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HISTOIRE
LITTÉRAIRE
DE LA FRANCE.
HISTOIRE
LITTÉRAIRE
DE LA FRANCE.
OUVRAGE
COMMENCÉ PAR DES RELIGIEUX BÉNÉDICTINS
DE LA CONGRÉGATION DE SAIN T- M AU R,
ET CONTINUÉ
Par une Commission prise clans la Classe d'Histoire et de Littérature
ancienne de l'Institut.
TOME XIII.
SUITE DU DOUZIÈME SIECLE.
A PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT,
LIBRAIRE, RUE JACOB, js" l[\.
M. DCCC. XIV.
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AVERTISSEMENT.
v^ET ouvrage fut entrepris par des religieux be'ne'dictins ,
vers le commencement du siècle dernier. D. Rivet en conçut
le plan. Des recherches immenses devaient en précéder la
rédaction. Les deux principaux collaborateurs qu'il choisit
pour ces recherches furent D. Poncet et D. Colomb , qui de-
meuraient, ainsi que lui, au Mans, dans l'abbaye de Saint-
Vincent. Il publia le premier volume en iy33. Le neuvième,
qui contient le discours historique sur l'état des lettres en
France dans le cours du XIP siècle, et l'histoire des auteurs
décédés dans les dix premières années , était prêt à paraître
quand D. Rivet mourut, le y février 1749-
Deux religieux de la communauté des Blancs-Manteaux,
D. Clémencet et D, Clément, se chargèrent de continuer
l'ouvrage. Les collaborateurs de D. Rivet leur firent passer
les notes et recherches qu'ils tenaient prêtes sur les auteurs
du XIF siècle. Les volumes X, XI et XII parurent en lySG,
1709 et 1763. D'autres ouvrages occupèrent alors D. Clémen-
cet et D. Clément. L'Histoire littéraire de la France fut inter-
rompue, et par différentes causes qu'il est inutile de retracer,
elle n'a point été reprise depuis ce temps.
Le gouvernement a désiré la continuation de cet utile ou-
vrage. Il a chargé la Classe d'histoire et de littérature ancienne
de l'Institut de le reprendre.
La Classe a confié ce travail à une commission nommée
dans son sein , en lui prescrivant de suivi'e jusqu'à la fin du
XIP siècle , le plan et la méthode des premiers auteurs. Une
circonstance heureuse a beaucoup abrégé les recherches pré-
liminaires qu'exigent ces sortes d'ouvrages. La partie des
notes envoyées du Mans, qui n'a point été employée dans
les X*^, XP et XIP volumes, était restée entre les mains d'un
des membres de la Classe et de la Commission qui l'a livrée à
ses confrères , et la distribution en a été foite selon les dif-
Tome XIII. a
ij AVERTISSEMENT,
férentes branches de la littérature que chacun des commis-
saires avait choisies.
Ces notes consistent principalement en dates fixes ou pre'-
sumées de la vie des auteurs et de la composition des ou-
vrages , en indications des sources oii l'on peut puiser à leur
sujet, et en autres recherches de cette espèce, qui en ont
beaucoup épargné à la Commission, sans la dispenser cepen-
dant d'y en ajouter beaucoup d'autres , soit pour rectifier les
inexactitudes des premières , soit pour suppléer à ce qu'elles
ont d'incomplet, particulièrement en ce qui regarde les juris-
consultes , les rabbins , les troubadours , et les poètes fran-
çais , sur lesquels les bénédictins manquaient de documens.
L'Histoire du XIP siècle étant à-peu-près terminée, on a
cru devoir publier successivement les trois volumes qu'elle
doit remplir. Celui qu'on offre avijourd'hui au public, et qui
est le XlIP de l'ouvrage , sera promptement suivi des deux
autres , si le public accueille favorablement un travail auquel
MM. de Pastoret, Brial, Ginguené, Daunou ont mis tout le
soin qu'exigeaient d'eux la confiance de la Classe , les ordres
du gouvernement , et le désir d'achever une entreprise utile
à la gloire littéraire de la France.
La Commission va bientôt s'occuper de l'histoire du
XIIF siècle, avec des secours semblables à ceux dont elle s'est
servie jusqu'ici. Les papiers de D. Poncet, relatifs à l'Histoire
littéraire du XIIP siècle, et qui s'étendent même jusqu'à la fin
du XVP, furent envoyés aux Blancs-Manteaux après sa mort,
arrivée le 2 décembre 1764. Ceux de D. Coloml) restèrent au
JMans après le décès de ce dernier. Ils ont été recueillis , mis
en ordre, et conservés avec soin par M. l'abbé Renouard, con-
servateur de la bibliothèque départementale du Mans, lequel,
sur un ordre de S. E. le Ministre de l'intérieur, en a fait la
remise à la Classe d'histoire et de littérature ancienne.
Quelque insuffisant cjue soit ce secours, la Commission se
fait un devoir d'en reconnaître l'utilité, et de payer le tribut
d'estime du à deux solitaires , qui , sans aucune espérance de
gloire , s'étaient dévoués à ce travail.
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TABLE
DES CITATIONS-
A.
Jl ETRi AbœlarcU et Heloissœ epistolae et opéra. (Curà Andi'. Duchesne), Abœlaid.
Parisiis, i6i6, in-4"-
De Gestis abbatum Lobiensiuni. Dans le Spicilège de Dachery, p. 74^— AJ)li. Lob.
955 du tome II in-lol. , p. SSy — 635 du tome VI in-4".
Conradi a Lichtenau , abbatis Uspergensis chronicon, Argentorati, 1609, Abh. Usperg.
in -fol.
Conciliorum Hispaniie Collectio maxima , édita à Jos. Saens d'Aguirre. Aguirre.
Ronife, 1693, 4 ■vol. in -fol.
Alberici monaclii trium fontium , in diœcesi Leodiensi chronicon. Hano- Alb. Chron.
via;, 1698, in-4°, et t. II, Accession, hlstoiic. Leibnitz, in-4'\
Michaèlis Alford. Annales ecclesiastici Britannorum, Saxonum, et Anglo- Alford.
rum. Leodii , Hovius , i663, 4 vol. in-fol.
Epigrammata et poemata vetera , collecta a Theodoro Janson ab Aime- Almeloveen.
loveen. Amstœlodami, 1674, ia-S".
Annalista Saxo. Dans le t. I du Recueil d'Eccard , intitulé , Corpus Ann. Sax.
historicuni incdii œvi.
Bibliotheca bispana vêtus sive notitia sciiptoruni hispanoium usque ad Ant.Bibl.Hisp.
ann. MD, à Nie Antonio. Romaî, 1696, a vol. in-fol. Matriti, Ibana
1788 , a vol. in-fol.
Vies de Saints Pères du Désert, etc. par Arnaud d'Andilly. Paris, 1668 Ain d'And
et 1680, 3 vol. in-S", Paris, 1733, 3 vol. in-8".
L'Art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes, des chro- Art. de véiif.
niques , et autres anciens monumens , par des religieux bénédictins.
Paris, Jombert, 1783 — 1792, 3 vol. in-fol.
Histoire de la ville de La Rochelle et du pays d'Aunis, par M. Arcère Arcère.
de l'Oratoire. La Rochelle, Desbordes, 1756 et 1757, a vol. in -4°
Assises et bons usages du royaume de Jérusalem , par Jean d'Ibelin Ass. de Jérus.
comte de Japhé et d'AscaJon , avec des notes et observations de
Thaumas de la Thaumassière. Bourges, 1690, in-fol.
B.
Vies des Saints, par Adrien Baillet. Paris, 1701, etc. 17 vol. in-S", ou Baillée.
10 vol. in-4°, ou 4 vol. in-fol.
Scriptorum illustrium majoris Britannia; CataJogus digestus à Joanne Eal.Scr. Angl.
Balœo. Basile», Oporin , i557, in-fol.
Vita Alberici Trevirensis , archiep. à Baldrico, p. 772 Prodromi historiîe Baldric.
Trevir. D. de Hontheim . in-fol.
Baluze.
Barailon.
Barbazan.
Baronius.
Bartliius.
Bartolocci.
Sasnage.
Bayle.
Benj. Tudel.
Benoît.
Bernardi op.
Bernardi'N'itn.
Bcrnier.
Bertrand.
Besly.
Besse-
BIbl. Floriac.
Bibl. pp.
Blackslone.
Bolland.
BongarSjGest.
Bossuet.
Roivche.
iv TABLE
Miscellanea , etlita à Stepliano Baluzio. Parisiis , 16-8—1713, 7 vot.
in-8"; Luct , 1761, 4 ^ol- in-fol.
Recherches sur plusieurs monumens ceUiques et romains par J. F. Ba-
railon , ( oirespoiidant de llnstitut. Paris, 1806, in-8".
L'oidene de chevalerie, ancien poëme , avec une Dissertation sur l'ori-
gine de la langue française, par Barbazan. Paris, i7i^9, in-8°. — Le
Castuiement , ou Instructions d un père à son fils, ouvrage moral
en vers du XITF siècle , avec des observations siu' les étymologies ,
par Barbazan. Paris, 1760, in-8°. — Fabliaux et Contes, avec les
deux ouvrages préccdens , et les Dissert, de Barbazan ; édition revue
par M. Méon. Paris, Warèe , 1808, 4 vol. in-S".
Coesaris Baronii Annale.s ecclesiastici, cum criticà Antonii Pagi, etc. Lucoe,
1740—1757, 39 vol. in-fol.
J. Barthii adversaria. Fran< cf. 1624 vel 1648, in-fol. t
Jul. Bartolocci Biblioth. magna Rabbinica. Rome, typ. Propag. Fid. 1675
— i683, 3 vol. in-fol.
Histoire des Juifs depuis J. C. jusqu'à présent, par Basnage. La Haye,
1716 , i5 vol. in- 12.
Dictionnaire historique et critique, par P. Bayle. Roterdam, Bohm , 1720,
4 vol. in-fol. Amsterdam, 1740, 4 ^ol. in-fol.
Benjamin! de Tudelà itinerarium hebraicè et latine. Lugd. Batav. Elzevir,
i633, in -8°.
Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul , par
le P. Benoît. Toul, 1707, in-4".
S. Bernardi opéra, cura Joannis Mabillon. Parisiis, 1690, 2 vol. in-foL
(Autres éditions indiquées ci-dessous , p. 213 — 227).
De S. Bernardi vita libri 7, p. 1062 et suiv. du t. II des œuvres de
S. Bernard, édit. de i6go. (Autres vies de S. Bernard, indiquées
ci-dessous p. i3o— i3i.)
Histoire de la ville de Blois, par J. Bernier. Paris, Muguet, 1682, in-4°.
Gesta Tholosanorum , autore Bertrando. Tolosœ , i5i5, in-fol.
Histoire des Comtes de Poitou et Ducs de Guyenne, par J. Besly. Paris,
Bertault, 1647, in-fol.
Histoire des Ducs , Marquis , et Comtes de Narbonne , autrement appelés
Princes des Goths , Ducs de Septinianie , et Marquis de Gothie , par
Besse. ParLs, 1660, )n-4".
Floriacensis vêtus Bibliotheca benedictina, à Joanne à Bosco (Dubois).
Lugduni , Cardon, i6o5 , in-8°.
Bibliotheca maxima Patrum , cura Ph. Despont. Lugduni, Anisson , 1677,
3o vol. in-fol.
Coinmentaries on the lav^'s of england by W. Blackstone. Oxford, 1763,
4 vol. in- 8".
Acta Sanciorum omnium, cura Joannis Bollandi ac sociorum. Antuerpiae,
1643 — 1794, :')3 vol. in-fol.
Gesta Dei per Francos sive de orientalibus expeditionibus , et de regno
Francorum Hierosolyinitano scriptores varii, collecti à Jacobo Bon-
garsio. Hanoviae , 161 1, 2 vol. in-fol.
Histoire des Variations, par Bossuet. Paris, 1770, 5 vol. in-12, et t. Uf
des œuvres de Bossuet. Paris, 1743, in-4''.
Histoire de Provence, par H. Bouche. Aix, 1664? 2 vol. in-fol.
DES CITATIONS. v
Rerum galliraium et franc, scriptores... Recueil des historiens de France, Bouquet, Hist
par D. Bouquet et autres bénédictins. ^- Depuis le t. XIV inclusive- ^'^•
ment, par M. Brial de l'Institut. Paris, i^SS— i8i4, i6 vol. in-fol.
Notice du roman du Rou , par Feudrix de Bréquigny , dans les notices Bréquigny.
des manuscrits, t. V, p. a i — 78 , in -4°.
Antiquitatum et annalium Trevirensium librl,25, à Ch. Brouwero et Jac. Brouwer.
Masenio. Leodii , Hovius , 1670, 2 vol. in-fol.
Buzelini Cameracencis Gallo-Flandria sacra et profana. Duaci , Wyon , Buzelin.
1625 , 2 vol. in-fol.
C.
Histoire ecclesiast. et civile de la Lorraine, par D. Aug. Calmet. Nancy,
1728, 3 vol. in-fol. — Ibid. 1745 — 1757, 7 vol. in-fol.
Catalogus libr. mss. Angline et Hiberniœ. Oxon. Sheldon, 1697, ^ ^o'- in-fol.
Bibliotheca Baluziana , seu catalogus librorum Steph. Baluzii. Parisiis ,
Martin, 1719,2 vol. in-ia.
Catalogus librorum mss. Bibliothecae Cottonianae, 1696, in-fol.
Catalogus codicum mss. Bibliothecae regiœ ( studio Aniceti Mellot). Pari-
siis, typis regiis, ly'ig— iy44 , 4 '^o'- in-fol.
Mém. de l'Hist. du Langued. par Guill. Catel. Tolose, Bosc, i633, in-fol.
Scriptorum ecclesiasticorum historia litteraria,à Guillelmo Cave. Oxon.
Sheldon , 1740 et 1743, 2 vol. in-fol.
Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques , par D. Ceillier. Paris ,
Barois, 1732— 1764, 23 vol. in-4°.
Historiée ecclesiasticaB centuriœ i3 congestœ per Magdeburgenses , Flac-
cum lUyricum , Wigandum , etc. Basileae , i55a — i554, i3 tom.
8 vol. in-fol.
Discours liistor. concernant le mariage d'Ansbert et de Blitilde, prétendue
fille du roi Clotaire I ou II, par Chantreau Lefebvre. Paris, 1647 1 i^i-4".
Histoire de la sainte église de Vienne , par C. Cliarvet. Lyon , 1761 , in-4".
Sancti Bernardi genus illustre assertum , à Fr. Chifflet. Divione , Clia-
vance, 1660, in-4".
Vesuntio , civitas imperialis, sequanorum metropolis , illustrata à J. Ja-
cobo Chifflet. Lugduni, 1618, in-4°.
Histoire générale du Dauphiné , par Nie. Chorier. Grenoble, i66i, et
Lyon, 1672, 2 vol. in-fol.
Brève Chronicon Elnonense , p. 1 390 — 1400 du t. III du Recueil de
Martène , intitulé, Thésaurus auccdotorum , \n-io\.
Chronicon Malleacencis cœnobii, p. 190 du t. II du Recueil de Labbe,
intitulé, Bibliotheca mss. cod. in-fol.
Chronicon Mauriacensis monasterii , p. 359 '^'^ *• ^ '^^ Recueil des
historiens de France de Duchesne, in-fol.
Chronicon monasterii Reicherpensis , 161 1, in-4°.
Alfonsi Ciaconii vitas et res gestœ summor. Pontificum romanor. et S^nctas
Ecclesiae cardinalium. Romae , de Rubeis , 1677, 4 '*'ol- in-fol.
Le vrai Childebrand , ou réponse au traité injurieux de M. Chifflet ,
médecin du roi d'Espagne, contre le duc Childebrand, frère du
prince Charles Martel , duquel descend la maison du roi Hugues
Gapet; par Ch. Combault, baron d'Auteuil. Paris, i656, in-4".
Cilmet, H. de
Lorr.
Cat.Bibl. Angl.
Cat. Bibl. Baluz.
Cat.Bibl. Cotton.
Cat. Bibl. Reg.
Catel.
Cave.
Ceillier.
Centur. Magd.
Chantereau lef.
Charvet.
Fr. Chifflet.
J^Jac. Chifflet,
Chorier.
Chron. EInon.
Chron. Malleac.
Chron. Maurin.
Chron. Reicherp.
Ciacon.
Combault.
']
TABLE
Coirozet.
Antiquités, chronique et singularités de Paris, par Gilles Corrozet.
Paris, i586, in-i6.
Couiumiergén. Nouveau Coutumier général, ou corps de coutumes générales et parti-
culières de France, recueillies par Bourdot de Richebourg. Paris,
Robustel , 1724, 4 ■''ol. in-fol.
Crowœus. Guillelnii Crowaei Elencluis scriptorum in Sacram Scripturam. Londini,
16-72, in-8".
D.
Dauiel Mil. Fr.
Dempsier.
De Visch.
Domiuici.
Hist. de la Milice française, par le P. Daniel, jés. Paris, 1760 , 2 vol. in-4^.
Thomœ Denipsteri, historia gentis Scotorum. Bononia; , 1627, in-4°.
Bibliotheca scriptorum ordinis Cisterciensis , autore Carolo de Visch.
ColonicE , Agripp. i656 , in-4°.
'Marci Antonii Doniinici faniilia Ansberti rediviva , sive superior et infe-
rior stemmatis B. Arnulphi linea , contra Lud. Fabri et J. Jac. Chiffl.
objectiones , vindicata. Parisiis, 1648, in-4".
Pétri Dorlandi clironicon Cartusiense , cuni notis Theodori Petraei. Colo-
niae , 1668 , in-8°.
Joannis Doujat prœnotiones canonicae et civiles. Parisiis, 1687, in-4°-
Gerardi Dubois, historia Ecclesia; Parisiensis. Parisiis, Muguet, 1690 —
1710 , 2 vol. in-tol.
Historia Universitalis parisiensis , autore Cresare Egassio Buloeo (Du Bou-
lay). Parisii.';, 1665—1673^ 6 vol. in-f'ol.
Théâtre des antiquités de Paris , par Jacq. Du Breuil , bénédictin. Paris,
161 2, in-4"; Paris, 1739, in-4".
Caroli Dufresne Ducanj^c glossarium média; et inflrmae latinitatis (cum
indice autorum ). Parisiis, Osniont, 1733—1736", 6 vol. in-fol.
Histori» Francoium scriptores , collecti ab Andréa Duchesne. Parisiis ,
i636, 5 vol. in-fol.
Histori» Normanorum scriptores antiqui , collecti ab Andréa Duchesne.
Parisiis, 1629, in-fol.
Bibliotheca Cluniacensis , operà Martini Marrier et Andrese Duchesne.
Parisiis, i6'i4, in-fol.
Histoire généalogique de la maison de Béthune, par André Duchesne.
Paris, 1639 , in-fol.
Histoire généalogique des maisons de Guines, Ardres, Gand, et Coucy,
par André Duchesne. Paris, i63i, in-fol.
JVeustria pia , sive de abbatiis et prioratlbus totius Normanise , autore
Arthuro Dumoustier. Rothomagi , i663, in-fol.
Histoire des auteurs ecclésiastiques du XH* siècle, par EUies Dupin.
Paris, 1696, 2 vol. iîi-8°.
Histoire de l'église de Meaux , par dom Toussaint Duplessis. Paris,
Gandouin, 1731, 2 vol. in-4".
Description géographique et historique de la Haute Normandie, par
dom Toussaint Duplessis. Paris, 1740, 2 vol. in-4°.
E.
Eadmer. Eadnieri Cantuariensis monachi historia novorum. A la suite des œuvres
de saint Anselme. Paris, 1673 , in-fol, ou 1721, in-fol.
Dorland.
Doujat.
Dubois.
Duboulay-
Dubreuil.
Ducange.
Duch. H. Fr.
Diich. Norm.
Duchesne, Bib.
Clun.
Duchesne, GAi.
Béth.
Duchesne, Gén.
Guines.
Du Moustier.
Dupin.
Dtiplcss. Meaux.
DupIessis,Norm.
DES CITATIONS.
v;j
Corpus liistoricum niedii revi , sive scriptores qui res gestas prsecipuè in
Gennanià illustraverunt , cura J. Georg. Eccartli. Francof. et Lipsiœ ,
Gleilitscli , i74'3, 2 vol. in-fol.
Scriptoi'cs ordinis pr.Tdicatorum, opus inchoatum à Jac. Quetif, absolutum
à Jac. Ecliaixl. Parisiis, 1719 et lyii , 2 vol. in-fol.
Exordiuni magnum Cisterciense , t. 1, Biblioth. pp. cisterc. Bertr. Tissier,
1660, in-fol.
F.
Joannis Alb. Fabricil, Bibliotheca médire et infimne latinitatis. Hamburgi,
1734. 6 vol. in-8'^'. — Cuni notis Dominici Mansi. Patavii , Manfré ,
1754 , 6 vol. in-4''.
J. Alb. Fabricii Bibliotheca ecclesiastira , in qu.î continentur de scriptori-
bus ecclesiasticis libri pluriinorum. Hamburgi, 1718, in-fol.
Falconis Beneventani chronicon , p. 82 du t. V du Recueil de Muratori ;
Reruin Italie. Scriptores.
Origine de la langue et de la poésie française, par Cl. Fauchet. Paris,
Pâtisson, i58r, in-S*^.
Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, par dom Mich-Félibien. Paris,
Léonard, 1706, in-fol.
Historia de Espaiîa por D. Juan Ferreras. Madrid, 1700 — 1732, 16 vol.
in-4°. — Hist. générale d'Espagne par Ferreras, traduite par dHermilly.
Paris, Osmont, 1741 — ijSi, 10 vol. in-4°.
Ferrii Locrii Maria augusta. Atrebati, Mandhuy, 1608, in-4°.
Hist. ecclés. par Fleuri. Paris, 1691 — 1737, 36 vol. in-4", ou 36 vol. in-12.
Biblioth. BelgicaJ, sive Belgici scriptores à Valerio Andréa, Auberto Miraeo,
Fr. Svv^ertio recensiti : cura Fr. Foppens. Bruxellis, i73g, 2 vol. in-4°.
Rerum gernianicaruru scriptores aliquot insignes , collecti à Marqnardo
Frehero. Editio Struviana, Argentorati , 1717, 3 vol. in-fol. — Direc-
torium historicoruni niedii aevi, à Marquardo Frehero. Goetting», 1772,
in-4°. — Theatrum virorum eruditione clarorum , à Marq. Frehero.
Norimbergae, 1688, 2 vol. in-fol.
Pétri Frison, Gallia purpurata. Paris, Lenioine, i638, in-fol.
Hist. de l'abbaye de S.-Étienne de Dijon , par Cl. Fyot. Dijon, 1696, in-fol.
Eccaid.
Echard .
Exord.M.Cist.
Fabric. Med.
Fabric.B.Eccl,
Falc. Benev.
Fauchet.
Félibien.
Ferreras.
Ferr. Loer.
Fleuri.
Foppens.
Frcher.
Frison.
Fyot.
Gallia Christiana (nova) operâ Dlonysii Sammarthani et aliorum. Parisiis Gall. Chr. N.
1715— 1785, i3 vol. in-fol.
■Verbum abbreviatum , opus Pétri Cantoris, cum notis Georgii Galopin. Galopin.
Montibus, 1637, in-4°.
Ghronologia sacro-profana à mundo condito ad ann. 5353 (Christi 1592) , Ganz.
dicta Germen David , autore R. David Ganz , in latinum versa et ob-
servation, illustrata per Guill. Henr. "Vorstium. Lugd. Batav. i644, in-4°.
Eloge de Suger par M. Garât. Paris , Demonville , 1779, in-8°. Garât.
Séries Prœsulum Magalonensium et Monspeliensiuni , autore P. Garicl. Cariel
Tolosae, i652, in-fol. Ibid. i6ô5, in-fol.
Gervasii Dorobernensis monachi chronicon , inter Anglicœ Historia; scrip- Cerv Dorob
tores 10. Lond. i652, in-fol. — Ejiisdem bber de Pontificibus Cantu.i-
riensis Ecclesiae, ibid. p. i63o-i683.
vnj
TABLE
Ghedai.
Gotlwin.
Goffr. Vind.
Gosse.
GosTÎni Vita.
Grandin.
Gregor. j\I.
Guibert.
Gulg.
Guiil. Gr.
Guill. Neubr.
Guill. Tyr.
Ghedalias ben Joseph, Schalschelet Hakkabala. Venetiis, 1587, in-4°
Fr. Goclwini de praesulibus Angl. comnientaiius. Cantabrigiœ, 1743, in-fol
Goffridi Vindocinensis abbatis epistolarum libri 5 , cum notis Jac. Sir-
mondi. Parisiis, 16 10, in-8"; et p. 61 5 du t. III du Recueil de Sirniond
intitulé, Opéra Varia. Parisiis, 1696, in-fol.
Histoire de l'abbaye d'Arrouaise, par Gosse, prieur d'Arrouaise, de l'ac*
demie d'Arras. Lille, 1786, inVi".
Vita S. Gosvini Aquicintinensis abbatis, à duobus monachis ejusdem cœno
bii exarata , à Richardo Gibbono édita. Duaci, Wion , 1620, in-8°:
Martini Grandini opéra theologica , cuni variis disputationibus. 1710-
1712 , in-4°.
Sancii Gregorii magni papse I opéra. Parisiis, 1705, 3 vol. in-fol.
Guiberti abbatis de Novigento opéra , édita à Lucà Dachery. Parisiis ,
i65i , in-fol.
Statuta ordinis Cartusiensis à Guigone compilata. Basilea3, Amerbach ,
i5io , in-fol.
Vita Margaritse romitissœ, à Guillelmo canonico Gratianop. i643, in-4°.
Giiillelmi Neidjrigensis cbronica rerum Anglicarum , cum notis J. Picard.
Oxon. Sbeldon, 1719 , 3 vol. in-S"; et dans les collcct. d'histor. dAngl.
Guillelnii Tyrii archiepiscopi historiœ rerum in partibus transmarinis
gestarum libri 23. Dans le recueil de Bongars , intitulé, Gesta Dei per
Franco s.
H.
Harpsfeld.
Helinand.
Héiiault.
Henr. Gandav.
"Henr. Menol.
Henr. Fascic.
llenriq. Pliocn
Herinann.
Hervé.
Hist. ecclesiast. Anglicana à Nie. Harpsfeldio. Duaci, Wyon, 1622, in-fol.
Helinandi monachi chronicon, dans le t. VII de la Bibliothèque des
Pères de Cîteaux, publ. par Tissier, 1660, in-fol.
Abrégé chronolog. de 1 Hist. de France , par le président Hénault. Paris ,
Prauh, 1768, 3 vol. in-S"^.
Henricus Gandavensis de scriptoribus ecclesiasticis ; dans le Recueil de
Fabricius, intitulé, Bibliotheca ecclesiastica , 1718, in-fol.
Menologium Cistercience, notationibus illustratum, cum constitutionibus
et privilegiis ejusd. ordinis , cura Chiysost. Henriquez. Antuerpiae ,
JVIoret , i63o, in-fol.
Fascicuhis sanctorum ordinis Cisterciencis , cura Chrysostomi Henriquez.
Colonise, i63i, 2 vol. in-4°-
Chrysostomi Henriques Phœnix reviviscens, sive ord. Cisterciensis scrip-
toruni Angliae et Hiberniae séries. Bruxellis , 1626, in-4°.
Heimanni ( vel Herimanni) monachi, de niiracuhs B. Mariée Laudunensis
de gestis Bartholomœi episcopi et S. Norbert! libri 3, page Saô —
56o operum Guiberti de Novigento. — Ejusd. Hermanni narratio res-
lauralionis abbatia? S. Martini Tornacensis. Dans le Spicilège de Dachery,
p. 888-926 du t. II in-fol.; p. 358-487 du t. XII, in-4''.
La lignée des seigneurs d'Amboise, et depuis quel temps et par quels
seigneurs et quels mérites ils furent reçus en icelle ; ou bien, Histoire
Lo< boise, des antiquités des villes d'Amboise, Loches, Beaulieu, Blois,
Montrichard , et incidemment des comtes d'Anjou, paraphrasée en
françois par Hervé de la Queue , de l'ordre des frères prêcheurs , à la
l^equète de Jeanne d'Amboise, dame de Revel et de Tiffauge. Manuscrit,
DES CITATIONS. ix
Ilistorim anolicre scriptores lo illustrati a Rogerio Twissden , et à Seldeno.
Lomlini , lô'ja, in-fol.
Hist. britannicre , saxon icœ , anglo - saxonioee , scriptores 20, coUecti à
Tli. Gale. Oxon , Shekloii , i6'gi, 2 vol. in-fol.
Histoire de l'Église gallicane, par Longueval , Brumoy, et autres jésuites.
Paris, 17:^0 — 1749, i8 vol. in-4".
Historia Rngolismensiuni pontificum et coniitum , ab autore anonymo ,
p. 249 — 36'4 du t. Il de la Coll. de Labbe , intitulée : Biblioth. inss. iioia.
Supplementum Bibliotliecaî patruni , edilvuii à Jacobo Hoinmey. Parisiis,
1684, in-8°.
Joannis Nie. ab Hontlieini, bistoria Trevirensis diplomatica et historica.
— Ejusdem Prodromus bistoriœ Trevirensis. Augustœ \ indelicoruni ,
1750 — 1757, 5 vol. in-fql.
Antiquités historiques de l'Eglise royale de S-iint-Aignan d'Orléans , par
Rob. Hubert. Orléans, Hotot, 1661, in-4".
P. Dan. Huet , de optinio génère interpretandi , et de claris interpretibus.
Parisiis, 1661 , in-4".
Hugonis Flaviacensis cbronicon Yirdunense. — -Dans le t. I du Recueil
de Labbe , intitulé : Bibliotheca mss. nova.
Hugonis Rothoniagensis archiepiscopi , dialogorum seu quaestionuni
libri 7, p. 891 , et du t. V du Rec. de Martène , intitulé : Thésaurus
anecdotorum. — Ejusdem Hugonis, contra Haereses sui temporis sive
de ecclesiàet ejus miiiist. libri 3.— A la suite des œuv. de Guibert, p. 690.
Caroli Ludovici Hugonis , annales ordinis prœnionstratcnsis. Nanceii ,
Cusson , 1734 et 1736, 2 vol. in-fol. — Ejusdem monunienta sacrae
antiquitatis. Stigavii , 1725, 2 vol. in-fol.
Magistri Hugonis de S.-Victore opéra omnia. Rotliom. 1648, 3 vol. in-fol.
History of england, By Dav. Hume, London , 1770, 8 vol. in-4".
H. angl. scr. 10.
II. angl. scr. 30.
II.del'Égl.GalI.
Hist. Engol.
Ilommcy.
Hontlieini.
Hubert.
Huet.
Hug. Flar.
Hng. Rot.
Car.Lud.Huso.
Ilug. de S. 'S'ict-
Hume.
I.
Ivonis Carnotensis episcopl epistolœ. — Et opéra 0
Jureti et J. B. Soucliet. Parisiis, 1647, in-fol.
•a omnia , cum notis Franc. Iv. Carn.
Ludov. Jacob Bibliotheca pontificia. Lugduni, i643, in-4°, 1647, in-4".
Ludov. Jacob de scriptoribus Cabillonensibus libri 3. Parisis, lôSa, in-4°.
Purpura D. Bernardi , sive elogia pontificum, cardinalium, archiepisco-
porum et episcoporum ex ordine Cisterciensi. Coloniœ Agrippinœ ,
Krafft, 1644 5 in-fol.
Joannis prioris Hagustaldensis , continuatio historiœ Simeonis Dunolm.
Inter Hist. Angl. scriptores 10.
Joannis monachi Majoris monasterii historia Gauffridi ducis Normanno-
rum , comitis Andegavorum , Tur. et Cenomann. ex bibliotheca Lau-
rentii Bochel. Parisiis, 1610, in-8". — Ejusdem gesta consuliun Ande-
gavensium. Dans le Spicilège de Dachery , p. 232 - 366 du t. III in-fol. ,
p. 399-509 du t. X in-4°. — Ejusdem liber de Compositione castri
Abasiœ et ipsius dominorum gestis, ibid. p. 367, in-fol., p. 5io, in-4'*.
Joannis Sarisberiensis epistolœ, cura epistolis Gilbert! , editis à Jeanne
Jacob. B. Ponl.
Jacob. Scr.Cab.
Jongelîû.
J. Ilagust.
J. de Marmou-
tier.
J. Sarisb.
X TABLE
Masson. Parisiis , 1611, in-4''. — Joannis Sarisb. Policraticiis , sive de
nugis curialium et vestigiis philosophorum libri 8 , et Metalogic. libri 4-
Lugduni Batav. Maire, i632 , in-8°.
lueniii. Hist. de Tabb. de Tomnus, etc. par P. Juenin. Dijon, Dupiiy, i633, in-4''.
Jug. d'Oler. Jugemens d'Oléron , dans les Us et Coutumes de la mer, en trois parties,
par Clairac. Bouen , 1671, in-4"-
Justel. Histoire généalogique de la maison d'Auvergne , justifiée par chartes , etc.
par Justel. Paris, Dupuy, i643 , in-fol.
K.
Konig. GeorgiiMath.KonigBiblioth. vêtus et nova. Altdorfii, Endter, 1678, in-fol.
L.
Labbe, Bibl. Nova Bibliotli. mss. codicum cura Philip. Labbe. Parisiis, 1657, 2 vol. in-fol.
Labbe, Conc. Sacro-sancta concilia, collecta et édita à Phiiippo Labbe et Gabriele Cos-
sart. Parisiis, 1671, 17 tom. 18 vol. in-fol.
Lacr. du M. Bibliothèque française par la Croix du Maine. Paris, 1 584, in-fol. — Avec
Du\erdier, éd. de Bigoley de Juvigny. Paris, 1772 et 177^, 6 vol. in-4''.
Lambec. Bibl. P- J^ambecii commentariorum de Bibliotli csesareà \indobonensi libri 8,
sive catalogus codicum mss. Vindobonœ , i655, 8 vol. in- toi. — Ibid.
1766, etc. 10 vol. in-fol.
La Roque. Histoire généalogique de la maison de Flacourt avec les preuves ; par
A. G. de la Boque. Paris, 1662, 4 '^'ol. in-fol.
Laurent. Leod. Kotitia Episcoporum Virdunensium , à Laureutio Leodiensi , dans le Spi-
cilege de Dacherv, t. II, in-fol. , t. XII, in-4°.
Lebœuf, Aux. Jlénioires concernant l'iiist. d'Auxerre, par l'abbé Lebœuf. Paris, 1742,
3 vol. in-4''.
Lebœuf Paris. Dissertations sur l'Hist. ecclés. et civile du diocèse de Paris, suivies de
plusieurs éclairclssemens sur l'histoire de France , par Lebœuf. Paris ,
Lambert, 1739 et suiv. 3 vol. in-12.
LcCarpenticr. Histoire de Cambray et du Cambrésis, par le Carpentier. Leyde , 1764,
2 vol. in-4".
Lcibn.Acc.H. Godofr. Guillelmi Leibnitzii accessiones histor. quibus scriptores rerum
Germanicarum continentur. Hnnoverae, 1700, 2 vol. in-4".
Lelone, Bibl. Bibliothèque historique de la France, par Jac. I^elong de l'Oratoire, nouv.
deFr. édit. augmentée par Fevret de Fontette. Paris, Hérissant, 1768-1778,
5 vol. in-fol.
Lelone.BibS. Bibliolheca sacra in Binos syllabos distincta , à Jacobo Lelong. Parisiis,
Couslelier, 1723, 2 vol. in-fol.
Le Nain. Essai de l'histoire de l'ordre de Cîteaux , par D. Pierre le Nain. Paris ,
1696, 1697, 9 vol. in-12.
Lenglet Dufr. Méthode pour étudier 1 histoire, avec un catalogue des historiens, par
Lenglet Dufresnoy , nouv. édit. augmentée par Droiiet. Paris, Tilliard,
1772 , i5 vol. in-12.
LePaige.B.P. Joannis le Paige, Bibliotli. oïdinis Prremonstiatensis. Parisiis, i633, in-fol.
Levasseur. Annales de 1 église cathédrale de IVoyon , avec une description de la ville ,
par Le Vasseur. Paris, Sara, i633, 2 vol. in-4°.
Leyser. Polycarpi Leyseri,Hist. poètarum latin, mediiœvi. Halae, RLigd. 1721, in-8°.
DES- CITATIONS.
xj
Martini Lipenii Bibliotheea realis theologica. Francof. i685, 2 vol. in-fol. Lipen. B. Th.
La Cibliotlièque cliartraine, ou Traité des auteurs et hommes illustres du Liron Bib.Ch.
diocèse de Chartres, par Dom .1. Liron. Paris, 1778, in-4".
Les Aménités de la critique, par Dom .1. Liron. Paris, 1727, 2 vol. in-12. Liron Amen
Singularités historiques, par Dom J. Liron. Paris, 1738, 4 vol. in-12. Liiou Sing
Histoire et antiqixités du pays de Beauvais , par Pierre Louvet. Beauvais , Louvet.
i63o , 2 vol. in-8".
Ottomari Luscinii allegori.-ie simul et tropologiae in locos communes Luscin.
utriusque testamenti selectiores. Parisiis , ii)74) in-8".
BI.
Sancta et metropolitana Ecclesia Turonensis , sive Séries Turonensiuin
archiepiscopor. etc., autore Joanne Maan. Augustae Turonum, in sndi-
busautoris, 1667, in-t'ol.
Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, studio Joannis Mabillon et Lucœ
d'Achery. Parisiis, 1668— 1702, 9 vol. in-fol.
Vetera Analccta collecta à J. Mabillon. Parisiis, Montalant, 1723, in-fol.
Annales ordinis S. Benedicti, à Joanne Mabillon (et Renato Massuet).
Parisiis, Robustel , ijoS— 1789, 6 vol. in-fol.
Traité des études monastiques par Dom Mabillon. Paris, 1691, in-4".
Paris, 1592, 2 vol. in-12.
Joannis Magni Gothorum Sueonumque historia. Romae , i554, in-fol.
Histoire des Croisatles par Maimbourg. Paris, 1670, 2 vol. in-4''; il'id.
1686, 2 vol. in -4".
Antiq. de la ville de Paris, par Claude Malingi'c. Paris, Rocolet, 1640, in-fol.
Guillelmi Malmesburiensis de gestis Pontilicum Angloruni libri 4- Francof.
Wechel, 1601, in-fol. Et liber quintus, t. II Anglite sacrae Henrici VVar-
thon. Lond. 1691 , in-fol.
Cistercienciuni annalinm lomi 4 1 autore Angelo Manrique. Lugduni
(Anisson), i6"42— i6'53, 4 vol. in-fol.
Histoire de Béarn , contenant l'origine des rois de Navarre, des ducs de
Gascogne , par P. de Marca. Paris, Camusat, 1640, in-fol.
De Concordià sacerdotii et imperii , opus Pétri de IMarca , cum notis Steph.
Baluzii. Parisiis , i663 , in-fol. Parisiis, 1704, in-fol.
Jacobi Marchant , commentariorum de Flandrià libri 4 ) Antuerpise ,
Plantin , 1 596, in-8".
Metropolis Remensis historia , studio Guillelmi Marlot. Insulis , de Radie,
1666 , 3 vol. in-fol.
Les histoires des anciens comtes d'Anjou et de la construction d'Amboise,
avec des reniarq. par de MaroUes , abbé de Villeloin. Paris, 1681, in-4".
Thésaurus novus anecdot. complectens epistolas , diplomata , etc. studio Ed-
mundi Martène et Ursini Duiand. Parisiis, Delaulne, 1717, 5 vol. in-fol.
Veteruni script, et monument. coUectio amplissima , studio Edmundi
Blartène et firsini Durand. Parisiis, Montalant, 1724— 1733, 9 vol. in-fol.
Edmundi Martène, de rilibus Ecclesiœ libri 4. Antuerp. (Mediolani, cura
IVIuratorii) 1736— 1738, 4 vol in-fol.
Maan.
Mabillon, Act.
Miihill. Anal.
Mabillon, Ann.
Mab.Ét Mon.
Magnus.
Maimbonrg, Cr.
Malingre.
Malmesb.angl.
Pont.
Rlanriqtie.
Marca Bearn.
Marca Conr.
Marchant.
Marlot.
MaroUes.
Mart. Anecd.
Martène, Coll.
ampl.
Martène, Rit.
Voyage littéraire de deux bénédictins (Martène et Durand). Paris, 17 17
et 1724 , 2 vol. in-4".
Hist.de la poésie f rançaise par l'abbé Massieu. Paris, Prault, 1739, in-ia.
b.
Martène, Vov
Litt.
Massieu.
xij TABLE
D. Hugonis Mathoud notre in Robertuni Pulluni. Dans ledit, des œuvres
de Rob. Pull. Paris, i655, in-fol.
Histoire de la Sainte Eglise de Vienne , par J. Drouet de Maupertuv. Lyon,
Certe , ijo8 , in-4°.
Mémoires pour servir à l'histoire du Dauphiné, 1711.
Mémoires pour servir à l'histoire des sciences et beaux-arts. (Journal de
Trévoux, par Cation, Touinemine , Buffier, et autres jés.) ijoi — IJ62.
Histoire de Sablé , par Gilles Ménage. Paris, i683, in-fol.
Dictionn. étymol. par Gilles Ménage. Paris, Briasson , 1730, 2 vol. in-fol.
Martyrologium sanctorum ordinis S. Benedicti , cum observation. Nicolai
Hug Ménard. Parisiis, 1624 vel 1629, in-8". — Ejusdem Diatriba de
Unico Dionysio. Parisiis, i643 vel 1644} in -8".
Histoire civile et consulaire de la ville de Lyon, justiûée par chartes,
chroniques, etc. par Ménétrier. Lyon, de Ville, 1^196, in-fol.
Jacobi Meyeri Commentarii sive Annales rerum flandricarum. Antuerpiae,
i56i, in-fol. Francof. i58o, in-fol.
Histoire littéraire des Troubadours, par Blillot (sur les mémoires deSainte-
Palaye). Paris, Durand, 1774^ 3 vol. in-12.
Origines Cœnobiorum ordinis S. Benedicti, in Belgio ; studio Auberti
Mirasi (Le Mire). Antuerpiœ, 1606, in-8°.
Chronicon Cistercience, studio Auberti IMirœi. Colonipe , i6i4, in-fol.
Ord. Prœni. chron. studio Aub. Miraei. Coloniae Agripp. Gualtcr, 161 3, in-8°.
Auberti Mirœi opéra diplomatica et historica ; cura Francisci Foppens.
Lovanii et Bruxellis, ijaS— 1748, 4 ^ol. in-fol.
Missale Cisterciense. Parisiis, iSaô, in-fol.
Les moines empruntés, par P. Joseph f de Haitze). 1698, 2 tom. in-i2.
Rlartyrologimn cum notis Joannis IMolani. Antuerpiae, j583, in-S".
Natales sanctorum Belgii, stiulio Joannis Molani. Lovanii, iSgS, in-S".
Monasticon anglicanum , studio Rogeri Dodsworth et Guillelmi Dugdale.
Londini, Hodgkinson , i655 — 1673, 3 vol. in-fol.
Montf. E.mss. Bibliotheca bibliothecarum mss. nova, autore Bernardo de Monfaucon.
Parisiis, Briasson, 1739, 2 vol. in-fol.
Dictionnaire historique de Bloréri. Paris, i7.")9, 10 vol. in-fol.
Theatr. sacri ord. carthusiani, à Carolo Jos. Morotio. Taurini, 1681, in-fol.
Antiquitates italicœ medii sévi , sive dissertationes Lud. Antonii Muratorii.
Mediolani, 1738— 1742, 6 vol. in-fol.
Rerum italicarum scriptores , coUecti à Lud. Ant. Muratorio. Mediolani,
1723 — 175 1, aS tom. 29 vol. in-fol.
N.
Nie. Arem. Nicolai Aremarensis quondam sancto Bernardo à secretis, epistoloe, p. 5iy
— 553 du tome 21 de la Bibliothèque des Pères. L. 1667, in-fol.
Nomencl.Cartl. Nomenclator cardinalium, digestus à Lud. Castaneo. Tolosa», De la Case,
1614, in-4°.
Not. des mss. Notices et extraits des mss. de la Bibliothèque royale et autres Biblioth. de
Paris, pul)liés par l'Académie des Inscriptions et Belles -Lettres, et par
l'Institut. Paris, 1787 — i8i3, 9 vol. in-4''.
O.
Odon. JeDiog. Odonis de Diogillo libelli 7 de profectione régis Ludovici VII in orientera.
Mathoud.
Maupertuis.
Mém. Daiiph.
Mém. de Trev.
Ménage, Sablé.
Mén.Dicl.etym.
Ménard.
Ménétrier.
Meyer.
Millot.
Mir. Ben. Or.
Mir.Chr.Cist.
Mir. Clir. Pr.
Miraei op.
Miss. Cisterc.
Moines empr.
Molan. martyr.
Molan.Xat.SS.
Monast. anel.
Moréri
Moroli.
Muratori Ant
Muralori Scr
rer. ital.
DES
= Dans le livre tle Chifllet,
tuni. Divione, 1660, in-4".
CITATIONS.
intitulé : S
Bernardi gcnus illustre asser-
Orderici Yitalis, libri i3 histoiiœ ecclesiaslicae. = Dans le recueil de Du-
chesne, intitulé: Scriptores historiœ Normannorum , 1619, in-f'ol.
Ordonnances des Rois de France, recueillies par de Laurière, de Bré-
quigny, etc. continuées par M. Pastoret. Paris, Inipr. Roy. 1728- i8i i,
16 vol. in -fol.
Ordonnances de Wisbuy , dans les Us et coutumes de la Mer ( par
Clairac). Rouen, 167-1, in-4°.
Othon de Frisingue. (Les éditions de ses œuvres sont indiquées p. 283 et
284 de ce volume ).
Casimiri Oudini commentarius de script. Ecclesi;e autiquis, cum nuiltis
dissertationibus. Francoturti et Lipsias, Weidnian, 1722, 3 vol. in-f'ol.
Order. vital.
Oj'donnances.
Oïd.deVVisb.
Oth. Fiising.
Oiidiu.
Antonii Pagi critica historlco-chronologica in universos Annales Baronii. P.igl Crit.
9
in
■fol.
• Et avec les Annales de
Antuerpiaj (Genev. ), lyoa, 4 vol.
Baronius , édit. de 1740, in-fol.
G. Wolfgangi Panzer Annales typographici. Norimbergae , Zeli , 1793—
i8o3 , 1 1 vol. in-4''.
Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, par Papillon. Dijon, Marteret,
1742 , 2 vol. in-fol.
Mémoires pour l'histoire de Lyon, par Guillaume Paradin. Lyon, i573,
in-fol.; ibid. 162 5, in-fol.
Mathœi Paris historia major Angliœ. Londini , 1640, 2 vol. in-fol.
Math. Parkeri historia antiquitatum Eccl. britannica*. Londini, 1729, in-fol.
Recueil de plusieurs pièces servant à l'histoire de Bourgogne , par Pérard.
Paris, Cramoisy, i554, in-fol.
Monunienta conventùs Tolosani ordinis FF. praidicatoruni , ex vetust.
scriptis originalibus transcripta, à J. Jacobo Percin. Tolos.-e, 1693, in-fol.
Theodori Petroei Bibliotheca cartusiana. Coloniœ, 1609, in-12.
Pétri Blesensis opéra, édita à Petro de Gussanville. Parisiis, 1667, in-fol.
Pétri Cantoris verbum abbrev. cum not. Georgii Galopin. Mont. 1637, in-4°.
Pétri Diaconi chronicon Cassinense. Parisiis, 1668, in-fol. — Et dans la
Biblioth. ecclésiastique de Fabricius. Hamb. 1718, in-fol.
Pétri Venerabilis opéra, p. 589 — 1376 de la Bibliothèque de Cluni. Paris,
i6i4, in-fol. — ^P. 8i3— 1142 du t. XXII de la Bibliothèque des Pères.
1667, in-fol. — (Autres éditions indiquées p. 205, 266 de ce vol.)
D. Bernardi Pezii Biblioth. ascetica. Ratisbonœ, 1726 — 1733 , 4 vol. in-8°.
D. Bernardi Pezii Thésaurus anecdotorum novissimus. Augustae Vindeli-
corum , 1721 , 7 tom. 6 vol. in-fol.
Philippi abbatis bonœspei ordinis Praem. opéra omnia. Duaci, 162 1 , in-fol.
Chronologie historique et militaire , par Pinard. Paris, 1760, 7 vol. in-4°.
.loannes Pitseus de scriptoribus Angliœ illustribus. Parisiis, 1619, in-4".
Hist. génér. et particul. de Bourgogne, avec des notes, dissert, et preuves,
parun bénéd. (Urbain Plancher). Dijon, deFay, 1739—1748, 3 vol. in-fol.
Hist. des archevêques de Rouen , par un bénédictin ( Fr. Pommeraye).
Paris, Maurry, 1667, in-fol.
Antonii Possevini apparatus sacer, cum appendicibus. Venetiis , 1606,
3 vol. in-fol. — Coloniaî, 1608, 2 vol, in-fol,
Panzer.
Papillon.
Paradin.
M. Pari.ç.
Parker.
Pérard.
Percin.
Tlieod. Petrae.
Petr. Blés.
Petr. Cant.
Petr. Diac.
Petr. Veiier.
Pcz. Bibl. Asc.
Pez. Th. Anecd.
Phil. B. Sp.
Pinard.
Pits.
Plancher.
Pomnieraje.
Possev. appar.
xiv TABLE.
Poss. Cat. mss, Catalogus inanuscriptorum , digestus ab Antonio Possevino. — A la fin
de \ Apparatus sacer.
Pv. Pull. Robeitl PuUi cardinalis sententiarum libri -, editi studio Hugonis Ma-
thoud. Parisiis, i665 , in-fol.
R.
Radevlc. Radevicus de gestis Frederici AEnobarbi imper. — A la suite d'Othon de
de Fiisingue ; dans la Collection des historiens d'Allemagne d'Lrtisius.
Rudul. Trud. Ges^a aljbatum Trudonensium , autore Rudulpho ejusdem loci abbate. —
Dans le Spicilége de d'Acbery, t. II, in-t'ol; p. 344 du t. VII, in-4°.
Kaisse. Natal. Ad natales sanctorum Belgii auctuarium , autore Arnoldo de Raisse,
SS. Belg. Duaci, Auroy, 1626, in-8°.
Rap. Thoyr. Histoire d'Angleterre, par Rapin de Thoyras, etc. avec les remarques de
Tyndall. La Haye, 1726—1736, i5 vol. in-4''. — Nouv. édition donnée
par Lelebyre de Saint-Marc. La Haye (Paris), 1749, 16 vol. in-4°.
Rich. Hagust. Richardus prior Hagidstadensis de gestis régis Stephani et bello Stan-
dardi. — înter Historiœ Angliœ scriptores 10. Lond. lô'âa, in-fol.
Rich.àS.Vict. Magistri Richardi à Sancto-Victore opéra. Rothomagi, i65o, in-fol.
Rob. de 31. Roberti de Monte, abbatis S. Blichaelis, cbronica, sive oppendix ad
Sigebertum ab anno 11 00, usque ail 1184. — A la suite des œuvres
de Guibert de Nogent, p. 743 — 810.
Rodrig. deC. Bibliotbeca Espanola por Rodriguez de Castro. Madrid, 1781, in-fol.
Roquefort. Glossaire de la langue romane, par J. P. Roquefort. Paris, Warée ,
1808, 1 vol. in-8^.
Rog.deHoved. Rogerii de Hoveden Annales ab anno 732 ad annuni 1201. P. 401 — 429
du recueil intitulé : Anglicaruni reruni scriptores post Bedam praecipni,
editi ab Henr. Savilio. Lond. 1396, in-fol.; Francof 161 1, in-fol.
Rossi Bibl. Joanuis Bern. de Rossi Biblioth. judaici antidiristiana. Parniae, 1800, in-8''.
Rossi Diz. Dizionario storico degli autori Ebrei e délie loro opère; da Giov. Bern.
de Rossi. Parma, Stamp. Reale, 1802, 2 vol. in-8°.
Rossi, mss. Manuscripti codices bibliothecœ Joan. Bernardi de Rossi ab ipso accuratè
descripti et illustrât!. Parnife, i8o5, 3 vol. in-8".
Roulliaid. Histoire tle Mclun , par Séb. Rouliiard. Paris, 1628, in-4''.
P. Rover. Historia nionasterii Reomaensis in traclu Lingonehsi ; à Petro Roverio.
Parisiis, Cramoisy, 1637, in-4''.
Rvmer. Fœdera , conventiones , litterœ et cujuscunique generis acta publica , inter"~
reges Angliœ et alios quosvis imperatores, reges , etc. studio Thonia?
Rymer. Hagae, Coni. 174J, 10 vol. in-ful.
S.
Sander. Bibliotbeca Belgica manuscr. sive Elencbus nniversalis codicum manusc.
in celebrior. Belgii biblioth. ab Antonio Sandero. Insulis , 1641 , in-4".
Sandius. Christophi Sandii notœ et animadversiones in Vossium de historicis lati-
nis. Amstel. i677,in-i2.
Sarti Prof. M. De claris Archi-gTninasii Bononiensis professoribus à saeculo XI ad XIV,
opus P. D. J\I. Sarti. Bononiœ, 1769 et l'j'ji , 2 tom. in-fol.
Sa\nl. Sciipt. Anglicaruni rerum scriptores post Bedam prœcipui , editi ab Henr. Savilio.
1er. angl. Lond. i5gG, in-fol.; Francof. 1611, in-fol.
Seld.M.Cl, Joannis Seldeni , mare clausuni seu de dominio maris. Lond. i636,in-r2.
Ser H.dcRoueii. Histoire de la ville de Rouen, par Servin. Rouen, 1773, 2 vol. in-ia.
DES CITATIONS. xv
Bihliotheca Conradi Gesneri , lecognita et aucta à Josià Simlero. Tiguri ,
i574) in-fol. ; Tiguri, Froschover, i583, in-fol.
Catalogiis manusciipt. Bibliothecœ Berncnsis , annotatioiiibus illustratus
à J. K. Siiiner. Bernœ, Typogr. reipubl. 1760, 2 vol. in-8°.
Jacobi Sirniondi opéra varia. (Collectio scriptorum et monument, eccles.)
Parisiis, Typ. Reg. 1696, 5 vol. In-l'ol.
Simier. Bifc.
SiunerBibl.B.
Sirmond.O. V.
1376, in-fol. ; Parisiis, 1610, SUt.Sen.B.S
Sixti Senensis Bibliotheca sancta. Lugtluiii
in-fol.; Neapoli, 1742, 1 vol. in-fol.
Concilia magnai Britanniœ et Hibernise, collecta ab Henrico Spelman,
cuin notis Davidis Wilkins. Londini , i747> 4 '^ol. in-fol.
Spicil. sive collectio veter. aliquot scriptor. cura Lucae d'Achery. Parisiis,
i655— 1677, i4 vol. in-4° ; Parisiis, JVIontalant, 1723, 3 vol. in-fol.
Sugerii , abbatis S. Dionysii, epistolre. P. 49-5—556 du t. IV du Recueil
de Ducliesne : Scriptorcs rerwn franc.
P. Sutoris (Cousturier) de viià Cartusianà liber. Parisis, Petit, i522 , in-4".
Fr. Swertii Atlicnre Belgicre , sive Nomenclator inferioris Germanise scrip-
torum. Antuerp. 1628, in-fol.
T.
Histoire delà grande chancellerie de France, par Tessereau. Paris, 1676,
in-fol. — Continuée par Lecomte. Paris, 17 10, 2 vol. in-fol.
Vetera monumenta contra schisniaticos , pro Gregorio VII, collecta à
Sebastiano Tcngna:>el. Ingolstad, 161 2, in-4''.
Theodoii cantuar. episc. pœnitentiale , operà Jacobi Petit. Parisiis, in-4".
Thésaurus monunicntorum eccles. et liistor., sive Henrici Canisii lectiones
antiquœ, cum notis M. Jacobi Basnage. Antuerpiae, Westein , 1725,
7 part. 4 vol. in-fol.
Thom.ne (Becket) cantuariensis arcliiepiscopi epistolae , éditai à Christiano
Lupo. Bruxellis , 1G82, 2 vol. in-4".
Antonius Thysius de memorabilibus angl. sax. legibus ; ad calcem hist.
angl. Polydori Vergilii. Lugd. Batavorum , i6"49 vel i65i, in-8°.
Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique par le Nain de Tillemont.
Paris , 169'î , 16 vol. in-4''.
Bibliotheca patrum Cisterciensum , operà et studio Bertrandi Tissier.
Bonofonte , 1660, 6 vol. in-fol.
Willelmus Torne , de rébus gestis abbatum S. Augustini cantuariens.
p. 1758—2226 du recueil intitulé: Historiœ Anglicœ sci intores 10.
Joannis de Tritenhem abbatis Spanhemensis liber de scriptor. eccles. —
Dans le recueil de Fabricius, intitulé : Biblioth. Eccles. Hamb. 17 18, in-fol.
Ejusdem Joannis Trithenùi liber de viris illustribus Germaniae ; inter
ejns opéra historica. Francofurti , 1601 , 2 part, in-fol.
De commendatione Turonica? provinciae et actibus episc. Turonensium ;
de nomiiiibus et operibus abbatum Majoris nionaslerii ; de destructione
et reœdificatione ejusdem eccles. et qiiare dicitur majus monasterium :
opus anonynium, editimi à Laurentio Bochel ad calcem historice Gre-
gorii Turonensis episcopi. Parisiis, i6io, in-8".
Camilli Tutini prospectus historiœ ordinis Cartusiani. Viterbii, 1660, in-8'.
U.
Spelmon.
Spieileg.
Su
ger. ep.
Sutor.
Sivcit.
Tessereau .
Tengnagel.
Theod. Pœnit.
Tlies. Monuin.
Th. Caiit. Ep.
TLys.deMem.
Tillemont.
Tissier. B. pp.
Clst.
W. Torne.
Trithein. Scr.
Eccl.
Tiilhem. 111,
Genn.
Tur. ProYinc.
Tuiin.Pr. ord.
Cart.
Ferdinandi Ughelli Italia sacra.
Romœ, 1644-1662, 9 vol. in-fol. — Ughelli.
XVJ
TABLE DES CITATIONS.
Editio secunda aucta et emendata studio Nie. Coleti. Venetiis,
1717-
1722, 9 tom. 10 vol. in-fol. — Editio teitia. Florcnti.T, i-63, 10 vol.
in- fol.
Uss.Ant.E.Br. Jacobi Usserii antiquitates ecclesiae britannicae. Londini, 1729, in-fol.
V.
Vaisselle. Hist. générale de la province de Languedoc, avec les pièces justificatives,
par (Claude de Vie et) Vaisselle. Paris, Vincent, 1730—1745, 5 vol.
in-fol.
Valerii Andreae Bibliotheca belgica. Lovanii, 1623, in-8"; i643, in-4".
— Et dans le recueil de Foppens, intitulé : Bibliotheca Belgica.
Histoire de France par Velly ( Villaret et Garnier). Paris, 1770 — 1789,
16 vol. in-4°, ou 1755, 32 vol. in-i2.
Mélanges d'histoire et de littérature par Vigneul-Marville
gonnes, chartreux). Paris, 1723, 3 vol. in-12.
Bibliotheca Carmelitana notis et di.ssertationjbus illustrata 1
Villiers à S. Stephano). Aureliani, Couret de Villeneuve,
in-fol.
Vincentii Burgundi , episcopi Bellovacencis , spéculum hisloriale.
Speculo ejusdeni quadruplici. Duaci , 4 vol. in-fol.
Vita Theobaldi , Beccensis abbatis, ab autore anonymo , p. 5i append.
ad opéra Lanfranci, édita cura Lucae d'Achery. Parisiis, i658, in-fol.
Gerardi Joannis Vossii , de Historicis latinis libri 3. Lugduni, i65i , in-4'.
— Et dans le t. IV de la collection des œuvres de Vossius. Amsterd.
Blaeu, 1695 — 1701, 6 vol. in-fol.
■\Varil). Angl.S. Anglia sacra sive CoUectio historiar. de archiepiscopis et episcopis Angliae,
cura Henr. Warton. Londini , 1691, 1692, 2 vol. in-fol. — We/?? War-
thon , de Episcopis et Decanis londinensibus. Londini, 1693, in-S".
Wicumlje. Willelini de Wicunibe prologus in vitam Roberti Bituniensis, p. 293 du
t. II de \ Anglia Sacra.
Wion. Arnoldi Wion , Lignum vita?, ornamentum et decus ecclesiœ, sive de
illustribus Cassin. libri 5. Venetiis, i595, 2 vol. in-8°.
WBiLl.Utbr. Joannis Chi-ysostonii Wolfii Bibliotheca Heb. seu notitia Scriptoruni
Hebrseorum. Lipsiœ, Liebezeit, 1715-1733, 4 vol. in-4".
Valer. Andr.
Velly.
Vigneul-Marv.
Vill, B. Carm.
Vinc. Bellov.
Tita Theob;
Vossius , de
Hist. latin,
(dotn d'Ar-
à Cosmà de
1752, 2 vol.
In
»'**.^»-vfc*-»-w*^^^-».
TABLE
DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME.
A.
^VEUTISSEMENT Pagfi ]
Table des Citations iij
Table des Auteurs XYij
Sur quelques Rabbins de la fin du XF siècle et du commencement
du Xll" I
Gerson Hazaken 2
Jacob Bar-Jekar 4
Judas Cohen 5
Autre rabbin du nom de Judas 6
Traducteur anonyme de plusieurs ouvrages du pape S. Grégoire. . . . Ib.
Traducteur anonyme des livres des Rois et des Machabées i3
Richard , cardinal évèque d'Albauo , mort en 1 1 14 24
Conon, cardinal évèque de Palestine, mort en 1122 3o
Arnauld , abbé de Saint-Pierre-le-Vif à Sens, abdiquant en 111Z.. 38
Anonyme, auteur d'une Passion de J. C. en vers 4o
Guillaume IX, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, mort en 1127. . 42
Anonyme, auteur des Coutumes de la ville de Laon, en 1 128 47
Loi de Vervins , vers i i3o 5o
Mathieu, cardinal évèque d Albano, mort en 11 34 5i
Guillaume de Corbeil , archev. de Cantorbéry, mort en ii36 55
Pierre Bei:hin , auteur d'une Chronique de Tours, écrite vers 1 137. . 5j
Poètes anglo-normands , vers i i4o 5g
Philippe de Tlian 60
■* Geoft'roi Gainiar 63
David 64
Everard ou Eberard , poète français , vers 1 145 67
Alvise, abbé d'Anchin , puis évèque d'Arras , mort en ii47 71
Albéric , cardinal évèque d'Ostie, mort en 1 148 73
Simon , premier abbé de Saint-Bertin , mort en n48 78
Geoffroi de Lèves, évèque de Chartres, mort en 11 49 82
Anonyme, auteur dune élégie, composée vers ii49î sur le mauvais
succès de la Croisade de Louis VJI 88
Henri, dise, de Pierre de Bruis, et chef des Henriciens vers ii5o. . gi
Philippe de Navarre, jurisconsulte vers ii5o g4
Anonyme, auteur des Jugemens dOléron, vers ii5o 96
Zérachias, lévite, vers 11 5o loi
Moyse Haddarschan , vers i i5o io3
Etienne de Garlande, chancelier du royaume, mort vers ii5o io5
Épîtres farcies , vers 1 1 5o 108
Poètes français : Thibaut de Vernon. — Alfrius, vers n5o. — (Lam-
bert de Liège, mort en 1 177) 112
Pierre de Vernon , poète français , vers 1 1 5o 1 1 5
Tome XIII c
xviij TABLE
Èl)les de Ventaclour, poète provençal , mort en ii52 Page 119
Alhéron de Monsterol , archev. de Trêves, mort en 11 52 121
Raoïd , i" abbé de Vaucelles , au dioc. de Cambrai , mort en i iSa . . i25
Explication d Haimon sur les épîtres et évangiles de la dernière
quinzaine de Carême, vers 1 152 127
Saint Bernard , abbé de Clairvaux , mort en 1 153 ..^ 129
Raimond de Montredon , archevêque d'Arles, mort en 11 55 2,^(j
Pierre -le-Vénérable , mort en 1 156 • • • • -4i
Othon de Frisingue , mort en 1 158 206
Milon I , évêque de Térouenne , mort en 1 1 58 ou 1 1 5^ (et son neveu
Milon II , mort en 1 169) 286
Adrien IV , pape , mort en 1 1 59 287
Raimond , évêque de Maguelone , mort en 1 159 297
Girard de Nazareth, évêque de Laodicée en Syrie, vers 1160 3oo
Pierre Hélie ou Elie , vers 1 160 3oj)
Teurède , grammairien , vers 1 160 3()4
Anonyme, auteur d'une Vie de saint Morand, vers 1160 Hk
Pierre de Beaugency, poète français, mort vers 11 60 3o5
Géraud ou Giraud-le-Roux , poète provençal, vers iifio 3o6
Anon. aut. de l'Hist. des évêq. et des conit. d'Angoul. écrite vers 1 1 60 . If>.
Thibaut, abbé du Bec, puis archev. de Cantorbéry, mort en iiCi . . 009
Macaire , abbé de Fleury, mort en 1 162 3i3
Anon. continuateur (en 11 62) de 1 histoire des abbés de Laubes. . . 3i5
Léon ou Léonius', abbé de Laubes, puis de S.-Bertin , mort en 1 163 . . 017
Burchard, abbé de Balerne, mort en 1162 ou 11 63 323
Guillaume VI, seign. de Montpell. mort vers 1 163 (et Guillaume VII,
mort en 1 172) 324
Etienne, archev. de Vienne en Dauphiné, mort vers ii63 328
Anon. aut. de Généalogies des rois de France, rédigées vers 1164. . 33 1
Hugues de Cleers, sénéchal de la Flèche et de Baugé, m. après ii64- 336
Gotlefroi , évêque de Langres , mort en 1 165 Sig
Jean , moine de Marmoutier, liistorien , vers 1 165 m'i
Anonyme, auteur d'un Traité contre les Juifs, composé en 1166. . . 367
Robert de Melun , évêque d'Héreford , mort en 11 67 (et Gilbert
Folioth , mort en 1 1 87 ) 3
Bernard et Thierry frères, profess. à Paris; le premier mort en 1167. ^7^
Gilbert dit le Grand , abbé de Cîteaux, mort en 1 167 38 1
Anonyme , auteur d'une Vie de Charlemagne, vers 1 167 385
Anonymes , sur le pays Albigeois , vers 1 1 67 387
Anon. aut. d'un écrit ayant pour titre : Draco Normannic. vers 1 168 . . 392
Nicolas, prieur du Mont-aux-Malades de Rouen, mort vers 1168. . 393
Thierry d'Alsace, comte de Flandre, mort en ii68 396
Hugues, abbé dHumblières, puis de Saint-Amand , mort en 1168. . . 398
Bertrand de Blanchefort ou Bianqucfort, grand maître des Templiers
mort en 1 1 68 4oo
Nigelle, évêque d'Ely, au comté de Cambrige, mort en 1169 4o3
Pierre de Raimond, abbé de S.-]\Iaixcnt, mort entre ii63 et 1170. . 4o5
André, chanoine régulier de Saint-Victor de Paris, vers 11 70 4o8
Garnier, sous -prieur de Saint-Victor de Paris, mort en 11 70 409
Arbard, abbé de Clairvaux , mort en 11 70 4'°
DES AUTEURS. xix
Giraïul, mort vers 1 170 , auteur d'une Vie de saint Jean , évêque de
Valence en Dauphiné Paoe 412
Adrien , prévôt de l'église de Maubeuge , mort vers 1170 4i3
Anonyme , auteur d'une notice sur les commencemens du monastère
de Saint-Mard, écrite vers 1170 4i4
Anonyme, auteur d'une Instruction sur la manière de lire la Bible,
instruction composée vers iiyo 4 16
Ogier ou Augier , poète provençal , mort vers 1 170 419
Bernard Arnauld de Montluc, poète provençal, mort vers 1 170. . . 420
Azalaïs ou Adél. de Porcaraigues , femme poète, morte vers 1170. . 422
Benoît de Sainte-Maure, poète anglo-normand, vers 1170 /jaS
Pierre le Peintre , poète latin , vers 1 1 70 429
Léonius , prêtre de l'église de Paris, poète latin, vers 11 70 434
Pierre de la Châtre, archev. de Bourges, mort en 1171 44''
Acliard , abbé de S. -Victor de Paris, puis év. d'Avranch. m. en uni . 45»'?
Henri de Blois, mort en 117 1 457
Gilbert ou Gislebert de Hoilandià, mort en 1 172 461
Godescalc , évêque d'Arras , mort en 1 17a 469
Varnier, poète français, vers 1 172 , (et Pierre Longa-Testa ) 470
Rambaud d'Orange , mort vers 1 173 4
r
Richard de Saint-Victor, mort en 1173 4^2
Amaury , roi de Jérusalem , mort vers 1 174 4^0
Hugues de Fouilloi, prieur de S.- Laurent de Heilly, mort vers 1 174- • 492
Guillaume Godel ou Godeau , moine de Saint-Martial de Limoees .
et autres chroniqueurs , vers 1 1 74 5o8
Gautier delMortagne, mort en 11 74 5ir
Robert , abbé de Wasor, mort en 1 174 5l5
Rob. Wace ou Eustace, Huistace, clian. de Bayeux, poète, vers 1175. 5i8
Richard de Poitiers, moine de Cluni, historien , vers 1175 53o
Hugues de Champfleuri, chanc. de France, év. de Soiss. m. en 11 75. 536
Henri de Fr. év. de Beauvais, puis archev. de Reims, mort en iirS. 54i
Nicolas de Clairvaux , mort après 1 175 553
Auteurs de lettres, 1150—1176 568
1. Adélaïde ou Gertrude, duchesse de Lorraine /^.
2. Raoul ou Rodolphe II , abbé de Saint-Maurice 569
3. Thierry, évêque d'Amiens, mort en ii63 ou 1164 Ib.
4- Pierre, évêque <le Rhodes , mort en 1 164 570
5. Drogon , archidiacre de Lyon, mort api-ès ii65 lè.
6. Hugues de Trazan , abbé de Cluni , mort vers 1166 671
7. Bauduin II , évêque de Noyon , mort en 1167 572
8. Hugues de Toucy, archev. de Sens, mort en 1168 5n3
g. Hillin , archev. de Trêves, mort en 1169 375
10. Henri , évêque de Troyes , mort en 1 169 576
11. Simon, prieur de la chartr. du Mont-Dieu , mort vers 1169. ^77
12. Hugues, prieur du Mont-Thabor, vers 1170 578
i3. Jonas , chanoine de Saint-Viclor, vers 1170 lè.
14. Pierre, év. de Chàlons-sur-Saône, mort entre 117861 1179. 579
i5. Basile, huitième prieur de la grande chartreuse, mort en
,1174 -^ n>.
16. Etienne , archevêque de Bourges , mort en 1174 58o
XX
TABLE DES AUTEURS.
17. Etienne, abbé de Cluni, mort en 11 74 Page 58 1
18. Josse , archevêque de Tours, mort vers 1 174 582
19. Pierre de Pise, mort vers 1176 Ib.
Auteurs d'opuscules, 11 50-1176 584
I. Arnoul , prieur de Saint-Thomas d'Aniboise Ib.
1. Chrétien , moine de l'Aumône Ib.
3. Guibert, moine de Foigny, mort après 1157 585
4. Jean l'Espagnol , mort en 1 1 60 Ib.
5. Roger, premier abbé dEIan, mort en n6o, (et l'auteur
anonyme de sa vie ) Ib.
6. Richard, moine de Grandselve, vers n6o 586
7. Constantin , prieur d'Hérival , vers 1161 Ib.
8. Henri , abbé de Diligliem , mort en 1 162 Ib.
i). Guillaume , chanoine de Grenoble 587
10. Kilinde et Herrade , abbesses de Hohenbourg Ib.
j I . Bernard , évèque de Saintes , en 1 1 67 590
12. Thierry, moine de l'abbaye de Berne , mort en 1168 Ib,
i3. Guillaume d'Andozile , mort en 1 170 591
14. Pierre de Belmont, abbé de Chaffre, mort vers 1172 592
i5. Hamon, moine de Savigny, mort en 1173 ou 1174 Ib.
16. Pierre de Barry , mort en 1 174 Ib.
7-
Guillaume de Cherbourg Ib.
'b
18. Hélie de Ruffec 593
Valeurs anonymes de Vies de Saints, 11 50 — 1176 Ib.
I. Actes de saint Antonin de Pamicrs Ib.
1. Vie du Bienheureux Richard, abbé de S. -Vannes 695
3. Miracles et Vie de saint Grégoire, pape 596
4. Vies du Bienheureux Amédée , et de son fils saint Amédée,
évèque de Lausanne 597
5. Deux relations de sainte Geneviève 598
6. Vie de Garnier de Mailly Ib,
n. Vie de la Bienheureuse Angeluce 599
8. Relation des miracles de saint Agile ou Ayeul 600
9. Relation d'un miracle au tombeau du Bienheureux Milon . . 601
10. Deux relations sur les reliques de saint Taurin Ib.
11. Vie de saint Lambert , évèque de Vence 602
1 2. Miracles de saint Claude Ib.
i3. Relation des miracles de saint Adalbert, diacre 6o3
14. Histoire des miracles de sainte Rictrude 604
i5. Circulaire annonçant la mort d'Yves II , abbé de Saint-
Denis 6o5
16. Eloge de Walon , moine de Haulmont Ib.
17. Vie de saint Goswrin , abbé d'Anchin Ib.
Sommes de Théologie 606
HISTOIRE LITTÉRAIRE
DE LA FRANCE.
SUITE DU DOUZIÈME SIÈCLE
SUR QUELQUES RABBINS DE LA FIN DU ONZIEME SIECLE,
OU DU COMMENCEMENT DU DOUZIEME.
JLa France avait produit, vers la fin du onzième siècle, ou xii SIECLE.
au commencement du douzième, plusieurs savans rabbins,
dont il n'a pas été parlé dans cet ouvrage ; Gerson Hazaken,
Jacob Bar Jekar, Judas Cohen, et quelques autres encore.
Les deux premiers sont placés dans la Table chronologique
de Bartolocci , vers l'an 1060; le troisième, vers l'an xoyo : T.lVdesaBi-
mais ces dates sont peu exactes , comme i) sera bientôt facile '>''<"i»î^q"e rab-
J ' ■ i~« 1 '-11 bmique , page
de s en convanicre. Parlons néanmoins de leurs travaux, avant lxfv .
de passer aux Rabbins qui sont incontestablement du
douzième siècle.
Tome XIII. A
2 SUR QUELQUES RABBINS.
XII SIECLE.
Gerson Hazaken.
Gerson Hazaken, c'est-à-dire, le Vieux, mérita detre
appelé la Lumière ou la Splendeur de la Captivité de France,
Maor Ha-gola Tzarpbathi. Ce titre suffirait pour nous faire
connaître sa véritable patrie. On a supposé , cependant ,
qu'il était né en Allemagne, ou du moins à Mayence, qui
faisait, au onzième siècle, partie de cet Empire; mais alors
c'est de la Captivité d'Allemagne qu'il aurait été appelé la
Lumière , et non de celle de France : peut-être avait-il vécu
quelque temps à Mayence , soit comme attaché à sa syna-
gogue, soit à quelque autre titi'e. Le tait, au reste, n'est énoncé
que par Ghedalias Ben Joseph Jachija, auteur du Schalschelet
Hakkabala , ou la Chaîne de la Cabale ( la suite des traditions
hébraïques depuis Moïse jusqu'à l'époque oii l'auteur écri-
vait), lequel ne vivait que dans le seizième siècle, et dont
le témoignage se trouve, par la distance même des temps,
d'une plus faible autorité sur des faits de cette nature. Tous
les autres écrivains disent ou répètent, doctor, lumen, splen-
dor Captivitatis galîicœ , c'est-à-dire, des Juifs dispersés en
France : on sait que les Israélites se legardent comme en
captivité hors de leur patrie.
Nous devons à Gerson Hazaken vm livre intitulé : Sepher
Hattekannoth , le Livre des Constitutions (des Règles établies,
des Observances et des Cérémonies prescrites ). Il a été im-
primé à Venise, in-folio, en iSaç). M. Bernard de Rossi, pro-
fesseur de langues orientales à Parme , en conserve plusieurs
exemplaires manuscrits dans sa bibliothèque , si riche sur-
tout en ouvrages hébreux ; il les rappelle dans le dictionnaire
ï. I, p. 12G. historique qu'il a publié des auteurs de cette nation , et plus
T. i,p. ^let particulièrement encore dans la description qu'il a donnée
<>7; t.ii,p. 89; de ses manuscrits mêmes.
t. I , p. 2.}. j^^ Misna est composée de plusieurs sortes de traditions :
ï» les explications reçues par Moïse, de Jehova lui-même,
indiquées dans l'écriture , ou faciles à en déduire ; 2° les com-
mandemens que l on croit avoir été donnés par ce prophète,
sur le mont Sinaï, adoptés avec une foi égale; '6^ des opi-
nions moins certaines, puisqu'elles n'émanent pas du légis-
lateur inspiré, mais seulement des magistrats, des juges,
dçs prêtres (les différentes écoles ne sont pas toujours d'ac-
cord entre elles sur ces opinions); 4° les maximes etal^lies par
les sages, ces maximes que nos Israélites appellent Haies de
SUR QUELQUES RABBINS. 3
la loi, et les traducteurs latins Sepes legis ; 5° les coutumes, XH siECLlî.
les règles transmises depuis les temps les plus anciens , et
approuvées par un consentement unanime. Ces différentes
traditions sont devenues presque toutes des lois pour les
Hébreux , et plus encore les ordres ou les pré(*fîptes venus du
Seigneur , dont ils disent ''2'DQ Hti^oS noSn Halaca le llaiichoOi
Mosce mi Sinaï , Décision reçue par Moïse au Sinaï : elles oiam.c. i.
sont l'objet de l'ouvrage de Gei'son. Il a fait aussi de
nouvelles observations sur quelques parties du Talmud.
M. Bernard de Rossi les rappelle également dans le premier
tome de son dictionnaire des auteurs hébreux. P- '^6.
Wolf (Jean Chr. ) croit que Gerson le Vieux est le même Bibilot. heb.
que Gerson de Paris. Si la conjecture était vraie et que l'iden- '■ ï^'' P- '75«
tité fût certaine , la patrie de notre rabbin se trouverait
connue d'une manière plus fixe encore , et nous n'en enten-
drions que mieux pourquoi il fut nommé la Lumièi'e de la
Captivité de France.
Ghedalias Ben Joseph Jachija place la mort de Gerson Ha- Schal. Hak.
zaken à l'an 4828 de la naissance du monde, 1068 de l'ère v- 'i^-
chrétienne. David Ganz , dans l'ouvrage intitulé : Tzemach
David , et que Vorstius a traduit en latin sous le titre de
Chronologia sacra-prof ana , la place à l'année 483o , qui est P. i32.
l'an 10^0 de Jesus-Christ. Bartolocci semble préférer cette T. i, p. 735.
opinion. Nous avons dit que , dans sa table chronologique ,
il faisait fleurir Gerson Hazaken en 1060. C'est l'année où
Henri F'" cessa de vivre, et où Philippe F^ monta sur le
trône français.
Mais n'a-t-on pas trop reculé l'époque à laquelle vivait
Gerson Hazaken ? En effet , l'auteur du Schalschelet Hakka-
bala, et après lui Bartolocci , le font disciple du rabbin Léon T. i, p. 735.
le Grand. Ce rabbin n'est-il pas le même avec qui Odon,
évêque de Cambrai , eut une dispute , célèbre alors , sur Hist. litt. t. ix,
l'incarnation de Jésus-Christ; dispute qui produisit un ou- p. Sggetsulv.
vrage de ce prélat , que nous avons encore , et sous ce titre :
Odonis , Cameracencis episcopi , disputatio cum Leone ju-
dœo , de incamatione Christi? Or Odon ne fut nommé
qu'en iio5; on refusa même quelque temps de le mettre en
possession de son épiscopat; Gaucher, qui l'occupait, trou- Fleury,Hist.
vaut encore , bien que déposé par un concile , un protecteur fcci. tom. xiv,
inébranlable dans l'empereur Henri P''. Quoique élu et sacré, ^' ^'"
Odon fut obligé de se retirer à l'abbaye de Saint-Martin de
Tournay, dont il était abbé au moment de son élection; ce
A.
4 SUR QUELQUES RABBINS.
XII SIECLE, jie fut qu'en 1106, après la mort de Henri, qu'il vint exer-
cer à Cambray ses fonctions pastorales , et il y mourut sept
ans après , au mois de juin 1 1 13. Quelque âge qu'on suppose
à Léon quand cette discussion eut lieu entre Odon et lui ,
si Gerson Hazaken fut son disciple, il est impossible de croire
que ce dernier était mort depuis environ un demi-siècle.
Ajoutons que les mêmes auteui's font de Gerson le maître
de Judas Cohen ou le prêtre : or celui-ci , comme nous le
verrons bientôt, appartient au douzième siècle, au douzième
siècle même un peu avancé. Comment aurait- il étudié sous
un rabbin dont on place la mort 3o ou 4o îins avant la fin
du siècle qui précède.'^
Gerson eut d'autres disciples qui cultivèrent avec succès
la littérature ou plutôt la théologie hébraïque ; nous en
parlerons successivement. Ses Décisions ne furent bien con-
nues et généralement adoptées qu'un peu avant le milieu du
treizième siècle, vers l'an 1240.
Schal. Hak. , Uu petit fds de Gerson Hazaken , le R. Moïse , a écrit un
p. 55. Baiioi. ouvrage qui a pour titre : ^nSli-TI Hasciidchan , la Table
> p- /• (^jl/eiisa), et dans lequel il recueille toutes les décisions de
la Gémare. La mort l'ayant empêché de le finir, 1 ouvrage a
été achevé par le rabbin Samuel , son fils.
Jacob Bar Jekar.
Jacob Bar Jekar eut pour maître Gerson Hazaken , et
compta parmi ses disciples un des plus illustres docteurs
juifs , Salomon Jarchi , qui le désigne lorsqu'il dit : Magistei-
meus senex. J'expose ces faits sans prétendre qu'ils soient
T. m, p. 854. suffisamment prouvés: Bartolocci néanmoins aperçoit, dans
le rapprochement des dates, quelques difficultés qui n'exis-
tent pas; elles ne sont causées que par une erreur facile à
détruire,
p. i34. David Ganz s'est trompé en faisant de Tannée 4^65 , iio5
de l'ère chrétienne, celle de la mort de Salomon Jarchi ; ce ne
fut pas même l'année de sa naissance : nous le prouverons
dans l'article destiné à faire connaître la vie et les écrits de
ce rabbin célèbre. Cela posé, il deviendra facile de concevoir
que Jacob, fils de Jekar, ait été le maître de Salomon Jarchi,
et aussi qu'il ait eu pour maître lui-même Gerson Hazaken,
que Bartolocci place ensemble avec Jacob , dans sa Table
cnronologique , et à un temps qui serait plutôt celui
où ils commencèrent que celui où ils cessèrent de vivre.
SUR QUELQUES RABBINS. 5
L'auteur du Schalsc helet Hakkabala place le fils de Jekar xii SIECLE.
vers l'an iiAo. Bartolocci , ciui accuse ici les écrivains iuifs ~T~rïï «kT
1 r ■ n- • ^! Il 11 ''i • r. III, p. 85',.
de contusion et d ineptie , s est tellement abandonne lui-
même à. la confusion, que, dans un autre endroit de sa Bi-
bliothèque rabbinique , il fait mourir Jacob Ben Jekar à T. m, p. 57.
Mayence, en 1028.
Ce rabbin était Français; mais nous ignorons dans cjuelle
province , dans cjuelle ville il reçut le jour. L'épocpie de sa
naissance et celle de sa mort sont incertaines : on peut affir-
mer cependant qu'il naquit dans le onzième siècle, et mourut
dans le douzième.
Ses ouvrages ont encore beaucoup d'autorité parmi les
Hébreux. Il n'y en a pas eu d'édition particulière. On les „ 35,° \voii '
trouve répandus dans les œuvres des docteurs juifs. t.i,p. 602.
Jacob, fils de Jekar, fut un grand musicien, si nous en iiist. des Juifs,
croyons Basnage ; mais je n'ai trouvé ce fait dans aucun autre '■ ^^' P' ''*^'
écrivain. Une lecture trop rapide du Tzemach David lui a P. i32 , an
fait attribuer sans doute au rabbin Jacob ce que David Ganz 'i^^"-
ne dit que d'un autre rabbin , dont il parle immédiatement
après, Salomon, fils de Gabii'ol, que les Juifs rangent en
effet parmi les hommes qui se sont distingués dans la mu- ^^'o""» *• i.
sique, et même dans la poésie. La manière dont David Ganz [. iv, p. 3no.
en parle nous autoriserait à le croire Français, puisqu'il le
met avec les disciples de Gei'son Hazaken , et parmi les maîtres
de Salomon Jarchi. Wolf, néanmoins, le déclare Espagnol, T. i, io.',4.
et le fait naître à Malaga. L'opinion de Wolf est aussi celle
de Rodriguez de Castro, dans sa Biblioteca espahola, pu- P- 9.
bliée à Madrid, in-folio, en 1^81.
Judas Cohen.
Judas Cohen (le prêtre, d'une famille sacerdotale) lut éga-
lement disciple de Gerson Hazaken. Cela même nous fait
croire qu'il faudrait rapprocher un peu de nous l'époque où
il vécut : ce que nous avons dit de &on imutre, de Jacob Ben "
Jekar, du temps où ils vivaient, s'applique aisément à lui.
Un ouvrage sur les lois cérémonielles des Juifs est le seul
que ce rabbin paraisse avoir composé. Je ne sais si on l'a
imprimé; mais le Schalschelet Hakkabala le rappelle, et, p. 4a.
d'après lui , Bartolocci , au tome 3 de sa Bibliothèque rabbi- p. 57.
nique. Wolf, dans sa Bibliothèque hébraïque, parle d'un T.iîl,p.32r.
commentaire sur un des livres de la Misna , dont il croit
que Judas Coheu pourrait être l'auteur.
J
6 TRADUCTEUR ANONYME
xn SIECLE. On ne dit pas quelle fut sa patrie ; mais nous savons que
~~ son maître, Gerson, e'tait Français; que Jacob Ben Jekar,
son condisciple, était Français; que ce dernier fut un des
maîtres de Salomon Jarchi, également Français : tout an-
nonce que Judas Cohen doit l'être.
D'un autre Rabbin, du nom de Judas.
Hist. des Juifs, Basnage nomme, parmi les disciples de Gerson Hazaken,
t. IX, p. i47- un autre Judas , c[ui se livra sur-tout à l'étude de la jurispru-
dence. Mais les autres écrivains le font étudier sous Isaac
Alphés, en Espagne. (Voir, entre autres, Bartolocci, tome 3
de sa Bibliothèque ralDbinique, page 4i ; Wolf, tome i de sa
Bibliothèque hébraïque, page 4^1 ; et Rodriguez de Castro,
dans sa Bibliothèque espagnole , page 4- ) Le docteur indiqué
par Basnage est dailleurs universellement connu sous le nom
p. i32 , an de Judas de Barcelone. David Ganz, que Basnage paraît en-
4a3o. core avoir lu ici bien légèrement , dit uniquement que ce
Judas fut contemporain de Gerson Hazaken , de JacoD , fils
de Jekar , et de Salomon Jarchi. P.
■^-v ^-^^fc %^ ^ »^
TRADUCTEUR ANONYME DE PLUSIEURS OUVRAGES
DU PAPE SAI>T GRÉGOIRE.
IN DUS avons à la Bibliothèque impériale un manuscrit cjui
était autrefois à la Bibliothèque de l'église de Paris, et qui
renferme la traduction de trois ouvrages de Saint Grégoire ;
ses Morales sur Job , ses Dialogues , et son Sermon sur la
Sagesse.
On trouve, sur le premier feuillet, l'observation suivante:
« Eciiture du onzième siècle ; on peut en être certain. C'est le
plus ancien manuscrit en langue française de tous ceux qui
sont connus. Il n'y en a auciui d'aussi ancien en cette langue
ni à la Bibliothèque du roi, ni à celles de Saint- Germain ,
de Saint-Victor, de la Sorbonne. Celui qui approche le plus
de celui-ci pour l'antiquité , est la traduction des quatre
livres des Rois , qui est à la Bibliothèque des Cordeliers. »
Une note plus moderne exprime, au contraire, l'opinion
que ce manuscrit n'est que du treizième siècle.
Une autre note, mise en regard de celle-ci, porte : « Je crois
que les traductions renfermées dans ce manuscrit ont été
DE SAINT GREGOIRE. 7
fiiites dans la première moitié du douzième siècle. Le style xn SIF.CLE.
et l'orthographe sont de cette époque , et j'en juge d'après les
différens ouvrages des trouvèi'es qui ont écrit dans la pre-
mière moitié du même siècle. 3)
Barbazan s'exprime ainsi dans sa Dissertation sur l'origine r. 10, aux nof.
de la langue française : « Cette traduction est écrite dans le
douzième siècle , mais le langage nous démontre qu'elle est
beaucoup plus ancienne. Pour s'en convaincre, il ne faut
que le comparer avec celui du roman de Wistace , ou Eus-
tache, écrit en 11 55, qui contient la chronologie des rois
d'Angleterre, manuscrit du roi ^oSy ».
Ainsi , dans toutes les opinions, la traduction est au moins
du douzième siècle ; et peut-être est-elle plus ancienne. L'ou-
vrage de saint Grégoire est du sixième.
Le volume commence par la traduction des Morales sur
Job , ou plutôt de quelques extraits de cet ouvrage ; car l'ou-
vrage a trente-cinq livres, et contient près de d<3uze cents
pages in-folio, clans la grande édition que les Bénédictins
de la congrégation de Saint-Maur ont donnée, en lyoS, des
œuvres de saint Grégoire, et il ne contient ici que 57 feuillets
in-4*'. On est surpris que ces savans religieux n'aient rien
dit de notre traduction; ils parlent en effet des abrévia- T. l,p. i3ct
teurs et des interprètes qui ont traduit cet ouvrage, vers «^dclaprctace.
cette époque même, dans les langues vulgaires, et indiquent
une traduction allemande et une traduction espagnole dans
le onzième siècle.
« Il y avait un homme en la terre de Hus , qui s'appelait
Job : cet homme était simple et droit de cœur ; il craignait
Dieu, et fuyait le mal. » Ainsi commence le livre qui porte
le nom de ce personnage également célèbre par ses mal-
heurs , sa patience , et sa sainteté. Grégoire tait sur ce verset
un assez long commentaire. Ce passage est un de ceux que
notre auteur a traduits. Voyons comme il s'exprime, afin
d'avoir quelque idée de son langage et de son style.
« Un hom estoit en la terre Us , ki out nom Job. Par ce
est dit u (où) li sainz hom demoroit, ke li mérites de sa
vertut sont expresseïz (exprimés); quar ki ne sachet (sait)
ke Us est terre de Païens ; e la païenie ( le paganisme ) fut
en tant plus enloie (liée, enlacée) des visces, ke ele n'out
(n'a pas) la conissance de son faiteur (créateur). Dunkes
diet lom u ( disons leur où ) il demorat , par ke ses loz
(louanges) creisset (augmentassent), cant il fut bous entre
8 TRADUCTEUR ANONYME
Ji SIECLE, les nialvais ; quar estre bon entre les bons n'est une chose ki
mult (beaucoup) facet à loeer ( louer), mais estre bon entre
les nialz. Alsi (de même), com ce est grevais (plus grave)
pechiës nient (non) estre bon entre les bons, alsi est ce grant
loz estre bon entre les malz. De ce est ke li, bieneurous Job
d!e lui-mimes et si dist : je sui frères des dragons et com-
pains des ostrusces (compagnon des autruches). Pages i et 2
du manuscrit.
Saint Grégoire joint à ce passage, tiré de Job lui-même,
chap. 3o, verset 29, plusieurs autres passages tirés de l'an-
cien et du nouveau Testament. Il reprend ensuite le texte de
soh auteiu" : Siniplex et reclus , tiniens Deiim et rccedens à
ma/o. Voici encore comment les réflexions de Saint Grégoire
sur ces deiniers mots, sont traduites par l'écrivain anonyme
dont nous faisons connaître l'ouvrage en ce moment. Pages a
et 3 du manuscrit.
Cremanz Deu e repairanz en sus del mal. Cremoir Deu est
nul bien, ki a faire soit, trespasseir (passer outre, négliger).
De ce est dit parmi Salomon : « Cil ki crient (craint) Deu,
ne met i4en en négligence » . Mais par ce ke li alkant ( quel-
ques uns) font ensi alcuns biens, ke il ne soi ostent (dé-
tachent, abstiennent) mie d'alcuns malz, si est bien, après
Deu cremanz, repairanz en sus del mal, dit; car escrit est:
te repaire del mal, et si fai lo bien ». Car li bien ne sont mie
plaisant à Deu, ki devant ses oez (yeux) enboeit (sont tachés,
souillés), de la,melhuice (mélange) des malz. De ce est dit
parmi Salomon : « Qui en un foifait, pluisors biens perdre-
rat ». Or ce mimes tesmonget (atteste) sainz Jakemes : « Qui
en un forfoit, culpables est de toz, mimes se il avoit gardeïe
tote la loi ». De ce dist sainz Paules : « Un pau de levains
mainet (corrompt) tote la masse ». Dunkes, par ce ke mos-
treit soit com nés pur li bieneurous Job fut es biens , est
soniousement ( soigneusement , exactement ) ensengiet ( in-
diqué, fait connaître) cum estranges il fut des malz. Cous-
tume suet ( le solet des Latins ) estre des reconteors ( de ceux
qui racontent) ke cant ils descrient (décrivent) la bataille de
la Palestre, premiers descrient les membres des luiteors (lut-
teurs), cum larges soit li pis (poitrine), e com forz e sains,
com soient plain e gros li bras, e com li ventres desoz soit
teis (tel) ke il ne soit pesanz de groissere ne floibes de ten-
neuece (petitesse, maigreur); e cant il ont les membres
covenables mostreiz à la Jjatailhe, dont primes recontent les
DE SAINT GREGOIRE. 9
icols (coups) de lur grand force. Duiikes , porce ke nostre
champions soi devoit combattre encontre lo dèable,si recon-
tet alsi com à ceaz ki en la gravelle ( l'arène) sunt por esgar-
deir (regarder, considérer, décider), les reconteres de la
sainte hystoire, les spiriteiz forces de cest champion alsi
com uns menbres de la pense (de la pensée, de l'esprit),
quand il dist : « Cil hom estoit simples e cremans Deu, e
repairans en sus del mal » , ke cant on conoist le grant
atenement (position) de ses menbres, de la fortièce des
menbres puist lom devant conoistre la victore ki après vient.
Se levant de grand matin , Job offrait autant d'holocaustes
qu'il avait d'enfans , dit le verset 5 du même chapitre ; et la
Vulgate : Consurgens diluculo, offcrehat holocausta pro sin-
gulis. Nos levons nos matin , dit le traducteur du commen-
taire de Saint Grégoire, cant nos avironeit (environne's) de
le lumière de compunction , laissons la nuist de nostre hu-
maniteit, et ovrons les oes (yeux) de nostre pense az raiz
(rayons) del vi'ai soloilh ; et dont offrons nos sacrefices por
cascun, cant nos sacrefions a Deu sacrefice de prière por
cascune vertut; ke la sapience ne nos ellievet; ke li enten-
demenz ne forvoiet ki subtilment cueit (court) ; ke li conselz
ne soit confus, cant il soi multeplièe; ke la force ne moint
(mène) à trebuchement, cant ele donet fiance; ke la science,
eant ele conoist e n'aimet mie , n'enflet ; ke la pieteiz voist
(aille) fors mesure, cant ele plus ke droit soi abaisset; ke
la cremors (crainte), cant elle dotet (subjugue, dompte) plus
ke ele ne deust, ne chaiet en la fosse de despei'ation. Dunkes
cant nos offrons prières à nostre sanior (seigneur) por cas-
cune , ke ele pure soit , ke faisons alti-e chose se ce n'es ke
nos, solunc le numbre des fiz, offrons sacrefice cascun toz
por <;ascuns .-^ Et celé manière de sacrefice ke Job offrit, si
avoit nom holocaustes ; holocaustes dit altant come toz ars
(brûlé) : giers (donc) doneir holocaustes, ce est tote la pense
del fou (feu) dé compunction espandre,ke li cuers ardet
en l'alteir d'amor, e si ardet les laicléces (souillures) des pen-
seirs alsi cum les péchiez de sa propre esclate (race). Mais
ce ne sevent faire, se cil n'es ki bien esgardent (regardent,
considèrent ) , e tapressent ( compriment ) lur deventriens
( précédens, antérieurs) movemenz, ains (avant) ke il eissent
(sortent) fors al œuvre. Ce ne sevent faire, se cil n'es ki de
bariu (forte, puissante) guarde sevent guarnir lur cuers. De
ce est ke à droit est dit ke Hysboseth fut morz de une puere
Tome XIII. B
XII' SIECLE.
XII SIECLE.
lo TRADUCTEUR ANONYME
(mauvaise) mort, de ciii la scritnre tesmonfi,et ke il n'avoit
mie en sa maison portier, mais portière, ki dist ensi : Recha
et Banaïa li filh Rcnmon virent (vinrent), si entrent en Li
chalor del jor en La maison Hysboseth ki dormoit sor son
lit en meidi ; il i entront ; et la chambrière ki portière etet
e lo frument purgievet, dormit. Page 3 du manuscrit.
Citons maintenant quelques passages de la traduction des
dialogues. Elle commence par ces mots :
« Ici sont li quatre livre des dialoges Grégoire lo pape del
hors de Rome , des miracles des pères de Lumbardie. » Bors
est mis pour ville , et ressemble davantage à bourg. Ce der-
nier mot n'a eu que plus tard la signification resserrée qu'il
a aujourd'hui. Borg, bor, bors, bours, exprimait cet espace
habité, bâti, environné de murs, que nous appelons plus
particulièrement ville ; le latin dit : Apostolus urhis Romœ.
Dans le quatrième livre du même ouvrage, le traducteur
met à la place de Mediolanensis urhis episcopus , vesque del
bore de Milan.
Le premier chapitre est consacré à Honoré, abbé dePondi,
à l'abeit Honoreit , comme dit le traducteur. « Il fut une vile
(maison de campagne, villa) Venantii, qui jadis fut pa triées
es contreïes de Samnium , en laquelle vile ses ahaneues
( fermier ) ot un filh Honoreit par nom , ki , del enfantils ans ,
arst (brûla, fut embrasé) par abstinence, à l'amor del céleste
païs ; e quand il valoit de si grande conversation , e soi ja
restraindoit meismes d'oisouse parole, e mult sa char don-
toit par abstinence, alsi com ge ci devant ai parleit, en un
jor, ses peires et sa mère firent un convive à lur voisins, el
queil convive chars estoit appareilhée à mangier ; laquelle
char quant icil refusoit atochier a mangier, por Tamor de
l'abstinence , dunkes lo comencierent ses pères et sa mère à
eschernir (plaisanter, railler) e dire : manjoué (mange);
aporterons-nos dunkes à tei peissons en icez monz.-* Or en
icel liu soloient (avaient coutume) li peisscn estre oit, nient
veut (non vus); mais quant Honoi'eit astoit escherniz de ces
paroles , manès ( sur-le-champ ) el convive deialit aiguë
(manqua l'eau) al servise. Or uns serjans (serviteur, es-
clave), avoc une selge de fust (un seau de bois), alsi com i
lokes ( en ce lieu ) est coustume , s'en alat à la fontaine ;
quant il puisievet ( puisait ) l'aiguë, si entrât uns peissons
en la selge; e retorneiz li serjanz, devant les boches des
séans, un peisson esîpandit avec l'aigufe, ki, al vivre de tôt
DE SAINT GRÉGOIRE. ii
lo jor, à Honoreit poist estre asseis (pût être assez, pût xil siècle.
suffire); e restot soi meruilherent ; e toz icil eschernissemenz
de son père e de sa mère cessât ».
Ce prodige n'est pas le seul que l'auteur rapporte. Son
ouvrage est plein d'actions merveilleuses; il a même pour
objet principal de raconter les miracles attribués à tous
les saints personnages d'Italie. Dans le troisième chapitre du
troisième livre , il nous parle ainsi d'une guérison faite , au
temps de Justinien et de la guerre des Goths , par le pape
Agapit, d'un homme cà-la-fois boiteux et muet.
Nient (non) après mult de tens, demandant la cause des
Gothes, li très bieneurous hom Agapitus, alsiment (pareille-
ment) li eveskes de ceste romaine glise à cui ge serf, dispo- *
sant Deu, il alat à Justinien lo prince. A cui encor alant,
par un jor, ja es contreies de Grèce, por guarir fut offer/,
ims mucaz et clos, ki, unkes, ne pout, ne alcuncs paroles
fors mctre , ne soi l(^tfi|^de terre. Or quant li prochain
(parens) de celui ploraBPl'euissent offert, li hom del sanior
demandât sonious (avec soin) se il eussent la foid de celé
guarison ; à cui quant en la vertut de Deu , de l'auctoriteit
sainz Pirre , dissent soi avoir ferme sperance de la santeit
de celui, manès (incontinent, sur-le-champ) li honorables
hom soi culchat (se prosterna) en orison (prière), e il com-
mençant les sollempniteiz des messes , el regart del tôt
poissant Deu offrit sacreiîce. Or quant il ot pariait lo sacre-
hce, il eissanz (sortant) del alteil, tuit (tint) la main del
clop, e là estisant (étant, assistant) lo pople e regardant,
manès drezat sus celui de la terre en ses propres alemens
(pas, faculté d'aller, de marcher); or quant il li mettoit en
la boche lo cors del sanior, dunkes fut desloié cete lengue,
longement muele à parleir , toz en orent merveilhe ; si comen-
cerent à ploreir de joie ; e manès, corut en lur penses cremors
e révérence , quant il virent quele chose poist Agapitus faire,
en. la vertut ciel sanior, par l'aide saint Pirre. Page io5 du
manuscrit, "verso.
Terminons les citations de notre manuscrit par la traduc-
tion du douzième chapitre du même livre. Il s'agit encore
d'un miracle, et d'un miracle fait à l'égard du roi Totila,
par saint Fulgence, évêque d'Otricoli en Ombrie, depuis,
le duché de Spolète.
Fulgiens li veskes, ki astoit dessore (était dessus, prési-
dait , gouvei'nait ) la glise utruculente , il avoit lo très crueil
12 TRADUCTEUR ANONYME
XII SIECLE, voi Totvle, en totes manières, coriocict (courroucé). E quant
li rois astoit aprochiéz, avec son ost (armée), à cez meismes
parties, dunkes fut cure (soin) al veske d'envoicr dones à
lui parmei (par le moyen de) ses clers, e d'asvagier (adou-
cir) la dcrverie (rage, extravagance) de sa f'orsenerie (vio-
lence, fureur) per dones, se il poist. Lesquels dones quant
li rois vit, si les despitat (méprisa), e il, corrociez, comandat
à ses homes ke il cel meisme veske déstrainsissent (arrêtas-
sent) dessuz tote aspreteit, et si lo gardassent à son juge-
ment. Loquel cant le tinrent li crueil Gothe , li ministre de
la sue (de sa ) cruelteit , il fenvironèrent , si lo comandèrent
asteir en un lin, e il li ensengèrent (désignèrent) un cercle
en la terre, defors (hoi's) loquel il nosast, en nule manière,
lo piet fors traire. Or quant li hom Deu astoit eschalfeiz el
mult chalt solhoil (la trop grande chaleur du soleil) envi-
roneiz de ceaz meismes Gothes , et enclos par l'ensengement
del cercles, dunkes vint sodaineçient eclistres (éclairs) e
tonoires, e si granz force de ploge,ke cil ki l'avoient pris à
gardeir ne porent pas soffrir la grandece de la ploge. Or
quant mult granz undeïe astoit faite, devenz cel ensenge-
mcnt del ceiTle u li hom Deu Fulgiens estiut, ne descendit
voirement nés une gote de la ploge. Or quant ceste chose al
très crueil roi fut nuncie (annoncée), dunkes soi tornat celé
cruelle pense (ame, esprit, pensée) à grande révérence del
veske cui poine (peine, supplice) il selgievet anzois par nient
solable forsenerie [sitiebat priiis insatiahili fiirore, dit la
traduction latine). Ensi , li tôt poissanz Deus, encontre les
sorleveies (élevées, soulevées) penses des charneiz, œuret
(opère) les miracles de sa poissance parmei les despitiez, par
ke cil ki orgailhousement soi ellievent encontre les comanz
(commandcmens) de la veriteit, la veriteiz presset lur hate-
reaz (cou) parmi les humles [eoriim cervicem veiitas per
huniùes premat , dit encore la traduction latine, imprimée
avec le texte de saint Grégoire, dans l'édition donnée par les
Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur). Page III du
manuscrit.
La traduction des Dialogues comprend depuis le 58*^ feuil-
let du manuscrit jusqu'à la fin du ijS*^, recto. Le sermon
sur la Sagesse termine le volume. Il a pour texte les mots si
connus de Salomon, Initiwn sapientiœ timor Doniini , le
comencemeiit de savoir ce est la cremors de Deu.
Les diverses parties dont cette traduction se compose, ont
DES LIV. DES ROIS ET DES MACHAB. i3
fourni aux écrivains qui se sont occupes de la langue et de ^^i siècle.
la littérature du moyen âge , et à Barbazan en particulier , '
des exemples fréquens de l'emploi des mots et de leur accep-
tion. Bai'bazan cite, par exemple, dans le glossaire mis à la
suite de l'ordène de chevalerie, au mot coiffe, ce passage
du 3*^ chapitre du i*"'^ livre des Dialogues, oîi l'on parle d'un
vol de légumes foit dans le jardin d'un monastère ; « or li
lerres (larron) avoit acoustumeit venir, e par la soif (on
disait soif, ou coif, ou coiffe, pour exprimer tout ce cpii
couvrait, environnait ; le traducteur latin met ici per sepem)
monteir, et repunsement (furtivement) les iotes (légumes)
envoies porteir.... dunkes vint li lerres, solunc la coustume
cui il soloit, si montât lo soif, et quant il mettoit lo niez el
cortil, si vit sodainement ke li serpens tendus avoit la voie
close ; or il espouits, derrière soi-meisme chait, et ses piez
aerst par lo chalzement (chaussure) en une stache (pieu) de
la soif. » Ce passage est p. 62 et 63 du manuscrit.
Barbazan avait cité , au mot Baron , pour prouver que ce
mot signifiait homme, W-, un autre passage des Dialogues de
saint Grégoire, liv. 3, chap. 171p. 1 19 et 120 du manuscrit,
dans lequel on loue saint Paul de ce que , élevé ordinairement
aux plus sublimes méditations , il ne dédaignait pas d'en
descendre pour s'occuper des devoirs qu'une tendresse mu-
tuelle impose aux époux : » ke il fut meneiz as secreies choses
del tiers ciel, et neliedent (néanmoins) reflekist l'oelh de sa
pense par compassion à ordineir lo lit des marieiz , disanz ;
li barons rendet la dete à sa feme , et la feme semblament
à son baron. P.
TRADUCTEUR ANONYME DES LIVRES DES ROIS
ET DES MACHARÉES.
JLiE manuscrit original de cette traduction existait encore,
avant la révolution , dans une des principales bibliothèques
de Paris ; il n'y est plus aujourd'hui. On ignore comment
cela s'est fait ; si elle a été prise, si elle est seulement égarée,
si elle est entièrement perdue. Heureusement, nous en avons
i4 TRADUCTEUR ANONYME
XII SIECLE, cleux copies , l'une à la Bibliothèque impériale , l'autre à la
Bibliothèque de l'Arsenal. La première avait été foite par les
ordres de Sainte-Palaye, qui l'a revue et corrigée lui-même
sur l'original , et a écrit en marge l'explication de quelques
inots plus difficiles. Le manuscrit original devait être du
douzième siècle : on pense que la traduction avait été faite
dans le siècle précédent ; ceux qui l'ont lue ont géliéralement
cru y i-econnaître le langage du onzième. Il avait appartenu
à 1 abbaye de Longchamp près de Paris , ensuite à celle des
Bibl.sacr. Cordeliers de la même ville, comme nous le rappelle le père
t. ,p. 22. y^elong ; elle passa ensuite à la Bibliothèque de l'Arsenal.
La copie faite d'après les ordi'es et sous la direction de Sainte
Palaye, porte : « Copiée sur le manuscrit des grands Cor-
deliers de Paris, in -fol. parchemin ». Une note mise au bas
de la première page de ce manuscrit , note signée par Tabbé
Lebeuf, confirme ce que nous avons dit, que l'écriture en
Fabi. t. m, était regardée comme du douzième siècle. Barbazan avait la
pre .p. i\^ même opinion , et l'auteur du Glossaire de la langvie Ro-
' " maine , M. de Roquefort , la partage. Le même abbé Lebeuf,
dans un mémoire sur les plus anciennes ti'aductions , inséré
T- 720. au tome XVII du Recueil de l'académie des Inscriptions et
Belles-Lettres , donne à celle dont nous parlons la date de la
fin du XI*^ siècle ou du commencement du XII*". Il dit la
T. II, p. 38. même chose dans une dissertation sur l'état des sciences en
France, depuis le roi Robert, imprimée parmi celles cru'il a
réunies sur l'histoire de Paris. Le père Lelong avait déjà dit
b;î)1. sacr. Q^'il regardait cette traduction comme le plus ancien ouvrage
t. I, p. 332. fi-ançais.
Elle commence ainsi :
Uns bers fu ja en l'antif pople Deu , e out nom Helcana ;
fiz fud Jéroboam, le fiz Heliud , le fiz Thaïr, le fiz Suf : e
fud lie Effrata , si cum li alquant entendent de la cité ki puis
fud apelée Bethléem ; e mcst al munde Esffraim en une cité
ki fud apelée Ramathaïm Sophim, ki puis fud apelée Ari-
mathie , dunt fud li bonuréz Joseph ki le precius cors Jesu
Crist mist al sépulcre. Cist bers Helcana fud del lignage as
ordenez Deu, de part père, e de lignage réal, de part mère.
Ou sait (pic ber on bers, ainsi que nous l'avons remarqué
pour baron, qui avait la même signification, était alors em-
ployé dans le sens à -peu -près du mot vir des latins. Li
alquant est là pour quelques-uns. Ordcne Deu signifie con-
sacré a Dieu par une ordination particulière. Ce sont, je
^
DES LIV. DES ROIS ET DES MACHAB. i5
crois, les seules expressions dans ce passage qui aient besoin xir siècle.
de quelque explication ; toutes les autres nous paraissent
assez faciles à comprendre.
Mais j'ai à faire une autre observation. Elle se présente
dès le commencement de l'ouvrage ; elle pourra s'appliquer
encore à d'autres passages que nous citerons , et à tous
ceux que nous ne citei'ons pas. *
Le manuscrit est indiqué ordinairement comme la traduc-
tion du livi'c des Rois. Iln'a pas seulement ce caractère; une
paraphrase y est souvent, presque toujours, jointe à l'inter-
prétation du texte. Ce que nous venons de lire, par exemple,
ne représente cju'un seul verset, le premier vei'set du pre-
mier chapitre. Quelques-uns des détails offerts ou ajoutés
par le traducteur ne peuvent même, d'aucune manière, être
de l'auteur du livre des Rois ; ils s'appliquent à des événe-
ments postérieurs d'un grand nombre de siècles. Telle est
l'observation sur la ville qui donna le jour à ce Joseph qui
mit au tombeau le corps de Jésus - Christ.
Le second verset est ensuite exactement traduit ; mais
avant de passer au troisième, l'interprète ajoute encore ces
mots, qui sont bien une paraphrase, ou plutôt un véritable
commentaire.
Bien lut (fut permis, le licuit des latins) en la vielz lei,
c|ue li ordenes oussent od (avec) cumpaigne cunversement
( habitation ) ; kar des treze lignées ki vindrent del patriarche
Jacob, Deu enseverad (mit à part) le lignage Levi, e eslit e
retint especialment à sun servise del tabernacle ki primes
fud levez al désert de Synaï , e del temple que li reis Sale-
niun funda e furni, (exécuta, finit) : e pur ço que cist
lignages niunëement (nommément, expressément) dout si
le service Deu célébrer, bezuins fud ke feist sainte engen-
drure en atemprance et en netée (tempérance et pureté),
que li servises Deu , que par pères que par fiz , fust à sun
plaisir furniz. E ourent li plusurs muillers , pur le multiplie-
ment del pople Deu , ki , de totes parz , de mescreantes gens
esteit pursis (poursuivis). Mescreans s'applique ici aux enne-
mis des Juifs. Dans un autre passage du chapitre suivant
(vers. 12), le traducteur appelle y^^/^/z les enfans coupables
d'Héli, comme des vassaux désobéissans et rebelles envers
leur seigneur : furent fiz Belial, ublierent Deu e lur mestier,
encuntre Deu furent felun, e encuntre la gent torcenus
(oppresseurs, concussionnaires).
iG TRADUCTEUR ANONYME
xn SIECLE. Sur le troisième vf rset , nous lisons encore , au lieu de
deux lignes qui le composent dans le texte, la traduction
ou plutôt la longue paraphrase cjui suit.
En cel cuntemple (temps), fud une cité Sylo , de part
Effraïm , cpie Deu ont a sun oes ( usage ) saisie et sacrée. Là
fud e out ested li tabernacles et li sanctuaries Deu, dès le
* tens Josué ki le pople Deu en terre de promissium conduist
e guiad ; là fud l'arche, là fud li propiciatories ; c'est l'arche
en qui fud repost e guardéz li trésors precius des tables k
Deu meimes escrist la lei , e partie de la manne ki del ciel
vint e le pople quarente ans en lieu de vitaille corporel sus-
tint , e la verge à Aron ù Deu sa vertud mustrad , kar en
une nui fuilli e fluri e fruid portad. Icest lieu seintefied
fud li bers Helcana acustumiers à visiter , pur Deu depreier ,
oblatiuns faire e sacrifier as jui-z asis (marqués) e par la lei
establiz, numëement à la Pasche, à Pentecuste, à la feste
salceie ki est en septembre, quant li Judeu mainent (habi-
tent, demeurent) en fuillées, en moniment e remembrance
que il mestrcnt lunges (passèrent long -temps) à mesaise en
loges e en fuillées, iesq (jusqu'à ce que) Deu les mist en terre
de promissiun , en certaine statiun.
Ce n'est encore ici que la première partie du troisième
verset du premier chapitre. Le texte avait dit uniquement :
cet homme allait de sa ville à Silo aux jours ordonnés ,
pour adorer le Seigneur des armées, et pour lui offrir des
sacrifices. Il n'y a là ni l'histoire du tabernacle, ni celle de
l'arche, ni les tables de la loi, ni la manne du désert, ni ia
verge d'Aaron. On n'y donne pas le détail des jours fixés ou
établis par Moïse , pour rendre au Seigneur des hommages
particuliers, de la Pàque, de la Pentecôte, dg la fête des
Tabernacles, célébrée dans un lieu ouvert, sous le feuillage,
à une épocjue qui correspond à notre mois de septembre.
Il y a peu de changemens et d'additions dans le passage
qui suit.
A cest lieu servir furent dui pruveire atitelé (deux prêtres
apellés) Ofni et Phinees. Fiz furent Heli ki dune (alors) ert
(était) evesche e maistre principals. Le traducteur appelle
ei'esche le grand-prêtre Héli. Il désigne plusieurs fois encore,
dans le même chapitre et ailleurs , par ce mot , le pontife des
Hébreux. Parlant ainsi , un peu plus bas , du voyage fait par
Anne à Silo, pour y implorer le Seigneur, il dit : Vint s'en
al tabernacle , truvad l'evesche Hely al entrée , ki asis iert ,
DES LIV. DES ROIS ET DES MACHAB. 17
qu'il aSk alanz et as vcnanz parole de salu miistrast. Et plus xil siècle.
bas encore, lorsque Hely la croit ivre parce qu'elle prie
avec ferveur : La clame en sa preere demurad, ses lèvres
moût, li quers parlad {^loqitehatur in corde siio , tantwnquc
lahia .illius nio'.'ehnntur, dit la Vulgate), tant que li evesclies
l'esguardad, e pur ivre l'enteread [temulentain œstiinavit) ^ e
si li dist : va, boue femme à tun ostel dormir; si te desen-
iveras par le dormir. Respundit Anna sobre sui ,
e en antçuisse, e en plur ; a Deu ai reveled mun duel (ma
douleur). Dune respundi li evesche Hely: va, bonne femme,
as veies (dans les voies) Deu.... La dame haitée (contente,
joyeuse) s'en parti.
Je reprends le passage au sujet duquel j'avais observé
qu'il offrait peu de changements et d'additions faits au texte
par le traducteur.
E a un jur, avint que Elchana fîst sacrefise, e selunc la lei,
a sei retint partie , partie dunad à sa cumpaignie , e à Anne
sa muiller (sa femme) que il tendrement amad, vuie partie
dunad, ki formen ert deshaitée (qui était fort ti'iste),
kar Deu ne li volt encore duner le fruit desired de
sun ventre. E Fenenna ico ( cela ) li turna a repruce ( re-
proche , raillerie ) , e acustuméement ( sans cesse ) l'en ata- »
riout (inquiétait, tourmentait) e amèrement rampodnout
(raillait). E la bonurée Anna n'en out retur (revanche),
mais un duleir, plurer, e \dande déporter (rebuter, rejeter).
Siz manj Helchana le areisuna, si li dist : pur quei
plures ? pur quei ne manjues , e pur quei est tis quers ( ton
cœur) en tristur.^ dun n'as-tu m'amur? dun n'as-tu mon
quer , ki plus te valt que si ousses diz enfans "^
La traduction de ces versets et des versets suivans nous
avait été conservée entière et sans interruption par le père
Lerong, dans sa Bibhothèque sacrée. Le morceau qu'il en t. l, p. 322.
publie commence au troisième verset, et va jusqu'au ving-
tième. Il y a bien quelques inexactitudes dans la manière
dont ce passage est imprimé; mais elles sont très-légères.
Dans les versets cmi suivent ceux que nous avons cités,
le traducteur s'abandonne à moins de développemens qu'il
ne l'avait ftiit d'abord. Un des plus considérables et des
plus naturels porte sur le vœu exprimé par Anne, pour
obtenir que le Seigneur lui donne un fils. Dabo eiini r/oniino
omnibus diebus vitœ ejus , et novacula non ctscendet super,
caput ejus, dit la Vulgate ; et notre traducteur : Durrei le
Tome XII. C
i8 TRADUCTEUR ANONYME
XII SIECLE, tei à tun servise, e rasur ne U munterad el chief, mais tus
dis (tous les jours) à tei iert (sera) adeid (dëdié, consacré).
Et il ajoute: Usages ert (était) en celé lei, sealcuns, par
vud (vœu^l, a Deu se sarrast, tant cum cel vud li durreit,
rasur le chief ne li muntereit. On explique ici une des prin-
cipales ob^gations contractées à l'occasion de certains vœux
appelés vœux de prohibition, dans la législation de Moïse.
L'on promettait, si la demande qu'on faisait était exaucée,
de s interdire des choses ou des actions permises d'ailleurs
par le culte ou la loi. Les Nazaréens (<z), du nombi^e des-
quels Samuel se trouva , par le vœu de sa mère , ne devaient
ni couper leurs cheveux, ni faire leur barJje, ni boire du
vin, etc.
Le traducteur reprend , avant la fin du chapitre ,.la marche
et le langage du commentateur ; il se livre inéme à des inter-
prétations allégoriques ; il voit , dans les événemens qu'il
raconte , l'annonce claire et certaine des événemens à venir.
Quelques morceaux du second chapitre sont écrits en
vers. Ils n'y sont point distingués du reste de la traduction,
Fabl. t. m, mais sont écrits de suite comme la prose : Barbazan lavait
pref. p. IV. j^j^^ remarqué ; et cela prouve, dit-il, « que la poésie n était
. nullement nouvelle chez les Français, et qu il fallait C[ue
l'art des vers fût connu depuis long-temps parmi eux , puis-
qu'ils les mêlaient indifféremment avec la prose , dans de
simples traductions w .
Les vers commencent au quatrième verset. Arcus fortium
superatus est et infinni accincti sunt rohore , dit la Vulgate.
Repleti prius pro panihus se loccu'enint ; et fanieUci saturât i
sunt, cloncc steriUs peperit plurimos ; et quœ multos habebat
fillos , infirmata est. Voici comment ce passage est rendu
par le traducteur français : ^
Li arcs des forz est surmuntez,
E li fieble sunt efforciez.
Ki primes furent saziéz ,
Orc se sunt pur pain luéz
E li fanieillus sunt asaziéz,
Puisque la baraigne plusurs enfantad
E celé ki mulz out enfans afebliail.
• • {a) De nazar, séparer. On les nommait ainsi parce qu'ils se séparaient
fies choses profanes pour se livrer à une vie ou à des fonctions religieuses.
DES LIV. DES ROIS ET DES RÎACHAB. 19
La haraigne , celle qui était stérile, comme on le A^oit en ^'l SIECLE,
confrontant ensemble les deux traductions. ''
Ce sont les versets iv et v; les deux suivans sont traduits
en prose. Les vers recommencent pour le huitième verset, un
de ceux que l'on rappelle le plus souvent , et qui méritent
le plus d'être cités. Suscitât ((/ornini/s) de pidvere egenum ,
et de stercore élevât paupcrein , ut sedeat cwii pvincipibus et
soliuni gloriœ teiieat.
Le mezaize esdrezce ciel puldrier,
I e Poure sache del feniier
Od (avec) les princes le fait sedeir,
Chacre de gloiie li fait aveir.
Ceci fait partie du cantique adressé par Anne au Seigneur,
pour le remercier de la naissance de Samuel. Il semble que
le traducteur aurait àix continuer à le rendre en vers ; mais
il reprend tout-à-coup, pendant un assez grand nombre de
versets , le langage de la prose , que , du reste , il abandonnera
encore avant la fin du chapitre. Il termine ainsi le cantique :
« Al Seignur sunt les quatre parties del munde, e en chas-
cune ad planté le son pople qu'il ad levé. Les piez as seinz
governerad, e en ténèbres li nel tarrad [et inipii in tenehris
conticescent\ e nuls, par sei , force n'aurad : ses adversaires le
triendrunt, et sur els, del ciel, tunerad ; e tute terre jugerad,
e sun rei eschalcerad. » On remarque ici plusieurs rimes.
La prose continue jusqu'au vingt-troisième verset. Le tra-
ducteur dit ensuite :
Vostre famé n'en est mie seine ,
Kar a mal le pople meine..
Ne faites mais tel uverainne
Dnnt le sacre lise rcmai"ne.
Si hom pèche vers altre , a Deu se purrad acorder ,
E s'il pèche vers Deu, ki purrad pur lui préïer.*'
Tant tendrement les filz ania,
Que reddement les chastia :
Par bel les reprist e pur amur ,
Nient par destresce ne par reddur
Cumc apent à maistre e a pastur.
ISon est hona fama ^ quant ego audio , ut transgredi faciatis
populuni. iSi peccaverit vir in viruni , placari ei potest Deus ;
si autem m Dominum peccaverit vir,_quis orahit pro eoP
20 TRADUCTEUR ANONYME
Xfi siFXLE. Voilà tout ce que dit la Vul^ate. Le traducteur la paraphrase
encore ici ; il ajoute plusieurs vers à ceux qui rendent la
pensée exacte de 1 historien ; tels sont le troisième et le qua-
trième, et les cinq derniers. U^'erainne , reddur, apent , sont
là pour œuvre , raideur , appartient. Et immédiatement
après :
Li fol pruvcire ne receurent le chastiement ,
Kar Deus les volt occire e faire vengement.
Non audicnint ffilii HeliJ vocem patris sui , quia voîuit do-
minus occidere eos. Je crois avoir déjà dit que pruveire ex-
prime prctre.
La traduction du troisième chapitre n'ajoute rien au texte;
il n'y a ni glose, ni vers.
On retrouve des vers dans quelqvies passages du quatrième
chapitre. L'auteur dit que l'arche d'alliance étant venue dans
le camp, tout Israël jeta un grand cri, dont retentit la terre;
que les Philistins 1 entendirent , et quils sentredisaient :
Quel est ce grand bruit dans le camp des Hébreux.^ Et ils
apprirent que larche y était venue.
Notre traducteur dit :
E cum l'arche vint en l'est,
.Le poples Deu duna un merveillus cri
Que tute la terre rebundi.
Li Philistien virent cest cri
Et distrent que deit c'est cri kil funt en l'est
Aparceurent sei que l'arche fud venue en l'est.
A ces lignes , où le même mot se sert de rime à lui-même ,
nous pouvons joindre celles-ci qui s'appliquent au dix-sep-
tième verset du chapitre. On apporte au vieux Héli la nou-
velle de la défaite d'Israël , de la fuite de l'armée devant les
Philistins, de la mort de Phinée et d'Ophni, les deux fils du
grand prêtre , de la prise de l'arche ; tout cela est exprimé
par quatre vers sur la même rime.
Les noz del ost s'en sunt fuiz
E laidement sunt descunfiz,
E mors sunt anibes deus tes fiz,
E larche Dcu i un cil priz.
En voilà, je crois, assez pour donner l'idée du travail fait
par l'anonyme sur les livres des Rois. Passons à la traduction
DES LIV. DES ROIS ET DES MACHAB. 21
des livres des Machabées. On se souvient qu'ils commencent ^"t siècle.
par parler d'Alexandre, de ses conquêtes, et de sa mort.
'L'anonyme traduit ainsi les premiers versets du premier
chapitre.
Il avint puisque Alixandres , fiz de Philippe de Mace'-
doine, qui primers régna en Grèce, issanz (sorti) de la terre
de Cethim, out oscis Daire (eut tué Darius), le rei de Perse
et de Medie, si fist plosors batailles, et prist les garnisons
de toz, e oscit les rois de la terre, et ala jusque en la lin de
la terre, et gaigna toz les trésors de la terre, et la terre fu
en pais devant lui {et siliiit terra in conspectu ejiis). Et assem-
bla grant force, et grant ost trop {exercitwn fortem nimis)^
et sis cuers fu essaucez {ejcaltatum) et enorgoeilliz, e prist
totes les terres et les seignories , et tuit li rendirent treud
(tribut); e après co, si chay (tomba) en maladie, et s'aper-
ceut que il se moroit ,' et apela ses noJ>les barons qui estoient
od" (avec) lui notri dés enfance, e si lor départi son réaume,
dementiers ( pendant , tandis ) que il vivoit. Et régna
Alixandres xu ans e mûri soi; et ses chevaliers ourent son
règne, chascon en son leu (lieu); e tuit se firent coronier,
après sa mort, et lor fil en après eaus (eux), et par mainz
anz, et li mal furent acreu en la terre, et issi de lor racine
de pecché {exiit ex eis radix peccatrix).
Le traducteur n'a pas mal rendu , à ce qu'il nous semble ,
le beau mouvement de l'historien sacré, et la précision re-
marquable avec laquelle il rassemble et énumère les actions
d'Alexandre et leurs effets. Ge style paraît être de la même
époque que celui de la traduction des livres des Rois ; il n'est
certainement pas plus ancien , et , si nous pouvions avoir
quelques doutes, ils nous porteraient plutôt à croire qu'il
1 est un peu moins. La terre fut en paix devant lui rend bien
l'idée du texte, si bien traduite déjà par la 'V^ulgate : siluit
terra in conspecti^ ejus. Ces compagnons d'Alexandre, qui
l'étaient depuis son enfance , et entre lesquels son royaume
fut partagé, sont appelés ici, vme fois ses barons, une autre
fois ses chevaliers, et les deux fois, par la vulgate , /?i/eri.
Cette racine de pecché , c'est Antiochus Epiphanes, roi de
Syiie-
II n'y a ici aucune addition , aucune paraphrase ; il n'y en
A pas davantage dans la traduction des versets suivans.
L'auteur parle des Israélites qui abandonnèrent la'i-eligion
de Moïse pour celle du vainqueur.
22 TRADUCTEUR ANONY]\IE
iii SIECLE. E en ses jors si issîrent mavais homes et consaillèrent à
~' maiiiz (plusieurs), disanz : alons et establissons acordement
od les genz qui sont prèz de nos ; car dès que nos nos par-
tîmes de lor (nous nous sommes séparés d'eux), si avons eu
moult de mal. Et ceste parole lor semblera bone, et lors
furent envoie accon (quelques-uns) del pople, c vindrent
au rey, e il lor dona poesté (pouvoir) de justifier les genz
[^utfacerentjiistitiaingentium, dit la Vulgate , de vivre selon
les coutumes des Gentils). Et il establirent les genz un lue
de faire en Jérusalem selonc les establissemenz des judex
(^œdifîcavcrunt gymnasiimi in Jeivsolymis , secundum legcs
nationiu7i)^ et laissèrent les retaillemenz [fecerunt sibi pvœ-
putia)^ e départirent say de la sainte loy de Deu. [Retailler
veut dire circoncire , et retaillement , circoncision^. Si se
jungstrent od les mescreanz , et ne dotèrent de faire toz
raaus. Ces mots et ne dotèrent , qui if& peuvent signifier ici
Sue et ils ne craignirent pas , expriment ifhe idée différente
e celle qu'exprime la Vulgate , et que tous les traductein-s
ont adoptée d'après elle ; et venunidati sunt ut facerent
s malwn , et ils se vendirent pour faire le mal. Doter est em-
jîloyé.dans le même sens par le traducteur au 11^ verset du
'3*" chapitre, dans un discours qu'adresse à ses Jjraves soldats
Judas Machabée, cmi venait de succéder à Mathatias, son
père, comme chef d'Israël. Nostre sires, dit-il, les abatra de
soz noz piéz , et vos ne les dotpz de néent. Et ipse dominus
conteret eos antefaciem nostram : vos aiitem ne timueritis eos.
Après avoir défait Ptolemée et ravagé lEgypte, Antiochus
marche contre Jérusalem avec une puissante armée. Vint en
Jérusalem, od mult granz genz, et entra el temple od grant
orgoil, et prist de loc (place, lieu) l'autier (autel) d'or, et
les chandelabres des lumeres , et toz les riches vesscas (vases)
qui là estoient , c la table de la proposicion , et les hanas
(coupes) d'or, et les moitiers (lampes) d'aj-gent, et les fioles,
et la cortine (le voile), et les corones, et toz les guarnemenz
(ornemens) cfor qui el temple estoient, et tôt dépeça.... e li
prince et li vaillart (les anciens, seniores) sus suspirerent;
li juvencel et les puccles devindrgnt tuit morne et la beauté
des femmes se changea. Toz mariz ploroit , et iceles qui
estoient es liz de lor mariz ploroient , et la terre se mut sor
ceaus (ceux) c[ui en li habitoient, et tote la mihon de Jacob
se vesti de honte ( induit confusioneni , fut couverte de
confusio)!.
DES LIV. DES ROIS ET DES MACHAB. aS
Je puis encore faire ici l'observation que j'ai faite plus ^n .sif.ci.e.
haut. Point d'addition au texte, point de paraphrase. C'est
une nouvelle différence que nous povivons remarquer entre
la traduction des livres des Machabées , et la traduction des
livres des Rois. •
Le second livre n'y est pas distinct du premier. .Au com-
mencement de l'ouvrajife , nous trouvons : ci commance li
livres des Machabeus. Il n'y a plus de nouveau titre, après
la hn du premier livre; ou du moins, s'il y en a un, on voit
clairement qu'il a été ajouté, et qu'il est beaucoup plus mo-
derne. Le traducteur continue à s'y resserrer dans le texte,
au lieu de l'étendre et de l'interpréter. LTne note marfîfinale
de Sainte -Pnlaye , sur le manuscrit qu'il avait fait copier,
semble en offrir un léger témoignage ; c'est sur le huitième
chapitre du second livre : mais l'observation que la note
énonce manque d'exactitude. Judas Machabée se prépare à
combattre Nicanor; il a divisé son armée, et donné à ses
frères le commandement d'une partie des troupes ; Esdras
vient de lire aux soldats la Sainte Ecritui'e ; Judas «se met à
la tête de l'armée. Le traducteur rend arinsi ce passage.
Lors fist Judas ses dous ( le texte parle de trois , et le tra-
ducteur aussi va les nommer) frères, à l'un et à l'autre,
ordre; à Symon, et h Josepho, et à Jonathan; et si bailla à
chascou M et V. C. home. Et encore lor list Esdras l'en-
seigne par l'aies de Deu. La note marginale dit que les cinq
derniers mots ne sont pas dans le latin, et font allusion*au
cri de guerre des François, à l'aide de Dieu; le latin cepen-
dant dit : data sigjio adjntorii Dei. Ainsi , les mots y sont ,
quoique la note annonce qu'ils n'y sont pas ; et l'allusion
supposée perd alors tout fondement. Notre traducteur s'était
également servi, quelques versets plus haut, des aies de Dett^
en interprétant un passage que la Vulgate rend ainsi : ad-
monidt eos de auxiUis Dei. Liv. II, chap. 8, vers. ig. ^
A la fin du second livre, le traducteur ajoute ces mots que
justifie l'ordre des temps , mal suivi par l'historien des Ma-
chabées. Et plus n'en dirons ores; car en celui de sus (dans
le premier livre) avons dit co que en cestui avons laissé. Et
finist le second livre des Machabées. P.
*
k«.«%«'<«/V«^^««'»«'«'«
^ RICHARD,
CARDINAL ÉYJLQUE D'ALBANO,
SA VIE.
Xn SIECLE.
Labbe , Bibi. il ous trouvoiis daiis la Chronique de Hugues de Flavigny,
mss. tom. I , laquelle finit à l'an 1 102, que Richard, avant que d'èti'e élevé
p. 269. g^^ cardinalat, était doyen du chapitre de Sanit-Etienne de
Spicil. in-foi. Mctz. Laurent de Liège, dans l'Histoire des évéques de Ver-
t. ii,p, 247. f^m^ _^ (\[i la même chose, et ajoute que Richard avait un
frère appelé Arnoul , homme de guerre , ou chevalier , qui ,
sur la hn de ses jours, s' étant fait religieux à Saint-Vanne
de Verdun, fonda dans sa terre de Bouzonville un prieuré
dépendant de ce monastèi'c. Cela n'a pas empêché Uglielli et
Ciaconivis de confondre notre prélat avec un autre Richard ,
frère de Bernard de Milhaud , abbé de Saint-Victor de Mar-
seille, l'un et l'autre cardinaux et légats du Saint Siège, sous
le pontificat de Grégoire VIL Ce qui prouve qu'il faut dis-
tinguer 1 évêque d'Albano de l'autre Richard, c'est que celui-
ci ayant succédé, dans l'abbaye de Saint -Victor, à son frère
décédé l'an 107g, fut fait archevêque de Narbonne, et gou-
vei^ia cette église depuis l'an 11 06 jusqu'à 1121.
Ciaconius dit que Richard fut créé évêque d Albano
l'an II 00, à la première création du pape Paschal II. Lau-
Spicil. ibiii. rent de Liège ne fixe pas l'année ; mais il rapporte que cette
dignité lui fut accordée en considération de son attachement
à l'église romaine, pendant le schisme de l'antipape Guibert,
et pour avoir suivi Hérimanne , évêcpie de Metz, lorsqu'il
,i"ut chassé de son siège par les Impériaux, l'an io85. Is Ri-
cliardus quondam metensis canoiiicus , pro fide apostoliccc
sedis cum Hermanna çpiscopo suo à rege et IVihertinis ca.pui-
sus fuejat , et ideo mmaiia ecclesia ita eiini extulerat.
Labbe ibid. Si uous ii'avons pas de preuves qu'il ait été fait cardinal
avant l'an 1 100, nous savons du moins qu'il fut envoyé légat
en France , l'an 1 102 ; qu'il y tint des conciles , et qu'il écrivit
un grand nombre de lettres relatives aux affaires de sa léga-
tion, dont nous allons nous occuper pour suppléer ta l'oubli
des auteurs qui ont travaillé avant nous à l'Histoire littéraire.
RICHARD, CARDINAL ÉVÊQUE D'ALBANO. aS
La pi-iiicipale affaire qu'il eut à traiter fut l'absolution du xii siècle.
roi Philippe I, cpii , depuis plusieurs anne'es, gémissait dans
les liens de l'excommunication à cause de son mariage avec
Bertrade de Montfort. Ce faible monarqixe avait été relevé
de l'excommunication , sous la promesse de se séparer de
Bertrade; mais toujours esclave de sa passion, il ne tint pas
sa promesse. Etant retombé dans les liens de Bertrade, il ivoms ep. 104.
encourut de nouveau les liens de l'excommunication , qui fut
prononcée contre lui au concile de Poitiers de l'an iioo.
Pour en sortir, il voulait faire le voyage de Rome; mais le
pape lui en épargna la peine, en envoyant révêque d'Albano,
pour négocier cette reconciliation, avec les précautions que
î'évêque de Chartres avoit suggérées. Cette affaire traîna
jusqu'à l'année 11 04. Richard ayant convoqué un concile à ivonis ep. i/,i.
Troyes en Champagne , pour le mois d'avril de la même
année, Ives écrivit au légat la lettre i4i, dans laquelle il
forme des vœux pour l'absolution du roi ; mais il n'ose
conseiller au légat de s'écarter des instructions qu'il avait
reçues du pape. Nous n'avons pas les actes de ce concile, qui
fut nombreux , comme on voit par les souscriptions des
évêques à deux chartes de Hugues, comte de Champagne, Lahbe, Concii.
On sait seulement que le mariage de celui-ci avec Constance, t. x, col. 740.
fille de Philippe I, roi de France, y fut dissous pour cause
de parenté; mais il est aisé de juger, par ce qui se passa la
laême année au concile de Baugenci , que l'affaire de Philippe
n'y fut pas décidée.
Nous ne connaissons le concile de Baugenci , auquel pré- ivonis ep. 144.
sida Richard, que par la lettre i44 d'Ives de Chartres au
pape Paschal. Ce concile fut assemblé le 3o juillet iio4, et
fut composé des évêques des provinces de Reims et de Sens.
Ives y assista. Le roi et Bertrade s'y étant rendus , offraient
de promettre sur les saints évangiles , selon que le pape
l'avait ordonné , qu'ils n'habiteraient plus ensemble , et
même qu'ils ne se parleraient point, si ce n'est en présence
de témoins non suspects, jusqu'à ce qu'ils eussent obtenu
la dispense du pape. Cette restriction gâta tout; les évêques
se trouvèrent partagés, les uns croyant qu'on pouvait les
absoudre sans inconvénient, les autres disant qu'on ne le
pouvait pas. C'eût été au légat à prononcer; mais le pape
lui avait prescrit de ne rien faire que par le conseil des
évêques, et ceux-ci ne voulaient rien prendre sur eux.
Pendant cette altercation , le roi se plaignait c{u'on lui faisait
Tome Xlir. D
XII SIECLE.
Spicil. in -fol.
t. m, p. 128.
Labbe, Concil.
t. X, col. 656.
Abbas Usperg.
Annal, saxo ,
ad an. iio5.
Alailene ,
Anecd. t. III ,
col. ii85.
Ealuz. Miscell.
t. m. p. i83.
26 RICHARD, CARDINAL EVEQUE D'ALBANO.
injure de soupçonner sa sincérité, et on se retira sans avoir
rien conclu.
Ives termine sa lettre en suppliant le pape d'user de
condescendance envers le roi , parce que , disait-il , à force
de sucer, on tire jusqu'au sang, qui multiim einimgit , elicit
sanguinem. Aussi le pape, dans sa lettre du 5 octobre 11 o4,
aux ëvêques des provinces de Reims, de Sens et de Tours ^
prescrivit lui-même la formule de serment à laquelle le roi
de France devait se soumettre pour obtenir le bienfait de
l'absolution; et, comme il présumait que Richard avait déjà
quitté la France, il chargea Lambert, évèque d'Arras, d'as-
sembler les évêques pour recevoir le serment du roi , et lui
accorder l'absolution : ce qui fut fait à Paris au mois de
décembre de la même année.
Richard était allé en Allemagne à l'occasion des troubles
survenus entre l'empereur Henri IV et le roi son fils, et as-
sista, aux fêtes de Noël de l'année suivante, à l'assemblée de
Mayence, dans laquelle l'empereur, excommunié de nouveau
par le légat, fut contraint de se dépouiller des attributs de la
royauté pour en revêtir son fils. Ce malheureux prince s'était
jeté aux genoux du légat, demandant, pour toute consolation,
d'être absous de rexcomniunication. Richard prétendit que
cela surpassait ses pouvoirs , qu'il fallait s'adresser au pape ,
qui seul pouvait l'absoudre. Il se rendit ensuite auprès du
pape , qui devait tenir un concile à Guastalla , au mois d'oc-
tobre de l'année suivante. De-là il rentra en France avec le
pape, qu'il accompagna pendant l'année iio^; et au mois
d'octobre de la même année , il fit la dédicace de l'église de
Cliaumousset, en Lorraine.
Nous sommes portés à croire que Richard, après le départ
du pape, fut envoyé en Espagne. Au moins est-il certain
qu'un cardinal nommé Richard tint , vers ce temps-là , un
concile à Palencia,dans le royaume de Léon. Dans ce concile,
le cardinal Richard rétablit dans l'ancienne dignité de mé-
tropole l'évêché de Brague , en vertu de lettr^-S accoi'dées
par le pape Paschal II à lévêque saint Geiald : In concilio
enim palentino , dit l'auteur de la vie de ce prélat , quod
venerahilis Richardiis cardinalis Romœ {romanus) celehravit,
episcopis et abbatibus et optimis cleiicis Hispaniœ circinn-
sedentibus , romanuni privUegium in auribiis omnium feci-
tatum est, etc. A la vérité, il n'est pas dit que ce cardinal
Richard fut l'évêque d'Aliiano , et il y a des raisons pour et
RICHARD, CARDINAL ÉVÊQUE D'ALBANO. 27
contre notre opinion. Si l'on pouvait s'en rapporter au car- xil SIECLE.
dinal d'Aguirre , qui place ce concile à l'an 1 1 o4 , ce cardinal ~ concii. Hisp.
Richard ne serait autre que l'abbé de Saint-Victor de Mar- t. m, p. 3i8.
seille, qui, l'an 1088, avoit déjà tenu im concile à Palencia.
Mais le P. Pagi avoue que l'époque du rétablissement de la Pagi,ad an.
métropole de Brague, et par conséquent celle du second 1109, "um. 2.
concile de Palencia, sont fort incertaines. Ce qui prouve,
d'un autre côté , que ce concile pourroit bien être de
l'an 1 108 ou 1109, c'est i" que nous ne trouvons aucun
indice que l'évêque d'Albano ait séjourné en France ou en
Italie pendant ces deux années ; a" qu'à l'époque où il
rentra en France, l'an itio,les Sai-rasins , ou les Maures,
avaient fait , selon la chi'onique de Sens , de tels progrès en Sp|cil. i"» -foi-
Espagne , que les chi-étiens du pays avaient demandé du " ' !'• '
secours au roi Louis-le-Gros ; et nous ne doutons pas que
les conciles assemblés par l'évêque d'Albano, l'an 11 10, à
Toulouse et à Saint-Benoît-sur-Loire , n'aient eu pour objet
les secours que les chrétiens d'Espagne, dont le légat avait
vu par ses yeux la détresse, réclamaient, et que Louis le
Gros, à peine monté sur le trône, ne pouvait leur accorder.
D'ailleurs, D. Vaissette observe que Richard, abbé de Saint- Hist.Lang. t,li,
Victor, du moment qu'il fixt nommé archevêque de Nar- P- ^^3.
bonne, l'an 1 106 , ne prit plus la cjualité de cardinal.
Quel que soit le mérite de notre opinion sur l'époque du
concile de Palencia , il est certain que l'évêque d'Albano
reparut en France l'an 11 10, et qu'il présida aux deux
conciles dont nous venons de parler. Nous n'avons les actes
ni de l'un , ni de l'autre. Nous ne connaissons celui de Tou-
louse que par quelcpies lettres du légat. Celui de Fleuri , ou Labbe , concU.
Saint-lienoît-sur-Loire, fut assemblé au mois d'octobre de la '• ^' '^°'' 7^^.
même année , et fut plus solennel ; les archevêques de Sens ,
de Reims , de Tours , et de Bourges, y assistèrent avec les
évêques et les abbés de leurs provinces ; mais tout ce qui en
reste se réduit à quelques décisions relatives à des affaires
entre particuliers.
Six mois après , le cardinal Jean , évêque de Frascati , se Notae ad ep.
disant vicaire du pape dans Rome , écrivit au léfi;at pour l'in- l'^oncarnot.p.
fol 1 f ^ • ' • 1' "^^1 243.
rmer des troubles qui étaient survenus, l an 1 1 1 1 , pendant
qu'on agitait la queslion des investitures , et du malheur
qu'avait eu le pape d'être fait prisonnier avec la plupart des
cardinaux, par l'emjjereur d'Allemagne. Il paraît que Richard
quitta pour lors la France , car on ne trouve plus rien dans
1)2
û8 RICHARD, CARDINAL EVEQUE D'ALBANO.
xn SIECLE, nos documens qui soit relatif à s.i iëgr>tion. Ughelli place sa
7~rZ 7 mort à l'an 1 1 1 6 , parce cru'il trouve sa signature à une bulle
liai. Sacra t. I, , -r» ' i 7 t t i '^ i i • ■ r>
rat -.i', et 89 5. du pape Paschal 11, dont la date est ainsi conçue : Datum
Laterani ver manum Joannis S. R. E. cardinalis et hihliothe-
carii , v. hal. martii , indict. VII , incarnat. Dom. anno
MCXV , pontificatûs quoque âonini Paschalis II papce
anno XV. L'indiction VII et l'année du pontificat indiquent
suffisamment qu il faut l'apporter cette bulle à l'an 1 1 1 4- On
sait dailleurs que Paschal II suivait dans ses diplômes le
calcul pisan , selon lequel l'année commençait neuf mois
avant l'année julienne. Par conséquent, cette bulle est du
Karou. ad an. ^^ février 1114; mais comme, cette même année, on trouve
u^jiium. . ^^ Ana.stase , évêque d'Albano , il faut que Richard soit
mort , ou ait quitte son siège peu de temps après.
SES LETTRES.
I -, -,
Il s'en faut bien que nous ayons toutes les lettres que
Richard écrivit pendant huit ans cju'il exerça la légation en
France. Voici celles qui ont été conservées , et qu'on trouve
éparses dans diverses collections :
ivoiiis.op. i33. I" La lettre i33 d'Ives de Chartres est la réponse à une
lettre de Richard , que nous n'avons pas. Il paraît que le
légat, sur de faux rapports, avait fait la semonce à l'evècjue
de Chartres , sur ce qu'il tolérait la simonie dans son église.
Ives lui répond qu'à la vérité le doyen et l'église de Chartres
étaient dans l'usage de percevoir quelque rétribution des
chanoines récipiendaires; cpi inutilement il avait essayé de
remédier à cet abus, parce que les coupables s'autorisaient
de l'exemple des autres églises de France, et même de la
cour de Rome, où les évéques et les abbés nouvellement
consacrés étaient mis à contribution à titre d'offrande.
Richard avait aussi mandé le clergé de Chartres à Blois,
pour répondre aux plaintes que formait contre eux la
comtesse de Chartres, au sujet d'un statut capitulaire qui
excluait des prébendes du chapitre les enfans de ceux qu'on
appelait conditionarii , espèce d'affranchis qu'on distinguait
des manuniissi. Ives représente , dans la même lettre au
iégat, cjuil n'aurait pas dû choisir la ville de Blois pour
tenir ses assises , attendu qu'elle était du domaine de la
comtesse , dont les cliens intéressés dans la querelle pour-
raient se porter à des A"iolences contre les chanoines.
RICHARD, CARDINAL ÉVÊQUE D'ALBANO. 29
û° On voit par la lettre de Geofroi , abbé de Vendôme, xii siècle.
à Ramifie , évéque de Saintes , que le cai'dinal évêque d'Al- _ , ,. .
bano avait porte un décret qui condamnait leveque de iib.iii.epist.S;.
Saintes à restituer à l'abbaye de Vendôme l'île de Fléac,
située dans des marais près de Surgères.
3° Dans une lettre a Robert, comte de Flandre, écrite Baïuz.Misctl!.
l'an I io3 ou i io4 , Richard recommande au comte de prêter '■ ^' P' ^^^^
main forte à Lambert , évêque d'Arras , contre des clercs
rebelles, que Lambert avait excommuniés à cause de leur
inconduite.
4° Lettre ,de Richard à Lambert , évêque d'Arras , pour BpJuz. ibia.
lui enjoindre de faire cesser l'abus qui s'était introduit dans r- ^^"■
son diocèse , de nommer à un seul bénéfice plusieurs titu-
laires à-la-fois, dont les survivans , jusqu'au dernier, re-
cueillaient la part du défunt. Dans la même lettre, le légat
décide qu'un usurier doit restituer l'usure , lorsque l'emprun-
teur prouve par témoins qu'il a rendu le sort principal avec
l'intérêt de l'argent.
5° Jean -Baptiste Souchet a publié une lettre de Richard Notseadivonis,
au doyen de l'église de Chartres, en faveur d'un chanoine •■?• '*^2-
nommé Robert , auquel on contestait sa prébende.
6" Deux lettres de Richard à Pierre, évêque de Clermont, Splcil. in-foi.
rapportées dans la chronique de Saint-Pierre-le-Vif à Sens, '• ^■' P- ^79 «'
pour lui enjoindre de lancer l'excommunication contre les ^ "^^'
iDourgeois d'Escuroles, de Salers, de Monteclair, et de Mau-
riac , coupables d'horribles excès contre les moines de
Mauriac. Vient ensuite le décret d'excommunication adressé
aux moines de Mauriac, et une lettre à Arnaud, abbé de
Saint-Pierre-le-Vif, dans laquelle il lui annonce c|ue l'évêque
de Clermont, malgré sa répvignance, avait lancé l'excom-
munication. Le légat était alors en chemin pour se rendre à
Toulouse, où il avait convoqué un concile.
y° Deux lettres à Amelius , évêque de Toulouse. Dans la Catel , Mem.
première , il lui rappelle que , conformément au décret du P" ^"9"
concile de Troyes , de l'an 1107, il avait lancé, dans le
concile de Toulouse, l'excommunication contre les usurpa-
teurs des dîmes et autres biens ecclésiastiques , et lui enjoint
d'en faire l'application à ceux qui s'emparaient des biens de
l'église cathédrale de Saint-Etienne. Dans l'autre, il lui près- Veissctio, Hist.
crit de jeter l'interdit sur le monastère de Saint-Pierre-de-la- ^""S tn,pr.
Cour, autrement dit le Mas-Garnier, parce c[ue ces reli- *^° '
gieux , étant en procès avec ceux de Moissac , n'avaient pas
3o CONON, GARD. EVÊQ. DE PALESTRINE.
XII SIECLE, comparu devant lui à Vczelai , où il les avait ajournés après
le concile de Toulouse.
Theod.poenit. go Lettre à Leerer, évêque de Viviers, dans laquelle il lui
tom.II.p. 5o6. . . , • ^ • * 1 1 1 ' 1-^ I j
enjoHit de mauitenu- contre les clercs de son église la dona-
tion faite aux chanoines de Saint-Ruf de réglise de Saint-
Andéol, par lui confirmée, à la demande de levêque, au
Pagi,ad an. concile de Toulouse. Le P. Pagi fait une assez longue disser-
iio2,nu . . ^^^j-JQj^ gyj. cette letti'e, et tombe dans plusieurs erreurs qui
ont été' relevées par le continuateur du Recueil des histo-
riens de France, tome XV, page 47-
Gaii. chnst. go Ayant fait, l'an iiio, la dédicace de l'église de Ché-
16™. '^'''^°' minon , fondée par Hugues, comte de Champagne, pour
des chanoines réguliers , dans le diocèse de Châlons , Ricnard
leur accorda un privilège d'exemption , rapporté dans le
nouveau GalUa-C luistiana , à la charge de payer un cens
annuel à la chambre apostolique.
Nous ne connaissons pas d'autres productions de sa
plume. Ces lettres sont certainement recommandables comme
monumens histoiiques , mais peu sous le rapport litté-
raire. - B.
v^^* *.•».•*.».
CONON,
CARDINAL ÉVÈQUE DE PALESTRINE.
SA VIE.
Boii. i3 jaii. CiO'Oî*, ou Conrad, appelé encore Hugonon par un auteur
822. ancien , était de la famille des comtes d'Urrach , né par
conséquent en Allemagne [a] ; mais il appartient à la France
par la profession religievise , qu'il embrassa dans l'abbaye
d'Ari'Ouaise , dont il fut le fondateur avec le bienheureux
(«) Conon était fils d'Egenon, comte d'Urrach, dans le Brisgaw, ou
d'Aurach, dans le duché de Wurtemberg, selon l'auteur de l'Art de
vérifier les dates (tom. III, p. 90), petit-fils de Rodolphe, comte
d'Achalm , et d'Adélaïde, comtesse de Wulflingen , parente de Brunon
de Egenslieim , évêque de Toul , qui monta sur le siège de Rome ,
Xaxx io4>^; sous le nom de Léon IX,
xri SIECLE.
Gosse
d'Arr. p.
/,.a.
5B9-
CONON, GARD. ÉVÊQ. DE PALESTRINE. 3r
Heldëmare, auquel il succéda en qualité de prévôt. S'il n'a
point eu un article dans notre histoire, c'est cpi'à l'époque
où le dixième volume a paru , on ne connaissait de lui que
quelques lettres ; mais depuis que l'historien de l'abbaye
d'Arrouaise a écrit sa vie , et que les continuateurs du
Recueil des historiens de France ont publié de lui trois ou
quatre nouvelles lettres anecdotes, propres à jeter un plus
grand jour sur les affaires qu'il eut à traiter en qualité de
légat, soit en France, soit en Allemagne, il est juste que
nous le fassions connaître plus particulièrement.
Selon Gautier, abbé d'Arrouaise, qui écrivait vers Boli. i3jan.
l'an [ i8o, Conon était en Angleterre à la mort de Guillaume- ^'"
le-Conquérant , dont il était chapelain avec le bienheureux '
Heldémare. Des raisons que nous ne connaissons pas les
ayant déterminés à repasser en France , ils se fixèrent ,
l'an lopo, dans un endroit de la forêt d'Arrouaise, nommé
le Tronc-Bérenger , du nom d'un fameux voleur qui avait
désolé le pays , sur les confins des comtés de Flandre et de
Vermandois , dans lequel était alors compris l'Artois ; là ils
érigèrent un oratoire qui devint en peu de temps un éta-
blissement considérable, et le chet-lieu d'une congrégation
de chanoines réguliers
Les affaires de sa maison ayant conduit, l'an 1107, le BoU.iùiJ.y.
prévôt Conon au concile de Troyes en Champagne , auquel ''^^•
pi'ésidait le pape Paschal II , celui-ci fut si charmé de
retrouver, dans le parent du pape Léon IX, les talents et
les vertus d'un de ses prédécesseurs d'une sainteté reconnue ,
C[u'il l'attira à Rome , et le créa , l'année d'après , cardinal
evêque de Palestrine.
Conon était en Orient en qualité de légat apostolique, lors- Labbe, Concii.
que la nouvelle de ce qui s était passé à Rome, l'an 1 1 1 1 , '• ^' '^°'- ^°"'
entre le pape Paschal et l'empereur Henri V , au sujet des ^'^ ^^^' ^"^'
investitures, y arriva. Attache par devoir et par reconnais-
sance au souverain pontife, il convoqua un concile à Jéru-
salem , dans lequel , ne se croyant pas obligé aux clauses
d'un traité extorqué par la violence, il porta contre l'em-
pereur une sentence d'excommunication. Reprenant ensuite
le chemin de l'Europe, pour venir au secours de l'église,
qu'il croyait opprimée; il traversa la Grèce, la Hongrie, la
Saxe , la Lorraine , convoquant par-tout des assemblées , et
confirmant dans chacune l'anathême qu'il avait prononcé
en Palestine.
32 CONÛN, CARD. ÉVÊQ. DE PALESTRINE.
xn SIECLE. Au concile de Latran, de l'an 1112, il fut du nombre de
Labbe Concil *^^^^ ^^^ 1 ^^on coutens qu'on eût révoqué le privilège des
t. X, col. 771. investitures accordé à l'enipereur, voulaient qu'on pronon-
çât contre lui l'excommunication. Quoique le Pape eût juré
qu'il ne le fei'ait jamais , il souffrait cependant que ses
légats en usassent autrement , et ne fît pas difiiculté d'en-
voyer poiu" cela en France le légat Conon. Muni de ces
pouvoirs, lévêque de Palcstrine assembla, pendant les an-
Labbe , ibid. nécs 1 1 1 4 et 1 1 1 5 , cinq conciles , à Beauvais , à Soissons ,
col. 797, 802. ^\ Reims, à Cologne , à Châlons-sur-Marne : conciles dont les
actes sont perdus ; mais on sait que dans tous l'empereur
fut déclaré excomnuinié. .
Sugeiii vit.T Le plus célèbre fut celui de Beauvais, dont l'abbé Suger
Liid.M,cap.2i. jj donné une courte notice, à l'occasion des atrocités com-
mises par le trop fameux Thomas de Marie , de la maison
de Couci , qui , à la demande des églises de France , y fut
excommunié , et privé de la ceinture militaire , et le Roi prié
d'en faire justice.
De toutes les affaires qui furent traitées au concile de
Guibeiius, de Soissons, uous ne connaissons que celle de Godefroi, évêque
m^ „!!!*',, ' d'Amiens. Ce saint prélat avant consenti à l'établissement
m , cap. II. ' 4 • 7/ ■ , '11 1
Cl une commune a Amiens, s était rendu agréable au jieuple;
mais il attira sur la ville tant de calamités de la part des
sires de Couci, qui en étaient seigneurs en partie, qu'ayant
été obligé de prendre la fuite, et de renoncer à l'épiscopat,
il s'était retiré à la grande Chartreuse. Le concile , a la
Labbe ibid. col. demande du roi et des habitans , lui ordonna de retourner
Soi- à Amiens, et de reprendre ses fonctions.
A Reims , il fut question de donner un évêque catholique
au diocèse de Metz , à la place d'Alberon , excommunié par
le Pape , à cause de son attachement à l'empereur , dont il
Bouquet , était parent. Nous avons sur cela les lettres que Conon écrivit
i. xiv, p. 209 à l'église de Metz, rapportées dans la vie du bienheureux.
et seq. Théodgcr , abbé de Saint-George, dans la Forêt noire, qui,
en vertu de ces lettres, fut élu évêque de Metz. Mais cette
affif^ire ayant traîné en longueur , ce ne fut que trois ans
après, pendant son séjour en Allemagne, que Conon put
ibid. p. 212 et consommer cette affaire , comme on voit par deux lettres
seq. qu'il écrivit à Théodger , pour le contraindi'e à accejîter
1 épiscopat.
iTabil. Annal. Il reste du concilc de Châlons un décret du légat en
v,p. 6g4- faveur du monastère du mont Saint - Quentin , contre les
CONON, GARD. ÉVÈQ. DE PALESTRINE. 33
religieux de Saint -Vast d'Arras , publie' par D. Mabillon. Xil SIECLE.
A Reims et à Chalons , il frappa d'interdit les e'vêques de Eadm. bist.
Normandie , poin- ne s'être pas rendus aux conciles qu'il nov. ilb. v, p.
avait convoqués. Le roi d'Angleterre, qui ne reconnaissait h-
pas dans ses terres l'autorité' des légats , en fut extrêmement
irrité; il fallut C|u'Ives de Chartres se portât pour médiateur;
il écrivit au légat en faveur des évéques de Normandie, ivonis ep. 275.
alléguant pour excuse qu'étant sous la domination d'un
prince impérieux , ils ne pouvaient que gémir de se voir
froissés entre la soumission qu'ils devaient au prince , et
lobéissance au légat.
Le comte de Nevers avant été fait prisonnier par Thibaud, ,., '^'".''; ^'"'l''* '
,,,,.■ '- II' - I- • 1 • • lib. XII, p.oio.
comte de Blois, au retour de 1 expédition que le roi avait
ordonnée contre Thomas de Marie, Conon chargea l'évêque
de Chartres de signifier au comte Thibaud l'excommunica-
tion qu'il avait lancée contre tous ceux qui avaient coopéré
à l'arrestation du comte de Nevers , avec menace de l'excom-
munier lui-même, s'il ne rendait la liberté au prisonnier.
Nous n'avons pas la lettre du légat; mais on voit, parla
réponse du prélat Ives, que le coînte de Blois était persuadé l'^o"'* ^p- «t'^-
que le légat n'agissait en cela qu'à l'instigation du roi de
France contre son oncle, le l'oi d'Angleterre, dont il avait
épousé la querelle ; il offrait cependant de mettre en liberté
le comte de Nevers, mais sous caution.
Il y a encore deux lettres d'Ives à Conon , relatives à une Ivonis ep. 266
affaiie qui lui était personnelle avec les moines de Mar- *' "'i"
montier.
Le papePaschal ne croyant pas avoir assez fait pour réparer
la faute qu'il avait commise en accordant à l'empereur le Labbe, Condl.
priviléare des investitures, parce qu'il trouvait touiours des t. x,col. 807,
I • • 1 1 > • 1 ' >'-i 1 . ex abb L'rs-
contradicteurs qui i^lamaient les temperamêns quil voulait ^j,
garder avec l'empereur, convoqua un concile à Rome, au
mois de mars 11 16 , pour y rendre compte de sa foi et de sa
conduite. Conon qui ne savait pas transiger avec les prin-
cipes cpi'il avait atloptés, s'y rendit; et, après avoir exposé
tout ce qu'il avait fait au sujet des investitures , soit à Jéru-
salem , soit pendant sa légation en France , en excommuniant
l'empereur et ses adhérens , demanda au paj^e de déclarer,
en présence du concile, s'il approuvait et ratifiait ce que lui
avait cru devoir fiiire. Le Pape l'approuva ; et , malgré les
murmures de ceux qui pensaient autrement, le saint concile
donna aussi son approbation. Le Pape fit plus : il l'envoya ,
Tome XllT. E
34 CONON , GARD. ÉVÈQ. DE PAI.ESTRINE.
XII SIECLE, peu de temps après, légat en Allemagne, où dominaient les
partisans de l'empereur , afin qu'il agît dans le même sens,
l'rsperg. ibid. Paschal étant mort au mois de janvier i ii8, eut pour suc-
cesseur Jean de Gaëte, chancelier de l'église romaine, qui
prit le nom de Gélase II. Ce nouveau pontife avait eu des
altercations avec l'évêque de Palestrine, qui traitait d'hérésie
le privilège accordé par le feu pape à l'empereur. Cependant
il le confirma dans sa légation d'Allemagne , et , en vertu de
ces pouvoirs, Conon assembla à Cologne et à Fritzlar deux
chion.s.Trud. conciles dont nous n'avons pas les actes; nous savons seu-
' ■ ' ■ lement que l'empereur qui était en Italie y fi^it excommunié,
que les assistans n'y furent pas sans inquiétude pour leurs
personnes, et qu'il en résulta de grands troubles dans toute
r Allemagne.
l'sperg. ad an. L'empcrcur , de son côté, fit élire vm antipape pour l'op-
" '^' poser à Gélase. C'était Maurice Burdin, archevêque de Brague
en Portugal , qui prit le nom de Grégoire VIII. ]Mais appre-
nant que le légat Conon , par ses excommunications , avait
soulevé contre lui une portion de l'empire, et que la haute
noblesse avait convoqué urte diète à Wurtzbourg , afin de
procéder à sa déposition, il quitta précipitamment l'Italie,
pour aller au-devant du danger qui le menaçait.
Falconischron. Conon cn était parti pour aller joindre le pape Gélase,
?r'r ^"^ "" 1^^^ arrivait en France. Ce pontife étant tombé malade à
Cluni, et se voyant près de mourir, donna à l'évêque de
Palestrine un témoignage éclatant de la haute estime qu'il
avait de sa capacité : il proposa aux cardinaux de l'élire a sa
place, dès cju'il serait mort. Mais Conon, loin d'être ébloui
de l'éclat de la tiare, s'éci'ia : «A Dieu ne plaise, que je
« me charge , moi indigne , d'un fardeau honorable à-la-
« vérité , mais aii-dessus de mes forces , sur-tout dans un
« temps où le Saint siège exposé à la persécution, a besoin,
« pour se soutenir, d'un homme puissant dans le monde.
« Si vous m'en croyez , nous élèverons à ce poste dangereux
« l'archevêque de Vienne, qui joint au crédit et à la nais-
« sance la prudence et la piété, j) C'était l'archevêque Gui ,
légat comme lui du Saint Siège, et professant les mêmes
principes que lui sur les investitures. Il était fils de Guillaume-
le-Grand, comte de Bourgogne, oncle d'Adélaïde de Savoie,
reine de Fiance , et parent de l'empereur ; il fut élu , le
i*""^ février 1119. par les cardinaux présens, et agréé par
ceux qui étaient restés à Rome ; il prit le nom de Calixte II ,
II. g.
CONON, GARD. ÉVÈQ. DE PALESTRINE. 35
et il justifia, par la sagesse de son administration, les hautes '.
espérances qu'on avait conçues de son pontificat.
Le nouveau pontife, après avoir été couronné à Vienne en cinon^Man-
Dauphiné, le dimanche de la quinquagésime, g février 1 1 19, """ ^'" ''
chargea l'évéque de Palestrine d'aller annoncer au roi Louis
le Gros l'exaltation de son oncle «u souverain poirtificat.
En passant par Vézelai , Gonon prit connaissance des excès
que les satellites du comte de Nevers avaient commis sur
les rehgieux de cette abbave. Il en écrivit à Hugues, évêque Spi^'- in- fol.
j AT 1 ■ j ' .- '1 VI ' V • *■ t. II, p. 5l3.
de JNevers, lui dénonçant qu u avait lance 1 excommunication ^
contre les coupables, avec menace d'excommunier le comte
lui-même , si , avant la mi-carême , il ne les amenait à satis-
faction.
Gependant l'empereur, pour conjurer l'orage excité contre
lui par Gonon, avait promis, dans une assemblée tenue à
Tribur, qu'il entrerait en accommodement avec le nouveau
pape ; mais comme , dans cette assemblée , on avait élevé des
doutes sur la validité des excommunications lancées par le
légat, Gonon écrivit à Frédéric, archevecjue de Cologne: ^'(['^."t'f'"'^]''
ce II y a parmi nous de foux frères qui prétendent qu'il ne G64. '
« m'appartenait pas d'excommunier l'empereur, parce qu'il
« n'est pas de mon diocèse : au nom de Dieu, n'écoutez pas
« ces discours cjui pourraient vous détourner du bon parti
« que vous avez embrassé. Je leur réponds, de la part du
« Pape , que , quoique l'empereur ne soit pas soumis à ma
«juridiction épiscopale , cependant, autorisé par le Saint
« Esprit et par l'exemple des Saints Pères , j'ai du l'excom-
« munier pour un si grand crime , attendu que Saint Am-
« broise, qui n'était ni pape, ni patriarche, ni légat de l'église
« romaine, excommunia l'empereur Théodose, dont la faute
« n'avait pas été commise à Milan , mais à Thessalonique.
« Quelques faux frères nous ont mandé que vous avez fait
« votre paix avec l'empereur; mais ni le Saint Père, ni moi,
« ne voulons le croire , jusqu'à ce que nous l'apprenions
« de vous-même. »
Gonon, après avoir rempli sa mission auprès du roi de Chron.JVlauriu.
France, rejoignit le Pape dans l'Auvergne, et parcourut avec '^'^'
lui une grande partie de la France , jusqu'au concile de
Reims , C[ui s'ouvrit au mois d'octobre. Parmi les prélats cjui
s'y distinguèrent le plus , on remarque le cardinal Gonon ,
qui , au rapport d'Orderic Vital , fit l'ouverture du concile Ord. vital ,
£2 liL.XII,p.858.
36 CONON, GARD. ÉVÈQ. DE PALESTRINE.
XII SIECLE, pai- un discours sur les devoirs des pasteurs envers les
peuples, et fut un des prélats choisis pour discuter les ques-
tions qui devaient y être proposées : Hi niininini prœ
ornjiibus aliis quœstioncs suhtiliter discutiehant , etmirâeru-
ditione imbiiti, responsa uhertiin proferehant.
Labbe, Concii. j^^ Pape s'était flatté qu'il terminerait dans ce concile la
t. X, col. 875. 11 '^ 1 • • ^ Ti • • ' i> 11'
querelle des investitures. 11 avait quitte 1 assemblée pour
aller jusquà Mouson au-devant de l'euipereur, qui devait
ratifier dans une conférence des propositions d'accommode-
ment , lesquelles semblaient ne laisser plus d obstacle à une
reconciliation. Mais s'étant aperçu qu'on n'agissait pas de
bonne foi avec lui , il reprit le chemin de Reims , où , en termi-
nant le concile, il lança l'excommunication contre l'empereur.
Il partit ensuite pour l'Italie , laissant en France l'évêque de
Palestrine, pour continuer sa légation.
Labbe , iôiW. Ce fut Cil Cette qualité qu'il tint un concile à Beauvais,
col. 882. jg jg octobre 1120. Quoiqu'on voie, par la vie de Saint
Arnoul , évêque de Soissons, que de grandes affaires y furent
traitées, nous n'en connaissons que ce qui a rapport à la
canonisation de ce saint personnage. Mais, dans un concile
au'il convoqua à Soissons l'année suivante, il fut question
"une affaire bien différente. Un homme célèbre dans son
temps par ses talens , ses faiblesses et ses malheurs , et qui
encore aujourd'hui inspire quelque intérêt, Abélard fut le
principal objet de cette assemblée, dont il a tracé lui-même
l'histoire en ce qui le concerne.
Hist. littér. Nous lie répéterons pas ce cjui a été dit à son sujet dans
t. XII, p. 93 et iç volume précédent de notre histoire. Nous dirons seule-
^'^T II i-j nient qu' Abélard donne à entendre que le légat n'était pas
Labbe, ibid. . ^ / i i ■- i ' i • /~P "■
col. 887. fort verse dans les matières theologiques. Un peut croire
que c'est l'orgueil humilié qui a dicté ce jugement, car
Orderic Vital, comme on l'a vu plus haut, nous donne du
légat une idée toute différente.
Le pape Calixte s'étant rendu maître de la personne de
l'antipape Burdin , les négociations pour l'extinction du
schisme et pour la paix avec l'empereur ne tardèrent pas à
se renouer. Ces cii'constances rappelèrent le légat auprès
du souverain pontife ; mais il n'eut pas la satisfaction de voir
conclure cette paix si désirée, et pour laquelle il avait tant
travaillé : la mort le surprit à Palestrine, le 9 août, non de
Gosse, iiist. l'an II 17, comme on lit dans Bollandus , mais de 1122,
d'Arr. p. 410. ' ^ ^ '
CONON, GARD. ÉVÊQ. DE PALESTRINE. 87
Î)eu de temps avant que les préliminaires de la paix avec ^n SIECLE,
'empereur eussent été signés dans l'assemblée de Worms,
le 8 septembre suivant.
Pendant ces funestes altercations , Conon s'acquit , au Baron, ad an.
jugement du cardinal Baronius, une gloire irnmortelle, dans "'*•
un temps où l'église romaine éprouvait tant de violences :
« Dieu permettant, dit-il, que ce qui mancpiait de vigueur ^
« dans le chef, fut compensé dans les membres. » Il est
certain que Conon déploya dans ce conflit un grand carac-
tère , et une fermeté à toute épreuve ; mais on est fâché de
le voir toujours armé d'anathêmes , et répandre à pleines
mains les excommunications. Nous pensons que c'est abuser
du pouvoir des clefs, que de l'employer dans la discussion
des matières politiques; mais la ndélité de l'histoire exige
qu'on rapporte les choses comme elles se sont passées. On
est étonné qu'en France on ait permis au légat Conon de
prodiguer les excommunications contre l'empereur d'Alle-
magne, dans une affaire qui touchait aux intérêts de tous
les souverains : mais tel était alors l'empire de l'opinion
fondée sur les fausses décrétales. Peu de gens étaient en état
de s'élever au-dessus des opinions reçues ; les meilleurs
esprits payaient le tribut à leur siècle. Ives de Chartres, qui ivonis ep. 236,
connaissait les principes et les anciens canons mieux que
les autres, n'en fut pas tout-à-fait exempt; il regardait le
privilège des investitures, accordé à l'empereur par le pape,
comme une prévarication excusable par son motif, mais il
n'avait garde de taxer, comme tant d'autres, cette conces-
sion d'hérésie.
SES LETTRES OU DÉCRETS.
En faisant l'histoire du cardinal Conon , nous avons déjà
indiqué la plupart de ses lettres que les ravages du temps
ont épargnées. Il ne reste plus qu'à mettre sous les yeux du
lecteur les endroits des livres où l'on peut les trouver.
1° Le continuateur du Recueil des historiens de France Bouqnet ,
en a publié quatre qui n'avaient pas encore vu le jour. Elles ^' ^^^' P- ^°9
sont intéressantes pour l'histoire de l'église de Metz, soumise
alors à l'Empire, en ce qu'elles nous font connaître l'état
de ces contrées pendant la querelle des investitures.
2*^ On trouve de lui un décret publié par D. Mabillon , Mab. Annal.
^ t.V,p. 694.
38 ARNAUD, ABBÉ DE S.-PIERRE-LE-VIF.
XII SIECLE, portant décision d'un procès entre l'abbaye du mont Saint-
Quentin , et celle de Saint -Vast d Arras.
Antiq.fieBeau- 3° Pierre Louvct cu rapporte un autre en faveur de
vais, 1. 1, p. 620. l'abbesse de Saint -Paul de Beauvais contre les chanoines
de Milli.
Spicii. in -fol. 4° Nous dcvons à D. Luc Dachéri la connaissance d'un
t. II, p. 5i3. décret de lëvêque de Palestrine, portant excommunication
de quelques satellites du comte de Nevers, pour avoir com-
mis des violences contre les moines de Vézelai, sujets immé-
diats du Saint Siège.
Spicii. ihiâ. 50 Ljj même Dachéri a publié une lettre de Conon à
P" ^^^' Josceran, évêque de Langres, dans laquelle il se plaint du
déni de justice qu'éprouvait, de la paît de ce dernier, l'abbé
de Saint-Pierre-le-Vif, à Sens.
Mariene,Ainpi. 6° Nous avous déjà dit qu on contestait au légat Conon
coll. t. I, col. jg (Ifoit d'excommunier l'empereur, qui, disait-on, n'était
004. . •■11 f^ - 1 ^ ^ .1 ' ■ 1
pas son justiciable. Lonon repond a cette allégation dans
une lettre à Frédéric, archevêque de Cologne, publiée par
D. Martene.
Boii. i3 janu. 7° Oii attribue encore à Conon l'épitaphe du bienheureux
p. 83'.. Heldemare, qu'on ht dans BoUandus et dans le Gallia
t. ni, col 43*4! Christiana ; mais le dernier historien de l'abbaye d'Arrouaise
Gosse, p. i3. estime qu'elle est l'ouvrage d'un écrivain postérieur. B.
««^v«>v«'^«'
ARNAUD,
ABBÉ DE S.-PIERRE-LE-VIF, A SENS.
U N grand zèle pour enrichir de livres la bibliothèque de
son monastère , et quelques lettres qui nous restent de cet
abbé, nous autorisent à lui consacrer un petit article dans
cette histoire.
Spicii. in -fol. Résolu d'abdiquer la prélature de son monastère, cju'il
in, p. 484- avait gouverné clepuis l'an 1096 jusqu'à 11 23, il fit dresser
le catalogue des livres qu'il avait procurés à .sa bibliothèque,
en remplacement de ceux qu'un incendie, arrivé Tan 1093,
ARNAUD, ABBÉ DÉ S.-PIERRE-LE-VIF. 89
avait détruits. Ce catalogue n'est pas bien long; il ne contient ^H SIECLE,
que vingt articles; iliais il est curieux en ce qu'il nous fait
connaître dans quel ordre on lisait alors l'écriture sainte à
l'office fie la nuit, et quels étaient les ouvrages des pères
qu'on y entremêlait. Labbé Arnaud mettait tant d'impor-
tance à la confection de ses livres, qu'il préparait lui-même
le parchemin , le distribuait ensuite à ses copistes ; mais ,
plus soigneux encore de les conserver, il fit dresser ce cata-
logue, pour servir li les retrouver, s'ils venaient à s'égarer.
Il était d'ailleurs défendu, sous peine d'excommunication,
de les vendre , et même de les prêter au-dehors à qui que .
ce fût.
2° Lettre d'Arnaud à Daimbert, archevêque de Sens, dans Baïuz.Misceii.
laquelle on voit qu'étant en procès avec ce prélat , Arnaud t- VI , p. 430.
avait fait le voyage de Rome, peur se plaindre des vexations
qu'il éprouvait de sa part, et que le pape, faisant droit à
ses griefs , avait enjoint au légat Hugues , archevêque de
Lyon , de lever les excommunications , et de prendre con-
naissance de l'aftaire. Baluze rapporte cette lettre , ainsi
qu'une autre du légat à l'archevêque Daimbert, à l'an i lo/j;
mais le continuateur du Recueil des historiens de France Bouquet ,
prouve qu'elles ne peuvent être que de l'an logg. t. xiv,p. yg";.
3° Le roi Louis -le -Gros étant en guerre avec le roi
d'Angleterre , et Thibaud , comte de Chartres , donna ordre
à l'abbé de Saint-Pierre-le-Vif de fortifier le faubourg où est
situé ce monastère, et de veiller à sa défense. — Le même Bouquet, t. XV,
prince ayant demandé à l'abbé un emplacement pour can»- P' ^^3;
tonner les lépreux de la ville, Arnaud lui représente, au
nom des religieux, cpe le voisinage de ces pestiférés, beau-
coup trop multipliés , leur était devenu insupportable et
dangereux : il prie le roi d'approuver la mesure cju'il avait
prise , de concert avec l'archevêque ; de les transférer
ailleurs. Ces deux lettres ont été publiées pour la première
fois dans le Recueil des historiens de France. Spicil. in- foi.
4° Lettre d'Arnaud à Josceran , évêque de Langres, rek- P- 482.
tive à un procès qu'il avait avec les abbés de Molême et de
Réomé, ou Moûtier -Saint- Jean , au sujet de la dîme et
du fief {censwn) des Ricei et de Pouilli , qu'ils avaient acquis
des comtes de Montbar , quoique ces objets eusseï t été
donnés auparavant au monastère de Saint-Pierre-le-Vif. —
Une autre lettre à Bernard, abbé de Moûtier-Saint-Jean ,
est i-elative à la même affaire. B.
4o AUTEUR ANONYME
XII SIECLE.
ANONYME,
AUTEUR D UNE PASSION DE jÉSUS-CHKXST EN VERS.
^"7209, gr. tJ N manuscrit Français de la Bibliothèque impériale,
in-fol. dont l'écriture paraît de la fin du XIIP ou du commence-
ment du XIV^ siècle , contient , entre autres pièces du XIF,
une Passion de J. C. en vers (a). L'auteur n'est point nommé;
et le titre , écrit en rouge , est ainsi conçu :
Ceste est la Ystoire dou nostre Seignor Yhesiis Ciist , et
cornent il soji/ri passion et tonnent et mort por sain'ement
de la humaine généracion, et por gieter les armes (âmes)
hors dou limbe d'enfer qui estaient enténébrés.
L'ouvrage contient i442 vers; en voici le commencement :
Celi qe sa qe tôt est nient
Se no à servir au roi omnipotent
M'a fait garder en ma mémoire
Dont ai eslit toutes les jstoire
La plus veraie et la meilor ;
Ce est celle dou nostre Seignor
Yhesu Crist le douz fil Marie , etc.
Aisi com l'ai apris en la scriture,
L'ai mis en roman tout à droiture,
Por la membrance d'une pucelle
Qi est moût franche , cortoise et belle.
On croirait ici que ce n'est point un simple mouvement
de piété qui porte l'auteur à entreprendre cet ouvrage, et
que c'est aussi l'envie de plaire à sa dame ; mais on voit ,
par les vers suivans, que cette dame n'est autre que la Vierge
Marie.
Ce est ma Dame de cui hom sui ,
La ne vois (b) , la sage , et por cui
Auront les buens joie et confort
De garantir ses armes da mort.
, (a) Elle commence xu folio aa verso ^ et finit au bas au folio 60 verso.
{b) Ces mots sont ainsi dans le manuscrit; mais ils ne p;'ésentent aucun sens.
D'UNE PASSION DE J. C. 4i
L'auteur remonte d'abord jusqu'à la création du monde , Xll siècle.
mais il s'interrompt bientôt, pour entrer dans son sujet.
De tôt en primier il fist les Angles ,
Ou les Chérubins, et les Archangles,
Por chanter la grant doucor
Del père et dou fil cascun jor.
Et pois créoit-il tôt le monde
Itant com il veit à la réonde.
Et de ce me voil-je taisir,
Qe il fist tôt qant li fu à plaisir,
Qe trop seroit longe niatire
A reconter tôt et à dire , etc.
La vie même de Jésus est fort abrégée; mais, parvenu à
la Passion, l'auteur en raconte toutes les circonstances. Il
finit par cet épilogue , précédé de quatre vers latins rith-
iniques , qui sont rimes à l'hémistiche et à la fin :
Hic finitur Passi'o nostri Sahatotis
Nostra est redemptio pena creatoris
Ipsa resurectio lux existât rohoris
Pro qiiam justa concio i>itat iter netnoris.
Ci por fenist la grant ystoire
De Yhesu Christ le roi de gloire ;
Cornant il fu pris et liez,
Ses mans , ses piez fu encloez ,
D'au destre laht (côté) il fu feruz
Sus en la croiz dais niescreuz.
Et por nostre rédemption
Il soufri mort et passion ;
Com il est voir (vrai) et je le croi
Hé ! sire Diex , saintisnie roi ,
Perdonez moi toz mes péchiez
Et me gardez d'aversitez.
Rien dans le manuscrit, ni dans aucune partie de l'ou-
vrage, ne peut servir à en fixer la date; le langage seul
indique qu'il est du commencement du XIP siècle, et on ne
le croit pas postérieur à ii25. G.
Tome XIII.
Xn SIECLE.
GUILLAUME IX,
COMTE DE POITOU, ET DUC D'AQUITAINE.
SA VIE ET SES ÉCRITS.
On trouve déjà sur Guillaume IX («) un article assez
p. S; -44. étendu, dans le volume XI de cette histoire, mais il y
est sur-tout considéré comme personnage historique. Il le
sera principalement ici sous le point de vue littéraire.
C'est à ce prince que l'on fait remonter l'origine de la
poésie provençale , parce cpi'il est le premier dont quelques
productions soient parvenues jusqu'à nous. Né en 1071 , il
Giuntaaiievite n^Qm^ut cu II 27. Crcscimbeni dit qu'il florissait, et il
te/i^aïf ^'°" serait plus exact de dire qu'il commençait à fleurir en i loo;
mais il est vraisemblable que la poésie provençale était née
vers le milieu du siècle précédent , temps où la langue com-
mençait à se perfectionner , et à devenir susceptible des
formes et des combinaisons poétiques. A cette époque ,
de fréquentes communications s'étaient établies entre le
midi de la France et l'Espagne , dont la reine ( Constance ,
épouse d'Alphonse VI) était française. Alors aussi les Arabes,
ou Sarrasins, cjuoique vaincus par les Espagnols, avaient
gardé à Tolède leurs écoles pour les sciences et l'exercice de
leurs arts. Huet {b) et Massieu (c) en France, Le Quadrio (r/)
en Italie, et plusieurs autres auteurs, ont reconnu que ce fut
des Arabes que la rime passa aux Provençaux , qui nous
l'ont transmise. Les Troubadours imitèrent des Arabes autre
chose encore que k rime : ils leur durent aussi la forme de
quelques morceaux de poésie, et quelques usages observés
chez les deux nations parmi les poètes , comme l'abbé Andrès
le prouve dans son Histoire générale de la littérature (e).
(a) Il n'est guère désigné dans les manuscrits que sous le nom de
Coms de Pcityeu. — [U) Lettre à Segrais sur l'origine des romans. —
(c) Hist. de la poésie française, Paris, 1739, in-12, p. 82. — [d) Storia
e ragione d' ogni poesia, tom. VI, lib. II, p. 299. — [c) Origine, pro-
gressi e itato attuale d' ogniletteiatiira ^ Parnia, 1782 , in-4", t. I, chap. XI.
GUILLAUME IX, COMTE DE POITOU. 43
Les premiers essais poétiques des Provençaux furent sans ^^ SIECLk.
doute imparfaits et grossiers , comme l'ont été ceux des
nations les plus célèbres dans les lettres : sans doute aussi
l'on dédaigna de recueillir et de conserver ces essais informes;
et il ne fallut pas moins d'un demi-siècle d'exercice de l'art,
pour qu'il parvînt au degré de perfection que l'on reconnaît
dans les poésies de Guillaume IX. « On remarque , dit l'abbé
« Millot , dans les vers de cet illustre troubadour , une jnst. liu. des
ce facilité, une élégance et une harmonie dont les premiers Troubadours ,
«essais de l'art ne sont point susceptibles 3). Quant à la t^'i'-' •
licence qui y règne , il fout l'attribuer en partie aux moeurs
de son temps , et peut-être encore plus aux siennes.
Tous les auteurs qui ont parlé de lui l'ont représenté
comme doué de tous les avantages de la figure, de la valeur
et de l'esprit, mais d'une corruption de mœurs scandaleuse
même dans ce siècle , où la corruption était extrême ; d'un
caractère ouvert et enjoué, mais trop sujet à avilir, par de
basses bouffonneries , sa dignité de prince et son talent. On
conserve encore à Niort la tradition d'un trait de libertinage
unique peut-être dans son genre. Guillaume y avait fait
bâtir, pour son usage, une maison de débauche, en forme
de couvent, divisée en cellules, gouvernée par une abbesse,
ou prieure, et oii toutes les sortes de prostitutions étaient
soumises, comme le sont les exercices monastiques, à des
pratiques régulières. On l'a accusé d'avoir répudié sa femme
Philippe, dite Mahauld , ou Mathilde, et d'avoir épousé, du
vivant même du vicomte de Chàtelleraud , Malberge, femme
de ce seigneur. On dit que l'évêque de Poitiers voulut punir
cet adultère, et commenta , en présence du comte, la formule
d'excommunication. Guillaume le menace de son épée ;
l'évêque demande un moment , comme s'il eut voulu se
rétracter; il en profite pour achever la formule : Frappez
maintenant ^ dit-il, ye suis prêt. — Non, répond le prince,
Je ne t'aime point assez pour t'erwojer en paradis ; et il l'en-
voya en exil.
Cette excommunication est attestée par la chronique de
lillesais, sous l'an iii4'» et par une lettre de Geoftroi de
Mailles
Yo)'. Lahbe .
Vendôme au pape Paschal II ; mais ni l'une ni l'autre ne par- Bibiioih. mss
lent du sujet de l'excommunication. Besli , abbé de Vendôme, '' ^' ''' ^'' '
n'a rien dit de l'excommunication même , dans son Histoire
de Poitou , sans doute parce que le motif, quel qu'il soit , de
cette censure ecclésiastique aurait contredit les éloges qu'il
Fa
44 GUILLAUME LX, COMTE DE POITOU.
xil SIECLE, donne au comte Guillaume, même sur le chapitre des mœurs.
La notice qui précède les poésies du Comte, dans les manus-
crits provençaux , est plus sincère : elle convient qu'il était
grand trompeur de dames, qu'il courut sans cesse par le
monde, cherchant des dupes de sa coquetterie , mais que du
reste il sut bien trouver, et bien chanter. D'ailleurs, l'obscénité
de ses vers dépose assez des désordres de sa vie. Il n'en avait
pas moins cédé à la manie dévote de son siècle, en partant
pour la première croisade , laissant ses terres et son fils
encore enfant à la garde du comte d'Anjou , son cousin , et
les recommandant ta la protection du roi. Dans cette expé-
dition , où les croisés firent tant de fautes et de folies , on
doit penser que Guillaume ne fut pas celui qui en fit le
moins. Il eut le bonheur de revenir dans ses états vers la fin
de 1 102; il chanta les fatigues qu'il avait éprouvées, et les
dangers qu'il avait courus , dans un poème qui s'est perdu ,
et que Crescimbeni désigne sous le titre de Voyage de Jéru-
v\>\ supra, salent.
Orderic Vital , cpi avait lu ce poème , dit que l'on y
recoimaissait la gaîté naturelle de l'auteur , malgré la tris-
tesse d'un sujet si propre à l'éteindre. Dans une pièce cju'il
avait composée à son départ pour la Croisade , il prenait au
contraire un ton sérieux, et même dévot, plus convenable
à la circonstance où il se trouvait qu'à son caractère. Il y dit
adieu au Limousin , au Poitou , aux vanités du monde , à la
chevalerie qu'il aimait tant, c'est-à-dire, non pas aux dan-
gers et aux travaux de la chevalerie , mais aux plaisirs et aux
fêtes qui en étaient le délassement et la récompense.
Aissy lays tôt quant amar suelh
Cavaleria et crguelh
Et de drap de color me tuelh
E bel causai- e sembeli.
C'est dans cette pièce qu'il confie ses états et son fils à son
cousin le comte d'Anjou, et au roi. Il craint qu'en son ab-
sence , voyant ce fils jeune et faible , on ne lui déclare la
guerre.
Sil pros coms d'Aiigieu nol' socor
El bon rey de cuy ten honor
Guerre farlan siey sordeior,
Quan lo veiran jouen et meschi.
GUILLAUME IX, COMTE DE POITOU. 45
II finit en se jetant dans les bras de Dieu qu'il implore, xn siècle.
dit-il, en roman (c'est-à-dire, en langue vulgaire) et en
latin ,
Et en romans et en lati.
Mais, au retour, la joie d'avoir échappé à tant de périls, et
de se retrouver au milieu des siens, lui avait rendu l'essor
et la gaîté de son esprit.
Dans l'une des pièces libres qui restent de lui, il raconte
une aventure qu'il pi'étend lui être arrivée en voyage avec
deux dames qui ne le connaissaient pas, et qui se livrent à
lui en toute confiance, parce qvi'il leur fait croire qu'il est
muet. Cette pièce, connue en 1667 par un ouvrage de Rerum Aquita-
Hautcserre , pourrait jjien , selon l'abbé Millot , avoir '"ca"^"™-
servi d original a Palaprat , qui s'applaudissait d'avoir changé
'l'Eunuque de Térence en muet, pour l'accommoder à notre
théâtre ; mais , sans connaître cet ouvrage de Hauteserre et
la pièce du comte de Poitou, Palaprat pouvait avoir pris
cette idée dans leMazet deBoccace, cjui lui-même l'avait peut-
être tirée de cette pièce , insérée dans l'un des recueils de
poésies des Troubadours, assez communs alors en Italie, où
l'on en faisait beaucoup de cas. Mais , au reste , il est peu
vraisemblable que Boccace ait pris le sujet de son conte dfans
celui-ci. Les détails n'ont entre eux aucun rapport, si ce
n'est l'idée de contrefaire le muet, et encore avec quelques
différences : Mazet feint de l'être complètement ; au lieu ciue
le héros de l'aventure provençale fait entendre des paroles
confuses , dépourvues de sens , et qui ne sont qu'une espèce
de brédouiilement ,
Tarrababart
Marrababelioriben
Saramahart.
Ces dames lui font aussi subir une très -rude épreuve,
dont les nones de Boccace ne s'avisent pas : elles vont cher-
cher le chcit de la maison, le glissent dans le lit, le tirent
par la queue, et l'excitent à déchirer le prétendu muet des
giiffes et des dents, depuis la tète jusqu'aux pieds.
Derreire ni'aportero'l cat
Mal e fello
Ed escorgeron me del cap, ,
Tro al talo.
46 GUILLAUME LX, COMTE DE POITOU.
XII SIECLE. La pièce est terminée , comme il arrive souvent , par une
strophe que le poète adresse à son jongleur. Elle est d'un
bon ton de plaisanterie. Tu iras , dit-il , dès le matin porter
mes vers à ces deux dames , et les prieras , pour l'amour de
moi , de tuer leur chat^
E (liguas lor que pcr m'amor
Aucizo'l cat.
Dans d'autres chansons, où le comte se félicite de ses
bonnes fortunes , il ne manque pa^ d'en remercier Dieu et
M. Saint Julien,
Dieus en lau e sanh Julia.
Ce dernier sur-tout était le patron qu'on invoquait, et que
l'on remerciait en pareil cas. Dans 1 origine , c était seule-
ment pour obtenir , ou pour avoir oljtenu un bon gîte :
ce qui conduisit à le prier aussi pour cet autre genre d'hos-
pitalité.
L'exemple le plus ancien peut-être de l'emploi des Fées ,
dans la poésie moderne , se trouve dans une chanson du
comte de Poitou. Il y parle de la légèreté de ses inclinations,
et de la diversité de ses penchans , et dit pour excuse :
Aissi fuy de nueitz fadatz (a)
Sobr lin puegau (i6).
« Je fus ainsi doué par les Fées , la nuit sur une mon-
tagne (c) ».
Guillaume parle , dans une autre de ses pièces , des ten-
sons , ou Jeux partis , sortes de dialogues impro^^sés , dans
lesquels deux troubadours s'attaquaient et se répondaient
en vers , au milieu d'assemblées nombreuses , et devant des
seigneurs et des dames , qui donnaient un prix à celui des
deux qui avait montré le plus d'esprit et de talent. Ces jeux
(a) Les Italiens ont conservé ce mot , et disent fatato dans le même
sens. — {f}) On dit encore en Auvergne un ^«;^- pour une montagne. —
(c) Mallet, Introduction à l'histoire du Danemarck , et, d'après lui,
Warton , Hist. of english poetrj , donnent pour origine aux Fées les Val-
kyries des Scandinaves, lesquels répandirent ces fictions lors de leurs
incursions et de leurs conquêtes dans les Gaules , aux IX'' et X*' siècles.
AUT. ANON. DES COUTUMES DE LAON. 4;
d'esprit assez difficiles existaient donc dès le temps de notre xil SIECLE.
f)oète; et c'est une raison de plus pour croire que, s'il est
e premier dont on ait conservé des vers, il fut cependant
Précédé de plusieurs autres troubadours , et qu'il trouva
art tout formé. G.
ANONYME
AUTEUR DES COUTUMES DE LA VILLE DE LAON.
Lj'établissement des 'communes est un des événemens les
plus importans du douzième siècle. Nous ne l'envisaireons
pas ici sous les rapports politiques ; ils sont étrangers à une
histoire littéraire : la matière d'ailleurs a été traitée avec
autant de clarté que de profondeur par le savant auteur du
discours préliminaire du onzième volume des Ordonnances
de nos rois. Mais nous ne pouvons passer sous silence un
des plus anciens monumens , écrits , de l'effet des lumières
et des principes de la législation ; la charte accordée par
Louis VI, en 1128, à la commune de Laon, charte qui
devint le modèle ou la règle de beaucoup d'autres que les
villes obtinrent de la justice des rois. Elle-même, à ce que
prétend Guibert, abbé de Nogent-sous-Coucy, auteur con- DeVitâsuà,
temporain, avait eu celle de Noyon pour modèle. Amiens, ''^iii'P- 5o4.
Beauvais , Saint-Quentin , Soissons , etc. reçurent , à-peu-
près vers le même temps , des concessions semblables. Celle
de Reims, donnée en 11 38, le fut expressément ad modum Voy. Marlot,
communiœ laudunensis. f- ^i^ P ^^G.
Il est rare , en général , de bien connaître l'auteur de ces
sortes d'ouvrages. Des incertitudes s'élèvent encore sur ceux
à qui nous devons véritablement l'idée et même la rédac-
tion des travaux les plus considérables sur les lois , faits
vers cette époque, ou sous les règnes suivans. Ordonnés ou
adoptés par les rois, soit pour un lieu, soit pour l'état tout
entier, ils ne nous parviennent d'ordinaire que sous le nom
du lieu auquel il furent destinés, ou sous le nom du prince
48 AUTEUR ANONYME
XII SIECLE, qui les consacra par son autorité. Le rédacteur des Cou-
T. Yii,p. 287, tûmes de Laon nous est inconnu; mais ces coutumes
etc. subsistent, et plusieurs écrivains les ont recueillies; Baluze,
p. 481, cic. entre autres, dans ses Miscellanea ; d'Achery, au tome III de
son Spicilége, édit. in-fol. (tome XI de ledit. in-4°), et Bre-
quigny, tome XI de la collection des Ordonnances, pages i85
et suivantes. Elles subsistaient même avant que Louis VI
les proclamât par des lettres de 1 1 28 , que 1 on regarde
ordinairement comme l'époque de leur institution. Mais
l'évêque et les nobles s'étaient armés contre leur établisse-
ment même; le peuple aussi s'était armé pour leur lésister;
les troubles, long- temps prolongés, s'appaisèrent enfin; et
Louis-le-Gros donna ces lettres, qui reconnaissent ou con-
firment les droits réclamés par les bourgeois de Laon. Il
appelle cet acte institutio pacis , mots qui peuvent indiquer
l'établissement d'une commune sous certaines lois ; pax
désignait alors assez souvent un territoire, une banlieue; il
a ce sens dans plusieurs articles de la même loi : mais les
circonstances tumultueuses où la ville s'était tiouvée peuvent
laisser croire que c'est ici particulièrement le rétablissement
p. vin. Voir de la paix, que le roi veut et désigne par institutio pacis,
ssi la notée, commc le i^cmarquc l'auteur du discoui's dont nous avons
,85duu.x,e. p^^j.l^^
Les statuts , ou lois de paix , donnés à la commune de
Laon , sont au nombre de vingt-deux articles , rédigés ,
comme le préambule l'annonce, du consentement des nobles
et des bourgeois. Les premiers de ces articles contiennent
principalement des dispositions sur les crimes commis, sur
la manière de les poursuivre et de les punir. Les effets de la
vengeance privée troidjlaient encore fréquemment l'ordre
public ; la loi défend à tout homme d'en arrêter un autre ,
sans l'intervention du juge; si le juge est absent, on pourra,
jusqu'à son retour, garder chez soi le préveini, ou le faire
conduire dans la maison de ce juge même. Tout habitant
accusé d'avoir fait tort à qui que ce soit , noble , ecclésias-
tique, marchand, ou autre, doit venir s'en justifier devant
le maire et les jurés ou syndics de la commune, subir une
peine pécuniaire, s'il ne se justifie pas, sinon quitter la ville
et son territoire, ou bien il pourra être détenu jusqu'à ce
qu'il ait payé la somme imposée. Si l'accusé habite ordinai-
rement un autre lieu, le maire et les jurés le poursuivront
devant son seigneur, et se feront justice eux-mgmes, s'ils
aussi
P
DES COUTUMES DE LAON. 49
ne l'obtiennent pas dans un temps déterminé. Si l'amende xii siècle.
est refusée par une personne à laquelle on aura dit ou fait
une injure, son refus ne l'autorisera , ni à réclamer luie
autre punition, ni à se venger elle-même. S'il y a blessure,
celui qui en sera l'auteur paiera les frais de la maladie. Si l'on
est accusé d'avoir frappé, blessé, ou tué son ennemi, dans la
commune , ou dans sa baidieue , on devra se purger avec ser-
ment de l'accusation , par le jugement de Dieu ; si le délit a
été commis hors du territoire, et que l'existence en soit
prouvée par des témoins dignes de foi, le coupable paiera
vie pour vie , membre pour meml^re , ou rachètera ses mem-
bres et sa vie par une somme d'argent que fixeront le maire
et les jurés. Ceux-ci chercheront tous les moyens d'assurer
l'accomplissement de la justice envers un plaignant à qui
elle aurait été refusée par le seigneur du lieu où le délit
aurait été commis, si l'objet de la plainte est un crime
capital. Ils feront justice aussi , dans le cas de vol , si elle
n'est pas faite par le seigneur de la terre où le voleur aura
été pris.
Tel est l'objet des sept premiers articles de la concession
de Louis-le-Gros. Le huitième pardonne, à quelques excep-
tions près , tous les excès commis pendant les troubles , et
avant la présente loi ; il rétablit dans levirs possessions tous
les bourgeois qui en avaient été privés. Les obligations des
censitaires envers leur seigneur sont réglées dans le neu-
vième article , et le quatorzième dit h quelle condition seule-
ment ils pourront être admis dans la commune. Les mariages,
les dots , les successions , sont l'objet du dixième et du
treizième. Le onzième veut que, si une personne i>i/is et
inhonesta dit des injures grossières à une femme, ou à ce
qu'il appelle aussi honestus vir , tout citoyen de la commune
ait le droit de l'en punir à linstant même par quelques
soufflets.
Le droit de main-morte est aboli par le douzième article.
Le quinzième exige que tout homme qui sera admis dans la
commune, y apporte ou y acquièie dans l'année une pro-
priété suffisante , pour aue la justice puisse être exercée
envers lui, dans le cas où il s'élèverait dfes plaintes fondées.
Le seizième admet à se justifier par serment celui qui nierait
avoir ouï le ban de la ville.
Les o!)ligations du châtelain , la manière de payer la taille,
les poursuites, à exercer contre les ecclésiasticjues et les
Tome XIII. G
5o LOI DE VERVINS.
XII SIECLE, seigneurs, sont réglées par les articles suivans ; on y garantit
aux habitans qu'ils ne pourront être contraints à aller
plaider hors de la commune, pour quelque affaire que ce
puisse être ; enfin , ils promettent au i^oi , pour prix des con-
cessions qui leur sont faites , que , sans compter le service
militaire, ils lui payeront annuellement ti'ois droits de gîte,
évalués à vingt francs , dans le cas oii le roi n'exigerait pas
personnellement cette redevance.
Un vingt-troisième article termine ces lettres; il exprime
une réserve, commune dans ces sortes d'actes, des droits
généraux du prince , de ceux des évêques , des ecclésias-
tiques, et des seigneurs.
Les lettres de Louis -le- Gros sont datées, comme nous
l'avons dit, de lan 1128, et de la vingtième année de son
règne. Elles furent données à Compiègne, et portent, outre
la signature du roi, celle de Philippe, son fils aîné. On sait
que ce malheureux prince mourut peu de temps après, et
qu'avant sa mort, son père l'avait associé au trône, et fait
sacrer à Reims. P.
LOI DE VERVINS.
Bibl. française, J_jACROix du Maine pai'le d'un livre écrit en vieux langage,
p./, et 467. gj. ij^^j^j^ig . /^ i^qI (Iq peivins, au pays de Thiérarche, en
Picardie , contenant un formulaire de justice , tant civile
que criininelle. Il ajoute que ce livre n'a pas été imprimé,
et qu'il y en a un exemplaire manuscrit dans la bibliothèque
de François de l'Alouette, bailli du comté de Vertus, et
f)résident de Sedan, auteur d'une histoire généalogique de
a maison de Coucy et de Vervins. Lacroix du Maine attri-
bue cette loi à Thomas de Coucy, de la fiimille illustre de
ce nom, lequel florissait sous Henri F'", l'an 1080, ou
environ. Cette époque est inexacte; car Thomas, seigneur
de Coucy et de Marie , d'après l'historien particulier de cette
p. G6,auxnot. maison, dom Duplcssis, ne succéda qu'en 1 1 16 à Enguerran,
Hisi. lit. t. MI, son père, et il mourut en i i3o : la loi de Vervins doit être
p "s^^t 2/^' à-peu-près de ce temps. II est, par conséquent, plus inexact
encore de prétendre;, comme l'a fait Boulainvilliers , dans
MATTHIEU, CARDINAL EVEQUE D'ALBANO. 5i
son Histoire de l'ancien gouvernement de la Erance , qu'elle xil SIECLE,
est du milieu du XP siècle. D'un autre côté , le savant „, I
auteur du Discours préliminaire du onzième volume de la
collection des Oi'donnances de nos rois, en retarde trop
l'époque, cjuand il la place à la fin du XIF siècle. On peut Page xiv.
voir au reste ce qu'il a écrit lui-même sur l'opinion qu'il
avait d'abord énoncée , dans un éclaircissement joint à sa p. 6G et G7.
f)réface. Vervins n'avait passé à la maison de Coucy que par Duchesne ,
e mariage de Thomas, premier du nom, avec Méîisende de Hist. gén. de la
Crécy ; Méîisende n'avait été que sa troisième femme , et le p'^lsq ^ °^'^^'
mariage avec la seconde ne fut dissous que vers 1 108.
Pierre Desfontaines parle de la Loi de Vervins, et, d'après
lui , Choppin , dans son ouvrage sur la Coutume d'Anjou.
Ils annoncent également que c'est une des plus anciennes
lois coutumières de Fivmce , et qu'à Lille , et en d'autres
lieux de Flandre, elle était le supplément ordinaire des lois
particulières du pays, quand celles-ci n'avaient pas fourni la
règle de décision pour des cas qui se présentaient. De cette
Loi de Vervins, consistant en statut de règlement d'éche-
vinage et police des villes , dit Choppin , les habitans de
Saint-Dizier sont tenus d'user précisément par leur charte
ancienne de Guillavime de Dampierre , leur seigneur , et
comte de Flandre, qui vivait en 1220.
Dans le procès-verbal des Coutumes de Laon , imprimé
au tome II au nouveau Coutumier général, il est fait mention
plusieurs fois de cette ancienne Loi de Vervins , et notam-
ment dans les observations sur le trente-troisième article,
sur le soixante -quatorzième, sur le quatre-vingt-cincpiième,
et sur le quatre-vingt-quatorzième. P
MATTHIEU,
CARDINAL ÉVÉQUE D'ALBANO.
SA VIE ET SES ÉCRITS.
V^uoiQUE le cardinal Matthieu ait composé des écrits dont
le judicieiix Hugues d'Amiens , archevêque de Rouen , qui a
G2
52 MATTHIEU, CARDINAL ÉVÊQUE D'ALBANO.
XII SIECLE, enrichi la littérature du moycH âge de tant de productions
~ j^j^^jp^p de sa plume , taisait beaucoup de cas , comme il le témoigne
Anec.l. t.v,col' dans une de ses lettres à Matthieu : unde et scripta vestra
9S3. l(ptl susciphnus , et i^obis nosti-a dirigimus et emendanda
coviinittimus ; cependant les re'dacteurs de cette histoire,
qui nous ont précédés dans la carrière c{ue nous parcourons,
se sont dispensés de faire un article sur le cardinal Matthieu ,
Hist. iiit.fr. parce que, disent-ils, ils ne connaissaient point d'écrit de
t.x,pivf. p. 3 i^i ^ ou qu'on put lui attribuer. Par la même raison, ni
*^''*" Oudin , ni Fabridus, ni D. Rémi Ceillier, ne lui ont donné
place dans leurs catalogues fies auteurs ecclésiastiques , sans
faire attention que des écrits qu'on croyait perdus , ou dont
on n'avait aucune connaissance , peuvent se retrouver. C'est
ce qui est arrivé plus d'une fois ; et , à l'égard de ceux du
cardinal Matthieu , le hazard nous en a fait découvrir un
qui nous autorisera à lui consacrer cet article, qu'il eût été
juste de lui accorder à plusieurs titres, comme ayant présidé
à plusieurs conciles de France dont nous avons les actes ,
et comme interlocuteur dans l'ouvrage de Hvigues d'Amiens ,
intitulé Dialogues , qui est une réponse aux questions de
Matthieu.
Aut. eccies. Nous ne diroHs pas avec D. Ceillier qu'il était frère de
t. XXIII , p. fj^ig^es ; mais ils étaient certainement parens , comme le
'°^' témoigne ce dernier dans l'épitre dédicatoire des ses Dia-
Wartene , ihiil. logucs : Nos eiûm una geTieris consanguinitas et ejusdem
col. 8yi. professionis in Christo jitnxit societas ^ qiios laiidunense
solum educavit et docuit ; sed te patria tenait, me ohedientia
exiilem in y4nglid fecit; te Paiisius apud sanctum Marti-
mim lœtatur habere piiorem , me Radin gia indignum servat
ahhatem , Mntlluve frater. Il est évident que le mot frater
se rapporte ici à la profession religieuse qui leur était com-
mune.
On voit qu'ils avaient reçu l'un et l'autre leur éducation
à Laon , sans doute à l'école du professeur Anselme , de
laquelle sont sortis tant de sujets distingués. Mais Pierre le
Mirac. liù. II, Vénérable nous apprend que Matthieu était né à Reims, ou
cap. 4- dans le pays rémois, in, r^emensi pronncid , de parens nobles
et opulens ; qu'il fut successivement attaché au clergé de
Laon et de Reims , d'oii il se rendit <à Paris pour y embrasser
la vie religieuse à Saint-Martin-des- Champs. Il était déjà
prieur de la maison , l'an 1 1 1 7 ; mais Pierre le Vénéi'able ,
qui connaissait son mérite , l'attira à Cluni prescpie aussitôt
MATTHIEU, CARDINAL EVEQUE D'ALBANO. 53
qu'il fut installé abbé, l'an 1122. L'abbé Ponce étant venu xil siècle.
bientôt après dévaster l'abbaye, Matthieu accompagna son
abbé à Rome, et fit ti'iompher la cause de Pierre le Véné-
rable contre son compétiteur. Dans ce voyage , le pape
Honorius conçut pour Matthieu une si haute estime, que,
voulant mettre à proiit ses talens , il le créa cardinal évéque
d'Albano, lan 1 126. Nous avons les lettres que Matthieu Dubois, Hisi.
expédia en cette qualité, et comme délégué du pape, '^"'■^'^"*''-^^'
l'an ii2y,dans l'affaire de l'évéque de Paris, Etienne de
Senlis , avec ses archidiacres ; et ]>ient6t après , le pape l'en-
voya en France , en qualité de légat.
Revêtu des pouvoirs du siège apostoIic|ue , Matthieu
assembla plusieurs conciles; à Troyes en Champagne , Labbe, Concil.
l'an 1128, pour donner une règle aux Templiers; un autre '' ' '''o'-y^^-
à Rouen, la même année, où il publia quelques réglemens Ord. lib. xil,
rapportés par Orderic Vital ; et à Reims un troisième, dont ^■°^°-
il existe deux décrets, l'un publié par Marlot , l'autre par Marlot, Hisi.
les continuateurs du Recueil des historiens de France. '^'''"- '• H^ P-
L'an 1 129, il convocjua aussi deux conciles, l'un à Chàlons t.'xv p^'aG^''
sur Marne, dans lecjuel Henri, évêque de Verdun, pour Algérie, ad an.
éviter la honte de la déposition, se tlémit de son épiscopat u^g-
entre les mains du légat; l'autre à Paris, pour prononcer, Labbe , Concii.
à la demande du roi, l'expulsion des religieuses d' Argenteuil , '• X, col. giG.
et rétablir dans cette maison les religieux de Saint-Denis,
auxquels elle appartenait originairement.
Le pape Honorius étant mort, au mois de février ii3o,
Matthieu s'attacha au pape Innocent II contre Anaclet, et
travailla plus que tout autre à le faire recevoir en France, Mirac. iib. il,
comme l'assure Pierre le Vénérable. L'an ii3i. Innocent cap. iG.
l'envoya en Allemagne, où, en présence du roi Lothaire, il
tint un concile à Mayence, dans lequel il fut procédé à l'élec- Hist.Trev.dipl.-
tion d'un archevêque de Trêves, et à la déposition de 'i^i'-Si?-
Brunon , évêque de Strasbourg. ^"^'^"' ^°"f-
11 arriva , la même année , un événement qui mit en deuil
toute la France : le fils aîné de JjOuis-le-Gros , que son père
avait fait couronner roi deux ans auparavant , traversant les
rues de Paris avec quelques jeunes seigneurs de son âge , fit
une chute de cheval qui le renversa mor-t. Le père était Cliron.Mauiin.
inconsolable. Le pape venait de quitter Paris , et s'achemi-
nait vers la vijle de Reims, où il avait indicpié un concile
pour le mois d'octobre. A cette nouvelle, le pape détacha de
sa suite l'évéque d'Albano , pour porter au roi des paroles
54 MATTHIEU, CARDINAL EVÊQUE D'ALBANO.
XII SIECLE, (le consolation ; et ce fut à sa persuasion que le roi consentit
à faire sacrer, par les mains du pape, son fils puîné, au
milieu de sa cour et des évêques de tous les pays , rassemblés
pour la célébration du concile. Après cela , Matthieu accom-
pagna le pape retournant en Italie, mais non au-delà des
frontières de France; car on le voit, la même année iiSa,
retourné à Cluni.
Il avait encouru la disgrâce du pape Innocent, pour lui
avoir fait, sans ménagement, et n'écoutant que la ferveur
de son zèle , des représentations qui déplurent au souverain
PetiiVen.ep. 3 pontife. En vain Pierre le Vénéral)le, faisant valoir les ser-
'"' y ' '^- • vices que l'ordre de Cluni , et Matthieu en particulier, avaient
rendus au Saint Siège , intercéda pour lui : le pape fut
inexorable ; il lui retira ses pouvoirs de légat , et le rappela
auprès de lui. Il fallut obéir, malgré la difficulté qu'il y avait
de pénétrer dans l'Italie couverte des armées du roi Lothair^
et des partisans d'Anaclet , malgré le mauvais état de la santé
du cardinal, et d'autres raisons que Pierre le Vénérable allé-
guait en sa faveiu". Il partit l'an ii33, et demeura auprès du
Mrac. lib. II, pape jusqu'au concile de Pise, tenu fan ii34, après lequel
cap. 22. jj £j^|. gj^YQy^ ^ Milan avec saint Bernard , pour ramener à
l'obéissance du pape Innocent les partisans de l'antipape
Anaclet. Retourné à Pise , Matthieu y mourut la même année
le 28 décemlire.
C'était un homme de mœurs austères, fort zélé pour la
discipline ecclésiastique, et sur- tout pour la réforme des
monastères , si bien que le pape Honorius lui reprochait
• d'être trop moine. De concert avec Alvise , évêque d'Arras ,
autre réformateur de moines , secondé par Renaud de IMar-
tigné, archevêque de Reims, il avait soumis à un même
régime les monastères de la province de Reims, dont les
abbés devaient s'assembler tous les ans en chapitre , pour y
rendre compte de l'état de leurs maisons , et remédier aux
relâchemens qui pourraient s'introduire. C'est le sujet d'une
longue lettre qu'il écrivit à une de ces assemblées , dans
laquelle lettre il témoigne la satisfaction qu'il a éprouvée en
apprenant que le bon ordre était rétabli dans les monas-
tères ; mais il trouve qu'on va trop loin , parce que , sous
prétexte de vivre dans la retraite et le silence , on avait
abrégé la psalmodie , abandonné les travaux rustiques , et
les occupations manuelles , réduit enfin la célébration de
l'office divin et le culte extérieur à une trop grande simpli-
GUILLAUME, ARCHEVÈQ. DE CANTORBERY. 55
cité. Cette lettre, dont les continuateurs du Recueil des his- ^n SIECLE.
toriens de France ont ijublié le commencement , existait ,, ,„.
dans un manuscrit du XIII siècle, appartenant aux jésuites t. xiv, p. 41g,
du collège de Clermont à Paris , et devait trouver place dans »" "o''*-
la nouvelle collection des conciles de France. Nous n'en
citerons que la suscrijition , pour donner une idée de la
manière de l'auteur. Fratribiis coiiscriptis cœlestis curiœ
senatorihus , ahhatihus illis qui condixere singulis annis
Remis convenire pro monastici ordinis correctione , Matthœus
Dei gratiâ Albanensis episcopus^ eorum f rater et devotus
amiciis : gratin et pax a Dco pâtre et Domino Jesu-Christo ,
et qui ah utroque procedit, spiritu Paracleto. Vestrœ strenuœ
probitatis , etc. ■ B.
GUILLAUME DE CORBEIL,
ARCHEVÊQUE DE CANTORBERY.
jM 05 prédécesseurs n'ont point fait mention de lui, soit qu'ils Pagi, ad ana
ne l'aient pas cru français , soit qu'une courte épître et quel- n'^^^n- 18, 19
ques canons de concile, rédigés ou peut-être seulement ap- Har^feid^His^t
prouvés par ce prélat, ne leur aient point paru sufiire pour le ecci.''angiic.'p
compter au nombre des écrivains. Mais le vaste plan qu'ils 3^^' ^^t-
ont eux-mêmes suivi dans les douze premiers volumes de
cette histoire littéraire, y a fait admettre plusieurs person-
nages dont les productions ne sont guère plus importantes
ni les titres plus réels.
Quant à la patrie de Guillaume, son surnom de Corheil
autorise à croire qu'il était né près de Paris. S'il est quel-
quefois ?,\\x\\ov[\mé Corhois , CorbuU ^ Corboil^ de Corbuilo, Rob. du Mont.
de Corboilo , tous ces mots peuvent se prendre pour des va- Ann. nii.
riantes ou pour des traductions de Corbeil. Rapin Thoyras, Hist. dAn^k-
qui l'appelle Corbet, défigure la plupart des noms propres, terre, t.p. i63,
Guillaume étudia la théologie à Laon sous Anselme; et en '''^'
même temps qvi'il était l'un des élèves les plus distingués de
ce docteur , il instruisait les fils de Raoul Flammard , chan-
56 GUILLAUME, ARCHEV. DE CANTORBÉRY.
XII SIECU. celier de la Granrle-bretagne. Envain l'on voudrait induire
Heiman de *^^ ^^ dernier fait qu'il était angla,is de naissance ; cette con-
Mirac. B. Ma- clusion Serait écartée par d'autres détails de sa vie, même
'!f'''i^l^^''^^' P^*' ^^ tableau des dignités qu'il obtint successivement à
rum GuibertH Chichestcr , à Durham, à Cantorbéry. Car nous apprenons
p. 536. d'Eadmer qu'Henri premier. c[ui gouvernait alois le Royaume,
Hist. jVov. 1. V, ne laissait en général parvenir aux plus hautes fonctions
p. 86, 87. ecclésiastiques que des nommes nés dans le continent. Or
nous voyons Guillaume quitter le monastère de Saint-Etienne
de Caen pour devenir en 1120 prieur des chanoines régu-
Will. Malmes- }-çj,g qu'on établissait à Chichester; peu-après signer une
bury, de Gest. , l i- ' i i i i, - , ^ i t4 i ° i
Pontif. angl. p. Charte en qualité de clerc de leveque de Durham; olJtenir
aîy- ensuite à Durham la dignité d'archidiacre, et s'asseoir enfin
Angl. sacr. p^ II 23 sur le siégc archiépiscopal de Cantorbéry, malgré
*■ ' P" '' ■ la coutume cjui jusqu'alors en avait écarté les moines, selon la
Annal, lib. l'emarquc de D. ]VIabillon. Le nouvcau prélat, cjui ne manquait
LXXVi,n.i3i. j^i jp prudence, ni d'activité, nec iners nec imprudens , eut
AVill. Malmesb. Jjieiitôt triomphé- des murmures qu'excitait sa promotion.
^' ^ ' Il se rendit à Rome pour obtenir le pallium, revint et fut
Spelm. Conc. gacré par l'évéque de Winchester. En 1124 il accompagnait
ng^iae, . , ^^ Normandie le roi Henri Y^ . Ce fut en 11 25 ou 26 qu'il
écrivit à l'évecjue de Landaff quelques lignes qui n'ont d'autre
objet cjue la convocation d'un' concile. Cette lettre, insérée
dans la collection de Spelman, était vraisemblablement
circulaire. Le concile se tint à Londres , présidé par le
cardinal légat Jean de Crème ; et puiscpi'aloi's Guillaume
n'était point légat , il nous paraît qu'on ne doit placer
Su'après ce concile le second voyage qu'il fit à Rome, et
ont il ne revint qu'avec la cpialité de légat du pape Hono-
rius pour l'Angleterre et pour l'Ecosse. Il prit cette cjualité
en II 27, en présidant un autre concile à Westminster; et,
Spelman, Conc. commc Ics caiious émaués de cette assemblée ont été ou
A.ngiiae, t. II, dictés , OU adoptés par lui, nous croyons devoir les faire
P' ^' connaître ici, en rappelant qu'ils interdisaient aux ecclésias-
tiques la profession de fermiers , cju'ils ne permettaient pas
de posséder à-la-fois plusieurs archidiaconés , et qu'ils
défendaient aux communautés religieuses de prendre de
l'argent pour la réception des novices de l'un ou de l'autre
sexe. Un de ces canons, en ordonnant l'exact paiement des
dîmes, les appelle les domaines du Très-Haut. Gislebert,
surnommé le docteur universel, fut sacré évêque de Londres
Alford^ ann. par GuiUaume , qui lui .fit promettre obéissance et soumis-
An
P
p. BECHIN, AUT. D'UNE CHRON. DE TOURS. 57
sion au siège de Cantorbe'ry. Cette cérémonie eut lieu xn SIECLE.
en 1128, une année avant la célébration d'un nouveau Speiman, Conc.
concile de Londres, que Labbe confond avec celui de 11 26. angi. 1.11,11.37.
L'autorité du roi sur le clergé fut reconnue dans le concile Lab. Conciiior.
de II an, dont l'archevêque de Cantorbéry était encore le '' ,"/',^'^'
' • 1 4- f Q 1 ' '1 ^ * ' ' '1- AUord, ann.
président. Ln 1 1 jo , le même prélat eut a reparer son église , njo, n. 9.
qui venait d'essuyer un incendie : elle en devint plus belle,
et fut consacrée , le 4 ^^^^ 1 par une dédicace nouvelle.
Guillaume fit aussi, et fort peu de jours après, la dédicace
d'une église récemment construite à Rochester. Ce fut lui
encore qui, au commencement de janvier 11 36, célébra les Orderic vital,
funérailles du roi Henri P'", dont le corps avait été transporté •• xiil, p. 901,
de Lyons à l'abbaye de Radingues. En vain ce prince, avant 9°*'
de mourir, avait obtenu de tous les prélats de son royaume
le serment de soutenir les droits de Mathilde , sa fille et son
unique héritière: l'archevêque de Cantorbéry reçut , bénit, A.iford,adann.
couronna roi d'Angleteri'e le comte de Boulogne Etienne. " ^n-io-
Quelques auteurs contemporains, en reprochant à GuilLaume Hist. Angi.
cette dernière cérémonie, observent qu'il la fit de travers, î""'" P" ^^^ •
et qu'il laissa tomber la sainte hostie ; ils remarquent sur-
tout qu'il mourut peu de mois après cet acte d'infidélité. Robert d
Il fut inhumé, selon les uns, dans l'abbaye de Westminster, ]viont,an. ii36,
selon les autres, dans son église de Cantorbéry. D. P- 758.
Antiq. eccles.
Britann. p. 126.
^^^«.^•^ V^^-%'
PIERRE BECHIN,
AUTEUR D'UNE CHRONIQUE DE TOURS.
JliN rendant compte, dans cette histoire, d'une chronique Hlst.utt.t.xn,
de nos rois , imprimée dans le Recueil des historiens de P- ^o.
France par Duchesne, laquelle finit à l'an i iSy, on l'a attri-
buée à un auteur anonyme, chanoine de Saint-Martin de
Tours, parce qu'effectivement il y est beaucoup parlé de
cette église. On observait, à la fin de cet article, que l'auteur
avait profité, pour composer la sienne, d'une chronique de
Pierre , fils de Basin ( il fallait écrire Bechin ) , laquelle com-
mençait a l'empereur HéracUus , et finissait à Louis-le-Gros.
Tome XllI. H
58 P. BECHIN, AUT. D'UNE CHRON. DE TOURS.
XII SIECLE. Et tout de suite on ajoutait : celle-ci ne parait pas être venue
jusqu'il nous. Cela n'est pas exact; ce Pierre, fils de Becliin,
est réellement l'auteur de la Chroniquç attribuée au cha-
noine de Saint- Martin , et il le dit assez clairement dans ces
paroles c]u'on a mal interprétées : y-Zb Eraclio usque ad hoc
tenipus adclitum est ci Petro Bechinni fdio. Ce texte ne dit
pas cpie l'auteur anonyme a profité d'une Chronique de
Pierre, fils deBechin,il énonce tjue la continuation de cet
écrit , depuis l'empereur Héraclius , est l'ouvrage de Pierre
Bechin. Pour le prouver, nous avons eu recours au manus-
crit 4999 A. de la Bil)liothèque impériale , cpii contient cet
ouvrage. Il débute par les chroniques d'Eusèbe et de saint
Isidore de Séville; et, comme ce dernier finit à l'empereur
Héraclius, Pierre Bechin a marqué, à la fin de sa chronique,,
qu'il avait continué celle d'Isitlore jusqu'à son temps, c'est-
à-dire, jusqu'à la mort de Louis-le-Gros ; ce cpii nous donne
à-peu-près le temps où il écrivait.
* ?r,'"'" '";("'• Jean , Moine de Marmoutier , qui composa, vers l'an 11 60,
les (jcstes des comtes dx'Vnjou, nomme, parmi les auteurs
dont il s'est servi , les Chroniques de Geof'roi Bechin , que
nous n'avons plus. Il y a toute apparence que Pierre Bechin
était fils de Geofroi, et qu'à l'exemple de son père, il s'était
exercé à composer des chroniques, ou qu'il a fondu dans la
sienne celle de Geofroi. Comme on a trouvé dans sa compo-
sition assez de preuves pour le croire chanoine de Saint-
Martin de Tours, rien n'empêche qu'on ne lui laisse cette
qualité. Dans le catalogue imprimé de la bibliothèque impé-
riale, on annonce sa chronique comme finissant a la mort
de R-ichard^ roi d'Angleterre, l'an 1199; c'est une erreur. Il
' • est vrai qu'à la suite de sa chronique il se trouve trois ou
quatre notes, dont la dernière annonce la mort de Richard;
mais ces notes n'existent pas dans le manuscrit aSaS de la
bibliothèque impériale, qui contient le même ouvrage; ce
sont , par conséquent , des additions faites par un^ main
postérieure à cette chronique qui finit à lan iiSy, époque
oii l'auteur a placé son nom.
Chesn. t. III, Ce qui a jeté de la confusion sur cet écrit, c'est la manière
or. f«anc. p. Jqj^{- Ducliesne l'a imprimé. Il n'en a extrait cpie ce cnxi est
357-362. 1 f ' l'i • • 1 't-. I ' '1
relatif a 1 histoire de l^rance, sans donner une notice de
l'ouvrage, et sans indiquer, par des points d'omission, les
endroits qu'il supprimait. Les continuateurs de D. Bouquet,
et D. Bouquet lui-même, y ont été trompés : ils ont réim-
POÈTES ANGLO-NORMANDS. 5g
primé le texte de Duchesne , sans se clouter qu'il était incom- ^IT siècle.
plet. L'auteur , à la fia de chaque chapitre ou de chaque
règne, a ajouté la succession des papes, dont il rapporte les
principaux gestes. Duchesne a entièrement suppiimé cette
partie, qui n'est pas toujours étrangère à l'histoire de France.
D. Boucpiet et ses continuateurs , qui ont réimprimé cette
chronique par fragmens, dans les tomes III, V, VII et VIII,
p. 3 1 6 ; t. X , p. 225 ; t. XI , p. 2 1 2 ; t. XII , p. 64 , ont eu soin
de rectifier la chronologie cle l'auteur, ou d'ajouter aux évé-
nemens les dates, qui souvent ne sont pas indiquées. B.
POETES ANGLO-NORMANDS,
PHILIPPE DE THAN, SAMSON DE NANTEUIL,
GEOFFROY GAYMAR , ET DAVID.
Uis que Guillaume -le -Conquérant se fut emparé de la
Grande-Bretagne , et en fut devenu roi , son premier soin -
fut d'y introduire l'usage de la langue française. Il promul-
gua ses lois en cette langue , fit faire des traductions fran-
çaises des livres saints , et encouragea les poètes normands
qui venaient contribuer aux plaisirs de sa cour et à l'amu-
sement de ses nouveaux sujets. Le désir de plaii^e au souve-
rain et d'attirer ses regards rendit bientôt commun chez les
grands l'usage de la langue française. Le besoin de connaître
les lois par lesquelles il était gouverné, Ir. répandit chez le
peuple. Attirés par l'appât des récompenses, les poètes nor-
mands s'empressèrent de passer en Angleterre, pour y faire
admirer leurs talens ; ils produisirent un assez grand nombre
d'ouvrages, dont la plupart ne nous sont point parvenus,
ou qui sont encore enfouis dans les bibliothèques d'Angle-
terre. On n'avait que peu de renseignemens sur les Trouvères
anglo-normands, jusqu'au moment où un Français studieux
de notre ancienne histoire, et sur-tout cle notre ancienne
poésie, passa en Angleterre. Il visita les bibliothèques, et
prit grand soin d'étuclier les manuscrits qu'elles renferment.
Admis dans la société royale des Antiquaires de Londres,
M. l'abbé de La Rue y lut plusieurs dissertations , dont
H 2
Go POETES ANGLO-NORMANDS.
XII SIECLE, quelques-unes furent imprimées dans le recueil intitulé
Archœologia, et c'est d'après ses mémoires que nous donnons
ici les notices de quatre poètes anglo-normands , dont les
ouvrages ne se trouvent point en Fiance. Nous en avons
retranché tout ce qui nous a paru inutile à notre but, et
particidièrement ce qui regardait les familles anglaises, en ne
conservant que ce qui pouvait intéresser l'Histoire littéraire
de la France.
PHILIPPE DE THAN.
Ce poète, l'un des plus anciens dont les ouvrages se soient
conservés, était de l'ancienne famille des de Than, seigneurs
de la terre de ce nom, à trois lieues de Caen.
Les premiers auteurs de cette Histoire littéraire n'ayant
eu d'autre connaissance de ce qui le concerne , que la petite
notice qui se trouve dans le catalogvie des manuscrits de la
Bibliothèque Cottoniene, folio 48, pensèrent qu'au lieu de
Taonensis , il fallait lire Toarcencis ; en conséquence, ils
ont nommé cet auteur Philippe de Thouars, et ils en ont
T. IX, p. 173- fait un Poitevin. Ils changèrent ensuite d'opinion, et vou-
*^°' lurent conserver le mot Taonensis ; mais ayant découvert
une charte du XII*" siècle, dans laquelle un Thomas deThaùn
Martene,The- était nommé comme témoin, ils en conclurent cjue ce
saur. An.ecdot. xhomas était le fils ou le petit iils de notre poète, et, comme
1. 1, p. 624. , , , , II r • • ' 1^' 1 ^ ■
la charte dans laquelle il était cite en cjualite de témoin se
rapportait à la terre de Combourg en Bretagne, ils décla-
rèrent cju'il y avait lieu de croire que Philippe de Than
T. X, p. Lxxi. était breton.
Archœoiogia, M. l'abbé de la Rue a relevé et réparé cette erreur, en
loin.- XII. donnant à ce poète l'origine que nous avons adoptée au
commencement de cet article. On ne sait d'ailleurs rien de
plus sur sa vie.
Le premier des ouvrages qui nous restent de lui est inti-
tulé : Liber de Creaturis. C'est un traité chronologique en
vers, dans lequel l'auteur traité des jours, des semaines,
des mois solaires et lunaires, des éclipses, et en général de
tout ce qui sert à la connaissance du comput ecclésias-
tique. 11 explique avec assez de précision les calculs des
Juifs , des Grecs et des Romains ; l'histoire du calendrier
institué par Numa Pompilius , et celle de sa réforme par
Jules César. Philippe avait beaucoup lu ; aussi , à chaque
instant , cite- 1- il Phne , Ovide , Macrobe , le vénérable
POETES ANGLO-NORMANDS. 6i
Bède , etc. Enfin il rapporte les opinions différentes des Xll siècle.
auteurs qui se sont livres au même genre d'étude, et dont '
les ouvrages ne sont pas parvenus jusqu'à nous.
