futur  époux 
«  de  sainte  Carissime,  qu'ils  sont  postérieurs  au  XP  siècle, 
«  où  les  noms  propres  des  familles  ont  commencé  à  être  en 
«  usage  ». 
Coiland.  7       Sur  le  jugement  peu  avantageux  que  l'historien  de  Lan- 

sept.  p.  79.  guedoc  a  porté  de  ces  actes,  les  continuateurs  de  Bollandus, 
qui  en  parlent  au  y  de  septembre,  ont  cru  povivoir  se  dis- 
penser d'en  grossir  leur  recueil  ;  ils  se  sont  bornés  à  établir 
le  culte  de  la  sainte,  et  à  des  conjectures  sur  le  temps  auquel 
elle  peut  avoir  vécu. 

III.  L'an  II 65,  il  fut  tenu  à  Lombers,  dans  l'Albigeois  y 
un  concile  contre  des  hérétiques  qui  se  faisaient  appeler 
BoTis-Hommes. Celaient  les  disciples  de  l'hérésiarque  Henri, 
contre  lequel  saint  Bernard  avait  entrepris ,  vingt  ans  aupara- 
vant, une  mission  qui  ne  produisit  pas  grand  effet.  Malgré 
les  prédications  du  saint  abbé ,  l'hérésie  s'était  propTagée  dans 
ces  contrées ,  et  la  petite  ville  de  Lombers  paraissait  être  le 
centre  et  le  foyer  d'où  elle  se  répandait  aux  environs.  Le 
LaLbe,  Conc.  pape  Alexandre  IIÎ ,  par  un  décret  ])orté  au  concile  de  Tours 

t.  x,coi.  i4irj.  jg  l'an  ii63,  avait  enjoint  aux  évéques  de  la  province  de 
surveiller  les  hérétiques,  de  défendre,  sous  peine  d'ana- 
thême,  à  leurs  paroissiens  de  communiquer  avec  eux,  de 
leur  rien  vendre  et  de  rien  acheter  d'eux ,  et  même  de  les 
mettre  en  prison  ,  si  on  pouvait  les  saisir.  Cette  rigueur 
donna  lieu  a  une  conférence  qui  se  tint  à  Lombers  entre  les 
catholiques  et  les  sectaires,  lesqiiels  consentirent  à  rendre 
compte  de  leur  croyance  devant  des  commissaires  choisis  par 
les  deux  partis ,  en  présence  des  évèques ,  abbés  et  autres 
ecclésiastiques  dénommés  dans  l'acte,  et  de  quelques  per- 
sonnes laïques,  parmi  lesquels  on  voit  le  vicomte  de  Béziers, 
Raimond  Trencavel ,  qui  l'était  aussi  d'Albi ,  et  la  comtesse 
de  Toulouse,  sœur  du  roi  de  France,  nommée  Constance. 
Une  foule  de  peuple  s'y  était  rendue  de  presque  tous  les 
châteaux  de  l'Albigeois.  Les  commissaires  furent  l'évêque  de 
Lodève,  nommé  Gaucelin ,  les  abbés  de  Castres,  d'Ardorel, 
de  Candeil ,  et  Arnaud  de  Bé. 

jbid.Qol.  1471.  Dans  cette  conférence,  les  sectaires  répondirent  aux  ques- 
tions que  leur  faisait  l'évêque  de  Lodève,  et  on  voit  par  leurs 


XII  SIECLE. 


ANONYMES,  SUR  LES  ALBIGEOIS.       Sqi 

réponses  quels  étaient  les  points  sur  lesquels  ils  erraient. 
Ils  s'autorisaient  de  certains  passages  de  rÉcriture  Sainte  ; 
mais  réyeque  leur  en  opposait  d'autres  en  plus  grand  nombre 
et  bien  plus  formels.  Enfin  on  en  vint  au  jugement,  qui  ne 
leur  était  pas  favorable.  Les  sectaires ,  pour  mettre  le  peuple 
de  leur  côte ,  firent  hautement  une  profession  de  foi ,  c[ui 
fut  trouvée  assez  exacte.  On  exigeait  seulement  qu'ils  la  con- 
firmassent par  serment;  mais  c'était  un  point  de  leur  doctrine, 
3u'il  n'était  pas  permis  de  jurer,  et  on  leur  avait  promis, 
isaient-ils,  qu'on  ne  les  forcerait  pas  à  cela.  Sur  leur  refus, 
ils  furent  déclarés  infâmes  et  hérétiques,  et  toute  l'assemblée 
donna  les  mains  à  ce  jugement. 

Nous  avons  le  procès-verbal  de  cette  conférence  dans  les 
Annales  de  Roger  de  Hoveden,  historien  anglais,  qui,  ayant 
à  parler,  sous  l'année  1 177,  de  la  mission  du  cardinal  Pierre 
de  S.  Chrysogone,  pour  convertir  ces  hérétiques,  rapporte, 
sous  la  même  date,  ce  qui  s'était  passé  douze  ans  auparavant. 
Mais  le  P.  Labbe  l'a  donné  de  nouveau,  plus  correctement      Labbe,  iuui. 
et  plus  entier,  sur  un  manuscrit  du  P.  Sirmond ,  qui  porte  '^oi-'47o-i479- 
la  vraie  date ,  et  les  continuateurs  du  Recueil  des  historiens 
de  France  en  ont  extrait  ce  qu'il  contient  d'historique ,  en      Bouquet ,  t. 
corrigeant  les  deux  éditions  l'une  par  l'autre.  S!  '  ^''  '^°~ 

IV.   Vers  le  même  temps,  l'an  1167,  les  sectaires  tinrent 
une  assemblée  à  Saint-Félix  de  Caraman ,  sous  la  présidence 
du  pape  de  leur  secte,  appelé  Niquinta ,  qui,  à  ce  cju'il  paraît, 
faisait  sa  résidence  ordinaire  dans  la  Hongrie  ou  la  Bulgarie. 
L'objet  de  cette  assemblée  était  d'ériger  des  évêchés  pour 
cette  portion  de  la  France  qui  reconnaissait  sa  juridiction, 
de  ci^er  des  évêques ,  et  de  faire  la  démarcation  des  diocèses. 
On  voit  de  quelle  manière  ils  y  procédèrent;  mais  cet  écrit, 
quoique  ancien ,  ne  porte  aucune  marc|ue  d'authenticité.  Ce 
qui  pourrait  faire  croire  qu'il  est  l'ouvrage  de  la  secte  com- 
posée d'hommes  grossiers  et  sans  instruction ,  c'est  qu'il  est 
écrit  d'un  style  rustique  et  barbare.  Besse  l'a  publié  dans    Bv'sse,p.  483. 
son   histoire  des  ducs  de  Narbonne ,  et ,  après  lui  ,  Jean- 
Jacques  Percin ,  religieux  dominicain,  qui  a   recueilli   les      Perc;n,nots 
monumens  historiques  relatifs  au  couvent  des  frères  prê-  ^^.  Con^ii.  con- 
cheurs  de  Toulouse.  Les  continuateurs  du  Recueil  des  histo-  "  Boi'^uét^  t' 
riens  de  France  lui  ont  donné  place  dans  leur  collection,  xiv,  p.  448- 
avec  des  notes  qui  en  facilitent  l'inteUigence.  B.       '*^°- 


^  v«/w«.'«/^>««^  «^«.«A^'^ 


XII  SIECLE. 


ANONYME, 


AUTEUR    D'UN   ECRIT    AYANT    POUR  TITRE 
DRACO    IS  ORMJNNICUS. 


Notices     t.  ^^"^  ^^"'-  ^^  nous  est  connu  que  par  la  notice  qui  a  été 
VIII,  iiart.'ii,  insérée  parmi  les  notices  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
p.  299-308.      impériale  :  collection  commencée  par  l'académie  des  inscrip- 
tions et  belles- lettres,  à  laquelle  la  'classe  d'histoire  et  de 
littérature    ancienne   de   l'Institut   de    France  continue   de 
donner  ses  soins. 
Bibi.Bibiioth.       C'cst  un  manuscrit  indiqué  par  Montfaucon  ,  comme  exis- 
t.  l,p.  41.        tgj^^-  dans  la  bibliothèque  du  Vatican,  parmi  les  manuscrits 
de  la  reine  Christine  de  Suède,  sous  la  cote  1267.  L'auteur 
de  la  notice  ayant  découvert,  dans  la  bibliothèque  de  l'abbaye 
de  Saint-Germain-des-Prcs ,  la  préface  et  les  sommaires  des 
chapitres  de  cet  écrit,  n'a  rien  négligé  pour  se  procurer  l'ou- 
vi'age  entier;  il  a  écrit  à  M.  La  Porte  du  Theil,  pendant  que 
ce  laborieux  académicien  était  à  Rome ,  aux  frais  du  gouver- 
nement, pour  recueiUir  les  monumens  de  l'histoire  de  France; 
et,  malgré  l'exactitude  des  recherches  qu'on  pouvait  attendre 
d'un  savant  si  zélé  pour  l'avancement  des  sciences ,  le  ma- 
nuscrit ne  s'est  plus  trouvé  dans  ce  vaste  dépôt.  Le  dernier 
nonce  du  pape ,  aujourd'hui  le  cardinal  Dugnani ,  a  fait  de- 
puis une  nouvelle  tentative;  il  a  eu  la  bonté  d'écrire  lui- 
inême,  pour  recommander  qu'on  fit  de  nouvelles  recherches; 
la  réponse  du  prélat  Reggi,  sous-bibliothécaire,  a  été  qu'après 
la  recherche  la  plus  exacte ,  faite  par  les  personnes  qui  con- 
naissent le  mieux  la  bibliothèque  du   Vatican ,  on  n'a  pu 
retrouver  ce  manuscrit,  ni  sous  le  numéro  indiqué,  ni  sous 
aucun  autre.  C'est  pourquoi  l'auteur  de  la  notice  a  fait  im- 

f)rimer  la  préface  et  les  sommaires  de  l'ouvrage ,  pour  inviter 
es  personnes  qui  auraient  en  leur  pouvoir  cet  écrit ,  à  n'en 
f)as  priver  le  public ,  ou  à  le  mettre  à  portée  de  le  publier 
ui-même. 

A  en  juger  par  les  sommaires ,  l'ouvrage  est  d'autant  plus 
intéressant,  qu'il  fait  l'histoire  des  Normands  depuis  leur  arri- 
vée en  France ,  et  des  guerres  qui  ont  eu  lieu  entre  la  France 
et  l'Angleterre  jusqu'à  l'année  1 168.  Nous  n'avons  en  France, 
sur  cette  dernière  époque ,  c'est-à-dire ,  sur  les  démêlés  du 


NICOLAS,  PRIEUR  DU  MONT-AUX-MALAD.  3g3 
roi  Louis -le -Jeune  avec  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  qu'un  ^^  SIECLR. 
seul  historien ,  contemporain,  dans  la  chronique  de  Robert, 
abbé  du  Mont-Saint-Michel  ;  historien  excellent  à  la  vérité  : 
mais  les  Anglais  en  ont  plusieurs  du  plus  grand  mérite,  tels 
que  Benoît  de  Péterboroug,  Guillaume  de  Neubridge,  Ger- 
vais  de  Cantorbéry,  Raoul  de  Dicet,  et  d'autres  moins  recom- 
mandables.  Nous  pouvons  même  dire  que  nous  n'en  avons 
aucun  à  leur  opposer,  puisque  Robert  du  Mont  était  sujet 
du  roi  d'Angleterre  ,  ainsi  que  l'auteur  du  Draco  Normanni- 
cus ;  mais  au  moins  ceux-là  étaient  français,  et  plus  à  portée 
de  connaître  ce  qui  se  passait  en  France. 

L'auteur  de  la  notice  n'ayant  pu  se  procurer  l'ouvrage ,  n'a 
pu  décider  s'il  était  écrit  en  vers ,  comme  la  préface ,  ou  s'il 
était  entremêlé  de  vers  et  de  prose.  Mais  il  pense  qu'on  peut 
l'attribuer  à  Etienne  de  Rouen ,  moine  de  l'abbaye  du  Bec , 
dont  il  existe  des  poésies  latines  dans  un  manuscrit  de  l'ab- 
baye de  Saint-Germain,  coté  i547,  manuscrit  dont  il  a  été 
rendu  compte  dans  cette  histoire.  Ce  qui  le  lui  persuade  ,      Hist.  LUt.r. 
c'est  que,  parmi  ces  poésies,  qui  sont  incontestablement  du  *•  ^^^'P-  ^l^- 
moine  Etienne ,  il  se  trouve  un  éloge  en  vers  de  l'impératrice 
Mathilde,  mère  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  et  un  autre  de 
son  mari  Geofroi  Plantegenet ,  comte  d'Anjou  ;  et  que ,  dans 
le  Draco  Norniannic.us ,  il  y  a  deux  chapitres  consacrés  à  la      Lit.  l,  c.  2. 
mémoire  de  cette  princesse,  fille  de  Henri  I,  roi  d'Angleterre,  ^'"'-  ^'^' 
laquelle  porta  la-  couronne  d'Angleterre  dans  la  maison  d'An- 
jou, et  lut  enterrée  dans  l'église  du  Bec  l'an  i  i6y.  Si  l'on 
avait  pu  comparer  ces  différens  morceaux ,  il  est  vraisem- 
blable que  ce  que  l'auteur  de  la  notice  ne  donne  que  comme 
une  conjecture,  aurait  pu  acquérir  la  force  d'une  démons- 
tration. B. 


CI. 


NICOLAS, 

PRIEUR  DU  MONT-AUX-MALADES  DE  ROUEN. 

LjE   prieuré   du  Mont -aux -Malades,  .à  un  quart  de  lieue        Dupiessis , 
environ  de  la  ville  de  Rouen,  sur  le  chemin  de  Dieppe,  P^*"'^"  ''j'" 

,     .        .      1  .  Il-  '       !•  1  '■^  '      H.  Normandie, 

était  ci-devant  une  maison  de  chanoines  réguliers,  charges  t.  u,p.  5?. 
Tome  XUL  Ddd 


394      NICOLAS,  PRIEUR  DU  iMONT-AUX-MAL.\D. 

xn  SIECLE,    du  service  d'un  hôpital.  La  montagne  oii  il  était  situe  por- 
tait anciennement  le  nom  de  Mont  Saint-Jacques ,   parce 
qu'il  y  avait  là  une  église  du  nom  de  ce  saint  apôtre. 
Dupiessis ,       Vers  l'an  iiGo,  le  prieur  de  cette  maladrerie  était  notre 

Descnp.    de   la    lyr.      ,  .       ,       '  i  .  i    i        •  i       t»-- 

II.  :Voiraanaie    J^^icolas,  qui ,  dans  une  transaction,  prend  le  titre  de  i\/co- 
t.  II,  p.  58.        lai/s  liumilis  priai'  S.  Jacobi  de  monte  Infirmorum ,  et  oninis 
conventûs  loci  illiiis ,  scilicet  canonicorum  et  paupenini  lejno- 
sonan  regulariter  ihi  niventium.  Cet  auteur  n'est  guère  connu 
que  par  quelques   lettres   conservées  parmi  celles  de  saint 
Thomas  de  Cantorhéry  ;  mais  il  jouissait  par  sa  place  et  par 
ses  vertus  {a)   d'une   grande    considération    à    la   cour   de 
Henri  II  ,  roi  d'Angleterre ,  et   auprès   des   prélats   et  des 
grands  de  Normandie  ,  comme  on  pourra  s'en  convaincre 
par  la  courte  analyse  que  nous  allons  donner  de  ses  lettres. 
A  l'époque  où  l'archevêque  de  Cantorbéry  se  réfugia  en 
France ,  il  employa  tout  ce  qu'il  avait  de  crédit ,  moins  pour 
faire  triompher  la  cause  du  prélat ,  que  pour  le  réconcilier 
avec  son  roi.  Tel  est  l'objet  de  la  correspondance  qui  s'établit 
entre  le  prieur  Nicolas  et  l'illustre  proscrit, 
inter  ep.  S.       L'aiclievèque  l'avait  chargé  de  remettre  des  lettres  à  l'im- 
Thomae,  hb.  I,  peratiicc  Mathildc  ,  mère  du  roi,  et  à  l'évêque  de  Lisieux 
!.  XVI,  p.  228.  Arnoul ,  que  le  primat  d  Angleterre  aurait  bien  désire  mettre 
dans  ses  intérêts.  Nicolas,  après  s'être  acquitté  de  la  com- 
mission, rend  compte  de  ses  démarches,  soit  auprès  de  la 
princesse,  soit  auprès  de  l'éloquent  Arnoul;  et,  comme  on 
opposait  au  zèle  du  métropolitain  les  désordres  qui  régnaient 
dans  le  clergé,  l'auteur,  en  homme  dont  le  cœur  est  droit, 
lui  suggère  d'aller  lui-même  au-devant  des  abus  qu'on  vou- 
lait réformer. 
ihùi.  ep.  46.       Dans  une  autre  lettre  de  l'an  ii65,  il  s'excuse  de  ne  pou- 
— Bouq. p. 237.  ^.^jj,  _^ji^,j,  joindre  l'archevêque,  parce  que  le  roi  d'Angleterre 
étant  sur  les  lieux,  toujours  indisposé  contre  lui,  jusqu'à  ne 
vouloir  pas  entendre  prononcer  son  nom ,  il  v  aurait  de  la 
témérité  à  entieprendre  ce  voyage.  Au  reste,  il  l'avertit  que 
le  roi  est  tellement  aux  abois ,  qu'il  acceptera  la  paix  avec  la 


{a)  Eiat  liic  vir  litteratus  et  honestae  conversationis ,  leprosorum  de 
monte  Rotomagi  procurator,  archiprresuli  à  terupore  cancellariae  f'ami- 
liaris,  qui  tuni  nieiitoium  prterogatiià  exigente,  tuni  cuià  doniîis  sibi 
comniissœ  urgente,  niagfiatum  f'requentabat  limina  et  consiliis  intererat, 
archiprœsulem  de  his  quœ  in  curià  agebantur  fréquenter  instruens.  Tom. 
JiFl  Rcr.  Franc,  p.  53 1,  in  notis ,  ex  mss.  cod,  53^2  Bibl,  imp.  fol.  38. 


NICOLAS,  PRIEUR  DU  MONT-AUX-MALAD.     3g5 

France  aux  conditions  qu'on  voudra  :  ce  qui ,  dit-il ,  pourra    ^n  siècle. 
le  rendre  plus  traitable  a  votre  égard. 

L'an   1166,  l'archevêque  de  Cantorbéry  ayant  condamné       inter  ep.  s. 
solennellement  les  anciennes  coutumes  d'Angleterre  qu'on  Tiiom*,  iib.  i, 
voulait  faire  revivre,  et  excommunié  ceux  qui  avaient  fait  Bouq.  p.'aSo^ 
serment  de  les  observer  ou  qui  les  observeraient  à  l'avenir , 
Nicolas  lui  en  témoigne  sa  joie;  l'instruit  que  l'archevêque 
.de  Rouen ,  non  plus  que  les  évêques  de  Lizieux  et  de  Seez , 
ne  sont  pas  disposés  à  mettre  à  exécution  la  sentence  ;  qu'on 
en  murmure  hautement  dans  le  royaume;  qu'on  en   avait 
même  interjeté  appel  au  pape;  enfin  il  lui  suggère  les  moyens 
d'entrer  en  accommodement. 

L'archevêque,   décidé  à   pousser  jusqu'au  iDout  et  dans      ibid.ep.i'i-;. 
toute  la  rigueur  des  canons,  ses  poursuites  juridiques  contre  — Bouqp-254- 
le  roi ,  chargea  le  prieur  du  Mont-aux-Malades  de  présenter 
à  l'impératrice-mère  les  lettres  monitoriales  et  comminatoires 
qu'il  adressait  au  roi.  Nicolas,  dans  sa  réponse,  instruit  le      ihid.  e-^.  45. 
prélat  de  l'effet  qu'ont  produit  ses  lettres  sur  l'esprit  du  roi,  — Bouq.p.258. 
des  mauvais  traitemens  qu'il  avait  fait  éprouver  au  porteur 
et  à  ceux  qui  les  avaient  reçues,  ajoutant  qu'il  en  avait  été 
outré  au  point  que  personne  n'osait  lui  parler  en  sa  faveur. 

Jean  de  Salisburi  faisait  tant  de  cas  de  notre  infirmier,      Joan.Saresb. 
que,  dans  une  occasion  où  le  primat  ne  savait  quel  parti  ^i"*''   ''l"'  """ 
prendre,  il  ne  lui  suggère  autre  chose  que  de  suivre  les  avis    °"^'^'" 
de  frère  Nicolas.  C'était  en  effet  un  homme  de  bon  conseil. 
Aussi  l'employait- il  souvent;  et,  dans  une  occasion,  ayant       Saresb.  ep. 
à  proposer  au  roi  de   graves   considérations,  capables  de  ^'L"  ^*""^* 
l'effrayer,  et  n'osant  les  lui  adresser  en  personne,  c'est  à  ^ 
Nicolas  qu'on  les  envoie,  afin  qu'il  en  fasse  usage  dans  ses 
remontrances. 

Cette  lettre  de  Jean  de  Salisburi  est  de  l'an  1 167  ou  1 168, 
époque  après  laquelle  nous  ne  trouvons  plus  rien  qui  cons- 
tate l'existence  de  Nicolas.  B. 


Ddda 


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XII  SIECLE. 


THIERRY  D'ALSACE 

COMTE  DE  FLANDRES. 


Mey.Fi.Ann.  (^H ARLES  F""  OU  LE  BoN  ayant  përi  sans  laisser  d'enfans, 
li  des^^^^àii*  ''^^  mois  de  mars  iiay,  Guillaume  Cliton,  dit  le  Normand, 
-Du<h.H.<i.  la  fut  élu  comte  de  Flandres  par  les  grands  du  pays,  à  la  de- 
M.  de  Bofh.  Pr.  mande  de  Louis-le-Gros.  Plusieurs  concurrens  lui  dispu- 
P"  223      "^^    tèrent  cette  souveraineté,  et  Thierry  d'Alsace  en  paiticulier, 

Art  de  V.  les  plus  proclic  parcut  dc  Charlcs-le-Bon ,  et  petit-fils,  par  sa 
dates,  t.  III, p.  mère  Gertrude ,  de  Robert  dit  le  Fiison.  (Gertrude  avait 
6  et  SUIT.  ^^  épousé  en  secondes  noces  Thierry  II,  duc  de  Lorraine.) 
-March.p.2i5.  Guillaume  de  Normandie  étant  mort  dans  une  bataille  qu'il 
-H.  de  Fr.  t.  livrait  à  Thierry  en  iiaS,  celui-ci  fut  reconnu  universelle- 

XIII ,  p.  400 .  ment  comte  de  Flandres.  Jacques  Marchant  l'appelle  in  allo- 
495,  732,  et  t.         .777  •  ••      ^  •      •  •       ^  *  7  >^ 

XIV,  p.  18.        qiiio  blandus ,  in  negotio  justus ,  in  imperio  moderatus.  On 

p.  216.        peut  voir  également  ce  que  disent  de  lui  Buzelin,  dans  ses 
T^      k'       Gallo-Flandrice  Annales ,  et  Sander,  dans  sa  Flandre  illus- 
trée. Si  le  comte  Thierry  exerçait  avec  modération  l'empire 
sur  ses  sujets,  il  était  moins  modéré  peut-être  dans  le  désir 
d'augmenter  sa  puissance.  Ainsi ,  dans  le  second  voyage  qu'il 
Meyer,p.46,  fit  à  la  Terre -Sainte  (il  en  fit  quatre),  il  voulut  obtenir  la 
nu.  1148.  souveraineté  de  Damas,  que  les  infidèles  menaçaient,  si  toute- 

fois le  courage  et  la  piété  n'eurent  pas  autant  de  part  à  cette 
demande  que  l'ambition.  Ce  fut  dans  ce  second  voyage  en- 
core, qu'il  reçut  de  Louis-le-Jeune  cette  fiole  pleine  du  sang 
de  Jésus-Christ ,  dont  nous  avons  parlé  à  l'article  de  Léon , 
abbé  de  Saint-Bertin.  Le  troisième  est  de  i  i5y  :  il  mena  avec 
je?n  d'Ypres,  lui  la  comtcssc  Sibylle  d  Anjou,  sa  femme,  qui  n'en  revint 
Anecd.deMart.  jamais,  et  qui  y  mourut  au  bout  de  quelques  années  consa- 
t.iii.p.  04  .-  (.j.^çg  entièrement  au  service  des  pauvres,  dans   une  com- 

Meyer,  p   47.  ,       ,.    .  ^       11       '     •  *^  '       »  1 

Hist.  de  Fr.  niuiiaute  rcligieuse  ou  elle  était  entrée.  Avant  de  partn-  pour 

t. xiil,p. 276,  ce  voyage,  il  avait  associé  au  gouvernement  de  ses  états  Phi- 

."îoo,  3io,  704  lippe,  son  fils,  quoique  bien  jeune  encore.  Il  repassa  pour 

'^ ïbid.-o.  278.    ^^  quatrième  fois  dans  la  Terre-Sainte  en  ii63,  et  ne  sur-. 

vécut  pas  long- temps  à  son  retour  en  Europe.  Il  mourut  à 

Gravelines ,  au  mois  de  janvier  1168  ,  et  fut  enterré  dans  une 

abbaye  du  diocèse  de  Térouanne,  devenu  depuis  le  diocèse 

de  Saint-Omer ,  appelée  Waten ,  abbaye  qu'il  avait  fondée , 


THIERRY  D'ALSACE,  COMTE  DE  FLANDR.      097 

suivant  l'Art  de  vérifier  les  dates ,  dont  l'assertion  ,  au  reste ,    Xll  SIECLE. 
est  contraire  à  celle  de  Jean  d'Ypres  et  des  auteurs  de  la    t.  m,  p.  10. 
France  chrétienne.  Jacques  Meyer  rapporte  ainsi  son  épi-       t.  m ,  de 
taphe  :  Hïc  jacet  sepidtus  domùius  Tlieodericus  de  Ehatià ,  ^^[li'''',  ^^2^3 
cornes  Flandriœ ,    qui ,   quatuor  mcibus ,    terrain   sarutam         p.'  ^g. 
Qjisitai'it  ;   et  inde   rediens  ,   sanguinem  domiid  nostri  Jesu 
Christi  detulit ,  et  villœ  Brugensi  tradidit  ;  et postquam  Flaii- 
driam  annis  XL  strenue  rexerat ,  apud  Gravelingas  obiit, 
anno  domini  mdlesi'mo  centesimo  sexagesiino  octavo.  L'obi-     Ma'"'q-'^nn- 
tuaire  de  l'abbaye  de  Loz  le  fait  mourir  le  17  décembi'e.  ,j^g_        ' 

Jacques   Marchant,  dans  sa  description  de   la   Flandre,        P.  218. 
Meyer,  dans  les  Annales  de  ce  pays  (an  i  i6o),Lemire,dans  sa 
Chronique  (an  1 128),  et  plusieurs  autres  attribuent  à  Thierry 
la  fondation  de  la  ville  de  Gravelines.  Il  fonda  aussi,  suivant  14  jiiiii,p.93o. 
les  Bollandistes ,  l'église  de  Saint-Basile  de  Bruges.  Les  au- 
teurs de  la  nouvelle  Collection  de  nos  historiens,  ceux  de  la  T.xili,p. 470. 
France  Chrétienne,  Manricpie,  sur  l'an  11 49  tle  ses  Annales  et  sis.    ''    ° 
de  Cîteaux ,  Buzelin ,  dans  le  cinquième  livre  du  Gallo-Flan- 
diia ,  Calmet,  dans  son  Histoire  de  Lorraine,  Lemire,  dans   P.  2"^»  et  a'îG. 
sa  Chronique  et  sur  l'an  ii47i  1^  déclarent  également  fou-      T.  ii,Pieuv. 
dateur  de  quelques  autres  monastères ,  comme  celui  de  Cler-        ^°' 
mares  ou  Clermarais   (^Clara  Palus  on  Clarus  Mariscus)  ^ 
dans  le  diocèse  de  Saint-Omer,  et  celui  de  Loz  ÇLaus  beatce 
Matiœ)^  dans  le  diocèse  de  Tournay.  Lemire  encore  parle  Chron.  p.  38r. 
aussi  de  ses  bienfaits  pour  l'abbaye  d'Eeschout  (Quercetana). 
Ce  qui  est  plus  important  et  plus  digne  de  reconnaissance, 
c'est  d'avoir  donné  de  bonnes  lois  au  pays  qu'il  gouvernait , 
lois  que  confirma  ensuite  Philippe ,  son  fils  et  son  héritier. 
Il  semble,  par  ce  que  disent  Meyer  dans  ses  Annales  (an  1 138), 
Jacques  Marchant,  dans  sa  Description  de  la  Flandre,  et, 
d'après  lui,  Sander,  dans  le  premier  tome  de  sa  Flandre 
dlustrée,  que  les  lois  de  Thierry  eurent  principalement  pour 
objet  d'éteindre  les  vengeances  privées  et  de  laisser  punir  les 
crimes  par  le  législateur-  et  les   tribunaux ,  organes  de  ses 
décisions.  Les  coups  donnés  ,  les   assassinats  commis ,  les 
vols  nocturnes,  plusieurs  sortes  de  rapines  et  de  brigandages 
y  sont  nommés  et  punis.   On  y  voit  établi  le  principe  que 
tous  les  habitans  doivent  également  se  garantir  l'ordre  pu- 
blic ,  et  poursuivre  ceux  qui  le  troublent.  Nous  reviendrons 
sur  ces  lois  en  parlant  de  Philippe ,  comte  de  Flandre,  dans 
le  volume  suivant.  Ceux  qui  ne  les  observaient  pas  devaient     Meyer ,  an. 
être  mis  hors  de  la  communion  de  l'église.  "^^,"  ""  ^"^^'' 

o  p.   231. 


Annal. 

,   Rer. 

FI 

.   an. 

1168  , 

F- 

49- 

P.  21 

7- 

P.   54. 

Voir 

aussi   Buzelin  , 

F- 

23l. 

398  HUGUES,  ABBÉ  DE  SAINT-AiVL\ND. 

XII  SIECT.E.'       Les  auteurs  de  la   France  Chrétienne  ont  conservé,  du 
T.  v,p.  277.    moins  en  partie,  la  cliarte  par  laquelle  Thierry  fait  des  dons 
-  considérables,  en  propriétés,  en  droits,  en  revenus,  à  l'ab- 

baye d'Eeschout ,  qui  était  de  l'ordre  de  Saint- Augustin ,  et 


dans  le  diocèse  de  Bruges. 
Art  de  V.  les       Au  retour  de  son  quatrième  voyage  à  la  Terre-Sainte, 

.kt.  t. III,  p.  10.  voulant  sans  doute  perpétuer  le  souvenir  de  son  courage  et 
de  sa  piété ,  il  avait  pris  un  nouveau  sceau  :  sa  tête  s'y  mon- 
trait couronnée  de  lauriers ,  et  au  revers  était  un  arbrisseau 
chargé  de  dattes. 
V.  8  et  9.  Rymer  a  placé,  dans  le  premier  volume  des  actes  publics 

d'Angleterre,  un  traité  assez  long  et  sur  plusieurs  objets  im- 
portans,  fait  en  ii63,  entre  le  roi  de  ce  pays  et  Thierry, 
p.  342,  4S0.  comte  de  Flandre.  Il  y  a,  dans  le  quinzième  tome  de  la  nou- 
velle Collection  des  historiens  de  France ,  deux  lettres  adres- 
sées à  ce  prince ,  l'une  par  Louis  VII ,  l'autre  par  le  pape 

p.  5i2  et  519.  Eugène  III.  Il  y  en  a  deux  aussi  écrites  par  lui-même,  et  toutes 
deux  adressées  à  Suger  en  1 1/19.  La  première  est  principale- 
ment l'clative  au  frère  du  roi ,  Robert ,  comte  de  Dreux ,  qui 
était  parti  de  la  Terre-Sainte  dans  un  esprit  peu  conforme 
aux  devoirs  que  l'amitié  fraternelle  devait  lui  imposer,  et, 
de  retour  en  France,  y  avait  excité  des  troubles.  Dans  la 
seconde ,  Thierry  lui  demande  de  confirmer  le  choix  qu'il 
avait  fait  d'un  nouvel  évêque  d'Arras.  P. 


^v^'v^^w^^^v^^'%  «%^« 


HUGUES, 

ABBÉ  D'HUMBLIÈRES,  PUIS  DE  S.-AMAND. 


Guiberti  o^  HuGUES,  né  dans  le  territoire  de  Toul,  selon  l'auteur  du 
p.  553.^  '  °^'  livre  des  Miracles  de  Notre- Dame-de-Laon,  était  moine  de 
Saint-Jean-de-Laon.  L'abbé  Bauduin,  qui  avait  succédé  à 
Drogon,  son  oncle,  fait  cardinal  évêque  d'Ostie  l'an  11 34, 
connaissant  le  fond  de  religion  et  le  savoir  au-dessus  du  mé- 
diocre de  Hugues,  l'avait  choisi  parmi  les  autres  religieux 
pour  le  soulager  dans  l'administration  de  la  maison ,  et  l'avait 
nommé  prieur  ;  mais  il  ne  jouit  pas  long-temps  de  son  assis- 


HUGUES ,  ABBÉ  DE  SAINT-AMAND.  3gg 

tance.  Dès  l'aunëe  suivante,  Hugues  lui  fut  enlevé  pour  rem-   ^li  SIECLE, 
placer  un   autre  Hugues  ,  abbe'  d'Humblières  ,  qui   venait 
d'être  nommé  cardinal  évêque  d'Albano. 

Hugues  gouverna  l'abbaye  d'Humblières  jusqu'à  l'année 
ii5o.  Alors  il  fut^appelé  à  l'abbaye  d'Elnone  ou  de  Saint- 
Amand ,  vacante  par  la  démission  de  l'abbé  Gautier ,  son 
prédécesseur,  qui  s'était  fait  ix^ligieux  à  Clairvaux.  D.  Mar- 
tène  a  publié  une  charte  de  1  an  iiGa,  qui  prouve  cjue  le  MaK.Anecd. 
nouvel  abbé  de  Saint- Arnaud  entendait  mieux  que  son  pré-  *'  '  '^'^  '  ^^^' 
décesseur  à  défendre  les  droits  de  son  monastère.  La  consi- 
dération dont  il  jouissait  auprès  du  comte  de  Flandre  était 
si  grande,  que  c'est  à  lui,  preférablement  à  tout  autre,  que 
s'adressa  Pierre  de  Celles ,  abbé  de  Saint-Remi-de-Reims , 
dans  l'espérance  qu'à  sa  recommandation  le  comte  de  Flandre 
obtiendrait  du  roi  d'Angleterre  la  révocation  de  l'exil  de  Jean 
de  Saresbéri.  Et  ne  dites  pas,  ajoutait-il  en  finissant,  cjue  Joan.Saresb. 
vous  ne  pouvez  rien  à  ce]a,  parce  cju'on  est  bien  persuadé  ^P"  "•y* 
que ,  si  vous  voulez  vous  employer ,  vous  pouvez  beaucoup 
sur  son  esprit:  nec  est  quod  dissiinnlctis ,  quia  constat  plu- 
ribus  potestatem  vohis  esse  collatain ,  si  voluntas  ajfaeiit. 
C'était  l'an  1166,  et  deux  ans  après,  l'an  n68  ,  Hugiies 
mourut,  selori  la  Chronique  de  Saint- Amand  ,  phis  croyable 
en  cela  cjue  l'histoire  de  Tournai  de  Jean  Cousin ,  qui  met 
sa  mort  au  12  septembre  ii6c);  attendu  que  Jean,  son  suc- 
cesseur ,  était  déjà  abbé  d'Elnone ,  le  5  mai  de  cette  même 
année.  , 

Quoicjue  l'abbé  Hugues  ait  eu  de  son  temps  la  réputation  Mart.Anecd. 
d'un  savant,  nous  ne  connaissons  de  lui  qu'une  lettre  qui  a  *•  i.  col.  443. 
été  publiée  par  D.  Martcne.  Elle  est  relative  à  la  mort  de 
Warin,  qui  lui  avait  succédé  à  l'abbaye  d'Humblières.  Elle 
prouve  l'intérêt  que  Hugues  pi'enait  toujours  à  son  an- 
cienne ajjbay^  qu  il  compare  à  Rachel ,  regrettant  de  l'avoir 
quittée  pour  épouser  une  autre  Lia,  qui  lui  paraissait  moins 
belle ,  lippiens. 

Il  existait  à  Saint- Amand  plusieurs  écrits  relatifs  à  l'his- 
toire du  patron  de  cette  abbaye,  lesc|uels  ayant  été  compo- 
sés par  différens  auteurs  ^  portaient  ^empreinte  plus  ou 
moins  grossière  des  siècles  qui  les  avaient  produits.  Hugues 
eut  à  cœur  de  les  faire  mettre  en  meilleur  style  ;  il  s'adressa 
pour  cela  à  Philippe ,  abbé  de  l'Aumône ,  écrivain  élégant , 
dont  il  sera  parlé  ailleurs.  L'ouvrage  était  terminé,  et  Philippe 
se  proposait  de  le  lui  adresser  par  une  lettre  que  nous  avons 


4oo    BERTRAND  DE  BLANCHEFORT. 

xn  SIECLE,    encore;  mais  Hugues  étant  mort  dans  cet  intervalle,  Philippe, 

en  l'envoyant ,  fit  une  seconde  lettre  à  l'abbé  Jean ,  son  suc- 

Pluhp.  abb.  cesseur.  On  peut  voir  ces  deux  lettres  parmi  les  opuscules  de 

opP/";-        Philippe,  abbé  de  Bonne-Espérance,  auquel  on  a  attribué 
raal-à-propos  ces  écrits  de  l'abbé  de  l'Aumône. 
Mart.Anecd.  -    D,  Martèuc  a  publié  une  Chronique  abrégée  de  Saint- 

-i4oo^°  '  ^°  Amand,  tirée  d'un  manuscrit  de  la  même  abbaye.  On  ne 
peut  guère  douter  que  cette  Chronique ,  qui  commence  à 
l'an  534  et  finit  en  i233,  ne  soit  l'ouvrage  de  plusieurs  au- 
teurs, qui  ont  marqué ,  chacun  en  particulier,  les  pnncipaux 
événemens  arrivés  de  leur  temps.  On  voit,  par  la  manière 
dont  s'exprime  un  de  ces  auteurs ,  qu'il  était  présent ,  l'an 
1177,  à  la  réception  d'une  double  croix  qui  fut  apportée  de 
Jérusalem  à  Saint-Amand.  Cependant  nous  nous  réservons 
de  rendre  compte  de  cette  Chronique  à  l'époque  où  elle  finit. 

>  B. 


BERTRAND  DE  BLANCHEFORT 
OU  DE  BLANQUEFORT, 

GRAND  MAITRE  DES  TEMPLIERS. 

vJ  N  voit  par  plusieurs  lettres  de  Louis  VU  à  Suger ,  insé- 
p.  5oo  et  suiv.  rées  au  tome  XV  de  la  nouvelle  Collection  des  historiens  de 
France ,  que  les  Templiers  lui  avaient  rendu  de  grands  ser- 
vices, même  en  argent,  pendant  son  séjour  en  Asie.  Mais 
leur  grand  maître  était  alors  Evrard  des  Barijes ,  nommé  en 
II 47  à  la  place  de  Robert-le-Bourguignon ,  qui  l'était  depuis 
I  i3o.  Evrard  des  Barres  eut  pour  successeur  en  1 149  Bernard 
de  Tramelai ,  qui ,  mort  en  1 1 53 ,  fut  remplacé  par  Bertrand 
de  Blanchefort. 

Blanchefort  était  le  nom  d'une  famille  illustre  de  Picardie, 

plus  connue  ensuite  sous  celui  de  Créqui.  Le  grand  maître 

des  Templiers  appartenait  peut-être  à  cette  famille.  L'art  de 

T.  I,  p.  517.    vérifier  les  dates  le  fait  naître  de  Godefroy,  seigneur  de  Blan- 

quefort ,  en  Guyenne. 

G.  de  Tyr ,       Bertrand ,  vaincu  par  Noradin  en  1 156 ,  fut  fait  prisonnier 


BERTRAND  DE  BLANCHEFORT.  4oi 

avec  quatre-vingt-sept  templiers  et  un  grand  nombre  de    XIT  sieclk. 
chrétiens;  la  liberté  ne  leur  fut  rendue  qu'en  1 1,19.  Il  n était  Uv.  i8,§  14.— 
pas  à  la  fameuse  bataille  que  ce  guerrier  musulman  livra ,  Hisi.  de  Fr.  t. 
le   10   août   ii65,  avec  un  si  grand  succès:  bataille  dans  ^^iP-^Sa. 
laquelle ,  sur  soixante  chevaliers  du  Temple ,  il  en  périt  cin- 
quante-trois. Le  grand-maître  était  alors  en  Egypte  avec  le 
roi  de  Jérusalem. 

Bertrand  de  Blanchefort  mourut  en  1168. 

Nous  avons  cinq  lettres  de  lui  adressées  à  Louis-le-Jeune  ;    t.  iv,  p.  692. 
elles  sont  la  353%  la  356%  la  36i%  la  365%  la  369^^  et  la  373'=  ^^J'e^vo'a^''"^' 
tlu  Recueil  de  Duchesne.  La  369*^  est  la  même ,  à  quelques 
variantes  près,  que  la  356*^.  Ces  lettres  concernent  toutes  ' 
l'état  des  affaires  des  chrétiens  en  orient.  Elles  sont  également 
imprimées  dans  le  premier  tome  des  Historiens  de  la  guerre  P.  ii76e,tsuir. 
sainte,  par  Bongars,  et  dans  le  tome  XVI  de  la  nouvelle  Col- 
lection des  historiens  de  France. 

Dans  la  première,  le  grand-maître  se  plaint  de  n'avoir        Duchesne, 
plus  d'événemens  heureux   à  annoncer:  il  dit  que  chaque  ^'    ^?^"    7°" 

l  •  A  11-  1  I  VI  '>  ^1       aussi  la  p,  607- 

jour  voit  croître  Inisolence  et  les  succès  des  persécuteurs  de  —  Hisi.  de  Fr. 
la  vérité,  des  ennemis  de  la  foi.  D'un  autre  côté,  le  ciel  a  t.  xvi ,  p.  38. 
permis  que  les  péchés  des  chrétiens  fussent  punis  par  un 
tremblement  de  terre ,  qui  a  détruit  les  propriétés  et  enseveli 
beaucoup  d'hommes  sous  les  ruines  des  édifices 'écroulés. 
Ces  grands  maux  ont  -été  suivis  par  des  maux  plus  grands 
encore.  (Il  veut  parler  de  la  mort  de  Baudoin  III,  roi  de 
Jérusalem ,  c[u'il  appelle  le  rempart  inexpugnable  de  la  mai- 
son d'Israël.  )  Et  cependant ,  quelque  •  fâcheuse  que  soit  la 
situation  du  successeur  de  ce  roi ,  il  est  obligé  de  venir  au 
secours  du  prince  d'Antioche,  de  lui  offrir  avec  largesse 
des  forces  au-dessus  peut-être  de  celles  dont  il  peut  disposer. 
Bertrand  de  Blanchefort  exhorte  donc  Louis  VII  à  prendre 
en  considération  l'état  malheureux  des  chrétiens  d'orient  ;  il 
l'y  exhorte  par  le  souvenir  de  la  passion  et  de  la  résurrection 
de  Jésus- Christ. 

La  langue,  la  main  ne  suffiraient  pas ,  dit-il  dans  une  autre         Duchesne, 
lettre  à  Louis-le-Jeune,  pour  exprimer  tout  ce  que  nous  ^e  f¥*  ~3  '** 
devons ,  mes  prédécesseui^s  et  moi ,  à  votre  munificence.  Aux  t 

éloges  qu'il  donne  sous  ce  rapport  au  zèle  actif  du  prince ,  à 
son  dévouement,  à  sa  libéralité,  il  joint  les  remerciements 
qui  lui  sont  dus  encore  pour  sa  bienveillance  envers  Geofroi 
Fulchier,  procureur  de  1  ordre  (et  non  grand-maître,  comme 
l'ont  dit  quelques  écrivains).  La  récompense  de  tant  de  ser- 

Tome  XIII.  Eee 


t'm         BERTRAND  DE  BLANCHEFORT. 

xii  SIECLE,  vices  rendus  ne  lui  paraît  pouvoir  être  accordée  que  par 
celui  qui  voit  et  entend  ce  que  1  œil  ne  voit  pas ,  ce  que  les 
oreilles  n'ont  point  entendu.  L'auteur  de  la  lettre  passe  en- 
suite aux  malheurs  de  la  Terre-Sainte ,  et  principalement  à 
l'état  d'Antioche.  Qu'en  dire?  à  qui  recourir?  cjui  implorer? 
Cette  ville  patriarchale ,  ce  siège  apostolique ,  tournent  leurs 
regards  vers  vous  dans  la  douleur  profonde  où  ils  sont  plongés. 
P.  694.  Voir  Ces  deux  lettres  sont  de  l'année  1162.  La  suivante  doit 
lepit.  3G9,  p.  ^j.j,g    ^g     1164.    Bertrand    de    Blancliefort    v    annonce   au 

700.  Voir  aussi         •  i  ^  i  V^  i  .  i 

la  iNouT.  Coll.  roi  quelcjues  succès  obtenus  en  Egypte,  les  projets  et  les 
desHist.  deFr.  efforts  de  Noradiii  pour  avoir  Babylone  et  réunir  contre  les 
p-7a;etieGesta  d^re'jiçns  [çg  t'orces  de  cet  empire  et  de  celui  de  Damas ,  l'état 

Dei  per  Iranc.      ,  ,     ,         ,  ,  <  .  i'  >  i      m  c    •  i 

p.  II 78.  déplorable  ou  contmue  a  être  la  1  erre-aauite  ;  les  maux  que 

la  trahison  vient  de  produire  en  y  laissant  perdre  la  ville  la 
plus  sûfe  et  la  mieux  fortifiée  ;  le  besoin  toujours  plus  pres- 
sant d'avoir  des  secours;  le  roi  de  Jérusalem,  Amaury,  ne 
pouvant  suffire  à  toutes  les  affaires  qu'il  peut  craindre,  à  tous 
les  pays  qu  il  a  à  défendre. 
Duchesne ,       Dans  Une  lettre  de  la  même  année,  Bertrand  de  Blancliefort 

p.  702.— G.Dei  pj^pjg  encore  de  la  Palestine  et  du  roi  de  Jérusalem  :  Amaury 

p.  rr.  p.  iib/).    r      .  ,    ,  „.  ,.  i      tvt  t        tit    • 

N. Coll. des Hls-  avait  marche  contre  biracon,  lieutenant  de  JNoradin.  Mais 
tor.deFr.p.80.  les  dangers  et  les  malheurs  d'Antioche  l'avaient  forcé  à  ne 
songer  qu'aux  moyens  de  la  secourir.  C'est  pour  contribuer 
à  ce  secours  même ,  que  le  grand-maître  implore  le  roi.  Il  y 
a  dans  la  lettre,  telle  cju'elle  est  imprimée  dans  Duchesne, 
'vestice  sanctitati  pour  vestrœ  suhlimitati ;  sans  doute  altesse., 
V.  le  t.  XIII  et  non  sainteté ,  était  le  titre  des  rois.  Louis-le- Jeune  fit  faire , 
des  H.  de  Fr.  à  cette  occasioii ,  une  collecte  pour  léglise  d'Orient. 
r-  ^°9-  Pauperis  militiœ  teinpli  niagister   liwnilis ,  ou    Magister 

dictas  quanwis  indignus  :  tel  est  le  titre  que  prend  Bertrand 
de  Blanchefort  dans  toutes  ses  lettres. 
Ep.  i53,  p.       Il  y  en  a  une  encore,  moins  importante,  dans  le  recueil 
695. -Hist.  de  jg  Duchesne,  et  c{ui  doit  avoir  été  écrite  vers  1168.  Elle  est 
Fr.  t.  XVI,  p.  ^^  faveur  d'un  croisé,  dont  les  champs  avaient  été  dévastés 
pendant  qu'il  était  à  la  Terre-Sainte.  Bertrand  de  Blanche- 
*  fort  demande  au  roi  la  réparation  de  cette  injure  et  la  puni- 

tion des  coupables.  P. 


XII  SIECLE. 

NIGELLE,  

ÉVÈQUE  D'KLY,  AU  COMTÉ  DE  CAMBRIDGE. 

INiGELLE  naquit  en  Normandie.  Il  était  neveude  Roger,      Angl.  Sacra, 
normand  lui-même,  qui  devint  chancelier  d'Angleterre,  et  '•  i'  P-  97  — 
qui  lut  nommé  en  iioa  évêque  de  Salisbury.  Nieelle  étudia'v"^!  "  *^'^''''' 
long-temps  en  rrance  avec  Alexandre  ,  son  irere  ,  depuis       Heiman,  de 
évéque  de  Lincoln ,  dans  l'école  que  tenait  avec  tant  d'éclat ,  ^^"'-  ^-  Ma'  i» 
au  commencement   du  XIP  siècle,  Ansel  ou  Anselme  de    '^^-î""' «'    ' 
Laon,  surjiomme  le  Scholastique,  dont  on  a  parle  an  tome  X    p.  lyoetsuiv. 
de  cette  Histoire  littéraire.  Devenu  d'abord  chapelain  et  tré- 
sorier du  roi  d'Angleterre,  c'était  alors  Henri  F'^,  Nigelle 
obtint  bientôt  l'épiscopat.  Roger,  son  oncle  et  le  protecteur      Angi.  SaS-a, 
de  sa  jeunesse,  vivait  encore  quand  le  roi  récompensa  ainsi  P'^-^^^a^'is'- 
les  services  que  lui  rendait  JNigelte  dans   les  (onctions  de  t.  i/p.'^^ee.    ' 
trésorier,  qu'il  lui  avait  conliées.  Roger  ne  mour.ut  qu'en  i  i3g. 
L'évêché  auquel  on  nomma  son  neveu  fut  celui  d'Ely,  dans 
le  comté  de  Cambridge. 

Henri  avait  désiré ,  on  pourrait  dire  commandé  l'élection 
que  les  religieux  devaient  faire;  car  il  ne  permit  de  procéder      An^i.Sacrà, 
im  choix' du  nouvel  évêque  qu'à  condition  que  ce  choix  por-  'i,  p- 6i^,|^'''' 
terait  sur  Nigelle.  YlAnglia  sacra  fixe  sa  noniination  à  la       Couf.  p.  6iS^^ 
troisième  année  après  la  mort  d'Hervey,  sou  prédécesseur;  et  ^"^  °'9- 
pourtant,  elle  appelle   11 33  cette  troisième  année,  tandis 
qu'elle  venait  de  fixer  cette  même  année  de  11 33  comme  celle 
cle  la  mort  d'Hervey.  Nigelle  fut  sacré  à  la  fin  de  septembre 
ou  au  commencement  d'octobre,  par  l'archevêque  de  Gan- 
torbéry.     _  ^^  _  ^       ^         ;.;  oD -..ji-r/i  ^i    .  !.r,dv,,.v 

Les  moines  d'Ely  se  repentirent  bientôt  du  choix  quMls     Angil  Sàci-a  ; 
avaient  fait  de  Niirelle.  Appelé  à  Londres  par  ses  fonctions  P-6i<)-  — Mab. 

,  ,         .         ,  9  .1  ^  ^  •  ^  .     A  .,  n       J^nn-  Bened.  t. 

de  trésorier  du  roi ,  qu  il  conserva  quoique  eveque ,  il  confia  vi,  p.  235. 
le  soin  de  son  diocèse  à  un  Ranulfe  ou  Radulfe,  que  l'histoire 
d'Ely  nous  représente  comme  méchant ,  audacieux ,  calom- 
niateur, prêt  à  réduire  le  monastère  et  ses  religieux  à  la  . 
situation  la  plus  déplorable.  Nigelle  ordonna  qu'on  fit  un 
état  plus  siÀr  et  mieux  circonstancié  de  ses  revenus,  qu'on 
y  exprimât  bien  tout  ce  qu'il  devait  posséder  ou  recevoir  en 
domaine ,  en  cens ,  en  hommes ,  afin  cjue  chacun  connût  po- 
sitivement ce  qu'il  devait  faire  ou  donner,  et  qu'on  ne  put, 

Eeea 


t.  I ,  p.  620  et 
seqq, 


404  NIGELLE,  ÉVÊQUE  D'ÉLY. 

Xil  SIECLE,    claucune  manière ,  le  priver  des  di'oits  qui  lui  étaient  accor- 
dés par  les  décrets  des  conciles.  Il  avait  reçu  plusieurs  dons 
de  Henri  F''  ;  il  en  reçut  plusieurs  encore  du  roi  Etienne.  Il 
reprit  sur  d'autres  églises  des  biens  qu'il  prétendait  usurpés 
sur  la  sienne.  Il  ne  respecta  ni  ce  dont  jouissaient  les  moines, 
Angi.  Sacra,  ni  cux-mémes.  L'historien  d'Ely  raconte  les  maux  dont  ils 
furent  victimes ,  les  malheurs  qu'éprouva  l'évêque  à  son  tour 
dans  les  guerres  dont  le  royaume  tut  tourmenté,  les  entre- 
prises tyranniques  que  l'on  eut  encore  à  lui  reprocher,  quand 
il  crut  pouvoir  recommencer  à  s'y  livrer.  Deux  lettres  de 
•Thomas  de  Cantorbéry,  qui  ne  sont  pas  imprimées  clans  le 
T.  t,  p.  628.    recueil  de  Lupus,  mais  cjui  le  sont  dans  \yingUa  sacra, 
l'avertissent  d  abord  et  lui  commandent  ensuite  de.  rendre  à 
l'église  d'Ely  et  à  ses  religieux  tout  ce  qu'il  leur  a  pris.  Il  y 
en  a  une  autre  de  ce  prélat  à  Nigelle ,  et  celle-ci  a  été  publiée 
p.  S^ii  et545.    dans  le  recueil  crue  nous  venons  de  nommer  :  l'archevêque 
de   Cantorbéry  lui  fait  part  de  diverses  excommunications 
(mil  a  prononcées,  et  l'invite  à  les  faire  proclamer  dans  son 
diocèse,  afin,  dit-il,  que  la  brebis  malade  ne  puisse  souiller 
et  corrompre  le  troupeau.  Cette  lettre  parait  être  de  l'an- 
née 1 168. 
Angi.  Sacra,       Nigcllc  n'avait  pas  conservé  long-temps  auprès  d'Etienne 
p. 620. —  H. A.  jj^  faveur  qu'il  v  avait  d'abord  trouvée.  Le  roi,  ciui  l'accusait 
p.  5o8  et  1027  ;  «  être  du  parti  des  seigneurs  révoltes  contre  lui ,  le  depouilRi 
t.il,p.2385.—  (Je  tous  ses  biens  et  le  chassa  du  royaume.  Rétabli  quelcjues 
Rob.diiMont,  g^j^^pg  après ,  il  sembla  vouloir  réparer  les  torts  qu'il  avait 

in    App.    oper.     „.,  1  ^,  ,..  r\      \  ■  -^  1 

Guiberti,p.76o.  fait  loug-temps  a  ses  religieux.  Un  le  voit  encore  cependant 

—  Ann.  Bened.  se  permettre  des  déprédations,  et  encourir  par-là  du  pontife 

*  An'  fs^acra    romain ,  c'était  Adrien  IV,  une  sentence  de  suspension.  Nigelle 

p.  627  et  seqq!  avait  un  fils  naturel,  nommé  Richard,  c|ui  fut  dans  la  suite 

Warthon  ,   de  évêque  de  Londres ,  jeune  homme  élevé  dans  le  monastère 

Episcopis  Lon-  (i'£|y  ^  d^xA  n'avait  pas  toujours  bien  traité.  Le  père  ayant 

'  acheté  pour  lui  la  place  de  trésorier  du  roi ,  et  n'ayant  pas 

de  quoi  la  payer,  avait  vendu,  pour  y  suffire,  les  ornemens 

et  les  effets  les  plus  précieux  de  son  église  ;  et  c'était-là  l'objet 

de  l'indignation  des  religieux  et  du  pape. 

A.  Sacra,  p,       Nigelle  mourut  le  3o  mai   1169,  la  quinzième  année  du 

g.-R.  duM.  j-j^gne  de  Henri  II.  Il  avait  assisté,  comme  évêque  d'Ely, 

^  Rob.  du  M.  au  sacre  de  ce  prince  en  1 154.  Les  Centuriateurs  de  Magde- 

P-  772.  bourg  se  trompent  cjuand  ils  ne  placent  sa  mort  cju'en  1 171 9 

c.  3o,p.  i852.  p^  ^,ç^  événement  est  néanmoins  tout  ce  qu'ils  rapportent 'de 

Nigelle. 


02 


PIERRE  DE  RAIMOND.  4o5 

Robert  du  Mont  parle  d'un  Nigelle,  vicomte  de  Coutances    >^ii  SiEfj.E. 
et  fondateur  du  monastère  Saint-Sauveur.  Il  pourrait  se  faire    Append.  oper. 
que  notre  évéque  fût  le  petit-fils  de  ce  vicomte,  qui  vivait  Guibeit.p.817. 
sous  Guillaume-le-Gonquérant  et  sous  Guillaume-le-Roux , 
son  fils. 

Levêque  d'Ely  fut  ami  des  lettres  :  il  les  favorisa  par  ses  Angl.  sacra, 
libéralités  autant  que  par  son  exemple;  il  fonda  ou  dota  des  '•  ^'  P-^'9- 
établissemens  consacrés  à  l'instruction.  D'abord  trésorier  du 
roi,  comme  nous  l'avons  dit,  il  paraît  que  les  fonctions 
auxquelles  il  était  alors  voué  l'engagèrent  à  des  travaux  dont 
ces  fonctions  même  et  les  connaissances  analogues  étaient 
l'objet.  Il  rédigea  par  écrit  tout  ce  qui  regardait  la  forme  des 
lois  et  des  jugemens  de  la  cour  de  l'échiquier  ou  du  trésor 
royal,  lois  qui  avaient  été  comme  oubliées  pendant  cette 
longue  suite  d'années  de  guerre,  dont  le  royaume  avait  été 
affligé.  Gervais  de  Tilbéry  profita  beaucoup  de  cet  ouvrage 
pour  composer  son  livre  de  Scaccarii  jurihus  et  consuetudi- 
.nibus  :  il  y  rend  une  éclatante  justice  à  l'auteur  qui  l'avait 
précédé.  Il  l'appelle  même  incîomparable  ;  il  ne  croit  du  moins 
pouvoir  le  comparer  qu'à  Esdras,  qui  retrouva  le  livre  de 
la  loi.  ,       P.  • 


PIERRE  DE   RAIMOND, 

ABBÉ  DE  SAINT-MAIXENT. 

riERRE   DE   Raimond    fut   élu    abbé    de   Saint-Maixent 
en  II 34;  il  succédait  à  Geoffroi,  qui  était  mort  au  mois  de 
janvier  de  cette  même  année.  Pierre  obtint  d'Eugène  III  et      MaLill.  Ann. 
des  rois  de  France  et  d'Angleterre  plusieurs  privilèges  en  ^  *^"*  "  '"    '^' 
faveur  de  son  abbayç.  Il  en  augmenta  les  revenus  et  y  main- 
tint la  discipline  religieuse.  En  i  i5i ,  il  fut  présent  au  juge- 
ment que  prononça  Louis  VII  à  Saint- Jean-d' Angely ,  dans 
une  affaire  qui  intéressait  l'abbé  de  Meillezais.  Eléonore, 
reine  d'Angleterre  parle  de  Pierre  de  Raimond  et  l'appelle 
son  cousin  .dans  deux   lettres  adressées   par  elle  l'une  au      Spicii.  t.  11, 
cardinal    Hyacinthe  ,   l'autre   au   pape  Alexandre   III.   Ces  Misceii.  cp.  3i 
deux  lettres  sont  écrites  en  ii65,-et  prouvent  que  Pierre  ^^   2,  p.  4 


Yvoiiis  Carnol 

p.   223. 


406  PIERRE  DE  RAIMOND. 

XII  sreCLE.    vivait  eiicore  en  cette  année.  Il  n'existait  plus  le  6  janvier 
"  1170  ,  quand  la  paix  fut  conclue  à  Saint-Geimain-en-Laye, 

entre  Louis  VII  et  le  roi  d'Angleterre  Henri  II.  Pierre-cle-la- 
Tour  était  alors  abbé  de  Saint-Maixent.  Nous  n'avons  aucun 
moyen  de  fixer  l'époque  précise  de  la  mort  de  Pierre  de 
Raimond  entre  1 163  et  i  lyo. 

Avant  d'être  abbé  de  Saint-Maixent ,  Pierre  de  Raimond 
avait  écrit  une  lettre  à  Baldric,  ésêque  de  Dol,  qui  mourut 
Jtiret  io  Ep.  en  I  i3i  «u  même  en  i  i2f).  Cette  lettre,  relative  à  un  ouvrage 
de  Baldric  sur  les  Croisades ,  n'a  point  été  publiée ,  et  pour- 
rait bien  être  d'im  autre  Pierre  ;  mais  on  doit  à  celui  c{ui 
nons  occupe  un  Cartulaire  de  Saint-Maixent,  dans  lequel  il 
recueillit  ou  fit  recueillir  plus  de  deux  cent  cjuatre -vingts 
monuments ,  depuis  le  règne  de  Louis-le-Débonnaire  jusqu'à 
l'année   ii5o.  On  conservait  ce  manuscrit  à  Saint-Maixent 
avec   la   copie   qui   en   fut    faite   an   X  VIP   siècle ,  et    qui 
comprenait  la  continuation  du  Cartulaire  sous  les  succes- 
seurs de  Pierre  de  Raimond.  Mabillon  attribue  à  cet  abbé  une 
Chronique  divisée  en  deux  parties.  La  première,  qui  com- 
mence a  la  création  et  finit  à  Francus  et  Vassus,  princes  des 
Francs,  est  restée  manuscrite  :  elle  n'est  qu'un  recueil  d'ex- 
traits de  Josèphe,  d'Eusèbe  et  d'Orose.  La  seconde,  qui  se 
Biblioih.noT.  termine  à  l'année  ii34,  a  été  publiée  par  Labbe,  d'après  un 
p.  :yo-22i.—  manuscrit  qui  avait  appartenu  à  Jean  Besly,  et  ciue  celui-ci 
de l'r.  t.  IX,  p.  îi^'iit  tire  des  archives  de  IMeillczais.  C  est  de-la  peut-être  que 
8  ;  X,  33i  ;  XI,  vicut  le  uom  de  Meillezais  que  l'on  donne  quelquefois  à  cette 
2i(i;Xli,  400.  chronique,  où  d'ailleurs  on  ti^ouve  en  effet,  sur  la  fondation 
et  le  rétablissement  de  l'abbaye  de  Meillezais ,  de  noriibreux 
et  longs  détails. 

Le  P.  Labbe  ,  en  imprimant  le  second  livre  de  cet  ouvrage, 
en  a  retranché  plusieurs  articles,  celui  de  Charlemagne,  par 
exemple.  Ces  morceaux ,  dit  l'éditeur ,  ne  contiennent  rien 
qui  ne  soit  dans  Grégoire  de  Tours ,  dans  Aimoin  et  ailleurs 
encore.  Nous  pouvons  même  juger,  par  les  trente  et  une 
pages  imprimées' dans  le  P.  Labbe,  qu'en  ce  qui  concerne 
l'histoire  civile  et  l'histoire  générale  de  l'église ,  Pierre  de 
Raimond  n'a  fait  le  plus  souvent  que  transcrire  les  chroniques 
plus  anciennes  que  la  sienne,  et  spécialement  celle  d'Adhé- 
mar.  Seulement,  il  y  a  joint  beaucoup  d'articles  sur  les  mo- 
nastères de  lEcluse,  de  Vézelai,  de  Meillezais,  de  Saint- 
Maixent.  L'histoire  des  abbayes  et  sur-tout  de  celles  du 
Poitou    semble    être   l'objet  principal    de   ce  second  livre. 


PIERRE  DE  RAIMOND.  407 

Mabillon  reproche  à  Tauteur  des  inexactitudes  dans  quelques    xil  siècle. 
catalogues  chronologiques  d'abbés,   des  omissions  impor-      Aim.  Bened. 
tantes  dans  le  recensement  des  chartes.  Mais  on  ne  saurait  liv. 011,11.104. 
lui  contester  jine  connaissance  très-parfaite  de  l'histoire  par- 
ticulière de  son  abbaye  de  Saint-Maixent  :  il  rend  compte  des 
ravages  qu'elle  a  plusieurs  fois  essuyés  ,  de  ses  divers  réta- 
blissemens ,  des  translations  des  reliques  qu'elle  possède ,  et 
des  érections,  réédilications,  consécrations  des  églises  du  lieu 
où  elle  est  située.  A  tant  de  détails ,-  on  i^éconnaîtrait  assez 
dans  le  chroniqueur  un  religieux  de  ce  monastère,  si  les 
expressions  islam  villani ,  hune  locuni ,   qu'il  emploie  en        P-  *'*■ 
parlant  de  Saint-]V[aixent,  pouvaient  laisser  sur  ce  point  le  '  ^*°' 

plus  léger  doute.  Chacun  des  abbés  prédécesseurs  de  Pierre 
de  Raimond  reçoit  ici  un  ti'ibut  d'éloges ,  et  le  silence  que  la 
eh  ionique  garde  sur  lui  n'est  pas  le  plus  faible  des  indices 
qui  font  penser  qu'il  en  est  l'auteur.  On  lit  seulement  à  la  lin 
que  Pierre  de  Raimond,  religieux  de  l'Ecluse,  de  Clusâ , 
succéda  à  Geoffroi,  abbé  de  Saint-Maixent;  et  cette  ligne, 
qui  au  surplus  n'énonce  cju'un  fait  positif,  a  peut-être  été 
ajoutée  par  quelque  autre  main.  Labbe  et  Guillaume  Cave      Cave,Saecul. 
pensi  nt  que  cette  Chroniqiie  fut  rédigée  vers  ii4o:  Labbe  ^Vaidense,  t.  li, 
toutefois  conjecture   que  deux  auteurs  pouiTaient  y  avoir  ^  "  ^^^" 
travaillé;  mais,  si  l'on  excepte  vni  très-petit  nombre  d'ad- 
ditions   légères ,    cette    hypothèse    nous    paraît    assez    peu 
fondée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  chronique  de  Meillezais  a  souvent       Hist.    Litt. 
été  citée  comme  une  production  anonyme;  et  nos  devanciers  ^'  ^^''  P'  ''" 
l'ont  traitée  comme  telle  dans  le  compte  assez  long  qu'ils  en 
en  oiit  rendu. 

A  la  suite  de  cet  ouvrage ,  Labbe  a  publié  deux  livres      Eibl.  nov.  p, 
qui  traitent  du  rétablissement  de  l'île  de  Meillezais ,  et  de  la  ^^^' 
translation  de  Saint-Rigomcr.  Ces  deux  livres,  adressés  à 
Goderan,  abbé' de  Meillezais ,  sont  d'un  religieux  de  cette 
abbaye,  qui  portait  aussi  le  nom  de  Pierre,  et  que  l'on  a 
quelquefois  confondu   avec  Pierre  de  Raimond.   Pierre  de      j.  Desly,pr:e- 
Meillezais  écrivait  dans  le  siècle  précédent,  vei"s  io8q 


D. 


fat.    ad   liislor. 
PetiiTudeboili. 


^'«^vv^-%  ^«^«  «  «^w»  «^  «. 


«-V««^'V«-«i^V^^%^^«.«^«r^^«>^/^«» 


XII  SIECLE. 


ANDRÉ, 


CHANOINE  REGULIER  DE  SAINT-VICTOR 

DE  PARIS. 


Gall.  Christ. 
t.  VII  ,  col. 
712. 


Ibid.   t. 
col  188. 


II 


op 


Rltli.   Vict. 
p.  aSo. 


A.NDR-É  était  anglais  de  naissance.  Ce  fut  Hugues  de  Saint- 
Victor  qui  le  forma  aux  lettres  divines  et  humaines.  Le  dis- 
ciple Ht  honneur  au  maître,  qu'il  remplaça  dans  la  chaire  de 
Saint-Victor  après  Nantère.  On  ne  peut  dire  combien  de 
temps  il  occupa  ce  poste ,  ni  en  cjuelle  année  il  mourut.  Les 
auteurs  du  nouveau  Gallia  Chiistiana  disent  qu'il  fut  un  des 
chanoines  de  Saint-Victor  qui,  l'an  11 48,  furent  tirés  de 
cette  maison  avec  Odon ,  pour  metti*  la  réforme  à  Sainte- 
Geneviève  ;  mais  ils  n'en  donnent  pas  de  preuve.  D'autres 
prétendent  qu'il  devint  abbé  de  Saint-Satur ,  dans  le  Berri. 
On  voit  effectivement  un  André  à  la  tête  de  cette  abbaye 
en  1 1 93  ,  mais  rien  ne  porte  à  croire  que  ce  soit  le  même 
que  notre  auteur. 

Les  ^écrits  cjui  nous  restent  de  lui  sont  des  commentaires 
sur  l'Ecriture-Sainte ,  dont  aucun  n'a  encore  vu  le  jour.  Le 
premier  est  sur  le  Pentateuque,  qu'il  explique  littéralement. 
On  le  voit  à  la  Bibliothèque  de  Saint-Victor,  cote  i44>  et  il 
commence  par  ces  mots  :  Difficile  quod  diirum ,  quod  graK>e , 
quod  asperum  est,  ohservatur.  Il  se  rencontre  aussi  dans  celle 
de  Saint-Benoît  de  Cambridge,  accompagné  des  commen- 
taires du  même  auteur  sur  les  livres  des  Rois ,  les  Paralipo- 
mènes ,  les  Proverbes ,  l'Ecclésiaste  et  les  douze  petits  Pi'o- 

f)hètes.  Dans  ce  dernier  dépôt ,  un  autre  manuscrit  renferme 
es  commentaires  d'André  sur  Daniel  et  les  Macchabées. 

Le  dernier  ouvrage  subsistant  de  notre  auteur  en  ce  genre, 
est  un  commentaire  sur  Isaïe.  Nous  en  connaissons  deux 
exemplaires,  l'un  de  la  Bibliothèque  de  Saint-Victor,  l'autre 
de  la  Bibliothèque  impériale,  11°  i25.  André,  dans  ce  com- 
mentaire, appelle  souvent  à  son  secours  les  anciens  inter- 
prètes ,  et  sur-tout  Origène  ;  mais  il  s'appuie  quelquefois  un 
peu  trop  sur  "l'autorité  des  Juifs.  C'est  un  reproche  bien 
mérité  que  lui  fait  Richard  de  Saint -Victor ,  au  sujet  de  la 
célèbre  prophétie  Voila  qu'une  Vierge  concevra,  et  enfantera. 
André  rapportant  sur  ce  passage  les  explications  respectives 


GARNIER,  SOUS-PRIEUR  DE  S.- VICTOR.      409 

des  chrétiens  et  des  juifs ,  fait  beaucoup  trop  valoir,  au  juge- 
ment de  Richard,  ceUes  des  juifs  qui  sont  phis  littérales,  et 
fiait  scandaleusement  sans  rien  décider  :  ce  qui  porta  plu- 
sieurs personnes  de  son  temps  à  entendre  la  prophétie ,  non 
de  la  mère  du  sauveur,  mais  de  la  femme  du  piophète.  Ses 
disciples  étaient  les  plus  ardens  à  défendre  cette  explication. 
Ricliard  craignant  qu'elle  ne  fit  tort  à  la  religion  dans  l'es- 
prit des  simples  ,  prit  la  plume  pour  la  réfuter,  et  composa 
son  Emmanuel,  dont  il  sera  pailé  à  son  article.  Du  reste, 
André  mérite  de  tenir  un  rang  considérable  parmi  les  inter- 
prètes' sacrés  du  XIP  siècle.  Il  en  est  effectivement  peu  cjui 
réunissent  comme  lui  la  clarté  et  la  précision ,  qui  s'écartent 

Fins  rarement  de  leur  objet,  et  sachent  placer  plus  à-propos 
érudition.  Il  avait  la  coimaissance  des  langues   greccpie  et 
hébraïque ,  avantage  peu  commun  dans  son  siècle. 

B. 


Xir  SIECLE. 


GARNIER, 

SOUS-PRIEUR  DE  SAINT-VICTOR  DE  PARIS. 


(jARNiER   était  sous-prieur  de  Saint- Victor  de  Paris  dès    fi°"^^^"''''"*'* 
l'an  I  i/jo,  date  d'une  charte  qu'il  souscrivit  en  cette  qualité.  3/"!"  33,5.  ^^^' 
L'histoire  manuscrite  de  Saint-Victor  met  sa  mort  en  1 170. 
Ces  deux  époques  renversent  l'opinion  de  ceux  qui  con- 
fondent ce  chanoine  régulier  avec  Garnier,  chartreux,  écri- 
vain du  XV^  siècle ,  auquel  ils  attribuent  ses  ouvrages. 

Attaché  à  la  lecture  des  écrits  de  saint  Grégoire-le-Grand, 
il  en  recueillit  les  traits  les  plus  remarquables  sur  l'Écriture 
sainte,  les  mit  en  ordre,  et  en   composa  un  commentaire 
suivi  sur  tout  le  texte  sacré,  qu'il  divisa  en  seize  livres,  sous 
le  titre  de  Gregorianiim.  Garnier  n'ouvrit  pas  la  carrière  dans      Hist.    littér. 
ce  genre  de  travail;  il  avait  été  précédé,  comme  on  l'a  dit  '•  ^1^  P-  *^<'» 
ailleurs ,  par  quatre  compilateurs  comme  lui ,  et  fut  encore 
suivi  de  trente  autres,  qui  tous  travaillèrent  à  former  un 
corps  de  doctrine  d'après  les  œuvres  de  saint  Grégoire,  cha- 
cun à  sa  manière.  Jean  Picard ,  qui  a  donné  une  édition  du 
Gregorianum  de  Garnier,  ne  fait  pas  difliculté  de  lui  décerner 
la  palme  sur  tous  les  autres ,  pour  le  choix  des  passages  et 
Tome  XJII.  Fff 


4io  ACHARD  DE  CLAIRVAUX. 

XII  siF.CLK.  poui'  le  discernement.  C'est  sur  quoi  nous  nous  abstiendrons 
de  prononcer.  Mais ,  si  la  préférence  est  due  à  ceux  qui  ont 
mieux  conservé  les  propres  paroles  du  saint  docteur,  Garnier 
l'emporte  sur  les  autres. 

Son  ouvrage  a  été  répandu  dans  le  public  par  deux  éditions 
faites  l'une  et  l'autr-e  à  Paris;  la  première,  l'an  i5i8,  in-4°, 
chez  Pierre  Gandoul ,  sous  ce  titre  :  Guernerii  sive  Garnerii 
enucleainenta  Bibliœ ,  compilata  ex  (h'egorii  codicihus.  La 
seconde  en  1608,  in-8°,  chez  Burchard  Rnick  ,  par  les  soins 
de  Jean  Picard,  chanoine  l'égulier  de  Saint-Victor,  qui  a 
substitué,  conibrmén  ent  aux  meilleurs  manuscrits,  le  titre 
de  Gregorianum  au  titre  précédent.  Notre  abréviateur  de 
saint  Grégoire  a  été  lui-même  abrégé  par  Absalom,  qui  de 
religieux  de  Saint-Victor  devint  abbé  de  Springkirhbac ,  au 
diocèse  de  Trêves.  Cet  abrégé  était  conservé  manuscrit  à 
Saint- Victor ,  sous  le  titre  de  Brcviarium  Garnerii. 

Garnier  se  mêlait  aussi  de  médecine ,  suivant  un  ancien 
catalogue  des  manuscrits  de  Saint-Victor ,  où  l'on  voyait  : 
Garnerii  suhprioris  S.  l  ictoris  Reginien  sanitatis.  Mais  l'ou- 
vrage que  ce  titre  indique  n'est  pas  venu  jusqu'à  nous. 


lib 

p.  i33 


ACHARD   DE  CLAIRVAUX. 

A.CHARD,  maître  des  novices  à  Clairvaux,  a  été  confondu 

DeHist.Lat.  par  Vossius  avcc  Achard,  abbé  de  Saint-Victor,  et  depuis 

'•  ^^'  ^-  ^^'  évêque  d'Avranches.  Celui  dont  nous  parlons  embrassa  l'état 

monastique  vers  l'an  i  \^[\^  sous  saint  Bernard ,  qui  l'employa 

Manriq.Ann.   d'abord    à    la   fondation    de    quelques    nouveaux    couvens. 

iia^c  3  n'5!  Achard  contribua,  par  exemple,  en  11 34  fi  l'établissement 

-Exord.Magn.  du  mouastère  d'Hemmerode,  au  diocèse  de  Trêves.  Ce  fut 

Cisi.  dist.  3,  c.  alors,  et  non  loin  de  cette  ville,  qu'il  visita,  par  ordre  de 

t.°i'  p.  112-  saint   Bernard,   un   solitaire  nommé   Gezelin  ,    Gizelin  ou 

114.  Schozi'Iin.  Parvenu  à  un  âge  plus  avancé,  Richard  devint 

directeur  des  novices  de  Clairvaux,  et,  par  le  dévouement 

avec  lequel  il  s'acquitta  de  cette  fonction ,  il  remplit  toutes 

Hîst.  Litt.  les  espérances  de  l'abbé  qui  l'en  avait  chargé.  Cave  nous  le 

Sciipt.   Kccies.  représente  comme  un  grand  philosophe  et  comme  un  théo- 

logien  célèbre  :  mais  cet  éloge  nest  justilie  par  aucune  pro- 


p.  579. 


ACHARD  DE  CLAIRVAUX.  4ri 

duction ,  ni  par  aucun  témoignage  contemporain.  Herbert  et  ^i'  siècle. 
l'auteur  du  grand  exorde  de  Cîteaux  ne  louent  dans  Achard 
que  les  vertus  d'un  moine  et  le  zèle  d'un  maître  des  novices. 
Ils  ne  nous  apprennent  point  la  date  de  sa  mort.  Henriquez, 
dans  le  ménologe  de  Cîteaux,  a  placé  Achard  au  i5  sep- 
tembre. Mais,  s'il  mourut  en  effet  ce  jour-là  ,  nous  ignorons 
en  quelle  année.  Nous  savons  seulement  cju'il  parvint  à  la 
vieillesse:  in  senectute  honâ  migravit  ad  dominum,  dit  son 
disciple  Herbert;  ce  qui  semble  nous  autoriser  à  prolonger  " 
la  vie  d'Achard  jusqu'en  i  lyo  au  moins;  puisqu'en  le  suppo- 
sant âgé  de  vingt-cinq  ans  en  1 124,  lorsqu'il  entrait  à  Clair- 
vaux,  il  n'aurait  été  que  septuagénaire  en  iiyo. 

De  Visch  n'a  ni  vu ,  ni  rencontré  personne  qui  eût  vu  les      Eibl.  cisicic. 
sermons   d'Achard  aux  novices  de  Clairvaux.    Montlaucon  P'  '  ;. 
toutefois  en  indique  deux,  l'un  sur  les  sept  déserts,  l'autre  123^. 
sur  tous  les  saints  ;  le  premier  commençant  par  ces  mots  : 
Ductus  est  Jésus  in  désertion  ;  et  le  second  par  ceux-ci  :  Ma- 
gnoruni  et  spiritiialium  viroriim.  L'écrit  qu'on  a  le  plus  attri- 
bué au  moine  Achard  est  une  vie  de  cet  hermite  allemand, 
Schozelin  ou  Gozelin ,  dont  il  vient  d'être  question.  Mais  la 
composition  de  cet  opuscule  nous  paraît  appartenir  autant 
ou  plus  à  Herbert,  novice  à  Cîteaux  sous  Achard  et  depuis 
arclievêque  en  Sardaigne,  qu'à  cet  Achard  lui-même.  Voici 
le  foit. 

Herbert  a  composé  sur  les  miracles  des  moines  cisterciens 
trois  livres ,  dont  le  père  Mabillon  a  inséré  quelques  frag- 
mens  dans  le  second  volume  des  œuvres  de  saint  Bernard.  Col.  1223, 
Or  le  premier  de  ces  fragmens  concerne  Achard,  et  cet  1^24,12 
article  se  termine  ainsi  :  «  Lorsque  nous  étions  novices ,  cet 
«  excellent  directeur,  pour  nous  exciter  par  des  exemples  à 
«  la  pratique  des  vertus  ,  nous  racontait  beaucoup  d'his- 
«  toires ,  entre  lesquelles  j'ai  résolu  d'écrire  celle  cjui  m'a  le 
«  plus  frappé.  »  De  quibus  et  nos  unuin  salteni  stylo  man- 
dare  decrcvinius. 

Aussitôt ,  en  effet ,  Herbert  se  met  à  conter  l'histoire  de 
Schozelin  ;  et ,  comme  il  ne  la  connaît  que  par  les  récits 
d'Achard  ,  c'est  Achard  qu'il  fait  parler  :  Ego ,  inquit ,  cuni  in 
episcopatu  Trevirensi  convcrsarer  ^  etc.  Quand  l'histoire  est 
terminée ,  Herbert  reprend  la  parole  en  ces  termes  :  «  Tels 
«  étaient  les  exemples  par  lesquels  dom  Achard  nous  forîi- 
«  fiait  dans  la  pratique  de  la  vertu  »  :  Hœc  et  similia  nohis 
Tteophytisdominus  Achardus  rcferehat  eocempla ,  etc.  «Enfin, 


122a. 


4i2       GIRAUD,  AUX.  D'UNE  VIE  DE  S. -JEAN. 

XII  SIECLE.  «  continue  Herbert,  Achard  vieillit  et  mourut  lui-même,  et 
«  fut  enseveli  dans  le  séjDulcre  de  ses  frères»  :  Ad postre- 
j)iuni  autem  etiam  ipse  deficiens  in  senectute  bond  migrant 
ad  dominuni  et  sepultus  est  in  sepidchro  fratrwn  suorum. 

Nos  lecteurs  peuvent  juger,  d'après  cet  exposé,  si  le  véri- 
table auteur  de  la  vie  du  solitaire  allemand  est  Achard  cpii 
la  racontait,  ou  Herbert  qui  prit  la  peine  de  la  rédiger  par 
écrit.  Stylo  mandate  decrevimus.  Au  surplus,  cet  opuscule, 
qui  occupe  trois  colonnes  dans  le  tome  II  des  œuvres  de 
saint  Bernard ,  se  peut  lire  encore  dans  le  recueil  des  Bol- 
P-  ^'fi-       landistes  au  6  août.  Il  avait  été  publié  poiu-  la  première  fois 
Diini,Auroy,  par  Amold  Raisse  en  i6a4.  Baillet,  cjui  la  traduit  en  français, 
'°:,î.^-   ,     „     iirétend  aue  les  vertus  de  saint  Gescelin  sont  au-dessus  de  la 

\  les  des  SS.    ^  -       i  ^  j'  ■      •        ■  77  ■\i    ■  •  -i 

6  août, p.  94.  portée  de  limitation  des  nommes.  «iMais,  ajoute-t-il,  sa  vie 
«  mérite  d'être  publiée,  pour  nous  munir  contre  la  témérité 
«  de  ceux  qui  condamnent  ce  qui  passe  leur  raisonnement.» 
La  manière  de  A'ivre  de  saint  Gescelin  était  réellement  tout- 
à-fait  siu-naturelle  :  on  le  vit  pendant  quatorze  ans  errer 
tout  nu ,  pour  l'amour  du  Christ ,  dans  les  forets  et  dans 
les  montagnes  ;  n'ayant  pour  toit  que  le  ciel ,  pour  vêtement 
que  l'air,  pour  nourriture  que  celle  que  partageaient  avec 
lui  les  animaux  :  Annis  si  quidein  quatuordecini  solii'agus 
ac  toto  corpore  nudus ,  montibus  et  sylvis  pro  Christi  amore 

oberrans cœlum  hahens  pro  tecto ,  aereni  pro  vestimento , 

pecorinum  victum pro  cibo  humano.  D. 


«V^.^«,'«^V%' 


GIRAUD, 

AUTEUR  d'une  VIE  DE   SAINT  JEAN,  e'vÊQUE  DE  VALENCE, 

EN    DAUPHINe'. 

Oaint    Jean,  évêque  de  Valence,  en  Dauphiné,  mourut 

en  II 45.  Avant  son  épiscopat,  il  avait  été  le  premier  abbé 

du   monastère  de  Bonnevaux,  dans  le  diocèse  de  Vienne. 

L'histoire  de  sa- vie  et  de  ses  miracles  a  été  composée,  selon 

BibLCisterc.  de  Visch  et  Manrique,  par  un  anonyme,  religieux  de  cette 

P'  ^^"      .  abbaye  :  mais,  à  la  tête  de  cette  même  légende,  publiée  par 

an.  1114,  c.  i,  dom  Martène,  l'auteur  est  nommé  Giraud ,  et,  dans  l'un  des 

n.  7-  chapitres  de  l'ouvrage,  il  parle  de  lui-même  en  se  quahfiant 

Thés.  Anecd. 


ADRIP:N,  PREVOT  DE  MAUBEUGE.       4i3 

garde  du  tonil)eau  de  lëvêque  Jean  :  fonction  qui  semble  xii  siècle. 
mieux  convenir  à  un  chanoine  de  l'église  de  Valence,  qu'à  t.  m  p.  i6q3- 
un  moine  de  Bonnevaux.Quoi  qu'il  en  soit,  Giraud,  succom-  1702. 
bant  aux  fatigues  de  son  emploi  de  gardien ,  incommodé 
sur- tout  de  la  fumée  des  chandelles  entretenues  autour  du 
sépulchre ,  tomba  malade  de  phthisie ,  se  repentit  de  ses 
péchés,  et  fit  vœu  de  les  expier  par  une  meilleure  conduite 
et  en  écrivant  la  vie  de  saint  Jean  de  Valence  ,  si ,  par  l'inter- 
cession de  ce  bienheureux,  il  parvenait  à  recouvrer  la  santé. 
C'est  à  la  guérison  de  Giraud ,  à  sa  conversion ,  et  à  5a  fidé- 
lité H  remplir  sa  promesse  que  nous  devons  son  ouvrage, 
ainsi  qu'il  nous  en  instruit  lui-même.  Il  a  fort  peu  de  détails 
à  nous  offrir  sur  la  partie  non  miracideuse  de  la  vie  du 
saint  prélat,  mais,  en  revanche,  il  sait  tous  les  prodiges 
opérés  par  lui  avant  et  après  sa  mort,  ne  doute  d'aucun,  et 
les  raconte  avec  une  édifiante  simplicité. 

Le  manuscrit  d'où  Martène  a  tiré  cette  narration  se  conser- 
vait à  Cluni.  Il  en  existait  un  autre  à  Bonnevaux  ;  Manrique 
le  cite,  en  observant  que  les  premiers  chapitres  y  manquent; 
mais  ce  qu'il  en  dit  donne  lieu  de  croire  que  c'était  la  même 
légende  qui  se  rencontrait  à  Bonnevaux  et  à  Cluni.  Nous  ne 
la  retrouvons  point  dans  le  recueil  des  Bollandistes ,  et  nous 
n'apprenons  rien  ailleurs  sur  la  personne  de  Giraud  qui  la 
rédigea.  Mais,  puisqu'il  fixe  au  21  décembre  11 45  la  mort 
de  saint  Jean  de  Valence,  et  qu'il  ajoute  que  ce  prélat  a  été 
depuis  peu  enlevé  à  son  église ,  de  inter  nos  antè  pauca  teni- 
pora  translatas ,  il  est  permis  de  supposer  que  Giraud  écri- 
vait vers  l'an  1 160,  et  qu'il  a  pu  vivre  jusque  vers  1 170. 

D. 


<p 


ADRIEN, 

PRÉVÔT  DE  L'ÉGLISE  DE  MAUBEUGE. 

Il   a  rédigé  en   it6i,  à  Maubeuge,  le  procès-verbal  de  la 
translation  qui  s'y  fit,  le  16  juin  de  cette  année,  des  reliques 
de  sainte  Aldegonde.  Mabillon  a  donné  un  extrait  de  cette    Actasanc.ord. 
relation,  qu'on  peut  lire  en  entier  dans  le  recueil  de  Bol-  S.  Bened.  1. 11, 
landus,  au  3o  janvier.  Après  avoir  nommé  les  principaux  ^T.'fi.p.ioSa 


-io5 


H- 


4i4   SUR  LA  FOXD.  DU  MONAST.  DE  S.-MARD. 

Xll  SIECLE,  personnages  qui  assistèrent  à  cette  cérémonie,  l'auteur  parle 
de  l'odeur  suave  qui  s'exhala  du  vase  où  étaient  déposées  ces 
reliques,  et  de  la  parfaite  conservation  de  plusieurs  des 
membres  de  la  sainte.  On  fut  obligé  de  les  soustraire  à  l'em- 
pressement de  près  de  quarante  mille  hommes  ou  femmes , 
qui  s'attroupaient  impatiemment  pour  les  toucher  :  mais ,  à 
la  prière  d'Adrien,  on  les  lit  voir  aux  chanoinesses,  avant  de 
les  renfermer  dans  une  nouvelle  châsse.  L'acte  %e  termine 
^^  par  cette  souscription  :  Ego  Achianus  sancti  Gaugerici  de- 

canus ,    Malhodiensis   Ecclesiœ  prœpositus   et  cancellarius 
scripsi  et  recensid. 

Ni  les  BoUandistes ,  ni  les  bibliographes  de  la  Belgique  ne 
nous  apprennent  quoi  que  ce  soit  sur  la  personne  du  rédac- 
teur Adrien  :  mais  il  écrivait  cette  relation  en  i  iGi ,  et,  par 
conséquent ,  nous  sommes  autorisés  à  supposer  qu'il  vécut 
jusqu'en  i  lyo.  D. 


ANONYME, 

AUTEUR  d'une  notice  SUR  LES  C  O  31  M  EN  C  E  M  E  N  S  DU 
MONASTÈRE  DE  SAINT-3IARD  (sAINT-MÉDARd),  OU 
SAI NT-NICOLAS-D ES-PRÉS  ,  DE  TOURNAY,  ORDRE 
DE     SAINT-AUGUSTIN. 

Lj' AUTEUR  de  cet  écrit  n'est  pas  connu.  On  voit  seulement 

qu'il  était  religieux  ou  chanoine  régulier  de  ce  monastère, 

et  que  les  fondateurs  en  existaient  encore  lorsqu'il  composa 

GaU.  Christ,  Cet  ouvragc.  Il  l'annonce  dès  la  première  phrase,' et  atteste 

t.  III,  aux  Pi.  qu'il  a  été  instruit  des  faits  relatifs  à  l'origine  de  la  maison 

^'  ^^  et  à  ses  premiers  progrès ,  par  ceux  mêmes  qui  en  furent  les 

auteurs  ou  les  témoins ,  et  qui  y  ont  porté  le  poids  du  jour  : 

témoins   irrécusables  ,   ajoute    l'écrivain  ,  car  ils  disent   ce 

qu'ils  savent  et  affirment  ce  qu'ils  ont  vu. 

La  fondation  est  de  l'année  ii25.  Charles  F*",  dit  le  Bon, 
était  comte  de  Flandres.  La  maison  fut  construite  au  som- 
met <run  mont  appelé  Saint-Mard ,  alors  dans  un  faubourg 
de  Touniay  ,  mis  ensuite  dans  son  enceinte.  Saint  ]\Iard 
avait  «té  évêque  de  cette  ville  dans  le  VP  siècle.  Le  prélat 


SUR  LA  FOND.  DU  MONAST.  DE  S.-MARD.       4i5 

qui  en  gouvernait  l'église ,  quand  on  établit  le  nouveau  mo-    ^ii  siècle. 
nastère ,  était  Simon  ,  évêque  de  Noyon  ,  que  l'auteur  appelle  "" 
sacerdos  magnus ,  et  parent  du  roi.  Simon,  en  effet,  était 
fils   de  Hugues-le-Grand ,  comte  de  Vermandois ,  fils  lui- 
même  de  Henri  P' ,  et  frère  de  Philippe  P"^,  père  de  Louis- 
le-Gros.  Les  évêchés  de  Noyon  et  de  Tournay  se  trouyaient      Gaii.  chiist. 
réunis  à  cette  époque;  ils  le  furent  jusque  vers  le  milieu  du  '■  ^'^'  P-  ^97) 
Siècle  en  1 140. 

Simon  choisit  pour  abbé  Oger,  chanoine  de  Saint-Éloy. 
La  difficulté  d'avoir  de  l'eau,  et  quelques  autres  inconveniens 
engagèrent  cet  al)bé  à  se  transporter  au  bas  du  mont ,  où  le 
couvent  avait  été  placé.  Il  en  dédia  l'église  à  saint  Nicolas,  et     GaiiiaCiuist. 
elle  a  été  connue  depuis  sous  le  nom  de  Saint-Nicolas-des-  '•  niip-so?*'': 
Prés.  Elle  continue  néanmoins  d'avoir  saint  Mard  pour  un  ^^66'e't"G- ^' 
de  SCS  patrons. 

L'auteur  s'arrête  un  moment  à  peindre  la  ferveur  des  pre- 
mières personnes  qui  se  réunirent.  Le  couvent  était  pauvre,  //«</. p.  66 et 
les  religieux  pleins  de  résignation.  «  Qui  pourrait  exprimer,  ^7- 
«  dit-il ,  tout  ce  qu'on  y  supporta  de  douleurs  par  la  laim , 
<c  la  soif,  le  froid ,  la  nudité.  Aucun  repos  n'était  laissé  aux 
«  yeux  par  la  veille,  aux  voix  par  le  chaiît,  aux  mains  par 
«  le  travail ,  à  l'estomac  par  le  jeûne ,  au  cœur  par  la  medi- 
«  tation  et  la  prière.  Le  site  du  lieu  en  avait  fait  auparavant 
«  le  rendez-vous  ordinaire  où  les  gens  du  siècle  Acnaient 
«  se  livrer  à  des  plaisirs  lascifs  :  grâce  au  changement  opéré 
«  par  la  droite  du  Seigneur ,  il  est  devenu  un  tabernacle 
«  d'alliance  entre  Dieu  et  les  hommes ,  le  plat  {fercuhun  ) 
«  de  Salomon ,  la  fournaise  de  la  pénitence ,  l'asyle  de  la 
«  miséricorde.  »  Il  rappelle  ensuite  les  dons  offerts  jusqu'à 
ce  jour  au  monastère  ;  il  en  célèbre  les  divers  bienfaiteurs 
et  adresse  à  Dieu  pour  eux  une  longue  invocation.  Oger  était 
allé  solliciter  en  Bourgogne  les  secours  du  comte  Thibaut , 
et  jusqu'en  Angleterre  ceux  de  Henri  Y^ . 

il  abdiqua  son  abbaye,  après  l'avoir  gouvernée  quatorze      Cali. christ. 
ans.  Il  venait  d'obtenir  du  pape  Innocent  II  cju'elle  fut  placée  t^i'i'-^gS.ei 
sous  la  protection  particulière  du  saint  siège.  Il  avait  assisté  ^"^    '"  ^" 
en  1 135  au  synode  de  Tournay.  Oger  fut  l'ami  de  saint  Ber- 
nard. Plusieurs  lettres  de  l'abbé  de  Clairvaux  lui  sont  adres- 
sées. Il  y  en  a  une  entre  autres  dans  laquelle  il  lui  reproche 
la  démission  qu'il  venait  de  donner;  cest  la  cruatre-vingt- 
septième.  Les  autres  sont  la  quatre-vingt-huitième,  la  quatre- 
vingt-neuvième  et  la  quatre-vingt-dixième. 


4i6         MANIÈRE  DE  LIRE  L'ECRIT.  SAINTE. 

xïi  SIECLE.        L'auteur  de  la  narration  anonyme  dont  nous  pailons  trace 

ensuite  brièvement  les  vertus  et  les  travaux  de  Gérard  de 

Menisses,  successeur  d  Oger,  et  plus  brièvement  encore  ceux 

de  Fulbert ,  successeur  de  Gérard  de  IMessines.  Le  quatrième 

Gall.  Christ,  abbc'  fut  Robcrt  ;  il  l'était  déjà  en   iiSa.  On  cite  plusieurs 

r.  m,p.  298.     fjç,^g5  auxquels  il  concourut  cette  année  et  la  suivante.  Nous 

lui  donnerions  également  tous  les  éloges  qu'il  mérite,  dit 

l'auteur,  si  nous  ne  craignions  d'ennuyer  nos  lecteurs  par 

jbiJ.  aux  Pr.  une  narration  trop  longue.  Cela  nous  fait  croire  qu'il  écrivait 

P"  sous   le    gouvernement   de   Robert.    Celui-ci    vivait  encore 

Gaii.  Christ,  en  ii6c);  nous  le  voyons  assister,  le  5  mai  de  cette  année, 

f-  m,  r  298-  au  synode  de  Tournay.  Il  semble  néanmoins  que  Richard 
lui  avait  succédé  en  1 168.  Peut-être  Robert  avait-il  donné  sa 
démission. 

Cet  écrit  doit  avoir  été  fait  vers  ce  temps-là  au  plus  tard. 
Le  monastère  existait  depuis  quarante  ans  en  1160,  et  l'au- 
teur en  avait  connu  les  premiers  religieux.  Il  traite  son  sujet 
avec  plus  d'ordre  dans  les  matières  que  de  simplicité  dans  le 
style.  Ses  sentimens  sont  pleins  de  bienveillance  ;  il  loue  avec 
])eaucoup  d'effusion,  et  même  avec  un  peu  d'emphase,  tous 
ceux  qui  avaient  successivement  gouverné  le  monastère  dont 
il  était  religieu^x.  Sa  notice  a  été  imprimée  parmi  les  preuves 
du  troisième  volume  de  la  France  Chrétienne.  P. 


ANONYME, 


AUTEUR    D  UNE    INSTRUCTION    SUR    LA    MANIERE    DONT   ON 

DOIT  LIRE  l'Écriture  sainte. 


Lj'auteur  avait  reçu  plusieurs  fois  d'un  de  ses  amis  appelé 
Hugues  la  prière  de  le  guider  et  l'instruire  sur  l'ordre  et  le 
mode  à  suivre  dans  l'étude  des  livres  sacrés.  Ses  occupations 
l'avaient  long-temps  empêché  de  le  satisfaire  ;  il  lui  écrit 
enfin ,  et  aime  mieux  le  faire  trop  tard  que  de  désobliger  un 
ami  et  se  monti^er  insensible  à  ses  démarches.  Son  objet  n'est 

λas  de  lui  apprendre  comment  cette  étude  est  pratiquée  dans 
es  écoles,  mais  comment  elle  doit  l'être  par  les  hommes  que 
la  profession  religieuse  soumet  à  l'obéissance  des  autres.  On 


MANIÈRE  DE  LIRE  L'ÉCRIT.  SAINTE.         4,7 

peut  les  ranger  en  trois  classes  :  les  uns  arrivent  clans  le  ^^^  SIECLE, 
cloître  tout  instruits  ;  les  autres  le  sont  en  partie  ;  les  autres 
connaissent  à  peine  les  premiers  élémens  de  la  grammaire. 
C'est  à  ces  hommes  grossiers  ,  presque  sans  lettres  ,  que 
l'écrit  est  principalement  destiné  ;  ils  y  apprendront  par  quels 
nîoyens ,  par  quels  degrés ,  ils  pourront  arriver  à  une  con- 
naissance parfaite  des  livres  sacrés.  Le  plan  est  assez  bien 
exécuté  ;  il  annonce  un  esprit  cultivé  et  des  lumières  acquises 
dans  la  théologie  et  la  grammaire. 

Après  avoir  exposé  toute  l'importance  de  cette  étude,  il 
donne  la  liste  de  tous  les  livres ,  de  toutes  les  parties  qui 
composent  l'ancien  et  le  nouveau  Testament,  même  de  ceux 
que  les  juifs  regardent  comme  apocryphes.  Il  y  joint  les  ou- 
vrages de  saint  Jérôme,  de  saint  Augustin  et  des  autres  pères 
de  l'église,  comme  nécessaires  pour  fociliter  l'intelligence  de 
l'Écriture.  Elle  a  un  sens  historique ,  un  sens  allégorique , 
un  sens  moral.  Le  livre  des  Etymologfes  par  Isidore,  celui 
de  saint  Jérôme  pour  l'explication  des  mots  hébreux,  le 
livre  des  Dérivations  qu'on  trouve  dans  beaucoup  de  biblio- 
thèques ,  et  le  Glossaire ,  doivent  être  consultés.  On  fera  et 
on  retiendra  dans  sa  mémoire  l'abrégé  de  tous  ces  livres  ;  ce  , 
qui  concerne  l'ouvrage  des  six  jours,  la  construction  de 
1  arche  et  les  lieux  où  elle  demeura ,  la  promesse  faite  à 
AJjraham ,  les  noms  et  le  nombre  des  patriarches ,  leurs 
épouses,  leurs  concubines,  leurs  enfans,  le  temps  qu'Israël 
passa  dans  la  servitude  d'Egypte,  les  signes  manifestés,  les 
plaies  infligées,  la  sortie  des  Hébreux,  la  loi  donnée  et  reçue 
au  mont  Sinai ,  le  tabernacle ,  les  douze  tribus ,  les  campe- 
mens,  le  nombre  et  l'ordre  des  prêtres,  leurs  ornemens,  les 
sacrifices,  les  guerres  soutenues  avant  d'entrer  dans  la  terre 
promise,  les  villes  détruites,  prises  ^  réparées,  les  princes 
qui  les  gouvernaient,  ceux  qui  conduisirent  Israël  jusqu'au 
moment  qu'il  eut  des  rois ,  ces  rois ,  leurs  actions ,  la  cons- 
truction du  temple,  ses  cérémonies  et  ses  ministres.  Il  indique 
comnie  très-utile  sur  tout  cela  les  questions  de  l'ancien  Tes- 
tam:;nt,  par  saint  Augustin.  Il  indique  ensuite  dans  quel 
esprit  on  doit  lire  les  livres  des  prophètes,  et  ce  qu'on  doit 
sur-tout  chercher  à  en  retenir.  Il  fait  la  même  chose  pour 
Esdras  ,  Judith  ,  Esther ,  Tobie ,  les  Macchabées ,  les  Pro- 
verbes, l'Ecciésiastique,  l'Ecclésiaste ,  la  Sagesse,  les  Psaumes, 
Job,  le  Cantique  des  cantiques,  les  Evangélistes  enfin  et  quel- 
ques apôtres.  Les  deux  Testamens  ainsi  étudiés,  on  sins~ 

Tome  XIII.  Ggg 


4i8         MANIÈRE  DE  LIRE  L'ÉCRIT.  SAINTE. 

XII  SIECLE,  truira  des  sacremens  de  l'église.  Il  conseille  à  cet  effet  la  lec- 
ture  d'un  ouvrage  de  Hugues ,  oii  la  matière  est  traitée  dans 
toute  son  étendue.  Il  renvoie ,  pour  la  connaissance  des  pra^ 
tiques  et  des  cérémonies  aniuielles,  à  un  livre  de  Gei^land, 
intitulé  Candela  (Flambeau),  et  à  wxv  autre  de  Simon,  qui 
a  pour  titre:  Quare  (Pourcjuoi)?  Qu'on  lise  après,  avec  le 
plus  grand  soin  et  la  plus  grande  attention ,  la  Cité  de  Dieu, 
par  saint  Augustm ,  et  sa  Doctrine  chrétienne. 

Quand  on  se  sera  ainsi  bien  exercé  dans  le  sens  historique 
ou  littéral,  continue  l'auteur,  on  pourra  passer  sans  crainte 
à  l'étude  du  sens  allégorique  et  du  sens  moral  :  il  ne  sera 
plus  nécessaire  de  se  soumettre  au  même  ordre;  on  lira  à 
son  gré  les  différentes  parties  de  la  Bible,  et  on  y  trouvera 
tout  de  suite  et  sans  peine  ce  qui  appartient  ou  doit  appar- 
tenir à  un  de  ces  deux  sens;  il  se  présentera  même  à  l'esprit 
des  interprétations  ou  des  significations  nouvelles.  J^a  lecture 
d'Origène  pourra  êti*e  profitable  avec  quelques  précautions. 
L'auteur  nomme  encore  d'autres  ouvrages  ,  dont  il  pense 
que  la  lecture  pourra  également  être  utile ,  et  quelques 
autres  qu'il  faut  craindre  ou  éviter.  L'épître  finit  par  ces 
deux  lignes,  que  l'écrivain  sans  doute  a  cru  être  deux  vers, 
et  qui  ne  sont  guère  plus  intelligibles  que  poétiques  : 

Nutriimt  ki  sort 6711  Christo  persœpe  placentem  ^ 
Hoc  mcritum  sit  eis  cœlestis  dindimajugis. 

L'analyse  que  nous  venons  de  donner  n'annonce  pas,  de 
la  part  de  l'auteur ,  un  esprit  bien  étendu ,  ni  des  vues  très- 
profondes.  C'était  un  moine  nourri  de  ces  matières ,  connais- 
sant les  ouvrages  qui  en  avaient  traité,  en  professeur  de 
théologie  peut-être;  et  voilà  pourquoi  on  s'adressait  à  lui 
pour  savoir  quelle  route  on  devait  tenir  dans  l'étude  des 
livres  saints.  Peut-être  aussi  professa-t-il ,  sinon  à  Paris, 
dans  quelque  diocèse  assez  voisin.  Le  manuscrit  d'après 
Trésor  des  lequel  dom  Martène  a  imprimé  l'épître  anonyme  dont  nous 
iS6*et  suiv'  ''  venons  de  rendre  compte ,  était  tiré  de  l'abbaye  de  Josaphat, 
près  de  Chartres.  On  la  croit  écrite  vers  l'an  iiyo.  Nous 
croyons  que  le  Hugues  qu'il  cite,  magistcr  Hugo,  est  Hugues 
de  Saint- Victor,  auteur  de  commentaires  sur  les  diverses 
parties  de  l'Écriture,  comme  on  l'a  remarqué  en  donnant 
p.  7etsuiv.  la  notice  de  sa  vie  et  de  ses  travaux,  dans  le  douzième  vo- 
lume de  cette  Histoire.  Le  douzième  siècle  a  eu  plusieurs 


OGIER,  POÈTE  PROVENÇAL.  419 

docteurs  du  nom  de  Simon  ;  il  est  peu  facile  de  distinguer  ^ii  siècle. 
quel  est  celui  auquel  l'auteur  fait  ici  allusion  :  si  nous  en 
étions  assures,  nous  pourrions  déterminer  d'une  manière 
plus  précise  encore  l'époque  où  la  lettre  fut  écrite.  Hugues 
de  Saint-Victor  mourut  en  ii/\i.  On  a  parlé,  dans  le  discours  P.  42. 
préliminaire  du  neuvième  volume,  d'un  Gerland  cpii,  après 
avoir  été  élève  de  l'école  de  Besançon ,  en  devint  le  modéra- 
teur. Est-ce  lui  qui  avait  compose  l'ouvrage  cité  par  notre 
anonyme  ? 

Cette  lettre  prouve  qu'on  faisait  des  études  réglées  sur  les 
livres  saints  dans  les  écoles.  Nous  devons  i-egretter  que  l'au- 
teur ne  soit  pas  entré  dans  quelque  détail  sur  l'ordre  et  la 
méthode  qu'on  y  suivait ,  plutôt  que  de  se  borner  à  indiquer 
à  son  ami  ce  qu'on  aurait  si  aisément  trouvé  sans  le  secours  . 
d'une  aussi  longue  épître.  P. 


OGIER  OU  AUGIER, 

POÈTE  PROVENÇAL. 

V^E  troubadour  est  appelé  dans  différens  manuscrits  d'Italie 
Oggiero ,  et  Uggieri,  ou  même  Gieri,  que  Crescimbeni  dit 
être  des  abréviation*  de  Ruggiero ,  mais  alors  le  nom  fran- 
çais ou  provençal  serait  Roger ,  et  non  pas  Ogier  de  Vianes 
ou  de  Vienne,  ni  sur-tout  Augiér  de  Saint-Donat  (bourg 
du  Viennois),  que  l'on  trouve  dans  les  manuscrits  de  la 
Bibliothèque  impériale.  Il  paraît  qvi'Ogier,  dont  on  ignore 
d'ailleurs  la  vie  et  les  aventures ,  resida  long-temps  en  Lom- 
bardie ,  et  qu'il  y  fit  la  plus  grande  partie  de  ses  chansons. 

Il  y  eu  a  une  satirique,  remplie  de  jeux  de  mots  de  fort 
mauvais  goût,  tels  que:  «Je  serai  toujours  serviteur  pour 
«  desservir  en  seivant  les  lâches  riches....  Dans  leurs  cours , 
«  courtes  de  courtoisie,  personne  ne  peut  indiquer  un  homme 
«  instruit.  »  Etc.  Mais  un  de  ces  jeux  de  mots  peut  servir  à 
fixer  l'époque  où  le  poète  florissait.  «  J'ai  cependant  vu, 
«  dit-il ,  le  noble  roi  Frédéric  faire  tant  de  cas  du  mérite  et 
«  de  la  vertu ,  qu'il  ne  peut  pas  empirer  quand  il  aurait 
«  \ empire.  »  Frédéric  I ,  dont  il  est  ici  question  ,  fut  roi 

Ggg2 


420      BERNARD  ARNAUD, POÈTE  PROVENÇAL. 
XII  SIECLE.    d'Italie  en  ii5i  et  empereur  en  1 155.  La  chanson  fut  donc 
foite  avant  cette  dernière  année. 

On  se  récrie  souvent  aujourd'hui  contre  l'indécence  des 
modes  dans  l'habillement  des  femmes.  Mais  un  sirvente 
d'Ogier  prouve  qu'à  cet  égard  le  XIP  siècle  n'avait  aucun 
avantage  sur  le  nôtre ,  et  même  que ,  si  les  femmes  en 
général  n'étaient  pas  alors  plus  modestes ,  les  vieilles  étaient 
beaucoup  plus  ridicules.  Un  poète  inconnu  nommé  Ber- 
trand avait  soutenu ,  dans  une  tenson ,  qu'il  valait  mieux 
faire  la  cour  aux  vieilles  qu'aux  jeunes.  Ogier  n'est  pas 
de  cet  avis.  «  Il  ne  peut  souffrir ,  dit-il ,  le  teint  blanc  et 
rouge  que  les  vieilles  se  font  avec  l'onguent  d'un  œuf  battu 
qu'elles  s'appliquent  sur  le  visage ,  et  du  blanc  par  dessus  ; 
ce  qui  les  fait  paraître  luisantes  depuis  le  front  jusqu'au- 
dessous  de  l'aisselle....  Une  jeune  femme  bien  fiite  vaut  mieux 
que  cinq  cents  vieilles;  et  Bertrand  qui  a  soutenu  le  contraire 
en  a  menti.  » 

Dans  un  autre  sirvente,  Ogier  déplore  la  mort  du  vicomte 
de  Béziers,  Raimond  Trancavel,  assassiné  en  i  i6j,  dans  une 
église,  pour  avoir  refusé  de  rendre  une  prompte  justice  à 
un  bourgeois  de  Béziers,  dans  une  affaire  qui  intéressait 
l'honneur  de  toiite  la  bourgeoisie.  L'auteur  vécut  donc  au 
moins  quelque  temps  après  1167;  et  l'on  risque  peu  de  se 
tromper  en  plaçant  sa  mort  au  plus  tard  en  1 1  jo. 

G. 


BERNARD   ARNAUD  DE  MONTCUC, 

POÈTE  PROVENÇAL. 

Une  seule  pièce  nous  est  restée  de  ce  troubadour,  dont  le 
nom  n'est  ni  sonore  ,  ni  poétique ,  ni  célèbre.  On  ignore  ses 
aventures  et  sa  vie.  C  était  un  chevalier,  comme  on  le  voit 
par  cette  pièce  même ,  dans  laquelle  il  parle  du  cas  qu'il  fait 
d'un  coursier  sellé  et  armé,  d'un  écu,  dune  lance  et  dune 
guerre  prochaine,  etc.  Mais  était-il  seigneur  du  château  dont 
il  portait  le  nom ,  ou  y  était-il  simplement  né  ?  Il  y  avait  un 
château  de  Montcuc  dans  le  Rouergue  et  un  autre  dans  le 
Querci  :  duquel  des  deux  Bernard  tirait-il  son  nom.'^  c'est  ce 
qu'on  ignore  complètement.  On  ne  sait  s'il  eut  dans  son 


Litt.  des  Tr.  t. 
1,1..  98. 


BERNARD  ARNAUD, POETE  PROVENÇAL.      421 

temps  beaucoup  de  réputation ,  ni  s'il  composa  un  grand  ^n  siècle 
nombre  de  poésies.  Aucun  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  les 
troul)adours  ne  parle  de  lui ,  et  les  manuscrits  n'en  con- 
servent point  d'autre  trace  que  cette  chanson.  Elle  est  sati-  Biillot,Hist 
rique  et  de  ce  genre  libre  qu'on  appelait  des  sirventes.  Elle 
porte  avec  elle  sa  date  ,  les  traits  dont  elle  est  remplie  ayant 
pour  objet  une  expédition  que  Heini  II ,  roi  d'Angleterre , 
fit  sans  succès  contre  le  comte  de  Toulouse,  Raimond  V, 
en  ii5c).  Le  comte  fut  secouru  par  le  roi  de  France  Louis- 
le-Jeune  ,  et  Henii  II  forcé  de  lever  le  siège  de  Toulouse. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  traits  lancés  dans  ce  sirvente 
contre  le  roi  d'Angleterre  qu'on  y  doit  remarquer ,  c'est  aussi 
le  mélange  singulier  de  satire  et  de  galanterie  qui  y  règne, 
et  le  passage  original  que  le  poète  fait  alternativement  de 
l'une  à  l'autre.  Il  lui  prend  envie  de  faire  un  sirvente  contre 
les  méchans  barons ,  ennemis  de  toute  vertu ,  qui  vont  à  la 
chasse  quand  la  nature  renaît  et  que  les  lauriers  sont  en 
fleur.  Mais  l'amour  répand  la  gaîté  dans  son  ame  autant  que 
les  beaux  jours  de  mai ,  il  conservera  sa  joie  malgré  tant  de 
sujets  de  tristesse.  Il  croit  voir  s'avancer  la  nombreuse  cava- 
lerie du  preux  roi  ;  ce  roi  viendra  sans  faute  dans  le  Carcas- 
sonnais  ;  mais  les  Français  n'en  ont  pas  peur.  Puis  s'adressant 
à  la  dame  de  ses  pensées  :  «  Vous  m'épouvantez  bien  plus, 
madame,  lui  dit-il,  car  les  désirs  qu'excitent  vos  charmes 
sont  mêlés  de  toutes  les  craintes  cme  vos  rigueurs  doivent 
inspirer.  »  Il  revient  au  roi ,  qu'il  blâme  de  se  donner  des 
airs  hautains ,  après  avoir  consenti  à  une  paix  honteuse  ;  et 
se  tournant  de  nouveau  vers  sa  dame,  il  se  trouve  plus  heu- 
reux d'éprouver  ses  refus  que  d'être  accepté  par  une  autre. 
«Je  voudrais,  dit-il  dans  la  strophe  siiivante,  que  le  roi 
d'Angleterre  se  pliit  autant  à  combattre  que  je  me  plais, 
madame ,  à  me  retracer  l'image  de  votre  beauté  et  de  votre 
jeunesse.  Le. sceau  de  ce  roi,  dit-il  encore,  est  si  décrié  que 
je  n'ose  le  dire  ;  mais  je  dirai  bien ,  madame ,  que  je  suis 
pénétré  d'amour  et  de  crainte.  » 

Ces  traits  de  galanterie  ne  sont  pas  sans  doute  de  bon 
gorit,  mais  du  moins  ce  ne  sont  pas  des  lieux  communs,  et 
la  bizarrerie  vaut  encore  mieux  que  la  trivialité.  On  croit 
c|ue  l'auteur  n'était  déjà  plus  jeune  lorsqu'il  fit  cette  chanson , 
et  qu'il  mourut  environ  dix  ans  après.  G. 


