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HISTOIRE
LITTERAIRE
DE LA FRANCE
TOME XIV
HISTOIRE
LITTÉRAIRE
DE LA FRANCE
OUVRAGE
C.OMMKNCK )'AU UKS K K I. Kl I K U X H K N Kit I C l' INS
DE LA (:t)Nt;i'.ft(îATTON l>K S A INT- M Al) Il
ET CONTINMIK
PAR UNE COMMISSION PRISE DANS LA CLASSE D'hISTOIRE ET DE
LITTÉRATURE ANCIENNE DE L'INSTITUT
TOME XIV
SUITE DU DOUZIÈME SIÈCLE
.\(>l'\ KI.I.K KnillON. I.OM'OHMl-; A I.A PKKT.KDKNIK
A PARJS
Librairie de VICTOR PALMÉ, 25, rue de Grenelle-Sainl-Germain.
M. DCCC. LXIX
KRAUS REPRINT
Nendeln/Liechtenstein
1973
P6)
/ôt
■i /y
Kc'imprcssion avec L'accord de
1,' Académie dos Inscriptions et Belles -Lettres, Paris
KRAUS RLPRINT
A Division of
KRAUS-TIIOMSON ORGANIZATION I.IMlTr.D
Nendeln/Liechtenstein
1973
Printcd in Germany
Lessingdruckerei Wiesbaden
AVERTISSEMENT
Ce quatorzième volume de l'Histoire littéraire de la FraDce
fait connaître les auteurs qui sont morts depuis l'an 1176
jusqu'en 1190. Il a été composé sur le même plan que le
tome XIII, et par les mêmes auteurs, MM. Pasloret, Brial,
Ginguené, et Daunou. Le tome XV, qui vient d'être mis
sous presse, correspondra aux dix dernières années du
X1I° siècle. Nous plaçons ici, 1° des corrections et additions
au t. XIII ; 2" une notice sur M. Ginguené, par M. Amaury
Duval, l'un des académiciens qui travaillent en ce moment
au tome XV et aux suivans.
CORRECTIONS ET ADDITIONS AU TOME XIII.
Les Bénédictins, auteurs des douze premiers tomes de cette histoire, oiJt pris
soin de relever eux-mêmes, au commencement de chacun de leurs volumes, les
erreurs qui leur étaient échappées dans les précédents. Ces erreurs sont tellement
inévitables en de pareils travaux, qu'il n'a pas été possible à nos savans prédé-
cesseurs, quelque attention qu'ils y aient apportée, de reconnaître toute» celles
qu'ils avaient commises. Nous avons quelquefois occasion de rectifier certains
détails de leurs récits et de leurs notices : nos successeurs auront infailliblement
la même tâche à remplir à notre égard.
Les fautes typographiques les plus graves, et la plupart des erreurs qui ne
concernent que des dates ou des noms propres, sont corrigées dans nos errata,
auxquels nous prions nos lecteurs de vouloir bien recourir, toutes le» fois que
notre texte présentera quelques difficultés. Verrata du t. XIII contient des cor-
rections importantes : en voici d'autres non moins essentielles.
P. 112du tome XIII. Thibaud de Vernon, chanoine de Rouen, est indiqué
comme florissant vers l'an 1 150. Il était mort plus de cent ans auparavant. On
lit, à la vérité, dans les mémoires de l'académie des Inscriptions et Belles-Lettres
(t. XXIII, p. 259) que Thibaud de Vernon écrivait vers le milieu du douzième
siècle ; mais il fallait écrire onzième, ainsi qu'on s'en convaincra en lisant cet
article même des mémoires de l'académie, et ce qui a été dit de Thibaud de
Vernon, dans le tome VII de l'Histoire littéraire de la France, p. 512. Il sera
bon toutefois de joindre à ce que nos prédécesseurs ont écrit sur l'époque de
ce poète, la notice que nous avons donnée de ses productions, t. XIII, p. 112-
114.
P. 164, 1. 16 du même tome XIII, nous plaçons sous la date 1139 une lettre
Tome XIV. u
1 ••
ij CORRECTIONS ET ADDITIONS AU TOME XIII.
de saint Bernard à l'empereur Conrad. 1139 est en effet la date que Mabillon
assigne à cette épître (Oper. S. Bernardi, t. 1, p. 178). Mais, en la rapprochant
de celle de Conrad à l'impératrice de Constantinople (Rec. des histor. de Fr.
t. XV, p. 535), et de celle de Pierre-le-Vénérable à Roger, roi de Sicile {ibid.
p. 653), on a lieu de croire qu'elle concerne le projet conçu par le roi de France
de menacer l'empire germanique, afin d'empêcher Conrad de porter du
secours aux Grecs attaqués par Roger, roi de Sicile. Or Roger partait
dans ce dessein en 1150. Cette dernière date serait donc à préférer ici à
celle de 1139.
P. 205. En recherchant l'époque où saint Bernard a composé son traité du
précepte et de la dispense, nous disons que Roger n'a^été fait abbé de Coulomb
(ou plutôt Coulombs) qu'en 1131. C'est encore ce qu'avait dit Mabillon : Rogerio
ab anno MCXXXI ad MCLVIII abbati {Oper. S. Bern. t. I, p. 496). Mais feu
M. Laporte du Theil, qui avait une connaissance profonde de l'histoire du moyen
âge, et qui prenait un vif intérêt à notre ouvrage, nous a communiqué, sur
l'époque de la mort de Roger, une note conçue en ces termes ; ■; Quoique les au-
1 teurs du nouveau Oallia Christiana fassent entrevoir qu'il reste de la difficulté
« à fixer avec précision le commencement et le terme du régime abbatial de
« Roger, toujours paraît-il constant que ce prélat gouvernait avant 1131. Abbas
« Rogerius religionis amator el ordinis, quwm Columbensem ecclesiam, ut bonus
* dispensator,rexisset, anno atatis sucs cR^^TEsmo, plenus dierum migruvil ad
« dominum et ihi appositus est ad patres suos, VII idus januarii anno domini
i MCLVIL (V. Mart. Ampliss. CoUect, t. I, col. 652, Gall. Chr. n. VllI,
« 1253-1255.) » Si l'on s'en rapporte à ce texte, Roger aura commencé d'être
abbé dès 1117. Du reste, tout annonce que le Traité du précepte et de la dis-
pense ne lui a été adressé par S. Bernard que plusieurs années après. Pier^e-le.
Vénérable, dans une lettre écrite en 1153, demande ce traité, en disant (ju'i
ne l'a encore rencontré qu'une seule fois. Nous avons avoué qu'il était difficile
d'assigner la date précise de la composition de ce litre, et c'est comme une
simple conjecture que nous avons proposé de la placer entre 1131 et 1143,
et préférablement en 1141 ou 1142.
P. 487. Il faut ajouter à ce que nous disons du Pénitentiel attribué à Richard
de Saint- Victor, que ce livre paraît être de Robert de Flamesbure.
N OTICE
SUR
M. GINGUENÉ
Par m. AMAUKY DU VAL
w A commission chargée de la continuation de l'Histoire Litté-
Ëiraire de La France a perdu un de ses laborieux et estimables
collaborateurs. Qu'il nous soit permis de consacrer ici quelques
pages à sa mémoire. Larsque le premier auteur de l'Histoire Litté-
raire, D. Rivet, mourut, les savans qui lui succédèrent dans ce
grand travail regardèrent comme un devoir de placer son éloge
à la tète de l'un des volumes de l'ouvrage (1). C'est pour nous un
exeicplo, une autorité, et, s'il en était besoin, notre excuse auprès
du public.
PiKRRE- Louis GINGUENÉ, que la mort vient d'enlever aux
lettres et à l'académie des Inscriptions, qui le comptait au nombre
de ses membres les plus distingués, était né à Rennes, en 1748,
d'une famille estimée, mais peu riche. Il fit dans cette ville ses
premières études.
Très-jeune encore, il cultiva la poésie et la musique, par senti-
ment, par inspiration. Tous les arts agréables charmaient son ame
aimante et sensible.
Mais le désir de se faire un nom dans les lettres le conduisit à
Paris. C'est là que, se livrant à des études sérieuses pendant
plusieurs années, il perfectionna son style et son goût, et devint
un excellent critique. Depuis 1775 jusqu'à ses derniers jours,
il a coopéré à la rédaction des journaux littéraires les plus dignes
d'estime; et toujours ses articles se sont fait remarquer par la
sagesse et la pureté des principes qu'il y développait. En les
(1) V. l'avertissement du neuvième vol. de l'Histoire Littéraire de la France,
a.
iv NOTICE
classant avec méthode et choix, et en les réunissant dans un
seul corps d'ouvrage, on pourrait en faire un court de littérature,
non moins utile que ce Cour» si vanté qui a valu à son auteur le sur-
nom de Quintilien français. C'était un travail que M. Giuguené
réservait pour sa vieillesse, et auquel les amis des lettres doivent
regretter amèrement qu'il n'ait pu se livrer.
M. Ginguené était uniquement occupé d'études et de travaux
littéraires, lorsque la révolution éclata. Comme la plupart des
gens de lettres de cette époque, il crut voir dans ce grand événe-
ment le bonheur et la gloire de la France. Mais les désordres qui
suivirent, les crimes dont il fut témoin, navrèrent son ame, et,
dans son indignation, il déclama, il écrivit contre les vils tyrans
qui, en invoquant la liberté, couvraient ses images de fange et
de sang. Il fut proscrit, plongé dans les cachots, et n'en sortit que
lorsqu'un jour moins sombre vint à luire sur notre malheureuse
patrie.
C'est alors aussi que l'on rendit un juste hommage aux talens
et aux vertus de M. Ginguené, en lui confiant la direction générale
de l'instruction publique. Tout était à réorganiser, études, maîtres,
écoles. En peu de temps on vit se former sur tous les points de la
France des établissemens d'instruction dont les étrangers admirè-
rent le plan vaste et hardi, qui, perfectionnés par l'expérience,
seraient devenus des modèles pour les autres gouvernemens, mais
que devait bientôt renverser celui qui déjà méditait l'asservissement
de la France, et qui voulait pour sujets des soldats, et non des
hommes éclairés.
M. Ginguené né quitta ces augustes fonctions de directeur de
l'instruction publique que pour en remplir d'autres non moins im-
portantes. Il fut appelé dans une de ces assemblées (le tribunal),
dont l'institution avait pour objet de défendre les intérêts du peuple
contre les erreurs du gouvernement. Ennemi de toutes les tyrannies,
il crut devoir s'opposer avec vigueur à quelques mesures qui lui
parurent oppressives ; et il encourut la disgrâce de l'homme qui
régissait la France avec un sceptre de fer.
Dès lors la carrière politique lui fut fermée pour toujours.
M. Ginguené rentra dans le silence de son cabinet, et ne songea
plus qu'à mettre en œuvre les nombreux matériaux qu'il avait
rassemblés dans le cours de sa laborieuse vie. Le tyran n'avait
pu du moins lui ravir l'honneur d'être membre du grand corps
SUR M. GUINGENÉ. v
savait qm avait remplacé les Bcadémiea détruites. Les témoigriMiges
d'«âtitae qu'il reoevait de ses confrères dédommag-eaient M. Gin-
graené de la perte de ses places. II ne désira pointées distmctioas
qu'il aurait fallu obtenir par des bassesses.
Cest daas l'iotervalle de temps qui s'est éooulé depuis cette
époque jusqu'à sa mort, que M. Qinguené a publié ses ouvragées
les plus importans, ceux qui lui assurent une célébrité durable. Au
premier rang nous placerons sa g-rande et belle Histoire littéraire
(t Italie. U avait toujours eu une prédilection marquée pour la lan-
gue et la littérature de ces peuples dont les pères avaient été nos
maîtres, et qui sortirent les premiers de la barbarie du moyen i^.
11 entreprit de traoer un vaste tableau de leurs opinions, de lears
mo&u£s, de leur esprit, de ieurs productions littéraires à différentes
époques.
Il publia d'abord, en trois volumes, la première partie de l'ou-
vrage; elle renferme l'histoire de la littéraUire italienne jusqu'à
la fin du XVo siècle. C'est là qu'on trouve l'analyse profonde du
poëme «ublime et bigarre du Dante, un jugement sur Pétrarque
sur Bocace, leurs vies puisées dans des sources peu connues du
vulgaire des littérateurs.
La seconde partie devait remplir seule cinq volumes, et ne
contenir que l'histoire d'un siècle : mais c'était celle de cet éton-
nant XVI» siècle, où l'Italie atteignit dans les lettres le plus haut
degré de splendeur ; où l'on vit paraître des épopées héroïques,
que Virgile n'eût pas désavouées, des épopées romanesques, que
d'autres peuples ont voulu vainement imiter ; de ce siècle si
fécond en politiquefi, en historiens, en artistes de tous les genres.
De ces cinq volumes qui devaient composer la seconde partie,
trois seulement ont paru ; mais les deux autres] sont entièrement
ou presque entièrement rédigés. Ils traitent, oonformém«nt au
plan que s'était tracé l'auteur, « l» des études graves et scienti-
II fiques dans les écoles et dans les universités ; de la ciriture des
Il langues anciennes, des ouvrages en prose et en vers, aussi
" remarquables dans ce siècle par leur élégance que par leur
Il nombre ; 2° des ouvrages italiens eu prose ; philologie , philo-
II Sophie, politique, histoire, dialogues, lettres, mélanges, nou-
II velles dans le genre du Décaméron, etc. » On peut juger, par
cet exposé, de l'intérêt qu'offriront les deux volumes de l'ouvrage
de M. Ginguené, que nous devons espérer de posséder bientôt.
vj NOTICE
L'histoire des plus beaux siècles de la littérature italienne est du
moins complette; et l'écrivain qui entreprendra de terminer l'ou-
vrage n'aura plus à peindre que l'époque de la décadence de cette
littérature.
Malgré les immenses travaux que suppose la composition d'un
ouvrage de cette importance, M. Ginguené trouvait encore le temps
de lire à l'académie des mémoires sur des questions épineuses
d'érudition; de faire, chaque année, le rapijorl publie sur les travaux
de cette même académie, nommée alors Classe d'histoire et de litté-
rature ancienne. Le recueil de ces rapports formerait un ouvrage
considérable.
M. Ginguené ne se délassait de ses travaux sérieux que dans
le commerce des Muses : mais c'était un besoin pour lui de
revenir souvent à cette première passion de sa jeunesse, la poésie.
Le public accueillit avec intérêt, en 1810, un volume de fables
qu'il avait extraites jd'un plus grand nombre, composées dans une
campagne, où il passait avec délices quelques mois de l'année.
Dans la préface de ce recueil, qui lui assigne une place parmi
nos premiers fabulistes modernes, il nous apprend lui-même
combien la poésie le charmait, le consolait dans les situations les
plus pénibles de sa vie. » J'ai fait des vers, dit-il, presque dès
l'enfance, quoique j'en aie publié fort peu. Je n'ai jamais pu
gagner, ni sur mon penchant de vaincre ce goût né avec moi, ni
sur ma raison de m'y livrer assez pour en attendre de la réputa-
tion et de la fortune. La poésie n'a presque jamais été pour moi
. qu'un amusement : je m'en suis fait trop rarement un travail.
Lorsqu'on veut consacrer à ce premier des arts l'étude et l'appli-
cation qu'il exige, il s'empare de l'existence tout-entière; et
mon existence n'a été ni assez paisible, ni assez libre, ni assez
étrangère, soit à des études regardées comme plus sérieuses, soit
aux devoirs et aux emplois de la société, pour me permettre de
le cultiver ainsi. Je pourrais dire des défauts nombreux qu'on
aperçoit sans doute dans tous mes faibles essais, ce qu'Ovide disait
des fautes qu'on pouvait reprendre dans ses vers : Emendaturm, si
licuiêset, eram. «
Mais ce ne sera jamais l'incorrection ou les négligences que
l'on pourra reprendre dans les vers de M. Ginguené, comme dans
tout ce qui sortait de sa plume. Il avait trop de goût, il respec-
tait trop le public pour lui livrer d'imparfaites ébauches. On jugeja
SUR M. GINGUENÉ. vij
de tout ce que peut le courag-e et la patience, par sa traduction
en vers, aussi exacte qu'élég-ante , qu'il fit paraître deux ans
après ses fables, c'est-à-dire en 1812, du poëme sublime, mais diffi-
cile, de Catulle, les Noces de Tl/élis et de Pelée, 11 n'a négligé aucune
recherche pour rétablir dans sa pureté le texte de Catulle, étrange-
ment altéré même dans les meilleures éditions, et il convient lui-
même des efforts constans et pénibles auxquels il a dû se condamner
pour faire passer dans notre langue, au moins en partie, les beautés
de l'original latin. Au reste, par les savantes notes que M. Ginguené
a jointes à sa traduction en vers de l'un des plus beaux morceaux
de l'antiquité latine, son ouvrage appartient autant à l'érudition
qu'à la poésie.
Mais il nous tarde de consigner ici les motifs qui doivent rendre
sa perte particulièrement sensible :i la Commission chargée de la
continuation de l'Histoire Littéraire de la France.
Lorsque le gouvernement ordonna, en 1808, de reprendre cet utile
ouvrage interrompu depuis plus de quarante ans, M. Ginguené
devait être et fut appelé des premiers à faire partie de la Commis-
sion à laquelle la classe d'histoire et de littérature ancienne de
l'Institut confia cette tâche difficile, mais honorable. 11 se réserva
la partie de l'ouvrage où l'on doit traiter des poètes français et des
troubadoursprovençaux des XIlc et XIIl" siècles : il était préparé
à ce travail par les recherches qu'il lui avait fallu faire sur la litté-
rature Romane, qui eut une si grande influence sur la littérature
italienne, dont il s'occupait depuis si long-temps. Bientôt il fournit
à la Commission un grand nombre d'articles neufs et piquans : ceux
qui concernent des auteurs morts avant l'année 1190, sont imprimés
dans le tome XIII de l'Histoire Littéraire de la France, publié en
1815, et dans le tome XIV que nous ofl"rons en ce moment au public.
Plusieurs autres , qui appartiennent aux dix dernières années
du XII" siècle, feront partie du tome XV. Il nous a même
laissé quelques articles et beaucoup de matériaux précieux qui
entreront dans le tome XVI, c'est-à-dire dans les annales littéraires
du XIII« siècle.
Mais rien ne dédommagera ses collaborateurs de tout ce que,
dans les communications et les fréquentes conférences qu'exige
un travail commun, il apportait de lumières, d'aménité, et de
sagacité.
Des travaux excessifs j la douleur qu'il ressentit en voyant cette
viij NOTICE SUR M. GUINGENÉ.
France qu'il avait tant aimée, et si dignement servie, la proie de
l'étrang-er; enfin les malheurs qu'éprouvaient quelques hommes
célèbres, qui avaient été ses amis, minèrent sourdement sa frêle
existence, ^ous le voyions dépérir graduellement, nous échapper
pour ainsi dire, sans qu*il parût éprouver d'autre regret que celui
de quitter des confrères dont il était chéri.
Enfin, après plus d'une année de langueur et de souffrances pres^
que continuelles, le terme fatal arriva. Il est mort le 16 novembre
1816, dans la soixante-huitième année de son âge
Il n'a point laissé d'enfans ; mais il sera long-temps pleuré par
la femme respectable qui fut la consolation, le seul bonheur de
sa vie, et par un jeune orphelin, né en Angleterre, que son
père, mourant loin de sa patrie, avait confié à ses soins, à son
humanité.
<^^s:^§y:J^r^
TABLE
DES CITATIONS.
PETBi Abxiardi et Heloissœ epislolaî et opéra. (Cura Andr. Duchesne), Abaelard.
Parisiis, 1616, in-4".
Mémoires de l'Académie des inscriptions el belles-lettres. Paris, 1701-1809, Acad. desinscr.
50 vol. in-4°.
Âlani ab insulis commentarius in prophetias Ambrosii Merlini. Francofurti, Alan. Insul.
1608, in-8°.
Alberici raonachi trium fontium chronicon, inler accessiones hislor. Godof. AlbericiChr.
Guill. Leibnitzii. Hannovera), 1698, in-4".
Natalis Àlexandri bistoria ecclesiastica cum dissertât, criticis. Parisiis, 1 699, Alex. N«t.
8 vol. io-fol.
Michaëlis Aiford. Annales ecciesiaslici Brilannorum, Saxonum et Anglorum. Alford.
Leodii, Hovius, 1663, 4 vol in-fol.
Annales Aquicinensis monasterii inler clironica ab Auberlo Mirso édita. Ann. Aquicin.
Anluerpi», 1608, \n-i°.
Annales brèves ordinis Prxmonstratensis aucture Maaricio Dopré ejnsd. Annal. Praem.
ordinis. Ambiani, 1645, in-8°.
S. Anlonini, arcliiep. llorenlini summa histor. Norimb. 1484, 3 vol. in-fol. S.Anton. Hist.
— El t. I de la collection de Pislorius.
Apouii commenlarius in cantica canticorum cum abbatis Lucse summa- Aponii Comm.
riolà; cura Joannis Fabri. Friburgi, 1B38, info!.
Arnoldi Lubecensis monachi, suppiemenlum dereliclorum Hermoldi. Ad Arnoldi Chr.
calcem chronici Slavorum Hermoldiani. Lubecae, 1702, in-4''.
L'art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes, des chroniques. Art de vérif.
et autres anciens monuments, par des religieux bénédictins. Paris, Jom-
bert, 1783-1792, 3 vol. in-fol.
Assises et bons usages du royaume de Jérusalem, par Jean d'Ibelin, comte Assis, de Jérus.
de Japhé et d'Âscalon, avec des notes et des observations deXhaumas de
la Thaumassière. Bourges, 1690, in-fol.
Ludovic! Donii d'Attichy, Flores historiae cardinalium. Parisiis, Cramoisy, Atttehy, Flor.
1660, 3 vol. in-fol. Card.
B.
Jugea]ents des savants sur les ouvrages des auteurs, par Adr. Baillet, avec Baillet, Jug.
des remarques de La Mounoye, el l'anti-Baillet de Ménage. Paris, 1722-
1730,8 vol. in-4o.
Vies des Sainls, par Adrien Baillet. Paiis, 1701, etc., 17 vol. in-8°, ou Baill. V. des SS.
10 vol. in-4'', ou 4 vol. in-fol.
Tome XIV t
X TABLE
Bal. Scr. «ngl. Scriptorum illustrium roajoris Brilannise Catalogus digestus a Joanne Baixo.
Basileae, Oporin, 1557, in-fol.
Baluze. Miscellanea édita a Slepliano Baluzio. Parisiis, 1678-1716, 7 vol. in-8°.
Luc», 1761, 4 voL in-fol.
Baronius Caesaris Baronii Annales ecclesiasiici, cum crilicâ Ant. Pagi, etc. Lucse,
1740-1767, 39 vol. in-fol.
Barih. advers. J. Barlhii Adversaria. Francof. 1624 vel 1648, in-fol.
Bariollocci. Jul. Bartollocci Bibliolh. magna Rabbinica Romse, typ, Propag. Fid. 1676-
1683, 3 vol. in-foi.
Baugier. Mémoires historiques de la prov. de Champagne, par Baugier. Cbâlons,
1721, 2 vol. in-8°.
Bcrnardiop. S. Bernard! abbatis Ciar. opéra, Gurâ Joannis Mabillon. Parisiis, 1690,
i vol. in-fol.
Bibl. Carmelit. Bibliolheca Carmelitana, seu illustrium ordinis carmelitici scriploruin
catalogus. Florenliae, 1693, in-4o.
Bibl. Cluniac. Bibliolheca ClunitCensis opéra Martini Marrier et Andréas DuckesnA.
Parisiis, 1614, in-fol.
Bibl. pp. Bibliotheca maiima Palrum, cura Phii. Deepont. Lugdaai, AnisMû,
1677, 30 vol. in-fol.
Blackstonfe. Coœmentaries on the laws of england, by Will. Biackslone^ Oxford.
1766, 4 vol. in-S».
Bolland. Acta saoctorum omnium, cura Joannis Bollandi et aliorum. Anluerpi»,
1643-1794, 63 vol. in-fol.
Bongan, Gest. Gesta Dei per Francos sive de orientalibus expeditiottibus et de regtto
Francorum hierosolymilano scriplores varii, collecti a Jac. Bongarsio.
Hanovia), 1611, i tom. infol.
Bossuet Histoire des Variations, par Bossuel. Paris, 1770, 5 voL in-lâ; et tom« 111 des
œuvres de Bossuel. Paris, 1743, in-4o.
Bomhel. Somme béoéficiale, par Laur Bouchel. Paris, 1628, in-fol. ^- 1689,
2 vol. in-fol.
Boulliard. Histoire de l'abbaye de Saint-Germain des Prés, par dotn Bonlliard.
Paris, 1724, in-fol.
Bouq. Hisi Fr. Rerum gallicarum et franc, scriplores. Recueil des historiens de France,
par D. Bouquel et autres bénédictins. Depuis le t. XIV inclusivement,
par M. Briai, de l'Institut. Paris, 1738-1814, 16 toL in-fol.
BronUon. Joannis Bromton chronicon, dans le recueil intitulé : Rutorin ànglieana
êcriptorti X,
Brussel. Nouvel exatnen de l'usage des liefs en France, par Brussel. PariB, 1789,
2 vol. in-4°.
C.
Calmct, H. de Histoire ecclésiast. et civile de la Lorraine, par D. Aug. Calmet. Nancy,
l'O"- 1728, 3 vol. in-fol. — Ibid. 1746-1767, 7 vol. in-fol.
Cambia. Histoire de S. Bénezet et du pont d'Avignon, par d'Isambec (de Cambis).
Avignon, 1679, in-12.
Camuaat. Promptuariom sacraruro antiquilatum Tricassins dioecesis, auctore Nie.
Camusal. AagustaB Trecarum, 1610, 1618, in-8°.
Cajinate. Paradisus carmelitici decoris, autore Marco Anton. Aleg. Casanate.
Lugduni. 1639, in-fol.
Cat. Angl. Catalogus libr. mss. Ângliae et Hibernise. Oxon. Sbeldon, 1697, 9 vol. in-fol.
DES CITATIONS.
xj
Calalogus mss. codicum Bibliolhecs Bodiejaiix. Oxonii, lG7i,io-fol.
Calalogus iibrorum mss. Bibliolhecae Cottoniaaa, 1696, io-fol.
Catalogua codicum mss. Bibliolheca) regiae (studio Â.Diceti Mellot), Parisiis,
lypis regiis, 1739-1714, 4 vol. in-fol.
Catalogua episcoporum et decaaorum ecclesiœ lauduoensis, ab Antonio
Boleite. — lailio libri oui lilulus : Ritus ecclesiœ Laudunemis. Parisiis,
Savreux, 1662, in-fol.
Mém. dei'Hist. du Langued par Guill. Calel. Tolose, Bosc, 1633, in-fol.
Scriplorum ecclesiaslicorum hisloria lilleraria, à Guillelmo Cave. Oxon.
SbeldoD. 1740 et 1743, 2 vol. in-fol.
Qistoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, par D. Ceillier. Paris,
Barois; 1732-1764, 23 vol. iQ-4».
Historiée ecclesiasticse cenluris 13 congestas per Magdeburgenses, Flac-
cum Illyricuffl, Wigandum , etc. Basileae , 1652-1654, 13 tom.
8 vol. in-fol.
Hisloria ecclesisa Leodiensis, studio Joannis Chappeauville , 1612 et 1618
3 vol. in-4''.
Sancti Bernardi geaus illustre asserlum, à P. Fr. Chifflel. Divione, Cha-
vance, 1660, 10-4°.
Manuale solitariorum è cartusiaoorum cellis depromplum ; à Fr. Cbiffletio.
Divione, Chavance, 1657, in-8o.
Vesuntio, civitas imperialis, sequanorum metropolis, illustrata à J. Jacobo
Cbifflet. Lugduni, 1618, in-4û.
Traité du domaine de la couronne de France, par Clioppin. Paris,
1662, in-fol.
Chronicon Cisterciense. — Cbronicon Pramonslratense. T. Mirœus.
Cbronicon Clarevallense, editum à Pelro Fr. Cbilflel, in opère oui litulus ;
Sancti £ernardi genut illustre.
Brève clironicon Cluniaceiise, p. 1173 du recueil de Marlène, intitulé :
Thetaurus anecdotorum.
Chronicon Uirsaugiense. V. Trxlhem.
Alfonsi Ciaconii, vilœ et res gestas summor. Ponlificum et Cardinalium.
Romae, de Hubeis, 1677, 4 vol. in-fol.
Instilutes of tbe laws of eugland ; éd. Coke. London, 1703, in-fol.
Cornelii a lapide, comment. iuCanticacaiilic. Autuerpiae, 1676, ia-fol.
Alberli Crantz (vel Krants) Uisloria ecclesiastica, sive Metropolis, de
primis christiana) religionis in Saxonià iniliis, deque ejus episcopis.
Francofurti, 1576, in-fol.
L'Istoria délia volgar poesia daGiov. Maria Crescimbeni. Yenezia, 1730
e 1731, 7 vol. in-4o.
Histoire de l'Université de Paris, depuis sou origine jusqu'à ICOO. Paris,
Desainlel Saillant, 1761, 7 vol. iu-12.
Martjni Cromeri, de origine et rébus gestis Polonorum libri 30. Basileœ,
1668, in-fol.
Guillelmi Crowaei Elenchus scriptorum in sacram scripturam. Londini ,
1672, in-8°.
Alberli Crummedyck chronicon lubecense, t. Il scriptorum de rébus germa-
nicis, collect. ab HenricoMeibomio. Uelmstad, 1088, in-fol.
Cat. BIb. fiod.
Cal. Bibl. Cou.
Cat. Bibl. Reg.
Cat. Dec. Laud
Catel.
Cave.
Ceillier.
Cend. Hagd.
Chappeauville.
Fr. Cbifflet, S.
Bern.
Fr. Cbiffl. Man.
Solit.
J. J. Cbifflet.
Choppin.
Chr. Cisl.
Chr. Clar.
Chr. Cluniae.
Chr. Ilirsaug.
Ciacon.
Coke.
Corn. & lap.
Craatz.
Crescimbeni.
Crevicr.
Cromer.
Crow3Eus.
Crum. Chr. Lub.
b 2
D'Argentré.
D'Autc.uil.
De Belloy.
Deslandes.
De Visch.
Dlugoss.
Doublet.
Dubois.
Diiboulay.
Dubreal.
Ducaoge, Glos.
Ducange, Saint
Louis.
A. Duch. H. Fr.
A. Duch. Hist.
Norm.
F. Duch. H. d. C
Duell.
Du Haiize.
Dupin.
D. Touss. Do-
plessis.
Dutillet.
Eadmer.
Exord. Cisterc.
Fabliaus.
Ftbric. Hed.
xij TABLE
D.
Histoire de Bretagne, des rois, ducs, comtes, et princes d'icelle, par Ber-
trand d'Argenlré. Rennes, 1582, infol. — Rennes, 1668, in-fol.
Bisloiredes minisires d'élat, par Cliarlesd'Auleuil. Paris, 1680, iu-12.
Gabrieile de Yergy, et autres tragédies, par De Belloy. Paris, 1779, in-8".
Histoire critique de la philosophie, par Deslandes. Amsterdam, Changuyon,
1757, 4voi. in-12.
Bibliolheca scriplorum ordinis Cisterciensis, autore Carolo de Visch.
Colonise Agrippioœ, 1656, in-d».
Joannis Dlugossi sive Loogini canouici quondam Cracoviensis historié
Poloniae iibri 12, etc. Francofurti, 1711, 2 vol. in-foi.
Histoire de l'abbaye de Saiut-Denys, par Doublet. Paris, Buoa, 1625,
2 lom. in-4o.
Gerardi Dubois historia ecclesia} parisiensis. Parisiis, Muguet, 1690-1710,
2 vol. in-fol.
Historia universitalis parisiensis, autore Csesare Egassio Bulaeo (Duboulay).
Parisiis, 1665-1673, 6 vol. in-fol.
Théâtre des antiquités de Paris, par Jacques Dubreul, bénédictin. Paris,
1612, in-40 ; Paris, 1739, in-4o.
Caroli Dufresne Ducange, glossarium mediae et infirmae latinilalis (cum
indice aatorum). Parisiis, Osmont, 1733-1736, 6 vol. in-fol.
Observations sur l'histoire de saint Loys, par Ducange, avec l'histoire de
saint Louis, par Joinville. Paris, 1668, in-fol.
Historiée Francorum autores, coUecli ab Â^ndreà Duchesne. Parisiis, 1636,
5 vol. in-fol.
fiistoriaa Normannorum scriplores, collecti ab Ândreâ Duchesne. Parisiis,
1629, in-fol.
Histoire de tous les cardin. franc., par Fr. Duchesne. Paris, 1660, in-fol.
Raym. Duellii miscellaneorum Iibri 2. Augusta-Yindelicor. 1723, in-4°.
Histoire de saint Bénezet et du pont d'Avignon, par Magne Agricole (Pierre
Du Haitze). Aix, 1708, in-16.
Histoire des auteurs ecclésiastiques du Xll^ siècle, par EUies Dupin. Paris,
1696, 2 vol. in-8o.
Histoire de la ville et des seigneurs de Coucy, par D. Touss. Duplessis.
Paris, 1728, in-4°.
Recueil des rois de France, leurs couronne et maison, par Jean Dutillet.
Paris, 1618, in-4''.
E.
Eadmeri cantuariensis monachi historia novorum, sive rerum sui ssculi ab
aono 1066 ad annum 1122. Londini, 1623, in-fol. — Et ad calcem operum
S. Anselmi. Parisiis, 1676, in-fol. ; 1721, in-fol.'
Exordium magnum cistercieose, t. L P- '3 Bibliothecse patrum cisteicien-
sium, Berlrandi Tissier. 1660, iu-fol.
F.
Fabliaux et contes des poètes français des XI, XII, etc. siècles, publiés
par Barbasan ; nouv. édit. augmentée par Méon. Paris, Crapelel, 1808,
4 vol. in-S", Dg.
Joannis Âlb. Fabricii Bibliolheca média) et inGmx latinitalis. Hamburgi,
DES CITATIONS. xiij
173i, 6 vol. in-S". — Cum notis Dominici Mansi. Palavii, Maofré, 1754,
6 vol. in-i».
J. Â.lb. Fabricii Bibliolheca ecclesiastica, io quâ contineotur de scriptori- Fabric. B. Eccl.
bus ecclesiasticis libri plurimorum. Ilamburgi, 1718, iD-rol.
Origine de la langue et de la poésie française, par Claude Fauchel. Paris, Fauchet.
Pâtisson, 1681, in-8°.
Histoire de l'abbaye de Sainl-Denis. par dom Michel Félibien. Paris, 1706, Félibien.
in-fol.
Ferrii Locrii Maria augusla. Atrebali, Mandhuy, 1608, in-4°. Ferr. Locr.
Histoire ecclésiastique, par Fleury. Paris, 1691-1737, 36 vol. in-4° ou Fleuri.
in-12.
Bibliolheca Belgica, sive Belgici scriptores à Valerio Andréa, Auberto Mi- Foppens.
rseo, Fr. Swertio recensiti : cura Francisci Foppens. Bruxellis, 1739,
2 vol. in-4°.
Rerum germanicarum scriptores aliquot insignes, collecti à Marquardo Fre- Freher.
hero. Edilio Struviana. Argenlorali, 1717, 3 vol. in-fol. — Direclorium
bisloricorUm medii œvi. à Marq. Frehero. Goelting», 1772, in-l". —
Thealrum virorum eruditione clarorum, à Marq. Frehero. Norimbergse,
1688, 2 vol. in-fol.
Pétri Frison, Gallia purpurala. Paris, Lemoine, 1638, in-fol. Frison.
Gallia Christiana (velus} studio Scaev. et Ludov. Sammartb. Parisiis, 1656, Gall. Christs vet.
4 vol. in-fol.
Gallia Chrisliaoa (nova) operâ Dionysii Sammarlhani et aliorum. Parisiis, Gill. Christ, n.
1716-1785, 13 vol. in-fol.
Yerbum abbreviatum, opus Pétri Canloris, cum notis Georgii Galopin. Mon- Galopin.
libus, 1637, in-4».
Séries Prxsulum Magalonensium cl Monspeliensium, autore P. Gariel. Tolo- Gariel.
sae, 1652, in-fol. Ibid. 1665, in-fol.
Gaufridi Vosiensis chronicon Lemovicence, in bibliolheca librorum manus- Gaufr. Vos.
criptorum Phiiippi Labbe, t. 11, p. 279 et seq.
Gervasii Dorobernensis monachi chronicon, inler AnglicsB Hisloris scripto- GeT\. Dorob.
res 10. Londini, 1662, in-fol. — Ëjusdem liber de Pontificibus Cantua-
rieosibus. Ibid. p. 1630-1683.
Bibliolheca ordinealphabelico inslitula, à Conr. Gesnero, 1645, in-fol. — Gesner.
Recognita et aucta à Jos. Simlero. 1574, in-fol. — Amplilicaia à J. J.
Frisio. Tiguri, Froschover, 1583, in-fol.
Gesla Ponlificum Altissiodorensium in bibliolheca manuscriptorum librorum Gesta Pont. ait.
Phiiippi Labbe, t. I, p. 411 et seq.
Gesta Ponliûcum Cenomauensium, inler analectaMabillonii, in-fol. pag. 238- Gesta Pont. C.
338.
Gesta Ponlificum Leodiensium, in Historiâ Ëcclesis Leodiensis, studio Joan- Gesta PoQt. L.
Joannis Chappeauville.
Gilles d'Orval dans le recueil de Chappeauville, t. II. Gilles d'Orval.
iEgidii de Roya Annales Belgici, dans le Recueil des Historiens Belgiques de Gilles de Roya.
Swerl. Francfort, 1620. 1680. in-fol.
Giraldi Cambrensis hibernia expugaala, dans la collection des écrivains Girald. Cambr
anglais et normands.
xiv TABLE
GlsDTille. TractatU! de legibus el conguetudioibus regni Angliœ, tempore régis Hen-
rici II compositus, justili» guberaacula leneiile Ranuiro de Gl^avilLà.
Londini, 1673, in-lï.
Th. Godefr. Cér. Le Cérémonial français, par Tbéad. aodefroy. Paris, 1649, 2 vol. in-fol.
Grancolas. Critique dei auteurs ecclésiastiques, par Jean Grancolas, 2 vol. in-S».
Guichenon. Histoire de Bresse, Bugey, etc., par Sam. Guicbenon. Lyon, Hoguelan, 1650,
in-fol. fig.