Philippe de Than composa ce traité pour l'usage du clergé,
et le dédia à Homfrei de Than, son oncle, qui était cha-
, pelain de Hugues Bigod , sénéchal de Henri P'', et ensuite
comte de Nortolk. Hugues mourut en iio^, et son fils lui
succéda immédiatement. Nous pensons que l'ouvrage doit Orderic vital,
être placé avant cette époque , sur-tout si l'on considère que '*'' ^'
ce poète n'accorde pas le titre de comte à Hugues Bigod,
et qu'il ne lui donne que celui de sénéchal.
Le second ouvrage cle Philippe de Than est intitulé : Bes-
tiarius. C'est un traité en vers sur les animaux , sur les
oiseaux et sur les pieiTes précieuses. L'auteur le dédia à la
reine Adélaïde de Louvain , que Henri P"" épousa en 112.1.
Cet ouvrage doit donc être placé peu de temps après cette
époque, et nos prédécesseurs paraissent avoir hxé avec beau-
coup de vraisemblance, pour la composition du Bestiaire,
l'année 1 12.5.
Dans ses ouvrages , Philippe ne remplit que le rôle de
traducteur. Au début de son Bestiaire , il prévient qu'il a
tiré son sujet d'un traité latin dont il ne nomme pas l'auteur.
M. de la Rue ne le nomme pas non plus ; mais Sinner cite ^^' •"'/""«•
un manuscrit du VIIP ou IX" siècle , intitulé : Theobaldi Cataiog. ma-
e,rpositio, de Naturtî animalium , qui paraît être la source ^Bemèllis^ul.
où Philippe a dû puiser. '
En traduisant ce traité en vers français , Philippe ne
semble avoir eu d'autre but que celui d'instruire ses contem-
porains, et de corriger leurs mœurs. Après avoir dépeint le
caractère particulier de chacun des animaux , il termine sa
description par une leçon morale , dans laquelle il engage -
le lecteur à pratiquer la vertu.
A l'égard du genre de poésie employé par Philippe, il
serait difficile, selon le même M. de la Rue, de trouver VUsuprà.
d'autres auteurs qui l'aient adopté. Sa méthode, dit-il,
ne consiste pas à faire rimer un vers avec un autre, mais
une moitié avec une autre ; c'est-à-dire, qu'il écrit en grands
vers qui ne riment point ensemble , mais seulement aux
deux hémistiches, comme la plupart des vers latins de ce
temps. Nous pensons , au contraire , que les vers de Phi-
lippe sont de petits vers de six syllabes, dont deux sont
réunis en un seul dans le manuscrit , et qu'ils sont du genre
62 POETES ANGLO-NORMANDS.
xn SIECLE, de ceux qu'on est convenu d'appeler vers à rime plate ,
c'est-à-dire , rimant deux à deux. Qn en pourra juger par
ces deux fragmens , tirés , l'un du livre des Créatures , et
l'autre du Bestiaire.
Al besuing est truved ,
L'ami é épruved ,
IJnchez ne fud ami ,
Qui al buisuin^ failli.
Pur cel di ne targez,
Mes ma raison oiez :
Prei vus deV esculter,
E puis del' amender.
Dans les vers suivans , l'auteur décrit assez bien l'adresse
d'un hérisson pour emporter des grappes de raisin :
El tens de vendenger
Lores munte al palmer ^
Là il la grappe veit ,
La plus meure séit ; (coupe, cueille).
S'in abat le raisin ,
Mult li est mal veisin.
Puis del' palmer descent
Sur les raisins s'estent ;
Puis desus se vulope («) ,
Ruunt cume pelote , *
Quant est très ben charget
Les raisins enbrocet ,
Eissi porte palture,
A ses fis par nature.
SAMSON DE NANTEUIL.
Ce poète a traduit en vers français les proverbes de Salo-
mon. Si l'on en juge par son prologue, il devait être très-
versé dans la connaissance des auteurs de la bonne latinité,
dont il dit faire sa lecture favorite; en effet, il cite souvent
Horace, Cicéron, Virgile, Juvénal, etc. comme des auteurs
qui lui sont très -familiers.
Il dit avoir fait cette traduction à la prière d'Adélaïde de
(a) Sic, mais ce doit être viilote, de volutat.
POÈTES ANGLO-NORMANDS. 63
Condé , qu'il nomme sa Dame , et déclare qu'il a autant xil SIECLE.
d'attachement pour sa personne que de respect pour ses
vertus. Cette Dame était mariée à Osbert de Condé , seigneur
de Horn-Castle, dans le Lincolnshire.
D'après les autorités rapportées par M. de la Rue , on peut Jrchœoiogia ,
conclure que Samson de Nanteuil éci'ivait sous le règne *""'• ^"•
d'Etienne, qui succéda à Henri F', en ,ii35, et régna jus-
qu'en 1 1 54.
Le prologue est en vers de huit syllabes , comme la tra-
duction ; et le style de l'auteur y est rempli de maximes et
de sentences, comme celui de Salomon lui-même.
Nous citerons pour exemple les vers suivans , tirés de ce
prologue.
A tort se lait mûrir de fain
Ki assez at et blé et pain ,
Turner li pot lum .à peresce
Se ne s'en paist u à feblesce ;
S'il fameillet é ne se paisse,
E par desdeing mûrir se laisse ,
De cels est dune , si cum jeo crei ,
Ki al mutin muèrent de sei ,
Pur nent irreit conquerre en France,
Ki suffraite at en habundance , etc.
Ce poëme se trouve en manuscrit dans le Musœum hritan-
nicum, parmi les manuscrits de la Bibliothèc[Uc Harléienne. ]^rckœoi. loc.
cit.
GEOFFROI GAYMAR.
On a de ce poète une Histoire des Rois Saxons, écrite
en vers français, et continuée jusqu'au règne de Guillaume-
le-Roux. Dans sa Dissertation sur la vie et les écrits de
Robert Wace, M. de la Rue avait affirmé, d'après Tyrwhitt, ^'àiœoiogia ,
que ce Robert avait eu pour continuateur de son roman du *°'"' ^"'
Brut, Geoffroi Gayraar, et conséquemment c|ue celui-ci Ta/es"fc/iaZ
avait écrit après le premier. Mais, depuis ce temps, il a dé- cer , toI. iv,
couvei't que l'Histoire des rois anglo-saxons était antérieure P* ^''
de plusieurs années au roman de Wace.
Gaymar nous apprend, dans le préambule de son Histoire,
que , |30ur composer ce poëme , il a employé un temps
considérable à la recherche de matériaux puisés dans des
manuscrits latins , français , anglais et gallois , qu'il a eu
64 POÈTES ANGLO-NORMANDS.
XIT SIECLE, beaucoup de peine à rassembler. Il avoue même qu'il n'aurait
jamais pu réussir à se procurer un de ces derniers , sans le
secours de Constance Fitz Gilbert. Cette dame envoya à
Hamlake , en Yorkshire , prier un baron alors célèbre ,
nomme VValter Espec, d'emprunter pour elle à Robert de
Caen, comte de Gloucester, une Histoire des rois d'Ai^^le-
terre, que ce dernier avait traduite des livres gallois. Robert
lui prêta ce livre, et Constance le confia à notre poète.
Walter Espec mourut en ii53; Robert de Caen en ii46,
ou 1 1 47 ; et Robert Wace n'ayant écrit son Brut qu'en 1 1 55 ,
l'ouvrage de Gaymar est donc certainement plus ancien.
Voici ce qui achève de le prouver : Geoftroi Gaymar pai'le
de la reine Adélaïde de Louvaiu comme existante lorsqu'il
écrivait ; or cette princesse , suivant la chronique de Thomas
Zanner. No- Wikes , mourut en 1 1 5 1 . D'autre part , notre poète assure
titia monast. p. . i ' i i> ^ tt- ^ • i' >
55- '^ avou" employé plus dun an a composer son riiston'e d après
lès manuscrits qui lui avaient été confiés. La publication de
cet ouvrage doit donc avoir ou précédé ou suivi de près la
mort du comte de Gloucester, arrivée, comme nous l'avons
dit, en 1147 ^^ P^^^ tard.
Dans le seul manuscrit connu de cette Histoire des rois
Mus. Biitann. anglo-saxons , l'ouvrage est précédé du Brut de Wace ; mais
i3,A,xxi. QQi arrangement du copiste ne prouve nullement que le
poème de Wace ait précédé celui de Gaymar.
Ce dernier commence son ouvrage par une description
de la conquête de la Toison d'or. De-la il passe brusque-
ment à l'histoire du premier roi anglo-saxon. Cette lacune
autorise M. de la Rue à penser que Gaymar avait aussi
composé une histoire des rois d'Angleterre, dans le même
genre que celle des anglo-saxons; que cette histoire s'est
perdue, et que nous ne possédons pas une copie complète
des productions de Gaymar.
Après avoir appuyé cette opinion de plusieurs preuves,
il fait connaître les sources dans lesquelles Gaymar avait dû
puiser pour la composition de ses deux ouvrages. Ce poète,
dit-il, cite le Brut de Walter, archidiacre d'Oxford, traduit
en latin par Geoffroy de Monmouth , l'histoire latine de
fVinchester , et le livre de fVashinhurg , écrit en anglais. Il
cite aussi Bède, Gildas le Sage, et Jean de Beverly. Mais on
ignore les titres des ouvrages français et gallois dont il s'est
servi , et dans lesquels il dit avoir trouvé plusieurs faits
historiques très -curieux.
POETES ANGLO-NORMANDS. 65
La seconde partie de l'ouvrage de Gaymar, ou son Histoire ^H SIECLE,
des rois ang;lo-saxons , ne s'étend que jusqu'au règne de
Guillaume-Ie-Roux. Il annonce qu'il avait eu d'abord l'in-
tention d'y ajouter l'histoire de Henri F"", successeur de
Guillaume , mais que ses matériaux étaient si nombreux , et
leur somme si grande , qu'il avait formé le dessein d'écrire
cette histoire séparément, et sur un plan beaucoup plus
étendu qu'aucune de celles qu'avaient déjà publiées d'autres
historiens. On ignore s'il exécuta ce dessein , mais aucune
histoire de Henri P'^, écrite eu vers français, n'est parvenue
jusqu'à nous.
Parmi les choses dignes de remarque que l'on trouve
dans son poëme , nous citerons un passage relatif à la pro-
fession des Ménestriers, ou plutôt des Bardes ou Scaldes,
qui suivaient l'armée de Guillaume-Ie-Conquérant.
L'emploi de Taillefer , l'un de ces Bardes , ne se réduisait
f)as à chanter les chansons de Cliarlemagne et de Roland à
a tête de l'armée des Normands ; il y joignait des tours
d'adresse militaires , qui amusaient l'armée , étonnaient et
effrayaient l'ennemi , et qu'il terminait par des faits d'armes
de la valeur la plus brillante. On le voit s'avancer à cheval
vers l'armée anglaise, jeter trois fois sa lance en l'air, et la
recevoir chaque fois sur la pointe; à la quatrième, il la lance
et blesse un des ennemis. Tirant ensuite son épée, il la jette
aussi en l'air, et la retient avec tant d'adresse, que les An-
glais regardent son agilité comme l'effet d'un miracle ou d'un
enchantement. Enfin, Taillefer pique des deux vers l'ennemi,
se précipite dans ses rangs , et donne ainsi le signal du combat.
Les vers employés par Gaymar sont de huit syllabes, et
son style est plus coulant que celui des autres poètes ses
contemporains. On en jugera par ce passage , où sont racon-
tées les prouesses de Taillefer.
V
Armes aveit et bon cheval ,
Si est hardiz è noble vassal ;
Devant les altres cil se mist,
Devant Angleis mef veilles fist,-
Sa lame prist par le tuet,
Com si ço fust un bastunet,-
Encontre mont hait la geta ,
Et par le fer recéue l'a
Trois fez issi geta sa lance,
Tome XIII. I
66 POÈTES ANGLO-NORMANDS.
XII SIECLE. La quarte feiz mult près s'avance,
Entre les Engleis la lança.
Parmi le cors un en naffra.
Puis treist s'espée, arere vint,
Geta il s'espée k'il tint,
Encountre mont, puis la receit.
Ke ço estoit enchantement ,
Ke cil fesoit devant la gent,
Quant treiz faiz ot gété l'espée, etc.
DAVID.
Ce poète anglo -normand était contemporain de Geoffroi
Gaymar , et , comme lui , vivait sous le roi Etienne. Ses
écrits ne nous sont point parvenus, et on ne le connaît que
par la mention honorable cju'en fait Geoffroi Gaymar, à la
hn de son Histoire des Rois Anglo-saxons. Ce qu'il en dit
prouve que David avait composé en vers français un abrégé de
la vie de Henri F'', et cet abrégé paraît avoir été entrepris
d'après les ordres d'Adélaïde de Louvain , seconde femme de
ce monarque. Gaymar nous apprend aussi qu'il a vu quel-
ques vers de David mis "en musique.
Ce poète était un excellent Trouveur, suivant l'expression
de Gaymar. Ses compositions étaient très-répandues ; elles
étaient lues avec délices par la reine Adélaïde , et jouissaient
enfin d'un succès tel, que Constance Fitz,- Gilbert paya un
marc d'argent ars et pesé (<7), pour les faire transcrire;
cependant Gaymar lui reproche d'avoir oublié beaucoup
de traits, dont le souven}r aurait honoré la mémoire de
Henri Y^ . Il l'exhorte à revoir son ouvrage , et lui annonce
que, s'il ne le fait pas, il prendra lui-même la plume, et
publiera une histoire complète de la vie de ce magnanime
et vertueux monarque. On ignore si David se rendit aux
conseils de Gaymar, ou si ce fut sur son refus que ce
dernier se décida à célébrer lui-même les vertus et les
belles actions de Henri. ♦ G.
(a) C'est-à-dire , essayé par le feu pour l'aloi , et pesé.
k>^^^«/V«>
XII SIECLE.
In- 4" N.n'S.
ÉVERARD OU EVRARD,
POÈTE FRANÇAIS.
IJ N manuscrit du fonds de l'ëglise de Paris (a) à la biblio-
thèque impériale, contient, avec plusieurs autres ouvrages,
une traduction des distiques de Caton en vers français.
On ignorerait le nom et la profession du traducteur, s'il
n'avait pris soin de se nommer à la fin de son poëme. Son
nom est Éverard , et sa profession l'état monastique. Lacroix
du Maine et Du Verdier n'en font point mention ; il a éga-
lement été inconnu à Fauchet, à Pasquier, et aux autres
bibliographes français.
Quoique l'on manque de renseignemens à son sujet, on
s'aperçoit , tant à l'écriture du manuscrit qu'au style de
l'auteur, qu'il florissait vers la moitié du XIP siècle. Il écri-
vait même avant l'année ii45, car il fut nommé abbé
d'Holmcultram cette même année ; et , comme il ne prend Monastlcum
pas ce dernier titre dans son ouvrage , mais seulement celui "^ 'canum.
de moine de Kirkam , il est évident qu'il écrivait avant cette ibid.
année 1 145.
Les distiques de Caton furent encore traduits dans le
XIIP siècle par deux autres religieux , Adam de Guiency et Manuscrits in-
Adam du Suel, comme nous le verrons en son lieu. 4" m, n" 7, folio
La traduction d'Éverard est écrite sur deux colonnes ; le àg' 7I.!iis?"d'
latin et le français sont de suite , sans distinction de vers. Paris ," et n"
Les vers sont de cinq syllabes, mêlés de quelques vers de six, 7''93(iel'i
et divisés en strophes de six vers. °^ ^'
Le prologue en prose de l'auteur latin est ainsi rendu en
vers par le traducteur :
Cum animadverterem quam pluriinos homines graviter errare in via,
morwii , succurrendum et consulendum opinioni eorum fore existimavi ^
maxime ut gloriose viverent, et Iwnorem contingerent,
{a) Ce manuscrit contient plusieurs autres pièces. Il commence par
l'Image du monde (qui n'est pas la traduction de Gautier de Metz), et
se termine par le Tornoicment de l'Antéchrist de Huon de Méri , relio-ieuîc
de labbaye Saint-Germain.
Ces pièces ont été transcrites par difterens copistes, et composées en
différens temps j elles n'ont été réunies que postérieurement.
I2
l ancien
XII SIECLE.
68 LE MOINE ÉVERARD,
Cum jeo aparsoie Pur ceo maismement
Plusurs de la voie Ke gloriusement,
De mors forvoier; El mont vesquissent,
Avis pur m'estoit, E par tel afere
E grant bien seroit, Dignetez en terre,
De voir cunsilier. En honors conqxieissent.
Nunc te ,Jili charissime, docebo quo pacto mores animi tui componas.
Oie beaus fiz très chier, Par quel covenant
Toi voel jeo enseignier Purras en avant
Ke tu soies plus sage ; Aomer ton curage.
Igitiir mea prœcepta ita legito , ut intelligas } légère enim et non intelli-
gere ) négliger e est (a).
Pur tels acheisons Mais nient entendre è lire
Fiz jeo te enjoignons Çeo est à despire;
Ke mes preceps lises ; Si voil ke t'en chastises.
Jtaqiie Deo supplica , parentes ama , etc.
Deù amez, Père et mère amez,
E le requérez Parenz honurez
De çeo ke averois mestier E mult le tenez cliierz.
Le reste de cette espèce d'introduction ou de pre'face est
toujours alterné d'un passage latin et de la traduction fran-
çaise. Les distiques sont traduits en même mesure, et dans
le même style.
Si Deiis est animus^ nobis ut carmina dicunt ,
Hic tibi prœcipue sit purâ mente colendus.
Si Deu à coltiver Là soit tun curage
Est ou purpenser, Ferm sans être remué
Corne dient li ditié En son estage.
(«) On lit dans de bonnes éditions de Caton , nec légère est; mais , seloo
quelques étymologistes, c'est de nec légère que s'est formé ncglegcre , et
ensuite negligere , «négliger, ne pas cueillir, ne pas recueillir», etc. Le
traducteur a entendu ce mot comme s'il y avait negligendum est , et
comme si cela signifiait « mépriser, méprisable; à despire ,du latin despicerç.
POÈTE FRANÇAIS. 69
„ , . . , . XII SIECLE.
St vitam mspicias hominum , si aeniqiie mores , ________^_
Cum culpes alios , nemo sine crimine vivit.
Qant autre blâmeras Kar nul n'est ki vit
Tei meismes jugeras Ou ne soit grant ou petit,
Tut primerement. Ki soi ne mesprent.
Noli homiues blando nimiunt sermone probare :
Fistula dulce canit , volucrem durn decipit auceps.
Ne voilles losengier Bel chante le frestel
Home ne trop loer Quant l'oiselor l'oisel
Fors sulunc le droit. Tret à soi, é desçoit.
Litein inferre cave, cum qiio tibi gratia juncta est ;
Ira odium générât , concordia nutrit amorcm.
Ne muef jà à tençon Kar ire engendre haor,"
Vers ton compaignun, Concorde nurit amur
Ne vers ton bien-voillant, Ke Deus prise tant.
Telluris si forte velis cognoscere cidtiis,
Virgilium legito.
Si tu vois savoir Virgille lises '
Terre cultiver, E savoir purrés
Ke blé ni faille mie ; Assez de gaignerie.
Quod si mage nosse laboras
Herbarum vires , Macer has tibi carminé dicet;
Si uns fisicien Macre ki ne ment
"Volez estre , e bien Les granz vertuz aprent
Douer les médicines , De erbes é racines.
Si romana cupis et jpunica noscere bella ,
Lucaniun quœras-, qui Martis prœlia dixit.
Si vels ke tu ne failles Lucan apren , Kar
De savoir les batailles llluec troveras
DAufrike ou de Rome ; De guère la summe.
Si quid amare libet, ■vel discera amare legendo ,
Nasonem petite.
Si vels savoir d'amors Dune saveras tost amer
Corne voillent li plusurs , E après des-amer
Lisez dune Ovides, Melz ke tu ne quides. .
70 LE MOINE ÉVERARD, POÈTE FRANÇAIS.
Conjugis iratœ noli ta verha timere ;
Aa/n stridt iiisidias lacrimis, quumfœmina plorat.
Quant ta femme irée, Quant ele losange é plore
Te dit sa raponée, Gartoi icele ore,
N'en tieng jà nul plait. Kar dune est en aguait.
Miraris , verbis midis me scribere versus ?
Hos brevitas sensus Jecit coiijungere birios.
En esmerveillez Mais ces est l'acheison
Ceo ke jeo aie ces Ke deisse ma reison
Vers escrit issi nuement; En dous vers brièvement.
L'auteur termine sa traduction par cette espèce d'épilogue :
De danz Katon la trace, Mes si jeo ai mespris
Si près come la grâce Ou autre chose rais
Deu m'a enseignié, Ke il ni doit aveir
Ai par trestut suï Li sage qui l'orrunt,
E les sens de lui Amender le purrunt,
En romans tresturné ; E jeo les en requier.
Ne me doit blasmer, Trestut cil ki l'orrunt,
Home seculer E en quer retendrunt
Ne nul crestien , Le sen quant l'unt oï ,
Kar c'est mun niestier O Dieu aient grand part,
De fere é de penser E de! peccheo Everart
Tuz-jurs sen é bien. Ait damne Deu merci.
II a encore répété son nom à la fin.
Mes prolez sans essoine De mal é de peccliié;
Par Everard le moine, E qu'il lui doint sa grâce,
Ki ceste ovraigne enprent. Ke il la chose face
Ore proiez pur le moine , Sulonc la vérité.
Ke Deus sun quer esloigne Amen.
Le mérite qu'Éverard doit avoir aux yeux des amateurs
de notre ancienne poésie , c'est qu'il est le premier qui ait
croisé les rimes , et employé les strophes avec une certaine
régularité. G.
\
XII SIECLE.
ALVISE,
ABBÉ D'ANCHIN, PUIS ÉVÊQUE D'ARRAS.
ABRÉGÉ DE SA VIE.
Oi ce prélat eût e'te' aussi attentif ;i tenir registre des lettres
qu'il écrivait, qu il était soigneux de conserver celles qui lui
étaient adressées , il aurait rendu un grand service à la lit-
térature , et sur-tout à l'histoire : car on trouve , dans les
Mélanges de Baluze, beaucoup de lettres du roi Louis-le-
Gros et des papes Innocent II, Célestin II, Lucius II, et
Eugène III, qui prouvent la haute opinion qu'on avait à VitaGoswini,
Rome et en France de sa capacité, et qui confirment le Ari"'cin.abbat.
^, ■ j < r ' > l'A * 1 lib. I, cap. i3.
témoignage que rend a 1 eveque d Arras un auteur du
XIP siècle, disant qu'il était grand aux yeux des hommes,
et d'un mérite supérieur auprès de Dieu : Alvisus homo
inagnaniinus , et pro sua inagnanimitate magniis apud
homines , sed apud Deumpro religionis titulo major ; et quia
parvus erat in oculis suis, niaximus hahebatur.
On a mis en question s'il était frère germain de l'abbé
Suger, régent du royaume. L'opinion de l'auteur des Sin- Liron , slngni.
gularites liistonques , qui s'est prononcé pour l'affirmative, liistt.ii,p.48.
ne nous paraît pas entièrement destituée de preuves. Il
observe que Louis-le- Jeune annonçant à Suger la mort Sugcr, ep. 22,
d'Alvise , parti avec lui pour la Terre-Sainte , l'appelle son p. 499.
frère , venerabilis f rater vester episcopus Atrehatensis felici
consumtnatione inigravit ad Dominum. Selon le style du
temps , le roi aurait écrit venerabilis pater noster, s'il n'eût
eu en vue que la dignité du défunt, parce cpie ce n'était
qu'entre eux que les évécjues s'appelaient frères. D. Liron
observe encore cju'Alvise lui-même, dans une charte en
fiiveur de l'abbaye, de Saint-Denis, appelle l'abbé Suger Hist. de s. De-
son frère, dilectissi me f rater, Sugeri, 'venerahilis ahha. D'où nis,pr. p. 107.
il conclut que Suger était flamand ainsi qu'Alvise ; mais la
preuve qu'il en donne, fondée sur ce que celui-ci avait
embrassé la vie religieuse à Saint-Bertin , nous paraît bien
fail>)e.
Quoiqu'il en soit , Alvise fut tiré , l'an 11 1 1 , de ce monas- ^'if^- ^^- ^"•
tèi'c, où il était prieur, pour être promu à l'abbaye d'Anchin,
iiii.
72 ALVISE, ABBîi D'ANCHIN, ËVÊQ. D'ARRAS.
xn SIECLE, diocèse d'Arras. Non-seulement il maintint dans cette abbaye
les pratiques religieuses dans toute leur intégrité, mais il
fut encore un des plus ardents réf"orm:iteuis des autres mo-
nastères de Flandre, même après qu'il eut été élevé à l'épis-
copat, l'an ii3i : ce qui ne manqua pas de lui susciter bien
des traverses de la part de certains religieux peu dociles.
OdodeDiogilo, Ce digne prélat étant parti pour la Terre-Sainte avec le
r-29- roi Louis-le- Jeune , mourut le 6 septembre ii47i à Fhilip-
popoli , avant que d'arriver à Constantinople , oii le roi
l'avait envoyé en ambassade.
SES ÉCRITS.
Baluz.Miscei.t. Etienne Baluze a publié une collrction de trente -cinq
v,p. 401-A26. lettres, relatives à l'administration d'Alvise pendant son
épiscopat, qui supposent ou qui annoncent même autant
de lettres de sa part. Cependant il n'y en a qu'une qui soit
Ibcd.p.ii2i. proprement de lui, écrite en son nom. Elle est adressée au
pape Lucius II, pour le mettre au fait d'une question de
divorce, qui , après avoir été plaidée devant lui, était portée
par appel au tribunal du pape.
ibid. p. 403. Parmi les autres lettres il y en a de très-importantes. De
ce nombre est un jugement de la cour du roi Louis-le-Gros ,
en matière de fief, portant cassation d'une sentence du juge
d'Arras, contre laquelle Alvise s'était pourvu.
gbid. p. /,io. Une lettre du pape Innocent II au roi Louis-le- Jeune
jette de grandes lumières sur les troubles qui régnaient à
Reims pendant la vacance du siège archiépiscopal , vers
l'an 1 1 38. Après de vives remontrances faites au jeune roi ,
le pape permet aux chanoines de Reims de procéder à
l'élection d'un archevêque, sous les yeux de Geoffioi , évêque
de Chartres, légat du pape, de Hugues, évêque d'Auxerre,
de Goslin de Soissons, et d'Alvise d'Arras; mais à condition
que le roi dissipera l'association qui s'était formée à Reims,
3ue le pape désigne sous le nom de compagnies , c'est-à-
ire, que le roi retirerait la charte de commune qu'il avait
accordée aux habitans. C'est Alvise à qui nous sommes rede-
vables de la conservation de cette pièce importante,
ftjrf. p. 418. La lettre 23 du pape Célestin II à Alvise est relative au
mariage projeté du fils aîné de Thibaud , comte de Cham-
pagne, avec une fille de Thierri , comte de Flandre, auquel
mariage le roi Louis-le-Jeuue mettait opposition. Comme
ALBÉRIC, CARDINAL EVEQUE D'OSTIE. 73
T'ëvêque d'Arras avait écrit au pape sur cette affaire , Cëlestin xil smcLE.
lui expose les raisons pour lesquelles il s'en était réservé la
connaissance , et l'invite à se rendre à Rome , s'il veut la
poursuivre canoniquement. Dans la lettre a.5 , Lucius , suc- Baïui. Miscei.
cesseur de Célestin, charge l'évêque d'Arras de travailler à P" '•'9"
rétablir , entre le roi de France et le comte de Flandre , la
paix , qui sans doute avait été altérée par l'opposition du roi
au mariage de sa fille.
La lettre 34 est du pape Eugène III au roi Louis-le-Jeune , ibid. p. 4aG.
en réponse à une lettre du monarque français , dont Alvise
fut le porteur. Le pape , en la terminant , recommande au
roi d'écouter favorablement certaines choses que l'évêque
d'Arras était chargé de lui communiquer en secret et de
vive voix. Nous pensons que cette négociation était relative
au projet de croisade , qui ne tarda pas à être mis à exé-
cution.
Nous ne parlons pas des autres lettres de cette collection ,
toutes fort honorables pour notre prélat, mais la plupart
relatives seulement à des affaires entre particuliers. Nous ne
dirons rien non plus des chartes émanées de lui , parce que,
sous le rapport littéraire, ces pièces n'ajoutent pas beaucoup
au mérite d'un écrivain. B.
ALBÉRIC,
CARDINAL ÉVÈQUE D'OSTIE.
SA VIE.
•
Ueux auteurs anglais, Jean et Richard, prieurs des cha- inter Ang!.
noines réguliers d'Hagustalde , nous donnent quelques ren- Hlst. Script. x,
seignemens sur les différens emplois qu'Albéric occupa dans *^° " ^ ^^'-'^''•
l'église, avant qu'il fût arrivé à la dignité de cardinal. Il
était né en France ( au diocèse de Beauvais , selon Guillaume wiil. Tyr. lib.
de Tyr), et il avait embrassé la règle de Saint-Benoit dans XV, cap. xi.
l'ordre de Cluni. Recommandable par son habileté dans les
sciences divines et humaines, homme éloquent et de bon
conseil , doué d'une physionomie aimable et d'une grande
Tome XIII. K
74 ALBÉRIC , CARDINAL É^'ÊQUE D'OSTIE.
xri SIECLE, modestie, qu'accompagnait un extérieur tout-à-fait religieux,
il fut d'abord sous-prieur à Cluni, et chargé de veiller, en
cette qualité, à la pratique des exercices du cloître. De- là
il fut envoyé à Paris, pour exercer les mêmes fonctions à
Saint-Martin-des-Champs , en qualité de prieur , ou de sous-
prieur. Le besoin d'un homme capable de rétablir le bon
ordre dans l'abbaye de Cluni , après le schisme qu'avait
tenté d'y introduire l'abbé Ponce, le fit rappeler à son ancien
poste par l'abbé Pierre le Vénérable, successeur de Ponce.
Bientôt après, l'an n3o ou ii3i, il fut nommé abbé de
Vezelai , au diocèse d'Autun ; mais cela ne se fit pas sans
opposition de la part des religieux, non qu'ils eussent aucun
éloignement pour sa personne, mais pai'ce qu'il leur était
envoyé par l'abbé de Cluni, duquel ils se prétendaient indé-
.Spicil. in-fol. pcndans , ou dont ils voulaient secouer le joug. L'affaire
t.u,p. 5i7. ayant été portée au tribunal du pape, Innocent II donna
gain de cause à l'abbé de Cluni : Albéric fut installé api'ès
que la plupart des religieux eurent été dispersés en Provence,
en Italie , en Germanie , en France , et en Aquitaine , enchaî-
Bern.epist.i5o, nés comme des criminels, vinculis colligati. Saint Bernard,
iium. 2. écrivant au pape Innocent, élève jusqu'aux nues ce trait de
vigueur apostolicpie ; et Ihistorien de Vezelai, de qui nous
empruntons ce récit, l'appelle une atrocité, un vrai scandale,
grave scandalum.
PetriVen. L'ail 1 1 34 , Albéric fut un des abbés qui, au retour du
lib.l,epist. -27. concile de Pise, furent arrêtés, dévalisés, et rais en prison
à Pontremoli par des brigands. Comme il était question
//w/. li,cp. 28. de le faire évêque de Langres, l'an ii36 ou 113^, Pierre le
Vénérable , qui avait besoin de lui pour maintenir dans sa
dépendance l'abbaye de Vezelai , demanda si instamment au
Eape d'empêcher cette élection , qu'elle n'eut pas lieu. Mais
ientôt après le pape, connaissant le mérite d'Albéric, le
G.il). Christ, créa cardinal évêque d'Ostie. Les auteurs du Gallia Cliris-
î. IV, col. 469. fi^jjd élèvent des doutes sur l'identité de la personne de ce
cardinal et de l'abbé de Vezelai ; parce qu'ils ne trouvent ,
disent-ils, nulle part que ce cardinal ait été abbé de Vezelai.
Cependant les deux auteurs anglais déjà cités le disent for-
mellement , et Pierre le Vénérable le fait entendre assez clai-
rement dans la lettre 48 du second livre.
A peine élevé au cardinalat, Albéric fut envoyé , l'an 11 38,
avec la qualité de légat en Angleterre , pour travailler à
rétablir la paix entre le roi Etienne et David , roi d'Ecosse ,
ALBÉRIC, CARDINAL ÉVÈQUE DOSTIE. 75
comme aussi pour rëgkn^ les affaires ecclésiastiques du pays. Xïi SIECLE.
Il assembla pour cela, au mois de décembre de la même
année, un concile à Westminster, dont les actes ont été
conservés par les historiens anglais déjà cités ; il partit au
commencement de l'année suivante, accompagné de plusieurs
évéques d'Angleterre, pour assister au concile général de
Latian.
L'an I i4i •) ayant été envoyé comme légat en Orient, il tint Labbe, Concii.
à Antioche, au mois de décembre, un concile dans lequel il ^■^^^' ^°^- ^***^
prononça la destitution du patriarche Raoul. Etant allé
ensuite à Jérusalem , il fit la dédicace de l'église de Sion ,
assembla aux fêtes de Pâques un concile auquel assista le
catholique ou patriarche de Arméniens , qui promit de con-
former sur plusieurs points la croyance de son église à celle
de l'église de Rome. Après cela , le légat reprit le chemin de
l'Italie.
Il n'y séjourna pas long-temps , car le pape Lucius II , chesn. t. iv,
aussitôt après son élection , le chargea de la légation de jg^' *^'^' '''
France , selon la chronique de IMorigni , par conséquent l'an
1 144- Nous ne ferons pas le détail de toutes les affaires qu'il
eut à traiter en France : il suffira d'indiquer les piùncipales.
L'an 1 145 , et non l'an 1 147 1 il partit avec saint Bernard s. Bern. op.
et Geofroi , évêque de Chartres, pour aller à Toulouse '• Hj coi. 1192.
prêcher contre les hérétiques Henriciens. Nous avons la rela-
tion de ce voyage. Ils s'arrêtèrent d'abord à Nantes, afin de Guiberti, Op.
ramener au sein de l'église les sectateurs d'Eon de l'Étoile, p- 690.
qui , à leur approche , craignant pour sa personne , prit la
fuite. N'ayant pu convaincre de vive voix cet imposteur, le
légat chargea Hugues, archevêque de Rouen, qui se trouvait
là , de combattre par écint ses erreurs. C'est ce que fit l'ar-
chevêque dans un traité adressé au légat par une épître
dédicatoire, de laquelle nous tirons cette circonstance du
voyage. Passant ensuite par Bordeaux, ces bons mission- Caii.Chrisi.
naires rétablirent la paix entre le clergé de la ville et l'arche- '• ^^' '^°'- ^'''•
vêque Geofroi de Loroux , qui , pour avoir excommunié son
chapitre , n'avait pu , depuis cinq ans , rentrer dans son
église. Nous renvoyons à l'article de saint Bernard ce que
nous aurions à dire sur le reste du voyage.
Il y a grande apparence qu'Albéric , après avoir concerté
avec le roi Louis- le- Jeune le voyage de la Teri'e- Sainte,
retourna auprès du pape, qui donna, au mois de décembre
de la même année, sa bulle portant indulgence ipour les
7G ALBÉRIC, CARDINAL ÉVÊQUE D'OSTIE.
XII SIECLE. Croises. Au moins est-il certain que le légat, s'il eût été en
France aux fêtes de Noël suivantes, n'eût pas manqué d'as-
sister à la première assemblée qui fut teime à Bourges sur
cet objet, et rien ne prouve qu'il y ait assisté. 11 est certain
d'ailleurs qu'étant à Rome au premier jour de février de
lannée suivante, il souscrivit une bulle rapportée par D. Ma-
billon, t. AI des Annales de l'ordre de Saint-Btnoît, p. 6()8.
Le pape Eugène III étant venu en France, l'an 1 147, Albé-
ric fut aussi du voyage, et il mourut à Verdun au commen-
cement de l'année suivante , se rendant de Trêves à Reims ,
où le pape avait indiqué un concile pour la mi-carême 1 148.
vita s. Eern. Saint Bernard avait conçu une si haute idée de la sainteté
hb. l\, caij. 4. dAlbéric, que, passant peu de temps après à Verdun, et
offrant pour lui le saint sacrifice de la messe, au lieu de dire
la collecte pour un défunt , il récita celle qu'on lisait à l'office
d'un saint pontife. Cependant il s'en faut de beaucoup que sa
gestion comme légat ait été sans reproches, Guillaume de
Martene , Tyr ne lui cst pas trop favorable. Etienne, archevêque de
Anecd. t.i, col. Vienne, dans une lettre à lui écrite, se plaint de l'irrégula-
rite d'une procédure qu'il avait intentée contre lui; et, ce
qui prouve que ce n'était pas sans raison , c'est que sa pro-
cédure fut cassée sous le pontificat d'Adrien IV, et Etienne
rétabli sur son siège , comme nous le dirons à l'article de ce
dernier.
Baïuzii Miscel. Nous n'insisteroiis pas sur l'abus tl'autorité que lui
t. iVjp. 459. reproche, pour l'avancement de ses neveux, Thomas, abbé
démissionnaire de Morigni , dans une lettre à saint Bernard.
Le portrait peu avantageux qu'il fliit de l'oncle et des neveux
est trop chargé, pour être pris à la lettre de la part d'un
homme qui avait sur le cœur le ressentiment de se voir
éloigné de son ancien poste, auquel, disait- il, l'appelaient
de nouveau les vœux des religieux et des habitans de
Morigni.
SES ECRITS.
11 est étonnant qu'avec la réputation de science que s'était
S. Bern. Op. acquise Albéric, jusque-là que Geofroi d'Auxerre , secré-
t. II, col. i32o. taire de saint Bernard, l'appelle une des fortes colonnes de
YégVisdy columnajn gf-andem ecclesiœ , cwn onini reverentiâ
nominandum , lequel , dit-il , parmi tous les cardinaux , au-
rait été le plus capable de déconcerter au concile de Reims,
si , à cette époque , il eut été en vie , la suffisance de Gilbert
ALBÉRIC, CARDINAL ÉMiQUE D'OSTIE. 77
de la Porrée ; il est étonnant qu'ayant été chargé de négo- ^n sieclk.
dations aussi importantes que celles que nous venons de
raconter , il l'este si peu d'écrits de sa composition , dont
nous puissions lui faire honneur. Voici ceux que nous con-
naissons :
1° Les actes du concile de Westminster en Angleterre, LahLe, Condi.
imprimés dans le P. Labbe, d'après les historiens anglais, i- >^, toi. 99/, -
Richard , prieur d'Hagustalde , col. 3^6 et seqq. , et Gervais ^^
de Cantorbéri, col. lo^y. Quant aux actes des conciles qu'il
tint en Orient, il n'en reste que le souvenir dans l'histoire
de Guillaume de Tyr.
2" Gervais de Cantorbéri nous a conservé la lettre qu'Ai- Hist. Angi.
béric écrivit au prieur de Cantorbéri, nommé Jérémie, pour \'"q^' ' '
lui enjoindre de procéder à l'élection d'un archevêc[ue, et
de se rendre , avec la personne qu'on élirait , au concile
indiqué à Westminster, afin qu'il put lui imposer lui-même
les mains.
3° Dom Duplessis a publié des lettres d'Albéric , qui Hist deMeaur,
constatent qu'il fit , l'an 1 145 , la dédicace de l'église de Fare- ^"^' *' ^^' P" ^°'
moûtier au diocèse de Meaux, rétablie après un incendie cpi
l'avait consumée.
4° On trouve, dans le Trésor des Anecdotes de D. Martene, Martene ,
des lettres tlu légat Albéric , adressées à l'abbé et aux reli- ^^^'^^' '" ^' ^"^'
gieux de Saint-Maixent , en Poitou , portant règlement entre ^^
les religieux et les chapelains de leur dépendance.
S'' Le même éditeur a mis au jour d'autres lettres d'Albéric, Martene,Ainpj.
données à Limoges, dans lesquelles il annonce aux religieux Coiiect. t.l,coi.
de Saint-Orens d'Ausch qu'il a rétabli la bonne intelligence ''^°'
entre leur prieur et l'archevêque Guillaume de Monta ut, son
oncle , touchant certaines contestations c|ui s'^étaient élevées
entre eux. Ces lettres sont aussi imprimées dans la Chronique
d'Ausch par Clément de Brugelles, page 49 des preuves de
la seconde partie.
6** Une lettre à Ponce, abbé de Vezelai, pour lui annon- Siiicii. in-foJ.
cer qu'il a mandé au comte de Nevers de renoncer aux ••^^'P-Sog.
E rétentions formées par ce seigneur sur le temporel de l'ab-
aye , exhortant l'abbé à ne faire aucun sacrifice des privi-
lèges de sa maison.
Nous indiquerons , en finissant , les lettres qui furent
écrites par saint Bernard à Albéric étant en cour de Rome.
Ce sont les lettres 219, a3o, 23i, 23a, auxquelles nous
n'avons pas les réponses de notre cardinal.
78 SIMON F% ABBÉ DE SAINT-BERTIN.
MI SIECLE. Nous avons dëja parlé de la lettre que lui écrivit Hugues
d'Amiens, arclievéque de Rouen, en lui envoyant le Traité
qu'il avait com])Ose, par son ordre, contre les hérésies qui
Bouquet, t.xv, puUulaicnt en France. Le continuateur du Recueil des histo-
P- ^S**- riens de France en a produit une du même archevêque ,
non encore imprimée , touchant ce qui s'était passé à Seez ,
lors de l'élection de l'évêque Girard, sur laquelle le légat
Albéric devait prononcer. B.
SIMON r,
ABBÉ DE SAINT-BERTIN.
SA VIE.
jcandYprcs, OiMON naquit à Gand , d'une famille noble, dans le
t. III du Très, -^p gj^çiç Place , dès son enfance , à l'abbave de Saint-Ber-
(ies Anecil. cte . ^ . , ' 11 1 1 / t
Mariene,p.63i. tiiî , que gouveriiait , a cette époque, I abbe Jean, premier
du nom, il y eut pour maître Lambert qui en était l'éco-
lâtre, qui jouissait, à ce titre, d'une grande célébrité, qui
devint ensuite le chef du même monastère , et dont on a
]Darlé un peu trop brièvement peut-être au tome XI de notre
p. i3 et I.',. Histoii'e littéraire.
Simon s'était distingué parmi les disciples de Lambert.
Une grande difficulté qu'il éprouvait à parler ne l'avait pas
Mart. ihid. , empêché de s'instruire. Les auteurs qui l'appellent vir im-
Mabiii. Annal. ^^g^/^/^,.j^ Unguœ , l'appellent en même temps vir litteratus.
if>eet'2 79 Gaii! Aussi Lambert, devenu abbé en 1096, le choisit-il pour
Christ, t. m, l'aider à établir, dans un grand nombre de monastères de
P- 497- Flandre et d'Artois , la réforme de Cluni , qu'il avait aupara-
vant introduite à Saint-Bertin. Simon s'y livra avec beaucoup
de zèle, au commencement du XIP siècle, et il se montra
tellement digne, sous tous les rapports, de la confiance de
l'abbé Lambert, que celui-ci étant, vers 11 24, atteint d'une
paralysie qui le mettait hors d'état de remplir ses fonctions ,
il nomma Simon son coadjuteur. Mais l'abbé de Cluni s'étant
élevé contre cette élection , comme faite sans son concours ,
et à son insçù, un autre co-adjuteur fut donné à LamLert.
SIMON P'", ABBÉ DE SAINT-BERTIN. 79
Les deux abbayes, celle de Cluni et celle de Saint-Bertin , "^^ siècle.
eurent à ce sujet, et, en gênerai, sur leurs relations de supré-
matie et de dépendance , des différends cpii furent soumis au
pape, et dui^èrent plusieurs années : il n'y eut de décision
définitive qu'en 1 189, et elle fut rendue en faveur de l'abbaye
Saint-Bertin.
Cependant, les religieux d'Aucliy, près d'Hesdin , avaient Mait. Anecd.
élu Simon pour leur abbé. Il les gouverna, pendant plusieurs '■ "^' P'^^' '''
années, avec tant de sagesse, que le co-adjuteur, devenu
successeur de Lambert, sous le nom de Jean II, ayant été
déposé au concile de Reims, présidé par Innocent II, pour
avoir adhéré à l'antipape Pierre de I>éon , les suffrages una-
nimes des religieux se réunirent sur Simon , en 1 1 3 1 . Son
élection néanmoins fut encore contestée. Elle avait été faite
sans attendre que la cour de Rome eût prononcé sur les dif-
férends dont nous avons parlé. Pierre le Vénérable , abbé de
Cluni , se saisit de cette circonstance pour la dénoncer au
pape. Innocent II avait reçu do cet abbé, et de tout l'ordre
de Cluni en général , de grands témoignages de dévouement
et d'affection , au moment où le pontificat suprême était dis-
puté entre Anaclet et lui ; il finit par céder à la demande
Ï)ressante et réitérée de Pierre le Vénérable. Un bref annulla
'élection en 11 36, comme faite pendant la litispendance,
et ordonna aux religieux de Saint-Bertin de choisir un autre
abbé, avec l'avis et du consentement de l'abbé de Cluni. II
y avait déjà cinq ans que Simon remplissait les fonctions que
lui ôta la décision du pape. Innocent II atteste d'ailleurs ,
dans son bref, que ce n'est pas à cause de la personne élue
3u'il annuUe l'élection; il reconnaît la capacité et le mérite*
e Simon.
L'abbé Simon n'apporta aux ordres du pape qu'une rési- Mart. Md. p.
gnation parfaite et une soumission absolue. Abdiquant aussi- '^^'>-
tôt sa dignité , il se retira à Gand , dans une de ces abbayes
où il avait aidé Lambert à établir la réforme. Il y passa plu-
sieurs années , tout entier aux exercices de la piété chrétienne
et de la pénitence. Il revint cependant finir ses jours à Saint-
Bertin, où sa mort arriva le 4 février 1 148. Jean d'Ypres
rapporte son épitaphe ; elle était conçue en ces termes :
Abbas sacratus virtute vigens jnonachatus ,
Cœlo translatus Sjmonjacet hic tuniulatiis ,
Quarta elles fcbrui quein pacejbvct requiei.
etc.
80 SIMON F% ABBÉ DE SAINT-BERTIN.
Xn SIECLE.
SES ÉCRITS.
p. 333. Nous avons parlé, dans ie G"^ tome de notre Histoire Lit-
téraire, d'un recueil formé dans le dixième siècle, par un
moine de l'abbaye Saint-Bertin , de diplômes, chartes, et
autres actes concernant cette abbaye, disposés dans leur ordre
chronologic{ue, accompagnés d'observations et d'éclaircisse-
mens , entremêlés de laits historiques , et cjui offrent le ta-
bleau de la vie et des actions de chacun des abîmés de ce
monastère. Le religieux à qui on le doit s'appelait Folcuin.
On conservait l'ouvrage manuscrit , avec sa continuation ,
dans la l^ibliothèque de la maison dont il offrait l'histoire,
et il y en avait des copies dans quelques bibliothèques de
Paris. Mabillon en a publié plusieurs fragmens dans sa Di-
P. 6o5 et suiy. plomatique , au tome 3 de ses Annales de l'Ordre de Saint-
T. V, p. 622, Benoît, et dans les Actes des Saints et des Personnes célèbres
de cet ordre. 11 regardait ce cartulaire comme le plus ancien
qu'il y eût en France.
L'ouvrage de Folcuin avait été continué dans le même
ordre et sur le même plan par notre abbé Simon , pendant
qu'il n'était encore que simple religieux. Il forma une
histoire suivie , jusqu'au douzième siècle. Simon l'avait dédié
à Lamiiert, son abbé. Jean d'Ypres l'a inséré dans sa Chro-
nique, insérée elle-même au tome 3 du Trésor des Anec-
p."/^43. ' " ' dotes de IMartène. L'ouvrage de Simon commençait au temps
Gali. chr. t. III, de Roderic ouRotric, devenu abbé de Saint-Bertin en loar,
p. 493 et 498- ef contenait ainsi f histoire du monastère pendant un siècle
environ. On peut regarder l'auteur comme contemporain de
la plupart des faits qu'il rapporte. Les bulles des papes , les
diplômes des princes et des comtes de Flandre, les autres
monumens historiques, y expliquent aussi, y prouvent, y
développent les événemens principaux arrivés sous le gou-
vernement de chaque abbé successivement. Les BoUandistes
ont également parlé de cette Chronique , d'après un savant
religieux bibliothécaire de l'abbaye Saint-Bertin , dom de
P. 55/,, n. 22. Cléry, sous la date du 5 septembre. Le travail de Simon était
divisé en trente-huit chapitres , suivis de deux livres de cens ,
qui regardaient deux terres de l'abbaye, et où se voit le dé-
tail des rentes et redevances auxquelles les vassaux étaient
assujétis. L'auteur y ajouta le catalogue des livres qui , de
son temps , composaient la bibliothèque de Saint-Bertin ,
Mart. Th.
Anccd. t. III
SIMON I", ABBÉ DE SAINT -BERTIN. 8ï
suivi d'une généalogie très -succincte de nos rois des deux ^if SIECLE,
premières races ; elle finit au roi Robert.
Simon est encore auteur d'une vie de saint Berlin en vers.
Folcard , religieux de ce monastère , en avait comjDosé une
en prose. Celle du nouvel auteur n'est guère que l'ouvrage
de Folcard versifié, avec le retour des mêmes sons entre le
milieu et la fin du vers, suivant le goût du temps. Simon en
a adopté ou répété toutes les opinions , et il a fidèlement
imité jusqu'à la diffusion de son style. Dom de Cléry croit
3ue ce poème a été fait peu de temps avant le milieu du
ouzième siècle. Il est du moins indubitable cpi'il l'a été
entre l'année ii3(i, époque oii l'élection de Simon fut an-
nuUée par le pape, et l'année i i4^i qui est celle de sa mort.
Nous dfevons même remai'quer ici une erreur échappée à un
des savans les plus distingués qu'aient produits l'ordre de
Saint-Benoît et la France en général, dom Mabillon. L'ab-
baye de Saint -Bertin eut , dans le douzième siècle , un
autre abbé du nom de Simon ; c'est à lui que dom Mabillon
attribue la vie de ce saint, en vers, dont il cite un fragment
au tome III des Acta Sanctorwn ordinis Sancti Benedicti. Page io6.
C'est le commencement du poème.
Films et f rater merito tuus, 6 pîa mater,
Laudibus immensis celebremus plebs Sithicnsis.
Unani curn reputem tibi non satis esse saluteni ,
Me conjerre putes tibi cum pâtre mille saintes.
Ergo fave Simoni, quœso ^ pater aime, Leoni,
Cui quod concepi dudiim , modo scribere cœpi
Laude Deijestâ nostri patris incljta gesta.
îl semble néanmoins que ces vers même auraient dû faire
changer Mabillon d'opinion. Le cinquième annonce qu'un
abbé du nom de Léon Tétait alors du monastère Saint-
Bertin.
Fave Simoni , pater aime , Leoni.
Ce Léon est le même qui fut nommé quand l'élection de
Simon eut été annullée, qui gouverna l'abbaye jusqu'en
ii63, et qui avait consacré a Simon la sépulture dont nous
avons rappelé l'inscription. L'ouvrage doit par conséquent
avoir été composé pendant que notre auteur vivait dans
cette abbaye de Gand , oii il se retira après avoir perdu ses
Tome XIII. L
82 GEOFROI, ÉVÈQUE DE CHARTRES.
XII SIECLE, fonctions abbatiales. Ajoutons que, clans le manuscrit que
' la bibliothèque de Saint-Bertin en conservait, et duquel dom
Cléry avait envoyé une copie, avec des observations, aux
continuateuis de Bollandus, on lisait que l'auteur en était
Simon pi".
Un religieux du même monastère, dont le nom ne nous
est pas connu, continua jusqu'en 1179 la Chronique de
Simon; un autre ensuite, jusqu'en 1229; et Jean d'Ypres ,
abbé de Saint-Bertin au XIV*' siècle, jusqu'en 1294- On
peut lire ce qu'en dit le père Lelong, dans sa Bibliothèque
Historique de la France, tome I*^^ de l'édition de Fontette,
page 767. P.
GEOrPtOI DE LEVES,
ÉVÈQUE DE CHARTRES.
SA YIE ET SES ÉCRITS.
Cil t IV ^ELON la Chronique de Morigni, Geofroi de Lèves ( de
Ecr. Fi'au. p! Leugis ) ne manquait pas de science , mais il excellait sur-
3S2. tout dans le maniement des affaires : Gaufridus carnotensis
provinciœ episcopus , scieiitiœ quideni literalis non indigiis ^
seculaiiwn quoque negotionun dispositor et tractator famosus.
Les chanoines de Chartres, qui, dans leur nécrologe, lui ont
consacré un bel éloge, fappellent une des colonnes du sacer-
doce et de l'état, cjui avait un talent admirable pour annon-
Gall. Clirist. ^cr aux peuples la doctrine du salut : Tarn in sacerdotii di-
toni. VIII, col. gnitate quant inlionore regni coliunna , doctrinœ divinœ prœco
"^°- mirahUis. Orderic Vital atteste C[ue, dès l'an 11 19, Geofroi
s'était distingué par son éloquence au concile de Reims, pré-
Ord. lib. XII, sidé par le pape Calixte IL Ibi Gerardus EncoUsmensis, Hato
P 862. Vivariensis, Gaufridus Carnotensis , et Guillehnus Catalau-
nensis , duces verbi prœ cœteris intonuenint , et dicacibus
scholasticis atque fervidis amatoribus sophice imddiosi enitue-
runt. Si ces titres n'étaient pas suffisans pour lui mériter un
article dans notre Histoire Littéraire, nous en trouverions
d'autres, non-seulement dans les actes émanés de lui comme
légat du saint siège , dont à la vérité la plupart sont perdus ,
GEOFROI, ÉVÈQUE DE CHARTRES. 83
mais encore dans un écrit que nous croyons pouvoir lui at- xn SIECLK.
tribuer, et dont il sera parlé plus bas (i).
Ce n'est pas notre objet de tracer ici l'histoire de sa vie,
ni de recueillir les actions mémorables de son épiscopat :
cette tâche a été remplie par les auteurs du Gallia Christiana
de manière à ne rien laisser à désirer. Nous ne <levons l'en-
visager que sous le rapport des lettres ou comme protecteur
des savans , auquel plusieurs ont dédié leurs ouvrages.
Ayant succédé, l'an 1116, au fameux Ives de Chartres,
Geofroi eut comme lui une contestation sérieuse avec Geo-
froi, abbé de Vendôme, relativement à l'exemption de cette
abbaye , à laquelle les souverains pontifes avaient accordé
de grands privilèges, jusqu'à la revêtir du titre du cardinalat
de Sainte -Prisque à Rome. Douze lettres, parmi celles de ooffridi Vind.
l'abbé de Vendôme, roulent presque toutes sur cet objet; lib. 11, ep. 21-
elles en supposent autant de la part de 1 évêque de Chartres, ^*"
auquel elles sont adressées , et que nous n'avons pas : mais
on a conservé celle qui termina ce différend , dans laquelle Sirm. Notœ ad
Geofroi reconnaît la validité des privilèges de l'abbaye de ""P'*'- Goffi-. p-
Vendôme , et en ajoute d'autres de sa propre autorité.
Ives , son prédécesseur , fut accusé , dans son temps , de
fomenter la simonie des doyens et prévôts de son église dans
la collation des bénéfices. On peut voir, dans sa lettre i33,
comment il se défend de cette imputation, alléguant son im-
(a) Le savant estimable qui a composé le tome XII de cette Histoire, "
pour aller au-devant du reproche qu'on aurait pu lui faire d'avoir passé
sous silence des écrivains qu'on s'attendrait à y trouver, explique dans
lavertissenienl, page 2 , pourquoi il n'avait pas fait un article pour Geo-
froi, évêque de Chartres. « Notre dessein , dit-il, a été de les retrancher
t< absolument, comme peu propres à figurer dans cette Histoire, à raison
<c de la modicité de leurs productions. Tels sont, entre autres, Geofroi II,
« évêque de Chartres, décédé le i\ janvier 1148, et Samson de Mau-
« voisin, archevêque de Reims, qui termina sa carrière le 12 septembre
« ii6i. L'un et l'autre prélat étaient, à la vérité , recommandables par
« leur savoir, mais trois ou quatre lettres fort courtes qui nous restent
« de chacun d'eux , sans autre fruit connu de leur plume , sinon des
'1 chartes, ne nous ont point paru mériter que nous nous occupassions
« ni délies, ni de leurs auteurs. Les richesses littéraires de la France
■i sont d'ailleurs si abondantes au XII*" siècle, que, pour en sortir, il est
« nécessaire de supprimer bien des bagatelles, qui pourraient servir à
« remplir les vides d'iui siècle moins fécond. » Sans doute il ne faut pas
donner aux choses plus d'importance qu'elles n'en ont; mais les lettres
de Geofroi, sous le rapport du caractère public dont il était revêtu,
méritaient plus de considération.
La
84 GEOFROI, ÉVÊQUE DE CHARTRES.
Fuissance pour remédier à un mal que semblait aiitoriser
usage de la cour de Rome. Geofroi , dès le commeneement
de son épiscopat , remédia à cet abus par un décret qui tut
Gaii. Christ, confirme au concile de Reims de l'an 1 1 19, par le pape Ca-
3iV"' 'rb*^*^' lixte II. Ce décret, vraiment épiscopal , n'est connu que par
la lettre confîrmative du pape.
Abœi. ep. I, S'il faut en croire Abailard, l'évêque de Chartres fut le
«"«P- 9- seul qui, au concile de Soissons de Tan 1 121 , sans prendre
ouvertement sa défense, n'approuvait pas la rigueur dont
S.Berij.ep.337. usaient envers lui ses envieux. Il signa cependant, vingt ans
plus tard , la condamnation de cet infortuné philosophe au
concile de Sens , dans une lettre qui lui est commune avec
d'autres pi^élats de sa province.
ci!rou.aîaneac. Deux légats du pape tinrent à Chartres , l'an 1 1 24 , un
concile dont on ne connaît que la date. Les actes de ce con-
cile étant perdus, on ne peut dire positivement quel en fut
l'objet, ni quel personnage y fit l'évêque Geofroi. Nous pen-
sons c[u'il y fut question du mariage que le prince Guillaume,
fils du malheureux Robert , duc de Normandie , avait con-
tracté, sous le bon plaisir du roi de France, avec une fille
de Foulques, comte d'Anjou, dont le roi d'Angleterre pour-
suivait la cassation, comme nul à raison de la parenté; mais
Spicii. in-foi. nous ne counaissous pas le résultat de ce concile. Ce qu'il y
t. m, p. 479. a de certain, c'est qu'au mois d'août de la même année, le
Labbe, Concii. pape Calixtc , cuvoyaut en France , pour terminer cette af-
t. x,coi. 85i. faire, un nouveau légat, le cardinal Jean de Crème, qui de-Ià
devait passer en Angleterre , enjoignit aux évèques de Char-
tres , d Orléans et de Paris , de faire observer l'interdit que ce
légat avait prononcé contre le prince Guillaume , dans tous
les lieux où il se montrerait.
L'an 1 127, Geofroi accompagna l'évêque de Paris, Etienne
Dubois, Ilist. de Senlis, allant à Rome pour plaider sa cause contre l'archi-
ecci.Paris, t.ii, Jiacre Notier. Ayant assisté au jugement, qui fut prononcé
^' °' en faveur de l'évêque parles cardinaux nommés arbitres dans
cette affaire , il expédia , conjointement avec l'évêque de
Meaux , des lettres testimoniales, portant qu'en leur présence
il avait été fait un accommodement enti'e les parties, con-
formément à favis des cardinaux.
Il ne fut pas d'un moindre secours à l'évêque de Paris
f)0ur terminer le différend qu'il avait avec Etienne de Gar-
ande, sénéchal de France et archidiacre de son Eglise, pour
Bcrn. ep. /,7. lequel le roi Louis-le-Gros avait pris parti. Il écrivit au pape
GEOFROI, ÉVÊQUE DE CHARTRES. 86
Honorius une lettre qui est la 47*^ parmi celles de saint xii siècle.
Bernard, pour se plaindre que le pape eût levé l'interdit que
lévêque de Paris avait lancé sur les terres du roi , dans un
moment où la crainte de l'excommunication l'avait rendu
plus traitable et tout disposé à rendre à lévêque son tem-
Sorel , dont il s'était saisi. Dans deux autres lettres à lévêque Spicil. in-/oi.
e Paris, Geofroi l'exhorte à se montrer accommodant, soit tni>p- ^91 ^^
envers l'archidiacre , soit envers le roi. ^ ^"^^'
Nous lisons dans la Chronique de Morigni , près d'Etampe , Chesn. t. iv,
que le pape Innocent II étant dans cette abbaye l'an i i3i , ^^^- Franc, p.
et faisant la consécration d'un autel avec l'appareil d'une cour '''
nombreuse, Geofroi fut chargé de prononcer, à cette occa-
sion, un discours qui na pas été publié.
Le pape ayant conçu une haute idée de la capacité de
notre prélat, lui confia, l'année suivante, l'autorité de légat
cju'il avait retirée à Mathieu, évêque d'Albano. En effet, écri-
vant, l'an irSa, à Henri Sanglier, archevêque de Sens, en Spicii. in-foi.
faveur d'Archambaud, sous-doyen de l'église li'Orléans, Geo- 'iH^p^Sy-
froi ne prend que la qualité d'évêque de Chartres ; mais In-
nocent II , dans une lettre du mois de novembre de la même Jbid.
année, en faveur du même Archambaud , qui fut massacré
l'année d'après, lui donne la qualité de légat. Ce fut en cette Labbe, Concii.
qualité qu Etienne, évêque de Paris, lui dénonça, l'an ii33, t- x, col. 975.
le meurtre commis sur la personne du bienheureux Thomas,
prieur de Saint -Victor, et que Geofroi assembla le concile
de Jouare pour venger sa mort, ainsi que celle du sous-
doyen de l'église d'Orléans.
Pendant sa légation , qui, selon le nécrologe de l'église de
Chartres, dura près de quinze ans, Geofroi eut à combattre
dans l'Aquitaine les partisans de l'anti-pape Anaclet, et, avec
l'aide de saint Bernard, il parvint à ramener à l'obéissance s. Bein. vit»,
du pape Innocent le duc Guillaume, que l'évêque d'Angou- ^'^- ^^> '^^v- ^■
lême avait entraîné et retenait depuis six ans dans le schisme.
Ce fut pour seconder ses travaux dans une entreprise si dif- Spicil. in-foi.
lîcile, qu'Arnoul, pour lors archidiacre de Seez, depuis évêcrue '^' !'• ^^^•
deLisieux, lui adressa une sanglante diatribe contre lévêque
d'Angoulême, avec une épître dédicatoire dans laquelle il
relève autant la science et les autres cpialités de Geofroi ,
qu'il accumule , dans le corps de l'ouvrage , les invectives
contre Gérard.
L'an iiS^, ayant accompagné le roi Louis-le- Jeune allant ci.ron. Mami-
à Bordeaux pour épouser l'héritière de Guienne , Geofroi ■"ac,p. H82.
XII SIECLE.
De Conccrd.
col. 1092.
Marte ne ,
Anccd. t. iri ,
col. 886.
Cliron. Bî.imi-
niac, p. 3S4'
De Cop.sid. Vth.
IV , cap. j.
Maiténe ,
Anecd. t. III ,
col. 887.
S. Bi-rn. Vita ,
11b. Itl, cap. C.
Bei'ii. ep. fj'ij
Sugeiii pp. 102.
86 GEOFROI, ÉVÈQUE DE CHARTRES.
reçut du jeune monarque la plus grande marque de con-
fiance qu'un souverain puisse donner à un sujet. Obligé de
retourner précipitamment à Paris pour assister aux obsèques
de son père, c'est à lui que le roi confia la garde de son
épouse, jusqu'au moment où , libre de tout autre soin, il
pourrait les appeler à sa cour.
Baluze a publié un décret de Geofroi , comme légat du
saint siège , adressé à l'archidiacre et au doyen de l'église
d'Angers, relatif au rachat des autels, dans lequel, confor-
mément au canon du concile de Clermont, de l'an ioc)5, il
est défendu d'exiger des abbayes un cens annuel pour com-
penser le rachat , qui , comme dans l'usage des fiefs , avait
lieu à chaque mutation des curés ou vicaires [personas) qu'on
établissait dans les paroisses.
On voit dans une lettre du pape Innocent II , de l'an
1 142 , cme Geofroi avait assemblé plusieurs conciles, à Sau-
mur, à vannes, au ]\îans, à Paris, à Poitiers; mais les actes
de ces conciles sont perdus poiu- nous. Après le concile de
Latran, de l'an 11 89, il eut ordre de parcourir la France, et
sur-tout l'Aquitaine, pour détruire les autels consacrés par
les schismatiques, et d'en ériger de nouveaux. Bien différent
du légat Gérard d'Angoulême , dont l'avarice donna lieu à
tant' de plaintes, Geofroi se conduisit toujours, dans l'exer-
cice de ses fonctions , d'une manière irréprochable. C'est le
témoignage que lui rend saint Bernard, dans le livre de la
Considération , au pape Eugène.
Geofroi n'était plus légat l'an 1 1 44 '■> il était remplacé par
le cardinal Albéric, évêque d'Ostie , qu'il accompagna avec
saint Bernard , l'année suivante , dans une mission à Tou-
louse , pour extirper les erreurs qu'un disciple de Pierre de
Bruis avait semées dans le pays; et l'année d'après, il alla
prêcher la croisade dans la province de Bretagne.
Nous avons encore de lui une lettre adressée à l'abbé Su-
ger , régent du royaume , dans laquelle il lui dénonce les
vexations qu'il éprouvait de la part du prévôt royal d'Hien-
ville. Cette lettre est de l'aii ii^y ou 1148. Elle fut bientôt
suivie de la mort du jirélat, arrivée le 24 janvier 11491 et
non I r48 , quoique les chroniqueurs qui commençaient
l'année à Pâques, la placent à cette dernière aimée.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que du peu de letti'es qui ont
été conservées de notre prélat, sans rien dire de ses chartes,
qu'on peut voir dans le Gallia Christiana. Mais il existe au
GEOFROI, ÉVÊQUE DE CHARTRES. 87
Vatican , parmi les manuscvits de la reine Christine de Suède , xmsiECLE.
n° 339 , un ouvrage qui a pour titre : Gilonis Camofensis isTo,;ces ,]e ^^5.
episcopi de rniraculis Sauctœ Mariœ f irginis. 11 n'y a point diiaiie, t. xir,
eu d'ëvêque de ce nom à Chartres. Le savant académicien i^"'- ^GfJo.
Lacurne de Sainte-Palaye, qui a laissé une notice de ce ma-
nuscrit , observe que ce titre est d'une écriture différente de
celle du corps de l'ouvrage , cju'il estime du XIII« siècle.
Ainsi, l'on peut supposer que c'est sans fondement que ce
titre a été ajouté au manuscrit. Cependant, il faut croire
qu'on avait quelque raison povu' attribuer cette production
à un évêque de Chartres. Peut-être a-t-on voulu mettre
L'oiiis, le plus connu des évêques qui ont occupé ce siège ;
mais comme aucun des bibliographes anciens , dans le dé-
nombrement de ses écrits , n'a parlé de celui-là , nous sommes
plus portés à croire qu'il faut l'attribuer à l'évêque Geofroi ,
dont vraisemblablement le nom n'était désigne que par la
lettre initiale, et cela pour plusieurs raisons: 1° parce que
Gautier de Compiègne , qui a aussi composé un livre des
Miracles de la Sainte Vierge, en rapporte un c]u'il disait te-
nir de la bouche de l'évêque Geofroi : Et ne quis ista velut i.ahbc, Bibl.
'vana etfiwola jvjicieiida jmtet , scias me nequaquam oculis '"^*- '• H ^ p-
propriis hœc aspexisse, sed ah uno ^enerahili Gojfrido Car- '^°'
notensi episcopo et apostolicce sedis legato , in conventu nobi-
liian personarimi referente cognovisse. Gautier ne dit jjas, à
la vérité , que Geofroi l'eût mis par écrit ; mais rien n'em-
pêche de croire qu'il l'aurait foit depuis. 2° Parce que , de
son temps , rien ne fit plus d'éclat que les miracles opérés
par l'intercession de la Sainte Vierge, à Paris, à Soissons,
et ailleurs , sur des malades atteints d'une espèce d'épidémie
qu'on appelait des Ardents.
Quoi qu'il en soit , cet écrit commence ainsi à la page 53
du manuscrit : Cimi plerosque notarios et scriptonim quàm
plurimos sœpissinie videani vana quœdam et prorsiis inutilia
litteris exarare , et quœ memoria vel relatii indigna sunt ,
taniquam menioranda describcre , etc. ; et finit à la page
6() par ces mots : Citatis equis calcaribus eos inseqiii cœpe-
ï'unt : quos repertos expugnare non audentes , eo quod ex
animaliwn cadai'eiibus sanguine cruentatis in modwn castri
se munissent , nullâ re prospère actâ , citiiis refugenint , Nor-
mannis ita se liberantibus , ducemque suum apud Luxovium
gaudenter repetentibus. B.
xu sim:le.
ANONYME,
AUTEUR DUNE ELEGIE SUR LE MAUVAIS SUCCES
DE LA CROISADE DU ROI LOU IS - LE - J EUN E.
i_iA croisade de Louis-le-Jcime, quoique conduite par deux
princes les plus puissans de l'Europe, l'empereur d'Alle-
magne et le roi de France , fut si mal concertée , qu'elle
éprouva les plus grands désastres. De cette multitude in-
nombrable qui s'était enrôlée sous l'étendard de la croix , il
n'en revint qu'un très-petit nombre d'hommes; presque tous
avaient péri dans l'Asie Mineure par la perfidie, dit-on, des
Grecs , qui avaient laissé manquer l'armée des subsistances
3u'ils s'étaient obligés de fournir. Ce ne fut qu'en changeant
e route , et en prenant la voie de la mer , qu'une faible por-
tion des croisés parvint jusqu'à Jérusalem , où elle ne fit
d'autre exploit que d'entreprendre le siège de la ville de
Damas , qu'il fallut lever presque aussitôt.
11 n'y avait pas là de quoi ciiiboucher la trompette épique,
comme du temps de la première croisade , où les Français
firent des prodiges de valeur, et fondèrent, après de nom-
breuses conquêtes sur les Sarrazins , un empire florissant.
Aussi , autant la première croisade a été célébrée par les
poètes et par les historiens , autant ils ont gardé le silence
sur la seconde. Nous n'avons sur celle-ci qu'un seul histo-
rien, qui , à proprement parler, n'a lait que le journal de
Hist.iiii.t.xii, nos défaites pendant la traversée. Cet historien est Odon de
r- 6i5-62/,. Deuil, moine de Saint-Denis, dont il a été parlé dans cette
Histoire. Mais comme on voulait réparer cet échec et recom-
mencer une nouvelle croisade, on composa des élégies en
grand nombre , pour représenter vivement la grandeur de
nos pertes, la periidie des Grecs, et l'opprobre qui rejail-
lissait sur la nation d'une entreprise si peu glorieuse , afin
d'exciter par là les Français à reprendre les armes.
Ampi. Coiiect. D. Martène a imprimé une de ces élégies , composée de
t. v,tol. 540. j/^g vers, qui, selon le goût du temps, riment à la fin deux
à deux, et quelquefois aux hémistiches. On n'y trouve aucun
fait bien articulé ; ce ne sont que des lamentations diversi-
AUTEUR ANONYME D'UNE ÉLÉGIE. 89
fiées de mille manières. Voici comment l'auteur dépeint la xii siècle.
perfidie des Grecs :
Vax crucis intonuit, terras fretumque replevit,
f^ox crucis inniiineros traxit ad arma viros :
Occubuere duces , periit collectio plebis
Milita super numenini sicut arena maris.
Arta faînes, diuturna sitis , wolentior hostis ,
Vobis^ Francigenœ , causa Jiiere necis.
Et tu fraude nocens Constantinopolis exlex ,
Spondens obsequium , niunera , robur , opes,
Claudis aquas , populoquc negas venalia terras,
Defîciuntque sitî, peste , labore , famé ;
Arte, dolo subicis , gladio subjecta peribis;
Te inanet immanis plaga , ruina gravis.
Ces derniers vers indiquent assez l'intention oii l'on était
de tirer vengeance de la perfidie des Grecs. L'auteur apos-
trophe ensuite les infidèles :
Vos Saraceni ., gens improba, sœvior kostis ;
Vos Arabes , Turci, gens inimica crucis,
Perfida , plena dolo , ritu polluta profano ,
Mersa lucu scelerwn, sordidafœce, luto ,
■Quœ spes, quœve tuas acuit fiducia vires,
Ut cruce signalas perdere non dubitcs ?
Mos tibi, mos subici, succumbere , cedere Francis,
Accelerare fugam , signa timere crucis.
Nunc spoliis locuples , fera cœde , superba triumpliis ,
Laurea certa refers , kostis in Iwste furis :
Hos tormenta pati compellis , wncla , labores ;
Horum strage truci fœda cruore mades.
Te furor exagitat , movet ira, superbia tollit ,
Subdita colla premis , fortia facta teris;
Hostibus insultas, gratanter humum pede puisas.
Proh dolor ! 6 facinus ! proh pudorl imo nef as l
Adressant ensuite la parole aux Français , voici comment
il tâche de ranimer leur courage :
Francia crux Arabum , victrix alienigenarum ,
En ubifama prior , nomen et imperium ?
Tome XIII. M
90 AUTEUR ANONYME DUNE ELEGIE.
Xll SIECLE. Ferrea turris eras , gens insnperahilis hosti,
Eccejaces 2'oliicri prœda , rapina cani.
F'is invicta, tenax -vigor , inconcussa potestas ,
Utqiiid et unde ruis , quœ decus orbis eras?
Restât ut ipsa Jide respires^ speque resurgas :
Respirare piwn , sur gère nolle nef as.
11 est évident que cette élégie est relative au projet de
croisade dont on était occupé l'an ii5o, pour réparer les
désastres qu'on venait d'éprouver. On aurait dû, par consé-
quent, en rendre compte dans un des volumes précédens ;
et c'est pour réparer cet oubli que nous plaçons ici cet ar-
ticle.
Mart. Ampi. 1 1° Ce poëmc est précédé, dans la collection de Martène,
"f'si '°"^^' ^^^ poëme plus court encore, en vers hexamètres, ayant
pour titre : De Viris iUustrihus cliœcesis Tan>aiiensis , qui in
sacra fuere expeditione , dont nous croyons devoir faire men-
tion , tant à cause de la conformité du sujet que parce qu'on
n'en a pas parlé dans les volumes précédens de notre Histoire
Littéraire. L'auteur, qui vraisemblablement vivait au com-
mencement du XIP siècle, ne fait que nommer les premiers
rois latins de Jérusalem, Godefroy de Bouillon et Baudoin,
son frère , issus des comtes de Boulogne ; les patriarches de
Jérusalem Ebrémar et Arnoul, qu'il dit l'un et l'autre natifs
de Ciches (peut-être faut-il lire Likes). Il nomme encore
Achard, archidiacre de Térouane, qui fut préposé à la garde
du iem^Xe ^ prœfuit et templo , et d'autres gentils- hommes
du pays, qui devinrent seigneurs de quelque portion de la
Terre -Sainte; Hugues de Falkemberghe, qui eut en partage
la ville et le district de Tibériade ; Eustache , surnommé
Gernirs, la principauté de Césarée; Foulques de Guines, la
ville de Baruth ; et Hugues de Rebèque , le château de Saint-
Abraham. Il finit sa nomenclature par ces vers :
Hi reges , hi pontifîces, dominique fuere
•' In lerosoljmd , necnon injînibus ejus,
Quos , Tarvenna, tuus cmisit pontijicatus.
II est difficile de lire des vers plus médiocres. Vingt-quatre,
au reste , composent tout le poëme. Il doit être de quelque
Artésien; le choix du sujet et la manière dont il est traité nous
persuade aisément que l'auteur a voulu rendre ce petit hom-
mage à sa patrie. B.
HENRI
XII SIECLE.
DISCIPLE DE PIERRE DE BRUIS, ET CHEF
DES HENRICIENS.
L LusiEURS hérétiques se montrèrent en France dans le
XIP siècle. Un des plus célèbres fut Pierre de Bruis , dont
les sectatevirs ont été connus sous le nom de Pétrobusiens ,
et qui dut peut-être une partie de cette célébrité au mérite
de ceux qui le comijattirent , entre lesquels nous trouvons
Pierre-le-Vénérable et saint Bernard.
Pierre de Bruis evit un disciple qui n'eut pas moins de
succès que son maître pour répandre la même doctrine, avec
quelques changemens néanmoins. Les disciples que celui-ci
eut à son tour furent appelés, de son nom aussi, Henriciens.
Ils s'appelaient, eux, Apostoliques, parce qu'ils croyaient et
disaient que la doctrine qu'ils professaient n'était que celle
qu'avaient professée les apôtres eux-mêmes.
Quoique plusieurs écrits aient eu pour objet de réfuter les
principes de Henri , il ne paraît pas que cet hérésiarque les
ait enseignés dans aucun ouvrage. Ses antagonistes du moins
ne l'annoncent pas, et c'est toujours d'une manière générale
qu'ils combattent ses erreurs. Les expressions dont ils se
servent annoncent plutôt des prédications faites par Henri,
que des livres publies par lui. Auditur a plurihus, et popitlum
qui sibi credat liahet , dit saint Bernard dans une lettre à Epit. 240 de la
Alphonse, comte de Saint-Gilles nescio quel arte dia- i^^éditionjiAi
bolicâ persuasif populo stulto et insipienti , de re manifesta ^'^^^^ •
nec suis credere oculis suh tuo doniinatu in gregem
Christi totofurore hacchatur. 'vénale distrahens verbum
Dei , evangelizabat ut manducaret.
Saint Bernard pousse plus loin ses invectives contre l'hé-
résiarque. Il l'accuse de dissiper en jouant, ou en s'abandon-
nant à des femmes dissolues , l'argent donné par ce peuple
même que séduisaient de dangereuses prédications : Ludendo
aleis , aut certè in usus turpiores ; fréquenter siquidem, post
diurnum populi plausuin , nocte insecutd cuni nieretricibus
inventus est prœdicator insignis , et interdiim etiam cuni con-
jugatis. Il affirme au comte de Saint-Gilles que Henri avait
été chassé de Lausane , du Mans , de Poitiers , de Bordeaux ,
M2
CJ2 HENRI, CHEF DES HENRICIENS.
xii SIECLE, et que toute espérance de retoui^ dans ces villes lui est ôtée
à jamais : Vt pote qui, post se, uhique, fœda reliquerit i^es-
tigia. Lausane, le Mans, Poitiers, Bordeaux, avaient été en
etfet témoins des prédications de Henri, et sa doctrine y
avait obtenu beaucoup de sectateurs.
La lettre de saint Bernard est datée ordinairement de
ii47- M. Brial et M. Daunou pensent avec raison qu'elle
devrait l'être de ïi45; le premier, au tome i5 des Histo-
riens de France, page 5f)8, note h, et le second dans la
Notice sur saint Bernaid , qui sera imprimée dans la suite
de ce volume.
Le pape nomma Albéric , évêque d'Ostie, son légat pour
arrêter et détruire en Languedoc et dans les provinces voi-
sines les effets des erreurs de Hemi. Albéric s'associa , pour
cette importante mission, Geofroi, évêque de Chartres, et
Vie de s. Ber- saJnt Bernard. Henri fut arrêté peu de temps après. Conduit
froi ' Uv. III ^" 1 148 au concile de Reims, que présidait le pape lui-même ,^
c. 6,§. 7. Aibé- Eugène III, il y fut solennellement déclaré coupable d'hé-
nc , chroniq. résic , et, par indulgence néanmoins, condamné seulement
an ii4q. Hisl. , ^ V '^11 t^ -4. '•, , ^
de Laiie. par ^ ^"^ prison perpétuelle. On croit quil ne survécut pas.
Vaissete , liv. loug-tcmps à Cette Condamnation; mais, d'ailleurs, on ne
xvir,§. 7/, , p. gjjj^. pgg tl'uiie manière plus précise l'époque de sa mort.
France t! xill^ Picrre-lc- Vénérable a fait un .Traité assez long contre les
p. 701; t. xiv^ erreurs de Pierre de Bruis et de Henri. On l'a inséré dans la
p. 373. Bibliothèque de Cluny et dans celle des Pères ; il occupe dans
Tom. xxii,p. celle-ci près de 60 pages in-folio. C'est un véritable Traité.^
quoique l'auteur ne lui ait donné que la forme de Lettre.
Cet ouvrage appartient beaucoup plus à la Notice sur Pierre-
le-Vénérable qu'à la Notice particulière consacrée au disciple
de Pierre de Bruis. Je me bornerai donc cà rappeler les points
principaux qu'il leur reproche d'admettre et d'enseigner ,
parce que ces points font bien connaître la doctrine de Henri
et de celui cjui avait été son maître. Comme Pierre de Bruis,
Henri établissait qu'on ne pouvait donner le baptême aux
enfans; qu'il fallait, pour y être admis, être parvenu à un
âge auquel on piit soi-même connaître et juger ses actions;
que la garantie religieuse donnée par d'autres ne pouvait
suffire ,1 pas plus que ne pourrait le baptême reçu ,
sauver ceux qui n'y joindraient pas leur propre foi. Il sou-
tenait que les chrétiens n'avaient pas besoin de lieu parti-
culier pour prier; que Dieu entend, écoute, exauce égale-
ment ceux qui l'invoquent , qu'ils le fassent dans une chau-
HEÎ^RI, CHEF DES HENRICIENS. ^3
mière ou dans une église, sur une place ou au sein d'un xii siècle.
temple , ante altare vel ante stabitlum. Il voulait qu'on
abattit et brûlât les croix , et ne pouvait concevoir qu'on
n'eût pas en exécration l'instrument sur lequel Jésus-CIunst
avait été placé d'une manière si barbare. Il niait enfin la pré-
sence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans le sa-
crifice de la Messe, et l'efficacité des prières faites, des au-
mônes données, des sacrifices offerts pour les morts.
Nous croyons devoir nous abstenir d'entrer ici dans des
détails auxquels se sont livrés tous les écrivains ecclésias-
tiques , et, plus particulièrement, ceux qui ont traité des
hérésies. Nous terminerons cette Notice par le portrait que
trace de Henri l'historien des évêques du Mans , en parlant
d'Hildebert, qui gouvernait cette église dont il fut un des
prélats les plus distingués , dans le temps que Henri com-
mençait de répandre sa doctrine : nous y voyons toute l'im-
pression que cet hérésiarque produisait , et par quels moyens
il était parvenu à la produire.
On vit paraître dans cette contrée , vers le même temps , Mabiii. Anal,
un hypocrite que ses actions, ses moeurs et ses dogmes rea- P' '"'■
daient également digne des plus affreux supplices : Scorpio-
nibus et parricidalibus dignum suppliciis. Il cachait , sous
une peau de brebis , la l'age d'un loup dévorant. L'agitation
de son visage et de ses yeux ressemblait à celle d'une mer
en'^tourmente. Ses cheveux étaient courts ; il ne laissait pas
croître sa barbe; sa taille était élevée, sa marche rapide, ses
pieds nus , même au fort de l'hiver ; jeune , d'une physiono-
mie ouverte, d'une voix forte ; et Fauteur ajoute, ce que je
ne sais comment traduire , serpens veatigiis. Il portait les
habits les plus simples ; sa manière de vivre était entièrement
différente de la manière ordinaire; logé chez quelque habi-
tant, il passait ordinairement sa journée sous un portique;
il mangeait et couchait au plus haut étage et à découvert,
non sans doute à l'instar de Daniel, mais selon ces mots :
intravit mois per fenestras vestras. Est-il besoin d'en dire
davantage ? Il avait une grande réputation de savoir et de
sainteté, sans la mériter beaucoup; il la devait bien plus à
ses opinions qu'à ses mœurs et à sa piété. Les femmes , je re-
prends ici la langue dans laquelle a écrit l'auteur dont je cite
l'ouvrage : Matronce etiam atque impubes pueri (^nam utriiis-
que sexûs utebatur lenocinio ) pro varia vice huic accedentes ,
excessus suos profitentur ; sed augmentant , plantas ejus ,
94 PHILIPPE DE NAVARRE, JURISCONSULTE.
XII SIECLE, clunes , ungiiina , tenerd manu demulcendo. Isti plenè tantl
^iri lascivid exhilavati et adidterii enormitate , publiée tes-
tahantur nunquain se viruin attrectasse tantœ rigiditatis ,
tantœ hwnanitatis et fortitudinis ; cujus affatu cor etiani
lapideum facUe ad compunctionem posset piwocari. Sa re-
nommée, ajoute l'auteur, l'ayant fait désirer dans le diocèse
du IMans, deux de ses disciples y vinrent en son nom, et y
furent reçus comme des anges du Seigneur; ils portaient,
comme leur maître, un bâton au sommet duquel était une
croix de fer, et ils étaient vêtus comme des pénitens. L'é-
vêque lui-même les accueillit avec beaucoup d'empiessement;
il autorisa leurs prédications et celles de Henri. On peut
voir les événemens qui en furent la suite, à l'article Hd-
debert, tome XI de cette Histoire Littéraire, page 266, et
dans les Analectes de Mabillon , page 3x6 de l'édition in-
folio,
p. /iS'î. Mabillon cite encore une lettre, écrite par un moine ap-
Voir la noxea, pelé Héribcrt , laquelle prouve jusqu'à quel point les erreurs
xnuiesHistor ^^ Henri s'étaient répandues en Périgord et y subsistaient,
de France, et même après la mort de celui qui les avait prêchées. Ses sec-
aussi la p. 29.',; tateurs se qualifiaient également d'<7y70ito//tV, comme l'avaient
610* note à '' ^^*^* Henri et ses premiers disciples. Ils ne mangeaient pas de
viande, ne buvaient c|u'un peu de vin tous les trois jours,
se mettaient sans cesse à genoux , ne recevaient jamais d'ar-
gent. Ils ne croyaient pas qu'on dut rien posséder en propre.
Ils faisaient pevi de cas de la Messe, refusaient d'adorer la
croix , traitaient cette adoration d'idolâtrie. Le moine Héri-
bert ajoute qu'inutilement on cherchait à les arrêter, parce
que le diable les délivrait à l'instant. P.
PHILIPPE DE NAVARRE,
JURISCONSULTE.
p. 6i'2 et suiv. JL/ANS le huitième volume de cette Histoire, on a placé,
parmi les écrits de Godefroy de Bouillon , le livre des Assises
PHILIPPE DE NAVARRE, JURISCO?vSULTE. gS
de Jérusalem , appelé' par Guillaume de Tyr le Droit Cou- Xli siècle.
tumier du loyaume d'Orient. Le titre ]îorte en effet qu'elles
furent établies et mises en écrit par le duc Godefroy : La
Thaumassière les publia en 1690.
Néanmoins , dans les Mémoires de l'Académie des belles- T. XX, p. 323.
lettres, M. de la Ravalière, donnant la vie du sire de Join-
ville, raconte qu'un des sergens de l'armée du roi ayant
frappé un des chevaliers de la compagnie de ce seigneur,
celui-ci exigea du prince une léparation , se croyant désho-
noré si on ne la lui accordait pas. Louis ordonna que le
sergent , en chemise , pieds nus , à genoux , demanderait
pardon au chevalier, et lui offrirait son épée en lui disant :
Coupez -m'en le poing, si cela vous plaît. L'auteur observe
que le roi l'ordonna conformément aux Droits, c'est-à-dire
aux Assises de Jérusalem , rédigées , dit-il , par Philippe de
Navarre , fameux jurisconsulte qui passa dans la Terre
Sainte ; et il ajoute : La Thaumassière, en les publiant, n'en
a pas connu le véritable rédacteur, non plus que le père
Labbe et Ducange ; il ne cite d'ailleurs aucune autorité à
l'appui du fait qu'il alïîrme. Nous avons cru cependant de-
voir le remarquer, et à cause de l'importance de l'ouvrage,
et à cause de ce qui en avait déjà été dit dans un des vo-
lumes précédens. Si Philippe de Navarre avait été le rédac-
teur des Assises de Jérusalem , telles qu'on les suivait dans le
XIII*^ siècle, il est facile de supposer que ce jurisconsulte
vivait dans le XII«. C'était la dernière année du XI<= que
Godefroy de Bouillon avait ordonné de recueillir les usages
et les coutumes du pays où il venait de porter ses arjnes
victorieuses. On choisit ensuite , dans tout ce qu'on avait
ainsi rassemblé , ce qui parut digne de former un code. Du Hist. Uuvr.
reste, plusieurs fois les Assises furent augmentées ou modi- ••vni,p. 6i3.
fiées par les successeurs de Godefroy, et il serait possible
qu'une des rédactions eût été confiée à Philippe de Navarre.
Je dois néanmoins remarquer encore que Jean d'Ibelin ,
comte de Japhe et d'Ascalon , fut chargé de celle qu'on or-
donna vers laSo : mais c'est l'année même de la captivité
de saint Louis, et il est fort possible que la rédaction de
Philippe de Navarre eût été adoptée jusqu'alors par les croisés
et les chrétiens d'Orient.
Est-ce de lui qu'on veut parler dans ces vers, rapportés
par Du Boulay au second tome de son Histoire de l'Univer- P- '"'^C-
96 AUTEUR ANON. DES JUGEM. D'OLÉRON.
xn SIECLE, site , et où on cite plusieurs hommes dont Paris pouvait alors
( dans le XII*^ siècle ) se gloi'ifier ?
•> Oris
Altisoni jactat dictantem jura Philippum.
ANONYME,
AUTEUR BES JUGEMENS d'olÉRON.
JLes Jugemens d'Ole'ron sont un monument précieux de la
jurisprudence maritime. Ils appartiennent au XIP siècle, et
n'en sont pas la production la moins remarquable. Eléonore
d'Aquitaine revenait de la Terre-Sainte; elle avait été témoin
de la glande autorité qu'avait dans tout l'Orient le livre du
Consulat de la Mer : elle voulut procurer un bienfait sem-
blable au pays qu'elle gouvernait. L'ile d'Oléron faisait partie
du duché d'Aquitaine, et les ducs l'habitaient souvent- L'ou-
vrage fut publié sous le nom du lieu où il avait été conçu et
joréparé.
Le mariage contracté par Eléonore, après le divorce de
Louis -le- Jeune, avec Henri, depuis roi d'Angleterre, ayant
Wai-cCiansum, fait pei'dre à la France la souveraineté de la Guienne, Selden
liv. ii,c. 4- et d'autres écrivains de sa nation n'ont rien oublié pour
prouver que l'Europe devait cette loi aux Anglais. Mais il
est impossible de défendre cette opinion. Le langage des
Jugemens d'Oléron n'est pas celui dont on se servait alors
dans la Grande-Bretagne , ni même en Normandie ; c'est , au
contraire, celui que l'on parlait en France et dans la Guienne.
Il est souvent question dans l'ouvrage de nos ports, jamais
de ceux d'Angleterre. Toutes les hypothèses y sont tirées du
commerce de Bordeaux ou de ses productions , jamais des
productions ou du commerce britanniques. Il nous paraît
difficile de répondre à ces observations et de leur en opposer
qui puissent avoir quelque poids.
Les écrivains britanniques , qui ne veulent pas que les
Jugemens d'Oléron soient l'ouvrage des Français, les attri-
buent à Richard I*^"", roi d'Angleterre, lils d'Eléonore d'Aqui-
AUTEUR ANON. DES JUGEM. D'OLÉRON. 97
taine,et ne de son mariage avec Henri II. Selden même, xil siècle.
oubliant ce mariage et les droits qu'il transmit à un prince
anglais , suppose que Richard possédait l'île d'Oléron de
lui-même , comme une appartenance de sa couronne. Mori-
sot, dans le second livre de son Orhis Maritimus; Arcère,
dans la description chorographique qui précède son His-
toire de la ville de la Rochelle et du pays d'Aunis; et plu-
sieurs autres, ont fait connaître l'absurdité' de cette opinion.
Nous nous contenterons d'observer que les écrivains anglais
sont d'ailleurs , par cela même , d'accord avec les écrivains
français sur le siècle auquel pararent les Jugemens d'Oléron.
La date du XIIP , qu'on trouve à la fin de ces Jugemens ,
n'est que celle d'une copie authentique, scellée du scel établi
dans cette île pour les actes publics.
Une autre île a voulu disputer à la France le service qu'elle
rendit à l'Europe , en lui présentant sur la jurisprudence
maritime des institutions et des lois qui ont fini par être
universellement adoptées. C'est l'île de Gothland, dans la
îTier Baltique , près de la côte orientale de Suède , dont
Wisbuy fut la capitale et presque la seule cité. Mais on a
très-bien prouvé que, dans le XII^ siècle, elle n'était pas en-
core une ville , quoiqu'elle offrît déjà un lieu d'asyie et de
dépôt aux marchanas des nations voisines et aux pirates
goths qui voulaient hiverner. Ce n'est qu'à la fin du XIII^
qu'on y forma une enceinte , qu'on l'entoura de rem-
parts , et qu'une administration particulière y fut établie.
On peut voir, sur tous ces faits, Jean Magnus lui-même , LIv. XX, c. 9.
quoique historien suédois.
Les Ordonnances de Wisbuy ne sont que les Jugemens
d'Oléron , traduits et augmentés de quelques articles , comme ,
dans la suite, elles-mêmes ont fourni aux villes anséatiques
les réglemens devenus leurs lois , avec quelques additions
encore et quelques changemens, mais qui toujours viennent
des Jugemens d'Oléron , et les ont pris pour base et pour
modèle.
Clérac a fait imprimer ces Jugemens au XVII*' siècle , avec
d'utiles commentaires , et il y a joint les lois maritimes faites
d'après eux dans le nord de l'Europe. Son ouvrage est dédié
à la reine , mère de Louis XIV. « Ces anciennes pièces de la
« navigation et du commerce maritime, y dit-il, reconnais-
« sent qu'elles sont obligées de se prosterner aux pieds de
« votre majesté pour y faire les soumissions de l'ordonnance,
Tome XIII. N
98 AUTEUR ANON. DES JUGE.AI. DOLÉRON.
xn SIECLE. « et requérir humblement leur congé et le passeport néces-
cc saire, avant qu'entreprendre la navigation qu'elles se pro-
« posent de faire en l'estime et au service de vos sujets. La
« supérieure partie du ciel, et principalement l'étoile de la
« mer, est toujours favorable aux navigans : or, votre ma-
« jesté étant égale en comparaison et en tout sens à l'étoile
« salutaire de la mer , qui tient le pivot et le timon du monde ,
« sous laquelle les astres et les plus hautes constellations
« s'inclinent, cette observation a donné courage à ces pièces
« d'entreprendre l'adresse de leur route sous l'aspect de
« l'astre favorable de votre majesté, sous la direction duquel
« elles ne peuvent s'écarter et n'ont à craindre les mauvais
« vents ou dangers et les traverses inférieures. »
La manière dont Clérac écrivait en prose , n'empêcha pas
que les poètes du temps ne le célébrassent en latin et en
français. Un de ces panégyristes , digne de celui qu'il loue ,
par son style , lui dit :
11 semble que Thétis, t'aimant plus que Pelée,
T'a montré les secrets de son oncle salée,
Conduisant ton esprit de l'aube à l'occident.
Les Jugemens d'Oléron sont composés de quarante-sept
articles.
Les quatre premiers règlent tout ce qui concerne le martre
ou le patron du navire , les qualités qu'il doit avoir , les
obligations qui lui sont imposées , les conseils cpi'il doit
prendre, sa responsabilité, les devoirs de tous les mariniers
en cas d'échouement et de naufrage , ce qu'on doit fiiire dans
le cas où le voyage ne peut s'achever, soit relativement aux
marchandises , soit relativement au vaisseau et aux dépenses
exigées pour le radouber ou le conserver.
Les trois articles suivans établissent quelques réglemens
de discipline et de subordination dans l'intérieur du navire ^
et les soins qu'on doit avoir du matelot blessé ou malade ,
si c'est dans l'exercice de sa profession qu'il l'est devenu.
T.,e cas du jet des marchandises à la mer et toutes les cir-
constances qui s'y lient , l'examen nécessaire des cordages
avant le départ, les précautions à prendre en chai'geant les
vaisseaux , sont l'objet des articles VIII , IX, X et XI ; et
l'autorité du maître, le respect qu'on lui doit, la manière
dont il pourra punir, l'intervalle qui doit s'écouler entre le
délit et la punition , du douzième et du treizième.
t
AUTEUR ANON. DES JUGEM. DOLERON. 99
Le quatorzième et le quinzième s'occupent des vaisseaux xn SIECLE.
fui s'endommagent en se heurtant l'un l'autre; le seizième,
e la location faite par un marinier de la place qui lui ap-
partenait pour y mettre ses effets, afin qu on y place les
marchandises des autres ; le dix-septièine , le dix-huitième ,
le dix-neuvième et le vingtième, du salaire et de la nourri-
ture des matelots.
On aperçoit dans tous ces articles , et dans ceux qui vont
suivre , plusieurs dispositions prises des anciennes lois des
Rhodiens, et beaucoup qui se retrouvent, avec de légères
modifications , dans les Ordonnances de Wisbuy et dans les
Ordonnances plus modernes de divers peuples de l'Europe.
On y aperçoit également plusieurs mots cle la langue gas-
conne, ou qui n'ont que dans cette langue la signification
dans laquelle on les prend. Par exemple, article XII : Si au-
cun des compagnons desdit le maître, pour exprimer : sou-
tient fortement le contraire de ce que le maître assure ;
article XIII, oter la touaille , pour exprimer : ôter, enlever,
refuser de donner la nappe et les vivres ; et beaucoup d'autres
ensuite que Clërac a déjà remarquées.
Le fret , l'argent emprunté pour fournir aux dépenses du
voyage, les lamaneurs ou mariniers loués sur la côte pour
diriger des navires et les garantir d'un danger local, les droits
réclamés sur un vaisseau qui périt, les vols commis sur les
effets naufragés, les récompenses à donner aux matelots qui
empêchent ce malheur ou y apportent tous les soulagemens
possibles quand il est arrivé, les délits envers les personnes
mêmes qui ont été les victimes du naufrage, le droit de
poursuite du propriétaii'e , quand les effets sauvés sont pos-
sibles à reconnaître comme siens , les obligations récipro-
ques qui se forment entre ceux qui pèchent ensemble, la
faculté que l'on peut avoir , dans certains cas , de s'appro-
prier ce que l'on trouve en la mer ou sur ses rivages, quel-
ques dispositions relatives aux poissons qui viennent échouer
sur la côte, d'autres relatives encore à la pêche, à celle des
baleines en particulier , sont l'objet des vingt-quatre articles
suivans.
On voit dans le trente-septième et le trente-huitième que
le seigneur devait avoir une partie des gros poissons à lard,
c'est-à-dire des baleines , des thons , des marsouins , et de
quelques autres. Ce droit existait en Normandie avant que
les Jugemens d'Oléron fussent publiés. On l'y trouve au
Na
loo AUTEUR ANON. DES JUGEM. D'OLÉRON.
XII SIECLE, temps du duc Guillaume, le conquérant de l'Angleterre. Il
Liv I chap L l^t'it^lit sans doute dans ses nouveaux états; car Blackstone
le rappelle, et dit que, pour toute baleine prise, la tête ap-
partenait au roi et la queue à la reine, rex caput , regina
caudam. Nos anciennes ardiives disent, pour motiver cet
usage, ajoute Blackstone, que la queue était pour le service
de la garde-robe de la reine.
Le vingt-sixième article détermine la punition du seigneur
qui , pour avoir les droits que lui rendait un naufrage , au-
torisait les actions qui pouvaient le produire. La loi ordonne
la confiscation et la vente de ses biens au profit de ceux qui
en ont souffert, et, de plus, d'attacher ce seigneur à un pi-
lori, au milieu de sa maison même; « et puis, ajoute-t-elle ,
« on doit mettre le feu aux quatre cornières de la maison
« et faire tout brviler, et les pierres et les murailles jeter
« par terre , et là faire la place publique et le marché pour
« vendre les pourceaux à jamais perpétuellement. » Je rap-
porte cet article, moins à cause de la punition qu'il inflige,
que parce qu'il prononce une peine qui était alors en France
une peine fréquente, et que cet exemple peut fortifier ce que
nous avons dit, que les Jugemens d'Oléron sont du milieu
du XIP siècle, et qu'on les doit aux Français. Je lis même
dans vme Coutume de la fin de ce siècle, de iigS, celle de
Saint- Quentin, l'attestation de cet usage povir les grands
délits : et en est-il de plus grands que de méditer, préparer,
amener un naufrage; d'attenter amsi tout-à-la-fois à la pro-
priété et à la vie de tant de malheureux .?
Le quarante-cinquième article parle du cas où le mauvais
temps force un navire à couper ses câbles, à abandonner
ses ancres, à marcher au gré des vents, et de la nécessité de
rendre ces ancres et ces câbles , si on les trouve et qu'on
sache à qui ils appartiennent, ou d'en faire la déclaration à
justice. Le quarante-sixième revient sur les peines à infliger
aux hommes qui occasionnent un naufrage ou qui en pro-
fitent. Le quarante-septième et dernier déclare que tout ce
qui a été prescrit ne s'applique pas aux corsaires, aux écu-
meurs de mer, aux ennemis de la religion catholique, chacun
pouvant les dépouiller de leurs biens.
Rien ne peut nous conduire même à présumer quel fut le
jurisconsulte chargé de cet important travail. Son objet , et
l'analyse que nous en avons faite, montrent assez qu'il fallait,
pour en être digne, des connaissances particulières et une
ZÉRACHIAS, LÉVITE. loi
étude préalable des lois maritimes plus anciennes. — Mais , xii siècle.
nous le répétons , ce qui ne peut guère être douteux , c'est ^
que l'ouvrage a été fait en France , qu'il l'a été par un homme
à qui l'idiome particulier des provinces dont se composait
l'Aquitaine était bien^ connu, et qu'il ne peut être qu'anté-
rieur au mariage d'Éléonore avec Henri , depuis roi d'An-
ffleterre. P.
ZERACHIAS
LÉVITE.
SA VIE.
Z/ÉRACHiAS LÉVITE était de Lunel, en Languedoc. Le
Schalschelet Hakkabala le fait en même temps Espagnol : p. 53.
Rabbenu Zerachia hallevi levita, de urbe Lunel, Hispanum ,
dit-il. Nous verrons, en parlant de David Kimchi, quelle
peut être la source de cette erreur et des erreurs semblables
souvent renouvelées dans les bibliothèques heTaraïques.
Bartolocci n'est pas d'accord avec lui-même sur le temps
où vivait Zérachias. Dans sa Table Chronologique, il le fait t. iv,p. itiv,
mourir vers l'an 1070; dans le Dictionnaire Historique, il t. li,p. 823.
lui fait écrire un de ses plus importans ouvrages en 1 1 5o.
Bartolocci a pour garant de cette dernière opinion Gheda-
lias Ben Joseph Jachija; il .avait pour garant de la première Schal. Hak. p,
l'autorité de David Ganz , auteur d'une chronologie sacrée 53.
et profane, publiée sous le titre de Tzemach David. Mais P. i32.
plusieurs faits se réunissent pour prouver que Zérachias
appartient plutôt au XIP siècle cru'au XI«. On le nomme
parmi les rabbins qui donnèrent des leçons à Salomon Jar-
chi , et Salomon Jarchi ne paraît être né que de r 1 20 à 1 1 3o ,
comme on le verra en lisant la notice qui sera consacrée à
ce rabbin justement célèbre. Zérachias excita parmi les Juifs
une dispute théologique , en attaquant un ouvrage d'Isaac
Alphès sur le Talmua, qui jouit encore de quelque réputa-
tion , et en a procuré beaucoup au disciple qui défendit son
XII SIECLE.
Voir Barlol.
lui-mtme, t. I,
p. /,28.
T. I, p. 208.
P. iSa. Tzr-
mach David, p.
ii3. '
ZERACHIAS, LEVITE.
contre Zéracliias (a) : or , ce disciple , le
rabl
jm
102
ipaître
Éphraïm , vivait en ii5o; ainsi l'attestent les chroniques
juives. ( Wolf, dans sa Bibliothèque Hébraïque, dit i45o;
mais ce qui suit , et la correspondance de cette année avec
celle du calcul des Hébreux depuis la création du monde,
prouvent que ce n'est qu'une faute d'impression. ) Alphès
lui-même ne mourut qu'au commencement du XII*' siècle,
comme on le lit dans le recueil connu sous le titre de Sepher
Juchasin , ou le Livre des Familles , que nous devons au
rabbin Abraham Zacuth , lequel y a réuni plusieurs traités
de chronologie et d'histoire.
SES ÉCRITS.
L'ouvrage contre Alphès 'a pour titre : ni'^INQn *J\y
Schené Hammeoroth, les Deux Luminaires. Zérachias croyait
faire allusion à son nom: Zérach jah, le Seigneur s'est levé;
et il ajoutait dans sa pensée : Il s'est levé , il a fait luire sa
lumière , et les ténèbres répandues sur la véritable doctrine
ont été dissipées. On a imprimé cet ouvrage , avec celui
même qu'il combat , et plusieurs autres commentaires , à
Sabionetta , vers le milieu du XVP siècle, en i554. On l'a
Voii Barlol. imprimé aussi séparément. Il y en a des manuscrits dans
t. II, p. 823. plusieurs bibliothèques d'Italie, notamment dans celle du
Vatican. L'adversaire de Zérachias triompha de toutes les
attaques dirigées contre lui ; et rien ne prouve mieux tout
ce qu'il obtenait d'estime et de vénération auprès des disci-
ples de Moïse, que l'inscription qui fut placée sur son tom-
beau , et que David Ganz nous a conservée dans le Tzemach
David : Sepultus est fans sapientiœ ; confractœ sunt tabulœ
legis; 'venit mundus in cœcitatem ; finiti sunt dies mundi.
Wolf, t. l,p. Wolf attribue à notre Zérachias un second ouvrage, que
3Gi. Bartoi. t. j3;,itolocci attribue à un autre rabbin du même nom. C'est
,p. 2/,. j^32in Hatsaba, l'Armée. On y explique, on y développe
les treize conditions nécessaires pour lire et comprendre le
Talmud. Les animadversions contre l'ouvrage qui a pour
titre les Hommes animés , ou les Possesseurs des âmes , par
Abraham Ben David ou Ben Dior, lui sont également attri-
Barlol. t. I, p.
23. Wolf, t. I,
p. 48.
(«) Alphès eut pour défenseur aussi, contre Zérachias, un rabbin phis
connu qu'Éphraim , Moïse Bar Nachnian : l'écrit de ce dernier a été im-
primé à Venise, avec les œuvres d' Alphès, en iSSa.
moïse HADDARSCHAN. io3
buées par Wolf et refusées par Bartolocci. L'auteur attaque xii siècle.
re'ponait par des aiiimadversions contre Zérachias. Le ma- TT^Tl l
nage, les obligations quil impose, les incommodités perio- 47.
diques des femmes , les purifications ne'cessaires , sont les
principaux objets de ces divers écrits.
Il y a sous le nom de Zérachias Lévite, une traduction
d'arabe en hébreu d'un livre sur l'essence de l'ame. Wolf T. r, p. 862,
croit qu'il pourrait être du rabbin dont nous venons de
parler. P.
moïse HADDARSCHAN.
On nomme également, parmi les maîtres de Salomon Jar-
chi, le rabbin Moïse Haddarschau , ou le Prédicateur. Ce
rabbin était de Narbonne. Il avait étudié sous Gerson Haza-
ken. Il eut ainsi , et pour maître et pour disciple , deux des
Juifs les plus distingués que la France ait produits. Jarchi
n'est pas le seul élève qui honora le rabbin Moïse. Ce rabbin
en eut d'autres qui , sans atteindre à un si haut degré de
gloire, n'en obtinrent pas moins quelque renommée; tels
furent Abraham Chija , qui écrivit plusieurs Traités de géo- Bartol. t. i,
graphie, d'astronomie, et même d'astrologie, rappelés dans P- '^^' 'iv/p!
la Bibliothèque Hébraïque de Wolf et dans la Bibhothèque ^9-^^"'"^' *• i'
Rabbiniciue de Bartolocci; et Nathan, fils de Jéchiel, auteur Voir\lln%e',
du Lexique talmudique, intitulé Anich , dont il est parlé txiii,p.i48'
dans le Dictionnaire des auteurs hébreux de Bernard de t il '6
Rossi. Salomon Jarchi a fait , plus d'une fois , l'éloge de Moïse ' P" ' '
Haddarschau dans ses Commentaires, et, plus particulière-
ment, sur le verset trente-trois du quinzième chapitre du P. 167 de la
Livre des Nombres. Abarbanel le loue aussi sur le dixième g«an«ie Bible,
verset du quarante-neuvième chapitre de la Genèse.
On commençait alors, dit Basnage, à foire des sermons T.Xiil,p. 148.
dans les synagogues , ce qui avait été fort négligé jusque là •
et peut-être que Gerson avait introduit cet usage, puisqu'on
voit deux de ses disciples cjui se firent connaître par les pré-
dications. Moïse sorti de Narbonne, ajoute -t- il était sans
doute le plus éloquent , puisqu'on lui donnait par excellence
le titre de Prédicateur.
io4 MOÏSE HADDÀRSCHAN.
XII SIECLE. Moïse Haddarschan est auteur d'un Commentaire sur le
Pentateuque, intitule Bereschith Rabba, dont Pierre Galatiii
Entre autres , a fait un assez fréquent usage pour prouver la vérité de la
't 36''^i'^'ii° religion chi'ëtienne contre les Juifs, dans son traité de
c. 4,8'et9; liv! Arcanis catholicœ veritatis. Bereschith est le premier mot
Iii,c.i2,2iet de la Genèse, que la Vulgate traduit par in principio , au
^^'5''^ ^\h commencement; Rabba veut dire grande; Bereschith Rabba
liv. V, «. II- est le Grand Commentaire, la Grande Exposition : un autre
iiv.viii,c. 11; ouvrage, également cité par Galatin, est appelé, au con-
etc. etc. traire, la Petite Exposition, l'Exposition Abrégée, Bereschith
Keczara. Nous n'avons plus le livre composé par Moïse
Haddarschan. Ce n'est que par les citations de Galatin et
de quelques autres qu'il nous est connu ; et même il est né-
cessaire d'observer que deux autres rabbins ont fait, sous le
même titre, deux autres commentaires sur la loi des Hé-
breux , et que ces différens Bereschith Rabba ont été quel-
quefois confondus ; on a même supposé que leurs auteurs
s'appelaient aussi Moïse Haddarschan ; mais un plus grand
nombre d'écrivains les attribuent à Hoschaja et à Bar Nach-
y- log- man : tels sont David Ganz, dans le Tzemach David; Bar-
P. 6rj. tolocci, au tome IV de sa Bibliothèque Rabbinique ; Joseph
p. 243. de Voisin , dans ses Observations sur le Pugio fidei; et
p. 818. Wolf, au tome V^ de sa Bibliothèque Hébraïque. Bartolocci
semble nier l'exisfenre des trois Bereschith Rabba; car il re-
proche à Joseph de Voisin de les avoir admis : mais , en cela , il
est encore peu d'accord avec lui-même, puisque, aux articles
Voir t. II, p. (jgs rabbins à qui on les attribue, Bartolocci les rappelle
60 Vt 362. ' ^ comme leurs productions,
itiner. p. 4. Benjamin de Tudèle parle de Moïse Haddarschan comme
ayant illustré l'académie juive de Narbonne, où se trouvaient
alors beaucoup de Juifs distingués. Il annonce qu'à l'époque
de son voyage ce rabbin avait cessé de vivre. Benjamin de
Tudèle voyagea vers 1 1 70.
T. I, p. 818. Wolf, daîis sa Bibliothèqvie Hébraïque, et le père Lelong,
P. 868. dans sa Bibliothèque Sacrée , parlent d'un autre Moïse de
Narbonne , à qui on doit un commentaire en hébreu sur les
Lamentations de Jérémie ; ils ne disent pas à quelle époque
Wolf, t. I, p. il a vécu. Celui-ci est Moïse , fils de David. Wolf et le père
^^sfi ^^'°"^ ' Lelong indiquent une troisième personne du même nom et
^' ^" ayant la même patrie, qui commenta pareillement les La-
mentations de ce prophète , et aussi les ouvrages de cjuelques
rabbins plus anciens que lui , comme Alphès et Maimonide ;
ET. DE GARLANDE,CHANC. DU ROYAUME. io5
il était fils d'un Josiié , fils d'un Isaïe , fils d'un David ; on lui xil SIECLE,
donne encore d'autres noms, sitivant Wolf: mais ce Moïse pTssT
n'a vécu que dans le XIV^ siècle; Bartolocci le rappelle deux t. iv, p. 273 et
fois; il en fait deux rabbins différens; l'identité du nom, des **^-
ancêtres, des ouvrages , aurait dû l'empêcher de commettre
cette erreur. Il y a parmi les manuscrits du collège de la Cm. mss. angi.
Trinité, à Cambridge, un Commentaii'e deMoïsede Narbonne part- ni) "• 601.
sur le Moie Nevochim de Maiilionide. Le Catalogue des ma- Part, i, n. aS?
nuscrits anglais en indique d'autres encore, parmi ceux de ^^ ^'^o. Vou
Bodley , qui sont également d'un rabbin Moïse de Narbonne. n"i5or"i'part.'
Puisque Moïse Haddarsclian fut le disciple de Gerson m, n. 1871.
Hazaken , et un des maîtres de Salomon Jarchi , il est
facile de déterminer l'époque où il a vécu. Mais cette
époque , comme uous l'avons dit en parlant de Gerson , a été
trop éloignée de nous ; on s'en convaincra mieux encore ,
nous l'espérons, en lisant, dans la suite de cet ouvrage, l'ar-
ticle de Salomon Jarchi. Nous avons fait remarquer ce que
disait Benjamin de Tudèle , dans son Itinéraire, de Moïse
Haddarschan et de sa mort. On peut la placer vers le milieu
du XIP siècle. On ne peut la placer plus tôt, d'après l'époque
même à laquelle était né ce rabbin Salomon, le plus illustre
de ses disciples. P.
ETIENNE DE GARLANDE,
C?IANCELIER DU ROYAUME.
JlLtienne, quatrième fils de Guillaume, seigneur de Gar-
lande en Brie et de Livry, sénéchal ou grand maitre de la
maison du roi , naquit dans la terre dont son père portait le
nom, sous le règne de PhiUppe P'", père de Louis-le-Gros.
Rien ne nous annonce dune manière précise quelle fut
l'année de sa naissance; mais il était si jeune, qu'on ne l'avait Gallia CLrist.
pas encore initié aux ordi'es sacrés, lorsqu'on le nomma tix,p. 715.
évêque de Beauvais, en 1 100. Aussi son élection excita-t-elle, t^^'in* ^\^io\'-
de la part d'Ives de Chartres en particulier, la plus forte t] ix,'p. 715.'
opposition. La lettre qu'il adressa au pontife qui gouvernait
l'église, Paschal II, est imprimée dans le quinzième volume
2'oine XIII. O
io6 ETIENNE DE GARLANDE,
Xîi SIECLE, clu Recueil des historiens de France. Il est difficile d'v fafre
~ 7~~ d'Etienne de Garlande un portrait moins flatteur. Après
p. 109. Voir . , 1 ' I w • A T '
Dubouiay,Hisi. avon' observc c[ue ce nouvel élu n était pas même sous-diacre,
deiUniv. t. II, Ives l'accuse d'être un homme sans lettres, un joueur, un
^ coureur de (cmmes ^ illiteratum , alcatorem , mulienim sec-
tatorem, un adultère public, mis par le légat du saint siège
hors de la communion de l'église : Je pourrais y joindre
d'autres actions malhonnêtes , ajoute l'écrivain , mais ceci
doit suffire pour le repousser. Il paraît^ que la lettre d'Ives
de Chartres produisit quelque effet : Etienne de Garlande
ne fut pas évêcpie de Beauvais ; il avait néanmoins écrit au
Callia ci.iisN pape , très-pcu de temps après , une lettre beaucoup moins
t. IX, p. 716 et véhémente, une lettre même en faveur de cet Etienne, qu'il
' '" lui avait dénoncé dans des termes si outrageans ; mais le
prélat eut moins de succès dans sa bienveillance ciu'il n'en
avait eu dans ses accusations. Le pape lui reprocha même
une recommandât on aussi inattendue, et Ives s'excusa en
déclarant que l importunité la lui avait arrachée, et en
remei'ciant le pontite de n'y avoir eu aucun égard. Ces lettres
T. XV, p. m sont également dans la nouvelle Collection des historiens de
* "^" France. Nous trouvons cependant, cpielcpies années après,
.^.'*jj'^ Christ. Étipmie de Garlande doyen de plusieurs églises d'Orléans,
" et arcliidiacre de Paris.
Le siège de Beauvais ayant vaqué de nouveau en 1 1 1 3 ,
Etienne voulut y faire nommer l'évêcpie de Paris, à la place
duquel il désirait d'être pi'omu. On lit encore dans la nou-
velle Collection des historiens de France , sous la date de
p. 166. II i4') une Itttre d'Ives de Chartres à Etienne de Garlande,
Hist. de lEgi. |g pj,pp n'avait pas voulu opérer cette translation,
deParis,t. n, 1 11. >' r ' -> i, ' I n • t i • .•
p. 14. et nommer anisi Etienne a levecne de Pans. La subscription
annonce que celui-ci était alors chancelier ; il l'était depuis
f)lusieurs années, dès iioy, sous le règne encore de Phi-
ippe V^. Une charte de ce prince, confirmative d'un don
t. "VII, Preuves, f^^jj. ^^ monastère de Saint-Eloi à Paris, est signée par
f' ^ '" ,,. Etienne de Gariaiule, comme chancelier. Il signa au même titre,
resscreau,Hist. ^o•J1l c 1 ■ ' 1
de la Chancelle- long-tcuips aprcs , Cil iioj, dcs Icttrcs cu lavcur du piieurc de
rie de France, Saiiît-Amoul dc Cicspy en Valois, et Cil 1 1 34, d'autres lettres de
l; ^n "v^,^'- ^ *"^ Louis-le-Gros, portant don à l'abbaye de Saint-Martin-des-
Gall. Christ, t. 1 r < f- 1 t- • t-v • 1 1 /^i ■> ' 1
VII, p. 521 , et Champs , de 1 église de bamt-Denis-de-la-Cnatre , en échange
.nux Preuves, p. de l'église de Montmartre et de ses dépendances. Il cessa de
^'8A*'t Js6^ l'être à la mort du roi , en ï i37, et se retira à Orléans, où il
acheva sa vie , se contentant d'être doyen de l'église de
CHANCELIErx DU ROYAUME. 107
Sainte-Croix, après avoir désiré et rempli tant de hautes fonc- Xlï SIECLE,
lions. Celle de chancelier n'est pas la seule à laquelle ou l'avait „ ,,. ,., . ,
. . ,1 , . 1 , , . Galha Christ.
appelé. 11 hit vrannent, pendant plusieurs années, le prin- t.viii,p.i5o9.
cipal ministre d'état (a). Il remplaça aussi, en 1 120, Guillaume Uubois , Hist.
de Garlande, son frère, qui lui-même avait remplacé depuis p^^.^^ ^ Yi 'n
peu de temps Anselme ou Anseaii de Garlande, son frère i5. '
aussi, tué en 1118 (i^), au siège du Puiset, dans la charge Gaiiia christ.
que leur père avait eue, de sénéchal ou grand maître de la '^«''- H'^'- ''*«
maison du roi. De toutes ses dignités, aucune nenrla plus t. lî, p. 14. Voir
son orgueil, si nous nous en rapportons à Saint-Bernard, la chron. de
qui dit dans une lettre à Suger : Curiam ecclesiœ prœfert , ^i°"gny, His-
res:is mensam altari Christi, et caJici doinini caliceni dœtno- ,°yi/ ..'^-^'
niorum.... cuni honores non paucos teneat in ecciesia^ unius
Quem in palatio assecutus est, maûis (ut aiunt) sioriatur ex Hist. «le France,
nomme qiiam cœteronun quolibet appeilan ; cumque sit voir iHist. de
archidiaconus , decanus , prœpositusque in dii'ersis ecclesiis , rx'niv. t. ll,p.
nihil horum tanieii tàni euni quhni régis delectat vocjiri ^^^' *
dapiferum. O nova et exosa peiversitas ! La lettre de Saint-
Bernard est de 1128. Etienne de Garlande ne jouissait plus llist.deFrancc,
de la faveur du roi en 1 12c), comme on le voit par une lettre '■ ^^'P- ^'^'*'
d'Hildebert, archevêque de Tours, dont l'objet est de le con-
soler sur cette faveur perdue. Sa nomination à la place de
sénéchal ne l'avait pas empêché de continuer à être chance-
lier. Calixte II lui donne ce titre dans une lettre écrite à Hist. de France,
Louis-le-Gros , le 3o septembre 1 121. Il était rentré en grâce '• ^^' ?• ^'*''
et avait rempli cette dernière fonction en ii3i ; il la garda Callia Christ.
jusqu'au nouveau règne. Une charte pour l'abbaye de Saint- tviii, p. i5o2.
Martin-des-Champs annonce qu'il faut porter à 1 128 l'année Tcsser.p.6et7.
de la disgrâce d'Etienne de Garlande; elle dit, après avoir
nommé les grands officiers de la couronne : cancellario nidlo.
D'autres actes du même temps nomment Simon comme
exerçant alors la dignité de chancelier (c).
Etienne de Garlande mourut , à ce qu'on croit , vers 1 1 49
ou II 5o. Dubois, d'après l'historien d'Orléans , le fait mourir Hist. de régi.
quelques années plus tôt. ^^ Paris, t. li.
C'est à tort que l'auteur de l'Histoire de la Chancellerie ^" ^
(rt) Voir les détails que donne à cet égard Charles d'Auteuil , dans son
Histoire des Ministres d'état ; et Dubois , Histoire de l'église de Paris ,
liv. XH, c. 2, t. H, p. 14 et 1 5. — ib) Et non en iiSy, comme le dit
Duboulay, Hist. de l'Université de Paris, t. II, p. 724. — (c) Etienne
de Garlande est aussi nommé dans plusieurs actes antérieurs insérés parmi
les Preuves du t. VII de la France Chrétienne, p. 44 et suiv.
O2
XII SIECLE.
io8 EPITRES FARCIES.
de France le fiiit d'abord evêque de Beauvais, et ensuite
evêcfue de Paris : il ne fut jamais ni l'un ni l'autre.
Nous ne connaissons aucun ouvrage d Etienne de Gar-
lande. Il ne reste de lui que c|uelques actes d'administration;
et sur lui , que quelques lettres ou quelques passages de
chroniques. Sans la grande influence cju'il a exercée pendant
le règne presque entier d'un prince dont les travaux ont
tant contriliué à l'artranchissement des communes , et à leur
donner de meilleures lois , nous aurions cru pouvoir le
passer sous silence, et je ne sais même si cela nous justifie
d'en avoir parlé.
Notamment , Quelques lettres d'Ives de Chartres en supposent d'Etienne
les lettres 243 de Garlaudc , ou sont des réponses qu'il lui fait; mais celles
d'Etienne n'ont jamais été connues; elles ne peuvent être
indiquées autrement. P.
et 260.
EPITRES FARCIES.
G
<ES épîtres (a), dont on peut placer la date vers le milieu
Martène,de Ju XIF siècle , se chantaient principalement les fêtes an-
Aniiq.Ecci.Rit. j^^jçjipg çj- solennelles. C'était un mélange du texte latin et
hb. I, cap. i , ,, 1- • 1 • 1 ^ 1 c- •
art. 2. d une explication des actions et des vertus du Saint en
français.
Pein Biexcn.ùs \]ne chaitc cl'Odon de Sully , evêque de Paris , de l'an
^^fi"'".' ^^"*' 1 108, nous apprend nue, dans l'éelise de Paris, on célébrait,
1667 in-foho, . '.' ^ , , 11. •' ■ 1 !■> 1 T-' r^ 1
Notœ iccentio- ic jour de la Lirconcision, la rete des roux. Lette charte en
7-«, p. 778. ordonne la suppression, de l'aveu et consentement du clia-
Festum Fatuo- pitre de cette église : l'évoque n'entre dans aucun détail , il
"""• dit seulement que cette fête était horrible, et que l'on pous-
sait les choses jusqu'à l'effusion du sang. Par la même charte,
il règle la manière dont cette fête se fera à l'avenir. Après
avoir parlé des premières vêpres et des matines, il ajoute :
Missa similiter cwn cœteris horis ordinatè celebrahitur ab
(a) Du Gange, au mot farcia, dit : Incertum quid hœc tox denotet, h.
quâ dictœ epistolœjarcitœ. Ce mot vient du Xsiùnfarcire, qui , outre qu'il
signifie remplir , signifie encore entremêler ; car, en effet, une farce nest
autre chose qu'un mélange de différentes viandes , épiées et autres ingré-
diens. Une farce n'est autre chose, non plus, qu'une espèce de comédie ,
remplie et entremêlée de bouffonneries , sans conduite et sans dénouement.
ÉPITRES FARCIES. 109
aliqiiO prœdictoninv, hoc addito, quod epistola cwn Farciâ Xll SIECLE.
dicetur a duohus in cappis seHceis. Le sous -diacre, accom- "" "
fagné de deux clercs en chappe, montait donc au lieu où
on chantait l'épître; il la chantait en latin par versets, et,
à chaque verset, les deux clercs en chappe recitaient le fran-
çais de la manière ci-apvès [a). L'exti'ait de deux épîtres far-
cies suffira pour donner vme idée de ces pièces singulières.
La première est pour la fête de saint Etienne , premier
martyr. Les deux clercs en chappe commençaient par chan-
ter (b) :
Entendez tost (c) a cest sermon ,
Et clerc et lai tôt environ ,
- Conter volons la passion
De saint Estevene le baron.
Gomment et par quel mesproison
Le lapidèrent li félon ,
Por Jhesu-Crist et por son non ,
Jà l'orrez dire en la leçon.
LE SOUS-DIACRE.
Lectio actiium Apostolorwn.
LES CLERCS.
Geste leçon c'on ci vous list ,
Sains Lus 1 apele , cjui la fist,
Fais des apostres Jhesu-Crist,
Sains esperis ces li aprist.
Ce t'ust au tans ca en arriei-s
Que Jhesu-Crist ot maint guerriers,
Mescréant estoient en leur fei,
Si despectoient nostre lei ,
Qui ci est à Dieu ; or escout
Vérité fine , voire , et tout.
In diebiis illis^
(a) Manuscrit n° 6989 in-folio, ancien fonds, folio 333 verso. Manus-
crit de Sorbonne, n° 85 1 , qui en contient deux. Lebeuf, Traité du Chant
ecclés. p. 122. — (^) L'abbé Lebeuf, loco cit., a rapporté la musique
de ces épîtres. Cette première est sur le quatrième mode, autrement dit
hypophrygien. — (c) On suit ici l'orthographe du premier des manuscrits
cités. Dans le texte cité par Lebeuf, on lit ; tuit au lieu de tôt, conter vous
vuéil au lieu de conter volons , etc.
iio EPITRES FARCIES.
XII SIECLE. Jliesu-Crist out un champion
~~"~~~~~^~"~ Après la sainte Ascension
Qui premiers conquist à durs cos
Ce que Adam perdit corne fos.
Stephaims plenus gratta , etc.
Sainz Estevene sout et moult pot.
Qui force et grâce de Dieu ot
Au pueple fu tant de Dieu dignes
Faisoit miracles et grant signes , etc.
La pièce est terminée par cette invocation :
Or prions tous le saint martyr,
Qu'il nous puist salver et garir,
K'ensi puissions nos tôt morir,
Al règne Dieu parvenir.
Amen.
La seconde e'pître farcie e'tait en l'honneur de saint
Thibaut de Provins.
Or entendez très-douce gent
Un dit qui est et bel et gent.
Et faite festes et joie tuit
De seint Thibaut et grant déduit.
Seins Thibaut de très bone enfance
Fuit engendrez de gent de France.
E terrouer de trois fins ,
Mes il fu norris à Provins
Et Arnoul avait non ses pères
Et Gineline fvi sa niere,
Et parens es quens de Chanipaigne
Et à l'avesque de Viane (levèque de Vienne)
Qui Thibault estait apelez
Avant que saint Thibaut fu nez.
Lectio lihri Sapientiœ.
Ce fuit au tans Herri li Rois (a)
Qui tint le règne des François ,
Et au tans Phëlipe son fils (ù)
Roi de France , ce dist l'escrit ,
[a) Henri 1"', mort en 1060. — {b) Philippe IV, mort en 1108.
EPITRES FARCIES. ni
Que li saint vout en sa jounece XII SIECLE^
An son cors mètre grant destrece , '
Geuner et vestir la herre
Force qu il vout à Deu plere , etc.
Jnstuin dcduxit dominus per vias rectas..
Or oiez très bêle aventure
Qu'avint si coin dist l'escriture
Car à l'issir de la cité
Ont deux pèlerins encontre , etc.
L'abbé Lebeuf rapporte deux différens textes de l'ëpître Loc.cît.p.izî,
farcie pour la fête de Saint-Etienne; il en cite de plus luie ^^^•
pour la fête de Saint-Jean l'Evangeliste , vine pour la fête des
înnocens , une autre pour la Circoncision , enfin une pour
l'Epiphanie, et une dernière pour la fête de Saint-Biaise.
Les Kyrie qui se chantaient à la messe étaient Russïjhrcis,
mais la farce était en latin. Les trois premiers Kyrie étaient
adressés à Dieu le père , les trois Cliriste h. J. C. et les trois
derniers Kyrie au Saint Esprit. Ils se chantaient encore au
commencement du XVIIP siècle , clans les diocèses de
Meaux, de Sens et d'Auxerre. Ce n'est cjue vers 1740 cju'on
les supprima dans les églises de Saint-Etienne de Reims , Lebeuf, loco
de Dijon, etc. En voici un exemple : ciiato,p. 1,17,
KiRiE,yÔ72.î honitatis, pater ingenite, a quo hona cuncta ^'^'
procedunt, Eleison. Christe, cϔitus adsis nostris precihus ,
quas pro viribus ^ ore , corde, actuque psalUmus , Eleison.
KiRiE, spiritus aime, pectora nostra succende, ut digni paii-
ter prociamare semper possimus ^ Eleison. Ces Kirie farcis se
chantaient aux fêtes solennelles seulement. Il y en avait aussi
dont la farce était en français :
KiRiE, le jour de Noël, naquit Emmanuel, Jésus le Doux,
fils Dieu Etemel , Eleison.
Ils se chantaient encore , vers le commencement du
XVIIP siècle, dans le diocèse d'Auxerre. G. ibài.
V «r«>^ «^V^ V^ ^ V^.-^ «.^ «.^^^At. % ^/W«. W % -V «.^« % ««^«^.«^V». «
XII SIECLE.
POÈTES JRANÇAIS,
THIBAUT DE VERNON, ALFRIUS, ET LAMBERT
DE LIÈGE.
Ihibaut de Vernon, chanoine de Rouen , écrivait vers
le milieu du XII*^ siècle. Lévêque de la Ravalière, Histoire
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres , tome XXIII,
page 254, lui attribue des traductions de Vies de saints qui
se trouvent dans un manuscrit français dont son Mémoire
contient une notice. Ce manusci'it est un de ceux qui furent
donnes à la maison de Sorbonne par le cardinal de Riche-
lieu. Il renferme cinquante-neuf Vies de saints et de saintes
des différens siècles de l'église , originairement écrites en
latin , composées en différens temps par différens auteurs ,
dont quelques-uns sont connus, les autres ignorés, et tra-
duites en français aussi par plusieurs écrivains du XIF siècle.
Cette époque ne peut être douteuse , ces mots étant écrits à
la fin du manuscrit : ExpUcit iste liber, ann. ]\I. CC. L'au-
teur du Mémoire fondé sur ce qu'un auteur contemporain
de ce Thibaut a dit de lui qu'il avait traduit en langue vul-
gaire, avec élégance, les Fies latines rie plusieurs saints , lui
attribue la traduction d'une grande partie de celles de ce re-
cueil , sans pouvoir désigner précisément quelles sont celles
qu'il traduisit.
Trois de ces Vies sont traduites en vers, savoir, celles de
sainte Thasie,de sainte Catherine, et de sainte Marie l'Egyp-
tienne.
On trouve dans ce même recueil trois autres pièces de
vers, jetées sans ordre entre des Vies de saints avec lesquelles
elles n'ont aucun rapport. La première , intitulée le Livre de
la Mort, est d'Helinan ou Elinan, moine de Froidmont ; il
en sera parlé à son article. La deuxième est le roman des
y^mours et de la conversion d'un Chevalier; la troisième, qui
est dans le même goût, est le Miracle du Clerc de Rouen. —
La Ravalière pense que ce dernier roman est de la même
main que la plus grande partie des traductions; il soupçonne
même que le Clerc de Rouen n'est autre que Thibaut de
Vernon , cjui a foi't bien pu, dit-il , faire allusion à sa propre
histoire dans ce petit roman, et s"y peindre sous le nom
THIBAUT DE VERNON^ ii3
emprunté d'un clerc. Ce clerc s était voué pour toujours à ^^^ SlECLi
la Vierge Marie; mais subitement épris d'un amour profane,
il oublie ses vœux et songe à épouser celle qui est l'objet de
cet amour. La Vierge lui apparaît et lui reproche son infi-
délité. Le clerc , pénétré de repentir , s'engage au sei^vice de
la Vierge par un nouveau serment. La scène se passe à
Rouen , où l'on a vu que Thibaut était chanoine, et il aura
voulu peindre dans ce conte quelque retour d'inclinations
mondaines qu'il avait éprouvées avant de s'engager dans les
ordres.
Le roman de V Aventure du Chevalier est du même genre,
et peut bien , selon le même La Ravalière , être du même
auteur. Un chevalier, amant d'une dame inflexible, est payé
par des rigueurs. Rebuté d'une maîtresse ingrate , il porte
ses soupirs et ses vœux aux pieds de la Vierge Marie , qui
daigne les accepter, reçoit son hommage, et le guérit de sa
passion malheureuse. Cette pièce est en vers de huit syllabes,
dont voici les cinq premiers :
Pour ce vous vuel dire et conter
Un bien que j'oïs raconter
D'un chevalier qui était pris
D'amors et si fort entrepris
Qu'il n'en pouvait être livrés (délivré).
La Vie de sainte Thasie , qui est aussi en vers , ne paraît
pas être de la même main. Elle est envers de douze syllabes,
divisés par quatrains ou strophes de quatre vers , dont les
rimes sont toutes masculines et toujours les mêmes dans
chaque strophe. L'auteur du Mémoire cite ces huit premiers
vers :
Qui Dex done droit sens, certes moult peut haïr.
Ices œvres qui font lame du corps partir.
C'est dure départie qui l'ame fait morir
Et torment en enfer sans nule fin norir.
Qui des pênes d'enfer sut ances (ainsi) sermoner
Il puet les dévoies a voie ramener,
Si com vous le puis dire, s'el voulés escouter,
Dame entendez moi, je veul à vos parler.
On voit que ce poète, quel qu'il soit, adopta dans cette
Tome XIII. P
ii4 ALFRIUS ET LAMBERT DE LIÈGE.
\il SIECLE, pièce le rli\tlime , dont on attribue l'invention aux auteurs
du roman d'Alexandre ; mais il le suit péniblement. Il rem-
plit avec effort cette longue mesure; il y délaie plus qu'eux
ses pensc'es ; il a moins d'ait ; et si l'on peut établir des de-
grés entre des choses qui nous paraissent aujourd hui si
imparfaites , il est infiniment au-dessous d'eux.
La Ravalière , incertain sur les auteurs d'une partie des
traductions de Vies de saints comprises dans ce manuscrit,
croit cependant que celle de la Vie de saint Antoine ap])ar-
tient à un écrivain nommé Alfrius, qui est cité dans IHis-
toire de la maison de Gaines, d'après la Chronique de Lam-
bert d Ardves , comme ayant traduit dans le XIl*^ siècle une
Vie de saint Antoine.
Il croit aussi que Lambert de Liège est le traducteur de
la Vie de la reine sainte Batilde, épouse de Clovis II, fils de
Dagobert. Il adopte en ce point le sentiment de l'abbé
Le Beuf, qui, dans son Mémoire sur les plus anciennes tra-
ductions françaises , attribue à Lambert de Liège cette tra-
duction de la même Vie, dont il cite un autre exemplaire,
séparé , faisant aussi paitie des manuscrits de Sorbonne.
Lambert , autrement surnommé le Bègue , mourut à Liège
en 1177, à son retour de Rome, où Raoul, son évéque,
l'avait envoyé. C'est entre lui et sainte Bègue que les opinions
sont partagées sur la fondation des Béguins et des Béguines,
société religieuse qui a été long-temps si répandue dans les
Pays-Bas.
L'auteur inconnu de cette Vie de sainte Batilde , originai-
rement écrite en latin , se dit presque contemporain des faits
âu'il rapporte. Après avoir cité quelques traits de l'histoire
e sainte Clotilde , épouse de Clovis F'", et de sainte Rade-
gonde , femme de Clotaire, il ajoute, selon les expressions
de son traducteur, qu'il parlera plus au long de sainte Baltet
( Batilde ),/>«'7re quelle fust plus à nostre temps , et que nous
msnies et oismes plus de sa vie que des vies des autres. Mais
auelque peu éloigné que cet historien fût du temps qu'il
écrit , nous ne lui devons pas , observe fort bien Lévesque
de La Ravalière, une confiance à beaucoup près sans réserve,
du moins pour ce qui concerne le règne de Dagobert, dont
il suppose sans preuve , et contre l'autorité de tous les rao-
numens , un pèlerinage à Jérusalem.. G.
PIERRE DE VERNON
POÈTE FRANÇAIS.
J_jE nom de cet auteur, qui florissait dans le XIP siècle, ft
échappé aux recherches de Pasquier,de Fauchet, de La Croix
du Maine, de du Verdier , et autres bibliographes. Il a été
cité par Barbazan (a) et par l'auteur du Glossaire de la langue
romane (A).
On ignore à quelle époque précise il écrivait ; on recon-
naît seulement à son langage que ce devait être dans la pre-
mière moitié de ce siècle. Il nous apprend lui-même son
nom à la fin de son poëme , et l'auteur du Glossaire croit y
voir aussi le nom de sa patrie ; mais cela nous paraît dou-
teux , comme nous le dirons en terminant cet article. La
Bibliothèque Impériale ne possède qu'une seule copie de ce
poëme (c) ; elle se trouve dans un recueil de pièces des XIP
et XIIP siècles.
L'ouvrage , qui est traduit du latin , et qui contient environ
deux mille deux cents vers, n'a point de titi'e particulier.
M. Roquefort (r/) le nomme les Enseignemens d! Aristote ,
parce que l'auteur suppose qu'il est tiré de lettres écrites par
ce philosophe à Alexandre-le-Grand, son élève. Mais le se-
cond vers du poëme semblerait autoriser à le nommer plutôt
le Secret des Secrets.
Primes saciez ke icest tretiez
Est le secré des secrez nuniez j
Ke Aristotle le philosophe ydoine.
Le fiz Nichomache de Macédoine,
A sun déciple Alisandre, en bone fei,
Le graunt , le fiz Phelippe le rei ,
Le fist en sa graunt vielesce,
Qant de cors estoit en fieblesce,
Pus qu'il ne pout pas travailler
Ne al rei Alisandre repeirer.
{à) Fabl. nour. ëdit. tom. I, p. 443, sur le taot estros. — {b) Table
des auteurs (tom. II, p. 768, col. 2), et sur les mots baailer ^ baant ,
huche., clergie , cunverter , défamer , esprover, etc. — [c) Fonds de 1 église
de Paris, in-4'' N, n° 5, folio i^S. — [d) Gloss. de la lang. rom.
loco cit.
Pa
XII SIECLE.
ii6 PIERRE DE VERNON.
XII SIECLE. Et plus bas :
Aristotle mm espistles feseit
De moralitez; car il desireit
Ke chescun bon fust en drcit de sei ,
E en dreit des autres, en bone fei.
■ Dans cette correspondance imaginaire , le philosophe
donne au roi de fort bons conseils ; il lui enseigne à être
doux , tempérant , modeste , à bien gouverner les peuples
que la victoire rend ses sujets.
Alisandre , à vus cunvertez
Les corages as sugez ke vus avez.
Lur trespas (a) et lur tort estez.
A la gent niatire (b) pas ne donez
Ke mal pussent parler de vos ;
Car le pueple lut à estrus (c).
Quant mal de vus dire parreit
De-legier contre vus sereit.
Il prend soin du corps de son élève comme de son ame ;
il lui parle des différentes maladies dont il peut être attaqué ,
et lui indic£ue les moyens de s'en garantir, ou de les traiter;
Mais sur-tout il lui recommande d'être généraux ; c'est , sui-
vant notre poète , et suivant prescjue tous les poètes , la pre-
mière de toutes les qualités d'un monarque.
Enfin, il l'invite à remplir ses devoirs de religion, à ho-
norer les savans, à éviter la société des hommes pervers, à
être généreux après la victoire , à rendre à tous la justice.
Ce que doit ambitionner un souverain, dit-il, c'est l'amour
de son peuple ; s'il ne l'q pas , malheur à lui ! La pluie en
petite quantité ranime la verdure , nourrit les plantes , les
arbres , les fruits , et embellit la nature : tel est l'effet du
règne d'un bon prince. IVIais trop de pluie engendre de
grands maux. Les espérances du laboureur et du marchand
sont détruites ; les tonnerres se mêlent à la pluie , la foudre
tombe ,
En rivières fait crestines (crues d'eau) sovent,
Les russeaus s'en enflent ensement,
E mut avienent, les mers frémissent,
Par qui mut vivanz périssent.
(fl) Outrage, transgression, violation de la loi. — ■ {!') Matière, sujet,
cause. — (c) A l'instant, tout-à-1 heure.
PIERRE DE VERNON. u-
^ Aristote n'oublie ni le bon exemple qu'un souverain doit xil SIECLE,
à tous ses peuples, ni le secours qu'il doit aux malheureux,
ni enfin aucun des devoirs d'un bon roi. Il prévoit même les
temps de disette et de famine, et veut que le roi ouvre alors
ses greniers et pourvoie aux besoins du peuple.
En tems de feim liant aurez à fere
Si com avient en chieres années
Kant défaute est par les cuntrées,
Ke pussez partut ptu'véer,
Ta gent aider kant unt mester.
En tems de bosoigne de veir saez.
Kesucure covient à tes citez; ;
Vos celiers donkes overer devez
E par tun règne é les citez
Fere crier et publier
Furment et greins pur resforer,
Ceo grarlt'citirtise Vèirement
E purvéance al règne ensement.
Les vers du poète ont souvent le ton sentencieux , et ren-
ferment de sages maKimes, auxquelles il ne manque qu'un
langage plus forn^é. En voici quelques exemples :
, .riij' :'..''..!'.\;
Petit home n etez en despit
Kar celi k'ore est vil è petit,
Si conie avenu est sovent,
A richesces é à honurs ascent,
E dune ert fort é de plus poer
A nuir les autres é grever.
Rei vus gardez
Ke vostre fei pas n'enfi-eignez ,
E gardez aussi fermement
Sur tute rien vostre serment.
Universitez apparaillez
Estudie en citez establiez;
E en tun règne le suffrez,
E à tes hohies le comandez,
Ke lur fiz apreignent de lettrurc,
E ke d'estudie preignent cure
En les arz é en moralitez
ii8 PIERRE DE VERNON.
XII SIECLE. Si ke seicnt clers esprovez.
—'————'' (]3j. Y-ostre purvéance apent
De trover lur susteinenient.
Fêtes dune aucun avantage
A bien estudianz , c'est fet de sage.
JLe philosophe grec prétend que ce fut des Hébreux que
tous les peuples anciens reçurent les sciences et les arts.
Kar de eus aveient commencement
Les Latins é les Indiens
Le Grius et les Parsiens ;
De ces lur science espucherent,
Lur princes de art par eux troverent,
E secrez qu'en lur escriz mitrent
Dunt bien piert ke de eus le pritrent ,
Kar en lur escriz riens n'est trové
Ke ne seit reisun esprové.
Ce morceau sur l'instruction publique est très-e'tendu et
assez curieux. L'auteur le termine en rappelant à Alexandre
que les lettres , les sciences , les arts , sont ce qui rend un
royaume florissant , et que le souverain qui les encourage
reste inscrit dans les fastes des bienfaiteurs du monde.
Ce qu'il y a de plus curieux encore , c'est que tout cet
enseignement d' Avistote finit par de belles sentences sur la
religion chrétienne , sur Jésus-Christ , sur les vertus théo-
logales , etc.
L'auteur termine par ces vers , oii il a eu soin de nous
ajîprendre son nom :
Mes ore priez pur Deu a mur
En ceste fin pur le translatur
De cest livre, ke Piere ad nun,
K'estreit est de ces de A Bernun.
Ke de bien faire lui doint sa grâce
E à nus tuz issi le face
Ke le règne pussum merir
Ke done à suens à sun pleisir.
Amen.
Il est clair, d'après ce passage, que ce poëme, quelque
EBLES DE VENTADOUIl, 119
titre qu'on lui donne, était traduit, et vraisemblaljlement du ^^^ siècle.
latin ; ii est clair encore que le traducteur s'appelait Pierre :
mais le quatrième vers signifie-t-il, en effet, que ce poète fût
né à Vernon en Normandie , comme le croient Barbazan et
M. Roquefort ? C'est ce qui nous paraît assez douteux. A Ber-
nun et Vernon ne sont pas évidemment la même chose.
K'estreit est de ces de A Bernun
f)eut signifier que Pierre est issu de ceux d'ABernon ou de
a famille d'Abernon , et peut signifier aussi que ce livre est
extrait de ceux d'A Bernon ; ce serait alors le nom de l'au-
teur, d'ailleurs inconnu, qui l'avait écrit en latin, et dont
Pierre ne fut que le traducteur. Mais jusqu'à ce qu'on
{misse résoudre ces doutes par quelques documens particu-
iers qui nous manquent, il n'y a pas d'inconvénient à nom-
mer ce poète Pierre de Vernon , comme l'ont fait Barbazan
et l'auteur du Glossaire de la langue romane. G.
EBLES,
VICOMTE DE VENTADOLTR,
POÈTE PROVENÇAL.
l_iE seigneur était contemporain de Guillaume IX, comte
de Poitou, son suzerain, dont il gagna famitié par son talent
pour la poésie et par son goût pour les chansons. Ce goût,
qu'il conserva jusque dans sa vieillesse , le fit surnommer
le Chanteur.
Baluze, dans son Histoire de la maison d'Auvergne, dit T. i, p. 284.
que c'est Ebles II qui avait épousé Agnès de Montlucon, et '^^^'^ 1708, 2
qui mourut au Mont-Cassin au retour de son voyage de Je- ^°'" '°"*^°^"'-
rusalem , en i lyo. Des notes manuscrites laissées par les pre-
miers rédacteurs de cette Histoire Littéraire , placent au
contraire la mort d'Ebles II en i iSa. En effet, pour qu'il y
ait eu enti-e le comte de Poitou et lui les rapports qu'on leur
attribue , il faut bien qu'Ebles soit mort au plus tard à cette
époque , puisque Guillaume IX était mort en i lay , c'est-à-dire
120 EBLES DE VENTADOUR, POETE PROVENC.
XII SIECLE, plus de vingt ans auparavant. Selon l'abljë Millot, qui cite
Hist litt des '^"^si Baluze à lappiii de son opinion , ce fut Ebles III , lils
Troub. t. l,p. de notre Ebles II,, qui mourut en 1 170 au Mont-Cassin.
19- Geoffroy de Vigeois rapporte dans sa Chronique un trait
p. 322. curieux entre le vicomte de Ventadour et le comte de Poitou.
Ce trait peint les mœurs de leur siècle, et l'espèce de magni-
ficence dont les seigneurs se jjiquaient alors dans leurs châ-
teaux. Ebles alla un jour visiter Guillaume IX à Poitiers,
dans son palais. Guillaume était à table. Il suspendit son
dîner , et en ordonna un splendide pour son hôte. Ebles at-
tendit long-temps sans que le service parût. A la fin , il dit
à Guillaume : « En vérité , un comte comme vous ne devrait
« pas être obligé de renvoyer à sa cuisine pour recevoir un
« petit vicomte comme moi. » Le comte ne répondit inen;
mais quelques jours après, quand le seigneur de Ventadour
fut retourné dans son château, il y arriva subitement, suivi
de cent chevaliers et de leurs gens, à l'heure du dîner. Ebles
ne se déconcerta point; il se leva de table, et ordonna froi-
dement à ses gens de donner à laver. Ils couvrirent aussitôt
la table d'un si grand nombre de plats , qu'à peine, dit l'his-
torien , aurait-on rien vu de pareil aux noces d'un prince. Le
hasard servait à souhait le vicomte. C'était jour de foire à
Ventadour : ses vassaux s'étaient empressés de porter au
château tout ce qui s'était trouvé de volailles et de gibier.
La table fut servie avec luie abondance dont le comte et sa
suite furent surpris. Le soir , un paysan , à l'insu du sei-
gneur , entra dans la cour du château avec une charrette
traînée par des bœufs, et cria de toute sa force : « Que les
« gens du comte de Poitou viennent apprendre comment on
« donne la cire chez le vicomte de Ventadour. » Il coupa les
cercles d'un tonneau qui était dans sa voiture; il en sortit
une quantité prodigieuse de pains de cire blanche , denrée
qui était alors fort chère , et il les laissa sur la place, comme
cliose de peu de valeur ; puis il sortit de la cour comme il y
était entré. Ebles fut si content de cet à-propos , qu'il donna
en propriété au paysan le lieu de Malmont, où il demeurait;
ce qui anoblit les enfans de ce paysan , qui furent décorés ,
dit la Chronique , du baudrier de chevalerie.
Ebles II ne se borna point à protéger et à bien traiter les
Troubadours ; il composa lui-même un grand nombre de
chansons , mais aucune n'est parvenue jusqu'à nous. G.
XII SIECLE.
ALBÉRON DE MONSTÉROL,
ARCHEVÊQUE DE TRÊVES.
SA VIE.
i\.LBÉRON OU Adalbéron, appelé aussi j4lherius par l'auteur Bouqnet ,
de la vie du bienheureux Théodger, évêque de Metz,e'tait t. xiv,p. 208.
Lorrain. Baldric , écolâtre de Saint-Pierre à Trêves , qui a De Honriieim
écrit la vie de ce prélat , atteste qu'il était né d'une famille pi'od. p. 77*-
noble dans le diocèse de Toul , et qu'il avait fondé, avant son
épiscopat , à Monsterol , qui faisait partie de son patrimoine ,
l'abbaye de Belchamp , près de Mehoncourt. Il avait un r.aiiia ciirist.
frère nommé Pierre , qui concourut avec lui à cette fon- 'o™- xiii , j r.
dation. "°'-^"-
Albéron , avant que de parvenir à l'épiscopat , était prin- Baldric. ibid.
cier et archidiacre de 1 "église de Metz, prévôt de Saint-Arnoual,
archidiacre de Verdun , archidiacre de Toul , et prévôt de
Saint -Gengoul. C'était un homme dun caractère ferme et
entreprenant ; il en donna des pi-euves pendant les troubles
qui agitèrent la Lorraine sous la domination des empereurs *
d'Allemagne. Zélé partisan du pape, il exposa mille fois sa
vie pour servir la cause de l'église et contrecarrer l'empe-
reur. Ce qu'on raconte à ce sujet de traits hardis de sa part Baldric. iôjV/.
est pi^esque incroyable. L'empereur avait placé sur le siège P- 771-
de Metz un homme de son parti, nommé Adalbéron, que ^"^l"^ , « ' «
le pape avait excommunié, mais qui se maintenait toujours
par le crédit de l'empereur et de ses partisans. Albéron alla
a Rome pour demander sa déposition , laquelle ayant été
prononcée dans le concile de Reims de l'an 1 11 5 , par le
égat Conon , Albéron n'eut pas de repos qu'il n'eiit f;iit élire
à sa place un évêque catholique dans la personne de Théod-
ger , abbé de Sauit-George , dans la forêt Noire , frère de
Folmar , comte de Metz. Mais telle était alors la prépondé-
rance des partisans de l'empereur à Metz , que jamais ce
saint homme ne put siéger dans sa ville épiscopale. Heureu-
sement la querelle des investitures fut terminée bientôt après
la mort de celui-ci , et le princier de Metz n'eut plus à se
défendre que d'accepter les dignités auxquelles on voulait
Tome XIII. Q
1:
122 ALBÉRON DE MONSTEROL,
\ll SIECLE, l'élever. Il fut postule' pour remplir les sièges de Magcle-
bourg et d'Alberstad , qu'il n'accepta pas; mais ayant été élu
archevêque de Trêves, il lut contraint d obéir au jiape In-
nocent II , des mains duquel il reçut la consécration l'an
Il32.
Nous n'entrerons pas dans le détail des guerres qu'il eut
à soutenir, soit contre le burggrave de Trêves, qui dispo-
sait en maître des biens de l'évêché, soit contre le comte
de Luxembourg, qui, à titre d'avoué de Saint-Maximin ,
empêchait l'archevêque d'exercer ses droits ou ses préten-
tions sur cette abbaye, soit contre d'autres petits tyrans du
HaUrld. ibid. pays ; mais nous dirons qu'il accompagna, l'an iiSy, le roi
r- 774- Lothaire en Italie, avec un contingent de soixante-sept gens
d'armes, pour faire la guerre au roi de Sicile, et remettre
sur son siège Innocent II , qui , par reconnaissance , le fit
légat en Allemagne.
TiaUric. ibid. Avant Contribué plus cpve tout autre à mettre le roi Conrad
^" '' sur le trône d'Allemagne , il jouit constamment de la faveur
de ce prince , dont il ne fit usage cpie pour le bien de son
église. Ce prince s'étant dessaisi en sa faveur des droits de
l'Empire sur l'abbaye de Saint-Maximin, Albéron entreprit
de soumettre à sa juridiction les moines du lieu ; mais il
trouva de la résistance de la part du pape et du comte dé
Luxembourg. Le pape flottait tantôt d'un côté tantôt de
l'autre , et il ne fallut pas moins que la protection de saint
Bernard, qui écrivit à Innocent les lettres 179 et 180, pour
le déterminer en faveur de l'archevêque. Quant au comte de
Luxembourg, il continua la guerre, et ne posa les armes
que l'an 1 1 46.
Baldùc. ibid. Pendant ces hostilités, il arriva que les chanoines de Co-
P- 776- blcntz ayant fait l'élection d'un prévôt sans la participation
de l'archevêque, avaient obtenu du pape Innocent des lettres
de confirmation. Ces lettres lui ayant été présentées, Albé-
ron , dans un mouvement de dépit , les jeta par terre ; mais
cette insulte ne demeura pas impunie : il fut interdit de ses
fonctions , et obligé d'aller à Rome , l'an 1 1 4^ , rendre compte
de sa conduite.
Baidric. ibid. L'ail 1 1 47 1 le pape Eugène III étant venu en France ,
p. 777 et seqq. Albéron vint le trouver et obtint qu'il irait à Trêves, où le
pape séjourna plus d'un mois avec sa cour et tint un concile.
Au concile de Reims , célébré par le pape à la mi-carême de
l'année suivante, il demanda la confirmation du droit de pri-
ARCHEVEQUE DE TREVES. laS
matie de son église sur les deux Belgiques. Cette prétention xii SIECLE.
occasionna une rixe entre les Rémois et les Allemands de sa
suite, dont plusieurs furent blessés. L'auteur qui nous sert
de guide assure, qu'Albéron indigné menaçait de se retirer
à Ivi"i , et de revenir ensuite avec la force armée pour tirer
vengeance de cet attentat, si l'archevêque de Reims ne lui
eût livré les séditieux ; mais il ne dit pas que le concile lui
ait adjugé ses prétentions.
Quoic[ue déjà vieux , on le voit encore à la tête des armées Baldric. ibid.
dans la guerre qu'il eut avec le comte palatin du Rhin. Son P- '>''9-
historien nous a conservé la harangue qu'il fit à ses soldats
avant le combat ; et il ajoute qu'autant il avait de facilité à
parler le français , sa langue maternelle , autant il parlait
difficilement l'allemand. Ce prélat mourut le i8 janvier 1 152.
Il aimait les arts et la magnificence; et, sans être un savant,
il se plaisait en la compagnie des savans, qu'il avait soin d'at-
tirer auprès de lui par des récompenses. De ce nombre fut
Baldric ou Baudri , Liégeois , qu'il connut à Paris , et qu'il
voulut s'attacher après l'avoir entendu plaider devant les Hist. litiér.
tribunaux, comme on l'a dit à son article. Il fit le même hon- *• ^"' P- ^'7*
neur à Gerland de Besançon et à Thierri de Chartres , que ^^"^' ^' "^"'
Baldric appelle les plus habiles docteurs de son temps : duos
famdet glorid doctores nostri teniporis cxcellentissiinos. Il se lia
d'une amitié particulière avec l'illustre abbé de Clairvaux, saint
Bernard , pour lequel il fonda des monastères, et qui , comme
nous l'avons vu , le servit avec zèle dans toutes les occasions.
SES LETTRES.
Jean Nicolas de Hontheim, évêque suffragant de Trêves, Hist. Tievir.
a réuni, dans l'Histoire diplomatique de cette province, U'p'om. t. i,p.
Quelques lettres de notre prélat , et un plus grand nombre
e chartes propres à jeter du jour sur l'histoire de sa vie.
Nous ne nous occuperons que de ses lettres.
i" Ayant assemblé , l'an i iSa, un concile des évêques de Martène,
la province à Thionville , il termina un différend qui s'était Anecd. t. iv,
élevé entre Simon, duc de Lorraine, et le chapitre de Saint- '^'"
Diez; et, attendu que le duc avait encouru l'excommunica-
tion, il l'en relève par des lettres publiées par D. Martène.
2° D. Calmet a aussi publié des lettres de notre prélat, Caimet,Hisr.
portant ratification d'un accord passé entre l'abbé de Senones de Lorr. t. ir ,
et Henri, comte de Salm, relativement aux droits d'avouerie, P''' ''°'" ^°^"
Q2
ia4 ALBÉRON, ARCHEVÊQUE DE TRÈ\^ES.
XII SIECLE, lettres cju'il fit expédier clans un concile provincial tenu à
Metz l'an ii35.
3° Le pape Innocent II n'ayant pu se maintenir à Rome ,
après que l'empereur Lothaire en fut parti, et Roger, roi
S. Bern. cpist. Je Sicile, fauteur d'Anaciet, ayant lait des progrès dans la
*'^- Fouille, Albéron, dans une lettre au pape, lui mande que,
malgré ces revers, tout le monde en France et en Allemagne
est pour lui ; que l'empereur Lothaire se prépare à lui porter
de puissans secours, et cpie lui-même n'épargnera ni soins
ni aigent pour lui en procurer. Nous avons déjà vu qu'il
accompagna IV-mpereur dans cette expédition avec un contin-
gent de soixante-sept gcndai'mes.
s. Bern. epUt. 4° Dans une auti-e lettre au même pape , il se plaint que
Ï77- ce pontife le gêne beaucoup dans le gouvernement de sa
province, par la faveur qu'il accorde à de jeunes évêques
ses suffragans, beaucoup trop fiers de leur noblesse, ce Est-ce
« que, dit-il, j'ai demandé à votre Sainteté d'être fait évêque?
« Si j'eusse ambitionné Tépiscopat, ce n'eût jamais été celui
« de Trêves : je connaissais trop l'humeur inquiète de ses
« habitans. J'ai eu beaucoup à souffrir pour opérer quelque
« bien ; mais , ce qui me chagrine le plus, c'est que j'éprouve
« des contradictions de la part de ceux qui devraient con-
« courir avec moi à rétablir le bon ordre. Je ne les nomme
« pas; mais un autre vous les fera connaître. » Cet autre fut
saint Bernard , qui , dans la lettre 1 78 au même pape , entre
sur les griefs de l'archevêque de Trêves dans un grand détail.
intcr epist. 5" On voit, par la lettre d' Albéron à l'abbé Suger, combien
Sugerii, ep. 3o. j,g prélat avait à cœur le succès de la Croisade de Louis-le-
Jeune. Ayant appris qu'on avait reçu en France des nouvelles
du roi , Albéron prie avec instance l'abbé Suger de les lui
communiquer. En effet, au passage de ce prince près de
Trêves , Albéron alla le recevoir cà Saiut-Arnoual , terre
dépendante de son évêché, dans laquelle il avait préparé
Baldnc. ibid. Jes rafraîchissemcns avec tant d'abondance , que le roi et sa
P- 777- suite, qui ne s'étaient pas annoncés^ furent dans l'admira-
tion , dit l'historien de sa vie.
Hist. deToui , 6" Le P. Benoît de Toul a mis au jour un jugement porté
pr. p. 91. pfjj. notre prélat, l'an 1 149-) à^u?, une contestation qui s'était
élevée sur la donation faite à l'église de Toul de la terre de
Commerci , par un des seigneurs nommé Riquin. B.
V». fc ** m^ * v*^ *■ * -«j v^^ *
XII SIECLE.
RAOUL r,
ABBÉ DE VAUCELLE, DIOCESE DE CAMBRAI.
'IVAOUL fut un des disciples de saint Bernard. Il avait à
Feine fait profession depuis trois mois , que Bernard , qui
avait distingué parmi ses religieux, le choisit pour aller
gouverner un nouveau monastère, celui de Vaucelle, près
de Crévecœur, et sur l'Escaut, que venait de fonder et de
doter Hugues d'Oisy, vicomte de Cambrai. L'abbé de Clair-
vaux y contluisit lui-même Baoul et les autres religieux, au
nombre de onze , qui devaient en former la communauté. 11
le mit en possession du gouvernement de ce monastère, le
i*^'' août I iSa. Hugues d'Oisy avait rassemblé toute sa famille
et toute la noblesse defv environs, pour recevoir avec plus de
solennité Bernard, Raoul, et les autres religieux.
Arnold de Baisse, qui nous apprend ces particularités, a<1 Natales ss.
que beaucoup d'autres ont répétées , et entre autres Lecar- ^'^'>''' auctuar.
pentier, dans son Histoire de Cambrai et du Cambrésis, dit ^' ^^' ^^ ^^\
les avoir tirées d'un manuscrit que lui avait communiqué "' " ' ^' ^ ^
dom Robert Pierin , prieur de ce monastère ; manuscrit
contenant des détails qui ne se trouvaient point dans
celui d'Abraham Ortelius, lequel avait appartenu à l'abbaye
de Vaucelle, et que Lemire a publié dans ses additions à la
chroniqiie d'Anselme de Gemblou. L'auteur de cette chro-
nique dit que Baoul était originaire d'Angleterre ; Baisse
ajoute qu'il était né à Merston. Tous les écrivains qui ont parlé
de Baoul le font anglais aussi , même les auteurs du nouveau
Gallia Christiana. Cependant, dom Nicolas Daussy, prieur T. m, p. 176.
de Vaucelle , dans une lettre à Bollandus , qui l'avait consulté Boii.ind. 2a
sur les premiers abbés de ce monastère, lui fait connaître J^^'^P-^g^-
un manuscrit que Baisse qualifie de chronique, dont l'auteur
dit avoir vécu dix-sept ans avec Baoul , et assure n'avoir pu
découvrir de quel pays il était. Quoi qu'il en soit du lieu de sa
naissance, ce qui n'est pas douteux, c'est qu'il fut moine à
Clairvaux , et ensuite abbé d'une maison du même ordre, à une
très-petite distance de Cambrai ; il vécut ainsi et mourut en
France. Arnold de Baisse suppose qu'ayfint passé à Clairvaux, Auct. ad Natal.
au retour d'un voyage qu'il venait de faire en Italie, dans le ^^- ^^'S'' ' P"
dessein seulement d'y recevoir l'hospitalité , Baoul fut si édifié '''
126 RAOUL P', ABBE DE VAUCELLE.
XII siE'ci.E. (Je la manière sainte dont on y vivait , qu'il prit la résolution
de s'y fixer, et d'embrasser la vie religieuse, sous le gouver-
nement de saint Bernard.
Devenu abbé de Vaucelle, Raoul se montra digne du choix
qu'avait fait de lui l'abbé de Clairvaux. Honoré des grands ,
il était chéri de ses religieux, c[u'il instruisait plus encore par
ses exemples (jue par ses leçons. Sa charité était si grande,*
que , dans un temps de disette , il nourrit, pendant plusieurs
mois, jusqu'à cinq mille pauvres : Simon d'Oisy, fils du fon-
dateur de l'abbaye, et l'évêque de Cambrai, Nicolas P"", ne
purent le porter à y mettre des bornes. La maison n'en de-
vint ni moins florissante, ni moins nombreuse : douze reli-
Gail. Ciirisf. gicux , lui compris , la composaient cjuand il en prit le
f. m, p. 176. jTouvcrnement ; il v avait, à sa mort, cent sept proies, trois
i^jçQ novices et cent trente convers. 11 avait bati de plus une belle
et vaste église, cjue Samson, archevêque de Reims, dédia
en I i49i assisté de Nicolas, évêque de Cambrai, de Gérard,
évêque de Tournai, de Miloii , évêque de Térouane, et de
Josselin , évêque de Soissons.
Raoul mourut le 3o décembre i iSa, après avoir gouverné
son monastère dix-neuf ans et cinq mois. Cette date est
fournie par la chronique de Vaucelle , que Bollandus et Le-
mire avaient sous les yeux quand ils écrivaient. Son corps ,
d'abord enterré dans le chapitre , fut transporté , en 1 1 70 ,
avec celui de ses deux successeurs , dans le vestibule de
rhr. cister. l'églisc. Lemire donne à entendre c[ue ce fut par ordre du
Ordiiiis, p. 87. concile de Latran. Henricpiès en effet, dans son Fasciculus
Lib.ii,p. 256. sanctonim ordinis cisterciensis, l'avait pris dans ce sens, pour
avoir lu dans le manuscrit per conciliuni , tandis que c'est
seulement yjt).y? concilium cpi'il devait y avoir.
Charles de Viscli , dans sa Bibliothèque Cistercienne , veut
crue Raoul fut illustre par son érudition comme par sa sain-
teté. Il lui attribue un Commentaire de la règle de Saint-
' Benoît , dont fait mention également Dempster , dans son
Histoire ecclésiasticjue d'Ecosse : on lui attribue encore plu-
sieurs autres ouvrages ; mais il ne nous en reste aucun. Valère
André n'en parle même pas dans sa Biblioth. Belgica , non
j)his que Swertius , datïs son Athenœ Belgicœ. Manriques en
parle au contraire, sur l'an iioi, qu'il suppose à tort, au
reste , être l'année de sa mort. P.
XII SIECLE.
EXPOSITION D^HAIMON ~
SUR LES É PITRES ET EVANGILES DE LA DERMKRE
QUINZAINE DE CAREME.
U N manuscrit du XIP siècle , qui faisait partie de la biblio-
thèque Soubise, avait pour titre : Exposition cV Hainion sur
les Epitres et Évangiles de la dernière semaine de carême.
Cet Haimon est- il le même dont on a parlé dans le douzième
volume de notre Histoire littéraire , et qui , d'abord archi- p. 42G et suiv.
diacre de l'église de Châlons -sur- Marne, en devint évèque
quelques années après P Le genre de ses autres travaux nous
porte à le croire, non moins que le caractère de ses fonc-
tions, et les devoirs cju'elles lui imposaient. Barbazan en cite
le passage suivant, dans la Dissertation sur l'origine de la
langue française, qu'il a placée à la tête de l'Ordène de che- p. 8i.
valerie : « Et tu estoie avec Jhesus de Galilée ; cil desnoict
devant tos , se dist neni , ne sai ne ni enten ce que tu dis ,
si issist fuers devant la cort , se chanteit li jas. » Jas ici signi-
fie coq, et ce substantif a produit ensuite le verbe jaser. Le
passage est traduit du 26*^ chapitre de saint Matthieu : Ex
illis es qui erant cum Jesu Nazareno ; tune cœpit detestari et ^'^^s. 69 et 70.
jurare quia non novisset hominem ; et continub , gallus can-
tavit. hj consonne avait long-temps été prononcé comme
nous prononçons le g devant Va ou Yo : ainsi , au lieu de
j'as, on disait gas, qui se rapproche davantage du mot latin
gallus. Il y a , dans saint Luc , un passage qui diffère peu de c. aS, v. 60.
celui de saint Matthieu.
La phrase traduite que nous venons de citer est tirée d'un
fragment beaucoup plus étendu sur la Passion de Jésus-^
Christ, que Lebeuf a recueilli dans les Mémoires de l'Acadé- T.XAii,p.7a5.
mie des Belles-Lettres. Le voici tout entier :
« Dons encommencèrent li alquant (quelquesiuns) scupir
(cracher) en lui, et cuverre sa face, et batre à coleies
(soufflets), et dire à lui , devyne : e li ministre lo battoient a
facicies (face, figure). Et quant Pieres etoit en la cort de
lez, se vint une des ancelles (servantes) le soverain prestre;
et quant ille ot veut Pieron ki se chafieuet al fe.u , se lesvui
ardeit, et se dist à lui : et tu estoies avec Jehu de Galileie. Cil
128 EXPOSITION D'HAIMON.
XII SIECLE, desnoieit davant toz , et se dit : ne ni sai ne ni n'entent ce ke
tu dis. Si ussit fuei's davant la cort : se chanteit li jas. Lo
parax (aussitôt, sur-le-champ), quant un altre ancele lot
veut, se dist à céos ki lai encor esteivent, car cist é de céos.
Lo parax, un petit après, dissent à Pieron cil ki lai esteivent:
vraiment, tu es de céos , car tu es aussi Galileus. Et cil encom-
mençoit excommunier et jurier ke ju ne sai ke cist hom soit,
ke vos dites. Maintenant, lo parax, chanteit li jas : (car es
ta parole te fait aparissant ) se recordeit Pieres la parole
Jhesu. »
Voici un autre fragment d'Haimon ; il est tire' de son Com*
mentaire sur les ëpitres de saint Paul. Le texte de lapôtre
est d'abord traduit ; le commentateur ensuite l'ëclaircit et le
développe.
Christus aiitein, dit le verset 2 du chapitre 9 de l'ëpître
aux Hébreux , assistens pontifex futurorwn honorwn , per
amplius et perfectius tabeniaculum , non manu factum, id
est , non hujus creationis. Haimon traduit : « Criz estant
eveskes des biens kavenir estoient plus granz et plus parfetz
tabernacles, ne miez faiz par main, c'est ne mies de cette
création. » Et il ajoute : « Li eveskes des gens ki entreivet
(entrent) une sole fiere (fois) en l'an a tôt sans dedanz lo
voile el saintuaire, por orer (prier) por lo peule (peuple),
signifie ciet Crist , si cum il est ja manifesteit en pluisors
leus , ki par lo sanc de sa passion desarmeit lo ciel , sentreit
ens secreiz del celestial pais , ou il estât or davant la face de
Deu le père, priarit por nos. Eveskes des biens kavenir
estoient, l'apelet ons en dou manièi'es. En icel temps, disait
Jhesus as torbes des gens et as princes des prestes : liquel de
vos m'arguerat de pechié?.... Puis ke nostre sire ot les gens
convaincus , et il ot mostreit kil estoient fil del diaule
(diable), et il dist : li diaules est vostre peires, et vos
voloiz faire les desiers de votre peire : et puisqu'il lor mos-
treit en celle mismes histoire cfe soi , que li noblesce de la
char ne valt où li noblesce del cuer ftilt (manque), pour ceu
kil se glorificuent de la noblesce de lor paraige ; et il disoient :
fil Aljraham sons, ne servîmes onkes nului (aucun) : se dit
après; voir voir vos dit, car tuit cil ki fons lo pechiet, sunt
serf del pechiet. » Voir , c'est en vérité ; voir , voir, vos dit ,
est, amen, amen, dico vobis. P.
Xn SIECLE.
s. BERNARD,
ABBÉ DE CLAIRVAUX.
§. I.
SA VIE.
JlLiv commençant cet article, nous avons besoin de nous
j . , . , .
souvenir que nous écrivons une histoire littéraire, et non pas
des annales ecclésiastiques. C'est comme écrivain que se pré-
sente à nous saint Bei'nard ; nous n'avons à faire ni le pané-
gyrique de ses vertus , ni l'apologie de son zèle : on n'attend
point de nous le tableau de son influence sur les affaires
politiques et religieuses de son siècle. Il s'agit de choisir,
dans sa vie privée et dans sa vie publique, les détails qui
tiennent à l'histoire de ses ouvrages ; et , si nous sommes
forcés , pour ne pas rompre l'enchaînement des faits , de
reti'acer quelques cii-constances étrangères à l'histoire des
lettres , nous devrons nous borner à rappeler sommairement
ce qu'ont raconté fort au long beaucoup d'historiens dont
le sujet n'était pas circonscrit comme le nôtre.
S. Bernard vivait encore lorsque le premier livre de sa vie V. Hisi. lîti.
fut rédigé par Guillaume, abbé de Saint -Thierry, près de de la Fr. t. xil.
Reims. Arnauld, ou Ernauld , abbé de Bonncval, y joignit ^
un second livre qui fut suivi de trois autres composés par
Geoffroi, religieux de Clairvaux. Un sixième livre comprend
une relation dont l'auteur est un autre moine de Clairvaux,
nommé Philippe ; une lettre adressée à l'église de Cologne
par des religieux du même monastère , au nombre desquels
on remarque Philippe et Geoffroi ; enfin une épître de ce
dernier à l'évêque de Constance. Il résulte de ces trois écrits
un journal des miracles de saint Bernard , à la suite duquel
on a placé, comme relatifs au même objet, et pour servir de
septième livre, des extraits du grand exorde de Cîteaux. Si
l'on y joint des fragmens de l'ouvrage d'Herbert sur les
miracles de,s Cisterciens , on complète une première histoiie
de la vie de saint Bernard en huit livres. Il en existe une
seconde par Alain , évéque d'Auxerre , une troisième par
Jean l'Hermite, une c[uatrième sans nom d'auteur, mais qui,
Tome XIII. R
i3o SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, bien que fort distincte des livres III, IV et V de la première,
~ paraît être , comme ces trois livres , l'ouvrage tlu moine
Geoffroi. Toutes ces relations, et de plus, un poëme du
moine Philotbée sur la vie de saint Bernard , avec quelques
autres pièces moins considérables , terminent le second vo-
lume des œuvres de l'abbé de Clairvaux , dans l'édition de
1690. Du reste, ce n'est point ici le lieu de foire connaître
plus particulièrement les auteurs qui viennent d'être nom-
més : chacun d'eux a son article a part dans notre Histoire
littéraire.
On voit que, dès le XIV siècle, saint Bernaid a eu plusieurs
historiens. Sa vie occupe plus ou moins d'espace dans la plu-
part des histoires géliérales, soit ecclésiastiques ou monas-
tiques , soit politiques , soit littéraires , composées dans le
cours des derniers siècles (a) : mais elle est l'unique ou la
principale matière de beaucoup de livres qu'ont écrits ou
compilés en latin Gilbert de Hollande, François César, reli-
gieux de Sainte-Marie-des-Dunes ; les jésuites François
Chifflet et Théophile Raynauld ; Gaspard Jungelin , Nicolas
Hacqueville , Luc BertoUot , abbé de l'ordre Cistercien (b) ;
(a) Baronius et Pagi , ann. 1119- 11 53. — Centuriat. Magdeb. centur.
XII, t. VI, p. i632-i65o. — Mosheim , Instit. Hisi. Eccles. liv. XII,
part. 2 , c. 1,2,3. — Surius , Act. Sanctor. 20 aug. — Bolland. Act. Sanct.
(J. Pinius), t. IV Augusti, p. loi— 358. — Manrique , Annal. Cisterc.
ann. H19— ii53. — Mabillon , Annal. Ord. Bened. lib. LXXII — LXXIX.
— Idejn. Mab. in Actis Sanctor. ord. S. Bened. et in fronte operiim S.
Bernardi 1690 in-fol. — Pope-Blount, Censur. auctor. p. 372 — 3 j5. —
Fabric. Bibiioth. nied. et inf. Latinit. t. II, p. 221-229 in-4°. — Cave,
t. II, p. 175 et seqq. — Casini. Oudin. t. II, p. i233 et seqq. — Ribadeneira,
n. Sanct. s. libro de las vidas de les santos, Madrid, 1610, in-fol. —
Senault, Panégyr. des Saints, t. II. — François Giry, Recueil des vies de
Saints, 20 août. — Baillet, Vies des Saints, 20 août. — Pierre le Xain ,
t. II et III de l'Essai de IHist. de Cîteaux, Paris, 1697, in-12. — Mezeray,
Règne de Louis VI et de Louis VII. — Maindjourg, Hist. des Croisades,
liv. III et IV. — Fleury , Hist. Eccl. liv. LXVI , LXVII , LXVIII, LXIX.—
Dupin , XII" siècle. — D.Ceillier, t. XX, p. 317-470.— Papillon , Bibiioth.
des Auteurs de Bourgogne, t. I , p. 32 — 37. — Moreri , Bayle, Phil. L.
Joly , etc. Dictionn. art. S. Bernard. — Apologie de S. Bernard contre Bayle,
par le P. Merlin, dans les Mémoires de Trévoux, mars et aoilt 1739. —
Velly, Hist. de France, t. III, etc.
{b) Vita S. Bernardi , autore Gilberto de Hoylandià , in fronte operum ,
S. 13ern. edit. Horst. Paris, 1640, in-fol. etc.— Vita S. Bern. metricè scripta
à Francisco Caesare religioso B. Mariœ de Dunis, Paris, i483, in-4" —
Yita et Miracula S. Bern. aeneis formis expressa, R^omaï, iSSy, in-foL —
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i3i
en langue italienne, Philippe Malabayla et Jean François Xll siècle;
Minardo (a) ; en espagnol , Jean Alvare, Fernand de Velaseo; '""
Gonzales de Perales , Joseph Ahnonazid (ù) ; en portugais ,
Gonzalve de Silva (c) ; en allemand , Henri Regners (d) ; en
flamand , Gaspard Verstockt et des religieux de Baudeloo (e) ;
en latin et en français , Guillaume Flamcng ; en français ,
Chiceré , bailli de Cîteaux , P. Viel , Antoine Lemaitre , sous
le nom du S*^ Lamy, Villefore et dom Clémencet (/"). Les
De S. Bern. Miraculis Poertia heroicum, Nanceii , 1609 , in. 12. — Purpura
S. Bern. à Gasp. Jungelino , ColoniiB, i644- — S. Bernartli Genus illustre
assertiîm à P. Fr. ChiT'tlelio Jes. Divionc, Chavance, i66o,in-4o. — S. Ber-
nardus, Apis gallica, opus Theoph. Baynaud jes. in Triade fortiuni David,
Lugduni, Carrier, 1637, in-4" et t. IX operiim ejusdem Baynaud , Lugd.
i665 , in-fol. — Vita S. Bern. à Nicolao Hacqueville, in operibus S. Bern.
Paris, 1667, in-fol. — S. Bernardi Gesta relata elegiaco stylo à Luca Berto-
lotto ord. cisterc. abbate, Bomaj, 1682, in-4°-- — -G. H. Goezii Schediasma
de Lutheranismo S. Bernardi, Dresdœ et Lipsiœ , 1701 , in-4°. — Chr.
Colbersii Schediasma historicum de Bernardo in nunierum Sanctornm
relato, Regiozn. Beussner, 1725, in-4*'.
(a) Vita di S. Bernardo da Fil. Malabayla d'Asti, Napoli, Gaffari, i634,
ÎTi-4". ■ — L'Innocenza trionfante nella vita di san Bernardo, da Giov.
franc. Minardo, Bologna, i654, in-4".
(b) Vida y Milagros de S. Bern. por Juan, Alvares , Saragoça , iSpS,
in-4°. — Vida de S. Bern. por Fernandez de Velaseo , Antuerp. in-4" fig-
— Vida y Milagros de S. Bern. por Christoval Gonzales de Perales. Val-
ladolid, 1601, in-4° (eadem vita, latine, ibid. 1601, in-fol.) — Vida de
S. Bern. por Jos. Almonazid, Madrid, 1682 , in-fol.
(c) i54i,in-4o. (C'est une traduction du français de G uil. Flameng).
(d) Wettingen , 1702 , in-12.
(e) Flandricè, à Gasp. Verstockt, i65o. — Flandricè et latine, à reli-
giosis de Baudeloo, i653. (V. Bolland. aug. t. IV, p. a52.)
(y) Vie de Blonseigneur S. Bern. dévot chapelain de la Vierge ; trans-
latée du latin de M*" Guill. Flameng. Paris, in-4°, Goth. — Vie de S. Bern.
par Guill. Flameng, jadis chanoine de Langres. Troyes , Pantoul ; Paris,
Regnault ( i520j, in-4°. — Vie de S. Bern. par Chiceré, bailli de Cîteaux,
Paris, 1601, in-12. — Vie de S. Bern. par P. Viel, Paris, i6o3. — Vie de
S. Bern. par le S"^ Lamy (Ant. Lemaître) : les trois premiers livres sont
traduits du latin des historiens contemporains de S. Bern. et les trois
derniers tirés de ses ouvrages; Paris, Vitré, 1648, in-4°; Paris, 1649,
in-8"; Paris, i656, in-8° ; Paris, i663 , in-8°; Paris, 1674, in-8"; P.
Dezallier, 1679, in -8°; Paris, Dezallier, 1684, gr. in-8". — Sommaire
de la vie de S. Bern. avec son office et l'érection dune confrérie en son
honneur, à Fontaine, près Dijon. Dijon, Palliot, i653,in-8°. — Vie de
S. Bern. par Franc. Jos. Bourgoing de Villefore, Paris, NuUy, i7o4,in-4°;
Paris, Praslard, 1723, in-4''. — -Histoire littéraire de S. Bernard et de
Pierre le Vénérable (par D. Clémencet). Paris., 1773 , in-4°.
R2
i32 SAMT BERNARD, ABBÉ DE CLATRVAUX.
xn SIECLE. BoUandistes , qui indiquent plusieurs de ces relations [a) ;
Au Tist. t. IV, <?w citent une écrite en langue chinoise. Après tant de vies-
p. 252. de saint Bernard, nous sommes sans doute dispenses d'en
entreprendre une ; et notre travail doit se borner à extraire
des plus anciennes les faits qui peuvent servir d'introduc-
tion à l'analyse des ouvrages du plus célèbre écrivain du
XIP siècle. Nous écarterons les détails miraculeux qui sont
en grand nombre : ce n'est pns que nous ayons aucunement
l'intention d'en contester la vérité; mais ils pourraient don-
ner lieu à des discussions fastidieuses; et, à tout prendre,
ils nous paraissent plus convenablement placés dans les
légendes recueillies par les BoUandistes, que dans une his-
toire de la littérature française.
V. Fr. CLif- Bernard naquit en ioc)i , au château de Fontaine, à une
df^enu^'^liiul- dcmi-lieue de Dijon. Son père nommé Tescelin , issu des
ue'assertum. comtcs de Châtillon , avait suivi^honorablement la carrière
des armes : sa mère Alèthe, ou Elisabeth, fille de Bertrand,
Gui, Gér.ird, comtc de Montbart, se distinguait par une piété exemplaire;
Bernard , An- ^jj^ ^^^j. gj^ Parcous et UHC fille; Bernard était le troisième
mi , Nivard , de CCS Sept entans. Envoyé a LhatiUon pour y recevoir une
Hiimbeline. éducation chrétienne, il édifia ses maîtres par sa conduite,
et les étonna par ses progrès dans les lettres. Il passait de
lenfiiMce à l'adolescence, lorsqu'il perdit sa mère : c'^était,
lHabillon;rhro- sclou toutc apparence, en iio5. Huit années s'écoulèrent
noiogia Beruar- gjj|.j,(. \^ mort d Alèthc ct l'cntréc de son fils à Cîteaux : mais
dina, ad calcem . , . / i • j • 'x. ' ' I ' ^ ■ i
tomi I, operiun ni Ics attraits seduisans des sociétés séculières , ni les remon-
Bein. ' trances de ses parens , ni les prières de ses amis , rien ne put
triompher du penchant qui entraînait Bernard au sein d'un-
cloître. Il y avait même du péril à l'en détourner : en lui
donnant lieu de justifier cette vocation, on s'exposait à la
partager soi-même; la plupart de ceux qui essayèrent de le
retenir dans le monde finirent par le suivre à Cîteaux. Telle
fut particulièrement la destinée de ses cinq frères et de leur
oncle Gaudri. L'élocjuence déjà miraculeuse du jeune Ber-
(«) La notice qu'ils en donnent n'est pas très-exacte. Par exemple,
après avoir noihiné, parmi les historiens français de S. Bernard, Franc.
Jos. Bourgain, en 1704, ils ajoutent: « His a<ijici possunt alii neoterici
f gain duo, videl. Adr. Baillet.... et Fillefore. « Or Villefore et Franc. Jos.
Bourj^oin sont le même personnage. — Le livre de B. de Rosergio ( du
Rosier), de f^itâ et Miracidh S. Bernardi, cité par les BoUandistes, sous
l'année i4745 est resté manuscrit.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i33
nard, son ascendant irrésistible, ravissait les fils à leurs ^ii siècle.
pères, k'S maris à leurs épouses, et décomposait les familles oiuiidm -
pour peupler les monastères. Nous lisons que les mères Tiieodorico;-vi-
cacliaient leurs enfans, les femmes leurs époux, chacun ses ta Hemanii, c.
amis, pour les soustraire à ce redoutable apôtre du cénobi- '"' "
tisme. Ce fut avec trente de ses prosélytes qu'il embrassa la
vie monastique à Cîteaux vers le commencement de Tannée
1 1 1 3 , et qu au mois d'août 1 1 1 4 il s'engagea par des vœux
solennels.
Quatre abbayes , filles de Cîteaux , furent fondées en ce . Mabiilon ;
temps-là par l'abbé Etienne ; La Ferté en 1 1 13, Pontigni en J^""i ^""''*"''-
1 1 14, Clairvaux et Morimond en 1 1 15. Clairvaux avait porté Aet seqq. ' "
le nom de vallée d'Absinthe, retraite inculte et sauvage, où
Bernard, ses parens, et quelques autres moines, vinrent bâtir
de leurs propres mains les premiers asyles de leur modeste
communauté. Bernard, à peine âgé de vingt-quatre ans, en
fut le premier abbé; et, en l'absence de Josceran , évêque de
Langres , H reçut la bénédiction de Guillaume des Cham-
peaux , évéque de Châlons-sur-Marne. Déjà les austérités
auxquelles se condamnait Bernard avaient fort altéré sa
santé : Guillaume des Champeaux lui prescrivit un plus doux
régime, le logea dans une maison particulière, hors de l'en-
ceinte des religieux, et le laissa entre les mains d'un médecin
que le jeune abbé supportait moins patiemment que la ma-
ladie. «Voyez, disait-il, en parlant de cet empirique, voyez Mabnion ;
à quel animal on m'a eonti'aint d'obéir, moi qui gouvernais ^""- Benedict.
des hommes raisonnables, m II paraît que des- lors toute j^" ^^^"^''^"
obéissance coûtait un peu au saint abbé de Clairvaux , et
qu'il contractait beaucoup plus aisément l'habitude de com-
mander.
Il eut le bonheur d'attirer à Clairvaux son père Tescelin,
qui , le r I avril 1 1 1 7 , y termina sa carrière. Seule de toute
la famille de saint Bernard, Humbeline, sa sœur, tenait en-
core aux plaisirs et aux devoirs de la société : mais en 1122
elle vint à Clairvaux, crut n'y faire qu'une simple visite, et
n'en sortit qu'après avoir pris l'engagement de changer sa
manière de vivre. Le point capital était de la séparer de son
mari; on en vint à bout après deux ans d'efforts: l'époux
d'Humbeline consentit îi la laisser partir pour l'abbave de
Juilly, où elle passa le reste de ses jours; on croit cpi'elle
mourut en ti36. Voilà comment Bernard étendit sur toute
sa famille sa propre destinée.
MI SIECLE.
i34 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
Fille de Cîteaux , l'abbaye de Clairvaux eut bientôt des
' filles à son tour; par exemple, Fontenay et Trois-Fontaines,
monastères institues par Bernard. Ses infirmités l'obligèrent
une seconde fois de quitter le sien, ou du moins de se dis-
penser d'en suivre les exercices communs. Il devint plus ac-
cessible aux étrangers ; et soit qu'il s'applaudît en secret de
l'influence que ses vertus et ses talens exerçaient sur eux,
soit qu'il sentît que ses facultés se développaient dans ce
commerce , il s'habitua pevi à peu à s'occuper des affaires
générales de l'église, et par conséquent de celles de l'état.
Son temps se partageait entre les sociétés qui le venaient
chercher, et l'étude solitaire de la religion. Il lisait les écri-
v^ims ecclésiastiques ; il lisait sur-tout la Bible , qui lui de-
vePri/t plus familière quà aucun de ses contemporains. Il se
préparait ainsi à des fonctions éclatantes, auxquelles peut-
être il ne se destinait point encore ; et à l'âge de trente-trois
ans , en 1 12.4 , il ne lui manquait plus, pour s'illustrer comme
prélat , comme homme d'état , comme écrivain , que de le
vouloir et d'en saisir les occasions.
AniMl. cisterc. Manrique nous le l'eprésente occupé, dès i t24, à réconci-
adaiia. 1124. \[çj- Jpg habitans de Reims avec leur archevêque Renaud :
mais il ne paraît pas que telle soit la véritable époque des
troubles c[ui ont agité cette église ; ils n'éclatèrent que vers
1 138, et ne furent pleinement appaisés qu'après 1 147. Quoi-
qu'il en soit, labbe de Clairvaux, qui, durant la famine de
II25, s'était distingué par la charité la plus active, acqué-
rait de jour en jour une réputation si brillante et si vaste ,
(ju'on le vit, en 1128, prendre part à des affaires impor-
tantes, tout-à-fait étrangères à l'administration de son ab-
baye. La première était une querelle entre Etienne , évêque
de Paris , et le roi de France Louis-le-Gros. L'évêque avait
prétendu se soustraire à des impositions publiques , et l'on
s'était efforcé de réprimer ses démarches séditieuses, en sai-
sissant ses revenus. Pour s'en venger, il osa mettre en in-
terdit le diocèse de Paris et les domaines du monarque. Le
pape Honorius II eut la sagesse de lever un interdit si scan-
daleux. Un second différend éclata entre le même prince et
l'archevêque de Sens , qui ne voulait reconnaître d'autre juge
(jue le souverain pontife. Quand nous rendrons compte des
Ep. a5-5i. lettres de saint Bernard, on verra quelle part il prit à ces
deux démêlés. Il nous est pénible d avoir à raconter que ,
pour soutenir des prélats rebelles , il traita son roi d impie ,
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVALX. i35
de persécuteur, de nouvel Hérode , et pressa la cour de Rome ^^^ SIECLE,
de commettre des attentats dont elle s'abstint. L'abbé de
Clairvaux fut remarcjué en 1 1 28 au concile de Troyes , qui
prescrivit une règle aux Templiers , nouvellement institués.
Nous le retrouvons au concile de Chàlons, tenu en 1 129, et
dans lequel Henri , évêque de Verdun , fut déposé. Ce fut
vers ces mêmes temps qu'on lui offrit l'évêché de Gênes et
celui de Châlons-sur-Marne : il les refusa l'un et l'autre,
résolu de se renfermer désormais dans une retraite plus
Erofonde ; mais , à cette époque même , de nouveaux trou-
les dans l'église allaient de plus en plus l'entraîner hors de
son cloître.
Le pape Honorius II meurt en ii3o dans un monastère; Fieury,Hist.
et à l'instant des cardinaux, rassemblés autour de lui, sans E^'^i- '■ xi^% p-
publier sa mort, sans appeler leurs collègues, lui élisent un viede^s.'BeTn.'
successeur. Dès que les autres cardinaux sont informés de p. i45.
cette élection, ils la déclarent illégale, et nomment encore
plus irrégulièrement un autre pape. L'église se partage entrée
ces deux pontifes , dont le premier prend le nom d'Inno-
cent II, le second celui d'Anaclet. Ce denïier s'appelait au-
paravant Pierre de Léon : c'était le fils d'un juif fameux par
sa conversion et par son opulence. Innocent II et Anaclet
sont sacres en même temps; mais Anaclet reste à Rome, où
son parti domine, et Innocent se réfugie en France, où une
assemblée de prélats et de seigneurs l'a reconnu pour le vé-
ritable chef de l'église. Cette assemblée , tenue à Étampes
est lune des plus mémorables époques de la vie publique
de saint Bernard ; car on n'y délibéra que pour le charo^er
d'ex.im'ner les droits des deux pontifes , et pour confirrner
le jugement qu'il porta en faveur d'Innocent II. Le pape fut
reçu à Saint-Benoît-sur-Loire par le roi Louis-le-Gros , tandis Arn. vita Ber.
que Bernard se rendait en Normandie auprès du roi d'An-
gleterre, et déterminait ce prince à reconnaître le même
pontife. Mais en vain l'abbé de Clairvaux s'efforça d'entraîner p'V:?-'
aussi le duc d'Aquitaine, Guillaume; un vieux évêque d'An-
goulême , nommé Girard , réussit long-temps à retenir le
duc dans le parti d'Anaclet. Bernard vint rejoindre Innocent
et le suivit à Liège , où l'empereur Lothaire , en se déclarant
en faveur de ce pontife , cherchait à profiter de ces circons-
tances pour reconquérir le droit d'investiture. A cette pro-
position les Romains pâlirent, dit l'historien Ernaud et le
péril qu'ils rencontraient à Liège leur paraissait plus effrayant apuriTodium
nardi, liv. II ,
c. I , n. 3. -Su-
cer, Vita Lud.
i36 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAU.t.
xn SIECLE, que celui auquel ils avaient échappé à Rome. Heureusement
pericuium efiu- Saint Bernard, toujours enclin à rabaisser l'autorité civile,
gisse quàm de- employa contrc les prétentions de Lothaire son éloquence
chnaverint Bo- yictorieuse , et Ic rcHdit docile à toutes les volontés du vicaire
iiiœ. Ain. n. 5. , , /-.i •
de Jesus-Lhrist.
Arn. ibid. n. 6. Quand Innocent visita Clairvaux , les Romains qui l'ac-
compagnaient admirèrent sans envie la modeste simplicité
de ce monastère. Clairvaux n'avait alors d'éclat que par les
moeurs pures de ses habitans , et n'était riche que de leurs
vertus. Dès ce temps néanmoins cette abbaye, et toutes celles
de l'ordre de Cîteaux , s'affranchirent des dîmes qu'elles de-
vaient aux Clunistes. Une telle exemption, accordée par le
pape aux Cisterciens , sans doute en récompense des services
cpie Bernard venait de lui rendre, mécontenta Pierre- le- Vé-
nérable , qui avait bien aussi quelques droits à la reconnais-
sance d Innocent II , et suscita entre Cluni et Cîteaux des
démêlés auxquels l'abbé de Clairvaux ne prit pas une très-
grande part.
Ann. ii3i. Après avoir assisté à un concile de Reiras où le pape cou-
ronna Louis-le-Jeune , saint Bernard fit un premier voyage
en Italie, et fut présent, sur les boixls du Pô , à une entrevue
d'Innocent II et de Lothaire. Envoyé à Gênes pour réconci-
lier cette ville avec celle de Pise, il accjuit sur les Génois un
tel ascendant, qu'ils voulurent une seconde fois l'avoir pour
évéque, sans réussn' plus que la première h. l'y déterminer.
Les Pisans lui offrirent aussi d'éclatans hommages lorsqu'il
vint dans leur ville animer un concile qu'Innocent y faisait
tenir. Un succès plus difficile l'attendait à IMilan; il s'agissait
■d'an'acher cette cité au parti de Pierre de Léon : il en vint
à bout , et n'éprouva de contradiction chez les IMilanais que
lorsqu'ils voulurent le contraindre d'accepter la dignité d'ar-
chevêque. Mais ils n'obtinrent de lui cju'une colonie de reli-
gieux ; il fonda le monastère de Cherval. Saint Bernard, à
cette même époque , voyagea aussi en Allemagne ; il y tra-
vailla particulièrement a réconcilier avec Lothaire et avec
Innocent II le duc Conrad, l'un des partisans de l'anti-pape.
Après avoir rempli ces diverses missions, toutes avec zèle et
la plupart avec un plein succès, il reprit, par le JMilanez et
par les Alpes, le chemin de sa retraite , et vit accourir suc-
cessivement à sa rencontre les habitans des montagnes, le
Mabillori , peuple de Besancon , celui de Lancrres , et ses religieux de
Ann.Bened.hv. î^i •' ^ ^ . , . , ^ • i ^ i
Lxxvi n G- Clau'vaux. Leux-ci étaient devenus si nombreux , c|ue leurs
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX. iSy
premières demeures ne les pouvaient plus contenir. On son- ^^^ SIECLE,
geait à leur bâtir un plus spacieux monastère, aux frais du-
3uel les prélats, les commcrcans, et sur-tout Thibaud, comte
e Champagne , s'empressèrent de contribuer. L'humble
Bernard n'applaudissait point à cette entreprise; mais oti lui
fit comprendre cpie les circonstances la justifiaient ou l'exi-
geaient même , et il s'accoutuma à la regarder comme indis-
pensable.
Est-il revenu d'Italie en France une première fois en 1 1 33 ,
et une seconde fois en i i34i' ou bien a-t-il été absent de son
abbaye durant deux années entières ? Nous croyons qu'on
peut hésiter entre ces deux hypothèses. La première est
néanmoins généralement adoptée par les historiens mo-
dernes ; mais nous ne la trouvons point assez positivement
établie dans les relations originales. Un premier retour de
saint Bernard à son abbaye, en ii33, n'est clairement indi-
qué ni dans ses lettres ni dans les écrits d'Ernaud ou de
Geoffroy. Au surplus , le séjour de l'abbé de Clairvaux chez
les Italiens ayant été interrompu par une mission en Alle-
magne , il est fort permis de dire qu'il est allé deux fois eu
Italie avant 1 135.
Tandis qu'on bâtissait à sa communauté un nouveau mo-
nastère , il accompagna en Aquitaine Geoffroi , évéque de
Chartres et légat du pape. En passant à Nantes , ils fondèrent
l'abbaye de Busay, et de-là se rendirent à Parthenay, où ils
eurent une conférence avec le duc Guillaume. Cette fois,
l'abbé de Clairvaux parvint à détacher Guillaume du parti
d'Anaclet ; mais en reconnaissant Innocent II pour le vrai
pape , le duc déclarait qu'il ne rétablirait point sur leurs
sièges les pi'élats qu'il en avait expulsés. Alors saint Bernard ,
renonçant aux moyens de persuasion , prit le ton mena<^ant vita Bernard;
de l'autorité. Les historiens nous le représentent les yeux lib. ii , c. 6 ,
étincelans, le visage enflammé, une hostie à la main, tou- °" ^^" , .„
1 ^ j • 1 1 1 ^ ' ' ^ I • Mabillon;
chant du pied le duc prosterne ou renverse par terre, et lui Ann. Ben. lib.
ordonnant d'écouter la sentence du Dieu terrible : « Voici , Lxxvi,n.68,
a lui dit-il, l'évêque de Poitiers que vous avez chassé; hâtez- "• *^3"
« vous de le reconduire à son siège et de lui rendre les hon-
te neurs que vous lui devez. » On assure que le duc obéit en
silence ; et l'on donne à cette action du saint abl>é des éloges
que nous ne saurions concilier avec le respect qui est dû à
1 autorité civile.
En II 37, Bernard fut appelé' en Italie par le pape Inno-
Tome XIII. S
i38 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE. cQnt 11^ qui le reçut à A^iterbe avec d'e'clatans témoignages
d'estime et d'amitié. Il s'agissait d'extiiper les derniers restes
du schisme : Bernard y travailla au sein de la ville de Rome
avec plus de succès qu'aucun autre ami d'Innocent. Il soumit
à ce pontife les religieux du Mont-Cassin , qui jusqu'alors
avaient soutenu la cause d'Anaclet. Il prononça , dans un
chapitre de cette abbaye , un discours qui paraît avoir
t'tiiiuiaconi Contribué à la déposition de l'abbé Rainald. Mais ce fut sur-
ChrjniconCas- tout contrc Rogcr, duc de Sicile et protecteur de l'anti-pape,
sinense,hb.l\, q^^'^^lata le zèlc ardent de saint Bernard. Il anima contre
Roger le chef de. l'armée impériale ; et , quelle que fût la fai-
blesse de cette armée , déjà vaincue, il osa prophétiser qu'elle
triompherait du duc de Sicile , et l'événement justifia cette
Ernald. viia prédictioii. Roger, honteux de sa défaite, et voulant se mé-
lîcrnardi, iib. p^oer le temos de la réiiarer, proposa une conférence à Sa-
li, n. Aa, etc. , O , i . ^ '■ ' 1 j -^ 1 1 4- J
— FipuiT,llist. lerue, ou seraient examnies les droits des deux contendans
Ecci. t. XIV, p. à la papauté : il comptait sur l'éloquence du cardinal de Pise,
^9-'' ~ ^,'"^" l'un des meilleurs amis de Pierre de Léon ; mais ce cardinal
Beni'. p.'^249. t'éda lui-méme à l'ascendant de Bernard et renia l'anti-pape,
qui en mourut de chagrin. En vain les schismatiques élurent
pour le remplacer un pontife qui prit le nom de Victor :
trop sûr de sa propre impuissance, et se voyant sans appui,
Victor vint trouver Bernard et déposer entre ses mains le
signe de l'autorité pontificale. Le 2f) mai 1 138, Bernard con-
Bcrnardi epist. duisit Victor aux pieds d'Innocent, et, après huit années de
3i7- troubles, le schisme enfin s'éteignit.
Le retour de l'illustre abbé de Claii^aux fut retardé par
un séjour qu'il fit à Lyon , pour s'opposer à la consécration
d'un évêque de Langres nouvellement élu , et au lieu duquel
il fit nommer Godefroi, prieur de Clairvaux. Le premier élu
était un cluniste, dont Pierre-le-Vénéial^le défendit vaine-
ment les droits. Bernard ne voulut pour lui-même ni de cet
évêché de Langres , ni de l'archevêché de Reims , qu'on lui
offrait vers le même temps. Peu de temps après, il perdit
son frère Girard , et fit un voyage k l'abbaye du Paraclet, où
il fut honorablement reçu par Héloïse. Il y trouva mauvais
que, dans l'oraison dominicale, on récitât paiiem nostrum
supersuhstantiaîem , au lieu de quutidianuin , et crut que ce
changement était l'une des innovations du téméraire Abai-
Tov dtpTov »i(45v lard. Supersubstantialein est pourtant la véritable leçon ,
-VI i7;icû(jc6v. cpiie q|„. présente le verset XI du chapitre VI de l'Evangile,
selon saint Mathieu. Mais l'amant d'Héloise avait dans saint
• SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX. 139
Bernard un censeur intraitable. Pour ne pas reproduire ce xil sifcle.
au'ont dit nos prëdëcesseux's en parlant de Pierre Alsailard , ~. 7. 1717
1 • \ .• ■ 1 ' . , ' Hist.htt. t.XII,
et pour ne ponit anticiper sur le compte que nous rendrons p. g,.
liientôt nous-mêmes des écrits de l'abLé de Clairvaux , nous
n'entamerons point ici l'affligeante histoire de leurs contro-
verses. Nous rappellerons seulement le concile tenu à Sens
en ii4o , en présence du comte de Nevers et du roi Louis-
le-Jeune. Bernard y exerçait un tel empire, qu'Abailai'd n'osa oanfr. vita
s'y défendre , et fut condamné sans avoir été entendu. Rome Bem. lib. m,
confirma cette sentence , et le théoloarien censuré vint mourir ^ ',' "ri '^' "
\ ^^1 - ■ c ■ n ' 1 ■ 1 Hayle, Diction.
a Lluny, après avoir tait, pour ileclnr le courroux aposto- cit. art. Bein.
lique de saint Bernard, les plus honorables tentatives. Ac-
crédité, décisif, éloquent, saint Bernard avait d'énormes
avantages sur un homme qui donnait beaucoup de temps à
l'étude , et crue le caractère de son ame entraînait tout-à-la-
fois à des affections douces et à des méditations profondes.
Un cœur tendre et un esprit curieux égaraient Abailard; son
adversaire était prémuni contre ces deux genres de séduc-
tions; contre le premier, par une vie austère, et contre le
second, par une adliésion ferme aux idées généralement
reçues, par une invincible horreur de toute opinion nou-
velle , et même des recherches qui pouvaient conduire à
quelque innovation. Aussi , tandis qu Abailard fut pécheur
et presque hérétique, Bernard prit place parmi les saints et
parmi les docteurs de l'église.
Abailard mourut en 11 42. Dans le cours des années sui-
vantes, l'abbé de Clairvaux contribua non-seulement à réta-
blir sur le siège de Bourges un archevêque dont l'élection
avait déplu à Louis VIT, mais encore à désarmer ce prince,
dont Thibaud , comte de Champagne , avait provoqué le
courroux; Thibaud, vassal rebelle, assez peu digne peut-
être du dévouement c[u'il obtenait de saint Bernard. Inno-
cent II aussi justifiait mal l'intérêt que le généreux abbé avait
pris à sa cause. Sous un léger prétexte, à l'occasion de la
succession d'un cardinal, Innocent oublia tout ce qu'il devait
d'égards à l'homme qui lui avait soumis l'église. Cette ingra-
titude affligea Bernard , dont le cœur noble et pur ne soup-
çonnait point encore le péril iiuc|uel demeure exposé tout
bienfaiteur d'un grand de la terre.
Jusqu'ici La vie de saint Bernard se divise en quatre épo-
ques. La première, depuis 119 1 jusqu'en iii3, comprend
son enfance et sa jeunesse. La seconde, jusqu'en i i3o , nous
Sa
i4o SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
XTi SIECLE, le présente moine de Cîteaux , abbé de Clairvaux , prélat
déjà puissant et renommé. Durant la troisième, qui finit en
1 138, il éteint le schisme, et soumet la France, l'Allemagne,
l'Italie à Innocent II. C'est contre Abailard que s'exerce par-
ticulièrement son zèle dans le cours de la cjuatrième époque.
La cinquième et dernière , qui nous reste à parcourir , est
celle du pontificat d'Eugène III, depuis 1 145 jusqu'en 1 153;
elle va nous offrir dans saint Bernard l'éloquent prédicateur
d'une fatale croisade.
Célestin II, successeur d'Innocent II en iï43i mourut en
ii44i et fut remplacé par Lvicius II, qui cessa de vivre en
1145. Alors fut élu pape un religieux qui s'appelait aussi
Bernard, et qui, après avoir été à Clairvaux le disciple de
notre saint abbé , était devenu lui-même abbé de Saint- Anas-
tase à Rome. Ce nouveau pontife prit le nom d'Eugène III,
et accorda bientôt à saint Bernard la confiance la plus éten-
Ep. 238. due. L'abbé de Clairvaux parvint sous ce pontificat à un tel
degré de puissance, qu'il écrivait un jour à Eugène : On dit
que je suis plus pape que vous.
Cependant une ambassade des chrétiens d'Arménie vint
consulter le souverain pontife sur quelques points de disci-
pline, et l'informer du triste état des églises d'Orient. Les
Sarrazins, maîtres d'Edesse , menaçaient Antioche et Jéru-
Flenj7,Hist. salem. On pensait qu'une croisade remédierait à tant de
Eccl. t. XIV, p. maux : et déjà Louis-le- Jeune avait fait connaître à quelques
Hi^t des Beni' scigueurs quc, pour l'acquit de son frère, qui, ayant fait
p. 390. vœu daller à la Terre-Sainte, était mort sans avoir tenu
cette promesse, il songeait à s'y transporter lui-même. Les
seigneurs répondirent qu'il convenait tle consulter avant tout
S. Bernard; S. Bernard, qu'on devait soumettre ce projet
au jugement du pape; et le pape, quil fallait absolument se
Otto Fris, croiser. Eugène en même temps chargeait rélocpient abbé
de Gesiis Frid. d'cxcitcr à Cette expédition les peuples de France et d'Alle-
■*^"°'^' '''^' ^' magne. On sait avec quel succès Bernard s'acquitta de cette
mission : on ne sait pas combien de milliers de croix il
a distribués durant les fêtes de Pâques de l'année 11 46 aux
Hénauit,Abr. grands et aux peuples rassemblés à Vezelai. Il finit, dit-on,
thr. de iHist. par découpcr ses propres habits en ])etites croix. Suger goii-
de France, ann. j^^jj. p^^ cette entreprise : mais l'abbé de Clairvaux avait, dit
„. ', ^ Velli, «l'enthousiasme et l'inflexibilité d un prophète; le
Hist.de France, i < i' i i- • i- • i-\
t. m. p. 95. " propliete 1 emporta sur le sage et rehgieux politique. 3) De
Vezelai Bernard passe en Allemagne, où, comme en France,
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i4i
son éloquence apostolique lève des armées , et dépeuple les xn siècle.
champs, les bourgs et les villes; d'Allemagne, il revient en vita s. Bem.
France, et, dans une assemblée qui se tient à Etampes, il lib. vi. Oper.
raconte ce qu'il a vu en Germanie, ce qu'il a fait, ce ciui ^*^[."' '• ^^' P-
deja s exécute pour aiiranchir les lieux saints : ses récits sont
une exhortation nouvelle, qui agrandit sans mesure l'effet
des premières. On se dispose, on se hâte, et Louis-le-Jeune
entraîne en Palestine d'innombrables légions , dont les neuf
dixièmes ne reverront jamais la France. Nous n'avons point
à raconter ici l'histoire de cette expédition lamentable.
Lorsque les malheurs des Croisés furent, en i i/iQ, reprochés '^''° '^"^- '^^
■" • * T> 1 ^ • ..-p 11 •' I' V 1 Gestis Frider.
a saint Bernard, on le justiha de deux manières : d abord ses lii, j ^ g,,
prédications avaient été accompagnées d'éclatans miracles, Guill. Neubr.
que la providence n'eût jamais permis, si elle n'eût approuvé ''^' ^' *^- ^°-
1^ /-. • 1 j 1- ' v V n ■ ' > Oaufnd. Vita
la Croisade; en second lieu, c était aux Croises eux-mêmes, Bernardi lib.
à leurs péchés, à leurs désordres, qu'il fallait imputer leurs m, e. 4.
revers. Quelques-uns disaient, pour affaiblir cette seconde
excuse , que les fautes des Croisés avaient dû être prévues :
quant aux miracles, ils devenaient l'objet d'une discussion
épineuse : étaient-ils parfaitement constatés.'^ l'église avait-
elle ordonné d'y croire .^ et comment comprendre des pro-
diges qu'opérait la sagesse divine, pour entraîner de faibles
humains à leur perte, à une entreprise qui ne devait pas
réussir (a)? A ne juger cette Croisade que par les lumières
(a) Voici ce qu'a écrit à ce sujet le P. Maimbourg , Hist. des Croisades,
liv.411 : « On dit qu'il plut à Dieu de confirmer les prédications de saint
« Bernard par un nombre prodigieux de miracles Mais conmie d'une
« part les historiens qui l'assurent n'en produisent aucune preuve, s'étant
« contentés de le dire en général , et que , de l'autre , il s'en faut bien
« qu'en ce temps-là on fût aussi exact à examiner ces sortes de choses ,
« où l'on a beaucoup de penchant a se vouloir faire un mérite d'une trop
« grande crédulité, je crois qu'il est libre à chacun d'en croire ce qu'il
« lui plaira, sans rien diminuer de l'éminente sainteté de saint Bernard.
« Cela paraît d'autant plus raisonnable, que co grand homme, en faisant
• son apologie, après le malheureux succès de ce voyage, ne se justifia
<• point par les miracles que Dieu fit à ses prédications, mais par lobéis-
n sance qu'il devait au pape, qui lui avait commandé de prêcher. » Quel-
que sensées que puissent paraître ces réflexions de Maimbourg , on y
peut remarquer des inexactitudes : 1° Saint Bernard, dans son apologie,
dit que, si on lui demande quels miracles il a faits, la modestie ne lui
permettra point de répondre à cette question : C'est a -vous , ajoute-t-il.
Saint Père, de répondre pour moi, selon ce- que vous avez vu et entendu.
2" Le P. Merlin, jésuite, a cité, dans les Mémoires de Trévoux (août
1739 ) , quelques textes d'auteurs du XII* siècle , où sont racontés certains
i42 SAINT BEPuNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
Ml SIECLE, de la raison, sans doute elle ne semblerait ni juste, ni pru-
dente. Mais aussi l'équité' veut qu'on reconnaisse que saint
Bernard n'en fut pas le premier instigateur; quil n en conçut
pas le projet; qu'il attendit, pour la conseiller, le jugement
du pape; pour la prêcher, l'ordre du pape; pour la com-
mander aux peuples, le consentement des rois. Il remplit
sans scrupule , comme sans intérêt personnel , une mission
(lu'il avait reçue dans les formes les plus légitimes , et dont
I utilité , dont la sainteté ne pouvait lui paraître douteuse ,
imbu comme il l'était de toutes les opinions qui avaient,
durant son enfance , déterminé la première expédition du
même genre ; il fut éloquent parce quil était persuadé ; et ,
s il le faut plaindre d'une erreur, on doit un hommage solen-
nel à son désintéressement , à sa bonne foi , et même à ce
fatal empire c[ue ses talens et ses vertus exercèrent sur la
multitude.
Tandis quà la voix de Bernard on s'enrôlait contre les
infidèles , et qu'on partait en foule pour la Palestine , le saint
abbé restait en Fiance pour y combattre les hérétiques. Il
Gaufria. Vita |]^ ^^ç^. \^ léi^at Albéric et l'évêque de Chartres Geoffroi, une
p excursion en Languedoc, ann d extirper de cette province
Mabiiion; les erreurs de Pierre de Bruis et de son disciple Henri. En
A:in.nfned.Ub. j j /^g ^ nous rctrouvous Saint Bernard réfutant Gilbert de la
xii. ' " Porée, an sein d'un concile de Reims ]irésidé par Eugène III.
Hist. ll;t. de Peu après ce concile, Bernard reçut à Clairvauxet le souverain
)a iiance , t. pontife oiu s'cu retournait en Italie , et saint Malachie ,
' P- 4 • primat d'Irlande , qui termina dans cette abbaye sa carrière
édifiante : sa mort affligea sensiblement le pieux abbé , déjà
si malheureux d'apprendre à chaque instant les affreux effets
de la croisade dont il avait été l apôtre.
La dernière assemblée à laquelle assista saint Bernard
fut celle qui se tint ta Chartres en ii 5o , et que jusqu'ici
Disscriation l'on a placéc fort mal-à-propos en ii46. M. Brial a parfai-
luc à l'Institut , tpij^ej^t éclairci ce point de chronologie ; il a démontré que
cigaoun o . j^ ^^^ ^^ cette assemblée était non de préparer la croisade
de 1 1 47 •) rnais d'en réparer les malheurs. On y proposa une
expédition nouvelle, dont l'abbé de Clairvaux serait le chef:
on voulait apparemment que le plus zélé promoteur de ces
miracles opérés par saint Bernard , prêchant la Croisade. Resterait à exa-
miner si ces auteurs ne possèdent pas un peu trop ce mérite d'une grande
crcdulité, "dont parle Maimbourg.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX. i43
entreprises se chargeât enfin d'en diriger rexe'cution. INÎais ^^i siècle.
les circonstances le dispensèrent d'accepter un titre dont il
était fort peu jaloux. Celte ci'oisade , que l'assemblée de lîec. des Hist.
Charti'es déclarait indispensable, n'eut pas lieu. Suger, qui, ^Z' î'^'i^e, t.
, .,, ^,, /i-- 1* / 11-^ XII , p. no,
après avou' desapprouve 1 expédition de ii47i semblait con- 4^4, t. xiii,
seiller celle de i i5o, mourut en i i5i ; et, jusqu'aux temps p- 332.
de Philippe Auguste et de R.ichard, il ne tut plus question
de conquérir la Terre-Sainte.
Vers le coinmencement de l'année 1 153, une maladie grave
avait conduit saint Bernard aux portes du tombeau : délivré
de ce premier danger , il avait recouvré assez de forces pour
se transporter en Lorraine, où, à la prière de l'archevêque
de Trêves , il appaisa les dissensions qui s'étaient élevées
entre la noblesse et la bourgeoisie. Mais, de retour à Clair-
vaux , il ne fît plus que dépérir; et le 20 août 1 153, il mourut '^aufr- l'bv,
• ' 1 ^ 1- -^ * 1 'I ^ .^^ ' 1 II ^ "• 2/1— Alan.
environne de religieux et de prélats, regrette des nobles et (..30 n. 8/.
du jjeupie, et pleuré sur- tout par les femmes. 11 était dans
sa soixante-troisième année, moine depuis quarante, ans,
abbé depuis trente-huit , ayant fondé ou aggrégé environ
soixante-douze monastères, savoir : trente- cinq en France,
onze en Espagne, dix en Angleterre et en Irlande, six en
Flandre, quatre en Italie, deux en Allemagne, deux en Suède,
un en Hongrie et un en Danemark. Il fut enterré à Clairvaux,
où il laissait sept cents religieux : depuis , son corps fut
transfère dans la nouvelle église de cette abl^aye , sous l'autel
matutinal. Nous ne réimprimerons ici aucune des épitaphcs 1^"",*°"' '^j"*
, , , . i , ,. 1. 1 les eduions des
consacrées a sa mémoire : aucune nest digne dun si grand œuvres de saint
homme. Il a été canonisé en 11 74; et l'aurait été dès 11 63, Bem. de 1601,
si le pape Alexandre 111, à qui l'on demandait en même p^aoa^^^^ost
temps plusieurs autres canonisations, n'eût jugé à propos de etc.
différer la plus méritée , pour se mettre en droit de refuser Boliand. Act.
les plus gratuites. Bernard avait acquis des titres à cet hon- ^^"^}- ^° ""S-
neur sujirême par la sainteté de ses mœurs, par l& ferveur ' P- ^^ •
de son zèle , par la loyauté de ses actions , et par la sincérité
de ses discours. Il n'a rien dit qu'il ne crût vrai, il n'a rien
fait c{u'il ne crût juste. Aucun déguisement , pas le plus léger
symptôme d'hypocrisie ne se découvrirait dans toute sa con-
duite; et l'histoire nous présente fort peu de personnages
qui aient porté dans les afffaires politiques et religieuses
tant de franchise à-la-fois et d'énergie. Les opinions accrédi-
tées de son temps exerçaient sur lui un empire qu'étendait
et agrandissait de toutes parts son invincible éloquence.
ï44 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
xn SIECLE. Flcury regarde saint Bernard comme la merveille de son
Disc VIII sur siècle. « Dieu semblait , dit-il , avoir pris plaisir à rassembler
l'Hist. Ecclcs. « en lui seul tous les avantages de la nature et de la grâce :
«i-iv- « la noblesse, la vertu des parens, la beauté du corps, les
« perfections de l'esprit ; vivacité , pénétration , discernement
ce lin , jugement solide ; un cœur généreux , des sentimens
« élevés , un courage , une volonté droite et constante. Ajou-
te tez à ces talens naturels une bonne éducation, les meilleures
« études que l'on pût faire de son temps, soit pour les
« sciences numaines , soit pour la religion , une méditation
« continuelle de l'Ecriture sainte , une grande lecture des
« Pères , une éloc|uence vive et forte , un style véritablement
« trop orné, mais conforme au goût de son siècle ; ajoutez
« les effets de la grâce , une humilité profonde , une charité
« sans borne, un zèle ardent, enfin le don des miracles. »
Quelque pompeux qvie soit cet éloge , nous y souscrivons
sans autre réserve que celle des imperfections naturellement
attachées à tant de cjualités brillantes. Il est difficile d'être
toujours zélé avec modération, toujours puissant avec sagesse,
toujours fort avec douceur, toujours persuadé sans intolé-
rance ; mais c'est par l'examen des écrits de Bernard , cpie
nous avons à reconnaîti-e les caractères de son talent, de ses
idées , et de ses mœurs.
§. II.
SES LETTRES.
Ayant à rendre compte de tous les écrits de saint Bernard ,
nous commençons par ses lettres, non -seulement parce
qu'elles se présentent les premières clans les éditions de ses
œuvres, mais sur-tout parce cpi'elles tiennent à l'histoire de
sa vie , et que nous pourrons , en les parcourant , compléter
ou éclaircir le précis historique qu'on vient de lire.
Les éditeurs des œuvres de saint Bernard n'ont point
retrouvé toutes les lettres qu'il avait écrites : celles qui sub-
sistent («) en font connaître plusieurs cjui nous mancpient ;
par exemple, une à Siiger, quelques-unes à Innocent II,
et à Eugène III. Toutefois , nous en possédons quatre cent
Opéra S. Bcra. quarante-quatre recueillies par dom Mabillon , et trente-six
t. I, p. I -4oo.
(a) V. Bein. Epist. 33, 198, 2o3 , 2i3, 223, 233, 253, 284, etc.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. r45
publiées par dom Maitène ; en tout quatre cent qviatre-vingt, Xll SIECLE,
ou du moins quatre cent trente-neuf, en nous bornant à ~ T ^TT
11 1 r« 1 '-Il 1' /~v Ampliss. Lol-
celles dont Bernard est véritablement 1 auteur. (Quarante et icct. 1. 1, yïG-
une sont en effet à écarter; savoir, vingt-neuf («) qui n'ont 742-
été insérées parmi celles de l'abbé de Clairvaux que parce
qu'elles lui sont adressées , deux (b) qui ont été rédigées par
son secrétaire Nicolas , six (c) dont l'authenticité n'est pas
soutenable , et quatre {d) enfin qui , à quelques variantes
près, ne sont, dans le Recueil de Martène, que de nouvelles
copies d'épîtres déjà publiées dans les éditions des oeuvres
du saint abbé.
Mabillon a divisé en trois séries les quatre cent quarante-
quatre lettres qu'il a rassemblées. La dernière série ne com-
prend que vingt-sept pièces, dont presque aucune n'est à
compter parmi les véritables écrits de saint Bernard. La série
intermédiaire se compose de cent sept lettres qui n'avaient
point encore été réunies, et que l'éditeur dispose dans l'ordre
chronologique. Mais il s'abstient d'établir cet ordre entre les
trois cent dix épîtres qui forment la première et principale
série. Il les laisse telles quil les trouve dans les éditions
précédentes, c'est-à-dire, arrangées sans méthode et presque
au hazard. Il est fâcheux que Mabillon ait cru devoir tant de
respect a cet ancien désordre, et qu'il n'ait pas fondu les
trois séries , ou du moins les deux premières , en une seule
chronologiquement disposée. Ce que n'a point fait Mabillon, Recueil des
M. Brial vient de le faire pour un quart de ces épîtres, î^xv'^sj^^eas'.
savoir pour celles qui concernent l'histoire de France, et ce '
travail nous sera fort utile.
S'il nous fallait parcourir les quatre cent quatre-vingt Hist. Uit. de
lettres dans l'ordre où Mabillon et Martène les ont publiées, ^- ^"°- P- ^''
il nous suffirait d'abréger les notices qu'en a données dom
Clémencet. Mais puisque ces notices font déjà partie d'un
volume qui sert d'appendice à notre Histoire littéraire, nous
nous imposerons une autre tâche, celle d'établir entre ces
{a) Ep. 122, 194, 229, 264, 326, 343, 344, 352, 373, 386, 388,
427, 428, 429, 43o, 43i, 432, 433, 434, 435, 436,437, 438, 439,
440, 44 1, 442, 443, 444.
(Â) Ep. 423, 424.
(c) Ep. 4i8, 419, 420, 421, 422, Mart. 36.
{d) Ep. 391 , 3f6 , 417, 4i3 , reproduites dans le Recueil de Martène,
sous les numéros 8, lo, 24, 33.
Tome XIII. T
i46 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
icii SIECLE, e'pîtres une classification plus méthodique , et qui nous per-
mette de les analyser beaucoup plus succinctement.
Pour classeï- les lettres de saint Bernard , on peut avoir
égard ou aux dates , ou aux matières , ou aux personnes. Le
premier système nous paraît préférable : mais il ne sera point
inutile de prendre d'abord une idée sommaire des deux autres.
Les personnes à qui ces lettres sont adressées se divisent
en quatre ordres : i" des princes , des grands , des ministres,
des hommes revêtus de quelque autorité ou dignité civile ;
2° le pape , les cardinaux , les légats , en un mot , le chef et
les officiers de la cour de Rome; 3° des archevêques, évêques,
et'ïiutres ecclésiastiques séculiers; 4° des abbés et des reli-
gieux ; 5° quelques nommes privés, la plupart peu connus,
ou même anonymes.
Entre soixante-quinze lettres adressées à des souverains,
à des seigneurs, à des cités, ou à des hommes publics, on
en distingue deux à l'empereur Lcthaire, deux au roi de
France Louis-le-Gros , huit à Louis-le- Jeune, douze à Suger,
six à Thibault , comte de Champagne , quatre aux Milanais ,
une aux Génois , une aux Pisans (a).
Cent quarante-six sont adressées à la cour de Rome,
savoir, six à Honorius II, cinquante-sept à Innocent II,
ciuatre à Célestin II , trente-quatre à Eugène III , cpiatorze à
Aimeric , chancelier de l'église romaine , trente et une à di-
vers cardinaux ou légats {b).
(a) A Lothaire, ep. iSp, i4o; à Conrad, i83, 244; à Richère ,
inipéiatrice , 137; à Louis \I, 45, 5-55; à Louis VII, 170, 320, 221 ,
226, 282, 3o3 , 3o4. Mart. 29; à Suger, 78, 222 , 266, 369, 370, 371 ,
876, 377, 378, 379, 38o, 38i ; à Joslein, évêque île Soissons (minisire),
223,225,227, 263, 342 , à Henri , roi d'Angleterre , 92 , 1 38; à Roger,
roi de Sicile, 207, 2p8 , 20g; à Alphonse, roi de Portugal, 3o8 ; à
Sancia ; princesse espagnole , 3oi ; à une autre princesse espagnole, Mart.
35; à Méliscnde, reine de Jérusalem, 206, 289, 354 , 355; à Thibaut,
comte de Champagne, 87 , 38 , 39 , 4o , 4i ? 271; à Hugues, comte de
Champagne, 3i ; à Henri, comte de Champagne, 279; à la duchesse
de Bourgogne, 121 ; à kla, comtesse de Nevers, 375 ; à Mathilde, comtesse
de Blois , 3oo, 3i5; h Ermengarde, comtesse de Bretagne, 116, 117;
à Guillaume, comte de Poitou, 127, 128; au comte d'Angoulème ,
299; à Ildéfonse , comte de Toulouse, 241 ; au duc et à la duchesse de
Lorraine, 119, 120; à Simon, fils du Châtelain de Cambrai, 186; aux
Romains, 243; aux Milanais, i3i, i32, i33, i34; aux Génois, 129;
aux Pisans, i3o; aux Toulousains, 242. — Encyclique, pour la croi-
sade, 363.
(b) A Honorius II, i3, i4, 46>47j495 5o ; à Innocent II, 1 36,
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 147
Suivraient soixante-seize lettres à des archevêques, evêques Xil siècle.
ou dignitaires ecclésiastiques; par exemple, quatre à Henri,
archevêque de Sens , trois à Atton , évêque de Troyes , trois
à Geoft'roi , évêqvie de Chartres , trois à Malachie , arche-
vêque d'Irlande , etc. (a).
On en compterait cent quinze à des abbe's ou des moines,
et l'on remarquerait dans cette quatrième classe , neuf lettres
à Pierre le Vénérable , abbé de Cluni (b).
Resteraient vingt-sept épîtres adressées à des personnages
plus ou moins obscurs , dont quelques-uns même ne sont
ni nommés , ni désignés (c).
Maintenant , si nous considérons , dans toutes ces lettres ,
les matières que l'auteur y traite , voici les cinq genres que
nous y pourrons distinguer.
1° Cent soixante dix-neuf lettres monastiques, exhortant
les uns à embrasser la profession religieuse, les autres à y
persévérer; enseignant comment il en faut remplir les de-
voirs, ou comment on en peut atteindre la perfection; dis-
cutant les droits , les intérêts , les torts , les obligations , le&
i5o, iSa, i55, i56, i58, iSg, i6i, 164, 166, 167, 169, 171, 172,
176—180, 184, 189, 190, 191, 198, 199, 210 — 218, 3 14, 3 18, 333,
828 , 33o , 337, 339 , 340 , 346' — 35 1, Mart. 1 1 — 19; à Gélestin II, 192 ,
235 , 358 , 359 ; à Eugène III , 238 , 239 , 240 , 245 — 249 , 25i , aSa ,
256 — 259 , 261 , 262 , 268 , 269 , 270 , 273 , 275 — 278, 280 , 283 — 285 ,
286, 291, 294, 298, 3o5 , 309; à Aimeric, i5, 20, 48, 5i— 54, i57,
160, 162, 181, 3ii, 338; à divers cardinaux et légats, 16—19, 21,
i63 , 168, 188, 193, 196, 219, 224, 23o, 23i, 23a, 236, 237, 287,
290, 295, 296, 3o2 , 3o6 , 307, 33i — 335, 367, 368.
[a) A Henri, archevêque de Sens, 4a, 43, 44? i8a, 3 16; à Atton, évêque
de Troyes, 23, ao3, Mart. 7; à Geot'froi , évêque de Chartres, 55, 56,
67; à Malachie , 34 1 , 356 , 357 ; à divers prélats, etc. 8 , 9, 10 , 22 , 24—
3o , 33 — 36, 58 — 64, 93, 95, 100, i23— 126, i35, i5i, i65, 173,
174, 175, i85, 187, 195, 197, 200, 2oa , 2o5, 27a, 3ia, 3i9, 32i ,
Say , 36i, 362 , 365 , 372 , 374 , 390 , 392 — 396, 402, 4o3 , 41 1- Mart. 3.
(J?) A Pierre le Vénérable, 147, i48, i49'> 228, 265, 267, 364,
387, 389 ; à divers abbés ou religieux , i —7 , 11, 1 2 , 32 , 65 — 77 , 79 —
91, 94, 96, 99, ICI, 102, io3, 106, 112, ii4) ii5,i4i— i4^,i53,
i54, 201, 204, 233, 234, 25o , 253, 254, 260, 274, 281, 288, 293,
297 , 3io, 3i3, 317, 320, 322, 324 , 325 , 327, 336 , 345 , 353 , 36o ,
366 ,382 — 385, 391 , 397 — 4oi , 4o4 — 4o8, 4io,4i3,4'4î4i7- Mart.
a, 21 , 22 , 25, 27, 3i , 32.
(c) Ep. 98, 104, io5 , 107—111, ii3, 118, 392, 409, 4i2,4i'>»
416 , ^"iQ. Mart. i , 4 > 5 , 6 , 9 , 20 , a3 ,. 26 , 28 , 3o , 34-
Ta
i48 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CL AIR VAUX.
XII SIECLE, affaires particulières ou locales de certains moines ou de
certains monastères («).
2° Cent trente-ti'ois lettres ecclésiastiques , relatives à
l'élection de quelques évêques, li l'administration des dio-
cèses, ou même au gouvernement général de l'église, par
exemple , au schisme entre Innocent II et Anaclet [b).
3° Cinquaiîte-quatre lettres politiques , dans lesquelles il
s'agit d'affaires qui intéressent à-la-fois la religion et l'état,
telles que les croisades et les démêlés entre le sacerdoce et
l'empire (c).
4" Vingt-six lettres dogmatiques ou polémiques contre
Abailard , contre les disciples de Pierre de Bruis , contre
Arnauld de Brescia , contre la fête de l'immaculée Concep-
tion (<i).