■»v^^«^'«v'%^«.-«^»%^^«'«-^«^««>«>^«^-^«.^^»i«/«'^«^w«,^^%«^v«^v«^  «'W*/^%.v«^«( 


XII  SIECLE. 


AZALAIS 


ou 


ADÉLAÏDE   DE  PORCAIRAGUES, 

FEMME  POÈTE. 

v>i'EST  la  première,  et  non  à  beaucoup  près  la  seule  dame 
qui  cultiva  la  poésie  provençale ,  et  dont  quelques  vers  nous 
sont  restés.  Elle  sortait,  dit-on,  d'une  famille  distinguée  du 
pays  de  Montpellier.  Elle  aima  tendrement  Guy  Guerrejat, 
frère  de  Guillaume  VII,  de  la  maison  de  Montpellier,  lequel 
D.Vaissettc,  mourut  en   1177   ou  1178.  Elle  fit  pour  lui  des  chansons 

Hist.  de  Lang.  ^^^j  eurent  alors  un  grand  succès.  Une  seule  s'est  conservée  ; 
Mss.'deiaBibi.  et,  si  Ics   autrcs   y  i^essemblaient ,  ce  succès  était  dû  à  son 

imp.  n°7225.  sexe,  et  peut-être  à  sa  beauté  plus  qu'à  son  talent.  Elle  s'y 
monti-c  fort  chagrine  de  l'infidélité  du  prince  d'Orang-c.  C'est 
sans  doute  de  ce  Rambaud ,  brave  chevalier  et  bon  trouba- 
dour, dont  nous  parlerons  dans  la  suite,  et  dont  le  naturel 
inconstant  et  la  vie  déréglée  durent  exciter  souvent  de 
pareilles  plaintes.  Celles  d'Azalaïs  ne  la  regardaient  pas  per- 
sonnellement ,  mais  sans  doute  une  de  ses  amies  que  ce 
prince  avait  abandonnée  ;  car ,  dans  cette  même  pièce  où 
elle  traite  de  folles  les  femmes  qui  s'attachent  aux  grands 
seigneurs ,  elle  se  félicite  d'avoir  un  ami  loyal ,  avec  qui 
Millot ,  Hist.  elle  ne  court  point  risque  de  s'être  mal  engagée.  Il  paraît 

Litt.  des  Tr.  t.  ^pg  Quy  Gucrrejat  habitait  Narbonne.  Azalaïs  y  envoie  son 

I'  P-  "2.  jongleur  porter  cette  chanson  à  celui  dont  on  vante  la  bra- 
voure, et  chez  qui  tout  respire  la  joie.  Il  survécut  à  celle 
dont  les  chants  l'avaient  rendu  célèbre.  Elle  mourut  vers 
l'an  1170.  G. 


Xn  SIECLE. 


BENOIT  DE  SAINTE-MAURE, 

POÈTE  ANGLO-NORMAND. 


V^E  poète,  qui  paraît  avoir  reçu  le  jour  à  Sainte-Maure, 
petite  ville  de  la  Touraine,  voyagea  de  bonne  heure,  et 
résida  long-temps  en  Angleterre,  où,  suivant  Robert  Wace, 
il  lui  fut  enjoint  par  le  roi  Henri  II  de  traduire  en  vers  fran- 
çais l'Histoire  des  ducs  de  Normandie.  Il  fallait  que  la  répu- 
tation de  Benoît  fût  déjà  répandue ,  pour  qu'il  fût  chargé 
d'un  travail  de  ce  genre. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  il  paraît  que  Wace ,  jaloux  de  cette 
distinction,  s'empara  du  sujet,  et  composa  à  la  hâte  ses  di- 
verses histoires  clés  ducs  de  Normandie,  et  qu'il  les  publia 
avant  que  Benoît  eût  achevé  son  travail.  Peu  découragé 
par  cette  publication,  Benoît  continua  son  poëme,  et  le  mit 
au  jour  long-temps  après  celui  de  son  rival. 

L'Histoire  des    ducs   de  Normandie   comprend   environ 
vingt-trois  mille  vers  de  huit  pieds;  elle  commence  à  l'irrup- 
tion des  Normands  sous.Hastings,  et  se  termine  par  la  vie 
des  trois  enfans  de  Guillaume-le-Bâtard.  Cet  ouvrage  inconnu 
à  tous  les  bibliographes  français  ,|  se  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque Harléienne,  sous  le  n**  17 17.  M.  de  la  Rue  est  le     Arch»oiogià, 
premier  qui  l'ait  fait  connaître  ;  il  en  fixe  la  publication  à  '•  ^ii- 
l'an  1 1 70.  Warton  prétend  que  ce  poëme  contient  une  foule      Tlie  Historj- 
de  fiiits  controuvés  et  romanesques:  mais  il  ne  cite  aucune  «f EiigiisJ» ?"«- 

1    .      '  try  ,    t.    II  ,   p. 

autorité  pour  soutenir  cette  assertion.  235. 

Dans  le  manuscrit  qui  contient  l'Histoire  des  ducs  de  Nor- 
mandie ,  se  trouve  une  clian.son  où  sont  décrits  les  avantages 
qu'obtiendront  ceux  qui  voudront  s'embarquer  pour  la  Pa- 
lestine ;  M.  de  la  Rue  est  tenté  de  l'attribuer  à  Benoît.  Le  Loc.  cit. 
même  critique  ne  pense  pas  que  M.  Tyrwhitt  ait  raison  d'at- 
tribuer à  Benoît  vine  Vie  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry. 

S'il  fallait,  comme  nous  l'avons  dit,  que  ce  poète  se  fût  déjà 
distingué  par  quelque  grande  composition ,  pour  que  Henri  II 
le  chargeât  de  versifier  l'Histoire  des  ducs  de  Normandie, 
nous  pouvons  regarder  l'Histoire  de  la  Guerre  de  Troie 
comme  l'ouvrage  qui  avait  le  plus  contribué  à  le  faire  avan- 


424         BENOIT,  POÈTE  ANGLO- NORMAND. 

XII  SIECLE,    tageusement  connaître.  La  Bibliothèc|ue  impériale  en  pos- 

îv. 7 189,70-24,  sède  plusieurs  manuscrits,  inconnus  a  la  plus  grande  partie 

7595, etc.       '  des  écrivains  qui  ont  traité  de  l'ancienne  poésie  française. 

Tr.-sor  des  g^j^pj  g  confondu  les  noms  du  poète  et  de  l'ouvrage  dans 

'^'^ TcVd"  des  l'i  table  de  ses  auteurs;  Galland  en  cite  deux  passages  très- 

inscript.  t.  II ,  peu  exacts.  Il  est  cité  un  assez  grand  nombre  de  fois  par  du 

p-  749-  Gange,  et  il  l'est  aussi  dans  la  table  et  le  glossaire  de  la  langue 

Gloss.  ad  o    ^  "  " 

Script,  med.  et  romane. 

inf.  lat.  L'auteur  s'est  constamment  servi  du  vers  de  huit  pieds , 

Roquefort,  ^j.  ^^  rimcs  masculincs  et  féminines  presque  toujours  en- 
col.  i.  ^  '^  '  tremêlées.  Il  commence  son  récit  à  rexpcdition  des  Argo- 
nautes ,  et  le  termine  à  la  mort  d'Ulysse.  Le  poëme  est  pré- 
cédé d'un  prologue  où  l'auteur  nous  enseigne  ,  par  l'exemple 
de  Salomon,  à  ne  jamais  cacher  nos  connaissances  ;  il  faut, 
dit-il,  se  hâter  de  les  répandre;  ainsi  firent  les  anciens; 
ils  communiquèrent  le  fruit  de  leurs  travaux  à  leurs  neveux, 
qui,  d'âge  en  âge,  les  ont  ti-ansmis  jusqu'à  nous. 

Nus  hom  ne  se  deit  atarder 

De  bien  faire,  ne  d'ansaigner; 

Et  qi  plus  set  plus  an  doit  fere , 

Ne  de  ce  ne  se  doit  retrere. 

Et  por  ce  nie  voil  travailier. 

D'une  estoire  enconmencier; 

Qe  de  latin  oîi  je  la  truis  (trouve), 

Se  je  ai  le  sen  é  je  puis, 

Là  voudroie  si  à  romans  mètre , 

Qe  cil  qi  antendra  la  letre. 

Ne  puisse  doter  ol  romanz- 

Molt  est  Ihistorie  bone  é  granz. 

Il  doit,  dit-il,  l'invention  de  son  sujet  à  Homère,  qu'il 

nomme 

Omers  li  clers  merveillos  ! 

Homère  avait  écrit  en  grec ,  et  Salluste  en  faisait  un  cas  par- 
ticulier. Or  Salluste  avait  un  neveu, 

Cornélius  ert  apellez , 
De  letres  sages  et  fondez  ; 
A  Hatènes  tenoit  escole, 
De  lui  estoit  molt  grant  parole. 


BENOIT,  POETE   ANGLO -NORMAND.         425 

Un  jor  queroit  à  un  aumaire  (armoiçe,  bibliothèque)        XII  SIECLE. 

Por  teure  livres  de  gramaire  ,  ~~- 

Tant  i  ot  qis  et  cerqûé , 

Q'entre  les  autres  a  trové 

L'estoire  que  Daire  ot  escrite 

Et  en  longue  greçoise  dite. 

Ce  Daire  ou  Darès  était  ne'  à  Troie  ;  il  y  compila  l'histoire 
de  cette  ville  célèbre;  il  la  poita  à  Athènes,  où  Cornélius 
l'ayant  trouvée,  la  translata  de  grec  en  latin.  Le  traducteur 
français  nous  apprend  toutes  ces  particularités;  puis  il  ajoute  : 

Geste  estorie  ne  est  pas  usée 
N'en  gaires  leus  non  est  trovée  ; 
Jà  retreite  n'en  fust  encore 
Mes  Bénévois  de  Sainte-More 
Là  retreite  ,  faite ,  é  dite , 
Et  à  ses  mains  l'a  tote  escrite. 

Il  annonce  sur  le  même  ton  le  sujet  qu'il  a  entrepris  de 
chanter  : 

Vos  parlerai  de  Pelleus 
Qe  bien  vesqi  cent  ans  et  plus. 
Jante  feme  ot,  dame  ïhetis, 
Ensi  ot  nom  ce  m'est  avis. 
De  céus  fu  Acliiles  nez 
Qe  tant  fu  preux  é  redoutez  ; 
Adonc  vos  redirai  après 
Cornent  Jason  et  Hercules 
Alerent  qeire  la  toisson 
Par  angin  et  par  traïsson , 
Que  Medea  por  son  savoir 
Lor  fist  conqere  et  avoir. 
Puis  dirai  por  qelle  raison 
Ils  créanterent  Yllion 
E  toute  Troie  é  les  jans 
Q'ancore  n'estoit  gaires  grans. 
E  Laumedon  i  fu  ocis 
Qe  sire  estoit  du  pais. 

Puis  oirez  comment ,  après  cette  première  destruction  : 

Là  refunda  Priamz  le  rois, 
Tome  XIII.  Il  h  h 


426         BENOIT,  POETE  ANGLO -NORMAND. 

XII  SIECLE.  Qe  tant  fii  sages  é  cortois; 

Cum  ele  fu  grans  é  cumlëe, 
E  de  qel  gens  ele  fut  poplée. 

Puis  Hector  et  Paris ,  et  l'enlèvement  d'Hélène  : 
Puis  l'armée  des  Grecs  devant  Troyes  ; 

Agamemnon  ,  Ménélas  ,  Ajax  ,  Achille  ,  et  tous   les   autres 
rois,  et, 

Cornant  Calchas  o  lui  s'en  vint 
Qi  loi-  dit  qanqe  lor  avint.  Etc. 

Après  avoir  nommé  les  chefs  de  l'armée  troyenne ,  comme 
ceux  de  l'armée  des  Grecs ,  1  auteur  entre  enfin  en  matière,  et 
commence  son  récit  par  les  craintes  de  Pelée  pour  scn  fils;  puis 
le  départ  du  jeune  Achille  pour  l'expédition  des  Argonautes, 
^  la  construction    du  navire  Argo,  la  rencontre  de  Jason  et 

de  IMédée,  leur  mariage,  etc. 

En  annonçant  qu'il  a  tiré  du  latin  l'histoire  qu'il  met  en 
roman  ,  Be«oit  de  Sainte-Maure  p(  urrait  n'avoir  fait  qu'em- 
ployer une  formule  très-commune  de  son  temps;  mais  on 
reconnaît  facihment  cju'il  a  en  efftt  travaillé  d'après  les  his- 
toires attribuées  à  Darès  de  Phrygie,  et  à  Dictys  de  Crète, 
peut-être  même  uniquement  d'après  cette  dernière,  quoi- 
qu'il n'ait  parlé  au  commencement  que  de  Darès. 

Dictys  commence  son  récit  par  la  conquête  de  la  Toison 
dOr,  et  le  finit  par  la  mort  d'Ulysse;  Benoit  suit,  comme 
nous  l'avons  vu,  la  même  marche;  il  cite  en  plusieurs  en- 
droits Dictys,  et  le  nomme  jusqu'à  trois  fois  dans  le  pas-' 
sage  suivant. 

Riches  chevaliers  fu  Dictis 
Mss.  n''7T89,  Et  clerc  savies  (a)  et  bien  apris, 

î!?.'/'V^^' ""'**'  ^*  *'  *""  *°"^  '^^  g""^'"  mémoire  (*) 

Corne  Daires  esciit  lestoire. 


(a)  Le  manuscrit  y6i4  met  sniges,  qui  signifie  la  même  chose.  Nous 
marquerons  ici,  comme  variantes,  les  principales  différences  qui  se  trou- 
vent entre  les  deux  manuscrits. 

(t)  Molt  por  estait  de  bon  mémoire. 


roi.  2. 


BENOIT,  POETE  ANGLO-NORMAND.  427 

Cist  fu  defors  en  l'ost  greçois  [a) ,  XII  SIECI-E. 

Chevaliers  savies  et  cortois,  ' 

Les  œuvres  si  com  il  le  soit 

Mist  en  esciit  si  com  meus  poit  (p). 

Icist  Dictis  nos  fait  certains 

Savoir  liqeus  des  citoiains  (c) 

Porparlerent  la  traïson  , 

Et  comment  le  Palladion 

Est  dou  temple  Minerve  enblez  (d) 

Et  as  Greçois  defors  livrez  (e) , 

Et  comment  par  séduction  (y) 

Pe  nuit  saisirent  Ilion , 

Com  la  cité  fut  embrasée 

A  feu  et  à  flamme  livrée, 

Liqel  furent  mort  et  ocis 

Et  liqels  d  elz  mené  chaitis  (g) , 

Après  ice  porois  oïr  (à) 

Coma  Dictis  les  fait  revenir 

En  lor  contrées  dont  ils  vindrent,  etc. 

L'auteur  sp  complaît  souvent  dans  de  longues  descrip- 
tions. Celle  qu'il  t'ait  île  l'armure  d'un  guerrier  dut  paraître, 
dans  son  temps,  très- belle  et  très- poétique.  . 

Mes  el  rivage  el  sablonoi , 

Prist  ses  armes  et  son  conroi.  Folio  12,  verso. 

Primes  cauca  ses  géneoillieres; 

Aine  el  siégle  n  ot  fait  si  chieres  ; 

(a)  Dehors  estoit  en  l'ost  grtzois. 
(i)  Les  œuvres  si  coin  il  les  sot 

Mist  en  escrit  au  Uilelz  qu'il  pot. 
(Meilleure  leçon.) 
(c)  Por  voir  liquex  des  Troïens. 

(rf) Les  traïsons 

Et  comment  li  Palladions 
Fu  del'  temple  Minerve  emblcz , 
(e)  El  as  gregois  dcliors  livrez. 
(y)  Et  comment  par  grant  iraïson. 
(g-)  Liquel  mené  et  liquel  pris. 
L'autre  leçon  vaut  mieux  :  chaitis,  captif. 

(h) Poirez  oïr.  • 

Hhha 


4^8  BENOIT,  POÈTE  ANGLO-NORMAND. 

XII  SIECLE.  D'or  fin  furent  si  espeion 

Taillié  de  l'œvre  Salemon. 
Après  a  un  auberg  veslu 
Onques  meillor  forgiez  ne  fu; 
Taliez  ert  bien  à  sa  mesure 
La  maille  en  fut  sérée  et  dure. 
Pou  li  pesa  quant  lot  vestu. 
Après  laça  un  aume  agu 
Resplandissant  de  boene  talle  ; 
Jà  por  armes  ne  fera  falle. 
Li  cercles  ert  d'or  esmerez  (éniaillé). 
De  Dex  i  ot  nons  tos  letrez. 
Li  nasel  fu  «l'un  chier  onicle, 
O  front  devant  ot  un  bericle, 
Cil  que  meillor  ne  plus  bel  quist, 
De  folie  s'entrémeist  («). 
Après  a  ceint  un  branc  d'acier, 
Onqes  nus  hom  ne  vit  si  chier, 
•  Si  riclie  ,  ne  de  sa  valor , 

Clere,  en  tranchant  corne  rasor. 

Un  escu  ot  d'os  d'olifant. 

Fort  et  bien  fait  et  riche  et  grant. 

La  bocle  en'fu  d'or  espaignois 

Et  la  guige  {/>)  tonte  d'orfrois  (c); 

Un  grant  espié  cler  et  luisant 

Li  baillirent  d'acier  tranchant,  etc. 

Il  paraît  que  cet  ouvrage  eut  un  grand  succès ,  et  qu'il 
conserva  même  assez  long-temps  sa  réputation.  Traduit 
en  prose  dans  le  XIV^  siècle,  il  fut  mis  sur  le  théâtre 
dans  le  suivant.  Jacques  Millet  le  fit  imprimer  sous  le  titre 
de  Destruction  de  Troyes  la  Grant,  mise  en  rime  Françoise 
et  par  personnaiges,  Paris,  i484,  in-folio,  très-souvent 
réimprimé  depuis. 

La  Bibliothèque  impériale  possède  un  manuscrit  grec, 
]V"oliin555î,  écrit  dans  le  XV*  siècle,  qui  est  une  version  de  l'ancien 
iiunc  7878,  x-onian  français.  Cette  version  paraît  très- exacte;  et  il  est  à 


2 

in -4 


[a)  Je  lirais  : 

De  foille  el  s'entrémeist. 

{b)   Anse  par  laquelle  on  pendait  le  bouclier.  —  (c)  Broderie ,   galon . 
ou  frange  d  or.  ' 


3 


PIERRE  LE  PEINTRE,  POÈTE  LATIN.,        429 

remarquer  que  ,   dans   celui  des  deux   manuscrits  français    >^ii  siècle. 
ui   est  cote  7189,  on  a,  par  des  notes   marginales  écrites 
une   main    moderne  ,    renvoyé'    aux    pages    du   manuscrit 
grec ,  que  l'auteur  des  notes  a  cru  être  l'original  de  la  ver- 
sion française. 

Ce  roman  de  la  Destruction  de  Troje  est  sans  doute  le 
même  que  le  roman  de  la  Guerre  de  Troye ,  souvent  cite 
dans  le  nouveau  du  Cange.  G. 


PIERRE  LE  PEINTRE 

(PETRUS   PICTOR), 
POÈTE  LATIN. 

On   ne  connaît  aucun  détail  de  la  vie  de  ce  poète,  qui 
était   chanoine  de  Saint-Omer.  Sanderus,  dans  sa  Biblio- 
thèque ,  ne  parle  point  de  lui.  Foppens  le  cite  dans  la  sienne, 
qui  contient  celles  de  Valère  Aiiffré  et  de   Swertius.  Mont-    Foppens, Bibl. 
faucon  le  cite  aussi,  mais  sans  nous  rien  apprendre  sur  sa  Bf'g-  '•  n,  p. 
vie  ni  sur  sa  personne.  On  sait  seulement  qu'il  est  auteur  '^°?,' ^°,' ■,.'■, 

„  ■  ^  1  y^  1,,-,       I  ^    •   ^-         .,  Bibl.Biblioth. 

dun  poème  en  vers  hexamètres  sur  1  Lucnaristie,  Carmen  t.  11,  p.  1,35, 
de  Sacramento  Altaris ,  qui  a  été  attribué  à  d'autres,  et  l'on  c"'-  2-  Litt.D- 
peut ,  comme   nous   le  verrons   bientôt ,   conjecturer   avec  ^' 
vraisemblance  qu'il  florissait  vers  11 70. 

Jean   Busée  a  inséré  ce   poëme  en   entier  dans  l'édition 
qu'il  a  donnée  de  Pierre  cle  Blois  (<«),  à  qui  il  l'attribue. 
Goussainville,  qui  a  donné  une  nouvelle  édition  du  même      Paris,  1667, 
Pierre  de  Blois,  a  commis  la  même  faute.  Dans  l'édition  des  Jn-foi- p-  601. 
œuvres  d'Hildebeit ,  le  P.  Beaugendre  a  aussi  inséré  le  poëme  in-^ol '^'  1'° 3' 
De  Sacramento  Altaris ,  en  l'attribuant  à  cet  auteur.  Malgré 
ces  différences   d'opinion ,  il    est   certain    d'abord ,  par  les 
témoignages  de  Foppens,  de  Montfaucon,  de  l'abbé  Lebeuf,      Dissert,   sur 
du  P.  Hugues  Mathoud,  qui  cite  de  ce  poëme  un  fragment  l'Hist.  de  Paris, 
de  vingt-sept  vers,  ensuite  par  le  manuscrit  n»  698  de  l'ab-  '' AnimadT^*' 

ad  Robert.  Pul- 

[a)   Petri   Blesensts,    ex   Canonico    Bituncenci ,   ecclesiœ   Bathoniensis   /jiS.    Parisiis  , 
in  Anglià  archidiaconi ,  etc. ,' Opéra  collecta  et  emendata  cum  notis  Joan.    iG5î,in-fol. 
Bussei ,  Moguntiae ,  1600,  in-4°. 


43o        PIERRE  LE  PEINTRE,  POÈTE  LATIN. 

XII  SIECLE,   baye  Saint-Germain,  que  l'ouvrage  appartient  à  Pierre  le 
"  Peintre.  Le  manuscrit  cité  porte  : 

Magistti  Pétri  Plctons ,   Canonici  Sancti  Aiidomari,  de 
Sacraniento  Altans. 

Hugues  Mathoud  avait  bien  connu  cet  auteur,  comme  on 
P.iii,coi.2,  le  voit  par  ses  notes  sur  Robert  Piilius;  il  en  cite  quelques 
eip./,i5,col.  I.  vers  tirés  des  chapitres  ou  divisions  lo,  ii  et  12,  où  ils  se 
trouvent  en  effet  dans  les  deux  éditions  de  Goussainville  et 
de  Beaugendre.  Matlioud  les  avait  tirés  d'un  manuscrit  de 
la  bibliothèque  de  l'abbaye  Saint-Germain  -  des -Prez,  qui 
précédemment  avait  appartenu  à  l'abbaye  de  Corbie ,  dio- 
cèse d'Amiens  [a). 

Il  cite  ces  fragmens  comme  faisant  partie  d'un  poëme 
intitulé:  De  Sacramento  Altans,  qui  portait,  dans  ce  ma- 
nuscrit ,  le  nom  et  la  qualité  de  l'auteur ,  carnien  Pétri  Pic- 
tons,  Canonici  Sancti  Audomaii. 

«  Le  P.  Le  Brun  de  l'Oratoire ,  qui  a  beaucoup  écrit  sur 
Loco  cit.       «  la  messe ,  était  disposé ,  dit  l'abbé  Lebeuf ,  tv  restituer  ce 
«  poëme  à  Pierre  le  Peintre ,  auteur  du  pays  d'Artois  ;  et  il 
«  se  préparait  à  conférer  ce  manuscrit ,  qui  a  appartenu  ori- 
«  ginairement  à  l'abbaye  de  Corbie ,  avec  celui  de  la  Biblio- 
A-prcsent ,  «  tiiècpic  de  Colbcrt,  n"  (>,3a7,  qui  contient  le  même  ouvrage, 
^,'''o'  -^"s''"  "°  «  lorscjue  la  mort  l'enleva  de  ce  monde.  » 
^  ^  "'"    ■  Le  P.  Le  Brun  aurait  pu  s'épargner  ce  travail  ;  il  n'avait 

cju'à  ouvrir  l'édition  des  œuvres  d'Hildebert,  il  y  aurait  vu 
ciue  dom  Beaugendre  a  publié  ce  poëme  sous  le  nom  de  ce 
prélat,  sur  le  manuscrit  même  que  lui,  P.  Le  Brun  ,  voulait 
consulter.  En  la  conférant  avec  la  dernière  édition  de  Pierre 
de  Blois,  donnée  par  Goussainville,  on  remarque  que  celle 
de  Beaugendre  contient,  de  plus  que  l'anti-e,  un  petit  poëme 
p.  Il 52.        ^^  cent  soixante  vers  hexamètres,  qui  a  pour  titre  :  Liber 
de  Sacra  Eucharistul.    Cur  panis  et  vinwn  in  Sacraniento 
Corporis  et  Sanguinis  Domini  offeratur ,  et  cur  aqua  admis- 
ceatur:  L'auteur  y  fait  voir  que  le  sacrement  de    l'Eucha- 
ristie est  l'accomplissement  de  tous  les  anciens  sacrifices, 
p.  u5/,.       insuffisans  pour  nous  justifier  : 

Qaod  lise  Jhcl ,  nec  Élelchiscdech  ,  nec  victima  legis 
Fccerat\  hoc/ecit  nostri  Victoria  régis. 
Idem  quippc  Dcus  et  prœsul  et  hostia  factus. 

{a)'  Ce  manuscrit,  qui  est  cké  dans  la  Biblioth.  Coisîiana.  sous  le  u"  65S 
in-fol. ,  est  maintenant  à  h.  Bibliothèque  Inipéviale. 


PIERRE  LE  PEINTRE,  POETE  LATIN.         43 r 

Après   ce    petit    poëme ,  on   trouve ,    dans    l'édition    du   xii  siècle. 
P.  Beaug.'iidie,   six    vers   éle'f^iaqiies  ,  où    l'auteur   prétend        p.  1155. 
expliquer   pourquoi   on    dit  trois  messes  le  jour  de   Noël.      Ciir  iresmis- 
Cette  raison  est  toute  allégorique,  et  paraît  peu  intelligible,  ^^  ceicbrentur 
si  l'on  ne  remarcpie  pas  la  correspondance  symétrique  des  ["-^^-^  ■^"'  ^     "* 
mots  entre  les  quatre  derniers  vers  :  artifice  qui  était  alors 
fort  en  us.tge,  et  qui  était  regardé  comme  une  beauté  poé- 
tique. Voici  les  six  vers  : 

In  natnJc  sacro  sanctœ  solemnia  Missœ 
*  Quid  signeiif,  aut  car  très  ceicbrentur,  hahe  : 

Nocte  prior ,  mù  luce  sa^uens,  in  lace  suprenia^ 

Sub  Noc ,  subque  David,  sub  cruce  sacra  notant, 
Sub  Noe,  subcjiie  David .,  sub  Christo  sacra  J'aère,  » 

Nox ,  aurora  ,  dics ,  unibra ,  figura ,  Deas. 

Les  manuscrits  attribuent  ces  vers  à  Hildebert,  et  ils  se 
trouvent  dans  celui  de  Colbert,  dont  a  parlé  l'abbé  Lebeuf". 

Un  prologue  de  douze  vers  hexamètres  vient  après  ces  six      ^-  "^>5.  in- 
vers;  le  poète  y  exhorte  ceux  qui  ont  de  la  dévotion  au  sacre-  "^"  ■  '""  "^"* 

1      I)         1        •      •      '    I-  '    1-  1  1  III-  •      "Pei's   sequcn- 

mi'Ut  de  1  eucharistie  a  lire  son  livre,  dans  lequel  il  dit  avoir  tis. 
écrit  brièvement  ce  cpi'on  doit  croire  du  corps  de  Jésus-Christ. 
«  Ce  livre,  ajoute-t-il,  est  nécessaire  à  tout  le  monde,  mais 
«  sur-tout  aux  prêtres  »  : 

Mis  ut  discant ,  nec  ignorent  quid  debctur  honiini 
Qui  cuni  Juda  mate  rodit  sacrnmenta  Dnmini. 

Aucun  des  passages  que  nous  venons  de  citer  ne  se  trouve 
dans  l'édition  de  Pierre  de  Blois  ;  mais  elle  contient  un  mor- 
ceau plus  considérable,  et  (pii  n'a  pas  moins  de  deux  cents 
vers  hexamètres  :  il  ne  pouvait  entrer  dans  l'édition  d'Hil- 
debert  ;  et  il  aurait  suffi  pour  détromper  l'éditeur ,  puisque 
l'auteur  s'y  désigne  plusieurs  fois  par  son  nom  de  Petriis , 
nom  qui  n'était  commun  qu'entre  Pierre  le  Peintre  et  Pierre 
de  Blois. 

Le  titre  de  ce  prologue  annonce  que  l'auteur  y  invoque 
la  très-sainte  Trinité,  Père,  Fils,  et  Saint-Esprit,  afin  qu'il 
puisse  dignement  écrire  des  mystères  de  la  très-sainte  Eu-      P-tius  Bles. 
charistie  {a).  Cette  prière  commence  par  un  petit  exorde,  ?■  Coi.  Prolog. 

{ci)  Invocat  auctor  sanctissimam  Trinitatem ,  Patrem ,  Filium  et  Spiri- 
tum  sanctum ,  ut  de  sanctissimae  Eiicharisdce  mysteriis  digne  scribere  possit. 


432         PIERRE  LE  PEINTRE,  POÈTE  LATIN. 

yir  SIF.CLF..    où  il  reconniiit  que  Dieu  doit  être  le  principe  et  la  fin  de' 
toutes  les  actions  raisonnables  : 

Omnibus  in  fnctis ,  incœptis  atque  peractis  ^ 
Dchet  prœponi  Deiis  hunianœ  rationi , 
A  quo  ditatur  ratio,  res  cuncta  creatur , 
ht  nostris  fautor  sit principiis  ,  sit  et  aiictor. 
Piincipium  veruni  Deus  est,  et  clausula  reriim, 
Quo  sine  quod  cœptum  fuerit ,  finitur  ineptum. 

Dans  la  prière  aux.  trois  personnes  de  la  Trinité,  l'au- 
teur adresse  à  Dieu  le  Père  ces  trois  vers ,  dont  le  dernier , 
selon  l'usage  observé  ci -dessus ,  est  rempli  de  verbes  qui 
complètent  le  sens  d'autant  de  noms  placés  dans  le  vers 
précédent  : 

Carminis  esta  met  Diix  et  via  materiei. 
Mateiiani , /rtef/7/w ,  menclacia,^)/'oy^/'fl,  Petrum  , 
Prœ3igna,yc>r/;îfl,  reinove,  concède,  renorrtia. 

P.  Go2.  Le  poète  se  nomme  une  seconde  fois  : 

Dur itiam  frange  Pétri ,  pctra,  diiraque  tange 

Corda. 

• 

Quant  au  poème ,  qui  est  en  vers  rimes  par  couplets  ou 
paragraphes,  il  est  entièrement  semblable,  à  quelques  va- 
. riantes. près,  dans  l'édition  du  P.  Beaugendre  et  dans  celle 
l^  Goo-618.  de  Goussainville.  Ce  dernier  même  ,  qui  n'a  fait,  comme 
lions  l'avons  dit ,  que  copier  l'édition  de  Busée ,  a  mis  à  la 
tête  l'avertissement  de  Busée  au  lecteur.  Busée  y  dit  que, 
dans  le  temps  qu'il  mettait  la  dernière  main  à  son  travail, 
on  lui  apporta  la  copie  d'un  très- ancien  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  de  Saverne,  appartenant  au  prince  Charles  de 
Lorraine,  évêque  de  Metz  et  de  Strasbourg,  qui  contenait 
ce  poème,  et  portait  en  tête  le  nom  de  saint  Anselme,  arche- 
vêque de  Cantorbéry  :  il  lui  parut  mériter  de  voir  le  jour; 
et  tant  à  cause  de  l'antiquité  du  manuscrit ,  qu'en  considé- 
iMtion  du  respectable  prélat  dont  il  portait  le  nom,  il  le  mit 
à  la  lin  des  œuvres  de  Pierre  de  Blois,  pour  empêcher  qu'il 
ne  fût  perdu.  Cependant,  en  l'examinant  de  près,  il  recon- 
nut que  cet  ouvrage  n'était  point  de  saint  Anselme ,  car 
^  l'auteur  se  nommait  lui-même  Pierre  plusi(;urs  fois  dans  son 


PIERRE  LE  PEINTRE,  POETE  LATIN.        433 

prologue.  Il  donne  ensuite  les  motifs  qui  l'ont  porte'  à  l'at-    ^i'  SIECLE. 

tribuer  à  Pierre  de  Blois ,  motifs  fort  inutiles  à-pre'sent  qu'on  ~ 

en  connaît  le  véritable  auteur.  Nous  en  citerons  seulement 

un  qui   nous  découvre   à -peu -près    le  temps  où   écrivait 

Pierre  le  Peintre.  Le  manuscrit  dans  lequel  Busée  trouva  ce 

poëme  avait  pour  titre  :  Petit  Jardin  des  Délices,  Hortidus 

deliciarwn.  Il  avait  appartenu  autrefois  à  Hérradis  ou  Hérrade 

de  Lansperg,  abbesse  du  monastère  de   Hohembourg,  qui 

en    1181   avait  bâti  le  monastère  de  Truttenhusen.  Or  le 

nouveau  Gallia  Chnstiana  place  cette  abbesse  dès   1 1 78 ,     Gallia  christ. 

et  dit  qu'elle  vivait  encore  en  x  196.  On  peut  de-là  conjecturer  "ov.  t.  v ,  p. 

que  Pierre  le  Peintre  dut  composer  son  ouvrage  vers  xino  ^^°" 

à-peu-près  ou  peut-être  même  auparavant. 

Busée  dit  que  la  grossièreté  du  style  et  les  fautes  contre 
la  grammaire  ne  le  détournent  point  de  croire  que  Pierre 
de  Blois  est  auteur  de  ce  poëme  ;  car  ce  n'est  point  à  lui , 
mais  au  siècle  dans  lequel  il  vivait  qu'il  faut  attribuer  les 
termes  barbares  qui  s'y  trouvent,  comme  dans  ses  autres 
opuscules.  En  effet,  ces  vers  n'ont  rien  de  poétique,  ils  sont 
plats  à  l'excès ,  pleins  de  fautes  contre  la  mesure  du  vers 
et  même  contre  les  règles  de  la  grammaire.  Le  mauvais 
style ,  pour  ne  pas  dire  la  grossièreté  de  la  versification , 
devait  faire  juger  à  Beaugendre  que  ce  poëme  ne  pouvait 
être  d'Hildebert.  Il  contient  six  cent  trente-huit  vers  dans 
l'édition  de  Pierre  de  Blois.  Il  y  est  divisé  en  vingt -six 
chapitres ,  et ,  dans  celle  d'Hildebert ,  en  autant  de  para- 
graphes; il  y  a  un  sommaire  assez  juste  et  assez  précis  à  la 
tête  de  chacun ,  dans  les  deux  éditions.  Ces  sommaires  sont 
du  poète  et  se  trouvent  dans  les  deux  manuscrits  que  nous 
avons  cités  ;  ils  sont  les  mêmes  ,  à  quelques  légères  diffé- 
rences près ,  qui  ne  changent  rien  au  sens.  G, 


Tome  Xlll.  lii 


XII  SIECLK. 

LÉONIUS, 

'      PRÊTRE   DE  L'ÉGLISE  DE  PARIS, 
POÈTE  LATIN. 

SA   VIE. 

t,  ,  /  v^E  poète  a  été  confonrlu  par  divers  écrivains,  tels  que  Du- 

cange  («),  Labbe  {b) ,  Dubois  (c),  Pasquier  {d) ,  Lobineau  (e) 
et  Casimir  Oudin  {/) ,  avec  un  Léonins,  chanoine  de  Saint- 
Victor,  qui,  selon  eux  ,  avait  commencé  par  l'être  de  Saint- 
Benoît.  Il  parait  que  c'est  une  double  erreur;  que  le  chanoine 
de  Saint-Victor  et  le  poète  sont  tout-à-fait  diftérens  ,  et  que 
c'est   le  poète  qui  a  passé   pour  être  chanoine  de   Saint- 
Benoît.  Nous  examinerons  bientôt  s'il  est  vrai  qu'il  ne  l'ait 
pas  été.  Il  y  eut  en  effet  alors  un  chanoine  de  Saint-Victor, 
nommé  Léonins,  que  l'on  trouve,  en  1187,  présent  k  une 
charte  de  Maurice ,  évêque  de  Paris ,  et  dont  le  nom  était 
inscrit  en  ces  termes  au  Nécrologe  de  la  même   abbaye, 
au  V  des  calendes  de  janvier  :  Obiit  Leonius  sacerdos ,  cano- 
nicus  noster  professiis.  Mais  rien  ne  prouve  que  ce  Léonins 
ait  été  poète  {g).  L'autre  Léonins,  chanoine  de  l'église  de 
Paris ,  était  porté  au  nécrologe  de  cette  église  (A)  avec  le  titre 
de  Magister  Leonius,  qui  désignait  un  savant,  et  qu'on  ne 
donnait  pas  indifféremment  à  tous  les  chanoines,  comme  le 
prouve  cet  article  même  du  nécrologe,  où  le  doyen  de  ce 
chapitre ,  mort  le  même  jour  IX  des  calendes  d'avril ,  .est 
inscrit  sans  cette  qualité  de  maître,  et  avec  son  seul  titre  de 
Lebeuf,  loc.  doycu  :  ObUt  Lisiemus  Decanus. 
<it.  Ce  qui  a  aidé  à  faire  croire  que  Léonins,  chanoine  de 

Notre-Dame  de  Paris  et  poète,  avait  aussi  été  chanoine  de 

(a)  Catal.  des  aut.  en  tête  du  Glossar.  med.  et  irif.  lat.  au  t.  I\  ,  p.  xliii 

*  du  supplém.  —  (b)  Noi\  Biblioth.  page  62. —  (c)  Hist.  Eccl.  Paris,  t.  II, 

liv.  XIII,  cap.  7,  n"  8.—  (^)  Rech.  de  la  Fr.  liv.  VI,  ch.  2,  p.  683.— 

{e)  Hist.  de  Paris,  p.   197,  n°  7.—  (f)  De  Script.  Ecc/es.  t.  II,  p.    1622. 

—  (^)    Lebeuf,  Dissert,  sur  Ihist.  eccl.  et  civ.  de  Paris ,  t.  II ,  p.  268. 

—  (h)   Necrolog.  Eccl.  Paris.  Mss.  de  la  Bibl.    imp.  n°  3883-3  ,  au  24 
mars,  cité  par  Lebeuf,  ibid.  p.  269. 


LÉONIUS,  POÈTE  LATIN.  435 

1  église  de  Saint-Benoît,  c'est  qu'il  présenta,  vers  l'an  ii55,    ^^  siècle. 
au  pape  Adrien  IV  une  requête  en  vers ,  en  faveur  du  bon 
droit  de  cette  église,  qu'il  qualifie  de  pauvre,  et  qu'il  avait 
pu  être  chargé  de  défendre,  espèce  de  patronage  qui  conve-      Lebeuf,Hist. 
nait  à  un  chanoine  de  l'église  de  Paris  à  l'égard  d'une  église  "j^  '•''  ""<=  ^'  ^^ 
subalterne  et  soumi.se  à  la  cathédrale.  Lorsque  vous  rêve-  1. 1 ,  p.  2,4"  ' 
niez  des  régions  glacées  du  pôle,  dit-il  au  pape  dans  un     ibid.Dissert. 
passage   de  cette    requête ,  vous   me  promîtes  d'être  mon  h>storiq.  ubi  su- 
appui ,  pourvu   que   j'eusse  pour   moi   le  bon  droit  et  la^'"'P'*'°' 
justice. 

IVam  modo  cum  gelido  legatus  ab  axe  redires. 
Es  mihi poUicitus  te  stare  per  omnia  mecuin, 
Quantum  jura  darent  ^  quantum  permitteret  œquum. 

C'était  sans  doute  lorsque,  n'étant  encore  qu'évêque  d'Al- 
bano ,  Nicolas  Breakspeare  (  nom  propre  de  ce  pape  né 
anglais  )  revenait  de  porter  la  foi  en  Norwège ,  mission  qu'il 
avait  remplie  en  11 48,  par  ordre  d'Eugène  III,  et  dont  ce 
pontife  le  récompensa  en  le  créant  cardinal.  Platina,  de 

Léonins  dit ,  quelques  vers  plus  haut ,  qu'il  ne  demande  ^j'"  Pomij.  m 
m  prébendes ,  m  noiuieurs  ecclésiastiques  ,  que  ses  aesii's 
sont  modérés ,  qu'ils  sont  même  pieux  ;  qu'enfin  la  seule 
chose  qu'il  demande  au  pape,  c'est  de  vouloir  bien,  dans  sa 
justice,  se  souvenir  de  la  pauvre  église  dont  il  défend  les 
droits  : 

Nec  pcto  prœbendas ,  nec  honores  ecclesiarum  ; 
Suntque  modesta precum ,  suntet pia  vota  mcarum. 
Pauperis  ecclesiœ  cujus  pro  jure  laboro, 
Justus  ut  es ,  memor  esse  velis ,  nihil  amplius  oro. 

Le  P.  Gourdan  avait  mal  traduit  ces  vers  dans  une  histoire 
manuscrite   de  l'abbaye  de  Saint -Victor:   il   faisait  dire  à      Hist.s.-vict. 
Léonins  :  «  Je  ne  vous  demande  ni  prébendes ,  ni  honneurs.    '     '  P-  ^  ■'• 
Souvenez -vous  seulement  de  la  pauvre  église  que  je  sers  : 
j'en  suis  content,  et  je  n'en  désire  rien  davantage.  »  L'abbé 
Lebeuf  accuse  avec  raison  d'infidélité  cette  traduction.  «  Il 
est  clair ,  dit-il ,  que  Léonius  n'avait  qu'une  grâce  à  demander      vbi  suprà , 
au  pape,  c'était  qu'il  jugeât  promptement  l'affaire  qu'avait  P- ^73- 
la  pauvre  église  de  Saint-Benoît,  parce  qu'il  s'y  intéressait 
en    particulier.  »   Et  il    ajoute   que  ,  comme   chanoine   de 
Notre-Dame,  Léonius  avait  apparemment  une  surintendance  , 

particulière  sur  l'hôpital  de  cette  même  église  de  Sajnt- 

Iii2 


436  LEONIUS,  POETE  LATIN. 

XII  SIECLE.  Benoît,  qui  était  situe  où  ont  été  depuis  les  Mathurins. 
C'est  donc  en  interprétant  comme  l'a  fait  le  P.  Gourdan 
les  quatre  vers  de  Léonins,  qu'on  en  a  conclu  qu'il  était 
chanoine  de  Saint-Benoît.  On  a  vu  aussi,  dans  deux  autres 
vers ,  la  preuve  qu'il  n'était  pas  alors  chanoine  de  Notre- 
Dame.  Il  s'y  plaint  de  sa  pauvreté,  du  froid  qu'il  souffre, 
de  reniuii  qui  le  consume ,  mais  ce  n'est  point  de  cela  qu'il  . 
s'occupe;  il  ne  songe  qu'aux,  intérêts  de  l'église  dont  il  est  le 
défenseur  : 

Me  licet  h\c  j>idset penuria ,  frigus  adiirat , 

Tœdia  consumant  ;  nihil  horurn  mens  pia  curât.  Etc. 

vbi  suprà ,   «  Dans    ces    siècles-là  ,    dit    l'abbé    Lebeuf ,    les   bénéfices 
^'  ^'''"  n'étaient  pas  augmentés,  comme  ils  le  sont  aujourd'hui,  par 

tant  de  fondations;  et  d'ailleurs,  comme  Léonins  était  un 
homme  de  lettres,  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'il  fût  fort 
riche.  Aussi  ne  laissa-t-il  à  sa  mort  au  chapitre  que  la  somme 
Jbid.  (Je  quarante  livres  Parisis.  »  En  effet,  dans  l'article  du  nécro- 
loge cité  ci-dessus  ,  on  trouve  ces  mots  après  le  nom  de 
Léonins  :  Qui  dédit  nobis  quadraginta  lihras  parisiensis  mo- 
ibui.  p.  269.  netœ positas  in  emptione.  Mais  quarante  livres  à  cette  époque 
étaient  quelque  chose,  et,  ce  qui  le  prouve,  c'est  la  distri- 
bution qui  est  faite  ensuite  du  revenu  de  cette  somme  léguée 
par  Léonins.  Il  veut  que  tous  les  desservans  du  grand  autel, 
qui  assisteront  aux  vigiles  de  son  anniversaire ,  aient  de  ce 
revenu  chacun  six  deniers,  ceux  qui  assisteront  à  la  messe 
six  autres,  et  ceux  qu'il  nomme  matricularii  douze;  qu'enfin, 
ce  qui  pourra  rester  soit  réservé  pour  les  deniers  des  ma- 
tines. Et  statuit  qiibd  omnes  niajori  altmi  deservientes ,  illi 
qui  vigiliis  anniversatii  sui  intererunt ,  de  reditihus  haheant 
sex  denarios ,  et  qui  missœ  uitererunt  alios  sex  ;  et  matricu- 
larii duodecini  ;  et  si  quid  residuum  fuerit ,  ad  denarios 
Jbid.  niatutinaruni  resen'abitur.  Cette  somme,  quoique  modique, 

prouvait  donc  quelque  aisance  dans  celui  cjui  la  laissait  a  sa 
ijiort  pour  cet  objet,  et  il  faut  remarquer  que  le  doyen  du 
même  chapitre,  porté  au  nécrologe  du  même  jour,  ne 
laissa  rien. 

Les  expressions  qui  peignent  l'extrême  pauvreté  de  Léo- 

nius  sont  cependant  très-positives.  En   lisant  de  suite  les 

#  vers  que  nous  avons  cités  isolément,  en  y  ajoutant  quatre 

vers  qui  les  précèdent  et  deux  qui  les  suivent,  et  en  les 


LÉONIUS,  POÈTE  LATIN.  437 

examinant  bien ,  on  peut  n'être  pas  entièrement  de  l'avis    xn  siECLfi. 
de  l'abbé  Lebeuf.  La  pièce  est  intitulée  simplement  : 

yid  Adrianwn  papain  pro  ecclesià  S.  Benedicti parisiensis  ; 
et  en  voici  les  quatre  premiers  vers  : 

Papa,  mens ,  Adriane  ^  preces ,  si  postula  digna, 
Suscipe  tam  vidtu  placido  quùin  mente  benignâ. 
Non  novitatis  ainor  hue  me  tidit ,  aut  levitatis 
Impetus ,  aut  etiani  propriœ  spes  utUitatis. 

Ces  deux  derniers  vers  sont  très-remarquables.  Il  écrit  pour 
l'église  de  Saint-Benoit ,  et  il  dit  :  «  Ce  n'est  ni  l'ainour  de 
«la  nouveauté,  ni  la  légèreté  d'esprit,  ni  la  moindre  espè- 
ce rance  de  ma  propre  utilité  qui  m'a  conduit  ici.  »  Cela  paraît 
dire  bien  clairement  qu'il  est  lui-même  dans  cette  pauvre 
église  pour  laquelle  il  sollicite;  qu'il  y  est  entré  depuis  peu, 
que  ce  n'est  ni  légèreté,  ni  intérêt  qui  l'y  a  conduit,  hiic  me 
tiilit ;  puis  il  ajoute  qu'il  ne  demande  ni  prébendes,  ni  hon- 
neurs pour  lui-même ,  qu'il  n'a  en  vue  que  les  droits  de  cette 
pauvre  église.  La  pénurie  ,  le  froid  perçant ,  les  dégoûts 
qu'il  y  éprouve,  vie  licet  Ktc  pulset  penuria ,  etc.  ne  sont 
rien  pour  lui ,  nihd  horum  mens  pia  curât;  et  il  ajoute 
encore  : 

Nec  secessuram ,  nui  tu  cédas  mihi,  jurât, 

Speque  tui  solâ  per  tanta  pericida  durât. 

Son  ame  pieuse  ne  s'occupe  point  de  toutes  ces  souffrances , 
elle  ne  jure  point  de  s'éloigner  si  le  souverain  pontife  ne  lui 
accorde  pas  sa  demande  :  elle  n'a  d'espérance  qu'en  lui  pour 
la  soutenir  contre  de  si  grands  dangers.  Ce  n'est  point  là 
le  langage  d'un  patron  qui ,  du  sein  d'une  cathédrale  telle 
que  Notre-Dame  de  Paris,  où  Ion  dut  toujours  être  à  l'abri 
de  l'extrême  pauvreté ,  plaide  pour  une  pauvre  église  ,  sa 
cliente  ;  c'est  un  pauvre  prêtre  de  cette  pauvre  église ,  qui 
s'identifie  avec  elle ,  souffre  et  espère  avec  elle ,  mais  qui  ne 
plaide  que  pour  elle ,  et  ne  demande  particulièrement  rien 
pour  lui. 

On  peut  donc  conclure ,  contre  l'opinion  de  l'abbé  Lebeuf, 
que  Leonius  était  simple  chanoine  de  Saint-Benoît  lorsqu'il 
écrivit  cette  épître  ;  mais  qu'ensuite  les  relations  mêmes  que 
lui  donna  cette  affaire  à  la  cour  de  Rome  lui  furent  utiles,  et 
que,  soit  Adrien  IV,  soit  plutôt  son  successeur  Alexandre  III, 


438  LÉONIUS,  POÈTE  LATIN. 

XII  SIECLE.    lui  fit  quitter  son  mauvais  canonicat  de  Saint-Benoît  pour 

"""  un  canonicat  de  Notre-Dame.  Avec  cette  explication ,  que 

rien  d'ailleurs  ne   contredit  dans  les  œuvres  de  Léonins, 

tout  est  clair  et  naturel  dans  cette  épître;  avec  l'autre,  tout 

est  obscur  et  forcé. 

Malgré  les  vei's  qu'il  avait  adressés  au  pape  Adrien ,  l'af- 
faire que  Léonius  lui  avait  recommandée  n'avançait  point, 
les  avenues  même  de  la  justice  lui  étaient  fermées  ;  le  cardi- 
nal Roland ,  évècpie  de  Sienne  et  chancelier  de  l'église ,  vint 
à  son  secours ,  le  protégea  ouvertement ,  et  sans  doute  lui 
fit  gagner  sa  cause.  Ce  cardinal ,  devenu  pape  après  la  mort 
d'Adrien ,  sous  le  nom  d'Alexandre  III ,  cotitinua  de  s'inté- 
resser à  lui,  accorda,  à  sa  prière,  une  prébende  à  l'un  de 
ses  amis  qui  vivait  avec  lui  et  qui  lui  rendait  des  services, 
et  même  obtint,  pour  Léonius,  du  roi  Louis-le-Jeune  une 
faveur  signalée ,  qui  fut  connue  de  toute  la  cour  de  Rome. 
Le  poète  reconnaissant  adressa  au  nouveau  pape  une  épître, 
dans  laquelle  il  reti'aça  tous  ces  bienfaits  ,  et  se  félicita 
d'avoir  maintenant  pour  père  celui  qu'il  avait  eu  auparavant 
pour  défenseur  : 

Hune  mea  te  sensit  Adriaiw  prœsule  causa  , 
Te  duce  cum patuit  juris  rnihi  janua  clausa. 
Quani  niihi  larga  Dei  pietas  dédit  utile  donum  , 
Te  nunc  esse  pat  rem  mihi  quem  dédit  esse  patronum! 
Testis  erit  collata  meo  prœbenda  sodali , 
Cujus  et  obsequiis  et  amore  Jruor  speciali; 
Testis  et  ut  prœseiis  agiwvit  curia  Romœ , 
Exorata  tibi  majestas  regia  pro  me. 

Mais ,  dans  toute  cette  pièce ,  il  ne  parle  plus  au  pape  tle 
l'affaire  de  l'église  de  Saint -Benoît ,  ce  qui  prouve  qu'elle 
avait  été  terminée  sous  Adrien  ;  il  ne  lui  dit  rien  non  plus 
de  sa  pauvi'eté,  qui  n'existait  plus  sans  doute  depuis  qu'il 
était  devenu  chanoine  de  Notre-Dame;  il  ne  lui  adresse  enfin 
que  des  félicitations  et  des  remerciemens. 

Quelques  années  après ,  il  acquit  à  la  cour  romaine  un 
autre  protecteur,  et  même  un  ami,  dans  le  cardinal  Henri, 
évêque  d'Albano,  comme  l'avait^  été  Adrien  IV,  et  précé- 
demment abbé  de  Clairvaux.  Henri  lui  fit  présent  d'un  an- 
neau d'or  où  était  enchâssé  un  rubis.  Léonius  l'en  remercia 
par  une  pièce  en  vers  éiégiaques ,  consacrée  à  l'éloge  et  à  la 


LÉONIUS,  POETE  LATIN.  439 

description  de  cet  anneau ,  et  conservée  parmi  ses  opuscules    xil  SIECLK. 
sous  ce  titre  :  De  Annulo  dato  ah  Henrlco  cardinati.  T.  v,  p.  277. 

L'abbé  Lebeuf  a  fort  bien  vu  que  le  quatrième  opuscule 
de  notre  poète  prouvait  qu'il  ne  pouvait  être  chanoine  qu'à 
Notre-Dame.  Cette  pièce  est  intitulée  :  Âd  yimlcian  ventii- 
ruin  ad  festum  Bacidi.  La  tète  du  Bâton  était  célébrée  en 
même  temps  que  la  trop  fameuse  fête  des  Fous ,  à  l'office  du 
jour  de  la  Circoncision  ,  c'est-à-dire ,  le  premier  jour  de  l'an- 
née. Dans  la  cérémonie  du  bâton ,  qui  faisait  partie  de  la 
fête ,  un  bâton ,  au  haut  duquel  était  représenté  le  mys- 
tère de  la  fête  de  Noël ,  était  remis  entre  les  mains  de  l'un 
des  chanoines,  cjui  prenait  alors  le  titre  de  bâtonnier,  et 
qui  le  gardait  jusqu'à  la  fête  de  l'année  suivante.  I^éonius 
adressa  cette  épitre  à  un  chanoine  de  ses  amis,  cjui  était  à 
la  campagne,  et  qui  devait  venir  rendre  à  Paris  le  bâton 
que  le  sort  lui  avait  donné  l'année  précédente.  Ce  sort  se 
tirait  avec  des  pièces  de  monnaie  de  cuivre,  comme  on  le  voil 
par  les  vers  suivans  : 

Seque  'verenda  tuo  majestas  contulit  œri. 

Et  nova  sors  aliquid  addidit  ipsa  tiovi,  Lebeuf     ubi 

supra,  p.  275. 

«  La  fête  des  autres ,  ajoute  Léonins,  est  le  bâton  et  la  nou- 
velle année  ;  ma  fête  à  moi  sera  le  jour  où  vous  viendrez  »  : 

Festa  dies  aliis  bacuhis  venit  et  novia  annus  : 

Quâ  venies ,  -veniet  hœc  nul d festa  dies.  j/^-^i 

Cette- fête  ne  pouvait  sans  doute  avoir  lieu  à  Paris  que  dans 
l'église  de  Notre-Dame  :  d'où  l'abbé  Lebeuf  tire  une  nouvelle  ibui.  p.  279. 
reuve  que  Léonins  était  chanoine  de  cette  cathédrale.  Il 
était  évidemment  quand  il  écrivit  cette  épître  ;  mais  ce  n'est 
pas  une  raison  pour  qu'il  ne  l'ait  pas  été  de  Saint -Benoît 
auparavant. 

Son  talent  poétique,"  le  poste  c]u'il  occupait  dans  l'église 
métropolitaine,  la  protection  du  roi ,  celle  du  pape  et  ses 
autres  grandes  relations,  devaient  lui  avoir  fait  beaucoup 
d'amis.  Un  des  plus  intimes  sans  doute  était  l'abbé  de  Saint- 
Victor,  puisque  ce  fut  à  sa  prière  qu'il  entreprit  son  plus 
grand  ouvrage,  la  BU)le  mise  en  'vers.  Léonins  ne  le  nomme 


l 


point ,  mais  la  circonstance  des  temps  a  fait  croire  que  c'était 
l'abbé  Guérin.  C'est  à  lui  qu'il  dédie  ce  poëme,  et  ce  sont 


Ibid.  p.  281. 


44o  LEONIUS,  POETE  LATIN. 

XII  SIECLE,  quelques  expressions  de  cette  dédicace  et  la  dédicace  même 
qui  ont  pu  faire  croire  que  Lëonius  avait  été  chanoine  de 
Saint-Victor.  Il  s'adresse  à  cet  abbé  au  commencement  de 
son  poëme  et  à  la  fin. 

On  ne  sait  d'après  quelle  autorité  Sébastien  RouUiard , 
auteur  d'une  Histoire  de  Melun ,  a  pu  compter  ce  poète  au 
Hist.  de  Me-  nombre  des  auditeurs  d'Abailard  ;  ce  dernier  est  antérieur 
lun,  p.  33;.       d'un  demi-siècle  à  Léonins,  que  RouUiard  nomme  Liesne, 
Ann.de Paris,  et  qu'il  fait  naître  à  Melun.  Malingre,  en   le  copiant,  est 
!'•  '*■'•  tombé  dans  la  même  erreur.  Il  y  a  lieu  de  présumer  que 

Léonins  n'était  pas  né  loi'sque  Abailard ,  qui  était  alors  fort 
jeune,  tenait  son  école  à  Melun.  La  méprise  de  RouUiard  est 
d'autant  plus  forte ,  qu'en  parlant  de  l'ouvrage  de  Léonius , 
il  fannonce,  par  une  autre  méprise,  comme  dédié  au  pape 
Alexandre  III ,  et  que  ce  pontife  ne  fut  élu  qu'en  i  i5c) ,  dix- 
sept  ans  après  la  mort  d'Abailard. 

Une  dernière  preuve  que  notre  poète  était  chanoine  de 
Notre-Dame,  et  non  de  Saint-Victor,  se  tire  du  témoignage 
d'Égidius  ou  Gilles  de  Paris,  poète  .sous  Philippe-Auguste. 
Égidius,  dans  un  catalogue  des  meilleurs  poètes  de  son 
temps  qui  étaient  nés  à  Paris  même ,  place  l'auteur  de  l'His- 
toire sacrée  ou  de  la  BiJjle  mise  en  vers,  qu'il  nomme  Léon, 
et  qui  n'est  autre  que  Léonius , 

Nec  minus  in  sacris  melico  seimone  Leonem 
Ludentem  historiis. 

Léonius,  auteur  de  cette  Histoire  sainte,  étant  donc  né  à 
Paris ,  elle  ne  peut  être  attribuée  à  Léonius ,  chanoine  de 
Saint-Victor,  lequel  était  né  en  Angleterre  selon  les  uns ,  à 
Melun  selon  les  autres ,  et  que  personne  n'a  dit  natif  de 
Lebeuf,  ubi  Paris, 
suprà,^.  283.  S£S  ÉCRITS. 

L'ouvrage  qui  a  fait  le  plus  de  réputation  à  Léonius  est 
son  Histoire  de  l'Ancien  Testament  mise  en  vers ,  et  divisée 
en  douze  livres.  Il  v  suit  fidèlement  le  texte  sacré ,  jusqu'au 
seizième  chapitre  du  livre  des  Juges  ;  il  passe  les  cinq  der- 
niers livres  où  se  trouve  l'histoire  du  lévite  d'Ephraïm ,  et 
termine  son  poëme  par  l'intéressant  livre  de  Ruth. 

Il  annonce ,  dans  son  exposition  ,  le  but  qu'il  s'est  proposé 
en  mettant  en  vers  ce  que  Moïse  et  ses  continuateurs  s'étaient 


LÉONIUS,  POÈTE  LATIN.  44r 

contentes  d'e'crire  en  prose  ;  c'est   de  rendre  cette  histoire    ^^^  sifcle. 
plus  agréable  à  l'oreille,  sans  être  moins  utile  à  l'esprit,  qui, 
charmé  par  la  brièveté  du  mètie  et  par  l'harmonie  ,  retien- 
dra mieux  ce  qu'il  aura  plus  agréablement  appris. 

Historiée  sacrœ  gestas  ab  origine  mundi 

Res  canere  et  versu  Jucili  describere  conor; 

Qiias  habuere  satis  Moses  Mosenque  secuti 

Auctores  mandare  prosœ  vcrbisque  solutis  . 

Lege  metri  :  sod  mcjuvat  uti  carminé ,  gracimt 

Auribus  ut  sit  opus ,  nec  sit  minus  utile  menti, 

Quœ  brevitate  metri  ^  quœ  delectata  çanore, 

Firmiiis  id  teiieat ,  quanta  jucundius  hausit. 

L'Invocation ,  qui  est  aussi  de  huit  vers ,  est  adressée  à 
Dieu.  Le  poète  prie  l'Être  éternel  de  le  soutenir  dans  son  en- 
treprise. <c  Daigne,  lui  dit-il,  inspirer  celui  qui  chante  ce  que 
tu  as  fait  ;  dirige  mes  pas  incertains ,  et  que  ta  grâce  me 
rende  digne  de  raconter  ta  propre  histoire. 

Tua  facta  canenti 
Tu  ,  precor ,  aspira  ;  dubios  tu  dirige  gressus. 


Resque  tuas  digne  fari  tua  gratia  donet. 


Une  dédicace  de  vingt  vers  est  ensuite  adressée  à  l'abbé  de 
Saint -Victor ,  qui  avait  engagé  l'auteur  à  entreprendre  cet 
ouvrage.  Léonins  lui  donne  de  grands  éloges  ;  mais,  en  exal- 
tant ses  veitus ,  il  prend  soin  de  rabaisser  sa  naissance ,  sans 
doute  pour  consoler ,  par  cette  espèce  de  compensation , 
1  humilité  du  saint  abbé.  Tu  quoque ,  lui  dit-il, 

Quem  nullâ  subnixum  laudc  pnrr.nrum , 
Sed  monini  et  vitœ  meritis ,  et  denique  laus  est 
Obscurutn  génère  et  clarum  virtutibus ,  ardens 
Non  sanc  ambitio  quœsitaque  gloria  multis , 
Sed  studiuni  verœ  probitatis  et  inclita  Jama, 
Propositiqite  ténor  et  custos  régula  sacri, 
Ordinis  ad  regimen  toto  radiantis  in  orbe 
Ecclesiœ  tanto  dignuni provexit  honore; 
■  Hortatu  meditata  tuo  tu  mente  benignâ 
Prosequere ,  atque  tuœ  virtutis  robore Jirma 
Hcec  mea  prœtrepido  titubantia  carmina  gressu  ,  etc. 
Tome  XI II:  Rkk 


44^  LÉONIUS,  POÈTE  LATIN. 

Xîi  SIECLE.  L'abbé  Lebeuf  n'a  peut-être  pas  tort  de  voir  dans  cette 
dédicace  une  preuve  de  plus  que  Léonins  n'était  point  reli- 
gieux de  Saint- Victor ,  sous  cet  abbé  Guérin  à  qui  elle  est 
adressée,  et  de  trouver  qu'il  y  eût  eu  à  cela  de  l'inconve- 
nance, .c  II  est  vrai ,  dit-il,  que  le  but  du  poète  était  de  don- 
ner plus  d'éclat  par-là  à  la  vertu  de  cet  abbé  ;  cependant  je 
doute  que ,  malgré  la  sincérité  qui  régnait  alors ,  ces  tours 
eussent  tort  convenu  dans  l'écrit  adressé  par  un  chanoine  de 
Loco  cit.        Saint-Victor  à  son  abbé,  jj 

L'auteur  entre  enfin  dans  son  sujet,  comme  Moïse,  par  le 
récit  de  l'ouvrage  des  six  jours.  Il  rend  ou  plutôt  il  para- 
phrase ainsi  les  cinq  premiers  versets  du  premier  chapitre 
de  la  Genèse,  qui  contiennent  la  première  journée  de  la 
Création.  On  y  voit  avec  surprise  qu'il  n'a  ni  cherché  à 
rendre,  ni  même  paru  sentir  le  trait  sublime  sur  la  créa- 
tion de  la  lumière;  il  l'a  paraphrasé  comme  le  l'este. 

Principio  massa  pariter  congesta  sub  unâ 
Quattuor  hœc  elementa  Deus  in  qualia  certh 
Usibus  apta  vides ,  nec  res  sed  semitia  renim , 
"Materiainque  rudein ,  fièrent  quâ  cuncta,  creavit. 
Tune  nihil  in  terra  solidani ,  nihil  œtiiere  claruni , 
Necjliicre  iinda  potens ,  niilli  sua  forma  vel  usas. 
IVec  l'italis  erat  infiisus  spiritus  iHis , 
Cuncta  sed  ignaiis  torpcbant  mersa  tenebris  : 
Spiritus  ergo  Dei  scse  super  illa  Jerebat , 
Vivificoque  sui  vegetata  calore  creandis 
Fœtibus  apta  dabat ,  lucisque  ut  lucc  creatis 
Rébus  inesset  anior ,  primam  splendescere  lucem 
Jussit ,  et  attendens  quod pulchra ,  quod  utilis  esset , 
Diiisit  lucem  a  tenebris  sempcrque  7'icissim 
IS'unc  hanc  nunc  illas  sibiniet  succcdere  feçit  ; 
Ordine  commutans  vario  noctemque  diemque  ; 
JVam  Deus  hœc  illis  aptavit  nomina  retus , 
appelions  lucemque  diem  ,  noctemque  tenebras. 
Vespere  sic  factuni  est  et  mane^  et  lux  ea  rerum 
Prima  Juit ,  primiisque  dics  Jidt  ille  dierum. 

Ce  morceau  suffit  pour  donner  une  idée  du  poëme  entier. 
Léonius  prend  soin  de  nous  apprendre  en  finissant  qu'il  y 
a  mis  quatorze  mille  huit  cents  vers,  qu'il  croit  devoir  s'ar- 
rêter là,  de  peur  d'ennuyer   le  lecteur  par  un   trop   long 


LÉONIUS,  POETE  LATIN.  44'3 

ouvrage,  et  jetei'  riiiiore,  quoiqu'il  soit  encore  loin  du  port,    ^H  SIECLE 
et  quoiqu'il  lui  reste  une  grande  étendue  de  mer  à  parcourir. 

Scd  ciunprppositijampars  exhau?ta  hibom   )   :  ailii -'H/oci 

Sit  non  parva  mai ,  pars  major  et  altéra  restet , 
Sintque  satis  magno  bis  scna  volamina  libro^.  > 
Bisque  quater  déni  bis  sepieni  millia  versus , 
Ne  tibi  sint  operis ,  Icctor ,  fastidia  longi , 
Fessaque  ne  niedio  solvatur  in  œquore  nauis , 
Hicstandufnesff'portuque  licet  figenUd'remoto 
Anchora ,  ciim  pelagus  et  adhuc  nùJd  granaè  siipersit. 

Il  finit  en  s' adressant  de  nouveau  à  l'abbé  de  Saint-Victor, 
à  qui  il  prend  soin  de  l'épéter  qu'il  ne  doit  point  son  éléva- 
tion au  taux  éclat  de  la  naissance,  mais  à  sa  vertu,  à  son 
mérite ,  à  sa  noblesse  d'ame  ,  qui  vaut  mieux  que  l'autre 
noblesse  : 

Tu  qtinquc ,  queui  faho  generis  non  luniine  spléndor, 
Scd  virtus  meritiquc  Uhistrat  gloria  ceisi 
Nobilitasque  animi  melior  ; 

11  le  prie  de  le  défendre  contre  les  efforts  de  l'envie,  qu'il 
voit  prête  à  le  déchirer.  «  Tends,  lui  dit-il,  une  main  favo- 
rable à  celui  qui  se  réfugie  auprès  de  toi:  que  mes  vers, 
exposés  à  subir  un  jugement  inique,  sentent  qu'ils  ont  en 
toi  un  zélé  patron ,  et  trouvent  leur  sûreté  dans  ton  appui.  » 

Ad  te  sed  placidam  fugienti  porrigc  dextram^ 
Et  te  judicii  subicns  examen  iniqui, 
Pagina  nostra  pium  sibi  sentiat  esse  patronum , 
Prœsidioque  tui  maneat  scculra  favoris. 

Le  premier  de  ces  quatre  vers  sur-tout  a  pu  faire  croire  cjue 

Léonins  venait  ou  était  sur  le  point  d'entrer  dans  l'abbaye 

de  Saint-Victor;  mais  c'était  prendre  pour  sa  p^^rsonne  ce      Lebeuf,  ?/éi 

qu'il  ne  dit  que  de  son  ouvrage  ;  et  il  était  naturel  cju'il  le  ^"FJ'^\>,  P-  2*2. 

mit  sous  la  protection  d'un  ami  Cfui  l'avait  engagé  à  l'écrirej  . .; 

Dans  quelques-uns  des  manuscrits  des  oeuvres  de  Léo- 
nins ,   ce  grand   poème   est  suivi   de    quelques  opuscules,      Entreautres, 
dont  nous  avons  déjà  parlé  dans  sa  Vie.  Ils  consistent  en  une  f  la   Bibiioth. 

„    .•.  •'  I       j  •  'I  '    •  i         '     .i  imp.  dans  le  n 

petite  pièce  morale  de  seize  vers  elegiaques;  c[uatre  epities  (,- au  fonds  de 
de  quelque  étendue ,  les  mêmes  cpii  ont  été  citées  par  Pas-  s.-Vktor. 

Kkk2 


'444  LÉONIUS,  POÈTE  LATIN. 

XII  SIECLE,  quier  et  par  l'abbé  Lebeuf  ;  deux  autres  petites  pièces  du 
même  genre  que  la  première,  l'une  de  douze  et  l'autre  de 
seize  vers ,  aussi  élégiaques ,  et  enfin  ce  distique  moral  ayant 
pour  titre  :  Quod  melius  sit  bene  quam  diit  vivere. 

Vivere  qidsque  dm ,  nemo  bene  vivere  curât, 
Cum  bene  quisque ,  dia  iwere  nemo  queat. 

La  première  épître  est  adressée  au  pape  Adrien ,  pro  eccle- 
siâ  Sancti  Benedicti  parisiensis  :  elle  est  de  cinquante -deux 
vers  ;  nous  avons  cité  les  quinze  ou  seize  premiers.  Il  sont 
rimes  de  deux  en  deux  ;  le  reste  de  l'épître  est  aussi  rimé , 
mais  inégalement;  et  quelquefois  quatre  ou  six  vers  de  suite 
sont  sur  la  même  rime.  La  seconde  est  adressée  au  pape 
Alexandre  III  ;  en  voici  le  début  : 

Summe  parens  hotninum ,  Christi  dévote  minister, 

Pastorum  pastor ,  prœceptovumqiie  magister , 

Quem  rigor  et  pietas ,  quem  noti  fana  pudoris 

Et  lucri  calcatus  amor ,  pars  magna  valoris , 

Cœteraque  ut  taceam ,  dos  maxinia  mentis  et  cris  , 

Iiu'itilm  ad  summum  traxerunt  culmen  honoris, 

Quas  tili  me  laudes  non  ficto  pectorc  nôris 

Ncc  mate  quœrendi  studio  cecinisse  favoris  : 

Nam  nisime  justi  cohiherent  frœna  timoris  ,  « 

Ne  qua  verecundi fièrent  tibi  causa  ruhoris. 

Altius  aggrederer  opus  et  limœ  gravioris, 

Laudibus  ire  tuiper  singula  membra  nitoris, 

Nec  bene  decerpti  libamen  sumere  fioris , 

Sed  sanare  omnes,  gustu  tam  suavis  odoris, 

Sit  licet  ingenium  mihi  vence  pauperioris. 

On  voit  que  ces  quinze  vers  sont  tous  sur  la  même  rime , 

Pasquier ,  à  l'exception  des  deux  premiers.  Ils  sont  suivis  de  trente 

Reclierdi.  de  la  autres  avcc  cette  même  rime  oiis.  D'autres  rimes  sont  ensuite 

a^p'^ggg/*^     employées,  comme  dans  les  huit  vers  que  nous  avons  cités 

dans  la  Vie  de  Léonius;  et  l'épître,  qui  est  en  tout  de  cent 

vers,  finit  ainsi  : 

Quod  nequit  ergb  manus  indoctaque  lingua  veretur  ^ 
Mens pia persohet cornes  hanc  dum  vita  sequetur. 


LÉONÏUS,  POÈTE  LATIN.  445 

Nam  prius  acr  aves  ,  pisces  mare  non  patietur ,  XI[  SIECLE. 

Sidéra  subsidcnt  ^  tel  lus  super  astra  ferctiir  ^  '     ' 

Pectore  quant  nostro  tuus  hic  ainor  evacuetur , 
Aut  nieritis  ingrata  tuis  oblivio  dctur. 

La  troisième  ëpître  est  intitulée  :  De  Annulo  data  ah  Hen- 
rico  cardinali.  Elle  est  en  soixante-quatorze  vers  élégiaques, 
dont  voici  les  premiers.  On  y  voit  plus  d'esprit  et  plus  de 
travail  que  dans  les  pièces  précédentes. 

Annule  qui  sacri  datas  es  mihi pignus  amoris', 
■  Quimodh  parvus  eras ,  tu  modo  tnagnus  eris. 
Parvus  es ,  et  magnus ,  nihil  impeditjiœc  simul  esse  : 

Hoc  opifex ,  hoc  te  dat  tuus  esse  dator. 
:  Quem  manus  artificis  arctunt  contraxit  in  orbem, 

'    '  Ampliat  in  toto  nobiUs  orbe  manus. 

Quod  faber  invidit ,  dator  hoc  induisit  et  iina ,, 

Laudibus  innuineris  ,  Inus  tibi  major  erit. 
En  ex  te  rutilifulgor  micat  igneus  auri, 
,  Gemmaque  purpureâ  luce  suave  rubet. 

Tarn  multo  natura  parens  perfudit  utrumque 

Lamine  ,tam  largâ  fovit  ut rumque  manu -^ 
Ut  bene  si  spectcs  innatum  cuique  leporem , 

Pêne  nihil  toto  clarius  orbe  putes. 
Tant  a  tamen  prœbet  operis  miracula  splendor., 

Tantus  et  adjuncto  surgit  ab  igné  décor  : 
Ut  natura  suo  faveat  licet  ipsa  labori, 

Humana  victam  se  fateatur  ope. 
Magna  loquor ,  suus  arte  nitor  geminatur  utrimque^ 

Et  duplici  paritcr  juncta  nitore  nitent  : 
Sic  aurum  gemmœ  ,  seque  auro  gemma  coaptat , 

Naturam  credas  esse.,  nec  artis  opus. 

Enfin  la  quatrième  épître ,  en  vers  élégiaques ,  et  qui  en 
contient  cent  vingt-deux,  a  pour  titre  :  Àd  ainicwn  ventu- 
runi  ad  festum  Bacidi.  Elle  commence  ainsi ,  à  la  manièi'e 
de  plusieurs  épîtres  d'Ovide  : 

Hanc  tibi.,  quœ  sine  te ,,  rara  est  mihi,  mitto  salutem, 

Quœ ,  nisi  te  salvo ,  -vix  erit  alla  mihi. 

Ecquid  ut  audisti  mittentis  nonien  amicum , 

'Est  tibi  gratanti  charta  recepta  manu  ? 


446  LEONIUS,  POETE  LATIX. 

XII  SIECLE.  ]\fec  duhito  quin  te  chartâjitvet  ante  solutd 

Oniiiia  de  nostro  qiiœrere  vera  statu. 
Ex  /lis  pauca  tibi  refcrani ,  sed  mira  relata  , 

Cœtera  duni  venias  prœtereunda  puto. 
Accipe  rem  dulci  gratam  novitate ,  fidernque 
Res  habeat ,  major  sit  licet  istajide. 

Il  n'y  a ,  dans  toute  cette  espèce  d'épître ,  que  quatre  vers  qui 
ont  du  rapport  avec  la  fête  du  Bâton ,  et  nous  l'es  avons  cités. 
Il  est  temps  de  remarquer  que  deux  de  ces  oj^uscules  seu- 
lement sont  rimes,  que  ni  les -deux  autres  qui  sont  en  vers 
élégiaques,  ni  sur-tout  le  grand  poëme  de  Léonins,  qui  fut 
le  principal  fondement  de  sa  renommée  poétiqiie,  ne  portent 
ce  caractère ,  et  que  même  les  deux  pièces  rimées  qu'on  vient 
de  voir,  ne  le  sont  point  du  milieu  à  la  fin  des  vers,  comme 
les  vers  rimes  que  l'on  a  appelés  léonins.  On  ne  connaît 
pourtant  aucune  autre  pièce  de  lui  ;  il  en  résulte  que  ce  n'est 
point  Léonins ,  comme  on  l'a  cru  presque  généralement , 
qui  donna  son  nom  à  cette  sorte  de  rime  appelée  léonine, 
et  que,  loin  d'en  être  l'inventeur,  et  de  s'être  plu  dans  cette 
invention  de  son  génie,  il  l'a  même  ignorée  ou  n'a  point 
voulu  s'en  servir ,  et  n'a  cédé  au  goût  que  l'on  avait  pour  les 
vers  rimes  dans  son  siècle ,  que  dans  deux  pièces ,  rimées 
seulement  à  la  fin  des  vers. 

Les  vers  latins  rimes,  tant  à  la  fin  seulement  qu'au  milieu 
et  à  la  fin,  remontent  bien  au-delà  du  siècle  où  florissait 
Léonins.  Muratori ,  dans  sa  quarantième  dissertation ,  en  cite 
du  sixième  siècle;  il  en  cite  même  \\\\  exemple  beaucoup 
plus  ancien,  puisqu'il  se  trouve  dans  un  rhythme  ou  espèce 
de  psaume  composé  par  saint  Augustin  en  ÎqS.  Les  citations 
([u'il  fait  du  VIIF  et  du  IX*^  siècle  sont  plus  nombreuses,  et 
il  y  en  a  beaucoup  qu'il  ne  fait  que  répéter  d'après  D.  Ma- 
blllon.  Enfin,  dans  le  X^  et  le  XP  siècle,  l'usage  de  ces 
rimes  était  devenu  presque  universel.  On  sait  que ,  dans  les 
préceptes  de  l'école  de  Salernc,  composés  et  publiés  vers  la 
fin  du  XP  siècle,  on  trouve  beaucoup  de  ces  vers  qu'on 
nomme  léonins.  D'ailleurs  l'espèce  de  rime  qui  leur  fîiit  don- 
ner ce  nom  est  tantôt  appelée  léonine  et  tantôt  léonime.  Nos 
auteurs  français  du  XIIP  siècle  ne  lui  donnent  même  ordi- 
nairement que  ce  dernier  nom.  Fauchet  en  rapporte  des 
P.  552.  exemples.  Deux  choses  restent  donc  prouvées  :  i*'  que  Léo- 
nins n'en  est  point  linventeur  ;  2"  que  cet  inventeur  est 


p.  DE  LA  CHATRE,  ARCHEV.  DE  BOURGES.  447 

ignore,  et  que  l'on  ignore  de  même  povirqiioi  cette  espèce    xii  sikci.e. 
de  rime  placée  dans  les  vers  latins  au  milieu  et  à  la  fin  du 
vers,  fut  appelée   léonine  par  les  uns,  et   par    les   autres 
léonime.  -  G. 


PIERRE  DE  LA   CHATRE,  , 

ARCHEVÊQUE   DE   BOURGES. 
SA  VIE. 

Il  était  de  la  maison  des  seigneurs  de  la  Châtre,  en  Berry.  n.  CoU.  des 
Geofroi  de  Vigeois  ,  dans  sa  Chronique,  le  nomme  Efle-  H- ii'Fi.  i.xir, 
nouard.  La  famille  de  Pierre  était  riche  autant  cjuillustre.  '''  ^^^' 
Louis-le-Jeune  ,  dans  une  charte  en  faveur  des  archevêques  Gallia  Christ. 
de  Bourges,  dit  qu'avant  ce  prélat,  ils  étaient  sans  fortune  *•  ^i'  aux  Pr. 
et  ne  pouvaient  suffire  à  leur  diarnité,  mais  «ue  Pierre  de  j'  '^•.  ~"  o»;^' 

1      /-Il   A  •  11  11-  1^  n     ^       des  rois  de  Fr. 

la  Lhatre  eut  en  abondance  les  iJiens  temporels,  et  en  lit  le  t.  xi,p.  204. 
plus  noble  usage  pour  son  siège  et  pour  son  église. 

Pierre  de  la  Châtre  avait  été  l'ami  et  le  disciple  d'Albéric     v.sonanide, 
de  Reims,  qui  devint  archevêque  de  Bourges,  et  se  distingua  '■.^"  ''*^  ""« 
dans  la  double  carrière  de  la  prélature  et  des  lettres.  Albéric  ^^H'  ^'  '*  ^' 
étant  mort,  une  partie  du  clergé  nomma,  pour  le  rempla- 
cer, Cadurque,  chapelain  du  roi,  et  depuis  chancelier  de 
France  ;  une  autre  nomma  Pierre  de  la  Châtre.  Celui-ci  était       Gall.  CLiisi. 
parent  d'Aimeric,  chancelier  de  l'église  romaine  ;  son  neveu,  '•  ï^  P-  5i  ;  et 
suivant  Mathieu  Paris;  son  cousin,  suivant  l'auteur  de  la  de^v ''^8^''^' 
chronique   de  Marigny.  Le  pape  Innocent  II  le  consacra,  '     ^ 

non -seulement  sans  attendre  l'autorisation  du  roi,  mais 
même  contre  son  intention  expresse  et  manifestée;  car,  en 
permettant  au  chapitre  de  Bourges  d'élire  un  archevêque,  ^'-^f^a^gis, 
il  en  avait  formellement  çxclu  Pierre  de  la  Lhatre.  Guillaume  v.  Hist.  de  Fi  . 
de  Nangis  ajoute,  et  Mathieu  Paris  dit  également,  sur  »•  xv,  p.  359. 
l'an  1146  ,  que  Louis  VII  indigné  jura  publiquement  sur  ,  n''"i  *5Î"!i' 
les  saintes  reliques,  que,  tant  cpi'il  vivrait,  Pierre  n'entrerait  v.  Duboui.  t. 
pas  dans  la  ville  de  Bourges.  Le  second  de  ces  écrivains,  au  ^^'  P-  '^''  ^^^^ 
lieu  de  dire,  comme  le  premier,  que  la  consécration  se  fit  à  r  ^1*'  u  'f  ^' 

■n  T  ir       1  •  v  1  '^'"    "^*   Uislor. 

nome  et  par  innocent  il,  la  renvoie  au  temps   ou  un  des  deFr.  t.  xv,  p. 

359. 


448    P.  DE  LA  CHATKE,  ARCHEV.  DE  BOURGES. 
XII  SIECLE,    successeurs  de  ce  pape,  Eugène  III,  vint  en  France.  Les 
auteurs  du   Gallia  Christiana ,  ont  justement  relevé  cette 
erreur.  Saint  Bernard  appelle  le  serment  de  Louis-le- Jeune 
Ep.  224.       un  serment  d'Hérode,  Herodianuin  juramcntum. 

La  discussion  élevée  au  sujet  de  l'archevêché  de  Bourges 

eut  des  suites  funestes.  Nous  en  parlerons  à  l'article  de  Louis- 

On  peut  voir  le- Jeune.  Saint  Ber^rd  essaya  long-temps  en  vain  de  l'ap- 

ses  lettres  ai6,_'  1  i-  i.."^        zi  „\-i  i-.'i 

210,290,222,  priser:  dans  une  de  ses  lettres  (la  219^^)  il  se  plaint  egaie- 
22/,  et  les  notes  ijjent  et  du  pape  et  du  roi.  «  Inviter  le  roi ,  dit-il ,  a  se 
de  MabiUoii.  «  soumettre  au  pape ,  c'est  frapper  l'air  ;  inviter  le  pape  à  ne 
«  pas  s'irriter  contre  le  roi ,  c'est  attirer  sur  moi  cette  colère 
«  même.  »  Il  est  loin  de  justifier  le  serment  de  Louis-le- 
Jeune  ;  mais  il  sent  combien  il  est  difficile ,  pour  des  Fran- 
çais sur-tout ,  de  se  rétracter  après  un  acte  si  solennel  : 
Juravit  illicite  rex,  et  persévérât  injuste  ;  veriiin  id  non  volun- 
tate,  sed  "verecundiâ  :  nani  prohro  ducitur,  sicut  optimè  nostis, 
apud  Francigcnas ,  juramcntum  sohere  quamlibet  maie  pu- 
hlice  juratum  sit ,  quanivis  nemo  sapiens  duhitet  illicita  jura- 
menta  non  esse  tenenda. 

L'abbé  de  Citeaux  finit  cependant  par  réconcilier  le  pon- 
tife et  le  roi  ;  mais  de  grands  maux,  avaient  précédé  leur 
réconciliation.  Du  moins  fut-elle  sincère;  on  en  verra  bientôt 
la  preuve  dans  des  lettres  que  nous  analyserons,  écrites  par 
_    Gali.  Christ.  Pierre  de  la  Châtre  à  Louis-le- Jeune.  Ce  prince  rappelle, 
t.n,aux  Pr.  p.  jjj^j^g  jçg  lettres  patentes  données  à  Bourses  même  en  i  i5q, 

14.-  Ordonn.  1      1  •  '  i        p     '  '    i-        V,-  1      1      /^i   a  "^ 

des  rois  de  Fr.  tout  le  Dicii  quc  cc  prélat  fit  a  son  église.  Pierre  de  la  Cliatre 
t.  II,  p.  204  et  avait  fait  rebâtir,  et  magnifiquement,  le  palais  épiscopal;  il 
'^°^'  acquit  ou  fit  construire  des  maisons  ,  des  granges ,  des  terres , 

des  vignes.  Le  roi  accorde  de  grands  éloges  au  prélat  dans  ces 
lettres  ;  et ,  en  reconnaissance  des  services  rendus  par  lui  à 
son  église,  il  abolit  la  mauvaise  coutume  qui  s'était  intro- 
duite à  Bourges  ,  comme  dans  beaucoup  d'autres  villes  , 
d'abandonner  à  un  honteux  pillage  les  biens  meubles  laissés 
par  levêque  mort;  on  allait  même  jusqu'à  dégrader  les  mai- 
sons pour  en  prendre  les  matériaux  et  se  les  approprier,  le 
bois,  le  plomb,  le  fer,  etc.  Le  roi  autorise  également  Pierre 
de  la  Châtre  et  ses  successeurs  à  disposer  avec  pleine  puis- 
sance ,  et  par  testament ,  des  fruits  et  revenus  de  l'année  de 
son  décès. 

Les  papes,  de  leur  côté,  ne  donnèrent  pas  à  Pierre  de  la 
Châtre  de  moindies  témoignages  d  estime.  Eugène  III, 
Adrien  IV,  Alexandre  III,  confirmèi'ent  successivement  la 


p.  DE  LA  CHATRE,  ARCHEV.  DE  BOURGES.     449 

nrimatie  de  son  archevêché.  Eugène  reprit  fortement  Sam-    ^ii  siècle. 

son  ,  archevêque  de  Reims,  sur  ce  qu'il  avait  osé  couronner 

le  roi  à  Bourges ,  en  l'absence  de  Pierre  de  la  Châtre ,   qui 

était  alors  à  Rome,  et  il  le  somma,  lui  et  les  évêques  de  sa 

province,  de  venir,  à  un  jour  marqué,  répondre  de  leur 

conduite.  La  lettre  de  ce  pape  à  Samson  a  été  imprimée  dans 

le  quinzième  volume  de  la  nouvelle  Collection  des  historiens  p.  438  et  433 

de  France ,  ainsi  que   celle   qu'il  écrivit  à  l'archevêque  de 

Bourges,  pour  confirmer  la  primatie  de  son  siège  sur  deux 

grandes  provinces  ecclésiastiques. 

Après  avoir  gouverné  son  diocèse  avec  succès   pendant      Gall.  Christ. 
trente  ans ,  Pierre  de  la  Châtre  mourut  le  premier  mai  1  lyi.  '•  il' P-  ^'i- 
On  grava  l'épitaphc  suivante  sur  son  tombeau  : 

Clauditur  hic  primas ,  stans  nomine  mentequc  Petrus 

De  Castra;  nomeii  facta  latcre  negant. 
Major  honore  suo  ,  fortunâ  fortis  in  omni, 
■    Pertidit  intrepidus  damna  ,  pericla ,  minas. 
Oppida ,  tcnipla  ,  domus ,  quorum  structura  supcrbit , 

Autorem'facient  inveterata  novum. 
Reddituum  duplicans  numerwn  ,  via  jiiris ,  asyliim 

Pauperis  ,  cxemplar  relligionis  erat. 
Ultima  primati  maii  lux  prima  prioris 

Vitce  meta  fuit ,  principiumque  novœ. 

C'est  ainsi  qu'elle  est  rapportée  dans  la  France  Chrétienne, 

La  Thaumassière,  qui  la  rapporte  également  dans  son  His-        p.  3o-. 

toire  de  Berry ,  met ,  à  la  place  des  deux  premiers  vers ,  les 

deux  vers  suivans  : 

Clauditur  hic  primas ,  stans  mente  ac  nomine  Petrus, 
Quant  laudis  Janiâ  facta  carere  negant, 

SES  ÉCRITS. 

Cessent  principalement  des  lettres  à  Louis-le-Jeune  et  à 
Suger.  Duchesne  les  avait  imprimées ,  mais  séparément ,  dans 
le  quatrième  volume  de  son  Recueil  des  historiens  de  France. 
Elles  ont  été  réunies  dans  le  quinzième  volume  de  la  nou- 
velle Collection  de  ces  historiens. 

La  première ,  qui  est  la  quatre-vingt-unième  entre  celles        Duchesne , 
de  Suger ,  est  adressée  à  ce  erand  homme.  Pierre  de  la  Châtre  '•  Vt  '  •'■,  ^'^°- 

°  o  — N.  C.  des  H. 

Tome  XIII.  LU 


45o    P.  DE  LA  CHATRE,  ARCHEV.  DE  BOURGES. 

XII  SIFXLE.    lui  recommande  l'affaire  de  deux  personnes  de  la  ville  de 

de  ]r.  t.  XV,  Bourges ,  contre  lesquelles  on  l'avait  faussement  prévenu.  Je 

i>  7o5.  compte  ,  lui  dit-il  ,  sur  votre  amitié ,  comme  j'espère  que 

vous  comptez  sur  [la  mienne.  Dans  le  cours  de  la  lettre ,  il 

l'appelle  votre  Excellence,  vestva  subliniitas.  En  demandant 

une  prompte  expédition ,  il  se  permet  de  jouer  sur  le  nom 

de  celui  qu'il  recommande  ;  on  l'appelait  Juvenetus  :  «  Ne 

«  l'obligez  pas  ,  dit-il ,  à  aller  se  faire  juger  hors  de  Bourges, 

«  car  Juvenetus  est  déjà  vieux.  »  Juvenetus  ipse  senex  est , 

et  laborem  equitandi  sustinere  non  potest. 

Duciiesne,       La  seconde  et  la  troisième  ont  pour  objet  principal  un 

1. 1\\  p.  5ao  et  Qj,jj,g  qyg  Pierre  de  la  Châtre  avait  reçu  de  Suger,  de  rendre 

521,  ep.    83  et  ^  .  .  ,  .  ,  ^  i        i  -n         -t^^^ 

85.  — H. deFr.  <iux  commissaues  du  roi  une  des  tours  de  la  ville.  Elles 
t.  xv,p.  7o3et  annoncent  beaucoup  d'attachement  pour  le  prince,  pour 
7,^^:  ~  Gaiiia  ministre,  iDour  l'église;  mais  d'ailleurs,- elles  n'ont  d'im- 

«Jirist.  t.II,aux  \1       „  .        o    .       '.       ,  ,    ,,  .    \.  „  . 

Pr.  p.  i4  et  i5.  portant  que    le    tait   principal    quelles  indiquent;    ce   tait 

même  nous  apprend  la  date  des  lettres  :  elles  sont  toutes 

de  1 149- 

p.  524.  H.  de       Une  affaire  particulière  est  l'objet  de  la  quatrième,  qui 

Fr.  t.  XV,  p.  pst  1,^  quatre-vingt-quinzième  de  celles  adressées  à  Suger, 

'"  ■  dans  le  Recueil  de  Duchesne.  L'objet  de  la  cinquième  est  de 

Diuhesne    remercier  ce  ministre,  que  Pierre  de  la  Châtre  appelle  tou- 

q)  i<>5, p. 527.  jours  Sublimitas  vestra,  de  l'avoir  instruit  du  retour  du  roi: 

—  N.  c.ùesii.  jj  |p  p^jg  (jg  passer  par  Boursfes,  si  le  prince  revient  par 

de  Fr.   t.  XV,    „    .    ^Vll  1  J        *    1  •  '  d  •  1       1     • 

p.  ,o/j.  Sanit-Giiles  ;  il  voudrait  bien  avoir  cette  occasion  de  lui 

témoigner  son  dévouement,  et  de  lui  rendre  les  honneurs 

qui  lui  sont  dus. 

Duciiesne ,       Pierre  de  la  Châtre  demande  encore  à  Suger  des  nouvelles 

*'^^;'"P-  ''^  de  l'arrivée  prochaine  du  roi,  dans  la  lettre  suivante.  Dans 

et  53oV— N.  c!  l'^i  septième,  il  avait  reçu  la  réponse  de  Suger,  et  lui  répond 

des  Hist.  deFr.  à  SOU  tour  :  mais  il  avait  appris  que  l'archidiacre  de  Bourges 

t.  x\ ,  p-  704  (îtjjjt:  allé  au-devant  du  monarcrue ,  cru'il  en  avait  obtenu  un 

etyoj.— V.  la    „  ,,  .,  T         •  *  •    i         'J  '  l     - 

p.  i5  du  t.  II  favorable  accueil,  que  Louis  avait  intercède  pour  lui  auprès 
du  Gaii.  Christ,  du  pape  ct  lui  avait  promis  de  faire  de  même  auprès  de 
aux  Preuves.  l'archevêque.  Pierre  de  la  Châtre  prie  Suger  d'empêcher  le 
rci  d'accorder  ainsi  son  intérêt  à  un  homme  dont  il  «parle 
dans  les  termes  les  plus  méprisans  :  Folumus ,  dit-il,  prœ- 
Tuunire  prudentiani  vestram  ut  efficiatis  apud  dominum 
rcgcin ,  ne  diffamatum,  illum,  de  cujus  honestd  convcrsa- 
tione  niulta  audistis ,  manutenere  velit....  criminosam  vitam 
illius  sustinere  non  posswnus  nec  debenius ,  nec  indulgere 
flagitiis  ejus.  Il  le  supplie  de  prévenir  la  nécessité  oii  il  se 


p.  DE  LA  CHATRE,  ARCFIEV.  DE  BOURGES.     45 1 

trouverait  de  refuser  le  roi,  ne  pouvant  agir  autrement  sans    ^^i  siècle. 
scandaliser  tous  les  gens  de   bien   de  son  église.   Honesta 
conversatio  est  mis  sans  doute  ironiquement;  car,  sans  cela, 
ce  serait  précisément  de  Tépithète  opposée  qu'il  aurait  fait 


usage. 


Pierre  de  la  Châtre  revient  à  l'archidiacre  de  Bourges  Durhpsne, 
dans  la  huitième  jettre ,  et  le  peint  encore  des  couleurs  les  *''Z'.*'P'  '^'^' 
plus  noires  :  Malœ  vitœ ,  dit-il,  pessimœ  famœ  archidia-  dès^HistrdeFr. 
conus.  Cet  archidiacre  avait  obtenu  que  l'afïaire  serait  portée  t-  î^v,  p.  705. 
à  Rome;  (elle  était  pendante  devant  l'archevêque  de  Bor-  —  fj'>"^-i'rist. 
deaux)  :  Pierre  de  la  Châtre  demande  à  Suger  de  lui  envoyer  ,,.  iô!  ^ 
une  lettre  pour  le  pape,  et  mie  lettre  aussi  du  roi. 

La  neuvième,  qui  est  la  trente- deuxième  du  recueil  de    P-S/^etS;^- 
Duchesne,  parmi  les  lettres  écrites  à  Louis-le-Jeune,  est 
la  plus  longue  de  toutes,  la  seule  même    qui  ait  quelque 
étendue.  L'archevêque  s'y  plaint  d'avoir  été  forcé  par  le  roi 
à  nommer  Cadurque  archidiacre  de  Châteauroux.  Cadurque, 
autrefois  son  compétiteur  dans  l'archevêché  de  Bourges,  avait 
profité  aussi,  pour  lui  nuire,  de  son  crédit  sur  Louis-le- 
Jeune.  Pierre  de  la  Châtre  rappelle  au  prince  les  bienfaits 
qu'il  en  a  reçus,  les  témoignages  de  dévouement  qu'il  lui  a 
donnés,  toutes  les  raisons  qu'il  a  de  le  chérir;  il  l'assure  que 
ces  sentimens  n'ont  jamais  été  et  ne  seront  jamais  éjjranlés  ;  il 
s'étonne  qu'un  liomuie  tel  que  Cadurque  ait  pu  avoir  cet  em- 
pire ;  il  prie  le  monarque  île  se  souvenir  que ,  lorsqu'à  sa  recom- 
mandation il  nomma  cet  homme  un  des  chanoines  de  son 
église ,  il  déclara  qu'il  aimerait  mieux  en  accorder  douze  au 
roi  cfue  celui-là  seul.  Pierre  de  la  Châtre  conjure  de  nouveau 
ce  prince  de.  ne  pas  écouter  les  insinuations  calomnieuses  de 
ceux  qui  le  flattent  pour  mievix  poursuivre  les  autres  ;  de  le 
venger  même  de  l'audacieux  cjui  a  pu  rendre  suspects  son 
dévouement  et  sa  fidélité.   «  Que  Dieu,  dit-il  en  finissant, 
vous  conserve  sain ,  favorable  pour  nous ,  et  qu'il  écrase  vos 
ennemis  sous  vos  pieds,  j)  On  voit,  par  un  passage  de  cette 
lettre ,  que  le  roi  avait  écrit  au  pape  en  faveur  de  l'arche- 
vêque de  Bourges ,  au  sujet  de  la  discussion  élevée  entre  le 
prélat  et  son  archidiacre ,  et  qui  est  rappelée  dans  la  lettre 
précédente. 

C'est  encore  à  Louis-le-Jeune  que  la  dixième  est  adressée.  La  i-Cdans 
Pierre  de  la  Châtre  y  rend  compte  au  roi  de  la  commission  pi'"^''«s"e  ,  p. 
dont  il  avait  été  chargé  par  lui ,  avec  Bernard  de  Saint-Sauge,  H.del^r.  t.  xv* 
évêque  de  Nevers  ,  pour   arranger  les  différens    survenus  p.  706. 

LII2 


452    P.  DE  LA  CHATRE,  ARCHEV.  DE  BOURGES. 

Xiî  SIECLE,    entre  les  iDourgeois  et  les  religieux  de  Saint-Pourçain  en  Au 


~~  vergue ,  diocèse  de  Clermont.  Une  prière  au  roi  d'écrire  au 
pajîe  contre  les  moines  de  Bourg-Dieu ,  qui  tentaient  d'en- 
vahir les  biens  de  l'église  de  Bourges,  est  l'objet  delà  onzième; 
et  celui  de  la  douzième,  une  recommandation  à  ce  prince  du 
doyen  de  Brioude  et  de  l'abbé  de  Saint- Germain.  Ces  deux 
lettres,  ainsi  que  les  deux  suivantes,  se  trouvent  encore  dans 

P.  C3i  et  0,2.  Duchesne  et  dans  le  quinzième  tome  de  la  nouvelle  Collec- 

P.  707  et  708.    tion  des  historiens  de  France. 

Par  la  treizième ,  Pierre  de  la  Châtre  félicite  le  roi  des 
succès  qu'il  venait  d'obtenir,  les  armes  à  la  main,  contre 
les  comtes  d'Auvergne ,  qui ,  accusés  devant  lui  et  som- 
més de  compai-aître,  avaient  refusé  de  se  rendre  à  ses  ordres. 
La  lettre  est,  par  conséquent,  de  l'année  ii63,  époque  où 
Louis-le-Jeune  marcha  lui-même  pour  combattre  ces  sei- 
gneurs. 

Il  implore  ,  dans  la   cjuatorzième ,  la  miséricorde  du  roi 

pour  Gimon  de  Mehun,  qui  avait  donné  les  sûretés  néces- 

■  saires ,  et  réparé ,  autant  cpi'il  était  en  lui ,  les  torts  dont  il 

s'était  rendu  coupable. 

Ep.  33o,  t.       Duchesne   a  enfui  placé  dans    son  recueil  une  dernière 

i\ ,  p.  G8/|.  lettre  de  Piei're  de  la  Châtre  à  Louis-le-Jeune,  qui  a  aussi 
été  insérée  dans  le  tome  XV  de  la  nouvelle  Collection  de 
nos  historiens.  Le  pape  Alexandre  111  était  alors  à  Sens;^ 
Pierre  s'y  était  rendu  auprès  de  lui ,  pour  s'y  défendre  contre 
les  entreprises  des  moines  de  Bourg-Dieu.  Louis  avait  écrit 
au  pontife  romain  de  la  manière  la  plus  amicale  et  la 
plus  pressante,  en  faveur  du  prélat  français  :  le  prélat  l'en 
remercie  de  la  manière  la  plus  humble  ;  il  lui  demande ,  dans 
le  même  style,  de  vouloir  bien,  en  écrivant  au  pape,  lui 
exprimer  de  nouveau  le  même  intérêt,  afin  que  le  pape  voie, 
par  ces  expressions  réitérées ,  que  le  prince  a  vraiment  à 
cœur  la  demande  et  les  droits  de  l'archevêque.  Il  lui  dit  que 
l'église  de  Bourges  lui  appartient  d'une  manière  spéciale ,  et 
termine  sa  lettre  par  une  phrase  que  nous  avons  déjà  remar- 
quée ,  et  qu'il  emploie  souvent  :  «  Que  Dieu  vous  conserve 
long-temps  en  bonne  santé ,  et  qu'il  écrase  vos  ennemis  sous 
vos  pieds. 

En  rendant  compte  de  ces  lettres ,  nous  avons  suivi  Tordre 

du  Recueil  de  Duchesne  :  mais  ce  savant,  comme  on  le  voit, 

P.  7o5.        n'en  a  donné  que  quinze.  Il  y  en  a  une  de  plus  dans  la  Col- 

T.  IV,  p.  /,i5.   lection  nouvelle.  Martène  l'avait  déjà  insérée  dans  son  Trésor 


\ 


ACHARD,  ÉVÊQUE  D'AVRANCHES,  453 
des  anecdotes.  Pierre  de  la  Châtre  y  fait  part  à  Siiger  de  XH  SIECLE. 
son  heureux  retour  de  Rome,  quoiqu'il  eût  éprouvé  dans 
le  voyage  beaucoup  de  contretemps  et  de  maux.  Il  s'excuse  . 
de  ne  pouvoir  se  rendre  à  Mantes,  auprès  du  roi,  comme  il 
en  avait  reçu  l'ordre.  La  lettre  est  courte,  et  n'a  pas  d'autre 
objet. 

Le  Gallia  Onistiana  n(5us  a  conservé ,  entre  plusieurs  t.  ii  ,  p.  62 
autres,  deux  chartes  de  ce  prélat.  Par  la  première,  datée  c'Gî, G. etG6, 
de  1 1 56  ,  la  quinzième  année  de  son  épiscopat ,  il  prend 
sous  sa  protection  et  celle  de  son  église,  l'abbaye  de  Gha- 
livoy,  dans  le  diocèse  de  Bourges.  Par  la  seconde,  de  11 5g, 
il  confirme  la  fondation  de  l'abbaye  de  la  Maison -Dieu, 
même  diocèse.  Dans  l'une  et  l'autre ,  on  trouve  un  dénom- 
brement des  biens  que  possédait  alors  chacun  de  ces  deux 
monastères.  P. 


ACHARD, 


ABBE  DE  SAINT-VICTOR  DE  PARIS,  PUIS 
ÉVÊQUE  D'AVRANCHES. 


RECHERCHES  SUR  SA  VIE. 

AcHARD,  né  suivant  les  uns  en  Angleterre,  suivant  les  du  Brcuii, 
autres  en  Normandie,  reçut  sa  première  éducation  parmi  Arniq.  de  Paris, 
les  chanoinrs  réguliers  de  Brindlincrton,  ati  diocèse  d'York.  }?'  'i''9— ^^^a- 

T-v      i>     '  c       ■  '        1        '    11      •       •!  1  lingrc  ,    Anliq. 

De-ia  étant  venu  pertectionner  ses  études  a  Pans,  il  embrassa  de   Paris  ,   p. 

la  vie  religieuse  dans  la  nouvelle  abbaye  de  Saint -Victor,  hk^- 

Achard  y  rencontra  le  célèbre  Hugues ,  qui  commençait  à 

jeter  les  fondemens  de  la  haute  réputation   où  l'élevèrent 

depuis  sa  science  et  ses  vertus.  Ce  fut  im  modèle  qui  excita 

son  émulation,  et  dont  il  ne  tarda  pas  d'approcher.  On  a  la 

preuve  de  l'estime  c[ue  Hugues  lui-même  faisait  du  savoir 

d'Achard,  en  deux  endroits  de  ses  commentaires  sur  saint 

Paul,  où  il  lui  fait  l'honneur  de  le  citer  comme  nue  autorité; 

1°  touchant  le  péclié  origiiîcl ,  qu'Achard   faisait  consister 

dans  la  privation  de  la  justice;  2"  sur  la  question  de  savoir 

si  l'eau,  dans  le  sacrifice  de  la  messe,  est  changée  en  vin. 


454       ACHARD,  ÉVÊQUE  D'AVRANCHES. 

XII  SIECLE.    «Les  uns,  dit-il,  sont  pour  raffirmative,  le»  autres  poirr 
Hu".  vict.   "  '^  négative;  et  ce  dernier  sentiment,  que  nous  tenons  de 
Op.  t.  i,p.  363.  «  maître  Achard  ,  est  le  nôti'e.  » 

La  sagesse  de  sa  conduite  allait  de  pair  avec  ses  lumières. 
Gilduin,  abbé  de  Saint-Victor,  étant  mort  le  [3  avril  de 
l'an  II 55,  les  capitulans  ne  jugèrent  personne  plus  capable 

3u'Acharci  de  le  remplacer ,  et  ils  ne  furent  pas  trompes 
ans  leur  choix.  :  il  lut  attentif  à  maintenir  les  choses  sur  le 
bon  pied  où  il  les  avait  trouvées.  L'an  iiôy,  il  fut  élu  par 
le  clergé  de  Seez  pour  succéder  à  l'évêcpie  Girard  ,  décédé  le 
29  mars  de  cette  année.  Mais  Henri  II,  roi  d'Angleterre, 
défendit  de  l'ordonner,  et  lui  substitua  Froger ,  uniquement, 
Tliomae  Cnnt.  dit  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  parce  que  le  pape  Adrien  IV 

epist.  p.  048,  f^yjiit  favorisé  son  élection.  Achard  se  consola  sans  peine  de 
ce  contre-temps.  Quatre  ans  après ,  l'église  d'Avranches  jeta 
encore  les  yeux  sur  lui  pour  le  mettre  à  la  place  de  l'évêque 
Herbert  ,  que  la  mort  avait  enlevé  le  6  septembre  de 
Jbid.  l'an  II Go.  Comme  ce  choix,  dit  le  même  saint  Thomas, 
n'avait  point  été  concerté  avec  le  pape ,  le  roi  d'Angleterre 
n'y  mit  point  d'opposition. 

Achard  conserva  sur  le  siège  épiscopal  l'esprit  de  son  pre- 
mier état ,  et ,  autant  que  ses  nouvelles  obligations  le  lui 
permirent ,  les  mêmes  observances  C|u'il  avait  praticjuées  à 
Saint-Victor.  Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  fut  lui  qui  intro- 
duisit ou  rétablit  la  vie  commune  et  régulière  dans  la  cathé- 
drale d'Avranches  ;  car  cette  église  est  citée ,  depuis  Achard , 
parmi  celles  c|ui ,  conformément  aux  canons ,  embrassèrent 
au  XIP  siècle  cette  manière  de  vivre.  Achard  vécut  juscju'au 
29  mai  1 1 7 1 .  Jj'histoire  le  met  au  nombre  des  grands  prélats 
de  son  siècle.  Son  corps  fut  inhumé  dans  l'église  des  Pré- 
montrés  de  la  Luzerne,  dont  il  fut  un  des  plus  insignes 
bienfaiteurs.  On  y  voyait  encore  son  toml^tau  derrière  le 
chœur,  du  côté  de  l'épître,  avec  une  épitaphe  rapportée  dans 
Neust.   Pia ,  le  Neustria  Pia  et  dans  les  Annales  de  Prémontré.  Robert 

p-  796.  Cénalis,  l'un  de  ses  successeurs  au  XVF  siècle,  lui  en  dressa 

une   autre  ,  que  nous  allons   transcrire   d'après  le   Galiia 
Chiistiana. 

AngUa  me  genuit,  docuit  me  Galiia ,  le  gis 
Doctorem  tenait  illa,  patremquc  gregis. 

Pontificem  faciens  ^  fecit  IS ormannia  finem  : 
Hcec  tulit,  extulit  hœc ,  abstulit  hcec  Iwminem, 


ACHARD,  EVÊQUE  D'AVRANCHES.       4à5 

XII  SIECLE. 

SES  ÉCRITS. 

Des  écrits  d'Achard ,  nous  n'avons  d'imprimés  que  deux  chesn.  Script 
lettres.  La  première  qui  a  été  publiée  par  Ducliesne  et  par  Rer.  Franc,  t. 
D.  Martène  ,  est  écrite  à  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  pour  lY'V-  7^2. — 

,.  '  ]'  ^  ■  -^     v  '   1  '        '   ^  Mart.       Ampl. 

revendiquer  une  somme  cl  argent  qui  avait  ete  léguée  aux  coU.  t.  vi,  col. 

pauvres  par  un  de  ses  sujets.  D.  Martène  a  donné,  à  la  suite  a3i. 

de  la  première  ,  une  seconde  lettre  adressée  à  Arnoul,  évoque 

de  Lizieus ,  laquelle  paraît  relative  au  même  objet.  Achard 

n'était  qu'abbé   de  S. -Victor  lorsqu'il  les  écrivit.  On  voit, 

par  une  troisième  lettre  qui  est  de  Louis-le-Jeune ,  que  ce 

prince  était  mécontent  de  le  voir  passer  à  l'évêché  d^Avran- 

ches.  Il  défend  aux  religieux  de  lui  laisser  rien  emporter. 

Il  reste  cependant  de  lui  quelques  ouvrages  qui  n'ont  pas 
été  imprimés  : 

1"  Un  Traité  ou  sermon   de  l'Abnégation  de  soi-même. 
C'est  le  vrai  titre ,  et  non  pas  Traité  de  la  Tentation  de  Jésus- 
Christ,  comme  le  marcjuent  les  bibliographes..  Nous  l'appe-   . 
Ions  traité  ou  sermon ,  parce  que  la  dernière  dénomination 
paraît  lui  mieux  convenir.  Il  est  cei'tain ,  par  le  début,  qu'il 
fut  prononcé  dans  le  chapitre  de  Saint-Victor.   Il  a  pour 
texte  ces  parqjes  de  saint  Matthieu  :  Ductiis  est  Jésus  à  spi- 
ritu  in  deserturn,  ut  tentaretur  a  diabolo.  Après  quoi  1  auteur 
poursuit  :  «  Terminons  ici  la  lecture  de  l'évangile;  car,  dans 
«le    discours   que  nous  allons  vous  faire,  il  ne   faut   pas 
«  nous  jeter  dans  des  écarts.  »  Le  dessein  de  l'auteur  est  de 
conduire  lame  chrétienne  à  la  plus  éminente  perfection, 
par  les  sept  degrés  de  l'abnégation  évangélique,  qui  la  font 
entrer ,  selon  lui ,  comme  dans  sept  déserts ,  où  dépouillée 
d'elle-même  et  de  toutes  choses,  elle  s'uuit  intimement  à 
Dieu.  Comme  Jésus-Christ  entrant  dans  le  désert,  aussitôt 
après  son  baptême ,  est  le  plus  excellent  modèle  de  cette 
abnégation ,  Achard  s'applique  à  rechercher  les  principaux 
traits  qui  ont  caractérisé  la  solitude  de  l'Homme-Dieu,  afin 
que  nous  puissions  les  imiter.  La  lumière  et  l'onction  sont 
répandues  avec  abondance  sur  cet  ouvrage ,  assorti  à  toutes 
les  conditions,  et  singulièrement  à  fétat  religieux.  Depuis 
que  l'auteur  eut  permis  d'en  tirer  des  copies ,  on  ne  se  con- 
tenta pas  d'en  faire  des  lectures  particuhères ,  on  le  faisait 
lire  encore  à  la  table  conxmune.  Au  siècle  passé ,  le  P.  Gour- 


456       ACHARD,  ÉVÊQUE  D'AVRANCHES. 

XII  SIECLE,    clan  en  a  fait  une  traduction  française,  qu'il  était  prêt  à  mettre 

au  jour,  lorsque  la  mort  l'enleva  le  lo  mars  de  l'an  1729. 

Bibi.    mss.       2°   Sauderus  indique,  comme  existant  dans  l'abbaye  de 

Belgu,p.  179.    punes  ^  en  Flandre,  un  recueil  de  sermons  d'Acliard.  On 

voit  aussi  de  lui  un  sermon  de  la  Toussaint,  dans  l'abbaye 

de  Vauclair ,  à  la  tête  d'un  manuscrit  où  se  rencontre  le 

traité  de  V^bncgation  de  soi-même ,  mais  sous  le  titre  des 

Traité  des  Déserts. 

Oudin  ,■  '  de        3°  Un  opusculc  de  la  Dù'isioii.  de  l'ame  et  de  l'esprit ,  qui 

Scripi.   E.cles.  commence  par  ces  mots  :  Suhstantia  interior  quœ  una  cnm 

t.  II,  col.   12(iq.  x-i      ■*     7  •  •!  ■     L  1  1         1    -1    1-        1    > 

corpore  co?istitmt  hoiniuein  :  il  existe  dans  la  bibliotheaue 
de^aint-Victor  et  dans  celle  de  Saint-Benoît  de  Cambridge; 
mais,  dans  le  manuscrit  de  la  première,  le  nom  de  l'auteur 
n'est  de'signéque  par  un  A,  qui  pourrait  aussi  bien  indiquer 
Adam  de  Saint-Victor,  si  le  nom  d'Achard  n'était  exprimé 
tout  entier  dans  l'exemplaire  de  la  seconde. 

4°  Un  traité  de  la  Trinité.  Casimir  Oudin  ,  ni  aucun  autre 

bibliographe  ne  paraissent  avoir  connu  cet  ouvrage  d'Achard. 

Nous  ignorons  nous-mêmes  s'il  se  rencontre  encore  aujoiir- 

jiariène^  d  hui  daiis  quelque  dépôt;  cependant,  il  n'en  est  pas  moins 

^"*"'^'?.- !'""■  ^'  réel.  Jean  de  Cornouaille  le  cite  dans  son  Eiilopium  en  ces 

col.  iDoSctseq.  „,        •  /    /  I        ■       T7  7      '7^   •     ^     . 

termes  :  Magister  Acnardus  in  tibro  suo  de  Irinitate. 