Guill. Neubr. Guillelmi Neubrigensis chronica rerum Anglicarum, cum nolis J. Picard.
Oxonii, Sheldon, 1779, 3 vol. in-S" ; el dans les colleclious d'historiens
d'Angleterre.
Guill. Tyr. Guillelmi Tyrii archiepiscopi bistoriœ rerum in partibus marilimia gesla-
rum libri S3. Dans le recueil de Bongars , intitulé: Gesta Dei pir
Francot.
Guyon. Histoire de l'église et de la ville d'Orléans, par Sympb. Guyon. Orléans,
1647, in-fol.
Gyrald. De Historià Poetarum dialogi 12 Lilii Gregor. Gyraldi, t. II, operum ipsius.
Lugdnni Batav. 1696, in fol.
H.
Harpsfeld. Historia ecclesiaslica Anglicana à Nie. Qarpsfeldio. Duaci, Wyon, 1622,
in-fol.
Cxs» Heisterb. CaBsarii Heisterbacensis libri 12 miracuiorum el historiarum memorabilium
sui lemporis. Anluerpiae, Nutius, 1604, in 8°, et il Bibliotkecœ PP.
Cw«erc. — Dialogi, ibid. t. II, p. 170.
Helinand. Helinandi monachi chroiiicoa, t. Vil Bibliolheca PP. Cistercieat, tludio
Bertr. lissier.
HemiDgford. Guall. Hemingforl, inter Ritloriœ Angl. scriptoresiQ.
IlénauU. Abrégé chronologique de l'Histoire de France, par le président Uéoault.
Paris, 1768, 3 vol. in-8°.
lienr. Gand. Henricus Gandavensis de scriptoribus ecclesiaslicis, in Bibliothecd eccluias-
lied Fabricii.
Henr. Huniiog. Henrici HuDlingdoniensis Historiarum libri 8, in colleclione Savilianâ,
Henriq. Mcnol. Menologium Cislerciense, nolalionibus illuslratum, cum conslilulionibus et
privilegiis ejusdem ordinis, cura Chrysostomi Henriquez. Antuerpiae, Mo-
rel. 1630, infol.
JleDriq. Fascic. Fasciculus sanclorum ordinis Cisterciensis, cura Chrysostomi Henriquez
Coloniœ, 1631,2 vol. in-4o.
Ilenricq. Phœn. Chrysoslomi Henriquez Phœnix reviviscens, sive ord. Cisterc. Angl. el Hi-
bern. scriplores. Bruxellis, 1626, in-4u.
Ilcrman. Hermanni (vel llerimanni) de miraculis B. Maria Laudunensis, de geslis
Barlholomœi episcopi. et S. Norberli libri 3, pag. 526-560 operum
Guiberti de Novigenlo. Parisiis, 1661, in-fol.
Hildebcn. Ilildeberli opéra édita ab Antonio Beaugendre. Parisiis, Le Conte, 1708,
in-fol.
Hist. d'Évrcux. Histoire du comté d'Evreux, par Ph. Le Brasseur. Paris, Barois, 1722,
in-4o.
H. Angl. ter. 10. Hisloria angliae scriplores 10, illustrali à Uogerio Twissden, et à Seldepo.
Londini, 1632, in-fol.
II. Aogl. scr. 20 Hist. britannic», saxonica), aoglo-saxonicae, scriptores 20, coUeoti à Tfa«
Gale. Oxon, Sheldon, 1691, 2 vol. in-fol.
DES CITATIONS. xv
Historia generalig frattum discalcealornm ordinis B. Virgini» Mari^B de H. Fr. Discale,
nionie Carmelo, coDgtegaiionis S. Elis. Roœœ, 1608, in-fol.
Anciennes Lois des Français, conservées dan» les coutumes anglaises ; par Hou«rd.
Dav. Bouard. Rouen, 1766, 3 vol. in-4o. — Traité du même sur les
ccutumes anglo-normabdes. Paris, 1776— 1777, î vol. in-4°.
Les origine» de la ville de Caen et des lieux circonvoisins, par P. Dan. Huet, Caen.
Caet; nouv. édil. augm. Rouen, Maurry, 1706, in-S»,
Magistri Dugonii de sancto Victore opéra omnia. Rothomagi, 1648, 3 vol. Hug. de S. Vie».
in-fol.
Caroli Ludovic! Ilugonis monument» sacr» aniiquitalis. Stigavii, 1788, Car. Lnd. Hug.
2 vol. in-fol. — Ejusdem Annales prsmonstratenses. Nancei, CusHon,
1734 et 1736, 8 vol. in-fol,
The Distory of england from tbe invasion of Julius Cssar, to the révolution Hume. .
in 1688 by Dav. Hume. London, 1770, 8 vol. in-4".
I.
Ivonis Cartonensis episcopi epistolœ et opéra omnia cum notis Franc» iv. Cam.
Jureli et Joannis B. Souchet, Parisiis, 1647, infol.
J.
Joannis Sarisberiensis epistolaj, cum epistolis Gilberli , editis à Joanne Joann. Sarisb.
Masson, Parisiis, 1611, in-4°. — Joannis Sarisber. Policraticus, sive de
nugiscurialium et vesligiis pbilosophorum libri 8, et Metalog, libri 1,
LugJuni Balav. Maire, 1632, in-8». Lugd. Balav. 1639, in-8°.
Histoire de saint Louis, par Jean sire de Joinviile, avec des obsel-vations, Joinville
etc. par Dufresne-Ducange. Paris, Marbre-Cramoisy , 1668, in-fol.
— Histoire de saint Louis, par Joinville; Annales de son règne, par
Guillaume de Nangis, etc.; édition de Melol et Capperonnier. Paris,
imprim. Roya'e, 1761, in-fol.
Purpura divi Bernardi, sive elogia PontiOcum, Cardinalinm, Episcoporum JoDgelin,
et Archiepiscoporum ex ordine Cisterciensi; studio Jungelini. ColoDis
Agrippinx, Krafft, 1044, in-fol.
K.
Henr. Koyghlon, inler Anglic. Bistoriœ teriptoret 10. Knyghion.
Georg.Malh. Konig.Bibliotheca velus et nova. AltdorGi, Endler,1678, in-fol. Konig.
L.
Nova Bibliolheca manuscriplorum codicum cura Philippi Labbe, Parisiis, Labbe, Bib. mss,
1657, 2 vol. in-fol.
Sacro-sancta concilia, collecta et édita a Philippo Labbe et Gabriele Cos- Labbe, Cône.
sart. Parisiis, 1671, 17 tom. vol. in-fol.
Philippi Labbe Iraclalus de scriptoribus ecclesiasticis. Parisiis, 1660, in 8", Labbe, Scr. Ecc.
Hisloire de la Musique ancienne et moderne (par J. Benj. de la Borde). La Borde.
Paris, Pierres. 1780, 4 vol. in-4''. — Mémoires histeriques sur Raoul
deCoucy, par J. Benj. de la Borde. Paris, 1701, in-S».
Théâtre d'honneur et de chevalerie, par la Colombière. Paris. 1648, in-fol. La Colombière.
Bibliothèque française, pai la Croix du Maine. Paris, 1684, in-fol. — Avec Lacr. du M.
Duverdier, édition de Rigoley de Juvigny. Paris. 1772 et 1773, 6 vol.
in-4°.
Remarques de Bernard delà Monnoye surlesjugem. de Baillel; dans les La Monnoye.
jugemens des savans, etc^ Paris, 1722-1730, 8 vol. in-4».
xvj TABLE
Lanfranc. Lanfranci opéra, studio Lucaî Dachery. Parisiis, 1648, in-fol.
La Pomraeraye. Histoire des Archevesques de Rouen, par 'un Bénédictin (Fr. de la l'om-
meraye). Paris, Maurry,1667, in-fol.
La Roquo. Histoire généalogique de la maison d'Harcourt, avec les preuves; par A. G.
de la Roque. Paris, 1662, 4 vol. in-fol,
Launoy, Arist. Joannis Launoy traclatus Je varia Aristotelis fortunâ, t. IV operum ejus-
dem J. Launoy. Genevaî, 1732, in-fol.
L baud Histoire de Bretagne, etc., par Pierre le Baud, aumônier de la reine Anne.
* ■ Paris, Alliot. 1638, in-fol.
Lebeuf. Aux. Mémoires concernant l'hist. d'Auxerre, par l'abbé Lebeuf. Paris, 1743,
3 vol. in-4°.
Lebeuf. Diss. Dissertations sur l'histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Paris, sui-
vies de plusieurs éclaircissemens sur l'histoire de France, par Lebeuf,
Paris, Lambert, 1739 et suiv. 3 vol in-12.
Lebeuf, Paris. Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, par Lebeuf. Paris,
Prault, 1764,16 vol. in-12.
Le Labour. Maz. Les mazures de l'abbaye de l'Isle-Barbe-lès-Lyon ; par Claude lo Laboureur.
1"° partie, Lyon, Galbit, 1665, in-4°.— 2» partie, Paris, Couterot, 1682,
in-4°. — Suite. Paris, 1682, in-i".
Le Cointe. Annales ecclesiaslici Francorum ; aulore Car. Lecointe, orat. Parisiis,
typogr. Reg. 1666-1 683, 8 vol . in-fol.
Leland. Joannis Lelandi commeiilarii de scriptoribus Britannicis. Oxonii, è tl eatro
sheldoniano, 17Ô9, in-8".
Lelong, Bibl. Bibliothèque historique de la France, par Jacq. Lelong, de l'Oratoire, nouv.
de Fr. édit. augmentée par Fevret de Fontette. Paris, Hérissant, 1768-1778,
6 vol. in-fol.
Lelong, Bibl. S. Bibliolheca sacra in binos syllabos distincta, a Jacobo Lelong. Parisiis,
Couslelier, 1723, 2 vol. in-fol.
Lenglei Dufr. ^^ l'usage des romans, avec une bibliothèque des romans, par Gordon de
Percel (Lenglel Dufresnoy). Amsterdam, 1731, 2 vol. in-12.
Le Paige, B. l'r. Joannis le Paige, Bibliotheca ordinis Pncmonstratensis. Parisiis, 1633,
in-fol.
Lipcn. Bibl. Th. Martini Lipenii Bibliotheca realis iheologica. Francofurli, 1685, 2 vol.
in-fol.
LiroD Bib. Ch. La Bibliothèque charlraine, ou Traité des auteurs et hommes illustres du
diocèse do Chartres, par Dom Liron. Paris, 1778, {11-4».
Lobineau llisi D'sloire de Bretagne, composée sur les actes et les auteurs originaux, par
de Brei. ' Dom Lobineau. Paris, Muguet, 1707, 2 vol. in-fol. fig. — L'Histoire des
Saints de Bretagne, par le même. Rennes, 1724, in-fol.
Ludewlg. Reliquiœ manuscriplorum omnis aivi diplomatum, etc. collecta à J. Petro
Ludewig, Francofurti et Lipsiae, 1720, et seqq. 12 vol. in-8°.
M.
Mabillon, Aci. Acta Sanctorum ordinis S, Benedicti, studio Joannis Mabillon et Lues
Dachery. Parisiis, 1688-1702,9 vol. in-fol.
Mobill. Anal. Vetera Analecla collecta à J. Mabillon. Parisiis, Montalant, 1723, in-fol.
Mabill. Annal. Annales ordinis S. Benedicti, à J. Mabillon(et Renalo Massuet). Parisiis,
Robustel, 1703-1739,6 vol. in-fol.
Mabill. Diplom. Joannis Mabillon de re diplomaticà libri 6, eJilio secunJa cum prœfatione
Ruinarlii. Parisiis, Robustel, 1709, in-fol. lig.
DES CITATIONS. xvij
De morinis et morinomm rébus; auctore Jac. Malbranq. Tofdabi, 1639- Malbrancq.
166i, 3 vol. in-4».
Anliquilés de la ville de Paris, par Claude Malingre. Paris, Rocolet, 1610, Malingre.
in-fol.
Cisterciensium aDualium libri 4, aulore Angeio Manrique. Lugduni {ka'is- Manrique.
son), 1642-1653, 4 vol. in-fol.
Metropolis Remensis hisloria, sludio Guillelmi Marlol. Insulia, de Rache, Marlot.
1666. i vol. in-fol.
Thésaurus novus anecdolorum compleclens epislolas, diplomala, elc. slu- Mail. Anecd.
dio Edmundi Marlèue et Ursini Durand. Parisiis, Delaulne, 1717, 5 vol.
in-fol.
Velerum scriplorum el. monumenlorum coUeclio amplissima, studio Ed- Martène, Coll.
mundi Marlène el Ursini Durand. Parisiis, Monlalant, 1724-1733, 9 vol Ampl.
in-fol.
Edmundi Marlène de rilibus Ecclesiae libri 4. Anluerpiae (Mediolaiii, Marièoe, Rit.
cura Muralorii), 1736-1738, 4 vol. in-fol.
Voyages liiléraires de deux Bénédiclins (Marlène el Durand). Paris, 1717 Mart. Voy. Lin.
et 1724,2 vol. in-4».
Mathaei Weslmonasteriensis, flores hisloriaram de rébus brilannicis usque ad Maih. Westm.
annuml307. Londini, 1570, in fol.
D. Hugonis Mathoud nolae in Roberlum PuUum. Dans l'édition des œuvres Mathoud.
de Rob. Pull. Paris, 1666, in-fol.
Hist. delà ville de Lyon, par Ménétrier Jés. Lyon, 1696, in-fol. Ménéirier.
Menologium Carmelilanum juxlà novum el antiquum ritum S. Sepulcbri Menol. Carmel.
Ecclesiae hierolymilanae. Boloniae, 1627, \n-i°.
Jacobi Meyer commenlarii, sive Annales rerum flandricarum. Âutuerpise, Meyer.
1561, in-fol. Francof. 1680, in-fol.
Histoire littéraire des Troubadours, par Millot (sur les Doémoiresde Sainte- Millot.
Palaye). Paris, Durand, 1774, 3 vol. in-12.
Auberli Miraei (Le Mire) auclarium de scriptoribus ecclesiasticis. In Biblio- Mir. Auci.
theei ecclesiailicd Fabricii.
Chronicon Cislereiense, sludio Auberli Miraei. Coloniae, 1614, in-fol. Mir.'Chp. Ciii.
ChronicoD ordinis Prsmonslralensis, sludio Auberli Mirsi. Colonis Agrip- Hir. Cbr. Pr.
pinae, 1713, in-8<>. r
Origines Cœnobiorum ordinis S. Benedicti, in Belgio, sludio Âub«rli Mir. Orlg. Ben.
Mirsei Antuerpise, 1606, in-S".
Missale Cislereiense. Parisiis, 1526, 2 vol. in-fol. Miss. Cist.
Bibliolheca bibliolbecarum œss. nova ; sludio Bernardi de Montfaucon. Monif. B. mss.
Parisiis, Briasson, 1739, S vol. in-fol.
Dictionnaire historique de Moréri. Amst. 1698, 4 vol. in-fol. — Paris; Moréri.
1759, 10 vol. in-fol.
Thealrum sacri ordinis carlhusiani, à Carolo Jos. Morolio. Taarioi, 1681, Moroi. Tb. Cart.
in-fol.
Rerum ilalicarum scriptores, coUecli à Lud. Ant. Muralorio, Mediolani, Huratori Scr.
17Î3-1751, 25 lom. 29 vol. in-fol. ""•• ''•'•
N.
Vies des anciens poètes provençaax, par Jean Noslradaraus. Lyon, 1875, J. Nosiradamus.
in-8°.
Notices el extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi et autres No'- <>«» ">»»•
Tome XIV. c
2 .
Odon de Diog.
Ordonninrcs.
Olli. Frising.
Oudin.
Pagi.
Papebrock. Chr.
Cenom.
Papillon.
Papou.
Math. Paris.
Pasquier.
Patriarch. Bitur,
Pelrarca.
Peir. Dlea.
Pctr. Cant.
Petr. CeM.
Pcir. Vener.
Pez.
l'hil B. Sp.
Pils.
xviij TABLE
bibliothèques de Paris , publiées par l'Académie des inscriptions et
Belles- Lettres, etc. Paris, 1787-1813, 9 vol. in-4«.
0.
Odonis de Diogilo libelli 7 de profectione régis Ludovici VII la orienlem.
== Dans le livre de Chilllet, intitulé : S. Bernard i genus illustre assertum.
Notitia utriusque Vasconiae, autore Aroaldo Oihenart. Parisiis, Cramoisy,
1634, iu-io.
Ordonnances des Bois de France, recueillies par de Laurières, de Bré-
quigny, etc. continuées par M.Pastoret. Paris, Impr. Roy. 1728-1814,
16 vol in- fol.
Olhoni.s Frisingensis opéra, édita à Jeanne Cuspiniano. Argentorali, 1B16,
in-fol. — Cura Pétri Pilbaci. Basileae, 1569, in-foi. Ibid. 1696, in-fol.
^ Dans la collection d'Iiisloriens d'Allemagne. Francfort, 1610, in-fol.
— Dans le lom. VIII du recueil publié par Berlr. lissier, sous le titre
ieBibliolAeca PP. Cisterciensium. — El tom. VI du recueil de Muralori
Scriplores rerum italicarum.
Casiœiri Oudioi commentarius de scriptoribus Ecclesise anliqùis, cum
multis dissertationibus. Francofurti et Lipsis, Weidman, Mii, 3 vol.
in-fol.
P.
Ântonii Pagi critica bistorico-chronologica in universos Annales Baronii.
Anluerpiae (Genevse), 1705, 4 vol. in-fol. — Et avec les Annales de
Baronius, édit. de 1740, in-fol.
Chronologia Episcoporum Cenomanensium, Digesta à Dan. Papebrokio.
Apud Bolland. 19 jun. p. 868.
Bibliotlièque des auteurs de Bourgogne, par Papillon. Dijon, Marteret,
1742, 2 vol. in-fol.
Histoire générale de Provence, par Papon. Paris, 1778-1786, 4 vo'. in-l",
Malhaii Paris Angli, Monachi Albanensis, liisloria major, sive rerum an-
glicarum faistoria à Guillelmi adventu ad annum 43 lienrici ill. Londini,
1640, 2 vol. in-fol.
Recherches de la France, par Etienne Pasquier dans ses œuvres. Amsl.
1723, 2 vol. in-fol.
Patriarcbium Bituricense, sive Ilistoria Patriarcharum, Episcoporum....
Bituriceosium, tom. il, Bibliothecœ manuscriplis Philippi Lahbe.
Le Rime di Fr. Pelrarca. Venezia, Zalla, 1766, 2 vol. in-4o. — Parigi,
Praull, 1768, 2 vol. in-12.
Pelri Blesensis opéra, édita à Petro de Gussanville. Parisiis, 1667, in-fol.
Pétri Cantoris verbum abbreviatum, cum notis Georg. Galopin. Montibus,
1637, in-4».
Pétri abbalis Cellensis opéra omnia, studio Reinerii Ambrosii Janvier.
Parisiis, Billaine, 1661, in-4o.
Pelri Venerabilis opéra, p. 689-1376 Bibliothecœ Cluniaeensit. — t. XXII
Bibliothecœ maximœ patrum.
D. Bernardi Pezii Thésaurus anecdolorum novissimus. Augusla Vindelicorum,
1721, 7 tom. 6 vol. in-fol.
Philippi abbalis bono) spei ordiois Prxmonslratensis opéra omnia. Duaci,
1621 in-fol.
Joannes Pilseus de scriptoribus Anglia; illuslribus. Parisiis, 1619, in-4o.
DES CITATIONS. xix
Histoire générale et particalière de Bourgogne, avec des notes, dissertations Plancher.
et preuves, par un Bénédictin (Urbain Plancher). Dijon, de Fay, 1739-
1748, 3 vol. in-foi.
Antonii Possevini apparatus sacer, cum appendicibus. Venetiis, 1606, 3 vol. Possev. Appar.
in-fol. — Colonia), 1608, 8 vol. in-fol.
Â^nt. Possevini bibliotbeca !;elecia; de ratione studioruoi. Romae, typogr. Poss. Bibl. sel.
Vatic. 1593, in-fol. — Colonise, Gymnicus, 1607, in-fol.
R.
Radevicus de geslis Frederici yEoobardi imperaloris.— Â. la suite d'Olhon Radevic
de Frisingue dans la collection d'bisloriens d'Allemagne. Francfort, IGIO,
in-fol.
Radulphi de Diceto imagines historiarum inter Anglicanes historiœ scrip- Rad. de Diceio.
tores 10.
Histoire d'Angleterre, par Rapin de Thoyras, avec les remarques de Tyndall. Rapin Thoyras.
La Haye, 1726-1736, 15 vol. in-4°. — Nouv. édit. donnée par Lefebvre
de Saint-Marc. La Haye (Paris), 1749, 16 vol. in-4°.
Th. Raynaldi opéra omnia. Lugduni,1666 et seqq. 19 tom. in-fol. Th. Raynald.
Reineri monachi opéra; t. IV Thesauri anecdot. Bernardi Pez. Hciner.
Essais historiques sur le Maine, par P. Renouard. Au Mans, 1811, in-12. HcDooard.
(Roberti) monachi S. Meriani allissiodorensis, Chronicon altissiodorense, Rob. Chr. Altis.
usque ad annum 1212 ; edilum à Nicolao Camusat. Trecis, Moreau, 1608,
in-4'.
Roberti dé Monte, ahbatis S. Michaelis, chronica, sive appendix ad Sige- Rob. de Monie.
berlumab anno 1100 usque ad 1184. — Ad calcem operum Guiberti de
Novigento Parisiis, 1651, in-fol. pag. 743-810.
Vita Pétri Monoculi, aulore Th. Rodelio in Fasciculo sanclorum ord. Vis- Rodel Viia P.
terc. Chrys. Henriguez. Mon.
Rogerii de Hoveden Annales ab anno 732 ad annum 1201. P. 401-429 Rog. de Hoved.
Collectionis Saviliauae : Scriptores rerum angltcarum pott Bedam prœci-
put.
Ândreae Rosotti, syllabus scriptorum Pedemontanorum, etc. Monte-Regali, Rosotii.
1667, in-4o.
Histoire de la ville de Meluo, par Sébastien Rouillard. Paris, 1628, in-4°. Roullard
Fœdera, conventiones, litter» et cujuscumque geoeris acla publica, inter Rymer.
reges Angliaeetaliosquosvis imperalores, reges, etc. studio Tboœse Ry-
mer. Hagae-Comit. 1745, 10 vol. in-fol.
S.
Bibliotheca Belgica manuscr. sive Elencbus universalis codicum manuscr. in Sander.
celebrior. Belgii bibliothecis ; digestusab Antonio Sandero. losuiis, 1641,
in-4o.
Anglicarum rerum scriptores post Bedam prscipui, coUecti ab Henrico Savi- savil. Script.
lio. Londini, 1596, in-fol. Fraucofurti, 1611, in-fol. rer. angl.
ScriptoreshistoriœAnglicaB 10. Franco!". 1601, in-fol. Lond. 1632, in-fol. Scr. H. Angl. 10.
Scriptores hislorise BritannicsB, Saxonic», Anglo-saxonicae 20. Oxonii, Shel- Scr. H. Anglo-
don, 1691, 2 vol. in-fol. Sax.
Scriptores historise Normannorum, coUecti ab Andréa Duchesne. Parisiis, Scr. Hlst. Nom».
1629, in-fol.
Scriptores historise Francorum, collecti ab Andréa Duchesne. Parisiis, 1636, Scr. Uisi. franc,
5 vol. in-fol.
Scr.H.Fr.Coll.N.
Scr. Rer. Germ.
Pistor.
Scr. lier. Germ.
Urslii.
Scr. Rer. Germ.
Heib.
Scr. Rer. Germ.
Freh.
Sevcriins.
Seystre.
Sirmond.
Sixt. Sen. Bibl.
T. Smolelt.
Spcc. Csrmel.
Spelman. GIoss.
Spelman. Cod.
Spelman. Conc.
Spicileg.
Slepli. Tornac.
P. Sutor.
Swert.
Tanner.
Tliom. Cantuar.
Tissier. Bib. pp.
Cisl.
Triihem. Scr.
Eccles.
Trilb.llI.Germ.J
XX TABLE
Scriptores Hisloriae Francorum. Parisiig, 1731-1811, J6 vol. in-fol.
Scriptores rerum germanicarum aliquot iasignei, collecli à Pistorio. Edit.
terlia, cura Barchardi GoUhelffSlruvii. Ratisbonae, Conr. Paï, 17Î6, 3
vol. in-fol.
Scriptores de rébus germanicis ab Beorico IV ad aanum 1400, coUecti à
Christiano Urstisio (Wurstisen). Francofurli, 1670, i lom. 1 VQÏ. in-fol.
Rerum germanicarum tomi très collecli »b U^nrico MeibQopjo, Helmsladt.
1688, in-fol.
Scriptores rerum germanicarum aliquot insignes, collecli à Maquardo
Frehero ; edilio Slruviana. Argentorali, 1717, 3 vol. in-fol.
Clironologia Archiepiscoporum Lugduuensium, etc. aulore Jacobo Severlio.
Lugduni, 1628, in-fol.
Histoire de S. Bénezel et du pont d'Avignon, par Despréaux de A. B,
(Élienne Seystre, céleslin). Avignon, 1676, in-12.
Jacobi SirmonJi opéra varia (collectioscriptorum elmonumenlorumecclesias-
licorum). Parisiis. Typogr. Reg. 1696, 6 vol, in-fol.
Sixli Senensis Bibliolheca sancla. Lugduni, 1676, in-fol.; Parisiis, 1610,
in-fol.; Neapoli, 1742, 'i vol. in-fol.
Histoire d'Angleterre, par Tob. Smolelt; traduit de l'angl. en franc, par
Targe, avec des notes. 1769-1764, 19 vol. in-12.
Spéculum Carmelilanum, seu historia Eliani ordinis. Aotuerpix, 1680,
in-fol.
Henrici Spelmanni glossarium arcliaeologicum. Londini, 1664, in-fol.
Codex velerum legum et stalulorum regni Angliae, cura Henrici Spelman,
;;:=Dans le recueil des lois anglo-saxonnes, donné par WiUcins ; et dans le
tome II des anc. lois des Français, par Houard.
Concilia magnae Britannia), collecla ab Henrico Spelman, cum nolis Davidis
Wilkins. Londini, 1747, 4 vol. in fol.
Spicilegium, sive colleclio velerum aliquot scriplorum, cura Luc» Dacbery.
Parisiis, 1685-1677, 14 vol. in-4». Parisiis, Montalaul, 1723, 3 vol.
in-fol.
Slepbani Tornacensis epislolae, notis illuslralae à Claudio du Molinet. Pari-
siis, 1679. in-8°.
P. Sutoriï (Couslurier) de vilà Carlusianâ liber. Parisiis, Petit, 152Î, in-l».
Fr. Swertii Athenae Belgicaj, sive Nomenclator inferioris Germaniae scrip-
lorum. Antuerpi», 1628, in-fol.
T.
Bibliolheca Brilannico-Hibernica, aulore Tbomà Tannero. Londini; 1748,
in-fol.
Thomae (Becket) Canluariensis Episcopi (nec non Ludov. VII, Henr. II régis
Angli» et aliorum), epislolae, édita; à Christ. Lupo. Bruxellis, 1682,2 vol.
in-4'>. — Historia quadriparlila, sive iraclatusde vilà et passioneB. Tbo-
majarchiepiscopi canluariensis in fronle epislolarum ejusdem.
Bibliolheca palrum Cislerciensium, opéra Berlraodi Tissier. Bonofoole, 1660,
8 vol. in-fol.
Joannis deTrilhenhem {Trilhemii)abbalis Spanhemensis liber de scriplori-
bus ecclesiasticis. — In Bibliotheed ecclesiasticd J. Alb. Pabricii.
J. Trilhemii liber de virisilluslribus Germanie, inler ejus opéra bistorica.
Fraocof. 1601,2 part, in-fol.
DES CITATIONS. xxj
J. Trilbemii Annales Hirsaugieoses, sive monasterii sancli Galli. Typis ejus- Trith. An. Hirs.
dem monasterii, lé90, % vol. in-fol.
Camilli Tutini prospectus hisloriae ordinis Carlusiani. Yiterbii, 1660, in-8<>. Tutio. ord. Cart.
The gênerai bistory of england, both ecclesiastical and civil, by James Tyrrel.
Tyrrel. London, 1700, 3 vol. in-fol.
U.
Ferdinandi Ughelli Italia sacra. Romje, 1644-1662, 9 vol. in-fol. — Editio Ughelli, h. S.
secunda, studio Nicolai Coleli. Venetiis, 1717-17Î2, 9 tom. 10 vol. in-
fol. — Editio lerlia. Florentiae, 1763, 10 vol. in-fol.
Jacobi Usserii anliquitates ebclesiae britannica;. Londiui, 1729, in-fol. Ugg. ^vnt. E. Br.
V.
Histoire générale de la province de Languedoc, avec les pièces justificatives, Vaissette.
par (Claude de Vie el) Vaisselle. Paris, Vincent, 1730-1745, 6 vol in-
fol.
Histoire des chevaliers hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusa- Veriot, Hlst. de
lem, aujourd'hui chevaliers de Malle, par Verlol. Paris, 1778, 6 vol. Malte.
in-12.
Bibliothèque bisloriale, par Nicolas Vigoier. Paris, 1688, in-fol. Vignier.
Bibliolheca Carmelitana, nolis el disserlalionibus illustrata (à Cosmâ de Vill. Bibl. Carm.
Villiers à sanclo Slephano). Âureliani, Couret de Villeneuve, 1752, 2 vol.
in-fol.
Jacobi de Vitriaco Historia Dierosolymilana. — Dans le recueil de Bongars, Jac. de Vitri.
intitulé : Gesla Dei per Francos.
Gerardi Joannis Vossii, de Hisloricis lalinis libri 3. Lugduni Balav. 1651» Voss. Histor.
in-4o. — El tom. 1 de la collection des oeuvres de Vossius. Amsterdam,
Blaeu, 1995-1701, 6 vol. in-fol.
Ger.'J. Vossii de poetis latinis libri i, tom. III de la même collection. Voss. Poet.
W.
Anglia sacra , sive Colleclio hisloriarum de arcbiepiscopis et episcopis Warth. Angl. S.
Anglis, cura Henrici Warthon. Londini, 1G9I, 1692, 2 vol. in-fol. —
Idem Wartbon de Episcopis et Decanis londinensibus. Londini, 1696,
in-80.
Leges anglo-saxonics ecclesiasticae el civiles, cura Davidis Wilkins. Lon- Wilkins, Leg.
dini, 1721, in-fol. Angl.
Arnoldi Wion, lignum vitse, ornamentum et decus Ecclesiae, sive de illuslri- Wion.
bus Cassinensibus libri 6. Venetiis, 1595, 2 vol. in-S».
TABLE
DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME.
'^ VEBTISSBMBNT. Page j
Corrections et Additions au tome XIU . Ib.
Not'ce sur M. Ginyuené. iij
Table des Citations. • ix
Table des Articles . . xxij
Français auteurs d'hisloi^es étraugères. 1
Rodolphe, abbé de Cluni, mon eu 1177. 4
SimoD de Poissy, mort après 1 176. 6
Luc, abbc du MoQl-Coroilloa, mort en 1178 ou 1179. 8
Elienne de Fougères, morl en 1178 ou 1179. 10
Pierre-le-Mangeur, morleu 1179. 12
Gilles, évêque d'Évreux, morl en 1179. 12
Anonyme, auteur du Formulaire pour le sacre de Philippe-Auguste,
morl en 1179. 22
Roger, septième abbé du Bec, morl en 1179 ou 1180. 26
Geoffroy Fulchier, ou Foucher, mort après 1179. 30
Le Reclus de Moliens ou MoUens, mort vers 1180. 33
Elie de Barjols, morl eu 1180. 38
Louis VII, dit le Jeune, roi de France, mort en 1180. 41
Jean deSarisbéry, évêque de Chartres, mort en 1180. 89
Amaury, patriarche de Jérusalem, morl en 1180. 162
Philippe, abbé de l'Aumône, morl vers 1180. 166
(iuichard, abbé de Pontigny, puis archevêque de Lyon, morl en 1180
ou 1181. 179
Anonymes, auteurs d'abrégés de l'Histoire de France, vers 1180. 183
.Vdam du Petil-Ponl, morl en 1180. 189
Jean Sarazin, morl vers 1180. 191
Jean de Cornouailles.mfOrt vers 1180. 194
Guillaume, abbé d'Auberive, mort en 1 180. 200
Uenri-le-Libéral, comte de Champagne, morl en 1180. 206
Guillaume d'Agoull, mort vers 1181. 809
Guillaume de Cabestain, morl vers 1131 . 210
Richard l'Evêque, archidiacre de CoDslaace, puis évêque d'Avraa -
ches, mort en 1182. 215
Robert et Gilles Clément, frères, ministres d'Etal, le premier morl eu
1182. 217
Tean Beleth, vers 1182. 918
Jean l'Hermite, vers 1182. S22
Anonymes, historiens des évêques do Périgueax, vers 1182. 225
Mathieu d'Angers, cardinal, morl en 1183. 227
Roger, abbé de Saint-Euvertc, à Orléans, mot après 1182. 228
Pierre, cardinal du titre de Sainl-Chrysogoue archevêque de
Bourges, morl en 1182. S30
JABLE DES ARTICLES. xxiij
Pierre de Celle, évêque de Chartres, mort en 1183. 236
Philippe de Ilarveng, abbé de Bonne-Espérance, morl en 1183. 268
Rotrou, archevêque de Rouen, morl en 1183. 293
Éverlin de Foux, abbé de Sainl-Laurenlde Liège, morl en 1183. 300
Girard-la-Pucelle, morl en 11 84. 301
Arnoul, évêque de Lisieux, morl en 1184. 304
BarUiélemi, évêque d'Excester, morl en 1184. 334
Geoffroy, prieur de l'abbaye du Vigeois, morl en 1184. 337
Ordon, abbé de Sainl-Père, près d'Auxerre, el Odon, premier abbé
de Sainte-Geneviève. 346
Baudouiu IV, dit le Mesel ou le Lépreux, roi de Jérusalem, mort en
1185. 3SI
Hacquet, abbé des Dunes, morl en 1185. 353
Alain, évêque d'Auxerre, mort vers 1185. 354
Robert de Torigny, abbé du mont Saint-Michel, mort en 1186. 36S
Guillaume de Gap, abbé de Saint-Denis jusqu'en 1186. 374
Recueil de Formules épistolaires, vers 1186. 377
Roger-des-Moulins, grand-maîlre de l'ordre de Saiot-Jean de Jéru-
salem, mort avant 1187. 381
Aimeric, troisième patriarche latin d'Antioche, morl en 1187. 383
Traimond, ouTrasimond, moine deClairvaux, morl vers 1187. 395
Gaucelin, évêque de Lodève, mort en 1187, et Hugues, moine de
Salvanez. 399
Lambert le Bègue, rnstiluteur des Béguines, morl vers 1188. 402
Anonymes, auteurs des actes des évêques du Mans, vers 1188. 410
Anonymes, auteurs d'Histoires el chroniques d'Auxerre, vers 1188. 413
Thibaud , abbé de Cluni , puis cardinal évêque d'Ostie , mort en
1188. 417
Mainard, abbé de Ponligny, puis cardinal, mort vers 1188. 418
Reiner, moine de Liège, vers 1188. 420
Geofroy de Péronne, prieur deClairvaux, mort vers 1189. 426
Geofroy d'Auxerre, secrétaire de saint Bernard, mort après 1188. 430
Henri, cardinal évêque d'Albano, mort en 1189. 451
Henri II, roi d'Angleterre, mort en 1189. 462
Ranulfe de Glanville, grand justicier d'Angleterre, mort.en 1190. 646
Gautier, prieur de Saint-Victor, mort vers 1190. 649
Herbert, archevêque de Torrès, mort vers]l 190. 654
Robert Paululus, mort vers 1190. B56
Geoffroi Rudel. morl en 1190. 669
Garind'Apcbier, vers 1190. 665
Guillaume Adhémar, vers 1190. 567
Jean de Haniville, vers 1190. 669
Raoul, châtelain de Coucy, vers 1190. 679
Guillaume de Tyr, morl vers 1190. 587
Lambert Walerlos el autres historiens du Cambrésis, vers 1190. 696
Anonyme, auteur de l'histoire de la fondation du prieuré de Sainte-
Barbe en Auge. gOl
Anonymes de l'ordre de Prémontré. g()3
Auteurs d'opuscules depuis 1176 jusqu'en 1190. gOg
1. Pierre II, évêque de Carpentras. /j^
xxiv TABLE DES ARTICLES.
2. Robertde Fécamp. Ih.
3. Chrétien, moine. /(.
i. Himbert ou Humberl, disciple de saint Bernard. 60?
6. Eustachc, religieux du mont Saint-Éloi. 608
6. Benri, évêque de Lubeck, depuis 1170 jusqu'en 1184. Ib.
7. Gérard, Girald, ou Giraud, évêque d'Alby, 609
8. Guillaume, bibliothécaire de l'abbaye de Marmoutiers, en
1186. n.
9. Guillaume Templiers ou Tempers, abbé de Reading. Jb.
Auteurs de lettres missives, 1176 — 1190 610
1. Bernard, évêque de Nevers, mort en 1177. 7A.
2. Ervise, abbé de Saint-Victor, mort en 1177. 611
3. Gérard, abbé de Fosseneuve, mort en 1177. Ib.
4. Anthelme ou Nanthelme, évêque de Beiley, mort en 1178. 612
5. Conon, abbé de Saint- Vannes, mort en 1178. 614
6. Nicolas, sous-prieur de Saint- Victor, morten 1180. Ib.
7. G. abbé de Barbeau. 616
8. Hugues du Mortagne, prieur de Saint-Martin de Séez, veti
1180. Ib.
9. Hugues de Monceaux, abbé de Sainl-Germaln-des-Prés, mOrt
eu 1181. Ib.
10. Guillaume, dit de Narbonne ou de Toucy, mort en 1 182. 616
11. Boger du Pont-l'Evêque, archev. d'Yorck, morten 1182. Ib,
12. Richard, archevêque de Canlorbéry, morten 1184. 617
13. Etienne de Baugé, évêque de Maçon. 618
14. Guillaume Passavant, évêque du Mans, morten 1186. 619
15. Pierre Monocule, abbé de Clairvaux, morten 1186. (20
16. Adelbert de Tournai, évêque de Mende, mort en 1187. 623
17. Roland d'Avranches, mort en 1188. 624
18. PoDce, abbé de Clairvaux, évêque de Clermont, mort en
1189. /*.