5° Quarante-sept lettres de complimens , de remercie-
mens, d'excuses, d'apologies, ou ci'aflaires purement per-
sonnelles (e).
Mais déjà nous avons divisé la vie de saint Bernard en
(a) Ep. 1-7, II , 12, i4, i5, i6, 32, 33, 34, 40, 4i, 43 , 44,
53-60, 64-68, 70-77, 79, 80, 82, 83, 84, 86, 87, 91 , 92, 94,
95, 96, 99-ii5, i34, 141-146, i49, i53, i54, 173, 176, 184, 186,
197 , 199 , 200 , 201 , 207 , 232 , 233 , 234, 25 1 , 254 , 257 — 263 , 266,
267, 270, 273, 274, 277 , 281 , 283, 285 , 286 , 287 , 292 , 293, 297,
298 , 299 , 3oi , 3o6 , 3io, 3i3, 3i5, 3i6, 317, 32o, 32i, 322, 325,
341 , 345 , 355 , 356, 359, 365 , 366, 369, 370, 375 , 378 , 379, 382 —
385, 391 , 394 — 401 1 4o4 5 4o5 — 409, 4ii— 4i5, 41 y. Mart. 2 , 3,5,
20, 21, 22, 25, 27, 28, 3i, 32, 35.
(b) Ep. 8,9, 10, i3, 19, 20, 22 — 3o, 35, 42, 5o, 5i, 52, 61, 62,
124— 127 , i3o, i3i , i32 , i35 , i36, i38 , 139, i5o , i5i , i52 , i55 —
■172 , 176 — 180 , 182 , i85 , 198 , 202 , 2o3 , 210 — 2i5, 218, 235 — 240,
247-200, 252, 268, 269, 271 , 275 , 276, 278, 280 , 282 , 284, 290 ,
291 , 294 , 295 , 296, 3o2 , 3o5 , 3o7 , 3o9 , 3ii, 3i8, 3i9, 323, 328,
329 , 340 , 342 , 346 , 347 , 348 , 353 , 36i , 362 , 367 , 374 , 392 , 393 ,
410 ) 425 , 426. Mart. 7 , II, 12 , i3 , 14 , 17,18, 19 , 29.
(c) Ep. 37, 38, 39, 45-49,78,97,120, 128, 129, i33, 137,
i4o , i83 , 206, 208 , 209 , 216, 217, 219 — 226, 23o , 244 j 245 , 246,
255 , 256, 279 , 288 , 289, 3oo , 3o3 , 3o8 , 3i4 , 324 ; 354, 358 , 363 ,
364 5 371 , 376 , 377 , 38o , 4i6.
{d) Ep. 69, 98, 174, 187-193, 195 , 196 , 241, 242, 243, 327,
330-338, 4o3.
(e) Ep. 17, 18 , 21 , 63 , 81 , 85 , 88 , 89 , 90 , 93 , ii6— 119 , i23 ,
147 , 148 , 181 , 204 , 2o5 , 227 , 228 , 253 , 265 , 272 , 3o4 , 3i2 , 349,
35o, 35i , 357, 368, 38i , 387, 38g, 090, 402. ^tlaat. i, 4 , 6, g , i5 ,
16, 23 , 24 , 26 , 3o. » •
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 149
cinq époques , et c'est dans cet ordre chronologiqvie que XII SIECLE,
nous allons parcourir ses lettres. Toutefois , comme nous
n'en trouvons aucune qui appartienne à la première de ces
époques, aucune qui soit antérieure à l'année mg, nous
n'aurons ici à distinguer que quatre classes d'épîtres : la pre-
mière, depuis 1 1 19 jusqu ;i la mort du pape Honorius II , en
1 1 3o ; la seconde , durant le schisme , jusqu'en 1 1 38 ; la
troisième , jusqu'à la mort de Célestin II, en 1 145 ; et la qua-
trième sous le pontificat d'Eugène, jusqu'en 11 53.
De quatre-vingt-treize lettres qui appartiennent à la pre-
mière époque, la plus ancienne est de 1 1 19 : elle est adressée Ep. i.
à Robert, que Bernard appelle son neveu, et qui était réel-
lement son cousin germain. Destiné , offert à l'ordre de
Cluni , mais ayant fait profession à Cîteaux et religieux de
l'abbaye de Clairvaux , Robert fut reconquis par les clunistes ,
qui obtinrent de Rome un bref qui le déliait de tout enga-
gement avec les cisterciens. Bernard en appelle à Jésus-Christ;
il conteste au pape le pouvoir d'annuUer des vœux ; il mé-
nage encore moins les clunistes , et sur-tout le prieur qui a
enlevé Robert ; il adresse à celui-ci de tendres plaintes , et
le presse de revenir à Clairvaux. Pie rre-le- Vénérable l'y ren-
voya quelques années plus tard ; mais , en 1 1 1 9 , l'éloquente
éoître de Bernai'd demeura sans effet. Vers le même temps , Ep. 2.
il écrivit à un chanoine régulier nommé Foulques , pour le
rappeler au cloître qu'il avait déserté. Trois lettres, compo- Ep. 32 , 33,
sées en 11 20, concernent Drogon , depuis cardinal évêque 3^-
d'Ostie, mais qui alors, religieux de Saint-Nicaise de Reims,
venait d'abandonner cette communauté pour vivre plus sain-
tement à Pontigni. En écrivant à l'abbé de Saint-Nicaise,
saint Bernard désapprouve la fuite de Drogon ; et nous
voyons même qu'il avait adressé à Hugues, abbé de Pontigni,
une lettre qui ne subsiste plus, et dans laquelle, selon toute
apparence, Hugues était invité à renvoyer le fugitif. Mais on
a conservé une seconde lettre de l'abbé de Clairvaux à ce
même Hugues , laquelle explique ou même rétracte la pré-
cédente; et nous avons, de plus, une lettre où Drogon est Ep. 67,68.
félicité de sa retraite en une maison plus régulière. En 1 126,
un moine échappé de l'abbaye de Saint-Germer-de-Flay, est
reçu à Clairvaux : à deux repi'ises, l'abbé et les religieux de
Saint - Germer le redemandent ; mais , quelque vives cjue
soient leurs plaintes, Bernard soutient que, n'ayant jamais
entendu parler de l'abbaye de Saint-Germer , il n'est point
i5o SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, tenu d'y renvoyer le moine qu'il vient d'accueillir. C'était
~" ~ alors qu'Arnould , abbé de Morimond , quittait ce monastère
et entraînait dans sa désertion plusieurs religieux , dont l'un
Ep.4,5, 6, 7. se nommait Adam : quatre lettres de saint Bernard tendent
à les ramener dans l'asyle où leurs vœux devaient les fixer.
En vain ils se prévalent d'une permission du pape : Bernard
prétend que ce qui est mal, est mal encore après qu'un pape
l'a autorisé. Cétait aussi du consentement de son évéque
Ep. 87. qij'Oger renonçait à la fonction d'abbé d'une communauté
de chanoines réguliers : saint Bernard veut qu'il la reprenne.
Ep. 88 , 89. Dans deux autres lettres au même Oger , l'abbé de Clairvaux
parle avec beaucoup de modestie de ses propres ouvrages,
spécialement d'un panégyrique de la Sainte Vierge. Il ne
veut plus enseigner; un pécheur tel que lui, revêtu de l'habit
monacal , ne doit que gémir (a). Il écrit brièvement , parce
qu'on est en carême, temps de silence. Oger, dans une qua-
Ep. 90. trième missive, est exhorté à n'être point un correspondant
trop assidu : la véritable amitié se maintient sans de longues
Ep. 82. écritures. Un autre abbé, celui de Saint-Jean de Chartres,
songeait de même à quitter sa place pour aller chercher la
solitude et le repos dans la Palestine : Bernard n'applaudit
Ep. 3o. pas à ce dessein. Il n'approuve pas davantage les nouveaux
établissemens monastiques projetés par Adalbéron , prieur
Ep. 75. de l'église de Metz, et par Artaud, abbé de Prully. Les éga-
remens de certains religieux lui donnent lieu de recomman-
Ep 83 8'. ^^^' '^^^ supérieurs tantôt la sévérité, tantôt l'indulgence :
Ep. 79.' c'est pour de telles causes qu'il écrit à Simon, abbé de Saint-
Ep. 80. Nicolas-au-Bois ; à Luc , abbé de Cuissy ; à Guy , abbé de
E^ 85 86. Molème; aux chanoines réguliers de Saint-Pierre-Mont; à
Pp. 69, 70. Guillaume de Saint-Thierry; à Guy, abbé de Trois-Fon-
taines. Les deux lettres adressées à ce dernier méritent quel-
que attention ; la première , parce qu'il y est question d'une
messe célébrée sans vin , le calice ne contenant que de l'eau
pure, distraction grave, dont il faut, selon saint Bernard,
se repentir, et pourtant se consoler; la seconde, parce que
dom Mabillon en a retranché comme apocryphes certaines
lignes où l'auteur condamne la conduite trop rigoureuse qu'il
a tenue lui-même envers un de ses inférieurs. Ce passage
existe dans cinq manuscrits du XIV ou du XIIF siècle, et
(a) Vel monachi quod esse videor , vel peccatoris quod sum , officiura
non est docere, sed lugere. .
Ep. 5;.
Ep. 56.
Mart. cp.
3i.
Ep. II.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i5i
nous ne voyons pas pourquoi le zèle ardent du jeune abbé xn siècle.
de Clairvaux n'aurait pas pvi l'entraîner au mouvement pas-
sionné qu'il se reproche. Dans une lettre à Geoffroi , évêque Ep. 55.
de Chartres, il s'agit aussi d'un moine qui a quitté son état :
c'est peut-être à l'occasion de ce moine qu'une seconde épître
au même prélat traite des engagemens monastiques. Une
troisième lettre à l'évêque de Chartres a pour sujet l'ante-
christ,etce qu'en pensait le vénérable Norbert. L'antechrist
était attendu à la fin du XIP siècle, et saint Norbert parta-
geait, accréditait cette opinion. Une lettre sans date, mais
adressée à des religieux en un temps de famine, pour les
exhorter à faire l'aumône, pourrait être de 1 126. En écrivant
à Guignes et aux Chartreux, saint Bernard les entretient de
la charité : s'aimer soi-même , aimer Dieu pour soi , l'aimer
pour lui , n'aimer que lui , voilà quatre degrés dont le der-
nier n'est point, selon l'auteur, accessible aux mortels. Dans
une seconde lettre aux mêmes religieux, il exprime le regret Ep. 12.
de n'avoir pu les visiter en passant près de leur demeure. 11
fait la même excuse aux moines de Trois-Fontaines , et les Ep. -i,
console de la mort de leur abbé Roger. On connaît assez peu
les chanoines réguliers d'Audicourt , au diocèse de Châlons-
ftur-Marne , cpie saint Bernard remercie avec une humilité Ep. 3.
profonde des complimens qu'ils lui ont prodigués. Il re-
pousse également les louanges dont l'a comblé Rainaud , Ep. 72,73,
abbé de Foigny : un vers de la première hérokle d'Ovide. 74, 4 13. (Mart.'
'33.)
Quandb ego non tiniid graviora pericula veris ?
est cité dans l'une des quatre épîtres à Rainaud, et les mots
qui amènent cette citation , y «a-^à tuuni Ovidium , donnent
lieu de croire que les poésies d'Ovide ne déplaisaient point
à l'abbé de Foigny, ni même à celui de Clairvaux. Un novice
avait été trop sévèrement traité, tant par Rainaud que par
im autre religieux de Foigny : Bernard leur écint en faveur Ep. 414.
de cet élève. Après avoir accueilli et retenu à Clairvaux le
nommé Philippe, parti de Lincoln pour aller à la Terre-
Sainte, il prie l'évêque de Lincoln de permettre ta ce pèlerin Ep. 64.
de ne point achever un tel voyage : Clairvaux est une Jéru-
salem; Philippe a su abréger sa route; il est véritablement
arrivé. Une lettre à l'abbé d'Anchin , Alvise , a aussi pour Ep. 65,
but de justifier la liberté qu'on a prise de garder à Clairvaux
un moine d'Anchin. Mais il paraît qu' Alvise s'en plaignit ;
car Bernard réclame , pour regagner son amitié , l'interven- Ep. 66.
i52 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, tion de Geoffroy, aljbé de Saint- Médard de Soissons. On
aperçoit en des épîtres du même temps la trace de quelques
autres démêlés du saint abbé ; par exemple , avec Hugues
Farsit, avec Gérard, abbé de Pottières, avec Henri, évèque
Ep. 35,36. ^|g Verdun. Farsit, d'abord exhorté à rétracter une erreur
sur les sacremens , est ensuite reconnu pour orthodoxe ;
mais il est invité à laisser en paix la mémoire d'un prélat
Ep. 8i. que Mabillon croit être Guillaume des Champeaux. Gérard
se figure qu'on a indisposé contre lui le comte de Nevers,
et l'on se iustifie de ce reproche. Henri prétend qu'on a cen-
Ep. 62,63. , -1 , .^ ' ^ ,.,1.1
sure sa conduite; on proteste quil nen est rien : aurait-on
voulu condamner un prélat absent, et sans connaissance de
cause ? On lui recommande une femme pénitente et un mo-
nastère récemment fondé dans son diocèse. L'évêque de Cliâ-
Ep. 58. Ions -sur -Marne, Ébale, est supplié de maintenir un abbé
que des chanoines réguliers ne veulent pas reconnaître.
Ep. 59. Guillencus est sollicité en fiiveur de l'abbaye de Molême ;
Ep. 60. et , dans une autre lettre , il est exhorté à céder certains
Ep. 397. biens à l'abbaye de Saint-Etienne de Dijon. Les religieux de
Marmoutiers plaidaient contre des clercs ou des chanoines ,
et ne voulaient pas s'en tenir au jugement prononcé par l'é-
vêque de Chartres et par le comte de Champagne; opiniâ-
treté peu chrétienne contre laquelle s'élèvent de concert les
abbés de Pontigny et de Clairvaux. Une attention particu-
Ep.gi. lière est due à lépître que saint Bernard adresse aux abbés
assemblés à Soissons et délibérant sur des réformes monas-
tiques : ses occupations ne lui permettent pas d'être au mi-
lieu d'eux; il attend tout de leur zèle; il espère que, sourds
aux murmures des médians, ils rétabliront l'honneur du
Ep.78.(Rec. cloîtfe. Mais une lettre plus mémorable encore, est celle où
des hist. de Fr. Sugcr cst félicité de l'amendement de ses mœurs et de la ré-
t.xv,ep.Bern. f-Qj.j^^g introduite enfin dans l'abbaye de Saint-Denis. Deux
scandales affligeaient l'église : l'un était la conduite de Suger
Du» nostris ( tica Ula piistiiicB tuœ com'ersationis insolentia ) ; ce premier
(emporibus 01- désordre a cessé, et le scandale qui dure encore, est celui
sfàno^vî^"!"!!!- 4^^ donne Etienne de Garlande. Insatiable de ^bénéfices,
crandœ prs - archidiacre, doyen, prévôt en diverses églises, Etienne est
sumptiones. jg pj^g sénéchal. Suger doit -il rester l'ami d'un ambitieux
qui, se faisant à-la-fois prêtre et soldat, ne sait être ni l'un
ni l'autre?
Les cinquante-quatre lettres que nous venons de parcourir
concernent en général des affaires monastiques , et sont près-
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i53
que toutes adressées à des religieux. Saint Bernard avait en- ^^^ SIECLE.
core quelque répugnance à s'occuper d'intérêts étrangers aux
monastères. En 1 127, il déclare qu'il n'aime point à sortir de
son cloître, et s'excuse ainsi auprès de Pierre, cardinal légat, Ep. 17.
qu'il n'est point allé voir. Sous la même date, il donne à ce Ep. 18.
cardinal une liste de ses ouvrages , qu'il réduit à un petit
traité de l'humilité, quatre homélies sur la Sainte Vierge,
des lettres à diverses personnes, et ce qu'on a pu recueillir
de ses sermons. Il recommande, tant à ce même Pierre qu'à Ep. 19, 20.
Aimeric, chancelier de l'église romaine, des députés de l'é- C^ec. des hist.
£;lise de Reims et les moines de Saint-Bénigne de Dijon. Deux «F'^'-^^'<^P'
O ,. . xr- • 1 1 ' 1 II 1 ■'1» Bern. 8, 9.)
religieux et Vivien, abbe de Hautecombe, sont, en d autres Ep. i6, i5.
lettres , recommandés à Aimeric , que Bernard entretient Ep- ^'3 , 54-
ailleurs des obstacles qu'on oppose à ceux qui veulent faire
le bien. En 1128, il compte parmi ses écrits un opuscule Ep. în.
sur la grâce et le libre arbitre : c'est encore à Aimeric qu'il
parle de cette production , en exprimant vivement le désir Ep. 52.
de n'être chargé d'aucune affaire. Les lettres à Aimeric avant
ir3o sont au nombre de huit, en y comprenant les deux Ep. 48, 5i.
qui concernent l'évêque de Paris et l'archevênue de Sens , et y''^^' '^i'-^./"*'"
^1 11 ^1 T. 1 ' '• •^ i«* deFr.t.XV,ep.
sur lesquelles nous reviendrons. Bernard écrit aussi a Ma- Bern. 14,12.
thieu , légat du saint siège , pour se plaindre de ce qu'on
l'arrache de son cloître. S'il s'agit, dit-il, d'affaires simples Ep. ai.
et faciles , on n'a pas besoin de moi ; si elles sont épineuses ,
elles exigent une capacité que ie n'ai pas. Ricuin , evêque de
Toul , lui avait adressé un pécheur : il répond qu'il ne lui
appartient pas de se mêler ae fonctions pastorales. Dans un Ep. 61.
autre billet, il demande excuse à Ricuin d'avoir, sans le con- Ep. 3o6.
sentement de ce prélat, reçu à Clairvaux un religieux de
Toul. Des lettres a Etienne, évêque de Metz, à Atton de Ep.29.(Rec.
Troyes, à Gilbert de Londres, à Hugues, archevêque de des hist. de Fr.
Rouen, à Raynaud, archevêque de Reims, à Hildebert de *• ^'^P-^ern.
Tours , ne contiennent que des félicitations, ou des remer- Ep. 23, 24,
ciemens , ou des conseils. Les qiiatre vertus cardinales sont *5> ^'*' ^^^^'^
recommandées à Guy , évêque de Lausanne , dans un billet Ep. a6.
de six lignes. Quelques années auparavant , Bernard avait ,
au contraire , adressé à l'archevêque de Sens une très-longue
épître sur les mœurs et les devoirs d'un évêque. Cette pièce Ep. 4a.
est d'une telle étendue , que Mabillon l'a placée parmi les
opuscules, où nous la retrouverons. Deux autres lettres à Ep. 43,44.
ce même prélat de Sens sollicitent sa bienveillance en faveur
de l'abbaye de Molême. Une lettre à HunJjaud, archevêque Ep.22.(Rec,
Tome XIII. V
i54 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, de Lyon, légat du saint siège, a pour but de faire valoir les
fleshist deFr ^'^^^it* ^^ l'évêque de Meaux , dont l'abbé de Rebais déclinait
t.xv,ep.Bern. la juridiction.
4) Nous avons à remarquer une épitre à Hugues, comte de
Ep.3i.(Rec. Champagne : il s'est fait Templier, on l'en félicite; il a doté
t.xv'ep Bern Clairvaux, OU l'en remeixie. Ce Hugues était fils du comte
2.) ' Thibaut, auquel Bernard recommande un moine indigent
Ep. 37, 38, et pieux, un autre moine fort âgé, des chanoines réguliers,
39, 40,41. ^^j-,g veuve, un concile qui va se tenir à Ti'oyes, et sui'-tout
le nommé Humbert, qui, pour s'être battu en duel, vient
d'être condamné à perdre la vue , avec confiscation de ses
biens. Trois fois l'abbé de Clairvaux intercède pour ce Hum-
bert auprès de l'inexorable comte. Mais voici deux affaires
plus importantes.
Le roi Louis VI ayant fait saisir, comme nous l'avons dit,
le revenu de l'évêque de Paris, Etienne, et celui-ci ayant
jeté un interdit sur les terres du monarque , Bernard , au
nom de tous les abbés de l'ordre de Cîteaux , rédigea une
Ep. 4?). (Rec. lettre à Louis , et la lui remit en main propre. On est moins
des hist. de Fr. étonué des meiiaces que les abbés y font au roi , que du ton
t. \,ep.Bern. f,j„-,i|iç^ qu'ils prennent avec sa majesté. C'est au nom de
leur aîuitié mutuelle et fraternelle {per eain quœ invicem est
amicitiam et frateniitatein ) qu'ils l'avertissent et le conju-
rent de se désister de sa coupable entreprise. Le prince s'é-
tant obstiné , il fallut écrire au souverain pontiîe , Hono-
Ep.i3.(Rec. i""!» II. A ce pape sont adressées deux autres lettres de
des hist. de Fr. Bernard , étrangères à ce grand démêlé ; l'une en faveur
t.xv,ep.Bern. (J'Albéric , élu évêquc de Langres , l'autre pour l'église de
Ep. i4.'Rec. Dijon, contre les moines de Luxeuil. Mais lorsqu'Honorius
des hist. de Fr. eut levé l'interdit lancé par Etienne , une relation de toute
t. XV, ep. Bern. cett^ affaire fut rédigée par Bernard, au nom de Geoffroi,
'^ Ep. 4-. évêque de Chartres, et présentée au chef de l'église. On y
gémissait des effets de son bref; la spoliation restait impu-
nie, la licence n'avait plus de frein. Hoc denique litteris ves-
tiis factum est , ut inalè ablata pejhs teneantur, et reliqua
passini in (lies rapiantar , eo utique securè , qub impiinè illa
Ep. 46.(Rec. retinentur. Mêmes complaintes dans une lettre souscrite en
des hist. de Fr. 1 128 par Bernard et par Hugues de Pontigny : leur tristesse
t. XV, ep. Bern. ^^^ profonde, quand ils voient l'église perdre son honneur
sous Honorius, Honorem ccclesiœ Hoxorii tcmpore lœsum.
Selon toute apparence, ce n'est point sans intention que les
mots honorem et Honorii sont ainsi rapprochés ; et quelque
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX. i55
sérieuse que soit la matière , quelque affligé que soit le ré- ^ï^ SIECLE,
dacteur, il ne s'interdit pas les jeux de mots. Du reste, l'ex-
trême nécessité a pu seule entraîner Hugues et Bernard hors
de leur cloître : ils voudraient qu'on les eût dispensés de pa-
raître en public. ( Magna nos nécessitas in publicum traxit).
La nécessité les ramena de nouveau sur la scène en 1129, Ep. 49(Rec.
lorsque Henri , archevêaue de Sens , accusé de simonie , et ^^^ '"*'• ^^ ^^•
J^^ . 1 • ^ T ■ I A 1- •.. ' 1 • t.XV.ep.Bern.
redoutant les juges que ijOuis-le-Gros se disposait a lui „ >
donner, voulut être jugé par le pape, et mit dans ses inté-
rêts les abbés cisterciens. Etienne de Cîteaux, Hugues de
Pontigny, et Bernard de Clairvaux, écrivirent à Honorius.
C'est dans cette lettre que Louis-le-Gros est appelé nouvel
Hérode, alter Herodes. Le pape lui-même, à qui l'on parle,
est assez peu ménagé. On rappelle sa conduite dans l'affaire
d'Etienne de Paris, d'Etienne que Dieu soutint, quand Rome
aidait à le renverser. Malgré toutes ces plaintes, Honorius
renvoya l'affaire de Henri devant le roi de France, et Ber-
nard écrivit au pape une dernière épître, réclamant pour Ep 5o (18
l'archevêque de Sens , s'il venait à être condamné, le droit «îansieRec.des
d'en appeler au saint siège. Nous avons déjà indiqué deux t'xv^ "°*^^'
lettres au chancelier Aimeric, qui sont relatives à ces affaires ^p. /§ 5j,
d'Etienne et de Henri. Bernard y tient le même langage;
mais, en outre, il repousse les accusations qui déjà s'éle-
vaient contre lui , et dont le principal auteur pouvait bien
être cet évêque de Verdun dont nous avons fait mention. Le
saint abbé demande à rester en paix ; il supplie qu'on lui
permette, ou même qu'on lui enjoigne de ne plus se mêler
d'affaires étrangères a son couvent. Au fond , personne ne
lui avait ordonné de soutenir contre son roi des prélats re-
belles : il ne tenait qu'à lui de s'abstenir d'intrigues interdites
aux cénobites, et de se prescrire le respect du au sou-
verain.
Telles sont les lettres qu'écrivit saint Bernard depuis 1119
jusqu'au schisme de ii3o. Nous en rétablissons dans une
note {a) l'ordre chronologique , dont nous avons été obligés
(a)Ann. 1119, ep. i. Ann. 1126, ep. 7, i3, i5^ iQ,
Ann. H20, ep. a, 3, 3», 33, 34. 3o, 58, 87.
Ann. II23, ep. 29. Ann. 1127, ep. 17, 18, ai, 22,
Ann. II25, ep. 4, 5 , 6, II, 39,40,41,45,47,69-74,
12, 3i, 61, 396, 67, 68, 85. 4i3, 4i4, 75, 88, 89, 90.
Mart. 3x. Ann. 1128, ep. 46, i4, 19, 20,
Va
Ep.
lia,
Ep.
99-
Ep.
lOI.
Ep.
102.
Ep.
io5,
104
Ep.
107,
411
i56 SAINT BERNARD , ABBÉ DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, de nous écarter quelquefois pour rapprocher les matières.
Nous en userons de même à l'égard des lettres qui appar-
tiennent aux autres périodes de la vie du saint abbé.
On trouvera qu'il en a écrit cent huit durant le schisme ,
si l'on comprend dans ce nombre une trentaine de pièces
non datées et dont il serait impossible de fixer la date pré-
cise , mais qui semblent se placer entre 1 1 3o et 11 38. Nous
allons rencontrer encore dans cet intervalle beaucoup d'é-
Ep. m. pitres purement monastiques. Lettre au nom du moine Elie
a son père Ingorran et à sa mère Yvette, lettre fort dure
et bien peu filiale, oii ce moine dit à ses parens qu'ils aiment
mieux l'entraîner dans leur ruine que le voir triompher sans
eux. Epîtres de l'abbé de Clairvaux à Geoffroy de Lizieux,
que ses parens ont arraché du cloître; à un religieux mal à
propos accusé d'avoir quitté son monastère; à des moines,
pour les prier de recevoii* avec indulgence un de leurs fières
qu'on leur renvoie ; à un abbé , pour lui conseiller d'être sé-
vère; à Romain, sous-diacre de Rome, et à maître Gautier
de Chaumont, pour qu'ils embrassent la vie monastique; à
un anglais nommé Thomas , qui a pris l'engagement de se
retirer à Clairvaux et qui n'accomplit pas ce vœu ; à l'anglais
Ep. 106. Henri Murdach , qui songe aussi à devenir moine, et que
son goût pour l'étude retient dans le monde. Bernard lui
promet qu'il trouvera dans les forêts bien plus de lumières
que dans les livres ; que les arbres et les rochers lui ensei-
gneront ce qu'il n'apprendrait d'aucun maître. Aliquid am~
pliîis inventes in. sylvis quam in libris : ligna et lapides doce-
bunt te quod à magistiis audire non possis. Consulté par
Geoffroy , qui gouvernait l'abbaye de Sainte-Marie d'Yorck ,
Ep. 94,3i3. Bernard se délie de sa propre sagesse; toutefois il approuve
des religieux qui ont déserté ce couvent pour prendre un
genre de vie plus austère. Ils ont embrassé la réforme , il les
Ep. 96. en félicite : ils ont fondé l'abbaye de Fontaines, il compli-
Ep. q5. mente Richard , leur nouvel abbé : ils ont été traités avec bien-
veillance par Turstin , archevêque d'Yorck , il en remercie
Ep. 319. ce prélat qu'une autre épître, d'une date postérieure, dé-
tourne du projet de quitter son siège. L'abbé de Fontaines
a3 , 35 — 38 , 42 , 4^ , A^, Sa — Ann. i i3o , ep. 24 , aS , 26 , 79 ,
57 , 63 , 76 , 78 , 82. 80 , 81 , 86, 91 , 3ii , 3i2 , 123.
Ann. 1129, ep. 49? 5i, 5o, 48, 397.
59,60,62,64,65,66,83,84.
SAINT BERNARD , ABBÉ DE CLAIRVAUX. lô;
étant mort , l'élection de son successeur occupa Bernard , ^H SIECLE.
qui envoya, pour y présider, Henri, abbé de Vauclair, et
en instruisit le prieur de Fontaines , Alexandre. Une lettre à Ep. 320.
Henri de Vauclair lui prescrit d'accepter la dignité d'abbé de ^p. 321.
Fontaines, si elle lui est déférée par les suffrages des reli-
gieux. Henri fut élu en effet ; il accepta , et dans la suite il
devint archevêque d'Yorck. On ignore quel est le moine à
qui saint Bernard adresse un magnifique éloge de la pau- Ep. io3.
vreté. Là sont exposés tous les motifs de mépriser les biens
de ce monde : les posséder est un fardeau, les aimer une Possessa one-'
souillure, et les perdre un tourment. C'est au chartreux rant,amata in-
Bernard des Portes que Bernard de Clairvaux envoie ses ser- q""'.=""f)an"ssa
, . ^ , . „ . , cruciant.
mons sur le cantique des cantiques, pour être examnies avec Ep. i53, 154.
soin et critiqués sans indulgence. Guarin, abbé des Alpes, Ep. 254.
est félicité d'avoir entrepris la réforme de son monastère; Ep. 146.
Bouchard , abbé de Balerne , d'avoir fait de rapides progrès Ep. 32^.
dans la vertu; Hugues, neveu de l'évêque de Grenoble, d'a-
voir embrassé la vie monastique. Mais Humbert, qui abdique
la fonction d'abbé d'Igny pour vivre à Clairvaux en simple
rehgieux, est blâmé de cette désertion comme d'une impiété. Ep. 141. —
Humbert persista néanmoins et mourut à Clairvaux. Les rc- Q"'«^ "O" i™-
lieieux du monastère des Alpes ayant perdu leur abbé , ré- P"^'^''* ^"^^f
«5 ,, , A • Ti 11 11 1 liaec tua liiga?
cemment élu eveque , saint Bernard les console, et les exhorte £„. ,42
à lui donner un digne successeur. Il avertit l'abbesse de Fa- Ep. 3qi. (8,
vernay qu'il ne suffit pas de réparer les murs d'un couvent, deMartène.)
qu'il faut encore y ramener l'habitude des vertus claustrales.
Il parle à une vierge nommée Sophie des avantages de la Ep. ii3.
virginité. Sophie était née de parens illustres , honneur moins
grand que de s'être placée dans le petit nombre des vierges
sages. ïllitstiior quod de paucis facta es^ quhni quod orta de
niagnis. Il témoigne aussi à Béatrix, noble et dévote per- Ep. uS.
sonne, beaucoup d'estime et d'amitié. Il conseille à une re- Ep ii5.
ligieuse du monastère de Notre-Dame de Troyes de rester
dans ce couvent, et de ne pas chercher ailleurs une perfec-
tion imaginaire. Une auti'e religieuse, après s'être livrée à
quelques déréglemens , était rentrée dans le devoir : il s'en Ep. 114.
réjouit avec elle; et, en lui parlant des fautes qu'elle a com-
mises , spécialement de la manière dont elle s'habillait , il
s'exprime en ces termes : Vestitus ornatior, wimplatce magis
quam velatœ congruens. Quelques éditeurs avaient changé
wimplatœ en uni inflatce : Mabillon rétablit wimplatœ. La
wimple , guimple ou guimpe, était alors une parure mon-
i58 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
xn SIECLE, daine , et le voile distinguait les femmes les plus modestes.
Moult fut humiliante et simple ,
Elle eut un voile en lieu de guimple,
NotKinBern. dit UH vieux poète français cité par Mabillon, d'après Borel.
p. xLin. Afin de rassembler ici toutes les lettres écrites par saint Ber-
nard à des femmes, entre i i3o et 1 138, nous en indiquerons
Ep. 119. 120. deux à la duclicsse de Lorraine, Adélaïde, pour la prier,
elle et son mari , Simon , de confirmer une exemption ac-
cordée aux religieux de Clairvaux , et pour les exhorter à
céder un château qu'ils se disposaient à défendre par les
Ep. 116,117. armes; deux à la duchesse de Bretagne, Ermengarde, pour
applaudir à sa piété et la soutenir dans la voie du salut;
Ep. lîi. une à Màthilde , duchesse de Bourgogne , pour l'inviter à
Ep. 3i5. consentir au mariage d'un de ses vassaux ; une à Màthilde,
reine d'Angleteri'e , en faveur des moines de la Chapelle , au
Ep. 137. diocèse de Boulogne-sur-Mer ; une enfin à l'impératrice Ri-
chère , en faveur des Milanais.
Le vif intérêt que prend saint Bernard aux moines et aux
monastères continue de se manifester dans ses épîtres aux
Ep. 93. évéques et aux seigneurs. Il recommande l'abbé Oger à
Ep, 175. . Henri de Blois , évêque de Winchester; les chevaliers du
Ep. 100. Temple au patriarche de Jérusalem. Il remercie vin évêque
qui n'est point nommé de la charité qu'il a exercée envers
des cénobites. Eloigné de sa propre abbaye , Bernard écrit
Ep.143, i4/|. deux fois aux religieux de Clairvaux pour s'excuser et se
Ep. 1/(5. plaindre de sa longue absence : il écrit aux abbés assemblés
a Cîteaux , les conjurant de compatir à ses peines , de prier
Dieu pour lui et d obtenir son retour. Voilà celles des lettres
de cette époque qu'on pourrait distinguer par les qualifica-
tions de monacales, ascétiques ou mystiques. Joignons-y
Ep. i35. celle qui s'adresse à Pierre, évêque de Pavie, et qui exprime
Ep. 98. de profonds sentimens d'humilité; celle encore qui ne parle
que des Macchabées, et qui n'a ni inscription ni date. Pour-
quoi les Macchabées sont-ils les seuls saints de l'Ancien-
Testament dont l'église célèbre la fête? c'est, dit l'auteur,
parce qu'ils sont des martyrs semblables à ceux que l'église
honore.
Il s'agit principalement d'affaires ecclésiastiques ou épis-
Ep. 8,9,10. copales dans des lettres à Bi'unon, archevêque de Cologne;
£p. 27, 28. ^ Ardution, évêque de Genève; à Eustache, usurpateur du
'^' ' ■ siège de Valence , en Dauphiné ; à Henri , archevêque de
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAÎRVAUX. i5,9
Sens. Brunon, élu archevêque de Cologne, dem;tndait s'il xii siècle.
devait accepter : la réponse est indécise ; seulement on s'ef-
force de lui inspirer de l'humilité, de la crainte; on lui con-
seille de réprimer sévèrement les abus et les crimes. Ardution
reçoit des leçons du même genre, et l'on s'applique d'autant
plus à les lui inculquer, que sa vie passée n'a pas été fort
édifiante. On prêche aussi la pénitence à Eustache. Pour £ ^g^.
Henri , il avait destitué son archidiacre; il en est amèrement ^n putatis
réprimandé. On se plaint de sa dureté haïssable, odibilejn periisse justi-
duridam. Croit-il que la iustice ait disparu de l'univers tiamdetoioor-
, ^. ^^ J , \ ' ^ 1 f • •> ue sicut de cor-
comme de son cœur:' Une autre lettre, adressée a-la-rois a devesiro?
l'archevêque de Sens et au chancelier Aimeric , parle d'un Ep. 3i6.
t'eune homme qui se propose de remettre à des moines des
)iens qu'il possède au mépris des saints canons de l'église ;
il faudra bien se garder d empêcher cette restitution.
Mais les lettres les plus importantes que Bernard ait écrites,
sous cette seconde époque , sont celles où il défend la cause
d'Innocent 11 contre Anaclet. Tel est le principal sujet des Ep. 124,125
épîtres à Hildebert , archevêque de Tours, à Geoffroy de 126, i5i.(i5,'
Loroux , aux évêques de Limoges , de Poitiers et de Péri- ' ^ ' ' ' ' ^^ ^?- ■>
\T«i-i' ^ A-' • ' !•'• 1» dans le Rec. des
gueux, a Philippe, usurpateur dun siège archiépiscopal, a hist. de Fr. t.
Guillaume, duc d'Aquitaine, à Henri , roi d'Angleterre, aux xv.)
Génois, auxPisans, aux Milanais, à Louis VI, roi de France,
et à l'empereur Lothaire. Conrad, duc deZéringen, est le seul
prince auquel Bernard écrive sans l'entretenir du schisme : il En. n-.
se borne à le détourner du projet de faire la guerre au duc de
Genève , Amédée. Mais dans les autres lettres que nous ve-
nons d'indiquer , l'anti-pape Anaclet , ou Pierre de Léon ,
est peint sous les plus noires couleurs : tous les textes de la
Bible où il s'agit de la cruauté du lion lui sont appliqués.
Son légat, Gérard d'Angoulême , est chargé des mêmes im-
précations. Anaclet et Gérard sont , en propres termes , ap-
pelés deux bêtes , l'une plus féroce , l'autre plus maligne ; illa Ep. 127 et
ferocior , ista callidior. Trois motifs déterminent à préférer j^^s^r'^."^^
Innocent : c'est un élu plus digne, son élection est plus lé- xv,duRé"des
gale, et sa conduite plus régulièi'e. Et electus dignior , et iiist. de Fr.)
electio sànior, et actio ordinabilior. Le duc d'Aquitaine , s'il
favorise Pierre de Léon, s'il continue de maltraiter les clercs
de Saint-Hilaire , est menacé de la vengeance divine : sur lui TembiJi et
vont s'appesantir des mains redoutables aux rois de la terre. •?"• aufert spi-
Quant au roi de la Grande-Bretagne, il est si bien disnosé ''''"'° P""f!.:
en taveur du véritable pape, que Bernard , en 1 133 , se con- apud reges ler-
tente d'exciter le zèle de ce nrmce nar un simple billet , plus ''*■
i6o SAINT BERNARD, ABBË DE CLAIR VAUX.
XII SIFXLE. court encore que celui qu'il lui avait adressé l'anne'e précé-
En.i38.(i9, dente, en lui recommandant des moines envoyés pour ton-
dans le Rec. des der l'abbaye de Rieval. L'abbé de Clairvaux remeicie les
ÎJ'^ '^P^'- '• Génois de leur dévouement à la bonne cause ; il les appelle
Ep. 129 un peuple dévot , gens honorables, cité illustre. Il loue les
Ep. i3o. Pisans de leur résistance aux menaces et aux séductions de
Ep. i3i,i32, Roger, tyran de Sicile. Il félicite les Milanais d'avoir aban-
i33, i34. donné Anaclet, et leur parle de la puissance pontificale avec
une exagération très -remarquable. Le pape, dit-il, peut
évoquer des confins du monde et citer à son tribunal les
personnages du rang le plus sublime; il le peut, non pas
une fois , deux fois , mais toutes les fois qu'il le juge à propos.
Ep.a55.(22, Le zèle de Louis-le-Gros contre les schismatiques semblait
dansleRec.des refroidi; on craignait qu'il ne permît pas aux prélats français
hist. de Fr. t. j ' & 1* j r>-^ ' r>/ t
XV.) de se rendre au conçue de Pise, convoque en 1104 pai" In-
nocent IL Une lettre de saint Bernard a pour but d'obtenir
cette permission. Pourquoi, dit-il au prince, pourquoi
votre fureur s'allume-t-elle contre l'élu de Dieu, contre celui
que votre sublimité a préféré , même soutenu .•' En 1 1 35 ,
l'empereur Lothaire est prié de réprimer les partisans de
Ep. 139, 140. l'anti-pape, d'arracher la Sicile des mains du schismatique
Roger , et de renoncer à toute prévention contre les Pisans.
La dernière épître sur le schisme est celle qui annonce à
Ep. 317. Geoffroi , prieur de Clairvaux, que les rebelles viennent de
se jeter aux pieds du saint père, et de lui prêter serment de
fidélité.
Vingt-six épîtres , dans ce même intervalle de 11 Sa à 11 38 ,
ont été adressées à Innocent II , et voici à quelles fins elles
tendent. Venger la mort de Thomas, prieur de Saint-Victor,
Ep. i58.(2o, attaqué sous les yeux de l'évêque de Paris par un archidiacre
dansleRec.des exactcur : ne point écouter cet archidiacre, qui s'est réfusrié à
hist. de Fr. t. _, ' i . , • ^ • ' v v 1^ i
XV.) Ep. lâg. Rome, comme si le sanit siège était un asyie pour les meur-
triers et une caverne de brigands ; punir les assassins d'Ar-
Ep. 161 et chambaud, sous-doyen de l'église d'Orléans; secourir cette
i56. ( 21 et 24, église, dont les membres sont dispersés ; traiter avec clémence
hhu de Fr. 1! ^n jcunc homme nommé Daufin , chef des voleurs qui ont
XV.) pillé les évêques revenant du concile de Pise ; ne plus espérer
Ep. i36.(23, la réconciliation des villes de Crémone et de Milan, si l'on
dansleRec.des j^'emploic dcs movcns plus cfficaccs ; prononcer entre Phi-
iust. de Fr. t. ,. i -, •' r 'i ^ i' 1 a 1 ' 1
XV.) lippe et Hugues, concurremment élus a 1 archevêché de
Ep. 3i4. Tours , casser l'élection dt; Philippe , prendre en pitié celle
Ep. II, dans de Hugucs , et réprimer vigoureusement son rival ; protéger
Martène. ( 26 , Atton , évêque de Troyes , dont tout le tort est de n'avoir pu
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX. t6i
tolérer les desordres de son clergé; réserver Bernard des xii siècle.
Portes pour un évèché qui ne soit point en Lombardie : ré- ] 7~^ T~
' I n I i- ' 1' 1 1 11 ' ^' A 1 m ^ / dans le Rec. des
compenser la ndelite cl AdalJiei'on , eveque de 1 rêves , revo- hist. de Fr. t.
cjuer la sentence obtenue contre lui par l'abbé de Saint- xv.)-Ep. i5o.
Maximin ; ne pas souffrir que l'autorité épiscopale soit d^esilfs^de^r'^i
anéantie par l'abus des appels au saint siège; accueillir avec Rp. i52.(3o
bienveillance deux personnages qui ne sont point nommés dansieRcc.des
Eli désignés ; enfin , casser l'élection d'un cluniste à l'évêché '"*'• '^'^ ^''•)
de Lang-res, quoiqu'elle ait été confirmée par le roi, et pour ^P- '^' '^'
amsi dire consommée par la consécration de 1 élu. Nous dans Martène.
sommes obligxîs d'avouer que saint Bernard a montré quelque Ep. i55.
partialité dans cette dernière affiiire. Ce cluniste, qu'il ap- Ep. 176, 178,
pelle un monstre, en dérision aux médians, en horreur aux '79i i «.
gens de bien , avait obtenu l'estime de Pierre-le-Vénérable. dans^Mart. '
Aussi l'abbé de Clairvaux lance-t-il contre Pierre des traits Ep. 167, 164,
satiriques dont nous ferons mieux sentir l'injustice dans l'ar- 166. (5?, 34,
ticlc qui concernera cet illustre abbé de Cluni. Le démêlé 35,d^iisieRec.
,,7, . 1 n ' A 1 / 1 T 1 <->n 1 1 (leslust.detr. t.
sur 1 élection a 1 eveche de Langres est de 1 100, et, dans le xv.)-Ep. 169.
cours de cette même année, Bernard écrivit à Pierre trois
lettres fort amicales, où il le remercie de celles que Pierre Ep.14-,148.
a daigné lui adresser dans une terre étrangère. Mais ces trois 149-
lettres paraissent écrites d'Italie , et par conséquent anté-
rieures k l'affaire du cluniste élu évoque de Langres. Bernard
apprit cette élection eu xevenant en t'rance ; il s'arrêta à
Lyon tout exprès ]}our s'y opposer , et il écrivit de Clairvaux
au pape pour la faire déclarer nulle.
Deux autres lettres de saint Bernard contre la même élec- Ep. 16';.
tion sont adressées, l'une ta Falcon, archevêque de Lyon, Ep. i68.C56,
l'autre aux évêques et cardinaux de la cour de Rome. Quand lîfs"* af Fr'^ t*
labbé de Clairvaux recourait au souverain pontife pour une xv.)
afïtiire importante, il la recommandait en même temps à
quelque officier du saint siège. C'est ainsi qu'il écrit au chan- Ep. 160.
celier Aimeric sur l'attentat commis contre le prieur de Ep. 1^7.(25
Saint- Victor ; au même chancelier, et à Jean de Crème, car- dans le Rec. des
dinal prêtre , sur le meurtre du sous-doyen d'Orléans. Une xv.)
autre lettre à Aimeric encore est de pure civilité (a). Ep. 162,163.
Ep. 181.
(a) Ordre chronologique des lettres 4ii) m — iï8, 146, 3gi.Mart.
de S. Bernard, depuis ii'ii jus- i5 et 16.
qKen II 38. Ann. ii3i , ep. 8, 124, laJ.
Ann. ii3i ou 32 , ep. 126, 127.
Ann. ii3i — n38, ep. 98 — 107, Ann. ii32 , ep. 9, 10, 92—96,
Tome XIII. X
i6a SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX,
\ii SIECLE. Sous l'époque suivante, depuis ii38 jusqu'en 1 145, nous
trouvons quatre-vingt-seize lettres, dont dix. sont adressées ,^
soit à Louis-le- Jeune , soit à ses ministres, Josselin et Suger.
Ep. 170.(37, La première à Louis concerne Geoffroi, élu évêque de Lan-
«lansleRec.des „,,^g Cette élection n'était pas confirmée par le prince, qui
liist. de Fr. t. ï' . ^ . ^n - 11 1 1 ■ .. • i
X\.) avait, au contraire, ratine celle du cluniste , premier elu-
Bernard, en plaidant pour Geoft'roi, se permet de déclarer à
Louis VII que ce prince ne remplit pas les es[)érances qu'on
avait conçues de lui. Il nous est bien pénible, dit la lettre,
d'apprendre que votre conduite actuelle répond si mal à
votre début. On doit ici remarquer une circonstance cjui
honore beaucoup Louis-le-Jeune : c'est cju'après avoir reçu
une telle épître, il applaudit au choix cju'on faisait de Ber-
nard pour l'archevêché de Reims, et le pressa d'accepter cette
Ep. 29, dans dignité. Bernard la refuse dans une seconde lettre au mo-
dansleRec del n^ï'que. Pour comprendre les suivantes , il faut savoir c{ue
hist. de Fr. t^ Raoul , comte de Vermandois , voulant épouser Pétronille ,
XV.) parente d'Eléonore, reine de France, fit casser le mariage
qu'il avait contracté avec la nièce de Thibaud, comte de
Champagne. Les évêques de Tournai , de Laon , de Senlis
approuvèrent ce divorce, contre "lequel Thibaud et ses amis
réclamèrent vivement aupiès du pape. Louis VII craignant
de voir Raoul excommunié , s'était adressé à saint Bernard ,
et l'avait prié d'employer son crédit à prévenir cet anathème.
Ep.22o.(57, L'abbé de Clairvaux répond cju'il n'a pas tant de pouvoir,
dans le Rec. des ^^ g g'j[ l'^vait , il n'cu ferait point cet usa^e; il ajoute que
List, deti-.) , 1 . ^ 1 ' 1 ' ' 1 ' '•! 1 ^
le roi accumule pèche sur pecne, quil provoque le courroux
céleste. Le Texte Sacré, cjui représente Dieu comme formi-
dable aux potentats, est cité dans cette épître, comme dans
un très-grand nombre de celles c|ue Bernard écrit aux sou-
verains. Celle-ci se fait remarquer par des formes très-impé-
Ep.22i.(58, rieuses. Mais Louis, quelques mois après, en reçut une plus
3i3, 97. i55. 3Iart. 11.
Ann. ii33, ep. 129, i3o , i38 , Ann. 1 135 ou 36 , ep. i3o.
i58— ifi3. Ann. ii36, ep. 128, i54 , 176,
Ann. ii33 ou 34, ep. 119, 120, 178, 180, 101. Mart. 12 — 14,
121. 17 — 19; ep. i8i, 182, 254.
Ann. n34 , ep. 3i5,^i32, i33, Ann. iiij , ep. i5i , i45.
i34, 137, 253, i36, 3i4, i56', Ann. 11 38, ep. i47 ) i48 , i49 >
157. ^ i4i, 142, i44, 3i7, 319-322,
Ann. ii35 , ep. 27, 28, i3i , i35, i85 , i65 , 167 , 164, 166, 168,
i39, i4o, 143, 173, 3i6, i53, 169, 179.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLArRVACX. iG3
magtsti:iîe encore, où l'on s'a<?eusait d'avoir eu trop d'indnl- Xli SfECLE.
Ijeiioe pour sa jeunesse, et où l'on ne craignait pas de lui dans le Rec. dos
appliquer ce verset tl'un psaume : Si videhas fureni , currehas liist. de Fr.)
cuin eo , etcuui adultcris portioacin tiiani ponebas. C'est avec
autant de franchise et de véhémence que l'abbé de Clairvaux
et l'évèque d'Auxerre écrivent en commun au même roi, Ep.226.(63,
pour lui enjoindre de déposer les armes qu'il a prises contre f^ansleRecdes
Thibaud, et pour lui déclarer que, s'il persiste dans ses cri- "*'' *^ ^''
minels desseins, il ne devra pas leur reprocher sa ruine au
jour où Dieu vengera contre lui son église. En écrivant à Ep, 342.(5i,
Josselin , évêque de Soissons , et l'un des ministres de ['i'^^'f ^'^■<^"
T • i7Tr -^ T^ 1 /• ■ 1 I I- hist. deFr.)
JjOuis Vil , sanit Dernard tait beaucoup de comj)lnnens au
ministre, et fort peu d'élo£;es du monarque. Il cite, contre v^terraru
celui-ci, l'auteur sacré cjui déplore la destinée d'un peuple J"* "^^ P"*^'
soumis à un roi enfant. Cette lettre est de ii4i i et Louis
entrait dans sa vingt-troisième année. Il s'agissait de l'ar-
chevêque de Bordeaux , qui a\'^it déplu à la cour en consa-
crant un évêque de Poitiers sans le consentement du roi. La
«juerelle entre Raoul et Thibaud est le sujet d'une autre épître , Ep. 222. ( îg.
adressée en ii43 à Josselin et à Suger, lesquels, cette fois, dansieiiec.des
reçoivent une forte partie des réprimandes prodiguées à leur ^"*'' ^'^ ^'^'^
maître. Que de tels excès , leiu" dit Bernard , se commettent
nialgré vous , on ne saurait le supposer ; que vous les ayez
conseillés , il est affreux de le conclure. A la lin , cette ex-
trême liberté déplut à Josselin , qui invita l'abbé de Clairvaux
à se guérir de cet esprit de blasphème : Salutem in Domino
et non spiritwn blasphemiœ. En recevant cette leçon avec
ime humilité profonde, Bernard observe toutefois que l'in- Ep.223.(6e,
dignation de Josselin aurait pu éclater i)lus justement contre «^ansieRec.des
ceux qui loulent aux pieds 1 église; et tout-a-coup, de peur
qu'on ne prenne cette humilité pour de la faiblesse, il tonne
contre Louis avec plus de violence que jamais : c'est un
enfant dont la conduite, toujours puérile, est souvent cruelle;
qui bouleverse son royaume, dévaste l'église, profane les
choses sacrées , protège les impies , persécute les gens de
bien , et sacrifie les innocens. Cette plùlippique est pourtant
suivie d'une courte épître au même Josselin, épître la plus £p. 227.
suppliante que l'abbé de Clairvaux ait jamais écrite : il de-
mande une chose cm'il déclare difficile, il prie avec instance,
il implore la pitié d'un ami , la bonté d'un père ; la main du
Seigneur vient de s'appesantir sur lui , sa conscience le tour-
. mente, il s'est condamné à une dure prison. Quel est le sujet
Xa
i64 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR \^AUX.
xn SIECLE, (le ces supplications et de ce repentir? On l'ignore ; et lors-
qu'on suppose qu'il s'agissait des outrages dont il avaitaccablé
son roi, et dont celui-ci commençait peut être à se lasser,
Ep. 2^5. (64, c'est une conjecture extrêmement hasardée. Un dernier billet
ans eRpc.des ^ Josselin réclame pour le rétablissement de la paix de l'é-
hist. de Fr. ) ,. , • , ^ , , . . t^ ' ,
glise les soins et les talens de ce mniistre. Dans une lettre a
Ep. 'VSi.(6i, Suger, il est dit que cet abbé n'a siirement pas contribué aux
Ijiirde'i-Y^l'*" maux du royaume, mais qu'il y a des personnes qui les lui im-
putent; et que, pour démentir ces bruits, il fera toujours bien
de n'entretenir aucun commerce avec les ennemis de Dieu.
Le roi Roger s'était réconcilié avec te pape; il demandait
des religieux à Bernard ; il invitait le saint abbé à honorer
les Siciliens d'une visite. Aussi ce prince n'est-il plus appelé
le tyran de la Sicile; la gloire de son nom est au contraire
Ep.207,2oS, fort exaltée dans trois lettres qu'on lui adresse en ii3q.
^°v 9? Nous rencontrons, sous la même date, une lettre à Conrad,
devenu empereur; on s empresse de reconnaître son autorité,
en l'exhortant toutefois à obéir au pape, tout comme il veut
que ses sujets lui obéissent à lui-même : voilà quels rapports
entre la puissance civile et la puissance ecclésiastique éta-
blissait labbé de Clairvaux. En ii/ji et ii42, il écrit trois
lettres à Mélisende , reine de Jérusalem. Dans la première,
Ep. 206. il recommande un jeune homme, son parent, et donne à Ja
Ep. 354. princesse de très-édifians conseils. La seconde traite des de-
voirs qu'elle doit remplir en qualité de reine : elle venait de
Ep. 3S5. perdre son époux et son fils. La troisième n'est qu'une re-
commandation en faveur des Prémontrés.
Nous avons compté , sous l'époque précédente, vingt-quatre
lettres au pape Innocent; en voici trente depuis l'année 1 138
Ep. 2î3. jusqu'en 1 1/\3. L'une des plus remarquables est une vive ré-
clamation pour le cardinal de Pise, qui , après avoir soutenu
l'anti-pape, avait, en l'abandonnant, contribué à lextinction
du schisme , et qui néanmoins venait d'être , contre la foi
publique, déposé par le concile de Latran. Bernard, qui a
ramené ce cardinal à Innocent II, ne veut point passer pour
un traître; et c'est avec l'énergie la plus honorable cju'i! pro-
teste contre l'injustice qu'on vient de commettre. D'autres
Ep. 171,172. épitres au même pontife recommandent Falcon, archevêque
(41 et 42, dans fjg Lyoïi , digne du palliinyï ; Adalbéron , archevêque de
deFr ) *^' ^ Trèves, qu'il faudrait soutenir contre ses suffragans et contre
Ep. 177,323. l'abbé de Saint-Maximin; Pierre, l'un des trois sujets élus a
Ep. 212. l'évêché de Salaœanque, et celui qu'il conviendrait de pré-
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i65
fërer ; l'archevêque de Cantorbe'ry et 1 evêque de Londres ; Xil siècle.
l'archevêque de Cambrai, et Godescalque , a]>bé de Saint- Z
Martin eu Artois; l'archevêque et l'éghse de Reims ; Ulger, Ep.2i4.(38,
qui plaide contre l'abbaye de Fontevrault; Guy, abbé de «lansieRcc.des
Charlieu , en faveur duquel les évêques de Valence et de '%' * ^^'^ „
I I ^ 1 '• * ' ' ^ '■! * * Ep.2io,3i8.
Grenoble ont cleja prononce une sentence quil est urgent (4o,dansieRec.
de confirmer; Arnoul, évêque de Lisieux , menacé par un deshist.deKr.)
comte d'Anjou, persécuteur des hommes de bien; et les dé- e^ inS icta
pûtes de l'église d'Yorck , qui vont soutenir à Rome des droits Ep. 3/,8! ( 52,
méconnus par leur archevêque. Innocent est encore sollicité 'lansieRec. des
pour des indigens, pour un ami de Bernard, pour un gen- "p" |,g 3,
tilliomme qui entreprenait le voyage de Jérusalem. En plai- Ep. 35i.
dant pour Hugues, évêque d'Auxerre, et pour son doyen, Kp. 349.
l'abbé de Clairvaux s'excuse de tant d'impoi tunités : il ne 5'^' ?'
sait rien refuser à ses amis. On voit même qu'il épousait Épissy.fSo,
quelquefois avec légèreté des intérêts qu'il se voyait ensuite dansieRec.des
obligé d'abandonner. Par exemple, après avoir soutenu Al- ^'^'" '^®^'-)
vise , évêque d'Arras , contre l'abbé de Saint- Vast et contre
les moines de Marchiennes, il rétracta la satire qu'il avait
faite dfe ces religieux, et convint dans un concile de Lagny,
où elle lui fut reprochée , qu'il avait été trompé par Alvise.
Deux de ses lettres à Innocent concernent les comtes de Ep. 216,417.
Vermandois et de Champagne, Raoul et Thibaut. Thibaut i^^^ *■' ',^'??"*
, . .^ . '^^S p- 1 r • • leRec.desbist.
S était engage par serment a taire lever 1 excommunication deFr.)
prononcée contre Raoul : Bernard prie le vicaire de Jésus-
' Christ d'annuiler ce serment, et s'étonne c[ue Raoul , après
son divorce, trouve encore à Rome des protecteurs. Le pape
avait demandé des religieux à l'abbé de Clairvaux; l'abbé ré-
pond que, depuis son retour d'Italie, il a formé trois non- £„ J84.
veaux établissemens ; qu'il en va commencer d'autres; qu'en
conséquence , il ne peut envoyer aucun moine à Rome. Nous
avons déjà parlé de l'ingratitude d'Innocent II envers saint
Bernard : celui-ci ayant laissé distribuer aux pauvres les Ep. 218.
biens du cardinal Yves , conformément aux dernières vo-
lontés de ce légat , le souverain pontife , cmi les voulait pour
lui-même («),tit éclater contre l'abbé de Clairvaux beaucoup
(«) Amissa gratia Innocentii , quam tôt laboiîLus , tôt obsequiis me-
ruisset. Ivonis cardinalis legati bona , in causa , distributa paiiperibus ,
quœ pontifici forent reservanda ; et distributio iniputara Bcrnard'o diiplici
titulo : quôd distributor designatus in testamento , et quôd paupeium
causœ promotov vel ultroneus se ipsum gessisset. Difficile Innocentio
■ïisum est, inconsulto Bernardo jpatratum quidquani , et erat in eâ causa
iG6 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
xn SIECLE, tle mauvaise humeur. Sa Sainteté parla de l'abbé comme d'un
importun qui la fatiguait par l'indiscrétion de ses demandes
et par la multitude de ses lettres. Sur ce qui concerne l'ar-
gent du cardinal \ves, la justification de saint Bernard est
noble et concise : il n'a point conseillé ce legs; il n'a point
désiré d'être chargé de cette distribution ; il ne l'a pas faite
lui-même ; deux abbés l'ont exécutée sans lui et à son insu :
du reste, s'il n'est pas insensible aux dédains d'un pontife
dont il croyait avoir mérité la bienveillance , il ne s'en plaint
au'avec modestie et dignité. Nous n'avons plus à indiquer
autres lettres à Innocent II , que celles où il s'agit d'Aoai-
lard. Elles sont au nombre de cinq, en y comprenant celle
Lp. lyo. qui, à cause de son étendue, a été mise par Mabillon au
nombre des Traités. Bernard , tantôt en son propre nom ,
Ep. 189,330. tantôt au nom de plusieurs prélats, allume contre un théo-
( ^7 et /,8 , dans i^pjgj^ imprudent le courroux du chef de l'éelise. Voyez,
de Fr. ) - Ep. dit-il , commc les scandales se succèdent sans interruption !
191, 337. A peine est-on délivré d'Anaclet, qu'on voit s'avancer, après
ce /ion , un dragon , ou un autre Goliath. C'est en se com-
parant lui-même à David que le saint abbé raconte l%défaite
d'Abailard au concile de Sens : il ne veut pas qu'on reçoive
à Rome l'appel du faux docteur condamné par ce concile.
Toute indulgence est criminelle envers un présomptueux
qui pense sur la Trinité comme Arius , sur Jésus -Christ
comme Nestorius, sur le libre arbitre comme Pelage : il est
temps de s'armer du glaive. Innocent, déjà vainqueur du
lion, doit fouler aux pieds le dragon, ^ccingere gladlo tuo ,
concidcahis îeoneni et draconeni.
Saint Bernard a écrit à diverses personnes douze autres
Ep. 327. lettres contre Abailard. La première est une réponse à Guil-
laume de Saint-Thierry , qui l'avait exhorté à réfuter les er-
Ep. 336. reurs de ce théologien. Les autres sont adressées à un abbé,
Ei) i!i7.(/,6, ^^^^ évêques convoqués à Sens, aux prélats de l'éarlise ro-
«lansleRec. des . < i- ^i- ■ t • 1 11 ^ i i-
hist. deFr.) maïuc , a divcrs cardinaux individuellement, au chancelier
Ep. 188. Aimeric. Nous y lisons cju' Abailard est le précurseur de
?-P-^^''|\*' l'antechrist , un fabricateur de mensonges, un fauteur de
i<p' 193', 196! dogmes pervers, un hérétique dont il faut punir l'opiniâtreté.
'Ep.338.(/,9, Il est aussi question d\Abailard dans une épftre oii l'évêque
dans le Rec. des ^Je Constance cst prié de chasser ou d'incarcérer Arnauld de
h)st. de Fr. ) . '^
suspectiis sanctus, proprià quia pauperum , aut propriis praefercndâ
Bollaïui .Aiig. t. IV, p. 178.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 167
Bresse, Arnaukl, qui ne mange ni ne hoit, et qui, comme le xil SIECLE.
de'mon, n'a faim et soif que du sang- des canes. Un légat, Ep. i95.(/i4.
protecteur du même Arnauld, est aroèremeut réprimandé, 'ifisieùec. des
Toutes ces lettres sont de l'année i ido^ ffiii est aussi l'énociue '"*'•/'= ^^■)
11 /A 1 ■ 11 ^ > ,T 1 V. •'^ Homo est
de deux autres epitres dogmatiques, luneanugues de Sanit- neque mandu-
Victor, sur le baptême, l'autre aux. chanoines de Lyon, cans, neque bi-
contre la fête de i'immieuîée Conception. Nous retrouverons 'j^"*' *°'o'^"'«
la première parmi les 1 raites ; la seconde oppose a une nou- riens et siticns
veauté liturgique l'antique foi de l'église sur la tache origi- sangiiinem ani-
nelle de tous les enfans d'Adam. marum.
Guy du Châtel , l'un des cardinaux auxquels l'abbé de Ep! 1V4.
Clairvaux écrivait contre Abailard , devint pape en 11 43, Ep. 192.
sons le nom de Célestin II , et reçut du même abbé trois
autres lettres : la première, contre un Guillaume qui venait Ep. 2Î3.
de s'emparer du siège d'Yor.k, et qu'Innocent avait honoré
d'une faveur dont le scandale est ici exprimé bien énergique-
ment : Monstratur digito matris ecclesiœ turpitudo, patris
Imiocentii verenda irridentiir , revelata a seivo nequain\ la
seconde , contre Raimond , qui abandonnait sa fonction Ep. 359.
d'abbé de Morimond pour courir à la Terre Sainte ; la troi-
sième, contre les ennemis de Thibaut , comte de Champagne. Ep.:î58.(G5,
Six autres lettres sont adressées aux prélats de la cour de «lansleRec. des
Rome, et spécialement aux évêques cf'Ostie , de Frascati et '"''• •^•^f^'")
de Palestrine. L'une, écrite sous Innocent II, a pour objet Fp.2i9.(56,
l'interdit qu'on a jeté sur Ip royninne de France, afin de v"'j^p?"{^"
soutenir contre Louis VII le comte de Champagne et Pierre '*^ ^ '
de la Châtre , élu h. l'archevêché de Bourges. En se plaignant
de cet interdit comme d'une mesure trop sévère, saint Ber-
nard n'en conteste pas la justice ; il demande plus d'indul-
gence pour le coupable monarque. Une seconde lettre , écrite Ep. 224. (62,
en ii4^à Étiennede Palestrine, contient la plus amère satire f'^nsieRecdes
de la cour de France. Dans les quatre autres de ces épîtres '"*'" ^^ ^"^'^
il s'agit du diocèse de Metz, dévasté par Mathieu, duc de Ep.23o.(6f>,
Lorraine; des abbés de Saint-Chaffre et de Lagny; enfin de ''<;'"» '"^i^^c. des
ce Guillaume, archevêque d'Yorck , contre lequel l'autorité '"e '^282
de Célestin a déjà été si ardemment invoquée. Ep. a3i!
La correspondance avec les évêques de France et d'Angle- ^P' *^^'
terre consiste ici en neuf lettres : une à Falcon , évêcîue de Ep. 173.
Lyon, pour l'informer qu'on a écrit en sa faveur à Inno-
cent II ; une à Ulger d'Angers , sur son différend avec l'ab- Ep. 200.
baye de Fontevrault ; une à Atton et au clergé de Troycs Ep. 2o3.
contre un sous-diacre qui voulait se marier e*; prendre le
Xn SIECLE.
Ep.
Ep.
357.
2o5.
341,356,
Ep.
202.
168 SAINT BERNARD, ABYSÈ DE CLAIRVAUX.
parti des armes : 7iec clerici est pugnare armis nnliiaiihus ,
nec suhdiaconi iixorem duccre ; une à l'évêque de Rochester,
sur le séjour de Robert Pullus à Paris; trois de pure amitié
à Malacliie, prélat d'Irlande; une au clergé de Sens, pour
l'engager à ne point précipiter l'élection de l'archevêque ; une
Ep. 36i. enfin \ Thibaut de Cantorbéry, pour solliciter, en faveur de
Jean de Sarisbéry , les plus prompts secours pécuniaires :
Providete ei unde honesth , immo honorahditer vwere possit ;
sed et hoc 'velociter, quia non liahet qub se vertat.
Les affaires ecclésiastiques et politiques occupaient telle-
ment saint Bernard , que nous ne trouvons , sous cette époque ,
cpie quatorze lettres écrites par lui à des moines ou pour des
Ep. 4iOi intérêts de moines. Il recommande à Gilduin , abbé de Saint-
Victor, et à sa communauté, un théologien qui est devenu
Ep. 201. célèbi'e sous le nom de Pierre Lombai'd. Il donne des con-
Ep. 324, 323. ggiis \^ Bauduin , abbé de Riéti , et h Robert, abbé des Dunes,
Ep. 27, dans qui fut dcpuis son successeur à Clairvaux. 11 entretient l'abbé
iMaitL-ne. ( 43 . (fe Hautecombe du projet d'établir en Sicile une colonie de
dans le Rec. des j.gijpigux : il Suffirait de profiter de l'occasion qui s'offre par
le mariage du fus de Roger avec la fille du comte 1 hibaut.
Ep. 204. Il témoigne à l'abbé de Saint-Aubin un grand désir de le
Ep. 345. voir. Il blâme les religieux de Saint-Anastase , qui, sous le
prétexte de l'insalubrité des lieux qu'ils habitent, ont recours
à la médecine; c'est, aux yeux de Bernard, un outrage à la
pureté de la vie monastique. Species emere , quœrere medi-
cos , accipere potionee , religioin indecens est et contrariwii
puritati; maximeque ordinis nostri nec honestati congruit,
Ep. iSG. nec puritati. Il recommande les religieux du monastère de
Vaucelles à Simon , fils du châtelain de Cambrai , et le prie
Ep. 197. de confirmer une donation faite par son père. Il prescrit à
Pierre , doyen de Besançon , qui avait maltraité l'abbé de
Ep.353,35o. Charlieu, de ne plus persécuter les saints. Il console Guil-
laume, abbé de Rieval, qu'affligeait l'ordination d'un arche-
Ep. 233. vêciue d'Yorck dont nous avons déjà fait mention. Il répri-
mande Jea-îi, abbé de Rusai, qui déserte son abbaye pour
vivre dans la solitude. Cette lettre s'annonce comme la troi-
sième au même personnage , et sur le même sujet ; mais les
deux premières sont perdues. Un religieux de Dijon avait
Ep. 234. écrit contre Bernard : Bernard intercède pour ce religieux
auprès d'Herbert, abbé de Saint-Etienne. Nous terminerons
ce qui concerne cette avant-dernière époque , en indiquant
Ep. 228. ïi"*? lettre fort amicale et fort polie que Xixbhé de Claii'vaux
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 169
écrivait eu ii43 à l'abbe de Cluui , Piene-le-Ve'nérable (a). ^H SIECLK.
Entre cent quarante-deux ëpîtres que nous avons réser- '
vées pour la dernière époque , il y en a trente-deux dont la
date n'est point connue. Quelques-unes pourraient être an-
térieures à l'année i il\5 ; mais, en général, nous les croyons
mieux placées sous le pontificat d'Eugène III. Voici , au sur-
plus, en .quoi elles consistent, et à qui elles s'adressent.
A deux époux, pour les exciter à faire l'aumône; à des Ep. i, dam
amis, sur les progrès qu'ils ont à faire dans la piété, sur '^a'"'*"^-
^ , , ,. r p ^ . ' . , X ' . Ep. 20, 34,
ceux qua deja taits un certain Etienne, sur des services 4, 9 et 23, dans
demandés , rendus ou à rendre. Ce que vous desirez , dit Martùuo.
Bernard dans l'une de ces lettres , je l'ai fait , quoiqu'il ne me
convienne guère de me mêler d'un tel genre d'affaires ; car
que m'importent vos propriétés, vos projets, vos mariages.^
Deux billets qui n'ont d'autre but que de recommander les Ep. 6 , dans
personnes cfui les portent, mais dans l'un desquels nous Maitene.
* i, * . T1 7^ .. tp. liUl.
remarcjuons le mot manerics, avi lieu de rnoaus , pour signi-
-lîer manière. Un autre billet à un juge, dont le zèle pour Ep. 5, dan»
l'abbaye de Fontevrault s'est refroidi. Réponse à un homme ^'^"'^"'=-
i imputait à Bernard la mauvaise distribution des aumônes Ep. 416.
u comte de Champagne ; le saint abbé déclare qu'il n'en
est point le dispensateur. Réponse à l'archidiacre d'Orléans, Ep 4o3.
ui voulait savoir si un baptême conféré au nom de Dieu et
e la vraie croix était valide ; Bernard le juge tel , et l'on
doute de l'authenticité de cette réponse, qui n'est point
conforme en effet à la doctrine reçue dans l'église. Lettre au Ep. 21, dans
prieur de Clairvaux, en lui adressant un jeune homme qui Manène.
veut embrasser l'état monastique ; à des abbés ou supérieurs ^P- ^^ et \i,
dans Martène.
(a) Ordre chronologique des épîtres Ann. ii4i. Ep. 356, 198, 199,
de S. Bernard^ depuis l'an iiSg SSg , 349 , 35o, 35 1, 346, 347,
jusqu'en ii45. 342, 348, 188, 197, 353.
Ann. ii4i ou 42. Ep. 216 , 217.
Ann. 1 1 39. Ep. 170, 214. Mail. 29. Ann. 1142. Ep. 218, 219, 357,
173, i83, 207, 208, 209, 323, 206, 354, 355.
177, 2i3, 212, 211, 210, 3i8, Ann. 1142 ou 43. Ep. 220.
334,325,327. Ann. 1143. Ep. 221, 222, 223,
Ann. ii39 ou 4o. Ep. 171, 172, 38i , 224, 227, 228, 235, 236,
Mart. 27. 195. 359, 36o.
Ann. ii4o. Ep. 174,77,186,215, Ann. ii43 ou 44- Ep. 226, 201,
340, 184, 187, 189, igo, 191, 23i — 234,410.
330,337,19a, 193,331, 196, Ann. 1144. Ep. 202, 225, 358,
332-336, 338, 200, 2o3, 204, 36(.
2o5, 345, 341. Ann. 1144 ou 45. Ep. 23o.
Tome XIII. Y
r
es
3:
i-o SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
xn SIECLE, qui sont pries de recevoir avec bonté des religieux fugitifs:
En. 400, 406, ^ d'autres abbés , afin qu'ils admettent dans leur com-
408, 417. (24, munauté des novices trop délicats pour supporter les austé-
dansMariene. j,j(-^g jg Clairvaux ; à un abbé, contre un moine qui se
Ep.aëtaa^saiis dispense de la règle sans nécessité; à un reclus, pour lui
n° [*] ) , dans conseiller de fermer aux femmes l'entrée de sa cellule ; à
M^tcne. deux jeunes gens qui ont promis d'entrer à Clairvaux, et
Ep. 404. q^i ^^ remplissent pas cet engagement ; à Baudoin , abbé
Ei).4i2,4i5. de Chàtillon -sur-Seine (<?) , qui craignait mal-à-piopos
Ep. 401. d'avoir offensé saint Bernard ; à Otlon, abbé de Beaulieu,
Ep. 407- q^^[ n'a p^ig rendu un dépôt : il eût mieux valu vendre les
vases sacrés ; à un évêc[ue , pour lui recommander les intérêts
Ep. 3, dans d'uu mouastcre ; à l'évéque de Troyes Atton : il est vivement
Maricne. repris ))our avoir conféré la dignité d'archidiacre cà un
Biar'ine.' enfant ; à l'archivéque de Lyon , plus coupable encore : il a
Ep. 3g4. déposé, condannié illégalement fabbé d'Aisnay; à Rorgon,
Ep. 40g. seigneur d'Abbeville : il est prié de donner à des moines une
terre inculte , dont il ne tire aucun profit. Enfin l'on ne sait
"Tp. 28, dans à qui cst adressée une recommandation en faveur de l'abbé
Maricne. j^ p.^j,f.,
La plupart de ces lettres sans date sont, comme on voit,
du nombre de celles que nous avons appelées monastiques.
Le même caractère appartient à une vingtaine de celles que
nous distribuerons entre les neuf dernières années de la vie
de l'abbé de Clairvaux. En 1 1 4^ 1 Bernard des Portes , et les
Ep. aSo. chartreux dont il est le prieur, sont exhortés à s'humiher
devant Dieu ; c'est le profit qu'ils doivent tirer du refus que
fait le pape de confirmer l'élection de l'un d'eux à un évêché.
L'humilité est aussi recommandée, en ii4<), à la pieuse
Ep. 366. Hildegarde. Geoffroi de Perronne qui se voue au cloître est
Ep. 109,110. loué de cette résolution, et ses parens en sont félicités. Vers
Ep. 382, 383, les mêmes temps , quatre lettres sont adressées soit aux
384,385. moines de Saint-Bertin , soit cà leur abbé Léonins: il est
queslifon, dans l'une, du moine Thomas qui a fait vœu de
venir à Clairvaux, et qu'il n'en faut point empêcher. Une
[*] Cette lettre n'étant point nunîérotée dans la collection rie Martène,
le n" xxn y est appliqué à l'épître que nous appelons la 23*"; la même
différence a lieu à 1 égard des suivantes , jusqu'à la 36*^ qui porte , chea
Martène , le n" xxxv.
(a) Ce Baudoin est le même qui fut ensuite évèque de Noyon , et auquel
est adressé le billet de recommandation, ep. 402.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 171
épttre à ce Thomas lui-même est destinée à l'affermir dans xii SIECLE.
ce dessein ; et il s'agit aussi de ce religieux dans une missive "eJTios!
a l'evêque d'Arras , Alvise , qui voulait que Thomas, reçu à Ep. 395.
Glairvaux, fut renvoyé à Saint-Bertin : « Si je ne craignais,
« dit Bernard , de manquer au respect dû à un évêque , je
« vous dirais comme aux cnfans de Zébédée : vous ne savez
«ce que vous demandez.» Bernard, en 11 48, console les Ep. 374. .
religieux d'Irlande, qui pleurent la mort de Malachie. Dans
le cours des années 1 149 ^i i i5o , il écrit à Pierre le Véné- Ep. 265, 267.
rable cinq lettres polies, modestes et même amicales : il 387,389,364.
T^ .1 T . . . 1 (94 1 dans le
joarait que certAnis mots dune lettre cjui ne subsiste plus Rec.desList.de
avaient pu offenser l'abbé de Cluni ; Bernard lui en demande Vr.)
excuse, et en rejette la faute sur ses secrétaires, qui, dit-il,
saisissent mal sa pensée, et se permettent des expressions
qu'il effacerait, s'il avait le temps de revoir ce qu'ils écrivent:
mais, dans la suite, il relira toute épître que Pierre devra
recevoir. Quelque curieux que soient ces détails , la plus im-
portante de ces cinq lettres est celle où l'abbé de Cluni est Ep. 564.
invité à l'assemblée qui va se tenir à Chartres , et dans
laquelle on doit proposer une nouvelle croisade , pour répa-
rer, s'il se peut, les malheurs de l'expédition de ii47- Un
religieux de Chésy , admis à Clairvaux , donne lieu a une Ep 2^3.
lettre écrite vers ii5o à l'abbé de Moutier-la-Celle. C'est
aussi l'époque de celle où Bernard intercède auprès de Guy, Ep. 297.
abbé de Moûtier-Ramey , pour un religieux fugitif, et peut-
être encore de celle où il entretient le même abbé de l'office Ep. 398.
divin et du chant ecclésiastique, en lui envoyant un hymne,
deux sermons et douze répons , composés par l'abbé de Clair-
vaux, à la prière de Guy, pour la fête de Saint-Victor. Des
plaintes de l'abbé de Prémontré contre Bernard obligent
celui-ci de rappeler tous les services qu'il a rendus aux Pré- Ep. 2 53.
montrés. Nous avons parlé de l'abbaye de Cherval , fondée
près de Milan par saint Bernard : Brunon, qui gouvernait
cette abbaye , s'était choqué de quelques avis cnaritables que
le respectable fondateur lui avait donnés ; cette mauvaise
humeur de Brunon lui attii^a , en iiSa, une réprimande Ep. 281.
beaucoup plus sévère, moins pourtant que celle qu'adressa
Bernard, en 11 53, à un séculier qui voulait empêcher un Ep. 292.
de ses parens de se faii'e moine.
Un moine , prédicateur sans mission , excitait les peuples
à massacrer les juifs : c'est pour mettre fin à ce désastre que „ ,gg
Bernard écrit à l'archevêque de Mayence. Il recommande à Ep' 263.
Y2
1-72 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, l'evêque de Soissons les intérêts de l'abbé de Chézy. D'autres
lettres aux évêques n'ont plus rien de relatif aux monastères»
Ep. 426- On a inséré, parmi ces lettres, une charte de 11 45, sous-
crite par l'abbé de Clairvaux , en qualité de médiateur, entre
Hugues, évêque d'Auxerre, et le comte de Nevers. De plus
Ep. 372, 425, véritables épitres , adressées à Pierre, évêque de Palenza en
3si2, 393. Espagne, à l'evêque de Lucques, à Raoul, patriarche d'An-
tioche, à Guillaume , patriarche de Jérusalem , n'ont presque
d'autre objet que d'exposer à ces prélats les avantages de
l'humilité : elle doit couronner et garantir les vertus épisco-
pales ; par elle seule, on est rassuré contre les chûtes : hu-
militas non habet undè cadat. On voit qu'ici le mot humilitas
est ramené à sa racine humus ; quand on est à terre, on ne
Ep. 272. craint pas de tomber. L'evêque de Laon est invité à se ré-
concilier avec le porteur d'une lettre que Bernard lui écrit
Ep. 390. vers liai. L'année suivante, le saint abbé remercia Eskile,
évêque de Lunden, de l'amitié que ce prélat lui témoignait :
Eskile méditait en secret de se retirer à Clairvaux.
Lorsquen 11 45, les cardinaux et les évêques de Rome
eurent élu pape l'abbé de Saint-Anastase , Bernard leur en
Ep. 237. exprima sa surprise. « Qu'avez-vous fait ? C'est un solitaire ,
Rustiramim, ^^ ^^ villageois, un homme obscur que vous chargez de pré-
« sider les rois , de régler les destinées des royaumes et des
« empires'. » Ad prœsidenduin regibus, ad régna et imperia
disponenda! En traçant ici le tableau des fonctions pontifi-
cales, l'auteur y comprend celle d'enchaîner les rois de la
terre; et il emprunte, pour la désigner ou pour la peindre,
ces paroles du psaume : Ad aUigandos reges eorwn in com^
pcdibus et nohiles eorwn in mauicis ferreis. Bernard craint
que son ancien disciple ne succombe sous le poids de ces
Ep. 3C2. grands devoirs. Il conjure Robert PuUus d'aider de ses con-
Ep. 2.',3. seils le nouveau pontife. Il rapjx'lle à l'obéissance les Ro-
mains , qu'Arnauld de Bresse a soulevés contre Eugène. II
Ep. 367. s'intéresse pour l'evêque de Metz auprès du chancelier Guy,
Ep. 368. personnage distinct d'un cardinal Guy qu'une autre lettre
remercie des vases sacrés dont il a fait {)résent à l'église de
Ep.295,296. Clairvaux. Guillaume Passavant, évêque du Mans, est re-
commandé, tant au cardinal Henri cpi'à l'evêque d'Ostie.
Cinq autres lettres à ce dernier roulent sur differens sujets :
Ep. ?.o^. l'une est une apologie modeste et tant soit peu chagrine ;
Ep. 27/,. une seconde rétracte une recommandation que l'on a surprise
à Bernard en faveur d'un neveu de l'evêque d'Auxerre. Les
SAINT BERNARD , ABBÉ DE CLAIRVAUX. 173
deux suivantes recommandent Odon, abbé de Saint-Denis, ^n SIECLE,
et Henri, évêque de Beauvais. La cinquième offre le tableau £0.287,30'-".
des dére'glemens du cardinal légat Jourdan des Ursins : cet (106, dans le
homme apostolique sème, non l'évangile, mais le sacrilège. J^'^p,'^-.*^* ^'"''
Ovines ecclesias mr apostolicas reple<.'it non evangelio , jp. ,00
sed sacrilegio : turpia fertiir uhiqiie commisisse, spolia ecclesi- (no, ibicl.y
arum asportasse , forniosulos pueros in eccJesiasticis honori-
bus , ubi potuit , proinovisse , uhi nonpotuit, voluisse. Multi
se redemenint ne veniret ad eos ; ad quos peivenire non po-
tuit, exegit et extorsit per nuntios. In scholis , in curiis , in
tm'iis se ipsum fahulam fecit. Cette pièce et quelques-unes
des précédentes sont de 11 53, aussi bien qu'une épître à Ep. 302.
deux légats apostoliques, pour défendre la cause de l'évéque
de Mayence , qui pourtant fut déposé.
La première lettre à Eugène III est de félicitation , ou plu- Ep. ass.
tôt de condoléance, sur son exaltation. Elle se termine par
des plaintes au sujet de Guillaume , usurpatevir du siège
d'Yorck , plaintes reproduites dans trois autres lettres de Ep.23o, 240,
Bernard au même pape. Il lui dénonce aussi l'élection ré- ^^^
cente d'un évêque de Rhodes , lequel est peint des plus dans le Rec. des
noires couleurs et dans cette lettre et dans celle qui est iiist. deFr.)
adressée à l'évêqiie de Limoges , chargé par Eugène d'exa- Ep. 329.
miner cette élection. L'une des épîtres écrites au nouveau Ep.309. (70,
pontife en ii45, contient un très-gi-and éloge de Suger. tiansieRec. des
Rualenus a été, malgré lui, élu pour succéder à Eugène dans '"*'' ^^ ^'•^
la dignité d'abbé de Saint-Anastase : Bernard demande que Ep. 258.
Rualenus ne soit pas contraint de l'accepter; mais le pape
veut que l'élection ait son plein effet , et Bernard applaudit Ep. 259.
à cette sentence : il conjure même Rualenus de ne ))oint ab- Ep. 260.
diquer sa fonction d'abbé. Ailleurs, le pontife est fort loué Ep. 245
et
de ce qu'il refuse au roi de France la grâce d'Hélie, évêque ^4^- (7^ et 7/5,
d'Orléans ; il est invité à se guérir des préventions injustes ],j'"t* jg py\ ^*
qu'il a conçues contre Samson , archevêque de Reims, et à Ep.247.(75,
se défier, au contraire, de l'évéque de Séez, prélat astucieux '^"'^•)
qui veut substituer des chanoines séculiers a des réguliers. //,,,/)' ^^ '
On s'intéresse aiqjrès d'Eugène pour le prieur de la Chaise-
Dieu, qui vient d'être élu évêque de Valence en Dauphiiié; Ep. 249.(77,
pour Pierre-le- Vénérable , qui se i-end à Rome; pour un '•^''•)
frère Philippe, qui jadis a suivi le parti de Pierre de Léon , ^p" 257.
mais qui en fait pénitence à Clairvaux ; pour les moines de
la Baume, qui ont aussi expié la foute quils avaient commise Ep, 25r.
envers le saint siège; pour l'abbé de Samt-Urban, trop puni
174 SAINT BERNARD, ABBii: DE CLAIR^'AUX.
XII SIECLE, par l'excommunication du tort qu'il a eu d'admettre dans sa
Ep. 261. communauté un chevalier du Temple ; pour les religieux de
Ep. 262. ]\ïoussoii, victimes de la puissance et du crédit de leurs voi-
sins. 11 est à remarquer que, dans l'une de ces lettres, savoir
dans celle qui concerne l'abbé de Saint-Urban , le pape est
Litteras à c[ualifié de majesté. En 1 1 5o , il est supplié de terminer , entre
vestra mnjcs- j^j, j^Qi^gg jg Gimy et ccux du Miroir , un différend que
Ep. 261. Pierre-le-Venerable na pu concilier, ba baintete est avertie
Ep. 283. qu'induite en erreur. Elle vient d'élever un sujet indigne à
Ep. 26S. ^jj^ poste éminent. Elle est remerciée de la lettre qu'Elle a
bien voulu adresser au chapitre de Cîteaux , et qui a comblé
(le joie tous les membres de cette assemblée ; seulement on
Ep. 273. regrette que, devenu cardinal évêque d'Ostie, Hugues soit
enlevé à 1 abbaye de Ti^ois-Fontaines. C'est encore en ii5o
Ep. 236,(95, que le pape est informé du projet d'une nouvelle croisade,
WsT liè^FT S*^^^ résolue dans l'assemblée de Chartres, et dont Bernard doit
Ep. 278 et ttre le chef. Deux fois l'abbé de Clairvaux sollicite La bien-
ioS. (<)7etioi, veillance d'Eugène pour Henri, évêque de Beauvais, frère de
îifsT de^Fr i*^" Louis-le- Jeune : mais cette recommandation est peut-être
Ep. 269. celle qui est désavouée dans une lettre de la même époque.
Ep. 270. Une avitre épître parle des troubles qui agitaient la grande
Chartreuse, et de ceitains moines indociles que le pape a
eu le tort d'accueillir. Hugues, évêque d'Auxerre, a fait, au
profit de son neveu , un testament dommageable à l'église :
Ep. 276. le saint père est prié de le casser : mais , de plus , pour rem-
( 100 , dans le placer Hugucs, il V a eu double élection; et rejetant les deux
Rec. des hist. K, t-i < i" ' J • • 1' i ' •
deFr.) élus, Eugene a charge des commissaires den designer un
Ep.275.(99, troisième. Ces commissaires sont au nombre de trois, et
'*"'^) saint Bernard, l'un d'eux, a nommé Alain, qui a aussi ob-
tenu un second suffrage : le dernier lui manque, et Bernard
voudrai! que le souverain pontife y suppléât en confirmant
Ep. 298,284. les deux premiers. Il s'agit, dans deux autres épîtres , de
{ loi, ibid.) TinfidéUté de Nicolas, secrétaire de l'abbé de Clairvaux:
Nicolas a supposé des lettres ; il s'est enfui , ernportant de
l'or, de l'argent , et trois cachets ; Bernard est obligé de
Kp- 291. changer son .sceau. Les dernières lettres à Eugène recom-
(102,^^/^/.) niandeut Guillaume Passavant, évêque du Mans, l'évêque
Ep!^285^èt d'Arras, l'église de Saint-Eugende , depviis Saint-Claude , et
286. ( io3 et l'abbé de Saint-Denis, Odon.
109 , dans le Maintenant , si nous rassemblons les lettres adressées aux
deFr.) princes par l'abbé de Clairvaux sous le pontificat d'Eu-
Kp. 2/,i.(7i, gène IIÎ, nous rencontrons d'abord celle qu'il écrivit eu
ihicl.
SAINT BERNARD , ABBE DÉ CLAIRVAUX. 176
ii45 à IJrlefonse, comte de Toulouse : envoyé par le saint >^I1 SIECLE,
sie'ge en Languedoc , pour y combattre l'hérétique Henri ,
disciple de Pierre de Bruis , Bernard annonçait cette mission
à Ildefonse. Quand elle fut terminée, il exhorta les Toulou- Ep, 242. (8/1,
sains à conserver la pureté de la foi, remerciant Dieu, crui dans le Rrc. des
avait jjcni son voyage et son retour. Lepitre ou 1 empereur £ ^44.
Conrad est prié de soutenir Eugène contre les Romains ré-
voltés, est cfe 1 146, ainsi que la lettre encyclique où la croi- Ep. ^63.(79,
sade est prêchée au peuple et au clergé de France. Les vassaux, dans ic Rec. des
d'Ida, comtesse de Nevei-s , tourmentaient les moines de Ve- '^'*"" '^^ ^""^
zelai : il la supplie de mettre un terme à ces vexations. Il Ep. 375.(85,
sollicite la bienveillance de la sœvir et de la tante du roi de ''"^'O
Castille, pour des religieux établis en Espagne, au nombre ep 35 'dans
desquels se trouvait son frère Nivard. Une lettre à Louis VII laCoU.deMait.
concerne un seigneur breton excommunié pour cause d'adul- Ep. 303.(92,
tère. Dans une autre , le monarque est exhorté à confirmer '''"')
l'élection d'Alain , cfue l'église d'Auxerre vient de choisir pour Ep. 282.
son évèque. Une dernière parle de Robert , frère du roi : (io5,/foV/.)
Bernard, C{ue Robert est venu visiter, espère que désormais Ep. 304.
ce prince se conduira plus sagement qu'il n'a fait jusqu'alors. ('"7i *'>•'•)
Le saint abbé presse le comte d'Angouléme d'exempter ccr- ^'' '^^^'
tains moines d'un impôt que ce comte exigeait d'eux. Thibaut,
comte de Champagne , songeait à pourvoir de bénéfices ec-
clésiastiques son fils Guillaume, encore enfant : Bernard ne Ep. 271.(98,
veut pas seconder ce dessein. J'offenserais Dieu, répond-il j'-;»'''*' Rec. des
à Thibaut, et je compromettrais le salut de votre lils. Ce "^ ^ '
jeune Guillaume n'en devint pas moins archevêque et car-
dinal. Un autre fils de Thibaut lui succéda en qualité de
comte de Champagne , et c'est à lui que l'abbé de Clairvaux
demande, en ii5i, la réparation des dommages causés à Ep. 275.
l'abbaye de ChatiUon. Mathilde, comtesse de Blois, était af-
fligée de la conduite peu respectueuse de son fils : Bernard Ep. 3oo.
s'applique à la consoler; il s'efforce d'espérer la conversion
de ce j'eune seigneur. Ecrivant en 11 53 à Mélisendc , reine . Ep. 289.
de Jérusalem, il l'entietient des dcAoirs qu'elle doit remplir
comme veuve et comme souveraine. Bernard , en cette der-
nière année de sa vie, songeait encore h la conquête des lieux
saints, ainsi qu'on le voit par une lettre qu'il adressait alors Ep. 3o8.
au roi de Portugal, Alfonse.
Nous avons, sous les années 11 46, ii47i ii48n ii49 t't
ii5o, neuf lettres à Suger; mais la première n'est qu'une
copie d'une épître à Louis Yll pour le dissuader de donner r,j,.37i.(78.
176 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
1 sa fille en mariage au fils de Foulques , comte d'Angers ;
dans le Rec. des mariage illicite , selon saint Bernard, parce qu'il y a parenté.
"r' tr "^Ver Sugcr cst loué , daus la seconde et dans la troisième, de la
E)). 369. (86, b '•! • , r V 1 r ' c • . /- - ^ i 1
ibùi.) reiorme quil vient d établir a bainte-Genevieve, ou des cna-
Ep.370. (87, noines réguliers ont remplacé les séculiers; dans la qua-
'"t.- î a rc« trième, du soin qu'il a pris de donner du blé à des religieux
hp. 378.(88, . ^ .1 . f ,, o . ,
ibicL) qui manquaient de pain ; dans une autre, de son zèle éclaire
Ep.377.(9i, pour le bien public, et spécialement du dessein qu'il a conçu
' ' ■ ) d'assembler les états généraux. Ailleurs , Bernard l'implore
Ep.379.(89, çn faveur d'un abbé indigent, et le prie d'empêcher un duel
' " '^ entre Henri, comte de Champagne, et Robert, frère du roi.
Ep.376.(9o, Suger a bien assez de puissance pour désarmer ou contenir
' "■) de tels rivaux; il est lui-même un très-grand prince dans le
royaume. Ouia maximus prmceps estis in regno. Ailleurs
Ep. 380.(93, encore il lui dépeint fétat déplorable de l'église d'Orient, et
^^'^"^ nr , r ^^ Drcssc d'v porter remède. Dans la dernière lettre, Su^er
ibid.) mourant est exhorte a se détacher des intérêts de la terre et
à se préparer à la vie nouvelle qui va s'ouvi'ir pour lui.
Bernard lui-même s'avançait aussi vers le terme de ses
Ep. 307. travaux. Dès 11 Sa, dans une lettre à l'évêque d'Ostie que
nous avons indiquée plus haut, il se dit attaqué d'un mal
Ep. 304. incurable, et annonce qu'il ne peut aller loin. La dernière
de ses lettres à Louis-le-Jeune contient des remerciemens
pour l'intérêt que ce prince veut bien prendre à la maladie
de l'abbé. Mais nous avons réservé, pour terminer la liste
de ses épîtres , celles dont cette maladie semble être le prin-
Ep. 3o,dans cipal sujet. En répondant cà un ami qui lui avait envoyé un
laCoil.deMart. ouvrage Utile et canonique , Bernard écrit qu'il revient des
portes du tombeau; mais il ajoute que sa santé, dont on dé-
sespérait, commence pourtant à se rétablir; et c'est à^peu-
Ep. 26, dans près dans les mêmes termes qu'il parle de l'état de ses forces
laCoii.dcMait. .\ ^^j^g autre personne qui en était inquiète : mais bientôt le
danger devint imminent , et il l'envisagea sans faiblesse. « Je
Ep. 288. « suis une victime qui va être immolée; je n'ai pas long-
« temps à vivre » , (fit-il à son oncle , André , chevalier du
Temple, qu'il souliaite ardemment de revoir, et dans le sein
duquel il verse la douleur dont les désastres de la croisade
Ep. 3io. l'ont navré. Dans une lettre qvi'il adresse à Arnoul de Char-
tres, abbé de Bonneval, et qui peut-être est la dernière qu'il
ait écrite, il rend un compte détaillé de faffaiblissement de
ses organes : le sommeil a fui de ses yeux , son estomac ne
supporte plus les alimens solides , ses jambes et ses pieds
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 177
sont enfles; il désire que sa délivrance ne tarde point : voilà XII SIECLE.
désormais ce que ses amis doivent demander pour lui à l'ar-
bitre de la vie et de la mort [a).
Telles sont les lettres de saint Bernard. Les de'tails dans
lesquels nous venons d'entrer pour en rendre comjîte , ont
pu sembler fort arides ; mais s'ils retracent la vie de l'illustre
abbe', s'ils font connaître ses relations, ses opinions, ses ha-
bitudes ; s'ils manifestent et caractérisent son influence sur
les institutions monastiques, sur les affaires de l'église et de
l'état; s'ils le mettent en contact avec la plupart des hommes
puissans et des hommes célèbi'es de son temps ; s'ils donnent
une idée précise de son activité , de son zèle , de ses lumières
et de ses mœurs, nous avons du les préférer à des considé-
rations générales, dont nous n'aurions pu garantir aussi bien
ni la justesse ni l'utilité. C'est dans ces épîtres qu'on voit
immédiatement, et pour ainsi dire en face, l'apôtre et le ré-
formateur de la profession religieuse , le défenseur des
croyances uaivei^seîlement reçues , l'ami des papes et leur
conseiller quelquefois sévère; plus souvent le censeur des
rois, et presque leur juge; par-tout un moine humble et
(a) Suite de l'ordre chronologique des Ann. ii49 ou ii5o. Ep. 3o3.
épitres de S. Bernard. Ann. n5o. Ep. 387, SSg , 38o ,
364 > 253 , 256 , 266 , 268 , 273 ,
Ann. n45— ii53. (Mart. 1—7, 9, 28.3, 293, 296, 296 , 297, 398,
20 — 23, 23, 28, 32, 34.) Ep. 299.
394 , 399— ^og, 412, 4i5, 4i6, Ann. ii5o ou ii5i. Ep. 278.
417. Ann. ii5i. Ep. 270, 271 , 272,
Ann. 1143. Ep. 237,362, 238, 273,276,279,305,269,298,
239, 25o, 258, 239, 260, 328, 3o6.
329, 309, a4i , 4a6. Ann. ii5i ou ii52. Ep. 294, 284.
Ann. 1145 ou 1146. Ep. 245. Ann. ii52. Ep. 280 , 282 , 281 ,
Ann. 1146. Ep. 246, 109, iio, 300,390.
240, 243,244)247, 248, 249, Ann. ii53. Ep. 274, 3o7 , 3o4 ,
257, 263, 277, 371, 363, 365, 285, 286, 287, 289 — 292,302,
366. 3o8. (Mart. 3o, 26.) 288, 3 10.
Ann. 1147. Ep. 25i, 252, 367,
368, 372, 423. Nous pensons qu'on lirait avec
Ann. 1147 ou 1148. Ep. 242, 108, beaucoup plus de facilité les épîtres
382 — 385, 395. de saint Bernartl , si l'on suivait
Ann. 1148. Ep. 261 , 262 , 374, l'ordre dans lequel nous en avons
375, 369, 392, 393. rendu compte , ou l'ordre plus
Ann. 1148 ou ii49- Ep. 870. strictement chronologique indiqué
Ann. ii49- Ep. 3oi. (Mart. 35.) par cett€ note et par les notes pré-
378, 379, 376, 377, 265, 267. cédentes, p. i55, i6i, 162, lèg.
Tome XIII. Z
178 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVALX.
XII SIECLE, puissant , un lévite ardent et désintéressé, un personnage
actif et courageux , un grand homme , dont les opinions
ne sont pas toujours saines, ni les démarches toujours pru-
dentes , mais dont les mœurs fortes et pures ne sont jamais
que des vertus.
Le style de ces épîtres est fort inégal. Dans quelques-unes ,
les pensées ont de la noblesse et une grâce naturelle qui se
communique à l'expression. C'est un éloge que mériteraient,
par exemple .j presque toutes les lettres à Suger , à Inno-
cent II , à Eugène II I , plusieurs de celles à l'abbé de Cluni ,
et celle à Robert, cousin-germain de Bernard. Mais le mau-
vais goût défigure la plupart des autres. Tantôt l'auteur s'a-
muse à jouer sur les mots, et même sur ceux de la Bible;
tantôt il s'épuise en déclamations plus violentes qu'éner-
giques : souvent il revêt des idées ou subtiles ou communes,
d'une diction barbare. Il emploie le mot guerra plus volon-
tiers que hélium, et parle le latin de la vulgate beaucoup
plus assurément que celui de Cicéron, ou même de Lactance.
Nous dissimulons d'autant moins ces défauts, que, selon
toute apparence , le saint abbé n'a point rédigé de sa propre
main toutes ces missives. Il en indiquait le sujet, le plan, les
intentions à des secrétaires qui n'exprimaient pas toujours
assez dignement sa pensée, ainsi que nous l'avons entendu
s'en plaindre lui-même dans une lettre à Pierre-le-Vénérable.
Composées ainsi par différens rédacteurs , elles sont diver-
sement écrites ; et nous avons lieu de croire que les plus re-
marquables par les qualités du style, sont celles dont saint
Bernard se réservait la rédaction y à cause de l'importance des
matières ou de la dignité des correspoudans.
§. iir.
SES SERMONS.
Les sermons de saint Bernard sont au nombre de trois
cent quarante, et se divisent en quatre séries : 1° quatre-
vingt-six qui s'adaptent au cours de l'Année Ecclésiastique ;
2° quarante-trois sur la Vierge Marie et sur les saints ; 3" cent
vingt-cinq sur divers sujets ; 4^* quatie-vingt-six sur le can-
tique des cantiques. Voilà sans doute beaucoup de discours;
mais ils ont, en général, fort peu d'étendue : par exemple,,
les quatre-vingt-six sermons de la première série n'occupent
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR VAUX. 175
que cent dix-iieiif pages ; en sorte que leur longueur moyenne ^lï siècle.
n'est pas même il'aae j^ige et demie.
Les sept premiers commencent Tannée liturgique ; ils ap-
partiennent à lavent. Saint Bernard y examine pourquoi
Dieu le fils s'est incarné [)lutôt que Dieu le père ou le Saint
Esprit. Il applique à l'aveneniv^nt de Jésus-Christ ces paroles
d'Isaïe au roi Acliaz : « Demandez au Seigneur qu'il vous
« fasse voir un prodige. » Il se plaint des chrétiens peu soi-
gneux de se disposer à célébrer la naissance du Sauveur. Il
distingue deux avénemens , lun accompli , l'autre qui doit
tout accomplir : il en fait même observer un troisième, ou
intermédiaire ; c'est la grâce sanctifiante ou l'entrée de Jésus-
Christ dans lame de chaque élu. P]nfin, il soutient que, sans
la venue du Messie, la perte du genre humain était inévitable.
Suivent quatre homélies sur le texte où saint Luc raconte
comment un ange fut envoyé à Marie pour lui annoncer
qu'elle serait la mère du fils de Dieu : missus est angélus.
Ces quatre discours forment un panégyrique- de la Sainte
Vierge ; mais l'orateur n'y suit aucun ordre déterminé ; il
se laisse conduire par son texte, il en commente tous les
versets , et s'abandonne aux réflexions et aux mouvemens
qu'ils lui inspirent. On y découvre quelques morceaux, ou
du moins quelques traits éloquens ; par exemple , celui où
Marie est représentée comme l'étoile de la mer , comme
lastre qu'il faut invoquer dans tous les orages de la vie. On
voit que Bernard s'est particulièrement complu à composer
ces homélies, ainsi qu'il en convient lui-même dans l'espèce
d'épilogue ou d'apologie qui les termine.
Une piété affectueuse caractérise les six sermons pour la
veille de Noël : leur but commun est d'enseigner comment
il convient de se préparer à la solennité du aS décembre.
L'auteur fait observer dans le mystère de l'incarnation trois
alliances miraculeuses, celles de Dieu et de l'homme, de la
virginité et de la maternité , de la foi et de la raison. C'est
du martyrologe d'Usuard que sont prises les paroles qui-
servent de texte à ces six discours : /. C. filius Dei nas-
citur in Bethléem Jiida.
Il y a six sermons de Noël , en y comprenant celui qui cé-
lèbre les quatre solennités consécutives de Jésus naissant,
de Saint-Etienne, de Saint- Jean-l'Evangéliste , et des Inno-
cens. Le lieu , le temps , les circonstances de la naissance de
Jésus-Christ , donnent lieu à un très-grand nombre de ré-
Z2
i8o SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
Xïi SIECLE, flexions, et sur-tout de distinctions : par exemple, l'orateur
distingue trois œuvres de Dieu , la création , la rédemption,
et la glorification. En parlant des innocens, il dit que, sous
l'ancienne loi, les enfans étaient sauvés parla circoncision,
comme ils le sont par le baptême sous la nouvelle. Cœteris
infantihus tune qiiideni ciivufncisio , nunc vevb baptismus
sufficit ad salutem. On pouri'ait trouver ici quelque inexac-
titude, ou désirer quelque éclaircissement; car, selon la
doctrine de l'église, le brîptême opère par lui-même, et la
circoncision n'avait d'efficacité cjue par la toi des parens du
circoncis.
La circoncision de Jésus-Christ est le sujet de trois dis-
cours, où sont sur-tout exj)liqués les divers noms que l'écri-
ture et l'église donnent au Verbe incarné. Trois sermons de
l'Epiphanie parlent de la foi des Mages et des trois appari-
tions de Jésus-Christ, la première à ces mêmes Mages, la
seconde quand il fut baptisé par saint Jean , et la troisième
aux noces de Cana. Un parallèle entre la circoncision et le
baptême est la principale matière d'un discours pour l'octave
de l'Epiphanie, discours suivi de deux autres pour le di-
manche dans cette octave , l'un sur les noces de Cana , et
l'autre sur les noces spirituelles dont celles de Cana étaient
l'emblème.
De deux sermons pour la Septuagésime, l'un traite des
signes de la prédestination, l'autre est une explication mys-
tique de cette ligne de la Genèse : Dieu envoya le sommeil
sur Adam. Imniisit Deiis soporem in Adam.
Le jeune, la prière , et le mépris des biens terrestres , sont
les principaux articles dont il s'agit dans sept discours sur le
carême : on y voit avec quelle rigueur le jeûne était observé.
« Juscju'à ce jour, dit Bernard «à ses religieux , nous jeûnions
« seuls, et jusqu'à l'heure de nones : maintenant, rois et
« princes , peuple et clergé , nobles et roturiers , riches et
« pauvres, tous vont, durant cjuarante jours, jeûner avec
« nous jus((u'à l'heure de vêpres. » Il distingue trois sortes
de prières , selon que l'on demande à Dieu des biens tem-
porels , ou des vertus , ou la félicité de l'autre vie. Il recom-
mande l'oraison dominicale , et en explique un verset. Des,
chrétiens, et sur-tout des religieux, doivent être, par rap-
port au monde, comme des voyageui's, comme des morts,
comme des crucifiés : c'est la division du dernier de ces sept
discours.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i8i
En l'année iii^o^ saint Bernard a composé, pour le ca- Xli SIEClk.
rême, dix-sept autres serinons, où il explique successivement
les dix-sept versets du psaume XC : Qui habitat in adjutorio
Altissiini. Le but général de ces discouis est de consoler les
religieux de Clairvaux, et de les encourager dans la carrière
pénible et rigide à laquelle ils se sont voués : d'ailleurs, les
réflexions édifiantes qvie suggèrent au prédicateur les paroles
de ce psaume , ont trop peu d'unité et de cohérence pour
qu'il y ait lieu d'en offrir l'analyse. Voici comment, dans le
sixième de ces sermons, il peint les mœurs du clergé sécu-
lier de son temps : « Aujourd'hui , dit-il , les payens et les
« hérétiques laissent en paix l'église; ce sont ses faux enfans
« qui l'affligent : les dignités ecclésiastiques sont devenues
« 1 objet d'un honteux trafic, d'un négoce ténébreux : on
« vient chercher dans le sanctuaire, non les biens spirituels,
« mais l'opulence et le luxe. C'est pour satisfaire à la ciqii-
« dite qu'on se coupe les cheveux, qu'on assiste aux offices,
« qu'on dit des messes, qu'on chante des psaumes. On se
« dispute impudemment les évéchés , les archidiaconés; et
« c'est à qui peut parvenir à dissiper les revenus des églises
« en superfluités et en vanités mondaines. »
Des trois sermons pour le dimanche des Rameaux , l'un
parle du culte à rendre au Rédempteur, l'autre de l'humilité
et de la patience dont il a donné l'exemple, le troisième des
divers mystères rappelés et célébrés durant la Semaine Sainte.
Le merci'edi-saint, l'abbé de Clairvaux prêche sur la passion;
le jeudi, sur trois sacremens, le baptême, la cène, et le la-
vement des pieds. Mais l'orateur n'emploie sans doute ici ce
mot de sacrement c|ue dans un sens très-étendu : il s'agit de
trois cérémonies saintes ou sacrées, dont les deux premières
sont des sacremens proprement dits : Mabillon en fait l'ob-
servation , et les théologiens oithodoxes répondent comme
cet éditeur, quand ce passage de saint Bernard leur est ob-
jecté par des hérétiques. Le saint abbé reproduit ici et n'é-
claircit point assez son opinion sur la circoncision judaïque;
il entre d'ailleurs dans plusieurs détails qui nous apprennent
que le baptême s'administrait encore par une trij)le immer-
sion , et c[ue l'investiture se donnait à un chanoine avec le
livre , à un abbé avec la crosse , à un évêque avec la crosse
et l'anneau {a).
(a) Investitur canoniciis per librum , abbas per baculum , episcopus
per baculum et annuliiin.
i82 SAL\T BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE. Le jour de Pâques fournit trois sermons : le premier est
une explication mystique des sept sceaux rompus par 1 a-
Ad abbaics. gneau de l'apocalypse; le second, adressé aux abbés, les en-
tretient des parfums de la vertu, figurés par les aromates
que les saintes femmes achetèrent pour embaumer Jésus-
Christ; le troisième ti'aite des purifications spirituelles, dont
celles de l'ancienne loi furent les emblèmes. A l'octave de
Pâques , l'abbé de Clairvaux célèbre les triomphes de la foi ;
et, dans un second discours, il parle des trois témoignages
]-endus à la vérité sur la terre par l'esprit, par l'eau et par le
sang. Suit un très -court sermon sur les Rogations, où les
trois pains mentionnés par saint Luc [amice, coniinoda inihi
1res panes ) deviennent la charité , la vérité et la force.
Dans les deux premiers sermons sur l'Ascension, le pré-
dicateur se borne à célébrer ce miraculeux événement, qui
lui suggère toutefois quelcjues réflexions morales. Le troisième
et le cinquième sermon pour la même solennité traitent des
pensées et des afïéctions : il s'agit d éclairer les prenaières,
de purifier les secondes, d'élever les unes et les autres. Il y
a de louables ascensions , il y en a de pernicieuses ; par
exemple, celles dont l'orgueil est le mobile. Distinguer ces
deux espèces d'élévations, c'est l'objet dun discours qui oc-
cupe la quatrième place parmi les cinq qui appartiennent à
la fête de Jésus montant au ciel.
Les effets de la descente du Saint Esprit sur les apôtres ,
ceux qu'il produit sur les esprits dociles et dans les cœurs
humbles : telles sont les idées que saint Bernard développe
en trois sermons pour le jour de la Pentecôte. En expliquant
ces paroles du psaume, Spiritu principali conjirma me, il
dit que cet esprit principal est Dieu le père , piincipe des
deux autres personnes divines.
Un sermon sur Goliath et David, prêché le quatrième di-
manche après la Pentecôte, a été quelquefois attribué à Ni-
colas de Clairvaux ; mais il appartient à saint Bernard : il
ressemble aux autres par le genre des idées- et par le caractère
du style; il se ti'ouve confondu avec eux dans les manuscrits
les plus authentiques. Suivent, pour le sixième dimanche,
trois sermons c[ui traitent de la multiplication des pains et
des sept œuvres de miséricorde. Enfin , les deux derniers
discours de la première série appartiennent au premier di-
manche de novembre ; ils commentent ce texte dlsaïe :
« J'ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé , et sa majesté
SAINT BERNARD, ABRÉ DE CLAIR VAUX. i83
« remplissait la terre. » C'e'tait un noble et grand sujet; ^H SIECLE,
mais l'orateur y a jeté trop d'allégories, beaucoup trop d'ex-
plications mystiques des six ailes de chaque séraphin.
Dans la seconde série, qui conijDrend quarante-trois ser-
mons sur les saints , nous indiquerons d'abord ceux qui
concernent la Vierge Marie, et qui sont au nombre de douze ;
savoir, un sur sa naissance, trois sur l'annonciation , trois
sur la purification , et cinq sur l'assomption. On aurait pu
rapprocher de ces douze discours les quatre homélies sur
l'évangile Missus est angélus, que les éditeurs ont laissées
parmi les sermons du cours de l'année , et cjue nous avons
indiquées plus haut. Voilà en seize parties un vaste panégy-
rique où règne fort souvent une éloquence affectueuse.
Il y a deux sermons sur la conversion de saint Paul : le
second est fort court ; mais , dans le premier , l'orateur parle
assez au long des bons et des mauvais ex«;mples , et ce n'est
f)oint dans la première classe qu'il range ceux que donnaient
es ecclésiastiques , et sur-tout les prélats de son temps. Nous
avons fait mention d'une lettre ou saint Bernard annonce à
l'abbé de Moutier-Ramey qu'il lui envoie deux sermons pour
la fête de Saint- Victor : nous les rencontrons ici , et nous y
trouvons beaucoup plus de réflexions chrétiennes que de
détails sur la vie du saint qu'ils célèbrent. L'orateur toutefois
s'arrête au nom de Victor , et ne manque point d'adapter à
ce nom tout ce qui peut concerner les combats et les vic-
toires spirituelles de ce bienheureux. y4nte opère quàm no-
mme î' ictor, adhuc utero claususjam de hoste tiiuinphavit
ô Dictrix anima! d miles em^erite! o Victor inclyte , qui de
terra triumphasti! respice ad vinctos terrœ ut pro
nohis vicisse te sejitiauius et de plend Dictond glorieris. En
commençant le discours sur saint Benoît (Benedictus) ^Ber-
nard souhaite à ses auditeui's les bénédictiojis célestes , et
s'applique à leur faire sentir la douceur du nom de leur glo-
rieux fondateur. Il les entretient de la sainteté de Benoît ,
de sa piété, de sa justice : sa sainteté est prouvée par ses
mii-acles, sa piété par sa doctrine, sa justice par ses actions ;
mais , sur ces trois points , l'orateur se borne à des idées gé-
nérales et à des exhortations pieuses.
Le sermon pour saint Jean-Baptiste est un vrai panégy-
rique , où sont rassemblés tous les traits de l'histoiie évan-
géiique qui concernent le précurseur de Jésus-Christ. Jean
fut une lumière ardente et brillante : ardeur de sa pénitence,
i84 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, (le sa dévotion, de son zèle; éclat de ses exemples, de sa
mission et de ses prédications : voilà le plan de ce discaurs.
Les quati'e sermons sur saint Pierre et sur saint Paul sont
beaucoup moins méthodiques et ne disent presque rien de
ces deux apôtres. Des detix discours pour la tète de Saint-
Slichel , l'un parle du ministère des anges à notre égard et
du respect que nous leur devons , l'autre expose les perni-
cieux effets des mauvais exemples. Ce qu'il y a de plus re-
marquajjle dans les cinq sermons pour la Toussaint , c'est
une opinion que saint Bernai'd y énonce sur l'état des bien-
heureux. Selon lui, leur félicité ne sera complète qu'après la
résuircction des corps; il dit même que jusqu'alors la lu-
mière de la face du Seigneur leur sera voilée {a) : sur quoi il
r.p. 98 , aSG. convient d'observer qu'en deux épîtres , et au chapitre I du
livre V de la Considération , saint Bernard enseigne au con-
traire qu'aussitôt après la mort les âmes justes jouissent de
la vue de Dieu : opinion plus généralement reçue, et que
sans doute il faut prendre pour celle que notre illustre auteur
a le plus réellement professée.
Saint Malachie , archevêque d'Irlande , décédé à Clairvaux
en 11481 est célébré dans les deux discours suivans, qui
contiennent beaucoup plus d'ampliiications et de lieux
communs que de faits et d'idées précises. Ce défimt est sur-
tout remarquable dans la secontle harangue, où JMalachie
est comparé à jMoïse , à Élie , à l'olivier fertile , au lis odo-
riférant, au soleil, à l'étoile du matin, à l'aurore, et à la
poule qui, dans l'évangile, rassemble ses petits sous ses ailes.
Il n'est question que de l'obéissance dans un assez long ser-
mon pour la fête de Saint-I\Iartin ; que du bonheur des élus
dans l'instruction pour la fête de Saint-Clément , pape et
martyr; que du jeûne et de la crois, et de ses quatre bran-
ches, dans les trois sermons sur saint André : mais celui qui
concerne Humbert, moine de Clairvaux, est plus réellement
un panégvrique. Cet Humbert est, selon toute apparence,
le même qui avait quitté la fonction d'abbé d'Igny , et auquel
Ep. 141. est adressée une des épîtres de saint Bernard.
On a placé à la suite de ces sermons sur les saints six ins-
tructions siîr la dédicace de l'église ; elles complètent la se-
conde séi'ie , et même elles l'enrichissent : car , au milieu de
(a) Adhiic ergo siynatum est super eos lunier. vultiis dominici.
donec veniat dies illa qiui implebit illos lœtilià cuii ultu suo.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. i85
beaucoii|> d'allégories forcées et de distinctions trop subtiles, xil SIRCLS.
on démêle quelques idées justes et nobles sur la destination
des temples et sur le respect dû aux lieux saints. Les qua-
rante-trois sermons de cette seconde série sont en général
plus longs que ceux de la première ; leur étendue moyenne
est de plus de trois colonnes in-folio dans l'édition de Ma-
billon. Les cent vingt-cinq sermons sur divers sujets, ou de
la troisième série, sont au contraire fort courts; ils n'oc-
cupent ensemble que cent cinquante-cinq colonnes : il y en
a de trente lignes, de quinze, et même de sept. Ainsi, plu-
sieurs de ces pièces , et spécialement celles qui suivent la
quarante-deuxième, sont moins des sermons que des pensées
pieuses ou morales et des réflexions détachées.
La brièveté et les illusions de la vie présente sont le sujet
du premier de ces discours. L'obéissance, la patience et la
sagesse sont lecommandées dans le second. Le troisième ex-
plique le cantique du roi Ézéchias , et le cinquième, ces pa-
roles d'Habacuc : Super- custodiani staho. Le quatrième nous
entretient de la nécessité de chercher Dieu et du triple lien
( la honte , la crainte et l'amour ) qui doit nous attacher à
lui. On a quelquefois attribué le sixième et le septième à
Nicolas de Clairvaux, ainsi que le huitième à Guerric, abbé
d'Igny. Mabillon , sur la foi des manus(;rits , les revendique
pour saint Bernard , dont ils sont dignes. Ils traitent de la
connaissance de soi-même, de la vraie gloire, et des divers
états de l'ame. Les attributs invisibles de Dieu sont adorés
dans le neuvième; et le dixième, sur les cinq sens de l'ame,
est excessivement mystique.
Les dix suivans ont pour sujets le baptême et la profession
religieuse , la mort , la miséricorde divine, les sept dons du
Saint Esprit, l'amour de la sagesse, les biens de la nature,
de la gloire et de la grâce, la triple giu-de que chacun doit
exercer sur sa main , sur sa langue et sur son cœur , les
jouissances spirituelles , l'abaissement des superbes et l'élé-
vation des humbles.
Mabillon pense que le vingt-iuiième sermon est de saint
Bernard , et non de Nicolas de Clairvaux , auquel il a été at-
tribué ; il ne se rencontre point parmi les dix-neuf discours
adressés par Nicolas au comte de Troyes, Henri. C'est, au
surplus, une fort courte instruction sur les voies droites par
lesquelles le Seigneur conduit les justes. Il s'agit dans le
vingt-deuxième de tout ce que nous devons à Dieu ; dans le
Tome XIII. A a
i86 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, vingt-troisième, des pièges que nous tend l'esprit malin : la
' ' parole de Dieu et la prière sont les sujets des deux instruc-
tions suivantes. La vingt-sixième nous enseigne à soumettre
notre volonté à celle du Très-Haut , et la vingt-septième
signale le plus odieux des vices, pessimwn vitium; c'est
l'ingratitude. Guerric est-il l'auteur de la vingt-huitième.'*
Mahillon, qui ne le croit pas, cite en preuve le manuscrit de
Cologne , qui contient les sermons cfe l'abbé d'Igny , et ne
renferme point ce discours. C'est donc saint Bernard qui
nous fait connaître ici les tribulations par lesquelles Dieu
nous éprouve et nous sauve. Le sermon qui suit distingue
trois manières d'aimer Dieu : amour tendre qui exclut la
concupiscence de la chair, amour prudent qui bannit la cu-
riosité , amour fort qui déracine l'orgueil. Le trentième est
intitulé du bois , du Juin et de la paille : le bois, compacte,
mais qui pourtant se rompt, est l'emblème du moine qui
commence bien et linit mal ; le foin représente les caractères
mous, et la paille les cœurs volages.
Nous apprenons dans le trente-unième à veiller sur nos
pensées. Le trente-detixième a pour objet le triple jugement,
savoir, celui de chacun de nous, celui des autres hommes,
celui de Dieu. Le trente-troisième explique ces paroles du
psaume XXIII : Quis ascendet super montein Domini? et
dans le trente-quatrième, saint Bernard fait quelques obser-
vations critiques sur un texte d'Origène. « A présent , dit
« Oiigène, le Sauveur pleure mes péchés ; il est dans la tris-
« tesse. » L'abbé de Clairvaux enseigne, au contraire, que
Jésus ne peut éprouver dans le ciel aucun sentiment pénible,
et il ajoute qu'Origène est tombé dans quelques erreurs :
Contra fidem nonmdla sr/ipsisse. Les prélats, les continens
et les gens mariés sont les trois ordres que le trente-cin-
quième sermon distingue dans l'église. Le trente-sixième
nous dit comment nous devons supporter les faibles et imiter
les forts. En commençant le trente- septième, saint Bernard
se félicite d'être enfin réuni à ses frères après un long voyage :
peut-être arrivait-il d'Italie. Quoi qu'il en soit, il exphque
ces mots du Psalmiste : Hœc est generatio quœrentium Do-
minum. L'instruction suivante a pour but de rassurer les
religieux trop découragés par le sentiment de leur faiblesse.
Dans la trente-neuvième, prononcée au temps des récoltes,
ainsi que les deux piécédentes, il expose comment on doit
supporter les fatigues de la moisson , et quels avantages spi-
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR VAUX. 187
rituels on en peut tirer. Le quarantième sermon et le quarante- ^ii STECLE.
unième ont entre eux une liaison intime : d.uis l'un, Bernard
compte sept degrés de la confession , savoir, la connaissance de
soi-même, le repentir, la douleur, l'aveu, les macérations, l'a-
mendement des mœurs , la peisévérance enfin ; et dans l'autre,
sept degrés de l'obéissance, qui consistent à obéir volontiers,
avec simplicité, avec plaisir, avec promptitude, avec cou-
rage, avec humilité, et sans interruption. Le quarante-
deuxième est extrêmement mystique : il est intitule des cinq
négoces et des cinq régions , et ne diffère que par un certain
nombre de variantes d'un sermon pour la fête de saint
Nicolas , qui pourrait bien être l'ouvrage de Nicolas de
Clairvaux.
Les quatre-vingt-trois discours qui suivent sont appelés
petits sermons; dénomination fort juste, puisqu'ils ne rem-
plissent , à eux tous , que soixante colonnes ou demi-pages.
Plusieurs ne sont peut-être que des fragmens de discours
perdus, ou desimpies notes, dont saint Bernard se proposait
de faire usage dans ses prédications. On y retrouve les mêmes
sentimens de piété que dans les seimons proprement dits,
mais aussi le même goût pour les allégories et pour les dis-
tinctions mystiques. La pièce numérotée C nous semble re-
marquable, non seulement par la citation des vers d'Ovide,
Pronaque ciim spectent anitnalia cœtera terrant ,
Os homini sublime dédit, etc.
mais encore par l'étrange application de ce trait à l'évêque
et au peuple de chaque église : l'évêque est l'homme dont le
front s'élève vers les cieux , et les fidèles sont les animaux
courbés vers la terre.
De tous les sermons de saint Bernard, les plus intéressans,
à tous égards, sont ceux qu'il a composés, au nombre de
quatre-vingt-six , sur le cantique des cantiques. Il les entre-
prit en ï i35; et s'il en conçut lui-même le projet, il fut du
moins encouragé .\ l'exécuter par le chartreux Beinard des
Portes. Les vingt-quatre premiers étaient achevés dès i i3y ;
mais le quatre-vingtième , où il est parlé de la condam-
nation des erreurs de Gilbert de la Porée, n'a pu être pro-
noncé qu'après le concile tenu à Reims en 1 148. Ces quatre-
vingt-six sermons ne vont pas au-delà des premiers versets
du chapitre III du livre sacré qu'ils expliquent. Ce livre a
huit chapitres, et par conséquent le commentaire est loin
Aaa
i88 SAINT BERNARD, ABBË DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, cl être complet. Bernard aurait composé cl( ux cents sermons
~~~ ~" de plus sur cette matière, s'il avait eu le temps de pour-
suivre du même pas une si longue carrière. Quarante-huit
discours de Gilbeit de Hollande contiiuient ceux de l'abbé
de Clairvaux, et s'arrcteut au chapitre V. Ce que nous avons
déjà dit du goût de saint Bernard pour les allégories et pour
les interprétations mystiques , explique assez comment il a
chcrclié de préférence le texte de tant d'exhortations dans
un livre saint dont la lettre ne présente point immédiatement
un cours d'instructions morales. Son esprit et son imagina-
tion trouvaient dans ce travail un contiiuicl et doux exercice.
C'est souvent avec un art ingénieux qu'il traduit en maximes
édiiiaiites les images poétiques qui remplissent cet épitlia-
lame divin.
Le premier sermon est lUie préface qui donne une idée gé-
nérale de ce chant nuptial, mystérieux tableau, dit-on, de
l'aUiance de Jésus-Christ, soit avec l'égUse entièi'e, soit avec
i'amc de chaque prédestiné. De tous les cantiques , celui-là
est le plus suIjUme ; aussi !'a-t-on nommé le cantique des
canti(jues, comme on appelle Dieu le Roi des rois.
Osculetw nie osculo oris siii, quia meliora sunt uhera tua
mno, fragraiitia ungiieiitis optiuds. Ces premières paroles
du poème sont expliquées dans le second sermon et dans
ceux qui suivent, jusqu'au douzième inclusivement. On y
voit que le baiser di nt il est ici parlé n'est autre que Jésus-
Christ ici) même, di nt les patriarches ont attendu et les pro-
phètes annoncé l'incarnation. Baiser les pieds du Seigneur,
c'est le premier pas dans la voie du salut : prosternés devant
celui qui nous a faits , nous pleurons ce que nous avons fait
nous-mêmes [b). D'autres baisers sont les emblèmes de nos
progrès ultérieurs. Un de ces discours a pour unique sujet
la distinction de quatre ordres d'esprits, Dieu, les anges, les
hommes et les bêtes. Vn autre traite de la prière et du re-
cueillement profond qu'elle exige. Il y en a quatre qui nous
expliquent en quoi consistent les mammelles et les parfums
que le poète sacré célèbre. Les mammelles sont la patience
et la clémence du Sauveur; les trois parfums ou onguents,
l'un incisif, l'autre lénitif , et le troisième curatif, sont la
[d] Patet osculum esse non aliud quiini mediatorem Dei et hominum ,
hominem Jesnm Christum.
{b) Ploianius coi àm Domino , qui fecit nos . ea quse fecimus nos.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 189
contriti n , la iv^larite paisible et la pieté ardente. En ter- XII SIECLE,
minant l'iui de ces premiers sermons, saint Bernard dit qu'il
est obligé de finir pour aller recevoir des étrangers qui vien-
nent d'arriver. Selon le jésuite Harduin, c'est un artifice de
l'orateur , qui veut faire croire qu'il improvise , lorsqu'en
effet il récite une harangue où tout est préparé, jusqu'à ce
mensonge même. Nous n'avons pas besoin de faire observer
la témérité de cette critique.
Oleum effuswn noinen tiiivn , ideb adolescentulœ dilexe-
nint te. Voilà le texte de huit instructions, c'est-à-dire,
de la treizième et des suivantes, jusqu'à la fin de la vingtième.
Comment Dieu est la source de tous les talens, de tous
les biens ; pourquoi l'église a succédé à la synagogue ; ce
que peut le nom de Jésus contre les adversités ; à quelles
marques on reconnaît la santé de lame, et la présence ou
l'ai^sence du Saint-Esprit ; comment s'opère l'effusion et l'in-
fiision de ses dons ineffables; comment il faut les recevoii',
comment les répandre ; quelles qualités doit avoir la confes-
sion , et quels caractères l'amour : telles sont les questions
que résout ici l'éloquent abbé , et les leçons qu'il développe.
Jésus, dit-il, nous a chéris tendrement, sagement et forte-
ment; il le iàut aimer de même. Enflammé par la charité,
réglé par la science , affermi par la constance , le zèle est
fervent, il est circonspect, il est invincible; il exclut la tié-
deur, évite le désordre, et bannit la timidité.
Saint Bernard expHque ensuite ces paroles de l'église à son
époux : Entraînez-moi sur vos pas. Il expose les devoirs des
ecclésiastiques et des évêques : il veut que leur ministère
soit charitable, que leur sévérité, toujours paternelle, ne
devienne jamais tyrannique. La calomnie est représentée
comme le plus odieux des vices dans le vingt-quatrième
sermon, cjui a deux exordes, parce qu'il a été prêché deux
fois, la première en iiSy, avant le aépart de l'auteur pour
l'Italie, et la seconde après son retour en 1 138.
Filles fie Jérusalerri, je suis noire, mais belle. Cette ligne
et les suivantes, jusqu'à si ignoras te , sont expliquées dans
les neuf discours qui viennent immédiatement après le
vingt- quatrième. Ils enseignent, en quoi consiste la beauté
de l'éghse, quels ornemens la parent, de quelles tribulations
son époux la délivre ou la console ; comment la vue de Dieu
est le midi éternel ; comment Jésus est pour les âmes faibles
un médecin , pour les âmes fortes un époux ; combien de
igo SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, pièges nous tend le démon , et combien les désordres du
clergé affligent la sainte église. Prévôts , doyens, archidiacres,
évêques , archevêques, ne doivent leurs dignités quà l'in-
trigue, qu'à l'astuce de celui qui marche dans les ténèbres.
Cependant les biens du Seigneur servent à les revêtir de
parures profanes , d'habits de théâtre , et du luxe des rois ,
à les environner de musiciens et de courtisannes , à couvrir
leurs tables d'alimens recherchés, de vins exquis, de parfums
f)récieux , de vaisselles magnifiques , et à remplir chaque jour
eurs coffres de nouveaux et intarissables trésors. Ils étalent
l'or jusque sur les harnois de leurs chevaux ; et leurs équi-
pages, leurs éperons sont plus brillans que les autels {plus
calcaria quam altaria fidgent). Ce discours, qui est le trente-
troisième, se fait remarquer par l'énergie et la véhémence
du style. Une éloquence douce et pathétique caractérise le
vingt-sixième, où le saint abbé, déplorant la mort de son
frère Gérard , s'abandonne aux mouvemens de son affliction
profonde. Il essaie en vain de reprendre le fil de son pieux
commentaire : il ne parvient à exprimer que la douleur dont
il est navré. Bérenger lui a reproché cette oraison funèbre,
empruntée, disait -il, de celle que fit saint Ambroise en
l'honneur de son frère Satyrus ; mais ce plagiat est imagi-
naire, ainsi qu'on peut s'en convaincre en comparant les
deux pièces.
Si Ignoras te, o pulchra, etc. C'est l'époux qui prend la
parole , et les tendres discours qu'il adresse à sa bien-aimée
sont commentés dans huit sermons de saint Bernard , c'est-
à-dire, depuis le commencement du trente-quatrième jusqu'à
la fin du quarante et unième. Il y parle de l'humilité, de la
patience , de l'ignorance et de ses dangers ; de la science, et
des moyens d'empêcher qu'elle ne devienne aussi pernicieuse;
du luxe, de l'avarice, de l'hypocrisie et de la droiture.
Dum esset rex in accubitu suo , etc. : paroles de l'épouse,
qui amènent dans les sermons 4^ , 43 et 44 1 des réflexions
sur la manière de corriger les pécheurs , sur le profit qu'ils
iloivent tirer de ces corrections , sur la passion de Jésus-
Christ , sur les tribulations , et sur la prospérité.
Le quarante -cinquième explique la réponse de l'époux :
Ecce tu pulchra es , oculi tui cohnnbnrum , et fiiit consister
la beauté de l'ame dans l'union si rare de l'humilité et de
l'innocence. La bien-airaée reprend : Ecce tu pulcher es , etc.
et ce morceau , qui achève le premier chapitre du cantique ,
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 191
sert de texte au quarante-sixième sermon, où il s'agit de la ^^^ sif.cle.
composition de l'église, et de la distinction entre la vie
active et la vie contemplative.
En expliquant les premiers versets du second chapitre,
l'orateur distingue trois fleurs , la virginité , le martyre et la
bonne conduite ; mais lorscjue ces fleurs sont mises en con-
traste avec les fruits ,/?/7c/te me floribus , stipate me malis,
elles deviennent l'emblème de la foi, et les fruits représentent
les bonnes œuvres. Il y a deux charités, l'une active, l'autre
affective ; et cette dernière n'atteint sa perfection qu'en
l'autre vie. Cependant saint Bçrnard nous dépeint l'extase
contemplative comme un état où lame chrétienne, morte
aux plaisirs des sens, jouit, par avant-goût, de la félicité
céleste : ce tableau se termine avec le cinquante -deuxième
sermon.
Le reste du chapitre II est commenté dans vingt-deux
sermons, depuis le cinquante-troisième jusqu'au soixante-
quatorzième inclusivement. La sollicitude pastorale , les
abaissemens du fils de Dieu , les anges figurés par les mon-
tagnes, et les hommes par les collines, la crainte dans laquelle
on doit s'entretenir , soit qu'on possède la grâce , soit qu'on
l'ait perdue, soit qu'on la recouvre; la terreur que les juge-
mens de Dieu doivent inspirer, le mur de séparation qu'élève
le péché entre Dieu et l'homme ; la vocation au mmistère
sacerdotal ; la foi et la piété , véritables sources de l'éloquence
apostolique; l'incrédulité des Juifs; les plaies de Jésus-Christ;
les renards , emblèmes des médisans , des flatteurs et des
hérétiques; les tentations d'un novice, celles d'un profès;
les effets de la charité dans une ame chrétienne ; l'amour du
verbe pour l'église; les lys dont il se nourrit, et qui sont la
vérité, la douceur, la justice, toutes les vertus; d'autres
fleurs dont une conscience pure est l'cdeur , et que la bonne
réputation colore : voilà sur quels sujets roulent principale-
menr ces vingt-deux discours. On remarque, dans le soixante-
neuvième, l'opinion de saint Bernard sur les cnfans morts
sans baptême : leurs peines, dit-il, sont les plus douces,
mitissimœ sunt pœnœ. Mais on a donné encore plus d'atten-
tion au soixante -cinquième et au soixante -sixième, où il
combat, non les disciples de Pierre de Bruis et de Henri,
mais d'autres hérétiques découverts dans les environs de
Cologne, et dont les erreurs ressemblaient d'ailleurs beau-
coup à celles des Henriciens. Leur doctrine était une sorte
Xn SIECLE.
Hist. des Va-
lialions , liv,
XI. n. 35.
192 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
de manichéisme , modifie' par des opinions singulières sur le
mariage, le jeûne, le purgatoire, l'invocation des saints, et
la prière pour les morts. On avait livide aux flammes quel-
ques-uns de ces hérétiques ; en approuvant ce zèle, l'abbé de
Clairvaux ne conseille pourtant pas d'en suivre les mouve-
mens : « La foi , dit-il , se persuade , et ne s'impose point. Il
« faut combattre , non par les armes , mais par les argu-
cc mens (a) ». Honorables maximes, avec lesquelles il est dif-
ficile de concilier ces autres paroles des mêmes sermons : c|u il
vaut mieux employer le glaive que de souffrir la propagation
de l'erreur. Pour l'éclaircissement de ces deux discours , Ma-
billon y a joint une lettre adressée par Évervin , prévôt de
Steinfels , à l'abbé de Clairvaux : elle rend compte des pro-
grès de cette hérésie dans les environs de Cologne. Mais on
voit bien , dit Bossuet , à la manière ferme et positive dont
parle saint Bernard , qu'il était instruit d'ailleurs , et qu'il en
savait plus cju'Evervin lui-même.
Restent douze sermons qui roulent sur les premiers versets
du chapitre lîl du Saint Cantique , et qui traitent de la ma-
nière cle chercher Dieu , des devoirs à remplir par les pas-
teurs, de l'œuvre du salut, des erreurs de Gilbert de la Porée,
du libre arbitre, du péché, et de la prière. A propos du
quatre-vingtième discours, Harduin dit que tout y est fiction,
et l'hérésie qu'on y combat , et le concile c|u'on y cite , et
jusqu'au personnage de Gilbert : fictus et ipse Gillehertiis
fortassis. Malgré des censures si déraisonnables , Harduin est
pourtant forcé de rendre quelque hommage au talent qui
brille dans ces quatre-vingt-six sermons ; et , s'il ose dire
qu'il y règne une merveilleuse loquacité, du moins il ajoute
qu'ils sont l'ouvrage d'un orateur habile : mira garnditate,
non niediocri vi âicendi.
Tels sont les trois cent quarante sermons de saint Ber-
nard ; il en avait sans nul doute prononcé beaucoup d'autres
que l'on a négligé de recueillir, ou qui ne nous sont point
parvenus : car sa santé ne lui permettant pas de se livrer au
travail des mains, il prêchait plus souvent qu'on n'avait cou-
tume de le faire dans les monastères, de son ordre, ainsi
Serm.X, in q^^ il le déclare lui-même dans l'un de ses discours. Parce
9-,. Qui habitat, qu'il existc Une très-ancienne version française d'vme partie
(d) Approbamus zelum , sed factum non suademus , quia fides sua-
denda est, non imponeiida ; non armis, sed argumenlis.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX. ig3
de ces instructions, on s'est hâté de supposer qu'elles avaient xii siècle.
ëte' composées en langue vulgaire, la seule, ajoutait-on, que
pussent comprendre en effet les frères lais qui se trouvaient
au nombre des auditeurs de saint Bernard. Cette dernière
considération mérite peu qu'on s'y ari-ête : les sermons
étaient en quelque sorte une partie de la liturgie, qui se fai-
sait et a continué de se faire en langue latine , même depuis
que les idiomes modernes se sont de plus en plus propagés
et perfectionnés. Au milieu du XV*^ siècle on prêchait encore
en latin devant des auditeurs presque tous non lettrés, et
ce n'est que vers l'an i5oo t[ue, par condescendance pour
la populace ignorante , on s'est avisé d'introduire dans les
prédications un mélange assez bizarre de phrases latines et
d'expressions françaises. Les langues vulgaires ne se sont
emparées que par degrés des chaires chrétiennes, où même
s'est maintenu l'usage de citer beaucoup de textes latins,
inintelligibles à la plupart des assistans.
On ne peut nier sans doute l'ancienneté d'un manuscrit
que possédaient jadis les Feuillans de Paris, et qui contient
des sermons français intitulés : ci enconimencent li sermons
SAINT Bernant; mais cette inscription même, cette qualifi-
cation de saint, suffirait pour annoncer une traduction écrite
après la mort , après la canonisation de l'illustre abbé. Aussi
dom Mabillon , dom Clémencet , et plusieurs autres savans ,
n'ont-ils pas ciaint d'affirmer que le texte original de tous
les sermons de saint Bernard aujourd'hui connus est en
langue latine.
M. Roquefort, qui recherche avec soin et avec sagacité les
plus vieux monumens de notre langue , possède un manus-
crit où se lisent en français les quarante-quatre premiers
sermons sur le cantique des cantiques et les homélies sur
l'évangile Missus est angélus. Mais , outre qu'à beaucoup d'é-
gards ce manuscrit nous semblerait encore un peu moins
ancien que celui des Feuillans, nous remarquons que le
quarante-quatrième sermon sur le cantique y est immédia-
tement suivi de \ Epistle lahei Bernart de Clere'vals a un
eK'eske cardinal, de Diligendo Deo : or, ce Traité, adressé à
Aimeric , et dont nous rendrons compte , ayant été sans
contredit composé en latin, et n'étant ici que traduit, nous
croyons avoir le droit d'en dire autant des sermons auxquels
il se trouve joint dans ce même volume. Deux autres pièces
qui suivent ce Traité peuvent offrir quelque difficulté : l'une
Tome XIII. Bb
194 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, est une instruction sur le psaume Laudate Dominum in
sanctis ejus; l'autre, un sermon sur sainte Agnès. Pour sou-
tenir que la première est originale, qu'elle est naturellement
française , on pourrait alléguer les textes latins qu'elle traduit
après les avoir cités ; par exemple : « Li titles de ceste saume;
« c'est, en latin, laudate unwersalem, et en romanz, loez
« celui ki tôt comprent. » Mais , sans discuter la conséquence
qu'on prétendrait tirer de ce passage et de ceux qui lui res-
semblent, nous dirons seulement que ces deux sermons ne
sont point du nombre des productions authentiques de saint
Bernard; que même le manuscrit ne les lui attribue pas.
Tout au contraire, l'auteur du discours sur sainte Agnès est
indiqué par l'initiale A dans l'annonce que nous allons trans-
crire. « Nostre sire comda a ses déciples ke ils conkeilhiset
« le reste kil ne porresist. Por ce daukuns sermons ke ge ai
« oie ai je conkeilhut aucuns moz si les ai escritz en ceste
« livre por ce ke il ne fuissent obliez , etc. Cest sermon ki ci
« comance fit maistres A. »
Ce fut sans doute en langue vulgaire que saint Bernard
prêcha la croisade : mais ces discours, qui produisaient de si
vastes mouvemens , qui précipitaient sur lOrient une partie
de la population de l'Europe occidentale , on ne les a point
recueillis et nous ne les connaissons que par leurs effets
Éloge deSiiger. mémorables. « Lorsque sortant de son désert, dit M. Garât,
« saint Bernard paraissait au milieu des peuples et des cours,
« les austérités de sa vie , peintes sur des traits oii la nature
« avait répandu la grâce et la beauté, remplissaient toutes
« les âmes d'amour et de respect : éloquent dans un siècle
« oii le pouvoir et le charme cfe la parole étaient absolument
« inconnus , il triomphait de toutes les hérésies dans les
« conciles, il faisait fondre en larmes les peuples au milieu
« des campagnes et des places publiques : son éloquence pa-
« raissait un des miracles de la religion qu'il prêchait. Enfin ,
« l'église, dont il était la lumière, semblait recevoir les vo-
ce lontés divines par son entremise. Les rois et les ministres ,
« à qui il ne pardonnait jamais ni un vice ni un malheur
(( public , s'humiliaient sous ses réprimandes comme sous la
« main de Dieu même, et les peuples, dans leurs calamités,
« allaient se ranger autour de lui comme ils vont se jeter
« aux
pieds des autels. »
A la suite du quafre-vingt-sixième sermon sur le cantique
des cantiques , Mabillon a imprimé , sous le titre de Flores
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. iq5
seit Sententiœ, environ deux cents pensées , extraites des ^^^ SîËCLE.
lettres, des discours et des traités de saint Bernard. Clia-
cune de ces pensées n'occupe ici qu'une ou deux lignes. Ce
même titre de Sententiœ est aussi donné à quarante-trois
fragmens un peu plus considérables qui suivent les sermons
sur divers sujets, et dont plusieurs présentent des divisions
ou distinctions paieilles à celles qui surabondent dans les
prédications de fillustre abbé. Apres ces fragmens, Mabillon
a placé cinq paraboles, qu'on pourrait compter comme au-
tant de sermons. Les trois premières parlent du combat spi-
rituel , la quatrième de Jésus-Christ et de l'église, la cinquième
de la foi, de l'espérance et de la charité. Suit une prière
très-affectueuse, et qui exprime sur-tout de profonds senti-
mens de pénitence. Ce recueil d'opuscules est terminé par
les antiennes, répons et hymnes pour la fête de Saint-Victor,
qui sont annoncés dans une lettre de Bernard à l'abbé- de
Moutier-Ramey. Les trois hymnes sont peu poétiques; l'au-
teur ignoi-e ou méprise les règles de la versification. Les
strophes sont saphiques, mais seulement par le nombre des
syllabes, jamais par la distribution régulière des longues et
des brèves : un exemple va suffire pour justifier ces cri-
tiques :
Hœc satis probant aliaque multa
Prœrogativam glorice Victoris
Nec minoratam , quo prœventus fuit
Spiritu hono.
Mais ces hymnes , ces sentences , ces fragmens , qui servent
d'appendices aux sermons de saint Bernard, auraient été, ce
semble , mieux placés parmi ses opuscules.
§ IV.
SES TRAITÉS ET OPUSCULES.
Nous avons besoin d'employer ce double titre d'opuscules
et de traités pour désigner douze productions fort inégales
en étendue.
I. De ces douze écrits , le plus ancien (car nous reprenons
ici l'ordre chronologique que nous n'avons pu établir entre
les sermons ) ; le plus ancien , disons-nous , est celui qui est
intitulé des Degrés de l'humilité et de l'orgueil. Composé
Bb2
196 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, avant 1 126, et adressé à Geoffroi , alors prieur de Clairvawx,
nous l'avons vu désigné comme antérieur à tout autre ou-
Ep. 18. vrage de saint Bernard, dans une lettre du saint abbé au
cardinal Pierre. Il est distribué en vingt-deux chapitres, qui
remplissent une vingtaine de colonnes dans l'édition de dom
Mabillon. Il est précédé d'une rétractation, et par consé-
quent d'un exemple de la vertu qu'il enseigne. Ce que ré-
tracte ici saintBernard, c'est une citation inexacte d'un texte
sacré : il avait cité nec ip se filins hominis scit, tandis qu'au
verset 82 du chapitre XIII de saint Marc, on lit seulement
neque filius scit, dit ici l'abbé de Clairvaux. La vér«ité est
qu'on lit : Nemo scit neque filius ; en sorte que la rétrac-
tation même pourrait sembler encore inexacte. L'humilité
est définie vme A^ertu par laquelle l'homme , acquérant une
véritable connaissance de lui-même, devient méprisable à
ses- pT'opres yeux. L'orgueil a douze degrés; savoir, la cu-
riosité, la légèreté desprit, la folle joie, la jactance, la sin-
gularité, l'arrogance, la présomption, l'opiniâtreté à nier ou
à justifier ses fautes, la confession mensongère, la révolte,
la licence, et l'habitude du péché. Les douze degrés de l'hu-
milité sont, au contraire, la crainte de Dieu, le renoncement
à sa volonté propre , l'obéissance , la résignation aux traite-
mens les plus durs, l'aveu de ses faiblesses, le sentiment de
son incapacité, la disposition à se croire inférieur aux autres,
la régularité , l'habitude de ne parler que lorsqu'on est in-
terrogé , celle d'un maintien sérieux , celle du silence , et la
retenue de tous les sens, particulièrement des yeux. L'auteur
oppose ainsi douze fois l'orgueil à l'humilité, mais de telle
manière, que c'est la retenue, douzième degré de l'humilité,
au'il met en contraste avec la curiosité, cjui est le premier
egré de l'orgueil ; et ainsi de suite , en montant l'échelle du
vice et en descendant celle de la vertu. Les antithèses four-
millent dans ce petit traité, qui est écrit avec beaucoup de
soin et avec une sorte d'élégance. On peut d'ailleurs juger de
tout l'ouvrage par ces lignes du premier chapitre : « Ayant
« à parler, dit l'auteur, de ces degrés , qu'il faut, selon saint
« Benoît, n(în pas compter, mais monter, j'indiquerai d'a-
« bord le terme auquel ils conduisent, afin qu'en découvrant
« le but qu'on doit atteindre, on sente moins la fatigue de
« l'escalade. L'humilité est la voie, la vérité est le terme;
« l'une est la carrière, et l'autre la récompense. » Locuturus
de gradihus humilitatis, quos beatus Benedictus non nume-
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 197
randos, sed ascendendos proponit , prias ostendo , sipossum, Xil SIECLE.
quo per illos peiveniendum sit , ut audito fructu perventionis
minus giuvet labor ascensionis. Proponit itaque Dominus
nobis i'iœ laborem, laboris niercedem viam dicit hunii-
litatem quœ ducit ad veritatein. Altéra labor, altéra fnxctus
laboris est.
II. Le livre de l'Amour de Dieu ( de Diligendo Deo ) est
adressé à Aimeric, déjà ehancelier de l'église romaine. Ai-
meric n'obtint eette dignité qu'en 11 26, et par conséquent
l'écrit qui va nous occuper ne saurait avoir une date plus
ancienne; mais il est de cette année même, ou du commen- Gaufr. Vita
cément de la suivante : il existait en if 27. Environ quinze ^*'^"- '''^- ^^'
colonnes sont occupées par les quinze chapitres qu'il com-
prend, et dont les derniers ne font guère que répéter ou dé-
velopper les maximes que nous avons déjà remaïquées dans
une lettre à Guignes et aux Chartreux ; mais les sept pre- Ep. si.
miers chapitres sont extrêmement recommandables par l'im-
portance de la matière , par l'enchaînement des idées , et par
la précision du style. «Vous demandez, dit l'auteur, pour-
« quoi et comment il faut aimer Dieu. La cause pour laquelle
« Dieu doit être aimé, c'est Dieu lui-même; et l'étendue de
« l'amour qu'on lui doit n'a point de mesure. » Causa dili-
gendi Deuni, Deus est; inodus , sine modo diligere. Aimer
« Dieu , c'est à-la-fois justice et sagesse : c'est justice à cause
« des Liens naturels et surnaturels dont il nous a comblés :
« car si déjà nous lui devons tant parce qu'il nous a créés ,
« combien plus pour nous avoir réparés , sur-tout quand la
« réparation est si généreuse .3 » Quod si totum me debeo pro
me facto , quid addam pro refecto , et refecto hoc modo P
Mais cet amour dii à tant de titres est encore un moyen de
bonheur, puisque Dieu lui-même en est la récompense. Peut-
être n'a-t-on point assez observé combien l'autevir jette ici
de lumière sur la question délicate de l'amour désintéressé.
Selon lui, il faut un prix à l'amour, mais c'est l'objet même
du véritable amour qui en est le prix. L'intérêt pour lequel
on aime n'est pas distinct de l'objet aimé. Habet prœmium ,
sed id quod amatur.
III. L'apologie à Guillaume , abbé de Saint-Tliierri , est
indiquée comme déjà écrite dans la lettre que saint Bernard Ep. 18.
adressait au cardinal Pierre en 1127. Cet opuscule, partagé
en treize chapitres, et imprimé en autant de colonnes, mérite
assez peu ce nom d'apologie, car l'auteur y attaqxie bien plus
198 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
xu SIECLE, qu'il ne se défend. On y distinj^ue deux parties : dans la pre-
•~ mière , qui compi'end les sept premiers chapitres . il répri-
mande vivement les Cisterciens, qui décriaient l'ordre de
Cluni. Il commence par protester que ni lui, ni ses religieux,
n'ont jamais médit de cet ordre. C'est l'objet des deux pre-
miers chapitres, les seuls qui aient un caractère véritablement
apologétique. Dans les cinq suivans , l'auteur exhorte à ob-
server la charité, à maintenir l'unité; il expose les avantages
qui résultent de la diversité des ordres et des exercices reli-
gieux. Mais , après avoir ainsi reproché à ses propres fi'ères
leur injustice à l'égard des Clunistes, il croit avoir acquis le
droit d'adresser aux Clunistes eux-mêmes quelques remon-
trances, et il use amplement de ce droit dans la seconde
partie de l'opuscule. On voit donc , par les six derniers cha-
pitres, quels désordres s'étaient introduits et multipliés à
Cluni , sans doute sous l'abbé Pons , et avec quelle rapidité
ils s'étaient propagés dans tous les monastères du même
ordre. Saint Bernard reproche particulièrement aux Clunistes
le luxe de leurs habits, celui même de leurs églises, mais
sur-tout celui de leurs tables. 11 dépeint ces tables couvertes,
surchargées de mets succulens , par exemple , d'énormes
poissons : grandia piscïuin corpora duplicantur. « L'art des
« cuisiniers, dit- il, s'épuise en inventions et en recherches
« pour prolonger l'appétit au-delà du besoin et de la satiété
« même : les parfums et les saveurs excitent la sensualité ,
« et il n'y a pas jusqu'à l'œil qui ne soit séduit par les couleurs
«variées des alimens. Cependant le malheureux estomac,
« à qui ne parviennent ni ces saveurs délicieuafts , ni ces
« couleurs brillantes , demeure accablé sous le poids des
« délices dont les sens extérieurs ont joui {a). » L'auteur
accumule ici tant de détails, qu'il n'omet aucune des manières
d'apprêter les œufs, alors usitées et perfectionnées à Cluni.
Quis enùn dicere sufficit qiiot modis ( ut cœtera taceani ) sola
ova versantur et vexantur , quanto studio evertuntur , sub-
vertuutur, liquantur , durantur ^ diininuantur , et nunc qui-
[d) Tanta quippè accuratione et arte coquorum cuncta apparantur qua-
tenùs 4 ^i^t 5 l'erculis devoratis, prima non impetliant novissima, iicc
satietas minuat appetitum.... Ipsa deindè quaiitas reruni talis defoiis appa-
rere curatur, ut non niiniis aspectus quàm gustus delectetur.... Sed dùm
oculi coloribus, palatium saporihus illiciuntur, infelix stomachus cui nec
colores lucent, nec sapores demulcent..., oppressus.... obruitur.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 199
dem frixa , nunc assa , nunc farsa , nunc mixtirn , nunc Xli siècle.
sineillntim apponuntur.
Fleuri , après avoir rendu compte de cet opuscule, ajoute : Hlst. Eccles.
«Pierre, abbe de Cluni, fit de son côte l'apologie ae son ''^- lxvu, n.
« ordre par une lettre écrite à saint Bernard Le sage lec-
« teur jugera laquelle est la plus solide de cette apologie ou
« de celle de saint Bernard. » Il y a de l'inexactitude à pré-
senter ainsi l'apologie de Pierre le Vénérable comme une
réponse à celle de l'abbé de Clairvaux. C'est à d'autres incul-
{)ations que répond Pierre de Cluni , ainsi qu'on le verra par
e compte que nous rendrons de son épître apologétique.
IV. Mabillon a , comme nous l'avons dit , détaché du
recueil des lettres celle qui portait le n» 4^ , et qui , adressée
vers 1 1 27 à Hugues , évêque de Sens , traite assez au long
des moeurs et des devoirs des évêques. L'éditeur l'a distri- '
buée en neuf chapitres qui occupent seize colonnes. On y
remarque une tirade véhémente contre le luxe des prélats :
l'auteur y cite le vers de Perse :
Dicite, pontifices, in sancto quidfacit auriim?
Un abus alors très-commun, puisque l'auteur le signale
en plusieurs endroits de ses écrits , consistait à élever sou-
dainement aux prélatures de jeunes étudians , issus de
familles nobles ; il peint ici ces adolescens qui des bancs d'une
école passent à la chaire épiscopale , plus joyeux d'échapper
à leurs maîtres que d'acquérir eux-mêmes le droit de com-
mander. Scholares pueri et impubères adolescentidi oh san-
gidnis dignitatein promo^'entur ad ecclesiasticas dignitates ;
et de suh fendâ transferuntur ad principanduin presbiteris ;
Icétiores intérim qubd -virgas evaserint quàm qubd menierint
principatum ; nec tam illis hlanditur adeptum, quàm ademn-
tum magisterium. Mais la plus grande partie de cet opuscule
traite de l'humilité , que l'auteur représente comme la vertu
la plus indispensable aux évêques. Quelques-unes des pen-
sées développées dans le traité des degrés de l'humilité et
de l'orgueil, sont ici reproduites, mais avec beaucoup moins
de méthode. Saint Bernard y donne d'ailleurs une nouvelle
définition de l'humilité ; il la fait consister , non plus dans
la connaissance de notre misère, mais dans le mépris de
notre propre grandeur. Humilitas est contemptus propriœ
excellentiœ.
V. En écrivant au chancelier Aimeric en 1 1 28 , Bernard Ep.jja.
200 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, dit avoir composé un traité de la Grâce et du libre Arbitre.
Cette production est donc de 1 128 au plus tard ; et les Bol-
landistes , qui la rapportent à l'année 1 1 27 , ajoutent cp'en
le composant , le saint abbé rendit un service éminent à
l'église. Mabillon s'étend aussi en longs éloges de ce traité ,
qui est en effet recommandable par la précision des idées ,
par la clarté de la diction , et même par les orneniens du
style. La matière offrait un riche fonds d'antithèses , et con-
venait par cela même à l'esprit , au goût et au talent de l'au-
teur. Aussi ce livi-e renferme-t-il, plus peut-être qu'aucun
autre livre, tout ce qu'on peut dire d'ingénieux et d'ortho-
doxe sur un tel sujet. Après avoir rendu compte d'une con-
versation qui lui a fourni l'occasion d'écrire un traité de la
Liberté et de la Grâce , saint Bernard établit que toutes deux
coopèrent à notre salut. Dieu donne la grâce , mais le libre
arbitre la peut seul recevoir , et le consentement de celui
qui reçoit n'est pas ici moins nécessaire que la bienveillance
de celui qui donne. Il n'y a, sans la grâce, rien qui sauve ;
sans le libre arbitre , rien qui puisse être sauvé (a). On doit
distinguer trois libertés : nous échappons par l'une à la
nécessité, par l'autre au péché , par la dernière au malheur.
La première est une condition de notre nature, la seconde
est la grâce en cette vie, et la troisième est la gloire en
l'autre. Riais la liberté dont il s'agit essentiellement dans ce
traité est celle qui exclut toute nécessité , toute contrainte.
C'est par le libre arbitre qiie nous voulons, et c'est par la
grâce que nous voulons le bien. Notre volonté s'exerce sur
tout ce que nous accomplissons : libre, elle nous fait appar-
tenir à nous-mêmes; bonne, à Dieu; mauvaise, au démon.
Ce n'est pas la puissance du démon qui nous assujétit à lui ,
c'est notre volonté ; mais c'est la grâce qui nous soumet à
Dieu. Liberuni arbitriwn nosfacit volentes , gratin bene^'olos ;
ex ipso nobis est velle, ex ipsâ bonuin velle. Libéra 'vohmtas
nos facit nostros ; niala^ aiaboli ; bona , Dei.... Sanè diabolo
jiostra nos mancipat voîuntas , non ejus potestas : Deo sub'
jicit ejus gratia , non nostin voluntas.
(a) Toile liberum arbitrium et non erit quod salvetur : toile gratiam,
non erit undè salvetur.... Deii.s autor est salutis, liberum arbitrium tantùm
capax ; nec dare illani nisi Deus , nec capere valet nisi liberum arbitrium.
Quod ergô à solo Deo et soli datur libero arbitrio , tàm absque consensu
çsse non potest accipientis , quàm absque gratià dantis.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. aoi
Le premier homme avait reçu avec ple'nitude la première
liberté, c'est-à-dire, l'affranchissement du joug de la néces-
sité; il avait reçu, dans un degré inférieur, la deuxième et
la troisième , c'est-à-dire , l'exemption du péché et du mal-
heur. Le coupable usage qu'il a fait de la première lui a fait
perdre ce qu'il possédait des deux autres. Les recouvrer n'est
plus en sa puissance : il ne tenait qu'à lui de ne pas tomber ;
pour se relever, il a besoin d'aide, semblable à l'imprudent
qui du fond d'un précipice qu'il pouvait éviter, doit appeler
du secours pour en sortir. Il ne faut donc pas croire c[ue le
libre arbitre soit une parfaite indifférence entre le mal et le
bien , un égal pouvoir de faire l'un ou l'autre. Pour pécher,
notre volonté nous suffit; pour nous sanctifier, les dons de
l'esprit saint nous sont nécessaires : mais ce n'est point sans
nous que ces dons opèrent , et notre consentement rend
méritoires les bonnes œuvres que Dieu nous donne de mé-
diter et d'accomplir. La grâce et le libre arbitre agissent
conjointement : il ne faut pas dire que la grâce fait une partie
de l'œuvre , et le libre arbitre l'autre : leur opération com-
mune , indivisible , appartient , dans sa totalité , à chacune
des deux puissances coopérantes. La grâce fait tout dans le
libre arbitre , et le libre arbitre fait tout par la grâce. Tels
sont les résultats les plus importans des quatorze chapitres
qui composent ce traité , ouvrage d'un esprit supérieur , qui
a mûrement étudié une matière difficile.
VI. De Conversione ad Clericos ou ad Scholares : tel est
le titre d'un petit traité divisé en douze chapitres, et qui
occupe seize colonnes dans l'édition de Mabillon. C'était ori-
ginairement un discours prononcé en i lay ou 1 128, à Paris,
dans une assemblée de clercs ou dans une école de théologie.
Saint Bernard s'élève contre ceux qui s'engagent dans les
ordres sacrés sans réflexion , sans examen , sans vocation. Il
les exhorte à la pénitence, et leur trace la route qui doit les
ramener à la vertu. Fuir le mal , ce n'est pas assez pour se
dire converti , il faut encore faire le bien , et en rapporter à
Dieu toute la gloire. Ici , comme en plusieurs autres endroits
de ses ouvrages, saint Bernard trace le tableau des mœurs
déréglées du clergé de son siècle ; et telle est l'énormité des
vices dont il se plaint, qu'il a recours, pour effrayer les cou-
pables, à l'exemple des désastres de Gomore et de Sodome.
« Qui croirait, ajoute-t-il, qu'on piît retrouver dans la race
« choisie, dans la tribu sainte, de pareilles abominations.*'»
Tome XI IL Ce
XII SIECLE.
202 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE. JSumquid non olim civitates illœ , spurcitipe hujus matres....
incendio sunt deletœ? Heu ! geiius electwn , regale sacer-
dotium , gens sancta! O quis credere posset passe talia in te
aliquando reperiri ?
VII. Un opuscule qui remplit treize colonnes et comprend
treize chapitres , est intitulé Eloge de la nouvelle milice, et
adressé aux chevaliers du Temple, ou plutôt à Hugues de
Paganis, leur premier grand-maître. Hugues mourut en
II 36, et fut remplacé par Robert : l'opuscule cjui nous oc-
cupe n'a donc pas été composé après 1 1 3G ; et , d'un autre
côté, il ne l'a point été avant 1 128, c'est-à-dire avant le con-
cile de Troyes , de qui les Templiers tenaient leur règle et
leurs habits blancs. Avant ce concile, en effet, les chevaliers
du Temple n'étaient encore qu'au nombre de neuf, au lieu
que l'écrit de saint Bernard les suppose déjà très-nombreux.
Mabilîon estime que cette production doit se placer sous
l'année 11 32 : peut-être conviendrait-il de la rapprocher un
peu plus de 1 1 28 , c'est-à-dire de la date de ce concile , où
siégea Bernard. Ainsi, les sept premiers ouvrages de l'illustre
abbé appartiendraient à la seconde époque de sa vie , à celle
qui se termine au schisme d'Anaclet. Quoi qu'il en soit, on
peut distinguer deux parties dans l'opuscule sur la Nouvelle
milice. La seconde, qui est la plus longue, puisqu'elle com-
mence avec le cinquième chapitre, n'offre guère que des con-
sidérations pieuses sur les lieux saints. L'auteur y parle du
temple de Jérusalem, de Bethléem , de Nazareth, de la mon-
tagne des Oliviers, de la vallée de Josaphat, du Jourdain, du
Calvaire , du Saint Sépulcre , de Bethphagé , et de Béthanie.
Mais dans la première partie, qui se compose des quatre
premiers chapitres , il est réellement question des chevaliers
au Temple , de cet ordre monastique et militaire qui offre
de si frappans conti-astes. Un tel sujet amène fort naturelle-
ment ces formes antithétiques si familières à saint Bernard.
Les mœurs des Tem[)liers obtiennent ici de magnifiques
louanges : ils renonçaient à tous les plaisirs , même à la
chasse et au jeu d'échecs. Leurs vertus sont proposées en
exemple aux autres gens de guerre , à qui l'auteur adresse
les plus graves reproches; il leur conteste jusqu'à la vaillance,
et censure leur mollesse , qui s'étale jusque dans leurs véte-
mens: on doute, en les rencontrant, si l'on voit des femmes
ou des guerriers.
A. Mir. Chr. Aubert Lemire et Manrique attribuent à saint Bernard la
Ci*t. p. 42, «te.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 2o3
rédaction de la règle des Templiers , et citent , à l'appui de ^^ SïECLii
cette opinion , des textes qui ne la confirment guère, quoique
extraits de la preTace même de cette règle. Ces textes ne
disent aucunement que saint Bernard soit le rédacteur : ils
donneraient plutôt à entendre qu'il s'est déchargé de ce tra-
vail sur Jean Michel. Ego Joannes Michaelensis prœsentis v. Hist. litt.
paginœ, jussu concUii ac ■venerabilis ahhatis Clarcevallensis , Iq^[' ^.^^'
cui creditum ac debitum, hoc erat, humilis scriha esse divinâ
gratiâ merui.
VIII. Un opuscule sur le baptême est adressé par saint
Bernard à Hugues de Saint-Victor , qui est connu par plu-
sieurs ouvrages, et qui mourut en i il^i. Il faut donc regarder
comme antérieur à cette date l'écrit dont nous allons rendre
compte, mais qui probablement n'a été composé qu'après
l'extinction du schisme. Ce schisme a tellement occupé l'abbé
de Clairvaux depuis 1 1 3o jusqu'en 1 1 38 , que , selon toute
apparence , il n'a écrit aucun traité durant cet intervalle.
Celui qui concerne le baptême est le plus court que nous
ait laissé saint Bernard. Ce n'est , à proprement parlçr ,
qu'une longue lettre; c'était, dans les anciennes éditions,
1 épître LXXVII. On l'a partagée en cinq chapitres, qui rem-
plissent ensemble dix colonnes, et danslesquels sont traitées
cinq questions distinctes : i" Le baptême a-t-il commencé
d'être d'obligation depuis l'instant où Jésus a dit à Nico-
dême : Il faut renaître par l'eau et par le Saint Esprit pour
entrer dans le royaume des Cieux "? Selon saint Bernara , ces
paroles , adressées au seul Nicodême , n'étaient qu'une ins-
truction secrète qui n'avait point force de loi ; et Tobligation
d'être baptisé ne peut dater que de l'époque où les apôtres
ont promulgué ce précepte évangélique. 2° Pour être sauvé ^-
est-il nésessaire de recevoir le baptême ou de souffrir le
martyre ? ne suffit-il pas qu'avec une foi vive et une contri-
tion profonde on ait désiré et demandé le sacrement ? L'au-
teur répond , ou plutôt saint Augustin et saint Ambroise
répondent pour lui que de tels sentimens suffisent, quand
une mort inopinée ou quelque obstacle invincible empêche
que le baptême ne soit en effet administré. 3° Les patriar-
cnes de l'Ancien Testament ont-ils connu l'incarnation aussi
claii-ement que les chrétiens la connaissent .3 Réponse néga-
tive, fondée sur la prééminence de la nouvelle loi. 4° Y
a-t-il des péchés d'ignorance .^ Réponse affirmative, appuyée
sur des textes sacrés. Anima, si peccaverit per ignorantiam ,
Cca
2o4 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR^^4UX.
xil SIECLE, offeret arietem — Ignorantias viens ne memineris. — Si
enim cognoK'issent , niinquam Dominum gloiice crucifixissent.
5" Les anges ont-ils été informés avant la Sainte Vierge de
la triture incarnation du Verbe P Sur une telle question ,
chacun, selon saint Bernard, peut abonder dans son sens.
Pour lui , il distingue entre 1 incarnation considérée en elle-
même, sous l'aspect le plus général, et les circonstances
locales , temporelles , personnelles , qui la devaient accom-
pagner. Il croit que les anges n'ont pas été instruits avant
Marie de ces circonstances , et qu'ils n'ont connu , par
exemple , la ville de Nazareth . que lorsqu'ils ont appris que
l'archange Gabriel venait d'y être député. Cette production
de saint Bernard n'est pas celle où son style a le plus d'or-
nemens, de vivacité et de couleur.
IX. On a placé aussi parmi les traités , et divisé en neuf
chapitres , la lettre i ()o , adressée au Pape Innocent II , contre
Abailard. C'est, en effet, un petit traite polémique d'environ
treize pages in-folio.
Abailard disait : La foi est l'appréciation, l'estimation des
choses qui ne frappent point les sens ; il faut donc examiner
avant de croire , et celui cpii croit promptement est léger de
cœur, comme dit l'auteur de l'Ecclésiastique. Saint Bernard
répond en distinguant, d'une part, la foi ou croyance hu-
maine, qui, en effet, doit être le fruit d'un examen circons-
pect; de l'autre, la foi divine, qui ne saurait jamais être
trop prompte. Jésus ne reproche-t-il pas à ses disciples leur
lenteur à croire?
Abailard disait : Le Père est la pleine puissance , le Fils
est une certaine puissance, et le Saint Esprit n'est aucune
puissance. Que sera-ce donc que l'Esprit Saint? s'écrie l'abbé
de Clairvaux. Est-il ou n'est-il pas consubstantiel au Père ?
S'il l'est, comment n'a-t-il aucune puissance? et s'il ne l'est
pas, cpie devient la Trinité?
Abailard disait : Le pouvoir du démon sur Ihomme n'a
jamais été que le pouvoir d'un geôlier, qu'un pouvoir exercé
par la permission de Dieu ; ainsi , ce n'est pas pour arracher
l'homme des mains du démon que le Verbe s'est incarné.
Voilà, dit la lettre à Innocent II, voilà un démenti donné à
tous les théologiens, et à saint Paul lui-même, qui nous en-
seigne cjue les médians sont retenus captifs dans les filets
du démon , et (pie Dieu nous a délivrés cîe la puissance des
ténèbres. Ici le zèle du saint abbé s'anime à tel point ,
cl
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. aoS
u'après avoir traité son adversaire d'arrogant, de téméraire, ^^ SIECLE.
'impie, il ajoute qu'on devrait lui fermer la bouche autre-
ment que par des raisons, ^n non jus fias os loqucns talia
fustibus tunderetur qiùun rationibus refelleretur ?
Abailard disait, enfin, que l'unique but de Jésus-Christ,
en s'incarnant, avait été de nous instruire par ses paroles et
Far ses exemples. Bernard répond que c'est là renouveler
hérésie de Pelage; que, dans ce système, les petits enfans,
3ui ne peuvent profiter ni des exemples ni des instructions
e Jésus, ne seraient point rachetés par lui; qu'il laiit dis-
tinguer dans l'œuvre de notre salut trois clioses, l'humilité
du Sauveur , sa charité , et notre rédemption consommée
par sa mort. Telles sont, dit-il en finissant, les principales
erreurs d'un homme qui en a professé bien d'autres , ainsi
que le pape en pourra juger par les quatorze articles que
saint Bernard joint à sa lettre. Ces articles , retrouvés par
dom Jean Durand , ont été placés par Mabillon à la tête de
l'opuscule dont nous venons de rendre compte. Il est à re-
marquer que quelques-unes de ces quatorze propositions
ne se découvrent plus dans les œuvres imprimées de Pierre
Abailard.
X. Les rehgieux de Saint-Père, près de Chartres, avaient
consulté saint Bernard sur l'étendue de leurs obligations. Il
ne leur adresse pas directement sa réponse , parce qu'en lui
écrivant à l'insu de leur abbé , ils avaient enfreint leur règle.
C'est à Roger, abbé de Coulomb, dans le diocèse de Char-
tres, que le Traité du précepte et de la dispense est envoyé.
Il lui est annoncé par une epître qui tient lieu de préface , ,
et dont il serait difficile d'établir la date précise. Mais Roger
n'a été fait abbé de Coulomb qu'en i i3i , et Pierre-le-Véné-
rable, dans une lettre écrite vers ii43, fait mention de ce
traité. Il nous est donc permis de supposer qu'il a été com-
posé vers \\f\\ ou 42-
La principale question proposée par les moines de Char-
tres, était de savoir comment on pouvait distinguer, dans
la règle de saint Benoît , les préceptes rigoureux et les sim-
ples conseils. L'abbé de Clairvaux répond que la règle oblige
tous ceux qui l'ont embrassée , et qu'un moine ne peut
s'exempter de ce qu'elle prescrit qu'en vertu d'une dispense
obtenue de ses supérieurs. Il y a des préceptes immuables ,
fondés sur l'essence des choses ; Dieu même n'en dispense
point : il y en a d'inviolables cjue la volonté divine a établis ;
2o6 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE. Dieu en est l'auteur , lui seul en dispense : il en est enfin
qui ne sont que stables, et tels sont les régleniens monas-
tiques ou ecclésiastiques, dont les abbës ou les prélats peu-
vent , au besoin , adoucir ou modifier les dispositions.
La discussion de la question que nous venons d'énoncer
occupe les treize premiers chapitres de l'ouvrage. Dans les
autres, qui sont au nombre de sept, saint Bernard examine
les questions suivantes : L'obéissance est-elle toujours aussi
méritoire que la désobéissance est criminelle .►' A qui est-il
{)ermis , à qui défendu de changer de monastère ? Pourquoi
a vie religieuse est-elle regardée comme un second baptême ?
La mort ou la déposition d'un abbé rend-elle à ses religieux
une partie de leur liberté, par exemple, le droit de se retirer
dans un autre couvent ? Les détails dans lesquels ces diffi-
cultés entraînent l'auteur ne sont pas d'un intérêt assez gé-
néral pour qu'il y ait lieu de les retracer ici. Nous dirons
seulement cjue ses réponses sont toujours précises , et que sa
morale est toujours sévère. Ce traité , qui remplit vingt-
quatre colonnes dans l'édition de Mabillon , passait pour l'un
des meilleurs livres de morale monastique.
XL La Vie de saint Malachie, onzième ouvrage de saint
Bernard , a pour le moins toute l'étendue que comportait
la matière ; elle comprend trente-un chapitres , en trente-
quatre colonnes in-folio. L'auteur paraît avoir donné des
soins particuliers à la composition de ce livre, entrepris à la
prière de l'abbé Congan , auquel il est dédié.
Semblable aux poissons de la mer , qui ne conservent
rien de son âcreté, Malachie, né en Irlande, ne contracta
rien de ce qu'avait de barbare une telle patrie (a). Ses
progrès dans la piété furent si rapides et si solides , qu'on
le fit diacre avant l'âge de vingt-cinq ans , prêtre avant trente ,
c'est-à-dire plus hâtivement que ne permettaient alors les
canons ecclésiastiques. Il accepta malgré lui , dans sa trente-
unième année , l'evêché de Conneret , et soumit réellement
à Jésus-Christ un peuple qui , jusqu'à ce moment, avait été
chrétien de nom, payen de fait. Celse , qui en ce temps-là
gouvernait toute l'église d'Irlande en quahté de primat d'Ar-.
mach , tomba malade , et sentant sa hn prochaine , désigna
Malachie pour son successeur. Malachie monte à l'âge de
(a) De natali barbarie traxit nihil , non magis quàm de salo materna
pisces maris.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 207
trente-huit ans sur ce nouveau siège , réprime les abus , re'- Xll SIECLE,
tablit la paix , et après trois années de travaux et de succès,
quitte Armach , divise en deux parties le diocèse de Conneret ,
et, se réduisant à gouverner l'une de ces deux petites églises,
dcAdent simple évêque de Durham. Il désira toutefois le Pal-
lium , et fit un voyage en Italie pour l'obtenir du pape Inno-
cent II, qui le reçut bien, et n'exauça point sa prière. En
allant à Rome et en revenant en Irlande , Malachie passa par
Clairvaux , et inspira la plus profonde estime à tous les na-
bitans de ce monastère , sur-tout à l'abbé. Ici la conduite de
Malachie est mise en opposition avec celle des autres prélats.
« Ils dominent le clergé; il est le serviteur des clercs. Ils
« mangent sans prêcher ou prêchent pour manger ; il imite
« saint Paul , en mangeant pour annoncer l'évangile. Chez
« eux la piété n'est qu'un trafic , qu'un moyen d'entretenir
« leur faste ; le travail est son trésor, et la peine son héritage.
« Leur bonheur est d'étendre leurs domaines ; sa gloire est
« de propager la charité. On les voit recueillir, accumuler
« les dîmes , les prémices , les oblations , les redevances ; il
« n'est sorte de revenus qu'ils n'arrachent à la libéralité des
« princes et à la misère des peuples : Malachie , qui ne pos-
« sède rien , enrichit la terre des trésors de la foi ; et tandis
« qu'une inquiète cupidité les dévore , il ne songe pas au
« lendemain. Par eux , le pauvre est dépouillé pour enrichir
« l'opulent ; par lui , les riches sont exhortés à soulager l'in-
ft digence. Ils bâtissent des palais , des tours , des forteresses ;
« il n'a point où reposer sa tête apostolique. Orgueilleux du
« luxe de leurs équipages , ils sont environnés d'une nom-
ce breuse escorte , et la nourrissent d'un pain qui ne leur ap-
« partient pas ; il marche à pied , accompagne de ses coopé- *
« rateurs modestes , et porte le pain des anges qui doit
« rassasier les âmes chrétiennes {a). »
(a) 1111 dominantur in clero ; iste, dùm liber esset ex omnibus, omnium
se servum fecit. Illi aut non evangelizantes manducant , aut evangelizant
ut manducent : Malachias, imitans Paulum , manduoat ut evangelizet. Illi
fastum et quœstum œstimant pietatem, Malachias hereditatem vindicat sibi
opus et onus. Illi felices se credunt, si dilataverint termines suos : Mala-
chias in dilatandà caritate gloriatur. IIU , cùm accipiant décimas et primi-
tias et oblationes insuper, et de Cœsaris beneficio telonia et tributa, et alios
redilus infinités , soUiciti sunt nihilominùs quid manducent et quid
bibant : Malachias , nihil horum habens , multos tamen locupletat de
promptuario fidei. lllis nec cupiditatis, nec sollicitudinis ullus est finis;
2o8 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE. Pour faire connaître pleinement cette histoire , pour donner
une idée complète du liéros , et sur-tout de l'iiistorien , nous
devons dire qu'elle raconte beaucoup de miracles , et en citer
même un ou deux. Le saint évêque avait pour adversaire un
Kigellus qui- Nigellus ^ quc l'auteur appellerait volontiers Nigerrwius. Cet
dam, immôve- implacable ennemi avait aposté des assassins qui devaient
re nigerrimus. ^„Qy^ç.j- Malachic. Mais la prière de celui-ci pénétra le Ciel ;
il en fit descendie les ténèbres, les orages et la foudre sur les
malfaiteurs. Quand le saint partit pour Rome , l'évêque
d'Yorck lui prêta un cheval très-vicieux. Je vous le donnerais
plus volontiers , lui disait ce prélat, s'il était meilleur. N'im-
porte , répond Malachie , qu'on le selle toujours ; c'est la main
. qui me l'offre qui me le rend précieux. Il le monte en eflét :
tout-à-coup le coursier, jusqu'alors rétif, se montre docile;
et pour que la métamorphose soit plus visible , de noir qu'il
était, le voilà qui devient tout blanc. Quodque evidentius
miraciduin cernentibusfecit , de subnigro cœpit albescere , et
non multo post , 'vix im<eniehatar albior illo.
En ii4oi Malachie désirant toujours le Pallium, et se
flattant de l'obtenir d'Eugène III, vint en France, et se ren-
dit, vers le i5 octobre, à Clairvaux; le i8 il tomba malade,
et mourut le 2 novembie dans les bras de saint Bernard,
Le récit de cette mort est , en général , intéressant et pathé-
tique, malgré la froideur de quelques antithèses , par exem-
ple, de celles-ci: Flendo cantamus , et cantando flenius ;
JSÎalachias etsi non cantat , non plorat tamen , etc. Ce fut
dans le cours de l'année suivante (1149) que saint Bernard
composa cette vie, la seule de ses productions qui appar-
tienne au genre historique ; car ses panégyriques sont trop
étrangers à ce genre , et l'on n'y saurait rapporter non plus
les deux oraisons fiuièbres de saint Malachie, que nous avons
fait apeicevoir parmi ses sermons.
XII. Le principal ouvrage de saint Bernard est celui qui
a été composé le dernier, le Traité de la Considération ,
adressé au ,pape Eugène III. L'auteur entend par considé-
' Malachias , cupiens nihil , non novit tamen cogitare de crastino. Illi à
pauperibus exigunt qiiofl dent divitibus : iste sollicitât divites pro paupe-
ribns sustentandis.... Illi alta palatia erigunt , turres ac mœnia ad cœlos
levant: Malachias, non liabens ubi caput reclinct, opus facit evangebstae.
Illi cquos ascendunt cun» tuibà hominuni gratis manducantiuni panem
et non suuni : IMalachias, septus sanctorum fratrum collegio, pedes circuit
portans panes angeloruni , quibus satiet animas.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX. 209
ration l'habitude des réflexions morales et des méditations Xll sieclk.
pieuses. Dans un premier livre, il établit la nécessité de
contracter ou de conserver cette habitude sur le siège pon-
tifical. Il considère, dans le second , ce que doit être un sou-
verain pontife; dans le troisième, ce qui est au-dessous de
lui, savoir, tous les peuples de la terre; dans le quatrième,
les personnes qui l'environnent, ses conseillers, ses cai'di-
naux, sa cour; dans le cinquième enfin, les êtres qui lui sont
supérieurs, c'est-à-dire, les. anges et le Très-Haut.
Le prologue est affectueux avec dignité. L'amitié, dit saint
Bernard, ne connaît point de maître, et la tendresse re-
trouve un fils jusque sous la pourpre. Je vous aimai pauvre,
je vous chérirai père des pauvres et des riches. Mais un jeu
de mots entre amans et amens vient terminer et gâter ce
morceau. Le saint abbé plaint son ancien disciple arraché
aux délices de la solitude , et entraîné dans le tourbillon
des affaires. Dira-t-on que l'apôtre saint Paul, renonçant aussi
à sa liberté, s'est rendu l'esclave de tous les hommes .-^ Mais
l'apôtre avait-il donc cà satisfaire la cupidité des bénéficiers .-'
voyait- il arriver autour de lui, de toutes les parties du
monde, des ambitieux, des avares, des simoniaques, des
incestueux , des sacrilèges .^ Malheur au pontife qui , se né-
gligeant lui-même pour gouverner les autres, méconnaît la
nécessité de méditer les vérités évangéliques ! Grégoire-le-
Grand expliquait Ezéchiel pendant que les barbares assié-
geaient Rome. S'il est impossible d'écarter ces innombrables
affaires qui pourtant ne devraient occuper que les princes et
les magistrats séculiers, du moins faut-il en corriger les plus
révoltans abus : par exemple, mettre un frein à la loquacité
des avocats , prœcide linguas vaniloquas , et i^éprimer les
excès de l'ambition universelle ,y;'/e/?(7 est ambitiosis ecclesia;
corrige pras'um moreni : exurgat auctontas adversus impu-
dentiani hanc et generalem pesteni.
Ce premier livre, qui a onze chapitres, fut composé en
II 49; le second, qui comprend quatorze chapitres, ne par-
vint à Eugène qu'en ii5o. De vifs chagrins avaient inter-
rompu cet ouvrage ; les désastres de la croisade avaient
plongé l'auteur dans une affliction profonde. Ce livre com-
mence par une sorte d'apologie. On m'accuse de témérité,
dit Bernard ; on me reproche de magnifiques promesses
qu'aucun effet n'a suivies. Qu"ai-je fait pourtant qu'exécuter
vos ordres, ou plutôt ceux que Dieu me donnait par vous.-'
Tome XIII. Dd
210 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE. Incrédules et rebelles comme les Israélites que conduisait
Moïse, les ci'oisés ont eu le même sort; ils ont subi les mêmes
chatimens. Moïse prouvait sa mission par des miracles; et
si l'on demande quels signes ont justifié la mienne, ce n'est
pas k moi de répondre. Peu m'importe, après tout, le juge-
ment des mortels ; j'aime mieux qu'ils murmurent contre
moi que contre Dieu. Périsse ma gloire, pouiTU cjue la sienne
soit révérée. Dans le reste du livre, Eugène est exhorté à
se considérer lui-même, à examiner ce qu'il était, ce qu'il
est , quel il doit être. L'auteur s'applique sur-tout à montrer
que le souverain pontificat est un ministère, non une prin-
cipauté ; un fermage, et non un domaine. Non tanquam do-
minus , sed tanquam vUlicus. Il rassemble les textes sacrés
Ep. I. Pfir. qui prouvent que les papes ne sont point établis pour do-
c. 5, V. 3. Luc. miner. « Non dominantes in cleris , — principes gentium
c. 22,v. a . a domina ntur eo/iwi , vos autem non sic, etc. etc. »
Dans les cinq chapitres du troisième livre achevé en 1 1 52,
il est question des personnes sur lescpielles s'exerce la puis-
sance du souverain pontité, ou plutôt sa surveillance; car
l'auteur écarte encore ici toute idée de domination. Il veut
que la sollicitude d'Eugène s'étende sur les ])aïens, sur les
scliismatiques, sur les hérétiques, mais particulièrement sur
l'église catholique. Il parle fort au long des appellations,
des immunités, des dispenses. Ces institutions ne lui pa-
raissent point essentiellement abusives; il ne soupçonne au-
cunement la fausseté des décrétales qui les ont accréditées;
il dit en propres termes que les appels au pape sont aussi
nécessaires à l'église que le soleil à l'univers. Mais il recom-
mande à Eugène de n'exercer de tels pouvoirs qu'avec so-
briété, clairvoyance et justice; et pour montrer combien il
s'en faut qu'on en ait toujours usé ainsi, il cite jilusieurs
exemples, et spécialement ceux des archevêques de Mayence
et de Cologne, qui ont dû à leurs richesses l'impunité de
leurs scandales.
' En commençant le quatrième livre, saint Bernard dit qu'il
ignore comment les trois premiers ont été accueillis à Rome,
et il annonce qu'en consécjuence il sera plus réservé dans
celui-ci. C est néamnoins avec une liberté parfaite qu'il ca-
ractérise les Romains, la cour de Rome, les cardinaux, toutes
les personnes dont le pape est environné. Il dit tant de mal
des habitans de Rome, qu'il permet presque à Eugène de
les regarder comme incorrigibles. Mais, ajoute-t-il, vous ne
V. 17-
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 211
devez pas moins essayer cette cure, sans répondi'e du succès. ^^^ SIECLE.
A ce propos il cite le vers d'Ovide :
Non est in inedico semper relevetur ut ceecr. De Ponto ,
^ * lib. I, Eleg. III,
Il admire au milieu de la corruption génei-ale le désinté-
ressement des deux légats, Martin et Geoft'roi de Chartres.
Qu'un légat revienne sans or et sans argent d'un pays où
l'or et l'argent ne manquent pas, n'est-ce pas, dit-il, une
merveille étrangère à notre siècle.'' « Nonne alterius sœculi
« est rediisse legatum de terra auri sine aura; transiisse per
ce terrani argenti , et argentwn nesciisse ? »
Le quatrième livre a sept chapitres, et le dernier qua-
torze. Les quatre premiers livres contiennent , comme on
vient de le voir, un grand nombre d'instructions pratiques;
mais le cinquième est de pure spéculation : il traite des
anges et de Dieu, de l'unité, de la trinité , de l'incarnation
de Jésus-Christ, personne unique réunissant deux natures;
des perfections divines, et de l'adoration qui leur est due.
Tels sont les douze traités de saint Bernard. Mabillon y a
joint un treizième écrit, c'est-à-dire, un opuscule sur le
chant ecclésiastique ou sur la réforme de l'antiphonier. Mais
le saint abbé n'en a réellement composé que l'épître dédica-
toire, adressée à ceux qui transcriront ou liront l'antipho-
nier, auquel le traité dont il s'agit sert de préface. L'épître
est fort courte, et le traité, qui ne remplit que sept colonnes,
ne nous paraît remarquable que par certains détails tech-
niques , qui peuvent servir a l'histoire de l'art musical.
L'auteur distingue quatre modes de chant, quatuor manerice
cantuum, appelés, dit-il, chez les Grecs, protus , deuterus ,
tritus , tetradus. Chaque mode se sous -divise en plusieurs
tons, et admet différentes finales.
§ V.
OUVRAGES MAL-A-PROPOS ATTRIBUES A S. BERNARD.
Nous partagerons en deux ordres les productions mal-à-
propos attribuées à saint Bernard : i" celles que Mabillon a
recueillies ; 2° celles qu'il a négligées.
Voici les premières :
Dd2
212 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE. Quarante-huit sermons de l'abbé Gillebert sur le cantique
des cantiques ; sept traités ascétiques , et quatre lettres du
même abbé.
Lettre de Guillaume de Saint-Thierry avix chartreux du
Mont-Dieu , ses Traités de la Contemplation et de l'Amour
divin , et le Commentaire attribué au même Guillaume sur
le cantique des cantiqvres , commentaire qui n'est qu'un
abrégé des quatre-vingt-six sermons de saint Bernard sur
le même sujet.
Réflexions sur l'entretien de saint Pierre avec Jésus ,
extraites par Geoffroi d'Igny des ouvrages de l'abbé de Clair-
vaux.
Scain claustraJiwn ou scaJa paradisi , par Guignes, prieur
des chartreux.
Un traité sur l'Enfant- Jésus ( âgé de douze ans ) , par
AElrède, abbé de Riéval; mi sermon du même abbé sur
l'avent ; six sermons de Nicolas de Clairvaux, quinze dOger,
abbé de Locédia, un de Bernard, moine de Cluni, un de
Guibert , abbé de Nogent.
Quatre sermons sur l'antienne Salve Regina , attribués
aussi , mais sans fondement , à Bernard de Compostelle.
Sur la même antienne, une méditation extraite du traité
intitulé Stimulus amoris , qui se trouve parmi les ouvrages
de saint Bonaventure, et dont Anselme, evêque de Lucques,
est peut-êti-e l'auteur.
Un sermon sur la vie et la passion de Jésus-Christ; mor-
ceau que Trithême et Bellarmin attribuent au même saint
Anselme.
Un sermon sur la pureté , où l'on remarque beaucoup de
phrases extraites des écrits de Guerric , abbé d'Igny.
Le Mii'oir des moines , par Arnoul , religieux de l'abbaye
de Bohéri ; et deux autres opuscules du même auteur , inti-
tulés , le premier Document de la vie religieuse , le second
les Huit points de la perfection.
Un écrit sur ces paroles, ad quid venisti? qui, dans la
bibliothèque des Pères, a été placé parmi les œuvres de
David d'Augsbourg, frère mineur.
Des Méditations sur l'ame , et un Traité de la conscience,
qui font partie du recueil des oeuvres de Hugues de Saint-
Victor , et qui ne paraissent pas plus appartenir à ce théo-
logien qu'à saint Bernard.
Un autre Traité de la conscience; un Traité de la vie réglée;
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 21 3
un Traité de la Passion de Jésus , et une lamentation sur le ^^^ SIEClE.
même sujet.
Gemma crucifixi, ou Instruetion sacerdotale sur les mys-
tères de la religion ; un Traité des vertus ; une Explication
de l'oraison dominicale.
Sermons sur le dimanche des Rameaux , sur la cène , sur
les deux disciples allant à Emmaiis ; sur la dignité sacerdo-
tale, sur la parabole des dix vierges, sur celle du marchand
qui cherche des pierres précieuses, sur la misère de l'homme,
sur les sept dons du Saint Esprit, sur les douze portes de
Jérusalem , sur le renoncement au monde , sur ce texte du
prophète Michée : « O homme, je vous dirai ce cpii vous est
« utile. »
Un sermon prêché au concile de Reims , presque entière -
ment formé de centons recueillis dans les écrits de saint
Bernard; un autre discours prononcé dans un synode; un
troisième adressé à des prêtres , et dans lequel il est question
du schisme entre Alexandre III et l'anti-pape Victor, schisme
postérieur à la mort de saint Bernard.
Une letti^e sur la manière de bien vivre , un long traité
sur la même matière , divisé en soixante-treize chapitres , et
adressé par l'auteur à sa sœur; mais à une sœur qui n'a
jamais été mariée , et qui par conséquent n'est point Hum-
beline.
Cent quatre-vingt-six sentences, un Soliloque, un Dia-
logue entre un Juste et Dieu , enfin six pièces de vers , dont
les cinq dernières ne consistent qu'en lignes rimées.
Parmi ces productions, il en est plusieurs qui, comme on
vient de le voir, appartiennent à des auteurs connus, très-
distincts de l'abbé de Clairvaux. Celles-là ont été ou seront
examinées en d'autres ai'ticles de cette histoire littéraire; et
nous ne devons point nous y arrêter dans celui-ci, non plus
qu'aux discussions critiqvies qui peuvent s'élever sur l'au-
thenticité de quelques-unes de ces productions. Les motifs
de Mabillon pou» ne les point attribuer à saint Bei^nard ,
sont de deux genres : 1° la dissemblance du style; 2° les
allusions à des circonstanses étrangères à la vie du saint
abbé ; motifs qui s'appliquent également aux écrits anonymes
dont nous venons aussi de recueillir les titres.
Deux caractères distinguent le style de saint Bernard :
d'une part, l'usage et quelquefois l'abus des formes anti-
thétiques; de l'autre, les textes sacrés qu'il fond dans son
2i4 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE, pi'opre texte, et dont, pour l'ordinaire, il détourne plus ou
moins le sens naturel. On est pleinement autorise à ne point
lui attribuer des compositions où l'on ne retrouve ni ces
caractères, ni le ton noble, ni enfin le genre d'idées que
présentent ses ouvrages authentiques. Il ne peut sur- tout
rester aucun doute à l'égard des pièces qui offrent des dé-
tails inconciliables avec l'histoire personnelle de l'auteur.
Par exemple, ce long traité qu'on suppose adressé à sa sœur
Humbeline ne saurait être de lui, puisqu'Humbeline avait
été mariée, et que l'écrivain parle à une sœur qui a tou-
jours vécu dans le célibat.
Voilà tout ce que nous dirons de ces écrits anonymes,
c[ui, d'ailleurs, sont d'un bien faible intérêt tant pour le
fond que pour les formes.
Mais il est d'autres productions citées ou même publiées
sous le nom de saint Bernard, et cjui lui appartiennent si
peu, que dom Mabillon n'a pas jugé convenable de les in-
sérer même parmi les œuvres apocryphes du saint abbé. Ces
productions, qui sont au nomore de soixante, peuvent se
diviser en cinq classes :
i" Des ouvi"ages dont on peut indiquer les auteurs;
2° Des écrits anonymes en prose ;
3° Des pièces de vers ;
4° Des opuscules qui sont restés manuscrits;
5° Divers extraits oes œuvres de saint Bernard , recueillis
par des compilateurs des siècles suivans , et disposés en
forme de traités.
I. Nous avons déjà parlé de la règle des Templiers, dont
Hist. litt. de la rédaction nous a paru devoir être attribuée à Jean Michael-
laFr. t. XI, p. lensis, ainsi que l'avaient déjà dit nos prédécesseurs à l'ar-
''°' ticle de cet écrivain. Cette règle, un traité d'Arnauld de
Bonneval sur l'œuvre des six jours, l'explication du psaume
ylfferte par Richard de Saint-Victor, celle du Miserere par
Urbain II, un commentaire sur les psaumes de la pénitence
par Innocent III, ont été attribués sans raison et même sans
vraisemblance à l'abbé de Clairvaux.
II. Il serait beaucovip plus difficile de désigner les auteurs
de quelques autres écx'its dont on a supposé tout aussi mal-
à-propos cju'il était l'auteur. Ces écrits , au nombre de onze,
sont des commentaires sur les Epitres de saint Paul, sur
l'Apocalypse et sur l'hymne Jesu nostra redemptio ; un
sermon sur la Vierge, un psautier de la Vierge, une vie de
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX. 2i5
saint Melcliiade, un livre de méditations, des sentences con- ^^l siècle.
templatives ou mystiques, des paraboles, un traité du corps
de Jésus-Christ, et deux traités de musique. Hommey, re-
ligieux angustin, qui a inséré ces deux traités, les paraboles
et les sentences dans un supplément à la bibliothèque des
Pères, en les attribuant à saint Bernard, n'allègue aucune
preuve à l'appui de ces hypothèses , dont il ne dissimule
point d'ailleurs l'extrême incertitude. L'abbé de Clairvaux
n'a écrit sur la mvisique que la lettre qui sert tle préface au
traité de la correction de l'antiphonier, et Ion n'a de lui
d'autres sentences, d'autres paraboles que celles qui suivent
ses sermons dans l'édition de Mabillon. Dom Bernard Pez, Bibl. Ascet.
en imprimant sous le nom du saint abbé un commentaire t- "Vil, p. (jj.
sur l'hymne Jesu nostra redemptio , se borne aussi à pré-
senter cette opinion comme une conjecture qu'aucun témoi-
gnage ne confirme : en a lieu de penser, au contraire, ciue
ce commentaire est plus ancien cjue saint Bernard. Enfin, s.ind. not. in
c'est sans doute en confondant Malachie et Melchiade, que ^°^*' ^'*'" ^^^
le père Louis Jacob de Saint-Charles suppose que le pape visdi.Bibi. srr.
Melchiade a eu l'abbé de Clairvaux pour historien. ord. cisterc. p.
Aux veux des moines de Citeaux et de Clairvaux, la poésie ^l*" „ „
, . ■' , ,. , . ^ . • ^ I • Oper. S. Bern.
était un talent profane, la versincation un exercice mondani. t. v, vol. ii, p.
Ils ne se permettaient, dit Mabillon, aucune composition Sgi.
oii la mesure fût observée ; et c'est pour cela , ajoute le même
éditeur, qu'il n'y a ni mètre ni rhythme dans les hymnes
que fit saint Bernard pour la fête de Saint- Victor. On ne sau-
rait donc attribuer à ce pieux abbé certaines pièces de vers
d'un mécanisme plus régulier, quoiqu'on ne pût d'ailleurs
les considérer comme de bien graves infractions de la règle
ou de l'usage Cjui défendait aux cisterciens d'être poètes. L'au-
teur du Floretus n'est point coupable de poésie, mais il ver-
sifie, sinon avec grâce, du moins avec un soin que s'interdi-
sait saint Beinard. Cette production est, en quelque sorte,
un tissu d'extraits de plusieurs livres de théologie et de mo-
rale :
Hic Hier extractus de phiribus est 'vocitatus
Rite Floretus. . . .
Collegi Jlores non omnes , sed meliores.
Ces vers expliquent le titre donné à ce livre, et en font con-
naître la nature. Il est divisé en six parties. La première
traite des articles de foi, la seconde des préceptes, la troi-
sième des moyens d'éviter le péché , la quatrième des sacre-
2i6 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, jneijs ^ la cinquième des vertus , la sixième de la mort et de
ses suites, c'est-à-dire, du purgatoire, du paradis et de l'en-
fer. Gerson a commenté cet ouvrage , cjui , dans quelques
manuscrits et dans la plupart des imprimes, porte en effet
le nom de l'abbé de Clairvaux, mais qui n'est mentionné
dans aucune de ses lettres, dans aucun de ses écrits authen-
tiques , qui ne leur ressemble en aucune manière , et qiie
nul de ses contemporains ne lui attribue. Bérenger, qui de-
puis lui a reproché fort témérairement d'avoir fait dans sa
Apolog. pro jeunesse des vers et des chansons, ne parle ni du Floretus ,
Abaeiardo con- j^j d'aucuii autrc poëmc composé après 1 1 1 5 par l'abbé de
Clairvaux.
Le père Hommey présente comme des productions de ce
saint abbé dix-huit odes en l'honneur de Marie , et quelques
auti'es pièces de vers. Il est vrai que ces dix-huit odes et les
pièces qui les suivent sont extrêmement irrégulières , et ne
présentent que des lignes de prose rimée; mais ce n'est pas
là vine raison suffisante pour déclarer que saint Bernard en
est l'auteur. Ici l'hypothèse du père Hommey est dénuée non-
seulement de toute preuve, mais de tout indice.
Les mêmes considérations ont autorisé dom Mabillon à
écarter une prose pour la fête de la Sainte-Vierge , une épi-
taphe de saint Malachie , et celle de Hugues de Saint-Victor :
Clauditur hoc tumulo , etc. Cette dernière est l'ouvrage d'un
confrère de Hugues.
L'hymne yive maris stella. se lisait dans un manuscrit
de Saint-Germain-des-Prés et dans un bréviaire du Monf-
Cassin , que possédait à Paris la maison de l'institution de
l'Oratoire, manuscrit achevé du temps de l'abbé Oderise,
premier du nom, mort en iio5. Saint Bernard n'a donc
Arn. wion. point composé cct hymne , quoiqu'en aient pensé Wion
Lign. vitae,lib. g^. Perri de Locrc. A l'égard de l'antienne Salve Regina , il
MarJ^aû^lib. ^^^'^ 1^°"* suffire de renvoyer à ce qu'en ont dit nos prédé-
viT c. 4. cesseurs au VHP tome de cette histoire littéraire. Albéric,
dans sa chronique, lui donne le nom d'Antienne du Puv,
parce qu'elle était l'ouvrage d'un évêque de cette ville, nommé
Haymar ou Adhémar.
Au nombre des productions attribuées à saint Bernard,
on en compte neuf qui n'ont jamais été imprimées, et dont
nous ne pouvons indiquer ici que les titres :
Quomodb ]iomo deheat compati Christo crucifixo. — De
vitâ et morihus — Deux ouvrages réunis dans un manuscrit
cité par Lambecius ;
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 217
Une lettre aux religieux de Durliam en Angleterre, que la ^n SiECLf.
cathédrale de Durham possède manuscrite ; '
Tractatus contra l-f-^aldenses , compi'is par Sanderus au
nombre des manuscrits des Jésuites de Bruges [ci) ;
De creatlùiie niundi et reruin, manuscrit de Vienne cité
par Gessner;
Breviaviwn sancti Bernardi, manuscrit du collège de la
Trinité à Cambridge;
Liber doctrinalis — ■ De simplicitate — manuscrits de l'hô-
pital de Gray à Londres;
Enfin, Summa seu casas coiiscientiœ , l'un des manuscrits
que possédait Guillaume Laud, archevêque de Cantorbéry.
On a lieu de croire que ce dernier article n'est que l'ou-
vrage de saint Bernardin de Sienne sur les cas de conscience;
et il est fort vraisemblable que c'est par de pareilles méprises,
que les huit articles précédens sont attribués à saint Bernard.
Il nous resterait a parlei- de dix autres ouvrages sur les-
quels il est bien aisé de s'entendre. Ils sont de saint Bernard,
en ce sens qu'ils sont composés de fragruens et de textes
extraits de ses œuvres : ils ne sont pas de lui , si l'on en con-
sidère la distribution et le tissu. En un mot, ce sont des re-
cueils dont il a fourni toute la matière, mais dont les inti-
tulés et l'arrangement appartiennent à des compilateurs des
siècles suivans; tels que Ignace Huart, Nicolas Pithou, J. Pis-
torius, Nidda mus, Windecius, Théodore Petreius , chartreux ;
Samuel Cunon, David Lenfant, dominicain; Jean Malgoire,
Henriquez , Martin-Navarra-Alpisqueda , Jean Barbarica , etc.
— Quelques-uns de ces recueils sont restés manuscrits.
Quant aux éditions particulières de certaines lettres ou de
certains opuscules de saint Bernard , nous les indiquerons
dans le paragraphe suivant, qui aura pour objet le>s éditions
et les traductions de ses œuvres.
§ VI.
•ÉDITIONS ET TRADUCTIONS DES OEUVRES DE S. BERNARD.
La première édition de saint Bernard est de i^'jS. Elle
parut à Mayence chez Pierre Schoiffer, l'un des inventeurs
(fl) C'est , selon toute apparence , l'ouvrage que Bernaid , abbé de
Fontcaud {fontis calidi), a écrit contre les Vaiidois , et qui a été imprimé
dans la bibliothèque des Pères , t. XXIV.
Tome XIII. Ee
ûi8 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, de l'imprimerie ; elle contient le traité adressé aux Templiers,
et les sermons sur les fêtes de l'année, sur les saints et sur
divers sujets. Dom Clemencet parle d'une édition donnée à
Rouen vers la même époque, et contenant les cinq livres de
la Considération; mais l'art typographique ne s'est introduit
à Rouen qu'en i483 au plus tôt, et nous avons lieu de
croire qu'aucun ouvrage de saint Bernard n'a été imprimé
dans cette ville avant i5oi , ni même avant ibSy.
Tous les sermons de saint Bernard, à l'exception de ceux
qui expliquent le cantique des cantiques, ont été réimprimés
à Bruxelles, à Spire, à Heidelberg en i48i; à Basle, à Milan
et à Venise en i495; à Strasbourg en i497-
La première édition des sei^mons sur le cantique des can-
tiques est de 1 48 1 à Rostock ; les éditions suivantes des mêmes
sermons ont été publiées à Pavie, à Venise, à Paris, à Stras-
bourg, à Brescia , depuis 1482 jusqu'en i5oo.
Les épitres, imprimées pour la première fois à Bruxelles
en i48i , l'ont été à Paris en i494-) et à Strasbourg avant
1 5oo , mais sans date précise.
Ce fiit aussi en i48i que furent imprimés, pour la pre-
mière fois , les cinq livres de la Considération : ils sortaient
des pressas établies à Zwoll, et il en parut dans la même
ville une deuxième édition en i486.
Les traités on opuscules de saint Bernard sur les degrés
de l'humilité, sur le précepte et la dispense, et sur quel-
ques autres matières , ont aussi été imprimés dès le XV®
siècle; à Modène en 1 491 1 à Venise en i495, à Paris en
1495, et sans date à Cologne et à Augsbourg.
Nous croyons devoir nous borner ici à cette indication
des premières éditions de la plus grande partie des écrits de
saint Bernard ; mais nous donnerons dans une note un plus
long catalogue des éditions de ces mêmes écrits ,. publiées ,
soit avant, soit après l'année i5oi («).
(a) BiBLiOGRAPRiA BERNARDiNA. i5i5. Cur.1 Jod. ChlïctOTaei. Lugd.
Rleyn. iii-fol.
1° S. Bcrnardi opéra oinnia vel 1620. Cura Lamberti Campestrii et
pleraque. Laurentii Daiitisceni. Lugd. in-f'ol.
1 53o. Cura eorumdeni. Lugd. in-fol.
i5o8. Cura Andreae Boccardi. Pa- i53(>. Chlictoveana. Paris. Cheval-
risiis, J. parv. in-fol. Ion. in-fol.
i5i3. Cuià (jusdem. Paris. Rem- i538. Chlictoveana. Lugduni Junt.
boit, J. Pai-v. in-lol. in-fol.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. 219
Ce n'est qu'après cette époque qu'on rencontre des édi-
tions complètes ou presque complètes des œuvres de saint
Bernard. Le pi-emier éditeur de cette collection fut le doc-
teur Jean Bocard , qui , en 1 5o8 , fît paraître à Paris , chez
XII SIECLE.
i54o. Chlictoveana. Paris. Cheval-
Ion, in-fol.
i544- Cura Lanib. Camp, et Laur.
Dant. Lugd. in-fol.
i544 et 1545. Cura Franc. Comes-
toris. Paris, in-fol.
i547 et i548. Cura ejusd. Paris. V.
Chevallon , in-fol.
i55o. Venet. in-fol.
i55i. Coniestorina. Paris. Oudin.
in-fol.
■■ i552. Coniestorina. Paris, in-fol.
i552. Cura Ant. Marcellini. Basil.
Hervag. in-fol.
i558. Cura ejusd. Venet. in-fol.
i566\ Coniestorina. Paris, in-fol.
i566. Coniestorina. Paris, in-fol.
i566. Marcelliniana. Basil. Guill.
Merl. in-fol.
1372. Cura Gillotii Campani. Paris.
P. Nivelle , in-fol.
1576. Cura ejusd. Antuerp. in-fol.
i586. Cura ejusd. Paris, gr. Nav.
2 vol. in-fol.
1601. Cura Edmundi Tiraqueau ,
Mon. Cisterc. Paris, in-fol.
1609. Gillotiana, cum notis J. Pi-
cardi in epistolas. Paris, in-fol.
i6i5. Gillotiana, cum not. Picard.
Paris, gr. Nav. in-fol.
1616. Cura Carniinati. Venet. Sali-
cata. 2 vol. in-4'' max.
1620. Cum notis J. Picard. Antuerp.
2 vol. in-fol.
162 1 . Cum notis J. Picard. P. in-fol.
1640. Paris, Typogr. Regia, 6 tom.
in-fol.
i64i. Cura Jac. Merloni Horstii.
Colonise, 5 tom. 2 vol. in-fol.
1642. Paris. Typogr. Regia. 6 tom.
in-fol.
1645. Secunda Horstiana. Paris, in-
fol.
1632. 'Tertia Horstiana. Paris, in-fol.
i6'58. Quarta Horstiana. Paris, gr.
Nav. in-fol.
1662. Quinta Horstiana. Paris. 2 vol.
in-fol.
1667. Horstiana. Paris. 5 tom. 'm-4°-
1667. Cura Mabillonii. Paris. Léo-
nard. 2 vol. in-fol.
1667. Cura ejusd. Paris. Léonard.
5 tom. 9 vel 10 vol. in-8".
1668. Horstiana. Paris. 9 vol. in-8°.
1672. Horstiana. Paris, in-fol.
1690. Secunda MabiJloniana. Paris.
Guignard, 6 tom. 2 vol. in-fol.
1719. Tertia Mabilloniana. Ed. Mas-,
suel et Texier. Paris. RobusteL
6 tom. 2 vol. in-fol.
1726. Quarta Mabilloniana. Vero-
naî. 2 vol. in-fol.
OEuvres de S. Bernard , trad. en
franc, par Philippe-le-Bel, curé
de Luzarches. Paris, Joly, i6i5,
2 vol. in-fol. — Paris, Hacque-
ville, 1622, 2 vol. in-fol.
OEuvres de S. Bern. trad. en franc,
par Antoine de Saint - Gabriel ,
feuillant, i4 vol. in-8" , savoir :
Lettres. Paris, 1672, 4 vol. in-8''.
Sermons de Teitipore. Paris , de
Bresche, 1677, in-8".
Sermons sur les fêtes des Saints.
Ibid. 1678, in-8°.
Sermons sur le cantique des can-
tiques. Ibid. 1682 , 2 vol. in-S''.
Sermons ou Sentences , Paraboles.
Ibid. 1681, in-8°.
Sermons sur le psaume Qui habitat.
Ibid. 1681, in-8°.
Traités spirituels. Ibid. 1674, in-S".
Traités doctrinaux. Ibid. 1675 ,
in -8°.
Traité de l'Amour de Dieu. Ibid.
1667, in-S".
Eea
Xn SIECLE.
220
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
le Petit , une e'dition qui contient tous les sermons , trois cent
cinquante lettres, l'apologie à Guillaume, les traités de la
Considération, des degrés de l'humilité, de la grâce et du
libre arbitre, du précepte et de la dispense, et en outre plu-
Traité de la Considération; Ibid.
1672, in -8°.
2° S. Bernardi Epistolœ.
1481. Bruxellis , in-fol.
i494- Casileae, in-fol.
i494- Palis, in-4".
1495. Cum tractatibus aliqiiot («pu-
riis). Mediolani, in-4°.
.... Sine anni et loci indicatione,
cum iistlem traclatilius, in-fol.
.... Sine anni indicatione , cum
tractatu de gratià et libero aibi-
trio , et aliis opusmlis quibusdani.
Argentorati, in-fol.
161 4- Epistolœ selectae. Edit. d'Es-
tiolles. Paris. Cramoisy , 161 4,
in-4''.
1694. Epistolœ etSermonesin cant.
cant. Paris. 1694, in-4".
Epistola de festo Conceptionis non
celebrando ; cum auctoritatibus.
sanctorum. Goth. in-4". ( Catal. de
La Vallière, n. 619.)
Eadem epistola , annexa Vincentio
de Bandellis, de puritate concep-
tionis J. C. sine loci et anni indic.
in-4". — Eadem , in-12.
Epistolae 9 et Sermones 3 in cant.
cant. cum epistoiis 2 Pétri Vene-
rabilis contra Henricianos et Pe-
trobusianos. Ingolstad. i545 vel
1 546, in-4".- Paris, i64i,in-4o.
Epistolae Bernardi aliquot :
P. 109 operiim Cypriani. Oxonii,
1682, in-fol.
P. 270 operum Abc-elardi. Paris,
i€lo, in-4°.
T. II , p. 66 Monarcbiœ Goldasti.
Francof. 161 1 — 1614 , in-fol.
T. III, p. 9 et t. IV, p. 448-
458 Scriptor. de Keb, Gallic. éd.
Duchesne. Paris, i636, in-fol.
T. m, p. 16')- 168 SpicilegiiDa-
cheriani. Paris. lôSg, in-4''.
In Actis sanctorum Surii. Die i
Augusti, in-fol.
T. II, p. 168, etc.HistoiiaeUniver-
sit. Paris. Egassii du Boulay.
Paris. i665, in-fol.
P. 72 — 77 Epistolarum Hiberni-
carum Usserit. Paris. i665.
Part. II , p. 76 — 1 2 1 de l'Histoire
des cardinaux français , de Du-
chesne. Paris, 1660, in-fol.
P. 322 Aquilœ saxonica; J. Palatii.
\enet. 1679, in-fol.
T. II, p. 820 operum diplomat.
Miraei. Bruxell. 1724, in-fol.
T. I, p. 726 — 342 Amplissimse
CoUectionis Edm. Marten. Paris.
1724, in-fol.
T. XV, p. 521—620 Scriptor. de
Reb. Gallic. Ed. Brial. Paris.
1808, in-fol. — Etc. etc.
Lettere di sar. Bernardo volgarizzate
dal P. D. Gaspar. Petrina. Roma ,
Rossi, 1736, 2 part. in-4".
Tutte le opère spirituali di Franc.
Borgia, cum una epist. di S. Bern.
tradotta dal niedesimo. Venet,
Giol. de Ferr. i56i , in-8".
Epistola de la perfection de la vida
esperitual. Venet. 1604, in-8".
Lettres de S. Bern. trad. en franc.
par Gabriel de Saint-Malachie,
feuillant. Paris, Meturas. 1649,
in-8". — Par Le Roi. Paris, Mo-
reau, 170a, 2 \ol. in-8"'. — Par
Villefore. Paris, deKully, 1715,
2 vol. in-8''.
3° S. Bernardi Sermones.
Serm. (omnes). Lugd. i520,in-foL
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX. 221
sieurs opuscules mal-à-propos attribués à l'illustre abbë de ^n SIECLE.
Clairvaux. On l'éimprima ce même recueil à Paris en i5i3
et 1617.
Cependant Josse Chlictove avait, en i5i5, publié à Lyon
Sermones de Tempore et de Sanctis :
1475. Mogiintiae, Schoiffer, in-
fol. (Prima edit. oper. Bern.)
1481. Bruxellis, in-fol.
1481. Spirae, Drach. in-fol.
.... Sine anni indic. Spirae, in-
fol.
1481. Heidelbergœ , in-4°.
1495. Basileœ, Kesler, in-fol.
1495. Mediolani, Pachel , in-4°.
1495. Venetiis, in-4''.
1495. Sine loci indic. in-fol.
1497. ( Sermones de Tenip. ) Ar-
gentor. Flach. in-fol.
1662. Sermones de Temp. et de
SS. cum Vitâ Malachiœ; studio
Claudii Chanteloup. Paris. 2 vol.
in-4".
Sermones in cantlca canticorum :
1481. Rostoch. in-fol.
1482. Papiae, in-fol.
1492. Cura J. Rouaud. Paris.
in-4°.
i494- Venet. in-4°.
1497. Argentorati, Flach. in-fol.
i5oo. Brixiae, in-4''-
.... Sine loci et anni indicat.
in-fol.
i568. Lugd. Junt. in-4°.
Sermones 3 in cant. cant. — De erro-
ribus circa nuptias , etc. Ingols-
tad. i546', in-4".
Sermones aliquot, sine loci et anni
indic. in-4".
Sermo de passione Domini. Venet.
i5o5 , in-8".
Sermo de nomine Jesu. — Oratio ad
Jes. crucif etc. in-8".
Sermo in mortem Geraldi. Apud Su-
rium et BoUand ; die i3 junii.
Sermo in mortem Malachiae , cum
ejusdem vitâ. Apud Surium ; die
5 novembr.
Sermo de S. Victore. Apud Surium ;
die 26 februar. — Cum 3 hymnis.
Apud Bolland. februar. t. LU , p.
667.
Sermo de S. Benedicto, p. 97 — 100.
Vitae S. Benedicti graeco- latin ae.
Venet. Bartoli. 1723, in-4".
Excerpt. e sermonibus S. Bern. io
Bibliothecâ concionatoriâ P. Com-
besis. Paris. 1662, in-fol.
Sermoni morali sopra la cantica.
Milano , Scinzenzeler , 1 494) in-
fol.
Omelia sopra lo evangelio de la se-
conda feria di Pascha. Venet. Zan-
chi , 1 5o5 , in-4".
Sermoni sopra le solennitati di tutto
l'anno. — Intorno aile solennitati
del Signor ed altre feste ; tradotti
da Giov. da Tussignano , vescovo
di Ferrara. Venet. iSaSet 1629.
in-fol. -Venet. i558, in-8°.
Alcuni sermoni di S. Bern. con altri
opuscoli dellostesso, tradotti da
R. Retini. Venet. 1606 , in-4°.
Sermons de Tempore, sur le psaume
Quihabitat; Traités des dégrés de
l'humilité, du commandement et
de la dispense , de l'amour de
Dieu , de la manière de bien
vivre ; trad. en franc, par Hubert
Lescot , prieur des chanoines de
Saint-Augustin , etc. Louvain ,
1576, m-lC--lhid. 1577, in-4".
Sermons de S. Bernard , traduits par
J. T. A. P. (Jean Tournes, avocat
Parisien). Paris, Joly, 1620, 2
vol. in-4".
Sermons sur le psaume Qui habitat,
trad. en franc. Paris , Savreux ,
i658, in-8". -2'' édition, 1668,
in-i2.
Sermons sur le cantique des can-
aaa SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, une autre édition des œuvres de saint Bernard, édition qui
depuis s'est renouvelée plusieurs t'ois.
Il en faut distinguer celle que donnèrent à Lyon, en 1620,
deux moines de Clairvaux , Lambert et Laurent , et que
tiques , trad. en français. Paris ,
1621, in-S". — Il>id. 1624, 2 vol.
in-8".-Ibid. i663, in-4°.
Sermons sur le cantique des can-
tiques, trad. en franc, par Pimen-
tel. Paris, 1 663 , in-S". — Paris,
Jac. Dupuis, i663, in-8".-Paris,
1679, in-4".
Sermons sur le cantique des can-
tiques. Lyon, Plaignard, 1686,
m-S".
Sermons choisis , distribués par
ordre pour lavent , le carême ,
etc. trad. par \ illefore. Paris ,
Després , lySy, in-12.
Traduction flamande des sermons
de S. Bernard (autres que ceux
• sur le cantique des cantiques).
ZwoU, Peter Van -Os, i484 et
i485 , in-ioL-I/^id. i488, in-fol.-
lùid. 1495, in-fol.
4° Singuli S. Bernardl tractatus.
Traités des degrés de l'humilité
( les deux yeux de lame , le mi-
roir de la vie religieuse ) , trad.
en franc, par Jacob de Pierre-
Vive , religieux bénédict. Paris ,
Simon Vostre, i5io, in-4°.
Traités de Diligendo Deo et de hite-
riori bono , trad. en espagnol par
Ben. Alvares, moine cistercien.
Madrid, 1616, in-8°.
Traité de l'amour de Dieu, trad.
en franc, par Cl. Vérard, religieux
de Clairvaux. Paris , Barbou ,
1542, in-12. -Trad. par J. Co-
gneux , religieux de Bonneval en
Rouergne. Paris, Chaudière, 1 566,
in-S".
De gratià et libero arbitrio. Paris.
Augerel , i534 , in-12. - Inter
opuscula S. Augustin! et ejus dis-
cipulorum. Lovanii, 1648, in-4°.
— Cum comment. Higatii. 1649,
in-4^
Lettre à Bossuet , touchant ses sen-
timens et sa conduite a l'égard
de Fénélon , Traités de S. Au-
gustin et de S. Bernard sur la
grâce et le libre arbitre , trad. en
franc, par D. Gerberon. Toulouse
ou Amsterdam, 1698, in-8".
Traités de la conversion des njœurs,
de la vie solitaire , du précepte
et de la dispense ; trad. en franc,
par le S"^ Lamy ( Guill. le Roy,
abbédeHauteconibe.)Paris,\itré,
1649, in-16. — Paris , le Petit,
i656 , in-12.
Vie de S. Malachie , trad. en italien ,
par P. Maffei ; dans le recueil
intitulé f'ite di i3 confcssori di
' Cristo. Roma, 1601 , in-4''.
Vie de S. Malachie , trad. en franc.
parFr. Chiceré. Paris, 1601, in-8".
De Consideratione , ad Eugenium :
1481. ZwoU, in-4°.
i486. ZwoU, in-4".
.... ( Augustae Vindelicor.) in-fol.
i5i5. Paris, Chaudière, in-8°.
iSyi. Cum libello de praecepto
et dispensatione, et notis Cuyckii.
Antuerpiae, Plantin , in-16.
1394. Cum Scholiis Gerardi Joan-
nis Vossii. Romae, Facciotti, in-4'*.
'i6o5. Cum iisdem scholiis. Colo-
niae, in-8°.
1614. T. II, p. 68 et seqq. Mo-
narchiae Goldasti. Francolurti.
1701. Cura Mabillonii. Paris ,
MaupeUier, in-8".'
Traité de la Considération , trad. en
italien par RinaldoRetini. Venez.
Ciotti , itio6 , in-4°.
SAINT BERNARD , ABBÉ DÉ CLAIRVAUX. aaS
Mabillon recommande comme la plus correcte de celles du
XVP siècle : Omnium emendatissima. Elle s'est aussi plus
d'une fois reproduite.
Le quatrième éditeur fut François Comestor, ou le Man-
XII SIECLE.
TraJuctions françaises (du même
traité) par Desmaves. Paris, Guill.
de Luynes , i658, in- 12.— Par
François de S. -Claude , feuillant.
Paris, Josse, 1672, in-i2. — Par
le cardinal le Camus ( avec le
texte latin). Grenoble, Fr. Champ.
1695 , in-8°.
5° Collecta S. Bernardi opusculn
quœdam , sive genuiiia, sive spuria.
1491. Mutinae, Doniin. Ricliisola,
in-4".
1495. Venet. Sim. Bevilaqua , in-S".
1496. Paris , Bouyer et Boucher ,
in-4".
.... Sine loci et anni indicatione.
(Coloni*), in-fol. (De dihgendo
Deo.— De Sacramento altaris. —
Libelli •>. ad fratres de Monte Dei.
— Apologia contra Monachos ni-
gros. — De Praeceptis et Dispensa-
tionibus. -De hbero Arbitrio et
Gratià.-De Consideratione.-Me-
ditationes. )
.... Mediolani, Scinzenzeler, sine
anni indic. (Opuscula 7; scilicet :
Meditationes. -De interiore do-
mo. — De Gubernatioue faniiliae.
— Oratio ad orucem. — De vitoe
ordine et morum institutione. —
Spéculum de honestate vitse. —
Octo puncta mediantibus quibus
pei-venitur, etc. = Omnia vel ple-
raque spuria. )
.... Sine loci et anni indic. (Au-
gustae Yindelicor. Sorg. ) 2 vol.
in-fol. (De Consideratione. — De
conflictu Babylorùs et Jérusalem.
— De interiori homine. — Medita-
tiones.—De bonà Conseientià.—
De raiserià vitae. )
.... Parisiis, sine anni indic. in-4°.
( De concordià statuum religioso-
rum sui temporis. — De Praecepto
et Dispensatione. - De Considera-
tione.—Modus benè vivendi.)
i5oi. Spirœ, Drach , in-4V.
t5o3. Venet. apud Juntas , in-S".
i5o8. Paris, in-4''.
i55o. Venet. in-4". (Opuscula et
sermones. )
1575. Venet. in-4''.
1617. Opuscula 4 (spuria). De fu-
gà et reductione pueri. — De Cari-
tate. - Soliloquium. - Meditatio
de passione Domini. — In lucem
prolata à Jac. Gretsero. Ingols-
tad. Eder. in-4°. - Eadem , tom.
XVII, part. 2, p. 22-116 ope-
rum Gretseri. Patisb .1741, in-fol.
1696. Musica. -Expositiones mora-
les. - Tractatus de corpore Do-
mini. -De laudibus Mariœ Virgi-
nis odcc 18. - Commentar. in cant.
cant. - Addenda ad librum de
musicâ (spuria). P. 1-268 sup-
plem. Bibl. PP. editiàP. Hommey.
Paris, in-8°. '
Varias obras de S. Bernardo tradu-
cidas por F. J. Alvarez. Valencia
(cire. i5go).
6° Opuscula S. Bernardi nomine im-
merito inscripta , singulatiin édita,
Floretus :
1478. Argentorati , in-8°.
(Hagenoa?,circà i49o)in-4°.
i494- Lugduni , in-4''.
1499. Coloniœ, in-4''.
1 499. Daventriae , Paffroed. in-4''.
i499- Lugd. in-4''.
.... Sine anni et loci indica-
tione, in-4°.
224 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, geur, docteur de Sorbonne , qui inséra pour la première
" fois dans cette collection le traite du saint abbé sur l'amour
de Dieu. Entre les éditions dues aux soins de Comestor, on
distingue celle de i547 ^ Paris chez la veuve Chevalon; mais
i5oo. Coloniae , in-4°-
i5oi. Coloniae, Quentel, in-4°.
i5o3. Venet. Junt. in-4°.
i5o5. Lugd. Jannot. de Campis.
in-fol.
1009. Lugd. Huguetan , in-4°.
i5io. ' Aigentor. Knoblouch ,
in -4°.
i5i2. Cadomi, in-4''.
iSip. Augustœ Vindelic. in-4''-
i520. Coloniae, in-4".
1320. Lugd. Maiion. in-4°.
Floret en (vers) franczoys. Rennes,
i485, in-4".
De contemptu mundj, versibus hexa-
metris. Lips. i493, in-4°- — Paris.
16945 in-i2.— Sine loci indic.
i499,in-4°.
De contemptu niundi liynini 4) p-
45 Bibliothecae Cisterc. Car. de
Visch. Colon. Agripp. i656, in-4".
Carmen Paraeneticum editum à P.
Possino. Romae , i663, in-12.
Rhythmica oratio ad unum quodque
menibrorum J. C. patientis : ad
calceni epitomes Harraon. evan-
geL Chemnitziana;, editae à Poly-
carpo Lvsero. Witteb. Schurer.
i633,in-8''.
Oraiio ad Jesuni et Mariam. Paris.
J. Parv. sine anni indic. in-8 .—
Jubilus de noraine Jesu. Sletlini,
1614, in-8°.
De planctu Beatae Mariae, sine anni
et loci indic. ( Coloniae, Ulric Zel ,
circà 1470) in-4°. — Sine loci in-
dic. i486 , in-4". — Aigentorati ,
i486 , in-4*'. — Argentorati , Kno-
blouch , i5o8,in-4".
Pianti devotissimi délia Madona.
Milano , Phil. de Lavania ( senza
l'anno), in-8°.
Devotissimopiantosopralapassione,
morte e sepoltura di Giesu , trad.
da Giac. de Porsa. Ronia , Ber-
nabo , i685 , in-8".
De laudibus Beatae Mariae Virginis ,
sine loci et anni indic. ( Antuer-
piœ Leeu) , in-4". — Altéra editio ,
sine loci et anni indic. in-4°.
Psalterium Mariae. Venet. 1069 ,
in-12.
Super hymn. Je$ii nostra redemptio.
P. 3, t. VII, Biblioih. ascet. B. Pez.
3Iedilationes :
.... Sine loci et anni ind. ( circà
1490) in-4".
.... Sine anni indic. Coloniae ,
in-8".
1492. Argentorati, in-8°.
1492. Basileae , in-8".
1492. Sine loci indic. in-8".
1493. Paris. Mitelhus, in-8".
.... Sine anni ind. Paris. Roce,
in-8".
.... Sine anni iadic. Paris. Re-
gnaud, in-8°.
.... Sine loci et anni ind. in-8".
i5oi. Coloniae, in-8".
i5o3. Venet. Junt. in-8".
i3o5. Venet. in-8°.
i5i9. Augustae Vindel. in-4°.
i520. Coloniaî, in-4°.
i520. Lugduni, in-fol.
i535. Venet. J. Patav. in-12.
(Cum aliis opusculis. )
1543. Venet. Bern. de Bindonis,
in -24. (Cum aliis opuscidis. )
i556. (Meditationes Augusti, An-
selmi , Bernardi. ) Lugd. Haered.
Junt. in-12.
iSjS. Lugd. Gryph. in -12.
1609. Lugd. in-12.
i6'3i. (Meditationes Augusti, An-
selmi , Bernardi.) Coloniae, ab
Egniond,in-24— Ibid. i649i in-12.
SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. aaS
il en existe d'antérieures et de poste'rieures à cette date. Xil SIECLE.
On ignore qui a pris ou a dû prendre soin d'une édition
très-détectueuse publiée à Venise en i55o , et l'on considère
comme le cinquième éditeur des œuvres de saint Bernard,
Meditazioni di Bernardo, Anselino,
et tradotte da Basadonna. Venez.
Farri, £542 , in-i6. — Venez. Lo-
renzini, i562,in-i6. — Venez. Gu-
lielmo , iSyS, in-i6. — Trad. de
Nie. Aurifico Buonfigli , Venez.
Giolito de Ferrar. i583, i584,
i586, iSpS, iSgti, 3 tom. in-12.
Traduction franc, des Méditations
de S. Bernard et de S. Anselme.
Paris, 1642, in-12.
Traduction anglaise. W^estniinster ,
Wyncken a Worde , 1496, in-4°.
Modus bene vivendi , ad sororem :
1490. Venet. in-4'*.
1492. Ven. Bern.de BenaliiSjin-S".
1494. Venet. in-8°.
1494. Paris, in-8°.
i494- Sine loci indic. in-S".
.... Sine loci et anni ind. in-4''.
i5o2. Paris, Roce. in-8".
Epistola de cura et modo rei fami-
liaris :
1497. Lips. in-4°.
1497. ^'"'^ ^'^'^^ indic. in-4°.
i5o6". Lips. in-4''.
i3og. Lipsia;, Thanner. in-4°.
1009. Lipsiae, Monac. in-4"-
Epistola délia cura , etc. ( Venet.
Jenson , circà 1472) in-4".
Del modo del ben vivere :
1495. Firenze, Lor, Morgiani,
in-4''.
1497. Venez, in-4''.
.... Senza l'anno. Venez, in-4".
i5o2. Venez. Penza, in-4''.
i5o8. Venez. Quarengi, in-4°.
' i5i8. Venez. in-4°.
i528. Venez, in-4''.
1529. Venez, in-4''.
1567. Venez. in-S".
1594. Venez. Moretti , in-S*".
1619. Venez. Salis. in-S".
Tome XIII.
1674. ( Trad. dal padre D. Pietro
Vecchia.) Bergamo, Rossi, in-8''.
i6q3. (Trad. da Giov. B. da S.
Giuseppe Beneilettino. ) Napoli ,
Fasella, i493,in-8''.
El libro de S. Bern. ad sororem,
traducido por S. Gabriel Castel-
lanos. Pinciap, 1602, in-8''.
Le gouvernement du ménage selon
S. Bernard. Paris , à l'Escu de
Fr. in-8''.
Manière de bien vivre , à sa sœur ;
trad. par Claude du Bellay. Paris,
1621 , in-12.
Scala cœli. Augustae , i655 , in-12.
Scala de' claustral!, ovvero del mo-
do di orare. Roma,Tizzoni, 1680,
in-S".
L'Eschelle des cloîtriers ou de la
manière de prier, trad. en franc.
par F. Julian Warnier, prieur de
Long-Pont. Paris , Georg. Jou-
venel, 1607 , in-12.
Echelle du cloître, et apologie à
Guill.de S. Thierry, trad. en franc.
par M. L. N. D. G. Paris, Savreux',
i65o , in-12.