5«^  C'est  par  erreur,  et  pour  n'avoir' pas  distingué  notre 

y.  ci  dessus ,  fj^fçm.  J'v^ji  autre  Acliard  ,  maître  des  novices  à  Clairvaux  , 

p.jio,  41a.  Vossius  attribue  à  l'évêque  d'Avranches  une  vie  de  saint 

Voss.deHist.       1  ,.  _,  ,.  1-        •*  1-         ^  1       m    ^  1 

Lat.  tap.  52.  Gcsclin  OU  Scotzeiin  ,  solitaire  au  diocèse  de  1  rêves,  que  les 
BoUandistes  ont  imprimée  dans  leur  recueil  ,  au  6  août , 
comme  extraite  du  livre  des  Miracles  de  saint  Bernard  par 
Herbert. 

6°  Quelques-uns  donnent  encore  à  Achard  un  opuscule 

qui  a  pour  titre  :  Solihquiwn  de  Instrnctione  animœ  ;  d'autres 

le  mettent  parmi  les  écrits  d'Adam  de  Saint-Victor,  parce 

Oudin  ,   de  qu'apparemment  le  nom  de  l'auteur  n'était  désigné  que  par 

Script.  Ecries.  |^^  lettre  A.  Oudin  prouve  que  le  véritable  auteur  est  Adam^ 

^•"'''°*-'^^^'  pipémontré  écossais.  B. 


XII  SIECLE. 


HENRI  DE  BLOIS. 

Adèle,  fille   de  Guillaume-le-Conquérant,   avait  eu  du 
comte  de  Blois ,  son  époux,  six  iils  et  trois  ou  quatre  filles.      Art  de  véri- 
Guillaume,  l'aîné  des  fils,  déshérité  par  les  artifices  de  sa  ^""''  ''"^  t^^r^  ' 
mère,  épousa  l'héritière  de  la  maison  de  Sully,  et  en  piit         ' '' 
le  nom;  le  deuxième,  nommé  Thibaud  ,  devint  comte  de 
Blois  après  son  père;  le  troisième,  Etienne,  fut  envoyé  auprès 
de  son  oncle  maternel,  Henri  V^ ,  roi  d'Angleterre,  auquel 
il  succéda;  le  quatrième,  connu  sous  le  nom  de  Henri  de 
Blois,  est  celui  dont  nous  avons  à  parler  ici.  Nous  ne  sau- 
rions. indi([uer  la  date  précise  de  sa  naissance.  Les  auteurs 
de  l'Art  de  vérifier    les    dates    disent    qu'Etienne    mourut      ^^'^t.  I^p. 
en   1x54,  dans  la  cinquantième  année  de  son  âge;  ce  qui 
reporterait  sa  naissance  à  l'année  iio4,  Pt,  par  conséquent, 
celle  de  son  puîné,  Henri  de  Blois,  à  l'année  i  io5  ou  un  peu 
plus  tard  :  mais,  puisque  leur  père  périt  dans  la  Palestine 
en  II 02,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans  ce  même  Art  de  vérifier 
les  dates,  et  puisqu'il  eut,  après  Etienne  et  Henri,  deux      i/'id.  uu^p. 
autres  fils,  Humbert  qui  mourut  fort  jeune,  et  Philippe  qui     '  " 
fut  évéque  de  Châlbns ,  il  faut  qu'Etienne  et  Henri  soient 
nés  avant  le  commencement  du  XIF  siècle. 

Henri  de  Blois  avait  embrassé  l'état  monastique  à  Cluni,  Bernier,Hist. 
lorsqu'attiré  dans  la  Grande-Bi'etagne  par  le  roi  Henri  P"",  36o''!!!'n  "^r ' 
son  oncle,  il  devint  abbé  de  Glaston  ou  Glastembury.  ion,  Bibiioîh. 
En  1129,  il  fut  fait  évéque  de  Winchester,  et  il  acquit  ci.arir.  p.  72. 
bientôt  une  telle  puissance,  qu'en  ii35,  quand  le  roi  mou-  ~P^g''*^i'''='d 

•  I  -11  *  ^         f  1  an.  ii/jo,  ii/|r. 

rut,  il  contribua  plus  que  personne  ;i  placer  la  couronne  uSi  ,  1162, 
d'Angleterre  sur  la  tête  de  son  frère  Etienne,  au  préjudice  "7i- — Angiia 
de  l'impératrice  Mathilde,  fille  de  Henri  T^  Etienne  ,  époux  s^^''-"  '  '■  i' P- 
dune  autre  Mathilde,  qui  lui  avait  apporte  en  dot  le  comte  285,299,  ^o», 
de  Boulogne,  possédait  de  plus  les  domaines  confisciués  sur  3oi  ;  t.  11,  p. 
Robert  de  Mallet  en  Angleteire,  et  sur  le  comte  de  Mbr-  ,''^°-7^"?°"" 

TVT        •  1-  i  •     •  I         I  1      ^    1      1  ■  -Il  lav,  Hist.  Univ. 

tagne  en  jNormandie  :  il  en  était  redevable  a  la  bienveillance  Paris,  ad  ann. 
de  ce  même  Henri  F'',  dont  il  envahissait  le  trône.  Cepen-  ^'42,  p.  207, 
dant,  cet  Etienne  et  son  frère,  l'évêque  de  Winchester,  ne  2^*' ^''^O' 261, 
tardèrent  pas  à  se  brouiller.  L'évêque,  revêtu  de  la  qualité  'ivionast.  Au- 
de légat,  trouva  fort  mauvais  qu'Etienne  eût  emprisonné  giican.  t.  i,  p. 
deux  prélats,  pour  avoir  fait  construire  des  forteresses.  Henri  ''^r  ^°^xho 
de  Blois  assemble  un  concile  à  Westminster,  réclame  les  Hist!'dAng7t! 
Tome  XJ IL  M  m  m  II,p.  ii/,-j/J4. 


458  HENRI  DE  BLOIS. 

XII  SIECLE,    immunités  de  l'église,  tonne  contiT  l'impiété  du  monarque, 
et  le  cite  devant  cette  assemblée.  Mathilde  profita  de  ces 
circonstances  pour  proclamer  et  défendre  ses  droits  au  trône. 
Le  comte  de  Glocester,  bâtard  de  Henri  F'',  s'arma  pour 
elle ,  battit  l'armée  royale ,  et  fît  Etienne  prisonnier.  Nou- 
veau synode,  où  Henri  de  Blois  déclare  que  c'est  sur-tout 
au  clergé   qu'il  appartient  d'élire  un  roi ,  et  que  la  volonté 
du  ciel  prononce  en  faveur  de  Mathilde.  Apres  avoir  ainsi 
trahi  son  frère,  il  ne  restait  plus  à  lévèque  de  Winchester 
c{ue  de  trahir  aussi  sa  légitime  souveraine ,  la  iille  de  son 
Hisf.  of  En-  bienfaiteur;  il   n'y  manqua  point.  Il  fomenta,  dit  Hinne, 
Ue!"!!  of.'sîe-  l'esprit  de  révolte  dans  la  ville   de  Londres,  et  y  fut,  en 
phaji.  secret,  lame  dune  conspiration  pour  se  saisir  de  la  per- 

sonne de  Mathilde.  La  princesse  n'échappa  que  par  une  fuite 
précipitée,  et  quand  le  prélat  la  sut  réfugiée  à  Winchester, 
il  l'y  suivit  avec  l'empressement  et  toutes  les  apparences  du 
dévouement  le  plus  fidèle  :  mais ,  lorsqu'il  eut  rassemblé  tout 
son  monde,  continue  le  même  liistorien,  il  joignit  ouverte- 
ment ses  forces  à  celles  de  la  ville  de  Londres  et  à  cjuelques 
troupes  mercenaires ,  assiéga  Mathilde ,  la  força  de  sortir 
furtivement  de  la  place ,  et  livra  le  comte  de  Glocester  à 
Etienne.  Nous  ne  faisons  qu'indiquer  ces  détails,  qui  n'ont 
rien  de  littéraire,  çt  qui  appartiennent  à  l'histoire  de  la 
Grande-Bretagne;  il  nous  suffit  d'avoir  montré  dans  Henri 
de  Blois  un  légat  puissant ,  opulent  et  rusé  :  c'est  le  portrait 
r.er.  Anglic.  Cjuc  fait  de  lui  l'historien  Guillaume  de  Neubridge  :  Homo 
]ib. I,c.  4,9-  multœ  in  î^egno  potentiœ  ,  callùlus  et  pecuniosus  supra 
modinn ,  legatus  apostolicœ  sedis  in  Anglid. 

Cependant  Henri  de  Blois  n'a  poiut  réussi  dans  toutes 

ses  entreprises  :  son  élection  au  siège  de  Cantorbéiy,  en  1 136, 

Angi.  Sncr.-»,  resta  sans  effet;  il  tenta  vainement  d'ériger  Winchester  en 

1. 1,  p.  Sg^.       archevêché;  lorsqu'en   ii40,il  voulut  placer,  sur  le  siège 

épiscopal  de  Salisbury,  son  neveu  Henri  de  Sully,  il  n'en 

Ordcric Vital,  put  venir  à  bout;  et  le  neveu ,  malgré  les  plaintes  et  la  colère 

sdann.  ii/io.     jjg  l'onclc ,  fut  obligé  de  se  contenter  alors  de  l'abbaye  de 

Fécamp.  En  ii4C,  Eugène  III,  peu  édifié  apparemment  de 

la  conduite  politique  de  lévèque  de  Winchester,  lui  retira  la 

commission  de  légat  apostolique.  On  voit,  dans  la  lettre  aSr» 

de  saint  Bernard ,  que  ce  saint  abbé  n'applaudissait  point  a 

l'intrusion  d'Etienne,  et  qu'il  comptait  Henri  de  Blois   au 

nombre  des  prélats  tlont  les  œuvres  auraient  pu  être  plus 

évangéliques.   Bauduyn  ,    évêque    de  Wigorn ,  qui   devint 


HENRI  DE  BLOIS.  459 

en  ii8t  archevêque  de  Cantorbëry,  a  écrit  un  livre  contre    Xli  SIECLK. 
ce  même  Henri  de  Blois ,  qui  est  aussi  fort  maltraité  dans        Henrlquez , 
ini   ouvrage   de   Henri  de  Huntington,  que  cite    XAnglia  Piirenix  re^iv. 
sacra  :  il  y  est  appelé  novum  qitoddam  nionstram ,  monachus  \^ii 
et  miles.  Mais  son  rang,  son  pouvoir,  ses  dignités  n'ont  pu 
manquer  de  Jui  attirer  des   hommages.  Quelques   auteurs         vicumbe , 
l'ont    comblé   d'éloges   en    lui    dédiant   leurs   productions.  V^^^-  •'î^  ^'i'»'" 
Thomas  Becket ,  qu'il  avait  sacré  en   1161   archevêque  de  si°.  —  Gu"n  ' Te 
Cantorbéry,  et  dont  il  partageait  les  opinions  sur  l'étendue  iviaimesb.prœf. 
illimitée  de  la  puissance  ecclésiastique,  Thomas  Becket  lui  adHist.Monast. 
a  écrit  des  lettres  fort  obséquieuses ,  mais  où  pourtant  les  ^^\  "^"^^  ~^^ 
complimens  s'adressent  beaucoup  plus  aux  titres  et  à  l'éclat  p.  29s,  320.—' 
extérieur  de  celui  qui.  les  reçoit  qu'tà  ses  qualités  personnelles.  Alford,  ad  an. 
On  en  peut  dire  autant  des  huit  épîtres  de  Pierre -le-Véné-  i.',^?'.  "'i*' 

1  1       ^     TT         •      1       T»i    -  '  '  •  1       lli-Liv.  1  ,  ep. 

rable  a  Henri  de  blois  :  cest  a  un  puissant  protecteur  de  1,3 ;  Uv.  in, 
l'ordre  de  Cluni  qu'elles  sont  écrites  :  le  vénérable  abbé  n'y  «p-  52,^3,9^; 
remplit  en  quelque  sorte  qu'iui  devoir  d'étiquette  envers  un  j'/"  ^^'^'^''^J^' 
grand  seigneur  jadis  religieux  de  ce  monastère.  L'une  de  ces  p.v.i.iv.ii,  ep. 
lettres  n'est  même  qu'une  très-courte  missive  écrite  uni-  19-21,23-25; 
quement  pour  ne  poifit  manquer  à  l'obligation  d'écrire:  i|v' jy  '  J^"*' ,V 
Aliquid  scrihere  'volui ,  chni  nullani  scribendi  màteriam 
haberem. 

On  a  publié  cinq  lettres  de  Henri  de  Blois ,  la  première 
au  pape  Innocent  II ,  pour  lui  demander  la  canonisation  du 
roi  d'Angleterre,  saint  Edouard;  la  seconde,  pour  enjoindre      Bibi. Cotton. 
à  des  moines  de  payer  exactement  le  denier  Saint-Pierre  ;  !'•  ^!'- 
la  troisième,  afin  cl  obtenir  d'un  évêque  quelques  édaircisse- 
mens  sur  l'affaire  d'un  prieur.  Dans  la  quatrième ,  Suger  est       Bibl.    Rcg. 
prié  de  procurer  à  Henri  de  Blois  un  saut-conduit  de  la  com-  -^"ô''- 1*-  '°'- 
tesse  de  Flandres  :  cette  lettre  est ,  selon  M.  Brial ,  de  11  ^7      Rer.  Gailic. 
ou  ii48.  La  dernière,  qui  paraît  être  de  ii4o  o'i  ii5o,  est  Scnpt.  t.  xv, 
un  très-court  billet  adresse  aussi  a  Suger,  pour  lui  recom- 
mander les  intérêts  du  roi  Etienne.  Voilà  tout  ce  que  nous    iind.  p.  520. 
connaissons  d'écrits  authentiques  de  l'évêque  de  Winchester: 
car  son  livre  sur  les  biens  de  son  église,  cité  par  Harspfekl,      Hisi.  Eccles. 
et   qui  commençait  par  Quotiens  Ecole sia  ,   n'a  jamais  été  35!' 'ssjj  *'^'' 
imprimé ,  et  l'on  n'a  rien  non  plus  d'un  écrit  sur  l'histoire 
ou  le  gouvernement  d'Angleterre,  qui  lui  semble  attribué 
par  Gervais  de  Thilbery,  dans  un  dialogue  dont  Thysius  a     Ant.  Thysius, 
transcrit  quelques  lignes.  C'est  enfin  fort  mal-à-propos  qu'on  ^^  usa^°L£«" 
attribue  à  Henri  de  Blois  la  relation  de  l'invention  du  corps  adcaicem  Hist. 
du  roi  Artus ,  puisque  Henri  de  Blois  est  mort  en  1 1 7 1  ,  dix-  Angi.  Poiydori 

M  m  m  2 


46o  HENRI  DE  BLOIS. 

XII  SIECLE,    huit  af,g  avant  l'ëpoque  où  l'on  fixe  cette  prétendue  de'coii- 

Verg.L.B.1149,  verte.  Ce  romanesque  récit  serait  plutôt  de  Henri  deSuUi, 

p.  8i3  et  814.    que  Vossius  et  quelques  autres  ont  confondu  avec  son  oncle 

inincLauc"^*^'  ^  évêque  de  Winchester.  Henri  de  SuUi   mourut  en   iiqS, 

Voss.  de  H.  évêque  de  Worchester  :  il  avait  obtenu  cet  évèché  en  hqS, 

Latin,  lib.  III ,  après  avoir  été  depuis  1 189,  abbé  de  Glasteml:tury  ;  c'était  la 

^ia^èp.''g^'Be'rt'.  P  "*  ancienne  abbaye  de  l'Angleterre;  c'est  celle  où  l'on  sup- 

etc  — v.Sanil.  posc  quc  les  restes  d'x\rtus  ont  été  trouvés.  Mais  il  est  plus 

in  Yoss.  <ie  H.  vraisemblable   que  cette  relation    n'a   été'  fobriquée   qu'au 

320.    ^      '^'  ^m*^  siècle.  Au  surplus,  nous  y  apprenons  qu'on  trouva  trois 

Aiford ,  ad  cercueils  posés  l'un  sur  l'autre  ;-i°  celui  de  Geneviève,  seconde 

an.  1189,  n"  9,  femme  d'Artus  ;  2.°  celui  de  Madred,  son  nevevi;  3°  celui 

Sacr'pT-s'—  d'Artus  lui-même.  Le  troisième  cercueil  était  distingué  par 

lisser,     antiq.  Une  croix   de  plomb,  sur  laquelle  on  lisait  qu'Artus  était 

Britann.  p.  Ga.  enterré  là.  Les  jambes  de  ce  héros  excédaient  d'un  tiers  celles 

des  hommes  de  la  plus  haute  stature,  et  il  y  avait  la  distance 

d'une  palme  entre  ses  deux  sourcils.  Depuis  la  découverte 

de  ce  corps,  les  Gallois  ont  cessé  d'attendre  le  retour  d'Artus. 

M.-ib.  not.  169       Henri  de  Blois  a  été  aussi  ciuelquefois  conibndu  avec  un 

Larcque7Hisû  ^^  ^es  ennemis  nommé  Henri  cle  Mutdrack,  moine  de  Claii'- 

Généal.deKar-  vaux .  que  Saint  Bcrnai'd  envoya  en  11 35  fonder  un  monas- 

court,  t.  II,  p.  |-^j.ç  (J,^us  le  diocèse  de  Laon,  et  transféra  en  11 38  à  Tabbaye 

'    '    ■      de  Fontenai.  Les  épîtres  106  et  33 1  de  saint  Bernard  sont 

adressées  à  Henri  de  Murdrack  ou  Murdack ,  qui,  en  ii47i 

devint  archevêque  d  \orck,  malgré  J'évêque  de  Winchester, 

et  mourut  en  11 53. 

On  voit  que  Henri  de  Bloia  appartient  fort  peu  à  l'his- 
toire littéraire  et  fort  peu  aussi  à  la  France  ,  où  il  est  né  sans 
doute,  mais  qu  il  avait  quittée  en  11  ac).  Il  vécut  en  Angle- 
terre jusqu'au  9  août  1171,  époque  de  sa  mort.  En  ii3g, 
\lL\i ,  1 143 ,  il  y  présida  des  conciles  ,  cpù  contribuèrent  aux 
Speiinan.  progrès  de  l'autorité  pontificale  dans  la  Grande-Bretagne  ; 
Conc.  Aîigi.  t.  et  ce  fut  par  lui  sur-tout  que  les  appels  au  pape  s'intredui- 
ii,p.4'i-47—  sirent  dans  ce  pays.  •  D. 


XTl  SIECLK. 


GILBEPvT  ou  GISLEBERT 
DE  HOIL^NDIA. 


IN  o us  aurions  dû  nous  dispenser  de  placer  cet  écrivain 
dans  notre  Histoire  littéraire,  s'il  n'avait  pas  été  élevé  en 
France,  s'il  n'y  était  revenu- ensuite  pour  s'y  fixer,  s'il  n'y 
avait  terminé  sa  vie,  s'il  n'avait  été  enfin  le  disciple  de  saint 
Bernard  et  le  continuateur  d'un  de  ses  ouvragés,  continua- 
tion imprimée  dans  la  collection  des  œuvres  de  ce  grand 
homme. 

Gilbert  ou  Gillebert  ou  Gislebert,  appelé  de  Hoilandià  Blarr'q.  Ann. 
par  tous  les  écrivains  qui  en  ont  parlé,  avait  reçu, le  jour  tlcCueaux,  an. 
en  Angleterre.  Varieus  cependant  le  fait  naître  en  Ecosse;  et  3-,5.1_Lp,iàin, 
Mabillon  ,  dans  la  préface  du  tome  IV  des  œuvres  de  saint  Hist.  du  mime 
Bernard,  le  suppose  irlandais  :  GiUehertus  de  Hoyiamlid ,  orJre,  t.  il,  hv. 
dit-il,  et  ipse  Cisterciensis  Hihernus.  On  a  cherché  de  quel  pits.deiii.An''. 
lieu  il  fallait  entendre  le  surnom  cju'il  porte.  Nous  ne  pou-  Scr.  p.  2G9.— 

vons  croire  qu'on  ait  voulu  désififner  par-là  une  petite  île  ?•  E""-  ^^"• 

•Il  ^1  1  '  '    TT   1  .     \         ,        m.  p.   8.',.  — 

rocailleuse  et  mal  peuplée ,  nommée  Holy ,  et  qui  n  est  sepa-  ^,^rpsf.  H.  de 

rée  que  par  un  canal  d'un  mille  de*  large,  des  rivages  du  lEgl.    tlAni;!. 

comté  de  Northumberland  ;  Holy  même  n'eût  guère  été  tra-  ^"^p-  '^j  c.  i5, 

duit  en  latin  par  Hoilandià.  Ce  qui  paraît  plus  probable  et  ^'       ' 

entièrement  probable ,  c'est  qu'il  était  né  dans  le  Holland , 

une  des  trois  parties  ou  sous-divisions  du  comté  de  Lincoln. 

AKord  le  dit  ainsi  dans  ses  Annales,  et  nous  ne  croyons      An.  ir32,ii. 

pas  qu'il  soit  possible  d'élever  quelques  doutes  à  ce|  égard.  'î-^'  7- 

Mabillon,  qui  nous  parle  d'une  île  limitrophe  de  l'Angle-    T. lidrsœuv. 

terre  et  de  l'Ecosse,  formée  par  les  rivières   Velandas  et    *^  '   *"'P'- 

Lindiis ,  se  serait  bientôt  aperçu  de  son  erreur ,  répétée  au 

reste  par  dom  Ceillier,  dans  son  Histoire  générale  des  auteurs  T.xxil,p.4(>2- 

sacrés  et  ecclésiastiques,  s'il  eût  songé  que  le  Weland  n'est 

pas  dans  l'endroit  où  il  le  suppose,  mais   dans  le   comté 

même  de  Lincoln;  et  je  présume,  d'après  la  conformité  des 

noms,  en  avouant  néanmoins  que  je  n'ai  là-dessus  aucune 

notion  positive,  cpie  le  Lind  ou  Lindus  doit  être  entre  la 

partie    du    Lincoliishire  appelée  Holland   et    celle   appelée 

Lindsey.   Harpsfeld   dit   même    bien   expressément   que   le       p  iSo. 


46:2  GILBERT  DE  HOILANDIA. 

•XII  STF.ŒK.  Holliind  est  une  petite  province,  que  deux  {grands  fleuves, 
le  Weland  et  le  Lind ,  embrassent.  Il  peut  s'être  trompé  siu- 
la  qualification  de  grands  fleuves ,  sans  s'être  trompé  sur  leur 
existence. 

Élevé  dans  la  piété  et  les  bonnes  lettres,  dès  qu'il  eut  fiiù 

ses  études ,  il  emorassa  la  vie  monastique ,  sous  1  institut  de 

Citeaux.  On  ne  sait  pas  bien  dans  quel  monastère  il  lit  jiro- 

r.  2G9.— Voir  fcssion;  Pitseus  croit  que  ce  fut  <à  Clairvaux ,  gouverné  alors 

Cave,  t.  Il,  p.  pfjp  saint  Bernard,  pour  qui  Gilbert  eut  constamment  tant 

^'''  de  vénération ,  qu'il  chercha  toujours  à  l'imiter,  et  se  montra 

quelquefois  assez   digne  de  son-  modèle.  Il  s'était  déjà  fait 

remarquer  par  un  mérite  distingué,  lorsqu'il  fut  élu  en  i  iG3 

abbé  de  Swinshed ,  abbaye  cpii  était  une  filiation  de  celle  de 

Savigny,  et  qui  avait  été  fondée  en   1x34,  dans  le  diocèse 

HTanriq.  an.  de  Lincohi ,  en  Angleterre.  Ce  monastère  avait  eu  auparavant 

ii6i,c. 3,n.  I,  uri  abbé  dont  on  ignore  le  nom,  mais  qui  paraît  avoir  été 

mamlq.lbid.  distingué  par  son  mérite  et  les  soins  actifs  qu'il  prit  de  guider 

—  Lînain  ,   t.  et  tenir  ses  religieux  dans  le  chemin  de  la  vcrt^u  :  Gilbert 
ii,hv. ii,p.  3.  continua  Foeuvre  de  son  prédécesseur,  et  essaya  d'accroître 

encore  leur  perfection.  Ce  fut  pendant  qu'il  était  leur  a!  bé, 

qu'd  entreprit ,  par  ordre  de  ses  supérieurs ,  d'achever  l'ex- 

Piis.  p.  269.  position  du  Cantique  des  cantiques ,  que  saint  Bernard  avait 

—  Mannq.    p.    i  .  ,      T.  .1       /^-ir       ^         -^    J  i- 

■>^.  _  Tritii.  entreprise  et  n  avait  pu  terminer.  Gilbert  prit  donc  ce  livre 

«le  Script.  Eccl.  à  l'eiidroit  où  le  saint  en  était  resté ,  et  fit ,  sur  ce  sujet , 

l''9.^"        ^      quarante-huit  discours 'dont  nous  parlerons  bientôt:  mais 
Pits.  p.  2G9.    ,1  .       V  ^        ■         •  "   I     V      j     r 

lui-même  ne  put  arriver  jusqua  la  fin  de  1  ouvrage. 

Ce  monastère  d'hommes  ne  fut  pas  le  seul  que  Gilbert 

gouverna  ;  il  eut  aussi  la  direction  d'une  communauté  de 

Serm.  a  sur  religieuses,  cpi'il  éleva,  suivant  le  B.  Aëlrède,  à  la  plus  haute 

isaïe,  c.  12.—  perfection;  Aëlrède  loue  beaucoup  leurs  vertus,  et  sur-tout 

annq.p..7  .  j^  ^^^^  ^^  Contemplation,  qu'elles  avaient,  selon  lui,  à  un 

degré  très-sublime. 

Chifflet  ,       La  chroniaue  de  Clairvaux  fait  mourir  Gilbert  dans   le 

TIT"^*"  '^'    diocèse  de  Troyes ,  au  monastère  de  la  Rivour,  Bipatorium. 

Apud  Cent.  Balœus  vcut  que  ce  soit  dans  l'abbaye  même  de   Cîteaux. 

Mngd. p.  1694    Henriquez  a  inséré  son  nom,  sur  le  23  mai,  dans  le  Meno- 

logiinn  Ostei'ciense.  Tous  fixent  à  i  lya  l'époque  de  sa  mort; 

et  c'est  encore  ce  qu'on  lit  dans  la  Chronique  d'Albéric ,  sur 

T.xrx,p.398.  1  an  11^2,  dans  l'examen  critique  de  Baronius  par  le  savant 

Pagi ,  sur  la  même  année,  dans  l'Histoire  des  auteurs  ecclé- 

T.xxii,p./ij3.  siastiques  par  dom  Ceillier ,  et  dans  plusieurs  autres.  J'ignore 

P.  189.        pourquoi  Lemire,  dans  sa  Chronique  de  Cîteaux,  et  Pitseus, 
p.  269. 


GILBERT  DE  HOILANDIA.  4Gj 

dans  ses  Illustres  écrivains  d'Angleterre,  la  retardent  jus-    Xf!  .SfFxi,K. 

qu'en  1200  ;  Trithéme  l'avait  déjà  tait  ainsi  dans  son  ouvrage 

sur  les  écrivains  ecclésiastiques:  Manrique,  dans  ses  Annales         i'-  o^- 

cisterciennes ,  place  au  contraire  la  mort  de  Gilbert  sous 

l'an  1 1G6.  Harpsfeld  commet  une  erreur  bien  ])lus  grande;       Hi»t.  Eedes. 

il  le  fait  fleurir  au  XIIP  siècle,  et  cependant  il  le  déclare  ^^ -^"s'- P-^»»- 

disciple  de  saint  Bernard,  mort,  comme  on  sait,  au  milieu 

du  douzième. 

SES  ÉCRITS. 

Le  principal  ouvrage  de  Gilbert,  celui  par  lequel  on  le 
connaît  le  plus,  est  la  continuation  du  travail  de  saint  Ber- 
nard sur  le  Canticjue  des  cantiques.  Après  quatre-vingt-six 
discours ,  la  plupart  ass'ez  longs ,  cjui  forment  une  grande 
partie  du  quatrième  volume  des  œuvres  de  ce  saint,  dans 
l'édition  cjue  dom  Mabillon  en  a  publiée,  l'abbé  de  Clairvaux 
n'était  pourtant  resté  qu'au  premier  verset  du  troisième 
chapitre:  «J'ai  cherché  dans  mon  lit,  pendant  les  nuits, 
celui  que  mon  cœur  aime ,  je  l'ai  cherché  et  ne  l'ai  point 
trouve.  »  lu  lectulo  ineo  per  noctes  quœswi  quem  ailigit 
anima  mca  ;  quœsivi  illum  et  non  invcni.  L'imitateur,  sans 
être  aussi  abondant  ou  aussi  fécond  que  son  modèle,  a  cepen- 
dant trouvé  le  sujet  de  quarante-huit  discours  dans  les  deux 
chapitres  suivans  du  Cantique  des  cantiques,  et  les  neuf 
premiers  versets  du  cinquième.  Trois  de  ces  discours  sont 
d'abord  consacrés  à  l'explication  du  passage  que  nous  venons 
de  citer.  L'auteur  examine  si  on  doit  l'entendre,  comme  l'ont 
fait  d'autres  commentateurs ,  d'une  infirmité  de  l'épouse ,  et 
il  rejette  cette  opinion  :  Non  hic  accipio  lectwn  doloris , 
dit-il ,  nisi  forte  doloris  illius  quem  amor  parturit  de  absente 
sponso  :  deliciari  videtur  'velte  ma  gis  qiicim  sanari ,  et  anii- 
cum  quœsisse ,  non  medicwn....  dcficiens  uhertate  delecta- 
tionis  obdoi'mi^it ,  exhausta  inter  amplexus  dilecti;  oblectata , 
obdormivit  somnum  didcem ,  sed  expergefacta  non  invenit 
illum  hccc  mulier  deliciaiiim  in  manibus  suis.  L'auteur  s'ar- 
rête ensuite  long-temps  sur  chacun  des  mots  dont  le  verset 
se  compose  ;  il  dierche  toutes  les  significations  qu'on  peut  et 
tloit  y  trouver  sous  les  rapports  allégoriques  sur-tout,  et  il 
recommence  plusieurs  fois  cet  examen.  Nous  nous  abstien- 
drons de  l'y  suivre  ;  cela  serait  peu  utile  et  quelquefois  peu 
aisé  ;  les  détails  auxquels  l'auteur  s'abandonne  ont  besoin  de 


4(^4  GILBERT  DE  HOILANDIA. 

XII  SifXi.E.   sa  profonde  piété  pour  ne  pas  produire,  de  temps  en  temps, 
des  impressions  assez  différentes  de  celles  dont  il  était  animé. 
Il  ne  laisse  d'ailleurs  échapper  aucune  occasion  de  combattre 
avec  quelque  force  les  erreurs  nées  au  sein  du  christianisme, 
de  retracer  et  d'explicjuer  les  principaux  faits  de  fancienne 
loi,  de  développer  la  supériorité  de  la  nouvelle.  Il  ne  craint 
pas  d'aborder  les  plus  difficiles  questions,  et  de  nous  dire 
comment  on  doit  les  entendre.  Ces  mots ,  par  exemple ,  du 
premier  verset   encore,    quœsivi   iUum   et  non    iin>ejii ,    lui 
fournissent  l'occasion  de  nous  apprendre  comment  Dieu  est 
en  entier  par-tout,  sans  être  de  même  dans  chaque  objet: 
Ubique  creaturarum  totus  es  créons  et  continens ,  sed  infîni- 
tatein  tuam  creatura  nulla  potest  exprimere,  quamvis  virtu- 
tcni  nulla  non  possit  ex  parte  innuere  :  nhiqiie   totus  per 
existentiam ,  sed  non  œqnallter  in  singulis  per  efjlcientiam. 
Ces  mots  du  second  verset  :   «  Je  me  lèverai ,  et  je  ferai  le 
.    tour  de  la  ville  :  »  Surgani  et  circuiho  civitatem,  le  condui- 
sent, dans  son  quatrième  discours,  à  l'intervention  de  Dieu 
dans  les  actions  des  hommes ,  à  la  prémotion  physicjue  et 
son  efficacité  :  «  Qu'une  action  soit  l'effet  d'un  mouvement 
naturel,  d'un  acte  réfléchi  de  la  volonté,  d'une  inspiration 
divine ,  de  toutes  ces  causes  réunies  ,  elle  reçoit,  dit-il ,  d'une 
opération  invisible  et  efficace  de  Dieu ,  le  mode  et  le  mouve- 
ment, modum  et  motuni  ;  de  manière  pourtant  que  le  mode 
n'est  véritablement  de  Dieu  que  lorsqu'il  est   conforme  à 
l'oi'dre,  et  que,  si  le  mouvement  est  joint  à  une  intention 
vicieuse,  l'intention  est  toute  entière  de  l'homme,  le  mouve- 
ment seul  fut  de  Dieu^  »  Motus  intention/s  prai'œ  ,    et  ah 
ipso  habet  quod  motus  est ,  et  ab  ipso  non  habet  quod  pravus 
est.  La  fin  du  troisième  verset  :  «  N'avez- vous  pas  vu  celui 
que  mon  cœur  aime  ?  »  le  mène  à  nous  parler  des  différentes 
manières   sous  lesc[uelles  Dieu  peut  être   aperçu  ,  et  de  la 
transubstantiation  en  particulier.  «  Quoi  de  plus  nouveau, 
dit-il  dans  son  septième  discours,  que  de  voir  changer  la 
matière  et  rester  l'espèce  !  L'ancienne  forme  subsiste ,  mais 
c'est  vine  nouvelle  grac«,  puisque  c'est  une  substance  nou- 
velle; nouvelle,  non  en  soi,  mais  dans  cette  espèce  même  : 
Nova  gratia ,  quia  nova  substantia  ;  nova  qmdeni  non  in  se, 
sed  in  hujusmodi  specie.  Il  est  nouveau  en  effet  que  la  chair 
purifie  lame  ;  il  l'est  de  voir  changer  la  substance  naturelle , 
comme  il  arrive  au  pain  par  la  bénédiction  du  sacrement.  » 
Gilbert  traite  encoie.  dans  les  discours  suivans,  toujours 


GILBERT  DE  HOILANDIA.  46a 

en  reprenant  les  mots  des  versets  du  môme  chapitre,  de  xii  Sieci.e. 
l'ame  humaine  de  Jesus-Christ ,  de  la  virginité  de  sa  mère , 
de  lincarnation ,  de  la  rédemption ,  et  de  plusieurs  autres 
sujets  qui  sont  les  fondemens  et  les  mystères  de  la  religion 
chrétienne.  La  partie  morale  du  christianisme  ne  l'occupe 
pas  moins  que  sa  partie  dogmatique.  Il  revient  sur-tout  fïé- 
c]uemment  a  l'éloge  de  la  charité ,  à  toutes  les  vertus  qu'elle 
produit ,  à  l'inutilité  des  autres  vertus  sans  elle ,  à  l'associa- 
tion qu'elle  fait  de  l'homme  à  Dieu.  La  manière  dont  on  doit 
lire  les  livres  saints ,  la  manière  dont  en  doivent  faire  visage  _  .  "■"•  *^'^"''' 
ceux  qui  sont  chargés  d'instruire  les  autres ,  sont  l'oJjjet 
princijjal  de  cjuelques-uns  de  ses  discours,  et  les  prédicateurs 
reçoivent  de  lui  des  conseils  excellens.  Il  n'en  donne  pas  de 
moins  bons  aux  ecclésiastiques  qui  se  laissent  entraîner  à  la 
vanité  ou  à  l'oisiveté ,  ou  bien  qui  préfèrent  les  occupations 
temporelles  avix  soins  dont  leur  état  devrait  les  occuper  sans 
cesse. 

Dans  le  trentième  discours,  l'auteur  déplore  les  divisions 
et  les  schismes  dont  l  église  est  déchirée.  C'est  à  l'occasion 
du  neuvième  verset  du  cjuatrième  chapitre ,  où  l'époux  dit  à 
l'épouse  :  k  Vous  êtes  devenue  maîtresse  de  mon  cœur  par 
un  seul  de  vos  regards ,  par  un  seul  des  cheveux  qui  flottent 
sur  votre  cou  :  »  Vulnerastl  cor  meiiin  in  uno  oculorwn  tuo- 
Twn  et  in  uno  crine  colli  tui.  «  Hélas ,  s'écrie  Gilbert ,  ces 
<;heveux  de  l'épouse ,  ils  sont  arrachés  aujourd'hui  !  L'un  et 
l'autre  (  il  veut  parler  d'Alexandre  et  de  Victor  qui  se  dispu- 
taient la  papauté  ) ,  l'un  et  l'autre  ils  prétendent  être  le  che- 
veu qui  pend  du  cou  de  l'épouse ,  >)  utrique  a  sponsœ  collo 
pendere  se  jactant.  En  accorcTant  la  préférence  à  Alexandre, 
il  se  plaint  néanmoins  assez  vivement  de  ce  que  ce  pontife 
souffre  dans  l'église  un  trafic  scandaleux,  de  ce  qu'il  l'auto- 
rise par  sa  propre  conduite  à  l'égard  des  schismatiques  : 
Quia  vendis  quod  ipse  condemnas ,  lui  dit-il?  Si  schisniaticos 
reputas  qui  a  te  separdti  sunt ,  non  dehueras  pretio  inductus 
errons  sui  illis  pennisisse  licentiani  :  si  Pétri  sedeni  succéssionis 
Jure  tenes,  cur  non  Pétri  sententias  vendicas  in  eos  quos 
schisniaticos  arhitraris  ?  pegunia,  inquit ,  tua  tecum  sit  iisr 
PERDiTioNEji.  (Actes  des  Apôtrcs,  chap.  i8,  v.  20.) 

L'auteur  exprime  ,  dans  le  quarante-unième  discours, 
beaucoup  de  regrets  sur  la  mort  d'Aëlrède ,  abbé  de  Rieval , 
dans  le  diocèse  d'Yorck,  en  Angleterre,  et  il  en  feit  le  plus 
pompeux  éloge.  Le  verset  qu'il  commente  avait  dit  :  «  J'ai 

Tome  Xlll.  Nun 


466  GILBERT  DE  HOILANDIA. 

XII  SIECLE,    recueilli  ma  myrrhe  avec  mes  aromates;  j'ai  mange  le  rayon 
Cant.descant.  avec  moii  miel.  M  Cette  double  allégorie ,  suivant  Gilbert , 

cap.  5,  T.  ij.  s'appliquait  également  à  Aëlrède;  on  voyait  également  en  lui 
et  meUis  favlun  et  myrrhœ  fascicidum  cum  atvmatibiis  bonis. 
Il  ajoute  même  :  Sermo  ejus ,  quasi  cereus,  rnelleani  effundc- 
hat  scientiam....  Benè  Javus ,  quia  sinceiis  undique  couipositus 
et  consitus  cellis ,  in  on/ni  actu  ,  sermone  et  gestu ,  internée 
putahatur  dulcedinis  mella  sudare. 

L'homme  pieux ,  le  moraliste  sévère  et  le  théologien  ins- 
truit se  montrent  en  général  dans  tous  les  discours  de  Gil- 
bert. Le  style  n'en  est  pas  sans  quelque  mérite ,  quoiqu'il 
soit  ordinairement  diffus,  apprêté,  quelquefois  même  un 
peu  déclamatoire.  Ils  n'ont  guère  moins  d'élévation  ,  de  subs- 
tance et  d'onction  que  ceux  même  de  saint  Bernard  ^  dit 
Mabillon  dans  la  préface  du  cinquième  tome  des  œuvres  de 
l'abbé  de  Clairvaux.  Henri  de  Gand  les  trouvait  au  contraire 
Rernardi  eJoquentiœ  et  sensibus  inipares.  Eâdem  methodo , 
Script.  Ecclcs.  si  non  eâdem  eloquentiâ  ac  dulcedine^  dit  Oudin.  On  peut 

't  ^xT'  ■\'  ^*^"  encore  ce  qu'en  dit  l'annaliste  de  Cîteaux,  Maurique,  sur 
'^"  ^'  l'an  11 53.  L'auteur  s'était  si  bien  pénétré  de  la  manière  de 
son  maître,  ajoute  Mabillon,  qu'il  l'a  imité  sans  effort.  La 
meilleure  édition  est  celle  qu'en  a  donnée  le  savant  bénédic- 
tin ,  à  la  suite  des  ouvrages  de  saint  Bernard.  Les  discours 
de  Gilbert  avaient  été  revus  sur  un  ancien  manuscrit  de 
l'abbaye  de  Vauclaire ,  et  purgé  de  beaucoup  de  fautes.  Ma- 

v.aiissiOudin,  biilon  indique  même  plusieurs  autres  manuscrits. 

t.  II,]).  i/,84.  Qj^  g  encore  placé,  dans  les  anciennes  éditions  de  saint 
Bernard  et  dans  celle  qu'en  a  donnée  IV'abillon  ,  quelques 
traités  ascétiques  de  Gilbert,  pi'écédés  de  quelques  épîtres. 
La  première  de  ces  épîtres  est  adressée  à  un  frère  Richard  : 
on  y  voit  que  l'auteur  l'avait  offensé  par  des  discours  inju- 
rieux ,  et  que  Richard  avait  tout  pardonné.  Gilbert  admire 
et  loue  cette  générosité  ,  et  elle  ajoute  beaucoup  au  regret 
cjuil  éprouve  de  ce  que  lui-même  appelle  son  iniquité.  Il  est 
diilicile  au  reste  de  s'accuser  et  de  se  rétracter  avec  plus 
d'abandon  et  de  force  que  ne  le  fait  l'écrivain. 

Dans  l'épître  suivante,  il  exhorte  un  de  ses  amis,  nommé 
Adam ,  à  embrasser  l'état  religieux ,  à  quitter ,  pour  une 
science  plus  élevée ,  les  études  profanes ,  à  entendre  la  voix 
de  Dieu  qui  l'appelle. 

La  troisième  est  adressée  à  un  religieux  dont  le  nom  était 
Guillaume.  11  l'engage  <à  fuir  la  cour;  il  lui  fait  sentir  com- 


GILBERT  DE  HOILANDIA.  467 

bien  elle  est  dangereuse  pour  la  perfection  chrétienne  ;  il    xn  SlECllg. 
vante  beaucoup  la  vie  religieuse,  tout  en  censurant,  non 
sans  quekpie  amertume ,  les  moines  qui  se  laissent  entraîner 
par  les  usages  et  les  vices  du  monde. 

Dans  la  quatrième,  qui  est  fort  courte,  il  se  plaint  de  quel- 
qu'un qui  1  avait  importuné  de  ses  demandes ,  et  qui  se  plai- 
gnait de  son  silence  :  «  J'ai  mieux  aimé,  lui  dit-il  ,  vous 
refuser  en  me  taisant  que  par  mes  discours  :  »  Silentio  inagis 
quain  sennone  negare  volai. 

I^a  contemplation  ou  la  méditation  des  choses  divines  est 
l'objet  de  quatre  dissertations  qui  suivent.  La  première  est 
envoyée  à  un  ami,  désigné  seulement  par  l'initiale  R,  qui 
semble  indiquer  Roger;  sa  lecture  montre  suffisamment  que 
cet  ami  était  "un  religieux. 

Après  ces  quatre  traités,  on  trouve  une  épître  dans  laquelle 
l'auteur  s'était  proposé  d'expliquer  ce  passage  d'un  apôtre  : 
Onine  datum  optimum  et  oinne  donum  perfectwn  desursiim 
est,  descendens  a  pâtre  luminum.  Mais  la  plus  grande  partie 
de  cette  épître  ou  de  ce  traité  manque  dans  le  manuscrit 
d'après  lequel  on  publie  l'ouvrage ,  qui ,  par  cela  même , 
est  bien  incomplet. 

Suit  une  dissertation  ascétique  sur  les  mystères  de  la 
rédemption  des  hommes,  et  une  autre,  sous  la  forme  d'épître, 
adressée  à  Roger.  11  parait  que  celui-ci  était  devenu  le  chef 
d'un  monastère,  et  qu'il  n'était  pas  sans  quelque  inquiétude 
aiu'  les  obligations  que  ce  titre  imposait.  Il  le  conservera 
pourtant  si  Gilbert  le  lui  conseille;  Gilbei't  l'y  exhorte  en 
effet.  L'épîti'e  a  deux  parties  ;  l'exhortation  ou  le  conseil 
d'accepter  est  l'objet  de  la  seconde  :  dans  la  première ,  l'au- 
teur exerce  contre  l'ambition  et  les  ambitieux  une  censure 
très-sévère  ;  il  se  plaint  de  ce  qu'elle  est  devenue  une  maladie 
universelle;  ses  racines  croissent  jusque  dans  les  déserts, 
au  milieu  de  ces  solitaires  dont  le  fiont  est  pâli  et  le  corps 
desséché  par  les  jeûnes  et  les  macérations;  l'ambition  pénétra 
dans  le  paradis  même;  et  des  anges  dont  le  ciel  devait  être 
peuplé,  furent  livrés  par  elle  à  une  épouvantable  destinée. 

Un  discours  incomplet  sur  la  semence  de  la  parole  de  Dieu, 
termine  lu  réunion  de  ces  petits  ouvrages  de  Gilbert. 

Lelong,  dans  sa  Bibhothèque  sacrée,  Manrique,  dans  ses  P.  744- 
Annales  de  Cîteaux,  sur  l'an  1 166 ,  Pitséus,  daiîs  son  ouvrage  ^-  ^*^ 
sur  les  écrivains  illustres  d'Angleterre,  lui  attribuent  encore  '  *  ^' 

quelques  écrits,  tels  qu'un  commentaire  sur  les  Psaumes, 

Nnna 


468  GILBERT  DE  HOILANDIA. 

Xn  SIECLE,    un  commentaire  sur  saint  Matthieu ,  un  autre  en  quatorze 

livres  sur  les  epîtres  de  saint  Paul ,  un   autre  en  un  seul 

•  •  livre ,  comme  les  deux  premiers ,  sur  1  apocalypse  de  saint 

Jean  ;  une  Vie  de  saint  Bernard ,  etc.  etc.  Mais  il  y  a  lieu  de 

Script,  m.  et  douter  c[ue  ces  ouvrages  soient  de  lui.  Fabricius  lui  en  attri- 

"165'   *       '  ^^^^  également  plusieurs  dont  il  n'est  pas  assez  probable  que 

Gilbert  soit  l'auteur.  La  Vie  de  saint  Bernard  lui  est  égale- 

p.  480.        ment  attribuée  par  Harpsfeld ,  dans  son  Histoire  de  l'église 

Liv.ll,c.  i6,  d'Angleterre  ;  par  Vossius,  de  Ilistoncis  latinis;  par  Possevin, 

^T.l^p.  6i3.    dans  son  Apparatus  sacer  :  mais  ils  ont  vraisemblablement 

A'.Mabill.Préf.  confoudu  l'ouvrage   et  l'auteur  avec  le  livre  premier  de  la 

du  t.  ii^de  s.  Yig  de  saint  Bernard,  composée  par  Guillaume,  abbé  de 

Script. Eccies.  Saint-Thierry;  ou,  comme  le  prétend  Oudin,.avec  Geoffroi 

t.  II,  p.  1484.    de  Clairvaux.  ■' 

Le  commentaire  sur  le  Cantique  des  cantiques  n'est  point. 
Script. Eccies.  comme  le  dit  Trithême  ,  l'achèvement  du  travail  commencé 
P'  9^*  par  saint  Bernard  :  Gilbert,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  ob- 

servé,  n'est  point  allé  au-delà  du  cinc{uième  chapitre,  mais 
il  a  eu  un  continuateur;  c'est  un  abbé  dont  le  nom  n'est 
Snppl.  Pair,  marqué  que  par  la  lettre  G.  Le  père  Hommey  suppose,  avec 
p.  2j3ei  254.     assez  de  vraisemblance,  que  ce  doit  être  Guillaume-le-Petit, 
abbé  du  Bec,  lequel  mourut  en   1211  ,  quarante -neuf  ans 
après   Gilbert ,    selon   la   chronique    de    cette   abbaye.    Ce 
Guillaume,  du  moins,  est  véritablement  l'auteur  d'un  com- 
mentaire sur  le  Cantique  des  cantiques.  Voyez  la  Bibliothècjue 
P-  894-        sacrée  du  P.  Lelong ,  qui ,  du  reste ,  avance  un  peu  trop  peut- 
être  l'époque  où  fleuvit  cet  écrivain ,  puisqu'il  désigne  l'an- 
An  1210,  p.  née  I  iTO.  Pitséus  attribue  la  continuation  cfu  travail  de  saint 
=76-  Bernard  et  de  Gilbert  à  Jean  de  Forde. 

Lipen.  Eibl.       On  a  imprimé  séparément  à  Florence  en  i485  ,  et  à  Stras- 

Tbeoi.  t.  I,  p.  Jjourff  en  i4q'7i  les  quarante-huit  discours  de  Gilbert,  qui 

deScr.  inSair!  lorment  le  commentan-e  sur  les  trois  chcipitres  du  Cantique 

Script,  p.  i53.  des  cantiques.  Ils  sont  joints  à  ceux  de  saint  Bernard,  dans 

Lipenius ,  p.  IVdition  séparée  aussi  qu'on  a  donnée  de  cet  ouvrage  de 

l'abbé  de  Clairvaux,  à  Paris,  en  i586.  Ils  sont  d'ailleurs  dans 

toutes  les  collections  de  ses  œuvres. 

C'est  lui  sans  doute  qui  est  cet  abbé  Gilbert,  un  des 
trente-un  auteurs  dont  Ottmar  Luxinius  s'est  servi  pour 
composer  son  grand  ouvrage  intitulé  Alle^oriœ  siiniil  et 
Tropologice  in  îocos  utriusque  testa  menti ,  imprimé  pour  la 
seconde  fois  à  Paris,  en  iby4- 

Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  un  autre  du  même  nom , 


GODESCALC,  ÉVÈQUE  D'ARRAS.  469 

abbé  de  Saiiit-Nicolas-aux-Bois,  mort  en    iif)4  ou  xi55,    xil  siècle. 
dont  on  ne  connaît  aucun  écrit.  Baronius  rapporte,  dans  ' 
ses  Annales,  une  sentence  motivée,  prononcée  en   1176, 
contre  des  hérétiques  de  la  province  de  Toulouse,  appelés 
Bons-hommes,  par  Gilbert,  archevêque  de  Lyon.  La  sentence 
est  de  1 1 Q^^  et  non  de  1 1 7G,  ainsi  que  l'a  remarqué  le  P.  Labbe,      T.  vi,  part. 
dans  les  ^4cta  conclliorum. ;  mais  d'ailleurs  l'jirchevêque  de      '^''  ' 
Lyon ,  à  cette  époque ,  s'appelait  Guichard ,  et  non  pas  Gil- 
bert ,  comme  on  le  voit  au  tome  IV  de  la  France  Chrétienne.        P-  129. 

P. 


GODESCALC, 

ÉVÊQUE  D'ARRAS. 

(joDESCALC,  né  dans  le  Brabant,  on  ne  sait  en  quelle  Bibi.  Piœm. 
année,  embrassa  de  très-bonne  heui^e  l'état  rehgieux.  En  P- ^o^— Gaii. 
II 34,  il  fiit  fait  abbé  de  Saint-Silvin.  Dans  la  suite,  il  devint  p.  in^.^-J  diI 


d'autres  placent  cette  élection  en  i  i5o.  Mais  on  a  une  charte  in  s.  Bern. 


de  Godescalc,  datée  de  i  io3,  cinquième  année  de  son  epis-      ,H.    ■  ^^~ 

^        ^        .-1    r      .  ce  ^  \-         •    •  T>    1  •'  terl.  Cliron.  Ca- 

copat;  et,  su  tant  en  etret  lire  ici  avec  Baluze  cinquième  merac. Autben. 
année ,  Godescalc  aurait  commencé  à  gouverner  l'église  d'Ar-  t.  xiii ,  p.  5oG 
ras  en  11 4.9  ^u  moins.  Alvise,  son  prédécesseur,  était  mort  '|"p^'^"  '^^  ^*' 
en  1 148,  dans  la  Palestine.  Cette  charte  garantissait  à  Robert,     Bahiz. Miscel. 
chanoine  de  Reims,  et  à  son  frère  Ermenfrid  certains  droits  t. v,p.  442. 
fort  peu  importans  aujourd'hui.  En  la  même  année  11 53, 
Godescalc  souscrivait  aussi  une  charte  de  Samson ,  arche- 
vêque de  Reims,  en  faveur   de   l'abbaye    de   Saint- Rémi. 
L'évêque  d'Arras  eut  à  discuter  avec  son  clergé,  avec  les 
moines   de  Saint-Vast ,  avec    le    comte   et  la   comtesse  de 
Flandres ,  quelques  intérêts  particuliers  que  nous  nous  abs- 
tiendrons d'exposer.  Toutefois,  le  pape  Eugène  III  s'en  mêla, 
et,  depuis  i  i5i  jusqu'en  1 153,  écrivit,  sur  ces  affaires,  sept 
épîtres  qu'on  peUt  lire  en  divers  recueils.  Baluz.Miscei. 

Le  seul  titre  qu'ait  Godescalc  à  figurer  dans  une  histoî'rè'  !lj[ec^desHi's't 
littéraire,  c'est, un  écrit  qu'il  remit  au  pape  Eugène   III,  de  Fr.  t.  xv, 


470    VARMER,  P.  LONGATOSTA,  POET.  FRANC. 

XII  SIECLE,  en  1x46,  et  dans  lequel,  sur  l'invitation  de  ce  pontife,  il 
p.467.46«,47Q,  examinait  la  doctrine  de  Gilbert  de  la  Porëe.  Nous  n'avons 
itëo,  /,8i.  point  cet  écrit ,  mais  Eugène  III,  dans  une  de  ses  lettres,  loue 

\  iiiefore ,  Vie  [g  ^èle  dc  Godescalc  contre  les  hérétiques.   Saint  Bernard 

de  saint  Jiein.  i       i      i     ■     i  >  i  ^  /    a  m    i'  ii 

p. /,7g.  parle  de  lui  dans  quelques-unes  de  ses  epitres;  il  1  appelle 

Martène  ,  un  homme  religieux  et  saint ,  un  vénérable  abbé  ,  un  évëque 
f  T''"6î?"'  simple  et  droit. 

BeTn.ep^i'ii,,       Trois  lettres  du  pape  Adrien  IV,  dont  deux  sont  adres- 

253,284.  sées,  en   ii56  et  ii57,à  Godescalc  lui-même,  concernent 

Rec.  desHist.  ^^  démêlé  entre  ce  prélat  et  le  chancelier  Hugues.  Des  ma- 

p.679,  680.    '  ladies  et  peut-être  aussi  d'autres  causes  obligèrent  Godescalc 

Maniiq. adan.  de   quittcr  SOU  évèché  en  II 5y,  selon  Manrique,  Ferri  de 

1157,  t.  II,  II.  Locres  et  Meyer;  en  ii58  selon  plusieurs  autres,  en  ii63 

Waterl.  dans  sclou  la  chrouiquc  Contemporaine  de  Waterlos.  Il  existe , 

leRec.desHist.  sur    Cette    abdication,    et    pour    l'approuver,    une   épître 

de  Fr.  t.  XIII ,  d'Alexandre  III,  adressée  en  1 164  à  Samson,  archevêque  de 

^  Rec.desHist.  Reims.  André  de  Paris,  de  l'ordre  de  Citeaux ,  fut  élu  pour 

de  Fr.  t.  XV,  succédcr ,  commc  évêque  d'Arras,  à  Godescalc,  qui  demeura 

P-  "^^-     .        vraisemblablement  abbé  du  mont  Saint-Eloy.  Du  moins  la 

t.  lllYp.  64»-'^    chroniqiie  de  Saint-Bertin  ne  lui  donne  de  successeur  dans 

cette  abûaye  qu'après  sa  mort,  qu'elle  place  en  1 172.  D'autres 

disent  qu'il  mourut  en  1 1 70 ,  le  7  août.  D. 


YARNIER, 

PIERRE   LONGATOSTA, 

POÈTES  FRANÇAIS. 


VARNIER. 


c. 


lE.  poète  ne  nous  est  connu  que  par  le  Catalogue  des  ma- 
nuscrits de  l'abbaye  de  Saint- Evroult,  dressé  par  dom  Julien 
Biaise ,  et  qui  est  bien  plus  étendu  que  celui  qui  est  imprimé 
p.  laCy.  dans  le  Bibliotlieca  Biblioth.  de  Montfaucon.  Au  n"  127  des 
manuscrits  in-^" ,  dom  Julien  désigne  ainsi  l'ouvrage  de 
Vaniier  :   «  La  Vie  de  saint  Thomas ,  maityr ,  archevêque 


RAMBAUD  D'ORANGE.  4ji 

«  de  Cantorbe'ry,  en  vers  français  anciens;  composée,  deux   Xll  siècle. 
«  ans  après  sa  mort,  par  un  auteur  qui  alla  exprès  à  Can- 
ta  torbéry,  et  qui  se  nomme,  au  pénultième  feuillet,  Vafniier, 
«  clt-rc  du  Pont ,  ou  P  aniier  du  Pont,  clerc.  »  Ce  surnom 
du  Pont  n'indique  pas  d'une  manière  précise  la  ville  où  il 
était  né.  Ce  pouvait  être  à  Pont  en  Saintonge ,  à  Pont  sur 
Yonne  en  Gâtinois,à  Pont-Sainte-Maxence  en  Picardie;  et, 
dans  la  seule  Normandie,  à  Pont-Audemer,  au  Pont-l'Évêque, 
ou  au  Poht-de-l' Arche.  Quoi  qu'il  en  soit,  Thomas  de  Can- 
torbéry  étant  mort  en   1x70,  cette  Vie,  d'après  la  note  de 
dom  Julien,  dut  être  écrite  en  1 172.  La  Bibliothèque  impé- 
riale ne  possède  pas  cet  ouvrage.  Montfaucon  semble  en  faire      Bibi.  BUil.  t. 
mention  lorsqu'il  indicjue  :  Garnerii poëjnata  gallica ,  dans  i'P-5i4  D. 
la  Bibliothèque  Ambrosienne  de  Milan. 

PIERRE   LONGATOSTA. 

Cet  auteur,  né  en  France,  devint  chanoine  régulier  de 
Bridlington,  en  Angleterre.  Il  a  traduit  en  vers  français  une    Baleus,Scnpt. 
autre  Vie  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  composée  par  ^"  Bntami.  p. 
Herebert  de  Bosham,  secrétaire  de  ce  même  prélat,  et  doit     ^Locodt.Oes- 
avoir  fait  cette  traduction  quelques  années  après  la  canoni-  ner,p.67  5,coi. 
sation  de  saint  Thomas  ,  i  ibo.  Les  circonstances  de  la  vie  de  «-«'"'UCavc, 
ce  poète  sont  inconnues.  Les  biographes  ont  à  peine  fait  calimirOmL" 
mention  de  lui,  et  se  contentent  de  le  citer  en  parlant  de  1. 11,  col.  iSiô! 
Herebert  de  Bosham.  La  Bibliothèque  Impériale  ne  possède      ^rig.  1182. 
pas  cette  Vie  de  saint  Thomas,  et  Montfaucon  n'en  a  point      BiM.  Bibi. 
parlé.  G. 


RAMBAUD   D'ORANGE. 

• 

l  L  n'y  a  rien  à  tirer  de  Nostradamus  pour  l'histoire  de  ce 
troubadour.  Son  article  est  plein  de  contradictions  et  d'ana- 
chronismes.  Les  'manuscrits  provençaux  contiennent  de  lui 
vingt-huit  pièces,  mais  se  taisent  sur  sa  vie  et  sur  sa  per- 
sonne. L'historien  du  Languedoc,  dom  Vaissette,  fournit  seul 
«quelques  particularités  dont  voici  les  principales. 

R.ambaud  d'Orange  était  fils  de  Guillaume  d'Omelas ,  de 


4-2  RICHARD  DE   S  MXT-VfCTOR. 

xn  <;ir/:LE.  Ja  rn:ti->on  de  .Monfpellif^r.  <;t  df*  'liinir;z<-.  fill<*  uriicpio  de 
Thibaud  ,  comte  d  Orari^f,  qui  mourut  daii->  une  expi-ditioii 
à  la  Terre-Sainte.  Rambaud  partagea  la  principauté  d'Orange 
avec  son  frère  Guillaume,  ajjrès  la  mort  de  Tiburge ,  leur 
mère.  Il  en  prit  alors  le  nom.  au  lieu  de  celui  dOmelas, 
.  qu'il  avait  porté  jusqu'alors  ;  et  il  fixa  sa  résidence  à  Courte- 

son,  petite  ville  de  cette  principauté.  Il  cultiva  la  poésie; 
mais,  au  lieu  du  style  naturel  de  la  plupart  di-s  troubadours, 
et  de  la  délicatesse  dont  plusieurs  se  piquaient  dans  leurs 
sentimens,  ce  qui  reste  de  ses  chansons  est  écrit  dans  ua 
style  pénible,  nulc .  presque  barbare,  et  ce  sont  les  goûts 
du  l)bertina"e  quil  y  exprime,  bien  plus  que  les  peines  ou 
les  plaisirs  de  l'amQur. 

Il  fut  cependant  amoureux  et  aimé  de  la  comtesse  de  Die  ; 
H.dtiTioiiL.  Millcjt  pense  que  ce  fut  celle  qui  épousa  Guillaume  de  Poi- 

fcl,  p.  170.  ilf^rs  ,  tige  des  comtes  de  Valentinois  et  de  Diois,  du  nom  de 
Poitiers,  flr-nt  Ja  dernière  branche  s'est  éteinte  dans  le  der- 
nier siècle.  Klle  était  poète  elle-même;  elle  a  laissé  quelques 
poésies  plus  naturf.-lles  et  plus  claires  que  celles  de  son  amant, 
et  dans  lesquelle-,  on  p.  ut  même  dire  qu'elle  s'exprime  quel- 
quefois avec  trop  de  clarté  ou  trop  peu  de  retenue.  >iOUS 
reparlerons  d'elle  en  pariant  d  une  autre  comtesse  de  Die. 
Rambaud  d'Orange  mourut  à  Courteson,  vers  l'an  ïi'j'5. 

G. 


RICHARD  DE  SAINl-YICTOR. 

§  I". 

SA    VIE. 

JvK.iiAi'u  était  ne  en  Ecosse,  mais  il  vécut  et  mourut  en 
,s.-Fùi.aUtéie  France,  dans  l'abbaye  de  Saint-Victor  à  Paris.  Il  y  fit  pro- 
dcsf-iœuvr.e  .  fg^^JQ^j  sous  l'abbé  Gilduin,  premier  abbé  de  ce  monastère, 
her.  1. 1,  II.  lî.  et  y  reçut  les  leçons  du  célèbre  Hugues  dcSaiiit-V  ictor.  En 
—  Konig.  p.  souscrivant  en  iiôg  un  accord  entre  cette  communauté  et 
691.—  Pagi,  Prédéric,  seigneur  de  Palaiseau,  Richard  prt?nd   l.i  qualité 

ad  ann.   ni!,,     .  •     n     1       •  /•        '        ,  '      ,• 

n.4i,»-tadann.  ue  sous-pneur.  Il  (livir/t  piiein^  en   iiu^i,  et  sacfjuilta  lort_ 

»i4o,n.  8.  —  honorableiueal  dune   ionetion   que  lus  circoustauces  ren- 


r/ta  RiiJi.  a 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  473 

daient  difficile.  L'ahbc,  qui  s'appelait  l'irvisiiis,  n'était  ni  ini    XII  SIFCLK. 
moine  ediliant,  ni  un  vigilaiitadministratein-;  Alexandre  III,  u.  (;anil;iv.  de 
dans  une  de  ses  lettres,  en  parle  eon)ine  '\i/n  antre  Ccsar,  Sdipi.  r.ccl.  c. 
qui  disposait  de  tout  selon  ses  caprices,  qui  me'prisait  les  ^/'jT,  ' "^(i",^,.! 
statuts,  et  (pii ,  loin  de  profiter  des  réprini  indes  pontificales  ,.ici  cinon.  aj 
que  lui  avait  attirées  sa  néj^tij^cnce ,  se  niontiait  de  pins  en  ann.  nKi.  — 
plus  incorrigible.  Alexandre  avait  été  témoin  de  ce  désordre,  ^;'!"''  "^^"î;'''''- 
et  avait  en  occasion  de  reconnaître,  dans  ial)I)aye  de  aamt-  ,(;,,fi.    _    ui, 
Victor,  l'indif^nité  de  l'ablM?  et  le  mérit(;  éminent  du  prieur.  Jioulay  ,   llisi. 
Rieliard  édifiait  ses  eonfières  par  sa  piété,  illes  éclairait  î,'"'^'  ''^'''*',,'' 
par  ses  ouvrages,  dont  les  rehi^ieux  étrangers  lui  dcman-  ;^o<),Ho/,-3o6, 
daient  avidement  des  copies,  (iuillaume,  prieur  d'Ourcamps,  ''>^'>^,  '•f'i.  4<'-^, 
ordre  de  Cîteaux,  écrit  y  lîicliard  pour  lui  annoncer  qu'il  77°)  77'' ';''-• 
lui  en  renvoie  quelques-uns,  et  pour  le  prier  de  lui  en  com- 
muniquer un  autre,  savoir,  celui  qui  a  pour  sujet  le  songe 
de  Nabuchodonosor.  Garin,  prieur  de  Saint-Alban  ,  désire        Diulir-snc  , 
avoir  une  liste   complète  de  ses  productions.  Jean  ,  sous-  ■'><''-J''"'-<'""'<-- 

\    n\  ■  r    T>-  1       1   1  '      .<       t.  IV,  p.  757. 

prieur  de  Liairvaux,  supplie  Kiciiard  de  composer  une  prière     ji,i,i,  j,.  ^/,-, 

au  Saint-Esprit  :  «  Ecrivez-la ,  lui  dit-il ,  selon  la  science  et 
le  jugement  dont  l'Esprit-Saint  vous  a  doué;  qu'elle  ne  soit 
ni  trop  courte,  ni  trop  longue,  en  sorte  (pie  je;  puisse  l'ap- 
prendre par  cœur,  et  l'adresser  au  Saint-Esprit  au  moins  une 
ibis  par  nuit  ou  par  iour.  »   Duchesne  a  publié  neul"  autres    '''"'•  P'  7'i  >• 
lettres  eciites  a  nicliard  par  divers  religieux  :  quoupie  lort  _s„  -eV,. 
courtes  et  peu  importantes  en  elles-mêmes  ,  elles  concourent 
à  montrer  que  R.i(liai(l  jouissait  de  l'estime  de  ses  contem- 
porains. On  dit  que  saint  Bernard  lui-même  consultait  Irc- 
quemment  le  prieur  de  Saint-Victor:  du  moins,  Baroniiis      An".  Kcdos. 
et  Manrique  ont  cru  trouver,  dans  les  écrits  de  Richard,  ■"'»""•  "'t^- 

J  ^        J       1'         V  '  •    r         •         •.    '     r    H     '     1       r^l     •  Annal,    (lil. 

des  preuves  de  iamitie  qui  1  unissait  a  labbe  de  Liairvaux.  a,i  ann.  ii/,o, 
Qui'hpies  critiques  ont  peiis('  qu'il  s'agissait  dans  ces  textes  lib.  IX,  ".«-»• 
d'un  autre  Bernard.  Nous  reviendrons  sur  cet  article  en  par- 
courant les  œuvres  du  Victorin.  Ici,  nous  devons  ajoutrjr 
qu'en   1171,  lorsque  Tliomas  Becket  vint  à  Paris,  Richard 
était  encore  prieur  de  Saint-V^ictor ,  et  continuait  de  se  voir 
distrait  de  ses  études  par  les  chagrins  que  lui  causait  la  mau- 
vaise conduite  d'Ervisius.  11  fallait  sans  cesse  maintenir  la 
règle  de  l'abbaye  contn;  l'abbc*;  et,  dans  ce  soin  .si  pénible, 
le  prieur  était  fort  peu  soutenu  par  h's  anciens  de  la  maison. 
Mais  enfin  le  pape  Alexandre  111  chargea  les  archevêques  de     Alex,  m,  op. 
Sens  et  de  Bourges  d'e  visiter  l'abbaye  dv  Saint-Viétor ,  et  f ^"l; ''"' '"'^''-i' 

1,  '11-11  1  T'  I  •  •  l.  n   ,  007  ,   floi. 

a  y  rétablir   le  bon  ordre.  Lun  de  ces  commissaires  re^jut  _irabbc,Coiic. 
Tome  Xill.  Ooo 


4-4  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

xll  SiECLE.   alors  de  Maurice,  évèque  de  Paris,  une  lettre  où  ce  pre'Iat 
t. X,  col.  i32o,  dépeignait  Ervisius  comme  le  persécuteur  des  membres  les 
i3ai.  —  Mail,  plus  recommandables  de  cette  communauté.  Les  deux  arche- 
t.  VI  "col.  2'ô   ^'^'^J'^^^^  remplirent  leur  mission  ,  et ,  vers  les  fêtes  de  Pâques 
—  Rec.  des  H.  de  l'ail  1 172,  ils  obtinrent  de  labbé  une  abdication  qui  fut 
de  Fr.  t.  XV,  appelée  volontaire.  Ervisius  se  vit  remplacé  par  Guérin  ,  sous 
P-    9  >  99-      l'administration  duquel  il  fut  fait,  entre   les  chanoines  de 
Saint-Victor  et  ceux  de  Saint-Cosme  de  Liizarches,  une  tran- 
saction que  signa   le   prieur  Richard.  Richard   vivait   donc 
encore  en  i  lya.  Mais,  dès  les  premiers  mois  de  l'année  i  I74i 
c'était  Gautier  qui  remj)lissait  à  Saint-Victor  la  fonction  de 
prieur.  On  en  peut  conclure  que  Richard  mourut  en  i  ly'ù  (a), 
sans  doute  le  lo  mars ,  jour  auquel  se  trouve  placé  son  anni- 
versaire dans  le  nécrologe  de  l'abbaye.  Ce  nécrologe  loue 
Richard  comme  un  digne  prieur  cpii ,  par  ses  bons  exemples, 
par  la  sainteté  de  ses  mœurs ,  par  la  beauté  de  ses  écrits ,  a 
laissé  les  plus,  honorables  souvenirs.  Il  fut  enterré  dans  le 
cloître ,  auprès  de  la  porte  de  1  Aumône.  Guillaume  de  Saint- 

ante  encore 


ee  en  i  oo  i 

it  sur  une 

N.  Gall.  ciir.  lame  de  cuivre ,  dans  le  cloître  de  ce  monastère. 

t.  VII,  p.  66g. 

— Dubois, Hist.  jir     ■/  ••"»••     7 

P.nris.  Eccl.  lib.  Moribiis ,  ingenio  ,  aocfnna  clarus  et  arte. 

III,  c.  7. —  Cor-  Puh'ereo  hic  tegcris  ,  docte  Richarde,  situ. 

'i^^p  ',        'l'^l'  Quem  tellus  genuit  felici  Scotica  partu ., 

I\,  .fol.  ;■)".  Tejbi'et  in  gremio  galUca  teiTa  siio. 

jMI  tibiparca  fsrox  nocuit ,  quœ  stamina  parvo 

Tcmpove  tracta,  gravi  rupit  acerha  manu,; 

Plurima  namque  tui  superant  monimenta  laboris , 

Qtue  tM>i  perpetuum  sint  paritura  decus. 

Seg/iior  ni  lento  sceleratas  mors  petit  œdes , 

Sic propero  niniis  it  sub  pia  tecta  gradii. 

(a)  M.  Brial  (Rec.  des  Hist.  fie  Fr. ,  tom.  XV,  p.  88)  place  sous  l'an- 
née 1170  une  lettre  d  Alexandre  III  ad  Robertitm  priorem  S.  P'ictoris 
Parisiensis ;  et  Ion  en  pourrait  inférer  quen  iijo  Richard  n'était  plus 
prieur,  et  même  .qu'il  !ie  vivait  plus.- Cette  lettre  est  datée  de  Venise; 
et,  comme  le  pape  Alexandre  III  n'a  pu  écrire  de  cette  ville  qu'en  1 177, 
M.  Brial  pense  qu'il  faut  lire  rendis  au  lieu  de  Fenetiis.  En  adoptant 
celte  correction,  nous  en  proposerions  une  autre  qui  consisterait  à  chan- 
ger dans  l'intitulé  Robertum  en  Richardum  :  car  on  a  toutes  sortes  de  rai- 
sons de  croire  que  Richard  était  prieur  de  Saint-Victor  en  11 70. 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  ^yS 

XII  SIECLE. 
§    II.  

SES  ÉCRITS. 

On  connaît  sept  éditions  du  Recueil  des  œuvres  de  Richard 
de  Saint-Victor.  La  première,  publiée  à  Venise  en  x5o6,  in-S**, 
est   fort  incomplète.  La  seconde ,  in-folio  comme  les  trois      Panzer.  Ann. 
suivantes,  parut  en  i5i8  à  Paris.  La  troisième  est  de  Lyon,  ^yP".^'''-^^i^' 
en  i534;  la  quatrième  de  Parisien  i55o;  la  cinquième  de  ''  parù    iSiS 
Venise,  en  i5f)2  :  la  sixième  est  in-4*^,  à  Cologne,  en  1 62  [  ;  et  chez  And.  lion- 
la  dernière,  qui  parut  à  Rouen,  cliez  Jean  Berthelin,  en  id5o,  ^^'^-  Pa"^- A"- 
in-folio,  est  aujourd'hui  la  seule  dont  nous  fassions  usage,  p.^40.^' 

auoiqn'elle  soit  peu  correcte,  et  dépourvue  de  tout  genre  Lyon,i5'î/, , 
'éclaircissemens  :  mais  les  précédentes ,  qui  ne  sont  pas  plus  '^^'^^  Nie.  Petu 
riches,  sont  encore  plus  fautives.  Cette  édition  de  i65o  s'an- 
nonce comme  revue  et  corrigée  par  les  chanoines  réguliers 
de  Saint-Victor  de  Paris.  On  ne  la  doit  pourtant  qu'aux  soins 
de  l'un  de  ces  religieux,  savoir  du  frère  Jean  de  Toulouse, 
qui  a  placé  à  la  tête  du  volume  une  vie  de  l'auteur,  tirée, 
dit- il ,  des  manuscrits  et  des  chartes  de  l'abbaye. 

Nous  allons  suivre ,  en  rendant  compte  des  œuvres  de 
Richard ,  l'ordre  établi  dans  cette  édition. 

I.  De  Exterminatione  inali  et  promotione  boni;  des  P.  I,  p.  1-23. 
Moyens  d'extirper  le  mal  et  de  propager  le  bien.  Ce  traité 
se  divise  en  ti^ois  sections ,  dont  la  première  contient  dix- 
neuf  chapitres ,  la  seconde  quinze ,  la  troisième  dix-huit  : 
mais  ces  cinqiiante-deux  chapitres  ne  nous  offrent  qu'une 
longue  paraplirase  du  cinquième   verset   du  psaume    11 3.  , 

Qiiid  est  tihi ,  mare,  qiiod  fugisti ,  et  tu,  Jordanis ,  quia 
conversiis  es  retrorsiiniP  «  O  mer,  pourquoi  as- tu  pris  la 
fuite,  et  toi ,  Jourdain ,  pourquoi  es-tu  retourné  en  arrière?  » 
Ce  verset,  qui  sert  de  texte  à  tout  l'ouvrage,  y  amène  des 
allégories  sans  noml)re,  qui  toutes  pourtant  aboutissent  au 
même  résultat  moral,  savoir,  qu'il  faut  se  commander  des 
efforts,  et  se  résigner  à  des  afflictions,  si  l'on  veut  acquérir 
ou  conserver  la  vertu.  Il  n'y  a  point,  pour  l'auteur ,  de  morale 
sans  piété,  point  de  piété  sans  idées  mystiques,  point  de 
mysticité  sans  allégories.  Quoique  ce  traité  occupe  ici  la  pre- 
mière place ,  il  n'est  pas  le  prc^mier  fruit  de  la  plume  de 
Richard,  puisqu'il  y  cite  un  livre,  oii  il  explique,  dit-il,  ce  P- 18. 
qu'il  pense  des  douze  enfans  dé  Jacob.  C'est  le  livre  intitulé 

O002 


47^  RICHARD  DE  SAIîN'T-ViCTOR. 

Xil  SIECLE.   Benjamin  minor,  que  nous  rencontrerons  liientôt  sous  le 

]  ~  ""  *^- 
p.  2?. -45.  j[_  D^  Statu  Jwminis  interioris ;  de  l'Etat  de  l'homme  inté- 
rieur. C'est,  comme  le  prologue  l'annonce,  une  explication 
de  ces  paroles  d'Isaïe  :  yl  planta  peduni  usqiie  ad  verticeni 
non  est  in  eo  sanitas  :  «  En  lui ,  de  la  tête  aux  pieds ,  rien 
n'est  sain.  »  L'auteur  avoue  qu'il  a  parsemé  son  livre  de 
longues  digressions;  il  a  fait  comme  un  voyageur  qui  alonge 
exprès  sa  route,  pour  visiter  et  admirer  d'agréables  environs. 
Impuissance ,  ignorance ,  concupiscence ,  voilà  la  triple  plaie 
de  riiomme,  son  triple  vice:  il  en  résulte  trois  sortes  de 
péchés,  c'est-à-dire,  des  faiblesses,  des  errevirs,  et  des  mé- 
chancetés :  il  y  fout  opposer  trois  genres  de  remèdes,  les 
^  commandemens  de  Dieu,  ses  promesses  et  ses  menaces.  Telle 
est  la  substance  de  l'ouvrage ,  qui  se  divise  en  trois  parties. 
Dans  les  ti'ente-sept  chapitres  de  la  première,  il  s'agit  du 
triple  vice,  dans  les  sept  chapitres  de  la  seconde,  du  triple 
péché,  et  du  triple  remède  dans  les  huit  chapitres  de  la 
troisième.  Presque  à  chaque  pas ,  fauteur  met  en  pai  allèle  les 
maux  du  corps  et  ceux  de  l'ame,  ainsi  que  les  moyens  de 
guérir  les  ims  et  les  autres.  Il  serait  possible  de  recueillir  çà 
et  là ,  dans  ce  liyi'e ,  quelques  notions  de  la  médecine  du 
XIP  siècle  :  on  y  voit,  par  exemple.,  que  les  médecins  distin- 
guaient trois  esprits  dans  le  corps  humain ,  fesprit  animal 
qu'ils  plaçaient  dans  la  tête ,  l'esprit  naturel  dans  le  foie ,  et 
1  esprit  vital  dans  le  cœur.  Mais,  sans  nul  doute,  les  trois 
parties  de  ce  traité  sont  beaucoup  plus  édifiantes  qu'instruc- 
tives,  et  l'on  ne  peut  trop  admirer  le  nombre  prodigieuxde 
pensées  pieuses  ou  mystiques  que  suggère  à  Richard  chaque 
parole  et  presque  chaque  syllabe  des  versets  5  et  6  du  pre- 
mier chapitre  d'Isaïe. 
P^5.  III.  De  Eniditione  honùnis  interioris;  de  flnstruction  de 

l'honnne  intérieur.  Ce  troisième  traité  se  partage  aussi  en 
trois  sections,  où  l'auteur  explique  successivement  les  cha- 
pitres a,  4  Pt  y  du  piopliète  Daniel.  C'est  un  tissu  d'interpré- 
tations tropologiques  du  songe  de  Nabuchodonosor  et  de  son 
histoire.  L'auteur  ne  s'occupe  aucrmement  du  sens  historique, 
qui  est  généralement  connu,  dit-il,  et  que  d'ailleurs  il  ne 
prétend  point  contester.  Il  J;rouve  à  chaque  détail  un  sens 
moral ,  et  permet  toutefois  que  l'on  cherche  encore  d'autres 
allégories  que  les  sieimes.  Mais  enfin ,  selon  lui ,  l'intention  de 
•    l'auteur  sacré  a  été  de  nous  enseigner  comment  les  gens  de 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  477 

hien  abandonnent  peu  à  peu  la  vertu,  comment  ils  s'éloignent  XH  siècle. 
de  la  pei'f'ection  de  la  vie  contemplative  ou  de  la  vie  active, 
par  quels  dégrçs  ils  tombent  dans  le  précipice,  et  par  quels 
secours  efficaces  Ja  grâce  divine  les  relève.  Les  allusions  et 
les  applications-  fourmillent  dans  ce  long  traité.  Richard  ob- 
serve ,  par  exemple ,  qu'aussitôt  que  les  gens  de  lettres 
obtiennent  un  emploi  considérable,  parviennqpt  à  quelque 
dignité  éminente,  ils  abandonnent  l'étude ,  et  .perdent  sou- 
vent pour  toujours  le  goût  des  travaux  solitaires. 

IV.  Benjamin  niinor;  c'est  une  explication  du  verset  69        P-  u4- 
du  psaume  67  :  Ibi  Benjamiii  adolescentulas  in  mentis  ex- 

cessu  :  «Là,  le  jeune  Benjamin  en  extase.»  La  prépara- 
tion de  l'ame  à  la  contemplation  ou  à  la  connaissance  de 
soi-même  est  le  véritable  sujet  de  ce  livre,  qui  a  quatre-vingt- 
sept  chapitres.  L'auteur  y  épuise  toutes  les  allégories  cjue 
peuvent  fournir  les  deux  ferrunes  de  Jacob,  ses  deux  ser- 
vantes ,  ses  douze  enfans ,  leurs  noms ,  l'ordre  de  leur  nais- 
sance, et  chaque  particularité  de  la  vie  de  chacun  d'eux.  Il 
en  fait  sortir  un  traité  de  morale  mystique,  où  l'imagination 
brille  beaucoup  plus  que  la  méthode.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il 
n'est  presque  aucune  cfe  ces  interprétations  qui  n'aboutisse 
à  quelque  résultat  pratique.  L'auteur  blâme ,  dans  les  écri- 
vains de  son  temps,  une  attention  trop  scrupuleuse,  s'il  faut 
l'en  croire,  à  éviter  les  incorrections  et  les  négligences  :  «  Ils 
sont,  dit-il ,  bien  plus  honteux  d'un  barbarisme  qui  leur 
échappe,  que  d'un  mensonge  qu'ils  ont  arrangé ,  et  craignent 
bien  plus  d'offenser  les  règles  de  Priscieu  que  celles  de 
l'évangile.  Selon  lui,  la  plus  haute  gloire  à  laquelle  un  mortel 
puisse  aspirer,  est  de  convertir  ses  semblables ,  de  les  trans- 
former d'enfans  du  démon  en  lîls  de  Dieu  :  un  tel  ministère 
est  à  ses  yeux  le  don  le  plus  sublime ,  il  le  préfère  au.  don 
des  miracles,  et  même  au  pouvoir  de  ressusciter  les  morts. 
Benjamin  minor  est  celui  des  ouvrages  de  Richard  qui  a  été 
imprimé  le  premier,  il  en  a  paru  une  édition  particulière  à 
Paris,  en  1489,  in-4",  et  il  a  été  réimprimé  à  part  dans  la, 
même  ville,  en  i52 1 ,  in- 12.  Le  même  ouvrage  a  été  plusieurs 
fois  publié  sous  le  titre  de  duodecim  Patriarchis.  '''i94i  sine 

V.  On  a  donné  le  nom  de  Benjamin  Major  à  cinq  livres   °11^  Ar'ent~ 
qui  traitent  aussi  delà  contemplation  à  l'occasion  de  l'arche  raii, 'iîi.8",efc. 
de  Moïse,  et  dans  lesquels  l'auteur,  qtie  nous  venons  de  trou-        P-  ''<7- 
ver  si  habile  en  explications  tropologiques ,  paraît  s'être  sur- 
passé lui-même.  Il  n'omet  rien  de  ce  qui  peut  prouver  que 


4-8  RICHArxD  DE  SAINT-VICTOR. 

XII  SIECLE,  l'arche  de  sanctification  figure  en  effet  la  grâce  de  la  contem- 
plation; et,  quoiqu'il  ait  employé  tout  le  premier  livre  à 
établir  ce  résultat ,  mécontent  de  son  propre  travail ,  et  le 
jugeant  trop  succinct,  il  annonce  qu'il  va  traiter  plus  digne- 
ment un  si  vaste  sujet.  Le  voilà  donc  qui  distingue  six  degrés 
de  contemplation  :  le  premier,  simple  apprentissage,  consiste 
dans  la  considération  et  l'admiration  des  objets  corporels 
qui  frappent  .nos  sens.;  le  second  degré  n'est  encore  que 
l'étude  des  productions  de  la  nature  et  de  l'art  ;  le  troisième 
nous  élève  à  l'oi'dre  moral ,  à  la  méditation  des  lois  humaines 
et  divines  ;  le  quatrième  à  la  connaissance  des  substances 
incorporelles  et  in\'isibles,  c'est-à-dire,  de  nos  âmes  et  des 
esprits  angéliques  ;  mais ,  au  cinquième  degré  y  la  raison 
s'élance  au-dessus  d'elle-même  dans  la  région  des  mystères, 
et  c'est  enfin  l'extase  qui  constitue  le  sixième  et  dernier 
degré.  Or  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  toujours  de  l'arche 
de  Moïse  que  l'auteur  tire  tous  les  détails  de  cet  ouvrage.  Il 
avoue  qu'il  a  eu  besoin  de  beaucoup  de  loisir  pour  le  com- 
poser, et  il  ne  disconvient  pas  qu'il  en  faut  beaucoup  aussi 
pour  le  lire.  Ce  traité  a  pour  appendice  une  sorte  de  réca- 
pitulation intitulée  :  Allégories  du  Tabernacle  de  l'Alliance. 
Là ,  pour  montrer  coinment  diffèrent  entre  eux  le  sens  his- 
torique et  le  sens  mystique,  Richard  ftiit  remarquer  qu'il  y 
avait  dans  l'arche  du  bois  et  de  l'or;  le  sens  littéral  est  le 
bois ,  et  c'est  incontestablement  par  l'or  que  le  sens  moral 
est  représenté.  Il  a  paru  une  édition  particulière  de  ce  traité 
en  i494i  i>i-4°7  et  une  autre  in-8°  sans  date  et  sans  indica- 
tion de  ville ,  mais  avant  la  fin  du  XV*-'  siècle, 
p.  216.  VI.  Les  six  livres  de  la  Trinité  sont  annoncés  par  un  pro- 

logue ,  où  l'auteur  montre  combien  la  foi  est  nécessaire ,  et 
comment  elle  est  la  base  de  l'espérance  et  de  la  charité.  Il 
distingue ,  en  commençant  le  premier  livre ,  trois  moyens 
d'acquérir  des  connaissances ,  l'expérience ,  le  raisonnement 
et  la  foi.  A  ses  yeux ,  ce  dernier  moyen  est  le  plus  parfait. 
,  «  Si  vous  ne  cioyez  pas ,  fait-il  dire  à  Isaïe ,  vous  ne  com- 
V  prendrez  point  :  »  Si  non  credideritis ,  non  inteUigetis.  On  lit 

non pernianebitisdans  la  Vulgate,  à  laquelle  les  citations  de 
l'auteur  sont  rarement  conformes.  Il  prétend  que  l'existence 
d'un  seul  dieu  éternel,  tout-puissant,  immense,  ne  saurait 
être  ï'igoureusement  prouvée  ni  par  des  expériences,  ni  par 
des  raisonuemens  :  c  est  la  foi  seule  qui  peut  nous  en  con- 
vaincre. Cependant,  quoiqu'il  ait  si  peu  de  confiance  dans 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  479 

•  les  lumières  de  la  raison ,  il  n'en  va  pas  moins  disserter  sur  ^H  siècle. 
la  double  manière  d'exister  de  toute  éternité ,  de  gemino 
modo  essendi  ah  œterno.  Il  distinguera  l'existence  éternelle 
par  elle-même  de  l'existence  éternelle  émanée  d'un  principe; 
il  rassemblera  tous  les  raisonnemens  qui  peuvent  nous  élever 
à  la  connaissance  de  l'être  souverain ,  éternel  par  sa  propre 
nature,  substance  parfaitement  une,  dont  toutes  les  perfec- 
tions ne  sont  autre  chose  qu'elle-même.  Il  exposera,  dans  le 
second  livre,  les  propriétés  de  la  nature  divine;  et,  lorsqu'il 
parlera  de  la.trinité  dans  le  troisième,  il  établira  que,  sans 
cette  pluralité  de  personnes  coéternelles ,  consubstantielles, 
également  parfaites,  Dieu  ne  serait  ni  souverainement  bon, 
ni  souverainement  heureux.  Il  en  conclura  non  seulement 
qu'il  y  a  trois  personnes  en  Dieu,  mais  qu'il  ne  pouvait  y  en 
avoir  ni  plus  ni  moins  ;  et  il  sera  si  pleinement  satisfait  de 
ses  argumens,  qu'il  ne  craindra  pas  d'assurer  qu'il  faudrait 
avoir  perdu  l'esprit  pour  oser  les  contredire. 

Richard  n'est  pas  si  affirmatif  dans  le  quatrième  livre  de 
cet  ouvrage;  c'est  du  moins  de  la  foi  qu'il  emprunte  la  cer- 
titude des  dogmes  cju'il  y  expose.  «  L'homme,  dit-il,  ne 
conçoit-pas  aisément  qu'il  puisse  y  avoir  plus  d'une  personne 
où  il  n'y  a  qu'une  substance  ;  et  c'est  de  cette  difficulté  que 
sont  nées  les  erreurs  des  IWrétiques  et  des  infidèles.  Le  cin- 
quième livre  traite  des  propriétés  paiticuUères  de  chacune 
des  trois  personnes;  il  s'agit,  dans  le  sixième,  de  la  manière 
dont  procèdent  le  Fils  et  le  Saint-Esprit ,  et  des  raisons  pour 
lesquelles  ces  deux  personnes  sont  ainsi  dénommées.  Chacun 
des  six  livres  a  vingt-cinq  chapitres.  Dans  le  vingt-cinquième 
du  livre  IV,  l'auteur  nous  apprend  que  certains  théologiens 
de  son  siècle  donnaient  des  corps  aux  anges  du  ciel. 

Les  six  livres  de  la  Trinité  ont  pour  appendice  un  opus- 
cule qui  traite  des  attributs  de  chaque  personne,  et  qui  est 
adressé  à  Bernard.  Ce  Bernard  qui  avait  consulté  l'auteur  sur 
des  questions  qui  tenaient  à  cette  matière,  est-il  le  célèbre 
abbé  de  Clairvauxl'  C'est  l'opinion  de  Baronius,  de  Man- 
rique ,  de  Dupin,  et  de  l'éditeur  des  œuvres  de  Richard.  Cette 
hypothèse  nous  parait  soutenable,  mais  nous  devons  avouer 
quil  n'existe  ,  dans  les  œuvres  de  l'abbé  de  Clairvaux,  aucun 
vestige  de  ses  relations  avec  lé  prieur  de  Saint-Victor.  C'est 
sans  doute  en  comptant  l'opuscule  dont  nous  venons  de 
parler,  que  Vincent  de  Beauvais  dit  que  R.ichard  a  composé  Spfnù.  Hist. 
un  traite  de  la  Trinité  en  sept,  livres  :  Vincent  ajoute  cnYe  i!>).xxviii,c. 


48ô  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

xn  SIECLE,    c'est  le  principal  ouvrage  de  Richard  de  Saint- Victor.  Henri  (  I  ) 
Estienne  (père  de  Robert)  en  a  donné  une  édition  particu- 
lière in-4''i  en  i5io.  Il  en  existe  une  autre  de  Nuremberg, 
en  i5i8,  in-8o. 
p.  27a.  VII.  Le  livre  de  Verho  incarnato  est  encore  dédié  à  Ber- 

nard, et  répond  à  une  consultation  nouvelle  adressée  à  l'au- 
teur par  le  même  personnage.  «  Vous  ne  rougissez  pas ,  lui 
dit  Richard  ,  de  fatiguer  mon  incapacité.  3)  Fatuitateni  meani 
fatigare  non  eruhescis.  Ce  traité  de  l'Incarnation  du  verbe 
est  en  même  temps  une  explication  des  versets.  1 1  et  12  du 
chap.  XXI  d'Isaïe.  «  On  me  crie  de  Séir  :  sentinelle ,  qu'avez- 
«  vous  vu  cette  nuit?  sentinelle ,  que  s'est-il  passé  cette  nuit? 
c£  La  sentinelle  répond  :  j'ai  vu  venir  le  matin  et  la  nuit  ;  si 
«  vous  cherchez ,  cherchez  ,  convertissez-vous  ,  et  venez.  » 
L'auteur  découvi'e  la  Trinité  dans  la  tiiple  répétition  du  mot 
sentinelle  ;  et  il  prouve  ensuite  la  nécessité  de  J'incarnatiou 
par  la  prophétie  de  Balaam  ,  par  les  sibylles,  par  l'autel  con- 
sacré au  Dieu  inconnu.  Le  style  de  ce  livre  est  tolérable, 
malgré  l'affectation  des  cOnsonnances  :  nous  y  remarquons 
l'expression  in  desperationis  Charyhdini  incidentes. 
P.  280.  VIII..  Deux  livres  intitulés  de  Emnianuele ,  offrent  un  com- 

mentaire sur  le  texte  d'Isaïe  :  Ecce  Virgo  concipiet.  C'est  un 
traité  polémique  contre  les  Juifs,  qui  refusent  de  reconnaître 
dans  ce  texte  une  prophétie  de  l'incarnation  du  Fils  de  Dieu. 
IX.  Sous  l'étrange  titre  de  Traité  d'extraits,  Tractatus 
excerptionum ,  on  a  réuni  f[uelques  pages  fort  peu  instructives 
sur  l'origine  des  arts ,  et  sur  les  sciences  divines  et  humaines, 
d  inutiles  notions  de  géographie ,  et  un  abrégé  historique  de 
l'Ancien  Testament.  Ces  extraits  se  retrouvent  dans  un  plus 
long  recueil ,  qu'on  a  mal-à-propos  inséré  parmi  les  œuvres 
de  Hugues  de  Saint-Victor,  et  dans  lequel  rien  n'appartient 
non  plus  à  Richard,  selon  Bellarmin  et  Oudin.  Ce  dernier 
est  fort  tenté  de  l'attribuer  à  un  Richard  de  Cluni,  qui  écri- 
vait vers  l'an  1 180  ou  1 190. 
p.  3i3.  X.  Le  traité  de  Potestate  ligandi  et  solvendi  est  beaucoup 

plus  moral  que  dogmatique.  Les  pénitens  et  les  confesseurs 
peuvent  y  puiser  des  instructions  édifrantes ,  mais  peu  mé- 
thodiques ,  et  souvent  interrompues  par  des  digressions 
oiseuses.  Dupin  suppose  que  Richard  discute  ici  la  question 
de  savoir  si  la  puissance  de  lier  et  de  délier ,  conférée  à  saint 
Pieu-e,  est  la  même  que  Jésus-Christ  donne  ailleurs  à  tous 

XII.  S.  p.  728.    ses  apôtres  et  à  leurs  successeurs.  Dupin  ajoute  que  Richard 

/ 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  481 

adopte  sur  cette  matière  le  sentiment  commun  des  scholas-    xii  siècle. 

tiques  du  XII"^  siècle.  On  avait  en  effet  proposé  cette  question 

au  prieur  de  Saint-Victor,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  dans 

les   premières  lignes  de   ce    livre  ;  mais  il  s'abstient  de   la 

traiter ,   de  l'aborder  même ,   et  il  est  fort  à  craindre  que 

Dupin  n'ait  parlé  de  cet  opuscule  sans  l'avoir  lu. 

XI.  De  Plagis,  etc.   «  Des  Fléaux  qui  viendront  à  la  fin       P-  337- 
du  monde.  »  C'est  un  discours  ou  sermon ,  qui  a  pour  texte 

ces  paroles  de  l'Ecclésiaste  :  «  Souviens-toi  de  ton  Créateur 
durant  les  jours  de  ta  jeunesse  »  ,  et  dans  lequel  il  s'agit  des 
signes  qui,  selon  la  prédiction  de  Jésus-Christ,  doivent 
précéder  la  destruction  de  l'univers. 

XII.  Dans  l'opuscule  sur  le  Jugement  final  et  généi'al,  le        P.  3;2. 
but  de  l'auteur  est  de  montrer  comment,  au  dernier  jour, 

les  apôtres  jugeront  en  un  instant,  et  avec  une  extrême  faci- 
lité, tous  les  humains,  découvriront  les  secrets  de  toutes 
les  consciences ,  et  détermineront  la  mesui'e  précise  des 
récompenses  ou  des  peines  que  chacun  aura  méritées. 

XIII.  Comme  le  précédent ,  le  traité  de  l'Esprit  de  blas-        P-  346. 
phême  n'occupe  qu'environ  quatre  pages  dans  la  collection 

des  œuvres  de  Richard.  L'esprit  de  blasphème  n'est-il  autre 
chose  que  le  blasphème  contre  le  Saint-Esprit .?  L'auteur  ne 
décide  point  cette  question  :  mais  il  incline  à  penser  avec 
son  maître  Hugues  de  Saint-Victor  et  avec  saint  Augustin , 
que  la  miséricorde  de  Dieu  étant  infinie,  il  n'y  a  point  de 
péché  irrémissible. 

XIV  et  XV.  Deux  traités  des  Degrés  de  la  charité.  Le  P-  "^^9- 
premier ,  qui  n'a  c|ue  quatre  chapitres ,  est  adressé  à  un  reli- 
gieux nommé  Séverin ,  qui  l'avait  demandé  à  Richard ,  son 
ami.  L'auteur  y  explique ,  d'après  saint  Paul ,  les  caractères 
de  la  charité.  Dans  l'autre  opuscule ,  il  la  met  en  opposition 
ou  plutôt  même  en  parallèle  avec  la  cupidité  :  comme  l'amour 
profane ,  la  charité  a  quatre  degrés  ;  elle  blesse ,  enchaîne , 
fait  languir  et  consume.  Ces  deux  livres  sont  du  nombre  de 
ceux  qu'un  compilateur  du  XIIP  ou  XIV*^  siècle  a  mis  à 
contribution  pour  en  composer  un  traité  de  la  Charité  attri- 
bué à  saint  Rernard. 

X\I    et  XVII.    Deux    sermons,   l'un   pour  le   jour   des        P.  363. 
Rameaux,  l'autre  pour  le  jour  de  Pâques.  Le  premier  est 
intitulé   De  gemino  Paschate ,  «  De   la  double  Pâque ,  la 
Pâque  des  fleurs ,  et  la  Pâque  des  fruits  » .  Le  second  sermon 

Tome  XIII.  Ppp 


482  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

XII  SIECLE,  est  une  paraphrase  de  ces  mots  de  saint  Paul  :  Pascha 
nostntni  ininiolatus  est  Chnstiis. 

P-  370.  XVIII.  Comment  Rloïse  divise- t-il  les  animaux  en  purs  et 

en  impurs,  quand  il  nous  dit  d'ailleurs  que  tous  les  ouvrages 
de  Dieu  parurent  excellens  aux  yeux  de  Dieu  même  ?  Com- 
ment saint  Paul  appelle-t-il  azymes  ceux  qu'il  exhorte  à  se 
purifier  du  vieux  levain  ?  Après  avoir  répondu  à  ces  deux 
questions  qu'on  lui  avait  proposées ,  Richard  en  élève  trois 
autres  du  même  genre,  et  les  résout,  comme  les  deux  pre- 
mières ,  par  des  allégories  morales.  Les  éditeurs ,  persuadés 
que  c'est  à  saint  Bernard  que  s'adresse  ici  le  prieur  de  saint 
Victor,  ne  craignent  pas  d'ajouter  à  l'intitulé  même  du  livre 
le  nom  de  l'abbé  de  Clairvaux;  conjecture  un  peu  bazardée, 
quoique  soutenue  encore  par  Baronius  et  par  Manrique. 

p.  375.  Le   XIX*^  article  n'occupe  qu'une  partie  de  la  page  Syô 

de  l'édition  qui  nous  guide.  L'auteur  y  -examine  comment 
le  Saint-Esprit  est  l'amour  du  Père  et  9u  Fils,  et  pourquoi 
l'on  doit  dire  que  le  Père  aime  le  Fils  par  le  Saint-Esprit, 
tandis  qu'on  ne  dirait  pas,  selon  Richard,  que  le  Père  est 
sage  par  le  Verbe.  Nous  observerons  ici  cju'on  a  dit  plus 
d'une  fois,  et  qu'on  dit  encore  que  le  Fils  est  la  sagesse  du 
Père,  sapientia  Patiis. 

p.  376.  XX.  Suivent  deux  pages  sur  la  différence  du  péché  mortel 

au  véniel.  Un  homme  meurt  coupable  de  deux  péchés,  l'un 
du  premier  genre,  l'autre  du  second  :  on  convient  qu'il  sera 
éternellement  damné  pour  le  premier,  la  question  est  de 
savoir  s'il  souffrira  pour  l'autre  quelque  surcroît  de  châti- 
ment. Au  lieu  d'énoncer  sur  ce  point  une  opinion  précise, 
Richard  commente  ces  paroles  de  1  Ecclésiastique  :  Eleemo- 
syna  patris  non  erit  in  ohlwione ,  nani  pro  peccato  matris 
rcstituetur  tihi  honuiii.  Il  a  été  publié  à  Paris  des  éditions 
particulières  de  ce  vingtième  article  et  du  dixième,  en  lôaô, 
in-12;  en  1628;  in-8°,  en  i534,  in-12;  en  i543,  in-i6. 

P-  377-  XXI.  Du  très-excellent  Baptême  de  Jésus-C^irist.  L'auteur, 

engagé  par  un  de  ses  parens  à  écrire  sur  ce  sujet,  avoue 
qu'il  se  sent  peu  capable  de  le  traiter.  Aussi  en  sort-il  le  plus 
qu'il  peut;  et  cet  opuscule  de  quatre  pages  est  rempli  de 
digressions  sur  l'immensité  de  Dieu,  sur  fincarnation ,  sur 
le  Saint-Esprit,  sur  les  effets  du  baptême.  Ce  que  l'auteur 
recherche  le  plus  attentivement ,  c'est  de  savoir  pourquoi  le 
Saint-Esprit  s'est  transformé  en  colombe  plutôt  qu'en  tout 
autre  oiseau.  Or  ce  choix  est  venu  de  ce  que  la  colombe  était 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  483 

le  plus  sensible  et   le  plus  juste  emblème  de  l'union  des    xil  SIECLE, 
cœurs  et  de  l  unité  de  la  foi. 

L'art.  XXII  est  un  sermon  sur  le  Saint- Esprit, sans  doute       p.  38o. 
pour  le  jour  de  la  Pentecôte. 

Dans  l'art.  XXIII ,  qui  n'a  qu'une  demi-page  ,  Je'sus-Christ       P-  385. 
est  comparé  à  la  fleur,  et  Marie  à  la  branche:  c'est  un  tissu 
d'antithèses  d'assez  mauvais  goi^it. 

XXIV.  Explication  de  ces  mots  d'Isaïe  :  Rodix  Jesse  stat       P-  38;. 
in  signuin  populorum.  Richard  montre  que  le  prophète  an- 
nonce Jésus-Christ  élevé  sur  la  croix ,  appelant  et  réunissant 

les  deux  peuples,  c'est-à-dire,  les  Juifs  et  les  Gentils. 

XXV.  Sermon   où    Richard    explique    aux   religieux   de        P-  3i>9- 
Saint -Victor  en  quoi  le  sacrifice  de  David  diffère  de  celui 
d'Abraham.  Il  faut  noter  qu'il  ne  s'agit  point  en  ce  discours 

du  sacrifice  dont  Isaac  devait  être  la  victime ,  mais  de  celui 
qu'au  chapitre  XV  de  \A  Genèse ,  v.  8  et  9 ,  Dieu  prescrit  en 
ces  termes  au  père  des  croyans  :  «  Prenez  une  vache  de  trois 
ans ,  une  chèvre  et  un  bélier  de  ce  même  âge ,  une  tourterelle 
et  une  colombe.  Presque  tout  le  discours  consiste  en  expli- 
cations allégoriques  de  ce  texte  et  des  paroles  de  David  au 
verset  i4  du  psaume  65  :  Holocausta  medallata  offerani  tihi 
cum  incenso  arietum ,  offerain  tihi  boves  cuni  hircis. 

XXVI.  Autre  discours  non  moins  mystique  sur  les  dif-        P-  "Con- 
férences  qui   sont   à   i^emarquer   entre    le    même    sacrifice 
d'Abraham   et  celui   de  la  Vierge  Marie  ,  lorsqu'elle  offrit 

deux  tourterelles  et  deux  colombes  nouvellement  écloses. 

Ici  se  termine,  dans  l'édition  de  Jean  de  Toulouse,  la 
première  partie  des  œuvres  de  Richard  de  Saint-Victor  :  la 
seconde  partie  se  compose  des  six  articles  dont  il  nous  reste 
à  rendre  compte. 

XXVII.  Explication  du  Tabernacle  de  l'alliance  (imprimée,        P-  ^°^- 
a  part ,  à  Paris  en  1 5  f  i  et  1 54o  ,  à  Venise  en  1 5()o  ).  On  sait 

assez,  par  ce  qui  précède,  que  les  explications  de  Richard 
consistent  en  imaginations  tropologiques.  Il  déclare  au  sur- 
plus ,  dans  le  prologue  de  ce  traité ,  qu'il  ne  s'occupera  point 
du  sens  littéral ,  qu'il  recherchera  le  sens  mystique  de  chaque 
détail  du  tabernacle,  et  qu'il  s'efforcera  même  de  trouver 
des  interprétations  qui  aient  échappé  aux  pèi'es  de  l'église 
et  aux  docteurs  des  siècles  précédens.  L'ouvrage  est  divisé 
en  trois  livres  :  il  s'agit,  dans  le  premier,  de  la  construction 
du  tabernacle  ;  dans  le  second  ,  du  temp'e  de  Salomon  ;  dans 
le  troisième,  de  la  chronologie  des  rois  de  Juda  et  d'Israël. 

Ppp2 


484  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

XTi  SIECLE.  Cp  dernier  livre  est  encore  adressé,  sinon  par  l'auteur,  du 
moins  par  les  éditeurs,  à  TaSbé  de  Clairvaux.  11  n'y  a  point 
de  mysticité  dans  cette  troisième  partie  :  l'auteur  y  concilie 
avec  un  soin  scrupuleux,  et  non  sans  quelque  sagacité,  des 
dates  contradictoires  en  apparence  :  il  montre  tjue  ces  diffi- 


cultés   proviennent  tantôt  de  la  négligence   des    copistes  : 

du  double  emploi  d'une  même  année,  compté 
la  dernière  d'un  règne  et  comme  la  première  du  suivant  ; 


quelquefois  aussi  du  couronnement  de  certains  rois  avant  la 
mort  de  leurs  pères,  et,  par  conséquent,  de  la  coexistence 
de  deux  monarques  sur  le  même  trône  durant  plusieurs  an- 
nées. L'auteur  a  joint  à  ce  traité  deux  tables  chronologiques, 
l'une  en  quatre  colonnes ,  et  l'autre  eu  cinq. 

r.  4^5.  XX^'III.  Remarques  purement  mysticjues  sur  les  psaumes 

de  David.  Le  psaïune  28,  ."ifferte  Domino,  Jîlii  Del,  etc. ,  est  le 
seul  qui  soit  expliqué  tout  entier.  Richard  extrait  des  autres 
plusieurs  versets  qu'il  commente  à  sa  manière.  Un  vers  fort 
connu,  Gutta  caK>at  lapidein  non  -vi  sed  sœpè  cadendo ,  se 
rencontre  dans  cet  ouvrage ,  et  n'y  est  point  distingué  de  la 
prose. 

P-  489.  XXIX.  Explication  du  Cantique  des  canticjues.  Cet  ouvrage 

comprend  cjuarante-deux  chapitres  ou  sermons  fort  infé- 
rieurs à  ceux  de  saint  Bernard  sur  le  même  sujet,  et  préfé- 
rables néanmoins  à  plusieurs  autres  ouvrages  de  Richard.  II 
y  est  plus  sobre  qu'ailleurs  d'interprétations  allégoriques  ,  et 
il  y  donne  à  ses  auditeurs  d'utiles  instructions  morales  ,  sou- 
vent empruntées  de  saint  Grégoire-le-Grand. 

r.  5^6.  XXX.    Explication  littérale  des  animaux,  des  roues,  des 

édifices  décrits  dans  la  vision  d'Ezéchiel.  Richard  fait  ici  peu 
d'usage  de  son  talent  pour  l'allégorie  :  il  s'attache  à  la  lettre, 
au  sens  immédiat.  Ce  livre  suppose  quelque  connaissance  de 
géométrie  et  d'architecture.  L'auteur  y  a  même  joint  des 
plans  c]ui  rendent  ses  explications  plus  sensibles. 

T'  58i.  XXXI.  Explication  de  certains  passages  de  l'apôtre  saint 

Paul  ;  par  exemple  :  Lex  quidem  sancta  est. — Lex  iram  operar- 
tuv.  —  Factures  legis  justificabuntur. —  Omnia  mihi  licent , 
etc.  Nous  ne  saurions  assurer  que  Richard  ait  toujours  par- 
faitement éclairci  des  textes  si  difficiles  :  mais  sa  théologie 
est  orthodoxe,  et  c'est  un  mérite  cju'il  n'est  point  aisé  de 
conserver  en  traitant  de  pareilles  matières.  On  a  deux  édi- 
tions particulières  de  cet  ouvrage  ,  l'une  de  Venise  en  1 692  , 
l'autre  de  Rouen  en  i5o6,  toutes  deux  in-folio. 


p.  589. 


RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  485 

XXXII.  Un  commentaire  sur  l'Apocalypse,  commentaire  ^ï^  SIECLE, 
imprimé  à  part  à  Loiivain ,  en  1 543 ,  in-4°  1  achève  et  cou- 
ronne les  œuvres  de  Richard  de  Saint-Victor.  Cette  explica- 
tion ,  que  l'auteur  désigne  comme  un  opuscule ,  schedulann 
illani ,  remplit  cent  pages  in-folio  ,  et  se  divise  en  sept  livres, 
dont  chacun  explique  une  vision.  Nous  n'entreprenons 
aucune  analyse  de  cette  paraphrase  mystique  du  plus  impé- 
nétrable de  nos  livres  sacrés. 

L'ordre  cpie  nous  venons  de  suivre  en  parcourant ,  dans 
ré(iition  de  i65o ,  les  divers  écrits  de  Richard  ,  n'est  ni  chro- 
nologique, ni  systématique;  il  est  arbitraire  et  tort  confus. 
On  pourrait,  plus  méthodiquement,  diviser  toutes  ces 
œuvres  en  quatre  classes  :  i"^  Commentaires  sur  diverses 
piirties  de  la  Bible  ;  2°  Traités  de  Morale  mystique  ;  3°  Traités 
sur  les  Dogmes  ;  4°  Sermons  et  Extraits. 

fea  première  division  comprenck'ait  onze  articles,  savoir, 
ceux  que  nous  avons  indiqués  sous  les  numéros  4  i  5,  27, 
28,  29,  8,  24 ,  3o,  3i ,  32  et  18  ;  et  qui,  disposés  dans  ce 
nouvel  ordre ,  offriraient  successivement  des  commentaires 
sur  la  Genèse ,  sur  les  livres  des  Rois ,  sur  les  Psaumes ,  sur 
le  Cantique  des  cantiques,  sur  Isaïe,  Ezéchiel,  Daniel,  sur 
saijit  Paul  et  l'Apocalypse.  L'art.  18  ,  qui  deviendrait  le 
onzième ,  explique  ,  comme  nous  l'avons  vu  ,  des  tt>xtes  diffi- 
ciles pris  en  divers  livres  de  la  Bible.  Cette  disposition  au- 
rait d'ailleurs  l'avantage  de  placer  à  la  tête  des  écrits  de 
Richard  ceux  cru'il  paraît  avoir  composés  avant  tous  les 
autres,  savoir,  le  Benjamin  miiior  et  le  Benjamin  major. 

La  seconde  classe,  celle  des  traités  de  Morale  mystique, 
renfermerait  les  neuf  articles  ci-dessus  numérotés,  i,  2,3, 
i4i  i5,  16,  i3,  25  et  26;  c'est-à-dire,  le  traité  sur  l'Extir- 
pation du  mal  et  la  propagation  du  bien  ;  les  deux  traités  de 
l'Homme  intérieur ,  les  deux  opuscules  sur  la  Charité ,  ceux 
qui  concernent  le  Baptême  et  la  Pénitence,  et  ceux  qui  atta- 
cnent  des  significations  morales  aux  sacrifices  d'Abraham, 
de  David  et  de  la  Sainte-Vierge. 

A  la  classe  dogmatique  appartiendraient  les  traités  de  la 
Trinité,  de  l'Incarnation  et  du  Saint-Esprit,  aussi  bien  que 
les  quatre  opuscules  qui  se  rencontrent  dans  l'édition  de  i65o, 
sous  les  numéros  23,  20,  12  et  i3  :  opuscules  qui  sans 
doute  mêlent  à  l'exposition  des  dogmes  beaucoup  de  consi- 
dérations morales  ou  mystiques,  mais  qu'on  peut  néanmoins 
distinguer  de  ceux  qui  sont  plus  essentiellement  moraux. 


48(3  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

MT  SIECLE.  La  quatrième  classe  ne  contiendrait  que  les  sermons  pour 
le  jour  fies  Rameaux ,  pour  Pâques ,  pour  la  Pentecôte ,  et 
sur  la  fin  du  monde.  On  y  joindrait  le  livre  d'extraits  ou 
mélanges,  que  nous  avons  indiqué  ci-dessus  sous  le  n^  9; 
et  ce  livre,  dont  l'authenticité  n'est  pas  très- certaine ,  fer- 
merait la  collection  des  œuvres  du  prieur  de  Saint -Victor. 

Aucune  des  éditions  des    œuvres  de   Richard    de    Saint- 
Victor  ne  renferme  deux  lettres  qu'il  a  écrites  ,  l'une  en  1 145 
à  Robert  de  Melun ,  l'autre  en  1 169  au  pape  Alexandre  III, 
et  qui  ont  été  publiées  dans  le  Recueil  des  epîties  de  Thomas 
Liv.  I ,  ep.  BecKet.  Ces  deux  lettres  concernent  en  effet  ce  prélat  :  dans 
'/'^  '  P"  ^^^^'  la  première,  Richard  adresse  de  vifs  reproches  à  Robert, 
p.  460.'  '  son   ancien    ami  ,  qui  ,   devenu   évêque   d'Herford  ,   s'était 

déclaré  contre  l'archevêque  de  Cantorbéry.  Dans  la  seconde, 
la  cause  de  Thomas  est  fortement  recommandée  au  souve- 
rain pontife.  La  lettre  à  Robert  est  signée  de  Richard  etide 
l'abbé  de  Saint-Victor  ;  celle  au  pape  est  de  Richard  et  d'un 
ancien  abbé  de  Saint- Augustin  de  Cantorbéry ,  dont  le  nom 
n'est  désigné  que  par  l'initiale  R. 

§  HI. 
SES  OUVRAGES  MANUSCRITS. 