19. Guy, évêque de Châlons-sur-Marne. 6â5
20. Jean de Monllaur. 626
Auteurs anonymes de vifs de Saints, 1176-1190. 627
1. Vie de saint Désiré, archevêque de Bourges. H
i. Vie de saint Basin. 628
3. Deux légendes de saiiil Domilien, évêqubde Maestticht. Ib.
4. Vie du bienheureux Roland, abbé de Chéry. Ib.
5. Vie de saint Frambalde ou Frambourg. 629
6. Vie de saint Bénezel, fondateur du pont d'Avignon. H,
7. Vie du bienheureux Bertrand, abbé de Grand-Selve. 639
8. Vie du bienheureux Ponce, évêque de Beiley. Ib.
9. Vie de saint Anthelme ou Nanthelme, évêque de Beiley. lè.
10. Vie du bienheureux Pierre, prieur de Jully. 631
11. Vie de saint Arnould, évêque de Gap. 632
12. Relation de la translation des reliques de saint Renobert. Ib.
13. Vie de saint Fiacre. ■ 633
14. Relation des miracles de saint Bernard. 637
Table alphabétique des auleurs et des matières» 038
HISTOIRE
LITTÉRAIRE
DE LA FRANCE
SUITE DU DOUZIÈME SIÈCLE.
FRANÇAIS,
AUTEURS D'HISTOIRES ETRANGERES.
Nou.s plaçons sous ce litre deux auteurs, dont l'un a com- xii siècle.
posé une histoire de Milan, l'autre une histoire de Pologne.
I. Sire Raul. Tel est le nom de l'auteur d'un morceau ^". itai. i.
d'histoire ayant pour titre : Comment arius de gestis Friderici ' ^' '"■
primi in Italiâ. L'illustre Muralori , en publiant cet écrit
dans sa Collection des historiens d'Italie , examine d'abord
si cet auteur était italien ou français , comme son nom et
son prénom sembleraient l'indiquer, il trouve dans cet écrit
des preuves suffisantes que l'auteur était à Milan lorsque les
Tome XIV. A
2 FRANÇAIS, AUTEURS DHIST. ÉTBANGÈRIÎS.
xir SIECLE, événemens qu'il raconte se passaient ; car, dès l'entrée du
livre, il déclare qu'il a tout vu par ses yeux, ou appris de
personnes véridiques. Mais cela ne prouve pas qu'il fût Mila-
nais ou établi à Milan, parce que, tout comme il y avait des
Italiens en France, il pouvait y avoir des Français en Italie,
sur-tout dans un temps où les Milanais étant en guerre
ouverte avec l'empereur, avaient besoin de secours étrangers
en hommes expérimentés dans l'art de la guerre.
Le nom de Raul, qui se rend en latin par Radulfus ,
n'empêcherait pas de le croire Milanais, parce que ce nom,
quoique moins fréquent alors en Italie qu'en France, s'y
rencontre quelquefois; mais le mot de Sire, employé comme
prénom ou comme expression honorifique, sans être joint
au litre d'une terre, embarrasse beaucoup le savant italien.
Pour se tirer d'embarras, il soupçonne qu'au lieu de Sire,
on pourrait lire Siro, qui est le nom d'un saint évêque de
Pavie, fort révéré dans le pays. Mais le mot Sire est ainsi
exprimé au titre du livre, et encore enchâssé dans un vers
qui le termine, oîi l'on aurait pu I altérer avec d'autant plus
de raison que sa désinence détruit la mesure du vers :
Qui fecit hoc opiis. Sire Ratt! nnmine dictiis.
S'il s'agissait, dit Muratori, d'un auteur florentin, on serait
moins embarrassé, parce qu'en Toscane on ap[)elait Sere ou
Ser les notaires publics, et, en ailmellant celle conjecture,
le vers se trouverait avoir sa juste mesure. Il examine donc
si ce vers ne serait pas de la façon du copisU;, qui, comme
cela est arrivé quelquefois, aurait eu la vanité de mettre son
nom à la fia de l'ouvrage. Mais le verbe fecit n'admet pas
cette conjecture, qui est encore repoussée par le titre du livre.
Après avoir épuisé ses conjectures, Muralori déclare qu'il
appelera son auteur Radulfus Me('iolanensis , sans décider
s'il est Milanais ou Françai.'^. Puis donc qu'il veut nous le per-
mettre, nous l'adopterons pour notre compatriote, et nous
le placerons parmi nos auteurs fraiiçais, avec d'autant plus
de raison que nous savons qu'en Fr.mce, dans le Xll' siècle,
la qualification de Sire était réserviio aux seuls militaires qui
avaient été admis aux honneurs de la chevalerie. On peut en
voir des exemples dans le Glossaire de Hucauge, au mol
Siriaticiis.
Cette histoire commence à l'année 11. "ii, et finit en 1177.
Muralori se félicite d'avoir fait celte découverte. (>e n'est pas
FRANÇAIS, AUTEURS D'HIST. ÉTRANGÈRES. 3
qu'il manquât d'historiens contemporains beaucoup plus xii sif.clr
circonstanciés que celui-ci; mais, comme leurs intérêts per-
sonnels les allachaienl au parti de Frédéric, il s'applaudit
avec raison d'en avoir trouvé un qui soutienne la cause des
Italiens. « Car, dit-il, si, dans les affaires qui regardent le.s
" particuliers, l'on ne peut porter un jugement sûr, lorsqu'on
« na entendu qu'une des deux parties, à plus ferle raison
« est-on encore moins en état de le faire dans les démêlés qui
« arrivent entre les princes et les états qui leur sont opposés. »
Du reste il nous assure que la relation de Raul est exacte et
sincère.
On trouvait à la suite du manu'^crit une relation de la
dernière expédition de Frédéric Barherousse en Orient, que
Muralori n'a pas jugé à propos d imprimer. Si cette relation
était du même auteur, il s'ensuivrait que Raul ne serait mort
qu'après l'an 1190. C'est sur quoi le savant italien ne s'est
pas expliqué, laissant à d'autres le soin d'éclaircir ce point de
critique.
11. Fabricius, en rendant compte des écrits de Vincent Bibi. mc.i «u.
Cadlubhus o\x Kadlubko, évêque de Cracovie depuis l'an 1209
jusqu'à 1219, auteur d'une histoire de Pologne impriniée à
Drobomili l'an 1612, in-8^, et réimprimée à la suite de Dlu-
gossus, à Leipsick en 171 1 ; Fabricius, disons-nous, rapporte
que l'éditeur de cet ouvrage est étonné que Martin Cromerus,
auteur d'une Histoire du même royaume, ait avancé que
Cadlubkus est le premier qui ait écrit une Histoire do Po-
logne, tandis que deux auteurs qu'il promet do donner au
public l'avaient devancé dans cette carrière ; l'un est, dit-il,
un anonyme français, l'autre Bascop gouverneur, custodem, """'• ' ".
de Posnanie : Hoc te solum moneo, mirari me quôd Crome- '' ''
rus, summus reverà patriœ nostrae mystes, illum {Kadlub-
konem) primum historiam scripsisse dicat, cùm nos duos
priores, gallum anonymum et Baskonem custodem Posna-
niensem habeamus, tibique daturi, Deo duce, simus. Ce dernier
n'appartient pas à notre histoire ; mais l'anonyme étant Français,
entre dans notre plan.
Son histoire n'a point encore vu le jour : du moins le
même Fabricius dit n'avoir aucune connaissance qu'elle ait
été imprimée. Mais elle a été souvent citée par les historiens
polonais, par Sim. Starovolsius, par Dlugossus, qui dans eio», Smpi.
deux endroits l'appelle Martinus Gallicus, et par Martin pnion!' num. ii.
Cromer, qui cependant le croit moins ancien que Cadlubkus '^"°' ''''• ''
A ? ■ P- 3« el 63,
XII
SIE",
LE.
Cl
omer.
in
prcf.
ad. S
Ig.S.
lUg.
/</. Iib. i.
4 RODOLPHE, ABBÉ DE ÇLUNI.
Il est donc constant qu'un anonyme français a composé une his-
toire de Pologne; mais en quel temps vivait-il ? S'il est réelle-
ment plus ancien que Cadiubko, il doit avoir vécu au plus lard
dans le XU^ siècle. Selon Cromer, celait un moine français
qui avait écrit plus de trois cents ans avanl lui, ce qui rcniouli -
rait vers le milieu du XIII' siècle, Cromer ayant dédié >îOn his-
toire à Sigismond II, roi de Pologne, l'an 1566. D'un autre
côté, il fait dire à notre anonyme que Casimir I", surnommé le
Pacifique, était venu en France dès sa plus tendre jeunesse,
oîi il avait embrassé la vie religieuse à Cluni. Cette circons-
tance nous porte à croire que ce religieux suivit le duc Casimir,
lorsqu'il fut appelé au trône de Pologne l'an 1041. D'où l'on
peut conclure qu'il écrivait cent cinquante ans avanl Cad-
iubko, et qu'il aurait dû trouver sa place dans nos volumes pré-
cédens. B.
RODOLPHE
A B B K 1) E Cluni.
Brève Chron.
Clun. in Thcs.
anccdol. Edm.
Mart. t. III, p.
1387. - Rob. de
iDonlc , snn.
1173. - Gall.
Chr. nov. t. IV,
p. 1141.- M»b.
Ann. ben. lib.
LXXX. n 60.
Gall. Chr. vel.
Oiig. Boncil.
p. W.
RAoï'i-, Radui-fb, ou Rodolfe, neveu de l'évêque de Win-
chester, Henri de Blois, fut élu abbé de Cluni en 1 173. Une
bulle d'Alexandre III confirma celle élection ; et, le 26 août,
Raoul reçut la bénédiction abbatiale des mains de Pierre,
évêque de Châlons-sur-Saône. 11 abdiqua celle dignité, non
en in.'i, comme l'ont supposé MM. de Sainle-Marthe, mais
au plutôt en 1176, ainsi qu'on doit le conclure avec le
Mire d'un acte où Raoul, en cette môme année 1176, donne,
en qualité d'abbé de Cluni, son consentement à une donation
faite par l'abbé de Cercamps à Gautier de Chàlons, prieur de
Saint-Marlin-des-Champs. l/abdicalion de Rodolfe, ou du moins
léleclion de son successeur, n'esl placée qu'en 1177 par
Robert du Mont, qui ajoute que Rodolfe redevint prieur de la
(;iiarilé- sur-Loire, fonction qu'il avait exercée avant d'être
abbé de Cluni Ce religieux mourut le 20 septembre 1177,
ot non pas 1176, comme on le lisait dans l'ancienne Gallia
Christiana.
RODOLPHE, ABBÉ DE CLUNI. 5
Martene et Durand ont inséré dans leur araplissime coUec- xii siècle.
tion une Vie de Pierre-le- Vénérable, dont l'auteur, désigné tw~v1~~'
dans le manusiFil par le nom de Rodolfe, moine de Cluni, p. 1 187 — 1202.
n'fest autre que l'abbé Rodojfe ou Raoul dont nous venons
déparier: telle est du moins l'opinion de ces savans éditeurs. Amplis, coll.
Celle vie est précédée d'un prologue ou d'une dédicace à '• V' p- *'8.
Etienne, abbé de Cluni, successeur immédiat de Hugues de L°i**'c'go *
Frazan, qui avait lui-même succédé immédiatement à Pierre-
le-Vénérable. L'auteur annonce qu'il n'écrira rien qu'il n'ait
vu de ses yeux, ou appris de témoins oculaires : Scribere
aggrediar quod virorum religiosorum relatione didici aut
ipsevidi.W atteste que Ringarde, enceinte de Pierre, ren-
contra saint Hugues, abbé de Cluni, qui lui dit : « Madame,
sachez que l'enfant que vous portez est dédié à Dieu , et
donné à Saint-Pierre. — Ainsi soit-il, répondit-elle, si c'est prucium ven-
un garçon. — C'en est un, répliqua Hugues, et gardez-vous tris mi deo di-
d'en douter. » Après quelques détails sur l'éducation de "'"■" *,' ^- •**'
Pierre à Saucilanges, sur ses fonctions de prieur de Vezelai, domina , cog-
de prieur de Domné ou de Domina, sur sa promotion à la nusca»
dignité abbatiale, sur sa piété, son zèle, et sa chanté, sur Do'.me , n
D > r > > I masculus est, fl«t
son dévouement à la cause d'Innocent H ; après une indi- voiumas tua.
cation très-sommaire de ses principaux écrits, l'historien Mascuium eum
entreprend le récit des miracles opérés par le vénérable abbé, ^jj esse.
A ces miracles sont consacrés les deux tiers de l'ouvrage dont
nous rendons compte. Un villageois vomit un serpent, et
c'est par les mérites de Pierre qu'il recouvre ainsi la santé.
Dieu révèle à Pierre qu'un moine est mort empoisonné. Un
frère agonisant se plaint d'être foulé aux pieds d'un cheval
noir qui s'apprête à le dévorer, et Pierre, après avoir arra-
ché du mourant l'aveu d'un péché non confessé jusqu'alors,
le débarrasse du cheval noir qui s'enfuit au galop in latrinas.
Henri I", roi d'Angleterre, apparaît plusieurs mois après sa
mort à l'un de ses guerriers, il lui apparaît monté sur un
cheval noir, et accompagné d'une nombreuse escorte : « Oui
c'est Henri, dit-il au guerrier que cette rencontre épouvante,
c'est ton ancien maître, qui serait damné à jamais, sans les
bons offices de Pierre de Cluni : mais fais dire à Pierre qu'il
achève son ouvrage, et qu'il ne cesse que lorsqu'il aura reçu
mes remercîments définitifs. » Pierre de Cluûi ne manqua
point de redoubler les sacrifices, les prières, les aumônes ;
et biçntôt l'on vit reparaître le roi Henri, qui se déclara
complètement délivré, satisfait, et reconnaissant. Pliisieurs
3
6 SIMON [)K POISSV.
XII SIECLE, autres rcvcnans figurent dans cette liisloiro, qui, en nous inslrui-
■ sant à fond des circonstances miraculeuses de la vie du vénéra-
ble Pierre, nous apprend fort [teu celles qui n'ont rien de
surnaturel. Toutefois, le dernier chapitre nous offre quelques
renseii^nemcns sur son père, ea mère, et ses six frères, dont
quatre étaient ecclésiastiques et deux laïcs. Ces deux derniers
s'appelaient Eustache et Oissutus. Hérade fut évêque, et les
trois autres, Jourdain, Armand et Pons, furent alilu-s de la
(^haisc-I)ieu, de (JrandLieu, et de Yezelai.
Celle vie n'est terminée par aucune relation de la mort
de Pierre-le-Vénéral)li'.. liodoU'e en avait parlé ailleurs, c'est-
à-dire, dans une lettre au pape Adrien IV, lettre dont Wion
a publié un court e.\.trail. I.e njènie extrait se retrouve, attri-
bué au même Rodolfe, dans la chronique de Cluni, publiée
par dom Marrier à la lin de la Hibliolhèqne de cet ordre reli-
i<ieux. 1^
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SIMON UE l'OISSY.
SiMii.N iiK l'i)].-^-.Y est (Micore un des hommiîs (jui profes-
.laieiil a\('r quchpie disliiictinii ;i Paris, dans le |fMn|)S ([ue
Jean de Saii.-îliciN y étudiait, ecst-a-dire, entre 1 I lit) cl M i. s.
Il y enseit;na d'abord la pliiloso|)liie, cl la lliéoloiiie ensuile.
Jean d(! Sarihbéry I appelle Fvlua h'clor sed obluaior dispu-
ta/or Il loue beaucoup dailleuis la duclnne et les principes
tie Simon de Poissv , cl le désii^'iic (;onime un de ceux (pie déchi-
laiciit le j>lus les Conii/iciens , ces ennemis du i^oill et de la
raison, (pi'il aliacpia dans son ouvrai^e av(;c tant de, force, el que
iiou.s ierons mieux comiaîlie à l'arlicle île Jean de Sarisbéry lui-
mcnie.
La chioiiHpie dt; .Morii;ii;y paili; d un maître Simon do
ViHi Un- Poi>sy, (|ui lut dé|)ulé à Uome vers l'an lli(>, pour faire
• ' " lever l'iiilerdil ielc sur U's terres du roi, (U annoncer au pape
( lîiii^ènc III j la croisade résolue à Vezelai, l't dont le mo-
nanpie lui-mènu! devait èlre le chef. Il n'i-st pas permis de
douter cpie ce ne ne IVit h; ni'dre. iMais est-ce encore lui quil
laiil eiileiulr(> |)ar le Simon (pie l.,ouis-le-Gros a|)pelle , en
Ilio, à rem[)lir les fonctions de chancelier à la place d'iitienne
i.u. m
.">S(i.
.I:.V
SIMON DE POISSV. 7
(le (îurlande, (jue ce prince avait dcslilué, et quil télablit xii sircle.
ensuile? Plusieurs actes cités dans l'Iiisloire généalogi([ue et t. vi , |.. itjy.
chronologique de la maison de France et des grands olFiciers
de la couronne par le père Anselme, prouvent qu'il existait
alors un chancelier Simon, mais on ny dit pas que ce fut
celui (pu est connu sous le nom caractéristique de Poissy ,
vraisemblahleiuent sa patrie. — Le père Anselme en cite /(,„/.
d'autres de I 1 iiO à 11o3, (pii annoncent encore un diancelier
Simon. V.c pouvait être le même rappelé à cette fonction
comme l'avait été son [)réd(''cesseur Ktieiine de Garlaude ; mais
il n'est encore désigné (pie par ce. nom , sans y joindre
celui (lu lieu |iar l('(pii'l on le désignait plus particulièrement :
ainsi, on ne [)eul guères croire que ce fût le même. Il est
aussi bien vraisemblable que si le professeur sous k-qucl Jean
d(; Sarisbéry étudia eût été chancelier , ou le fût devenu ,
l'écrivain n'aurait pas né-gligé cette circonstance, en écrivant
son métalogi(pie, qui ne fui conq)Osé que vers I 160.
Mais Simon d(^ Poissy pourrait fort bien être ce maître
Simon dont Etienne de Foiirnay, alors abbé de Sainle-
Géneviève, fait un éloge magnilique dans sa lettre à i.a (;(!■ .i,in»
Guillaume-aux-Belles- Mains , archevêque de Rheims. Si ''•'''''"''• ""
, ..... . . „ IlloIllIPt, |i. //.
cela est, il doit avoir vécu au nioms jusquen H /G, puisque
Gauillaume-auv-!5elles-Mains ne fut nomiiié qu'au commen-
cement de la même année i^i cet archevêché.
Un anonyme (pu écrivait vers 1170, et dont Marlènc nous
a conservé une assez longue l(;lire, s'eKpriuie ainsi : Raliones
aiitcm singulorum qiuv per anni cutviculiun l'iunt in ecclesià, '
qui scire desiderat... libruni inagislri Simonis, qui appellalur
Quare inspicial. Ce doit être encore Simon de Poissy, et je
le crois d autant plus que lanoiiyme indi(iué par doni Mar-
tène, n'est peut-être ipie Jean de Sarisbéry, qui avait étudié,
comme nous lavons remanpié, sous ce professeur, i.e livre
est appelé Quare, apparemment parce (pi'il était par de-
mandes et par réponses, et que chaipie d(Mnan(le commen-
çait par Pourquoi. L'ouvrage, au reste, n est pas parvenu
jusqu à nous. P
(;:ii:. Cl
t l\, y. !!:■,
les
t. i, |r 4S9.
XII SIECLE.
LUC,
Abbé du Mont-Counillon.
Ceillier, tom. nuR le mont CornilloD, près de Liège, fut fondée, au
XVII, p. 7a6 , l^xil" siècle une abbaye de l'ordre de Prémontré. Mais ce
Bibl. prsemomr.' séjour étant deveuu peu sûr, parce que des brigands en infes-
p. 304 , 30!î , taient le voisinage, on ne tarda point à transférer l'abbaye
It^. -/"PP""'' dans les murs de Liège, en un lieu appelé Beau-Repart,
Bibl. Belg. p. ^ , ' , ,
825. Belli Reditus. Dans la suite, une chartreuse occupa sur le
mont Cornillon la place que les Prémontrés avaient dé-
Minus in sertée.
Chron. Praem . j^uc, premier abbé du mont Cornillon et de Beau-Repart,
35"et 38. é'*'l donc de l'ordre de Prémonlré , et non pas de l'ordre de
Chron. Hir- Saint-Benoît , comme l'a cru Trilhème, de qui Sixte de
'""^ùi"" "^^ Sienne, Crowerus, et quelques autres ont emprunte cette
Bihi. ssnci. erreur. Philippe de Bergame est le seul auteur qui nous
lib- 'V. indique la patrie de Luc ; encore se borne-t-il à le déclarer
2Ki" ' allemand , natione Teutonicus. Luc fut disciple , selon les
Mansi in Fa- uus, de Saint Norbert, selon les autres, de Richard I", abbé
bric. Bibl. med. ^jg piorefles : OU sait du moins qu'il avait été chanoine régu-
XI. lier de Florefles avant de devenir en 1138 premier abbé du
Suppi. Chron. mont Cornillon. Les annales de Prémontré font mention
""xi/s^ 622 ^^^ services rendus par ce religieux aux habitans de Bouillon
Bib). sacr. p. durant un siège de cette ville Cave, Dupin, Lelong, disent
831J- qu'il mourut en 1 137, mais il est désigné comme témoin dans
un acte de 11G5, relatif à l'établissement du monastère de
Gali. Chri»i. Steinsbcrg. On 'doit fixer la date de sa mort au 24 octobre
nnv. t. m, p 1178; Hugo dit 1179.
Si Luc a composé les sermons, les épîlres, et les opuscules
Ann. Pra:m. que Trilhême et d'autres historiens lui attribuent , nous
' 'ni c'"' . ' avons lieu de croire qu'il n'en reste rien : on ne cite aucune
l>c scriptor. '
ecci. ann. ii.îo, bibliothèque où ces productions soient conservées. Trithéme,
''■ D^^i " ?fr au surplus, déclare qu'il ne les a jamais vues. Personne aussi
ner Bibl. p. 547. . j ?
— Henric. Gan- ^^ rendu comple de deux livres composés, dit-on, par ce
div. Script, ap- môme Luc, sur les Evangiles de" saint Mathieu et" de saint
9*" — '' Polsev ''^*"" ^^^^ "^ connaissons de lui qu'un Commentaire sur le
Cantique des Cantiques, ou plutôt sur une partie de ce Can-
LUC, ABBÉ DU MO NT-CORNI LLON . 9
tique, c'est-à-dire, depuis le verset 8 du chapitre IV jusqu'à la xh siècle.
fin de ce poëme. app.r. ..c. t. ii.
Aponius, auteur du VIP siècle, avait composé sur les huit •*• '*• ~ °"'''"-
chapitres de ce livre sacré un long commentaire dont l'abbé du '■(i'r'n.''i S
Mont-Cornillon crut à-propos de faire un abrégé : Summariola, '" '^n'- ""«•
summulariola. Or, en 1538, il prit envie à Jean Fabri dé ^' ^'
publier l'ouvrage d'Aponius, et, comme on n'en possédait J"-tlvJZ
point de manuscrit complet, l'éditeur remplaça ce qui man- PP- *<» Logdun.
quait par la partie correspondante des sommaires de l'abbé \^^'^ ' ^^^'
Luc. On n'imprima donc qu'un peu plus de la seconde moitié
de ces sommaires : l'autre moitié, savoir, celle qui s'appliquait
aux trois premiers chapitres du Cantique des Cantiques, et
aux sept premiers versets du quatrième, n'a jamais été publiée,
et ne se retrouve même nulle part en manuscrit. Nous devons
avouer que la perte n'est pas grande, si nous en jugeons par
ce qui subsiste ; car c'est un fastidieux tissu d'allégories fort
peu raisonnables. S'agit-il, par exemple, de la bouche et du
gosier de la bien-airaée? Celle bouche est saint Paul, parce qu'il
a écrit le premier une épître aux Romains; et ce gosier,
c'est saint Pierre, ce sont même ses vicaires [ejusque vicarti),
parce qu'ils professent le dogme de la trinité, profession
figurée par l'excellent vin dont parle en cet endroit l'auteur
du Cantique. Léquilé veut que ces imaginations soient impu-
tées au commentateur Aponius bien plus qu'à son abréviateur.
Tout ce qu'on pourrait observer ici, c'est que les papes sont
appelés par Aponius ou par Luc, vicaires dé saint Pierre, et non
du Christ.
On rencontre , parmi les œuvres de Philippe de Bonne- p. msH.
Espérance, sept tomes ou livres de Moralités sur le Cantique
des Cantiques. L'auleur, en adressant son ouvrage à Milon
évêque de Térouenne, n'ose point se nommer : il se qualifié
le pire et le dernier des serviteurs de Dieu, ajoutant néan- Pejor et uiii-
moins que son nom se forme des cinq premières lettres des ""* '«rvorura
cinq premières parties du premier tome. Sans nul doute, "^'cu.u. no„.en
cet auteur nest point Philippe de Bonne-Espérance, dont le wniinetur i„ s
nom composé de plus de cinq lettres ne se retrouve en '*""''' ''""" "
aucune manière dans les initiales des divisions de ce traité. ï!Z"Zi %
En réunissant celles du deuxième tome, du troisième du ""'■
quatrième et du cinquième, on a les quatre lettres ucas, et s.cr.!^j!"l3?.'''''
il est permis de supposer que le premier tome dont les pre-
mières lignes sont perdues commençait par la lettre L. Mais
il reste une diffîcullé, c'est que l'auteur ne dit point de
Tome XIV. g
iO ETIENNE DE FOUGÈRES.
\\\ SIECLE, chercher son nom dans les initiales des cinq prenaiers tomes,
mais dans celles des cinq premières parties du seul tome pre-
mier. Or ce tome premier n'est point divisé en parties; les
coupures qu'il présente paraissent purement arbitraires , ne
tiennent à aucun système, et ne reproduisent d'ailleurs sous
aucun aspect les cinq lettres du mot Lucas. Peut-être les sept
livres que l'éditeur a intitulés ; Tomus primus, tomus secun-
dus, etc., ne sont-ils que des parties d'un tome premier qui était
suivi d'un autre ou de plusieurs autres : celte hypothèse est
même assez plausible, puisque l'ouvrage, tel que nous l'avons,
n'embrasse point, à beaucoup près, tous les chapitres du livre
saint sur lequel l'auteur moralise. Mais ces prolixes moralités
sont d'un intérêt si faible, que nous ne croyons pas devoir
examiner plus longuement si elles sont ou ne sont point de l'abbé
du Mont-Cornillon. D.
ETIENNE DE FOUGÈRES.
Lebaiid, Ilist. 'pTlKNNE DE FoiGÈIlES, évÔqUC do ReOnCS, 3 été SOUVOUt
(le Brct. ann. Jjconfondu avcc son prédécesseur immédiat, Etienne de la
'*■' f ■ ^\ Rochefoucauld, qui, à peine élu abbé de Saint-Florent, et
— D'Argcnlrc, i
iiisi. de Brci. avaut d'avoir été béni comme tel, fut appelé, en H56, après
iiv. 1, c. 20, la xjixQri d'Alain, à gouverner l'église de Rennes. C'est à cet
'' Rob. à Monic, Etienne qu'appartiennent des chartes de 1158, et une lettre
ann. ii5(j. à Louis-lo- Jcuno, publiée par Duchcsne 11 s'agit dans cette
foi/'V' v"'"'' lettre d'un abbé de Bourgucil contre lequel on avait prévenu
li.ïi , 1132. le monarque : Etienne de la Rochefoucauld n'oppose que son
Prcuv. de propre témoignage aux accusations intentées contre l'abbé.
l'hist. do Brcl. V.- A n •
I. Il, p. 210. Lepîlre fmil |)ar ces mots : Verum est testimomum nostrum,
Duiiiesne, valeat reçTium vestrum. A ce premier Etienne, qui mourut
ei) ■239'^ ' ^" i 166, succéda, en 1168, après deux ans de vacance, celui
ii()i). .1 Monte, (jue distingue le surnom de Fougères, de Fulgeriis, de Fil-
ann. 1168 in ggf.ijg dc Fulcherïis, et qui, chapelain du roi d'Angleterre,
9|)|>. op. Cuib. ^ ' > I ' I o '
p. 787. Henri second , dut à ce prince sa promotion à l'épiscopat. La
Lobincau , plupart des Bretons regardaient Henri comme un usurpateur,
li'v v'p. isc. ™3is il était le bienfaiteur d'Etienne dc Fougères, qui lui de-
ETIENNE DE FOUGÈRES. H
meura fidèle. On reprocha loog-teraps à ce prélat une vie mon- xii sieci.e
daine, on le trouvait plus courtisan qu'évêque, moins chré- Lobineau
lien que politique ; il faisait beaucoup de vers qui semblaient ""'' "^ '^*-
un peu lascifs, épithète qui sans doute ne doit pas être prise . ^^''■•s^""''^ .
trop à la lettre, elle signifie seulement que c'étaient des vers 3o'.'cd°d^eTuo8;
profanes. Nous ne les connaissons, au surplus, que par ce
qu'en disent les clironiquours contemporains et surtout Ro-
bert du Mont, à qui Etienne avait adressé cinquante vers sur Roh. à Morne,
la vieillesse. L'évoque de Rennes s'tHait tellement livré ou """• ''^^■
abandonné à la poésie, qu'il fut averti miraculeusement d'y
renoncer. Il entendit une voix, ou plutôt un soufle, qui lui
disait par un léger murmure : Desine ludere temerè, nitere
properè surgere de pidvere. Il y a dans ces mots une harmonie r„i,. j Monte,
imitalive que nous n'essayons point de rendre, mais ils signi- '*"'■ ''"«■• Ccr-
fient : renonce à des amusements dangereux, lève-toi de la 'Z^{ *",'", ''*'"
poussière, il en est temps. En effet l'évéque de Rennes touchait èTs! '''•''■
au terme de sa carrière, il eut néanmoins le temps d'expier
ses divertissements poétiques, en écrivant les vies de saint
Vital et de saint Firmal, tous deux compagnons de Robert cosu. Ex«id.
d'Arbrissel. Il paraît que la vie de saint Vital, par Etienne, est f'""'» Eb.aidi,'
perdue; elle n'est point dans la collection des Bollandisles, et J^„/hs^ "'",î'
nous ne savons pas jusqu'à quel point cette œuvre de pénitence """70. ' ' ' '
était méritoire; mais la vie de saint Guillaume Firmat se lit P'S' »'• »""•
dans la collection susdite, et suffit assurément pour démontrer '"t"'x"i ^' 33;
qu'Etienne avait renoncé, sinon à toute fiction, du moins à toute 2i aprii'. **
littérature profane. Cet opuscule, divisé en quatre chapitres,
nous offre les édifians détails de la naissance et de l'éducation
du saint, de sa retraite au désert, de son pèlerinage en Pales-
tine oîi il arriva guidé par un corbeau, de son retour en France,
des habitudes sociales que prenaient avec lui les quadrupèdes,'
les oiseaux, les poissons mêmes, de sa mort enfin et de ses
miracles si avérés, si incontestables, qu'un impie qui avait osé
en douter fut subitement frappé de paralysie. Nous devons
ajouter qu'Etienne, après avoir célébré tant de miracles, en
fit lui-même ; la Sainte-Vierge lui apparut à l'instant dé sa
mort, qui arriva le 23 décembre 1178, ou, selon Manrique,
1179. Nous renvoyons à Manrique les lecteurs qui voudront
être plus amplement informés des miracles d'Etienne de Fou- a,..' 117™""-
geres et des vertus qu'il pratiquait, depuis qu'il ne faisait plus ^" ^"^ '''''• ^^
de vers. n ^'''"" P' ■*^"-
'-»• Maiir. ad. an.
1179, c. -2, n«
10. t. IV , app,
p. 536.
B3
12
XII SIECLE.
32i
PIERRE-LE-MANGEUR
DOYEN DE l'Église de troyes, puis chancelier
DE celle de paris.
RECHERCHES SUR SA VIE.
PIERRE surnommé le Mangeur, en latin comestor ou mandu-
cator, non à cause de sa voracité, mais parce que, dit Tri-
Henr. Gand. thôme, il dévorait les livres, naquit à Troyes en Champagne,
"P- ^^' selon Henri-de-Gand. Gilles de Paris semble le compter parmi
les savans natifs de sa propre ville, lorsqu'il dit :
Chesn. I. V, I/lum e/iam è medio raptum proponere possem,
„*'■ ''""■ P' Cujus nunc titulos successor honore secundo
Piciaviensis hahet.
Ce Pierre de Poitiers fut chancelier de l'église de Paris,
après Hilduin, qui avait succédé à Pierre-le-Mangeur. C'est
donc de celui-ci qu'il faut entendre les vers précédons, mais
comme le versiflcateur n'aflirme rien, et qu'on peut l'enten-
dre du lustre que Comestor avait donné à l'école de Paris,
nous nous en tiendrons au témoignage positif de Henri-de-
Gand (1).
Il y a apparence qu'il exerçait à Troyes la scholastique de
cette église, lorsqu'il parvint, l'an 1147, à la dignité de doyen,
et l'an 1164 il quitta ce poste pour la chancellerie de l'église
de Paris. Obligé par ce nouveau titre à surveiller les écoles
publiques, il voulut multiplier les moyens d'instruction, et
à l'instar de Gratien sur les canons, et de Pierre Lombard
sur la théologie, il composa un livre élémentaire sur la bible,
qui a fait sa réputation dans le monde littéraire. 11 paraît
môme qu'il tenait lui-môme une école et qu'il y donnait des
(1) Nous croyons inutile de réfuter ceux qui ont avancé que Pierre-le-Man-
geur était frère de Gratien, compilateur du Décret, et de Pierre Lombard,
le maître des sentences, qui, comme personne ne l'ignore, étaient italiens
l'un et l'autre. On a voulu dire sans doute que ces trois auteurs avaient
de grands traits de ressemblance pour s'être exercés dans un même genre do
compilation.
PIERRE-LE-MANGEUR. 13
leçons publiques ; c'est ce qu'on voit par le témoignage de xii siècle.
Gérald de Canabrie ou le Gallois, qui assure avoir fréquenté son *"8'- '"• *
école. ".p. «7, net.
La réputation de Pierre-le-Mangeur était si bien établie,
que le pape Alexandre 111, ayant demandé à connaître les
personnes de mérite qu'il pouvait élever aux grandes dignités
de l'église romaine, parmi les sujets que lui désigne, l'an 1 178,
le cardinal de Saint-Chrysogone, son légat en France, il nomme
avec distinction le doyen de Troyes en ces termes : Literatu- '^•'esn. t. iv,
ram et honestaiem magistri Pétri Manducatoris, decani Tre- gg,^" ^""' P"
censis, vos non credimus ignorare. Si cette recommandation
ne le conduisit pas au cardinalat, c'est qu'il mourut bientôt
après.
Une des fonctions de Pierre-le-Mangeur, en sa qualité de
chancelier, était de communiquer le pouvoir d'enseigner ; car
il était de règle dès-lors que ceux qui voulaient faire des
leçons publiques en obtinssent la licence ou permission des
chanceliers des églises sur le territoire desquelles ils préten-
daient s'établir. Mais cette licence devait être accordée gra- Buiaeus. hùi.
tuiteraent à ceux qui étaient jugés capables. Alexandre III «">'*'«'■• p»"»-
l'avait ainsi statué dès le commencement de son pontificat, '' ' •"■
par une décrétale qu'il fit depuis confirmer au concile de La-
tran, tenu l'an 1179. Cependant le môme pape permit au
chancelier de l'église de Paris, qui nous occupe, d'exiger un
droit modique pour la concession de la licence. La lettre au
légat Pierre, cardinal de Sainl-Chrysogone, est datée de Fé-
rentino, le 29 octobre 1175. Il est vrai que ce ne fut qu'avec
de grandes réserves que le pape dérogea en sa faveur à la loi
qu'il avait établie : le légat devait fixer ce droit par le con-
seil des archevêques de Sens et de Reims, de manière qu'il ne
fût pas trop onéreux aux professeurs ; il était dit de plus que
le seul chancelier Pierre en jouirait sans tirer à conséquence
pour ses successeurs. Une grâce si extraordinaire montre le haut
degré d'estime auquel Pierre était parvenu dans l'esprit du pape,
mais elle semble prouver en même temps que sa fortune n'était
pas brillante. « C'est ainsi, remarque un judicieux écrivain,
« que les abus s'introduisent d'abord sous des couleurs favora- Crev. hist. de
« blés, ensuite ils s'étendent, ils s'enracinent, et ne peuvent plus j""'"' ''ig/""'*'
« être réformés. »
Pierre ne tarda pas à quitter sa place pour aller se renfer-
mer dans l'abbaye de Saint-Viclor, ou il passa le reste de
ses jours dans une retraite édifiante, pour ne plus s'occuper
44 PIERRE-LE-MANGEUR.
XII SIECLE, que du bonheur de l'éternité. L'année de sa mort est diver-
sement marquée dans les historiens. Vincent de Beauvais la
place l'an 1 160, le père Labbe, sur des documens pris à Saint-
Viclor, en 1198 ; mais les historiens, les plus voisins du temps,
la chronique de sainl Marien d'Auxerre , celles de Tours et
de Guillaume de Nangis, la rapportent à l'année 1179; c'est
celle qui nous paraît la plus certaine. Son corps fut inhumé
dans l'église de Saint-Viclor, sous une tombe ou l'on voyait
son épitaphe composée par lui-même, elle est conçue en ces
termes :
Pe/rus cnim qurm pclrri fcgi' , dichaque Comeslor ;
NunccQme<lor. V/v/is r/oc/i/, nec cesio docere
Martims ; lit dicat qui mevidel, incineralum :
Quod mm/is in/e fui/, crimm quandoqiie quod /lic est.
SES ECRITS.
1° La plus importante production littéraire de Pierre-le-
Mangeur, et la plus connue, est son histoire abrégée de l'an-
cien et du nouveau Testament, îi laquelle il a donné le titre
d'Histoire scholastique, parce qu'il l'avait composée pour
l'usage des écoles. Elle est dédiée à Guillaume de Champa-
gne, archevêque de Sens ; lequel étant monté sur ce siège
l'an 1169, le quitta lan 1176 pour passer à celui de Reims.