De concordià statuum religiosorum
sui temporis. Paris. 1481, in-S".
— Paris. Roce, sine anni ind. in-8''.
Chronicon Cisterciense ( quod à S.
Bernardo supponitur adauctum).
Editunr à Mira;o, 161 4, in-S".
De vitâ solilariâ , etc. Colonise, 1 548 .
in-S".
S. Bernardus, de ImitationeChristi,
sine loci et anni indic. (1480),
in-4''. - Brixiœ , i485, in-8''.
Le livre très-salutaire de l'Imitation ,
etc. attribué à S. Bernard ou à
Maître Jean Gerson etc. T^iolose ,
Hen. Mayer. 1488, in-S". -Paris,
L Lambert, i493, iu-4'', fig- ~"
Ff
in SIECLE.
226 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
Antoine Marcellin , qui en 1 552 les fit paraître à Bàle dans
un ordre plus méthodique, et en rejetant à la fin du recueil
les écrits supposés. Cette édition fut copiée à Venise en i558,
Bàle en i565.
supp
et renouvelée à
Paris, J. Trepperel (sans date,
avant rSoa), in-4''. — Paris , Phil.
le Noir (sans date, vers i52o),
in-4 .
Aiguillon d'amour divine , trad. de
S. Bernard en français par Ant.
Vérard , iSoy, in-4".
Spéculum <le honestate vitœ :
.... Moguntiœ , P. Schoeffer
(circà 1470) , in-4".
1490. Lubecee, in-8".
.... Sine anni indic. Argentor.
in-4''. .
.... Sine anni in d.Romae,in-4°.
Modello di fabbrica interiore di S.
Bernardo ; trad. dal P. Pietro
\ecchia. Turlini , 1673, in-8°.
In che modo si deve tenere la co-
scienza. Bononiœ , Kubbiera ,
i522 , in-4°.
De humanà miserià ; sine loci et
anni indic. (Burgdoff. ) in-4''.
De conflirtu Babylonis et Jérusalem ,
sine loci et anni indic. ( Augustse
Yindelicor. Sorg.) in-fol.
Trattato délia confessione. Sine loci
et anni indic. (1494), in-4''.
In synibolum apostolor. et in orat.
dominic. Argentor. Knoblouch.
i5o6, in-4''- — Ibid. i5o7,in-4''.
Homilia fidei doctrinam continens.
Lipsiœ, Lotter. i5i6", in-4°.
Isagoge in musicam. Lips. Louer.
1 5 1 7 , in-4''.
Postillœ majores. Delphis. 1480 ,
in-fol.
De sex circumstantiis adventiis do-
minici. Bruxell. 1481 , in-S".
De duoilecim signis prajtlestinatio-
nis. Lubecœ , 1490, in-8".
Epître à Raymond , seigneur du
Cbàtel-S.-Ambroise ; translatée
du latiu. Caract. goth. in-4''-
7° Excerpta e scriptis S. Bemardi.
Florum nobiliorum divi Bernardi
libri 10. Coloniœ , 1482, in-fol.
— ( Norimborgae) sine loci et anni
indic. in-fol.
Florilegium Bernardinum , sive flo-
res ex operibus S. Bernardi , col-
lecti à Guillelnio nionacho S.
Martini Tornacensis. Paris, i499j
in-4''. — Lugduni , i556, in-8". —
Lugtluni, Rovillius, 1570, in-i6.
Liber florum S. Bernardi. Paris.
Pigouchet et J. Petit , 1 5o3 , in-8''.
Bernardus abbas , sive sanctus prae-
latus , hoc est , flores pastorales
ex selectissimis D. Bern. operibus
collecti cura Ignatii Huart. Lova-
nii, Nempaeus , i65i, in-4''.
Thésaurus è monumentis S. Ber-
nardi, erutus per Nicol. Pithœum.
Genevae, 1 589, in-8''. — Lugduni,
le Preux, 1089, in -8°.
De omnibus Dogmatibus fidei hodiè
controversis, ex S. Bernardi scrip-
tis, cura J. Pistorii , Kiddami et
J. PauliWindecii. Coloniae, i5g4,
in-8''.
Confessio Bernardina , cura Theo-
dori Petraeii Carthusiani. Coloniae,
1606 , in-8". — Coloniae , Hierat.
1607 , in-8''.
Oratorium S. Bernardi latino-ger»
nianicum ex scriptis ejus ccllec-
tum , per Samuelem Cunoneni.
Halae, 1609 , in-S".
Biblia S. Bernardi, seu CoUectio et
explicatio locorum S. scripturae
quae reperiuntur in omnibus S.
Bernardi operibus , ordine Bibli-
co, cura Davidis Lenfant Doniini-
cani. Paris. 1646, in-fol. — Paris.
Hesnault. i655 , in-4''-
SAIN'T BERNARD , ABBÉ DE CLAIR VAUX. 227
Le sixième e'diteur est Gillot de Champagne, qui en 1672 Xll SIECL8.
fit sortir cette même collection des presses de Nivelle à Paris.
L édition de Gillot, plusieurs fois reproduite, le fut sur-tout
en i586 à Paris, en deux volumes in-folio, qui pouvaient
me'riter, avant 1600, d'être préférés à toute autre édition des
œuvres de saint Bernard.
On compte jusqu'à vingt ou vingt-cinq éditions des mêmes
œuvres dans le cours du XVP siècle : elles se divisent en six
.classes, selon qu'elles sont dues aux soins ou de Bocard, ou
de Chlictove, ou des deux moines de Clairvaux, Laurent et
Lambert, ou de François le Mangeur, ou d'Antoine Mar-
cellin, ou de Jean Gillot de Champagne.
Parmi vingt éditions du XVIP siècle, il en est qui ne font
que renouveler celle de Jean Gillot. Les plus remarquables
entre les autres sont :
I " Celle que fit paraître à Paris , en 1 60 1 , Edme Ti raqueau ,
moine cistercien ;
2° Celle que Jean Picard enrichit de ses notes en i6o(j;
3" Celle de 16 16, due aux presses de Salicati à Venise, et
aux soins d'un neuvième éditeur, Jean -Baptiste Carminati;
If Celle du Louvre en i64o et 1G42 , en six volumes in-
folio , qui ne sont recommandables que par l'exécution typo-
graphique ;
5° Celle que Merlon Horstius publia d'abord en i64i à
Cologne , et qui se perfectionna dans plusieurs réimpressions
successives jusqu'au-delà de 1667;
6" Enfin, celle qu'en 1667 dom Mabillon dédia au pape
S. Bernard! Theologia didascalico- Dictâmes para vida religiosa e per-
nioialis, ex mellifluis ejus scrip- feyta pelo S. Bernardo , traduzi-
lisstudiosècollecta. Erfurti, 1646, dos de latim en portuguez pelo
in-fol. Joam Barbarica. Lisboa, Pereyra
S. Bernardi Theologia speculativa, da Sylva, 1721, in-4''.
cura Laurentii Bertrandi. Astae , Sentences et Instructions chrétiennes
1675 , 1676, 2 vol. in-4''. tirées des œuvres de S. Bernard,
D. Bernardi Mellilotpiitim à J. Mal- par de Laval (le duc de Luynes).
goire. Romae, i663 , in-12. Paris, Villette , 1709, iD-12.—
Régula conversorum ordinis cister- Ibid. 1734, in-12.
ciensis , secundiun instituta divi
Bernardi ; in Menolog. Henriq. 8" De Vitâ et scriptis S. Bernardi.
Doctrina de S. Bernardo romanzada
por Martin Navarra Alpisqueda. V. suprà not. (a), [h), p. i3o, [a),
Anversa, i554, in-4°. (b) , (c), {d) , (e), (/), p. i3i.
Ffa
228 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIR VAUX.
XII SIECLE. Alexandre VII, et qu'il reproduisit plus correcte et plus riche
en iGgo. C'est, sans contredit, la plus précieuse par la pu-
reté du texte , par la distribution des matières , j>ar les dis-
sertations et les notes de l'éditeur. Ce travail avait été pro-
jeté par dom Chanteloup, qui mourut fort peu de temps
après l'avoir entrepris. Dom Mabillon, sou confrère, y con-
sacra de longues veilles, et rendit presque inutiles toutes
les éditions précédentes. Les plus dignes d'être recueillies
dans une grande bibliothèque, seraient, à notre avis, celle
de 1475, comme la première; celle de iSao, à cause de sa
correction; celle de i586, comme la plus belle et la plus
ample qu'on eût alors; celle de i6og, pour les notes de Jean
Picard; celle du Louvre en 1642, à raison de la beauté des
caractères ; celles d'Horstius , telle qu'elle parut à Paris en
i658; et enfin celle de 1690, la seconde de dom Mabillon.
On y pourrait joindre deux éditions publiées au XVIIP
siècle : l'une à Paris en 1719, par les soins de dom Massuet
et de dom Texier; l'autre à Vérone en 1^26; mais ces deux
éditions ne sont réellement que celle de 1690, augmentée
de quelques lettres de saint Bernard, qui venaient d'être dé-
couvertes et mises en lumière par Baluze , IMartène et
Durand.
Nous aurions à parcourir de bien plus longs détails, s'il
nous fallait rendre compte ici de toutes les éditions particu-
lières dé chacun des écrits de saint Bernard. Il doit nous suf-
fire d'en donner, dans la note bibliographicjue placée ci-des-
sous, un catalogue sommaire qui sera sans doute incomplet.
On pourra distinguer dans cette multitude d'éditions, celle
des cinq livres de la Considération, qui sortit des presses de
Plantin a Anvers, en lÔyi : ces mêmes livres ont aussi paru
avec des commentaires de Jean Gérard Vossius.
Celles des lettres de saint Bernard qui ont un caractère
historique , ont été insérées dans le recueil de Duchesne.
M. Brial les a reproduites plus complètement et avec plus
de méthode dans le quinzième volume de la Collection des
historiens de France.
Il existe probablement beaucoup plus de versions ita-
liennes, espagnoles, anglaises et allemandes des oeuvres de
saint Bernard , que nous n'en avons pu connaître. Par un
choix fort étrange, les bibliograghes ont spécialement cité
les traductions des écrits apocryphes de l'abbé de Clairvaux;
par exemple , de sa prétendue règle de vie adressée à sa sœur.
SAINT BERNARD , ABBÉ DE CJ.AIRVAUX. 229
Toutefois les Italiens possèdent une version des sermons sur XII SIECLE,
le cantique, imprimée dès i494i une version des autres ser-
mons, publiée à Venise en iSag : ils doivent à Rinaldo Re-
tini une traduction des livres sur la Considération , qui pa-
rut en 1606. Benoît Alvare, moine cistercien, a traduit en
espagnol le traité de diligcudo Deo ; et dès i4^4> on avait
mis au jour une version flamande des sermons sur les fêtes
de l'année, sur les saints et sur divers sujets.
L'un des plus anciens traducteui's français de saint Bernard
est Pierre Vives, religieux bénédictin. Sa traduction duti^aité
des degrés de l'humilité fut imprimée chez Simon Vostre en
i5io. Claude Vérard, religieux deClairvaux, traduisit le traité
de l'amour de Dieu , à Paris chez Barbou , en 1642. Ce même
traité a trouvé, en i566, un autre traducteur dans un reli-
gieux de Bonneval en Rouergue, nommé Jean Cogneur.Vers
le même temps, Hubert Lescot, prieur des chanoines de
Saint -Augustin , translatait tous les sermons de saint Ber-
nard et quelques-uns de ses traités. P. Chicheré traduisit en
160 1, la vie de saint Malachie; et Philippe le Bel, curé de
Luzarche , en 161 5, presque tous les écrits du saint abbé.
Les autres traducteurs de saint Bernard, dans le cours du
XVIP siècle, furent Jean Tournes, avocat, Claude du Bellay,
le cardinal le Camus, Pimentel, Desmares, François de Saint-
Claude, dom Gerberon, cjuelques anonymes , mais sur-tout
Antoine de Saint- Gabriel, religieux feuillant. Ce dernier a
traduit les sermons , les lettres et presque tous les opuscules.
Toutes ces versions sont assez peu dignes de leurs textes, et
saint Bernard ne peut encore être lu en français que dans
les traductions de le Roi et de Villefore, qui ont, l'un et
l'autre, traduit les lettres de l'abbé de Clairvaux, le premier
en 1702, le second en 1 7 15. Villefore a laissé, déplus, une
version des sermons les plus remarquables , imprimée en
1787, l'année même de la mort de ce traducteur.
§ VII.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
C'est sur-tout dans les ouvrages des plus illustres écrivains
de chaque siècle qu'il faut étudier l'histoire littéraire , c'estf
à-dire examiner quelles idées occupaient l'esprit humain,
23o SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
xn SIECLE, quelles formes prenait l'art d'écrire , quelle direction sui-
vaient ou imprimaient les talens.
Les institutions monastiques avaient alors une importance
que nous ne pourrions soupçonner aujourd'hui, si elle n'était
attestée par tous les monumens de cet âge. Le nombi^e tou-
jours croissant des monastères , la multitude des moines ,
l'austérité des uns , l'opulence des autres , la considération
qu'attirait à plusieurs d'entre eux ou la noblesse de leur
extraction , ou l'éclat de leurs vertus , ou la renommée de
leur savoir, ou l'activité de leur esprit, de leur caractère;
toutes les causes enfin qui peuvent distinguer, illustrer, enri-
chir une profession, s'étaient réunies en faveur de celle des re-
ligieux. Les cloîtres étaient à-la-fois des asyles et des théâtres :
on pouvait y être également entraîné , soit par le goût de la
solitude , soit par le désir de la célébrité , ou même de la
puissance. La carrière monastique conduisait à la gloire et
aux dignités ; à l'épiscopat , au souverain pontificat , quelque-
fois à l'administration des Empires. Les couvens , et à plus
forte raison les ordres , étaient devenus en quelque sorte de
petits Etats , presque indépendans de l'autorité civile , même
de la juridiction ecclésiastique ordinaire ; et peu s'en fallait
qu'un abbé ne fût véritablement un prince au-dehors comme
au-dedans de sa communauté. 11 n'est donc pas étonnant que
les œuvres de saint Bernard nous offrent un si grand nombre
de considérations et de détails sur les monastères.
Tous ses écrits nous rendent sensibles les relations qui
existaient entre les couvens et les églises , comme entre le
régime ecclésiastique et le gouvernement des peuples. Le
système accrédité par les fausses décrétales se montre d'au-
tant plus à découvert dans ses ouvrages , qu'il n'y est jamais
discuté ; saint Bernard le reçoit et le donne pour incontes-
table. A ses yeux, le monarque n'est que V évéque du dehors,
chargé d'accomplir les décrets de l'église et de prêter force
à la foi. Ce n'est pas que le saint aî)bé dissimule les abus
qui s'introduisent dans le clergé , ni qu'il pardonne aux vices
qui régnent à la cour de Rome; mais lorsqu'il censure amè-
rement les prélats et les pontifes , ce n'est jamais envers les
rois qu'il les trouve coupables , c'est aux intérêts de l'église
elle-même qu'il les déclare infidèles. En un mot, il n'aper-
çoit dans le monde que l'église; sur elle reposent, et pour
elle sevile doivent exister et s'employer toutes les autres ins-
titutions. Telle est l'idée générale que développent et appli-
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIR VAUX. 23 1
quent, lors même qu'elles ne 1 énoncent pas, ses epîtres à xn SIECLE.
Louis VI, à Louis VII ^ à Suger , à Eugène III, et sa lettre
encyclique pour la croisade.
Prémuni de bonne heure contre les innovations , soit par
le sentiment des périls auxquels toujours elles exposent leurs
auteurs, soit plutôt par les principes et l'ascendant d'une
éducation orthodoxe , il fut l'adversaire inflexible et souvent
formidable, non-seulement des hérésies manifestes , mais de
toute opinion hasardée. Bayle (a) et quelques autres ont
prétendu qu'il aurait pu traiter avec un peu moins de ri-
gueur Pierre Abailard et Gilbert de la Porée; mais, au fond,
les doctrines obscures de ces deux théologiens, alors même
qu'elles n'alarmeraient point la foi , ne séduiraient pas beau-
coup la raison ; le jugement le moins sévère à porter sur
elles , consisterait à les trouver aussi peu dignes d'être pros-
crites que d'être adoptées. L'esprit naturellement judicieux
de l'abbé de Clairvaux rejetait les rêveries scholastiques au-
t
(a) " S. Bernard... s'acquit une si grande considération, qu'il semblait que
toutes les affaires de l'église reposassent sur ses épaules , et que les rois et
les princes l'eussent choisi pour l'arbitre de leurs différends. Il est certain
qu"'il avait de fort grandes qualités , et beaucoup de zèle : mais quelques-
uns prétendent que ce zèle lui donnait un peu trop de jalousie envers
ceux qui s'acquéraient un grand nom par l'étude des sciences humaines ;
et ils ajoutent que son naturel doux et facile le rendait un peu trop cré-
dule , quand il s'agissait d'écouter le mal que l'on disait de ces savans-là.
Ils croient que par ces principes il se laissa trop préoccuper contre Abai-
lard. Il est difficile de s'imaginer qu'il ne se soit pas mêlé beaucoup de
passions humaines dans les niouvemens perpétuels qu'il se donnait pour
faire accabler d'anathêmes tous ceux qui lui paraissaient hétérodoxes.
Mais il est fort facile de comprendre que sa bonne réputation , et l'ardeur
avec laquelle il sollicitait la condamnation de ses adversaires , surprenaient
les juges , et faisaient succomber sous le poids des préjugés et des procé-
dures peu régulières les personnes accusées. Quoi quil en soit, il vérifia
l'interprétation du songe qu'avait fait sa mère : elle songea , lorsqu'elle
était grosse de lui , qu'elle accoucherait d'un chien blanc , dont l'aboi
serait fort sonore; étonnée de ce songe, elle consulta un bon religieux ,
qui lui dit : jiyez ion courage , vous aurez mi fils qui gardera la maison de
Dieu, et qui aboiera bien contre les ennemis de la foi. Saint Bernard fit plus
que ne portait la prédiction , car il aboya quelquefois contre des ennemis
chimériques , contre des erreurs qui n'étaient ou que pures bagatelles ou
qu'une interprétation inique des paroles et des pensées d'autrui : et , soit
qu'il eût raison , soit qu'il eût tort , il savait admirablement donner
l'alarme , et faire retentir le tonnerre de ses triomphes. Il fut plus heureux
à exterminer les Hétérodoxes qu'à ruiner les infidèles , et cependant il
attaqua ces derniers , etc. » Bayle , Dict. art. Bern.
232 SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, tant que son ortl;odoxie scrupuleuse repoussait les nou-
veautes. Il a même combattu certaines croyances qui pou-
vaient sembler pieuses, et qui depuis ont acquis des partisans,
mais qui , récentes au XIF siècle , ne se conciliaient point
encore assez avec les traditions antiques. Ainsi , malgré sa
dévotion si éloquente et si tendre pour la Sainte Vierge , il
soutenait que le privilège d'avoir été conçu sans tache n'avait
jamais pu appartenir qu'à Jésus-Christ.
En vain quelques hérétiques modernes {a) , en damnant
les saints docteurs, en ont excepté saint Bernai'd ; en vain
HIst. des Va- ils se sont efforcés de le ranger dans leur parti , rougissant ,
riauons, iv.xi, jj^ Bossuet , d' tti'oir coiitre eux un tel témoin : l'église catho-
lique a reconnu si hautement la pureté de sa doctrine , qu'elle
l'a placé au nombre des écrivains révérés sous le nom de
Saints Pères. Il faut noter que les bibliographes ont coutume
de comprendi^e sous ce titre presque tous les écrivains ecclé-
siastiques qui ont précédé saint Bernard : mais , prise dans
son acception rigoureuse , cette qualification n'appartient
réellement qu'à lui seul , entre tous les théologiens qui ont
écrit depuis le VF siècle jusqu'à nos jours.
Voilà donc les trois genres d'idées qui servent de matières
à ses ouvrages : i" les règles , les devoirs , les vertus de la vie
(a) Bernardus wnnes ecclesiœ cloctores vinci't. Luther, in Colloq. conviv,
c. de Patrib. Ecoles. — Plus spiritùs vitœ, doctrinœ etjîdei in paucis aliquot
jjaginis D. Bernardi reperitur , qui philosopliiani non attigit , solâ scripturâ
contentas ,... qiiain iritoto Hieronyino, qui linguarum , artium, philosopliice...
cognitioiie cunctis prœstabat. Mich. Neander, Gnomol. Grfecor. — Excel-
lebat Bernardus exactiore judicio omnes suœ œtatis inros. OEcolampad. —
Bernardus abhas in libris de consideratione ita ioquitur, ut Veritas ipsa loqui
mdeatur. J, Calvin. Instit. lib. IV, c. ii,§ lo. — Quis suavius Bernardo
scribit? Dan. Heinsius, orat. 3, etc.. — Mabillon , qui a recueilli ces
textes à la (in de son édition des œuvres de saint Bernard , y a joint les
témoignages rendus aux talens et aux vertus de labbé de Clairvaux , par
les papes Innocent II , Alexandre III , Pie V, Grégoire XIV ; par les car-
dinaux Jacques de Vitry , S. Bonaventure , Baronius , Bellarniin ; par des
évêques , tels qu'IIildebert , Othon de Frisingue , Guillaume de Tyr , et
par beaucoup d'autres personnages, entre lesquels nous citerons Pétrarque
et Juste-Lipse. Solebat dicere Bernardus ovines se quas sciret litteras^ qca-
RUM NEScio AN ALics SUA .ETATE coPiosiOR FUERiT, in sihïs et agris didicisse.
Petrarch. de Vitâ solit. lijj. II , c. i4. Inter Latinos Bernardus me capit,
et usum habet excitandi , ob acrimoniam ubique et calorem , tiini etiam
docendi atque inipriinendi ^ oh sententiaruni acunicn quas crebro et salubriter
miscet. Just. Lips. Epist. centur. 3 , 49-
SAINT BERN.\RD, ABBÉ DE CLAIRVAUX. ;i33
monastique , les affaires et les intérêts des monastères ; xii siècle.
a° l'ensemble et les détails du régime ecclésiastique, auquel
il suÎJordonne celui des empirq^; 3° la doctrine catholique ,
qu'il défend contre les novateurs.
Les écrits que remplissent ces trois ordres d'idées se di-
visent eux-mêmes , cpiant à leurs formes , en trois classes ;
lettres, sermons et traités. Nous avons déjà essayé de carac-
tériser les lettres ; nous avons sur-tout reconnu le mérite de
celles dont saint Bernard a véritablement été le rédacteur.
Elles ne sont ni hérissées de syllogismes , comme celles d A-
bailard ; ni diffuses , comme celles de Pierre-le-Vénérable ;
ni farcies , comme celles de Pierre de Blois , de citations pé-
dantescpies : simples avec noblesse, toujours pleines dépen-
sées, et quelquefois de sentimens, elles peuvent être consi-
dérées comme les meilleures productions du genre épistolaire
au XIP siècle.
A l'égard des sermons, la plupart, nous devons l'avouer,
nou3 paraissent appartenir assez peu au genre oratoire. Ce
sont des chapitres de morale plutôt que des discours pro-
prement dits , les pensées d'un auteur pieux et mystique
plutôt cjue les paroles d'un orateur. Nous croyons y remar-
quer plus de symétrie que d'enchaînement , plus de mouve-
ment dans les idées cjue dans les affections, plus d'esprit
que d'éloquence. Mais quand nous hasardons cette observa-
tion générale , nous sommes bien éloignés de n'y vouloir
mettre aucune restriction ; nous l'avons déjà modifiée nous-
mêmes , en faisant remarquer , au milieu des trois cent
cinquante sermons de saint Bernard , plusieurs morceaux
tout-à-fait dignes d'un orateur chrétien.
Ses traités sont, à nos yeux, ses principaux titres litté-
raires. La piété d'un cénobite et l'imagination d'un écrivain
bi'illent à-la-fois dans la description des degrés de l'humilité
et de l'orgueil. Mais le Traité de la Grâce , par la difliculté
du sujet , par la clarté des idées , par la vivacité des expres-
sions ; et les quatre premiers livres de la Considération , par
l'importance des matières, par la hauteur des pensées, par
la noblesse et les mouvemens du style , méritent peut-être la
première place parmi les productions de saint Bernard et de
tout son siècle. Ce n'est guère que dans ces traités , dans vingt
sermons et dans quatre ou cinq grandes épîtres , que l'abbé
de Clairvaux s'est prescrit le travail et les soins que l'art
d'écrire exige : ailleurs , il s'abandonne au cours naturel de
Tome XIH. G g
234 SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.
XII SIECLE, ses sentimens et de ses idées, à l'activité liljre de son imagi-
' " nation et de son esprit ; et, content d'exprimer ce qu'il sent
et ce qu'il pense , il ne compose point des ouvrages. Son
style n'est jamais sans couleur; il a souvent de l'élégance et
de la grâce : mais il n'acquiert de force et ne prend de ca-
ractère que lorsque le travail les lui donne, c'est-à-dire dans
le petit nombre de compositions qui viennent d'être dé-
signées.
La diction de saint Bernard est celle des meilleurs écrivains
de son temps. Mais, quoiqu'on puisse y remarquer cjvielques
traces de l'étude des livres classiques latins , on ne saurait
assurément la regarder comme assez pure. Elle est défigurée,
non-seulement par certaines expressions tout-à-fait barbares,
mais ])lus souvent par des locutions et des constructions
empruntées de la vulgate. Il ne se contente point de citer les
livres sacrés ou d'en recueillir les pensées ; il en adapte, le
plus qu'il peut , les textes latins au sien propre , il les fond
en quelque sorte dans ses phrases, sans s'inquiéter si cette
pratique peut altérer la latinité de ses écrits. Beaucoup de
théologiens ont suivi cet exemple , en écrivant en latin et
même en français; et il existe dans notre langue certains
livres dont la diction, d'ailleui'S excellente, offre des lignes
tout-à-foit inintelligibles à quiconque n'a pas étudié la
Bible (a).
Cette étude était celle qui avait le plus occupé saint Ber-
nard : à la vérité , il n'avait lu l'Ecriture Sainte cju'en latin ,
mais il la savait toute entière , et avait recueilli , multiplié
même les explications diverses que chaque verset , chaque
expression peut recevoir. Les écrits des principaux docteurs
de l'église latine , de saint Augustin sur-tout , lui étaient aussi
très-familiers, et la lecture des auteurs classiques latins avait
été l'un des exercices de sa jeunesse. Il cite assez souvent Ovide,
qui peut-être lui avait laissé quelque empreinte de la mobi-
lité de son esprit, et de son extrême habileté à reproduire
une même pensée , non en différens termes , mais sous plu-
sieurs aspects réellement distincts. L'abbé de Clairvaux ,
[a) Massillon a écrit : Incorporé dans un corps mystique formé de toute
langue.... Le royaume de Dieu ne ment point avec obserMation , etc. Un lec-
teur qui saurait fort bien le français et fort peu la bible, ne comprendrait
point ces phrases. Heureusement de telles lignes ne sont point assez fré-
quentes dans Massillon pour lempêcher crètre l'un de nos meilleurs
éciivains.
SAINT BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX. 235
toujours plus occupé d'affliires que d'études , ne fut pas ^ii SIECLE,
l'hozume le plus savant de son siècle : mais toutes ses con-
naissances étaient claires, précises, disponibles; et sa mé-
moire , qu'il aurait pu enrichir davantage, avait du moins
cette heureuse vivacité qui rend à chaque instant évocables,
ou pour ainsi dire présentes, toutes les notions acquises
dans le cours de la vie.
Sa brillante et féconde imagination se laisse voir dans
plusieurs de ses ouvrages, quelque comprimée qu'elle y soit
par la gravité austère et du sujet et de l'auteur. Sa raison ,
inaccessible à toute erreur nouvelle , possédait tout ce qu'il
fallait alors de vigueur et de lumières pour dissiper, ou
écarter du moins, les prestiges ténébreux de la scholastique,
et pouvait se promettre les plus siirs résultats de tous les
examens qu'elle se croyait permis. Mais , de toutes les fa-
cultés intellectuelles de saint Bernard , celle dont la nature
l'avait le plus libéralement doué, et qu'il a le plus cultivée
par l'exercice, est celle que notre langue appelle esprit, et
qui semble consister particulièrement à saisir entre les idées,
ou entre leurs expressions , de nouveaux rapports , des si-
militudes inattendues , des contrastes non observés. Cette
faculté , au degré où il la possède , mérite le nom de talent ;
c'est elle cjui le distingue , dans son siècle , de la foule des
auteurs ; et l'on peut dire même fjue si elle n'acquiert pas
chez lui le caractère du génie , c'est cju'elle ne cherche ni ne
rencontre l'occasion de le prendre.
Comment douter de l'éloquence et du génie d'un céno-
bite qui envoya cent mille croisés en Palestine , sans y aller
lui-même.'' Trop digne de notre admiration pour avoir im-
primé de si vastes mouvemens,il a droit aussi à notre estime,
parce que la pureté de son zèle est manifeste , et qu'il a
désiré passionnément le bonheur des peuples , alors même
qu'il les égarait. Quoiqu'il soit plus célèbre par son influence
ou son autorité sur ses contemporains , cpie par les écrits
qu'il a laissés à la postérité , ses livres suffiraient encore
pour déceler l'énergie de son ame, et la fécondité de son
imagination. La plupart des auteurs de son temps écrivent
ce qu'ils ont appris , non ce qu'ils ont pensé : les ouvrages
de saint Bernard sont bien moins les fruits de ses études
que de son talent; et les défauts même de son style tiennent
beaucoup plus à l'ardente vivacité de son esprit, qu'au mau-
vais goût de son siècle. D.
Gg2
XII SIFCr.E.
RAIMOND DE MONTREDON
ARCHEVÊQUE D'ARLES.
Gail. Cl.i-lst. p ,. 1 HT '11
I.I,p. 56o;t. -TlAIMOND DE MONTROND, OU de MoNTREDON, 116 dailS 16
VI, pnge 676. diocèse de Nîmes, fut, dès son enfance, offert et consacre
Wouv. Hist. de p^j, gçg parens à l'église cathédrale de cette ville . où il em-
I.ang. t. II,p. { r , 1 ° n- • 1 1 • '1- Ti
/,o6. brassa de bonne neui-e Inistitut des cnanonies réguliers. 11
Gaii. ciitiit. devint ensuite archidiacre de Be/iers, et enfin évêque d'Agde,
!;-^''j^V^''^' en ii3o, à la place d'Aldcbert : il était déjà élu, mais n'était
Ilist. de Fr., t. ^ ^ ' ' i c i • i i i ^
XIV, p. 309. pas encore sacre a la hn du mois de novembre de cette
Hist. de Fr. année; car une lettre d'Innocent II, datée du 29 et adressée
t. XV, p. 371. aux évêques de la province de Narbonne, l'appelle -Aga-
Hist. de Fr. thens'is electus. Des discussions s'étant élevées entre les reli-
t. XIV, p. 307 gig^^^x de Saint-Tiberi, dans le diocèse d'Agde même, et ceux
Chris?, t. VI t fis la Chaise-Dieu, dans le diocèse de Clermont, au sujet de
page 3i8, aux l'église de Bessan, Guy, cardinal et légat du saint siège,
Preuves. rendit ta cette occasion, en 11 Sa, un décret où est nommé
Hist. de Fr. Raimoud évêque d'Agde : il est nommé encore avec la même
t.xiv,p. 3o8; qxialité dans un décret de l'année 11 34, rendu à un synode
fn, Preuvefi de Montpellier par Hugues, archevêque de Reims et légat
p. /,74 et 476.' aussi du saint siège, comme ayant assisté à ce synode. La
Hist. de Fr, lettre du pape Innocent II, du troisième jour des calendes
*-.^^' P- ^70; de décembre ou du 29 novembre, était un ordre donné à
t.' n, p. 4oi. plusieurs évêques de faire faire au plus tôt satisfoction à l'ab-
- Gaii. ciirist. l)a\ 6 dAniaiie, diocèsc de Montpellier, alors deMaguelone(<3),
t. VI, p. 839. (Joj^t m^ (Jes hommes avait été tué par quelques chevaliers
Gaii. Christ, de leurs diocèses. L'objet du synode tenu à Montpellier en
t. AI, p- ti76; II 34, auquel présida l'archevêque de Reims, était encore
Preiiv. p. Jib. j'j^g-ijgp jç gpggan ; elle fut alors donnée au monastère de Saint-
Gall. Christ. Tibcii. La coucordc sc trouva enfin totalement rétablie entre
t. VI, p. 676; ce monastère et celui de la Chaise- Dieu, par une nouvelle
Preuv. p. 321 ; .^ggçn^]jiée de prélats tenue à Uzès ea iiSg, sous la prési-
il,Preuv.p°488. deuce du cardinal Guy, légat du saint siège, et à Licpielle
T. vi,Prouv. Piaimond assista. Les auteurs de la France chrétienne ont
p. 279 61320. raopelé et même publié quelques autres actes de cet évêcpie,
{a) L'évêché , d'abord à M;iguelone , ne fut transféré à Montpellier
qu'en i536.
RAIMOND DE MONTREDON. aSy
dates aussi de 1 1 Sq ou des années précédentes , qui tous ont ^^^ siècle.
pour objet des fondations ou des institutions pieuses.
Bientôt après, en 1142, il fut nommé à l'archevêché
d'Arles. Nous l'apprenons de Pierre^Ie-Vénérable dans une Lib. v,ep. 4.
lettre au pape Eugène III, relative à la contestation entre
l'évêque cle Nîmes et l'abbé de la Chaise-Dieu, pour le mo-
nastère de Saint-Bausile ; contestation dont le pape avait ren-
voyé l'examen à Raimond , si suspect à une des deux parties ,
au'il était peu différent d'avoir choisi l'archevêque d'Arles,
it Pierre-le- Vénérable , ou l'évêque de Nîmes lui-même, ut v. Gall. air.
pœnè idem sit hoc iinponi Arelatensi quod esset si impone- t- 1. P- 56o.
retur episcopo Nemausensi. Il fait allusion à tous les motifs
qui devaient inspirer de l'attachement, de la prédilection à
Raimond pour l'église du lieu où il avait eu la naissance ;
pour une église dans laquelle il avait été reçu et adopté dès
ses premières années, dont il avait ensuite été chanoine, ca-
nonicat qui était devenu pour lui la route de l'épiscopat. La
preuve que Raimond était archevêque d'Arles , en 1 1 42 , ré-
sulte encore de plusieurs actes rappelés dans le premier tome p. sgo vers
de la France chrétienne. Nous trouvons en 11 43 une tran- lafiu-
saction de lui avec Alphonse Jovu'dain, comte de Toulouse et
maiT|uis cle Provence, sur des différends anciens entre leurs
prédécesseurs mutuels au sujet de la terre d'Argence, qui
comprenait la partie du diocèse d'Arles située en deçà du
Rhône. Les prélats accusaient les comtes d'avoir usurpé sur
eux plusieurs droits dont jusqu'alors ils avaient toujours
été en possession. Alphonse , par cet acte du 1 1 septembre Caii. Christ.
II 43, de l'avis de quelques-uns de ses barons , donne ou ii> aux Preu-
rend à Dieu, à l'église d'Arles, à l'archevêque Raimond et ^^'P-oy-Hi^t-
1 ]A 1 II ^ -^ 1 ■ . de Lani.'. t. II,
a ses successeurs, les dîmes des nouvelles terres du territoire p. 436.
d'Argence et de l'île du Bois-Comtal. Il reconnaît qu'il doit
et que ses vassaux doivent, comme lui, tenir en fief de cette
église et de son évêque, tout ce qu'ils possèdent dans ce ter-
ritoire, et leur en faire hommage : il jure de leur conserver
toutes les propriétés dont ils sont en jouissance. Les éditeurs
de la France chrétienne font encgre mention de quelques t i 561
actes dont Raimond fut, comme archevêque d'Arles, ou l'au- etauxPieuves,'
teur ou l'oljjet. P- 97-
Une inscription que ces savans rapportent , placée dans la
métropple d'Arles, annonce que Raimond mourut au mois
d'avril 1 160. Ils observent à ce sujet que sa mort dut arriver
plus tôt, et proposent de substituer un V à un X, c'est-à-dire.
238 RAIMOND DE MONTREDON.
XIT SIECLE. MCLV à MCLX. Raimond, en effet, n'était plus archevêque
V. Gaii. chr. d'Ailes en ii56 : son successeur est nommé dans l'acte de
1. 1, p. 56i. mariage fait cette année même entre l'empereur Frédéric 1"
et une duchesse de Bourgogne, Béatrix, fille de Renaud III
et son héritière dans ce duché. Ce successeur, tiré de la char-
Gali. chr. t. treusc de Bonpas oii il était prieur , ne gouvernait déjà plus
ï,p.562. iiya l'église d'Arles en ii63; un autre prélat, du nom encore de
todriu^i ^ui, Raimond, (Raimond de Babolène), en était alors arclievêque.
aux Preuves , Nous ne parlons ainsi de lui que parce qu'il s'est élevé quel-
V- 99- ques doutes sur le véritable auteur d'une charte mémorable
dont nous allons rendre compte; la similitude de nom et de
fonctions, la coexistence des deux prélats au milieu du XIP
siècle, le faible intervalle c[ui les sépara, le défaut d'une date
bien précise pour ce monument, ont naturellement dû les faire
P. 56i. naître : les auteurs de la France chrétienne demeurent eux-
mêmes dans l'incertitude à cet égard. Le motif que l'on donne
pour attribuer de préférence cette charte au second, n'est cepen-
dant ni assez fort ni assez vrai pour l'exiger nécessairement ;
c'est un décret ou statut en faveur des consuls d'Arles : mais
Ordonn. des dcs lois favorablcs aux communes avaient été rendues, dès
XV "^^ ftfi — ^^ commencement du XIP siècle, par Louis -le- Gros ; les
note' J- et aussi, famcuscs coutumcs de Lorris en Orléanois, qui devinrent le
p. 196 et 201. type de beaucoup de concessions semblables, sont du lègne
de ce prince. Quoi qu'il en soit, voici les statuts faits par
l'archevêque Raimond ; en voici du moins les dispositions
principales. On y voit naître et se former une jurisdiction
alors nouvelle; on la voit s'étendre sur beaucoup d'affaires,
dont quelques-unes même semblent appartenir plutôt à l'or-
dre judiciaire cju'à l'ordre administratif.
Si un gentilhomme ou tout autre commet un vol ou occa-
sionne un tort quelconque, on lui infligera la peine déter-
minée par les lois établies, et il paiera une amende que les
consuls fixeront : Justitiani dahit , pi-o volmitate et arhitrio
consulwn. Je ne crois pas avoir besoin de justifier le sens
que je donne ici au mot Justitia : ceux à qui l'histoire et
la législation du moyen â^e sont familières , savent qu'on en
trouve souvent des exemples dans les monumens de la se-
conde race et de la troisième.
Nous nous réservons, ajoute le prélat, nous nous réser-
vons la connaissance /?/v?Z(7«f/rtî, c'est-à-dire, de la caution,
du répondant : néanmoins , lorsqu'un consul gentilhomme
aura reçu une caution offerte par un gentilhomme , l'accepta-
RAIMOND DE MONTREDON. aSg
tion qu'il en aura faite le sera pour tous, pour les autres con- xil SIECLE,
suis du même ordre. Nous voulons qu'il en soit de même à
l'égard des consuls choisis dans la classe du peuple.
Les articles suivans établissent qu'on ne peut être trouble'
dans la possession d'un bien, quand on en a joui sans in-
terruption pendant trente ou quarante années, suivant qu'on
est ecclésiastique ou laïc. Ils disent quelles seront les obliga-
tions du détenteur injuste, et tracent des règles sur les dots
et les successions.
Quelques délits fixent ensuite l'attention du prélat. Il dé-
termine à qui sera confié le droit de les poursuivre, qui
pourra infliger les peines. La qualité des personnes n'est pas
sans influence sur la punition. Un dédommagement pécu-
niaire est accordé à celui qui a souffert du crime. Une grande
latitude est donnée aux consuls pour la répression et le châ-
timent du vol, de l'adultère, du rapt, de l'homicide, de plu-
sieurs autres attentats. Une exception est cependant pronon-
cée : les consuls ne pourront recevoir les plaintes qui seraient
formées sur les flagellations dont le chef d'une famille, d'une
maison, aurait puni ceux qui la composent, pour leur mau-
vaise conduite ou leur insolence, ou sur les coups qu'aurait
donnés un noble au vilain qui lui aurait parlé ou répondu
avec arrogance ou avec mépris, si ce n'est toutefois que fin-
jure fût si atroce , qu'elle ne pîit être tolérée ni dans la fa-
mille ni envers aucune personne libre.
Les consuls soumetront à un conseil les délibérations qui
pourraient avoir lieu sur des changemens à faire dans l'ad-
ministration de la ville ou tians ses coutumes, sur une guerre
à soutenir, sur une contribution à percevoir; et ce qui aura
été décidé par ce conseil, sera irrévocablement observé.
Les statuts parlent ensuite des procès que les étrangers
auraient à soutenir dans la commune. Ils défendent aux con-
suls d'appeler personne en jugement pour une action qui
n'aurait pas eu lieu pendant le temps cfe leur magistrature :
ils leur défendent de recevoir aucune récompense, aucune
promesse, sous peine d'être chassés du consulat, et veulent
qu'on poursuive aussi le plaideur qui aurait cherché à les
corrompre.
D'autres articles déterminent le nombre général des con-
suls, la portion cju'on en choisira dans les différentes classes
de la cité, les formes de félection , le serment exigé de ceux
à qui elle sera confiée , le serment que prêteront les consixls
24o RAIMOND DE MONTREDON.
XII SIECLE, eux-mêmes après avoir été ëlus. Il devait y en avoir douze;
quati'e gentilshommes, milites ; quatre bourgeois, de huvgo ;
deux marchands , de mercato , et deux de horriano , vraisem-
blablement un endroit voisin qui faisait partie duterritoire de
P. 6/,8, lig. i5. la commune et en dépendait : je trouve dans le même volume
de la France chrétienne, un Tiburge de borriano. Peut-être
aussi par de burgo , désigne-t-on moins des consuls choisis
dans la bourgeoisie , que parmi les habitans des faubourgs :
Volilap.99, ce qui pourrait le faire croire, c'est que les statuts sont don-
aux Preuves, nés pi'o civitute Arelateiisl et burgo.
Voici le sei^ment que prêtaient les consuls : Ego... eîectus
consul, jum qubd , omnibus modis , secundîim scientiam
meam, illos qui mecuin fueiint in consulatu , cum melioii
et discrétion consilio eoruni qui erunt in consulatu , regam
et gubernem, et qubd consul esse non desinam donec alius eli-
gatur : et si discordia inter nos consules orta fuerit , con-
silio archiepiscopi et melion consulatûs consilio eam termi-
nabo , et sic teneri faciam ; et pro discutiendo negotio ,
promissionem aliquani vel pretium ab aliquo non accipiam ;
etnullum, tempore mei consulatûs , in judicium vocabo , nisi
de his quœ in hoc consulatu facta fuerint , vel satisdatio
antefacta. Sic me Deus adjuvet, et hœc sancta evangelia.
On les élisait parmi ceux qui s'étaient fait inscrire dans le
consulat, et qui avaient fait le serment d'y rester cinquante
années , serment qu'ils renouvelaient tous les cinq ans : ils
promettaient obéissance aux consuls élus , et d accepter le
consulat s'ils y étaient eux-mêmes appelés.
L'archevêque ne veut pas qu'un étranger y puisse être
reçu sans son consentement et celui des consuls. On dit
aussi quel serment cet étranger prêtera en venant se fixer à
Arles.
Les habitans devaient d'ailleurs jouir de tous les avantages
dont on jouissait dans les communes où déjà des consu-
lats avaient été établis. C'est par cette disposition même que
commencent les statuts dont nous venons de présenter l'ana-
lyse. P.
XII SIÈCLE.
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.
SA VIE.
CjuE Pierre -le -Vénérable fût issu de la maison de Mont- p^tri Ven«?-
boissier, dès-lors illustre en Auvergne, Duchesne ne l'affirme rab.vitaRodui
pas; mais dom Mabillon le conclut avec assurance des té- vî°Anmi'is'si'm'.
moignages de Pierre de Poitiers et de GeoffVoi , prieur de coii. p. 1187-
Vigeois. K Ils étaient hommes nobles de Montboissier, chà- 1202.— cbron.
a teau eu Auvergne » : Hi fuerunt de uiris nohilihus de tiun'^'^p'" gqo'
Montehuxerio , quod est castrimi in Arvernid : ainsi s'ex- — d. Ceiiilir,
prime , en parlant de Pierre-le-Vénérable et de ses frères , Hist. des aui.
Geoffroi, leur contemporain. Pierre de Poitiers compare le !'^^' '' k,„ '
neuvième abbe de Lluni au sixième, cest-a-dire, a saint Hist. littér. de
Hugues, qui descendait des ducs de Bourgogne, et les dé- Pieire le VénCr.
clare égaux en noblesse. dè's?'Bernard!
Paris , 1773 j
Nobilis ille (Hugo)yMiï, magnisque parcntibus ortus : in-4°.
Hune quoque prœclarum reddit origo patrum. Une lesne .
Ille super cunctos quos excolit ac veneratur Cluniac.
Gallia Lugduid, nobilitate nitet : Mabiil. Ann.
Hh/ic Latiœ gentes regum de stirpe patentes , Benea. . , p-
Arverni populi progenuere duces.
Pierre - le -Vénérable est quelquefois surnommé Maurice ; Baillet , vie
c'était le nom de son père : sa mère s'appelait Ringarde. Il <!•= pierre-ie-Vc-
avait SIX treres, dont plusieurs embrassèrent, comme lui,
l'état monastique. Ses parens l'ayant voué à Dieu , c'est-à-
dire , au cloître , il reçut , dans le prieuré de Soucilanges, une Martine, Am-
éducation conforme à cette destinée, et prit, vers 1109, à piiss.CoU.t.vi,
l'âge de seize ou dix-sept ans, l'habit des religieux de Cluni. ^' '' ^'
Saint Hugues, qui l'en revêtit, mourut peu de temps après, et
fut très-mal remplacé par Pons, qui durant près de treize ans ,
favorisa le relâchement des mœurs claustrales, et négligea
même l'administration des biens temporels. A la fin, Pons se
vit obligé de quitter Cluni, de se rendre à Rome, et d'abdi-
quer sa dignité. C'était en 1 122 ; on lui donna pour successeur Mannq. Anu.
* '^ ' r Cisterc. t- I, p.
Tome XIII. H h 143, 144.
242 PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.
y^^^ sri.CLE. Hugues second; et celui-ci étant moit le g juillet de la même
année, Pierre, C[ui déjà avait été prieur de Vezclai, et qui
deMi'r'acTii II ^^^^^^ alors de Domne , fut élu, le 22 aoùt,ai3bé de Cluni,
c. 6. 'à l'âge de trente ans, ou même seulement de vingt- huit,
selon quelques exemplaires de la chronique de ce monastère.
Il était donc né en 1092 ou en 109^, et la première de ces
dates nous paraît un peu plus lîrobajjle.
La même chronique lui attribue une heureuse physiono-
mie , une taille majestueuse, beaucoup d'autres dons exté-
rieurs, signes fidèles de ses vertus, et qui justifiaient presque
autant qu'elles ce surnom de Vénérable qui le distingue dans
l'histoire. Mais lorsqu'il possédait si parfaitement tous les
moyens de rétablir l'ordre au sein de son abbaye , il crut
avoir besoin d'être aidé dans cette entre|)rise, et appela près
de lui Mathieu, prieur de Saint-Mai'tin-des-Champs de Paris,
homme habile et recommandable , qui depuis parvint au
cardinalat. En moins de trois ans la réforme fut opérée, et
parut même si complète, que Pierre ne craignit pas de s'ab-
senter pour aller visiter quelques monastères. Il voyageait
dans la seconde Aquitaine , lorsque Pons, revenant de la Pa-
lestine oii il s'était ti'ansporté après son abdication , reparut
tout-à-coup à Cluni, s'y rétablit à force ouverte, subjugua
Mabiil. Ann. les religicux, et mit en fuite ceux qui refusèrent de lui obéir.
Bcned. [.■\i,p. |-)^ grands désordres, des ravages, des profanations signalè-
rent le retour de Pons, qui , dans les écrits de Pierre-le-Véné-
Lib.xil,p.87i. rable, est seul accusé de tous ces excès. Ordéric Vital, témoin
oculaire , en attribue la meilleure part aux nobles du voisi-
nage et à certains religieux de Cluni, qui , comme ces nobles,
favorisaient la réintégration du plus commode et du plus
indulgent des abbés. Ordéric est ici d'autant plus croyable,
qu'on ne conçoit pas comment Pons aurait pu se rendre
maître de l'abbaye, s'il n'avait eu au dedans et au dehors
des partisans fort zélés. Cependant Pierre reçoit la nouvelle
de cette révolution claustrale, et en informe le pape Honorius ,
qui cite les deux abbés à son tribunal. Après de longs délais,
Pons comparut enfin, se vit condamné, et mourut à Rome
Ann. Bened. en II 26, victime d'une maladie épidémique dont Pierre fut
t. \l, p. 189, atteint et guéri. La sentence du pontife et la mort de Pons
Hi°t. "ÊcchTiv'. rendirent à Pierre le gouvernement de l'abbaye de Cluni ;
Lxvii, 11.46. mais il n'y ramenait point Mathieu, que cette affaire avait
aussi attiré auprès du saint siège , et qu'Honorius v retenait
tj ,ï .! . en le créant cardinal eveque d Albano.
41^ '
PIERRE-LE-VÉNÉRABLET. a^
De retour à Cluni en 1126, Pierre eut à recommencer xii siECi.s.
les mêmes réformes qu'en 1122. Il fallut rébâtir l'église, re-
couvrer des biens, employer en réparations et en paiemens
dé dettes plus de se|)t mille marcs d'argent : il fallut aussi
éteindre la discorde, réprimer la licence, et rétablir l'empire
de la règle monastique. Pierre se livrait avec fruit à de pareils
soins, lorsqu'en ii3o la mort d'Honorius II amena un
schisme dans l'église. Deux papes furent à-la-fois élus ; Pierre
de Léon, qui prit le nom d'Anadet, et Grégoire ou Inno-
cent II , qui se réfugia en France. Personne plus que saint
Bernard et Pierre -le -Vénérable n'a contribue à faire préva-
loir chez les Français le parti d'Innocent II ; et nous oserons
dire que sous un certain aspect , l'autorité de l'abbé de Clair-
vaux pouvait, en cette conjoncture, paraître moins entraî-
nante que celle de l'abbé de Cluni ; car Pierre de Léon avait
été cluniste, et l'on voit par une lettre de cet anti-pape à ses
anciens confrères , à quel point il comptait sur leur dévoue-
ment. L'abbé de Cluni , en condamnant Anaclet , donnait un
exemple inattendu, et par cela même plus solennel et plus sé-
duisant. Mabillon semble ci-oire que la magnifique réception Aiai. Bened.
que fit Pierre à Innocent II dans le monastère de Cluni, in- »• vi.p. i85.
flua sur la détermination de l'assemblée d'Etampcs en faveur
de ce pontife. Mais s'il faut reconnaître que l'assemblée d'E-
tampes se tint au mois d'avril , et que le pape ne fut reçu à An de vu ; ■
Cluni c[u'au mois d'octobre de la même année, on est forcé fi'^f ''"' dates,
de convenir que l'observation de dom Mabillon n'a pas toute '• ' P* ^
l'exactitude désirable. Quoi qu'il en soit, le dévouement de
Pierre- le- Vénérable à la cause d'Innocent fut aussi efficace
que manifeste : non-seulement Pierre écrivit plusieurs lettres
pour soutenir cette cause, mais il se rendit en Aquitaine
tout exprès pour détacher le duc Guillaume du parti d'Ana-
det.
Après différentes courses dans l'intérieur de la France ;,
Innocent II revint à Cluni au mois de février 11 32; et mal-
gré le très-bon accueil qu'il y reçut de l'abbé et des moines,
il les mécontenta vivement en accordant aux Cisterciens un
privilège qui exemptait de la dîme tous les biens de l'ordre
de Cîteaux. Pierre-le-Vénérable réclama contre ce privilège Ann. Bened.
avec toute l'énergie que pouvaient permettre la charité et '• ^^'i' '^'^""
1 humilité. ^"'
Innocent II venait de partir pour Rome, lorsque Pierre
tint à Cluni le chapitre géuéi'al de son ordre. Il y présida
II h 2
244 PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.
xnsiECLE. deux cents prieurs et douze cents religieux, français, anglais,
espagnols, allemands, italiens, et leur fit agréer ou accepter
quelques statuts qui rendaient la règle plus sévère. C'était
un surcroît de jeûnes et d'austérités; c'étaient des retranche-
mens considérables dans les délassemens communs, et même
dans les soulagemens particuliers jusqu'alors accordés aux
malades. Quelques membres de l'assemblée goûtaient peu ces
rigueurs additionnelles; ils représentèrent humblement que
saint Hugues et ses prédécesseurs avaient marché et conduit
leurs frères par des voies bien assez étroites; qu'il pouvait
suffire de suivre leurs traces; qu'il ne semblait pas nécessaire
d'aspirer à luie perfection dont ils n avaient pas conçu l'idée :
Lib. xin,i>. mais Pierre fut inexoraUe. Ordéric Vital nous l'cnd compte
896 , ad ami. ^jg ç^^ mécontentcmcns , et il les partage; il oppose à Pierre-
> I j2.
le- Vénérable la maxime de Salomon : Ne transgrediar-is ter-
minas antiquos quos posuenint patres tid. Il paraît que l'un
des motifs de cette sévérité de Pierre était de tenir la règle
de Cluni au niveau de celle de Cîteaux : l'esprit de rivalité
inspirait aux deux ordres cette émulation ascétique. Peu à
peu cependant, s'il en faut croire Ordéric, Pierre se montra
plus traitable , et apprit à compatir aux infirmités humaines.
Ani). Bened. En 1 1 34 , Innocent II tint à Pise un concile contre Ana-
t. VI, p. 237. çiçj- . Pierre- le -Vénérable, qui ne laissait échapper aucune
occasion de voyager, se rendit ta Pise avec plusieurs prélats
français , et continua de servir Innocent avec un zèle exem-
plaire. A leur retour, ces prélats furent attaqués en Ligurie;
ime troupe de brigands fondit sur eux. L'abbé de Cluni, qui
se distingua dans cette l'cncontre par une résistance coura-
LLb.i,ep. 27. geuse, écrivit à Innocent II pour l'informer de cette catas-
trophe , dont le saint père n'avait pas assez songé à préserver
ses dévoués serviteurs. Avant de rentrer à Cluni , Pierre ap-
prit la mort de sa mère Ringarde, qui s'était retirée au mo-
nastère de Marcigny, et qui venait d'y terminer, le a4 juin,
Ann. Bened. unc vie édifiante. A cette nouvelle, il courut à Marcigny,
t. VI, j). 289. rendit à sa mère les derniers devoirs, et trouva les reli-
gieuses , les séculiers , sur-tout les pauvres, presque aussi sen-
sibles à cette perte qu'il l'était lui-même.
Il fit en 1141 1111 troisième voyage en Italie; il allait réta-
Ann. Bened. blir la paix entre les habitans de Pise et ceux de Lucques.
t. VI, p. 344. Nous ne voyons pas qu'il ait réussi dans cette entreprise : les
Pisans et les Lucquois demeurèrent irréconciliables. Mais
Pierre visita le tombeau de son ancien ami le cardinal Ma-
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. .^45
tliieu , qui était décédé à Pise quelques années auparavant, ^ii siècle.
De retour à Cluni, l'infatigable abbé en repartit presque
aussitôt pour aller en Espagne parcourir les monastères de
son ordre. Ce fut là que témoin des progrès et de la puis-
sance des Sarrazins , il voulut connaître leur doctrine reli-
gieuse, et fit traduire en latin le koran. Il chargea de ce tra- Manr. Ann.
vail Pierre de Tolède, Herman de Dalmatie et un anglais Cisierc. ad ann.
nommé Robert Kennetou de Rétines, auxquels il associa un lo. -Ferrerai
arabe et son propre secrétaire, Pierre de Poitiers. Ces tra- hhi. d'Esp. t.
ducteurs se firent payer fort cher, mais ils dévoilaient pour i'^ ' P- ^72 -
1 ., ^ . , t,j/ , . I '. T Journ. des Sav.
la première lois a Ihurope les impostures mahometanes. Le 1734,0. 28a.-
koran traduit , Pierre-le-Vénérable entreprit encore de le ré- Nie. Antonio,
futer : travail superflu peut-être; car, pour des livres tels ,^'^'- ^'*P- ^•
que le koran, il n'y a pas, ce semble, de réfutation plus re- „. 04. -Fleuri'
doutable qu'une version fidèle. Hist. Ecci. liv!
Il n'est pas aisé de fixer, entre i i4i et 1 144 1 l'époque pré- Lxviii, n. 81. ■
cise d'une épidémie cruelle qui dépeupla le monastère de
Cluni; ce que nous savons à cet égard de plus certain et de Ann. Bened,
plus heureux, c'est que Pierre était absent : au fond, il voya- ^' ^^' P- ^'^^•
geait si fréquemment et si long-temps , qu'il était difficile à
à une épidémie de le rencontrer dans sa communauté. La
question est desavoir s'il parcourait alors l'Espagne, ou l'Ita-
lie, ou quelque province de France. Tout ce que nous en
pouvons dire, c'est qu'en ii44i Je désir de voir le pape Cé-
îestin second l'ayant attiré à Rome, il séjournait dans cette
ville vers le temps de l'élection de Lucius II, successeur im-
médiat de Célestin. C'était le quatrième voyage de Pierre-le-
Vénérable en Italie; il en fit, en 11 45, sous Eugène III, un
cinc{uième, qui ne fut pas le dernier.
Eugène III chargea Pierre d'examiner la conduite de l'é- Petii Venu.
vêque de Clermont, accusé de favoriser par sa négligence et *P- ^''' ''^' ^'•
par ses exemples les désordres qui régnaient en Auvergne.
L'abbé de Cluni s'acquitta de cette commission avec d'autant
plus de ferveur, que l'Auvergne était sa patrie. Il possédait
au même degré toutes les vertus chrétiennes ; mais en cette
circonstance, il ne permit point à la charité de contenir les
mouvemcns du zèle; ou plutôt, pour se montrer plus chari-
table envers la province, il fut extrêmement zélé contre le
prélat.
Invité , par les promoteurs d'une nouvelle croisade , à une
assemblée de Chartres qu'on a coutume de placer en l'année
i i4t) , mais qui , selon M. Brial , ne se tint qu'en 1 1 5o , Pierre- Mém.surias-
24G PIERRE-LE-VENERABLE.
XII SIECLE, le- Vénérable ne s'y rendit point , s' excusant sur l'altération
sembi.de Char- ^^ *^ sauté et sur un chapitre général convoqué à Cluni pour
très, lu à lins- le jour même où cette assemblée de Chartres devrait s'ouvrir,
titut en iSoG. Mais s'il perdit cette fois une occasion de voyager en France,
il s'en dédommagea dans le cours de cette même année i i5o
Ann. Bened. par un sixième et dernier pèlerinage en Italie. On croit que
t. VI, p. 4;o. son ])^i était d'invoquer l'autorité du pape Eugène III contre
certains religieux de Cluni , qui se montraient encore indo-
ciles : car depuis l'invasion de Pons , l'abbé Pierre n'avait pu
réformer si complètement les abus , qu'il n'en restât quelques
vestiges ; et ses fréquentes absences ne contribuaient point à
éteindre ces germes d'indiscipline. D'ailleurs , les affaires de
l'abbaye s'accumulaient durant ses voyages : lorsqu'il revint
de Rome en ii5o, il se vit, ainsi qu'il nous l'apprend lui-
même, accablé par la multitude des occupations qui l'atten-
daient, par l'affluence des lettres auxquelles il fallait répondre,
et des étrangers qu'il avait à recevoir.
Au XIP siècle, un abbé de Cluni, quoique cénobite de
profession , était dans l'empire et dans l'église un très-impor-
tant personnage, sur-tout quand cette prélature monastique
se trouvait rehaussée , comme chez Pierre-le-Vénérable , par
l'éclat des qualités personnelles. Aussi le voyons-nous en re-
lation avec presque tous les hommes qui jouissaient alors
d'un grand crédit ou d'une vaste puissance ; avec saint Ber-
nard, avec Suger, avec le comte '^ishibaut , avec le comte de
Savoie Amédée, avec Henri de Blois, frère du roi d'Angle-
terre ; avec les rois de France , d'Espagne , de Sicile , de Jé-
rusalem; avec l'empereur de Constantinople, avec le pape
Pétri Vener. Innocent II, et plus encore avec Eugène III, qui le consul-
ep. 46,iib. VI. ^,^jj.^ |g recherchait, et ladmettait même à délibérer dans le
collège des cardinaux.
Tant de correspondances , tant d'affaires , tant de voyages
épuisaient quelquefois l'activité du vénérable Pierre , et lui tai-
saient ressentir le besoin d'une vie plus paisible. Mais cette dis-
position , loin de le ramener ou de le fixer dans son abbaye,
contribuait à l'en éloigner encore. Cluni ne lui paraissait
plus une retraite assez déserte ; il se confinait avec un très-
petit nombre de religieux dans une solitude si profonde et
tellenient ignorée, que nous n'en connaissons ni le nom ni
Annal. Bened. la position géographique, et il vivait durant quelques jours
t.vi,p. 348. gj^ Yj-gi cénobite. La destinée de tous les esprits actifs, de
• - tous les caractères énergiques, est d'éprouver ce besoin al-
PIERRE-LE- ViÉMKR AELE. 247
ternatif d'une agitation extrêra^Tt de majditations profon- xn stecle.
dément solitaires : l'excès même de leurs raouvemens les re- ' '
plonge dans la retraite qui, en coneentrant leur activité la
recompose. Pi erre-le- Vénérable a cédé plus qu'un autre à
ces deux besoins, symptômes naturels dune même énergie;
mais il en est résulté qu'un séjour un peu fixe à Cluni ne
lui a guère convenu qu'en deux circonstances, en 1122
après son élection, en 1126, après l'invasion et la mort de
Pons : Pons, à l'une et à l'autre de ces époques, n'avait laissé
que trop d'alimens à l'activité de Pierre ; en tout autre temps
Pierre trouvait à Cluni ou moins d'affaires ou plus de dis-
tractions qu'il ne lui en fallait.
Le plus saint zèle assurément imprimait et dirigeait tous
les mouvemens qui agitaient la vie de ce religieux. Mais
3uand la cause était si pure, les effets risquaient pourtant
e ressembler cjuelquefois à cevxx cpie l'intrigue et l'ambition
produisent. On accusa donc l'abbé de Cluni d'avoir abusé
tant soit peu du crédit que lui obtenaient son mérite , sa
dignité et l'opulence de son monastère. Non-seulement des
ennemis et des envieux lui ont adi-essé de tels reproches, mais
saint Bernard, qui les pouvait essuyer lui-même, ne les lui
a point épargnes. « L'or et l'argent ont parlé, dit le saint
« abbé de Clairvaux ; les dieux de la terre ont agi; des hom-
« mes, qui se prévalent de leur puissance et de leurs richesses
a se sont élevés contre les justes, contre la justice , contre la
« vertu, contre Rome, contre Dieu même ». A ces traits-là
sans doute, Pierre-le-Vénérable ne doit jamais être reconnu : s Bernardi
cependant le nom de Pierre est l'un de ceux que saint Ber- epist. 168.
nard consigne au bas de ces portraits. Nous dirons ici avec
le P. Tournemine que le feu du saint docteur l'emportait au- Hist.derE").
delà des bornes, et qu'après tout l'on est pas obligé de croire sa'i'c. t. ix, p.
qu'il n'ait rien exagéré. Nous ajouterons avec Villefore oue ^*;r- ,
1 • ^ T» J ' 1 I -^ ' 1' 1 1 ^1. '''^ "^ saint
lorsque sanit Bernard s abandonnait a 1 ardeur de son zèle Bernard,p.3oo.
rien n'égalait l'impétuosité de son style. Nous observerons
que ces expressions hyperboliques de l'abbé de Clairvaux
lui étaient dictées par ses préventions contre un cluniste
cpon venait d'élire évêque de Langres. Enfin nous opposerons s. Bernard!
à saint Bernard saint Bernard lui-même, qui, en plusieurs epist. i64-i6y.
autres endroits de ses écrits , rend hommage aux éminentes s. Bernard!
vertus de l'abbé de Cluni, et ne craint pas de l'appeler son epist. 264,277.
cher ami et son respectable père. Honorez cet homme écrit-
il au pape Innocent, en parlant de l'abbé de Cluni; hono-^
Xn SIECLE.
Biblioth.Clu-
niac. p. 592.
Biblioth.Clu-
niac. p. 593.
Blanr. Ann.
Cisterc. ad ann.
ii56,c. 6, n. 3.
— Ann. Bencd.
t. \'I, p. 562.-
Pagi, ad ann.
ii56. = Rob.
du Mont place
cette mort en
ii58 , et a été
suivi malàpro-
pos par les aut.
de la nouvelle
Gaule Clirét. t.
IV, p. 39.
Le3Iire.Orig.
Bened. p. 9/).
Bibl.Cluniac.
p. iGcV).
a48 PIERRE-ia||.VÉNÉRABLE.
rez-le comme urupiembre précieux du corps de Jésus : c'est
un vase d'honneur, ou j'y suis bien trompé, plein de grâce,
de vérité et de bonnes œuvres.
En 1 153 , Pierre-le-Vénérable fit présider par Odon , légat
du saint siège , une assemblée ou siégèrent les comtes de
Bourgogne et de Maçon, plusieurs autres seigneurs, les suf-
fragans de l'archevêque de Lyon, et ce prélat lui-même qui
s'appelait Héracle, et qui était l'un des frères du vénérable
abbé. Le but de cette assemblée était de garantir les posses-
sions du monastère de Cluni, alors exposées à divers bri-
gandages. Mais Pierre servit encore mieux son abbaye en y
attirant, en ii55, l'évêque de Winchester, Henri de Blois,
qui, jadis clunisto, devint le protecteur et le bienfaiteur de
ses anciens confrères. Pierre, qui avait toujours désiré de
mourir au jour même où naquit Jésus, mourut en effet le
20 décembre 1 156 , et fut enterré par Henri de Blois au che-
vet de la grande église de Cluni. Il n'a point été cano-
nisé dans les formes , mais l'église a toujours honoré sa mé-
moire ; et ce titre de Vénérable , qui complète son nom, et
par lequel Ihistoire le désigne, ce titre, assurément bien in-
férieur à celui de saint , est en revanche une distinction
beaucoup moins commune. Toutes les vertus de l'abbé Pierre
sont célébrées , à la manière du XIP siècle , dans l'épitaphe
que voici :
Paret in hàc urnâ quod non sit vita diurna :
Qualescumque sumus , morte coœquat humus.
Dum Pctriis moritur pius abbas ; jus sepelitur,
Pax cadit, ordo jacet ,Jlere morique placet.
nie salus patriœ , mundi decus , arca SophUe ,
Nescius invidice , venu fuit veniœ.
In natale Dei solemnis mane diei
Mortuus , obtinuit plurima quœ meruit.
§ IL
SES LETTRES.
Nous avons retranché du récit succint des actions de Pierre-
le-Vénérable certains détails qui vont trouver leur place dans
le compte que nous avons à rendre de ses écrits et sur- tout
de ses épîtres , qui forment la plus grande partie . de ses
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. 249
œuvres. Elles sont au nombre de deux cent trois , ou plutôt xn siècle.
de cent soixante-onze, en ne comptant point celles qui lui
sont adressées , et qu'on a inse'rées parmi les siennes. De ces
trente-deux lettres étrangères, huit sont de .saint Bernard, Liv. 11, ep.
deux de Nicolas, secrétaire de l'abbé de Clairvaux, deux de 38 ; liv. iv, ep.
Suger, trois d'Atton , évêque de Troyes, et les autres des l '^'^',- '3*0
papes Innocent II, Lucius II , Eugène III , de Pierre de Poi- 34 , etc. '
tiers, du chartreux Guignes, de Henri, frère de Louis VII,
d'Héloïse, enfin de quelques autres personnages moins re-
marquables.
Les lettres de l'abbé de Cluni sont divisées en six livres : BLbi.ciuniac.
on peut considérer comme formant un septième livre celles Z\^,^lrP^j'~
X , , . . , ^' ' I i- Bibl. Patr. Lug-
qui ont ete successivement ajoutées aux précédentes par di- dun.t. xxii,i>.
vers éditeurs. L'ordre établi dans ces sept livres n'étant ni 825-967.
chronologique, ni systématique, ni, pour ainsi parler, ono- xxn' i^^'g--
mastique, c est-à-dire, par noms de correspondans, nous ta- y,o. — Mal/ill.
cherons de distribuer toutes ces lettres de Pierre-le- Vénérable Anaiect. page
avec un peu plus de méthode, afin d'abréger, autant qu'il An^eZ^^Y*^"
nous sera possible , la notice que nous en devons donner. 407 , /,o8 , 409,
Nous indicjuerons d'abord trente-huit lettres à des souve- 4 16.
rains pontifes, savoir : vingt à Innocent II, une à Célestin II,
trois à Lucius II , et quatorze à Eugène III.
La plupart des lettres à Innocent II consistent en pro- Liv. l, ep. i„
testations de fidélité, en recommandations particulières, en " ' '''^.''j*. '
longs détails sur des affaires ecclésiastiques et monastiques. u'epÀ,g]i7 ,
Distinguons néanmoins deux lettres écrites vers 11 Sa en fa- 28,^6; ijv. m,
veur du cardinal Mathieu, qu'Innocent II traitait avec froi- ^P' 3 ',''^'5^^'
deur, qiïoique Mathieu se fût montré l'un des plus chauds 9, 10.
f^nnemis de l'antipape Anaclet. L'année 11 Sa semble aussi
l'époque de la vive réclamation de Pierre-le-Vénérable contre
le privilège qui exemptait les Cisterciens de payer la dîme.
Nous la payons bien, dit Pierre, par-tout où nous la devons,
à des moines, à des clercs*, à des laïcs et aux Cisterciens
eux-mêmes. Pourcjuoi les Cisterciens ne nous la paieraient-
ils pas où ils nous la doivent.'' Faut-il que nous perdions la
dixième partie de nos revenus, et que nous soyons forcés
d'abandonner plusievirs de nos établissemens ? Faut-il que
les puînés dépouillent et chassent les aînés ? Quand donc
avons-nous vendu notre droit d'aînesse, et comment avons-
nous mérité ce commencement d'exhédération ? En 114O7
Pierre écrit au pape qu'Abailard , après avoir appelé de la
sentence du concile de Sens , et s'être mis en route pour se
Tome XIII. li
a5o PIERRE-LE-VÉNERABLE.
xu SIECLE, rendre à Rome , s'est arrêté à Cluni , où il se propose de
finir ses jours. En ii4ii l'abbé de Cluni intercède auprès
d'Innocent II pour un évêque de Salamanque qu'on vient
délire archevêcpie de Saint -Jaccpes en Galice, et dont la
promotion tient fort à cœur au roi de Castille Alphonse , à
qui Pierre donne ici le titre d'empereur. L'année ii4i ^st
sans doute aussi la date d'une épître en faveur du roi Louis-
le-Jeune : ce prince venait de brûler Vitry, et cet excès avait
attiré sur la France un interdit général. Pierre fait sentir au
pontife les dangers d'un tel anathême , et demande cjuelque
indulgence pour un monarque que la jeunesse et la victoire
ont égalée.
J.iv. IV, ep. i8. La lettre à Célestin II est une réponse à celle que ce pape
Spiciieg.t.Ti, avait écrite en 1 143 aux religieux de Cluni pour leur an-
p. /,6i. noncer son avènement. Pierre-le- Vénérable appelle Célestin
pontife universel {uni\.'ersali pontifici) , et dit qu'il a fait lire
l'épître du nouveau pape en présence de tous les frères let-
Liv. IV, op. très et non lettrés. Les trois lettres à Lucius II ne sont que
19,22,24. f|(^.s recommandations. Il en est à-peu-près de même des
Liv. IV, ep. quatorze lettres à Eugène III : elles discutent ou défendent
25, 28; liv. V, des intérêts particuliers qui nous sont devenus fort indiffé-
e^ ^o^'i^^^' i'^"s. Nous avons déjà iucîic^ué celle qui concerne un évêqixe
25, 27, 28, 42 de Clermont fort sévèrement jugé par l'abbé de Cluni. Cet
- |5. évêque, dit-il, refuse ou vend la justice, et depuis vingt ans
il n a rempli aucune de ses fonctions épiscopales. On peut
remarquer dans une lettre en faveur du clergé et du peuple
de Plaisance, des expressions qui placent saint Augustin à la
tête de tous les docteurs de l'église , immédiatement après les
apôtres ( summi ccclesiœ Dei post apostolos doctoris). Nous
citeiT^ns encore celle où il s'agit d'Humbert de Ëeaujeu, che-
valier du Temple, cjui avait quitté cet ordre pour reprendre
son épouse : Pierre-le-Vénérable parait considérer les nœuds
du mariage comme plus sacrés que les vœux d'un templier;
il soumet toutefois cette opinion aux lumières du saint père,
et n'a pas la présomption d'offrir des leçons à son maitre.
Dix lettres de Pierre-le-Vénérable sont adressées à des
Liv. II, en. -. princes. Lettre à Siginard ou Sivard P'", roi de Norwège,
pour le féliciter de ses progrès dans les vertus chrétiennes.
Liv. I, ep. i5. Lettre à Adela, sœur de Henri I*"', roi d'Angleterre, pour lui
apprendre que ce prince a manifesté en mourant (en 1 135)
des sentimens de pénitence. Lettre de remerciement aux sé-
Mabii. Anal, natcurs de Venise. Lettre de congratulation au roi de Jéi'u-
p. j5o.
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. aSi
salem. Lettre à l'empereur de Constantinople, Jean Comnène, xu siècle.
pour revendiquer un monastère dépendant de l'ordre de lîv n ep lC,
Cluni. Lettre au très -noble prince Amëdëe, comte et mar- Liv. n, ep. 39.
quis, qu'on croit être le comte de Savoie, second d.u nom Liv. 11, ep. 32.
cl'Amédëe, qui accompagna Louis VII à la Terre-Sainte. Trois
lettres à Roger, roi de Sicile , relatives aux bienfaits que Cluni lIv. m , ep.
attend de ce prince, à la paix rétablie entre lui et le pape, 3; liv. iv, ep.
à la mésintelligence qui règne entre ce même Roger et l'em- ^q' '^" '*^^''
pereur; discorde d'autant plus affligeante, qu'elle empêche
le roi de Sicile de combattre les Sarrazins et de venger les
Français et les Allemands trahis par les Grecs. Pierre désire
si vivement cette vengeance, cju'il irait la tirer lui-même au
péi^il de sa vie, s'il ne se souvenait qu'il est moine : il offre
d'aller trouver l'empereur pour le reconcilier avec Roger. Il
n'existe qu'une seule lettre de l'abbé de Cluni à Louis-le-Jeune ; Liv. iv, ep. 36.
elle contient des vœux pour le succès de la croisade, et des
réclamations contre les juifs* impunément usuriers et blas-
phémateurs : le vénérable abbé ne demande point qu'oni^es
extermine, il voudrait seulement qu'on réprimât leur cupi-
dité. A la suite de ces dix lettres à des princes, plaçons-en
six adressées cà Suger, ministre de Louis-le-Jeune : dans Liv. iv, rp.
l'une, Suger est remercié des bienfaits dont il a comblé les i5;Uv. vi,ep.
religieux de Lluni , et invite a visiter ce monastère : entre ^u^a t. xxir
les cinq autres, nous ne remarquerons ici que celle oii Pierre p. 9G7, 968.-
supplie qu|pn le dispense de se trouver à l'afesembléc de A^'K^^d. 1. 1 , p.
Chartres. ^'^•
A douze lettres de Pierre -le -Vénérable ta saint Bernard, Liv.i,ep.28
nous en réunirons sept à Nicolas , "secrétaire de l'abbé de 29; ''"f- if' «"P
Clairvaux. Toutes les dix-neuf expriment de profonds senti- ep.'i";'ùv. v'
mens d'estime et d'amitié pour saint Bernard, atnsi que le ep. 8; liv. vi
désir de resserrer entre Clairvaux et Cluni les liens de la ''P- ^j ^' '^
plus parfaite confraternité, d'étouffer sur-tout les germes de ^^Liv^'ii, en
dissention qu'avaient fait éclore certaines circonstances; par 5i;iiv. vi, ep
exemple, l'élection d'un cluniste à l'évêché de Langres, élec- 5, io, 34, 30
tion désapprouvée par saint Bernard , et dont nous avons '''
déjà parle. Pierre ne met aucune limite aux ménagemens et
aux hommages qu'il croit devoir à l'abbé de Clairvaux.
J'aimerais mieux, lui écrit- il , vous être uni par les liens Liv. vi,cp. 29
les plus étroits , que de régner sur l'univers entier : c|ue ne
m'est -il permis de jouir de votre société, qui ferait les dé-
lices des anges ! Mais puisque Pierre est condamné à vivre
loin de Bernard , il le supplie de lui envoyer Nicolas. Dans
I12
202 PIERRE-LE-VENÉRABLE.
xn siECL^ les lettres qu'il adresse à ce dernier , l'un des plus remar-
quables passages est celui oii Nicolas est pi-ié de rappor-
ter l'histoire d'Alexandre - le - Grand et les livres de saint
Augustin contre Julien , si l'on a toutefois achevé de corriger
l'exemplaire de Clairvaux sur celui de Cluni : « Historiam
« Alexaiidri Magni et Augustinuin nostrum contra Julianum,
« si taineri rester ex illo correctus est , et si qua alia hona
Liv.vi.ep. 3o. « hahueiis, tecuni déferai. Ce texte est un témoignage des tra-
vavix littéraires auxquels on se livrait dans l'une et l'autre
abbaye. Mais de toutes les lettres de l'abbé de Cluni à saint
Bernard, la plus importante et la plus étendue est celle qui
i.iv. I,cp. 28. réfute dix-neuf ou vingt accusations intentées aux Clunistes
par les Cisterciens. Abréger le temps du noviciat, se vêtir de
fourrures, porter des chausses, coucher sur trop de matelas,
manger de trois plats , de quatre même; recevoir les apos-
tats au-delà de trois fois, supprimer des jeûnes, négliger le
travail des mains, ne point s'incliner devant les hôtes, et
ne point leur laver les pieds ; n'avoir point d'inventaire des
outils et ustensiles du monastère; retrancher de la liturgie
la plupart des génuflexions ; servir à l'abbé une table qui
n'est pas celle des hôtes; mépriser l'usage qui, lorsque deux
moines se rencontrent, ordonne au plus jeune de demander
la bénédiction de l'ancien ; ne point confier à un ancien la
garde de la porte; ne pas exiger du portier qu'il i-éponde Deo
gratias à ceux qui frappent; prescrire aux reli^ux de re-
nouveler les vœux qu'ils ont faits en d'autres monastères ;
recevoir des moines étrangers sans l'agrément de leur ajjbé;
se soustraire à la juridiction de l'évèqite ; posséder des pa-
roisses et des dîmes , et usurper ainsi ce qui n'appartient
qu'à ceux qui prêchent et administrent les sacremens; pos-
séder encore des seigneuries, et même des banques ; se mêler
d'affaires séculières , remplir les fonctions d'avocats et de sol-
liciteurs : telles sont les infractions reprochées aux Clunistes;
et c'est dans cet ordre que Pierre-le-Vénérable les discute.
Ses réponses consistent quelquefois à démentir les inculpa-
tions, plus souvent à nier l'existence des règles qu'on sup-
pose enfreintes. Il soutient, par exemple, que la règle de
saint Benoît autorisant les novices à donner leurs biens, quels
qu ils soient, au monastère, il s'ensuit qu'un monastère peut
posséder des biens de toute nature, les conserver et par con-
séquent les défendre en plaidant, s'il est besoin. Quant à la
juridiction épiscopale , l'abbaye de Cluni , par l'acte même
PIERRE-LE-VENERABLE. 253
de sa fondation, est immédiatement soumise au pape, le pre- xil siècle.
mier et le plus digne évêque de la chrétienté. Après avoir
fjarcouru un très-grand nombre de détails , l'auteur de cette
ettre, ou plutôt de ce traité apologétique, finit en distinguant
deux sortes de préceptes , les uns immuables comme Dieu
qui les a établis lui-même , les autres émanés des conciles ,
des saints pères et des fondateurs d'associations monastiques ;
préceptes révérés sans doute , mais que la charité domine et
modine pour obtenir un plus grand bien ou pour éviter
quelque mal.
Nous venons de distribuer en trois séries soixante-onze
lettres de Pierre-le- Vénérable , savoir , trente-huit à des
papes, seize à des princes et à Suger, dix-sept à saint Ber-
nard et à Nicolas. On composerait une quatrième série en
rassemblant neuf lettres à Henri de Blois , évêque de Win-
chester, neuf lettres à l'évêque de Troyes, Atton , quatre à
Pierre de Poitiers, quatre à Théotard, prieur de la Charité,
et trois à Odon , prieur de Saint-Martin-des-Champs. Mais
ces vingt-neur epitres ne sont, en gênerai, que des recom-
mandations particulières , accompagnées de témoignages
d'amitié , de complimens , de remerciemens , et quelquefois
de conseils. Les lettres à Henri de Blois laissent voir le vif Liv. ii , ep.
intérêt que Pierre attachait à la protection de ce prélat , frère '^' '9' ^o, ai,
du roi d'Angleterre Etienne , et jadis , ainsi que nous l'avons m' *i' ^"''Ji'^'"
j '• ' 1- j n] ■ n r j i ^^ ni,ep. i;1it.
deja remarque, religieux de Lluni. Dans lune de ces lettres, iv, ep. li.
Henri est spécialement prié de faire en sorte que le roi de la
Grande-Bretagne ne cesse point de payer cent marcs à l'ab-
baye de Cluni : Specialiter auteni de manerio ccntwn mar-
carum vos rogamus. Quand il écrit à l'évêque Atton, Pierre- Llv. i,ep. 5-
le-Vénérable ne manque presque jamais de l'inviter à venir ^' ''^^ ^'' ^P-
à Cluni, et de l'exhorter même à y prendre l'habit religieux. iv'ep.'i°2-'^*
Des quatre épîtres à Pierre de Poitiers, nous n'extrairons Liv. i,ep. p,
qu'une seule ligne : Lihri , et maxime Augustiniani, ut nosti, i»» |6; l'v. iv,
apud nos auro pretiosiores siint. Voilà quel prix on atta- ^'
cnait aux livres à Cluni, et quelle distinction y obtenaient,
entre les livres , ceux de saint Augustin. Pierre détourne
Théotard du projet dabdiquer la fonction de prieur, et en- Liv.r,ep. u,
tretient Odon des vertus de quelques religieux récemment '^°)}}^}^^^v-^-
1 ' /j / i A *-' Liv.Lep. i3;
décèdes. liv.iv/ep^i;
Aux lettres que Pierre-le-Vénérable écrit à ses frères et à 42-
ses nièces, joignons celles qu'ij^dresse à son autre famille,
c'est-à-dire , à l'ordre de Cluni , et nous formerons une cin-
254 PIERRE-LE-VENERABLE.
xn SIECLE, qviième série composée seulement de dix articles. Marguerite
et Poncie , nièces de l'abbë , le sachant malade , lui avaient
Liv. vi,cp. 3g. envoyé' quelques remèdes : il les en remercie, mais il n'est
point édifié de voir des vierges de Jésus-Christ fréquenter la
profane école d'Esculape. Ces deux nièces étaient peut-être
Liv. VI, ep. i.'|. filles d'Eustache que Pierre, dans une épître qu'il lui adresse,
appelle l'unique espoir de leur famille : Unica spes generis
nostri. Il exhorte d'ailleurs cet Eustache à ne point mépriser
tous les songes : Nec semper esse sequenda soninia, nec sem-
per spernenda. Trois lettres à un autre frère , Pons , abbé de
Liv. I, pp. 16; Vezelai, n'offrent aucun détail intéressant. Celle qui est adres-
iiv.iii,ep./i,6; gée à Jourdain, Pons et Armanne , trois frères encore de l'abbé
IV. , ep. 17. f}g(];im^i^ déplore la perte qu'ils viennent de faire (en 11 34)
* de Ringarde, leur mère commune. Nous y lisons que cette
bienheureuse est décédée le jour de la nativité de saint Jean-
Baptiste : « ^^gebatur tune solemni more nalivitas prœciir-
cc soris Doniini : in nativitate iliius defuncta est in ciijus
« nativitate gaudium multis ah angelo^ promissiini est ». C'est
donc mal-à-propos que cette mort a été quelquefois placée au
Liv. Il, ep. 16. 22 juin. J-^e trépas de Ringarde est aussi le sujet de Tune des
quatre circulaires de Pierre-le-Vénérable à l'ordre de Clvuii.
Anecd. t. I, Il s'agit dans la seconde d'une association avec Noël, abbé de
p. 416. Rebais. La troisième est de i i4i : les Clunistes y sont vivement
Liv. \ , ep. 1 . j^ppi-ii^^andés de l'habitude qu'ils ont prise de manger de la
viande tous les jours de la semaine , excepté le vendredi seu-
lement. Les comédiens eux-mêmes , dit l'abbé , étendent cette
abstinence au samedi, et plusieurs laïcs à deux autres jours
encore. Mais votre fondateur, ajoute-t-il , saint Odon vous
a défendu tout usage de la viande , et l'on a vu un moine
prévaricateur frappé de mort au moment même oii il trans-
Liv. IV, ep. 39. gressait cette règle. La quatrième circulaire concerne l'épi-
démie qui dépeuplait Cluni en i i4i ou 1 144 ^ l'abbé revien-
drait partager les péiils et les douleurs de ses frères , s'il
n'était appelé à Rome par des devoirs apparemment plus
impérieux.
Entre les autres correspcndans de Pierre de Cluni , on peut
distinguer Gilon , évêque de Frascati, Pierre, archevêque de
Lyon, Haimeric , chancelier de l'église romaine, Guigues,
prieui' de la Grande-Chartreuse , le cardinal Mathieu, évêque
d'Albanfi, Hugues, archevêque de,Rouen, et la célèbre Hé-
loïse. On a des lettres du ipiiérable abbé h. chacune de ces
Liv. Il, ep. sept personnes. Les deux qui s'adressent à Gilon tendent à
k , 3o.
PIÈRRE-LE-VENÉRABLE. 255
détacher du parti de l'antipape Anaclet. Celles au cardinal xiisiecle.
Mathieu se bornent à des recommandations particulières, et , .
1 VI V II ' A ' 1' 1 A J-iv.l,ep. Il;
il en est a-peu-pres de même des deux epitres a 1 archevêque liv. ii, ep. n.
de Rouen, si ce n'est pourtant que ce prélat est prié de ren- Liv. i,ep. 4;
voyer une prose et un répons en l'honneur de la Vierge Hv. vii,ep. 32.
Marie , composés et communiqués par le vénérable abbé.
L'archevêque de Lyon est invité à multiplier les établisse- Liv. 11, ep. 2.
mens monastiques : son église est la première des Gaules, i8-
mais son diocèse est le plus pauvre en moines. On le prie
d'accepter un anneau qui renferme une pierre précieuse , la-
quelle possède la vertu d'arrêter les hémorragies. Le chan-
celier Haimeric est sollicité en fliveur de certains religieux Liv.r, ep. 3,34.
opprimés par l'évêque de Béziers ; on lui adresse aussi une
réclamation pressante contre ce privilège de ne point payer
la dîme que le pape Innocent accordait en i iSa aux Cister-
ciens. Deux lettres de l'abbé de Cluni aux pères de Cîteaux Liv. i, cp.
traitent de ce même privilège, et en font sentir l'injustice. 35, 36.
Un cruciiix et des livres sont envoyés à Guigues ; mais on Liv. i, ep. 24.
lui demande un volume de lettres de saint Augustin , parce
que l'exemplaire de Cluni a été dévoilé par un ours cpii s'est
introduit dans une cellule. Une seconde lettre au même Gui- Liv. 11, ep. 12.
gués est destinée à le consoler de la mort de plusieurs frères
ensevelis sous les neiges en 11 33. Pierre exprime ses senti- Liv. iv, ep. 38.
mens fraternels pour les Chartreux, non-seulement dans ces ''^"'^: Anaiect.
deux lettres à Guigues, mais dans quatre autres, dont deux sont Liv vi o
adressées à l'ordre entier; une troisième au chartreux Basile, Liv. vi^ t-p. 27!
et la quatrième au prieur de Majorève. Les deux épîtres à
Héloïse sont au nombre des plus polies et des plus obhgeantes
C|ue Pierre-le-Vénérable ait écrites. Mabillon trouve même de
l'excès dans les éloges dont Héloïse et sur-tout Abailard y Liv. iv, ep. 21;
sont comblés. Leur fils x\strolabe aura une prébende: c'est ''^- ^ï' fp. 22.
du monis le voeu de Pierre, qui s engage a ne rien négliger lib. Lxxvii
pour atteindre ce but. Les prélats étaient alors dans l'usage, "• »38.
3uand ils perdaient un ami ou un homme de mérite, de lui
onner après sa mort une absolution ]îar écrit : Pierre en-
voie à Héloïse l'absolution qu'à sa prière il a donnée au
maître, et qu'elle veut suspendre dans son tombeau. C est v. vigneul
par ce terme de viailre qu' Abailard est désigné. Marviile ( D.
Les lettres que nous venons d'indiquer et de partager en Mdh de'i"a. Le!
six séries sont au nombre de cent trente : il en reste pour t.n, p. 53.
former une dernière série quarante et une isolément adressées
à autant de personnages , a des archevêques , à des évêques ,
256 PIERRE-LE-VENERABLE.
xn SIECLE, à des abbes , à des moines , et presque toutes relatives à des
" affaires ecclésiastiques ou cénobitic|ues d'une assez faible im-
portance. Huit seulement nous semblent dignes d'être men-
tionnées.
Liv. IV, ep. 8. i» Lettre écrite en i i4i à Milon, évêque de Térouenne,
pour se plaindre des déclamations publiques de ce prélat
contre les religieux de Cluni;
Liv. IV, ep. 26. 2» Lettre à Raynard, abbé de Cîteaux, écrite vers 11 45 :
c'est un monument des sentimens affectueux de l'abbé de
Cluni pour les Cisterciens.
Liv. v,ep. 7. 3° Lettre à Tliibaud , abbé de Sainte -Colombe. Elle ex-
plique pourquoi l'extrème-onction s'administre plusieurs fois
a la même personne , tandis que l'on ne réitère ni l'onction
baptismale, ni celle de la confirmation, ni celle de l'ordina-
tion. Thibaud demandait aussi comment le songe où Joseph
s'était vu adoré par son père, sa mère et ses frères, avait eu
quelque accomplissement à l'égard de sa mère Rachel décédée
avant l'élévation de Joseph en Egypte : la réponse est que le
songe s'est accompli dans les descendans de ce patriarche, et
nous rapportons ici cet éclaircissement, sans examiner s'il
résout parfaitement la difficulté.
Liv. IV, ep. 3o. 4" Lettre à un religieux nommé Pierre. L'abbé y expiùme
la peine qu'il ressent toutes les fois qu'à l'église il entend
réciter des légendes fabideuses et chanter des hymnes oii
sont violées les lois de la versification et de la grammaire.
Liv. IV, ep. 23. 5° Lettre à Raimond, comte de Toulouse. Ce moine était
poète, et Pierre-le-Vénérable lui éciùt en vers. Voici les deux
premiers : Raimond y est félicité de ce cjue sa muse ne vieillit
point.
Ciiin caput albescat , tua musa senescere nescit :
JVec , quia tu canes, hinc minus illa canit.
Nous reviendrons sur cette pièce c^uand nous parlerons
des poésies de l'abbé de Cluni.
Liv. l,ep. 20. 6° Lettre à l'hermite Gislebert sur les tentations qu'on
éprouve dans la l'ctraite , et dont les préservatifs ou les re-
mèdes sont la prière, la méditation , la lecture, le travail des
mains. Cette lettre a presque l'étendue d'un traité sur la vie
solitaire. Pierre y conseille à Gislebert de copier des livres.
Liv. n, ep. I. rjo Lettre à un ApoUinariste qui n'est point nommé. C'est
encore un petit traité ; il y est prouvé par des textes sacrés
et par des argumens théologiques , que le Verbe , en se fai-
PIERRE-LE-VENERABLE. âSj
sant homme, a pris non-seulement un corps, mais aussi une xn SIECLE.
ame humaine. "
8*> Lettre au moine Gre'goire. Ce rehgieux avait proposé Lib. iii,ep. 7.
trois questions : La grâce qui remphssait la Sainte - Vierge,
quand l'ange la salua, s'accrut-elle au jour de la Pentecôte?
Marie portant la sagesse incréée en son sein , a-t-elle pu igno-
rer quelque vérité? Comment expliquer un texte de saint
Grégoire- le- Grand, qui semble unir le Verbe à la nature
humaine avant que Jésus naquît de la Sainte-Vierge ? L'abbé
de Cluni répond qu'à la Pentecôte, les dons spéciaux du
Saint-Esprit s'accrurent en Marie sans aucune augmentation
de la grâce sanctifiante; qu'enceinte et mère, elle continua
d'ignorer bien des choses de ce bas monde et de l'autre ;
qu'enfin, tout ce qu'a pu vouloir dire Grégoire-le-Grand dans '
un texte dont on a souvent abusé, c^est que l'union du Verbe
avec la nature humaine avait été déterminée dans les secrètes
pensées de la providence bien avant l'accomplissement de
ce mystère. On voit que cette lettre est encore im traité théo-
logique.
Ces trois dernières épîtres ont sans doute plus d'étendue
que la plupart des autres , mais toutes sont diffuses. Pierre-
le -Vénérable évite d'être court : il déclare que la brièveté
épistolaire ne lui semble qu'un symptôme de paresse , de sé-
cheresse ou de stérilité. Ses lettres sont prolixes , non-seule-
ment parce qu'il ne prend pas la peine de les faire courtes,
mais parce qu'il s'impose un travail particulier pour les alongcr.
§ IIL
SES TRAITÉS ET OPUSCULES.
On vient de voir que les trois lettres à Gislebert, à un
\pollinai-iste, au moine Grégoire, auraient pu être considérées
comme des traités aussi bien que l'apologie des clunistes
adressée par Pierre-le -Vénérable à saint Bernard, et dont
nous avons rendu compte.
L Les éditeurs qui ont placé ces quatre traités parmi les
lettres , ont mis du moins au nombre des traités une lettre
à Pierre de Saint-Jean sur la divinité de Jésus-Christ. Prou- Bibi. patt.
ver que Jésus s'est expressément déclaré Dieu,^ tel est le but ^"S'i- '• xxii,
que l'abbé de Cluni se propose dans cette épître. Il y ras- P' 970-9/7-
semble les textes évangéliques qui peuvent le mieux étalilir
Tome Xlll. Rk
258
PIERRE -LE- VÉNÉRABLE.
XII SIECLE.
Jbul.-[i. io3'-4
— 1080.
Hist. des Va-
riations,liv. XI,
n. 67.
Hist. deLan-
ifuedoc, t. II ,
p. 472.
Bouche. Hist.
de Provence, t.
(I,p. ijG-2i3.
ce fait ; et si ces te.Ktes ne sont pas plus nombreux , s'ils ne
sont pas plus catégoriques , si Jésus ne s'est pas toujours qua-
lifié Dieu aussi positivement que son pèi-e s'était nommé,
dans l'ancien Testament, le Dieu d'Abraham et de Jacob,
c'est, dit l'auteur, paice que les juifs n'étaient pas capables
de recevoir ou de supporter cette vérité, et qu'il les fallait
nourrir de lait avant de leur offrir des alimens plus solides.
IL Sous la forme d'une épître «adressée aux archevêcjues
d'Arles et d'Embrun, aux évêques de Die et de Gap, prélats
zélés contre les Pétrobusiens, Pierre a composé contre cette
secte un ouvrage polémique divisé en cinq chapitres, nombre
égal à celui des principales erreurs des sectateurs de Pierre
de Bruis. Nous disons des principales ; car PieiTC ajoute qu'ils
en professent peut-être ciuelques autres ; mais parce qu'il n'en
est pas bien sûr, il diffère de les réfuter. Saint Bernard, qui
avait vu de plus près ces hérétiques, ainsi que Bossuet l'ob-
serve, a'pu leur reprocher deségaremens dont l'abbé deCluni
nenousclonne et n'avait lui-même aucune connaissance. Quoi
qu il en soit, voici les cinq erreurs pétrobusiennes combat-
tues dans l'ouvrage qui nous occupe en ce moment. 1° On
ne doit pas administrer le baptême aux enfans avant l'âge de
raison. 2° Dieu pouvant être prié en tout lieu , il ne faut point
d'église. 3° Les croix sont à supprimer comme signes du sup-
plice de Jésus-Christ. 4° Le corps et le sang de l'Homme-Dieu
n'existent point dans l'eucharistie. 5" Il est inutile de prier
pour les morts. Pierre-le-Vénérable emploie contre ces cinq
propositions les autorités et les argumens dont les théolo-
giens ont coutume de faire usage pour prouver l'efficacité du
baptême administré aux enfans , le besoin d'élever des tem-
ples , 1 utilité des images et spécialement des croix , la pré-
sence réelle et la transubstantiation , enfin la nécessité d'of-
frir pour les défunts des prières et des sacrifices. L'auteur
allègue pour la présence réelle l'autorité des actes de saint
André. Il cite, comme exemple de transubstantiation, la verge
de Moïse changée en serpent , les eaux du Nil métamorpho-
sées en sang, et le pain que la digestion transforme en chair.
Dom Vaissette pense que cet ouvrage a été composé vers
II 35; peut-être ne l'a-t-il été qu'en 11 37 ou 1 138, car Pierre-
le-Vénérable le dit achevé depuis quatre ou cinq ans dans
une lettre à saint Bernard, qu'on croit écrite en ii/p ou
1143.
TH.- Il s'agit aussi de l'Eucharistie dans la première partie
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. aSg
d'un autre ouvrage du vénérable Pierre, c'est-à-dire , dans son '^n siècle.
Traite des Miracles. C'est à ce mystère que se rapportent g;,_,, p^,^ ^
vingt-huit des miracles qui sont ici racontés. Trente autres xxn,[). 1087-
composent une seconde et dernière partie beaucoup plus me- 'i-'S-
langée. Le P. Tournemine trouve tous ces miracles si singu- Hist.deregi.
liers , qu'il ne sait trop s'ils obtiendraient par-tout une sou- l^^i''^. t. ix, p.
mission de croyance ( ce sont ses termes ) égale à celle de
l'auteur qui les célèbre. Mais ces récits attestent au moins
que la présence l'éelle était au XIP siècle un dogme parfai-
tement établi. Le dernier des cinquante -huit prodiges re-
cueillis dans cet ouvrage, est celui qui depuis deux cents
ans ne manquait jamais de s'opérer à Rome dans l'église
de Sainte-Mai'ie Majeure la veille et le jour de l'Assomption.
Dès la veille, les fidèles apportaient dans cette église des
cierges bien exactement pesés ; et quoique ces cierges demeu-
rassent allumés depuis le soir jusqu'après la messe du len-
demain, leurs poids se retrouvaient les mêmes, sans aucun
déchet.
IV. Dans un traité contre les juifs, Pierre -le -Vénérable BiLi. Patr. t.
montre que Jésus-Christ est le fils de Dieu et Pieu lui-même , xxii, p. 997-
roi éternel et céleste, et non pas monarque terrestre; qu'au '" ""
temps fixé par les écritures , il est venu sauver le monde , et
qu'ainsi les juifs, qui s'obstinent à l'attendre encore, nour-
rissent le plus fol espoir.
V. Nous avons dit que Pierre-le-Vénérable, après avoir fait
traduire en latin le koran de Mahomet, entreprit de réfuter
ce tissu d'impostures grossières. Saint Bernard , à qui l'abbé
de Cluni avait d'aboi'd proposé ce travail, ne s'en étant point Liv. IV, ep. 17.
chai'gé , Pierre composa vm traité divisé en quatre livres , et
dont Pierre de Poitiers lui avait esquissé le plan. Le troi-
sième livre et le quatrième sont perdus , mais les deux pre-
miers ont été retrouvés dans l'abbaye d'Anchin par Max-- voy.Uit.p.i:
tène et Durand, et publiés au tome IX de \ Amplissima p. 180, 181.
collectio. Les saints Pères, dit l'auteur, ont démasqué toutes p. 1120-1180.
les erreurs qui se sont élevées dans l'église : aucune hérésie
n'a échappé a leur zèle. Pour établir ce fait, l'abbé de Cluni
s'engage dans une longue éruxméi^ation qui annonce . une
assez grande connaissance de l'histoire et de la littérature
ecclésiastiques. Il laisse à décider si les Mahométans sont des
hérétiques ou des payens ; mais payens ou hérétiques , tou-
jours doit-on les réfuter. Mahomet a dit : tuez et ne dispu-
Kk2
26o PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.
xn SIECLE, putez pas. Pierre-le-Vënérable réprouve cette horrible maxime.,
et pense avec raison qu'elle suffirait pour dévoiler la faus-
seté du mahométisme; c'est à l'erreur qu'il appartient de re-
douter la discussion et de contraindre à la croyance. L'au-
teur s'attache ensuite à prouver que les livres de l'ancien et
du nouveau Testament n'ont souffert aucune altération ; il
démontre sur-tout que Mahomet n'a justilîé sa mission ni par
des prophéties ni par des miracles. Telle est la matière des
deux premiers livres; ils devaient, avec les deux autres, ac-
compagner la version duKoran qui venait d'être composée, et
que Pierre de Rétines dédiait à l'abbé de Cluni. Cette version
Basile», Opo- que Théodore Bibliander a fait impiimer en i543, a été
*'V""ΰ''- critiquée par Huet et par Eri>enius. Il est rare, dit ce der-
De clans in- . i , }, . , » .1 i i» i ■ ii ' •
teiprelibus, p. Hier, quelle exprime le vrai sens de 1 arabe ; mais elle était
«Ai- la seule, et avait servi de texte aux traductions en langues
Erp.Praefat.in jnodernes avant la version latine qui parut, avec le texte
arabe, en 1698, et que l'on doit à Maracci.
VI. Pierre acheva son traité contre Mahomet vers 1 143. Il
Bibi. Pair. t. recueillit en 11 46 soixante-seize statuts à l'usage de l'abbaye
xxii,p. ii32- ^j. ^g tout l'ordre de Cluni. La préface apologétique qui les
précède, justifie les changemens que Pierre a cru devoir faire,
soit en plus , soi^ en moins , aux anciens réglemens. En pu-
bliant ce recueil, Duchesne y a joint plusieurs privilèges^
chartes et diplômes qui concernent les Clunistes. Deux de
1417, iVis"" *^^^ chartes sont de Pierre -le -Vénérable; l'une adressée à
Richard ,évèque de Coutances, l'autre à Guillaume de Mont-
bourg : ces deux pièces autorisent vm arrangement pris entre
Guillaume et le monastère de Saint-Come. Un autre acte du
Spicil. t. II, vénéiahle abbé , publié par Dacheri, ordonne des messes et
p. 332,333. ^jgg prières pour lame de Raoul, comte de Péronne, en re-
connaissance des bienfaits dont ce seigneur a comblé Cluni.
VII. Dispositio rei familiaris cluniacensis , tel est le titre
d'un écrit où Pierre expose (en ii48) l'état de l'abbaye de
Cluni au moment où il en prit possession, et ce qu'il a fait
durant vingt-six ans pour la rendre florissante. 11 y avait
trouvé trois cents religieux, et à peine assez de revenu pour
en nourrir cent. Mais l'ordre quil sut rétablir dans les re-
cettes, le dispensa de recourir aux emprunts, ressource qui
avant lui avait contribué à rappau\Tissement du monastère.
Misceil. t. V, VIII. Baluze , qui a publié cet opuscule , en a imprimé un
\'id t~vi p. 3Utre daté de 11 54, et intitulé : Indulgentia data ecclesii%.
BibLChiniac.
p. 1377, i387,
PIERRE-LE-VENERABLE. 261
ciuniacensihus Italiœ a Petto abbate cluniacensi : c'est une xii siècle.
remise pécuniaire faite aux monastères italiens de l'ordre de
Gluni.
§ IV.
SES SERMONS.
Un sermon de Pierre -le -Vénérable sur la transfiguration
de Jésus-Christ, a été imprimé dans la bibliothèque de Cluni ,
d'où il a passé dans celle des Pères et dans celle des prédi-
cateurs de Combefis. Dom Martène en a publié trois autres , Anecd. t. t,
l'un sur saint Marcel , pape et martyr, le second sur le Saint- ?• »4ï9-'45o.
Sépulcre, le troisième sur le culte des reliques. Les sermons
sur la Transfiguration et sur saint Marcel sont peu remar-
quables. On peut noter cependant qu'il est dit dans celui sur
saint Marcel , que ce pontife n'a succédé à saint Marcellin
qu'après que le saint Siège eut vaqué sept ans , cinq mois
et vingt -cinq jours; ce qui est fort inexact, car Marcellin
mourut en 3o4 ; et l'on sait que sept ans plus tard , c'est-à-
dire, en 3ii , Marcel était déjà mort lui-même après avoir
gouverné l'église environ deux ans : l'interrègne entre ces
deux papes n'avait duré que trois ans et demi. Le mor-
ceau le plus oratoire du sermon sur le Saint - Sépulcre , est
celui où Pierre exhorte ses auditeurs à faire le voyage de
Jérusalem pour y voir de leurs propices yeux le miracle qui
s'y accomplit chaque année au samedi saint. Un feu surna-
turel descend des cieux, et à la vue de tous les assistans, al-
lume, une à une, toutes les lampes rangées autour du sé-
pulcre divin. Dom Martène cite dans une note plusieurs Anecd. t. ¥ ,
témoins de ce prodige. A l'égard des reliques , l'abbé de Cluni P' "'^^•
expose les deux motifs de la vénération qu'on leur doit : d'un
côté, les actions chrétiennes dont ces restes aujourd'hui ina-
nimés ont été jadis les instrumens; de l'autre, la gloire éter-
nelle qui les attend après la résurrection.
§ V.
SES POÉSIES,
Bibi. Patr. £
Les pièces devers que Pierre-le- Vénérable nous a laissées xxn,p»p5-
sont au nombre de quatorze , en y comprenant l'épître à Rai- i,b.xLiv,c. ig!
jnond , dont nous avons déia cité les deux premiers vers. Le Biw. Pair, t
XXXII. i).<)2'..
3, V, II
263 PIERRE-LE-VÉNERABLE.
XII SIECLE, second présente un jeu de mots bien puéril ; mais il ne fau-
drait pas juger de la pièce par ce début. Elle n'est point sans
mérite , ni même sans grâce. On y retrouve des expressions et
des constructions empruntées d'Ovide : par exemple , quand
Pierre écrit :
Obstupui ,fateor, conticuique diu.
Non aliter qukm si....
Lib. I , eieg. Ccs liémistiches rappellent ce vers de l'auteur des Tristes :
Non aliter stupui quant qui, etc.
L'épître à Raimond est de soixante -quatre vers , et nous la
croyons préférable aux treize autres productions poétiques
de l'abbe de Cluni.
La plus longue est une pièce d'environ quatre cents vers
hexamètres et pentamètres contre les détracteurs des poésies
de Pierre de Poitiers. Les principaux poètes latins et plu-
sieurs pères de l'église y sont nommés et célébrés :
Naso , Flacce, Maro , Stati, Lucane, Boeti....
Hi sunt Hieronjmus Augnstinusque beati —
Alpibus Ambrosius cetsior Italicis.
Pour louer saint Augustin , Pierre - le -Vénérable dit en par-
lant de l'Afrique :
Partibus ista minor spatiis est terra duabus :
Ast Augustino vincit utramque suo.
L'éloge est un peu emphatique ; mais la précision du second
vers est d'autant plus remarquable , que la pièce est en gé-
néral d'une prolixité fastidieuse.
La troisième pièce est une prose rhythmique, ou plutôt
rimée, en l'honneur de Jésus-Christ :
A pâtre mittitur , in terris nascitur , deus de Virgine;
Humana patitiu., docet et moritur , libens pro homine.
Ces deux premières lignes peuvent donner une idée des
cent dix -huit autres. On a peine à concevoir comment ces
formes du moyen âge pouvaient séduire un homme d'esprit
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. ' ^63
qui avait étudie quelques-uns des chefs-d'œuvre de l'antiquité'. X" siècle.
Mortis partis fortis 'vim intuUt :
Tel est le début de la quatrième pièce , et sans doute il est
difficile de mettre les oreilles délicates à une plus rude
épreuve. Heureusement cette pièce ne consiste qu'en seize
lignes rimées ; c'est une prose sur la résurrection du Sauveur.
Les trois suivantes ne sont pas non plus fort longues : ce
sont des proses du même genre en l'honneur de la Sainte- Airald , au-
Vierge et de sainte Marie-Madeleine. vergnat, en Ct
Suivent deux hymnes pour la fête de saint Benoît; l'une y. Peti"ciùn?a
en vers saphiques, l'autre en vers asclépiades. Les strophes cp. 4, lib. vi;
en sont régulières, les règles de la versification y sont exac- et Pommerave,
tement observées , mais la latinité n'en est point élégante : jè* R^ue^ '^^.
c'est un tissu de mots d'église et de phrases du moyen âge ; 338, n. 14.'
c'est presque une autre langue que celle de l'épître à Rai-
mond : on en pouri^a juger par cette dernière strophe de
l'hymne saphique :
Laiidet exidtans , deitas creatrix ,
Te chori nostri jubilus perenrds ,
Quem poli jungas superis choreis
QiuEsumus omnes.
La dixième pièce est une prose rimée pour la fête de saint
Hugues , abbé de Cluni : elle contient dix-huit stances , dont
chacune est de quatre vers qui riment deux à deux.
Les quatre derniers morceaux sont quatre épitaphes : sa-
voir, du comte Eustache, en vingt vers hexamètres et pen-
tamètres ; de Bernard , prieur de Cluni , en cinq distiques;
de Rainald , archevêque de Lyon , en six distiques ; enfin
d'Abailard, en onze vers hexamètres déjà transcrits dans
cette histoire littéraire. T.xii p. 102.
§ VL
SES ÉCRITS NON IMPRIMÉS.
i" Office de la Transfiguration de Notre- Seigneur selon
l'usage de Cluni, par Pierre-le-Vénérable : c'est la dernière
pièce du neuf cent quarante<leuxième manuscrit liturgique
de la bibliothèque impériale, jadis de celle de Baluze. ^'i)'- ^a\\u.
p. III , p. 36 ,
2G4 PIERRE-LE-VÉNÉRABLE.
XII SIECLE. 20 Rei'elatioTîes de locis purgatorii et patriœ cœlestis au-
258 Catal ^'^^^ Petro ahhate Cluniacensi : quatrième pièce du manus-
niss. Bibi. Reg. crit 6686 , autrefois de Baluze , aujourd'hui de la biblio-
t. III, p. 75. thècrue impériale. Cette pièce ne consiste guère qu'en de
Catal rass • 1 • 1 i- \ • i
Libl Re'" t iv' Simples extraits du livre des miracles.
p. 527. " ' 3° Poëme sur la vertu, manuscrit conservé dans la biblio-
thèque de Leipsick. Fabricius l'indique d'après Joachim Fel-
ler, et en cite le commencement :
Bibl. med. et
Inf. latin, t. V,
p. 257,111-4°.
Destituit terras , decus orbis , gloria rerum ,
Virtus.
§ VII.
OUVRAGES DIVERS QUf LUI SONT ATTRIBUÉS.
Quelques auteurs ont alongé la liste des productions de
Pierre-le-Vénérable , en citant sous des titres particuliers et
comme des ouvrages à part , certaines parties de ceux que
nous avons fait connaître.
De sacra po- I ^ Clioppiii a attribué à l'abbé de Cluni un traité de la
litià,t.in,n. 8. vie érémitique , de conversatione eremiticâ. Henri de Gand ,
Tnih.deScnpt. Xritlièmc discut : de mtd reclusorwn , de mtd soUtariâ ;
HennGaiidaY. mai» ces divcrs titres ne doivent être appliqués qu'à la lettre
Script. Eccies. à Gislcbcrt sur la solitude.
o. 2y,p. 167. 2° Revelationes multorwn : l'ouvrage de Pierre-le-Véné-
ihid. rable, que Choppin intitule ainsi , n'est que le traité des
miracles , dans lequel il s'agit fort souvent d'apparitions de
morts , de visions et de révélations.
3° La vie de Pons , abbé de Cluni , également attribuée à
Leloni;, Bibl. Pierre, est tirée du second livre du même traité des miracles.
hisior. delai'r. ^o C'est aussi dans ce second Xwvç que se retrouve la vie
1. 1 , n. 1 1839. j^ cardinal Mathieu, quelquefois annoncée et publiée comme
/te/.n. 12019. I • ■ i-> I 1' 1 1 ' I r^\ ■
une production particulière de l abbe de Lluni.
/i/rf.n.i478G. 5° La vie de sainte Ringarde par Pierre-le-Vénérable,
n'est pas distincte de la circulaire qu'il écrivit lorsqu'il eut
perdu sa mère.
Vossius , de 6° De même, il n'a écrit d'autre vie de saint Marcel que
Hist.iat.iib.il, le sermon sur les vertus et le martyre de ce pontife.
^' ^°' yo Epistola pvolixa contra murmuratores. Cette épître
Bibiioth.mss. citéc par Saudcrus , dans le catalogue des manuscrits de
Beig.p.i,p.93. l'abbaye de Saint-Martin de Tournai, ne difïère point de la
PIERRE-LE-VÉNÉRABLE. a65
longue apologie des Clilnistes, adressée par Pierre à saint "^^^ siècle
Berniird. "~~
8° Aucleus de sacrifîcio rnissœ. Cet opuscule , imprimé à
part, n'est qu'un extrait de la quatrième partie du Traité
contre les Pétrobusiens.
cf Fabricius compte Pierre-le-Vénérable au nombre des
historiens de saint Hugues, abbé de Cluni. Nous ne savons
de quel écrit de Pierre veut parler Fabricius , à moins que
ce ne soit des dix-huit stances rimées en l'honneur de ce
même saint Hugues.
io° Enfin Fabricius, qui avait publié un poëme latin sur
la messe , en l'attribuant à Pierre-le-Vénérable , a reconnu
depuis que cette production appartenait à Hildebert.
§ VIIL
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS DE SES OUVRAGES.
Bibl. Bfed. et
inf.lal.lib.VIT,
p. 178 , edit.
in- 8".
Bibl. Med.et
inf. lat. t. V,
p. 787 , cdit.
in-S".
Fabric. ibid.
edit.in-4°, l.V,
p. 256. — V.
Oud. de script,
eccl. t. n, p.
1196.
La première édition des œuvres de Pierre-le-Vénérable
parut en 1622 à Paris , de l'imprimerie de Jean Dupré, pour
Damien Higman : c'est un volume in-folio , qui renferme les
six livres d'épîtres, les deux livres sur les miracles, et les
proses rimées. L'éditeur , Pierre de Montmartre , religieux
cluniste , promet d'écrire un jour la vie de l'auteur : en
attendant , et pour y suppléer , il place à la tête de ce volume
les poésies et les lettres de Pierre de Poitiers. L'édition
publiée en i546 à Ingolstad , in-4°, par les soins de Jean
Hofmeister, ne contient que les livres contre les Pétrobusiens.
Un recueil moins incomplet des ouvrages de Pierre-le-Véné-
rable se trouve dans la bibliothèque de Cluni , avec des
notes fournies par André Duchesne a l'éditeur, dom Marrier.
De cette bibliothèque, mise au jour en 16 14, les écrits de
Pierre de Cluni ont passé dans celle des Pères, imprimée à
Lyon en 1677. André Duchesne avait inséré quatre lettres 8i3-ii42-
historiques du vénérable abbé, dans le tome IV des historiens P- 458-461,
de France ; M. Brial en a réimprimé trente-quatre , dans un
meilleur ordre, au tome XV de la grande Collection des 53:^,535.
mêmes historiens. La partie qui, dans le Traité contre les P. 625-655.
Pétrobusiens, concerne le sacrifice de la messe , a été souvent
imprimée à part : à Mayence , en 1 549 ; à Louvain , en 1 56 1 ;
à Venise , en 1672; à Rome, en iSgi; à Paris, en 1610 et
Tome XIII. \A
P.58g-i376.
T. XXII , p>
outre 4 àSuger,
ibid. p. 5o2
û66 PIËRRE-LE-VÉNÉRABLE.
XII SIECLE. iGay, toujours in-8°. L'édition de Mayence est due à Jean
Coclilée , et renferme d'autres écrits sur le même sujet : c'est
un recueil intitulé Spéculum antiquœ devotionis supra mis-
sam. L'édition de Louvain, donnée par Jean Ulimmier, est
un autre recueil sur la même matière , et porte pour titre :
% De vetitate cot'poris et sanguinis D. N. J. C. auctores vetusti.
Quant aux éditi; ns de Venise, de Rome et de Paris, ce sont
des copies de celle de Mayence. Les deux livres de Pierre sur
les miracles ont eu aussi plusieurs éditions particulières : à
Douai, chez Bélier , en iSgo et i5(j6, in-12; à Cologne, en
i6io, in-4°; à Cologne, en 161 1, in- 12; à Cologne encore,
en i(j'if\ . in-4''- Enfin les vies de Pons et de Matthieu, ex-
traites de ce Traité des miracles , se retrouvent p.armi les
preuves de l'histoire des cardinaux français , d'André Du-
T. II, p. 81- chesne. On peut dire qu'il n'existe point d'édition complète
des ouvrages de Pierre- le-Vénérable, puisque les biblio-
thèques de Cluni et des Pères, où ils sont en plus grand
nombre qu'iiilleurs , ne contiennent pourtant ni les deux
livres contre Mahomet, publiés dans X^mplissima coUectîo
T. IX, page (Je Martène et Durand, ni les trois sermons insérés dans le
"t'y pi" in Thésaurus Anecdotoruni , ni plusieurs lettres, opuscules et
-i/,5o.' chartes, qui ont poiu' éditeurs Mabillon , Martène , Dachei'i
Anal, in-fol. gf BaluZC.
^ Inecd. t. I V'ii^ traduction française du traité contre les Pétrobusiens
p. 407 - /,o() ' est intitulée : « Les œuvres du bon et ancien père Pierre ,
'iiC. ,c abbé de Cluni, contemporain du vénérable abbé saint
p. rîî 1 33"^. ' * Bernard, contre les hérétiques de son temps, où se voit
Mise, i.v, p. « la vraie succession de doctrine et tradition de l'église catho-
''i4^-45\;t.vi, (( lique , depuis sa naissance jusqu'à maintenant, traduites
00, 01. ^^ ^^^ latin de l'auteur eJi français, par Jean Bruneau , con-
te seiller et avocat du roi , en l'élection et grenier à sel de
I a Gien. A Paris, chez Guillaume de la Noue, iô84, in-8*'. y>
La partie de ce Traité , qui est relative à leucharistie , avait
paru en français dès i5[j3, sous ce titre: « Traité du saint
« Sacrifice de la messe , recueilli des écrits du vénérable abbé
« Pierre , jadis abbé de Cluni , et traduit maintenant en
« français , en faveur de ceux cjui nouvellement se sont réu-
« nis à l'église catholique, apostolique et romaine, par M. Nico-
« las Chesneau. AReims, chez Jean de Foigny, iby3, in-8°. »
Quelques morceaux de Pierre-le-VénéraJjle sont employés,
comme leçons, dans l office du S. - Sacrement , traduit en
français par MM. de Port-Royal. Lue traduction de la cir-
PIERRE-LE-VP:NÉRABLE. 267
culaire de l'abbë de Cluni , sur la mort de sa mère Ringarde , ^n SIECLE,
fait partie des vies de Saints d'Arnaud d'Andilly. p. 350-384
«
§ IX.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
Paris , 1675
in- fol.
Il nous semble que les éerits de Pierre-le-Vene'rable an-
noncent plus de facilite que de talent, plus de vivacité que
d'imaginat'on , plus d'esprit que de connaissances. Il avait lu
les meilleurs ouvrages des pères de l'église, et la plupart
des livres classiques de l'ancienne Rome : mais ces premières
études n'avaient été ni assez étendues, ni assez profondes,
pour le prémunir contre le mauvais goiit et les fausses mé-
thodes de son siècle. Il y a souvent de l'aisance et quelquefois
de la grâce dans ses épîtres : mais il s'applique à les rendre
diffuses , et il estime la prolixité. Sa raison , naturellement
saine et droite, n'est pourtant point aguerrie contre les rela-
tions fabuleuses ; dans ses deux livres sur les miracles , peu
s'en faut que sa crédulité n'égale celle des plus naïfs légen-
daires. Les théologiens louent ses traités polémiques, recom-
mandables en effet par l'orthodoxie des opinions , par la
clarté des discussions , et souvent «par le choix des preuves.
Observons sur-tout que les formes y sont en général moins
scholastiques , moins barbares que dans plusieurs autres
controversistes de la même époque. Ajoutons que le caractère
moral de l'abbé de Cluni se peint et se fait aimer dans ses
ouvrages : l'activité et la bonté sont les deux principaux
traits de ce généreux et vénérable caractère. Pierre s'est sur-
tout honoré par les hommages qu'il a rendus à deux de ses
plus illustres contemporains , à saint Bernard , qui ne l'avait
f)as toujours ménagé, et à Pierre Abailard , dont les talens, les
umières et l'infortune n'ont pas obtenu par-tout le même
accueil et les mêmes égards que dans l'abbaye de Cluni.
D.
Lift
««^la^ WW«^^k-^.^«'-k'V^^/«>\.-«/v(.%'v«.4'%.«.'Vw v«.-v«.'^'^«/«^^«.^«.« «'V%«.-K t^^v^/w^^^'
\I1 SIECLE.
OTHON DE FRISINGUE.
SA VIE.
Manriq. Ann. Othon DE Frisingue était fils de saiiit Léopold , mai-
Cistrrc.adann. q^jg d' Autriche , et d'Agnès, fille de l'empereur Henri IV ^
i'^i'27c!a If^que-lle, ayant d'abord épousé Frédéric, duc de Souabe,^
n.8, ii3i;c. 5^ avait eu de ce premier mainage Frédéric, qui posséda ce
n.^io et II, mèmedviché, et Conrad, roi des Romains. Petit fils de Henri IV,
lîv'cis n e' beau-frère de Henri V, frère utérin de Conrad III, oncle de
iiSgjc. io,n! Frédéric Barberousse , Othon tient à cjuatre des empei'eurs
I et 2 , 1140; q^i ont régné au XIF siècle. Saint Léopold, après les pre-
M ii!m l'i 58- rni^ï'^s études de son fils Othon, le nomma prévôt du cha-
c. 5,n. I, 2, 3, pitre de Neubourg en Avitriche : mais le jeune homme, avide
iiSg; c. 5, 11. d'instruction, vint à Paris, et y fr-éqvienta les écoles durant
vfsch^B^brëVs*. Quelques années. En T126, il prit l'habit rehgieux dans
terc. p. 255- 1 abbaye de Morimond, or,dre de Citeaux; douze ou quinze
257. — Henriq. jeunes gcus de son âge et de son pays en firent autant, et
afs^'^io' c ^' quelques-uns étaient comme Lui d'une naissance illustre :
p. 108.'— Eg'. par exemple, Henri de Carinthie, qui fut depuis évêque de
BuiseiHist.uni- Troyes. Les supérieurs d'Othon le renvoyèrent à Paris pour
p!"ioo* "Vîi^' y étudier la philosophie et la théologie. De retour à Mori
225 , 23.). — mond , il remplit si parfaitement les devoirs de la vie reli-
Frehe- i''- -* " '"' ' ■ ^- ' ' -' '- '' - --'^-
IlIs
P
eher, Tlieat. gieusc , qu'il fut fait abbé de ce monastère vers l'an ii3i.
1. 1 , F IV, "gp 1^^^-^ ^^^g après , il se vit appelé à l'évêché de Fri-
j-i^ig— Cen- .1 p i ^ 'i -^^ l T*^ ' v l
tur. Magdcb. suîgue : ce lUt alors quil quitta la l^rance, ou il avait passe
centiir. XII , c. 1^ plus grande partie de sa vie; car il paraît qu'il ne parvint
î/q6^_* GaV poi^t à la vicillesse. Ce long séjour en France nous autorise
Christ, nov. t. d'autaiit plus à lui donner une place dans cette Histoire litté-
IV, p. Si 5, raire, qu'ayant voulu, en ii58, se rendre au chapitre de
nht^rlcP'uy Cîteaux, et s'étant arrêté à Morimond , il y mourut le 21 ou
Lxix, n. 20, le 22 septembre de la même année. Il avait été, dit-on , averti
iiv.LXX,n.26. de sa mort prochaine en quittant son neveu Frédéric, qu'il
— - 1 emont , youlut pas suivrc en Italie: il lui avait recommande les
— Mabiiion , intérêts de l egnse de l^nsnigue, et particuherement la liberté
op. s. Beri). t. de l'électioii de l'évêque qui lui succéderait. La vie épiscopale
OTHON DE FRISINGUE. 1*69
d'Othon fournit assez peu de détails : il racheta des biens ^^^ siècle.
ecclésiastiques aliénés ou perdus ; il fit reprendre à son i. ciiron Bem
clergé des mœurs régulières. En ii4ii il fonda dans son p. iv. — Ma-
diocèse le monastère de Celle-Neuve, de l'ordre des Prémon- biiion.desÉtu-
trés ; en ii47i il fut l'un des prélats qui accompagnèrent \^\ '".""o^'p
Conrad dans son expédition à la Terre -Sainte, et qui sié- 11, c. 2/,.' —
gèrent à l'assemblée d'Acre avec les princes croises. Mais ^o»"»"* traves-
on rapporte, et ce fait tient davantage à l'histoire des lettres, a'e'i.— 'Rade*vi7
qu'il a contribué plus qu'aucun de ses contemporains à de Oest. Fiîd.
introduire chez les Allemands la philosophie d'Aristote. Du ^'''-H' c. xi.—
reste, il vécut d'une manière si édifiante, qu'après sa mort, AÎbericiChron
des miracles opérés , dit-on , sur sa tombe , l'ont fait inscrire ad ann. nis ,
dans le catalogue des saints de l'ordre de Cîteaux. Mais il est ''^g.
encore plus connu par ses travaux littéraires que par sa iib.*^xvii ^^c
sainteté» i.Maimboùrgi,
(T JJ^ Hist. des Crois.
•'' * liv. III, p. 2g2,
. 3i4 , 38i. =
SES ECRITS. Menol. Cisterc.
ad 7 sept.
On lui attribue des opuscules de dialectique et de philo-
sophie , qui n'ont jamais été imprimés, et une Histoire d'Au-
triche , qui est aussi restée manuscrite. Il se pourrait que
cette histoire ne tut que le premier livre de celle de Frédéric
Barberousse, dont nous allons bientôt rendre compte, et
que les opuscules philosophicjues se réduisissent à certaines
digressions , qui interrompent quelquefois le cours des deux
ouvrages historiques d'Othon de Frisingue. Parmi des sen-
tences recueillies par Alain de l'Isle , et publiées par Barthius
et Almeloveen, on l'encontre trente-huit petites pièces de Barthiiadrer-
vers latins, dont l'auteur porte le nom d'Othon : mais est-ce "'l^ '''^' ^^^^'
bien celui qui nous occupe en ce moment.'^ Nous devons =Aimeio\'een;
avouer que nous manquons, sur ce point, de renseignemens Epigramm. et
positifs. Voici, au surplus, quelques-uns de ces vers, qui P°«™a'"'«'''ra.
sont tous hexamètres: 8°, p. 1,6-^2.
=Leyseri, Hist.
Qiiid non vel aurum vel honorum sacra cupido,, poet. iMed. xw^
Quid non ambitio et fidvi skis audeat auri ! "' "'■
Un tel lieu commun n'appartient eîi pi'opre à personne. La
quatorzième pièce ne consiste cju'en ce seul vers :
Securos pierùmque niinis sors negli^it ivsa.
:i-o OTHON DE FRISINGUE.
• -■-■'*.
XII- Siècle. Deux vers composent la trente-huitième et dernière pièce :
Nonnumjuhm nocucsse reor differre paratis ;
Nonnunquam piodessc moras, viens spectct utrwnqiie.
m
Nous ne nous arrêterons point à une charte d'Othon de
Chrouicon Frisinguc , datée de 1 155, et par hiquelle il exempte les cha-
iVionasteruRei- xioines réguliers de ReicherslDerg cle toute redevance pour
\n-^\ — Pe'z! Iss terres qu'ils possédaient dans son diocèse. Cette charte
Anecd.i,pra;f. nous apprend seuleiTient que Rahewin , chancelier de l'église
p. XIV, n. 28. (}g Frisingue, est l'auteur d'un opuscule en vers rimes, inti-
tulé Floscidus , dédié au pape Honorius II , et divisé en deux
livres , qui contiennent des sentences théologiques , l'un sur
la Sainte Ti'inité , et l'autre sur les Anges. Qu'il nous suffise
aussi de faire une simple mention d'une lettre écriti" par
Ampl.CoUect. Otlion à Wibaud, en 11 5a, et publiée par D. Martène : elle
t. II , p. 52/, , explique ce verset du psaume 28 : Attotlite portas, principes
'vestras, eleK'amini, portœ œteniales... Quis est iste rex gloriœ?
Nous nous hâtons d'arriver à deux ouvrages considérables
d'Othon de Frisingne; sa Chroniejue ou Histoire universelle,
depuis le commencement du monde jusqu'à l'an 1 146, et son
Histoire de l'empereur Frédéric Rarberousse.
La Chronique est annoncée par trois pièces préliminaires :
I " une dédicace à Frédéric Rarberousse , qui avait commandé
ou demandé l'ouvrage ; 2° une lettre au chancelier Reynald,
pour l'inviter à disposer favorablement le prince, de telle
sorte que ses oreilles impériales ne s'offensent pas de cer-
taines vérités peu honoraoles à la mémoire de quelques-uns
de ses devanciers ; 3° une lettre à Singrimus , qui avait ex-
horté Othon à composer cette chronique : Othon déclare,
dans cette troisième lettre, qu'il a pris pour guides saint Au-
gustin et Orose ; il cite le vers d'Horace ,
Scribiinus indocti doctique poemata passiin ;
et parle de l'usage qu'il a fait des livres de Trogue Pompée ,
de Justin , de Varron , d'Eusèbe , de saint Jérôme et de Jor-
nandes. Nous devons remarquer ici que, lorsque Trogue
Pompée est cité dans le cours de l'ouvrage, ce sont toujours
des textes de Justin qui sont transcrits.
Le premier livre de la chronique contient trente-trois
chapitres, et conduit l'histoire ancienne jusqu'au temps de
OTHON DE FRISINGUE. ^71
Romulus. 1^'auteur commence par diviser la terre en trois ^^^ siècle.
pjirties , l'Asie, l'Europe et l'Alrique ; mais il ajoute que,
l'Afrique ayant fort peu d'étendue , plusieurs la réunissent à
l'Europe. Il extrait de la Bible et de l'historien Josèphe les
faits les plus importans de l'Histoire Sainte, dqjuis Adam
ju.squ'à Elisée. Il puise principalement dans Justin les articles
d'iiistoire profane. Il y mêle quelques récits mythologiques,
et recueille sur- tout, mais sans trop les garantir, les tradi-
tions relatives aux origines des empires et à la fondation des
villes. Trêves, par exemple, remonte à Trebeta, qui, chassé c. 8.
d'Assyrie par Sémiramis, sa belle- mère, vint bâtir cette cité
dans les Gaules. Le ^trente-deuxième chapitre est une sorte
d'amplification sur l'instabilité des choses humaines ; le
trente-troisième et dernier n'offre qu'une nomenclature des
rois d'Assvrie , depuis Bélus jusqu'à Sardanapale.
Un court prologue à la tête du second livre nous apjîi-end
que, tandis que l'auteur le composait, le duc de Welfon
î-avageait le territoire de Frisingue. On parcourt , dans le
second livre, les sept siècles qui s'écoulèrent entre la nais-
sance de Romulus et la moi't de Jules César. Les principaiix
traits de l'histoire des Juifs , des Perses , des Grecs et des
Romains y sont recueillis, ceux du moins qui l'avaient été
par Justin et par Orose : car on a lieu de soupçonner
qu'Othon n'avait lu ni Hérodote , ni Thucydide , ni Xéno-
phon, ni Polybe, ni peut-être même Tite-Live. C'est pour
l'ordin;iire chez les abréviateurs qu'il puise les matériaux
de son propre abrégé. Les déclamations qu'il y ajoute ont
toujours pour objet la fragilité des grandeurs terrestres. Ce
lieu commun se reproduit dans quatre chapitres de ce livre,
au quatorzième, k l'occasion de la mort de Cyrus, racontée
ici comme dans Justin; au vingt-cinquième, après la mort
d'Alexandre, empoisonné, selon l'auteur et selon Justin,
par ses officiers; au quarante-troisième, après la chute de
Carthage, de Corinthe et de Numance ; enfin au cinquante-
unième et dernier chapitre, intitulé : Exclamatio contra
reruin mutahiUtates.
Le prologue du troisième livre est l'un des plus étendus :
l'auteur y expose les causes et les effets de l'incarnation du
verbe. Ce livre contient essentiellement l'histoire des trois
premiers siècles de l'ère vulgaire. Toutefois les six premiers
chapitres retracent fort rapidement quelques faits antérieuis
à la naissance de Jésus -Christ ; la mort de Brutus et de
2-u OTHON DE FRISINGUE.
/
XII SIECLE. Cassius , la bataille d'Actiiim , la soumission des Parthes , et
certaines circonstances du règne d'Auguste , de cet Auguste
qui , maître du monde , refusa le nom de seigneur , grande
C- 5. leçon , ajoute l'évêque de Frisingue , pour les prêtres dont
l'orgueil reclame ce fastueux titre. La naissance de Jésus-
C. 7. Christ est ici fixée à l'anne'e ^2 du règne d'Auguste, ySi de
Rome , 55oo depuis Adam ; revolutù ah Adam quinque mil-
lihus quingentis anjiis. Au chapitre XI , Othon cite le passage
de l'historien Josèphe sur Jésus- Christ , et n'élève auciui
c. 16. doute sur l'authenticité de ce texte. Plus loin , il allègue avec
la même confiance les lettres de Sénèque à saint Paul, et de
c. 12. saint Paul à Sénèque. Il raconte que Tibère voulut placer le
Christ au nombre des dieux adores dans Rome, que le sénat
s'y refusa , et que telle fut la cause qui transforma cet empe-
reur jusqu'alors humain en une bête féroce; ob quani causam
ex mansuetissimo principe factus est sœvissima hestia. Ce
qu'on lit dans le reste du livre sur les autres empereurs
romains jusqu'à Constantin , sur les martyrs , sur les quarto-
décimans, les manichéens et les autres hérétiques des trois
premiers siècles, ne diffère presque en rien de ce qu'ont écrit
sur les mêmes sujets la plupart des historiens ecclésiastiques.
Seulement, pour donner une idée de la manière de l'auteur,
et de la concision remarquable à laquelle il parvient cjuel-
quefois, nous transcrirons ici le chapitre XLIII, qui contient
en quatre lignes l'abrégé du règne de Probus : Anno ah in-
carnatioTie Domini 281 , trigesimus ah Augusto Prohiis
regnuni adeptus , harharos qui Gallias occupaverant pcr
multa et fortia hella déficit ; deinde civilihus beïlis Saturni-
nurn in Oriente , Procuhwi et BoTiosuni apud Agrippinani
pressit : ipse vero apud Synnium in turre ferratd a niilitibus
interficitur anno imperii sui VIL Le ciuarante- septième et
dernier chapitre est une récapitulation des dix persécutions,
que l'auteur compai'e, comme avaient fait ses devanciers,
aux dix plaies d'Egypte.
Le prologue du quatrième livre traite de la distinction
tles deux puissances. Si l'histoire de la Passion de Jésus-Christ
fait mention de deux épées , Pierre ne se servit que d'une
seule, et notre auteur en conclut qu'il faut rendre à César
• ce qui est à César , \ Dieu ce qui est à Dieu. Mais déterminer
rigoureusement ce qui appartient à l'autel et ce qui est réservé
au trône, ce problême n'est ici ni résolu, ni même abordé.
L'évêque de Fi'isingue exprime les vœux d'un chrétien paci-
OTHON DE FRISINGUE. 3^3
fique, il désire ardemment le m;iintien , l'accord, la prospé- xil SIECLE
rite' des deux jmissaiices, sans énoncer aucune opinion précise "
sur l'étendue et les limites de l'une et de l'autre. Les trente-
deux chapitres de ce quatrième livre conduisent l'histoire de
l'église et des empires depuis Constantin jusqu'à Clovis. C'est
un espace d'environ deux siècles , savoir du IV"^, et du V de
notre ère vulgaire; le livre commence à l'an 3(i, et finit à
490. Le quatrième chapitre oifre un résumé de toute l'his-
toire depuis Adam juscjuà Constantin , avec des réflexions
moins neuves qu'édifiantes. On trouve, dans la suite du livre,
l'histoire abrégée des quatre premiers conciles généraux, celle
de saint Athanase, de saint Ambroise, de saint Augustin , du
pape saint Léon , celle enfin des empereurs jusqu'à Augustule.
La chute de ce dernier amène, dans le trente-unième cha-
pitre , de longues exclamations sur les vicissitudes de cette
vie mortelle ; l'auteur assure qu'il ne peut absolument se dis-
penser de cette tirade : Exclamare contra rerum mutabiliuin
miserias , tempore et loco exigente , cogimur. Le chapitre 3a
traite de l'origine des Francs , et fait dériver le nom de la loi
salique du nom de Salagastus (|ui la composa : ah hoc Sala-
gasto legeni qiiœ ex noiitine ejus Saliva usque hocliè vocatur,
inventaiu dicunt. Voici quelques lignes qui concernent l'ori-
gine de notre langvie , et qui ne sont pas tort instructives :
Romani etiam qui in Galliis habitabant , ita ut nec reliquice
ibi hwenirentur, externtinati sunt : vidctur mihi inde Francos,
qui in Galliis tnorantur , à Romanis linguam eorum qud
usque hodiè utuntur, accommodasse ; nam alii , qui circh
Rhenuin ac in Germanid remanserunt , teutonicd lingud
utuntur. Le trente-troisième et dernier chapitre n'est qu'une
transition au livre suivant.
La science et la puissance vont d'orient en occident : nées
dans ^|pde, elles ont traversé l'Egypte, la Grèce et l'Italie,
pour arriver en France. Ce grand résultat historique est ex-
posé dans le prologue du cinquième livre , ou il s'agit
d'ailleurs de li fin du monde, que l'auteur croyait fort \ïvo-
chaine. Les trente-six chapitres de ce livre contiennent l'his-
toire du VP siècle , du Vil*' , du VHP et pi-esque de la moitié
du IX*', savoir jusqu'il 8ii. Justinien et ses successeurs,
jusqu'à Michel -le-Begue, Clovis et ses descendans, les maires
du palais, Pépin, Charlemagne et Louis -le -Débonnaire,
Grégoire-le-Grand et quarante autres papes , trois conciles
œcuméniques , des hérésies , des schismes , des institutions
Tome XIII. jVIm
C. 24.
^74 OTHON DE FRISINGUE.
XII SIECLE, monastiques : c'est évidemment trop de matière pour quinze
ou seize pages, dont plusieurs encore sont remplies de lieux
communs sur l'éternelle mobilité des établissemens humains;
mobilité qui tient à la nature même des cLoses et des hommes,
et sans la(juelle, après tout, il n'y aurait point d'histoire.
Malgré la variété et la multitude des laits dorit l'auteur paraît
accablé, et qu'il démêle bien péniblement, U consacre l'un
des plus longs chapitres de ce livre à saint Corbinien, évêque
de Frisingue, au VHP siècle; et, sur ce propos, il décrit le
territoire de cette ville : Mons in pulchenimo et aniœnissimo
loco positifs , linipidissiniamm aquarwn ac prœcipuè Isarœ
ropiclissimi fliH'ii cursu coiispiciius , totam ilîius regionis faciem
et ex australi plagâ latissimmn campi planitiem tanquam e
spécula longé latcqiie contemplons. Nous citerons encore ,
pour faire c. nnaître , autant qu'il est en nous , Othon de Fri-
singue, l'un des miracles cpi'if attribue à saint Corbinien. Ce
prélat avant demandé la grâce d'un voleur qu'on allait
Ï)endre, et ne l'ayant point obtenue des juges, fit le signe de
a croix sur le patient. Trois jours après son supplice, le
Yoleur vivait encore, quand saint Corbinien vint le réclam> r
au nom du roi Pépin, qui, dans cet intervalle, le lui avait
accordé mort ou vif.
In se magna ri/imt. Cet hémistiche est paraphrasé dans le
prologue, d'ailleurs assez court, du sixième livre. Ravages
des Normands , décadence de la dynastie carlovingienne ,
règnes des trois premiers rois capétiens , schisme de l'église
grecque , catastrophes à la cour de Constantinople , entre-
prises de Bérenger en ItaUe , couronnement de Conrad
comme empereur électif, pontificat d'Hildebrand ou Gré-
goire VII : tels sont les principaux événemens rassemblés
dans ce livre , où l'on parcourt un espace d'environ deux
cent cjuarante-cinq ans, depuis 84 1 jusqu'en io86. U-existe
deux leçons du chapitre ao ; la seconde a été publiée par
Pierre Pithou, d'après un manuscrit conforme aux autres
maimscrits en presc[ue tout le reste. Ces deux leçons diffèrent
tellement en rédaction , qu'on ne retrouve presque jamais les
mêmes phrases , les mêmes constructions en l'une et en
l'autre ; mais le fond est essentiellement le même : il s'agit
des triomphes d'Othon- le -Grand sur Jes Hongrois et sur les
Esclavons en c)(i5 et durant les années suivantes. Le chapitre
3o nous présente une distribution géographique des Gaules :
l'auteur y distingue la Gaule cisalpine et la transalpine. La
OTHON DE FRTSINGUE. 276
première , appelée aussi Togata, est comprise entre le Pô et les ^^i SIECLE.
Alpes; la seconde, autrement nommée Comata , se divise en
trois parties, la Gaule belgique, la Gaule lyonnaise, et la Gaule
celtique, qui comprend l'Aquitaine. D'autres auteurs, ajoute
Othon de Frisingue, font de l'Aquitaine une des trois parties
principales, et nomment les deux autres Gaule lyonnaise et
Gaule belgique, en comprenant sous cette dernière la cel-
tique : ils distinguent en conséquence trois primats , celui
de Trêves pour la Belgique, celui de Lyon pour la Gaule ^
lyonnaise , et celui de Bourges pour l'Aquitaine. On peut
enfin réduire ces trois parties à deux, savoir la Belgique et
la lyonnaise, et ne compter ainsi, en-deçà et au-delà des
Alpes, que trois Gaules, la cisalpine, la lyonnaise et la bel-
gique. Le chapitre 3i fait mention de l'incendie de Parme
en 1089, et d'un rhythme en forme de tragédie, rhythmiirn
in moàum tragœdiœ , composé sur ce désastre. Le mot de
tragédie ne doit signifier ici que complainte , si l'on en juge
par les deux vers qu'Othon de Frisingue a transcrits , et qui
commençaient la pièce :
Qui habet voccin serenam,
Proférât hanc cantilenam.
Au chapitre 35 , il est parlé d'une comète qui parut en io6f),
et qui , dit l'auteur , ne resta point sans effet , effecta non
cariiit, puisqu'en cette même année Guillaume de Norman-
die conquit l'Angleterre. Le trente-sixième et dernier cha-
pitre se termine par un court récit de la mort de Grégoire VU
et par un éloge de ce pontife, déjà trop loué dans les cha-
pitres précédens : Forma gregis factus , qiiod verho docuit,
exemplo denionstravit , ac fojfis per ODinia athleta , niurum
se pro donio domini ponere non timuit... Ecclesui tanto pas-
tore qui inter oinnes sacerdotes et romanes pontijices prœcipui
zeli ac auctoritatis erat , orhata , dolorem non modicwn
habuit.
Dans le prologue du septième livre, il s'agit de la bonté
de Dieu et de la perverse ambition des prêtres , de ceux par-
ticulièrement qui s'efforcent de frapper les empires du glaive
même qu'ils tiennent de la grâce des empereurs : C ulpandi
sacerdotes per omnia qui regnum suo gladio quem ipsi ex
regum hahent gratid ferire conantur; à moins cependant,
ajoute l'auteur, et cette restriction peut sembler étrange, à
M m 1
276 OTHON DE FRISINGUE.
XII SIECLE, moins qu'ils n'aient l'intention d'imiter David , qui se servit
du glaive de Goliath pour l'égorger : Nisi forte Dai'id iini-
tari cogitent, qui Philistœum... proprio giadio jugulmit. Ce
livre n'embrasse qu'environ soixante ans , puisqu'il com-
mencQ en 108G [defancto Salcrni Gregoiio l II)-, et qu'il
finit en ii46. Cet intervalle renferme la première croisade
et les préparatifs de la seconde, les deux premiers conciles
de Latran, la fin du règne de l'empereur Henri IV, les règnes
d'Henri V, de Lothaire et de Conrad III, ceux des Comnènes
à C. P. ; en France, ceux de Philippe P'*", de Louis VI, et en
Méthodepour pap^ie de Louis VII. Quoi qu'en dise Lenolet du Fresnov,
étudier l'hisl. i . . ,. i ^ ' i '^ i i- '
t. x,p. iSqde qui regarde ce livre et les preceuens comme plus digues
ledit, de 1772, d'attention que les autres, il nous semble quOthon a ieté
iSvol. m-i2. i^ien peu d'intérêt sur des faits si voisins du temps ou il
écrivait, et de la plupart desquels il avait été presque témoin.
Ses récits conservent le même caractère que (fans ce qui
précède , et sont interrompus pai' le même genre de reflexions.
Toujours linconstance de la fortune, l'instabilité des gran-
deurs, la mobilité du monde : Vaiietas luinianamin renim,
nnindi vo/iibi/itas , niutabiliuin revwn séries. C'est par- là
qu'il termine cette chronique au chapitre 34 de ce livre, en
indiquant d'ailleurs l'année 11 46 comme celle où il écrit.
Mais il faut bien qu'il ait fait plus tai'd quelques corrections
et additions à cet ouvrage, puisqu'il y parle ( liv. V, c. 18) de
la croisade de ii47i quod et nuper dian Hierosolymitana
expeditio sub Conrado ageretur, experti Jiiimus ; eX.
( liv. VIÏ , c. 3 1 ) du Traité de la Considération , adressé par
saint Bernard au pape Eugène , ad Eugcnium venerahilis
Bernardus librum de Consideratione sui, quatuor distinctio-
nihus ordinatum conscripsit. Le livre septième n'est d'ailleurs
terminé que par un trente -cinquième chapitre, oii Fauteur
a rassemblé quelques notices sur les ordres religieux , et un
catalogue chronologique des papes jusqu'à Adrien IV, et des
rois jusqu'à Frédéric Barberousse , dont le règne ne com-
mence qu'en 11 Sa. Les éditeurs d'Othon , au XVP siècle,
ont prolongé ce catalogue jusqu'à Léon X et Charles -Quint.
C'est aussi à une main étrangère qu il faut attribuer un trente-
sixième chapitre, où les commencemens du i-ègne de Frédéric
Barberousse sont brièvement retracés.
Mais Othon de Frisingue est l'auteur d'un traité de la fin
du monde , qu'il a joint à sa chronique comme huitième et
dernier livre. Le prologue ronle sur la distinction des deux
OTHON DE FRISINGUE. 277
cités, la cité sainte et la cité perverse. Celle-ci suscite à la ^^^ siècle.
première quatre espèces de persécutions, dont l'auteur parle
dans le premier chapitre : persécution par les infidèles , par
les hérétiques , par les hypocrites et par l'antechrist. Il est
question , dans les chapitres suivans, et de l'antechrist et des
signes qui annoncent le second avènement du Sauveur. Que
le moiude doive finir par le feu, les poètes payens eux-mêmes
ne l'oat point ignore :
Reminiscere tempiis
Affnrc quo marc , quo Tellus iminensaque regia cœli
Afdeat^ et mundi moles immensa laboret (a).
Mais la résurrection des corps est un dogme que les livres
saints ont pu seuls nous apprendre. Othon consacre plusieurs
chapitres a l'explication de cet article de notre croyance. Ij^
recherche quels seront les traits, l'âge et le sexe des ressusci-
tes , si ceux qui vivront en ce dernier jour mourront pour
ressusciter, confoimément au texte de saint Paul onines qiii-
dem resurgemus , ou si les saints qui vivront alors s'élèveront
vivans dans les cieux, conformément à cet autre texte du
même saint Paul : Mortui résurgent primi, deindè nos qui
inx'imus , qui relinquimur , rapiemur cum illis in nubibus
obviant Christo in aeru. L'auteur demande aussi comment
Dieu jugerait les vivans et les morts , s'il ne restait pas de
vivans. Nous sonnnes forcés d'écarter beaucoup dautres
questions non moins difficiles, cjue l'auteur traite avec la
même sagacité. Il incline vers l'opinion de ceux qui adou-
cissent les peines réservées aux enfans morts sans naptéme.
Il estime que le feu de l'enfer brille sans éclairer , et l'oppose
au buisson ardent qui luisait sans combustion. A l'égard des
neuf chœurs angéliques, leur hiérarchie surpasse l'intelli-
gence humaine, ainsi qvie l'auteur le déclare au commence-
ment du long et savant chapitre qu'il a écrit sur ce sujet. Sa
théologie n'est pas moins transcendante dans le reste de
l'ouvrage; il y traite des proporti^s qui régnent entre les
fa) Othon de Frisingue altère le texte d'Ovide , qui se lit ainsi ;
Esse quoque in fatis reminiscùur affore tempus
Quo mare , quo tellus , correptaque regia cœli
Ardeat , et miuidi moles opérera laboret.
Metamorph. lib. I, v. i3 — 15.
278 OTHON DE FRISINGUE.
xn SIECLE, ordres de bienheureux , du rapport qui existe entre le
nombre des élus et le nombre des anges , de la béatitude des
saints , de la manière dont ils voyent Dieu , et de la fin der-
nière des deux cités. Ce huitième livre a trente -sept cha-
pitres , et le dernier est suivi d un épilogue qui ne se trouve
point dans tous les manuscrits, et qui probablement n'est
point de l'auteur; car il y parlerait de lui-même et de son
ouvrage avec une présomption trop peu chrétienne , et dont
ses autres écrits n'offrent aucun exemple. La dernière phrase
du chapitre Sy est au contraire fort modeste , et tout annonce
qu'elle termine en effet l'ouvrage : Tiium vero erit minus
dicta supplere , malè dicta corrigere , superfliia resecare ,
meque in hoc salo mundi peccatis oneratwn laborantein ,
orationwn tuaiixin remediis suhlei'are.
Le Traité de la fin du monde n'ayant point avec les sept
livres précédens une connexion très-nécessaire, on pourrait
donner plutôt le nom de huitième livre de cette chronique
à celui cju Othon de Saint-Biaise y a joint. C'est en effet une
continuation de l'histoire universelle, depuis ii4t) jusqu'en
12 10. Mais nous n'avons rien à dire ici d'un travail fait
au XIIP siècle par un écrivain qui paraît n'appartenir d'au-
cune manière à la France.
Le second ouvrage d'Othon de Frisingue consiste en deux
livres intitulés de Gestis Frideiici primi Cœsaris Augusti.
Une lettre de Frédéric à Othon se lit à la tête du premier
livre : Othon y est remercié de la Chronique dont nous
venons de parler, et invité à s'occuper d'une histoire parti-
culière de Frédéric. La lettre est accompagnée d'un mémoire
où sont indiqués sommairement les faits les plus remar-
quables des cinq premières années du règne de cet empereur.
Ce ne sont là , dit Frédéric , que des ombres, en comparaison
des grands traits que l'on admire dans la vie des anciens
héros : mais votre génie sait ennoblir les plus minces détails,
et peu de matière vous suffit pour un grand ouvrage.
Orhon, dans le prologue de son premier livre, ne s'adresse
à Frédéric Barberousse qifaprès s'être occupé fort long-temps
d'un écrit qui avait circulé dans l'Europe, et qui, sous des
formes apocalyptiques, jiromettait à Louis Vil de brillans
succès en Orient, des triomphes pareils à ceux de Cyrus et
d'Hercule. Plusieurs lignes de cette prophétie sont ici trans-
crites par Othon : Ciiin peiveneris ad costam tetragoni seden-
tis œterni et ad costam tetragonorum stantium œternorum ,
OTHON DE FRISINGUE. 279
et ad multiplicationem heati nunieri per actuale primwn ^" SIECLE.
cubum.... tuiim L. vertetur in C. etc. Si ce lanafaae parait ~. ,
étrange, ou nest guère moins étonne de celui que parle LouiscnCyms.
Othon lui-même, lorsqu'il s'engage en des distinctions scho-
lastiques, pour justifier la cjualification de spintiis pere^rini
dei, qu'il donne à la manie des croisades : Siciit enini, dit-il,
juxfà quoruindam in logicâ notonim positionem , ciim non
formarum, sed suhsistentiutn propriuin sit prœdican seu de-
clarari , gênera tanien et species prœdicaniento transswnpto
ad causant prœdicari dicnntur ,.... sic et causam dicti consi-
dérantes, spirituin peregrini dei dicimus , qui ut lot et tanti
propter Deum peregrinandi habitum assumèrent causa fuit.
C'est à la suite de cette discussion qu'Othon félicite Frédéric
de ce que , seul entre les princes romains , il n'a point encore
éprouvé l'inconstance de la fortune [a). L'auteur finit par
annoncer que, pour jeter plus de lumière sur l'histoire de
Frédéric , il va reprendre cle plus haut le fil des événemens.
En effet, le premier livre, quoiqu'il ait soixante-trois cha-
pitres , ne contient que des faits antéi-ieurs au règne de Fré-
déric Barberousse : il offre l'histoire des prédécesseurs de ce
prince, depuis 1076 jusqu'à i iSa. C'est, pour ainsi dire, une
seconde rédaction du septième livre de la chronique , rédac-
tion meilleure , à beaucoup d'égards , que la première. Jus-
qu'au chapitre X , il s'agit de l'empereur Henri IV et de ses
démêlés avec Grégoire VII. Mais le plus remarquable de ces
chapitres est le cinquième , où , à propos d'une révolte des
Saxons en 1187, l'auteur discute fort au long le sens des
mots genuinuni et nativuni. Genuinum est nécessairement
simple, et natù'um composé. Genuinum est en quelcjue sorte
engendrant et non engendré, nativum au contraire est né,
il est comme engendré et descendant à genuino. La généra-
tion , dans le sens le plus étendu , est le passage du non-étre
à l'être ; et, dans tout natù'um, le négatif a précédé le positif.
Suivent des considérations sur la divinité, sur la trinité, sur
ses formes générales , différentielles , accidentelles ; sur la
concrétion qui , dans les choses naturelles , résulte non seu-
lement de la réunion de la forme et de la substance, mais
sur- tout de la multitude des accidens qui accompagnent
•
{a) Inter omnes enim Romanonim principes, tibi pœnè soli hoc reser-
vatum est prlvilej^ium , ut quamvis à prima adolescentià bellicis desudasse
cognoscaris ofticiis, obscœnum tibi nondum vultum lortuna verteiit.
28o OTHON DE FRISINGUE.
XII SIECLE, l'être substantiel, et qui sont ou simples comme la blan-
cheur , ou complexes comme Ihumanité. Tout corps est
composé de corps et divisible à l'infini , tandis que l'esprit
est simple et sans aggrégation de paiticules. Ce chapirre qui
équivaut en étendue à huit ou dix des autres, est 1 un
de ceux que nous croyons indiqués par quelques auteurs ,
sous le titre d'Opuscules philosophiques dOthon de Fri-
singue. Peut-être les avait-il composés avant cette histoire,
et a-t-il jugé à-propos de les y coudre, pour les rendre
moins fugitifs. Le chapitre 5 n'est lié au suivant que par la
transition bannale : sed ad prvpositi/m redeamiis , et apics
cette longue leçon d'ontologie, le chapitre 6 commence
brusquement par Igitur Saxonihus.
L'histoiie d'Henri V se termine au chapitre i5, et celle
de Lothaire au ai*^. Le règne de Conrad III occupe le
reste du livre. Othon y a consigné des lettres de Conrad à
l'empereur grec Jean Comnène et de Jean Comnène à Con-
rad ; une lettre du sénat et du peuple de Rome à ce même
Conrad écrite à l'instigation d'Arnauld de Bresse contre le
pape Innocent II ; une lettre d'Eugène III à Louis VII , et
aux autres princes européens pour les exciter à la croisade;
une lettre de saint Bernard au clergé de France , sur le
même sujet; une lettre contre Aljailard, adressée au pape
Innocent II par l'archevêque de Reims et ses suffragans,
avec la réponse du pontife romain ; une lettre enfia d'Eu-
gène III à Conrad, pour le consoler des revers essuyés en
Orient.
Le chapitre 3i offre une description de la Hongrie , con-
trée délicieuse que l'auteur compare à lEgypte et même
au paratlis. Intiis planicic campi latissie^a , decursu flinni-
nuin et omnium conspicufi^ nemoribus diversarinn Jeranim,
generibus plenis conferta , tàm. innatd amœnitate quam,
agrorum, fertditate locuples esse cognoscitur , ut tanquàm
pavadisus Dei vel Aegyptus spectabdis esse videatur. Il s'en
faut bien quOthon fas&e autant d'éloges des Hongrois : il se
plaint qu'un si beau pays soit abandonné à de farouches
habitans, qu'à leurs yeux caves, à leur courte stature, à
leur face hideuse, à leur langage barbare, à leurs «mœurs
féroces , on ne prendrait que pour des monitres. Sunt
autem prœdictl Hungaii facie tetri , profundis oculis , sta-
turd humdcs , moribus et lingud barbavi et féroces , ut jure
fortuna culpanda , vel potiùs divina patientia sit admi-
OTHON DE FRISINGUE. " 281
ranâa , qnœ , ne dicavi homiiiibus , sed talibus hominum ^i SiECLii;.
monsttis tant delectnbilem exposait terrain. '
L'historien décrit, dans le quarante-cinquième cliapitre,
le désastre que les croisés essuyèrent en 1 147 dans l'Helles-
pont. Mais, au lieu des détails historiques qu'en a le droit
d'attendre d'un témoin oculaire, il ne compose" qu'une am-
plilication d'école , applicable à tout autre événement du
même gcinv. Videres alios natantcs , alios eqids adiiœrentes ,
alios per fîmes nnserahditer trahi .^ nonnuilos natandi iiidoc-
tos., etc. La seule circonstance un peu précise qu'il retrace,
c'est qu'au sein de ce désordre, plusieurs d'entre eux assis-
tèrent à une messe , et chantèrent dans l'amertume de leur
cœur, gaudeannis. Cum multd amaritudine cordis, nostrorum
luctuni et gcmituni audientes , gaudeamus cecininius.
*Au chapitre 60 , Othon s'efforce d'excuser la croisade par
des distinctions scholastic^ies sur le bien et sur le mal, soit
absolu soit relatif". Il explitjue par une multitude d'exemples
comment ce qui est bon à une espèce, est un mal pour une
autre. Il remonte à des règles de logique, dont l'une est
conçue en ces termes : Methodus à s;eneve ad destntendwn ,
a specie valet ad construenduin. Ce cliapitre peut passer
encore pour un opuscule philosophique , lùen plutôt assu-
l'ément que pour une apologie des croisades.
Il est souyent question de saint Bernard dans ce livre,
mais toujoui's en termes honorables ou respectueux. Othon
se "borne à mettre quelques restrictions aux éloges cpi'il
donne au zèle ardent du saint abbé. 11 pense que sa piété
fervente, et la douceur même de son caractère, le dispo- C. at
saient en quelque sorte [quodammodo) à la crédulité , et
qu'abhorrant la confiance des docteurs en leurs propres lu-
mières, il prêtait f^icilement l'oreille aux rapports qu'on luf
faisait contre leur doctrine. En parlant d'Abailard et de la
Bretagne sa patrie, l'historien dit que cette province produit
des clercs recommandables par la finesse de leur esprit et
par leur goiit pour les beaux arts, mais beaucoup moins
propres aux autres genres d'occupations. Ten'o, clericoriiui
acuta ingénia et^rtibus applicata liabentiwn ^ scdf ad alia
negotia pcnè stolidorwnferax. Si d'ailleurs Othon loue dans
Abailard le génie et le savoir, il lui reproche sa présomp-
tion , son obstination , et son dédain pour lés opinions des
autres docteurs : Tcini arrogans suoqiie tantiini ingénia
coajldcns .,ut vijc ad audiendos niagistros ah altitudine mentis
Tome XlII. N n
âSa OTIION DE FRISINGUE.
"Swii SIECLE, suce descender^et. L evêque de Frisingue est aussi fort éloigné
d'adopter les erreurs de Gilbert de la Porée : mais il craint
qu'on no les ait imputées avec quelque précipitation à cet
evêque de Poitiers ; il regrette qu'on ait refusé d'entendre ou
d'apprécier les explications que Gilbert donnait de sa doctrine.
Ici, le dialecticien Othon ne laisse point échapper l'occasion
€. 53. de placer un assez long chapitre sur la nature divine, sur la
nature humaine, sur les trois peisonnes de la Trinité, sur les
distinctions à faire entre TvpodojTrcv et ùTÔ^ctciv, "entre oùciav et
oijGtw'Tiv : il s'élève même à des vues tout-à-fait générales sfir
la personalité, la siibsistance , l'essence, la nature abstracti-
vement considérées ; en soite c[ue ce chapitre encore a fort
bien jju passer pour un essai théologico- philosophique.
DeGestisFri- Radevic racoute qu'Othon de Frisingue , peu de joui's
der. hb. II, c. avanf sa mort, après avoir fait son testament et reçu fex-
trême onction, se fît apporter le livre qui vient de nous occu-
per, le remit à des hommes lettrés et i^eligieux, et les chargea
de corriger ce qu'ils y trouveraient de favorable aux erreurs
de Gilbert. Soit que cette dernière volonté de l'évêque de
Frisingue ait été exécutée et que son livre ne nous soit par-
venu qu'avec ces rectiHcations,soit que les expressions modé-
rées 1 les opinions impartiales qu'il nous offre , aient en effet
scandalisé, de son temps, d'inexorables ennemis d'Abailard
et de Gilbert , d'enthousiastes admirateurs des éminentes
vertus de saint Bernard , il est certain que ces chapitres
d'Othon lui attirèrent beaucoup de reproches. Gerohus,
prieur de Reichersberg , lui avait écrit , sur ce sujet , une
p
Aiiecd. t. IV, lettre fort rigoureuse que dom Pez a publiée.
I, p. 5G5 et Nous venons de voir que le premier l
^^^*I- /i' 1 '11 ' »i'i
Frédéric Barberousse est réellement étranger a la vie de ce
que le premier livre de l'histoire de
prince : mais le second livre contient en effet l'histoire des
premières années de son règne, depuis iiSa jusqu'en ii56.
ÎJn très-court prologue, adressé a Frédéric, est suivi de
trente-deux chapitres. L'auteur a inséré au chapitre 8 une
lettre du pape Eugène III à des évêques d'Allemagne sur
une affaire particulière, et au chapitre 3o une lettre adressée
par l'empereur Frédéric à Othon de Frifeingue lui-même,
pour lui annoncer une expédition contre les IMilanais. Ce
second livre , bien moins étendu que le premier , l'est peut-
être encore trop pour sa matière. Mais on doit savoir gré à
l'auteur d'avoir évité le langage de l'adulation, en écrivant
l'histoire d'un prince vivant et victorieux , auquel il tenait
OTHON DE FRISINGUE. 283
par les liens du sang. On ne remarque d'exagération ou de xi£ SIECLE,
fadeur que dans la phrase qui termine le dernier chapitre.
Othon y dit à Frédéric qu'un historien perdrait haleine s'il**
avait la témérité de raconter tout d'un trait les prodiges
opérés par les vertus de sa majesté (a). Ce compliment n'est
au surplus qu'une transition pour renvoyer à un troisième
livre la suite des événemens.
Ce troisième livr§, Othon n'a point eu le temps de l'écrire:
il ne paraît pas même c[u'il l'ait entrepris. Un de ses disciples,
Radevic, chanoine de Fiùsingue, s'est chargé de ce travail, et
a continué l'histoire du règne de Frédéric Barberovisse , de-
puis II 56 jusqu'en i i6o seulement. Cette suite est divisée
en deux livres ; et le onzième chapitre du second contient
un éloge historique d'Othon de Frisingue. C'est de ce chapitre
que nous avons extrait presque ce cjue nous avons dit de
la vie de ce prélat. Au quinzième siècle , Aeneas Sylvius ,
depuis Pie II, dans une harangue peu instructive, a célébré
l'évéque de Frisingue, en l'appelant Othon de Frise, et en
le faisant neveu de Frédéric Barberousse.Trithème qui relève
la première de ces méprises, reproduit la seconde, et désigne
d'ailleurs l'année 1260 comme l'époque des travaux litté-
raires d'Othon. Trithem. de
Le seul auteur chez qui l'on ait à puiser avec confiance ? "" ''.'' ^'*''''"-
1 1 ' -1 1 * • nr^ 1 r T-' • • T. 1 ■ interejus oper.
quelques détails sur la vie d Othon de l^nsingue, Radevic hist.P. i,p. lîg
indique textuellement l'année ii5g comme celle de la mort et !'>°- ~ ^^
de ce prélat. Mais nous croyons ciue cette date a été mal Scnpt. Eccl. ad
Gopiee et quil laut lire 11 00; car Radevic ajoute, troisième p. 296.
année de l'empire de Frcdéric , c'est-à-dire depuis le cou-
ronnement de ce prince. Or, Frédéric fut couronné à Rome
le 18 juin II 55, plus de cjuatre ans avant une mort qui ne
serait arrivée que le 22 septembre ii5g. Nous pourrions
ajouter que plusieurs des faits racontés par Radevic à la
suite de la mort d'Otbon sont de Tannée 1 158. Nous préfé-
l'ons don^^ cette dernière date, que Duchesne, Le Mire, Duchesne, ind.
Freher, Fabricius, Fleuri, Muratori et plusieurs autres ont IV*^'' ~ j^'"^-'*''
, " ' ' 1 Chron. ad ann.
adoptée. ii58. -1 abric.
Jean Cuspinien fut, en i5i5, le premiej- éditeur d'Othon P'W- '"^d. et
- de Frisingue : il pubUa , en un volume in-folio, imprimé à o[j,o'fv"s ^[c'
— Pagl crit. ad
/• \ rr . . ., ,. . .... ann. Ii5g.
[a) ianta sunt quae de tuis virtutibus dici possent, ut si simul sine
interpellatione insipienter effundantiir , scribentis prœfocare possint
animum.
N na
284 OTHON DE FRISINGUE.
xir SIECLE. Strasbourg , les huit livres de la chronique et les deux livres de
~~ Gcstis Friderici Aenoharln. Cette première édition est dédiée
à l'empereur Maximilien. La seconde, due aux soins de Pierre
Pithou, parut à Basle , dans le même format, en i56f). Les
suivantes, toujours in-folio, sont de i585 à Francfort, de
iSgô à Basle. On retrouve d'ailleurs les deux ouvrages
d'Othon dans la collection d'historiens d'Allemagne , pu-
bliée par Wurstisen ou Ui'stisius, en^i584, à Basle, et
réimprimée à Francfort en 1610. Ces deux mêmes ouvrages
remplissent aussi les cent soixante-deux premières pages du
tome VIII de la Bibliothèque des Pères de Cîteaux , publiée
par dom Bertrand Tissier; et les deux livres sur Frédéric
Barberousse ont été insérés , en 1726, par MuVatori , dans
le tome VI de son recueil des historiens d'Italie. Enfin des
morceaux extraits du premier de ces deux livres , et du
sixième de la chronique, ont été rassemblés en un volume
in -4°, publié à Hanovre, en i56i , sous le titre de Frag-
mentuni de HUdebrnndo papa.
Les ouvrages d'Othon de Frisingue font juger avanta-
geusement de la douceur et de la loyauté de son caractère.
Ils annoncent un esprit distingué, et des talens que l'étude
n'a exercés qu'en les égarant quelquefois. Les citations ré-
pandues dans sa chronique, prouvent qu'il avait appris le
grec, connaissance alors peu commune. Il n'avait pu lire
qu'en cette langue certains écrits ecclésiastiques, et spécia-
lement une vie de saint Basile, qu'il cite au chapitre 10 du
livre IV, et cjui, selon toute apparence, n'a été traduite qu'a^
près le douzième siècle. Les grands poètes latins, et parmi
les prosateurs, Cicéron et Justin, lui sont familiers : non-
s. ulement il les cite au besoin et sans besoin , mais il em-
prunte leurs expressions et imite leurs tours de phrase. Par
exemple, la finale esse videatur est fréquente dans l'un et
l'autre de ses ouvrages. Les expressions barbares se font
remarquer chez lui par leur rareté : tel est le m(^ guerrani
au chapitre 21 du septième livre de la chronique. Il ne
recherche point les consonnances ; mais son style a d'ailleurs
peu d harmonie , encore moins de couleur; et la piécision
qui le distingue souvent n'est jamais énergique. Othon s'in-
terdit même cette précision , toutes les fois qu'il se. croit
obligé d'interrompre , par des amplifications de rhéteur,
le cours naturel de son ouvrage. C'est comme une tâche qu'il
s'impose deux ou trois fois en chaque livre ; et ce travers
OTHON DE FRISINGUE. • 285
étranger, ce semble, au caractère de son esprit, ne doit xn SIECLE,
être imputé qu'à son éducation littéraire. 11 redevient précis
dans des digressions d'un autre genre, et qui d'ailleurs ne
sont pas moins déplacées : savoir dans celles où, se livrant à
un penchant plus réel et plus intime , il entreprend des
recherches cju'il croit être philosophiques. Hors de la place
C|u'elles occupent ou cju'elles usurpent, ces discussions ne
seraient pas toujours méprisables. Comme historien , Othon
a obtenu des éloges (a), pour les détails géographiques semés
dans ses deux ouvrages, et sur-tout pour l'inviolable sin-
cérité de ses" récits. A. partir de la fondation de Rome, sa
chronologie n'offre en général d'autres inexactitudes que
celles dont il n'avait, au douzième siècle, aucun moyen de
la préserver. On excuserait plus difficilement quelques traits
de crédulité que nous avons rapportés dans le cours de
cet article , et qui montrent combien la critique , combien
la raison avait encoi^e de progrès à faire.
Radevic a composé deux épitaphes d'Othon de Frisingue;
la première, en cjuaraiite-quatre lignes rimées, est sur-tout
longue par son insignifiance. Voici la seconde, qui du moins
n'a que dix vers.
Çhiidqidd in orbe beat prœclaros et meliores,
Prœsulis Ottonis mire cumulant honores.
Si proavi vel aui probitas , saccr ordo , potestas ,
Deberent mortis Jiirias cohibere molestas ,
Non moriturus crat ., prœclarè prcvditus illis.
Heul talem coinmunihus accessisse favillisl
Quamfacunda viri vox ^ qualis philosophia ,
Hortatu regum doCet édita chronographia.
Luxit eumpatria propriâ comitata ruina, Incendie de
Propitietur ei Deus et nia Firso Maria. '^^'""^ deFrisin-
' j^ o gue ^ pp„ après
la mort d'O-
Othon de Frisingue fut enterré près du grand autel de '''°"-
l'église de Morimond : son tombeau, dit Martène, est fort ^'°Y- 'inér.
modeste. * j) t. j,p. 141.
{d) « Othon « Radeyic sont regardés avec justice comme les meilleurs
■■ et les plus judicieux historiens de leur temps. •» Journal des Savans ,
décembre 1782 , p. 749, ^750, où l'on ajoute qu'Othon était neveu de Fré-
déric Barberousse , etc.
XII SIECLE.
MiLON r.
ÉVÊQUE DE TÉROUANNE,
ET SON NEVEU MILON II.
Gail. Christ. JLIeux évêques de Térouanne, dont l'un a succède immé-
"cjr '■ ^' P' diatement à l'autre, ont porté le nom de Milon. Le second
' était neveu de l'autre. Milon P"" avait été abbé de Saint-Josse-
aux-Bois, de l'ordre des Prémontrés; et, selon Robert du
Mont, il était chanoine régulier de l'église de Térouanne,
viiiefore,vie lorsqu'il en fut élu évêcjue en ii3i. Il a siégé, en ii48i au
de s. Bernard, coucile tcuu à Reinis contre Gilbert de la Porée. Arnoult,
Frison' ^ Gah. ^^^^^ ^^^ prédicatcurs de la croisade de ii47, et Pierre -le -
Purpur.'p. ii6. vénérable, ont adressé à Milon F'' des lettres qui l'hono-
Mariène , rgiit. Oïl estimait, dans l'église, sa piété, sa science, et sur-tout
f'i^'^^Goo"— sa modestie. L'humilité de Milon était, pour ainsi diie,
Spiciieg. t. VI, passée en proverbe, et l'on disait : in Bernardo charitas , in
p. 625. — Pétri pif'orberto Jides , in Milone humilitas. Guillaume de Nangis
Ub"iv eTs"' 1^ compte au nombre des plus illustres prélats Français de
Chro'n. cia- l'année 11 4o. Il mourut en odeur de sainteté, le 16 juillet
ravaii. ad ann. j j 5g sclon la cliroiiique de Saint-Bertin, ii5g selon Robert
flèt'lTge^it du Mont, Meyer et le Paige. On a de lui plusieurs chartes
Bernarditp 81 eii faveur de certains monastères de son diocèse. Il est fort
et 82. —Frison, (Jouteux qu'il soit le Milon auteur d'une légende de saint
^^116 "'^^"^'^' Gorgone, publiée par les Bollandistes. Ce fut aussi un autre
Spieiieg. t. XI, Milou , quide moine de Saint-Aubin d'Angers devint cardinal,
p- A2'^- et fit en l'honneur de Paschal II quelques mauvais vers pu-
Anecd. t. III \ l^liés par dom Martene dans son voyage litteran-e : mais c est
p. 65o. ' à l'évéque de Térouanne qu'on doit attribuer des sermons
Robert, de ^qj^j; ['m^ est cjté par Pierre -le -Chantre dans un ouvrage
^i°5q'^_*MeTer, intitulé : Verhum ahhrenatwn. Ce sermon traite du luxe
ad ann. 1120, des femmes, et en voici quelques paroles:
ii3i,ii59.-Le ]Son decet niatvonas christianas vestes hahere subtalares
Prsinon'str.°'p! et post se tvahentes , quibus verrant sordes pavimejiti viarum.
459-461. Scitote, dominée , quod si hiijus modi vestis vobis esset neces-
Spiciieg.t.ix, gfjj^id natiira vobis in remediwn ejus aliquid dedisset quo
Gali. Chr. nov. terrcim tergere possitis. (L. oJ,p. 222. j
t. X, app. p. Quoique nous n'ayons aucune preuve positive que ce
399-404.
ADRIEN IV, PAPE. 287
sermon soit de Milon l" et non de Milon II , nous sommes xii siècle.
porte's à croire que Pierre-le-Ciiantre aura cité l'oncle plutôt Voy. liuérTT
que le neveu, qui n'avait pas, à beaucoup près, autant de ii,p-2/i4, 245.
réputation et d'autorité. Nous possédons toutefois une lettre /"'*'' «"pis'o'as
j V.. • I ' n/i-i TT *i 1 TTr iliomse Can-
de trois pages adressée par Milon 11 au pape Alexandre 111 tuar.iib.in,ep.
en faveur de saint Thomas Becket : elle exprime un dévoue- 16, p. 505-507,
ment sans bornes aux intérêts de l'archevêque de Cantorberv ,^"'^- ^^ ^■
qui, en i idd, tut accompagne jusqua boissons par Milon 11. inier German.
Celui-ci avait été religieux prémontré, au monastère de hist. ediios à
Notre-Dame-du-Bois ou Russiauville ; et Robert du Mont ^'^q^^'1'^1'^°-
dit qu'il fut chanoine et archidiacre de Térouanne, avant de nov. t. x, p.
succéder à son oncle sur le siège épiscopal de cette ancienne ^548, etinAp-
ville. Son élection donna lieu à une réclamation des Boulon- jj*"^^ p- 4o5.—
nais, qui voulant avoir, comme autrefois, un évêque parti- ad'sams.'^Re
prétention tut mal accueillie par le pape Alexandre 111, Martène
qui , au mois de janvier . 1 1 60 , cassa l'élection qu'on avait Anecd. t. m ,
faite d'un évêque de Boulogne, et déclara que cette ville res- ^jyi^,^" ~ ^^'"
terait comprise dans le diocèse de Milon II. La mort de cet ecci. Bdgic""
évêque est placée en 1 167 dans la chronique de Saint-Bertin ; 1. 1.— chron
ic.ie ,
le.
il est plus probable qu'il ne mourut que le i4 septembre P'^*'"^"^^^^. ad
1169 : deux lettres de Jean de Sarisbéri lui sont adressées, i"eo.— Geor^!
elles concemient Becket. D. Caiopin in Pe-
trum Cantor.
ADRIEN lY.
P-49I.
Inter epist.
Tliomoe Cant.
lib. Il, ep. 102,
195.
Puisque Paschat II, né en Toscane, et mort à Rome après
un pontificat de dix -neuf ans, occupe une place dans cette ^ x 216
histoire littéraire de la France, pour avoir résidé quelques -25i.
années <à Cluni,nous ne pouvons omettre Adrien IV, qui,
bien jeune encore, quitta l'Angleterre sa patrie, et vint
passer la plus grande partie de sa vie en France.
Le nommé Breakspeare , (Brise-lance) prêtre , ou plus vrai-
semblablement simple clerc d'un village voisin de l'abbaye de
Saint-Alban, eut un fils qui fut appelé Nicolas. Lé père se fit cuiii.Neubrig.
moine de cette abbaye ; le fils, trop pauvre pour fréquenter rer. Angiic. lib.
long -temps les écoles, vint se présenter à l'abbé de Saint- MMlk*^ p ^■■•~
288 ADRIEN IV, PAPE.
XII SIECLE. Alban, et lui demanda l'habit religieux. Nicolas était bien
Vit. abbat. S. fait de sa personne, mais peu appliqué à l'étuc+e, in arie
Aibaiii,p.66.— cleiicali satis supinus , dit Mathieu Paris. L'abbé l'examina,
f* "Il T* 1*1-» J ' '
^,1'' /y- * ■ et, ne le trouvant i)oint assez instruit, exigea un délai que
X\III,C. 2.— ,'. . 1. r ^T ? • i 1^
Centur. Mag- le jeune nomme prit pour un reius. JNicolas vmt chercher
deb. cent. XII, fortune en France, d'abord à Paris, puis en Languedoc, puis
•=• '°' P-. /''°9- dans l'église d'Arles, enhn à Saint-Ruf. où il devint cha-
— J. Plts. de . o . .1 1 1 / r- • r. <• ' •
angl. scripior. nouic, cusuitc prieur, et vers ri07, abbe. baint-Fxut était
p. 2i8. — Cia- une abbaye de chanoines réguliers, située alors près d'Avi-
Poniif*^* Rom gi^f^rifet transplantée depuis à Valence en Dauphiné. L'abbé
Hadiian. IV, p. Nicolas. cut le malheur de déplaire à sa communauté, qui,
653 et seqq. ^ pour sc débarrasscr de lui, le dénonça au pape Eugène III.
Cave II, 2jo. j^g souverain pontife écouta les accusations, nui étaient assez
Hist. de Laiig. gravcs , et fut si édifié de la modération des ré[)ons('s de
t. ll,p. /,79. l'accusé, qu'il le maintint à la tète de l'abbaye. Cependant
Gariel.episc. ^^^^^ rébellion nouvelle éclata bientôt à Saint-Ruf, et le pape,
Magnelon. V- r ■ , c ■ i i • i i ■ ' i- i •
io4.-Baronius, latiguc ccttc lois (Ics plauites quc les chanomes réguliers lui
ann. ii54. — portèrent encore, leur déclara qu'ils n'étaient pas dignes de
ann '/i"- n Posséder un tel abbé, et qu'il le gardait pour l'employer au
23. " service de l'église romaine. Il le fit en effet évêque d'AÎbano,
Magn. Hist. l'envoya , avcc le titre de légat, dans le nord de l'P'urope
^xix'^^^'^ pour y prêcher l'évangile, et y établir des églises. Quand
Nicolas revint de cette mission, Eugène III ne vivait plus,
il étiiit remplacé par Anastase IV, qui mourut lui-même au
commencement de décembre de la même année, et eut pour
successeur révêc|ue d'AIbano. Nicolas, devenu pape, prit le
nonx d'Adrien iV.
Le zèle pontifical d'Adrien IV éclata d'abord contre Arnauld
Baronius , dc Bressc, qui, soutenu par les plus puissans citoyens de
.tnn. iij5. Rome, déclamait contre les richesses du clergé. Le pape fit
cesser l'office divin dans toutes les églises de Rome, et ne
leva cet interdit que lorsque les sénateurs lui eurent promis
et juré sur les saints évangiles d'expulser son ennemi. Peu
de mois après, Adrien IV se fit livrer par Frédéric Barbe-
rousse l'hérétique Arnauld de Bresse, qui fut renvové dans
cette même ville de Rome d'où l'on venait de le bannir. Il y
fut condamné par le clergé à être brûlé vif ; il subit cet
arrêt en 1 155, et ses cendres furent jetées dans le Tibre, de
Hist. Ecclés. peur , dit Fleuri , que le peuple n'honorât ses reliques comme
liv. LXX, n. 4- celles d'un martyr.
Peiri Blesens. Lc l'oi d'Angleterre, Henri II, se félicita de voir un Anglais
opéra, p. 2J2, à la têtc de l'église. Ajiiès avoir, dans une première lettre,
253.
ADRIEN IV, PAPE. 289
complimente ce pape sur son élection, il fit auprès de lui xii siècle.
une démarche plus importante. Il lui demanda la permission
de s'emparer de l'Irlande , pour y rétablir le christianisme
dans sa pureté. Adrien y consentit, ajoutant que, sans aucun
doute, toutes les îles où l'on avait jadis prêélié la foi chrétienne
appartenaient de droit au Saint Siège, ainsi qu'Henri II le
reconnaissait lui-même. Le pape veut donc bien disposer de
l'Irlande en faveur du roi d'Angleterre, mais à condition que
celui-ci fera payer, au profit de l'église romaine, une l'ente
annuelle d'un denier par chaque maison hibernoise. C'est
l'objet de la premièrewoes lettres d'Adrien IV recueillies par
le père Labbe. Pagi la croit de 11 55, quoique Henri II Conciiior. t.
n'ait envahi l'Irlande qu'en iiyi. Flevni suppose que Jean '^crVt
de Sarisbéry était l'un des ambassadeurs que le roi d'Angle- nSg.
terre avait envoyés au pape pour lui porter cette demande : Guiii.Neubr.
mais Mathieu Paris nomme ces députés, savoir, Robert, 'r/nist^Ecci
abbé de Saint- Alban, les évêques du Mans, de Lisieux, iiv.Lxx,n. 16.
d'Evreux , et il ne désigne point Jean de Sarisbéry. Toute- m. Par. Hist.
fois celui-ci a pu être chargé d'appuyer la supplique royale n&ann.nSS.
auprès d'Adrien , dont il était fort aimé. Quelques auteurs
même ont dit qu'ils étaient frères ; c'est une erreur qui n'est
fondée que sur la mauvaise ponctuation que voici : Quuni
enùn matrem haheret et f rat rem uterinum me, cjuam illos
arctiori diUgchat affectu. La virgule doit être placée après J. de Sarisb.
le mot uterinum^ et en détacher le monosyllabe me; en sorte ^^e'^iog. lib.
que Jean de Sarisbéry dise seulement d'Adrien : « Quoiqu'il ' '^'
« eût une mère et un frère utérin, il m'était plus étroite-
ce ment attaché qu'à eux-mêmes, -n L'intimité de ces deux
personnages n'est point douteuse ; ils passèrent ensemble
trois mois à Bénévent : ce fut là qu'Adrien versa dans le sein
de son ami ses inquiétudes pontificales, et lui demanda ce
qu'on disait de l'église romaine. Jean répondit qu'elle passait J- tic .Sansb.
pour la marâtre des autres éelises plutôt que pour leur P'j''^'"atic. iib.
mère, que le pape lui -même était tort a charge au monde, viil, c. 22.
et que tant de concussions, tant d'avarice et d'orgueil révol-
taient la chrétienté. « Est-ce là, dit le pape, ce que vous
« en pensez vous-même P « J'y suis fort embarrassé, répli-
« qua Jean, mais depuis que le cardinal Guy Clément parle
« sur ce point comme le public, je ne saurais être d'un autre
« avis. Vous êtes, très-saint père, hors du droit chemin. Si
« vous êtes père, pourquoi exiger de vos enfans tant de tri-
ce buts H Et ce que vous avez reçu gratuitement , pourquoi ne
Tome XIII. ' O o
XII SIECLE.
Hist. Ecclés.
liv.LXX.n. i5.
Baronius,ann.
ii5i. — Pagi ,
Ciit.ann. ii5/|,
n./,.
Lib. XVIII,
c. a et seqq.
Ann. Il 56.
Labbe, Con-
cilior. t. X, p.
ii5j.
Lib.XVIII,c.7.
Critic. ann.
ii55, n. 9.
Otto Fris, de
Gestis Frid. lib.
II , c. 14, 1 5 ,
20. — Radevic.
de Geslis Frid.
li!;. I et II
290 ADRIEN IV, CAPE.
« pas le donner de même.-' » Le pape, dit Fleuri, se prit à
rire ; et pour disculper leglise romaine, allégua la fable des
Membres et de l'Estomac. Mais pour que l'application fût
juste, ajoute le même historien, il erit fallu cjue l'église
romaine eût répandu sur les autres églises des bienfaits pareils
à ceux qu'elle en recevait.
En ce temps-là, régnait en Sicile Guillaume, surnommé
le Mauvais, qui, choqué de ne recevoir du pape que le titre
de seigneur, au-lieu de celui de roi, porta la guerre dans les
domaines de l'Eglise. Adrien, après l'avoir excommunié, sou-
leva contre lui des seigneurs vassaux 0e ce prince, leur pro-
mettant de soutenir leurs droits avec une constance à toute
épreuve, et de les faire rentrer dans les héritages dont on
les avait dépouillés. Cependant le pape, enfermé dans Béné-
vent, se vit forcé de capituler, et de sacrifier les Siciliens qui
s'étaient armés pour le défendre. Guillaume de Tyr l'en a
blâmé, mais selon Baronius, nous ne devons cnie l'en plain-
dre : car il manquait des moyens de rester fidèle à ses enga-
gemens, et il était si peu liljre, qu'il fut contraint de recon-
naître, par un acte authentique, qu'il jouissait d'une liberté
parfaite. Quoi qu'il en soit, Guillaume-le-Mauvais et le pape
Adrien se reconcilièrent, et il n'y eut de mécontens que les
seigneurs, qui, sur la parole du saint père, avaient espéré dé
n'être jamais abandonnés.
Guillaume de Tyr rapporte aussi qu'en 11 55, et durant le
siège de Bénévent, Foucher, patriarche de Jérusalem, entre-
prit, à près de cent ans, le voyage d'Italie, et vint accom-
pagné ae plusieurs prélats de la Palestine , se plaindre au
f)ape de la conduite des hospitaliers de Saint-Jean ; mais que
e pape, protecteur déclare de cet ordre, et gagné par de
riches presens, évita long -temps de donner audience au
patriarche centenaire, et ne consentit enfin à l'écouter que
pour repousser ses prières. Ce récit de Guillaume de Tyr
est rejeté par le père Pagi, qui soutient qu'Adrien n'aimait
point les présens, et qu'il était d'une pi'obité tout -à -fait
incorruptible.
Mais ce qui remplit principalement l'histoire du pontificat
d'Adrien IV, c'est un démêlé avec Frédéric Barberousse.
Dès II 55 , quand Frédéric vint recevoir à Rome la couronne
impériale , on avait aperçu les premiers germes de cette
mésintelligence, l^'rédéric , après avoir refusé de tenir l'étrier
au pape , s'en était acquitté de fort mauvaise grâce. Il avait
ADRIEN IV, PAPE. 291
remarqué , dans le palais de Latran , un tableau où Tempe- ^n SIECLE,
reur Lothaire était représenté à genoux devant le souverain
pontife , avec l'inscription si connue :
Rex venit antc Jores , jurans prius urbis honores:
• Post homo fit papœ , sumit qiio dante coronam.
C'est-à-dire : « Le roi se présente à la porte , et après avoir
K reconnu solennellement les droits de la ville , il devient le
« vassal du pape , des mains duquel il reçoit la couronne. »
Frédéric s'était plaint de ces deux vers et de l'image qu'ils
expliquaient , et n'avait obtenu qu'une promesse assez vague
de les faire disparaître un jovir ou l'autre. Ils subsistaient
encore , lorsqu'au mois d'août 1 1 Sy des légats du pape se
rendirent auprès de l'empereur qui tenait une cou^r à Besan- Radevic. de
çon , et lui remirent une lettre d'Adrien IV. C'est la seconde Gestis i-rui.^lib.
de ce pontife dans le recueil de Labbe. Cette lettre a pour ' conciii'or. t.
objet un attentat commis dans les états de Frédéric contre X,p. ii44-
Esquil , évêque de Lunden. Comment , dit la lettre , expli-
quer l'impunité d'un tel crime ? Est-ce négligence H Serait-ce
indifférence? L'empereur aurait- il oublié les bienfaits dont
l'a comblé le saint siège l! Le pape ne lui a-t-il pas conféré
de bien bon gré la couronne impériale "} N'est-il pas disposé
à lui accorder d'antres bénéfices P Ce langage du souverain
pontife déplut fort aux princes qui environnaient Frédéric ;
ils murmurèrent , ils menacèrent ; et lorsqu'un des légats
leur eut répliqué: de qui donc l'empereur tient -il sa cou-
ronne, s'il ne la tient pas du pape.^ Otton de Bavière ne con-
tint plus son indignation : il tirait son sabre, et il eût imman-
quablement tranché la tête du légat, si Frédéric ne se fût
hâté d'opposer à cette violence son autorité impériale , et de
faire conduire dans leur logis les envoyés du saint siège,
en leur ordonnant de pai'tir le lendemain de très -grand
matin , et de s'en retourner à Rome par le chemin le plus
droit sans s'arrêter chez les évêques ni chez les abbés.
De retour à Rome , ils racontèrent et exagérèrent les périls Radevic. lib.
qu'ils avaient courus ; mais ils furent accusés d'imprudence ^■>^- ^^'
et d'ignorance par une moitié du public et même du clergé.
Le pape prit le parti d'écrire aux evêques d'Allemagne : c'est
la troisième de ses lettres dans le père Labbe ; il y recom- Condilor. t.
mande aux prélats de ne rien négUger pour ramener Frédéric ^' P- "^^•
à de plus humbles sentimens. On a la réponse de ces évêques : Radevic. lil>!
O02
XII SIECLE.
Radevic
17 — 23.
292 ADRIEN IV, PAPE.
elle est ferme et judicieuse : « Vos paroles , disent - ils au
« saint père , ont choque toute la cour , et nous ne sam^ions
« les approuver. L'empereur ne peut jamais croire qu'il
<c tienne de vous sa couronne : il jure , que lorsque l'église
« veut asservir les trônes, cette volonté ne vient pas de Dieu.
« Il parle d'images et d'inscriptions qui chez vous outragent
« sa puissance : il ne souffrira point, dit-il, ces insultes ; il
« renonceiait plutôt à son sceptre. Nous vous invitons à
ce détruire ces monumens d'inimitié entre l'empire et le sacer-
« doce ; nous vous conjurons d'appaiser un prince chrétien,
« en lui parlant désormais un langage plus conforme à
« l'évangile. »
En même temps cpie les évêques écrivaient cette épître ,
Frédéric Barberousse se disposait à passer en Italie ; et déjà
son chancelier Reynald y était arrivé. Adrien IV se souvint
de Guillaume de Sicile, et comprit qu'il était temps de mon-
trer plus de déférence à l'empereur. Des légats plus habiles
et plus souples que les précédens se rendirent d'abord à
Modène , auprès de Reynald , qu'ils étonnèrent par la modestie
de leur langage et l'humilité de leurs démarches. Ils trou-
Radevic.c. 22. vèrent Frédéric à Augsbourg sur le Leck, et lui présentèrent
une nouvelle épître d'Adrien. Cette lettre est la quatrième
dans le recueil déjà cité ; et l'explication qu'elle donne des
termes de la seconde équivaut à une rétractation. « Par le
« mot beneficium , dit le pape , nous avons entendu , non un
« bénéfice ou un fief, mais un bienfoit ou un service ; en
« parlant de votre couronne, nous n'avons pas prétendu
« vous l'avoir conférée ; nous rappellions seulement l'hon-
« neur que nous avions eu de la placer sur votre tête auguste :
« Contulimus signifie i?nposuimus. » Ce commentaire, qui
ne plaît point à Baronius , satisfit l'empereur , et opéra entre
ce prince et le pape une reconciliation cpi ne fut pas de
longue durée.
Au mois d'octobre 11 58 , Frédéric tint à Roncaille , entre
Parme et Plaisance, une assemblée où les évêques et les
abbés reconnurent qu'ils tenaient de lui les droits régaliens.
Mécontent de cette déclaration et de l'àpreté avec laquelle
les officiers de l'empereur exigeaient le droit de fourrage sur
les terres de l'église romaine, Adrien IV écrivit à Frédéric
18. une lettre qui ne nous a point été conservée : mais Radevic,
qui nous en rend compte , dit qu'elle cachait , sous des
formes humbles et douces , beaucoup d'amertume et de
Concilier.
X, p. ii47-
Ann. II 58, 76.
Radev.lib.II
c. 1 — i5.
Lib. II , c.
ADRIEN IV, PAPE. 293
hauteur. En y ï^epondant, l'empereur aCI'eera de placer, dans ^^ SIECLE.
l'inscription , son nom avant celui du pape : c'était levenir Radev. app.
à un ancien usage auquel on substituait depuis quelques v- 562.
temps des formes qu'on croyait plus respectueuses. Ces
bagatelles aigrirent le souverain pontife; et le bruit courut
qu'il venait d'écrire aux Milanais et à quelques autres sujets
de Frédéric pour les exciter à la révolte contre ce prince :
ces lettres furent, dit- on, interceptées.
Nous avons dans le P. Labbe,n° 6, des lettres d'Adrien IV, Conciiior. t.x.
sa réplique à l'empereur. «Mettre votre nom avant le nôtre,
« dit le pape, c'est arrogance, c'est insolence : et vous faire
« rendre hommage par des évêques , par ceux cjue l'écriture
« appelle des dieux, des fils du Très -Haut {dii estis et filii
« exceUl omnes)^ c'est manquer à la foi que vous avez jurée
« à saint Pieri-e et à nous. Hàtez-vous donc de vous amen-
« der, de peur qu'en vous attribuant ce qui ne vous apjiar-
« tient pas, vous ne perdiez la couronne que nous vous
« avons donnée 3). Cette épitre ne resta point sans réponse;
les esprits s'échauffèrent ; et malgré les négociations tentées
dans une assemblée de Bologne en 1 1 5g après Pâques , la
guerre allait éclater, si le pape n'était mort le i*^'' septembre
de la même année. Il mourut d'une esquinancie , et , s'il en
fallait croire l'abbé d'Urspech , au moment même 011 il pro- ciironlc. p.
noncait l'excommunication contre Frédéric. Mais cette cir- '^^.'' ~ ^'""Ç' '
constance nest pouit du tout avérée; et Ion doute aussi, „. 4.
malgré le récit de Mathieu Paris, que ce pape ait été em- vit. abb. s.
poisonné pour avoir refusé d'ordonner évêque le fils d'un Aiban. p. 74.
Romain très -puissant.
Nous avons cru devoir réduire à ce petit nombre de
faits la vie d'un pape qui n'est pas né en France, et qui
n'appartient guère à la littérature que par ses épîtres ponti-
ficales. Car les autres écrits que lui attribuent Simler , Ol-
doini , Jean Pits, Louis Jacob , sont fort apocryphes : ce sont Simier, Bibi.
des homélies, des instructions ou réglemens ecclésiastiques ^ •"'• "à"T°''
pour la Norv^'ège, deux livres sur sa légation dans le nord, Rom. p. 11 Tp.
deux livres sur la conception de la Sainte- Vierge , et un 494— J- Pits.
ouvrage adressé à Pierre de Pontigni, ouvrage qui, selon deillusti-.Angi.
quelques-uns n'est pas distinct de l'un des deux livres sur i".Tacob.^R?bL
la conception. Ces écrits composés, dit- on, par Adrien IV Pomif. - No-
avant son pontificat, c'est-à-dire avant 1 154 , ne sont connus •"«^"Ç'^""' «^ar-
que par leurs titres ; aucun n est imprime , et 1 on ne cite ]3as
même les bibliothèques ori ils se conservaient manuscrits.
ûg/i ADRIEN IV, PAPE,
xn SIECLE. Jean Magiius , dans son histoire des rois goths et suédois ,
Liv. XVIII P^rle fort au long de la mission remplie auprès des peuples
p. 19. ' du nord par Adrien, alors Nicolas e'vêque d'Albano ; mais
des deux livres que ce prélat aurait composés sur cette léga-
tion , Jean Magnus paraît n'en avoir aucune connaissance.
Observons aussi que Pierre ne devint abbé de Pontigni
Manriq.Ann. qu'en 1 1 82 , vingt- trois ans après la mort d'Adrien IV, et
Cisterc. t. n, q^^'ji çg|- par conséquent difficile de concevoir comment ce
547!*^'^^" ^ pontife aurait adressé un livre ad Petrum Pontiniacum ,
comment sur-tout ce livre aurait été composé avant ri54»
c'est-à-dire en un temps oîi Pierre de Pontigni, bien jeune
encore, ne pouvait guère avoir de relations avec l'évêque
d'Albano ou avec l'abbé de Saint-Ruf. Nous n'aurons donc
à rendre compte ici que des lettres d'Adrien IV.
LeP.Labbé en a inséré cjuarante-une dans sa collection des
Concilior.t.x, conciles, et nous avons déjà parlé des quatre premières et
p. 1143-1175. de la sixième. La cinquième est une réponse à l'empereur,
3ui avait nommé à l'évêché de Ravenne Guy, fils du comte
e Blandrate : Adrien refuse de confirmer cette nomination.
Dans la septième, adressée à l'archevêque deThessalonique,
les grecs sont exhortés à se réunir à l'église latine. La hui-
tième est l'acte où Adrien déclare que Guillaume, roi de
Sicile , lui laisse à Bénévent une pleine liberté. La neu-
vième est aussi datée de Bénévent ; elle ordonne de recom-
mencer à célébrer l'office divin dans une chapelle de confrérie
où on l'avait interrompu. Les vingt suivantes jusqu'tà la vingt-
neuvième inclusivement concernent quelques affaires parti-
culières des églises de France, et sont adressées à des évêques,
à des abbés , au chancelier Hugues , au roi Louis VIL II y en
a dix (n° lo — 19) qui ont pour objet le maintien et
l'accroissement des revenus ecclésiastiques du chancelier
Hugues. Dans la vingtième , ce même Hugues est remercié
des soins efficaces qu'il a pris pour concilier les rois de
France et d'Angleterre; il est vivement exhorté à ne rien
négliger pour cimenter de plus en plus cette union. D'autres
(n** 21, aS , 26, 27, 28) sont relatiA'es aux prétentions des
comtes de Nevers sur l'abbaye de Vezelai. Par la vingt -neu-
vième , l'abbaye de la Baulne au diocèse de Besançon , est
assujétie à celle de Cluny. Mais la plus remarquable de ces
lettres est la vingt-troisième, où, répondant à Louis VII
qui lui avait demandé des indulgences pour ceux qui se
croiseraient contre les Sarrasins d'Espagne, le pape désa-
ADRIEN IV, PAPE. agô
prouve très -hautement cette entreprise. « Rappelez - vous ,
« dit -il à Louis, votre voyage à Jérusalem. Vous partîtes,
« vous et l'empereur Conrad , sans précaution et sans vous
« être concertés avec les chrétiens de la Palestine. Auriez-
« vous oublié les désastres qu'entraîna votre inconsidération?
« L'église, toute la chrétienté en souffre encore; et le Saint
« Siège, en favorisant vos projets a mécontenté l'Europe et
« l'Orient, qui lui ont reproché leurs malheurs ». La tren-
tième lettre d'Adrien et les deux suivantes confirment les
privilèges accordés par les papes précédens aux archevêques
de Tolède. La trente-troisième charge l'archevêque de Tolède
Jean de s'informer des mœurs de l'évêque de Pampelune. La
trente- quatrième et la trente -cinquième sont adressées au
clergé et au peuple d'Espagne : Adrien y ratifie l'élection de
Hugues à l'evêché de cette ville, et lève l'interdit mis sur
elle. Les cinq qui suivent soumettent plusieurs diocèses de
Dalmatie au patriai'che de Grade. La quarante -unième est
écrite à Bérenger archevêque de Narbonne , et à son clergé :
le pape y confirme la renonciation d'Hermengarde , vicom-
tesse de Narbonne , aux biens des évêques décédés.
M. Brial vient d'insérer dans le quinzième volume du
Recueil des Historiens de France, cmquante - cinq lettres
d'Adrien IV, ou plutôt cinquante-deux ; car il y en a trois qui
sont adressées à ce pape, 1 une par Gautier évêque de Laon,
et les deux autres par l'évêque du Mans .Guillaume. Ces
deux dernières étaient encore inédites , ainsi que les deux
lettres d'Adrien IV lui-même, placées par le savant éditeur
sous les numéros 5i et 52, et relatives à un différend qui
s'était élevé entre des moines de l'ordre de Chini et les
chanoines de Périgueux. Des cinquante autres, vingt sont
du nombre des quarante -une qui se trouvaient dans la
collection du P. Labbe, et dont nous avons rendu compte;
en sorte que nous n'avons plus à indiquer ici que les trente
que M. Brial a puisées en divers recueils. On en remarque
une à Louis -le -Jeune à qui le pape recommande les pré-
montrés. Presque toutes les autres sont adressées à des
évêques et à des abbés. Il s'agit dans neuf «u dix des que-
relles qui divisaient depuis long -temps les archevêques de
Doî et de Tours , et qui troublaient les diocèses de Bretagne.
L'idée générale qu'on peut prendre du reste de ces épîtres ,
c'est qu'elles sont destinées à terminer des contestations
locales , à réprimer quelques désordres , ou à favoriser quel-
XII SIECLE.
p. 666-693.
Martène ,
Anecd. t. III ,
p. 898 — 902. —
Mariène, Am-
pliss. Coll. t, II.
— D'Acliery ,
Spicileg. t. II ,
in-fol. p. 517.
— Baluz. Mis-
cell. t. II , p.
223 , 224- —
JBaliiz. Capitui.
'^9^ ADRIEN IV, PAPE.
XII SIECLE, ques intérêts personnels. Dans celle qui est adressée à Bé-
t. II, p. i66.— renger archevêque de Narbonne, et à l'évêque d'Elne, Artaud,
De Hontiieim, Adrien confirme l'excommunication lancée par Eugène III
Hist.Tievir.Di- contre Geoffroi,qui ayant renvoyé sa première femme en
58o"^p'lanchcrj ^^^^^ épousé uuc seconde : celle-ci est déclarée adultère, ses
Hist. de Bour- eufaus sont illégitimes, et seront excommuniés s'ils prétendent
gogne, t.i,pref. jamais succéder à leur père.
His^t'^de^Toùr- Voilà jusqu'ici soixante -treize lettres d'Adrien IV, savoir
nus,p.i,p. 166. cinquante -deux dans le quinzième volume des Historiens de
-LeBœuf,Hist. France, et vingt-une autres dans les Conciles du P. Labbe.
ii.^as'v"— Ga- ^ ^^^ Soixante -treize épîtres , il en faut ajouter six que Ma-
riei,Eplsc. Ma- billon a l'ccueillies. i" Lettre à Hildegarde, supérieure du
gueion. p. 198, monastère de Saint-Rupert sur la montagne de Binge, in
Ouniâc. p" 6s'. '>^o/ite Bingio ; le pape désire recevoir d'elle des avis salu-
-Bibiiotli.Pr»- taircs , commonitoiia verha , parce c[u'on lui a dit qu'elle
monstr. p. 43i. était imbue de l'esprit des miracles de Dieu, quia spiritu
'^ Duchesne iniraculorum Dei imbuta diceris ; et en échange des leçons
Script. Franc. t. qu'elle doit lui adresser, il lui donne le conseil de se montrer
IV, p. 586-592. humble et persévérante : 2° lettre à l'archevêque deSalzbourg
Ann.Be^ned°Hb'. ^^ ^ l'évêque de Ratisbonne , pour leur recommander un
LXXX,n. 42; abbé vexé par ses religieux: 3° réprimande adressée à ces
lib. Lxxvii , moines eux-mêmes : 4° courte exhortation à Martin , abbé
dius^M^ropoL ^^ Saint -Vast d'z\rras, et à sa communauté : 5" réprimande
Sahb. t. Il , p. à Guillaume , abbé de Toulon , qui avait fait éprouver quel-
212, 2i3. que dommage aux moines de Saint-Victor de Marseille ses
A b'^''j''Î"k anciens confrères: Çp réprimande à Mac&ire, abbé de Fleurv
Ann.Bened.lib. 1 . . . o ' v\ ■ ^- ^'
LXXVii , n. ou Saint -Benoit- sur- Loire , qui avoit rehise [hospitalité
i56 ; — lib. aux évêques du Mans, d'Evreux , et à Robert, abbé de Saint-
^^^^Txx'x' Alban.
-lib. LXXX, 1 • ' 1 • i- (.
u. 72;-n. 55. Nous croyons devoir séparer de ces soixante- dix -neui
-V. ci-dessus, lettres, dix à douze pièces qui méritent mieux le nom de
P' '^^^' . ^^^^^ bulles , privilèges ou diplômes : une bulle du mois d'avril
Hist. duLang! Il 55, qui confii-me les droits de légHse de Maguelonne;
t. Il, p. 476- une autre bulle qui permet aux abbés et prévôts de l'ordre
^'^t^ub ^"^T ^^^ Prémontrés de tenir tous les ans des chapitres généraux;
,/| ' divers privilèges accordés à l'abbaye de Saint -Bertin et
Ou Jean Le- indiqués par Jean d'Ypres; des diplômes en faveur des cha-
long. — Mar- noiiics réguliers de Saint- Victor et de Sainte - Geneviève à
in^'p^5^7 ' Paris; un diplôme qui déclare que l'abbaye de Casaure est
Oudin, de immédiatement soumise au Saint-Siège; un autre qui ratifie
Scrip. eccies. t. j^^ donation laite aux chanoines de Saint-Eusèbe à Auxerre,
^^'concU an- ^^ vevenu de la première année des prébendes de la cathë-
RAIMOND, ÉVÊQUE DE MAGUELONNE. 297
drale à chaque mutation ; un autre qui confirme Geoffroi Xll SIECLE.
dans sa fonction d'abbé de Lagni ; un autre encore qui ga- pend. p. i853.
rantit à des moines de Toul les biens qu'ils possèdent ; enfin D. CeiUier ,
un diplôme qui subordonne à l'abbaye de Saint- Corneille Hist. des Aut.
^ ' , ,1,. , ^ ., y ,_ ' -jctl. t. XXXIII.
toutes les églises de Compiegne , et qui est accompagne Mabiii. Ann.
d'une lettre aux clercs de cette ville pour leur enjoindre Ben. 1. lxxx,
d'obéir à l'abbë Ansold. ' "' d ' Caimet
Tels sont les écrits d'Adrien IV, tous ceux du moins dont gi^^' ^^ Lor-
on a connaissance; on ne peut guère les considérer comme raine, t. iv, p.
des travaux littéraires : mais ce pape , durant un court pon- ^'*%~}'}^- .
.p 11 • •' ^ 1 (^ • TA- II Mahill. Ann.
tiiicat, a su enrichir le patrimoine de aamt - Pierre de plu- Ben.l.LXXIx
sieurs acquisitions importantes; il a réparé, agrandi des n. 142.
églises, sur-tout le palais de Latran, songeant d'ailleurs si ^''°'".- ^^'J"
o , ' P .,, r , \ & , 1 .. -^ tuar. Epist. t. I,
peu a sa tamille que sa mère, qui lui survécut, subsistait, p.37, 38,ep.24.
dit -on , des charités de l'église de Cantorbéry. D.
RAIMOND,
ÉVÊQUE DE MAGUELONNE. gj^
JAaimond était de -la maison des seigneurs de Montpellier,
si nous en croyons Gariel dans son histoire des évêques de p. 167.
cette ville, et les auteurs de la France chrétienne. La manière t. vi, p. 748.
dont ce fait est rappelé aussi dans l'histoire générale de
Languedoc, par dom Vaissette, annonce que cet historien T. Il, p. 402.
ne le regardait pas comme certain. L'année de la naissance
de Raimond ne nous est pas connue. Gariel dit seulement
qu'il avait été doyen de Pesquières dans le diocèse de Nîmes,
avant d'être élevé cà l'épiscopat.
Ce fut vers le mois d'août 1 1 2() que Raimond devint nd. ihid.
évêque de Maguelonne. Quelques troubles suivirent son élec-
tion. Bernard IV, comte de Substantion ou de Melgueil (Mel-
gueil était le chef- lieu du comté de Maguelonne, et les
seigneurs de ce comté en avaient pris le titre), ne voulut
pas le reconnaître ; il se plaignait , dit-on , de ce que le nou-
veau prélat avait été choisi par d'autres que par lui , contre
le droit dont sa famille avait joui , de faire ces nominations.
Il prit même les armes, et ravagea les terres de l'évêché.
Tome Xlll. ' Pp
298 RAIMOND, ÉVÊQUE DE MAGUELONNE.
XII SIECLE. Nous connaissons l'opposition qu'il forma, et les dommages
Galiia Christ. *^1^ *^ causa, par un acte de la fin de la même année ou de
t. A'i, aux Pr. l'année suivante i i3o. Bernard y déclare, pour la rédemption
p. 354. Je son ame et de celle de ses parens , qu'il a commis une
« injustice envers l'église de Maguelonne ; il lui promet désor-
mais révérence et protection ; il lui fait des dons pour répa-
rer le mal qu'il lui avait causé ; il s'engage même et y oblige
ses successeurs, à donner, chaque année, le jour de l'Assomp-
tion, un très-bon dîner, optimum apparatum , à tous les
liabitans de Magvielonne. L'acte est souscrit par Guillelmete
de Montpellier, femme de Bernard , laquelle l'econnaît égale-
ment les dons et les obligations qui y sont renfermés.
Hist. de Lang. Raimond paraît , comme évêque de Maguelonne , dans un
t.ii,auxPreuv. ^j^jg antérieur et qui doit suivre immédiatement son élection,
'' ' puisqu'il est du mois d'août 1 129 ; c'est le contrat de mariage
de Guillaume VI, seigneur de Montpellier; il le signa avec
les archevêques d'Arles et de Narbonne, et les évêques de
Galiia Christ. Lodève et de Béziers. Il paraît au même titre, vers la fin de
c ^^'J'^' ^^°' la même année, à un synode tenu dans le diocèse d'Asde.
67661839. -,1 1 / a" 1 •'l • 1 TVT 1 " 1
11 est un des eveques de la province de JNarDonne auxquels
Innocent II adresse, au mois de novembre ii3o, sa lettre
pQur le monastèi'e d'Aniane, dont un domestique avait été
asèassiné par quelques chevaliers des diocèses qui formaient
cette province. La lettre de ce pape est imprimée dans le
P. 370. quinzième volume de la nouvelle collection des historiens de
France. Nous en avons déjà parlé , ainsi que de l'événement
Ci-dess. p. 236. qui y donna lieu , à l'article de Raimond de Montredon.
Dans le même temps , notre prélat assista au concile tenu à
Galiia Christ. Clemiont , par Innocent II. Il assista l'année d'après, au
t"^i, p- 7'i8 et ij^ois d'octobre, à celui de Reims, et par-conséquent au sacre
749 Actaconc. jt-it ■ r r • \ ^
t. \i, part. 2, "*^ Louis-le-Jeune , qui y tut tait par le même pape, et non
p. 118761 1199. par Urbain II, comme on l'a dit par inadvertance dans la
France Chrétienne ; Urbain II , à cette époque , était mort
depuis plus de trente ans. Il assista plus tard à un autre
concile , celui de Narbonne , dans lequel on s'occupa des
maux faits au diocèse de Perpignan par les courses fréquentes
des pirates-sarrasins qui venaient l'infester par les pillages,
les contributions pécuniaires , l'enlèvement des liabitans
Hist.deLang. qu'ils menaient en captivité, leur massacre même. Quelques
t. II , p. 437 , actes aussi lui sont adressés ; comme la lettre du pape
'*'^^ \ ^' 5o3 Lucius II, en 1144^ pour la restitvition des biens légués à
et 552. -GaU. l'abbaye de Saint -Chaffre en Vëlay ; celle d'Eugène III, eu
RAIMOND, ÉVÊQUE DE MAGUELONNE. 299
î i53 1 relative encore au monastère d'Aniane ; celle d'Adrien xil SIECLE.
IV, en ii55, pour mettre Guillaume de Montpellier et ses chr. t. vi, p.
terres sous la protection du saint siège ; et deux chartes de 840 ; et aux
Louis -le -Jeune en faveur de l'e'glise de Magueionne. Il est P""'^- p- 357.
cité dans quelques actes encore , indiqués ou consei'vés dans Oaii. christ.
la France Chrétienne, et dans l'Histoire générale de Lan- tvi,auxPreuv.
1 1 17- • P- 279 et 3iq.
guedoc, par dom Vaissette. Vaiss. t. 11, p.
Verdale et Gariel, et d'après eux les auteurs du Gallia 42;),44i,etaux
Christian a , lui donnent trente ans, trois mois et douze jours Pf^u^- P- 449'
d'épiscopat. On doit ainsi placer au mois de novembre 1 169 '^''° * '"
l'époque de sa mort. Ces écrivains font tous mention égale-
ment de sa libéralité envers l'église de Magueionne , des édi-
fices à son usage qu'il fit réparer ou construire, de plu-
sieurs autres présens en livres , en calices et ornemens
précieux , etc. Mais ce n'est pas là ce qui doit nous occuper.
Nous devons à ce prélat des statuts synodaux et des reglé-
mens qui ont plus de relation avec l'objet de cet ouvrage.
Les premiers furent donnés vers l'an 11 55, et à l'occasion
d'une visite générale de son diocèse, que Raimond fît alors.
Les auteurs que nous avons cités se contentent de rappeler
l'existence de ces statuts synodaux, sans nous dire ce qu'ils
prescrivaient. Nous avons en entier, au contraire, le règle-
ment fait par lui pour une léproserie fondée par Guillaume VI,
seigneur de Montpellier ; l'acte porte le titre de décret. Il
contient les dispositions suivantes.
« Tout lépreux ou lépreuse , mesel ou meselle, misellus vel
inisella ( on sait que mesel exprime aussi un homme infecté
de ladrerie) qui voudra être reçu dans la maison, promettra
de s'y donner à Dieu, de le servir, et d'obéir aux adminis-
trateurs. Aucun ne pourra être admis , s'il refuse de pro-
mettre cette obéissance. S'il l'a promise , dix Jours après
son entrée , on lui demandera publiquement , en présence
de tous les frères, si ce genre de vie lui convient, et dans le
cas de l'affirmative , il y deineui'era jusqu'à sa mort , et l'ar-
gent qu'il aurait apporté restera irrévocablement à la maison :
s'il déclare, au contraire, que ce genre de vie ne lui convient
pas, on lui rendra cet argent, et il quittera l'hospice. »
Raimond leur recommande ensuite de ne pas se rendre
coupables de fornication, de vol, de rapines ; d'éviter la
médisance , la flatterie , la discorde. Il leur ordonne de se
lever incontinent dès qu'ils entendront le son de la cloche,
de se rendre aussi-tôt à l'église dans un profond silence , d'y
Ppa
3oo
GERARD DE NAZARETH.
XII SIECLE, prier pour leurs bienfaiteurs, et, la messe finie, de retour-
ner , avec le même ordre et le même silence , dans leur
cellule : les malades qui ne pourront aller à l'église , diront
en leur particulier les prières que le prêtre leur aura pres-
crites. Les dispositions qui suivent sont relatives à des prières
aussi cju'on leur impose , et qu'on détermine pour des morts
qui auraient laissé quelque chose à l'établissement, ou avec
cjui on y aurait eu un lien de confraternité. Raimond y
indique enfin ce.cju'on doit faire après les repas, pendant le
jour, dans les dortoirs, et au moment où finit le sommeil.
Il promet à tous ceux qui observeront fidèlement ces statuts
qu'il leur donne, le pardon de tous leurs péchés, la vie éter-
nelle, les biens temporels même, et l'amitié de toutes les
personnes qui connaîtront leur conduite.
Ces statuts , si imparfaits et si courts , ne forment pas ,
comme on voit, un grand titre à la gloire de leur auteur;
c'est néanmoins tout ce que nous avons pu recueillir de
Raimond de Maguelonne. Ils furent donnés en 1 1 38. P.
GÉRARD DE NAZARETH,
ÉVÊQUE DE LAODICÉE, EN SYRIE.
lO, p.
p. 742.
T. II, p. 219. C^AVE, dans son Histoire littéraire des écrivains ecclésias-
Centur. 12, tiques, Ics centuriatcurs de Magdebourg , et le père Lelong,
•37S- dans sa Bibliothèque sacrée, ont pensé cjue ce prélat était
galilécn. Ils se fondaient sans doute sur le surnom par lequel
on le désigne ordinairement ; mais ne peut-il l'avoir tiré de
ce qu'il fut d'abord moine à Nazareth .'^ Il y a lieu de croire
effectivement que Gérard était né en France, comme tant
d'auties ecclésiastiques ou religieux qui se trouvaient alors
en Palestine.
CayeeiCenf. Gérard appartint d'abord à l'ordre de Saint -Benoît ; il
de Magd. ibid. p^^^ga ensuite dans l'ordre des Carmes, qui venait de s'établir,
et devint enfin, vers ii4oi évêque de Laodicée en Syrie. Il
GuUl.deTyr, l'était déjà en ii4i , puisqu'il assista en cette qualité, cette
liv. XV, § 16, aniiée même , au concile tenu à Antioche , sous la présidence
GÉRARD DE NAZARETH. 3oi
du cardinal Albe'ric, lëgat du saint siège, concile dans lequel ^i' siècle.
le patriarche de cette église , Raoul , tut déposé. Je dis en
1141, et la date est certaine, comme nous le verrons à
l'article d'Aiméric, patriarche d'Antioche. Guillaume de Tyr, Liv.xv,p. 16.
cependant , met le concile sous l'an 1 1 36 ; et Baronius le Annal, an
place sous la même année ou en i iSy. ^
Gérard de Nazareth fut distingué par ses connaissances „ . d m
dans la littérature sacrée, dans la philosophie, dans la rhé- p. 137g.
torique , dans les langues anciennes. Nous avons de lui plu-
sieurs ouvrages. Un des principaux est intitulé de Conversa-
tions Servorum /)eîVou,selon Fabricius,dans sa Bibliothèque T. m, p. 122.
de la moyenne et basse latinité , de Com'ersatione viroriun „., , ^
T\ - • ^ -f ^^ .■ T • 1'- !• Bibl. Eccles.
L/ei m terra sancta commorantmm. Lemn^e 1 indique sous deiabric p.qo.
le même titre. Les centuriateurs de Magdebourg rapportent p. 1603-1609.
plusieurs traits qui en sont tirés. Dans le second chapitre,
par exemple, l'auteur parle d'un ermite du Mont-Thabor, p. i6o3eti6o4.
qui , ayant senti pour une jeune et belle musulmane les
aiguillons de la volupté, s'enfuit au milieu des bois, espérant
vaincre le penchant qui s'élevait en lui, par la faim, par la
soif, par le travail , par la solitude : là un vieillard se pré-
sente ; c'était le diable sans doute ; et pour amortir la passion
de l'ermite, il en frappe la tête si violemment, ut carnis
strumam evomeret (on sait que strurua veut dire, tumeur^
goitre, scrofihule.) Il parie dans le cinquième chapitre, d'un P. 1604.
autre ermite du Mont-Thabor, qui passait le carême dans
un désert, avec un petit nombre de pains et de racines, lut-
tant chaque jour contre la faim , et il termine sa narration
par ces réflexions assez extraordinaires dans un évêque
chrétien : O ineptuin siniiarum genus, jejunium Christi sine
mandata Deiet citrà omneni necessitatem iniitari prœsumens!
Il se moque aussi sans pitié de beaucoup d'autres sohtaires, P. 1604 et suiv.
de leurs macérations , de ces flagellations par lesquelles ils
espéraient chasser de leur corps le démon qui les obsédait ,
de cet amour profond d'une ignorance absolue qui leur
faisait dire que, apprendre quelque chose c'était perdre son
temps en inutilités. Tous les passages de l'auteur n'ont pas
sans doute le même ton ; mais on concevra aisément que
ceux-ci aient obtenu la préférence pour être publiés , de la
part des centuriateurs de Magdebourg.
Ils rappellent d'autres ouvrages de Gérard de Nazareth, P- 1379. v.
et sous les titres suivans : aussi Fabridus,
Ad Ancillas Dei apud Bethaniam. ^'"" ^'^'''
3o2 GÉRARD DE NAZARETH.
XII SIECLE. Vita ahhatis Eliœ.
De unâ Magdalend , contra Grcecos.
Contra Salani Preshyteruni.
Hist. (les Cave les rappelle aussi , mais avec un changement dans un
Eciiv.ecci.t.ii, j|pg titres : au lieu du mot plus générique àe presbiterwn , il
désigne Sala par templaiium.
Cent.deMag. Gérard reprochait à Sala d'avoir favorisé un évèque ffrec
p. lioo.aumot ,. ,. i ,, , ,, - . .-.,.'■ ^ ,
Sala. ^^ préjudice dun eveque latm ; et aussi d avoir consacre
un cimetière, quoique les évêques , et non les simples prêtres ,
en eussent seuls le droit.
Quelques Grecs avaient affirmé que Marie, sœur de Lazare,
n'était pas la même qu'on appelle Mairie -Magdeleine. Les
latins affirmaient le contraire; Gérard de Nazareth fit un
P.i23i eisulv. traité pour le prouver. On peut voir le chapitre VIII des
centuriateurs de Magdebourg. Genebrard rappelle aussi
P. 1614. cet ouvrage, sous l'an x i44- Si Marie-Magdeleine n'était pas
la sœur de Marthe , les évangélistes , dit Gérard , la distin-
gueraient avec plus de soin , comme ils le font pour l'autre
Judas , de peur qu'il ne soit confondu avec celui que l'on a
sui'nommé Iscai'iote. La sœur de Marthe, ajoute-t-il , est
toujours aux pieds de Jésus-Chinst , elle les arrose, les oint,
les embrasse : on reconnaît aisément à ces traits Marie-
Magdeleine. Gérard invoque ensuite l'autorité de plusieurs
pères de l'église , dont l'opinion est conforme à la sienne. Il
se propose et résout les objections qui peuvent être faites.
Le traité de Gérard de Nazareth fut attaqué par Sala , ce
prêtre dont nous venons de parler. Gérard lui répondit avec
beaucoup de force et de hauteur. Peut-être même est-ce là
l'ouvrage qu'on veut plus particulièrement désigner par ce
P.i232eii233. titre, contra Salam Preshyterum ; ces mots y sont précédés
de Defensio Gerardi, Laodicensis episcopi. Il compare l'état
où le met l'obligation de lire les écrits de Sala , à l'état où il
serait s'il ne pouvait avaler parce qu'il trouverait sans cesse
sous ses dents une matière visqueuse et gluante ; il cherche
à relever cette comparaison peu noble par un passage
Chap. 6, V. 6. connu de Job : Numquid insulsum edi potest, quod non est
sale conditum.
GuiU. deTyr, Gérard de Nazareth accompagna en 1167 Raimond ,
liv.xvm,c.23. prince d'Antioche, dans le voyage que fit ce prince vers
^^^'i^So* ^'^^ Manuel Comnène, empereur de Constantinople, pour tâcher
de l'appaiser sur quelques griefs que l'empereur avait con-
tre lui. P
WV^.^^ *%*%*^**^%*^».'»^ fc^/»'^
XII SIECLE.
PIERRE HÉLIE OU ÉLIE.
iVlo NT FAUCON uous a donne le précis d'un inventaire de
pièces concei^nant la France, dont la plus moderne est de
l'an 4 '8. Cet inventaire est dans le manuscrit 8354 de la
bibliothèque impériale. On y lit , à la fin , une longue dis-
sertation attribuée à un Pierre Hélie, qui fuit cancellaiius
Franciœ, ut quidam dicunt. Il n'y a jamais eu de chancelier
de France de ce nom; mais il n'est pas rare que dans les
manuscrits on donne à l'auteur d'un ouvrage des qualités
ou des titres qu'il n'eut jamais. Il serait donc fort possible
que ce prétendu chancelier ne fût pas un autre que ce pro-
fesseur de Paris, sous le règne de Louis-le-Jeune, dont Jean
de Sarisbery parle dans son Métalogique , comme en ayant Liv. il,ch. lo.
reçu lui-même, pour la rhétoriqvie, d'vitiles leçons; je ne
connais du moins aucun autre Pierre Hélie : mais nous avons
parlé de celui-ci dans le volume précédent. Ajoutons seule- T. xii , p.
ment à ce qu'en ont dit nos prédécesseurs , qu'il existait l^^- ^o'»' a"ssi
aussi à la bibliothèque de Sorbonne un exemplaire du com- ^l^ j/,^ ' ^'" ^^
mentaire rappelé par Antoine Sander dans sa Bibliotheca p. 2o5.
belgicamanuscriptoruin,&\XT\essç\ze\\\Ye?>àeVv'\scïçn.'Qii\azc Note sur la
atteste l'y avoir vu, et il en cite les premiers mots qui sont '^^^ ''^"'''^ ^^
également ad mnjorcin artis grammaticœ cognitionem. ^h^^. ^ ^^"^^'^
Baluze croit que Pierre Hélie fut professeur de grammaire
à Poitiers. Il se fonde sur ce que disent les frères de Sainte-
Marthe dans le catalogue des abbés de Notre- Dame- de-
l'Étoile , près de cette ville , d'une contestation élevée au
sujet d'un bois , entre Pierre Hélie et les religieux de cette
abbaye, contestation arrangée, en iiSa, par l'entremise de
Gilbert de la Porée, alors évêque. Cela semble prouver, en
effet , qu'il résida , quelque temps du moins , à Poitiers ou
aux environs. L'abbé Lebeuf suppose que Pierre Hélie avoit T. ii de ses
d'abord été moine de Saint -Martin- de -Limoges. Dissert. part.
Peut-être, au lieu d'être chancelier de France, comme on ^^'^' '^^'
le lit dans Montfaucon, Pierre Hélie fut -il uniquement chan-
celier de quelque église, de celle de Poitiers, de Limoges ou
de Paris. P.
*/V». **/%.*^V*».».^ V»^*^«^*'W* v%-«. ».«.*. *^v%. *.•*.*. *.
^v^/***^«.**»^w**'**v^^*''fc*x**fc^*v»'*'v-» v^-v*-»*
Xn SIECLE. ,
TEUREDE,
GRAMMAIRIEN.
I EURÈDE enseignait à Paris, dans les premières années de
règne de Louis -le- Jeune ; mais il paraît que l'Angleterre
Metalog. I, l'avait vu naître : du moins Jean de Sarisbery l'appelle-t-il
c. i/,. Dubou^ Teurcdus noster; scientiâ quàm opinione potentior , ajoute-
çj5,' ^ t-il; plus savant qu'il n'avait la réputation de l'être. Jean
de Sarisbery venait de dire que la grammaire , comme toutes
les autres sciences , a pour mère la nature , et qu'elle doit
toujours s'en rapprocher, y être conforme, quoique d'ail-
leurs elle ait été principalement arrangée par les hommes.
II observe que c'est d'après l'indication de la nature , qu'on
a dans toutes les langues admis ou reconnu cinq voyelles.
Teurède néanmoins trouvait un plus grand nombre de sons
élémentaires ; il le portait jusqu'à sept. L'auteur du Métalo-
gique se livre, dans un chapitre, à beaucoup de discussions
qui n'appartiennent plus a la doctrine grammaticale de
Teui'ède.
Nous ne connaissons pas l'époque précise de sa mort;
mais il professait encore à Paris vers le milieu du dou-
zième siècle. P.
ANONYME, ^
AUTEUR d'une vie DE SAINT MORAND.
P. 53a.
Lja vie de saint Morand se trouve dans la bibliothèque de
Cluni, et plus correctement dans l'ouvrage de Lambecius
T. II, p. 88g. sur la bibhothèque impériale de Vienne. Le père Lelong,
T. l,p. 738 dans sa Bibliothèque historique de la France, l'attribue à
de redit, de Fon- gaint Hugucs abbé de Cluni : Hugues avait eu Morand pour
**"^' disciple. Lelong indique ensuite im abrégé de la vie du
même saint, par Hugues Mçnard, abrégé imprimé dans leâ
observations de celui-ci sur le Martyrologe bénédictin. II
en annonce une autre vie , composée par un anonyme près-
PIERRE DE BEAUGENCI. 3o5
que contemporain, et imprimée également dans le marty- xii siècle.
rologe des saints de l'ordre de Saint-Benoît. Il paraît qu'il y
en a eu une beaucoup plus récente par un prêtre qui por-
tait le même nom que le saint; elle a été publiée a Paris,
en 1662.
Lambecius désigne saint Morand comme l'auteur d'une
épitaphe de saint Bernard ; c'est un faible titre pour une
histoire littéraire.
L'auteur de sa vie était Français, et écrivit vers l'an 1 160;
c'est à- peu-près tout ce que nous en savons. On peut voir
Christophe Sandius sur 1 ouvrage de Vossius de Historicis r. 267 et 268.
latinis , et les aménités de la critique par dom Liron. t. iv,p. 312
1 p -323.
PIERRE DE BEAUGENCI,
POÈTE FRANÇAIS.
I^'existence de ce poète n'est guère connue que par ce
qu'en a dit D. Martène dans son Voyage littéraire , où il rap- Part, i , p. 29.
porte qu'il a vu parmi les manuscrits de l'abbaye deBarzelle,
diocèse de Bourges, des vers de Pierre de Beaugenci sur le
Décret. Il faut entendre par- là le Décret de Gratien, ou le
Recueil de Canons et de Décrétales rédigé par ce célèbre
professeur de Bologne. Ce peu de mots suffît pour fixer avec
assez de vraisemblance le temps où vivait notre poète. Ce
dut être peu après que le Décret de Gratien eut commencé
à être répandu en France , qu'il composa des vers à ce sujet.
Or, le Décret fut publié pour la première fois à Rome, vers
l'an I i4o; il ne tarda pas a se répandre dans l'Europe et sur- Sanî, deda-
tout en France. C'est donc vers le milieu du siècle qu'il '"" ^'"«/è^- -ffo^
faut placer la vie de Pierre de Beaugenci : l'on peut croire T"n -,«0' !^?r
quil vécut au plus tard jusqua 1 année noo. G.
Totne XIII. Qq
XII SIECLE.
GÉRAUD OU GIPxAUD LE ROUX,
POÈTE PROVENÇAL.