De    Scripf.       Trithème ,  dans  une  longue  liste  des  écrits  de  Richard  de 
Eccl.  c.  375.       Saint-Victor ,  encite  quelques-uns  qui  ne  se  retrouvent  pas, 
du  moins  avec  les  mêmes  titres,  dans  l'édition  de  i65o,  ni 
dans   les  précédentes.  —  De  Studio  sapientiœ.  —  De  Pro- 
fectu  nionachoruni.  —  De   Oratione  mentali.  —  De   OJJîciis 
Ecclesiœ. — De  quatuor  P  eiitis.  —  De  Actibus  apostoloruni. 
— De  Novitate  vitœ.  —  Epitome  totius  Bibliœ. — On  remar- 
quera que  la  plupart  de  ces  titres  seraient  applicjuables  à 
certains  morceaux  ou  fragmens  des  œuvres  imprimées  de 
Richard  ;  il  est  fort  vraisemblable  que  Trithème  a  donné  ces 
indications  d'après  des  manuscrits  qui  ne  contenaient  que 
de  simples  extraits  des  traités  du  prieur  de  Saint- Victor  ;  et 
l'on  peut  étendre  cette  conjecture  à  d'autres  manuscrits ,  soit 
de  la  bibliothèque  Ambrosienne  ,  soit  de  la  Belgique  ,  in- 
Blbl.   BiLl.  diqués  par  Montfaucon  et  par  Sanderus. 
t.  i,p.  ^.23.  Montfaucon  trouve,  dans  la  bibliothèque  Ambrosienne, 

deux  traités  de  Richard  de  Saint-Victor,  nititulés  :  De  Lau- 
clibus  beatœ  Mariœ.  —  Incendium  divini  amoris.  Peut-être  ce 


Ajipar. 

Sac. 

f.   II,   p. 

322, 

327. 

De    Script. 

Eccles.  c. 

25. 

BiLI. 

s.  p. 

2(-)5. 

Bibl.rass 

-Belg. 

Purt.  I,  p 

•  9*- 

67,   112, 

ï'T^ 

223, 245, 

,254, 

325. 

RICHARD  DE  SAINT-VICTOR.  487 

dernier  article    n'est- il  que    le    Stimulus  dmni  amoris  de    5:ii  SIECLK. 

saint  Bonaveiituie ;  il  pourrait  bien  aussi  n'être  pas  distinct 

de  l'opuscule  indiqué  ci-dessus  sous  le  n°  1 5.  Montfuucon      jbid.   t.   i . 

trouve  encore,  parmi 'les  manuscrits  de  la  reine  Christine,  P  16. 

Jîichardi  SEcvisDi  caiiojiici  à  S.  f^'ictore  liber  pœnitentialis , 

livre  qui  serait  à  confronter  avec  les  numéros  10  et  20  du 

recueil  des  œuvres  de  notre  auteur.  Mais  le  mol  secundi  nons 

doiuiera  lieu  d'observer  qu'on  a  quelquefois  distingué  deux 

Richard   de  Saint-Victor,  savoir,  celui  dont  nous  parlons 

ici,  et  un  autre  qui  vivait,  dit-on,  vers  l'an  1242,  et  que 

Possevin  désigne  comme  l'auteur  de  quelques  écrits  attribués 

ailleurs  au  premier  par  Possevin  lui-même.  Cette  distinction 

de  deux  Richard  est ,  selon  toute  apparence ,  une  mépzise 

à  laquelle  Henri  de  Gand  et  Sixte  de  Sienne  ont  donné  lieu, 

en  omettant,  dans  larticle  de  Richard  de  Saint-Victor ,  sa 

qualité  d'écossais. 

Sandeius  cite  les  manuscrits  suivans  comme  autant  d'ou- 
vrages de  Richard  de  Saint-Victor  : 
De  Canone.—Sumina  de  Vivtutibus. 
De  Studio  sapientiœ. — De  septeni  Generlhus  tentationuni. 
Tractât  us  ad  Novitios. 

2'ractatus  de  Donio  corporis  nostri  spirituali. 
Sennones  octodecim  in  aliquot  seiitentias  sacrœ  Scripturœ. 
Sermones  vcl  tractatus  sex  in  Psalmos  et  alia  Scripturœ 
loca. 

Sermones  super  Ei'angelia. 

Sermones   duo   in    t'crha   Matthœi  :   Toile    puerum    et 
niatrem. 

Sermones  dominicales.  —  Sermones  dominicales  per  totwn 
annum.  —  Aliquot  Sermones. 
De  Passione  Dondni. 

Enfin,  dans  le  catalogue  des  manuscrits  d'Angleterre,  on       Caïai. 
rencontre  trois  articles  qui  portent  le  nom  de  Richard  de  ^"S-  ^-  ^  '  "• 
Saint-Victor  ,  savoir  :  Sermones.  —  Tractatus  de  Fide.  —  g^g^'        ''^  ' 
Glossa  interlinearis  in  Matthœum  et  Marcum.  Nous  n'avons 
aucun  moyen  de  vérifier  l'authenticité  de  ces  ])roductions. 

«  Richard  est  fort  subtil,  dit  Dupin ,  il  raisonne  avec  jus-      xir  siècle, 
«  tesse ,  avec  méthode ,  en  bon  dialecticien  :  ses  traités  de  P'  '*9- 
«  critique  sont  assez  exacts  pour  son  temps  ;  il  n'est  pas  fort 
«  élevé  dans  ses  expressions  ;  et  c'est  ce  qui   fait  que  ses 
«  livres  de  spiritualité,  quoique  pleins  de  bons  scntimens, 
«  n'ont  pas  toute  la  grandeur  ni  toute  la  force  qu'on  pourrait 


mss. 


"488  RICHARD  DE  SAINT-VICTOR. 

xn  SIECLE,  (c  souhaiter,  j)  Nous  devons  avouer  que  nous  n'avons  trouve^ 
dans  les  œuvres  de  Richard ,  ni  tant  de  dialectique ,  ni  si 
peu  d'élévation.  Ses  pensées  bien  plus  recherchées  que  justes, 
ses  allégories  plus  spirituelles  que  'raisonnables  ,  commu- 
niquent presque  toujours  leurs  propres  caractères  à  son 
style.  Richard  ne  manque  ni  d'idées ,  ni  d'imagination ,  ni 
même  de  sensibilité;  et  si  en  effet  on  ne  lit  plus  ses  ouvrages, 
c'est  par  ce  qu'ils  sont  écrits  sans  méthode ,  sans  critique , 
sans  logique  et  sans  goût.  Il  s'en  faut  bien  d'ailleurs  que  sa 
diction  soit  aussi  familière  que  Dupin  le  suppose  ;  on  aurait 
plutôt  le  droit  de  dire  qu'elle  ne  l'est  point  assez  :  souvent 
métaphorique,  plus  souvent  antithétique,  elle  suppose  et 
laisse  voir  beaucoup  de  travail.  Les  consonnances  dont  elle 
aboncle  ne  sont  point  du  tout  des  négligences ,  mais  de  pré- 
tendus ornemens  c[ui  ont  exigé  des  soins  continuels  et  même 
des  efforts.  Car  l'auteur  semble  s'être  prescrit  pour  règle 
constante  de  partager  presque  toutes  ses  phrases  en  deux 
sortes  d'hémistiches  rimes.  C  est  ce  qu'on  va  reconnaître  dans 
les  lignes  suivantes,  que  nous  rencontrons  à  l'ouverture  du 
volume ,  pages  2y4  ^t  2.n5 ,  et  par  lesquelles  nous  termine- 
rons cet  article. 

Ciim  contra  viandatum  dwinum  aliquid  prœsunùXMv  ^  per 
-contttmaciam  contra  majestatetn  agitww 

Sed  cuni  majestatem  lœsmn  propitiare  volumn?,  ,  ad  ejus 
inisericordiam  recurrànus. 

Recurrimus  ad  ejiis  Z'oraitatem ,  imb  et  ad  ejus  veii\.SLX.çm. 

Nam  venia  pœnitentibus  promissa  est ,  ab  eo  qui  mentiri 
omninb  non  potest. 

Sic  transiet  nox  ut  iterîun  redeat^sic  rediet  dies  ut  iterùm 
recédai. 

Mane  ne  lahorantes  déficient ,  nox  ne  incauti  fvxwX.. 

Illud  utiquè  ad  medeldioi ,  istud  autem  ad  cautelam. 

D. 


XTI  SIÈCLE. 


AMAURI    I". 

ROI  DE  JÉRUSALEM. 

1^  OU  rou  ES,  dit  le  Jeune,  roi  de  Je'rusalem,  depuis  l'an  i  i3r     Jacq.deVitrf, 
iusqu'à  l'an   1 1 44  i  laissa  en  mourant  deux  lils  qui  régne-  p- 9^,  etCuiii. 

i  -       1  ■  T3        I    •       TIT      1^  J      deTyr,  1.  XIX. 

rent  successivement  :  le  premier,  rJaucioin  111;  le  second,  q.^.,„  j^^- 
Amauri  P"".  Celui-ci  monta  sur  le  trône  au  mois  de  février  /"ra/zcov.p.  956 
1162,  après  la  mort  de  son  frère,  décédé  sans  enfans.  et  me. 

Bongars  nous  a  conservé,  dans  le  premier  tome  de  ses  P.  nySetsuir. 
Historiens  de  la  Terre-Sainte ,  six  lettres  d'Amauri  à  Louis- 
le-Jeune,  réimprimées  ensuite  dans  le  Recueil  de  Duchesne    T.  iv,p.  689 
et  dans  la  nouvelle  Collection  des  historiens  de  France.  Dans  ^'  ^"'^yj 
la  première,  elle  est  de  1162,  après  lui  avoir  d'abord  parlé  36,37,  îg.'sg! 
du  malheur  que  les  chrétiens  venaient  d'éprouver,  de  voir  7961157. 
le  prince  d'Antioche  (c'était  Renaud  de  Châtillon )  vaincu 
par  les  Sarrasins  et  conduit  par  eux  en  captivité ,  après  avoir 
ensuite  retracé  tous  les  maux  que  venait  de  causer  un  hor- 
rible tremblement  de  terre,  il  ajoute  que  la  mort  de  Baudoin 
a  fait  monter  à  son  comble  la  désolation  et  l'infortune.  Il 
célèbre  ce  roi  comme  l'appui  de  l'église  d'Orient  :  Ecclesice 
orientaUs ,   post  Deum ,   clypeus   et  fortitudo ,  et  prœcipue 
regni  Jérusalem  unica  et  irrefragahilis  spes  et  fiducia  salu- 
taris.  Il  implore  Louis-le-Jeune  avec  autant  d'ardaur  que 
d'humilité  :  Vestrce   majestati ,   lui  dit-il,   tanquani  linea- 
nienta  de  capite  pendentia ,  inclinantes.  Il  l'invite,  si  son 
projet  est  de  revenir  dans  les  lieux  saints  ,  à  ne  pas  différer 
un  voyage    que  les  circonstances  actuelles  rendraient  plus 
utile  encore.  Cette  lettre  est  la  quatrième  de  celles  qui  sont 
imprimées  dans  le  Gesta  Dei  pev  Franco  s.  La  neuvième,  qui  P.  1173611174. 
est  la  seconde  d'Amauri,  semble  antérieure,  puisqu'elle  fait      p    1176. — 
craindre  les  entreprises  des  Turcs  et  celles  des  Grecs ,  de  ^"^''pP", ^9^" 
l'empereur  de  Constantinople ,  contre  Antioche  et  les  chré-  de  Fr.  t.  xvi 
tiens  réunis  en  Orient.  Elle  peut  être  aussi  néanmoins  de  p-  39. 
l'année  1 162. 

La  troisième   est   la  treizième  de    celles  que  Bongars  a       p.  1178 

recueillies.  Elle  aurait  pu  encore  être  placée  avant  la  première  ^"^'^p''',  ^^'î- 
dans  l'ordre  des  événemens  et  des  idées.  Amauri  l'écrit  au  ^g  f ^  „_  l^ 
moment  oii  il  vient  de  perdre  son  frère  Baudoin.  Il  y  notifie 

Tome  XIII.  «Q  q  q 


4f)o        AMAURI  F%  ROI  DE  JÉRUSALEM. 

xn  Sir.CLE.    son  avènement  au  trône  ;  d'ailleurs ,  il  y  parle  encore  de  la 

défaite  du  prince  dAntioche ,  du  tremblement  de  terre ,  et 

du  désir  qu'il  a  de  voir  Louis-le-Jeune  revenir  en  Orient. 

Cette  lettrée  est  du  lo  avril  i  i6a. 

P.   ii7y  et       La   quatrième   et  la    cinquième    sont  la   seizième   et   la 

p.6Q6et6gS.—  >'ing't-wnieme  dans  le    Gestn  Dei  per  Francos.  La  première 

]V.  C.  des  H.  (le  dcs  deux  cst  du  1 2  janvier  i  i64i  et  If»  seconde  de  l'année  1 1 ya. 

Fr.p.79eti57.  Amauri ,  dans  l'une  et  dans  l'autre,  réclame  de  nouveau  l'ap- 

fmi  du  roi  français  :  l'Orient  a  les  yeux  tournés  sur  lui;  c'est 
ui  qui  doit  venger  les  chrétiens  et  mettre  un  terme  à  leurs 
maux. 
La23''deBon-       La  sixième  est  de   ii63.  Amauri  y  annonce  à  Louis-Ie- 
— D  '  h   *r^^    Jeune  quelques  succès  obtenus  sur  les  IMusulmans  en  Egypte; 
— N.  c.desH.  le  siège  formé  de  Belbeïs,  et  l'obstacle  qu'a  mis  à  la  prise 
de  Fr.  p.  5y.      de  ccttc  vilIc  Une  inondation  subite  des  eaux  du  Nil ,  dont 
les  écluses  avaient  été  lâchées  par  l'ordre  du  général  ennemi. 
Nous  avons  pareillement  deux  lettres  d"  imauri  à  Henri 
de  France,  frère  de  Louis  VII  et  arclievêque  de  Reims.  Mar- 
tène  leur  a  donné  place  parmi  celles  d'Alexandre  III ,  dans  le 
?.  SoSetgoG.    second  volume  de  son  amplissirae  Collection,  et  elles  ont 
P.  i87etiç,s.    été  aussi  imprimées  dans  le  seizième  tome  de  la  nouvelle 
Collection  des  historiens  de  France.  Une  subvention  pour  la 
Terre-Sainte  est  l'objet  de  la  première ,  qui  doit  être  cle  1 169. 
Le  roi  de  Jérusalem  y  loue  d'abord  la  générosité  naturelle 
du  prélat,  son  intérêt  pour  les  malheureux;  il  y  fait  le  tableau 
des  maux  que  souffrent  les  chrétiens  en  Orient,  et  de  tous 
les  dangers   auxquels  ils   sont   exposés ,  de  leur  entrée  en 
Egypte,  des  premiers  succès  qui  la  signalèrent,  des  craintes 
qu'en  éprouva  le  souverain  du  pays  et  des  tributs  qu'il  avait 
offerts  pour   obtenir  que  leurs   armées  s'éloignassent,  du 
refus  d'accepter  les  conditions  proposées ,  des  revers  qui  sui- 
virent les  premiers  succès.  Le  roi  songea  alors  à  députer  en 
Europe  quelques  prélats  distingués  et  des  religieux  de  l'ordre 
du  Temple  et  de  celui  des  Hospitaliers  ;  mais  une  affreuse 
tempête  les  assaillit  presque  au  sortir  du  port;  leur  vaisseau 
fut  brisé  ;  tout  ce  qu'ils  avaient  devint  la  proie  des  flots ,  et 
à  peine  purent-ils  se  sauver  eux-mêmes,  tout  nus,  sur  le 
rivage.  Il  en  envoie  d'autres  à  la  place  des  premiers ,  et  sol- 
licite   par   eux  les  secours    les    plus   prompts   et   les  plus 
étendus. 

La  seconde  lettre  d' Amauri  à  l'archevêque  de  Reims  est 
postérieure  de  quelques  années;  elle  fut  écrite  en  11 74-  Son 


AMAURI  I",  ROI  DE  JERUSALEM.         491 

objet  principal  est  le  rétablissement  de  la  paix  entre  le  roi    xn  SIF01.E. 
d'Angleterre  et  ses  fils;  ce  roi  d'Angleterre  était  Henri  II.  Le   '  ~ 

roi  de  Jérusalem  insiste  sur  les  maux  cjue  font  à  la  cause 
de  Dieu  ces  inimitiés  entre  des  princes  qui  doivent  con- 
courir à  la  défendre ,  sur  l'avantage  qu'en  retirent  les 
ennemis  de  la  croix.  Il  annonce  ciu'il  envoie  à  l'archevêque 
de  Reims  des  personnes  vénérables  sous  tous  les  rapports , 
pour  être  auprès  de  lui  les  organes  de  ses  vœux ,  et  ajouter 
il  ce  qu'il  lui  écrit  ce  que  des  lettres  ne  peuvent  pas  toujours 
dire  ou  développer.  , 

Amauri  mourut,  n'ayant  encore  que  trente- huit  ans,  le 
II  juillet   1173.  Cette  date  est  certaine,  quoique  quelques 
chroniques,  celle  de  Saint-Florent  de  Saumur  en  paiticu-      Mart.Anecd. 
lier,  aient  placé  sa  mort  en  1171:  d'autres  l'ont  mise  en  1 1 74 ,  ,382  ■  et  Amp? 
et  d'autres  encore,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  la  chro-  Coii.  t.  v,  p. 
nique  d'Anjou,  en  1 17g.  "^^• 

Sans  avoir  cultivé  les  lettres,  il  fournit  à  ceux  qui  les 
aimaient  des  moyens  de  se  livrer  à  leur  culture ,  et  de  pro- 
duire d'utiles   travaux.   Guillaume  de   Tyr  l'avait  éprouvé      P-  626 ,  du 
lui-même,  et  il  le  rappelle  dans  sa  préface.  Ce  fut  Amauri  ^  -^"^^o'^gars, 
qui  l'excita,  comme  nous  le  dirons  avec  plus  de  détails  dans 
la  vie  de  cet  historien,  à  composer  ses  principaux  ouvrages, 
l'Histoire  des  princes  orientaux  depuis  Mahomet,  et  celle 
de  la  Guerre  sainte  des   chrétiens.  Bongars  s'étonne  avec      P.  so  Je  su 
raison  qu'au  milieu  d'une  profonde  barbarie,  entre  le  bruit  ^''■'-'^■ 
des  clairons  et  des  armes,  parmi  tant  de  dangers  sans  cesse 
renaissans ,  Amauri  ait  cherché  et  recueilli  des   livres,  et 
qu'il  les  ait  fournis  aux  hommes  en  état  d'en  taire  usage  : 
il  faisait ,  pentlant  et  malgré  la  guerre ,  ce  que  tant  d'autres 
princes  négligent ,  même  pendant  les  douceurs  de  la  paix. 

P. 


Qqq2 


«V^^«>«'%iW^^^'^^'^^«>V^V^/».V^^%-V^X^^V^'^«''V^^^%i«.^^V^.'V«W^V^^%^ 


Xîl  SIECLE. 

HUGUES  DE  FOUILLOI, 

PRIEUR  DE  SAINT-LAURENT  DE  HEILLI. 


RECHERCHES   SUR   SA  VIE. 

M.ii)iii.  Ann.  |\|  qus  sommes  presque  entièrement  redevables  aux  recher- 

Igo   '^  ^-'^^^  ^^^  savant  Mabillon  du  peu  que  nous  savons  touchant 

la  vie  de  Hugues  de  Fouilloi ,  qui ,  de  son  temps ,  eut  quelque 

célébrité,  et  dont  les  écrits,  à  cause  de  l'identité  de  nom  avec 

Hugues  de  Saint-Victor,  et  de  quelque  analogie  dans  leur 

manière  d'écrire,  ont  été  attribués  à  ce  dernier.  Les  critiques 

modernes ,  avant  D.  Mabillon ,  n'ont  connu  cet  auteur  que 

très-imparfaitement,  ou  sont  tombés  dans  de  grandes  erreurs. 

Gabriel  Pcnnotus  le  fait  chanoine  régulier  de  Cordoue  en 

*  Espagne  ;  Ciaconius  le  dit  moine  de  Saint-Pierre  de  CoiAvei 

De  Script,  en  Saxe,  et  en  fait  un  cardinal;  Oudin  a  essayé  de  prouver 

Eccles.  t.  Il,]),  qu'il  était  moine  bénédictin;  ceux  qui  le  font  chanoine  ou 

'*""■  moine  de  Saint-Pierre  de  Corbie,  ont  presque  rencontré  la 

vérité.  Nous  verrons  qu'il  était  réellement  chanoine  régulier, 

et  qu'il  ne  fut  jamais  cardinal. 

Le  surnom  sous  lequel  Hugues  est  connu  lui  vient  du 

lieu  de  sa  naissance ,  nommé  en  latin  Folietum ,  FolUacum , 

Folleium.  C'est  un  bourg  près  de  Corbie,  qui  peut  passer 

La  Morl.  lib.   pour  uu  fiuibourg.  Peut-être  sa  famille  tenait-elle  ce  bourg 

^\^'Vi^l°i'     .    en  fief  de  l'abbaye  :  du  moins  est-il  certain  qu'il  v  avait  an- 

(.alha  christ.       .  -^i-       ^  i>a       •  •        ^        ii        i 

t.  X,  col.  1278.  ciennement  au  diocèse  d  Amiens  une  maison  noble  du  nom 
ibid.  col.  1190.  de  Fouilloi,  qui  donna,  l'an  1 198,  un  abbé  à  Corbie,  nommé 
Foulques   de  Fouilloi,  et  à   l'église   d'Amiens  un    évêque, 
Robert  de  Fouilloi,  cjui  monta  sur  ce  siège  l'an  i3o8. 

Nous  ne  déciderons  pas  si  Hugues  sortait  de  cette  maison , 
ou  s'il  n'était  que  natif  du  bourg.  La  profession  religieuse 
quil  embrassa  dans  le  prieuré  de  Saint-Laurent  de  Heilli, 
dépendant  de  Corbie  et  situé  aux  environs,  a  donné  lieu  de 
croire  qu'il  était  moine  bénédictin  ;  et  il  ftillait  être  au  fait 
des  différentes  révolutions  de  ce  prieuré,  pour  penser  autre- 
iHabiil.  ibid.  ment.  D.  Mabillon  les  a  découvertes  et  mises  dans  un  grand 
jour.  Il  fait  voir,  dans  ses  Annales,  c|ue  le  prieuré  de  Saint- 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.  493 
Laurent  d'Heilli ,  liabité  d'abord  par  des  moines  de  Saint-  Xll  SIECLE. 
Jean-d'Angeli  en  Saintonge ,  sous  le  bon  plaisir  de  ceux  de 
Corbie ,  fut  donné ,  vers  le  commencement  du  XIF  siècle ,  à 
des  clercs  réguliers ,  qui  pratic|uaient  à  la  lettre ,  et  dans  une 
grande  pauvreté ,  la  règle  de  Saint-Augustin  ;  qu'en  l'an  1 2o5 , 
ces  mêmes  clercs  le  donnèrent ,  du  consentement  des  pro- 
priétaires fonciers,  aux  moines  de  Lihuns  en  Santers,  de 
l'ordre  de  Cluni,  et  qu'enfin  la  place  ayant  été  abandonnée 
par  ceux-ci,  elle  revint  aux  moines  de  Corbie,  et  fut  incor- 
porée au  chef-lieu. 

Hugues,  avant  que  d'entrer  en  religion,  avait  été  initié,  Hup:. Vict. op. 
comme  il  le  dit  lui-même ,  à  la  cléricature.  Il  est  même  très-  *•  ^^'  ^'  ~"^'*' 
vraisemblable  (  D.  JMabillon  n'en  doute  point  )  qu'il  reçut 
sa  première  éducation  dans  le  monastère  de  Corbie.  C'est  en 
effet  ce  que  semblent  prouver  les  éloges  multipliés  qu'il 
donne  à  la  règle  de  Saint-Benoît ,  et  le  fréquent  usage  qu'il 
en  fait  dans  ses  écrits.  En  passant  de  cette  école  à  Saint- 
Laurent,  il  y  trouva  des  maîtres  qui  travaillèrent  à  perfec- 
tionner ce  que  les  premiers  avaient  heureusement  ébauché. 
Avec  les  bonnes  dispositions  qu'il  y  apporta ,  ses  progrès 
dans  la  science  ecclésiastique  furent  rapides  et  couronnés  du 
plus  heureux  succès.  Appliqué  sans  relâche  à  l'étude  et  aux 
devoirs  de  son  état,  il  coulait  paisiblement  ses  jours  dans  le 
silence  et  l'obscurité,  lorsqu'en  1 149  on  vint  subitement  lui 
annoncer  que  les  chanoines  réguliers  de  Saint -Denis  de 
Reims  l'avaient  choisi  pour  leur  abbé.  Le  promoteur  de  cette 
élection  fut  Guerric ,  abbé  d'Igni ,  de  l'ordre  de  Cîteaux , 
homme  recommandable  par  son  savoir  et  ses  vertus,  qui 
sans  doute  connaissait  tout  le  mérite  de  Hugues.  Celui-ci, 
qui  ne  s'attendait  à  rien  moins,  apprit  cette  nouvelle  avec 
l'étonnement  et  la  douleur  qu'un  sincère  désintéressement , 
joint  à  une  humilité  profonde,  pouvait  lui  inspirer.  Il  écrivit 
sur-le-champ  à  une  personne  en  crédit ,  qu'il  ne  désigne  que 
par  une  H ,  pour  se  défendre  d'accepter ,  et  lui  exposer  les 
motifs  de  son  refus.  Sa  lettre,  que  D.  Mabillon  a  transcrite 
tout  au  long ,  fait  trop  d'honneur  aux  sentimens  de  notre  au- 
teur pour  n'être  pas  représentée  ici  au  moins  par  extrait.  Le 
titre  qu'il  prend  est  celui  de  FraterHitgo  deSancto  Lawentio. 

«  J  apprends,  cht-il ,  par  le  bruit  public  que  les  chanoines      Mabill.  ibid. 
«  de  Saint-Denis,  avec  l'approbation  du  vénérable  Samson ,  P-  ^^^• 
«  archevêque  de  Reims ,  et  par  le  conseil  de  D.  Guerric , 
«  abbé  d'Igni ,  ont  jeté  les  yeux  sur  moi  pour  être  leur  abbé. 


494      HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 

xn  siECLK.    «En  vérité,  je  ne  reconnais  pas  ici  la  prudence  ordinaire 
~  «du  conseiller,  de  vouloir  m'associer  à  des  religieux  qui 

«  mènent  un  genre  de  vie  si  différent  du  mien.  Voyez,  je 
a  vous  prie ,  à  quoi  son  dessein  aboutirait ,  si  Dieu  permet- 
te tait  qu'il  réussît  :  ne  serait-ce  pas  coudre  une  toile  gros- 
ce  sièi'e  à  une  belle  pièce  de  soie,  ou  attacher  lidiculement 
(c  au  dos  d'un  vautour  la  superbe  queue  d'un  paon  ?  Eh  ! 
«  qu'y  a-t-il  en  effet  dans  moi  qui  réponde  à  la  dignité  à 
«  laquelle  on  veut  m'élever  ?  Si  l'on  considère  ma  personne, 
«  j'ai  à  peine  figure  humaine;  s'il  s'agit  de  mes  mœurs, 
«  hélas  !  mes  impei'fections  me  rendent  le  supplice  de  mes 
«  frères;  si  l'on  me  croit  capable  de  bien  faire,  on  me  trou- 
«  vera  pusillanime  dan$  les  grandes  choses.  Est-ce  bien  là, 
«  dites  moi,  le  sujet  qui  convient  pour  gouverner  l'abbaye 
«  de  Saint-Denis?  La  place  est  éminente,  donnez-lui  donc 
«  une  personne  éminente  en  mérite.  Voisine  de  la  cour 
«  métropolitaine,  elle  demande  un  homme  de  bon  conseil, 
fc  qui  soit  circonspect,  éloquent,  qualités  dont  je  me  sens 
«  entièrement  dépour\'u.  Quant  à  la  manière  de  vivre,  vous 
«  savez  qu'à  Saint-Denis  on  nage  dans  l'abondance,  et  qu'ici 
«  la  pauvreté  est  notre  partage  ;  si  je  renonce  à  la  pauvreté, 
(c  me  voilà  déshonoré  aux  yeux  de  ceux  qui  me  connaissent  ; 
«  si  je  consens  à  devenir  riche,  je  m'expose  à  une  chute 
«  presque  certaine,  et  d'autant. plus  terrible  c|ue  le  lieu  d'où 
«  je  tomberai  sera  plus  élevé.  Je  me  trouve  assurément  dans 
«  un  gi-and  embarras  :  plusieurs  de  nos  frères,  scandalisés 
«  de  mon  attrait  pour  les  richesses,  menacent,  au  cas  que 
«  je  les  quitte,  de  ne  plus  rester  ici  après  mon  départ;  d  un 
«  autre  côté,  si  je  dis  que  je  veux  rester,  il  se  trouve  des 
(c  gens  assez  malins  pour  dire  :  c'est  une  fausse  modestie, 
Cl  il  refuse  une  abbaye  pour  avoir  un  cvcché.  »  Il  allègue 
ensuite  des  motifs  connus,  qui  autorisent  sa  résistance,  ses 
infirmités  corporelles  et  le  grand  âge  de  son  prieur  Olric , 
qu'il  regarde  comme  son  père,  et  qu'il  ne  peut  abandonner. 
Il  finit  par  conjurer  son  ami  de  travailler  auprès  de  l'abbé 
d'Igni  pour  faire  changer  son  élection ,  et  le  laisser  jouir  en 
paix  des  avantages  de  sa  chère  solitude  :  Suggère  itaque 
(lomno  Igniacensi ,  ne  turbet  aquam  pauperis  quœ  cuni 
silentio  currere  consueverat ;  timeo  eniin  ne,  si  Remis  veniam., 
remissiiis  vivant. 

La  lettre  eut  l'effet  que  Hugues  désirait.  IMais,  environ 
quatre  ans  après,  Olric,  son  prieur,  étant  mort,  il  se  vit 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.      4y5 
obligé  de  céder  au  besoin  qu'on  avait  de  lui  pour  le  rem-    'xn  SIECI.R. 
placer.  L'histoire  ne  nous  a  rien  transmis  de  son  gouverne-  "  '~ 

ment;  mais  une  al^négation  si  exeiuplaire  ne  pouvait  manquer 
d'attirer  à  sa  suite  les  plus  abondantes  bénédictions,  histruit 
et  pénétré  comme  il  l'était  des  devoirs  d'un  supérieur,  dont 
il  a  si  bien  tracé  le  modèle  dans  ses  écrits,  il  est  plus  que 
vraisemblable  qu'il  les  remplit  avec  zèle  dans  sa  commu- 
nauté. Nous  ignorons  l'année  de  sa  mort  ;  nous  trouvons 
seulement  que,  l'an  iiy^^  il  éttùt  remplacé  dans  sa  charge  Mi»L,'ii-  '^'"'• 
de  prieur  par  Simon. 

La  postérité,  qui  l'a  peu  connu  par  le  soin  qu'il  prit  de 
lui  cacher  son  nom  et  la  maia  d'oii  partaient  ses  écrits,  ne 
lui  a  consacré  aucun  éloge  ;  car  nous  ne  prenons  pas  pour 
lui  ce  distique  de  Fetrus  Apollonius ,  rapporté  par  Ciaconius  :: 


Ecce  secundus  Hugo ,  redimitus  tegmine  fidvo  y 
Teinpore  dum  'vixit ,  nunc  diadeina  gerens^ 


Cependant  c'est  sur  le  fondement  de  ces  deux  vers  que  le         ciac.  vit. 
même  Ciaconius,  suivi  diuis  la  suite  par  plusieurs  modernes,  R°™-  Po"'- 
met  notre  auteur  au  rang  des  cardinaux;  et,  ce  qu'il  y  a  de 
plus  surprenant,  il  veut  que  cet  hoianeur  lui  ait  été  déféré 
par  le  pape  Iiniocent  IL 


3 


SES  ECRITS. 

Hugues  avait  une  opinion  si  peu  avantageuse  de  lui-même, 
u'il  ne  voyait  rien  de  plus  propre  que  son  nom  à  décré- 
iter  ses  ouvrages  :  «  Gardez-vous  bien ,  écrivait-il  à  un  de       De    riaust. 
ce  ses  amis ,  en  lui  envoyant  celui  qui  devait  lui  faire  le  plus  animœ  ia  Prot. 
«  d'honneur,  gardez-vous  bien  de  faire  connaître  mon  nom, 
«  de  peur  que  le  peu  de  sens  que  l'on  connaît  à  l'auteur,  et 
«  le  mépris  attaché  à  sa  personne  ne  décrédite   l'ouvrage  : 
N«//f  ergo  nostrum ,  frater ,  patefacias  noinen,  ne  ex  insi- 
pientiâ  auctoris  et  personœ  villtate  operis  nostri  labor  viles- 
cat.  La  providence  semble  avoir  secondé  son  humilité.  Le 
commun  de  ses  lecteurs  donna  de  son  vivant  et  donne  en- 
core aujourd'hui  les  productions  de  sa  plmne  à  Hugues  de 
Saint-Victor  ;  on  les  trouve  imprimées  et  confondues  parmi 
les  œuvres  de  celui-ci.  On  a  déjà  laissé  entrevoir,  en  traitant     Hist.Liit.lv 
l'article  du  victorin,  quelles  sont  celles  que  nous  croyons  ap-  *•  Xii,  p.  Si;!. 


496      HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 

xii  SIECLE,    partenir  à  notre  auteur.  Il  s'agit  maintenant  de  produire  ses 

titres  de  propriété,  et  de  lui  restituer  ce  qui  lui  appartient. 

Aib.  ad  an.       Albéric  de  Trois-Fontaines,  parlant  de  Hugues  de  Saint- 

ii3o,p.  264.  Victor  et  de  ses  écrits,  le  distingue  fort  bien  d'un  auti-e 
Hugues,  auquel  il  attribue  les  livres  du  Cloître  de  l'ame,  de 
la  Médecine  de  l'ame,  et  le  traite  des  Oiseaux.  Mais  il  con- 
naissait si  peu  ce  second  Hugues ,  qu'il  le  donne ,  sur  un 
ouï-dire,  pour  im  disciple  de  Saint-Noibert ,  c'est-à-dire, 
pour  un  prémontré  :  Hugo  verb ,  dit-il ,  qui  scripsit  de  avium 
Naturâ  moraliter  et  allegoiicè ,  et  de  Claustro  animœ,  et  de 
Medecinà  animœ  ,  fuit  de  oïdine  prcemonstratensi ,  ut 
dicitur,  canonicus.  S'il  se  trompe  en  taisant  auteur  de  ces 
écrits  un  norbertin ,  il  n'est  pas  moins  vrai  qu'il  avait  appris 
par  lui-même  ou  par  d'autres  que  ces  ouvrages  n'appartien- 
nent pas  à  Hugues  de  Saint -Victor.  Nous  allons  prouver 
qu'ils  sont  de  Hugues  de  Fouilloi. 

1°  De  Claustro  animœ  lib ri  quatuor. 
Matill.  ihid.       Dans  un  manuscrit  du  monastère  de  Cheminon,  au  diocèse 

p.  45f).  jjg  Châlons-sur-Marne,  ce  traité  porte  au  frontispice  :  Incipit 

prologus  auctoris  sine  7ioniine  in  opus  subdituni  de  claustro 
ANiMAE.  Dicunt  tamen  operis  extitisse  auctorem  Hugonem 
de  Corhi,  canonicum  S.  Laurentii  atque  priorem.  Ce  qu'on 
n'avance  ici  que  d'une  manière  incertaine,  est  affirmé  posi- 
tivement dans  plusieurs  manuscrits  anciens  de  la  Biblio- 
N.  712, 1009,  thèque  impériale.  On  lit  à  la  tête  du  11"  2498  :  Incipit  pro- 

2495  ,   2',97  ,  iQgiis   niagistri  Hugonis  de   Folieto  ,    prioris    canonicorum 

aSn- '  2808.  '  '^'  Laurentii  in  pago  Ambianensi  ^  in  libros  de  Claustro  cor- 
De   Script,  poris  et  animœ.  Casimir  Oudin  assure  qu'il  a  vu  plusieurs 

^^f^^\^'  ^^  '  manuscrits  semblables,  d'une  date  aussi  reculée,  en  diffé- 
rentes bibliothèques  de  l'ordï'e  de  Cîteaux ,  au  lieu  qu'il  n'en 
a  rencontré ,  dit-il ,  que  de  récens  et  en  petit  nombre  por- 
tant le  nom  de  Hugues  de  Saint -Victor.  Ajoutons  à  ces 
témoignages  celui  de  Guillaume  de  Nangis ,  qui  attribue 
l'ouvrage  en  question  à  Hugues  de  Fouilloi ,  sans  oser  néan- 
moins assurer  s'il  était  moine  ou  chanoine  régulier  [a). 
Mais,  pour  lever  ce  doute,  il  n'avait  qu'à  consulter  l'auteur 
lui-même,  qui   lui  aurait  appris  nettement  sa  profession  : 

(a)   Claruit  his  temporibus  Hugo  de  Folieto,  sancti  Pétri  Cvrheiensis  mona- 
chus ,  qui  librum  de  Claustro  animœ  et  corporis  composait.  Àlii  dicunt  istum 
Hugonem  in  pago  Amhiancnsi  fuisse  canonicum  regularern.  Nangius  in 
.  chronico  ad  an.  i  i4o. 


eoL  1108. 


HUG.  DE  FOUÎLLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.     497 

Loquor,  dit-il  dans  un  endroit,  de  monachis  qualiscunque    XII  SIECLE. 
canoiiiciis.  ~     ~     ~ 

D.  Mabillon- tait  un  grand  éloge  de  cet  ouvrage,  dont  il  lib.  11, cap.  iS, 
recommande  la  lecture  aux  religieux  pour  lesquels  il  a  été  P- 1°- 
fait.  Les  anciens  en  ont  parlé  de  même.  Il  est  écrit  avec 
onction,  et  il  contient  sans  contredit  d'excellentes  choses; 
mais  on  y  trouve  aussi  beaucoup  de  mysticité ,  et  tout  n'est 

f)as  également  bon.  L  ouvrage  est  partagé  en  quatre  livres  : 
e  premier  traite  des  tentations  auxquelles  on  est  exposé, 
même  dans  le  cloître,  et  des  avantages  cju'on  trouve  aussi 
dans  la  vie  reli^.ieuse  ;  le  second  de  l'ordonnance  qu'il  con- 
vient de  donn  ?r  au  cloîti^e  matériel,  et  des  abus  qui  peuvent 
s'y  introduire  ;  le  troisième  est  consacré  à  former  sur  le 
modèle  du  cloître  matériel  le  cloître  spirituel  de  lame; 
lobjet  du  e;  :itriènie  est  d'inspirer  le  désir  d'être  admis  dans 
cet  autre  cloître  qui  n'a  pas  été  fait  de  main  d'homme ,  c'est- 
à-dire  ,  Il  Jérusalem  céleste.  Tel  est  le  plan  que  s'est  tracé 
Hugues  lui-même  dans  son  prologue. 

On  lit  avec  plaisir  le  premier  et  le  second  livre,  qui  con- 
tiennent des  vues  excellentes  pour  le  bon  ordre  d'une  com- 
munauté religieuse ,  on  voit  que  l'auteur  était  animé  du 
véritable  esprit  de  son  état;  mais,  dans  les  deux  suivans,  on 
ne  trouve  que  des  allégories  sans  nombre ,  propres  à  nourrir 
la  dévotion  des  contemplatifs  ;  les  mysticités  y  abondent ,  et 
les  passages  de  l'écriture ,  détournés  dans  ce  sens ,  manquent 
souvent  de  justesse.  Aussi  l'auteur  devient-il  quelquefois 
embarrassé,  confus,  alambiqué,  et  fait  perdre  terre  à  ses 
lecteurs.  Ce  défaut  vient  de  ce  qu'il  compare ,  par  des  allu- 
sions minutieuses ,  des  choses  qui  n'ont  qu'un  faible  rapport 
entre  elles,  le  cloître  ou  le  temple  matériel  avec  celui  qui 
est  tout  spirituel. 

Cet  écrit  a  été  publié  à  Paris,  l'an  iSoy,  chez  Henri- 
Etienne,  dans  un  vol.  in -4'',  à  la  suite  d'un  traité  moral  de 
Guillaume  d'Auvergne.  On  le  trouve  dans  toutes  les  éditions 
des  œuvres  de  Hugues  de  Saint-Victor.  Nous  ne  citons  qiie 
la  dernière  de  i648,  où  il  est  imprimé,  tom.  II,  p.  4o — i3i. 

2P  De  Medicina  animœ  (a).  Hug.vict.  op. 

Cet  opuscule  est  attribué  a  Hugues  de  Saint-Laurent ,  dans  '•  "  '  P 
un  manuscrit  de  l'abbaye  d'Aine,  cité  par  D.  Mabillon,  et 

{d)  A  ce  titre,  le  manuscrit  2494  de  la  Bibliothèque  impériale  ajoute, 
de  komiiie  qui  microcosmus ,  id  est,,  minor  miindus  appellatw. 
Tome  XIII.  Rrr 


211  — 
222. 


498  HUG.  DE  FOUILLOl,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 
XII  SIECLE,  dans  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  1009, 
2494 1  2495,  2896.  Il  ne  faut  que  comparer  ce  traité  avec 
celui  dont  nous  venons  de  rendre  compte,  potir  être  persuadé 
fju'ils  appartiennent  au  même  auteur.  On  remarque,  dans 
1  un  et  dans  1  autre,  un  génie  également  tourné  vers  1  allé- 
gorie ,  un  style  parfaitement  conforme ,  plusieurs  expressions 
semblables ,  la  même  manière  de  citer  rÉcriture  et  les  Pères. 
Comme  Hitgues  avait  trouvé,  dans  le  cloître  matériel,  les 
caractères  du  cloître  spirituel,  de  même,  en  traitant  de  la 
médecine  de  lame,  il  pi'étend  découvrir,  dans  la  structure 
du  corps  humain,  toutes  les  affections  de  l'ame,  c'est-à-dire, 
montrer  une  analogie  parfaite  entre  les  maladies  corporelles 
et  les  maladies  spirituelles,  entre  les  remèdes  qu'on  applique 
aux  premières  et  la  manière  de  guérir  les  secondes.  Ce  cfes- 
sein,  comme  on  le  voit,  suppose  des  notions  dans  la  méde- 
cine :  l'auteur  paraît  en  avoir  pris  quelque  connaissance  ;  il 
cite  Hippocrate,  et  fait  usage  des  principes  de  l'art  qui  avaient 
cours  de  son  temps.  Mais  il  s'en  faut  bien  quil  atteigne  au 
but  de  son  livre  :  ses  allégories  et  ses  moralités  se  ressentent 
de  la  disproportion  des  objets  qu'il  veut  comparer.  Cet  opus- 
cule est  composé  de  vingt-deux  chapitres ,  mais  les  édi- 
teurs soupçonnent  qu'il  est  incomplet. 
Jùid.T,.iQi-       S**  De  ^i'ibus  ad  Rainerum. 

Cet  écrit  porte  différens  titres  dans  les  manuscrits.  Il  est 
intitulé,  Aviariwn  sacrum  ad  Rainerwn ,  coiwerswn,  cogno- 
mento  corde  benignwn.  — De  Asdum  naturd  mjsticè  et  alle- 
goricè.  —  De  Coluinhd  argented ,  ou  de  Tribus  CoJumbis , 
parce  qiie  l'oiivrage  commence  par  ces  mots  :  Si  donniatis 
inter  niedios  cleros ,  pennce  cohuubœ  deargentatœ ,  et  que 
l'auteur  distingue  trois  sortes  de  colombes.  On  le  trouve  ainsi 
désigné  dans  les  plus  anciens  manuscrits,  où  il  ne  forme 
qu'un  seul  livre  qui ,  dans  des  manuscrits  plus  récens  et  dans 
1  imprimé,  est  suivi  de  trois  autres  auxquels  on  a  donné 
pour  titre,  de  Bestiis  ou  Destiarium ,  et  encore  de  Proprieta- 
tibus  ferarwn  et  animaliwn.  On  convient  assez  généralement 

aue  le  premier  livre,  qui  traite  des  Oiseaux,  est  l'ouvrage 
e  Hugues  de  Fouilloi.  Le  second  ,  qui  traite  des  Bêtes 
féroces,  ressemble  beaucoup  au  premier  quant  au  style  et 
aux  moralités  ;  cependant  on  l'attribue  communément  à 
Alain  de  Lille,  qui,  selon  Henri  de  Gand,  a  composé  un 
livre  de  la  nature  de  quelques  animaux,  qu'on  croit  être 
celui-là.  Le  troisième  est  luie  compilation  des  deux  pi-emiers, 


!77 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.      499 

auxquels  on  a  ajoute  d'autres  moralités,  en  sorte  cjue,de   '^ti  sif.cle. 
cent  dix  chapitres  qu'il  comprend  dans  les  manuscrits,  on 
en  a  retranche  les  quarante-neuf"  premiers ,  pour  ne  pas  répé- 
ter deux  fois  la  môme  chose.  Le  quatrième  est  une  espèce 
de  dictionnaire  dans  lequel  on  traite  par  ordre  alphabétique 
des  propriétés  ,  soit  des  animaux ,  soit  des  végétaux ,  soit 
des   minéraux.    Cette   compilation    d'histoire   naturelle    est 
attribuée  à  Guillaume  Perraut,  de  l'ordre  des  frères  prê- 
cheurs. Nous  ne  nous  occuperons  que  du  livre  des  Oiseaux. 
Tout  était  allégorie  pour  Hugues  de  Fouilloi.  Il  crut  aper- 
cevoir dans,  les  différentes  espèces  d'oiseaux  les  symboles  de 
tous  les  vices  et  de  toutes  les  vertus ,  et  il  composa ,  sur  ce 
sujet,  un  livre  qu'il  dédia  à  un  religieux  laïc   nommé  Rai- 
nier.  Pour  rendre  cet  ouvrage  plus  intéressant,  il  eut  soin, 
comme  il  le  dit  dans  le  prologue,  de  l'orner  de  peintures 
qui  représentaient  les  objets  de  ses  allégories.  La  colombe 
et  le  faucon  étaient  à  la  tête ,  perchés  l'un  à  côté  de  l'autre. 
Hugues  prend  occasion  de  ce  contraste  pour  mettre  en  paral- 
lèle les  professions  opposées  qu'ils  suivaient ,  Rainier  et  lui , 
dans  le  monde ,  et  relever  la  grâce  c[ue  Dieu  leur  avait  fiiite 
de  les  réunir  en  religion.  «  Vous  voyez,  mon  frère,  dit-il,  la      ibid.inVvoK 
«  colombe  et  le   faucon  posés  sur  la  même  perche  :  c'est 
cf  l'image  de  ce  cjue  nous  avons  été  vous  et  moi,  e\  de  ce 
a  que  nous  sommes  maintenant.  Dieu  nous  a  tous  les  deux 
«  appelés,  vous  des  armées,  moi  du  clergé,  pour  nous  asseoir 
«  sur  la  règle  de  la  vie  religieuse,  comme  sur  une  perche 
«  commune.  Vous  qui,  semblable  au  faucon,  aviez  coutume  > 

«  de  prendre  les  oiseaux  domestiques ,  votre  devoir  est  main- 
te tenant  d'attirer  les  oiseaux  des  champs,  c'est-à-dii^e ,  les 
«  gens  du  monde,  à  la  religion  par  l'odeur  d'une  sainte  vie. 
«  Que  la  colombe  gémisse  donc  ;  que  le  faucon  gémisse  aussi  ; 
«  que  l'un  et  l'autre  témoigne  sa  douleur  par  ses  accens  :  car 
«  le  gémissement  est  le  chant  naturel  de  la  colombe,  et  la 
«  plainte  celui  du  faucon.  J'ai  placé ,  après  la  description  de 
«  la  colombe ,  celle  du  faucon ,  parce  c[ue  cet  oiseau  est  le 
<c  symbole  de  la  noblesse  à  laquelle  vous  appartenez.  » 

Au  reste ,  l'auteur  donne  ici ,  comme  clans  tous  ses  ou- 
vrages, des  preuves  de  sa  profonde  humilité,  a  Ecrivant, 
(c  dit-il,  pour  un  homme  non  lettré,  on  ne  doit  pas  être 
a  surpris  que ,  pour  son  édification ,  je  traite  avec  simplicité 
«  des  sujets  qui  demanderaient  un  pinceau  vigoureux.  Je 
«  sais  que  les  savans  aiment  les  discoiu-s  relevés,  mais  les 

Rrrsi 


6oo      HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 

XTI  SIECLE.    «  simples  trouvent  plus  d'instruction  et  de  plaisir  dans  les 
«  peintures  naïves.  C'est  pour  eux  que  j'écris,  et  je  n'ai  garde 
«  de  verser  de  l'eau  dans  des  vases  déjà  pleins.  » 
Hug.vict  o]^       /^o  £)g  JYujjtù's  Uhri  duo. 

263.  '  ^"  ^  Hugues  composa  cet  ouvrage  pour  détourner  un  de  ses 

amis  du  mariage.  Le  premier  livre  a  pour  objet  les  noces 
charnelles  :  il  est  divise  en  trois  chapitres,  où  l'auteur,  après 
avoir  réuni  tout  ce  qui  a  été  dit  contre  les  femmes  et  le 
mariage ,  tâche  de  fortifier  cette  satire  de  l'autorité  des  livres 
saints  et  des  pères;  le  second  livre,  divisé  comme  le  premier 
en  ti'ois  chapitres,  est  consacré  aux  noces  spirituelles.  Autant 
Hugues  avait  décrié  les  premières,  autant  s'applique- 1- il  à 
relever  les  secondes.  On  s'imagine  bien  que  fallégorie  domine 
dans  cette  partie.  Nous  n'en  donnerons  pas  le  détail  :  c'est 
toujours  le  génie  de  l'écrivain,  accoutumé  à  assimiler  des 
choses  qui  n'ont  entre  elles  que  des  rapports  très-éloignés. 
Parmi  les  manuscrits  de  cet  ouvrage  qui  portent  le  suinoni 
de  notre  auteur ,  il  y  en  a  trois  distingués  par  leur  antiquité  , 

N°  2494,2495.  un  de  Saint-Victor,  et  deux  de  la  Bibliothèque  Impériale, 
iè/rf.p.  286-       50  De  Arcd  Noe  mystica  Descriptio. 

^^^'  De  Arcd  Noe  momlis  Interpretatio ,  libri  4- 

Ces  deux  traités  se  trouvent  presque  toujours  anonymes 

dans  les  manuscrits.  Dans  c|uelques-uns  ils  portent  le  nom 

de  Hugues,  sans  désigner  lequel  :  cela  a  suffi  pour  les  donner 

à  Hugues  de  Saint-Victor ,  plus  connu  que  Hugues  de  Fouilloi. 

De    Script.  Casimir  Oudin  les  conteste  au  victorin ,  parce  qu'il  y  trouve 

Eccles.   t.  II,  raison  la  manière  et  le  style  de  Hugues  de  Fouilloi, 

col.  1110.  ,  .     ,     -  ,  .       o  ,   .  ; 

dans  tout  ce  qui  peut  servir  a  caractériser  son  génie  tourne 

vers  les  allégories ,  et  son  goût  pour  les  peintures  qu'on  a  pu 

remarquer  dans  ses  autres  ouvrages  de  spiritualité.  Ajoutons 

que  Hugues  de  Fouilloi,  comme  nous  l'avons  remarqué, 

n'aimait  pas  à  mettre  son  nom  dans  ses  écrits  :  ce  cpii  explique 

assez  pourquoi  ces  traités  sont  restés  anonymes.  Cependant 

Hlst.  Litt.  t.  on  a  cru,  en  rendant  compte  dans  cette  histoire  des  écrits 

XII,  p.  17.        jjg  Hugues  de  Saint-Victor,  devoir  réfuter  l'opinion  d  Oudin, 

et  on  l'a  fait  d'une  manière  aussi  tranchante  que  peu  exacte. 

«Aux  divers  moyens,  a-t-on  dit,  qu Oudin  emploie  pour 

«  dépouiller  Hugues  de  Saint-Victor  de  ces  trois  écrits,  et 

«  les  transporter  à  Hugues  de  Fouilloi ,  nous  n'avons  qu'un 

«  mot  à  opposer,  et  ce  mot  est  tranchant.  L'auteur,  dans  un 

«  endroit  renvoie  ,  pour  plus  grand  éclaircissement  de  la 

«  question  qu'il  y  traite,  à  sou  livre  Z)e  tribus  Diebus  :  ouvrage 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.     5or 

«  dont  nous  rendrons  compte  ci-après,  et  que  personne,  de    ^^^  sfECLE. 
«  l'aveu  d'Ouflin  lui-même,  ne  peut  refuser  à  notre  victorin. »  ~~  ' 

Il  y  a  dans  cet  endroit  une  distraction  inconcevable  de  la 
part  de  l'auteur  ;  tout  y  est  controuvé.  Le  renvoi  au  livre  De 
tribus  Diebus ,  ou  plutôt  De  Operibus  triiun  dieriim ,  ne  se 
trouve  pas  à  la  page  297  ,  col.  2 ,  du  tome  II  qu'on  indique. 
Il  n'y  a  dans  la  collection  des  œuvres  du  victorin  aucun  ou- 
vrage qui  porte  le  titre  De  tribus  diebus ,  ni  un  semblable. 
Le  rédacteur  de  l'article  qui  promet  de  rendre  compte  de  cet 
écrit  un  peu  plus  bas ,  n'en  dit  pas  un  mot.  Enfin  ,  Oudin  qui      Oudin.  lud. 
n'en  parle  que  d'apiès  Gesner ,  ne  convient  pas  du  tout  qu'il  '^°'-  "^^■ 
soit  cle  Hugues  de  Saint-Victor.  Quant  à  nous,  nous  serions 
très-portés  à  donner  ces  deux  écrits  à  Hugues  de  Fouilloi , 
mais  nous  ne  voulons  rien  décider.  Ce  qui  suspend  notre 
jugement,  c'est  c|ue  l'Arche  mysticjue  fut  composée  avant 
l'an  I  i3o ,  comme  on  le  voit  par  le  dénombrement  des  papes    Hng.  yict.  op. 
qui  finit  à  Honoré  II  :  circonstance  c|ui  semble  indiquer  plutôt  '■  '^  '  P-  ^9°- 
le  victorin  que  Hugues  de  Fouilloi,  qui,  à  cette  époque,  devait 
être  encore  assez  jeune.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  allons  dire 
un  mot  de  cet  ouvrage. 

L'Arche  mystique  suppose,  pour  êti'e  entendue  des  lecteurs, 
un  plan  figuré  de  l'objet  allégorisé,  lequel  plan  se  trouve  dans 
les  manuscrits,  mais  non  dans  les  imprimés.  L'Arche  morale, 
partagée  en  quati'e  livres,  contient  de  fort  bonnes  maximes 
de  la  vie  spirituelle,  et  se  fait  lire  avec  plus  de  satisfaction 
que  l'Arche  mystique,  où,  sans  la  figure  qui  doit  la  précéder, 
on  n'entend  rien,  et  où  même  avec  l'aide  de  cette  figure,  il 
resterait  bien  des  choses  à  deviner.  Oudin  observe  que  dans 
les  manuscrits ,  l'Arche  mystique  est  placée  après  l'Arche 
morale ,  et  foime  le  cinquième  livre  et  non  le  premier. 

6"  De  Vanitate  inundi  libri  quatuor.  lôid.-p.  2G3- 

Si  l'on  accorde  à  Oudin  que  les  deux  ouvrages  sur  l'Arche  ^^^• 
de  Noë  sont  une  production  de  Hugues  de  Fouilloi ,  on  doit 
aussi  convenir  que  Hugues  est  auteur  du  traité  de  la  Vanité 
du  monde.  Oudin  prouve  très -bien  que  ces  trois  ouvrages 
partent  de  la  même  plume,  et  la  raison  qu'il  en  donne  est  sans 
réplique.  L'auteur  du  traité  de  la  Vanité  du  monde  cite  comme 
son  propre  ouvrage  ceux  de  l'Arche  mystique  et  morale  :  De 
his  scriptionibus  in  alio  quodaui  libido,  queni  de  Arcâ  coin-      ihid.-^.  272, 
posuiinus , plura  dixirnus  quœ  oinnia  hic  recapitulare  non  '^°'' '• 
oportet. 

Le  traité  de  la  Vanité  du  monde  est  composé  de  quatre 


Ô02    HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 

XII  SIECLE,  livres  en  forme  de  dialogue.  Dans  les  deux  premiers  les  iu- 
terlocuteurs  sont  désignés,  Fun  par  la  lettre  /,  qui  veut  dire 
Interrogans  ;  l'autre  par  la  lettre  D ,  qui  signifie  Docens.  Ils 
examinent  tous  les  états  de  la  vie  les  plus  florissans ,  et  ils  en 
découvrent  la  vanité.  Ces  deux  livres  sont  très-solides  et  tiès- 
phiiosophiques.  Les  interlocuteurs  du  troisième  et  du  qua- 
trième sont  désignés  par  les  lettres  A  et,  R ,  qui  peuvent 
signifier  l'ame  et  la  raison.  Ces  deux  derniers  dialogues  sont 
historiques.  L'auteur  pai-court  les  principales  époques  depuis 
la  création  du  monde  jusqu'au  VF  siècle  de  l'église,  et  finit 
par  l'éloge  de  saint  Benoît,  c[u'il  compare  pour  la  fécondité 

/hùi.  p.  283.     fiçs  miracles  à  saint  Martin  et  à  saint  Nicolas  :  Martinus  et 

Nicolaus  et  Benedictus   miracuUs  effulserunt  in  sanctitatô 

niirahili ,  et  in  his  omnibus  plenitudo  in  finem  properans , 

alios  qiioque  omnes  qui  vocati  sunt  asssocians  quotidiè  con- 

De    Script,  sunijuatur.   Oudin ,  qui  était  dans  l'opinion  que  Hugues  de 

Ecdes.   t.   II,  pouilloi  avait  embiMssé  la  règle  de  Saint-Benoît,  argumente 

col.  1  no.  ,  "  ■  ,,  1  ■     '     1 

encore  de  ce  passage  pour  prouver  que  1  auteur  du  traite  de 
la  Vanité  du  monde  est  le  même  qui  a  composé  le  Cloître  de 
l'ame ,  dans  lequel  il  trouve  des  indices  que  l'auteur  était  bé- 
nédictin. Nous  lui  accordons  que  ces  ouvrages  appartiennent 
au  même  auteur  ;  mais  non  que  Hugues  de  Fouilloi  fût  béné- 
dictin. Il  était,  comme  nous  l'avons  dit,  chanoine  régulier; 
et  si  en  ciuelques  endroits  il  parle  avec  admiration  des  insti- 
tutions de  saint  Benoît ,  c'est  qu'il  avait  reçu  sa  première 
éducation  chez  les  bénédictins  de  Corbie. 

Htig.Tlci.  op.        7°  De  beatœ  Mariœ  virginitate  perpétua. 

t.iii,p.  Si-go.       Tous  les  bibliographes  anciens  et  modernes  donnent  à 

Hugues  de  Saint -Victor  le  traité  de  la  perpétuelle  virginité 

de  la  sainte  Vierge ,  et  Oudin   qui  lui  en  a  contesté  tarit 

d'autres,  ne  lui  conteste  pas  celui-hà.  Cependant  les  conti- 

Hisf.  Litt.  t.  nuateurs  de  IHistoirc  Littéraire  après  D.  Rivet  ont  relégué 

Ail,  p.  68.  ^,g  traité  dans  la  classe  des  ouvrages  supposés  au  victorin,  et 
ils  ont  annoncé  qu'ils  l'adjugeraient  à  Hugues  de  Fouilloi. 
C'est  donc  ici  le  lieu  d'examiner  si  leur  opinion  est  bien 
fondée. 

Ce  traité,  qui  est  solide  et  bien  écrit,  ne  serait  pas  indigne 
du  savant  victorin.  Le  nom  de  Hugues  est  marqué  dans  le 
prologue  ou  l'épître  dont  l'auteur  accompagna  l'ouvrage ,  en 
l'envoyant  à  un  évêque  qui  n'est  désigné  cjue  par  la  lettre  G, 
sans  dire  de  quel  siège.  Sans  doute  la  conformité  de  nom , 
lorsque  rien  ne  déternime  la  qualité  de  la  personne,  ne  suffit 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.  5o3 
pas  pour  attribuer  cet  ouvrage  à  Hugues  de  Saint -Victor  ^ill  siècle. 
plutôt  qu'à  Hugues  de  Fouilloi.  Mais  si  les  principes  de  cet 
auteur  sont  dianietraleaient  opposés  à  ceux  que  le  victorin 
professe  sur  le  même  sujet  dans  d autres  écrits,  cela  suffit 
pour  ne  pas  croire  celui-ci  le  véritable  auteur.  C'est  ce  qui 
résulte  de  la  comparaison  que  nous  avons  faite.  Le  but  de 
notre  écrivain  est  d'établir  que  Marie  avait  fait  vœu  de  vir- 
ginité avant  son  mariage,  et  qu'en  épousant  Joseph  elle  ne 
changea  pas  de  résolution  :  ce  qu'il  prouve  par  la  réponse 
qu'elle  fit  à  l'ange  qui  lui  annonçait  qu'elle  deviendrait  mère, 
Quomodo  fiet  istua,  quoniam  'viruin  non  cognosco  ?  Hugues 
de  Saint -Victor  dit,  au  contraire,  dans  la  Somme  des  sen- 
tences ,  que  Marie  n'avait  point  fait  vœu  de  continence  avant 
son  mariage  ;  mais  préparée  à  tout  ce  que  la  providence  or- 
donnerait d'elle ,  son  penchant  pour  ce  genre  de  vie  ne  fut 
suivi  d'aucun  engagemçnt  jusquà  ce  qu'instruits  elle  et  son 
époux  du  mystère  de  l'incarnation  du  fils  de  Dieu ,  ils  for- 
mèrent ,  d'un  commun  consentement ,  la  résolution  de  vivre 
dans  le  célibat  (  i  ).  Ce  n'est  donc  pas  à  lui  qu'on  peut  attribuer 
le  livre  de  la  perpétuelle  virginité  de  Marie ,  à  moins  qu'il 
n'ait  varié  dans  ses  sentimens.  Il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela 
que  Hugues  de  Fouilloi  en  soit  l'auteur,  puisqu'on  connaît 
d'autres  écrivains  qui ,  dans  le  même  temps  ont  porté  le  nom 
de  Hugues  ;  et  d'ailleurs  rien  n'indique  le  temps  auquel  cet 
écrit  a  été  composé.  Quoi  cpi'il  en  soit  donc  du  véritable 
auteur ,  voici  en  peu  de  mots  quelle  en  est  la  substance. 

L'ouvrage ,  divisé  en  quatre  chapitres ,  est  en  réponse  à  un 
dialecticien  qui  prétendait  que  Marie  avait  toujours  été  libre 
de  tous  liens ,  et  qu'elle  n'avait  pu  contracter  un  mariage 


fa)  Voventihiis  castitatcm  non  solnm  nubere ,  sed  etiam  nuhere  velle  dam- 
nnbile  est.  Hoc  loco  prœtermittcndiim  esse  non  arbitror  cjaod  Beda  in  cxpo- 
sitiona  super Lncain  videtur  afjirniare ,  beatam  Mariani  virgincni ,  antequam 
inisset  cwn  Joseph  conjugiwn ,  decrevisse  qiCod  vitai.-i  dticeret  mrginalem  : 
quod  cquidein  a  veritate  videtur  discordare ,  cum  beata  virgo  esset  priiden- 
fissiina  ,  et  noi'isset  qucecunique  pie  promittuntiir ,  Domino  esse  Jîdeliter 
persohenda.  VerisiinUc  est  igitiir  quod  ab  adolesceiitiâ  se  Deo  totam  com- 
miserat ,  parafa  sive  ad  nubendiun ,  sive  ad  continenduni ,  qtiemadmodum 
Deiini  'velle  cognosceret  ^....  et  ex  hoc  quod  ipsa  non  renuit  desponsari ,  mani- 
Jeste  apparet  eam,  antequam  desponsaretur ,  continentiam  non  vovisse  :  quod 
tainen  ccrtwn  est  eam  et  virum  ejus poste'a promisisse ,  ex  quo  utrique  inys- 
teriura  dondnicœ  incarnationis  angelo  révélante  innotuit.  Hiifjonis  \ict. 
Summa  sententiarum,  tractatu  VII,  cap.  lo,  p.  476.  col.  -2.  t.  JH. 


oo4    HUG.  DE  FOUILLOf,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 

XII  SIECLE,  véritable  sans  consentir  à  en  faire  usage.  Hugues,  en  lui 
Hug.vict.op.  re'pondant,  veut  bien  supposer  que  ce  n'est  cjue  par  manière 

f.  lli,p.  8i.  de  dispute,  et  non  sérieusement  qu'on  agite  une  pareille 
question  :  mais  il  fait  sentir  en  même  temps  combien  il  est 
indécent  et  téméraire  de  faire  de  la  virginité  de  Marie  l'objet 
d'une  dispute.  «J'avoue,  dit-il,  que  je  souffre  impatiemment 
«  qu'on  emploie  un  babil  impertinent  à  flétrir  la  plus  pure 
«  des  créatures,  qiiod  tain  biipudicd  et  niigaci  locjuacitatc 
<f  temerare  sinceram  et  intactain  inacidare  conaris.  Insensé, 
ce  qui  que  vous  soyez ,  à  quoi  tendent  ces  vains  argumens  que 
«  vous  avez  ruminés  avec  tant  de  soin ,  et  que  vous  débitez 
«  aux  oreilles  curieuses  avec  tant  d'emphase  ?  Vous  voulez 
«  paraître  un  docteur;  mais,  croyez- moi,  vous  êtes  moins 
«  admiré  des  sots  que  méprisé  des  sages.  Quand  même  on 
«  vous  accorderait  quelque  savoir,  on  ne  peut  vous  par- 
«  donner  le  sujet  que  vous  avez  choisi  pour  faire  pi'cuve  de 


«  sagacité.  » 


Après  ce  début  un  peu  vif,  qui  ne  s'accorde  guère  avec 
le  caractère  doux  et  modeste  qu  on  a  pu  remarquer  dans  les 
autres  écrits  de  Hugues  de  Fouilloi ,  l'auteur  rapporte  le 
grand  principe  de  son  adversaire,  qui  est  que  le  mai'iage 
emporte  dans  son  essence  l'acquiescement  réciproque  des 
époux  au  mélange  des  corps.  Pour  répondre  à  cette  ditiiculté, 
il  définit  le  mariage  nne  société  légitime  entre  l'homme  et  la 
femme ,  en  vertu  de  laquelle  tous  deux  se  doivent  l'un  à 
l'autre  mutuellement,  c'est-à-dire,  qu'il  ne  leur  est  plus 
permis  de  renoncer  à  la  société  pour  passer  dans  une  autre. 
A  l'égard  du  consentement  qui  a  pour  objet  le  commerce 
charnel ,  il  n'est  que  l'accompagnement  et  non  l'essence  du 
mariage;  il  en  est  une  des  fonctions,  mais  nullement  le  lien, 
en  sorte  que  sans  lui  le  mariage  peut  subsister  par  l'union 
des  cœurs.  Cela  posé,  notre  auteur  allie  sans  peine  le  mariage 
de  la  sainte  Vierge  avec  le  vœu  constant  de  virginité.  Mais  on 
lui  objectait  que  dans  ce  cas  le  mariage  pouvait  subsister 
entre  personnes  du  même  sexe.  Ici  l'auteur  a  recours  aux 
allégories;  il  le  nie,  parce  que  ce  mariage  ne  représenterait 
plus  l'union  de  Jésus-Christ  avec  l'église. 
Mabill.  Ann.  8"  Un  manuscnt  de  l'abbaye  d'Aine,  cité  par  D.  Mabillon, 
t.  VI,  p.  461.  contient  un  ouvrage  de  Hugues,  prieur  de  Saint -Laurent, 
ayant  pour  titre  :  De  Pastoribus  et  Ovibus ,  dont  les  premiers 
mots  sont  :  Tibi,frater ,  qui  in  grege,  etc.  On  le  trouve  aussi 
parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Impériale,  n°  2494» 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.     5o5 

désigné  par  ce  titre  :  Liher  Pastorwn.  C'est  une  paraphrase    XII  STECLE. 
de  ces  vers  de  la  neuvième  éclogue  de  Virgile  : 

Tityre ,  dum  redeo ,  brcvis  est  -via ,  pasce  capellas  ; 
Et  potum  postas  âge,  Tityre,  et  inter  agendum 
Occursare  capro ,  cornu  Jerit  ille ,  caueto. 

L'auteur  tire  de  chacun  de  ces  mots  des  moralités  et  des 
allégories  conformes  à  son  génie;  il  y  trouve  de  cjuoi  instruire 
les  pasteurs  et  les  ouailles  qu'il  met  en  opposition  avec  les 
chèvres  et  les  boucs.  Peu  lui  importe  que  ses  allusions  soient 
quelquefois  puériles ,  pourvu  qu'il  en  tire  quelque  instruction 
pour  les  mœurs  ;  il  s'autorise  en  cela  de  4»'exemple  de  ceux 
qui  ont  vu  dans  d'autres  vers  de  la  quatrième  éclogue  la  pré- 
diction du  Messie  né  d'une  vierge  : 

Ultima  Cumcei  venit  jam  carminis  œtas  :  ♦ 

Magnus  ab  intégra  seclorum  nascitur  ordo. 
Jam  redit  et  virgo ,  rcdeunt  satiunia  régna  : 
Jam  nova  progenies  cœlo  demittitur  alto. 

cf  Sanderus  indique  comme  existant  dans  la  Bibliothèque      Sand.part.l, 
de  Saint -Martin  de  Tournai  un  manuscrit  sous  ce  titre:  P- 134. 
Mû^ïstri  Hugonis  de  Sancto  Laui^entio  de  Rota  prœlationis 
et  de  Rota  simulationis.  11   commence  par  ces  mots  :  Sicut 
coinperi,  non  est  tlbi^^f rater,  onerosuni.  Sanderus,  qui  l'avait 
vu,  dit  qu'il  était  orné  de  peintures  fort  élégantes,  qui  repré- 
sentaieni  les  roues  mystiques  dont  il  est  parlé  dans  ce  livre.      lUd.-p.  191. 
Le  même  ouvrage,  divisé  en  deux  parties,  existe  à  la  Biblio- 
thèc{ue  Impériale ,  sous  le  n°  24g4  du  catalogue  imprimé , 
mais  sans  nom  d'auteur  et  sans  la  peintui-e  représentant  la 
roue.  Voici  la  description  que  fait  de  cette  machine  l'auteur 
de  cet  écrit ,  d'après  lac[uelle  on  peut  juger  de  son  intention 
et  du  plan  cju'il  a  exécuté. 

La  roue  de  la  première  partie  est  composée  d'un  axe  ou 
essieu,  d'un  moyeu,  de  douze  i-ayons  et  de  six  jantes.  L'axe 
représente,  dans  la  pensée  de  l'auteur,  le  chef  d'une  com- 
munauté ;  le  moyeu ,  l'esprit  dont  il  doit  être  animé  pour 
conduire  les  autres ,  le  moyeu  fixé  dans  Taxe  représente 
l'union  qui  doit  exister  entre  le  disciple  et  son  supérieur  ; 
les  rayons  sont  les  bonnes  dispositions  de  l'inférieur,  et  les 
jantes  les  bons  effets  qui  résultent  de  son  union  avec  le  supé- 

Toiiie  XllI.  Sss 


5o6     HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR. 
XII  SIECLE,    rieur.  La  roue  clans  son  entier  représente  la  vie  d'un  religieux 
avec  ses  perfections  et  les  vicissitudes  auxquelles  il  est  ex- 
posé. 

Le  premier  rayon  a  pour  inscription  la  bonne  intention 
qu'il  doit  ajjporter;  le  second,  la  discrétion ,  pour  agir  conve- 
nablement ;  le  troisième,  l'amour  du  bien;  le  quatrième, 
V  horreur  du  mal  ;  le  cinquième ,  l'amour  de  Dieu  ;  le  sixième, 
la  charité  fraternelle  ;  le  septième ,  l'abnégation  de  soi-même; 
le  huitième,  le  mépris  des  avantages  du  monde  ;  le  neuvième 
et  le  dixième,  la  tempérance  dans  le  boire  et  le  manger ,  et 
les  bornes  auxquelles  il  faut  s'arrêter;  le  onzième,  la  désap- 
propriation  ;  et  le  douzième ,  l'absence  même  du  désir  du 
bien  d' autrui.        m 

A  chacune  des  six  jantes  aboutissent,  comme  à  leur  prin- 
cipe générateur ,  deux  rayons  île  la  roue.  La  première  est  la 
pureté,  et  à  elle  aboutissent  l'intention  et  la  discrétion;  la 
secoade  est  la  volonté ,  d'où  procèdent  l'amour  du  bien  et 
l'horreur  du  mal  ;  la  troisième  ,  la  charité ,  qui  embrasse 
l'amour  de  Dieu  et  du  prochain;  la  quatrième,  l'humilité 
.  qui  produit  l'abnégation  de  soi-même  et  le  mépris  des  avan- 
tages du  monde;  la  cinquième,  la  sobriété,  de  laquelle  résulte 
la  tempérance  dans  le  boire  et  le  manger  ;  la  ?i\yé(eviVQ  ^V  esprit 
de  pauvreté ,  qui  exclut  lontti  propriété,  et,à  plus  forte  raison 
le  désir  du  bien  cV autrui. 

Tel  est  l'aperçu  des  moralités  renfermées  dans  la  première 
partie  de  cet  ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Rota  prœlationis  ou 
religionis.  La  seconde ,  intitulée  Rota  simulationis  est  le 
contre-pied  de  la  première;  on  y  fait  la  guerre  aux  hypocrites 
et  aux  mauvais  religieux  (car  tous  les  écrits  de  Hugues  ont 
pour  but  finstruction  des  personnes  qui  vivent  dans  le 
cloître  ).  Sa  marche  est  la  même  que  dans  la  première  partie 
en  sens  inverse. 

Cette  roue,  qui  représente  la  vie  d'un  hypocrite  ou  d'un 
faux  religieux  est  composée,  comme  l'autre ,  d'un  axe,  d'un 
moyeu,  de  rayons  et  de  jantes  en  égal  nombie.  Sur  la  pre- 
mière jante  est  écrit  l'astuce  ;  sur  la  seconde ,  l'avarice  ;  sur 
la  troisième,  la  superbe;  sur  la  quatrième,  la  négligence, 
ou  l'oubli  de  ses  devoirs;  sur  la  cinquième,  la  paresse  ;  sur 
la  sixième ,  l'indigence.  De  l'astuce  naît  la  passion  d'acquérir 
du  bien  et  le  talent  de  le  conserver,  représentés  dans  les  deux 
premiers  rayons;  le  troisième  et  le  quatrième  qui  se  rattachent 
a  la  jante  de  l'avarice ,  sont  la  rapacité  et  la  ténacité;  les 


I 


HUG.  DE  FOUILLOI,  PRIEUR  DE  S.-LAUR.     Soy 

deux,  rayons    siiivans   qui   partent  de  la  superlie,  sont  le    ^^  SIECLK. 

mépris  de  l'autorité  et  f  insubordination.  De  la  négligence , 

quatrième  jante ,  procèdent  les  rayons  sept  et  huit ,  jiortant 

oubli  de  soi-même  et  irréflexion  ;  la  cinquième  jante,  qui  est 

la  paresse,  produit  le  désœuvrement  et  la  recherche  des  tables 

étrangères  représentes  par  les  rayons  neuf  et  dix  ;  enfin  à  la 

sixième  jante,  l'indigence,  sont  attaches  les  rayons  onze  et 

douze,  ayant  pour  inscription ,  ejectio  et  a bj ectio ^  cest-k-dire , 

que  le  sort  d'un  religieux  ou  d'un  supérieur  d'une  conduite 

irrégulière  est  de  tomber  dans  le  mépris  et  dans  la  misère, 

après  avoir  perdu  sa  place  ou  son  état. 

L'auteur,  dans  le  développement  de  ses  moralités,  fait  un 
grand  visage  des  livres  moraux  de  saint  Grégoire-le- Grand, 
qu'il  avait  bien  médités ,  et  prouve  qu'il  connaissait  parfai- 
tement les  devoirs  de  la  vie  religieuse  ;  on  peut  croire  aussi 
qu'il  les  pratiquait  exactement. 

io°  On  trouve  dans  plusieurs  manuscrits,  comme  ouvrages 
du  même  auteur,  Tracta  fus  de  Conversatione  monasticà; 
De  duodecim  abusionibus  claustri  materialis  ;  ce  sont  des 
morceaux  détachés  du  grand  ouvrage  du  Cloître  de  l'ame. 

Il»  Montfaucon  indique  parmi  les  manuscrits  de  Saint-  Bibi.Biblioih. 
Thierri,  près  de  Reims,  un  ouvrage  de  Hugues  de  Fouilloi,  '-l'icol-  »236. 
In  lamentationes  Jeremice.  C'est  peut-être  le  même  cnxi  est 
imprimé  parmi  les  œuvres  du  victorin,  T.  Il,  p.  i46.  Nous 
ne  doutons  pas  que  parmi  les  ouvrages  de  ce  dermer  sur 
l'écriture  sainte,  imprimés  dans  le  même  volume,  il  n'y  en 
ait  plusieurs  qui  sont  de  Hugues  de  Fouilloi ,  ceux  sur-tout 
qui  ont  pour  titre:  Allegoriœ. 

1 2»  Dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Impériale , 
n"  3419,  écriture  du  XIV*  siècle,  qui  contient  des  extraits 
d'auteurs  anciens,  sous  le  titre  de  Flores .  on  trouve  au  n"  2: 
Flores  ex  Hugonis  de  Folieto  operihus  collecti.  B. 


SSS2 


XII  SIECLE. 


GUILLAUME   GODEL 

OU  GODEAU, 

MOINE  DE  S.-MARTIAL  DE  LIMOGES, 
ET  AUTRES  CHRONIQUEURS  DU  DIOCÈSE  DE  SENS. 


1  ELS  sont  le  nom  et  la  qualité  qu'on  donne  à  l'auteur  d'une 
Chronique  latine  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Impériale,  sous  le  n°  48^3,  dans  une  note  qu'on  trouve  à  la 
fin  du  volume  d'une  écriture  du  XI V^  siècle.  L'abbé  Lebœnf, 
qui  avait  examiné  ce  manuscrit,  a  inséré  dans  le  Journal 
Fev.  1756,  Historique- de  Verdun   une   lettre  pour  prouver  que  cette 

p.  122.  Chronique  ne  peut  pas  être  l'ouvrage  d'un  moine  de  Saint- 

Martial,  quoique  ce  manuscrit  ait  été  trouvé  dans  la  Bililio- 
thèque  de  ce  monastère  :  il  pense  qu'elle  a  été  com- 
posée par  un  religieux  de  quelque  abmye  de  l'ordre  de 
Cîteaux ,  du  diocèse  de  Sens ,  ou  de  celui  de  Bourges  ;  mais 
il  n'a  pas  jugé  à  propos  de  motiver  son  opinion.  Les  raisons 
que  j'en  «V,  dit-il ,  seraient  trop  longues  à  déduire. 

T.XlIl,p. 671.  LesVontinuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France  qui 
ont  imprimé  plusieurs  fragmens  de  cette  Chioniaue,  sous  le 
nom  de  Guillaume  Godel,  moine  de  Saint-Martial  de  Limoges, 
comme  il  est  porté  dans  la  note  ajoutée  au  manuscrit,  sont 
du  même  avis  que  M.  Lebœuf,  et  ils  en  ont  donné  les 
raisons. 

Le  nom  de  Guillaume  Godel  ne  se  trouve  dans  aucun  autre 
monument  connu.  L'auteur  ne  se  nomme  nulle  paît  dans  sa 
Chronique,  et  s'il  parle  de  lui,  ce  n'est  jamais  qu'en  première 
personne,  ego.  Il  ne  nomme  pas  non  plus  le  monastère  auquel 
il  appartenait;  et  ce  qui  prouve  que  ce  n'était  pas  celui  de 
Saint-Martial  de  Limoges ,  c'est  qu'il  ne  dit  rien  qui  ait  trait 
à  ce  monastère ,  ni  même  au  Limosin.  Le  savant  académicien 
a  cru  que  Godel  appartenait  à  l'ordre  de  Cîteaux,  parce  qu'à 
l'époque  de  la  fondation  de  ce  monastère ,  l'auteur  ajoute  à 
son  manuscrit  une  colonne  dans  laquelle  il  a  marqué  fort 
exactement  la  succession  des  abbés  de  Citeaux  ;  le  critique 
est  encoi'c  mieux  fondé  à  placer  le  monastère  dans  lequel  le 


GUILL.  GODEL,  MOINE  DE  S.-MARTIAL.      609 

chroniqueur  avait  été  reçu  à  profession ,  tlans  le  diocèse  de    ^H  SiECLt. 
Sens  ou  dans  celui  de  Bourges.  Nous  verrons  bientôt  qu'il  y 
a  plus  de  probabilités  pour  celui  de  Sens. 

Quoi  qu'il  en  soit  ciu  nom  de  la  peisonne,  voici  ce  que 
l'auteur  nous  apprend  de  lui-même.  Sous  Tannée  11 45,  il  Bouquet,  t. 
marque  son  entrée  en  religion,  et  il  nous  apprend  qu'il  était  ^^^^'  !'•  ^'^• 
anglais  de  naissance,  Ego  seivonini  (liiisti  novissiinus ,  qui 
totuin  hoc  opus  ex  ■variis  historicis  coinpilando  compegi ,  nio- 
nasteriuni  intravl ,  œtate  juvenculus  ,  génère  yinglicus.  Il 
rapporte,  sous  la  même  année,  la  mort.de  Henri  Sanglier, 
archevêque  de  Sens  ,  qui  eut  pour  successeur  Hugues  de 
Touci ,  des  mains  duquel  il  reçut  tous  les  ordres ,  excepté  la 
prêtrise.  Il  fut  ordonné  prêtre  au  village  de  Leuroux,  par 
Pierre  de  la  Châtre ,  archevêque  de  Bourges  ;  il  ne  dit  pas  en 

auelle  année ,  mais  certainement  avant  1 1 7 1  ,  qui  est  1  année 
e  la  mortde  ce  prélat.  Il  termine  sa  Chronique  à  l'année  1 1  ^3, 
mais  rien  ne  prouve  qu'il  soit  mort  bientôt  après.  On  voit  par 
sa  Chronique  qu'il  aimait  les  voyages,  ou  que  des  raisons  le 
forcèrent  à  voyager.  Sous  l'année  1172  il  raconte  qu'étant 
allé  en  Allemagne  il  y  vit  une  vieille  fille  extraordinaire,  qui, 
quoique  laïque  et  non  lettrée,  avait  des  révélations  étonnantes: 
elle  avait  alors,  dit-il ,  soixante  ans.  On  pourrait  croire  qu'il 
veut  parler  de  sainte  Hildegarde;  mais  celle-ci  était  religieuse 
et  abbesse  du  IMont  Saint-Rupert,  près  de  Bingen,  au  diocèse 
de  Mayence.  Avec  la  vie  ertante  que  paraît  avoir  menée  l'au- 
tem' ,  il  ne  serait  pas  surprenant  qix'il  eût  souvent  changé  de 
monast^e,  et  cpi'étant  passé  du  diocèse  de  Sens  dans  celui 
de  Bourges ,  il  fût  allé  mourir  à  Saint-Martial  de  Limoges  où 
sa  Chroni^e  serait  restée. 

Disons  maintenant,  cjuel  est  le  mérite  de  son  ouvrage.  Il  le 
commence  à  la  création  du  monde,  et  il  explique  dans  une 
longue  prélace  le  plan  qu'il  s'était  tracé,  et  les  sources  où  il 
comptait  puiser  :  sources  aujourd'hui  connues  de  tout  le 
monde.  Ainsi  il  y  a  très-peu  à  profiter  de  son  travail  jusque 
aux  derniers  temps  où  il  a  vécu.  Il  le  divise  en  quatre  époc|ues; 
la  première  s'étend  depuis  la  création  du  monde  jusqu'à 
l'incarnation  de  J.  C.  ;  la  seconde  commence  à  l'incarnation, 
et  finit  à  l'année  691  ;  la  troisième  comprend  depuis  cette 
dernière  année  jusqu'à  l'an  Mil.  Ici  commence  la  quatrième 
époque  à  laquelle  il  ne  fixe  aucun  terme,  afin  dit -il,  qu'on 
puisse  toujours  y  ajouter,  soit  de  mon  vivant,  soit  après  ma 
moit.  Les  continuateurs  du  Recueil  des  Historiens  de  France 


5io      GUILL.  GODEL,  MOINE  DE  S.-MARTIAL. 

xn  SIECLE,  ont  donc  bien  fait  de  n'imprimer  que  cette  dernière  partie , 
qui  est  morcelée  dans  les  tomes  X ,  p.  269-263;  tome  XI, 
p.  282-285  ;  et  tome  XIII,  p.  671-677.  Mais  il  y  a  une  obser- 
vation à  faire  sur  ce  dernier  extrait:  c'est  cjue  depuis  l'année 
1 124,  il  y  a  inie  très -grande  confoimité  entre  la  Chronique 
xn"'    V^^   ^^  notre  auteur  et  celle  de  Saint-Pierre-le-Vif  de  Sens. 

Nous  avons  déjà  dit  que  Clarius  ,  auteur  de  la  Chronique 
de  Saint-Pierre-le-Vif,  était  mort  en  1 124,  et  que  sa  Chro- 
nique se  terminait  à  cette  année.  Mais  elle  a  été  continuée 
par  un  anonyme  jusqu'à  l'année  1184.  Dans  cette  conti- 
nuation il  y  a  plusieurs  articles  qui  sont  littéralement  les 
mêmes  que  dans  la  Chronique  de  Godel.  Est-ce  Godel  qui 
les  a  empruntés  du  continuateur ,  ou  le  continuateur  qui  les 
a  copiés  dans  Goflel  ?  Nous  ne  prendrons  pas  sur  nous  de  le 
décider  ;  mais  il  nous  semble  que  le  continuateur  est  plutôt 
le  plagiaire,  parce  que  tantôt  il  n'a  fait  qu'abréger  les  articles 
de  Godel ,  tantôt  il  en  a  su|)primé  d'autres  pour  y  substituer 
des  événemens  relatifs  à  son  monastère. 

II.  Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  continuation  de  la 
Chronique  de  Saint -Pierre  de  Sens  doit  suffire  pour  en 
donner  une  juste  idée.  Nous  croyons  devoir  placer  ici  ce  que 
nous  avons  à  dire  touchant  la  petite  Chronique  de  Sainte- 
Colombe  ,  près  de  Sens. 
Anecd.  i.  Ill,  Cette  Chronique  ,  publiée  par  D.  Martène  ,  commence  à 
"^01.1449-1453.  l'ai^n^g  708,  et  finit  en  1175;  car  ce  qui  est  rapporté  sous 
l'année  1 198  paraît  avoir  été  ajouté  par  une  main  postérieure. 
L'auteur,  qui  était  moine  de  Sainte-Colombe ,  a  recueilli  dans 
quelques  mémoires  de  son  monastère  ,  et  dans  quelques 
chroniques  plus  anciennes ,  les  traits  qu'il  a  jugé  à  propos 
d'insérer  dans  la  sienne.  Aussi  son  ouvrage  n'est-il  proprement 
intéressant,  c|ue  parce  qu'il  nous  fait  connaître  les  abbés  de 
son  monastère  ,  et  la  suite  des  archevêques  de  Sens ,  depuis 
le  VHP  siècle  jusqu'à  son  temps;  encore  en  a-t-il  omis  plu- 
sieurs. Il  a  laissé  vides,  dans  chacun  des  siècles  qu'il  parcourt, 
plusieurs  années  sur  lesquelles  sans  doute  ses  mémoires  ne 
lui  fournissaient  point  d'événemens  piopres  à  entrer  dans 
son  plan.  Nous  y  avons  cependant  remarqué  cpielques  traits 
souvent  étrangers  à  son  monastère  qui  méritent  d'être  re- 
cueillis. 

Parlant  de  l'assemblée  qui  fut  tenue  à  Vézelai ,  à  Pâques 
de  l'année  ii46,pour  délibérer  sur  la  croisade  dont  le  roi 
Louis-le-Jeune  avait  conçu  le  projet,  il  dit  que  l'affluence 


XII  SIECLE. 


GAUTIER  DE  MORTAGNE.  5ii 

de  ceux  qui  prirent  la  croix  ce  jour-là  fut  si  grande,  ciue 
l  echat'aucl  sur  lequel  ils  étaient  montés  s'écroula ,  sans  crue 
personne,  par  une  espèce  de  miracle,  fût  blessé,  et  que 
même  la  partie  sur  laquelle  le  roi  était  monté  n'éprouva 
aucun  accident. 

A  cette  époque,  l'abbé  de  Sainte-Colombe  était  Thibaud, 
fils  de  Hugues  de  Payens,  premier  grand-maître  du  Temple 
de  Jérusalem.  C'était  pour  lui  une  forte  raison  de  s'enrôler 
pour  la  croisade  :  aussi  partit-il  avec  les  autres  pour  la  Terre- 
Sainte,  mais  il  n'en  revint  pas,  étant  mort  en  chemin.  L'auteur 
regrette  beaucoup  une  couronne  d'or  garnie  de  pierres  pré- 
cieuses ,  dont  le  roi  Raoul  ou  Rodolphe  avait  fliit  présent  au 
monastère,  et  une  croix,  apparemment  d'or  aussi,  travaillée 
de  la  main  de  saint  Eioi ,  que  l'abbé  Thibaud  avait  engagée 
furtivement  à  des  Juifs  de  Troyes  ,  pour  les  frais  de  son 
voyage. 

L'an  II 64,  l'église  de  Sainte-Colombe  ayant  été  rebâtie  à 
neuf,  le  pape  Alexandre  III,  pendant  le  long  séjour  qu'il  fit 
à  Sens,  voulut  en  faire  lui-même  la  dédicace.  L'auteur  décrit 
avec  complaisance  cet  événement,  et  estim^à  vingt  mille  le 
nombre  des  étrangers  qui  accoururent  à  celte  cérémonie. 

D.  Martène ,  comme  nous  l'avons  dit ,  a  publié  cette  chro- 
nique, et  les   continuateurs  du  Recueil  clés   historiens  de      T. x, p. 273; 
France  l'ont  réimprimée  par  fragmens  dans  leur  collection,  *  ^^'  P-  ^9* s 
avec  plusieurs  augmentations   cp'ils   ont   trouvées  dans  le  '•^"'P-^'*7- 
manuscrit  58 1  de  la  reine  Christine  ,  et  qu'ils  ont  distinguées 
du  texte  ancien  par  des  crochets.  B. 


GAUTIER  DE  MORTAGNE. 


(jAUTiER  DE  MoRTAGNE  était  né  vers  le  commencement  Gail.  christ. 
du  douzième  siècle,  non  dans  le  Perche,  mais  en  Flandre,  '•  ix,  p.  533. 
dans  un  bourg  appelé  Mortagne,  Maiiritania.  Ce  nom  latin  7^-  ^'  ,^'''"'*^'', 
qui  désigne  ordinairement  une  contrée  africaine,  a  fort  de-  ecd.  t.  xxiii 
routé  Guillaume  Cave,  qui  demeure  en  suspens  [plané  in-  p- 202-206. — 
certwn)  sur  la  question  de  savoir  si  Gautier  a  vu  le  iour  en  î^".^*'"'^.y'  H- 

Af  ■  '1   ^  ^       '  T^  •        I  1         •' ,.       .i,      Linv.  Pans,  ad 

Afrique,  ou  s  il  est  ne  en  Espagne  au  sein  de  quelque  famille  ann.    1120.  — 


5i2  GAUTIER  DE  MORTAGNE. 

XII  SIECLE,  maure  ,    devenue    peut-être    chrétienne.   Yoilà   des   incer- 

Oudin,  t.  II,  titudes  bien  gratuites  et  des  conjectures  bien  superflues  : 

p.  1199^1201.  Gautier,  sans  nul  doute,  était  flamand.  Avant  d'être  prélat, 

Cave,  Script,  jj  avait  acciuis ,  comme  professeur  habile  et  sévère ,  une  ré- 

Ecdes.     t.     II  ,  .  i         ^       ,      .  i     ,     .  ,  ,  ^ 

p.  2j„.  putation  que  ses  écrits  ne  lui  ont  pas  conservée.  Il  enseigna 

la  rhétorique  à  Paris,  dans  une  des  écoles  établies  sur  la  mon- 

Mariènc ,  tagiie  (le  Sainte- Geneviève.  Mais  il  paraît  qu'il  renonça  de 

ïhes.    Anecd.  bouiie  heure  aux  belles-lettres  pour  se  livrer  à  la  philosophie , 

1-13*^°^"'*'  ^^  ^  ^^  qu'on  appelait  alors  de  ce  nom  :  nous  voyons  même 

qu'il  ne  tarda  point  à  donner  des  leçons  de  théologie  à  Reims, 

à  Laon  et  ailleurs.  Depuis   11 36  jusqu'en  11 48,  il  eut  pour 

Métal.  I.       disciple  Jean  de  Salisbury,  qui  nous  1  apprend  lui-même. 

Devenu  chanoine  d'Anthoin  en  Flandre,  Gautier  fut  député 
par  son   chapitre  vers  le   pape   Eugène   III ,  pour  plaider 
contre  Francon ,  abbé  de  Laubes ,  lequel  s'arrogeait  certains 
droits  sur  l'église  d'Anthoin.  Nous  ne  savons  pas  quelle  fut 
l'issue  de  ce  procès  :  mais  Gautier  était  trop  exercé  dans  l'art 
des  disputes ,  pour  que  ses  argumens  n  aient  pas  ete  victo- 
rieux. En  1 1 5o  il  est  chanoine  de  Laon ,  et  devient  successi- 
vement doyen ,  acolatre ,  évêque  de  cette  église.  Il  succéda , 
Gall.  Christ,  sur   le  siége  de  Laon,  à  Gautier  de   Saint-Maurice,  avec 
nov.  t.  IX,  p.  lequel  on  l'a  quelquefois  confondu  :  cette  erreur  s'est  même 
*P.  83i.       glissée  dans  la  table  du  tome  XIV  du  Recueil  des  Historiens 
de  France.  Gautier  II  ou  de  Mortagne,  élu  évêque  de  Laon 
en  II 55,  fut  sacré  à  Rome.  Nous  le  trouvons  en  ii5c)  pré- 
sent à  une  transaction  entre  Odon ,  abbé  de  Saint-Denis ,  et 
le  comte  de  Roucy;  en   11 63  à  un  concile  de  Tours,  que 
présidait   Alexandre   III;  en    1167    à    l'assemblée   tenue   à 
Vézelai  contre  une  secte  manichéenne,  connue  sous  le  nom 
de  poblicains  ou  publicains.  Il  confirma  en  1168  une  vente 
faite  aux  moines  de  Saint-Jean  de  Laon ,  et  il  fonda  deux 
chapelles  en  iiyS.  11  mourut  l'année  suivante  et  fut  enterré 
à  Laon,  dans  l'église  de  Saint-Martin.  Voilà  presque  tout  ce 
qu'on  peut  raconter  de  sa  vie ,  à  moins  que  nous  n'ajoutions 
cm' en  1 164  il  envoyait  à  Gérard ,  abbé  de  Vendôme,  un  os 
de  saint  Béat,  et  qu'avant  de  mourir  il  s'était  fait  prémontré; 
ordre  en  faveur  duquel  le  pape  Adrien  IV  lui  avait  écrit 
Rec.desHist.  dcux  lettres.  Une  circonstance  qui  tient  davantage  à  Ihis- 
(le Fr. t.  XV, p.  toire  littéraire,  c'est  que  le  traite  de  Aniinâ  Christi ,  qui  se 
687,689.  trouve  parmi  les   œuvres  de  Hugues  de   Saint -Victor ,  est 

dédié  à  Gautier  de  Mortagne. 

Nous  avons  de  Gautier  cinq  petits  traités  théologiques , 


GAUTIER  DE  MORTAGNE.  5i3 

qui  portent  le  nom  de  lettres ,  et  qui  occupent  vingt  pages 
dans  le  second  volume  du  Spicilége  de  Dachery.  La  première 
de  ces  lettres  est  adressée  a  un  moine  nommé  Guillaume , 
qui'  tenait  pour  nul  le  baptême  conféré^  par  des  hérétiques. 
Gautier  rétiite  cette  erreur,  qui  jadis  avait  été  l'opinion  de 
Saint-Cyprien  et  l'hérésie  des  Donatistes  :  il  y  oppose  les 
témoignages  et  les  raisonnemens  qui  démontrent  que  l'effi- 
cacité des  sacremens  ne  dépend  en  aucune  manière  de  la 
croyance ,  des  qualités ,  ou  des  mœurs  de  ceux  qui  les  admi- 
nistrent. 

Le  second  écrit  traite  de  l'incarnation.  Gautier  avait 
avancé  que  l'homme  pris  ou  revêtu  par  le  verbe  était  Dieu  : 
dssiiniptus  homo  Deus  est.  Il  s'en  dédit  maintenant;  il  ex- 
plique comment  l'homme,  c'est-à-dire,  un  composé  de  corps 
et  dame ,  s'est  uni  au  Verbe ,  et  comment  l'humanité  et  la 
divinité  ne  sont  qu'une  personne.  La  rétractation  que  fait 
ici  le  savant  auteur  nous  montre  bien  qu'on  ne  doit  parler 
de  la  double  nature  et  de  la  personne  unique ,  qu'en  choi- 
sissant et  pesant  chaque  mot  avec  l'attention  la  pnis  scrupu- 
leuse. 

Un  docteur  nommé  Thierry  prétendait  que  Dieu  n'était 
présent  par-tout  que  par  sa  puissance,  et  non  par  son  essence. 
Cette  erreur  est  victorieusement  réfutée  dans  le  troisième 
écrit  de  Gautier.  Nous  y  lisons  qu'il  est  impossible  de  cir- 
conscrire la  nature  divine ,  et  qu'elle  ne  saurait  exister  en  un 
lieu  plutôt  qu'en  un  autre.  «  Je  remplis  le  ciel  et  la  terre ,  » 
cœluni  et  terram  ego  impleo ,  dit  Dieu  lui-même  dans  Jéré- 
mie.  L'auteur  cite  aussi  ces  paroles  des  Actes  des  Apôtres  : 
In  ipso  vwiinus ,  moi.'einur  et  sunius.  A  la  vérité  ,  saint 
Jérôme  enseigne  que  Dieu  est  à-la-fois  local  et  non  local  :  et 
localis  est  Deus  et  non  localis  ;  qu'il  est  local  pour  ceux  qui 
viennent  à  lui,  et  qu'il  ne  l'est  pas,  en  tant  qu'il  existe  par- 
tout :  mais  Gautier  de  Mortagne  s'en  tient  à  ce  dernier 
résultat ,  et  n'admet  aucune  idée  de  localité  dans  l'essence 
divine  :  «  Dieu  n'est  pas  dans  un  lieu ,  il  est  sans  lieu ,  quoi- 
qu'en  tout  lieu  »  :  Licet  in  omni  loco ,  non  tanien  in  loco, 
sed  sine  loco  est....  ubique  totus. 

Albéric,  autre  docteur ,  soutenait  que  Jésus-Christ  n'avait 
point  appréhendé  la  mort ,  et  n'avait  ressenti  même ,  durant 
sa  passion  ,  aucvm  trouble ,  aucune  tristesse.  Gautier  adresse 
à  cet  Albéric  un  quatrième  opuscule,  oii  il  est  prouvé  par 
des  textes  sacrés  fort  connus ,  que  Jésus  se  troubla,  s'attrista, 

Tome  XI II.  Ttt 


Xn  SIECLE. 


p.  459-/17- 


XXIII,  2/,. 


XYII,  28. 


Joatm,  XII, 


5i4  GAUTIER  DE  MORTAGNE. 

XII  SIECLE,  et  conjura  son  père  d'éloigner,  s'il  était  possil)le,  le  calice  de 
a-jMat.xxYi,  1'^  doulcur.  A  CCS  textos  se  joignent  ici  quelques  témoignages 
?i7,  38;  Marc,  dcs  Pères  dc  l'église,  qui  de  plus  en  plus  autorisent  l'auteur 
.Kiv,  33.  ^j  conclure  que  le  Fils  de  Dieu  s'est  assujéti  à  toutes  les  fai- 

blesses de  la  nature  humaine,  hormis  seulement  le  péché. 
Néanmoins ,  comme  il  se  rencontre  aussi ,  dans  les  écrivains 
ecclésiastiques,  certaines  lignes  qui  disent  en  effet  que  Jésus, 
n'a  pas  craint  la  moi  t,  Gautier  de  Mortagne  distingue  deux 
craintes,  l'une  excessive,  l'autre  modérée,  et  nous  explique 
comment  le  Christ,  inaccessible  à  la  première,  a  dû  ressentir 
la  seconde. 

La  cinquième  épître  est  adressée  à  Pierre  Abailard.  Quel- 
ques disciples  de  cet  homme  célèbre  le  vantaient  sans  me- 
sure, et  le  représentaient  comme  un  théologien  transcendant, 
qui  comprenait  à  merveille  l'unité  de  l'essence  divine  des 
trois  personnes ,  la  génération  du  Fds  et  la  procession  de 
l'Esprit-Saint.  Gautier  n'avait  d'abord  attribué  ces  propos 
qu  à  Finconsidération  des  élèves,  et  s'était  abstenu  de  les 
reprocher  «u  maître.  Mais,  en  lisant  la  première  partie  -du 
traité  c[u' Abailard  avait  intitulé  le  Lune  de  Théologie ,  Gautier 
vit  qu'Abailard  promettait  en  effet  d'expliquer  comment  le 
Fils  est  engendré  du  Père,  comment  le  Saint-Esprit  procède 
de  lun  et  de  l'autre  ;  cpi'il  avait  de  plus  la  présomption  de 
s'abandonner,  en  expliquant  la  Bible,  à  ses  opinions  paiti- 
•  culières;  qu'enfin  il  enseignait  que  Dieu  le  Père  était  plus 
puissant  que  Dieu  le  Fils ,  sous  prétexte  c|ue  Jésus  lui-même 
jo^n.xiv,  28.  dit  dans  Févangile  :  Quia  pater  major  nie  est.  Abailard  est 
redressé  sur  tous  ces  points  dans  cette  lettre  dogmatique. 
Puisque  le  Fils  est  égal  au  Père,  et  ne  fait  qu'un  avec  lui,  ego 
Joan.  X,  3o.  et  pater  uiiuni  swniis ,  il  n'y  a  pas  lieu  de  déclarer  l'un  plus 
ou  moins  puissant  que  l'autre.  La  génération  du  Verbe  est 
Isa.  LUI,  8.  ineffable ,  il  n'est  permis  cà  aucun  mortel  de  la  raconter  ;  le 
Père  n'est  connu  que  du  Fils,  nous  ne  savons  sur  l'essence 
iMat.  XI,  17.  divine  que  ce  que  le  Fils  nous  en  révèle,  et  nos  lumières  per- 
sonnelles ne  sont,  en  de  tels  sujets,  qu'une  ignorance  or- 
gueilleuse. Voilà  quelles  leçons  Abailard  reçoit  ici  du  théo- 
logien Gautier. 

Un  sixième  opuscule  de  cet  écrivain  a  été  inséré  par  dom 

Observ.  ad  Mathoud  dans  l'édition  des  oeuvres  de  Robert  Pullus,  publiée 

op.  Rob.  Pulh ,  en  i655.  Le  manuscrit  sur  lequel  on  a  imprimé  ce  dernier 

p!64.^'         '  ^"it  ï^^  désignant  l'auteur  que  par  l'initiale  G,  Mathoud  a  . 

mis  Guillaume  de  Mortagne  au  lieu  de  Gautier;  c'est  une 


ROBERT,  ABBE   DE  WASOR.  5i5 

bien  légère  inadvertance.  Cette  pièce  au  surplus  n'est  qu'une  '^^^  srecLE. 
courte  réponse  à  Hugues  de  Saint-Victor,  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  avait  dédié  à  Gautier  un  traité  de  lame  du  Christ. 
Hugues  attribuait  à  lame  de  Jésus- Christ  une  science  égale 
à  la  science  divine  :  Gautier  relève  avec  beaucoup  de  poli- 
tesse cette  inexactitude;  il  distingue  en  Jésus  les  deux  na- 
tures, la  divine,  a  lacjuelle  appartient  incontestablement  la 
plénitude  de  la  science  ;  et  l'humaine,  cpii ,  en  science  comme 
en  tout  autre  attribut,  l'este  intérieure  à  la  divinité. 

Tout  annonce  que  Gautier  a  composé  ces  petits  traités 
avant  d'être  évêque  de  Laon  :  c'était  aussi  en  iiSa,  et  par 
conséquent  en  qualité  de  simple   chanoine,  qu'il    faisait  à 
l'église  de  Prémontré  une  donation  qu'on  a  publiée  à  la  suite 
des  ouvrages  de  Guibert.  Mais  ce  fut  en  ii58  ou  1169,  la        P- 819. 
quatrième   année  de   son    épiscopat ,  qu'il   écrivit  au  pape 
Adrien  IV  une  lettre,  où  ce  pontife  est  prié  de  ratifier  une 
transaction  entre  Gautier  et  les  prémontrés.  Nous  termine-      ^'^^-  P™"- 
rons  cet  article  en  transcrivant  1  epitapne  incorrecte  et  rimee  âesHist.  deFr. 
qui  couvrait  le  tombeau  de  Gautier  de  Mortagne.  t.  xv ,  p-  68g. 

.  Gall.  Christ. 

Hic  te^o  Galterum,  quod  detego ,  mutarjue  pctra^  r^-»'     '        '*' 

Prœsniis  acta  loquor ,  pro  li/igud  surit  niild  metra  ; 

Comilio ,  monitis ,  -virtutibus ,  hoc  modo  -vitœ. 

Revit,  correxit,  crexit m-es  et  ovile. 

hifidt  huic  pietas,  sale  sed  condda  rigoris , 

Torpida  ne  ficret  -virtus  et  egena  saporis. 

AhstuRt  hune  nmndo  divisio  discipidoruin  : 

Vis>at  in  œternum  meritis  adjutus  corum. 

D. 


ROBERT, 

ABBÉ   DE   WASOR. 

IvoBERT,  abbé  de  Wasor  au  diocèse  de  Namur,  avait  été 

rehgieux  et   doyen  de  Stavelo;  mais   il    est  assez    difficile        Cave,    de 

comme  assez  inutile  de  fixer  les  époques  où  il  a  vécu  dans  ?*^"^*"   ^"''^'• 

T  I  11  1  '  ^-t'-l        11/        •  1         t.  Il,  ]).  110. 

lun  et  dans  l  autre  de  ces  monastères.  VVibold  écrivant  de  caiiia    christ. 

Ttt2 


5i6  ROBERT,  ABBÉ  DE  WASOR. 

XII  SIECLE.    Stavelo  où  il  était  abbé,  à  la  communauté  de  Wasor  et  à 

jiov.  t.  III,  p.  Thierri  qui  la  gouvernait,  leur  park  tle  R.obert  comme  de 

5ii-  leur  tils  ,y?//?//?i  vestnun ,  expression  qui  sans  doute  autorise 

Bef/lîb'xLi'x    ^  sup]:)oser  que  Robert  avait  appartenu  à  cette  communauté 

n.  i5.  '  avant  d'en   devenir  le  chef.    Cependant,  il  est  certain   que 

Spicii.  t.  VII,  Robert,  lorsqu'on  le  fit  abbé  de  Wasor,  fut  tiré  immédiate- 

PrJîaff  23!'^  ment  de  Stavelo,  où  il  était    doyen  sous  l'abbé  \\iboId. 

Celui-ci  avait   été   lui-même  religieux  de  Wasor,  et  il   est 

présumable  que  devenu  abbé  de  Stavelo ,  il  y  attira  Robert, 

3ui  en  sortit  en   11 48  pour  l'etourner  à  W^asor  en  qualité 
abbé.  Voilà  du  moins  1  hypothèse  qin  nous  semble  concilier 
le  mieux  les  circonstances  énoncées  dans  les  écrits  de  ces  deux 
moines.  Ceux  de  Robert  consistent  dans  une  vie  de  saint  Fo- 
rannan,  une  lettre  à  Wibold  pour  le  consulter  sur  cet  ouvrage, 
Apuil  Mart.  tm  billet  de  pur  compliment  au  même  Wibold,  une  lettre 
^  mp  ISS.   Coll.  jg  ii5t  relative  à  une  association  spirituelle  entre  l'église 
iviariène,  de  Wasor  et  celle  de  Saint-Jean,  cathédrale  de  Liège;  enfin 
Ampiiss.   Coll.  lin  livre  sur  la  fondation  de  l'abbave  de  W^asor,  si  toutefois 
85o'  ^   ^ '°  '^'  ^^  '^^'^  '^l'^*^  commence  la  chronique  de  ce  monastère  et'  la 
Spicii.t.vii,  conduit  jusqu'en   1080,  est  réellement  l'ouvrage  de  Robert. 
p.  5i3etseqq.    La  principale  raison  d'en  douter,  c'est  qu'on  trouve  dans  la 
Spicii.t.vii,  suite  de  cette  chronique  un  assez  long  éloge  de  Robert,  sans 
P-  -Jy2-  i-i-      niention  d'aucun  écrit  composé  par  lui  sur  l'origine  de  ladite 
jVatal.  Sanct.  abbaye.  IMolanus  et  Aubert  le  Mire,  qui  lui  attribuent  un 
cgii  3  dec.      pareil  traité,  nous  semblent  avoir  confondu  ce  livide  avec  la 
nn!)ioi\  Bened.  ^Ic  dc  Saint  Foranuan  qui  en  fait  partie, 
in  Beigio;  ori-       Une    plus    longue   histoirc    de    ce    Saint    occupe    douze 
£111.  Benedict.     colonucs  daus  la  Collection  des  Bollandistes ,  qui  l'annoncent 

,   5o    a-fril  ,  p.  ,,  1        1'    1  1     '    r.     1  T-'ii  *        '     '  1  '        1       1 

807  -  822.  —  comme  1  ouvrage  de  1  abbe  Kobert.  Llle  est  précédée  de  la 
Biabiii.  act.  ss,  lettre  où  il  consulte  W^ibold  sur  ce  travail ,  et  de  la  réponse 

?^^riTi'  ^'^"it'  Que  Wibold  adresse  cà  la  communauté  de  Wasor,  alors  ffou- 
t.\ni,p.  j86.     1         '  m  •  '  to 

vernee  par  1  hierry. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Forannan  déclare  çju'il  a  mieux 
aimé  balbutier  que  se  taire  :  son  silence  eût  laissé  de  trop 
grands  miracles  dans  l'obscurité  :  Quoniam  iinbittamento 
'  artis pliilosophiœ  minus  fidti  verhis  lias  (virtutes  Forannani) 
enucleare  neqidmus  venustis ,  more  puerorum  maluimus 
halbutire  qiûim  notitiam  miracidor'iijn  sancti  virï  suh  ohscu- 
îitads  iwlameiito  occidtare.  Né  en  Ecosse  et  devenu  arche- 
vêque de  Domnachmor  (Armagh)  en  Irlande,  saint  Forannan 
abdiqua  cette  dignité  pour  venir  embrasser  à  Wasor  l'état 
monastique  :  il  ne  tarcla  point  à  se  voir  chargé  du  gouver- 


ROBERT,  ABBÉ  DE  WASOR.  Siy 

nement    de    cette   abbaye.    L'attouchement    de    ses   habits  Xil  SIECLE. 

guérissait  les  malades;  mais  uii  miracle  mçins  vulgaire  est 

celui  qui  le  sauva  d'un  naufrage,  lui  et  quelques  autres  :  le 

Saint  disposa  quïitre  morceaux  de  bois  en  forme  de  croix, 

se  mit  au  milieu,  étendit  ses  compagnons  sur  les  branches, 

et  parvint  au  port  en  chantant  avec  eux  :  in  mari  via  tua,  et 

semitœ  tiiœ  in  aquis  niultis.  Il  mourut  en  982 ,  la  veille  des 

calendes  de  mai.  Telle  est  la  matière  du  premier  chapitre, 

qui  avait  été  d'abord  rédigé  par  un  autre  auteur,  ainsi  que 

nous  l'apprend  un  passage  de  ce  chapitre  même:  Rober  tn'a 

fait  que  le  rectifier,  l'étendre,  et  y  ajouter  les  deux  chapitres 

suivans.  Il  est  permis  de  supposer  cpien  sortant  des  mains 

de  son  premier  auteur,  dont  le  nom  n'est  point  indiqué,  ce 

premier  chapitre  n'était  cjue  le  morceau  cpii  concerne  saint 

Forannan  dans  la  chronique  de  Wasor;  et  cette  conjecture 

pourrait  concourir  à  montrer  que  le  Mire  et   Molanus  se 

sont  trompés  en  attribuant  cette  chronique  à  l'abbé  Robert. 

Celui-ci,  dans  le  deuxième  chapitre  et  dans  le  troisième 
et  dernier,  nous  raconte  les  guérisons  miraculeuses  et  les 
autres  prodiges  opérés  au  tombeau  de  saint  Forannan  ou 
par  son  intercession.  Ce  cpie  nous  y  lisons  de  plus  remar- 
quable, c'est  qu'enterré  dans  un  lieu  humide,  le  saint 
apparut  à  ses  frères  et  leur  demanda  une  demeure  plus 
salubre  :  elle  ne  lui  fut  pas  refusée. 

Robert  de  Wasor  mourvit  en  1 1 74.  Son  style  est  comparé , 
égalé,  presque  préféré  à  celui  de  Cicéron,  dans  une  lettre 
écrite  à  Wibold  en  w^']-,  par  Reinard  abbé  de  Reinchusen.      Apiul  Mart. 
Cette  lettre  donne  lieu  de  croire  que  Robert  aidait  Wibold  Ampiiss.   CoU. 
à  rédiger  les  mémoires  cjue  les  affaires  du  monastère  de  '      >!'  21^- 
Stavelo  forçaient  d'adresser  aux  personnes  éminentes  dans 
l'église  et  dans  l'état.  D. 


MI  SIECLE. 

ROBERT  WACE, 

CHANOINE  DE  BAYEUX,  HISTORIEN-POÈTE. 

SA   VIE. 

Ije  nom  de  cet  écrivain  est  diversement  exprimé  dans  les 
livres  qui  en  ont  pailé ,  et  même  à  la  tête  et  dans  le  corps 
de  ses  propres  ouvrages.   On   le  voit   tantôt  écrit    If^ace , 
ff^acce  ,    fVaice  ,  IVaze  ;   tantôt   Casse  ,  Garce  ,    Guace  , 
Guaze,  Guasco^  Gazoe ,  noms  qui  ne  diffèrent  que  par  quel- 
ques altérations,  et  sur-tout  par  le  changement  de  la  lettre 
initiale  fi^  en  G ,  changemens  qui  se  rencontrent  souvent 
dans  les  noms  propres  qui  commencent  par  un  IV.  Ainsi  on 
écrivait    IVido   pour  Guido ,   IPillehiius    pour    Guillelmus. 
Mais  c'est  une  question  parmi  les  critiques,  de  savoir  si  ces 
noms  sont  une  corruption  de  celui  d'Eustache ,  parce  qu'on 
attribue  quelquefois  au  chanoine  de  Bayeux  le  roman  de 
Brut  ou  d'Artus  de  Bretagne ,  composé  dans  le  temps  oix  il 
vivait ,  et  dans  lequel  l'auteur  prend  le  nom  de   JP'istace  , 
Huistace ,    Huace ,    qui    sont    évidemment    une    altération 
rerb.  Sene-  d'Eustache.  Borel ,  dans  ses  Antiquités  gauloises ,  cite  sou- 
chal ,  Vassal ,  y^j^t  jg  roman  d'Artus  par  maître  Garce ,  quoique  ,  dans  les 
vers  que  cite  de  ce  poëme  le  président  Fauchet ,  l'auteur 
Arad.    des  prenne  le  nom  de  TVistace  et  Huistace.  Galland   fait  deux 
Belles-Lettres,  auteurs  différcus  d'Eustace  et  de  Gasse,  parce  que  l'un  a 
t.  II.  p.  7J0.     çQjj^posg  Iq  Brut  d'Angleterre,  et  l'autre  le  roman  des  Rois 
d'Angleterre.^  ouvrages  qui  existaient  dans  le  même  manus- 
crit dont  il  rendait  compte.  Cela  prouve  bien  que  ce  sont 
deux  ouvrages  distincts ,  mais  non  deux  auteurs  différens. 
Au  reste,  comme  maître  Eustace  est  un  personnage  parfai- 
tement inconnu,  et  que  son  ouvrage  est  dans  le  genre  de 
ceux  de  Robert  Wace,  sans  décider  la  question  de  fidentité 
de  ces  deux  auteurs,  nous  ne  les  séparerons  pas  dans  cet 
article. 