Ce fut vraisemblablement l'an 1173, puisque la chronique
de sainl Marien d'Auxerre, raanjuc qu'à cette époque son
nom devint célèbre en France (1). Quoique l'auteur fût alors
chancelier de l'église de Paris, il ne prend néanmoins à la
tôle de celte dédicace que le simple litre de prêtre de Troyes,
presbyter Trecensis. Sa narration commence, ainsi que la
Genèse, à la création du monde, et continue sans interrup-
tion jusqu'à la prison de Saint-Paul à Rome, où finissent les
Actes des Apôtres. Les vides historicjucs que laissent les livres
saints, il les remplit par I historien Josèphe et par les auteurs
profanes; mais les traits qu'il emprunte de ceux-ci ne sonl
pas toujours choisis avec discernement. Il adopte de temps
en temps des fables, et, ce qu'il y a de plus fâcheux, il eu
(1) Anno 1193, Pelrus Comettor cekbris habelur in Franciâ, magistrorum
parisiensium primus, vir facundissimits et in scripturis divinis excellenter
inslruclus : qui utriusque Testamenti historias uno compingens volumine, opus
edidit satis utile, salis gratnm, ex diversis historiis compUaltm.
PI ERRE- LE -MANGEUR. \'ô
mêle aussi dans l'explication du Icxte sacré, car il fait la dou- _^'i_?!]:9Ji^_
ble fonction d'historien et d'interprète. On lui reproche aussi
de mauvaises étymologies des noms propres, un goût exces-
sif pour les allégories et les sens figurés, et enfin, plusieurs
endroits qui marquent du doute là oli il ne doit point y en
avoir.
Malgré ces taches, qui apparemment n'étaient guère ap-
perçues de ses contemporains, ce livre eut la vogue et con-
serva l'estime publique pendant plusieurs siècles. Fabricius ^'^^ '"' '"'"''
en compte jusqua neuf éditions, dont la première parut a
Reutlingen, l'an 1473, in-folio; l'ouvrage reparut ensuite
dans le même formai à Strasbourg, en 1483 et 1502; à Basle,
en 1486; à Haguenau, en 1519; on le publia in-4" à Paris,
l'an 1513, ainsi qu'à Lyon, en 152G et 1543; enfin l'ouvrage
en dernier lieu sortit des presses de Venise, l'an 1728, avec
une épître dédicatoire aux pères du concile qui se tenait pour
lors à Bénévent.
On a fait aussi à l'histoire scholaslique l'honneur de la tra-
duire en diverses langues. Guyars des Moulins , doyen de ind, simon,
l'église de Saint-Pierre d'Aire en Artois, la translata en fran- "• cm. du n.t.
çais l'an 1297, traduction retouchée en divers temps, et dont f' '^" î^:,~ ^'
il y a quinze éditions que nous détaillerons à l'article du Ira- i. i, p. 323.
ducteur.
Fabricius indique d'autres traductions du même ouvrage
faites en Allemagne, l'une en rimes saxonnes, par ordre de
Henri Raspon, landgrave de Thuringe, l'an 1248; l'autre en
rimes tudesques, par Jacques Van-Mierlande, environ l'an
1271 . La première existe en manuscrit à la bibliothèque Pau-
line de Leipsick ; la seconde se rencontrait du temps de B'I'I- "i-s-
Sanderus, parmi les manuscrits de Jean-Guilain Bultel de "*'f:,. •'^'^'' ''
Nipe.
2° Nous revendiquons, comme appartenant à Pierre-le-
Mangeur, cinquanle-un sermons que le pèie Buséc, jésuite,
publia l'an 1600, sous le nom de Pierre-de-Blois, dans l'édi-
tion des œuvres de cet auteur ; c'est aussi sous le même nom
qu'ils ont été réimprimés dans les bibliothèques des pères de
Cologne et de Lyon. Mais Goussainville, dans la préface de g^^ ^ ^xiv
la nouvelle édition de Pierre-de-Blois, a fort bien prouvé, col. 1383.
par l'autorité des plus anciens manuscrits, qu'ils appartien-
nent, du moins pour la plupart, à Pierre-le Mangeur ; il y
a difficulté pour quelques-uns, (et ce sont les meilleurs),
savoir s'il faut les donner à celui-ci , ou bien à Hildebert,
16 PIERRE-LE-MANGEUR.
X" SIECLE évoque du Mans; tels sont les sermons 7, 1;i, 17, 21 , 22, 23,
25, 26, 28. 34, 35, 40, 51, qu'on trouve parmi ceux d'Hil-
debert, et qu'on retrouve avec des différences considérables
dans ceux de Pierre-le-Mangeur. Il y a néanmoins plus d'appa-
rence qu'ils appartiennent à celui-ci, parce qu'ils portent son
nom dans presque tous les manuscrits, et qu'ils finissent par la
formule ou conclusion qui termine les autres sermons de
Pierre-le-Mangeur : Prasstante jesu domino nostro, judice
nostro, qui venturus est judicare vives et mortuos et sxculum
per ignem, ou quelque autre semblable.
De Scr. ceci. C'est, scloH Oudin, la marque la plus sûre pour discerner,
t. Il, col. 1S28. , . , - j . .
non-seulement les sermons imprimes de notre auteur, mais
encore ceux qui se conservent manuscrits dans plusieurs bi-
bliothèques , et dont le nombre surpasse de beaucoup les
premiers. On en trouve 1 1 4 dans un recueil du monastère de
Long-Pont, au diocèse de Soissous, avec ce titre, Sermones
M. Pétri Comesioris ; à Marmoutier il y en avait sous le même
litre, trois exemplaires, et à la tête du plus ancien on lisait :
Il a été écrit du temps du bibliothécaire Guillaume, la huitiè^ne
année de l'abbé Hervé, qui gouverna ce monastère depuis
l'an 1178 jusqu'en 1186. Cet exemplaire fut donc écrit presque
aussitôt après la mort du chancelier de Paris. A Saint-Victor de
N« 2G0-2. 2603, Paris, le même litre se rencontre sur deux manuscrits ; on en
2950 2951
291)2. _ ' indique cinq à la Bibliothèque Impériale, qui sont intitulés de
même, et ce qui leur est commun avec les précédents, c'est
qu'ils ne s'accordent pas pour l'ordre et l'arrangement qu'on a
donnés aux sermons.
Il serait fort long, et peut-être peu intéressant, de faire
l'analyse de tant de sermons pour en tirer la substance. Du
Hist. univ. Boulay a donné des extraits de quelques-uns pour prouver,
ô/i-378. ' ** d'après son système, que dès-lors l'université de Paris avait
ses nations qui chacune avaient leurs patrons ; qu'aux grandes
fêles, les maîtres et les écoliers se rassemblaient pour entendre
de la bouche du chancelier (car il n'y avait pas encore de rec-
teur) les instructions qu'il était chargé de leur donner. Si ce
n'est pas en qualité de chancelier que Picrre-lc-Mangeur a pro-
noncé la plupart de ces .sermons, il n'est pas moins vrai que
plusieurs s'adressent à des professeurs.
3° Pierre-le-Mangeur est auteur d'un commentaire moral
sur les épîlres de Saint-Paul, qu'on trouve manuscrit à la
Cod. lat. iio Bibliothèque Impériale et dans celle de Sorbonne. Ce n'est
C5). > ■ .. , 1 -,
])eut-('trc qu une portion d un plus grand ouvrage qui lui est
PIERRE-LE-MANGEUR. 17
attribué par un auteur anglais du XIIl" siècle, dont il est bon xii siècle-
de rapporter ici les paroles : Scripsit etiam allegorias super Brompion ,
utrumque testamentum. Puis il ajoute : Allegorias etiam suas "P"** Twy»dcn ,
inlibrum metricwn redegit, quem Aurora intitulavit. Mais ce *^*' '
dernier ouvrage est incontestablement de Pierre de Riga, et non
de Pierre-le-Mangeur. Aiber chron.
4" Albéric de Trois-Fontaines lui attribue un écrit intitulé "^ '"• ^'^'•
Paraenesis ,donl nous ne connaissons que le litre et point de
manuscrit existant.
5° Pierre-le-Mangeur avait composé, selon Trithême, un y^^^^
livre à la louange de la Sainte-Vierge, de laudibus B. Marias. Bihi. med: eiinf!
Il est vrai qu'on cite de lui quelques vers à la louange de '="'" '• '. P-
Marie, mais il y a loin de là à un livre. Le père Labbe dit j^^i^^^ j^
avoir vu un discours sur le même sujet, imprimé à Anvers script. ceci. i.
l'an 1536, sous le nom de Comestor. C'est peut-être le même "> ?• ^oo.
que Nicolas Grenier, chanoine de Saint-Victor, publia de
son côté à Paris, l'an 1539, in-S", sous ce titre : Thésaurus
prseconiorum deiparse Virginis Mariae ex dictis authenticis
contextus ; mais il est sans nom d'auteur dans l'édition comme
dans le manuscrit de Saint-Victor. D'autres ont cru que le
traité de Pierre-le-Mangeur était celui que Jean Amerbach
publia à Bâle, l'an 1481, sous le nom de'Vincent de Beauvais,
parce qu'on trouve à la fin les vers de Pierre-le-Mangeur à la
louange de Marie. Mais le père Échard, dominicain, a démontré Bibi fr. Pr»d.
que cet écrit est incontestablement de Vincent de Beauvais, •*■ ^^ *' *'"'■
de manière que si Pierre-le-Mangeur en a composé un, nous
ignorons où il existe ; il est vraisemblable que, d'après la
citation des vers dont nous venons de parler, on aura supposé
au chancelier de l'église de Paris un ouvrage sur le même
sujet.
6» Vincent de Beauvais attribuée Pierre-le-Mangenr, un traité
de diligendo Deo, qui est imprimé dans l'appendice du tome VI"
des œuvres de Saint-Augustin. On a fait voir ailleurs que ce Hist. Luter.
Irailé, qu'on a attribué à différents auteurs, est l'ouvrage «• xii, p. 688.
d'Alcher, moine de Clairvaux. B.
Tome XIV.
XII SIKCLE.
GILLES,
li V Î;Q II K 1' ' l'I V K K (• X,
SA Vlli.
(■^iiiEs on (iilitii rtail (\r I illiisirc lamilli' des cnmlcs du
I|'('i\'lic, s il l'aiit s'en ia|i|i(irl<T aux aiilour.s du (7(Tr//w tV/r/.v-
linnn, (jui ne doiiiieni aiiciin i;aianl (l(i leur asscrlinn. Nous
lie trouvons ;iiiriiiic |iii'iiv(' di' cclli' dcs(( tidaticc ni dans
Duc'iesno, ni dans l?iy de la (ilcr^ci ic, (|iii oui dressé des
i^énéaloi^ies do ('ctle laniilli' Il est pionvô an contraire i|iie.
(iilles était noveii, soit |iar- son père, soit par sa niére, de
lliij:;iies d'Aniiens, arolioviM|ii(' de Itmicii, lr(|iiel dit |msi(i\e-
, ment, dans sa lettre a Malliii'ii, eaidinal ovi'iiiie d Albano,
Mari. Aiiccd. ' , , , ....
i. V, ici. s!i7 ipid était Pieard On voil |>ar la iellr(M|ii cerivil au nev(>ii
liilii. nair. t. Arnoiil de la/ioiiK, |iniii- Ir Irlirilcr >iir son éliAaIion à un
XXII. |> \:>T,^l. cvéelié de Norinandic i\\u- I'i'McIc a\ail attiré au|iiés di^ lui
'"' '• le neveu, et (|iiil avait |>ii-. -nni dr --on cdii'Mtion, i/icv ' Nor-
inannia; ro.v ,sj(/.s ,ih'il i>/'rrihii\, ms l'urit nniplcxti, suis ho-
(lali. ( linM iinrihiif mnplidril. (Cla est si vrai i|uc, dès l'annéo I I 1)5, il
t. XI, lii-ii (l'i. liivail déj.'i pourvu d un an Indiainm; dans .sa ealliedrale.
iN'iiii p('ii>oii- au-^i ipiocrsl ,1 lin (|u esj adres.si' l(> petit traité
sur le sMiiIiole et lorai^oii donnnieale, dans le([uel il lui dit :
liait. AiM|.i ('(lyi^simc /■'U l.'ai''K <ir<l,ii/iiiiii,n'Sii)))H'/lafi.s\ niinam esse
ColIrO. i. i\. .,..." , ■ ,• j-
, I |.>|2 niercaris ! darisv.s sior <jiii"iin nnnjno, (luia ihnnos codices
inifi'iri\\ piissini ar;ior;iii/)/i" i/i':r>'is, de (iilles était encore
arcludiaric de Hoiii'n, liusipii» ,\iiioui de l.i/.ii'ii\ lui adres.sa
liilil |,aii >!■ I ,|i^,.,,|,,., ,||||| ;,^:,|| |iiMiiiiii((' au ciiiK lie de Tours de l'an
Ilfi.'t, et ce ne lut i|iir i an lli»!, silon la clironiipie (le |{o-
iiiMl du .Mont, ipi il lui iioiiHiii' a le\ relié d'i-lvnMix, (|Uoi(pie
((•poste fui \aeant deiuiis I an IKi'i On peut eroire (pie ses
(pialil( s per.soiinelles aiilaiil (pie la\anlai;o détr(> le neveu d'un
i;raiid lioiiiiiie, ipii si'lail plu a le former, eonlril)iièrenl à son
élévation.
Henri II, roi d Angleterre el Aur de Norniandio, connais-
sant la caiiacile d'' lev('(pie dl'!\iciix. .se trouva fort liouroux
de pouvoir lui ciiiilier le- négociations les jilus difliciles. Ac-
GILLES, ÉVKQUE I) ÉVRKIJX V.»
cusé duuieurlie de Saiiil-Tliomas de Cantorhéri, il le drputa xir sii-fiE
l'an 1171, à Home avec Rogor, évoque de Worcliesler, pour (;cv uoioii'
désavouer ce meurlro au nom du roi, et demander au pape iKncd. iv-
Alexandre^ III, d'envoyer sur les lieux des commissaires avec "'"''• ~ ''"S"
ordre dinlormer sur la vérité d(>s fails. Cette ambassade eut le duïf!' de Diccio'
succès (ju'on s'en était promis; la paix avec Rome fut faite Tan-
née suivante, mais il lallait encore satisfaire la cour de Franco,
Irès-mécontenle de ce (pie le couronncuiont du jiîune roi Henri,
fils de ce monarque, n avait pas rU\ accompagné d(^ celui de
sonepouse, lille du roi Loiiis-le-Jeuiu-, , il y cul di-s pour[)arii'rs,
et pour lever tout sujet de discorde, l'on consentit à un nou-
veau couronnement des deux époux; leviMpie dKvreux fut
du nonil)!!' des prc'lals ipii passèreiil en Anglel(Mre pour celle
cérémonie.
L'an \\~il\, il recul de son -.oiivi'raiii la iiiar(pi(' la plus
distiiii;uei' di' roniiancf* le loi dAiiirlcIerre avant accordé
Jeanne, sa lille. en maiiai-'i' a fiiiillamnc II, roi de Sicile,
chargea nolic pida! ik coiidiiiic la piiiiccs>(> a l'i'.lcriiie, ou n^, ivimi)
du moins )iis(|ua Saint •■illes, pour ccicluci les liancaille.-;. |)c iiogci- de
retour lamiéc suivante, il lui a|>p('lc au « olives (pu rut lieu |)ri s "''^•■''
d'Ivri, eniri' le roi d'Angleterre cl le loi de l'ranee, el .^igna le
trailé de [laix (jiii fut lail eiilre lo ileu\ monar(pics 11 pailil
l'an 1 171), [)our le concile général de l.ahau aiupiel il <is>i~la ■*'■'"• '^'"l'i
seul de sa province. Ce vova;;i' lui deviiil Imic^le ; en revenant "'','*"^'- '' ^ "'
il fut attaqué dune lliixion di' poilrine qui l'einporla le 11 Se|i
lemljre 1 1 7î>.
SKs Kcnirs
Nous n'avons de l'éviMpie d Evreux <pie d<ni\ lettres, mais ipii
sont inléressanles [)0ur l'Iiisloire sous plusieurs rapports.
La premièr(^ fut écrite au pa|(e Alexandre III, l'an 1170, inicv ip. s
peu ajjrès le retour de Saint-Tliomas di^ Cantorhéri dans ''"''•""■'■ ^^"^■
son ('';.ilis«\ et avant qii il eût ele indigiu'inenl massacré. Cil- ,, ^îj;' '
l(!S, toujours all'eclionne a son .souverain, nap|)rouvait pas
les démarclies inconsidérées du primat d'Angleterre (pii seni-
lilaient tenir du ressiMitimenl contri- ceux qui, pendant son
exil, navaieiil pas épouse sa cause, ou lui avalent et.- coii-
Iraire.i II rappelle la |oie universelle (pi'avail excilée la paix
faite [)ar la médialion du pape, et p;ii .-ics ordres enlic le roi
d'Angletern; el l'ari'li('V('([ui' de Canlorli{''ri ; la m.inière triom-
pliante dont celui-ci avait lUe reçu dans sou église, et les
20 GILLES, ÉVÊQUE D'ÉVREUX.
XII SIECLE, fruits heureux qu'on se promettait de cette réconcitiatiott.
« Mais, hélas! ajoute-t-il, loul-à-coup les chants d'allégresse
« ont été changés en des sons lugubres, et nous avons appris
« que la sérénité royale avait été précipitée dans un si grand
« trouble, les églises dans une si profonde affliction, et pres-
« que tout le peuple dans un tel désespoir, que nous ne pou-
« vons pas nous-mêmes ne pas être émus d'une aussi éton-
« nanle révolution ; parce que l'insulle faite au roi nous
« blesse tous tant que nous sommes qui vivons sous ses lois,
« et nous ne pourrons avoir du repos tant que nous le ver-
« rons dans l'agitation. » Le prélat conjure le pape de mettre
en usage tout ce qu'il a de prudence et de sagesse pour pré-
venir les suites de cette nouvelle division. « Vous n'avez pas
« oublié, lui dit-il, que dans les conjonctures où le salut d'un
« grand nombre périclite, il faut relâcher quelque chose de
M la sévérité, et ne pas ébranler toute la maison du Seigneur
« pour la fauie d'un seul ; et celte maxime a d'autant plus son
« application dans le cas ou notre monarque eût réellement
« péché, que l'archevêque de Cantorbéri, s'il connaissait les
« voies de paix et qu'il les aimât sincèrement, avancerait beau-
« coup plus en usant d'une prudente douceur, qu'en tonnant
« par des menaces et en déployant toute la vigueur de sa puis-
« sance. Au reste, ce n'est pas une chose nouvelle, dit-il, ni
« merveilleuse que l'esprit d'un homme s'égare, et en entraîne
« d'autres dans son égarement. »
On avait fait entendre au pape que le Jeune Henri, au lieu
de faire à son sacre la profession accoutumée, avait juré de
maintenir les coutumes introduites par son père, coutumes
qui avaient fait naître de funestes contestations. L'évêque
d'Évreux tâche de détromper Alexandre sur ce point, en lui
protestant, sur son ame, qu'il était présent au sacre, et que le
prince n'a fait que la profession autorisée par l'usage, et que lui
. . évêque n'a aucune connaissance que le jeune prince ait fait, soit
avant, soit après le couronnement, le serment qu'on lui reproche.
Cette lettre se trouve parmi celles de Saint-Thomas, dans le
recueil qu'en a publié le père Lupus.
La seconde lettre a été publiée par Warthon, dans la pré-
ADgi. Mc. t. f*ce du tome II de YAnglia sacra. Elle est. adressée au môme
II, pref. p. IV. pape Alexandre, et est relative au procès qui s'était renou-
velé de son temps entre l'archevêque de Cantorbéri et l'abbé
de Saint- Augustin, touchant la profession canonique d'obéis-
sance que Richard exigeait de celui-ci avaot de le bénir.
GILLES, ÉVÊQUE DÉVREUX. 21
L'afiFaire ayant été portée à Rome, Gilles adresse au pape la xii srECLE
lettre que son oncle avait écrite à Saint-Thomas, prédéces-
seur de Richard, contenant la relation de ce qui s'était passé,
plus de trente ans auparavant, au concile de Reims de l'an
Î131, relativement à la profession que Hugues exigeait des
abbés de Normandie. L'éditeur atteste avoir transcrit la lettre
de l'évêque d'Evreux, sur l'autographe conservé dans les ar-
chives de l'église de Cantorbéri, munie d'un sceau dans la
circonférence duquel on lisait: Kgidius Ebroicensis episco-
pus. Ces deux lettres de l'oncle et du neveu ont fait grand
bruit dans le monde littéraire, et sur-tout devant les tribu-
naux que les avocats ont fait retentir de leurs clameurs, parce
qu'il y est dit qu'un certain Guernon, moine de Saint-Mé-
dard de Soissons, avait confessé, à l'article de la mort, qu'il
avait fabriqué, pour les moines de Cantorbéri, de faux titres
d'exemplion. C'en a été assez pour enhardir les avocats à ar-
guer de faux tous les titres indistinctement que des reli-
gieux leur opposaient. Les diplomatistes se sont beaucoup
récriés, et ont bien voulu examiner si ce titre, avec lequel les
avocats égayaient leurs plaidoyers, ne serait pas faux lui-
même. C'est ce qu'a fait l'auteur du nouveau traité de diplo- uipiom. ». m,
matique en six volumes in-4°. Nous n'entrerons pas dans la P'"^f- p- ^^
discussion de ce point de critique, nous dirons seulement
que les avocats ont eu tort de conclure du particulier au gé-
néral, et qu'en leur accordant qu'il y a eu des titres suppo-
sés ou interpolés, il ne s'ensuit pas pour cela qu'il faille les
rejeter tous sans examen. Ainsi, en fait de titres et de chartes,
il faut toujours en venir à un examen particulier, et les pré-
somptions ne décident rien.
Si l'évêque Gilles n'a pas laissé d'autres productions de sa
plume, il n'en faut pas conclure qu'il fût étranger à la litté-
rature; il avait eu l'avantage d'être élevé sous les yeux d'un
savant du premier ordre ; et si l'écriyain élégant qui gouver-
nait alors l'évêché de Lizieux se détermina dans sa vieillesse
à recueillir les lettres qu'il avait écrites dans le cours d'une
longue vie, c'est aux instances de l'évêque d'Évreux, qui
n'était encore qu'archidiacre de Rouen, que nous en sommes xxîi,'''p.'''"i303"
redevables. Cest le témoignage que lui rend Arnoul, évêque
de Lizieux, à la tête de ses lettres. B.
22
XII SIECLE.
ANONYME
Auteur du Fo u m ii i, ai hk l'oi r le sache
DE P H 1 L I. I r r E-A II (. u s T E .
w'an1179, le roi Louis lo-Jriiiie, frappé de paralysie, voulut
Jjassocier à la royauté IMiilippo, son lils unique, âgé de 1 4
h \'6 ans, pour lui assurer la couronne ajjrès lui. Ce n'est pas
qu'elle lui lut conleslée, ou ([u il y eût lieu de craindre aucun
trouble de la part des nialveillans ; mais il voulait se décharger
des soins du gouveruenienl ; et c'est le dernier exemple de pa-
reilles associations failes du \ivant du père, cl de couronnemcns
anticipés (jui lurent en usai^e sous les premiers rois (]a[»éliensi
pour prevenii' des brigues (pii auraient pu sélever dans un chan-
1,'enient d(; réyiie cl conserver ainsi la couronne dans leur famille.
Pour donner à celle inauf-'iiralion la [dus i^rande solennité.
Du Tiii.t, K,c. il fut dressé, dil-on, un furmulaire (pu réglait l'ordre des
.les liais de I r. t;,'.,,3(iioiiic)s à obscrNcr daiis œs, occasions solennelles oîi toute
Il tilii. i'mI. 1()IS.
|a majesté du Irône >e déploie, ('e cérémonial est le môme
(pu a élé oliM'iAc di'|)uis au sacre de nos rois, à (juelques
changcijK-nls près ; d elail enregistré à la chambre des comptes
de Paris il cesl de là que le greflier Du Tillet l'a tiré pour
IwHiii r dan> h- recueil dtîs Kuis de Kranct;, après l'avoir tra-
diiii .lu lalin en français. Théodon! Godefroi a reproduit
. ). ,, II:;. dans le (crémonial de France la version de Du Tillet.
, ,,.,,, Il V a des auteurs qui font remonter à l'époque dececou-
1)11 iiiiii , - 1 ' '
•i.iiin.iiMiii.is ronucin'til I clablisseinent des douze pairs de France ; et il
faut con\eiiir ipi ds n auraient pas tort, s'il était certain (pie
ce cérémonial eùl élé composé pour le sacre de Phdippc-Au-
giisle. Il \ esl parl('' en cllel des six pairs ecclisiasliipitis tpii y
.'ioiit nommés dans lordie suivant : Heims, Laon, Langres,
lk'au\ais, ('.liàlnns, Noyoïi : on y lil encore (pie les pairs
ecclésiastiques (il laïcs st)u(cnan'iil la couronne sur la tête du
roi, et coiiiiiii' il n'est pas cro\alilc (pie tous les assistans dé-
cores de la pairi(! y aient piulc la main, on peut conclure
cpi'il y avait des pairs dislini;ues des autres et plus élevés en
dif.'iiil('
Mais cet écrit i>l-ii bien aiillienliquc .' est il prouvé (juil
FORM ANON. POUR LE SAC. DE PHIL.-AUG. 23
ait servi au sacre de Philippe- Aiigiisle? C'est ce qu'il est permis ■'^'> S'ecle.
de révoquer en doute. 11 n'en est pas do cette pièce comme de lo-u. ,,. iiu.
celle qui constate le sacre de Philippe I, sur laquelle on ne peut
élever aucun doute, parce que tous les assislans sont nommés ;
ici on ne trouve le nom ni de Philippe-Auguste, ni du roi son
père, ni d'aucun des assislans, évoques, comtes ou barons, ce
n'est qu'un formulaire qui prescrit des prières, l'ordre des mar-
ches et autres cérémonies à observer, applicables à tous les
sacres et couronnemens qui ont été faits depuis l'établissement
des douze pairs.
Il est fiicheux qu'on ne nous ait pas conservé le procès-ver-
bal de celle cérémonie mémorable, ce serait une pièce i mpor-
lanlc pour décider la cpieslion encore indécise sur la vraie
époque de la réduction de la pairie à douze membres ; on y ver-
rait quels élai(înl les pairs (jui y assistèrent et en quel nombre,
et de plus, quel rang ils gardaient entre eux. Nous savons par
le témoignage des historiens (|ue tous les vassaux de la cou-
ronne y furent appelés ; mais ils ne dislingiienl des autres et ne
nomment eu particulier que le jeune roi d'Angleterre, fils de
Henri 11, qui, aux droits du duché de Normandie, portait,
disent-ils, dans ses main.s la couronne royale devant servir an
sacre du nouveau roi, et Philippe, comte (le Flandre, qui portait
devant lui l'épée de Charlemagnc , droit qui lui était acquis
comme au plus puissant des vassaux , et pour le maintien
duquel il s'clait fait acconqiagner d'une foico armée , dit
l'historien Gillicrt de Mons : Ad hoc coronamentwn et régis
edictum cnm omnes Francùr principes accederenl, l'hiUppus t \\\T"rU
Flandriœ et ViromandicV cornes polmtissimus , qui in ges-
tamine gladii regalis jus reclamabal, cum atmis et militibus
mxdlis ■venil.
11 est clair, par le témoignage de cet historien, qu'il y
avait, à l'époque de ce couronnement, des fonctions et des
prérogatives attachées à certains fiefs de la couronne Raoul
de Dicelo observe encore que le même Philippe , coiuiue
comte du Vermandois, qu'il tenait de sa femme, remplit le
jour du couronnement les fondions de Dapifer, en servant
le roi à lable : Philippus ilaque rex Francorum in cofonatione „,ij ^r
suâ lam in gladio perferendo quam in regiis dapibus nppo-
iiendis , Philippum Fla-ddricV comilcm privilegiatum habuit
ministerialem , ulenlem duplici jure, paterne videlicet et
uxorio. Mais rien ne prouve que ces offices fussent réduits à
douze; les historiens Roger de Hoveden et Benoit de Péter-
24 FORM. ANNO. POUR LE SAC. DE PHIL-AUG.
XII SIECLE. Jjoroug, disent forraellemeni que tous les barons présens avaient
' ■ **• ■ quelque fonction à remplir : Philippus cornes Flandriae prseibat
anta illum , ferens gladium regni, et multi duces, comités et
èarones, prasibœiit et sequehaniur illum, diversi diversis çlepu-'
tati obsequiis,prout res eœigehat.
Ce dernier passage semble prouver que le nombre des pairs
en dignité n'était pas encore réduit à douze, six. clercs et six
laïcs, et le silence de tous les historiens contemporains sur
un fait qui aurait introduit un changement si remarquable
dans la constitution de l'empire, équivaut à une preuve posi'
tive.
On pourrait nous opposer le titre qu'on lit à la tête de cet
écrit : L'ordre qui se doit observer au sacre et courotinetnent des
rois de France, com^nandé par le roi Louis le -Jeune, Van U79i
et enregistré à la chambre des comptes de Paris, traduit du latin
en français, et inséré dans le recueil des Rois de France par le
greffier Du Tillet.
Ce titre nous paraît fort arbitraire de la part des éditeurs,
parce qu'on n'a jamais produit l'original latin, et Du Tillet ne dit
pas non plus qu'il l'ait Iranslalé en français II est plus vraisem-
blable que ce formulaire fut dressé, l'an 1223, pour le sacre de
Louis VIII, car ce qu'on nous donne pour le sacre de ce dernier,
n'est en latin qu'un extrait pur et simple du pontifical romain,
sans aucune instruction relative à la cour de France. A cette
éqoque les douze pairs formaient réellement une classe à part,
et on a pu les distinguer des autres barons du royaume, comme
ils le sont dans l'ordre du sacre de Saint-Louis, en tout conforme
à celui qu'on attribue au roi Louis VII, pour le sacre de Philippe-
Auguste, à l'exception du langage qui a été rajeuni dans l'édi-
tion de Du Tillet.
En effet , les premiers actes dans lesquels on trouve une
preuve certaine de la réduction des pairs à douze, sont ceux
du parlement tenu à Melun, l'an 1216, pour juger le droit
des prélendans au comté de Champagne. Dans ce jugement
solennel, les douze pairs sont nettement distingués des au-
tres évéques ou grands vassaux de la couronne, qui assistè-
rent à cette assemblée, ils y sont placés en première ligne ;
es"!" ' ^'^' ''"^»c«'w»î est ibidem, porte cet acte, à paribus regni nostri,
videlicet A. Remensi archiepiscopo, W. Lingonensi , W. Ca-
talaunensi, Philippo Belvacensi, Stephano Noviomensi épis-
copis , et Odone duce Burgundiœ, et à multis aliis episcopis
etbaronibus nostris, videlicet R. Carnoti, G. Mvanectensi et
Ci' ré m. fr»n
t. L p. 15.
FORM. ANON POUR LE SAC. DE PHIL.-AUG. 2o
/. Lexoviensi episcopis, et Guillehno comité Pontivi, R. Comité ^" SIECLE.
Drocarum, P. comité Britanniœ, G. comité Sancti Paiili, W. de
Rupibus senescallo Andegavensi, W. comité Jovigniaci, J. comité
Bellimontis, etR. comité de Alenchon, nobis audientibus et judi-
cium approbantibus, etc.
On ne peut pas même faire remonter avec certitude réta-
blissement des douze pairs à l'époque de l'arrêt qui fut rendu,
l'an l?.02, contre Jean Sans terre, roi d'Angleterre et duc de
Normandie. Comme nous n'avons pas cet arrêt, on n'en peut
rien conclure. Les historiens qui en parlent, disent bien que
ce duc de Normandie fut condamné à perdre son fief par iu- ,a ***"' ^V,-'
... r j la. inn. Izlo,
gement de la cour des pairs, mais sans faire aucune dislinc- p- 196, édit.
lion entre eux. Ainsi rien ne prouve qu'à celte époque les *"**'
douze pairs eussent aucune prééminence sur les autres; ils
en auraient eu cependant, si le formulaire du sacre que nous
examinons, portait les caractères de certitude qu'on désire-
rait pour affirmer qu'il eût servi au sacre de Philippe-Au-
guste.
Quoiqu'il en soit, et pour déférer un moment à l'opinion
des éditeurs, nous ne laisserons pas passer l'occasion d'en rendre
compte en peu de mots.
Nous ne dirons rien des formules de prières qui furent
employées dans cette cérémonie : elles sont restées toujours
les mêmes; mais le serment du roi a souCFert dans la suite
quelques cliangcmens. Voici celui que prêta alors le nouveau
roi : « Quand ledit archevêque sera à l'autel, demande au
« roi pour toutes les églises à lui sujettes ce qui en suit : Nous
0 te requérons nous octroyer, que à nous et aux églises à nous
« commises, conserves le privilège canonique, loy et justice
« due ; nous gardes et défendes comme roi est tenu en son
<< royaume à chaque évêque et église à lui commise. Et ledit
« roi répond aux évêques : Je promets et octroyé qu'à chacun
<■' de vous et aux églises à vous commises, je garderai le pri-
« vilége canonique, loi et justice due ; et à mon pouvoir. Dieu
<• aidant, vous défendrai comme roi est tenu par droit en son
« royaume à chacun évêque et à l'église à lui commise.
" Je promets, au nom de Jésus-Christ, au peuple chreslien
« sujet à moi ces choses. Premièrement ; Que tout le peuple
« chrestien gardera à l église de Dieu en tout temps la vraie
« paix par votre advis. Item. : Que je défendrai toutes rapines
» et iniquités de tous degrez. llem : Qu'en tous jugemens je re-
TomeXlV P
26 ROGER, SEPTIÈME ABBÉ DU BEC.
_xn SIECLE. a commanderai équité et miséricorde, afin que Dieu clément et
1 miséricordieux m' octroyé et à vous sa miséricorde.
« Que toute l'assistance responde aux promesses qu'aura
« failes le roi, tant aux églises qu'au \)eup\e, ainsi-soit-il. Puis
« le roi derechef ajoutera : Toutes les choses susdites je con-
a firme par serment. Il mettra alors la main sur le livre des
« évangiles. » B.
ROGER,
Septième Abbk du Bec.
Oi
Fletam.
p. S09.
N a commis, je crois, plusieurs erreurs sur cet écrivain.
Et d'abord on n'est pas d'accord sur sa patrie; les uns le
font naître en Italie, les autres en France, les autres en An-
gleterre. Les premiers le supposent Lombard; quelques-uns
d'entre eux même le confondent avec un des premiers disci-
ples d'Imérius, fondateur de la première école oîi les lois
romaines furent enseignées. C'est entre autres , l'opinion de
Dissert. ad. Selden, mais il est impossible de l'adopter. Le Roger, élève
'• d'Irnérius, ne paraît pas avoir quitte son pays, il y établit
une école à son tour, il y professa; il publia successivement
plusieurs ouvrages sur la jurisprudence romaine ; on lui doit
les plus anciens abrégés ou sommaires qui en existent, on
lui doit les premières gloses qui furent mises au jour sur
Terrasson, H. la partie du digestc qu'on appelle infortiat, dénomination
e la Jurisprud. | j j yjgQt dit-ou, de cc que celte partie « traitant des suc-
roiu. p»rl. 3, J. T . ' , ^
12, p. 330. cessions et substitutions, aussi bien que de plusieurs ma-
tières également importantes et qui sont d'un plus grand
usage, elle était celle qui produisait un plus gros revenu
Vuir Panci- aux jurisconsultes » : on lui doit encore un traité des prescrip-
roie, liv. II, c. lions, fait en forme de dialocue entre la jurisprudence et
18; et Konig, ,, ,
, ,„, . *• I auteur.
Mais comment un homme dont la. vie fut si laborieuse,
dont l'enseignement en Italie est devenu mémorable par cela
même qu'il fit connaître pour rien au jeunes étudians, une
partie du digeste, que les professeurs n'expliquaient pas dans
p. 698, col. I.
292.
ROGER, SEPTIÈME ABBÉ DU BEC 27
leurs cours publics , qu'ils n'expliquaient que dans les leçons ^'i sieclb.
particulières qu'ils donnaient à ceux de leurs élèves qui pou-
vaient les payer, comment aurait-il pu être abbé d'un mo-
nastère en Normandie? Comment l'eût-il été sans qu'aucun
des écrivains qui ont parlé de lui n'en fît mention?
Il serait possible que le Roger, abbé du Bec, eût été, dans
sa première jeunesse, étudier en Italie. La découverte du di-
geste communiqua un grand mouvement à tous les esprits
jaloux de s'instruire ; des diverses parties de l'Europe on alla
étudier dans le pays signalé par cette découverte même. Il
faut néanmoins se souvenir que les Pandecles ne furent
trouvées que vers l'an 1130, qu'elles ne devinrent l'objet
d'un enseignement public, que plusieurs années après ; qu'Ir-
nérius, le premier professeur de droit civil, n'est mort qu'en
1190; qu'ainsi, môme en supposant qu'il ait vécu jusqu'à 80
ans, il n'en avait alors que 20, ou environ : en lui en don-
nant 30, lorsqu'il commença d'expliquer la jurisprudence
romaine, cela nous reporte à l'an 1 1 40 ; et cependant, nous R. de» Hist.
apprenons d'un autre côté, que Roger fut nommé, en 1149, ^^ ^''- •• '^"'.
abbé du Bec, el qu'avant d'être élevé à cette dignité, il était
déjà prieur du monastère. Nous ne prétendons pas en con-
clure qu'il n'ait pu venir en Italie, à l'époque môme dont
nous parlons; de là, être appelé en Angleterre pour y ensei-
gner le droit romain, à Oxford, comme on le dit, lorsque
Etienne, qui régnait dans cette île, entraîné aussi par l'esprit
général, eut voulu fonder une école de ce droit pour ses su-
jets. Etienne avait succédé à Henri I", fils de Guillaume-le-
Conquérant, et mort en 1135; l'Angleterre et la Normandie
étaient dans des relations perpétuelles : Roger, après avoir
professé quelques années à Oxford , serait alors venu ou ren-
tré dans le monastère du Bec, qu'il gouverna bientôt après.
Il est possible aussi que Roger le Lombard, le disciple d'Ir-
nérius, ait été appelé en Angleterre par le roi, qu'il y ait
professé quelques années, et qu'il soit retourné de là dans
sa patrie.
Mais, quoiqu'il en puisse être, on voit toujours par le
rétablissement des faits et la coïncidence des époques, com-
bien il est impossible de ne voir qu'une seule et même per-
sonne dans Roger abbé du Bec, et dans Roger le Lombard.
Nous avons dit que Selden avait commis cette erreur. Parmi
les écrivains qui l'ont partagée avec lui, on peut nommer
28 UOGIilR, SKPTIKMl': ABBÉ DU BEC.
Ail SIECLE. Simon, dans sa bililiolhèiiiic liisloriiiiic des principaux au-
T. I, p. 304. leurs du droit civil.
L'abbaye du Bec, quand Roger fut choisi pour la gouverner,
n'était pas étrangère à la culture des sciences et des lettres.