Cj e ti'oubadour , né à Toulouse , et fils d'un chevalier
pauvre, entra jeune au service d'Alphonse Jourdain, comte
de Toulouse , successeur de son frère Bertrand , qui était
mort en Syrie, en 1112. Une belle voix, l'art de chanter
agréablement , des manières insinuantes et polies , et une
grande assiduité à son service, intéressèrent en sa faveur
le comte Alphonse. Giraud aurait voulu inspirera n^ autre
genre d'intérêt à sa fille, que les manuscrits provençaux ne
nomment point. L'abbé Millot conjecture que c'était Faidide,
que Guichenon , dans son histoire de Savoie , tome I ,
page 289 , dit avoir épousé Humbert III , comte de Savoie.
Giraud fut très- amoureux de cette fille, quelle qu'elle soit,
du comte de Toulouse ; et à en juger par les sept pièces de
vers qui nous restent de lui, il ne put réussir à s'en faire
aimer. Il dit, dans une de ses chansons, qu'il a déjà perdu
son seigneur; et que s'il faut encore qu'il perde tout ce cjue son
cœur désire, il ne pourra survivre à ses maux. Alphonse
Hist.duLan- Joiirdain mourut à Césarée en Palestine, l'an 11 48; ce qui
guedoc , t. II, ggj.j- Jj fixer le temps où Giraud Le Roux florissait à sa cour.
^" ^^'' On ne sait rien de plus sur la vie de ce poète, dont les
poésies ne présentent rien de particulier. G.
ANONYME,
AUTEUR DE l'histoire DES ÉVEQUES ET DES COMTES
d'angouléme.
Labbe,Bibi. Ui'auteur de cette histoire, dont le nom n'est pas connu,
mss. t. II , p. ^i^jj chanoine de l'église d'AngouIême , comme on peut le
11. asVcap. 33! conjecturer de quelques-unes de ses expressions, quoiqu'il
ne le dise pas expressément. Il a entremêlé l'histoire des
évêques et des comtes qui forment des chapitres distincts.
HIST. DES ÉVÊQ. ET COMT. D'ANGOULÊME. So;
Son écrit se termine à la mort de Hugues de la Rochefoucaud xn siècle.
en 1 1 5() , mais nous ignorons si cet auteur lui a long-temps
survécu.
Il commence son histoire par un court prologue de huit
lignes, dans lequel il dit avoir fait tout son possible pour
faire l'evivre la mémoire des évéques et des comtes d'Angou-
lême qui étaient tombés dans l'oubli par le défaut de monu-
mens , negUgentid scriptorurn. Cependant il affirme n'avoir
rien mis du sien , et qu'il a tout pris des anciens livres ou
de quelques traditions, et d'un écrit de l'évèque Hugues
d'heureuse mémoire ; mais il ne nomme pas la chronique
d'Adémar de Chabanois, où il y avait tant à prendre, et où
l'auteur a en effet beaucoup puisé. Quant à l'écrit de l'évèque
Hugues, qui vivait sur la fin du X* siècle, on en a dit un
mot dans cette histoire à l'article de ce prélat, pour annon- H's'- 'itt. fi
cer quon ne le connaissait pas. ' •'
On ne peut faire aucun fonds sur ce que notre auteur dit
des premiers évéques d'Angoulême. Il paraît qu'il a puisé
dans la mauvaise légende de saint Ausone le peu qu'il rap-
porte de ce premier évêcjue. Il a omis entièrement Dyname, <"'a"- ciirisi.
qui gouvernait néanmoins cette église vers le milieu du V*^ 1. 1 , co . 977.
siècle. Depuis Mererius, qui vivait sur la fin du VF siècle,
jusqu'à Launus, qui fut, dit -il, chapelain de Pépin, roi
d'Aquitaine, et qui vécut jusqu'au temps de Charles (c'est
apparemment Charles-le-Cliauve), il se borne à donner les
noms des autres évéques , presque tous supposés. Il est un
peu mieux instruit sur les successeurs de Launus, où com-
mençaient apparemment les mémoires de l'évèque Hugues ;
mais il a si fort abrégé leur histoire, que c'est à-peu-près
comme si on ne l'avait pas, d'autant plus qu'il ne fixe aucune
date {a) jusqu'à la mort de l'évèque Foucaud , qu'il place en
c)5i. II s'étend passablement sur les derniers évéques jusqu'à
son temps, sur -tout sur l'évèque Gérard, devenu fameux
dans l'histoire par sa longue légation, et par son attache-
ment opiniâtre au schisme de l'anti-pape Anadet. Il le repré-
.sente comme un grand prélat et un habile littérateur, qui
devait à la culture des lettres le degré de splendeur et d'au-
torité auquel il était parvenu.
{a) On peut suppléer à son silence, quant aux dates, par la petite
chronique d'Angoulême , imprimée par le P. Lal)l)e , au tome I de sa Bi-
bliothèque des manuscrits, p. 323. Elle commence à l'année 8i47 et
finit à l'an 991.
Qqa
3o8 HIST. DES ÉVÊQ. ET COMT. D'ANGOULÊME.
XII SIECLE. Les comtes d'Angouléme ne remontant pas aussi liant que
Labbe Bibl. '^^ cvêques, l'auteur paraît aussi plus instruit de leur histoire,
inss. t. Il , cap. Turpion , qu'il donne pour le pi'emier comte, fut envoyé
'> ''' '" selon lui par Charles-le-Chauve, auquel il attribue l'institu-
tioii des comtes dans toute l'Aquitaine pour les opposer aux
incursions des Normands. Turpion eut pour successeur son
frère Emenon, lequel eut un {ils nommé Adémar, qui fut
dans la suite comte de Poitiers. Tout ce qu'il dit relative-
ment aux comtes est fort intéressant , soit pour l'histoire de
France en général , soit pour celle de l'Angoumois et des
provinces voisines en particulier.
Le père Labbe, qui a donné cet écrit sur trois manuscrits,
remarque avec raison que l'auteur a emprunté beaucoup .^.e
choses d' Adémar de Chabanois. On peut s'en convaincre en
confrontant son ouvrage avec la chronique d' Adémar, dont:
il copie jusqu'aux fautes. Par exemple , en faisant l'énuméra-
tion des savans qui, depuis le VHP siècle, propagèrent
Labbe , ibàl. Ics bonnes études en Europe , Adémar met Rhaban Maur
P- 1^9- avant Alcuin ; notre anonyme le répète tout comme lui ; et
néanmoins c'est tout le contraire, Alcuin fut le maître de
ibid. car.. 8, Riiaban. A cela près, le tableau qu'ils font, quoique impar-
^'' fait, est curieux. « Bede, selon eux , fut le maître de Simpli-
« cius ; Simplicius de Rhaban , c|ui , ayant été appelé d' An-
ce gleterre par l'Empereur Charles, fut fait évêque en France,
« (c'est-à-dire à Mayence); Rhaban fut le maître d'Alcuin ;
« Alcuin de Maragde (Smaragde) ; Smaragde de Théodulfe,
« évêque d'Orléans ; Théodulfe, d'Hélie , Ecossais, évêque
« d'Angouléme; Hélie, de Henri (c'est Héric) ; Héric, de
« Rémi d'Auxerre et de Hugbalde, c[ui héritèrent de leur
« philosophie, m On a, dans le cours de cette histoire, rendu
compte des écrits de tous ces savans:
Les continuateurs du Recueil des Historiens de France
ont inséré cet écrit par parties dans levn- collection , aux
tomes X, p. 248 ; XI, p. ^63 ; XII, p. SpS, 4oo. Ce dernier
extrait, qui est le plus étendu , est aussi le plus instructif,
et celui qui mérite le plus de confiance.
Script. Rer. André Duchesne , après Pierre Pithou, a imprimé un frag-
franc. t. l\ , j^pj^j jg l'histoire d'Aquitaine, qui finit à l'année 1028. Ce
n'est qu'un extrait de la chronique d'Adémar de Chabanois.
On trouve à la suite un autre fiagment qui , selon le père
Bibi.liist.de Lcloug , descend jusc[u'à l'année M'y 8. Nous ignorons ou ce
îfj^'"" '•^^'' "■ savant bibliographe a pris cette note, car dans l'imprimé ce
THIBAUD, ARCHEVÊQ. DE CANTORBÉRY. 309
morceau est imparfait au commencement et à la lin , et le xii SIECLE.
dernier trait de cet écrit concerne saint Odilon qui fut abbé
de Cluni depuis l'année 990 jusqu'à io49- Duchesne y a
ajouté un ancien tableau généalogique des comtes d'x\ngou-
léme , qui se termine comme les deux fragmens vers l'année
io'3o. B.
THIBAUD,
ABBÉ DU BEC, PUIS ARCHEVÊQUE
DE CANTORBÉRY.
SA VIE.
1 niBAUD , né d'une famille noble (on ne dit pas quelle était Append. ad
cette famille, ni si elle était normande), était depuis dix ans Landaïui op.
prieur de l'abbaye du Bec, lorsqu'il en fut nommé abbé ^'^''
après Boson décédé l'an 1 136. Il resta plus d'un an sans être
béni , parce qu'à l'exemple de ses prédécesseurs il refusait de
faire à l'archevêque de Rouen le serment d'obéissance ou \ti
profession canonique. Ayant été choisi, peu de temps après, Joan.HagusL
pour remplir le siège de Cantorbéry , il reçut , à l'Epiphanie '^°'" * ^'
de l'an iiSg, la consécration épiscopale des mains clu car-
dinal Albéric , évêque d'Ostie , et partit bientôt après pour
assister au concile de Latran , d'où il revint décoré du Pal-
lium.
Henri de Blois , frère d'Etienne , roi d'Angleterre , évêque
de Winchester, était alors légat du saint siège en Angleterre. Gervas. jjo-
Thibaud ne pouvant s'accoutvimer à obéira son suffragant, 1°^^- '^*' ^°"'-
n 1 1 ml T> 1 ._ '•! •. ■ ^ Cantuar. col.
lit tant par le moyen de 1 homas Becket , qu il avait pris a ig^jg.
son service , qu'il obtint du pape Célestin II la commission
de légat ; mais cet accroissement de pouvoir fut pour lui une
source de chagrins et d'adversités. Dès ce moment l'inimitié
se mit entre lui et l'évêque de Winchester , qui trouva bien-
tôt l'occasion de le compromettre, soit avec le roi, soit avec
le pape.
Eugène III ayant convoqué un concile à Reims pour le Gervas. md.
mois d'avril 1 148, le roi, à l'instigation de son frère, défendit
et roi. i36H.
3io THIBAUD, ARCHE^ÈQ. DE CANTORBÉRY.
XII SIECLE, à l'archevêque de s'y rendre; mais Thiliaiid, jugeant qu'il
était moins dangereux de désoljéir au loi qu'au pape, s'em-
barqua clandestinement , et fut reçu à Reims avec transport
par le pape , qui , faisant allusion au danger qu'il avait couiu
clans la traversée, le remercia en l'embrassant d'être venu
plutôt à la nage qu'en vaisseau par respect pour le siège
apostolique. Quanto outem gaudio cum honore à domino
papa susceptus sit , de facili scribi imn potest , qui natando
mogis qiiàm navigando dictus est ah ipso papa coràni omiii-
bus ob rei'erentiaju heati Pétri illiic advenisse.
Gervas. Do- S'il fut fêté par le pape, il fut mal accueilli, à son retour
lo . de Pont, çj^ Aneleterre , par le roi (lui avait saisi son temijorel. Forcé
Cintuar. col. , » il -f ' -^ ' c • 4. r-i ^
i3C4. de repasser en rrance, il s arrêta a baint-Umer pour être
plus à portée de veiller sur son troupeau , et jeta l'interdit
sur toutes les églises ; mais voyant que le roi , bien loin de
fléchir, ne faisait qu'appesantir sa main sur les terres de
l'archevêché , il se hasarda à repasser en Angleterre , et il fut
assez heureux de trouver des amis qui le reconcilièrent avec
le roi. Mais cette paix ne fut pas de longue durée.
Gervas. ibid. A Cette époque la maison d'Anjou faisait les derniers efforts
col. 1371. pour reconcpiérir le royaume d'Angleterre. Le fds de Plan-
tagenet, pctit-iils par sa mère du roi Henri F'', déjà maître
de la Normandie, venait d'épouser l'héritière des ducs d'Aqui-
taine, répudiée par le roi de France. Cet accroissement de
puissance effraya le roi d'Angleterre mal affermi sur son
trône ; il voulut faire couronner , de son vivant , son fils
Eustache, afin de lui assurer la royauté après lui ; et il con-
voqua pour cela les évêques. L'archevêque de Cantorbéry ,
requis le premier, refusa son ministère, alléguant la défense
qu'il avait reçue du pape ; les autres évêques refusèrent éga-
lement , et furent tous constitués prisonniers. Thibaud ,
voyant que les évêques commençaient à l'abandonner, trouva
moyen d'échapper , et de passer en France ; ses biens furent
encore confisqués , mais le couronnement n'eut pas lieu.
C'était encore Thomas Becket qui conduisait cette intrigue,
selon Gervais de Cantorbéry.
Gervas. /iiV/. L'an II 53, le jeune duc de Normandie étant passé en
col. 1-375. Angleterre , força par ses victoires le roi Etienne à déposer
les armes ; il y eut des pourparlers , et il parait qu'à cette
occasion l'archevêriue Thibaud rentra dans son église. Sur
ces entrefaites, le fils du roi d'Angleterre étant mort, Thibaud
ne trouva plus d'obstacle à concilier les deux maisons de
THIBAUD, ARCHEVÉQ. DE CANTORBÉRY. 3ii
Blois et d'Anjou ; la paix se fit au mois de novembre , aux xii siècle.
clauses et conditions qu'Etienne conservei'ait la couronne '
tant qu'il vivrait, et qu'elle viendrait à Henri d'Anjou après
sa mort, qui arriva l'année d'après.
Jusque-là, l'archevêque de Cantorbéri s'était trouvé dans
une position difficile entre l'usurpateur du trône et l'héritier
légitime. En soutenant les droits de celui-ci, il n'obligea pas
un ingrat : après l'avoir couronné et proclamé roi le dimanche
avant Noël de l'an ii54i il jouit constamment de la faveur Joan. Sarisb.
de son nouveau maître Henri II, qui, pendant son absence, ^l*- 9^'
confiait à ses soins ce qu'il avait de plus cher, la reine et ses
entans. Thibaud , après une longue maladie de deux ans ,
mourut le i8 avril 1161. Thomas Becket, dont il avait t'ait
son archidiacre , et qui fut son successeur sur le siège de
Cantorbéry, lui dut le haut degré de considération où il
était parvenu avant son épiscopat.
SES LETTRES.
Il ne reste point de lettres de notre prélat avant qu'il eût
Fris pour secrétaire Jean de Salisbury, c'est-à-dire avant
an II 54 ou II 55. Celui-ci nous en a conservé un grand
nombre , car les 1 33 premières de sa collection sont presque
toutes de Thibaud, ou du moins écrites en son nom au
pape, aux évoques, et au roi d'Angleterre. La plupart ne
sont que des expéditions de sa cour métropolitaine ou pri-
matiale touchant les affaires ecclésiastiques de l'Angleterre.
Celles-là ne présentent pas aujourd'hui un grand intérêt.
Nous ne nous arrêterons qu'à un petit nombre de celles qui
ont fixé notre attention.
1° Pendant le temps que le roi Henri II était en France,
c'est-à-dire dans l'intervalle des années ii58 et 1161, Thi-
baud lui écrivit plusieurs lettres. Dans la 24^ il félicite le
roi des heureux succès qu'il a eus dans toutes ses entreprises ; ibui. ep. 24.
il lui annonce que tout est en paix en Angleterre , et qu'il
ne manque au bonheur de tous que de le posséder. La lettre Ep. /14.
44 a pour objet d'instruire le roi de la diversité d'opinions
qui régnait en Angleterre touchant les deux papes, Alexandre
et Victor, qui venaient d'être élevés concurremment à la
papauté , et de l'embarras où cela le jetait , jusqu'à ce qu'il
plût au roi de se déterminer pour l'un ou pour l'autre.
Ayant appris que l'église gallicane s'était déclarée pour ibid. ep. 48.
3 12 THIBAUD, ARCHEVEQ. DE CANTORBERY.
XII SIECLE. Alexandre , et que l'empereur Frédéric pressait le roi d'An-
gleterre de se déclarer pour Victor, il prie le roi, dans la
lettre 48, de ne prendre aucun parti sans avoir consulté
auparavant l'église d'Angleterre. Il répète la même chose
dans les lettres 62 et 63. Le roi ayant permis aux évêques
Joan. Sarisb. Je délibérer sur cet objet, Thibaud lui rend compte, dans
la lettre 64, du résultat du concile qu'il avait assemblé îi
Londres. « Ce n'est pas , dit-il , un jugement que nous avons
« porté en faveur du pape Alexandre ; c'eût été empiéter sur
« les droits de votre majesté, mais un avis que nous sou-
ibid. ep. 65. (c mettons à votre décision, y^ Le roi avant adopté cet avis .
Thibaud adressa à tous les évêques d'Angleterre un mande-
ment (c'est la lettre 65), par lequel il déclare que l'église
anglicane , d'accord avec l'église gallicane et toute l'église de
Rome, ne reconnaît pour souverain pontife que le pape
Alexandre, et condamne comme hérétique et schismatique
le cardinal Octavien avec ses partisans.
Angha sac. qo Henri Wliarton a tiré des archives de l'église de Can-
.p.xi. jQj.}jç'j,y jg testament de notre archevêque. Ce n'est qu'un
fragment du vrai testament contenu dans la lettre ôy parmi
celles de Jean de Salisbury. ^^oulant en assurer l'exécution ,
il écrivit au roi la lettre 54, qui est comme son testament
spirituel , dans lequel il recommande à sa protection royale
l'église de Cantorbéry , et les personnes qui pendant sa vie
furent attachées à son service.
Joan. Sarisb. 3° Lcs lettres 98, 99, loi, sont adressées à Henri de
'P- 98,99, loi. gioig^ évéque de Winchester, qui, ajuès la mort de son frère
Etienne, roi d'Angleterre, était passé en France dans le des-
sein de finir ses jours à Cluni, où, dans sa jeunesse, il avait
embrassé la vie religieuse. Thiliaud lui représente le tort
que son absence occasionne à son troupeau ; le presse de
retourner à son poste, l'assurant que le roi n'a contre lui
aucun ressentiment, et qu'il peut en toute sûreté retourner
en Angleterre.
4° Thibaud eut avec les moines de Saint-Augustin , tou-
cliant l'exemption du monastère , titi grand procès dans
W. Thorn. lequel il échoua. Il mit tant de chaleur dans la poursuite de
''^ ■ \ ''^" cette aflikire, cpil in^Hsjxvsa contre lui la cour de Rome, au
point qu'yïdricn IV , laisant allusion à son nom , ne l'appelait
plus qme Turhaldus, c'est-à- dire, un brouillon , un turbu-
Joan. Sarisb. fent. il écrivit donc au pape Adrien la lettre 102, dans
np. 10?.. laquelle on voit que ce pontife , en guerre avec le roi de
MACx\IRE, ABBÉ DE FLEURY. 3i3
Sicile, était attendu en France, et que l'archevêque de Can- xir siècle.
torbéry se proposait de passer la mer pour venir le trouver.
Ce voyage du pape n'ayant pas eu lieu, Thibaud redoubla Ep. lol.
d'instances auprès des cardinaux Roland , chancelier de l'i'- '«i-
l'église romaine, Jean du titi-e de Saint-Jean et saint-Paul, '^'
et Boson, camérier du pape, pour dissiper les fâcheuses
impressions qu'on avait prises à Rome sur son compte , fai-
sant valoir avec dextérité les services qu'il avait rendus à
l'église dans toutes les occasions , au péril de sa vie , et au
détriment de sa tranquillité.
Nous ne nous arrêterons pas plus long -temps sur ses
lettres ; mais nous ajouterons, d'après Jean de Salisbury, un
trait qui le concerne et qui intéresse l'histoire littéraire : c'est Policrat. lib.
que Tliibaud voulut introduire en Angleterre l'étude des lois ^^'^' *^^i^
romaines, et qu'il y trouva de l'opposition. Voici le texte:
Tempore régis Stephani a regno (^ahire) jitssœ sunt leges
romance , quas in Britanniam aonius venerabilis patris Theo-
baldi, Britanniarum priniatls , ascii>erat ; ne quis etiani
libros retineret edicto regio prohihituni est^ et Vacario nostro
indictiim, silentium. Sed Deo favente , eb ma gis virtus legis
invaluit , qub eani ampliiis nitebatur impietas infirmare. B.
22.
MACAIRE,
ABBÉ DE FLEURY.
IVIacaire, neveu d'Albéric cardinal évêque d'Ostie , fut
d'abord prieur de Longpont au diocèse de Paris , puis abbé
de Morigni , enfin, en 1 189, abbé de Fleuri, ou Saint-Benoît-
sur-Loire. En cette dernière qualité , il obtint deux bulles cali. ciirist.
d'Eugène III, en ii4(). Cette date est sans doute aussi celle nov. t. vu, p.
d'un statut de Macaire pour le rétablissement de la biblio- ^f rQ'_4^^^||'
thèque de Fleuri, statut que l'on a fort mal-à-propos daté Àmi. Benéd.
de 1 346, en l'imprimant dans la Bibliotheca Floriacensis. Iih-Lxxvi,n.
Taxé à une contribution de trois cents marcs d'argent et de ^^^'s^^^n''
cinq cents besans d'or pour la croisade de i i47i et n'ayant lxxviii , m.
obtenu, à force de prières, qu'un très- faible dégrèvement, 8, 3^, gS; lib.
Tome XI 11. Rr LXXrX,n. 5;
3i4 MACAIRE, ABBÉ DE FLEURY.
XII SIECLE. Macaire se vit réduit à vendre les encensoirs et les vases
' ^Yvv TT sacrés de son église. Cet abbé mourut en 1162 ; il avait assisté
Bibi. î'ior.'p! au concile tenu à Reims contre Gilbert de la Porée. Une
/.og. courte lettre de Macaire à Pons, abbé de Vézelai , contient
fiec.deshist. ^^^ conseils sur la conduite à tenir avec le comte de Nevers:
p!^94^i t.xiv' tout considéré, l'abbé de Fleuri est davis qu'on attende le
p. 32',, 325. retour des messagers envoyés au pape : Libratis causis
Spicil. t. III, (Jicinius ut expectetis legatos quos ad domiuwn popani
direxistis. Le même abbé est aussi l'auteur d'une sorte de
déclaration publique sur le diftéreiid qui s'était élevé entre
Recueil des l'évéque de Meaux et l'abbesse de Faremoutier : cette pièce,
^'tî;^T'"^'^'\"fo' écrite en 11 55, est adressée à tous ceux auxquels elle pourra
t. XIV, p. 388, . T,T ■ j ■ ^— r-; • • ^77 ^ j
38g parvenir. Alacanus aei gratia r Lonacensis abbas , omnibus
ad quoscumque litterœ istœ peivenerint , salutem in domino.
Une production un peu plus importante pourrait être
attribuée à cet abbé de Fleuri : c'est un glossaire grec-latin ,
l'un de ceux que Henri Estienne a réunis, en lô^jS, dans le
volume in-folio intitulé : Glossaria duo è sinu vetustatis
crut a , etc. Nous lisons, à la page 235 de ce volume, une pré-
face de l'éditeur où ce glossaire est indiqué comme l'ouvrage
du bienheureux Benoît, abbé de Fleuri, heati Bcnedicti
ahhatis Floriacensis , mais on ne connaît point d'abbé de
Fleuri du nom de Benoît , et il est permis de soupçonner que
heati n'est ici que la traduction de Macarii , (;;ia/.apîoj) , qui
en grec signifie heureux. Chacun sait que plusieurs noms
propres ont été défigurés par des substitutions de cette
Mabiii. Ann. espcce. Il cst vrai qu'il faut supposer qu'en transformant
Uencd.l.xxix, Macarii en heati , on a de plus supprimé le mot sancti ou
'"■ l'initiale s , et interverti l'ordre des deux mots ahhatis Bene- ,
dicti, en sorte qu'au lieu de Macarii ahhatis sancti Benedicti
Floriacensis, on aura écrit heati (ou B) Benedicti ahhatis
Floriacensis. Ces altérations ne sont pas non plus sans exem-
ples ; et si ce glossaire est d'un abbé de Fleuri , comme ce
titre le dit positivement, c'est à Macaire, plus qu'à tout autre,
ciu'il paraît appartenir. Quoiqu'il en soit, G8 pages du volume
r. 237-259. cle Henri Estienne sont occupées par l'ouvrage que nous avons
indiqué, ou plutôt, ainsi que la préface de l'éditeur l'annonce,
par des extraits de ce glossaire , et de quelques autres. Sous
clés titres généraux, tels que ^e ccelo (rspl cùpavoCi),.. de honùne,
de memhris, de studiis, de m^ilitiâ, etc. , sont rangés plusieurs
mots latins accompagnés des mots grecs correspondans. Ce
n'est point un dictionnaire alphabétique , c'est une suite de
HIST. DES ABBÉS DE LAUBES. 3
i5
nomenclatures dispose'es par ordre de matières, comme dans ^^i siècle.
l'ouvrage de Julius Pollux, mais sans éclaiixissemens, sans
observations , sans paraphrase. Chaque article ne se compose
que d'un mot latin et d'un mot grec : seivus ^o5>o; , piiella
xo'pY), virgo -«pOavc;, ctc. Ce vocabulaire est suivi de collo-
ques et de sentences : mais les prétendus colloques ne con-
sistent qu'en de très-pi'tites phrases familières qui souvent
ne correspondent point l'une à l'autre , et qui ne sont quel-
quefois que d'un seul mot : on en \rouve de pareilles à la
suite de quelques grammaires de nos langues modernes.
Les cinquante-neuf dernières pages de ce glossaire ou plutôt
de ces extraits sont remplies par deux dictionnaires alphabé-
tiques extrêmement incomplets, et qui ne sauraient être
d'aucun usage.
Quoi qu'il en soit, le volume dont ces inutiles extrajts font
partie se joint aux quatre volumes du Trésor de la langue
Grecque, par Henri Estienne; et ce Trésor perd, dit-on, la
moitié de sa valeur, quand il manque de ce prétendu cin-
quième tome. D.
ANONYME,
CONTINUATEUR DE l'hISTOIRE DES ABBES DE LAUBES.
JLiE monastère de Laubes ou Lobes , dans le diocèse de
Cambrai-sur-la-Sambre, à douze mille de Maubeuge , fut
célèbre dans l'antiquité du moyen âge, par les savans et les
grands personnages qui sortirent de son sein, tels que An-
son, Rathier, alternativement évêque de Vérone et de Liège,
Folcuin, Hariger, tous abbés du monastère qui ont eu leurs
articles dans cette Jiistoire, sans compter une multitude de
religieux de mérite, qui se distinguèrent par leur capacité, et
portèrent la science dans d'autres monastères.
Folcuin, qui mourut en 991, a composé de son monas-
tère une histoire fort bien écrite, sous le titre de Gesta
abbatuni Lobiensium. Il en a été rendu compte au tome VI Hist. liiiér.
de cette histoire. Cet ouvrage ayant été continué par un '■ ^^ P- 455-
Rr2
3i6 HIST. DES ABBES DE LAUBES.
Xiî SIECLE, anonyme qui , comme il le dit lui-même, e'crivait en 1 162 (a),
c'est ici le lieu de parler de sa production.
Cet ouvi-age, comme celui de Folcuin, n'est pas tellement
consacré à l'histoire de ce monastère et des abbe's, qu'il ne
s'y rencontre beaucoup de traits qui ont rapport aux e've'-
nemens de l'histoire publicpie, auxquels ils ajoutent des
circonstances particulières et de nouveaux développemens.
Nous pourrions en citer plusieurs exemples. Aussi les con-
T. XIV , p. tinuateurs du Recueil 3cs Historiens de France n'ont pas
',12-423. nèglifijé d'en foire usage pour enrichir leur collection , en
élaguant toutefois certains détails qui n'ont rapport cju'cà la
discipline monasticiue ou au temporel du monastère.
ibid. p. 416- Vers l'an i i3o, il se fit dans la province ecclésiastique de
'•'8. Reims une grande réforme dans les monastères qui étaient
tombés dans le relâchement. Celui de Laubes éprouva sur
cela quelques tracasseries auxquelles on fut obligé, non sans
beaucoup de résistance, de céder enfin. A la tête des réfor-
mateurs étaient le cardinal Mathieu évêque d'Albano , légat
en France, et Renaud de Martigné archevêque de Reims. Il
se forma, par leurs soins, une espèce de congrégation ou
association de plusieurs monastères, cjui devaient s'assembler
tous les ans pour rendre compte de leur manière d'observer
la règle. C'est le premier exemple et la première idée des
chapitres généraux qui ont été si fréquens dans les temps
postérieurs. Nulle part on ne trouve sur cela autant de dé-
tail que dans notre Anonyme, c|ui n'approuvait pas trop ces
innovations.
7i«/. p. 422. Un autre réformateur plus récent, que l'Anonyme nous
foit connaître , fut un cardinal nommé Gérard , qui , après
avoir enseigné à Laubes, était devenu chanoine à Liège, et
puis cardinal du titre de Sainte-lVLarie in via latd. Le pape
Adrien IV l'avait envoyé légat dans la Belgique, et en cette
ciualité il tint à Liège un concile duquel nous n'avons pas
connaissance qu'aucun historien ait parlé. Nous faisons cette
remarque, parce que Duchesne n'a pas non plus parlé de ce
cardinal dans son histoire des cardinaux. français,
/è/ti. p. 419. Un certain Philippe, neveu de Gilbert archevêque de
ici) Parlant des clercs de Moiitier-sur-SamLre , auxquels les moines de
Laubes avaient succédé en 1127, il en restait encore un, dit-il, cette
année que nous comptons 1162 : Cujns succcssionis hœrcs ultimus nunc
îemporis est , qui est a/mus incarnationis Doninicœ MCLXII.
LÉON, ABBÉ DE LAUBES ET DE S.-BERTIN. 3 17
Tours, qui s'était fait élire en i i34i pour succe'der dans le ^H SIECLE,
même siège à l'archevêque Hildebert , avait excité de grands
troubles dans cette église, et pour se maintenir s'était jeté
' dans le parti de l'antipape Anaclet. Il est connu par les
lettres i5o , i5i et 267 de saint Bernard ; mais ce que
D. Mabillon ne dit pas , et qu'on n'a su que par notre
Anonyme , c'est que cet ambitieux était né à Fontenoi près
de Laubcs , dans une terre dépendante du monastère , de
familid ecclesiœ Fontanis oriundiis.
D. Dacheri a publié cet écrit dans leSpicilége sur un ma- Spicil. iii-<fol.
nuscrit qui lui avait été envoyé de Laubes, mais non tel 'vî''- ''o^^^r
quil avait ete compose par 1 Anonyme. Un ecrivani poste- p. ssg — 635.
rieur s'est permis d'y faire des retranchemens et d'y ajouter
du sien, comme il le déclare lui-même, et comme on le
remarque à certaines transitions. Cependant ce qu'il a con-
servé est, de son aveu, le propre texte de l'auteur, et il n'a
presque point touché à ce qui concerne le XIP siècle.
D. "Martène a publié une Chronicjue abrégée de l'abbaye Anccd. t. m,
de Laubes, qui s'étend depuis l'année 4i^ jusqu'à i64i. ™i>4io-i43i.
L'éditeur pense que clepuis l'année 1000, cotte chronicjue
a eu presque autant d'auteurs contemporains qu'elle con-
tient d'articles. Nous n'en parlons ici que pour avertir que
nous ne l'avons pas oubliée. B.
LEON OU LEONIUS,
ABBÉ DE LAUBES ET ENSUITE DE S.-BERTIN.
Blart. Anecd.
J-j'auteur de la chronique de Saint-Beïtin commence ainsi Man.Anec
ce qu'il va dire de Léon : Léo fortissimus hestianan ad nul- '• iHj p- 63;
lius pm'ehit occiirsum; et immédiatement après cette phrase,
abaissant un peu son style, il se contente d'observer que
Léon ou Léonius naquit a Furnes , que sa naissance était
illustre , qu'il fut élevé 'à la cour des comtes de Flandres ,
dans les manières et les moeurs du monde, urhanis movibus,
et qu'il y remplaça, très-jeune encore, son oncle et son père
dans les soins que le prince leur confiait de la distribution
3 £8 LÉON, ABBÉ DE LAUBES ET DE S.-BERTIN.
XII SIECLE, (le ses aumônes. Il quitta la cour à vingt -deux ans, ])our
Mail /fov/— alitai' embrasser la vie religieuse au monastère d'Anchin,
G.-:!!, cinist. t. qu'x\lvise gouvemait alors. Celui-ci e'tant devenu, en ii3i,
lir, p. 86. — evêque d'Arras, et connaissant toute la capacité de Léon, il
Bened t vi" ^^ ^^^ nommcr , cette année même, abbé de Laubes, dans le
p.îoo. — Spicii! diocèse de Cambrai. Laubes était une des abbayes les plus
de d'Acii. t.vi, distinguées par les honneurs et la considération dont son
^' ' ■ chef jouissait; mais elle était devenue si pauvre que les reli-
gieux y avaient à peine les choses nécessaires à la vie. Le
zèle et le dévouement de Léon ne firent que s'en accroître.
Mart. p. 6'\'j Tout changea de face en peu de temps : le monastère reprit
son ancienne splendeur; soixante-dix rehiïieux s v trouvèrent
reunis sous une disciplnie régulière, et 1 abondance reparut
avec les mœurs et la piété. Innocent II y vint à cette époque
et paya l'accueil qu'il reçut par la concession de quelques
privilèges , dont il est fait mention encore dans la France
T. m, p. 86. chrétienne , dans les Annales bénédictines de dom Mabillon ,
r. 20I. pj jjj^^g i^ Chronicpie de Laubes imprimée au troisième vo-
P. 1421. lume du Trésor des anecdotes de dom Martène.
Gall. Christ. Simoii, c|uarante-deuxième abbé de Saint-Bertin, ayant été
t. III, p. 497.— déposé en 1 136, après un gouvernement de cinq années, par
Mabiii. p. 27g. ,j d'Innocent II , à la sollicitation des religieux de Cluiii où
p. 79. * le pontife était alors , treize mois s'écoulèrent sans qu'on pût
se réunir sur le choix du successeur que le pape avait or-
Mart.p. 638. doiiué de lui élire. Enfin, après bien des variations et des
— Meyer,p.43. obstaclcs , OU conviut de nommer Léon, pour opposer, dit
— Mab. p. 279. l'annaliste, un puissant rempart à l'arrogance des moines de
n'*p,' '■'"'"" Cluni. Il fut élu d'une voix unanime.
408. — Mabili! Un an s'était à peine écoulé depuis l'installation de Léon ,
p. 3i8. quand les religieux de Cluni le citèrent à Rome, où il se
rendit avec Alvise, évèque d'Arras. Ils voulaient rendre dé-
pendante de leur monastère l'abbaye de Saint-Bertin. Léon
comparut au jour marqué ; mais l'abbé de Cluni ne se pré-
• senta pas, ni persopne pour lui. Un concile œcuménique
devait s'assembler quelques mois après à Saint -Jean -de -
Latran : Léon attendit cette époque, et pendant le temps
qui s'écoula, il s'acquit tous les jours davantage les bonnes
grâces du pape et de sa cour. L'abbé de Cluni, c'était Pierre-
Ie-VénéraDle,vint à Rome pour le co'ncile, mais il évitait de
parler des contestations élevées entre lui et Léon. Celui-ci
en demanda l'examen et le jugement : ils lui furent favo-
rables. L'abbaye de Saint-Bertin, après la lecture des pièces
LÉON, ABBÉ DE LAUBES ET DE S.-BERTIN. 819
et une information juridique , fut solennellement dëclarée ^H SIECLE,
libre à jamais de toute sujétion env'ers celle de Cluni. Léon "
fit dans la suite deux voyages encore à Rome, pour y obte-
nir une nouvelle confirmation de ses droits, de la part des
successeurs d'Innocent, Célestin II, Luce II et Eugène III,
sachant bien , dit toujours l'annaliste conservé par dom Mar- P 6io.
tène, qu'une triple corde se rompt plus difficilement, et
aussi, pour ôter toute espérance à ses adversaires, ef wf
Cluniacensium ceivicem diuissimam frangeret. La bulle de
Célestin est datée de ii43j celle de Luce II, de ii44j celle
d'Eugène III, de ii45.
Louis-le-Jeune étant parti, en 1 146 , pour sa croisade dans Gali. Christ.
la Terre-Sainte, Léon l'y accompai^na avec son ami Alvise, '■ ^'^'P- ^^^x-t
■A " J'A • 4. ^rfi- * 1 171 1 1198— Mabill.
eveque d Arras, qui y mourut , et 1 fnerry, comte de r landres , „ 4 ,8.— Mart
qui lui confia une grande partie de ses troupes. Thierry, p. 642.
ayant reçu de Louis-le-Jeune une fîole du sang de Jésus- Mart. P.G43.
Christ, il la mit entre les mains de Léon, pour la déposer — Meyer,p. 45.
dans l'église de Saint -Basile à Bruges, quand il serait de
retour de la Palestine. On montrait auparavant de ce sang
en beaucoup de lieux, dit Jean d'Ypies; mais il n'avait pas, Mart. p. 644.
comme celui-ci, coulé du corps môme de Jésus-Christ. Léon
porta cette fiole suspendue à son cou, de Jérusalem à Bruges,
où on la plaça dans la chapelle qui lui était destinée. Il
trouva, en revenant, le monastère livré à quelques dissens-
sions et à beaucoup de relâchement; il appaisa les unes et
fît cesser l'autre insensiblement par sa vigilance et sa sagesse.
Un incendie ayant consumé, en iiSa, l'abbaye de Saint- Mart. p. 645
Bertin, Léon, quoiqu'il eût droit à tant de repos par sa ^'^46 -Meye, ,
vieillesse et ses longs voyages, parvint à la rétablir , en deux ""^ • P- '< ■
années, plus belle qu'elle n'était avant ce malheur. Guillaume
d'Ypres l'y aida sur-tout par ses secours généreux. Entre les
dons qu'il fit alors au monastère de Saint-Bertin, était celui
de deux églises situées en Angleterre. Mais le roi Etienne
étant mort en 1 1 54 , et Henri II ayant chassé de ses états
Guillaume et tous les Flamands, la possession des deux
églises fut contestée à Léon, qui, après beaucoup de résis-
tance et de prières, parvint enfin à les obtenir de nouveau.
L'auteur de la Chronique, Jean d'Ypres, loue à ce sujet l'adresse
et la constance de Léon , et le besoin qu'il avait de s'occuper
d'affaires , de celles des autres quand il n'en avait pas pour
lui-même; il se trouvait dans les conseils des princes, ajoute
l'écrivain; il allait porter leurs négociations d'un royaume à
020 LEON, ABBE DE LAUBES ET DE S.-BERTIN.
xn SIECLE, l'autre; et peut-être tirait- il de ces soins plus de vanité qu'il
ne l'aurait dû.
Lëon obtint aussi d'Anastase IV et d'Adrien lïl , succes-
seurs des papes que nous avons nommes , la confirmation
des privilèges de son abbaye, et quelques autres encore. Par
Mart.p.647. yj^g (jg ggg bulles en particulier, Adrien permet à l'abbë et
aux moines de Saint-Bertin, de donner l'habit de la religion
à tous ceux qui le demanderont, sains ou malades, même à
l'article de la mort, même à des hommes maries sous la con-
dition toutefois que leurs femmes garderont la continence.
La vieillesse et les infirmités de Léon laissaient un peu
relâcher les ressorts du gouvernement , quand sa fermeté se
remontra tout entière contre Thierry, comte de Flandres,
qui, au retour de son quatrième voyage à Jérusalem, avait
pris quelques biens appartenans à l'abbaye de Saint-Bertin.
Sur sa réclamation , Thierry les lui rendit par des lettres
Mart. p. 6j2 datées de i log. Léon survécut quelques années à cette res-
'■^633. titution. Son monastère le perdit en 11 63. La défense et la
conservation des droits de l'abbaye et de son indépendance,
ses premières œuvres, d'autres sen'ices rendus et en grand
nombre , firent que sa mémoire resta honorée et chérie. On
mit sur son tombeau l'inscription suivante.
ï^irtus Samsonis mel suinsit in ore leonîs
Qiiod non mysterio passe carcre scio.
Sic quoque diini uioritur noster leo , mel reperitur
Ejus in ore jacens, atque sapore placens.
Nam si perpendas mores patris , atque sequendas
flirtâtes ejus , iierbaqiie , mel/a putes.
O clarum %rhema décore , splendida gemma
Et decus abbatum contigit esse satum.
Qui dïim templa , domos regales , horrea , promos ,
Multaque mira struis , proh dolorl esse, ruis
yinte diem februi sexta suprema tui,
T. III, p. 'i99- Il y ^ dans la France chrétienne au lieu de esse ims ,
dont le sens est incertain, ecce mis, qui se lie très-Lieu
avec ce qui précède.
Gall. Christ. Vanté diem februi sexta est le 26 janvier. On lit pareil-
i. III, p. 499- lement dans un ancien manuscrit de l'église de Laon et dans
YAuctuatium de Molaiius,que le très -pieux Léonius, très-
LÉON, ABBÉ DE LAUBES ET DE S.-BERTIN. Sai
savant dans les lettres divines et humaines, mourut le 2.G >^ii siècle.
janvier de l'an ii63.
Saint Berilard lui a e'crit deux lettres; ce sont la SHa" et p. 3 ',0-342.
la 383*^ dans 1 édition donnée par Mabillon. La première v.iesAnn.Bcn.
est commune à Léon et à ses religieux; l'abbé de Clairvaux V_3 ' ^'
en fait l'éloge, et leur témoigne sa reconnaissance pour les
services qu il en a reçus , avec une effusion de cœur qui
montre combien il y était sensible : ils lui redemandaient
un de leurs'confrères , que Bernard ne croit cependant pas
pouvoir leur accoi-der. La seconde est écrite à Léon seul,
qu'il appelle son très -cher ami; il le remercie de ses libéra-
lités, de ses bienfaits envers les religieux de Clair-Marais, et
le prie de continuer à les regarder comme ses propres enfans.
Les deux lettres qui suivent sont également adressées à la com- P- 342-34/,.
munauté de Saint-Bertin : dans la première il la remercie aussi
des bons offices qu'elle rendait aux mêmes religieux de Clair-
Marais; et dans la seconde il la félicite de la réforme cju'elle
a introduite, fexhorte à persévérer, à tendr^ de plus en
plus à la perfection chrétienne, à faire des progrès conti-
imels dans la pratique du silence et de la vertu.
Son nom se trouve marqué , comme celui d'un bienheu-
reux, dans les actes des Bollandistes et dans le martyrologe Llv.ii,p. 464.
bénédictin, au G février. Ménard, dans ses observations sur
ce martyrologe, le qualifie vir multœ eruditionis et religionis. Liv. Ul, c. 4.
Hermanne, moine de Laon, lui donne vui semblable éloge
dans son ouvrage sur les miracles de Marie : vir reli^iosissi-^
nuis, dit- il, et tàm gentilium quaui divinarum litterarimi
peritissimiis.
Plusieurs actes signés de lui sont rappelés dans le tome III P. 498.
de la France chrétienne. On peut voir aussi le tome III du P- G38 tt
Trésor des anecdotes, par dom Martène.
Léon est auteur de la Coutume de Poperingue, bourg de
Flandres, alors dans le territoire de Furnes, aujourd'hui
dans le département de la Lys, et la sous-préfecture d'Ypres,
en latin Pupurnen Gahemum. Les abbés de Saint-Ber|pi en
furent long-temps seigneurs : ils y exerçaient la justice et y
avaient une cour féodale dont beaucoup de fiefs relevaient.
Cette coutume assez semblable à celle de Furnes, patrie de
Léon , fiit renouvellée dans la suite par deux abbés du même Gali. Chnst
monastère, Jean d'Ypres et Jacques de Furnes aussi, qui ';"i^p'^ "°
vivaient fun et l'autre dans le XlIIf siècle. Quoique nous m'~.l
ne l'ayons plus aujourd'hui telle qu'elle avait été faite alors.
Tome XI II. S s
SUIV.
. 5oo el
Mart. l.
5ï..
322 LÉON, ABBÉ DE LAUBES ET DE S.-BERTJN.
XII SIECLE, on ne peut douter qu'elle ne subsiste presque en entier dans
Cout. géncr. Celle qui fut donnée à Bruxelles, en 1620, par Albert et Eli-
t. I, p. 926 et sabeth- Claire -Eugénie, infans d'Espagne, archiducs d'Au-
*"'^' triche et gouverneurs de Flandres. On le peut d'autant moins
que le préambule annonce que les baiUi, amman, bourgue-
mestre et échevins de la ville de Poperingue avaient envoyé
au conseil du prince le cahier des coutumes et usages qu'ils
maintenaient avoir été observés auparavant dans cette ville ,
pour en obtenir Ihomologation que Charles- Quint avait
prescrite, et à laquelle beaucoup de communes avaient né-
gligé long-temps de piocéder;etque qiiekjues articles en furent
modifiés , ce qui annonce encore que l'ancienne loi fut con-
firmée en très-grande partie, telle que Léon favait donnée.
ibid. p. 927 , La nouvelle commence par établir le droit de haute , moyenne
m. i,art. I. ^^ basse justice dont les abbés et religieux de Saint-Bertin
jouissaient, et durent jouir encore, comme seigneurs de
Poperingue. Le pouvoir et les prééminences des seigneurs
et de la loijsont l'objet du premier titre ; les revenus de la
ville, l'objet du second; les achats el ventes, saisines et
désaisines, ventes et obligations, du troisième; le commerce
du houblon, du quatrième; les cautionnemcns et les trans-
Eorts, les louages et les cens, les taillis et dépouilles des
ois, le retrait et l'échange des héritages, les successions,
les contrats de mariage, les tutèles et curatèlcs, etc., des cin-
quième , sixième, septième, huitième, neuvième, dixième,
onzième, douzième et treizième titres; la manière de procé-
dei^n matière civile et criminelle est déterminée dans les
titres suivans ; et les derniers sont consacrés à quelques points
de législation pénale, de police rurale, de la législation par-
ticulière sur les fiefs, leur transmission, leurs droits, les
attributions des cours féodales , et la procédure qui doit y
Tit.aget 3o, ^ti'e suivie. On y consacre de nouveau le droit qu'exerçaient
p. 931 et 952. |çg abbés et religieux de Saint-Bertin, comme seigneurs de
Poperingue, davoir une cour d'hommes de fiefs , plusieurs
vasi^lages , et toute la juridiction qu'une telle cour peut
avoir, ainsi que tous les titres, facultés , redevances , privi-
p. 95a. léges dont une semblable seigneurie fais; it jouir. On ordonne
eniin, dans les cas que la loi n'aurait pas prévus, de recourir
Mari.Anecd. aux usages commiius du pays de Flandres. Léon avait dé-
t. iu,p. (i>2. claré, d'une manière fixe, les usages de la ville de Furnes,
sup])lément nécessaire et absolu au silence de la coutume
qu'il donnait à Poperingue.
Xn SIECLE.
BURCHARD, ABBÉ DE BALERNE. 323
Un ouvrage un peu moins important que la chronique de
Saint-Bertin lui attribue, est un office pour la fête de Tous uu^uGitS.
les Saints, office qu'il rendit , comme on peut le croire, un
peu différent de celui que chantaient les religieux de Cluni,
avec lesquels il avait eu, dès la première année de son gou- Ci-dess.p.3i8,
vernement, d'assez importantes discussions, terminées plu- ^ig-
sieurs fois en sa faveur par la cour de Rome. P.
« X«i%> VW/^^fV^ %,
BURCHARD,
ABBÉ DE BALERNE.
IJRtJCHARD, Burchard, ou Bouchard, était rehgieux de Manriq.Ann.
Saint- Benoît, lorsqu'il vint se placer à Clairvaux sous la Cistcrc.adann.
direction de Saint -Bernard. L'abbaye de Balerne , l'une ii'5G,c. 6,n. i,
des filles de Clairvaux, fut fondée, en ii36, au diocèse de c.'g', n""io,\i^!
Besançon : Bouchard en devint le premier abbé. La cent — Mabiii. Ann.
quarante-sixième lettre de saint Bernard est adressée à ^' J'^"*''^- ^'^•
labbé de Balerne, ou plutôt à Dieu même : car elle n'est, _ pg \-lid\ ',
en très - grande partie , qu'une action de grâces pour les Bibiioth. cist.
progrès éminens que Bouchard a faits dans la pratique des l' ^^•
vertus claustrales. Saint Bernard ne parle dii'ectement à son
élève que dans les dernières lignes de cette épître : il s'y
déclare son serviteur, son compagnon dans cette vie, son
cohéritier dans l'autre. Me vefà utere servo , comité in via,
cohœrede in patrid. Nous ne pouvons douter, d'api'ès une
telle lettre , de la fervente piété de Bouchard , que nous
retrouvons d'ailleurs inscrit, comme un très- saint religieux,
dans le ménologe de Cîteaux , au ic) avril. Ce jour est celui
de sa mort, dont l'année n'est pas très-bien fixée. On présume
que c'est i iGa ou 1 163; il avait été depuis peu transféré de
l'abbaye de Balerne à celle deBelleval ouBellevaux,au même
diocèse de Besançon. Il était abbé de Balerne, lorsque, vers Bibiioth. mai.
ii45, il écrivit une lettre au moine Nicolas, qui venait de pp- 1. xxi, p.
quitter Mcnti^'ramé pour se rendre à Clairvaux près de saint 523.— Mannq.
Bernard. La conduite de Nicolas a JVlontierame n avait pas t. ix, n. n.
été fort édifiante : Bouchard le félicite de sa conversion. Il
SS2
324 GUILLAUME VI, SEIGN. DE MONTPELLIER.
XII SIECLE, commence par lui demander la liberté d'écrire d'un style
simple [in siniplici stylo rccipe 7ne); mais dans le reste de
l'épître il n'use aucunement de cette permission. La pièce
fourmille de métaphores, de comparaisons, de tours figurés
ou recherchés. Qu'il soit permis, dit Bouchard, à un petit
animal sans plume de s'élever, comme par échelons, jus-
ques au prem-er des animaux emplumés. Sine modo ut
qiiddam compositione gradiium , liceat ascendere ad animal
primum pennatum iuiphimi hcstiolœ. Il se compare ensuite
à une tortue, à une taupe, à une cigale; et JNicolas à un
oiseau, à un cerf, à un cygne; et après quelques autres anti-
thèses du même genre, il termine ce qu'il appelle sa petite
préface : H.œc prœfatiiincula stet hic. Cet exorde forme un
tiers de l'épître. Suivent des actions de grâces au Tout-Puis-
sant qui vient, en renouvellant Nicolas, de blanchir un Ethio-
pien. Nous ne retrouvons aucune trace de ce mauvais goût
dans un autre écrit de Bouchard, c'est-à-dire dans une sorte
Opor. s. de conclusion qu'il a placée à la fin du premier livre dé la
Bernaidi eJit. ^^^ j^ saint Bernard , par Guillaume de Saint-Thierry. Cet
MabiU. t. II,p. ,. . -4. ' t .. • 11-
1090,1091. appendice, qui ne consiste quen une trentaine de hgnes,
contient un éloge de Guillaume , et une mention de ses
autres écrits, savoir d'un Livre apologétique, et d'un Traité
de la grâce et du libre arbitre. Guillaume n'a conduit l'his-
toire de saint Bernai^d que jusqu'au schisme de Pierre de
Léon , et Bouchard regrette que cet historien n'ait pas
vécu assez long -temps pour achever un ouvrage si bien
commencé. D.
GUILLAUME YI
ET
GUILLAUME VIT,
SEIGNEURS DE MONTPELLIER.
(Quelques écrits de Guillaume VI, seigneur de Montpcl
lier, tt de son fils Guillaume VII, nous autorisent à faire ic
GUILLAUME VI, SEIGN. DE MONTPELLIER. SaS
mention de l'un et de l'autre. Mais le récit de leurs actions X" SIECLK.
appartient aux annales de leur province, et nous ne profi-
terons point de cette occasion de transporter dans l'Histoire
littéraire de la France de longs fragmens de l'Histoire civile
du Languedoc. Nous renvoyons à dpm Vaissette les lecteurs ^ Hist.duLa^ng.
qui \oudront connaître les circonstances des faits que nous *-^;^' ^^
allons sommairement indiquer.
Guillaume VI , ayant succédé , en 1 1 2 1 ou 1 1 23 , à son père
Guillaume V, seigneur de Montpellier, fit en 1 128 un voyage
à la Terre-Sainte, et en rapporta des reliques. En 1 129, il JbM. p. 401.
épousa la comtesse Sibille , qui est désignée par quelques
auteurs comme fille du roi de Jérusalem. Partisan d'Inno-
cent II contre l'antipape Anaclet , il reçut du premier plu-
sieurs témoignages d'affection et d'estime. Innocent, dans Scriptor.Rer.
une lettre qu'il lui adresse en 11 Sa, le prend sous sa pro- ^^"3^5 '•^^'
tection ainsi que la ville de Montpellier, et le déclare che- 333,^95, 4II!
valier spécial de Saint-Pierre , specialem heati Petii militem. 406.
En II 35, Guillaume assista, dans la ville de Léon, au cou-
ronnement d'Alfonse VII roi de Castille; et contracta, peu de
temps après, ime alliance étroite avec Bérenger-Raimond
comte de Provence , auquel il donnait en mariage sa nièce
et sa pupille, la jeune Béatrix comtesse de Melgueil. Après Vaissette,
avoir fait, en 1 109, avec Raimond, évèque de Maguelonne, *• "' P- '•*■•
un accord avantageux à ce prélat, Guillaume VI voulut exi- ibid. p. 429.
ger des habitans de Montpellier un nouvel hommage et de
nouveaux sermens de fidélité : ils se révoltèrent contre lui
et le chassèrent de leur ville en ii4i. Innocent II excom- lUd. p. 4'îi
munie les rebelles, met leur territoire en interdit, et sou- -4^6.
tient, par plusieurs lettres, les droits du seigneur expulsé.
Celui-ci, malgré sa confiance dans les armes de l'église, ne
négligea pourtant poiiit d'en employer de plus matérielles:
il assiégea Montpellier et s'en rendit maître au mois de
septembre 11 43. Il est félicité de ce succès dans une lettre
à lui adressée par Célestin II, successeur d'Innocent. Scilptor.Rcr.
Un des écrits qui nous restent de Guillaume VI, est im Gaiiic. t. xv,
testament qu'il fit au mois de décembre 11 46, avant de se ^'' '*'""
rendre en Espagne où l'appellait Alfonse VII. Ce testanj^nt
publié par d'Achery nous apprend cjue la mère du seigneur Spitii. t. ix,
de Montpellier s'appelait Ermesende, et qu'elle vivait encore; P- Mo-i iS-
qu'il avait quatre filles, dont l'une portait ce même nom d'Er-
mesende, et quatre fils dont deux se nommaient Guillaume;
que l'aîné ne devait commencer à gouverner la ville et le
326 GUILLAUIVIE VI, SEIGN. DE MONTPELLIER.
XII SIECLE, territoire que, lorsqu'il aurait atteint lage de vingt ans, que
jusqu'alors la régence appartiendrait à la mère du testateur,
ou, si elle venait à mourir, au cousin Pons. Ces disposi-
tions faites, Guillaume VI équipa des vaisseaux, les joignit à
ceux des Pisans et des Génois , et se rendit avec cette flotte
devant Alméria qu'Alfonse VII assiégeait par terre. Les Sar-
rasins se défendirent assez long-temps, et la place ne fut
Vaissette , prise que le ly octobre luj;. Alfonse, dans ses remer-
t. II, p. ^4i, ciemens à tous ceux qui avaient concouru à cette expédition,
''^*' distingua le seigneur de Montpellier. Un poète du temps,
qui a versifié une relation de ce siège, donne à Guillaume
le titre de duc ; mais il ne faut rien conclure de cette expres-
sion poétique : Guillaume et les siens n'ont jamais pris la
qualité ni de duc ni de comte.
L'année suivante, 1 148, Guillaume VI et ses enfans aidè-
rent le comte de Barcelonne à chasser de Tortose les infidèles
ibid. t. II , OU Sarrasins. Ce fut la dernière expédition militaire de Guil-
p-4'i2- laume. Quelques mois après il perdit sa femme Sibille, et
embrassa la vie monastique. Nous remarquerons en passant
qu'il n'est fait aucune mention de cette épouse dans le tes-
tament de I i46.
L'abbaye de Grandselve était récemment réunie à l'ordre
Und. p. .',',3. de Cîteaux, lorsqu'en 1 149 Guillaume y prit l'iiabit religieux.
Il fut employé, en i i5o, à fonder l'abbaye de Candeil, située
au diocèse d Alby, et dont Gansbert fut le premier abbé. De
Candeil Guillaume se rendit en Catalogne, où s'établissait
Manriq. ad l'abbaye de Valaure. Nous le trouvons, en i iSa, àClairvaux;
ann. iiSî, c. 6, j| venait y voir saint Bernard, qui depuis lui apparut, dit-on,
o. 5, n. i. 'à Grandselve, le 20 août 11 53, c'est-à-dire le jour même
de la mort du saint abbé de Clairvaux. Guillaume retourna
en Catalogne , et transféra labbaye de Vallaure à Santa-
Cruz en 1 157 : mais avant la fin de cette dernière année, il
était revenu a Candeil, et de -là à Grandselve où il mourut
Vaissette , en I i6i , OU 1 1 62, OU enfin 1 163. S'il a exercé les fonctions
t. II, p. 489. d'abbé de Vallaure ou de Santa-Cruz, il les avait sans doute
abdiquées avant sa mort. On l'a mis au nombre des saints de
l'ordre de Cîteaux , et quelquefois aussi au nombre des écri-
vains , en lui attribuant une vie de saint Jean , frère-convcrs
de l'abbaye de Grandselve : un fragment de cette édifiante
J..I <lec. — V. relation se lit au Ménologe cistercien. Elle est écrite par un
.i.-^ l'oeil. Bibi. Guillaume que Séguin fait abbé de Vallade en Angleterre;
(isKi.. p. lis. ^^ comme on ne connaît aucune abbave de ce nom dans
GUILLAUME VI, SEIGN. DE MONTPELLIER. 027
la Grande-Bretagne, on conjecture qu'il faut substituer, à xil SIECLE.
Vallade, Vallaure ou Valdrande en Catalogne, d'où l'on con-
dut à-la-fois que Guillaume VI a été abbé de ce monastère,
et qu'il est l'auteur de la vie du frère Jean de Grandselve :
hypothèse d'autant plus plausil^le , que Grandselve ayant été,
depuis 1149 jusqu'en iiGi, le séjour le plus ordinaire de
Guillaume de Montpellier, il a fort bien pu connaître le
frère iJean et devenir son panégyriste.
Dès que Guillaume VI se fut fait moine, son fils Guil-
laume VII, qui en 1 148 s'était distingué au siège de Tor-
tose , lui succéda en qualité de seigneur de Montpellier ;
il est qualifié ainsi dans un traité qu'il signa au mois de
juillet II 49- Le projet qu'il conçut de nommer lui-même
les curés et les prêtres des églises de sa seigneurie , le *
brouilla bientôt avec l'évéque de Maguelonne , et donna Vaissette ,
lieu, en 11 5o, h une lettre d'Eugène III, laquelle détermina *■ ^^'P- 465.
Guillaume à se désister de ses prétentions. Il épousa, en
II 56, Mathilde de Bourgogne, fillp de Hugues -le -Roux. ibid. j>. i,^s.
De longs démêlés avec le comte et la comtesse de Mel-
gueil composent la plus grande partie de l'histoire de ^*«'- p- 488
Guillaume VII : il s'agit de pareils différens dans les trois *' *"'^'
courtes lettres adressées par lui au roi Louis- le- Jeune. Ces Duchesne ,
lettres, une charte de 11 55 ou 56, qui consiste en une Scnpiner. Gai-
donation à Marie sœur du duc de Bourffoane, et un Testa- -,« ...'i* '' '
ate de 11 72, sont les seuls écrits authentiques que Spidi. t.viir,
nous ayons de ce seigneur de Montpellier. Le Testament P'?'', igS-
se trouve au Trésor des chartes , et ressemble , quoique plus inv.^de°Dupuyj
court, à celui de Guillavime VI. Dans l'un et dans l'autre , il t. v, p. 375.
est défendu de laisser exercer par un juif la charge de
bailli de Montpellier. Guillaume VII place son fils aîné ,
jusqu'à ce qu'il ait vingt ans, sous la garde de l'évéque
de Maguelonne. Des vers rhythmiques attribués à un Guil-
laume de Montpellier, qui florissait vers 1 190, ne sauraient oiearius, in
être de Guillaume VIL qui ne vivait plus en 1175. C'est à Abaco,p. 193.
Guillaume-Raimond evêque de Maguelonne, mort en 1 197, ~ °"'S-
vet. et nova.
a
u'appartiennent des Homélies qui portent aussi le nom Garioi, Séries
'un Guillaume de Montpellier : à quel propos un seigneur, pra-suium Ma-
guerrier de profession, aurait -il compose des homélies? s^ou. p. 2,..
Encore une fois, un Testament, une Charte, et trois Lettres
missives , voilà toutes les productions littéraires de Guil-
laume VII, si toutefois on leur peut donner un tel nom.
Pour achever, en fort peu de mots, la notice historique
oaS ETIENNE, ARCHEVEQUE DE VIENNE.
■\n SIECLE, de la vie de Guillaume VII , nous dirons qu'en 1 1 58
Vaisselle, Adrien IV lui adressa une lettre relative à la réconstruc-
t. II, p. 490. tion d'une église ; qu'entre Alexandre III et l'antipape Octa-
GuUi. Neubrig. vien OU Victor , il eut le bonheur de se décider pour le
Rer. Angi. liv. premier ; c[u'il résista même aux sollicitations de l'empereur
1 leurr 'hisT Fi'cdéric Barberousse, qui, en 1162, le pressait de livrer
Eccl.Iiv'.LXXl, Alexandre alors réfugié à Maguelonne; qu'Alexandre III en
"• 20. fut très-reconnaissant, et le prouva en écrivant à GuiflaTîme
Script. Rer. ^j. ^^^, Guillaume plusieurs lettres infiniment honoraljles
GalUc. t. XV, ,. , i
p. 7^5 , 779 , audit seigneur de Montpellier. Guillaume VII mourut en
782,842,9/17. iiya.
T. II. p. 443. Dom Vaissette , en parlant de Guillaume VI , dit que tous
les souverains de l'Europe qui vivaient en iG3o, descen-
• daieut de lui par les femmes. D.
'r-
ETIENNE,.
ARCHEVÊQUE DE VIENNE
EN DAUPHINÉ.
IN ou s n'avons de ce prélat qu'une Lettre, mais elle suffit
pour nous donner une idce avantageuse de sa capacité, et
pour lui mériter une place dans notre histoire. Si nous n'a-
vons pas d'autre production de sa plume , ce n'est pas foute
de talent, ni que les occasions de l'exercer lui aient manqué;
car nous verrons qu'il fut exposé à de grandes contradic-
tions de la part de ses ennemis , et c'est pour cela même
qu'il ne reste plus rien des écrits qu'il dut composer pour
sa défense.
Rien dans l'histoire de l'église de Vienne n'est plus obscur
que le temps de son épiscopat. Les deux frères de Sainte-
Marthe n'ont j)as même placé son nom dans le catalogue
Baïuz.Miscei. des archevêques de Vienne. Il est pourtant vrai qu'il était
t. VII, p. 74. déjà archevêque l'an i i3o , et qu'il assista, en cette qualité ,
au concile de Clermont en Auvergne, présidé par le pape
Péianl,p.224, Innocent II; il est encore vrai que, dès l'année précédente,
et Mal). Annal, jj (î^j^jj }çg.,f (Ju Saint Siège pour la décision d'un procès
^^' '' ' entre Ls abbayes jievS^Et-Rénigne-de-Dijon et de Lu.x^uil.
ETIENNE, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. Say
Nicolas Chorier, qui a avancé, sans preuves, qu'Etienne ^^i siècle.
était fils deThéodoric, comte de Bar et de Monçon, l'a con- chorier.Hist.
fondu mal -à-propos avec Etienne de Bar, évêque de Metz deDauph. t.ir,
depuis l'an 1 120 jusqu'à 1 163. Mais ce qui est bien prouvé, P'
c'est qu'il était chanoine de Saint -Ruf avant son épiscopat.
Aussi voit- on que, contre le gré de son chapitre, et mal- Chorier, î^jV.
gré l'opposition des abbés de Saint-Pierre et de Saint-André- P- ^^■
de-Vienne , il procura aux chanoines de Saint-Ruf un éta-
blissement sur le Rhône, dans un lieu appelé l'Isle; et c'est
peut-être une des causes qui attira sur lui l'orage qui le
mit aux prises avec les évêques de sa province. Il fut con- Martene ,
damné sans ménagement, dans un concile tenu à Bellai, ^^'j"'^.,'"'"' ^ '
sous la présidence de l'archevêque de Lyon , comme légat
du Saint Siège; concile qui ne se trouve dans aucune des
collections, dont on ignore l'année précise, et qui n'est
cormu que par la lettre d'Etienne au légat Albéric, évêque
d'Ostie.
S'étant pourvu, par appel, en cour de Rome, Etienne fut Mart. ibid.
cité à comparaître a Vézelai devant le légat Albéric , qui lui
prescrivit le mode de justification auquel il devait se sou-
mettre. C'était l'an 1 144 ou 1 145 ; mais ne trouvant ce mode
ni canonique ni praticable , après avoir réfuté les griefs
allégués contre lui, qu'il avait vendu des églises, qu'il avait
induit au parjure des militaires de sa dépendance , qu'il
avait quitté l'habit de son état, qu'il n'avait pas gardé la
continence , qu'il avait enfin altéré la monnaie , il déclare au
légat qu'il appelle de nouveau au pape, ben résolu, s'il
n'obtient justice, de retourner à Saint-Ruf
Il paraît qu'il y retourna , ou du moins qu'il se démit de
sa charge. Nous en avons la preuve dans une lettre que lui P^tri Clun.
adressa Pierre-le-Vénérable , abbé de Cluni , pour l'inviter à l'b- v,ep. ■>..
venir se fixer dans sa maison, non pour un temps, mais pour
toujours. « Si , dit-il , depuis le fâcheux accident qui vous a
« forcé de quitter Vienne et le siège archiépiscopal, je ne vous
« ai point écrit pour vous consoler, ce n'est pas que je n'aie
« pris beaucoup de part à votre infortune , mais je ne savais
« en cjuel lieu vous trouver. On nous disait que vous étiez
« tantôt à Saint-Ruf, tantôt dans quelque autre prieuré de
a l'ordre, tantôt dans d'autres églises. .. Venez donc à Cluni,
(c où tout sera à votre disposition; car il n'est pas décent
ce qu'une personne de votre caractère erre de lieu en lieu «.
Tome XIII. Tt
XII SIECLE.
Hist.del'Egl
de Vienne , p
2o4-
33o ETIENNE, ARCHEVÊQUE DE VIENNE.
L'abbé de Cluni écrivait cette lettre peu de temps avant le
concile de Reims de l'an 1 148.
I Nous ignorons si Etienne se rendit à cette pressante invi-
tation ; mais nous retrouvons ce prélat agrégé peu de temps
après au clergé de Lyon. Un nouvel archevêque, Humbert
de Bugei , gouvei^nait alors cette église; ne pouvant assister
en personne à l'assemblée de Chartres , convocpée par l'abbé
Suger l'an ii5o, il y envoie l'ancien archevêque de Vienne,
Suger. ep. i34. dont il loue les sentimens religieux et la grande expérience
dans les affaires : His igitur ex causis mittimus ad vos hune
venerabitem fratrem nostrum et dilectum ecclesiœ nostrœ
filiuni , domnum Stephanum, quondam Viennensem archie-
piscopum , virum utique religiosum et in maximis exerci-
tatum.
Après des témoignages aussi formels, on est étonné que
les historiens de l'église de Vienne traitent de fable ce que
Chorier avait avancé sur d'aussi bons garans. Maupertuis
accuse Chorier d'avoir ajouté à la lettre de Humbert ces
mots : quondam Fiennensem ardùepùcopuni ^ qui s'y trou-
vent textuellement dans toutes les éditions, et ne pouvant
retenir son indignation : «Je n'ai pu, dit-il, refuser cette
« digression à la juste indignation que m'a causée l'effron-
« terie du sieur Chorier, qui, en cent endroits de son his-
« toire , sème le mensonge et la fiction , et remplit tout de
« confusion par ses fausses dates et les erreurs chionolo-
« giques qu'on y rencontre à chaque page ». Charvet, d'un
ton plus modéré : « Je ne dirai pas avec lui (Chorier) cju'E-
« tienne renonça à l'épiscopat pour servir Dieu dans l'église
« de Lyon , en qualité de simple prêtre ; que son mérite l'y
« fit distinguer, et quil fut ensuite placé sur le siège de
« Metz : un semblable récit est plutôt un conte mal fabriqué.
« Qui croira qu'il soit venu dans la pensée d'un archevêque
« de Vienne , qu'il pouvait se cacher à Lyon et vivre inconnu
« dans le clergé de cette ville, et que son mérite seul l'y ait
« foit reconnaître '} Il vaut mieux laisser dans l'histoire le
« vide que l'on y trouve, que de le remphr par des fables «. La
maxime est bonne ; mais ce n'était pas ici le lieu de l'appli-
quer. La renonciation forcée ou volontaire d'Etienne à l'épis-
copat est un fait certain , sur lequel il n'y aurait jamais eu de
Hist.del'Ec;].
de Vienne , p.
336.
contestation , si on eut consulte les actes.
Chorier a sans doute eu tort de dire qu'Etienne passa en-
GÉNÉALOGIES DES ROIS DE FRANCE. 33 1
XII SIECLE.
suite à l'évêchë de Metz. Nous pensons qu'il remonta, l'an
II 56 , sur le siège de Vienne , et que celui qu'on nous donne
pour Etienne II n'est autre que lui-même; car rien ne prouve
que ce soit un personnage différent. Il était retourné à
Saint-Rut Tan ii53, comme on le voit par un jugement de
Geofifroi , évêque d'Avignon, en faveur du monastère de Saint-
Remi-de-Reims, dans lequel il est dit : Et hœc definitio facta Mab. Annal.
est in ptresentiâ Stephani cajionici S. Rit fi , quondam Vieil- t- VI, col. 645.
nensis archiepiscopi. Il est probable que Nicolas Brekspeare ,
lequel avait été chanoine et abbé de Saint- Ruf, étant par-
venu à la papauté sous le nom d'Adrien IV, après avoir mis
à néant la procédure du légat Albéric , aura rétabli son
ancien confi-ère dans ses droits , sans attendre la vacance
du siège , occupé alors par un bon chartreux qui ne deman-
dait pas mieux que de retourner dans son cloître. Si cette
conjecture n'est pas dépourvue dfe vraisemblance , il faut dire
qu'Etienne vécut jusqu'en 11 64, qui est l'époque qu'on as-
signe à la mort d'Etienne II.
Nous n'avons plus rien à dire sur la lettre qui a donné
lieu à cet article, lequel doit lui servir de commentaire.
Nous ajouterons que c'est à notre archevêque qu'Héri-
manne , moine de Saint- Martin -de -Tournai , a dédié un
Traité de sa composition sur l'Incarnation du Verbe, impri- Hisi.Liit.Fr.
mé par Casimir Oudin dans un recueil d'écrits de plusieurs *-^^^' P- ^^^■
théologiens de France et de la Belgique, pendant les XF et
XIP siècles. Hérimanne pouvait avoir connu notre arche-
vêque à Rome, où ils étaient l'un et l'autre, l'an ii45, à la
poursuite de leurs affaires. B.
ANONYMES
AUTEURS DE GENEALOGIES DES ROIS DE FRANCE.
iNous réunissons dans cet article plusieurs ouvrages généa-
logiques du XIF siècle , dont les auteurs sont inconnus. Le
mérite de ces sortes d'ouvrages, qui jettent un grand jour
sur l'histoire , étant reconnu de tout le monde , nous ne nous
arrêterons pas à le démontrer.
Tta
332 GENEALOGIES DES ROIS DE FRANCE.
\ll SIECLE. jo Genealogia B. Amidfi , metensis episcopi.
La généalogie de saint Arnoul, qui , après avoir été maire
du palais sous Théodebert II, roi d'Austrasie , fut fait évéque
de Metz l'an 6i i , selon le P. Le Cointe, ou fan 6i4, .selon
D. Mabillon , a beaucoup exercé la critique des savans ;
parce qu'on fait remonter jusqu'à lui l'origine de la seconde
race de nos rois , et même celle de la troisième , et par lui
jusc|u'à Tonantius Ferreolus , préfet du prétoire des Gaules.
Il n'est pas douteux que saint Arnoul ne soit la tige des
ancêtres de Pépin -le-Bref, cjui monta sur le tiône des rois
mérovingiens, et tous les savans en conviennent. Dode, son
épouse, lui donna deux fils, dont l'un, appelé Clodulfe, fut
aussi évêque de Metz , l'autre , nommé Ansigise , épousa
Begge, fille de Pépin- le-Vieux, et fut père de Pepin-le-Gros
ou d'Héristal , grand père de Pepin-le-Bref. ]\iais tout le
monde ne convient pas que le même saint Arnoul descendît
des rois de la première race par le mariage d'Ansbert, son
grand-père, avec Blitilde, soeur, dit-on, de Clotaire I ou II.
Marc- Antoine Dominicy, pour accréditer cette opinion,
a publié, dans un livre qui a pour titre Ansherti et Blitildis
familia redivwa , sept généalogies de saint Arnoul , compo-
sées en différens temps et par des auteurs différens, qui
toutes se terminent avec la seconde race. Il a plus fait ; il a
voulu prouver que les rois de la troisième race n'avaient pas
une autre origine , et pour cela il bâtit un système qui fait
descendre Hugues Capet d'un Childebrand , frère de Charles
Martel. Ce système n'était pas nouveau ; il avait été proposé
par le grand généalogiste André Duchesne , et adopté par
la foule des savans, Charles de Combaut, baron d'Auteuil,
■ Jean du Bouchet , David Blondel , le P. Le Cointe et le
P. Labbe ; mais Dominicy s'en déclara le défenseur contre
les Vindiciœ Hispanicœ de Jean- Jacques Chifflet, et contre
un discours historique de Louis Chantereau Lefèvre, qui
relèguent aux fables ce faux Childebrand. On croyait alors
qu'il était fort important de prouver que la troisième race
descendait de la seconde , non seulement par les femmes ,
mais encore par les mâles , afin de laver Hugues Capet du
vice d'usurpation ou d'intrusion. Mais ce système n'a pas
fait fortune , non plus que celui qui donne à Hugues Capet
une origine saxonne.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces différens
systèmes. Nous ne parlerons pas non plus des sept généalo-
GÉNÉALOGIES DEIS ROIS DE FRANCE. 333
gies anciennes , produites par Dominicy. Elles sont trop éloi- ^n siècle.
gnëes de l'ëpoque où nous en sommes pour que nous devions ""
nous occuper des autevn^s qui les ont composées et de leurs '
écrits. Mais il en existe une autre plus considérable, publiée ^e,. j-,.an
par André Duchesne, qui est celle dont nous avons entrepris Script, t. ii.p.
de rendre compte. ^'*'^'
Elle est composée de deux parties et par deux auteurs
diftérens , dont l'un é< rivait en 1 1 64 , comme il le dit lui-
même en parlant de Thierri de Bar, qui tut élu cette même
année évêque de Metz, mine Metensem elcctuni ; et l'autre,
qui vivait en ia6i , n'a fait qu'ajouter aux suites généalo-
giques, données par le premier, les générations subsécjuentes
jusqu'à son temps. Nous ne devons donc nous occuper que
du premier. ï
Après avoir tracé le tableau généalogique des rois de la
première et de la seconde dynastie, l'auteur anonyme donne
la descendance de Henri-l'Oiseleur, duc de Saxe, dont une
des filles fut la mère de Hugues Capet, et de cette famille il
fait sortir tous les princes qui jusqu'à son temps régnèrent
en Saxe, en Italie , en Germanie, en France, en Normandie,
en Bavière , en Suabe , en Hongrie , en Bohême , dans les
deux Lorraines et en Flandre. Les continuateurs du Recueil T. xiii.p. 6'|6.
des histoi'iens de France ont réimprimé avec des notes cette
troisième partie , mais ils n'ont pas jugé à propos de réim-
primer les tableaux généalogiques des deux premières races,
qui aussi bien n'apprennent rien de nouveau.
II. Genealogia Caroli Magni.
Nous avons plusieurs généalogies qui retracent les des-
cendans de la famille de Charlemagne. M. le baron Le Roi,
dans ses notes sur les généalogies de Hainaut par Baudoin
d'Avesnes , en produit une qui paraît avoir été composée sur
la fin du XF siècle ou au commencement du suivant. Elle
commence à Charles , duc de Lorraine, dernier rejeton
mâle de la famille de Charlemagne. D. Luc Dacheri en a Spidi. info!.
publié une autre cjui donne non-seulement les descendans '■ ^^'P- ^a^-
de Charlemagne, mais encore ses ascendans, en remontant
jusqu'à Priam.»Il l'avait trouvée à la fin du manuscrit qui
contenait la chronicpie de Saint-Médard de Soissons. Elle
finit, comme la précédente, par la généalogie de deux prin- *
cesses . filles de Charles, duc de Lorraine. D. Martène ayant Anecd. t.iii,
rencontré cette généalogie du duc Charles à la suite de la <'oi- J^^'-
chronique de Laubes , l'a aussi imprimée , et après lui les
334 GÉNÉALOGIES DES. ROIS DE FRANCE.
xn SIECLE, continuateurs du Recueil des historiens de France l'ont
T. XIII p. 585. iiiserée dans leur collection, parce qu'elle renferme les deux
autres, et qu'elle descend un peu plus bas, c'est-à-dire,
jusqu'à l'année 1170. Mais ils ont marqué les petites diffé-
rences qui se rencontrent dans ces diverses rétlactions.
L'objet de l'écrivain est d'indiquer les familles qui , par
les femmes , ont perpétué la race de Charlemagne. Charles ,
duc de Lorraine, oncle de Louis V, dernier roi de la dynas-
tie carlienne, eut, entre autres enfans, deux HUes, Ermèn-
garde et Gerberge. Ermengarde fut mariée à Albert , comte
de Namur, et de ce mariage sortirent les comtes de Namur,
de Durbui et de la Roche, en Ardennes; Gerberge entra dans
la maison des comtes de Louvain et de Bruxelles. D'autres
princesses issues de celles-ci portèrent le sang de Charle-
magne dans les familles des comtes de Hainaut et des comtes
de Boulogne-sur-mer. C'est ce qu'on voit dans ce petit mor-
ceau généalogique.
IIÎ. Genealogia regiini Francorum tertiœ stirpis , et qua-
rumdain illustrium familianun ex ed per maternwn genus
derivatanim.
lîouquet , t. Cette Généalogie a été publiée pour la première fois à la
>pï-9- j-^fg fj^^ quatorzième volume du Recueil des historiens de
France par les Bénédictins , sur un manuscrit qui avait ap-
partenu à D. Thierri Ruinart, et qui est aujourd hui à la
Bibliothèque impériale. C'est un petit cahier de douze feuillets
de parchemin in-4° , d'une belle écriture du XIP siècle.
L'auteur de cette Généalogie ne prend l'origine des rois de
la troisième dynastie qu'à dater de Robert- le-Fort, comte
d'Anjou , sans remonter plus haut. C'est l'opinion à laquelle
se sont arrêtés presque tous les modernes qui, au-delà de
Robert -le -Fort, n'ont trouvé qu'incertitude et obscurité
dans les filiations. Cette partie , qui est fort succincte,
se termine à Louis VII , surnomme le Jeune , et ne parle
pas de son fils Philippe Auguste ; ce qui prouve que cet ano-
nyme écrivait avant la naissance de ce prince. On voit
d'ailleurs qu'il ne rapporte aucun fait qui soit postéi'ieur à
l'année 11 60 ou 1161 : d'oii l'on peut conclure que cette
Généalogie a été dressée dans l'espace de temps qui s'est
écoulé depuis cette dernière année jusqu'à l'année ii65.
Une chose digne de remarque, c'est que l'auteur ne donne
pas le nom de Capet à Hugues , qui fut le premier roi de la
troisième dynastie , mais à son père Hugues-le-Grand , duc
GÉNÉALOGIES DES ROIS DE FRANCE. 335
des Français, crue d'autres appellent Hugues l'abbé, parce
qu'il e'tait abbe de Saint-Martin-de-Tours et de plusieurs
autres abbayes, selon la coutume qui s'était établie, depuis
Charles Martel, de donner les abbayes à des laïcs, pour
en être les défenseurs ou les avoués. On sait que ces conces-
sions, qui d'abord ne furent que temporaires ou à vie, de-
vinrent ensuite des propi'iétés comme les fiefs. Ces abbés
laïcs furent appelés Ahhncoinites ou Ahhatcs- milites, selon
la dignité séculière dont ils étaient revêtus. Nous laisons
cette remarque parce qu'elle sert à expliquer le surnom de
Capet, Cappatus, que notre généalogiste donne à Hugues
l'abbé. A la vérité , il dit que ce surnom lui fut donné à
cause de la chape de notre Seigneur , qu'il avait apportée en
France, au retour d'un voyage à la Terre -Sainte. Mais ce
texte a donné lieu au rédacteur de cet article d'éclaircir cette
origine; il croit que le nom de chape ou porte-chape vient
plutôt de la chape de saint Martin , que les abbés dîe ce mo-
nastère étaient dans l'usage de porter à la tête des armées.
C'est pourquoi le surnom de Chape , qui fut donné d'abord
à Hugues l'abbé, est resté à son fils Hugues, qu'on a sur-
nommé Capet , cortime un diminutif de Cappatus , le petit
Chape , pour le distingiier de l'ancien.
Après ce court tableau généalogique de nos rois , l'auteur
entreprend de décrire la descendance de deux princesses de
la troisième race , desquelles sont sorties les principales
familles du nord de la France. L'une de ces princesses, fille
de Hugues Capet, nommée Hadevide, fut mariée à Rainier IV,
comte de Mons en Hainaut, et de ce mariage sortirent, en-
core par les femmes, les comtes de Rouci, de Marie et de
Rethel, etc. L'auteur entre sur ces familles dans un plus
grand détail que sur celles qui sortirent du sang français
d'une autre princesse , fille du roi Robert, qu'il appelle Ala ,
et que d'autres appellent Athela ou Adela. Celle-ci avait
épousé Baudouin de Lille ou le Pieux, comte de Flandre,
dont il ne fait que nommer les enfans mâles; mais il s'étend
un peu plus sur une des filles qu'il nomme Ala , comme sa
mère, quoique tous les historiens l'appellent Mathilde. Elle
épousa Guillavime, duc de Normandie, avant la conquête
de TAngleterre, et fut mère de la comtesse Adèle, épouse
d'Etienne , comte de Chartres et de Blois , desquels il décrit
la descendance. Il ajoute qu'Ala, fille du roi Robert, eut
encore deux filles , dont l'une épousa Canut , roi de Dane-
Xn SIECLE.
33G
HUGUES DE CLEERS.
Bouquet
XIV, p. 9.
Kii SIECLE, marck, et l'autre Thierri, comte d'Alsace; mais il se trompe.
Celles-ci étaient filles de Robert le Frison , et la princesse
Ala était leur grand'mère.
Il est visible que l'auteur de cette généalogie n'a eu en vue
que de décrire la postérité de Hadevide , fille de Hugues
Capet, à laquelle il se hâte de revenir, et sur laquelle il
s'arrête avec complaisance, et cela pour prouver l'illustre
origine de Barthélemi de Jura , évêque de Laon , qui , après
avoir gouverné ce diocèse depuis l'année 1 1 13 jusqu'en i i5r,
*• s'était retiré à l'abbaye de Foigni , dans la Thiérache , noi'is-
swiè devotus in Fusniaco inonachus , oii était pour lors abbé
Robert, petit neveu de Barthélemi par sa mère. D'oii l'on
peut conclure que l'auteur de cette Généalogie était un moine
de Foigni, si ce n'est l'abbé Robert lui-même, qui, de con-
cert avec Barthélemi, aura dressé cette Généalogie. Si cela
est, elle mérite d'autant plus notre confiance qu'ils devaient
connaître mieux que tout autre leur propre famille. Au
reste , Hérimanne , abbé de Saint-Martin-de-Tournai [a) avait
déjà traité ce sujet dans un ouvrage qu'il dédia à Barthélemi,
r- sous ce titre : De Miraculis B. Mariœ Laudunensis ^ et de
venerahilis Bartholomœi episcopi et S. Norberti gestis , im-
primé à la suite des œuvres de Guibert, abbé de Nogent. Il
donne au chapitre 1 la généalogie de notre prélat, tpii, quant
au fond , est la inême que celle dont nous rendons compte,
mais moins étendue. B.
Guib. op
f>28.
HUGUES DE CLÉERS.
SÉNÉCHAL DE LA FLÈCHE ET DE BAUGÉ.
Généal. de
laeneai. ue t
Mariigné,p.32. I^'Anjou fut le pays natal de Hugues de Cléers, en latin
de Cleeriis. Sa maison était noble; on prétend que c'est celle
des Clers qui subsistait encore dans ces derniers temps, et
portait d'or à six chevrons d'azur. Quoi qu'il en soit , Hugues
(a) Au tome XII de cette Histoire , page 289 , on a fait deux person-
nages différens d'Hérinianne qui fut abbé de Saint-Martin-de-Tournai.
et de celui qui composa la relation des miracles de N. D. de Laon. Le
continuateur du Recueil des historiens de France n'en fait avec Fabri-
cius qu'un seul et même auteur. Voyez comment il le prouve dans la
préface du tome XIV, page xcviii.
HUGUES DE CLÉERS. 337
tint un rang distingue parmi la noblesse angevine de son ^H sieclE.
temps. Une charte de l'abbaye de Vendôme, de l'an ii46, '
lui donne le titre de sénéchal de la Flèche et de Beaugé,
dapifer Fissœ et Balgiaci. En 11 18 ou 11 19, il fut envoyé
à la cour de France par Foulques V, comte d'Anjou, qui fut
depuis roi de Jérusalem , pour remplir une négociation im-
portante, dont il a laissé par écrit une relation instructive
et curieuse, qui fera le sujet de cet article.
Hugues avait deux frères, Geoffroi et Foulques, qui sont vita Gaufridi
nommés dans l'histoire de Geoffroi Plantegenet, comte d'An- *^°™- Andegar.
jou, par le moine Jean de Marmoutier. Ce prince honora ^' '^'
singulièrement les trois frères et se servit utilement de leurs
conseils ; il eut également lieu d'être content de leurs ser-
vices dont il fit l'épreuve en diverses rencontres , et particu-
lièrement en l'année ii44i pendant la guerre qu'il eut à
soutenir contre Robert de Sablé c[ui avait engage dans son
parti presque tous les barons de l'Anjou. Le comte Geoffroi Ménage, Hist.
de son côté assembla ceux de ses barons qui étaient de- deSablt,p.i6i.
meures dans ses intérêts, à la tête desquels le moine de
Marmoutier nomme Hugues de Cléers et ses frères : quorum
maximi et principales erant Hugo de Cleeriis et duo fvatres
eius , Gaufridus et Fulco. Cette guerre ayant fini par la
défaite des rebelles , ne fit pas moins d'honneur à la valeur
C[u'à la fidélité des trois frères.
Vers l'an 11 56, Hugues fut présent à un accord passé à Baïuz.Miscei.
Orléans entre le roi Louis -le -Jeune et Henri II, roi d'An- '• ï^i p- 486.
gleterre, touchant la garde de l'abbaye de Saint- Julien-de-
Tours, que le roi d'Angleterre revendiquait comme devant
lui appartenir en sa qualité de grand dapifère de la cour de
France , héréditaire clans sa maison. Les lettres qu'expédia le
roi d'Angleterre pour annoncer cet accord à tous ses sujets,
fîdelibus suis, ne portent point de date; mais il paraît que
ce fut peu après c[u'il eût rendu hommage , cette même RogpiHoved.
année, a Louis-le- Jeune pour tous les domaines qu'il possé- ^' Robert du
dait en i^rance; et certaniement avant lan 1109, puisque
Robert de Neubourg, qui mourut cette année, est nommé
dans l'acte (a). Il est probable que ce fut à cette occasion,
(a) Du Tillet , cité par le P. Daniel, Hist. de la Milice française , liv. III,
chap. X, attribue ces lettres à Henri III, roi d'Angleterre. C'est une erreur
que le P. Daniel ne relève pas. D. Mabillon , de Re dip/oin. \>. 6o5 , a im-
primé ces mêmes lettres sur une copie défectueuse de D. Etiennot, avef
Tome XIII. Vv
338 HUGUES DE CLEERS.
XII SIECLE, et pour établir les droits que revendiquait le roi d'Angle-
terre, que Hugues di-essa la relation dont nous avons à rendre
compte.
Le surplus des actions de Hugues est demeuré dans l'oubli.
On ignore aussi la date de son décès. 11 vivait encore en
II 64, époque où saint Thomas de Cantorbéry lui adressa
inter ep. S. une lettre , selon le témoignage de Jean de Belmeis , évêque
Thom^jib.l, de Poitiers.
rp. I , p. 3. - ,, , . .
Hugues est auteur d un écrit important qui a pour titre :
Hugonis de Cleeriis cornmentarius de majoratu et senescaliâ
Franciœ , Andegavorum oliin comitibus liereditarià. C'est
la relation et une espèce de procès-verbal d'une négociation
dont il avait été chargé, en 1119, auprès de Louis-le-Gros,
par Foulques V, comte d'Anjou, et qu'il avait heureusement
terminée.
A cette époque le roi de France était en guerre avec
Henri I, roi d'Angleterre, et avait eu le malheur d'être battu
complètement à la bataille de Brenneville. Pour réparer cet
échec et se procurer de nouvelles forces , il ap}>ela le secours
de tous ses vassaux. Le comte d'Anjou refusa de faii-e le
service à larmée jusqu'à ce que le roi feùt rétabli dans sa
dignité de grand sénéchal de France, qu'il prétendait être
héréditaire dans sa famille , et dont le roi ou cjuelqu'un de
ses prédécesseurs l'avait dépouillé. Louis, qui était dans la
détresse et avait un extrême besoin de secours , ne se montra
pas difficile; il fit savoir au comte qu'il était prêt à lui ren-
dre justice sur ce point et sur tout autre; mais qu'il ferait
examiner la chose. Sur cela Hugues de Cléers, muni du titre
de la maison d'Anjou relatif à la dignité de sénéchal , fut
envoyé à la cour du roi pour le remercier de ses bonnes
dispositions, et stij)uler les intérêts de son maître qu'il sut
concilier avec les intérêts du roi à la satisfaction des deux
parties.
Tel est le précis de cet écrit, qu'il serait peut-être à -pro-
pos de transcrire ici , à raison de son importance et parce
qu'il n'est pas bien long , et sur-tout parce cju'il a donné
lieu à beaucoup de discussions parmi les critiques. Mais il
a déjà été impiimé tant de fois eu latin et en français, qu'il
la date 1288, qui, ilans l'étlition de Baluze, est celle de lexpéditlon de
l'acte par un riotuire. Le savant Rlabillon n'a pas fait attention que ce n était
pas l'usage des rois d'Angleterre" de dater leurs lettres , et que les témoins
qui y sont dénommés vivaient tous au XIl^ siècle.
HUGUES DE CLÉERS. 339
est inutile de le reproduire. On peut le voir parmi les notes Xll SIECLE.
du P. Sirniond sur les lettres de GeotTroi de Vendôme ,
page 98 , d'où il a passé dans la Bibliothèque des Pères ,
tome XXI, page 116; dans le Recueil des historiens de
France de Duchesne , tome IV, page 028 ; et dans celui de
D. Bouquet, tome XII, page 492; dans Baluze,tome IV, de
ses Mélanges, page 474; et en français dans le Traité du
président Fauchet, des Dignités et Magistrats de France, et
mieux encore dans le P. Daniel , histoire de la milice fran-
çaise, livre III, cliap. 10; enfui avec un long commentaire
dans le baron d'Auteuil, Histoire des ministres d'état, page 1 14
— 122. Mais nous ne pouvons nous dispenser d'entrer dans
les discussions de critique auxquelles cet écrit a donné lieu.
Il est composé de deux parties : la première a pour titre:
Hoc scriptum fecit Fulco cornes Hierosolymitanus , in eccle-
sid Sepulchri de Lochis cïim magna sepultus honorificentid
(c'est Foulques Nerra dit le Jérosolymitain, mort en io4o)
de donis factis antecessorihus suis a rege Francice. Cette
partie que l'auteur dit avoir transcrite fidèlement sur l'exem-
plaire qui était conservé dans l'église du Saint-Sépulcre à
Loches , est une pièce visiblement supposée ; elle fourmille
d'anachronismes. Nous ne les relèverons pas ici; nous ne
])ourrions que répéter les observations déjà faites par le
P. Daniel à l'endroit cité; mais il n'en est pas de même de
la seconde partie qui contient la relation du voyage et de la
négociation de Hugues de Cléers. Cependant cette partie, qui
porte tous les caractères de la sincérité, a aussi trouvé des
contradicteurs.
L'auteur de la Chronologie militaire prétend que c'est une Pinard, 1. 1,
invention postérieure au XIIFsiècle ; et la raison qu'il en donne,
« c'est quil y est parlé non- seulement des maréchaux du
« roi en nombre pluriel, dès le temps du comte Foulques
« et de Louis-le-Gros , vers 1 1 13 ou 1 1 18, mais encore dune
« espèce d'officier des troupes des communes , appelé conné-
« table, comme existant sous Hugues Capet ou son fils le
« roi Robert. Or, il est authentiquement prouvé, dit-il, que
« pendant long-temps il n'y a eu qu'un seul maréchal en
(c France , et que ce n'est qu'entre les années 1 260 et 1 270
« qu'il en fut créé un second; et qu'avant le règne de Phi-
tt lippe-le-Bel , c'est-à-dire, avant les années 1290 et i3oo,
« les monumens de notre histoire militaire ne parlent en
« aucune façon de cet officier des troupes des communes
Vva
49.
34o HUGUES DE CLÉERS.
XII SIECLE. « qu'on appelait connétable. Cet écrit, conclut -on, est donc
« nécessairement postérieur à ces époques, et fabriqué de-
ce puis ces mêmes époques par un homme qui a ci'u que
« les choses avaient toujours été telles qu'il les voyait de son
« temps». Pour appuyer son opinion, l'auteur ajoute en
note : « Remarquez que l'écrit de Hugues de Cléers ne se
« rencontre dans aucun des cinq manuscrits du Gesta con-
«. suliini yindegai^'eiisiwn, qui sont à la bibliothèque du roi.
ce Ces manuscrits sont 6004, 6oo5, 6006, 6018, 6219. Tous
« ces manuscrits diffèrent entre eux, et nul ne renferme le
et Commentarius de notre auteur, ni en tout ni en par-
ce tie. » Telle est la critique et la remarque de Pinard. A
cela nous répondons : sans doute les charges de maréchal
et de connétable n'étaient pas au XP et XII"^ siècles ce
quelles devinrent depuis; mais nier que ces charges exis-
tassent alors et même auparavant (<^), c'est n'avoir aucune
connaissance des monumens de l'histoire. On a de meilleurs
argumens pour prouver la supposition de la première partie
de l'écrit tlu chevalier de Cléers ; mais quant à la partie qui
contient sa négociation , elle est appuyée sur tant d'aiitres
monumens. authentiques , qu'elle nous paraît inattaquable
sous le rapport de l'ancienneté. Nous avons rapporté plus
haut des lettres de Henri II, roi d'Angleterre, dans lesquelles
Hugues de Cléers est cité comme témoin. Ce prince y déclare
qu'en sa qualité de sénéchal de France, il a la garde de l'ab-
baye de Saint- Julien -de-Tours, comme le roi de France,
dit-il, l'a reconnu dans une audience publique ta Orléans:
Sciatis quod fcx Frariciœ Aurelianis in conimuni audientiâ
recognoi'it , quod ciistodia ahhatiœ S. Juliani Turonensis ad
vie pertinet ex dignitate dapiferatûs mai. On voit qu'à cette
époque, c'est-à-dire vers i ib6, on ne mettait pas en question
si le dapiferat de France appartenait aux comtes cl Anjou,
mais si la garde de l'abbaye de Saint -Julien -de -Tours était
comprise dans ses attributions.
Un autre monument de la dignité de sénéchal attachée
(a) Nous n'acciimiilerons pas ici les citations ; nous ne ti-anscrirons
qu'un passage de la Constitution de Cbarles-le-Gios, empereur, louchant
son expédition de Rome. 11 est dit, § 6 : Sins;ull veto principes suas habeant
ofjicionarios spéciales , Blarschalcum , Dapi/erum , Pincernani et Kamera-
riiun : qui quatuor qiuinto plus in stipendia , in vestitu , in equitatu , prœ
cœtcris sunt honorandi , scilicet et nnicuique istorum deccni librœ cu/n tribus
equis tribuantur , quartus Marschalco addatur, etc.
HUGUES DE CLÉERS. 34i
au titre de comte d'Anjou , est le te'moignage de Robert , xil SIECLE.
abbé du Mont, qui écrivait au XIP siècle. Cet historien
raconte qu'en 1 164, Louis -le -Jeune, en mariant une de ses
filles avecf Thibaud comte de Chartres et de Blois, lui con-
féra la dignité de sénéchal qui d'ancienne date appartenait
au comte d'Anjou, si bien que de notre temps Raoul de
Péronne en faisait le service pour lui, et reconnaissait qu'il
lui en devait l'hommage comme à son suzerain : Quem
cornes Ande^aK'ensis antiquitiis hahebat , undè etiam nostris
temporibiis Raditlpîius de Parrond pro co seniebat , undè ci
homagiam faciens ut dominum honorabat. Mais en 1 169, au
jour de l'Epiphanie, il y eut un traité de paix conclu entre
le roi Louis-le-Jeune et Henri II , roi d'Angleterre ; le résultat
de ce traité fut que le fds du roi d'Angleterre fit hommage
au roi de France, son beau-père, pour le comté d'Anjou et
le duché de Bretagne, et que le roi de France lui donna
l'investiture de la scnechalie comme un droit attaché à son
fief. Voici le texte de Robert du Mont : Et concessit ei rex Rob.deMonte
Franciœ^ ut esset sencscaUus Franciœ , quod pertinet ^,7 ^^ .mn. 1169.
feuduni Andegavcnse. Il ajoute qu'un mois après, au jour
de la Pui^ification , le jeune prince en fit les fonctions en
servant le roi à table : In Puiificatione beatœ Mariée fuit
Henricus filius régis Anglorwn Parisius, et sendvit régi Fran-
corwn ad mensani ut senescallus Fianciœ. Et tout de suite :
Hanc senescalciam ^ vel ut antiquitiis dicebatur, majoratum
domûs regiœ , Robertus rex Franciœ dédit Gaufrido Grisa-
gonella comiti Andegavorum , etc. C'est en abrégé la pre-
mière partie de l'écrit de Hugues de Cléers. Il était dfonc
connu et même public au XIF siècle , cet écrit. Comment
donc accorder a l'auteur de la Chronologie militaire qu'il
n'a été fabriqué qu'après le XIIP siècle?
Quant à l'induction qu'il prétend tirer du silence des ma-
nuscrits du roi , contenant le Gesta consulum Andegaven-
sium, dont aucun, à ce qu'il assure, ne contient, ni en tout
ni en partie, fécrit de Hugues de Cléers, quoicju'il existât, au
moins quant à la première partie, dans celui qu'a fait im- Spitil. t. X,
primer D. Luc Dacheri; il est aisé de lui répondre : c'est P' '*'''■
que le Gesta consulum est plus ancien que l'écrit de Hugues;
celui-là finit en i i5i , à la mort de Gecffroi-îe-Bel, dit Plan-
tagenet, et j'ai prouvé ci-devant que Hugues de Cléers n'a
vraisemblablement composé le sien que vers 11 56. Il ne
donne pas la première partie de cet écrit comme un ouvrage
342 HUGUES DE CLÉERS.
>:n SIECLE, de sa composition; il dit qu'elle était conservée dans l'église
du Saint -Sépulcre à Loches comme l'ouvrage de Foulques
Nerra , et il le donne comme le fondement des prétentions
des comtes d'Anjou. Il est probable que, faute a# critique,
Hugues le croyait sincère et véritable , quoique tout annonce
sa supposition; ou, si l'on veut, lui et son maître avaient
trop d'intérêt à le trouver bon , pour ne pas le regarder
comme sincère.
Si l'on demande comment à la cour de France on a pu se
contenter d'un titre aussi vicieux que l'écrit de Foulques
Nerra, pour accorder aux comtes d'Anjou leurs prétentions,
voici quelle est la réponse du P. Daniel , que nous adoptons
Daniel, ibid. avcc quelques modifications : « Il y a beaucoup d'apparence,
ce dit-il , que Geofroi Grisegonelle fut fait grand sénéchal ,
«non par le roi Robert, comme porte ce titre, mais par
« Lotliaire ou Louis V, dernier roi de la seconde race; que
« Foulques , son fils, surnommé le Noir, lui succéda après sa
« mort dans cette dignité , comme dans un bien qui lui ap-
« partenait, selon la coutume des grands vassaux de ce temps-
(c là, qui s'appropriaient ce que leurs pères avaient possédé,
« soit des terres des domaines du roi, soit des charges; qvie
« Hugues Capet, qui ne faisait que monter sur le trône, et
« Robert, son fils, qu'il s'associa, le laissèrent en possession
«de cette charge; que le roi Henri F' et Philippe F"" en
« gratifièrent encore ses successeurs jusqu'à Foulques V, qui
« fut depuis roi de Jérusalem , sous lequel le différent se leva
«et fut vidé en sa faveur. A cette époque, Louis-le-Gros
« ayant besoin de lui contre Henri F' , roi d'Angleterre , con-
« sentit que la chose fut examinée , avec promesse de lui
« Instituer cette charge , s'il pouvait prouver qu'elle avait été
« conférée à Geofroi Grisegonelle pour ses successeurs ; que
« le comte Foulques ou ses ministres pi'oduisirent alors l'écrit
« de Foulques Nerra , vrai ou supposé ; que l'ignorance de
« l'histoire à la cour de France la fit recevoir comme une
«pièce véritable; ou bien (et c'est, dit-il, ce qui me paraît
«le plus vraisemblable), que Louis-le-Gros ayant grand
« intérêt à avoir le comte dans son parti , reçut comme un
« bon titre ce qui en était un fort mauvais , et lui accorda ce
« qu'il ne pouvait lui refuser sans un grand danger pour son
«état; qu'il consentit alors cpie les sénéchaux de France,
« dont on a la suite depuis le règne de Louis-le-Gros [et
« même depuis l'année 1060], fissent à ce comte et à ses
HUGUES DE CLEERS. 34'J
« successeurs hommage de leur charge , comme au grand xil SIECLE.
« sénéchal , ainsi que l'atteste Hugues de Cléers , à la tin de
« l'histoire de sa négociation avec Louis -le- Gros. » C'est ce
qu'on peut imaginer de plus plausible pour expliquer l'heu-
reux résultat de cette négociation.
Quoique nous rejetions la première partie de l'écrit du
chevalier de Cléers comme une pièce supposée , nous n'en
regardons pas moins la seconde comme un monument
curieux et très -intéressant pour l'histoire.
On y voit que le sénéchal de France était aussi appelé
Dapifer et Major doinûs regiœ. C'est que cette charge avait
succédé à l'ancienne dignité des maires du palais. Les rois
Carlovingiens , instruits , aux dépens des Mérovingiens qu'ils
avaient dépouillés, du danger qui pouvait résulter cle la
trop grande puissance des maires , n'eurent garde de rétablir
cette dignité. Cependant, pour conserver quelque chose de
l'ancien établissement, ils créèrent des comtes du palais, qui,
comme les anciens maires, avaient l'intendance de la maison
royale, administraient la justice, et jouissaient de beaucoup
d'autres prérogatives. Les Carlovingiens avaient dans leur
maison plusieu]»s autres charge^ mais celle des comtes du
palais paraît avoir été la plus considérable.
Les premiers Capétiens , soit que cette charge leur parût
trop relevée, soit que , dans un commencement de dynastie,
on aime à innover, les Capétiens, dis-je, sans supprimer
la charge des comtes du palais, élevèrent à un haut degré
de puissance la dignité de sénéchal, qui jusque-là n'avait
été cpi'une charge d'un ordre inférieur ; ils la rendirent à la
fin la première du royaume , quoique celle des comtes du
palais conservât encore quelques restes de son ancien éclat,
et se soit perpétuée long -temps dans la famille des comtes
de Champagne, qui s'en étaient réservé- le titre, comme
ayant été probablement les vrais et les plus anciens comtes
du palais. De-Kà vient que la charge de sénéchal est appelée
indistinctement par les historiens et dans les chartes, tantôt
MajoT^atus , tantôt Dapiferatus doviùs regiœ, comme ayant
succédé aux droits et prérogatives et des maires et des comtes
du palais. Il est certain que Philippe Y^ la mit au rang des
grands officiers de la couronne, qu'il réduisit au nom!)re de
cinq, parmi lesquels le sénéchal , dans la souscription des
chaites, tient toujours le premier rang.
On ne peut décider sur un titre aussi vicieux que celui
344 HUGUES DE CLÉERS.
XII SIECLE, que produisit Hugues de Cleers , si effectivement les comtes
d'Anjou furent étal^lis sénéchaux de France au commence-
ment de la troisième race ; en supposant la vérité du fait , on
ignore encore à quelle époque ils cessèrent d'exercer les
fonctions de cette charge , dont ils ne s'étaient réservé que
les droits honorificpies , droits dont ils ne jouissaient plus au
commencement du XIF siècle. Notre historien semble indi-
3uerque ce fut Louis-le-Gros qui en avait dépouillé le comte
'Anjou : Cornes ei respondit quod nullo modo ei servira dehe-
hat ^ euni nainque de majoratit et senescalcid Franciœ exhœ-
reditahat. Il nous paraît plus prolîable que ce fut Philippe F'",
à l'occasion de la brouillerie c[ui s'éleva entre ce prince et
Foulques le Réchin , dont il avait enlevé la femme. Dès le
commencement de ce règne , on trouve des sénéchaux de la
cour autres que les comtes d'Anjou, dont vraisemblablement
ils n'étaient cjue les représentans ou les mandataires fieffés ;
car, à cette époque, tout se donnait en tief, les charges et
offices comme les terres et les seigneuries. Mais , à l'époque
de l'enlèvement de Bertrade et des ressorts que faisait jouer
le comte d'Anjou pour ravoir sa femme , il est probable que
le roi de France dispensa, ses sénéchaux ordinaires de lui
rendre hommage. Louis-le-Gros, à son avènement au trône,
avait laissé les choses dans l'état où il les trouvait, et c'est
dans ce sens qu'il faut entendre ce que dit le chevalier de
Cléers, qu'il ôtait au comte d'Anjou cette portion de son
héritage.
Quoi cju'il en soit , voici , d'après l'écrit de Hugues , quels
étaient les droits et les prérogatives du grand sénéchal de
France, tels qvi'ils furent reconnus en 1 119 par Louis-le-Gros.
A cette époque, le comte d'Anjou ne prétendait plus à
l'exercice de la charge de sénéchal ; il n'en demandait que les
droits honorifiques, la mouvance et la supériorité féodale:
Ihique recognita sunt jura comitis , videlicet majoratus et
senescalcia Franciœ. GuiUelnms de Garlandd , tune Franciœ
senescallus , recognovit in illo coUoquio hominiuin se debere
comiti Fulconi de senescalcid Franciœ , et inde fuit in Dolun-
tate comitis. Post GuHlehnvm fuit senescallus Stephanus de
Garlandd , quifecit hominiuni comiti. Post Stephanum Ra-
dulfus Peronœ cornes , qui similiter fecit hominia et servitium.
Raoul de Péronne ou de Vermandois moui'ut en 11 52 : cela
prouve ce cjue j'ai avancé plus haut , que cet écrit n'a été
composé que vers 11 56, lorsque Henri II, roi d'Angleterre,
HUGUES DE CLÉERS. 345
avant que de rendre hommage au roi de France , stipulait ses Xil SIECLE.
droits. Or voici quels étaient les droits attachés à la dignité
de grand sénéchal ; ils répondent aux prérogatives qui ont
été depuis attachées à la dignité de connétable et à celle de
grand maître de l'hôtel, c'est-à-dire, qu'elle était la première
charge militaire et la plus considérable de la mSÎson du roi.
On le voit par le détail dans lequel est entré notre historien.
. 1° Il commence par les attributions relatives à la charge
de grand maître de la maison du roi. « Voici l'hommage et
« les services que celui qui sera sénéchal de France fera au
« comte : lorsque le comte se rend à la cour du seigneur roi ,
« le sénéchal commande aux maréchaux du seigneur roi de
« lui préparer un iQgis ; à l'arrivée du comte , le sénéchal ira
« au-devant de lui , et le conduira à son logis; alors le séné-
ce chai ira dire au roi que le comte d'Anjou est arrivé. Si le
« comte veut aller voir le roi , le sénéchal le conduira à la
« cour, et de la cour le ramènera au logis. — ^ Si le comte
« veut assister aux couronnemens du roi , le sénéchal fera
« préparer les logis qui sont affectés et dus au comte. Lors-
« que le roi sera à table, le jour de son couronnement, le
« sénéchal fera pi'éparer un banc des plus beaux , couvert
(c d'étoffe ou d'un tapis, et le comte y sera assis jusqu'à ce ^
<c qu'on apporte les services de table. Quand le premier plat
« paraîtra , le comte se débouclant , se defibulans ( c'est-à-
« dire, ôtant son manteau), se lèvera de son banc, recevra
« le plat de la main du sénéchal , le placera devant le roi et
« la reine , et ordonnera au sénéchal de sei'vir les autres
a tables. Le comte sera assis un peu en arrière , en attendant
« les autres services , et fera pour les suivans comme il a fait
« pour le premier. Le sei'vice des tables étant achevé, le
« comte montera à cheval , et retournera à son logis accom-
« pagné du sénéchal. Le cheval que le comte aura amené en *
« venant à la cour sera un cheval de bataille, dextrarius ;
(c il sera donné au queux du roi, comme une redevance féo-
« dale, et le manteau dont le comte était revêtu à la cour
« sera donné au dépensier, mais seulement après le dîner.
« Alors le panetier enverra au comte deux pains et un
« septier de vin, vini sextarium , et le queux un morceau
« de viande et une pièce de rôti {a). Telle est, ajoute de
(«) Il y a dans le texte imprimé vini Imustiim ; mais d'autres manuscrits
portent wiuin hastum, c'est-à-dire , une pièce de rôti, ce qui est plus du
Tome XI H. Xx
346 HUGUES DE CLÉERS.
XII SIECLE, a Cléers, la livrée, liberatio , c'est-à-dire, la ration du séne'-
« chai ce jour-là. Le sénéchal du comte recevra ces livrées,
« et les donnera aux lépreux. »
2P Quant aux prérogatives qui ont rapport à celles du
connétable , voici ce qu'il en dit : « Quand le comte ira à
« l'armée dh roi , le sénéchal de France lui fera préparer une
(£ tente assez grande pour contenir cent hommes, et fournira
a un cheval de somme pour la porter aA'^ec les cordages et
« les pieux , et un homme a cheval et deux à pied pour con-
« duire le sommier. L'expédition étant finie , le comte rendra ,
ic s'il le juge à propos , la tente au sénéchal ; mais , quand
« bien même il ne la rendrait pas, le sénéchal n'en sera pas
a moins tenu d'en fournir une nouvelle, dans une autre ex-
« pédition. Quand le comte sera clans l'armée du roi, il com-
« mandera l'avant- garde protiitelam en allant, et l'arrière-
« garde retutelam au retour : et quelque bon ou mauvais
« succès qu'il lui arrive , il n'en sera pas responsable et le roi
« ne l'en blâmera point. — Moi, Hugues de Cléers, j'ai vu
« qu'on rendait ces services au comte Foulques, roi de Jéru-
« salem, dans deux expéditions en Auvergne (en iiaa et
« II 26), et dans un couronnement à Bourges; et je les ai
« vus rendus au comte GeofVoi , qui est enterré au Mans ,
<c (c'est Geofroi-le-Bel), à un couronnement à Bourges/Ct à
ic un autre à Orléans {a).y> — Au reste, le comte est appelé
maire en France, major, à cause qu'il commande lavant-
garde et l'arrière- garde dans l'armée du roi.
3° Quant au droit de rendre la justice , le rérit de l'histo-
rien paraîtra fort étrange. «Pareillement, dit-il, quand le
« comte sera en France, ce que sa cour aura jugé sera terme
« et stable. Mais, s'il naît quelque contestation sur un juge-
« ment rendu en France, le roi mandera le comte pour venir
' « le réformer. Que si le comte ne juge pas à propos d'envoyer
« quelqu'un pour ce sujet , le roi lui fera tenir les écritures
« des deux parties , et le jugement que rendra la cour du
•c comte demeurera ferme et stable. — Moi, Hugues de Cléers,
« j'ai vu plusieurs fois des jugemens rendus en France ,
« qui ont été réformés en Anjou. Tel fut celui qui concernait
ressort du queux qu'une fourniture de vin que le dépensier a déjà livrée.
(«) Coronainentum : cétaient des cours plénières qu'on appelait aussi
ciiria coronata , où nos rois , aux grandes solennités de l'année, paraissaient
I ayec toute la majesté du trône. •
HUGUES DE CLÉERS. 34;
« la guerre (a) ou le combat qui eut lieu près de Saint-Omer, xii siècle.
« sans parler de plusieurs autres plaids et jugemeus. C'est ce
a dont je suis témoin , et plusieurs autres avec moi. »
On s'est beaucoup récrié sur cette dernière concession.
Qui peut s'imaginer qu'un vassal du roi de Fx'ance eut l'au-
torité de réformer les jugemens prononcés à la cour de son
souverain , et que ceux qu'il portait lui-même ne fussent plus
sujets à revision .-^ Mais notre étonnement cessera si l'on fait
attention que les sénéchaux de la cour avaient une juridic-
tion , qu'ils présidaient à la cour féodale , et prononçaient
les jugemens qui en émanaient. Cela est prouvé par une foule
de monumens. Nous n'en citerons qu'un des plus solennels , Bouquet , t.
qui fut rendu entre le vicomte dePoIignac et l'évêque duPuy, ^'^' P- ''^'''
en 1 1 7 1 , par Thibaud , comte de Blois , pour lors sénéchal.
Or, d'après le traité de 1 1 19, dont parle Hugues de Cléers,
les sénéchaux de la cour n'étaient que les lieutenans des
comtes d'Anjou , en leur qualité d;e grands sénéchaux. Est-il
donc surprenant que les jugemens par eux rendus fussent
sujets à revision , et réformables par l'autorité supérieure du
suzerain ?
La conclusion qui résulte de cette discussion, c'est 1° que
la relation du chevalier de Cléers , comme monument histo-
rique , mérite toute notre confiance; 2° que les comtes
d'Anjou, successeurs du dernier Fougues, tant qu'ils ne
furent point revêtus de l'autorité royale , exercèrent plus ou
moins rarement les fonctions de la grande sénéchalie.
Nous dison» tant qu'ils ne furent point reK'êtus de l'auto-
rité royale, car on ne voit point que les comtes d'Anjou,
devenus rois d'Angleterre , aient figuré à la cour de France
comme sénéchaux , depuis leur couronnement , et encore
moins qu'ils aient commandé les armées. Comme ce fut alors
que commença la rivalité entre les deux nations, qui dès ce
moment ne cessèrent d'être en guerre , on était bien éloigné
de confier aux comtes d'Anjou le commandement des armées;
ceux-ci , de leur côté, dédaignèrent le service de la cour, et
tous leui-s droits honorifiques tombèrent ainsi en désuétude.
La charge même de sénéchal de France , sous le nom de dapi-
férat, cessa d'être remplie après la mort de Thibaut, comte de
{a) Belluni signifie là apparemment un duel ou un combat en champ
clos : c'est la signification que les auteurs donnaient alors à ce mot; et ils
appelaient guerra une guerre véritable de nation à nation.
XX2
348 HUGUES DE CLEERS.
XII SIECLE. Blois, qui mourut en 1 191 , au siège d'Acre. Cela est prouve
par les chartes de nos rois, où l'on ne voit plus la souscrip-
tion du Dapi/ère , et même il est expressément marc[ué cpiil
n'y en avait point alors, par ces mots qu'on y lit, Dapifero
nullo. Cette formule se trouve dans les chartes jusqu à lan
1262, sous le règne de saint Louis. Alors le commandement
des armées, qui faisait une partie des fonctions du sénéchal,
fut attribué au connétable , et le service de la cour passa au
grand maître de l'hôtel ; par là ces deux charges devinrent
les premières dignités de l'état.
La formule dapifero nullo prouvait c|ue cette charge n'était
point remplie, mais non qu'elle fût supprimée. On ue vou-
• lait pas apparemment qu elle continuât à relever des rois
d'Angleterre , et cependant on craignait d'en perdre les émo-
lumens : on les appliqvia au fisc. Cela est si vrai , que Philippe-
le-Bel, par édit de l'an i3oc), en applicjue une partie à marier
Kcciieii des Jç pauvres filles nobles par les mains du grand aumônier,
r onn. t. , ^^ Considérant, est-il dit, cjuà raison du dapifémt et de la
» charge de sénéchal de France que nous retenons dans nos
« mains , à chaque prestation cle serment de fidélité de la
a part des évêques , des abbés , abbesses et autres prélats de
« notre royaume, nous percevons une somme déterminée
« de dix livres , pour la part et portion qui nous revient ;
« nous faisons savoy- à tous présens et à venir, cjue^par
a ces présentes , nous avons réglé et ordonné tjue tous les
« émolumens, sans exception, qui, à raison de ce, seront
« perçus à l'avenir, soient versés entre les mains de notre
« aumônier , pour être employés fidèlement à marier de
« pauvres filles nobles de notre royaume. «
Cependant, comme il fallait qu'il y eût des chefs aux dé-
partemens de la guerre et de Injustice, Philippe-Auguste
institua dans ses domaines les baillis , dont les fonctions
étaient non seulement de rendre la justice, mais de conduire
à l'armée le ban et l'arrière-ban , tandis cjue, dans la plu-
part des terres des grands fiefs de la couronne, c'étaient des
sénéchaux particuliers cjui exerçaient ces fonctions. B.
XII SIECLK.
GODEFROI,
ÉVÈ^UE DE LANGRES.
On a lieu de croire que Godefroi naquit en Bourgogne, ciiimei,Ge-
puisqu'il était parent de saint Bernard. Il fut l'un de ceux ""* ii'usire s.
^ ■ h ^^1 ^•i'/~'».. Q Bcin. assertum,
qui 1 accompagnèrent dans sa retraite a Liteaux en iiij. ,,. gSo et senq.
Peu d'années après , lorsque Bernard alla fonder le monas-
tère de Clairvaux, il envoya Godefroi établir celui de Fon-
tenay, dans le diocèse d'Autun. En 1127, Godefroi se démit
de son abbaye de Fontenay, et revint à Clairvaux remplir
la charge de prieur , vacante par le départ d'Humbert , qui
devenait premier abbé d'igni. Les affaires de l'église obli-
geaient saint Bernard à de fréquens voyages : mais telles
étaient à Clairvaux les vertus et la vigilance du prieur, qu'on Blanric£. Anm
s'apercevait à peine de l'absence de l'abbé. Godefroi étendait Cist.ann. mj
ses soins sur les monastères qui dépendaient de cette abbaye;
il en établissait même de nouveaux : par exemple, celui de
Hautecombe" en 11 35. Ce fut par ses avis qu'en cette même
année 11 35 saint Bernard prit la résolution de transférer
dans ini plus vaste local les moines de Clairvaux , dont le
nombre s'accroissait de jour en jour.
Le siège épiscopal de Langres ayani vaqué en 11 38, on
élut d'abord , pour le remplir , un moine de Cluni dont
l'élection fut cassée. Les électeurs réunirent alors leurs suf-
frages sur Godefroi. Saint Bernard, quoique affligé de perdre GailiaChiiit.
en ce prieur le soutien de sa faiblesse et la lumière de ses ""g" ^"s^^'il"^
yeux (ce sont ses termes), pressa néanmoins le roi Louis- Viiie'foic , Vie
le-Jeune de consentir au sacre du nouveau prélat de Langres. ''*' '^- ^""- P-
Louis, qui avait donné l'investiture de cet evôché au premier J^J.^l y ' j,^
élu , semblait fort prévenu contre le second , c|ui ne fut sacré Fleuri , HUt.
qu'en i i3q. Presque aussitôt après son installation, cet évêque Ecciés. hv. 68 ,
ht un voyage a Rome. Mais , ce qu ou remarque le plus dans q^^^.^ Ouist.
sa vie épiscopale , c'est la part qu il prit à la croisade de 1 14^. ""v. t. iv, p.
Dès 114.5 il s'était signalé dans rassemblée de Bourges par ''"•
son zèle contre les payens qui venaient de saccager Edesse ; iiist!\im°v" p^il
et si cette assemblée se sépara sans rien conclure, ce ne fut ris. 1. 11, p. 21g.
point du tout la faute de Godefroi. Dès que l'expédition fut — f-a''- Cl.rist.
entreprise, il partit, pour la Terre-Sainte, emportant avec "né^q. ^^'^
35o GODEFROI, ÉVÊQUE DE LANGRES.
XII SIECLE, lui les vases d'or et d'argent de son e'glise, qu'il promettait
~~ de restituer. Il se rendit d'abord à Ratisbonne , où il entendit
les longs complimens que firent à Louis-le-Jeune les ambas-
sadeurs de l'empereur d'Orient. Godefrqj augura foit mal do
ces flatteries excessives. Il serait bien temps, leur dit-il, d'en
venir à l'objet de votre mission. Vantez moins et secondez
mieux un prince que nous connaissons, et qui se connaît
lui-même. L'ëvêque de Langres était d'avis que , pour con-
quérir Jérusalem, on commençât par s'emparer de Constan-
tinople ; et l'on se repentit de n'avoir pas suivi son conseil.
Godefroi revint de cette expédition en 1 149; deux ans après,
il assista au concile de Beaugency, oii Louis VU répudia
Eléonore. En 1 153, Robert des Dunes fut élu pour succéder
à saint Bernard dans l'abbaye de Clairvaux, et Godefroi,
présent à cette élection , y eut la plus grande part. Nous le
voyons en ii 62 envoyé de Montpellier vers le roi de France
Labbe,Conc. par le pape Alexandre III, qui prie ce monarque de le rece-
t. x,p. i3i7. YQ-j, favorablement, ainsi que les évoques de Senlis et de
Rennes , et d'ajouter foi à ce qu'ils lui diront tous trois de sa
part, comme à ce qu'il dirait lui-même.
Dégoûté du monde , et peut-être même un peu des croi-
sades , Godefroi prit le parti d'abdiquer l'épiscbpat et de se
retirer à Clairvaux. Alexandre III consentit, quoique avec
peine, à cette retraite, qui eut lieu en 116 1 selon les uns,
en II G3 selon quelques autres. La date de la mort de Gode-
froi n'est pas non plus très-bien fixée; il mourut à Clairvaux,
dans la cellule même de saint Bernard , le 8 ou le 9 novembre
1 1G4 ou 1 165. Nous préférons cette dernière date, parce que
nous la rencontrons dans une charte souscrite par Godefroi,
et dans l'épitaphe qu'on lisait à Clairvaux sur sa tombe : Hic
jacet Dom. Godefridus , tertius piior Clarœ-V allis , primus
abbas Fontaneti , dein episcopus Lingonensis. Obiit anno
ii(J5.
Hug.Menard. Cette épitaplie est bien modeste pour un homme qui est
observ. inMar- compté parmi Ics saiuts de son ordre, et dont les auteurs
nov )'i"b. 11^ contemporains célèbrent l'éminente piété. La trois cent dix-
p. 740,7/,!.— septième lettre de saint Bernard lui est adressée : elle lui
Heiiriq. Meno- apprenait en peu de mots l'extinction du schisme de Pierre
Ji^m'^àTju!. ^ ^^ Léon. Mais l'abbé dé Clairvaux , dans plusieurs autres
endroits de ses œuvres, et spécialement dans la lettre cent
quarante et unième , écrite aux moines des Alpes , a ex-
primé plus au long sa profonde esti me pour Godefroi ,
GODEFROI, ÉVÊQUE DE LANGRES. 35 r
auquel il a d'ailleurs dédié son traité des degrés de l'humilité, xn siècle.
Quelques compilateurs ont confondu Godefroi , évèque s Bern o er.T
de Langres , avec Geoltroi , secrétaire de saint Bernard, et t. ii,p. 559.
l'un de ses historiens. Godefroi était, dès iii3, le compa-
gnon de saint Bernard , tandis que Geoffroi nous déclare
lui-même que ses relations avec l'abbé de Clairvaux n'ont
commencé que vers 11 4o. Il y avait, dit-il, environ treize
ans que je lui étais attaché lorsqu'il mourut; or saint Bernard
est mort en 1 153.
Le P. Chifflet et les auteurs du nouveau Gallia Christiana s.Bern.genus
ont publié plusieurs chartes de Godefroi. La première est de 1)1,*"*^ asser-
ii4o; elle concerne un procès que l'abbé de Saint-Claude 461,'/, 88, '489,
soutenait contre Herbert, abbé de Saint-Seine : il s'agissait 507, 5,0, 55o,
d'une terre usurpée sur cette dernière abbaye par celle de ^^^iii ch '
Saint-Claude; l'evèque de Langres juge en fîiveur de l'abbé t. rv% Appcnd'
de Saint-Seine; toutefois celui de Saint-Claude n'est con- p- 170-180.
damné que par défaut. La seconde charte de Godefroi favo-
rise les chanoines de Saint-Etienne de Dijon : elle est datée
de I i4i 1 troisième année de son épiscopat. Dans les chartes
suivantes, il maintient les privilèges de l'abbaye d'Auberive,
réunit celle de Longue à l'ordre de Citeaux , garantit aux
moines de Quincy leurs jiropriétés et les donations qu'ils
ont reçues. En i iSg , une autre charte confirme les religieux
de Molesme dans la possession de leurs biens. Il y en a deux,
enfin qui concernent Philippe, abbé de Saint-Bénigne de
Dijon : la première, datée de i i5c), est un raccommodement
entre cet abbé et Guy de Sombernon; la dernière, datée de
II 60, ratifie une transaction entre ce même abbé et Odon .,
duc de Bourgogne.
A ces chartes il faut ajouter huit sentences en faveur des
religieux de Moutier-Saint-Jean : Pierre Bouvière les a
publiées dans l'histoire de cette abbaye. Les deux premières H/st. mo-
sont de ii4i , et, comme les suivantes, elles terminent des "ast.Reomaen-
affaires qui n'ont plus pour nous aucune sorte d'intérêt; elles t'* '" '"'^"^
confirment certanies possessions contestées a ce monastère Pctio Roverio.
par d'autres établissemens religieux. Le dernier de ces juge- Paris, Cramoi-
mens ne peut passer que pour un simple arbitrage , nuisaue *^' '^.^^' "ÎT^"'
odeiroi n y prend que la qualité d ancien eveque de
Langres , episcopus quondam Lingonensis ; cette pièce est
celle que nous avons désignée plus havit comme datée de
ii65.
Ce fut aussi après avoir quitté le siège de Langres que
332 GODEFROI, EVÊQUE DE LAXGRES.
xu SIECLE. Godefroi s'entremit dans une affaire qui divisait Alain ,
Mab. not. in evêouc d'Auxerre, et le comte de Nevers : mais la transaction
ep. Bcrn. /126. qu'il fit acccjDter aux deux contendans est de 1 164.
— Gall. Christ. Lgg auteurs du nouveau Gallia Christiana oi
nov. t. Il , I
379
ont msere
pai'mi les chartes de Godefroi un jugement de Louis Vil
en faveur de ce prélat, contre Odon , comte de Bourgogne;
il s'agissait d*iui domaine. Les deux parties, sans procureur,
avocat ni rapporteur, plaidèrent devant le roi, qui fut leur
seul juge. La sentence est date'e de Moret, l'an 1 158 ; mais les
e'diteurs pensent qu'il faut lire 11 53 ovi 11 54, parce qu'en
1 158 Louis-le- Jeune ne prenait plus, comme il le fait ici, le
titre de duc d'Aquitaine.
Duclicine , Qn a cinq lettres de Godefroi à Louis VIL La première
Sci'iDtor Rçr ^ i
Gaiiicar't iv' ^^'- extrêmement courte, et les quatre autres ne sont pas
p. 6',^ , 644 , longues. Le roi est prie , dans la première , de confirmer une
069,674. redevance; il est informe, par la seconde, de quelques
troubles qui agitaient le diocèse de Langres ; l'èvéque le
remercie, dans la troisième, de sa bienveillance pour ce dio-
cèse. La quatrième contient des plaintes contre le comte
Henri, qui ne cesse, dit le prélat, d'inquiéter notre église,
et d'usurper nos possessions. Dans la dernière , qui n'a que
fort peu de lignes , Godefroi ne s'intitule que ci -devant
évêque de Langres. Ajoutons que , dans le recueil des lettres
de saint Bernard, la cent soixante-douzième est écrite, au
nom de Godefroi , au pape Innocent II , en faveur de Falcon ,
élu évèque de Lyon en ii3().
Si Godefroi a laissé des notes sur la vie de saint Bernard,
elles n'ont jamais été imprimées; et l'on n'indicpie aucune
Jjibliothèque où elles soient conservées manuscrites. Elles
auront servi apparemment aux premiers historiens de l'abbé
de Clairvaux : Alain , l'un d'eux , avoue qu'il a beaucoup
profité des conversations de l'évêque de Langres. Le princi-
])al écrit de celui-ci est une traduction latine des actes de
S. Marna ou Mammès.
Hist. Littor. ]Vos prédéccsscurs ont déjà revendiqué pour Godefroi,
»"% fii '""!.V évêque de Langres, cette traduction quelquefois attribuée à
t. Mil, p. 12». T) ^ 1 1 ■ -i '1 • ' \ ■ ^ III
— Gaii. Christ, ncynald , qui avait occupe le siège ^piscopal de la même
nov. t^ IV, p. ville au XI siècle. Les Bollandistes , qui font insérée dans
"^ ~^7J- \e\xv recueil, disent aussi, non Reynaldi, sed Godefridi; ils
font observer que le traducteur se nomme lui-même dans sa
préface: Ego Godefridus , indignus licet , episcopus Lingo-
nensis. Il y a plus : cette préface fait mention ae trois versions
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 353
latines antérieures à celles-ci : la première par un archidiacre X'i STFclk.
d'Antioche , la seconde par un moine de Jérusalem , qui '
devint ëvéque de Saint-Georges; la troisième par un reli-
gieux calabrois , vivant dans un monastère que saint Bruno
avait établi. Or Bruno n'a fondé ce monastère qu'en lo^y,
et Reynald était mort en io85. C'est donc sans raison que Callia christ.
Dubosc , dans la Bibliothèque de Fleuri, a substitué le nom "°^' *• ^^ ' P-
de Reynald à celui de Godefroi ; et l'on est surpris de retrou- Bibiioth. fIo-
ver dans Tillemont la même erreur. riac. part, ir,
Ces actes, que les Bollandistes ne craignent pas de déclarer P;, '■,!°~^^^-
f 1 , ^ I- • ' 1 1 -^ I • lill.Mem. sur
ia}3uleux, sont divises en deux chapitres: le premier nous iHist. Ecciés.
apprend que le Saint, dans son enfance, prononçait si sou- t. iv, p. 3Gi.
vent le mot marna, que le nom lui en est resté. Bientôt ses Boiiand. 17
vertus chrétiennes l'exposèrent aux persécutions; l'empereur /,"^". ^'
Aurélien le condamna au feu : mais les flammes environnèrent
le jeune saint et ne l'atteignirent pas. Le chapitre second
raconte ses miracles : les bêtes les plus sauvages perdaient
auprès de lui leur férocité : on ne le mit à mort qu'en le
perçant d'un trident. Depuis le X'' siècle ses reliques étaient
à Langres; et cette circonstance détermina Godefroi à tra-
duire du grec les actes de ce martyr , si toutefois Godefroi a
su le grec , et si son travail ne s'est pas réduit à corriger ou
modifier l'une des anciennes versions latines; ce que ferait
un peu soupçonner la très-grande ressemblance de la sienne
avec celle que Surius a imprimée. D. Acta Sanctor.
17 aug. p. 7io
_ '> "
-7JJ.
JEAN,
MOINE DE MARMOUTIER, HISTORIEN.
SES ÉCRITS.
Jean de Marmoutier était Angevin; il le déclare lui-même, Cesta Cons.
lorsque, rapportant à quelle occasion Geofroi Grisegonelle Andeg.cap.vr,
fut ainsi surnommé , il dit qu'étant allé à Paris pour assister °"™- ^•
à une assemblée des grands du royaume, il était vêtu d'un
drap que les Français appellent grisetum , et que nous autres
Angevins nommons huretum. Mais cet auteur n'étant connu
Tome XIII. Y y
354 JEAN, MOINE DE MARMOUTIER.
XII SIECLE, d'ailleurs que par les écrits qu'on lui attribue en assez grand
nombre, il nous est impossible de dresser un précis de sa
vie. Nous tâcherons cependant de déterminer à-peu-près , à
l'aide de ses écrits, le temps où il vivait.
1° Joannis, monachi Maj oiis-nionasterii, Histona Gaufredi
Ducis ISomiannorum et Comitis Ande^avoium , Turonoruni
ac t enomannoniin .
C'est l'histoire de Geofroi, dit le Bel ou Plantegenet, fils
de Foulques V, comte d'Anjou et puis roi de Jérusalem,
lequel Geofroi ayant épousé l'impératrice Mathikle, veuve
de Henri V, empereur d'x\llemagne , fille et unique héritière
d'C Henri I , roi d'Angleterre et duc de Normandie , fut père
de Henri II , et la tige des Flantegenets , qui occvipèrent
long-temps le trône d'Angleterre.
Nous plaçons cet écrit avant les autres , non qu'il soit le
premier sorti de la plume de l'auteur, mais parce qu'il est
incontestablement du moine Jean , dont le nom et la profes-
sion sont marqués sans ambiguité à la tête de l'épitre dédi-
catoire à Guillaume de Passavant, évêque du Mans. Ce prélat
était si affectionné au comte Geofroi , qui avait été inhumé
dans son église, qu'il lui érigea un superbe mausolée, et il
n'est pas douteux cju'il n'ait engagé le moine de Marmoutier,
comme la meilleure plume d'alors, à composer son histoire.
Jean lui dit formellement qu'ayant déjà composé les histoires
. ijbt. Gauf. de plusieurs autres princes, il s'étendra sur celui-ci avec plus
^9-- de complaisance : Et cian multorum aUoruin principuni his-
torias colle gerimus , circa hune affectuosiiis immoramur.
Guillaume ayant gouverné l'église du Mans depuis l'an-
née 1 142 jusqu'en 1 186 ou 1187, il est évident que l'auteur
a dû écrire dans cet intervalle de temps, et postérieurement
à l'année ii5i, qui est celle de la mort du comte Geofroi.
Mais , à la fin du premier livre de son histoire , il parle de ce
pi'élat comme étant déjà mort ^ piœ recordationis ; ce qui
sujiposerait , contre l'opinion commune, que cet auteur lui
aurait survécu. Dirons -nous que c'est une addition faite à
son livre .i^ cela est possible; mais nous n'en serons pas plus
avancés pour trouver la vraie époque de sa composition.
Quoi qu'il en soit , l'ouvrage est divisé en deux livres ou
plutôt deux parties. Dans la première , l'auteur fait le détail
des actions de Geofroi depuis sa naissance jusqu à sa mort;
il le dépeint comme un prince religieux , plein d'honneur et
de probité, d'un zèle éclairé pour faire observer les lois.
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 355
maintenir la paix dans sesi états , et procurer le bonheur du xn SIECLE-,
peuple; enfin comme un prince lettré, savant et éloquent,
qui avait bien étudié l'histoire, les livres saints et les philo-
sophes. Son style est plutôt celui d'un panégyriste que d'un
historien. «Qui ignore, dit-il, la clémence de ce prince à Hist. Gauf.
« l'égard des vaincus, sa compassion pour les malheureux, ''' '°'
« la justice sévère qu'il exerçait envers les rebelles, sa bra-
« voure et son intrépidité dans les combats , et sa dextérité
« dans le maniement des affaires ? » Tout ce qu'il rapporte
n'a pas d'autre objet que de prouver ces vérités, qu'il réduit
à ces deux points , parcere subjectis et debellare superhos ,
qui lui servent de refrain.
Il commence l'histoire de ce prince par son mariage avec
l'impératrice Mathilde , et, à cette occasion, il décrit les /w*/. p. 18, f)».
cérémonies qui furent observées lorsque le roi d'Angleterre
l'arma chevalier. On y voit en deux endroits que Geofroi
avait fait peindre sur son bouclier des lions , qui sont encore
les armes d'Angleterre, quoique d'autres les prennent pour
des léopards [a). Il y fait mention d'un habile fourbisseur
appelé Galane , fabrorurn supeiiativus Galanus , qui avait
forgé son armure. C'était l'usage que les nouveaux chevaliers ibài^. 22-2'j.
fréquentassent les tournois : l'auteur en décrit plusieurs où
son héros acquit de la célébrité.
Pendant que ce prince faisait le siège de Montreuil-Bellay,
s'étant aperçu que les assiégés réparaient la nuit , avec des
poutres, les brèches que les béliers avaient faites aux mu-
railles durant le jour , il consulta les savans pour remédier
à cet inconvénient. Un moine de Marmoutier, que l'auteur ibid.'^.gi.
ne désigne c|ue par la lettre G , mais qui paraît être Gautier
de Compiègne , lui indiqua , dans Végece , un expédient qui
fut mis en pratique. On sera peut-être curieux de savoir en
quoi il consistait; le voici : on remplit de noix, de graine
de chenevis et d'huile de lin un tonneau de fer bien lié {cadum.
(a) Selon Rapin Thoiras ( Hist. tl'Angl. tome II, p. 2io), Richard I"
fut le premier roi d'Angleterre qui prit trois lions dans ses armes. Il en
avait d'abord fait mettre deux dans son écu, comme le rapporte Thibaudeau
dans son Abrégé de l'histoire de Poitou ; il ajouta sans doute le troisième
comme duc d'Aquitaine ou de Guienne. On sait que celle-ci en portait un
dans ses armoiries , ainsi qu'il résulte d'une médaille de Charles VII , de
145 1. Extrait des Recherches de M. Baraillon sur plusieurs monumens cel-
tiques et romains , p. 347, num. io5.
Yva
356 JEAN, MOINE DE MARMOUTIER.
XII SIECLE. Jerrcnm ligaininihus ferrcis astrictuni) , auquel était attachée
une chaîne de fer. On le ht rougir au feu, et, après lavoir
attaché au mangonneau par le moyen de la chaîne , on le
lança tout enflammé contre les poutres qui fenuaient la
brèche, auxquelles, en éclatant, il devait communiquer le
feu. Cet expédient réussit parfaitement.
Hist. Gauf. Ailleurs il dit que les Poitevins sont naturellement poètes;
P- 1 -49- ji raconte que ce talent servit merveilleusement deux cheva-
liers de cette nation , cjui avaient été faits prisonniers dans
un combat ; le comte prit tant de plaisir a entendre leurs
chansons, qu'il se les ht amener, et il les renvoya non seu-
lement sans rançon , mais comblés de présens.
On ne s'attendrait pas à trouver dans un auteur dvi
ifov/. 1>. a6-4o. XIP siècle l'idée du beau drame de la Partie de Chasse
de Henri 11'; elle y est cependant. Geofroi s'étant égaré dans
une de ces parties, rencontre un charbonnier qu'il prend en
croupe, pour lui servir de guide; la conversation s'établit
entre eux , et le paysan , sans le connaître , lui dévoile toutes
les vexations cjue ses ministres ou prévôts exerçaient en son
nom.
Dans la seconde partie, il reprend l'histoire à la mort de
Henri I"^, roi d'Angleterre, qu'il place mal-à-propos en 1 13'-,
et dont il avait déjà fait mention dans la première partie, en
copiant l'historien anglais Henri d'Kinitington. Cette mort
donnait au comte Geofroi, du chef de sa femme et de ses
enfans, des droits sur le trône d'Angleterre et sur le duché
de Normandie. Il entreprit de les faire valoir jiar les armes
contre Etienne de Blois, qui s'en était emparé. Dans l'espace
de quelques années, il ht la conquête de la Normandie,
pendant que l'impératrice Mathilde était passée en Angle-
terre pour revenaicjuer son patrimoine. C'est à célébrer les
exjiloits du comte pendant ces expéditions cju'est employée
cette seconde partie, dans laquelle l'auteur décrit mieux
qu'on ne le trouve par- tout ailleurs, les marches et contre-
marches de son armée , les sièges des villes et les combats
qu'il eut à soutenir. Mais , lorsqu'il y parle des affaires d'An-
gleteiTe, il copie mot pour mot Henri dHnntington.
Comme la première partie de cet écrit n'est presque
composée cjue d'anecdotes concernant la vie privée et les
qualités personnelles du comte Geofroi , l'auteur a eu soia
7iK/. p. 10. d'indiquer les courtisans de qui il les avait apprises, savoir,
Matthieu , doyen d'Angers , Ingenger de Bohon , Jourdain
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 3:7
Thesson, Obert de Ocred , Rainaud le Roux et Gouffier de ^" sîeclf.
Bruères {a). ^
Cette histoire fut donne'e au public l'an i6io, par Laurent
Bochel , à la suite de l'histoire des Français , par Gre'goire
de Tours. Mais cette e'dition , faite à Paris chez Nicolas du
Fossé , est si peu correcte , que souvent le texte n'est pas
intelligible. Les continuateurs du Recueil des historiens de T. xn, p. Dig-
France l'ont réimprimée plus exactement sur le manuscrit •'^'^^
6oo5 de la Bibliothèque impériale. Mais , comme l'auteur se
plait à faire des harangues et des réflexions morales, qu'il
appuie toujours de quelc[ues passages de Cicéron ou de Boëce,
de Virgile, d'Horace, de Lucain, etc. ; ils y ont fait beaucoup
de retranchemens , sur- tout dans la première partie. Au
reste , il serait à souhaiter cjue nous eussions , pour le moyen
âge, beaucoup d'histoires aussi bien écrites que celles-là.
2° Gesta consnium yj ndegavenshim.
Cet ouvrage a été publié par D. Luc Dachéri , au X^ tome T. m, nov.
de son Spicilége in-4", depuis la page 3()C) jusqu'à la page •^'|'_'- '"-'"!• P-
609, sur un manuscrit de l'église collégiale de Saint-Laud '■'■'■~'"^-
d'Angers, qui lui avait été communiqué par Vion d'Hérou-
val. L'éditeur révoque en doute que Jean de ]Marmoutier en
soit l'auteur , sur plusieurs raisons qui ne sont rien moins
que convaincantes, en quoi il a été suivi par le P. Leîong,
dans sa Bibliothèque historique de la France. D'autres attri-
buent cet écrit à Paccius ou Thomas de Loches. Nous ne
partageons pas leur opinion. C'est pourquoi nous allons
établir, aussi brièvement qu'il sera possible, que le moine
Jean en est le véritable auteur.
Nous avons déjà rapporté le passage dans lequel il dit Suprà,p. vi\.
qu'avant d'entreprendre l'histoire de Geofroi Plantegenet, il
avait composé celle de plusieurs autres princes ; nous ne
doutons pas que ce ne soit celle des comtes d'Anjou. Dans
l'une et dans l'autre , l'auteur se donne les mêmes qualités ,
Frater Joannes, Majoris-monasterii humillunus monadiorum
(a) De inrtute et actibus principis Andegavorwn et ducis Normannoruin.
Gaufredi Matthœus Andegavensis decanus nos docuit ; Ingangerhn de Bohon
nohis legit ; Jordanus Thesson nos monidt ; Obertus de Ocred. nvbis eiiarra-
vit ; Ranuiaudus Rujus nos reflcit ; Gujjerius de Brurrià satiavit : qui c'uca
eum quotidie nova , quotidie admirantes meliora , fréquent iam -virtutiun pro
miracnlo jam non haberent , quœ in aliis personis pro iniraculo celebrarent .
358 JEAN, MOINE DE MARMOUTIER.
XII SIECLE, et pcripsema (a) clericorum. Il est vrai que le mot Joannes
ne se trouve pas dans la plupart des manuscrits des Gestes,
Inais le reste y est ; il n'était pas même indiqué par la lettre
initiale dans celui de D. Dacheri , mais il existait en toutes
Not. in ep. lettres dans le manuscrit cjvie l'abbé de Marolles avait com-
em es. p. jyj^jj^iqu^ à de Goussainville , éditeur des lettres de Pierre de
Annal, t. A'i, Blois. Cela Suffit au savant Mabillon pour décider qu'il faut
p. 552. rétablir le nom de Jean dans l'édition du Spicilége. D'ailleurs
il y a entre ces deux écrits, au jugement des continuateurs
T. XII, préf. du Recueil des historiens de France , une telle conformité
p. xLi. jg style, l'ordre et l'arrangement sont, dans l'un et dans
l'autre, tellement les mêmes, qu'on ne peut guère les attri-
buer à deux auteurs différens. Cela posé , nous ne risquons
rien d'attribuer à Jean de Marmoutier les Gestes des comtes
d'Anjou.
Gesta cons. Il a dédié cette histoire a Henri, roi d' Angleterre , duc de
Vndegav. praef. p^orniandie , comte d'Anjou , de Touraine et du Maine ,
prince d' Aquitaine , duc de Gascogne et d' Auvergne , et
aussi duc de Bretagne {b). Tous ces titres ne peuvent con-
venir qu'à Henri II , roi d'Angleterre , et doivent nous servir
de guide pour trouver l'époque à laquelle l'auteur présenta
son écrit a ce prince. Il ne fut duc d'Aquitaine, de Gascogne
et d'Auvergne qu'en iiSa, par son mariage avec la reine
Eléonore, et il ne monta sur le trône d'Angleteri-e qu'en 1 155.
Quant au duché de Bretagne, il n'en prit possession, selon
Ad an. 1166. Robert du Mont, qu'en 11 66, au nom de son fils, qui devait
épouser l'héritière de Conan IV. Ainsi , c'est postérieurement
à cette époque que l'ouvrage lui fut présente. Dans la même
épître , l'auteur fait mention des frères de Henri comme
étant déjà morts : en effet , Geofroi , comte de Nantes, mou-
rut, selon Robert du Mont, en 11 58, et Guillaume, le der-
nier de tous , en II 64.
Gesta, ibiiL Afin de concilier plus d'autorité à son histoire, il nomme
les écrivains dont il s'était servi pour la composer. Le pre-
mier est Thomas de Loches (c), qui a fint, dit-il, de courtes
(a) Peripsema , la balayure. On lit dans l'édition de D. Dacheri parsima ,
dans l'histoire de Geofroi-le-Bel, per ipsum.
(b) Dans l'édition de Goussainville, on a imprimé Bituricum , au lieu
de Britonum; c'est une foute : Henri II n'a jamais été duc de Béni, et
il l'a été de Bretagne, par la cession de Conan IV.
(c) Thomas Paccius, chanoine de Loches, vivait à la fin du XI' siècle.
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 35g
chroniques sous le nom de l'abbé Odon (c'est apparemment ^n SIECLE.
Odon, abbé de Cluni), comme je l'ai appris de sa propre
bouche , mais il y avait ajouté d'autres choses qu'il avait ap-
prises par la renommée. La chronique de Thomas de Loches
fut retouchée par Robin et Briton d'Amboise, lesquels avaient
avoué à Jean qu'ils y avaient fait quelques additions. « Après
« eux , j'y ai fait, dit-il , des additions en plus grand nombre,
«que j'ai empruntées de l'Histoire des Français, de Raoul
« Glaber , de Geofroi Bcchin , de maître Robin , de Gautier
« de Compiègne , moine de Marmoutier (a), v Et il ne dit
ïien de l'excellente Histoire des comtes d'Anjou par Foulques
le Rechin , avec lequel il est souvent en coîitradiction. Tous
ces auteurs qu'il cite , à l'exception de Glaber , sont perdus
pour nous, et ne se retrouvent que dans sa compilation.
Il faut l'avouer, s'il les a copiés fidèlement, la perte n'est
pas grande ; car son écrit est rempli de fables et d'anachro-
nismes ; il y règne tant de confusion , qu'on ne peut faire
aucun fond sur ce qu'il dit, au moins jusqu'à Foulques Nerrà,
sur le compte duquel il n'est pas même trop exact. Il le dit
fils de Maurice, qu'il place mal-à -propos au nombre des
comtes d'Anjou , quoiqu'il soit constant , par le témoignage
de Foulques le Rechin , que Foulques Nerra était fils de Geo-
froi Grisegonelle , auquel il avait succédé.
Il est aussi très-peu exact sur les dates, dans les choses
même qui se sont passées presque de son temps. Ce sont
peut-être des erreurs de copiste; mais il place en iiio le
naufrage du prince Guillaume , fils de Henri l" , roi d'Angle-
terre , en quoi il se trompe de dix ans ; et en 1 1 3^ la mort dfe
ce dernier prince , arrivée certainement deux ans plus tôt, eh
D. Housseau, qui avait entrepris une histoire d'Anjou et de Touraine ,
ayant visité les registres de cette église, s'est assuré qu'il existait en io8o,
et qu'il n'est plus fait mention de lui après cette année. Si Jean de Mar-
moutier l'a connu, il devait être bien âgé lorsqu'il composa son ouvrage.
(a) Primas scriptor extitit Thomas Leochensis , qui brèves chronicas nomme
Odonis ahhatis intitulatas , ut ab ejus ore audwi, repéra, et multa quœ famâ
-vulgante cognovit , addidit. Secundus extitit Robinus et Brito Âmbasiacen-
sis , qui ipsas chronicas emendaverivnt , et quœdam , ut vivd voce ab ipsis
audivi , addidcrunt. Tertius ego ex multis historiis multa addidi, et ad auc-
toritatem historiée et studium audientiuni sive legentium nomiiia auctorum
annotare curavi ; primo ex historiâ Francorum nonnulla; secundo ex Jiisto-
rid GlabeUi Rodulfi multa ; tertio ex chronicis Gaufredi Bechini aliqua y
quarto ex dictis magistri Robini quwdam ncccssaria ; quinto ex scriptis GaU'
t'en Compendiertsis Majoris-monasterii monachi, non negligenda.
36o JEAN, MOiNE DE MARMOUTIER.
xiî SIECLE. ii35., erreur qu'il a répétée dans s©n Histoire de Geofroi
Hist dePoit Pl^ntegenet. Jean Besly lui reproche un anachronisme bien
p. 87. pkis considérable, au sujet de la bataille qui fut doiuiée en
106 1 à Saint-Jouin-de-Marnes , entre les comtes d'Anjou et
le comte de Poitiers, qu'il confond avec ctUe qui eut lieu
en io33 à Chef-Boutonne , sur les confins du Poitou et de la
Saintonge. Il est certain que c'est une grande méprise. « Ce
a lieu , dit Besly , montre que la plupart de la narration de
« Paccius ( c'est à lui qu'il attribue les Gestes des comtes
«d'Anjou) n'est sinon une fantaisie romancière, inventée
« pour complaire au comte d'Anjou auquel il dédie son ou-
cc vrage. » Quoique cette critique soit un peu trop forte dans
sa généralité, il n'est que trop vrai que l'auteur a compilé
sans choix et sans jugement les chroniques qu'il a trouvées,
et que ce serait une étude pénible de chercher à y démêler
le vrai d'avec le faux. Cependant , pour les événemens de son
temps, on peut s'en rapporter à lui; la vie de Geofroi-le-
Bel prouve de quoi il était capable, s'il eût eu de bons
mérnoires.
Cette compilation est divisée en deux parties , dont la pre-
mière ne contient que de courts éloges des comtes d'Anjou,
extraits, à ce qu'il paraît, de l'Histoire des Gestes, pour être
présentés avec l'ouvrage à Henri II , roi d'Angleterre. Ces
éloges, qui manquent dans la plupart des manuscrits, com-
mencent à Torquat ou Tertulle , qui vivait du temps de
Charles-le-Chauve, et finissent par l'éloge de Henri II, auquel
l'auteur dit qu'il est le quinzième comte d'Anjou. A ce compte,
il met au nombre des souverains d'Anjou Torquat et Ter-
tulle, qui, suivant ce qu'il dit lui-même, ne l'ont jamais
été. En retranchant Torquat et Tertulle, ainsi que Maurice,
dont nous avons déjà parlé, Henri n'était en effet que le
douzième comte d'Anjou.
La seconde partie contient l'histoire des mêmes comtes,
mais beaucoup plus étendue : on y trouve les éloges dont
nous venons de parler, et dans les mêmes termes. Il paraît
que c'est là proprement l'ouvrage de notre auteur, à en juger
par le style oratoire qui ressemble beaucoup à celui employé
dans la vie de Geofroi-le-Bel. Les continuateurs du Recueil des
historiens de France, qui en ont donné plusieurs extraits,
T. XI, p. 645. ont remarqué, d'après les manuscrits de la bibliothèque im-
périale, que l'ouvrage a été interpolé, et les interpolations
qu'ils indiquent sont en grand nombre. Ce sont ces super-
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 36i
fetations mal assoi'ties qui ont fait naître ces contradictions xn siècle.
et ces erreurs grossières qu'on y remarque. Peut-être qu'en '
élaguant ces fourrures , l'ouvrage de Jean serait plus sup-
portable. Nous voulons parler de l'histoiredespremiers temps;
car, pour les derniers temps, l'ouvrage n'est pas sans mente.
3° Liber de Coniposidone castn Anibasiœ et ipsius domi-
norum Gestis.
Nous ne déciderons pas si Jean de Marmoutier est auteur
de cet ouvrage , qui a été publié par D. Dacheri à la suite des
Gestes des comtes d'Anjou. Nous n'avons pas, pour pronon-
cer affirmativement des autorités aussi positives , que celles
que nous avons alléguées pour lui adjuger l'histoire des
comtes d'Anjou. A en juger cependant par le style et par
l'ordonnance de l'ouvrage , on peut sans témérité le donner
au même auteur. On aperçoit dans l'une et dans l'autre pro-
duction le même goût pour les fables, ou du moins aussi
peu de discernement pour les apprécier et les rejeter : les
citations tant en vers qu'en prose sont tirées des mêmes au-
teurs , et souvent les mêmes ; les portraits , les harangues ,
les tours de phrase sont si ressemblans dans les deux écrits,
qu'on est, pour ainsi dire, forcé d'y reconnaître un même
auteur ; enfin on trouve des morceaux même assez longs qui
ont été copiés mot pour mot dans les deux ouvrages , sans
qu'on avertisse qu'on les a empruntés ailleurs. N'est-ce pas
une raison de croire que l'auteur s'est cité lui-même, et a
disposé à son gré de ce qui lui ajDpartenait? et comme il est
prouvé que Jean de Marmoutier est auteur d'un de ces écrits,
rien n'empêche qu'on ne puisse lui attribuer l'autre.
Nous n'ignorons pas que plusieurs auteurs ont attribué à
Paccius les Gestes des seigneurs d'Amboise ; mais ceux - là
même ne s'éloignent pas de notre opinion, parce qu'ils attri-
buent aussi au chanoine de Loches les Gestes des comtes d'An-
jou, et nous avons démontré plus haut que Thomas Paccius Supra, p. 357.
n'avait composé , sous le nom de l'abbé Odon , que de '^^^•
courtes chroniques dont l'auteur des Gestes des comtes d'An-
jou avait fait usage. Ajoutons encore que Paccius, comme
nous l'avons dit, vivait dans le XI" siècle, et que les deux
ouvrages sur les comtes d'Anjou et sur les seigneurs d'Am-
boise ont été composés l'un et l'autre presque dans le même
temps, c'est-à-dire, dans l'intervalle des années ii5o à
1160.
Ce qui détermina l'auteur à écrire les Gestes des seigneurs
Tome XIII. Z z
IQ
362 JEAN, MOINE DE MARMOUTIËR.
xii SIECLE. d'Amboise , c'est, dit- il dans le prologue où il adresse la
parole cà une personne qu'il ne nomme pas, « c'est le mal-
« heur qui vient d'arriver à Sulpice , seigneur d'Amboise ,
« de Chaumont et de Montrichart , et à ses enfans, lesquels
« ayant été attirés à Blois par le comte Thibaut , sous prê-
te texte d'une conférence, avaient été, par une insigne tra-
« hison , arrêtés, mis en prison et traités fort durement».
chap.vi,nuDi. En effet, il raconte dans le corps de l'histoire que Sulpice
expira dans les tourmens qu'on lui fit endurer pour avoir
rehisé de rendre au comte le château de Chaumont en Tou-
raine, et qu'après sa mort, son corps fut attaché à un gibet.
Cet événement est de l'année ii53 ou ii54. On le voit
par la part que prit dans cette affaire Henri, fils de Geofroi
iLid.aum.io. Plantcgcnet, qui venait de succéder à son père. Comme l'au-
teur ne lui donne que les titres de duc de Normandie et
d' Aquitaine, et de comte d' Anjou, et non de roi d'Angleterre,
il s'ensuit qu'il écrivait postérieurement à l'année ii5a et
jb;A.mxTa.-i.i. avant la fin de Tannée 1 1 54- Cependant il dit un peu plus bas
que , bientôt après, le duc Henri ayant été appelé en Angleterre
pour succéder au roi Etienne qui venait de mourir, fit sa
paix avec le comte de Blois, à condition que les enfans de
Sulpice seraient mis en liberté; d'où l'on peut conclure que
cet ouvrage fut composé au plus tôt en ii55.
Il est divisé en deux parties comme les autres écrits du
moine Jean. La première a pour titre : De la Construction
du château d'Amboise. C'est une narration des plus fabu-
leuses d'un bout à l'autre. L'auteur attribue la construction
de ce château à Jules César ; il n'en est pourtant rien dit
dans ses Commentaires, et l'on sait que César dans son ex-
pédition était plus occupé à détruire des châteaux qu'à en
construire de nouveaux. De là il pi^end occasion de faire à
sa manière un petit abrégé de l'histoire romaine ; il passe
ensuite à l'histoire d'Artur, de Clovis et de Charlemagne, et
par-tout il ne débite que des fables. Nous n'y trouvons qu'une
chose bonne à remarquer pour l'objet qui nous occupe ; c'est
qu'il existait du temps de l'auteur, sur les ravages des Nor-
mands, des poésies tragiques ou complaintes dans lesquelles
étaient retracées les calamités qu'avaient éprouvées alors les
habitans des Gaules (a). Ce serait aujourd hui une chose assez
(a) Quantas Gallorum strages fccerint [Normanni], quantas iirbcs n^'gic-
nesque concremaverînf , enarrare nolo ; sed tainen hœc dh'iiw nutu peccatis
V, nuin. t2.
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 363
cui'ieuse de retrouver quelqu'une de ces pièces. Cependant ^H SIECLE,
sur la lin de cette partie, il écrit avec un peu plus de juge-
ment; il la termine par une courte généalogie des rois capé-
tiens, sur lesquels il n'est guère plus exact que dans le reste,
et s'arrête à la croisade de Louis-le-Jeune en 1 147. H ne dis-
simule pas le mauvais succès de cette expédition , quoiqu'elle
eût été provoquée, dit-il, par le pape Eugène , et prêchée DcComp.cas-
par Bernard, abbé de Clairvaux , homme très-religieux. Il v'nnm'io'^^^
craint d'en dire davantage, parce que cette malheureuse ex-
pédition fut un sujet de joie pour les Infidèles , qui en pri-
rent occasion d'insulter aux Chrétiens et d'aggraver leurs
maux. Cependant elle produisit le bon effet de réveiller de
leur assoupissement les lâches et les paresseux : De quibus
pliira loqiii pertimesco , quoniam iter eoriiin gentihus fuit
lœtitia , Christianis irvisio et pœna , et tainen deinceps desi-
dihus et pigris incitamentum. Il en reste là, dit-il, parce que
d'autres avant lui ont sufïisamment écrit sur l'histoire de
France, et il veut travailler à autre chose, ad alla festino.
L'ouvrage auquel il voulait travailler est, ce semble, l'his-
toire des comtes d'Anjou, qui suit immédiatement dans les
manuscrits, et dont le prologue, tel qu'il existait avant l'é-
pître dédicatoire au roi d'Angleterre, feit le sixième cha-
pitre du livre de la Construction du château d'Amboise ;
ce cpii prouverait de plus en plus que ces deux ouvrages sont
partis de la même main. Mais il y a une ambiguïté dans ce
prologue : l'auteur commence par dire que ce qu'il vient de
rapporter touchant les rois de France , il l'a fait , parce qu'il
l'a cru nécessaire pour mieux entendre ce qu'il a dit dans
l'ouvrage précédent, et ce qu'il dira dans l'ouvrage suivant(rt).
Cet ouvrage suivant est certainement l'histoire des comtes
d'Anjou. Mais que faut-il entendre par l'ouvrage précédent.''
Est-ce le livre de la Construction d'Amboise , qui précède en
effet? Il aurait donc fait ce livre pour l'intelligence de ce
livre. 11 est plus naturel de croire qu'il veut parler de la se-
Gallorum accidisse puto. P^enim diras mortaUum calamitates quas GalUa-
riim incolœ pertulerunt , tragicis et lugubiibus canninibus satis alii scripsere.
Lib. de Comp. castri Amb. cap. 5, num. 6.
(b) Quoniam in ante expositis de rcgibus Francorwn, qiiœ hiiic operi
prœcedenti , maxinieque sequenti necessaria esse puto , explanavi ; munc de
consulibus Andegavorum , quœ scripta nimis confuse rudique sermone rcperi,
quant verissinie potero , paiicis verbis breviter et commode cnuc/eabo. Lib. de
Comp. castri Amb. cap. 6, num. (^.
Zz 1
364 JEAN, MOINE DE MARMOUTIER.
XII SIECLE, conde partie de cet ouvrage qui traite des seigneurs d'Am-
boise , lequel , par conséquent , aurait été composé avant celui
des comtes d'Anjou ; et cela est conforme à l'époque que
nous avons assignée plus haut à ce dernier.
Gest.Ambas. Quoi qu'il en soit , voici ce que contient cette seconde
om. cap. . partie, qui mérite plus de confiance que la première. L'au-
teur met pour le premier des seigneurs d'Amboise, Lisoius ;
mais il parle aussi de son père Hugues de Basougei; qui était
filleul de Hugues-ie-Grand , duc des Français. Hugues Capet
lui Ht épouser l'héritière de Lavardin, nommée Helpes,dont
il eut une fille nommée Anceline,qui porta en dot cette belle
terre à Sehebrand de Mayenne , d'oii sont sortis les seigneurs
de Lavardin et de Fréteval. Hugues épousa en secondes noces
Odeline, fille de Pvaoul, vicomte de Sainte-Suzanne, qui lui
porta en mariage les terres de Basouger et de Sainte-Christine
dans le Maine. De ce mariage naquit, entre autres enfans,
Lisoius qui fut le plus grand capitaine de son temps. Celui-ci
épousa une fille d'Archambaud de Buzençois , qui avait de
grandes possessions dans le pays d'Amboise; et d'eux sortirent
les seigneurs d'Amboise, dont l'auteur fait l'histoire jusqu'à
son temps, c'est-à-dire, jusqu'à l'année ii54. On voit par
cet échantillon combien cette seconde partie est intéressante
pour l'histoire de Touraine , d'Anjou , du Maine , du Blésois
et du Vendomois. L'auteur paraît fort instruit des faits
Gest.Ambas. qu'il rapporte; aussi proteste-t-il « qu'à l'égard des deux der-
dom. cap. VI, ^^ niers seigneurs d'Amboise, il n'a rien écrit que ce qu'il a
« vu de ses propres yeux et entendu de ses oreilles. Quant
« aux autres , il dit avoir puisé dans divers écrits qu'il a ar-
« rangés de son mieux suivant la capacité de son petit génie».
Heureusement il était tombé cette fois sur de bons mémoires.
Les continuateurs du recueil des historiens de Fi-ance ont
donné dans différens volumes plusieurs extraits tant des
Bouquet , Gestes des comtes d'Anjou que des seigneurs d'Amboise. Les
t.Xl,p. 49 - derniers et les meilleurs se trouvent au tome XH de leur
collection.
Ces deux ouvrages ont été traduits en français par Michel
de Marolles, abbé de Villeloin , avec des remarques sur
chaque ouvrage : Paris, Langhns, 1681 , in-4". Les remar-
ques sont plus estimées que la traduction ; on y trouve les
généal(îgies des principales familles de Touraine et d'Anjou.
Le livre du Château d'Amboise et de ses seigneurs a été
Bibi. Ord. traduit en vers français, vers le milieu du XIV® siècle, par
JEAN, MOINE DE MARMOUTIER. 365
Hervé de la Queue , de Caiicld , sous ce titre : La Lignée des xii siècle.
seigneurs d'Amboise, et depuis quel temps , et par quels v^xA. t. i, p.
seigneurs et quels mérites ils furent reçus en icelle ; par 363.— Leiong,
Hervé de la Queue, de l'ordre et couvent des frères Pré- '^^'^''^ ^^^;^.^^- "|_'
cheurs , h la requête de Jeanne d'Amboise , dame de Revel 35667.'
et de Tiffauges. Cette traduction est citée par Duchesne , Bii>i- l'ist. de
mais n'a jamais été imprimée, non plus que la suivante du '" ^"^ i'- '39-
même auteur en prose, qui existait dans la bibliothèque
de Baluze , ayant pour titre : Histoire lochoise des antiqui- Bibl. Baluz.
tés des villes d'Amboise, Loches^ Beaulieu , Blois , Montri- '• '"'?• 7'<-
chard , et incidemment des comtes d'Anjou, paraphrasée
en français par Hervé de la Queue, extraits la plupart
du latin de Thomas Paccio , prieur de l'église collégiale de
Loches, in folio. C'est peut-être la même que la précédente.
4° Ménage , dans son histoire de Sablé , a donné une no-
tice qui contient le catalogue des gentilshommes du Maine , Ménage, Sa-
3ui, en II 58, se croisèrent avec Geofroi de Mayenne, fils ^'^j ue,7xî7
e Juhel et de Clémence de Bellême. Pn y lit que tous ces p.""^^^ no,. '
seigneurs s'assemblèrent dans l'église de Notre-Dame de
Mayenne; qu'ils i-ecurent la croix des mains de Guillaume,
évêque du Mans ; cpi'ils firent eux-mêmes le signe de la croix
au front , sur la bouche , sur la poitrine et sur le cœur, et
que chacun se revêtit du scapulaire de la croix, scapuld
cnicis , de couleur blanche et rouge. On peut voir dans cette
notice les autres cérémonies qui étaient sans doute les mêmes
dans tous les cas où les nobles recevaient la croix des mains
des évêques. L'êvêque Guillaume lit ensuite le signe de la
croix sur le front, de chacun des croisés , en disant : Remit-
tuntur tibi omnia peccata tua , si facis qiiœ promittis.
Suivent les noms des croisés au nombre de cent deux ,
et l'auteur remarque qu'il n'en revint que trente - cinq ,
lesquels arrivèrent le 7 novembre i i6a. On lit à la fin :
Hoc scripsit , prœsens et adfuit , f rater Joannes monachus
B. Benedicti patris nostri ad Fustayam , anno Domini 1 165,
mensis junii. Ce moine Jean pourrait bien être le même que
le moine de Marmoutier, qui a tant écrit sur les comtes
d'Anjou. Le temps s'y accorde parfaitement; mais le prieuré
de la Fustaye, dans le Maine, était une dépendance, non de
l'abbaye de Marmoutier, mais de celle de Saint -Jouin-des-
Marnes ; ce qui peut faire doute;' de l'identité des deux au-
teurs. Quoi qu'il en soit, nous avons cru qu'il était à propos
de dire un mot de cette notice, et nous ne pouvions pas
la placer plus à propos.
3G6 JEAN, MOINE DE MAP.MOUTIER.
xiT SIECLE. 'jo Presque tous les bibliographes attribuent à Jean de
Ampl.CoUtct. Marmoutier une Chronique de Touraine. D. Martène a im-
t. V, col. 917- primé, sur un manuscrit de la bibliothèque impériale, une
'°^^- chronique de Tours qui commence à la création du monde,
ArtaSS. t.ix, et se termine à l'année 1226. D. Mabillon cite cette chro-
i>ief. num. G3. nique SOUS le nom du moine Jean , et en rapporte un endroit
c[ui est parfaitement le même dans l'édition de D. Martène.
11 n'y a cependant aucune apparence qu'elle soit de notre
auteur. Les éditeurs l'attribuent avec plus de fondement à
un chanoine de Saint-Martin-de-Tours.
Admon. .k! 6° Dom Dacheri semble aussi attribuer à Jean de Mar-
4"|^„ *-'°"'"' moutier l'histoire des archevêques de Tours et des abbés
" ' de ce monastère, Cjue Laurent Bochel a publiée- à la suite
des onze livres de Grégoire de Tours , sous ce titre : De
Commcndatione Turoiiicœ provinciœ , et de nominibus et
actibus episcoponini civitatis Turonicœ. Similiter de nomi-
. nibus et operibus àbbatum Majoris-monasterii , et de des-
tructione et reœdifi cabane ejusdcm ecclesiœ , et quai e dicitur
Majus-monasteriuin. Il y a trois histoires dans cet écrit;
celle des archevêques de Tours jusqu'à Jean de Paya ,
qui fut élu en 1208; celle de l'église de Saint-Martin, qui
hnit en 1176; et celle de l'abbaye de Marmoutier. Celle-ci,
qui s'étend jusqu'à l'année 1426, a été composée par différens
auteurs. Le premier est le même qui a composé ou compilé
les deux précédentes , et qui vivait par conséquent au com-
mencement du XIIP siècle : on le voit, parce qu'à cette
époque c'est une autre manière de rédiger les articles des
abbes. Ainsi rien ne prouve que cet écrit, dont l'auteur était
certainement un moine de Marmoutier, soit du moine Jean,
ni en tout, ni en partie. L'édition cpi'en a donnée Laurent
Bochel est horriblement mauvaise. Nous attribuons à l'im-
perfection de sa copie les fautes nombreuses qu'on y re-
marque, sur -tout relativement aux dates, dont aucune
presque n'est exacte. Les continuateurs du Recueil des his-
toriens de France aui'aient l'éimprimé plus exactement cet
écrit, s'il en eût valu la peine.
r.aii. Christ. 7° Entre autres livres que Jean de Sarisbéry, évêque de
t. VIII, col. Chartres , mort en 1181 , légua à son église, on remarqué
"''9' celui-ci : Historiée Joannis Turonensis. C'était vraisembla-
blement les histoires d'Anjou et d'Amboise, que nous avons
attribuées à Jean de Marmoutier. B,
XII SIECLE.
■ANONYME,
AUTEUR d'un traité CONTRE LES JUIFS.
JNIous avons parle, clans le douzième volume de cette his- i'. . '.:!(; et r-:-
toire, de l'auteur anonyme d'un Traité contre les Juifs. L'ou-
vrage que nous annonçons en ce moment n'a de commun
avec celui-là que son titre et son objet. Dans la notice qu'on
nous donne du premier, on le dit adressé à W. (Guillaume)
comte de Nevers, et cette dédicace même semble indiquer
que le livre était d'un religieux : Gloriosissimo Niveimensiuni
coiniti ff^. frater.... devotissimain salutem. Lebeuf a donné
l'épître dédicatoire dans les Pi-euves de son histoire d'Auxerre. x. ii , p. i n.
L'ouvrage dont nous allons rendre compte n'est dédié à
personne. Il n'y a pas ce mot de frère qui puisse faille
soupçonner la profession de l'écrivain, ni une lettre initiale
qui puisse conduire à retrouver son nom. Nous ne le pla-
çons même dans cette histoire que parce qu'il y a tout lieu
de présumer qu'un Français en est l'auteur, car cela même
n'est pas très-certain. Rien n'est plus probable néanmoins.
En effet, c'est dans un monastère du diocèse d'Evreux, à
Couches, que le manuscrit en était conservé : Martène et
Durand l'ont tiré de cette bibliothèque pour l'imprimer
dans le cinquième volume de leur Trésor des anecdotes. Plu- P i'>07ctsuiv.
sieurs endroits de l'ouvi-age peuvent faire croire aussi qu'il
a été composé dans une ville où il y avait beaucoup de
juifs, et celui-ci en particulier : « De quel front osez-vous dire N. n , p. i.;i7.
« que vous observez le sabbat.^ Pour l'observer, ilfautj d'après
« la loi, rester tranquille dans sa maison, n'en pas sortir, ne
« pas poser le pied hors du seuil, et je vous vois sans cesse,
« quand ce jour revient, errer çà et là, et vous promener dans
« les rues : est-ce là le commandement de Moïse .*' »
Il n'y a aucun doute sur ré{>oque à laquelle l'ouvrage fut
composé. L'auteur nous fapprend lui-même bien clairement N. 3/,,p.r53;t
dans ce passage : MiUesiinus centesimus sexàgesimus sextus ^^ '"^
anniis es'olvitur , ex quo filius mrginalià effidsit in mundo ,
tcmpore constituto , juxtà prœscriptum numerum hehdoma-
danun Danielis ; et dans celui-ci : MUle centuni sexaginta N. /,8, p. iS/,/,.
sex anni postqïihin incarnotus est Dominus. Cette époque
correspond à celle de la plus grande célébrité des acadé-
308 TRAITÉ CONTRE LES JUIFS.
xri SIECLE, mies juives en France. Les écrits publies par des rabbins
distingués, les leçons données dans leurs écoles, auraient
naturellement amené sur des matières religieuses les dis-
cussions des savans, cjuand l'esprit général du siècle, tant
d'hommes illustres par leur savoir et par leur piété , n'en
auraient pas fait l'objet habituel de leurs études et le moyen
de leurs succès.
Le commencement de l'ouvrage est modeste. L'auteur an-
nonce que ce n'est point la gloire littéraire qu'il cherche;
il s'est plus occupé à défendre la foi qu'tà montrer
une érudition profane ou une éloquence cicéronienne. II
prend Dieu à témoin que la vanité n'a aucune part à son
entreprise ; que son intention est droite et pure ; qu'il ne
veut que trouver dans l'écriture même de quoi mieux dé-
voiler la perfidie des Juifs et venger le christianisme de leurs
« calomnies. J'ai écrit pour moi, pour mes semblables, dit-il,
« non pour ces grands et savans hommes qui, comme le veut
ce l'apôtre , sont toujours prêts à i-endre raison de l'espérance
« qui est en nous , mais pour ceux à qui , comme à moi , la
« simplicité de la foi sufht ; car le royaume de Dieu est là,
« et non dans les disputes et la dialectique. »
Ce qui suit nous fait assez bien connaître quelle était alors
dans ces discussions religieuses la conduite des Juifs. Ils n'at-
tendaient pas qu'on les attaquât, pour se défendre; ils étaient
eux-mêmes les provocateurs ; ils disaient sans cesse aux chré-
tiens , comme Goliath dans le livre des rois : Choisissez quel-
qu'un parmi vous, et qu'il vienne combattre.
L'auteur s'attend à avoir des censeurs malveillans; mais il
aime mieux supporter leurs critiques dictées par la haine,
que d'entendre tranquillement les insultes des ennemis de
la foi, et de garder le silence sur la victoire de Jésus-Christ.
Il déclare qu'il ne leur opposera rien qui ne soit pris de
l'ancien Testament ; il abandonne tous les argumens qu'on
pourrait tirer du nouveau. Les Juifs n'en seront liés que
par de plus fortes chaînes ; il faudra qu'ils confessent la vé-
f rite, ou qu'ils soient convaincus de ne pas connaître leur
loi. Nous suivrons leur manière de disputer, ajoute-t-il , afin
qu'ils ne puissent nous accuser de les avoir plutôt vaincus
par des argumens sophistiques que par la raison. Notre ano-
nyme suit en effet bien plus la méthode des Pères que celle
des scholastiques de son temps : il ne pourra cependant
adopter toujours l'ordre ordinaire de la dispute , parce que
TRAITÉ CONTRE LES JUIFS. 369
ses adversaires s'en écartent sans cesse , sautent d'un ordre xil SIECLE.
à l'autre, échappent quand on croit les saisir; il tâchera de
les retenir et de les soumettre par une autorité qu'ils ne
peuvent contredire , celle des prophètes , et il leur prouvera ,
par cette autorité même , que Dieu s'est fait homme , quod
maxime exosiun habent , ajoute-t-il, ce que les Juifs dé-
testent le plus.
Dans le paragraphe suivant, l'auteur va chercher dans la
Genèse des preuves de la trinité, de la divinité du Saint-
Esprit, de sa procession du Père et du Fils; il discute égale-
ment et cite à l'appui de son opinion quelques passages
d'Isaïe, de Job, de Jérémie, des psaumes, du livre de la
Sagesse , de celui des Proverbes, de quelques autres livres de
l'Écriture. 11 passe ensuite aux lois hébraïques relatives au N.ii,p.i5i5
sabbat : l'observance du septième jour lui semble contraire à ^' *"'''■
la volonté divine; Moïse n'y annonce-t-il pas que Dieu ac-
complit ce jour-là son ouvrage, et se reposa ensuite? Dieu
acheva ce qu'il avait commencé : il travailla donc , il travailla
pour consommer ce qu'il n'avait pu consommer la veille.
Maintenant savez -vous à quelle heure il cessa .i^ A la neu-
vième .-^ Mais vous commencez auparavant le sabbat; et en
le commençant dès l'aurore, c|ue faites-vous de l'espace pen-
dant lequel fut terminée l'œuvre entreprise par le Seigneur?
A minuit, dites-vous : quoi de plus ridicule! est-ce que Dieu
craignait de n'en avoir pas assez du jour ? Mais l'Exode dit : Chap. 20, v. 2.
Souvenez-vous de sanctifier le sabbat. Il est vrai qu'on devait
d'abord le célébrer en offrant des victimes ; mais Isaïe est Voir le i"
témoin que, de son temps, ce n'était plus une obligation *^'- '^ '!;'"!'' *'
religieuse; que cette otirande même était repoussee. vJuel ^ j,
fruit me l'evicnt-il de tous vos sacrifices, fixit-il dire au Sei-
gneur? Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses? Jéhova
nomme des fêtes qu'il ne veut plus, et le sabbat est du nombre
de celles qu'il désigne.
L'enfantement de la Vierge est prédit dans la Genèse. Le
Christ est cette race d'Abraham dans laquelle toutes les
nations seront bénies. Dieu n'a pu se rendre visible que dans
la chair de fhomme. N'est-ce pas dans la Genèse qu'on lit : Ç. î, ▼• i5.
Ipse conteret capiit tuum ( la tête du serpent) ? et d où naîtra
celui qui doit produire un effet si salutaire au genre humain?
Semen inuUens erit. Mulieris et non viri, remarque l'auteur :
Ergb id de muliere sine ■viro prœdictwn est. Le Christ est donc
cette race d'Abraham dans laquelle toutes les nations seront
Tome XI II. A a a
370 TRAITÉ CONTRE LES JUIFS.
XII SIECLE, l^enies. Dieu n'a pu se rendre visible que dans la chair de
l'homme.
Et cet enfantement de la Vierge, que les Juifs ne veulent pas
reconnaître, n'est-il pas annoncé de nouveau dans ces pro-
phètes , juifs eux-mêmes, honorés par les sectateurs de
Moïse, comme par les chrétiens, et dont les ouvrages font
partie de l'ancien Testament ? N'est-ce pas là ce que veulent
c. 3i, V. 11. dire ces mots de Jérémie : Faciet Dominus quodaam novum
super terrain ; fœmina circumdabit viriwi P Que signifient
ces derniers mots en particulier, si ce n'est, Virum totum
includi a fœmina , non ut solet amplexu et osculo , sed ita
circumdari ut sit vir totus in fœinind , id est masculus con-
ceptus in utero. La naissance de l'Enfant-Dieu n'est-elle pas
clairement exprimée par ces mots d'un autre proplièt»-, de
C. 5,v. 2. Michée, qui l'annonce comme devant être Dominât or in
Israël, egressus ah initio , a diehus œternitatis ? Ne sont-ce
pas là les caractères du Christ? Et en même temps qu'il
• est appelé par Michée dominator in Israël, il est appelé
jer. 3i,22.- ^,j;. novus par Jéi'éraie, lustitiœ doctor iiar Joël, et Dominus
Joël, 2, al.— Is. T •• Vi. r\ '
C.52.-OS. 10, par Isaieet par Osée. . .
12. La naissance et la divinité du Christ, 1 abaissement des
Israélites, la destruction de Jérusalem, la vocation des Gen-
tils, ont également été prédits par les prophètes. A l'autorité
c. 4, V. 12. (le ceux que l'auteur vient d'invoquer, il joint celle d'Amos,
qu'il fortifie encore par une explication tirée du livre des
Ps. 84,v. 14. Psaumes, et plusieurs passages encore d'Amos lui-même
( c. 4 •) V. I et suivans), de Baruch ( c. 3, v. 3^), d'Abdias
(c. I , V. 1 ) , d'Habacuc ( c. 2 , v. 2, etc. et c. 3) , de Jonas ( c. i ,
V. 2 ) , de Nahum ( c. i , v. 1 5 ) , et de Malachie ( c. i , v. 10,
et c. 3, V. 1 ). Il discute et affirme successivement toutes ces
propositions , et il répond pareillement à celles-ci qu'il pré-
sente sous une forme interrogative : Par quel serpent Eve
llabac. c. 3, fut-cllc trompée? Que faut -il entendre par ce milieu des
"*• * ^' ^- temps où doit s'accomplir l'œuvre du Seigneur , par ce Dieu
Sophon. c. 3, fort qui est au milieu de vous et qui vous sauvera, par les
V. 17 ; Nouibi. soixante-dix semaines de Daniel , par le temps où finira le
c.9,v. 2*. pèche?
L'auteur expose et réfute les diverses explications que les
Juifs font de 1 Ecriture pour écarter ou combattre le sens
qu'y trouvent les chrétiens, les promesses qu'ils y lisent, et
1 accomplissement de leurs espérances. Il se jette quelquefois
dans des interprétations allégoriques dont on peut nier la
.5i8.
ROBERT DE MELUN. 371
justesse, et par là même toutes les conséquences qu'il en tire; ^'^ SIECLE,
mais plus souvent il s'attache au sens littéral , et le rend
d'une manière avouée par les commentateurs de la Bible, il
a de l'ordre, du mouvement, et s'écarte peu de son sujet.
Nous ne savons s'il avait pour but de répondre directement
à quelque ouvrage récemment publié contre la religion , ou
s'il cherchait à réfuter en même temps plusieurs attaques
dirigées contre elle. Il emploie souvent l'apostrophe et l'iro-
nie , et presse vivement ses adversaires , en opjiosant sans
cesse de nouveaux passages aux réponses qu'il les suppose
faire , et qu'il qualifie plus d'une fois de niaiseries , de fables,
de mensonges : d'autres fois il assure que l'habitude de com- y^j^. ,^j
battre a rendu les Juifs plus adroits, plus circonspects, plus 64, 65 et -o^
prudens dans les moyens qu'ils emploient, dans les taits P- "^5, i566
qu'ils nient , dans les explications qu'ils donnent. On peut ^' 'yj^ ]g, ^
croire que la langue hébraïque ne lui était pas moins fami- u. , 19, 77, p.
lière que les différens livies de l'Écriture et les prophètes '^'^' ^523 et
en particulier. ^ ^'
Dans le paragraphe 12 de ce Traité, nous remarquons une p
phrase où l'auteur renvoie à un autre ouvrage qu'il avait
précédemment composé sur le serpent qui tenta Eve. Dieu
n'a pas fait, dit-il, de créature plus rusée : en perdant la
félicité, elle n'a pas perdu la suîitilité de sa nature : Etsi
felicitatem perdidit , non tamen natiirœ suhtilitateni amisit ,
de cujiis dolis et iiwidiâ^ continue-t-il , in prœcedenti trac-
tatu locuti sumus. Dolis et invidiâ pourraient faire croire que
c'était aussi un traité contre les Juifs. P.
ROBERT DE MELUN,
ÉVÊQUE D'HÉREFORD,
ET GILBERT FOLIOTH.
rVoBERT, né en Angleterre, dit Jean de Sarisbéri, fut sur- Metaiog. lib.
nommé de Mehm, à cause des leçons qu'il avait données "><=»°-
dans cette ville : Cognomen meruit scholarum regimine ;
^ Aaa a
372 ROBERT DE MELUN.
XII SIECLE. ans;Iigena enim erat. Il avait d'abord enseigné à Paris; maïs
les professeurs s étant multipliés à tel point dans cette Capi-
tale, qu'ils commençaient k s'y gêner l'un l'autre, l'Univer-
Hîst. Tniv. site leur permit, dit du Boulay, d'établir quelques écoles
Pans. t. II, p. j^j^^ j^g lieux voisins, et Robert fut l'un de ceux qui usèrent
^ '*' de cette jjermission. Il avait eu pour maître Abailard ; il eut
pour disciples Thomas Becket, Jean de Cornouailles , Jean
Ep. ad Tlio- de Savisbéri. Ce dernier loue le désintéressement de Robert,
mam Caiiiuar. g^j^ activité, ct Ics lumières philosophiques qu'il répandait
'"'■*T l'b l°'"r sur la théologie : In dwiins Utteris , eminentioiis piiilosophice
i6i.-Mctaiog. assccutus est glonam. Jean de Cornouailles rend hommage
lib. ii,c. 10. Jj la pvircté de la doctrine de Robert de Melun; il l'associe
Aiîxandr!^in'! » Mauricc de Sulli , pour le distinguer entre les docteurs
apud. Biartene! de cette époquc , comme invariablement oi^thodoxe , et
Thesaiir.anecd. n'ayant jamais rien enseigné qui sentît de près ou de loin
t,v,p. i66y. j'i^^j.^gjg jg n'ai pas lu leurs écrits, ajoute-t-il, mais j'ai
assisté à leurs leçons, à leurs thèses sur l'Incarnation et
sur d'autres matières ; ils réfutaient victorieusement cer-
taines opinions de Pierre Lombard. Robert appartenait à
la secte des réalistes , il en fut même un des coryphées , et
Le Beuf , l'on donnait à ses disciples le nom de Robertins. Après avoir
Dissortai. sur séjourné ciî France environ trente ans, entre i i3o et 11 60,
l."ii',' p! ^255 \ il rei^assa en Angleterre, et fut élu évêque d'Héreford en 1 163,
a56,'259. ' après Gilbert Folioth {a). Il était alors d'un âge avancé , ^m/z-
Adann. Ti63. dœ'.'us , dit Robert du Mont. Il mourut en 1 167, le 28 février;
— Du Boulay, ç|. g'il e&t vrai que son successeur, Robert Folioth, n'ait été
î^irt II ""^ 324 no™i"^ qu'en 11 74-, ainsi qu'il est marqué dans certaines
us, . ,p. 2 . ç|_^j,^j^jj.j^gg^ jl f^m qug le siège d'Héreford ait vaqué durant
plusieurs années ; car on ne saurait faire vivre Robert de
IMclun au-delà de 1167, sans contredii'e tes plus anciens et
Ann. Eccles. les plus croyables témoignages. Cette succession de trois
•\Vigorn. etc. in ^y^q^es d'Hercford , dont le premier et le troisième s'ap-
'tAfi\oi"n(i\ pèlent Folioth, le second et le dernier Robert, a donné lieu
649. — Alford,
Godw'în' ep^sc^ (") Gilbert Folioth naquit et mourut en Angleterre, et Ton ne connaît
Hereford. ad aucune circonstance de sa vie qui puisse autoriser à lui donner une place
ann. J167. dans IHistoire littéraire de la France. Il fut évèque d'Héreford , puis de
Londres, et décéda le 18 féwier 1187. Voici les titres des ouvrages qu'on
lui attribue : Homiliœ 9 de laudibus Pétri et Pauli. (Bibl. Reg. angl. p. ij,
n. XXXII.) — Super executione mandati AJexandri III el Pro causa Hert-
rici II ad Alex. III. (Simon, Bibl. du Droit, t. II, p. 11 3.) — Expositio
cantici co/j^/c. Londini , i638, in-4°. (Crovœus, de Scrii>tor. in Sacr.
Script, p. i54. Lipen. Bibl. Theolog. t. I,p. 221. Ribl. Heins, paît. I, p. 38.
med. et inf. lat.
in-A".
conim.
Eccl.
ROBERT DE MELUN. SyS
a des méprises. Rouillard , Pits, Vossius, Faîjricius, Oudin xn SIECLE.
lui-même, les ont diversement confondus. On a sur- tout Hist. de Me-
appliqué fort souvent à notre Robert le surnom de Filiok lun,p. 336.
ou de Folioth : il ne doit être surnommé (jue Melidunen- "^'oss. de his-
sis, de Meliditno , de Melun ; et nous croyons que ce n'est ub.' ii c'! '5""*
là ni le nom de sa famille, qui, d'ailleurs, pouvait être ori- Fabr. Bihi.
ginairement française, ni le nom du lieu de sa naissance "led. etir"'
en Angleterre, comme l'a supposé Baluze, mais un simple oùd]n,ci
monument de ses fonctions de professeur à Melun près de de Script.
Paris, ainsi que nous l'apprend Jean de Sarisbéri, son con- *• ^J' p- "'t^i-
• / 1 •• 1 ^ 1454, etc.
temporani et son disciple.
Quand Vossius dit que Robert de Melun a fait un livre
d'extraits de la Chronique de Marianus Scotus, Vossius ou-
blie qu'il a déjà indiqué ce même livre comme rédigé par DeHisioricis
Robert P"", évêque d'Héreford , décédé en 1096. C'est aussi latinis, liv. 11,
mal-à-propos que du Boulay attribue à Robert de Melun un ^' '^^j^^ -^^^^
pénitciitiei manuscrit, jadis conservé à Saint- Victor, et qui Paris, t. 11, p!
portait à la vérité le nom d'un maître Robert, mais qu'on 54a.
a reconnu pour l'ouvrage de Robert de Flamesbure, victo-
rin du XIV siècle.
Une lettre de l'évêque d'Héreford à Suger, imprimée dans
les Collections des Historiens de France, n'est point de Duclipsne ,
Robert de Melun , mais d'un de ses prédécesseurs. Les ou- Scnpt.Rer.Cai-
vrages manuscrits de Robert ont été cités sous les titres de — Rec.drsHi's't.
Livre des Sentences , de Traité de l'Incarnation et de Somme de Fr. t. xv,
Théologique. Ce dernier titre doit être considéré comme P"^^^"
renfermant les deux autres, qui n'indiquent réellement que d'Angleterre™;
des parties d'un seul et même ouvrage. Cette Somme n'est mss. de s.-vic-
connue du public que par le compte qu'en a rendu Casimir '"'''' Mpntfau-
Oudin , par les longs extraits qu'en a donnés du Boulay, bUothec. mss!
et par les cinq fragmens qu'en a transcrits dom Mathoud t.i,p. 639; t.
dans ses notes sur Robert Pullus. ^^' piÎ75 —
Dans le premier de ces rragmens, il est question de savoir des Dunes ;San-
der. Bibl. mss.
Belg. p. 167,
Biblioth. Baluz. t.l, p. 147.) — Une lettre de Gilbert Folioth. à Alex. III, 169. — Variœ
sur l'affaire de Thomas Becket , se lit p. 6'6 — 68 du loni. Il des Conciles disputation. ad
d'Angleterre, de Spelman : là se trouvent aussi , p. 68 — pS, plusieurs opéra Martini
lettres adressées à Gilbert Folioth , et relatives à la même affaire. V. les Grandini adjec-
-36o. — Centur. Magdeb. Centur. XII , cap. lo , p, 1572. — Pagi , ad ann. 8^24.
1167, n. i5, etc.
374 ROBERT DE MELUN.
XII SIECLE, si le Saiut-Esprit doit être appelé principe de principe ,
Observât. ad ptiiicipiuiu de pHucipio ; l'auteur veut que Ion s'abstienne
Robertum Pul- de cette manière de parler, parce qu'elle n'est point usitée :
lum , p. 296, ijgng dîctinon invenitiir. Il est prouvé, par le second Irag-
^/L/. p. 3ii. ment, que lame et la chair sont dans l'homme vivant une
.' seule personne, et cependant deux substances distinctes et
■,..^^"^: ''" ^^^' divisibles. Dans le troisième , Robert de Melun répond à
oae, 33i. ç^^xxx qui .^ s'eii tenant à dire, le Verbe s'est fait chair, n'ad-
mettaient point dame humaine en Jésus-Christ : cette ame
est si peu superflue, qu'elle est, selon saint Augustin, le
lien entre le Verbe et la chair : d'oii Robert conclut qu'il
laut croire que le Verbe s'est revêtu et d'une chair et d'une
r. 335-". 16. arae. Il examine, dans le quatrième fragment, si Dieu le
Père peut quelque chose dimpossil^le à Dieu le Fils : le
Père, disaient quelques docteurs, peut engendrer le Fils, ce
qu'assurément le Fils ne peut pas; mais ce n'est point là, dit
notre auteur, une puissance proprement dite; ce n'est que
le caractère essentiel de la paternité : les pouvoirs réels , et
distincts de ce qui constitue la personne, sont égaux dans le
p. 3.',i-342. Père et dans le Fils. Le cinquième fragment nous apprend
ce que nous devons entendre par le sein d'Abraham ; ce
n'est pas un lieu , mais une récompense , celle dont jouit le
père des croyans.
Hist. Univers. Du Boulay a publié quarante-trois pages in-folio d'extraits
k"'*/.!^^' ^" ^^^ traités de Robert de Melun sur la Trinité, sur la sagesse
de Dieu, et sur l'Incarnation. La sagesse de Dieu comprend
science, prescience, providence, disposition et prédestina-
tion. La prescience ne détruit pas plus la liberté des choses
futures , que le souvenir celle des choses passées : Quemad-
modiun inemoiia ad res prœteritas se habet , ità prœscientia
Dei ad futuras. Y a-t-il deux sciences en Jésus-Christ, celle
de Dieu et celle de l'homme.'' L'homme en Jésus- Christ,
homo assumptus , sait-il tout ce que sait le Verbe incarné ,
Verhiim assumens? La chair du Christ a -t- elle été, dans
Adam, sujette à la tache originelle ? Robert fait à ces trois
questions des réponses affirmatives, en observant toutefois
sur la dernière , que le Verbe a purifié la chair dont il s'est
revêtu : ^ssumendo mundavit , niundando assumpsit. On
trouve ici beaucoup d'autres recherches théologiques , par
exemple, sur l'obombration qu'éprouva Marie, sur la fonc-
tion remplie par le Saint-Esprit dans l'Incarnation du Verbe;
sur la manière dont la divinité resta unie au corps de Jésus
585-6aiJ.
ROBERT DE MELUN. SyS
durant les trois jours où ce corps demeura inanimé et en- ^^ SIECLE,
seveli. ~
Du Boulay a rédigé ces extraits de telle manière, qu'on
ne sait le plus souvent s'il transcrit, ou s'il abrège, ou s'il
commente : on ne saurait y prendre, avec quelque confiance,
une idée du style de Robert de Melun , ni même du plan gé-
néral de sa Somme de théologie; mais ce plan a été indiqué
tant par du Boulay lui-même dans un autre endroit du tome
second de son Histoire de l'Université, que par Casimir p. 772,77^.
Oudin , qui paraît avoir lait q;uelque étude de ce volumi- Comment, de
neux manuscrit. L'ouvrage est divisé en cinq parties; la cin- Scnpt. eccies.
quième sur l'Incarnation, la quatrième sur 1 Homme, la troi- ,'453'.^'' *'
sième sur les Anges, la seconde sur un seul Dieu en trois
personnes {de Deo uno et trind). La première, qui contient
des cjuestions sur la Bible et d'autres généralités , pourrait
porter le nom de Prolégomènes; et c'est l'idée qu'en donne
du Bovday , qui ne compte que quatre parties principales ou
essentielles dans cette Somme. Quoi qu'il en soit, les Prolé-
gomènes nommés piemier livre ou première partie par
Oudin, sont eux-mêmes précédés d'un prologue sur les cinq
motifs divers qui portent les hommes à rechercher la vérité:
De qidnque stiidiis cognoscendœ ventatis ; ces motifs sont la Du Boulay,
curiosité, la cupidité, l'iniquité, la vanité, et la piété : on '^"^- p- 264.
étudie pour être savant ou pour le paraître , pour gagner
de l'argent, pour nuire aux autres ou pour se sauver soi-
même. Robert appelle ce dernier motif Stadiwn coiisum-
mationis , le désir de l'éternelle félicité.
Du Boulay prétend que Robert de Melun, quoique péri- •»
patéticien, méprisa toujours les questions inutiles; que sa
philosophie repose sur de solides fondemens ; que sou élé-
gance , sa pureté , sa latinité feront à jamais honte à ceux
qui, venus après lui, ayant sovis les yeux un si beau mo-
aèle, ont répandu tant de barbarie sur les matières philo-
sophiques et théologiques. Ces éloges ne sont pas très-com-
plètement justifiés par les extraits de du Boulay , extraits
qu'Oudin trouve longs et fastidieux, ad nauseam usquè. Comment.de
Le même Oudin cependant approuvait fort le projet conçu Script, eccies.
par le victorin Boet, d'imprimer et donner au puljlic la *• ^^'t^' '^'^^'
Somme toute entière de Robert de Melun. Dom Mathoud ïhici. lin. 29
s'était proposé la même entreprise, et n'y avait renoncé •"' ^"- . 9?".*
qu'en apprenant qu'elle occupait les Victorins. En sa aua- '"'*''' digntssi-
lite d éditeur de Robert Pullus , dom Mathoud déclare la sum est.
376 BERNARD ET THIERRI, PROFESSEURS.
xir SIECLE. Somme de celui-ci bien plus e'rudite , eruditione refertam ,
Obseiv. ad Que ccUe de 1 evèque d'Héietord ; mais il ne peut s'empêcher
Rob. Puilum , de reconnaître dans ce dernier un théologien fort subtil,
^' '^'^ ' suhtilein; et ce mot sans doute doit être pris ici dans une
acception plus étendue et plus favorable que celle qu'il a
communément. D.
BERNARD ET THIERRI,
FRÈRES, PROFESSEURS A PARIS.
RECHERCHES SUR LEUR VIE ET LEURS ÉCRITS.
DeGest.rred. Ijernard ET Thierri , SOU frère , étaient Bretons, selon le
lib. I, cap. 47. témoignage d'Othon de Frisingue , qui avait pu les connaître
à Paris dans les écoles. Il parle d'eux à l'occasion de Pierre
Abailard, qui était de la même province, pays, dit-il, fer-
tile en clercs d'un esprit subtil , et appliqués aux sciences ,
mais tout-à-fait ineptes à toute autre sorte d'affaires. Tels
furent les deux très-savans frères Bernard et Thierri. Est
enim prœdicta tenu clericorum , acuta ingénia et artihus
appîicata hahentiuni , sed ad alia negotia penè stolidorum
ferax, quales fueriint duo fratres Bernardus et Tlieodericus ,
viri doctissi?}ii. Othon donne assez à entendre par-là que
leur talent se bornait à parler avec facilité en public; car,
du reste , ils n'ont laissé presque aucun monument de leur
génie.
Rob.deMon- Bernard est sans doute le même que maître Bernard,
te,adan. iiSg. bi^etou , qui, de chanceher de l'église de Chartres, fut fait
évêque de Quimper Tan 1109. La qualité de martre, que
lui donne ici Robert du Mont, ne permet pas de douter
qu'il n'ait professé les sciences , et qu'il n'ait eu une école soit
Mabill. Ann. à Paris, soit à Chartres. L'an iibi , il fut un des arbitres
t. v,p. 96. pour l'accommodement d'un procès entre le chapitre de
l'église de Nantes et les moines de Quimperlé. Il mourut
l'an 1 167 , selon la chronique de Quimperlé; le 2 août, selon
l'obituaire de Landevenec. On lui donne, dans l'ancien Gal-
lia Christiana , le surnom de Moellan , et dans IHistoii'e de
BERNARD ET THIERRI, PROFESSEURS. 877 -
Bretagne, de Moelan , sans appuyer ce surnom d'aucune xn sif.cle.
preuve. Ce n'est peut-être qu'une faute d'impression; mais ce ~
que nous venons de recueillir des circonstances de sa vie suf-
fit pour le distinguer d'un autre Bernard de Chartres . sur-
nommé Syhestris, qui mourut , comme on l'a dit précédem- Hist. Liit.
ment,dansrexei'cicedeprofesseur,verslemilieuduXIFsiècle. ^' ^^^' P" ^^^
Thierri nous est plus connu que son frère. Jean de Salis- Métal, lib. 11,
buri dit qu'il avait pris dans son école à Paris quelque tein- '^^i'- '"•
ture de la rhétorique. Ce dut être vers l'an 1 136 , époque où
ce jeinie anglais vint perfectionner ses études en France, ihid. \\h. i,
Thierri était , selon lui , un homme fort appliqué à l'étude "P* ^•
des beaux arts : magister Theodoricus artiuni studiosissimus
im'estigator. Il enseigna ensuite la dialectique , et fut accusé
de témoigner beaucoup de mépris des Topiques d'Aristote;
mais je me souviens, dit encore Jean de Sàlisburi , que c'était ibùi. lib. iv,
des Topiques de Progon de Troyes , et non des Topiques '^''P- ^^•
d'Aristote qu'il se moquait ; il est pourtant vrai qu'il les avait
enseignés autrefois : Eadem tanieii qiiandoque docuit. Nous
ne serions pas éloignés de croire qu'il est ce Terriens qui ,
au concile de Soissons de l'an i lai , prit la défense d'Abai-
lard , son compatriote. On examinait la doctrine d'Abailard Abael. epist.
sur la trinité des personnes en Dieu , savoir , s'il fallait dire ' ' "^^p- '"■
que ce sont trois êtres tout-puissans ou un seul tout-puissant.
Le légat Conon avait avancé inconsidérément qu'il fallait
admettre trois tout-puissans. Alors Terrique, d'après le sym-
bole de S. Athanase , s'écria : Et tamen non très omnipoten-
tes, sed unus omnipotens. C'est Abailard qui raconte ce fait.
Quoi qu'il en soit de cette«> anecdote , il est certain que
Thierri assista l'an i i4H au concile de Reims, assemblé pour
proscrire les erreurs de Gilbert de la Porrée, évêque de
Poitiers, et les folies d'un autre de ses compatriotes, appelé
Eon de l'Etoile, qui, par une mauvaise allusion à son nom,
croyait bonnement qu'il était celui qui tloit venir juger les
vivans et les morts. D. Mabillon nous a donné, sur un ma- Mab. Annal.
nuscrit du cardinal Ottoboni , la liste des théologiens qui '-^1.^01.435.
assistèrent à ce concile, et l'on remarque parmi eux un Theo-
dorieus Carnotensis , qui vraisemblablement occupait alors,
comme son frère, quelque dignité ou prébeade dans cette
église; mais nous ignorons quel rôle joua, Thierri dans cette
assemblée. Il paraît que ce fut à l'occasion de ce concile qu'il
parvint à la connaissance d'Albéron, archevêque de Trêves.
Baldric, qui a écrit la vie de ce prélat, nous apprend que, Bouquet , t.
Tome XIII. Bbb XIV, p. 36o.
'4
378 BERNARD ET THIERRI, PROFESSEURS.
XII SIECLE, yers le même temps , Thierri fut appelé dans les états de ce
prince , avec Gerland de Besançon , deux savans les plus
distingués de son temps : Magistrum Jatiandum Bisuntinwn
et magistrum Theoclericum Carnotensem , famâ et gloriâ
doctores nosiri temporis excellentissimos ; qu'Albéron prenait
un singulier plaisir à les entendre disputer sur les matières
Hisi. Litt. jg l'école, ainsi qu'il a été dit à l'article de Gerland. On ignore
' ^" ^' ' ce que Thiei-ri devint depuis. On peut croire qu'il mourut
avant son frère, et qu'il était peut-être son aine, quoique
Othon de Frisingue le nomme le dernier.
Thierri était hardi dans ses opinions. Pour dire quelque
chose de neuf et d'extraordinaire (manie cpii avait saisi tous
les professeurs du \W siècle), il enseignait que Dieu n'était
présent en tout lieu que par sa puissance, /;ofe/2^/'rt/;Ve/', et
Spicil. in-A°, non par son essence. Nous avons sur cela la lettre que lui
t. u, p. 467. écrivit Gautier de Mortagne , pour lui témoigner son etonne-
ment, et lui prouver que son opinion est absolument con-
traire à lÉcriture et à la tradition; mais nous n'avons pas la
réponse que Thierri a dû lui faire, soit pour défendre son
opinion, soit pour la réti-acter.
Abailard impute aussi à Thierri et à son frère des erreurs
Martène , bien grossières , s'il est vrai que c'est d'eux qu'il a voulu
Anecd. tom. V, ,^j,j,igj. Jans sa ThcolosTie chrétienne , lorsqu'il dit : « Nous
col. i3i5. 1 . 1 r ' • J 4. 1 1
« connaissons deux rreres cjui se donnent pour de grands
« docteurs, dont l'un accorde tant d'efficace aux paroles sacra-
« mentelles , qu il prétend qu'elles ont leur effet dans la
« bouche de quiconque les prononce, sans différence d'ordre,
« d'état et de sexe , de sorte qu'une femme ou un laïc peu-
« vent consacrer l'eucharistie; l'autre, dit- il, est si attaché
« aux opinions des anciens philosophes, qu'il soutient que
« Dieu n'est pas plus ancien que le monde. 3> La lettre de
Gautjer de Mortagne est très-propre à accréditer cette con-
jecture. Cependant, comme Abailard n'a pas jugé à propos
de nommer les deux frères Bernard et Thierri, nous suspen-
drons notre jugement.
Il parait que la théologie n'était pas le fait des deux frères
bretons; ils étaient plus recommandables sous le rapport des
Mctal. lib. I, beaux arts. Jean de Salisburi compte Thierri parmi les bons
cap. 5. esprits qui s'opposèrent aux effoijs de ceux qu'il appelle les
Cornificiens , lesquels ne tendaient à rien moins qu'à anéantir
Hist. univ. toutc bonne littérature. Wood va encore plus loin; il assure
Oxon. que Bernard et Thierri prirent la plume pour défendre Jean
BERNARD ET THIERRI, PROFESSEURS. 879
de Salisburi contre ses adversaii'es ; mais il ne reste aucun X" SiECLt.
vestige de leur travail , s'il est vrai qu'ils aient écrit.
La Bibliothèque impériale, n° 358 j, conserve de Thierri
un ouvrage manuscrit qui a pour titre : Magistvi Thcoderici
de sex dieritm operihus libri duo. C'est une explication de
l'ouvrage des Six jours ou <de la Création du monde; sujet
qui , depuis que le montle existe , a été traité tant de lois et
de tant de manières différentes par les savans de tous les
siècles ; mais Thierri prétend l'expliquer philosophiquement
et par des raisons purement physiques , en prenant à la
lettre le texte de Moïse dans la Genèse.
Voici l'idée que nous donne de cet ouvrage celui qui nous
a conservé ce manuscrit, qui est peut-être unique dans le
monde. Cet anonyme vivait à la tin du XIP siècle ou au
commencement du XIIP, à en juger par l'écriture du ma-
nuscrit , qui même ne paraît pas avoir été l'autographe. Vou-
lant faire un présent à une dame qu'il ne nomme pas, et qu'il
ne désigne par aucune quaMté, mais dont il loue beaucoup
la science et l'amour des lettres, qui l'ont rendue célèbi-e
dans toute l'Europe, il n'a rien trouvé de mieux à lui offrir
que le livre de maître Thierri sur l'ouvrage des Six jours :
livre que Rome a déjà placé, dit-il , dans ses archives. C'est,
selon lui, un chef-d'œuvre de philosophie du plus grand des
philnsophes de son temps, dans lequel il explique, par des
raisons purement physiques , par quels procédés la divine
intelligence a tout produit d'une matière informe. Dlrexi
itaque ■vestrce suhliinitati libelluin queni magister Theoderi-
cus , magnus doctor, de sex dieruni operihus edidlt , quem
Roma jani suis commisit archùis : in quo quantiiin plùloso-
phice contineatur liquidb appavet , citin ipso, ut pote totius
Europœ philosophoruni prœcipuus, qualitcr exemplaris forma
in materid operans cuncta produxerit , juxta phjsicas tantùm
rationcs edoceat.
Quant à lui, s'il s'est permis d'ajouter à l'opuscule de Thierri
un second traité de sa façon sur la même matière , il ne se
considère que comme un glaneur qui ramasse les épis échap-
pés à la faux de ce vigovireux moissonneur, auquel il veut
cju'on rapporte' toute la gloire de son travail , si l'on trouve
qu'il n'est pas sans quelque mérite. Mais, comme il s'est
proposé de concilier la plupart des opinions des philosophes
avec la vérité des chrétiens, il ne doute pas que son travail
n'ait quelqT3fe degré d'utilité. Car c'est ainsi , ajoute-t-il , que
Bbba
f
38o BERNARD ET THIERRI, PROFESSEURS.
XII SIECLE, saint Augustin nous a appris qu il fallait agir avec nos enne-
mis : leur dérober ce qu'ils ont de bon, c'est dépouiller les
Egyptiens pour enrichir les Hébreux , sic enim in Augustino
me legisse recordor : philosophorum sententias chnstianœ
'veritati accomodare ^ hoc est exspoliare AEgyptios , et ditare
Hehrceos. . «
Les deux livres qui composent ce manuscrit sont , par
conséquent, deux traités diftérens. Le premier est l'ouvi'age
de Thierri ; le second appartient à l'anonyme dont nous
venons d'analyser la préface , mais celui-ci est incomplet , le
manuscrit étant mutilé à la fin. Nous ne nous occvqjcrons
donc que de l'ouvrage de Thierri, sans entrer cependant
dans tous les développemens qu'il donne à son système. Il
suffira de présenter le résumé que l'auteur ^i a fait lui-même
en ces termes :
« Il suit de tout ce que j'ai exposé , dit-il , que , dès le
« premier jour, le mouvement de rotation imprimé au ciel
« fit jaillir de la matière du feu la lumière qui éclaira la
« région de l'air; 2° l'air échauffé communiqua sa chaleur
« aux eaux qui couvraient la terre, et, au moyen des vapeurs
« qu'il éleva, fut formé ce qu'il appelle, comme Moïse, le
« firmament : ce fut l'ouvrage du second jour; 3° le firma-
« ment réchauffé lui-même par les vapeurs qu'il contenait,
« put agir assez efficacement sur le chaos des eaux et de la
« terre pour les séparer, et pour donner la fécondité à la
« terre : c'est ainsi que l'auteur explique l'ouvrage du troi-
« sième jour; 4° des vapeurs qui restaient suspendues dans
« le firmament furent formés le soleil et les étoiles , dont
« effectivement Moïse rapporte la création au quatrième
« jour; S** le mouvement et l'influence des astres donna aux
« eaux la vertu de produire des animaux-, et des eaux cette
« vertu se communiqua à la terre [a) » : ce fut l'ouvrage du
cinquième et du sixième jour.
Tel est en substance le système de notre physic-en ; et,
quoiqu'il assure qu'il n'y a pas une autre manière d'expliquer
(rt) Sic igitur cœli levissimi et ultimi , et nuUo modo stare valentis , prima
conversio illuminavit aéra. Aer verô illuminatus calefaciens aquam ac
super se suspendens factus est firmamentuin. Firmamentuui verô ex supe-
riori vapore vim caloris in se continens, fecit aridam apparere, et inde ad
fecunditatem terrœ inserviit. Tune verè ex multitudine aquarum, ex calore
in ipso firmamento suspensà, stellae creatœ sunt. Ac sic ex motu et calore
«tellariim generatio aniinalium in aquis sumpsit initinm. Sl^diantibus verô
GILBERT, ABBE DE CITEAUX. 38r
l'œuvre de la création, il ne paraît pas que les théologiens y ^^^ SIECLE,
aient trouvé à redire. On peut voir, dans l'ouvrage même,
les raisonnemens que l'auteur emploie pour étayer ses sup-
positions, et l'on restera convaincu que la physique était au
XIP sièéle dans un état d'imperfection inconcevable, puis-
que, au jugement de ses contemporains, Thierri était le plus
habile des physiciens, non seulement de la France, mais de
toute l'Europe. Cependant on ne peut nier que, sur des
objets de détail , il n'y ait quelques observations fondées sur
l'expérience, ^i prouvent que Thierri était un assez bon
observateur dans les choses qui étaient à sa portée. De-là la'
grande réputation dont il jouissait de son temps , au point
que les savans les plus distingués s'empressaient de lui dédier
leui'S ouvrages. Nous citerons Bernard Syh'estris , autre phi- ^ist. littér.
losophe qui, comme nous l'avons dit ailleurs, lui fit hommage ' ' P- * 7-
de ^on Megacosnic et de son Microcosme , et Rodolphe de
Bruges , mathématicien , qui , ayant traduit en latin , vers
l'an II 46, le Planisphère de Ptolomée, l'adressa par une /i«/. p. 237.
préface à Thierri le platonicien, son maître, qui sans doute
n'est autre que notre Thierri.
Il n'est pas vraisemblable. que Thierri eût acquis autant
de célébrité sans avoir produit quelques monumens de son
génie. Cependant l'ouvrage dont nous venons de parler est
le seul qui , à notre connaissance , ait échappé aux ravages
du temps. B.
GILBERT, DIT LE GRAND
ABBÉ DE CITEAUX.
vjiLBERT, abbé de Cîteaux, était né en Angleterre. Apres Hemiq. PLe-
avoir brillé dans les plus célèbres écoles de sa patrie et de nixreviviscens,
la France, particuhèrement à Toulouse et à Paris, il alla se ?;^'f ^^''.-T
1 j 1 ^ \-,r^ 1 -11. . 1 , Menolog. Cist.
cacher dans le monastère dOurcamp, dont il devint abbe 17 oct.
aqiiis ad terram usqiiè pcrvenit : et ultra hos niodos creandi corpora,
sive in aère illa sint, sive in teri à , nuUus modus reliquiis esse poteiat.
Fol, 4 verso.
382 GILBERT, ABBÉ DE CITEAUX.
xn SIECLE, en 1143. Il commença en 11 54 la construction d'une église
ciui ne fut achevée qu'en 1201. Fastrècle, abbé de Citeaux,
étant mort en ii63, Gilbert lui succéda, et tint l'année sui-
vante un chapitre général de son ordre , où lurent laits des
Manriq.Ann. statuts pour Ics chcvaliers de Calatrava. C'était un ordre
Cisterc.adaiiii. militaire institué en Espagne depuis fort peu d'années, et
lig.' '^ ' " composé de guerriers qui n'avaient eu d'abord, dans le mo-
nastère cistercien de Calatrava, d'autre existence Cjue celle
de frères lais ou convers, mais qui , bientôt las de cette ma-
nière d'être, et ne voulant plus obéir à de sWiples moines,
les avaient tous chassés de cette abbaye, et s'étaient donné
un grand maître nommé don Garcie. Ce fut avec ce grand
maître cjue traita Gilbert dans le chapitre général de 1164.
En improuvant les procédés militaires que les chevaliers
avaient employés pour se constituer, l'abbé de Cîteaux ne
contesta point la validité de l'élection de leur grand maitre,
et consentit à leur donner des réglemens adaptés à leur
profession guerrière. Ces statuts, qui furent confirmés par
le pape Alexandre III, ont pu être rédigés par Gilbert, mais
ils sont fort courts , et méritent bien peu d'être considérés
comme une production littéraire : ils ont été d'ailleurs mo-
Ann.Cisterc. difiés eU II 87.
an. 1187, c. 4, Lp pape cpie nous venons de nommer traita Gilbert et les
" Hp^iriq. Pli- Cisterciens avec une extrême bienveillance. Non-seulement
vii.ord.Cisterc. il les déclara propriétaires incommutables de tous les biens
!'• ^^- qu'ils possédaient , de ceux même qu'ils pourraient acquérir,
mais il leur accorda plusieurs privilèges, les exempta de la
juridiction des évêques , et prétendit les soustraire aussi
à la puissance séculière. De son côté, le roi de France,
Louis-le-Jeune , honorait à tel point les religieux de Cîteaux.
et leur abbé, que durant le chapitre de 1164, il vint les
prier de demander à Dieu un héritier de sa couronne. Un
lils lui naquit en effet l'année suivante , lequel fut depuis le
roi Philippe Auguste.
Martène , Une lettre d'Alexandre III, adressée à Gilbert en 11 65,
Ampliss. Coll. ordonne d'ôter à Geoffroi le gouvernement de l'abbaye de
KeaieyideshbL Clairvaux. Gilbert n'obéit point à cet ordre, dont les mo-
de Fr. t. XV, tifs sont fort peu connus; il soutint contre le pape, et même
p. 829,830. contre Louis VII, l'abbé de Clairvaux, qui pourtant donna
sa démission. Mais Gilbert fut un si zélé défenseur de Tho-
mas Becket, cju'il n'eut aucun égard à une lettre que le roi
d'Angleterre lui écrivit pour obtenir que Thomas lut chassé
GILBERT, ABBÉ DE CITjEAUX. 3^
de l'abbaye de Pontigny où il s'était réfugié : Becket n'eu xii siècle.
fut expulsé qu'après la mort de Gilbert. Henriquez et le nou-
veau Gallia Clirùtiana llxeiit la date de. cette mort au ly T. iv,p.987,
octobre i i6y. Il est sûr que le 17 mai de cette même année, 988, 991, 992,
Gilbert signait une convention avec le chapitre d'Autun; par " 'i'" °-
conséquent il n'est point décédé en 1 166, quoi qu'en disent
les anuales de Cîteaux. Jungelin et d'autres auteurs le font
vivre au contraire jusqu'en 1168. Tous célèbrent sa piété,
sa doctrine, son savoir immense ; il a même dans leurs écrits
un surnom destiné à distinguer, dans tous les genres, les
plus éminens personnages : c'est Gilbert-le-Grand que l'ap-
pellent les chroniques, les biographes et bibliographes. Mais
ce qu'ils disent de sa science , de ses ouvrages et de sa gran-
deur, vient sur-tout de ce qu'ils le confondent avec quel-
ques autres Gilbert de son siècle, et même des siècles sui-
vans. Pitseus, en commettant ces erreurs, nous donne la P. CGi,362.
liste suivante des productions littéraires de l'abbé de Cîteaux. :
I
Coimnentariorwn in di9krsos Scripturœ textus lihriplures. Possevin, in
2. In Psalteriwn. 3. Distinctiones theologicœ. ^'^^rt' *' ^'
4- Doctorum Collectanea. 5. Concionum tond i5. Catal. mss.
6. Pro Christianis contra GentUes versu elegiaco. ang- P- l, n.
7. Concioncs in oracuhini Cyrilli Carmelitœ grœci. 1869, 187C.
8. De naturis rerum. C). Liher Epistolanini ad diversos. Hist. Univ. ' \..
10. Histona adinstar Scropi. II,ann. 1189,
p. 525.
Cette liste se retrouve dans les annales de Manrique. De Ann. 1166,
Visch la transcrit aussi, mais en remplaçant le Traité de c 5,n. 1,2.
naturis reri^ni par un livre intitulé Quid sit monachus. Phi- „. ^^„\ 11.%^.^
lippe de Bergame dit que Gilbert avait commenté en treize
livres les Epitres de saint Paul, et composé un ouvrage sur
la Trinité. Martin le Polonais, eu parlant des chroniques
dont il s'est servi pour rédiger la sienne, en cite une de
Gilbert , Ex chronicis Gilberti de Gestis ■Pontifîcwn et Inipe-
ratoriun ; et ce Gilbeit serait l'abbé d'Ourcamp et de. Cî-
teaux, s'il en fallait croire Sandius et Hallevord. En tout cas, V- Ediard,
cet abbé ne peut avoir écrit une chronique à Yinsfar de Script. ord.pra-
celle de Scropus , puisque Thomas Scropus ou Bradley est côi!?!. '^ ^'
un auteur du XV *" siècle, mort en 1 491. On remarque parmi Biw. Carme-
, les manuscrits de Bodley un article intitulé : Gilbertus ahhas 'î' '•"'P-S^^g-
Jw/:'^/' Evangeliwn Matthœi ^ et parmi ceux de la cathédrale aii^i.'"p.ir ri-
de Cambrai, un Abrégé de Médecine par maître Gilbert, 187?, 4'.- '
Posscv. Calai.
384 GILBERT, ABBÉ DE CITEAUX.
XTi SIECLE, anglais ; Doujat enfin cite un abbé Gilbert, auteur d'un re-
mss. p. 127. — cueil de Constitutions particulières; mais aucun indice n'au-
Journ.desSav. torisc à prétendre que ces productions soient de l'abbé de
tewr. 1728, p. cjtea^ix, successeur de» Fastrède.
Douj.Prsenot. Lcs éci'its qu'ou pourrait lui attribuer avec quelque fon-
Canon. c. i6,p. dcment , seraient trois lettres à Louis-le- Jeune , un sermon
j 1, 11. 5. ^ jçg prélats, et, si l'on veut, ces statuts de l'ordre de Cala-
trava , dont nous avons déjà l'ait mention. Le sermon à des
prélats se lit dans le second tome des œuvres de saint Ber-
P- 745. nard, et y est précédé d'une note de Mabillon, qui observe
que ce discours prononcé par un moine cistercien durant
le schisme entre Alexandre III et Victor , pourrait fort bien
être de l'abbé Gislebert. Ce n'est là d'ailleurs qu'une conjec-
ture, et le sermon ne consiste cju'en réflexions morales et
souvent mystiques sur ce texte de saint Paul : Oinnes nos
manifestari oportet antè trihunal Christi. Les tiois letties
T. IV, P. 670, à Louis-le- Jeune , publiées dans la collection de Duchesne,
..'?-' -^V'r '*■ sont écrites au nom de Gilbert et des évêques et abbés cis-
ay >, J18, 5ii. . , . • ^ . .c^
terciens assembles en chapitre. La troisième est une apo-
logie de l'évêque de Châlons -sur- Saône , contre lequel on
avait indisposé le monarque. Dans la seconde, il s'agit des
intérêts de l'abbaye de la Cour-Dieu, et du préjudice quelle
éprouverait, si l'on bâtissait trop près d'elle un autre monas-
tère : Nani si tant prope domuin curiœ Dei domus reU-
ComesRober- siosofum fiât , pevêmptio ejus est. Le comte Robert est dé-
tusfratcrvester, noncé daus la première pour avoir mangé de la viande en
des maisons de l'ordre de Cîteaux : c'est un désordre que
les statuts défendent sous peine d'excommunication : Sub
excommunicatione gravi prohihitimi ne quis in dwnibus nos-
tris aut grangiis hospitatus comedat cames. Ces trois épîtres
sont fort courtes ; et quand l'abbé Gilliert les aurait en effet
rédigées, ce qui n'est pas certain, il n'y aurait pas de quoi
le placer au nombre des auteurs. Pitseus vante la finesse
Acutiingenii, de SOU esprit, l'élégaïice et la dignité de son style; mais aucun
stylo imidus , o^iYpagg authentique de Gilbert ne justifie ces éloges ; et
cl ailleurs Pitseus le connaît si peu, quil le tait mourir a
Du Cange Toulouse en 1280. Au reste, si Gilbert-le-Grand a fort peu
commet les mê- jjg titres littéraires , en revanche son nom se trouve inscrit
hi'd! Tuctor. -^ fl^ns un catalogue des saints et des bienheureux de l'ordre
Frciier aussi , de Cîtcaux , imprimé à Paris en 1 5^6 à la suite du missel
1. 1, p. 77, etc. jg pç^ ordre. On avait prétendu, sur la foi d'une note aiou-
terc p 3i- t<-"^ P^ï" "" Cistercien, en 1087, a un ancien manuscrit des
VIE DE CHARLEMAGNE, 385
concordances de la Bible, conserve à Cîteaux, que ces con- XII SIECLE.
cordances avaient été composées dans cette abbaye vers
11G6 sous l'abbé Gilbert et par ses ordres; qu'il avait em-
ployé plus de cinquante religieux à aider le frère Hugues
qui en était le principal rédacteur : mais Echard a prouvé Script. Ord.
que ce Hugues est Hugues de Saint-Cher , et que les plus Praedic. t. i ,
anciennes concordances de la Bible sont dues aux Jacobins ^' *"'' ' ^"
de Paris. D.
ANONYME,
AUTEUR d'une vie DE l'emPEREUR CHARLEMAGNE.
Aux fêtes de Noël de l'an ii65, l'empereur d'Allemagne, Boil.addie™
Frédéric P'", dit Barberousse, autorise par l'antipape Pas- aSjan. p. 875.
chai qu'il avait placé sur le siège de Rome, fit lever, pour
être exposés à la vénération publique, les restes de l'em-
Sereur Charlemagne, qui depuis 35o ans étaient ensevelis
ans l'église d'Aix-la-Chapelle; ce qui était alors la manière
de canoniser les saints.
A cette occasion un anonyme composa une nouvelle vie
de Charlemagne, à laquelle il donna pour titre : Micro-
logies de vitâ Caroli-Magni. Il dit dans sa préface que la
mémoire de Charlemagne a été célébrée par tant d'éci'ivains
du premier ordre, qvi'il y a peut-être de la témérité de sa
part d'entreprendre un pareil ouvrage. De là le titre de Mi-
crologue qu'il a adopté, titre qui a été donné à plusieurs
autres ouvrages d'une nature différente. Il déclare donc que
son intention n'est pas de composer une vie entière de ce
prince ; il ne veut que recueillir des écrits antérieurs ce qui
a rapport à ses vertus éminentes , manifestées de son temps
par des miracles , afin que l'Empereur ne puisse plus douter
de la sainteté de celui dont il tient la place , et que les
peuples qui désiraient ardemment de les connaître, y trou-
vassent leur édification.
C'est ce qu'il a exécuté en trois livres ou distinctions qui
n'ont pas encore vu le jour. Lambecius s'est contenté d'en Eihl. Vindob.
donner le prologue et les sommaires des chapitres qui sont t. il, p. 329.
Tome XI II. Ccc
386 VIE DE CHARLEMAGNE.
XII SIECLE, au nombre de soixante. BoUandus , outi^e le prologue et les
B „ 7 • j sommaires, a publié encore les trois derniers chapitres de
BoU. ibid. p ' . I^ ^ 11-1 • 1 K
890. 1 ouvrage, qui renterment la relation des miracles. Un a né-
gligé d'imprimer le surplus, parce que ce ne sont que des
extraits d'auteurs contemporains, et même du faux Turjiin.
T. II, p. 106, ,^u reste, l'ouvrage existait manuscrit, selon la nouvelle édi-
tion de la bibliothèque du P. Lelong, dans la bibliothèque
de M. Jardel, à Braine près Soisscns, et il est indiqué dans
le catalogue de la bibliothèc^ue impériale sous le N" 4^95
A. et 6187.
Boii. ibid. p. Bollandus a encore imprimé , d'après Aubert le Mire, le
888-890. diplôme dans lequel Frédéric Barberousse lait l'histoire des
honneurs qui furent rendus , à cette occasion , à Charle-»
magne, et confirme les privilèges accordés par cet empereur
à l'église d'Aix-la-Chapelle.
Yolande, comtesse de Saint-Paul , qui vivait sur la fin du
XIP siècle, fit traduire en français une vie de Charlemacne.
C'est ce qu'atteste le président Fauchet , livre premier de la
Ménage, Dict. langue et poésie française, cité par Ménage au mot Roman.
i)m. i. , p. ^^ Q^^^ ^j quelcju'un pense, dit Fauchet, que le roman ne fût
« cpi'en ryme, je lui respons qu'il y avait aussi des romans
« sans ryme et en prose; car en la vie de Charles-le-Grand ,
« mise en français avant l'an 1200 , à la requeste d'Yoland,
« comtesse de Saint-Paul, sœur de Baudouin, comte de
« Hainaut, surnommé le Bâtisseur, au IV livre, l'auteur
« dit ainsi : Baudoin, comte de Hainau , trouva à Sens,
« en Bourgogne , la vie de Charlemagne , et mourant la
« donna à sa sœur Yoland , comtesse de Saint-Paul , qui
V. m'a prie que je la mette en roman sans rjme : parce
« que tel se délitera el roman, qui del latin n'eût cure,
« et par le roman sera mielx gardée. Maintes gens en ont
« ouy conter et chanter ; mais n'est-ce mensonge non ce
« qu'ils en dient et chantent cil canteor ne cil jugleor. Nuz
« contes rymez n'en est vrai, tôt est mensonge ce qu'ils
« dient , etc. »
Nous ne <.-jnnaissons cette traduction que par le passage
que nous venons de citer. Si c'était la traduction du Micro-
îogue , cela prouverait combien cet ouvrage fut goûté dans
sa nouveauté. TMais nous pensons qu'il s'agit là d'une tra-
duction en prose du poète saxon cjui a écrit en cinq livres
les Gestes de Charlemagne. Au reste , cette Yolande n'était
pas sœur, comme l'a cru Fauchet, de Baudouin IV ou le
ANONYMES, SUR LES ALBIGEOIS. 38;
Bâtisseur, mort en 1171 , mais sa fille. Elle était soeur de "^^ SIECLE.
Baudouin V, dit le Courageux ou le Magnanime, qui mourut
en 1 1()5. Ainsi l'on voit à-peu-près le temps où cette traduc-
tion a pu être faite. B.
ANONYMES,
AUTEURS DE QUELQUES MORCEAUX HISTORIQUES
' CONCERNANT LE PAYS ALBIGEOIS.
I. Jjaluze a publié sur un vieux parchemin du chapitre de Baiuze,Misc.
Sainte-Cécile dAlbi, une notice historique de l'église Saint- t. vi, p. 431.
Eugène de Vioux Ç/Je Viancio ) , à trois Ifeues d'Albi , dans
laquelle l'auteur foit le récit de quelques événemens concer-
nant cette église, qui tïit d'abord une abbaye, mais qui, ayant
éprouvé quelques révolutions , était tombée , comme tant
d'autres , au pouvoir de personnes laïques qui en disposaient
comme de leur bien , et de leurs mains dans la dépendance
du chapitre dAlbi. L'objet de l'écrivain est d'attaquer la pos-
session des moines d'Aurillac en Auvergne, auxqviels Fro-
tard, évêque d'Albi, avait fait don du monastère de Vioux:
selon l'anonyme, Frotard le leur avait vendu par une simonie
criante, vers l'an 1080, après en avoir chassé les chanoines
qui l'habitaient, sous prétexte d'y rétablir la régularité. On
voit déjà que c'est ici le factwii d'un plaideur qui cherche à
rendre odieuse son adverse partie; on verra bientôt que
les moyens qu'il emploie ne peuvent soutenir les regards de
la critique, et sont démentis par d'autres monumens irré-
cusables.
Cet auteur n'est nullement contemporain des événemens
qu'il rapporte; il vivait près de cent ans après, et il ne cite
aucun garant de ce qu'il avance. 11 est certain qu'il n'a écrit
sa relation qu'après le milieu du XIP siècle ; car il fait men-
tion de Bertrand, évêque d'Albi, d'heureuse mémoire, et
d'Alfonse, comte de Toulouse, qu'il nomme Aiitifossus ,
comme n'existant plus. Le premier mourut l'an 1126, et le
second l'an 11 48. A la vérité, l'auteur ne dit pas expressé-
ment qu'Alfonse fut déjà mort; mais, comme en finissant
Ccca
388 ANONYMES, SUR LES ALBIGEOIS.
xn SIECLE, sa relation, il prie Dieu qu'il lui fasse miséricorde, cela sup-
pose qu'alors le comte n'était plus au monde. Ainsi , notre
auteur ne peut avoir écrit cju'après le milieu de ce siècle, et
vraisemblablement vers l'an ii65, pour appuyer la récla-
mation que le chapitre d'Albi porta au tribunal du pape
Alexandre III , comme on le voit par les lettres de ce pontife
t. IV 'p.^466*'^ données à Montpellier le i*^'' août Ii65, portant nomi-
nation de commissaires pour la décision de cette affaire.