Quant  à  Robert  Wace  ,  il  s'est  fait  assez  connaître  dans 
plusieurs  endroits  du  roman  de  Rou,  qui  est  incontestable- 
ment son  ouvrage.  Il  déclare  qu'il  naquit  à  l'île  de  Gersai , 
au  diocèse  de  Coutance ,  d'où  il  fut  transporté  dès  son  en- 


ROBERT  WACE,  HISTORIEN-POÈTE.         619 

fance  à  Caen  ;  que  de-là  il  passa  en  France ,  pour  y  faire  ses    ^n  siècle. 
études;  qu'étant  retourne  ensuite  à  Caen,  il  se  livra  à  la  " 
coin]X)sition  de  romans. 

^  "Se  l'on  demande  qui  ceu  dist,  Ms.Reg.75G7', 

n  ■       ,       .  ■  ■  .  fol-  54- 

l^ui  ceste  esteiie  en  romans  niist, 

Je  di  et  dirai  que  je  sui, 

Waicce,  de  l'isle  de  Gersui  : 

Elle  est  en  mer  vers  occident , 

Aux  fins  de  Normandie  appent. 

En  l'isle  de  Gersui  fu  nez, 

A  Caèn  fu  petis  portez  ; 

lUeques  (là)  f u  à  lettres  mis, 

Puis  fu  longues  (  long-temps  )  en  France  apris. 

Quant  jeu  de  France  repairai, 

A  Caèn  longues  conversai  ; 

De  romans  faire  m'entremis. 

Moult  en  escript ,  et  moult  en  fis. 

Nous  trouvons  encore  dans  son  ouvrage  de  quoi  fixer 
quelques  époques  de  sa  vie.  Il  dit  clans  un  endroit  qu'il 
avait  vu  trois  rois  d'Angleterre  du  nom  de  Henri,  cjui  joi- 
gnaient à  cette  dignité  celle  de  ducs  de  Normandie. 

Trois  rois  vi  et  congnu,  Brs.S'"Palave 

Et  clerc  lisant  en  leur  temps  fu;  P-  ''i7- 

Des  Englois  furent  rois  tuit  trois , 
Et  tuit  treiz  furent  duc  et  rois. 

Ailleurs  il  dit  que  le  second  de  ces  trois  Henri  était  petit- 
fils  du  premier  et  père  du  troisième, 

De  Henri  roi  second  vos  di , 
Neveu  Henri ,  père  Henri. 

Ainsi  c'est  de  Henri  F'",  de  Henri  II,  rois  d'Angleterre,  et 
de  Henri  au  Court-Mantel ,  fils  du  dernier,  c[ue  l'auteur  veut 
parler;  et,  comme  le  premier  mourut  en  11 35,  il  faut  con- 
clure que  Wace  était  né  quelques  années  auparavant ,  puis- 
que ,  de  son  vivant,  il  était  déjà  clerc  lisant.  De  même 
Henri  au  Court-Mantel  n'ayant  été  couronné  roi  qu'en  1 170^ 
du  vivant  de  son  père ,  il  s'ensuit  que  l'auteur  a  vécu  au- 


5ao         ROBERT  VVACE,  HISTORIEN -POÈTE. 
XIT  SIECLE,    delà  de  cette  année,  mais  nous  ne  connaissons  pas  l'époque 
précise  de  sa  mort.  Nous  examinerons  plus  bas  la  date  de 
chacun  deses  écrits. 

SES  ÉCRITS, 
t 

Du  grand  nombre  de  romans  que  Wace  dit  avoir  com- 
posés, tous  en  vers,  trois  seulement  sont  parvenus  jusqu'à 
nous.  Le  premier  est  le  roman  de  Brut  que  nous  lui  attri- 
buons, comme  formant  la  première  partie  de  l'Histoire  d'An- 
gleterre, que  l'auteur  a  entrepris  de  continuer  dans  le  roman 
de  Bon.  Celui-ci  est  le  second  dont  nous  avons  à  rendre 
compte.  Le  troisième  traite  de  l'établissement  de  la  fête  de 
la  Conception  de  la  Sainte  Vierge. 

Ces  romans  ne  sont  pas  de  pures  fictions  :  on  les  appelle 
ainsi  parce  qu'ils  sont  écrits  en  langue  vulgaire  ,  qu'on  nom- 
mait alors  langue  romane  ou  jvmance.  Ils  sont  dans  le  genre 
purement  historique,  ou  plutôt  ce  sont  des  histoires  mêlées 
de  fables ,  dont  le  fonds  même  n'appartient  pas  au  roman- 
cier. Il  n'a  fait  que  traduire  et  mettre  en  rimes  des  historiens 
qui  existaient  déjà ,  sans  employer  aucune  des  ressources  de 
Hist.  de  la  l'^^t ^  qui  (oi^t;  \^.  charme  de  la  poésie.  «L'auteur,  dit  l'abbé 
Poe,ie  raiir.p.  ^^  jyj.^ggjg^^  entre  de  plain  pied  dans  son  sujet,  suit  pas-à- 
«  pas  les  événemens ,  et  raconte  au  plus  juste  les  choses, 
«  selon  l'ordre  qu'elles  sont  arrivées ,  sans  connaître  ni 
«  simplicité  de  dessein ,  ni  unité  d'action ,  ni  ces  dérange- 
«  mens  et  ces  transpositions  de  faits,  cjui,  dès  l'entrée,  jettent 
«  le  lecteur  au  milieu  du  sujet,  et  sont  un  des  plus  puissans 
«  ressorts  et  des  plus  grands  enclaantemens  de  la  poésie 
«  héroïque,  j) 

\°  Le  Boman  de  Brut  ou  d'Artus  de  Bretagne. 

Le  sujet  de  ce  poëme  est  l'origine  des  Bretons,  cpie  l'auteur 
tii'e  d'un  Brutus  ,  petit-fils  d'Ascagne  et  arrière -petit- fils 
d'Enée.  Depuis  ce  Brutus,  qui,  selon  l'auteur,  régna  le  premier 
dans  la  Grande-Bretagne,  il  continue  la  chronologie  des  rois 
bretons  jusqu'au  roi  nommé  Caduallastre^  qui,  étant  allé  à 
Rome,  y  mourut  le  if)  avril  de  l'an  ^oo  de  l'incarnation, 
temps  auquel,  suivant  notre  auteur,  la  Grande-Bretagne  prit 
le  nom  d'Angleterre.  Ce  roman  est  imité  d'un  ouA^rage  latin 
de  Geofroi  Artur  («),  archidiacre  de  Montmouth,  qui  fut 


(«)  Ce  nom  lui  avait  été  donné  ,  selon  Guillaume  de  Neubrige,  dans 


ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POÈTE.  62  r. 
fait  évêque  de  Saint-Asaph  au  pays  de  Galles,  l'an  ii5i.  x il  SIECLE. 
Geofroi  lui-même  n'était  point  original  ;  il  n'avait  fait  que 
traduire  un  ancien  auteur  inconnu,  dont  le  manuscrit  en 
langue  bretonne  lui  avait  été  communiqué  par  Gautier ^^ 
archidiacre  d'Oxford ,  Brltannici  sennonis  libruni  vetustissi- 
mum  ;  mais  Gautier  l'engagea  à  insérer  un  suj^plément  qu'il 
avait  cora|3osé.  Tandis  que  Geofroi  travaillait  à  réformer 
ainsi  son  histoire,  Alexandre,  évêque  de  Lincoln,  le  sollicita 
d'y  mettre  aussi  les  prophéties  de  Merlin.  Geofroi  les  tra- 
duisit du  breton,  et  les  plaça  dans  son  livre,  qu'il  dédia  à 
Robert,  comte  de  Glocester,  fds  naturel  de  Henri  F*",  roi 
d'Angleterre,  lequel  mourut  en  11 47-  C'est  sur  cet  ouvrage 
amplifié  de  la  sorte  que  luaître  Huistace,  ou  Robert  Wace, 
selon  nous,  composa  le  roman  de  Brut.  Voici  les  vers  par 
lesquels  il  débute  : 

Qui  vieult  oir  et  vieult  savoir 

Du  roy  en  roy ,  et  d'oir  en  hoir , 

Qui  cil  furent  et  dont  vinrent 

Qui  Angleterre  primes  (premièrement)  tinrent, 

Quiez  (  quels)  roys  y  a  en  ordre  eu, 

Et  qui  ainçois  (anciennement)  et  qui  puis  fu, 

Maistre  Huistace  {a)  la  translaté , 

Qui  en  conte  la  vérité , 

Si  com  li  livres  le  devise. 

Quant  Grieu  (les  Grecs)  orent  Troye  conquise,  etc. 

Cette  composition  renferme  quinze  mille  trois  cents  vers , 
dont  les  quatre  derniers  font  connaître  l'année  où  l'auteur  y 
mit  la  dernière  main  : 

Puis  (  depuis  )  que  Dieu  incarnation 
Prist  pour  nostre  rédemption , 
Mil  cent  cinquante  et  cinq  ans , 
Fist  maistre  Wistace  cest  romans. 

son  prologue ,  parce  qu'il  avait  inséré  dans  son  ouvrage  les  fables  du  roi 
A.rtur.  At  contra  quidam  nostris  tcinporibus  pro  expiandis  liis  Britonum 
maculis  scriptor  emcrsit ,  ridlcula  de  eisdefti  figinenta  contexens  ,  eosque 
longe  suprh  virtutem.  Macedonain  et  Romanorian  impudenti  vanitate  nttol- 
lens.  Gaufridus  Inc.  dictiis  est,  agnoinen  habcns  Àrturi ,  pro  eo  qm)d fabulas 
de  Arturo ,  ex  prisais  Britonum  flgmentis  sumptas ,  et  ex  proprio  auctas , 
per  superductum  latini  sermonis  colorem  lionesto  historiœ  nornine  palliavit. 
(a)  Dans  un  manuscrit  des  cordeliers  d'Angers,  du  XIII*  ou  XIV  siècle, 
Tome  XIII.  Vvv 


522         ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POETE. 

XII  SIECLE.  Le  principal  héros  de  la  pièce  est  le  fameux  Artur,  roi  des 
Hist.  d'An-'i.  Bretons,  mort  en  542.  «  Ce  prince,  dit  Rapin  Tlioiras,  a  ete 
t.  I,  p.  126  ,  «  sans  contredit  un  grand  capitaine.  C'est  dommage  que  ses 
i7/,g,  m-4".  «actions  aient  servi  de  fondement  à  une  infinité  de  fables 
«qu'on  a  publiées  sur  son  sujet;  au  lieu  que  sa  vie  était 
«  digne  d  etre-écrite  par  les  historiens  les  plus  graves  et  les 
K  plus  sensés.  On  prétend  qu'il  institua  un  orthe  de  cheva- 
«  lerie  appelé  de  la  Table-Ronde ,  qui  a  été  rcïidu  célèbre  par 
«les  écrivains  de  romans.  Mais,  bien  qu'on  ait  bâti  divers 
«  récits  fabuleux  sur  ce  fondement,  il  ne  s'ensuit  point  que 
(c  l'institution  de  cet  ordre  doive  entièrement  passer  pour 
«  chimérique.  Il  n'est  pas  contre  la  vraisemblance  qu'Artur 
«  ait  institué  un  ordre  de  clievalerie  dans  la  Bretagne,  puis- 
«  que,  dans  le  même  siècle  ,  Théodoric,  roi  clés  Ostrogoths, 
<c  en  avait  institué  un  en  Italie,  ainsi  cju'on  l'apprend  par  les 
«  lettres  de  Cassiodore.  Les  Bretons ,  tant  de  l'une  que  de 
«c  l'autre  Bretagne,  avaient  conçu  tant  d'amour  et  tant  d'es- 
«  time  pour  ce  prince ,  qu'il  y  en  eut  plusieurs  qui  ne  vou- 
«  lurent  jamais  croire  qu'il  fut  moi  t.  Il  se  trouva  même, 
«  plusieurs  siècles  après ,  des  gens  qui ,  se  persuadant  qu'il 
(C  était  allé  voyager  dans  les  pays  étrangers  ,  attendaient 
«  encore  son  retour.  Il  y  a  des  historiens  qui  assurent  cjue 
«  cette  eireur  ne  fut  entièrement  dissipée  que  six  cents  ans 
«  après,  lorsque  le  tombeau  d' Artur  lut  trouvé  dans  le  mo- 
«  nastèré  de  Glaston,  sous  le  règne  de  Henri  II.  Cela  paraî- 
«  trait  incroyable,  si,  dans  le  XVF  siècle,  on  n'avait  vu  en 
«  Portugal  un  exemple  d'une  semblable  manie  par  rapport 
«  au  roi  D.  Sebastien.  C'est  peut-être  ce  qui  a  tioimé  lieu  à 
«  cpiehju'un  qui  a  voulu  se  rendre  agréable  aux  Bietons,  de 
«  feindre  qu'Artur ,  dans  ses  voyages ,  avait  remporté  un 
«  nombre  infini  de  victoires  dans  les  jjays  étrangers.  Les 
«titres  de  Gernianicus ,  Gallicus ,  Dacicus^  que  ce  prince 
«  prenait ,  et  son  voyage  à  Jérusalem ,  peuvent  avoir  servi 
«  de  fondement  à  ces  fables.  Ces  prétendus  voyages  et  ces 
«  victoires  imaginaires  dans  les  pays  étranget  s  ont  été  une 
«  source  abondante  de  sottises  et  d  impertinences  que  les 
«  romanciers  ont  débitées  sur  son  sujet.  C'est  par-là  cjue  son 
«  histoire  a  été  tellement  défigurée ,  cpie  plusieurs  ont  cru 

ail  rapport  rie  D.  Rivet,  on  lisait  innistre  Gazoe ;  île  même  à  la  citation 
suivante.  Ce  qui  vient  à  l'appui  de  notre  opinion  que  Huistace,  Guace  ou 
Wace  pourraient  bien  nêtre  qu'une  même  chose. 


ROBERT  WACE,  HISTORIEN-POÈTE.         523 

«  qu'il  y  avait  lieu  de  douter  qu'il  y  ait  jamais  eu  un  Artur    X"  siècle. 

«  dans  le  moufle.  Ce  doute  n'est  pas  trop  étonnant,  puisqu'il 

«  est  impossible  d'accorder  toutes  les  contradictions  qui  se 

«rencontrent  dans  son  histoii'e  fabuleuse.  Mais,  en  distln- 

«  guant  le  vrai  d'avec  le  faux,  et  en  refetant  de  sou  histoire 

«  ce  qui  sent  trop  le  roman,  on  ne  trouvera  rien  dans  la  vie 

«  de  ce  héros  qui  ne  puisse  convenir  à  un  grand  prince.  »  Tel 

est  le  jugement  de  Rapin  Thoiras  sur  le  roman  d'Artus  ;  tel 

est  aussi  celui  que  porte  de  l'ouvrage  de  Geofroi  de  Mont- 

mouth ,  qui  a  servi  de  type  au  roman ,  le  nouvel  historien 

de  Bretagne,  D.  Morice ,  tom.  I,  p.  877 ,  note  xi. 

Quant  au  motif  qui  a  pu  faire  imaginer  tant  de  fables,  le         ^'^^•^-   des 
comte  de  Caylus  le  trouve  dans  les  jalousies  qui  ont  toujours  ,  \xiir"[ri' 
existé  entre  les  nations.  «  Nous  venons  de  voir,  dit-il,  que  p.  2^9. 
«  les  hauts  faits  de  Charlemagne  produisirent  chez  nous  les 
«idées  romanesques  (le  fauxTurpin).  Les  Anglais,  jaloux 
«  et  fâchés  de  voir  leur  histoire  dénuée  d'un  si  grand  orne- 
«  ment ,  voulurent  se  donner  un  roi  comparable  à  ce  grand 
«  prince  ;  et ,  pour  le  former  à  leur  gré ,  ils  choisirent  dans 
«  les  temps  ignorés  un  monarque  qui  peut  avoir  eu  de  belles 
«  qualités ,  et  auquel  ils  étaient  les  maîtres  d'en  prêter  autant 
«  qu'il  leur  plairait.  Voilà  ce  qui  nous  a  procuré  les  histoires 
«  du  roi  Artus.  La  date  de  son  règne  rendait  celui  de  Char-  i 

«  lemagne  une  copie  du  sien  [  quoique  ,  dans  le  vrai ,  la 
«  Chronique  bretonne  ne  soit  qu'une  copie  du  fauxTurpin.]» 

En  effet ,  les  traits  de  ressemblance  entre  ces  deux  mo- 
narques sont  si  frappans,  qu'il  suffit  de  les  mettre  sous  les 
yeux  du  lecteur  pour  se  convaincre  que  le  roman  de  Char- 
lemagne est  l'original  du  roman  d'Artus.  Voici  les  princi- 
paux : 

«  Artus  et  Charlemagne  ont  chacun  un  neveu  très-brave,  ibi'i  11.2112. 
«qu'ils  ont  aimé  uniquement;  Roland  et  Gauvin  ont  joué 
«le  même^ôle.  Personne  n'ignore  la  quantité  de^uerres 
«  que  Charlemagne  eut  à  soutenir  ;  Artus ,  aussi  grand  guer- 
«  royeur,  en  a  soutenu  douze.  Ils  ont  tous  deux  combattu 
«  les  payens  ;  tous  deux  ont  eu  affaire  aux  Saxons  ;  tous 
«  deux  ont  fait  grand  nombre  de  voyages.  La  générosité  à 
«  donner  le  butin  à  leurs  capitaines  est  la  même  dans  l'un 
«  et  dans  l'autre.  Charlemagne  était  sobre  ,  sa  table  était 
«  frugale  ;  il  n'y  admettait  ses  amis  et  les  grands  du  royaume 
«  qu'aux  jours  de  fête  solennelle.  Artus  a  tenu  exactement 

VVV2 


524         ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POETE. 

MI  SIECLE.     ,(  la  même  conduite.  Les  douze  pairs  de  l'un  répondent  aux 
«  douze  chevaliers  de  la  Table-Ronde  de  l'autre.  )> 

L'auteur,  au  reste,  a  la  bonne  foi  de  convenir  que  tout  ce 
qu'il  rapporte  du  roi  Artur  n'est  ni  absolument  vrai  ,  ni 
absolument  faux;  mais  qu'on  a  fait  beaucoup  de  contes  aux- 
quels son  courage  et  ses  avttres  grandes  cjualités  ont  donné 
lieu. 

Ne  tôt  manconge  ,  ne  tôt  voir , 

Ne  tôt  folie  ,  ne  tôt  savoir  ; 

Tant  ot  li  cantéor  canté , 

Et  li  fabléor  fable 

Par  les  contes  ambeletes  (embellis  ou  qu'ils  promenoient) , 

Qui  tôt  ont  fait  fables  sembletes,  (_  ressemblantes), 

Par  la  bonté  de  son  corage , 

Et  par-  le  los  de  son  barnage,  (exploits  de  ses  barons). 

Et  par  la  grant  chevalerie 

Quel  ot  affaitice  (formée)  et  norie. 

Il  existe  deux  éditions  de  ce  roman  ,  l'une  de  Paris,  i543, 
in-4°,  l'autre  de   i584,  in-4°,  à  Paris,  chez  Bonfons ,  avec 
d'autres  anciens  romans,    Iristan  de  Lionnois ,  Meliadus , 
dit  le  chevalier  de  la  Croix,  Doolm  de  Mayence ,   Olivier  de 
^,  Castille,  Artus  d' Jlgarhe ,  Robert  le  Diable  et  Richard  sans 

peur. 

aP  Le  roman  de  Roii ,  ou  f/iistoirc  des  ducs  de  Normandie. 
Cet  ouvrage  peut  être  regardé  comme  la  suite  du  roman 
de  Brut.  Dans  celui-ci  l'auteur  avait  parcouru  le  premier  âge 
de  la  monarchie  anglaise;  dans  l'autre  il  fait  fhistoire  du 
second  âge  de  cette  même  monarchie,  en  commençant  aux 
ducs  de  Normandie  dont  les  descendans  conquirent  l'Angle- 
terre. 

Il  n'a  jamais  été  impi-imé  en  entier,  mais  on  en  trouve 
des  fra^ens  parmi  les  preuves  de  la  généak)gie  de  la 
maison  d'Harcourt,  par  Gilles-André  de  la  Roque,  dans 
l'histoire  de  Normandie  de  Gabriel  du  Moulin ,  dans  le  glos- 
saire de  Ducange ,  et  ailleurs.  M.  de  Bréquigni  a  donné  de 
ce  roman  une  ample  notice  d'apiès  les  manuscrits  de  la 
bibliothèque  impériale  de  Sainte-Palaye,  qui  nous  dispense 
d'entrer  à  cette  ég.ard  dans  uu  plus  grand  détail. 

Le   savant  Académicien   a    fort  bien   distingué   dans   ce 
roman,  soit  par  la  mesure  des  vers,  soit  par  des  indications 


T. 

m, 

p.  .3 

-i8 

,25 

,  35, 

170. 

P. 

90, 

i39' 

etc. 

Notices   (les 

mss. 

t.V 

,  p.  21 

-78 

ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POÈTE.  525 

précises  quil  a  recueillies,  deux  parties  cjui  commencent   xii  siècle. 
l'une  et  l'autre  par  ces  vers  : 

Por  remembrer  (  retracer  3  des  ancessours 

Les  fez  et  les  dis  et  les  mours  , 

Les  félonies  des  félons, 

Et  les  barnages  (  hauts  faits  )  des  barons  , 

Doit-l'on  les  livres  et  les  gestes, 

Et  les  estoires  lire  as  festes. 

La  première  partie  fut  entreprise  en  1160,  comme  nous 
rapprend  l'auteur  lui-même  dans  ces  vei's  qu'on  lit  à  la  fin  : 

Mil  et  cent  et  soixante  ans  eut  de  temps  et  d'espace  Ms.  S^Palaye, 

Puis  que  Diex  en  la  Vierge  descendi  par  sa  grâce,  P-  i34. 

Quant  un  clerc  de  Caën  ,  qui  ot  nom  maistre  IVace, 
Sentremist  de  l'estoire  de  Rou  et  de  sa  race. 

Dans  cette  pdrtie  l'auteur  fait  en  vers  de  douze  syllabes 
l'histoire  des  trois  premiers  ducs  de  Normandie,  Rollon , 
Guillaume  Longue-epée,  et  Richard  I.  Ce  sont  les  premiers 
vers  alexandrins  cju'on  connaisse  dans  notre  langue.  Il  avait 
alors  pour  objet  d'obtenir  de  son  souverain,  Henri  II  roi 
d'Angleterre ,  quelque  récompense  ;  il  le  déclare  expressé- 
ment au  commencement  de  la  seconde  partie. 

Por  l'enor  (l'honneur)  au  second  Henri,  JbiJ.p.  146. 

Qui  du  linagc  Rou  issi , 

Ai-je  de  Rou  longues  (longuement)  conté....  • 

Et  de  Guillaume  Longue-espée 

Avons  l'estoire  avant  contée  ; 

De  Richard  son  fils  avons  dit , 

Que  son  père  laissa  petit. 

Il  obHnt  ce  qu'il  desirait.  Le  roi  lui  lit  donner  un  cano- 
nicat  à  Bayeux,  comme  il  le  dit  par  reconnaissance  en  plu- 
sieurs endroits  de  la  continuation  de  son  ouvrage  :  * 


•&'■ 


Par  Dieu  aye  (aide)  et  par  le  roi, 
Autre  servir  fors  lui  ne  doi , 
Me  fut  donné  'Diex  li  rende) 
A  Baex  une  provande. 


5i.G         ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POETE. 

XII  SIECLE.        Çq  fut  postérieurement  à  ce  don  qu'il  reprit,  en  vers  de 
'  "^       huit  syllabes,  la  suite  de  Ihistoire  de  Richard  I,  à  laquelle 

il  joignit  celle  des  autres  ducs  de  Normandie  juscju'à  Henri  I 
roi  d'Angleten-e,  lequel  ayant  vaincu  et  fait  prisonnier  son 
frère,  Robert  Courte -heuse,  à  la  bataille  de  Tinchebrai , 
l'an  1106,  s'empara  de  la  Normandie. 

Là  se  termine  le  roman  de  Rou  ;  mais  Wace  n'avait  rien 
dit  jusque-là  des  Normands  qui,  avant  Rollon  ,  s'étaient 
établis  en  France  après  l'avoir  ravagée.  Il  voulut  réparer 
cette  omission  en  plaçant  à  la  tête  de  son  histoire,  toujours 
en  vers  de  huit  syllabes,  ce  qu'il  put  recueillir  de  Hasling , 
qu'il  appelle  Hastainz,  et  des  autres  Normands  ou  Danois  _— 

qui,  après  plusieurs  courses  en  France  et  en  Italie,  sous  la  ■ 

conduite  de  ce  chef,  s'étaient  fixés  à  Chaitres  du  consente-  9 

ment  de  Charles-le-Chauve.  Arrivé  ensuite  à  Rollon,  dont  il  ■ 

avait  déjà  composé  l'histoire,  pour  lier  ce  morceau  avec  ce 
qu'il  venait  de  raconter,  il  représente  son  entreprise  comme 
longue  et  pénible.  C'est  pourquoi  il  change  la  mesure  des 
vers,  afin  de  resseiTer,  dit-il,  la  matière  dans  un  moisdre 
espace. 

A  Ilou  somes  venu,  et  de  Rou  vos  diron, 

Là  commence  l'estoire  que  nos  dire  devon. 

31ez  por  l'œuvre  exploiter  les  vers  abregeron  [a] , 

La  voye  est  longue  et  giief ,  et  le  travail  crenion  (redoutons). 

Cependant  son  ouvrage  ne  contient  pas  moins  de  treize 
mille  vers.  Quant  au  fond,  l'auteur  suit  presque  toujours 
pas  à  pas  les  deux  plus  anciens  historiens  de  Normandie, 
Dudon  de  Saint -Quentin  et  Guillaume  de  Jumiége,  qu'il  ne 
fait  que  traduire,  sans  cependant  les  citer  jamais.  M.  de 
Bréc|uigni  a  eu  soin  de  com])arer  le  texte  du  traducteur  avec 
les  auteurs  originaux,  et  d'indiquer  les  petites  différences 
qui  s'y  rencontrent.  Dans  la  première  partie ,  Wace  ayant 
pris  pour  guide  Dudon  de  Saint-Quentin,  débite  beaucoup 
de  fables;  mais  dans  la  seconde,  oîi  il  suit  Guillaume  de 
*  Jumiège,  sa  narration  est  plus  conforme  aux  monumens  de 
l'histoire.  On  v  trouve  quantité  de  détails  sur  des  faits  omis 
ou  rapidement  touchés  par  les  anciens  auteurs.  D.  JMont- 

(a)  Abréger  les  vers  ne  signifie  pas  ici  leur  donner  une  moindre  me- 
sure ,  mais  PU  diminuer  le  nombre  en  les  faisant  plus  longs. 


( 


ROBERT  WACE,  HISTORIEN- POÈTE.         Ô27 

faucon  et  M.  Lancelot  eu  ont  tiré  de  grands  secours,  et  des    xii  siècle. 
secours  qu'ils  ne  trouvaient  pas  ailleurs,  pour  l'explication       Monum.  de 
de  la  fameuse  tapisserie  de  la  cathédrale  de  Bayeux,  où  sont  '^    Monar.  fr. 
représentées  les  principales  circonstances  de  l'expédition  qui  j^^m*!!''*^*^','.";" 
mit  Guillaume-le-Bàrard  en  possession  du  trône  cl'Angleterre.  -6G8.  ' 

Les  coiitiiuiateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France 
avaient  eu  dessein  de  puhher  le  roman  de  Rou,  ils  l'aydient 
même  annoncé  dans  le  onzième  volume  de  leur  collection: 
mais  s'étant  depuis  aperçus  que  ce  poëme  avait  été  mis  en  Bou.iuet,  t. 
prose  par  un  auteur  du  XIIÎ'^  siècle,  et  qu'ils  avaient  déjà  xni,  j..  29.0. 
jîublié  cette  espèce  de  traduction  sous  le  titre  de  chronique 
de  Normandie ,  ils  ont  cru  inutile  d'imprimer  le  poëme,  cpii , 
à  leur  avis,  ne  contient  pas  plus  de  faits  que  la  chronique, 
dont  cependant  il  est  l'original;  et  pour  prouver  leur  asser- 
tion ,  ils  ont  imprimé  au  bas  des  pages  de  la  chronique  cniel- 
ques  endroits  du  poëme  qui  y  correspondent.  Travaillant 
pour  l'histoire,  et  non  pour  la  littérature  grammaticale  du 
vieux  français,  ils  ont  eu  quelque  laison  de  ne  pas  charger 
leurs  pages  de  cette  immensité  de  vers;  mais  cela  n'empêche 
pas  qu'il  ne  soit  à  désirer  cjue  quelqu'un  publie  ce  ]X)ëmc 
en  faveur  des  amateurs  du  vieux  langage,  d'autant  plus  que 
le  texte  de  cet  auteur  n'a  pas  été  rajeuni  par  les  copistes, 
comme  cela  est  arrivé  à  tant  d'autres  écrits. 

Nous  terminerons  cet  article  par  le  jjigement  qu'a  porté 
de  cette  production  M.  de  Bréquigni  :  «  La  poésie  de  Wace  Notices  des 
«n'est  qu'un  amas  de  rimes  accumulées  sans  art  et  sans  ™ss.t.v,p.  t?. 
«  règle;  son  style  dégénère  le  plus  souvent  en  une  battologie 
«  fastidieuse,  une  abondaîice  stécile  d'expressions  sans  cha- 
«  leur  et  sans  couleur.  On  ne  peut  sans  doute  espérer  de 
«  trouver  aucun  agrément  dans  la  lecture  d  un  j>.ireil  poëme; 
«mais  les  amateurs  de  notre  ancienne  littérature,  de  nott* 
«  histoire ,  s'en  croiront  dédommagés  par  divers  genres 
«  d'utilité  qu'ils  pourront  en  tirer.  On  y  puisera  des  connais- 
«  sauces  exactes  sur  l'état  où  était  parvenue,  an  dtjuzieTnc 
«siècle,  la  langue  l'omance,  lorsqu'après  avoir  été  durant 
«  plusieurs  siècles  la  langue  grossière  du  peuple,  elle  devint 
«  celle  de  nos  écrivains,  et  sur-tout  de  nos  poètes.  On  y 
«  recueillera  des  témoignages  sur  des  faits  omis,  ou  diver- 
«  sèment  racontés  par  les  historiens.  On  y  apercevra  les 
«  traces  de  quelques  usages  au  moins  du  siècle  où  l'auteur 
.  «  écrivait,  jj  Ajoutons  cjue  pour  recueillir  tous  ces  avantages, 
il  est  nécessaire  que  l'éditeur  qui  entrepi-entlra  de  donner 


5^8  ROBERT  WACE,  HISTORIEN -POÈTE. 
XII  SIECLE,  cet  ouvrage  au  public,  rétablisse , le  tfxte  dans  sa  pureté 
originale,  sans  se  permettre  de  changer  l'orthographe;  qu'il 
remonte  aux  sources  des  faits  historiques,  pour  indiquer 
ceux  que  le  traducteur  a  ajoutés  du  sien;  cju'il  vérifie  les 
dates  chionologiques,  qui  souvent  sont  fausses  ou  altérées; 

3u'il  supplée  à  celles  que  l'auteur  néglige  pour  lordinaire 
e  marquer.  La  notice  de  M.   de  Bréquigni  sera  pour  cela 
d'un  ti'ès-grand  secours. 

3°  Robert  Wace  est  encore  auteur  d'une  pièce  de  vers  sur 
l'établissement  de  la  fête  de  la  Conception  de  la  Sainte- 
Vierge,  qui  a  pour  titre  dans  le  manuscrit  de  l'église  cathé- 
drale de  Paris,  n'ao,  aujourd'hui  à  la  bibliothèque  impériale: 
C'est  comment  la  Conception  notre  Dame  fat  étallie. 

L'auteur,  qui  se  nomme  Maistre  Guace  au  cominencement 
et  à  la  lin  de  cet  écrit,  place  finstitution  de  cette  fête  sous 
le  règne  de  Guillaume-le-Conquérant,  peu  après  la  célèbre 
victoire  qui  le  plaça  sur  le  trône  d'AngIt terre,  à  l'occasion 
d'une  vision  qu'eut  un  abbé  de  Ramèse  nommé  Elsin  ou 
Elfin.  {a)  Cet  abbé  ayant  été  envoyé  par  ce  monarcjue  en  Dace 
ou  Danemarck,  fut  accueilli  à  son  retour  par  une  violente 
tempête.  Se  voyant  sur  le  point  de  périr,  il  invocpia  le  secours 
de  la  Sainte-Vierge.  Aussitôt  ceux  qui  étaient  dans  le  navire, 
aperçurent  parmi  les  flots  un  homme  vénérable  habillé 
comme  un  évêque,  lequel  s'étant  approché  d'eux,  dit  à 
Elsin  :  «  Je  viens  à  vous  de  la  part  de  la  mère  de  Dieu ,  et 
«  j'ai  ordre  de  vous  dire  que  si  vous  voulez  éviter  le  naufrage, 
«  il  faut  que  vous  pi'omettiez  de  célébrer  le  jour  de  sa  Con- 
«  ception.  »  L'abbé  le  promit ,  et  la  tempête  cessa  sur-le-champ. 
Elsin  ne  manqua  pas  de  s'acquitter  de  sa  promesse;  il  établit 
la  fête  de  la  Conception  dans  son  abbaye ,  d'où  cette  dévotion 
se  répandit  bientôt  dans  toute  fAngleterre,  et  de  là  en  France 
et  ailleurs.  Robert  Gaguin  rapporte  ainsi  la  chose  d'après 
les  historiens  x\nglais  ,  dans  son  poème  sur  la  pureté' de 
Marie,  imprimé  à  Paris,  in -8°,  en  i6iy.  C'est  aussi  de  la 
même  manière  que  notre  auteur  raconte  l'établissement  de 
la  fête  de  la  Conception.  Voici  son  début  : 

Se  aucuns  est  cui  Dieu  ayt  (soit)  chier, 
Sa  parole  et  son  mestier  (besoin), 
A^iegne  oïr  que  je  dirai  ; 

(a)  Geofroi  du  Vigeois,  qui  rapporte  cette  histoire  {cap.  12,  p,  284). 


ROBERT  WACE  ,  HISTORIEN-POETE.         529 

Ja  d'un  seul  mot  ne  mentirai.  XII  SIECLE. 

Maistrc  guaces,  un  fiers  sachaus, 
*  Nos  espont  (expose)  et  dit  en  romans 

En  quel  tems,  comment  et  par  oui 
Fu  commencie  et  establi 
Que  la  fête  fut  célébrée  , 
Que  conçue  et  engendrée 
Fu  notre  Dame  sainte  Marie. 
N'en  fu  oncques  paroles  oïe 
Qu'à  luil  tans  ainçois  (auparavant)  feist-on 
Feste  de  sa  conception 

Dessi  eau  tans  (jusqu'au  temps)  le  roi  Guillaïuuc. 
Quant  les  Englois  et  le  royaume 
Par  force  et  par  bataille  prist, 
Viles,  chastiaux,  cités  conquist. 

Ce  roman  est  compose  d(f  mille  huit  cents  vers,  dans  les- 
quels, outre  l'histoire  de  la  fête  dont  on  vient  de  parler, 
l'auteur  fait  celle  de  la  descendance  de  la  Sainte -Vierge,  de 
sa  naissance,  de  sa  vie  et  de  sa  mort.  Ducange  en  cite  un 
fragment  sur  le  mot  bagiienas  qui  signifie  tempête. 

En  France  les  Normands  furent  les  premiers  qui  adop- 
tèrent la  fête  de  la  Conception ,  laquelle  pour  cette  raison 
fut  appelée  îa  fcte  aux  ISormauds.  Elle  donna  lieu  à  une 
associ;ition  ou  confrérie  qui  ne  l'ut  d'abord  qu'une  institution 
religieuse  à  laquelle  le  poème  de  Wace  donna  quelque  éclat. 
L'enthousiasme  de  la  nouveauté'  s'empara  des  beaux  esprits 
du  temps,  qui,  ii  l'exemple  du  chanoine  de  Bayeux,  s'exer-  — 

cèlent  a  qui  célébrerait  avec  plus  d'art  et  d'éloquence  les 
A'crtus  de  la  Saînte-Vier^e.  Telle  est  l'oricrine  des  Palinods      Servin,Ki>i. 
de  Caën,  ou  de  V Académie  de  l'Immaculée  Conception  qui  ^^  i>oupii ,   t. 
subsiste  encore  de  nos  jours  :  il  est  peu  d  Académies  au 
monde  qui  puissent  remonter  plus  haut. 

4°  Antoine   Galland  attribué   à  notre  auteur  le   roman        Acad.   Ae% 
intitulé  le  Chevalier  au  Lion.  Il  se  fonde  sur  l'autorité  d'un  Inscrip.  t.  II, 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Foucaut,  qui  a  passé  depuis  ^'  '^'°' 
dans  celle  de  Dufay,  à  la  fin  duquel  on  lit  ces  vers  : 

Mil  et  cent  cinquante  cinq  ans 
Fit  maistre  Gasse  ce  Romans. 

l'appelle  Erphin.  Dans  le  Monastioou  Angl.  t.  I,  p.  240  ,  son  nom  est  écrit 
Aielsinus ,  et  il  est  marqué  quil  fut  fait  abbé  en  1080. 

Tome  XIII .  Xxx 


53o  RICHARD  DE  POITIERS. 

XII  SIECLE.  C'est  exactement,  comme  nous  l'avons  vu,  la  date  du 
roman  de  Brut.  11  faut  qu'elle  ait  été  ajoutée  par  un  copiste 
mal  hal>ile;  car,  dans  un  autre  manuscrit  du  même  catâ- 

^J^!'""^'^'^^-  ■  logue,  le  roman  du  Chevalier  au  Lion  est  attribué  à  Chrétien 
de  Troyes,  à  cjui  il  appartient  indubitablement,  comme 
nous  le  prouverons  à  son  article.  B. 


RICHAPlD  DE  POITIERS, 

MOINE  DE  CLUrsl,   HISTORIEN. 
SES  ÉCRITS. 

T.  XII,  p.  (Quoique  dans  cette  histoire   on   ait  déjà  rendu  compte 
•i7^-i'  o-         j^}gg  écrits  de  Richard  de  Poitieis,  nous  nous  croyons  obligés 
d'y  revenir,  soit  parce  qu'on  en  a  parlé  fort  inexactement, 
soit  parce  qu'on  n'y  a  pas  combiné  les  différentes  éditions 
de  son  principal  ouvrage,  qui  est  sa  Chronique.  Nos  prédé- 
cesseurs n'ont  pas  connu  l'édition  rpii  en  a  été  donnée  par 
Aniki-iialiap,  Miiratori  au  tome  IV  des  Antiquités  d'Italie  du  moyen  âge, 
î.  r\ ,  p.  107  .  çj.  j^'pj^  ^j^^  ^jpj^  jj^   Cependant  cet  écrivain  est  celui  qui  a 

le  mieux  parlé  de  Richard  et  de  ses  ouvrages;  il  relève  toutes 

les  méprises  dans  lescpielles  sont  tombés  les  bibliographes 

en  parlant  de  Richard  ;  mais  il  se  trompe  lui-même  lorsqu'il 

dit  qu'avant  lui  personne  n'avait  imprimé  cette  Chronique. 

Ainpi.  Coll.  D.  JMartène  l'avait  publiée,  au  moins  en  partie,  douze  ans 

t.  A,  col.  iiOo—  auparavant,  sur  un  manuscrit  de  Colbert  qui  est  aujourd'hui 

'  '  le   5oi4    de   la  bibliothèque  impériale,  mais    qui    est  bien 

différent  de  celui  du  Vatican,  dont  Muratori  s'est  servi. 

Il  est  surprenant  cju'après  tout  ce  que  les  bibliographes 
et  autres  savans  ont  écrit  sur  Richaid  de  Poitiei'S  ,  cet  auteur 
ne  soit  pas  plus  connu.  On  ne  sait  ni  l'année  de  sa  naissance 
ni  celle  de  sa  mort;  les  uns  le  font  parisien,  c'est  une  mé- 
prise de  Sixte  de  Sienne  cjui  a  été  copiée  par  d  autres; 
d'autres  l'ont  confondu  avec  Richard  de  Saint-^  ictor  de 
Paris.  Richard  de  Cluni  était  Poitevin ,  il  le  dit  lui-même  à 
la  tête  de  sa  Chronique;  mais  il  n'a  consigné  dans  cet  écrit 
aucun  trait  de  sa  vie.  Il  vivait  du  temps  de  Pierre-le-^  éné- • 


RICHARD  DE  POITIERS.  53i 

rable,  selon  la  Chronique  du  Cluni  qui,  parle  de  lui  en  ces    XTi  SIECLE. 

termes  :  Eodein  tempore  floniit  Richardus  monachus  Clunia-     blli  ciuniac 

censis,  origine  Pictavensis ,  qui  magnus  Jiistoriograplms  sacrœ  col.5<j',etiGj2. 

scripturœ  fuit.  Scripsit  enini  ah  Adam  chronica  usque  ad 

tempora  Frederici.   C'est  l'empereur  Frédéric  I ,  surnommé 

Barberousse.  Mais  rien  ne  prouve  qu'il  ait  dédié  son  ouvi^age 

à  Pierre-le-Véncrable,  comme  l'ont  avancé  nos  prédécesseurs. 

Il  est  vrai  que  dans  l'édition  de  D.  Martène  cet  écrit  se  tei'- 

mine  à  l'année   1 1 53 ,  et  qu'à  cette  époque  il  a  pu  être  pi'é- 

senté  à  Pierrc-le-Vénérable  ;  mais  dans  l'édition  de  flluratori, 

conforme  à  plusieurs  manuscrits  de  France,  il  s'étend  jusqu  ù 

l'année  iiôi ,  cinq  ans  après  la  mort  de  l'abbé  de  Cluni.  Il 

y  a  plus  :  D.  Mabilloh  avait  découvert  un  manuscrit  qui         Bouquci  , 

allait  jusqu'à  l'année   iin/\^e\.  se  terminait  par  ces  mots:  t.  xii,  p.  417. 

Hœc  et  alia  dicere  de  terra  illâ  (l'Islande)  possemus,  nisi 

post  lahorem  operis  requiem  natura  deposceret.  Is  status  erat 

rébus  Iiumatiis  aiino  ah  incarnationc  Domini  MCLXXlf^. 

Cela   étant,  nous  ne  savons  que  penser  d'un  manuscrit      Divers «liu 
cité  par  l'abbé  Lebœuf,  dans  lequel  il  est  dit  que  la  Chroni-  eic.  1. 1,  iii-12, 
que  de  Richard  moine  de  Cluni  descend  jusqu'à  l'année  1216:  !*•  ^"'" 
tJucusque  Chronica  Richardi  monarchi  Cluniacensis  proten- 
difur  et  terminatur.  Comme  le  savant  académicien  a  oublié 
d'indiquer  le  numéro  du  manuscrit  du  roi  qu'il  cite,  il  nous 
est  impossible  de  vérifier  le  fait.  Si  cela  était  vrai,  il  faudrait  • 

nécessairement  admettre   deux  Richard   moines  de  Cluni, 

3ui  tous  deux  auraient  composé  une  chronique,  ou  bien 
ire  que  l'auteur  du  XIV  siècle  qui  la  cite  comme  finissant 
à  l'année  1216-,  avait  devant  les  yeux  un  exemplaire  continué 
par  quelqu'un  jusqu'à  cette  époque,  [a) 

Après  ces  éclaircissemens  que  nous  avons  crus  nécessaires 


(a)  L'auteur  cité  par  l'abbé  Le  Bœuf  est  vraisemblablement  Amalric 
Augier ,  de  Bézieis  ,  qui ,  dans  l'iiistoire  qu'il  a  composée  des  souverains 
pontifes  ,  imprimée  par  Muratori  (  tom.  III ,  Rcr.  Ital.  part.  2  ) ,  dit  effec- 
tivement, à  l'article  d  Innocent  III ,  col.  3y8,  que  Ricbard  ,  moine  de 
Cluni ,  termine  là  sa  Cbronique ,  cujus  Clironicœ  hic  termiiiantw.  Mais  , 
dans  l'édition  du  même  ouvrage  par  Eccard  (tom.  II,  Corporis  historia- 
rwn  inedii  œi'i ,  col  lySo),  nous  lisons  :  Secundiaii  Richarduni  moitachum 
nwnastcrii  Tnlliacensis ,  ciijus  prœdictiV  chronicœ  hic  continentnr.  Poiu'  nous 
assurer  de  la  vraie  leçon,  nous  avons  consulté  le  manuscrit  ji47  ^^  l'i 
Bibliothèque  impériale,  en  tout  conforme  au  texte  de  Muratori.  D'où, 
nous  Concluons  qu'Eccard  s'est  trompé  en  imprimant  Tnlliacensis  pour 
Cluniacensis  ;  mais  nous  pensons  que  le  mot  contincntiir ,  qui  termine  la 
•  phrase,  est  préférable  au  tcrminantur  de  Muratori,  parce  qu'effectivement 

XXX2 


532  RICHARD  DE  POITIERS.  • 

XII  SIECLE,    pour  fixer  l'ëpoque  où  Richard  de  Poitiers  cessa  d'écrire, 

nous  allons  donner  inie   idée  de  sa  Chronique.  Nous  en 

avons  non-seulement  trois  éditions ,  mais  trois  rédactions 

différentes,  quoique  les  mêmes  quant  au  fonds.  La  première, 

Ampl.  Coll.  publiée  .par  D.  Martène,  n'est  quun  crocjuis,  ou  si  l'on  veut 

'^"^'  lui  extrait  dans  lequel  on  aurait  l'ecueilli  les  faits  dépouillés 

des  circonstances  qui  les  accompagnent,  comme  on  le  pra- 
tique pour  dresser  luie  table  des  matières.  La  seconde  rédac- 
tion est  celle  du  manuscrit  du  Vatican  cju'a  publiée  Muratori  ; 
Antiq.italia-,  la  troisième  ccUe  qui  est  représentée  par  le  manuscrit  dont 

t. IV, col.  1080  ]e  P.  Mabillon  avait  fait  une  copie,  et  crai  avait  appartenu 

~'^°^"  à  Alexandre  Pétau.  Celle-ci  est  encore  plus  ample  que  celle 

du  manuscrit  de  Muratori.  Les  continuateurs  du  Recueil  des 

T. XII, 411-  historiens  de  France  ont  mêlé  les  deux  ensemble,  en  enfer- 

't'T-  niant  dans  des  crochets  les  endroits  du  manuscrit  de  D.  Ma- 

billon qui  ne  se  trouvent  pas  dans  l'édition  de  JMuratori, 
afin  qu'on  puisse  les  distinguer.  Ils  ont  même  imprimé,  sans 
7i>«/.  p.  118.  le  savoir,  le  même  ouvrage  dans  le  même  volume,  sur  le 
manuscrit  49^4  de  la  bibliothèque  impériale,  en  tout  con- 
forme à  l'édition  de  Muratori ,  mais  qui  ne  porte  pas  le  nom 
de  l'auteur!  Au  reste,  il  y  a  beaucoup  à  profiter  dans  cette  ■ 

Chronique,  on  y  trouvera   des  choses  bien  présentées  sur  J 

les  croisades;  mais  les  continuateurs  de  D.  Bouquet  n'en  ont  H 

pas  fait  usage,  parce  que  ces  fragmens  historiques  doivent 
•  faire  partie  d'une  collection  à  part. 

i\Tura(.  iiiiL       L  autcur  dans  un  endroit  s'explique  sur  le  flux  et  le  reflux 

Goi.  io.j3.  j^  ],^  mer,  et  nous  apprend  jusqu'à  quel  point  étaient  arrivées 

de  son  temps  les  coiniaissances  sur  ce  phénomène.  «  On  ne 
ce  connaît  pas  bien  encore,  dit-il,  les  causes  qui  font  enfler 
«  les  eaux  de  l'océan ,  et  qui  ensuite  les  font  rentrer  dans 
«  leur  assiette.  Les  physiciens  disent  que  le  monde  est  comme 
<c  un  animal  composé  des  élémens  de  tous  les  corps,  et  mis 
<c  en  mouvement  par  un  esprit  qui  le  gouverne;  cet  esprit, 
(f  répandu  dans  toutes  les  parties,  agit  sur  la  masse  qui 
«  réagit  à  son  tour,  œternœ  molis  vigorem  exerceant.  Ainsi 
<c  donc  que  nos  corps  aspirent  et  respirent,  ils  ont  supposé 
«  qu'il  y  a  au  fond  de  l'océan  comme  des  narines  ])ar  oii 
'(  l esprit  s'échappe,  et  par  lesquelles  il  est  repompé  :  et  c'est 

Amalric  a  fait  usage  de  la  Chronique  «le  Richard ,  finissant  à  l'élection 
<lu  pape  AlexandrellI ,  ou  hien  le  manuscrit  dont  se  servait  Amalric*  avait 
été  continué  jusquà  cette  époque. 


RICHARD  DE  POITIERS.  533 

«  ce  qui  cause  le  flux  et  le  reflux.  Mais,  dit-il,  ceux  qui  con-    ^'^  siècle. 

«  sidèrent  le  coux^s  des  astres,  prétendent  que  ces  mouvemens 

«  sont  occasionnés  par  l'influence  de  la  lune,  de  sorte  que 

«  l'élévation  ou  l'anaissenient.  des  eaux  correspond  aux  dif- 

K  férentes  phases  de  cet  astre;  car,  ajoute-t-il,  ces  mouvemens 

«  n'arrivent  pas  toujours  à  un  temps  lixe  ;  mais  ils  vaiient 

«  selon  le  coucher  ou  le  lever  de  la  lune.  »  Comme  nous  ne 

nous  flattons  pas  d'avoir  rendu  bien  littéralement  le  texte 

de  l'auteur,  nous  transciivons  ici  ses  paroles  :  sicut  enim  in 

corporibiis  nostris  conuiiercia  sunt  spivitualia ,  ita  in  profun- 

ditate  oceani  nares  quœdam ,  per  quas  anhelitus  eniissi ,  in 

se  reducti,  modo  infiant  maria,  modo  rei'ocantnr.  At  hi  qid 

sidcrum    sequuntur  disciplinam  ,  contendant  meatus  istos , 

comnioveri  iunœ  cursibns,  adeo  ut  vicissitudines  inter  macieni 

aquanun  et plenitudinem  respiciant ad  actus  cjus  vel  eliqnia.  /i/rf.'su^a?"'^ 

Neque  eodeni  semper  tenipore,  sed  prout  illa  aut  mergatur 

aut  surgat,  variant  se  alternantes  recursus  (a).  On  voit  que 

sur   la    véritable   cause   de    ce    phénomène ,   on   était ,  au 

XIP  siècle,  presque  aussi  avancé  que  nous  le  sommes  au  XIX«. 

Sur  la  géographie  on  lira  avec  plaisir  ce  que  dit  l'auteur 

touchant  les  côtes  de  la  Méditerranée ,  et  la  formation  du 

détroit  de  Gibraltar.  Dans  un  autre  endroit  il  fait  la  descrip-      Murât,  ibùi. 

tion  de  l'Inde,  et  cet  endroit  mériterait  bien  qu'un  géographe  ^°^'  "'^^" 

en  fit  l'examen  pour  constater  quelles  notions  on  avait  au 

XII*^  siècle  sur  ces  contrées  éloignées. 

Le  même  auteur  cite  avec  éloge  les  savans  qui  parurent 
en  France  de  son  temps ,  S.  Anselme ,  Guillaume  de  Cham- 
peaux,  Hildebert  du  Mans,  Gilbert  surnommé  l'Universel, 
Hugues  de  Saint -Victor,  Pierre  Abailard ,  etc  ;  et  lui-même 
est  cité  avec  honneur  par  les  historiens  des  papes,  Martin 
Polonais,  Barthelemi  Redi,  Albert  deSibourg,  Platina,  Ra- 
phaël Volaterran ,  Philippe  de  Bergame ,  et  presque  tous 
les  Bibliographes. 

29  Les  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France       T.  xil,  p. 
ont  imprimé  à  la  suite  de  la  Chronique  de  Richard,  d'après. ^'^~'<*'- 
le  manuscrit  de  D.  Mabillon,une  complainte  en  style  imité 

[a)  Telle  est  la  leçon  du  manuscrit  49^4  de  la  Bibliolli.  Impériale.  Ce 
texte  n'est  pas  intelligible  clans  lédition  deMuratori,  qui  porte  :  Adeo  ut 
■ikut  vicissitudinis  it^rùm  inacL-m  aquarum  et  plenitudinem  respiciant  ad 
actus  vel  eliqida ..  Neque  eodcm  semper  tempore ,  sed  prout  iUn  aiit' Snili- ' 
gatur  j  rariard  se  alternantes  recunus.  '    ^ 


534  RICHARD  DE  POITIERS. 

xn  SIECLE,  des  prophètes  de  l'ancien  Testament,  relativement  à  la  rebel- 
lion  des  enfans  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  contre  leur 
père,  rébellion  qui  éclata  en  i  l'jS,  et  que  fomentait  la  reine 
Aliënor,  leur  mère.  Comme  dans  le  manuscrit  de  D.  Mabillon 
la  Chronique  de  Richard  s'étendait  juscpi'à  cette  année,  il 
n'est  pas  hors  de  vraisemblance  que  cette  complainte  est 
encore  une  production  de  Richard.  Pour  en  donner  une 
idée,  nous  transcrirons  ici  les  titres  des  chapitres  :  De  des- 
tructionc  Castn-JuUi.  Omis  Castri-JuUi.  De  discordid  régis 
Henrici  et  fiUormn  siiorum.^  De  aquild  nipti  fœderis ,  par 
où  il  faut  entendre  la  reine  Eléonore.  De  Radidfo  de  Faya , 
procuratore  Aquitaniœ.  Omis  Aquitanicœ  regionis.  Onus 
RiipeUœ.  Omis  super  divites.  De  Turre  Mantànd. 
Aniiq.  ital.  3°  Muratori  a  publié,  à  la  sutte  de  la  Chronique  tle  Richard, 
t.  IV,  col.  II o/,  un  catalogue  cîes  souverains  pontifes  depuis  saint  Pierre 
"■"  jusqu'au  pape  Alexandre  III,  dont  l'auteur  ne  fait  qu'annon- 

cer l'élection ,  qui  fut  traversée  par  les  partisans  du  cardinal 
Octavien,  dit  Victor  IV,  et  par  l'empereur  Frédéric  Barbe- 
rousse,  mais  qui   fut  approuvée  en    iiGo   par  les  l'ois  de 
France  et  d'Angleterre.  Il  n'est  pas  douteux  que  cet  ouvrage 
n'appartienne  à  Richard  de  Cluni;  il  y  fait  autant  l'histoire 
des  abbés  de  Cluni  que  celle  des  Papes.  Si  l'on  en  croit. 
Bibl.Brcmea-  Hcrmau  Witekiude,  professeur  à  Heidelberg,  Richard  met 
sis,  classe  vu,  ^^  uonibrc  dcs  souveraius  pontifes  la  papesse  Jeanne,  à-peu- 
p-  95^-9^9-       pj.j^,^  dans  les  mêmes  termes  dont  s'est  sei-vi  Martin  Polonais, 
environ  cent  ans  après.  Nous  pouvons  assurer  qu'il  n'est 
pas  parlé  de  la  prétendue  papesse  Jeanne  dans  l'édition  de 
Muratori ,  non  plus  que  dans  le  manuscrit  de  la  bibliothèque 
impériale  4934-  Piichard  tei'mine  ce  catalogue  par  une  courte 
notice  sur  la  hiérarchie  des  cardinaux,  et  sur  les  fonctions 
attachées  à  leurs  titres. 
Divers  CCI  its,       4°  L'abbé  Lebœuf  a  aussi  publié  comme   extraits   de  la 
etc.  1. 1,  p.  385  Chronique  de  Richard  trois  fragmens  concernant  la  fondation 
~''^'  du  monastère  de  la  Charité -sur-Loire,  et  la  dédicace  de 

cette  église  faite  eu  1 107  pat  le  pape  Paschal  II.  Nous  avons 
déjà  dit  ce  cju'il  faut  penser  de  cette  chronique.  Aucun  de  ces 
fragmens  ne  se  trouve  dans  les  manuscrits  qui  ont  été 
imprimés,  et  cjui  contiennent  cependant  des  rédactions  dif- 
férentes. Quand  il  serait  vrai  que  ces  fragmens  existeraient 
dans  quelqu'un  des  manuscrits  de  Pvichard,  on  ne  serait  pas 
en  droit  de  conclure  qu'ils  sont  son  ouvrage.  Ce  sont  des 
relations  particulières^[gu'un  compilateur  a  pu  s'approprier, 


RICHARD  DE  POITIERS.  535 

o(ï  que  tout  autre  cluniste  aura  intercalées,  attendu  que  le    Xll  sieclf,. 
monastère  de  la  Charité  tenait  le  second  rang  dans  la  con- 
grégation de  Cluni.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces  fragmens  ont  été 
réimprimés  dans  la  Collection  des  historiens  de  France ,  et  ils      t.  xiv  ,  p. 
méritaient  d'y  trouver  place.  'i^  '^^  '*°- 

5°  Casimir  Oudin  n'est  pas  mieux  fondé  à  attribuer  à  notre 
auteur  un.  grand  recueil  d'extraits  allégoriques,  imprimé 
parmi  les  œuvres  de  Hugues  de  Saint-Victor  sous  ce  titre:  T.  il,p.  33î- 
Excerj)tio7iuin  prionun  de  variis  scientiis  et  varia  historid  ^9'-  . 
lihri  decein.  Oudin  prouve  fort  bien  que  ces  extraits  ne 
peuvent  être  de  Hugues  de  Saint-Victor ,  ni  même  de  Richard 
son  confrère ,  par  la  raison  qu'au  dernier  chapitre  du  livre  X 
il  est  parlé  de  Philippe  Auguste  comme  ayant  succédé  à  son 
père ,  et  que  Richard  de  Saint- Victor  est  mort  vers  1 1  y3. 
Mais  la  même  raison  prouve  qu'on  ne  peut  les  attribuer  à 
Richard  de  Cluni.  Voyez  ce  qui  a  été  dit  avant  nous  sur 
ces  extraits  an  tome  XII  de  cette  histoire,  page  67. 

G°  Sixte  de  Sienne  fait  de  plus  honneur  à  Richard  d'un  T.  li,p.  533. 
autre  ouvrage  sur  lequel  nos  prédécesseurs  se  sont  déjà 
expliqués  à  l'article  de  Salvien  de  Marseille,  à  qui  d'autres 
critiques  le  donnent.  Ce  sont  deux  livres  sur  les  contrariétés 
apparentes  qui  se  rencontrent  dans  les  livres  de  l'ancien  et 
du  nouveau  Testament ,  sententiarum  àvTtx.s'.[j.£V(ov.  Nous  dirons 
que  cet  ouvrage  a  été  attribué  par  d'autres  à  Saint-Julien  de 
Tolède,  et  par  d'autres  encore  à  Rerthairc,  abbé  du  Mont- 
cassin;  mais  nous  ne  voyons  aucune  raison  pour  le  don- 
ner à  Richard  de  Cluni. 

7°  S'il    fallait   s'en   rapporter  à    Trithème ,   Richard    de       Script,  cap. 
Poitiers  avait  laissé  un  volume  de  lettres  xjue  nous  ne  con-  ^^^" 
naissons  pas.  Balée  lui  attribue  un  grand  nombre  de  pièces    Cent.xill,  19. 
en  vers*  un  poème  à  la  louange  de  l'abbaye  de  Cluni,  un 
autre  sur  l'Angleterre  et  ses  avantages,  un  troisième  touchant 
la  beauté  de  la  ville  de  Londres,  un  quatrième  sut  la  Trans- 
figuration, deux  éloges  en  vers,  l'un  de  la  Madeleine,  l'autre 
de  sainte  Catherine,  et  des  épigrammcs.  Tous  ces  vers,  s'ils 
ont  jamais  existé,  sont  perdus  pour  nous.  Nous  trouvons 
dans  sa  Chronique  deux  épitaplies  dont  il  se  dit  auteur; 
celle  de  Guillaume  dernier  duc  d'Aquitaine,  mort  en  i  iSy, 
et  celle  de  Pierre  Abailard.  Il  y  a  aussi  un  chant  funèbi'e  en 
prose  rimée  sur  la  mort  de  Raimond  de  Poitiers,  prince 
d'Antioche,  qui  fut  tué  en  1 149,  en  combattant  contre  les 


,536  HUGUES  DE  CHAMPFLEURI. 

xir  SIECLE,    infidèles.  Comme  dans  l'imprimé  elle  n'a  pas  été  distinguée 
du  reste  de  la  prose ,  nous  la  donnons  ici. 

Nostra  condolet  Asia  , 
Tkarsiis  Jlet  ciim  Cilicià 
Vœ  !  dicit  Antiochia 
Pro  sui  moite  principis. 

Nain  luget  prœ  inopiâ 
Libanus  et  Apamia , 
Necnon  et  Laodicia 
Ciun  suis  appenditiis. 

Tjrus  sfiipet  metropolis , 
Urbs  Phxenicum  mirahilis  : 
Magnos  questus  dat  Tripolis . 
Kisis  sinistris  iiuntlis. 

Quid  dicam  de  Jérusalem  ? 
It planctus  risque  BeMcem; 
Clamorque  Pto/emaïdis 
Tangit  Jînes  Neapolis. 

IJrhs  fcecunda  nimis, 

ISullis  quassata  ruinis , 

Es  privata  viro, 

Qui  te  moderamiiie  miro 

Rexit. 

B. 


HUGUES  DE  CHAMPFLEUM, 

CHANCELIER  DE  FRANCE   ET  ÉVÊQUE 
DE  SOISSONS. 


J 


PRECIS   DE   SA   VIE. 


F 

cap 


De    Gesiis  jXusues  cst  sumommé  de  Champfleuri  par  Otton  de  Fri- 

rrder    lib    I         •  '-i      '      •  T     i  i- 

'    '  sinaue ,  apparemment  parce  fiu  il  était  natii  de  ce  lieu  au 
diocèse  de  Jleims ,  car  nous  itc  connaissons  pas  de  lamille 


HUGUES  DE  CHAMPFLEURI.  537 

de  ce  nom  en  France.  Otton,  parlant  de  lui  et  d'Adam  du,  xii  SIECLE. 
Petit-Pont,  leur  donne  la  qualité  de  maîtres,  ce  qui  suppose  ' 

qu'ils  tenaient  l'un  et  l'autre  une  école  à  Paris  ;  mais  il  ne 
donne  pas  une  grande  idée  de  leur  capacité.  Il  dit  que  dans 
le  concile  ou  la  conférence  qui  fut  tenue  à  Paris,  l'an  1 147, 
en  présence  du  pape  Eugène  III,  pour  examiner  les  erreurs 
qu'on  imputait  à  Gilbert  de  la  Porrée,  ils  déposèrent  comme 
témoins,  qu'ils  avaient  entendu  de  la  bouche  de  l'évêque  de 
Poitiers  quelques-unes  des  propositions  qu'on  lui  attribuait , 
ajoutant  qu'ils  l'aflirmeraient  par  serment,  s'il  était  néces- 
saire. On  fut  un  peu  étonné,  dit  l'évêque  de  Frisingue,  de 
voir  deux  hommes  qui  par  état  ne  devaient  pas  être  novices 
en  fait  de  discussions  scientifiques,  ne  donner  pour  preuve 
de  leur  assertion,  que  leur  serment  :  non  sine  midtoriim 
qui  aderant  admiratione ,  viras  niagnos  ^  et  in  ratione  disse- 
rendi  exercitatos ,  pro  argwncnto  juranientuin  affi'rre. 

Otton  donne  à  Hugues,  dès   cette   année,  la  qualité  de 
chancelier  de  France,  Cancellariiis  Régis.  Mais  il  se  trompe: 
Hugues  ne  fut  revêtu  de  cette  dignité  qu'en  ii5i.  Parveiui       r)u  Pouiay, 
à  ce  poste  éminent,  il  se  servit  de  son  crédit  pour  accumuler  ^^'p-  '^'"''^'"'j'- 
sur  sa  tête  le  plus  qu'il  put  de  bénéfices;  et  quelque  incom-  „.  268-270.  ' 
patibles  qu'ils  fassent,  il  possédait  à-la-fois  un  ai'chidiaconé 
dans  l'église  d'Arras,  des  canonicats  à  Paris,  à  Orléans,  à 
Soissons,  etc.,  avec  le  consentement  tlu  pape  Adrien  IV,  qui 
l'avait  dispensé  de  la   résidence,  et  cpii  demandait  encore 
pour  ^i  de  plus  grands  honneurs  dans  l'église   de   Paris , 
lorsque  Hugues  fut  nommé  évêque  de  Soissons,  l'an  11 5g. 

Il  venait  de  rendre  à  l'état  un  service  im[)oi'tant  en  cimen- 
tant la  paix  entre  le  roi  de  France  et  celui  d'Angleterre,  par 
le  mariage  de  leui's  enfans  encore  en  bas  âge.  Depuis  que 
le  roi  d'Angleterre  avait  épousé  Eléonorc  répudiée  par  celui 
de  France,  ces  deux  monarques  avaient  toujours  été  en 
guerre.  On  entreprit  de  les  réconcilier,  et  les  chanceliers 
des  deux  roi%,  Hugues  de  Champfleuri  et  Thomas  Becquet, 
chargés  de  la  négociation,  furent  assez  heureux  pour  fiiire 
cesser  leur  inimitié.  Le  pape  Adrien  IV  en  eut  tant  de  joie 
qu'il  en  témoigna  à  Hugues  sa  reconnaissance  par  une  lettre  Duciiesne , 
fort  honorable.  '•  iv,  p.  589. 

Le  successeur  d'Adrien,  qui  avait  encore  pins  besoin  de 
ses  sei-vices  pour  se  maintenir  sur  le  siège  apostolique  contre 
l'antipape  Victor  appuyé  de  la  faveur  prépondérante  de 
l'empereur  d'Allemagne,  eut  recouis  plus  d'une  fois  à  notre 

Tome  XllI.  Yvy 


538  HUGUES  DE  CHAMPFLEURL 

XII  SIECLE,  .chancelier  pour  décider  en  sa  faveur  la  cour  de  France  ou 
pour  la  maintenir  clans  son  obéissance.  Nous  avons  la  lettre 
cju'Alexandre  lui  écrivit  dans  un  moment  critique,  où  le  roi 
ciicsn.  ihki.  mécontent  du  pape  avait  pris  des  engagemens  avec  lempei'eur 
^'  '^^'*'  pour  faire  cesser  le  schisme  par  la  renonciation  des  deux 

prétendans  à  la  papauté.  Alexandre,  qui  avait  tout  à  craindre 
des  mesures  concertées  par  ces  deux  princes,  recommande 
au  chancelier  de  faire  en  sorte  c|ue  l'entrevue  qu'ils  devaient 
avoir  ensemble  n'eût  pas  lieu,  et  de  joindre  ses  instances  à 
celles  de  beaucoup  d'autres  prélats  auprès  du  roi  pour  le 
détourner  d'un  projet  dont  le  pape  redoutait  avec  raison  les 
conséquences.  Mais  les*  engagemens  étaient  pris ,  et  le  roi 
n'était  pas  homme  à  manquer  à  sa  parole.  Il  parait  néan- 
moins qu'il  eut  égard  aux  représentations  de  son  conseil: 
car,  après  s'être  concerté  avec  le-^iape,  il  se  i^endit  au  lieu 
de  la  conférence,  bien  décidé  à  ne  pas  abandonner  le  parti 

Su'il  avait  embrassé,  et  même  à  combattre  les  prétentions 
e  l'empereur. 
Le  pape  ne  tarda  pas  à  témoigner  au  chancelier  sa  vive 
reconnaissance  pour  un  service  si  essentiel  dans  une  occa- 
sion si  importante.  Ce  prélat  avait  lieu  de  craindre  que  la 
charge  de  chancelier  ne  fût  regardée  comme  incompatible 
Chpsn.  iUJ.  avec  les  obligations  de  l'épiscopat.  Le  pape  dans  une  lettre 
P'    ^  '  de  l'an  ii63  le  rassure,  et  lui  promet  qu'il  ne  consentira 

jamais  qu'on  le  dépouille  de  ses  dignités  :  promesse  qui  fut 
mal  gardée,  comme  nous  le  dirons  bientôt.  • 

L'an  1167,  le  pape  avait  envoyé  en  France  deux  légats 
pour  tâcher  de  réconcilier  l'archevêque  de  Cantorbéry  avec 
Henri  II,  roi  d'Angleterre.  Bien  loin  d'avoir  concilié  les 
esprits,  ces  négociateurs  avaient,  par  une  partialité  trop 
marquée,  indisposé  contre  eux  le  roi  de  Fiance,  qui  s'était 
déclaré  le  protecteur  de  Thomas.  Ce  fut  le  signal  d'une  nou- 
velle guerre  entre  ces  deux  princes  qui  ne  furent  jamais 
bons  amis.  Le  pape  avait  d'autant  plus  a  cœur  cle  les  récon- 
cilier, qu'il  voyait  s'évanouir  l'espérance  des  secours  qu'ils 
Martène  ,  s'étaient  obligés  d'envoyer  à  la  Terre  Sainte.  Il  s'adressa,  non 
impi.  Coll.  t.  ^^  j.qJ  lui-même,  mais  à  ceux  qu'il  savait  investis  de  toute 

ll.rol.Tai.  ,  111  A  iT-i-  1         1  1-  ' 

sa  conhance,  1  archevêque  de  neuns  et  le  chancelier;  et  cest 
par  leur  moyen  que  la  paix  fut  conclue  après  les  fêtes  de 
Noël,  1168. 

Vers  le  même  temps ,  le  chancelier  fut  chargé  par  le  pape 
d'une  commission  non  moins  importante.  La  .sœur  de  Louis 


lï,  roi.  783. 


HUGUES  DE  CHAMPFLEURI.  539 

le  jeune,  Constance  comtesse  de  Toulouse,  était  séparée  de    xil  siècle. 

son  mari,  et  résidait  auprès  de  son  autre  frère  rarchevèque 

de  Reims.  Elle  avait  épousé  en  premières  noces  ILustache, 

fils    d'Etienne  de    Blois,  roi   d'Angleterre,  et^de   Mathilde 

comtesse  de  Boulogne  sur  mer.  Le  comté  de  Boulogne  lui 

avait  été  assigné  pour  douaire;  mais  il  était  passé  dans  les 

mains    de   Mathieu   d'Alsace,  fièrc   de    Philippe   comte   de 

Flandre,  par  son  mariage  avec  une  sœur  d'Eustache  qu'il 

avait  tirée  du  couvent  où  elle  était  religieuse.  Il  était  question 

de  faire  rentrer  Constance  dans  ses  droits.  Il  semble  que  la 

cour  du  roi  eût  été  compétente  pour  décider  cette  question; 

mais  outre  que  le  roi  était  partie  intéressée  dans  l'affaire,  les 

causes  matrimoniales  étaient  alors  réservées  à  la  puissance 

ecclésiastique.  Le  pape  la  délégua  aux  évêques  de  Soissons ,  Martèno  , 

d'x\miens  et  de  Laon,  avec  pouvoir  de  contraindre  à  restitu-  '^"'-  '^°''  755. 

tion  les  détempteurs  par  toutes  les  voies  de  droit,  et  même 

par  l'excommunication.  Nous  ignorons  qu'elle  fut  la  décision 

des  commissaires;  mais  l'autorité  même  du  pape  ne  suffit 

pas  pour  faire  rentrer  Constance  dans  ses  droits.  ^ 

Jusque-là  Hugues  avait  joui  d'une  faveur  inaltérable  auprès 
du  roi ,  qui  lui  avait  conTié  les  négociations  les  plus  délicates  ; 
niais  bientôt  après  il  éprouva  l'inconstance  de  la  fortune. 
Victime  d'une  intrigue  de  cour,  il  eut  la  douleur  de  voir 
que  sa  fidélité  était  devenue  suspecte  à  son  prince,  sans  povi- 
voir  dissiper  les  nuages  qu'on  avait  élevés  dans  son  esprit. 
On  voulut  l'amener  à  se  démettre  lui-même  de  la  chancel- 
lerie. Quoique  le  pape  lui  eût  promis  bien  formdlement 
qu'il  ne  consentirait  jamais  qu'il  fût  dépouillé  d'aucune  des 
dignités   dont   il   était  revêtu,  néanmoins  il   le  fit  avertir,  Marsène  , 

l'an  1171,  par  l'archevêque  de  Reims,  qu'il  ferait  bien  de  "î"rf- o'- î^OT- 
renoncer  à  l'emploi  de  chancelier  pour  se  livrer  tout  entier 
aux   soins  de  son   diocèse.   Cette  demande   du   pape  était 
concertée  avec  le  roi  qui  voulait  se  défaire  de  son  chancelier. 
Hugues  trouva  de  puissans  intercesseurs  auprès  de  l'un  et 
de  l'autre,  et  néanmoins  il  fut  obligé   de  céder   à  l'orage. 
D'un  côté,  l'archevêque  de  Sens,  Guillaume  de  Champagne,      Chesn.  ibid. 
écrivit  au  pape  pour  lui  rappeler  les  grands  services  que  le  P-  ^^S- 
chancelier,  qu'il  appelle  ^/7^/iW?^7?^e  discret,  hoi^e'te  et  savant, 
lui  avait  rendus  dans  des  occasions  importantes.  D'un  autie 
côté,  Henri  de  France,  archevêque  de  Reims,  écrivit  au  roi 
son  frère  une  lettre  ti'ès -pressante  et  fort  honorable  pour  le 
chancelier.   «J'ai   appris,  dit -il,   que  des  malveillans   soiit       Chesn.  Hrf. 

Yyya  p.iGg. 


54o  HUGUES  DE   CHAMPFLEURI. 

XII  SIECLE,  «parvenus  à  vous  indisposer  contre  lui,  en  vous  rendant 
«  sa  fidélité  suspecte.  Comme  je  suis  votre  frère  et  votre 
te  ami,  et  qu'en  cette  qualité  je  dois  envisager  en  tout  votre 
«  honneur  et#otre  plus  grand  avantage,  je  votis  demande  en 
«  gi'ace  de  n'écouter  sur  cela  aucuns  rapports  ;  parce  que  je 
«  suis  intimement  convaincu  que  vous  n  avez  pas  de  serviteur 
«  plus  fidèle  que  le  chancelier.  Au  surplus  il  est  votre  homme, 
«  et  vous  ne  pourriez  lui  enlever  ce  cju'il  a  sans  encourir 
«  le  blâme  dans  l'opinion  publique.  J'ai  beaucoup  d  inquié- 
«  tude  sur  cette  affaire,  car  je  crains  bien  qu'en  le  renvoyant 
«  vous  n'offensiez  Dieu  et  ne  mécontentiez  le  peuple.  Je  vous 
«supplie  et  vous  conseille  en  ami  de  ne  pas  le  renvoyer, 
«  parce  cpiil  pourrait  arriver  c[ue  donnant  votre  confiance 
«  à  quelque  autre,  au  lieu  d'un  serviteur  fidèle  vous  en  trou- 
«  vassiez  un  infidèle.  » 

Tovites  ces  représentations  furent  inutiles;  Hugues  resta 

disgracié  jusqu'à  sa  mort  arrivée  le  4  septembre  iiyS,  dans 

la  maison  de  Saint- Victor  où  il  s'était  retiré.  Avant  cjue  de 

Clicsn.  ,bui.  mourir  il  écrivit  au  roi  une  lettre  dans  laquelle  il  proteste 

V'^^-  naW  l'avait  toujours  servi  fidèlement,  et  que  son  ambition 

était  d'ajouter  encore  à  ses  services ,  si  la  mort  n'était  venue 
en  interrompre  le  cours.  Il  recommande  à  sa  générosité  les 
clercs  cju'il  avait  employés  au  service  de  la  cour,  et  en  par- 
ticulier un  neveu  nommé  Pierre,  auquel  il  n'avait  pas  fait 
tout  le  bien  qu'il  aurait  désiré.  On  voit  par  cette  lettre  que 
le  roi  lui  avait  fait  l'honneur  de  le  visiter  dans  sa  dernière 
maladie. 

SES  ÉCRITS. 

Hugues  était  trop  occupé  des  affaires  de  la  chancellerie 
pour  avoir  le  loisir  de  travailler  à  la  composition  de  cjuelque 
ouvrage  ;  mais  il  a  rendu  un  grand  service  à  la  littérature  et 
sur-tout  à  l'histoire ,  s'il  est  vrai ,  comme  le  pensent  les  con- 
Bouqiiet,  tinuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France,  que  c'est  à 
i.  XYl,  p.  1.  lui  qu'on  est  redevable  d'un  volume  de  cinq  cents  soixante- 
neut  lettres  publié  par  Duchesne,  parmi  lesquelles  il  s'en 
trouve  plusieurs  de  notre  prélat.  Ces  lettres  sont  la  i84, 
i85,  i86,  187,  188,  189,  190;  267,  5i5,  533,  537  et  539. 
Il  y  en  a  encore  un  plus  grand  nombre  qui  lui  sont  adres- 
sées; savoir,  cinq  du  pape  Adrien  IV,  la  63,  65,  G^»^  75 
et  77;  neuf  du  pape  Alexandre  III,  la  78,  79,  8oj  81,  82, 


HENRI   DE   FRANCE.  54i 

83,  84,  85,  86,  et  d'autres  de  divers  particuliers  qu'il  serait    ^'i  SIECLE. 

trop  long  d'iudiquer.  Les  continuateurs  de  D.  Bouquet  les 

ont  réunies  avec  quelques  autres,  et  en  ont  formé  un  article 

séparé  dans  le  tome  XVI  de  leur  collection.  Il  est  à  présumer    ibid.  p.  201- 

que  c'est  encore  notre  chancelier  qui  a  dicté  la  plupart  de  ^''^• 

celles  qui,  dans  le  Recueil  de  Ducliesne,  portent  le  nom  du 

roi  Louis-le-Jeune,  savoir,  la  56,  61,  4^5,  4^8,  471  ^  474i 

476,  477 1  479-)  558,  56 1,  566.  Toutes  ces  lettres  ne  sont 

pas  fort  recommandables  pour  le  style,  mais  on  y  trouve  à 

profiter  pour  Ihistoire. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  Chartes  sans  nombre,  qui, 
pendant  les  vingt  années  q[ue  Hugues  exerça  la  charge  de 
chancelier,  émanèrent  de  la  chancellerie.  Ces  pièces  qui 
supposent  une  grande  connaissance  des  lois  constituant 
alors  le  droit  public  de  France,  si  elles  ne  sont  pas  toutes 
son  ouvrage ,  ont  été  composées  sous  sa  direction  ou  sou^ 
mises  à  sa  revision.  B. 


HENRI  DE  FRANCE, 

ÉVÊQUE  DE  BEAUVAIS,  PUIS  ARCHEVÊQUE 

DE  REIMS. 


PRECIS  DE  SA  VIE. 

Xi  EN  RI  était  fils  du  roi  Louis-le-Gros  et  de  la  reine  Adélaïde 
de  Savoye.  Destiné  dès  le  bas  âge  par  le  roi  son  père  à  l'état 
ecclésiastique,  à  pfine  eut-il  reçu  le  diaconat  qu'il  se  vit 
comme  accablé  de  bénéfices.  Dès  l'an  1 142  il  était  archidiacre  H. de  Dreux, 
d'Orléans,  chanoine  de  l'église  de  Paris,  trésorier  de  Saint-  P^- P- ^^S. 
Martin  de  Tours ,  abbé  de  plusieurs  abbayes  royales ,  de 
Notre-Dame  d'Etampes,  de  Corbeil,  de  Poissy,  de  Mantes, 
de  Saint-Denis  de  la  Chartre,  de  Saint -Melon  de  Pontoise, 
de  Saint-Martin  de  Champeaux,  etc.  Ce  n'était  pas  un  moyen 
fort  propre  à  lui  faire  acquérir  les  vertus  de  son  état  :  heu- 
reusement la  providence  ne  permit  pas  qu'il  demeurât  long- 


542  HENRI   DE  FRANCE. 

XII  Sir.CLE.    temps  dans  l'illusion  sur  ce  point.  Des  raisons  particulières 

s.  Bern.A'ita  1  ayant  couduit  à  Clairvaux ,  il  fut  si  touché  des  discours  de 

lib.    IV,   col.  saint   Bernard  et   des   exemples  de   sa   communauté,  qu'il 

n35,nuin.  i5.  j-egolut  de  l'énoncer  à  tous  les  avantages  que  sa  naissance  lui 

promettait  dans  le  monde ,  pour  se  consacrer  à  Dieu  dans 

cette  sainte  solitude.  C'était  l'an    ii4t»ià  la  même  époque 

où  son  frère  le  roi  Louis -le -Jeune,  par  un  semblable  motit 

de  dévotion ,  se  dévouait  lui  et  tovit  son  royaume  au  service 

de  la  Terre-Sainte. 

Ce  parti  ne  fut  point  une  saillie  passagère  et  irréfléchie 
d'un  jeune  homme  :  lixé  dès  ce  moment  à  Clairvaux,  Henri 
tint  ferme  contre  tous  les  efforts  que  l'on  fit  pour  le  rappeler 
dans  le  monde.  Il  pratiquait  depuis  trois  ans  les  austérités 
du  cloître  avec  une  ferveur  soutenue,  lorsque  le  peuple  et 
le  clergé  de  Beauvais  le  choisirent  unanimement,  fan  i  i49i 
Peiriv.n.iib.  pouf  leur  évêque.  Quelque  régulière  que  fût  cette  élection, 
A,  op.  8.  elle  ne  laissa  pas  d'embarrasser  beaucoup  saint  Bernard,  à 

raison  de  la  jeunesse  et  de  l'inexpérience  du  prince.  Henri 
lui-même  s'y  opposait  de  bonne  foi ,  comme  on  le  verra  dans 
ses  écrits  ;  mais  enfin  l'avis  de  toutes  les  personnes  sages  et 
désintéi'cssées  ayant  été  qu'il  acceptât,  il  se  rendit  par  obéis- 
sance à  son  abbé. 

Les  premières  années  de  son  épiscopat  furent  orageuses 
et  semblèrent  justifier  les  défiances  de  saint  Bernard.  A  peihe 
monté  sur  le  siège  épiscopal,  il  donna  des  preuves  de  son 
caractère  ferme,  et  du  zèle  qui  l'animait  pour  l'intérêt  de 
son  église.  Ses  prédécesseurs  avaient  accordé  à  la  noblesse 
du  pays   certaines   redevances   qu'on   appelait  bénéfices  de 
Malt.  Ampl.  flenieis ;  il  regarda  ces  concessions  comme  une  servitude, 
Coll.  t.  II,  col.  il  entreprit  de  les  abolir.  Le  pape  approuvait  son  dessein, 
^^''  et  il  avait  pour  lui  le  clergé  et  le  peuple  de  Beauvais;  mais  le 

Mart.  Anecd.  roi  avait  pris  le  parti  de  la  noblesse.  Cela  ne  le  déconcerta 
t.l,col.  iti2.     pas  :  les  esprits  s'animèrent  de  part  et  d'autre  au  point  que 
l'abbé  Suger  crut  devoir  lui  écrire  pour  appaiser  ce  commen- 
cement de  révolte.  Henri  se  rendit  l'an  i  i5i  auprès  du  pape, 
décidé  à  donner  sa  démission  de  l'épiscopat  ;  mais  Eugène 
nîart.  Ampl.  ne  jugca  pas  à  propos  d'accueillir  sa  demande ,  il  crut  qu'il 
Coll.  t.  II,  cul.  était  plus  expéuient  de  le  réconcilier  avec  son  frère,  il  écrivit 
55i  ei  seq.        pour  cela  un  grand'nombre  de  lettres,  et  il  y  a  apparence 
qu'il  y  réussit.  Mais  Henri  avait  indisposé  contre  lui  ceux 
dont  il  avait  blessé  les  intérêts;  on  porta  des  plaintes  au 
pape,  on  l'accusa  de  légèreté,  et  d'être  toujours  par  voie  et 


HENRI  DE  FRANCE.  543 

par  chemins.  Le  cardinal  Hugues,  ëvêque  d'Ostie,  qui  l'aimait,    ^il  siècle. 
crut  devoir  en  avertir  saint  Bernard  leur  père  commun ,  et     Bom.ep.  So^ 
le  saint  écrivit  pour  le  défendre  ,  ou  du  moins  pour  l'excuseï'.  col.  288. 
Pendant  ces  troubles  il  avait  juré  qu'il   se    démettrait    de 
l'épiscopat,  et  il  se  croyait  lié  par  un  serment  qu'un  moment 
de  dépit  lui  avait  arraché  :  il  fallut  que  le  pape  Adrien  IV,      Maii.  Am])i. 
cjui  sentait  le  besoin   qu'on  avait  de  lui  pour  le   bien   de  Co'i- 1. 11,  col. 
l'église,  lui  ôtât  ce  scrupule.  ^° 

L'occasion  d'employer  utilement  son  crédit  ne  tarda  pas 
à  se  montrer.  1.,'an  1 169,  un  schisme  déplorable  s'étant  élevé 
dans  l'église  romaine  entre  deux  prétendans  à  la  papauté , 
l'empereur  d'Allemagne  se  déclara  pour  le  cardinal  Octavien 
qui  avait  pris  le  nom  de  Victor  IV,  et  il  était  à  craindre 
que  son  exemple  ou  ses  sollicitations  n'entraînassent  dans 
son    parti    le    monarque    Français    ou    celui    d'Angleterre. 
Alexandi'c  III,  qui  se  croyait  le  pape  légitimement  élu,  eut 
recours  à  l'évèque  de  Beauvais  pour  se  faire  reconnaître  à 
la  cour  de  France;  il  lui  écrivit  lettre  sur  lettre,"  et  il  avoue       Mart.  ihid. 
que  sans  lui  il  n'aurait  jamais  vu  son  bon  droit  triompher,  col.  G64  eieSg. 
Aussi  ce  pontife,  toujours  plein  de  reconnaissance  pour  son 
bienfaiteur,  usa-t-il  envers  lui,  dans  toutes  les  occasions, 
des  plus  grands  ménagemens,  comme,on  le  voit  dans  toutgs 
les  lettres  qu'il  lui  écrivit,  et  particulièrement  dans  celle  qui     //«i/. col. 665. 
accompagnait    l'envoi    du    Palliuin    pour    l'archevêché    de    .- 
Reims,  dont  Henri  fut  pourvu  l'an  1 162. 

Cette  même  année,  Alexandre  donna  quelques  mécouten- 
temens  au  roi  de  France,  qui  se  repentit  presque  de  l'avoir 
reconnu  pour  pape  légitime,  au  point  qu'il  consentit  à  mettre 
l'affiùre  de  la  papauté  en  délibération  dans  une  conférence 
qu'il  devait  avoir  avec  l'empereur  Frédéric.  Alexandre,  qui  //«v/. col. 671. 
avait  tout  à  craindre  d'un  pareil  congrès,  redoubla  d'ins- 
tances auprès  de  notre  archevêque  pour  détourner  le  roi 
d'un  projet  qui  aurait  ruiné  ses  affaires  ;  et  c'est  encore  par 
les  soins  de  Henri  que  le  roi  resta  fidèle  à  Alexandre ,  en 
évitant  le  piège  qu'on  lui  avait  tendu ,  sans  manquer  à  ses 
engagemens. 

Alexandre  étant  rentré  dans  Rome,  Henri  alla  le  visiter 
sur  la  fin  de  l'an  1 166.  Mais  pendant  son  absence  de  grands 
troubles  s'élevèrent  dans  la  province,  comme  on  le  voit  par 
deux  lettres  de  Pierre  de  Celle,  abbé  de  Saint-Remi ,  auquel      P^'''  Cellen. 

il  avait  confié  le  gouvernement  du  diocèse.  A  son  retour,  /. 'iVr '^'^"  o'*' 
r  <-      u       •       *   j  I     1'     M'  Il  .  .  Mib.  Vl,ep.8. 

lan  iioy,  Henri  eut  de  grantls  démêles  avec  la  bourgeoisie 


544  HENRI  DE  FRANCE. 

XII  SIECLE,   de  Reims  et  avec  les  chanoines  de  la  cathe'drale.  Jean  de 
Joan.  Saresb.  Salisburi ,  qui  était  alors  à  Reims ,  fait  de  cet  événement , 
ep.  2i4-  dans  une  lettre  à  Jean  évèque  de  Poitiers,  une  relation  qui 

n'est  pas  trop  à  Tavantao-e  de  notre  archevêque,  k  Celui-ci 
«  exigeait  des  bourgeois  quelques  nouvelles  servitudes  qui 
«  leur  paraissaient  insupportables.   Ils  offrirent  d'abord  la 
«somme  de    deux   miife  livres,    à   condition  qu'ils  conti- 
«  nueraient  de  jouir  de  leuis  privilèges  et  de  se  gouverner 
«  par  leurs  lois  municipales.  Sur  son  refus,  ils  se  concertèrent 
«  avec  le  clergé  et  la  noblesse ,  ils  s'emparèrent  des  tours 
«  des  églises ,  se  fortifièrent  dans  les  maisons ,  chassèrent 
«  de  la  ville  les  officiers  et  les  amis  de  l'archevêque  auquel 
«  ils  n'épargnèrent  pas  les  injures.  Forcé  de  quitter  la  ville , 
«  Henri  revint  bientôt  après  avec  le  roi  son  frère,  et  des 
«  troupes  pour  l'assiéger.  Les  bourgeois  étant  allés  au-devant 
«  du  roi  pour  le  prier  de  modérer  les  prétentions  exorbi- 
«  tantes  de  son  frère,  et  n'ayant  pu   rien  obtenir,   se  reti- 
«  rèrent  sur  les  terres  du  comte  de  Champagne,  qui  leur 
«  conseilla  de  se  livrer  à  la   discrétion  du  roi.  Ils  suivirent 
«  ce  conseil;  et  le  roi,  par  complaisance  pour  son  frère, 
«  s'étant  contenté  de  faire  raser,  quoique  à  l'cgret,  dit  l'au- 
«  teur ,  environ  cinquante  maisons  des  plus  mutins,  se  retira. 
«Trois  jours  après,  les  bourgeois  étant  rentrés  chez  eux, 
«  firent  main  basse  sur  les  maisons  des  nobles  qui  tenaient 
«  pour  l'archevêque.  Celui-ci  n'eut  plus  recours  a  son  frère; 
«  il.  s'adressa  au  comte  de  Flandre  qui  vint  avec  mille  com- 
«  battans  pour  exterminer  les  bourgeois ,  ou  pour  les  mettre 
«  à   la   torture ,  afin   d'en  tirer  de  bonnes   rançons ,  si   on 
«  pouvait  les  prendre.  Mais  ils  ne  jugèrent  pas  à  propos  de 
«l'attendre;  ils   évacuèrent   la  ville,  et   les  Flamands  n'y 
«  trouvant  point  de  subsistances,  s'en  retournèrent  au  bout 
«  de  vingt-quatre   heures.    Cependant   l'archevêque   mieux 
«  conseillé  entra ,  à  l'insçu  des  Flamands ,  en  accommodement 
«  avec  les  bourgeois  par  l'entreprise  du  comte  Robert^  son 
«  frère,  et  consentit  à  faire  la  paix,  à  condition  qu'ils  con- 
«  serveraicnt  leurs  anciennes  lois,  et  payeraient  en  dédom- 
«  magement  la  somme  de  45p  livres,  qui,  sans  parler  des 
ce  injures  et  des  avanies  dont  ils  l'avaient  accablé,  n'était  pas 
«  le  quart  du  dommage  réel  qu'ils  lui  avaient  causé.  Telle 
«  fut,  dit  Jean  de  Salisburi,  la  paix  honteuse  qu'il  fut  obligé 
«  de  faire  avec  les  bourgeois;  mais  cela  ne  le  dégoûta  pas 
«  de  continuer  le  procès  qu'il  avait  intenté  à  son  chapitre  : 


HENRI  DE  FRANGE.  545 

«  Sic  itaque  damnosam  et  ignominiosam  ciim  cwihus  faciens    XII  SIECLE. 
npacein,  aclhuc  cum   clero   exercet  inimicitias ,  et  se  juri 
«  offereiites  vexât  ecclesias. 

Il  s'agissait  de  certains  privilèges,  et  nomme'ment  du  droit 
qu'avait  le  chapiti^e  d'excommunier,  de  sa  propi'e  autorité, 
sans  la  participation  de  l'archevêque  (prétention  qui  fut 
débattue,  vers  le  môme  temps,  dans  plusieurs  autres  dio- 
cèses); d'excommunier,  disons -nous,  les  malfaiteurs  qui 
causaient  quelque  dommage  aux  églises.  C'est  ce  qu'on  voit 
par  une  lettre  qu'écrivit  au  prélat  irrité  uri  d^  ses  anciens  Maiiot ,  Me- 
chanoines,  pour  lors  cardinal  diacre  du  titre  de  Sainte-  ''""P  î""™-  ^■ 
Marie  in  vid  latci.  Il  lui  représente  l'avantage  qu'il  trouverait  '  ^'' 
à  être  toujours  uni  à  son  chapitre,  et  le  dommage  qui 
résulte,  même  pour  son  autorité,  de  la  division  qu'il  a  semée. 
Il  lui  rappelle  qu'en  montant  sur  le  siège  de  Reims ,  il  a 
juré  de  maintenir  les  anciens  usages  de  son  église,  et  qu'un 
des  privilèges  de  cette  église,  est  le  droit  d'excommunier 
ceux  qui  lui  font  du  tort,  sans  que  l'évêque  puisse  les 
absoudre  avant  qu'ils  aient  réparé  le  dommage^:  consuetudi- 
nés  eniîmsiMS,  qnas'vos,  credo,  sen'are promisistis ,  sihi molari, 
maxime  in  ahsolvendis  suis  excominunicatis ,  nulld factâ  sibi 
satisfactione ,  lacryniabiliter gémit. 

Malgré  ces  justes  représentations  faites  avec  un  profond 
respect  et  une  grande  modération ,  l'archevêque  poursuivit 
sa  pointe;  il  intéressa  dans  sa  querelle  le  roi  son  frère  qui 
se  saisit  du  temporel   du  chapitre.  Les  chanoines  de  leur 
côté  eurent  recours  au  pape  Alexandre  III,  qui  écrivit  au       Mart.  ibid. 
prélat  une   lettre   très -vive,  le   blâmant   siu'-tout   d'avoir  col.  93/,. 
employé  l'autorité  du  roi  dans  une  affaire  purement  cccl^ 
siastique  ,  démarche  qui,  selon  lui,  pouvait  avoir  des  coux 
séquences   très-pernicieuses    dans    la   personne    d'un    autre 
souverain  moins  affectionné  aux  églises  cpie  ne  l'était  Louis- 
le-Jeune.  Il  écrivit  également  à  ce  prince  ppur  l'exhorter  à     ibUi.col.^Vj. 
ne  pas  ternir  la  gloire  qu'il  s'était  acquise  d'être  le  défenseur 
des  églises,  et  à  travailler  de  tout  son  pouvoir  à  rétablir  la 
paix  entre  l'archevêque  et  son  chapitre.  Ces  remontrances 
ne  furent  point  vaines;  la  paix  fut  faite,  la  même  année, 
selon  une  autre  lettre  de  Jean  de  Salisburi,  qui  n'explique      inter  ep.  s. 
pas  quelles  en  furent  les  conditions.  r!'°ïï'     ^^q'' 

•^     T '•         •  I  T  •  '      •  •       -i-v  lib.  II,  ep.  ^(O. 

L,  instigateur  de  ces  dissentions  était  un  certain  Drogon , 
chanoine  régulier  de  Ilam,  c[u'il  avait  pris  à  son  service. 
C'était  un  homme  violent  et  fort  versé  dans  la  connaissance 

Tome  XIII.  Zzz 


546  HENRI  DE  FRANCE. 

xn  SIECLE,  (les  intérêts  des  princes,  vir  eruditus  omnium  sœculaiium 
Bouquet,  t.  clùciplùiis ,  dit  Lambert  WateHos ,  qui  raconte  de  lui  qu'étant 
XIII,  p.  53i.  devenu  l'homme  de  confiance  de  Pierre  de  Flandre  élu 
évêque  de  Cambrai,  il  l'avait  induit  à  des  mesures  fion  moins 
violentes  contre  les  habitans  de  cette  dernière  ville.  Cepen- 
dant l'archevêque  l'avait  pris  tellement  en  affection,  cju'il 
l'avait  fait  nommer,  quelque  temps  auparavant,  chancelier 
de  l'église  de  Noyou  ;  mais^  le  pape ,  peur  l'empêcher  de 
continuer  à  semer  la  division ,  l'avait  destitué  et  ordonné  à 
son  abbé  de  le  fappeler  dans  le  cloître.  Henri  prit  sa  défense, 
et  ne  craignit  pas  de  se  brouiller  avec  le  souverain  pontife, 
pour  le  maintenir  même  au  préjudice  de  son  neveu,  fils  de 
Robert  comte  de  Dreux,  qui  avait  été  nommé  à  sa  place.  Il 
Mart.  Ampi.  écrivit  au  ])ape  et  aux  cardinaux   deux  lettres  pleines  éte 

se'  .*'  e  '  *^°  '  reproches,  dont  vraisemblablement  Droijon  fut  le  rédacteur. 

700  et  7»g.  i  '  .  o 

Dans  cette  contestation  le  pape  donna  autant  de  preuves 
de  modération  que  Henri  y  mit  d'emportement  :  il  échoua 
cependant;  mais  toujours  engoué  de  Drogon,  il  le  donna, 
l'an  ii6(),  au  comte  de  Flandre  pour  être  le  conseil  de  son 
frère  Pierre,  qui  venait  d'être  élu  évêque  de  Qumbrai, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Henri  eut  lieu  de  s'en  repentir, 
car  ils  se  comporter»  nt  si  mal  l'un  et  l'autre,  qu'il  fut 
Mqrt.  ibid.  contraint  de  les  dénoncer  lui-même  au  pape,  cjui  prit  de  là 

'^°  '    '^'  occasion  de  lui  représenter  combien  il  avait  agi  inconsidé- 

rément, soit  en  confirmant  sur  le  siège  de  Cambrai  un  jeune 
homme  sans  expérience,  soit  en  lui  donnant  pour  conseil 
le  chanoine  Drogon,  dont  mal  à  propos  il  avait  pris  la 
défense.  Je  sui^  bien  aise,  ajoutait-il,  que  vous  soyez  puni 
cfens  l'endroit  même  par  où  vous  avez  péché  :  Lcetor  qiibd 
Deiis  in  prœsenti  tuos  punit  excessus ,  et  te  malc  egisse  ex 
operihus  illorum  manifeste  cognoscis. 

L'an  1 171 ,  Henri  eut  encore  ave^;  le  comte  de  Champagne 
Maft.  ibid.  Henri  le  Libéral,  une  contestation  qui  faillit  à  dégénérer  en 

col.  866.  m^ç  guerre  ouverte.   Il  était  en   guerre  avec   ses  vassaux , 

contre  lesquels  il  avait  élevé  des  forteresses  et  fortifié  des 
châteaux  qui  faisaient  ombrage  au  comte.  11  se  plaignait 
que  le  comte  son  homme  lige,  erit  pris  parti  pour  eux  sans 
l'avoir  auparavant  défié;  qu  il  les  eût  reçus  dans  ses  terres, 
eux  et  le  butin  qu'ils  avaient  remporté  sur  lui.  Ayant 
demandé  raison  de  cette  félonie,  bien  loin  d'obtenir  satis- 
faction ,  il  se  vit  non  seulement  appelé  en  cour  de  Rome , 
mais  encore  le  comte  lit  entrer  sur  les  terres  de  l  evêché  ses 


HENRI  DE  FRANCE.  547 

troupes  et  les  cotei'eaux  qu'il  avait  pris  à  sa  solde.  11  y  eut   ^"  sieclk. 
des  meurtres,  des  pillages  et  des  incendies,  sans  que  l'arche- 
vèque  pût  obtenir  les  indemnités  qu'il  réclamait.  Aloi-s  il  se 
détermina   à    lancer   l'excommunication  qui   fut  suspendue 

Ear  une  trêve;  mais  ces  ménagemens  n'ayant  produit  aucun 
ien ,  il  en  vint  à  l'extrémité  de  l'excommunier  solennelle- 
ment à  l'extinction  des  cierges  :  nouvel  appel  de  la  part  du 
comte;  il  fallut  aller  plaider  à  Rome.  Le  pape  ayant  entendu  Mart.  ibui. 
les  raisons  de  part  et  d'autre,  délégua  des  commissaires  pour  "^"'^  y°7*^'9'*- 
connaître  de  la  validité  de  l'excommunication,  et  en  même 
temps  il  écrivit  au  roi  une  lettre  digne  du  père  commun  des 
lidcles,  par  laquelle  il  l'exhorte  à  être  le  médiateur  de  la 
paix  entre  des  personnes  qui  doivent  lui  être  chères ,  et  dont 
la  mésintelligence  peut  altérer  la  paix  du  royaume.  Il  paraît 
que  la  paix  se  fit;  mais  nous  ignorons  comment  elle  fut 
cimentée. 

Enlin ,  après  avoir  administré  1,'église  de  Reims  pendant 
l'espace  de  quatorze  ans,  il  mourut  le  i3  novembre  iiyS, 
emportant  dans  le  tombeau  les  regrets  des  gens  de  bien, 
et  sur- tout  des  savans  qu'il  avait  attirés  en  foule  par  ses 
libéralités ,  ou  auxquels  il  avait  procuré  des  établissemens. 
Son  caractère  était  une  grandeur  dame  vraiment  royale, 
une  fermeté  à  toute  épreuve  contre  l'injustice ,  un  zèle  actif 
à  s'acquitter  de  ses  devoirs ,  le  tout  mêlé  d'un  peu  trop  de 
confiance  sur  les  avantages  de  sa  naissance,  et  de  hauteur 
dans  l'exercice  de  son  autorité  qu'on  lui  a  souvent  reprochée. 

SES  ÉCRITS. 

Les  écrits  de  Henri  de  France  ne  consistent  qu'en  chartes 
et  quelques  lettres  éparses  dans  difterens  recueils ,  cjui  ne 
sont  que  la  moindre  partie  de  celles  qu'il  dut  écrire,  et  qui 
vraisemblablement,  quant  au  mérite  littéraire,  étaient  plu- 
tôt l'ouvrage  de  ses  secrétaires  que  le  sien  propre.  La  litté- 
rature eu  général  et  l'histoire  en  particulier  lui  ont  cepen- 
dant une  obligation  infinie  pour  le  soin  qu'il  a  eu  de  recueillir 
celles  qui  lui  étaient  adressées  soit  par  les  souverains  pon- 
tifes ,  soit  par  d'autres  personnes  ,  formant  une  collection      Mart.  Amiii. 

de  cincf    cent  trente-quatre  lettres,  qui  ont  été  imprimées  Coll.  1. 11,  coi 

Dii/i    ^'  ^    ^  ^     ^-^         1       '    ..  ^-       I  624-1011. 

^  .  Martene  :  et,  a  ce  titre,  11  mente  une  mention  liono- 

norable  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France.  Il  eût  été  à 

souhaiter  qu'il  eût  aussi   tenu  registre  des  siennes  ;   mais 

Z  z  z  2 


548  HENRI  DE  FRANCE. 

XII  SIECLE,  celles-ci  sont  perdues  pour  nous,  à  l'exception  d'un  petit 
nombre  dont  nous  allons  rendre  compte ,  selon  l'ordre  des 
dates.  Nous  ne  parlerons  pas  de  ses  diplômes ,  qui  sont  bien 
des  documens  liistoriques,  mais  non  des  monumens  litté- 
raires dont  nous  devions  nous  occuper. 
Bibi.   Pair.       x.  La  première  est  adressée  à  saint  Bernard.  Henri  n'était 

p'fî/  '  encore  f{ue   novice  à  Clairvaux  lorscpi'il  l'écrivit  au   saint 

abbé ,  pour  lui  demander  sa  protection  auprès  du  pape 
Eugène  III ,  en  faveur  de  l'évêcjue  de  Saint-Malo  (  Jean  de  la 
Grille),  qui  avait  quelques  démêlés  avec  les  religieux  de 
jVIarmoutier ,  touchant  certains  droits  de  son  église.  La  lettre 
est  fort  pressante.  Henri,  en  la  finissant,  conjure  l'abbé  de 
Clairvaux  de  hâter  son  retour ,  parce  qu'il  est  impatient 
d'émettre  ses  vœux  entre  ses  mains.  «  J'attends,  dit-il,  votre 
«  retour  avec  impatience  ;  car  je  ne  puis  m' unir  entièrement 
«à  Dieu,  sans  cjue  vous  vous  réiuiissiez  à  nous.  Le  temps 
«  de  contracter  mon  engagement  (  c[u'il  appelle  des  épou- 
«sailles)  approche;  c'est  par  votre  entremise  que  je  dois 
«  faire  alliance  avec  le  Seigneur  ;  c'est  sous  votre  conduite 
«  que  je  dois  le  servir  jour  et  nuit  et  tous  les  instans  de  ma 
«  vie.  »  Cette  lettre  est  de  l'an  1 1 47  ,  et  se  trouve  parmi  celles 
de  Nicolas  de  Moutier-Ramey,  qui  en  fut  le  rédacteur. 
ibid.  p.  552.  2.  L'an  II 491  Henri  ayant  été  nommé  à  l'évéché  de  Beau- 
vais,  fut  effrayé  de  se  voir  encore  lancé  dans  le  monde.  Saint 
Bernard  n'osait  lui  conseiller  d'accepter  :  il  consulta  l'abbé 
de  Cluni,  Pierre-le-Vénérable,  qui,  ne  voyant  rien  d'irré- 
gulier  dans  ce  choix,  fut  d'avis  qu'il  fallait  y  reconnaître  la 
vocation  de  Dieu.  Henri  lui  en  sut  mauvais  gré  ;  il  lui  en  fît 
des  reproches  dans  une  lettre  qui  respire  la  sincérité  des 
adieux  cju'il  avait  faits  au  monde.  «  Que  Dieu  vous  le  par- 
te donne,  lui  écrit-il!  Qu'avez-vous  fait?  Vous  rappelez  parmi 
«  les  hommes  un  homme  enseveli,  et,  par  votre  conseil  qu'on 
«  suit  avec  trop  de  conliance,  on  m'expose  encore  au  péril 
«  dont  je  me  croyais  délivré  pour  toujours  :  on  me  rejette 
«  dans  une  mer  affreuse  de  soins,  et  je  vais  être  absorbé  de 
«  nouveau  dans  le  profond  abîme  de  la  gloire  mondaine.  Je 
«  ne  sais  plus  oii  je  suis  ;  mon  ame  est  dans  le  trouble  depuis 
«  qu'on  m'a  confié  la  conduite  des  charriots  d'Aminadab ,  à. 
«  moi  qui  ai  plus  besoin  d'être  conduit  que  de  conduire  les 
«  autres.  On  m'applique  à  des  ouvrages  forts ,  sans  consi- 
«  dérer  mon  extrême  faiblesse.  »  Tout  le  reste  de  la  lettre 
est  du  même  style.  On  y  voit  un  prince  qui  coiinait  1  éten- 


HENRI   DE  FRANCE.  649 

due  des  devoirs  de  l'épiscopat ,  qui  craint  les  dangers  de  ^ii  siècle. 
l'élévation  ,  et  qui  ne  cousent  à  reparaître  dans  le  monde  que 
par  detërence  pour  ceux  à  qui  le  devoir  de  l'obéissance 
l'avait  assujetti.  Cette  letti'e  est  encore  l'ouvrage  de  Nicolas 
de  Moutier-Ramey ,  écrivain  élégant,  qui  approchait  le  plus 
du  style  de  saint  Bernard  :  il  est  aisé  de  s'en  apercevoir  à  la 
délicatesse  d'esprit  qui  y  règne.  La'même  lettre  a  été  con- 
servée parmi  celles  de  Pierre -le -Vénérable,  lib.  V,  epist.  c^. 

3.^1enri  avait  écrit  auparavant  à  l'abbé  Suger  sur  un  Duch.  t.  iv, 
ton  ^us  décidé  à  ne  point  accepter ,  le  priant  de  pourvoir^  ^*^'"'  ^^''"-  i'- 
l'église  de  Beauvais  d'un  autre  pasteur,  attendu  que  le  far- 
deau qu'on  veut  lui  imposer  est  au-dessus  de  ses  foi-ces. 
Cette  lettre  est  parmi  celles  de  l'abbé  Suger,  et  n'a,  dans  le 
style,  rien  d'extraordinaire  qui  puisse  faire  juger  qu'il  l'ait 
emprunté  d'un  autre. 

4-  Parmi  les  lettres  de  sainte  Hildegarde,  il  s'en  trouve  Bibi.  Pair. 
une  de  Henri,  dans  laquelle  il  se  dit  évêque  de  Bc'cz,  solo  LuRd. t.xxill, 
nomine  vocatus  episcopus  ;  il  prie  la  Sainte  de  lui  procurer 
par  ses  prières  quelque  consolation  au  milieu  des  orages  du 
siècle  dont  il  est  accablé,  turhinihus  sœcnll gvavato  :  ce  qu'on 
peut  rajjporter  au  temps  où  il  était  en  butte  aux  contradic- 
tions de  la  noblesse  du  pays  ,  et  même  du  roi ,  son  irère. 

5.  Nous  avons  déjà  dit  que  Henri  liit  un  des  plus  zélés 
défenseurs  du  pape  Alexandre  III,  contre  le  cardinal  Octa- 
vien  ,  son  compétiteur.  Ayant  ouï  dire  que  le  roi ,  son  frère, 
s'était  laissé  ébranler  par  les  insinuations  de  l'empereur 
d'Allemagne ,  protecteur  d'Octavien  ,  il  s'empressa  de  lui  Duch.  ibid. 
marquer  son  étonnement  et  ses  inquiétudes,  aiin  de  le  pré-  P"  "  " 
munir  contre  le  piège  qu'on  lui  tendait,  et  f empêcher. de  s'y 

laisser  prendre.  Dans  une  autre  lettre  à  Eberhard,  arche-       Tpui;nagei , 
vêque  cle  Salzbourg,  qui  l'avait  consulté  sur  les  dispositions  „ "^ ryi'    """'" 
du  roi  de  France  à  l'égard  du  pape  Alexandre,  il  l'assure 
que  le  roi  se  laisserait  couper  la  tête  plutôt  que   d'abau- 
donner  ce  pontife.  ,    . 

6.  L'an  1 163,  il  y  eut  des  brigués  pour  donner  à  l'église  Mart.  Ampi. 
de  Châlons  un  évêcjue.  Le  comte  de  Champagne  poirtait  à  ce  ?""■  *'  ^^'  *^°'' 
poste  un  sujet  qui  n'était  pas  agréable  à  notre  prélat,  et  il     ' 

avait  mis  le  roi  dans  son  parti.  Le  pape  cru'on  avait  consulté, 

n'osait  prononcer,  dans  la  crainte  de  déplaire  aux  uns  ou 

aux  autres.  Enlin ,  le  roi  se  désista ,  et  envoya  l'affaire  à  la 

décision  du  métropolitain.  Henri  lui  écrivit  pour  le  remer-       Duch.  ibid. 

cier  d'avoir  déclaré  aux  députés  du  chapitre  qu'il  fallait  s'en  P-  ^^^- 


55o  HENRI  DE  FRANCE. 

XII  SIECLE,    rapporter  à  sa  décision,  et  qu'on  ne  gagnerait  rien  à  iatri- 
ili^_  giier  pour  l'éluder.  L'année  cTaprès,  étant  tombé  malade,  il 

il  écrivit  au  roi  son  frère ,  pour  le  tranquilliser  sur  l'état  de 
sa  santé,  tpii  était  un  peu  rétablie. 

y.    Notre  prélat,  à  raison  de  la  prééminence  de  son  siège 
et  de  sa  naissance,  était  tort  jaloux  de  ses  droits,  et  faisait 
sentir  le  poids  de  son  aTitorité  aux  évèques  de  la  province. 
Mait.  Ampi.  Un  prctre  du  diocèse  de  Laon  ayant  été-cité  par  appel  à  son 
Coll.  t.  II,  col.  tribunal ,  il  manda  à  Gautier  de  Mortagne ,  ^on  évêqi]£ ,  de 
''  ■  .le  faire  comparaître  ;  Gautier  ne  tint  compte  de  cet  ordre  : 

sur  quoi  l'archevêque  lui  écrivit  pour  le  sommer  lui-même 
de  venir  rendre  compte  de  sa  conduite  à  la  cour  métropoli- 
taine. Henri  parle  avec  beaucoup  de  liauteur  dans  cette  lettre. 
C  était  assez  sa  manière  de  traiter  avec  ses  sutfragans  ;  plus 
d'une  fois  ils  en  portèrent  leurs  plaintes  au  pape ,  comme  il 
7è;W.col. 93i,  paraît  par  un  grand  nombre  de  lettres  qu'Alexandre  écrivit 
93»,  et  ai  1.  ^  Henri,  pour  l'engager  à  mettre  plus  de  douceur  dans  ses 
procédés  a  leur  égard. 

8.    Pendant   la    grande    contestation    qui ,  comme    nous 
l'avons  dit,  s'éleva  l'an   ii6'^  entre  notre  archevêque  et  les 
bourgeois  de  Reims ,  Henri  dut  écrire  beaucoup  de  lettres , 
soit  pour  demander  des  secours ,  soit  pour  négocier  avec  les 
Duch.  t.  IV,  rébelles.  De  toutes  ces   lettres,  il  n'en  reste  qu'une  au  roi 
Rer.  Iran.  p.  Louis-lc-Jcime ,  daus  laquelle  il  est  parlé  d'une  conférence 
qui  devait  avoir  lieu  à  Bétisy ,  près  de  Soissons,  où  devaient 
se  trouver  le  roi  et  le  comte  de  Flandre  ;  mais  l'objet  de  la 
convocation  n'est   exprimé  que  d'une   manière  vague  ,   de 
ïbi(L\'.  634.     quibusdam  negotiis fainiliaribus.  Cependant,  dans  une  autre 
lettre  de  Hugues ,  évêque  de  Soissons ,  au  même  prince ,  on 
voit  qu'il  devait  être  question  de  l'interdit  que  l'archevêque 
de  Reims  avait  lancé  non  seulement  sur  sa  ville  épiscopale, 
mais  encore  sur  toute  la  province  :  circonstances  sur  les- 
quelles tous  nos  historiens  gardent  un  profond  silence. 

q.    L'an   ii68,  le  pape  voulut  ôter  à  Drogon ,  chanoine 
réguher  de   Ham ,  la  charge   de  chancelier  de   l'église   de 
Noyon   dont  il    était   pourvu ,  sous   prétexte    qu'elle   était 
Mart.  ihid.  incompatible  avec  son   état.   Henri   prit  la  défense  de   son 
col.  788.  favori-  dans  deux  lettres  qu'il  écrivit ,  l'une  au  pape  et  l'autre 

au  sacré  collège  ;  il  prouve  fort  bien  que  ,  puisqu'un  chanoine 
régulier  est  admis  a  exercer  la  charge  d'archidiacre,  il  peut 
également  exercer  celle  de  chancelier  ;  et  il  se  plaint  amère- 
ment du  peu  de  cas  qu'on  faisait  à  Rome  de  sa  recomman- 


HENRI  DE  FRANGE.  55i 

dation  ,  après  les  grands  services  qu'il  avait  rendus  au  saint    xil  SlECLï. 

siège.  11  y  a  de  l'esprit,  de  la  force  et  du  pathétique  dans  ces 

deux  lettres  ;  on  voit  bien  que  c'est  l'ouvrage  de  la  personne 

intéressée.  Elles  se  trouvent  dans  la  Collection  de  D.  IVIartène 

et  au  tome  II  des  Mélanges  de  Baluze.  Alexandre  lit  au  prélat     //«v/.  col.  797. 

une  réponse  assez  satisfaisante ,  sans  néanmoins  lui  accorder 

ce  qu'il  demandait,  s'excusant  sur  la  nature  des  alfaires  s'il 

ne  suit  pas  toujours  le  désir  qu'il  aurait  de  l'obliger. 