Un grand nombre de disciples venaient s'y former, chaque
année, sous les maîtres qui la rendaient une des écoles les
llist. i-iiicr. plus célèbres de France. La plupart des abbés qu'elle avait
t. IX, p. 108. g^jg jusqu'alors s'élaienl distingués [lar leurs talens et leur sa-
voir, non moins que par leur piété; il suffît de nommer An-
selme, un des hommes les i)lus illustres que l'église gallicane
Voir son ar- ait produits , élu ci.suite à l'an hevèché de Cantorbéri ,
liiip, t. IX de ojj il succéda à Lantranc, dont il avait élé le disciple, et qui
f%» ""sulr ' lui-même avait donné un tel éclat à 1 école du Bec par une
science étendue et profonde , qu'on venait étudier sous lui ,
dit l'historien doses iravaux, do France, de Gascogne, de
Bretagne, de Flandres, d'Allemagne, de Rome même: les
élèves y accouraient, les grands y envoyaient leurs enfans,
les maîtres des autres écoles les plus fameuses se rendaient
ses disciples. Ce concours prodigieux d'étudians fit du Bec
vu "'":/'"■ '* la plus florissante académie qu'on eût vue depuis plus de
cinq siècles : Beccum magnum et faniosum litteraturae gym-
nasium.
Lanfranc et Anselme avaient passé l'un et l'autre du mo-
nastère du Bec à l'archevêché de Cantorbéry. Roger fut des-
iiisi. (le i:i tiné au même siège. Ce n'est pas, comme le dit Terrasson, à
jucispnui. roni. |a niort do Théobald (ou Thibaut), mais après celle de
''■ * ''■ Thomas Becquet, si fameux par sa résistance à Henri 11 et
iiisiiir. lie Fr. P^f sa mort. Plusieurs années s'étaient écoulées sans qu'on
i. XIII, |.. 150 lui donnât un successeur. Roger enfin fut choisi ; mais ne se
*' ! c- ~. v' croyant pas capable de soutenir, dans de telles circonstances,
an^l. a(ri|)l. A, •' ' ' '
i. I, \>. '.i(il cl le poids d'un tel épiscopal, il refusa d'accepter : Quod ambi-
'**'•, . tiosi homines ejus socordiœ potius quam sajnentiœ assignarunt,
t. XI, p. 230. dit Polydore Virgile ; adeo difficile est placere vulgo qui omnia
honesta lanlkm utUilate metitur.
(Tétait en 1174; Roger mourut cin(| ou six ans après dans
Histor. de Fr. gon monastère, l'endani les trente années environ qu'il le
t. XIII, |.. r>23. , , ,• • ,. ,, ,
gouverna, douze de ses religieux lurent successivement élevés
à la dignité d'abbé, et allèrent, à ce titre, gouverner d'autres
iiisi. de Fr. maisons. Robert de Thorigny est de ce nombre; il eut lab-
el 323 ' ^ baye di: mont Saint-Michel, et est, à cause de cela, ordi-
nairement appelé Roberl-du-Mon( ; il a célébré , dans des
écrits qui nous restent , la mémoire de Roger. Nous devons
ROGER, SEPTIÈME AUBE DU BEC. 29
néanmoins observer qu'il le loue beaucoup plus comme xii siècle.
moine, que sous les rapports de jurisconsulte et de littéra-
teur^ il passe môme ces rapports sous silence : mais il dit
que Roger fit construire des chambres à cheminée pour les
hôtes à tous les étages, un ac(|ueduc, une iiilirmerie, etc. ;
qu'il répara la couverture de la maison, les cellules des dor-
toirs , etc. Dans le Gallia Christiana , on ne le loue guère t. xi. p. 230
aussi que d'avoir fait ces travaux; et, pour tout le reste, il
y est dit seulement et sans aucun détail ; Sacris et secula-
ribus litteris appriniè insiructiis.
Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit de
l'ouvrage qu'on Iili attribue sur le code et sur le digeste.
Nous no pourrions que répéter combien il est difficile de l'en
croire l'auteur. Comment supposer , indépendamment des
autres raisons, que des écrivains (jui furent ses disciples, ses
amis, qui ont loué ses travaux, eussent négligé de nous
parler d'un ouvrage si important? Nous avons essayé de faire
connaître la cause vraisemblable d'une telle confusion. li est
, ,, , ., n , , Biljliolh. Bi
juste cependant dobserver que Montiaucon en place le ma- biioihecar t. ii.
nuscrit parmi ceux de l'abbaye du Bec, observation trop P- ^''^'''^■
prépondérante pour que nous la dissimulions, quoiqu'elle
ne nous paraisse pas d'ailleurs ôter leur force aux objections
que nous tirons du silence des contemporains, et de la car-
rière toute différente dans laquelle Roger entra et demeura.
On pourrait dire, et on la dit, que ce fut l'éclat avec lequel
il professait en Angleterre, (jui le fil choisir pour abbé du
Bec : mais nous avons vu dans Robert-du-Monl lui-même,
religieux de ce monastère, que Roger en était le prieur avant
d'en devenir l'abbé. Ce qui serait très-possible , c'est que la
célébrité qu'obtint l'ouvrage du professeur avec lequel on le
«onfond, eût donné le désir de l'avoir en France, qu'on eût
copié cet ouvrage dans plusieurs monastères, dans celui du
Bec en particulier, cl que ce fût ainsi qu'on l'y a trouvé, sans
qu'U faille pour cela reconnaître que l'abbé Roger en était
l'auteur. L'empressement qu'on eut de le copier est rappelé i' " Je ses
par l'abbé Leheuf, d'après Duboulay , dans l'histoire de '''^'"', P" ^gj"
l'Université de Paris. 398, bto et
Pourquoi n'ajouterions-nous pas qu'îi l'époque oii on veut '^'•
que Roger ait professé en Angleterre, un concile, tenu en
1139 à Sainl-Jean-de-Lalran , avait défendu aux religieux
d'étudier le droit romain, et par là même plus encore de
l'enseigner. Nous aurons bienlôl occasion de rappeler les
XII SIECLE.
Wood, li'
p. 51 et 32.
T. XIII, p.
392; l. XIV, p.
■8i. anx notes.
30 GEOFFROI FULCHIER.
délibérations de ce concile et de celui de Tours, en parlant
d'une traduction des lois romaines.
L'ouvrage dont on suppose que l'abbé Roger est l'auteur,
a pour titre : Libri ex universo enucleato jure excerpti ei pau-
peribus prassertim destinati. Il est divisé en neuf livres, et
composé dans l'ordre du Code de Juslinien.
Par les pauvres auxquels le livre est destiné , l'auteur
entend les écoliers sans fortune ; c'est en leur faveur qu'il
l'entreprit.
L'historien de l'Université d'Oxford attribue quelques
ouvrages encore au 'Roger qui professa, et entre autres, ce
Traité sur les prescriptions dont nous avons parlé au com-
mencement de cet article.
Roger est aussi appelé souvent Vacarius ou Wacarius.
C'était Roger de Bailleul, suivant les auteurs de la nou-
velle Collection des historiens de France. P.
GEOFFROI FULCHIER
OU FOUCIIER,
Procureur de l'Ordre des Templiers a Jérusalem.
Liv. I, \
Gcsii Dei
Francos, t
p. i08i.
Ep. 27h
JE traduis par procureur le mot de prasceptor, que je trouve
dans les historiens latins. Un passage de Jacques-de-Vitry,
dans son histoire de Jérusalem, détermine ce sens avec une
telle précision, qu'il est impossible d'en admettre un autre.
II dit : Que le grand maître y reçoit chaque année une somme
d'argent, que lui font passer procuratores domorum , quos
praeceptores nommant. 11 semble que perceptores était le
mot propre, puisqu'ils recueillaient et envoyaient les contri-
butions des diverses maisons pour les besoins généraux de
l'ordre et de ses chefs; pr«eep<orps paraîtrait devoir répon-
bre à la fonction de ceux qu'on a appelés commandeurs.
Geoffroi Fulohier n'était pas grand maître , comme on l'a
cru d'après une leltre de Jean de Sarisbéry ; ce sont Bcrlrand-
G EOF F ROI FULC,HIER. Si
de-Blanchefort, Philippe-de-Naplouse, et Odon-de-S.-Amand, xit siècle.
qui le furent pendant qu'il était procureur de la maison du '
Temple de Jérusalem : Bertrand-de-Blancheforl gouvernait
l'ordre à l'époque oii furent écrites les trois lettres de Geof- Duchesne,
froi, que nous allons d'abord faire connaître, et dans les- 701 '^Jt '702^^-
qaeWes i\ se quahùe\m-mùme procurator templt. Bongars, p.gc.
La première est de 1 1 62, elle est adressée au roi de France, Jjjg' *'^^ *'
Louis-le-Jeune. A son départ, Geoffroi Fulchier avait été ' Duchesne,
chargé des hommages particuliers du monarque , dans p 702 - iiist.'
la visite des lieux saints : en la faisant, il les a constamment "*" gg""" '• ^^''
touchés d'un anneau qu'il portait sans cesse. Cet anneau , il ''
prie le roi de l'accepter et de le garder en mémoire de ce
pieux événement. II avait commencé sa lettre par annoncer son
heureuse arrivée à Saint-Jean-d'Acre, et par témoigner au
prince combien il avait été touché du bon et honorable ac-
cueil qu'il y avait reçu.
La seconde est de H 63. En voici le titre : Lodovico Dei Oudicsne,
gratiâ Francorum régi sanctissimo, domino et amico suo in P «9^. - iiist!
christo, fraler G. Fulcherii, domorum pauperis militix templi ^^J^^ \^f- ~
procurator indignus, salutem ; mittere rem si guis quâ caret Franc, p.*' 1170'!
ipse potest. Celte lettre annonce au roi une victoire remportée
par les chrétiens sur un des généraux de Noradin, Siracon,
le plus distingué d'entre eux et le confident intime de son
maître. Le sentiment de joie n'est pourtant pas celui qui y
domine, l'expression en est troublée par la douleur que cau-
sent les malheurs d'Anlioche, de Jérusalem, les plaies qui
déchirent sans relâche tous les serviteurs fidèles du Christ,
et par tous les événemens à jamais déplorables qui suivirent
ce triomphe momentané. La victoire avait été néanmoins
importante et glorieuse. On la devait au roi de Jérusalem,
Amaulry et au grand maître des Templiers. Amaulry avait
battu Siracon et l'avait poursuivi jusques dans Belbeïs (Pe-
luse), oïl celui-ci s'était réfugié. Mais tandis que le roi de
Jérusalem était loin de ses étals, Noradin y pénètre et va
assiéger Harenc, entre Aniioche et Alep ; réduits aux der-
nières extrémités, les assiégés étaient près de se rendre, lors-
que Boëmond III, prince d'Anlioche, comme un digne fils de
Mathatias, dit l'auteur de la letlre, marcha pour les secourir,
accompagné de Raimond II, comte de Tripoli, de Thoros où
Théodore, prince d'Arménie, d'un grand nombre de cheva-
liers du Temple et de Saint- Jean de Jérusalem, et signala ses
premiers efforts par des succès. Mais enfin, les ennemis de
32 (j E 0 F F U 0 1 F L L C H I E R.
XII SIECLE, la croix Iriompheiu, Norailii» rcmporlc une victoire complète
et décisive ; les principaux chefs de l'armée chrétienne sont
faits prisonniers, d autres avaient péri dans le combat ; la perte
de nos troupes a été immense. Venez donc à notre secours,
dit Geoffroi à Louis Vil. nous vous le demandons à genoux,
que votre charité s'émeuve, ([ue votre libéralité s'exerce, c'est
le lieu de notre Rédemption que nous avons à défendre ; c'est
la Terre- Sainte , le berceau du Christianisme; nous vous
avons souvent imploré, mais jamais nous ne vous adressâmes
des prières plus instantes et plus vives.
Duciifsnc, Lg troisième lettre est de la même année 1103, et elle est
de Fr.'p762."- encore adressée à Louis-le-Jenne. Comme un incendie mal
Gesia dei per éteint écrit Gcoffroi à ce prince, se remontre bientôt avec
Franc, p. 1182. j^^ flammes plus dévorantes, ainsi Noradin défait par nous,
ayant repassé 1 Euphrate, est revenu avec des troupes innom-
brables de Perses, de Turcomans, d'Assyriens, de toutes les
nations qui fléchissent sous ses lois. Envain le jeune Boë-
mond, prince si digne de eon père par son courage et sa
vertu, n'a pas craint de lutter contre une armée formidable ;
vaincu par un jugement secret de Dieu, il est devenu le
captif des infidèles. Le château d'Alep renferme avec lui nos
plus illustres Seigneurs ; Aniioche est dans le plus grand
danger, elle manque de vivres, d'armes, de soldats : si elle
peut soutenir encore, malgré cela, l'eiïort des Turcs, toute
résistance deviendra impossible (|uand l'empereur de Cons-
tantinople, qui approche, sera arrivé. Le roi est en Egypte
avec une partie de nos troupes. A Jérusalem, nous sommes
en petit nombre, livrés aux attaques et aux ravages des
Turcs. Ou plutôt, il faut que nous citions les mots en latin,
car il est impossible de les rendre dans notre langue avec
l'opposition que l'auteur a vraisemblablement voulu y met-
tre Turcorum, et ut veriùsdicam, spurcorum. Que nos cris
soient donc entendus, cpie tous les retards finissent, que ce
qui reste de Chrétiens ne soit pas entièrement consumé. Si
vous ne vous hâtez de les secourir, vous ne le pourrez plus
quand vous voudrez le faire. Que tous les amis de Dieu se
réunissent, qu'ils défendent tous le royaume de leur père,
qu' ils nous affranchissent du j(jng des infidèles ; qu'un pays
ao(iuis par le sang de tant de braves guerriers ne nous soit
pa.s arraché honteusement et sans espérance de le recouvrer
jamais.
Nous avons encore de Geoll'n.i Fulchier une lettre ou sup-
LE RECLUS DE MOLIENS. 33
pljque au pape Alexandre III, en faveur des chanoines de mi sieci
Noyon ; elle fut écrite en 1179, et se trouve dans les annales
de cette ville, par Jacques Levasseur : elle a aussi été impri- ''• ^'•
niée dans le quinzième volume du nouveau recueil des his-
toriens de France, parmi celles d'Alexandre III. Il s'y appelle :
Gaufridus Fulchier, domorum templi citrà mare prœceplor.
Vraisemblableinenl, après avoir élé procureur de la maison
du Temple à Jérusalem, il était devenu procureur-général
de l'ordre. L'objet de la lettre est une discussion élevée en-
tre le chapitre de Noyon et la commune : celle-ci s'opposait
à la vente d'un domaine ou à sa donation en faveur de l'église.
Geoffroi demandait au pontife de ne pas souffrir ces entre-
prises malicieuses et téméraires contre les ministres des autels.
Il écrivit en même temps au camérier du pape et à son trésorier,
pour les mettre dans l'inlérêl des chanoines, et les engager à
être leur appui auprès d'Alexandre.
Geoffroi Fulchier fut un de ceux qui accompagnèrent Luques, Cuiii. Je Tyr,
archevêque de Césarée, dans son ambassade vers le calife '"'a^'^' ^' *''
d'Égyple,en 1168. ''■
Rien ne nous fait connaître le temps de sa mort: nous venons
de voir, par les lettres écrites en faveur des cliaocines de Noyon,
qu'il vivait encore en 1 1 79. P.
Hist. de Fr.
I. .W, p. 967.
LE RECLUS
DE MOLIENS OU DE MOLLENS,
Poète Français.
LE nom de cet auteur et les litres de deux de ses produc-
tions qui nous sont parvenues ont échappé aux recherches
de Pasquier, de Fauchel, de Duverdier, de La Croix du
Maine , etc. Il est cité dans le Catalogue des auteurs de
Pierre Borel, sous le nom de Reclus de Molans ou Molens ;
dans le nouveau Ducange , sur les mots Cameraria, Cembel-
lum, Curiile, Deductus, et sur plusieurs autres. Il l'avait élé
par Duchesne dans ses notes sur Alain Charlier; par Du-
Tome XIV. E
;J4 J,E IIKCLI S DE MOLIENS.
XII siFXLF.. caDge, dans ses observai ions sur .loiiiville ; cl enfin sur un
grand nombre de mots, dans le glossaire qui leniiine le
P.iiis, 17GI, Joinville de l'imprimerie royale , oii l'on n'a pas distingué
'"■'"'• ses deux diirérens ouvrages. iJarba/an en a cité deux stro-
phes, l'une dans son discours en tète de VOrdène de Che-
FaMiaiix, Valérie, et l'autre dans la préface de ses Fabliaux. Le glossaire
nnnv. .•il. t. I. ,|(, |y janguc romaue en rapporte aussi des exemples sur une
III p'.Mï'.' pr.'r (inanlité de mots dont on peut ju^e^ par ceux que pré.senle
la lettre B : Baloier, Bat-boire, Brachier, Branc, Brebielo ,
Buffuer, etc.
On ignore totalement (piel est le poète (|ui sest caclié sous
ce nom de R(m;1us il'> Molicns, et ce qui nous reste de lui ne
nous apprend ritm sur sa vie D'après les deux vignettes (|ui
décorent le manuscrit n" 7('>l'.l de la Hibliotiièquc du Hoi ,
on peut seulement conjeeturer (pi'i! était religieux. Diicange
rii.si. ,!.• S. I(i fait vivre sous Henri II. roi i! Ani-'letcrre, (pu régna depuis
'■".vs p. !'!•• \\\\,i^ jus(iu'en 1180 11 est probable ipiil llorissail avant M 80.
I,'un (le ses deux ouvrages (]ui se sont conservés est le
Miserere ou H Romans du Rendus de Maliens de bons
exemples de moraliti's seur tous eslals cl loiil le siècle : l'autre
Jl^s (le b est le Romans de Charilè. Cn deux |uicmes sont en vers de
'"'!'- "" iiuit syllabes, et di\isi's par >ln)|ili('s (!■■ douze vers. Le pre-
mier contient deux ceiil .-~oi\anle-(piin/e strophes, et le second
deux cent (|uin/.e.
Les trois premiers mois du [)saume Miserere met, Deus,
Ibrment le prcmiei- vers de 1 un de ces deux poëmes, qui en
a pris le titre de Miserere, (pioiijue ce mot n'ait aucun
rapport avec le contenu de la pièce. En voici la première
strophe :
Miserere aiei , Dcui.
'frop loniçiienierit mo. suis téii.s
Ke je «Idiisse avoir bien dit;
Assez ai temps et lieu/ eus
Des maus Ijla.smer fjue J'ai véu.«.
Ilex, par le pi'opliète, inamlil
l'.pTii „iau,i„ir, (Jui respont (cacli.-) ut i|ui (•.■;(•(. u.li( (■i-cfn.-'i-)
MialoiidiiU. I,e froument au peuple mau ilil
Dont il «loitV-Iro rëpeus
IViur i-e ipi'ainsi le truis eseiis ,
Dit bli- lie mon trn-uier petit
Ai ilisin.-illi.rs -ji-mh-^ <-^léiis.
Itibl
7(i<ll
l.iucK. M- !■: C.
M. 7, N. i lie
riixl. .le l'ai. s.
LK HKCM S DK MOIIKNS 3o
On voit que dans ces stroplics les douze vers sont sur deux
seules rimes masculines, et assez harnionieuseraenl enltemêlces.
Du reste, pour parler comme le poêle, le blé qu'il tire de son
grenier esl assez amer. Il s'élève sans cesse, et quelquefois
avec force contre les niauvais riches, contre les prêtres et les
moines (|ui se servent des rcv(!nus de l'église pour leurs plai-
sii-s, au lieu de k's donner aux. pauvres à qui ces revenus
sont destinés II dit aux. hommes on général :
Str. I'.). Horii, or eiitcnil, tu (lois oii-
(^ui tu es, iir ti; dois jeïi'.
IJui es-tii (loni? sas plein tle liens (ordure)
Tu le vi'MX t-ascnns jour emplir,
lit puis vuidiei- et puis remplir,
(^uanf tu ex vuis mal te contiens,
Et ipiant tu es trop pleins si giens (gémis).
Assez us fii'us
Ja ne le s-h-ms tant polir ;
Tu iTiiirclis (salis) .|uani|Ui- lu tiens,
(';ir n'alloUi'lir lanl nette riens
A loi, (jue ne l'aclic'S | l'assesl soillir.
L'origine quil donnt^ à la .Médisance est remanpiahle par
la singularité de la liclion, et par une ceitaine vigueur de
style.
Slj-. lli. Einie (11, 'le serve (e.iclavc) ainere,
DisI (piVle volait ostre mère
Kt ini'lre au monde de son fi-uit.
l'ar pechié plu.s lail ((u'avoutere ( adultère)
Ala coucliier a\ec son ji^'ie
l'ai- une iMoiil horrible nuit.
Meneiriii horrible .lesduil
N'en I.n:i |us à vciilio \ :i in- (' v id.' ) ;
hesoii prr,. coiichiil un IV.-ie
'.lue on 1 nue iu"s.lil in:iudit :
l.a iiiorc !':t eu ses meurs diiit Mress(', insiruit) ;
l':t il M-liul birii .sa tn.-ilere.
Voici comme il traite !('.•, gens deglisi'
Slr. .'i-J. l'ai rh. MIN l'st li mondes desiruis
l'ar'jiii il déust e.stre estruis (instruit) ;
36 LE RECLUS DE MOLIENS.
XII SIECLE *-'*"" '^^^^ 1"' ""•'^ doivent conduire
Nou3 mènent par estrois pertuis,
Et ils ont trouvé un grand huis
Large u ( ou ) parent ils vont déduire
Ou (aux) choses qui tant puist nuire.
Ou rovvent *^^'' "î"' '■««'"«' (ordonnent) les déduis fuire
de rngare ; prier Sont chils qui quierent les déduis.
cl aussi com- Or ne sai-jou ou me refaire ;
Chil qui doivent autrui estruire
Che sont chils u tous les maus truis (trouve).
Il ne fait point de grâce aux moines, même sur l'article
de la gourmandise, et la manière dont il les reprend est
piquante et originale :
Str. 142. Hom, or tenons no parlement
De gaste-bien le goustement (la gourmandise)
De qui moût pou de gens s'estordent ( s'abstiennent )
Car chil qui doivent sobrement
De pou vivre et plus aspreraent
S'en desordonnent et enordent (salissent).
Li moine as meillors mes s'acordent,
Et es millors morsiax miex mordent ;
Et si boivent bien et souvant.
De lor veu petit se recoi-dent ;
Des-or-mais au bon vin s'acordent
Tuit li ordre et tuit li couvant.
Dans ces trois dernières strophes, les rimes masculines
sont entremêlées de rimes féminines, ce qui les rend plus
agréables pour nous ; mais on n'y mettait alors aucune diffé-
rence.
L'auteur a écrit son second poëme, le Roman de Charité,
dans le même esprit, du même style, et en strophes de la
même forme. Il y fait moins l'éloge de la Charilé que la satire
des hommes en général, cl siir-lout des hommes d'église,
qu'il accuse de n'être point charitables. Il n'en excepte pas ceux
qui remplissent les plus hautes dignités.
Str. 12. 0 carités, très-belle co«e.
Bien sais que tu n'es pas enclose
En porte qui est merceniere.
Par raiaon aperta et desclose
LE RECLUS DE MOLIENS. 37
Prouvai bien que toi ont forclose -^j, cirri r
Li cardounal (cardinaux) de lor carniere (porte) ; •
Caria maisnie (la maison, les domesticjues ) est coustumière
De graer (agréer, complaire ) à son magestière ;
Rien sans congé (permission) faire n'en ose ;
Li sire à son serf sa manière
Et la dame à sa chambrière
Sa coustume emprent et empose.
Les riches abbés ont leur tour :
Str. 104. Abès, rëpons-moi, que fais-tu,
Qui jadis rompis le festu
Au monde, que pour Dieu lessas.
Quant de vieus dras te vis vestu,
Tu me montras moût grant vertu,
A grant cours près Dieu t'eslaissas (t'ëlevas)
Quant à l'ordre ton cors plaissas ( plias ) ;
A cel jour Sathan moût quassas (secouas) ;
Sous toi l'avoies abatu ;
Tu vainquis quant tu t'abaissas;
Mais l'honour dont toi essaucha» (exhaussas)
T'a en ta vieuté, (vileté, bassesse) rembatu.
Str. 105. Abès, Sathanas point ne bée (regarde)
Se ta grange est bien engarbée (remplie de gerbes)
Que il les garbes fors en traie,
Ne que par lui soit desgarbée.
Se ta sustanche (subsistance) est desturbée
Che ne tient-il pas à grant plaie ;
Mais il bée à chou (ce) qu'il te traie (tire)
A soi par ta croche (crosse) courbée).
Le poète interdit aux prêtres tous les plaisirs mondains, et
même la chasse.
str. 107. Prestres miex vient ta main périr
Que ordoier (souiller) d'ome férir (frapper ;.
De fol tast (attouchement) ne de caroler (danser),
De tremeler (jouer aux dés) ne de hellir (faire débauche).
Tôt chou faire est Dieu messervir.
38 ÉLIE DE BARJOLS, POÈTE PROVENÇAL.
XII SIECLE. Prestres, tu n'as droit en vener (chasser)
——^———' Prestres, ta main de chien mener
S'ordoie, et de l'oisel tenir.
Job est un modèle qu'il propose à imiter ; il a consacré plu-
sieurs strophes à son éloge ; voici la dernière, oii il accumule lôs
comparaisons et les images poétiques.
Str. 214.
Sans doute
coq de clocher
.qui tourne &
tout rent.
Job fut simples com uns aigniaus ;
Job fut sages com H caiaus (chien)
Qui tous tans siut (suit) au flair sa proie.
Job fut semblant au drap de soie.
Qui tient le pli où on le ploie ;
Job fu li grains que li rtaiaus ( le flëau )
Jeta de la paille et nettoie.
Job fut bues arant (labourant) en la roie (rue, sillon).
Job ne fut cokes ne rosiaus
Qui au vent se tourne et baloie.
Il est à regretter que le nom de ce poète satirique et moral
soit inconnu ; il y en a peu de la même époque qui ait autant de
verve, de force, et d'originalité. G.
ÉLIE DE BARJOLSc),
Poète Provençal.
■p M K , suivant Nostradamus, était un gentilhomme de Bar-
l^jols en Provence. Un manuscrit de la bibliothèque Valicane
lui donne une origine moins illustre, et le fait naître d'un
marchand à Payols, dans le comté d'Agen. H ajoute que
(1) Nostradamus le nomme Elias de Bariols, ainsi que les Mss. 3204,
5 et 7 du Vatican : dans ceux de la bibliothèque Laurentienne à Florence,
il est nommé Elyas Berzoll. Et c'est sous ce nom que Rédi le cite dans les
notes de son Bacco in Toscana, d'après un manuscrit qui lui appartenait.
Crescimbeni l'appelle aussi Elia di Bariola , et ailleurs Elia di Bargiolo ou
Barinolo.
EUE DE BABJOLS, POÈTE PROVENÇAL. 39
s'étant fait jongleur dans sa jeunesse, il se réunit avec un homme xii siècle.
du môme métier nommé Olivier ; qu'après avoir parcouru en-
semble les cours les plus célèbres, ils s'arrêtèrent à celle d'Al-
phonse, comte de Provence ; que le comte les maria, dota riche-
ment leurs femmes, et leur donna des terres à Barjols, dans le
diocèse de Riez ; qu'alors ils se firent nommer Elie et Olivier de
Barjols; qu'ensuite Élie passa de la cour d'Alphonse à celle de
Guillaume, comte de Forcalquier, dont la fille Garsende, qui
épousa depuis Rainier de Claustrel, prince de Marseille, le prit
pour son poète.
Cette dernière circonstance est racontée à-pcu-près de même
par Nostradamus, l'historien de Provence Suivant cette tradi-
tion établie par Nostradamus le biographe, et suivie par Crescim-
béni, Elie dédia toutes ses chansons à cette princesse , pour
laquelle il conçut une passion qui lui occasionna plusieurs aven-
tures désagréables. 11 s'en plaint dans une de ses chansons qu»
se termine par ces deux vers :
Car cnmpïey voiras heavtas
E voiiras plazcnsfassonf.
Il resta pourtant auprès d'elle tant qu'elle vécut. Après sa
mort, il se retira à l'hôpital de Saint-Benoît d'Avignon, où il
mourut en 1180; on ajoute : à la fleur de son ûge ; mais nous
verrons. bienlùt qu'en suivant même celte version, il avait alors
atteint l'âge mûr.
Selon d'autres manuscrits suivis par l'abbé Millot , celle
princesse nommée Garsende de Sabran, était la femme d'Al-
phonse II, comte de Provence. Élie ne devint amoureux
d'elle qu'après la morl du comte : on ne sait point quel fui
le succès de sa passion, mais ce qui fait croire qu'elle ne fui
pas heureuse, c'est qu'il se retira dans un cloître, peut-être . .
entraîné, dit Millot, par l'exemple de la comtesse, qui prit
elle-même l'habit dans le monastère de la Celle. Le couvent
où Élie se fil moine était celui des hospitaliers de Saint-
Benoît, ou Bénezel d'Avignon, dont l'instilution utile avait
pour but de faire bâtir des ponts sur le Rhône, alors dé-
pourvu de ces moyens de communication , d'en diriger la
construction, et de servir dans les hôpitaux les ouvriers
malades (1).
(1) B^neset lui-même dirigea la construction du pont d'Avignon , et
c'est, dit-on, à ses religieux qu'on doit le pont du Saint-Esprit. Millot, toms I,
p. 353.
V. 1,- M..M
lie Kism,
iiKil iluiieille.
40 ÉLIE DE BARJOLS, POÈTE PROVENÇAL.
Celle version apporte de grands changemens dans l'histoire
de notre troubadour, et relarderait considérablement l'époque
de sa vie. Le comte de Provence et roi d'Aragon Alphonse il,
régna depuis i 196 jusqu'en 1209 ; et ce ne fut qu'en 1222 que
sa veuve prit l'habit monastique. Ces dates ne s'accordent point
avec une autre époque de la vie d'Élie de Barjols, qui paraît en
fournir une assez précise.
Entre les chansons qu'il composa dans sa jeunesse, l'une
des premières fut celle qu'il fil pour célébrer la victoire
remportée par Raimond Bérenger sur Etiennelte , mère des
princes de Baiilz. Celle maison , outre les terres de Baus-
senques ou Baussènes, et le bourg neuf d'Arles, pour lesquels
elle était en contestation avec lui, avait dos prétentions sur
le comté de Provence Raimond ayant eu connaissance de la
chanson par laquelle Élie avait célébré sa victoire, en récom-
pensa l'auteur par de beaux et riches présens Le poète
reconnaissant fil un ouvrage en forme sur le même sujet,
qu'il intitula la Guerra dels Baussene. Le moine des Iles
d'Or qui l'avait lu, le trouvait écrit élégamment el en fort
bon style (1). Or, la victoire qui y était chantée fut remportée
en \ 150. Elie qui avait d'abord été jongleur avant de devenir
troubadour, ne pouvait guère avoir alors moins de vingt-cinq
ans. Il en aurait donc eu plus de soixante-dix en 1196,
lorsque Alphonse 11 devint comte de Provence; et l'on voit
que cela frappe d'invraisemblance tout le reste de son his-
toire.
Il est probable qu'il y a ici confusion de deux Alphonse el
de deux princesses GarsencU;, dont l'une est la mère el l'autre
la fille. C'est sans doute à la cour d Alphonse 1" ou lldé-
fonse, roi d'Aragon el comte de Provence, qu'Élie s'établit
d'abord. Le conile de Forcalquier, auquel il s'allacha ensuite,
était Guillaume VI , qui eut des démêlés avec l'empereur
Frédéric I" en 1162, et qui mourut en 1208. Ce Guillaume
eut une fille unique nommée Garsende, qu'il maria à Raynez
ou Raiuier de Sabran , dit de Claustral , qui n'était point
prince ou plutôt vicomte de .Marseille, attendu qu'il n'y en a
jamais eu de ce nom, mais qui était seigneur de Caslellan.
(1) C'était sans doute un poiime, quoique Lacroix-du-Maine dise que c'était
un Traité de la Guerre. Nostiadamus, l'historien de Provence, dit aussi (lu'EIie
mourut vers l'an 11 80, après avoir fait un beau Traité de la guerre des Princes
de Baux. Part. II, \>. 13-1.
LOUIS -LE- JEUNE. 41
Ce fut cette princesse dont Élie de Barjols fut amoureux à la xii siècle.
cour du comte de Forcalquier, son père, et pour qui il com- ~
posa toutes ses chansons. Elle laissa deux filles, dont l'aînée,
nommée Garsende comme elle, fut mariée en 1196 avec
Alphonse H, comte de Provence, qui le devint cette année-là v. Md. au mot
Bjéme par la mort d'Alphonse I". C'est celle-ci qui après la ''^'«'î'""--
mort de son mari se retira dans un cloître, et qui ne peut,
d'après toutes les dates, avoir été aimée de noire Elie.
11 nous reste quatorze ou quinze chansons de ce trouba-
dour, éparses dans divers manuscrits. Elles se distinguent
par le naturel et la vérité des sentimens, malgré la gêne ex-
traordinaire de la rime. Il est un des poètes provençaux dont *•'"•"' '• '•
les poésies se trouvaient dans la bibliothèque de Robert, roi '"'N^naj. hm
de Naples. G. <ie l'rov. p.,i.V
l>. 319.
C
p. 152 elsiiiv.
LOUIS VII,
Dit le Jeune.
B n'est pas la première fois que les travaux littéraires des
Iprinces sont rappelés dans celte histoire. On a parlé, dans
le premier volume, de Germanicus, qui se distingua par son
savoir et son talent poétique, en môme temps que par sa imel^^Lf'^ii
valeur et sa bonté ; de Claude, d'Anlonin, et de plusieurs *' *"'"•
empereurs qui appartinrent à la France par leur naissance
ou par leur origine. Des lettres, des discours, ont suffi pour
les y placer, quand ils en avaient été eux-mêmes les auteurs ;
à plus forte raison des lois qui étaient leurs propres pensées^
et qui vivent encore dans le recueil publié par l'ordre de
Justinien. Nos prédécesseurs ont fait mention de Clovis, his. Lii.dr
principalement pour les additions qu'on lui attribue à la loi ' '"• p- 36» «'
salique. Gondebaud, roi de Bourgogne, Théodebert I" Chil- *"'''"
deberl !«', Clolaire 1er , Chilpéric 1'^, Contran, Childebert II
Clotaire 11, Dagobert 1", occupent également une partie dû
troisième volume ; Charlemagne et Louis-Ie-Débonnaire du
quatrième ; Charles-le-Chauve, Robert, Guillaume V, comte
de Poitiers et duc d'Aquitaine, et plusieurs papes, du cin-
Tome XIV. 'p
5 *
42 1,0 II I S -LIi- JEU N E.
XII SIECLE f|i''«^iue f^t du scpliùmc ; Guillaume I", roi d'Angleterre et
'—- duc (le Noimandio, Godefroi de-Bouillon, roi de Jérusalem,
Elionne, conilc de Chartres et de Blois, Foulques Réchin,
comte d'Anjou, Bernard 11 , comte de Béarn et de Bigorre,
Baudoin I", roi de Jérusalem, et plusieurs papes encore,
du liuitième, du neuvième et du dixième ; Guillaume IX,
comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, et Louis-le-Gros, roi
de France, du onzième.
Louis VU ne peut être étranger à l'Histoire littéraire: au-
cun rèijne, dans les temps où il gouverna la France, n'amena,
sous ce rapport, des institutions plus utiles, aucun ne fut
plus fécond en grands hommes. Bornons-nous à citer Abé-
lard, mort en 1142, Suger, mort dix ans après, Saint-Ber-
nard, mort en llo;}, Gilbert de la l'orée, mort en 11i)4,
Pierrc-le-Vénérable, mort on IMG, Pierre Lombard, le
maître des sentences, mort en. M (U) ou IUJI, Jean-de-Saris-
béry, évêquc de Chartres, Salomon Jarclii et plusieurs autres
rabbins célèbres, enfin un assez grand nombre de trouba-
dours distingués. On sait qu'il était monté sur le trône en
1137 et qu il ne mourut qu'en 1180 : il régna ainsi 43 ans ;
et on pourrait donner à son siècle le nom de siècle de
Louis Vil.
Hén Ai.r. (jn rapporte à lïigo ou il vécut, les premières représen-
Chroiioi. i. I, Valions dramatiques, mais elles étaient un peu plus ancien-
'' l'i.st. Liiicr. ni;s. Geoffroi, depuis abbé de Sainl-Alban, à qui le président
t. VII, p. m. Hénault en attribue l'idée, vivait dans le siècle précédent,
quoique cet historien le place sous Louis-le-Jeunc. Il est re-
inarquable (pie c(! fui un religieux, ce GeoH'roi même, alors
instituteur, qui les inlioduisil, en commençant par l'école qu'il
dirigeait ; et ce qui n'est pas moins remarquable, c'est qu'elles
durent leur origine à des senlimens de piété ; on voulait dé-
goûter le peuple des baladins et des j(mgleurs, on lui donna
des tragédies : les sujets en étaient pris ordinairement dans
riiistoire de la religion.
Les progrès vers l'affranchissement des communes, peuvent
aussi être regardés comme un bienfait pour les lettres. Elles
purent ('tre cultivées mieux et davantage, par des hommes
rendus à (iiieique libellé. Le commerce, entièrement aban-
donné jusiiu'alors aux étrangers, commença à être fait par
V. le i. XI Je des Français. Louis VI avait ouvert sur ce |)oint à Louis-le-
""'"• "'*'• •''"• Jeune, la carrière oli celui-ci marcha honorablement.
Il li'i'l
Iks écoles s'élevèrent de toute pari en France, cl sur-tout
LOUIS-LE-JEUNE. 43
à Paris. Entendons les éloges donnés à cette capitale, sons xii siècle.
le rapport des connaissances humaines, par Jean d'Haute ville,
poète contemporain. i^'^- '•' «• 17.
' ' — V. Dulioiilay,
llist. de rUiiiT.
Exoritur (anâem locm, altéra rcgm Vliithi, ,. n^ p. ^| et
Parinim, Cyrrh/ea vais, C/irj/x/en metallU, suiv.
Gi-fcca librix, Inda nf/idiis, Rnmanapoe/i-\,
Alticaierra so/j/iis, mundi rosa, balmmits orbi-i.