Les auteurs de l'histoire de Languedoc , qui ont donné
Hist.fîeLang. dc cct écrit uuc traductiou en notre langue, ont examiné
t. II, p. 519. toutes les circonstances dont l'anonyme accompagne son récit,
pour mieux juger de la confiance qu'il mérite. Ils prouvent
évidemment que cette histoire est pleine de contradictions
et d'anachronismes qui suffisent pour montrer cju'il n'y avait
aucun fonds à faire sur cet auteur. Il était, selon toutes
les apparences, chanoine de l'église d'Albi, laquelle n'avait
cesse de réclamer la propriété de l'église de Vioux , depuis
que l'évèque Frotard en avait gratifié les moines d'Aurillac;
et c'est pour rendre leur possession odieuse , cpi il a accu-
mulé sur de faux mémoires, ou peut-être de son propre
fonds, les accusations graves dont il charge et les moines
d'Aurillac et l'évèque Frotard. Il est pourtant vrai que ce
prélat avait été excommunié et déposé pour causé de si-
monie , ce qui pouvait donner quelque apparence de vérité
aux allégations des chanoines.
Mais si l'auteur avait eu connaissance de la lettre du pape
Lib.vil,ep.i9. Grégoire VII, en date du 12 avril de la troisième indiction,
c'est-à-dire, de l'an 1080, cpii confirme les moines d'Au-
rillac dans la possession du monastère de Vioux qu'ils ont
acquis, dit-il , des princes du pays, avec le consentement de
l'évèque et de son chapitre {a) , sans doute il n'aurait osé
avancer si hardiment tous les faits qu'il entasse pour jjrou-
ver l'invasion dont il charge les moines d'Aurillac, qui em-
ployèrent, selon lui , la simonie, la fraude et la violence pour
acquérir cette possession. Une pi'euve qu'il mentait sciem-
ment , c'est qu'il n'est pas plus véridique sur un fait qui était
alors tout récent , et dont il ne pouvait ne pas avoir con-
(a) Monasteriuni. qiiidem Viacense in viami abhatis Âureliacensis reju-
tatuin a principibus ipsius tcrrœ , consensii episcopi et clcncorum , sibi suisque
successoribiis concedimus et conjirmamus , et fautoiibus refutationis aposto-
licam benvdictionem largimur.
ANONYMES, SUR LES ALBIGEOIS. 389
naissance. Il dit en finissant que Bertrand, évêque d'Albi, et xn SIECLE.
Alfonse, comte de Toulouse , rendirent au chapitre de Sainte- "
Cécile 1 église de Vieux : cela est absolument faux. Les moines
d'Aurillac continuèi'ent d'en jouir, malgré les réclamations
des chanoines, jusqu'à l'année i2o4, qu'ils l'échangèrent
avec eux contre d'autres propriétés.
Tel est le précis de la note ou dissertation de D. Vais- Notices de
sette. M. La Porte du Theil, membre de l'Institut, a donné ■"*'• *• i^i P-
encore plus de développement aux raisons du Bénédictin ' ■'-^^9-
dans la collection des notices des manuscrits de la biblio-
thèque impériale. Ainsi , ce petit écrit a été bien discuté ; et
après l'examen de deux critiques si habiles , il n'est pas à
craindre que personne y soit trompé.
Les continuateurs du Recueil des Historiens de France T. xiv , p.
ont reproduit cet écrit avec de petites notes, non comme un ^^~-''^-
monument recommandable à tous égards, mais comme con-
tenant des faits étrangers à l'union de ce monastère , qui
peuvent donner des lumières sur l'histoire du pays.
II. On rapporte encore au XII*^ siècle la légende de sainte
Carissime, vulgairement appelée i5«««^e Carc'me ou Chrcsme,
dont le cbrps reposait dans l'église de Vioux. D. Vaissette ,
dans une note, s'exprime ainsi sur cette légende : « Quant Hist.deLang.
« aux actes de sainte Carissime, insérés dans le bréviaire 'IjP-^Gî.
« d'Albi , ils ne sont guère propres à nous donner des éclair-
« cissemens sur l'époque de la fondation du monastère de
« Vioux ou sur la vie de cette sainte. Ils portent qu'elle
« naquit à Albi , d'Aspasius et d'Hélène , personnes nobles ;
« qu'inspirée du Saint-Esprit, elle fît vœu de virginité; que
« s'étant, par cette démarche, attiré la persécution desespa-
« rens, qui voulaient la marier kHiigoliu de (lulteauvieux ,
« elle se retira , sous la conduite d'un ange , dans un bois où
« elle demeura cachée pendant trois ans , sans que le lieu de
« sa retraite fût connu de personne que de sa nourrice, qui
« lui apportait de temps en temps un pain d'orge pour sa
« nourriture. ... ; qu'après avoir erré dans des lieux déserts
« et pleins de forêts, elle trouva enfin par miracle saint
« Eugène, évoque de Carthage, exilé dans ces lieux, auquel
« elle se joignit ; qu'ayant marché de compagnie , ils arri-
« vèrent au voisinage de la rivière de Vère, où ce saint avait
« commencé à bâtir un monastère; qu'enfin la sainte, après
« avoir passé sept ans aupiès de lui, eut révélation du jour
« de sa mort , dont elle avertit le saint évêque , qui la fit
« inhumer dans son monastère.
390 ANONYMES SUR LES ALBIGEOIS.
XII SIECLE. « Telle est la légende de sainte Carissime. Mais, ajoute
« D. Vaissette , si saint Eugène n'a pas fondé le monastère de
« Vieux , comme il y a toute apparence , ces actes , qui
« assurément ne ressentent pas la simplicité du VF siècle ,
« n'auront pas beaucoup d'autorité ; et il est évident par
« le nom d'Hugolin deChâteauvieux , le prétendu futur époux
« de sainte Carissime, qu'ils sont postérieurs au XP siècle,
« où les noms propres des familles ont commencé à être en
« usage ».
Coiland. 7 Sur le jugement peu avantageux que l'historien de Lan-
sept. p. 79. guedoc a porté de ces actes, les continuateurs de Bollandus,
qui en parlent au y de septembre, ont cru povivoir se dis-
penser d'en grossir leur recueil ; ils se sont bornés à établir
le culte de la sainte, et à des conjectures sur le temps auquel
elle peut avoir vécu.
III. L'an II 65, il fut tenu à Lombers, dans l'Albigeois y
un concile contre des hérétiques qui se faisaient appeler
BoTis-Hommes. Celaient les disciples de l'hérésiarque Henri,
contre lequel saint Bernard avait entrepris , vingt ans aupara-
vant, une mission qui ne produisit pas grand effet. Malgré
les prédications du saint abbé , l'hérésie s'était propTagée dans
ces contrées , et la petite ville de Lombers paraissait être le
centre et le foyer d'où elle se répandait aux environs. Le
LaLbe, Conc. pape Alexandre IIÎ , par un décret ])orté au concile de Tours
t. x,coi. i4irj. jg l'an ii63, avait enjoint aux évéques de la province de
surveiller les hérétiques, de défendre, sous peine d'ana-
thême, à leurs paroissiens de communiquer avec eux, de
leur rien vendre et de rien acheter d'eux , et même de les
mettre en prison , si on pouvait les saisir. Cette rigueur
donna lieu a une conférence qui se tint à Lombers entre les
catholiques et les sectaires, lesqiiels consentirent à rendre
compte de leur croyance devant des commissaires choisis par
les deux partis , en présence des évèques , abbés et autres
ecclésiastiques dénommés dans l'acte, et de quelques per-
sonnes laïques, parmi lesquels on voit le vicomte de Béziers,
Raimond Trencavel , qui l'était aussi d'Albi , et la comtesse
de Toulouse, sœur du roi de France, nommée Constance.
Une foule de peuple s'y était rendue de presque tous les
châteaux de l'Albigeois. Les commissaires furent l'évêque de
Lodève, nommé Gaucelin , les abbés de Castres, d'Ardorel,
de Candeil , et Arnaud de Bé.
jbid.Qol. 1471. Dans cette conférence, les sectaires répondirent aux ques-
tions que leur faisait l'évêque de Lodève, et on voit par leurs
XII SIECLE.
ANONYMES, SUR LES ALBIGEOIS. Sqi
réponses quels étaient les points sur lesquels ils erraient.
Ils s'autorisaient de certains passages de rÉcriture Sainte ;
mais réyeque leur en opposait d'autres en plus grand nombre
et bien plus formels. Enfin on en vint au jugement, qui ne
leur était pas favorable. Les sectaires , pour mettre le peuple
de leur côte , firent hautement une profession de foi , c[ui
fut trouvée assez exacte. On exigeait seulement qu'ils la con-
firmassent par serment; mais c'était un point de leur doctrine,
3u'il n'était pas permis de jurer, et on leur avait promis,
isaient-ils, qu'on ne les forcerait pas à cela. Sur leur refus,
ils furent déclarés infâmes et hérétiques, et toute l'assemblée
donna les mains à ce jugement.
Nous avons le procès-verbal de cette conférence dans les
Annales de Roger de Hoveden, historien anglais, qui, ayant
à parler, sous l'année 1 177, de la mission du cardinal Pierre
de S. Chrysogone, pour convertir ces hérétiques, rapporte,
sous la même date, ce qui s'était passé douze ans auparavant.
Mais le P. Labbe l'a donné de nouveau, plus correctement Labbe, iuui.
et plus entier, sur un manuscrit du P. Sirmond , qui porte '^oi-'47o-i479-
la vraie date , et les continuateurs du Recueil des historiens
de France en ont extrait ce qu'il contient d'historique , en Bouquet , t.
corrigeant les deux éditions l'une par l'autre. S! ' ^'' '^°~
IV. Vers le même temps, l'an 1167, les sectaires tinrent
une assemblée à Saint-Félix de Caraman , sous la présidence
du pape de leur secte, appelé Niquinta , qui, à ce cju'il paraît,
faisait sa résidence ordinaire dans la Hongrie ou la Bulgarie.
L'objet de cette assemblée était d'ériger des évêchés pour
cette portion de la France qui reconnaissait sa juridiction,
de ci^er des évêques , et de faire la démarcation des diocèses.
On voit de quelle manière ils y procédèrent; mais cet écrit,
quoique ancien , ne porte aucune marc|ue d'authenticité. Ce
qui pourrait faire croire qu'il est l'ouvrage de la secte com-
posée d'hommes grossiers et sans instruction , c'est qu'il est
écrit d'un style rustique et barbare. Besse l'a publié dans Bv'sse,p. 483.
son histoire des ducs de Narbonne , et , après lui , Jean-
Jacques Percin , religieux dominicain, qui a recueilli les Perc;n,nots
monumens historiques relatifs au couvent des frères prê- ^^. Con^ii. con-
cheurs de Toulouse. Les continuateurs du Recueil des histo- " Boi'^uét^ t'
riens de France lui ont donné place dans leur collection, xiv, p. 448-
avec des notes qui en facilitent l'inteUigence. B. '*^°-
^ v«/w«.'«/^>««^ «^«.«A^'^
XII SIECLE.
ANONYME,
AUTEUR D'UN ECRIT AYANT POUR TITRE
DRACO IS ORMJNNICUS.
Notices t. ^^"^ ^^"'- ^^ nous est connu que par la notice qui a été
VIII, iiart.'ii, insérée parmi les notices des manuscrits de la Bibliothèque
p. 299-308. impériale : collection commencée par l'académie des inscrip-
tions et belles- lettres, à laquelle la 'classe d'histoire et de
littérature ancienne de l'Institut de France continue de
donner ses soins.
Bibi.Bibiioth. C'cst un manuscrit indiqué par Montfaucon , comme exis-
t. l,p. 41. tgj^^- dans la bibliothèque du Vatican, parmi les manuscrits
de la reine Christine de Suède, sous la cote 1267. L'auteur
de la notice ayant découvert, dans la bibliothèque de l'abbaye
de Saint-Germain-des-Prcs , la préface et les sommaires des
chapitres de cet écrit, n'a rien négligé pour se procurer l'ou-
vi'age entier; il a écrit à M. La Porte du Theil, pendant que
ce laborieux académicien était à Rome , aux frais du gouver-
nement, pour recueiUir les monumens de l'histoire de France;
et, malgré l'exactitude des recherches qu'on pouvait attendre
d'un savant si zélé pour l'avancement des sciences , le ma-
nuscrit ne s'est plus trouvé dans ce vaste dépôt. Le dernier
nonce du pape , aujourd'hui le cardinal Dugnani , a fait de-
puis une nouvelle tentative; il a eu la bonté d'écrire lui-
inême, pour recommander qu'on fit de nouvelles recherches;
la réponse du prélat Reggi, sous-bibliothécaire, a été qu'après
la recherche la plus exacte , faite par les personnes qui con-
naissent le mieux la bibliothèque du Vatican , on n'a pu
retrouver ce manuscrit, ni sous le numéro indiqué, ni sous
aucun autre. C'est pourquoi l'auteur de la notice a fait im-
f)rimer la préface et les sommaires de l'ouvrage , pour inviter
es personnes qui auraient en leur pouvoir cet écrit , à n'en
f)as priver le public , ou à le mettre à portée de le publier
ui-même.
A en juger par les sommaires , l'ouvrage est d'autant plus
intéressant, qu'il fait l'histoire des Normands depuis leur arri-
vée en France , et des guerres qui ont eu lieu entre la France
et l'Angleterre jusqu'à l'année 1 168. Nous n'avons en France,
sur cette dernière époque , c'est-à-dire , sur les démêlés du
NICOLAS, PRIEUR DU MONT-AUX-MALAD. 3g3
roi Louis -le -Jeune avec Henri II, roi d'Angleterre, qu'un ^^ SIECLR.
seul historien , contemporain, dans la chronique de Robert,
abbé du Mont-Saint-Michel ; historien excellent à la vérité :
mais les Anglais en ont plusieurs du plus grand mérite, tels
que Benoît de Péterboroug, Guillaume de Neubridge, Ger-
vais de Cantorbéry, Raoul de Dicet, et d'autres moins recom-
mandables. Nous pouvons même dire que nous n'en avons
aucun à leur opposer, puisque Robert du Mont était sujet
du roi d'Angleterre , ainsi que l'auteur du Draco Normanni-
cus ; mais au moins ceux-là étaient français, et plus à portée
de connaître ce qui se passait en France.
L'auteur de la notice n'ayant pu se procurer l'ouvrage , n'a
pu décider s'il était écrit en vers , comme la préface , ou s'il
était entremêlé de vers et de prose. Mais il pense qu'on peut
l'attribuer à Etienne de Rouen , moine de l'abbaye du Bec ,
dont il existe des poésies latines dans un manuscrit de l'ab-
baye de Saint-Germain, coté i547, manuscrit dont il a été
rendu compte dans cette histoire. Ce qui le lui persuade , Hist. LUt.r.
c'est que, parmi ces poésies, qui sont incontestablement du *• ^^^'P- ^l^-
moine Etienne , il se trouve un éloge en vers de l'impératrice
Mathilde, mère de Henri II, roi d'Angleterre, et un autre de
son mari Geofroi Plantegenet , comte d'Anjou ; et que , dans
le Draco Norniannic.us , il y a deux chapitres consacrés à la Lit. l, c. 2.
mémoire de cette princesse, fille de Henri I, roi d'Angleterre, ^'"'- ^'^'
laquelle porta la- couronne d'Angleterre dans la maison d'An-
jou, et lut enterrée dans l'église du Bec l'an i i6y. Si l'on
avait pu comparer ces différens morceaux , il est vraisem-
blable que ce que l'auteur de la notice ne donne que comme
une conjecture, aurait pu acquérir la force d'une démons-
tration. B.
CI.
NICOLAS,
PRIEUR DU MONT-AUX-MALADES DE ROUEN.
LjE prieuré du Mont -aux -Malades, .à un quart de lieue Dupiessis ,
environ de la ville de Rouen, sur le chemin de Dieppe, P^*"'^" ''j'"
, . . 1 . Il- ' !• 1 '■^ ' H. Normandie,
était ci-devant une maison de chanoines réguliers, charges t. u,p. 5?.
Tome XUL Ddd
394 NICOLAS, PRIEUR DU iMONT-AUX-MAL.\D.
xn SIECLE, du service d'un hôpital. La montagne oii il était situe por-
tait anciennement le nom de Mont Saint-Jacques , parce
qu'il y avait là une église du nom de ce saint apôtre.
Dupiessis , Vers l'an iiGo, le prieur de cette maladrerie était notre
Descnp. de la lyr. , . , ' i . i i • i t»--
II. :Voiraanaie J^^icolas, qui , dans une transaction, prend le titre de i\/co-
t. II, p. 58. lai/s liumilis priai' S. Jacobi de monte Infirmorum , et oninis
conventûs loci illiiis , scilicet canonicorum et paupenini lejno-
sonan regulariter ihi niventium. Cet auteur n'est guère connu
que par quelques lettres conservées parmi celles de saint
Thomas de Cantorhéry ; mais il jouissait par sa place et par
ses vertus {a) d'une grande considération à la cour de
Henri II , roi d'Angleterre , et auprès des prélats et des
grands de Normandie , comme on pourra s'en convaincre
par la courte analyse que nous allons donner de ses lettres.
A l'époque où l'archevêque de Cantorbéry se réfugia en
France , il employa tout ce qu'il avait de crédit , moins pour
faire triompher la cause du prélat , que pour le réconcilier
avec son roi. Tel est l'objet de la correspondance qui s'établit
entre le prieur Nicolas et l'illustre proscrit,
inter ep. S. L'aiclievèque l'avait chargé de remettre des lettres à l'im-
Thomae, hb. I, peratiicc Mathildc , mère du roi, et à l'évêque de Lisieux
!. XVI, p. 228. Arnoul , que le primat d Angleterre aurait bien désire mettre
dans ses intérêts. Nicolas, après s'être acquitté de la com-
mission, rend compte de ses démarches, soit auprès de la
princesse, soit auprès de l'éloquent Arnoul; et, comme on
opposait au zèle du métropolitain les désordres qui régnaient
dans le clergé, l'auteur, en homme dont le cœur est droit,
lui suggère d'aller lui-même au-devant des abus qu'on vou-
lait réformer.
ihùi. ep. 46. Dans une autre lettre de l'an ii65, il s'excuse de ne pou-
— Bouq. p. 237. ^.^jj, _^ji^,j, joindre l'archevêque, parce que le roi d'Angleterre
étant sur les lieux, toujours indisposé contre lui, jusqu'à ne
vouloir pas entendre prononcer son nom , il v aurait de la
témérité à entieprendre ce voyage. Au reste, il l'avertit que
le roi est tellement aux abois , qu'il acceptera la paix avec la
{a) Eiat liic vir litteratus et honestae conversationis , leprosorum de
monte Rotomagi procurator, archiprresuli à terupore cancellariae f'ami-
liaris, qui tuni nieiitoium prterogatiià exigente, tuni cuià doniîis sibi
comniissœ urgente, niagfiatum f'requentabat limina et consiliis intererat,
archiprœsulem de his quœ in curià agebantur fréquenter instruens. Tom.
JiFl Rcr. Franc, p. 53 1, in notis , ex mss. cod, 53^2 Bibl, imp. fol. 38.
NICOLAS, PRIEUR DU MONT-AUX-MALAD. 3g5
France aux conditions qu'on voudra : ce qui , dit-il , pourra ^n siècle.
le rendre plus traitable a votre égard.
L'an 1166, l'archevêque de Cantorbéry ayant condamné inter ep. s.
solennellement les anciennes coutumes d'Angleterre qu'on Tiiom*, iib. i,
voulait faire revivre, et excommunié ceux qui avaient fait Bouq. p.'aSo^
serment de les observer ou qui les observeraient à l'avenir ,
Nicolas lui en témoigne sa joie; l'instruit que l'archevêque
.de Rouen , non plus que les évêques de Lizieux et de Seez ,
ne sont pas disposés à mettre à exécution la sentence ; qu'on
en murmure hautement dans le royaume; qu'on en avait
même interjeté appel au pape; enfin il lui suggère les moyens
d'entrer en accommodement.
L'archevêque, décidé à pousser jusqu'au iDout et dans ibid.ep.i'i-;.
toute la rigueur des canons, ses poursuites juridiques contre — Bouqp-254-
le roi , chargea le prieur du Mont-aux-Malades de présenter
à l'impératrice-mère les lettres monitoriales et comminatoires
qu'il adressait au roi. Nicolas, dans sa réponse, instruit le ihid. e-^. 45.
prélat de l'effet qu'ont produit ses lettres sur l'esprit du roi, — Bouq.p.258.
des mauvais traitemens qu'il avait fait éprouver au porteur
et à ceux qui les avaient reçues, ajoutant qu'il en avait été
outré au point que personne n'osait lui parler en sa faveur.
Jean de Salisburi faisait tant de cas de notre infirmier, Joan.Saresb.
que, dans une occasion où le primat ne savait quel parti ^i"*'' ''l"' """
prendre, il ne lui suggère autre chose que de suivre les avis °"^'^'"
de frère Nicolas. C'était en effet un homme de bon conseil.
Aussi l'employait- il souvent; et, dans une occasion, ayant Saresb. ep.
à proposer au roi de graves considérations, capables de ^'L" ^*""^*
l'effrayer, et n'osant les lui adresser en personne, c'est à ^
Nicolas qu'on les envoie, afin qu'il en fasse usage dans ses
remontrances.
Cette lettre de Jean de Salisburi est de l'an 1 167 ou 1 168,
époque après laquelle nous ne trouvons plus rien qui cons-
tate l'existence de Nicolas. B.
Ddda
» %.-»^%^ ^ W^ «rV^. »<
XII SIECLE.
THIERRY D'ALSACE
COMTE DE FLANDRES.
Mey.Fi.Ann. (^H ARLES F"" OU LE BoN ayant përi sans laisser d'enfans,
li des^^^^àii* ''^^ mois de mars iiay, Guillaume Cliton, dit le Normand,
-Du<h.H.<i. la fut élu comte de Flandres par les grands du pays, à la de-
M. de Bofh. Pr. mande de Louis-le-Gros. Plusieurs concurrens lui dispu-
P" 223 "^^ tèrent cette souveraineté, et Thierry d'Alsace en paiticulier,
Art de V. les plus proclic parcut dc Charlcs-le-Bon , et petit-fils, par sa
dates, t. III, p. mère Gertrude , de Robert dit le Fiison. (Gertrude avait
6 et SUIT. ^^ épousé en secondes noces Thierry II, duc de Lorraine.)
-March.p.2i5. Guillaume de Normandie étant mort dans une bataille qu'il
-H. de Fr. t. livrait à Thierry en iiaS, celui-ci fut reconnu universelle-
XIII , p. 400 . ment comte de Flandres. Jacques Marchant l'appelle in allo-
495, 732, et t. .777 • •• ^ • • • ^ * 7 >^
XIV, p. 18. qiiio blandus , in negotio justus , in imperio moderatus. On
p. 216. peut voir également ce que disent de lui Buzelin, dans ses
T^ k' Gallo-Flandrice Annales , et Sander, dans sa Flandre illus-
trée. Si le comte Thierry exerçait avec modération l'empire
sur ses sujets, il était moins modéré peut-être dans le désir
d'augmenter sa puissance. Ainsi , dans le second voyage qu'il
Meyer,p.46, fit à la Terre -Sainte (il en fit quatre), il voulut obtenir la
nu. 1148. souveraineté de Damas, que les infidèles menaçaient, si toute-
fois le courage et la piété n'eurent pas autant de part à cette
demande que l'ambition. Ce fut dans ce second voyage en-
core, qu'il reçut de Louis-le-Jeune cette fiole pleine du sang
de Jésus-Christ , dont nous avons parlé à l'article de Léon ,
abbé de Saint-Bertin. Le troisième est de i i5y : il mena avec
je?n d'Ypres, lui la comtcssc Sibylle d Anjou, sa femme, qui n'en revint
Anecd.deMart. jamais, et qui y mourut au bout de quelques années consa-
t.iii.p. 04 .- (.j.^çg entièrement au service des pauvres, dans une com-
Meyer, p 47. , ,. . ^ 11 ' • *^ ' » 1
Hist. de Fr. niuiiaute rcligieuse ou elle était entrée. Avant de partn- pour
t. xiil,p. 276, ce voyage, il avait associé au gouvernement de ses états Phi-
."îoo, 3io, 704 lippe, son fils, quoique bien jeune encore. Il repassa pour
'^ ïbid.-o. 278. ^^ quatrième fois dans la Terre-Sainte en ii63, et ne sur-.
vécut pas long- temps à son retour en Europe. Il mourut à
Gravelines , au mois de janvier 1168 , et fut enterré dans une
abbaye du diocèse de Térouanne, devenu depuis le diocèse
de Saint-Omer , appelée Waten , abbaye qu'il avait fondée ,
THIERRY D'ALSACE, COMTE DE FLANDR. 097
suivant l'Art de vérifier les dates , dont l'assertion , au reste , Xll SIECLE.
est contraire à celle de Jean d'Ypres et des auteurs de la t. m, p. 10.
France chrétienne. Jacques Meyer rapporte ainsi son épi- t. m , de
taphe : Hïc jacet sepidtus domùius Tlieodericus de Ehatià , ^^[li'''', ^^2^3
cornes Flandriœ , qui , quatuor mcibus , terrain sarutam p.' ^g.
Qjisitai'it ; et inde rediens , sanguinem domiid nostri Jesu
Christi detulit , et villœ Brugensi tradidit ; et postquam Flaii-
driam annis XL strenue rexerat , apud Gravelingas obiit,
anno domini mdlesi'mo centesimo sexagesiino octavo. L'obi- Ma'"'q-'^nn-
tuaire de l'abbaye de Loz le fait mourir le 17 décembi'e. ,j^g_ '
Jacques Marchant, dans sa description de la Flandre, P. 218.
Meyer, dans les Annales de ce pays (an i i6o),Lemire,dans sa
Chronique (an 1 128), et plusieurs autres attribuent à Thierry
la fondation de la ville de Gravelines. Il fonda aussi, suivant 14 jiiiii,p.93o.
les Bollandistes , l'église de Saint-Basile de Bruges. Les au-
teurs de la nouvelle Collection de nos historiens, ceux de la T.xili,p. 470.
France Chrétienne, Manricpie, sur l'an 11 49 tle ses Annales et sis. '' °
de Cîteaux , Buzelin , dans le cinquième livre du Gallo-Flan-
diia , Calmet, dans son Histoire de Lorraine, Lemire, dans P. 2"^» et a'îG.
sa Chronique et sur l'an ii47i 1^ déclarent également fou- T. ii,Pieuv.
dateur de quelques autres monastères , comme celui de Cler- ^°'
mares ou Clermarais (^Clara Palus on Clarus Mariscus) ^
dans le diocèse de Saint-Omer, et celui de Loz ÇLaus beatce
Matiœ)^ dans le diocèse de Tournay. Lemire encore parle Chron. p. 38r.
aussi de ses bienfaits pour l'abbaye d'Eeschout (Quercetana).
Ce qui est plus important et plus digne de reconnaissance,
c'est d'avoir donné de bonnes lois au pays qu'il gouvernait ,
lois que confirma ensuite Philippe , son fils et son héritier.
Il semble, par ce que disent Meyer dans ses Annales (an 1 138),
Jacques Marchant, dans sa Description de la Flandre, et,
d'après lui, Sander, dans le premier tome de sa Flandre
dlustrée, que les lois de Thierry eurent principalement pour
objet d'éteindre les vengeances privées et de laisser punir les
crimes par le législateur- et les tribunaux , organes de ses
décisions. Les coups donnés , les assassinats commis , les
vols nocturnes, plusieurs sortes de rapines et de brigandages
y sont nommés et punis. On y voit établi le principe que
tous les habitans doivent également se garantir l'ordre pu-
blic , et poursuivre ceux qui le troublent. Nous reviendrons
sur ces lois en parlant de Philippe , comte de Flandre, dans
le volume suivant. Ceux qui ne les observaient pas devaient Meyer , an.
être mis hors de la communion de l'église. "^^," "" ^"^^''
o p. 231.
Annal.
, Rer.
FI
. an.
1168 ,
F-
49-
P. 21
7-
P. 54.
Voir
aussi Buzelin ,
F-
23l.
398 HUGUES, ABBÉ DE SAINT-AiVL\ND.
XII SIECT.E.' Les auteurs de la France Chrétienne ont conservé, du
T. v,p. 277. moins en partie, la cliarte par laquelle Thierry fait des dons
- considérables, en propriétés, en droits, en revenus, à l'ab-
baye d'Eeschout , qui était de l'ordre de Saint- Augustin , et
dans le diocèse de Bruges.
Art de V. les Au retour de son quatrième voyage à la Terre-Sainte,
.kt. t. III, p. 10. voulant sans doute perpétuer le souvenir de son courage et
de sa piété , il avait pris un nouveau sceau : sa tête s'y mon-
trait couronnée de lauriers , et au revers était un arbrisseau
chargé de dattes.
V. 8 et 9. Rymer a placé, dans le premier volume des actes publics
d'Angleterre, un traité assez long et sur plusieurs objets im-
portans, fait en ii63, entre le roi de ce pays et Thierry,
p. 342, 4S0. comte de Flandre. Il y a, dans le quinzième tome de la nou-
velle Collection des historiens de France , deux lettres adres-
sées à ce prince , l'une par Louis VII , l'autre par le pape
p. 5i2 et 519. Eugène III. Il y en a deux aussi écrites par lui-même, et toutes
deux adressées à Suger en 1 1/19. La première est principale-
ment l'clative au frère du roi , Robert , comte de Dreux , qui
était parti de la Terre-Sainte dans un esprit peu conforme
aux devoirs que l'amitié fraternelle devait lui imposer, et,
de retour en France, y avait excité des troubles. Dans la
seconde , Thierry lui demande de confirmer le choix qu'il
avait fait d'un nouvel évêque d'Arras. P.
^v^'v^^w^^^v^^'% «%^«
HUGUES,
ABBÉ D'HUMBLIÈRES, PUIS DE S.-AMAND.
Guiberti o^ HuGUES, né dans le territoire de Toul, selon l'auteur du
p. 553.^ ' °^' livre des Miracles de Notre- Dame-de-Laon, était moine de
Saint-Jean-de-Laon. L'abbé Bauduin, qui avait succédé à
Drogon, son oncle, fait cardinal évêque d'Ostie l'an 11 34,
connaissant le fond de religion et le savoir au-dessus du mé-
diocre de Hugues, l'avait choisi parmi les autres religieux
pour le soulager dans l'administration de la maison , et l'avait
nommé prieur ; mais il ne jouit pas long-temps de son assis-
HUGUES , ABBÉ DE SAINT-AMAND. 3gg
tance. Dès l'aunëe suivante, Hugues lui fut enlevé pour rem- ^li SIECLE,
placer un autre Hugues , abbe' d'Humblières , qui venait
d'être nommé cardinal évêque d'Albano.
Hugues gouverna l'abbaye d'Humblières jusqu'à l'année
ii5o. Alors il fut^appelé à l'abbaye d'Elnone ou de Saint-
Amand , vacante par la démission de l'abbé Gautier , son
prédécesseur, qui s'était fait ix^ligieux à Clairvaux. D. Mar-
tène a publié une charte de 1 an iiGa, qui prouve cjue le MaK.Anecd.
nouvel abbé de Saint- Arnaud entendait mieux que son pré- *' ' '^'^ ' ^^^'
décesseur à défendre les droits de son monastère. La consi-
dération dont il jouissait auprès du comte de Flandre était
si grande, que c'est à lui, preférablement à tout autre, que
s'adressa Pierre de Celles , abbé de Saint-Remi-de-Reims ,
dans l'espérance qu'à sa recommandation le comte de Flandre
obtiendrait du roi d'Angleterre la révocation de l'exil de Jean
de Saresbéri. Et ne dites pas, ajoutait-il en finissant, cjue Joan.Saresb.
vous ne pouvez rien à ce]a, parce cju'on est bien persuadé ^P" "•y*
que , si vous voulez vous employer , vous pouvez beaucoup
sur son esprit: nec est quod dissiinnlctis , quia constat plu-
ribus potestatem vohis esse collatain , si voluntas ajfaeiit.
C'était l'an 1166, et deux ans après, l'an n68 , Hugiies
mourut, selori la Chronique de Saint- Amand , phis croyable
en cela cjue l'histoire de Tournai de Jean Cousin , qui met
sa mort au 12 septembre ii6c); attendu que Jean, son suc-
cesseur , était déjà abbé d'Elnone , le 5 mai de cette même
année. ,
Quoicjue l'abbé Hugues ait eu de son temps la réputation Mart.Anecd.
d'un savant, nous ne connaissons de lui qu'une lettre qui a *• i. col. 443.
été publiée par D. Martcne. Elle est relative à la mort de
Warin, qui lui avait succédé à l'abbaye d'Humblières. Elle
prouve l'intérêt que Hugues pi'enait toujours à son an-
cienne ajjbay^ qu il compare à Rachel , regrettant de l'avoir
quittée pour épouser une autre Lia, qui lui paraissait moins
belle , lippiens.
Il existait à Saint- Amand plusieurs écrits relatifs à l'his-
toire du patron de cette abbaye, lesc|uels ayant été compo-
sés par différens auteurs ^ portaient ^empreinte plus ou
moins grossière des siècles qui les avaient produits. Hugues
eut à cœur de les faire mettre en meilleur style ; il s'adressa
pour cela à Philippe , abbé de l'Aumône , écrivain élégant ,
dont il sera parlé ailleurs. L'ouvrage était terminé, et Philippe
se proposait de le lui adresser par une lettre que nous avons
4oo BERTRAND DE BLANCHEFORT.
xn SIECLE, encore; mais Hugues étant mort dans cet intervalle, Philippe,
en l'envoyant , fit une seconde lettre à l'abbé Jean , son suc-
Pluhp. abb. cesseur. On peut voir ces deux lettres parmi les opuscules de
opP/";- Philippe, abbé de Bonne-Espérance, auquel on a attribué
raal-à-propos ces écrits de l'abbé de l'Aumône.
Mart.Anecd. - D, Martèuc a publié une Chronique abrégée de Saint-
-i4oo^° ' ^° Amand, tirée d'un manuscrit de la même abbaye. On ne
peut guère douter que cette Chronique , qui commence à
l'an 534 et finit en i233, ne soit l'ouvrage de plusieurs au-
teurs, qui ont marqué , chacun en particulier, les pnncipaux
événemens arrivés de leur temps. On voit, par la manière
dont s'exprime un de ces auteurs , qu'il était présent , l'an
1177, à la réception d'une double croix qui fut apportée de
Jérusalem à Saint-Amand. Cependant nous nous réservons
de rendre compte de cette Chronique à l'époque où elle finit.
> B.
BERTRAND DE BLANCHEFORT
OU DE BLANQUEFORT,
GRAND MAITRE DES TEMPLIERS.
vJ N voit par plusieurs lettres de Louis VU à Suger , insé-
p. 5oo et suiv. rées au tome XV de la nouvelle Collection des historiens de
France , que les Templiers lui avaient rendu de grands ser-
vices, même en argent, pendant son séjour en Asie. Mais
leur grand maître était alors Evrard des Barijes , nommé en
II 47 à la place de Robert-le-Bourguignon , qui l'était depuis
I i3o. Evrard des Barres eut pour successeur en 1 149 Bernard
de Tramelai , qui , mort en 1 1 53 , fut remplacé par Bertrand
de Blanchefort.
Blanchefort était le nom d'une famille illustre de Picardie,
plus connue ensuite sous celui de Créqui. Le grand maître
des Templiers appartenait peut-être à cette famille. L'art de
T. I, p. 517. vérifier les dates le fait naître de Godefroy, seigneur de Blan-
quefort , en Guyenne.
G. de Tyr , Bertrand , vaincu par Noradin en 1 156 , fut fait prisonnier
BERTRAND DE BLANCHEFORT. 4oi
avec quatre-vingt-sept templiers et un grand nombre de XIT sieclk.
chrétiens; la liberté ne leur fut rendue qu'en 1 1,19. Il n était Uv. i8,§ 14.—
pas à la fameuse bataille que ce guerrier musulman livra , Hisi. de Fr. t.
le 10 août ii65, avec un si grand succès: bataille dans ^^iP-^Sa.
laquelle , sur soixante chevaliers du Temple , il en périt cin-
quante-trois. Le grand-maître était alors en Egypte avec le
roi de Jérusalem.
Bertrand de Blanchefort mourut en 1168.
Nous avons cinq lettres de lui adressées à Louis-le-Jeune ; t. iv, p. 692.
elles sont la 353% la 356% la 36i% la 365% la 369^^ et la 373'= ^^J'e^vo'a^''"^'
tlu Recueil de Duchesne. La 369*^ est la même , à quelques
variantes près, que la 356*^. Ces lettres concernent toutes '
l'état des affaires des chrétiens en orient. Elles sont également
imprimées dans le premier tome des Historiens de la guerre P. ii76e,tsuir.
sainte, par Bongars, et dans le tome XVI de la nouvelle Col-
lection des historiens de France.
Dans la première, le grand-maître se plaint de n'avoir Duchesne,
plus d'événemens heureux à annoncer: il dit que chaque ^' ^?^" 7°"
l • A 11- 1 I VI '> ^1 aussi la p, 607-
jour voit croître Inisolence et les succès des persécuteurs de — Hisi. de Fr.
la vérité, des ennemis de la foi. D'un autre côté, le ciel a t. xvi , p. 38.
permis que les péchés des chrétiens fussent punis par un
tremblement de terre , qui a détruit les propriétés et enseveli
beaucoup d'hommes sous les ruines des édifices 'écroulés.
Ces grands maux ont -été suivis par des maux plus grands
encore. (Il veut parler de la mort de Baudoin III, roi de
Jérusalem , c[u'il appelle le rempart inexpugnable de la mai-
son d'Israël. ) Et cependant , quelque • fâcheuse que soit la
situation du successeur de ce roi , il est obligé de venir au
secours du prince d'Antioche, de lui offrir avec largesse
des forces au-dessus peut-être de celles dont il peut disposer.
Bertrand de Blanchefort exhorte donc Louis VII à prendre
en considération l'état malheureux des chrétiens d'orient ; il
l'y exhorte par le souvenir de la passion et de la résurrection
de Jésus- Christ.
La langue, la main ne suffiraient pas , dit-il dans une autre Duchesne,
lettre à Louis-le-Jeune, pour exprimer tout ce que nous ^e f¥* ~3 '**
devons , mes prédécesseui^s et moi , à votre munificence. Aux t
éloges qu'il donne sous ce rapport au zèle actif du prince , à
son dévouement, à sa libéralité, il joint les remerciements
qui lui sont dus encore pour sa bienveillance envers Geofroi
Fulchier, procureur de 1 ordre (et non grand-maître, comme
l'ont dit quelques écrivains). La récompense de tant de ser-
Tome XIII. Eee
t'm BERTRAND DE BLANCHEFORT.
xii SIECLE, vices rendus ne lui paraît pouvoir être accordée que par
celui qui voit et entend ce que 1 œil ne voit pas , ce que les
oreilles n'ont point entendu. L'auteur de la lettre passe en-
suite aux malheurs de la Terre-Sainte , et principalement à
l'état d'Antioche. Qu'en dire? à qui recourir? cjui implorer?
Cette ville patriarchale , ce siège apostolique , tournent leurs
regards vers vous dans la douleur profonde où ils sont plongés.
P. 694. Voir Ces deux lettres sont de l'année 1162. La suivante doit
lepit. 3G9, p. ^j.j,g ^g 1164. Bertrand de Blancliefort v annonce au
700. Voir aussi • i ^ i V^ i . i
la iNouT. Coll. roi quelcjues succès obtenus en Egypte, les projets et les
desHist. deFr. efforts de Noradiii pour avoir Babylone et réunir contre les
p-7a;etieGesta d^re'jiçns [çg t'orces de cet empire et de celui de Damas , l'état
Dei per Iranc. , , , , , < . i' > i m c • i
p. II 78. déplorable ou contmue a être la 1 erre-aauite ; les maux que
la trahison vient de produire en y laissant perdre la ville la
plus sûfe et la mieux fortifiée ; le besoin toujours plus pres-
sant d'avoir des secours; le roi de Jérusalem, Amaury, ne
pouvant suffire à toutes les affaires qu'il peut craindre, à tous
les pays qu il a à défendre.
Duchesne , Dans Une lettre de la même année, Bertrand de Blancliefort
p. 702.— G.Dei pj^pjg encore de la Palestine et du roi de Jérusalem : Amaury
p. rr. p. iib/). r . , , „. ,. i tvt t tit •
N. Coll. des Hls- avait marche contre biracon, lieutenant de JNoradin. Mais
tor.deFr.p.80. les dangers et les malheurs d'Antioche l'avaient forcé à ne
songer qu'aux moyens de la secourir. C'est pour contribuer
à ce secours même , que le grand-maître implore le roi. Il y
a dans la lettre, telle cju'elle est imprimée dans Duchesne,
'vestice sanctitati pour vestrœ suhlimitati ; sans doute altesse.,
V. le t. XIII et non sainteté , était le titre des rois. Louis-le- Jeune fit faire ,
des H. de Fr. à cette occasioii , une collecte pour léglise d'Orient.
r- ^°9- Pauperis militiœ teinpli niagister liwnilis , ou Magister
dictas quanwis indignus : tel est le titre que prend Bertrand
de Blanchefort dans toutes ses lettres.
Ep. i53, p. Il y en a une encore, moins importante, dans le recueil
695. -Hist. de jg Duchesne, et c{ui doit avoir été écrite vers 1168. Elle est
Fr. t. XVI, p. ^^ faveur d'un croisé, dont les champs avaient été dévastés
pendant qu'il était à la Terre-Sainte. Bertrand de Blanche-
* fort demande au roi la réparation de cette injure et la puni-
tion des coupables. P.
XII SIECLE.
NIGELLE,
ÉVÈQUE D'KLY, AU COMTÉ DE CAMBRIDGE.
INiGELLE naquit en Normandie. Il était neveude Roger, Angl. Sacra,
normand lui-même, qui devint chancelier d'Angleterre, et '• i' P- 97 —
qui lut nommé en iioa évêque de Salisbury. Nieelle étudia'v"^! " *^'^'''''
long-temps en rrance avec Alexandre , son irere , depuis Heiman, de
évéque de Lincoln , dans l'école que tenait avec tant d'éclat , ^^"'- ^- Ma' i»
au commencement du XIP siècle, Ansel ou Anselme de '^^-î""' «' '
Laon, surjiomme le Scholastique, dont on a parle an tome X p. lyoetsuiv.
de cette Histoire littéraire. Devenu d'abord chapelain et tré-
sorier du roi d'Angleterre, c'était alors Henri F'^, Nigelle
obtint bientôt l'épiscopat. Roger, son oncle et le protecteur Angi. SaS-a,
de sa jeunesse, vivait encore quand le roi récompensa ainsi P'^-^^^a^'is'-
les services que lui rendait JNigelte dans les (onctions de t. i/p.'^^ee. '
trésorier, qu'il lui avait conliées. Roger ne mour.ut qu'en i i3g.
L'évêché auquel on nomma son neveu fut celui d'Ely, dans
le comté de Cambridge.
Henri avait désiré , on pourrait dire commandé l'élection
que les religieux devaient faire; car il ne permit de procéder An^i.Sacrà,
im choix' du nouvel évêque qu'à condition que ce choix por- 'i, p- 6i^,|^''''
terait sur Nigelle. YlAnglia sacra fixe sa noniination à la Couf. p. 6iS^^
troisième année après la mort d'Hervey, sou prédécesseur; et ^"^ °'9-
pourtant, elle appelle 11 33 cette troisième année, tandis
qu'elle venait de fixer cette même année de 11 33 comme celle
cle la mort d'Hervey. Nigelle fut sacré à la fin de septembre
ou au commencement d'octobre, par l'archevêque de Gan-
torbéry. _ ^^ _ ^ ^ ;.; oD -..ji-r/i ^i . !.r,dv,,.v
Les moines d'Ely se repentirent bientôt du choix quMls Angil Sàci-a ;
avaient fait de Niirelle. Appelé à Londres par ses fonctions P-6i<)- — Mab.
, , . , 9 .1 ^ ^ • ^ . A ., n J^nn- Bened. t.
de trésorier du roi , qu il conserva quoique eveque , il confia vi, p. 235.
le soin de son diocèse à un Ranulfe ou Radulfe, que l'histoire
d'Ely nous représente comme méchant , audacieux , calom-
niateur, prêt à réduire le monastère et ses religieux à la .
situation la plus déplorable. Nigelle ordonna qu'on fit un
état plus siÀr et mieux circonstancié de ses revenus, qu'on
y exprimât bien tout ce qu'il devait posséder ou recevoir en
domaine , en cens , en hommes , afin cjue chacun connût po-
sitivement ce qu'il devait faire ou donner, et qu'on ne put,
Eeea
t. I , p. 620 et
seqq,
404 NIGELLE, ÉVÊQUE D'ÉLY.
Xil SIECLE, claucune manière , le priver des di'oits qui lui étaient accor-
dés par les décrets des conciles. Il avait reçu plusieurs dons
de Henri F'' ; il en reçut plusieurs encore du roi Etienne. Il
reprit sur d'autres églises des biens qu'il prétendait usurpés
sur la sienne. Il ne respecta ni ce dont jouissaient les moines,
Angi. Sacra, ni cux-mémes. L'historien d'Ely raconte les maux dont ils
furent victimes , les malheurs qu'éprouva l'évêque à son tour
dans les guerres dont le royaume tut tourmenté, les entre-
prises tyranniques que l'on eut encore à lui reprocher, quand
il crut pouvoir recommencer à s'y livrer. Deux lettres de
•Thomas de Cantorbéry, qui ne sont pas imprimées clans le
T. t, p. 628. recueil de Lupus, mais cjui le sont dans \yingUa sacra,
l'avertissent d abord et lui commandent ensuite de. rendre à
l'église d'Ely et à ses religieux tout ce qu'il leur a pris. Il y
en a une autre de ce prélat à Nigelle , et celle-ci a été publiée
p. S^ii et545. dans le recueil crue nous venons de nommer : l'archevêque
de Cantorbéry lui fait part de diverses excommunications
(mil a prononcées, et l'invite à les faire proclamer dans son
diocèse, afin, dit-il, que la brebis malade ne puisse souiller
et corrompre le troupeau. Cette lettre parait être de l'an-
née 1 168.
Angi. Sacra, Nigcllc n'avait pas conservé long-temps auprès d'Etienne
p. 620. — H. A. jj^ faveur qu'il v avait d'abord trouvée. Le roi, ciui l'accusait
p. 5o8 et 1027 ; « être du parti des seigneurs révoltes contre lui , le depouilRi
t.il,p.2385.— (Je tous ses biens et le chassa du royaume. Rétabli quelcjues
Rob.diiMont, g^j^^pg après , il sembla vouloir réparer les torts qu'il avait
in App. oper. „., 1 ^, ,.. r\ \ ■ -^ 1
Guiberti,p.76o. fait loug-temps a ses religieux. Un le voit encore cependant
— Ann. Bened. se permettre des déprédations, et encourir par-là du pontife
* An' fs^acra romain , c'était Adrien IV, une sentence de suspension. Nigelle
p. 627 et seqq! avait un fils naturel, nommé Richard, c|ui fut dans la suite
Warthon , de évêque de Londres , jeune homme élevé dans le monastère
Episcopis Lon- (i'£|y ^ d^xA n'avait pas toujours bien traité. Le père ayant
' acheté pour lui la place de trésorier du roi , et n'ayant pas
de quoi la payer, avait vendu, pour y suffire, les ornemens
et les effets les plus précieux de son église ; et c'était-là l'objet
de l'indignation des religieux et du pape.
A. Sacra, p, Nigelle mourut le 3o mai 1169, la quinzième année du
g.-R. duM. j-j^gne de Henri II. Il avait assisté, comme évêque d'Ely,
^ Rob. du M. au sacre de ce prince en 1 154. Les Centuriateurs de Magde-
P- 772. bourg se trompent cjuand ils ne placent sa mort cju'en 1 171 9
c. 3o,p. i852. p^ ^,ç^ événement est néanmoins tout ce qu'ils rapportent 'de
Nigelle.
02
PIERRE DE RAIMOND. 4o5
Robert du Mont parle d'un Nigelle, vicomte de Coutances >^ii SiEfj.E.
et fondateur du monastère Saint-Sauveur. Il pourrait se faire Append. oper.
que notre évéque fût le petit-fils de ce vicomte, qui vivait Guibeit.p.817.
sous Guillaume-le-Gonquérant et sous Guillaume-le-Roux ,
son fils.
Levêque d'Ely fut ami des lettres : il les favorisa par ses Angl. sacra,
libéralités autant que par son exemple; il fonda ou dota des '• ^' P-^'9-
établissemens consacrés à l'instruction. D'abord trésorier du
roi, comme nous l'avons dit, il paraît que les fonctions
auxquelles il était alors voué l'engagèrent à des travaux dont
ces fonctions même et les connaissances analogues étaient
l'objet. Il rédigea par écrit tout ce qui regardait la forme des
lois et des jugemens de la cour de l'échiquier ou du trésor
royal, lois qui avaient été comme oubliées pendant cette
longue suite d'années de guerre, dont le royaume avait été
affligé. Gervais de Tilbéry profita beaucoup de cet ouvrage
pour composer son livre de Scaccarii jurihus et consuetudi-
.nibus : il y rend une éclatante justice à l'auteur qui l'avait
précédé. Il l'appelle même incîomparable ; il ne croit du moins
pouvoir le comparer qu'à Esdras, qui retrouva le livre de
la loi. , P. •
PIERRE DE RAIMOND,
ABBÉ DE SAINT-MAIXENT.
riERRE DE Raimond fut élu abbé de Saint-Maixent
en II 34; il succédait à Geoffroi, qui était mort au mois de
janvier de cette même année. Pierre obtint d'Eugène III et MaLill. Ann.
des rois de France et d'Angleterre plusieurs privilèges en ^ *^"* " '" '^'
faveur de son abbayç. Il en augmenta les revenus et y main-
tint la discipline religieuse. En i i5i , il fut présent au juge-
ment que prononça Louis VII à Saint- Jean-d' Angely , dans
une affaire qui intéressait l'abbé de Meillezais. Eléonore,
reine d'Angleterre parle de Pierre de Raimond et l'appelle
son cousin .dans deux lettres adressées par elle l'une au Spicii. t. 11,
cardinal Hyacinthe , l'autre au pape Alexandre III. Ces Misceii. cp. 3i
deux lettres sont écrites en ii65,-et prouvent que Pierre ^^ 2, p. 4
Yvoiiis Carnol
p. 223.
406 PIERRE DE RAIMOND.
XII sreCLE. vivait eiicore en cette année. Il n'existait plus le 6 janvier
" 1170 , quand la paix fut conclue à Saint-Geimain-en-Laye,
entre Louis VII et le roi d'Angleterre Henri II. Pierre-cle-la-
Tour était alors abbé de Saint-Maixent. Nous n'avons aucun
moyen de fixer l'époque précise de la mort de Pierre de
Raimond entre 1 163 et i lyo.
Avant d'être abbé de Saint-Maixent , Pierre de Raimond
avait écrit une lettre à Baldric, ésêque de Dol, qui mourut
Jtiret io Ep. en I i3i «u même en i i2f). Cette lettre, relative à un ouvrage
de Baldric sur les Croisades , n'a point été publiée , et pour-
rait bien être d'im autre Pierre ; mais on doit à celui c{ui
nons occupe un Cartulaire de Saint-Maixent, dans lequel il
recueillit ou fit recueillir plus de deux cent cjuatre -vingts
monuments , depuis le règne de Louis-le-Débonnaire jusqu'à
l'année ii5o. On conservait ce manuscrit à Saint-Maixent
avec la copie qui en fut faite an X VIP siècle , et qui
comprenait la continuation du Cartulaire sous les succes-
seurs de Pierre de Raimond. Mabillon attribue à cet abbé une
Chronique divisée en deux parties. La première, qui com-
mence a la création et finit à Francus et Vassus, princes des
Francs, est restée manuscrite : elle n'est qu'un recueil d'ex-
traits de Josèphe, d'Eusèbe et d'Orose. La seconde, qui se
Biblioih.noT. termine à l'année ii34, a été publiée par Labbe, d'après un
p. :yo-22i.— manuscrit qui avait appartenu à Jean Besly, et ciue celui-ci
de l'r. t. IX, p. îi^'iit tire des archives de IMeillczais. C est de-la peut-être que
8 ; X, 33i ; XI, vicut le uom de Meillezais que l'on donne quelquefois à cette
2i(i;Xli, 400. chronique, où d'ailleurs on ti^ouve en effet, sur la fondation
et le rétablissement de l'abbaye de Meillezais , de noriibreux
et longs détails.
Le P. Labbe , en imprimant le second livre de cet ouvrage,
en a retranché plusieurs articles, celui de Charlemagne, par
exemple. Ces morceaux , dit l'éditeur , ne contiennent rien
qui ne soit dans Grégoire de Tours , dans Aimoin et ailleurs
encore. Nous pouvons même juger, par les trente et une
pages imprimées' dans le P. Labbe, qu'en ce qui concerne
l'histoire civile et l'histoire générale de l'église , Pierre de
Raimond n'a fait le plus souvent que transcrire les chroniques
plus anciennes que la sienne, et spécialement celle d'Adhé-
mar. Seulement, il y a joint beaucoup d'articles sur les mo-
nastères de lEcluse, de Vézelai, de Meillezais, de Saint-
Maixent. L'histoire des abbayes et sur-tout de celles du
Poitou semble être l'objet principal de ce second livre.
PIERRE DE RAIMOND. 407
Mabillon reproche à Tauteur des inexactitudes dans quelques xil siècle.
catalogues chronologiques d'abbés, des omissions impor- Aim. Bened.
tantes dans le recensement des chartes. Mais on ne saurait liv. 011,11.104.
lui contester jine connaissance très-parfaite de l'histoire par-
ticulière de son abbaye de Saint-Maixent : il rend compte des
ravages qu'elle a plusieurs fois essuyés , de ses divers réta-
blissemens , des translations des reliques qu'elle possède , et
des érections, réédilications, consécrations des églises du lieu
où elle est située. A tant de détails ,- on i^éconnaîtrait assez
dans le chroniqueur un religieux de ce monastère, si les
expressions islam villani , hune locuni , qu'il emploie en P- *'*■
parlant de Saint-]V[aixent, pouvaient laisser sur ce point le ' ^*°'
plus léger doute. Chacun des abbés prédécesseurs de Pierre
de Raimond reçoit ici un ti'ibut d'éloges , et le silence que la
eh ionique garde sur lui n'est pas le plus faible des indices
qui font penser qu'il en est l'auteur. On lit seulement à la lin
que Pierre de Raimond, religieux de l'Ecluse, de Clusâ ,
succéda à Geoffroi, abbé de Saint-Maixent; et cette ligne,
qui au surplus n'énonce cju'un fait positif, a peut-être été
ajoutée par quelque autre main. Labbe et Guillaume Cave Cave,Saecul.
pensi nt que cette Chroniqiie fut rédigée vers ii4o: Labbe ^Vaidense, t. li,
toutefois conjecture que deux auteurs pouiTaient y avoir ^ " ^^^"
travaillé; mais, si l'on excepte vni très-petit nombre d'ad-
ditions légères , cette hypothèse nous paraît assez peu
fondée.
Quoi qu'il en soit, la chronique de Meillezais a souvent Hist. Litt.
été citée comme une production anonyme; et nos devanciers ^' ^^'' P' ''"
l'ont traitée comme telle dans le compte assez long qu'ils en
en oiit rendu.
A la suite de cet ouvrage , Labbe a publié deux livres Eibl. nov. p,
qui traitent du rétablissement de l'île de Meillezais , et de la ^^^'
translation de Saint-Rigomcr. Ces deux livres, adressés à
Goderan, abbé' de Meillezais , sont d'un religieux de cette
abbaye, qui portait aussi le nom de Pierre, et que l'on a
quelquefois confondu avec Pierre de Raimond. Pierre de j. Desly,pr:e-
Meillezais écrivait dans le siècle précédent, vei"s io8q
D.
fat. ad liislor.
PetiiTudeboili.
^'«^vv^-% ^«^« « «^w» «^ «.
«-V««^'V«-«i^V^^%^^«.«^«r^^«>^/^«»
XII SIECLE.
ANDRÉ,
CHANOINE REGULIER DE SAINT-VICTOR
DE PARIS.
Gall. Christ.
t. VII , col.
712.
Ibid. t.
col 188.
II
op
Rltli. Vict.
p. aSo.
A.NDR-É était anglais de naissance. Ce fut Hugues de Saint-
Victor qui le forma aux lettres divines et humaines. Le dis-
ciple Ht honneur au maître, qu'il remplaça dans la chaire de
Saint-Victor après Nantère. On ne peut dire combien de
temps il occupa ce poste , ni en cjuelle année il mourut. Les
auteurs du nouveau Gallia Chiistiana disent qu'il fut un des
chanoines de Saint-Victor qui, l'an 11 48, furent tirés de
cette maison avec Odon , pour metti* la réforme à Sainte-
Geneviève ; mais ils n'en donnent pas de preuve. D'autres
prétendent qu'il devint abbé de Saint-Satur , dans le Berri.
On voit effectivement un André à la tête de cette abbaye
en 1 1 93 , mais rien ne porte à croire que ce soit le même
que notre auteur.
Les ^écrits cjui nous restent de lui sont des commentaires
sur l'Ecriture-Sainte , dont aucun n'a encore vu le jour. Le
premier est sur le Pentateuque, qu'il explique littéralement.
On le voit à la Bibliothèque de Saint-Victor, cote i44> et il
commence par ces mots : Difficile quod diirum , quod graK>e ,
quod asperum est, ohservatur. Il se rencontre aussi dans celle
de Saint-Benoît de Cambridge, accompagné des commen-
taires du même auteur sur les livres des Rois , les Paralipo-
mènes , les Proverbes , l'Ecclésiaste et les douze petits Pi'o-
f)hètes. Dans ce dernier dépôt , un autre manuscrit renferme
es commentaires d'André sur Daniel et les Macchabées.
Le dernier ouvrage subsistant de notre auteur en ce genre,
est un commentaire sur Isaïe. Nous en connaissons deux
exemplaires, l'un de la Bibliothèque de Saint-Victor, l'autre
de la Bibliothèque impériale, 11° i25. André, dans ce com-
mentaire, appelle souvent à son secours les anciens inter-
prètes , et sur-tout Origène ; mais il s'appuie quelquefois un
peu trop sur "l'autorité des Juifs. C'est un reproche bien
mérité que lui fait Richard de Saint -Victor , au sujet de la
célèbre prophétie Voila qu'une Vierge concevra, et enfantera.
André rapportant sur ce passage les explications respectives
GARNIER, SOUS-PRIEUR DE S.- VICTOR. 409
des chrétiens et des juifs , fait beaucoup trop valoir, au juge-
ment de Richard, ceUes des juifs qui sont phis littérales, et
fiait scandaleusement sans rien décider : ce qui porta plu-
sieurs personnes de son temps à entendre la prophétie , non
de la mère du sauveur, mais de la femme du piophète. Ses
disciples étaient les plus ardens à défendre cette explication.
Ricliard craignant qu'elle ne fit tort à la religion dans l'es-
prit des simples , prit la plume pour la réfuter, et composa
son Emmanuel, dont il sera pailé à son article. Du reste,
André mérite de tenir un rang considérable parmi les inter-
prètes' sacrés du XIP siècle. Il en est effectivement peu cjui
réunissent comme lui la clarté et la précision , qui s'écartent
Fins rarement de leur objet, et sachent placer plus à-propos
érudition. Il avait la coimaissance des langues greccpie et
hébraïque , avantage peu commun dans son siècle.
B.
Xir SIECLE.
GARNIER,
SOUS-PRIEUR DE SAINT-VICTOR DE PARIS.
(jARNiER était sous-prieur de Saint- Victor de Paris dès fi°"^^^"''''"*'*
l'an I i/jo, date d'une charte qu'il souscrivit en cette qualité. 3/"!" 33,5. ^^^'
L'histoire manuscrite de Saint-Victor met sa mort en 1 170.
Ces deux époques renversent l'opinion de ceux qui con-
fondent ce chanoine régulier avec Garnier, chartreux, écri-
vain du XV^ siècle , auquel ils attribuent ses ouvrages.
Attaché à la lecture des écrits de saint Grégoire-le-Grand,
il en recueillit les traits les plus remarquables sur l'Écriture
sainte, les mit en ordre, et en composa un commentaire
suivi sur tout le texte sacré, qu'il divisa en seize livres, sous
le titre de Gregorianiim. Garnier n'ouvrit pas la carrière dans Hist. littér.
ce genre de travail; il avait été précédé, comme on l'a dit '• ^1^ P- *^<'»
ailleurs , par quatre compilateurs comme lui , et fut encore
suivi de trente autres, qui tous travaillèrent à former un
corps de doctrine d'après les œuvres de saint Grégoire, cha-
cun à sa manière. Jean Picard , qui a donné une édition du
Gregorianum de Garnier, ne fait pas difliculté de lui décerner
la palme sur tous les autres , pour le choix des passages et
Tome XJII. Fff
4io ACHARD DE CLAIRVAUX.
XII siF.CLK. poui' le discernement. C'est sur quoi nous nous abstiendrons
de prononcer. Mais , si la préférence est due à ceux qui ont
mieux conservé les propres paroles du saint docteur, Garnier
l'emporte sur les autres.
Son ouvrage a été répandu dans le public par deux éditions
faites l'une et l'autr-e à Paris; la première, l'an i5i8, in-4°,
chez Pierre Gandoul , sous ce titre : Guernerii sive Garnerii
enucleainenta Bibliœ , compilata ex (h'egorii codicihus. La
seconde en 1608, in-8°, chez Burchard Rnick , par les soins
de Jean Picard, chanoine l'égulier de Saint-Victor, qui a
substitué, conibrmén ent aux meilleurs manuscrits, le titre
de Gregorianum au titre précédent. Notre abréviateur de
saint Grégoire a été lui-même abrégé par Absalom, qui de
religieux de Saint-Victor devint abbé de Springkirhbac , au
diocèse de Trêves. Cet abrégé était conservé manuscrit à
Saint- Victor , sous le titre de Brcviarium Garnerii.
Garnier se mêlait aussi de médecine , suivant un ancien
catalogue des manuscrits de Saint-Victor , où l'on voyait :
Garnerii suhprioris S. l ictoris Reginien sanitatis. Mais l'ou-
vrage que ce titre indique n'est pas venu jusqu'à nous.
lib
p. i33
ACHARD DE CLAIRVAUX.
A.CHARD, maître des novices à Clairvaux, a été confondu
DeHist.Lat. par Vossius avcc Achard, abbé de Saint-Victor, et depuis
'• ^^' ^- ^^' évêque d'Avranches. Celui dont nous parlons embrassa l'état
monastique vers l'an i \^[\^ sous saint Bernard , qui l'employa
Manriq.Ann. d'abord à la fondation de quelques nouveaux couvens.
iia^c 3 n'5! Achard contribua, par exemple, en 11 34 fi l'établissement
-Exord.Magn. du mouastère d'Hemmerode, au diocèse de Trêves. Ce fut
Cisi. dist. 3, c. alors, et non loin de cette ville, qu'il visita, par ordre de
t.°i' p. 112- saint Bernard, un solitaire nommé Gezelin , Gizelin ou
114. Schozi'Iin. Parvenu à un âge plus avancé, Richard devint
directeur des novices de Clairvaux, et, par le dévouement
avec lequel il s'acquitta de cette fonction , il remplit toutes
Hîst. Litt. les espérances de l'abbé qui l'en avait chargé. Cave nous le
Sciipt. Kccies. représente comme un grand philosophe et comme un théo-
logien célèbre : mais cet éloge nest justilie par aucune pro-
p. 579.
ACHARD DE CLAIRVAUX. 4ri
duction , ni par aucun témoignage contemporain. Herbert et ^i' siècle.
l'auteur du grand exorde de Cîteaux ne louent dans Achard
que les vertus d'un moine et le zèle d'un maître des novices.
Ils ne nous apprennent point la date de sa mort. Henriquez,
dans le ménologe de Cîteaux, a placé Achard au i5 sep-
tembre. Mais, s'il mourut en effet ce jour-là , nous ignorons
en quelle année. Nous savons seulement cju'il parvint à la
vieillesse: in senectute honâ migravit ad dominum, dit son
disciple Herbert; ce qui semble nous autoriser à prolonger "
la vie d'Achard jusqu'en i lyo au moins; puisqu'en le suppo-
sant âgé de vingt-cinq ans en 1 124, lorsqu'il entrait à Clair-
vaux, il n'aurait été que septuagénaire en iiyo.
De Visch n'a ni vu , ni rencontré personne qui eût vu les Eibl. cisicic.
sermons d'Achard aux novices de Clairvaux. Montlaucon P' ' ;.
toutefois en indique deux, l'un sur les sept déserts, l'autre 123^.
sur tous les saints ; le premier commençant par ces mots :
Ductus est Jésus in désertion ; et le second par ceux-ci : Ma-
gnoruni et spiritiialium viroriim. L'écrit qu'on a le plus attri-
bué au moine Achard est une vie de cet hermite allemand,
Schozelin ou Gozelin , dont il vient d'être question. Mais la
composition de cet opuscule nous paraît appartenir autant
ou plus à Herbert, novice à Cîteaux sous Achard et depuis
arclievêque en Sardaigne, qu'à cet Achard lui-même. Voici
le foit.
Herbert a composé sur les miracles des moines cisterciens
trois livres , dont le père Mabillon a inséré quelques frag-
mens dans le second volume des œuvres de saint Bernard. Col. 1223,
Or le premier de ces fragmens concerne Achard, et cet 1^24,12
article se termine ainsi : « Lorsque nous étions novices , cet
« excellent directeur, pour nous exciter par des exemples à
« la pratique des vertus , nous racontait beaucoup d'his-
« toires , entre lesquelles j'ai résolu d'écrire celle cjui m'a le
« plus frappé. » De quibus et nos unuin salteni stylo man-
dare decrcvinius.
Aussitôt , en effet , Herbert se met à conter l'histoire de
Schozelin ; et , comme il ne la connaît que par les récits
d'Achard , c'est Achard qu'il fait parler : Ego , inquit , cuni in
episcopatu Trevirensi convcrsarer ^ etc. Quand l'histoire est
terminée , Herbert reprend la parole en ces termes : « Tels
« étaient les exemples par lesquels dom Achard nous forîi-
« fiait dans la pratique de la vertu » : Hœc et similia nohis
Tteophytisdominus Achardus rcferehat eocempla , etc. «Enfin,
122a.
4i2 GIRAUD, AUX. D'UNE VIE DE S. -JEAN.
XII SIECLE. « continue Herbert, Achard vieillit et mourut lui-même, et
« fut enseveli dans le séjDulcre de ses frères» : Ad postre-
j)iuni autem etiam ipse deficiens in senectute bond migrant
ad dominuni et sepultus est in sepidchro fratrwn suorum.
Nos lecteurs peuvent juger, d'après cet exposé, si le véri-
table auteur de la vie du solitaire allemand est Achard cpii
la racontait, ou Herbert qui prit la peine de la rédiger par
écrit. Stylo mandate decrevimus. Au surplus, cet opuscule,
qui occupe trois colonnes dans le tome II des œuvres de
saint Bernard , se peut lire encore dans le recueil des Bol-
P- ^'fi- landistes au 6 août. Il avait été publié poiu- la première fois
Diini,Auroy, par Amold Raisse en i6a4. Baillet, cjui la traduit en français,
'°:,î.^- , „ iirétend aue les vertus de saint Gescelin sont au-dessus de la
\ les des SS. ^ - i ^ j' ■ • ■ 77 ■\i ■ • -i
6 août, p. 94. portée de limitation des nommes. «iMais, ajoute-t-il, sa vie
« mérite d'être publiée, pour nous munir contre la témérité
« de ceux qui condamnent ce qui passe leur raisonnement.»
La manière de A'ivre de saint Gescelin était réellement tout-
à-fait siu-naturelle : on le vit pendant quatorze ans errer
tout nu , pour l'amour du Christ , dans les forets et dans
les montagnes ; n'ayant pour toit que le ciel , pour vêtement
que l'air, pour nourriture que celle que partageaient avec
lui les animaux : Annis si quidein quatuordecini solii'agus
ac toto corpore nudus , montibus et sylvis pro Christi amore
oberrans cœlum hahens pro tecto , aereni pro vestimento ,
pecorinum victum pro cibo humano. D.
«V^.^«,'«^V%'
GIRAUD,
AUTEUR d'une VIE DE SAINT JEAN, e'vÊQUE DE VALENCE,
EN DAUPHINe'.
Oaint Jean, évêque de Valence, en Dauphiné, mourut
en II 45. Avant son épiscopat, il avait été le premier abbé
du monastère de Bonnevaux, dans le diocèse de Vienne.
L'histoire de sa- vie et de ses miracles a été composée, selon
BibLCisterc. de Visch et Manrique, par un anonyme, religieux de cette
P' ^^" . abbaye : mais, à la tête de cette même légende, publiée par
an. 1114, c. i, dom Martène, l'auteur est nommé Giraud , et, dans l'un des
n. 7- chapitres de l'ouvrage, il parle de lui-même en se quahfiant
Thés. Anecd.
ADRIP:N, PREVOT DE MAUBEUGE. 4i3
garde du tonil)eau de lëvêque Jean : fonction qui semble xii siècle.
mieux convenir à un chanoine de l'église de Valence, qu'à t. m p. i6q3-
un moine de Bonnevaux.Quoi qu'il en soit, Giraud, succom- 1702.
bant aux fatigues de son emploi de gardien , incommodé
sur- tout de la fumée des chandelles entretenues autour du
sépulchre , tomba malade de phthisie , se repentit de ses
péchés, et fit vœu de les expier par une meilleure conduite
et en écrivant la vie de saint Jean de Valence , si , par l'inter-
cession de ce bienheureux, il parvenait à recouvrer la santé.
C'est à la guérison de Giraud , à sa conversion , et à 5a fidé-
lité H remplir sa promesse que nous devons son ouvrage,
ainsi qu'il nous en instruit lui-même. Il a fort peu de détails
à nous offrir sur la partie non miracideuse de la vie du
saint prélat, mais, en revanche, il sait tous les prodiges
opérés par lui avant et après sa mort, ne doute d'aucun, et
les raconte avec une édifiante simplicité.
Le manuscrit d'où Martène a tiré cette narration se conser-
vait à Cluni. Il en existait un autre à Bonnevaux ; Manrique
le cite, en observant que les premiers chapitres y manquent;
mais ce qu'il en dit donne lieu de croire que c'était la même
légende qui se rencontrait à Bonnevaux et à Cluni. Nous ne
la retrouvons point dans le recueil des Bollandistes , et nous
n'apprenons rien ailleurs sur la personne de Giraud qui la
rédigea. Mais, puisqu'il fixe au 21 décembre 11 45 la mort
de saint Jean de Valence, et qu'il ajoute que ce prélat a été
depuis peu enlevé à son église , de inter nos antè pauca teni-
pora translatas , il est permis de supposer que Giraud écri-
vait vers l'an 1 160, et qu'il a pu vivre jusque vers 1 170.
D.
<p
ADRIEN,
PRÉVÔT DE L'ÉGLISE DE MAUBEUGE.
Il a rédigé en it6i, à Maubeuge, le procès-verbal de la
translation qui s'y fit, le 16 juin de cette année, des reliques
de sainte Aldegonde. Mabillon a donné un extrait de cette Actasanc.ord.
relation, qu'on peut lire en entier dans le recueil de Bol- S. Bened. 1. 11,
landus, au 3o janvier. Après avoir nommé les principaux ^T.'fi.p.ioSa
-io5
H-
4i4 SUR LA FOXD. DU MONAST. DE S.-MARD.
Xll SIECLE, personnages qui assistèrent à cette cérémonie, l'auteur parle
de l'odeur suave qui s'exhala du vase où étaient déposées ces
reliques, et de la parfaite conservation de plusieurs des
membres de la sainte. On fut obligé de les soustraire à l'em-
pressement de près de quarante mille hommes ou femmes ,
qui s'attroupaient impatiemment pour les toucher : mais , à
la prière d'Adrien, on les lit voir aux chanoinesses, avant de
les renfermer dans une nouvelle châsse. L'acte %e termine
^^ par cette souscription : Ego Achianus sancti Gaugerici de-
canus , Malhodiensis Ecclesiœ prœpositus et cancellarius
scripsi et recensid.
Ni les BoUandistes , ni les bibliographes de la Belgique ne
nous apprennent quoi que ce soit sur la personne du rédac-
teur Adrien : mais il écrivait cette relation en i iGi , et, par
conséquent , nous sommes autorisés à supposer qu'il vécut
jusqu'en i lyo. D.
ANONYME,
AUTEUR d'une notice SUR LES C O 31 M EN C E M E N S DU
MONASTÈRE DE SAINT-3IARD (sAINT-MÉDARd), OU
SAI NT-NICOLAS-D ES-PRÉS , DE TOURNAY, ORDRE
DE SAINT-AUGUSTIN.
Lj' AUTEUR de cet écrit n'est pas connu. On voit seulement
qu'il était religieux ou chanoine régulier de ce monastère,
et que les fondateurs en existaient encore lorsqu'il composa
GaU. Christ, Cet ouvragc. Il l'annonce dès la première phrase,' et atteste
t. III, aux Pi. qu'il a été instruit des faits relatifs à l'origine de la maison
^' ^^ et à ses premiers progrès , par ceux mêmes qui en furent les
auteurs ou les témoins , et qui y ont porté le poids du jour :
témoins irrécusables , ajoute l'écrivain , car ils disent ce
qu'ils savent et affirment ce qu'ils ont vu.
La fondation est de l'année ii25. Charles F*", dit le Bon,
était comte de Flandres. La maison fut construite au som-
met <run mont appelé Saint-Mard , alors dans un faubourg
de Touniay , mis ensuite dans son enceinte. Saint ]\Iard
avait «té évêque de cette ville dans le VP siècle. Le prélat
SUR LA FOND. DU MONAST. DE S.-MARD. 4i5
qui en gouvernait l'église , quand on établit le nouveau mo- ^ii siècle.
nastère , était Simon , évêque de Noyon , que l'auteur appelle ""
sacerdos magnus , et parent du roi. Simon, en effet, était
fils de Hugues-le-Grand , comte de Vermandois , fils lui-
même de Henri P' , et frère de Philippe P"^, père de Louis-
le-Gros. Les évêchés de Noyon et de Tournay se trouyaient Gaii. chiist.
réunis à cette époque; ils le furent jusque vers le milieu du '■ ^'^' P- ^97)
Siècle en 1 140.
Simon choisit pour abbé Oger, chanoine de Saint-Éloy.
La difficulté d'avoir de l'eau, et quelques autres inconveniens
engagèrent cet al)bé à se transporter au bas du mont , où le
couvent avait été placé. Il en dédia l'église à saint Nicolas, et GaiiiaCiuist.
elle a été connue depuis sous le nom de Saint-Nicolas-des- '• niip-so?*'':
Prés. Elle continue néanmoins d'avoir saint Mard pour un ^^66'e't"G- ^'
de SCS patrons.
L'auteur s'arrête un moment à peindre la ferveur des pre-
mières personnes qui se réunirent. Le couvent était pauvre, //«</. p. 66 et
les religieux pleins de résignation. « Qui pourrait exprimer, ^7-
« dit-il , tout ce qu'on y supporta de douleurs par la laim ,
<c la soif, le froid , la nudité. Aucun repos n'était laissé aux
« yeux par la veille, aux voix par le chaiît, aux mains par
« le travail , à l'estomac par le jeûne , au cœur par la medi-
« tation et la prière. Le site du lieu en avait fait auparavant
« le rendez-vous ordinaire où les gens du siècle Acnaient
« se livrer à des plaisirs lascifs : grâce au changement opéré
« par la droite du Seigneur , il est devenu un tabernacle
« d'alliance entre Dieu et les hommes , le plat {fercuhun )
« de Salomon , la fournaise de la pénitence , l'asyle de la
« miséricorde. » Il rappelle ensuite les dons offerts jusqu'à
ce jour au monastère ; il en célèbre les divers bienfaiteurs
et adresse à Dieu pour eux une longue invocation. Oger était
allé solliciter en Bourgogne les secours du comte Thibaut ,
et jusqu'en Angleterre ceux de Henri Y^ .
il abdiqua son abbaye, après l'avoir gouvernée quatorze Cali. christ.
ans. Il venait d'obtenir du pape Innocent II cju'elle fut placée t^i'i'-^gS.ei
sous la protection particulière du saint siège. Il avait assisté ^"^ '" ^"
en 1 135 au synode de Tournay. Oger fut l'ami de saint Ber-
nard. Plusieurs lettres de l'abbé de Clairvaux lui sont adres-
sées. Il y en a une entre autres dans laquelle il lui reproche
la démission qu'il venait de donner; cest la cruatre-vingt-
septième. Les autres sont la quatre-vingt-huitième, la quatre-
vingt-neuvième et la quatre-vingt-dixième.
4i6 MANIÈRE DE LIRE L'ECRIT. SAINTE.
xïi SIECLE. L'auteur de la narration anonyme dont nous pailons trace
ensuite brièvement les vertus et les travaux de Gérard de
Menisses, successeur d Oger, et plus brièvement encore ceux
de Fulbert , successeur de Gérard de IMessines. Le quatrième
Gall. Christ, abbc' fut Robcrt ; il l'était déjà en iiSa. On cite plusieurs
r. m,p. 298. fjç,^g5 auxquels il concourut cette année et la suivante. Nous
lui donnerions également tous les éloges qu'il mérite, dit
l'auteur, si nous ne craignions d'ennuyer nos lecteurs par
jbiJ. aux Pr. une narration trop longue. Cela nous fait croire qu'il écrivait
P" sous le gouvernement de Robert. Celui-ci vivait encore
Gaii. Christ, en ii6c); nous le voyons assister, le 5 mai de cette année,
f- m, r 298- au synode de Tournay. Il semble néanmoins que Richard
lui avait succédé en 1 168. Peut-être Robert avait-il donné sa
démission.
Cet écrit doit avoir été fait vers ce temps-là au plus tard.
Le monastère existait depuis quarante ans en 1160, et l'au-
teur en avait connu les premiers religieux. Il traite son sujet
avec plus d'ordre dans les matières que de simplicité dans le
style. Ses sentimens sont pleins de bienveillance ; il loue avec
])eaucoup d'effusion, et même avec un peu d'emphase, tous
ceux qui avaient successivement gouverné le monastère dont
il était religieu^x. Sa notice a été imprimée parmi les preuves
du troisième volume de la France Chrétienne. P.
ANONYME,
AUTEUR D UNE INSTRUCTION SUR LA MANIERE DONT ON
DOIT LIRE l'Écriture sainte.
Lj'auteur avait reçu plusieurs fois d'un de ses amis appelé
Hugues la prière de le guider et l'instruire sur l'ordre et le
mode à suivre dans l'étude des livres sacrés. Ses occupations
l'avaient long-temps empêché de le satisfaire ; il lui écrit
enfin , et aime mieux le faire trop tard que de désobliger un
ami et se monti^er insensible à ses démarches. Son objet n'est
λas de lui apprendre comment cette étude est pratiquée dans
es écoles, mais comment elle doit l'être par les hommes que
la profession religieuse soumet à l'obéissance des autres. On
MANIÈRE DE LIRE L'ÉCRIT. SAINTE. 4,7
peut les ranger en trois classes : les uns arrivent clans le ^^^ SIECLE,
cloître tout instruits ; les autres le sont en partie ; les autres
connaissent à peine les premiers élémens de la grammaire.
C'est à ces hommes grossiers , presque sans lettres , que
l'écrit est principalement destiné ; ils y apprendront par quels
nîoyens , par quels degrés , ils pourront arriver à une con-
naissance parfaite des livres sacrés. Le plan est assez bien
exécuté ; il annonce un esprit cultivé et des lumières acquises
dans la théologie et la grammaire.
Après avoir exposé toute l'importance de cette étude, il
donne la liste de tous les livres , de toutes les parties qui
composent l'ancien et le nouveau Testament, même de ceux
que les juifs regardent comme apocryphes. Il y joint les ou-
vrages de saint Jérôme, de saint Augustin et des autres pères
de l'église, comme nécessaires pour fociliter l'intelligence de
l'Écriture. Elle a un sens historique , un sens allégorique ,
un sens moral. Le livre des Etymologfes par Isidore, celui
de saint Jérôme pour l'explication des mots hébreux, le
livre des Dérivations qu'on trouve dans beaucoup de biblio-
thèques , et le Glossaire , doivent être consultés. On fera et
on retiendra dans sa mémoire l'abrégé de tous ces livres ; ce ,
qui concerne l'ouvrage des six jours, la construction de
1 arche et les lieux où elle demeura , la promesse faite à
AJjraham , les noms et le nombre des patriarches , leurs
épouses, leurs concubines, leurs enfans, le temps qu'Israël
passa dans la servitude d'Egypte, les signes manifestés, les
plaies infligées, la sortie des Hébreux, la loi donnée et reçue
au mont Sinai , le tabernacle , les douze tribus , les campe-
mens, le nombre et l'ordre des prêtres, leurs ornemens, les
sacrifices, les guerres soutenues avant d'entrer dans la terre
promise, les villes détruites, prises ^ réparées, les princes
qui les gouvernaient, ceux qui conduisirent Israël jusqu'au
moment qu'il eut des rois , ces rois , leurs actions , la cons-
truction du temple, ses cérémonies et ses ministres. Il indique
comnie très-utile sur tout cela les questions de l'ancien Tes-
tam:;nt, par saint Augustin. Il indique ensuite dans quel
esprit on doit lire les livres des prophètes, et ce qu'on doit
sur-tout chercher à en retenir. Il fait la même chose pour
Esdras , Judith , Esther , Tobie , les Macchabées , les Pro-
verbes, l'Ecciésiastique, l'Ecclésiaste , la Sagesse, les Psaumes,
Job, le Cantique des cantiques, les Evangélistes enfin et quel-
ques apôtres. Les deux Testamens ainsi étudiés, on sins~
Tome XIII. Ggg
4i8 MANIÈRE DE LIRE L'ÉCRIT. SAINTE.
XII SIECLE, truira des sacremens de l'église. Il conseille à cet effet la lec-
ture d'un ouvrage de Hugues , oii la matière est traitée dans
toute son étendue. Il renvoie , pour la connaissance des pra^
tiques et des cérémonies aniuielles, à un livre de Gei^land,
intitulé Candela (Flambeau), et à wxv autre de Simon, qui
a pour titre: Quare (Pourcjuoi)? Qu'on lise après, avec le
plus grand soin et la plus grande attention , la Cité de Dieu,
par saint Augustm , et sa Doctrine chrétienne.
Quand on se sera ainsi bien exercé dans le sens historique
ou littéral, continue l'auteur, on pourra passer sans crainte
à l'étude du sens allégorique et du sens moral : il ne sera
plus nécessaire de se soumettre au même ordre; on lira à
son gré les différentes parties de la Bible, et on y trouvera
tout de suite et sans peine ce qui appartient ou doit appar-
tenir à un de ces deux sens; il se présentera même à l'esprit
des interprétations ou des significations nouvelles. J^a lecture
d'Origène pourra êti*e profitable avec quelques précautions.
L'auteur nomme encore d'autres ouvrages , dont il pense
que la lecture pourra également être utile , et quelques
autres qu'il faut craindre ou éviter. L'épître finit par ces
deux lignes, que l'écrivain sans doute a cru être deux vers,
et qui ne sont guère plus intelligibles que poétiques :
Nutriimt ki sort 6711 Christo persœpe placentem ^
Hoc mcritum sit eis cœlestis dindimajugis.
L'analyse que nous venons de donner n'annonce pas, de
la part de l'auteur , un esprit bien étendu , ni des vues très-
profondes. C'était un moine nourri de ces matières , connais-
sant les ouvrages qui en avaient traité, en professeur de
théologie peut-être; et voilà pourquoi on s'adressait à lui
pour savoir quelle route on devait tenir dans l'étude des
livres saints. Peut-être aussi professa-t-il , sinon à Paris,
dans quelque diocèse assez voisin. Le manuscrit d'après
Trésor des lequel dom Martène a imprimé l'épître anonyme dont nous
iS6*et suiv' '' venons de rendre compte , était tiré de l'abbaye de Josaphat,
près de Chartres. On la croit écrite vers l'an iiyo. Nous
croyons que le Hugues qu'il cite, magistcr Hugo, est Hugues
de Saint- Victor, auteur de commentaires sur les diverses
parties de l'Écriture, comme on l'a remarqué en donnant
p. 7etsuiv. la notice de sa vie et de ses travaux, dans le douzième vo-
lume de cette Histoire. Le douzième siècle a eu plusieurs
OGIER, POÈTE PROVENÇAL. 419
docteurs du nom de Simon ; il est peu facile de distinguer ^ii siècle.
quel est celui auquel l'auteur fait ici allusion : si nous en
étions assures, nous pourrions déterminer d'une manière
plus précise encore l'époque où la lettre fut écrite. Hugues
de Saint-Victor mourut en ii/\i. On a parlé, dans le discours P. 42.
préliminaire du neuvième volume, d'un Gerland cpii, après
avoir été élève de l'école de Besançon , en devint le modéra-
teur. Est-ce lui qui avait compose l'ouvrage cité par notre
anonyme ?
Cette lettre prouve qu'on faisait des études réglées sur les
livres saints dans les écoles. Nous devons i-egretter que l'au-
teur ne soit pas entré dans quelque détail sur l'ordre et la
méthode qu'on y suivait , plutôt que de se borner à indiquer
à son ami ce qu'on aurait si aisément trouvé sans le secours .
d'une aussi longue épître. P.
OGIER OU AUGIER,
POÈTE PROVENÇAL.
V^E troubadour est appelé dans différens manuscrits d'Italie
Oggiero , et Uggieri, ou même Gieri, que Crescimbeni dit
être des abréviation* de Ruggiero , mais alors le nom fran-
çais ou provençal serait Roger , et non pas Ogier de Vianes
ou de Vienne, ni sur-tout Augiér de Saint-Donat (bourg
du Viennois), que l'on trouve dans les manuscrits de la
Bibliothèque impériale. Il paraît qvi'Ogier, dont on ignore
d'ailleurs la vie et les aventures , resida long-temps en Lom-
bardie , et qu'il y fit la plus grande partie de ses chansons.
Il y eu a une satirique, remplie de jeux de mots de fort
mauvais goût, tels que: «Je serai toujours serviteur pour
« desservir en seivant les lâches riches.... Dans leurs cours ,
« courtes de courtoisie, personne ne peut indiquer un homme
« instruit. » Etc. Mais un de ces jeux de mots peut servir à
fixer l'époque où le poète florissait. « J'ai cependant vu,
« dit-il , le noble roi Frédéric faire tant de cas du mérite et
« de la vertu , qu'il ne peut pas empirer quand il aurait
« \ empire. » Frédéric I , dont il est ici question , fut roi
Ggg2
420 BERNARD ARNAUD, POÈTE PROVENÇAL.
XII SIECLE. d'Italie en ii5i et empereur en 1 155. La chanson fut donc
foite avant cette dernière année.
On se récrie souvent aujourd'hui contre l'indécence des
modes dans l'habillement des femmes. Mais un sirvente
d'Ogier prouve qu'à cet égard le XIP siècle n'avait aucun
avantage sur le nôtre , et même que , si les femmes en
général n'étaient pas alors plus modestes , les vieilles étaient
beaucoup plus ridicules. Un poète inconnu nommé Ber-
trand avait soutenu , dans une tenson , qu'il valait mieux
faire la cour aux vieilles qu'aux jeunes. Ogier n'est pas
de cet avis. « Il ne peut souffrir , dit-il , le teint blanc et
rouge que les vieilles se font avec l'onguent d'un œuf battu
qu'elles s'appliquent sur le visage , et du blanc par dessus ;
ce qui les fait paraître luisantes depuis le front jusqu'au-
dessous de l'aisselle.... Une jeune femme bien fiite vaut mieux
que cinq cents vieilles; et Bertrand qui a soutenu le contraire
en a menti. »
Dans un autre sirvente, Ogier déplore la mort du vicomte
de Béziers, Raimond Trancavel, assassiné en i i6j, dans une
église, pour avoir refusé de rendre une prompte justice à
un bourgeois de Béziers, dans une affaire qui intéressait
l'honneur de toiite la bourgeoisie. L'auteur vécut donc au
moins quelque temps après 1167; et l'on risque peu de se
tromper en plaçant sa mort au plus tard en 1 1 jo.
G.
BERNARD ARNAUD DE MONTCUC,
POÈTE PROVENÇAL.
Une seule pièce nous est restée de ce troubadour, dont le
nom n'est ni sonore , ni poétique , ni célèbre. On ignore ses
aventures et sa vie. C était un chevalier, comme on le voit
par cette pièce même , dans laquelle il parle du cas qu'il fait
d'un coursier sellé et armé, d'un écu, dune lance et dune
guerre prochaine, etc. Mais était-il seigneur du château dont
il portait le nom , ou y était-il simplement né ? Il y avait un
château de Montcuc dans le Rouergue et un autre dans le
Querci : duquel des deux Bernard tirait-il son nom.'^ c'est ce
qu'on ignore complètement. On ne sait s'il eut dans son
Litt. des Tr. t.
1,1.. 98.
BERNARD ARNAUD, POETE PROVENÇAL. 421
temps beaucoup de réputation , ni s'il composa un grand ^n siècle
nombre de poésies. Aucun des auteurs qui ont écrit sur les
troul)adours ne parle de lui , et les manuscrits n'en con-
servent point d'autre trace que cette chanson. Elle est sati- Biillot,Hist
rique et de ce genre libre qu'on appelait des sirventes. Elle
porte avec elle sa date , les traits dont elle est remplie ayant
pour objet une expédition que Heini II , roi d'Angleterre ,
fit sans succès contre le comte de Toulouse, Raimond V,
en ii5c). Le comte fut secouru par le roi de France Louis-
le-Jeune , et Henii II forcé de lever le siège de Toulouse.
Ce ne sont pas seulement les traits lancés dans ce sirvente
contre le roi d'Angleterre qu'on y doit remarquer , c'est aussi
le mélange singulier de satire et de galanterie qui y règne,
et le passage original que le poète fait alternativement de
l'une à l'autre. Il lui prend envie de faire un sirvente contre
les méchans barons , ennemis de toute vertu , qui vont à la
chasse quand la nature renaît et que les lauriers sont en
fleur. Mais l'amour répand la gaîté dans son ame autant que
les beaux jours de mai , il conservera sa joie malgré tant de
sujets de tristesse. Il croit voir s'avancer la nombreuse cava-
lerie du preux roi ; ce roi viendra sans faute dans le Carcas-
sonnais ; mais les Français n'en ont pas peur. Puis s'adressant
à la dame de ses pensées : « Vous m'épouvantez bien plus,
madame, lui dit-il, car les désirs qu'excitent vos charmes
sont mêlés de toutes les craintes cme vos rigueurs doivent
inspirer. » Il revient au roi , qu'il blâme de se donner des
airs hautains , après avoir consenti à une paix honteuse ; et
se tournant de nouveau vers sa dame, il se trouve plus heu-
reux d'éprouver ses refus que d'être accepté par une autre.
«Je voudrais, dit-il dans la strophe siiivante, que le roi
d'Angleterre se pliit autant à combattre que je me plais,
madame , à me retracer l'image de votre beauté et de votre
jeunesse. Le. sceau de ce roi, dit-il encore, est si décrié que
je n'ose le dire ; mais je dirai bien , madame , que je suis
pénétré d'amour et de crainte. »
Ces traits de galanterie ne sont pas sans doute de bon
gorit, mais du moins ce ne sont pas des lieux communs, et
la bizarrerie vaut encore mieux que la trivialité. On croit
c|ue l'auteur n'était déjà plus jeune lorsqu'il fit cette chanson ,
et qu'il mourut environ dix ans après. G.
■»v^^«^'«v'%^«.-«^»%^^«'«-^«^««>«>^«^-^«.^^»i«/«'^«^w«,^^%«^v«^v«^ «'W*/^%.v«^«(
XII SIECLE.
AZALAIS
ou
ADÉLAÏDE DE PORCAIRAGUES,
FEMME POÈTE.
v>i'EST la première, et non à beaucoup près la seule dame
qui cultiva la poésie provençale , et dont quelques vers nous
sont restés. Elle sortait, dit-on, d'une famille distinguée du
pays de Montpellier. Elle aima tendrement Guy Guerrejat,
frère de Guillaume VII, de la maison de Montpellier, lequel
D.Vaissettc, mourut en 1177 ou 1178. Elle fit pour lui des chansons
Hist. de Lang. ^^^j eurent alors un grand succès. Une seule s'est conservée ;
Mss.'deiaBibi. et, si Ics autrcs y i^essemblaient , ce succès était dû à son
imp. n°7225. sexe, et peut-être à sa beauté plus qu'à son talent. Elle s'y
monti-c fort chagrine de l'infidélité du prince d'Orang-c. C'est
sans doute de ce Rambaud , brave chevalier et bon trouba-
dour, dont nous parlerons dans la suite, et dont le naturel
inconstant et la vie déréglée durent exciter souvent de
pareilles plaintes. Celles d'Azalaïs ne la regardaient pas per-
sonnellement , mais sans doute une de ses amies que ce
prince avait abandonnée ; car , dans cette même pièce où
elle traite de folles les femmes qui s'attachent aux grands
seigneurs , elle se félicite d'avoir un ami loyal , avec qui
Millot , Hist. elle ne court point risque de s'être mal engagée. Il paraît
Litt. des Tr. t. ^pg Quy Gucrrejat habitait Narbonne. Azalaïs y envoie son
I' P- "2. jongleur porter cette chanson à celui dont on vante la bra-
voure, et chez qui tout respire la joie. Il survécut à celle
dont les chants l'avaient rendu célèbre. Elle mourut vers
l'an 1170. G.
Xn SIECLE.
BENOIT DE SAINTE-MAURE,
POÈTE ANGLO-NORMAND.
V^E poète, qui paraît avoir reçu le jour à Sainte-Maure,
petite ville de la Touraine, voyagea de bonne heure, et
résida long-temps en Angleterre, où, suivant Robert Wace,
il lui fut enjoint par le roi Henri II de traduire en vers fran-
çais l'Histoire des ducs de Normandie. Il fallait que la répu-
tation de Benoît fût déjà répandue , pour qu'il fût chargé
d'un travail de ce genre.
Quoi qu'il en soit , il paraît que Wace , jaloux de cette
distinction, s'empara du sujet, et composa à la hâte ses di-
verses histoires clés ducs de Normandie, et qu'il les publia
avant que Benoît eût achevé son travail. Peu découragé
par cette publication, Benoît continua son poëme, et le mit
au jour long-temps après celui de son rival.
L'Histoire des ducs de Normandie comprend environ
vingt-trois mille vers de huit pieds; elle commence à l'irrup-
tion des Normands sous.Hastings, et se termine par la vie
des trois enfans de Guillaume-le-Bâtard. Cet ouvrage inconnu
à tous les bibliographes français ,| se trouve dans la Biblio-
thèque Harléienne, sous le n** 17 17. M. de la Rue est le Arch»oiogià,
premier qui l'ait fait connaître ; il en fixe la publication à '• ^ii-
l'an 1 1 70. Warton prétend que ce poëme contient une foule Tlie Historj-
de fiiits controuvés et romanesques: mais il ne cite aucune «f EiigiisJ» ?"«-
1 . ' try , t. II , p.
autorité pour soutenir cette assertion. 235.
Dans le manuscrit qui contient l'Histoire des ducs de Nor-
mandie , se trouve une clian.son où sont décrits les avantages
qu'obtiendront ceux qui voudront s'embarquer pour la Pa-
lestine ; M. de la Rue est tenté de l'attribuer à Benoît. Le Loc. cit.
même critique ne pense pas que M. Tyrwhitt ait raison d'at-
tribuer à Benoît vine Vie de saint Thomas de Cantorbéry.
S'il fallait, comme nous l'avons dit, que ce poète se fût déjà
distingué par quelque grande composition , pour que Henri II
le chargeât de versifier l'Histoire des ducs de Normandie,
nous pouvons regarder l'Histoire de la Guerre de Troie
comme l'ouvrage qui avait le plus contribué à le faire avan-
424 BENOIT, POÈTE ANGLO- NORMAND.
XII SIECLE, tageusement connaître. La Bibliothèc|ue impériale en pos-
îv. 7 189,70-24, sède plusieurs manuscrits, inconnus a la plus grande partie
7595, etc. ' des écrivains qui ont traité de l'ancienne poésie française.
Tr.-sor des g^j^pj g confondu les noms du poète et de l'ouvrage dans
'^'^ TcVd" des l'i table de ses auteurs; Galland en cite deux passages très-
inscript. t. II , peu exacts. Il est cité un assez grand nombre de fois par du
p- 749- Gange, et il l'est aussi dans la table et le glossaire de la langue
Gloss. ad o ^ " "
Script, med. et romane.
inf. lat. L'auteur s'est constamment servi du vers de huit pieds ,
Roquefort, ^j. ^^ rimcs masculincs et féminines presque toujours en-
col. i. ^ '^ ' tremêlées. Il commence son récit à rexpcdition des Argo-
nautes , et le termine à la mort d'Ulysse. Le poëme est pré-
cédé d'un prologue où l'auteur nous enseigne , par l'exemple
de Salomon, à ne jamais cacher nos connaissances ; il faut,
dit-il, se hâter de les répandre; ainsi firent les anciens;
ils communiquèrent le fruit de leurs travaux à leurs neveux,
qui, d'âge en âge, les ont ti-ansmis jusqu'à nous.
Nus hom ne se deit atarder
De bien faire, ne d'ansaigner;
Et qi plus set plus an doit fere ,
Ne de ce ne se doit retrere.
Et por ce nie voil travailier.
D'une estoire enconmencier;
Qe de latin oîi je la truis (trouve),
Se je ai le sen é je puis,
Là voudroie si à romans mètre ,
Qe cil qi antendra la letre.
Ne puisse doter ol romanz-
Molt est Ihistorie bone é granz.
Il doit, dit-il, l'invention de son sujet à Homère, qu'il
nomme
Omers li clers merveillos !
Homère avait écrit en grec , et Salluste en faisait un cas par-
ticulier. Or Salluste avait un neveu,
Cornélius ert apellez ,
De letres sages et fondez ;
A Hatènes tenoit escole,
De lui estoit molt grant parole.
BENOIT, POETE ANGLO -NORMAND. 425
Un jor queroit à un aumaire (armoiçe, bibliothèque) XII SIECLE.
Por teure livres de gramaire , ~~-
Tant i ot qis et cerqûé ,
Q'entre les autres a trové
L'estoire que Daire ot escrite
Et en longue greçoise dite.
Ce Daire ou Darès était ne' à Troie ; il y compila l'histoire
de cette ville célèbre; il la poita à Athènes, où Cornélius
l'ayant trouvée, la translata de grec en latin. Le traducteur
français nous apprend toutes ces particularités; puis il ajoute :
Geste estorie ne est pas usée
N'en gaires leus non est trovée ;
Jà retreite n'en fust encore
Mes Bénévois de Sainte-More
Là retreite , faite , é dite ,
Et à ses mains l'a tote escrite.
Il annonce sur le même ton le sujet qu'il a entrepris de
chanter :
Vos parlerai de Pelleus
Qe bien vesqi cent ans et plus.
Jante feme ot, dame ïhetis,
Ensi ot nom ce m'est avis.
De céus fu Acliiles nez
Qe tant fu preux é redoutez ;
Adonc vos redirai après
Cornent Jason et Hercules
Alerent qeire la toisson
Par angin et par traïsson ,
Que Medea por son savoir
Lor fist conqere et avoir.
Puis dirai por qelle raison
Ils créanterent Yllion
E toute Troie é les jans
Q'ancore n'estoit gaires grans.
E Laumedon i fu ocis
Qe sire estoit du pais.
Puis oirez comment , après cette première destruction :
Là refunda Priamz le rois,
Tome XIII. Il h h
426 BENOIT, POETE ANGLO -NORMAND.
XII SIECLE. Qe tant fii sages é cortois;
Cum ele fu grans é cumlëe,
E de qel gens ele fut poplée.
Puis Hector et Paris , et l'enlèvement d'Hélène :
Puis l'armée des Grecs devant Troyes ;
Agamemnon , Ménélas , Ajax , Achille , et tous les autres
rois, et,
Cornant Calchas o lui s'en vint
Qi loi- dit qanqe lor avint. Etc.
Après avoir nommé les chefs de l'armée troyenne , comme
ceux de l'armée des Grecs , 1 auteur entre enfin en matière, et
commence son récit par les craintes de Pelée pour scn fils; puis
le départ du jeune Achille pour l'expédition des Argonautes,
^ la construction du navire Argo, la rencontre de Jason et
de IMédée, leur mariage, etc.
En annonçant qu'il a tiré du latin l'histoire qu'il met en
roman , Be«oit de Sainte-Maure p( urrait n'avoir fait qu'em-
ployer une formule très-commune de son temps; mais on
reconnaît facihment cju'il a en efftt travaillé d'après les his-
toires attribuées à Darès de Phrygie, et à Dictys de Crète,
peut-être même uniquement d'après cette dernière, quoi-
qu'il n'ait parlé au commencement que de Darès.
Dictys commence son récit par la conquête de la Toison
dOr, et le finit par la mort d'Ulysse; Benoit suit, comme
nous l'avons vu, la même marche; il cite en plusieurs en-
droits Dictys, et le nomme jusqu'à trois fois dans le pas-'
sage suivant.
Riches chevaliers fu Dictis
Mss. n''7T89, Et clerc savies (a) et bien apris,
î!?.'/'V^^' ""'**' ^* *' *"" *°"^ '^^ g""^'" mémoire (*)
Corne Daires esciit lestoire.
(a) Le manuscrit y6i4 met sniges, qui signifie la même chose. Nous
marquerons ici, comme variantes, les principales différences qui se trou-
vent entre les deux manuscrits.
(t) Molt por estait de bon mémoire.
roi. 2.
BENOIT, POETE ANGLO-NORMAND. 427
Cist fu defors en l'ost greçois [a) , XII SIECI-E.
Chevaliers savies et cortois, '
Les œuvres si com il le soit
Mist en esciit si com meus poit (p).
Icist Dictis nos fait certains
Savoir liqeus des citoiains (c)
Porparlerent la traïson ,
Et comment le Palladion
Est dou temple Minerve enblez (d)
Et as Greçois defors livrez (e) ,
Et comment par séduction (y)
Pe nuit saisirent Ilion ,
Com la cité fut embrasée
A feu et à flamme livrée,
Liqel furent mort et ocis
Et liqels d elz mené chaitis (g) ,
Après ice porois oïr (à)
Coma Dictis les fait revenir
En lor contrées dont ils vindrent, etc.
L'auteur sp complaît souvent dans de longues descrip-
tions. Celle qu'il t'ait île l'armure d'un guerrier dut paraître,
dans son temps, très- belle et très- poétique. .
Mes el rivage el sablonoi ,
Prist ses armes et son conroi. Folio 12, verso.
Primes cauca ses géneoillieres;
Aine el siégle n ot fait si chieres ;
(a) Dehors estoit en l'ost grtzois.
(i) Les œuvres si coin il les sot
Mist en escrit au Uilelz qu'il pot.
(Meilleure leçon.)
(c) Por voir liquex des Troïens.
(rf) Les traïsons
Et comment li Palladions
Fu del' temple Minerve emblcz ,
(e) El as gregois dcliors livrez.
(y) Et comment par grant iraïson.
(g-) Liquel mené et liquel pris.
L'autre leçon vaut mieux : chaitis, captif.
(h) Poirez oïr. •
Hhha
4^8 BENOIT, POÈTE ANGLO-NORMAND.
XII SIECLE. D'or fin furent si espeion
Taillié de l'œvre Salemon.
Après a un auberg veslu
Onques meillor forgiez ne fu;
Taliez ert bien à sa mesure
La maille en fut sérée et dure.
Pou li pesa quant lot vestu.
Après laça un aume agu
Resplandissant de boene talle ;
Jà por armes ne fera falle.
Li cercles ert d'or esmerez (éniaillé).
De Dex i ot nons tos letrez.
Li nasel fu «l'un chier onicle,
O front devant ot un bericle,
Cil que meillor ne plus bel quist,
De folie s'entrémeist («).
Après a ceint un branc d'acier,
Onqes nus hom ne vit si chier,
• Si riclie , ne de sa valor ,
Clere, en tranchant corne rasor.
Un escu ot d'os d'olifant.
Fort et bien fait et riche et grant.
La bocle en'fu d'or espaignois
Et la guige {/>) tonte d'orfrois (c);
Un grant espié cler et luisant
Li baillirent d'acier tranchant, etc.
Il paraît que cet ouvrage eut un grand succès , et qu'il
conserva même assez long-temps sa réputation. Traduit
en prose dans le XIV^ siècle, il fut mis sur le théâtre
dans le suivant. Jacques Millet le fit imprimer sous le titre
de Destruction de Troyes la Grant, mise en rime Françoise
et par personnaiges, Paris, i484, in-folio, très-souvent
réimprimé depuis.
La Bibliothèque impériale possède un manuscrit grec,
]V"oliin555î, écrit dans le XV* siècle, qui est une version de l'ancien
iiunc 7878, x-onian français. Cette version paraît très- exacte; et il est à
2
in -4
[a) Je lirais :
De foille el s'entrémeist.
{b) Anse par laquelle on pendait le bouclier. — (c) Broderie , galon .
ou frange d or. '
3
PIERRE LE PEINTRE, POÈTE LATIN., 429
remarquer que , dans celui des deux manuscrits français >^ii siècle.
ui est cote 7189, on a, par des notes marginales écrites
une main moderne , renvoyé' aux pages du manuscrit
grec , que l'auteur des notes a cru être l'original de la ver-
sion française.
Ce roman de la Destruction de Troje est sans doute le
même que le roman de la Guerre de Troye , souvent cite
dans le nouveau du Cange. G.
PIERRE LE PEINTRE
(PETRUS PICTOR),
POÈTE LATIN.
On ne connaît aucun détail de la vie de ce poète, qui
était chanoine de Saint-Omer. Sanderus, dans sa Biblio-
thèque , ne parle point de lui. Foppens le cite dans la sienne,
qui contient celles de Valère Aiiffré et de Swertius. Mont- Foppens, Bibl.
faucon le cite aussi, mais sans nous rien apprendre sur sa Bf'g- '• n, p.
vie ni sur sa personne. On sait seulement qu'il est auteur '^°?,' ^°,' ■,.'■,
„ ■ ^ 1 y^ 1,,-, I ^ • ^- ., Bibl.Biblioth.
dun poème en vers hexamètres sur 1 Lucnaristie, Carmen t. 11, p. 1,35,
de Sacramento Altaris , qui a été attribué à d'autres, et l'on c"'- 2- Litt.D-
peut , comme nous le verrons bientôt , conjecturer avec ^'
vraisemblance qu'il florissait vers 11 70.
Jean Busée a inséré ce poëme en entier dans l'édition
qu'il a donnée de Pierre cle Blois (<«), à qui il l'attribue.
Goussainville, qui a donné une nouvelle édition du même Paris, 1667,
Pierre de Blois, a commis la même faute. Dans l'édition des Jn-foi- p- 601.
œuvres d'Hildebeit , le P. Beaugendre a aussi inséré le poëme in-^ol '^' 1'° 3'
De Sacramento Altaris , en l'attribuant à cet auteur. Malgré
ces différences d'opinion , il est certain d'abord , par les
témoignages de Foppens, de Montfaucon, de l'abbé Lebeuf, Dissert, sur
du P. Hugues Mathoud, qui cite de ce poëme un fragment l'Hist. de Paris,
de vingt-sept vers, ensuite par le manuscrit n» 698 de l'ab- '' AnimadT^*'
ad Robert. Pul-
[a) Petri Blesensts, ex Canonico Bituncenci , ecclesiœ Bathoniensis /jiS. Parisiis ,
in Anglià archidiaconi , etc. ,' Opéra collecta et emendata cum notis Joan. iG5î,in-fol.
Bussei , Moguntiae , 1600, in-4°.
43o PIERRE LE PEINTRE, POÈTE LATIN.
XII SIECLE, baye Saint-Germain, que l'ouvrage appartient à Pierre le
" Peintre. Le manuscrit cité porte :
Magistti Pétri Plctons , Canonici Sancti Aiidomari, de
Sacraniento Altans.
Hugues Mathoud avait bien connu cet auteur, comme on
P.iii,coi.2, le voit par ses notes sur Robert Piilius; il en cite quelques
eip./,i5,col. I. vers tirés des chapitres ou divisions lo, ii et 12, où ils se
trouvent en effet dans les deux éditions de Goussainville et
de Beaugendre. Matlioud les avait tirés d'un manuscrit de
la bibliothèque de l'abbaye Saint-Germain - des -Prez, qui
précédemment avait appartenu à l'abbaye de Corbie , dio-
cèse d'Amiens [a).
Il cite ces fragmens comme faisant partie d'un poëme
intitulé: De Sacramento Altans, qui portait, dans ce ma-
nuscrit , le nom et la qualité de l'auteur , carnien Pétri Pic-
tons, Canonici Sancti Audomaii.
« Le P. Le Brun de l'Oratoire , qui a beaucoup écrit sur
Loco cit. « la messe , était disposé , dit l'abbé Lebeuf , tv restituer ce
« poëme à Pierre le Peintre , auteur du pays d'Artois ; et il
« se préparait à conférer ce manuscrit , qui a appartenu ori-
« ginairement à l'abbaye de Corbie , avec celui de la Biblio-
A-prcsent , « tiiècpic de Colbcrt, n" (>,3a7, qui contient le même ouvrage,
^,'''o' -^"s''" "° « lorscjue la mort l'enleva de ce monde. »
^ ^ "'" ■ Le P. Le Brun aurait pu s'épargner ce travail ; il n'avait
cju'à ouvrir l'édition des œuvres d'Hildebert, il y aurait vu
ciue dom Beaugendre a publié ce poëme sous le nom de ce
prélat, sur le manuscrit même que lui, P. Le Brun , voulait
consulter. En la conférant avec la dernière édition de Pierre
de Blois, donnée par Goussainville, on remarque que celle
de Beaugendre contient, de plus que l'anti-e, un petit poëme
p. Il 52. ^^ cent soixante vers hexamètres, qui a pour titre : Liber
de Sacra Eucharistul. Cur panis et vinwn in Sacraniento
Corporis et Sanguinis Domini offeratur , et cur aqua admis-
ceatur: L'auteur y fait voir que le sacrement de l'Eucha-
ristie est l'accomplissement de tous les anciens sacrifices,
p. u5/,. insuffisans pour nous justifier :
Qaod lise Jhcl , nec Élelchiscdech , nec victima legis
Fccerat\ hoc/ecit nostri Victoria régis.
Idem quippc Dcus et prœsul et hostia factus.
{a)' Ce manuscrit, qui est cké dans la Biblioth. Coisîiana. sous le u" 65S
in-fol. , est maintenant à h. Bibliothèque Inipéviale.
PIERRE LE PEINTRE, POETE LATIN. 43 r
Après ce petit poëme , on trouve , dans l'édition du xii siècle.
P. Beaug.'iidie, six vers éle'f^iaqiies , où l'auteur prétend p. 1155.
expliquer pourquoi on dit trois messes le jour de Noël. Ciir iresmis-
Cette raison est toute allégorique, et paraît peu intelligible, ^^ ceicbrentur
si l'on ne remarcpie pas la correspondance symétrique des ["-^^-^ ■^"' ^ "*
mots entre les quatre derniers vers : artifice qui était alors
fort en us.tge, et qui était regardé comme une beauté poé-
tique. Voici les six vers :
In natnJc sacro sanctœ solemnia Missœ
* Quid signeiif, aut car très ceicbrentur, hahe :
Nocte prior , mù luce sa^uens, in lace suprenia^
Sub Noc , subque David, sub cruce sacra notant,
Sub Noe, subcjiie David ., sub Christo sacra J'aère, »
Nox , aurora , dics , unibra , figura , Deas.
Les manuscrits attribuent ces vers à Hildebert, et ils se
trouvent dans celui de Colbert, dont a parlé l'abbé Lebeuf".
Un prologue de douze vers hexamètres vient après ces six ^- "^>5. in-
vers; le poète y exhorte ceux qui ont de la dévotion au sacre- "^" ■ '"" "^"*
1 I) 1 • • ' I- ' 1- 1 1 III- • "Pei's sequcn-
mi'Ut de 1 eucharistie a lire son livre, dans lequel il dit avoir tis.
écrit brièvement ce cpi'on doit croire du corps de Jésus-Christ.
« Ce livre, ajoute-t-il, est nécessaire à tout le monde, mais
« sur-tout aux prêtres » :
Mis ut discant , nec ignorent quid debctur honiini
Qui cuni Juda mate rodit sacrnmenta Dnmini.
Aucun des passages que nous venons de citer ne se trouve
dans l'édition de Pierre de Blois ; mais elle contient un mor-
ceau plus considérable, et (pii n'a pas moins de deux cents
vers hexamètres : il ne pouvait entrer dans l'édition d'Hil-
debert ; et il aurait suffi pour détromper l'éditeur , puisque
l'auteur s'y désigne plusieurs fois par son nom de Petriis ,
nom qui n'était commun qu'entre Pierre le Peintre et Pierre
de Blois.
Le titre de ce prologue annonce que l'auteur y invoque
la très-sainte Trinité, Père, Fils, et Saint-Esprit, afin qu'il
puisse dignement écrire des mystères de la très-sainte Eu- P-tius Bles.
charistie {a). Cette prière commence par un petit exorde, ?■ Coi. Prolog.
{ci) Invocat auctor sanctissimam Trinitatem , Patrem , Filium et Spiri-
tum sanctum , ut de sanctissimae Eiicharisdce mysteriis digne scribere possit.
432 PIERRE LE PEINTRE, POÈTE LATIN.
yir SIF.CLF.. où il reconniiit que Dieu doit être le principe et la fin de'
toutes les actions raisonnables :
Omnibus in fnctis , incœptis atque peractis ^
Dchet prœponi Deiis hunianœ rationi ,
A quo ditatur ratio, res cuncta creatur ,
ht nostris fautor sit principiis , sit et aiictor.
Piincipium veruni Deus est, et clausula reriim,
Quo sine quod cœptum fuerit , finitur ineptum.
Dans la prière aux. trois personnes de la Trinité, l'au-
teur adresse à Dieu le Père ces trois vers , dont le dernier ,
selon l'usage observé ci -dessus , est rempli de verbes qui
complètent le sens d'autant de noms placés dans le vers
précédent :
Carminis esta met Diix et via materiei.
Mateiiani , /rtef/7/w , menclacia,^)/'oy^/'fl, Petrum ,
Prœ3igna,yc>r/;îfl, reinove, concède, renorrtia.
P. Go2. Le poète se nomme une seconde fois :
Dur itiam frange Pétri , pctra, diiraque tange
Corda.
•
Quant au poème , qui est en vers rimes par couplets ou
paragraphes, il est entièrement semblable, à quelques va-
. riantes. près, dans l'édition du P. Beaugendre et dans celle
l^ Goo-618. de Goussainville. Ce dernier même , qui n'a fait, comme
lions l'avons dit , que copier l'édition de Busée , a mis à la
tête l'avertissement de Busée au lecteur. Busée y dit que,
dans le temps qu'il mettait la dernière main à son travail,
on lui apporta la copie d'un très- ancien manuscrit de la
Bibliothèque de Saverne, appartenant au prince Charles de
Lorraine, évêque de Metz et de Strasbourg, qui contenait
ce poème, et portait en tête le nom de saint Anselme, arche-
vêque de Cantorbéry : il lui parut mériter de voir le jour;
et tant à cause de l'antiquité du manuscrit , qu'en considé-
iMtion du respectable prélat dont il portait le nom, il le mit
à la lin des œuvres de Pierre de Blois, pour empêcher qu'il
ne fût perdu. Cependant, en l'examinant de près, il recon-
nut que cet ouvrage n'était point de saint Anselme , car
^ l'auteur se nommait lui-même Pierre plusi(;urs fois dans son
PIERRE LE PEINTRE, POETE LATIN. 433
prologue. Il donne ensuite les motifs qui l'ont porte' à l'at- ^i' SIECLE.
tribuer à Pierre de Blois , motifs fort inutiles à-pre'sent qu'on ~
en connaît le véritable auteur. Nous en citerons seulement
un qui nous découvre à -peu -près le temps où écrivait
Pierre le Peintre. Le manuscrit dans lequel Busée trouva ce
poëme avait pour titre : Petit Jardin des Délices, Hortidus
deliciarwn. Il avait appartenu autrefois à Hérradis ou Hérrade
de Lansperg, abbesse du monastère de Hohembourg, qui
en 1181 avait bâti le monastère de Truttenhusen. Or le
nouveau Gallia Chnstiana place cette abbesse dès 1 1 78 , Gallia christ.
et dit qu'elle vivait encore en x 196. On peut de-là conjecturer "ov. t. v , p.
que Pierre le Peintre dut composer son ouvrage vers xino ^^°"
à-peu-près ou peut-être même auparavant.
Busée dit que la grossièreté du style et les fautes contre
la grammaire ne le détournent point de croire que Pierre
de Blois est auteur de ce poëme ; car ce n'est point à lui ,
mais au siècle dans lequel il vivait qu'il faut attribuer les
termes barbares qui s'y trouvent, comme dans ses autres
opuscules. En effet, ces vers n'ont rien de poétique, ils sont
plats à l'excès , pleins de fautes contre la mesure du vers
et même contre les règles de la grammaire. Le mauvais
style , pour ne pas dire la grossièreté de la versification ,
devait faire juger à Beaugendre que ce poëme ne pouvait
être d'Hildebert. Il contient six cent trente-huit vers dans
l'édition de Pierre de Blois. Il y est divisé en vingt -six
chapitres , et , dans celle d'Hildebert , en autant de para-
graphes; il y a un sommaire assez juste et assez précis à la
tête de chacun , dans les deux éditions. Ces sommaires sont
du poète et se trouvent dans les deux manuscrits que nous
avons cités ; ils sont les mêmes , à quelques légères diffé-
rences près , qui ne changent rien au sens. G,
Tome Xlll. lii
XII SIECLK.
LÉONIUS,
' PRÊTRE DE L'ÉGLISE DE PARIS,
POÈTE LATIN.
SA VIE.
t, , / v^E poète a été confonrlu par divers écrivains, tels que Du-
cange («), Labbe {b) , Dubois (c), Pasquier {d) , Lobineau (e)
et Casimir Oudin {/) , avec un Léonins, chanoine de Saint-
Victor, qui, selon eux , avait commencé par l'être de Saint-
Benoît. Il parait que c'est une double erreur; que le chanoine
de Saint-Victor et le poète sont tout-à-fait diftérens , et que
c'est le poète qui a passé pour être chanoine de Saint-
Benoît. Nous examinerons bientôt s'il est vrai qu'il ne l'ait
pas été. Il y eut en effet alors un chanoine de Saint-Victor,
nommé Léonins, que l'on trouve, en 1187, présent k une
charte de Maurice , évêque de Paris , et dont le nom était
inscrit en ces termes au Nécrologe de la même abbaye,
au V des calendes de janvier : Obiit Leonius sacerdos , cano-
nicus noster professiis. Mais rien ne prouve que ce Léonins
ait été poète {g). L'autre Léonins, chanoine de l'église de
Paris , était porté au nécrologe de cette église (A) avec le titre
de Magister Leonius, qui désignait un savant, et qu'on ne
donnait pas indifféremment à tous les chanoines, comme le
prouve cet article même du nécrologe, où le doyen de ce
chapitre , mort le même jour IX des calendes d'avril , .est
inscrit sans cette qualité de maître, et avec son seul titre de
Lebeuf, loc. doycu : ObUt Lisiemus Decanus.
<it. Ce qui a aidé à faire croire que Léonins, chanoine de
Notre-Dame de Paris et poète, avait aussi été chanoine de
(a) Catal. des aut. en tête du Glossar. med. et irif. lat. au t. I\ , p. xliii
* du supplém. — (b) Noi\ Biblioth. page 62. — (c) Hist. Eccl. Paris, t. II,
liv. XIII, cap. 7, n" 8.— (^) Rech. de la Fr. liv. VI, ch. 2, p. 683.—
{e) Hist. de Paris, p. 197, n° 7.— (f) De Script. Ecc/es. t. II, p. 1622.
— (^) Lebeuf, Dissert, sur Ihist. eccl. et civ. de Paris , t. II , p. 268.
— (h) Necrolog. Eccl. Paris. Mss. de la Bibl. imp. n° 3883-3 , au 24
mars, cité par Lebeuf, ibid. p. 269.
LÉONIUS, POÈTE LATIN. 435
1 église de Saint-Benoît, c'est qu'il présenta, vers l'an ii55, ^^ siècle.
au pape Adrien IV une requête en vers , en faveur du bon
droit de cette église, qu'il qualifie de pauvre, et qu'il avait
pu être chargé de défendre, espèce de patronage qui conve- Lebeuf,Hist.
nait à un chanoine de l'église de Paris à l'égard d'une église "j^ '•'' ""<= ^' ^^
subalterne et soumi.se à la cathédrale. Lorsque vous rêve- 1. 1 , p. 2,4" '
niez des régions glacées du pôle, dit-il au pape dans un ibid.Dissert.
passage de cette requête , vous me promîtes d'être mon h>storiq. ubi su-
appui , pourvu que j'eusse pour moi le bon droit et la^'"'P'*'°'
justice.
IVam modo cum gelido legatus ab axe redires.
Es mihi poUicitus te stare per omnia mecuin,
Quantum jura darent ^ quantum permitteret œquum.
C'était sans doute lorsque, n'étant encore qu'évêque d'Al-
bano , Nicolas Breakspeare ( nom propre de ce pape né
anglais ) revenait de porter la foi en Norwège , mission qu'il
avait remplie en 11 48, par ordre d'Eugène III, et dont ce
pontife le récompensa en le créant cardinal. Platina, de
Léonins dit , quelques vers plus haut , qu'il ne demande ^j'" Pomij. m
m prébendes , m noiuieurs ecclésiastiques , que ses aesii's
sont modérés , qu'ils sont même pieux ; qu'enfin la seule
chose qu'il demande au pape, c'est de vouloir bien, dans sa
justice, se souvenir de la pauvre église dont il défend les
droits :
Nec pcto prœbendas , nec honores ecclesiarum ;
Suntque modesta precum , suntet pia vota mcarum.
Pauperis ecclesiœ cujus pro jure laboro,
Justus ut es , memor esse velis , nihil amplius oro.
Le P. Gourdan avait mal traduit ces vers dans une histoire
manuscrite de l'abbaye de Saint -Victor: il faisait dire à Hist.s.-vict.
Léonins : « Je ne vous demande ni prébendes , ni honneurs. ' ' P- ^ ■'•
Souvenez -vous seulement de la pauvre église que je sers :
j'en suis content, et je n'en désire rien davantage. » L'abbé
Lebeuf accuse avec raison d'infidélité cette traduction. « Il
est clair , dit-il , que Léonius n'avait qu'une grâce à demander vbi suprà ,
au pape, c'était qu'il jugeât promptement l'affaire qu'avait P- ^73-
la pauvre église de Saint-Benoît, parce qu'il s'y intéressait
en particulier. » Et il ajoute que , comme chanoine de
Notre-Dame, Léonius avait apparemment une surintendance ,
particulière sur l'hôpital de cette même église de Sajnt-
Iii2
436 LEONIUS, POETE LATIN.
XII SIECLE. Benoît, qui était situe où ont été depuis les Mathurins.
C'est donc en interprétant comme l'a fait le P. Gourdan
les quatre vers de Léonins, qu'on en a conclu qu'il était
chanoine de Saint-Benoît. On a vu aussi, dans deux autres
vers , la preuve qu'il n'était pas alors chanoine de Notre-
Dame. Il s'y plaint de sa pauvreté, du froid qu'il souffre,
de reniuii qui le consume , mais ce n'est point de cela qu'il .
s'occupe; il ne songe qu'aux, intérêts de l'église dont il est le
défenseur :
Me licet h\c j>idset penuria , frigus adiirat ,
Tœdia consumant ; nihil horurn mens pia curât. Etc.
vbi suprà , « Dans ces siècles-là , dit l'abbé Lebeuf , les bénéfices
^' ^'''" n'étaient pas augmentés, comme ils le sont aujourd'hui, par
tant de fondations; et d'ailleurs, comme Léonins était un
homme de lettres, il n'y a pas d'apparence qu'il fût fort
riche. Aussi ne laissa-t-il à sa mort au chapitre que la somme
Jbid. (Je quarante livres Parisis. » En effet, dans l'article du nécro-
loge cité ci-dessus , on trouve ces mots après le nom de
Léonins : Qui dédit nobis quadraginta lihras parisiensis mo-
ibui. p. 269. netœ positas in emptione. Mais quarante livres à cette époque
étaient quelque chose, et, ce qui le prouve, c'est la distri-
bution qui est faite ensuite du revenu de cette somme léguée
par Léonins. Il veut que tous les desservans du grand autel,
qui assisteront aux vigiles de son anniversaire , aient de ce
revenu chacun six deniers, ceux qui assisteront à la messe
six autres, et ceux qu'il nomme matricularii douze; qu'enfin,
ce qui pourra rester soit réservé pour les deniers des ma-
tines. Et statuit qiibd omnes niajori altmi deservientes , illi
qui vigiliis anniversatii sui intererunt , de reditihus haheant
sex denarios , et qui missœ uitererunt alios sex ; et matricu-
larii duodecini ; et si quid residuum fuerit , ad denarios
Jbid. niatutinaruni resen'abitur. Cette somme, quoique modique,
prouvait donc quelque aisance dans celui cjui la laissait a sa
ijiort pour cet objet, et il faut remarquer que le doyen du
même chapitre, porté au nécrologe du même jour, ne
laissa rien.
Les expressions qui peignent l'extrême pauvreté de Léo-
nius sont cependant très-positives. En lisant de suite les
# vers que nous avons cités isolément, en y ajoutant quatre
vers qui les précèdent et deux qui les suivent, et en les
LÉONIUS, POÈTE LATIN. 437
examinant bien , on peut n'être pas entièrement de l'avis xn siECLfi.
de l'abbé Lebeuf. La pièce est intitulée simplement :
yid Adrianwn papain pro ecclesià S. Benedicti parisiensis ;
et en voici les quatre premiers vers :
Papa, mens , Adriane ^ preces , si postula digna,
Suscipe tam vidtu placido quùin mente benignâ.
Non novitatis ainor hue me tidit , aut levitatis
Impetus , aut etiani propriœ spes utUitatis.
Ces deux derniers vers sont très-remarquables. Il écrit pour
l'église de Saint-Benoit , et il dit : « Ce n'est ni l'ainour de
«la nouveauté, ni la légèreté d'esprit, ni la moindre espè-
ce rance de ma propre utilité qui m'a conduit ici. » Cela paraît
dire bien clairement qu'il est lui-même dans cette pauvre
église pour laquelle il sollicite; qu'il y est entré depuis peu,
que ce n'est ni légèreté, ni intérêt qui l'y a conduit, hiic me
tiilit ; puis il ajoute qu'il ne demande ni prébendes, ni hon-
neurs pour lui-même , qu'il n'a en vue que les droits de cette
pauvre église. La pénurie , le froid perçant , les dégoûts
qu'il y éprouve, vie licet Ktc pulset penuria , etc. ne sont
rien pour lui , nihd horum mens pia curât; et il ajoute
encore :
Nec secessuram , nui tu cédas mihi, jurât,
Speque tui solâ per tanta pericida durât.
Son ame pieuse ne s'occupe point de toutes ces souffrances ,
elle ne jure point de s'éloigner si le souverain pontife ne lui
accorde pas sa demande : elle n'a d'espérance qu'en lui pour
la soutenir contre de si grands dangers. Ce n'est point là
le langage d'un patron qui , du sein d'une cathédrale telle
que Notre-Dame de Paris, où Ion dut toujours être à l'abri
de l'extrême pauvreté , plaide pour une pauvre église , sa
cliente ; c'est un pauvre prêtre de cette pauvre église , qui
s'identifie avec elle , souffre et espère avec elle , mais qui ne
plaide que pour elle , et ne demande particulièrement rien
pour lui.
On peut donc conclure , contre l'opinion de l'abbé Lebeuf,
que Leonius était simple chanoine de Saint-Benoît lorsqu'il
écrivit cette épître ; mais qu'ensuite les relations mêmes que
lui donna cette affaire à la cour de Rome lui furent utiles, et
que, soit Adrien IV, soit plutôt son successeur Alexandre III,
438 LÉONIUS, POÈTE LATIN.
XII SIECLE. lui fit quitter son mauvais canonicat de Saint-Benoît pour
""" un canonicat de Notre-Dame. Avec cette explication , que
rien d'ailleurs ne contredit dans les œuvres de Léonins,
tout est clair et naturel dans cette épître; avec l'autre, tout
est obscur et forcé.
Malgré les vei's qu'il avait adressés au pape Adrien , l'af-
faire que Léonius lui avait recommandée n'avançait point,
les avenues même de la justice lui étaient fermées ; le cardi-
nal Roland , évècpie de Sienne et chancelier de l'église , vint
à son secours , le protégea ouvertement , et sans doute lui
fit gagner sa cause. Ce cardinal , devenu pape après la mort
d'Adrien , sous le nom d'Alexandre III , cotitinua de s'inté-
resser à lui, accorda, à sa prière, une prébende à l'un de
ses amis qui vivait avec lui et qui lui rendait des services,
et même obtint, pour Léonius, du roi Louis-le-Jeune une
faveur signalée , qui fut connue de toute la cour de Rome.
Le poète reconnaissant adressa au nouveau pape une épître,
dans laquelle il reti'aça tous ces bienfaits , et se félicita
d'avoir maintenant pour père celui qu'il avait eu auparavant
pour défenseur :
Hune mea te sensit Adriaiw prœsule causa ,
Te duce cum patuit juris rnihi janua clausa.
Quani niihi larga Dei pietas dédit utile donum ,
Te nunc esse pat rem mihi quem dédit esse patronum!
Testis erit collata meo prœbenda sodali ,
Cujus et obsequiis et amore Jruor speciali;
Testis et ut prœseiis agiwvit curia Romœ ,
Exorata tibi majestas regia pro me.
Mais , dans toute cette pièce , il ne parle plus au pape tle
l'affaire de l'église de Saint -Benoît , ce qui prouve qu'elle
avait été terminée sous Adrien ; il ne lui dit rien non plus
de sa pauvi'eté, qui n'existait plus sans doute depuis qu'il
était devenu chanoine de Notre-Dame; il ne lui adresse enfin
que des félicitations et des remerciemens.
Quelques années après , il acquit à la cour romaine un
autre protecteur, et même un ami, dans le cardinal Henri,
évêque d'Albano, comme l'avait^ été Adrien IV, et précé-
demment abbé de Clairvaux. Henri lui fit présent d'un an-
neau d'or où était enchâssé un rubis. Léonius l'en remercia
par une pièce en vers éiégiaques , consacrée à l'éloge et à la
LÉONIUS, POETE LATIN. 439
description de cet anneau , et conservée parmi ses opuscules xil SIECLK.
sous ce titre : De Annulo dato ah Henrlco cardinati. T. v, p. 277.
L'abbé Lebeuf a fort bien vu que le quatrième opuscule
de notre poète prouvait qu'il ne pouvait être chanoine qu'à
Notre-Dame. Cette pièce est intitulée : Âd yimlcian ventii-
ruin ad festum Bacidi. La tète du Bâton était célébrée en
même temps que la trop fameuse fête des Fous , à l'office du
jour de la Circoncision , c'est-à-dire , le premier jour de l'an-
née. Dans la cérémonie du bâton , qui faisait partie de la
fête , un bâton , au haut duquel était représenté le mys-
tère de la fête de Noël , était remis entre les mains de l'un
des chanoines, cjui prenait alors le titre de bâtonnier, et
qui le gardait jusqu'à la fête de l'année suivante. I^éonius
adressa cette épitre à un chanoine de ses amis, cjui était à
la campagne, et qui devait venir rendre à Paris le bâton
que le sort lui avait donné l'année précédente. Ce sort se
tirait avec des pièces de monnaie de cuivre, comme on le voil
par les vers suivans :
Seque 'verenda tuo majestas contulit œri.
Et nova sors aliquid addidit ipsa tiovi, Lebeuf ubi
supra, p. 275.
« La fête des autres , ajoute Léonins, est le bâton et la nou-
velle année ; ma fête à moi sera le jour où vous viendrez » :
Festa dies aliis bacuhis venit et novia annus :
Quâ venies , -veniet hœc nul d festa dies. j/^-^i
Cette- fête ne pouvait sans doute avoir lieu à Paris que dans
l'église de Notre-Dame : d'où l'abbé Lebeuf tire une nouvelle ibui. p. 279.
reuve que Léonins était chanoine de cette cathédrale. Il
était évidemment quand il écrivit cette épître ; mais ce n'est
pas une raison pour qu'il ne l'ait pas été de Saint -Benoît
auparavant.
Son talent poétique," le poste c]u'il occupait dans l'église
métropolitaine, la protection du roi , celle du pape et ses
autres grandes relations, devaient lui avoir fait beaucoup
d'amis. Un des plus intimes sans doute était l'abbé de Saint-
Victor, puisque ce fut à sa prière qu'il entreprit son plus
grand ouvrage, la BU)le mise en 'vers. Léonins ne le nomme
l
point , mais la circonstance des temps a fait croire que c'était
l'abbé Guérin. C'est à lui qu'il dédie ce poëme, et ce sont
Ibid. p. 281.
44o LEONIUS, POETE LATIN.
XII SIECLE, quelques expressions de cette dédicace et la dédicace même
qui ont pu faire croire que Lëonius avait été chanoine de
Saint-Victor. Il s'adresse à cet abbé au commencement de
son poëme et à la fin.
On ne sait d'après quelle autorité Sébastien RouUiard ,
auteur d'une Histoire de Melun , a pu compter ce poète au
Hist. de Me- nombre des auditeurs d'Abailard ; ce dernier est antérieur
lun, p. 33;. d'un demi-siècle à Léonins, que RouUiard nomme Liesne,
Ann.de Paris, et qu'il fait naître à Melun. Malingre, en le copiant, est
!'• '*■'• tombé dans la même erreur. Il y a lieu de présumer que
Léonins n'était pas né loi'sque Abailard , qui était alors fort
jeune, tenait son école à Melun. La méprise de RouUiard est
d'autant plus forte , qu'en parlant de l'ouvrage de Léonius ,
il fannonce, par une autre méprise, comme dédié au pape
Alexandre III , et que ce pontife ne fut élu qu'en i i5c) , dix-
sept ans après la mort d'Abailard.
Une dernière preuve que notre poète était chanoine de
Notre-Dame, et non de Saint-Victor, se tire du témoignage
d'Égidius ou Gilles de Paris, poète .sous Philippe-Auguste.
Égidius, dans un catalogue des meilleurs poètes de son
temps qui étaient nés à Paris même , place l'auteur de l'His-
toire sacrée ou de la BiJjle mise en vers, qu'il nomme Léon,
et qui n'est autre que Léonius ,
Nec minus in sacris melico seimone Leonem
Ludentem historiis.
Léonius, auteur de cette Histoire sainte, étant donc né à
Paris , elle ne peut être attribuée à Léonius , chanoine de
Saint-Victor, lequel était né en Angleterre selon les uns , à
Melun selon les autres , et que personne n'a dit natif de
Lebeuf, ubi Paris,
suprà,^. 283. S£S ÉCRITS.
L'ouvrage qui a fait le plus de réputation à Léonius est
son Histoire de l'Ancien Testament mise en vers , et divisée
en douze livres. Il v suit fidèlement le texte sacré , jusqu'au
seizième chapitre du livre des Juges ; il passe les cinq der-
niers livres où se trouve l'histoire du lévite d'Ephraïm , et
termine son poëme par l'intéressant livre de Ruth.
Il annonce , dans son exposition , le but qu'il s'est proposé
en mettant en vers ce que Moïse et ses continuateurs s'étaient
LÉONIUS, POÈTE LATIN. 44r
contentes d'e'crire en prose ; c'est de rendre cette histoire ^^^ sifcle.
plus agréable à l'oreille, sans être moins utile à l'esprit, qui,
charmé par la brièveté du mètie et par l'harmonie , retien-
dra mieux ce qu'il aura plus agréablement appris.
Historiée sacrœ gestas ab origine mundi
Res canere et versu Jucili describere conor;
Qiias habuere satis Moses Mosenque secuti
Auctores mandare prosœ vcrbisque solutis .
Lege metri : sod mcjuvat uti carminé , gracimt
Auribus ut sit opus , nec sit minus utile menti,
Quœ brevitate metri ^ quœ delectata çanore,
Firmiiis id teiieat , quanta jucundius hausit.
L'Invocation , qui est aussi de huit vers , est adressée à
Dieu. Le poète prie l'Être éternel de le soutenir dans son en-
treprise. <c Daigne, lui dit-il, inspirer celui qui chante ce que
tu as fait ; dirige mes pas incertains , et que ta grâce me
rende digne de raconter ta propre histoire.
Tua facta canenti
Tu , precor , aspira ; dubios tu dirige gressus.
Resque tuas digne fari tua gratia donet.
Une dédicace de vingt vers est ensuite adressée à l'abbé de
Saint -Victor , qui avait engagé l'auteur à entreprendre cet
ouvrage. Léonins lui donne de grands éloges ; mais, en exal-
tant ses veitus , il prend soin de rabaisser sa naissance , sans
doute pour consoler , par cette espèce de compensation ,
1 humilité du saint abbé. Tu quoque , lui dit-il,
Quem nullâ subnixum laudc pnrr.nrum ,
Sed monini et vitœ meritis , et denique laus est
Obscurutn génère et clarum virtutibus , ardens
Non sanc ambitio quœsitaque gloria multis ,
Sed studiuni verœ probitatis et inclita Jama,
Propositiqite ténor et custos régula sacri,
Ordinis ad regimen toto radiantis in orbe
Ecclesiœ tanto dignuni provexit honore;
■ Hortatu meditata tuo tu mente benignâ
Prosequere , atque tuœ virtutis robore Jirma
Hcec mea prœtrepido titubantia carmina gressu , etc.
Tome XI II: Rkk
44^ LÉONIUS, POÈTE LATIN.
Xîi SIECLE. L'abbé Lebeuf n'a peut-être pas tort de voir dans cette
dédicace une preuve de plus que Léonins n'était point reli-
gieux de Saint- Victor , sous cet abbé Guérin à qui elle est
adressée, et de trouver qu'il y eût eu à cela de l'inconve-
nance, .c II est vrai , dit-il, que le but du poète était de don-
ner plus d'éclat par-là à la vertu de cet abbé ; cependant je
doute que , malgré la sincérité qui régnait alors , ces tours
eussent tort convenu dans l'écrit adressé par un chanoine de
Loco cit. Saint-Victor à son abbé, jj
L'auteur entre enfin dans son sujet, comme Moïse, par le
récit de l'ouvrage des six jours. Il rend ou plutôt il para-
phrase ainsi les cinq premiers versets du premier chapitre
de la Genèse, qui contiennent la première journée de la
Création. On y voit avec surprise qu'il n'a ni cherché à
rendre, ni même paru sentir le trait sublime sur la créa-
tion de la lumière; il l'a paraphrasé comme le l'este.
Principio massa pariter congesta sub unâ
Quattuor hœc elementa Deus in qualia certh
Usibus apta vides , nec res sed semitia renim ,
"Materiainque rudein , fièrent quâ cuncta, creavit.
Tune nihil in terra solidani , nihil œtiiere claruni ,
Necjliicre iinda potens , niilli sua forma vel usas.
IVec l'italis erat infiisus spiritus iHis ,
Cuncta sed ignaiis torpcbant mersa tenebris :
Spiritus ergo Dei scse super illa Jerebat ,
Vivificoque sui vegetata calore creandis
Fœtibus apta dabat , lucisque ut lucc creatis
Rébus inesset anior , primam splendescere lucem
Jussit , et attendens quod pulchra , quod utilis esset ,
Diiisit lucem a tenebris sempcrque 7'icissim
IS'unc hanc nunc illas sibiniet succcdere feçit ;
Ordine commutans vario noctemque diemque ;
JVam Deus hœc illis aptavit nomina retus ,
appelions lucemque diem , noctemque tenebras.
Vespere sic factuni est et mane^ et lux ea rerum
Prima Juit , primiisque dics Jidt ille dierum.
Ce morceau suffit pour donner une idée du poëme entier.
Léonius prend soin de nous apprendre en finissant qu'il y
a mis quatorze mille huit cents vers, qu'il croit devoir s'ar-
rêter là, de peur d'ennuyer le lecteur par un trop long
LÉONIUS, POETE LATIN. 44'3
ouvrage, et jetei' riiiiore, quoiqu'il soit encore loin du port, ^H SIECLE
et quoiqu'il lui reste une grande étendue de mer à parcourir.
Scd ciunprppositijampars exhau?ta hibom ) : ailii -'H/oci
Sit non parva mai , pars major et altéra restet ,
Sintque satis magno bis scna volamina libro^. >
Bisque quater déni bis sepieni millia versus ,
Ne tibi sint operis , Icctor , fastidia longi ,
Fessaque ne niedio solvatur in œquore nauis ,
Hicstandufnesff'portuque licet figenUd'remoto
Anchora , ciim pelagus et adhuc nùJd granaè siipersit.
Il finit en s' adressant de nouveau à l'abbé de Saint-Victor,
à qui il prend soin de l'épéter qu'il ne doit point son éléva-
tion au taux éclat de la naissance, mais à sa vertu, à son
mérite , à sa noblesse d'ame , qui vaut mieux que l'autre
noblesse :
Tu qtinquc , queui faho generis non luniine spléndor,
Scd virtus meritiquc Uhistrat gloria ceisi
Nobilitasque animi melior ;
11 le prie de le défendre contre les efforts de l'envie, qu'il
voit prête à le déchirer. « Tends, lui dit-il, une main favo-
rable à celui qui se réfugie auprès de toi: que mes vers,
exposés à subir un jugement inique, sentent qu'ils ont en
toi un zélé patron , et trouvent leur sûreté dans ton appui. »
Ad te sed placidam fugienti porrigc dextram^
Et te judicii subicns examen iniqui,
Pagina nostra pium sibi sentiat esse patronum ,
Prœsidioque tui maneat scculra favoris.
Le premier de ces quatre vers sur-tout a pu faire croire cjue
Léonins venait ou était sur le point d'entrer dans l'abbaye
de Saint-Victor; mais c'était prendre pour sa p^^rsonne ce Lebeuf, ?/éi
qu'il ne dit que de son ouvrage ; et il était naturel cju'il le ^"FJ'^\>, P- 2*2.
mit sous la protection d'un ami Cfui l'avait engagé à l'écrirej . .;
Dans quelques-uns des manuscrits des oeuvres de Léo-
nins , ce grand poème est suivi de quelques opuscules, Entreautres,
dont nous avons déjà parlé dans sa Vie. Ils consistent en une f la Bibiioth.
„ .•. •' I j • 'I ' • i ' .i imp. dans le n
petite pièce morale de seize vers elegiaques; c[uatre epities (,- au fonds de
de quelque étendue , les mêmes cpii ont été citées par Pas- s.-Vktor.
Kkk2
'444 LÉONIUS, POÈTE LATIN.
XII SIECLE, quier et par l'abbé Lebeuf ; deux autres petites pièces du
même genre que la première, l'une de douze et l'autre de
seize vers , aussi élégiaques , et enfin ce distique moral ayant
pour titre : Quod melius sit bene quam diit vivere.
Vivere qidsque dm , nemo bene vivere curât,
Cum bene quisque , dia iwere nemo queat.
La première épître est adressée au pape Adrien , pro eccle-
siâ Sancti Benedicti parisiensis : elle est de cinquante -deux
vers ; nous avons cité les quinze ou seize premiers. Il sont
rimes de deux en deux ; le reste de l'épître est aussi rimé ,
mais inégalement; et quelquefois quatre ou six vers de suite
sont sur la même rime. La seconde est adressée au pape
Alexandre III ; en voici le début :
Summe parens hotninum , Christi dévote minister,
Pastorum pastor , prœceptovumqiie magister ,
Quem rigor et pietas , quem noti fana pudoris
Et lucri calcatus amor , pars magna valoris ,
Cœteraque ut taceam , dos maxinia mentis et cris ,
Iiu'itilm ad summum traxerunt culmen honoris,
Quas tili me laudes non ficto pectorc nôris
Ncc mate quœrendi studio cecinisse favoris :
Nam nisime justi cohiherent frœna timoris , «
Ne qua verecundi fièrent tibi causa ruhoris.
Altius aggrederer opus et limœ gravioris,
Laudibus ire tuiper singula membra nitoris,
Nec bene decerpti libamen sumere fioris ,
Sed sanare omnes, gustu tam suavis odoris,
Sit licet ingenium mihi vence pauperioris.
On voit que ces quinze vers sont tous sur la même rime ,
Pasquier , à l'exception des deux premiers. Ils sont suivis de trente
Reclierdi. de la autres avcc cette même rime oiis. D'autres rimes sont ensuite
a^p'^ggg/*^ employées, comme dans les huit vers que nous avons cités
dans la Vie de Léonius; et l'épître, qui est en tout de cent
vers, finit ainsi :
Quod nequit ergb manus indoctaque lingua veretur ^
Mens pia persohet cornes hanc dum vita sequetur.
LÉONÏUS, POÈTE LATIN. 445
Nam prius acr aves , pisces mare non patietur , XI[ SIECLE.
Sidéra subsidcnt ^ tel lus super astra ferctiir ^ ' '
Pectore quant nostro tuus hic ainor evacuetur ,
Aut nieritis ingrata tuis oblivio dctur.
La troisième ëpître est intitulée : De Annulo data ah Hen-
rico cardinali. Elle est en soixante-quatorze vers élégiaques,
dont voici les premiers. On y voit plus d'esprit et plus de
travail que dans les pièces précédentes.
Annule qui sacri datas es mihi pignus amoris',
■ Quimodh parvus eras , tu modo tnagnus eris.
Parvus es , et magnus , nihil impeditjiœc simul esse :
Hoc opifex , hoc te dat tuus esse dator.
: Quem manus artificis arctunt contraxit in orbem,
' ' Ampliat in toto nobiUs orbe manus.
Quod faber invidit , dator hoc induisit et iina ,,
Laudibus innuineris , Inus tibi major erit.
En ex te rutilifulgor micat igneus auri,
, Gemmaque purpureâ luce suave rubet.
Tarn multo natura parens perfudit utrumque
Lamine ,tam largâ fovit ut rumque manu -^
Ut bene si spectcs innatum cuique leporem ,
Pêne nihil toto clarius orbe putes.
Tant a tamen prœbet operis miracula splendor.,
Tantus et adjuncto surgit ab igné décor :
Ut natura suo faveat licet ipsa labori,
Humana victam se fateatur ope.
Magna loquor , suus arte nitor geminatur utrimque^
Et duplici paritcr juncta nitore nitent :
Sic aurum gemmœ , seque auro gemma coaptat ,
Naturam credas esse., nec artis opus.
Enfin la quatrième épître , en vers élégiaques , et qui en
contient cent vingt-deux, a pour titre : Àd ainicwn ventu-
runi ad festum Bacidi. Elle commence ainsi , à la manièi'e
de plusieurs épîtres d'Ovide :
Hanc tibi., quœ sine te ,, rara est mihi, mitto salutem,
Quœ , nisi te salvo , -vix erit alla mihi.
Ecquid ut audisti mittentis nonien amicum ,
'Est tibi gratanti charta recepta manu ?
446 LEONIUS, POETE LATIX.
XII SIECLE. ]\fec duhito quin te chartâjitvet ante solutd
Oniiiia de nostro qiiœrere vera statu.
Ex /lis pauca tibi refcrani , sed mira relata ,
Cœtera duni venias prœtereunda puto.
Accipe rem dulci gratam novitate , fidernque
Res habeat , major sit licet istajide.
Il n'y a , dans toute cette espèce d'épître , que quatre vers qui
ont du rapport avec la fête du Bâton , et nous l'es avons cités.
Il est temps de remarquer que deux de ces oj^uscules seu-
lement sont rimes, que ni les -deux autres qui sont en vers
élégiaques, ni sur-tout le grand poëme de Léonins, qui fut
le principal fondement de sa renommée poétiqiie, ne portent
ce caractère , et que même les deux pièces rimées qu'on vient
de voir, ne le sont point du milieu à la fin des vers, comme
les vers rimes que l'on a appelés léonins. On ne connaît
pourtant aucune autre pièce de lui ; il en résulte que ce n'est
point Léonins , comme on l'a cru presque généralement ,
qui donna son nom à cette sorte de rime appelée léonine,
et que, loin d'en être l'inventeur, et de s'être plu dans cette
invention de son génie, il l'a même ignorée ou n'a point
voulu s'en servir , et n'a cédé au goût que l'on avait pour les
vers rimes dans son siècle , que dans deux pièces , rimées
seulement à la fin des vers.
Les vers latins rimes, tant à la fin seulement qu'au milieu
et à la fin, remontent bien au-delà du siècle où florissait
Léonins. Muratori , dans sa quarantième dissertation , en cite
du sixième siècle; il en cite même \\\\ exemple beaucoup
plus ancien, puisqu'il se trouve dans un rhythme ou espèce
de psaume composé par saint Augustin en ÎqS. Les citations
([u'il fait du VIIF et du IX*^ siècle sont plus nombreuses, et
il y en a beaucoup qu'il ne fait que répéter d'après D. Ma-
blllon. Enfin, dans le X^ et le XP siècle, l'usage de ces
rimes était devenu presque universel. On sait que , dans les
préceptes de l'école de Salernc, composés et publiés vers la
fin du XP siècle, on trouve beaucoup de ces vers qu'on
nomme léonins. D'ailleurs l'espèce de rime qui leur fîiit don-
ner ce nom est tantôt appelée léonine et tantôt léonime. Nos
auteurs français du XIIP siècle ne lui donnent même ordi-
nairement que ce dernier nom. Fauchet en rapporte des
P. 552. exemples. Deux choses restent donc prouvées : i*' que Léo-
nins n'en est point linventeur ; 2" que cet inventeur est
p. DE LA CHATRE, ARCHEV. DE BOURGES. 447
ignore, et que l'on ignore de même povirqiioi cette espèce xii sikci.e.
de rime placée dans les vers latins au milieu et à la fin du
vers, fut appelée léonine par les uns, et par les autres
léonime. - G.
PIERRE DE LA CHATRE, ,
ARCHEVÊQUE DE BOURGES.
SA VIE.
Il était de la maison des seigneurs de la Châtre, en Berry. n. CoU. des
Geofroi de Vigeois , dans sa Chronique, le nomme Efle- H- ii'Fi. i.xir,
nouard. La famille de Pierre était riche autant cjuillustre. ''' ^^^'
Louis-le-Jeune , dans une charte en faveur des archevêques Gallia Christ.
de Bourges, dit qu'avant ce prélat, ils étaient sans fortune *• ^i' aux Pr.
et ne pouvaient suffire à leur diarnité, mais «ue Pierre de j' '^•. ~" o»;^'
1 /-Il A • 11 11- 1^ n ^ des rois de Fr.
la Lhatre eut en abondance les iJiens temporels, et en lit le t. xi,p. 204.
plus noble usage pour son siège et pour son église.
Pierre de la Châtre avait été l'ami et le disciple d'Albéric v.sonanide,
de Reims, qui devint archevêque de Bourges, et se distingua '■.^" ''*^ ""«
dans la double carrière de la prélature et des lettres. Albéric ^^H' ^' '* ^'
étant mort, une partie du clergé nomma, pour le rempla-
cer, Cadurque, chapelain du roi, et depuis chancelier de
France ; une autre nomma Pierre de la Châtre. Celui-ci était Gall. CLiisi.
parent d'Aimeric, chancelier de l'église romaine ; son neveu, '• ï^ P- 5i ; et
suivant Mathieu Paris; son cousin, suivant l'auteur de la de^v ''^8^''^'
chronique de Marigny. Le pape Innocent II le consacra, ' ^
non -seulement sans attendre l'autorisation du roi, mais
même contre son intention expresse et manifestée; car, en
permettant au chapitre de Bourges d'élire un archevêque, ^'-^f^a^gis,
il en avait formellement çxclu Pierre de la Lhatre. Guillaume v. Hist. de Fi .
de Nangis ajoute, et Mathieu Paris dit également, sur »• xv, p. 359.
l'an 1146 , que Louis VII indigné jura publiquement sur , n''"i *5Î"!i'
les saintes reliques, que, tant cpi'il vivrait, Pierre n'entrerait v. Duboui. t.
pas dans la ville de Bourges. Le second de ces écrivains, au ^^' P- '^'' ^^^^
lieu de dire, comme le premier, que la consécration se fit à r ^1*' u 'f ^'
■n T ir 1 • v 1 '^'" "^* Uislor.
nome et par innocent il, la renvoie au temps ou un des deFr. t. xv, p.
359.
448 P. DE LA CHATKE, ARCHEV. DE BOURGES.
XII SIECLE, successeurs de ce pape, Eugène III, vint en France. Les
auteurs du Gallia Christiana , ont justement relevé cette
erreur. Saint Bernard appelle le serment de Louis-le- Jeune
Ep. 224. un serment d'Hérode, Herodianuin juramcntum.
La discussion élevée au sujet de l'archevêché de Bourges
eut des suites funestes. Nous en parlerons à l'article de Louis-
On peut voir le- Jeune. Saint Ber^rd essaya long-temps en vain de l'ap-
ses lettres ai6,_' 1 i- i.."^ zi „\-i i-.'i
210,290,222, priser: dans une de ses lettres (la 219^^) il se plaint egaie-
22/, et les notes ijjent et du pape et du roi. « Inviter le roi , dit-il , a se
de MabiUoii. « soumettre au pape , c'est frapper l'air ; inviter le pape à ne
« pas s'irriter contre le roi , c'est attirer sur moi cette colère
« même. » Il est loin de justifier le serment de Louis-le-
Jeune ; mais il sent combien il est difficile , pour des Fran-
çais sur-tout , de se rétracter après un acte si solennel :
Juravit illicite rex, et persévérât injuste ; veriiin id non volun-
tate, sed "verecundiâ : nani prohro ducitur, sicut optimè nostis,
apud Francigcnas , juramcntum sohere quamlibet maie pu-
hlice juratum sit , quanivis nemo sapiens duhitet illicita jura-
menta non esse tenenda.
L'abbé de Citeaux finit cependant par réconcilier le pon-
tife et le roi ; mais de grands maux, avaient précédé leur
réconciliation. Du moins fut-elle sincère; on en verra bientôt
la preuve dans des lettres que nous analyserons, écrites par
_ Gali. Christ. Pierre de la Châtre à Louis-le- Jeune. Ce prince rappelle,
t.n,aux Pr. p. jjj^j^g jçg lettres patentes données à Bourses même en i i5q,
14.- Ordonn. 1 1 • ' i p ' ' i- V,- 1 1 /^i a "^
des rois de Fr. tout le Dicii quc cc prélat fit a son église. Pierre de la Cliatre
t. II, p. 204 et avait fait rebâtir, et magnifiquement, le palais épiscopal; il
'^°^' acquit ou fit construire des maisons , des granges , des terres ,
des vignes. Le roi accorde de grands éloges au prélat dans ces
lettres ; et , en reconnaissance des services rendus par lui à
son église, il abolit la mauvaise coutume qui s'était intro-
duite à Bourges , comme dans beaucoup d'autres villes ,
d'abandonner à un honteux pillage les biens meubles laissés
par levêque mort; on allait même jusqu'à dégrader les mai-
sons pour en prendre les matériaux et se les approprier, le
bois, le plomb, le fer, etc. Le roi autorise également Pierre
de la Châtre et ses successeurs à disposer avec pleine puis-
sance , et par testament , des fruits et revenus de l'année de
son décès.
Les papes, de leur côté, ne donnèrent pas à Pierre de la
Châtre de moindies témoignages d estime. Eugène III,
Adrien IV, Alexandre III, confirmèi'ent successivement la
p. DE LA CHATRE, ARCHEV. DE BOURGES. 449
nrimatie de son archevêché. Eugène reprit fortement Sam- ^ii siècle.
son , archevêque de Reims, sur ce qu'il avait osé couronner
le roi à Bourges , en l'absence de Pierre de la Châtre , qui
était alors à Rome, et il le somma, lui et les évêques de sa
province, de venir, à un jour marqué, répondre de leur
conduite. La lettre de ce pape à Samson a été imprimée dans
le quinzième volume de la nouvelle Collection des historiens p. 438 et 433
de France , ainsi que celle qu'il écrivit à l'archevêque de
Bourges, pour confirmer la primatie de son siège sur deux
grandes provinces ecclésiastiques.
Après avoir gouverné son diocèse avec succès pendant Gall. Christ.
trente ans , Pierre de la Châtre mourut le premier mai 1 lyi. '• il' P- ^'i-
On grava l'épitaphc suivante sur son tombeau :
Clauditur hic primas , stans nomine mentequc Petrus
De Castra; nomeii facta latcre negant.
Major honore suo , fortunâ fortis in omni,
■ Pertidit intrepidus damna , pericla , minas.
Oppida , tcnipla , domus , quorum structura supcrbit ,
Autorem'facient inveterata novum.
Reddituum duplicans numerwn , via jiiris , asyliim
Pauperis , cxemplar relligionis erat.
Ultima primati maii lux prima prioris
Vitce meta fuit , principiumque novœ.
C'est ainsi qu'elle est rapportée dans la France Chrétienne,
La Thaumassière, qui la rapporte également dans son His- p. 3o-.
toire de Berry , met , à la place des deux premiers vers , les
deux vers suivans :
Clauditur hic primas , stans mente ac nomine Petrus,
Quant laudis Janiâ facta carere negant,
SES ÉCRITS.
Cessent principalement des lettres à Louis-le-Jeune et à
Suger. Duchesne les avait imprimées , mais séparément , dans
le quatrième volume de son Recueil des historiens de France.
Elles ont été réunies dans le quinzième volume de la nou-
velle Collection de ces historiens.
La première , qui est la quatre-vingt-unième entre celles Duchesne ,
de Suger , est adressée à ce erand homme. Pierre de la Châtre '• Vt ' •'■, ^'^°-
° o — N. C. des H.
Tome XIII. LU
45o P. DE LA CHATRE, ARCHEV. DE BOURGES.
XII SIFXLE. lui recommande l'affaire de deux personnes de la ville de
de ]r. t. XV, Bourges , contre lesquelles on l'avait faussement prévenu. Je
i> 7o5. compte , lui dit-il , sur votre amitié , comme j'espère que
vous comptez sur [la mienne. Dans le cours de la lettre , il
l'appelle votre Excellence, vestva subliniitas. En demandant
une prompte expédition , il se permet de jouer sur le nom
de celui qu'il recommande ; on l'appelait Juvenetus : « Ne
« l'obligez pas , dit-il , à aller se faire juger hors de Bourges,
« car Juvenetus est déjà vieux. » Juvenetus ipse senex est ,
et laborem equitandi sustinere non potest.
Duciiesne, La seconde et la troisième ont pour objet principal un
1. 1\\ p. 5ao et Qj,jj,g qyg Pierre de la Châtre avait reçu de Suger, de rendre
521, ep. 83 et ^ . . , . , ^ i i -n -t^^^
85. — H. deFr. <iux commissaues du roi une des tours de la ville. Elles
t. xv,p. 7o3et annoncent beaucoup d'attachement pour le prince, pour
7,^^: ~ Gaiiia ministre, iDour l'église; mais d'ailleurs,- elles n'ont d'im-
«Jirist. t.II,aux \1 „ . o . '. , , ,, . \. „ .
Pr. p. i4 et i5. portant que le tait principal quelles indiquent; ce tait
même nous apprend la date des lettres : elles sont toutes
de 1 149-
p. 524. H. de Une affaire particulière est l'objet de la quatrième, qui
Fr. t. XV, p. pst 1,^ quatre-vingt-quinzième de celles adressées à Suger,
'" ■ dans le Recueil de Duchesne. L'objet de la cinquième est de
Diuhesne remercier ce ministre, que Pierre de la Châtre appelle tou-
q) i<>5, p. 527. jours Sublimitas vestra, de l'avoir instruit du retour du roi:
— N. c.ùesii. jj |p p^jg (jg passer par Boursfes, si le prince revient par
de Fr. t. XV, „ . ^Vll 1 J * 1 • ' d • 1 1 •
p. ,o/j. Sanit-Giiles ; il voudrait bien avoir cette occasion de lui
témoigner son dévouement, et de lui rendre les honneurs
qui lui sont dus.
Duciiesne , Pierre de la Châtre demande encore à Suger des nouvelles
*'^^;'"P- ''^ de l'arrivée prochaine du roi, dans la lettre suivante. Dans
et 53oV— N. c! l'^i septième, il avait reçu la réponse de Suger, et lui répond
des Hist. deFr. à SOU tour : mais il avait appris que l'archidiacre de Bourges
t. x\ , p- 704 (îtjjjt: allé au-devant du monarcrue , cru'il en avait obtenu un
etyoj.— V. la „ ,, ., T • * • i 'J ' l -
p. i5 du t. II favorable accueil, que Louis avait intercède pour lui auprès
du Gaii. Christ, du pape ct lui avait promis de faire de même auprès de
aux Preuves. l'archevêque. Pierre de la Châtre prie Suger d'empêcher le
rci d'accorder ainsi son intérêt à un homme dont il «parle
dans les termes les plus méprisans : Folumus , dit-il, prœ-
Tuunire prudentiani vestram ut efficiatis apud dominum
rcgcin , ne diffamatum, illum, de cujus honestd convcrsa-
tione niulta audistis , manutenere velit.... criminosam vitam
illius sustinere non posswnus nec debenius , nec indulgere
flagitiis ejus. Il le supplie de prévenir la nécessité oii il se
p. DE LA CHATRE, ARCFIEV. DE BOURGES. 45 1
trouverait de refuser le roi, ne pouvant agir autrement sans ^^i siècle.
scandaliser tous les gens de bien de son église. Honesta
conversatio est mis sans doute ironiquement; car, sans cela,
ce serait précisément de Tépithète opposée qu'il aurait fait
usage.
Pierre de la Châtre revient à l'archidiacre de Bourges Durhpsne,
dans la huitième jettre , et le peint encore des couleurs les *''Z'.*'P' '^'^'
plus noires : Malœ vitœ , dit-il, pessimœ famœ archidia- dès^HistrdeFr.
conus. Cet archidiacre avait obtenu que l'afïaire serait portée t- î^v, p. 705.
à Rome; (elle était pendante devant l'archevêque de Bor- — fj'>"^-i'rist.
deaux) : Pierre de la Châtre demande à Suger de lui envoyer ,,. iô! ^
une lettre pour le pape, et mie lettre aussi du roi.
La neuvième, qui est la trente- deuxième du recueil de P-S/^etS;^-
Duchesne, parmi les lettres écrites à Louis-le-Jeune, est
la plus longue de toutes, la seule même qui ait quelque
étendue. L'archevêque s'y plaint d'avoir été forcé par le roi
à nommer Cadurque archidiacre de Châteauroux. Cadurque,
autrefois son compétiteur dans l'archevêché de Bourges, avait
profité aussi, pour lui nuire, de son crédit sur Louis-le-
Jeune. Pierre de la Châtre rappelle au prince les bienfaits
qu'il en a reçus, les témoignages de dévouement qu'il lui a
donnés, toutes les raisons qu'il a de le chérir; il l'assure que
ces sentimens n'ont jamais été et ne seront jamais éjjranlés ; il
s'étonne qu'un liomuie tel que Cadurque ait pu avoir cet em-
pire ; il prie le monarque île se souvenir que , lorsqu'à sa recom-
mandation il nomma cet homme un des chanoines de son
église , il déclara qu'il aimerait mieux en accorder douze au
roi cfue celui-là seul. Pierre de la Châtre conjure de nouveau
ce prince de. ne pas écouter les insinuations calomnieuses de
ceux qui le flattent pour mievix poursuivre les autres ; de le
venger même de l'audacieux cjui a pu rendre suspects son
dévouement et sa fidélité. « Que Dieu, dit-il en finissant,
vous conserve sain , favorable pour nous , et qu'il écrase vos
ennemis sous vos pieds, j) On voit, par un passage de cette
lettre , que le roi avait écrit au pape en faveur de l'arche-
vêque de Bourges , au sujet de la discussion élevée entre le
prélat et son archidiacre , et qui est rappelée dans la lettre
précédente.
C'est encore à Louis-le-Jeune que la dixième est adressée. La i-Cdans
Pierre de la Châtre y rend compte au roi de la commission pi'"^''«s"e , p.
dont il avait été chargé par lui , avec Bernard de Saint-Sauge, H.del^r. t. xv*
évêque de Nevers , pour arranger les différens survenus p. 706.
LII2
452 P. DE LA CHATRE, ARCHEV. DE BOURGES.
Xiî SIECLE, entre les iDourgeois et les religieux de Saint-Pourçain en Au
~~ vergue , diocèse de Clermont. Une prière au roi d'écrire au
pajîe contre les moines de Bourg-Dieu , qui tentaient d'en-
vahir les biens de l'église de Bourges, est l'objet delà onzième;
et celui de la douzième, une recommandation à ce prince du
doyen de Brioude et de l'abbé de Saint- Germain. Ces deux
lettres, ainsi que les deux suivantes, se trouvent encore dans
P. C3i et 0,2. Duchesne et dans le quinzième tome de la nouvelle Collec-
P. 707 et 708. tion des historiens de France.
Par la treizième , Pierre de la Châtre félicite le roi des
succès qu'il venait d'obtenir, les armes à la main, contre
les comtes d'Auvergne , qui , accusés devant lui et som-
més de compai-aître, avaient refusé de se rendre à ses ordres.
La lettre est, par conséquent, de l'année ii63, époque où
Louis-le-Jeune marcha lui-même pour combattre ces sei-
gneurs.
Il implore , dans la cjuatorzième , la miséricorde du roi
pour Gimon de Mehun, qui avait donné les sûretés néces-
■ saires , et réparé , autant cpi'il était en lui , les torts dont il
s'était rendu coupable.
Ep. 33o, t. Duchesne a enfui placé dans son recueil une dernière
i\ , p. G8/|. lettre de Piei're de la Châtre à Louis-le-Jeune, qui a aussi
été insérée dans le tome XV de la nouvelle Collection de
nos historiens. Le pape Alexandre 111 était alors à Sens;^
Pierre s'y était rendu auprès de lui , pour s'y défendre contre
les entreprises des moines de Bourg-Dieu. Louis avait écrit
au pontife romain de la manière la plus amicale et la
plus pressante, en faveur du prélat français : le prélat l'en
remercie de la manière la plus humble ; il lui demande , dans
le même style, de vouloir bien, en écrivant au pape, lui
exprimer de nouveau le même intérêt, afin que le pape voie,
par ces expressions réitérées , que le prince a vraiment à
cœur la demande et les droits de l'archevêque. Il lui dit que
l'église de Bourges lui appartient d'une manière spéciale , et
termine sa lettre par une phrase que nous avons déjà remar-
quée , et qu'il emploie souvent : « Que Dieu vous conserve
long-temps en bonne santé , et qu'il écrase vos ennemis sous
vos pieds.
En rendant compte de ces lettres , nous avons suivi Tordre
du Recueil de Duchesne : mais ce savant, comme on le voit,
P. 7o5. n'en a donné que quinze. Il y en a une de plus dans la Col-
T. IV, p. /,i5. lection nouvelle. Martène l'avait déjà insérée dans son Trésor
\
ACHARD, ÉVÊQUE D'AVRANCHES, 453
des anecdotes. Pierre de la Châtre y fait part à Siiger de XH SIECLE.
son heureux retour de Rome, quoiqu'il eût éprouvé dans
le voyage beaucoup de contretemps et de maux. Il s'excuse .
de ne pouvoir se rendre à Mantes, auprès du roi, comme il
en avait reçu l'ordre. La lettre est courte, et n'a pas d'autre
objet.
Le Gallia Onistiana n(5us a conservé , entre plusieurs t. ii , p. 62
autres, deux chartes de ce prélat. Par la première, datée c'Gî, G. etG6,
de 1 1 56 , la quinzième année de son épiscopat , il prend
sous sa protection et celle de son église, l'abbaye de Gha-
livoy, dans le diocèse de Bourges. Par la seconde, de 11 5g,
il confirme la fondation de l'abbaye de la Maison -Dieu,
même diocèse. Dans l'une et l'autre , on trouve un dénom-
brement des biens que possédait alors chacun de ces deux
monastères. P.
ACHARD,
ABBE DE SAINT-VICTOR DE PARIS, PUIS
ÉVÊQUE D'AVRANCHES.
RECHERCHES SUR SA VIE.
AcHARD, né suivant les uns en Angleterre, suivant les du Brcuii,
autres en Normandie, reçut sa première éducation parmi Arniq. de Paris,
les chanoinrs réguliers de Brindlincrton, ati diocèse d'York. }?' 'i''9— ^^^a-
T-v i> ' c ■ ' 1 ' 11 • •! 1 lingrc , Anliq.
De-ia étant venu pertectionner ses études a Pans, il embrassa de Paris , p.
la vie religieuse dans la nouvelle abbaye de Saint -Victor, hk^-
Achard y rencontra le célèbre Hugues , qui commençait à
jeter les fondemens de la haute réputation où l'élevèrent
depuis sa science et ses vertus. Ce fut im modèle qui excita
son émulation, et dont il ne tarda pas d'approcher. On a la
preuve de l'estime c[ue Hugues lui-même faisait du savoir
d'Achard, en deux endroits de ses commentaires sur saint
Paul, où il lui fait l'honneur de le citer comme nue autorité;
1° touchant le péclié origiiîcl , qu'Achard faisait consister
dans la privation de la justice; 2" sur la question de savoir
si l'eau, dans le sacrifice de la messe, est changée en vin.
454 ACHARD, ÉVÊQUE D'AVRANCHES.
XII SIECLE. «Les uns, dit-il, sont pour raffirmative, le» autres poirr
Hu". vict. " '^ négative; et ce dernier sentiment, que nous tenons de
Op. t. i,p. 363. « maître Achard , est le nôti'e. »
La sagesse de sa conduite allait de pair avec ses lumières.
Gilduin, abbé de Saint-Victor, étant mort le [3 avril de
l'an II 55, les capitulans ne jugèrent personne plus capable
3u'Acharci de le remplacer , et ils ne furent pas trompes
ans leur choix. : il lut attentif à maintenir les choses sur le
bon pied où il les avait trouvées. L'an iiôy, il fut élu par
le clergé de Seez pour succéder à l'évêcpie Girard , décédé le
29 mars de cette année. Mais Henri II, roi d'Angleterre,
défendit de l'ordonner, et lui substitua Froger , uniquement,
Tliomae Cnnt. dit saint Thomas de Cantorbéry, parce que le pape Adrien IV
epist. p. 048, f^yjiit favorisé son élection. Achard se consola sans peine de
ce contre-temps. Quatre ans après , l'église d'Avranches jeta
encore les yeux sur lui pour le mettre à la place de l'évêque
Herbert , que la mort avait enlevé le 6 septembre de
Jbid. l'an II Go. Comme ce choix, dit le même saint Thomas,
n'avait point été concerté avec le pape , le roi d'Angleterre
n'y mit point d'opposition.
Achard conserva sur le siège épiscopal l'esprit de son pre-
mier état , et , autant que ses nouvelles obligations le lui
permirent , les mêmes observances C|u'il avait praticjuées à
Saint-Victor. Il y a de l'apparence que ce fut lui qui intro-
duisit ou rétablit la vie commune et régulière dans la cathé-
drale d'Avranches ; car cette église est citée , depuis Achard ,
parmi celles c|ui , conformément aux canons , embrassèrent
au XIP siècle cette manière de vivre. Achard vécut juscju'au
29 mai 1 1 7 1 . Jj'histoire le met au nombre des grands prélats
de son siècle. Son corps fut inhumé dans l'église des Pré-
montrés de la Luzerne, dont il fut un des plus insignes
bienfaiteurs. On y voyait encore son toml^tau derrière le
chœur, du côté de l'épître, avec une épitaphe rapportée dans
Neust. Pia , le Neustria Pia et dans les Annales de Prémontré. Robert
p- 796. Cénalis, l'un de ses successeurs au XVF siècle, lui en dressa
une autre , que nous allons transcrire d'après le Galiia
Chiistiana.
AngUa me genuit, docuit me Galiia , le gis
Doctorem tenait illa, patremquc gregis.
Pontificem faciens ^ fecit IS ormannia finem :
Hcec tulit, extulit hœc , abstulit hcec Iwminem,
ACHARD, EVÊQUE D'AVRANCHES. 4à5
XII SIECLE.
SES ÉCRITS.
Des écrits d'Achard , nous n'avons d'imprimés que deux chesn. Script
lettres. La première qui a été publiée par Ducliesne et par Rer. Franc, t.
D. Martène , est écrite à Henri II, roi d'Angleterre, pour lY'V- 7^2. —
,. ' ]' ^ ■ -^ v ' 1 ' ' ^ Mart. Ampl.
revendiquer une somme cl argent qui avait ete léguée aux coU. t. vi, col.
pauvres par un de ses sujets. D. Martène a donné, à la suite a3i.
de la première , une seconde lettre adressée à Arnoul, évoque
de Lizieus , laquelle paraît relative au même objet. Achard
n'était qu'abbé de S. -Victor lorsqu'il les écrivit. On voit,
par une troisième lettre qui est de Louis-le-Jeune , que ce
prince était mécontent de le voir passer à l'évêché d^Avran-
ches. Il défend aux religieux de lui laisser rien emporter.
Il reste cependant de lui quelques ouvrages qui n'ont pas
été imprimés :
1" Un Traité ou sermon de l'Abnégation de soi-même.
C'est le vrai titre , et non pas Traité de la Tentation de Jésus-
Christ, comme le marcjuent les bibliographes.. Nous l'appe- .
Ions traité ou sermon , parce que la dernière dénomination
paraît lui mieux convenir. Il est cei'tain , par le début, qu'il
fut prononcé dans le chapitre de Saint-Victor. Il a pour
texte ces parqjes de saint Matthieu : Ductiis est Jésus à spi-
ritu in deserturn, ut tentaretur a diabolo. Après quoi 1 auteur
poursuit : « Terminons ici la lecture de l'évangile; car, dans
«le discours que nous allons vous faire, il ne faut pas
« nous jeter dans des écarts. » Le dessein de l'auteur est de
conduire lame chrétienne à la plus éminente perfection,
par les sept degrés de l'abnégation évangélique, qui la font
entrer , selon lui , comme dans sept déserts , où dépouillée
d'elle-même et de toutes choses, elle s'uuit intimement à
Dieu. Comme Jésus-Christ entrant dans le désert, aussitôt
après son baptême , est le plus excellent modèle de cette
abnégation , Achard s'applique à rechercher les principaux
traits qui ont caractérisé la solitude de l'Homme-Dieu, afin
que nous puissions les imiter. La lumière et l'onction sont
répandues avec abondance sur cet ouvrage , assorti à toutes
les conditions, et singulièrement à fétat religieux. Depuis
que l'auteur eut permis d'en tirer des copies , on ne se con-
tenta pas d'en faire des lectures particuhères , on le faisait
lire encore à la table conxmune. Au siècle passé , le P. Gour-
456 ACHARD, ÉVÊQUE D'AVRANCHES.
XII SIECLE, clan en a fait une traduction française, qu'il était prêt à mettre
au jour, lorsque la mort l'enleva le lo mars de l'an 1729.
Bibi. mss. 2° Sauderus indique, comme existant dans l'abbaye de
Belgu,p. 179. punes ^ en Flandre, un recueil de sermons d'Acliard. On
voit aussi de lui un sermon de la Toussaint, dans l'abbaye
de Vauclair , à la tête d'un manuscrit où se rencontre le
traité de V^bncgation de soi-même , mais sous le titre des
Traité des Déserts.
Oudin ,■ ' de 3° Un opusculc de la Dù'isioii. de l'ame et de l'esprit , qui
Scripi. E.cles. commence par ces mots : Suhstantia interior quœ una cnm
t. II, col. 12(iq. x-i ■* 7 • •! ■ L 1 1 1 -1 1- 1 >
corpore co?istitmt hoiniuein : il existe dans la bibliotheaue
de^aint-Victor et dans celle de Saint-Benoît de Cambridge;
mais, dans le manuscrit de la première, le nom de l'auteur
n'est de'signéque par un A, qui pourrait aussi bien indiquer
Adam de Saint-Victor, si le nom d'Achard n'était exprimé
tout entier dans l'exemplaire de la seconde.
4° Un traité de la Trinité. Casimir Oudin , ni aucun autre
bibliographe ne paraissent avoir connu cet ouvrage d'Achard.
Nous ignorons nous-mêmes s'il se rencontre encore aujoiir-
jiariène^ d hui daiis quelque dépôt; cependant, il n'en est pas moins
^"*"'^'?.- !'""■ ^' réel. Jean de Cornouaille le cite dans son Eiilopium en ces
col. iDoSctseq. „, • / / I ■ T7 7 '7^ • ^ .
termes : Magister Acnardus in tibro suo de Irinitate.
5«^ C'est par erreur, et pour n'avoir' pas distingué notre
y. ci dessus , fj^fçm. J'v^ji autre Acliard , maître des novices à Clairvaux ,
p.jio, 41a. Vossius attribue à l'évêque d'Avranches une vie de saint
Voss.deHist. 1 ,. _, ,. 1- •* 1- ^ 1 m ^ 1
Lat. tap. 52. Gcsclin OU Scotzeiin , solitaire au diocèse de 1 rêves, que les
BoUandistes ont imprimée dans leur recueil , au 6 août ,
comme extraite du livre des Miracles de saint Bernard par
Herbert.
6° Quelques-uns donnent encore à Achard un opuscule
qui a pour titre : Solihquiwn de Instrnctione animœ ; d'autres
le mettent parmi les écrits d'Adam de Saint-Victor, parce
Oudin , de qu'apparemment le nom de l'auteur n'était désigné que par
Script. Ecries. |^^ lettre A. Oudin prouve que le véritable auteur est Adam^
^•"'''°*-'^^^' pipémontré écossais. B.
XII SIECLE.
HENRI DE BLOIS.
Adèle, fille de Guillaume-le-Conquérant, avait eu du
comte de Blois , son époux, six iils et trois ou quatre filles. Art de véri-
Guillaume, l'aîné des fils, déshérité par les artifices de sa ^""'' ''"^ t^^r^ '
mère, épousa l'héritière de la maison de Sully, et en piit ' ''
le nom; le deuxième, nommé Thibaud , devint comte de
Blois après son père; le troisième, Etienne, fut envoyé auprès
de son oncle maternel, Henri V^ , roi d'Angleterre, auquel
il succéda; le quatrième, connu sous le nom de Henri de
Blois, est celui dont nous avons à parler ici. Nous ne sau-
rions. indi([uer la date précise de sa naissance. Les auteurs
de l'Art de vérifier les dates disent qu'Etienne mourut ^^'^t. I^p.
en 1x54, dans la cinquantième année de son âge; ce qui
reporterait sa naissance à l'année iio4, Pt, par conséquent,
celle de son puîné, Henri de Blois, à l'année i io5 ou un peu
plus tard : mais, puisque leur père périt dans la Palestine
en II 02, ainsi qu'il est marqué dans ce même Art de vérifier
les dates, et puisqu'il eut, après Etienne et Henri, deux i/'id. uu^p.
autres fils, Humbert qui mourut fort jeune, et Philippe qui ' "
fut évéque de Châlbns , il faut qu'Etienne et Henri soient
nés avant le commencement du XIF siècle.
Henri de Blois avait embrassé l'état monastique à Cluni, Bernier,Hist.
lorsqu'attiré dans la Grande-Bi'etagne par le roi Henri P"", 36o''!!!'n "^r '
son oncle, il devint abbé de Glaston ou Glastembury. ion, Bibiioîh.
En 1129, il fut fait évéque de Winchester, et il acquit ci.arir. p. 72.
bientôt une telle puissance, qu'en ii35, quand le roi mou- ~P^g''*^i'''='d
• I -11 * ^ f 1 an. ii/jo, ii/|r.
rut, il contribua plus que personne ;i placer la couronne uSi , 1162,
d'Angleterre sur la tête de son frère Etienne, au préjudice "7i- — Angiia
de l'impératrice Mathilde, fille de Henri T^ Etienne , époux s^^''-" ' '■ i' P-
dune autre Mathilde, qui lui avait apporte en dot le comte 285,299, ^o»,
de Boulogne, possédait de plus les domaines confisciués sur 3oi ; t. 11, p.
Robert de Mallet en Angleteire, et sur le comte de Mbr- ,''^°-7^"?°""
TVT • 1- i • • I I 1 ^ 1 1 ■ -Il lav, Hist. Univ.
tagne en jNormandie : il en était redevable a la bienveillance Paris, ad ann.
de ce même Henri F'', dont il envahissait le trône. Cepen- ^'42, p. 207,
dant, cet Etienne et son frère, l'évêque de Winchester, ne 2^*' ^''^O' 261,
tardèrent pas à se brouiller. L'évêque, revêtu de la qualité 'ivionast. Au-
de légat, trouva fort mauvais qu'Etienne eût emprisonné giican. t. i, p.
deux prélats, pour avoir fait construire des forteresses. Henri ''^r ^°^xho
de Blois assemble un concile à Westminster, réclame les Hist!'dAng7t!
Tome XJ IL M m m II,p. ii/,-j/J4.
458 HENRI DE BLOIS.
XII SIECLE, immunités de l'église, tonne contiT l'impiété du monarque,
et le cite devant cette assemblée. Mathilde profita de ces
circonstances pour proclamer et défendre ses droits au trône.
Le comte de Glocester, bâtard de Henri F'', s'arma pour
elle , battit l'armée royale , et fît Etienne prisonnier. Nou-
veau synode, où Henri de Blois déclare que c'est sur-tout
au clergé qu'il appartient d'élire un roi , et que la volonté
du ciel prononce en faveur de Mathilde. Apres avoir ainsi
trahi son frère, il ne restait plus à lévèque de Winchester
c{ue de trahir aussi sa légitime souveraine , la iille de son
Hisf. of En- bienfaiteur; il n'y manqua point. Il fomenta, dit Hinne,
Ue!"!! of.'sîe- l'esprit de révolte dans la ville de Londres, et y fut, en
phaji. secret, lame dune conspiration pour se saisir de la per-
sonne de Mathilde. La princesse n'échappa que par une fuite
précipitée, et quand le prélat la sut réfugiée à Winchester,
il l'y suivit avec l'empressement et toutes les apparences du
dévouement le plus fidèle : mais , lorsqu'il eut rassemblé tout
son monde, continue le même liistorien, il joignit ouverte-
ment ses forces à celles de la ville de Londres et à cjuelques
troupes mercenaires , assiéga Mathilde , la força de sortir
furtivement de la place , et livra le comte de Glocester à
Etienne. Nous ne faisons qu'indiquer ces détails, qui n'ont
rien de littéraire, çt qui appartiennent à l'histoire de la
Grande-Bretagne; il nous suffit d'avoir montré dans Henri
de Blois un légat puissant , opulent et rusé : c'est le portrait
r.er. Anglic. Cjuc fait de lui l'historien Guillaume de Neubridge : Homo
]ib. I,c. 4,9- multœ in î^egno potentiœ , callùlus et pecuniosus supra
modinn , legatus apostolicœ sedis in Anglid.
Cependant Henri de Blois n'a poiut réussi dans toutes
ses entreprises : son élection au siège de Cantorbéiy, en 1 136,
Angi. Sncr.-», resta sans effet; il tenta vainement d'ériger Winchester en
1. 1, p. Sg^. archevêché; lorsqu'en ii40,il voulut placer, sur le siège
épiscopal de Salisbury, son neveu Henri de Sully, il n'en
Ordcric Vital, put venir à bout; et le neveu , malgré les plaintes et la colère
sdann. ii/io. jjg l'onclc , fut obligé de se contenter alors de l'abbaye de
Fécamp. En ii4C, Eugène III, peu édifié apparemment de
la conduite politique de lévèque de Winchester, lui retira la
commission de légat apostolique. On voit, dans la lettre aSr»
de saint Bernard , que ce saint abbé n'applaudissait point a
l'intrusion d'Etienne, et qu'il comptait Henri de Blois au
nombre des prélats tlont les œuvres auraient pu être plus
évangéliques. Bauduyn , évêque de Wigorn , qui devint
HENRI DE BLOIS. 459
en ii8t archevêque de Cantorbëry, a écrit un livre contre Xli SIECLK.
ce même Henri de Blois , qui est aussi fort maltraité dans Henrlquez ,
ini ouvrage de Henri de Huntington, que cite XAnglia Piirenix re^iv.
sacra : il y est appelé novum qitoddam nionstram , monachus \^ii
et miles. Mais son rang, son pouvoir, ses dignités n'ont pu
manquer de Jui attirer des hommages. Quelques auteurs vicumbe ,
l'ont comblé d'éloges en lui dédiant leurs productions. V^^^- •'î^ ^'i'»'"
Thomas Becket , qu'il avait sacré en 1161 archevêque de si°. — Gu"n ' Te
Cantorbéry, et dont il partageait les opinions sur l'étendue iviaimesb.prœf.
illimitée de la puissance ecclésiastique, Thomas Becket lui adHist.Monast.
a écrit des lettres fort obséquieuses , mais où pourtant les ^^\ "^"^^ ~^^
complimens s'adressent beaucoup plus aux titres et à l'éclat p. 29s, 320.—'
extérieur de celui qui. les reçoit qu'tà ses qualités personnelles. Alford, ad an.
On en peut dire autant des huit épîtres de Pierre -le-Véné- i.',^?'. "'i*'
1 1 ^ TT • 1 T»i - ' ' • 1 lli-Liv. 1 , ep.
rable a Henri de blois : cest a un puissant protecteur de 1,3 ; Uv. in,
l'ordre de Cluni qu'elles sont écrites : le vénérable abbé n'y «p- 52,^3,9^;
remplit en quelque sorte qu'iui devoir d'étiquette envers un j'/" ^^'^'^''^J^'
grand seigneur jadis religieux de ce monastère. L'une de ces p.v.i.iv.ii, ep.
lettres n'est même qu'une très-courte missive écrite uni- 19-21,23-25;
quement pour ne poifit manquer à l'obligation d'écrire: i|v' jy ' J^"*' ,V
Aliquid scrihere 'volui , chni nullani scribendi màteriam
haberem.
On a publié cinq lettres de Henri de Blois , la première
au pape Innocent II , pour lui demander la canonisation du
roi d'Angleterre, saint Edouard; la seconde, pour enjoindre Bibi. Cotton.
à des moines de payer exactement le denier Saint-Pierre ; !'• ^!'-
la troisième, afin cl obtenir d'un évêque quelques édaircisse-
mens sur l'affaire d'un prieur. Dans la quatrième , Suger est Bibl. Rcg.
prié de procurer à Henri de Blois un saut-conduit de la com- -^"ô''- 1*- '°'-
tesse de Flandres : cette lettre est , selon M. Brial , de 11 ^7 Rer. Gailic.
ou ii48. La dernière, qui paraît être de ii4o o'i ii5o, est Scnpt. t. xv,
un très-court billet adresse aussi a Suger, pour lui recom-
mander les intérêts du roi Etienne. Voilà tout ce que nous iind. p. 520.
connaissons d'écrits authentiques de l'évêque de Winchester:
car son livre sur les biens de son église, cité par Harspfekl, Hisi. Eccles.
et qui commençait par Quotiens Ecole sia , n'a jamais été 35!' 'ssjj *'^''
imprimé , et l'on n'a rien non plus d'un écrit sur l'histoire
ou le gouvernement d'Angleterre, qui lui semble attribué
par Gervais de Thilbery, dans un dialogue dont Thysius a Ant. Thysius,
transcrit quelques lignes. C'est enfin fort mal-à-propos qu'on ^^ usa^°L£«"
attribue à Henri de Blois la relation de l'invention du corps adcaicem Hist.
du roi Artus , puisque Henri de Blois est mort en 1 1 7 1 , dix- Angi. Poiydori
M m m 2
46o HENRI DE BLOIS.
XII SIECLE, huit af,g avant l'ëpoque où l'on fixe cette prétendue de'coii-
Verg.L.B.1149, verte. Ce romanesque récit serait plutôt de Henri deSuUi,
p. 8i3 et 814. que Vossius et quelques autres ont confondu avec son oncle
inincLauc"^*^' ^ évêque de Winchester. Henri de SuUi mourut en iiqS,
Voss. de H. évêque de Worchester : il avait obtenu cet évèché en hqS,
Latin, lib. III , après avoir été depuis 1 189, abbé de Glasteml:tury ; c'était la
^ia^èp.''g^'Be'rt'. P "* ancienne abbaye de l'Angleterre; c'est celle où l'on sup-
etc — v.Sanil. posc quc les restes d'x\rtus ont été trouvés. Mais il est plus
in Yoss. <ie H. vraisemblable que cette relation n'a été' fobriquée qu'au
320. ^ '^' ^m*^ siècle. Au surplus, nous y apprenons qu'on trouva trois
Aiford , ad cercueils posés l'un sur l'autre ;-i° celui de Geneviève, seconde
an. 1189, n" 9, femme d'Artus ; 2.° celui de Madred, son nevevi; 3° celui
Sacr'pT-s'— d'Artus lui-même. Le troisième cercueil était distingué par
lisser, antiq. Une croix de plomb, sur laquelle on lisait qu'Artus était
Britann. p. Ga. enterré là. Les jambes de ce héros excédaient d'un tiers celles
des hommes de la plus haute stature, et il y avait la distance
d'une palme entre ses deux sourcils. Depuis la découverte
de ce corps, les Gallois ont cessé d'attendre le retour d'Artus.
M.-ib. not. 169 Henri de Blois a été aussi ciuelquefois conibndu avec un
Larcque7Hisû ^^ ^es ennemis nommé Henri cle Mutdrack, moine de Claii'-
Généal.deKar- vaux . que Saint Bcrnai'd envoya en 11 35 fonder un monas-
court, t. II, p. |-^j.ç (J,^us le diocèse de Laon, et transféra en 11 38 à Tabbaye
' ' ■ de Fontenai. Les épîtres 106 et 33 1 de saint Bernard sont
adressées à Henri de Murdrack ou Murdack , qui, en ii47i
devint archevêque d \orck, malgré J'évêque de Winchester,
et mourut en 11 53.
On voit que Henri de Bloia appartient fort peu à l'his-
toire littéraire et fort peu aussi à la France , où il est né sans
doute, mais qu il avait quittée en 11 ac). Il vécut en Angle-
terre jusqu'au 9 août 1171, époque de sa mort. En ii3g,
\lL\i , 1 143 , il y présida des conciles , cpù contribuèrent aux
Speiinan. progrès de l'autorité pontificale dans la Grande-Bretagne ;
Conc. Aîigi. t. et ce fut par lui sur-tout que les appels au pape s'intredui-
ii,p.4'i-47— sirent dans ce pays. • D.
XTl SIECLK.
GILBEPvT ou GISLEBERT
DE HOIL^NDIA.
IN o us aurions dû nous dispenser de placer cet écrivain
dans notre Histoire littéraire, s'il n'avait pas été élevé en
France, s'il n'y était revenu- ensuite pour s'y fixer, s'il n'y
avait terminé sa vie, s'il n'avait été enfin le disciple de saint
Bernard et le continuateur d'un de ses ouvragés, continua-
tion imprimée dans la collection des œuvres de ce grand
homme.
Gilbert ou Gillebert ou Gislebert, appelé de Hoilandià Blarr'q. Ann.
par tous les écrivains qui en ont parlé, avait reçu, le jour tlcCueaux, an.
en Angleterre. Varieus cependant le fait naître en Ecosse; et 3-,5.1_Lp,iàin,
Mabillon , dans la préface du tome IV des œuvres de saint Hist. du mime
Bernard, le suppose irlandais : GiUehertus de Hoyiamlid , orJre, t. il, hv.
dit-il, et ipse Cisterciensis Hihernus. On a cherché de quel pits.deiii.An''.
lieu il fallait entendre le surnom cju'il porte. Nous ne pou- Scr. p. 2G9.—
vons croire qu'on ait voulu désififner par-là une petite île ?• E""- ^^"•
•Il ^1 1 ' ' TT 1 . \ , m. p. 8.',. —
rocailleuse et mal peuplée , nommée Holy , et qui n est sepa- ^,^rpsf. H. de
rée que par un canal d'un mille de* large, des rivages du lEgl. tlAni;!.
comté de Northumberland ; Holy même n'eût guère été tra- ^"^p- '^j c. i5,
duit en latin par Hoilandià. Ce qui paraît plus probable et ^' '
entièrement probable , c'est qu'il était né dans le Holland ,
une des trois parties ou sous-divisions du comté de Lincoln.
AKord le dit ainsi dans ses Annales, et nous ne croyons An. ir32,ii.
pas qu'il soit possible d'élever quelques doutes à ce| égard. 'î-^' 7-
Mabillon, qui nous parle d'une île limitrophe de l'Angle- T. lidrsœuv.
terre et de l'Ecosse, formée par les rivières Velandas et *^ ' *"'P'-
Lindiis , se serait bientôt aperçu de son erreur , répétée au
reste par dom Ceillier, dans son Histoire générale des auteurs T.xxil,p.4(>2-
sacrés et ecclésiastiques, s'il eût songé que le Weland n'est
pas dans l'endroit où il le suppose, mais dans le comté
même de Lincoln; et je présume, d'après la conformité des
noms, en avouant néanmoins que je n'ai là-dessus aucune
notion positive, cpie le Lind ou Lindus doit être entre la
partie du Lincoliishire appelée Holland et celle appelée
Lindsey. Harpsfeld dit même bien expressément que le p iSo.
46:2 GILBERT DE HOILANDIA.
•XII STF.ŒK. Holliind est une petite province, que deux {grands fleuves,
le Weland et le Lind , embrassent. Il peut s'être trompé siu-
la qualification de grands fleuves , sans s'être trompé sur leur
existence.
Élevé dans la piété et les bonnes lettres, dès qu'il eut fiiù
ses études , il emorassa la vie monastique , sous 1 institut de
Citeaux. On ne sait pas bien dans quel monastère il lit jiro-
r. 2G9.— Voir fcssion; Pitseus croit que ce fut <à Clairvaux , gouverné alors
Cave, t. Il, p. pfjp saint Bernard, pour qui Gilbert eut constamment tant
^''' de vénération , qu'il chercha toujours à l'imiter, et se montra
quelquefois assez digne de son- modèle. Il s'était déjà fait
remarquer par un mérite distingué, lorsqu'il fut élu en i iG3
abbé de Swinshed , abbaye cpii était une filiation de celle de
Savigny, et qui avait été fondée en 1x34, dans le diocèse
HTanriq. an. de Lincohi , en Angleterre. Ce monastère avait eu auparavant
ii6i,c. 3,n. I, uri abbé dont on ignore le nom, mais qui paraît avoir été
mamlq.lbid. distingué par son mérite et les soins actifs qu'il prit de guider
— Lînain , t. et tenir ses religieux dans le chemin de la vcrt^u : Gilbert
ii,hv. ii,p. 3. continua Foeuvre de son prédécesseur, et essaya d'accroître
encore leur perfection. Ce fut pendant qu'il était leur a! bé,
qu'd entreprit , par ordre de ses supérieurs , d'achever l'ex-
Piis. p. 269. position du Cantique des cantiques , que saint Bernard avait
— Mannq. p. i . , T. .1 /^-ir ^ -^ J i-
■>^. _ Tritii. entreprise et n avait pu terminer. Gilbert prit donc ce livre
«le Script. Eccl. à l'eiidroit où le saint en était resté , et fit , sur ce sujet ,
l''9.^" ^ quarante-huit discours 'dont nous parlerons bientôt: mais
Pits. p. 2G9. ,1 . V ^ ■ • " I V j r
lui-même ne put arriver jusqua la fin de 1 ouvrage.
Ce monastère d'hommes ne fut pas le seul que Gilbert
gouverna ; il eut aussi la direction d'une communauté de
Serm. a sur religieuses, cpi'il éleva, suivant le B. Aëlrède, à la plus haute
isaïe, c. 12.— perfection; Aëlrède loue beaucoup leurs vertus, et sur-tout
annq.p..7 . j^ ^^^^ ^^ Contemplation, qu'elles avaient, selon lui, à un
degré très-sublime.
Chifflet , La chroniaue de Clairvaux fait mourir Gilbert dans le
TIT"^*" '^' diocèse de Troyes , au monastère de la Rivour, Bipatorium.
Apud Cent. Balœus vcut que ce soit dans l'abbaye même de Cîteaux.
Mngd. p. 1694 Henriquez a inséré son nom, sur le 23 mai, dans le Meno-
logiinn Ostei'ciense. Tous fixent à i lya l'époque de sa mort;
et c'est encore ce qu'on lit dans la Chronique d'Albéric , sur
T.xrx,p.398. 1 an 11^2, dans l'examen critique de Baronius par le savant
Pagi , sur la même année, dans l'Histoire des auteurs ecclé-
T.xxii,p./ij3. siastiques par dom Ceillier , et dans plusieurs autres. J'ignore
P. 189. pourquoi Lemire, dans sa Chronique de Cîteaux, et Pitseus,
p. 269.
GILBERT DE HOILANDIA. 4Gj
dans ses Illustres écrivains d'Angleterre, la retardent jus- Xf! .SfFxi,K.
qu'en 1200 ; Trithéme l'avait déjà tait ainsi dans son ouvrage
sur les écrivains ecclésiastiques: Manrique, dans ses Annales i'- o^-
cisterciennes , place au contraire la mort de Gilbert sous
l'an 1 1G6. Harpsfeld commet une erreur bien ])lus grande; Hi»t. Eedes.
il le fait fleurir au XIIP siècle, et cependant il le déclare ^^ -^"s'- P-^»»-
disciple de saint Bernard, mort, comme on sait, au milieu
du douzième.
SES ÉCRITS.
Le principal ouvrage de Gilbert, celui par lequel on le
connaît le plus, est la continuation du travail de saint Ber-
nard sur le Canticjue des cantiques. Après quatre-vingt-six
discours , la plupart ass'ez longs , cjui forment une grande
partie du quatrième volume des œuvres de ce saint, dans
l'édition cjue dom Mabillon en a publiée, l'abbé de Clairvaux
n'était pourtant resté qu'au premier verset du troisième
chapitre: «J'ai cherché dans mon lit, pendant les nuits,
celui que mon cœur aime , je l'ai cherché et ne l'ai point
trouve. » lu lectulo ineo per noctes quœswi quem ailigit
anima mca ; quœsivi illum et non invcni. L'imitateur, sans
être aussi abondant ou aussi fécond que son modèle, a cepen-
dant trouvé le sujet de quarante-huit discours dans les deux
chapitres suivans du Cantique des cantiques, et les neuf
premiers versets du cinquième. Trois de ces discours sont
d'abord consacrés à l'explication du passage que nous venons
de citer. L'auteur examine si on doit l'entendre, comme l'ont
fait d'autres commentateurs , d'une infirmité de l'épouse , et
il rejette cette opinion : Non hic accipio lectwn doloris ,
dit-il , nisi forte doloris illius quem amor parturit de absente
sponso : deliciari videtur 'velte ma gis qiicim sanari , et anii-
cum quœsisse , non medicwn.... dcficiens uhertate delecta-
tionis obdoi'mi^it , exhausta inter amplexus dilecti; oblectata ,
obdormivit somnum didcem , sed expergefacta non invenit
illum hccc mulier deliciaiiim in manibus suis. L'auteur s'ar-
rête ensuite long-temps sur chacun des mots dont le verset
se compose ; il dierche toutes les significations qu'on peut et
tloit y trouver sous les rapports allégoriques sur-tout, et il
recommence plusieurs fois cet examen. Nous nous abstien-
drons de l'y suivre ; cela serait peu utile et quelquefois peu
aisé ; les détails auxquels l'auteur s'abandonne ont besoin de
4(^4 GILBERT DE HOILANDIA.
XII SifXi.E. sa profonde piété pour ne pas produire, de temps en temps,
des impressions assez différentes de celles dont il était animé.
Il ne laisse d'ailleurs échapper aucune occasion de combattre
avec quelque force les erreurs nées au sein du christianisme,
de retracer et d'explicjuer les principaux faits de fancienne
loi, de développer la supériorité de la nouvelle. Il ne craint
pas d'aborder les plus difficiles questions, et de nous dire
comment on doit les entendre. Ces mots , par exemple , du
premier verset encore, quœsivi iUum et non iin>ejii , lui
fournissent l'occasion de nous apprendre comment Dieu est
en entier par-tout, sans être de même dans chaque objet:
Ubique creaturarum totus es créons et continens , sed infîni-
tatein tuam creatura nulla potest exprimere, quamvis virtu-
tcni nulla non possit ex parte innuere : nhiqiie totus per
existentiam , sed non œqnallter in singulis per efjlcientiam.
Ces mots du second verset : « Je me lèverai , et je ferai le
. tour de la ville : » Surgani et circuiho civitatem, le condui-
sent, dans son quatrième discours, à l'intervention de Dieu
dans les actions des hommes , à la prémotion physicjue et
son efficacité : « Qu'une action soit l'effet d'un mouvement
naturel, d'un acte réfléchi de la volonté, d'une inspiration
divine , de toutes ces causes réunies , elle reçoit, dit-il , d'une
opération invisible et efficace de Dieu , le mode et le mouve-
ment, modum et motuni ; de manière pourtant que le mode
n'est véritablement de Dieu que lorsqu'il est conforme à
l'oi'dre, et que, si le mouvement est joint à une intention
vicieuse, l'intention est toute entière de l'homme, le mouve-
ment seul fut de Dieu^ » Motus intention/s prai'œ , et ah
ipso habet quod motus est , et ab ipso non habet quod pravus
est. La fin du troisième verset : « N'avez- vous pas vu celui
que mon cœur aime ? » le mène à nous parler des différentes
manières sous lesc[uelles Dieu peut être aperçu , et de la
transubstantiation en particulier. « Quoi de plus nouveau,
dit-il dans son septième discours, que de voir changer la
matière et rester l'espèce ! L'ancienne forme subsiste , mais
c'est vine nouvelle grac«, puisque c'est une substance nou-
velle; nouvelle, non en soi, mais dans cette espèce même :
Nova gratia , quia nova substantia ; nova qmdeni non in se,
sed in hujusmodi specie. Il est nouveau en effet que la chair
purifie lame ; il l'est de voir changer la substance naturelle ,
comme il arrive au pain par la bénédiction du sacrement. »
Gilbert traite encoie. dans les discours suivans, toujours
GILBERT DE HOILANDIA. 46a
en reprenant les mots des versets du môme chapitre, de xii Sieci.e.
l'ame humaine de Jesus-Christ , de la virginité de sa mère ,
de lincarnation , de la rédemption , et de plusieurs autres
sujets qui sont les fondemens et les mystères de la religion
chrétienne. La partie morale du christianisme ne l'occupe
pas moins que sa partie dogmatique. Il revient sur-tout fïé-
c]uemment a l'éloge de la charité , à toutes les vertus qu'elle
produit , à l'inutilité des autres vertus sans elle , à l'associa-
tion qu'elle fait de l'homme à Dieu. La manière dont on doit
lire les livres saints , la manière dont en doivent faire visage _ . "■"• *^'^"'''
ceux qui sont chargés d'instruire les autres , sont l'oJjjet
princijjal de cjuelques-uns de ses discours, et les prédicateurs
reçoivent de lui des conseils excellens. Il n'en donne pas de
moins bons aux ecclésiastiques qui se laissent entraîner à la
vanité ou à l'oisiveté , ou bien qui préfèrent les occupations
temporelles avix soins dont leur état devrait les occuper sans
cesse.
Dans le trentième discours, l'auteur déplore les divisions
et les schismes dont l église est déchirée. C'est à l'occasion
du neuvième verset du cjuatrième chapitre , où l'époux dit à
l'épouse : k Vous êtes devenue maîtresse de mon cœur par
un seul de vos regards , par un seul des cheveux qui flottent
sur votre cou : » Vulnerastl cor meiiin in uno oculorwn tuo-
Twn et in uno crine colli tui. « Hélas , s'écrie Gilbert , ces
<;heveux de l'épouse , ils sont arrachés aujourd'hui ! L'un et
l'autre ( il veut parler d'Alexandre et de Victor qui se dispu-
taient la papauté ) , l'un et l'autre ils prétendent être le che-
veu qui pend du cou de l'épouse , >) utrique a sponsœ collo
pendere se jactant. En accorcTant la préférence à Alexandre,
il se plaint néanmoins assez vivement de ce que ce pontife
souffre dans l'église un trafic scandaleux, de ce qu'il l'auto-
rise par sa propre conduite à l'égard des schismatiques :
Quia vendis quod ipse condemnas , lui dit-il? Si schisniaticos
reputas qui a te separdti sunt , non dehueras pretio inductus
errons sui illis pennisisse licentiani : si Pétri sedeni succéssionis
Jure tenes, cur non Pétri sententias vendicas in eos quos
schisniaticos arhitraris ? pegunia, inquit , tua tecum sit iisr
PERDiTioNEji. (Actes des Apôtrcs, chap. i8, v. 20.)
L'auteur exprime , dans le quarante-unième discours,
beaucoup de regrets sur la mort d'Aëlrède , abbé de Rieval ,
dans le diocèse d'Yorck, en Angleterre, et il en feit le plus
pompeux éloge. Le verset qu'il commente avait dit : « J'ai
Tome Xlll. Nun
466 GILBERT DE HOILANDIA.
XII SIECLE, recueilli ma myrrhe avec mes aromates; j'ai mange le rayon
Cant.descant. avec moii miel. M Cette double allégorie , suivant Gilbert ,
cap. 5, T. ij. s'appliquait également à Aëlrède; on voyait également en lui
et meUis favlun et myrrhœ fascicidum cum atvmatibiis bonis.
Il ajoute même : Sermo ejus , quasi cereus, rnelleani effundc-
hat scientiam.... Benè Javus , quia sinceiis undique couipositus
et consitus cellis , in on/ni actu , sermone et gestu , internée
putahatur dulcedinis mella sudare.
L'homme pieux , le moraliste sévère et le théologien ins-
truit se montrent en général dans tous les discours de Gil-
bert. Le style n'en est pas sans quelque mérite , quoiqu'il
soit ordinairement diffus, apprêté, quelquefois même un
peu déclamatoire. Ils n'ont guère moins d'élévation , de subs-
tance et d'onction que ceux même de saint Bernard ^ dit
Mabillon dans la préface du cinquième tome des œuvres de
l'abbé de Clairvaux. Henri de Gand les trouvait au contraire
Rernardi eJoquentiœ et sensibus inipares. Eâdem methodo ,
Script. Ecclcs. si non eâdem eloquentiâ ac dulcedine^ dit Oudin. On peut
't ^xT' ■\' ^*^" encore ce qu'en dit l'annaliste de Cîteaux, Maurique, sur
'^" ^' l'an 11 53. L'auteur s'était si bien pénétré de la manière de
son maître, ajoute Mabillon, qu'il l'a imité sans effort. La
meilleure édition est celle qu'en a donnée le savant bénédic-
tin , à la suite des ouvrages de saint Bernard. Les discours
de Gilbert avaient été revus sur un ancien manuscrit de
l'abbaye de Vauclaire , et purgé de beaucoup de fautes. Ma-
v.aiissiOudin, biilon indique même plusieurs autres manuscrits.
t. II,]). i/,84. Qj^ g encore placé, dans les anciennes éditions de saint
Bernard et dans celle qu'en a donnée IV'abillon , quelques
traités ascétiques de Gilbert, pi'écédés de quelques épîtres.
La première de ces épîtres est adressée à un frère Richard :
on y voit que l'auteur l'avait offensé par des discours inju-
rieux , et que Richard avait tout pardonné. Gilbert admire
et loue cette générosité , et elle ajoute beaucoup au regret
cjuil éprouve de ce que lui-même appelle son iniquité. Il est
diilicile au reste de s'accuser et de se rétracter avec plus
d'abandon et de force que ne le fait l'écrivain.
Dans l'épître suivante, il exhorte un de ses amis, nommé
Adam , à embrasser l'état religieux , à quitter , pour une
science plus élevée , les études profanes , à entendre la voix
de Dieu qui l'appelle.
La troisième est adressée à un religieux dont le nom était
Guillaume. 11 l'engage <à fuir la cour; il lui fait sentir com-
GILBERT DE HOILANDIA. 467
bien elle est dangereuse pour la perfection chrétienne ; il xn SlECllg.
vante beaucoup la vie religieuse, tout en censurant, non
sans quekpie amertume , les moines qui se laissent entraîner
par les usages et les vices du monde.
Dans la quatrième, qui est fort courte, il se plaint de quel-
qu'un qui 1 avait importuné de ses demandes , et qui se plai-
gnait de son silence : « J'ai mieux aimé, lui dit-il , vous
refuser en me taisant que par mes discours : » Silentio inagis
quain sennone negare volai.
I^a contemplation ou la méditation des choses divines est
l'objet de quatre dissertations qui suivent. La première est
envoyée à un ami, désigné seulement par l'initiale R, qui
semble indiquer Roger; sa lecture montre suffisamment que
cet ami était "un religieux.
Après ces quatre traités, on trouve une épître dans laquelle
l'auteur s'était proposé d'expliquer ce passage d'un apôtre :
Onine datum optimum et oinne donum perfectwn desursiim
est, descendens a pâtre luminum. Mais la plus grande partie
de cette épître ou de ce traité manque dans le manuscrit
d'après lequel on publie l'ouvrage , qui , par cela même ,
est bien incomplet.
Suit une dissertation ascétique sur les mystères de la
rédemption des hommes, et une autre, sous la forme d'épître,
adressée à Roger. 11 parait que celui-ci était devenu le chef
d'un monastère, et qu'il n'était pas sans quelque inquiétude
aiu' les obligations que ce titre imposait. Il le conservera
pourtant si Gilbert le lui conseille; Gilbei't l'y exhorte en
effet. L'épîti'e a deux parties ; l'exhortation ou le conseil
d'accepter est l'objet de la seconde : dans la première , l'au-
teur exerce contre l'ambition et les ambitieux une censure
très-sévère ; il se plaint de ce qu'elle est devenue une maladie
universelle; ses racines croissent jusque dans les déserts,
au milieu de ces solitaires dont le fiont est pâli et le corps
desséché par les jeûnes et les macérations; l'ambition pénétra
dans le paradis même; et des anges dont le ciel devait être
peuplé, furent livrés par elle à une épouvantable destinée.
Un discours incomplet sur la semence de la parole de Dieu,
termine lu réunion de ces petits ouvrages de Gilbert.
Lelong, dans sa Bibhothèque sacrée, Manrique, dans ses P. 744-
Annales de Cîteaux, sur l'an 1 166 , Pitséus, daiîs son ouvrage ^- ^*^
sur les écrivains illustres d'Angleterre, lui attribuent encore ' * ^'
quelques écrits, tels qu'un commentaire sur les Psaumes,
Nnna
468 GILBERT DE HOILANDIA.
Xn SIECLE, un commentaire sur saint Matthieu , un autre en quatorze
livres sur les epîtres de saint Paul , un autre en un seul
• • livre , comme les deux premiers , sur 1 apocalypse de saint
Jean ; une Vie de saint Bernard , etc. etc. Mais il y a lieu de
Script, m. et douter c[ue ces ouvrages soient de lui. Fabricius lui en attri-
"165' * ' ^^^^ également plusieurs dont il n'est pas assez probable que
Gilbert soit l'auteur. La Vie de saint Bernard lui est égale-
p. 480. ment attribuée par Harpsfeld , dans son Histoire de l'église
Liv.ll,c. i6, d'Angleterre ; par Vossius, de Ilistoncis latinis; par Possevin,
^T.l^p. 6i3. dans son Apparatus sacer : mais ils ont vraisemblablement
A'.Mabill.Préf. confoudu l'ouvrage et l'auteur avec le livre premier de la
du t. ii^de s. Yig de saint Bernard, composée par Guillaume, abbé de
Script. Eccies. Saint-Thierry; ou, comme le prétend Oudin,.avec Geoffroi
t. II, p. 1484. de Clairvaux. ■'
Le commentaire sur le Cantique des cantiques n'est point.
Script. Eccies. comme le dit Trithême , l'achèvement du travail commencé
P' 9^* par saint Bernard : Gilbert, ainsi que nous l'avons déjà ob-
servé, n'est point allé au-delà du cinc{uième chapitre, mais
il a eu un continuateur; c'est un abbé dont le nom n'est
Snppl. Pair, marqué que par la lettre G. Le père Hommey suppose, avec
p. 2j3ei 254. assez de vraisemblance, que ce doit être Guillaume-le-Petit,
abbé du Bec, lequel mourut en 1211 , quarante -neuf ans
après Gilbert , selon la chronique de cette abbaye. Ce
Guillaume, du moins, est véritablement l'auteur d'un com-
mentaire sur le Cantique des cantiques. Voyez la Bibliothècjue
P- 894- sacrée du P. Lelong , qui , du reste , avance un peu trop peut-
être l'époque où fleuvit cet écrivain , puisqu'il désigne l'an-
An 1210, p. née I iTO. Pitséus attribue la continuation cfu travail de saint
=76- Bernard et de Gilbert à Jean de Forde.
Lipen. Eibl. On a imprimé séparément à Florence en i485 , et à Stras-
Tbeoi. t. I, p. Jjourff en i4q'7i les quarante-huit discours de Gilbert, qui
deScr. inSair! lorment le commentan-e sur les trois chcipitres du Cantique
Script, p. i53. des cantiques. Ils sont joints à ceux de saint Bernard, dans
Lipenius , p. IVdition séparée aussi qu'on a donnée de cet ouvrage de
l'abbé de Clairvaux, à Paris, en i586. Ils sont d'ailleurs dans
toutes les collections de ses œuvres.
C'est lui sans doute qui est cet abbé Gilbert, un des
trente-un auteurs dont Ottmar Luxinius s'est servi pour
composer son grand ouvrage intitulé Alle^oriœ siiniil et
Tropologice in îocos utriusque testa menti , imprimé pour la
seconde fois à Paris, en iby4-
Il ne faut pas le confondre avec un autre du même nom ,
GODESCALC, ÉVÈQUE D'ARRAS. 469
abbé de Saiiit-Nicolas-aux-Bois, mort en iif)4 ou xi55, xil siècle.
dont on ne connaît aucun écrit. Baronius rapporte, dans '
ses Annales, une sentence motivée, prononcée en 1176,
contre des hérétiques de la province de Toulouse, appelés
Bons-hommes, par Gilbert, archevêque de Lyon. La sentence
est de 1 1 Q^^ et non de 1 1 7G, ainsi que l'a remarqué le P. Labbe, T. vi, part.
dans les ^4cta conclliorum. ; mais d'ailleurs l'jirchevêque de '^'' '
Lyon , à cette époque , s'appelait Guichard , et non pas Gil-
bert , comme on le voit au tome IV de la France Chrétienne. P- 129.
P.
GODESCALC,
ÉVÊQUE D'ARRAS.
(joDESCALC, né dans le Brabant, on ne sait en quelle Bibi. Piœm.
année, embrassa de très-bonne heui^e l'état rehgieux. En P- ^o^— Gaii.
II 34, il fiit fait abbé de Saint-Silvin. Dans la suite, il devint p. in^.^-J diI
d'autres placent cette élection en i i5o. Mais on a une charte in s. Bern.
de Godescalc, datée de i io3, cinquième année de son epis- ,H. ■ ^^~
^ ^ .-1 r . ce ^ \- • • T> 1 •' terl. Cliron. Ca-
copat; et, su tant en etret lire ici avec Baluze cinquième merac. Autben.
année , Godescalc aurait commencé à gouverner l'église d'Ar- t. xiii , p. 5oG
ras en 11 4.9 ^u moins. Alvise, son prédécesseur, était mort '|"p^'^" '^^ ^*'
en 1 148, dans la Palestine. Cette charte garantissait à Robert, Bahiz. Miscel.
chanoine de Reims, et à son frère Ermenfrid certains droits t. v,p. 442.
fort peu importans aujourd'hui. En la même année 11 53,
Godescalc souscrivait aussi une charte de Samson , arche-
vêque de Reims, en faveur de l'abbaye de Saint- Rémi.
L'évêque d'Arras eut à discuter avec son clergé, avec les
moines de Saint-Vast , avec le comte et la comtesse de
Flandres , quelques intérêts particuliers que nous nous abs-
tiendrons d'exposer. Toutefois, le pape Eugène III s'en mêla,
et, depuis i i5i jusqu'en 1 153, écrivit, sur ces affaires, sept
épîtres qu'on peUt lire en divers recueils. Baluz.Miscei.
Le seul titre qu'ait Godescalc à figurer dans une histoî'rè' !lj[ec^desHi's't
littéraire, c'est, un écrit qu'il remit au pape Eugène III, de Fr. t. xv,
470 VARMER, P. LONGATOSTA, POET. FRANC.
XII SIECLE, en 1x46, et dans lequel, sur l'invitation de ce pontife, il
p.467.46«,47Q, examinait la doctrine de Gilbert de la Porëe. Nous n'avons
itëo, /,8i. point cet écrit , mais Eugène III, dans une de ses lettres, loue
\ iiiefore , Vie [g ^èle dc Godescalc contre les hérétiques. Saint Bernard
de saint Jiein. i i i ■ i > i ^ / a m i' ii
p. /,7g. parle de lui dans quelques-unes de ses epitres; il 1 appelle
Martène , un homme religieux et saint , un vénérable abbé , un évëque
f T''"6î?"' simple et droit.
BeTn.ep^i'ii,, Trois lettres du pape Adrien IV, dont deux sont adres-
253,284. sées, en ii56 et ii57,à Godescalc lui-même, concernent
Rec. desHist. ^^ démêlé entre ce prélat et le chancelier Hugues. Des ma-
p.679, 680. ' ladies et peut-être aussi d'autres causes obligèrent Godescalc
Maniiq. adan. de quittcr SOU évèché en II 5y, selon Manrique, Ferri de
1157, t. II, II. Locres et Meyer; en ii58 selon plusieurs autres, en ii63
Waterl. dans sclou la chrouiquc Contemporaine de Waterlos. Il existe ,
leRec.desHist. sur Cette abdication, et pour l'approuver, une épître
de Fr. t. XIII , d'Alexandre III, adressée en 1 164 à Samson, archevêque de
^ Rec.desHist. Reims. André de Paris, de l'ordre de Citeaux , fut élu pour
de Fr. t. XV, succédcr , commc évêque d'Arras, à Godescalc, qui demeura
P- "^^- . vraisemblablement abbé du mont Saint-Eloy. Du moins la
t. lllYp. 64»-'^ chroniqiie de Saint-Bertin ne lui donne de successeur dans
cette abûaye qu'après sa mort, qu'elle place en 1 172. D'autres
disent qu'il mourut en 1 1 70 , le 7 août. D.
YARNIER,
PIERRE LONGATOSTA,
POÈTES FRANÇAIS.
VARNIER.
c.
lE. poète ne nous est connu que par le Catalogue des ma-
nuscrits de l'abbaye de Saint- Evroult, dressé par dom Julien
Biaise , et qui est bien plus étendu que celui qui est imprimé
p. laCy. dans le Bibliotlieca Biblioth. de Montfaucon. Au n" 127 des
manuscrits in-^" , dom Julien désigne ainsi l'ouvrage de
Vaniier : « La Vie de saint Thomas , maityr , archevêque
RAMBAUD D'ORANGE. 4ji
« de Cantorbe'ry, en vers français anciens; composée, deux Xll siècle.
« ans après sa mort, par un auteur qui alla exprès à Can-
ta torbéry, et qui se nomme, au pénultième feuillet, Vafniier,
« clt-rc du Pont , ou P aniier du Pont, clerc. » Ce surnom
du Pont n'indique pas d'une manière précise la ville où il
était né. Ce pouvait être à Pont en Saintonge , à Pont sur
Yonne en Gâtinois,à Pont-Sainte-Maxence en Picardie; et,
dans la seule Normandie, à Pont-Audemer, au Pont-l'Évêque,
ou au Poht-de-l' Arche. Quoi qu'il en soit, Thomas de Can-
torbéry étant mort en 1x70, cette Vie, d'après la note de
dom Julien, dut être écrite en 1 172. La Bibliothèque impé-
riale ne possède pas cet ouvrage. Montfaucon semble en faire Bibi. BUil. t.
mention lorsqu'il indicjue : Garnerii poëjnata gallica , dans i'P-5i4 D.
la Bibliothèque Ambrosienne de Milan.
PIERRE LONGATOSTA.
Cet auteur, né en France, devint chanoine régulier de
Bridlington, en Angleterre. Il a traduit en vers français une Baleus,Scnpt.
autre Vie de saint Thomas de Cantorbéry, composée par ^" Bntami. p.
Herebert de Bosham, secrétaire de ce même prélat, et doit ^Locodt.Oes-
avoir fait cette traduction quelques années après la canoni- ner,p.67 5,coi.
sation de saint Thomas , i ibo. Les circonstances de la vie de «-«'"'UCavc,
ce poète sont inconnues. Les biographes ont à peine fait calimirOmL"
mention de lui, et se contentent de le citer en parlant de 1. 11, col. iSiô!
Herebert de Bosham. La Bibliothèque Impériale ne possède ^rig. 1182.
pas cette Vie de saint Thomas, et Montfaucon n'en a point BiM. Bibi.
parlé. G.
RAMBAUD D'ORANGE.
•
l L n'y a rien à tirer de Nostradamus pour l'histoire de ce
troubadour. Son article est plein de contradictions et d'ana-
chronismes. Les 'manuscrits provençaux contiennent de lui
vingt-huit pièces, mais se taisent sur sa vie et sur sa per-
sonne. L'historien du Languedoc, dom Vaissette, fournit seul
«quelques particularités dont voici les principales.
R.ambaud d'Orange était fils de Guillaume d'Omelas , de
4-2 RICHARD DE S MXT-VfCTOR.
xn <;ir/:LE. Ja rn:ti->on de .Monfpellif^r. <;t df* 'liinir;z<-. fill<* uriicpio de
Thibaud , comte d Orari^f, qui mourut daii-> une expi-ditioii
à la Terre-Sainte. Rambaud partagea la principauté d'Orange
avec son frère Guillaume, ajjrès la mort de Tiburge , leur
mère. Il en prit alors le nom. au lieu de celui dOmelas,
. qu'il avait porté jusqu'alors ; et il fixa sa résidence à Courte-
son, petite ville de cette principauté. Il cultiva la poésie;
mais, au lieu du style naturel de la plupart di-s troubadours,
et de la délicatesse dont plusieurs se piquaient dans leurs
sentimens, ce qui reste de ses chansons est écrit dans ua
style pénible, nulc . presque barbare, et ce sont les goûts
du l)bertina"e quil y exprime, bien plus que les peines ou
les plaisirs de l'amQur.
Il fut cependant amoureux et aimé de la comtesse de Die ;
H.dtiTioiiL. Millcjt pense que ce fut celle qui épousa Guillaume de Poi-
fcl, p. 170. ilf^rs , tige des comtes de Valentinois et de Diois, du nom de
Poitiers, flr-nt Ja dernière branche s'est éteinte dans le der-
nier siècle. Klle était poète elle-même; elle a laissé quelques
poésies plus naturf.-lles et plus claires que celles de son amant,
et dans lesquelle-, on p. ut même dire qu'elle s'exprime quel-
quefois avec trop de clarté ou trop peu de retenue. >iOUS
reparlerons d'elle en pariant d une autre comtesse de Die.
Rambaud d'Orange mourut à Courteson, vers l'an ïi'j'5.
G.
RICHARD DE SAINl-YICTOR.
§ I".
SA VIE.
JvK.iiAi'u était ne en Ecosse, mais il vécut et mourut en
,s.-Fùi.aUtéie France, dans l'abbaye de Saint-Victor à Paris. Il y fit pro-
dcsf-iœuvr.e . fg^^JQ^j sous l'abbé Gilduin, premier abbé de ce monastère,
her. 1. 1, II. lî. et y reçut les leçons du célèbre Hugues dcSaiiit-V ictor. En
— Konig. p. souscrivant en iiôg un accord entre cette communauté et
691.— Pagi, Prédéric, seigneur de Palaiseau, Richard prt?nd l.i qualité
ad ann. ni!,, . • n 1 • /• ' , ' ,•
n.4i,»-tadann. ue sous-pneur. Il (livir/t piiein^ en iiu^i, et sacfjuilta lort_
»i4o,n. 8. — honorableiueal dune ionetion que lus circoustauces ren-
r/ta RiiJi. a
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 473
daient difficile. L'ahbc, qui s'appelait l'irvisiiis, n'était ni ini XII SIFCLK.
moine ediliant, ni un vigilaiitadministratein-; Alexandre III, u. (;anil;iv. de
dans une de ses lettres, en parle eon)ine '\i/n antre Ccsar, Sdipi. r.ccl. c.
qui disposait de tout selon ses caprices, qui me'prisait les ^/'jT, ' "^(i",^,.!
statuts, et (pii , loin de profiter des réprini indes pontificales ,.ici cinon. aj
que lui avait attirées sa néj^tij^cnce , se niontiait de pins en ann. nKi. —
plus incorrigible. Alexandre avait été témoin de ce désordre, ^;'!"'' "^^"î;'''''-
et avait en occasion de reconnaître, dans ial)I)aye de aamt- ,(;,,fi. _ ui,
Victor, l'indif^nité de l'ablM? et le mérit(; éminent du prieur. Jioulay , llisi.
Rieliard édifiait ses eonfières par sa piété, illes éclairait î,'"'^' ''^'''*',,''
par ses ouvrages, dont les rehi^ieux étrangers lui dcman- ;^o<),Ho/,-3o6,
daient avidement des copies, (iuillaume, prieur d'Ourcamps, ''>^'>^, '•f'i. 4<'-^,
ordre de Cîteaux, écrit y lîicliard pour lui annoncer qu'il 77°) 77'' ';''-•
lui en renvoie quelques-uns, et pour le prier de lui en com-
muniquer un autre, savoir, celui qui a pour sujet le songe
de Nabuchodonosor. Garin, prieur de Saint-Alban , désire Diulir-snc ,
avoir une liste complète de ses productions. Jean , sous- ■'><''-J''"'-<'""'<--
\ n\ ■ r T>- 1 1 1 ' .< t. IV, p. 757.
prieur de Liairvaux, supplie Kiciiard de composer une prière ji,i,i, j,. ^/,-,
au Saint-Esprit : « Ecrivez-la , lui dit-il , selon la science et
le jugement dont l'Esprit-Saint vous a doué; qu'elle ne soit
ni trop courte, ni trop longue, en sorte (pie je; puisse l'ap-
prendre par cœur, et l'adresser au Saint-Esprit au moins une
ibis par nuit ou par iour. » Duchesne a publié neul" autres '''"'• P' 7'i >•
lettres eciites a nicliard par divers religieux : quoupie lort _s„ -eV,.
courtes et peu importantes en elles-mêmes , elles concourent
à montrer que R.i(liai(l jouissait de l'estime de ses contem-
porains. On dit que saint Bernard lui-même consultait Irc-
quemment le prieur de Saint-Victor: du moins, Baroniiis An". Kcdos.
et Manrique ont cru trouver, dans les écrits de Richard, ■"'»""• "'t^-
J ^ J 1' V ' • r • •. ' r H ' 1 r^l • Annal, (lil.
des preuves de iamitie qui 1 unissait a labbe de Liairvaux. a,i ann. ii/,o,
Qui'hpies critiques ont peiis(' qu'il s'agissait dans ces textes lib. IX, ".«-»•
d'un autre Bernard. Nous reviendrons sur cet article en par-
courant les œuvres du Victorin. Ici, nous devons ajoutrjr
qu'en 1171, lorsque Tliomas Becket vint à Paris, Richard
était encore prieur de Saint-V^ictor , et continuait de se voir
distrait de ses études par les chagrins que lui causait la mau-
vaise conduite d'Ervisius. 11 fallait sans cesse maintenir la
règle de l'abbaye contn; l'abbc*; et, dans ce soin .si pénible,
le prieur était fort peu soutenu par h's anciens de la maison.
Mais enfin le pape Alexandre 111 chargea les archevêques de Alex, m, op.
Sens et de Bourges d'e visiter l'abbaye dv Saint-Viétor , et f ^"l; ''"' '"'^''-i'
1, '11-11 1 T' I • • l. n , 007 , floi.
a y rétablir le bon ordre. Lun de ces commissaires re^jut _irabbc,Coiic.
Tome Xill. Ooo
4-4 RICHARD DE SAINT-VICTOR.
xll SiECLE. alors de Maurice, évèque de Paris, une lettre où ce pre'Iat
t. X, col. i32o, dépeignait Ervisius comme le persécuteur des membres les
i3ai. — Mail, plus recommandables de cette communauté. Les deux arche-
t. VI "col. 2'ô ^'^'^J'^^^^ remplirent leur mission , et , vers les fêtes de Pâques
— Rec. des H. de l'ail 1 172, ils obtinrent de labbé une abdication qui fut
de Fr. t. XV, appelée volontaire. Ervisius se vit remplacé par Guérin , sous
P- 9 > 99- l'administration duquel il fut fait, entre les chanoines de
Saint-Victor et ceux de Saint-Cosme de Liizarches, une tran-
saction que signa le prieur Richard. Richard vivait donc
encore en i lya. Mais, dès les premiers mois de l'année i I74i
c'était Gautier qui remj)lissait à Saint-Victor la fonction de
prieur. On en peut conclure que Richard mourut en i ly'ù (a),
sans doute le lo mars , jour auquel se trouve placé son anni-
versaire dans le nécrologe de l'abbaye. Ce nécrologe loue
Richard comme un digne prieur cpii , par ses bons exemples,
par la sainteté de ses mœurs , par la beauté de ses écrits , a
laissé les plus, honorables souvenirs. Il fut enterré dans le
cloître , auprès de la porte de 1 Aumône. Guillaume de Saint-
ante encore
ee en i oo i
it sur une
N. Gall. ciir. lame de cuivre , dans le cloître de ce monastère.
t. VII, p. 66g.
— Dubois, Hist. jir ■/ ••"»•• 7
P.nris. Eccl. lib. Moribiis , ingenio , aocfnna clarus et arte.
III, c. 7. — Cor- Puh'ereo hic tegcris , docte Richarde, situ.
'i^^p ', 'l'^l' Quem tellus genuit felici Scotica partu .,
I\, .fol. ;■)". Tejbi'et in gremio galUca teiTa siio.
jMI tibiparca fsrox nocuit , quœ stamina parvo
Tcmpove tracta, gravi rupit acerha manu,;
Plurima namque tui superant monimenta laboris ,
Qtue tM>i perpetuum sint paritura decus.
Seg/iior ni lento sceleratas mors petit œdes ,
Sic propero niniis it sub pia tecta gradii.
(a) M. Brial (Rec. des Hist. fie Fr. , tom. XV, p. 88) place sous l'an-
née 1170 une lettre d Alexandre III ad Robertitm priorem S. P'ictoris
Parisiensis ; et Ion en pourrait inférer quen iijo Richard n'était plus
prieur, et même .qu'il !ie vivait plus.- Cette lettre est datée de Venise;
et, comme le pape Alexandre III n'a pu écrire de cette ville qu'en 1 177,
M. Brial pense qu'il faut lire rendis au lieu de Fenetiis. En adoptant
celte correction, nous en proposerions une autre qui consisterait à chan-
ger dans l'intitulé Robertum en Richardum : car on a toutes sortes de rai-
sons de croire que Richard était prieur de Saint-Victor en 11 70.