10.  L'église  de  Reims  fiit  une  des  premières  à  l'ournir  un 
asyle  à  saint  Thomas  de  Cantorbéry  et  à  ses  compagnons 
d'infortune ,  pendant  leur  exil  en  France.  Persuade  que  la 
cause  cju'ils  soutenaient  était  celle  de  l'église ,  il  prit  en  main 
les  iiitéi'êts  de  ces  illustres  persécutés  comme  les  siens 
propres.  Parmi  les  lettres  du  saint  archevêque  de  Cantor- 
béry, il  s'en  trouve  une  de  Henri,  écrite  au  pape  l'an  i  iCf),  Lib.  iv,  ep. 
après  la  conférence  que  les  commissaires  par  lui  délégués  ^^'P-^Sy. 
avaient  eue  à  Montmirail  avec  le  roi  d'Angleterre  sans  aucun 

succès.  A  l'exemple  de  plusieius  autres  évèques  de  France, 
notre  prélat  suppliait  le  pape  de  metti-e  fin  au  scandale  que 
sa  longne  tolérance  et  l'inflexibilité  du  roi  d'Angleterre  don- 
naient à  l'église.  L'année  suivante,  notre  archevêque  informé 
du  massacre  de  celui  de  Cantorbéry,  écrivit  encore  au  pape 
une  autre  lettre  que  nous  n'avons  plus ,  mais  dont  il  est 
"  parlé  dans  celle  "de  Bernard  du  Coudrai  au  prieur  de  Grand-      Mart.  Anecd. 
mont,  pour  demander  vengeance  de  cet  attentat.  Son  dévoue-  '•  ^■>  «"'•  ^^°- 
ment  pour  saint  Thomas  ne  se  borna  point  là  :  il  fut  le 
premier  qui  rendit  son  culte  public  en  France ,  et ,  pour 
cet  effet,  il  lui  fit  ériger,  sur  la  paroisse  de  Saint-Germain- 
l'Auxerrois  à  Paris,  une  chapelle  qu'il  dédia  lui-même,  ainsi 
que  l'atteste  Giraud-le-Gâlois.  C'est  aujourd'hui  Saint-Louis      Angi.  Sacra, 
du  Louvre.  *■  ^^'  v-  479- 

11.  L'an  1171,  le  roi  Louis -le -Jeune,  mécontent  de  son 
chancelier  Hugues  de  Champfleuri ,  évêque  de  Soissons ,  le 

destitua   de  son  emploi.   Henri  ,  persuadé  que  c'était  une      Duch.  t.  iv 

intrigue  de  cour,  écrivit  au  roi  son  Irère,  pour  le  détourner  ^'^'■'  ^™"'  P- 

de  ce  dessein.  La  lettre  est  fort  honorable  pour  l'évêque  de  ""  ^ 

Soissons,  à  l'intégrité  duquel  il  rend  témoignage.  Il  chargea, 

par  une  autre  lettre,  Ervise,  abbé  de  Saint-Victor,  de  la    Jf>i(i-v-  ^l"- 

présenter  au  roi  et  de  l'appuyer  de  son  crédit.  Il  instruisoit 

en  même  temps,  par  une  tioisième  lettre,  le  chancelier  des    jùùi.  p.  575. 

démarches   qu'il    faisait  pour  le   rétablir  dans   les   bonnes 

grâces  du  roi.  Mais  les  préventions  qu'on  avait  inspirées  au 


552     -  HENRI  DE  FRANCE.      ' 

XII  SIECLE,   monarque  prévalurent ,  et  Hugues  resta  disgracié  jusqu'à  sa 

mort. 
Supràp.  546,      ,12.   Nous  avoiis  rapporté  plus  haut  la  contestation  que 

^~-  notre  archevêque  eut,  vers  le  même  tem|)s,  avec  le  comte 

de  Champagne,  et  comment  il  se  vit. obligé  de  lancer  contre 

Mart.  Ampl.  lui  l'excommuniçation.  La  lettre  qu'il  écrivit  à  ses  suffragans 

866  '°'  pour  leur  enjoindre  de  faire  publier  cette  sentence  dans 
toutes  les  églises,  est  parvenue  jusqu'à  nous.  On  y  voit. quels 
étaient  les  griefs  dont  il  avait  à  se  plaindre.  Nous  remar- 
quons que,  dans  la  suscription,  le  prélat  se  sert  de  la  formule 
SdliUepi  et  apostoUcam  henedictionein ,  formule  qui  dès  lors 
était  réservée  au  pape.  Nous  pensons  que  c'est  par  inadver- 
tance que  le  copiste ,  accoutumé  à  la  placer  presque  à  toutes 
les  lettres  du  recueil,  l'aura  répétée  mal -à -propos  sur 
celle-ci. 

i3.  Henri  donna,  l'an  11 74,  des  preuves  de  son  zèle 
pour  le  maintien  des  bonnes  règles.  Robert ,  prévôt  de 
l'église  collégiale  d'Aire,  qui  était  déjà  désigné  évèque  d'Ar- 
ras  ,  fut  nommé  ,  cette  année  ,  par  l^hilippe  ,  comte  de 
Flandre,  dont  il  était  chancelier,  à  l'évéché  de  Cambrai. 
Henri ,  son  métropolitain ,  s'opposa  vigoureusement  à  cette 
élection  ,  tant  à  raison  du  défaut  de  canonicité  dans  la  forme, 
que  ]5ar  rapport  à  l'incapacité  du  sujet.  Il  écrivit  à  cette 
occasion  au  .pape  Alexandre  une  lettre  pleine  de  sagesse ,  de 
lumières  et  de  gravité.  C'est  ainsi  que  le  P.  Hommey  la  qua- 
lifie dans  son  supplément  à  la  Bibliothèque  des  Pères;  mais 
Eil.l.pp.Cist.  il  ignorait  qu'elle  était  déjà  imprimée  pariai  celles  de  Phi- 

t.  m,  p.  -238.  lippe,  abbé  de  l'Aumône ,  qui  en  fut  le  rédacteur.  Cependant 
le  succès  ne  répondit  pas  au  zèle  du  prélat.  Robert  triompha 
des  contradictions  qu'on  lui  suscitait  en  cour  de  Rome  ;  mais 
il  arriva  qu'il  fut  massacré,  la  même  année,  par.  ordre  de: 
Jacques  d  Avesne ,  dans  un  voyage  qu'il  faisait  pour  inspecter 
les  domaines  de  son  nouvel  évêché. 

Henri  avait  écrit  au  pape  Alexandre  bien  d'autres  lettres 
que  celles  dont  on  vient  de  rendre  compte  ;  et ,  pour  s'en 
convaincre,  il  suffit  de  jetter  les  yeux  sur  la  collection  des 
lettres  de  ce  pontilé,  à  lui  adressées  et  par  lui  recueillies. 
Elles  sont  presque  toutes  relatives  à  la  province  de  Reims; 
et,  quoique  notre  prélat  n'ait  jamais  pris  la  qualité  de  légat 
du  saint  siège,  il  paraît  qu'il  en  fiiisait  les  fonctions  dans  sa 
province.  C  est  à  lui  que  le  pape  renvoyait  toutes  les  affaires 
de  quelque  importance,  dans  lesquelles  l'archevêque  n'était 


NICOLAS,. MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.       653 

pas  personnellement  interesse.  Les  contiiuiatêurs  du  Recueil    ^n  SIECLE. 

des  historiens  de  France  les  ont  imprimées  au  tome  XV, 

pour  ne  faire  qu'un  registre  de  toutes  les  lettres  d'Alexandre; 

mais    ils    ont    rappelé   par   ordre    chronologique  ,    d«ns  le 

tome  XVI ,  les  sommaires  de  toutes  ces  lettres,  en  y  mêlant 

les  lettres  de  notre  prélat  avec  celles  qui  lui  turent  adressée^, 

autres  que  celles  des  papes.  B. 


NICOLAS, 

MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY,  PiJIS  DE 
CLAIRVAU-X,  SECRÉTAIRE  DE  SAINT 
BERNARD. 

HISTOIRE   DE   SA   VIE. 


IMicoLAS  s'était  fait  de  son  temps  une  assez  bonne  répu- 
tation d'homme  de  lettres.  H  était  champenois  ,  et  avait 
embrassé  la  vie  religieuse  à  l'abbaye  de  Moûtier-Ramey,  en 
latin  Avemamni ,  jJremarense  nionasterium ,  à  quatre  lieues 
de  Troyes.  On  voit  par  ses  lettres  qu'il  avait  formé  'des  dis-  Ep-a,  35, 3S. 
ciples  dans  cette  maison.  C était,  comme  nous  le -verrons,  ' 

Un  esprit  insinuant,  qui  sut  se  concilier  l'estime,  et  l'affec- 
tion-des  plus  grands  personnages  de  son  siècle; i Dès  l'an- 
née I  i4o,  il  jouait  dans  les  affaires  de  l'église  un  rôle  assez 
considérable.  Il  avait   assisté  au  concile  de   Sens ,  et  saint 
Bernard  le  députa  pour  porter  à  Rome  les  lettres  qu'il  écri-     Bern.ep.  189, 
vait  dans  l'affaire  d*Abailard ,  pour  y  poursuivre  la  condam-  ^^*^' 
nation  de  ses  erreurs ,  et  prémunir  la  cour  de  Rome  contre 
les  intrigues  d'un  homme  qui  se  vantait  d'avoir  beaucoup 
de  partisans  dans  le  sacré  collège.  Nicolas  lui-même  atteste  NicoIai,ep.  ',5, 
qu'étant  allé  plusieurs   fois  à  Rome ,  il  s'y  était  fait  beau- 
coup d'amis  :  ^Id  romananv  eniin  curiain  curiosiiis  ieiis  et 
rediens,  feceram  mihi  nornen  grande  juxta  nomen  magno- 
rum  qui  sunt  in  terris.  •  ■ 

La.  grande  réputation  dont  jouissait   alors  dans  l'église  ' 

Tome  XllI.  A  a  a  a 


554      NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

XII  SIECLE,    saint  Bernarcf,  lui   fit  naitre  l'envie   de  se  retirer   sous  sa 
discipline  à  Clairvaux.  Il  tant  1  entendre  exprimer  dans  trois 

Ep.7,45,46.  différentes  lettres,  malgré  les  obstacles  qu'il  rencontrait  à 
l'exécution  de  son  dessein ,  l'aident  désir  qu'il  avait  de  se 
réunir  à  une  communauté  dont  il  fait  l'élcge  le  plus  magni- 
fique. C'était  en  l'année  Ii45,  avant  cjue  Rualen ,  prieur  de 
Clairvaux  eût  été  envoyé  à  Roine  pour  gouverner  le  monas- 
tère de  Saint-^\jiastase  ad  Aquns  ^ahias ,  à  la  place  d  Eu- 
gène III ,  qui  venait  d'être  élu  pape.  Voici  le  portrait  qu'il 
fait  de  sa  conduite  passée ,  dans  la  lettre  45  :  «  Sous  les  dra- 
«  peaux  de  l'humilité  de  Jésus-Christ ,  je  cachais  un  homme 
«  adonné  à  toute  sorte  de  vices,  et  du  jîatrimoine  du  cruci-, 
«  fié,  du  prix  des  plaies  de  mon  sauveur,  je  montrais  non 
«  seulement  au-dedans  du  sanctuaiie,  mais  même  au-dedans 
«  du  saint  des  saints,  un  moine  sans  règle,  un  prêtre  sans 
«  retenue ,  sine  rei>erentîâ ,  enfin  je  ne  me  souviens  pas 
«  d'avoir  bien  vécu  un  seul  jour  dans  ma  vie.  »  Ce  retour 
sur  lui-même  était  louable  sons  doute;  mais  il  ne  suffît  pas, 
pour  devenir  un  autre  homme  ,  de  changer  d  habit  ;  nous 
verrons  bientôt  crue  tout  cela  n'était  qu'hypocrisie. 

A  peine  avait-il  fait  profession  ,  qu'on  lui  confia  l'office  de 
secrétaire.  Saint  Bernard  en  avait  plusieurs,  à  cause  de  la 
multiplicité  d'affaires  dont  il  était  chargé.  Le  premier  était 
Geofroi  d'Auxene,  auquel  Nicolas  fut  donné  pour  adjoint, 
et  il  avait  lui-même  d'autres  écrivains  sous  ses  ordres,  entre 
Ep.  10,  autres  un  Gérard  dePéronne,  qu'il  appelle  le  compagnon  de 
sesécrittires,  iiidwiduus  cornes  scriptitationiim  mearum.  Dans 
Ep.  i5.  i^iiie  lettre  à  un  de  ses  anciens  confrères  de  RIoûtier-Ramey, 
il  se  plaint  de  la  commission  dont  on  l'avait  chargé  :  «  Vous 
«  savez,  dit-il,  que  je  suis  parmi  des  hommes  chez  qui  la 
«  discipline  régulière,  la  gravité  des  mœurs,  la  mriturité  des 
«  conseils,  accompagnées  d'une  dignité  et  d'une  tacituinité 
«  imposante ,  sont  dans  toute  leur  vigueur.  Tandis  cpi'ils  ne 
«  sont  occupés  que  de  Dieu,  seul,  je  vo^idrais  bien  ne  pas 
«  me  singulariser,  et  n'être  pas  obHgé  de  manier  le  stylet  et 
«  les  tablettes,  pour  courir  de  nouveau  après  les  belles- 
«  phrases  et-  la  pompe  des  mots ,  ut  rei'oleni  ad  phaleras 
«  glofiamque  verhonim.  Cep'endant  je  ne  fais  autre  chose 
«  du  matin  au  soir.  Que  Dieu  le  pardonne  à  ceux  qui  nVont 
«  imposé  un  tel  emploi ,  et  qui  m'ont  mis  dans  la  nécessité 
(t  d'écrire  sans  cesse  des  lettres  ou  des  réponses.  >•> 
Ep.  35.  Dans  une  autre  lettre,  il  fait  la  description  de  son  labo- 


NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.      555 
ratoire.    «J'ai,   dit-il,   à  Clairvaux   iiii    petit    cabinet  pour    Xll  SIECLE. 


«  écrire,  scriptoviolum ,  entouré  de  tous  côtés  de  laboratoires 
«  célestes....  Là,  sous  une  discipline  très-exacte,  ckacun  lit 
«  en  son  particulier  les  livres  saints,  non  pour  faire  parade 
«  de  son  savoir,  mais  pour  y  puiser  l'amour  du  souverain 
«  bien,  la  componction  et  la  dévolion....  Ne  méprisez  jîas, 
«  ajoute-t-il,  ma  petite  cellule,  car  elle  est  très-agréable  à 
«  voir,  et  très-propre  au  recueillement.  Elle  est  remplie  de 
ce  livres  bien  choisis  et  divins  ;  à  leur  aspect ,  je  suis  porté 
«  au  mépris  de  toutes  les  vanités  de  ce  monde ,  considérant 
ce  que  tout  n'est  que  vanité,,  et  cjue  rien  n'est  plus  vain  que 
<t  la  vanité.  On  me  l'a  donnée  pour  y  lire,  écrire,  dicter, 
ce  méditer,  prier ,  et  adorer  la  majesté  de  Dieu.  5) 

Nicolas,  pendant  qu'il  était  h.  Clairvaux,  et  vraisemblable- 
ment auparavant  et  depuis  qu'il-  en  fut. sorti,  faisait  une 
espèce  de  commerce  de  livres.  Dans  une  lettre  à  Amédée ,  Ep.  34. 
évoque  de  Lausanne,  /e  vous  envoie ,  dit-il ,  le  livre  de  maître 
Anselme  sur  le  Saint- Esprit ^  bien  ponctue  et  bien  correct, 
ou  je  suis  bien  trompé.  Pour  l'oidinaire,  quand  il  commu- 
niquait des  livres ,  c'était  à  condition  qu'en  lui  renvoyant 
l'exemplaire  original,  on  lui  en  donnerait  gratuitement  une 
copie.  C'est  ce  qu'il  mande  en  propres  termes  à  Pierr.e  ,  Ep.  24. 
abijé  de  Celles  ,  en  lui  envoyant  deux  ouvrages  de  saint 
Bernarct.  Il  empruntait  aussi  quelquefois  des  livres  pour  les 
copier,  ce  Envoyez-nous,  écrit-d  à  Pierre,  doyen  de  Troyes,  Ep.  17 
ce  les  lettres  de  l'évéque  du  Mans  (  Hildebert  ) ,  parce  que 
ce  nous  voulons  les  transcrire.»  Ailleurs,  écrivant  au  grand 
prévôt  de  l'église  de  Cologne  et  chancelier  de  l'emjîereur, 
pour  le  féliciter  sur  le  voyage  qu'il  allait  entreprendre  à  la 
Terre-; Sainte,  il  lui  demancte  sa  riche  bibliothèque  en  ces 
termes  :  ce  Ayez  soin  de  laisser  aux  pauvres  de  Jésus-Christ,  Ep.  29. 
ce  afin  qu'ils  prient  pour  vous  obtenir  un  heureux  voyage, 
ce  votre  |Jus  précieux  trésor ,  je  veux  dire  votre  magnifique 
«  bibliothèque,  pour  laquelle  vous  n'avez  épax-gné  ni  soins, 
<c  ni  dépenses.-»* 

Nicolas ,  en  se  dévouant  à  la  solitude  de  Clairvaux ,  ne 
perdit  pas  de  vue  les  amis  distingués  et  nombreux  qu'il  s'était 
faits  d-aus  le  monde.  Non  content  de  leur  écrire  des  lettres, 
il  cherchait  toutes  Rs  occasions  de  sortir  de  sa  retraite  pour 
les  aller  voir.  Ecrivant  à  Pierre-le-Vénérable ,  abbé  de  Cluni,  Ep,  51 
il  redouble  d'instances  pour  qu'il  lui  obtienne  de  saint  Ber- 
nard la  faveur  claller  à  Cluni.  C'était  en  Ii4,9i  et  ce  ne  fut 

Aaaaa 


XII  SIECLE. 


Lib.  VI, 


556      NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

pas  sans  peine*  que  l'abbé  de  Chmi,  après  avoir  écrit  plu- 
sieurs lettres  très-pressantes,  surmonta  la  résistance  de  labbé 
de  Claii^aux,  qui  sans  doute  soupçonnait  déjà,  comme  il 
le  marque  au  pape  Eugène  III,  les  intrigues  et  l'hypocrisie 
de  Nicolas.  Quant  à  Pierre-le- Vénérable,  il  avait  de  Nicolas 
et  3e  ses  talens  l'opinion  la  plus  avantageuse  et  une  estime 
,ep.  j.  sans  bornes..  «  Je  vous  aime,  dit- il,  parce  c[ue  je  vous  con- 
te «sais  pour  un.  homme  de  lettres,  en  qui  l'on  trouve  de 
■  «  grandes  ressources,  et  comme  un  homme  plein  de  religion, 
«  quoique  cela  n'ait  pas  toujours  été  vrai ,  et  que  ce  ne  soit 

ibid  ep.  ag.  «que  depuis  peu.  »  Il  écrit  à  saijit  Bernard  cpie,  privé  du 
bonheur  de  le  A'oir,  il  le  prie  de  le  dédommager  en  lui  en- 
voyant Nicolas,  pour  passer  avec  lui-quelcpe  temps,  parce 
qu'il  avait  mis  en  lui  toute  sa  confiance.  «  En  le  voyant, 
«dit-il,  je  croirai  vous  voir;  et,  conversant  avec  lui,  je- 
ce  croirai  m'entretenir  avec  vous.  D'ailleurs,  j  ai  à  vous  com- 
te muniquer ,  par  son  moyen ,  des  choses  cjui  demandent  le 
«  secret.  »  N'avant  pu  rien  gagner  sur  1  esprit  de  saint  Ber- 
nard, il  revient  à  la  charge  dans  une  autre  lettre,  on  il 
accumule  tous  les  motifs  ciui  doivent  faire  consentir  l'abbé 

iiid.  ep.  35.  de  Claii'vaux  à  sa  demande.  Cette  lettre  est  un  éloge  de 
Nicolas,  tel  cpie  rattachement  le  plus  sincère,  la  reconnais- 
sance la  plus  vive  pour  quelques  services  rendus  à  l'évêque 
de  Troyes,  6t  le  délire  de  l'amitié  peuAent  inspirer.  «  A  cpioi 
«se  réduit  ma  demandé,  dit-il  en  finissant?  Est-ce  d  apau- 
«  vrir  pour  moi  vos  greniers.^  Est-ce  de  toucher  à  vos  trésors, 
«  si  vous  en  aviez?  Non,  tout  ce  que  je  vous  demande  c'est 
«  de  m'envover  Nicolas.  Envoyez-nous  Nicolas!  » 

Eh  bien  !  ce  fourbe ,  c[ui  était  le  confident  de  ces  deux 
grands  hommes,  trahissait  dès-lors  son  supérieur,  et,  comme 
xni  autre  Giési,  trafiquait  du  crédit  cpie  son  maître  avait 
dans  l'église,  en  contrefaisant  à  son  profit  de  fiiusses  signa- 

Beni.  cp.  298.  tures.  Voici  le  portrait  cjue  fait  de  cet  hypocrite  saint 
Bernard,  écrivant  au  pape  Eugène,  après  C]ue  ses  fourberies 
eurent  été  découvertes  ,  et  lui  obligé  de  prendre  la  fuite.  «  Ce 
«  Nicolas  que  vous  connaissez  est  sorti  d'entre  nous,  parce 
«  qu'il  n'était  pas  des  nôtres  ;  il  est  sorti ,  laissant  après 
«  lui  de  honteux  souvenirs.  Il  y  a  long-temps  cjue  je  connais- 
«  sais  le  personnage;  mais  j  attendais  oT;  que  Dieu  le  con- 
«vertît,  ou  qu'il  se  trahît  lui-même  comme  Judas  :  ce  qui 
«  est  enfin  arrivé.  Outre  des  livres,  de  l'argent  et  plusieurs 
«f  pièces  d'or,  on  a  trouvé  sur  lui,  à  sa  sortie,  trois  cachets, 


I 


NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.       5Ô7 

«  le  sien  propre,  celui  du  prieur,  et  le  mien,  non  l'ancien,    ^^^  SIECLE. 
«  mais  le  nouveau,  que  j'avais  été   obligé   de  substituer  au 
«pivmier,  à  cause  de  ses  fourberies  et  de   l'abus   qu'il  en 
«  faisait ,    lorsqu'il    jiouvait    le    dérober  ,    propter  furtwas 
«  suhreptiones.  »  Il  lui  rappelle  ce  que,  dan^  une  lettre  pré- 
cédente, il  lui  avait  dit  sur  son  compte,  sans  le  nommer. 
Puis  il  ajoute  :  «  Qui  peut  dire  combien  il  a-  écrit  en  mon 
«  nom  de  lettres,  dans  Icsqueiles^l  a  mis,  à  mon  insu,  tout 
«  ce  qu'il  a  voulu  ?  Que  ne  puisse  pui'ger  votre  cour  papale 
«des  immondices  de  ses  impostures?  Comment  m'y  pren- 
«  d rai- je  pour  laver  ma  communauté  des  reproches  que  sont 
«  en  droit  de  lui  faire  les  personnes  que  ce  fugitif  a  trom- 
«  pées ,  quoiqu'elle  soit  bien  innocente  ?  Il  a  été  convaincu 
■  «  en  partie,  et  il  a  confessé  d'ailleurs  cju'il  vous  avait  écrit 
«plusieurs  fois  des  choses  fausses.  Je  m'abstiens,  pour  ne 
«  souiller  ni  mes  lèvres  ni  vos  oreilles,  de  parler  de  ses  infa- 
«  mies ,  qui  sont  si  connues  dans  le  pays,  que  tout  le  monde 
«  en  parle.  S  il  va  vous  trouver  (car  il  se  vaiite  d'avoir  de 
«  bons  amis  à  la  cour),  souvenez-vous  d'Arnaud  de  Bresse, 
«  parce   qu'il  est   encore  plus  méchant  qu'Arnaud.  »  C'était 
prendre   le  pape  par  l'endroit  le  plus  sensible.  Enfin  il  est 
d'avis  qu'on   enferme  Nicolas  pour  toujours,  ou  du  moins 
qu'on  le  réduise  à  un  «ternel  silence. 

Cela  se  passait  en  ii5i,  car,  f année  précédente,  il  était 
encore  dans  les  bonnes  grâces  de  saint  Bernard,  comme  on 
le  voit  par  la  lettre  889  de  celui-ci  à  Pierre-le-Vénérable,  à 
la  fin  de  laquelle  Nicolas  a  ajouté  un  postscriptum.  On  croit 
communément  qu'il  se  retira  en  Angleterre,  parce  cju'un 
moine  de  Saint-Alban,  nommé  comme  lui  Nicolas,  attaqua 
'  en  termes  peu  mesurés ,  après  la  mort  de  saint  Bernard ,  le 
sentiment  qu'il  avait  adopté  relativement  à  la  conception  de 
la  Sainte  Vierge.  Mais  D.  M;djillon  observe  que  Pierre  de  Bern.  opp.  t. 
Celles,  qui  prit  la  défense  de  saint  Bernard,  et  c[ui  connais-  ^'P-  "'^• 
sait  parfaitement  Nicolas  de  Moûtier-Ramey,  avec  lequel  il 
avait  été  en  commerce  de  lettres,  ne  permet  pas  de  le  con- 
fondre avec  le  moine  de  Saint-Alban,  qu'il  traite  comme 
j^iglais  (rt). 

(fl)  Voici  le  passage  de  Pierre  de  Celles,  liv.  VI,  ep.  23  :  Nec  indi- 
gnetiir  AngUca  levitas ;  si  eâ  solidior  sit  Gallicana  maturitas....  Certe  exper- 
tiis  mm  somniatoresplus  esse  Anglicos  quant  Ga/fos.  Y  oyez  aussi  la  lettre  lo 
du  livre  IX. 


558      NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

xil  SIECLE.  Quant  au  secrétaire  de  saint  Bernard ,  il  paraît  qu'ajirès 
bien  des  courses,  il  revint,  lorsque  l'orage  fut  passe,  dans 
son  premier  monastère  de  Moùtier-Ramey ,  et  que,  malgré 
la  forte  atteinte  qu'il  avait  portée  à  sa  réputation ,  il  jouissait 
i  encore,  aujirès  'des  grands  et  des  persoinies  en  place,  d'une 
Mari.  Arapl.  assez  grande  considération.  Nous  avons  du  pape  Adrien  IV 
Coll.  i.  II,  col.  jp^jjj^  lettres  qui  lui  sont  fort  honorables;  l'une  est  adressée 
à  Henri,  évêque  de  Be.ai^ais,  et  l'autre  à  Samson,  arche- 
de  Reims,  pour  leur  recommander  les  intérêts  du  moine 
Nicolas  et  de  son  monastère;  dans  l'une  et  dans  l'autre,  le 
pape  l'appelle  son  cher  fils  qu'il  affectionne  beaucoup,  gni 
nobis  satis  carus  est  et  acceptus.  On  voit  même  qu'il  avait  été 
député  à  Rome  par  ces  deux  prélats ,  pour  y  poursuivre 
leurs  afiaires,  qui  circa  negotia  tua  extitit  satis  sollicitus  ac  ' 
devotus. 
jbiJ.  col. 6j8  Une  lettre  du  pape  Alexandre  III,  de  l'année  1160, 
pi'ouvc  que  le  moine  Nicolas  avait  beaucoup  agi  en  sa 
faveur  ,  pour  le  faire  reconnaître  en  France ,  malgré  les 
efforts  de  l'antipape  Victor,  appuyé  par  l'empereur  d'Alle- 
magne. Le  pape  le  remercie  de  tout  ce  qu'il  a  fait  pour  lui, 
et  l'exhorte  à  continuer  ses  instances  auprès  des  personnes 
tant  ecclésiastic|ues  que  séculières  |X)ur  lui  gagner  des  par- 
tisans. Il  lui  annonce  qu'il  l'a  recommandé,  par  des  lettres 
particulières  à  f évêque  de  Soissons,  Hugues  de  Champ- 
fleuri  ,  chancelier  de  France  ,  à  Samson  ,  archevêque  de 
Reims,  et  à  Henri-le-Libéral,  comte  de  Champagne. 

C'est  vraisemblablement  vers  le   même  temps ,  et  à    la 

recommandation  du  pape,  que  Nicolas  acquit  auprès  de  ce 

prince,  son  souverain,  le  crédit  dont  nous  le»voyons  jouir. 

Baluz.  Miscel.  Afin  de  s'iusinucr  dans  ses  bennes  grâces,  il  lui  écrivit  une  ' 

t.  II,.]).  23J.      ipt^j.p  pleine  d'éloges  sur  ses  grandes   libéralités,  sur  son 

amour  pour  les  lettres,  et  su}-  son  talent  pour  l'éloquence. 

C'est  ce  qui  l'encourage  à  lui  envoyer  les  lettres  qu'il  avait 

écrites,  depuis  deux  ans,  au  pape  [Adrien  lY  ]  et  au  chan-' 

celier  cle  l'église  romaine,  c' est-a-dire,  au  cardinal  Roland, 

qui  fut  le  successeur  d'Adrien  sous  le  nom  d'Alexandre  III  : 

lettres  que  nous  n'avons  plus,  mais  qui  produisirent  tout 

Eibi.  pp.  t.  l'effet  qu'il  en  désirait.  Nous  voyons  elfectivcment ,  par  une 

■xxii,p.r336,  lettre  d  Arnoul ,  évêque  de  Lisieux,  que  Nicolas  remplissait, 

'^°'' ^"  dans  la  -maison  du  comte  de  Champagne,  un  emploi  qui 

ressemble  beaucoup  à  celui  de  secrétaire  ou  de  chancelier; 

et,  ce  qu'il  y  a  de  fâcheux  pour  lui,  c'est  c|u'il  s'agit  encore 


NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.      55g 

dans  cette  lettre  d'une  falsification  de  signature  et  d'escro-    ^H  SIECLE, 
querie,  que  Nicolas  voulait    faire  retomber  siu'   un  jeune  ~~ 
ecclésiastique  du  diocèse  de  Lisieux ,  qu'il  avait  attiré  auprès 
de   lui.   Nous   ignorons  s'il  se  tira   avec   honneur  de    cette 
affaire;  mais  il  est  certain  qu'il  retourna  daiis  son  monastère. 

C'est  de  là  qu'il  écrivit  à  Guillaume ,  archevêque  de  Reims,  Raïuz.  Miscei. 
frère  du  comte  de  Champagne,  une  lettre  dans  laquelle  il  se  '■  ^''i'-  *^"- 
félicite  d'avoir  été  admis  au  nombre  de  ses  intimes,  w;^/ù 
sacrariiini  tuœ  famitiaritatis ,  honneur  qi^  le  prélat  n'ac- 
cordait que  difticilement  et  api'ès  une  mûre  délibéiation..  Il 
s'avoue  coupable  d  avoir  été  fort  long-temps  sans  le  voir  et 
sans  lui  écrire;  il  demande  la  permission  de  l'aller  trouver. 
C'est  le  dernier  trait  connu  de  sa  vie  ;  et ,  comme  Guillaume 
de  Champagne  ne  monta  sur  le  siège  de  Reims  qu'en  1 176, 
cette  lettre  est  certainement  postérieure  à  cette  année,  mais 
aucun  monument  ne  nous  instruit  de  celle  qui  fut  le  terme 
de  la  vie  de  Nicolas. 

SES  ÉCRITS. 

Il  ne  reste  des  écrits  de  Nicolas  que  des  lettres  et  des 
sermons.  • 

1°  Nous  avons,  dans  la  bibliothèque  des  Pères,  cinquante-    T.xxr,p. 517 
cinq  lettres  recueillies  par  lui-même  ,  à  la  demande  de  Henri,  "^53. 
frère  du  roi  Louis-le-Jeune ,  pour  lors  religieux  à  Clairvaux, 
et  de  Gjrard ,  qu'il  appelle  ailleurs  le  compagnon   de  ses 
écritures.  Ces  lettres  sont  celles  qu'il  écrivit  durant  le  court 
séjour  de  quatre  ou  cinq  ans  qu'il  ht  à  Claiivaux ,  et  qui 
toutes   respirent  la  ferveur  vraie  ou  simulée  dont  il  était 
animé  pour  le  nouveau   genre  de  vie  qu'il  avait  embrassé. 
Quoique  ces  lettres,  pi"esque  toutes  ascétiques,  ne  soient  pas 
d'un    intérêt   majeur ,   elle  ne  sont  pas   indifférentes  pour 
l'histoire  littéraire  du  temps  où  il  écrivait,  sur-tout  pour 
l'histoire  de  l'ordre  de  Cîteaux ,  qui  jetait  alors  dans  toute 
l'Europe  une  lumière  éclatante.  «  Nicolas  de  Clair-vaux ,  dit       Dissert.  sur 
«  l'abbé  Lebeuf,  mérite  qu'on  s'arrête  sur  ce  qui  le  regarde,  iH'st.  dePans, 
«  puisque  ses  lettres   font  voir  qu'il  possédait  les  anciens    '     '  '' 
«  auteurs  d  humanités  au  même  degré  à-pe«-près  que  Pierre 
«  de  Blois.  Car,  quoique  l'ordre  de  Cîteaux  ne  fît  pas  pro- 
«  fession  si  ouverte  de  science  que  celui  de  Cluni,  il  ne  laissa 
«  pas  que  de  produire  des  pièces  assez  ornées  des  fleurs  de 
«  la  rhétorique.  »  Cela  est  vrai  en  particulier  de  Nicolas,  qui, 


56'o      NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

x:i  SIECLE,  dans  ses  lettres  ,  a  imité  quelquefois  le  style ,  le  génie  et 
la  phrase  de  saint  Bernard  ,  de  manière  à  s'y  méprendre. 
fp- 1-  .La  première,  adressée  à  ses  confrères  Henri  de  France  et 
Girard-,  sert  de  préface  à  sa  collection.  Il  v  parle  très-modes- 
tement de  son  style;  il  veut  bien  les  faire  dépositaires  de  ses 
lettres,  mais  à  condition  qu'elles  ne  seront  pas  rendues  pu- 
bliques. C'était  en  u4Di  avant  que  le  prince  Henri  eût  été 
promu  à  l'évêché  de  Beauvais. 

Ep.  2,  3.  La  de'uxième  et  la  troisième  ,  ainsi  que  les  deux  suivantes,  - 

paraissent  avoir  été  écrites  avant  que  Nicolas  entrât  à  Clair- 
vaux.  Elles  sont  adressées  à  un  jeune  homme  de  distinction, 
qu  il  avait  eu  pour  disciple  ,  et  qu  il  aimait  beaucoup ,  mais 
qui,  ayant  écouté  de  faux  rapports,  avait  reçu  de  fâcheuses 
impressions  contre  lui. 

Ep. /,,  5.  Les  lettres  4  et  5  sont  des  éloges  qu'il  adresse  à  Atton, 

évêque  de  Troyes,  et  à  son  archidiacre,  quil  désigne  par 
la  lettre  G  (rz).  Il  loue  l'évêque  de  la  modération  et  de  la 
patience  qu'il  avait  montrées  dans  une  "occasion  où  le  peuple 
s'était  livré  à  des  mouvemens  séditieux  contre  le  clergé  ; 
mais  rien  n'indique  à  quel  sujet.  Quant  à  l'archidiacre,  après 
un  éloge  magnifique  de  son  éloquence ,  il  le  prie  de  lui  en- 
voyer un  sermon  qu'il  avait  prêché  sui*la  liberté  que  Jésus- 
Christ  a  acquise  aux  enfans  de  l'église  :  ce  c[ui  peut  donner 
une  idée  du  sujet  qui  là  comme  ailleurs  avait  mis  le  peuple 
en  insurrection. 
Ep.  6-  Les  lettres  6  et  17  sont  adressées  à  Pierre-le-I\Langeur , 

doyen  de  l'église  de  Troyes.  La  première  prouve  l'étroite 

'  Ep.  17.  amitié  c|ui  régnait  entre  eux;  la  seconde  a  pour  ojjjet  de 
1  attirer  à  Clairvaux ,  pour  y  embrasser  la  vie  nionastic[ue. 
On  y  voit  que  ce  ne  fut  ])as  sans  sujet  c[ue  Pierre  fut  sur- 
nommé le  Matïgeur ;  il  fait  de  sa  voracité  un  portrait  assez 
hideux. 

Ep.  7,  40,       La  lettre  7  au  prieur  et  aux  anciens  de  Clairvaux  ;  la  qua- 
'*''  ^  rantième  à  l'abbé  de  Moùtier-Ramey  ;  la  quarante-cinquième 

à  Gaucher,  cellerier  de  Clairvaux  ;  la  quarante-sixième  à 
Fromcnd  l'hôtelier,  sont  relatives  aux  démarches  que  faisait 
Nicolas  pour  entrer  dans  cette  communauté.  A  l  entendre, 
Clairvaux  était  |X)ur  lui  la  porte  du  ciel , -mais,  il  décrit  les 
obstacles  qu  il  rencontrait  de  la  part  des  religieux  de  Moùtier- 
Ramey. 

{a)   Cétalt  Gibiiin ,  célèbre  prétllcateur  ,  dont  on  a  dit  un  mot  dans 
cette  Histoire ,  tome  XII ,  p.  23o. 


NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.       56 1 

Nicolas  avait  entraîné  avec  lui  à  Clairvaux  quelques-uns    ^II  SIECI,E. 
de  ses  confrères  de  Moùtier-Ramey,  entre  auties  le  prieur         ipTs! 
nommé   Thibaud.    Ce    vieillard ,    plus    que   septuagénaire  , 
n'ayant  pu  soutenir  l'austérité  de  ce  nouveau  f^enre  de  vie, 
s'était  retiré.  Nicolas  lui  écrit  qu'il  n'y  aura  de  salut  pour 
lui  qu'à  Clairvaux.  C'est  le  sujet  de  la  huitième  lettre. 

La  neuvième  est  de  Brocard,  abbé  de  Balerne,  qui  écrit  Ep.  g. 
assez  agréablement  à  Nicolas,  pour  le  féliciter  d'avoir  changé 
du  noir  au  blanc,  en  embrassant  la  réforme  de  Clairvaux. 
Nicolas  lui  répond  avec  de  grandes  démonstrations  d'estime  ^v-  lo- 
et  d'amitié,  dans  la  lettre  lo,  cju'il  termine  en  l'invitant  de 
venir  à  la  profession  du  prince  Henri  de  France ,  c|ui  bientôt 
après  devait  émettre  ses  vœux. 

La  lettre  i5  est  écrite  à  un  de  ses  confrères  de  Moûtier-  Ep.  i5. 
Ramey,^  dans  le  dessein  de  l'attirer  à  Clairvaux.  Il  lui  dépeint 
en  beau  le  genre  de  vie  qu'on  menait  dans  cette  sainte 
maison,  et  l'emploi  dont  on  lavait  chargé.  Cet  ami  lui  avait 
envoyé  des  vers  de  la  composition  d'un  autre  de  ses  confrères 
appelé  Gautier.  Nicolas  répond  qu  il  ne  les  a  pas  lus ,  et  qu'il 
ne  les  lira  pas,  parce  qu'à  Clairvaux  il  n'est  pas  permis  de 
lire  des  poésies. 

Les  lettres  i6  et  35  sont  adressées  à  ce  Gautier,  jeune  Ep- if»;  35. 
homme  de  grande  espérance,  qu'il  avait  formé,  et  auquel  il 
paraît  fort  attaché.  L'objet  de  ces  deux  lettres  est  de  l'attirer 
à- Clairvaux,  et,  pour  y  parvenir,  il  emploie  toutes  les  its- 
sources  de  réloc^aence ,  sur-tout  dans  la  dernière,  qu'il  ter- 
mine par  un  bel  éloge  du  prince  Henri  de  France,  qui,  au 
mépris  de  tous  les  avantages  que  lui  promettait  dans  le 
monde  sa  naissance ,  s'était  enseveli  tout  vivant  à  Clairvaux. 

La  vingt-septième  est  pour  remercier  son  ancien  ami  Ep.  27. 
Odon,  abbé  de  Poultières,  cjui  lui  avait  envoyé  une  tunique 
d'une  étoffe  assez  précieuse.  Il  la  lui  renvoie,  parce  c{u'à 
Clairvaux  ni  lui  ni  personne  n'oserait  s'en  revêtir.  Telle  était 
l'austérité  de  l'ordre  ;  telle  l'abnégation  de  Nicolas  dans  ces 
commencemens.  de  ferveur. 

La  trente-troisième  est  écrite  à  Philippe ,  archidiacre  de        Ep.  3î. 
Liège,  avec  lequel  il  s'était  lié  d'amitié  dans  un  voyage  qu'ils 
avaient  fait  ensemble  à  Rome  et  à  Tivoli ,  pour  le  fortifier 
dans  la  résolution  qu'il  avait  prise  d'embrasser  la  vie  reli- 
gieuse à  Clairvaux. 

La    trente-quatrième,  à   Amédée,  évêque  de  Lausanne,        Ep.  34. 
contient  un  éloge  magnifique  de  ce  prélat  cistercien  ,  auquel 

Tome  XI IL  Bbbb 


Xir  SIECLE. 


Ip. 


562     NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

il  envoie  le  livre  de  saint  Anselme ,  touchant  la  piocession 
du  Saint-Esprit,  bien  ponctué ,  dit-il  ,e?  bien  corrigé  de  sa 
main. 

La  trente-huitième  est  adressée  à  Lecelin ,  qu'il  avait  eu 
pour  disciple  à  Moûtier-Ramey.  Il  lui  avait  déjà  écrit  pour 
le  presser  de  se  réfiigier  à  Clairvaux  ;  et ,  dans  cette  lettre , 
dont  Pierre  de  Celles  avait  été  le  porteur,  il  traitait  assez 
mal  la  communauté  de  Moûtier-Ramey.  Cette  lettre  n'a  pas 
été  conservée.  Le  jeune  homme  eut  1  imprudence  de  la  mon- 
trer au  prieur  et  aux  religieux.  Nicolas  lui  en  l'ait  des 
reproches ,  et  il  n'insiste  pas  moins  peur  qu'il  abandonne 
un  séjour  dangereux ,  et  qu'il  vienne  se  joindre  à  lui. 

r^i'-  33-  La   trente -neuvième    est   une    des   plus   belles.   Elle   est 

adressée  à  Henri  de  France,  qu'une  maladie  avait  obligé 
de  quitter  Clairvaux-,  pour  aller  ailleurs  rétablir  sa  santé. 
Nicolas,  en  exprimant  la  tristesse  qu'il  éprouvait  de  l'ab- 
sence d'un  ami  tel  que. lui,  amène  fort  ingénieusement  les 
louanges  d'un  prince  qui ,  par  son  dévouement  à  la  vie  reli- 
gieuse,  était  alors  l'admiration  de  tout  le  monde.  On  voit, 
dans  cette  lettre,  l'intimité  qui  régnait  entre  Nicolas  et 
lui ,  et  la  haute  estime  que  le  prince  faisait  du  littérateur. 

T]..  43.  La  lettre  43  à  Rualen  ,  prieur  de  Clairvaux,  qui  a^ait  été 

appelé  à  Rome  pom^  gouverner  le  monastère  de  Saint-Anas- 
tase,  à  la  place  d'Eugène  III,  élu  pape  en  ii45i  n'est  pas 
moins  spirituelle.  Nicolas  avait  été  reçu  par  lui  à  Clairvaux  ; 
il  lui  témoigne  en  boiîs  termes  le  regret  qu'il  a  de  l'avoir 
perdw-  A  la  fin  il  lui  parle. d'un  couteau  d'ivoire,  fait  de 
main  d'orfèvre,  opère  argentario ,  qu'il  lui  envoie.  Ce  cou- 
teau avait  un  manche  d'un  bois  d  Hibernie  d'autant  plus 
précieux ,  que  ce  bois  avait  la  vertu  de  guérir  des  morsures 
des  bétes  venimeuses.  C'était  un  arbre  miraculeux ,  qu'on 
disait  avoir  été  planté  par  un  saint  homme  (saint  Patrice), 
et  qu'on  conservait  religieusement  comme  une  relique.  Aussi 
ce  ne  fut  pas  sans  peine  cjue  Nicolas  avait  obtenu  ce  bijou, 
de  celui  qui  en  était  le  possesseur. 

Nicolas  n'était  pas  si  concentré  à  Clairvaux,  qu'il  ne  fût 
aussi  en  grande  relation  de  lettres  avec  deux  hommes  célèbres 
de  son  temps,  Pierre,  abbé  de  Moùtier-la-Celle,  près,  de 
Troyes,  et  Pierre-le-Vénérable,  abbé  de  Cluni. 

Les  lettres  xxiv,  xxviii,  xlviii,  xlix,  lu,  sont  écrites  au 

Ep.  24.       premier.  Dans  la  vingt-quatrième,  il  lui  envoie  deux  ouvrages 
de  saint  Bernard  qu'il  venait  de  metti'e  au  net.  Il  le  prie  de 


NICOLAS ,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.      563 

les  faire  transcrire  le  plus  tôt  possible,  et  de  lui  en  procurer    XII  SiECXi: 
un  exemplaire  pour  son  usage.  —  Dans  la  vingt-huitième  ,  il        Ep.  28. 
lui  doinie  des  avis  pour  le  gouvernement  de  son  monastère, 
qui ,  selon  la  peinture  cpi'il  on  fait,  était  dans  un  état  déplo- 
rable. A  la  fin,  il  lui  recommande  maître  Jean,  que  nous 
croyons  être  Jean  de  Salisburi. —  Dans  la  quarante-huitième,        Ep.  /,8. 
il  se  plaint  qu'une  lettre  à  lui  confiée  pour  un  jeune  reli- 
gieux de  Moùtier-Ramey,  eCit  été  remise  à  l'abbé,  qui  sans 
doute- y  était  assez  maltraité,  comme  il  l'est  dans  la  trente- 
huitième  ,  qui  roule  sur  le  même  sujet.  —  La  lett-re  49  ^st        Ep.  /iy. 
fort  curieuse.  Elle  contient  les  l'éflexions  que  Nicolas  avait 
faites  sur  les  misères   de  la  vie  humaine ,  pendant  le  loisir 
que  lui  laissait  l'u^ge  périodique  de  la  saignée,  à  lacjuelle 
étaient  astreints  les  religieux  de  Clairvaux.iEn  paraphrasant     " 
ce  passage  du  livre  de  Job  :  Homo  natii.s  de  muliere ,  brevi 
'vivens  tempore ,  repletiir  muLtis  iniseriis,  il  avait  avancé  que 
le  corps  n  étant  qu'un  composé  de  parties ,  est  un  être  vivifié, 
vwens ;  l'ame  étant  une  substance  simple,  est  ce  qui  vit  en 
nous,  vù'ci;  mais  Dieu  qui  est  une  substance  simple  et  unicjue 
dans  son  espèce ,  est  proprement  la  vie ,  vita.  Cette  distinc- 
tion donna  lieu  à  une  cliscussion  très-métaplrysique  entre 
lui  et  fabbé  de  Celles.  Celui-ci  ne  vit  dans  sa  distinction 
c|ue  du. verbiage  et  de  l'obscurité;  il  le  lui  dit  sans  mena-        ^4'-  Ju- 
gement  dans   la   lettre   cinquante -unième  parmi  celles   de 
Nicolas ,  cjui  est  la  deuxième  du  cjuatrième  livre  de  Pierre 
de  Celles.  Nicolas  lui  riposta  dans  la  lettre  62 ,  et  soutint       Ep.  52. 
assez  bien  sa  distinction  par  l'autorité  de  Claudien.Mamert. 
La  réplique  de  Pierre  de  Celles  forme  la  lettre  53  parmi        Ep.  53, 
celles  de  Nicolas,  mais  elle  n'est  pas  entière;  elle  est  deux 
fois  plus  longue  dans  l'édition  du  P.  Sirmond,  où  elle  est  la 
première  du  quatrième  livre.  —  Dans  la  troisième  du  même 
livre,  l'abbé  de  Celles  consulte  Nicolas  sur"  la  manière  d'en- 
tendre un   passage  de   saint  Jérôme.  Si  Nicolas  ^  fit  une 
réponse,  elle  n'est  pas  venue  jusqu'à  nous. 

La  correspondance  que  Nicolas  entretint  avec  Pierre-le- 
Yénérable  n'est  pas  moins  honorable  pour  lui.  Parmi  les  ^ 
lettres  de  l'abbé  de  Cluni ,  il  y  en  a  plusieuis  cjui  lui  sont 
adressées.  La  cinquième  du  livre  VI  a  pour  objet  de  lui 
recommander  la  lettre  4i  qu'A  adressait  à  saint  Bernard, 
pour  cimenter  l'union  entre  les  deux  congrégations ,  et  faire 
cesser  les  petites  animosités  qui  divisaient  les  Clunistes  et 
JIb  Cisterciens.  Nicolas  lui  répond  dans  la  lettre  7 ,  qui  est 
,  Bbbba 


564      NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

\ii  SIECLE,  la  cinquante-quatrième  dans  la  bibliothèque  des  Pères,  qu'il 
£  5^^  espérait  l'aller  bientôt  trouver;  en  attendant ,  il  lui  renvoie 
deux  de  ses  lettres  avec  le  tiaité  de  saint  Bernard  de  Consi- 
deratione;  il  l'instruit  du  succès  qu'avait  eu  sa  décision  pour 
déterminer  le  prince  Henri  à  accepter  1  évéché  de  Beauvais  ; 
ce  qui  prouve  que  ces  lettres  sont  de  l'année  i  \k^y — Dans 
la  trentième  du  même  livre,  l'abjjé  de  Cluni  instruit  Nicolas 
qu'il  iuait  agi  fortement  auprès  de  saint  Bernard  pour  cju'il 
Ep.  55.  lui  permît  cle  venir  à  Cluni  passer  les  fêtes  de  Noél.  Nicolas 
vovant  ([u'il  ne  pouvait  rien  obtenir  ,  prie  ,  dans  la  lettre  33, 
qui  est  la  einquante-cincpiième  parmi  les  siennes ,  l'abbé  de 
Clujù  d'insister  davantage,  alin  qu'il  puisse  aii  moins  aller 
passer  à  Cluni  les  fêtes  de  Pàcpies;  il  lui  annonce  qu'il  por- 
■  tera  avec  lui  l'Histoire  d'Alexaiidre-le-Grand  et  le  livre  de 
saint  Augustin  contre  Julien  d'Eclane ,  Cju'il  avait  empruntés 
pour  corriger  l'exemplaire  de  Clairvaux.  —  Pierre-le-Vené- 
rable  redouble  d'instances  auprès  de  saint-Bernard  dans  la 
lettre  35  ;  il  écrivit  aussi  au  prieur  et  au  cellerier  de  Clair- 
vaux  les  lettres  3^7,  38,  selon  que  Nicolas  l'avait  demandé; 
enfin  il  lui  mande,  dans  la  lettre  36,  les  démarches  cju'il  a 
faites  pour  A^incre  la  résistance  de  saint  Bernard.  Il  y  a  ap- 
parence que  Nicolas  obtint  à  la  fin  ce  qu'il  desirait  si  ardem- 
ment.—  Pierre-le-Vénérable  fit  en  ii5o  un  voyage  à  Rome, 
et  il  ne  manqua  pas,  à  son  retoui-,  d'instiuire  l'abbé  de 
Clairvaux  du  succès  de  son  voyage.  N'ayant  pas  fait  le  même 
honneur  à  Nicolas,  celui-ci  s'en  plaignit,  par  une  lettre  fjue 
nous  n'avons  plus,  comme  d'un  manque  d'égards.  L'abbé 
de  Cluni  lui  écrivit  la  lettre  47 1  pour  le  rassurer  sur  la 
constance  de  son  amitié  ;  il  le  prie  de  lui  ménager  une  entre- 
vue avec  saint  Bernard  ,  et  le  prévient  qu'il  a  écrit  alin  cru'on 
lui  permette  de  venir  le  trouver.  Là  finit  la  correspondance 
avec  Pierre-le-Vénérable. 

Le  styîe  de  Nicolas  était  si  estimé  à  Clairvaux,  que  ses 
confrères  employaient  volontiers  sa  plume  pour  écrire  leurs 
lettres.  En  efîêt,  les  lettres  1 1  et  22  sont  écrites  au  nom  de 
Girard  de  Péronne;  les  douzième,  vingt -troisième,  vingt- 
cinquième,  cjuaranîe -unième  ,  quarante- cjuatrième  ,  au  nom 
de  llualen,  prieur  de  Clairvaux;  les  treizième,  vingt-sixième, 
et ,  parmi  celles  de  Pierre-Ie-Ténérable ,  la  neuvième  du  cin- 
quième livre,  sont  écrites  au  nom  de  Henri  de  France,  reli- 
gieux de  Clairvaux  ;  la  c{uatorzième  au  comte  et  aux  barons 
de  Bretagne ,  pour  les  exciter  à  la  ci'oisade  ;  la  trentième  a 


Nicolas;  moine  de  moutter-ramey.     565 

l'empereur   de  Constantinople ,  pour  lui  recommander  les    xil  SIECLE, 
croisés;  et  la  trente- septième  cà  l'e'vêque  de  Lacques,  sont 
écrites  au  nom  de  saint  Bernard  ;  les  dix-huitieme  et  qua- 
rante-septième au  nom  de  Gaucher,  cellerier  de  Clairvaux  ; 
les   dix-neuvièine  et   vingtième   au   nom   du   frère   Adam, 
novice  à  Clairvaux;  la  vingt-unième  est  écrite  à  saint  Ber- 
nard, au  nom  de  Jean  de  la  Grille,  évêque  d'Aleth  ou  de 
Saint-Malo ,  en  faveur  duquel  il  écrivit  lui-même  la  lettre  f\i 
à  Geofroi  d'Auxerre,  secrétaire  de  saint  Bernard  et  la  treizième 
au  nom  de  Henri  de  France.  La  quarante-unième  est  écrite  au 
•nom  du  prieur  Rualen.  La  vingt-neuviàaae  au  nom'  de  Phi- 
lippe, moine  de  Clairvaux,  pour  demander  au  grand  prévôt  de 
Cologne  sa  riche  bibliothèque;  la  trente-unième  au  nom  de 
Wautier,  qui  écrit  à  son  frère  pour  lui  persuader-de  qviitter 
le  monde  et  d'entrer  en  religion  ;  la  trente- deuxième  au  nom 
de  Francon  ,  qui  éci'it  aussi  à  des  amis  pour  le  même  objet  ; 
dans  la  trente-sixième ,  c'est  Alquier  qui  écrit  aux  clçrcs  de 
Périgueux ,  poiu*  les  engager  à  venii-  peupler  la  solitude  de 
Clairvaux;  dans  la  cinquantième,  Matthieu  écrit  au  chantre 
de  Grandselve,  pour  lui  recommander  les  moines  de  Clair- 
vaux ,  qui  étaient  allés  jjrendre  possession  de  ce  monastère. 
Telh  s   sont  les  lettres   que  Nicolas  écrivit  pendant  sou 
séjour  à  Clairvaux,  et  qu'il  a  jugé  à  pi'opos  de  nous  conser- 
ver.   Il   n'est  pas   douteux    c[u'il    n'en    ait   écrit    beaucoup 
d'autres ,  soit  avant  son  entrée  à  Clairvaux ,  soit  depuis  qu'il 
en  fut  sorti  ;  mais  ni   lui  ni  personne  n'a  pris  soin  de  les 
recueillir.  Cependant  Baluze  en  a  Veti'ouvé  deux  qu'il  a  pu-    Baïuz.  niisce). 
bliées  dans  ses  Mélanges.  La  première  e.st  adressée  à  Henri-  '",  "'  ^'  ^^^' 
le-Libéral,  comte  de  Champagne;  la  seconde  à  GuilLuime 
de  Champagne ,  archevêque  de  Reims.  Nous  en  avons  déjà 
parlé  dans  la  vie  de  Nicolas. 

On  peut  juger ,  par  le  détail  dans  lequel  nous  sommes 
entrés,  du  mérite  de  ces  letti'es.  Elles  ne  sont  recomman- 
dables,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  que  par  le  style;  mais 
elles  sont  si  mal  imprimées  dans  la  Bibliothèque  des  Pères, 
que,  malgré  les  soins  de  Jean  Picard  ,  qui  les  a  éclaircies  par 
des  notes ,  elles  perdent  beaucoup  de  leur  agrément.  La 
ponctuation  sur- tout  y  est  si  vicieuse,  qu'on  a  bien  de  la 
peine  à  saisir  la  pensée  de  l'auteur. 

2"  Les  sermons  de  Nicolas  ont  été  imprimés  par  D.  Tissier,    T.n[,p.  igi- 
dans   la  Bibliothèque  des  Pèies  de   l'ordre  cle  Citeaux  :  ils  ^    ' 
sont  au  nombre   de  dix-neuf,  selon  l'épître  dédicatoire  à 


566       NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY. 

XII  SIECLE.  Henri -le- Libéral ,  comte  de  Champagne,  que  Nicolas  a  pla^ 
cëe  à  la  tête.  Il  dit  les  avoir  composés  dans  son  jeune  âge , 
et  on  s'en  aperçoit  bien  à  la  manière  superficielle  avec  laquelle 
il  traite  ses  sujets.  C'est  un  jeune  orateur  qui  court  apies  les 
phrases ,  qui  fait  des  amplifications  de  rhétorique ,  en  entas- 
sant des  lieux  communs;  Cela  n'a  pas  empêché  qu'on  n'ait 
attribué  plusieurs  de  ses  discours  à  saint  Pierre  Damieh  et 
à  saint  Bernard ,  parmi  les  œuvres  desquels  ils  ont  été  sou- 
vent imprimés.  Nous  suivrons ,  dans  le  compte  que  nous 
allons  rendre,  l'ordre  que  Nicolas  leur  a  donné. 

Jbu.\^.  194.  Le  premier  est  sm-  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste.  On 
le  trouve  parmi  les^rmons  de  Pierre  Damien.  D.  JNlabillon, 
qui  l'a  réimprimé  parmi  les  oeuvres  supposées  à  saint  Ber- 
nard (t.  JI,  col.  6-5),  doute  quil  soit  de  Nicolas,  parce 
que  l'auteur*  au  nombre  5,  ^ance  que  de  son  temps  l'église 
ne  célébrait  d'autres  naissances  que  celles  de  Jésus- Christ  et 
de  saint  Jean  ;  quoiqu'il  soit  constant,  par  les  lettres  de  saint 
Bernard,  c|ue,de  son  temps,  l'église  faisait  vme  fête  solen- 
nelle de  la  naissance  de  la  Sainte  Vierge ,  et  que  Nicolas  lui- 
même  a  fait  un  sermon  sur  cette  fête.  Mais,  comme  elle 
était  alors  d'institution  assez  nouvelle,  il  y  a  apparence  que 
l'auteur  voulait  parler  de  l'ancien  usage  de  l'église  qui ,  dans 
l'origine ,  ne  célébrait  d'autres  naissances  que  celles  de 
Jésus-Christ  et  de  saint  Jean. 

Le  second  sermon  est  pour  la  fête  des  Apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul ,  qu'il  compare  à  deux  oliviers  ;  le  troi- 
sième pour  celle  de  saint.Benoît  ;  le  quatrième  pour  celle  de 
sainte  Maiie  Madeleine  ;  le  cinquième  pour  la'  mémoire  de 
saint  Pierre  délivré  des  liens  ;  le  sixième  pour  la  fête  de 
l'Assomption  de  la  Sainte  Vierge  ;  le  septième  pour  celle  de 
sa  Nativité  ;  le  huitième  pour  l'Exaltation  de  la  Sainte  Croix  ; 
le  neuvième  pour  la  fête  des  Saints-Anges  ;  le  dixième  pour 
la  dédicace  d'une  église;  le  onzième  pour  la  fête  de  saint 
Victor  ;  le  douzième  pour  celle  de  tous  les  saints  ;  le  treizième 
pour  celle  de  saint  Martin  ;  le  quatorzième  pour  celle  de  saint 
André  ;  le  quinzième  pour  celle  de  saint  Nicolas.  Ces  deux 
deux  derniers  sont  aussi  imprimés  parmi  les  œuvres  suppo- 
sées à  saint  Bernard  (t.  II,  col.  yij- — 722).  On  voit  que, 
dans  tous,  Nicolas  a  affecté  d'imiter  le  saint  docteur,  tant 

f)our  le  style,  en  empruntant  les  expressions  les  plus  fami- 
ières  à  ce  saint,  que  par  la  manière  de  traiter  les  sujets, 
citant  presque  toujours  l'Écriture  sainte  dans  un  sens  allégo- 


NICOLAS,  MOINE  DE  MOUTIER-RAMEY.       567 

rique  et  non  naturel.  Mais  ce  n'est  qu'un  mauvais  copiste,    xii  siècle. 
qui  n-'approche  que  de  très-loin  de  son  modèle.  "~ 

Le  seizième  sermon ,  qui  est  intitiîlé  de  l' Avènement  du  i^id-  p-  ^-^G. 
Seigneur  et  de  la  Bienheureuse  Marie,  se  trouve  aussi  parmi 
les  œuvres  faussement  attribuées  à  saint  Bernard  (tom.  II, 
col.  565  —  56q).  On  y  remarque  cette  idée  singulière  que 
l'ange  Gabriel,  lorsqu'il  fut  envoyé  à  Marie,  était  porteur 
d'une  lettre  contenant /«  Salutation  ci  la  Vierge,  l'Incarna-^ 
tion  du  Verbe ,  la  plénitude  de  la  grâce,  la  grandeur  dé 
la,  gloire ,  et  la  multitude  de  la  joie.  II  y  cite  aussi  Platon  et 
Aristote. 

Le  dix-septième  fut  prêché  la  veille  de  Noël.  C'est  le  troi- 
sième sur  la  naissance  du  Seigneur ,  imprimé  par  D.  Ma- 
billon  (tom.  II,  col.  569  —  574)  parmi  les  écrits  supposés. 

Le  dix-huitième,  sur  la  naissance  du  Sauveur,  a  été  attri-  iiid.^.^'iï. 
bué  à  Pierre  Damien  et  à  saint  Bernard,  quoique  l'auteur 
aise  formellement  qu'il  a  emprunté  du  seigneur  abbé  de 
Clairvaux,  les  pensées  dont  il  s'est  servi.  D.  Mabillon  l'a 
réimprimé  plus  correctement  parmi  les  œuvres  supposées 
(tom.  II,  col.  562  —  564)-  On  y  voit  que  Nicolas  avait  lu 
avec  plaisir  les  bons  auteurs  latins.  «  Autrefois,  dit-il,  Tullius 
«me  plaisait ,  Virgile  me  charmait;  c'étaient  comme  deux 
«  sirènes  qui,  pour  ma  perte,  m'avaient  enchanté  par  la  dou- 
ce ceur  de  leur  voix;  mais  maintenant  tout  m'est  insipide  dès 
«  que  je  n'y  trouve  pas  le  nom  de  Jésus.  «  —  Il  rapporte , 
d'après  une  histoire  apocryphe,  que  les  Romains  avaient  bâti 
un  temple  d'une  beauté  singulière,  aux  dépens  de  la  ville  et 
du  monde  entier,  en  mémoire  des  victoires  de  leurs  ancêtres; 
qu'ayant  demandé  aux  oracles  combien  pourrait  durer  un  si 
bel  ouvrage ,  la  réponse  fut  jusqu'à  ce  qu'une  merge  enfan- 
terait. Comme  la  chose  leur  parut  impossible,  ils  appelèrent 
ce  temple  X Eternel.  Il  ajoute  que  ce  temple  fut  renversé  la 
nuit  même  que  Jésus-Christ  vint  au  monde.  Bflronius,  au 
commencement  de  ses  Annales  .f  réfute  ce  petit  conte ,  et 

Frouve  que  le  temple  de  la  J  ictoire  ne  fut  bâti  que  pai- 
empereur  Vespasien  ,  long-temps  après  la  naissance  du 
Sauveur.  Mais  Nicolas  trouvait  l'anecdote  trop  belle  poiu'  la 
t-évoqu!  r  en  doute.  " 

Le  dernier  sermon  de  la  collection  de  Nicolas  est  sur  la    ibid.  p.  23;,. 
fête  de  saint  Etienne  ;  il  est  écrit  dans  le  goût  des  autres,  et 
n'a  rien  de  plus  particulier. 

S**  Nicolas,  dans  sa  lettre  au  comte  Henri,  se  dit  auteur    iiùLy,.  jgs. 


568  AUTEURS  DE  LETTRES. 

XII  SIECLE,  de  cfuelques  autres  opuscules  qu'il  lui  envoie.  On  le  croit 
auteur  de  quatre  pu  cinq  sermons  parmi  ceux  de  saint 
Bernard  sur  divers  sujets  ;  d'un  commentaire  sur  quelques 
versets  des  psaumes;  ae  répons  et  de  leçons  pour  les  fêtes 
de  la  Croix  et  de  la  Sainte  Vierge;  de  séquences  ou  proses 
rimées  pour  l'office  de  l'église  :  ouvrages  f|u'on  ne  retrouve 
plus.  B. 


^^«i  %%■■««■« «.^^^^^^"V 


AUTEURS  DE  LETTRES. 

I  i5o—  1 175. 

JNous  rassemblons  ici  dix-neuf  personnages  dont  les  écrits 
se  réduisent  à  cpielques  lettres  missives ,  et  qui  sont  morts 
vers  II 5o  ou  dans  le  cours  des  vingt-cinq  années  suivantes. 
Ces  auteurs ,  si  toutefois  ce  nom  d'auteurs  peut  leur  con- 
venir, ne  doivent  la  place  qu  ils  vont  occuper  dans  cette 
Histoire  littéraire ,  qu'au  soin  qu'on  a  pris  de  publier  en  dif- 
férentes collections  les  lettres  qu'ils  avaient  adressées  à  quel- 
ques-uns de  leurs  contemporains.  Ces  lettres,  souvent  fort 
courtes,  et  presque  toujours  fort  mal  écrites,  n'ont  en  géné- 
ral d'autre  intérêt  que  celui  qui  peut  s'attacher  au  nom  des 
pei'sonnages  qui  les  ont  reçues  :  elles  servent  à  éclaircir  ou 
a  grossir  les  correspondances  de  quelques  hommes  distin- 
gués par  leur  mérite  ou  par  leurs  dignités.  Peut-être  suflîrait-il 
de  placer  ici  un  simple  catalogue  de  toutes  ces  épîtres  :  nous 
y  joindrons  pourtant  des  notices  historicjues  ou  chronolo- 
giques ,  mais  en  nous  efforçant  de  les  rendre  très-succinctes. 
I.  Adélaïde  ou  Gertriule ,  duchesse  de  Lorraine ,  religieuse 
Tsot.  ad  ep.  du  Tart ,   à  trois  lieues  de  Dijon.  Mabillon  rejette  comme 

119  s.  Bern.  apocrvphes  les  lettres  de  cette  duchesse  à  saint  Bernard,  et 
les  réponses  du  saint  abbé  /  Facessant  Gertrudis  ad  Bernar- 
dwn  et  Bernardi  ad  Gertrudeni  epistolœ ,  a  Bernardo  Britone 
ex  gallico  idiomate  in  lusitanum  ac  deinde  in  latinuni  versce. 
Ces   lettres   se  lisent   en   portugais   dans   une   histoire    de 

Liv.  III,  c.  28.  Citeaux  par  Bernard  Brit,  qui  les  tire  de  l'Histoire  de  Lor- 
raine par  Monstrelet.  :  ]\Ianrique  les  a  publiées  depuis  en 
Adann.  ii33,  Jatin ,  dans  les  Annales  de  Cîteaux.  Le  véritable  nom  de  cette 

c.  2.  I  !)  it  seqq. 


AUTEURS   DE  LETTRES.  '      bGg 

duchesse  est  Adélaïde  et  non  Gertrude  :  elle  était  sœur  de    '^n  siècle. 
l'empereur  Lothaire.  Veuve  en  1 138  ou  1 13()  de  Simon,  duc    Mam-iq.adan. 
de  Lorraine,  elle  se  fit  religieuse  dans  l'abbaye  du  Tart.  1139,0.9,11.7. 
Deux  lettres  authentiques  de  saint  Bernard,  très-distinctes      119  et  120. 
des  réponses  dont  nous  venons  de  parler,  sont  adressées  la 
première  au  duc  de  Lorraine  et  à  son  épouse  Adélaïde ,  la 
seconde  à  celle-ci  seulement.  On  a  lieu  de  croire  qu'Adélaïde 
vécut  jusqu'en  1 160,  quoique  le  Fascicidus  sanctovunv  ordi- 
nis  Cisterciencis  la  fasse  mourir  trois  semaines  après  saint   Lif).l,Distinct. 
Bernard,  c'est-à-dire,  le  ro  septembre  ii53.  ^63  — D^'r'f ^' 

II.  Raoul  ou  Rodolphe  II ^  ahhé  de  Saint-Majuice ,  en  H.deLon-.  t.iri 
Valais,  vers  le  milieu  du  XIF  siècle.  On  a  imprimé  plusieurs  i>-7i"''>P-8i"- 
fois,  sous  le  nom  de  cet  abbé ,  une  lettre  à  Louis  Vil ,  où  ce  j'  ^'  ^^'"'  '°'J'j 
prince  est  excité  par  les  exemples  de  ses  prédécesseurs  Clovis,  Biab.  Ami.  Ben. 
Dagobert ,  Charlemagne ,  à  réparer  l'église  et  le  monastère  ''i^  Lxxiv,  h. 
d'Agaune  ou  de  Saint-Maurice,  que  les  barbares  avaient  réduits  '*  rVA^^^Tv' 
en  cendre.  Les  auteurs  du  nouveau  uaUia  Cliristiana  lont  n.  5. 
observer  que  cet  incendie  est  de  l'année  q/jo  ,  et  ils  ^n  con-      <^''a"-  Christ. 
cluent  que  cette  lettre  est  adressée  non  à  Louis  VII,  mais  à  eT'ig  ^Z.' Ga'ii 
Louis   IV,  par  Rodolphe  F'',  abbé  d'Agaune  au  X®  siècle,  chr.nov.t.xii, 
M.  Brial  toutefois  conserve  cette  lettre  parmi  celles  qui  ont  p-vg^— D"cïi- 
été  réellement  écrites  à  Louis-le-Jeune,  et  cpie  son  chancelier  f "^[y  ^"l  ,^^__' 
Hugues  avait  recueillies.  S'il  en  est  ainsi,  il  faut  supposer  Biiai, Scr.^Rer. 
que  plus  de  deux  cents  ans  après  la  ruine  de  ces  bâtimens ,  Gail.  t.  xvi, 
ils  étaient  encore  à  reconstruire ,  ou  que  ce  nouveau  récit 

d'un  très-ancien  désastre  n'était  qu'un  prétexte  pour  solliciter 
de  nouveaux  bienfaits.  La  lettre  au  surplus  n  a  pas  d'autre 
objet ,  et  la  date  ou  récente  ou  surannée  de  l'événement  dont 
elle  parle  n'est  indicjuée  ou  désignée  en  aucune  manière. 
Ecclesia  nostra....  cuin  universis  œdificiis  ad  eam  pertinen- 
tibus  per  manus  harharorwn  ita  in  cineres  redacta  est  ut 
etiam  mûri  ex  magna  parte  corrueiint. 

III.  Thierri,  abbé  de  Saint-Éloi  de  Noyon  dès  11 23,  élu 

é't'éque  d'Anùens  en  Ii44i  moiu'ut  le  troisième  jour  avant      call.  Christ. 
les  ides  de  novembre  ii63  ou  1164.  Louis  VII  avait  voulu  nov.  t.  x. 
l'emmener  à  la  croisade  de   wl^-j  :  mais  un  ami  de  Thierri 
écrivit  à  saint  Bernard  pour  lui    représenter  que   l'évèque      Ep.  432  intei 
d'Amiens  n'était  ni  assez  riche,  ni  d'une  assez  forte  santé,  Ep.  s.  Bern. 
pour  entreprendre  ce  voyage.  On  se  contenta  de  lui  deman- 
der un  tribut  pour  les  frais  de  l'expédition  ;  il  écrivit,  pour 
être  exempté  de  cette  taxe ,  une  lettre  de  six  lignes  à  l'abbé 
Suger.  Dans  une  autre  lettre  qui  n'est  guères  plus  longue,       t.  XV  des 
Tome  XIII.  Ce  ce 


Djo  AUTEURS  DE  LETTRES. 

xn  SIECLE.    Tliierri  expose  à  Suger  la  nécessite  de  placer  à  la  tête  du 

Histor.  de  Fr.  mouastère  de  Saiiit-Riquier  un  abbé  sur  lequel  on  puisse 

P-  496-  compter.  Tels  sont  les  écrits  de  cet  évèque,  qui  fut,  malgré 

""  ■  ^'  ''^*'  sa  pauvreté,  le  bienfaiteur  des  chanoines  réguliers  de  Saint- 

Acheul  et  de  Saint-Martin  d'Azniens.  Il  gouverna  saintement 

ihid.  p.  .',85.  son    diocèse  :  cependant  Suger  ,  dans  une  lettre  qu'il  lui 

adi'esse,  lui  reproche  d'avoir  reçu  à  la  communion  Robert 

de    Bove,   homme  diabolique,   fameux   apostat  :  hominem 

diaholicum ,  famosuni  apostatam. 

IV.    Pierre,   e\'éque   de  Rhodèz,   depuis    ii46,    mourut 
en  1164.  Il  exi.ste  à  la  vérité  une  lettre  adressée  à  Hugues, 
son  successeur,  par  Alexandre  111,  en  la  seconde  année  du 
pontificat  de  ce  pape  (  Ji6i)  :  mais,  au  lieu  de  seconde,  il 
H.  de  Lang.  faut  lire  onzième ,   comme  l'ont  observé  dom  ^  aissette  et 
t"  }^\^ç  '*''^'  jM-  Brial.  Les  auteurs  du  nouveau  Gallla  Cliristiana  ont  fait 
Soripi.  Rer.  connaître  plusieurs  chartes  de  Pierre  de  Rhodes  ;  la  plus 
Caii.  t.  XV,  p.  ancienne  est  de  ii46,  et  la  dernière  de  1164.  En   1161,  il 
^^^^îi^'rî       T    foiitl'^  1^  monastère  de  Bonnevaux  ;  en  1162,  il  rédigea  une 
p.  20-  208.    '  règle  pour  les  frères  et  sœurs  de  l'hôpital  d'Aubrac.  Une 
autre   règle  adressée  par  lui  à  Raimond,  abbé   de  Saint- 
Guillem,  est  imprimée  dans  l'une  des  collections  de  dom 
]\Iartène.  On  lit,  dans  celle  de  Duchesne,  une  lettre  d'ex- 
cuse que  Pierre  de  Rhodes  écrit  en  douze  lignes  au  roi  Louis- 
le-Jeune.  «  J'étais ,  dit-il ,  disposé  à  partir  pour  vous  porter 
mes  hommages,  les  incursions  des  Anglais  dans  le  Rouergue 
m'ont  retenu  :  je  serai  suppléé  par  le  comte  de  Rhodes,  cjui 
se  rend  auprès  de  vous. 

Y .  Drogon  était  archidiacre  de  Lyon  sous  l'archevêque 
Héracle  de  Montboissier,  dont  on  a  cjuelques  chartes  fort 
Gall.  Christ,  peu  mémorables.  Héracle  mourut  le  11  novembre  i663,  et 
noY.  t.  IV,  p.  Drogon  ,  élu  pour  lui  succéder,  eut  deux  compétiteurs, 
iai;etinApp.  Guillaume,  fils  du  comte  Thibault,  qui  devint  en  ii64 
Varadin ,  H.  de  évêquc  de  Chartres ,  puis  Guichard ,  qui  fut  déhnitivement 
Lyon,  p.  22.',,  l'econnu  en  i665  pour  le  véritable  archevêque  de  Lyon.  Il 
225,  226.  ç^^  ^^j.^j  çjj^g  ^g  ijj-j.g  p^^  donné  ta  Drogon   et  à  lui  seul  dans 

un  diplôme  de  Frédéric  Barberousse,  expédié  en  1 166,  mais 
cette  pièce  prouve  seulement  la  bienveillance  de  l'empe- 
reur pour  ce  prélat,  dont  l'élection,  d'abord  ratifiée  par 
Alexandre  III ,  fut  cassée  par  ce  pontife,  précisément  à  cause 
du  dévouement  de  Drogon  aux  intérêts  de  Frédéric ,  et  de 
■Script.  Rer.  la  faveur  que  Frédéric  accordait  à  Drogon.  Celui-ci  est  traité 
Caii.  t.  XV,  p.  jç  schismaticpe  et  d'usurpateur  dans  une  lettre  adressée  en 


T!,es 

.  aîiecd. 

l.I,p. 

4^5. 

T.rv% 

p.  699. 

AUTEURS  DE  LETTRES.  671 

1166  par  Âlexandi'e  à  l'archevêque  de  Reims  :  Drogo  iste    xn  siècle. 
scliisniatîcus  ^  ecclesiœ  Lugdunensis  violentns  occupator.  Le 
pape  ordonne  à  l'archevêque  d'excommunier,  accensis  can- 
dells ,  ledit  Drogon  et  ses  fauteurs.  Or  ces  démêles  donnèrent 
lieu  à  deux  lettres,  l'mie  de  dix  lignes  et  l'autre  de  douze,     Dnriiesne,  t. 
que   Drogon    écrivit   assez  inutilement  à  Louis  Vil,  pour  _'g;iii  chr/s^ 
obtenir  les  bonnes  grâces  de  ce  prince.  Dans  -la  première  nov.  t.  iv,  in 
(en  ii(j'3),  Drogon  suppose  Louis  VII  favorablement  dis-  ^vv-  P-.*° — 

'il'  -Ji  J  X.      •  r        rtl\    Ménfslrier ,  H. 

pose,  et  l  en  remercie  ;  dans  la  seconde,  au  contrau-e,  (  i  ibo)  j,;^.    ^^  j^'^^, 
il  cherche  à  dissiper  les   pi'éventions   que  l'on    iiispii^e  au  p.  309,3/0. 
monarque  contre  une  élection  parfaitement  régulière. 

VI.    Hugues  de   Trasan  ,   ou   Frazan ,  ou   Fraisens ,    ou 
Fransetis ,  fut  le  dixième  abbé  de  Cluni,  et  le  troisième  du 
nom  de  Hugues.  Il  était  prieur  claustral  de  ce  monastère, 
lorsqu'après  la  déposition  et  la  mort  de  Robert,  il  en  devint 
abbe  en  1 167  ou  1 158.  En  signant  en  1 160  une  charte  rela-      ^'^'^-  ^e  Bi. 
tive  au  prieuré  de  Grandchamp ,  il  la  date  de  la  troisième  ^    ' "Mai'ènè 
année  de  son  ordination  abbatiale,  antto  ordinationis  tertio.  Tlies.    Anecd. 
Huffues  ayant  pris  parti  pour  l'antipape  Octavien  ou  Victor  IV  '•  ^^^  '  P-  ^^^T- 

*         Al  1        IIT  *T    I*^  ■        ►  1     C*     U  Gall.  Christ. 

contre  Alexandre  111 ,  ce  pontire  l  excommunia  et  le  ht  chas-  ^^^  ^f^-^ 
ser  de  Cluni;  Etienne  fut  élu  pour  le  remplacer  en   1161.  Martène, 

Exilé  de  Cluni ,  Hugiies  se  refuffia  auprès  de  Frédéric  Bar-  Ampiiss.   Coii. 

1  -1        •*   '    •*  j    +  *  1  4.4-      '•  ii>  p-  660, 

berousse;  il  avait  écrit,  peu  de  temps  auparavant,  une  lettre  gg^     ^ 

à  cet  empereur,  pour  se  plaindre  d'Avmon  de  Ruvignac  et      Spicii.  t.  11, 
de  quelques  autres  personnages  qui  inquiétaient  les  religieux  P-  ''"o- 
de   Cluni  et  ruinaient  leurs  plantations  nouvelles ,  novam 
plantationein   nostram    valdè    concufiunt.    Cette    lettre,   la 
charte  pour  le  prieuré  de  Grandchamp,  et  quelques  statuts 
pour  Cluni,  sont  les  seuls  écrits  qiie  nous  ayons  de  cet  abbé;    Bibhoih.ciun. 
car  une  vie  de  saint  Hugues  de  Cluni,  qui  est  attribuée  par  ^'  '''^"' 
Oudin  à  Hugues  de  Frazan  ,  est  l'ouvrage  d'un  autre  Hugxies,    Coram.deScr. 
qui,  de  religieux  du  même  monastère,  fut  fait  abbé  de  Rea-  i48"-lFabric 
ding  en  Angleterre,  et  ensuite  archevêque  de  Rouen.  Mais  Bibi.   metl.  et 
c'est  à  Hugues  de  Trazan  que  sont  adressées  quatre  lettres  de  ""f-'""n»t-  t-Hi, 
Pierre  de  Celles  :  dans  la  première,  Pierre  le  félicite  de  son  ''ii,bii<',ai  Patr 
élection  à  la  dignité  d'abbé  de  Cluni,  et  de  son  triomphe  t.xxiii. Epist. 
sur  Robert,  demi-laïc,  que  l'on  avait  irrégulièrement  élu  ?*■ '"  Ceiicnsis , 
pour  successeur  de  Pierre-le-Vénérable.   Les   trois   autres  3  ',   5^^'"  ^' 
lettres  tle  Pierre  de  Celles  à  Hugues  III  sont  purement  mys- 
tiques ,  excepté  que,  dans  la  dernière,  il  lui  recommande 
l'abbé  de  Saint-Laurent  de  Liège.  Une  chronique  de  Cluni 
dit  que  Hugues  de  Trazan  mourut  au  prieuré  de  Vaux  près 

Cccca 


5;^  AUTEURS   DE  LETTRES. 

XII  SIECLE.  (]e  Poligui  en   ii64;  mais  une  charte  de  Frédéric  et  une 

Bibiioih.ciun.  lettre  de  Chrétien,  archevêque  de  Mayence,  dans  lesquelles 

p.i(j6o.— Mart.  il  est  question   de  Hugues,  prouvent  qu'il  vécut  au  moins 

t."ii,*p  G62  jusqu'en  1 166.  Il  avait  l'ait  sa  paix  avec  Alexandre  III. 

Gall.  Christ.  VII.'    Bauduin   II,   évéque  lie  Noyûn  ,    après  Simon   Y^ , 

nov.  t.  IV,  App.  s'appelait  Bauduin  de  Boulogne.  Il  était  né  vraisemblable- 

p.  286,  287,  t.  ^  '4.      !  1  ^1  ^  •       1-  1     i-    ^ 

y     /-Si  ïv    "^<^"t  clans  le  port  de  mer  que  ce  surnom  indique;  il  lut 

p.  i:4i.  '       '  d'abord  abbé  de  Notre-Dame  de  Cluni ,  puis  abbe  de  Notre- 

Gali.  Chrisi.  Dame  de  Châtillon-sur-Seine,  et  devint  en  ii48  évêque  de 

nov.  t.    .     p.  jy^y^jj    cjqjj  élection  à  ce  siège  fut  annoncée  à  Suixer  par  une 

1002,    I005. l*1T'  '1-T  1 

Ann.  de  l'Egl.  lettre  du  cliapitie  de  cette  église.  Les  auteurs  de  la  nouvelle 
(ieNoyon,par  France  Chrétienne  indiquent  plusieurs  chartes  souscrites 
p  883-8?"—  P''^'  Bauduin  II,  depuis  i  i5o  jusqu'en  1 1G6  :  ils  ont  imprimé 
p.ob.de3ioiite,  Celle  qiù  Contient  une  transaction  entre  lui  et  Raoul ,  comte 
ad  ami.  1148.  de  Veimandois.  Les  autres  sont  des  donations,  ou  des  pri- 
Oali*^"^xv  ^^  viléges,  ou  des  arbitrages.  On  lit,  à  la  suite  du  Pénitentiel 
5o5.  '       de  Théodore,  un  statut  peu  important  du  même  Bauduin. 

Gall.  Christ.  Lcs  autres  écrits  qu'on  a  de  lui  consistent  en  six  lettres, 
P  370  '*38o"'*    *' °^^  ^  Suger ,  une  à  Louis  VU ,  une  au  pape  Eugène  III , 
Thcod.  Pœnit.  uiic  au  pape  Alexandre  III.  La  première  des  lettres  à  Suger 
t.li,p.7ii,7i2.  n'est  qu'un  billet  écrit  en  ii49i  pour  demander  une  confé- 
j  ^^P"c^ies"e,  Yence  sur  le  différend  élevé  entre  l'évêque  et  le  comte  de 
S42,'  544.  —  Vermandois  :  Ut  conferamus ,  l'OS  et  Dominus  Remejisis ,  de 
-Scr.  Rer.  Gall.  instanti  nesotio.  La  seconde  est  de  i  i5o  :  Suger  était  malade, 
â3o   '526  ^''^'  B'*uduin  ira  le  voir  le  plus  tut  possible ,  il  n'a  pu  se  rendre  à 
la  fête  de  Saint-Denis ,  il  prie  d'agréer  ses  excuses.  La  troi- 
sième ,  écrite  en  la  même  année ,  est  une  réponse  à  la  lettre 
où  Suger  invitait  Bauduin  à  bénir  l'abbé  de  Compiègne  ; 
cette  cérémonie  vient  d'avoir  lieu ,  mais  l'évêcjue  de  Noyon 
estime  qu'il  est  à  propos  de  recourir  au  pape  pour  obtenir 
une  ratihcation  qui  réduise  les  mécontens  au  silence.  Bauduin 
Duchesne  ,  écrivit  lui-même  sur  cette  affaire  à  Eugène  III  :  cette  lettre , 
I. IV, p.  544.--  Qi^^i  psi;  .'^xissi  de  i  i5o,  rend  compte  des  obstacles  ciue  Suger 

Scr.  Rer.  Gall.      lr»i-  ^  ^'^'  .-  'i-j' 

t.  XV,  p.  439.  et  Bauduin  ont  rencontres  et  surmontes  pour  éteindre  a 
Compiègne  l'établissement  des  chanoines  séculiers  :  le  très- 
saint  père  est  instamment  supplié  de  favoriser  les  religieux 
Dueliesne,  qui  oiit   pris   la  place  de  ces   chanoines.  Dans    la  lettre  à 

t.  IV ,  p.  646.  Louis  VII ,  ce  prince  est  remercié  de  celle  qu'il  a  bien  voulu 
écrire  en  laveur  de  l'évêque  de  Noyon  au  comte  de  Flandre , 
(jui  vient  do  réparer  les  dommages  c{ue  le  prélat  avait  souf- 
ferts. L'exil  de  saint  Thomas  Becket  est  l'objet  de  l'épître 
adressée  par  Bauduin  au  pape  Alexandre  III ,  en   11G6  ou 


AUTEURS  DE  LETTRES.  673 

1 1 67  :  «  Il  faut  avoir ,  dit  l'evèque  de  Noyon ,  un  cœur  de    ^H  siècle. 
«  roche  ou  de  fer,  pour  n'être  pas  touché  des  tribulations      inter  ep.  Th. 
«  de  1  église  de  Cantorbéry ,  et  les  yeux  qui  n'ont  point  de  Cant.  lib.  m , 
«  larmes  pour  de  telles   aiflictions,  ne  sont  pas  des  yeux  «P- 82,1'- 604, 
«  humains  :  tous  les  gens  de  bien  ont  des  plexus  à  répandre 
«  sur  cette  église;  aucun,  dit  Bauduin,  n'en  a  plus  à  verser 
<c  que  moi.  »  Ferreuni  pectiis  est  aut  lapideuni  qiiod  ad  labo- 
res  et  œruinnas  ecclcsice  cantuariensis  non  anxlatur ;  et  iiihu- 
nianos  habet  ocidos  qui  in  tantis  ecclesiœ  lacrymis  potest  à 
lacrymis   ahstitiere.    Omnibus  illa  bonis   flebilis   est,   sed 
NULLi  axit  paucis  flebilior  quam  mihi.  Nous  citons  ces  der-    Horat.   Odar. 
niers  mots  pour  montrer  tjue  Bauduin  n'avait  pas  négligé  la  lil>- 1,  od.  xx, 
littérature  profane,  et  que  les  vers  d'Horace  ne  lui  étaient  ^'  '•>'  '*'■ 
pas  inconnus.   «  Depuis  cinq  ans,  poursuit-il,  l'archevêque 
«  est    exilé  ,  et  sa  proscription    est   svir-tout   l'ouvrage  de 
«  l'évêque  de   Londres.   Qu'il   plaise  donc  à  votre   sainteté 
«  d'écraser  cet  évèque  et  les  autres  malfaiteurs.  »  Placent 
itaque   sanctitati  vestrœ   tain  prœfatuin   episcopuni   quam 
rcliquos  ecclesiœ  malefactores...  conterere.  Ces  expressions  et 
ce  sentiment  ne  sont  pas  d'Horace ,  et  l'on  voit  que  Bauduin 
reprend  ici  le  style  ecclésiastique.  Il  mourut  en  116^.  Il  est 
qualifié  bonœ  memoriœ  quondam  episcopus  noviomensis  dans 
une  lettre  écrite  par  Alexandre  III  en   11G8.  Le  successeur      Script.  Rer. 
de  Bauduin  II  fut  Bauduin  III  ;  ils  ont  été  quelquefois  con-  ^-a"-  t-  xv,  p. 
fondus;  et  Bauduin  I  ou  Bakhic ,  l'un  de  leurs  prédécesseurs,      °' 
n'a  pas  toujours  été  bien  distingué  de  Bauduin  II.  C'est  à 
celui-ci  qu'appartiennent  les  écrits  que  nous  Amenons  d'indi- 
quer. C'est  à  lui  que  sont  adressées  une  lettre  d'Adrien  IV,    ibui.  p.  682. 
une  lettre  de  Pierre  de  Celles,  une  lettre  d'Arnoul  de  Lisieux,      p.Ceii.iLb.  r, 
et  deux  lettres  de  saint  Bernard.  On  doit  conclure  de  l'une  ep.  25. 
de  ces  letti'es  de  l'abbé  de  Clairvaux  cju'une  école  était  établie    Bibiioih.  Patr. 
auprès  de  la  cathédrale  de  Noyon;  car  Bernard  recommande  1332.       ' 
un  jeune  homme  à  Bauduin  :  «  Si,  dit-il,  vous  nous  le  ren-      Eem.cp. 401 
voyez  plus  chargé  de  science  que  d'embonpoint ,  nous  en  ^'  '*°'^- 
serons  fort  reconnaissans  :  Gratiam  vobis  habebimus,  si  doc- 
tior  à  Dobis  quam  pinguior  recesserit. 

VIII.  Hugues  de  Toucy,  fils  de  Girard  de  Narbonne,  fut 
élu  en  1142  arche'.'êque  de  Sens,   après  avoir  exercé   dans      Gallia christ. 
cette  église  la  fonction  de  grand  chantre.  Elegimus  nobis  in...  "o^-  *•  ^^l'  P- 
pontijiceni  dondnuin  Hugoneni prœcentorem  nostrurn;  ce  sont  ^~ 
les  termes  dont  se  sert  le  clergé  de  Sens ,  dans  une  lettre    lUd.  Append. 
qu'il  adresse  à  l'évêque  de  Chartres,  et  qui  contient  d'ailleurs  p-  33,  34- 


574  AUTEURS   t)E  LETTRES. 

xii  SIECLE,  un  long  éloge  du  nouvel  élu  :  A  parentihus  christianis  et 
Deum  tiinentibus  nohiliter  ecUtuni ,  -viruin  strenuum ,  mocles- 
tum ,  mansuetuin,  disciplinis  ecclesiasticis  coinpetenter  eru- 
dituin ,  etc.  Hugues  sacra  la  reine  Constance  en  ii 54,  et  la 
reine  Adèle  on  ii6i.  Il  est  désigné  comme  témoin  au  bas 
d'une  charte  signée  en  1 155  à  Toulouse,  par  Louis  VII,  qui 

Biial,H.  Gall.  revenait  de  Saint-Jacques  de  Gallice  ;  d'où  l'on  conclut  c|u  il 
t.  XV,  p.  710.  avait  accompagné  le  roi  dans  ce  voyage.  Hugues  mourut  au 
mois  de  février  1168,  c'est-à-dire,  en  1169  avant  Pâques. 
Gall.  Christ.  Voici  son  épitaplie  : 

iiov.  t.  XII,  p. 

Prcesitlis  hic  Senonis  corpus  requiescit  Hii^onis  : 
Sit  cornes  ipse  bonis  regiio  super œ  regioiiis  : 
Juiis  pacificus  moderator ,  pacis  amicus , 
Verus  catholicus  ,  qui  nulli  vixit  iniquus. 
Cidtor  erat  fidei  :  det  ei  sedem  requiei 
Filius  ille  Dci  qui  lux  ert  vera  diei. 

T.  XII,  App.       Les  auteurs  du  nouveau  Callia  Christiana  ont  imprimé 

p- 34-49-         dix  chartes  de  cet  archevêque,  et  en  ont  indiqué  quelques 

T.  XII,  p.  47-  autres.  On  en  trouve  une  à  la  suite  du  Pénitentiel  de  Théo- 

^°",     ,  „  dore  ;  elle  a  pour  objet  la  soumission  iiromise  par  l'abbé  de 

t.  II,  p,  711.      Rebais  a  1  eveque  de  Meaux.  La  plus  remarquable  est  celle 

qui  regarde  l'abbaye  de  la  Pommerave ,  fille  de  l'abbaye  du 

Paraclet  :  Héloïse ,  amie  de  Hugues  ,  avait  obtenu  de  lui  cette 

p.  355,  356.    charte,  qii'on  a  insérée  dans  les  œuvres  d'Abailard.  La  nou- 

T.  Xll,p.  5o.  velle  France   Chrétienne  dit  c[u'il  existe  des  épitres   réci- 

procpies,  estant  epistolœ  mutuœ ,  d'Eugène  III,  de  Suger  et 

de  Hugues.  Cette  indication  est  inexacte  ;  car  on  ne  connaît 

aucune  lettre  de  Hugues  à  Eugène  ;  et,  s'il  a  répondu,  comme 

il  est  fort  probable ,  à  celles  que  ce  pontife  lui  a  réellement 

Labhe.Cone.  adressées  sur  quelques  affaires  particulières,  ces  réponses  ne 

"••X.  subsistent  plus,  ou  du  moins  n'ont  jamais  été  publiées.  Mais 

Duchesne  ,  OU  peut  lire,  claus  les  collections   d'historiens  de  France-, 

Sfi-.Rer.Gailic.  -quatre  lettres  de  Hugues  à  Suger  et  huit  à  Louis-le-Jeune. 

Ko^  ("-f^  «^'  Les  unes  et  les  autres  tiennent  à  des  circonstances  locales  ou 

634,636-638,  personnelles,  cnii  ont  perdu  tout  intérêt  :  ce  sont  des  recora- 

68i.  —  Bnai,  mandations,  cies  avis,  des  plaintes,  des  assurances  de  dé- 

Fr   t.  XV   p!  vouement  et  de  fidélité.  Deux  lettres  du  même  prélat,  insé- 

710-717.  rées    dans  le  Spicilège    de    Dacheri  ,   furent   adressées    en 

f P'*^- *•  P'. '""  II 65,  l'une  à  Guillaume,  comte  de  Nevers,  pour  le  me- 

^  ^'  '  '   "  '  nacer  de  l'excommunication .  si ,  dans  un  délai  de  dix  jours , 


AUTEURS  DE  LETTRES.  5^5 

il  ne  restituait  les  biens  qu'il  avait  pris  aux  moines  de  Veze-    ^ii  siècle. 
lais  ;  l'autre  aux.  evêques  d'Autun ,  d'Auxerrc ,  de  Nevers  et 
de  Langres,  pour  les  informer  que  cet  anathème  était  pro- 
noncé, et  leur  enjoindre  de  le  publier  dans   leUrs  églises. 
C'était  en  qualité  de  délégué   d'Alexandre  III  que  l'arche- 
vêque  de  Sens  excommuifiait  ainsi  Guillaume  et  sa  mère  ;  car 
cette  comtesse  était  comprise  dans  la  sentence.  Enfin  on  a 
imprimé  deux  lettres  de  Hugues  au  clergé  de  Paris,  l'une  de 
1142  sur  la  mort  de  l'évêque  de  Paris,  Etienne,  l'autre  de 
1 164  sur  la  mort  de  Pieri-e  Lombard.  Mais  n4»us  soupçonnons 
fort  que  ces  deux  lettres  ne  sont  c[u'une  seule  et  même  pièce, 
et  rpie  Du  Boulay,  qui  a  publié  la  seconde,  a  mal-à-propos       Hist  Univ. 
ap|)liqué  à  Pierre  Lombai'd  ce  que  l'archevêque  de  Sens  avait  Pa"*-  f-  n  >  l'- 
écrit sur  Etienne.  En  effet,  la  prétendue  lettre  sur  Pierre    ^^'   ^  ' 
Lombard  ne  nomme  point  ce  théologien,  et  ne  dit  rien  qui 
lui  convienne  exclusivement.  Hugues  s'y  plaint  d'avoir  perdu 
le  soutien  de  sa  jeunesse,  le  précepteur  de  sa  vie  (a),  ajoutant 
que  ce  soutien  était  sur-tout  nécessaire  à  un  jeune  homme 
expérimenté  (ù).  Or  toutes  ces  idées,  toutes  ces  expressions 
se  retrouvent  dans  la  lettre  écrite  à  l'occasion   de  la  mort 
d'Etienne,  et  y  sont  infiniment  mieux  placées,  puisqu'en     Dubois, H. de 
1 142,  Hugues,  récemment  élu  archevêque,  pouvait  se  croire  ^-^"s,  liv. xii, 
jeune  encore,  au  lieu  qu'en   11 64,  âgé  de  quarante-six  ans  Gaiichi''  ~ 
au  moins,  de  cinquante  peut-être,  il  était,  ce  semble,  dis-  t.  xill,p.  47. 
pensé  d'insister  à  ce  point  sur  linexpérience  extrême  de  sa 
jeunesse,  et  de  se  représenter  comme  un  si  tendre  novice, 
trop  tôt  privé  de  son  mentor.  Aussi  M.  Brial  a-t-il  réduit  à      script.   Rer. 
quinze  les  lettres  authentiques  de  Hugues  de  Toucy;  et  en  Gaii.  1.  xv,  p. 
V  comprenant  celle  qui  concerne  Etienne,  il  n'a  fait  même  7io-7'7- 
aucune  mention  de  celle  qui  s'appliquerait  à  Pierre  Lombard. 
IX.    HiLLiN ,  élu   archevêque   de    Trêves  en    11 52,  après 
Albéron,  gouverna  cette  église  jusqu'en  i  iGg,  époque  de  sa 
mort.  Il  était  de  la  famille  de  Falcmann,  ancienne  et  distin-      Calmet,H.de 
guée  dans  le  pays  de  Liège.  Il  vint  étudier  en  France,  et  fut  ^-o"-  '■  11  >  P- 
doyen  de  Trêves  avant  d  en  devenir  archevêcme.  Il  assista,  »„'"   J*'  ~ 

]"'i  .  1  f    •  ^1l•^^T-.  Aluer.  ad  ann. 

dans  les  premiers  temps  de  son  episcopat,  ada  diete  de  Franc-  ii52,p.  11,  p. 

3-2  1. — Brouver. 
Ann.Trev.  t.  II. 

[a)    Baculum   juventutis   meae  ,   erudiiorem   vitfE   iiieae.  —  {U)   Baculus       -Ue  Oes  .  ir. 
namque  sustentationis  multotiens  juveni  necessarius  est  plus  qiiàm  scni... 
quia  senectus....  niulta  didicit  pcr  expérimenta....  Domine  Deus ,  ut  qiiid 
récessisti  loirgè  ?  Modo  rudeni  et  leneruni  aiiiovisti  puerumituunl,eitani 
çkd  subtraxisti  ei  ordinatoreru  et  doctorem  raeum.  •'    - 


67(i  AUTEURS  DE  LETTRES. 

XII  SIECLE,    fort,  où  Frédéric  Barberousse,  duc  de  Suabe,  fut  élu  roi 

Archiep.inAm-  ^c  Germanie.  Henri,  comte  de  Namur,  et  Sigefroi,  comte 

piiss^Coi.Mart.  de  Vienne,  ayant  construit  deux  forts  pour  fatiguer  les  gar- 

1. 1\  ,  p.  208  -  nigons  de  l'archevêque  de  Trêves ,  celui-ci  acheta  la  paix  en 

cédant  au  comte  de  Namur  la  jouissance  viagère  de  la  terre 

de  Mascheren  ,  qui,  à  la  mort  du  comte,  devait  revenir  à 

rarchevêché.  Une  charte  d'Hillin  ,  datée  de  1 167,  confirme  la 

Calmet,H.de  fondation  de  l'abbaye  de  Belchamps.  On  a  imprimé  une  lettre 

Lor.  t.  II,  Pr.  fig  ce  prélat  au  pape  Eugène  III,  et  une  lettre  plus  remar- 

^  &b"'patr"t    quable  à  sainte»  Hildegarde ,  pour  la  complimenter  sur  sa 

XXIII,  p.  544.  profonde  sagesse,  et  lui  demander  des  conseils  :  De  celld  illâ 

régis  vinarid  guttas  aliquas  ad  me  peccatoreni  per  prœsen- 

tunn  latorem  sciipto  stillare  digneris.  Quelque  mystique  que 

soit  cette  épître,  la  réponse  de  la  Sainte  l'est  bien  davantage: 

«  Oi ,  oi ,  lie ,  he ,  dit-elle  à  Hillin  ,  écoutez ,  écoutez  encore  :  » 

iterian  audi ;  «  ce  temps-ci  n'est  ni  froid,  ni  chaud,  mais 

«  vilain  ,  »  lie  he  ^  tempus  hoc  nec  frigidum  est ,  nec  calidum, 

sed  squallidum.  Montfaucon  indique  des  lettres  manuscrites 

Bibl.Bibiioth.  cl'Hillin    à    l'empereur    Frédéric    Barberousse    et   au   pape 

t.Il, col.  1236.  ^(Ij^Jçj^  jy   (^ç^  lettres,  qui  tendaient  au  rétablissement  de 

la  paix  entre  l'église  et  l'empire,  se   trouvaient   parmi   les 

manuscrits  de  Pétau,  réunis  depuis  à  ceux  du  Vatcan.  On 

lit ,  dans  l'une  des  collections  de  Martène  ,   une  épitaphe 

d'Hillin  ,  en  dix  vers.  A^oici  le  troisième ,  le  quatrième  et  les 

deux  derniers  : 

Qui  dénis  annis prœlatus  et  octo ,  TjTannis, 

Salvâ  justifia  ,  restitit  arte  piâ 

Denas  deflcndas  peragente  novembre  calcndas , 
Transiit  e  medio ,  fine ,  vir  iste ,  pio. 
0 

X.  Henri,  éuegue  de  Troy es ^  écri\it  en  11  Sa  à  saint  Ber- 
nard une  lettre  qui  se  rencontre  parmi  celles  de  cet  illustre 
intpr  ep.  S.  abbé.  Elle  annonce  la  donation  que  Henri  fait  à  saint  Bernard 
Bern.  /,36.  g^  ^  ggg  succcsseurs  ,  d'une  église  du  diocèse  de  Troyes,  oc- 
cupée par  des  chanoines  qui  avaient  autour  d'eux  des  frères 
convers  et  des  femmes,  com'ersos  et  rniilieies.  Il  paraît  que 
cette  communauté  peu  régulière  avait  excité  quelques  plaintes. 
Henri  ne  trouve  pas  de  plus  siir  moyen  de  rt  médicr  à  ce 
désordre,  que  d'introduire  dans  cette  abbaye,  connue  sous 
le  nom  de  Bullencourt,  des  religieux  de  Clairvaux.  Saint 


AUTEURS  DE  LETTRES.  577 

Bernard  est  félicite  dans  cette  lettre  de  ce  que  Dieu  s'est  servi  Xll  siècle. 
de  lui  pour  éclairer  et  corriger  le  monde  presque  tout  entier  : 
Deiis  tud  soUicitudine ,  sapientià  et  religione  pœne  totum  illu- 
minaverat  et  correxerat  mundum.  Voilà  le  seul  écrit  de  Henri 
de  Troycs  qui  ait  été  jrablié.  Mais  il  existait,  sous  son  nom, 
un  ouvraere  manuscrit,  que  dom  Martène  avait  vu  à  Clair- 
vaux,  et  quil  cite  en  ces  termes  :  Liber  qui  dicitur  verbi  p.  i,p.  102. 
gratin  éditas  à  domino  Henrico  quoiidain  ahhate  montis 
sanctœ  Mariœ ,  posteà  episcopo  Trojano.  Henri,  né  comte  de  .     , 

Lannthie  en  Allemagne,  avait  ete  en  11  ou  iun  des  jeunes  q^^^_  ^  \y  jj, 
seigneurs  allemands  qui  eml^rassèrcnt  l'état  religieux  à  Mo-  App.  p.  54/1.— 
rimond,  avec  Otl'.on  de  Frisingue  :  il  devint  aiibé  de  Villiers  Jongeim,  Pur- 
au  mont  Sainte-Marie,  au  diocèse  de  Metz;  en  ii49i  d  fut  ^^"gg 
élu  évèque  de  Troyes ,  et  mourut  en  1 1 69. 

XI.  Snioî^  ^  prieur  de  la  chartreuse  du  Mont-Dieu,  près 
de  Reims,  était,  dans  cette  place,  le  successeur  immédiat  de     Marlot,Meir. 
Godefroi ,   qui  l'avait  occupée  le  premier.   Thomas  Bccket  3  ""'  "      '  ^' 
ayant  été  chassé  de  Cantorbéry  en  1 168,  le  pape  Alexandre  HI 
députa,  vers  le  roi  d'Angleterre,  Simon  du  Mont-Dieu,  En- 
gelbeit,   prieur  d'une   autre  chartreuse,   et   un   troisième 
moine  nommé  Bernard  du  Creuil  ou  du  Coudrai.  Ils  étaient 
chargés  d'examiner  et  de  concilier.  Deux  Itttres  de  Simon  et      intc  «^n-  Th. 
d'Encelbert  au  souverain  pontife,  lui  rendent  compte  de  *^^"''         ^^' 

,  »    .      .  „  ,  1.  '.  ,.,       t^        ,.      ep.  8  et  10. 

leur  mission.  Bernard  ne  signe  point,  parce  quu  est  reli-        Baron,   ad 
gieux  de  Grammont,  et  que  les  usages  de  son  institut  ne  lui  ann.  1169,  n. 
permettent  d'écrire  à  qui  que  ce  soit  :  Quia  fratrum  Grandis  ^"35 ,^'35/  ed! 
montis  consuetudo  non  est  ut  scrihant  alicui.  Si  cette  relation  luc. 
est  fidèle ,  c'était  un  véritable  interrogatoire  que  ces  trois 
luoines  faisaient  subir  au  roi  de  la  Grande  Bretagne.  Ils  se 
plaignent  de  ce  qu'il  refuse  de  signer  ses  réponses,  et  de  ce 
qu'il  les  change  ou  les  modifie  perpétuellement.  On  pourrait 
s'étonner  de  la  complaisance  qu'il  avait  d'en  fiiire.  Alexandre, 
dans  une  lettre  àJienri  II,  lui  avait  annoncé  Simon  comme 
un  personnage  lettré,  distingué   par  son  honnêteté  et  par 
ses   sentimens  religieux,  honestate    ac  relif^ione  insignis ; 
mais  ce  mot  ^honnêteté  n'est  assurément  point  ici  le  syno- 
nime  de  civilité  ;  et  la  religion  de  Simon  et  de  son  confrère 
n'était  aucunement  celle  c[ue  saint  Paul  nous  dépeint  ccmme 
patiente,  conciliante,  et  soumise  aux  autorités  légitimes.  Une 
troisième  lettre  du  prieur  du  Mont-Dieu,  adressée  au  cardi-      inter  ep. tti. 
nal  Albert,  est  un  plaidoyer  véhément  pour  Becket  contre  çp"jj_  ' 
Tome  XllI.  Dddd 


5-8  AUTEURS  DE  LETTRES. 

xu  SIECLE.    Hejiii ,  qui  espérait ,  dit  Simon  ,  d'être  soutenu  par  le  pape  ; 

la  lettre  a  pour  objet  de  miner  sourdement  cet  espoir;  ce 

n'est  point  l'écrit  d'un  envoyé  d'Alexandre  III ,  mais  d'un 

ennemi  personnel  du  roi  d'Angleterre.  Simon  est  au  surplus 

Ep.   2',.  —  fort  loué  dans  trois  épîtres  qui  lui  sont  adressées,  l'une  par 

Can'.lib^iv,2Q!  ^^^^  ^^  Sarisbéri ,  les  deux  autres  par  Pierre  de  Celles.  Ce 

Ep.  Peii.  Cei.  chartreux  mourut,  selon  Moroti ,    l'un    des    historiens    de 

llb.  V,  II  et  i3.  son  ordre,  peu  après  la  légation  de  1 168.  Dom  Mabillon  et 

Theatr.  ord.     i t.  ■      *  i  ^  •>  ^         'l        * 

Cartus.  p.  it'i,  ^^^^  Jtxivet  prolongent  sa  carrière,  en  supposant  cpiii  est  ce 

162.  '  prieur  du  Mont-Dieu  dont  Pierre,  cardinal  de  Saint-Chry- 

Ann.  Ben.iib.  sogonc ,  parle  au  pape  Alexandre,  dans  une   lettre  écrite 

Hist.  Litt.  de  *^"  1 1 70 ,  et  qu  u  désigne  comme  tout-a-tait  propre  aux  tunc- 

la  Fr.  IX,  121.  tions  les  plus  éminentes.  Mais  cet  éloge  peut  tout  aussi  bien 

Scr.  Rer.  Gali.  s'appliquer  à  Eiigelbert,  qui,  après  avoir  été  le  très-digne 

C'es't  ^l'opin.  f^ssocié  de  Simon  en  Angleterre ,  devint  son  successeur  au 

de  D.  Poncet  ,    Moilt-Dieu. 

dans  une  note       XII.    HuGUEs ,  pi'icur  du  Motit-Thahor,  en  Palestine,  a 

manuscrite.  '      •.  ^    T         •     T'tt  'a..        ■        '     '       i  1       y^      ^ 

écrit  vers  1 170  a  Louis  VU,  une  epitre  insérée  dans  le  Gcsta 
P.  1180.  Dgi  pQp  Francos.  Il  ne  s'y  intitule  <|u'ancien  prieur:  non 
nunc  sed  quondam  prior  de  monte  Thahor  licet  indignus. 
Malgré  la  distance  des  lieux ,  il  a  voulu  que  sa  lettre  parvînt 
aux  mains  du  roi  de  France,  ad  vestras posse  venire  inanus. 
Il  désire  qu'on  lui  renvoyé  le  plus  tôt  possible  le  messager  qui 
la  porte ,  et  qu'il  recommande  aux  largesses  du  prince  :  ut 
liuic  bajulo  quhni  citiùs  ad  me  reversuro....  manu,  aliquantu- 
liim  lai'gd  subvenire  faciatis.  Hugues  se  trouve  parfaitement 
bien  traite  à  la  cour  de  Constantinople ,  mais  il  suffit  qu'il 
ne  jouisse  pas  de  la  présence  du  roi  Louis  MI ,  pour  qu'il 
s'estime  indigent  au  sein  de  l'abondance.  Il  supplie  donc  ce 
prince  d'écrire  à  l'empereur  d  Orient ,  et  d'oljtenir ,  pour 
celui  qui  n'est  plus  prieur  en  Palestine,  la  permission  de 
revenir  en  France.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  c'est  un 
français  qui  fait  cette  demande  :  nous  n'avons  d'ailleurs 
aucun  autre  renseignement  sur  la  personne  et  sur  la  vie  de 
ce  religieux. 

XIII.  JoNAS,  chanoine  régulier  de  Saint -Victor ,  avait  été 
envoyé  à  Cherbourg.  Imjiatient  de  revenir  à  Paris ,  il  en 
demanda  la  permission  à  Ervise,  son  abbé,  auquel,  selon 
ï.vn,p.667.  les  auteurs  (lu  nouveau  Gallia  Christ ian a ,  il  écrivit  plu- 
sieurs fois  à  ce  sujet.  Nous  ne  connaissons  qu'une  seule  de 
ces  lettres,  savoir  celle  que  dom  Martène  a  imprimée  dans 
P-  2î5.       le  tome  VI  de  \ AmpUssiina  CoUectio.  Elle  est  entremêlée  de 


AUTEURS  DE  LETTRES.  079 

beaucoup  de  vers,  dont  quelques-uns  ne  sont  que  des  cita-    ^^^  SIECLE, 
tiens  ;  par  exemple  : 

Ncscio  qiiâ  natale  soliiin  didcedine  cuiicios 

Ducit  et  immemores  non  slnit  esse  sut.  "  ^'"'^• 

XIV.  Pierre,  ci,'éque  de  Chdlons  [su?'  Saône) ^  gouvernait  f".aii.  r.iirist. 
cette  église  en  ii64;  il  vivait  encore  en  septembre  iiyS,  et  8,'!3'_'s,)5'  — 
l'on  suppose  qu'il  mourut  au  mois  de  novembre  de  la  même  jacob,  de  ciaris 
année.  Le  seul  point  bien  éclairci  à  cet  égard ,  c'est  qu'bigel-  '*i<^''-  Cabilion. 
bert  lui  a  succédé  avant  1179.  Pierre  fut  enterré  à  Cîteaux,  '  '  'P" 
et  c'est  lui  sans  doute  qui  est  désigné  par  les  deux  derniers 
mots  de  cette  épitaphe  : 

Hic,  duo pontiftces ,  servi vevi Salomonis , 
Pansant;  Henricus  AEduce ,  Petriis  Cabilonis. 


Gall.  CLrisl. 


Un  même  tombeau  renfermait  ses  cendres  et  celles  de 
Henri,  évéque  d'Autun.  Trois  lettres  de  Pierre  de  Chàlons  à 
Louis  Vil  nous  ont  été  conservées.  Dans  la   première,  il 

,]<  I  •     c         -4- '  '  1  '■!  nov.  l.  lV,Api). 

allègue  ue  graves  innrmites,  pour  s  excuser  de  ce  ou  il  ne  se  „.  242. 
rend  point  auprès  du  monarque;  et  il  se  plaint  de  Josseran- 
le-Gros ,  qui  inquiétait  les  chanoines  de  Châlons  dans  leurs 
possessions.  La  seconde  contient,  contre  le  même  person- 
nage, de  nouvelles  plaintes  qui  provoquèrent  un  jugement     ^^'j^- P- ^4'î- 
de  Louis  VII  en  faveur  du  chapitre  de  Chalons.  La  troisième  t.  iv,  ep.  232,' 
consiste  en  protestations  de  fidélité,  et  en  excuses  fondées  intei- Sugerian. 
encore  sur  une  santé  faible,  sur  une  fortune  médiocre,  et 
sur  les  circonstances  qui  rendent  la  présence  de  l'évêque  de 
Chàlons  plus  que  jamais  nécessaire  à  son  diocèse.  Parcite 
œtati  et  dchilitati  nostrœ  et  paupevtatl  ecclesice  nostrce ,  imo 
njestrœ ,  quœ  Jdsdiebus....  muhis pericidis  exposita,  nunquam 
niagis  quain  nunc  prœsentidi  nostrd  indigidt.  On  a  aussi  de 
cet  évêque  une  charte  de  1 168,  où  il  reconnaît  que  Hugues- 
le-Roux ,  lîls  du  duc  de  Bourgogne  ,  a  donné  une  vigne  à 
l'église  de  Cîteaux. 