Les écoles les plus célèbres étaient sur la montagne Sainte-
Geneviève, que l'auteur appelle nions ambitionis. Nous fe-
rons connaître les principales, en rendant compte de la vie
et des ouvrages de Jean-de-Sarisbéry. Une impulsion rapide
et forte s'était communiquée à tous les esprits ; l'université de
Paris ne fut jamais peut-être plus florissante par le nombre
des disciples et la réputation des maîtres, en proportionnant
toujours au temps, les leçons qu'ils donnaient, l'objet de ces
leçons, leur caractère, leur oiïet. Les écoles des cathédrales,
des monastères, étaient aussi dans une grande activité : on
y instruisait l'enfance, on y copiait les ouvrages des Anciens.
Dom Rivet en a tracé un tableau bien étendu et d'un grand
intérêt, dans le savant discours qu'il a mis à la lète du neu- '' 30 «^i s'""-
viemc volume de celle histoire. De toutes les régions de i ,x. p. «i ^
l'Europe on venait étudier à Paris, el tellement que sous ce Dui>""i- P- 367.
règne même, ou du moins au coumiencemenl du règne sui- ^j^. p^^ ^ 17g
vanl, les Anglais el les Danois y (eurent des collèges fondés
pour eux. Duboidav et Diicliesne, nous ont conservé plu- d.iI.o..1:«v,
. • . » 1 i. H. p. r>()i cl
sieurs lettres adressées au roi lui-même, par des princes ou ^^^^^ |_ j,,,^,,
des magistrats d'Italie, pour recommander des jeunes gens 1. iv. |, 70»,
qui venaient s'instruire à Paris. La France élail dès-lors rc- 7U, 7;)4 ci smv.
gardée comme la nation la plus polie, la mieux policée. Tho-
mas de Canlorbéry, quoique Anglais, lui rend cet hom- _'y y,{^^„ j,".
mage dans une de ses lettres, et d autres écrivains étrangers Fris. liv. 1 ci V;
confirment ces éloges : ils la proclamaient mère de la philo- *•' '''•'''•' '"'■^^•
Sophie el des sciences. Les étudians étaient si nombreux, on
mettait tant de prix à les augmenter encore, que les lois sont
pleines de dispositions qui les favorisent (1). Plusieurs villes
du royaume obtenaient aussi quelque éclat par l'enseigne-
ment; Montpellier, par exemple, où déjà la médecine élail
(1) Voir p. 6 et 9 du tome IX de notre Histoire Littéraire. I^eur nombre fut
nias grand qu'il ne l'avait jamais été en Grèce et en Egypte, si l'on en croit
Guillaume-le-Breton. Uuchesne, tome V, p. 50.
r2
44 LOUIS-LE-JEUNE.
XII SIECLE, professée avec beaucoup de succès, et où l'élude de lajuris-
prudence romaine fut introduite sous le règne de Louis-le-
jeune (1). Il y avait des académies Juives àTroyes, àT^arbonne,
à Marseille, à Lunel (2), dans plusieurs autres villes, qui toutes
se distinguèrent par le mérite de leurs professeurs et par
quelques ouvrages jouissant encore de l'estime de la pos-
térité.
Il est difficile qu'un mouvement si universel ne se commu-
nique pas au prince qui gouverne ; mais il serait injuste de
croire que Louis VII ne fit que le recevoir, il le favorisa par
les principes de son administration, le choix de ses minis-
tres et principalement de Suger, qui, après avoir contribué à
élever son enfance (3), le dirigea d'une manière si utile dans le
gouvernement de l'état.
Louis VII était le second fils de Louis-le-Gros et d'Adélaïde
de Savoye. La mort de Philippe, son frère aîné, lui transmit
les droits de la primogéniture ; et son père le fit sacrer et
couronner de son vivant, comme il avait fait pour Philippe.
Innocent II était alors en France ; ce fut lui qui sacra le
jeune roi, à Reims, le 25 octobre 1131. Louis succéda au trône
en 1137.
Il avait déjà épousé la princesse Éléonore, fille et héritière
de Guillaume IX, duc d'Aquitaine et comte de Poitou. II la
répudia après quatorze ans de mariage, en 1151, sous pré-
texte de parenté. L'auteur de la continuation de Sigebert,
sous le titre de Auctarium aquicinctinum, en attribue le
conseil à Saint-Bernard Ce trait important qui est dans le
manuscrit d'Anchin, est un de ceux qu'en a retranchés Le-
mire, dans l'édition qu'il a donnée de cet ouvrage, dit dom
Second Voy. Marteunc. Quoi qu'il en soil, après avoir répudié Éléonore
iitér. p. 83. d'Aquitaine, Louis épousa Constance de Castille, fille du roi
Alphonse VIII, et celle-ci étant morte en 1160, il eut pour
troisième épouse Adèle de Champagne, fille de Thibaut IV,
Du<iiesnc, dit le Grand. Une lettre peu connue nous apprend qu'il avaî
i. IV. p. 721). inspiré à une autre femme assez d'amour, pour qu'elle re-
nonçai, à cause de lui, au trône d'Ecosse; c'est Constance,
(1) Voir ce que nous en dirons à l'article /"ZaceBit».
(2) Voir au t. suiv. les articles de Salomon Jarchi et de David Kioachi.
(:i) 11 étudia aussi dans l'école épiscopale, cloître Notre-Dame. Malingre,
Antiq. de Paris, p. 18. Duboulay, Histoire de l'Lniv. p. 115, 116; 272, 442, etc.
Félibien, Histoire de Paris, 1. 1, p. 217.
LOUIS-LE-JEUNE 45
fille d'Alain III, comle de Bretagne, et sœur de Conan III, xu sieclk.
ou le Petit. Elle lui demandait dans cette lettre, de lui en-
voyer un anneau, ou tout autre témoignage d'affection; elle
déclarait qu'il n'y aurait rien de plus précieux pour elle sur
la terre qu'un semblable présent. Elle lui offre tout ce qui
pourrait lui être agréable dans la contrée qu'elle habile ; un
épervier, un chien, un cheval; elle finit par l'assurer qu'elle
aimerait mieux épouser un de ses serviteurs, même des moins
illustres (1), que d'être la femme du roi d'Ecosse.
Les fautes et les malheurs de Louis -le -Jeune n'ont pas
empêché de le placer parmi ceux de nos rois qui méritèrent
l'affection du peuple et s'occupèrent de son bonheur. Les his-
toriens contemporains ont loué sa piété, sa bonté, sa mo-
destie sur le trône, une simplicité qui ne lui permit d'en
conserver que le faste nécessaire à la dignité royale , un
amour constant de ses devoirs; et la postérité n'a pas infirmé
ces éloges. La douceur avec laquelle il gouverna, la tranquil-
lité dont il fit jouir son empire, augmentèrent la population,
rétablirent l'agriculture et produisirent le défrichement d'un
grand nombre de forêts; des bourgs, des villes, furent em-
bellis, aggrandis, il s'en éleva de nouveaux ; partout on vit
renaître et prospérer les arts utiles, et les lettres lui ont des
obligations dont elles conservent le souvenir. Sa bienfaisance
ne se borna pas aux Français ; à l'exemple de son père, il
ouvrit un asyle dans ses états à deux papes persécutés, Eu-
gène III et Alexandre III. On connaît également le généreux
accueil qu'il fil au célèbre Thomas Becket , quand ce prélat
quitta l'Angleterre oii des dissentions s'étaient élevées entre
le roi et lui. Les goûls simples et paisibles de Louis-le-Jeune
ne firent pas même dégénérer en lui une valeur héréditaire
dans sa maison. Il poussa vivement les guerres qu'il fut
obligé de soutenir contre ses vassaux ; et la croisade qu'il
conduisit aurait eu le plus grand succès, si le courage suflî-
sail dans celui qui commande, pour attacher la victoire à ses
armes.
Peut-être porta-t-il quelques-unes de ces vertus, sa sim-
plicité et sa piété en particulier, jusqu'aux excès qui les
faisaient dégénérer en faiblesse. On le craint, en voyant la n. CoIi. de»
manière même dont on le loue : Vir pius et columbinx sim- Hisior. de ¥t.
plicitatis, .dit l'un, verus israelita in quo dolus non est. Un cuJ^'de ïJub^
!iv. III, c. 8.
(1) Cette Constance épousa ensuite Alain III de Roban,
46 LOUIS-LE-JEUNE.
XII siFXLE. autre dit après avoir célébré son amour pour Dieu, et sa
douceur envers ses sujets : Paulâ autem simplicior quam de-
ceret principeni; quorumdam procerwn de honesto vel aequo
minime curantium, ajoute- t-il , plus justo se credens consi-
liis, non levi plerumque macidà mores egregios denigravil.
il lui reproclic nommément davoir soutenu un mauvais fils
contre son père : le père, dont il veut parler, c'est Henri 11,
roi d'Angleterre ; le fils, le prince Henri, devenu l'aîné par
la mort de Guillaume en bas âge, et dont tant de révoltes
marquèrent la première jeunesse.
Louis Vil mourut au mois de septembre 1 180, la quarante-
quatrième année de son règne, et fut inhumé dans l'église du
monastère qu'il avait fondé, celui de Barbeaux, près de Me-
lun, diocèse de Sens, et ordre de Citcaux. Adèle de Cham-
Gail. Christ, pagne, sa troisième femme, lui fit ériger, dans cette église,
' ''" ■ un monument, réparé à la fin du 17"" siècle, par le cardinal
de Furstemberg, qui avait celle abbaye; on y lisait cette épi-
laphe , composée par Etienne , abbé de Sainte-Geneviève , et
depuis, évéque de Tournay :
Tranxil in liœredtm pin.t ille prier Liulovicux
Nomine, fede, Jiilt;, nec pïetate minus.
Sercida, Irittis, uiops, aliijiio sn/j rege, sub islo
Flornii Ecclesia, tibera, lœl a . pulen.i .
Rex humilis, rexpncijicui. David et Sahimontm
ProUdil exemjilo. nequc suosqut regens.
Quantum conpigii permisil copidu, castits ;
Quantum justi lia: reyuLt, mitis frat.
Jejunans, vigilant, orans, dewUi.t ,ulomn.c-%
Divini cidtiU obsei[uiiiiut modo$ .
Lingua precex virai', lacri/mas pin palpebra fiulil ^
Pauperibu-'i »olid<is officuosa mnnus.
T. IV, p. 4U
A la suite de celle épilaphe, rapportée par Ducliesne, il y
— Diibouiay. p. cn a uuo autre lirée d une clironicpie anonyme qui se con-
TM. - ciiiiTici, servait manuscrite à Saint-Victor ; elle semble faite sous les
^TM. g iii. p. j.^yj^ gj pjjj. |j,g ordres de Louis-le-Jwme. Nous la trouvons
P. 221. ri en pareillement dans le douzième volume de la nouvelle collec-
franç. p. 227. - ^jq„ j^ rocucil de nos liisloricns.
V. rilisl. de .Mc-
luD. par Rouill.
p. 366
Qui modo tiim tnodicut cinis, olim rex Ludovicus ;
Dam terris prteeram, lerra/nlurus eram.
LOUIS-LE-JEUNE.
Seil licel. avfeirc xiia non valent, caro terra
Serval perjjcluiim sinriliisesse suiti/i.
Parce mi/n, ili/minc, qui JiiKS es el sinefitie,
Quem sine principio, qiiem aine fine scio.
Jani Iranxcemliifidcm, (jniajam scio crédita pr idem
More anopatr/a, crédita more vicE.
Hoc mihi scire dédit, quem vil a scit et via crédit ;
Qiteni via crédit, eiim vita scit esse Detim.
Ulet/isic leges alia loca regia reges ;
Huic mugis eleiji païqier inesse gregi.
l'aiiperis ni memores mdiùs sint pauperiores,
Gaiideo paiipcr liomo paiiperiore domo.
47
Xll SIECLE.
Et voici comment elle s'y trouve également mise en fran-
çais, dans le treizième siècle ; car elle fait partie d'une tra-
duction ordonnée par Al[)honse, comte de Toulouse, et frère
de Saint-Louis.
Je qui orendroit sui petis et devenus cendre, soloie eslre
roi de France ; et quant je estoie devant los les autres Sires,
je esloic à devenir terre. Et ja soit ce chose que la charoigne
ne puisse tolir à la terre sa droiture et sa rente, si ne puel
li csperis morir. Sire Diex, tu qui es fin et sans fin, aies de
moi merci, lequel Deu je sai commencement et sans com-
mencement. Or, sui-jc (lesus ma créance ; quar je sai ja ce
que j'ai picça cru. Je sai les couslumes du païs que j'ai crcu
eslre vanitez à la fin de lor voie acouslumée. Tu liras ce que
li autre roi ont esleu autres lieus haus et regiaus ; mais je
veil eslre povrement en celle povre compaignie et gésir ci
povrement ; et mesjoïs povres bons à eslre apovris en cesle
povre raeson, porceque li plus povre soient raraenbrable de
moi povre.
Il nue superes In qui superes snccessor honoris ;
Degener es, ai dcgefiercs a lande prions.
Telle est une autre épilaphe rapportée, d'après un écri-
vain anglais, au treizième tome du recueil des historiens de p. ii9 aux uoi.
France ; le roi y adresse la parole à Philippe, son fils el son
successeur.
Dulillel dit que Louis VH eut un bûlard nommé Philippe, nec. des rois
qui fut doyen de Saint-Martin de Tours, et mourut avant **" ''' •*• '*^-
son père. Ce Philippe était un frère légitime, el non un fils
XII SIECLE.
48 LOUIS-LE-JEUNE.
naturel du roi. Nommé à levêché de Paris, il le refusa quoi-
qu'il eut accepté la place d'archidiacre, comme se trouvant peu
Hisi. rS: digne de l'épiscopat, et il indiqua lui-même le fameux Pierre
i. Il, p. 888. Lombard.
SES LETTRES. SES LOIS, SES DIPLOMES,
ET SES AUTRES ÉCRITS.
Les lettres d'un prince dont le règne a été marqué par
des évènemens politiques, lilléraires, religieux, qui fixent
encore l'allcntion de la postérité, sont des monumens que les
biographes no doivent pas négliger. Celles de Louis-le -Jeune
ont bien ce caractère. Duchesne en a recueilli près de cin-
quante, on en trouve ailleurs quelques autres ; il en est quel-
ques-unes encore qui n'étaient pas connues, que le savant édi-
teur de la nouvelle collection des historiens de France a
réunies, et qui ont été publiées dans le seizième volume de
ce grand ouvrage.
Faisons connaître les plus remarquables, en suivant, autant
que nous le pourrons, l'ordre chronologique.
Louis, au commencement de son règne, avait accordé à la
ville de Reims les droits de commune dont la ville de Laon
jouissait déjà. Mais ces droits ne devaient pas être exercés
au préjudice de l'archevêque, des églises, de toutes les per-
Marioi. Mc.r. sonuos cousacrées au sorvlco de la religion. La ville de Reims
Remens. t. Il, encourut cc roprocho, à en juger par une lettre que le roi
Lrierillrr'. lui écrivit, d'après les plaintes qu'il avait reçues coutre elle.
(le Fr. 1. XVI. Louis-le-Joune y accuse les Rémois de ne pas respecter une
P' "■ exception légitime, de méconnaître les privilèges des églises,
de regarder comme usurpé ou injuste ce qui est établi par
un usage antique, de contester cet usage même, et de pré-
tendre qu'ils n'ont jamais donné volontairement cet assenti-
ment à des coutumes serviles, que l'on voudrait leur oppo-
ser. La lettre du monarque est néanmoins paternelle autant
que royale ; il atteste la fidélité des Rémois ; il leur ordonne,
et en même temps il le? prie de respecter les droits eL la
possession des églises (de celle de Saint-Rémi on particulier),
depuis quelque époque qu'elles en jouissent; de ne pas se
livrer contre elles à des disputes subtiles, à une vive .obsti-
nation ; prxcipimus, imô et precari addimus. 11 ajoute cepen-
dant que si l'on n'a pas égard à sa lettre, touché des plaintes
LOUIS-LE-JEUNE. 49
des églises, il leur rendra toute la justice qui leur est due, xii siècle.
et ne souffrira aucunement le tort qu'on leur veut faire. — — — .
Cette lettre n'eut pas l'effet qu'en attendait le roi. Les
Rémois continuèrent d'admettre dans leur commune les
serfs des églises, de mettre obstacle à l'exercice des privi-
lèges ecclésiastiques , d'empêcher qu'on ne payât les droits
qu'elles étaient accoutumées à lever ou à percevoir. La mort
de l'archevêque Rainaud de Marligny, arrivée en 1138, les
enhardit encore. Louis entre les mains de qui étaient tombés
par la régale les revenus de l'archevêché, se crut plus obligé
à défendre l'église de Reims. Il écrivit une seconde lettre Mariot ci Hi»t.
aux bourgeois pour leur reprocher tant de résistance, avec àe Fr. ibn.
menace de les punir sévèrement , s'ils ne se hâtaient de
changer de conduite. Excité par saint Bernard qui lui écri-
vait du style le plus véhément contre les Rémois, le pape nistor. de jv!
Innocent II avait lui-même excité Louis-le-Jeune contre eux, '• ^v. p. 59*.
et spécialement contre l'institution de ces communes qu'il
appelait pmvos conventus, et qu'il semblait regarder comme
pouvant affaiblir ou tempérer la puissance exercée par les
églises.
La seconde lettre du roi ne fut guère plus efficace que la
première ; elle ne fit du moins que suspendre l'animosité des
habitans de Reims. Nous voyons en effet que les discussions
recommencèrent sous l'épiscopat de Samson , successeur de
Rainaud de Martigny ; quelles s'accrurent sous celui de
Henri de France, frère du roi, successeur de Samson ; qu'elles
ne s'appaisèrent enfin que par les soins et l'habileté de
Guillaume de Champagne, successeur de Henri de France.
L'archevêque Samson avait eu pourtant à défendre l'église
de Reims contre le monarque lui-même. Louis VII, pendant
la vacance, qui dura deux années, avait donné à son frère
Henri , celui même qui depuis , en 1 1 G2 , occupa le siège
archiépiscopal, il lui avait donné la trésorerie du chapitre.
Samson, devenu archevêque, voulut que ce don fût révoqué,
comme ayant été fait à un homme qui n'était pas chanoine,
comme fait au préjudice des droits de l'église et contre la
disposition des canons, les prédécesseurs de Louis Vil n'ayant
jamais nommé aux dignités ni aux prébendes de cette métro-
pole; il obtint la révocation qu'il demandait. Cette victoire,
il crut devoir la notifier par une épître à tous les fidèles
présens et futurs. Le roi, y dit le prélat, ayant reconnu son
injustice et avoué sa faute, nous avons pensé qu'il était con-
To)7ie XIV. G
riO LOUIS-LE-JEUNE.
XII SIECLE, venable d'en instruire nos contemporains et la postérité, et de
niellre obstacle, par celle publicité même, à ce qu'aucun
prince dans la suite, entraîné par un tel exemple , n'ose
renouveler une semblable entreprise. Voila comme les rois
permettaient que les archevêques parlassent.
Cette lettre est imprimée dans le XVI" volume du Recueil
des historiens de France. On y en trouve beaucoup d'autres
adressées à des villes, à des seigneurs, pour leur demander
de ne pas inquiéter des monastères et des églises , de ne
leur faire aucun dommage, de venir à leur secours par des
dons, de contribuer à en bâtir, à en rétablir, à en décorer.
On peut consulter aussi le Gallia Christiana, les derniers
tomes de la Collection nouvelle de nos historiens , et le
tome IV de celle que Duchesne avait donnée.
A la mort d'Albéric, archevêque de Bourges, en 1140,
Innocent II ayant fait élire Pierre de la Châtre, le roi dont
on n'avait pas môme demandé l'approbation , s'irrita de ce
qu'on voulait ainsi lui donner des prélats sans le consulter ;
il défendit de le recevoir, et jura de ne l'admettre jamais.
Mura(ori, Rrr. Pierre de la Châtre se rendit à Rome , et y fut sacré par
liai Scripi t. 5, jnnocent, qui dit, en parlant du roi, qu'il fallait apprendre
à ce jeune homme, le texte porte même cet enfant, puerum,
lui apprendre à se conduire et l'empêcher de s'accoutumer à
de telles actions. Louis mit sous sa main le temporel de
l'église de Bourges, et défendit leotrée de son royaume à
l'élu du pape; le pape mit le royaume en interdit (1). Le
comte de Champagne se déclara le protecteur de Pierre de
la Châtre. Louis porta la guerre et le ravage dans les do-
maines du comte, et on sait quel horrible événement signala
l'entrée du monarque à Vitry (2); c'était en 14 42. Innocent
mourut en 1-143. Célestin II, qui lui succéda, se réconcilia
bientôt avec Louis-le-Joune ; le roi môme promit, en témoi-
gnage de sa réconciliation , et sur - tout du repentir qu'il
éprouvait de l'incendie de Vitry, de se croiser pour la Terre-
Sainte. L'histoire nous a conservé le discours qu'il prononça
quand il partit pour cette expédition; il y disait :
Dacb. \. IV, « Quelle honte pour nous si le Philistin l'emporte sur la
p. 388.
(1) Historien» de France, tome XII, p. 87, 116, 436,472; tome XIII,
p. 183 et 735; tome XV, p. 389 et 586.
(2) Historiens de France, tome XII. p: IIG, 220, 225, 288, 472; t. XIII,
p. 42. 90, 99, 124, etc.; t. XV. 487 et sui
Bill, àf Fr.
t. XII, p. f8
LOUIS-LE-JEUNË. 51
famille de David, si le peuple des démons possède ce que les xii siecli.
amis du vrai culte opl possédé loDg-lemps; si des chiens "-~— ^— -
morts se jouent d'un courage vivant; s'ils insultent à ces
Français en particulier, dont la vertu reste libre même dans
les fers, à qui aucune circonstance, quelque pressante qu'elle
soit, no permet de supporter une injure, qui toujours sont
prêts à voler au secours de leurs amis, qui poursuivent leurs
ennemis jusqu'au-delà du tombeau ! Qu'elle éclate donc, celle
vertu. Allons offrir à nos amis, aux amis do Dieu, à ces
Chrétiens que les mers séparent de nous, allons leur offrir
un appui vigoureux ; attaquons sans relâche ces vils ennemis
qui ne méritent pas même le nom d'hommes. Marchons ,
guerriers courageux, marchons contre l'adorateur des idoles ;
parlons pour cette terre que les pieds d'un dieu-homme
foulèrent autrefois, oii il souffrit ; pour une terre à laquelle
il daigna communiquer sa présence. L'Éternel se lèvera avec
nous ; nos ennemis seront dispersés ; ceux qui l'onl méconnu
fuiront devant nos regards; ils fuiront, ils seront confondus
tous ceux pour qui Sion est un objet de haine, si notre cou-
rage est inébranlable, ainsi que notre confiance en Dieu. Je
pars; la piété m'appelle; rangez-vous autour de moi ; secon-
dez mes desseins ; fortifiez ma volonté par votre association et
votre appui.
Le roi partit en 1147. Il traversa l'Allemagne, la Hongrie Hist de Fr
le pays des Thraces, passa le Bosphore, et se rendit de-là '• ^"' P- ^8,
en Syrie. Pendant ce long voyage, il écrivit souvent à Suger, î"\iî/^'et* xv
qui partageait avec le comte de Vermandois la régence dû d'ct- locis*
royaume. Dans une de ces lettres, datée de Hongrie, Louis VII "'*'" ^® ^'""
parle du bon accueil qu'il a reçu par-tout , de la dépense ' ' ^
considérable qu'il est obligé de faire, du besoin qu'il a qu'on
lui envoie de l'argent. Une lettre datée de Constantinople le H»«" ^ ''••
4 octobre 1147, n'a encore que le même objet, ainsi qu'une '' ^^' ''' ^^
autre d'Antioche, au mois de mars suivant. Dans la première
Louis annonce à Suger la mort d'Alvise, évêque d'Arras, qui
était à sa suite, en l'appelant votre vénérable frère mots
qui ont fait croire à quelques écrivains que cel évêque était
le frère de l'abbé de Saint-Denis, qui pourraient n'être cepen-
dant que l'emploi d'une expression honorable pour tous les
deux. Dans la dernière, il raconte tout ce qu'il a souffert,
lui et les compagnons de sa croisade, en allant de Constanti-
nople à Antioche, les obstacles et les fatigues de la route,
les dangers qu'y font courir des brigandages perpétuels, les
G 8
52 LOUIS-LE-JEUNE,
XII SIECLE, guerres journalières des Turcs.... L'impossibilité oîi nous
" nous sommes trouvés plusieurs fois, ajoute la lettre, d'avoir
les choses nécessaires à notre subsistance , a fait souffrir
pendant quelque temps au plus grand nombre d'entre nous
les horreurs de la faim : en un seul jour, nos péchés avaient
attiré sur nous ce jugement de Dieu , en un seul jour ont
péri la plupart des seigneurs français, et nous aussi nous
avons été fréquemment en péril de la mort. Le roi se plaint
dans la même lettre, de la conduite de l'empereur et de ses
perfidies ; il veut parler de celui d'Orient ; Louis VII ne le
nomme pas; mais c'était Emmanuel 1" Comnène. Néan-
moins, avant de partir pour le voyage de la Ïerre-Sainte,
Louis avait écrit à cet empereur pour lui demander le pas-
sage sur ses terres, des moyens d'avoir les subsistances né-
cessaires à ses compagnons et à lui, quelques facilités pour
le change des monnaies ; Emmanuel avait tout promis, tout
accordé, en mêlant à ses promesses tant d'humilité, tant de
protestations, qu'il était difficile peut-être de croire à sa
loyauté (1). Nous lisons une autre lettre de cet empereur
P. UO. dans le quinzième volume du Recueil des historiens de
France; elle est adressée au pape Eugène, qui lui avait écrit
pour l'engager à favoriser de tous ses moyens le voyage du
roi.
Dans une lettre postérieure, datée encore d'Antioche ,
Louis écrit à Suger, à rarchevê(iue de Reims, et au comte
de Vermandois, pour demander de nouveau qu'on lui envoie
tout l'argent que 1 on pourra recueillir : il veut qu'on acquitte
au plus tôt un emprunt qu'il avait fait par le moyen d'Evrard,
grand-maître des Templiers (2). Arnoul, évêque de Lisieu.\,
avait fourni cent quatre marcs d'argent pendant cette expé-
N. Coll. des dition : le roi écrit encore à son ministre de rendre cette
Hisior. de Fr. somme au prélat dans un mois, suivant la promesse qu'il en
.. XV, p. BOO. ^ faite. Il ne croit pas avoir ainsi suffisamment payé sa dette
envers l'évêque de Lisieux ; car il ordonne, par une autre
iiist. de Fr. lettre à Suger et au comte de Vermandois de donner à ce
t. XV, p. SOI.
(1) Voir le tome XII du Recueil dos Historiens de France, p. 93 ; le
tomoXIII. p. 6t)0 et 737; et le torae XV, p. 140, noie J. I.a lettre d'Enn-
manuel Comnène est dans le Trésor des Aiiec<lotes de Martène , tome I,
page 399.
(2) Nouvelle Collection des Historiens de France, tome X,V, p. 496. Voir
dans Odon de Ueuil, livre III, p. 67, tous les services <]ue ce grand maître rendit
4 I.oui8-le-Jeune.
LOUIS-LE-JEUNE. 53
géDéreux ami soixante muids de son meilleur vin d'Orléans, xii siècle.
Les Templiers ne s'en tinrent pas au service que nous
venons de rappeler. Leur dévouement pour les intérêts du Hist. de Fr
roi fut aussi persévérant qu'efficace. Il déclare, dans une t xv, p .moi.
lettre de la même année, qu'il ne sait pas comment il aurait
pu subsister en Asie, même pendant un court espace de
temps, sans les avances qu'ils n'ont cessé de lui faire, sans
les secours qu'ils lui ont fournis, dès le premier jour, pour
son entretien et celui de son armée. Le prince invite son
ministre à partager toute la reconnaissance qu'il leur doit :
vous les chérissiez auparavant par un effet de l'amour que
vous portez à Dieu ; chérissez-les maintenant par amour pour
Dieu et par amour pour moi-même. Que mon intercession
en leur faveur ne soit pas vaine : ils ont promis de rendre
bientôt ce qu'ils ont emprunté dans le dessein de me servir ;
ne souffrons pas qu'ils soient regardés comme infidèles à
eur parole, que je le sois comme eux, qu'ils soient exposés
à la diffamation, à leur ruine. Qu'ils touchent incessamment
deux mille marcs d'argent ; Geoffroi de Rançon a promis de
leur payer bientôt tout le reste. Geoffroi avait accompagné jjjjt j^ |.-^
Louis VII dans l'Orient, mais il était revenu en France avant i. xv, p. i99.
le roi : le roi lui avait confié le gouvernement du Poitou,
pour en employer les revenus suivant ses ordres particuliers.
Louis mande à Suger de le forcer à tenir sa promesse, dans
le cas où il hésiterait à le faire. J'avais espéré, dit-il en finis-
sant cette lettre, revoir bientôt notre patrie ; mais l'oppres-
sion oii est l'église d'Orient, les maux que souffre tout le
pays, les instantes prières des fidèles, me déterminent à dif-
férer jusqu'à Pâques mon retour en France. La nécessité de
ce retard, et les causes qui le produisent sont exprimées dans
plusieurs autres lettres, ainsi que sa reconnaissance pour
les Templiers. Les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem lui
avaient donné des témoignages semblables de dévouement,
autant du moins que leur peu d'opulence pouvait le per-
mettre. Une lettre de Louis-le-Jeune à Suger parle de mille Biit. de Fr.
marcs d'argent qu'ils avaient empruntés pour lui : le roi devait '• ^^> P- **■
les leur rendre au milieu du carême suivant ; il demande
encore à son ministre de ne pas le faire manquer à une parole
si sacrée.
Albert Dalvolt était pareillement un des seigneurs qui
avaient accompagné le roi. Il mourut dans l'expédition de la
Terre-Sainte. Hugues, son fils, resté en France, était mort
54 L 0 U I S - L E - J E U N E.
xii siKCLE. avant lui. Le père, avec la permission du roi, avait fortitié la
tour d'Andresei, à quelques lieues de Melun. Sa raorl et celle
de Hugues arrivée presque en même temps, firent craindre
Hisi de Fr. à Louis qu'un autre ne s'emparât de cette forteresse. 11 écrivit
'■ ' ''■ donc à Suger et au comte de Vermandois de s'en mettre en
possession jusqu'à ce qu'il fill de retour, et d'y établir une
garnison royale pour la garantir. Une autre lettre de la
même époque, 1148, et adressée aux mêmes personnes, les
invite à suspendre leurs poursuites contre Archambaud de
Sully, accusé d'avoir manqué aux devoirs de la vassalité
envers le prince : Archambaud avait écrit à Louis VII , et
obtenu cette lettre en protestant de son zèle, de son dévoii-
ment et de sa fidélité.
Parmi les croisés était encore Henri, lils de Thibaut IV,
comte de Champagne. La conduite de ce jeune prince mérita
tous les éloges du souverain qui écrivit au père pour lui
annoncer la satisfaction qu'il en avait. La lettre pourtant,
quoiqu'elle semble avoir cet objet, en montre bientôt un
autre, plus réel peut-être, qui occupait davantage la pensée
du roi : elle exhorte le comte de Champagne à se souvenir
qu'il est le dépositaire de Ihonneur de la couronne, que la
défense de l'état est commise à sa lidélité, qu'il doit veiller
sur les médians, et réprimer leurs complots. Il paraît que
celte lettre fut écrite à loccasion du départ de Robert, comte
de Dreux, frère du roi, qui s'était séparé de lui mécontent
et menaçant de se venger quand il serait de retour en France.
Le comte de Dreux n oublia rien elfectivement pour réaliser
ses menaces. Un grand nombre de seigneurs, raécontens
comme lui, secondaient son audace ; il voulait s'emparer du
gouvernement pendant l'absence de son frère. Suger en fut
vivement alarmé La lellrc qu'il adresse au roi pour lui
peindre les dangers (pii menaçaient l'étal, a élé rapportée
I'. 3SI. Elle par nos prédécesseurs, dans le douzième volume de celle
"•' ' ^^ '^^^ liisloire. La réponse du roi est datée de Sicile. Après avoir
i. Vi'io " remercié son ministre de l'empressement qu'il témoigne de
iii>i <ir Kr. le revoir, Louis assure que les mêmes senlimens l'animent :
t. \\, !.. :.!... Il ^,^gj j^-,j-j rapproché de lui, s(; prépare à continuer son
voyage, et veut le faire jouir d'avance de sou retour pro-
chain. La divine providence, ajoute le roi, noui a fait abor-
der en Calabre, dans un port sûr, oii nous sommes descen -
dus le quatrième jour (I(!s calendes d'aoùl (21» juillet ). Nous
y avons élé honoiablemenl ii'(.us par les gens de notre bon
I.OL 1S-LK-,IEUNK. an
ami le roi de Sicile, (|iii nous a envoyé dans ce lieu des xii sieclb
ambassadeurs avec dos lotlres pleines d'affection : nous y
sommes restés près de trois semaines à attendre l'arrivée de
la reine, qui était dans un autre vaisseau, et (jui, ayant heu-
reusement débarqué à Palermc, devait au plutôt venir nous
rejoindre. Nous avons encore été retardés par une maladie
grave et dangereuse de 1 évêque de Langres, et par la néces-
sité d'avoir une conférence avec le roi de Sicile avant de
partir. Le moment arrive enfin où je pourrai, grâces à Dieu,
vous donner mes embrassernens et recevoir les vôtres.
Louis alla trouver dans la Fouille le roi de Sicile, qui l'y
retint pendant quelques jours. Il venait de se remettre en
route, quand sa marche fut encore retardée par une maladie
de la reine. Eléonore élaiil rétablie, le inonan|ue français se
rendit auprès du pape, à Frascati et à Home où il ne passa
que (luelques jours aussi. Ce fut en en partant qu'il écrivit
à Suger une lettre qui renferme les détails (|ue nous venons
de donner. Il la termine en lui demaiulaut île devancer en Hisi.,.. .1, 1..
secret et d'un jour tous ses autres am's quand ils viendront ' p • ••
au-devant de lui . <( Les divers bruits (jui nous sont parve-
nus sur notre royaume, 1 inquissibilité où nous sommes de
reconnaître |)ar nous-mèmc ce (|u'ils ont de ('erlain ou d'in-
certain, exigent que nous apprenions de vous comment nous
devons nous conduire envers chiiciin ; mais venez secrète-
ment, et que la lettre que y vous écris en ce moment ne soit
connue que de vous seul. »
Il semble que le mauvais surcc-, do la croisade entreprise
par Louis-le-Jeune aurait dû le lixer à jamais dans ses étais .
et cependant il nourrissait toujours la pensée d'en faire une
autre. Il était excité dans ce désir [)ar des lettres (ju il rece-
vait d'Asie. Ilainaiid, prince dAnlioche, lui écrivit entre limiiiMir.
autres pour lui depemdre toutes les calamités que celle partie _ n. ;.„ii ,ics
de l'Orient avait à soulfrir. La lellrc de ce prince est anté- ''i-'i'" <'•= F'-
rieure à 1100, puisque, vers la lin de cette année, il fut ' ^^' ''' "'
vaincu jtar les Sarrasins, (!t emmené par eux en caj)tivité
Pendant qu il était leur prisonnier, lioi'mond, fils de Rai- Ducl.esiu- ,
raond el neveu de Rainaud, écrivit pareillement à Louis-le- ^' „'"'"''"'
' de rr. p. 2/.
Jeune en faveur des chrétiens de Syrie. Duchesne nous a p. r.8.1. cisiiiv.
aussi conservé les plaintes adressées au roi sur cette oppres- "'*'• '"'' •■'•
sion, sur ces calamités, sur toutes celles qui les suivirent, par
Amaury d'Anjou, roi de Jérusalem, qui venait de succéder
à Raudouin III, son frère aîné, par plusieurs des princes de
t. XVI, |). 37.
56 ' LOUIS-LE-JEUNE.
Xli SIECLE, celle contrée, par les grands-maîtres des hospitaliers et des
"""" templiers, par les patriarches de Jérusalem et d'Antioche,
et par d'autres personnages illustres.
Les gens de la cour du roi ne partageaient pas son désir
d'une nouvelle croisade ; ils parvinrent à l'en détourner ; mais
le prince ne consentit à abandonner le projet d'une seconde
expédition en Asie, que par l'espérance de trouver en Europe
des infidèles à combatire. Il résolut donc de s'armer contre
les Maures d'Espagne.- Le roi d'Angleterre, Henri II, étant
venu le voir à Paris en 1159, Louis lui fit part de ses des-
seins, et Henri se montra disposé à le seconder dans cette
entreprise. Le roi de France envoya au pape Adrien IV
des ambassadeurs pour l'en instruire, et lui demander son
approbation avec la bulle et les privilèges de la croisade.
Adrien, pontife sage et circonspect, ne démentit pas son
caractère en cette rencontre. Il loue, dans sa réponse, le zèle
de Louis, et blâme son empressement ; il ne trouve ni pru-
dent, ni sûr de pénétrer dans une terre étrangère, sans l'avis
des seigneurs et du peuple qui l'habitent ; il lui conseille de
chercher auparavant à connaître leurs dispositions ; il lui
fait craindre que, sans cela, il ne perde le fruit de son
voyage, et qu'on ne l'accuse de légèreté. « Votre altesse,
ajoute-t-il, doit se rappeler comment elle échoua dans la
Palestine, pour avoir négligé de prendre les informations et
les précautions nécessaires : et cet échec a suscité des plaintes
contre l'Eglise romaine elle-même, pour avoir conseillé l'en-
treprise, et aidé à l'exécuter ; de tous côtés, on l'accusait,
avec beaucoup d'amertume, d'^'Hre la cause d'un si grand
malheur. Ces considérations nous obligent à différer, pour-
suit Adrien, l'exhortation apostolique aux peuples de votre
royaume (c'est-à-dire la bulle de croisade), que votre
évêque d'Evreux nous est venu demander de votre part : il
sera temps de vous l'envoyer, lorsqu'à la prière des Espa-
gnols, vous vous disposerez à partir. » Cette lettre est datée
du 12 des calendes de mars, 18 février; elle est de l'année
1159. La lettre de Louis-le-Jeune ne nous est pas restée;
iiiat de Fr. nous ne la connaissons que par la réponse du pape.