RICHARD DE SAINT-VICTOR. ^yS
XII SIECLE.
§ II.
SES ÉCRITS.
On connaît sept éditions du Recueil des œuvres de Richard
de Saint-Victor. La première, publiée à Venise en x5o6, in-S**,
est fort incomplète. La seconde , in-folio comme les trois Panzer. Ann.
suivantes, parut en i5i8 à Paris. La troisième est de Lyon, ^yP".^'''-^^i^'
en i534; la quatrième de Parisien i55o; la cinquième de '' parù iSiS
Venise, en i5f)2 : la sixième est in-4*^, à Cologne, en 1 62 [ ; et chez And. lion-
la dernière, qui parut à Rouen, cliez Jean Berthelin, en id5o, ^^'^- Pa"^- A"-
in-folio, est aujourd'hui la seule dont nous fassions usage, p.^40.^'
auoiqn'elle soit peu correcte, et dépourvue de tout genre Lyon,i5'î/, ,
'éclaircissemens : mais les précédentes , qui ne sont pas plus '^^'^^ Nie. Petu
riches, sont encore plus fautives. Cette édition de i65o s'an-
nonce comme revue et corrigée par les chanoines réguliers
de Saint-Victor de Paris. On ne la doit pourtant qu'aux soins
de l'un de ces religieux, savoir du frère Jean de Toulouse,
qui a placé à la tête du volume une vie de l'auteur, tirée,
dit- il , des manuscrits et des chartes de l'abbaye.
Nous allons suivre , en rendant compte des œuvres de
Richard , l'ordre établi dans cette édition.
I. De Exterminatione inali et promotione boni; des P. I, p. 1-23.
Moyens d'extirper le mal et de propager le bien. Ce traité
se divise en ti^ois sections , dont la première contient dix-
neuf chapitres , la seconde quinze , la troisième dix-huit :
mais ces cinqiiante-deux chapitres ne nous offrent qu'une
longue paraplirase du cinquième verset du psaume 11 3. ,
Qiiid est tihi , mare, qiiod fugisti , et tu, Jordanis , quia
conversiis es retrorsiiniP « O mer, pourquoi as- tu pris la
fuite, et toi , Jourdain , pourquoi es-tu retourné en arrière? »
Ce verset, qui sert de texte à tout l'ouvrage, y amène des
allégories sans noml)re, qui toutes pourtant aboutissent au
même résultat moral, savoir, qu'il faut se commander des
efforts, et se résigner à des afflictions, si l'on veut acquérir
ou conserver la vertu. Il n'y a point, pour l'auteur , de morale
sans piété, point de piété sans idées mystiques, point de
mysticité sans allégories. Quoique ce traité occupe ici la pre-
mière place , il n'est pas le prc^mier fruit de la plume de
Richard, puisqu'il y cite un livre, oii il explique, dit-il, ce P- 18.
qu'il pense des douze enfans dé Jacob. C'est le livre intitulé
O002
47^ RICHARD DE SAIîN'T-ViCTOR.
Xil SIECLE. Benjamin minor, que nous rencontrerons liientôt sous le
] ~ "" *^-
p. 2?. -45. j[_ D^ Statu Jwminis interioris ; de l'Etat de l'homme inté-
rieur. C'est, comme le prologue l'annonce, une explication
de ces paroles d'Isaïe : yl planta peduni usqiie ad verticeni
non est in eo sanitas : « En lui , de la tête aux pieds , rien
n'est sain. » L'auteur avoue qu'il a parsemé son livre de
longues digressions; il a fait comme un voyageur qui alonge
exprès sa route, pour visiter et admirer d'agréables environs.
Impuissance , ignorance , concupiscence , voilà la triple plaie
de riiomme, son triple vice: il en résulte trois sortes de
péchés, c'est-à-dire, des faiblesses, des errevirs, et des mé-
chancetés : il y fout opposer trois genres de remèdes, les
^ commandemens de Dieu, ses promesses et ses menaces. Telle
est la substance de l'ouvrage , qui se divise en trois parties.
Dans les ti'ente-sept chapitres de la première, il s'agit du
triple vice, dans les sept chapitres de la seconde, du triple
péché, et du triple remède dans les huit chapitres de la
troisième. Presque à chaque pas , fauteur met en pai allèle les
maux du corps et ceux de l'ame, ainsi que les moyens de
guérir les ims et les autres. Il serait possible de recueillir çà
et là , dans ce liyi'e , quelques notions de la médecine du
XIP siècle : on y voit, par exemple., que les médecins distin-
guaient trois esprits dans le corps humain , fesprit animal
qu'ils plaçaient dans la tête , l'esprit naturel dans le foie , et
1 esprit vital dans le cœur. Mais, sans nul doute, les trois
parties de ce traité sont beaucoup plus édifiantes qu'instruc-
tives, et l'on ne peut trop admirer le nombre prodigieuxde
pensées pieuses ou mystiques que suggère à Richard chaque
parole et presque chaque syllabe des versets 5 et 6 du pre-
mier chapitre d'Isaïe.
P^5. III. De Eniditione honùnis interioris; de flnstruction de
l'honnne intérieur. Ce troisième traité se partage aussi en
trois sections, où l'auteur explique successivement les cha-
pitres a, 4 Pt y du piopliète Daniel. C'est un tissu d'interpré-
tations tropologiques du songe de Nabuchodonosor et de son
histoire. L'auteur ne s'occupe aucrmement du sens historique,
qui est généralement connu, dit-il, et que d'ailleurs il ne
prétend point contester. Il J;rouve à chaque détail un sens
moral , et permet toutefois que l'on cherche encore d'autres
allégories que les sieimes. Mais enfin , selon lui , l'intention de
• l'auteur sacré a été de nous enseigner comment les gens de
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 477
hien abandonnent peu à peu la vertu, comment ils s'éloignent XH siècle.
de la pei'f'ection de la vie contemplative ou de la vie active,
par quels dégrçs ils tombent dans le précipice, et par quels
secours efficaces Ja grâce divine les relève. Les allusions et
les applications- fourmillent dans ce long traité. Richard ob-
serve , par exemple , qu'aussitôt que les gens de lettres
obtiennent un emploi considérable, parviennqpt à quelque
dignité éminente, ils abandonnent l'étude , et .perdent sou-
vent pour toujours le goût des travaux solitaires.
IV. Benjamin niinor; c'est une explication du verset 69 P- u4-
du psaume 67 : Ibi Benjamiii adolescentulas in mentis ex-
cessu : «Là, le jeune Benjamin en extase.» La prépara-
tion de l'ame à la contemplation ou à la connaissance de
soi-même est le véritable sujet de ce livre, qui a quatre-vingt-
sept chapitres. L'auteur y épuise toutes les allégories cjue
peuvent fournir les deux ferrunes de Jacob, ses deux ser-
vantes , ses douze enfans , leurs noms , l'ordre de leur nais-
sance, et chaque particularité de la vie de chacun d'eux. Il
en fait sortir un traité de morale mystique, où l'imagination
brille beaucoup plus que la méthode. Quoi qu'il en soit , il
n'est presque aucune cfe ces interprétations qui n'aboutisse
à quelque résultat pratique. L'auteur blâme , dans les écri-
vains de son temps, une attention trop scrupuleuse, s'il faut
l'en croire, à éviter les incorrections et les négligences : « Ils
sont, dit-il , bien plus honteux d'un barbarisme qui leur
échappe, que d'un mensonge qu'ils ont arrangé , et craignent
bien plus d'offenser les règles de Priscieu que celles de
l'évangile. Selon lui, la plus haute gloire à laquelle un mortel
puisse aspirer, est de convertir ses semblables , de les trans-
former d'enfans du démon en lîls de Dieu : un tel ministère
est à ses yeux le don le plus sublime , il le préfère au. don
des miracles, et même au pouvoir de ressusciter les morts.
Benjamin minor est celui des ouvrages de Richard qui a été
imprimé le premier, il en a paru une édition particulière à
Paris, en 1489, in-4", et il a été réimprimé à part dans la,
même ville, en i52 1 , in- 12. Le même ouvrage a été plusieurs
fois publié sous le titre de duodecim Patriarchis. '''i94i sine
V. On a donné le nom de Benjamin Major à cinq livres °11^ Ar'ent~
qui traitent aussi delà contemplation à l'occasion de l'arche raii, 'iîi.8",efc.
de Moïse, et dans lesquels l'auteur, qtie nous venons de trou- P- ''<7-
ver si habile en explications tropologiques , paraît s'être sur-
passé lui-même. Il n'omet rien de ce qui peut prouver que
4-8 RICHArxD DE SAINT-VICTOR.
XII SIECLE, l'arche de sanctification figure en effet la grâce de la contem-
plation; et, quoiqu'il ait employé tout le premier livre à
établir ce résultat , mécontent de son propre travail , et le
jugeant trop succinct, il annonce qu'il va traiter plus digne-
ment un si vaste sujet. Le voilà donc qui distingue six degrés
de contemplation : le premier, simple apprentissage, consiste
dans la considération et l'admiration des objets corporels
qui frappent .nos sens.; le second degré n'est encore que
l'étude des productions de la nature et de l'art ; le troisième
nous élève à l'oi'dre moral , à la méditation des lois humaines
et divines ; le quatrième à la connaissance des substances
incorporelles et in\'isibles, c'est-à-dire, de nos âmes et des
esprits angéliques ; mais , au cinquième degré y la raison
s'élance au-dessus d'elle-même dans la région des mystères,
et c'est enfin l'extase qui constitue le sixième et dernier
degré. Or il ne faut pas oublier que c'est toujours de l'arche
de Moïse que l'auteur tire tous les détails de cet ouvrage. Il
avoue qu'il a eu besoin de beaucoup de loisir pour le com-
poser, et il ne disconvient pas qu'il en faut beaucoup aussi
pour le lire. Ce traité a pour appendice une sorte de réca-
pitulation intitulée : Allégories du Tabernacle de l'Alliance.
Là , pour montrer coinment diffèrent entre eux le sens his-
torique et le sens mystique, Richard ftiit remarquer qu'il y
avait dans l'arche du bois et de l'or; le sens littéral est le
bois , et c'est incontestablement par l'or que le sens moral
est représenté. Il a paru une édition particulière de ce traité
en i494i i>i-4°7 et une autre in-8° sans date et sans indica-
tion de ville , mais avant la fin du XV*-' siècle,
p. 216. VI. Les six livres de la Trinité sont annoncés par un pro-
logue , où l'auteur montre combien la foi est nécessaire , et
comment elle est la base de l'espérance et de la charité. Il
distingue , en commençant le premier livre , trois moyens
d'acquérir des connaissances , l'expérience , le raisonnement
et la foi. A ses yeux , ce dernier moyen est le plus parfait.
, « Si vous ne cioyez pas , fait-il dire à Isaïe , vous ne com-
V prendrez point : » Si non credideritis , non inteUigetis. On lit
non pernianebitisdans la Vulgate, à laquelle les citations de
l'auteur sont rarement conformes. Il prétend que l'existence
d'un seul dieu éternel, tout-puissant, immense, ne saurait
être ï'igoureusement prouvée ni par des expériences, ni par
des raisonuemens : c est la foi seule qui peut nous en con-
vaincre. Cependant, quoiqu'il ait si peu de confiance dans
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 479
• les lumières de la raison , il n'en va pas moins disserter sur ^H siècle.
la double manière d'exister de toute éternité , de gemino
modo essendi ah œterno. Il distinguera l'existence éternelle
par elle-même de l'existence éternelle émanée d'un principe;
il rassemblera tous les raisonnemens qui peuvent nous élever
à la connaissance de l'être souverain , éternel par sa propre
nature, substance parfaitement une, dont toutes les perfec-
tions ne sont autre chose qu'elle-même. Il exposera, dans le
second livre, les propriétés de la nature divine; et, lorsqu'il
parlera de la.trinité dans le troisième, il établira que, sans
cette pluralité de personnes coéternelles , consubstantielles,
également parfaites, Dieu ne serait ni souverainement bon,
ni souverainement heureux. Il en conclura non seulement
qu'il y a trois personnes en Dieu, mais qu'il ne pouvait y en
avoir ni plus ni moins ; et il sera si pleinement satisfait de
ses argumens, qu'il ne craindra pas d'assurer qu'il faudrait
avoir perdu l'esprit pour oser les contredire.
Richard n'est pas si affirmatif dans le quatrième livre de
cet ouvrage; c'est du moins de la foi qu'il emprunte la cer-
titude des dogmes cju'il y expose. « L'homme, dit-il, ne
conçoit-pas aisément qu'il puisse y avoir plus d'une personne
où il n'y a qu'une substance ; et c'est de cette difficulté que
sont nées les erreurs des IWrétiques et des infidèles. Le cin-
quième livre traite des propriétés paiticuUères de chacune
des trois personnes; il s'agit, dans le sixième, de la manière
dont procèdent le Fils et le Saint-Esprit , et des raisons pour
lesquelles ces deux personnes sont ainsi dénommées. Chacun
des six livres a vingt-cinq chapitres. Dans le vingt-cinquième
du livre IV, l'auteur nous apprend que certains théologiens
de son siècle donnaient des corps aux anges du ciel.
Les six livres de la Trinité ont pour appendice un opus-
cule qui traite des attributs de chaque personne, et qui est
adressé à Bernard. Ce Bernard qui avait consulté l'auteur sur
des questions qui tenaient à cette matière, est-il le célèbre
abbé de Clairvauxl' C'est l'opinion de Baronius, de Man-
rique , de Dupin, et de l'éditeur des œuvres de Richard. Cette
hypothèse nous parait soutenable, mais nous devons avouer
quil n'existe , dans les œuvres de l'abbé de Clairvaux, aucun
vestige de ses relations avec lé prieur de Saint-Victor. C'est
sans doute en comptant l'opuscule dont nous venons de
parler, que Vincent de Beauvais dit que R.ichard a composé Spfnù. Hist.
un traite de la Trinité en sept, livres : Vincent ajoute cnYe i!>).xxviii,c.
48ô RICHARD DE SAINT-VICTOR.
xn SIECLE, c'est le principal ouvrage de Richard de Saint- Victor. Henri ( I )
Estienne (père de Robert) en a donné une édition particu-
lière in-4''i en i5io. Il en existe une autre de Nuremberg,
en i5i8, in-8o.
p. 27a. VII. Le livre de Verho incarnato est encore dédié à Ber-
nard, et répond à une consultation nouvelle adressée à l'au-
teur par le même personnage. « Vous ne rougissez pas , lui
dit Richard , de fatiguer mon incapacité. 3) Fatuitateni meani
fatigare non eruhescis. Ce traité de l'Incarnation du verbe
est en même temps une explication des versets. 1 1 et 12 du
chap. XXI d'Isaïe. « On me crie de Séir : sentinelle , qu'avez-
« vous vu cette nuit? sentinelle , que s'est-il passé cette nuit?
c£ La sentinelle répond : j'ai vu venir le matin et la nuit ; si
« vous cherchez , cherchez , convertissez-vous , et venez. »
L'auteur découvi'e la Trinité dans la tiiple répétition du mot
sentinelle ; et il prouve ensuite la nécessité de J'incarnatiou
par la prophétie de Balaam , par les sibylles, par l'autel con-
sacré au Dieu inconnu. Le style de ce livre est tolérable,
malgré l'affectation des cOnsonnances : nous y remarquons
l'expression in desperationis Charyhdini incidentes.
P. 280. VIII.. Deux livres intitulés de Emnianuele , offrent un com-
mentaire sur le texte d'Isaïe : Ecce Virgo concipiet. C'est un
traité polémique contre les Juifs, qui refusent de reconnaître
dans ce texte une prophétie de l'incarnation du Fils de Dieu.
IX. Sous l'étrange titre de Traité d'extraits, Tractatus
excerptionum , on a réuni f[uelques pages fort peu instructives
sur l'origine des arts , et sur les sciences divines et humaines,
d inutiles notions de géographie , et un abrégé historique de
l'Ancien Testament. Ces extraits se retrouvent dans un plus
long recueil , qu'on a mal-à-propos inséré parmi les œuvres
de Hugues de Saint-Victor, et dans lequel rien n'appartient
non plus à Richard, selon Bellarmin et Oudin. Ce dernier
est fort tenté de l'attribuer à un Richard de Cluni, qui écri-
vait vers l'an 1 180 ou 1 190.
p. 3i3. X. Le traité de Potestate ligandi et solvendi est beaucoup
plus moral que dogmatique. Les pénitens et les confesseurs
peuvent y puiser des instructions édifrantes , mais peu mé-
thodiques , et souvent interrompues par des digressions
oiseuses. Dupin suppose que Richard discute ici la question
de savoir si la puissance de lier et de délier , conférée à saint
Pieu-e, est la même que Jésus-Christ donne ailleurs à tous
XII. S. p. 728. ses apôtres et à leurs successeurs. Dupin ajoute que Richard
/
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 481
adopte sur cette matière le sentiment commun des scholas- xii siècle.
tiques du XII"^ siècle. On avait en effet proposé cette question
au prieur de Saint-Victor, ainsi qu'il nous l'apprend dans
les premières lignes de ce livre ; mais il s'abstient de la
traiter , de l'aborder même , et il est fort à craindre que
Dupin n'ait parlé de cet opuscule sans l'avoir lu.
XI. De Plagis, etc. « Des Fléaux qui viendront à la fin P- 337-
du monde. » C'est un discours ou sermon , qui a pour texte
ces paroles de l'Ecclésiaste : « Souviens-toi de ton Créateur
durant les jours de ta jeunesse » , et dans lequel il s'agit des
signes qui, selon la prédiction de Jésus-Christ, doivent
précéder la destruction de l'univers.
XII. Dans l'opuscule sur le Jugement final et généi'al, le P. 3;2.
but de l'auteur est de montrer comment, au dernier jour,
les apôtres jugeront en un instant, et avec une extrême faci-
lité, tous les humains, découvriront les secrets de toutes
les consciences , et détermineront la mesui'e précise des
récompenses ou des peines que chacun aura méritées.
XIII. Comme le précédent , le traité de l'Esprit de blas- P- 346.
phême n'occupe qu'environ quatre pages dans la collection
des œuvres de Richard. L'esprit de blasphème n'est-il autre
chose que le blasphème contre le Saint-Esprit .? L'auteur ne
décide point cette question : mais il incline à penser avec
son maître Hugues de Saint-Victor et avec saint Augustin ,
que la miséricorde de Dieu étant infinie, il n'y a point de
péché irrémissible.
XIV et XV. Deux traités des Degrés de la charité. Le P- "^^9-
premier , qui n'a c|ue quatre chapitres , est adressé à un reli-
gieux nommé Séverin , qui l'avait demandé à Richard , son
ami. L'auteur y explique , d'après saint Paul , les caractères
de la charité. Dans l'autre opuscule , il la met en opposition
ou plutôt même en parallèle avec la cupidité : comme l'amour
profane , la charité a quatre degrés ; elle blesse , enchaîne ,
fait languir et consume. Ces deux livres sont du nombre de
ceux qu'un compilateur du XIIP ou XIV*^ siècle a mis à
contribution pour en composer un traité de la Charité attri-
bué à saint Rernard.
X\I et XVII. Deux sermons, l'un pour le jour des P. 363.
Rameaux, l'autre pour le jour de Pâques. Le premier est
intitulé De gemino Paschate , « De la double Pâque , la
Pâque des fleurs , et la Pâque des fruits » . Le second sermon
Tome XIII. Ppp
482 RICHARD DE SAINT-VICTOR.
XII SIECLE, est une paraphrase de ces mots de saint Paul : Pascha
nostntni ininiolatus est Chnstiis.
P- 370. XVIII. Comment Rloïse divise- t-il les animaux en purs et
en impurs, quand il nous dit d'ailleurs que tous les ouvrages
de Dieu parurent excellens aux yeux de Dieu même ? Com-
ment saint Paul appelle-t-il azymes ceux qu'il exhorte à se
purifier du vieux levain ? Après avoir répondu à ces deux
questions qu'on lui avait proposées , Richard en élève trois
autres du même genre, et les résout, comme les deux pre-
mières , par des allégories morales. Les éditeurs , persuadés
que c'est à saint Bernard que s'adresse ici le prieur de saint
Victor, ne craignent pas d'ajouter à l'intitulé même du livre
le nom de l'abbé de Clairvaux; conjecture un peu bazardée,
quoique soutenue encore par Baronius et par Manrique.
p. 375. Le XIX*^ article n'occupe qu'une partie de la page Syô
de l'édition qui nous guide. L'auteur y -examine comment
le Saint-Esprit est l'amour du Père et 9u Fils, et pourquoi
l'on doit dire que le Père aime le Fils par le Saint-Esprit,
tandis qu'on ne dirait pas, selon Richard, que le Père est
sage par le Verbe. Nous observerons ici cju'on a dit plus
d'une fois, et qu'on dit encore que le Fils est la sagesse du
Père, sapientia Patiis.
p. 376. XX. Suivent deux pages sur la différence du péché mortel
au véniel. Un homme meurt coupable de deux péchés, l'un
du premier genre, l'autre du second : on convient qu'il sera
éternellement damné pour le premier, la question est de
savoir s'il souffrira pour l'autre quelque surcroît de châti-
ment. Au lieu d'énoncer sur ce point une opinion précise,
Richard commente ces paroles de 1 Ecclésiastique : Eleemo-
syna patris non erit in ohlwione , nani pro peccato matris
rcstituetur tihi honuiii. Il a été publié à Paris des éditions
particulières de ce vingtième article et du dixième, en lôaô,
in-12; en 1628; in-8°, en i534, in-12; en i543, in-i6.
P- 377- XXI. Du très-excellent Baptême de Jésus-C^irist. L'auteur,
engagé par un de ses parens à écrire sur ce sujet, avoue
qu'il se sent peu capable de le traiter. Aussi en sort-il le plus
qu'il peut; et cet opuscule de quatre pages est rempli de
digressions sur l'immensité de Dieu, sur fincarnation , sur
le Saint-Esprit, sur les effets du baptême. Ce que l'auteur
recherche le plus attentivement , c'est de savoir pourquoi le
Saint-Esprit s'est transformé en colombe plutôt qu'en tout
autre oiseau. Or ce choix est venu de ce que la colombe était
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 483
le plus sensible et le plus juste emblème de l'union des xil SIECLE,
cœurs et de l unité de la foi.
L'art. XXII est un sermon sur le Saint- Esprit, sans doute p. 38o.
pour le jour de la Pentecôte.
Dans l'art. XXIII , qui n'a qu'une demi-page , Je'sus-Christ P- 385.
est comparé à la fleur, et Marie à la branche: c'est un tissu
d'antithèses d'assez mauvais goi^it.
XXIV. Explication de ces mots d'Isaïe : Rodix Jesse stat P- 38;.
in signuin populorum. Richard montre que le prophète an-
nonce Jésus-Christ élevé sur la croix , appelant et réunissant
les deux peuples, c'est-à-dire, les Juifs et les Gentils.
XXV. Sermon où Richard explique aux religieux de P- 3i>9-
Saint -Victor en quoi le sacrifice de David diffère de celui
d'Abraham. Il faut noter qu'il ne s'agit point en ce discours
du sacrifice dont Isaac devait être la victime , mais de celui
qu'au chapitre XV de \A Genèse , v. 8 et 9 , Dieu prescrit en
ces termes au père des croyans : « Prenez une vache de trois
ans , une chèvre et un bélier de ce même âge , une tourterelle
et une colombe. Presque tout le discours consiste en expli-
cations allégoriques de ce texte et des paroles de David au
verset i4 du psaume 65 : Holocausta medallata offerani tihi
cum incenso arietum , offerain tihi boves cuni hircis.
XXVI. Autre discours non moins mystique sur les dif- P- "Con-
férences qui sont à i^emarquer entre le même sacrifice
d'Abraham et celui de la Vierge Marie , lorsqu'elle offrit
deux tourterelles et deux colombes nouvellement écloses.
Ici se termine, dans l'édition de Jean de Toulouse, la
première partie des œuvres de Richard de Saint-Victor : la
seconde partie se compose des six articles dont il nous reste
à rendre compte.
XXVII. Explication du Tabernacle de l'alliance (imprimée, P- ^°^-
a part , à Paris en 1 5 f i et 1 54o , à Venise en 1 5()o ). On sait
assez, par ce qui précède, que les explications de Richard
consistent en imaginations tropologiques. Il déclare au sur-
plus , dans le prologue de ce traité , qu'il ne s'occupera point
du sens littéral , qu'il recherchera le sens mystique de chaque
détail du tabernacle, et qu'il s'efforcera même de trouver
des interprétations qui aient échappé aux pèi'es de l'église
et aux docteurs des siècles précédens. L'ouvrage est divisé
en trois livres : il s'agit, dans le premier, de la construction
du tabernacle ; dans le second , du temp'e de Salomon ; dans
le troisième, de la chronologie des rois de Juda et d'Israël.
Ppp2
484 RICHARD DE SAINT-VICTOR.
XTi SIECLE. Cp dernier livre est encore adressé, sinon par l'auteur, du
moins par les éditeurs, à TaSbé de Clairvaux. 11 n'y a point
de mysticité dans cette troisième partie : l'auteur y concilie
avec un soin scrupuleux, et non sans quelque sagacité, des
dates contradictoires en apparence : il montre tjue ces diffi-
cultés proviennent tantôt de la négligence des copistes :
du double emploi d'une même année, compté
la dernière d'un règne et comme la première du suivant ;
quelquefois aussi du couronnement de certains rois avant la
mort de leurs pères, et, par conséquent, de la coexistence
de deux monarques sur le même trône durant plusieurs an-
nées. L'auteur a joint à ce traité deux tables chronologiques,
l'une en quatre colonnes , et l'autre eu cinq.
r. 4^5. XX^'III. Remarques purement mysticjues sur les psaumes
de David. Le psaïune 28, ."ifferte Domino, Jîlii Del, etc. , est le
seul qui soit expliqué tout entier. Richard extrait des autres
plusieurs versets qu'il commente à sa manière. Un vers fort
connu, Gutta caK>at lapidein non -vi sed sœpè cadendo , se
rencontre dans cet ouvrage , et n'y est point distingué de la
prose.
P- 489. XXIX. Explication du Cantique des canticjues. Cet ouvrage
comprend cjuarante-deux chapitres ou sermons fort infé-
rieurs à ceux de saint Bernard sur le même sujet, et préfé-
rables néanmoins à plusieurs autres ouvrages de Richard. II
y est plus sobre qu'ailleurs d'interprétations allégoriques , et
il y donne à ses auditeurs d'utiles instructions morales , sou-
vent empruntées de saint Grégoire-le-Grand.
r. 5^6. XXX. Explication littérale des animaux, des roues, des
édifices décrits dans la vision d'Ezéchiel. Richard fait ici peu
d'usage de son talent pour l'allégorie : il s'attache à la lettre,
au sens immédiat. Ce livre suppose quelque connaissance de
géométrie et d'architecture. L'auteur y a même joint des
plans c]ui rendent ses explications plus sensibles.
T' 58i. XXXI. Explication de certains passages de l'apôtre saint
Paul ; par exemple : Lex quidem sancta est. — Lex iram operar-
tuv. — Factures legis justificabuntur. — Omnia mihi licent ,
etc. Nous ne saurions assurer que Richard ait toujours par-
faitement éclairci des textes si difficiles : mais sa théologie
est orthodoxe, et c'est un mérite cju'il n'est point aisé de
conserver en traitant de pareilles matières. On a deux édi-
tions particulières de cet ouvrage , l'une de Venise en 1 692 ,
l'autre de Rouen en i5o6, toutes deux in-folio.
p. 589.
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 485
XXXII. Un commentaire sur l'Apocalypse, commentaire ^ï^ SIECLE,
imprimé à part à Loiivain , en 1 543 , in-4° 1 achève et cou-
ronne les œuvres de Richard de Saint-Victor. Cette explica-
tion , que l'auteur désigne comme un opuscule , schedulann
illani , remplit cent pages in-folio , et se divise en sept livres,
dont chacun explique une vision. Nous n'entreprenons
aucune analyse de cette paraphrase mystique du plus impé-
nétrable de nos livres sacrés.
L'ordre cpie nous venons de suivre en parcourant , dans
ré(iition de i65o , les divers écrits de Richard , n'est ni chro-
nologique, ni systématique; il est arbitraire et tort confus.
On pourrait, plus méthodiquement, diviser toutes ces
œuvres en quatre classes : i"^ Commentaires sur diverses
piirties de la Bible ; 2° Traités de Morale mystique ; 3° Traités
sur les Dogmes ; 4° Sermons et Extraits.
fea première division comprenck'ait onze articles, savoir,
ceux que nous avons indiqués sous les numéros 4 i 5, 27,
28, 29, 8, 24 , 3o, 3i , 32 et 18 ; et qui, disposés dans ce
nouvel ordre , offriraient successivement des commentaires
sur la Genèse , sur les livres des Rois , sur les Psaumes , sur
le Cantique des cantiques, sur Isaïe, Ezéchiel, Daniel, sur
saijit Paul et l'Apocalypse. L'art. 18 , qui deviendrait le
onzième , explique , comme nous l'avons vu , des tt>xtes diffi-
ciles pris en divers livres de la Bible. Cette disposition au-
rait d'ailleurs l'avantage de placer à la tête des écrits de
Richard ceux cru'il paraît avoir composés avant tous les
autres, savoir, le Benjamin miiior et le Benjamin major.
La seconde classe, celle des traités de Morale mystique,
renfermerait les neuf articles ci-dessus numérotés, i, 2,3,
i4i i5, 16, i3, 25 et 26; c'est-à-dire, le traité sur l'Extir-
pation du mal et la propagation du bien ; les deux traités de
l'Homme intérieur , les deux opuscules sur la Charité , ceux
qui concernent le Baptême et la Pénitence, et ceux qui atta-
cnent des significations morales aux sacrifices d'Abraham,
de David et de la Sainte-Vierge.
A la classe dogmatique appartiendraient les traités de la
Trinité, de l'Incarnation et du Saint-Esprit, aussi bien que
les quatre opuscules qui se rencontrent dans l'édition de i65o,
sous les numéros 23, 20, 12 et i3 : opuscules qui sans
doute mêlent à l'exposition des dogmes beaucoup de consi-
dérations morales ou mystiques, mais qu'on peut néanmoins
distinguer de ceux qui sont plus essentiellement moraux.
48(3 RICHARD DE SAINT-VICTOR.
MT SIECLE. La quatrième classe ne contiendrait que les sermons pour
le jour fies Rameaux , pour Pâques , pour la Pentecôte , et
sur la fin du monde. On y joindrait le livre d'extraits ou
mélanges, que nous avons indiqué ci-dessus sous le n^ 9;
et ce livre, dont l'authenticité n'est pas très- certaine , fer-
merait la collection des œuvres du prieur de Saint -Victor.
Aucune des éditions des œuvres de Richard de Saint-
Victor ne renferme deux lettres qu'il a écrites , l'une en 1 145
à Robert de Melun , l'autre en 1 169 au pape Alexandre III,
et qui ont été publiées dans le Recueil des epîties de Thomas
Liv. I , ep. BecKet. Ces deux lettres concernent en effet ce prélat : dans
'/'^ ' P" ^^^^' la première, Richard adresse de vifs reproches à Robert,
p. 460.' ' son ancien ami , qui , devenu évêque d'Herford , s'était
déclaré contre l'archevêque de Cantorbéry. Dans la seconde,
la cause de Thomas est fortement recommandée au souve-
rain pontife. La lettre à Robert est signée de Richard etide
l'abbé de Saint-Victor ; celle au pape est de Richard et d'un
ancien abbé de Saint- Augustin de Cantorbéry , dont le nom
n'est désigné que par l'initiale R.
§ HI.
SES OUVRAGES MANUSCRITS.
De Scripf. Trithème , dans une longue liste des écrits de Richard de
Eccl. c. 375. Saint-Victor , encite quelques-uns qui ne se retrouvent pas,
du moins avec les mêmes titres, dans l'édition de i65o, ni
dans les précédentes. — De Studio sapientiœ. — De Pro-
fectu nionachoruni. — De Oratione mentali. — De OJJîciis
Ecclesiœ. — De quatuor P eiitis. — De Actibus apostoloruni.
— De Novitate vitœ. — Epitome totius Bibliœ. — On remar-
quera que la plupart de ces titres seraient applicjuables à
certains morceaux ou fragmens des œuvres imprimées de
Richard ; il est fort vraisemblable que Trithème a donné ces
indications d'après des manuscrits qui ne contenaient que
de simples extraits des traités du prieur de Saint- Victor ; et
l'on peut étendre cette conjecture à d'autres manuscrits , soit
de la bibliothèque Ambrosienne , soit de la Belgique , in-
Blbl. BiLl. diqués par Montfaucon et par Sanderus.
t. i,p. ^.23. Montfaucon trouve, dans la bibliothèque Ambrosienne,
deux traités de Richard de Saint-Victor, nititulés : De Lau-
clibus beatœ Mariœ. — Incendium divini amoris. Peut-être ce
Ajipar.
Sac.
f. II, p.
322,
327.
De Script.
Eccles. c.
25.
BiLI.
s. p.
2(-)5.
Bibl.rass
-Belg.
Purt. I, p
• 9*-
67, 112,
ï'T^
223, 245,
,254,
325.
RICHARD DE SAINT-VICTOR. 487
dernier article n'est- il que le Stimulus dmni amoris de 5:ii SIECLK.
saint Bonaveiituie ; il pourrait bien aussi n'être pas distinct
de l'opuscule indiqué ci-dessus sous le n° 1 5. Montfuucon jbid. t. i .
trouve encore, parmi 'les manuscrits de la reine Christine, P 16.
Jîichardi SEcvisDi caiiojiici à S. f^'ictore liber pœnitentialis ,
livre qui serait à confronter avec les numéros 10 et 20 du
recueil des œuvres de notre auteur. Mais le mol secundi nons
doiuiera lieu d'observer qu'on a quelquefois distingué deux
Richard de Saint-Victor, savoir, celui dont nous parlons
ici, et un autre qui vivait, dit-on, vers l'an 1242, et que
Possevin désigne comme l'auteur de quelques écrits attribués
ailleurs au premier par Possevin lui-même. Cette distinction
de deux Richard est , selon toute apparence , une mépzise
à laquelle Henri de Gand et Sixte de Sienne ont donné lieu,
en omettant, dans larticle de Richard de Saint-Victor , sa
qualité d'écossais.
Sandeius cite les manuscrits suivans comme autant d'ou-
vrages de Richard de Saint-Victor :
De Canone.—Sumina de Vivtutibus.
De Studio sapientiœ. — De septeni Generlhus tentationuni.
Tractât us ad Novitios.
2'ractatus de Donio corporis nostri spirituali.
Sennones octodecim in aliquot seiitentias sacrœ Scripturœ.
Sermones vcl tractatus sex in Psalmos et alia Scripturœ
loca.
Sermones super Ei'angelia.
Sermones duo in t'crha Matthœi : Toile puerum et
niatrem.
Sermones dominicales. — Sermones dominicales per totwn
annum. — Aliquot Sermones.
De Passione Dondni.
Enfin, dans le catalogue des manuscrits d'Angleterre, on Caïai.
rencontre trois articles qui portent le nom de Richard de ^"S- ^- ^ ' "•
Saint-Victor , savoir : Sermones. — Tractatus de Fide. — g^g^' ''^ '
Glossa interlinearis in Matthœum et Marcum. Nous n'avons
aucun moyen de vérifier l'authenticité de ces ])roductions.
« Richard est fort subtil, dit Dupin , il raisonne avec jus- xir siècle,
« tesse , avec méthode , en bon dialecticien : ses traités de P' '*9-
« critique sont assez exacts pour son temps ; il n'est pas fort
« élevé dans ses expressions ; et c'est ce qui fait que ses
« livres de spiritualité, quoique pleins de bons scntimens,
« n'ont pas toute la grandeur ni toute la force qu'on pourrait
mss.
"488 RICHARD DE SAINT-VICTOR.
xn SIECLE, (c souhaiter, j) Nous devons avouer que nous n'avons trouve^
dans les œuvres de Richard , ni tant de dialectique , ni si
peu d'élévation. Ses pensées bien plus recherchées que justes,
ses allégories plus spirituelles que 'raisonnables , commu-
niquent presque toujours leurs propres caractères à son
style. Richard ne manque ni d'idées , ni d'imagination , ni
même de sensibilité; et si en effet on ne lit plus ses ouvrages,
c'est par ce qu'ils sont écrits sans méthode , sans critique ,
sans logique et sans goût. Il s'en faut bien d'ailleurs que sa
diction soit aussi familière que Dupin le suppose ; on aurait
plutôt le droit de dire qu'elle ne l'est point assez : souvent
métaphorique, plus souvent antithétique, elle suppose et
laisse voir beaucoup de travail. Les consonnances dont elle
aboncle ne sont point du tout des négligences , mais de pré-
tendus ornemens c[ui ont exigé des soins continuels et même
des efforts. Car l'auteur semble s'être prescrit pour règle
constante de partager presque toutes ses phrases en deux
sortes d'hémistiches rimes. C est ce qu'on va reconnaître dans
les lignes suivantes, que nous rencontrons à l'ouverture du
volume , pages 2y4 ^t 2.n5 , et par lesquelles nous termine-
rons cet article.
Ciim contra viandatum dwinum aliquid prœsunùXMv ^ per
-contttmaciam contra majestatetn agitww
Sed cuni majestatem lœsmn propitiare volumn?, , ad ejus
inisericordiam recurrànus.
Recurrimus ad ejiis Z'oraitatem , imb et ad ejus veii\.SLX.çm.
Nam venia pœnitentibus promissa est , ab eo qui mentiri
omninb non potest.
Sic transiet nox ut iterîun redeat^sic rediet dies ut iterùm
recédai.
Mane ne lahorantes déficient , nox ne incauti fvxwX..
Illud utiquè ad medeldioi , istud autem ad cautelam.
D.
XTI SIÈCLE.
AMAURI I".
ROI DE JÉRUSALEM.
1^ OU rou ES, dit le Jeune, roi de Je'rusalem, depuis l'an i i3r Jacq.deVitrf,
iusqu'à l'an 1 1 44 i laissa en mourant deux lils qui régne- p- 9^, etCuiii.
i - 1 ■ T3 I • TIT 1^ J deTyr, 1. XIX.
rent successivement : le premier, rJaucioin 111; le second, q.^.,„ j^^-
Amauri P"". Celui-ci monta sur le trône au mois de février /"ra/zcov.p. 956
1162, après la mort de son frère, décédé sans enfans. et me.
Bongars nous a conservé, dans le premier tome de ses P. nySetsuir.
Historiens de la Terre-Sainte , six lettres d'Amauri à Louis-
le-Jeune, réimprimées ensuite dans le Recueil de Duchesne T. iv,p. 689
et dans la nouvelle Collection des historiens de France. Dans ^' ^"'^yj
la première, elle est de 1162, après lui avoir d'abord parlé 36,37, îg.'sg!
du malheur que les chrétiens venaient d'éprouver, de voir 7961157.
le prince d'Antioche (c'était Renaud de Châtillon ) vaincu
par les Sarrasins et conduit par eux en captivité , après avoir
ensuite retracé tous les maux que venait de causer un hor-
rible tremblement de terre, il ajoute que la mort de Baudoin
a fait monter à son comble la désolation et l'infortune. Il
célèbre ce roi comme l'appui de l'église d'Orient : Ecclesice
orientaUs , post Deum , clypeus et fortitudo , et prœcipue
regni Jérusalem unica et irrefragahilis spes et fiducia salu-
taris. Il implore Louis-le-Jeune avec autant d'ardaur que
d'humilité : Vestrce majestati , lui dit-il, tanquani linea-
nienta de capite pendentia , inclinantes. Il l'invite, si son
projet est de revenir dans les lieux saints , à ne pas différer
un voyage que les circonstances actuelles rendraient plus
utile encore. Cette lettre est la quatrième de celles qui sont
imprimées dans le Gesta Dei pev Franco s. La neuvième, qui P. 1173611174.
est la seconde d'Amauri, semble antérieure, puisqu'elle fait p 1176. —
craindre les entreprises des Turcs et celles des Grecs , de ^"^''pP", ^9^"
l'empereur de Constantinople , contre Antioche et les chré- de Fr. t. xvi
tiens réunis en Orient. Elle peut être aussi néanmoins de p- 39.
l'année 1 162.
La troisième est la treizième de celles que Bongars a p. 1178
recueillies. Elle aurait pu encore être placée avant la première ^"^'^p''', ^^'î-
dans l'ordre des événemens et des idées. Amauri l'écrit au ^g f ^ „_ l^
moment oii il vient de perdre son frère Baudoin. Il y notifie
Tome XIII. «Q q q
4f)o AMAURI F% ROI DE JÉRUSALEM.
xn Sir.CLE. son avènement au trône ; d'ailleurs , il y parle encore de la
défaite du prince dAntioche , du tremblement de terre , et
du désir qu'il a de voir Louis-le-Jeune revenir en Orient.
Cette lettrée est du lo avril i i6a.
P. ii7y et La quatrième et la cinquième sont la seizième et la
p.6Q6et6gS.— >'ing't-wnieme dans le Gestn Dei per Francos. La première
]V. C. des H. (le dcs deux cst du 1 2 janvier i i64i et If» seconde de l'année 1 1 ya.
Fr.p.79eti57. Amauri , dans l'une et dans l'autre, réclame de nouveau l'ap-
fmi du roi français : l'Orient a les yeux tournés sur lui; c'est
ui qui doit venger les chrétiens et mettre un terme à leurs
maux.
La23''deBon- La sixième est de ii63. Amauri y annonce à Louis-Ie-
— D ' h *r^^ Jeune quelques succès obtenus sur les IMusulmans en Egypte;
— N. c.desH. le siège formé de Belbeïs, et l'obstacle qu'a mis à la prise
de Fr. p. 5y. de ccttc vilIc Une inondation subite des eaux du Nil , dont
les écluses avaient été lâchées par l'ordre du général ennemi.
Nous avons pareillement deux lettres d" imauri à Henri
de France, frère de Louis VII et arclievêque de Reims. Mar-
tène leur a donné place parmi celles d'Alexandre III , dans le
?. SoSetgoG. second volume de son amplissirae Collection, et elles ont
P. i87etiç,s. été aussi imprimées dans le seizième tome de la nouvelle
Collection des historiens de France. Une subvention pour la
Terre-Sainte est l'objet de la première , qui doit être cle 1 169.
Le roi de Jérusalem y loue d'abord la générosité naturelle
du prélat, son intérêt pour les malheureux; il y fait le tableau
des maux que souffrent les chrétiens en Orient, et de tous
les dangers auxquels ils sont exposés , de leur entrée en
Egypte, des premiers succès qui la signalèrent, des craintes
qu'en éprouva le souverain du pays et des tributs qu'il avait
offerts pour obtenir que leurs armées s'éloignassent, du
refus d'accepter les conditions proposées , des revers qui sui-
virent les premiers succès. Le roi songea alors à députer en
Europe quelques prélats distingués et des religieux de l'ordre
du Temple et de celui des Hospitaliers ; mais une affreuse
tempête les assaillit presque au sortir du port; leur vaisseau
fut brisé ; tout ce qu'ils avaient devint la proie des flots , et
à peine purent-ils se sauver eux-mêmes, tout nus, sur le
rivage. Il en envoie d'autres à la place des premiers , et sol-
licite par eux les secours les plus prompts et les plus
étendus.
La seconde lettre d' Amauri à l'archevêque de Reims est
postérieure de quelques années; elle fut écrite en 11 74- Son
AMAURI I", ROI DE JERUSALEM. 491
objet principal est le rétablissement de la paix entre le roi xn SIF01.E.
d'Angleterre et ses fils; ce roi d'Angleterre était Henri II. Le ' ~
roi de Jérusalem insiste sur les maux cjue font à la cause
de Dieu ces inimitiés entre des princes qui doivent con-
courir à la défendre , sur l'avantage qu'en retirent les
ennemis de la croix. Il annonce ciu'il envoie à l'archevêque
de Reims des personnes vénérables sous tous les rapports ,
pour être auprès de lui les organes de ses vœux , et ajouter
il ce qu'il lui écrit ce que des lettres ne peuvent pas toujours
dire ou développer. ,
Amauri mourut, n'ayant encore que trente- huit ans, le
II juillet 1173. Cette date est certaine, quoique quelques
chroniques, celle de Saint-Florent de Saumur en paiticu- Mart.Anecd.
lier, aient placé sa mort en 1171: d'autres l'ont mise en 1 1 74 , ,382 ■ et Amp?
et d'autres encore, parmi lesquelles on peut citer la chro- Coii. t. v, p.
nique d'Anjou, en 1 17g. "^^•
Sans avoir cultivé les lettres, il fournit à ceux qui les
aimaient des moyens de se livrer à leur culture , et de pro-
duire d'utiles travaux. Guillaume de Tyr l'avait éprouvé P- 626 , du
lui-même, et il le rappelle dans sa préface. Ce fut Amauri ^ -^"^^o'^gars,
qui l'excita, comme nous le dirons avec plus de détails dans
la vie de cet historien, à composer ses principaux ouvrages,
l'Histoire des princes orientaux depuis Mahomet, et celle
de la Guerre sainte des chrétiens. Bongars s'étonne avec P. so Je su
raison qu'au milieu d'une profonde barbarie, entre le bruit ^''■'-'^■
des clairons et des armes, parmi tant de dangers sans cesse
renaissans , Amauri ait cherché et recueilli des livres, et
qu'il les ait fournis aux hommes en état d'en taire usage :
il faisait , pentlant et malgré la guerre , ce que tant d'autres
princes négligent , même pendant les douceurs de la paix.
P.
Qqq2
«V^^«>«'%iW^^^'^^'^^«>V^V^/».V^^%-V^X^^V^'^«''V^^^%i«.^^V^.'V«W^V^^%^
Xîl SIECLE.
HUGUES DE FOUILLOI,
PRIEUR DE SAINT-LAURENT DE HEILLI.
RECHERCHES SUR SA VIE.
M.ii)iii. Ann. |\| qus sommes presque entièrement redevables aux recher-
Igo '^ ^-'^^^ ^^^ savant Mabillon du peu que nous savons touchant
la vie de Hugues de Fouilloi , qui , de son temps , eut quelque
célébrité, et dont les écrits, à cause de l'identité de nom avec
Hugues de Saint-Victor, et de quelque analogie dans leur
manière d'écrire, ont été attribués à ce dernier. Les critiques
modernes , avant D. Mabillon , n'ont connu cet auteur que
très-imparfaitement, ou sont tombés dans de grandes erreurs.
Gabriel Pcnnotus le fait chanoine régulier de Cordoue en
* Espagne ; Ciaconius le dit moine de Saint-Pierre de CoiAvei
De Script, en Saxe, et en fait un cardinal; Oudin a essayé de prouver
Eccles. t. Il,]), qu'il était moine bénédictin; ceux qui le font chanoine ou
'*""■ moine de Saint-Pierre de Corbie, ont presque rencontré la
vérité. Nous verrons qu'il était réellement chanoine régulier,
et qu'il ne fut jamais cardinal.
Le surnom sous lequel Hugues est connu lui vient du
lieu de sa naissance , nommé en latin Folietum , FolUacum ,
Folleium. C'est un bourg près de Corbie, qui peut passer
La Morl. lib. pour uu fiuibourg. Peut-être sa famille tenait-elle ce bourg
^\^'Vi^l°i' . en fief de l'abbaye : du moins est-il certain qu'il v avait an-
(.alha christ. . -^i- ^ i>a • • ^ ii i
t. X, col. 1278. ciennement au diocèse d Amiens une maison noble du nom
ibid. col. 1190. de Fouilloi, qui donna, l'an 1 198, un abbé à Corbie, nommé
Foulques de Fouilloi, et à l'église d'Amiens un évêque,
Robert de Fouilloi, cjui monta sur ce siège l'an i3o8.
Nous ne déciderons pas si Hugues sortait de cette maison ,
ou s'il n'était que natif du bourg. La profession religieuse
quil embrassa dans le prieuré de Saint-Laurent de Heilli,
dépendant de Corbie et situé aux environs, a donné lieu de
croire qu'il était moine bénédictin ; et il ftillait être au fait
des différentes révolutions de ce prieuré, pour penser autre-
iHabiil. ibid. ment. D. Mabillon les a découvertes et mises dans un grand
jour. Il fait voir, dans ses Annales, c|ue le prieuré de Saint-
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 493
Laurent d'Heilli , liabité d'abord par des moines de Saint- Xll SIECLE.
Jean-d'Angeli en Saintonge , sous le bon plaisir de ceux de
Corbie , fut donné , vers le commencement du XIF siècle , à
des clercs réguliers , qui pratic|uaient à la lettre , et dans une
grande pauvreté , la règle de Saint-Augustin ; qu'en l'an 1 2o5 ,
ces mêmes clercs le donnèrent , du consentement des pro-
priétaires fonciers, aux moines de Lihuns en Santers, de
l'ordre de Cluni, et qu'enfin la place ayant été abandonnée
par ceux-ci, elle revint aux moines de Corbie, et fut incor-
porée au chef-lieu.
Hugues, avant que d'entrer en religion, avait été initié, Hup:. Vict. op.
comme il le dit lui-même , à la cléricature. Il est même très- *• ^^' ^' ~"^'*'
vraisemblable ( D. JMabillon n'en doute point ) qu'il reçut
sa première éducation dans le monastère de Corbie. C'est en
effet ce que semblent prouver les éloges multipliés qu'il
donne à la règle de Saint-Benoît , et le fréquent usage qu'il
en fait dans ses écrits. En passant de cette école à Saint-
Laurent, il y trouva des maîtres qui travaillèrent à perfec-
tionner ce que les premiers avaient heureusement ébauché.
Avec les bonnes dispositions qu'il y apporta , ses progrès
dans la science ecclésiastique furent rapides et couronnés du
plus heureux succès. Appliqué sans relâche à l'étude et aux
devoirs de son état, il coulait paisiblement ses jours dans le
silence et l'obscurité, lorsqu'en 1 149 on vint subitement lui
annoncer que les chanoines réguliers de Saint -Denis de
Reims l'avaient choisi pour leur abbé. Le promoteur de cette
élection fut Guerric , abbé d'Igni , de l'ordre de Cîteaux ,
homme recommandable par son savoir et ses vertus, qui
sans doute connaissait tout le mérite de Hugues. Celui-ci,
qui ne s'attendait à rien moins, apprit cette nouvelle avec
l'étonnement et la douleur qu'un sincère désintéressement ,
joint à une humilité profonde, pouvait lui inspirer. Il écrivit
sur-le-champ à une personne en crédit , qu'il ne désigne que
par une H , pour se défendre d'accepter , et lui exposer les
motifs de son refus. Sa lettre, que D. Mabillon a transcrite
tout au long , fait trop d'honneur aux sentimens de notre au-
teur pour n'être pas représentée ici au moins par extrait. Le
titre qu'il prend est celui de FraterHitgo deSancto Lawentio.
« J apprends, cht-il , par le bruit public que les chanoines Mabill. ibid.
« de Saint-Denis, avec l'approbation du vénérable Samson , P- ^^^•
« archevêque de Reims , et par le conseil de D. Guerric ,
« abbé d'Igni , ont jeté les yeux sur moi pour être leur abbé.
494 HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR.
xn siECLK. «En vérité, je ne reconnais pas ici la prudence ordinaire
~ «du conseiller, de vouloir m'associer à des religieux qui
« mènent un genre de vie si différent du mien. Voyez, je
a vous prie , à quoi son dessein aboutirait , si Dieu permet-
te tait qu'il réussît : ne serait-ce pas coudre une toile gros-
ce sièi'e à une belle pièce de soie, ou attacher lidiculement
(c au dos d'un vautour la superbe queue d'un paon ? Eh !
« qu'y a-t-il en effet dans moi qui réponde à la dignité à
« laquelle on veut m'élever ? Si l'on considère ma personne,
« j'ai à peine figure humaine; s'il s'agit de mes mœurs,
« hélas ! mes impei'fections me rendent le supplice de mes
« frères; si l'on me croit capable de bien faire, on me trou-
« vera pusillanime dan$ les grandes choses. Est-ce bien là,
« dites moi, le sujet qui convient pour gouverner l'abbaye
« de Saint-Denis? La place est éminente, donnez-lui donc
« une personne éminente en mérite. Voisine de la cour
« métropolitaine, elle demande un homme de bon conseil,
fc qui soit circonspect, éloquent, qualités dont je me sens
« entièrement dépour\'u. Quant à la manière de vivre, vous
« savez qu'à Saint-Denis on nage dans l'abondance, et qu'ici
« la pauvreté est notre partage ; si je renonce à la pauvreté,
(c me voilà déshonoré aux yeux de ceux qui me connaissent ;
« si je consens à devenir riche, je m'expose à une chute
« presque certaine, et d'autant. plus terrible c|ue le lieu d'où
« je tomberai sera plus élevé. Je me trouve assurément dans
« un gi-and embarras : plusieurs de nos frères, scandalisés
« de mon attrait pour les richesses, menacent, au cas que
« je les quitte, de ne plus rester ici après mon départ; d un
« autre côté, si je dis que je veux rester, il se trouve des
(c gens assez malins pour dire : c'est une fausse modestie,
Cl il refuse une abbaye pour avoir un cvcché. » Il allègue
ensuite des motifs connus, qui autorisent sa résistance, ses
infirmités corporelles et le grand âge de son prieur Olric ,
qu'il regarde comme son père, et qu'il ne peut abandonner.
Il finit par conjurer son ami de travailler auprès de l'abbé
d'Igni pour faire changer son élection , et le laisser jouir en
paix des avantages de sa chère solitude : Suggère itaque
(lomno Igniacensi , ne turbet aquam pauperis quœ cuni
silentio currere consueverat ; timeo eniin ne, si Remis veniam.,
remissiiis vivant.
La lettre eut l'effet que Hugues désirait. IMais, environ
quatre ans après, Olric, son prieur, étant mort, il se vit
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 4y5
obligé de céder au besoin qu'on avait de lui pour le rem- 'xn SIECI.R.
placer. L'histoire ne nous a rien transmis de son gouverne- " '~
ment; mais une al^négation si exeiuplaire ne pouvait manquer
d'attirer à sa suite les plus abondantes bénédictions, histruit
et pénétré comme il l'était des devoirs d'un supérieur, dont
il a si bien tracé le modèle dans ses écrits, il est plus que
vraisemblable qu'il les remplit avec zèle dans sa commu-
nauté. Nous ignorons l'année de sa mort ; nous trouvons
seulement que, l'an iiy^^ il éttùt remplacé dans sa charge Mi»L,'ii- '^'"'•
de prieur par Simon.
La postérité, qui l'a peu connu par le soin qu'il prit de
lui cacher son nom et la maia d'oii partaient ses écrits, ne
lui a consacré aucun éloge ; car nous ne prenons pas pour
lui ce distique de Fetrus Apollonius , rapporté par Ciaconius ::
Ecce secundus Hugo , redimitus tegmine fidvo y
Teinpore dum 'vixit , nunc diadeina gerens^
Cependant c'est sur le fondement de ces deux vers que le ciac. vit.
même Ciaconius, suivi diuis la suite par plusieurs modernes, R°™- Po"'-
met notre auteur au rang des cardinaux; et, ce qu'il y a de
plus surprenant, il veut que cet hoianeur lui ait été déféré
par le pape Iiniocent IL
3
SES ECRITS.
Hugues avait une opinion si peu avantageuse de lui-même,
u'il ne voyait rien de plus propre que son nom à décré-
iter ses ouvrages : « Gardez-vous bien , écrivait-il à un de De riaust.
ce ses amis , en lui envoyant celui qui devait lui faire le plus animœ ia Prot.
« d'honneur, gardez-vous bien de faire connaître mon nom,
« de peur que le peu de sens que l'on connaît à l'auteur, et
« le mépris attaché à sa personne ne décrédite l'ouvrage :
N«//f ergo nostrum , frater , patefacias noinen, ne ex insi-
pientiâ auctoris et personœ villtate operis nostri labor viles-
cat. La providence semble avoir secondé son humilité. Le
commun de ses lecteurs donna de son vivant et donne en-
core aujourd'hui les productions de sa plmne à Hugues de
Saint-Victor ; on les trouve imprimées et confondues parmi
les œuvres de celui-ci. On a déjà laissé entrevoir, en traitant Hist.Liit.lv
l'article du victorin, quelles sont celles que nous croyons ap- *• Xii, p. Si;!.
496 HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR.
xii SIECLE, partenir à notre auteur. Il s'agit maintenant de produire ses
titres de propriété, et de lui restituer ce qui lui appartient.
Aib. ad an. Albéric de Trois-Fontaines, parlant de Hugues de Saint-
ii3o,p. 264. Victor et de ses écrits, le distingue fort bien d'un auti-e
Hugues, auquel il attribue les livres du Cloître de l'ame, de
la Médecine de l'ame, et le traite des Oiseaux. Mais il con-
naissait si peu ce second Hugues , qu'il le donne , sur un
ouï-dire, pour im disciple de Saint-Noibert , c'est-à-dire,
pour un prémontré : Hugo verb , dit-il , qui scripsit de avium
Naturâ moraliter et allegoiicè , et de Claustro animœ, et de
Medecinà animœ , fuit de oïdine prcemonstratensi , ut
dicitur, canonicus. S'il se trompe en taisant auteur de ces
écrits un norbertin , il n'est pas moins vrai qu'il avait appris
par lui-même ou par d'autres que ces ouvrages n'appartien-
nent pas à Hugues de Saint -Victor. Nous allons prouver
qu'ils sont de Hugues de Fouilloi.
1° De Claustro animœ lib ri quatuor.
Matill. ihid. Dans un manuscrit du monastère de Cheminon, au diocèse
p. 45f). jjg Châlons-sur-Marne, ce traité porte au frontispice : Incipit
prologus auctoris sine 7ioniine in opus subdituni de claustro
ANiMAE. Dicunt tamen operis extitisse auctorem Hugonem
de Corhi, canonicum S. Laurentii atque priorem. Ce qu'on
n'avance ici que d'une manière incertaine, est affirmé posi-
tivement dans plusieurs manuscrits anciens de la Biblio-
N. 712, 1009, thèque impériale. On lit à la tête du 11" 2498 : Incipit pro-
2495 , 2',97 , iQgiis niagistri Hugonis de Folieto , prioris canonicorum
aSn- ' 2808. ' '^' Laurentii in pago Ambianensi ^ in libros de Claustro cor-
De Script, poris et animœ. Casimir Oudin assure qu'il a vu plusieurs
^^f^^\^' ^^ ' manuscrits semblables, d'une date aussi reculée, en diffé-
rentes bibliothèques de l'ordï'e de Cîteaux , au lieu qu'il n'en
a rencontré , dit-il , que de récens et en petit nombre por-
tant le nom de Hugues de Saint -Victor. Ajoutons à ces
témoignages celui de Guillaume de Nangis , qui attribue
l'ouvrage en question à Hugues de Fouilloi , sans oser néan-
moins assurer s'il était moine ou chanoine régulier [a).
Mais, pour lever ce doute, il n'avait qu'à consulter l'auteur
lui-même, qui lui aurait appris nettement sa profession :
(a) Claruit his temporibus Hugo de Folieto, sancti Pétri Cvrheiensis mona-
chus , qui librum de Claustro animœ et corporis composait. Àlii dicunt istum
Hugonem in pago Amhiancnsi fuisse canonicum regularern. Nangius in
. chronico ad an. i i4o.
eoL 1108.
HUG. DE FOUÎLLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 497
Loquor, dit-il dans un endroit, de monachis qualiscunque XII SIECLE.
canoiiiciis. ~ ~ ~
D. Mabillon- tait un grand éloge de cet ouvrage, dont il lib. 11, cap. iS,
recommande la lecture aux religieux pour lesquels il a été P- 1°-
fait. Les anciens en ont parlé de même. Il est écrit avec
onction, et il contient sans contredit d'excellentes choses;
mais on y trouve aussi beaucoup de mysticité , et tout n'est
f)as également bon. L ouvrage est partagé en quatre livres :
e premier traite des tentations auxquelles on est exposé,
même dans le cloître, et des avantages cju'on trouve aussi
dans la vie reli^.ieuse ; le second de l'ordonnance qu'il con-
vient de donn ?r au cloîti^e matériel, et des abus qui peuvent
s'y introduire ; le troisième est consacré à former sur le
modèle du cloître matériel le cloître spirituel de lame;
lobjet du e; :itriènie est d'inspirer le désir d'être admis dans
cet autre cloître qui n'a pas été fait de main d'homme , c'est-
à-dire , Il Jérusalem céleste. Tel est le plan que s'est tracé
Hugues lui-même dans son prologue.
On lit avec plaisir le premier et le second livre, qui con-
tiennent des vues excellentes pour le bon ordre d'une com-
munauté religieuse , on voit que l'auteur était animé du
véritable esprit de son état; mais, dans les deux suivans, on
ne trouve que des allégories sans nombre , propres à nourrir
la dévotion des contemplatifs ; les mysticités y abondent , et
les passages de l'écriture , détournés dans ce sens , manquent
souvent de justesse. Aussi l'auteur devient-il quelquefois
embarrassé, confus, alambiqué, et fait perdre terre à ses
lecteurs. Ce défaut vient de ce qu'il compare , par des allu-
sions minutieuses , des choses qui n'ont qu'un faible rapport
entre elles, le cloître ou le temple matériel avec celui qui
est tout spirituel.
Cet écrit a été publié à Paris, l'an iSoy, chez Henri-
Etienne, dans un vol. in -4'', à la suite d'un traité moral de
Guillaume d'Auvergne. On le trouve dans toutes les éditions
des œuvres de Hugues de Saint-Victor. Nous ne citons qiie
la dernière de i648, où il est imprimé, tom. II, p. 4o — i3i.
2P De Medicina animœ (a). Hug.vict. op.
Cet opuscule est attribué a Hugues de Saint-Laurent , dans '• " ' P
un manuscrit de l'abbaye d'Aine, cité par D. Mabillon, et
{d) A ce titre, le manuscrit 2494 de la Bibliothèque impériale ajoute,
de komiiie qui microcosmus , id est,, minor miindus appellatw.
Tome XIII. Rrr
211 —
222.
498 HUG. DE FOUILLOl, PRIEUR DE S.-LAUR.
XII SIECLE, dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale, 1009,
2494 1 2495, 2896. Il ne faut que comparer ce traité avec
celui dont nous venons de rendre compte, potir être persuadé
fju'ils appartiennent au même auteur. On remarque, dans
1 un et dans 1 autre, un génie également tourné vers 1 allé-
gorie , un style parfaitement conforme , plusieurs expressions
semblables , la même manière de citer rÉcriture et les Pères.
Comme Hitgues avait trouvé, dans le cloître matériel, les
caractères du cloître spirituel, de même, en traitant de la
médecine de lame, il pi'étend découvrir, dans la structure
du corps humain, toutes les affections de l'ame, c'est-à-dire,
montrer une analogie parfaite entre les maladies corporelles
et les maladies spirituelles, entre les remèdes qu'on applique
aux premières et la manière de guérir les secondes. Ce cfes-
sein, comme on le voit, suppose des notions dans la méde-
cine : l'auteur paraît en avoir pris quelque connaissance ; il
cite Hippocrate, et fait usage des principes de l'art qui avaient
cours de son temps. Mais il s'en faut bien quil atteigne au
but de son livre : ses allégories et ses moralités se ressentent
de la disproportion des objets qu'il veut comparer. Cet opus-
cule est composé de vingt-deux chapitres , mais les édi-
teurs soupçonnent qu'il est incomplet.
Jùid.T,.iQi- S** De ^i'ibus ad Rainerum.
Cet écrit porte différens titres dans les manuscrits. Il est
intitulé, Aviariwn sacrum ad Rainerwn , coiwerswn, cogno-
mento corde benignwn. — De Asdum naturd mjsticè et alle-
goricè. — De Coluinhd argented , ou de Tribus CoJumbis ,
parce qiie l'oiivrage commence par ces mots : Si donniatis
inter niedios cleros , pennce cohuubœ deargentatœ , et que
l'auteur distingue trois sortes de colombes. On le trouve ainsi
désigné dans les plus anciens manuscrits, où il ne forme
qu'un seul livre qui , dans des manuscrits plus récens et dans
1 imprimé, est suivi de trois autres auxquels on a donné
pour titre, de Bestiis ou Destiarium , et encore de Proprieta-
tibus ferarwn et animaliwn. On convient assez généralement
aue le premier livre, qui traite des Oiseaux, est l'ouvrage
e Hugues de Fouilloi. Le second , qui traite des Bêtes
féroces, ressemble beaucoup au premier quant au style et
aux moralités ; cependant on l'attribue communément à
Alain de Lille, qui, selon Henri de Gand, a composé un
livre de la nature de quelques animaux, qu'on croit être
celui-là. Le troisième est luie compilation des deux pi-emiers,
!77
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 499
auxquels on a ajoute d'autres moralités, en sorte cjue,de '^ti sif.cle.
cent dix chapitres qu'il comprend dans les manuscrits, on
en a retranche les quarante-neuf" premiers , pour ne pas répé-
ter deux fois la môme chose. Le quatrième est une espèce
de dictionnaire dans lequel on traite par ordre alphabétique
des propriétés , soit des animaux , soit des végétaux , soit
des minéraux. Cette compilation d'histoire naturelle est
attribuée à Guillaume Perraut, de l'ordre des frères prê-
cheurs. Nous ne nous occuperons que du livre des Oiseaux.
Tout était allégorie pour Hugues de Fouilloi. Il crut aper-
cevoir dans, les différentes espèces d'oiseaux les symboles de
tous les vices et de toutes les vertus , et il composa , sur ce
sujet, un livre qu'il dédia à un religieux laïc nommé Rai-
nier. Pour rendre cet ouvrage plus intéressant, il eut soin,
comme il le dit dans le prologue, de l'orner de peintures
qui représentaient les objets de ses allégories. La colombe
et le faucon étaient à la tête , perchés l'un à côté de l'autre.
Hugues prend occasion de ce contraste pour mettre en paral-
lèle les professions opposées qu'ils suivaient , Rainier et lui ,
dans le monde , et relever la grâce c[ue Dieu leur avait fiiite
de les réunir en religion. « Vous voyez, mon frère, dit-il, la ibid.inVvoK
« colombe et le faucon posés sur la même perche : c'est
cf l'image de ce cjue nous avons été vous et moi, e\ de ce
a que nous sommes maintenant. Dieu nous a tous les deux
« appelés, vous des armées, moi du clergé, pour nous asseoir
« sur la règle de la vie religieuse, comme sur une perche
« commune. Vous qui, semblable au faucon, aviez coutume >
« de prendre les oiseaux domestiques , votre devoir est main-
te tenant d'attirer les oiseaux des champs, c'est-à-dii^e , les
« gens du monde, à la religion par l'odeur d'une sainte vie.
« Que la colombe gémisse donc ; que le faucon gémisse aussi ;
« que l'un et l'autre témoigne sa douleur par ses accens : car
« le gémissement est le chant naturel de la colombe, et la
« plainte celui du faucon. J'ai placé , après la description de
« la colombe , celle du faucon , parce c[ue cet oiseau est le
<c symbole de la noblesse à laquelle vous appartenez. »
Au reste , l'auteur donne ici , comme clans tous ses ou-
vrages, des preuves de sa profonde humilité, a Ecrivant,
(c dit-il, pour un homme non lettré, on ne doit pas être
a surpris que , pour son édification , je traite avec simplicité
« des sujets qui demanderaient un pinceau vigoureux. Je
« sais que les savans aiment les discoiu-s relevés, mais les
Rrrsi
6oo HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR.
XTI SIECLE. « simples trouvent plus d'instruction et de plaisir dans les
« peintures naïves. C'est pour eux que j'écris, et je n'ai garde
« de verser de l'eau dans des vases déjà pleins. »
Hug.vict o]^ /^o £)g JYujjtù's Uhri duo.
263. ' ^" ^ Hugues composa cet ouvrage pour détourner un de ses
amis du mariage. Le premier livre a pour objet les noces
charnelles : il est divise en trois chapitres, où l'auteur, après
avoir réuni tout ce qui a été dit contre les femmes et le
mariage , tâche de fortifier cette satire de l'autorité des livres
saints et des pères; le second livre, divisé comme le premier
en ti'ois chapitres, est consacré aux noces spirituelles. Autant
Hugues avait décrié les premières, autant s'applique- 1- il à
relever les secondes. On s'imagine bien que fallégorie domine
dans cette partie. Nous n'en donnerons pas le détail : c'est
toujours le génie de l'écrivain, accoutumé à assimiler des
choses qui n'ont entre elles que des rapports très-éloignés.
Parmi les manuscrits de cet ouvrage qui portent le suinoni
de notre auteur , il y en a trois distingués par leur antiquité ,
N° 2494,2495. un de Saint-Victor, et deux de la Bibliothèque Impériale,
iè/rf.p. 286- 50 De Arcd Noe mystica Descriptio.
^^^' De Arcd Noe momlis Interpretatio , libri 4-
Ces deux traités se trouvent presque toujours anonymes
dans les manuscrits. Dans c|uelques-uns ils portent le nom
de Hugues, sans désigner lequel : cela a suffi pour les donner
à Hugues de Saint-Victor , plus connu que Hugues de Fouilloi.
De Script. Casimir Oudin les conteste au victorin , parce qu'il y trouve
Eccles. t. II, raison la manière et le style de Hugues de Fouilloi,
col. 1110. , . , - , . o , . ;
dans tout ce qui peut servir a caractériser son génie tourne
vers les allégories , et son goût pour les peintures qu'on a pu
remarquer dans ses autres ouvrages de spiritualité. Ajoutons
que Hugues de Fouilloi, comme nous l'avons remarqué,
n'aimait pas à mettre son nom dans ses écrits : ce cpii explique
assez pourquoi ces traités sont restés anonymes. Cependant
Hlst. Litt. t. on a cru, en rendant compte dans cette histoire des écrits
XII, p. 17. jjg Hugues de Saint-Victor, devoir réfuter l'opinion d Oudin,
et on l'a fait d'une manière aussi tranchante que peu exacte.
«Aux divers moyens, a-t-on dit, qu Oudin emploie pour
« dépouiller Hugues de Saint-Victor de ces trois écrits, et
« les transporter à Hugues de Fouilloi , nous n'avons qu'un
« mot à opposer, et ce mot est tranchant. L'auteur, dans un
« endroit renvoie , pour plus grand éclaircissement de la
« question qu'il y traite, à sou livre Z)e tribus Diebus : ouvrage
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 5or
« dont nous rendrons compte ci-après, et que personne, de ^^^ sfECLE.
« l'aveu d'Ouflin lui-même, ne peut refuser à notre victorin. » ~~ '
Il y a dans cet endroit une distraction inconcevable de la
part de l'auteur ; tout y est controuvé. Le renvoi au livre De
tribus Diebus , ou plutôt De Operibus triiun dieriim , ne se
trouve pas à la page 297 , col. 2 , du tome II qu'on indique.
Il n'y a dans la collection des œuvres du victorin aucun ou-
vrage qui porte le titre De tribus diebus , ni un semblable.
Le rédacteur de l'article qui promet de rendre compte de cet
écrit un peu plus bas , n'en dit pas un mot. Enfin , Oudin qui Oudin. lud.
n'en parle que d'apiès Gesner , ne convient pas du tout qu'il '^°'- "^^■
soit cle Hugues de Saint-Victor. Quant à nous, nous serions
très-portés à donner ces deux écrits à Hugues de Fouilloi ,
mais nous ne voulons rien décider. Ce qui suspend notre
jugement, c'est c|ue l'Arche mysticjue fut composée avant
l'an I i3o , comme on le voit par le dénombrement des papes Hng. yict. op.
qui finit à Honoré II : circonstance c|ui semble indiquer plutôt '■ '^ ' P- ^9°-
le victorin que Hugues de Fouilloi, qui, à cette époque, devait
être encore assez jeune. Quoi qu'il en soit, nous allons dire
un mot de cet ouvrage.
L'Arche mystique suppose, pour êti'e entendue des lecteurs,
un plan figuré de l'objet allégorisé, lequel plan se trouve dans
les manuscrits, mais non dans les imprimés. L'Arche morale,
partagée en quati'e livres, contient de fort bonnes maximes
de la vie spirituelle, et se fait lire avec plus de satisfaction
que l'Arche mystique, où, sans la figure qui doit la précéder,
on n'entend rien, et où même avec l'aide de cette figure, il
resterait bien des choses à deviner. Oudin observe que dans
les manuscrits , l'Arche mystique est placée après l'Arche
morale , et foime le cinquième livre et non le premier.
6" De Vanitate inundi libri quatuor. lôid.-p. 2G3-
Si l'on accorde à Oudin que les deux ouvrages sur l'Arche ^^^•
de Noë sont une production de Hugues de Fouilloi , on doit
aussi convenir que Hugues est auteur du traité de la Vanité
du monde. Oudin prouve très -bien que ces trois ouvrages
partent de la même plume, et la raison qu'il en donne est sans
réplique. L'auteur du traité de la Vanité du monde cite comme
son propre ouvrage ceux de l'Arche mystique et morale : De
his scriptionibus in alio quodaui libido, queni de Arcâ coin- ihid.-^. 272,
posuiinus , plura dixirnus quœ oinnia hic recapitulare non '^°'' '•
oportet.
Le traité de la Vanité du monde est composé de quatre
Ô02 HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR.
XII SIECLE, livres en forme de dialogue. Dans les deux premiers les iu-
terlocuteurs sont désignés, Fun par la lettre /, qui veut dire
Interrogans ; l'autre par la lettre D , qui signifie Docens. Ils
examinent tous les états de la vie les plus florissans , et ils en
découvrent la vanité. Ces deux livres sont très-solides et tiès-
phiiosophiques. Les interlocuteurs du troisième et du qua-
trième sont désignés par les lettres A et, R , qui peuvent
signifier l'ame et la raison. Ces deux derniers dialogues sont
historiques. L'auteur pai-court les principales époques depuis
la création du monde jusqu'au VF siècle de l'église, et finit
par l'éloge de saint Benoît, c[u'il compare pour la fécondité
/hùi. p. 283. fiçs miracles à saint Martin et à saint Nicolas : Martinus et
Nicolaus et Benedictus miracuUs effulserunt in sanctitatô
niirahili , et in his omnibus plenitudo in finem properans ,
alios qiioque omnes qui vocati sunt asssocians quotidiè con-
De Script, sunijuatur. Oudin , qui était dans l'opinion que Hugues de
Ecdes. t. II, pouilloi avait embiMssé la règle de Saint-Benoît, argumente
col. 1 no. , " ■ ,, 1 ■ ' 1
encore de ce passage pour prouver que 1 auteur du traite de
la Vanité du monde est le même qui a composé le Cloître de
l'ame , dans lequel il trouve des indices que l'auteur était bé-
nédictin. Nous lui accordons que ces ouvrages appartiennent
au même auteur ; mais non que Hugues de Fouilloi fût béné-
dictin. Il était, comme nous l'avons dit, chanoine régulier;
et si en ciuelques endroits il parle avec admiration des insti-
tutions de saint Benoît , c'est qu'il avait reçu sa première
éducation chez les bénédictins de Corbie.
Htig.Tlci. op. 7° De beatœ Mariœ virginitate perpétua.
t.iii,p. Si-go. Tous les bibliographes anciens et modernes donnent à
Hugues de Saint -Victor le traité de la perpétuelle virginité
de la sainte Vierge , et Oudin qui lui en a contesté tarit
d'autres, ne lui conteste pas celui-hà. Cependant les conti-
Hisf. Litt. t. nuateurs de IHistoirc Littéraire après D. Rivet ont relégué
Ail, p. 68. ^,g traité dans la classe des ouvrages supposés au victorin, et
ils ont annoncé qu'ils l'adjugeraient à Hugues de Fouilloi.
C'est donc ici le lieu d'examiner si leur opinion est bien
fondée.
Ce traité, qui est solide et bien écrit, ne serait pas indigne
du savant victorin. Le nom de Hugues est marqué dans le
prologue ou l'épître dont l'auteur accompagna l'ouvrage , en
l'envoyant à un évêque qui n'est désigné cjue par la lettre G,
sans dire de quel siège. Sans doute la conformité de nom ,
lorsque rien ne déternime la qualité de la personne, ne suffit
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 5o3
pas pour attribuer cet ouvrage à Hugues de Saint -Victor ^ill siècle.
plutôt qu'à Hugues de Fouilloi. Mais si les principes de cet
auteur sont dianietraleaient opposés à ceux que le victorin
professe sur le même sujet dans d autres écrits, cela suffit
pour ne pas croire celui-ci le véritable auteur. C'est ce qui
résulte de la comparaison que nous avons faite. Le but de
notre écrivain est d'établir que Marie avait fait vœu de vir-
ginité avant son mariage, et qu'en épousant Joseph elle ne
changea pas de résolution : ce qu'il prouve par la réponse
qu'elle fit à l'ange qui lui annonçait qu'elle deviendrait mère,
Quomodo fiet istua, quoniam 'viruin non cognosco ? Hugues
de Saint -Victor dit, au contraire, dans la Somme des sen-
tences , que Marie n'avait point fait vœu de continence avant
son mariage ; mais préparée à tout ce que la providence or-
donnerait d'elle , son penchant pour ce genre de vie ne fut
suivi d'aucun engagemçnt jusquà ce qu'instruits elle et son
époux du mystère de l'incarnation du fils de Dieu , ils for-
mèrent , d'un commun consentement , la résolution de vivre
dans le célibat ( i ). Ce n'est donc pas à lui qu'on peut attribuer
le livre de la perpétuelle virginité de Marie , à moins qu'il
n'ait varié dans ses sentimens. Il ne s'ensuit pas pour cela
que Hugues de Fouilloi en soit l'auteur, puisqu'on connaît
d'autres écrivains qui , dans le même temps ont porté le nom
de Hugues ; et d'ailleurs rien n'indique le temps auquel cet
écrit a été composé. Quoi cpi'il en soit donc du véritable
auteur , voici en peu de mots quelle en est la substance.
L'ouvrage , divisé en quatre chapitres , est en réponse à un
dialecticien qui prétendait que Marie avait toujours été libre
de tous liens , et qu'elle n'avait pu contracter un mariage
fa) Voventihiis castitatcm non solnm nubere , sed etiam nuhere velle dam-
nnbile est. Hoc loco prœtermittcndiim esse non arbitror cjaod Beda in cxpo-
sitiona super Lncain videtur afjirniare , beatam Mariani virgincni , antequam
inisset cwn Joseph conjugiwn , decrevisse qiCod vitai.-i dticeret mrginalem :
quod cquidein a veritate videtur discordare , cum beata virgo esset priiden-
fissiina , et noi'isset qucecunique pie promittuntiir , Domino esse Jîdeliter
persohenda. VerisiinUc est igitiir quod ab adolesceiitiâ se Deo totam com-
miserat , parafa sive ad nubendiun , sive ad continenduni , qtiemadmodum
Deiini 'velle cognosceret ^.... et ex hoc quod ipsa non renuit desponsari , mani-
Jeste apparet eam, antequam desponsaretur , continentiam non vovisse : quod
tainen ccrtwn est eam et virum ejus poste'a promisisse , ex quo utrique inys-
teriura dondnicœ incarnationis angelo révélante innotuit. Hiifjonis \ict.
Summa sententiarum, tractatu VII, cap. lo, p. 476. col. -2. t. JH.
oo4 HUG. DE FOUILLOf, PRIEUR DE S.-LAUR.
XII SIECLE, véritable sans consentir à en faire usage. Hugues, en lui
Hug.vict.op. re'pondant, veut bien supposer que ce n'est cjue par manière
f. lli,p. 8i. de dispute, et non sérieusement qu'on agite une pareille
question : mais il fait sentir en même temps combien il est
indécent et téméraire de faire de la virginité de Marie l'objet
d'une dispute. «J'avoue, dit-il, que je souffre impatiemment
« qu'on emploie un babil impertinent à flétrir la plus pure
« des créatures, qiiod tain biipudicd et niigaci locjuacitatc
<f temerare sinceram et intactain inacidare conaris. Insensé,
ce qui que vous soyez , à quoi tendent ces vains argumens que
« vous avez ruminés avec tant de soin , et que vous débitez
« aux oreilles curieuses avec tant d'emphase ? Vous voulez
« paraître un docteur; mais, croyez- moi, vous êtes moins
« admiré des sots que méprisé des sages. Quand même on
« vous accorderait quelque savoir, on ne peut vous par-
« donner le sujet que vous avez choisi pour faire pi'cuve de
« sagacité. »
Après ce début un peu vif, qui ne s'accorde guère avec
le caractère doux et modeste qu on a pu remarquer dans les
autres écrits de Hugues de Fouilloi , l'auteur rapporte le
grand principe de son adversaire, qui est que le mai'iage
emporte dans son essence l'acquiescement réciproque des
époux au mélange des corps. Pour répondre à cette ditiiculté,
il définit le mariage nne société légitime entre l'homme et la
femme , en vertu de laquelle tous deux se doivent l'un à
l'autre mutuellement, c'est-à-dire, qu'il ne leur est plus
permis de renoncer à la société pour passer dans une autre.
A l'égard du consentement qui a pour objet le commerce
charnel , il n'est que l'accompagnement et non l'essence du
mariage; il en est une des fonctions, mais nullement le lien,
en sorte que sans lui le mariage peut subsister par l'union
des cœurs. Cela posé, notre auteur allie sans peine le mariage
de la sainte Vierge avec le vœu constant de virginité. Mais on
lui objectait que dans ce cas le mariage pouvait subsister
entre personnes du même sexe. Ici l'auteur a recours aux
allégories; il le nie, parce que ce mariage ne représenterait
plus l'union de Jésus-Christ avec l'église.
Mabill. Ann. 8" Un manuscnt de l'abbaye d'Aine, cité par D. Mabillon,
t. VI, p. 461. contient un ouvrage de Hugues, prieur de Saint -Laurent,
ayant pour titre : De Pastoribus et Ovibus , dont les premiers
mots sont : Tibi,frater , qui in grege, etc. On le trouve aussi
parmi les manuscrits de la Bibliothèque Impériale, n° 2494»
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. 5o5
désigné par ce titre : Liher Pastorwn. C'est une paraphrase XII STECLE.
de ces vers de la neuvième éclogue de Virgile :
Tityre , dum redeo , brcvis est -via , pasce capellas ;
Et potum postas âge, Tityre, et inter agendum
Occursare capro , cornu Jerit ille , caueto.
L'auteur tire de chacun de ces mots des moralités et des
allégories conformes à son génie; il y trouve de cjuoi instruire
les pasteurs et les ouailles qu'il met en opposition avec les
chèvres et les boucs. Peu lui importe que ses allusions soient
quelquefois puériles , pourvu qu'il en tire quelque instruction
pour les mœurs ; il s'autorise en cela de 4»'exemple de ceux
qui ont vu dans d'autres vers de la quatrième éclogue la pré-
diction du Messie né d'une vierge :
Ultima Cumcei venit jam carminis œtas : ♦
Magnus ab intégra seclorum nascitur ordo.
Jam redit et virgo , rcdeunt satiunia régna :
Jam nova progenies cœlo demittitur alto.
cf Sanderus indique comme existant dans la Bibliothèque Sand.part.l,
de Saint -Martin de Tournai un manuscrit sous ce titre: P- 134.
Mû^ïstri Hugonis de Sancto Laui^entio de Rota prœlationis
et de Rota simulationis. 11 commence par ces mots : Sicut
coinperi, non est tlbi^^f rater, onerosuni. Sanderus, qui l'avait
vu, dit qu'il était orné de peintures fort élégantes, qui repré-
sentaieni les roues mystiques dont il est parlé dans ce livre. lUd.-p. 191.
Le même ouvrage, divisé en deux parties, existe à la Biblio-
thèc{ue Impériale , sous le n° 24g4 du catalogue imprimé ,
mais sans nom d'auteur et sans la peintui-e représentant la
roue. Voici la description que fait de cette machine l'auteur
de cet écrit , d'après lac[uelle on peut juger de son intention
et du plan cju'il a exécuté.
La roue de la première partie est composée d'un axe ou
essieu, d'un moyeu, de douze i-ayons et de six jantes. L'axe
représente, dans la pensée de l'auteur, le chef d'une com-
munauté ; le moyeu , l'esprit dont il doit être animé pour
conduire les autres , le moyeu fixé dans Taxe représente
l'union qui doit exister entre le disciple et son supérieur ;
les rayons sont les bonnes dispositions de l'inférieur, et les
jantes les bons effets qui résultent de son union avec le supé-
Toiiie XllI. Sss
5o6 HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR.
XII SIECLE, rieur. La roue clans son entier représente la vie d'un religieux
avec ses perfections et les vicissitudes auxquelles il est ex-
posé.
Le premier rayon a pour inscription la bonne intention
qu'il doit ajjporter; le second, la discrétion , pour agir conve-
nablement ; le troisième, l'amour du bien; le quatrième,
V horreur du mal ; le cinquième , l'amour de Dieu ; le sixième,
la charité fraternelle ; le septième , l'abnégation de soi-même;
le huitième, le mépris des avantages du monde ; le neuvième
et le dixième, la tempérance dans le boire et le manger , et
les bornes auxquelles il faut s'arrêter; le onzième, la désap-
propriation ; et le douzième , l'absence même du désir du
bien d' autrui. m
A chacune des six jantes aboutissent, comme à leur prin-
cipe générateur , deux rayons île la roue. La première est la
pureté, et à elle aboutissent l'intention et la discrétion; la
secoade est la volonté , d'où procèdent l'amour du bien et
l'horreur du mal ; la troisième , la charité , qui embrasse
l'amour de Dieu et du prochain; la quatrième, l'humilité
. qui produit l'abnégation de soi-même et le mépris des avan-
tages du monde; la cinquième, la sobriété, de laquelle résulte
la tempérance dans le boire et le manger ; la ?i\yé(eviVQ ^V esprit
de pauvreté , qui exclut lontti propriété, et,à plus forte raison
le désir du bien cV autrui.
Tel est l'aperçu des moralités renfermées dans la première
partie de cet ouvrage qui a pour titre : Rota prœlationis ou
religionis. La seconde , intitulée Rota simulationis est le
contre-pied de la première; on y fait la guerre aux hypocrites
et aux mauvais religieux (car tous les écrits de Hugues ont
pour but finstruction des personnes qui vivent dans le
cloître ). Sa marche est la même que dans la première partie
en sens inverse.
Cette roue, qui représente la vie d'un hypocrite ou d'un
faux religieux est composée, comme l'autre , d'un axe, d'un
moyeu, de rayons et de jantes en égal nombie. Sur la pre-
mière jante est écrit l'astuce ; sur la seconde , l'avarice ; sur
la troisième, la superbe; sur la quatrième, la négligence,
ou l'oubli de ses devoirs; sur la cinquième, la paresse ; sur
la sixième , l'indigence. De l'astuce naît la passion d'acquérir
du bien et le talent de le conserver, représentés dans les deux
premiers rayons; le troisième et le quatrième qui se rattachent
a la jante de l'avarice , sont la rapacité et la ténacité; les
I
HUG. DE FOUILLOI, PRIEUR DE S.-LAUR. Soy
deux, rayons siiivans qui partent de la superlie, sont le ^^ SIECLK.
mépris de l'autorité et f insubordination. De la négligence ,
quatrième jante , procèdent les rayons sept et huit , jiortant
oubli de soi-même et irréflexion ; la cinquième jante, qui est
la paresse, produit le désœuvrement et la recherche des tables
étrangères représentes par les rayons neuf et dix ; enfin à la
sixième jante, l'indigence, sont attaches les rayons onze et
douze, ayant pour inscription , ejectio et a bj ectio ^ cest-k-dire ,
que le sort d'un religieux ou d'un supérieur d'une conduite
irrégulière est de tomber dans le mépris et dans la misère,
après avoir perdu sa place ou son état.
L'auteur, dans le développement de ses moralités, fait un
grand visage des livres moraux de saint Grégoire-le- Grand,
qu'il avait bien médités , et prouve qu'il connaissait parfai-
tement les devoirs de la vie religieuse ; on peut croire aussi
qu'il les pratiquait exactement.
io° On trouve dans plusieurs manuscrits, comme ouvrages
du même auteur, Tracta fus de Conversatione monasticà;
De duodecim abusionibus claustri materialis ; ce sont des
morceaux détachés du grand ouvrage du Cloître de l'ame.
Il» Montfaucon indique parmi les manuscrits de Saint- Bibi.Biblioih.
Thierri, près de Reims, un ouvrage de Hugues de Fouilloi, '-l'icol- »236.
In lamentationes Jeremice. C'est peut-être le même cnxi est
imprimé parmi les œuvres du victorin, T. Il, p. i46. Nous
ne doutons pas que parmi les ouvrages de ce dermer sur
l'écriture sainte, imprimés dans le même volume, il n'y en
ait plusieurs qui sont de Hugues de Fouilloi , ceux sur-tout
qui ont pour titre: Allegoriœ.
1 2» Dans le manuscrit de la Bibliothèque Impériale ,
n" 3419, écriture du XIV* siècle, qui contient des extraits
d'auteurs anciens, sous le titre de Flores . on trouve au n" 2:
Flores ex Hugonis de Folieto operihus collecti. B.
SSS2
XII SIECLE.
GUILLAUME GODEL
OU GODEAU,
MOINE DE S.-MARTIAL DE LIMOGES,
ET AUTRES CHRONIQUEURS DU DIOCÈSE DE SENS.
1 ELS sont le nom et la qualité qu'on donne à l'auteur d'une
Chronique latine parmi les manuscrits de la Bibliothèque
Impériale, sous le n° 48^3, dans une note qu'on trouve à la
fin du volume d'une écriture du XI V^ siècle. L'abbé Lebœnf,
qui avait examiné ce manuscrit, a inséré dans le Journal
Fev. 1756, Historique- de Verdun une lettre pour prouver que cette
p. 122. Chronique ne peut pas être l'ouvrage d'un moine de Saint-
Martial, quoique ce manuscrit ait été trouvé dans la Bililio-
thèque de ce monastère : il pense qu'elle a été com-
posée par un religieux de quelque abmye de l'ordre de
Cîteaux , du diocèse de Sens , ou de celui de Bourges ; mais
il n'a pas jugé à propos de motiver son opinion. Les raisons
que j'en «V, dit-il , seraient trop longues à déduire.
T.XlIl,p. 671. LesVontinuateurs du Recueil des historiens de France qui
ont imprimé plusieurs fragmens de cette Chioniaue, sous le
nom de Guillaume Godel, moine de Saint-Martial de Limoges,
comme il est porté dans la note ajoutée au manuscrit, sont
du même avis que M. Lebœuf, et ils en ont donné les
raisons.
Le nom de Guillaume Godel ne se trouve dans aucun autre
monument connu. L'auteur ne se nomme nulle paît dans sa
Chronique, et s'il parle de lui, ce n'est jamais qu'en première
personne, ego. Il ne nomme pas non plus le monastère auquel
il appartenait; et ce qui prouve que ce n'était pas celui de
Saint-Martial de Limoges , c'est qu'il ne dit rien qui ait trait
à ce monastère , ni même au Limosin. Le savant académicien
a cru que Godel appartenait à l'ordre de Cîteaux, parce qu'à
l'époque de la fondation de ce monastère , l'auteur ajoute à
son manuscrit une colonne dans laquelle il a marqué fort
exactement la succession des abbés de Citeaux ; le critique
est encoi'c mieux fondé à placer le monastère dans lequel le
GUILL. GODEL, MOINE DE S.-MARTIAL. 609
chroniqueur avait été reçu à profession , tlans le diocèse de ^H SiECLt.
Sens ou dans celui de Bourges. Nous verrons bientôt qu'il y
a plus de probabilités pour celui de Sens.
Quoi qu'il en soit ciu nom de la peisonne, voici ce que
l'auteur nous apprend de lui-même. Sous Tannée 11 45, il Bouquet, t.
marque son entrée en religion, et il nous apprend qu'il était ^^^^' !'• ^'^•
anglais de naissance, Ego seivonini (liiisti novissiinus , qui
totuin hoc opus ex ■variis historicis coinpilando compegi , nio-
nasteriuni intravl , œtate juvenculus , génère yinglicus. Il
rapporte, sous la même année, la mort.de Henri Sanglier,
archevêque de Sens , qui eut pour successeur Hugues de
Touci , des mains duquel il reçut tous les ordres , excepté la
prêtrise. Il fut ordonné prêtre au village de Leuroux, par
Pierre de la Châtre , archevêque de Bourges ; il ne dit pas en
auelle année , mais certainement avant 1 1 7 1 , qui est 1 année
e la mortde ce prélat. Il termine sa Chronique à l'année 1 1 ^3,
mais rien ne prouve qu'il soit mort bientôt après. On voit par
sa Chronique qu'il aimait les voyages, ou que des raisons le
forcèrent à voyager. Sous l'année 1172 il raconte qu'étant
allé en Allemagne il y vit une vieille fille extraordinaire, qui,
quoique laïque et non lettrée, avait des révélations étonnantes:
elle avait alors, dit-il , soixante ans. On pourrait croire qu'il
veut parler de sainte Hildegarde; mais celle-ci était religieuse
et abbesse du IMont Saint-Rupert, près de Bingen, au diocèse
de Mayence. Avec la vie ertante que paraît avoir menée l'au-
tem' , il ne serait pas surprenant qix'il eût souvent changé de
monast^e, et cpi'étant passé du diocèse de Sens dans celui
de Bourges , il fût allé mourir à Saint-Martial de Limoges où
sa Chroni^e serait restée.
Disons maintenant, cjuel est le mérite de son ouvrage. Il le
commence à la création du monde, et il explique dans une
longue prélace le plan qu'il s'était tracé, et les sources où il
comptait puiser : sources aujourd'hui connues de tout le
monde. Ainsi il y a très-peu à profiter de son travail jusque
aux derniers temps où il a vécu. Il le divise en quatre époc|ues;
la première s'étend depuis la création du monde jusqu'à
l'incarnation de J. C. ; la seconde commence à l'incarnation,
et finit à l'année 691 ; la troisième comprend depuis cette
dernière année jusqu'à l'an Mil. Ici commence la quatrième
époque à laquelle il ne fixe aucun terme, afin dit -il, qu'on
puisse toujours y ajouter, soit de mon vivant, soit après ma
moit. Les continuateurs du Recueil des Historiens de France
5io GUILL. GODEL, MOINE DE S.-MARTIAL.
xn SIECLE, ont donc bien fait de n'imprimer que cette dernière partie ,
qui est morcelée dans les tomes X , p. 269-263; tome XI,
p. 282-285 ; et tome XIII, p. 671-677. Mais il y a une obser-
vation à faire sur ce dernier extrait: c'est cjue depuis l'année
1 124, il y a inie très -grande confoimité entre la Chronique
xn"' V^^ ^^ notre auteur et celle de Saint-Pierre-le-Vif de Sens.
Nous avons déjà dit que Clarius , auteur de la Chronique
de Saint-Pierre-le-Vif, était mort en 1 124, et que sa Chro-
nique se terminait à cette année. Mais elle a été continuée
par un anonyme jusqu'à l'année 1184. Dans cette conti-
nuation il y a plusieurs articles qui sont littéralement les
mêmes que dans la Chronique de Godel. Est-ce Godel qui
les a empruntés du continuateur , ou le continuateur qui les
a copiés dans Goflel ? Nous ne prendrons pas sur nous de le
décider ; mais il nous semble que le continuateur est plutôt
le plagiaire, parce que tantôt il n'a fait qu'abréger les articles
de Godel , tantôt il en a su|)primé d'autres pour y substituer
des événemens relatifs à son monastère.
II. Ce que nous venons de dire de la continuation de la
Chronique de Saint -Pierre de Sens doit suffire pour en
donner une juste idée. Nous croyons devoir placer ici ce que
nous avons à dire touchant la petite Chronique de Sainte-
Colombe , près de Sens.
Anecd. i. Ill, Cette Chronique , publiée par D. Martène , commence à
"^01.1449-1453. l'ai^n^g 708, et finit en 1175; car ce qui est rapporté sous
l'année 1 198 paraît avoir été ajouté par une main postérieure.
L'auteur, qui était moine de Sainte-Colombe , a recueilli dans
quelques mémoires de son monastère , et dans quelques
chroniques plus anciennes , les traits qu'il a jugé à propos
d'insérer dans la sienne. Aussi son ouvrage n'est-il proprement
intéressant, c|ue parce qu'il nous fait connaître les abbés de
son monastère , et la suite des archevêques de Sens , depuis
le VHP siècle jusqu'à son temps; encore en a-t-il omis plu-
sieurs. Il a laissé vides, dans chacun des siècles qu'il parcourt,
plusieurs années sur lesquelles sans doute ses mémoires ne
lui fournissaient point d'événemens piopres à entrer dans
son plan. Nous y avons cependant remarqué cpielques traits
souvent étrangers à son monastère qui méritent d'être re-
cueillis.
Parlant de l'assemblée qui fut tenue à Vézelai , à Pâques
de l'année ii46,pour délibérer sur la croisade dont le roi
Louis-le-Jeune avait conçu le projet, il dit que l'affluence
XII SIECLE.
GAUTIER DE MORTAGNE. 5ii
de ceux qui prirent la croix ce jour-là fut si grande, ciue
l echat'aucl sur lequel ils étaient montés s'écroula , sans crue
personne, par une espèce de miracle, fût blessé, et que
même la partie sur laquelle le roi était monté n'éprouva
aucun accident.
A cette époque, l'abbé de Sainte-Colombe était Thibaud,
fils de Hugues de Payens, premier grand-maître du Temple
de Jérusalem. C'était pour lui une forte raison de s'enrôler
pour la croisade : aussi partit-il avec les autres pour la Terre-
Sainte, mais il n'en revint pas, étant mort en chemin. L'auteur
regrette beaucoup une couronne d'or garnie de pierres pré-
cieuses , dont le roi Raoul ou Rodolphe avait fliit présent au
monastère, et une croix, apparemment d'or aussi, travaillée
de la main de saint Eioi , que l'abbé Thibaud avait engagée
furtivement à des Juifs de Troyes , pour les frais de son
voyage.
L'an II 64, l'église de Sainte-Colombe ayant été rebâtie à
neuf, le pape Alexandre III, pendant le long séjour qu'il fit
à Sens, voulut en faire lui-même la dédicace. L'auteur décrit
avec complaisance cet événement, et estim^à vingt mille le
nombre des étrangers qui accoururent à celte cérémonie.
D. Martène , comme nous l'avons dit , a publié cette chro-
nique, et les continuateurs du Recueil clés historiens de T. x, p. 273;
France l'ont réimprimée par fragmens dans leur collection, * ^^' P- ^9* s
avec plusieurs augmentations cp'ils ont trouvées dans le '•^"'P-^'*7-
manuscrit 58 1 de la reine Christine , et qu'ils ont distinguées
du texte ancien par des crochets. B.
GAUTIER DE MORTAGNE.
(jAUTiER DE MoRTAGNE était né vers le commencement Gail. christ.
du douzième siècle, non dans le Perche, mais en Flandre, '• ix, p. 533.
dans un bourg appelé Mortagne, Maiiritania. Ce nom latin 7^- ^' ,^'''"'*^'',
qui désigne ordinairement une contrée africaine, a fort de- ecd. t. xxiii
routé Guillaume Cave, qui demeure en suspens [plané in- p- 202-206. —
certwn) sur la question de savoir si Gautier a vu le iour en î^".^*'"'^.y' H-
Af ■ '1 ^ ^ ' T^ • I 1 •' ,. .i, Linv. Pans, ad
Afrique, ou s il est ne en Espagne au sein de quelque famille ann. 1120. —
5i2 GAUTIER DE MORTAGNE.
XII SIECLE, maure , devenue peut-être chrétienne. Yoilà des incer-
Oudin, t. II, titudes bien gratuites et des conjectures bien superflues :
p. 1199^1201. Gautier, sans nul doute, était flamand. Avant d'être prélat,
Cave, Script, jj avait acciuis , comme professeur habile et sévère , une ré-
Ecdes. t. II , . i ^ , . i , . , , ^
p. 2j„. putation que ses écrits ne lui ont pas conservée. Il enseigna
la rhétorique à Paris, dans une des écoles établies sur la mon-
Mariènc , tagiie (le Sainte- Geneviève. Mais il paraît qu'il renonça de
ïhes. Anecd. bouiie heure aux belles-lettres pour se livrer à la philosophie ,
1-13*^°^"'*' ^^ ^ ^^ qu'on appelait alors de ce nom : nous voyons même
qu'il ne tarda point à donner des leçons de théologie à Reims,
à Laon et ailleurs. Depuis 11 36 jusqu'en 11 48, il eut pour
Métal. I. disciple Jean de Salisbury, qui nous 1 apprend lui-même.
Devenu chanoine d'Anthoin en Flandre, Gautier fut député
par son chapitre vers le pape Eugène III , pour plaider
contre Francon , abbé de Laubes , lequel s'arrogeait certains
droits sur l'église d'Anthoin. Nous ne savons pas quelle fut
l'issue de ce procès : mais Gautier était trop exercé dans l'art
des disputes , pour que ses argumens n aient pas ete victo-
rieux. En 1 1 5o il est chanoine de Laon , et devient successi-
vement doyen , acolatre , évêque de cette église. Il succéda ,
Gall. Christ, sur le siége de Laon, à Gautier de Saint-Maurice, avec
nov. t. IX, p. lequel on l'a quelquefois confondu : cette erreur s'est même
*P. 83i. glissée dans la table du tome XIV du Recueil des Historiens
de France. Gautier II ou de Mortagne, élu évêque de Laon
en II 55, fut sacré à Rome. Nous le trouvons en ii5c) pré-
sent à une transaction entre Odon , abbé de Saint-Denis , et
le comte de Roucy; en 11 63 à un concile de Tours, que
présidait Alexandre III; en 1167 à l'assemblée tenue à
Vézelai contre une secte manichéenne, connue sous le nom
de poblicains ou publicains. Il confirma en 1168 une vente
faite aux moines de Saint-Jean de Laon , et il fonda deux
chapelles en iiyS. 11 mourut l'année suivante et fut enterré
à Laon, dans l'église de Saint-Martin. Voilà presque tout ce
qu'on peut raconter de sa vie , à moins que nous n'ajoutions
cm' en 1 164 il envoyait à Gérard , abbé de Vendôme, un os
de saint Béat, et qu'avant de mourir il s'était fait prémontré;
ordre en faveur duquel le pape Adrien IV lui avait écrit
Rec.desHist. dcux lettres. Une circonstance qui tient davantage à Ihis-
(le Fr. t. XV, p. toire littéraire, c'est que le traite de Aniinâ Christi , qui se
687,689. trouve parmi les œuvres de Hugues de Saint -Victor , est
dédié à Gautier de Mortagne.
Nous avons de Gautier cinq petits traités théologiques ,
GAUTIER DE MORTAGNE. 5i3
qui portent le nom de lettres , et qui occupent vingt pages
dans le second volume du Spicilége de Dachery. La première
de ces lettres est adressée a un moine nommé Guillaume ,
qui' tenait pour nul le baptême conféré^ par des hérétiques.
Gautier rétiite cette erreur, qui jadis avait été l'opinion de
Saint-Cyprien et l'hérésie des Donatistes : il y oppose les
témoignages et les raisonnemens qui démontrent que l'effi-
cacité des sacremens ne dépend en aucune manière de la
croyance , des qualités , ou des mœurs de ceux qui les admi-
nistrent.
Le second écrit traite de l'incarnation. Gautier avait
avancé que l'homme pris ou revêtu par le verbe était Dieu :
dssiiniptus homo Deus est. Il s'en dédit maintenant; il ex-
plique comment l'homme, c'est-à-dire, un composé de corps
et dame , s'est uni au Verbe , et comment l'humanité et la
divinité ne sont qu'une personne. La rétractation que fait
ici le savant auteur nous montre bien qu'on ne doit parler
de la double nature et de la personne unique , qu'en choi-
sissant et pesant chaque mot avec l'attention la pnis scrupu-
leuse.
Un docteur nommé Thierry prétendait que Dieu n'était
présent par-tout que par sa puissance, et non par son essence.
Cette erreur est victorieusement réfutée dans le troisième
écrit de Gautier. Nous y lisons qu'il est impossible de cir-
conscrire la nature divine , et qu'elle ne saurait exister en un
lieu plutôt qu'en un autre. « Je remplis le ciel et la terre , »
cœluni et terram ego impleo , dit Dieu lui-même dans Jéré-
mie. L'auteur cite aussi ces paroles des Actes des Apôtres :
In ipso vwiinus , moi.'einur et sunius. A la vérité , saint
Jérôme enseigne que Dieu est à-la-fois local et non local : et
localis est Deus et non localis ; qu'il est local pour ceux qui
viennent à lui, et qu'il ne l'est pas, en tant qu'il existe par-
tout : mais Gautier de Mortagne s'en tient à ce dernier
résultat , et n'admet aucune idée de localité dans l'essence
divine : « Dieu n'est pas dans un lieu , il est sans lieu , quoi-
qu'en tout lieu » : Licet in omni loco , non tanien in loco,
sed sine loco est.... ubique totus.
Albéric, autre docteur , soutenait que Jésus-Christ n'avait
point appréhendé la mort , et n'avait ressenti même , durant
sa passion , aucvm trouble , aucune tristesse. Gautier adresse
à cet Albéric un quatrième opuscule, oii il est prouvé par
des textes sacrés fort connus , que Jésus se troubla, s'attrista,
Tome XI II. Ttt
Xn SIECLE.
p. 459-/17-
XXIII, 2/,.
XYII, 28.
Joatm, XII,
5i4 GAUTIER DE MORTAGNE.
XII SIECLE, et conjura son père d'éloigner, s'il était possil)le, le calice de
a-jMat.xxYi, 1'^ doulcur. A CCS textos se joignent ici quelques témoignages
?i7, 38; Marc, dcs Pères dc l'église, qui de plus en plus autorisent l'auteur
.Kiv, 33. ^j conclure que le Fils de Dieu s'est assujéti à toutes les fai-
blesses de la nature humaine, hormis seulement le péché.
Néanmoins , comme il se rencontre aussi , dans les écrivains
ecclésiastiques, certaines lignes qui disent en effet que Jésus,
n'a pas craint la moi t, Gautier de Mortagne distingue deux
craintes, l'une excessive, l'autre modérée, et nous explique
comment le Christ, inaccessible à la première, a dû ressentir
la seconde.
La cinquième épître est adressée à Pierre Abailard. Quel-
ques disciples de cet homme célèbre le vantaient sans me-
sure, et le représentaient comme un théologien transcendant,
qui comprenait à merveille l'unité de l'essence divine des
trois personnes , la génération du Fds et la procession de
l'Esprit-Saint. Gautier n'avait d'abord attribué ces propos
qu à Finconsidération des élèves, et s'était abstenu de les
reprocher «u maître. Mais, en lisant la première partie -du
traité c[u' Abailard avait intitulé le Lune de Théologie , Gautier
vit qu'Abailard promettait en effet d'expliquer comment le
Fils est engendré du Père, comment le Saint-Esprit procède
de lun et de l'autre ; cpi'il avait de plus la présomption de
s'abandonner, en expliquant la Bible, à ses opinions paiti-
• culières; qu'enfin il enseignait que Dieu le Père était plus
puissant que Dieu le Fils , sous prétexte c|ue Jésus lui-même
jo^n.xiv, 28. dit dans Févangile : Quia pater major nie est. Abailard est
redressé sur tous ces points dans cette lettre dogmatique.
Puisque le Fils est égal au Père, et ne fait qu'un avec lui, ego
Joan. X, 3o. et pater uiiuni swniis , il n'y a pas lieu de déclarer l'un plus
ou moins puissant que l'autre. La génération du Verbe est
Isa. LUI, 8. ineffable , il n'est permis cà aucun mortel de la raconter ; le
Père n'est connu que du Fils, nous ne savons sur l'essence
iMat. XI, 17. divine que ce que le Fils nous en révèle, et nos lumières per-
sonnelles ne sont, en de tels sujets, qu'une ignorance or-
gueilleuse. Voilà quelles leçons Abailard reçoit ici du théo-
logien Gautier.
Un sixième opuscule de cet écrivain a été inséré par dom
Observ. ad Mathoud dans l'édition des oeuvres de Robert Pullus, publiée
op. Rob. Pulh , en i655. Le manuscrit sur lequel on a imprimé ce dernier
p!64.^' ' ^"it ï^^ désignant l'auteur que par l'initiale G, Mathoud a .
mis Guillaume de Mortagne au lieu de Gautier; c'est une
ROBERT, ABBE DE WASOR. 5i5
bien légère inadvertance. Cette pièce au surplus n'est qu'une '^^^ srecLE.
courte réponse à Hugues de Saint-Victor, qui, comme nous
l'avons dit, avait dédié à Gautier un traité de lame du Christ.
Hugues attribuait à lame de Jésus- Christ une science égale
à la science divine : Gautier relève avec beaucoup de poli-
tesse cette inexactitude; il distingue en Jésus les deux na-
tures, la divine, a lacjuelle appartient incontestablement la
plénitude de la science ; et l'humaine, cpii , en science comme
en tout autre attribut, l'este intérieure à la divinité.
Tout annonce que Gautier a composé ces petits traités
avant d'être évêque de Laon : c'était aussi en iiSa, et par
conséquent en qualité de simple chanoine, qu'il faisait à
l'église de Prémontré une donation qu'on a publiée à la suite
des ouvrages de Guibert. Mais ce fut en ii58 ou 1169, la P- 819.
quatrième année de son épiscopat , qu'il écrivit au pape
Adrien IV une lettre, où ce pontife est prié de ratifier une
transaction entre Gautier et les prémontrés. Nous termine- ^'^^- P™"-
rons cet article en transcrivant 1 epitapne incorrecte et rimee âesHist. deFr.
qui couvrait le tombeau de Gautier de Mortagne. t. xv , p- 68g.
. Gall. Christ.
Hic te^o Galterum, quod detego , mutarjue pctra^ r^-»' ' '*'
Prœsniis acta loquor , pro li/igud surit niild metra ;
Comilio , monitis , -virtutibus , hoc modo -vitœ.
Revit, correxit, crexit m-es et ovile.
hifidt huic pietas, sale sed condda rigoris ,
Torpida ne ficret -virtus et egena saporis.
AhstuRt hune nmndo divisio discipidoruin :
Vis>at in œternum meritis adjutus corum.
D.
ROBERT,
ABBÉ DE WASOR.
IvoBERT, abbé de Wasor au diocèse de Namur, avait été
rehgieux et doyen de Stavelo; mais il est assez difficile Cave, de
comme assez inutile de fixer les époques où il a vécu dans ?*^"^*" ^"''^'•
T I 11 1 ' ^-t'-l 11/ • 1 t. Il, ]). 110.
lun et dans l autre de ces monastères. VVibold écrivant de caiiia christ.
Ttt2
5i6 ROBERT, ABBÉ DE WASOR.
XII SIECLE. Stavelo où il était abbé, à la communauté de Wasor et à
jiov. t. III, p. Thierri qui la gouvernait, leur park tle R.obert comme de
5ii- leur tils ,y?//?//?i vestnun , expression qui sans doute autorise
Bef/lîb'xLi'x ^ sup]:)oser que Robert avait appartenu à cette communauté
n. i5. ' avant d'en devenir le chef. Cependant, il est certain que
Spicii. t. VII, Robert, lorsqu'on le fit abbé de Wasor, fut tiré immédiate-
PrJîaff 23!'^ ment de Stavelo, où il était doyen sous l'abbé \\iboId.
Celui-ci avait été lui-même religieux de Wasor, et il est
présumable que devenu abbé de Stavelo , il y attira Robert,
3ui en sortit en 11 48 pour l'etourner à W^asor en qualité
abbé. Voilà du moins 1 hypothèse qin nous semble concilier
le mieux les circonstances énoncées dans les écrits de ces deux
moines. Ceux de Robert consistent dans une vie de saint Fo-
rannan, une lettre à Wibold pour le consulter sur cet ouvrage,
Apuil Mart. tm billet de pur compliment au même Wibold, une lettre
^ mp ISS. Coll. jg ii5t relative à une association spirituelle entre l'église
iviariène, de Wasor et celle de Saint-Jean, cathédrale de Liège; enfin
Ampiiss. Coll. lin livre sur la fondation de l'abbave de W^asor, si toutefois
85o' ^ ^ '° '^' ^^ '^^'^ '^l'^*^ commence la chronique de ce monastère et' la
Spicii.t.vii, conduit jusqu'en 1080, est réellement l'ouvrage de Robert.
p. 5i3etseqq. La principale raison d'en douter, c'est qu'on trouve dans la
Spicii.t.vii, suite de cette chronique un assez long éloge de Robert, sans
P- -Jy2- i-i- niention d'aucun écrit composé par lui sur l'origine de ladite
jVatal. Sanct. abbaye. IMolanus et Aubert le Mire, qui lui attribuent un
cgii 3 dec. pareil traité, nous semblent avoir confondu ce livide avec la
nn!)ioi\ Bened. ^Ic dc Saint Foranuan qui en fait partie,
in Beigio; ori- Une plus longue histoirc de ce Saint occupe douze
£111. Benedict. colonucs daus la Collection des Bollandistes , qui l'annoncent
, 5o a-fril , p. ,, 1 1' 1 1 ' r. 1 T-'ii * ' ' 1 ' 1 1
807 - 822. — comme 1 ouvrage de 1 abbe Kobert. Llle est précédée de la
Biabiii. act. ss, lettre où il consulte W^ibold sur ce travail , et de la réponse
?^^riTi' ^'^"it' Que Wibold adresse cà la communauté de Wasor, alors ffou-
t.\ni,p. j86. 1 ' m • ' to
vernee par 1 hierry.
L'auteur de la vie de saint Forannan déclare çju'il a mieux
aimé balbutier que se taire : son silence eût laissé de trop
grands miracles dans l'obscurité : Quoniam iinbittamento
' artis pliilosophiœ minus fidti verhis lias (virtutes Forannani)
enucleare neqidmus venustis , more puerorum maluimus
halbutire qiûim notitiam miracidor'iijn sancti virï suh ohscu-
îitads iwlameiito occidtare. Né en Ecosse et devenu arche-
vêque de Domnachmor (Armagh) en Irlande, saint Forannan
abdiqua cette dignité pour venir embrasser à Wasor l'état
monastique : il ne tarcla point à se voir chargé du gouver-
ROBERT, ABBÉ DE WASOR. Siy
nement de cette abbaye. L'attouchement de ses habits Xil SIECLE.
guérissait les malades; mais uii miracle mçins vulgaire est
celui qui le sauva d'un naufrage, lui et quelques autres : le
Saint disposa quïitre morceaux de bois en forme de croix,
se mit au milieu, étendit ses compagnons sur les branches,
et parvint au port en chantant avec eux : in mari via tua, et
semitœ tiiœ in aquis niultis. Il mourut en 982 , la veille des
calendes de mai. Telle est la matière du premier chapitre,
qui avait été d'abord rédigé par un autre auteur, ainsi que
nous l'apprend un passage de ce chapitre même: Rober tn'a
fait que le rectifier, l'étendre, et y ajouter les deux chapitres
suivans. Il est permis de supposer cpien sortant des mains
de son premier auteur, dont le nom n'est point indiqué, ce
premier chapitre n'était cjue le morceau cpii concerne saint
Forannan dans la chronique de Wasor; et cette conjecture
pourrait concourir à montrer que le Mire et Molanus se
sont trompés en attribuant cette chronique à l'abbé Robert.
Celui-ci, dans le deuxième chapitre et dans le troisième
et dernier, nous raconte les guérisons miraculeuses et les
autres prodiges opérés au tombeau de saint Forannan ou
par son intercession. Ce cpie nous y lisons de plus remar-
quable, c'est qu'enterré dans un lieu humide, le saint
apparut à ses frères et leur demanda une demeure plus
salubre : elle ne lui fut pas refusée.
Robert de Wasor mourvit en 1 1 74. Son style est comparé ,
égalé, presque préféré à celui de Cicéron, dans une lettre
écrite à Wibold en w^']-, par Reinard abbé de Reinchusen. Apiul Mart.
Cette lettre donne lieu de croire que Robert aidait Wibold Ampiiss. CoU.
à rédiger les mémoires cjue les affaires du monastère de ' >!' 21^-
Stavelo forçaient d'adresser aux personnes éminentes dans
l'église et dans l'état. D.
MI SIECLE.
ROBERT WACE,
CHANOINE DE BAYEUX, HISTORIEN-POÈTE.
SA VIE.
Ije nom de cet écrivain est diversement exprimé dans les
livres qui en ont pailé , et même à la tête et dans le corps
de ses propres ouvrages. On le voit tantôt écrit If^ace ,
ff^acce , fVaice , IVaze ; tantôt Casse , Garce , Guace ,
Guaze, Guasco^ Gazoe , noms qui ne diffèrent que par quel-
ques altérations, et sur-tout par le changement de la lettre
initiale fi^ en G , changemens qui se rencontrent souvent
dans les noms propres qui commencent par un IV. Ainsi on
écrivait IVido pour Guido , IPillehiius pour Guillelmus.
Mais c'est une question parmi les critiques, de savoir si ces
noms sont une corruption de celui d'Eustache , parce qu'on
attribue quelquefois au chanoine de Bayeux le roman de
Brut ou d'Artus de Bretagne , composé dans le temps oix il
vivait , et dans lequel l'auteur prend le nom de JP'istace ,
Huistace , Huace , qui sont évidemment une altération
rerb. Sene- d'Eustache. Borel , dans ses Antiquités gauloises , cite sou-
chal , Vassal , y^j^t jg roman d'Artus par maître Garce , quoique , dans les
vers que cite de ce poëme le président Fauchet , l'auteur
Arad. des prenne le nom de TVistace et Huistace. Galland fait deux
Belles-Lettres, auteurs différcus d'Eustace et de Gasse, parce que l'un a
t. II. p. 7J0. çQjj^posg Iq Brut d'Angleterre, et l'autre le roman des Rois
d'Angleterre.^ ouvrages qui existaient dans le même manus-
crit dont il rendait compte. Cela prouve bien que ce sont
deux ouvrages distincts , mais non deux auteurs différens.
Au reste, comme maître Eustace est un personnage parfai-
tement inconnu, et que son ouvrage est dans le genre de
ceux de Robert Wace, sans décider la question de fidentité
de ces deux auteurs, nous ne les séparerons pas dans cet
article.
Quant à Robert Wace , il s'est fait assez connaître dans
plusieurs endroits du roman de Rou, qui est incontestable-
ment son ouvrage. Il déclare qu'il naquit à l'île de Gersai ,
au diocèse de Coutance , d'où il fut transporté dès son en-
ROBERT WACE, HISTORIEN-POÈTE. 619
fance à Caen ; que de-là il passa en France , pour y faire ses ^n siècle.
études; qu'étant retourne ensuite à Caen, il se livra à la "
coin]X)sition de romans.
^ "Se l'on demande qui ceu dist, Ms.Reg.75G7',
n ■ , . ■ ■ . fol- 54-
l^ui ceste esteiie en romans niist,
Je di et dirai que je sui,
Waicce, de l'isle de Gersui :
Elle est en mer vers occident ,
Aux fins de Normandie appent.
En l'isle de Gersui fu nez,
A Caèn fu petis portez ;
lUeques (là) f u à lettres mis,
Puis fu longues ( long-temps ) en France apris.
Quant jeu de France repairai,
A Caèn longues conversai ;
De romans faire m'entremis.
Moult en escript , et moult en fis.
Nous trouvons encore dans son ouvrage de quoi fixer
quelques époques de sa vie. Il dit clans un endroit qu'il
avait vu trois rois d'Angleterre du nom de Henri, cjui joi-
gnaient à cette dignité celle de ducs de Normandie.
Trois rois vi et congnu, Brs.S'"Palave
Et clerc lisant en leur temps fu; P- ''i7-
Des Englois furent rois tuit trois ,
Et tuit treiz furent duc et rois.
Ailleurs il dit que le second de ces trois Henri était petit-
fils du premier et père du troisième,
De Henri roi second vos di ,
Neveu Henri , père Henri.
Ainsi c'est de Henri F'", de Henri II, rois d'Angleterre, et
de Henri au Court-Mantel , fils du dernier, c[ue l'auteur veut
parler; et, comme le premier mourut en 11 35, il faut con-
clure que Wace était né quelques années auparavant , puis-
que , de son vivant, il était déjà clerc lisant. De même
Henri au Court-Mantel n'ayant été couronné roi qu'en 1 170^
du vivant de son père , il s'ensuit que l'auteur a vécu au-
5ao ROBERT VVACE, HISTORIEN -POÈTE.
XIT SIECLE, delà de cette année, mais nous ne connaissons pas l'époque
précise de sa mort. Nous examinerons plus bas la date de
chacun deses écrits.
SES ÉCRITS,
t
Du grand nombre de romans que Wace dit avoir com-
posés, tous en vers, trois seulement sont parvenus jusqu'à
nous. Le premier est le roman de Brut que nous lui attri-
buons, comme formant la première partie de l'Histoire d'An-
gleterre, que l'auteur a entrepris de continuer dans le roman
de Bon. Celui-ci est le second dont nous avons à rendre
compte. Le troisième traite de l'établissement de la fête de
la Conception de la Sainte Vierge.
Ces romans ne sont pas de pures fictions : on les appelle
ainsi parce qu'ils sont écrits en langue vulgaire , qu'on nom-
mait alors langue romane ou jvmance. Ils sont dans le genre
purement historique, ou plutôt ce sont des histoires mêlées
de fables , dont le fonds même n'appartient pas au roman-
cier. Il n'a fait que traduire et mettre en rimes des historiens
qui existaient déjà , sans employer aucune des ressources de
Hist. de la l'^^t ^ qui (oi^t; \^. charme de la poésie. «L'auteur, dit l'abbé
Poe,ie raiir.p. ^^ jyj.^ggjg^^ entre de plain pied dans son sujet, suit pas-à-
« pas les événemens , et raconte au plus juste les choses,
« selon l'ordre qu'elles sont arrivées , sans connaître ni
« simplicité de dessein , ni unité d'action , ni ces dérange-
« mens et ces transpositions de faits, cjui, dès l'entrée, jettent
« le lecteur au milieu du sujet, et sont un des plus puissans
« ressorts et des plus grands enclaantemens de la poésie
« héroïque, j)
\° Le Boman de Brut ou d'Artus de Bretagne.
Le sujet de ce poëme est l'origine des Bretons, cpie l'auteur
tii'e d'un Brutus , petit-fils d'Ascagne et arrière -petit- fils
d'Enée. Depuis ce Brutus, qui, selon l'auteur, régna le premier
dans la Grande-Bretagne, il continue la chronologie des rois
bretons jusqu'au roi nommé Caduallastre^ qui, étant allé à
Rome, y mourut le if) avril de l'an ^oo de l'incarnation,
temps auquel, suivant notre auteur, la Grande-Bretagne prit
le nom d'Angleterre. Ce roman est imité d'un ouA^rage latin
de Geofroi Artur («), archidiacre de Montmouth, qui fut
(«) Ce nom lui avait été donné , selon Guillaume de Neubrige, dans
ROBERT WACE, HISTORIEN -POÈTE. 62 r.
fait évêque de Saint-Asaph au pays de Galles, l'an ii5i. x il SIECLE.
Geofroi lui-même n'était point original ; il n'avait fait que
traduire un ancien auteur inconnu, dont le manuscrit en
langue bretonne lui avait été communiqué par Gautier ^^
archidiacre d'Oxford , Brltannici sennonis libruni vetustissi-
mum ; mais Gautier l'engagea à insérer un suj^plément qu'il
avait cora|3osé. Tandis que Geofroi travaillait à réformer
ainsi son histoire, Alexandre, évêque de Lincoln, le sollicita
d'y mettre aussi les prophéties de Merlin. Geofroi les tra-
duisit du breton, et les plaça dans son livre, qu'il dédia à
Robert, comte de Glocester, fds naturel de Henri F*", roi
d'Angleterre, lequel mourut en 11 47- C'est sur cet ouvrage
amplifié de la sorte que luaître Huistace, ou Robert Wace,
selon nous, composa le roman de Brut. Voici les vers par
lesquels il débute :
Qui vieult oir et vieult savoir
Du roy en roy , et d'oir en hoir ,
Qui cil furent et dont vinrent
Qui Angleterre primes (premièrement) tinrent,
Quiez ( quels) roys y a en ordre eu,
Et qui ainçois (anciennement) et qui puis fu,
Maistre Huistace {a) la translaté ,
Qui en conte la vérité ,
Si com li livres le devise.
Quant Grieu (les Grecs) orent Troye conquise, etc.
Cette composition renferme quinze mille trois cents vers ,
dont les quatre derniers font connaître l'année où l'auteur y
mit la dernière main :
Puis ( depuis ) que Dieu incarnation
Prist pour nostre rédemption ,
Mil cent cinquante et cinq ans ,
Fist maistre Wistace cest romans.
son prologue , parce qu'il avait inséré dans son ouvrage les fables du roi
A.rtur. At contra quidam nostris tcinporibus pro expiandis liis Britonum
maculis scriptor emcrsit , ridlcula de eisdefti figinenta contexens , eosque
longe suprh virtutem. Macedonain et Romanorian impudenti vanitate nttol-
lens. Gaufridus Inc. dictiis est, agnoinen habcns Àrturi , pro eo qm)d fabulas
de Arturo , ex prisais Britonum flgmentis sumptas , et ex proprio auctas ,
per superductum latini sermonis colorem lionesto historiœ nornine palliavit.
(a) Dans un manuscrit des cordeliers d'Angers, du XIII* ou XIV siècle,
Tome XIII. Vvv
522 ROBERT WACE, HISTORIEN -POETE.
XII SIECLE. Le principal héros de la pièce est le fameux Artur, roi des
Hist. d'An-'i. Bretons, mort en 542. « Ce prince, dit Rapin Tlioiras, a ete
t. I, p. 126 , « sans contredit un grand capitaine. C'est dommage que ses
i7/,g, m-4". «actions aient servi de fondement à une infinité de fables
«qu'on a publiées sur son sujet; au lieu que sa vie était
« digne d etre-écrite par les historiens les plus graves et les
K plus sensés. On prétend qu'il institua un orthe de cheva-
« lerie appelé de la Table-Ronde , qui a été rcïidu célèbre par
«les écrivains de romans. Mais, bien qu'on ait bâti divers
« récits fabuleux sur ce fondement, il ne s'ensuit point que
(c l'institution de cet ordre doive entièrement passer pour
« chimérique. Il n'est pas contre la vraisemblance qu'Artur
« ait institué un ordre de clievalerie dans la Bretagne, puis-
« que, dans le même siècle , Théodoric, roi clés Ostrogoths,
<c en avait institué un en Italie, ainsi cju'on l'apprend par les
« lettres de Cassiodore. Les Bretons , tant de l'une que de
«c l'autre Bretagne, avaient conçu tant d'amour et tant d'es-
« time pour ce prince , qu'il y en eut plusieurs qui ne vou-
« lurent jamais croire qu'il fut moi t. Il se trouva même,
« plusieurs siècles après , des gens qui , se persuadant qu'il
(C était allé voyager dans les pays étrangers , attendaient
« encore son retour. Il y a des historiens qui assurent cjue
« cette eireur ne fut entièrement dissipée que six cents ans
« après, lorsque le tombeau d' Artur lut trouvé dans le mo-
« nastèré de Glaston, sous le règne de Henri II. Cela paraî-
« trait incroyable, si, dans le XVF siècle, on n'avait vu en
« Portugal un exemple d'une semblable manie par rapport
« au roi D. Sebastien. C'est peut-être ce qui a tioimé lieu à
« cpiehju'un qui a voulu se rendre agréable aux Bietons, de
« feindre qu'Artur , dans ses voyages , avait remporté un
« nombre infini de victoires dans les jjays étrangers. Les
«titres de Gernianicus , Gallicus , Dacicus^ que ce prince
« prenait , et son voyage à Jérusalem , peuvent avoir servi
« de fondement à ces fables. Ces prétendus voyages et ces
« victoires imaginaires dans les pays étranget s ont été une
« source abondante de sottises et d impertinences que les
« romanciers ont débitées sur son sujet. C'est par-là cjue son
« histoire a été tellement défigurée , cpie plusieurs ont cru
ail rapport rie D. Rivet, on lisait innistre Gazoe ; île même à la citation
suivante. Ce qui vient à l'appui de notre opinion que Huistace, Guace ou
Wace pourraient bien nêtre qu'une même chose.
ROBERT WACE, HISTORIEN-POÈTE. 523
« qu'il y avait lieu de douter qu'il y ait jamais eu un Artur X" siècle.
« dans le moufle. Ce doute n'est pas trop étonnant, puisqu'il
« est impossible d'accorder toutes les contradictions qui se
«rencontrent dans son histoii'e fabuleuse. Mais, en distln-
« guant le vrai d'avec le faux, et en refetant de sou histoire
« ce qui sent trop le roman, on ne trouvera rien dans la vie
« de ce héros qui ne puisse convenir à un grand prince. » Tel
est le jugement de Rapin Thoiras sur le roman d'Artus ; tel
est aussi celui que porte de l'ouvrage de Geofroi de Mont-
mouth , qui a servi de type au roman , le nouvel historien
de Bretagne, D. Morice , tom. I, p. 877 , note xi.
Quant au motif qui a pu faire imaginer tant de fables, le ^'^^•^- des
comte de Caylus le trouve dans les jalousies qui ont toujours , \xiir"[ri'
existé entre les nations. « Nous venons de voir, dit-il, que p. 2^9.
« les hauts faits de Charlemagne produisirent chez nous les
«idées romanesques (le fauxTurpin). Les Anglais, jaloux
« et fâchés de voir leur histoire dénuée d'un si grand orne-
« ment , voulurent se donner un roi comparable à ce grand
« prince ; et , pour le former à leur gré , ils choisirent dans
« les temps ignorés un monarque qui peut avoir eu de belles
« qualités , et auquel ils étaient les maîtres d'en prêter autant
« qu'il leur plairait. Voilà ce qui nous a procuré les histoires
« du roi Artus. La date de son règne rendait celui de Char- i
« lemagne une copie du sien [ quoique , dans le vrai , la
« Chronique bretonne ne soit qu'une copie du fauxTurpin.]»
En effet , les traits de ressemblance entre ces deux mo-
narques sont si frappans, qu'il suffit de les mettre sous les
yeux du lecteur pour se convaincre que le roman de Char-
lemagne est l'original du roman d'Artus. Voici les princi-
paux :
« Artus et Charlemagne ont chacun un neveu très-brave, ibi'i 11.2112.
«qu'ils ont aimé uniquement; Roland et Gauvin ont joué
«le même^ôle. Personne n'ignore la quantité de^uerres
« que Charlemagne eut à soutenir ; Artus , aussi grand guer-
« royeur, en a soutenu douze. Ils ont tous deux combattu
« les payens ; tous deux ont eu affaire aux Saxons ; tous
« deux ont fait grand nombre de voyages. La générosité à
« donner le butin à leurs capitaines est la même dans l'un
« et dans l'autre. Charlemagne était sobre , sa table était
« frugale ; il n'y admettait ses amis et les grands du royaume
« qu'aux jours de fête solennelle. Artus a tenu exactement
VVV2
524 ROBERT WACE, HISTORIEN -POETE.
MI SIECLE. ,( la même conduite. Les douze pairs de l'un répondent aux
« douze chevaliers de la Table-Ronde de l'autre. )>
L'auteur, au reste, a la bonne foi de convenir que tout ce
qu'il rapporte du roi Artur n'est ni absolument vrai , ni
absolument faux; mais qu'on a fait beaucoup de contes aux-
quels son courage et ses avttres grandes cjualités ont donné
lieu.
Ne tôt manconge , ne tôt voir ,
Ne tôt folie , ne tôt savoir ;
Tant ot li cantéor canté ,
Et li fabléor fable
Par les contes ambeletes (embellis ou qu'ils promenoient) ,
Qui tôt ont fait fables sembletes, (_ ressemblantes),
Par la bonté de son corage ,
Et par- le los de son barnage, (exploits de ses barons).
Et par la grant chevalerie
Quel ot affaitice (formée) et norie.
Il existe deux éditions de ce roman , l'une de Paris, i543,
in-4°, l'autre de i584, in-4°, à Paris, chez Bonfons , avec
d'autres anciens romans, Iristan de Lionnois , Meliadus ,
dit le chevalier de la Croix, Doolm de Mayence , Olivier de
^, Castille, Artus d' Jlgarhe , Robert le Diable et Richard sans
peur.
aP Le roman de Roii , ou f/iistoirc des ducs de Normandie.
Cet ouvrage peut être regardé comme la suite du roman
de Brut. Dans celui-ci l'auteur avait parcouru le premier âge
de la monarchie anglaise; dans l'autre il fait fhistoire du
second âge de cette même monarchie, en commençant aux
ducs de Normandie dont les descendans conquirent l'Angle-
terre.
Il n'a jamais été impi-imé en entier, mais on en trouve
des fra^ens parmi les preuves de la généak)gie de la
maison d'Harcourt, par Gilles-André de la Roque, dans
l'histoire de Normandie de Gabriel du Moulin , dans le glos-
saire de Ducange , et ailleurs. M. de Bréquigni a donné de
ce roman une ample notice d'apiès les manuscrits de la
bibliothèque impériale de Sainte-Palaye, qui nous dispense
d'entrer à cette ég.ard dans uu plus grand détail.
Le savant Académicien a fort bien distingué dans ce
roman, soit par la mesure des vers, soit par des indications
T.
m,
p. .3
-i8
,25
, 35,
170.
P.
90,
i39'
etc.
Notices (les
mss.
t.V
, p. 21
-78
ROBERT WACE, HISTORIEN -POÈTE. 525
précises quil a recueillies, deux parties cjui commencent xii siècle.
l'une et l'autre par ces vers :
Por remembrer ( retracer 3 des ancessours
Les fez et les dis et les mours ,
Les félonies des félons,
Et les barnages ( hauts faits ) des barons ,
Doit-l'on les livres et les gestes,
Et les estoires lire as festes.
La première partie fut entreprise en 1160, comme nous
rapprend l'auteur lui-même dans ces vei's qu'on lit à la fin :
Mil et cent et soixante ans eut de temps et d'espace Ms. S^Palaye,
Puis que Diex en la Vierge descendi par sa grâce, P- i34.
Quant un clerc de Caën , qui ot nom maistre IVace,
Sentremist de l'estoire de Rou et de sa race.
Dans cette pdrtie l'auteur fait en vers de douze syllabes
l'histoire des trois premiers ducs de Normandie, Rollon ,
Guillaume Longue-epée, et Richard I. Ce sont les premiers
vers alexandrins cju'on connaisse dans notre langue. Il avait
alors pour objet d'obtenir de son souverain, Henri II roi
d'Angleterre , quelque récompense ; il le déclare expressé-
ment au commencement de la seconde partie.
Por l'enor (l'honneur) au second Henri, JbiJ.p. 146.
Qui du linagc Rou issi ,
Ai-je de Rou longues (longuement) conté.... •
Et de Guillaume Longue-espée
Avons l'estoire avant contée ;
De Richard son fils avons dit ,
Que son père laissa petit.
Il obHnt ce qu'il desirait. Le roi lui lit donner un cano-
nicat à Bayeux, comme il le dit par reconnaissance en plu-
sieurs endroits de la continuation de son ouvrage : *
•&'■
Par Dieu aye (aide) et par le roi,
Autre servir fors lui ne doi ,
Me fut donné 'Diex li rende)
A Baex une provande.
5i.G ROBERT WACE, HISTORIEN -POETE.
XII SIECLE. Çq fut postérieurement à ce don qu'il reprit, en vers de
' "^ huit syllabes, la suite de Ihistoire de Richard I, à laquelle
il joignit celle des autres ducs de Normandie juscju'à Henri I
roi d'Angleten-e, lequel ayant vaincu et fait prisonnier son
frère, Robert Courte -heuse, à la bataille de Tinchebrai ,
l'an 1106, s'empara de la Normandie.
Là se termine le roman de Rou ; mais Wace n'avait rien
dit jusque-là des Normands qui, avant Rollon , s'étaient
établis en France après l'avoir ravagée. Il voulut réparer
cette omission en plaçant à la tête de son histoire, toujours
en vers de huit syllabes, ce qu'il put recueillir de Hasling ,
qu'il appelle Hastainz, et des autres Normands ou Danois _—
qui, après plusieurs courses en France et en Italie, sous la ■
conduite de ce chef, s'étaient fixés à Chaitres du consente- 9
ment de Charles-le-Chauve. Arrivé ensuite à Rollon, dont il ■
avait déjà composé l'histoire, pour lier ce morceau avec ce
qu'il venait de raconter, il représente son entreprise comme
longue et pénible. C'est pourquoi il change la mesure des
vers, afin de resseiTer, dit-il, la matière dans un moisdre
espace.
A Ilou somes venu, et de Rou vos diron,
Là commence l'estoire que nos dire devon.
31ez por l'œuvre exploiter les vers abregeron [a] ,
La voye est longue et giief , et le travail crenion (redoutons).
Cependant son ouvrage ne contient pas moins de treize
mille vers. Quant au fond, l'auteur suit presque toujours
pas à pas les deux plus anciens historiens de Normandie,
Dudon de Saint -Quentin et Guillaume de Jumiége, qu'il ne
fait que traduire, sans cependant les citer jamais. M. de
Bréc|uigni a eu soin de com])arer le texte du traducteur avec
les auteurs originaux, et d'indiquer les petites différences
qui s'y rencontrent. Dans la première partie , Wace ayant
pris pour guide Dudon de Saint-Quentin, débite beaucoup
de fables; mais dans la seconde, oîi il suit Guillaume de
* Jumiège, sa narration est plus conforme aux monumens de
l'histoire. On v trouve quantité de détails sur des faits omis
ou rapidement touchés par les anciens auteurs. D. JMont-
(a) Abréger les vers ne signifie pas ici leur donner une moindre me-
sure , mais PU diminuer le nombre en les faisant plus longs.
(
ROBERT WACE, HISTORIEN- POÈTE. Ô27
faucon et M. Lancelot eu ont tiré de grands secours, et des xii siècle.
secours qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, pour l'explication Monum. de
de la fameuse tapisserie de la cathédrale de Bayeux, où sont '^ Monar. fr.
représentées les principales circonstances de l'expédition qui j^^m*!!''*^*^','.";"
mit Guillaume-le-Bàrard en possession du trône cl'Angleterre. -6G8. '
Les coiitiiuiateurs du Recueil des historiens de France
avaient eu dessein de puhher le roman de Rou, ils l'aydient
même annoncé dans le onzième volume de leur collection:
mais s'étant depuis aperçus que ce poëme avait été mis en Bou.iuet, t.
prose par un auteur du XIIÎ'^ siècle, et qu'ils avaient déjà xni, j.. 29.0.
jîublié cette espèce de traduction sous le titre de chronique
de Normandie , ils ont cru inutile d'imprimer le poëme, cpii ,
à leur avis, ne contient pas plus de faits que la chronique,
dont cependant il est l'original; et pour prouver leur asser-
tion , ils ont imprimé au bas des pages de la chronique cniel-
ques endroits du poëme qui y correspondent. Travaillant
pour l'histoire, et non pour la littérature grammaticale du
vieux français, ils ont eu quelque laison de ne pas charger
leurs pages de cette immensité de vers; mais cela n'empêche
pas qu'il ne soit à désirer cjue quelqu'un publie ce ]X)ëmc
en faveur des amateurs du vieux langage, d'autant plus que
le texte de cet auteur n'a pas été rajeuni par les copistes,
comme cela est arrivé à tant d'autres écrits.
Nous terminerons cet article par le jjigement qu'a porté
de cette production M. de Bréquigni : « La poésie de Wace Notices des
«n'est qu'un amas de rimes accumulées sans art et sans ™ss.t.v,p. t?.
« règle; son style dégénère le plus souvent en une battologie
« fastidieuse, une abondaîice stécile d'expressions sans cha-
« leur et sans couleur. On ne peut sans doute espérer de
« trouver aucun agrément dans la lecture d un j>.ireil poëme;
«mais les amateurs de notre ancienne littérature, de nott*
« histoire , s'en croiront dédommagés par divers genres
« d'utilité qu'ils pourront en tirer. On y puisera des connais-
« sauces exactes sur l'état où était parvenue, an dtjuzieTnc
«siècle, la langue l'omance, lorsqu'après avoir été durant
« plusieurs siècles la langue grossière du peuple, elle devint
« celle de nos écrivains, et sur-tout de nos poètes. On y
« recueillera des témoignages sur des faits omis, ou diver-
« sèment racontés par les historiens. On y apercevra les
« traces de quelques usages au moins du siècle où l'auteur
. « écrivait, jj Ajoutons cjue pour recueillir tous ces avantages,
il est nécessaire que l'éditeur qui entrepi-entlra de donner
5^8 ROBERT WACE, HISTORIEN -POÈTE.
XII SIECLE, cet ouvrage au public, rétablisse , le tfxte dans sa pureté
originale, sans se permettre de changer l'orthographe; qu'il
remonte aux sources des faits historiques, pour indiquer
ceux que le traducteur a ajoutés du sien; cju'il vérifie les
dates chionologiques, qui souvent sont fausses ou altérées;
3u'il supplée à celles que l'auteur néglige pour lordinaire
e marquer. La notice de M. de Bréquigni sera pour cela
d'un ti'ès-grand secours.
3° Robert Wace est encore auteur d'une pièce de vers sur
l'établissement de la fête de la Conception de la Sainte-
Vierge, qui a pour titre dans le manuscrit de l'église cathé-
drale de Paris, n'ao, aujourd'hui à la bibliothèque impériale:
C'est comment la Conception notre Dame fat étallie.
L'auteur, qui se nomme Maistre Guace au cominencement
et à la lin de cet écrit, place finstitution de cette fête sous
le règne de Guillaume-le-Conquérant, peu après la célèbre
victoire qui le plaça sur le trône d'AngIt terre, à l'occasion
d'une vision qu'eut un abbé de Ramèse nommé Elsin ou
Elfin. {a) Cet abbé ayant été envoyé par ce monarcjue en Dace
ou Danemarck, fut accueilli à son retour par une violente
tempête. Se voyant sur le point de périr, il invocpia le secours
de la Sainte-Vierge. Aussitôt ceux qui étaient dans le navire,
aperçurent parmi les flots un homme vénérable habillé
comme un évêque, lequel s'étant approché d'eux, dit à
Elsin : « Je viens à vous de la part de la mère de Dieu , et
« j'ai ordre de vous dire que si vous voulez éviter le naufrage,
« il faut que vous pi'omettiez de célébrer le jour de sa Con-
« ception. » L'abbé le promit , et la tempête cessa sur-le-champ.
Elsin ne manqua pas de s'acquitter de sa promesse; il établit
la fête de la Conception dans son abbaye , d'où cette dévotion
se répandit bientôt dans toute fAngleterre, et de là en France
et ailleurs. Robert Gaguin rapporte ainsi la chose d'après
les historiens x\nglais , dans son poème sur la pureté' de
Marie, imprimé à Paris, in -8°, en i6iy. C'est aussi de la
même manière que notre auteur raconte l'établissement de
la fête de la Conception. Voici son début :
Se aucuns est cui Dieu ayt (soit) chier,
Sa parole et son mestier (besoin),
A^iegne oïr que je dirai ;
(a) Geofroi du Vigeois, qui rapporte cette histoire {cap. 12, p, 284).
ROBERT WACE , HISTORIEN-POETE. 529
Ja d'un seul mot ne mentirai. XII SIECLE.
Maistrc guaces, un fiers sachaus,
* Nos espont (expose) et dit en romans
En quel tems, comment et par oui
Fu commencie et establi
Que la fête fut célébrée ,
Que conçue et engendrée
Fu notre Dame sainte Marie.
N'en fu oncques paroles oïe
Qu'à luil tans ainçois (auparavant) feist-on
Feste de sa conception
Dessi eau tans (jusqu'au temps) le roi Guillaïuuc.
Quant les Englois et le royaume
Par force et par bataille prist,
Viles, chastiaux, cités conquist.
Ce roman est compose d(f mille huit cents vers, dans les-
quels, outre l'histoire de la fête dont on vient de parler,
l'auteur fait celle de la descendance de la Sainte -Vierge, de
sa naissance, de sa vie et de sa mort. Ducange en cite un
fragment sur le mot bagiienas qui signifie tempête.
En France les Normands furent les premiers qui adop-
tèrent la fête de la Conception , laquelle pour cette raison
fut appelée îa fcte aux ISormauds. Elle donna lieu à une
associ;ition ou confrérie qui ne l'ut d'abord qu'une institution
religieuse à laquelle le poème de Wace donna quelque éclat.
L'enthousiasme de la nouveauté' s'empara des beaux esprits
du temps, qui, ii l'exemple du chanoine de Bayeux, s'exer- —
cèlent a qui célébrerait avec plus d'art et d'éloquence les
A'crtus de la Saînte-Vier^e. Telle est l'oricrine des Palinods Servin,Ki>i.
de Caën, ou de V Académie de l'Immaculée Conception qui ^^ i>oupii , t.
subsiste encore de nos jours : il est peu d Académies au
monde qui puissent remonter plus haut.
4° Antoine Galland attribué à notre auteur le roman Acad. Ae%
intitulé le Chevalier au Lion. Il se fonde sur l'autorité d'un Inscrip. t. II,
manuscrit de la bibliothèque de Foucaut, qui a passé depuis ^' '^'°'
dans celle de Dufay, à la fin duquel on lit ces vers :
Mil et cent cinquante cinq ans
Fit maistre Gasse ce Romans.
l'appelle Erphin. Dans le Monastioou Angl. t. I, p. 240 , son nom est écrit
Aielsinus , et il est marqué quil fut fait abbé en 1080.
Tome XIII . Xxx
53o RICHARD DE POITIERS.
XII SIECLE. C'est exactement, comme nous l'avons vu, la date du
roman de Brut. 11 faut qu'elle ait été ajoutée par un copiste
mal hal>ile; car, dans un autre manuscrit du même catâ-
^J^!'""^'^'^^- ■ logue, le roman du Chevalier au Lion est attribué à Chrétien
de Troyes, à cjui il appartient indubitablement, comme
nous le prouverons à son article. B.
RICHAPlD DE POITIERS,
MOINE DE CLUrsl, HISTORIEN.
SES ÉCRITS.
T. XII, p. (Quoique dans cette histoire on ait déjà rendu compte
•i7^-i' o- j^}gg écrits de Richard de Poitieis, nous nous croyons obligés
d'y revenir, soit parce qu'on en a parlé fort inexactement,
soit parce qu'on n'y a pas combiné les différentes éditions
de son principal ouvrage, qui est sa Chronique. Nos prédé-
cesseurs n'ont pas connu l'édition rpii en a été donnée par
Aniki-iialiap, Miiratori au tome IV des Antiquités d'Italie du moyen âge,
î. r\ , p. 107 . çj. j^'pj^ ^j^^ ^jpj^ jj^ Cependant cet écrivain est celui qui a
le mieux parlé de Richard et de ses ouvrages; il relève toutes
les méprises dans lescpielles sont tombés les bibliographes
en parlant de Richard ; mais il se trompe lui-même lorsqu'il
dit qu'avant lui personne n'avait imprimé cette Chronique.
Ainpi. Coll. D. JMartène l'avait publiée, au moins en partie, douze ans
t. A, col. iiOo— auparavant, sur un manuscrit de Colbert qui est aujourd'hui
' ' le 5oi4 de la bibliothèque impériale, mais qui est bien
différent de celui du Vatican, dont Muratori s'est servi.
Il est surprenant cju'après tout ce que les bibliographes
et autres savans ont écrit sur Richaid de Poitiei'S , cet auteur
ne soit pas plus connu. On ne sait ni l'année de sa naissance
ni celle de sa mort; les uns le font parisien, c'est une mé-
prise de Sixte de Sienne cjui a été copiée par d autres;
d'autres l'ont confondu avec Richard de Saint-^ ictor de
Paris. Richard de Cluni était Poitevin , il le dit lui-même à
la tête de sa Chronique; mais il n'a consigné dans cet écrit
aucun trait de sa vie. Il vivait du temps de Pierre-le-^ éné- •
RICHARD DE POITIERS. 53i
rable, selon la Chronique du Cluni qui, parle de lui en ces XTi SIECLE.
termes : Eodein tempore floniit Richardus monachus Clunia- blli ciuniac
censis, origine Pictavensis , qui magnus Jiistoriograplms sacrœ col.5<j',etiGj2.
scripturœ fuit. Scripsit enini ah Adam chronica usque ad
tempora Frederici. C'est l'empereur Frédéric I , surnommé
Barberousse. Mais rien ne prouve qu'il ait dédié son ouvi^age
à Pierre-le-Véncrable, comme l'ont avancé nos prédécesseurs.
Il est vrai que dans l'édition de D. Martène cet écrit se tei'-
mine à l'année 1 1 53 , et qu'à cette époque il a pu être pi'é-
senté à Pierrc-le-Vénérable ; mais dans l'édition de flluratori,
conforme à plusieurs manuscrits de France, il s'étend jusqu ù
l'année iiôi , cinq ans après la mort de l'abbé de Cluni. Il
y a plus : D. Mabilloh avait découvert un manuscrit qui Bouquci ,
allait jusqu'à l'année iin/\^e\. se terminait par ces mots: t. xii, p. 417.
Hœc et alia dicere de terra illâ (l'Islande) possemus, nisi
post lahorem operis requiem natura deposceret. Is status erat
rébus Iiumatiis aiino ah incarnationc Domini MCLXXlf^.
Cela étant, nous ne savons que penser d'un manuscrit Divers «liu
cité par l'abbé Lebœuf, dans lequel il est dit que la Chroni- eic. 1. 1, iii-12,
que de Richard moine de Cluni descend jusqu'à l'année 1216: !*• ^"'"
tJucusque Chronica Richardi monarchi Cluniacensis proten-
difur et terminatur. Comme le savant académicien a oublié
d'indiquer le numéro du manuscrit du roi qu'il cite, il nous
est impossible de vérifier le fait. Si cela était vrai, il faudrait •
nécessairement admettre deux Richard moines de Cluni,
3ui tous deux auraient composé une chronique, ou bien
ire que l'auteur du XIV siècle qui la cite comme finissant
à l'année 1216-, avait devant les yeux un exemplaire continué
par quelqu'un jusqu'à cette époque, [a)
Après ces éclaircissemens que nous avons crus nécessaires
(a) L'auteur cité par l'abbé Le Bœuf est vraisemblablement Amalric
Augier , de Bézieis , qui , dans l'iiistoire qu'il a composée des souverains
pontifes , imprimée par Muratori ( tom. III , Rcr. Ital. part. 2 ) , dit effec-
tivement, à l'article d Innocent III , col. 3y8, que Ricbard , moine de
Cluni , termine là sa Cbronique , cujus Clironicœ hic termiiiantw. Mais ,
dans l'édition du même ouvrage par Eccard (tom. II, Corporis historia-
rwn inedii œi'i , col lySo), nous lisons : Secundiaii Richarduni moitachum
nwnastcrii Tnlliacensis , ciijus prœdictiV chronicœ hic continentnr. Poiu' nous
assurer de la vraie leçon, nous avons consulté le manuscrit ji47 ^^ l'i
Bibliothèque impériale, en tout conforme au texte de Muratori. D'où,
nous Concluons qu'Eccard s'est trompé en imprimant Tnlliacensis pour
Cluniacensis ; mais nous pensons que le mot contincntiir , qui termine la
• phrase, est préférable au tcrminantur de Muratori, parce qu'effectivement
XXX2
532 RICHARD DE POITIERS. •
XII SIECLE, pour fixer l'ëpoque où Richard de Poitiers cessa d'écrire,
nous allons donner inie idée de sa Chronique. Nous en
avons non-seulement trois éditions , mais trois rédactions
différentes, quoique les mêmes quant au fonds. La première,
Ampl. Coll. publiée .par D. Martène, n'est quun crocjuis, ou si l'on veut
'^"^' lui extrait dans lequel on aurait l'ecueilli les faits dépouillés
des circonstances qui les accompagnent, comme on le pra-
tique pour dresser luie table des matières. La seconde rédac-
tion est celle du manuscrit du Vatican cju'a publiée Muratori ;
Antiq.italia-, la troisième ccUe qui est représentée par le manuscrit dont
t. IV, col. 1080 ]e P. Mabillon avait fait une copie, et crai avait appartenu
~'^°^" à Alexandre Pétau. Celle-ci est encore plus ample que celle
du manuscrit de Muratori. Les continuateurs du Recueil des
T. XII, 411- historiens de France ont mêlé les deux ensemble, en enfer-
't'T- niant dans des crochets les endroits du manuscrit de D. Ma-
billon qui ne se trouvent pas dans l'édition de JMuratori,
afin qu'on puisse les distinguer. Ils ont même imprimé, sans
7i>«/. p. 118. le savoir, le même ouvrage dans le même volume, sur le
manuscrit 49^4 de la bibliothèque impériale, en tout con-
forme à l'édition de Muratori , mais qui ne porte pas le nom
de l'auteur! Au reste, il y a beaucoup à profiter dans cette ■
Chronique, on y trouvera des choses bien présentées sur J
les croisades; mais les continuateurs de D. Bouquet n'en ont H
pas fait usage, parce que ces fragmens historiques doivent
• faire partie d'une collection à part.
i\Tura(. iiiiL L autcur dans un endroit s'explique sur le flux et le reflux
Goi. io.j3. j^ ],^ mer, et nous apprend jusqu'à quel point étaient arrivées
de son temps les coiniaissances sur ce phénomène. « On ne
ce connaît pas bien encore, dit-il, les causes qui font enfler
« les eaux de l'océan , et qui ensuite les font rentrer dans
« leur assiette. Les physiciens disent que le monde est comme
<c un animal composé des élémens de tous les corps, et mis
<c en mouvement par un esprit qui le gouverne; cet esprit,
(f répandu dans toutes les parties, agit sur la masse qui
« réagit à son tour, œternœ molis vigorem exerceant. Ainsi
<c donc que nos corps aspirent et respirent, ils ont supposé
« qu'il y a au fond de l'océan comme des narines ])ar oii
'( l esprit s'échappe, et par lesquelles il est repompé : et c'est
Amalric a fait usage de la Chronique «le Richard , finissant à l'élection
<lu pape AlexandrellI , ou hien le manuscrit dont se servait Amalric* avait
été continué jusquà cette époque.
RICHARD DE POITIERS. 533
« ce qui cause le flux et le reflux. Mais, dit-il, ceux qui con- ^'^ siècle.
« sidèrent le coux^s des astres, prétendent que ces mouvemens
« sont occasionnés par l'influence de la lune, de sorte que
« l'élévation ou l'anaissenient. des eaux correspond aux dif-
K férentes phases de cet astre; car, ajoute-t-il, ces mouvemens
« n'arrivent pas toujours à un temps lixe ; mais ils vaiient
« selon le coucher ou le lever de la lune. » Comme nous ne
nous flattons pas d'avoir rendu bien littéralement le texte
de l'auteur, nous transciivons ici ses paroles : sicut enim in
corporibiis nostris conuiiercia sunt spivitualia , ita in profun-
ditate oceani nares quœdam , per quas anhelitus eniissi , in
se reducti, modo infiant maria, modo rei'ocantnr. At hi qid
sidcrum sequuntur disciplinam , contendant meatus istos ,
comnioveri iunœ cursibns, adeo ut vicissitudines inter macieni
aquanun et plenitudinem respiciant ad actus cjus vel eliqnia. /i/rf.'su^a?"'^
Neque eodeni semper tenipore, sed prout illa aut mergatur
aut surgat, variant se alternantes recursus (a). On voit que
sur la véritable cause de ce phénomène , on était , au
XIP siècle, presque aussi avancé que nous le sommes au XIX«.
Sur la géographie on lira avec plaisir ce que dit l'auteur
touchant les côtes de la Méditerranée , et la formation du
détroit de Gibraltar. Dans un autre endroit il fait la descrip- Murât, ibùi.
tion de l'Inde, et cet endroit mériterait bien qu'un géographe ^°^' "'^^"
en fit l'examen pour constater quelles notions on avait au
XII*^ siècle sur ces contrées éloignées.
Le même auteur cite avec éloge les savans qui parurent
en France de son temps , S. Anselme , Guillaume de Cham-
peaux, Hildebert du Mans, Gilbert surnommé l'Universel,
Hugues de Saint -Victor, Pierre Abailard , etc ; et lui-même
est cité avec honneur par les historiens des papes, Martin
Polonais, Barthelemi Redi, Albert deSibourg, Platina, Ra-
phaël Volaterran , Philippe de Bergame , et presque tous
les Bibliographes.
29 Les continuateurs du Recueil des historiens de France T. xil, p.
ont imprimé à la suite de la Chronique de Richard, d'après. ^'^~'<*'-
le manuscrit de D. Mabillon,une complainte en style imité
[a) Telle est la leçon du manuscrit 49^4 de la Bibliolli. Impériale. Ce
texte n'est pas intelligible clans lédition deMuratori, qui porte : Adeo ut
■ikut vicissitudinis it^rùm inacL-m aquarum et plenitudinem respiciant ad
actus vel eliqida .. Neque eodcm semper tempore , sed prout iUn aiit' Snili- '
gatur j rariard se alternantes recunus. ' ^
534 RICHARD DE POITIERS.
xn SIECLE, des prophètes de l'ancien Testament, relativement à la rebel-
lion des enfans de Henri II, roi d'Angleterre, contre leur
père, rébellion qui éclata en i l'jS, et que fomentait la reine
Aliënor, leur mère. Comme dans le manuscrit de D. Mabillon
la Chronique de Richard s'étendait juscpi'à cette année, il
n'est pas hors de vraisemblance que cette complainte est
encore une production de Richard. Pour en donner une
idée, nous transcrirons ici les titres des chapitres : De des-
tructionc Castn-JuUi. Omis Castri-JuUi. De discordid régis
Henrici et fiUormn siiorum.^ De aquild nipti fœderis , par
où il faut entendre la reine Eléonore. De Radidfo de Faya ,
procuratore Aquitaniœ. Omis Aquitanicœ regionis. Onus
RiipeUœ. Omis super divites. De Turre Mantànd.
Aniiq. ital. 3° Muratori a publié, à la sutte de la Chronique tle Richard,
t. IV, col. II o/, un catalogue cîes souverains pontifes depuis saint Pierre
"■" jusqu'au pape Alexandre III, dont l'auteur ne fait qu'annon-
cer l'élection , qui fut traversée par les partisans du cardinal
Octavien, dit Victor IV, et par l'empereur Frédéric Barbe-
rousse, mais qui fut approuvée en iiGo par les l'ois de
France et d'Angleterre. Il n'est pas douteux que cet ouvrage
n'appartienne à Richard de Cluni; il y fait autant l'histoire
des abbés de Cluni que celle des Papes. Si l'on en croit.
Bibl.Brcmea- Hcrmau Witekiude, professeur à Heidelberg, Richard met
sis, classe vu, ^^ uonibrc dcs souveraius pontifes la papesse Jeanne, à-peu-
p- 95^-9^9- pj.j^,^ dans les mêmes termes dont s'est sei-vi Martin Polonais,
environ cent ans après. Nous pouvons assurer qu'il n'est
pas parlé de la prétendue papesse Jeanne dans l'édition de
Muratori , non plus que dans le manuscrit de la bibliothèque
impériale 4934- Piichard tei'mine ce catalogue par une courte
notice sur la hiérarchie des cardinaux, et sur les fonctions
attachées à leurs titres.
Divers CCI its, 4° L'abbé Lebœuf a aussi publié comme extraits de la
etc. 1. 1, p. 385 Chronique de Richard trois fragmens concernant la fondation
~''^' du monastère de la Charité -sur-Loire, et la dédicace de
cette église faite eu 1 107 pat le pape Paschal II. Nous avons
déjà dit ce cju'il faut penser de cette chronique. Aucun de ces
fragmens ne se trouve dans les manuscrits qui ont été
imprimés, et cjui contiennent cependant des rédactions dif-
férentes. Quand il serait vrai que ces fragmens existeraient
dans quelqu'un des manuscrits de Pvichard, on ne serait pas
en droit de conclure qu'ils sont son ouvrage. Ce sont des
relations particulières^[gu'un compilateur a pu s'approprier,
RICHARD DE POITIERS. 535
o(ï que tout autre cluniste aura intercalées, attendu que le Xll sieclf,.
monastère de la Charité tenait le second rang dans la con-
grégation de Cluni. Quoi qu'il en soit, ces fragmens ont été
réimprimés dans la Collection des historiens de France , et ils t. xiv , p.
méritaient d'y trouver place. 'i^ '^^ '*°-
5° Casimir Oudin n'est pas mieux fondé à attribuer à notre
auteur un. grand recueil d'extraits allégoriques, imprimé
parmi les œuvres de Hugues de Saint-Victor sous ce titre: T. il,p. 33î-
Excerj)tio7iuin prionun de variis scientiis et varia historid ^9'- .
lihri decein. Oudin prouve fort bien que ces extraits ne
peuvent être de Hugues de Saint-Victor , ni même de Richard
son confrère , par la raison qu'au dernier chapitre du livre X
il est parlé de Philippe Auguste comme ayant succédé à son
père , et que Richard de Saint- Victor est mort vers 1 1 y3.
Mais la même raison prouve qu'on ne peut les attribuer à
Richard de Cluni. Voyez ce qui a été dit avant nous sur
ces extraits an tome XII de cette histoire, page 67.
G° Sixte de Sienne fait de plus honneur à Richard d'un T. li,p. 533.
autre ouvrage sur lequel nos prédécesseurs se sont déjà
expliqués à l'article de Salvien de Marseille, à qui d'autres
critiques le donnent. Ce sont deux livres sur les contrariétés
apparentes qui se rencontrent dans les livres de l'ancien et
du nouveau Testament , sententiarum àvTtx.s'.[j.£V(ov. Nous dirons
que cet ouvrage a été attribué par d'autres à Saint-Julien de
Tolède, et par d'autres encore à Rerthairc, abbé du Mont-
cassin; mais nous ne voyons aucune raison pour le don-
ner à Richard de Cluni.
7° S'il fallait s'en rapporter à Trithème , Richard de Script, cap.
Poitiers avait laissé un volume de lettres xjue nous ne con- ^^^"
naissons pas. Balée lui attribue un grand nombre de pièces Cent.xill, 19.
en vers* un poème à la louange de l'abbaye de Cluni, un
autre sur l'Angleterre et ses avantages, un troisième touchant
la beauté de la ville de Londres, un quatrième sut la Trans-
figuration, deux éloges en vers, l'un de la Madeleine, l'autre
de sainte Catherine, et des épigrammcs. Tous ces vers, s'ils
ont jamais existé, sont perdus pour nous. Nous trouvons
dans sa Chronique deux épitaplies dont il se dit auteur;
celle de Guillaume dernier duc d'Aquitaine, mort en i iSy,
et celle de Pierre Abailard. Il y a aussi un chant funèbi'e en
prose rimée sur la mort de Raimond de Poitiers, prince
d'Antioche, qui fut tué en 1 149, en combattant contre les
,536 HUGUES DE CHAMPFLEURI.
xir SIECLE, infidèles. Comme dans l'imprimé elle n'a pas été distinguée
du reste de la prose , nous la donnons ici.
Nostra condolet Asia ,
Tkarsiis Jlet ciim Cilicià
Vœ ! dicit Antiochia
Pro sui moite principis.
Nain luget prœ inopiâ
Libanus et Apamia ,
Necnon et Laodicia
Ciun suis appenditiis.
Tjrus sfiipet metropolis ,
Urbs Phxenicum mirahilis :
Magnos questus dat Tripolis .
Kisis sinistris iiuntlis.
Quid dicam de Jérusalem ?
It planctus risque BeMcem;
Clamorque Pto/emaïdis
Tangit Jînes Neapolis.
IJrhs fcecunda nimis,
ISullis quassata ruinis ,
Es privata viro,
Qui te moderamiiie miro
Rexit.
B.
HUGUES DE CHAMPFLEUM,
CHANCELIER DE FRANCE ET ÉVÊQUE
DE SOISSONS.
J
PRECIS DE SA VIE.
F
cap
De Gesiis jXusues cst sumommé de Champfleuri par Otton de Fri-
rrder lib I • '-i ' • T i i-
' ' sinaue , apparemment parce fiu il était natii de ce lieu au
diocèse de Jleims , car nous itc connaissons pas de lamille
HUGUES DE CHAMPFLEURI. 537
de ce nom en France. Otton, parlant de lui et d'Adam du, xii SIECLE.
Petit-Pont, leur donne la qualité de maîtres, ce qui suppose '
qu'ils tenaient l'un et l'autre une école à Paris ; mais il ne
donne pas une grande idée de leur capacité. Il dit que dans
le concile ou la conférence qui fut tenue à Paris, l'an 1 147,
en présence du pape Eugène III, pour examiner les erreurs
qu'on imputait à Gilbert de la Porrée, ils déposèrent comme
témoins, qu'ils avaient entendu de la bouche de l'évêque de
Poitiers quelques-unes des propositions qu'on lui attribuait ,
ajoutant qu'ils l'aflirmeraient par serment, s'il était néces-
saire. On fut un peu étonné, dit l'évêque de Frisingue, de
voir deux hommes qui par état ne devaient pas être novices
en fait de discussions scientifiques, ne donner pour preuve
de leur assertion, que leur serment : non sine midtoriim
qui aderant admiratione , viras niagnos ^ et in ratione disse-
rendi exercitatos , pro argwncnto juranientuin affi'rre.
Otton donne à Hugues, dès cette année, la qualité de
chancelier de France, Cancellariiis Régis. Mais il se trompe:
Hugues ne fut revêtu de cette dignité qu'en ii5i. Parveiui r)u Pouiay,
à ce poste éminent, il se servit de son crédit pour accumuler ^^'p- '^'"''^'"'j'-
sur sa tête le plus qu'il put de bénéfices; et quelque incom- „. 268-270. '
patibles qu'ils fassent, il possédait à-la-fois un ai'chidiaconé
dans l'église d'Arras, des canonicats à Paris, à Orléans, à
Soissons, etc., avec le consentement tlu pape Adrien IV, qui
l'avait dispensé de la résidence, et cpii demandait encore
pour ^i de plus grands honneurs dans l'église de Paris ,
lorsque Hugues fut nommé évêque de Soissons, l'an 11 5g.
Il venait de rendre à l'état un service im[)oi'tant en cimen-
tant la paix entre le roi de France et celui d'Angleterre, par
le mariage de leui's enfans encore en bas âge. Depuis que
le roi d'Angleterre avait épousé Eléonorc répudiée par celui
de France, ces deux monarques avaient toujours été en
guerre. On entreprit de les réconcilier, et les chanceliers
des deux roi%, Hugues de Champfleuri et Thomas Becquet,
chargés de la négociation, furent assez heureux pour fiiire
cesser leur inimitié. Le pape Adrien IV en eut tant de joie
qu'il en témoigna à Hugues sa reconnaissance par une lettre Duciiesne ,
fort honorable. '• iv, p. 589.
Le successeur d'Adrien, qui avait encore pins besoin de
ses sei-vices pour se maintenir sur le siège apostolique contre
l'antipape Victor appuyé de la faveur prépondérante de
l'empereur d'Allemagne, eut recouis plus d'une fois à notre
Tome XllI. Yvy
538 HUGUES DE CHAMPFLEURL
XII SIECLE, .chancelier pour décider en sa faveur la cour de France ou
pour la maintenir clans son obéissance. Nous avons la lettre
cju'Alexandre lui écrivit dans un moment critique, où le roi
ciicsn. ihki. mécontent du pape avait pris des engagemens avec lempei'eur
^' '^^'*' pour faire cesser le schisme par la renonciation des deux
prétendans à la papauté. Alexandre, qui avait tout à craindre
des mesures concertées par ces deux princes, recommande
au chancelier de faire en sorte c|ue l'entrevue qu'ils devaient
avoir ensemble n'eût pas lieu, et de joindre ses instances à
celles de beaucoup d'autres prélats auprès du roi pour le
détourner d'un projet dont le pape redoutait avec raison les
conséquences. Mais les* engagemens étaient pris , et le roi
n'était pas homme à manquer à sa parole. Il parait néan-
moins qu'il eut égard aux représentations de son conseil:
car, après s'être concerté avec le-^iape, il se i^endit au lieu
de la conférence, bien décidé à ne pas abandonner le parti
Su'il avait embrassé, et même à combattre les prétentions
e l'empereur.
Le pape ne tarda pas à témoigner au chancelier sa vive
reconnaissance pour un service si essentiel dans une occa-
sion si importante. Ce prélat avait lieu de craindre que la
charge de chancelier ne fût regardée comme incompatible
Chpsn. iUJ. avec les obligations de l'épiscopat. Le pape dans une lettre
P' ^ ' de l'an ii63 le rassure, et lui promet qu'il ne consentira
jamais qu'on le dépouille de ses dignités : promesse qui fut
mal gardée, comme nous le dirons bientôt. •
L'an 1167, le pape avait envoyé en France deux légats
pour tâcher de réconcilier l'archevêque de Cantorbéry avec
Henri II, roi d'Angleterre. Bien loin d'avoir concilié les
esprits, ces négociateurs avaient, par une partialité trop
marquée, indisposé contre eux le roi de Fiance, qui s'était
déclaré le protecteur de Thomas. Ce fut le signal d'une nou-
velle guerre entre ces deux princes qui ne furent jamais
bons amis. Le pape avait d'autant plus a cœur cle les récon-
cilier, qu'il voyait s'évanouir l'espérance des secours qu'ils
Martène , s'étaient obligés d'envoyer à la Terre Sainte. Il s'adressa, non
impi. Coll. t. ^^ j.qJ lui-même, mais à ceux qu'il savait investis de toute
ll.rol.Tai. , 111 A iT-i- 1 1 1- '
sa conhance, 1 archevêque de neuns et le chancelier; et cest
par leur moyen que la paix fut conclue après les fêtes de
Noël, 1168.
Vers le même temps , le chancelier fut chargé par le pape
d'une commission non moins importante. La .sœur de Louis
lï, roi. 783.
HUGUES DE CHAMPFLEURI. 539
le jeune, Constance comtesse de Toulouse, était séparée de xil siècle.
son mari, et résidait auprès de son autre frère rarchevèque
de Reims. Elle avait épousé en premières noces ILustache,
fils d'Etienne de Blois, roi d'Angleterre, et^de Mathilde
comtesse de Boulogne sur mer. Le comté de Boulogne lui
avait été assigné pour douaire; mais il était passé dans les
mains de Mathieu d'Alsace, fièrc de Philippe comte de
Flandre, par son mariage avec une sœur d'Eustache qu'il
avait tirée du couvent où elle était religieuse. Il était question
de faire rentrer Constance dans ses droits. Il semble que la
cour du roi eût été compétente pour décider cette question;
mais outre que le roi était partie intéressée dans l'affaire, les
causes matrimoniales étaient alors réservées à la puissance
ecclésiastique. Le pape la délégua aux évêques de Soissons , Martèno ,
d'x\miens et de Laon, avec pouvoir de contraindre à restitu- '^"'- '^°'' 755.
tion les détempteurs par toutes les voies de droit, et même
par l'excommunication. Nous ignorons qu'elle fut la décision
des commissaires; mais l'autorité même du pape ne suffit
pas pour faire rentrer Constance dans ses droits. ^
Jusque-là Hugues avait joui d'une faveur inaltérable auprès
du roi , qui lui avait conTié les négociations les plus délicates ;
niais bientôt après il éprouva l'inconstance de la fortune.
Victime d'une intrigue de cour, il eut la douleur de voir
que sa fidélité était devenue suspecte à son prince, sans povi-
voir dissiper les nuages qu'on avait élevés dans son esprit.
On voulut l'amener à se démettre lui-même de la chancel-
lerie. Quoique le pape lui eût promis bien formdlement
qu'il ne consentirait jamais qu'il fût dépouillé d'aucune des
dignités dont il était revêtu, néanmoins il le fit avertir, Marsène ,
l'an 1171, par l'archevêque de Reims, qu'il ferait bien de "î"rf- o'- î^OT-
renoncer à l'emploi de chancelier pour se livrer tout entier
aux soins de son diocèse. Cette demande du pape était
concertée avec le roi qui voulait se défaire de son chancelier.
Hugues trouva de puissans intercesseurs auprès de l'un et
de l'autre, et néanmoins il fut obligé de céder à l'orage.
D'un côté, l'archevêque de Sens, Guillaume de Champagne, Chesn. ibid.
écrivit au pape pour lui rappeler les grands services que le P- ^^S-
chancelier, qu'il appelle ^/7^/iW?^7?^e discret, hoi^e'te et savant,
lui avait rendus dans des occasions importantes. D'un autie
côté, Henri de France, archevêque de Reims, écrivit au roi
son frère une lettre ti'ès -pressante et fort honorable pour le
chancelier. «J'ai appris, dit -il, que des malveillans soiit Chesn. Hrf.
Yyya p.iGg.
54o HUGUES DE CHAMPFLEURI.
XII SIECLE, «parvenus à vous indisposer contre lui, en vous rendant
« sa fidélité suspecte. Comme je suis votre frère et votre
te ami, et qu'en cette qualité je dois envisager en tout votre
« honneur et#otre plus grand avantage, je votis demande en
« gi'ace de n'écouter sur cela aucuns rapports ; parce que je
« suis intimement convaincu que vous n avez pas de serviteur
« plus fidèle que le chancelier. Au surplus il est votre homme,
« et vous ne pourriez lui enlever ce cju'il a sans encourir
« le blâme dans l'opinion publique. J'ai beaucoup d inquié-
« tude sur cette affaire, car je crains bien qu'en le renvoyant
« vous n'offensiez Dieu et ne mécontentiez le peuple. Je vous
«supplie et vous conseille en ami de ne pas le renvoyer,
« parce cpiil pourrait arriver c[ue donnant votre confiance
« à quelque autre, au lieu d'un serviteur fidèle vous en trou-
« vassiez un infidèle. »
Tovites ces représentations furent inutiles; Hugues resta
disgracié jusqu'à sa mort arrivée le 4 septembre iiyS, dans
la maison de Saint- Victor où il s'était retiré. Avant cjue de
Clicsn. ,bui. mourir il écrivit au roi une lettre dans laquelle il proteste
V'^^- naW l'avait toujours servi fidèlement, et que son ambition
était d'ajouter encore à ses services , si la mort n'était venue
en interrompre le cours. Il recommande à sa générosité les
clercs cju'il avait employés au service de la cour, et en par-
ticulier un neveu nommé Pierre, auquel il n'avait pas fait
tout le bien qu'il aurait désiré. On voit par cette lettre que
le roi lui avait fait l'honneur de le visiter dans sa dernière
maladie.
SES ÉCRITS.
Hugues était trop occupé des affaires de la chancellerie
pour avoir le loisir de travailler à la composition de cjuelque
ouvrage ; mais il a rendu un grand service à la littérature et
sur-tout à l'histoire , s'il est vrai , comme le pensent les con-
Bouqiiet, tinuateurs du Recueil des historiens de France, que c'est à
i. XYl, p. 1. lui qu'on est redevable d'un volume de cinq cents soixante-
neut lettres publié par Duchesne, parmi lesquelles il s'en
trouve plusieurs de notre prélat. Ces lettres sont la i84,
i85, i86, 187, 188, 189, 190; 267, 5i5, 533, 537 et 539.
Il y en a encore un plus grand nombre qui lui sont adres-
sées; savoir, cinq du pape Adrien IV, la 63, 65, G^»^ 75
et 77; neuf du pape Alexandre III, la 78, 79, 8oj 81, 82,
HENRI DE FRANCE. 54i
83, 84, 85, 86, et d'autres de divers particuliers qu'il serait ^'i SIECLE.
trop long d'iudiquer. Les continuateurs de D. Bouquet les
ont réunies avec quelques autres, et en ont formé un article
séparé dans le tome XVI de leur collection. Il est à présumer ibid. p. 201-
que c'est encore notre chancelier qui a dicté la plupart de ^''^•
celles qui, dans le Recueil de Ducliesne, portent le nom du
roi Louis-le-Jeune, savoir, la 56, 61, 4^5, 4^8, 471 ^ 474i
476, 477 1 479-) 558, 56 1, 566. Toutes ces lettres ne sont
pas fort recommandables pour le style, mais on y trouve à
profiter pour Ihistoire.
Nous ne parlerons pas des Chartes sans nombre, qui,
pendant les vingt années q[ue Hugues exerça la charge de
chancelier, émanèrent de la chancellerie. Ces pièces qui
supposent une grande connaissance des lois constituant
alors le droit public de France, si elles ne sont pas toutes
son ouvrage , ont été composées sous sa direction ou sou^
mises à sa revision. B.
HENRI DE FRANCE,
ÉVÊQUE DE BEAUVAIS, PUIS ARCHEVÊQUE
DE REIMS.
PRECIS DE SA VIE.
Xi EN RI était fils du roi Louis-le-Gros et de la reine Adélaïde
de Savoye. Destiné dès le bas âge par le roi son père à l'état
ecclésiastique, à pfine eut-il reçu le diaconat qu'il se vit
comme accablé de bénéfices. Dès l'an 1 142 il était archidiacre H. de Dreux,
d'Orléans, chanoine de l'église de Paris, trésorier de Saint- P^- P- ^^S.
Martin de Tours , abbé de plusieurs abbayes royales , de
Notre-Dame d'Etampes, de Corbeil, de Poissy, de Mantes,
de Saint-Denis de la Chartre, de Saint -Melon de Pontoise,
de Saint-Martin de Champeaux, etc. Ce n'était pas un moyen
fort propre à lui faire acquérir les vertus de son état : heu-
reusement la providence ne permit pas qu'il demeurât long-
542 HENRI DE FRANCE.
XII Sir.CLE. temps dans l'illusion sur ce point. Des raisons particulières
s. Bern.A'ita 1 ayant couduit à Clairvaux , il fut si touché des discours de
lib. IV, col. saint Bernard et des exemples de sa communauté, qu'il
n35,nuin. i5. j-egolut de l'énoncer à tous les avantages que sa naissance lui
promettait dans le monde , pour se consacrer à Dieu dans
cette sainte solitude. C'était l'an ii4t»ià la même époque
où son frère le roi Louis -le -Jeune, par un semblable motit
de dévotion , se dévouait lui et tovit son royaume au service
de la Terre-Sainte.
Ce parti ne fut point une saillie passagère et irréfléchie
d'un jeune homme : lixé dès ce moment à Clairvaux, Henri
tint ferme contre tous les efforts que l'on fit pour le rappeler
dans le monde. Il pratiquait depuis trois ans les austérités
du cloître avec une ferveur soutenue, lorsque le peuple et
le clergé de Beauvais le choisirent unanimement, fan i i49i
Peiriv.n.iib. pouf leur évêque. Quelque régulière que fût cette élection,
A, op. 8. elle ne laissa pas d'embarrasser beaucoup saint Bernard, à
raison de la jeunesse et de l'inexpérience du prince. Henri
lui-même s'y opposait de bonne foi , comme on le verra dans
ses écrits ; mais enfin l'avis de toutes les personnes sages et
désintéi'cssées ayant été qu'il acceptât, il se rendit par obéis-
sance à son abbé.
Les premières années de son épiscopat furent orageuses
et semblèrent justifier les défiances de saint Bernard. A peihe
monté sur le siège épiscopal, il donna des preuves de son
caractère ferme, et du zèle qui l'animait pour l'intérêt de
son église. Ses prédécesseurs avaient accordé à la noblesse
du pays certaines redevances qu'on appelait bénéfices de
Malt. Ampl. flenieis ; il regarda ces concessions comme une servitude,
Coll. t. II, col. il entreprit de les abolir. Le pape approuvait son dessein,
^^'' et il avait pour lui le clergé et le peuple de Beauvais; mais le
Mart. Anecd. roi avait pris le parti de la noblesse. Cela ne le déconcerta
t.l,col. iti2. pas : les esprits s'animèrent de part et d'autre au point que
l'abbé Suger crut devoir lui écrire pour appaiser ce commen-
cement de révolte. Henri se rendit l'an i i5i auprès du pape,
décidé à donner sa démission de l'épiscopat ; mais Eugène
nîart. Ampl. ne jugca pas à propos d'accueillir sa demande , il crut qu'il
Coll. t. II, cul. était plus expéuient de le réconcilier avec son frère, il écrivit
55i ei seq. pour cela un grand'nombre de lettres, et il y a apparence
qu'il y réussit. Mais Henri avait indisposé contre lui ceux
dont il avait blessé les intérêts; on porta des plaintes au
pape, on l'accusa de légèreté, et d'être toujours par voie et
HENRI DE FRANCE. 543
par chemins. Le cardinal Hugues, ëvêque d'Ostie, qui l'aimait, ^il siècle.
crut devoir en avertir saint Bernard leur père commun , et Bom.ep. So^
le saint écrivit pour le défendre , ou du moins pour l'excuseï'. col. 288.
Pendant ces troubles il avait juré qu'il se démettrait de
l'épiscopat, et il se croyait lié par un serment qu'un moment
de dépit lui avait arraché : il fallut que le pape Adrien IV, Maii. Am])i.
cjui sentait le besoin qu'on avait de lui pour le bien de Co'i- 1. 11, col.
l'église, lui ôtât ce scrupule. ^°
L'occasion d'employer utilement son crédit ne tarda pas
à se montrer. 1.,'an 1 169, un schisme déplorable s'étant élevé
dans l'église romaine entre deux prétendans à la papauté ,
l'empereur d'Allemagne se déclara pour le cardinal Octavien
qui avait pris le nom de Victor IV, et il était à craindre
que son exemple ou ses sollicitations n'entraînassent dans
son parti le monarque Français ou celui d'Angleterre.
Alexandi'c III, qui se croyait le pape légitimement élu, eut
recours à l'évèque de Beauvais pour se faire reconnaître à
la cour de France; il lui écrivit lettre sur lettre," et il avoue Mart. ihid.
que sans lui il n'aurait jamais vu son bon droit triompher, col. G64 eieSg.
Aussi ce pontife, toujours plein de reconnaissance pour son
bienfaiteur, usa-t-il envers lui, dans toutes les occasions,
des plus grands ménagemens, comme,on le voit dans toutgs
les lettres qu'il lui écrivit, et particulièrement dans celle qui //«i/. col. 665.
accompagnait l'envoi du Palliuin pour l'archevêché de .-
Reims, dont Henri fut pourvu l'an 1 162.
Cette même année, Alexandre donna quelques mécouten-
temens au roi de France, qui se repentit presque de l'avoir
reconnu pour pape légitime, au point qu'il consentit à mettre
l'affiùre de la papauté en délibération dans une conférence
qu'il devait avoir avec l'empereur Frédéric. Alexandre, qui //«v/. col. 671.
avait tout à craindre d'un pareil congrès, redoubla d'ins-
tances auprès de notre archevêque pour détourner le roi
d'un projet qui aurait ruiné ses affaires ; et c'est encore par
les soins de Henri que le roi resta fidèle à Alexandre , en
évitant le piège qu'on lui avait tendu , sans manquer à ses
engagemens.
Alexandre étant rentré dans Rome, Henri alla le visiter
sur la fin de l'an 1 166. Mais pendant son absence de grands
troubles s'élevèrent dans la province, comme on le voit par
deux lettres de Pierre de Celle, abbé de Saint-Remi , auquel P^''' Cellen.
il avait confié le gouvernement du diocèse. A son retour, /. 'iVr '^'^" o'*'
r <- u • * j I 1' M' Il . . Mib. Vl,ep.8.
lan iioy, Henri eut de grantls démêles avec la bourgeoisie
544 HENRI DE FRANCE.
XII SIECLE, de Reims et avec les chanoines de la cathe'drale. Jean de
Joan. Saresb. Salisburi , qui était alors à Reims , fait de cet événement ,
ep. 2i4- dans une lettre à Jean évèque de Poitiers, une relation qui
n'est pas trop à Tavantao-e de notre archevêque, k Celui-ci
« exigeait des bourgeois quelques nouvelles servitudes qui
« leur paraissaient insupportables. Ils offrirent d'abord la
«somme de deux miife livres, à condition qu'ils conti-
« nueraient de jouir de leuis privilèges et de se gouverner
« par leurs lois municipales. Sur son refus, ils se concertèrent
« avec le clergé et la noblesse , ils s'emparèrent des tours
« des églises , se fortifièrent dans les maisons , chassèrent
« de la ville les officiers et les amis de l'archevêque auquel
« ils n'épargnèrent pas les injures. Forcé de quitter la ville ,
« Henri revint bientôt après avec le roi son frère, et des
« troupes pour l'assiéger. Les bourgeois étant allés au-devant
« du roi pour le prier de modérer les prétentions exorbi-
« tantes de son frère, et n'ayant pu rien obtenir, se reti-
« rèrent sur les terres du comte de Champagne, qui leur
« conseilla de se livrer à la discrétion du roi. Ils suivirent
« ce conseil; et le roi, par complaisance pour son frère,
« s'étant contenté de faire raser, quoique à l'cgret, dit l'au-
« teur , environ cinquante maisons des plus mutins, se retira.
«Trois jours après, les bourgeois étant rentrés chez eux,
« firent main basse sur les maisons des nobles qui tenaient
« pour l'archevêque. Celui-ci n'eut plus recours a son frère;
« il. s'adressa au comte de Flandre qui vint avec mille com-
« battans pour exterminer les bourgeois , ou pour les mettre
« à la torture , afin d'en tirer de bonnes rançons , si on
« pouvait les prendre. Mais ils ne jugèrent pas à propos de
«l'attendre; ils évacuèrent la ville, et les Flamands n'y
« trouvant point de subsistances, s'en retournèrent au bout
« de vingt-quatre heures. Cependant l'archevêque mieux
« conseillé entra , à l'insçu des Flamands , en accommodement
« avec les bourgeois par l'entreprise du comte Robert^ son
« frère, et consentit à faire la paix, à condition qu'ils con-
« serveraicnt leurs anciennes lois, et payeraient en dédom-
« magement la somme de 45p livres, qui, sans parler des
ce injures et des avanies dont ils l'avaient accablé, n'était pas
« le quart du dommage réel qu'ils lui avaient causé. Telle
« fut, dit Jean de Salisburi, la paix honteuse qu'il fut obligé
« de faire avec les bourgeois; mais cela ne le dégoûta pas
« de continuer le procès qu'il avait intenté à son chapitre :
HENRI DE FRANGE. 545
« Sic itaque damnosam et ignominiosam ciim cwihus faciens XII SIECLE.
npacein, aclhuc cum clero exercet inimicitias , et se juri
« offereiites vexât ecclesias.
Il s'agissait de certains privilèges, et nomme'ment du droit
qu'avait le chapiti^e d'excommunier, de sa propi'e autorité,
sans la participation de l'archevêque (prétention qui fut
débattue, vers le môme temps, dans plusieurs autres dio-
cèses); d'excommunier, disons -nous, les malfaiteurs qui
causaient quelque dommage aux églises. C'est ce qu'on voit
par une lettre qu'écrivit au prélat irrité uri d^ ses anciens Maiiot , Me-
chanoines, pour lors cardinal diacre du titre de Sainte- ''""P î""™- ^■
Marie in vid latci. Il lui représente l'avantage qu'il trouverait ' ^''
à être toujours uni à son chapitre, et le dommage qui
résulte, même pour son autorité, de la division qu'il a semée.
Il lui rappelle qu'en montant sur le siège de Reims , il a
juré de maintenir les anciens usages de son église, et qu'un
des privilèges de cette église, est le droit d'excommunier
ceux qui lui font du tort, sans que l'évêque puisse les
absoudre avant qu'ils aient réparé le dommage^: consuetudi-
nés eniîmsiMS, qnas'vos, credo, sen'are promisistis , sihi molari,
maxime in ahsolvendis suis excominunicatis , nulld factâ sibi
satisfactione , lacryniabiliter gémit.
Malgré ces justes représentations faites avec un profond
respect et une grande modération , l'archevêque poursuivit
sa pointe; il intéressa dans sa querelle le roi son frère qui
se saisit du temporel du chapitre. Les chanoines de leur
côté eurent recours au pape Alexandre III, qui écrivit au Mart. ibid.
prélat une lettre très -vive, le blâmant siu'-tout d'avoir col. 93/,.
employé l'autorité du roi dans une affaire purement cccl^
siastique , démarche qui, selon lui, pouvait avoir des coux
séquences très-pernicieuses dans la personne d'un autre
souverain moins affectionné aux églises cpie ne l'était Louis-
le-Jeune. Il écrivit également à ce prince ppur l'exhorter à ibUi.col.^Vj.
ne pas ternir la gloire qu'il s'était acquise d'être le défenseur
des églises, et à travailler de tout son pouvoir à rétablir la
paix entre l'archevêque et son chapitre. Ces remontrances
ne furent point vaines; la paix fut faite, la même année,
selon une autre lettre de Jean de Salisburi, qui n'explique inter ep. s.
pas quelles en furent les conditions. r!'°ïï' ^^q''
•^ T '• • I T • ' • • -i-v lib. II, ep. ^(O.
L, instigateur de ces dissentions était un certain Drogon ,
chanoine régulier de Ilam, c[u'il avait pris à son service.
C'était un homme violent et fort versé dans la connaissance
Tome XIII. Zzz
546 HENRI DE FRANCE.
xn SIECLE, (les intérêts des princes, vir eruditus omnium sœculaiium
Bouquet, t. clùciplùiis , dit Lambert WateHos , qui raconte de lui qu'étant
XIII, p. 53i. devenu l'homme de confiance de Pierre de Flandre élu
évêque de Cambrai, il l'avait induit à des mesures fion moins
violentes contre les habitans de cette dernière ville. Cepen-
dant l'archevêque l'avait pris tellement en affection, cju'il
l'avait fait nommer, quelque temps auparavant, chancelier
de l'église de Noyou ; mais^ le pape , peur l'empêcher de
continuer à semer la division , l'avait destitué et ordonné à
son abbé de le fappeler dans le cloître. Henri prit sa défense,
et ne craignit pas de se brouiller avec le souverain pontife,
pour le maintenir même au préjudice de son neveu, fils de
Robert comte de Dreux, qui avait été nommé à sa place. Il
Mart. Ampi. écrivit au ])ape et aux cardinaux deux lettres pleines éte
se' .*' e ' *^° ' reproches, dont vraisemblablement Droijon fut le rédacteur.
700 et 7»g. i ' . o
Dans cette contestation le pape donna autant de preuves
de modération que Henri y mit d'emportement : il échoua
cependant; mais toujours engoué de Drogon, il le donna,
l'an ii6(), au comte de Flandre pour être le conseil de son
frère Pierre, qui venait d'être élu évêque de Qumbrai,
comme nous l'avons déjà dit. Henri eut lieu de s'en repentir,
car ils se comporter» nt si mal l'un et l'autre, qu'il fut
Mqrt. ibid. contraint de les dénoncer lui-même au pape, cjui prit de là
'^° ' '^' occasion de lui représenter combien il avait agi inconsidé-
rément, soit en confirmant sur le siège de Cambrai un jeune
homme sans expérience, soit en lui donnant pour conseil
le chanoine Drogon, dont mal à propos il avait pris la
défense. Je sui^ bien aise, ajoutait-il, que vous soyez puni
cfens l'endroit même par où vous avez péché : Lcetor qiibd
Deiis in prœsenti tuos punit excessus , et te malc egisse ex
operihus illorum manifeste cognoscis.
L'an 1 171 , Henri eut encore ave^; le comte de Champagne
Maft. ibid. Henri le Libéral, une contestation qui faillit à dégénérer en
col. 866. m^ç guerre ouverte. Il était en guerre avec ses vassaux ,
contre lesquels il avait élevé des forteresses et fortifié des
châteaux qui faisaient ombrage au comte. 11 se plaignait
que le comte son homme lige, erit pris parti pour eux sans
l'avoir auparavant défié; qu il les eût reçus dans ses terres,
eux et le butin qu'ils avaient remporté sur lui. Ayant
demandé raison de cette félonie, bien loin d'obtenir satis-
faction , il se vit non seulement appelé en cour de Rome ,
mais encore le comte lit entrer sur les terres de l evêché ses
HENRI DE FRANCE. 547
troupes et les cotei'eaux qu'il avait pris à sa solde. 11 y eut ^" sieclk.
des meurtres, des pillages et des incendies, sans que l'arche-
vèque pût obtenir les indemnités qu'il réclamait. Aloi-s il se
détermina à lancer l'excommunication qui fut suspendue
Ear une trêve; mais ces ménagemens n'ayant produit aucun
ien , il en vint à l'extrémité de l'excommunier solennelle-
ment à l'extinction des cierges : nouvel appel de la part du
comte; il fallut aller plaider à Rome. Le pape ayant entendu Mart. ibui.
les raisons de part et d'autre, délégua des commissaires pour "^"'^ y°7*^'9'*-
connaître de la validité de l'excommunication, et en même
temps il écrivit au roi une lettre digne du père commun des
lidcles, par laquelle il l'exhorte à être le médiateur de la
paix entre des personnes qui doivent lui être chères , et dont
la mésintelligence peut altérer la paix du royaume. Il paraît
que la paix se fit; mais nous ignorons comment elle fut
cimentée.
Enlin , après avoir administré 1,'église de Reims pendant
l'espace de quatorze ans, il mourut le i3 novembre iiyS,
emportant dans le tombeau les regrets des gens de bien,
et sur- tout des savans qu'il avait attirés en foule par ses
libéralités , ou auxquels il avait procuré des établissemens.
Son caractère était une grandeur dame vraiment royale,
une fermeté à toute épreuve contre l'injustice , un zèle actif
à s'acquitter de ses devoirs , le tout mêlé d'un peu trop de
confiance sur les avantages de sa naissance, et de hauteur
dans l'exercice de son autorité qu'on lui a souvent reprochée.
SES ÉCRITS.
Les écrits de Henri de France ne consistent qu'en chartes
et quelques lettres éparses dans difterens recueils , cjui ne
sont que la moindre partie de celles qu'il dut écrire, et qui
vraisemblablement, quant au mérite littéraire, étaient plu-
tôt l'ouvrage de ses secrétaires que le sien propre. La litté-
rature eu général et l'histoire en particulier lui ont cepen-
dant une obligation infinie pour le soin qu'il a eu de recueillir
celles qui lui étaient adressées soit par les souverains pon-
tifes , soit par d'autres personnes , formant une collection Mart. Amiii.
de cincf cent trente-quatre lettres, qui ont été imprimées Coll. 1. 11, coi
Dii/i ^' ^ ^ ^ ^-^ 1 ' .. ^- I 624-1011.
^ . Martene : et, a ce titre, 11 mente une mention liono-
norable dans l'Histoire littéraire de la France. Il eût été à
souhaiter qu'il eût aussi tenu registre des siennes ; mais
Z z z 2
548 HENRI DE FRANCE.
XII SIECLE, celles-ci sont perdues pour nous, à l'exception d'un petit
nombre dont nous allons rendre compte , selon l'ordre des
dates. Nous ne parlerons pas de ses diplômes , qui sont bien
des documens liistoriques, mais non des monumens litté-
raires dont nous devions nous occuper.
Bibi. Pair. x. La première est adressée à saint Bernard. Henri n'était
p'fî/ ' encore f{ue novice à Clairvaux lorscpi'il l'écrivit au saint
abbé , pour lui demander sa protection auprès du pape
Eugène III , en faveur de l'évêcjue de Saint-Malo ( Jean de la
Grille), qui avait quelques démêlés avec les religieux de
jVIarmoutier , touchant certains droits de son église. La lettre
est fort pressante. Henri, en la finissant, conjure l'abbé de
Clairvaux de hâter son retour , parce qu'il est impatient
d'émettre ses vœux entre ses mains. « J'attends, dit-il, votre
« retour avec impatience ; car je ne puis m' unir entièrement
«à Dieu, sans cjue vous vous réiuiissiez à nous. Le temps
« de contracter mon engagement ( c[u'il appelle des épou-
«sailles) approche; c'est par votre entremise que je dois
« faire alliance avec le Seigneur ; c'est sous votre conduite
« que je dois le servir jour et nuit et tous les instans de ma
« vie. » Cette lettre est de l'an 1 1 47 , et se trouve parmi celles
de Nicolas de Moutier-Ramey, qui en fut le rédacteur.
ibid. p. 552. 2. L'an II 491 Henri ayant été nommé à l'évéché de Beau-
vais, fut effrayé de se voir encore lancé dans le monde. Saint
Bernard n'osait lui conseiller d'accepter : il consulta l'abbé
de Cluni, Pierre-le-Vénérable, qui, ne voyant rien d'irré-
gulier dans ce choix, fut d'avis qu'il fallait y reconnaître la
vocation de Dieu. Henri lui en sut mauvais gré ; il lui en fît
des reproches dans une lettre qui respire la sincérité des
adieux cju'il avait faits au monde. « Que Dieu vous le par-
te donne, lui écrit-il! Qu'avez-vous fait? Vous rappelez parmi
« les hommes un homme enseveli, et, par votre conseil qu'on
« suit avec trop de conliance, on m'expose encore au péril
« dont je me croyais délivré pour toujours : on me rejette
« dans une mer affreuse de soins, et je vais être absorbé de
« nouveau dans le profond abîme de la gloire mondaine. Je
« ne sais plus oii je suis ; mon ame est dans le trouble depuis
« qu'on m'a confié la conduite des charriots d'Aminadab , à.
« moi qui ai plus besoin d'être conduit que de conduire les
« autres. On m'applique à des ouvrages forts , sans consi-
« dérer mon extrême faiblesse. » Tout le reste de la lettre
est du même style. On y voit un prince qui coiinait 1 éten-
HENRI DE FRANCE. 649
due des devoirs de l'épiscopat , qui craint les dangers de ^ii siècle.
l'élévation , et qui ne cousent à reparaître dans le monde que
par detërence pour ceux à qui le devoir de l'obéissance
l'avait assujetti. Cette letti'e est encore l'ouvrage de Nicolas
de Moutier-Ramey , écrivain élégant, qui approchait le plus
du style de saint Bernard : il est aisé de s'en apercevoir à la
délicatesse d'esprit qui y règne. La'même lettre a été con-
servée parmi celles de Pierre -le -Vénérable, lib. V, epist. c^.
3.^1enri avait écrit auparavant à l'abbé Suger sur un Duch. t. iv,
ton ^us décidé à ne point accepter , le priant de pourvoir^ ^*^'"' ^^''"- i'-
l'église de Beauvais d'un autre pasteur, attendu que le far-
deau qu'on veut lui imposer est au-dessus de ses foi-ces.
Cette lettre est parmi celles de l'abbé Suger, et n'a, dans le
style, rien d'extraordinaire qui puisse faire juger qu'il l'ait
emprunté d'un autre.
4- Parmi les lettres de sainte Hildegarde, il s'en trouve Bibi. Pair.
une de Henri, dans laquelle il se dit évêque de Bc'cz, solo LuRd. t.xxill,
nomine vocatus episcopus ; il prie la Sainte de lui procurer
par ses prières quelque consolation au milieu des orages du
siècle dont il est accablé, turhinihus sœcnll gvavato : ce qu'on
peut rajjporter au temps où il était en butte aux contradic-
tions de la noblesse du pays , et même du roi , son irère.
5. Nous avons déjà dit que Henri liit un des plus zélés
défenseurs du pape Alexandre III, contre le cardinal Octa-
vien , son compétiteur. Ayant ouï dire que le roi , son frère,
s'était laissé ébranler par les insinuations de l'empereur
d'Allemagne , protecteur d'Octavien , il s'empressa de lui Duch. ibid.
marquer son étonnement et ses inquiétudes, aiin de le pré- P" " "
munir contre le piège qu'on lui tendait, et f empêcher. de s'y
laisser prendre. Dans une autre lettre à Eberhard, arche- Tpui;nagei ,
vêque cle Salzbourg, qui l'avait consulté sur les dispositions „ "^ ryi' """'"
du roi de France à l'égard du pape Alexandre, il l'assure
que le roi se laisserait couper la tête plutôt que d'abau-
donner ce pontife. , .
6. L'an 1 163, il y eut des brigués pour donner à l'église Mart. Ampi.
de Châlons un évêcjue. Le comte de Champagne poirtait à ce ?""■ *' ^^' *^°''
poste un sujet qui n'était pas agréable à notre prélat, et il '
avait mis le roi dans son parti. Le pape cru'on avait consulté,
n'osait prononcer, dans la crainte de déplaire aux uns ou
aux autres. Enlin , le roi se désista , et envoya l'affaire à la
décision du métropolitain. Henri lui écrivit pour le remer- Duch. ibid.
cier d'avoir déclaré aux députés du chapitre qu'il fallait s'en P- ^^^-
55o HENRI DE FRANCE.
XII SIECLE, rapporter à sa décision, et qu'on ne gagnerait rien à iatri-
ili^_ giier pour l'éluder. L'année cTaprès, étant tombé malade, il
il écrivit au roi son frère , pour le tranquilliser sur l'état de
sa santé, tpii était un peu rétablie.
y. Notre prélat, à raison de la prééminence de son siège
et de sa naissance, était tort jaloux de ses droits, et faisait
sentir le poids de son aTitorité aux évèques de la province.
Mait. Ampi. Un prctre du diocèse de Laon ayant été-cité par appel à son
Coll. t. II, col. tribunal , il manda à Gautier de Mortagne , ^on évêqi]£ , de
'' ■ .le faire comparaître ; Gautier ne tint compte de cet ordre :
sur quoi l'archevêque lui écrivit pour le sommer lui-même
de venir rendre compte de sa conduite à la cour métropoli-
taine. Henri parle avec beaucoup de liauteur dans cette lettre.
C était assez sa manière de traiter avec ses sutfragans ; plus
d'une fois ils en portèrent leurs plaintes au pape , comme il
7è;W.col. 93i, paraît par un grand nombre de lettres qu'Alexandre écrivit
93», et ai 1. ^ Henri, pour l'engager à mettre plus de douceur dans ses
procédés a leur égard.
8. Pendant la grande contestation qui , comme nous
l'avons dit, s'éleva l'an ii6'^ entre notre archevêque et les
bourgeois de Reims , Henri dut écrire beaucoup de lettres ,
soit pour demander des secours , soit pour négocier avec les
Duch. t. IV, rébelles. De toutes ces lettres, il n'en reste qu'une au roi
Rer. Iran. p. Louis-lc-Jcime , daus laquelle il est parlé d'une conférence
qui devait avoir lieu à Bétisy , près de Soissons, où devaient
se trouver le roi et le comte de Flandre ; mais l'objet de la
convocation n'est exprimé que d'une manière vague , de
ïbi(L\'. 634. quibusdam negotiis fainiliaribus. Cependant, dans une autre
lettre de Hugues , évêque de Soissons , au même prince , on
voit qu'il devait être question de l'interdit que l'archevêque
de Reims avait lancé non seulement sur sa ville épiscopale,
mais encore sur toute la province : circonstances sur les-
quelles tous nos historiens gardent un profond silence.
q. L'an ii68, le pape voulut ôter à Drogon , chanoine
réguher de Ham , la charge de chancelier de l'église de
Noyon dont il était pourvu , sous prétexte qu'elle était
Mart. ihid. incompatible avec son état. Henri prit la défense de son
col. 788. favori- dans deux lettres qu'il écrivit , l'une au pape et l'autre
au sacré collège ; il prouve fort bien que , puisqu'un chanoine
régulier est admis a exercer la charge d'archidiacre, il peut
également exercer celle de chancelier ; et il se plaint amère-
ment du peu de cas qu'on faisait à Rome de sa recomman-
HENRI DE FRANGE. 55i
dation , après les grands services qu'il avait rendus au saint xil SlECLï.
siège. 11 y a de l'esprit, de la force et du pathétique dans ces
deux lettres ; on voit bien que c'est l'ouvrage de la personne
intéressée. Elles se trouvent dans la Collection de D. IVIartène
et au tome II des Mélanges de Baluze. Alexandre lit au prélat //«v/. col. 797.
une réponse assez satisfaisante , sans néanmoins lui accorder
ce qu'il demandait, s'excusant sur la nature des alfaires s'il
ne suit pas toujours le désir qu'il aurait de l'obliger.
10. L'église de Reims fiit une des premières à l'ournir un
asyle à saint Thomas de Cantorbéry et à ses compagnons
d'infortune , pendant leur exil en France. Persuade que la
cause cju'ils soutenaient était celle de l'église , il prit en main
les iiitéi'êts de ces illustres persécutés comme les siens
propres. Parmi les lettres du saint archevêque de Cantor-
béry, il s'en trouve une de Henri, écrite au pape l'an i iCf), Lib. iv, ep.
après la conférence que les commissaires par lui délégués ^^'P-^Sy.
avaient eue à Montmirail avec le roi d'Angleterre sans aucun
succès. A l'exemple de plusieius autres évèques de France,
notre prélat suppliait le pape de metti-e fin au scandale que
sa longne tolérance et l'inflexibilité du roi d'Angleterre don-
naient à l'église. L'année suivante, notre archevêque informé
du massacre de celui de Cantorbéry, écrivit encore au pape
une autre lettre que nous n'avons plus , mais dont il est
" parlé dans celle "de Bernard du Coudrai au prieur de Grand- Mart. Anecd.
mont, pour demander vengeance de cet attentat. Son dévoue- '• ^■> «"'• ^^°-
ment pour saint Thomas ne se borna point là : il fut le
premier qui rendit son culte public en France , et , pour
cet effet, il lui fit ériger, sur la paroisse de Saint-Germain-
l'Auxerrois à Paris, une chapelle qu'il dédia lui-même, ainsi
que l'atteste Giraud-le-Gâlois. C'est aujourd'hui Saint-Louis Angi. Sacra,
du Louvre. *■ ^^' v- 479-
11. L'an 1171, le roi Louis -le -Jeune, mécontent de son
chancelier Hugues de Champfleuri , évêque de Soissons , le
destitua de son emploi. Henri , persuadé que c'était une Duch. t. iv
intrigue de cour, écrivit au roi son Irère, pour le détourner ^'^'■' ^™"' P-
de ce dessein. La lettre est fort honorable pour l'évêque de "" ^
Soissons, à l'intégrité duquel il rend témoignage. Il chargea,
par une autre lettre, Ervise, abbé de Saint-Victor, de la Jf>i(i-v- ^l"-
présenter au roi et de l'appuyer de son crédit. Il instruisoit
en même temps, par une tioisième lettre, le chancelier des jùùi. p. 575.
démarches qu'il faisait pour le rétablir dans les bonnes
grâces du roi. Mais les préventions qu'on avait inspirées au
552 - HENRI DE FRANCE. '
XII SIECLE, monarque prévalurent , et Hugues resta disgracié jusqu'à sa
mort.
Supràp. 546, ,12. Nous avoiis rapporté plus haut la contestation que
^~- notre archevêque eut, vers le même tem|)s, avec le comte
de Champagne, et comment il se vit. obligé de lancer contre
Mart. Ampl. lui l'excommuniçation. La lettre qu'il écrivit à ses suffragans
866 '°' pour leur enjoindre de faire publier cette sentence dans
toutes les églises, est parvenue jusqu'à nous. On y voit. quels
étaient les griefs dont il avait à se plaindre. Nous remar-
quons que, dans la suscription, le prélat se sert de la formule
SdliUepi et apostoUcam henedictionein , formule qui dès lors
était réservée au pape. Nous pensons que c'est par inadver-
tance que le copiste , accoutumé à la placer presque à toutes
les lettres du recueil, l'aura répétée mal -à -propos sur
celle-ci.
i3. Henri donna, l'an 11 74, des preuves de son zèle
pour le maintien des bonnes règles. Robert , prévôt de
l'église collégiale d'Aire, qui était déjà désigné évèque d'Ar-
ras , fut nommé , cette année , par l^hilippe , comte de
Flandre, dont il était chancelier, à l'évéché de Cambrai.
Henri , son métropolitain , s'opposa vigoureusement à cette
élection , tant à raison du défaut de canonicité dans la forme,
que ]5ar rapport à l'incapacité du sujet. Il écrivit à cette
occasion au .pape Alexandre une lettre pleine de sagesse , de
lumières et de gravité. C'est ainsi que le P. Hommey la qua-
lifie dans son supplément à la Bibliothèque des Pères; mais
Eil.l.pp.Cist. il ignorait qu'elle était déjà imprimée pariai celles de Phi-
t. m, p. -238. lippe, abbé de l'Aumône , qui en fut le rédacteur. Cependant
le succès ne répondit pas au zèle du prélat. Robert triompha
des contradictions qu'on lui suscitait en cour de Rome ; mais
il arriva qu'il fut massacré, la même année, par. ordre de:
Jacques d Avesne , dans un voyage qu'il faisait pour inspecter
les domaines de son nouvel évêché.
Henri avait écrit au pape Alexandre bien d'autres lettres
que celles dont on vient de rendre compte ; et , pour s'en
convaincre, il suffit de jetter les yeux sur la collection des
lettres de ce pontilé, à lui adressées et par lui recueillies.
Elles sont presque toutes relatives à la province de Reims;
et, quoique notre prélat n'ait jamais pris la qualité de légat
du saint siège, il paraît qu'il en fiiisait les fonctions dans sa
province. C est à lui que le pape renvoyait toutes les affaires
de quelque importance, dans lesquelles l'archevêque n'était
NICOLAS,. MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 653
pas personnellement interesse. Les contiiuiatêurs du Recueil ^n SIECLE.
des historiens de France les ont imprimées au tome XV,
pour ne faire qu'un registre de toutes les lettres d'Alexandre;
mais ils ont rappelé par ordre chronologique , d«ns le
tome XVI , les sommaires de toutes ces lettres, en y mêlant
les lettres de notre prélat avec celles qui lui turent adressée^,
autres que celles des papes. B.
NICOLAS,
MOINE DE MOUTIER-RAMEY, PiJIS DE
CLAIRVAU-X, SECRÉTAIRE DE SAINT
BERNARD.
HISTOIRE DE SA VIE.
IMicoLAS s'était fait de son temps une assez bonne répu-
tation d'homme de lettres. H était champenois , et avait
embrassé la vie religieuse à l'abbaye de Moûtier-Ramey, en
latin Avemamni , jJremarense nionasterium , à quatre lieues
de Troyes. On voit par ses lettres qu'il avait formé 'des dis- Ep-a, 35, 3S.
ciples dans cette maison. C était, comme nous le -verrons, '
Un esprit insinuant, qui sut se concilier l'estime, et l'affec-
tion-des plus grands personnages de son siècle; i Dès l'an-
née I i4o, il jouait dans les affaires de l'église un rôle assez
considérable. Il avait assisté au concile de Sens , et saint
Bernard le députa pour porter à Rome les lettres qu'il écri- Bern.ep. 189,
vait dans l'affaire d*Abailard , pour y poursuivre la condam- ^^*^'
nation de ses erreurs , et prémunir la cour de Rome contre
les intrigues d'un homme qui se vantait d'avoir beaucoup
de partisans dans le sacré collège. Nicolas lui-même atteste NicoIai,ep. ',5,
qu'étant allé plusieurs fois à Rome , il s'y était fait beau-
coup d'amis : ^Id romananv eniin curiain curiosiiis ieiis et
rediens, feceram mihi nornen grande juxta nomen magno-
rum qui sunt in terris. • ■
La. grande réputation dont jouissait alors dans l'église '
Tome XllI. A a a a
554 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
XII SIECLE, saint Bernarcf, lui fit naitre l'envie de se retirer sous sa
discipline à Clairvaux. Il tant 1 entendre exprimer dans trois
Ep.7,45,46. différentes lettres, malgré les obstacles qu'il rencontrait à
l'exécution de son dessein , l'aident désir qu'il avait de se
réunir à une communauté dont il fait l'élcge le plus magni-
fique. C'était en l'année Ii45, avant cjue Rualen , prieur de
Clairvaux eût été envoyé à Roine pour gouverner le monas-
tère de Saint-^\jiastase ad Aquns ^ahias , à la place d Eu-
gène III , qui venait d'être élu pape. Voici le portrait qu'il
fait de sa conduite passée , dans la lettre 45 : « Sous les dra-
« peaux de l'humilité de Jésus-Christ , je cachais un homme
« adonné à toute sorte de vices, et du jîatrimoine du cruci-,
« fié, du prix des plaies de mon sauveur, je montrais non
« seulement au-dedans du sanctuaiie, mais même au-dedans
« du saint des saints, un moine sans règle, un prêtre sans
« retenue , sine rei>erentîâ , enfin je ne me souviens pas
« d'avoir bien vécu un seul jour dans ma vie. » Ce retour
sur lui-même était louable sons doute; mais il ne suffît pas,
pour devenir un autre homme , de changer d habit ; nous
verrons bientôt crue tout cela n'était qu'hypocrisie.
A peine avait-il fait profession , qu'on lui confia l'office de
secrétaire. Saint Bernard en avait plusieurs, à cause de la
multiplicité d'affaires dont il était chargé. Le premier était
Geofroi d'Auxene, auquel Nicolas fut donné pour adjoint,
et il avait lui-même d'autres écrivains sous ses ordres, entre
Ep. 10, autres un Gérard dePéronne, qu'il appelle le compagnon de
sesécrittires, iiidwiduus cornes scriptitationiim mearum. Dans
Ep. i5. i^iiie lettre à un de ses anciens confrères de RIoûtier-Ramey,
il se plaint de la commission dont on l'avait chargé : « Vous
« savez, dit-il, que je suis parmi des hommes chez qui la
« discipline régulière, la gravité des mœurs, la mriturité des
« conseils, accompagnées d'une dignité et d'une tacituinité
« imposante , sont dans toute leur vigueur. Tandis cpi'ils ne
« sont occupés que de Dieu, seul, je vo^idrais bien ne pas
« me singulariser, et n'être pas obHgé de manier le stylet et
« les tablettes, pour courir de nouveau après les belles-
« phrases et- la pompe des mots , ut rei'oleni ad phaleras
« glofiamque verhonim. Cep'endant je ne fais autre chose
« du matin au soir. Que Dieu le pardonne à ceux qui nVont
« imposé un tel emploi , et qui m'ont mis dans la nécessité
(t d'écrire sans cesse des lettres ou des réponses. >•>
Ep. 35. Dans une autre lettre, il fait la description de son labo-
NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 555
ratoire. «J'ai, dit-il, à Clairvaux iiii petit cabinet pour Xll SIECLE.
« écrire, scriptoviolum , entouré de tous côtés de laboratoires
« célestes.... Là, sous une discipline très-exacte, ckacun lit
« en son particulier les livres saints, non pour faire parade
« de son savoir, mais pour y puiser l'amour du souverain
« bien, la componction et la dévolion.... Ne méprisez jîas,
« ajoute-t-il, ma petite cellule, car elle est très-agréable à
« voir, et très-propre au recueillement. Elle est remplie de
ce livres bien choisis et divins ; à leur aspect , je suis porté
« au mépris de toutes les vanités de ce monde , considérant
ce que tout n'est que vanité,, et cjue rien n'est plus vain que
<t la vanité. On me l'a donnée pour y lire, écrire, dicter,
ce méditer, prier , et adorer la majesté de Dieu. 5)
Nicolas, pendant qu'il était h. Clairvaux, et vraisemblable-
ment auparavant et depuis qu'il- en fut. sorti, faisait une
espèce de commerce de livres. Dans une lettre à Amédée , Ep. 34.
évoque de Lausanne, /e vous envoie , dit-il , le livre de maître
Anselme sur le Saint- Esprit ^ bien ponctue et bien correct,
ou je suis bien trompé. Pour l'oidinaire, quand il commu-
niquait des livres , c'était à condition qu'en lui renvoyant
l'exemplaire original, on lui en donnerait gratuitement une
copie. C'est ce qu'il mande en propres termes à Pierr.e , Ep. 24.
abijé de Celles , en lui envoyant deux ouvrages de saint
Bernarct. Il empruntait aussi quelquefois des livres pour les
copier, ce Envoyez-nous, écrit-d à Pierre, doyen de Troyes, Ep. 17
ce les lettres de l'évéque du Mans ( Hildebert ) , parce que
ce nous voulons les transcrire.» Ailleurs, écrivant au grand
prévôt de l'église de Cologne et chancelier de l'emjîereur,
pour le féliciter sur le voyage qu'il allait entreprendre à la
Terre-; Sainte, il lui demancte sa riche bibliothèque en ces
termes : ce Ayez soin de laisser aux pauvres de Jésus-Christ, Ep. 29.
ce afin qu'ils prient pour vous obtenir un heureux voyage,
ce votre |Jus précieux trésor , je veux dire votre magnifique
« bibliothèque, pour laquelle vous n'avez épax-gné ni soins,
<c ni dépenses.-»*
Nicolas , en se dévouant à la solitude de Clairvaux , ne
perdit pas de vue les amis distingués et nombreux qu'il s'était
faits d-aus le monde. Non content de leur écrire des lettres,
il cherchait toutes Rs occasions de sortir de sa retraite pour
les aller voir. Ecrivant à Pierre-le-Vénérable , abbé de Cluni, Ep, 51
il redouble d'instances pour qu'il lui obtienne de saint Ber-
nard la faveur claller à Cluni. C'était en Ii4,9i et ce ne fut
Aaaaa
XII SIECLE.
Lib. VI,
556 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
pas sans peine* que l'abbé de Chmi, après avoir écrit plu-
sieurs lettres très-pressantes, surmonta la résistance de labbé
de Claii^aux, qui sans doute soupçonnait déjà, comme il
le marque au pape Eugène III, les intrigues et l'hypocrisie
de Nicolas. Quant à Pierre-le- Vénérable, il avait de Nicolas
et 3e ses talens l'opinion la plus avantageuse et une estime
,ep. j. sans bornes.. « Je vous aime, dit- il, parce c[ue je vous con-
te «sais pour un. homme de lettres, en qui l'on trouve de
■ « grandes ressources, et comme un homme plein de religion,
« quoique cela n'ait pas toujours été vrai , et que ce ne soit
ibid ep. ag. «que depuis peu. » Il écrit à saijit Bernard cpie, privé du
bonheur de le A'oir, il le prie de le dédommager en lui en-
voyant Nicolas, pour passer avec lui-quelcpe temps, parce
qu'il avait mis en lui toute sa confiance. « En le voyant,
«dit-il, je croirai vous voir; et, conversant avec lui, je-
ce croirai m'entretenir avec vous. D'ailleurs, j ai à vous com-
te muniquer , par son moyen , des choses cjui demandent le
« secret. » N'avant pu rien gagner sur 1 esprit de saint Ber-
nard, il revient à la charge dans une autre lettre, on il
accumule tous les motifs ciui doivent faire consentir l'abbé
iiid. ep. 35. de Claii'vaux à sa demande. Cette lettre est un éloge de
Nicolas, tel cpie rattachement le plus sincère, la reconnais-
sance la plus vive pour quelques services rendus à l'évêque
de Troyes, 6t le délire de l'amitié peuAent inspirer. « A cpioi
«se réduit ma demandé, dit-il en finissant? Est-ce d apau-
« vrir pour moi vos greniers.^ Est-ce de toucher à vos trésors,
« si vous en aviez? Non, tout ce que je vous demande c'est
« de m'envover Nicolas. Envoyez-nous Nicolas! »
Eh bien ! ce fourbe , c[ui était le confident de ces deux
grands hommes, trahissait dès-lors son supérieur, et, comme
xni autre Giési, trafiquait du crédit cpie son maître avait
dans l'église, en contrefaisant à son profit de fiiusses signa-
Beni. cp. 298. tures. Voici le portrait cjue fait de cet hypocrite saint
Bernard, écrivant au pape Eugène, après C]ue ses fourberies
eurent été découvertes , et lui obligé de prendre la fuite. « Ce
« Nicolas que vous connaissez est sorti d'entre nous, parce
« qu'il n'était pas des nôtres ; il est sorti , laissant après
« lui de honteux souvenirs. Il y a long-temps cjue je connais-
« sais le personnage; mais j attendais oT; que Dieu le con-
«vertît, ou qu'il se trahît lui-même comme Judas : ce qui
« est enfin arrivé. Outre des livres, de l'argent et plusieurs
«f pièces d'or, on a trouvé sur lui, à sa sortie, trois cachets,
I
NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 5Ô7
« le sien propre, celui du prieur, et le mien, non l'ancien, ^^^ SIECLE.
« mais le nouveau, que j'avais été obligé de substituer au
«pivmier, à cause de ses fourberies et de l'abus qu'il en
« faisait , lorsqu'il jiouvait le dérober , propter furtwas
« suhreptiones. » Il lui rappelle ce que, dan^ une lettre pré-
cédente, il lui avait dit sur son compte, sans le nommer.
Puis il ajoute : « Qui peut dire combien il a- écrit en mon
« nom de lettres, dans Icsqueiles^l a mis, à mon insu, tout
« ce qu'il a voulu ? Que ne puisse pui'ger votre cour papale
«des immondices de ses impostures? Comment m'y pren-
« d rai- je pour laver ma communauté des reproches que sont
« en droit de lui faire les personnes que ce fugitif a trom-
« pées , quoiqu'elle soit bien innocente ? Il a été convaincu
■ « en partie, et il a confessé d'ailleurs cju'il vous avait écrit
«plusieurs fois des choses fausses. Je m'abstiens, pour ne
« souiller ni mes lèvres ni vos oreilles, de parler de ses infa-
« mies , qui sont si connues dans le pays, que tout le monde
« en parle. S il va vous trouver (car il se vaiite d'avoir de
« bons amis à la cour), souvenez-vous d'Arnaud de Bresse,
« parce qu'il est encore plus méchant qu'Arnaud. » C'était
prendre le pape par l'endroit le plus sensible. Enfin il est
d'avis qu'on enferme Nicolas pour toujours, ou du moins
qu'on le réduise à un «ternel silence.
Cela se passait en ii5i, car, f année précédente, il était
encore dans les bonnes grâces de saint Bernard, comme on
le voit par la lettre 889 de celui-ci à Pierre-le-Vénérable, à
la fin de laquelle Nicolas a ajouté un postscriptum. On croit
communément qu'il se retira en Angleterre, parce cju'un
moine de Saint-Alban, nommé comme lui Nicolas, attaqua
' en termes peu mesurés , après la mort de saint Bernard , le
sentiment qu'il avait adopté relativement à la conception de
la Sainte Vierge. Mais D. M;djillon observe que Pierre de Bern. opp. t.
Celles, qui prit la défense de saint Bernard, et c[ui connais- ^'P- "'^•
sait parfaitement Nicolas de Moûtier-Ramey, avec lequel il
avait été en commerce de lettres, ne permet pas de le con-
fondre avec le moine de Saint-Alban, qu'il traite comme
j^iglais (rt).
(fl) Voici le passage de Pierre de Celles, liv. VI, ep. 23 : Nec indi-
gnetiir AngUca levitas ; si eâ solidior sit Gallicana maturitas.... Certe exper-
tiis mm somniatoresplus esse Anglicos quant Ga/fos. Y oyez aussi la lettre lo
du livre IX.
558 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
xil SIECLE. Quant au secrétaire de saint Bernard , il paraît qu'ajirès
bien des courses, il revint, lorsque l'orage fut passe, dans
son premier monastère de Moùtier-Ramey , et que, malgré
la forte atteinte qu'il avait portée à sa réputation , il jouissait
i encore, aujirès 'des grands et des persoinies en place, d'une
Mari. Arapl. assez grande considération. Nous avons du pape Adrien IV
Coll. i. II, col. jp^jjj^ lettres qui lui sont fort honorables; l'une est adressée
à Henri, évêque de Be.ai^ais, et l'autre à Samson, arche-
de Reims, pour leur recommander les intérêts du moine
Nicolas et de son monastère; dans l'une et dans l'autre, le
pape l'appelle son cher fils qu'il affectionne beaucoup, gni
nobis satis carus est et acceptus. On voit même qu'il avait été
député à Rome par ces deux prélats , pour y poursuivre
leurs afiaires, qui circa negotia tua extitit satis sollicitus ac '
devotus.
jbiJ. col. 6j8 Une lettre du pape Alexandre III, de l'année 1160,
pi'ouvc que le moine Nicolas avait beaucoup agi en sa
faveur , pour le faire reconnaître en France , malgré les
efforts de l'antipape Victor, appuyé par l'empereur d'Alle-
magne. Le pape le remercie de tout ce qu'il a fait pour lui,
et l'exhorte à continuer ses instances auprès des personnes
tant ecclésiastic|ues que séculières |X)ur lui gagner des par-
tisans. Il lui annonce qu'il l'a recommandé, par des lettres
particulières à f évêque de Soissons, Hugues de Champ-
fleuri , chancelier de France , à Samson , archevêque de
Reims, et à Henri-le-Libéral, comte de Champagne.
C'est vraisemblablement vers le même temps , et à la
recommandation du pape, que Nicolas acquit auprès de ce
prince, son souverain, le crédit dont nous le»voyons jouir.
Baluz. Miscel. Afin de s'iusinucr dans ses bennes grâces, il lui écrivit une '
t. II,.]). 23J. ipt^j.p pleine d'éloges sur ses grandes libéralités, sur son
amour pour les lettres, et su}- son talent pour l'éloquence.
C'est ce qui l'encourage à lui envoyer les lettres qu'il avait
écrites, depuis deux ans, au pape [Adrien lY ] et au chan-'
celier cle l'église romaine, c' est-a-dire, au cardinal Roland,
qui fut le successeur d'Adrien sous le nom d'Alexandre III :
lettres que nous n'avons plus, mais qui produisirent tout
Eibi. pp. t. l'effet qu'il en désirait. Nous voyons elfectivcment , par une
■xxii,p.r336, lettre d Arnoul , évêque de Lisieux, que Nicolas remplissait,
'^°'' ^" dans la -maison du comte de Champagne, un emploi qui
ressemble beaucoup à celui de secrétaire ou de chancelier;
et, ce qu'il y a de fâcheux pour lui, c'est c|u'il s'agit encore
NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 55g
dans cette lettre d'une falsification de signature et d'escro- ^H SIECLE,
querie, que Nicolas voulait faire retomber siu' un jeune ~~
ecclésiastique du diocèse de Lisieux , qu'il avait attiré auprès
de lui. Nous ignorons s'il se tira avec honneur de cette
affaire; mais il est certain qu'il retourna daiis son monastère.
C'est de là qu'il écrivit à Guillaume , archevêque de Reims, Raïuz. Miscei.
frère du comte de Champagne, une lettre dans laquelle il se '■ ^''i'- *^"-
félicite d'avoir été admis au nombre de ses intimes, w;^/ù
sacrariiini tuœ famitiaritatis , honneur qi^ le prélat n'ac-
cordait que difticilement et api'ès une mûre délibéiation.. Il
s'avoue coupable d avoir été fort long-temps sans le voir et
sans lui écrire; il demande la permission de l'aller trouver.
C'est le dernier trait connu de sa vie ; et , comme Guillaume
de Champagne ne monta sur le siège de Reims qu'en 1 176,
cette lettre est certainement postérieure à cette année, mais
aucun monument ne nous instruit de celle qui fut le terme
de la vie de Nicolas.
SES ÉCRITS.
Il ne reste des écrits de Nicolas que des lettres et des
sermons. •
1° Nous avons, dans la bibliothèque des Pères, cinquante- T.xxr,p. 517
cinq lettres recueillies par lui-même , à la demande de Henri, "^53.
frère du roi Louis-le-Jeune , pour lors religieux à Clairvaux,
et de Gjrard , qu'il appelle ailleurs le compagnon de ses
écritures. Ces lettres sont celles qu'il écrivit durant le court
séjour de quatre ou cinq ans qu'il ht à Claiivaux , et qui
toutes respirent la ferveur vraie ou simulée dont il était
animé pour le nouveau genre de vie qu'il avait embrassé.
Quoique ces lettres, pi"esque toutes ascétiques, ne soient pas
d'un intérêt majeur , elle ne sont pas indifférentes pour
l'histoire littéraire du temps où il écrivait, sur-tout pour
l'histoire de l'ordre de Cîteaux , qui jetait alors dans toute
l'Europe une lumière éclatante. « Nicolas de Clair-vaux , dit Dissert. sur
« l'abbé Lebeuf, mérite qu'on s'arrête sur ce qui le regarde, iH'st. dePans,
« puisque ses lettres font voir qu'il possédait les anciens ' ' ''
« auteurs d humanités au même degré à-pe«-près que Pierre
« de Blois. Car, quoique l'ordre de Cîteaux ne fît pas pro-
« fession si ouverte de science que celui de Cluni, il ne laissa
« pas que de produire des pièces assez ornées des fleurs de
« la rhétorique. » Cela est vrai en particulier de Nicolas, qui,
56'o NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
x:i SIECLE, dans ses lettres , a imité quelquefois le style , le génie et
la phrase de saint Bernard , de manière à s'y méprendre.
fp- 1- .La première, adressée à ses confrères Henri de France et
Girard-, sert de préface à sa collection. Il v parle très-modes-
tement de son style; il veut bien les faire dépositaires de ses
lettres, mais à condition qu'elles ne seront pas rendues pu-
bliques. C'était en u4Di avant que le prince Henri eût été
promu à l'évêché de Beauvais.
Ep. 2, 3. La de'uxième et la troisième , ainsi que les deux suivantes, -
paraissent avoir été écrites avant que Nicolas entrât à Clair-
vaux. Elles sont adressées à un jeune homme de distinction,
qu il avait eu pour disciple , et qu il aimait beaucoup , mais
qui, ayant écouté de faux rapports, avait reçu de fâcheuses
impressions contre lui.
Ep. /,, 5. Les lettres 4 et 5 sont des éloges qu'il adresse à Atton,
évêque de Troyes, et à son archidiacre, quil désigne par
la lettre G (rz). Il loue l'évêque de la modération et de la
patience qu'il avait montrées dans une "occasion où le peuple
s'était livré à des mouvemens séditieux contre le clergé ;
mais rien n'indique à quel sujet. Quant à l'archidiacre, après
un éloge magnifique de son éloquence , il le prie de lui en-
voyer un sermon qu'il avait prêché sui*la liberté que Jésus-
Christ a acquise aux enfans de l'église : ce c[ui peut donner
une idée du sujet qui là comme ailleurs avait mis le peuple
en insurrection.
Ep. 6- Les lettres 6 et 17 sont adressées à Pierre-le-I\Langeur ,
doyen de l'église de Troyes. La première prouve l'étroite
' Ep. 17. amitié c|ui régnait entre eux; la seconde a pour ojjjet de
1 attirer à Clairvaux , pour y embrasser la vie nionastic[ue.
On y voit que ce ne fut ])as sans sujet c[ue Pierre fut sur-
nommé le Matïgeur ; il fait de sa voracité un portrait assez
hideux.
Ep. 7, 40, La lettre 7 au prieur et aux anciens de Clairvaux ; la qua-
'*'' ^ rantième à l'abbé de Moùtier-Ramey ; la quarante-cinquième
à Gaucher, cellerier de Clairvaux ; la quarante-sixième à
Fromcnd l'hôtelier, sont relatives aux démarches que faisait
Nicolas pour entrer dans cette communauté. A l entendre,
Clairvaux était |X)ur lui la porte du ciel , -mais, il décrit les
obstacles qu il rencontrait de la part des religieux de Moùtier-
Ramey.
{a) Cétalt Gibiiin , célèbre prétllcateur , dont on a dit un mot dans
cette Histoire , tome XII , p. 23o.
NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 56 1
Nicolas avait entraîné avec lui à Clairvaux quelques-uns ^II SIECI,E.
de ses confrères de Moùtier-Ramey, entre auties le prieur ipTs!
nommé Thibaud. Ce vieillard , plus que septuagénaire ,
n'ayant pu soutenir l'austérité de ce nouveau f^enre de vie,
s'était retiré. Nicolas lui écrit qu'il n'y aura de salut pour
lui qu'à Clairvaux. C'est le sujet de la huitième lettre.
La neuvième est de Brocard, abbé de Balerne, qui écrit Ep. g.
assez agréablement à Nicolas, pour le féliciter d'avoir changé
du noir au blanc, en embrassant la réforme de Clairvaux.