XV.    Basile,  hidtième  prieur  de  la  grande  chartreuse,     DoHand,  CLr. 
était  né  en  Bourgogne,  et  avait  été  d'abord  moine  de  Cluni.   Tjy'i'^p"'  ",°"' 
On  remarque,  dans  la  correspondance  de  Pierre-le-Véné-  colon.  i6o8,iii 
rable  ,  une  lettre  de  cet  abbé  à  Basile  ,  et  une  lettre  de  celui-ci   8°,p.2oietscfi. 
à  Pierre.  Ces  deux  lettres  attestent  la  profonde  estime  que  —  i  j>"a- Pf-t' ■ 

,  ,.    .  ,  ,      .'  ,    .  1         p.    7r).  —  BibL 

ces    deux    religieux   personnages    s  étaient   réciproquement  cartL.  TLeod. 

Dddda 


58o  AUTEURS   DE  LETTRES. 

XII  SIECLE,    inspirée.  Deux  autres  lettres  non  moins  honorables  à  Basile, 

Pet,;çi ,  colon,  h"  Ont  été  adrcssées  par  Pierre  de  Celles.  Denys  le  chartreux 

1G09,  in-12.      rapporte  que  saint  Dominique,  avant  d'établir  l'ordre  des 

Cam.  Tutiii ,  fj-^j-çg  prêclieurs ,  vint  consulter  Basile  ,  ctui  lui  donna  d'ex- 

in    prosp.  ord.        ,,         r      .  t  .,  ^     1  1        1    '    /  ■ 

Cai  t.  p.  29.       cellens  avis  sur  la  manière  de  prêcher  contre  les  hérétiques  : 

Peir.Vtn.iib.  ruais  nous  devons  observer,  sur  ce  récit  de  Denys,  que  saint 

^^^*ï*',M;  \^'  Dominique  était  à  peine  âcé  de  trois  ou  quatre  ans  quand 

p.  Cell.lib.  \,  T^.,         1  TT  ■     1      •  'a'it-         r 

ep.  9,  12.  Basile  mourut.  Hugues,  cpn  devint  eveque  de  Lincoln,  et 

Dion.PrîPcon.  qui  introduisit  les  chartreux  en  Angleterre,  y  avait  été  envoyé 

ord.Cart.art.8.  „j^^,  Basilc.  Il  cst  extrêmement  probable  que  ce  prieur  a  fait 

p.  Sutor,  de    *        ,  1  i-    •  '  i-      '  '  '  i  ' 

vitàCart.lib.ii,  quclqucs  additioiis  aux  statuts  rédiges  par  ses  prédécesseurs, 
tract.  3,  c.  5,p.  additions  qui  sans  doute  se  trouvent  fondues  dans  le  recueil 
t'^'J^^y  ~  imprimé  en  loio.  Outre  sa  lettre  à  Pierre-le-Vénérable  et 

Cani.  lutin,  in     ,     i^       ,    ,  ,  ,  t>      -i 

prosp.    ordiu.  f'^s  rcglemens  pour  les  chartreux,  Basile  est  encore  auteur 

Cart.  p.  33.       d'un  très-court  éloge  de  la  vie  solitaire.  Cet  écrit,  attribué 

Statuta  ord.  f^^,^   mal-fi-propos   à    saint   Basile-le-Grand    par    quelques 

Carthusiensis  a    ,   .,  ,.  ,     '        '    ,    /       /        ■  \     1        i-  1  \  I 

Gui°oneconipi-  bibliographes,  a  ete  réuni  a  des  livrets  du  même  genre,  dans 

lata (cnrâ  un  volume  iu-S^ ,  imprimé  à  Pai^is  chez  Jean  Lambert,  vers 

Greg.   Reisch)  ]j^  ç^^^  ^^^^  W^  siècle.  L'uu  clcs  articles  compris  dans  ce  vo- 

Bas.  Araerbach.    ,  ,,  1      1  •  '        1   •    •  1  '      ' 

i5io  in-fol  fi".  Iwme  est  un  autre  éloge  de  la  vie  renobitique  par  le  veiie- 
(Tres-rare\ol.)  rable  Guigues  :  ces  deux  opuscules  sur  le  même  sujet  sont 
donc  très-dictincts.  Celui  de  Basile  ne  remplit  que  sept  pages 
et  demie,  et  fourmille  d'apostrophes.  «  O  cellule,  s'écrie-t-il, 
tu  es   noire,   mais  belle  comme   les  tabernacles  de  Cédar, 
comme  les  peaux  de  Salomon.  Parmi  les  propriétés  que  l'au- 
teur attribue  à  la  cellule,  nous  remarquerons  celle  de  rendre 
tout  à-la-fois  l'homme  rond  et  carré  :  Tu  facis  ut  hotno  sit 
feres  atqiie  rotundus  (et  sans  aucun  intermédiaire)  tu  etiam 
facis  hominem  lapidem  quadrwu  construendis  cœlestis  Hie- 
7'UsaIeTn  mœnibus  aptuin.  Basile  ,  après  vingt-trois  ans  de 
Mabill.  Ann.  généralat,  mourut  en  1 1^3  ou  i  I74i  recommandable  d'abord 
Ben.  1.  79,  n.  miraclcs ,  de  plus  par  une  édifiante  et  sage  adminis- 

n.  146,  147;!.    l        .  ^      •    -v         'i-  '      -4.  r  1  • 

80,  n.  66,67.  tration,  en  troisième  lieu,  par  ses  écrits,  enhn  par  le  soin 
Morot, Tlieat.  qu  il  prit  d'arcioitie  la  bibliothèque  de  la  grande  chartreuse, 
ord.  Cart.  p.  XVL  EsTiENNE,  eVé'^iie  c?e  vJ/erti^j;,  archevêque  de  Bourges. 
Martène  ,  H  était  né  à  Paris  de  la  famille  des  seigneurs  de  la  Chapelle- 
Ampiiss.  Coll.  Gautier.  Il  fut  chanoine  de  Sens ,  chanoine  de  Paris ,  évêque 
t.  \i,p.  27O.     j    Meaux  dès  11G2,  archevêque  de  Bourges  en  1 171.  Il  ne 

Bolland.  ind.  i  -^  '    i-  i  i  '  •     ' 

ss.prjetcrmiss.  gouvcma  Cette  cleruiere  église  que  durant  deux  années  :  retire 
ad  diem  4  et  à  l'abbaye  de  Saint-Victor  de  Paris,  il  y  rftourut  le  12  jan- 
""^'ilr'  î.-irD"n    vier  1 173  ou  i  i74-i  selon  que  l'on  fait  commencer  l'année  à 

filabill.  Rcfl.  '  \    \      'W  •    •  r^  •  '  1  '•! 

sur  la  Réponse  Paques  OU  a  la  Lu'concision.  Ceux  qui  prétendent  quil  ne 


AUTEURS   DE   LETTRES.  58i 

mourut  qvi'en  1181  ou  1 182,  expliquent  comme  ils  peuvent  ^"  siècle. 
une  charte  de  Louis  VII,  datée  de  1174,  et  dans  laqvielie  au  Traité  des 
Estienne  est  qualifie  home  memoriœ  quoiulain  hituricencis  étud.mouastiq. 
archiepiscopus  :   son   abdication   suffisait,   disent-ils,   pour  P"^°^;     ,   . 

)        ■'  1,       ■'      lA.  •  1  A  l'i  11  I     ^   ■  (jM.  Christ. 

quon    1  appelât    ancien  archevêque    u  honorable   mémoire,  nov  t.  n,  p.  55- 

Mais  Lebeuf  a  cité  une  chronique  contemporaine,  oii  il  est  t- vu,  p.  670; 

dit:  Anno  w^Z  Stephanus  Bituricensis  archiepiscopus,  ve-  ^-^'I^P- »6i5, 

neno ,  ut  dicitur,  covreptuseta  mente  alienatus ,  sepidtus  est      Henriq.  Me- 

ad Sanctujn  fictorem  Parisiis.  Cette  clironique,  sans  laquelle  "f^'og.  cist.  ad 

nous  ne  saurions  pas  ciu'Estienne  a  été  empoisonné,  et  nue  '^^'^^l^  *.''p'" 

sa  tête  s  est  dérangée,  a  passe,  eut  Lebeui,  par  les  manis  de  Cisterc.adann. 

Baluze,  qui  la  croyait  l'ouvrage  dun  moine  de  Saint-Martial  "82,  c.  2,n.  2. 

de  Limoges ,  nommé  Godellus  ou  Godeau.  Voici  deux  épi-  ~  ?,""■  *^^':'^'- 
.     1        17V,  j-  ,,  ^        .         ...  1       t.  \ii,p.  670. 

taphes  ci  Estienne ,  lune  en  prose,  et  qui  se  lisait   sur  sa  Malingre,  Ant. 

tombe,  l'autre  en  vers,  et  tirée  d'un  manuscrit  de  Saint-  deParis,p.4',5. 

Victor  :  Gall    christ. 

iT-     •  n  r\  Cl  •  »!•••  noY.  t.  II,  p.  55. 

tiic jacet  hev.  patcr  Dom.  bteplianus  qui  natus  Farisiis  ex     Lt-ure  insérée 
episcopo  ISleldensi  Bituricensis  primas  factus  est.  dansicjourn.de 

Verd.f'ev.  1756', 

Fax  popiili ,  cle.rique  decus ,  patriœque  patronus ,  ^^^   j^^  U  '  . 

Stephaims  ,  hiijus  amor  urliis  et  orbis,  ohit.  Fr.  t.  XIII,  p. 

Mcidis  episcopiurn ,  pritnatum  BitUris  ^  ortuin  "7'  '  "77- 

n      ■  ■         ,  7  .        .        j  Gall.  Christ. 

fansius ,  tuniuliim  continet  iste  lociis.  t  II  n   5^ 

Idihus  hic  jain ,  terris  divisus  et  astris  Le  Beuf,  H. 

Quœ  dederant  cœlam  terraque,  solvit  eis.  "^f  ''''  "*""'"  ^t  du 

dioc.  de  Paris , 
.  ,  .        .  ,  ,      .  t.  II,   p.   54/,. 

Estienne,  à  qui  saint  Thomas  Becket  a  écrit  une  lettre,  en      Ep.xh.Cant. 
adressa  deux  au  pape  Alexandre  III ,  en  faveur  de  cet  arche-  ^'■^■J^h  ''P-  9^' 
véque  de  Cantorbéry.  Il  se  récrie,  dans  la  première,  contre  "^  ibu.Wh.m 
linjustice  des  persécutions  que  Thomas  endure,  et  supplie  ep.  97 ,  p.  624  ' 
le  Saint  Père  de  résister  fermement  aux  ennemis  de  ce  prélat.  625;iib.  iv,ep. 
Dans  la  seconde,  il  se  plaint  particulièrement  de  Jean  d'Ox-  ^°''''   ~^^' 
ford ,  qui  vient  d'absoudre  ceux  que  Thomas  avait  excom- 
muniés ;  et  finit  par  souhaiter  au  pape  de  la  santé  et  de  la 
yigneuv  :  Faleat  et  vigeat  sanctitas  vestra. 

XVII.    Etienne,  abl>e'  de  Cluni ,  élu  en   1161,  après  la 
déposition  de  Hugues  Trasan ,  gouverna  douze  ans  ce  mo-    Ci-dess.n 
nastère.  Il  abdiqua  la  dignité  d'al)bé  en  iiy3,  et  mourut  en      ^P"**  ^^ 
cette  même  année,  selon  un  chronique  de  Nevers,  ou  bien  |^"n''*p.  eg""' 
au  mois  d'août  11 7.4,  selon  Robert  du  Mont.  On  a  publié  669,670. 
une  charte  d'Etienne,  et  dix  lettres  adressées  par  lui  au  roi       ^'^'-   *^!""- 
Louis  Vil,  à  l'archevêque  de  Reims,  aux  religieux  de  Moissac  î^lMa^rtÀmpL 


VI. 

Mart. 


582  AUTEURS  DE  LETTRES. 

XII  SIECLE,  et  à  leur  abbe.  Les  lettres  au  roi  sont  au  nombre  de  sept,  et 
Coll.  t.  VI ,  p.  toutes  relatives  aux  intérêts  particuliers  des  moines  de  Cluni. 
1187.  Il  est  question,  dans  la  première  et  dans   la  sixième,  des 

Rob.deM. ad  rjipjjiej  militaires  exercées  sur  leur  territoire.  La  seconde 

an. 1 174,0.793.        Il-    •  i  ■{•  1     AT  1     1    .    ■ 

Duciiesne ,  sollicite  uoc  cleiense  au  comte  de  INevers  de  batir  aux  portes 
not.  adBibi.ci.  de  l'église  delà  Charité,  ainsi  qu'il  a  commencé  de  le  foire, 
p.  103,  J06.  Dans  la  quatrième  ,  l'éelise  de  Cluni  est  vivement  recom- 
Scr.  Rer.  Gaii.  mandée  a  la  bienveillance  du  monarque.  La  cmqmeme  ex- 
t.  IV,  p.  665,  cuse  levêque  de  Màcon ,  que  sa  pauvreté  et  les  besoins  de 
^''o'  ^l^'  ^"'  '  son  diocèse  ont  empêché  de  se  rendre  auprès  du  roi.  La  troi- 

073,     boi,    7jO.  .V  I  •^  '  I  1       'il  1  • 

sieme  et  la  septième  ne  sont  que  des  billets  de  cinq  ou  six 
lignes ,  qui  annoncent  des  messagers  chargés  d'exposer  de 
vive  voix  les  demandes  d'Etienne.  La  lettre  de  cet  abbé  à 
Mart.  Ampl.  Henri  de  France,  archevêque  de  Reims,  contient  des  offres 
Coll.  t.  II,  p.  jig  service  auprès  de  la  cour  de  Rome,  où  l'on  allait  juger 
'     '  un  procès  entre  ce  prélat  et  ses  chanoines.  L'épître  aux  reli- 

Mart.  Thés,  gieux  de  Moissac  leur  annonce  R.  de  Roche-Blanche,  R.  de 
^Pf^^;!'  ^'P*  -ylità  Rupe ,  rpi'Etienne  leur  envoie  pour  être  leur  abbé;  et, 
*  '  ■*  ^'  comme  le  très^modeste  Roche-Blanche  craignait  d'accepter 

ibicl.  cette  dignité,  Etienne  lui  écrit  aussi  pour  lui  remontrer  cjue 

cette  honorable  répugnance  ne  doit  pourtant  pas  être  invin- 
cible. 

XVIIL  JossE  {Jodocus ,  Joscius,  Gociiis ,  Josselin  ,  Jothon, 

Mnan  ;  Eccles.  Gothou  ) ,  aivlievéque  de   Tours.  Il  était  né  en  Bretagne ,  et 

Tmonens.Aiig.  avait  été,  durant  près  de  six  ans,  évêque  de  Saint-Brieux, 

in"foi"  P 'l   p'  lo'squil  fut  fait  en   iiSy  archevêque  de  Tours.  Il  mourut 

119-123.  '       vers  II 73  ou  1174-  Alexandre  III  lui  a  écrit  trois  lettres, 

dont  deux  sont  en  même  temps  adressées  à  d'autres  prélats 

français.  Josse  fut  chargé  avec  l'évêque  d'Autun  d'examiner 

la  sentence  d'excommunication  prononcée  par  l'archevêque 

76/c/.  p.  221.    de  Reims  contre  le  comte  Henri.  Une  chaite  de  Josse  et  six 

Diichesne ,  lettres  de  lui  au  roi  Louis-le-Jeune ,  ne  concernent  cpie  des 

Srr.  Rer.  Oaii.  affaires  particulières  :  une  rébellion  des  chanoines  de  Saint- 

t.iv,p.  640-  Martin ,  d'autres   entreprises  contre  les  droits  archiépisco- 

642,  680.  '  ,.  r  ,         .  1      il  '    1- 

paux ,  une  dispute  entre  le  doyen  et  le  trésorier  de  1  église 
de  Tours,  l'élection  d'un  abbé  de  Saint-Julirn,  la  co.-.?_2îicc 
excessive  que  Louis  accorde  aux  moines  :  «  A  Dieu  ne  plaise, 
dit  Josse,  que  la  sagesse  royale  soit  plus  long-temps  séduite 
par  de  tels  personnages.  »  Ahsit ,  quœsumus^  quod per  taies 
personas  regia  discvetio  ampUiis  seducatuv. 
„  ,,   p,  •  XIX.  Pierre  de  Pise  tenait  ce  surnom  du  lieu  de  sa  nais- 

m)v.^.xiv,'p'  sance.  Cet  italien  fut  en  France  un  agent  d'Alexandre  III, 


AUTEURS  DE  LETTRES.  583 

pontife  pour  lequel  une  partie  du  clergé  français  n'était  pas    ^n  siècle. 
très  bien  disposée.  Pierre  de  Pise ,  après  s'être  pourvu  lui-  ,5.^2  _  u^i^^ 
même  du  doyenné  de  Saint-Aignan  d'Orléans,  se  mit  à  pré-  Anr.  de  s.-Ai- 
parer  les  voies  au  saint  père,  qui  entreprenait  un  voyage  en  S"anil'!)7-9y' 
France.  Alexandre  III  le  récompensa  de  ses  services  :  une 
bulle  de   1163  accorda  des  exemptions  à  l'église  de  Saint- 
Aignan;  et  le  doyen  fut  honorablement  employé  en  plusieurs 
aflaires  alors  importantes.  Mais  nous  n'avons  à  le  considérer 
ici  que  comme  auteur  de  quatre  lettres  imprimées  dans  le 
Recueil  des  historiens  de  France.  La  première  est  adressée      Duchesne,  t. 
en  1 162  au  pape  Alexandre,  pour  l'inviter  à  se  montrer  plus  ^^'  ''•  576, etc. 
sévère  contre  les  évèques  indociles  :  «  Il  est  temps,  dit  Pierre  â^^^  f'^xv 
de  Pise,  que  la  sainte  église  de  Rome  reprenne  ses  forces.  »  p.  780,  781. 
Résumât  itaque   vires  suas  sancta  roinana  ecclesia.  La  se- 
conde est  écrite  à  un  homme  et  à  une  femme,  cjui  ne  sont 
désignés  cjue  par  les  initiales  I  et  T.  C'est  im  simjjle  billet 
de  huit  lignes ,  oii  le  doyen  les  remercie  de  l'argent  qu'ils 
ont  prêté  à  sa  recommandation  :  «  Je  vois,  leur  dit-il,  par 
l'expérience  et  par  les  oeuvres ,  que  vous  m'aimez  véritable- 
ment. »  Le  clerc  auquel  la  troisième  est  adressée  n'est  aussi 
indiqué  c|ue  par  l'initiale  T  :  Pierre  de  Pise  se  plaint  amère- 
ment des  obstacles  qui  troublent  sa  correspondance  avec  ce 
clerc  :  «  Sur  mille  lettres,  lui  dit-il ,  vous  n  en  recevez  qu'une 
seule.  »  On  voit ,  par  ce  passage ,  combien  d'épîtres  de  Pierre 
de  Pise  nous  avons  à  regretter.  La  quatrième  et  dernière  de 
celles  qui  sont  arrivées  jusqu'à  nous  est  écrite  à  Hugues, 
évéque  de  Soissons.  Le  doyen  de  Saint-Aignan  s'y  plaint  d'un 
clerc  nommé  Philippe,  attaché  au  secrétariat  du  roi ,  et  qui 
n'accepte  aucun  des  l'endez-vous  qu'on  lui  propose  ,  sous 
prétexte  de  la  multitude  des  affaires  qui  l'occupent,  et  qui 
ne  lui  permettent  pas  même  de  prévoir  en  quels  momens  il 
sera  libre.  Pierre  de  Pise  mourut  en  11 76;  ou  le  présume 
ainsi,  parce  qu'à  partir  de  cette  année,  il  n'est  plus  question      Hubert  Ant 
de  lui  dans  les  actes  de  Saint-Aignan.  On  a  cependant  sup-  de  s.-Aignan, 
posé  quelquefois  qu'il  avait  vécu  jusqu'en  1 1^8.  Voyez,  dans  !'■  ^°''- 
le  quinzième  volume  du  Recueil  des  historiens  de  France,    P'9^*'9^^- 
deux  lettres   d'Alexandre  III,  adressées  à  Pierre  de  Pise  et 
au  chapitre  de  Saint-Aignan,  l'une  en  ii63j  l'autre  au  mois 
de  mai  1176.  D. 


Xn  SIF.CLE. 


I  »x*v**v».*.».*.*v^-».*^^»/»^v^^  v****^w^*'t^v***.^'»*.*'fcV'*^v^^*^»,^»^w«,*,^w**,*,^v^^».'%^^^%^^^vv-fc 


AUTEURS  D'OPUSCULES. 


ii5 


o  —  1 1^5 


i>lous  réunissons  sous  ce  titre  dix-huit  auteurs  qui  sont 
morts  entre  les  années  ii5o  et  1170,  et  qui  ont  laissé  des 
écrits  peu  connus  sur  divers  sujets. 
Not.  manusc.  j  Arnoul,  prieur  de  Saint -Thoma s  d' A mboise,  réài^eo. 
Chazai  Bénéd  ^^^^  ^  '^i  mi  traité  du  comput  ecclésiastique,  pour  servir  de 
préliminaire  à  un  Martyrologe  copié  de  sa  main.  Ce  traité 
renfermait  des  tables  pour  trouver  le  jour  de  Pâques  par  les 
épactes  ;  les  fériés  et  les  quantièmes  de  la  lune  par  les  con- 
currens.  Suivaient  le  Cycle  apporté,  dit-on,  par  un  ange  à 
saint  Pacôme  ;  et  un  tableau  des  indictions,  épactes,  cycles, 
et  concurrens  pour  cent  cjuarante-trois  années ,  depuis  1140 
jusqu'en  ia83.  L'auteur  expliquait  ensuite  fort  en  détail  les 
règles  générales  du  comput.  On  conservait  ce  manuscrit  à 
Pont-le-Roi ,  avec  un  autre  volume ,  écrit  aussi  de  la  main 
d' Arnoul ,  et  contenant  les  capitules  et  les  collectes  qui  en- 
traient dans  l'office  divin  durant  le  cours  de  l'année. 

II.    Chrétien,  moine  de  V Awnone ,   vers  le  milieu   du 

XIF  siècle.  Le  monastère  des  Blancs-Manteaux  possédait  un 

manuscrit  latin  contenant  les  visions  de  Chrétien ,  religieux 

DeEleemosjTià.  de  l'abbay  e  de  l'Aumône  ,  au  diocèse  de  Chartres;  production 

dénuée  de  toute  espèce  d  intérêt ,  si  nous  en  jugeons  par  ce 

T.  VII,  p.  197.  qui  en  est  rapporté  dans  la  bibliothèque  des  pères  de  Clteaux. 

Ad   caicem  Ce  Chrétien  est-il  le  même  que  celui  dont  le  nom  se  ren- 

missahs    Cist.  (^onti-g  daus  Ic  cataloguc  des  bienheureux  du  même  ordre.-* 

Miraei    chron.  Ce  u'cst  poiut ,  parmi  Ics  qucstions  oiseuses,  la  plus  facile  à 

Cist.  p.  320.      résoudre.  Henriquez  distingue  deux  Chrétiens,  tous  deux 

Henriquez ,  i^^QJi^çg    jg  l'Aumoue  ,  l'uu   simple   frère   convers ,   l'autre 

27Ti>iet2odcc.  prêtre,  abbé  de  Toronet ,  et  depuis  évêque  de  Toulouse. 

—  Caiei.  H.  du  Mais  le  nom  de  Chrétien  ne  se  rencontre  ni  dans  la  liste  des 

Lang.— .imigei.  gvêques  de  Toulouse,  rédigée  par  Chenu,  ni  dans  celle  des 

p"'Tg.-J]vianr!  abbés  du  Toronet,  publiée  dans  la  nouvelle  France  Chré- 

Ann.   Cist.  ad  tienne.  Nous  nous  borneions  à  dire,  d'après  Hélinand,  que 

an.  ii2i>  c.  J,  l'auteur  de  ces  visions  naquit  dans  le  Maine,  qu'il  fut  moine 

n.     D  :    ad   an.     .       .,  .  a  ,.,     ,      f  •        \      -h  i  i 

ii36,c.  q,n.3.  de  1  Aimione ,  et  c|uil  était  contemporani  de  Ke}nald,  cpia- 
G.riir.i,49o.  trième  abbé  de  Citeaux,  moit  en  ii5i. 

Ad  an.  1162,  » 


AUTEURS  D'OPUSCULES.  585 

III.  GviREKT ,  moine  de  Foigny ,  est  cité  comme  auteur  xil  SIECLE, 
d'un  traité  sur  le  sens  moral  de  la  Genèse.  Ce  commentaire  Ribi.  cisterc.  i 
qui  n'a  jamais  vu  le  jour,  et  qui,  selon  toute  apparence,  ne  vu, p.  197. 
subsistait  en  manuscrit  qu'à  Foii»ny  même,  était  dédié  à  ^'^^^'  Christ 
Bartliélemi ,  qui  avait  fondé  cette  abbaye  en  110.1.  Bartlié-  6°8'  620.  ' '' 
lemi  était  évêque  de  Laon,  et  renonça  vers  ii5o  à  cette 
dignité,  poiu"  se   retirer  à  Foigny,  où  il  vivait  encore  en 

iiSy.  C'est  peut-être  entre  ces  deux  époques  qu'il  a  reçu  la 
dédicace  du  tiaité  de  Guibert,  traité  dont  il  n'est  fait  aucune 
mention  ni  dans  la  bibliothèque  sacrée  du  père  Le  Long,  ni 
dans  la  bibliothèque  cistercienne  de  dom  de  Visch. 

IV.  Jean  l'Espagnol,  natif  d'AImanceps  ou  Almantois  en 
Espagne,  vint  jeune  encore  étudier  dans  la  ville  d'Arles.  Les 
progrès  qu'il  y  fit  dans  les  sciences  divines  et  humaines  lui 
valurent  la  bienveillance  d'un  citoyen  i-iche,  qui  songeait  à 
l'adopter  pour  fils.  Mais  Jean  aima  mieux  se  consacrer  à  la 
vie  cénobitique  :  il  fut  le  premier  prieur  de  la  chartreuse  du 
Repos.  Ce  qui  nous  autorise  à  parler  de  lui ,  c'est  qu'il  a  ré- 

digé  les  statuts  des  religieuses  de  Pré-Baïon.  Du  reste,  on  .,  ,/3'_i/g._l 
trouvera,  dans  le  recueil  des  Bollandistes,  le  tableau  de  ses  v. aussi Morot. 
vertus  et  le  récit  de  ses  miracles.  Il  mourut  le  26  juin  1160.  Theair.  ordm. 

V.  KoG¥.K.,  premier  abbé  d'Elan,  mort  en  1 160,  et  l'auteur    Manrlqlàdan. 
anonyme  de  sa  vie.  Parmi  les  auteurs  qui  ont  écrit  l'histoire  1148,  c  16,  n. 
de  sainte  Ursule  et  de3  onze  mille  Vierges,  Baronius  compte  Setseqq.  1160, 
Roger  de  Cîteaux,  Cfu'on  croit  le  même  que  le  bienheureux     Martyr.  Rom. 
Roger,  premier  abbé  du  monastère  d'Elan,  au  diocèse  de  aioct.-Molan. 
Reims.  C'est  probablement  à  lui  qu'est  adressé  le  septième  addif^mai  oct. 
traité  ascétique  de  Gislebert  de  Hoyland ,  inséré  par  D.  Ma-  ^t.  criLn.  3. 
billon ,  dans  son^  édition  des  œuvres  de  saint  Bernard.  Le    T.  il,  p.  181. 
premier  abbé  d  Elan  tut  fameux  par  son  savoir ,  par  ses  ver- 
tas  et  sur-tout  par  ses  miracles.  Sa  vie,  composée  par  un 
anonyme  du  XIP  siècle,  se  trouve  dans  la  collection  des  Bol- 
landistes; et  nous  y  apprenons  que  Roger,  né  en  Angleterre,  /,januar.p.  182. 
mourut  à  Elan  en  iiôo.  Son  nom  est  inscrit  au  catalogue 

des  saints  et  bienheureux  de  l'ordre  de  Cîteaux.  MiiaeiChron. 

Nous  ne  reviendrons  point  sur  l'anonyme  qui  a  écrit  la  S'^^'^,/    ;~ 
Vie  de  Koger  ;  il  était  son  contemporain  et  religieux  de  son  4  jan. 
abbaye.  Cette  légende  ne  nous  éclaire  point  sur  la  question 
de  savoir  si  Roger  d'Elan  est  le  même  personnage  que  Roger 
de  Citeaux  :  nom  sous  lequel  on  a  publié ,  outre  l'histoire 
de  sainte  Ursule  et  des  onze  mille  Vierges,  un  éloge  de 

Tome  XI H.  Eeee 


586  AUTEURS  D'OPUSCULES. 

XII  SIECLE.   INIarie,  mère  de  Jésus,  et  les  révélations  de  sainte  Elizabeth 

In  Jac.  Fabri  ^^  Sclionauge ,  qui  n'est  morte  qu'en  i  i6o. 
libroîviroium  VI.  RiCHARD  ,  moine  de  Graiulselve ,  au  diocèse  de  Tou- 
et  3  >iiginuin  lo^ge ,  composa ,  vers  l'an  n6o,  quatre-vingt-treize  vers  en 
''r'T^Vrh'X'  l'honneur  de  l'abbaye  de  Clairvaux.  On  les  trouve  à  la  suite 
Bibi.  med.  et  des  œuvres  de  saint  Bernard ,  dans  1  édition  donnée  a  Pans 
inf.  latin,  t.  V,  gj-j  j  536  ^  in-folio  :  ils  ne  sont  ni  dans  les  éditions  publiées 
l'àAn-l".  "^'  en  la  même  ville  en  ibGi  et  i586,  ni  d;ins  celle  de  l'impri- 
De  visch  ,  merie  royale  en  i64o,  ni  enfin  dans  celle  que  l'on  doit  à 
Bibi.cistcrc. p.  Mabillon.  Ces  vers,  presque  tous  léonins,  riment  d'ailleurs 
^  ^'  fort  souvent  deux  à  deux.  En  voici  quelques-uns,  précédés 

du  titre  sous  lequel  on  les  a  imprimés  : 

Richardi  nionachi  de  Grandi  sdvd  dicecesis  Tholosanœ , 
07'dinis  Cùterciensis  ^  cannen  delaude  Clarevallis ,  et  de 
religiosd  ibidem  disciplina. 

Gaudia  qui  nmndi  -vis  spernere  vana  rotundi, 

Et  contemplari  Christi  jubar  et  médit ari, 

Tune  locus  aptior,  ad  bona promptior ,  est  adeundiis 

Oueni  ditat  bonitas ,  pietas ,  bona  prcedia  ,  fundus.. .. 

Vallis  devota ,  vallis  pia ,  congrua  tota , 

Vallis  nobilis  atque  probabilis  ac  popnlosa 

Spiritualibiis  aptaque  fratrihus  ac  speciosa.,,. 

O  vallis  clara  divini  numinis  ara,.,. 

Clara  vale  7>allis ,  plus  claris  clara  metallis , 

Tu  nisi  me  fallis  ,  es  rectus  ad  œthera  callis. 

VII.  CoTiSTANTiN  ,,  prieur  d'He'ni'al .,  au  diocèse  de  Tours, 

a  rédigé  pour  sa  communauté  des  statuts  fort  austères.  On 

les  peut  lire  dans  le  tome  premier  des  Monumens  de  l'anti- 

Sacr.  Antiq.  quité  sacrée ,  publiés  par  Hugo  ,  al^bé  d'Estival ,  et  parmi  les 

Monum.  t.  I ,  pj^euvcs  de  l'Histoire   de  Lorraine  de  D.  Calmet.  Ce  fut  à 

''h.  deLorr.  î'instigation  de  Lambert,    abbé   de    Citeaux,    depuis   ii55 

t.  I,  p.   lîoS  jusqu'en  1161  ,  que  Constantin  écrivit,  dans  l'une  de  ces  six 

-i2io;  t.  H,  années,  les  statuts  d'Hérival.  Ce   Constantin  est  peut-être 

t*.  ii!rVi""p'  celui  auquel  sont  adressées  trois  lettres  de  Hugues  de  Metel, 

publiées  aussi  par  l'abbé  d'Estival ,  Hugo ,  et  dont  la  première 


CXXI. 


N.  ai-53.      porte  pour  inscription  :  Constantino  pntdcntiœ  domestico , 

Sacr.    Anliq.    '  .„»        .        ,.    ,      '        ,  ^.  ^      ?••      •  / 

Monum.  t.  II     versijican  ,  dictare ,  nonestisque  studiis  insuaave. 
p.  /,o3.  '       VIII.  Henri  ,  ahhé  de  Dilighem.  Walthême  ou  Galthême, 

abbé  des  chanoines  réguliers  de  Dilighem,  près  de  Bruxelles, 


AUTEURS  D'OPUSCULES.  587 

résolut  d'établir  dans  cette  communauté  l'institut  de  Pré-    ^^^  SIECLE. 

montré.  En  conséquence,  il  lit  venir  en  1 1/40  quatre  religieux 

de  Dronghen  (  Trunchiniuin  )  pour  l'instruire  plus  à  fond  des 

règles  et  des  usages  de  cet  ordre.  L'un  d'entre  eux ,  nommé 

Henri ,   devint   en    1 1 5o  abbé  de    Dilighem ,  et  mourut  le 

16  mai  II 62,  après  avoir  composé  en  11 58  une  histoire  de     ^'^^^-  ctnst. 

l'ordre  de  Prémontré,  et  particulièrement  de  cette  abbave  °°"*'- '•  ^'' r- 8^- 

de  Dilighem,  ouvrage  perdu  depuis  tort  long-temps.  Piîem.p. i,t.i, 

IX.  Guillaume,  chanoine  de  Grenoble.  Marguerite,  fille  Chorier,  H. 
d'Etienne,  comte  de  Bourgogne,  épousa  Guy  IV,  dauphin,  jj*"  ^'^03*n  a 
comte  d'Albon,  et  mourut  le  8  février  iiG3.  Fort  peu  de  —  Mém.'  pom 
temps  après  sa  mort,  et,  selon  toute  apparence,  dès  la  même  *<^''^''''  ^  ^"Aisi. 
année,  la  vie  de  cette  princesse  fut  écrite  en  latin  par  un  i ", f*^ p^ 's^et 
chanoine  de  Grenoble  nommé  Guillaume,  et  adressée  par  397.  — .lusiei, 
lui  à  des  religieuses  de  la  même  ville.  C'est  mal-à-propos  et  H- de  la  maison 
sans  aucun  motif  que  l'année  i3io  est  indiquée  par  le  P.  Le  33^p7v^"*^'  ^ 
Long  com-me  la  date  de  la  rédaction  de  cet  opuscule.  La  vie  Bibiioth.  des 
de  Marguerite  occupe  treize  pages  dans  l'une  des  collections  Histor.  de  Fr. 
de  Martène  :  elle  avait  été  publiée  dès  iG43  par  Eoissieu,  et  l\.  ^^  ^'g  ^' 
il  en  avait  paru  une  traduction  française  en  1G70.  Marguerite  4748. 

se  distingua  par  sa  piété;  et  ce  qui  la  concerne  dans  l'écrit  Thes.Monum. 
de  Guillaume  est  plus  édifiant  qu'instructif:  mais  l'auteur  y  \^j]''^'  "°'~ 
a  mêlé  quelques  détails  accessoires  ,  qui  ont  contribué  à  jeter  viia  Margar. 
de  la  lumière  sur  l'histoire  de  la  première  famille  des  dau-  comitissae  Aib. 

1  •  I      Tf       „     ■  à  Guill.  canon. 

phins  de  Viennois  .      ,  .  ,  Gralianopoli    , 

X.  KiLiNDE,  Rilende  ou  Rehnae  avait  gouverné  durant  Bureau,  1643, 
quelques  années  un  couvent  de  Berg,  lorsque  Frédéric  in-4*- 
Barberousse  la  fit  abbesse  de  Hohenbourg,  ou  du  n^ont  ^^^^j'y  „ '83^' 
Sainte-Odile,  au  diocèse  de  Strasbourg.  Frédéric  n'était  pas  —  Hugo,  Ann. 
encore  empereur,  mais  seulement  duc  de  Suabe  et  d'Alzace;  ^^-  P-  ^'  '•  ^ï' 
c'est  dans  cette  dernière  province  Cjuc  Hohenbourg  est  situé  ;  ^Mabi'/l  Act 
et  les  desordres  des  religieuses  étaient  devenus  si  graves,  que  Sanctor. ord.s. 
le  duc  se  crut  obligé  d'y  apporter  remède.  Ce  fut  dans  cette  J^*""-  '•  ^^'  P- 
vue  qu'il  y  appela  vers  ii4o  Relinde,  dont  les  vertus  et  les  ub!xLviii'^n. 
taleiis  avaient  attiré  les  regards  et  l'estime  du  public.  Elle  fut  43. 

en  quelque  sorte  la  deuxième  fondatrice  de  cette  abbaye. 
Aidée  des  conseils  de  Borcard  évêque  de  Strasbourg,  elle  eut 
le  bonheur  de  rebâtir  ce  qu'on  avait  démoli,  de  recouvrer 
les  biens  dissipés,  de  réformer  les  mœurs  corrompues ,  de 
rétabhr  enfin  la  discipline  canonique,  et  la  règle  de  saint 
Augustin  dans  une  communauté  flétrie  par  les  vices  du 
siècle ,  et  par  ceux  du  cloître.  Il  lui  fallut  fort  peu  d'années 

Eeeea 


588  AUTEURS  D'OPUSCULES. 

xil  SIECLE,  pour  transformer  un  si  scandaleux  monastère  en  une  sainte 
retraite,  ou  trente- trois  vestales  l'édifiaient  elle-même  en 
l'imitant.  Relinde  leur  inspira  sur-tout  le  goût  de  l'étude,  et 
leur  enseigna  la  langue  latine  avec  tant  de  succès,  que  leur 
érudition  était  admirée  de  tout  le  voisinage.  Mais  les  vers 
latins  de  labbesse  étaient  encore  une  plus  grande  merveille, 
ainsi  qu'on  peut  s  en  convaincre  par  ceux  que  Bruschius  a 
Centur.  I ,  insérés  dans  son  histoire  des  monastères  d'Allemagne.  Voici 
9'"  par  exemple  un  quatrain  qu'elle  adressait  à   ses  sœurs  en 

Jésus-Christ ,  en  faisant  parler  Jésus-Christ  lui-même. 

Ad  Sorores  Hoemhurgenses,  in  personâ  Christi  tetrastichon 
hexametrum  et  eruditissimwn. 

Vos  qiias  incluait ,  frangit ,  gravât^  attrahit ,  urit ., 
Hic  carcer  mœstus  ^  labor  ,  exilium ,    dolor ,   œstus, 
Me       lucem.  ,       requiem ,  patriatn ,  medicamen  et  uinhram 
Quœrite  ,  sperate  ,   scitote  ,    tenete  ,   vocate. 

Pour  bien  apprécier  ces  quatre  vers,  il  ne  faut  pas  man- 
quer d'observer  la  correspondance  qui  règne  entre  les  mots 
qui  les  composent.  Vos  quas  incluait  carcer ,  me  lucem 
quœrite,  vos  quas  frangit  labor ,  nie  requiem  sperate ,  etc. 
En  voici  d'un  autre  goût. 

O   vie  grex ,    cul  cœlica  lex ,  est  nulla  doli  fex, 
Ipse  Sion  morts ,  ad  patriam  pons  ^  atque  boni  fans  ^ 
Qui  via ,  qui  lux ,  hic  tibi  sit  dux ,  aima  tegat  crux. 
Qui placidus  ras,  qui  stabilis  dos ,  virgineus Jlos , 
llle   regat  te ,  commiserans  me ,  semper  ubique. 

Relinde  mourut  le  22  août,  on   ne   sait  trop  de  quelle 

année;  les  uns  disent    11 65  ou   1 167,  les  autres  font  vivre 

cette  abbesse  jusqu'en  1 180. 

Gall.  Christ.       EUg  fut  remplacée  par  Herrade,  cjui  hérita  de  son  zèle  et 

""![;' u,r^*''*!'  de  ses  talens.  Le  nombre  des  religieuses  du  rnont  Saint-Odile 

—  MahiJl.   Act.  o        1   A    •        1 

ss.  ord.  Ben.  t.  S  étant  fort  accru,  Herrade,  en  1181,  batit  de  ses  propres 

IV.  p.  487.       deniers  au   pied  de   cette  montagne,  à  Truttenhusen,  un 

second  monastèi-e  qui  servit  de  supplément  au  premier.  Le 

Opéra  Pétri  jésuite ,   Jean  Buzee ,  a  eu  à  sa   disposition    un  très-beau 

1667,  p.  600. 


Biesens.s,  edit.  ^j^j^j^^gç^it  de  la  maiii  d'Herrade,  intitulé  Hortus  delicianwi. 


AUTEURS  D'OPUSCULES.  689 

C'était  un  recueil  de  sentences  extraites  de  la  bible  et  des   ^n  SIECLE, 
anciens    docteurs  de   l'église.    Bruschius   en   a    transcrit   la    Cemur.  i  fol. 

F  réface  :  Herrade  y  conseille  aux  saintes  filles  de  son  couvent,  i54-i5G. 
usage  de  ces  fleurs  spirituelles,  dont  elle  a,  comme  une 
diligente  abeille,  compo.sé  de  mielleux  rayons.  Elle  désire 
cjue   ses    compagnes   s'en    nourrissent ,    et    se   souviennent 
d'elle  dans  leurs  prières  :  Quapropter  in  eo  ipso  lihro  oportet 
vos  sedulo  quœvere  pastiun ,  et  meUitis  stiilicidiis  animuni 
rejîcere  lassiun^   ut  sponsi  hlanditiis  semper  occupatœ  ^  et 
spiritualibus  deliciis  sagitiatœ,  transitoria  securè  percurratis  ^ 
et  œterna  ,  felici  jucunditate ,  possideatis ,  ineqiie  per  varias 
maris  Jlnctuwn   seinitas  pericidosè  gradientein ,  fructuosis 
oratioiiihus   vestris ,   à   terrenis  offectibus  niitigatam  ,   unci 
vohiscum  in  amorem  dilecti  vestri  sursiim  trahatis.  Amen. 
Nous  citons  cette  période  pour  donner  une  idée  de  la  prose 
d'Herrade,  et  nous  allons  y  joindre  quelques-uns  de  ses  vers. 
Vingt-quatre  strophes  dithyrambiques,  c'est  ainsi  que  Brus- 
chius les  caractérise,  servent  d'appendice  à  XHortus  delicia- 
rum ,  et  sont  suivies  d'un  quatrain  et  d'un  distique. 

St.  I.     Sah>e  cohors  7>irginuni 
Hohenoburgensium , 
Albens  quasi  lilium^ 
Amans  Dei Jilium. 

St.  10.   Christus  odit  maculas^ 
Rugas  spernit  vetulas , 
Pulchras  -vult  virguncidas, 
Turpes  pellit  fœminas. 

St.   II.  Fide  cum  turtureâ 

Sponsum  istiirn  redama, 
Ut.  tua  formositas 
Fiat  perpes  claritas. 

Quatrain  aux  religieuses  : 


O  niveijlores ,  dantes  uirtutis  adores , 
Semper  divinâ  pausa?ites  in  theoriâ , 
Pulvere  terreno  contempto ,  currite  cœlo , 
Çuo  mine  absconsum  valeatis  cernere  sponsum. 


XII  SIECLE. 


590  AUTEURS  D'OPUSCULES. 

Distique  à  Jésus -Christ  : 

Esta  nostronun  pia  merces ,  Ckriste ,  laborum , 
Nos  electorum  numerans  in  sorte  tuorum. 

Gall.  Christ.       On   croit  qu'Herrade   mourut  vers  1196.  Nous   n'avons 

nov.t.v,p.34o.  pas  cp^i  devoir  la  séparer  de  Relinde,  dont  elle  a  continué 

les  bonnes  œuvres.  Elles  sont  fort  louées,  l'une  et  l'autre, 

Gaii.  Christ,  dans  vine  bulle  du  pape  Luce  II,  donnée  en  1 185  pour  con- 

"°/86  ^  '  ^^^^    firmer  l'établissement  du  monastère  de  Truttenhusen.  Her- 

rade  était  issue  des  comtes  de  Landsperg,  1  une  des  premières 

familles  d'Alzace. 

XI.  Bernard,  qui  mourut  évéque  de  Saintes  en  1167, 
avait  été  auparavant  prieur  des  chanoines  réguliers  de  Sa- 
blonceaux.  Durant  son  épiscopat ,  il  souscrivit  un  grand 
nombre  de  chartes  indiquées,  au  moins  en  partie,  dans  le 

T.  II,  p.  1070.   nouveau  Gallia  Christiana.  Mais  nous  ne  faisons  ici  mention 
de  ce  prélat  qu'à  cause  d'un  opuscule  qui  porte  son  nom, 
Bernardi  Santonensis  episcopi  décréta^  et  qui  se  ti'ouve  com- 
pris dans  le  manuscrit  345z4  (Théologiens  scholastiques)  de 
Catai.desmss.  la  Bibliothèque  Impériale.  C'est  un  très-court  recueil  de  sta- 

1.  III,  p.  .',21.  t^jj-g  s^ij.  la  liturgie  et  sur  l'administration  des  sacremens;  on 
n'y  remarque  rien  qui  ne  se  retrouve  ailleurs ,  avant  et  après 
le  XIF  siècle. 

Il  y  a  eu  un  Bernard  second ,  évèque  de  Saintes ,  depuis 
i363  jusqu'en  i38o.  Mais  l'écriture  des  statuts  manuscrits 
paraissant  antérieure  à  cette  époque,  nous  croyons  devoir 
les  attribuer  à  Bernard  Y^ . 

XII.  Thierry,  religieux  de  l'abbaye  de  i5e/7?e,  près  Heus- 
den ,  au  diocèse  d'Utrecht,  avait  composé  des  homélies  et 
des  histoires.  Ces  productions  ne  sont  imprimées  nulle  part, 
et  l'on  ne  cite  aucune  bibliothèque  qui  les  possède  manus- 
crites. Nous  ne  les  connaissons  que  par  la  mention  qu'en  font 

Bibi.  I3eig.  p.  Valère  André ,  Swert ,  Hugo ,  le  Paige  et  le  Mire.  Ils  nous 
822 ,  823.  représentent  Thierry  comme  un  saint  et  savant  personnage , 

Behi^"'      '    ■  infatigable  écrivain,  élégant  oi'ateur,  historien  distingué: 

Ann.Pr.P.  I,  ludefcssus  scriptor ,  in  concinnandis  homiliis  et prœdicatione 
t.  I,  p.  33 1.  jiQ^i  inelegans  oratoi',  eventuum  sui  tempoiis  enairator  egre- 
•^  r'  /'«    '^',c«'  scius.  Ce  sont  les  termes  de  Hugo,  nui  nous  fait  un  récit 

jo:j,4S7,  4b8.  h       .  1      mi  •  /-;     ^    1 

chion.Pi.ad  curieux  de  la  mort  de   Ihierry.  Onulphe,  son  ami  et  son 

an.ii34,p.ioo.  collaborateur  dans  la  direction  des  religieuses  de  Woert , 

était  dangereusement  malade,  quand  Thierry,  qui  l'assistait, 


AUTEURS  D'OPUSCULES.  Ch)i 

se  sentit  atteint  d'une  douleur  svibite ,  et  sur  l'heure  se  vit    X"  siècle. 

réduit  à  recevoir  lui-même   des  soins  pareils  à  ceux  qu'il 

venait    de    rendre.  Ce  tut   alors  que   la  vierge  Marie  visita 

Onulphe,  et  lui  dit  :  «  Mon  cher,  vous  n'allez  pas  mourir  tout 

à  l'heure,  vous  ne  me  i-ejoindrez  que  dans  un  an:  mais, 

pour  votre  ami  Thierry,  il  n'a  que  fort  peu  d'instans  à  vivre.  » 

L'ami  Onulphe  s'empressa  de  communiquer  cette  nouvelle 

à  Thierry ,  l'avertissant  de  se  disposer  bien  vite  à  la  mort  ; 

et  voilà  que  Thierry,  muni  en  grande  hâte  des  sacremens 

de  l'église,  expire  en  effet  à  l'heure  même.  Il  est  écrit  qu'Eve-      Hug. AnnPr. 

rard,  abbé  de  Berne,  mourut  fort  peu  de  temps  après;  or  "*   anuCS. 

Everard   décéda   le   dix-huitième   jour   avant   les   calendes 

d'octobre   1168,  ce  qui  nous   induit  à  placer  la  mort  de      Caii.  christ. 

Thierry  dans  l'un  des  deux  ou  trois  mois  précédens.  L'ab-  ^o^'V,p-423, 

baye  de  Berne,  devenue,  depuis,  celle  de  Bois-le-Duc,  était 

de  l'ordre  des  prémontrés. 

XIII.   Guillaume  d'Andozile.  Deux  évêques  d'Ausch ,  au      Gali.  Christ. 
XIF  siècle,  ont  porté  le  nom  de  Guillaume,  et  se  sont  suivis  "ov.  t.i,  p.984 
de  si  près  qu'on  les  a  long-temps  confondus.  Les  auteurs  de  p.^jG^*''"^'^''' 
la  nouvelle  Gaule  Chrétienne  les  ont  distingués,  en  plaçant, 
entre  l'un   et  l'autre ,  Sanches  de    Fenogreto ,  cpii  cessa   de 
gouverner  cette  église  en  i\/\8.  Son  successeur,  Guillaume 
d'Andozile,  est  celui  dont  nous  avons  à  parler  ici. 

Il  était  petit  fils  d'Atton  Raimond ,  seigneur  de  l'Isle ,  et  il 
descendait,  par  sa  mère,  des  barons  de  Montant.  Mais  ce 
fut  sur-tout  par  sa  piété  et  par  son  savoir  cju'il  fut  illustre. 
Il  a  fondé  en  Gascogne  plusieurs  monastères.  Il  était  légat 
du  saint  siège,  lorsqu'il  présida  en  1 154  un  concile  de  Noga- 
rol.  Sa  mort  doit  être  placée  en  1 170  :  cette  année  du  moins 
est  celle  où  Gérard  de  la  Barthe  fut  élu  pour  lui  succéder. 

Nous  avons  de  Guillaume  d'Andozile  un  décret  qu'il  pu- 
blia vers  ii5o,  en  qualité  de  légat,  et  par  ordre  du  pape,     Baïuz. Not.in 
pour  faire  observer  la  trêve  de  Dieu  dans  l't'tendue  de  sa  ^°"'^-    S^f^erd. 
province  archiépiscopale.  Ce  décret,  adressé  aux  évêques  Maixa'^'îib.  n" 
suffragans,  aux  comtes,  vicomtes  et  barons,  au  clergé  et  au  c.  i/,,n. 4. 
peuple,  ordonne,  de  la  part  de  Dieu,  du  pape  et  de  l'ar-      DeMarca,H. 
chevêque  ,  d'observer,  sous  peine   d'excommunication,  la  deBcarn.hv.v, 
paix  de  Dieu,  depuis  le  mercredi  après  le  soleil  couché  jus-  p.  395 Is^'^.  ' 
qu'au  lundi  après  le  soleil  levé,  et  de  plus  durant  les  semaines 
entières  comprises  entre  le  premier  dimanche  de  l'avent  et 
l'octave  de  l'épiphanie,  aussi  bien  qu'entre  la  septuagésime 
et  l'octave  de  Pâques.  On  peut  lire  ,  dans  la  collection  des 


592  AUTEURS  D'OPUSCULES. 

XII  SIECLE,  conciles  du  P.  Hardouin,  une  lettre  de  Guillaume  d'Andozile 
■  sui"  le  même  sujet;  elle  rend  compte  de  ce  c|ui  a  été  statué  à 
cet  égard  dans  le  concile  tenu  à  Rome  par  le  pape  Paschal  II. 
Il  se  pourrait  que  cette  lettre  fût  du  premier  Guillaume 
d'Andozile.  Quoiqu'il  en  soit,  la  trêve  de  Dieu  fut,  dans  le 
cours  du  XIF  siècle  et  du  précédent,  un  assez  faible  obstacle 
aux  guerres  particulières  que  les  seigneurs  se  faisaient  entre 
eux,  et  qui  désolaient  perpétuellement  les  provinces. 

XIV.    Pierre   de  Relmont  ,    qui   gouvernait  l'abbaye   de 

Saint-Chaffre,  au  diocèse  du  Puy,  en  1 166,  a  composé  une 

chronic|ue  de  ce  monastère.  Voilà  tout  ce  que  le  nouveau 

T.  Il, p.  767-    Gallia  Christiana  nous  apprend  de  cet  écrivain,  qui  n'était 

plus  abbé  en  1 172,  et  dont  l'ouvrage  n'a  point  vu  le  jour. 

De  visch  ,       XV.  Hajio\  OU  Ajmon ,  né  en  Rretagne,  moine  de  Savi- 

Èibi.cist.p.  12.  gni  en  Normandie,  mourut  en  117^  ou  ii74i  laissant  un 

Bibiioth  mss.       _^j^jj nombre d'éciits  édifians,  crue  l'on  n'a  jamais  impi^més, 

t.  ii,p.  ii,i-  n  ^  '   ,•     '    1         ^    I  1  ■  V 

1343.  dont  on  a  même  néglige  de  rendre  compte,  mais  que  Ion 


9  et  seqq. ;  ad  loguc  dcs  maiiuscrits  de  ce  monastère;  c'est  un  commentaire 
n^i-s'^ad  an'  ^^"'  \^^^&  ■  Expositio  Haymouis  in.  fsaiam.  Au  surplus  Hay- 
"17/,,  c.'^V,""'  "ion  fut  de  son  temps  plus  renommé  par  ses  vertus  que  par 
II,  12.  ses  livres  ;  il  est  révélée  parmi  les  saints  de  son  ordre.  Les  An- 

Heniiq.  ad       j  g  ç^  jg  Ménologe  de  Cîteaux  nous  offrent  sur  ses  bonnes 

diem  3o  apr. —  P.  •         i  i     ^   <  i 

Menaid,iib.ii,  œuvrcs  ,  sur  ses  Visions,  sur  ses  miracles,  de  très-nombreux 
Obs. inMariyi.  et  très-précicux  détails  que  nous  sommes  forcés  d'omettre 
^"^"rrVfl'  ^^d  ^"1  comme  tout-à-fait  étrangers  à  l'histoire  de  la  littérature. 
ïïiusiri  Génère  XVI.  PiERRE  DE  Rarry  ,  élu  abbé  de  Saiut-Martial  de 
Bern.  p.  Si.—  Limogcs  cu  1 1 6o ,  ct  clécédé  le  12  octobre  ii74i  avait  écrit 
Rob.  de  M.  ad  ^^^  Hvres  d'iiistoirc ,  libros  iiisisnium  historiarwn.  Ces  livres 

anii.    ii74i    '"  •  •^  ' 't    •       ,.  ^     >,. 

app.  op.  Guib.  ne  sont  pas  venus  jusqua  nous  :  ce  n  étaient  peut-être  que 
p.  795.— Mart.  tle  purs  extraits  des  chroniques  qu'il  avait  lues. 

Thés.  Anecd.  t.  XVII.  GUILLAUME  DE  CHERBOURG.  RalœUS  dit  qUC  GuillaUmC 

'Gall.^c'biL.  de  Cherbourg,  homme  habile  en  vers  et  en  prose,  a  composé 
nov.  t.  II,  p.  un  poème  virulent  contre  l'Angleterre,  un  livre  sur  la  mort 
M  h' \^'' lïT  *^^  Thomas  (Recket),et  plusieurs  autres  écrits.  Possevin 
Lxxvii",  II!  parle  aussi  d'une  pieuse  satire  de  Guillaume  de  Cherbourg 
i47;Ub.LXXX,  contre  les  meurtriers  de  saint  Recket.  Il  ne  paraît  pas  qu'on 
°^e^nd'  ^0'/'"  puisse  confondre  cet  auteur  avec  Guillaume  de  Cantorbéry, 
"Tabbe^ibî!  l'un  des  historiens  de  la  vie,  du  martyre  et  des  miracles  du 
mss.  t.  11 ,  p.  même  saint. 

Sog. 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       5g3 
XVIII.    HÉLrE  DE  RuFFEC ,  religieux  de  Saint- Martial  à    Xll  SIECLE. 
Limoges,  chapelain  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  a  continué       Apud  Coni. 
la  notice  chronologique  des  abbés  de  ce  monastère ,  com-  Magdeb.   cent. 
mencée  par   Adémar   de    Chabannois.    Adémar  finissait  en  X'ii<^- '».  P- 

fT^/,.      ^     .  /  1  y-^i  ..         .         .  1707.  — Oesii*r, 

I02f),  rleue  finit  en   i  iy4  P^i'  ces  paroles  :  Ubiit  vigesunus  p.  301,  col.  2. 

secundus  abhas  Petrus  IV  id.  septemhris ,  anno  ah  incarna- 

tione  doinitii  1 174  •'  in  (]iio  anno  sedata  est  tempestas  inter 

Henricum prohissivwni  regem  Angliœ  et  filios  suos ,  quœ ferè 

per  duos  annos  dwm'erat.  Heiias  de  Rufiaco ,   capellanus 

suus^^arum  reruni  scriptor,  quem  de  suo  heneplacito  hujus 

ecclesiœ  monachum  fecit.  Ruftéc,  en  latin  Rufiacum ,'  est.  un 

bourg  de  l'Angoumois  sur  la  Charente,  à  six  lieues  d'Angou- 

lême.  Le  P.  Labbe  a  inséré  cet  opuscule  d'Hélie  de  Ruffee  dans      Labbe,  Bibi. 

le  tome  second  de  sa  nouvelle  Bibliothèque  des  manuscrits.  Il  t.i,p.7oo,7or. 

se  pourrait  que  le  même  Hélie  lut  l'auteur  d'un  poëme  latin  ^^^  ^^  '^l' àéc 

3ue  Ducange  avait  trouvé  parmi  les  manuscrits  de  l'abbaye  crit.  n.  i. 
e  Saint-Germain  ,  et  qu'il  indique  sous  ce  titre  :  Lias  mena-       Fabric.  Bi- 
chi  libellus  saeerdotis  heroico  sed  rudi  carminé  comvositus  in  ■  1?,'  V'°!  '-.-.V' 

r>-,  I-      1      c  ^  •  1    /•')  /  ini.  latin,  t.  III, 

Biuhoth.  Sau-Gerniana  cod.  bil^.  D.         p.  198. 

P.  273. 

Duc.  Ind.  Auct. 


AUTEURS    ANONYMES 

DE  VIES  DE  SAINTS,  COMPOSÉES  VERS 
L'AN  ii5o,  OU  DANS  LE  COURS  DES 
VINGT-CINQ    ANNÉES    SUIVANTES. 


I.  Actes  de  saint  Antonin  de  Pamiers.  Une  abbaye  de 
Saint- Antonin  subsistait  en  Rouergne  depuis  le  IX*'  siècle, 
et  divers  auteurs  ont  parlé  d'un  saint  Antonin  martyrisé 
dans  les  Gaules ,  on  ne  sait  en  quel  lieu ,  ni  en  quel  temps , 
ni  de  quelle  manière.  Mais  qu'un  saint  Antonin  de  Pamiers, 
fils  de  roi,  roi  lui-même  et  prêtre,  ait  souffert  le  martyre 
au  V*'  siècle,  et  qu'au  IX "^  ses  reliques  aient  été  transférées, 
c'est  une  fable  dont  Tillemont,  De  Marca  et  les  conti- 
nuateurs de  BoUandus  ont  prouvé  l'absurdité.  Il  a  plu  aux        Tillemont, 

_  viTt  -i^crr  Mcm.surl'Hist. 

Tome  Xlll.  Ffff 


594       AIJT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

xn  SIECLE,    légendaires  du  XIP  siècle  de  transporter  à  Pamicrs  le  saint 

eccies.i.iy,art.  Antonin  d'Apamée  :  la  ressemblance  ou  même  l'identité  du 

sdeS. Denyset  nom  dc  CCS  cleux  villes  a  favorisé   cette  en^eur.  C'était,  à 

note  XV.—  De  Pamiers,  inie  ancienne  tradition ,  (lue  Roger,  comte  de  Foix, 

Marca,Hist.  de    <  ^  ,     ,  .,  .^    i ,  ^.    ^  '    v» 

Béarn,iiv.viii,  ^  ^ou  rctour  de  la  première  croisade,  avait  rapporte  dApa- 

c.  8,  p.  908.—  mée  les  reliques  d'un  martyr  ou  de  plusieurs  martyrs,  et  les 

Boiland.  2  sept,  avait  déposées  dans  Téi^rlise  de  Saint-Fredelas.  On  aioute  qu'à 
p.  3/,o.  ,,  .1,  ,.''  ,  ,,J  1 

1  occasion  de  ces  reliques ,  et  pour  leur  rendre  nommage , 

Roger  donna  le  nom  d'^patm'a  au  château  qu'il  bâtit  près 

de  cette  église,  et  auteur  duquel  s'éleva  depuis  la  ville  dc 

Pamiers.  Cette  dernière  ville  est  inconnue  clans  les  Gaules 

IL  de  Lang.  avant-le  Xir  siècle;  et  son  nom,  suivant  dom  Vaissette, 

l.I,  p.  61  et  622.  >.  1  .V  n   .  T  1  '  I    •  J 

'  parait  pour  la   première  tois  en   iiii.  J^es  légendaires  du 

saint  Antonin  de  Pamiers  n'ont  fait  cju'ajouter  quelques  cir- 
constances et  quelques  anachronismcs  à  ce  qu'on  avait  écrit 
sur  saint  Antonin  d'Apamée;  et,  quoicju'ils  ne  représentent 
point  celui  de  Pamiers  comme  un  jeune  homme,  et  qu'au 
contraire  ils  le  fiissent  prêtre ,  ils  ne  laissent  pas  de  transcrire 
et  de  lui  appliquer  la  cjualification  d'enfant,  Pue?,  que  les 
anciens  martyrologes  donnaient  à  celui  d'Apamée ,  et  qui  lui 
convenait  en  effet ,  puiscju'il  n'avait ,  dit-on  ,  que  dix  ou 
douze  ans  lorscju'il  périt.  Le  douzième  siècle  est  l'un  de  ceux 
où  l'on  a  fabriqué  le  plus  grand  nombre  de  ces  légendes 
fabuleuses.  Celles  qui  nous  occupent  en  ce  moment  ne  sau- 
raient être  fort  antérieures  à  l'année  1 1 5o ,  puiscpie  la  ville 
de  Pamiers  ne  date  que  de  1 1 1 1  ,  et  qu'elle  existait  cjuand  on 
les  écrivit. 

On  jjourrait  compter  jusqu'à  huit  légendes  de  saint  An- 
tonin de  Pamiers  :  mais  cjuelques-unes  ne  diffèrent  cjue  par 
les  titres  ou  par  de  légères  variantes.  Voici  celles  C[u'oii  peut 
regarder  comme  essentiellement  distinctes  :  i°  la  vie  de  saint 
Antonin  de  Pamiers,  publiée  par  le  P.  Labbe  dans  sa  nou- 
T.  I,  p.  G85  vcUe    Ribliothèque    de    manuscrits,  et    imprimée    pour    la 

~^^9-  seconde  fois  (quoiqu'elle  ne  méritât  guères,  dit  Tillemont, 

de  l'être  une  seule)  dans  le  livre  du  P.  Cliifflet,  intitulé  de 

P.  1 32 ,  cdit.  Uiiico  Dionysio.  2"  La  translation  tics  reliques  du  même  Saint, 

de  1676.  pièce  ajoutée  par  Cliifflet  à  la  précédente ,  et  qui  semble  être 

du  même  auteur;  c'est  du  moins  de  part  et  d  autre  le  même 

style  ou  plutôt  le  même  langage,  la  même  crédulité,  la  même 

ignorance.  3°  Les  Actes  du  saint  Antonin  de  Pamiers,  insé- 

.  rés  dans  l'ouvrage  de  Nicolas  Rertrandi ,  cpii  a  pour  titre 

i.5i5,in-foi!p!  Gesta  Tholosanonnn ;  actes  qui,  selon  toute  apparence,  ne 

22  et  23. 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       ^g5 
diffèrent  aucunement  de  ceux  qui  sont  cités  par  Catel ,  dans    xil  siècle. 
son  Histoire  de  Languedoc.  4"  Une  légende  du  même  Anto-  Liv.iv,p.62i. 
nin,  dont  on  ne  connaît  qu'un  fragment  transcrit  par  Arnauld      Labbe,  Bibi. 
de  Verdale ,  auteur  du  XI V*^  siècle,  dans  son  Histoire  des  *-^'i'"9^- 
évêques  de  Maguelone.  5"  Une  Passion  de  ce  même  martyr, 
publiée  par  les  Bollandistes  ,  d'après  un  manuscrit   de   la 
reine  de  Suède.  6°  Enfin  l'article  de  saint  Antonin  de  Lan- 
guedoc, dans  Vincent  de  Beauvais ,  article  que  Vincent  ne      Specul.  bîst. 
fait  que  transcrire ,  et  qui ,  plus  court  que  les  autres ,  pour-  ''l^-  XllI,  c.  35. 
rait  être  aussi  le  plus  ancien ,  car  la  ville  de  Pamiers  n'y  est 
pas  nommée.  Ces  si.\  légendes  ont  de  grandes  ressemblances 
non  seulement  entre  elles,  mais  encore  avec  celles  qui  con- 
cernent un  saint  Antonin  de  Plaisance,  et  quekpies  Antonins 
d'Espagne,  qui  tous,  comme  celui  de  Pamiers,  ont  pour      BaiHct,vies 
modèle ,  et  en  quelque  sorte  pour  type  commun ,  le  saint  '  **  ^^'  ^  **^^'' 
Antonin  d'Apamée. 

II.    /' Ve  du  bienheureux  Richard ,  ahbc  de  Saint-Vannes 
de  Verdun.  Cette  Vie  rédigée  par  un  moine  de  cette  abbaye,      Mabiii.  Act. 
se  trouvait  jointe,  dans  un  manuscrit  qu'on  v  conservait,  à  SS.  ord.  s.  Ben. 
,   ^.         \  A  .  '     •.  •      ■      •^'•i   I      J'  1  t.VIII,p.  5i5- 

une  lettre  du  même  auteur,  écrite,  amsi  cjuil  le  déclare,  53      ^ 

plus  de  quatre-vingt-dix  ans  après  que  ce  monastère  eut 
acquis  les  reliques  de  saint  Pantaléon.  Or  ces  reliques  furent 
achetées  d'un  soldat  d'Odon ,  comte  de  Champagne ,  au  mo- 
ment de  la  prise  et  du  pillage  de  la  ville  de  Commerci,  évé-      ibid.-ç.  523- 
nement  dont  nous  ignorons  la  date  précise,  mais  qu'on  peut 
placer  vers  l'aimée  xo35,  deux  ans  avant  la  mort  d'Odon, 
tué  à  Honol  en    1037.  La  lettre  de  notre  auteur  ne  serait       d.  Caimet, 
donc  que  tle  1 1  aS  ou  de  l'une  des  deux  ou  trois  années  sui-  .  \  *"   °';'"^'°'^' 
vantes  ;  et ,  comme  il  1  avait  écrite  long-temps  avant  de  com- 
poser la  vie  du  bienheureux  Richard ,  comme  il   emploie 
même  ,  dans   cette  Vie  ,  l'expression   de   midta   tempora , 
pour  indiquer  l'intervalle  qui  sépare  ces  deux  productions, 
nous  avons  droit  de  supposer  que  cette  légende  n'a  été  rédi- 
gée que  vers  le  milieu  di:  XIP  siècle.  On  ne  peut  donc  l'at- 
tribuer à  Rodulphe,  abiié   de    Saint-Vannes,    qui  mourut 
en  iof)9  :  hypothèse  réfutée  d'ailleurs  par  les  paroles  même 
de  l'auteur,  lorscju'en  parlant  de  la  lettre  qu'il  avait  écrite 
plusieurs  années  auparavant ,  il  nous  apjDrend  qu'il  a  com- 
posé cette  lettre  par  l'ordre  de  l'abbé  Laurent,  successeur      Mabill.  Act. 
de  Rodulphe.  ^  t.vin,p.  525. 

Richard  avait  édifié  le  monde  dans  le  cours  du  siècle  pré- 
cédent ;  et  c'est  du  frère  qui  le  servait  et  de  quelques  autres 

Ffffa 


596       ALT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

xti  SIECLE,  vieillards  que  l'auteur  tient  tout  ee  qu'il  raeonte  des  vertus, 
/6^y.p.  53o.  dfs  miracles  et  sur-tout  des  visions  de  ce  bienheureux.  Le 
style  de  cette  légende  est  d'une  barbarie  remarquable,  même 
à  cette  époque  et  dans  ce  genre  d'ouvrages  ;  mais  la  véracité' 
de  l'historien  ne  doit  pas  être  révoquée  en  doute  :  il  nous 
assure  qu'il  aimerait  mieux  mille  fois  garder  le  silence  que 
de  louer  par  des  mensonges  un  aussi  grand  homme  que  l'abbé 
Richard.  L'ouvrage,  divisé  en  deux  parties,  et  la  lettre  dont 
nous  avons  parlé ,  occupent ,  avec  les  observations  de  l'édi- 
teur D.  Mabillon  ,  environ  vingt  pages  dans  le  tome  \  III  des 
Actes  des  saints  de  l'ordre  de  Saint-Benoît. 

III.  Miracles  et  vie  de  saint  Grégoire ,  pape.  Les  conti- 
nuateurs de  Bollandus  ont  inséré ,  dans  l'appendice  de  leur 
!'•  749-752.  tome  II  du  mois  de  mars,  un  écrit  de  quatre  pages  intitulé 
Miracida  sauctorwn  Gregorii  et  Sebastiaui  in  jnojiastei'io 
Sancti  Medardi patrata.  Cet  opuscule  est  incomplet,  puis- 
qu'il ne  contient  pas  les  miracles  de  saint  Sébastien.  Mais  il 
est  assez  long  pour  laisser  voir  l'ignorance  du  rédacteur, 

3ui  se  trompe  grossièrement  toutes  les  fois  qu'en  parlant 
es  siècles  antérieurs  au  XIP  ,  il  s'avise  d  indiquer  les 
époques  où  vivaient  certains  évêques.  Parmi  les  miracles 
qu  il  raconte ,  on  distingue  ceux  qu'opérèrent  les  reliques  de 
saint  Grégoire,  pape,  durant  une  peste  dont  la  ville  cle  Sois- 
sons  fut  affligée  :  ce  fut  à  ces  reliques  que  les  Soissonnais 
durent  la  cessation  de  ce  fléau.  L'auteur  était  un  moine  de 
Saint-Médard ,  qui  écrivait  vers  l'an  ii5o,  disent  les  Bollan- 
distes  en  s'autorisant  d'une  note  ajoutée  à  un  manuscrit  de 
cette  légende  :  mais  on  remarque,  dans  la  légende  même, 
deux  mots  qui  prouvent  qu'elle  n'a  été  composée  qu'après 
1 1 52 ,  c'est-à-dire ,  après  la  mort  de  Josselin  ,  évêque  de  Sois- 
sons.  L'auteur  en  effet  parle  de  Josselin  comme  d'un  homme 
qui  ne  vivait  plus  :  «Il  ne  cessa,  dit-il,  tant  qu'il  vécut, 
quoad  vixit,  de  rappeler  aux  moines  de  Saint-Crespin  mie 

Punition  qu'ils  avaient  méritée  et  subie.  «  D'un  autre  côté , 
anonyme,  après  avoir  annoncé  qu'il  va  parler  des  miracles 
arrivés  de  son  temps ,  commence  par  l'année  1 1 26 ,  ce  qui 
fixe  son  époque  au  XIF  siècle ,  et  ne  permet  guères  de  placer 
la  rédaction  de  son  opuscule  plus  tard  que  1 160. 

Nous  croyons  pouvoir  rapprocher  de  ces  miracles  de  saint 

Grégoire  une  vie  du  même  pape,  écrite,  dans  le  même  siècle, 

en  vers  latins  et  en  forme  de  dialogue  entre  le  disciple  et  le 

Eoiiand.  12  maître  :  ouvrage  qu'Henschenius ,  l'un  des  continuateurs  de 

mari.  p.  122. 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.        597 

BoUantlus  ,  trouva   manuscrit  dans   l'abbaye   des   Dunes  à    ^^ï  siècle. 
Bruges,  où  il  avait  été  transféré  de  celle  de  Thosan  ou  Doest, 
supprimée   en    162.6.  C'est  un  poëme  de  deux  mille  cinq 
cents  vers  léonins  : 

Ex  Romœ  roseo  prorupit  flosculus  horto 
Vivificis  tereteni  qui  replens  fliictibus  orhem 
Exsatiat  plèbes  per  germiiiis  alla  fidèles. 
F  Los  hic  Gregerias ,  cujus  per  sœcula  fructus 
Crescit  in  exemplurn  cœlestia  dona  secutum. 

Les  BoUandistes  s'étaient  d'abord  proposé  d'imprimer  tout 

ce  poëme,  qu'ils  croyaient  être  de  Jean   Diacre;  mais,  en 

l'examinant  clc  plus  près ,  ils  reconnurent  qu'à  la  versification 

près,  ce  n'était  d'un  bout  à  l'autre  que  l'ouvrage  en  prose  de 

ce  môme  Jean  Diacre  sur  la  vie  du  pape  Grégoire.  Il  y  a  toute 

apparence  que  ces  deux  mille  cinq  cents  vers  sont  les  fruits 

des  loisirs  d'un  moine  de  Thosan;  et,  comme  ce  monastère 

n'a  été  fondé  cp'en  1 106,  on  a  lieu  de  croire  que  ce  poëme      Gall.  Chrisi. 

n'est  pas  antérieur  au  XIP  siècle,  dont  il  semble  tout-à-fait  no^tV,p.259, 

d'^  2Ù0. 

igne. 

IV.  Pie  du  hienheureux  Amédée ,  seigneur  de  Hauteiive, 

puis  religieux  de  Bonnevaux ,  et  de  son  fils ,  saint  Amédée , 

évéque  de  Lausanne.  La  première  de  ces  Vies  est  écrite  par 

un  moine  de  Bonnevaux,  que  son  pi^ieur,  Burnon  de  Voyron, 

avait  chargé  de  ce  travail  vers  l'an  1160.  Elle  n'a  point  été 

imprimée  en  entier  ;  mais  on  en  trouve  de  longs  extraits 

dans  les  Annales  de  Citeaux.  Dom  Manrique,  rédacteur  de      T.  letii.nd 

ces  Annales,  ne  fait  pas  un  très-grand  éloge  de  cette  histoire  ""•  mS-nSS. 

du  bienheureux  Amédée ,  mais  il  prétend  que  le  style  en  est 

supportable.  Le  fond  de  l'ouvrage,  si  nous  en  jugeons  par 

les  extraits,  est  plus  édifiant  que  varié  :  c'est  un  tableau  des 

vertus  claustrales,  tracé  par  un  homme  qui  les  pratiquait. 

On  doit  attribuer    au    même  historien  un  court   récit  des 

actions  d' Amédée  de  Clermont,  qui  était  fils  du  bienheureux 

Amédée  de  Hauterive,  et  qui,  après  avoir  été  religieux  de 

Clairvaux,  devint  évêcjue  de  Lausanne.  Ce  prélat,  crui  a  été 

mis  au  nombre  des  saints,  mouiut  en  1 158  ou  1 109,  et  ce 

aui  a  été  écrit  sur  sa  vie  en  1 160  ou  à-peu-près,  a  été  recueilli 
ans  le  chapitre  troisième  d'un  livre  intitulé,  Vies  de  plu- 
sieurs saints  de  la  maison  de  Tonnerre ,  imprimé  à  Paris 
en  1678,  in-i2. 


598       AUX.  ANONYÎVIES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

XII  SIECLE.        V.  Deux  Relations  sur  sainte  Genei'ièi'e.  Bollandus  a  extrait 

3  janv.  i5i-  d'un  maiiuscrit  de  Bruxelles  deux  opuscules  qui  concernent 

i53.  le  culte  de  sainte  Geneviève  à  Paris.  Le  premier  est  intitulé 

de  l'Excellence  de  la  Vierge  sainte  Geneviève.  G  est  l'histoire 

d'une  procession,  iaite  à  la  demande  d'Etienne,  évèque  de 

Paris ,  et  à   l'occasion  de  la  maladie  du  feu   sacre   ou  des 

ii?,o,Galha  ardcns,  en   l'année  qui  précéda  immédiatement  celle  où  le 

yj"*'  ..08—  pape  Innocent  II,  d'heureuse  mémoire,  vint  en  France.  Ces 

ii2y,<irionrAit  mots  cVheureuse  mémoire  employés  par  l'auteur  autorisent  à 

(Je  vérifier  les  supposer  (TU  il  n'écrivait  cru'après  11 43,  époque  de  la  mort 

dates ,  p.  383.        i  .i-     t  i     -      •  •       •      i  '  t»  -      i      -  i 

'-  de  ce  pontite.  Le  second  écrit  est  nititule  Révélation  des  re- 

liques de  sainte  Geneviève,  et  la  diction  pareille  en  tout  à 
celle  du  premier,  parsemée,  dans  l'un  comme  dans  l'autre, 
d'expressions  empruntées  de  la  vulgate ,  permettrait  de  con- 
Coli.  des  H.  jecturer  cju'ils  sont  du  même  auteur  :  mais  M.  Brial  a  trouvé, 

de  hr.  t.  xi\  ,  g^J,  ^^  manuscrit  de  la  seconde,  le  nom  de  saint  Guillaume, 
3'iss!5333de  abbé  du  Paraclet,  au  diocèse  de  Roschild  en  Danemarck,  et 

la Bibi.  iinpér.  l'a  Considérée  comme  un  ouvrage  de  ce  saint  religieux,  qui 
vécut  au  XIIP  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  révélation  des 
reliques  de  sainte  Geneviève  eut  lieu  en  11 62,  en  présence 
de  l'archevêque  de  Sens,  de  l'évêque  d'Auxerre,  de  Manassès, 
évêque  d'Orléans ,  et  d'une  assemblée  nombreuse  ,  oix  se 
trouvait  l'auteur  lui-même.  Manassès,  fort  maltraité  dans  ce 
second  opuscule,  avait  soutenu  que  le  chef  de  la  patrone  de 
Paris  n'existait  plus  dans  l'église  qui  porte  son  nom ,  et  il 
avait  inspiré  des  doutes  sur  cet  article  au  roi  Louis ,  fils  du 
roi  Louis,  c'est-à-dire,  à  Louis  VII,  fils  de  Louis  VI.  Ma- 
nassès fut  confondu,  et  le  roi  éclairé  par  la  vérification  solen- 
nelle qui  se  fit  en  1 1G2. 

VI.  /'7e  de  Garnier  de  ISIailly  abbé  de  Saint  Etienne  de 
Dijon.  Garnier,  lils  d'Humbert  de  Mailly  et  d'Anne  de  Som- 
bernon,  fut  élevé  dans  l'église  de  Saint-Etienne  de  Dijon,  y 
devint  chanoine  et  finit  par  en  être  abbé.  Il  gouverna  ce 
chapitre  depuis  io32  ou  io38  jusqu'en  loSoou  io5i,  époque 
de  sa  mort;  et  comme  son  historien  nous  déclare  c^u'il  écrit 
plus  d'un  siècle  après  le  décès  de  cet  abbé,  nous  sommes 
autorisés  à  supposer  C[ue  l'ouvrage  qui  nous  occupe  a  été 
composé  vers  1 1()0.  Il  ne  l'a  même  été  qu'après  1 162,  si  les 
chartes  qui  le  suivent,  et  dont  la  dernière  porte  cette  date, 
V  ont  été  jointes  par  l'historien  lui-même;  ce  qui  est  assez 
vraiscmblaiile.  Car  il  a  l'air  de  n'écrire  cette  vie  que  par 
occasion  ;  il  est  principalement  occupé  des  donations  faites 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       5.99 

à  l'église  et  à  la  communauté  de  Saint -Etienne,  des  procès    Xil  SIECLE, 
soutenus  pour  conserver  ces  possessions,  en   lui  mot  des 
affaires  temporelles  de  l'établiss^inent;  et  c'est  par  reconnais- 
sance pour  les  bienfaits  de  Garnier,  qu'il  entre  dans  quelques 
détails  biographiques.  Il  ne  fait  d'ailleurs  que  recueillir  de 
simples  traditions,  il  dit  non  ce  qu'il  a  vu,  mais  ce  qu'il  a 
ouï  dire,  audita  ^  non  visa  rcferimus.  Il  se  plaint  fort  de  la 
négligence  des  premiers  successeurs  de  Garnier,  qui  n'ont 
laissé  aucune  notice  des  donations  reçues  ou  faites  par  cet 
abbé  :  négligence  cjui  venait  d'entraîner  la  perte  de  plusieurs 
de  ces  biens.  On  peut  conjecturer  que  l'écrivain  dont  nous 
parlons  était  lui-même  abbé  ou  prévôt  de  Saint-Etienne,  et 
qu'il  a  voulu  éviter  le  reproche  qu'il  adressait  à  ses  prédéces- 
seurs. Du  reste,  il  fait  moins  l'histoire  cjue  le  panégyrique  de 
Garnier  de  Mailly:  il  commence  même  par  un  texte  tiré  du 
psaume  CXI,  la  mémoire  du  juste  sera  étemelle,  et  après  une 
digression    qui   n'est   remarquable  que  par  des  erreurs  de 
chronologie,  et  dans  laquelle  il  s'agit  des  rois  de  la  troisième 
race,  de  ceux  de  la  seconde,  et  des  maires  du  palais  sous  la 
première,  il  divise  son  discours  en  quatre  parties,  attendu 
que  l'abbé  Garnier  possédait  quatre  vertus  cjui  sont  la  tempé- 
rance, la  justice,  la  continence,  et  la  prudence.  Mais  il  remplit 
assez  mal  ce  canevas,  ainsi  c[u'il  en  convient  lui-même;  et 
son  ouvrage,  fort  peu  méthodique  et  souvent  très  obscur, 
ne  pouvait  guère  intéresser  que  l'abbaye  de  Saint-Etienne. 
Fyot^  qui  a  publié  en   1696  une  histoire  in-folio  de  cette 
abbaye  avec  des  pièces  justificatives,  n'a  pas  manrjiié    d'y 
comprendre  celle  dont  nous  venons  de  rendre  compte.  Elle      Fvot,  p.  i, 
avait  été  déjà  imprimée  en  i644  parmi  les  pièces  Servant  à  p-70ftsuiv. 
l'histoire  de  Bourgogne  recueillies  par  Estienne  Pérard.  Paris,  iC,/, , 

VII.   Fie  de  la  bienheureuse  Jngeluce ,  ou  ])lutôt  relation  ^"3/°'' ^''  ''''" 
de  sa  mort;  car  il  ne  s'agit  guère  dans  cet  opuscule  que  de  la     nrait.  Anccd. 
dernière  maladie  de  cette  religieuse  de  Fontevrault,  et  des  t.iiî,p.  1703- 
visions  mystérieuses  c]ui  précédèrent  son /^rt^^^^-e  à  unemeil-  '''°' 
leure  nie  :  elle  est  ici  appelée  clerica ,  soit  comme  étant  mère 
de  chœur ,  soit  comme  ayant  fait  de  grands  progrès  dans  les 
saintes  lettres.  On  remarque,  parmi  les  personnes  cjui  envi- 
ronnaient son  lit  de  mort,  madame  Marguerite,  cinquième 
fille  de  Thibaud  le  grand ,  comte  de  Champagne ,  lequel 
mourut  le  8  janvier  i  iSa.  Angeluce  décéda  le  9  octobre,  il 
n'est  point  dit  de  quelle  année,  mais  probablement  vers  1 160. 
Il  est  à  croire  aussi  cjue  la  relation  a  été  rédigée  dans  le  cours 


6oo       AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

XII  SIECLE,  flii  même  mois  d'octobre  par  une  religieuse  de  Fontevrault ,, 
témoin  oculaire  de  toutes  les  circonstances  de  cette  mort.  On 
présume  de  plus  que  cet  écrit  est  l'une  de  ces  lettres  circu- 
laires appelées  alors  rotiili,  qu'un  monastère  adressait  à  plu- 
sieurs autres  couvens,  pour  annoncer  les  décès  et  recomman- 
der aux  prières  communes  les  âmes  des  décédés.  C'est  ainsi 
sans  doute  que  cet  opuscule  sera  parvenu  à  l'abi^aye  de  Merci- 
Dieu  viist'ticurdiœ  del^  où  l'éditeur  dom  Wartenne  l'a  décou- 
vert. Le  monastère  de  Merci-Dieu,  situé  comme  Fontevrault 
c=ali.  Cluisi.  dans  le  diocèse  de  Poitiers,  a  été  fondé  en  i  loa;  considération 

"°r" '•  ^^'  !"•  cju'on  iDcut  joindre  à  celles  qui  font  croire  que  cette  relation 
n  est  pomt  antérieure  au  milieu  du  Xll  siècle.  Nous  y  voyons 
d'ailleurs  qu'on  récitait  loffice  canonial  auprès  du  lit  des 
malades,  qu'on  administrait  l'Extrême-Onction  avant  le  Via- 
tique, et  que  les  religieuses  présentes  à  la  mort  de  leurs 
sœurs  leur  donnaient  l'absolution.  Il  n'est  point  dit,  au 
milieu  de  tant  de  détails,  que  la  bienheureuse  Angeluce  se 
soit  confessée  à  un  prêtre. 

VIII.  Relation  des  miracles  de  saint  Agile ,  Aile  ou  Ayeul , 
abbé  de  Rebais  au  diocèse  de  Mcaux.  Les  cinq  premiers 
chapitres  ont  été  composés  dès  le  XF  siècle.  On  y  trouve 
des  miracles  accomplis  du  temps  du  roi  Robert  qui  régnait, 
dit  l'auteur,  dans  la  Mérovingic,  autrement  appelée  France. 
L'anonyme  ne  se  donne  j)as  pour  témoin  oculaire  des  faits 
qu'il  raconte ,  mais  pour  contemporain  de  quelques  person- 
nages décédés  bien  avant  l'année  iioo.  Les  six  chr»pitres 
qui  suivent  sont  d'un  autre  rédacteur  cjvii  n'a  écrit  qu'au 
XIF  siècle,  après  la  mort  d'Adèle,  comtesse  de  Blois,  sur 
laquelle  s'était  opéré  le  dernier  des  miracles  qu'il  rapporte. 
Ces  onze  chapitres  forment  un  premier  livre  :  un  second 
livre  est  l'ouvrage  d'un  troisième  anonyme,  qui  n'écrivait 
ffu'en  1 162  ou.  1 164.  On  aurait  déjà  parlé  des  deux  premiers 
clans  cette  Histoire  littéraire,  s'il  n'avait  paru  convenable  de 
les  rapprocher  du  troisième ,  auquel  appartient  la  plus 
grande  partie  de  cette  relation.  C'est  lui  qui  nous  fait  con- 
naître les  guérisons  miraculeuses  opérées  ,  du  temps  de 
Manassès ,  évêque  de  Meaux ,  auprès  d'une  fontaine  qui 
depuis  a  porté  le  nom  de  Saint- Ayeul.  L'auteur  a  vu  l'itn  de 
ces  miracles  ;  il  a  connu  Brice  ,  alors  abbé  de  Rebais  ;  et , 
tandis  qu'il  composait  son  livre,  ce  monastère  s'efforçait  de 
s'affranchir  de  la  juridiction  de  l'évêque.  C'était  un  peu  avant 
1166,  époque  oîi  ce  procès  fut  jugé  contre  les  moines,  par 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       60 1 
un  concile  de  Bcauvais  qui  les  excommunia.  Les  deux,  livres    "xn  siècle. 
de  cette  histoire  ont  ëte  plus  complètement  et  plus  exacte-        Dupiessis . 
ment  imprimés  dans  le  recueil  des  BoUandistes ,  qu'ils  ne  Hisi  deMeaux, 
l'avaient  été  dans  les  actes  des  SS.  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  ''^-  ^"'  "•  ^*- 

par  Mabillon.         ^  ^  p. ^87- 5*97"^ 

IX.  Relation  d'un  miracle  opéré  par  l'intercession  delà      Mab.  t.  u, 
Vierge  Marie  au  tombeau  du  bienheureux  Milon ,  évêque  de  P-  5a6-3îA- 
Thé  rouanne ,  et  auparavant  abbé  de  Saint-Josse-aux-Bois. 

Cette  relation  est  adressée ,  en  forme  de  lettre ,  aux  religieux 
de  cette  abbaye.  L'auteur  ne  se  fait  connaître  que  comme 
chanoine  de  Thérouanne ,  mais  il  écrit  au  moment  même 
où  l'on  vient  de  constater  le  miracle  et  d'en  rendre  grâce  à 
Dieu.  Or  le  miracle  est  arrivé  le  a  avril  1 163.  Cette  Relation 
est  imprimée  au  chapitre  20  de  l'ouvrage  de  Ferri  de  Locres, 
intitulé  Maria  Jugusta.  Airebati.Mau 

X.  Deux  Relations   sur  les    reliques  de   saint    Taurin,   j„'_^la  '    '  "   • 
évéque  d'Evreux.  Les  reliques  de  saint  Taurin,  transférées 

d'abord  d'Evreux  en  Auvergne ,  l'ont  été  d'Auvergne  au 
monastère  de  Gigni ,  en  Franche-Comté  ,  lorsque  ce  monas- 
tère était  gouverné  par  saint  Bernon ,  qui  mourut  en  [527. 
Ces  deux  translations  sont  la  matière  d'un,  premier  opuscule. 
Le  second  raconte  les  miracles  opérés  par  ces  reliques ,  lors- 

3u'on  les  promena  dans  les  cantons  voisins  du  monastère 
e  Gigni ,  en  même  temps  qu'on  y  faisait  une  quête  pour  le 
monastère  incendié  en  11 58.  Les  BoUandistes  conjecturent 
que  ces  deux  relations  nous  viennent  d'un  seul  et  même 
auteur,  et  qu'il  était  moine  de  Gigni.  Mais  il  avait  composé 
la  première  avant  11 58;  car  il  y  atteste  que,  depuis  que  les 
reliques  de  saint  Aquilin  et  sur-tout  de  saint  Taurin  sont  à 
Gigni ,  elles  ont  préservé  le  monastère  de  toute  mésaventure. 
Dans  la  seconde  relation,  l'anonyme  a  tant  de  prodiges  à 
célébrer,  qu'il  ne  daigne  pas  tenir  compte  des  simples  gué- 
risons  de  lebricitans.  Il  est  vrai  qu'il  n'a  point  vu  de  ses 
yeux  les  miracles  qu'il  raconte,  car  il  n'était  pas  du  nombre 
de  ceux  qui^  accompagnaient  les  reliques  de  saint  Taurin , 
dans  leur  nSimorable  promenade  autour  de  Gigni.  Mais  il  a 
recueilli  tous  les  renseignemens  nécessaires  ;  et  les  détails 
qu'il  donne  sont  tellement  circonstanciés ,  qu'on  voit  bien 
qu'il  écrit  fort  peu  de  temps  après  ces  événemens  miracu- 
leux, et  sur  de  très-bons  mémoires.  C'est  du  moins  le  juge- 
ment qu'en  portent  les  continuateurs  de  Bollandus ,  qui  ont 
inséré  ces  deux  opuscules  dans  leur  collection.  On  possède  g/c'^ctg^"  ^' 
Tome  XI H.  Ggg 


& 


6o2       AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

XII  SIECLE,    aussi  une  légende  de  saint  Taurin  et  une  histoire  de  l'inven- 
tion  de  ses  reliques;  mais  ces  écrits  sont  plus  anciens,  et 
nos  prédécesseurs  en  ont  rendu  compte  au  tome  V  de  cette 
P.  96.         Histoire  littéraire  de  la  France. 

XI.  Vie  de  saint  Lambert ,   évécjue  de  Vence.  Ce  saint 
Gaii.  Christ,  mourut  en  II 54;  et  sa  vie  fut  écrite  peu  d'années  après, 

nov.  t.  m,  p.  gj^  j  jgg  .^^  pjj^jg  tard.  Il  Y  a  pourtant  de  l'inexactitude  a  dé- 
clarer  1  historien  témoin  oculaire ,  ainsi  que  1  ont  tait  les 
Bollandistes  :  car  il  ne  dit  nulle  part  qu'il  ait  vu  ni  connu 
saint  Lambert  ;  il  ne  se  donne  pour  témoin  que  des  miracles 
accomplis  à  son  tombeau;  et,  lorsqu'il  s'agit  de  ceux  que 
l'évêque  de  Vence  opérait  de  son  vivant,  par  exemple  de 
l'eau  qu'il  avait  coutume  de  changer  en  vin ,  l'anonyme  se 
borne  à  citer  le  témoignage  des  personnes  qui  en  ont  bu, 
dit-il,  à  plusieurs  reprises.  Mais,  comme  ces  témoins,  tant 
clercs  que  laïcs ,  tous  recommandables  par  leur  probité , 
vivaient  encore  au  moment  oii  l'auteur  rendait  compte  de  ce 

3u'il  avait  appris  d'eux,  et  qu'ils  auraient  immanquablement 
émenti  une  narration  infidèle,  les  Bollandistes  en  concluent 
que  l'historien  n'a  été  ni  trompé  ni  trompeur ,  et  que ,  lors- 
qu'il assure  qu'il  ne  dira  rien  de  douteux,  rien  qui  ne  soit 
très-certain ,  il  ne  fait  que  se  soumettre  à  une  loi  qu'il  n'eiit 
pas  été  en  son  pouvoir  de  transgresser  impunément.  II  ne 
parle  presque  point  de  la  vie  privée  de  saint  Lambert,  ni  de 
son  administration  épiscopale.  L'ouvrage  peut  sembler  trop 
court ,  puisqu'il  n'occupe  que  trois  pages  dans  la  collection 
a6  mai ,  p.  des  Bollaiidistes  :  mais  l'auteur  annonce,  dans  son  prologue, 
/.58-460.  |g  dessein  de  ne  raconter  que  des  miracles,  et  il  s'efforce  de 
rendre  son  langage  digne  d'un  tel  sujet.  Il  fait  rimer  le  plus 
qu'il  peut  les  finales  des  membres  de  ses  phrases  :  ces  con- 
sonnances  étaient  l'un  des  ornemens  de  la  diction  de  ce 
temps-là.  Miles  quidam  famosissimus  intererat ,  qui  lumen 
diii  unius  ocidi  amiserat ,  et  aqua  illa  oculuni  cœcum  tetigit, 
et  condnuo  lumen  quo  caruevat ,  recepit. 

XII.  Miracles  de  saint  Claude.  Nous  réunissons  sous  ce 
titre  commun  trois  écrits  distincts  :  1°  un  SÉmmaire  qui 
n'occupe  qu'une  demi-colonne  dans  la  collection  des  Bollan- 

6juin,p.  648.    distes  ;  1^  une  relation  des  miracles  du  saint  archevêque  de 

ibid.-p.  652.     Besancon  ;  3°  une  plus  longue  histoire  de  sa  vie.  L'auteur  du 

/ètV/.p.64:',-  sommaire  dit  qu'il  écrit  cinq  cent  cinquante-quatre  ans  après 

la  mort  de  saint  Claude  :  mais  on  ne  sait  trop  si  saint  Claude 

mourut  vers  58 1  ou  vers  696  ou  en  7o3;  on  ne  sait  sur-tout 


XII  SIECLE. 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       6o3 

quelle  pouvait  être ,  sur  cette  question ,  l'opinion  de  l'ano- 
nyme, qui  ne  paraît  pas  fort  habile  en  chronologie;  et  nous 
n'aurions  aucun  moyen  de  déterminer  l'époque  de  ce  pre- 
mier écrit,  si  la  préface  du  second  ne  nous  donnait  lieu  de 
penser  qu'ils   sont  du  même  auteur.  Or  la  seconde  pièce 

{)arle  d'une  procession  des  reliques  de  saint  Claude,  dans 
es  lieux  voisins  du  Mont-Jura,  et  désigne  le  règne  de  Fré- 
déric (Barberousse)  et  le  pontificat  d'Alexandre  (  III  ),  comme 
l'époque  de  cette  procession  miraculeuse ,  et  de  la  très-riche 
quête  dont  elle  fut  accompagnée.  C'était  donc  vers  1170, 
lorsque  l'hérésie  des  Vaudois  commençait  à  se  propager  au- 
tour de  Lyon.  Un  mendiant,  imbu  de  ces  erreurs,  fValdensi 
traditione  imbutus ,  toucha  les  reliques ,  et  fut  à  l'instant 
converti.  L'historien,  à  la  vérité,  ne  dit  jamais  qu'il  ait  vu 
de  ses  yeux  tous  ces  prodiges,  et  il  paraît  même  qu'il  n'était 
pas  moine  de  Saint- Claude  :  mais  il  écrivait  fort  peu  de 
temps  après  cette  procession.  Quant  au  troisième  écrit, 
placé  par  les  Bollandistes  avant  les  deux  autres,  c'est  pro- 
prement une  vie  de  saint  Claude,  rédigée  plus  tard,  et  peut- 
être  après  l'année  1200.  Nous  en  parlons  ici,  à  cause  de  sa 
liaison  avec  les  deux  pièces  précédentes  ,  et  pour  n'avoir 
point  à  revenir  sur  ce  sujet.  Le  terme  de  prieur  claustral, 
et  quelques  autres  traits  de  l'ouvrage,  prouvent  que  la  rédac- 
tion n'en  est  pas  très-ancienne,  et  suffisent  pour  réfuter  la 
conjecture  de  Jacques  Chifïlet ,  qui  la  jugeait  contemporaine 
du  saint  :  œvum  sancti  Claudii  sapit.  C'est  une  compilation  Vesunt.  p.  11, 
faite  vraisemblablement  dans  le  monastère  même  de  Saint-  P'^g- 
Claude,  d'après  les  chartes  et  les  monumens  qu'on  y  avait 
recueillis. 

XIII.  Relation  des  miracles  de  saint  Adalhert,  diacre  et 
patron  de  l'église  d'Egmond  en  Hollande.  L'auteur  de  cette 
relation,  moine  de  la  même  abbaye,  parle  d'une  solennité 
célébrée  en  ii43,  et  ajoute  que  plusieurs  personnes,  qui  y 
ont  assisté,  sont  encore  vivantes  au  moment  où  il  écrit.  Il 
écrivait  donc  au  XIP  siècle,  peut-être  vers  1170.  Son  opus- 
cule £t  les  additions  qu'y  fit  au  siècle  suivant  un  autre 
moine,  se  trouvent  dans  le  recueil  des  Bollandistes,  plus 
complètement  que  dans  les  Actes  des  saints  de  l'ordre  de 
Saint -Benoît,  publiés  par  D.  Mabillon.  L'anonyme  dont  nous 
faisons  ici  mention  ne  rapporte  que  les  miracles  qu'il  a  vus 
de  ses  propres  yeux,  ou  qu'il  tient  de  témoins  oculaires, 
hommes  véridiques  et  vénérables ,  qui  sont  encore  là  pour 

Gggga 


aSjuinp.  104 

-  IIO. 


6o4       AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

xn  SIECLE,  confirmer  au  besoin  sa  narration.  «  La  gloire  de  saint  Adal- 
bert ,  dit-il ,  n'a  nul  besoin  d'être  rehaussée  par  des  fictions , 
et  son  hfstorien  ne  voudrait  pas  se  déshonorer  par  des  men- 
songes, lui  qui  ne  cède  qu'à  regret  aux  instances  qu'on  n'a 
cessé  de  lui  taire  pour  le  déterminer  à  prendre  la  plume.  » 
Il  se  donne  pour  un  homme  simple,  tout-à-fait  étranger  aux 
artifices  de  l'éloquence  humaine.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  s'étudie 
à  orner  ses  écrits  de  consonnances  ;  mais  il  supplie  le  lecteur 
de  ne  faire  attention  qu'à  Tordre  des  faits  et  à  l'importance 
des  miracles,  qui  sont  en  effet  d'une  très-grande  force.  Car 
saint  Adalbert  a  guéri  un  jeune  homme  empoisonné  par  sa 
belle-mère  ;  il  rendait  la  vue  aux  aveugles  ;  il  arrêtait  les 
inondations. 

XIV.    Histoire  des  miracles  de  sainte  Rictrude.   C'est  le 
titre  d'un  ouvrage  qui  occupe  près  de  trente  pages  dans  la 

p.  89-118.  collection  des  Bollandistes  (au  12  mai),  et  qui  se  divise  en 
deux  livres.  Le  premier  est  une  histoire  abrégée  de  sainte 
Rictrude,  et  jusqu'à  l'an  iioo  du  monastère  de  Marchienne 
(au  diocèse  d'Arras),  dont  elle  avait  été  la  fondatrice  et  la 
première  abbesse.  Le  second  livre  continue  cette  histoire 
jusqu'en  1 164  et  même  au-delà.  Car,  après  un  miracle  opéré 
en  1 1 68 ,  l'auteur ,  moine  de  Marchienne ,  en  raconte  quel- 

aues  autres  qu'il  ne  date  point ,  mais  qui ,  se  présentant  les 
erniers,  semblent  être  les  moins  anciens.  On  peut  donc 
supposer  que  la  rédaction  de  ce  second  livre  n'a  été  terminée 
c[ue  vers  1 170  ou  1 172.  L'anonyme  donne  le  titre  de  major 
(maire)  à  l'officier  public  que  Galbert,  quarante  ans  aupa- 
ravant, n'appelait  que  lillicus.  On  peut  recueillir  aussi, 
dans  l'histoire  de  sainte  Rictrude ,  des  textes  qui  serviraient 
à  prouver  que  le  dogme  de  la  présence  réelle  et  l'usage  de 
l'extrême -onction  étaient  établis  au  XIP  siècle.  L'auteur 
emploie  le  mot  de  roncinum  (Ronssin  ou  Roussin)  pour 
signifier  un  cheval. 
Thes.Anecd.  Hugucs  II,  abbé  dc  ce  même  monastère  de  Marchienne, 
ni,  1709-  mourut  en  ii58;  et  sa  vie,  publiée  par  D.  Martènc,  pour- 
'    '  rait  bien  être  un  second  ouvrage  du  religieux  qui  a  écrit  la 

vie  de  Rictrvide.  C'est  de  part  et  d'autre  le  même  goût ,  la 
même  diction  ,  ce  sont  quelquefois  les  mêmes  termes  ;  et 
nous  retrouvons  ici  des  phrases  entières  de  l'article  qui  con- 
cerne Hugues  II ,  dans  l'histoire  abrégée  de  l'aljbaye  de  Mar- 
chienne. Au  surplus,  I  auteur,  quel  qu'il  soit,  se  donne  pour 
le  confident   très -intime,  le   conseiller  le  plus   affide  dç 


t 


AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS.       6o5 

Hugues  II,  et  se  félicite  de  l'avoir  détourné  du  projet  d'ab-    Ml  SIECLE. 

diquer  sa  dignité  abbatiale.  Il  nous  apprend  que  Hugues  avait 

eu,  pour  maître  de  philosophie  à  Laon ,  Robert  dos  Dunes, 

qui  depuis  lut  à  Clairvaux  le  successeur  de  saint  Bernard ,  et 

qui  s'était  fort  distingué  dans  les  écoles  par  sa  probité,  ses 

bonnes  mœurs  et  sa  science  :  Erat  inter  philosophantes  vu- 

probus  et  bononwi  morum  Rohertus  tuin  clericus ,  monachus 

de  Claid  vaîle  et  ahbas  secandiis,  et  in  divinis  antè  claruerat. 

XV.  Lettre  circulaire  (Rotulus)  annonçant  la  mort  d'Yves, 
abbé  de  Saint-Denys.  Yves  F""  gouverna  ,  durant  dix  ans  au 

moins,  ce  monastère;  et  l'Yves  dont  il  s'agit  dans  cet  opus-      Gaii,  Chnst, 

cule  mourut  au  contraire  fort  jeune,  decessil  valdè  juvenis ,  '^'°r  ''  ^^^'  P 

et  ne  fut  abbé  que  pendant  quatre  ans.  C'est  donc  Yves  II , 

élu  abbé  de  Saint-Denys  en  1 169,  et  mort  le  4  février  i  iy3.      ^^''^-  p-  ^79' 

Guillaume  de  Gap ,  son  successeur  immédiat ,  fut  peut-être      °' 

le  rédacteur  de  cette  circulaire  :  on  la  pourrait  attribuer  aussi 

à  Jean  Sarazin,  autre  savant  moine  de  la  même  abbaye  et 

de  la  même  époque.  D.  Martène  a  publié  cet  écrit  ;  nous  y 

apprenons  qu'Yves   avait  copié   de  sa  main  toute  la  Bible,      Anccd.  1. 1, 

qu'il  était  versé  dans  la  littérature  sacrée  et  profane,  qu'il  !'•  ^7»- 

parlait  avec  grâce  la  langue  latine  et  la  langue  vulgaire. 

XVI.  Eloge  de  IP^alon ,  moine  de  Hautniont  [Wlimowlen- 

sis),  au  diocèse  de  Cambrai,  inséré  au  tome  VI  de  la  grande       p  i*»6- 
collection  de  Martène  et  Durand.  C'est  encore  une  circulaire 
{Rotulus)-,  et  celle-ci  est  de    11 76,  Walon   étant  mort  le 
samedi   saint,  aS  mars    ii74i  ou,  suivant  notre  manière 
actuelle  de  compter,  en  1176  avant  Pâques.  En  composant      Gaii.  christ. 
cette  pièce,  j'obéis,  dit  l'auteur,  à  l'ordre  de  mon  précep-  "°^-  '•  uii  P- 
teur  :  Mihi  satis  est prœceptori paruisse  ;  d'où  l'on  peut  con-  ''''' 
dure  que  cet  anonyme  était  un  très-jeune  moine  ;  et  son  style 
recherclié,  l'abus  qu'il  fait  des  expressions  figurées,  la  lon- 
gueur démesurée  de  son  prologue  confirmeraient  cette  con- 
jecture. Ce  mot  de  prœceptor  peut  néanmoins  ne  signifier 
que  maître  ou  supérieur. 

XVII.  P^ie  de  o.  Goswin,  abbé  d'Anchin^  mort  en  11 96, 

selon  l'ancienne  France  Chrétienne  et  selon  le  P.  Lelong,   T.  iv,  p.  73. 
mais  plus  probablement  en  116G,  selon  le  Mire  et  Pasri.  Sa  ,  ^''''' ,'V-*'" 'î^ 

I,    ,    ,1   .  ,  ,  I-    •  1-  la  Fr.  edit.   de 

Vie  a  ete  écrite  par  deux  de  ses  religieux,  sept  ans,  disent-  ,^68,  t.  i ,  p. 
ils ,  après  sa  mort.  Ce  serait  en  1 173  ;  mais  il  y  a  ici  quelque  729  ^  "•  11662. 
erreur  :  car  ils  écrivent  sous  l'abbé  Simon,  qui  ne  commença    J^f n'^' ciu°n. 

J  1  .^  J'A       1  •  '   ^  t  '1      ad  an.  1 166,  p. 

de  gouverner  le  monastère  dAncliin  quen  1174,  après  la  221. 

mort  d'Alexandre,  successeur  immédiat  de  Goswin.  C'est     Pagi,Crit.ad 

an.  1 166,  II.  lin- 


6o6       AUT.  ANONYMES  DE  VIES  DE  SAINTS. 

XII  SIECLE,    donc  mal-à-propos,  et  sans  avoir  lu  cet  ouvrage,  que  les  au- 

j  ni,p.4i2.    teurs  de  la  nouvelle  Gallia  Christiana  l'attribuent,  d'après 

Moiaii.not.in  Locrius  et  Molanus ,  à  l'abbé  Alexandre.  Cette  vie  de  saint 

Usuard.6  oct.    (^Qg-^yi,!  ^  été  imprimée  à  part,  en  1620,  à  Douai;  c'est  un 

Tini'rquieii°tt-  petit  in-8" ,  pubUé  par  Richard  Gibbon,  jésuite,  et  qui  ne 

nensisabbatisà  contient  rien  de  fort  remarquable.  Il  est  divisé  en  trois  livres; 

duobiis  raona-  jg  premier  commence  par  une  dédicace  avant  pour  inscrin- 

ch:s  ejusd.   ce-      .    l  „  .  ti       '       -^  -^        j      i'  '  l  i-  i 

nobiiexarataet  tiou  :  C)UO  suus  seipsum.  11  S  agit  eusuite  de  1  éducation  de 

àRidiardoGib-  Goswin ,  de  scs  disputcs  coutrc  Abailard,  de  son  voyage  à 

bonoed.  ;  Dua-  j'ajjljaye  de  Saint-Crespin  de  Soissons,  de  son  retour  à  celle 

in-8°!°"'  ^      '  d'Anchin ,  dont  il  devint   prieur    claustral ,  puis  abbé.  On 

voit ,  au  second  livre ,  comment  un  ange  l'éveillait  durant  la 

nuit  pour  prier  Dieu,  comment  il  connaissait  les  pensées 

secrètes  d'autrui;  comment  il  a  prédit  sa  mort,  comment  il 

mourut  en  effet.  Le  troisième  livre  est  un  abrégé  de  la  même 

vie  par  l'autre  auteur. 

Avant  de  terminer  l'article  de  ces  anonymes  du  milieu  du 
XII*"  siècle,  nous  ferons  ici  mention  d'un  ouvrage  resté  ma- 
nuscrit, et  qui  n'est  point  une  légende,  mais  une  somme  de 
théologie ,  composé ,  ce  semble ,  à  la  même  époque ,  et  dont 
l'auteur  n'est  point  connu.  Montfaucon  l'indique  parmi  les 
Bibl.Biblioth.  manuscrits  de   Saint -Germain-des-Prés,  sous   le  titre   de 
mss.  t.  II,  p.  Siirnnia  Theologiœ  ex  Augustino  maxime  collecta.  Il  en  in- 
^^ ihid.-a.M..    dique  une  autre,  ou  peut-être  un  autre  exemplaire  de  la 
même  ,  sous  le  titre  de  Sum,ma  theologiœ  incerti  autoris ,  col- 
lecta ex placitis  sanctorwn  patrum  ^  manuscrit  de  l'abbaye  du 
Bec.  Les  sommes  théologiques  ne  remontent  cju'au  XIF  siècle. 
Celle-ci  ou  l'une  de  celles-ci  pourrait  avoir  précédé  le  livre  des 
sentences  de  Pierre  Lombard ,  et  lui  avoir  servi  de  modèle. 

D. 


FIN     DU     TOME     TREIZIE3IE. 


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k^-v-WV**  «.^X^-V/V%.^X% 


TABLE 

DES    AUTEURS 

ET  DES  MATIÈRES. 


A, 


bailard  condamné  au  concile  fie  Sens 
en  I14O1  P^gfi  lîy'  Lettres  et  Traité  de  saint 
Bernard  contre  lui,  ifiG  ,  167,  204,  2o5.  H 
se  retire  à  Cluni ,  ^49^  a5o.  Hommages  que 
lui  rend  Pierre -le-Vénérable  ,  255,  367.  Ce 
que  dit  de  lui  Othon  de  Frlslngue,  285.  11  a 
pour  disciple  Robert  de  Meluii ,  372  ;  pour 
adversaire  ,  Gautier  de  Mortagne  ,  5l4' 

AcuvBD  ,  élève  de  l'école  de  Saint-Victor 
à  Paris,  est  fait  al)bé  de  la  maison  l'an  il 55, 
454.  Élu  évéque  de  Seez  l'an  1 157,  est  rejeté 
parle  l'oi  d'Angleterre,  ibitt  L'an  11 60,  est 
fait  évêque  d'Avranches  avec  l'agrément  du 
roi,  meurt  en  1171,  ibid.  Ses  lettres,  455- 
Ses  sermons ,  ibid.  Traités  de  la  division  de 
l'esprit  et  de  la  Trinité  ,  ibid. 

AcuiRD  ,  maître  des  novices  à  Clairvaux, 
410.  Ses  sermons  sont  perdus,  4"-  On  lui 
attribue  une  Vie  de  l'hermite  Gezelin  ,  rédi- 
gée par  le  moine  Herbert,  410  —  4'*- 

Adalbéron ,  archevêque  de  Trêves.  Intérêt 
que  prend  à  lui  saint  Bernard  ,  161 ,  164. 

Adalbert  {S.),  diacre  hollandais.  Relation 
de  ses  miracles,  6o3  ,  604. 

Adam,  moine  de  Morimond,  déserte  cette 
abbaye  ,  1 5o. 

Adélaïde  ,  ou  Gertrude  ,  duchesse  de 
Lorraine.  Sa  correspondance  avec  saint  Ber- 
nard, i58 ,  568,  569. 

Adrien  IV,  pape,  né  anglais,  s'appelait 
Nicolas  Breakspeare,  287,  435.  Chanoine, 
prieur,  abbé  en  Finance,  288.  Cardinal  et 
souverain  pontife,  ibid.  Son  zèle  contre  Ar- 
nauld  de  Bresse  ,  ibid.  Ses  lettres  ,  28g — 297. 
Il  n'était  pas  frère  de  Jean  de  Salisbury , 
289.  Il  se  brouille  et  se  réconcilie  avec 
Guillaume-le-Mauvais ,  roi  de  Sicile,  290. 
Il  accueille  mal  Foucher,  patriarche  de  Jé- 
rusalem ,  ibid.  Ses  démêlés  avec  l'empereur 
Frédéric  Barberousse  ,  290  —  2g3.  Il  désap- 
prouve les  croisades ,  2g5.  Sa  mort  en  u Sg , 
198.  Il  écrit  à  Godescalc,  évêque  d'Arras  , 
470. 


Adriem,  prévôt  de  l'église  delHaubeugei 
rédacteur  d'un  procès  verbal  de  la  Transla- 
tion des  reliques  de  sainte  Aldégonde,  4i3, 
414. 

Agapit,  pape.  Boiteux  et  muet  qu'il  gué- 
rit, II. 

Agilf  (  J.) ,  abbé  de  Rebais.  Sa  vie  ,  600  , 
601. 

Aiineric ,  chancelier  de  la  cour  de  Rome. 
Lettres  que  lui  adressent  saint  Bernard,  i53, 
l55,  161  ,  et  Pierre-le-Vénérable,  2  54,  255. 

Alain  ,  évêque  d'Auxerre  ,  historien  de 
saint  Bernard ,  129. 