XV, p. 690. ^ la jjjQri (Je ce pontife, arrivée peu de temps après, au
mois de septembre de la même année, deux cardinaux furent
élus pour le remplacer ; Roland de Sienne, de la maison de
Bandinelli, qui prit le nom d'Alexandre, et Octavien, de»
comtes de Frascati, qui prit le nom de Victor. La majorité
LOUIS-LÉ-JEUNE. f>7
du sacré collège avait choisi le premier ; mais l'aùlrè avait xii siècle.
l'appui du peuple de Rome, lequel prétendait que l'élection
lui âV'âît de tout tétïips àp|)ar'tènu, èl tju'bb ne pouvait sans
usurpatiôh le priver de l'eiei'cice d'art droit 'qoi remontait à
là à'ài'ssédbë du christianisme. L'église gallicane, que Louis VII
âVàit ëbilslillëe, se décida eu faveur d'Alekandré, et le roi suivit
cette opinion. Mais Victor, que reconnaissâU l'empereur d'Alle-
rfiàgne, h'avait rien négligé pour obtenir du roi des Fran-
çais le iùèvae dssêhtimertt. Pli!lsieU<-fe des lettres que nous
offre là bbt-refepôndancé deLbnis-le-Jeune ont cet événement pour
objet. Datià une d'ellies, datée de Panne, et écrite le hui- Duchesne
liêfie jour des calérideè de juillet 11 CO, 24 juin, le pon- i- iv, p. B82. -
tire pfie lè monarque d'accueillir et d'écouter avec bien- "y,' "^^ ^^ ^
veillàncfe deux de ses envoyés, et de lui rëpondi'è par eux avec Act.'conc t. x,
le même sentiment. DanS line autre, datée de GrémoHe, et du •*• '^*-
Irôlâlèttie jbur deè ides de février 1 161, 11 février, il lui paUe
éiicoré tfés aBîiii^ès de l'égliâe, lui adresse un confident sûr, en
Ibi detbàhdàn't d'àjoulei- une foi entière à tout cei:}ué cet envoyé
lui dira de Sa pàH , et t-appelle l'affinité qu'a établie entre eux le
fa'sHAgé de Louib èivfec AUX de Champagne) la nouvelle reine
élâtttsd p&rfehlë(1).
Ce ttolif, Vràléemblableilient, avait fait croire à Victof,
qui l'avait perSnadé à beaucoup d'sntres , que le roi de
ft-anèé lui était favorable. No^s trouvons encore efiFective-
àiënl plûâieurs létties écrites h Loliis-le-Jenne par divers Duci.esnc,
ibagiélraltèi rortlains, qui tous pressent le monarque de s'ex- ' '^' p ^"* "
phquer d line matlière phife solennelle, comme fan mofert Fr. i. xvi. p. 33.
néce&sàiré pbar cohfbtidre les rhensonges de Victor. Nous
n'à^bhs pas les réponses du ptincë-; mais elles nous sbnl
cbtihueS paf les iVolivelles letti-es de ces tûagistrals ; ils
renûet-clent le roi dé s'être pt-onondé aûthenliquemenl pour
Alèiandrè III. Il y a aussi dans cfetle Cot-rtespondanCe une
létlhé de Geysa II, t-oi de HohgHe, jJar laquelle il se déclare
conli'e Victor, quoique I enJpereur d'Allemagne l'eût reconnut
eC prbiïiet, si be soàvéi-ain vôtflàii attaquer là Fradce, de l'at-
tàqtter lui-méifae (2). L'empereur avait essayé de détacher
(1) Duchesne , tome IV , p. 583. Nouvelle CollecUon des Histotiens
d» France, tome XVI, p. 25. Actes des Conciles, p. 1305. On a aussi
plusieurs lettres sur le même objet , de plusieurs partisans ou officiers de
Victor.
(2) Tome iV de Duchesne, p. 578. Histor. de France, t. XVI, p. 27.
On trouve dans Cet deux collections d'autres lettres de plusieurs princes,
Tome XIV. H
;i.S LOIWS-LE-JEUNE.
XII siFXLE. 'e '"oi d'Alexandre ; nous l'apiirciions par une épîtic all'ectiieuse
' iiisi. uc Fr. tle ce pape à Louis-le-.lcune.
t. XV, p. 7Si. Le conile de Toulouse était resté favorable au parti de
î\ ^"(i'ào'"'^' ' Victor et de son successeur; et, dans le Daupliiné où il gou-
vernail alors au nom de son fils (pii en avait épousé l'héri-
tièrc, il avait forcé l'évéque de Grenoble, qui ne voulait pas
reconnaître ce pontife , à ([uiller son siéi^e et à s'exiler.
Alexandre avait jelé l'inlerdit sur tous les domaines du comte
de Toulouse. Les magislrals et le clergé de celle ville deman-
dèrent l'appui du roi pour le faire lever Louis écrivit au
pape une lettre pleine de raison, et à laquelle le pape ne pût
p. 88K. s'empêcher de se rendre : l'interdit fut levé. Os lettres sont
I' *<•)<>• rapportées dans les mémoires di; Catel pour l'iiisloire du
Languedoc; elles ont éle insérées au tome XV d(! la nou-
velle Collection des liistoricins de Fiance.
Les liabilans du comté de, Toulouse étaient accoutumés
à trouver dans Louis- le-.lenne cette protection active et
constante. Quelques années avant ce démêlé de Raimond V
avec le pape, des événements d'une très-haute inq^ortance
en avaient fourni la preuve. Nous avons dit que le roi, après
((ualorze ans de mariage, avait répudié sa première femme,
• liléonore d'Aquitaine. On lui a reproché celte répudiation,
(^t ce n'est pas .sans beaucoup de raison ; par elle en effet,
non seulement il perdit les belles provinces dont le duché
d'A(juilaine se composait, mais il l(>s vil passer au second
mari diiléonore, à un vassal dont il était de son intérêt
dairaiblir la puissance au lieu d(> l'accroître, à Henri, qui
n'était pas encore sur l(> trône d'Angleterre, mais qui ne
tarda pas à y monter Jl épousa Kléonore en IMV'i et devint
roi en lIJii). Oui ne connaît les déplorables clTets de celle
imprudente conduite? I^lle amena |)lusieurs siècles de troubles,
cl d'c'clalantes défaites. Louis Vl avait connnis une grande
Imite en sotiirraiit (pie Henri I'' s'emparùl de la Normandie
que po.-^.sédait le duc Uobeil ; Louis VII ajouta encore à celte
faute et à la piiis.sance des Anglais, en les laissant devenir
maîtres de provinces importantes tpie lui-même avait pos-
-r-dée-. e| (pie la Lrance aurait ilù posséder toujours.
Devenu le mari d'HIéonore d'A(piilaine, Henri 11 prélen-
:|iii ont un ohjct f^tnU)l:il.l(?, <•( iriiiilii'S .-luspi , lelativcs k Pasonl , quand,
,1 la mort ilo \'i>tor, un laidinal <|ui |.ril re nom eut été clioisi pour le
n'inpiacer.
LOUIS-LE-JEUNE. 5'J
dit que le comté de Toulouse faisait partie du domaine de cette xii siècle.
princesse. Raymond V s arma contre une telle prétention, et
implora le secours du roi de France, son beau-frère. (Il avait
épousé la princesse Constance, fille de Louis-le-Gros) Le
roi de France accourut, et défendit la ville île Toulouse en
particulier avec tant de succès, (jue Henri fut obligé d'en
lever le siège. La lettre des liabitans à Louis VII, en l'implorant Uuciiesnc
de nouveau, rappelle les services qu'il leur avait déjà rendus; '• 'v, p. yi.". -
ns ont recours a lui comme a leur deienseur, leur libérateur, xvi, i,. «s _
celui en qui ils ont le plus de conliance après Dieu. Ils ont ii'si. de Lang.
appris que le roi d'Angleterre se prépare à les attaquer de '■ "' ''• *'*^-
nouveau ; leur espérance est ilans les secours (jue le roi de
France leur a promis.
La liittre de Louis VII ne nous est connue que par les renier- Dudicsnc,
cîniens (ju'elle lui fait adresser par les mêmes habilans de ' 'V, p. 7U. —
Toulouse. Ils se félicitent de défiendre de lui; ils le bénissent ^^y,'^ ,,.' ei/
de veiller sur eux, (juand di^ grands dangers les menacent.
« Nous supplions Votre .Altesse, ajoutent-ils, de ne nous oublier
jamais, d'accorder toujours votre appui au comte notre seigneur,
à noire sérénissime dame votre sœur, à nous qui vous appar-
tenons, et de veiller sur nous toutes les fois que notre situation
le demandera. »
Il y a dans le même volume de Diichesne, et dans la i'. 7ir> cisui».
nouvelle Collection des historiens de France , plusieurs ''• *'■' "'■
lettres de Raimond V, de Constance, sa femme, de Raiinond
de Trancavel, vicomte de Réziers, de quelques prélats, des
habitans de Toulouse, sur l'état oii se trouvait le Languedoc
Les réponses de Louis Vil manquent encore. Mais en voici
une de lui à Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, cjui nous
paraît digne d'être conservée. Elle est de 1163 ou 1 IGi. Nous
la rapporterons d'après la traduction qu'en a donnée l'auteur
de la nouvelle Histoire générale de cette province, dom
Vaissetle (1).
« Louis, par la grâce de Dieu, à sa très-chère illustre
dame, Ermengarde de Narbonne, salut. Vous nous a|)prenez
par l'abbé û'i Saiiil-l'aul et Pierre Raiin )nd, vos luivoyés,
qu'on décide chez vous li'S |)iocès conforiuéiueiit aux lois
(1) Tome II, p. 50!. KUe e.st en latin, tome IV Je Diu-li.itne, p. 7:î-J. Vc,
p. 721, la lettre éfritw an <'ontr.iire, \m- HiM'onser tin Puy, poni' i|n.> I.- r.ii n'.i
cordât pas cti (ju'Knnenjîarde lui dein.-irulail. Ces lettres sont aus.'ii t. N.\i dr
nouvelle Collection des historien.^ de Franco.
112
UIV.
^0 LOUIS-LE-JEUNE.
Ali SIECLE, des empereurs, qui défendent aux femmes de rendre a
justice. La coutume de notre royaume est plus indulgente;
elle permet aux, femmes de succéder au défaut des mâles,
et d'administrer elles-rmêmçs leurs biens. Or vous devez vous
souvenir que vous êtes de notre royaume , et nous voulons
que vous en suiviez les maximes ; car, quoique vous soyez
voisine de l'empire, vous ne devez pas suivre ses lois et ses
usages sur cet artiicle. Rendez donc vous-même la justice, et
exanjinej; vous-même ^es affaires avec attention. Employez
le zèle de celui qui, pouvant vous créer homme, ne vous a
créé quç femme, et qui, par sa bonté, a mis dans vos mains
le gouvernçmpnt (le la province de Narbonne. Quoique vous
ne soyez donc qu'une femme, nous ordonnons, par notre
aujlorité, qu'il ne soit permis à personne de décliner votre
juridiction. »
Cette épître, comme dom Vaissette le remarque, prouve
évidemment que les lois romaines étaient alors exactement
observées dans le Languedoc, puisque, sous ce prétexte,
on y faisait difficulté de souffrir qu'Ermengarde rendît elle-
même la justice. Mais ajoute-t-il, sans avoir recours à l'au-
torité du roi q[ui le lui permit, elle pouvait se servir de
l'exemple de plusieurs comtesses ou vicomtesses du pays,
qui avaient auparavant présidé à plusieurs plaids, et se fonder
aussi sur un usage par lequel on avait dérogé en cela au
droit romain.
Duchcsne, Dans une autre, lettre, postérieure d'environ dix années,
i. IV p. 574. - Ermengarde se justiûe auprès du roi qui l'avait accusée d'être
.(.0 " '''• favorable à ses ennemis; elle lui reproche à son tour de mal
<lc Fr. t. XVI, ' r
p. 1K8. défendre les habitans de Toulouse et des contrées voisines,
de favoriser par-là les progrès de ces ennemis même qui se
vantent de posséder bientôt tout l'espace de la Garonne a^:
Rhône ; elle l'exhorte à venir réprimer cette audace, et rendre
aux peuples une confiance et un espoir que chaque jour
diminue; elle lui promet qu'il trouvera bien amplement le
prix des avances qu'il sera obligé de faire, et finit par lui
dire qu'il rendra ainsi à son nom un éclat qui commence à
v. la N. Coll. s'obscurcir. Raimond V, comte de Toulouse, avait fait une
des iiis». de Fr. alliance avec Henri II, roi d'Angleterre; et tous les habitans
' ^' " du duché de Narbonne, ftdèles à Louis VII et à la France, sup-
portaient avec peine ce traité.
Uucbcsnc, Une lettre, écrite la même année 1173, par l'archevêque
Hi.i'^'d "f ~ '^^ Narbonne, exprime les mêmes craintes sur la coqduile
XVI, p. IS9.
LOUIS-LE-JEUNE. 61
de Henri II, sur ses projets, sur les moyens de séduction xy siècle
qu'il emploie pour attirer à lui tous les habilans. L'arche- ""^ r-
vêque de Narbonne appelle également l'attention du roi sur
les progrès de l'hérésie, et il l'invite à prendre contre elle le
bouclier de la foi et les armes de la justice. Depuis assez
long-temps, des opinions nouvelles venaient agiter tous les
esprits, et troubler les consciences. Âbailard lui-même s'était H'*'- de Fr.
écarté de la doctrine universelle, et ses principes avaient été !' ^.'.'; ''' ^^J
livrés a lanalheme dans un concile auquel Louis-le-Jeune 63s, 7!is ; t.
se fit gloire d'assister. Pierre de Bruis fut brûlé à Saint-Gilles ^^' p ^^' "
en Languedoc, l'année même que le roi partit pour son
voyage de la Terre-Sainte. Henri, le plus célèbre et le plus v. aussi notre
zélé de ses disciples, mourut peu de temps après dans les "'" •^'"^'■- '•
prisons de l'archevêché de Toulouse. La mort des chefs l^iy[ **'
n'éteignit pas l'erreur. On appelait ariens, manichéens, ceux
qui s'y livraient : ce ne pouvait être que par allusion à quel-
ques-unes des opinions qu'ils professaient ; car la, plupart
d'entre elles n'avaient rien de commun avec l'arianisme et le
manichéisme. Le nom de la ville, devenue comme la capitale
de l'hérésie, Alby, désigne encore ces sectaires. Mais le nord
avait ses novateurs comme le midi. Une lettre de Louis VII n. Coii. des
à Alexandre III, en 1162, lui annonce que Henri, son frère, "• ^« f""- t-^v,
archevêque de Reims, voyageant en Flandre, y a trouvé des '' ^ '
hommes dépravés, abandonnés aux plus funestes erreurs, tom-
bés dans le manichéisme, appelés vulgairement poplicains ou
publicains, et, par d'autres, pauliciens, comme infectés des
dogmes soutenus dans les premiers siècles de l'ère chrétien-
ne par Paul de Samosate. Louis VII les nomme populicançs.
On voit, dans sa lettre, qu'ils avaient oflFert à l'archevêque de
Reims de lui donner 600 marcs d'argent, s'il voulait les
tolérer. N'ayant pu se faire entendre du prélat, ils avaient
écrit au pape, et appelé à son tribunal. Le roi engage le
pontife à ne pas souffrir que celte herbe venéneqse croisse, que
celte peste se propage, à étouffer le mal avant qu'il ait pris des
racines plus profondes. Les hommes vraiment pieux béni-
ront une utile sévérité : ils murmureront si Alexandre qen
fait pas usage ; et leur murmure ne s'appaisera pas aisément ;
et un grand nombre de bouches s'ouvriront pour blasphémer
contre lui et contre l'église romaine.
La dernière lettre que nous avons de Louis Ip- Jeu ne res- nut. de Fr.
pire les mêmes sentimens ; elle est de 1178. La convocation t- xv, p. mi.
prochaine qui devait avoir lieu du grand concile de Latran,.
62 LOUIS-LE-JEUNE.
xii SIECLE, en fut l'occasion. Le monarque commence par témoigner
une grande joie sur la réunion sainte qui va se former. Nous
l'attendions avec impatience, ce jour ; il arrive enfin ; ils vont
se dissiper les brouillards du péché, les ténèbres du crime ;
ils vont renaître les jours du bonheur, de la paix, et de la
justice. La terre était languissante ; le Liban, corrompu; nous
allons retrouver la douce température du printemps, et des
cermes d'une iieureuse espérance naîtront des entrailles de
la terre. Qu'elle soit cultivée à jamais celle vignu que le
Seigneur veut nous rendre dans sa première fertilité ; qu'une
rosée abondante en féconde les fruits.
Après avoir exprimé par ces images l'espoir et le conten-
tement qu'il éprouve , Louis prenant un ton moins animé ,
mais plus noble et plus fort, exhorte le pontife à donner tous
ses soins pour la réformalion des abus dont les troubles
causés par l'hérésie avaient favorisé la naissance et l'accrois-
sement. Il lui rappelle toutes ses obligations, toute l'étendue
cl loule l'edicacilé de son pouvoir. Le bien est facile à faire
avec tant d'autorité : veuillez, et l'église esl sauvée. Qui ne
croit pas à ce qu'il entend de vous? Qui n'obéit point à vos
paroles? Qui n'exécule pas vos commandemens? Que s'il se
trouve quelqu'un d'assez témérain; pour vous résister, faites
tonner contre lui cette voix terrible que Dieu vous a donnée ;
servez-vous du glaive tranchant (pril a mis en vos mains
pour exercer sur les nations la vengeance et les chùtimens,
pour enchaîner les rois el hîs puissans de la terre. Je traduis
mal ces derniers mots; l'original est plus expressif encore :
v. le l'i. \i^, Ad alligandos reges eorum (des peuples) in compedibus cl
V. 8. nobiles eorum in manicis fert-eis. La piélé n'a guèrcs fait
oublier davantage aux rois leur puissance.
Louis-le-Jeune continue. « Les temps oîi nous vivons sont
des lenq)S de dépravation. Le .schisme détruit l'unité ; el de
nouveaux malheurs aflligenl cha(jue jour l'église de Dieu.
Chacun se croit loul permis, et le désordre universel fait
assi'7- connaître ju.s(|uà quel point les nori's Je la discipline
erclésiastique sont relâchés. Par-toul on voit des prélats : mais
combien peu qui se rendent utiles 1 ('.'est beaucoup, pour la
plupart d'entre eux, s'ils ne nuisent pas : ils usent ou ds
abii.sent d un si grand noml)r(^ de chars el de chevaux qu'ils
mettent la désolation dans lous les lieux oîi ils arrivent par
leur dépense et leur luxe. Ce ne .sont |)as les chars d'Amina-
bad ; ce n'est pas la cavalerie de; 1 armée céleste : c'est bien
i,()LnS-LE- JEUNE. fi3
pliilùl le renouvellement de ces chars que le tout-puissanl ''*'" ^''^-^LE.
fit disparaître au milieu des Ilots, lorsqu il précipita dans la v. itxodc,
, , • • 1 . ' ' "^ r. tS, V. 1.
mer le coursier et celui qui le montait, equum et ascensorem.
Ils ne prolèijent pas l'orphelin; la cause de la veuve n'a point
on eux. un défenseur ; et plusieurs d entre eux ne connaissent
d'autres motifs de juij;emont que la valeur dos présens mis
dans la balance de l'équilé. Annonce-t-on dans un bourg,
dans un monastère, l'arrivée d'un prélat? vous croif-ioz que
c'est un roi qui se montre, et non pas un évêqiie ; si grande
est l'armée de ses chevaux , la cohorte de ceux qui l'en-
vironnent, la troupe des valets qui le précèdent. Les faibles
revenus de l'église sont consumés on repas opulens ; on con-
sume en délices pour les convives I argent (pii devait nourrir
le pauvre. Ah ! si (jiiehpi un perçait le mur |)our faire péné-
trer un rayon ili^ lumière , pour f;iirc apercevoir quclhîs
ténèbres environnent, pour dissiper celte ombre de la mort I
La carrière vous est ouvirte pour réparer tant de; maux. Il
faudra regarder comme incurable cell<! maladie que nous
déplorons, si le coiiciU; que vous aile/ réunir n(> rend pas à
l'église la force et la santé. »
("es idées d'ordre, de; discipline, de piété, avaient toujours
frappé l'esprit et le cœur de Louis- le -Jeune. A peine de
retour en France, après h; voyage de la Terre-Saint(ï , se
livrant tout entier à l'adiiiinisliation piibli(|ue dont faisait
alors une si grande partie 1 administration particulière des
diocèses, des églises, des monastères, il n'avait pas vu sans
douleur, les dissentions, et le relâchement [lénétrcr dans ces
asj les naturels de l'obéissance, de la résignation, des mœurs
et du repos, et leurs prétentions, leur rivalité, leurs droits
même, faire naître sans cesse des troubles que l'esprit du
cloître et de la religion auraient dû étoulfer. Le caractère
moral de Sug(M-, l'avantage <|u'il avait pour les appai.ser ou
les réprimander d'èlie lui-même prêtre et religieux, .sa grande
influence et son grand pouvoir navaient pas toujours suffi
pour y mettre un terme. Plusieurs lettres de Louis VII ont
rapport à quelques-uns de c(,'s événemens. Le roi, par exem- t. XV, p. B26 ei
pie, en passant à Home, avait demandé à Eugène III une '"'''•
bulle pour substituer des religieux de Saint-Denis aux cha-
noines de Saint-Corneille île Compiègne Ceux-ci résistèrent,
animés par Philippe de France, leur chef, et frère du roi. Ils
voulurent chasser les religieux, qui finirent par les chasser
eux-mêmes , après leur avoir repris des ornemens et des
64 LOUIS-LE-JËDNE.
Xll SIECLE, reliques quils (emportèrent (1). Suger, cepetidâtil, s'y était
rendu ; mais la colère fut plus forte que le respect dû â
son autôHlè, et ce n'est pas sans peine qu'il se Ûtôbéiï-; le
i XV '" %!' déâordré tnême fui plulôt comprimé que détruit. Louis,
dont son ministre rédamait la présence, lui répOnd qUô dès
affaires indispensables rappellent à Orléans, oh il coitplè
rester jusqu'à là Saint-Uemi ; il l'invite à se tëtiil- prêt llit-
même pour ce voyage, et lui dit qu'ils iront ensemble à
Beâuvais, et ensuite à Compiègne. Le roi ajoute qu'il a écrit
à la reiûe sa mère (Adélaïde de Savoie), de laisser en rèpôs
l'abbé de Saint-Corneille, et touâ ses religieux, de né leuf
faire aucun mal, et de remettre jusqu'à l'ocliave dé S&tnl-
Denis les plaintes qu'elle fait valoir contre lui, tatit en âotl
nom qu'au nom de son fds (Philippe de France, doût hôuà
avons parlé) ; et enfin, qu'il a écrit au comte de Vermandoi^
et au comte de Champagne de faire mettre l'abbé de Ùoto-
piègne en possession de toutes les terres de sùû église Situées
dans leufs domaines.
Duciifsnp, Quelques autres lettres renferment des avis utiles p6ut
t IV, p. 7.10. - des monastères qui s'écartaient de la discipline t-eHgieCrSe.
xv'i ^ m - ^^"^ ^^' ^^"^ ^^^ Louis -le -Jeune adressait, en lléi, au
Martine, Arapi. couvent de Saintc-Geneviève à Paris : « Votre église, dit- il,
Coll. i. VI, p. (, ne doit pas seulement se distinguer par sôù ancienneté,
« par sa célébrité, par ses richesses ; elle doit être rema^qUéè
« encore par l'amour de l'ordre et le culte de là justice. Si
« dans ce moment vous êtes sans pasteur , ne Sôyeji pas pour
« cela comme des brebis vagabondes. Que la ferveui* de vblrë
« piété soit égale à la grandeur de votre nom. Rappelez à là
« bonne voie ceux qui s'en écartent; corrigea, purtisse^ les
« rebelles. » Videté (amen ut ila ver-bà patenta hahèatii, ut
ubera materna Vtû^ desint. Ce jeu de mois est suivi d'Uh
c. 5, V. i» autre. Le roi fait allusion à un passage dé salnl Mathieu, ôÛ
l'évangélisle dit, qu'une ville, placée sur urie muntëghè, iie
peut être cachée. « Et vous êtes Sur une montagne àusSl, '
« ajoute le roi dans sa lettré aux' l-eligieux ; prenei ddtic gai'de
« que voire lampe, dont la lueur se monthe à tou^ les yèUt,
« ne soit éteinte par la fumée de vos mauvaise» actions,
« ne eam pravarutYi aclionum fumus eMinguat. Que delui (Jûi
(I) Véir lé tome XII de notre Histoire lltt^falre, p. 38t et 3gS. Il ûé parhft
pM qu» le roi fut présent, coMtne od le tuppote dtU( l'artitfls qu6 *oM
indiquoDB.
LOUIS-LE-JEUNE. 65
« est sur la montagne n'abandonne pas le mont escarpé de xii siècle.
« la vertu ; qu'il ne descende pas dans la plaine des vices, où
« Caïn tua son frère. » Celle lettre est dans la colleclion de p. 730.
Duchesne, et dans l'amplissime colleclion de dom Martène. '''• ^'' P- ^''•
On en cile seulement le commencement dans la France chré- ^ ^"' ''■ '*'"
tienne.
On pourrait désirer un style plus simple, un goût plus sûr;
mais enfin, on ne peut nier que les conseils ne soient salutaires.
Un grand trouble s'était élevé dans l'abbaye de Sainte-Gene-
viève, au sujet de la nomination du prieur. Le roi en avait
choisi un, sur la demande de l'abbé. Le nouveau prieur vint
prendre sa place au réfectoire : au moment oh il sonna, un
moine, appelé Guillaume, se précipita sur la sonnelte, la relira
de ses mains, et la mit dans celle du sous-prieur. L'abbé con-
damna Guillaume à élre fustigé, et à être pendant sept jours au
pain et à l'eau, se tenant à genoux au milieu du réfectoire. L'in-
tervention du pape, qui était alors à Sens, ne fut pas trop ferle ni*i. de Fr.
pour appaiser le trouble. •• xv, p. 823w
La lettre d'Alexandre est du 18 août 1164. Deux jours après,
il en écrivait une autre dont l'objet peut être rappelé. Le roi
ne se contentait pas d'observer les jeûnes prescrits à tous les
fidèles; il y en ajoutait d'autres, et pratiquait jusqu'à trois
carêmes. Il s'était de plus imposé l'abstinence du vin et du pois-
son, pour tous les vendredis de l'année. Alexandre le dispensa
de cette austérité par un bref dont l'interprélation embar-
rassait le monarque ; la dispense comprenait-elle les vendredis
même des trois carêmes? Se bornait-elle aux autres vendredis?
Louis écrivit au pape pour lui faire part de ses anxiétés. Le "'"'• v 82.
pontife expliqua son premier bref par un second, daté de Sens,
le même jour 20 août 1 1 G4, dans lequel il déclarait que la dis-
pense ne s'étendait qu'aux vendredis du carême de la Saint-
Martin à l'Avenl, lemps où il lui permettait un plat de poisson
et un peu de vin, l'avertissant néanmoins de redoubler alors ses
aumônes.
Un événement plus important, arrivé à la fin de la même
année, donna occasion à plusieurs autres lettres de Louis VII
à Alexandre III. Thomas Becket, oubliant tout ce qu'il devait
de reconnaissance à Henri II, et l'adhésion qu'il avait don-
née aux articles signés par les évêques d'Angleterre dans
l'assemblée de Clarendon, rétracta cette adhésion, et se mil
en état de résistance contre son bienfaiteur et son roi. En vain
le clergé le désavoua, en vain le monarque témoigna son mé-
Totne XIV. I
ce, LOUIS- Li':-.iEUNM<:.
XII SIECLE, contenlenient envers ce qu'il appelait avec raison la palinodie
de Bechet, le prélat resta seul contre tous; et cependant
craignant qu'on ne sévit contre lui, il quitta l'Angleterre, et
vint demander un asyle ;i Louis-Ie-Jeune, au mois de no-
Leii. 18 et 22, vembrc 1164. Louis écrivit en sa faveur beaucoup de lettres ,
iiv. IV, cl /8, jj jjQ^jg gjj reste que trois, adressées au pape qui venait de
liv. V du Ilcc. 111 r r t
de Thoni. do retourncr à Rome, dont les liabitans I avaient rappelé : Louis
'•'"'"''' s'v montre protecteur zélé de 1 archcvèqu!' de Cantorbéry.
La première a rapport aux ordres cpi'Alexandre avait douné.^
pour suspendre l'exercice de la légation de Thomas en An-
gleterre; le roi se plaint de ce cpic le pape abandonne ainsi
un défenseur des libertés ecclésiaslitpies : la reine Adélaïde de
Champagne, écrivait en même tem()s au f)ontife dans le même
sens et pour le même objet; elle lui reproche sur-tout d'avoir
accordé une audience favorable à Jean d'Oxford, un des
ennemis les plus déclarés de rarchevé(|ue de îlantorbery.
""'• ''^- '^' Nous trouvons cependant une épîlre dAlexandre III à
Louis V^ll, oîi il lui ilemande d accorder, en France, un
évèché ou une abbaye au prélat anglais ; et nous ne voyons
pas que le roi ait satisfait à la prière du pape, <pioi(jue son
zèle pour Thomas Bccket ait été vif et constant, tel enfin,
que ce prélat, dans sa corres[)ondance, ne. lappelait pas
Liv. I, icti. r;8. setdcment le roi très-chrétien, mais le prince? très-saint,
sanctissimuni jmncipem .
La seconde lettre de Louis -le-Jeune est adressé'e au cardinal
évê(pie (LOslie Elle exprime les mêmes .<;entimens de faveur et
d'inli'rèt pour le préla! d Angleterre.
La tioisicnie est écrite iiniiiédialenuMit après la nouvelle
de l'assa.-^sinat de .Thomas lieckel Le roi sy livre à toute
l'indignation (|u un pareil crime devait faire naître. Tirez,
dit-il il .Mexandre, lin/, le i^laivc de Pierre, pour venger le
sang dcî ce glorieux martyr, (a; sang crie moins pour lui-
même que pour l'église universelle dont l'intérêt exige (pi on
ne laisse pas impuni cet horrible attentat Le ciel se déclare
hautement ; car nous apjirenons ipi il se fait des miracles au
tombeau de larchevêque, afin de montrer à ceux (pii ne
voudraient pas le reconnaître, que ce .saint homme n'a com-
battu que pour la gloire du Seigneur (1). On voit par la fin
de l'épîtrc que c'étaient des clercs de Cantorbéry qui avaient
(1) 11 y a iini- :iiitre lettre «le lui, f)i.st. (le Fi-ance, tome XV, p. 912,
jjoiir ilemander lu canoni.^ation .riiri aicliovèciue f|iu avait appartenu à IVi.lie
de Ci'teaii.v.
N.
Coll.
lie."
liislor.
lie
Fr.
i. xvr,
p.
\M.
LOUIS-LK-J EUN K 67
engagé le monarque à l'écrire. Dans une lettre postérieure, xii siècle.
encore en 1 170, écrivant à Jean de Sarisbérv, pour lui an- Duimuiay, i.
noncer tout l'assentiment qu'il donne à son élection à l'évé- ^[g^^' j^ y,^
ché de Chartres, et pour l'inviter à venir le plus tôt possible, Hist. .Aiiri. Scr.
prendre possession du siège auquel on l'appelait, il lui dit ' '' •'• '''^^^
qu'un pareil choix n'est pas moins dû à sa science et à ses
mœurs, qu'à l'amitié dont le bienheunuix martyr avait tou-
jours payé son dévouement et son mérite. Louis Vil était
venu faire un voyage de piélé à (>anlorbéry, et avait fait à
son église de riches présens. Tne lettre de Richard, succès- "is'- <'« 'li-
seur de Thomas Becket, lui annonce que, par reconnais- ■ • p
sance, il a ordonné de placer son nom, celui de la reine et
de leur famille parmi les bienfaiteurs de cette église ; que
cha(]ue jonr on célébrera une messe oîi Dieu sera plus parli-
culiènMuent invocjué pour eux.
Voici quel(jues letlres encore (jui nous paraissent ne devoir
pas être oubliées. L'une, de l'année 1 Kiî), est aiii(!ssé(^ à l'em-
pereur Kmmanuel Comuène, c(î priece dont Louis avait eu
tant à se plaindre, dans le voyage à la Terre-SainU^ ; rien n'y
annonce assurément l'ancien mécontentement du roi ; il y
suppose au contraire (ju'il reçut un bon accueil, et parle
d'une reconnaissance que n'ont point affaiblie les mers et les
enq)ires (jui les séparent: la hîllre , d'ailleurs, n'a pas un
objet qu'elle exprime clairement. Ot objet avait élé confié à
la personne que l,ouis avait (chargée de la porter à Emmanuel
Comnène, Théobaid ou Thibaut, un des religieux les plus *■•'" ciiri.st.
distingués de l'ordre de Cliiny, (pii devint successivement '' '^' ''' "*^'
abbé de plusieurs monastères, et ensuite éviMjue d'Oslie et
cardinal ; il est permis de croire cependant, d'après quelques
passages de la lettre, que le roi avait cherché à rappeler de
nouveau l'attention et les secours de l'empereur, sur l'état
de l'église d'Orient. Emmanuel Comnène lui avait fait passer
les protestations les plus tendres d amitié, et une adhésion Dudiesnc,
entière à la préférence donnée pour le pontificat suprême, à [', '^'' .•*'. '^^^'
* V. sussi les D
Alexandre contre Victor, par des andjassadeurs à la tète des- g-jo ii oas. -
quels était le prieur des hospitaliers de Constantinople. Ce- ^,'^' ^"'l'=''- *•
lui-ci même ayant eu pour instruction de ne voir le pape iiûi.'' dè^Fr. l
qu'après avoir vu le roi, et le nonce ayant voulu l'obliger à xvi, p. 82.
voir d'abord le pontife, ce petit événement devint l'objet de
deux lettres adressées à Louis-le-Jeune, et publiées dans le
quatrième tome de Duchesne, ainsi que dans le tome XVl '" '""* "^ *"*'''
de la nouvelle collection des historiens de France.
13
68 LOUIS-LE-JEUNE.
XII SIECLE L'envoyé du roi de France à l'empereur d'Orient, Thibaud,
Hist. ëe Fr. devait passer en Sicile ; Louis VII le recommande à Guil-
t. XVI, p. «so. igyjj^g II qui y régnait, par une lettre dans laquelle il le prie
également d'avoir toute confiance en ce que cet envoyé lui
dira de sa part : il y commence par rappeler tous les témoi-
gnages d'affection qu'il reçut lui-même de l'ayeul de Guil-
laume, quand il traversa ses élats, revenant de la Terre-
Sainte, en i I 49 ; il proteste de sa reconnaissance, de son
dévoûment, de son amitié, et du désir qu'il aurait de lui en
offrir des témoignages ; il lui demande avec confiance ce qu'il
se trouverait heureux de faire si Guillaume le demandait. lien
vient ensuite à l'archevêque de Palerme, en faveur duquel la
lettre est principalement écrite. Ce prélat, qui était en' même
temps chancelier du royaume, avait été honteusement chassé
par les Siciliens ; Louis rappelle ses vertus, sa naissance illus-
tre, et il les oppose à un affront si peu mérité ; il conjure
Guillaume de le rétablir sur le siège de Palerme. Cet arche-
vêque était Etienne du Perche, cousin de Marguerite, mère
du roi et régente pendant sa minorité, et fils de Rotrou II,
dont la veuve avait épousé Robert, comte de Dreux, père de
Louis VII.
Vnisj. t. III, Cette lettre est pareillement de 1169. Le nouvel historien
Preuves p. 120. do Langucdoc, et Baluze dans son histoire d'Auvergne, en
~ °*9r' 'hi"' rapportent une de 1 171 , à Roger, comte de Béziers, par laquelle
de Fr. t. XVI, le prince lui fait don du chûteau de Minerve, en considéra-
p- '^'3- lion de son mariage avec sa nièce, (Adélaïde, fille de Rai-
mond, comte de Toulouse, et de Constance, fille de Louis-
Duchesne, le-Gros ), SOUS la condition de l'hommage. Duchesne et dom
I. ly, p. TS'J. ]yiartène en rapportent une autre, antérieure à 1172, et
— M»rl. Am()l. '^^ i n i •
Col. t. VI, p. adressée à Ervise, abbé de Saint- Victor, par laquelle le roi
"^^^ réclame, en vertu des droits de la couronne, ce qui lui re-
vient sur un trésor découvert à Empomville, prés de Pithi-
viers, diocèse d'Orléans,
Telles sont les principales lettres de Louis-le-Jeune ; occu-'
pons-nous maintenant des chartes et des ordonnances qui
nous restent de lui.
On peut ranger sous plusieurs classes les chartes et les
lois données par Louis-le-Jeune. Les unes ont pour objet de
favoriser des monastères, des abbayes, des églises, des pré-
lats : les autres s'adressent à des villes ; elles en conservent,
en accroissent les privilèges, et abolissent les mauvaises cou-
tumes ; elles tiient létal de leurs habitans en géoéral, de
LOUIS-LE-JEUNE. 69
quelques-unes de leurs corporations en particulier : les autres xii sieclb.
ont du rapport au domaine du prince, à ses droits doma-
niaux, à quelques contributions imposées : les autres enfin,
sont des mesures générales de police et d'administration pu-
blique. Nous ne ferons guères qu'indiquer les premières:
celles des trois autres classes pourront exiger quelques déve-
loppemens.
Parmi les premières sont une charte de 1154, en faveur
des églises de Saint-Sernin de Toulouse et de Notre-Dame
de la Daurade de la même ville; une autre de 1155, en fa-
veur de l'église de Maguelone, alors épiscopale, et dont le
siège a été transféré depuis à Montpellier ; une troisième ,
en 1156, pour celle d'Usés; une quatrième et une cinquième,
en 1157, pour les églises de Narbonne et de Nismes ; trois
autres encore en 1161, 1162, 1163, en faveur de celles de
Mende et de Lodève, et de l'abbaye de Saint-Gilles. Elles
sont toutes imprimées parmi les preuves de la nouvelle his- t. h, p. m,
toire de Languedoc. Marlène, dans son Trésor des anec- ^?^' ""'• ^*'^'
dotes (1), annonce un don annuel et perpétuel, d'une cer- ^'^' "*'' ^"•
taine quantité de froment, fait par une charte de Louis VII
au monastère de la Charité-sur-Loire, moyennant lequel on
célébrera un anniversaire pour son père et pour lui. 11 a
publié, dans le premier tome du même ouvrage, d'autres
chartes du même prince en faveur de plusieurs églises ou p. m, S87,
monastères. kqi.