Nicolas lui répond avec de grandes démonstrations d'estime ^v- lo-
et d'amitié, dans la lettre lo, cju'il termine en l'invitant de
venir à la profession du prince Henri de France , c|ui bientôt
après devait émettre ses vœux.
La lettre i5 est écrite à un de ses confrères de Moûtier- Ep. i5.
Ramey,^ dans le dessein de l'attirer à Clairvaux. Il lui dépeint
en beau le genre de vie qu'on menait dans cette sainte
maison, et l'emploi dont on lavait chargé. Cet ami lui avait
envoyé des vers de la composition d'un autre de ses confrères
appelé Gautier. Nicolas répond qu il ne les a pas lus , et qu'il
ne les lira pas, parce qu'à Clairvaux il n'est pas permis de
lire des poésies.
Les lettres i6 et 35 sont adressées à ce Gautier, jeune Ep- if»; 35.
homme de grande espérance, qu'il avait formé, et auquel il
paraît fort attaché. L'objet de ces deux lettres est de l'attirer
à- Clairvaux, et, pour y parvenir, il emploie toutes les its-
sources de réloc^aence , sur-tout dans la dernière, qu'il ter-
mine par un bel éloge du prince Henri de France, qui, au
mépris de tous les avantages que lui promettait dans le
monde sa naissance , s'était enseveli tout vivant à Clairvaux.
La vingt-septième est pour remercier son ancien ami Ep. 27.
Odon, abbé de Poultières, cjui lui avait envoyé une tunique
d'une étoffe assez précieuse. Il la lui renvoie, parce c{u'à
Clairvaux ni lui ni personne n'oserait s'en revêtir. Telle était
l'austérité de l'ordre ; telle l'abnégation de Nicolas dans ces
commencemens. de ferveur.
La trente-troisième est écrite à Philippe , archidiacre de Ep. 3î.
Liège, avec lequel il s'était lié d'amitié dans un voyage qu'ils
avaient fait ensemble à Rome et à Tivoli , pour le fortifier
dans la résolution qu'il avait prise d'embrasser la vie reli-
gieuse à Clairvaux.
La trente-quatrième, à Amédée, évêque de Lausanne, Ep. 34.
contient un éloge magnifique de ce prélat cistercien , auquel
Tome XI IL Bbbb
Xir SIECLE.
Ip.
562 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
il envoie le livre de saint Anselme , touchant la piocession
du Saint-Esprit, bien ponctué , dit-il ,e? bien corrigé de sa
main.
La trente-huitième est adressée à Lecelin , qu'il avait eu
pour disciple à Moûtier-Ramey. Il lui avait déjà écrit pour
le presser de se réfiigier à Clairvaux ; et , dans cette lettre ,
dont Pierre de Celles avait été le porteur, il traitait assez
mal la communauté de Moûtier-Ramey. Cette lettre n'a pas
été conservée. Le jeune homme eut 1 imprudence de la mon-
trer au prieur et aux religieux. Nicolas lui en l'ait des
reproches , et il n'insiste pas moins peur qu'il abandonne
un séjour dangereux , et qu'il vienne se joindre à lui.
r^i'- 33- La trente -neuvième est une des plus belles. Elle est
adressée à Henri de France, qu'une maladie avait obligé
de quitter Clairvaux-, pour aller ailleurs rétablir sa santé.
Nicolas, en exprimant la tristesse qu'il éprouvait de l'ab-
sence d'un ami tel que. lui, amène fort ingénieusement les
louanges d'un prince qui , par son dévouement à la vie reli-
gieuse, était alors l'admiration de tout le monde. On voit,
dans cette lettre, l'intimité qui régnait entre Nicolas et
lui , et la haute estime que le prince faisait du littérateur.
T].. 43. La lettre 43 à Rualen , prieur de Clairvaux, qui a^ait été
appelé à Rome pom^ gouverner le monastère de Saint-Anas-
tase, à la place d'Eugène III, élu pape en ii45i n'est pas
moins spirituelle. Nicolas avait été reçu par lui à Clairvaux ;
il lui témoigne en boiîs termes le regret qu'il a de l'avoir
perdw- A la fin il lui parle. d'un couteau d'ivoire, fait de
main d'orfèvre, opère argentario , qu'il lui envoie. Ce cou-
teau avait un manche d'un bois d Hibernie d'autant plus
précieux , que ce bois avait la vertu de guérir des morsures
des bétes venimeuses. C'était un arbre miraculeux , qu'on
disait avoir été planté par un saint homme (saint Patrice),
et qu'on conservait religieusement comme une relique. Aussi
ce ne fut pas sans peine cjue Nicolas avait obtenu ce bijou,
de celui qui en était le possesseur.
Nicolas n'était pas si concentré à Clairvaux, qu'il ne fût
aussi en grande relation de lettres avec deux hommes célèbres
de son temps, Pierre, abbé de Moùtier-la-Celle, près, de
Troyes, et Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluni.
Les lettres xxiv, xxviii, xlviii, xlix, lu, sont écrites au
Ep. 24. premier. Dans la vingt-quatrième, il lui envoie deux ouvrages
de saint Bernard qu'il venait de metti'e au net. Il le prie de
NICOLAS , MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 563
les faire transcrire le plus tôt possible, et de lui en procurer XII SiECXi:
un exemplaire pour son usage. — Dans la vingt-huitième , il Ep. 28.
lui doinie des avis pour le gouvernement de son monastère,
qui , selon la peinture cpi'il on fait, était dans un état déplo-
rable. A la fin, il lui recommande maître Jean, que nous
croyons être Jean de Salisburi. — Dans la quarante-huitième, Ep. /,8.
il se plaint qu'une lettre à lui confiée pour un jeune reli-
gieux de Moùtier-Ramey, eCit été remise à l'abbé, qui sans
doute- y était assez maltraité, comme il l'est dans la trente-
huitième , qui roule sur le même sujet. — La lett-re 49 ^st Ep. /iy.
fort curieuse. Elle contient les l'éflexions que Nicolas avait
faites sur les misères de la vie humaine , pendant le loisir
que lui laissait l'u^ge périodique de la saignée, à lacjuelle
étaient astreints les religieux de Clairvaux.iEn paraphrasant "
ce passage du livre de Job : Homo natii.s de muliere , brevi
'vivens tempore , repletiir muLtis iniseriis, il avait avancé que
le corps n étant qu'un composé de parties , est un être vivifié,
vwens ; l'ame étant une substance simple, est ce qui vit en
nous, vù'ci; mais Dieu qui est une substance simple et unicjue
dans son espèce , est proprement la vie , vita. Cette distinc-
tion donna lieu à une cliscussion très-métaplrysique entre
lui et fabbé de Celles. Celui-ci ne vit dans sa distinction
c|ue du. verbiage et de l'obscurité; il le lui dit sans mena- ^4'- Ju-
gement dans la lettre cinquante -unième parmi celles de
Nicolas , cjui est la deuxième du cjuatrième livre de Pierre
de Celles. Nicolas lui riposta dans la lettre 62 , et soutint Ep. 52.
assez bien sa distinction par l'autorité de Claudien.Mamert.
La réplique de Pierre de Celles forme la lettre 53 parmi Ep. 53,
celles de Nicolas, mais elle n'est pas entière; elle est deux
fois plus longue dans l'édition du P. Sirmond, où elle est la
première du quatrième livre. — Dans la troisième du même
livre, l'abbé de Celles consulte Nicolas sur" la manière d'en-
tendre un passage de saint Jérôme. Si Nicolas ^ fit une
réponse, elle n'est pas venue jusqu'à nous.
La correspondance que Nicolas entretint avec Pierre-le-
Yénérable n'est pas moins honorable pour lui. Parmi les ^
lettres de l'abbé de Cluni , il y en a plusieuis cjui lui sont
adressées. La cinquième du livre VI a pour objet de lui
recommander la lettre 4i qu'A adressait à saint Bernard,
pour cimenter l'union entre les deux congrégations , et faire
cesser les petites animosités qui divisaient les Clunistes et
JIb Cisterciens. Nicolas lui répond dans la lettre 7 , qui est
, Bbbba
564 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
\ii SIECLE, la cinquante-quatrième dans la bibliothèque des Pères, qu'il
£ 5^^ espérait l'aller bientôt trouver; en attendant , il lui renvoie
deux de ses lettres avec le tiaité de saint Bernard de Consi-
deratione; il l'instruit du succès qu'avait eu sa décision pour
déterminer le prince Henri à accepter 1 évéché de Beauvais ;
ce qui prouve que ces lettres sont de l'année i \k^y — Dans
la trentième du même livre, l'abjjé de Cluni instruit Nicolas
qu'il iuait agi fortement auprès de saint Bernard pour cju'il
Ep. 55. lui permît cle venir à Cluni passer les fêtes de Noél. Nicolas
vovant ([u'il ne pouvait rien obtenir , prie , dans la lettre 33,
qui est la einquante-cincpiième parmi les siennes , l'abbé de
Clujù d'insister davantage, alin qu'il puisse aii moins aller
passer à Cluni les fêtes de Pàcpies; il lui annonce qu'il por-
■ tera avec lui l'Histoire d'Alexaiidre-le-Grand et le livre de
saint Augustin contre Julien d'Eclane , Cju'il avait empruntés
pour corriger l'exemplaire de Clairvaux. — Pierre-le-Vené-
rable redouble d'instances auprès de saint-Bernard dans la
lettre 35 ; il écrivit aussi au prieur et au cellerier de Clair-
vaux les lettres 3^7, 38, selon que Nicolas l'avait demandé;
enfin il lui mande, dans la lettre 36, les démarches cju'il a
faites pour A^incre la résistance de saint Bernard. Il y a ap-
parence que Nicolas obtint à la fin ce qu'il desirait si ardem-
ment.— Pierre-le-Vénérable fit en ii5o un voyage à Rome,
et il ne manqua pas, à son retoui-, d'instiuire l'abbé de
Clairvaux du succès de son voyage. N'ayant pas fait le même
honneur à Nicolas, celui-ci s'en plaignit, par une lettre fjue
nous n'avons plus, comme d'un manque d'égards. L'abbé
de Cluni lui écrivit la lettre 47 1 pour le rassurer sur la
constance de son amitié ; il le prie de lui ménager une entre-
vue avec saint Bernard , et le prévient qu'il a écrit alin cru'on
lui permette de venir le trouver. Là finit la correspondance
avec Pierre-le-Vénérable.
Le styîe de Nicolas était si estimé à Clairvaux, que ses
confrères employaient volontiers sa plume pour écrire leurs
lettres. En efîêt, les lettres 1 1 et 22 sont écrites au nom de
Girard de Péronne; les douzième, vingt -troisième, vingt-
cinquième, cjuaranîe -unième , quarante- cjuatrième , au nom
de llualen, prieur de Clairvaux; les treizième, vingt-sixième,
et , parmi celles de Pierre-Ie-Ténérable , la neuvième du cin-
quième livre, sont écrites au nom de Henri de France, reli-
gieux de Clairvaux ; la c{uatorzième au comte et aux barons
de Bretagne , pour les exciter à la ci'oisade ; la trentième a
Nicolas; moine de moutter-ramey. 565
l'empereur de Constantinople , pour lui recommander les xil SIECLE,
croisés; et la trente- septième cà l'e'vêque de Lacques, sont
écrites au nom de saint Bernard ; les dix-huitieme et qua-
rante-septième au nom de Gaucher, cellerier de Clairvaux ;
les dix-neuvièine et vingtième au nom du frère Adam,
novice à Clairvaux; la vingt-unième est écrite à saint Ber-
nard, au nom de Jean de la Grille, évêque d'Aleth ou de
Saint-Malo , en faveur duquel il écrivit lui-même la lettre f\i
à Geofroi d'Auxerre, secrétaire de saint Bernard et la treizième
au nom de Henri de France. La quarante-unième est écrite au
•nom du prieur Rualen. La vingt-neuviàaae au nom' de Phi-
lippe, moine de Clairvaux, pour demander au grand prévôt de
Cologne sa riche bibliothèque; la trente-unième au nom de
Wautier, qui écrit à son frère pour lui persuader-de qviitter
le monde et d'entrer en religion ; la trente- deuxième au nom
de Francon , qui éci'it aussi à des amis pour le même objet ;
dans la trente-sixième , c'est Alquier qui écrit aux clçrcs de
Périgueux , poiu* les engager à venii- peupler la solitude de
Clairvaux; dans la cinquantième, Matthieu écrit au chantre
de Grandselve, pour lui recommander les moines de Clair-
vaux , qui étaient allés jjrendre possession de ce monastère.
Telh s sont les lettres que Nicolas écrivit pendant sou
séjour à Clairvaux, et qu'il a jugé à pi'opos de nous conser-
ver. Il n'est pas douteux c[u'il n'en ait écrit beaucoup
d'autres , soit avant son entrée à Clairvaux , soit depuis qu'il
en fut sorti ; mais ni lui ni personne n'a pris soin de les
recueillir. Cependant Baluze en a Veti'ouvé deux qu'il a pu- Baïuz. niisce).
bliées dans ses Mélanges. La première e.st adressée à Henri- '", "' ^' ^^^'
le-Libéral, comte de Champagne; la seconde à GuilLuime
de Champagne , archevêque de Reims. Nous en avons déjà
parlé dans la vie de Nicolas.
On peut juger , par le détail dans lequel nous sommes
entrés, du mérite de ces letti'es. Elles ne sont recomman-
dables, comme nous l'avons déjà dit, que par le style; mais
elles sont si mal imprimées dans la Bibliothèque des Pères,
que, malgré les soins de Jean Picard , qui les a éclaircies par
des notes , elles perdent beaucoup de leur agrément. La
ponctuation sur- tout y est si vicieuse, qu'on a bien de la
peine à saisir la pensée de l'auteur.
2" Les sermons de Nicolas ont été imprimés par D. Tissier, T.n[,p. igi-
dans la Bibliothèque des Pèies de l'ordre cle Citeaux : ils ^ '
sont au nombre de dix-neuf, selon l'épître dédicatoire à
566 NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY.
XII SIECLE. Henri -le- Libéral , comte de Champagne, que Nicolas a pla^
cëe à la tête. Il dit les avoir composés dans son jeune âge ,
et on s'en aperçoit bien à la manière superficielle avec laquelle
il traite ses sujets. C'est un jeune orateur qui court apies les
phrases , qui fait des amplifications de rhétorique , en entas-
sant des lieux communs; Cela n'a pas empêché qu'on n'ait
attribué plusieurs de ses discours à saint Pierre Damieh et
à saint Bernard , parmi les œuvres desquels ils ont été sou-
vent imprimés. Nous suivrons , dans le compte que nous
allons rendre, l'ordre que Nicolas leur a donné.
Jbu.\^. 194. Le premier est sm- la Nativité de saint Jean-Baptiste. On
le trouve parmi les^rmons de Pierre Damien. D. JNlabillon,
qui l'a réimprimé parmi les oeuvres supposées à saint Ber-
nard (t. JI, col. 6-5), doute quil soit de Nicolas, parce
que l'auteur* au nombre 5, ^ance que de son temps l'église
ne célébrait d'autres naissances que celles de Jésus- Christ et
de saint Jean ; quoiqu'il soit constant, par les lettres de saint
Bernard, c|ue,de son temps, l'église faisait vme fête solen-
nelle de la naissance de la Sainte Vierge , et que Nicolas lui-
même a fait un sermon sur cette fête. Mais, comme elle
était alors d'institution assez nouvelle, il y a apparence que
l'auteur voulait parler de l'ancien usage de l'église qui , dans
l'origine , ne célébrait d'autres naissances que celles de
Jésus-Christ et de saint Jean.
Le second sermon est pour la fête des Apôtres saint
Pierre et saint Paul , qu'il compare à deux oliviers ; le troi-
sième pour celle de saint.Benoît ; le quatrième pour celle de
sainte Maiie Madeleine ; le cinquième pour la' mémoire de
saint Pierre délivré des liens ; le sixième pour la fête de
l'Assomption de la Sainte Vierge ; le septième pour celle de
sa Nativité ; le huitième pour l'Exaltation de la Sainte Croix ;
le neuvième pour la fête des Saints-Anges ; le dixième pour
la dédicace d'une église; le onzième pour la fête de saint
Victor ; le douzième pour celle de tous les saints ; le treizième
pour celle de saint Martin ; le quatorzième pour celle de saint
André ; le quinzième pour celle de saint Nicolas. Ces deux
deux derniers sont aussi imprimés parmi les œuvres suppo-
sées à saint Bernard (t. II, col. yij- — 722). On voit que,
dans tous, Nicolas a affecté d'imiter le saint docteur, tant
f)our le style, en empruntant les expressions les plus fami-
ières à ce saint, que par la manière de traiter les sujets,
citant presque toujours l'Écriture sainte dans un sens allégo-
NICOLAS, MOINE DE MOUTIER-RAMEY. 567
rique et non naturel. Mais ce n'est qu'un mauvais copiste, xii siècle.
qui n-'approche que de très-loin de son modèle. "~
Le seizième sermon , qui est intitiîlé de l' Avènement du i^id- p- ^-^G.
Seigneur et de la Bienheureuse Marie, se trouve aussi parmi
les œuvres faussement attribuées à saint Bernard (tom. II,
col. 565 — 56q). On y remarque cette idée singulière que
l'ange Gabriel, lorsqu'il fut envoyé à Marie, était porteur
d'une lettre contenant /« Salutation ci la Vierge, l'Incarna-^
tion du Verbe , la plénitude de la grâce, la grandeur dé
la, gloire , et la multitude de la joie. II y cite aussi Platon et
Aristote.
Le dix-septième fut prêché la veille de Noël. C'est le troi-
sième sur la naissance du Seigneur , imprimé par D. Ma-
billon (tom. II, col. 569 — 574) parmi les écrits supposés.
Le dix-huitième, sur la naissance du Sauveur, a été attri- iiid.^.^'iï.
bué à Pierre Damien et à saint Bernard, quoique l'auteur
aise formellement qu'il a emprunté du seigneur abbé de
Clairvaux, les pensées dont il s'est servi. D. Mabillon l'a
réimprimé plus correctement parmi les œuvres supposées
(tom. II, col. 562 — 564)- On y voit que Nicolas avait lu
avec plaisir les bons auteurs latins. « Autrefois, dit-il, Tullius
«me plaisait , Virgile me charmait; c'étaient comme deux
« sirènes qui, pour ma perte, m'avaient enchanté par la dou-
ce ceur de leur voix; mais maintenant tout m'est insipide dès
« que je n'y trouve pas le nom de Jésus. « — Il rapporte ,
d'après une histoire apocryphe, que les Romains avaient bâti
un temple d'une beauté singulière, aux dépens de la ville et
du monde entier, en mémoire des victoires de leurs ancêtres;
qu'ayant demandé aux oracles combien pourrait durer un si
bel ouvrage , la réponse fut jusqu'à ce qu'une merge enfan-
terait. Comme la chose leur parut impossible, ils appelèrent
ce temple X Eternel. Il ajoute que ce temple fut renversé la
nuit même que Jésus-Christ vint au monde. Bflronius, au
commencement de ses Annales .f réfute ce petit conte , et
Frouve que le temple de la J ictoire ne fut bâti que pai-
empereur Vespasien , long-temps après la naissance du
Sauveur. Mais Nicolas trouvait l'anecdote trop belle poiu' la
t-évoqu! r en doute. "
Le dernier sermon de la collection de Nicolas est sur la ibid. p. 23;,.
fête de saint Etienne ; il est écrit dans le goût des autres, et
n'a rien de plus particulier.
S** Nicolas, dans sa lettre au comte Henri, se dit auteur iiùLy,. jgs.
568 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, de cfuelques autres opuscules qu'il lui envoie. On le croit
auteur de quatre pu cinq sermons parmi ceux de saint
Bernard sur divers sujets ; d'un commentaire sur quelques
versets des psaumes; ae répons et de leçons pour les fêtes
de la Croix et de la Sainte Vierge; de séquences ou proses
rimées pour l'office de l'église : ouvrages f|u'on ne retrouve
plus. B.
^^«i %%■■««■« «.^^^^^^"V
AUTEURS DE LETTRES.
I i5o— 1 175.
JNous rassemblons ici dix-neuf personnages dont les écrits
se réduisent à cpielques lettres missives , et qui sont morts
vers II 5o ou dans le cours des vingt-cinq années suivantes.
Ces auteurs , si toutefois ce nom d'auteurs peut leur con-
venir, ne doivent la place qu ils vont occuper dans cette
Histoire littéraire , qu'au soin qu'on a pris de publier en dif-
férentes collections les lettres qu'ils avaient adressées à quel-
ques-uns de leurs contemporains. Ces lettres, souvent fort
courtes, et presque toujours fort mal écrites, n'ont en géné-
ral d'autre intérêt que celui qui peut s'attacher au nom des
pei'sonnages qui les ont reçues : elles servent à éclaircir ou
a grossir les correspondances de quelques hommes distin-
gués par leur mérite ou par leurs dignités. Peut-être suflîrait-il
de placer ici un simple catalogue de toutes ces épîtres : nous
y joindrons pourtant des notices historicjues ou chronolo-
giques , mais en nous efforçant de les rendre très-succinctes.
I. Adélaïde ou Gertriule , duchesse de Lorraine , religieuse
Tsot. ad ep. du Tart , à trois lieues de Dijon. Mabillon rejette comme
119 s. Bern. apocrvphes les lettres de cette duchesse à saint Bernard, et
les réponses du saint abbé / Facessant Gertrudis ad Bernar-
dwn et Bernardi ad Gertrudeni epistolœ , a Bernardo Britone
ex gallico idiomate in lusitanum ac deinde in latinuni versce.
Ces lettres se lisent en portugais dans une histoire de
Liv. III, c. 28. Citeaux par Bernard Brit, qui les tire de l'Histoire de Lor-
raine par Monstrelet. : ]\Ianrique les a publiées depuis en
Adann. ii33, Jatin , dans les Annales de Cîteaux. Le véritable nom de cette
c. 2. I !) it seqq.
AUTEURS DE LETTRES. ' bGg
duchesse est Adélaïde et non Gertrude : elle était sœur de '^n siècle.
l'empereur Lothaire. Veuve en 1 138 ou 1 13() de Simon, duc Mam-iq.adan.
de Lorraine, elle se fit religieuse dans l'abbaye du Tart. 1139,0.9,11.7.
Deux lettres authentiques de saint Bernard, très-distinctes 119 et 120.
des réponses dont nous venons de parler, sont adressées la
première au duc de Lorraine et à son épouse Adélaïde , la
seconde à celle-ci seulement. On a lieu de croire qu'Adélaïde
vécut jusqu'en 1 160, quoique le Fascicidus sanctovunv ordi-
nis Cisterciencis la fasse mourir trois semaines après saint Lif).l,Distinct.
Bernard, c'est-à-dire, le ro septembre ii53. ^63 — D^'r'f ^'
II. Raoul ou Rodolphe II ^ ahhé de Saint-Majuice , en H.deLon-. t.iri
Valais, vers le milieu du XIF siècle. On a imprimé plusieurs i>-7i"''>P-8i"-
fois, sous le nom de cet abbé , une lettre à Louis Vil , où ce j' ^' ^^'"' '°'J'j
prince est excité par les exemples de ses prédécesseurs Clovis, Biab. Ami. Ben.
Dagobert , Charlemagne , à réparer l'église et le monastère ''i^ Lxxiv, h.
d'Agaune ou de Saint-Maurice, que les barbares avaient réduits '* rVA^^^Tv'
en cendre. Les auteurs du nouveau uaUia Cliristiana lont n. 5.
observer que cet incendie est de l'année q/jo , et ils ^n con- <^''a"- Christ.
cluent que cette lettre est adressée non à Louis VII, mais à eT'ig ^Z.' Ga'ii
Louis IV, par Rodolphe F'', abbé d'Agaune au X® siècle, chr.nov.t.xii,
M. Brial toutefois conserve cette lettre parmi celles qui ont p-vg^— D"cïi-
été réellement écrites à Louis-le-Jeune, et cpie son chancelier f "^[y ^"l ,^^__'
Hugues avait recueillies. S'il en est ainsi, il faut supposer Biiai, Scr.^Rer.
que plus de deux cents ans après la ruine de ces bâtimens , Gail. t. xvi,
ils étaient encore à reconstruire , ou que ce nouveau récit
d'un très-ancien désastre n'était qu'un prétexte pour solliciter
de nouveaux bienfaits. La lettre au surplus n a pas d'autre
objet , et la date ou récente ou surannée de l'événement dont
elle parle n'est indicjuée ou désignée en aucune manière.
Ecclesia nostra.... cuin universis œdificiis ad eam pertinen-
tibus per manus harharorwn ita in cineres redacta est ut
etiam mûri ex magna parte corrueiint.
III. Thierri, abbé de Saint-Éloi de Noyon dès 11 23, élu
é't'éque d'Anùens en Ii44i moiu'ut le troisième jour avant call. Christ.
les ides de novembre ii63 ou 1164. Louis VII avait voulu nov. t. x.
l'emmener à la croisade de wl^-j : mais un ami de Thierri
écrivit à saint Bernard pour lui représenter que l'évèque Ep. 432 intei
d'Amiens n'était ni assez riche, ni d'une assez forte santé, Ep. s. Bern.
pour entreprendre ce voyage. On se contenta de lui deman-
der un tribut pour les frais de l'expédition ; il écrivit, pour
être exempté de cette taxe , une lettre de six lignes à l'abbé
Suger. Dans une autre lettre qui n'est guères plus longue, t. XV des
Tome XIII. Ce ce
Djo AUTEURS DE LETTRES.
xn SIECLE. Tliierri expose à Suger la nécessite de placer à la tête du
Histor. de Fr. mouastère de Saiiit-Riquier un abbé sur lequel on puisse
P- 496- compter. Tels sont les écrits de cet évèque, qui fut, malgré
"" ■ ^' ''^*' sa pauvreté, le bienfaiteur des chanoines réguliers de Saint-
Acheul et de Saint-Martin d'Azniens. Il gouverna saintement
ihid. p. .',85. son diocèse : cependant Suger , dans une lettre qu'il lui
adi'esse, lui reproche d'avoir reçu à la communion Robert
de Bove, homme diabolique, fameux apostat : hominem
diaholicum , famosuni apostatam.
IV. Pierre, e\'éque de Rhodèz, depuis ii46, mourut
en 1164. Il exi.ste à la vérité une lettre adressée à Hugues,
son successeur, par Alexandre 111, en la seconde année du
pontificat de ce pape ( Ji6i) : mais, au lieu de seconde, il
H. de Lang. faut lire onzième , comme l'ont observé dom ^ aissette et
t" }^\^ç '*''^' jM- Brial. Les auteurs du nouveau Gallla Cliristiana ont fait
Soripi. Rer. connaître plusieurs chartes de Pierre de Rhodes ; la plus
Caii. t. XV, p. ancienne est de ii46, et la dernière de 1164. En 1161, il
^^^^îi^'rî T foiitl'^ 1^ monastère de Bonnevaux ; en 1162, il rédigea une
p. 20- 208. ' règle pour les frères et sœurs de l'hôpital d'Aubrac. Une
autre règle adressée par lui à Raimond, abbé de Saint-
Guillem, est imprimée dans l'une des collections de dom
]\Iartène. On lit, dans celle de Duchesne, une lettre d'ex-
cuse que Pierre de Rhodes écrit en douze lignes au roi Louis-
le-Jeune. « J'étais , dit-il , disposé à partir pour vous porter
mes hommages, les incursions des Anglais dans le Rouergue
m'ont retenu : je serai suppléé par le comte de Rhodes, cjui
se rend auprès de vous.
Y . Drogon était archidiacre de Lyon sous l'archevêque
Héracle de Montboissier, dont on a cjuelques chartes fort
Gall. Christ, peu mémorables. Héracle mourut le 11 novembre i663, et
noY. t. IV, p. Drogon , élu pour lui succéder, eut deux compétiteurs,
iai;etinApp. Guillaume, fils du comte Thibault, qui devint en ii64
Varadin , H. de évêquc de Chartres , puis Guichard , qui fut déhnitivement
Lyon, p. 22.',, l'econnu en i665 pour le véritable archevêque de Lyon. Il
225, 226. ç^^ ^^j.^j çjj^g ^g ijj-j.g p^^ donné ta Drogon et à lui seul dans
un diplôme de Frédéric Barberousse, expédié en 1 166, mais
cette pièce prouve seulement la bienveillance de l'empe-
reur pour ce prélat, dont l'élection, d'abord ratifiée par
Alexandre III , fut cassée par ce pontife, précisément à cause
du dévouement de Drogon aux intérêts de Frédéric , et de
■Script. Rer. la faveur que Frédéric accordait à Drogon. Celui-ci est traité
Caii. t. XV, p. jç schismaticpe et d'usurpateur dans une lettre adressée en
T!,es
. aîiecd.
l.I,p.
4^5.
T.rv%
p. 699.
AUTEURS DE LETTRES. 671
1166 par Âlexandi'e à l'archevêque de Reims : Drogo iste xn siècle.
scliisniatîcus ^ ecclesiœ Lugdunensis violentns occupator. Le
pape ordonne à l'archevêque d'excommunier, accensis can-
dells , ledit Drogon et ses fauteurs. Or ces démêles donnèrent
lieu à deux lettres, l'mie de dix lignes et l'autre de douze, Dnriiesne, t.
que Drogon écrivit assez inutilement à Louis Vil, pour _'g;iii chr/s^
obtenir les bonnes grâces de ce prince. Dans -la première nov. t. iv, in
(en ii(j'3), Drogon suppose Louis VII favorablement dis- ^vv- P-.*° —
'il' -Ji J X. • r rtl\ Ménfslrier , H.
pose, et l en remercie ; dans la seconde, au contrau-e, ( i ibo) j,;^. ^^ j^'^^,
il cherche à dissiper les pi'éventions que l'on iiispii^e au p. 309,3/0.
monarque contre une élection parfaitement régulière.
VI. Hugues de Trasan , ou Frazan , ou Fraisens , ou
Fransetis , fut le dixième abbé de Cluni, et le troisième du
nom de Hugues. Il était prieur claustral de ce monastère,
lorsqu'après la déposition et la mort de Robert, il en devint
abbe en 1 167 ou 1 158. En signant en 1 160 une charte rela- ^'^'^- ^e Bi.
tive au prieuré de Grandchamp , il la date de la troisième ^ ' "Mai'ènè
année de son ordination abbatiale, antto ordinationis tertio. Tlies. Anecd.
Huffues ayant pris parti pour l'antipape Octavien ou Victor IV '• ^^^ ' P- ^^^T-
* Al 1 IIT *T I*^ ■ ► 1 C* U Gall. Christ.
contre Alexandre 111 , ce pontire l excommunia et le ht chas- ^^^ ^f^-^
ser de Cluni; Etienne fut élu pour le remplacer en 1161. Martène,
Exilé de Cluni , Hugiies se refuffia auprès de Frédéric Bar- Ampiiss. Coii.
1 -1 •* ' •* j + * 1 4.4- '• ii> p- 660,
berousse; il avait écrit, peu de temps auparavant, une lettre gg^ ^
à cet empereur, pour se plaindre d'Avmon de Ruvignac et Spicii. t. 11,
de quelques autres personnages qui inquiétaient les religieux P- ''"o-
de Cluni et ruinaient leurs plantations nouvelles , novam
plantationein nostram valdè concufiunt. Cette lettre, la
charte pour le prieuré de Grandchamp, et quelques statuts
pour Cluni, sont les seuls écrits qiie nous ayons de cet abbé; Bibhoih.ciun.
car une vie de saint Hugues de Cluni, qui est attribuée par ^' '''^"'
Oudin à Hugues de Frazan , est l'ouvrage d'un autre Hugxies, Coram.deScr.
qui, de religieux du même monastère, fut fait abbé de Rea- i48"-lFabric
ding en Angleterre, et ensuite archevêque de Rouen. Mais Bibi. metl. et
c'est à Hugues de Trazan que sont adressées quatre lettres de ""f-'""n»t- t-Hi,
Pierre de Celles : dans la première, Pierre le félicite de son ''ii,bii<',ai Patr
élection à la dignité d'abbé de Cluni, et de son triomphe t.xxiii. Epist.
sur Robert, demi-laïc, que l'on avait irrégulièrement élu ?*■ '" Ceiicnsis ,
pour successeur de Pierre-le-Vénérable. Les trois autres 3 ', 5^^'" ^'
lettres tle Pierre de Celles à Hugues III sont purement mys-
tiques , excepté que, dans la dernière, il lui recommande
l'abbé de Saint-Laurent de Liège. Une chronique de Cluni
dit que Hugues de Trazan mourut au prieuré de Vaux près
Cccca
5;^ AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE. (]e Poligui en ii64; mais une charte de Frédéric et une
Bibiioih.ciun. lettre de Chrétien, archevêque de Mayence, dans lesquelles
p.i(j6o.— Mart. il est question de Hugues, prouvent qu'il vécut au moins
t."ii,*p G62 jusqu'en 1 166. Il avait l'ait sa paix avec Alexandre III.
Gall. Christ. VII.' Bauduin II, évéque lie Noyûn , après Simon Y^ ,
nov. t. IV, App. s'appelait Bauduin de Boulogne. Il était né vraisemblable-
p. 286, 287, t. ^ '4. ! 1 ^1 ^ • 1- 1 i- ^
y /-Si ïv "^<^"t clans le port de mer que ce surnom indique; il lut
p. i:4i. ' ' d'abord abbé de Notre-Dame de Cluni , puis abbe de Notre-
Gali. Chrisi. Dame de Châtillon-sur-Seine, et devint en ii48 évêque de
nov. t. . p. jy^y^jj cjqjj élection à ce siège fut annoncée à Suixer par une
1002, I005. l*1T' '1-T 1
Ann. de l'Egl. lettre du cliapitie de cette église. Les auteurs de la nouvelle
(ieNoyon,par France Chrétienne indiquent plusieurs chartes souscrites
p 883-8?"— P''^' Bauduin II, depuis i i5o jusqu'en 1 1G6 : ils ont imprimé
p.ob.de3ioiite, Celle qiù Contient une transaction entre lui et Raoul , comte
ad ami. 1148. de Veimandois. Les autres sont des donations, ou des pri-
Oali*^"^xv ^^ viléges, ou des arbitrages. On lit, à la suite du Pénitentiel
5o5. ' de Théodore, un statut peu important du même Bauduin.
Gall. Christ. Lcs autres écrits qu'on a de lui consistent en six lettres,
P 370 '*38o"'* *' °^^ ^ Suger , une à Louis VU , une au pape Eugène III ,
Thcod. Pœnit. uiic au pape Alexandre III. La première des lettres à Suger
t.li,p.7ii,7i2. n'est qu'un billet écrit en ii49i pour demander une confé-
j ^^P"c^ies"e, Yence sur le différend élevé entre l'évêque et le comte de
S42,' 544. — Vermandois : Ut conferamus , l'OS et Dominus Remejisis , de
-Scr. Rer. Gall. instanti nesotio. La seconde est de i i5o : Suger était malade,
â3o '526 ^''^' B'*uduin ira le voir le plus tut possible , il n'a pu se rendre à
la fête de Saint-Denis , il prie d'agréer ses excuses. La troi-
sième , écrite en la même année , est une réponse à la lettre
où Suger invitait Bauduin à bénir l'abbé de Compiègne ;
cette cérémonie vient d'avoir lieu , mais l'évêcjue de Noyon
estime qu'il est à propos de recourir au pape pour obtenir
une ratihcation qui réduise les mécontens au silence. Bauduin
Duchesne , écrivit lui-même sur cette affaire à Eugène III : cette lettre ,
I. IV, p. 544.-- Qi^^i psi; .'^xissi de i i5o, rend compte des obstacles ciue Suger
Scr. Rer. Gall. lr»i- ^ ^'^' .- 'i-j'
t. XV, p. 439. et Bauduin ont rencontres et surmontes pour éteindre a
Compiègne l'établissement des chanoines séculiers : le très-
saint père est instamment supplié de favoriser les religieux
Dueliesne, qui oiit pris la place de ces chanoines. Dans la lettre à
t. IV , p. 646. Louis VII , ce prince est remercié de celle qu'il a bien voulu
écrire en laveur de l'évêque de Noyon au comte de Flandre ,
(jui vient do réparer les dommages c{ue le prélat avait souf-
ferts. L'exil de saint Thomas Becket est l'objet de l'épître
adressée par Bauduin au pape Alexandre III , en 11G6 ou
AUTEURS DE LETTRES. 673
1 1 67 : « Il faut avoir , dit l'evèque de Noyon , un cœur de ^H siècle.
« roche ou de fer, pour n'être pas touché des tribulations inter ep. Th.
« de 1 église de Cantorbéry , et les yeux qui n'ont point de Cant. lib. m ,
« larmes pour de telles aiflictions, ne sont pas des yeux «P- 82,1'- 604,
« humains : tous les gens de bien ont des plexus à répandre
« sur cette église; aucun, dit Bauduin, n'en a plus à verser
<c que moi. » Ferreuni pectiis est aut lapideuni qiiod ad labo-
res et œruinnas ecclcsice cantuariensis non anxlatur ; et iiihu-
nianos habet ocidos qui in tantis ecclesiœ lacrymis potest à
lacrymis ahstitiere. Omnibus illa bonis flebilis est, sed
NULLi axit paucis flebilior quam mihi. Nous citons ces der- Horat. Odar.
niers mots pour montrer tjue Bauduin n'avait pas négligé la lil>- 1, od. xx,
littérature profane, et que les vers d'Horace ne lui étaient ^' '•>' '*'■
pas inconnus. « Depuis cinq ans, poursuit-il, l'archevêque
« est exilé , et sa proscription est svir-tout l'ouvrage de
« l'évêque de Londres. Qu'il plaise donc à votre sainteté
« d'écraser cet évèque et les autres malfaiteurs. » Placent
itaque sanctitati vestrœ tain prœfatuin episcopuni quam
rcliquos ecclesiœ malefactores... conterere. Ces expressions et
ce sentiment ne sont pas d'Horace , et l'on voit que Bauduin
reprend ici le style ecclésiastique. Il mourut en 116^. Il est
qualifié bonœ memoriœ quondam episcopus noviomensis dans
une lettre écrite par Alexandre III en 11G8. Le successeur Script. Rer.
de Bauduin II fut Bauduin III ; ils ont été quelquefois con- ^-a"- t- xv, p.
fondus; et Bauduin I ou Bakhic , l'un de leurs prédécesseurs, °'
n'a pas toujours été bien distingué de Bauduin II. C'est à
celui-ci qu'appartiennent les écrits que nous Amenons d'indi-
quer. C'est à lui que sont adressées une lettre d'Adrien IV, ibui. p. 682.
une lettre de Pierre de Celles, une lettre d'Arnoul de Lisieux, p.Ceii.iLb. r,
et deux lettres de saint Bernard. On doit conclure de l'une ep. 25.
de ces letti'es de l'abbé de Clairvaux cju'une école était établie Bibiioih. Patr.
auprès de la cathédrale de Noyon; car Bernard recommande 1332. '
un jeune homme à Bauduin : « Si, dit-il, vous nous le ren- Eem.cp. 401
voyez plus chargé de science que d'embonpoint , nous en ^' '*°'^-
serons fort reconnaissans : Gratiam vobis habebimus, si doc-
tior à Dobis quam pinguior recesserit.
VIII. Hugues de Toucy, fils de Girard de Narbonne, fut
élu en 1142 arche'.'êque de Sens, après avoir exercé dans Gallia christ.
cette église la fonction de grand chantre. Elegimus nobis in... "o^- *• ^^l' P-
pontijiceni dondnuin Hugoneni prœcentorem nostrurn; ce sont ^~
les termes dont se sert le clergé de Sens , dans une lettre lUd. Append.
qu'il adresse à l'évêque de Chartres, et qui contient d'ailleurs p- 33, 34-
574 AUTEURS t)E LETTRES.
xii SIECLE, un long éloge du nouvel élu : A parentihus christianis et
Deum tiinentibus nohiliter ecUtuni , -viruin strenuum , mocles-
tum , mansuetuin, disciplinis ecclesiasticis coinpetenter eru-
dituin , etc. Hugues sacra la reine Constance en ii 54, et la
reine Adèle on ii6i. Il est désigné comme témoin au bas
d'une charte signée en 1 155 à Toulouse, par Louis VII, qui
Biial,H. Gall. revenait de Saint-Jacques de Gallice ; d'où l'on conclut c|u il
t. XV, p. 710. avait accompagné le roi dans ce voyage. Hugues mourut au
mois de février 1168, c'est-à-dire, en 1169 avant Pâques.
Gall. Christ. Voici son épitaplie :
iiov. t. XII, p.
Prcesitlis hic Senonis corpus requiescit Hii^onis :
Sit cornes ipse bonis regiio super œ regioiiis :
Juiis pacificus moderator , pacis amicus ,
Verus catholicus , qui nulli vixit iniquus.
Cidtor erat fidei : det ei sedem requiei
Filius ille Dci qui lux ert vera diei.
T. XII, App. Les auteurs du nouveau Callia Christiana ont imprimé
p- 34-49- dix chartes de cet archevêque, et en ont indiqué quelques
T. XII, p. 47- autres. On en trouve une à la suite du Pénitentiel de Théo-
^°", , „ dore ; elle a pour objet la soumission iiromise par l'abbé de
t. II, p, 711. Rebais a 1 eveque de Meaux. La plus remarquable est celle
qui regarde l'abbaye de la Pommerave , fille de l'abbaye du
Paraclet : Héloïse , amie de Hugues , avait obtenu de lui cette
p. 355, 356. charte, qii'on a insérée dans les œuvres d'Abailard. La nou-
T. Xll,p. 5o. velle France Chrétienne dit c[u'il existe des épitres réci-
procpies, estant epistolœ mutuœ , d'Eugène III, de Suger et
de Hugues. Cette indication est inexacte ; car on ne connaît
aucune lettre de Hugues à Eugène ; et, s'il a répondu, comme
il est fort probable , à celles que ce pontife lui a réellement
Labhe.Cone. adressées sur quelques affaires particulières, ces réponses ne
"••X. subsistent plus, ou du moins n'ont jamais été publiées. Mais
Duchesne , OU peut lire, claus les collections d'historiens de France-,
Sfi-.Rer.Gailic. -quatre lettres de Hugues à Suger et huit à Louis-le-Jeune.
Ko^ ("-f^ «^' Les unes et les autres tiennent à des circonstances locales ou
634,636-638, personnelles, cnii ont perdu tout intérêt : ce sont des recora-
68i. — Bnai, mandations, cies avis, des plaintes, des assurances de dé-
Fr t. XV p! vouement et de fidélité. Deux lettres du même prélat, insé-
710-717. rées dans le Spicilège de Dacheri , furent adressées en
f P'*^- *• P'. '"" II 65, l'une à Guillaume, comte de Nevers, pour le me-
^ ^' ' ' " ' nacer de l'excommunication . si , dans un délai de dix jours ,
AUTEURS DE LETTRES. 5^5
il ne restituait les biens qu'il avait pris aux moines de Veze- ^ii siècle.
lais ; l'autre aux. evêques d'Autun , d'Auxerrc , de Nevers et
de Langres, pour les informer que cet anathème était pro-
noncé, et leur enjoindre de le publier dans leUrs églises.
C'était en qualité de délégué d'Alexandre III que l'arche-
vêque de Sens excommuifiait ainsi Guillaume et sa mère ; car
cette comtesse était comprise dans la sentence. Enfin on a
imprimé deux lettres de Hugues au clergé de Paris, l'une de
1142 sur la mort de l'évêque de Paris, Etienne, l'autre de
1 164 sur la mort de Pieri-e Lombard. Mais n4»us soupçonnons
fort que ces deux lettres ne sont c[u'une seule et même pièce,
et rpie Du Boulay, qui a publié la seconde, a mal-à-propos Hist Univ.
ap|)liqué à Pierre Lombai'd ce que l'archevêque de Sens avait Pa"*- f- n > l'-
écrit sur Etienne. En effet, la prétendue lettre sur Pierre ^^' ^ '
Lombard ne nomme point ce théologien, et ne dit rien qui
lui convienne exclusivement. Hugues s'y plaint d'avoir perdu
le soutien de sa jeunesse, le précepteur de sa vie (a), ajoutant
que ce soutien était sur-tout nécessaire à un jeune homme
expérimenté (ù). Or toutes ces idées, toutes ces expressions
se retrouvent dans la lettre écrite à l'occasion de la mort
d'Etienne, et y sont infiniment mieux placées, puisqu'en Dubois, H. de
1 142, Hugues, récemment élu archevêque, pouvait se croire ^-^"s, liv. xii,
jeune encore, au lieu qu'en 11 64, âgé de quarante-six ans Gaiichi'' ~
au moins, de cinquante peut-être, il était, ce semble, dis- t. xill,p. 47.
pensé d'insister à ce point sur linexpérience extrême de sa
jeunesse, et de se représenter comme un si tendre novice,
trop tôt privé de son mentor. Aussi M. Brial a-t-il réduit à script. Rer.
quinze les lettres authentiques de Hugues de Toucy; et en Gaii. 1. xv, p.
V comprenant celle qui concerne Etienne, il n'a fait même 7io-7'7-
aucune mention de celle qui s'appliquerait à Pierre Lombard.
IX. HiLLiN , élu archevêque de Trêves en 11 52, après
Albéron, gouverna cette église jusqu'en i iGg, époque de sa
mort. Il était de la famille de Falcmann, ancienne et distin- Calmet,H.de
guée dans le pays de Liège. Il vint étudier en France, et fut ^-o"- '■ 11 > P-
doyen de Trêves avant d en devenir archevêcme. Il assista, »„'" J*' ~
]"'i . 1 f • ^1l•^^T-. Aluer. ad ann.
dans les premiers temps de son episcopat, ada diete de Franc- ii52,p. 11, p.
3-2 1. — Brouver.
Ann.Trev. t. II.
[a) Baculum juventutis meae , erudiiorem vitfE iiieae. — {U) Baculus -Ue Oes . ir.
namque sustentationis multotiens juveni necessarius est plus qiiàm scni...
quia senectus.... niulta didicit pcr expérimenta.... Domine Deus , ut qiiid
récessisti loirgè ? Modo rudeni et leneruni aiiiovisti puerumituunl,eitani
çkd subtraxisti ei ordinatoreru et doctorem raeum. •' -
67(i AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, fort, où Frédéric Barberousse, duc de Suabe, fut élu roi
Archiep.inAm- ^c Germanie. Henri, comte de Namur, et Sigefroi, comte
piiss^Coi.Mart. de Vienne, ayant construit deux forts pour fatiguer les gar-
1. 1\ , p. 208 - nigons de l'archevêque de Trêves , celui-ci acheta la paix en
cédant au comte de Namur la jouissance viagère de la terre
de Mascheren , qui, à la mort du comte, devait revenir à
rarchevêché. Une charte d'Hillin , datée de 1 167, confirme la
Calmet,H.de fondation de l'abbaye de Belchamps. On a imprimé une lettre
Lor. t. II, Pr. fig ce prélat au pape Eugène III, et une lettre plus remar-
^ &b"'patr"t quable à sainte» Hildegarde , pour la complimenter sur sa
XXIII, p. 544. profonde sagesse, et lui demander des conseils : De celld illâ
régis vinarid guttas aliquas ad me peccatoreni per prœsen-
tunn latorem sciipto stillare digneris. Quelque mystique que
soit cette épître, la réponse de la Sainte l'est bien davantage:
« Oi , oi , lie , he , dit-elle à Hillin , écoutez , écoutez encore : »
iterian audi ; « ce temps-ci n'est ni froid, ni chaud, mais
« vilain , » lie he ^ tempus hoc nec frigidum est , nec calidum,
sed squallidum. Montfaucon indique des lettres manuscrites
Bibl.Bibiioth. cl'Hillin à l'empereur Frédéric Barberousse et au pape
t.Il, col. 1236. ^(Ij^Jçj^ jy (^ç^ lettres, qui tendaient au rétablissement de
la paix entre l'église et l'empire, se trouvaient parmi les
manuscrits de Pétau, réunis depuis à ceux du Vatcan. On
lit , dans l'une des collections de Martène , une épitaphe
d'Hillin , en dix vers. A^oici le troisième , le quatrième et les
deux derniers :
Qui dénis annis prœlatus et octo , TjTannis,
Salvâ justifia , restitit arte piâ
Denas deflcndas peragente novembre calcndas ,
Transiit e medio , fine , vir iste , pio.
0
X. Henri, éuegue de Troy es ^ écri\it en 11 Sa à saint Ber-
nard une lettre qui se rencontre parmi celles de cet illustre
intpr ep. S. abbé. Elle annonce la donation que Henri fait à saint Bernard
Bern. /,36. g^ ^ ggg succcsseurs , d'une église du diocèse de Troyes, oc-
cupée par des chanoines qui avaient autour d'eux des frères
convers et des femmes, com'ersos et rniilieies. Il paraît que
cette communauté peu régulière avait excité quelques plaintes.
Henri ne trouve pas de plus siir moyen de rt médicr à ce
désordre, que d'introduire dans cette abbaye, connue sous
le nom de Bullencourt, des religieux de Clairvaux. Saint
AUTEURS DE LETTRES. 577
Bernard est félicite dans cette lettre de ce que Dieu s'est servi Xll siècle.
de lui pour éclairer et corriger le monde presque tout entier :
Deiis tud soUicitudine , sapientià et religione pœne totum illu-
minaverat et correxerat mundum. Voilà le seul écrit de Henri
de Troycs qui ait été jrablié. Mais il existait, sous son nom,
un ouvraere manuscrit, que dom Martène avait vu à Clair-
vaux, et quil cite en ces termes : Liber qui dicitur verbi p. i,p. 102.
gratin éditas à domino Henrico quoiidain ahhate montis
sanctœ Mariœ , posteà episcopo Trojano. Henri, né comte de . ,
Lannthie en Allemagne, avait ete en 11 ou iun des jeunes q^^^_ ^ \y jj,
seigneurs allemands qui eml^rassèrcnt l'état religieux à Mo- App. p. 54/1.—
rimond, avec Otl'.on de Frisingue : il devint aiibé de Villiers Jongeim, Pur-
au mont Sainte-Marie, au diocèse de Metz; en ii49i d fut ^^"gg
élu évèque de Troyes , et mourut en 1 1 69.
XI. Snioî^ ^ prieur de la chartreuse du Mont-Dieu, près
de Reims, était, dans cette place, le successeur immédiat de Marlot,Meir.
Godefroi , qui l'avait occupée le premier. Thomas Bccket 3 ""' " ' ^'
ayant été chassé de Cantorbéry en 1 168, le pape Alexandre HI
députa, vers le roi d'Angleterre, Simon du Mont-Dieu, En-
gelbeit, prieur d'une autre chartreuse, et un troisième
moine nommé Bernard du Creuil ou du Coudrai. Ils étaient
chargés d'examiner et de concilier. Deux Itttres de Simon et intc «^n- Th.
d'Encelbert au souverain pontife, lui rendent compte de *^^"'' ^^'
, » . . „ , 1. '. ,., t^ ,. ep. 8 et 10.
leur mission. Bernard ne signe point, parce quu est reli- Baron, ad
gieux de Grammont, et que les usages de son institut ne lui ann. 1169, n.
permettent d'écrire à qui que ce soit : Quia fratrum Grandis ^"35 ,^'35/ ed!
montis consuetudo non est ut scrihant alicui. Si cette relation luc.
est fidèle , c'était un véritable interrogatoire que ces trois
luoines faisaient subir au roi de la Grande Bretagne. Ils se
plaignent de ce qu'il refuse de signer ses réponses, et de ce
qu'il les change ou les modifie perpétuellement. On pourrait
s'étonner de la complaisance qu'il avait d'en fiiire. Alexandre,
dans une lettre àJienri II, lui avait annoncé Simon comme
un personnage lettré, distingué par son honnêteté et par
ses sentimens religieux, honestate ac relif^ione insignis ;
mais ce mot ^honnêteté n'est assurément point ici le syno-
nime de civilité ; et la religion de Simon et de son confrère
n'était aucunement celle c[ue saint Paul nous dépeint ccmme
patiente, conciliante, et soumise aux autorités légitimes. Une
troisième lettre du prieur du Mont-Dieu, adressée au cardi- inter ep. tti.
nal Albert, est un plaidoyer véhément pour Becket contre çp"jj_ '
Tome XllI. Dddd
5-8 AUTEURS DE LETTRES.
xu SIECLE. Hejiii , qui espérait , dit Simon , d'être soutenu par le pape ;
la lettre a pour objet de miner sourdement cet espoir; ce
n'est point l'écrit d'un envoyé d'Alexandre III , mais d'un
ennemi personnel du roi d'Angleterre. Simon est au surplus
Ep. 2',. — fort loué dans trois épîtres qui lui sont adressées, l'une par
Can'.lib^iv,2Q! ^^^^ ^^ Sarisbéri , les deux autres par Pierre de Celles. Ce
Ep. Peii. Cei. chartreux mourut, selon Moroti , l'un des historiens de
llb. V, II et i3. son ordre, peu après la légation de 1 168. Dom Mabillon et
Theatr. ord. i t. ■ * i ^ •> ^ 'l *
Cartus. p. it'i, ^^^^ Jtxivet prolongent sa carrière, en supposant cpiii est ce
162. ' prieur du Mont-Dieu dont Pierre, cardinal de Saint-Chry-
Ann. Ben.iib. sogonc , parle au pape Alexandre, dans une lettre écrite
Hist. Litt. de *^" 1 1 70 , et qu u désigne comme tout-a-tait propre aux tunc-
la Fr. IX, 121. tions les plus éminentes. Mais cet éloge peut tout aussi bien
Scr. Rer. Gali. s'appliquer à Eiigelbert, qui, après avoir été le très-digne
C'es't ^l'opin. f^ssocié de Simon en Angleterre , devint son successeur au
de D. Poncet , Moilt-Dieu.
dans une note XII. HuGUEs , pi'icur du Motit-Thahor, en Palestine, a
manuscrite. ' •. ^ T • T'tt 'a.. ■ ' ' i 1 y^ ^
écrit vers 1 170 a Louis VU, une epitre insérée dans le Gcsta
P. 1180. Dgi pQp Francos. Il ne s'y intitule <|u'ancien prieur: non
nunc sed quondam prior de monte Thahor licet indignus.
Malgré la distance des lieux , il a voulu que sa lettre parvînt
aux mains du roi de France, ad vestras posse venire inanus.
Il désire qu'on lui renvoyé le plus tôt possible le messager qui
la porte , et qu'il recommande aux largesses du prince : ut
liuic bajulo quhni citiùs ad me reversuro.... manu, aliquantu-
liim lai'gd subvenire faciatis. Hugues se trouve parfaitement
bien traite à la cour de Constantinople , mais il suffit qu'il
ne jouisse pas de la présence du roi Louis MI , pour qu'il
s'estime indigent au sein de l'abondance. Il supplie donc ce
prince d'écrire à l'empereur d Orient , et d'oljtenir , pour
celui qui n'est plus prieur en Palestine, la permission de
revenir en France. Il y a tout lieu de croire que c'est un
français qui fait cette demande : nous n'avons d'ailleurs
aucun autre renseignement sur la personne et sur la vie de
ce religieux.
XIII. JoNAS, chanoine régulier de Saint -Victor , avait été
envoyé à Cherbourg. Imjiatient de revenir à Paris , il en
demanda la permission à Ervise, son abbé, auquel, selon
ï.vn,p.667. les auteurs (lu nouveau Gallia Christ ian a , il écrivit plu-
sieurs fois à ce sujet. Nous ne connaissons qu'une seule de
ces lettres, savoir celle que dom Martène a imprimée dans
P- 2î5. le tome VI de \ AmpUssiina CoUectio. Elle est entremêlée de
AUTEURS DE LETTRES. 079
beaucoup de vers, dont quelques-uns ne sont que des cita- ^^^ SIECLE,
tiens ; par exemple :
Ncscio qiiâ natale soliiin didcedine cuiicios
Ducit et immemores non slnit esse sut. " ^'"'^•
XIV. Pierre, ci,'éque de Chdlons [su?' Saône) ^ gouvernait f".aii. r.iirist.
cette église en ii64; il vivait encore en septembre iiyS, et 8,'!3'_'s,)5' —
l'on suppose qu'il mourut au mois de novembre de la même jacob, de ciaris
année. Le seul point bien éclairci à cet égard , c'est qu'bigel- '*i<^''- Cabilion.
bert lui a succédé avant 1179. Pierre fut enterré à Cîteaux, ' ' 'P"
et c'est lui sans doute qui est désigné par les deux derniers
mots de cette épitaphe :
Hic, duo pontiftces , servi vevi Salomonis ,
Pansant; Henricus AEduce , Petriis Cabilonis.
Gall. CLrisl.
Un même tombeau renfermait ses cendres et celles de
Henri, évéque d'Autun. Trois lettres de Pierre de Chàlons à
Louis Vil nous ont été conservées. Dans la première, il
,]< I • c -4- ' ' 1 '■! nov. l. lV,Api).
allègue ue graves innrmites, pour s excuser de ce ou il ne se „. 242.
rend point auprès du monarque; et il se plaint de Josseran-
le-Gros , qui inquiétait les chanoines de Châlons dans leurs
possessions. La seconde contient, contre le même person-
nage, de nouvelles plaintes qui provoquèrent un jugement ^^'j^- P- ^4'î-
de Louis VII en faveur du chapitre de Chalons. La troisième t. iv, ep. 232,'
consiste en protestations de fidélité, et en excuses fondées intei- Sugerian.
encore sur une santé faible, sur une fortune médiocre, et
sur les circonstances qui rendent la présence de l'évêque de
Chàlons plus que jamais nécessaire à son diocèse. Parcite
œtati et dchilitati nostrœ et paupevtatl ecclesice nostrce , imo
njestrœ , quœ Jdsdiebus.... muhis pericidis exposita, nunquam
niagis quain nunc prœsentidi nostrd indigidt. On a aussi de
cet évêque une charte de 1 168, où il reconnaît que Hugues-
le-Roux , lîls du duc de Bourgogne , a donné une vigne à
l'église de Cîteaux.
XV. Basile, hidtième prieur de la grande chartreuse, DoHand, CLr.
était né en Bourgogne, et avait été d'abord moine de Cluni. Tjy'i'^p"' ",°"'
On remarque, dans la correspondance de Pierre-le-Véné- colon. i6o8,iii
rable , une lettre de cet abbé à Basile , et une lettre de celui-ci 8°,p.2oietscfi.
à Pierre. Ces deux lettres attestent la profonde estime que — i j>"a- Pf-t' ■
, ,. . , , .' , . 1 p. 7r). — BibL
ces deux religieux personnages s étaient réciproquement cartL. TLeod.
Dddda
58o AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, inspirée. Deux autres lettres non moins honorables à Basile,
Pet,;çi , colon, h" Ont été adrcssées par Pierre de Celles. Denys le chartreux
1G09, in-12. rapporte que saint Dominique, avant d'établir l'ordre des
Cam. Tutiii , fj-^j-çg prêclieurs , vint consulter Basile , ctui lui donna d'ex-
in prosp. ord. ,, r . t ., ^ 1 1 1 ' / ■
Cai t. p. 29. cellens avis sur la manière de prêcher contre les hérétiques :
Peir.Vtn.iib. ruais nous devons observer, sur ce récit de Denys, que saint
^^^*ï*',M; \^' Dominique était à peine âcé de trois ou quatre ans quand
p. Cell.lib. \, T^., 1 TT ■ 1 • 'a'it- r
ep. 9, 12. Basile mourut. Hugues, cpn devint eveque de Lincoln, et
Dion.PrîPcon. qui introduisit les chartreux en Angleterre, y avait été envoyé
ord.Cart.art.8. „j^^, Basilc. Il cst extrêmement probable que ce prieur a fait
p. Sutor, de * , 1 i- • ' i- ' ' ' i '
vitàCart.lib.ii, quclqucs additioiis aux statuts rédiges par ses prédécesseurs,
tract. 3, c. 5,p. additions qui sans doute se trouvent fondues dans le recueil
t'^'J^^y ~ imprimé en loio. Outre sa lettre à Pierre-le-Vénérable et
Cani. lutin, in , i^ , , , , t> -i
prosp. ordiu. f'^s rcglemens pour les chartreux, Basile est encore auteur
Cart. p. 33. d'un très-court éloge de la vie solitaire. Cet écrit, attribué
Statuta ord. f^^,^ mal-fi-propos à saint Basile-le-Grand par quelques
Carthusiensis a , ., ,. , ' ' , / / ■ \ 1 i- 1 \ I
Gui°oneconipi- bibliographes, a ete réuni a des livrets du même genre, dans
lata (cnrâ un volume iu-S^ , imprimé à Pai^is chez Jean Lambert, vers
Greg. Reisch) ]j^ ç^^^ ^^^^ W^ siècle. L'uu clcs articles compris dans ce vo-
Bas. Araerbach. , ,, 1 1 • ' 1 • • 1 ' '
i5io in-fol fi". Iwme est un autre éloge de la vie renobitique par le veiie-
(Tres-rare\ol.) rable Guigues : ces deux opuscules sur le même sujet sont
donc très-dictincts. Celui de Basile ne remplit que sept pages
et demie, et fourmille d'apostrophes. « O cellule, s'écrie-t-il,
tu es noire, mais belle comme les tabernacles de Cédar,
comme les peaux de Salomon. Parmi les propriétés que l'au-
teur attribue à la cellule, nous remarquerons celle de rendre
tout à-la-fois l'homme rond et carré : Tu facis ut hotno sit
feres atqiie rotundus (et sans aucun intermédiaire) tu etiam
facis hominem lapidem quadrwu construendis cœlestis Hie-
7'UsaIeTn mœnibus aptuin. Basile , après vingt-trois ans de
Mabill. Ann. généralat, mourut en 1 1^3 ou i I74i recommandable d'abord
Ben. 1. 79, n. miraclcs , de plus par une édifiante et sage adminis-
n. 146, 147;!. l . ^ • -v 'i- ' -4. r 1 •
80, n. 66,67. tration, en troisième lieu, par ses écrits, enhn par le soin
Morot, Tlieat. qu il prit d'arcioitie la bibliothèque de la grande chartreuse,
ord. Cart. p. XVL EsTiENNE, eVé'^iie c?e vJ/erti^j;, archevêque de Bourges.
Martène , H était né à Paris de la famille des seigneurs de la Chapelle-
Ampiiss. Coll. Gautier. Il fut chanoine de Sens , chanoine de Paris , évêque
t. \i,p. 27O. j Meaux dès 11G2, archevêque de Bourges en 1 171. Il ne
Bolland. ind. i -^ ' i- i i ' • '
ss.prjetcrmiss. gouvcma Cette cleruiere église que durant deux années : retire
ad diem 4 et à l'abbaye de Saint-Victor de Paris, il y rftourut le 12 jan-
""^'ilr' î.-irD"n vier 1 173 ou i i74-i selon que l'on fait commencer l'année à
filabill. Rcfl. ' \ \ 'W • • r^ • ' 1 '•!
sur la Réponse Paques OU a la Lu'concision. Ceux qui prétendent quil ne
AUTEURS DE LETTRES. 58i
mourut qvi'en 1181 ou 1 182, expliquent comme ils peuvent ^" siècle.
une charte de Louis VII, datée de 1174, et dans laqvielie au Traité des
Estienne est qualifie home memoriœ quoiulain hituricencis étud.mouastiq.
archiepiscopus : son abdication suffisait, disent-ils, pour P"^°^; , .
) ■' 1, ■' lA. • 1 A l'i 11 I ^ ■ (jM. Christ.
quon 1 appelât ancien archevêque u honorable mémoire, nov t. n, p. 55-
Mais Lebeuf a cité une chronique contemporaine, oii il est t- vu, p. 670;
dit: Anno w^Z Stephanus Bituricensis archiepiscopus, ve- ^-^'I^P- »6i5,
neno , ut dicitur, covreptuseta mente alienatus , sepidtus est Henriq. Me-
ad Sanctujn fictorem Parisiis. Cette clironique, sans laquelle "f^'og. cist. ad
nous ne saurions pas ciu'Estienne a été empoisonné, et nue '^^'^^l^ *.''p'"
sa tête s est dérangée, a passe, eut Lebeui, par les manis de Cisterc.adann.
Baluze, qui la croyait l'ouvrage dun moine de Saint-Martial "82, c. 2,n. 2.
de Limoges , nommé Godellus ou Godeau. Voici deux épi- ~ ?,""■ *^^':'^'-
. 1 17V, j- ,, ^ . ... 1 t. \ii,p. 670.
taphes ci Estienne , lune en prose, et qui se lisait sur sa Malingre, Ant.
tombe, l'autre en vers, et tirée d'un manuscrit de Saint- deParis,p.4',5.
Victor : Gall christ.
iT- • n r\ Cl • »!••• noY. t. II, p. 55.
tiic jacet hev. patcr Dom. bteplianus qui natus Farisiis ex Lt-ure insérée
episcopo ISleldensi Bituricensis primas factus est. dansicjourn.de
Verd.f'ev. 1756',
Fax popiili , cle.rique decus , patriœque patronus , ^^^ j^^ U ' .
Stephaims , hiijus amor urliis et orbis, ohit. Fr. t. XIII, p.
Mcidis episcopiurn , pritnatum BitUris ^ ortuin "7' ' "77-
n ■ ■ , 7 . . j Gall. Christ.
fansius , tuniuliim continet iste lociis. t II n 5^
Idihus hic jain , terris divisus et astris Le Beuf, H.
Quœ dederant cœlam terraque, solvit eis. "^f '''' "*""'" ^t du
dioc. de Paris ,
. , . . , , . t. II, p. 54/,.
Estienne, à qui saint Thomas Becket a écrit une lettre, en Ep.xh.Cant.
adressa deux au pape Alexandre III , en faveur de cet arche- ^'■^■J^h ''P- 9^'
véque de Cantorbéry. Il se récrie, dans la première, contre "^ ibu.Wh.m
linjustice des persécutions que Thomas endure, et supplie ep. 97 , p. 624 '
le Saint Père de résister fermement aux ennemis de ce prélat. 625;iib. iv,ep.
Dans la seconde, il se plaint particulièrement de Jean d'Ox- ^°'''' ~^^'
ford , qui vient d'absoudre ceux que Thomas avait excom-
muniés ; et finit par souhaiter au pape de la santé et de la
yigneuv : Faleat et vigeat sanctitas vestra.
XVII. Etienne, abl>e' de Cluni , élu en 1161, après la
déposition de Hugues Trasan , gouverna douze ans ce mo- Ci-dess.n
nastère. Il abdiqua la dignité d'al)bé en iiy3, et mourut en ^P"** ^^
cette même année, selon un chronique de Nevers, ou bien |^"n''*p. eg""'
au mois d'août 11 7.4, selon Robert du Mont. On a publié 669,670.
une charte d'Etienne, et dix lettres adressées par lui au roi ^'^'- *^!""-
Louis Vil, à l'archevêque de Reims, aux religieux de Moissac î^lMa^rtÀmpL
VI.
Mart.
582 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, et à leur abbe. Les lettres au roi sont au nombre de sept, et
Coll. t. VI , p. toutes relatives aux intérêts particuliers des moines de Cluni.
1187. Il est question, dans la première et dans la sixième, des
Rob.deM. ad rjipjjiej militaires exercées sur leur territoire. La seconde
an. 1 174,0.793. Il- • i ■{• 1 AT 1 1 . ■
Duciiesne , sollicite uoc cleiense au comte de INevers de batir aux portes
not. adBibi.ci. de l'église delà Charité, ainsi qu'il a commencé de le foire,
p. 103, J06. Dans la quatrième , l'éelise de Cluni est vivement recom-
Scr. Rer. Gaii. mandée a la bienveillance du monarque. La cmqmeme ex-
t. IV, p. 665, cuse levêque de Màcon , que sa pauvreté et les besoins de
^''o' ^l^' ^"' ' son diocèse ont empêché de se rendre auprès du roi. La troi-
073, boi, 7jO. .V I •^ ' I 1 'il 1 •
sieme et la septième ne sont que des billets de cinq ou six
lignes , qui annoncent des messagers chargés d'exposer de
vive voix les demandes d'Etienne. La lettre de cet abbé à
Mart. Ampl. Henri de France, archevêque de Reims, contient des offres
Coll. t. II, p. jig service auprès de la cour de Rome, où l'on allait juger
' ' un procès entre ce prélat et ses chanoines. L'épître aux reli-
Mart. Thés, gieux de Moissac leur annonce R. de Roche-Blanche, R. de
^Pf^^;!' ^'P* -ylità Rupe , rpi'Etienne leur envoie pour être leur abbé; et,
* ' ■* ^' comme le très^modeste Roche-Blanche craignait d'accepter
ibicl. cette dignité, Etienne lui écrit aussi pour lui remontrer cjue
cette honorable répugnance ne doit pourtant pas être invin-
cible.
XVIIL JossE {Jodocus , Joscius, Gociiis , Josselin , Jothon,
Mnan ; Eccles. Gothou ) , aivlievéque de Tours. Il était né en Bretagne , et
Tmonens.Aiig. avait été, durant près de six ans, évêque de Saint-Brieux,
in"foi" P 'l p' lo'squil fut fait en iiSy archevêque de Tours. Il mourut
119-123. ' vers II 73 ou 1174- Alexandre III lui a écrit trois lettres,
dont deux sont en même temps adressées à d'autres prélats
français. Josse fut chargé avec l'évêque d'Autun d'examiner
la sentence d'excommunication prononcée par l'archevêque
76/c/. p. 221. de Reims contre le comte Henri. Une chaite de Josse et six
Diichesne , lettres de lui au roi Louis-le-Jeune , ne concernent cpie des
Srr. Rer. Oaii. affaires particulières : une rébellion des chanoines de Saint-
t.iv,p. 640- Martin , d'autres entreprises contre les droits archiépisco-
642, 680. ' ,. r , . 1 il ' 1-
paux , une dispute entre le doyen et le trésorier de 1 église
de Tours, l'élection d'un abbé de Saint-Julirn, la co.-.?_2îicc
excessive que Louis accorde aux moines : « A Dieu ne plaise,
dit Josse, que la sagesse royale soit plus long-temps séduite
par de tels personnages. » Ahsit , quœsumus^ quod per taies
personas regia discvetio ampUiis seducatuv.
„ ,, p, • XIX. Pierre de Pise tenait ce surnom du lieu de sa nais-
m)v.^.xiv,'p' sance. Cet italien fut en France un agent d'Alexandre III,
AUTEURS DE LETTRES. 583
pontife pour lequel une partie du clergé français n'était pas ^n siècle.
très bien disposée. Pierre de Pise , après s'être pourvu lui- ,5.^2 _ u^i^^
même du doyenné de Saint-Aignan d'Orléans, se mit à pré- Anr. de s.-Ai-
parer les voies au saint père, qui entreprenait un voyage en S"anil'!)7-9y'
France. Alexandre III le récompensa de ses services : une
bulle de 1163 accorda des exemptions à l'église de Saint-
Aignan; et le doyen fut honorablement employé en plusieurs
aflaires alors importantes. Mais nous n'avons à le considérer
ici que comme auteur de quatre lettres imprimées dans le
Recueil des historiens de France. La première est adressée Duchesne, t.
en 1 162 au pape Alexandre, pour l'inviter à se montrer plus ^^' ''• 576, etc.
sévère contre les évèques indociles : « Il est temps, dit Pierre â^^^ f'^xv
de Pise, que la sainte église de Rome reprenne ses forces. » p. 780, 781.
Résumât itaque vires suas sancta roinana ecclesia. La se-
conde est écrite à un homme et à une femme, cjui ne sont
désignés cjue par les initiales I et T. C'est im simjjle billet
de huit lignes , oii le doyen les remercie de l'argent qu'ils
ont prêté à sa recommandation : « Je vois, leur dit-il, par
l'expérience et par les oeuvres , que vous m'aimez véritable-
ment. » Le clerc auquel la troisième est adressée n'est aussi
indiqué c|ue par l'initiale T : Pierre de Pise se plaint amère-
ment des obstacles qui troublent sa correspondance avec ce
clerc : « Sur mille lettres, lui dit-il , vous n en recevez qu'une
seule. » On voit , par ce passage , combien d'épîtres de Pierre
de Pise nous avons à regretter. La quatrième et dernière de
celles qui sont arrivées jusqu'à nous est écrite à Hugues,
évéque de Soissons. Le doyen de Saint-Aignan s'y plaint d'un
clerc nommé Philippe, attaché au secrétariat du roi , et qui
n'accepte aucun des l'endez-vous qu'on lui propose , sous
prétexte de la multitude des affaires qui l'occupent, et qui
ne lui permettent pas même de prévoir en quels momens il
sera libre. Pierre de Pise mourut en 11 76; ou le présume
ainsi, parce qu'à partir de cette année, il n'est plus question Hubert Ant
de lui dans les actes de Saint-Aignan. On a cependant sup- de s.-Aignan,
posé quelquefois qu'il avait vécu jusqu'en 1 1^8. Voyez, dans !'■ ^°''-
le quinzième volume du Recueil des historiens de France, P'9^*'9^^-
deux lettres d'Alexandre III, adressées à Pierre de Pise et
au chapitre de Saint-Aignan, l'une en ii63j l'autre au mois
de mai 1176. D.
Xn SIF.CLE.
I »x*v**v».*.».*.*v^-».*^^»/»^v^^ v****^w^*'t^v***.^'»*.*'fcV'*^v^^*^»,^»^w«,*,^w**,*,^v^^».'%^^^%^^^vv-fc
AUTEURS D'OPUSCULES.
ii5
o — 1 1^5
i>lous réunissons sous ce titre dix-huit auteurs qui sont
morts entre les années ii5o et 1170, et qui ont laissé des
écrits peu connus sur divers sujets.
Not. manusc. j Arnoul, prieur de Saint -Thoma s d' A mboise, réài^eo.
Chazai Bénéd ^^^^ ^ '^i mi traité du comput ecclésiastique, pour servir de
préliminaire à un Martyrologe copié de sa main. Ce traité
renfermait des tables pour trouver le jour de Pâques par les
épactes ; les fériés et les quantièmes de la lune par les con-
currens. Suivaient le Cycle apporté, dit-on, par un ange à
saint Pacôme ; et un tableau des indictions, épactes, cycles,
et concurrens pour cent cjuarante-trois années , depuis 1140
jusqu'en ia83. L'auteur expliquait ensuite fort en détail les
règles générales du comput. On conservait ce manuscrit à
Pont-le-Roi , avec un autre volume , écrit aussi de la main
d' Arnoul , et contenant les capitules et les collectes qui en-
traient dans l'office divin durant le cours de l'année.
II. Chrétien, moine de V Awnone , vers le milieu du
XIF siècle. Le monastère des Blancs-Manteaux possédait un
manuscrit latin contenant les visions de Chrétien , religieux
DeEleemosjTià. de l'abbay e de l'Aumône , au diocèse de Chartres; production
dénuée de toute espèce d intérêt , si nous en jugeons par ce
T. VII, p. 197. qui en est rapporté dans la bibliothèque des pères de Clteaux.
Ad caicem Ce Chrétien est-il le même que celui dont le nom se ren-
missahs Cist. (^onti-g daus Ic cataloguc des bienheureux du même ordre.-*
Miraei chron. Ce u'cst poiut , parmi Ics qucstions oiseuses, la plus facile à
Cist. p. 320. résoudre. Henriquez distingue deux Chrétiens, tous deux
Henriquez , i^^QJi^çg jg l'Aumoue , l'uu simple frère convers , l'autre
27Ti>iet2odcc. prêtre, abbé de Toronet , et depuis évêque de Toulouse.
— Caiei. H. du Mais le nom de Chrétien ne se rencontre ni dans la liste des
Lang.— .imigei. gvêques de Toulouse, rédigée par Chenu, ni dans celle des
p"'Tg.-J]vianr! abbés du Toronet, publiée dans la nouvelle France Chré-
Ann. Cist. ad tienne. Nous nous borneions à dire, d'après Hélinand, que
an. ii2i> c. J, l'auteur de ces visions naquit dans le Maine, qu'il fut moine
n. D : ad an. . ., . a ,., , f • \ -h i i
ii36,c. q,n.3. de 1 Aimione , et c|uil était contemporani de Ke}nald, cpia-
G.riir.i,49o. trième abbé de Citeaux, moit en ii5i.
Ad an. 1162, »
AUTEURS D'OPUSCULES. 585
III. GviREKT , moine de Foigny , est cité comme auteur xil SIECLE,
d'un traité sur le sens moral de la Genèse. Ce commentaire Ribi. cisterc. i
qui n'a jamais vu le jour, et qui, selon toute apparence, ne vu, p. 197.
subsistait en manuscrit qu'à Foii»ny même, était dédié à ^'^^^' Christ
Bartliélemi , qui avait fondé cette abbaye en 110.1. Bartlié- 6°8' 620. ' ''
lemi était évêque de Laon, et renonça vers ii5o à cette
dignité, poiu" se retirer à Foigny, où il vivait encore en
iiSy. C'est peut-être entre ces deux époques qu'il a reçu la
dédicace du tiaité de Guibert, traité dont il n'est fait aucune
mention ni dans la bibliothèque sacrée du père Le Long, ni
dans la bibliothèque cistercienne de dom de Visch.
IV. Jean l'Espagnol, natif d'AImanceps ou Almantois en
Espagne, vint jeune encore étudier dans la ville d'Arles. Les
progrès qu'il y fit dans les sciences divines et humaines lui
valurent la bienveillance d'un citoyen i-iche, qui songeait à
l'adopter pour fils. Mais Jean aima mieux se consacrer à la
vie cénobitique : il fut le premier prieur de la chartreuse du
Repos. Ce qui nous autorise à parler de lui , c'est qu'il a ré-
digé les statuts des religieuses de Pré-Baïon. Du reste, on ., ,/3'_i/g._l
trouvera, dans le recueil des Bollandistes, le tableau de ses v. aussi Morot.
vertus et le récit de ses miracles. Il mourut le 26 juin 1160. Theair. ordm.
V. KoG¥.K., premier abbé d'Elan, mort en 1 160, et l'auteur Manrlqlàdan.
anonyme de sa vie. Parmi les auteurs qui ont écrit l'histoire 1148, c 16, n.
de sainte Ursule et de3 onze mille Vierges, Baronius compte Setseqq. 1160,
Roger de Cîteaux, Cfu'on croit le même que le bienheureux Martyr. Rom.
Roger, premier abbé du monastère d'Elan, au diocèse de aioct.-Molan.
Reims. C'est probablement à lui qu'est adressé le septième addif^mai oct.
traité ascétique de Gislebert de Hoyland , inséré par D. Ma- ^t. criLn. 3.
billon , dans son^ édition des œuvres de saint Bernard. Le T. il, p. 181.
premier abbé d Elan tut fameux par son savoir , par ses ver-
tas et sur-tout par ses miracles. Sa vie, composée par un
anonyme du XIP siècle, se trouve dans la collection des Bol-
landistes; et nous y apprenons que Roger, né en Angleterre, /,januar.p. 182.
mourut à Elan en iiôo. Son nom est inscrit au catalogue
des saints et bienheureux de l'ordre de Cîteaux. MiiaeiChron.
Nous ne reviendrons point sur l'anonyme qui a écrit la S'^^'^,/ ;~
Vie de Koger ; il était son contemporain et religieux de son 4 jan.
abbaye. Cette légende ne nous éclaire point sur la question
de savoir si Roger d'Elan est le même personnage que Roger
de Citeaux : nom sous lequel on a publié , outre l'histoire
de sainte Ursule et des onze mille Vierges, un éloge de
Tome XI H. Eeee
586 AUTEURS D'OPUSCULES.
XII SIECLE. INIarie, mère de Jésus, et les révélations de sainte Elizabeth
In Jac. Fabri ^^ Sclionauge , qui n'est morte qu'en i i6o.
libroîviroium VI. RiCHARD , moine de Graiulselve , au diocèse de Tou-
et 3 >iiginuin lo^ge , composa , vers l'an n6o, quatre-vingt-treize vers en
''r'T^Vrh'X' l'honneur de l'abbaye de Clairvaux. On les trouve à la suite
Bibi. med. et des œuvres de saint Bernard , dans 1 édition donnée a Pans
inf. latin, t. V, gj-j j 536 ^ in-folio : ils ne sont ni dans les éditions publiées
l'àAn-l". "^' en la même ville en ibGi et i586, ni d;ins celle de l'impri-
De visch , merie royale en i64o, ni enfin dans celle que l'on doit à
Bibi.cistcrc. p. Mabillon. Ces vers, presque tous léonins, riment d'ailleurs
^ ^' fort souvent deux à deux. En voici quelques-uns, précédés
du titre sous lequel on les a imprimés :
Richardi nionachi de Grandi sdvd dicecesis Tholosanœ ,
07'dinis Cùterciensis ^ cannen delaude Clarevallis , et de
religiosd ibidem disciplina.
Gaudia qui nmndi -vis spernere vana rotundi,
Et contemplari Christi jubar et médit ari,
Tune locus aptior, ad bona promptior , est adeundiis
Oueni ditat bonitas , pietas , bona prcedia , fundus.. ..
Vallis devota , vallis pia , congrua tota ,
Vallis nobilis atque probabilis ac popnlosa
Spiritualibiis aptaque fratrihus ac speciosa.,,.
O vallis clara divini numinis ara,.,.
Clara vale 7>allis , plus claris clara metallis ,
Tu nisi me fallis , es rectus ad œthera callis.
VII. CoTiSTANTiN ,, prieur d'He'ni'al ., au diocèse de Tours,
a rédigé pour sa communauté des statuts fort austères. On
les peut lire dans le tome premier des Monumens de l'anti-
Sacr. Antiq. quité sacrée , publiés par Hugo , al^bé d'Estival , et parmi les
Monum. t. I , pj^euvcs de l'Histoire de Lorraine de D. Calmet. Ce fut à
''h. deLorr. î'instigation de Lambert, abbé de Citeaux, depuis ii55
t. I, p. lîoS jusqu'en 1161 , que Constantin écrivit, dans l'une de ces six
-i2io; t. H, années, les statuts d'Hérival. Ce Constantin est peut-être
t*. ii!rVi""p' celui auquel sont adressées trois lettres de Hugues de Metel,
publiées aussi par l'abbé d'Estival , Hugo , et dont la première
CXXI.
N. ai-53. porte pour inscription : Constantino pntdcntiœ domestico ,
Sacr. Anliq. ' .„» . ,. , ' , ^. ^ ?•• • /
Monum. t. II versijican , dictare , nonestisque studiis insuaave.
p. /,o3. ' VIII. Henri , ahhé de Dilighem. Walthême ou Galthême,
abbé des chanoines réguliers de Dilighem, près de Bruxelles,
AUTEURS D'OPUSCULES. 587
résolut d'établir dans cette communauté l'institut de Pré- ^^^ SIECLE.
montré. En conséquence, il lit venir en 1 1/40 quatre religieux
de Dronghen ( Trunchiniuin ) pour l'instruire plus à fond des
règles et des usages de cet ordre. L'un d'entre eux , nommé
Henri , devint en 1 1 5o abbé de Dilighem , et mourut le
16 mai II 62, après avoir composé en 11 58 une histoire de ^'^^^- ctnst.
l'ordre de Prémontré, et particulièrement de cette abbave °°"*'- '• ^'' r- 8^-
de Dilighem, ouvrage perdu depuis tort long-temps. Piîem.p. i,t.i,
IX. Guillaume, chanoine de Grenoble. Marguerite, fille Chorier, H.
d'Etienne, comte de Bourgogne, épousa Guy IV, dauphin, jj*" ^'^03*n a
comte d'Albon, et mourut le 8 février iiG3. Fort peu de — Mém.' pom
temps après sa mort, et, selon toute apparence, dès la même *<^''^'''' ^ ^"Aisi.
année, la vie de cette princesse fut écrite en latin par un i ", f*^ p^ 's^et
chanoine de Grenoble nommé Guillaume, et adressée par 397. — .lusiei,
lui à des religieuses de la même ville. C'est mal-à-propos et H- de la maison
sans aucun motif que l'année i3io est indiquée par le P. Le 33^p7v^"*^' ^
Long com-me la date de la rédaction de cet opuscule. La vie Bibiioth. des
de Marguerite occupe treize pages dans l'une des collections Histor. de Fr.
de Martène : elle avait été publiée dès iG43 par Eoissieu, et l\. ^^ ^'g ^'
il en avait paru une traduction française en 1G70. Marguerite 4748.
se distingua par sa piété; et ce qui la concerne dans l'écrit Thes.Monum.
de Guillaume est plus édifiant qu'instructif: mais l'auteur y \^j]''^' "°'~
a mêlé quelques détails accessoires , qui ont contribué à jeter viia Margar.
de la lumière sur l'histoire de la première famille des dau- comitissae Aib.
1 • I Tf „ ■ à Guill. canon.
phins de Viennois . , . , Gralianopoli ,
X. KiLiNDE, Rilende ou Rehnae avait gouverné durant Bureau, 1643,
quelques années un couvent de Berg, lorsque Frédéric in-4*-
Barberousse la fit abbesse de Hohenbourg, ou du n^ont ^^^^j'y „ '83^'
Sainte-Odile, au diocèse de Strasbourg. Frédéric n'était pas — Hugo, Ann.
encore empereur, mais seulement duc de Suabe et d'Alzace; ^^- P- ^' '• ^ï'
c'est dans cette dernière province Cjuc Hohenbourg est situé ; ^Mabi'/l Act
et les desordres des religieuses étaient devenus si graves, que Sanctor. ord.s.
le duc se crut obligé d'y apporter remède. Ce fut dans cette J^*""- '• ^^' P-
vue qu'il y appela vers ii4o Relinde, dont les vertus et les ub!xLviii'^n.
taleiis avaient attiré les regards et l'estime du public. Elle fut 43.
en quelque sorte la deuxième fondatrice de cette abbaye.
Aidée des conseils de Borcard évêque de Strasbourg, elle eut
le bonheur de rebâtir ce qu'on avait démoli, de recouvrer
les biens dissipés, de réformer les mœurs corrompues , de
rétabhr enfin la discipline canonique, et la règle de saint
Augustin dans une communauté flétrie par les vices du
siècle , et par ceux du cloître. Il lui fallut fort peu d'années
Eeeea
588 AUTEURS D'OPUSCULES.
xil SIECLE, pour transformer un si scandaleux monastère en une sainte
retraite, ou trente- trois vestales l'édifiaient elle-même en
l'imitant. Relinde leur inspira sur-tout le goût de l'étude, et
leur enseigna la langue latine avec tant de succès, que leur
érudition était admirée de tout le voisinage. Mais les vers
latins de labbesse étaient encore une plus grande merveille,
ainsi qu'on peut s en convaincre par ceux que Bruschius a
Centur. I , insérés dans son histoire des monastères d'Allemagne. Voici
9'" par exemple un quatrain qu'elle adressait à ses sœurs en
Jésus-Christ , en faisant parler Jésus-Christ lui-même.
Ad Sorores Hoemhurgenses, in personâ Christi tetrastichon
hexametrum et eruditissimwn.
Vos qiias incluait , frangit , gravât^ attrahit , urit .,
Hic carcer mœstus ^ labor , exilium , dolor , œstus,
Me lucem. , requiem , patriatn , medicamen et uinhram
Quœrite , sperate , scitote , tenete , vocate.
Pour bien apprécier ces quatre vers, il ne faut pas man-
quer d'observer la correspondance qui règne entre les mots
qui les composent. Vos quas incluait carcer , me lucem
quœrite, vos quas frangit labor , nie requiem sperate , etc.
En voici d'un autre goût.
O vie grex , cul cœlica lex , est nulla doli fex,
Ipse Sion morts , ad patriam pons ^ atque boni fans ^
Qui via , qui lux , hic tibi sit dux , aima tegat crux.
Qui placidus ras, qui stabilis dos , virgineus Jlos ,
llle regat te , commiserans me , semper ubique.
Relinde mourut le 22 août, on ne sait trop de quelle
année; les uns disent 11 65 ou 1 167, les autres font vivre
cette abbesse jusqu'en 1 180.
Gall. Christ. EUg fut remplacée par Herrade, cjui hérita de son zèle et
""![;' u,r^*''*!' de ses talens. Le nombre des religieuses du rnont Saint-Odile
— MahiJl. Act. o 1 A • 1
ss. ord. Ben. t. S étant fort accru, Herrade, en 1181, batit de ses propres
IV. p. 487. deniers au pied de cette montagne, à Truttenhusen, un
second monastèi-e qui servit de supplément au premier. Le
Opéra Pétri jésuite , Jean Buzee , a eu à sa disposition un très-beau
1667, p. 600.
Biesens.s, edit. ^j^j^j^^gç^it de la maiii d'Herrade, intitulé Hortus delicianwi.
AUTEURS D'OPUSCULES. 689
C'était un recueil de sentences extraites de la bible et des ^n SIECLE,
anciens docteurs de l'église. Bruschius en a transcrit la Cemur. i fol.
F réface : Herrade y conseille aux saintes filles de son couvent, i54-i5G.
usage de ces fleurs spirituelles, dont elle a, comme une
diligente abeille, compo.sé de mielleux rayons. Elle désire
cjue ses compagnes s'en nourrissent , et se souviennent
d'elle dans leurs prières : Quapropter in eo ipso lihro oportet
vos sedulo quœvere pastiun , et meUitis stiilicidiis animuni
rejîcere lassiun^ ut sponsi hlanditiis semper occupatœ ^ et
spiritualibus deliciis sagitiatœ, transitoria securè percurratis ^
et œterna , felici jucunditate , possideatis , ineqiie per varias
maris Jlnctuwn seinitas pericidosè gradientein , fructuosis
oratioiiihus vestris , à terrenis offectibus niitigatam , unci
vohiscum in amorem dilecti vestri sursiim trahatis. Amen.
Nous citons cette période pour donner une idée de la prose
d'Herrade, et nous allons y joindre quelques-uns de ses vers.
Vingt-quatre strophes dithyrambiques, c'est ainsi que Brus-
chius les caractérise, servent d'appendice à XHortus delicia-
rum , et sont suivies d'un quatrain et d'un distique.
St. I. Sah>e cohors 7>irginuni
Hohenoburgensium ,
Albens quasi lilium^
Amans Dei Jilium.
St. 10. Christus odit maculas^
Rugas spernit vetulas ,
Pulchras -vult virguncidas,
Turpes pellit fœminas.
St. II. Fide cum turtureâ
Sponsum istiirn redama,
Ut. tua formositas
Fiat perpes claritas.
Quatrain aux religieuses :
O niveijlores , dantes uirtutis adores ,
Semper divinâ pausa?ites in theoriâ ,
Pulvere terreno contempto , currite cœlo ,
Çuo mine absconsum valeatis cernere sponsum.
XII SIECLE.
590 AUTEURS D'OPUSCULES.
Distique à Jésus -Christ :
Esta nostronun pia merces , Ckriste , laborum ,
Nos electorum numerans in sorte tuorum.
Gall. Christ. On croit qu'Herrade mourut vers 1196. Nous n'avons
nov.t.v,p.34o. pas cp^i devoir la séparer de Relinde, dont elle a continué
les bonnes œuvres. Elles sont fort louées, l'une et l'autre,
Gaii. Christ, dans vine bulle du pape Luce II, donnée en 1 185 pour con-
"°/86 ^ ' ^^^^ firmer l'établissement du monastère de Truttenhusen. Her-
rade était issue des comtes de Landsperg, 1 une des premières
familles d'Alzace.
XI. Bernard, qui mourut évéque de Saintes en 1167,
avait été auparavant prieur des chanoines réguliers de Sa-
blonceaux. Durant son épiscopat , il souscrivit un grand
nombre de chartes indiquées, au moins en partie, dans le
T. II, p. 1070. nouveau Gallia Christiana. Mais nous ne faisons ici mention
de ce prélat qu'à cause d'un opuscule qui porte son nom,
Bernardi Santonensis episcopi décréta^ et qui se ti'ouve com-
pris dans le manuscrit 345z4 (Théologiens scholastiques) de
Catai.desmss. la Bibliothèque Impériale. C'est un très-court recueil de sta-
1. III, p. .',21. t^jj-g s^ij. la liturgie et sur l'administration des sacremens; on
n'y remarque rien qui ne se retrouve ailleurs , avant et après
le XIF siècle.
Il y a eu un Bernard second , évèque de Saintes , depuis
i363 jusqu'en i38o. Mais l'écriture des statuts manuscrits
paraissant antérieure à cette époque, nous croyons devoir
les attribuer à Bernard Y^ .
XII. Thierry, religieux de l'abbaye de i5e/7?e, près Heus-
den , au diocèse d'Utrecht, avait composé des homélies et
des histoires. Ces productions ne sont imprimées nulle part,
et l'on ne cite aucune bibliothèque qui les possède manus-
crites. Nous ne les connaissons que par la mention qu'en font
Bibi. I3eig. p. Valère André , Swert , Hugo , le Paige et le Mire. Ils nous
822 , 823. représentent Thierry comme un saint et savant personnage ,
Behi^"' ' ■ infatigable écrivain, élégant oi'ateur, historien distingué:
Ann.Pr.P. I, ludefcssus scriptor , in concinnandis homiliis et prœdicatione
t. I, p. 33 1. jiQ^i inelegans oratoi', eventuum sui tempoiis enairator egre-
•^ r' /'« '^',c«' scius. Ce sont les termes de Hugo, nui nous fait un récit
jo:j,4S7, 4b8. h . 1 mi • /-; ^ 1
chion.Pi.ad curieux de la mort de Ihierry. Onulphe, son ami et son
an.ii34,p.ioo. collaborateur dans la direction des religieuses de Woert ,
était dangereusement malade, quand Thierry, qui l'assistait,
AUTEURS D'OPUSCULES. Ch)i
se sentit atteint d'une douleur svibite , et sur l'heure se vit X" siècle.
réduit à recevoir lui-même des soins pareils à ceux qu'il
venait de rendre. Ce tut alors que la vierge Marie visita
Onulphe, et lui dit : « Mon cher, vous n'allez pas mourir tout
à l'heure, vous ne me i-ejoindrez que dans un an: mais,
pour votre ami Thierry, il n'a que fort peu d'instans à vivre. »
L'ami Onulphe s'empressa de communiquer cette nouvelle
à Thierry , l'avertissant de se disposer bien vite à la mort ;
et voilà que Thierry, muni en grande hâte des sacremens
de l'église, expire en effet à l'heure même. Il est écrit qu'Eve- Hug. AnnPr.
rard, abbé de Berne, mourut fort peu de temps après; or "* anuCS.
Everard décéda le dix-huitième jour avant les calendes
d'octobre 1168, ce qui nous induit à placer la mort de Caii. christ.
Thierry dans l'un des deux ou trois mois précédens. L'ab- ^o^'V,p-423,
baye de Berne, devenue, depuis, celle de Bois-le-Duc, était
de l'ordre des prémontrés.
XIII. Guillaume d'Andozile. Deux évêques d'Ausch , au Gali. Christ.
XIF siècle, ont porté le nom de Guillaume, et se sont suivis "ov. t.i, p.984
de si près qu'on les a long-temps confondus. Les auteurs de p.^jG^*''"^'^'''
la nouvelle Gaule Chrétienne les ont distingués, en plaçant,
entre l'un et l'autre , Sanches de Fenogreto , cpii cessa de
gouverner cette église en i\/\8. Son successeur, Guillaume
d'Andozile, est celui dont nous avons à parler ici.
Il était petit fils d'Atton Raimond , seigneur de l'Isle , et il
descendait, par sa mère, des barons de Montant. Mais ce
fut sur-tout par sa piété et par son savoir cju'il fut illustre.
Il a fondé en Gascogne plusieurs monastères. Il était légat
du saint siège, lorsqu'il présida en 1 154 un concile de Noga-
rol. Sa mort doit être placée en 1 170 : cette année du moins
est celle où Gérard de la Barthe fut élu pour lui succéder.
Nous avons de Guillaume d'Andozile un décret qu'il pu-
blia vers ii5o, en qualité de légat, et par ordre du pape, Baïuz. Not.in
pour faire observer la trêve de Dieu dans l't'tendue de sa ^°"'^- S^f^erd.
province archiépiscopale. Ce décret, adressé aux évêques Maixa'^'îib. n"
suffragans, aux comtes, vicomtes et barons, au clergé et au c. i/,,n. 4.
peuple, ordonne, de la part de Dieu, du pape et de l'ar- DeMarca,H.
chevêque , d'observer, sous peine d'excommunication, la deBcarn.hv.v,
paix de Dieu, depuis le mercredi après le soleil couché jus- p. 395 Is^'^. '
qu'au lundi après le soleil levé, et de plus durant les semaines
entières comprises entre le premier dimanche de l'avent et
l'octave de l'épiphanie, aussi bien qu'entre la septuagésime
et l'octave de Pâques. On peut lire , dans la collection des
592 AUTEURS D'OPUSCULES.
XII SIECLE, conciles du P. Hardouin, une lettre de Guillaume d'Andozile
■ sui" le même sujet; elle rend compte de ce c|ui a été statué à
cet égard dans le concile tenu à Rome par le pape Paschal II.
Il se pourrait que cette lettre fût du premier Guillaume
d'Andozile. Quoiqu'il en soit, la trêve de Dieu fut, dans le
cours du XIF siècle et du précédent, un assez faible obstacle
aux guerres particulières que les seigneurs se faisaient entre
eux, et qui désolaient perpétuellement les provinces.
XIV. Pierre de Relmont , qui gouvernait l'abbaye de
Saint-Chaffre, au diocèse du Puy, en 1 166, a composé une
chronic|ue de ce monastère. Voilà tout ce que le nouveau
T. Il, p. 767- Gallia Christiana nous apprend de cet écrivain, qui n'était
plus abbé en 1 172, et dont l'ouvrage n'a point vu le jour.
De visch , XV. Hajio\ OU Ajmon , né en Rretagne, moine de Savi-
Èibi.cist.p. 12. gni en Normandie, mourut en 117^ ou ii74i laissant un
Bibiioth mss. _^j^jj nombre d'éciits édifians, crue l'on n'a jamais impi^més,
t. ii,p. ii,i- n ^ ' ,• ' 1 ^ I 1 ■ V
1343. dont on a même néglige de rendre compte, mais que Ion
9 et seqq. ; ad loguc dcs maiiuscrits de ce monastère; c'est un commentaire
n^i-s'^ad an' ^^"' \^^^& ■ Expositio Haymouis in. fsaiam. Au surplus Hay-
"17/,, c.'^V,""' "ion fut de son temps plus renommé par ses vertus que par
II, 12. ses livres ; il est révélée parmi les saints de son ordre. Les An-
Heniiq. ad j g ç^ jg Ménologe de Cîteaux nous offrent sur ses bonnes
diem 3o apr. — P. • i i ^ < i
Menaid,iib.ii, œuvrcs , sur ses Visions, sur ses miracles, de très-nombreux
Obs. inMariyi. et très-précicux détails que nous sommes forcés d'omettre
^"^"rrVfl' ^^d ^"1 comme tout-à-fait étrangers à l'histoire de la littérature.
ïïiusiri Génère XVI. PiERRE DE Rarry , élu abbé de Saiut-Martial de
Bern. p. Si.— Limogcs cu 1 1 6o , ct clécédé le 12 octobre ii74i avait écrit
Rob. de M. ad ^^^ Hvres d'iiistoirc , libros iiisisnium historiarwn. Ces livres
anii. ii74i '" • •^ ' 't • ,. ^ >,.
app. op. Guib. ne sont pas venus jusqua nous : ce n étaient peut-être que
p. 795.— Mart. tle purs extraits des chroniques qu'il avait lues.
Thés. Anecd. t. XVII. GUILLAUME DE CHERBOURG. RalœUS dit qUC GuillaUmC
'Gall.^c'biL. de Cherbourg, homme habile en vers et en prose, a composé
nov. t. II, p. un poème virulent contre l'Angleterre, un livre sur la mort
M h' \^'' lïT *^^ Thomas (Recket),et plusieurs autres écrits. Possevin
Lxxvii", II! parle aussi d'une pieuse satire de Guillaume de Cherbourg
i47;Ub.LXXX, contre les meurtriers de saint Recket. Il ne paraît pas qu'on
°^e^nd' ^0'/'" puisse confondre cet auteur avec Guillaume de Cantorbéry,
"Tabbe^ibî! l'un des historiens de la vie, du martyre et des miracles du
mss. t. 11 , p. même saint.
Sog.
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 5g3
XVIII. HÉLrE DE RuFFEC , religieux de Saint- Martial à Xll SIECLE.
Limoges, chapelain de Henri II, roi d'Angleterre, a continué Apud Coni.
la notice chronologique des abbés de ce monastère , com- Magdeb. cent.
mencée par Adémar de Chabannois. Adémar finissait en X'ii<^- '». P-
fT^/,. ^ . / 1 y-^i .. . . 1707. — Oesii*r,
I02f), rleue finit en i iy4 P^i' ces paroles : Ubiit vigesunus p. 301, col. 2.
secundus abhas Petrus IV id. septemhris , anno ah incarna-
tione doinitii 1 174 •' in (]iio anno sedata est tempestas inter
Henricum prohissivwni regem Angliœ et filios suos , quœ ferè
per duos annos dwm'erat. Heiias de Rufiaco , capellanus
suus^^arum reruni scriptor, quem de suo heneplacito hujus
ecclesiœ monachum fecit. Ruftéc, en latin Rufiacum ,' est. un
bourg de l'Angoumois sur la Charente, à six lieues d'Angou-
lême. Le P. Labbe a inséré cet opuscule d'Hélie de Ruffee dans Labbe, Bibi.
le tome second de sa nouvelle Bibliothèque des manuscrits. Il t.i,p.7oo,7or.
se pourrait que le même Hélie lut l'auteur d'un poëme latin ^^^ ^^ '^l' àéc
3ue Ducange avait trouvé parmi les manuscrits de l'abbaye crit. n. i.
e Saint-Germain , et qu'il indique sous ce titre : Lias mena- Fabric. Bi-
chi libellus saeerdotis heroico sed rudi carminé comvositus in ■ 1?,' V'°! '-.-.V'
r>-, I- 1 c ^ • 1 /•') / ini. latin, t. III,
Biuhoth. Sau-Gerniana cod. bil^. D. p. 198.
P. 273.
Duc. Ind. Auct.
AUTEURS ANONYMES
DE VIES DE SAINTS, COMPOSÉES VERS
L'AN ii5o, OU DANS LE COURS DES
VINGT-CINQ ANNÉES SUIVANTES.
I. Actes de saint Antonin de Pamiers. Une abbaye de
Saint- Antonin subsistait en Rouergne depuis le IX*' siècle,
et divers auteurs ont parlé d'un saint Antonin martyrisé
dans les Gaules , on ne sait en quel lieu , ni en quel temps ,
ni de quelle manière. Mais qu'un saint Antonin de Pamiers,
fils de roi, roi lui-même et prêtre, ait souffert le martyre
au V*' siècle, et qu'au IX "^ ses reliques aient été transférées,
c'est une fable dont Tillemont, De Marca et les conti-
nuateurs de BoUandus ont prouvé l'absurdité. Il a plu aux Tillemont,
_ viTt -i^crr Mcm.surl'Hist.
Tome Xlll. Ffff
594 AIJT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
xn SIECLE, légendaires du XIP siècle de transporter à Pamicrs le saint
eccies.i.iy,art. Antonin d'Apamée : la ressemblance ou même l'identité du
sdeS. Denyset nom dc CCS cleux villes a favorisé cette en^eur. C'était, à
note XV.— De Pamiers, inie ancienne tradition , (lue Roger, comte de Foix,
Marca,Hist. de < ^ , , ., .^ i , ^. ^ ' v»
Béarn,iiv.viii, ^ ^ou rctour de la première croisade, avait rapporte dApa-
c. 8, p. 908.— mée les reliques d'un martyr ou de plusieurs martyrs, et les
Boiland. 2 sept, avait déposées dans Téi^rlise de Saint-Fredelas. On aioute qu'à
p. 3/,o. ,, .1, ,.'' , ,,J 1
1 occasion de ces reliques , et pour leur rendre nommage ,
Roger donna le nom d'^patm'a au château qu'il bâtit près
de cette église, et auteur duquel s'éleva depuis la ville dc
Pamiers. Cette dernière ville est inconnue clans les Gaules
IL de Lang. avant-le Xir siècle; et son nom, suivant dom Vaissette,
l.I, p. 61 et 622. >. 1 .V n . T 1 ' I • J
' parait pour la première tois en iiii. J^es légendaires du
saint Antonin de Pamiers n'ont fait cju'ajouter quelques cir-
constances et quelques anachronismcs à ce qu'on avait écrit
sur saint Antonin d'Apamée; et, quoicju'ils ne représentent
point celui de Pamiers comme un jeune homme, et qu'au
contraire ils le fiissent prêtre , ils ne laissent pas de transcrire
et de lui appliquer la cjualification d'enfant, Pue?, que les
anciens martyrologes donnaient à celui d'Apamée , et qui lui
convenait en effet , puiscju'il n'avait , dit-on , que dix ou
douze ans lorscju'il périt. Le douzième siècle est l'un de ceux
où l'on a fabriqué le plus grand nombre de ces légendes
fabuleuses. Celles qui nous occupent en ce moment ne sau-
raient être fort antérieures à l'année 1 1 5o , puiscpie la ville
de Pamiers ne date que de 1 1 1 1 , et qu'elle existait cjuand on
les écrivit.
On jjourrait compter jusqu'à huit légendes de saint An-
tonin de Pamiers : mais cjuelques-unes ne diffèrent cjue par
les titres ou par de légères variantes. Voici celles C[u'oii peut
regarder comme essentiellement distinctes : i° la vie de saint
Antonin de Pamiers, publiée par le P. Labbe dans sa nou-
T. I, p. G85 vcUe Ribliothèque de manuscrits, et imprimée pour la
~^^9- seconde fois (quoiqu'elle ne méritât guères, dit Tillemont,
de l'être une seule) dans le livre du P. Cliifflet, intitulé de
P. 1 32 , cdit. Uiiico Dionysio. 2" La translation tics reliques du même Saint,
de 1676. pièce ajoutée par Cliifflet à la précédente , et qui semble être
du même auteur; c'est du moins de part et d autre le même
style ou plutôt le même langage, la même crédulité, la même
ignorance. 3° Les Actes du saint Antonin de Pamiers, insé-
. rés dans l'ouvrage de Nicolas Rertrandi , cpii a pour titre
i.5i5,in-foi!p! Gesta Tholosanonnn ; actes qui, selon toute apparence, ne
22 et 23.
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. ^g5
diffèrent aucunement de ceux qui sont cités par Catel , dans xil siècle.
son Histoire de Languedoc. 4" Une légende du même Anto- Liv.iv,p.62i.
nin, dont on ne connaît qu'un fragment transcrit par Arnauld Labbe, Bibi.
de Verdale , auteur du XI V*^ siècle, dans son Histoire des *-^'i'"9^-
évêques de Maguelone. 5" Une Passion de ce même martyr,
publiée par les Bollandistes , d'après un manuscrit de la
reine de Suède. 6° Enfin l'article de saint Antonin de Lan-
guedoc, dans Vincent de Beauvais , article que Vincent ne Specul. bîst.
fait que transcrire , et qui , plus court que les autres , pour- ''l^- XllI, c. 35.
rait être aussi le plus ancien , car la ville de Pamiers n'y est
pas nommée. Ces si.\ légendes ont de grandes ressemblances
non seulement entre elles, mais encore avec celles qui con-
cernent un saint Antonin de Plaisance, et quekpies Antonins
d'Espagne, qui tous, comme celui de Pamiers, ont pour BaiHct,vies
modèle , et en quelque sorte pour type commun , le saint ' ** ^^' ^ **^^''
Antonin d'Apamée.
II. /' Ve du bienheureux Richard , ahbc de Saint-Vannes
de Verdun. Cette Vie rédigée par un moine de cette abbaye, Mabiii. Act.
se trouvait jointe, dans un manuscrit qu'on v conservait, à SS. ord. s. Ben.
, ^. \ A . ' •. • ■ •^'•i I J' 1 t.VIII,p. 5i5-
une lettre du même auteur, écrite, amsi cjuil le déclare, 53 ^
plus de quatre-vingt-dix ans après que ce monastère eut
acquis les reliques de saint Pantaléon. Or ces reliques furent
achetées d'un soldat d'Odon , comte de Champagne , au mo-
ment de la prise et du pillage de la ville de Commerci, évé- ibid.-ç. 523-
nement dont nous ignorons la date précise, mais qu'on peut
placer vers l'aimée xo35, deux ans avant la mort d'Odon,
tué à Honol en 1037. La lettre de notre auteur ne serait d. Caimet,
donc que tle 1 1 aS ou de l'une des deux ou trois années sui- . \ *" °';'"^'°'^'
vantes ; et , comme il 1 avait écrite long-temps avant de com-
poser la vie du bienheureux Richard , comme il emploie
même , dans cette Vie , l'expression de midta tempora ,
pour indiquer l'intervalle qui sépare ces deux productions,
nous avons droit de supposer que cette légende n'a été rédi-
gée que vers le milieu di: XIP siècle. On ne peut donc l'at-
tribuer à Rodulphe, abiié de Saint-Vannes, qui mourut
en iof)9 : hypothèse réfutée d'ailleurs par les paroles même
de l'auteur, lorscju'en parlant de la lettre qu'il avait écrite
plusieurs années auparavant , il nous apjDrend qu'il a com-
posé cette lettre par l'ordre de l'abbé Laurent, successeur Mabill. Act.
de Rodulphe. ^ t.vin,p. 525.
Richard avait édifié le monde dans le cours du siècle pré-
cédent ; et c'est du frère qui le servait et de quelques autres
Ffffa
596 ALT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
xti SIECLE, vieillards que l'auteur tient tout ee qu'il raeonte des vertus,
/6^y.p. 53o. dfs miracles et sur-tout des visions de ce bienheureux. Le
style de cette légende est d'une barbarie remarquable, même
à cette époque et dans ce genre d'ouvrages ; mais la véracité'
de l'historien ne doit pas être révoquée en doute : il nous
assure qu'il aimerait mieux mille fois garder le silence que
de louer par des mensonges un aussi grand homme que l'abbé
Richard. L'ouvrage, divisé en deux parties, et la lettre dont
nous avons parlé , occupent , avec les observations de l'édi-
teur D. Mabillon , environ vingt pages dans le tome \ III des
Actes des saints de l'ordre de Saint-Benoît.
III. Miracles et vie de saint Grégoire , pape. Les conti-
nuateurs de Bollandus ont inséré , dans l'appendice de leur
!'• 749-752. tome II du mois de mars, un écrit de quatre pages intitulé
Miracida sauctorwn Gregorii et Sebastiaui in jnojiastei'io
Sancti Medardi patrata. Cet opuscule est incomplet, puis-
qu'il ne contient pas les miracles de saint Sébastien. Mais il
est assez long pour laisser voir l'ignorance du rédacteur,
3ui se trompe grossièrement toutes les fois qu'en parlant
es siècles antérieurs au XIP , il s'avise d indiquer les
époques où vivaient certains évêques. Parmi les miracles
qu il raconte , on distingue ceux qu'opérèrent les reliques de
saint Grégoire, pape, durant une peste dont la ville cle Sois-
sons fut affligée : ce fut à ces reliques que les Soissonnais
durent la cessation de ce fléau. L'auteur était un moine de
Saint-Médard , qui écrivait vers l'an ii5o, disent les Bollan-
distes en s'autorisant d'une note ajoutée à un manuscrit de
cette légende : mais on remarque, dans la légende même,
deux mots qui prouvent qu'elle n'a été composée qu'après
1 1 52 , c'est-à-dire , après la mort de Josselin , évêque de Sois-
sons. L'auteur en effet parle de Josselin comme d'un homme
qui ne vivait plus : «Il ne cessa, dit-il, tant qu'il vécut,
quoad vixit, de rappeler aux moines de Saint-Crespin mie
Punition qu'ils avaient méritée et subie. « D'un autre côté ,
anonyme, après avoir annoncé qu'il va parler des miracles
arrivés de son temps , commence par l'année 1 1 26 , ce qui
fixe son époque au XIF siècle , et ne permet guères de placer
la rédaction de son opuscule plus tard que 1 160.
Nous croyons pouvoir rapprocher de ces miracles de saint
Grégoire une vie du même pape, écrite, dans le même siècle,
en vers latins et en forme de dialogue entre le disciple et le
Eoiiand. 12 maître : ouvrage qu'Henschenius , l'un des continuateurs de
mari. p. 122.
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 597
BoUantlus , trouva manuscrit dans l'abbaye des Dunes à ^^ï siècle.
Bruges, où il avait été transféré de celle de Thosan ou Doest,
supprimée en 162.6. C'est un poëme de deux mille cinq
cents vers léonins :
Ex Romœ roseo prorupit flosculus horto
Vivificis tereteni qui replens fliictibus orhem
Exsatiat plèbes per germiiiis alla fidèles.
F Los hic Gregerias , cujus per sœcula fructus
Crescit in exemplurn cœlestia dona secutum.
Les BoUandistes s'étaient d'abord proposé d'imprimer tout
ce poëme, qu'ils croyaient être de Jean Diacre; mais, en
l'examinant clc plus près , ils reconnurent qu'à la versification
près, ce n'était d'un bout à l'autre que l'ouvrage en prose de
ce môme Jean Diacre sur la vie du pape Grégoire. Il y a toute
apparence que ces deux mille cinq cents vers sont les fruits
des loisirs d'un moine de Thosan; et, comme ce monastère
n'a été fondé cp'en 1 106, on a lieu de croire que ce poëme Gall. Chrisi.
n'est pas antérieur au XIP siècle, dont il semble tout-à-fait no^tV,p.259,
d'^ 2Ù0.
igne.
IV. Pie du hienheureux Amédée , seigneur de Hauteiive,
puis religieux de Bonnevaux , et de son fils , saint Amédée ,
évéque de Lausanne. La première de ces Vies est écrite par
un moine de Bonnevaux, que son pi^ieur, Burnon de Voyron,
avait chargé de ce travail vers l'an 1160. Elle n'a point été
imprimée en entier ; mais on en trouve de longs extraits
dans les Annales de Citeaux. Dom Manrique, rédacteur de T. letii.nd
ces Annales, ne fait pas un très-grand éloge de cette histoire ""• mS-nSS.
du bienheureux Amédée , mais il prétend que le style en est
supportable. Le fond de l'ouvrage, si nous en jugeons par
les extraits, est plus édifiant que varié : c'est un tableau des
vertus claustrales, tracé par un homme qui les pratiquait.
On doit attribuer au même historien un court récit des
actions d' Amédée de Clermont, qui était fils du bienheureux
Amédée de Hauterive, et qui, après avoir été religieux de
Clairvaux, devint évêcjue de Lausanne. Ce prélat, crui a été
mis au nombre des saints, mouiut en 1 158 ou 1 109, et ce
aui a été écrit sur sa vie en 1 160 ou à-peu-près, a été recueilli
ans le chapitre troisième d'un livre intitulé, Vies de plu-
sieurs saints de la maison de Tonnerre , imprimé à Paris
en 1678, in-i2.
598 AUX. ANONYÎVIES DE VIES DE SAINTS.
XII SIECLE. V. Deux Relations sur sainte Genei'ièi'e. Bollandus a extrait
3 janv. i5i- d'un maiiuscrit de Bruxelles deux opuscules qui concernent
i53. le culte de sainte Geneviève à Paris. Le premier est intitulé
de l'Excellence de la Vierge sainte Geneviève. G est l'histoire
d'une procession, iaite à la demande d'Etienne, évèque de
Paris , et à l'occasion de la maladie du feu sacre ou des
ii?,o,Galha ardcns, en l'année qui précéda immédiatement celle où le
yj"*' ..08— pape Innocent II, d'heureuse mémoire, vint en France. Ces
ii2y,<irionrAit mots cVheureuse mémoire employés par l'auteur autorisent à
(Je vérifier les supposer (TU il n'écrivait cru'après 11 43, époque de la mort
dates , p. 383. i .i- t i - • • • i ' t» - i - i
'- de ce pontite. Le second écrit est nititule Révélation des re-
liques de sainte Geneviève, et la diction pareille en tout à
celle du premier, parsemée, dans l'un comme dans l'autre,
d'expressions empruntées de la vulgate , permettrait de con-
Coli. des H. jecturer cju'ils sont du même auteur : mais M. Brial a trouvé,
de hr. t. xi\ , g^J, ^^ manuscrit de la seconde, le nom de saint Guillaume,
3'iss!5333de abbé du Paraclet, au diocèse de Roschild en Danemarck, et
la Bibi. iinpér. l'a Considérée comme un ouvrage de ce saint religieux, qui
vécut au XIIP siècle. Quoi qu'il en soit, la révélation des
reliques de sainte Geneviève eut lieu en 11 62, en présence
de l'archevêque de Sens, de l'évêque d'Auxerre, de Manassès,
évêque d'Orléans , et d'une assemblée nombreuse , oix se
trouvait l'auteur lui-même. Manassès, fort maltraité dans ce
second opuscule, avait soutenu que le chef de la patrone de
Paris n'existait plus dans l'église qui porte son nom , et il
avait inspiré des doutes sur cet article au roi Louis , fils du
roi Louis, c'est-à-dire, à Louis VII, fils de Louis VI. Ma-
nassès fut confondu, et le roi éclairé par la vérification solen-
nelle qui se fit en 1 1G2.
VI. /'7e de Garnier de ISIailly abbé de Saint Etienne de
Dijon. Garnier, lils d'Humbert de Mailly et d'Anne de Som-
bernon, fut élevé dans l'église de Saint-Etienne de Dijon, y
devint chanoine et finit par en être abbé. Il gouverna ce
chapitre depuis io32 ou io38 jusqu'en loSoou io5i, époque
de sa mort; et comme son historien nous déclare c^u'il écrit
plus d'un siècle après le décès de cet abbé, nous sommes
autorisés à supposer C[ue l'ouvrage qui nous occupe a été
composé vers 1 1()0. Il ne l'a même été qu'après 1 162, si les
chartes qui le suivent, et dont la dernière porte cette date,
V ont été jointes par l'historien lui-même; ce qui est assez
vraiscmblaiile. Car il a l'air de n'écrire cette vie que par
occasion ; il est principalement occupé des donations faites
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 5.99
à l'église et à la communauté de Saint -Etienne, des procès Xil SIECLE,
soutenus pour conserver ces possessions, en lui mot des
affaires temporelles de l'établiss^inent; et c'est par reconnais-
sance pour les bienfaits de Garnier, qu'il entre dans quelques
détails biographiques. Il ne fait d'ailleurs que recueillir de
simples traditions, il dit non ce qu'il a vu, mais ce qu'il a
ouï dire, audita ^ non visa rcferimus. Il se plaint fort de la
négligence des premiers successeurs de Garnier, qui n'ont
laissé aucune notice des donations reçues ou faites par cet
abbé : négligence cjui venait d'entraîner la perte de plusieurs
de ces biens. On peut conjecturer que l'écrivain dont nous
parlons était lui-même abbé ou prévôt de Saint-Etienne, et
qu'il a voulu éviter le reproche qu'il adressait à ses prédéces-
seurs. Du reste, il fait moins l'histoire cjue le panégyrique de
Garnier de Mailly: il commence même par un texte tiré du
psaume CXI, la mémoire du juste sera étemelle, et après une
digression qui n'est remarquable que par des erreurs de
chronologie, et dans laquelle il s'agit des rois de la troisième
race, de ceux de la seconde, et des maires du palais sous la
première, il divise son discours en quatre parties, attendu
que l'abbé Garnier possédait quatre vertus cjui sont la tempé-
rance, la justice, la continence, et la prudence. Mais il remplit
assez mal ce canevas, ainsi c[u'il en convient lui-même; et
son ouvrage, fort peu méthodique et souvent très obscur,
ne pouvait guère intéresser que l'abbaye de Saint-Etienne.
Fyot^ qui a publié en 1696 une histoire in-folio de cette
abbaye avec des pièces justificatives, n'a pas manrjiié d'y
comprendre celle dont nous venons de rendre compte. Elle Fvot, p. i,
avait été déjà imprimée en i644 parmi les pièces Servant à p-70ftsuiv.
l'histoire de Bourgogne recueillies par Estienne Pérard. Paris, iC,/, ,
VII. Fie de la bienheureuse Jngeluce , ou ])lutôt relation ^"3/°'' ^'' ''''"
de sa mort; car il ne s'agit guère dans cet opuscule que de la nrait. Anccd.
dernière maladie de cette religieuse de Fontevrault, et des t.iiî,p. 1703-
visions mystérieuses c]ui précédèrent son /^rt^^^^-e à unemeil- '''°'
leure nie : elle est ici appelée clerica , soit comme étant mère
de chœur , soit comme ayant fait de grands progrès dans les
saintes lettres. On remarque, parmi les personnes cjui envi-
ronnaient son lit de mort, madame Marguerite, cinquième
fille de Thibaud le grand , comte de Champagne , lequel
mourut le 8 janvier i iSa. Angeluce décéda le 9 octobre, il
n'est point dit de quelle année, mais probablement vers 1 160.
Il est à croire aussi cjue la relation a été rédigée dans le cours
6oo AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
XII SIECLE, flii même mois d'octobre par une religieuse de Fontevrault ,,
témoin oculaire de toutes les circonstances de cette mort. On
présume de plus que cet écrit est l'une de ces lettres circu-
laires appelées alors rotiili, qu'un monastère adressait à plu-
sieurs autres couvens, pour annoncer les décès et recomman-
der aux prières communes les âmes des décédés. C'est ainsi
sans doute que cet opuscule sera parvenu à l'abi^aye de Merci-
Dieu viist'ticurdiœ del^ où l'éditeur dom Wartenne l'a décou-
vert. Le monastère de Merci-Dieu, situé comme Fontevrault
c=ali. Cluisi. dans le diocèse de Poitiers, a été fondé en i loa; considération
"°r" '• ^^' !"• cju'on iDcut joindre à celles qui font croire que cette relation
n est pomt antérieure au milieu du Xll siècle. Nous y voyons
d'ailleurs qu'on récitait loffice canonial auprès du lit des
malades, qu'on administrait l'Extrême-Onction avant le Via-
tique, et que les religieuses présentes à la mort de leurs
sœurs leur donnaient l'absolution. Il n'est point dit, au
milieu de tant de détails, que la bienheureuse Angeluce se
soit confessée à un prêtre.
VIII. Relation des miracles de saint Agile , Aile ou Ayeul ,
abbé de Rebais au diocèse de Mcaux. Les cinq premiers
chapitres ont été composés dès le XF siècle. On y trouve
des miracles accomplis du temps du roi Robert qui régnait,
dit l'auteur, dans la Mérovingic, autrement appelée France.
L'anonyme ne se donne j)as pour témoin oculaire des faits
qu'il raconte , mais pour contemporain de quelques person-
nages décédés bien avant l'année iioo. Les six chr»pitres
qui suivent sont d'un autre rédacteur cjvii n'a écrit qu'au
XIF siècle, après la mort d'Adèle, comtesse de Blois, sur
laquelle s'était opéré le dernier des miracles qu'il rapporte.
Ces onze chapitres forment un premier livre : un second
livre est l'ouvrage d'un troisième anonyme, qui n'écrivait
ffu'en 1 162 ou. 1 164. On aurait déjà parlé des deux premiers
clans cette Histoire littéraire, s'il n'avait paru convenable de
les rapprocher du troisième , auquel appartient la plus
grande partie de cette relation. C'est lui qui nous fait con-
naître les guérisons miraculeuses opérées , du temps de
Manassès , évêque de Meaux , auprès d'une fontaine qui
depuis a porté le nom de Saint- Ayeul. L'auteur a vu l'itn de
ces miracles ; il a connu Brice , alors abbé de Rebais ; et ,
tandis qu'il composait son livre, ce monastère s'efforçait de
s'affranchir de la juridiction de l'évêque. C'était un peu avant
1166, époque oîi ce procès fut jugé contre les moines, par
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 60 1
un concile de Bcauvais qui les excommunia. Les deux, livres "xn siècle.
de cette histoire ont ëte plus complètement et plus exacte- Dupiessis .
ment imprimés dans le recueil des BoUandistes , qu'ils ne Hisi deMeaux,
l'avaient été dans les actes des SS. de l'ordre de Saint-Benoît ''^- ^"' "• ^*-
par Mabillon. ^ ^ p. ^87- 5*97"^
IX. Relation d'un miracle opéré par l'intercession delà Mab. t. u,
Vierge Marie au tombeau du bienheureux Milon , évêque de P- 5a6-3îA-
Thé rouanne , et auparavant abbé de Saint-Josse-aux-Bois.
Cette relation est adressée , en forme de lettre , aux religieux
de cette abbaye. L'auteur ne se fait connaître que comme
chanoine de Thérouanne , mais il écrit au moment même
où l'on vient de constater le miracle et d'en rendre grâce à
Dieu. Or le miracle est arrivé le a avril 1 163. Cette Relation
est imprimée au chapitre 20 de l'ouvrage de Ferri de Locres,
intitulé Maria Jugusta. Airebati.Mau
X. Deux Relations sur les reliques de saint Taurin, j„'_^la ' ' " •
évéque d'Evreux. Les reliques de saint Taurin, transférées
d'abord d'Evreux en Auvergne , l'ont été d'Auvergne au
monastère de Gigni , en Franche-Comté , lorsque ce monas-
tère était gouverné par saint Bernon , qui mourut en [527.
Ces deux translations sont la matière d'un, premier opuscule.
Le second raconte les miracles opérés par ces reliques , lors-
3u'on les promena dans les cantons voisins du monastère
e Gigni , en même temps qu'on y faisait une quête pour le
monastère incendié en 11 58. Les BoUandistes conjecturent
que ces deux relations nous viennent d'un seul et même
auteur, et qu'il était moine de Gigni. Mais il avait composé
la première avant 11 58; car il y atteste que, depuis que les
reliques de saint Aquilin et sur-tout de saint Taurin sont à
Gigni , elles ont préservé le monastère de toute mésaventure.
Dans la seconde relation, l'anonyme a tant de prodiges à
célébrer, qu'il ne daigne pas tenir compte des simples gué-
risons de lebricitans. Il est vrai qu'il n'a point vu de ses
yeux les miracles qu'il raconte, car il n'était pas du nombre
de ceux qui^ accompagnaient les reliques de saint Taurin ,
dans leur nSimorable promenade autour de Gigni. Mais il a
recueilli tous les renseignemens nécessaires ; et les détails
qu'il donne sont tellement circonstanciés , qu'on voit bien
qu'il écrit fort peu de temps après ces événemens miracu-
leux, et sur de très-bons mémoires. C'est du moins le juge-
ment qu'en portent les continuateurs de Bollandus , qui ont
inséré ces deux opuscules dans leur collection. On possède g/c'^ctg^" ^'
Tome XI H. Ggg
&
6o2 AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
XII SIECLE, aussi une légende de saint Taurin et une histoire de l'inven-
tion de ses reliques; mais ces écrits sont plus anciens, et
nos prédécesseurs en ont rendu compte au tome V de cette
P. 96. Histoire littéraire de la France.
XI. Vie de saint Lambert , évécjue de Vence. Ce saint
Gaii. Christ, mourut en II 54; et sa vie fut écrite peu d'années après,
nov. t. m, p. gj^ j jgg .^^ pjj^jg tard. Il Y a pourtant de l'inexactitude a dé-
clarer 1 historien témoin oculaire , ainsi que 1 ont tait les
Bollandistes : car il ne dit nulle part qu'il ait vu ni connu
saint Lambert ; il ne se donne pour témoin que des miracles
accomplis à son tombeau; et, lorsqu'il s'agit de ceux que
l'évêque de Vence opérait de son vivant, par exemple de
l'eau qu'il avait coutume de changer en vin , l'anonyme se
borne à citer le témoignage des personnes qui en ont bu,
dit-il, à plusieurs reprises. Mais, comme ces témoins, tant
clercs que laïcs , tous recommandables par leur probité ,
vivaient encore au moment oii l'auteur rendait compte de ce
3u'il avait appris d'eux, et qu'ils auraient immanquablement
émenti une narration infidèle, les Bollandistes en concluent
que l'historien n'a été ni trompé ni trompeur , et que , lors-
qu'il assure qu'il ne dira rien de douteux, rien qui ne soit
très-certain , il ne fait que se soumettre à une loi qu'il n'eiit
pas été en son pouvoir de transgresser impunément. II ne
parle presque point de la vie privée de saint Lambert, ni de
son administration épiscopale. L'ouvrage peut sembler trop
court , puisqu'il n'occupe que trois pages dans la collection
a6 mai , p. des Bollaiidistes : mais l'auteur annonce, dans son prologue,
/.58-460. |g dessein de ne raconter que des miracles, et il s'efforce de
rendre son langage digne d'un tel sujet. Il fait rimer le plus
qu'il peut les finales des membres de ses phrases : ces con-
sonnances étaient l'un des ornemens de la diction de ce
temps-là. Miles quidam famosissimus intererat , qui lumen
diii unius ocidi amiserat , et aqua illa oculuni cœcum tetigit,
et condnuo lumen quo caruevat , recepit.
XII. Miracles de saint Claude. Nous réunissons sous ce
titre commun trois écrits distincts : 1° un SÉmmaire qui
n'occupe qu'une demi-colonne dans la collection des Bollan-
6juin,p. 648. distes ; 1^ une relation des miracles du saint archevêque de
ibid.-p. 652. Besancon ; 3° une plus longue histoire de sa vie. L'auteur du
/ètV/.p.64:',- sommaire dit qu'il écrit cinq cent cinquante-quatre ans après
la mort de saint Claude : mais on ne sait trop si saint Claude
mourut vers 58 1 ou vers 696 ou en 7o3; on ne sait sur-tout
XII SIECLE.
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 6o3
quelle pouvait être , sur cette question , l'opinion de l'ano-
nyme, qui ne paraît pas fort habile en chronologie; et nous
n'aurions aucun moyen de déterminer l'époque de ce pre-
mier écrit, si la préface du second ne nous donnait lieu de
penser qu'ils sont du même auteur. Or la seconde pièce
{)arle d'une procession des reliques de saint Claude, dans
es lieux voisins du Mont-Jura, et désigne le règne de Fré-
déric (Barberousse) et le pontificat d'Alexandre ( III ), comme
l'époque de cette procession miraculeuse , et de la très-riche
quête dont elle fut accompagnée. C'était donc vers 1170,
lorsque l'hérésie des Vaudois commençait à se propager au-
tour de Lyon. Un mendiant, imbu de ces erreurs, fValdensi
traditione imbutus , toucha les reliques , et fut à l'instant
converti. L'historien, à la vérité, ne dit jamais qu'il ait vu
de ses yeux tous ces prodiges, et il paraît même qu'il n'était
pas moine de Saint- Claude : mais il écrivait fort peu de
temps après cette procession. Quant au troisième écrit,
placé par les Bollandistes avant les deux autres, c'est pro-
prement une vie de saint Claude, rédigée plus tard, et peut-
être après l'année 1200. Nous en parlons ici, à cause de sa
liaison avec les deux pièces précédentes , et pour n'avoir
point à revenir sur ce sujet. Le terme de prieur claustral,
et quelques autres traits de l'ouvrage, prouvent que la rédac-
tion n'en est pas très-ancienne, et suffisent pour réfuter la
conjecture de Jacques Chifïlet , qui la jugeait contemporaine
du saint : œvum sancti Claudii sapit. C'est une compilation Vesunt. p. 11,
faite vraisemblablement dans le monastère même de Saint- P'^g-
Claude, d'après les chartes et les monumens qu'on y avait
recueillis.
XIII. Relation des miracles de saint Adalhert, diacre et
patron de l'église d'Egmond en Hollande. L'auteur de cette
relation, moine de la même abbaye, parle d'une solennité
célébrée en ii43, et ajoute que plusieurs personnes, qui y
ont assisté, sont encore vivantes au moment où il écrit. Il
écrivait donc au XIP siècle, peut-être vers 1170. Son opus-
cule £t les additions qu'y fit au siècle suivant un autre
moine, se trouvent dans le recueil des Bollandistes, plus
complètement que dans les Actes des saints de l'ordre de
Saint -Benoît, publiés par D. Mabillon. L'anonyme dont nous
faisons ici mention ne rapporte que les miracles qu'il a vus
de ses propres yeux, ou qu'il tient de témoins oculaires,
hommes véridiques et vénérables , qui sont encore là pour
Gggga
aSjuinp. 104
- IIO.
6o4 AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
xn SIECLE, confirmer au besoin sa narration. « La gloire de saint Adal-
bert , dit-il , n'a nul besoin d'être rehaussée par des fictions ,
et son hfstorien ne voudrait pas se déshonorer par des men-
songes, lui qui ne cède qu'à regret aux instances qu'on n'a
cessé de lui taire pour le déterminer à prendre la plume. »
Il se donne pour un homme simple, tout-à-fait étranger aux
artifices de l'éloquence humaine. Ce n'est pas qu'il ne s'étudie
à orner ses écrits de consonnances ; mais il supplie le lecteur
de ne faire attention qu'à Tordre des faits et à l'importance
des miracles, qui sont en effet d'une très-grande force. Car
saint Adalbert a guéri un jeune homme empoisonné par sa
belle-mère ; il rendait la vue aux aveugles ; il arrêtait les
inondations.
XIV. Histoire des miracles de sainte Rictrude. C'est le
titre d'un ouvrage qui occupe près de trente pages dans la
p. 89-118. collection des Bollandistes (au 12 mai), et qui se divise en
deux livres. Le premier est une histoire abrégée de sainte
Rictrude, et jusqu'à l'an iioo du monastère de Marchienne
(au diocèse d'Arras), dont elle avait été la fondatrice et la
première abbesse. Le second livre continue cette histoire
jusqu'en 1 164 et même au-delà. Car, après un miracle opéré
en 1 1 68 , l'auteur , moine de Marchienne , en raconte quel-
aues autres qu'il ne date point , mais qui , se présentant les
erniers, semblent être les moins anciens. On peut donc
supposer que la rédaction de ce second livre n'a été terminée
c[ue vers 1 170 ou 1 172. L'anonyme donne le titre de major
(maire) à l'officier public que Galbert, quarante ans aupa-
ravant, n'appelait que lillicus. On peut recueillir aussi,
dans l'histoire de sainte Rictrude , des textes qui serviraient
à prouver que le dogme de la présence réelle et l'usage de
l'extrême -onction étaient établis au XIP siècle. L'auteur
emploie le mot de roncinum (Ronssin ou Roussin) pour
signifier un cheval.
Thes.Anecd. Hugucs II, abbé dc ce même monastère de Marchienne,
ni, 1709- mourut en ii58; et sa vie, publiée par D. Martènc, pour-
' ' rait bien être un second ouvrage du religieux qui a écrit la
vie de Rictrvide. C'est de part et d'autre le même goût , la
même diction , ce sont quelquefois les mêmes termes ; et
nous retrouvons ici des phrases entières de l'article qui con-
cerne Hugues II , dans l'histoire abrégée de l'aljbaye de Mar-
chienne. Au surplus, I auteur, quel qu'il soit, se donne pour
le confident très -intime, le conseiller le plus affide dç
t
AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS. 6o5
Hugues II, et se félicite de l'avoir détourné du projet d'ab- Ml SIECLE.
diquer sa dignité abbatiale. Il nous apprend que Hugues avait
eu, pour maître de philosophie à Laon , Robert dos Dunes,
qui depuis lut à Clairvaux le successeur de saint Bernard , et
qui s'était fort distingué dans les écoles par sa probité, ses
bonnes mœurs et sa science : Erat inter philosophantes vu-
probus et bononwi morum Rohertus tuin clericus , monachus
de Claid vaîle et ahbas secandiis, et in divinis antè claruerat.
XV. Lettre circulaire (Rotulus) annonçant la mort d'Yves,
abbé de Saint-Denys. Yves F"" gouverna , durant dix ans au
moins, ce monastère; et l'Yves dont il s'agit dans cet opus- Gaii, Chnst,
cule mourut au contraire fort jeune, decessil valdè juvenis , '^'°r '' ^^^' P
et ne fut abbé que pendant quatre ans. C'est donc Yves II ,
élu abbé de Saint-Denys en 1 169, et mort le 4 février i iy3. ^^''^- p- ^79'
Guillaume de Gap , son successeur immédiat , fut peut-être °'
le rédacteur de cette circulaire : on la pourrait attribuer aussi
à Jean Sarazin, autre savant moine de la même abbaye et
de la même époque. D. Martène a publié cet écrit ; nous y
apprenons qu'Yves avait copié de sa main toute la Bible, Anccd. 1. 1,
qu'il était versé dans la littérature sacrée et profane, qu'il !'• ^7»-
parlait avec grâce la langue latine et la langue vulgaire.
XVI. Eloge de IP^alon , moine de Hautniont [Wlimowlen-
sis), au diocèse de Cambrai, inséré au tome VI de la grande p i*»6-
collection de Martène et Durand. C'est encore une circulaire
{Rotulus)-, et celle-ci est de 11 76, Walon étant mort le
samedi saint, aS mars ii74i ou, suivant notre manière
actuelle de compter, en 1176 avant Pâques. En composant Gaii. christ.
cette pièce, j'obéis, dit l'auteur, à l'ordre de mon précep- "°^- '• uii P-
teur : Mihi satis est prœceptori paruisse ; d'où l'on peut con- '''''
dure que cet anonyme était un très-jeune moine ; et son style
recherclié, l'abus qu'il fait des expressions figurées, la lon-
gueur démesurée de son prologue confirmeraient cette con-
jecture. Ce mot de prœceptor peut néanmoins ne signifier
que maître ou supérieur.
XVII. P^ie de o. Goswin, abbé d'Anchin^ mort en 11 96,
selon l'ancienne France Chrétienne et selon le P. Lelong, T. iv, p. 73.
mais plus probablement en 116G, selon le Mire et Pasri. Sa , ^''''' ,'V-*'" 'î^
I, , ,1 . , , I- • 1- la Fr. edit. de
Vie a ete écrite par deux de ses religieux, sept ans, disent- ,^68, t. i , p.
ils , après sa mort. Ce serait en 1 173 ; mais il y a ici quelque 729 ^ "• 11662.
erreur : car ils écrivent sous l'abbé Simon, qui ne commença J^f n'^' ciu°n.
J 1 .^ J'A 1 • ' ^ t '1 ad an. 1 166, p.
de gouverner le monastère dAncliin quen 1174, après la 221.
mort d'Alexandre, successeur immédiat de Goswin. C'est Pagi,Crit.ad
an. 1 166, II. lin-
6o6 AUT. ANONYMES DE VIES DE SAINTS.
XII SIECLE, donc mal-à-propos, et sans avoir lu cet ouvrage, que les au-
j ni,p.4i2. teurs de la nouvelle Gallia Christiana l'attribuent, d'après
Moiaii.not.in Locrius et Molanus , à l'abbé Alexandre. Cette vie de saint
Usuard.6 oct. (^Qg-^yi,! ^ été imprimée à part, en 1620, à Douai; c'est un
Tini'rquieii°tt- petit in-8" , pubUé par Richard Gibbon, jésuite, et qui ne
nensisabbatisà contient rien de fort remarquable. Il est divisé en trois livres;
duobiis raona- jg premier commence par une dédicace avant pour inscrin-
ch:s ejusd. ce- . l „ . ti ' -^ -^ j i' ' l i- i
nobiiexarataet tiou : C)UO suus seipsum. 11 S agit eusuite de 1 éducation de
àRidiardoGib- Goswin , de scs disputcs coutrc Abailard, de son voyage à
bonoed. ; Dua- j'ajjljaye de Saint-Crespin de Soissons, de son retour à celle
in-8°!°"' ^ ' d'Anchin , dont il devint prieur claustral , puis abbé. On
voit , au second livre , comment un ange l'éveillait durant la
nuit pour prier Dieu, comment il connaissait les pensées
secrètes d'autrui; comment il a prédit sa mort, comment il
mourut en effet. Le troisième livre est un abrégé de la même
vie par l'autre auteur.
Avant de terminer l'article de ces anonymes du milieu du
XII*" siècle, nous ferons ici mention d'un ouvrage resté ma-
nuscrit, et qui n'est point une légende, mais une somme de
théologie , composé , ce semble , à la même époque , et dont
l'auteur n'est point connu. Montfaucon l'indique parmi les
Bibl.Biblioth. manuscrits de Saint -Germain-des-Prés, sous le titre de
mss. t. II, p. Siirnnia Theologiœ ex Augustino maxime collecta. Il en in-
^^ ihid.-a.M.. dique une autre, ou peut-être un autre exemplaire de la
même , sous le titre de Sum,ma theologiœ incerti autoris , col-
lecta ex placitis sanctorwn patrum ^ manuscrit de l'abbaye du
Bec. Les sommes théologiques ne remontent cju'au XIF siècle.
Celle-ci ou l'une de celles-ci pourrait avoir précédé le livre des
sentences de Pierre Lombard , et lui avoir servi de modèle.
D.
FIN DU TOME TREIZIE3IE.
v^.^^^^^^
k^-v-WV** «.^X^-V/V%.^X%
TABLE
DES AUTEURS
ET DES MATIÈRES.
A,
bailard condamné au concile fie Sens
en I14O1 P^gfi lîy' Lettres et Traité de saint
Bernard contre lui, ifiG , 167, 204, 2o5. H
se retire à Cluni , ^49^ a5o. Hommages que
lui rend Pierre -le-Vénérable , 255, 367. Ce
que dit de lui Othon de Frlslngue, 285. 11 a
pour disciple Robert de Meluii , 372 ; pour
adversaire , Gautier de Mortagne , 5l4'
AcuvBD , élève de l'école de Saint-Victor
à Paris, est fait al)bé de la maison l'an il 55,
454. Élu évéque de Seez l'an 1 157, est rejeté
parle l'oi d'Angleterre, ibitt L'an 11 60, est
fait évêque d'Avranches avec l'agrément du
roi, meurt en 1171, ibid. Ses lettres, 455-
Ses sermons , ibid. Traités de la division de
l'esprit et de la Trinité , ibid.
AcuiRD , maître des novices à Clairvaux,
410. Ses sermons sont perdus, 4"- On lui
attribue une Vie de l'hermite Gezelin , rédi-
gée par le moine Herbert, 410 — 4'*-
Adalbéron , archevêque de Trêves. Intérêt
que prend à lui saint Bernard , 161 , 164.
Adalbert {S.), diacre hollandais. Relation
de ses miracles, 6o3 , 604.
Adam, moine de Morimond, déserte cette
abbaye , 1 5o.
Adélaïde , ou Gertrude , duchesse de
Lorraine. Sa correspondance avec saint Ber-
nard, i58 , 568, 569.
Adrien IV, pape, né anglais, s'appelait
Nicolas Breakspeare, 287, 435. Chanoine,
prieur, abbé en Finance, 288. Cardinal et
souverain pontife, ibid. Son zèle contre Ar-
nauld de Bresse , ibid. Ses lettres , 28g — 297.
Il n'était pas frère de Jean de Salisbury ,
289. Il se brouille et se réconcilie avec
Guillaume-le-Mauvais , roi de Sicile, 290.
Il accueille mal Foucher, patriarche de Jé-
rusalem , ibid. Ses démêlés avec l'empereur
Frédéric Barberousse , 290 — 2g3. Il désap-
prouve les croisades , 2g5. Sa mort en u Sg ,
198. Il écrit à Godescalc, évêque d'Arras ,
470.
Adriem, prévôt de l'église delHaubeugei
rédacteur d'un procès verbal de la Transla-
tion des reliques de sainte Aldégonde, 4i3,
414.
Agapit, pape. Boiteux et muet qu'il gué-
rit, II.
Agilf ( J.) , abbé de Rebais. Sa vie , 600 ,
601.
Aiineric , chancelier de la cour de Rome.
Lettres que lui adressent saint Bernard, i53,
l55, 161 , et Pierre-le-Vénérable, 2 54, 255.
Alain , évêque d'Auxerre , historien de
saint Bernard , 129.
A1.BÉBIC, cardinal évêque d'Ostie, né au
diocèse de Beau vais, embrasse la vie monas-
tique dans l'ordre de Cluni , 73. Est fait
prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris ,
puis de Cluni , 74. Pourvu de l'abbaye de
Vézelay l'an i i3i , assiste au concile de Pise
l'an 1 134 , ibid. Créé cardinal évêque d'Ostie
par Innocent II, est envoyé légat en Anole-
lerre l'an ii38, et tient un concile à West-
minster, 75. De-!à il se rend au concile de
Latran de ii39, et part en qualité de légat
pour l'orient, où il assemble, l'an 1141, un
concile à Antioche et à Jérusalem , ibid. En-
voyé légat en France par Lucius II , pour
réprimer l'hérésie , 75 , 92 ; il va à Toulouse
l'an 1145, et non 11 47, avec saint Bernard
et l'évêque de Chartres , prêcher contre les
Henriciens , 75. L'an 11 47, il accompagne
Eugène III allant à Trêves , et meurt l'année
suivante à Verdun , se rendant de Trêves à
Reims pour le concile indiqué à la rai-carême,
76. Honoré comme un saint par saint Ber-
nard , il n'est pas exempt de reproches en
sa qualité de légat, ibid. Ses lettres, 77. Son
neveu Macaire , 3i3.
Albéron de Monsterol , archevêque de
Trêves , était lorrain. Princier et archidiacre
de Metz , et pourvu d'autres bénéfices avant
de parvenir à l'épiscopat, 121. Fait levoyage
de Rome vers l'an iii5,pour procurer à la
ville de Metz un évêque catholique, ibid.
Es; sacré par le pape archevêque de Trêves ,
l'an ii32, 122. Part l'an 1137 avec l'empe-
6oS
TABLE DES AUTEURS
leur Lothaire, pour faire la guerre au roi
de Sicile , et réplacer sur son siège le pape
Innocent II, qui, par reconnaissance, le
nomme légat en Allemagne, ihid. Ayant en-
couru la disgrâce du pape , est obligé d'aller
à Borne l'an ii^t , rendre compte de sa con-
duite, ibid. Vient à Paris, l'an ii475 trouver
Eugène III , et obtient de lui qu'il ira à
Trêves célébrer un concile , ibid. Assiste au
concile de Reims de l'an 1 148 , et forme des
préteiitions sur la primatie des deux Bel-
giques, 123. Sa moit ariivée le 18 janvier,
Ii52 , ibid. Ses lettres , ibid. et suiv.
.flèche, mère de saint Bernard, iSa , îSi.
Alexandre III ^ pape. Ses lettres à Guil-
laume Vît, seigneur de Montpellier, SsS ;
à Louis VII , en lui envoyant Godefroy ,
évêqne del.angres, 35o ; à Gilberl-le-Grand,
332. Il approuve la retraite de Godefroy à
Clairvaux, 35o. Il confirme les statuts des
cbevaliers de Calatrava, 332. Il consent à
l'abdication de Godescalc , évêque d'Arras,
470. Il réprime les désordres d'Ervisius,
abbé de Saint-Victor , 473 , 474- H casse
l'élection de Drogon à l'arcbevécbé de Lyon ,
670, 571. — Pierre de Pise, agent d'Alex. III
en France , 582 , 583.
Alfrius , poète français , auteur de la tra-
duction en vers d'une S ie de saint Antoine,
114.
Alphès ( Isaac). Son ouvrage sur le Tbal-
mud ,101. Rabbins qui l'attaquent , rabbins
qui le défendent, 102 et note a. Inscription
mise sur son tombeau, 102.
Alphonse Jourdain , comte de Toulouse.
Transaction qu'il fait avec l'archev. d'Arles
sur des différends anciens, 237.
Alvise, abbé d'Ancbin, puis évèque d'Ar-
ras. Examen d'une opinion selon laquelle il
était frère de l'abbé Suger, 71. Étant prieur
à Saint-BeKin , il fut promu à l'abbaye d'An-
chin l'an iiii, ibul. Fait évèque d'Arras
l'an Ii3i, il part'pour la Terre-Sainte l'an
1 147 , avec le roi Louis-le-Jeune , et meurt
a Philippopoli le 6 septembre de la même
année , 72. Lettres relatives à son adminis-
tration, par lui recueillies, ibid.
AittiURY 1", roi de Jérusalem. Ses lettres
à Louis-le-Jeune, 48g et 490. Autres lettres
de ce prince, 490 ^t 491- Uate précise de sa
mort, 49 1- Secouis et protection qu'il ne
cessa d'accorder aux lettres , ibid.
Amédée (le Bienbeureux ) , seigneur de
Hauterive , moine de Bonuevaux Sa vie,
597-
Amédée, évêque de Lausanne, fils du pré-
cédent , 597.
AifDRÉ, chanoine régulier de Saint-Victor
à Paris. Ses commentaires sur l'Ecriture
Sainte , 408.
Angeluce'{\A Bienheureuse). Relation de
sa mort, 599, 600.
Ania'ne. Satisfaction donnée à l'abbaye
d'Aniane, dont un des hommes avait été
tué, 236-, 298.
AivoHYME , auteur d'une élégie sur le
mauvais succès de la croisade du roi Louis-
le-Jeune , pour animer les Français à tirer
vengeance de la perfidie des Grecs, 88. Idée
de cet ouvrage , 89.
Akoayme , auteur d'une petite pièce de
vers pour célébrer les grands hommes de
la Belgique , qui , dans la première croisade ,
se distinguèrent à la Terre-Sainte , et y for-
mèrent ties établissemens , 90.
A^oNYME, auteur d'une notice historique
sur l'église de Saint-Eugène de Vioux, au
diocèse d'Alby. Examen critique de cet
écrit, 387 — 389.
Anonyme, auteur de la légende de sainte
Carissime , ouvrage indigne de confiance ,
383.
Anonyme, auteur des Actes du concile
de Lombcrs dans l'Albigeois , contenant la
conférence qui eut lieu l'an ii65,et non
1177, entre les évêques et les hérétiques
du pays, avec le jugement prononcé contre
eux, 390.
Anonyme , auteur de la Relation d'un
conciliabule, tenu l'an 11G7 à Saint-Félix
de Caraman dans le Toulousain , par des
sectaires , sous la présidence d'un chef
nommé Ni(juinta , pour ériger des évêchés
de leur secte , et faire la démarcation des
diocèses, 39t.
Anonyme , auteur d'un écrit ayant pour
titre Draco-Normanniciis, contenant l'histoire
des Normands depuis leur arrivée en France
jusqu'à l'an 1168, 392. Ouvrage perdu dont
on suppose qu'Etienne de Rouen , moine du
Bec , pourrait bien être l'auteur, 393.
Anonyme, auteur de l'Histoire des évêques
et des comtes d'Angoulême. Examen critique
de cet écrit , 307 et suiv.
Anonymes , auteurs de généalogies des
rois de France. Généalogie de saint Arnoul ,
évèque de Metz, 332. Généalogie de Char-
lemagne, 333. Généalogies des familles issues
par les femmes, des rois de la troisième race,
334 et suiv.
Anonitme, auteur d'une Vie abrégée de
l'empereur Charlemagne, ayant pour titre :
Micrologtis de l'itâ Caroli Magni., 385.
Anonyme , auteur de la Chronique de
Sainte-Colombe de Sens, 5io et suiv.
Anonyme , traducteur de plusieurs ou-
vrages du pape Saint -Grégoire, voyez Gré-
goire.
Anonyme, traducteur des livres des Rois
et des Machabées, voyez Rois.
Anonyme, auteur des Coutumes de la
ville de Laon , voyez Laon.
Anonyme, auteur des jugemens d'Oléron,
vovez Oléron.
Anonyme, auteur d'un traité contre les
Juifs , voy ez Juifs.
ET DES MATIÈRES.
609
Anonyme, auteur d'une instriiclion sur
la manière dont on doit lire l'Ecriture Sainte ,
4i5.
Anonymes , auteurs de Vies de saints et
de saintes, 373 — ()o6.
jénrotiin ( Saint ) de Pamiers. Légendes
qui le concernent, 5g3 — SflS.
yipolo^ie des Clunistes par Pierre-le-Véné-
rable , îSi , 353.
ApostoViques. Titre que se donnaient les
disciples de l'hérésiarque Henri, 91, 94.
Archœologia , recueil de mémoires de la
société des antiquaires de Londres, 60.
Archambaud , sous-doyen de l'église d'Or-
léans , assassiné, lOo.
Ardiitivii , évéque de Genève, réprimandé
par saint Bernard, 1.58, 159.
Arles. Statuts sur les consuls de cette
ville, sur la police intérieure, et sur \Au-
sieurs objets relatifs à l'administration de la
justice, 238 et suiv. Sermens que les consuls
doivent prêter à leur installation, i^o.
Ahsiuld, abbé de Saint-Plerre-lc-Vlf à
Sens , zélé pour enrichir la bibliothèque de
son monastère, Sg. Ses lettres, ibid.
Arnaud de Bresse^ i6t>, ii\y. Sa mort, 2 38.
Arnauld ou Ernanïd de Bonncval , auteui-
d'une Vie de Saint-Bernard, lig; et d'un
traité sur l'œuvre des .six jours, 214.
Arnoiil y abbé de Moriuiond , quitte ce
monastère , et entraîne dans sa désertion
plusieurs religieux, i5o.
Arnould, prieur de Saint-Thomas d'Am-
boise , auteur d'un traité du comput ecclé-
siastique, 584.
Arttis, roi de la Grande Bretagne. Relation
de l'invention de son corps , 4^0 , 4^^ ' •
Assemblées de Bourges, 349, '^'^°- — ^^
Chaitres en ii5o et non 1146, 142, ^45,
a4''î 2 5i. — D'Etarapes en ii3o. Innocent II
V est reconnu pape , i35. — De Vezelai, Saint
Bernard v prêche la croi.sade, 140.
Assises de Jérusalem, recueillies par ordre
de Godefroi de Bouillon , 94. Quel en fut
le rédacteur, 95. Augmentations et modifi-
cations faites successivement aux Assises de
Jérusalem , ibid. Nouvelle rédaction au temps
de Saint Louis, ibid.
Astrolabe y fils d'Abailard et d'Héloïse, 255.
Alton y évéque de Troyes. Lettres à lui
adressées par saint Bernard , i53 ; parPlerre-
le-Vénérable , 253.
Az.vLAis ou Adélaïde de Porcairagues ,
femme poète, aime le chevalier Guy Guer-
rejat. Une seule de ses chansons s'est conser-
vée. Morte vers 1170 , 4*2.
B.
Basile , huitième prieur de la Grande
Chartreuse. Sa correspondance avec Pierre-
le-Vénérable , avec Pierre de Celle ; son
Traité de la vie solitaire, 579 , 58o.
Tome XIII.
Basnage. Quelques erreurs de cet écrivain,
5, fi.
Biililde (Sainte), épouse de Clovis II , fils
de Dagobert. L'auteur de sa vie écrite en
latin et traduite en français p.ir Lambert de
Liège , se dit contemporain des faits ; on ne
lui doit pas cependant une foi sans réserve,
114.
Bauduin II, évéque de Noyon , partisan
de Thomas BecUet. Ses lettres à Suger , à
Louis VII, à Eugène III, à Alexandre III,
573, 573.
Bnyle. Ce qu'il dit de saint Bernard, 23r.
Béchin. Vovez Pierre.
Becket , ou saint Thomas de Cantorbéry,
disciple de Robert de Melun , 372. Sa cause
défendue par Gilbert dit le Grand, abbé de
Cîteaux , 382 , 383 ; par Bauduin II , évéque
de Noyon , 572 , 573; par Simon, prieur do
la chartreuse du Mont-Dieu , 5-7, S78; par
Etienne, archevêque de Bourges, 58i; par
Guillaume de Cherbourg, Sgî. Ce que Becket
écrit à Henri de Blois, qui l'avait sacré, 45y.
Sa vie , traduite en vers français par P. Lon-
gatosta ,471.
Benoit de Sainte-Maure , poète anglo-
normand. Chargé par le roi d'Angleterre
Henri II de traduire en français l'Histoire
des ducs de Normandie , publie son travail
après celui de Robert Wace sur le même
sujet. Ce poème est en manuscrit à Londres ,
dans la bibliothèque Harléienne ; M. de la
Rue l'a fait connaître. — Benoît est auteur
de la Guerre de Troie, autre poème, 423.
Plusieurs manuscrits de ce dernier poème
scmt à la bibliothèque Impériale. — Erreurs
de nos bibliograjîhes à son égard. — Pro-
logue du poème de la Guerre de Troie , 424.
Idée du poème et citations, 42?. Traduction
en prose française. — Version en grec, 428.
BérPtis;ery disciple d'Abailard. Ce qu'il dit
des écrits de saint Bernard, 190, 2i().
Bernard (Saint). Auteurs qui ont écrit
sa vie, 129 — 132. Sa naissance, son éduca-
tion : il embrasse l'état monastique, i32,
i33. Il devient premier abbé de Clairvaux ,
t33. Fonde les monastères de Fontenay et
de Trois-Fontaines, i34. S'occupe des démê-
lés entre Louis VT et les évêques de Pans et
de Sens, i34, i35. Se déclare pour Inno-
cent II contre Pierre de Léon , fait prévaloir
le premier dans l'assemblée d'Etampes, i35 ,
i3fi. Voyage en Italie et en Allemagne, re-
fuse des évêchés, i35, i36, i38. Accom-
pagne le légat Geoffroy en Aquitaine , fonde
avec lui l'abbaye de Busay , menace le duc
Guillaume, 137. Second voyage de Bernard
en Italie. — Son zèle contre Roger, duc de
Sicile , protecteur de Pierre de Léon. — Ex-
tinction du schisme, i38. Bernard s'oppose
à la consécration d'un ciuniste élu évéque
de Langres , et fait nommer Godefroi , i38,
349. Il détermine le concile de Sens à con-
Hhhh
6io
TABLE DES AUTEURS
damner Ab.ijlaid, iZg. Rétablit un arcliev.
de Bourges, dt'sagréablf h Louis VII, il>id.
Epouse les intérêts de Tbibaut, comte de
Chamjjagnc , ibù/. Est maltraité par Inno-
cent II , sa créature , ibit/. Confiance que lui
accorde Eugène III, 140. Croisade, prédi-
cations de saint Bernard à Vezelay , en Alle-
magne , etc. 140 — i4a. Il combat les opi-
nions de Pierre de Bruis, de Henri, de
Gilbert de la Porée ,142. Reçoit à Clairvaux
Eugène III et jMalachie, primat d'Irlande,
làiil. Assiste à l'assemblée de Cliartres en i i5o,
et noir en ii4^, iOid, Sa maladie et sa mort
en ii53, i43 ,i44-=Ses lettres, 144 — 178.
En faveur d'Etienne , évêque de Paris , et
de Henri , arcbev. de Sens , contre Louis VI
et contre le pape Honorius , i54, i55- En
faveur d'Innocent II, contre Pierre de Léon
dit Anaclet, 1 5q , if'O. A Innocent U, ifio,
iGi. Contre Abailard, 166, iSy. A Eugène III,
17Î, 174- A Louis VII, 175. =Ses fermons,
178 — iy5. Sur les fêtes de l'année ecclésias-
tique, 179 — i83. Sur la Vierge Marie et
sur les Saints , 83 — i85. Sur divers sujets,
185 — 187. Sur le Cantique des caittiques,
187 — IÇJ2. Saint Bernard prêchait-il en
français? 192 — ii)4==Ses traités, lyS —
an. Des degrés de l'Humilité et de l'orgueil,
195 — 197. De l'amour de Dieu, 197. Sur
les Clunisies, 197 — 199. Sur les mœurs et
les devoirs des évèqnes, 199. Sur la grâce
et le libre aibitre, 200 — 202. Sur les Tem-
pliers , 202 , 2o3. Sur le Baptême , 2o3 , 204.
Contre Abailard, 204, 2o5. Du Précepte et
de la Dispense, 2o5 , 20G. — Vie de saint
Malacliie , 20(1 — 208. De la Considération,
209 — 211. Sur le Chant ecclésiastique, 211.
= Ouvrages mal-à-propos attribués à saint
Bernard, 211 — 2 17. ^ Editions et traduc-
tions de ses œuvres, 217 — 229.
Ce qu'il a écrit pour et contre Pierre-le-
Vénérable, 247, 248- Lettres qu'il a reçues
de celui-ci , 261 , 252. Ce qu'Otbon de Fri-
singue dit de saint Bernard, 281, 282. Est-
ce a saint Bernard que sont adressés les six
livres de Richard de Saint-Victor sur la Tri-
nité? 479 1 480. Correspondance de Bernard
avec Adélaïde ou Gertrude , duchesse de
Lorraine , i58 , 568 , 569. Avec Henri,
évêque de Troyes , 57!), 577.
BtRîf \RD , surnommé de Moellau ou Moe-
lan , était breton , frère de Tbierri ; l'un et
l'autre professeurs à Paris ou à Chartres ,
07(1. Bernard était chancelier de cette der-
nière église l'an i i5g, lorsqu'd fitt fait évêque
de Quimper, ibiii. Il mourut l'an 1167, le
22 août, ibiti.
Bebhard , évêque de Saintes. Ses statuts ,
590.
Bebirasd de Blanchefort ou de Blanque-
fort, grand maître des Templiers. Sa famille,
400. Ses lettres, 4<Ji . 402.
Bosimm (Hér''bert de), auteur d'une Vie
de Thomas de Cantorbérj , écrite en latin,
traduite en vers français, par Pierre Longa-
tosta , 471.
BuRCHARD , abbé de Balerne. Sa piété
louée par saint Bernard, 323. Sa lettre à
Nicolas de Clairvaux, 323, 324- Ce qu'il
ajoute au premier livre de la vie de saint
Bernard , 324*
Cadnrque , compétiteur de Pierre de la
Châtre pour l'archevêché de Bourges, 447-
Ce qu'écrivait de lui Pierre de la Châtre à
Louis-le-Jeune , 45 1.
Cantiqtte des cantiques expliqué par saint
Bernard, 187 — 192. Par Gillebert, 188, 212.
<7a/)ef (Hugues). Origine de ce surnom,
335.
Cèlestm II , pape. Lettres que lui adressent
saint Bernard, 147, 167 ; et Pierre-le-A'é-
nérable, 25o. Lettre de ce pape à Guillaume
VI, seigneur de Slontpellier . 325.
Chant ecclésiastique , 2 1 1.
Clim-al , monastèie fondé près de Milan
par saint Bernard, i36.
Chevaliers de Calalrava. Leurs statuts rédi-
gés par Gilbert , abbé de Citeaux , approUTes
par Alexandre 111 , 382.
Chrétien, moine de l'Aumône, auteur
de Visions , 584-
Chorier , historien du dauphiné , vengé
des reproches à lui faits par Maupertuis et
Charvet, historiens de l'église de Vienne,
33o.
Citeaiuc. Privilèges que cette abbaye ob-
tient d'Innocent 11 , réclamation des Clu-
nistes, 243 , 249.
Clairvaux , voyez S. BerkaRD. Vers en
l'honneur de Clairvaux par Richard, moine
de Grandselve, 586.
Claude (S.). Trois écrits sur ses miracles,
60a , 6o3.
Clérac. Son édition des jugemens d'Olé-
ron , 97, 98. Sa dédicace à la reine, mère
de Louis Xl\ , ibid.
Clergé. Censure de ses mœurs par saint
Bernard , 181 , 190, 201 , 203 , 207 , 209.
Cluni (Abbaye de). Reconnaissance que
lui devait le pape Innocent II ; comment il
s'en acquitte, 79, 243. \oyez Saint 'Berlin
(abbave de) et Pierre-le-Vé»érable.
Communes. De leur établissement , 47. De
la commune de Laon en particulier, et de
la charte de Louis-le-Gios en sa faveur, ibid.
Plusieurs villes demandent et obtiennent les
mêmes concessions , ibid. Troubles que la loi
du roi avait causés à Laon, 48. Analyse de
cette loi, 48 et suiv.
CoHON , cardinal évêque de Palestrine ,
était parent ])ar sa mère de Brunon , évêque
de Toul, puis pape sous le nom de Léon IX,
3o. Était en Angleterre à la mort de Guil-
ET DES MATIERES.
laume-le-Conquérant , 3i. Fixé en France,
il jette les premiers foiidcmens de l'abbaye
d'Arouaise, ibid. Assiste l'an 1107 au concile
de Troues, célébré par le pa])e Paschal II,
et l'aniiée d'après est fait cardinal évèque de
Palestrine, ibid. Etant en orient l'an iiii ,
il assemble à Jérnsalrm un concile dans
lequel il excommunie l'empereur Henri V,
pour avoir fait violence au pape, ibid. Assiste
au concile de Latran de l'an iiij, 32. En-
voyé en France en qualité de légat, il assem-
ble des conciles à Beauvais, à Soissons , à
Reims, à Cologne, à Chàlons-sur-IVIarne ,
pendant les années 11 14 et 11 15, ibid. As-
siste au concile de Rome l'an 1 1 16 , et de-là
est envoyé légat en Allemagne, 33. Assemble
deux conciles à Cologne et à Frizlar contre
l'empereur, 34- Refuse la papauté après la
mort du pape Gélase, ibid. Guy, archevêque
de Vienne , ayant été élu pape, Conçu est
envoyé annoncer cette nouvelle au roi Louis-
le-Gros, 35. Il parcourt ensuite la France
avec le pape Calixte II , jusqu'au concile de
Reims de l'an 1 1 19 , ibid. Après le départ du
pape pour l'Italie, il continue sa légation
en France , tient un concile à Beauvais et un
autre à Soissons contre Abailard , 36. Re-
tourné en Italie, y meurt l'an 1122, et non
l'an II 17, ibid. Ses lettres ou décrets, Sy
et suiv.
CoNSTvNTiN , prieur d'Hérival , auteur de
statuts cénobitiques , 58(i.
Contributions personnelles ou réelles envers
le roi on les seigneurs, 49 , 5o.
Coutumes. Voyez. Communes y Laon j Léonins
«u Léon , Poperingues.
Crimes. Poursuite et punition de divers
crimes et délits , 48 , 49- Punition des injures
à Laon , 49- Compositions pour les crimes,
ibid. Jugement de Dieu, ibid.
Croisades. Celle de 11 47, 14° — '{3, 209,
:>io, s8i , 349, 35o. Croisade projetée en
n5o, 142, 174. Croisades désapprou\ées
par Adrien IV , 2g5.
D.
Dopifère. Voyez Sénéchal.
David , poète anglo-normand , avait écrit
en vers la vie de Henri I , roi d'Angleterre ;
ee poëine s'est perdu. Contemporain de Geof-
froi Gaymar, qui a fait son éloge, titi.
/)/e ( comtesse de), femme poète, dont le
troubadour Rambaud d'Orange fut amou-
reux , 472.
Démêlés entre Cîteaux et Cluni , i36, ig8 ,
199 , 242 , 249 , ^52 , a53 , 255. Entre
Adrien IV et Frédéric Barberousse , 290 —
293.
Drogon élu archevêque de Lyon ; son
élection cassée ; lettres qu'il écrit à ce sujet
au roi Louis VII , 370 , 371.
01 1
Drogon, chanoine de Ham. Son caractère,
546.
E.
Écriture sainte. Auteur anonyme d'un traité
sur la manière dont ou doit la lire, 416 et
suiv.
Eléonore d'Aquitaine. Lois maritimes ducs
à cette princesse, 96 ,101. C'est à tort qu'on
les attribue à Richard F', roi d'Angleterre,
son iils, 96, 97. Vo^'CZ Jugeinens d'Otéron.
Ei'HRAiM. Ecrit de ce rabbin contre un
ouvrage de Zérachias , lévite, dans lequel
était attaqué le livre d'Alphèssur leTalmud,
loi , ro2.
Epidémie à Cluni , 24^ , a54.
Épitres farcies. Origine et signification de
ce mot, 108. Se qjiantaient à la fêle des Fous.
Epiire pour la fête de saint Etienne , exem-
ples , loy. Pour saint Thibaud de Provins,
exemples, iio. Les Kjrie , les Christe eleison
étaient aussi farcis, se chantaient encore à
Auxerre au commencement du X VIIF' siècle,
1 1 r.
Ervlsius y abbé de Saint -Victor à Paris,
introduit dans ce monastère des désordres
que réprime Alexandre III , 473 , 474-
Etienne, évêque de Paris. Ses démêlés avec
Louis-Ie-Gros , i34.
Etienne de Garlande. Voyez Carlande.
ETrE^•^E, archevêque de Vienne en Dau-
phiné , mal-à-propos confondu avec Etienne
de Bar, évèque de Metz, 32g. Condamné
dans un concile tenu à Belley sur plusicur.'»
chefs d'accusation , se pourvoit par appel à
Rome, ibid. Cité, vers l'an 114^, à compa-
raître devant le légat Alberic , évèque d'Os-
lie, est condamné par défaut à perdre son
siège, ibid. Se retire à Saint-Ruf, dont il
était chanoine avant son épiscopat , ibid.
Assiste l'an ii5o, au nom de l'archevêque
de Lyon , à l'assemblée de Chartres , convo-
quée par l'abbé Suger , 33o. Est rétabli sur
son siège l'an 1 1 5(i par le pape Adrien IV,
33l . Meurt l'an 1 1()4 , ibid. C'est à lui qu'Hé-
rimanne de Tournai adressa un traité de sa
composition sur l'incarnation du verbe , ibid,
Eiicnne , comte de Boulogne, couronné
roi d'Angleterre par Guillaume de Corbeil ,
57. Ses démêlés avec son frère Henri de
Blqls,457, 458.
Etienne, évêque de Meaux, archevêque
de Bourges, écrit à Alexandre III en faveui-
de Thomas Becket , 58o, 58i.
Etienne, abbé de Cluni. Ses lettres à
Louis VII, etc. 58i, 582.
Eugène IIL Son élection à la papauté ,172.
Lettres à lui adressées par saint Bernard ,
173, 174; par Pierre - le -V énérable , 25o.
Lettres d'Eugène aux évêques d'Allemagne,
282 ; à Guillaume VU, seigneur de Mont-
pellier, 327. 11 retire à Henri de Blois la
II h h h î
6l2
TABLE DES AUTEURS
commission de légat apostolique , 458. I!
excite et loue le zèle de Godescale, évêque
d'Arras , contre Gilbei t de la Poiée , 469 ,
470-
Kvebard ou Evrard , moine et poète fran-
çais, auteur d'une traduction en vers des
distiques de Caton : son ouvrage inconnu à
nos hililiograplies, et cependant conservé
à la Biltliothèque impériale. 11 écrivait avant
I145. Citations de sa traduction, jointes au
texte latin, 68 et suiv. Il est le premier qui
ait croisé les rimes, et donné quelque régu-
larité aux strophes , 70.
Eveniii , abbé de Stcinfeld. Son zèle contre
les hérésies, 192.
F.
Fece des Fous , était scandaleuse , se célé-
brait à Paris le jour de la Circoncision ;
supprimée per une charte d'Odon de Sullv,
108.
Fhretas y poème latin théologique et mo-
ral , mal-à-propos atli ihué à saint Bernard ,
ai6 , 217.
Folcarri , religieux de saint Berlin. Il écrit
une vie de ce saint, que Tabbé Simon met
ensuite en vers , Si.
Fo/ciiin , religieux de Saint-Bertin , dans
le X' siècle Son ouvrage sur ce monastère,
80. Par qui l'ouvrage fut ensuite continué ,
81.
Forannan ( S. ). Sa vie par Robert de Wa-
sor, 5 1(3 , 517.
Frédéric Barberotisse , empereur. Othon de
Frisingue , son oncle, lui dédie une chro-
nique , 270 ; et compose deux livres sur
l'histoire de cet empeieur lui-même, 278 —
285; ouvrage continué par Radevic , 2S3.
Lettres de Fi-édéric Barberonsse à Othon de
Frisingue, 278, 282. Démêlés de Frédéric
avec Adrien IV, 290 — 293. Hugues de
Trasan,abbé de Cluni , se réfugie auprès
de Frédéric ,571.
G.
Galane , habile fourbisseur au XII' siècle ,
355.
G.iRUHDE (Etienne de), nommé très-
jeune encore, et sans être dans les ordres,
évêque de Beauvais, io5. Réclamation faite
avec succès contre cette nomination , io(>.
Ce qu'il tente , mais en vain , pour être
évêque de Paris , ibiJ. Chancelier du royaume
sous Philippe I'"^ et sous Louis-le-Gros, ite/.
Autres grandes fondions qu'il exerça pa-
reillement , 1&7. Ce qu'en dit saint Bernard,
ibid. et i52.
Cariatide ( Guillaume de ) , sénéchal ou
grand mailre de la maison du roi , io5. Trois
de ses fils, Anselme ou Anseau , Guillaume
et Etienne (celui dont nous venons de par-
ler) le remplacent successivement dans cette
haute dignité, 107.
Garnier de Mailiy , abbé de Saint-Etienne
de Dijon. Sa vie , 598 , 599-
Garnier , sous-prieur de Saint-\ ictor de
Paris, mort l'an 1170, 4o9- Auteur d'un
Grcgorianum ou commentaire de l'écriture
d'après les écrits de saint Grégoire-le-Grand,
ibid. On cite du même auteur un ouvrage
ayant pour titre Regimen sanitatii ^ ^\o,
Gauthier de Mortagse , flamand et
docteur, maître de Jean Salisburv, devient
évêque de Laon, 5ii , 5i2. Auteur de six
traités ihéologiques , 5i3; l'un adressé à
Abailard , 5i4; un autre à Hugues de Saint-
Victor , 5i5. Lettre de Gautier à Alexan-
dre III, 5i5.
Gaymar (Geoffroi), poète anglo-nor-
mand, auteur d'une histoire des Rois saxons
en vers français, 63. Peines qu'il se donne
pour lasscmbler les matériaux de cette his-
toire ; son ouvrage est plus ancien que le
Brut de Robert W'ace. Il commence par la
conquête de la Toison d'or. Lacune qui s'y
trouve, et qui fait penser que l'auteur avait \
a\issi écrit une histoire des rois d'Angleterre.
Sources dans lesquelles Gaymar avait dû
puiser , 64. Son histoire des rois anglo-
saxons ne s'étend que jusqu'il Guillaume-
le-Roux. Morceau tiré de ce poëme , 65.
Geneviève ( Suinte). Deux relations qui la
concernent , 598.
Génois ( les ). Accueil qu'ils font à saint
Bernard, i36. Lettre qu'il leur adresse,
159 , 160.
Geoffroi de Lèves, évêque de Chartres,
succède l'an i i 16 à l'évêque Ives , 83. Re-
connaît le privilège de l'abbay e de Vendôme,
ihid. Assiste l'an 1 121 au concile de Soissons
contre Abailard , 84 ; et au concile de Char-
tres de l'an 1 1 2 4 , ibid. Accompagne l'an 11 27
Etienne de Senlis , é> êcpie de Paris, allant à
Rome plaider sa cause contre l'archidiacre
Notier , ibid. Seconde le même prélat pour
triompher de l'archidiacre Etienne de Gar-
lande appuyé par le roi , ibid. Est revêtu
l'an Ii32 de l'autorité de légat par Inno-
cent II, et tient en cette qualité un concile
à Jouare l'an 1 1 33 , 85. Tiavaille avec saint
Bernard à éteindre en Aquitaine le schisme
fomenté jiar Gérard, évêque d'Angonlême,
ibid. Accompagne l'an 11 37 le roi Louis-le-
Jeune allant à Bordeaux épouser l'héritière
de Guienne, ibid. Assemble plusieurs con-
ciles à Saumur, a Vannes, au .Mans, à Paris,
à Poilieis, 86. \a l'an ii45,avecle cardinal
Alhéric , évêque d'Ostie , et saint Bernard,
]>rêcher à Toulouse pour dissiper les erreurs
de certains hérétiques , ibid. j et , l'aimée
suivante, prêcher la croisade en Bretagne ,
ET DES MATIERES.
6i3
ibid. Meurt l'an Il49 » ^c 4 janvier N. S. ibid.
Baisons pour lui attribuer un écrit sur les
miracles opérés par l'intercession de la Sainte
Vierge , 87.
Geoffrni, religieux de Clairvaux, historien
de saint Bernard , lag.
Gérard , fi-ère de saint Bernard , iSs , 190.
Gérard de Nazareth. S'il était né en Asie,
3oo. Fait évêque de Laodicjje, ibid. Ses ou-
vrages , 3oi , 'S02.
Gérard, cardinal du titre de Sainte-Marie
in via latû , tient à Liège un concile oublié
dans les collections de ce genre, 3i6.
Gérard ou Girard, évêque d'Angoulême,
partisan de Pierre de Léon , i35 , tSg.
Gébaud, ou Giiaud le Roux, poète pro-
vençal , amoureux de la fille d'Alphonse
Jourdain , comte de Toulouse , compose
pour elle sept pièces de vers. Florissait vers
ii5o , 3ofi.
Gekson Haz.vken, qualification honorable
qu'on lui donne , 2 ; ses ouvrages ,2,3;
est-il le même que Gerson de Paris , 3 ; ses
disciples, 4? 5, io3; à quelle époque il
vécut, 3,4; ouvrage d'un de ses petits-
fils, 4.
Gezelin, ou Schozelin , hermite allemand.
Sa vie par Achard , ou plutôt par Herbert,
410 — 4i2.
Gilbert , dit le Grand , abbé de Cîteaux ,
n'est pas l'auteur de tous les écrits qu'on lui
attribue , 38i — 385. 11 défend avec zèle
Thomas Becket , 382 , 383.
Gilbert Folioth , cvéque de Hereford ,
confondu avec Robert de Melun , son suc-
cesseur, 372, 373. Ses écrits, ibid.
Gilbert de la Porée , combattu par saint
Bernard, 142, 187, 19a ; excusé par Othon
de Frisingue, 282. Sa doctrine examinée
par Godescalc , évêque d'Arras , 4*19 > 470.
Condamnée par le concile de Reims, 142,
187,314.
Gilbert, ou Gislebert dcHoylandta. Quel
lieu désigne le nom qu'il portait, 461. Mo-
nastères qu'il gouverna , 41)2. Où et quand
il mourut, ibid. Sa continuation du travail
de saint Bernard sur le Cantique des Can-
tiques , 1S8 , 4fi2 et suiv. Autres écrits de ce
savant , 41J'' et suiv.
GiKiUD , auteur d'une vie de salut Jean
de Valence, 412, 4 '3.
Giiiebert, évêque de Londres, dit le doc-
teur universel, sacré par Guillaume de Cor-
beil, 56.
Godefrol de Bouillon , voyez Assises de Jéru-
salem.
GoDEppoi, prieur de Clairvaux, évêque
de Langres , était ])arent de saint Bernard ,
349- Démêlés auxquels donne lieu son élec-
tion au siège de Langres , ibid. Son zèle pour
les croisafles, 349, ^^o. Il est envo\é par
Alexandie III à Louis VII, 35o. Il se retire
à Clairvaux , et y meurt dans la cellule de
saint Bernard, \bid. Ses chartes, ses sen-
tences, et ses lettres, 35o — 352. On lui at-
tribue une traduction latine de la vie de
saint Marna ou Mammès, 352, 353. Il ne
doit pas être confondu avec Geoffroy, se-
crétaire et historien de saint Bernard, 35 1.
GonEL ou GoDE\u (Guillaume) , était
anglais, Sog. Se fit religieux dans quelque
monastère de France, l'an 11 45, non à Li-
moges , mais dans le diocèse de Sens, ibid.
Meurt vers l'an 1173, ibid. Idée de sa chro-
nique , ibid. et seqq.
GoDESCiLC. , évêque d'Arras, 4(19. Ce qu'il
écrit contre Gilbert de la Porée, 470. Il ab-
dique sonévêché, l'iii/. Lettres d'Eugène III,
d'Adrien IV, d'Alexandre III, adressées ou
relatives à Godescalc, ('*/(/. Éloges que lui
donne saint Bernard , 470.
Goswin (saint), abbé d'Anchin. Sa vie,
6o5, 606.
Grâce et libre arbitre, 200 — 202.
G/cg^O(/-e,pai)e( saint). Traduction de trois
de ses ouvrages, 6 et suiv. De quel siècle est
cette traduction, Sfi, 57. Relation de sa vie
et de ses miracles , $96 , 597.
GuiBERT, moine de Foigny, auteur d'un
traité sur le sens moral de la Genèse, 585.
Guignes , général des chartreux. Sa corres-
pondance avec saint Bernard, i5i. Ses sta-
tuts , etc. , 58o.
Gnillanme-le~Conquéra)it, devenu roi de la
Grande-Bretagne , prend soin d'y introduire
la langue fiançalse, 59.
Guillaume IX, comte de Poitou. Sa vie
et ses écrits. 11 est le premier poète provençal
dont quelques poésies se soient conservées,
42. Ses belles qualités, ses défauts et ses vices.
Excommunié par l'évéque de Poitiers, 43. Ob-
scénité de ses vers. Il part pour la première
croisade, fait un poème plein degaîté sur ce
qu'il y avait souffert, en a^ait fait un autre
plus triste à son départ , 44- Aventure scan-
daleuse , sujet d'une de ses chansons, 45. Il
remercie Dieu et saint Julien de ses bonnes
fortunes ; est peut-être le premier poète mo-
derne qui ait parlé des fées; parle aussi des
tensons ou jeux-partis , 4^*.
GuiLHUME VI, seigneur de Montpellier,
fait un voyage à la Terre-Sainte, épouse la
comtesse Sihille , se déclare pour Innocent II
contre Pierre de Léon; s'allie à Bérenger-
Raimond , comte de Provence; est chassé
par les habitans de Montpellier; assiège cette
ville , et s'en rend maître, 324 • ■>25 Son tes-
tament, 325, 326. 11 embrasse l'état monas-
tique, 326. On lui attribue une vie du frère
Jean de Grandselve, 3^7.
Guillaume VII, seigneur deMontpellier,
épouse Matilde de Bourgogne , ses démêlés
avec le comte et la comtesse de Melgueil ; ses
lettres , ses chai tes , son testament. On lui
attribue mal-à-propos des vers rythmiques.
Lettres qui lui sont adressées par les pape,s
6i4
TABLE DES AUTEURS
Eugène III, Adilen IV, Alexandre VI , 327,
3a8.
Gtiillaume-le-Mauvats , roi de Sicile. Ses
démêlés avec Adrien IV, 290.
GuiiHUME D'Andozile, évéque d'Aucli,
auteur d'un décret et d'une lettre sur la
trêve de Dieu , 5gi , Spa.
Guillaume de Champeaux donne la Ijénédic-
tion aljbatiale à saint Bernard, i33.
GuiLL vuME DE CHERBOURG, Versificateur,
partisan de Thomas Becket , Sgî.
Guillaume de Corbeil, archevêque de
Cantorbcry, convoque un concile à Londres,
va deux fois à Rome , en revient avec le titre
de légat, préside un concile à Westminster,
sacre Glslebert (le docteur universel) évêquc
de Londres, couronne roi d'Angleterre le
comte de Boulogne, I^tienne, 55 — Sy.
Guillaume , chanoine de Grenoble, écrit
la vie de Marguerite , femme de .Guy IV,
dauphin , 587.
Guillaume , abbé de Saint-Tbierrv , auteur
d'une vie de saint Bernard, 12g, et de plu-
sieurs autres ouvrages, ai2.
Guimpe , ornement mondain au XII" siècle,
i57,i58.
H.
Haimon , fragment d'un de ses ouvrages.
Hamon ou Ayinon , moine breton , com-
mentateur d'Isaïe, Sga.
Ilarduin , jésuite. Ce qu'il critique dans les
écrits de saint Bernard, iga.
Hélie de Ruffec , moine de Saint-Martial ,
a Limoges , continue la notice chronologique
des abbés de ce monastère , 5g3.
Héloïse reçoit saint Bernard à l'abbaye du
Paraclet, i38. Lettres à elle adressées par
Pierre-le-Vénérable, 255.
Henri, roi d'Angleterre. Interrogatoire que
des moines lui font subir , 577. Fojez Becket.
Hesbi de Blois , évéque de Winchester.
Lettres à lui adressées par saint Bernard ,
i58. Ses relations avec Pierre-le-Vénérnble,
246 , 248, 2 53. Sa vie. Comment il contribue
à placer son frère Etienne sur le trône d'An-
gleterre ; comment il se brouille avec ce
même Etienne , etc. , 457 , 458. Les re-
proches et les complimens qu'on lui adresse,
458, 45g. Ses lettres, 459. On lui attribue
mal-à-propos la relation de l'invention du
corps du roi Artus , 4 '9» 4''0- On l'a con-
fondu avec son neveu IJenii de Sully, 4^8
— 460, et avec Henri de Murdrach , 4(10.
Hesbi , abbé de Dlligheni. Auteur d'une
Histoire de l'ordre de Piémontré , 58f>, 58".
Hesri deFrakce, frère du roi Louis-le-
Jeune, se fait religieux à Clairvaux , l'an
1x46, 542. L'an ii4q, il est pourvu de
révêché de Beauvais, ibid. Ses démêlés avec
la noblesse du pavs , ibid. ; veut se démettre
de son évéché, 543; se déclare, l'an Ii5g,
pour le pape Alexandre III, et agit pour le
faire reconnaître en France, ibid.; est trans-
féré l'an 1162, à l'archevêché de Reims,
ibid. Fait le voyage de Rome , l'an i i6fi , ibid.
Ses démêlés , l'année suivante, avec la bour-
geoisie et le chapitre de Reims, 544 — 546.
Excommunie, l'an 1171, le comte de Cham-
pagne , Henri le Libéral , 547. Meurt le
i3 novembre , iiyS , ibid. Ses lettres, 548 —
552.
Henri de Murdrach , ou Murdach. Lettre a
lui adressée par saint Bernard , i56. Con-
fondu avec Henri de Blois , 460. Moine ,
abbé , puis archevêque d'York , ibid,
Henri, archevêque de Sens. Ses démêlés
avec Louis VI , i34.
Hesri , évéque de Troyes. Sa lettre a
saint Bernard, 576, 377.
Henri , évéque de Verdun. Ennemi de
saint Bernard , i53.
Hekbi, chef des hérétiques, appelés de
son nom Henriciens , go. Pourquoi ils se
nommaient apostoliques, ibid. Ce que saint
Bernard dit de cet hérctiqne, go, gi, 142,
igi. Ecrit de Pierre-le-Vénérable contre les
erreurs de Henri et de Pierre de Bruis , son
m.iitre, 92, 258. Légats du pape en France
pour arrêter l'effet de ces erreurs, et les
punir, ibid. Points principaux de leur doc-
trine, 92 — g4. Portrait qu'un historien fdit
de Henri , ce qu'il dit de ses disciples et de
ses succès , g3 , 94 • Condamnation de Henri ,
sa mort, g2.
Henriciens , hérétiques du XII° siècle.
Voyez Henri.
Herbert , auteur d'un livre sur les mi-
racles des Cisterciens , 12g. Véritable rédac-
teur de la vie de l'hermite Gezelin, attribuée
à Achard , 4 " •
Hebrade , abbesse du Mont-Saint-Odile.
Ses vers et sa prose, 588 — 5go.
Uddegarde (Sainte). Sa correspondance
avec saint Bernard, 170; avec Adrien IV,
2g6; aAec Hillin, archevêcpie de Trêves, 576.
Hillin , archevêque de Trêves. Ses lettres
à Eugène UI et à sainte Hildegarde , 575,
5;6.
Honoré, abbé de Fondi. Miracles qu'on
lui attribue , 10 , it.
Honoriui II. Lettres de saint Bernard à ce
pape, i35 , i54.
Hugues de Chamfleuri , chancelier de
de France, l'an ii5i , est fait évêquc de
Soissons, l'an ii5g, 537. Conclut la paix
entre les rois de France et d'Angleterre par
le mariage de leurs enfans encore en bas
âge, ibid. Est disgracié l'an 1171 , et perd la
charge de chancelier, 53g. Sa mort arrivée
l'an 1175 , le 4 septembre, 540. Ses lettres ,
540 et sniv.
Hugues de Cleers était sénéchal de la
Flèche et de Baugé, l'an ii4fi) 337. Il fut
chargé, l'an 11 19, d'une négociation auprès
ET DES MATIERES.
Cij
du roi Louis-le-Gi os, relativement à la charge
de dapijère , ou graud sénéchal de Franc;,
que réclamait son souverain Foulques V,
comte d'Anjou , coninie héréditaire dans sa
famille, ihid. Il vivait encore l'an 1 164, 338.
Examen et défense de la relation qu'il a
donnée de son ambassade à la cour de
France, 338 — 348.
Hugues (Saint), abbé de Cluni , auteur
d'une vie de ."^aint Morand , 3o4.
Hugues de FouitLOi était chanoine régu-
lier au prieuré de Saint-Laurent de Heilly,
et non bénédictin, 4y3. Maison qu'il allègue
pour refuser l'abbaye de Saint-Denis de
iieiuis, qui lui était offerte l'an Ii4y< 4^3
et suiv. Sa mort arrivée vers l'an I174, 4y5.
Mal-à-propos rais au nombre des cardinaux,
ibiit. Est auteur du Cloître de l'ame et de
plusieurs autres écrits imprimés parmi ceux
de Hugues de Saint-Victor , 496 et suiv. De
MedUiiul animœ , 497 ^^ suiv. De Avibus ad
Balnermn corde henigntim ^ 49^^ ^t suiv. De
IVu/'tiis ad atniciitn , 5uo . De Arcâ Noe mjscicel
descriptio et luornlis interpretatio , 5oo et suiv.
De J^anitate Mundi , 5oi et suiv. De Beatic
Maiiœ inrginitatc perpétua y 5o2 et suiv. De
Botd prœlationis et sânu/ationis , 5o5 et suiv.
In Lamentatioiies Jeremiœ y Soy.
Hugues de Frasvn ou Trasan , abbé de
Cluni , exilé. Sa lettre à Frédéric Barbe-
rousse auprès duquel il se réfugie, 671.
Quatre lettres de Pierre de Celles lui sont
adressées, 571.
Hugues , abbé d'Humblières , est fait abbé
d'Elnone ou de Saint -Amant l'an ii5o,
899. Sa mort en 1 168, ibid. Est auteur d'une
lettre sur la mort de Waiin , abbé d'Hum-
blières, ibid. Fait mettre en meilleur style
la vie de saint Aniand , ibid.
Hugues II, abbé de Marchiennes. Sa vie,
604, 6o5.
Hugues , prieur du Mont-Tliabor. Sa lettre
à Louis VII , 578.
Hugues de Toucy , archevêque de Sens.
Ses chartes et ses lettres à Suger, à Louis VII,
à Guillaume, comte de Nevers , etc. 673 —
575.
Hugues de Saint- T'ictor , maître de Richard
de Saint-Victor, 472- Dédie à Gautier de
Alortagne un traité de théologie , 5i5. Voyez
Hugues de Fouiîloi.
Humbeline , sœur de saint Bernard, iSa,
j33. Le traité sur la manière de bien vivre
n'est ni adressé à Humbeline, ni composé
par saint Bernard, îi3 , 2i4-
I.
Immaculée Conception de Marie, combattue
par saint Bernard, 167.
Innocent II, pape, i35. Visite Clairvaux ,
i36. Appelle saint Bernard en Italie, i37,
i38. Oublie les égards qu'il lui doit, iSy.
i65, 166. Lettres de saint Bernard à ce pon-
tife , 160, 161, 164 — I et). Innocent II à
Cluni , 243. Lettres que lui adresse Pierre-
le-Vénérable , 249, 25o. Ses relations avec
Guillaume VI , seigneur de Montpellier ,
325. Avec Henri de Blois , 45g.
Investitures , p. 181.
Ives de Chartres. Il écrit au pape contre
Etienne de Garlande ; il écrit au pape en .sa
faveur, io5, 106. Autres lettres d'Ives de
Chartres , 106 , 108.
J.icoE B\R Jekvb. Le maître et les dis-
ciples de ce rabbin , 4. En quel temps il
vécut , 5. Ses ouvrages, (W. Erreur de Bas-
nage à son sujet , ibid.
Jean II , abbé de Saint-Bertin. Il est dé-
posé au concile de Reims ; pourquoi.' 7g.
Jean de Cornouailles. Eloge qu'il fait de
Robert de Melun , son maître , 372.
Jean, diacre, auteur d'une Vie de Gré-
goire I, pape, 5g7.
Jean l'Espagnol , rédacteur de statuts
monastiques, 585.
Jean l' Hermite , historien de saint Bernard,
129.
Jean d'Ibelin , comte de Japha et d'Ascala,
rédacteur des Assises de Jérusalem , telles
qu'elles furent publiées au milieu du XIII""
siècle , g5.
Jean , moine de Marmoutiers. Son His-
toire de Geoffroi Plantagenet, comte d'An-
jou, 354 — 356. Est auteur des Gestes des
comtes d'Anjou , qu'il dédia à Henri II ,
roi d'Angleterre , 357 — 36o. Raisons de
croire qu'il est aussi l'auteur de l'Histoire de
la construction du château d'Amboise et des
Gestes des seigneurs de ce nom, 36i. Idée
de cet ouvrage, 363 — 364. Est peut-être
auteur d'une notice imprimée par Ménage ,
365; mais non d'une Chronique de Tours,
que D. Mabillon lui attribue mal-à-propos,
366; non plus que d'un autre écrit concer-
nant les archevêques de Tours, le chapitre
de Saint-Martin et les abbés de Marmou-
tier, ibid.
Jean de Snlisbury n'était pas frère d'Adrien
IV, 28g. Son entretien avec ce pontife. Éloge
qu'il fait de Robert de Melun, l'un de ses
maîtres, 372.
Jean (S.), évêque de Valence eu Dau-
phiné. Sa Vie par Giraud, 412, 41 3.
Job. Traduction des Morales sur Job par
saint Grégoire, 6 et suiv.
JoNAS, chanoine régulier de Saint-Victor.
On a de lui une lettre, 578, 57g.
Joslein , évêque de Soissons , ministre de
Louis VIL Sa correspondance avec saint
Bernard , i63.
6i6
TABLE DES AUTEURS
JossE , archevêque de Tours. Ses lettres
à Louis VII, 582.
Jourdain des Ursins , cardinal légat. Ses dé-
réglemens attestés par saint Bernard , i^S.
Judas de Barcelone. Objet piincipal de
ses éludes, 6. En quel temps il vécut, ibid.
Judas Cohen. Sa patrie, sou maître, et
ses ouvrages, 5 et 6.
Jugement d'Oîèron. Pourquoi on les désigne
ainsi , 96. A quelle époque ils furent publiés,
ibid. Fausseté de l'opinion qui su]jpuse qu'on
doit cette loi aux .anglais , 96 et 97. Les or-
donnances de A^^isbuy ont les Jugemens
d'Oléron pour base, 97. Edition de ces Juge-
mens donnée par Clérac , 97, 98. Leur ana-
lyse, 98 et suiv.
Juifs. Auteur anonyme d'un traité contre
eux, 367 et suiv. Où et quand cet ouvrage
fut composé, 367. Discussions fréquentes
auxquelles les Juifs se livraient alors contre
les chrétiens , 3(38. Caractère de ces discus-
sions, ihiJ. Caractère particulier de l'ouvrage
que nous annonçons , ibid. Objet principal
qu'y traite l'auteur, 368 et suiv. Ouvrage
que cet auteur avait précédemment com-
posé, 371.
K.
Kii-inde ou Rilende , abbessc de Hohen-
bourg. Sa vie et ses vers, 587, 588.
L.
La Chatke (Pierre de) archevêque de
Bourges. Troubles nés au sujet de son élec-
tion, .'i47 Maux que ces troubles produisent,
448. La paix est rétabhe, ibid. Eloges donnés
à l'administration de cet arclievéque par
plusieurs papes et par le roi , 448 , 449- Son
épitaphe, 449. Ecrits de Pierre de la Châtre,
449 et suiv.
Lambert, évéque d'Arras , préside au con-
cile de Paris de l'an iio4, 5.
Lambert de Liège , poète français , sur-
nommé le Bègue, traducteur en vers d'une
Vie de sainte Batilde , épouse de Clovis II.
Les opinions sont partagées entre lui et
sainte Bègue sur la fondation de la société
des Béguins et des Béguines dans les Pays-
Bas, 114.
Lambert, d'abord écolàtre, et enstiite abbé
de saint Bertin. Réforme qu'il établit dans
plusieurs monastères, 78.
Lambert {S.), évéque de Vcnce. Sa vie ,
602.
Lnnn. Coutumes que Louis VII hii accorde,
47. Elles deviennent le type de la plupart
de celles que d'autres villes demandèrent ,
ibid. Voyez Communes.
La Rue (M. l'abbé de ) , de la société des
antiquaires de Londres, 5ç). Ses mémoires
imprimés A^n%V ArchœoJogia j 60, 4^3. Erretir
où il était tombé, et qu'il a reconnue, 63.
Laubes ou Lobes. Aboyez Léonins ou l.éoni
Léonde-Grand. Dispute de ce ralibin avec
Odon, évéque de Cambrai; sur l'incarnation
de Jésus-Christ, 3.
Léonine (rime) ou léonime, dans les vers
latins , n'a point eu pour inventeur Léonius ,
chanoine de Paris; on trouve des vers rimes
de cette manière dès le VIII*" siècle, 446.
L'inventeur de ces rimes et des vers appelés
léonius est inconnu , et on ignore pourquoi
on les appelle ainsi, 447.
LÉojsius , prêtre de l'église de Paris,
poète latin. Sa vie. Il a été confondu avec
Léonius, chanoine de Saint-Victor, 434.
Epitre de Léonius au pape Adrien IV en
faveur de l'église de Saint-Benoît ; vers de
celte épître mal traduits par le P. Gourdan ;
l'abbé Le Bœuf a cru cjue si Léonius s'in-
téressait à cette église , c'était comme cha-
noine de Notre-Dame, 435. Raisons de cioire
qu'il était alors simple chanoine de Saint-
Benoît, 4^7' I' ^'^t protégé par le cardinal
Roland , évéque de Sienne , qui devint le
pape Alexandre III , et par le cardinal
Henri, évéque d'AIbano, qui lui fait présent,
d'un anneau d'or , 438. La cérémonie du
Bâton, qui faisait partie de la fête des Fous
dans l'église de Notre-Dame, et dont Léonius
parle dans une épîlrc , nouvelle preuve qu'il
était devenu chanoine de ce'.te cathédrale;
il était ami d'un chanoine de Saint-A ictor,
qu'on croit être l'abhé Guéi'in , 439- Erreurs
de Sébastien Roulliard et de Malingre au
sujet de Léonius. Dernière preuve qu'il était
chanoine de Notre-Dame et non de Saint-
Victor, tirée d'AEgidius ou Gilles de Paris.
Ses écrits : son plus grand et plus célèbre
ouvrage est l'histoire de l'Ancien Testament
mise en vers ; idée et citations de ce poème ,
44o — 445. Ses opuscules : la première épître
au pape Adrien IV , et la seconde an pape
Alexandre III , 444. Sa troisième épître au
cardinal Henri sur l'anneau qu'il en avait
reçu, et la quatrième à un ami , sur la fête
du Bâton ,445. De ces opuscules , deux seu-
lement sont rimes, et ne le sont qu'à la fin
des vers, et non du milieu à la fin ; ni les
deux autres épîtres , ni aucune partie du
grand poème ne sont rimées d'aucune ma-
nière. Il n'est pas vrai que les vers appelés
léonins, et la rime appelée léonine ou léo-
nime dans les vers latins, aient eu pour in-
venteur Léonius, 44^. ^' oyez Léonine (rime).
LÉONIUS , ou Léon , abbé de Laubes , et
ensuite de Saint-Bertiu. Sa naissance et ses
premières années, 317. État où il trouva le
monastère de Laubes, quand il en devint le
chef; tout ce qu'il fit pour rétablir dans son
état ancien , 3i8. Comment il fut élu abbé
deSaint-Bertin, ibid. ( J'ot ez aussi page 81 )
Il va à Rome défendre les droits de celle
ET DES MATIÈRES.
6i-
miii<on contre les prétentions des religieux
de Cluni ; décision rendue par le pape en sa
faveur, 3i8 et 3(9. Son voyage à Ja Terre-
Sainte, ce qu'il en rapporte, 3ig- Soins et
travaux de Léon pour l'abbaye de Saint-
Bertin ; possessions et privilèges qu'il obtient
pour elle, 3ic) , 3ao. Sa mort, incription
mise sur son tombeau, 320. Amitié de saint
Bernard pour lui, 33 1. Léon est auteur de
la coutume de Poperinguc , ibic/. Objets prin-
cipaux de cette loi, in. Autres ouvrages
qu'on lui attribue, 323.
Liron , son opinion qu'Alvise,évéqued'Ar-
ras , était frère germain de l'Abbé Suger, 71.
JLoNGATESTv (Pierre). Poète né eu France,
et chanoine de Bridliugton en Angleterre;
traducteur en vers français d'une vie de saint
Thomas de Cantorbéri, écrite en latin par
Herebert de Busham , 471-
Louis n , roi de France. Lettre de saint
Bernard à ce prince, i54, i55, iSy, ifio.
Louis fil, ou le Jeune, roi de France.
Lettres à lui adressées par saint Bernard ,
ifia , i63, 173, 17'!; par Pierre-le Véné-
rable, îSi ; par Adrien IV, 294? ^9^ ! P^r
Godefroy , évêque de Langres , 352 ; par
Gilbert, dit le Grand, abbé de Citeaux, 384 >
par Guillaume Vil, seigneur de Montpelier,
327; par Baoul , abbé de Saint-Maurice en
Valais, Sfip ; par Pierre, évêque de Rhodèz,
570 ; par Drogon , élu archevêque de Lyon ,
571 ; parBauduinlI, évêque de Noyon,572 ;
par Hugues de Toiicv, archevêque de Sens,
374; par Hugues, prieur du Mont-Thabor,
57S ; par Pierre , évêque de Chàlons sur
Saône, 679; par Etienne, abbé de Cluni,
58 1 , 582 ; par Josse , archevêque de Tours ,
582.
Lucius II , pape. Lettres à lui adressées
par Pierre-le-Vénérable , 2 5o. Eloges que
Lucius II donne , dans une bulle , aux ab-
besses Kilinde et Herrade , Sgo.
M.
Mabillon , éditeur des œuvres de saint
Bernard, 227, 228. Erreur de ce savant sur
la date d'une charte, 337, note.
Macaihe , abbé de Fleuri. Sa vie , ses
lettres et son glossaire grec -latin, 3i3 —
3i5
jyiachahées (le livre des ). Traduction de ce
livre, 20 et suiv. Epoque de cette traduc-
tion, 21. Vojez Rois (livre des).
Mahomet réfuté par Picrre-le- Vénérable ,
245 1 259, 260.
Malachie, primat d'Irlande , meurt à Clair-
vaux, 142. Lettres à lui adressées par saint
Bernard, ifi8. Son éloge, 171. Ses vertus
célébrées dans deux sermons de l'abbé de
Clairvaux , 184. Sa vie, par le même, 206,
207 , 208.
Tome XIII.
Marna, ou Mammès (Saint). Sa vie tra-
duite par Godefroi , évêque de Langres,
352 , 353.
MiTTHiEU, cardinal évêque d'Albano, né
dans le pays rémois, fait ses études à Laon ,
52. Parent, et non frère de Hugues, sur-
nommé d'Amiens , archevêque de Rouen ,
ibid. Embrasse la vie monastique à Saint-
Martin-des-Champs ou il était prieur, l'an
1117, iOid. L'an 1122 il est l'ait prieur de
Cluni , et accompagne bientôt à Rome son
abbé Pierre-le-Vénérable, 53. L'an 112G, il
est crée cardinal évêque d'Albano , par le
pape Honorius,;éirf. Envoyé légat en France,
il assemble, l'an 1 128 , des conciles à Troyes,
à Rouen et à Reims, ibid. L'an ii3i , il en
tient un à Mayence, en présence du roi Lo-
thaire, ibid. Retourné eu Italie l'an ii33 , il
assiste l'année suivante au concile de Pise ,
et est député à Milan avec saint Bernartl
pour ramener à l'obéissance du pape Inno-
cent II, les partisans de l'anti-pape Anaclet,
54; Retourné à Pise, il y meurt la même
année Ii34, le r8 décembi'e , ibid. Sa lettre
aux abbés bénédictins de la province de
Reims, assemblés en chapitre, 55. Voyez SlUssi
pages 242, s49 1 254, 255, 2fi4-
Ménestriers , bardes ou scaldes qui suivaient
l'armée de Guillaume-le-Conquérant, 65.
Milanais, leurs relations avec saint Ber-
nard, i36, 159, i()o,
MiLON I et MiLoN II, évêques de Té-
rouanne, leurs écrits 28fi , 287. — 25f). Mi-
racle opéré au tombeau du premier, 601.
Misna. De quelles traditions la misna se
compose ,2,3.
Moïse Bar Nachman. Son ouvrage en fa-
veur d'Alphès , 102. Voyez Alpli'es.
Moïse Haddarscham. Distingué comme
prédicateur, io3. Ses ouvrages, io4, io5.
Ses disciples, io3. A quelle époque il a
vécu , io5. De quehjues autres rabbins nom-
més Moïse , et à-peu-près de la même épo-
que , 104 , io5.
MosTcuc ( Bernard-Arnauld de ) , poète
provençal ; château de Montcuc dan» le
Rouergue, autre dans le Quercy,42o. Un
seul sirvente s'est conservé de lui , mélange
bizarre d'idées militaires et de galanterie ,
421.
Morand ( Saint ). Sa vie , composée par un
anonyme, 3o4, 3o5. Autres vies de ce saint,
ibid. Faible production qu'on lui attribue ,
3o5.
N.
Nicolas , prieur du Mont-aux-Malades de
Rouen, mourut vers 1168, 395. Ses lettres
parmi celles de saint Thomas de Cantorbéry,
394 et suiv.
Nicolas , moine de Moutier -Ramev-
Histoire de sa vie, 553. Embrasse la réforme
liii
6i8
TABLE DES AUTEURS
(le Clairvaux, l'an lï^S , et est fait secrétaire
de saint Bernard, 554. Aveux qu il fait des
déréglemens de sa vie passée et de ses occu-
pationsà Clairvaux, ibid. et suiv. Ayant trahi
la confiance de saint Bernard , en abusant
de son sceau, il est obligé de prendre la
fuite l'an ii5i , i45 , 1/4 » 556 et suiv. Re-
tourné à Moutier-Rainey , il continue de
jouir des bonnes grâces des papes Adrien IV
et Alexandre III , 558. S'étant insinué dans
l'esprit de Henri-le-Libéral , comte de Cham-
pagne , il devient son chancelier , ï^/W Nou-
velle atteinte cju'il porte à sa réputation ,
55(). Il vécut jusqu'en 1176, mais l'année
précise de sa mort nous est inconnue, ibid.
Ses lettres, SSg — 565. Ses sermons, i85,
aia , 566 et suiv. Autres écrits qu'on lui at-
tribue, 568. Lettres à lui adressées par Pierrc-
le-Vénérable, a5i, 252 ; par Burchard, abbé
de Balerne , SîS, 324. .
NiGELiE, évéque d'Ely. Comment il fut
élu, 401. Sa conduite envers ceux qui lui
étaient soumis, 401, 402. On le dépouille
de ses places, et on le chasse du royaume,
401. Il est rappelé et rétabli dans son ancien
état, ibid. Comment il paie une place achetée
par un de ses bâtards, ibid. Epoque de sa
mort , ibid. Sou amour pour les lettres ; ses
ouvrages, 4o5.
o.
Odon , évèque de Cambray. Epoques de
son épiscopat et de sa mort, 3 , 4. Sa dis-
pute avec le juif Léon , surnommé le Grand,
sur l'incarnation de J. C. ibid.
OEvfs. Manières diverses de les apprêter ,
usitées à Cluni , ig8, 199.
Ogier , ou Augier, poète provençal, le
même que les auteurs italiens appellent
Oggiero , Lggicri , ou même Gieri. Son nom
n'est pas, comme le dit Crescimbeni , l'obi égé
de Ruggiero. Il est nommé Ogier de \ ianes
ou devienne, et Augier de Saint-Donat
dans les manuscrits français. 11 résida long-
temps en Loinbardie ; jeux de mots de mau-
vais goût dans ses vers , 41g. Sirvente de ce
poète contre l'indécence de l'habillement
des femmes; autre sur la mort du vicomte
de Beziers. Il meurt vers 1170 , 420.
Okauge (Rambaud d'), poète provençal.
Quelques particularités sur sa vie , 47'. Eut
amoureux d'une comtesse de Die , femme-
poétc, 47 s.
Othoh de Fbisihgue. Sa vie, 268, 269.
Ses écrits, 269 — 281. Sa Chronique ou His-
toire universelle, 170 — 276, terminée par
un traité de la fin du monde, 276 — 278.
Ses deux livres sur la vie de Frédéric Bar-
bcrousse , 278 — 283. En quoi consistent
ses écrits philosophiques, 2H9 , 279, 280,
u8i, 282, 285. Eloge historique d'Othon,
piT sou continuateur Radevic, 383.
Pacis instinaio. Ce que ces mots peuvent
signifier, 48.
Paciius (Thomas), chanoine de Loches.
Idée de sa Chronique, SSg.
Passion de Jésus-Christ en vers français
par un anonyme, 4o.
Pétrobusiens. Des hérétiques appelés ainsi,
91. Disciples de Pierre de Bruis. Pierre-le-
Vénérable écrit contre eux, 258.
Philippe , Tao\ne de Clairvaux, historien
de saint Bernard, 129
Philippe, neveu de Gilbert, archevêque
de l'ours , et archevêque lui-même après
Hildebert, était né à Fontenoi dans la Bel-
gique , 317.
Philippe de Xm-arre , jurisconsulte. Est-ce
lui qui fut le rédacteur des Assises de Jéru-
salem ? 95.
PiEEBE DE Babky , abbé de Saint-Martial
de Limoges, avait écrit des livres d'histoire,
592.
Pierre de Beaugency , poète français
peu connu , auteur de quelques vers sur le
Décret de Gratieii , 3o5.
Pierre Béchin , auteur d'une Chronique
des rois de France. Nouveaux éclaircisse-
mens sur sa personne et sa Chronique , 57.
Pierre de Beemokt , abbé de Saint-
Cliaffre, auteur d'une Chronique de ce mo-
nastère , 592.
Pierre de Bruis , hérétique du XII" siècle ,
91 , 142 . 191.
Pierre, évêque de Chàlons-sur-Saone. Trois
lettres de ce prélat à Louis VII , 579.
PiEHRH DE Ei CuATRE. Voyez La Châtre.
Pierre HéliE ou Élie. Il se distingua
comme professeur , 3o3. Fut-il jamais chan-
celier de France .-* ibid.
Pierre de Léon, antipape sous le nom d'Ana-
clet, i35 — i38, 242, 325.
Pierre Lombard, combattu par Robert de
Melun , 372.
Pierbe-le-Peuttee (Petriis Pictor) , cha-
noine de Saint-Omer, auteur d'un poème
sur l'Eucharistie. Ce poème est faussement
attribué à Pierre de Blois , 4'^9- Raisons
qui prouvent que Pierre -le -Peintre en est
l'auteur; il est imprimé dans les oeuvres
d Hildebert , publiées par D. Beaugendre,
43o. Nouvelles raisons qui prouvent qu'il
appartient à Pierre-le-Peintre , 43i. Idée de
ce poème composé vers 1170, 43'i 433.
Pierre de Pise , agent d'Alexandre III
en France. Ses lettres, 582 , 583.
Pierre de Raimond , abbé de Saint-
Maixent. Mabillon lui attribue la Chronique
de Maillezais, 4o5 — 407.
Pierre, évéque de Rhodèz, auteur de
chartes, d'une règle monastique , et d'une
lettre à Louis Vil, 570.
ET DES MATIERES.
Pierre- LE-VilsÉnABLE. Ses démêlés et
relations avec saint Bernard, i36, ilii , i68,
i6g, 171. Sa naissance, ses parer.s, son édu-
cation, 241 > '4^- Il devient abbé de Cluni,
y rétablit l'ordre, 34^1 ^43. Se déclare pour
Innocent II contre Pierre de Léon, 343.
"Veut rendre j>lus sévère la règle de son
abbaye, 344- Assiste au concile de Pise en
Il34, ibid. Fait traduire et réfute l'alcoran ,
a45 , 259, 260. Est chargé par Eugène III
d'examiner la conduite de l'évêque de Cler-
mont , et s'acquitte de cette commission
avec une rigueur extrême , ibid. Ses relations
avec tous les hommes illustres de son temps,
a4'>- Ses fréquens voyages, 3^2 — 247- I'
est censuré et loué par saint Bernard , 247 1
348. Sa mort et son épitaphe , 248. Ses
lettres, 148 — 267. Son apologie des clu-
nistes , 352, 553. Ses traités : de la Divinité
de Jésus-Christ, ï57 , 258; contre les pé-
trobusieiis, 92, yS, 258; sur les miracles,
259 ; contre les Juifs , ibid. Statuts de Cluni ,
260. Compte de son administration , ibid.
Ses sermons, 261. Ses poésies, 261 — 2()3.
Ses éciils non imprimés, 263, 364. Ceux
qu'on lui attribue, 2ti4, 365. Éditions et
traductions de ses œuvres, 265 — 267. Ses
relations avec Henri de Blois , 459 ; avec
Basile, prieur de la Grande Chartreuse,
579 , S80.
PiEERE DE Vernon , poètc français , in-
connu à la plupart de nos bibliographes ,
écrivait dans la première moitié du Xir siècle,
a traduit du latin un poème que l'on a
nommé les Enseignemens d'^ristnce , et qui
doit l'être plutôt, le Secret des Secrets ^ 11 5.
Exemples des enseignem. qu'Aristote donne
à Alexandre, son élève, ibid. et suiv. L'au-
teur se nomme lui-même à la fin de son
poème, 118. Il est certain qu'il s'appelait
Pierre , mais il ne l'est pas qu'il s'appelAt
aussi de Vernon , et que Vernon fût sa pa-
trie ,119.
Pinard , Son opinion sur l'écrit de Hugues
de Cléers, réfutée , SSg et suiv.
Poésie provençale , née vers le milieu du
XI'' siècle , 42.
Poètes angle -normands qui écrivirent en
français. Ils passent en Angleterre à la suite
de Guillaume-le-Conquérant. Leurs ouvrages
se trouvent en manuscrits dans les biblio-
thèques d'Angleterre , Sg ; ne nous sont
connus que par les mémoires de M. l'abbé
de la Rue, imprimés dans V Archceologia , 60.
Poitevins , naturellement poètes, 356.
Pons , abbé de Cluni , administre mal , est
destitué, profite de l'absence de Pierre-le-
Vénérable pour rentrer dans son abba\e,
est excommunié , et meurt de la peste à
Rome , 242 et suiv.
Pcperingue, Quand et par qui sa coutume
lui fut donnée, Sai.
R.
HvEsiNS de la fin du XI' siècle ou du
commencement du XII°, i et suiv. Rabbins
du XI1° siècle, loi et suiv. "V-ovez Gersou
Hazaken , Jacob Bar Jehar ., Judas Cohen , Moïse
Bar Narchman , Moïse Haddarschan.
Badivic, continuateur de l'histoire de Fré-
déric Barberousse par Othon de Frisingue,
283.
Raimond de Babolène , archevêque d'Arles ,
238.
Raimond, évêque de Maguelone. Troubles
qui suivent son élection ; réparations faites
parle seigneur qui les avait causés, 297,
298. Plusieurs conciles auxquels il assiste,
298, 399. Epoque de sa mort, 299. Statuts
pour son diocèse, ibid. Décret pour une
léproserie, 399, 3oo.
Raimond de Montrond ou de Montre-
don, archev. d'Arles, 2Î6 et suiv. D'abord
évêque d'Arles, 236. Charte pour la ville
d'Arles et sur plusieurs objets d'administra-
tion , qui paraît être de ce prélat , 238.
Raoul ou Rodolphe II , abbé de Saint-
Jlaurice en Valais, écrit à Louis VII, 569.
Raoul , abbé de \ aucelle , diocèse de
Cambrai. Comment il devient moine à Clair-
vaux , tî5 , 126. Choix que saint Bernard
fait de lui pour gouverner l'abbaye de Vau-
celle, qui venait tl'être fondée, 125. Com-
bien il rendit cette abbaye florissante, 136.
Sa mort et son tombeau , ibid. Ouvrages
qu'on lui attribue, ibid.
Richard, cardinal évêque d'Albano , mal-
à-propos confondu avec Richard , abbé de
Saint-Victor de Marseille, aussi cardinal et
légat du Saint Siège, mort archevêque de
Narhonne , 23. Légat en France , il assemble
l'an 1 104 un concile à Troyes en Champagne,
25. Préside la même année au concile de
Bcaugcnci , ibid. ; aux fêtes de Noèl iio5 à
celui de Mayence contre l'einp. Henri IV,
26. Assiste l'an 1107 à celui de Guastalla ,
tenu par le pape Paschal II , ibid. Rentre en
France avec lui, et fait la dédicace de l'église
de Chaumousset en Lorraine, ibid. Etant
passé en Espagne , il assemble un concile à
Palencia , et rétablit dans la dignité de mé-
tropole l'église de Biague, ibid. Rentré en
France, il assemble l'an 11 10 des conciles à
Toulouse et à Saint-Benoit-sur-Loire , 27.
Retourne en Italie l'an un, ibid. Sa mort
l'an 1114 , 28. Ses lettres, a8 — 3o.
Richard , moine de Grandselve. Ses vers
en l'honneur de Clairvaux, 586.
Richard de Poitiers, moine de Cluni.
Idée de sa Chronique finissant à l'an Ii74",
532. Ce qu'il dit des opinions de son temps
sur le flux et reflux de la mer, 533. Son
écrit en forme de lamentation , touchant la
rébellion des eufans de Henri II, roi d'Aa-
li i i 2
62©
TABLE DES AUTEURS
gleterre , coiilre leur père, 534- Un cata-
logue (les souverains pontifes , depuis saint
Pierre jusqu'au pape Alexandre III, ihitl.
Autres écrits faussement altiibués, 535. Est
auteur d'un chant funèbie sur la mort de
lîaimond de Poitiers , prince d'Antioche ,
536.
Richard, abbé de Saint-Tannes. Sa vie,
Skjj^ , 596.
Richard de Saikt-Victob , né en Ecosse.
Sa piété et sa science. Éloges qui lui sont
adressés. Sa mort. Son épitaphe , 472 —
474' Ses traités : d'extirper le mal et de
j)ropager le bien , 47' î 4/6 ; de l'état de
rhoranie intérieur , 47^; de l'instruction de
l'homme intérieur , 47*^ ? 477 i Benjamin
minor , 477 j Benjamin major, 477 î 478; de
la Trinité, 478 — 480; du verbe incarné,
480; d'Emmanuel , //«■</. Ses extraits, ibid.
Son livre sur la puissance de lier et de dé-
lier , 480, 481. Autres écrits, sermons et
commentaires, 481 — 485. Classification de
ses ouvrages , 485 , 48')- Ses ouvrages ma-
nuscrits, 486, 487. Examen de ses écrits,
487 , 488.
Hictrru/e ( sainte ). Hist. de ses miracles, Go4.
Bii.i:îiDE. Voyez Kiiinde.
Ringarde, mère de Pierre-le-Vcnérable.
Sa moit, 254 , 264.
Robert de IVlEi-rN , évèque de Hereford,
né en Angleterre, enseigne à Paris et à Me-
Inn ; discij^le d'Abailaid , il devient m.iiire
de Thomas Beckct, de Jean de Cornouailles,
de Jean de Salisbury, et l'advei sairc de Pierre
Lombard , 371, 373. On l'a confondu avec
Gilbert Foliolh , son prédécesseur sur le
siège épiscopal de Hereford , et avec son
successeur, Robert Foliolh, 372, 373. Ses
écrits, 373 — 376.
Robert ll'ace. Voyez Wace.
RoRERT , abbé de Wasor. Sa vie, 5r5,
îifi. Ses lettres , et la vie de saint Eorannan ,
5i6, 517.
Roger, premier ahbé d'Elan, écrit l'his-
toire de sainte Ursule et des onze mille
Vierges. Vie de ce Roger par un anomine ,
585,586.
Rois (le livre des). Traduction de ce livre
et du livre des Machabées , i3 et suiv. On
la croit le plus ancien ouvrage français, i4-
Une paraphrase est ordinairement jointe à.
la traduction du livre des Rois, i5. Il n'en
est pas de même pour le livre des Macha-
bées , II , 23. Quelques passages du livre
des Rois, traduits en vers, 18 et suiv.
Saint-Berlin (Abbaye de). Histoire de ce
monastère, 80. A ie du saint dont il porte le
nom ; écrite en vers au XIl'^ siècle , 81. Dlf-
féiend de l'abbaye Saint-Bertin avec celle
de Cluni, sur les relations de suprématie et
de dépendance, 7y , 3i8.
Saint- Mard CitJedurdJ. Anonyme. Auteur
U'iuie notice sur ce monastère, 4i4 et suiv.
Sahmon , Jih de Gabirol. Quel arts il cul-
tiva , 5.
Salomnn Jarchi. Du temps où il vécut , 4-
De ses maîtres ,4 — 6 , loi , io3 , io5.
Salve Regina. Saint Bernard n'est point
l'auteur de cette antienne, 216.
SiMsoN DE Nasteuil , poète anglo-nor-
mand , traducteur des proverbes de Salomon
en vers français, (ia. Ecrivait en Angleterre
sous le règne d'Etienne. Exemple de sa ver-
siiicalion , 63.
Schisme entre Innocent II et Pierre de
Léon ou Anaclet , i35 — i38, a43.
Selderi. Fausseté de l'opinion de cet écri-
vain, relativement aux jugemens d'Oleron ,
if6 , 9". \ oyez Jugement d'Oleron,
Sénéchal de France. Attributions et préro-
gatives du grand sénéchal de France , 345 —
348.
Simon I*^', abbé de Sainl-Bertin. Son élec-
tion annullée , cinq ans après l'exercice
commencé de ses fonctions, "9. A l'insti-
gation de qui , et par quels motifs , ibid.
On avait aussi annullé précédemment sa no-
mination à la place de eoatljuteur de saint
Lambert , ahhé de Saint-Berlin , 78- Sa mort
et son épitaphe, 79. Son histoire de l'abbaye
Saint-Bertin, 80, 81. Il écrit en vers une vie
de ce saint ; quand l'ouvrage fut composé ,
81,82.
Simon , prieur de la chartreuse du Mont-
Dieu. Ses lettres à Alexandre III pour Tho-
mas Becket , contre le roi d'Angleterre , 577 ,
578.
Somme de Théologie , 606.
Snger , 140 — 143. Lettres à lui adressées
par saint Bernard , i52, i63, 164, 175, 176.
Son éloge par le même, 173. Lettres que lui
écrivent Pierre-le-Vénérable, 25 1 ; Henri de
Bloif, 459; Thierrv , évèque d'Amiens, 569 ,
570 ; Baudouin II , évèque de Noyon , 5"2 ;
Hugues de Toucy , archevêque de Sens,
574.
Tailleper , l'uu des ménétriers ou Bardes
qui suivaient l'armée de GuilIaume-le-Con-
quérant. Chante les chansons de Charlemagne
et de Roland , et fait des tours d'adresse avant
le combat, 85.
Talion . 49-
Tanrin (Saint). Deux relations sur ses
reliques, 601 , 602.
Templiers, i35, 202, 204.
Teuréde , professeur à Paris, sous le règne
de Louis-le-Jeune, 3o4.
Thaï» (Philippe de), poète anglo-nor-
mand. Son origine , erreur des premiers au-
teurs de cette Histoire Littéraire sur son
nom et sa patrie; son ouvrage intitulé. Liber
de Creatiiris , 60 ; son autre ouvrage intitulé
ET DES MATIÈRES.
621
Ei-stlurius ; ces Heiix poèmes sont en français,
et donnés par l'auteur pour des traductions
du latin, (il. Eïeiuples de la versification de
l'auteur, 62.
Thasie (Sainte). Sa vie traduite en vers
français par un poète inconnu ; huit vers
de celte traduction, Ii3; ils sont alexan-
drins , 1 14'
Thibaud , abbé du Bec, l'an ii36, et
sacré archevêque de Cantorbéry en iiSp;
assiste, la même année, au concile de La-
tran, Soq. Obtient du pape Célestin II, la
commission de légat au préjudice de l'évéque
de Winchester , frère du roi , ibiil. Passe en
France , l'an 1 1/|8 , pour assister au concile
de Reims , malgré la défense du roi qui se
saisit de son temporel, 3io. L'an ii52 , il
refuse de couronner le fils du roi Etienne,
et est obligé de repasser en France , ibid. La
paix ayant été conclue, l'an 11 53, entre les
maisons d'Anjoti et de Blois , relativement à
la couronne d'Angleterre , Thibaud rentra
dans son église , et le roi Etienne étant
mort, l'année d'après, il couronna, le di-
manche avant Noél , le jeune Henri d'Anjou
dont il avait é])Ousé les intérêts, 3n. Ce
prélat mourut le 18 avril 1161, ibid. Ses
lettres parmi celles de Jean deSalisbury,iiiW.
et suiv.
Thibaud, comte de Champagne, i3y, i/Jo,
l63 , i65 , 167 , 169. Lettres que saint Ber-
nard lui adresse , 154. 175.
Thibaud, abbé de Sainte-Colombe de Sens,
fils de Hugues des Payens, premier grand-
maître duTemple, part pour la Terre-Sainte,
l'an 1 147 , 5ii.
Thibaut de Vernok , chanoine de Rouen ,
poète français, auteur de la traduction en
vers de plusieurs vies de saints et de saintes,
peut l'être aussi de deuK autres pièces con-
tenues dans le même manuscrit , l'aventure
d'un chevalier et le miracle du clerc de
Rouen, 11 4- Cinq vers de la première des
deux pièces, Ii3.
Thierry , évèque d^ Amiens , ses lettres à
Suger , 569 , 570.
'I'hierry , moine de l'abbaye de Berne,
auteur d'homélies et d'histoires , sa mort
prédite par la Sainte-Vierge, 690 , 591.
Thierry de Chartres , frère de Bernard de
Moclan , évéque de Quimper , né en Bre-
tagne, enseignait à Paris; Jean de Salisbury
fréquentait son école en ii36, 377. Prit
la défense de son compatiioie Abailard au
concile de Soissons de l'an 1121 , ibid. Assiste
au concile de Reims de l'an 1 1 48 , ibid. Passe
ensuite à Trêves pour s'attacher à l'arche-
vêque Alberon, 378. Ou ignore l'année de
sa mort , ibid. Ses erreurs en matière de
théologie, ibid. Est auteur d'un traité sur
l'ouvrage des six jours , 379. Idée de cet
ouvrage, 38o.
Thierry , comte de Flandres, douceur de
son gouvernement , 3ç)6. Ses voyages à la
Terre-Sainte; fiole qu'on lui donne du sang
de J. C. , 319, 39(1, 397. Son épitaphe, 397.
Fondations qu'on lui dut, ibid. De ses lois,
ibid. Divers actes de ce prince, 398. Quel-
ques lettres de lui , ibid.
Thomas. Voyez Beehet.
Tliomas , abbé de Morigny. Sa lettre à saint.
Bernard , contre le légat Albéric , évéquc
d'Oslie, 76.
Thomas. Voyez Pactius.
Troubadours piovençaux , imitent des Ara-
bes la rime et quelques-unes de leurs fornie.«
poétiques ,42-
Varhier , poète français , auteur d'une
vie de Thomas de Cantorbéry , ne nous est
connu que par le catalogue des manuscrits
de saint Evronlt , 470.
î'énitiéns , Lettre que leur adresse Pierre-
le Vénérable , a5o.
Ventadour ( Ebles vicomte de ) , poète
provençal, contemporain de Guillaume IX.
C'est Ebles II , suivant les premiers auteurs
de cette Histoire Littéraire, 1 19 ; Ebles III,
selon l'abbé Millot. Trait curieux entre lui
et Guillaume IX , rap])orté dans la Chro-
nique de Geoffroy de Vigcois. II protégea
les troubadours , et le fut lui-même , mais
ses chansons sont perdues, 120.
T'en'ins ( Eloi de). Epoque de cette loi; à
qui on l'attribue, 5o , 5i. Elle devient le
supplément de la loi ordinaire , dans jihi-
sieurs villes de Flandres, 5i.
f'ies des Saints ,593 — t)o6.
fies des Saints , traduites en vers français,
113.
w.
Wac.e (Robert) naquit à Gersai avant
l'an ii35, et mourut après 1170, 5i8 et
suiv. Est censé auteur du roman de Brut axi
d'^rtus de Bretagne. Idée de cet ouvrage,
520 — 524. Le roman de Rou , ou l'histoire
des ducs de Normandie ; examen de ce poème
et jugement qu'en a porté le savant de Bié-
qulgny , $24 — 528. Poème sur rétablisse-
ment de la fête de la Conception de la Sainte-
Vierge , 528 et suiv.
IValon , moine de Hautmon près de Cam-
brai ; son éloge , fio5.
Jf'isbuy (Oidonnanee de). D'après quelles
lois et à quelle époque elles furent données ,
97 1 99-
6'22 TABLE DES ALTELRS ET DES MATIÈRES.
Y.
IV« //, ab))é de Saiiit-Dcnjs. Lettre cir-
culaiie qui annonce sa mort, (5o5.
z.
Zfhachias, lévite. Ce qui nous fait croire
que ce rabbin est du XU" siècle, loi. Ou-
vrages dont il est l'auteur; ouvrages qu'en
lui aiuibue, loa, io3.
FIN DE LA TABLE,
ERRATA.
± aCe 3, ligne 40, Henri l". Usez Henri V.
V. 4'5, 1. 37, r.eoffroi de Vendôme, lisez Geoffroi , abbé de Vendôme; et 1. Sg,
effacez ces mêmes mots abbé de Vendôme.
P. 5o , 1. 22 , Thiérarche , lisez Thiérasclie.
P. Iio, note (è), Philippe IV, lisez Philippe I.
P. 1 1 3 , I. 3o , Qui Dex , lisez oui Dcx , et effacez le point à la fin du vers.
P. I T 5 , 1. 25 , après Ydoine , mettez une virgule au lieu d'un point.
P. 1 16 , à la fin de la ligne i5 , mettez une virgule au lieu d'un point.
P. 123, 1. 5,Ivri, lisez Ivoy.
P. 139, 1. 4' ) I '91 1 ''■f^2 1091.
P. i54 , 1. 6, Fils, lisez parent.
P. 164, 1. 21 , II 42, lisez 1144 ; •• 25, son époux et son fils, lisez son époux ; et
son fils était fort jeune encore.
P. i6g , le n" 355 placé sous l'année 1142 doit être mis sons l'année 1144,
après 36 1.
P. 188, 1. 4 > de Hollande, ajoutez ou Hoyland.
P. 236, 1. 19 et 27, Rouen, lisez Reims.
P. 256 , 1. 26 , moine , lisez comte.
P. a68, 1. 6, beau-frère, lisez neveu.
P. 271,1. 17, Supprimez de avant AVelfon.
P. 279, 1. 27, 1 187 , lisez 1087.
P. 283 , dans la seconde note marginale, Duchesne, lisez Ducange.
P. 296, 1. 245 abbé, lisez évoque.
P. 297 ,1. 25, Pesquières, lisez Posquières.
P. 3o3, 1. 3, 418, lisez 1418.
P. 320, 1. 3, Adrien \\\, lisez IV.
P. 328, 1. 4iï légat, lisez délégué.
P. 377, 1. 1 , Moelan, lisez Moclan.
P. 410, 1. 37, Richard, lisez Achard.
P. 438 , 1. 9 , évéque de Sienne, lisez né à Sienne.
P. 440, 1. 39, livres, toei chapitres.
P. 442, 1. 41, huit cents, lisez quatre-vingts.
P. 444 î !• 23, après ruboris , mettez une virgule au lieu d'un point.
P. 447 7 '• 24) Marigny, lisez Morigny.
P. 4571 1. 18 et 19, effacez Philippe qui fut évéque de Chàlons.
Même page, 1. 3i , Mortagne, lisez Mortain.
P. 470, 1. 16, Samson, lisez Henri.
P. 474 , 1. i de la note {a) , 88 , lisez 886.
P, 486,1. 8, iik^, lisez 1166.
P. 537 ,1. 17 , imprimé, ajoutez deux fois.
FIN DU TOME XIU,
Date Due
-ORM lOS
039813