A1.BÉBIC,  cardinal  évêque  d'Ostie,  né  au 
diocèse  de  Beau  vais,  embrasse  la  vie  monas- 
tique dans  l'ordre  de  Cluni ,  73.  Est  fait 
prieur  de  Saint-Martin-des-Champs  à  Paris  , 
puis  de  Cluni ,  74.  Pourvu  de  l'abbaye  de 
Vézelay  l'an  i  i3i ,  assiste  au  concile  de  Pise 
l'an  1 134  ,  ibid.  Créé  cardinal  évêque  d'Ostie 
par  Innocent  II,  est  envoyé  légat  en  Anole- 
lerre  l'an  ii38,  et  tient  un  concile  à  West- 
minster, 75.  De-!à  il  se  rend  au  concile  de 
Latran  de  ii39,  et  part  en  qualité  de  légat 
pour  l'orient,  où  il  assemble,  l'an  1141,  un 
concile  à  Antioche  et  à  Jérusalem ,  ibid.  En- 
voyé légat  en  France  par  Lucius  II ,  pour 
réprimer  l'hérésie  ,  75  ,  92  ;  il  va  à  Toulouse 
l'an  1145,  et  non  11 47,  avec  saint  Bernard 
et  l'évêque  de  Chartres ,  prêcher  contre  les 
Henriciens ,  75.  L'an  11 47,  il  accompagne 
Eugène  III  allant  à  Trêves  ,  et  meurt  l'année 
suivante  à  Verdun ,  se  rendant  de  Trêves  à 
Reims  pour  le  concile  indiqué  à  la  rai-carême, 
76.  Honoré  comme  un  saint  par  saint  Ber- 
nard ,  il  n'est  pas  exempt  de  reproches  en 
sa  qualité  de  légat,  ibid.  Ses  lettres,  77.  Son 
neveu  Macaire  ,  3i3. 

Albéron  de  Monsterol  ,  archevêque  de 
Trêves ,  était  lorrain.  Princier  et  archidiacre 
de  Metz  ,  et  pourvu  d'autres  bénéfices  avant 
de  parvenir  à  l'épiscopat,  121.  Fait  levoyage 
de  Rome  vers  l'an  iii5,pour  procurer  à  la 
ville  de  Metz  un  évêque  catholique,  ibid. 
Es;  sacré  par  le  pape  archevêque  de  Trêves , 
l'an  ii32,  122.  Part  l'an  1137  avec  l'empe- 


6oS 


TABLE   DES   AUTEURS 


leur  Lothaire,  pour  faire  la  guerre  au  roi 
de  Sicile ,  et  réplacer  sur  son  siège  le  pape 
Innocent  II,  qui,  par  reconnaissance,  le 
nomme  légat  en  Allemagne,  ihid.  Ayant  en- 
couru la  disgrâce  du  pape  ,  est  obligé  d'aller 
à  Borne  l'an  ii^t ,  rendre  compte  de  sa  con- 
duite, ibid.  Vient  à  Paris,  l'an  ii475  trouver 
Eugène  III  ,  et  obtient  de  lui  qu'il  ira  à 
Trêves  célébrer  un  concile ,  ibid.  Assiste  au 
concile  de  Reims  de  l'an  1 148 ,  et  forme  des 
préteiitions  sur  la  primatie  des  deux  Bel- 
giques,  123.  Sa  moit  ariivée  le  18  janvier, 
Ii52  ,  ibid.  Ses  lettres  ,  ibid.  et  suiv. 

.flèche,  mère  de  saint  Bernard,  iSa  ,  îSi. 

Alexandre  III ^  pape.  Ses  lettres  à  Guil- 
laume Vît,  seigneur  de  Montpellier,  SsS  ; 
à  Louis  VII  ,  en  lui  envoyant  Godefroy , 
évêqne  del.angres,  35o  ;  à  Gilberl-le-Grand, 
332.  Il  approuve  la  retraite  de  Godefroy  à 
Clairvaux,  35o.  Il  confirme  les  statuts  des 
cbevaliers  de  Calatrava,  332.  Il  consent  à 
l'abdication  de  Godescalc  ,  évêque  d'Arras, 
470.  Il  réprime  les  désordres  d'Ervisius, 
abbé  de  Saint-Victor  ,  473  ,  474-  H  casse 
l'élection  de  Drogon  à  l'arcbevécbé  de  Lyon  , 
670,  571. —  Pierre  de  Pise,  agent  d'Alex.  III 
en  France  ,  582  ,  583. 

Alfrius  ,  poète  français  ,  auteur  de  la  tra- 
duction en  vers  d'une  S  ie  de  saint  Antoine, 
114. 

Alphès  (  Isaac).  Son  ouvrage  sur  le  Tbal- 
mud  ,101.  Rabbins  qui  l'attaquent ,  rabbins 
qui  le  défendent,  102  et  note  a.  Inscription 
mise  sur  son  tombeau,  102. 

Alphonse  Jourdain  ,  comte  de  Toulouse. 
Transaction  qu'il  fait  avec  l'archev.  d'Arles 
sur  des  différends  anciens,  237. 

Alvise,  abbé  d'Ancbin,  puis  évèque  d'Ar- 
ras. Examen  d'une  opinion  selon  laquelle  il 
était  frère  de  l'abbé  Suger,  71.  Étant  prieur 
à  Saint-BeKin ,  il  fut  promu  à  l'abbaye  d'An- 
chin  l'an  iiii,  ibul.  Fait  évèque  d'Arras 
l'an  Ii3i,  il  part'pour  la  Terre-Sainte  l'an 
1 147  ,  avec  le  roi  Louis-le-Jeune  ,  et  meurt 
a  Philippopoli  le  6  septembre  de  la  même 
année ,  72.  Lettres  relatives  à  son  adminis- 
tration, par  lui  recueillies,  ibid. 

AittiURY  1",  roi  de  Jérusalem.  Ses  lettres 
à  Louis-le-Jeune,  48g  et  490.  Autres  lettres 
de  ce  prince,  490  ^t  491-  Uate  précise  de  sa 
mort,  49 1-  Secouis  et  protection  qu'il  ne 
cessa  d'accorder  aux  lettres  ,  ibid. 

Amédée  (le  Bienbeureux  ) ,  seigneur  de 
Hauterive  ,   moine   de  Bonuevaux   Sa   vie, 

597- 

Amédée,  évêque  de  Lausanne,  fils  du  pré- 
cédent ,  597. 

AifDRÉ,  chanoine  régulier  de  Saint-Victor 
à  Paris.  Ses  commentaires  sur  l'Ecriture 
Sainte ,  408. 

Angeluce'{\A  Bienheureuse).  Relation  de 
sa  mort,  599,  600. 

Ania'ne.    Satisfaction    donnée   à    l'abbaye 


d'Aniane,  dont   un   des  hommes  avait  été 
tué,  236-,  298. 

AivoHYME  ,  auteur  d'une  élégie  sur  le 
mauvais  succès  de  la  croisade  du  roi  Louis- 
le-Jeune  ,  pour  animer  les  Français  à  tirer 
vengeance  de  la  perfidie  des  Grecs,  88.  Idée 
de  cet  ouvrage  ,  89. 

Akoayme  ,  auteur  d'une  petite  pièce  de 
vers  pour  célébrer  les  grands  hommes  de 
la  Belgique ,  qui ,  dans  la  première  croisade  , 
se  distinguèrent  à  la  Terre-Sainte  ,  et  y  for- 
mèrent ties  établissemens ,  90. 

A^oNYME,  auteur  d'une  notice  historique 
sur  l'église  de  Saint-Eugène  de  Vioux,  au 
diocèse  d'Alby.  Examen  critique  de  cet 
écrit,  387 —  389. 

Anonyme,  auteur  de  la  légende  de  sainte 
Carissime ,  ouvrage  indigne  de  confiance  , 
383. 

Anonyme,  auteur  des  Actes  du  concile 
de  Lombcrs  dans  l'Albigeois  ,  contenant  la 
conférence  qui  eut  lieu  l'an  ii65,et  non 
1177,  entre  les  évêques  et  les  hérétiques 
du  pays,  avec  le  jugement  prononcé  contre 
eux,  390. 

Anonyme  ,  auteur  de  la  Relation  d'un 
conciliabule,  tenu  l'an  11G7  à  Saint-Félix 
de  Caraman  dans  le  Toulousain  ,  par  des 
sectaires  ,  sous  la  présidence  d'un  chef 
nommé  Ni(juinta ,  pour  ériger  des  évêchés 
de  leur  secte ,  et  faire  la  démarcation  des 
diocèses,  39t. 

Anonyme  ,  auteur  d'un  écrit  ayant  pour 
titre  Draco-Normanniciis,  contenant  l'histoire 
des  Normands  depuis  leur  arrivée  en  France 
jusqu'à  l'an  1168,  392. Ouvrage  perdu  dont 
on  suppose  qu'Etienne  de  Rouen ,  moine  du 
Bec  ,  pourrait  bien  être  l'auteur,  393. 

Anonyme,  auteur  de  l'Histoire  des  évêques 
et  des  comtes  d'Angoulême.  Examen  critique 
de  cet  écrit ,  307  et  suiv. 

Anonymes  ,  auteurs  de  généalogies  des 
rois  de  France.  Généalogie  de  saint  Arnoul , 
évèque  de  Metz,  332.  Généalogie  de  Char- 
lemagne,  333.  Généalogies  des  familles  issues 
par  les  femmes,  des  rois  de  la  troisième  race, 
334  et  suiv. 

Anonitme,  auteur  d'une  Vie  abrégée  de 
l'empereur  Charlemagne,  ayant  pour  titre  : 
Micrologtis  de  l'itâ  Caroli  Magni.,  385. 

Anonyme  ,  auteur  de  la  Chronique  de 
Sainte-Colombe  de  Sens,  5io  et  suiv. 

Anonyme  ,  traducteur  de  plusieurs  ou- 
vrages du  pape  Saint -Grégoire,  voyez  Gré- 
goire. 

Anonyme,  traducteur  des  livres  des  Rois 
et  des  Machabées,  voyez  Rois. 

Anonyme,  auteur  des  Coutumes  de  la 
ville  de  Laon  ,  voyez  Laon. 

Anonyme, auteur  des  jugemens  d'Oléron, 
vovez  Oléron. 

Anonyme,  auteur  d'un  traité  contre  les 
Juifs ,  voy  ez  Juifs. 


ET   DES   MATIÈRES. 


609 


Anonyme,  auteur  d'une  instriiclion  sur 
la  manière  dont  on  doit  lire  l'Ecriture  Sainte , 
4i5. 

Anonymes  ,  auteurs  de  Vies  de  saints  et 
de  saintes,  373 — ()o6. 

jénrotiin  (  Saint  )  de  Pamiers.  Légendes 
qui  le  concernent,  5g3 — SflS. 

yipolo^ie  des  Clunistes  par  Pierre-le-Véné- 
rable  ,  îSi ,  353. 

ApostoViques.  Titre  que  se  donnaient  les 
disciples  de  l'hérésiarque  Henri,  91,  94. 

Archœologia ,  recueil  de  mémoires  de  la 
société  des  antiquaires  de  Londres,  60. 

Archambaud ,  sous-doyen  de  l'église  d'Or- 
léans ,  assassiné,  lOo. 

Ardiitivii ,  évéque  de  Genève,  réprimandé 
par  saint  Bernard,  1.58,  159. 

Arles.  Statuts  sur  les  consuls  de  cette 
ville,  sur  la  police  intérieure,  et  sur  \Au- 
sieurs  objets  relatifs  à  l'administration  de  la 
justice,  238  et  suiv.  Sermens  que  les  consuls 
doivent  prêter  à  leur  installation,  i^o. 

Ahsiuld,  abbé  de  Saint-Plerre-lc-Vlf  à 
Sens  ,  zélé  pour  enrichir  la  bibliothèque  de 
son  monastère,  Sg.  Ses  lettres,  ibid. 

Arnaud  de  Bresse^  i6t>,  ii\y.  Sa  mort,  2  38. 

Arnauld  ou  Ernanïd  de  Bonncval ,  auteui- 
d'une  Vie  de  Saint-Bernard,  lig;  et  d'un 
traité  sur  l'œuvre  des  .six  jours,  214. 

Arnoiil y  abbé  de  Moriuiond ,  quitte  ce 
monastère ,  et  entraîne  dans  sa  désertion 
plusieurs  religieux,  i5o. 

Arnould,  prieur  de  Saint-Thomas  d'Am- 
boise ,  auteur  d'un  traité  du  comput  ecclé- 
siastique, 584. 

Arttis,  roi  de  la  Grande  Bretagne.  Relation 
de  l'invention  de  son  corps  ,  4^0  ,  4^^  '  • 

Assemblées  de  Bourges,  349,  '^'^°- — ^^ 
Chaitres  en  ii5o  et  non  1146,  142,  ^45, 
a4''î  2  5i. —  D'Etarapes  en  ii3o.  Innocent  II 
V  est  reconnu  pape  ,  i35. —  De  Vezelai,  Saint 
Bernard  v  prêche  la  croi.sade,  140. 

Assises  de  Jérusalem,  recueillies  par  ordre 
de  Godefroi  de  Bouillon  ,  94.  Quel  en  fut 
le  rédacteur,  95.  Augmentations  et  modifi- 
cations faites  successivement  aux  Assises  de 
Jérusalem  ,  ibid.  Nouvelle  rédaction  au  temps 
de  Saint  Louis,  ibid. 

Astrolabe  y  fils  d'Abailard  et  d'Héloïse,  255. 

Alton  y  évéque  de  Troyes.  Lettres  à  lui 
adressées  par  saint  Bernard ,  i53  ;  parPlerre- 
le-Vénérable  ,  253. 

Az.vLAis  ou  Adélaïde  de  Porcairagues  , 
femme  poète,  aime  le  chevalier  Guy  Guer- 
rejat.  Une  seule  de  ses  chansons  s'est  conser- 
vée. Morte  vers  1170  ,  4*2. 

B. 

Basile  ,  huitième  prieur  de  la  Grande 
Chartreuse.  Sa  correspondance  avec  Pierre- 
le-Vénérable  ,  avec  Pierre  de  Celle  ;  son 
Traité  de  la  vie  solitaire,  579 ,  58o. 

Tome  XIII. 


Basnage.  Quelques  erreurs  de  cet  écrivain, 
5,  fi. 

Biililde  (Sainte),  épouse  de  Clovis  II ,  fils 
de  Dagobert.  L'auteur  de  sa  vie  écrite  en 
latin  et  traduite  en  français  p.ir  Lambert  de 
Liège  ,  se  dit  contemporain  des  faits  ;  on  ne 
lui  doit  pas  cependant  une  foi  sans  réserve, 
114. 

Bauduin  II,  évéque  de  Noyon ,  partisan 
de  Thomas  BecUet.  Ses  lettres  à  Suger  ,  à 
Louis  VII,  à  Eugène  III,  à  Alexandre  III, 
573,  573. 

Bnyle.  Ce  qu'il  dit  de  saint  Bernard,  23r. 

Béchin.  Vovez  Pierre. 

Becket ,  ou  saint  Thomas  de  Cantorbéry, 
disciple  de  Robert  de  Melun  ,  372.  Sa  cause 
défendue  par  Gilbert  dit  le  Grand,  abbé  de 
Cîteaux  ,  382  ,  383  ;  par  Bauduin  II ,  évéque 
de  Noyon  ,  572  ,  573;  par  Simon,  prieur  do 
la  chartreuse  du  Mont-Dieu  ,  5-7,  S78;  par 
Etienne,  archevêque  de  Bourges,  58i;  par 
Guillaume  de  Cherbourg,  Sgî.  Ce  que  Becket 
écrit  à  Henri  de  Blois,  qui  l'avait  sacré,  45y. 
Sa  vie ,  traduite  en  vers  français  par  P.  Lon- 
gatosta  ,471. 

Benoit  de  Sainte-Maure  ,  poète  anglo- 
normand.  Chargé  par  le  roi  d'Angleterre 
Henri  II  de  traduire  en  français  l'Histoire 
des  ducs  de  Normandie  ,  publie  son  travail 
après  celui  de  Robert  Wace  sur  le  même 
sujet.  Ce  poème  est  en  manuscrit  à  Londres  , 
dans  la  bibliothèque  Harléienne  ;  M.  de  la 
Rue  l'a  fait  connaître.  —  Benoît  est  auteur 
de  la  Guerre  de  Troie,  autre  poème,  423. 
Plusieurs  manuscrits  de  ce  dernier  poème 
scmt  à  la  bibliothèque  Impériale.  —  Erreurs 
de  nos  bibliograjîhes  à  son  égard.  —  Pro- 
logue du  poème  de  la  Guerre  de  Troie  ,  424. 
Idée  du  poème  et  citations,  42?.  Traduction 
en  prose  française.  —  Version  en  grec,  428. 

BérPtis;ery  disciple  d'Abailard.  Ce  qu'il  dit 
des  écrits  de  saint  Bernard,  190,  2i(). 

Bernard  (Saint).  Auteurs  qui  ont  écrit 
sa  vie,  129  — 132.  Sa  naissance,  son  éduca- 
tion :  il  embrasse  l'état  monastique,  i32, 
i33.  Il  devient  premier  abbé  de  Clairvaux  , 
t33.  Fonde  les  monastères  de  Fontenay  et 
de  Trois-Fontaines,  i34.  S'occupe  des  démê- 
lés entre  Louis  VT  et  les  évêques  de  Pans  et 
de  Sens,  i34,  i35.  Se  déclare  pour  Inno- 
cent II  contre  Pierre  de  Léon  ,  fait  prévaloir 
le  premier  dans  l'assemblée  d'Etampes,  i35  , 
i3fi.  Voyage  en  Italie  et  en  Allemagne,  re- 
fuse des  évêchés,  i35,  i36,  i38.  Accom- 
pagne le  légat  Geoffroy  en  Aquitaine  ,  fonde 
avec  lui  l'abbaye  de  Busay  ,  menace  le  duc 
Guillaume,  137.  Second  voyage  de  Bernard 
en  Italie.  —  Son  zèle  contre  Roger,  duc  de 
Sicile ,  protecteur  de  Pierre  de  Léon.  — Ex- 
tinction du  schisme,  i38.  Bernard  s'oppose 
à  la  consécration  d'un  ciuniste  élu  évéque 
de  Langres  ,  et  fait  nommer  Godefroi  ,  i38, 
349.  Il  détermine  le  concile  de  Sens  à  con- 

Hhhh 


6io 


TABLE   DES    AUTEURS 


damner  Ab.ijlaid,  iZg.  Rétablit  un  arcliev. 
de  Bourges,  dt'sagréablf  h  Louis  VII,  il>id. 
Epouse  les  intérêts  de  Tbibaut,  comte  de 
Chamjjagnc  ,  ibù/.  Est  maltraité  par  Inno- 
cent II  ,  sa  créature  ,  ibit/.  Confiance  que  lui 
accorde  Eugène  III,  140.  Croisade,  prédi- 
cations de  saint  Bernard  à  Vezelay ,  en  Alle- 
magne ,  etc.  140 — i4a.  Il  combat  les  opi- 
nions de  Pierre  de  Bruis,  de  Henri,  de 
Gilbert  de  la  Porée  ,142.  Reçoit  à  Clairvaux 
Eugène  III  et  jMalachie,  primat  d'Irlande, 
làiil.  Assiste  à  l'assemblée  de  Cliartres  en  i  i5o, 
et  noir  en  ii4^,  iOid,  Sa  maladie  et  sa  mort 
en  ii53,  i43  ,i44-=Ses  lettres,  144  —  178. 
En  faveur  d'Etienne  ,  évêque  de  Paris  ,  et 
de  Henri ,  arcbev.  de  Sens  ,  contre  Louis  VI 
et  contre  le  pape  Honorius ,  i54,  i55-  En 
faveur  d'Innocent  II,  contre  Pierre  de  Léon 
dit  Anaclet,  1  5q  ,  if'O.  A  Innocent  U,  ifio, 
iGi.  Contre  Abailard,  166,  iSy.  A  Eugène  III, 
17Î,  174- A  Louis  VII,  175.  =Ses  fermons, 
178  —  iy5.  Sur  les  fêtes  de  l'année  ecclésias- 
tique, 179 — i83.  Sur  la  Vierge  Marie  et 
sur  les  Saints  ,  83  —  i85.  Sur  divers  sujets, 
185 — 187.  Sur  le  Cantique  des  caittiques, 
187  —  IÇJ2.  Saint  Bernard  prêchait-il  en 
français?  192  —  ii)4==Ses  traités,  lyS  — 
an.  Des  degrés  de  l'Humilité  et  de  l'orgueil, 
195 — 197.  De  l'amour  de  Dieu,  197.  Sur 
les  Clunisies,  197 — 199.  Sur  les  mœurs  et 
les  devoirs  des  évèqnes,  199.  Sur  la  grâce 
et  le  libre  aibitre,  200  —  202.  Sur  les  Tem- 
pliers ,  202  ,  2o3.  Sur  le  Baptême  ,  2o3  ,  204. 
Contre  Abailard,  204,  2o5.  Du  Précepte  et 
de  la  Dispense,  2o5 ,  20G.  —  Vie  de  saint 
Malacliie  ,  20(1 — 208.  De  la  Considération, 
209  —  211.  Sur  le  Chant  ecclésiastique,  211. 
=  Ouvrages  mal-à-propos  attribués  à  saint 
Bernard,  211  —  2  17.  ^  Editions  et  traduc- 
tions de  ses  œuvres,  217 — 229. 

Ce  qu'il  a  écrit  pour  et  contre  Pierre-le- 
Vénérable,  247,  248-  Lettres  qu'il  a  reçues 
de  celui-ci ,  261 ,  252.  Ce  qu'Otbon  de  Fri- 
singue  dit  de  saint  Bernard,  281,  282.  Est- 
ce  a  saint  Bernard  que  sont  adressés  les  six 
livres  de  Richard  de  Saint-Victor  sur  la  Tri- 
nité? 479 1  480.  Correspondance  de  Bernard 
avec  Adélaïde  ou  Gertrude ,  duchesse  de 
Lorraine  ,  i58  ,  568  ,  569.  Avec  Henri, 
évêque  de  Troyes  ,  57!),  577. 

BtRîf  \RD  ,  surnommé  de  Moellau  ou  Moe- 
lan  ,  était  breton  ,  frère  de  Tbierri  ;  l'un  et 
l'autre  professeurs  à  Paris  ou  à  Chartres , 
07(1.  Bernard  était  chancelier  de  cette  der- 
nière église  l'an  i  i5g,  lorsqu'd  fitt  fait  évêque 
de  Quimper,  ibiii.  Il  mourut  l'an  1167,  le 
22  août,  ibiti. 

Bebhard  ,  évêque  de  Saintes.  Ses  statuts , 
590. 

Bebirasd  de  Blanchefort  ou  de  Blanque- 
fort,  grand  maître  des  Templiers.  Sa  famille, 
400.  Ses  lettres,  4<Ji .  402. 

Bosimm  (Hér''bert  de),  auteur  d'une  Vie 


de  Thomas  de  Cantorbérj  ,  écrite  en  latin, 
traduite  en  vers  français,  par  Pierre  Longa- 
tosta ,  471. 

BuRCHARD ,  abbé  de  Balerne.  Sa  piété 
louée  par  saint  Bernard,  323.  Sa  lettre  à 
Nicolas  de  Clairvaux,  323,  324-  Ce  qu'il 
ajoute  au  premier  livre  de  la  vie  de  saint 
Bernard  ,  324* 


Cadnrque ,  compétiteur  de  Pierre  de  la 
Châtre  pour  l'archevêché  de  Bourges,  447- 
Ce  qu'écrivait  de  lui  Pierre  de  la  Châtre  à 
Louis-le-Jeune ,  45 1. 

Cantiqtte  des  cantiques  expliqué  par  saint 
Bernard,  187 —  192.  Par  Gillebert,  188,  212. 

<7a/)ef  (Hugues).  Origine  de  ce  surnom, 
335. 

Cèlestm  II ,  pape.  Lettres  que  lui  adressent 
saint  Bernard,  147,  167  ;  et  Pierre-le-A'é- 
nérable,  25o.  Lettre  de  ce  pape  à  Guillaume 
VI,  seigneur  de  Slontpellier .  325. 

Chant  ecclésiastique  ,  2  1 1. 

Clim-al ,  monastèie  fondé  près  de  Milan 
par  saint  Bernard,  i36. 

Chevaliers  de  Calalrava.  Leurs  statuts  rédi- 
gés par  Gilbert ,  abbé  de  Citeaux ,  approUTes 
par  Alexandre  111  ,  382. 

Chrétien,  moine  de  l'Aumône,  auteur 
de  Visions ,  584- 

Chorier ,  historien  du  dauphiné  ,  vengé 
des  reproches  à  lui  faits  par  Maupertuis  et 
Charvet,  historiens  de  l'église  de  Vienne, 
33o. 

Citeaiuc.  Privilèges  que  cette  abbaye  ob- 
tient d'Innocent  11 ,  réclamation  des  Clu- 
nistes,  243 ,  249. 

Clairvaux  ,  voyez  S.  BerkaRD.  Vers  en 
l'honneur  de  Clairvaux  par  Richard,  moine 
de  Grandselve,  586. 

Claude  (S.).  Trois  écrits  sur  ses  miracles, 
60a  ,  6o3. 

Clérac.  Son  édition  des  jugemens  d'Olé- 
ron  ,  97,  98.  Sa  dédicace  à  la  reine,  mère 
de  Louis  Xl\  ,  ibid. 

Clergé.  Censure  de  ses  mœurs  par  saint 
Bernard ,  181  ,  190,  201 ,  203  ,  207  ,  209. 

Cluni  (Abbaye  de).  Reconnaissance  que 
lui  devait  le  pape  Innocent  II  ;  comment  il 
s'en  acquitte,  79,  243.  \oyez  Saint 'Berlin 
(abbave  de)  et  Pierre-le-Vé»érable. 

Communes.  De  leur  établissement ,  47.  De 
la  commune  de  Laon  en  particulier,  et  de 
la  charte  de  Louis-le-Gios  en  sa  faveur,  ibid. 
Plusieurs  villes  demandent  et  obtiennent  les 
mêmes  concessions ,  ibid.  Troubles  que  la  loi 
du  roi  avait  causés  à  Laon,  48.  Analyse  de 
cette  loi,  48  et  suiv. 

CoHON  ,  cardinal  évêque  de  Palestrine  , 
était  parent  ])ar  sa  mère  de  Brunon  ,  évêque 
de  Toul,  puis  pape  sous  le  nom  de  Léon  IX, 
3o.  Était  en  Angleterre  à   la  mort  de  Guil- 


ET   DES   MATIERES. 


laume-le-Conquérant ,  3i.  Fixé  en  France, 
il  jette  les  premiers  foiidcmens  de  l'abbaye 
d'Arouaise,  ibid.  Assiste  l'an  1107  au  concile 
de  Troues,  célébré  par  le  pa])e  Paschal  II, 
et  l'aniiée  d'après  est  fait  cardinal  évèque  de 
Palestrine,  ibid.  Etant  en  orient  l'an  iiii  , 
il  assemble  à  Jérnsalrm  un  concile  dans 
lequel  il  excommunie  l'empereur  Henri  V, 
pour  avoir  fait  violence  au  pape,  ibid.  Assiste 
au  concile  de  Latran  de  l'an  iiij,  32.  En- 
voyé en  France  en  qualité  de  légat,  il  assem- 
ble des  conciles  à  Beauvais,  à  Soissons ,  à 
Reims,  à  Cologne,  à  Chàlons-sur-IVIarne  , 
pendant  les  années  11 14  et  11 15,  ibid.  As- 
siste au  concile  de  Rome  l'an  1 1 16  ,  et  de-là 
est  envoyé  légat  en  Allemagne,  33.  Assemble 
deux  conciles  à  Cologne  et  à  Frizlar  contre 
l'empereur,  34-  Refuse  la  papauté  après  la 
mort  du  pape  Gélase,  ibid.  Guy,  archevêque 
de  Vienne  ,  ayant  été  élu  pape,  Conçu  est 
envoyé  annoncer  cette  nouvelle  au  roi  Louis- 
le-Gros,  35.  Il  parcourt  ensuite  la  France 
avec  le  pape  Calixte  II ,  jusqu'au  concile  de 
Reims  de  l'an  1 1 19  ,  ibid.  Après  le  départ  du 
pape  pour  l'Italie,  il  continue  sa  légation 
en  France  ,  tient  un  concile  à  Beauvais  et  un 
autre  à  Soissons  contre  Abailard  ,  36.  Re- 
tourné en  Italie,  y  meurt  l'an  1122,  et  non 
l'an  II 17,  ibid.  Ses  lettres  ou  décrets,  Sy 
et  suiv. 

CoNSTvNTiN  ,  prieur  d'Hérival ,  auteur  de 
statuts  cénobitiques  ,  58(i. 

Contributions  personnelles  ou  réelles  envers 
le  roi  on  les  seigneurs,  49  ,  5o. 

Coutumes.  Voyez.  Communes  y  Laon  j  Léonins 
«u  Léon  ,  Poperingues. 

Crimes.  Poursuite  et  punition  de  divers 
crimes  et  délits ,  48  ,  49-  Punition  des  injures 
à  Laon ,  49-  Compositions  pour  les  crimes, 
ibid.  Jugement  de  Dieu,  ibid. 

Croisades.  Celle  de  11 47,  14°  —  '{3,  209, 
:>io,  s8i  ,  349,  35o.  Croisade  projetée  en 
n5o,  142,  174.  Croisades  désapprou\ées 
par  Adrien  IV  ,  2g5. 


D. 


Dopifère.  Voyez  Sénéchal. 

David  ,  poète  anglo-normand  ,  avait  écrit 
en  vers  la  vie  de  Henri  I ,  roi  d'Angleterre  ; 
ee  poëine  s'est  perdu.  Contemporain  de  Geof- 
froi  Gaymar,  qui  a  fait  son  éloge,  titi. 

/)/e  (  comtesse  de),  femme  poète,  dont  le 
troubadour  Rambaud  d'Orange  fut  amou- 
reux ,  472. 

Démêlés  entre  Cîteaux  et  Cluni ,  i36,  ig8  , 
199  ,  242  ,  249  ,  ^52  ,  a53  ,  255.  Entre 
Adrien  IV  et  Frédéric  Barberousse  ,  290  — 
293. 

Drogon  élu  archevêque  de  Lyon  ;  son 
élection  cassée  ;  lettres  qu'il  écrit  à  ce  sujet 
au  roi  Louis  VII ,  370  ,  371. 


01  1 

Drogon,  chanoine  de  Ham.  Son  caractère, 
546. 

E. 

Écriture  sainte.  Auteur  anonyme  d'un  traité 
sur  la  manière  dont  ou  doit  la  lire,  416  et 
suiv. 

Eléonore  d'Aquitaine.  Lois  maritimes  ducs 
à  cette  princesse,  96  ,101.  C'est  à  tort  qu'on 
les  attribue  à  Richard  F',  roi  d'Angleterre, 
son  iils,   96,  97.  Vo^'CZ  Jugeinens  d'Otéron. 

Ei'HRAiM.  Ecrit  de  ce  rabbin  contre  un 
ouvrage  de  Zérachias ,  lévite,  dans  lequel 
était  attaqué  le  livre  d'Alphèssur  leTalmud, 
loi ,  ro2. 

Epidémie  à  Cluni  ,  24^  ,  a54. 

Épitres  farcies.  Origine  et  signification  de 
ce  mot,  108.  Se  qjiantaient  à  la  fêle  des  Fous. 
Epiire  pour  la  fête  de  saint  Etienne  ,  exem- 
ples ,  loy.  Pour  saint  Thibaud  de  Provins, 
exemples,  iio.  Les  Kjrie ,  les  Christe  eleison 
étaient  aussi  farcis,  se  chantaient  encore  à 
Auxerre  au  commencement  du  X VIIF'  siècle, 
1 1  r. 

Ervlsius  y  abbé  de  Saint -Victor  à  Paris, 
introduit  dans  ce  monastère  des  désordres 
que  réprime  Alexandre  III  ,  473  ,  474- 

Etienne,  évêque  de  Paris.  Ses  démêlés  avec 
Louis-Ie-Gros ,  i34. 

Etienne  de  Garlande.  Voyez  Carlande. 

ETrE^•^E,  archevêque  de  Vienne  en  Dau- 
phiné  ,  mal-à-propos  confondu  avec  Etienne 
de  Bar,  évèque  de  Metz,  32g.  Condamné 
dans  un  concile  tenu  à  Belley  sur  plusicur.'» 
chefs  d'accusation  ,  se  pourvoit  par  appel  à 
Rome,  ibid.  Cité,  vers  l'an  114^,  à  compa- 
raître devant  le  légat  Alberic  ,  évèque  d'Os- 
lie,  est  condamné  par  défaut  à  perdre  son 
siège,  ibid.  Se  retire  à  Saint-Ruf,  dont  il 
était  chanoine  avant  son  épiscopat  ,  ibid. 
Assiste  l'an  ii5o,  au  nom  de  l'archevêque 
de  Lyon  ,  à  l'assemblée  de  Chartres  ,  convo- 
quée par  l'abbé  Suger ,  33o.  Est  rétabli  sur 
son  siège  l'an  1 1  5(i  par  le  pape  Adrien  IV, 
33l .  Meurt  l'an  1 1()4  ,  ibid.  C'est  à  lui  qu'Hé- 
rimanne  de  Tournai  adressa  un  traité  de  sa 
composition  sur  l'incarnation  du  verbe  ,  ibid, 

Eiicnne  ,  comte  de  Boulogne,  couronné 
roi  d'Angleterre  par  Guillaume  de  Corbeil , 
57.  Ses  démêlés  avec  son  frère  Henri  de 
Blqls,457,  458. 

Etienne,  évêque  de  Meaux,  archevêque 
de  Bourges,  écrit  à  Alexandre  III  en  faveui- 
de  Thomas  Becket ,  58o,  58i. 

Etienne,  abbé  de  Cluni.  Ses  lettres  à 
Louis  VII,  etc.  58i,  582. 

Eugène  IIL  Son  élection  à  la  papauté  ,172. 
Lettres  à  lui  adressées  par  saint  Bernard  , 
173,  174;  par  Pierre  -  le -V  énérable  ,  25o. 
Lettres  d'Eugène  aux  évêques  d'Allemagne, 
282  ;  à  Guillaume  VU,  seigneur  de  Mont- 
pellier,  327.   11  retire  à  Henri  de  Blois  la 

II  h  h  h  î 


6l2 


TABLE    DES   AUTEURS 


commission  de  légat  apostolique  ,  458.  I! 
excite  et  loue  le  zèle  de  Godescale,  évêque 
d'Arras  ,  contre  Gilbei  t  de  la  Poiée  ,  469  , 

470- 

Kvebard  ou  Evrard  ,  moine  et  poète  fran- 
çais, auteur  d'une  traduction  en  vers  des 
distiques  de  Caton  :  son  ouvrage  inconnu  à 
nos  hililiograplies,  et  cependant  conservé 
à  la  Biltliothèque  impériale.  11  écrivait  avant 
I145.  Citations  de  sa  traduction,  jointes  au 
texte  latin,  68  et  suiv.  Il  est  le  premier  qui 
ait  croisé  les  rimes,  et  donné  quelque  régu- 
larité aux  strophes  ,  70. 

Eveniii ,  abbé  de  Stcinfeld.  Son  zèle  contre 
les  hérésies,  192. 

F. 


Fece  des  Fous  ,  était  scandaleuse  ,  se  célé- 
brait à  Paris  le  jour  de  la  Circoncision  ; 
supprimée  per  une  charte  d'Odon  de  Sullv, 
108. 

Fhretas  y  poème  latin  théologique  et  mo- 
ral ,  mal-à-propos  atli  ihué  à  saint  Bernard  , 
ai6 ,  217. 

Folcarri ,  religieux  de  saint  Berlin.  Il  écrit 
une  vie  de  ce  saint,  que  Tabbé  Simon  met 
ensuite  en  vers ,  Si. 

Fo/ciiin  ,  religieux  de  Saint-Bertin ,  dans 
le  X'  siècle  Son  ouvrage  sur  ce  monastère, 
80.  Par  qui  l'ouvrage  fut  ensuite  continué  , 
81. 

Forannan  (  S.  ).  Sa  vie  par  Robert  de  Wa- 
sor,  5 1(3 ,  517. 

Frédéric  Barberotisse  ,  empereur.  Othon  de 
Frisingue  ,  son  oncle,  lui  dédie  une  chro- 
nique ,  270  ;  et  compose  deux  livres  sur 
l'histoire  de  cet  empeieur  lui-même,  278  — 
285;  ouvrage  continué  par  Radevic  ,  2S3. 
Lettres  de  Fi-édéric  Barberonsse  à  Othon  de 
Frisingue,  278,  282.  Démêlés  de  Frédéric 
avec  Adrien  IV,  290  —  293.  Hugues  de 
Trasan,abbé  de  Cluni  ,  se  réfugie  auprès 
de  Frédéric  ,571. 


G. 


Galane ,  habile  fourbisseur  au  XII'  siècle , 
355. 

G.iRUHDE  (Etienne  de),  nommé  très- 
jeune  encore,  et  sans  être  dans  les  ordres, 
évêque  de  Beauvais,  io5.  Réclamation  faite 
avec  succès  contre  cette  nomination  ,  io(>. 
Ce  qu'il  tente  ,  mais  en  vain  ,  pour  être 
évêque  de  Paris  ,  ibiJ.  Chancelier  du  royaume 
sous  Philippe  I'"^  et  sous  Louis-le-Gros, ite/. 
Autres  grandes  fondions  qu'il  exerça  pa- 
reillement ,  1&7.  Ce  qu'en  dit  saint  Bernard, 
ibid.  et  i52. 

Cariatide  (  Guillaume   de  )  ,   sénéchal    ou 


grand  mailre  de  la  maison  du  roi ,  io5.  Trois 
de  ses  fils,  Anselme  ou  Anseau  ,  Guillaume 
et  Etienne  (celui  dont  nous  venons  de  par- 
ler) le  remplacent  successivement  dans  cette 
haute  dignité,  107. 

Garnier  de  Mailiy  ,  abbé  de  Saint-Etienne 
de  Dijon.  Sa  vie  ,  598 ,  599- 

Garnier  ,  sous-prieur  de  Saint-\  ictor  de 
Paris,  mort  l'an  1170,  4o9-  Auteur  d'un 
Grcgorianum  ou  commentaire  de  l'écriture 
d'après  les  écrits  de  saint  Grégoire-le-Grand, 
ibid.  On  cite  du  même  auteur  un  ouvrage 
ayant  pour  titre  Regimen  sanitatii  ^  ^\o, 

Gauthier  de  Mortagse  ,  flamand  et 
docteur,  maître  de  Jean  Salisburv,  devient 
évêque  de  Laon,  5ii  ,  5i2.  Auteur  de  six 
traités  ihéologiques  ,  5i3;  l'un  adressé  à 
Abailard  ,  5i4;  un  autre  à  Hugues  de  Saint- 
Victor  ,  5i5.  Lettre  de  Gautier  à  Alexan- 
dre III,  5i5. 

Gaymar  (Geoffroi),  poète  anglo-nor- 
mand, auteur  d'une  histoire  des  Rois  saxons 
en  vers  français,  63.  Peines  qu'il  se  donne 
pour  lasscmbler  les  matériaux  de  cette  his- 
toire ;  son  ouvrage  est  plus  ancien  que  le 
Brut  de  Robert  W'ace.  Il  commence  par  la 
conquête  de  la  Toison  d'or.  Lacune  qui  s'y 
trouve,  et  qui  fait  penser  que  l'auteur  avait  \ 
a\issi  écrit  une  histoire  des  rois  d'Angleterre. 
Sources  dans  lesquelles  Gaymar  avait  dû 
puiser ,  64.  Son  histoire  des  rois  anglo- 
saxons  ne  s'étend  que  jusqu'il  Guillaume- 
le-Roux.  Morceau  tiré  de  ce  poëme ,  65. 

Geneviève  (  Suinte).  Deux  relations  qui  la 
concernent ,  598. 

Génois  (  les  ).  Accueil  qu'ils  font  à  saint 
Bernard,  i36.  Lettre  qu'il  leur  adresse, 
159  ,  160. 

Geoffroi  de  Lèves,  évêque  de  Chartres, 
succède  l'an  i  i  16  à  l'évêque  Ives  ,  83.  Re- 
connaît le  privilège  de  l'abbay  e  de  Vendôme, 
ihid.  Assiste  l'an  1 121  au  concile  de  Soissons 
contre  Abailard  ,  84  ;  et  au  concile  de  Char- 
tres de  l'an  1 1 2  4  ,  ibid.  Accompagne  l'an  11 27 
Etienne  de  Senlis  ,  é>  êcpie  de  Paris,  allant  à 
Rome  plaider  sa  cause  contre  l'archidiacre 
Notier ,  ibid.  Seconde  le  même  prélat  pour 
triompher  de  l'archidiacre  Etienne  de  Gar- 
lande  appuyé  par  le  roi ,  ibid.  Est  revêtu 
l'an  Ii32  de  l'autorité  de  légat  par  Inno- 
cent II,  et  tient  en  cette  qualité  un  concile 
à  Jouare  l'an  1 1  33  ,  85.  Tiavaille  avec  saint 
Bernard  à  éteindre  en  Aquitaine  le  schisme 
fomenté  jiar  Gérard,  évêque  d'Angonlême, 
ibid.  Accompagne  l'an  11 37  le  roi  Louis-le- 
Jeune  allant  à  Bordeaux  épouser  l'héritière 
de  Guienne,  ibid.  Assemble  plusieurs  con- 
ciles à  Saumur,  a  Vannes,  au  .Mans,  à  Paris, 
à  Poilieis,  86.  \a  l'an  ii45,avecle  cardinal 
Alhéric  ,  évêque  d'Ostie  ,  et  saint  Bernard, 
]>rêcher  à  Toulouse  pour  dissiper  les  erreurs 
de  certains  hérétiques  ,  ibid.  j  et ,  l'aimée 
suivante,  prêcher  la  croisade  en  Bretagne  , 


ET    DES   MATIERES. 


6i3 


ibid.  Meurt  l'an  Il49  »  ^c  4  janvier  N.  S.  ibid. 
Baisons  pour  lui  attribuer  un  écrit  sur  les 
miracles  opérés  par  l'intercession  de  la  Sainte 
Vierge  ,  87. 

Geoffrni,  religieux  de  Clairvaux,  historien 
de  saint  Bernard  ,  lag. 

Gérard ,  fi-ère  de  saint  Bernard  ,  iSs  ,  190. 

Gérard  de  Nazareth.  S'il  était  né  en  Asie, 
3oo.  Fait  évêque  de  Laodicjje,  ibid.  Ses  ou- 
vrages ,  3oi  ,  'S02. 

Gérard,  cardinal  du  titre  de  Sainte-Marie 
in  via  latû  ,  tient  à  Liège  un  concile  oublié 
dans  les  collections  de  ce  genre,  3i6. 

Gérard  ou  Girard,  évêque  d'Angoulême, 
partisan  de  Pierre  de  Léon  ,  i35  ,  tSg. 

Gébaud,  ou  Giiaud  le  Roux,  poète  pro- 
vençal ,  amoureux  de  la  fille  d'Alphonse 
Jourdain  ,  comte  de  Toulouse  ,  compose 
pour  elle  sept  pièces  de  vers.  Florissait  vers 
ii5o  ,  3ofi. 

Gekson  Haz.vken,  qualification  honorable 
qu'on  lui  donne  ,  2  ;  ses  ouvrages  ,2,3; 
est-il  le  même  que  Gerson  de  Paris  ,  3  ;  ses 
disciples,  4?  5,  io3;  à  quelle  époque  il 
vécut,   3,4;    ouvrage    d'un   de    ses    petits- 

fils,  4. 

Gezelin,  ou  Schozelin  ,  hermite  allemand. 
Sa  vie  par  Achard  ,  ou  plutôt  par  Herbert, 
410  —  4i2. 

Gilbert  ,  dit  le  Grand  ,  abbé  de  Cîteaux , 
n'est  pas  l'auteur  de  tous  les  écrits  qu'on  lui 
attribue  ,  38i  —  385.  11  défend  avec  zèle 
Thomas  Becket ,  382  ,  383. 

Gilbert  Folioth  ,  cvéque  de  Hereford  , 
confondu  avec  Robert  de  Melun ,  son  suc- 
cesseur, 372,  373.  Ses  écrits,  ibid. 

Gilbert  de  la  Porée ,  combattu  par  saint 
Bernard,  142,  187,  19a  ;  excusé  par  Othon 
de  Frisingue,  282.  Sa  doctrine  examinée 
par  Godescalc  ,  évêque  d'Arras  ,  4*19  >  470. 
Condamnée  par  le  concile  de  Reims,  142, 
187,314. 

Gilbert,  ou  Gislebert  dcHoylandta.  Quel 
lieu  désigne  le  nom  qu'il  portait,  461.  Mo- 
nastères qu'il  gouverna  ,  41)2.  Où  et  quand 
il  mourut,  ibid.  Sa  continuation  du  travail 
de  saint  Bernard  sur  le  Cantique  des  Can- 
tiques ,  1S8  ,  4fi2  et  suiv.  Autres  écrits  de  ce 
savant ,  41J''  et  suiv. 

GiKiUD  ,  auteur  d'une  vie  de  salut  Jean 
de  Valence,  412,  4 '3. 

Giiiebert,  évêque  de  Londres,  dit  le  doc- 
teur universel,  sacré  par  Guillaume  de  Cor- 
beil,  56. 

Godefrol  de  Bouillon  ,  voyez  Assises  de  Jéru- 
salem. 

GoDEppoi,  prieur  de  Clairvaux,  évêque 
de  Langres  ,  était  ])arent  de  saint  Bernard  , 
349-  Démêlés  auxquels  donne  lieu  son  élec- 
tion au  siège  de  Langres  ,  ibid.  Son  zèle  pour 
les  croisafles,  349,  ^^o.  Il  est  envo\é  par 
Alexandie  III  à  Louis  VII,  35o.  Il  se  retire 
à  Clairvaux ,  et  y  meurt  dans  la  cellule  de 


saint  Bernard,  \bid.  Ses  chartes,  ses  sen- 
tences, et  ses  lettres,  35o  —  352.  On  lui  at- 
tribue une  traduction  latine  de  la  vie  de 
saint  Marna  ou  Mammès,  352,  353.  Il  ne 
doit  pas  être  confondu  avec  Geoffroy,  se- 
crétaire et  historien  de  saint  Bernard,  35 1. 
GonEL  ou  GoDE\u  (Guillaume)  ,  était 
anglais,  Sog.  Se  fit  religieux  dans  quelque 
monastère  de  France,  l'an  11 45,  non  à  Li- 
moges ,  mais  dans  le  diocèse  de  Sens,  ibid. 
Meurt  vers  l'an  1173,  ibid.  Idée  de  sa  chro- 
nique ,  ibid.  et  seqq. 

GoDESCiLC. ,  évêque  d'Arras,  4(19.  Ce  qu'il 
écrit  contre  Gilbert  de  la  Porée,  470.  Il  ab- 
dique sonévêché,  l'iii/.  Lettres  d'Eugène  III, 
d'Adrien  IV,  d'Alexandre  III,  adressées  ou 
relatives  à  Godescalc,  ('*/(/.  Éloges  que  lui 
donne  saint  Bernard  ,  470. 

Goswin  (saint),  abbé  d'Anchin.  Sa  vie, 
6o5,  606. 

Grâce  et  libre  arbitre,  200 — 202. 
G/cg^O(/-e,pai)e( saint).  Traduction  de  trois 
de  ses  ouvrages,  6  et  suiv.  De  quel  siècle  est 
cette  traduction,  Sfi,  57.  Relation  de  sa  vie 
et  de  ses  miracles  ,  $96  ,  597. 

GuiBERT,  moine  de  Foigny,  auteur  d'un 
traité  sur  le  sens  moral  de  la  Genèse,  585. 

Guignes ,  général  des  chartreux.  Sa  corres- 
pondance avec  saint  Bernard,  i5i.  Ses  sta- 
tuts ,  etc. ,  58o. 

Gnillanme-le~Conquéra)it,  devenu  roi  de  la 
Grande-Bretagne  ,  prend  soin  d'y  introduire 
la  langue  fiançalse,  59. 

Guillaume  IX,  comte  de  Poitou.  Sa  vie 
et  ses  écrits.  11  est  le  premier  poète  provençal 
dont  quelques  poésies  se  soient  conservées, 
42.  Ses  belles  qualités,  ses  défauts  et  ses  vices. 
Excommunié  par  l'évéque  de  Poitiers,  43.  Ob- 
scénité de  ses  vers.  Il  part  pour  la  première 
croisade,  fait  un  poème  plein  degaîté  sur  ce 
qu'il  y  avait  souffert,  en  a^ait  fait  un  autre 
plus  triste  à  son  départ ,  44-  Aventure  scan- 
daleuse ,  sujet  d'une  de  ses  chansons,  45.  Il 
remercie  Dieu  et  saint  Julien  de  ses  bonnes 
fortunes  ;  est  peut-être  le  premier  poète  mo- 
derne qui  ait  parlé  des  fées;  parle  aussi  des 
tensons  ou  jeux-partis  ,  4^*. 

GuiLHUME  VI,  seigneur  de  Montpellier, 
fait  un  voyage  à  la  Terre-Sainte,  épouse  la 
comtesse  Sihille ,  se  déclare  pour  Innocent  II 
contre  Pierre  de  Léon;  s'allie  à  Bérenger- 
Raimond  ,  comte  de  Provence;  est  chassé 
par  les  habitans  de  Montpellier;  assiège  cette 
ville  ,  et  s'en  rend  maître,  324  •  ■>25  Son  tes- 
tament,  325,  326.  11  embrasse  l'état  monas- 
tique, 326.  On  lui  attribue  une  vie  du  frère 
Jean  de  Grandselve,  3^7. 

Guillaume  VII,  seigneur deMontpellier, 
épouse  Matilde  de  Bourgogne ,  ses  démêlés 
avec  le  comte  et  la  comtesse  de  Melgueil  ;  ses 
lettres  ,  ses  chai  tes  ,  son  testament.  On  lui 
attribue  mal-à-propos  des  vers  rythmiques. 
Lettres  qui  lui  sont  adressées  par  les  pape,s 


6i4 


TABLE   DES  AUTEURS 


Eugène  III,  Adilen  IV,  Alexandre  VI ,  327, 
3a8. 

Gtiillaume-le-Mauvats ,  roi  de  Sicile.  Ses 
démêlés  avec  Adrien  IV,  290. 

GuiiHUME  D'Andozile,  évéque  d'Aucli, 
auteur  d'un  décret  et  d'une  lettre  sur  la 
trêve  de  Dieu  ,  5gi  ,  Spa. 

Guillaume  de  Champeaux  donne  la  Ijénédic- 
tion  aljbatiale  à  saint  Bernard,  i33. 

GuiLL  vuME  DE  CHERBOURG,  Versificateur, 
partisan  de  Thomas  Becket ,  Sgî. 

Guillaume  de  Corbeil,  archevêque  de 
Cantorbcry,  convoque  un  concile  à  Londres, 
va  deux  fois  à  Rome  ,  en  revient  avec  le  titre 
de  légat,  préside  un  concile  à  Westminster, 
sacre  Glslebert  (le  docteur  universel)  évêquc 
de  Londres,  couronne  roi  d'Angleterre  le 
comte  de  Boulogne,  I^tienne,  55  —  Sy. 

Guillaume  ,  chanoine  de  Grenoble,  écrit 
la  vie  de  Marguerite ,  femme  de  .Guy  IV, 
dauphin  ,  587. 

Guillaume ,  abbé  de  Saint-Tbierrv  ,  auteur 
d'une  vie  de  saint  Bernard,  12g,  et  de  plu- 
sieurs autres  ouvrages,  ai2. 

Guimpe ,  ornement  mondain  au  XII"  siècle, 
i57,i58. 

H. 

Haimon  ,  fragment  d'un  de  ses  ouvrages. 

Hamon  ou  Ayinon  ,  moine  breton  ,  com- 
mentateur d'Isaïe,  Sga. 

Ilarduin ,  jésuite.  Ce  qu'il  critique  dans  les 
écrits  de  saint  Bernard,  iga. 

Hélie  de  Ruffec  ,  moine  de  Saint-Martial , 
a  Limoges  ,  continue  la  notice  chronologique 
des  abbés  de  ce  monastère  ,  5g3. 

Héloïse  reçoit  saint  Bernard  à  l'abbaye  du 
Paraclet,  i38.  Lettres  à  elle  adressées  par 
Pierre-le-Vénérable,  255. 

Henri,  roi  d'Angleterre.  Interrogatoire  que 
des  moines  lui  font  subir ,  577.  Fojez  Becket. 

Hesbi  de  Blois  ,  évéque  de  Winchester. 
Lettres  à  lui  adressées  par  saint  Bernard  , 
i58.  Ses  relations  avec  Pierre-le-Vénérnble, 
246  ,  248,  2  53.  Sa  vie.  Comment  il  contribue 
à  placer  son  frère  Etienne  sur  le  trône  d'An- 
gleterre ;  comment  il  se  brouille  avec  ce 
même  Etienne  ,  etc.  ,  457  ,  458.  Les  re- 
proches et  les  complimens  qu'on  lui  adresse, 
458,  45g.  Ses  lettres,  459.  On  lui  attribue 
mal-à-propos  la  relation  de  l'invention  du 
corps  du  roi  Artus  ,  4 '9»  4''0-  On  l'a  con- 
fondu avec  son  neveu  IJenii  de  Sully,  4^8 
—  460,  et  avec  Henri  de  Murdrach  ,  4(10. 

Hesbi  ,  abbé  de  Dlligheni.  Auteur  d'une 
Histoire  de  l'ordre  de  Piémontré  ,  58f>,  58". 

Hesri  deFrakce,  frère  du  roi  Louis-le- 
Jeune,  se  fait  religieux  à  Clairvaux  ,  l'an 
1x46,  542.  L'an  ii4q,  il  est  pourvu  de 
révêché  de  Beauvais,  ibid.  Ses  démêlés  avec 
la  noblesse  du  pavs ,  ibid.  ;  veut  se  démettre 
de  son  évéché,  543;  se  déclare,  l'an  Ii5g, 


pour  le  pape  Alexandre  III,  et  agit  pour  le 
faire  reconnaître  en  France,  ibid.;  est  trans- 
féré l'an  1162,  à  l'archevêché  de  Reims, 
ibid.  Fait  le  voyage  de  Rome  ,  l'an  i  i6fi ,  ibid. 
Ses  démêlés  ,  l'année  suivante,  avec  la  bour- 
geoisie et  le  chapitre  de  Reims,  544  —  546. 
Excommunie,  l'an  1171,  le  comte  de  Cham- 
pagne ,  Henri  le  Libéral ,  547.  Meurt  le 
i3  novembre ,  iiyS  ,  ibid.  Ses  lettres,  548 — 
552. 

Henri  de  Murdrach ,  ou  Murdach.  Lettre  a 
lui  adressée  par  saint  Bernard  ,  i56.  Con- 
fondu avec  Henri  de  Blois  ,  460.  Moine  , 
abbé  ,  puis  archevêque  d'York  ,  ibid, 

Henri,  archevêque  de  Sens.  Ses  démêlés 
avec  Louis  VI ,  i34. 

Hesri  ,  évéque  de  Troyes.  Sa  lettre  a 
saint  Bernard,  576,  377. 

Henri  ,  évéque  de  Verdun.  Ennemi  de 
saint  Bernard ,  i53. 

Hekbi,  chef  des  hérétiques,  appelés  de 
son  nom  Henriciens ,  go.  Pourquoi  ils  se 
nommaient  apostoliques,  ibid.  Ce  que  saint 
Bernard  dit  de  cet  hérctiqne,  go,  gi,  142, 
igi.  Ecrit  de  Pierre-le-Vénérable  contre  les 
erreurs  de  Henri  et  de  Pierre  de  Bruis ,  son 
m.iitre,  92,  258.  Légats  du  pape  en  France 
pour  arrêter  l'effet  de  ces  erreurs,  et  les 
punir,  ibid.  Points  principaux  de  leur  doc- 
trine, 92  —  g4.  Portrait  qu'un  historien  fdit 
de  Henri ,  ce  qu'il  dit  de  ses  disciples  et  de 
ses  succès ,  g3 ,  94 •  Condamnation  de  Henri , 
sa  mort,  g2. 

Henriciens  ,  hérétiques  du  XII°  siècle. 
Voyez  Henri. 

Herbert  ,  auteur  d'un  livre  sur  les  mi- 
racles des  Cisterciens  ,  12g.  Véritable  rédac- 
teur de  la  vie  de  l'hermite  Gezelin,  attribuée 
à  Achard  ,  4  "  • 

Hebrade  ,  abbesse  du  Mont-Saint-Odile. 
Ses  vers  et  sa  prose,  588  —  5go. 

Uddegarde  (Sainte).  Sa  correspondance 
avec  saint  Bernard,  170;  avec  Adrien  IV, 
2g6;  aAec  Hillin,  archevêcpie  de  Trêves,  576. 

Hillin  ,  archevêque  de  Trêves.  Ses  lettres 
à  Eugène  UI  et  à  sainte  Hildegarde  ,  575, 
5;6. 

Honoré,  abbé  de  Fondi.  Miracles  qu'on 
lui  attribue  ,  10  ,  it. 

Honoriui  II.  Lettres  de  saint  Bernard  à  ce 
pape,  i35 ,  i54. 

Hugues  de  Chamfleuri  ,  chancelier  de 
de  France,  l'an  ii5i  ,  est  fait  évêquc  de 
Soissons,  l'an  ii5g,  537.  Conclut  la  paix 
entre  les  rois  de  France  et  d'Angleterre  par 
le  mariage  de  leurs  enfans  encore  en  bas 
âge,  ibid.  Est  disgracié  l'an  1171 ,  et  perd  la 
charge  de  chancelier,  53g.  Sa  mort  arrivée 
l'an  1175  ,  le  4  septembre,  540.  Ses  lettres  , 
540  et  sniv. 

Hugues  de  Cleers  était  sénéchal  de  la 
Flèche  et  de  Baugé,  l'an  ii4fi)  337.  Il  fut 
chargé,  l'an  11 19,  d'une  négociation  auprès 


ET   DES   MATIERES. 


Cij 


du  roi  Louis-le-Gi  os,  relativement  à  la  charge 
de  dapijère ,  ou  graud  sénéchal  de  Franc;, 
que  réclamait  son  souverain  Foulques  V, 
comte  d'Anjou  ,  coninie  héréditaire  dans  sa 
famille,  ihid.  Il  vivait  encore  l'an  1 164,  338. 
Examen  et  défense  de  la  relation  qu'il  a 
donnée  de  son  ambassade  à  la  cour  de 
France,  338  —  348. 

Hugues  (Saint),  abbé  de  Cluni ,  auteur 
d'une  vie  de  ."^aint  Morand  ,  3o4. 

Hugues  de  FouitLOi  était  chanoine  régu- 
lier au  prieuré  de  Saint-Laurent  de  Heilly, 
et  non  bénédictin,  4y3.  Maison  qu'il  allègue 
pour  refuser  l'abbaye  de  Saint-Denis  de 
iieiuis,  qui  lui  était  offerte  l'an  Ii4y<  4^3 
et  suiv.  Sa  mort  arrivée  vers  l'an  I174,  4y5. 
Mal-à-propos  rais  au  nombre  des  cardinaux, 
ibiit.  Est  auteur  du  Cloître  de  l'ame  et  de 
plusieurs  autres  écrits  imprimés  parmi  ceux 
de  Hugues  de  Saint-Victor ,  496  et  suiv.  De 
MedUiiul  animœ  ,  497  ^^  suiv.  De  Avibus  ad 
Balnermn  corde  henigntim  ^  49^^  ^t  suiv.  De 
IVu/'tiis  ad  atniciitn  ,  5uo .  De  Arcâ  Noe  mjscicel 
descriptio  et  luornlis  interpretatio ,  5oo  et  suiv. 
De  J^anitate  Mundi ,  5oi  et  suiv.  De  Beatic 
Maiiœ  inrginitatc  perpétua  y  5o2  et  suiv.  De 
Botd  prœlationis  et  sânu/ationis ,  5o5  et  suiv. 
In  Lamentatioiies  Jeremiœ  y  Soy. 

Hugues  de  Frasvn  ou  Trasan  ,  abbé  de 
Cluni ,  exilé.  Sa  lettre  à  Frédéric  Barbe- 
rousse  auprès  duquel  il  se  réfugie,  671. 
Quatre  lettres  de  Pierre  de  Celles  lui  sont 
adressées,  571. 

Hugues  ,  abbé  d'Humblières  ,  est  fait  abbé 
d'Elnone  ou  de  Saint -Amant  l'an  ii5o, 
899.  Sa  mort  en  1 168,  ibid.  Est  auteur  d'une 
lettre  sur  la  mort  de  Waiin  ,  abbé  d'Hum- 
blières, ibid.  Fait  mettre  en  meilleur  style 
la  vie  de  saint  Aniand  ,  ibid. 

Hugues  II,  abbé  de  Marchiennes.  Sa  vie, 
604,  6o5. 

Hugues  ,  prieur  du  Mont-Tliabor.  Sa  lettre 
à  Louis  VII ,  578. 

Hugues  de  Toucy ,  archevêque  de  Sens. 
Ses  chartes  et  ses  lettres  à  Suger,  à  Louis  VII, 
à  Guillaume,  comte  de  Nevers ,  etc.  673  — 
575. 

Hugues  de  Saint-  T'ictor ,  maître  de  Richard 
de  Saint-Victor,  472-  Dédie  à  Gautier  de 
Alortagne  un  traité  de  théologie  ,  5i5.  Voyez 
Hugues  de  Fouiîloi. 

Humbeline ,  sœur  de  saint  Bernard,  iSa, 
j33.  Le  traité  sur  la  manière  de  bien  vivre 
n'est  ni  adressé  à  Humbeline,  ni  composé 
par  saint  Bernard,  îi3  ,  2i4- 


I. 


Immaculée  Conception  de  Marie,  combattue 
par  saint  Bernard,  167. 

Innocent  II,  pape,  i35.  Visite  Clairvaux  , 
i36.  Appelle  saint  Bernard  en  Italie,  i37, 


i38.  Oublie  les  égards  qu'il  lui  doit,  iSy. 
i65,  166.  Lettres  de  saint  Bernard  à  ce  pon- 
tife ,  160,  161,  164 — I et).  Innocent  II  à 
Cluni ,  243.  Lettres  que  lui  adresse  Pierre- 
le-Vénérable  ,  249,  25o.  Ses  relations  avec 
Guillaume  VI  ,  seigneur  de  Montpellier  , 
325.  Avec  Henri  de  Blois ,  45g. 

Investitures ,  p.  181. 

Ives  de  Chartres.  Il  écrit  au  pape  contre 
Etienne  de  Garlande  ;  il  écrit  au  pape  en  .sa 
faveur,  io5,  106.  Autres  lettres  d'Ives  de 
Chartres  ,     106  ,     108. 


J.icoE  B\R  Jekvb.  Le  maître  et  les  dis- 
ciples de  ce  rabbin  ,  4.  En  quel  temps  il 
vécut ,  5.  Ses  ouvrages,  (W. Erreur  de  Bas- 
nage  à  son  sujet ,  ibid. 

Jean  II ,  abbé  de  Saint-Bertin.  Il  est  dé- 
posé au  concile  de  Reims  ;  pourquoi.'  7g. 

Jean  de  Cornouailles.  Eloge  qu'il  fait  de 
Robert  de  Melun  ,  son  maître  ,  372. 

Jean,  diacre,  auteur  d'une  Vie  de  Gré- 
goire I,  pape,  5g7. 

Jean  l'Espagnol  ,  rédacteur  de  statuts 
monastiques,  585. 

Jean  l' Hermite ,  historien  de  saint  Bernard, 
129. 

Jean  d'Ibelin ,  comte  de  Japha  et  d'Ascala, 
rédacteur  des  Assises  de  Jérusalem ,  telles 
qu'elles  furent  publiées  au  milieu  du  XIII"" 
siècle ,  g5. 

Jean  ,  moine  de  Marmoutiers.  Son  His- 
toire de  Geoffroi  Plantagenet,  comte  d'An- 
jou, 354  —  356.  Est  auteur  des  Gestes  des 
comtes  d'Anjou  ,  qu'il  dédia  à  Henri  II , 
roi  d'Angleterre  ,  357  —  36o.  Raisons  de 
croire  qu'il  est  aussi  l'auteur  de  l'Histoire  de 
la  construction  du  château  d'Amboise  et  des 
Gestes  des  seigneurs  de  ce  nom,  36i.  Idée 
de  cet  ouvrage,  363  —  364.  Est  peut-être 
auteur  d'une  notice  imprimée  par  Ménage , 
365;  mais  non  d'une  Chronique  de  Tours, 
que  D.  Mabillon  lui  attribue  mal-à-propos, 
366;  non  plus  que  d'un  autre  écrit  concer- 
nant les  archevêques  de  Tours,  le  chapitre 
de  Saint-Martin  et  les  abbés  de  Marmou- 
tier,  ibid. 

Jean  de  Snlisbury  n'était  pas  frère  d'Adrien 
IV,  28g.  Son  entretien  avec  ce  pontife.  Éloge 
qu'il  fait  de  Robert  de  Melun,  l'un  de  ses 
maîtres,  372. 

Jean  (S.),  évêque  de  Valence  eu  Dau- 
phiné.  Sa  Vie  par  Giraud,  412,  41 3. 

Job.  Traduction  des  Morales  sur  Job  par 
saint  Grégoire,  6  et  suiv. 

JoNAS,  chanoine  régulier  de  Saint-Victor. 
On  a  de  lui  une  lettre,  578,  57g. 

Joslein  ,  évêque  de  Soissons  ,  ministre  de 
Louis  VIL  Sa  correspondance  avec  saint 
Bernard ,  i63. 


6i6 


TABLE   DES   AUTEURS 


JossE  ,  archevêque  de  Tours.  Ses  lettres 
à  Louis  VII,  582. 

Jourdain  des  Ursins ,  cardinal  légat.  Ses  dé- 
réglemens  attestés  par  saint  Bernard  ,  i^S. 

Judas  de  Barcelone.  Objet  piincipal  de 
ses  éludes,  6.  En  quel  temps  il  vécut,  ibid. 

Judas  Cohen.  Sa  patrie,  sou  maître,  et 
ses  ouvrages,  5  et  6. 

Jugement  d'Oîèron.  Pourquoi  on  les  désigne 
ainsi ,  96.  A  quelle  époque  ils  furent  publiés, 
ibid.  Fausseté  de  l'opinion  qui  su]jpuse  qu'on 
doit  cette  loi  aux  .anglais  ,  96  et  97.  Les  or- 
donnances de  A^^isbuy  ont  les  Jugemens 
d'Oléron  pour  base,  97.  Edition  de  ces  Juge- 
mens donnée  par  Clérac ,  97,  98.  Leur  ana- 
lyse, 98  et  suiv. 

Juifs.  Auteur  anonyme  d'un  traité  contre 
eux,  367  et  suiv.  Où  et  quand  cet  ouvrage 
fut  composé,  367.  Discussions  fréquentes 
auxquelles  les  Juifs  se  livraient  alors  contre 
les  chrétiens ,  3(38.  Caractère  de  ces  discus- 
sions, ihiJ.  Caractère  particulier  de  l'ouvrage 
que  nous  annonçons  ,  ibid.  Objet  principal 
qu'y  traite  l'auteur,  368  et  suiv.  Ouvrage 
que  cet  auteur  avait  précédemment  com- 
posé, 371. 

K. 

Kii-inde  ou  Rilende ,  abbessc  de  Hohen- 
bourg.  Sa  vie  et  ses  vers,  587,  588. 

L. 

La  Chatke  (Pierre  de)  archevêque  de 
Bourges.  Troubles  nés  au  sujet  de  son  élec- 
tion, .'i47  Maux  que  ces  troubles  produisent, 
448.  La  paix  est  rétabhe,  ibid.  Eloges  donnés 
à  l'administration  de  cet  arclievéque  par 
plusieurs  papes  et  par  le  roi ,  448  ,  449-  Son 
épitaphe,  449.  Ecrits  de  Pierre  de  la  Châtre, 
449  et  suiv. 

Lambert,  évéque  d'Arras ,  préside  au  con- 
cile de  Paris  de  l'an  iio4,  5. 

Lambert  de  Liège  ,  poète  français ,  sur- 
nommé le  Bègue,  traducteur  en  vers  d'une 
Vie  de  sainte  Batilde  ,  épouse  de  Clovis  II. 
Les  opinions  sont  partagées  entre  lui  et 
sainte  Bègue  sur  la  fondation  de  la  société 
des  Béguins  et  des  Béguines  dans  les  Pays- 
Bas,  114. 

Lambert,  d'abord  écolàtre,  et  enstiite  abbé 
de  saint  Bertin.  Réforme  qu'il  établit  dans 
plusieurs  monastères,  78. 

Lambert  {S.),  évéque  de  Vcnce.  Sa  vie  , 
602. 

Lnnn.  Coutumes  que  Louis  VII  hii  accorde, 
47.  Elles  deviennent  le  type  de  la  plupart 
de  celles  que  d'autres  villes  demandèrent , 
ibid.  Voyez  Communes. 

La  Rue  (M.  l'abbé  de  ) ,  de  la  société  des 
antiquaires  de  Londres,  5ç).  Ses  mémoires 


imprimés  A^n%V ArchœoJogia j  60,  4^3.  Erretir 
où  il  était  tombé,  et  qu'il  a  reconnue,  63. 

Laubes  ou  Lobes.  Aboyez  Léonins  ou  l.éoni 

Léonde-Grand.  Dispute  de  ce  ralibin  avec 
Odon,  évéque  de  Cambrai;  sur  l'incarnation 
de  Jésus-Christ,  3. 

Léonine  (rime)  ou  léonime,  dans  les  vers 
latins  ,  n'a  point  eu  pour  inventeur  Léonius  , 
chanoine  de  Paris;  on  trouve  des  vers  rimes 
de  cette  manière  dès  le  VIII*"  siècle,  446. 
L'inventeur  de  ces  rimes  et  des  vers  appelés 
léonius  est  inconnu  ,  et  on  ignore  pourquoi 
on  les  appelle  ainsi,  447. 

LÉojsius ,  prêtre  de  l'église  de  Paris, 
poète  latin.  Sa  vie.  Il  a  été  confondu  avec 
Léonius,  chanoine  de  Saint-Victor,  434. 
Epitre  de  Léonius  au  pape  Adrien  IV  en 
faveur  de  l'église  de  Saint-Benoît  ;  vers  de 
celte  épître  mal  traduits  par  le  P.  Gourdan  ; 
l'abbé  Le  Bœuf  a  cru  cjue  si  Léonius  s'in- 
téressait à  cette  église ,  c'était  comme  cha- 
noine de  Notre-Dame,  435.  Raisons  de  cioire 
qu'il  était  alors  simple  chanoine  de  Saint- 
Benoît,  4^7'  I'  ^'^t  protégé  par  le  cardinal 
Roland ,  évéque  de  Sienne ,  qui  devint  le 
pape  Alexandre  III  ,  et  par  le  cardinal 
Henri,  évéque  d'AIbano,  qui  lui  fait  présent, 
d'un  anneau  d'or ,  438.  La  cérémonie  du 
Bâton,  qui  faisait  partie  de  la  fête  des  Fous 
dans  l'église  de  Notre-Dame,  et  dont  Léonius 
parle  dans  une  épîlrc  ,  nouvelle  preuve  qu'il 
était  devenu  chanoine  de  ce'.te  cathédrale; 
il  était  ami  d'un  chanoine  de  Saint-A  ictor, 
qu'on  croit  être  l'abhé  Guéi'in  ,  439-  Erreurs 
de  Sébastien  Roulliard  et  de  Malingre  au 
sujet  de  Léonius.  Dernière  preuve  qu'il  était 
chanoine  de  Notre-Dame  et  non  de  Saint- 
Victor,  tirée  d'AEgidius  ou  Gilles  de  Paris. 
Ses  écrits  :  son  plus  grand  et  plus  célèbre 
ouvrage  est  l'histoire  de  l'Ancien  Testament 
mise  en  vers  ;  idée  et  citations  de  ce  poème  , 
44o  —  445.  Ses  opuscules  :  la  première  épître 
au  pape  Adrien  IV ,  et  la  seconde  an  pape 
Alexandre  III ,  444.  Sa  troisième  épître  au 
cardinal  Henri  sur  l'anneau  qu'il  en  avait 
reçu,  et  la  quatrième  à  un  ami ,  sur  la  fête 
du  Bâton  ,445.  De  ces  opuscules ,  deux  seu- 
lement sont  rimes,  et  ne  le  sont  qu'à  la  fin 
des  vers,  et  non  du  milieu  à  la  fin  ;  ni  les 
deux  autres  épîtres  ,  ni  aucune  partie  du 
grand  poème  ne  sont  rimées  d'aucune  ma- 
nière. Il  n'est  pas  vrai  que  les  vers  appelés 
léonins,  et  la  rime  appelée  léonine  ou  léo- 
nime dans  les  vers  latins,  aient  eu  pour  in- 
venteur Léonius,  44^.  ^'  oyez  Léonine  (rime). 

LÉONIUS  ,  ou  Léon  ,  abbé  de  Laubes  ,  et 
ensuite  de  Saint-Bertiu.  Sa  naissance  et  ses 
premières  années,  317.  État  où  il  trouva  le 
monastère  de  Laubes,  quand  il  en  devint  le 
chef;  tout  ce  qu'il  fit  pour  rétablir  dans  son 
état  ancien  ,  3i8.  Comment  il  fut  élu  abbé 
deSaint-Bertin,  ibid.  (  J'ot  ez  aussi  page  81  ) 
Il  va  à  Rome  défendre  les  droits  de  celle 


ET   DES   MATIÈRES. 


6i- 


miii<on  contre  les  prétentions  des  religieux 
de  Cluni  ;  décision  rendue  par  le  pape  en  sa 
faveur,  3i8  et  3(9.  Son  voyage  à  Ja  Terre- 
Sainte,  ce  qu'il  en  rapporte,  3ig-  Soins  et 
travaux  de  Léon  pour  l'abbaye  de  Saint- 
Bertin  ;  possessions  et  privilèges  qu'il  obtient 
pour  elle,  3ic)  ,  3ao.  Sa  mort,  incription 
mise  sur  son  tombeau,  320.  Amitié  de  saint 
Bernard  pour  lui,  33  1.  Léon  est  auteur  de 
la  coutume  de  Poperinguc  ,  ibic/.  Objets  prin- 
cipaux de  cette  loi,  in.  Autres  ouvrages 
qu'on  lui  attribue,  323. 

Liron ,  son  opinion  qu'Alvise,évéqued'Ar- 
ras  ,  était  frère  germain  de  l'Abbé  Suger,  71. 

JLoNGATESTv  (Pierre).  Poète  né  eu  France, 
et  chanoine  de  Bridliugton  en  Angleterre; 
traducteur  en  vers  français  d'une  vie  de  saint 
Thomas  de  Cantorbéri,  écrite  en  latin  par 
Herebert  de  Busham  ,  471- 

Louis  n ,  roi  de  France.  Lettre  de  saint 
Bernard  à  ce  prince,  i54,  i55,  iSy,  ifio. 

Louis  fil,  ou  le  Jeune,  roi  de  France. 
Lettres  à  lui  adressées  par  saint  Bernard , 
ifia  ,  i63,  173,  17'!;  par  Pierre-le  Véné- 
rable, îSi  ;  par  Adrien  IV,  294?  ^9^  !  P^r 
Godefroy  ,  évêque  de  Langres  ,  352  ;  par 
Gilbert,  dit  le  Grand,  abbé  de  Citeaux,  384  > 
par  Guillaume  Vil,  seigneur  de  Montpelier, 
327;  par  Baoul ,  abbé  de  Saint-Maurice  en 
Valais,  Sfip  ;  par  Pierre,  évêque  de  Rhodèz, 

570  ;  par  Drogon  ,  élu  archevêque  de  Lyon  , 

571  ;  parBauduinlI,  évêque  de  Noyon,572  ; 
par  Hugues  de  Toiicv,  archevêque  de  Sens, 
374;  par  Hugues,  prieur  du  Mont-Thabor, 
57S  ;  par  Pierre  ,  évêque  de  Chàlons  sur 
Saône,  679;  par  Etienne,  abbé  de  Cluni, 
58 1 ,  582  ;  par  Josse  ,  archevêque  de  Tours , 
582. 

Lucius  II ,  pape.  Lettres  à  lui  adressées 
par  Pierre-le-Vénérable  ,  2  5o.  Eloges  que 
Lucius  II  donne  ,  dans  une  bulle ,  aux  ab- 
besses  Kilinde  et  Herrade ,  Sgo. 

M. 

Mabillon  ,  éditeur  des  œuvres  de  saint 
Bernard,  227,  228.  Erreur  de  ce  savant  sur 
la  date  d'une  charte,  337,  note. 

Macaihe  ,  abbé  de  Fleuri.  Sa  vie  ,  ses 
lettres  et  son  glossaire  grec -latin,  3i3  — 
3i5 

jyiachahées  (le  livre  des  ).  Traduction  de  ce 
livre,  20  et  suiv.  Epoque  de  cette  traduc- 
tion, 21.  Vojez  Rois  (livre  des). 

Mahomet  réfuté  par  Picrre-le- Vénérable , 
245  1  259,  260. 

Malachie,  primat  d'Irlande ,  meurt  à  Clair- 
vaux,  142.  Lettres  à  lui  adressées  par  saint 
Bernard,  ifi8.  Son  éloge,  171.  Ses  vertus 
célébrées  dans  deux  sermons  de  l'abbé  de 
Clairvaux  ,  184.  Sa  vie,  par  le  même,  206, 
207  ,  208. 

Tome  XIII. 


Marna,  ou  Mammès  (Saint).  Sa  vie  tra- 
duite par  Godefroi ,  évêque  de  Langres, 
352 ,  353. 

MiTTHiEU,  cardinal  évêque  d'Albano,  né 
dans  le  pays  rémois,  fait  ses  études  à  Laon , 
52.  Parent,  et  non  frère  de  Hugues,  sur- 
nommé d'Amiens  ,  archevêque  de  Rouen  , 
ibid.  Embrasse  la  vie  monastique  à  Saint- 
Martin-des-Champs  ou  il  était  prieur,  l'an 
1117,  iOid.  L'an  1122  il  est  l'ait  prieur  de 
Cluni ,  et  accompagne  bientôt  à  Rome  son 
abbé  Pierre-le-Vénérable,  53.  L'an  112G,  il 
est  crée  cardinal  évêque  d'Albano  ,  par  le 
pape  Honorius,;éirf.  Envoyé  légat  en  France, 
il  assemble,  l'an  1 128 ,  des  conciles  à  Troyes, 
à  Rouen  et  à  Reims,  ibid.  L'an  ii3i  ,  il  en 
tient  un  à  Mayence,  en  présence  du  roi  Lo- 
thaire,  ibid.  Retourné  eu  Italie  l'an  ii33  ,  il 
assiste  l'année  suivante  au  concile  de  Pise , 
et  est  député  à  Milan  avec  saint  Bernartl 
pour  ramener  à  l'obéissance  du  pape  Inno- 
cent II,  les  partisans  de  l'anti-pape  Anaclet, 
54;  Retourné  à  Pise,  il  y  meurt  la  même 
année  Ii34,  le  r8  décembi'e  ,  ibid.  Sa  lettre 
aux  abbés  bénédictins  de  la  province  de 
Reims, assemblés  en  chapitre,  55.  Voyez SlUssi 
pages  242,  s49  1  254,  255,  2fi4- 

Ménestriers ,  bardes  ou  scaldes  qui  suivaient 
l'armée  de  Guillaume-le-Conquérant,  65. 

Milanais,  leurs  relations  avec  saint  Ber- 
nard, i36,  159,  i()o, 

MiLON  I  et  MiLoN  II,  évêques  de  Té- 
rouanne,  leurs  écrits  28fi ,  287.  —  25f).  Mi- 
racle opéré  au  tombeau  du  premier,  601. 

Misna.  De  quelles  traditions  la  misna  se 
compose  ,2,3. 

Moïse  Bar  Nachman.  Son  ouvrage  en  fa- 
veur d'Alphès  ,  102.  Voyez  Alpli'es. 

Moïse  Haddarscham.  Distingué  comme 
prédicateur,  io3.  Ses  ouvrages,  io4,  io5. 
Ses  disciples,  io3.  A  quelle  époque  il  a 
vécu  ,  io5.  De  quehjues  autres  rabbins  nom- 
més Moïse ,  et  à-peu-près  de  la  même  épo- 
que ,  104  ,  io5. 

MosTcuc  (  Bernard-Arnauld  de  ) ,  poète 
provençal  ;  château  de  Montcuc  dan»  le 
Rouergue,  autre  dans  le  Quercy,42o.  Un 
seul  sirvente  s'est  conservé  de  lui ,  mélange 
bizarre  d'idées  militaires  et  de  galanterie , 
421. 

Morand  (  Saint  ).  Sa  vie  ,  composée  par  un 
anonyme,  3o4,  3o5.  Autres  vies  de  ce  saint, 
ibid.  Faible  production  qu'on  lui  attribue , 
3o5. 

N. 

Nicolas  ,  prieur  du  Mont-aux-Malades  de 
Rouen,  mourut  vers  1168,  395.  Ses  lettres 
parmi  celles  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry, 
394  et  suiv. 

Nicolas  ,  moine  de  Moutier -Ramev- 
Histoire  de  sa  vie,  553.  Embrasse  la  réforme 

liii 


6i8 


TABLE    DES    AUTEURS 


(le  Clairvaux,  l'an  lï^S  ,  et  est  fait  secrétaire 
de  saint  Bernard,  554.  Aveux  qu  il  fait  des 
déréglemens  de  sa  vie  passée  et  de  ses  occu- 
pationsà  Clairvaux,  ibid.  et  suiv.  Ayant  trahi 
la  confiance  de  saint  Bernard ,  en  abusant 
de  son  sceau,  il  est  obligé  de  prendre  la 
fuite  l'an  ii5i  ,  i45  ,  1/4  »  556  et  suiv.  Re- 
tourné à  Moutier-Rainey ,  il  continue  de 
jouir  des  bonnes  grâces  des  papes  Adrien  IV 
et  Alexandre  III ,  558.  S'étant  insinué  dans 
l'esprit  de  Henri-le-Libéral ,  comte  de  Cham- 
pagne ,  il  devient  son  chancelier ,  ï^/W  Nou- 
velle atteinte  cju'il  porte  à  sa  réputation  , 
55().  Il  vécut  jusqu'en  1176,  mais  l'année 
précise  de  sa  mort  nous  est  inconnue,  ibid. 
Ses  lettres,  SSg  —  565.  Ses  sermons,  i85, 
aia  ,  566  et  suiv.  Autres  écrits  qu'on  lui  at- 
tribue, 568.  Lettres  à  lui  adressées  par  Pierrc- 
le-Vénérable,  a5i,  252  ;  par  Burchard,  abbé 
de  Balerne  ,  SîS,  324.    . 

NiGELiE,  évéque  d'Ely.  Comment  il  fut 
élu,  401.  Sa  conduite  envers  ceux  qui  lui 
étaient  soumis,  401,  402.  On  le  dépouille 
de  ses  places,  et  on  le  chasse  du  royaume, 
401.  Il  est  rappelé  et  rétabli  dans  son  ancien 
état,  ibid.  Comment  il  paie  une  place  achetée 
par  un  de  ses  bâtards,  ibid.  Epoque  de  sa 
mort ,  ibid.  Sou  amour  pour  les  lettres  ;  ses 
ouvrages,  4o5. 

o. 

Odon ,  évèque  de  Cambray.  Epoques  de 
son  épiscopat  et  de  sa  mort,  3  ,  4.  Sa  dis- 
pute avec  le  juif  Léon  ,  surnommé  le  Grand, 
sur  l'incarnation  de  J.  C.  ibid. 

OEvfs.  Manières  diverses  de  les  apprêter  , 
usitées  à  Cluni ,  ig8,  199. 

Ogier  ,  ou  Augier,  poète  provençal,  le 
même  que  les  auteurs  italiens  appellent 
Oggiero  ,  Lggicri ,  ou  même  Gieri.  Son  nom 
n'est  pas,  comme  le  dit  Crescimbeni ,  l'obi  égé 
de  Ruggiero.  Il  est  nommé  Ogier  de  \  ianes 
ou  devienne,  et  Augier  de  Saint-Donat 
dans  les  manuscrits  français.  11  résida  long- 
temps en  Loinbardie  ;  jeux  de  mots  de  mau- 
vais goût  dans  ses  vers ,  41g.  Sirvente  de  ce 
poète  contre  l'indécence  de  l'habillement 
des  femmes;  autre  sur  la  mort  du  vicomte 
de  Beziers.  Il  meurt  vers  1170  ,  420. 

Okauge  (Rambaud  d'),  poète  provençal. 
Quelques  particularités  sur  sa  vie  ,  47'.  Eut 
amoureux  d'une  comtesse  de  Die ,  femme- 
poétc,  47 s. 

Othoh  de  Fbisihgue.  Sa  vie,  268,  269. 
Ses  écrits,  269  —  281.  Sa  Chronique  ou  His- 
toire universelle,  170  —  276,  terminée  par 
un  traité  de  la  fin  du  monde,  276  —  278. 
Ses  deux  livres  sur  la  vie  de  Frédéric  Bar- 
bcrousse  ,  278  —  283.  En  quoi  consistent 
ses  écrits  philosophiques,  2H9  ,  279,  280, 
u8i,  282,  285.  Eloge  historique  d'Othon, 
piT  sou  continuateur  Radevic,  383. 


Pacis  instinaio.  Ce  que  ces  mots  peuvent 
signifier,  48. 

Paciius  (Thomas),  chanoine  de  Loches. 
Idée  de  sa  Chronique,  SSg. 

Passion  de  Jésus-Christ  en  vers  français 
par  un  anonyme,  4o. 

Pétrobusiens.  Des  hérétiques  appelés  ainsi, 
91.  Disciples  de  Pierre  de  Bruis.  Pierre-le- 
Vénérable  écrit  contre  eux,  258. 

Philippe ,  Tao\ne  de  Clairvaux,  historien 
de  saint  Bernard,  129 

Philippe,  neveu  de  Gilbert,  archevêque 
de  l'ours ,  et  archevêque  lui-même  après 
Hildebert,  était  né  à  Fontenoi  dans  la  Bel- 
gique ,  317. 

Philippe  de  Xm-arre ,  jurisconsulte.  Est-ce 
lui  qui  fut  le  rédacteur  des  Assises  de  Jéru- 
salem ?  95. 

PiEEBE  DE  Babky  ,  abbé  de  Saint-Martial 
de  Limoges,  avait  écrit  des  livres  d'histoire, 
592. 

Pierre  de  Beaugency  ,  poète  français 
peu  connu  ,  auteur  de  quelques  vers  sur  le 
Décret  de  Gratieii ,  3o5. 

Pierre  Béchin  ,  auteur  d'une  Chronique 
des  rois  de  France.  Nouveaux  éclaircisse- 
mens  sur  sa  personne  et  sa  Chronique  ,  57. 
Pierre  de  Beemokt  ,  abbé  de  Saint- 
Cliaffre,  auteur  d'une  Chronique  de  ce  mo- 
nastère ,  592. 

Pierre  de  Bruis ,  hérétique  du  XII"  siècle  , 
91 ,  142  .  191. 

Pierre,  évêque  de  Chàlons-sur-Saone.  Trois 
lettres  de  ce  prélat  à  Louis  VII ,  579. 

PiEHRH  DE  Ei  CuATRE.  Voyez  La   Châtre. 
Pierre   HéliE   ou   Élie.   Il  se   distingua 
comme  professeur  ,  3o3.  Fut-il  jamais  chan- 
celier de  France  .-*  ibid. 

Pierre  de  Léon,  antipape  sous  le  nom  d'Ana- 
clet,  i35  —  i38,  242,  325. 

Pierre  Lombard,  combattu  par  Robert  de 
Melun  ,  372. 

Pierbe-le-Peuttee  (Petriis  Pictor) ,  cha- 
noine de  Saint-Omer,  auteur  d'un  poème 
sur  l'Eucharistie.  Ce  poème  est  faussement 
attribué  à  Pierre  de  Blois  ,  4'^9-  Raisons 
qui  prouvent  que  Pierre -le -Peintre  en  est 
l'auteur;  il  est  imprimé  dans  les  oeuvres 
d  Hildebert ,  publiées  par  D.  Beaugendre, 
43o.  Nouvelles  raisons  qui  prouvent  qu'il 
appartient  à  Pierre-le-Peintre ,  43i.  Idée  de 
ce  poème  composé  vers  1170,  43'i  433. 

Pierre  de  Pise  ,  agent  d'Alexandre  III 
en  France.  Ses  lettres,  582  ,  583. 

Pierre  de  Raimond  ,  abbé  de  Saint- 
Maixent.  Mabillon  lui  attribue  la  Chronique 
de  Maillezais,  4o5  —  407. 

Pierre,  évéque  de  Rhodèz,  auteur  de 
chartes,  d'une  règle  monastique  ,  et  d'une 
lettre  à  Louis  Vil,  570. 


ET   DES   MATIERES. 


Pierre- LE-VilsÉnABLE.  Ses  démêlés  et 
relations  avec  saint  Bernard,  i36,  ilii ,  i68, 
i6g,  171.  Sa  naissance,  ses  parer.s,  son  édu- 
cation, 241  >  '4^-  Il  devient  abbé  de  Cluni, 
y  rétablit  l'ordre,  34^1  ^43.  Se  déclare  pour 
Innocent  II  contre  Pierre  de  Léon,  343. 
"Veut  rendre  j>lus  sévère  la  règle  de  son 
abbaye,  344-  Assiste  au  concile  de  Pise  en 
Il34,  ibid.  Fait  traduire  et  réfute  l'alcoran  , 
a45  ,  259,  260.  Est  chargé  par  Eugène  III 
d'examiner  la  conduite  de  l'évêque  de  Cler- 
mont  ,  et  s'acquitte  de  cette  commission 
avec  une  rigueur  extrême  ,  ibid.  Ses  relations 
avec  tous  les  hommes  illustres  de  son  temps, 
a4'>-  Ses  fréquens  voyages,  3^2  —  247-  I' 
est  censuré  et  loué  par  saint  Bernard ,  247  1 
348.  Sa  mort  et  son  épitaphe ,  248.  Ses 
lettres,  148 — 267.  Son  apologie  des  clu- 
nistes ,  352,  553.  Ses  traités  :  de  la  Divinité 
de  Jésus-Christ,  ï57  ,  258;  contre  les  pé- 
trobusieiis,  92,  yS,  258;  sur  les  miracles, 
259  ;  contre  les  Juifs  ,  ibid.  Statuts  de  Cluni , 
260.  Compte  de  son  administration  ,  ibid. 
Ses  sermons,  261.  Ses  poésies,  261  —  2()3. 
Ses  éciils  non  imprimés,  263,  364.  Ceux 
qu'on  lui  attribue,  2ti4,  365.  Éditions  et 
traductions  de  ses  œuvres,  265  —  267.  Ses 
relations  avec  Henri  de  Blois  ,  459  ;  avec 
Basile,  prieur  de  la  Grande  Chartreuse, 
579 ,  S80. 

PiEERE  DE  Vernon  ,  poètc  français  ,  in- 
connu à  la  plupart  de  nos  bibliographes , 
écrivait  dans  la  première  moitié  du  Xir  siècle, 
a  traduit  du  latin  un  poème  que  l'on  a 
nommé  les  Enseignemens  d'^ristnce  ,  et  qui 
doit  l'être  plutôt,  le  Secret  des  Secrets  ^  11 5. 
Exemples  des  enseignem.  qu'Aristote  donne 
à  Alexandre,  son  élève,  ibid.  et  suiv.  L'au- 
teur se  nomme  lui-même  à  la  fin  de  son 
poème,  118.  Il  est  certain  qu'il  s'appelait 
Pierre  ,  mais  il  ne  l'est  pas  qu'il  s'appelAt 
aussi  de  Vernon ,  et  que  Vernon  fût  sa  pa- 
trie ,119. 

Pinard ,  Son  opinion  sur  l'écrit  de  Hugues 
de  Cléers,  réfutée  ,  SSg  et  suiv. 

Poésie  provençale  ,  née  vers  le  milieu  du 
XI''  siècle ,  42. 

Poètes  angle -normands  qui  écrivirent  en 
français.  Ils  passent  en  Angleterre  à  la  suite 
de  Guillaume-le-Conquérant.  Leurs  ouvrages 
se  trouvent  en  manuscrits  dans  les  biblio- 
thèques d'Angleterre  ,  Sg  ;  ne  nous  sont 
connus  que  par  les  mémoires  de  M.  l'abbé 
de  la  Rue,  imprimés  dans  V  Archceologia  ,  60. 

Poitevins  ,  naturellement  poètes,  356. 

Pons ,  abbé  de  Cluni ,  administre  mal ,  est 
destitué,  profite  de  l'absence  de  Pierre-le- 
Vénérable  pour  rentrer  dans  son  abba\e, 
est  excommunié  ,  et  meurt  de  la  peste  à 
Rome  ,  242  et  suiv. 

Pcperingue,  Quand  et  par  qui  sa  coutume 
lui  fut  donnée,  Sai. 


R. 


HvEsiNS  de  la  fin  du  XI'  siècle  ou  du 
commencement  du  XII°,  i  et  suiv.  Rabbins 
du  XI1°  siècle,  loi  et  suiv.  "V-ovez  Gersou 
Hazaken  ,  Jacob  Bar  Jehar .,  Judas  Cohen  ,  Moïse 
Bar  Narchman ,  Moïse  Haddarschan. 

Badivic,  continuateur  de  l'histoire  de  Fré- 
déric Barberousse  par  Othon  de  Frisingue, 
283. 

Raimond  de  Babolène ,  archevêque  d'Arles , 
238. 

Raimond,  évêque  de  Maguelone. Troubles 
qui  suivent  son  élection  ;  réparations  faites 
parle  seigneur  qui  les  avait  causés,  297, 
298.  Plusieurs  conciles  auxquels  il  assiste, 
298,  399.  Epoque  de  sa  mort,  299.  Statuts 
pour  son  diocèse,  ibid.  Décret  pour  une 
léproserie,  399,  3oo. 

Raimond  de  Montrond  ou  de  Montre- 
don,  archev.  d'Arles,  2Î6  et  suiv.  D'abord 
évêque  d'Arles,  236.  Charte  pour  la  ville 
d'Arles  et  sur  plusieurs  objets  d'administra- 
tion ,  qui  paraît  être  de  ce  prélat ,  238. 

Raoul  ou  Rodolphe  II ,  abbé  de  Saint- 
Jlaurice  en  Valais,  écrit  à  Louis  VII,  569. 

Raoul  ,  abbé  de  \  aucelle  ,  diocèse  de 
Cambrai.  Comment  il  devient  moine  à  Clair- 
vaux  ,  tî5  ,  126.  Choix  que  saint  Bernard 
fait  de  lui  pour  gouverner  l'abbaye  de  Vau- 
celle,  qui  venait  tl'être  fondée,  125.  Com- 
bien il  rendit  cette  abbaye  florissante,  136. 
Sa  mort  et  son  tombeau ,  ibid.  Ouvrages 
qu'on  lui  attribue,  ibid. 

Richard,  cardinal  évêque  d'Albano  ,  mal- 
à-propos  confondu  avec  Richard  ,  abbé  de 
Saint-Victor  de  Marseille,  aussi  cardinal  et 
légat  du  Saint  Siège,  mort  archevêque  de 
Narhonne  ,  23.  Légat  en  France  ,  il  assemble 
l'an  1 104  un  concile  à  Troyes  en  Champagne, 

25.  Préside  la  même  année  au  concile  de 
Bcaugcnci  ,  ibid.  ;  aux  fêtes  de  Noèl  iio5  à 
celui  de  Mayence  contre  l'einp.  Henri  IV, 

26.  Assiste  l'an  1107  à  celui  de  Guastalla  , 
tenu  par  le  pape  Paschal  II ,  ibid.  Rentre  en 
France  avec  lui,  et  fait  la  dédicace  de  l'église 
de  Chaumousset  en  Lorraine,  ibid.  Etant 
passé  en  Espagne  ,  il  assemble  un  concile  à 
Palencia ,  et  rétablit  dans  la  dignité  de  mé- 
tropole l'église  de  Biague,  ibid.  Rentré  en 
France,  il  assemble  l'an  11 10  des  conciles  à 
Toulouse  et  à  Saint-Benoit-sur-Loire ,  27. 
Retourne  en  Italie  l'an  un,  ibid.  Sa  mort 
l'an  1114  ,  28.  Ses  lettres,  a8  —  3o. 

Richard  ,  moine  de  Grandselve.  Ses  vers 
en  l'honneur  de  Clairvaux,  586. 

Richard  de  Poitiers,  moine  de  Cluni. 
Idée  de  sa  Chronique  finissant  à  l'an  Ii74", 
532.  Ce  qu'il  dit  des  opinions  de  son  temps 
sur  le  flux  et  reflux  de  la  mer,  533.  Son 
écrit  en  forme  de  lamentation ,  touchant  la 
rébellion  des  eufans  de  Henri  II,  roi  d'Aa- 

li  i  i  2 


62© 


TABLE   DES   AUTEURS 


gleterre  ,  coiilre  leur  père,  534-  Un  cata- 
logue (les  souverains  pontifes  ,  depuis  saint 
Pierre  jusqu'au  pape  Alexandre  III,  ihitl. 
Autres  écrits  faussement  altiibués,  535.  Est 
auteur  d'un  chant  funèbie  sur  la  mort  de 
lîaimond  de  Poitiers  ,  prince  d'Antioche , 
536. 

Richard,  abbé  de  Saint-Tannes.  Sa  vie, 
Skjj^  ,  596. 

Richard  de  Saikt-Victob  ,  né  en  Ecosse. 
Sa  piété  et  sa  science.  Éloges  qui  lui  sont 
adressés.  Sa  mort.  Son  épitaphe  ,  472  — 
474'  Ses  traités  :  d'extirper  le  mal  et  de 
j)ropager  le  bien  ,  47'  î  4/6  ;  de  l'état  de 
rhoranie  intérieur  ,  47^;  de  l'instruction  de 
l'homme  intérieur  ,  47*^  ?  477  i  Benjamin 
minor ,  477  j  Benjamin  major,  477  î  478;  de 
la  Trinité,  478  —  480;  du  verbe  incarné, 
480;  d'Emmanuel , //«■</.  Ses  extraits,  ibid. 
Son  livre  sur  la  puissance  de  lier  et  de  dé- 
lier ,  480,  481.  Autres  écrits,  sermons  et 
commentaires,  481  —  485.  Classification  de 
ses  ouvrages ,  485  ,  48')-  Ses  ouvrages  ma- 
nuscrits, 486,  487.  Examen  de  ses  écrits, 
487 ,  488. 

Hictrru/e  (  sainte  ).  Hist.  de  ses  miracles,  Go4. 

Bii.i:îiDE.  Voyez  Kiiinde. 

Ringarde,  mère  de  Pierre-le-Vcnérable. 
Sa  moit,  254  ,  264. 

Robert  de  IVlEi-rN ,  évèque  de  Hereford, 
né  en  Angleterre,  enseigne  à  Paris  et  à  Me- 
Inn  ;  discij^le  d'Abailaid  ,  il  devient  m.iiire 
de  Thomas  Beckct,  de  Jean  de  Cornouailles, 
de  Jean  de  Salisbury,  et  l'advei  sairc  de  Pierre 
Lombard  ,  371,  373.  On  l'a  confondu  avec 
Gilbert  Foliolh  ,  son  prédécesseur  sur  le 
siège  épiscopal  de  Hereford  ,  et  avec  son 
successeur,  Robert  Foliolh,  372,  373.  Ses 
écrits,  373 —  376. 

Robert  ll'ace.  Voyez  Wace. 

RoRERT ,  abbé  de  Wasor.  Sa  vie,  5r5, 
îifi.  Ses  lettres  ,  et  la  vie  de  saint  Eorannan , 
5i6,  517. 

Roger,  premier  ahbé  d'Elan,  écrit  l'his- 
toire de  sainte  Ursule  et  des  onze  mille 
Vierges.  Vie  de  ce  Roger  par  un  anomine  , 
585,586. 

Rois  (le  livre  des).  Traduction  de  ce  livre 
et  du  livre  des  Machabées ,  i3  et  suiv.  On 
la  croit  le  plus  ancien  ouvrage  français,  i4- 
Une  paraphrase  est  ordinairement  jointe  à. 
la  traduction  du  livre  des  Rois,  i5.  Il  n'en 
est  pas  de  même  pour  le  livre  des  Macha- 
bées ,  II  ,  23.  Quelques  passages  du  livre 
des  Rois,  traduits  en  vers,  18  et  suiv. 

Saint-Berlin  (Abbaye  de).  Histoire  de  ce 
monastère,  80.  A  ie  du  saint  dont  il  porte  le 
nom  ;  écrite  en  vers  au  XIl'^  siècle  ,  81.  Dlf- 
féiend  de  l'abbaye  Saint-Bertin  avec  celle 
de  Cluni,  sur  les  relations  de  suprématie  et 
de  dépendance,  7y ,  3i8. 

Saint- Mard  CitJedurdJ.  Anonyme.  Auteur 
U'iuie  notice  sur  ce  monastère,  4i4  et  suiv. 


Sahmon ,  Jih  de  Gabirol.  Quel  arts  il  cul- 
tiva ,  5. 

Salomnn  Jarchi.  Du  temps  où  il  vécut ,  4- 
De  ses  maîtres  ,4  —  6  ,  loi ,  io3  ,  io5. 

Salve  Regina.  Saint  Bernard  n'est  point 
l'auteur  de  cette  antienne,  216. 

SiMsoN  DE  Nasteuil  ,  poète  anglo-nor- 
mand ,  traducteur  des  proverbes  de  Salomon 
en  vers  français,  (ia.  Ecrivait  en  Angleterre 
sous  le  règne  d'Etienne.  Exemple  de  sa  ver- 
siiicalion  ,  63. 

Schisme  entre  Innocent  II  et  Pierre  de 
Léon  ou  Anaclet ,  i35 — i38,  a43. 

Selderi.  Fausseté  de  l'opinion  de  cet  écri- 
vain, relativement  aux  jugemens  d'Oleron  , 
if6  ,  9".  \  oyez  Jugement  d'Oleron, 

Sénéchal  de  France.  Attributions  et  préro- 
gatives du  grand  sénéchal  de  France  ,  345  — 
348. 

Simon  I*^',  abbé  de  Sainl-Bertin.  Son  élec- 
tion annullée ,  cinq  ans  après  l'exercice 
commencé  de  ses  fonctions,  "9.  A  l'insti- 
gation de  qui ,  et  par  quels  motifs ,  ibid. 
On  avait  aussi  annullé  précédemment  sa  no- 
mination à  la  place  de  eoatljuteur  de  saint 
Lambert ,  ahhé  de  Saint-Berlin  ,  78-  Sa  mort 
et  son  épitaphe,  79.  Son  histoire  de  l'abbaye 
Saint-Bertin,  80,  81.  Il  écrit  en  vers  une  vie 
de  ce  saint  ;  quand  l'ouvrage  fut  composé  , 
81,82. 

Simon  ,  prieur  de  la  chartreuse  du  Mont- 
Dieu.  Ses  lettres  à  Alexandre  III  pour  Tho- 
mas Becket ,  contre  le  roi  d'Angleterre ,  577 , 
578. 

Somme  de  Théologie ,  606. 

Snger ,  140 — 143.  Lettres  à  lui  adressées 
par  saint  Bernard  ,  i52,  i63,  164,  175,  176. 
Son  éloge  par  le  même,  173.  Lettres  que  lui 
écrivent  Pierre-le-Vénérable,  25 1  ;  Henri  de 
Bloif,  459;  Thierrv  ,  évèque  d'Amiens,  569  , 
570  ;  Baudouin  II ,  évèque  de  Noyon  ,  5"2  ; 
Hugues  de  Toucy  ,  archevêque  de  Sens, 
574. 


Tailleper  ,  l'uu  des  ménétriers  ou  Bardes 
qui  suivaient  l'armée  de  GuilIaume-le-Con- 
quérant.  Chante  les  chansons  de  Charlemagne 
et  de  Roland ,  et  fait  des  tours  d'adresse  avant 
le  combat,  85. 

Talion .  49- 

Tanrin  (Saint).  Deux  relations  sur  ses 
reliques,  601 ,  602. 

Templiers,  i35,  202,  204. 

Teuréde  ,  professeur  à  Paris,  sous  le  règne 
de  Louis-le-Jeune,  3o4. 

Thaï»  (Philippe  de),  poète  anglo-nor- 
mand. Son  origine  ,  erreur  des  premiers  au- 
teurs de  cette  Histoire  Littéraire  sur  son 
nom  et  sa  patrie;  son  ouvrage  intitulé.  Liber 
de  Creatiiris ,  60  ;  son  autre  ouvrage  intitulé 


ET    DES    MATIÈRES. 


621 


Ei-stlurius  ;  ces  Heiix  poèmes  sont  en  français, 
et  donnés  par  l'auteur  pour  des  traductions 
du  latin,  (il.  Eïeiuples  de  la  versification  de 
l'auteur,  62. 

Thasie  (Sainte).  Sa  vie  traduite  en  vers 
français  par  un  poète  inconnu  ;  huit  vers 
de  celte  traduction,  Ii3;  ils  sont  alexan- 
drins ,  1 14' 

Thibaud  ,  abbé  du  Bec,  l'an  ii36,  et 
sacré  archevêque  de  Cantorbéry  en  iiSp; 
assiste,  la  même  année,  au  concile  de  La- 
tran,  Soq.  Obtient  du  pape  Célestin  II,  la 
commission  de  légat  au  préjudice  de  l'évéque 
de  Winchester ,  frère  du  roi ,  ibiil.  Passe  en 
France  ,  l'an  1 1/|8  ,  pour  assister  au  concile 
de  Reims  ,  malgré  la  défense  du  roi  qui  se 
saisit  de  son  temporel,  3io.  L'an  ii52  ,  il 
refuse  de  couronner  le  fils  du  roi  Etienne, 
et  est  obligé  de  repasser  en  France  ,  ibid.  La 
paix  ayant  été  conclue,  l'an  11 53,  entre  les 
maisons  d'Anjoti  et  de  Blois  ,  relativement  à 
la  couronne  d'Angleterre ,  Thibaud  rentra 
dans  son  église  ,  et  le  roi  Etienne  étant 
mort,  l'année  d'après,  il  couronna,  le  di- 
manche avant  Noél ,  le  jeune  Henri  d'Anjou 
dont  il  avait  é])Ousé  les  intérêts,  3n.  Ce 
prélat  mourut  le  18  avril  1161,  ibid.  Ses 
lettres  parmi  celles  de  Jean  deSalisbury,iiiW. 
et  suiv. 

Thibaud,  comte  de  Champagne,  i3y,  i/Jo, 
l63  ,  i65  ,  167  ,  169.  Lettres  que  saint  Ber- 
nard lui  adresse  ,  154.  175. 

Thibaud,  abbé  de  Sainte-Colombe  de  Sens, 
fils  de  Hugues  des  Payens,  premier  grand- 
maître  duTemple,  part  pour  la  Terre-Sainte, 
l'an  1 147  ,  5ii. 

Thibaut  de  Vernok  ,  chanoine  de  Rouen , 
poète  français,  auteur  de  la  traduction  en 
vers  de  plusieurs  vies  de  saints  et  de  saintes, 
peut  l'être  aussi  de  deuK  autres  pièces  con- 
tenues dans  le  même  manuscrit  ,  l'aventure 
d'un  chevalier  et  le  miracle  du  clerc  de 
Rouen,  11 4-  Cinq  vers  de  la  première  des 
deux  pièces,  Ii3. 

Thierry  ,  évèque  d^ Amiens ,  ses  lettres  à 
Suger  ,  569  ,  570. 

'I'hierry  ,  moine  de  l'abbaye  de  Berne, 
auteur  d'homélies  et  d'histoires  ,  sa  mort 
prédite  par  la  Sainte-Vierge,  690  ,  591. 

Thierry  de  Chartres ,  frère  de  Bernard  de 
Moclan  ,  évéque  de  Quimper  ,  né  en  Bre- 
tagne,  enseignait  à  Paris;  Jean  de  Salisbury 
fréquentait  son  école  en  ii36,  377.  Prit 
la  défense  de  son  compatiioie  Abailard  au 
concile  de  Soissons  de  l'an  1121 ,  ibid.  Assiste 
au  concile  de  Reims  de  l'an  1 1 48  ,  ibid.  Passe 
ensuite  à  Trêves  pour  s'attacher  à  l'arche- 
vêque Alberon,  378.  Ou  ignore  l'année  de 
sa  mort  ,  ibid.  Ses  erreurs  en  matière  de 
théologie,  ibid.  Est  auteur  d'un  traité  sur 
l'ouvrage  des  six  jours  ,  379.  Idée  de  cet 
ouvrage,  38o. 


Thierry  ,  comte  de  Flandres,  douceur  de 
son  gouvernement ,  3ç)6.  Ses  voyages  à  la 
Terre-Sainte;  fiole  qu'on  lui  donne  du  sang 
de  J.  C.  ,  319,  39(1,  397.  Son  épitaphe,  397. 
Fondations  qu'on  lui  dut,  ibid.  De  ses  lois, 
ibid.  Divers  actes  de  ce  prince,  398.  Quel- 
ques lettres  de  lui ,  ibid. 

Thomas.  Voyez  Beehet. 

Tliomas  ,  abbé  de  Morigny.  Sa  lettre  à  saint. 
Bernard  ,  contre  le  légat  Albéric ,  évéquc 
d'Oslie,  76. 

Thomas.  Voyez  Pactius. 

Troubadours  piovençaux  ,  imitent  des  Ara- 
bes la  rime  et  quelques-unes  de  leurs  fornie.« 
poétiques  ,42- 


Varhier  ,  poète  français  ,  auteur  d'une 
vie  de  Thomas  de  Cantorbéry  ,  ne  nous  est 
connu  que  par  le  catalogue  des  manuscrits 
de  saint  Evronlt ,  470. 

î'énitiéns ,  Lettre  que  leur  adresse  Pierre- 
le  Vénérable  ,  a5o. 

Ventadour  (  Ebles  vicomte  de  )  ,  poète 
provençal,  contemporain  de  Guillaume  IX. 
C'est  Ebles  II  ,  suivant  les  premiers  auteurs 
de  cette  Histoire  Littéraire,  1 19  ;  Ebles  III, 
selon  l'abbé  Millot.  Trait  curieux  entre  lui 
et  Guillaume  IX  ,  rap])orté  dans  la  Chro- 
nique de  Geoffroy  de  Vigcois.  II  protégea 
les  troubadours  ,  et  le  fut  lui-même  ,  mais 
ses  chansons  sont  perdues,  120. 

T'en'ins  (  Eloi  de).  Epoque  de  cette  loi;  à 
qui  on  l'attribue,  5o  ,  5i.  Elle  devient  le 
supplément  de  la  loi  ordinaire  ,  dans  jihi- 
sieurs  villes  de  Flandres,  5i. 

f'ies  des  Saints  ,593  —  t)o6. 

fies  des  Saints ,  traduites  en  vers  français, 

113. 


w. 


Wac.e  (Robert)  naquit  à  Gersai  avant 
l'an  ii35,  et  mourut  après  1170,  5i8  et 
suiv.  Est  censé  auteur  du  roman  de  Brut  axi 
d'^rtus  de  Bretagne.  Idée  de  cet  ouvrage, 
520 — 524.  Le  roman  de  Rou  ,  ou  l'histoire 
des  ducs  de  Normandie  ;  examen  de  ce  poème 
et  jugement  qu'en  a  porté  le  savant  de  Bié- 
qulgny  ,  $24  —  528.  Poème  sur  rétablisse- 
ment de  la  fête  de  la  Conception  de  la  Sainte- 
Vierge  ,  528  et  suiv. 

IValon  ,  moine  de  Hautmon  près  de  Cam- 
brai ;  son  éloge  ,  fio5. 

Jf'isbuy  (Oidonnanee  de).  D'après  quelles 
lois  et  à  quelle  époque  elles  furent  données , 
97 1  99- 


6'22  TABLE  DES  ALTELRS  ET  DES  MATIÈRES. 


Y. 

IV«  //,  ab))é  de  Saiiit-Dcnjs.  Lettre  cir- 
culaiie  qui  annonce  sa  mort,  (5o5. 


z. 

Zfhachias,  lévite.  Ce  qui  nous  fait  croire 
que  ce  rabbin  est  du  XU"  siècle,  loi.  Ou- 
vrages dont  il  est  l'auteur;  ouvrages  qu'en 
lui  aiuibue,  loa,  io3. 


FIN     DE     LA     TABLE, 


ERRATA. 

±  aCe  3,  ligne  40,  Henri  l".  Usez  Henri  V. 

V.  4'5,  1.  37,  r.eoffroi  de  Vendôme,  lisez  Geoffroi ,  abbé  de  Vendôme;  et  1.  Sg, 

effacez  ces  mêmes  mots  abbé  de  Vendôme. 
P.  5o  ,  1.  22  ,  Thiérarche  ,  lisez  Thiérasclie. 
P.  Iio,  note  (è),  Philippe  IV,  lisez  Philippe  I. 

P.  1 1 3 ,  I.  3o ,  Qui  Dex  ,  lisez  oui  Dcx  ,  et  effacez  le  point  à  la  fin  du  vers. 
P.   I T  5  ,  1.  25  ,  après  Ydoine ,  mettez  une  virgule  au  lieu  d'un  point. 
P.   1 16 ,  à  la  fin  de  la  ligne  i5 ,  mettez  une  virgule  au  lieu  d'un  point. 
P.  123,  1.  5,Ivri,  lisez  Ivoy. 
P.  139,  1.  4'  )  I  '91  1  ''■f^2  1091. 
P.  i54  ,  1.  6,  Fils,  lisez  parent. 
P.  164,  1.  21 ,  II 42,  lisez  1144  ;  ••  25,  son  époux  et  son  fils,  lisez  son  époux  ;  et 

son  fils  était  fort  jeune  encore. 
P.  i6g  ,  le  n"  355  placé  sous  l'année   1142   doit  être  mis   sons  l'année    1144, 

après  36 1. 
P.  188,  1.  4  >  de  Hollande,  ajoutez  ou  Hoyland. 
P.  236,  1.  19  et  27,  Rouen,  lisez  Reims. 
P.  256  ,  1.  26  ,  moine  ,  lisez  comte. 
P.  a68,  1.  6,  beau-frère,  lisez  neveu. 
P.  271,1.  17,  Supprimez  de  avant  AVelfon. 
P.  279,  1.  27,  1 187  ,  lisez  1087. 

P.  283  ,  dans  la  seconde  note  marginale,  Duchesne,  lisez  Ducange. 
P.  296,  1.  245  abbé,  lisez  évoque. 
P.  297  ,1.  25,  Pesquières,  lisez  Posquières. 
P.  3o3,  1.  3,  418,  lisez  1418. 
P.  320,  1.  3,  Adrien  \\\,  lisez  IV. 
P.  328,  1.  4iï  légat,  lisez  délégué. 
P.  377,  1.  1 ,  Moelan,  lisez  Moclan. 
P.  410,  1.  37,  Richard,  lisez  Achard. 
P.  438 ,  1.  9  ,  évéque  de  Sienne,  lisez  né  à  Sienne. 
P.  440,  1.  39,  livres,  toei  chapitres. 
P.  442,  1.  41,  huit  cents,  lisez  quatre-vingts. 

P.  444  î  !•  23,  après  ruboris ,  mettez  une  virgule  au  lieu  d'un  point. 
P.  447  7  '•  24)  Marigny,  lisez  Morigny. 

P.  4571  1.  18  et  19,  effacez  Philippe  qui  fut  évéque  de  Chàlons. 
Même  page,  1.  3i  ,  Mortagne,  lisez  Mortain. 
P.  470,  1.  16,  Samson,  lisez  Henri. 
P.  474  ,  1.  i  de  la  note  {a) ,  88 ,  lisez  886. 
P,  486,1.  8,  iik^,  lisez  1166. 
P.  537  ,1.  17  ,  imprimé,  ajoutez  deux  fois. 

FIN    DU    TOME    XIU, 


Date  Due 

-ORM   lOS 

039813