La collection des ordonnances de nos rois nous offre des ^' '' "" *'
lettres patentes données à Paris, en 1137, sur les élections
aux évêchés et aux abbayes d'Aquitaine, sur la jouissance et
la transmission de leurs biens, sur lès obligations des nou-
veaux élus envers le prince; d'autres lettres-patenles, de 1138, ,, y^^ ^^^
accordant des privilèges au chapitre de Brioude; d'autres ' ' '''
de 1141, défendant de vexer en aucune manière les religieux
de Saint-Pierre de Melun (2); d'autres de la même année, con- t. xi, p. m
Armant la donation d'un territoire à deux églises d'Etampes
et les immunités dont ce territoire jouissait ; d'autres de 11 48, '•'• x'. p. 19*.
en faveur de l'église de Tournus ; d'autres de 1151, pour as- T- ^i, p
198.
(Tome I, p. 390 et suiv. La date, dans Martène, est de 1 138 ; on la suppose
de 1143 dan. le Qallia Christiana, tome XII, p. 405. Voir encore, p. 478 du
même tome de Martène, une lettre de Louis Vil, de 1 170, à l'évoque d'Autun, en
faveur de co monastère.
n ?o/!'^ô,'^'' ^' J^'' '^"''*'" * conserve, torâa I du Trésor de. anecdote.,
p. 3»1 et 392, un. charte de 1 1 39 en faveur du mâine monwtère .
7
70 L0UIS-LE-.1EUNE.
XII SIECLE, surer à l'évêque de Beauvais, la conservation de son droit
de justice sur la commune; d'autres de W'àrt, pour réprimer
un pillage constamment exercé sur les biens meubles des
évoques de Chartres, au moment de leur mort (I); d'autres
,,^,1 , , de Ho8, en faveur de l'église de Laon, qui ont aussi cet
13; I. IV. p. sr).';. objet, quoiqii elles en aient un beaucoup plus étendu;
celles dont nous avons déjà parlé, pour l'abbaye de Saint-
T. IV. p 2(Hi. Gilles; celles qiii portent que l'abbaye de Cusset et les biens
qui lui appartiennent, ne seront point démembrés de la cou-
y, .M- ronne ; enlin, une concession de privilèges et d'immunités,
pour le chapitre de Saint-Klienne de Bourges. Ce pillage des
maisons des évéciues après leur mort, (jue nous avons remar-
qué dans l'église de Chartres, ot (|ui allait quelquefois jus-
(pi'ii ruiner les bàliniens pour en prendre les matériaux,
iii,i. .Il- i>a avait déjà, sous ce règne, excité les plaintes de léglisc de
lis, aux Pieiiv. pjj,.jg yj (lonné licu à uue charte de Louis-le- Jeune,
p. ;i!)6. ^
en H 4 i .
T II, :.u\ Le Gallia Christiaaa a conservé un diplôme de M3t, pour
Piriiv. p. ->»■>. goiisicaji-t, j,. inonaslèie de Maillezais en Poitou, à une juri-
tliction réclamè(^ sur lui par droit héréditaire : et un autre
de 11 5!». en fa\iMir de le^^'lise de Bourires. Dans celui-ci, le
roi p(>rmet ii larchevèipie de faire son testament. La charte
contient de plus (juelques détails ass(!z curieux sur divers
usages de ce l{îin[)S-l;i. On p(Mit reni;in|uer (*>) (jue Louis VII
y est appelé roi di; France, au lieu île roi des Français, appel-
lation dont on avait fait usage jiisiju'alors, (>t qui, au reste,
nesl pas employée dans le registre de Philippe- Auguste ,
tlaorès k'duel celte charte a été transcrite dans le recueil des
I .\i |. -'l'i. ' ' , . .^ 1 .
T. II. .-.in ordonnanri's de nos rois. La rrance chrétienne en conserve
l'rciiv r' -"'i-deux autres, l'une de 114(), en faveur de 1 église du Puy ;
huître de lliiS, en faveur de lévèiiue de cette ville; et une
T II :.i.x Iroisicnie encore de 1l7i, en laveur de l'église de Bourges;
l'ir.iY.-., |, Ki. |,.,, eelle-ci, il aecoi'de la permission de fortilier le cloître,
a condition que larchevèijue et les chanoines permellronl
avec serment de ne jamais s'en servir contre les intérêts du
roi, et de; le lui reim'ltre à sa volonté; il les exemple de la
(1) Tome 1, p. 11 ; et p. i. tles lettres semblables, déjà données par l'hi-
lipjie l'-', en 1 105, à l:i demande de l'évoque, Ives de Cbartre».
(•2) Gallhi Chrisliana, t. II, p. i:î et 14 de.s l'reuves. Dans une pièce
citée, p. 'l&i, Lonis-lu-loiine est H|)pelé Ludvricus minor, et Louis VI ou
le Gros, Ludocicus magtius.
LOUIS-LE-JEUNE. 71
juridiction iaï<iiie dans l'encointe de ce cloître, en leur donnant ^" sie< xk-
le pouvoir déjuger et punir les délits qu'y commettraient tant
les membres du chapitre que les autres clercs qui y habitaient,
et leurs domestiques. Les privilèges de l'église de Narbonne uA.iieiy,
furent conlirmés par de nouvelles lettres patentes, en WGo. Spic.i. i. Xlii.
,, I • 1 I 1 1 i>- 5"> «i *"'^-
Passons aux. lois de la seconde classe,
La Thaumassière rapporte dans ses anciennes coutumes du ciiap. il.
..''.,, , , , 1' 9 ol siiiv.
lîerry, el on a imprime dans le premier volume des ordon-
nances de nos rois, des lettres de 1148, qui abolissent plu-
sieurs mauvaises coutumes de la ville de Bourges : voici
comment elles entendent ces mots, quels usages elles réfor-
ment, quels usages elles établissent.
Lorsqu'un boiiri^'eois, mandé par le magistral, négligeait de
comparaître, K" magistrat (li.-:ait : Je t'ai appelé, lu n'as pas
daigné venir ; fais-moi raison de ce dédain. Le duel était au-
torisé, si le boiirgeoi.s assigné protestait (|u il n'avait pas
connu le mandeiiieril du juge. Louis VII, adoptant en cela les
idées de Loi.is VI, son père, défend le duel et le remplace
par un serment (luon sera obligé de prêter, pour soutenir
son afTirmalion.
Une mauvaise coutume aussi, dit l'article deux en commen-
çant, était établie à Bourges, relativement aux cautions : le
créancier n osait saisir leurs effets ou les prendre en gage, sans
la permission du juge. Le roi n(î veut plus (]ue cette permission
soit nécessain; ; eliacun pourra, .sans le demander, sans se pour-
voir, de sa seule autorité, mettre ia main sur le gage el veiller à
la silrelé de sa créance.
Quelques redevances étaient ordinairement levées dans toute
la banlieue sur les moissons : on y était soumis pareillement
au droit de gîte; ces deux contributions (1) sont abolies par l'ar-
ticle 3 L'article 4 réduit le nombre des viguiers (|ui sélaient
multipliés ; il n'y en aura plus (pi'un désormais dan> ciia(|u»>
arrondissement.
Le haut ban, c'est-à-dire la convocation des personiies sou-
mises envers le roi à quelque service personnel, à quelque
corvée, avait lieu toutes les fois (|ue cela plaisait ainsi au
prévôt ou an viguier, cl ils forçaient ceux à qui il était im-
posé, à s'en racheter pour de l'argent. Louis VII défend de
(1) On peut voir, sur ce.s deux conti'ibution.s et sur toutes colles dont
il va être parlé, le di.^cours préliminaire ilu tome XV i des Ordonn.'uice.i
lie nos rois.
72 LOUIS-LE-JEUNE.
XII SIECLE, l'exiger plus de trois fois l'année, à des termes convenables,
et tout rachat est interdit.
Mestiva était une contribution sur le blé recueilli. Louis VU
la définit lui-même dans une charte en faveur de l'église de
Saint-Denis, tallia de annonâ : il avait déjà rappelé celte con-
tribution, dans un des articles que nous venons de citer. Il
déclare ici qu'on ne percevra aucune mestive au proflt du
roi, sur ceux qui n'auront pris des bœufs que depuis la
Saint-Michel jusqu'aux' moissons suivaules. Ce passage nous
fait connaître un mode de perception, ou plutôt les bases sur
lesquelles on établissait la quotité de l'impôt : la portion en
était moins forte, si, au lieu de bœufs, on n'employait que
des ânes; moins forte encore, si on n'avait aucun de ces ani-
maux.
Le roi met un prix à l'abolition de ces mauvaises coutu-
mes. Tout chef de famille lui payera une mesure de froment
chaque année. On en payera une également, par bœuf, et une
mesure d'orge, pour le rachat des charrois.
Il y a quelques dispositions encore dont les principales regar-
dent les personnes étrangères à la commune, qui viendront ap-
porter au marché de Bourges des denrées ou marchandises à
vendre, ou qui désireront de s'y établir. Le roi met les premières
sous sa sauve-garde, en allant et en revenant ; si elles commet-
tent quelque délit, elles l'amenderont à l'arbitrage des barons ;
c'est ainsi que la loi désigne les principaux habiians de la ville
commune de Bourges ; et d'ailleurs elles pourront emporter leurs
efFels. Les étrangers à la commune qui viendront s'y fixer et y
bâtiront une maison, auront, pourvu qu'ils soient nés en France,
la faculté de disposer de leurs biens en faveur de leurs pa-
rens.
Ord. (le XI Cette protection accordée à ceux qui viendront vendre
197. dans la commune, aux marchands qui y séjourneront, se
trouve pareillement dans des lettres de 1150, pour la ville
de Mantes ; les autres articles portent que les habiians seront
exempts à perpétuité de taille, de prise ou exaction injustes.
Ce qu'exigeront le besoin de la ville, ou le service du roi,
sera fourni par tous proportionnellement aux facullés de
chacun. Les habiians auront seuls la garde de leurs vignes.
Si quelqu'un demeurant hors de la commune, a forfait envers
elle, et qu'il ne veuille pas. le réparer, elle .est autorisée à
s'en faire justice par tous les moyens possibles. On contrain-
dra aussi par tous les moyens, l'homme qui en ayanl frappé
LOUIS-LE-JEUNE. 73
un autre, lui refuserait la satisfaction qui lui est due. Si lau- xii siècle.
leur d'une injure personnelle est amené dans la ville, sans
que celui qui l'y amène l'en connaisse pour l'auteur, celui-ci
pourra, celte fois seulement, l'en faire sortir, en attestant
par sertnent qu'il ignorait celte injure; sinon, le coupable
sera arrêté. Si l'hôte de quelque chevalier forfait contre son
seigneur, le seigneur en pourra saisir les biens, s'il n'obtient
pus une réparation convenable ; et sur sa déclaration que
l'impossibililé d'obtenir justice lui a fait prendre cette me-
sure, le pnév5t du roi ne négligera rien pour qu'elle lui soit
fendue.
Des coutumes furent données, trois ans après, aux habi-
tans de Seaus, en Gâtinois. Elles règlent ce qui concerne les ^QQ^' '' ^''
délits, les forfaitures, les anaendes ; elles font de la commune
un véritable lieu de sauve-garde et dasyle pour les coupables
étrangers qui s'y réfugient et pour leurs biens ; elles attachent
beaucoup de force au serment de l'accusé pour sa justifica-^
lion, excepté dans les crimes majeurs, coQitoe le vol, le rapt,
la trahison, l'homicide. Nul ne pourra être forcé d'aller
plâidef hors de la ville ; nul ne pourra être ârtêté, tant qu'il
aura letiu justice. Les habitans sont déclarés exempts de
toute laille et levée, excepté des coutumes dues au rdi ou
aui nobles; ils ne sortiront, pour aller en guerre, que sous
la condition de rentrer le soir chez euît. Quiconque aura
demeuré un an dans la ville, de l'aveu des naagistrats, sera
affranchi de toute servitude. Il y a quelques articles encore sur
les droits relatifs aux ventes d'immeubles, et sur d'autres objets
Inoinâ importans.
Deux ans après encore, en 1 1 b5, nous voyons Louis VII abolir t. xi, p. 200.
une coutume bizarre à Étampes : c'était que le prévôt, le viguier,
les sergens, les autres officiers du roi, ne payaient que les deux
tiers du prix, lorsqu'ils achetaient de la viande. Louis VII veut
qu'ils rentrent dans l'obligation commune, qu'ils n'aient pas plus
de droits que les autres habitans.
Plusieurs mauvais usages de la villB d'Oriéads furent aussi ord. t. r, p.
abolis pâf une ordonnance de Louis-le- Jeune, en 1168. Où ^^- «'«•
n'exigera aucune coutume, dit l'article premier, de l'étrangèt
qui vietidfa dans cette ville pour y réclamer lef paiement de
ce qui lui sera dû. On n'en exigera aucune, dit l'arlicl* f , dô
celui qui n'aura fait qu'offrir sa marchandise et en dire l6
prix. L'arlrcle 3 défend d'ordonner le duel, quand 1* coûtes-
lation ne s'élèvera pas au-delà de cinq sols. L'article 4 déclare
Tome XIV. . K
7 •
(1. SJil'.l.
74 l.<)i:iS-l.l-:-.ll< UNE.
Ml siF.( LF.. qu'on ne sera pas (lc( lui de son dioil, pour n'avoir pas amené
le garant promis au Jour indiqué; il autorise à le produire
un aulro jour. Nul lionime associé avec un autre pour la
ferme des audi(!nces ne payera la coutume entière, mais sa
part seulement, dit l'article o ; et l'article (5 : Les cabaretiers,
les crieurs de vin n'en achèteront point à Orléans pour l'y
revendre. L'article îl |)rescril la même chose pour des regrat-
ticrs qui y ac(pieriaieul des comestihies. L'article 8 avait
voulu qu'il n'y cùl plus désormais de meneurs ou conduc-
teurs de ceux qui achèlent des vins. Les dispositions suivantes
concernent principaliînieul les vivres amenés au marché, le
droit de prendre ile.^ cliarrelles, le salaire du garde de la
mine de sel, I achat l'ail du |)ain pour le revendre, le prix
mis à la haillie de (pielques hahilans, le hrénago, c'est-à-dire
une redevance en son que l'on devait aux seigneurs pour la
nourriture de liMirs chiens. -(.otiis-le-Jeune la réduit à ce
..'„'r' "■ ^'' 'I"^'"l' '^'i^'l '^f'i's le règne de Louis-le-Gros. Il y a dos lettres
aussi de 1 178, (pii abolissent d autres mauvaises coutumes de la
ville d'Orléans.
Plus de douze années auparavant, en H ;');>, Louis VII
avait accordé aux hahilans de Lorris en Gâlinois, ces cou-
tun)es devenues eélèbres par les demandes et les concessions
que tant de communes en ont laites et obtenues dans la suite.
On n'en connaît gueres de plus anciennes en France ; et elles
ont tenu trop de place dans I histoire de notre civilisation, de
notre jurisprudence!, de notre police, pour que nous ne les rap-
portions pas dans toute leur élendue.
V. I lie le La coulunK! de Lorris a 3;') articles. Ouelques-unes de ses
i. XI lies Oui. dispositions .sont déjà ou à-ptMi-iirès dans les diverses letlres-
p M^ CI MUT. ' , •' ' , ' ......
patentes dont nous a\ons rendu C()nq)le ; mais ici, la loi est plus
générale, plus complèle.
1. Tout halnlaiil paiera six deniers de cens pour sa mai-
son et pour cliaipic aipeiil d(3 leire (pi il possédera dans la
paroisse.
2. Aucun d'eux ii(> paieia aucun droit sur ce (pi'il achclera
pour sa subsislance, ou ijuand il vendra les productions de ses
I erres.
'.i. Aucun d'eux ne sera tenu de marcher pour une expé-
dition militaire, sil ne peut être revenu chez lui le même
jour.
L'article 4 les exeiupte de tous péages, depuis iMclun juscpi'à
Orléans.
L C) U I s - I. E - .1 E L N E. 75
5. La confiscation de leurs biens ne pourra t'irc pronon- x'i siki.lk.
cée que dans le cas de délits commis envers le roi ou ses
hôtes (on appelait hôtes du roi ceux à qui il avait donné
une maison, moyennant une redevance annuelle).
6. Ceux qui iront aux niarcliés et aux foires de Lorris, ou
en reviendront, no pourront être arrêtés que pour un déHl
qui aurait été commis le jour même. On ne pourra, pendant
ces foires ou marchés, saisir le gage d'une caution, si le cau-
tionnement n'a été donné à pareil jour, c'est-à-dire, pen-
dant qu'on les tenait aussi.
7. Los amendes de soixante sous seront réduites à cinq ;
celles de cinq sous, à douze deniers : on réduira à quatre de-
niers ce qu'on paie pour la pré.sonlalioii d'une requête ou
d'une plainte au prévôt.
8. Aucun habitant ne sera obligé de sortir île la commune,
pour plaider avec le roi.
9. Aucune taille, aucun don, ne pourront être exigés par
le roi ou par tout autre, des habitants de I>orris.
10 Aucun n'y aura droit de banvin, si ce n'est le roi
pour le vin de son propre cellier.
11 . Le roi aura (juinze jours pour |iayer les vivres achetés
pour lui et pour la reine: les gages doiniés pour la sùrelé du
paiement pourront être vendus huit jours après l'échéance.
12. Si un honamc en ollense un auli-e, et (|u'ils s'acconj-
modent avant (jue la |)liiinle ai( vU' formée en justice, l'of-
fenseur ne devra pas l'annndc il n'eu sera dû non plus
aucune, si, la [)laiule formée, elle n'est suivie d'aucune con-
damnation envers l'une ou I autre dcstleux parties.
13. On peut dispen,ser d'un sernuMil (pion aurait pu exiger.
14. Sia[)rès avoir donné, du conscnteuKml du [)révôt, le.s
gages de bataille, les parties ^'accommodent avant ([uc les
otages soient livrés, elles |)aieron[ chacune deux sous six de-
niers ; elles paieront sept sous six deniers, si les otages avaient
déjà été donnés . le combat Uni, les otages du vain;:u paie-
ront cent douze sous d'amemle. flelle dernière disposition
est devenue l'origine d'un proverbe céJèbic.
15. Aucune corvée ne sera due au roi, si ce n'est de con-
duire, une fois chacpie année, sou vin à Orléans ; et encore
n'y aura-t-il d'obligés (pie ceux ({ui ont des charrettes et des
chevaux, cl qui auront été sommés de le faire ■ le roi ne
sera pas tenu de les nourrir. Les gens de la campagne appor-
teront du bois pour sa cuisine;
76 LOUIS-LE-JËUNE.
XII siKCLE. \Q Aucun habitant ne pourra être détenu comme prison-
nier, s'il donne caution de se représenter en justice. Article
mémorable encore, qui passa dans la législation des peuples
voisins, et qui se perdit dans la nôtre.
17. Tout habitant sera libre de vendre ses biens, et après
avoir payé les lods-et-ventes , de sortir de la commune, à
moins qu'il n'y ait commis un délit.
-18. Quiconque aura demeuré, un an et un jour, à Lorris,
sans que nous ou notre prévôt nous y soyons opposés, pourra
y demeurer toujours librement et tranquillement.
19. On ne plaidera que pour obtenir ce qu'on a droit
d'exiger.
Les articles 20, 21 et 22 déterminent les droits que paie-
ront les marchandises allant de Lorris à Orléans ; ceux que
les laboureurs paieront aux sergens, dans le temps des mois-
sons : il ne sera rien dû au crieur public ni à celui qui fait
le guet, à l'occasion des mariages.
L'article 23 règle ce qu'il faudra faire si les animaux des
particuliers causent du dommage dans les bois du roi
24. 11 n'y aura pas de porteurs de pain aux fours ban-
naux, c'est-à-dire, des porteurs qu'on soit obligé de choisir
et de payer.
25. Les habitans ne seront point assujétis à faire le guet,
à monter la garde.
26. Ils ne paieront qu'un denier par charrette pour le se'
ou le vin qu'ils porteront à Orléans.
27. Les prévôts d'Étampes, de Pithivicrs, des autres villes
du Gûtinois, ne pourront exiger une amende des habitans de
Lorris.
L'article 28 désigne quelques villes oîi ces habitans seront
dispensés de payer le tonlieu. L'article 30 fixe l'époque oii ils
devront le payer, au plus tard, dans leur propre commune.
L'article 29 les avait autorisés à prendre hors de la forêt du
bois mort pour leur usage.
31. Les habitans qui auront une maison, une vigne, un
pré, un champ, une possession quelconque, dans des lieux dé-
peudans de Saint-Benoît, ne seront pas justiciables de l'abbé,
si ce n'est pour le non paiement du cens ou du droit de
gerbe ; et dans ce cas môme, ils ne seront pas tenus à sortir
de Lorris pour être jugés.
32 Tout habitant accusé se purgera par son seul serment,
s'il n'y a aucune preuve par témoins contre lu'i.
LOUfS-LE-JEUNE. 77
33. Les habitans ne paieront aucun droit sur ce qu'ils aehe- xh siècle.
leront au marché pour leur usage.
L'article 34 déclare toute la loi commune à quelques ha-
bitans voisins. L'article 35 veut que toutes les fois qu'on
nommera un nouveau prévôt ou de nouveaux sergens, ils jurent
tous d observer fidèlement les coutumes de Lorris.
Nous avons dit que plusieurs villes demandèrent bientôt
à jouir pour elles-mêmes de ces coutumes. Louis VII les Or<i. des rois
octroya, en 1159, à une paroisse assez voisine d'Orléans, le '*'= ^''- '• '"' p
Molinet, que son seigneur venait de lui céder. En 1165, il ^^*
les octroya aussi, pour le droit de gîte en particulier, aux ha- ord. t. xiii,
bilans de Senely, bourg de l'Orléanais. Des lettres-patentes p- ^'^^■
données à Sens, en 1 1 63, les avaient accordées à Villeneuve- ht ' ' ^' '
le-Roi, et les expressions même de ces lettres sont un témoi-
gnage indirect de tout le prix qu'on attachait à obtenir des
coutumes semblables à celles de Lorris : le roi croit assurer,
par une telle concession, I accroissement rapide de cette ville
que lui-même venait de faire construire, et qu'il appelle
Villa franca, quoiqu'elle ait eu ensuite et conservé le nom
de Villa nova régis; ut in brevi cresceret, dit-il, quia vole-
bamus multos ibi esse habitatores, ipsis concessimus omnes
consuetudines Lorriaci. Adélaïde de Savoie, mère de Louis-
le-Jeune, ayant acquis par un échange avec des chanoines
d'Orléans un lieu nommé Sonchalo que l'on croit être Chail-
lou-la-Reine, elle accorda aux habitans , ses hommes du
corps et ceux du roi exceptés, la même coutume de Lorris,
à condition que chacun d'eux payerait cinq sous annuelle-
ment pour sa maison. Louis VII confirme par des lettres- ord. i. viii,
patentes de 1175, la concession de sa mère, sous la réserve p ■'*•
néanmoins qu'on ne pourrait y recevoir comme libres les serfs
du roi.
Quelques privilèges furent octroyés, en 1169, aux habitans ord. t. vu,
d'un bourg voisin d'Etampes. Ces privilèges sont une exemp- ^- *'^^-
tion de taille, d'impôt, d'osl et de chevauchée, moyennant une
rente fixe que chaque habitant payera, chaque année, et une
modération d'amende en cas de délit.
Les anciennes coutumes des bourgeois de Paris, négociant
sur la Seine, furent confirmées par des lettres- patentes dç
1170(1). Nul ne peut apporter à Paris, qi en faire sortir, des
(1) Elles sont en latin, tome II des Ordonnances, p. 436, et en français,
tome IV, p. 270 et 271.
78 LO L 1 s -LK- JEU N E.
XII SIECLE, marchandises par eau, dit cette loi, depuis le pont de Mantes
' jusqu'aux ponts de Paris, s'il n'y est marchand de l'eau, aqiiae
mercator, ou associé à un marchanil qui le soit, sous peine
de confiscation, dont moitié pour le roi cl moitié pour les
hommes voués à celte sorte de commerce. On pourra toute-
fois venir de Rouen avec des bateaux vides jusqu'au village
du Pec (I), les y charger, cl les ramener, sans être en société
avec les marchands de 1 eau de Paris. Si ou venait plus près,
la confiscation serait aussi dans le cas détrc prononcée.
Diverses lettres ou chartes, accordant ou confirmant des
privilèges à des villes, à leurs habitans, ou en réglant l'ordre,
la police, ont encore élé recueillies parmi les ordonnances
de nos rois.
ord. des rois Lcs deux premières, toutes doux de 1137, sont Tune en
do Fr. I. XI, p. faveur d lîllampes, l'autre en fiivour d'Orléans. Le roi promet
ISS cl ISO. aux deux villes de ne taire aucun changement aux monnaies,
moyennant une contribution à laquelle elles .se soumetleul.
A Étampes, le roi seul exercera le droil de banvin ; les pré-
vois ne percevront plus rien dans les tavernes; les crieurs de
vin ne pourront refuser à ceux qui la demanderont une
mesure pour le vendre, ni exiger au-delà de ce qu'on a trou-
jours exigé A Orléans, aucune semonce ne pourra être faite
il un bourgeois, si ce n'est par I ortlre du prmce ou de son
sénéchal ; et quand il en aura leru une semblable, il ne
pourra, en comparaissant, être reti-nu, s'il na été pris en
lla^ranl dclil. mais il aura la liberté de .-^'t'ii aller, de [tasser
un jour <'ii sa maison, el a[>n's. lui el ses biens seront en la
vol'jiite (lu roi. Le prévôt ne doit pas soulfrir ipie ses gi'us
ihsiilleut les bouigeois ; aucune an^'iidc ne sera payée, si
eu\-miMi:es sont malli'aités. Les mainmorles au-dessus de sept
ans ne seront pas recherchées.
Oui I xt. Il V en a un*; de Mil, pour fixer le nombre et les droits
I' '"" , . (les crieurs de vin ii Bourges; une île 11 4 i, pour confirmer
_ i.oisoi. Mom. la rharlre de commune, donnée par Louis VI à la ville de
cl. i!.;.iiv:ms. |i. |{(^.aii vais ; uiic ilc 1 1 1-'), (pii accorde des privilèges aux habi-
'' ,,^j j Y, laiis d'un lieu peu connu, quoiipi il ne fût giières éloigné de
|.. 7!r, l'aiis; une de 1147, pour donner à Ihôpital des lépreux
T. M. i». !!•.. j |.;(;,|,i|u's le labourage d'une clianue , une foire, cl tout
I émolument (|ui en [troviendra, et chaque année trois muids
T. III |.. nor). lie froment et douze de vin ; une de 1 l.'J8, pour un lieu jtlus
(1) Près de Paris, au bas 'le Saint-' '(.•imain-eii-Laye.
LOUIS- LE-.IEI; NE 7!)
voisin encore do Paris, (|ui y loiirliail nirnie, les rauroaux, xii sieole.
dans l'endroit qui forme aiijoiiid liui la partie supérieure du
faubourg Saint-Jacnfuos ; une dr. 117"), non moins favorable t. xi. i>. 20s.
aux habiluns de I)un-lo-Hoi. en Ikrry. Ce sont presque
toujours des exemptions tie taille, des dispenses ou des mo-
difications du service militaire, des règlemens sur les amendes,
la juridiction, l(>s délils, sur \v dniil d habitation , la vente
ou le transport des marciiandises. Dans la loi pour beauvais,
il est dit (|ue le roi cl le grand-sénéchal pourront seuls y
amener l'homnie (pii aurait comiiiis un forfait envers un
membre de la commune, à muins (pi il nr. vienne pour offrir
la satisfaction qui est due.
La |)oiice des coi|)orati(»ns li\e aussi lallention du prince.
Une loi de 11(12 est lelalive aux bouchers de Paris, et leur
rend d'anciens privilèges "doni ils avaient cessé île jouir, et
dont la privation élail un grand mal pour eux, si l'on s'en
rapporte aux plaintes (pi ils avaient adressées au roi. Ils sont
venus à nous, disent les Idlres-palentes, nous ont exposé le oui. t. ni,
poids de leur misère , l'impo.ssibililé de subsister pour eux !>• -•'>*■
et pour leur famille ; nous en avons élé émus ; nos entrailles
se sont ouvertes ; nous les avons rétablis dans l'étal oii ils
étaient sous nos prédécesseurs. La loi les nomme- bouchers
naturels, naturales carni lices, ce «pii l'ait croire (pie ct^tte pro-
fession restait alors ordinairement dans les mêmes familles,
opinion qui peut se fortifier ])ar uni' autre loi du siècle sui-
vant, dans laquelle, en parlant du droit détablir des bouchers,
on dit : Constituendi carni (ices , videlicel, filios carnificum. T. m, p. '■M).
Il fallut leur conscnlemenl pour (pie l(,'s Templiers pussent avoir
deux boucheries.
Une loi plus récente, mais assez semblable à toutes celles ord. t. vu,
dont nous avons parlé, accorde à un lieu du leriitoire de p 27G.
Poissy et à ceux (|iii vicndionl s''^ li\er, moyennant une
augmentation de cens annuel (pi ils promettent au roi , une
exemption perpétuelle de toutes les contributions ordinaires,
militaires ou civiles; en nexceplant que les amendes judi-
ciaires, lesquelles encore ne pourront être que de douze de-
niers : on ne pourra les ajourner que ilans ce lieu m('''me ou
à Poissy : ils jouiront du droit de prendre dans la forêt voi-
sine du bois pour brûler et pour bâtir; ils se soumettent,
s'ils convertissent des bois en terres labourables, à ne vendre
ces terres qu'à des personnes qui s(Mont, comme eux, habi-
tantes de la commune. Cette loi fut donnée à Paris en 1174.
80 LOUIS-LE-JEUNE.
XII SIECLE. La ville de Bruyères, près de Cocapiègne, esl l'objet d'une
T. IV, |.. (il!», autre loi, datée de Compiègne même, en H77. Ceux qui vo««-
dront venir s'y établir en qualité d'hôtes, y seront reçus : ils
n'auront aucune taille à payer, aucune exaction injuste à sup--
porter : on ne les mènera, pour une expédition militaire, que
dans un lieu d'où ils puissent revenir chei. eux le soif même ;
ils auront l'usage du mort-bois dans une forêt voiâitte. Suivent
quelques dispositions sur les délits, sur les amendes, el sur un
cens annuel à payer au roi.
Ord. t. VII, La même année, des lettres-patentes furent données à Setiliâ,
• ^^- à la prière d'Adélaïde de Savoie, mère de Louis-le-Jeune. êft
faveur des habitans de Villeneuve, près de Corapiègne. Elles
renferment huit articles, qui, presque tous, sont plus des obli-
gations que des privilèges, quoique ce dernier mot soit présenté
comme le seul caractère de la loi, 'dans le titre qu'elle porte.
Les trois premiers articles déterminent la redevance annuelle
payable au roi, suivant l'habitation qu'on aura dans le lieu,
la quantité de vin qui lui sera fournie par arpent de vigtte,
les droits auxquels on sera soumis envers lui pour la vente
de ses domaines. L'article 4 déclare que les serfs du roi n'&c-
querront point la liberté en venant demeurer à Villeneuve. Lès
articles 5 el 6 fixent les amendes que l'on y payera. L'arlitl'l'e 7
autorisée prendre gratuitement du bois vif pour bâtir, du bûis
mort pour brûler. L'article 8 met un sergent Sous la sauve-'garde
du roi.
Ord 1. 1, p. 7. Daijg leg jois relatives aux droits du prince et à ses domaines,
nous apercevons d'abord celles que donna Louis- le- Jeune ,
en 1137, pour confirmer une ordonnance de Louiâ-le-Grôs,
qui renonce, en faveur des églises d'Aquitaine, à d'anciennes
prérogatives de la couronne. Les personnes élues à des évôcbés
ou à des abbayes devaient en faire hommage au rôi, et Itil
en demander l'investiture. Louis Vil approuve et renouvelle
l'abolition de cette coutume; et peut-être est-il permis de
remarquer qu'en se dépouillant ainsi de leurs droits par un '
saint respect pour l'église, son père et lui croyaient aVôif
atteint, ils le déclarent du moins, le sommet de la dignité royale,
regalis apicem dignitatis.
Ordon. t. I, Louis-le-Jeune se dépouille de beaucoup d'autres droits,
• '* •=» *"'^- constamment attachés à la couronne, par ses leltres-patentes
de 1158, en faveur de l'évêque de Laon. Les maisons, les
fermes, les granges, les vignes, les troupeaux, les charrues,
tout ce qui sert à la culture, est affranchi pour jamais de la
LOUIS-LE-JEUNE. 81
régale. L'évêque aura le droit de disposer à son gré de ses biens xii siècle
par un testament; et, s'il meurt ab intestat, ce qa a Dieu ne
plaise, son argent, son blé, son vin, appartiendront au roi,
avec quelques exceptions néanmoins que la loi détermine.
Quand la mort de l'évoque aura fait passer l'évôché sous la
main du prince, les personnes qu'il commettra pour l'exercice
de ses droits viendront demeurer dans les maisons où sont les
provisions (le revenu épiscopal était alors en grains, en vins,
en toutes sortes de denrées), et non dans celles oîi il n'y
aurait rien à garder : et, quant aux effets qui ont été affran-
chis de la régale, ils resteront conBés à ceux auxquels l'évêque
en avait donné l'administration. Les bois sont exceptés des
choses dont le roi jouira, tant que l'évéché sera sous sa main ;
et, à l'égard de celles dont il aura la jouissance, il sera tenu
aux frais nécessaires pour mettre en valeur les fonds sur
lesquels elles se lèvent.
Quelques années après, en 1165, Louis-le-Jeune abolit une v. lei. ivdcs
coutume qui s'était introduite comme droit royal dans la capitale ^'^°"'^- f- ^^'•^■
de son empire, et qui offrait souvent à ses officiers l'occasion
d'exercer de petites vexations sur les habitans de Paris; toutes
les fois qu'il y venait, on faisait pour lui ce qu'on appelait des
prises de matelas et de coussins. Louis le défend pour jamais;
et il dit avec raison dans sa loi : opus bonum facimus quociens
illicitas exactiones extinguimus.
Des lettres-patentes de la môme année règlent l'exercice ^l"**- '• ^"'
de quelques droits de seigneurie et de justice entre le roi et
les religieux de Saint-Pierre-Ie-Moutier. Le roi avait mis ce
lieu sous sa protection; et chaque habitant devait, en con-
séquence, lui payer une redevance annuelle en argent ou en
grains, plus ou moins forte, suivant qu'il était plus ou moins
riche. La haute, moyenne et basse justice, qui jusqu'alors
avait appartenu au monastère seul, fut désormais partagée
entre lui et le roi. Il y avait eu, en 1155, des lettres de ^^^ ^ j^,
partage entre Louis 'VII et l'abbé de Saint-Jean-de-Sens, pour 203.
divers lieux du Gàtinais. Il y en eut un, en 1179, entre lui ord. t. xi,
et les religieux de Bonneval, pour la terre de Lorrets, au p- ^i'-
diocèse de Chartres. Des lettres de 1166 règlent les droits Ord. t. xiv,
respectifs du roi et de l'abbaye de Cluni, sur le territoire de ^' '^^^'
Saint-Jagoul; Louis VII s'y réserve principalement le droit
d'y avoir des forteresses et d'y instituer le prévôt. D'autres
lettres de 1175 contiennent un accord du môme prince avec ord. t. xi,
les chevaliers possédant des terres à Villeneuve-le-Roi, au p. 207.
Tome XIV. h
T. XIV, p. Hil
1. XV. |>
,S2 I.ol IS-I.l- - JKINK
XII SIECLE, sujet Ji'.s cens cl croi.st di' cens : Louis y ahandonnn plus di;
droits (ju'il n'en consi'rvo l.'iiuluritr du monarque sur ses vas-
saux est a.ssez bien connue par un édil que Louis VII rendit en
1171, dans sa cour féodale, (|ue Raluze a rapporté dans son
T. Il p. 16(1 histoire d Auvergne, et publié d après lui dans la nouvelle Col-
""'nfi','., _ /...• 'action des historiens de France. Quehpiefois les ecclésiastiques
essayaient de se soustraire à leurs oblii-'a lions, en iin[»lorant
l'intervention du pape : ceux dl'ssel, près de Pithivicrs,
s'étaient ainsi adressés à Alexandre III : mais Louis VIL dans
iii-i. .Il' ir. une lellrci au |)ontife, lui observe très-bien qu'Ussel est dan.î .<a
mouvance, cpie personne ne doil. n}(''connnHi-e l'nutorilr judiciaire
'j h' 1 1 >/ exerce, et il invile le pape à ne pas s'en mêler et à respecter
ses droits.
Oïd. t. XI, Avant de partir pour la Terre-Sainte, Louis VII avait
■"'• déchargé du droit de main-morte tous les habilans du diocèse
d Orléans. Peu de temps avant sa mori, il anVanehil à jamais de
toute servitude, eux et leur posli'iilé, tous les hommes et femmes
T. XI. |i.-'i{. de corps rpi'il avait tant à Orléans f(ue dans (paniques bourgs
voisins, cl jusqu'à ciiuj lieues au-delà.
T. VI, p. us. L auteur de la Science du gou\crnement aOlrmo (pi un ad'ran-
chi.^semenl général des gens de maïu-morte fut jjrononcé. on
1141, par Suger, régent du royaume : il y a, dans ce peu de
mots, une double nu-prise : Suger n'clail point régent eu 1111;
il ne le devint ipieii 1 I 17. quand le roi partit pour la Tern'-
Saitil(> . 1 allraiielii>semenl prononcé par Suger ii" fui pa.-; uni-
11.^1 i.iiiii. versel, mais borné aux habilans de Saint-Denis; comme abbé,
■ ' ''■ ■'" ■ il les a\ail sous sa |)uissaiice, et ce fut en celte (pialile seule ipi il
agit; Suger n aurait pas, en l'absence du roi, alVranchi les sujets,
sans le consentenii'iil du prince doul il était le représentant et le
ministre;.
^""' '■ ^'- I lie ordonnance ipii lunl toiil-a- la-lms aux dioils du mimai
que, aux privilèges des eommiiiu--., et ;'i leiii police ou admim
sli'alion intérieure, est celii' qui l'ut reniliie à Pai is, en I17'.i,
pour la ville d'iitauipes. f.lle a \ iiml-ni'iir ai licles donl xoici le
résiuiK'
1. On pourra, sans dev(>nir serf du roi, acheter désorniai.s
les terres (pii portent le iHim doclaves 'dénominalion venais
probablement du droil (h> Imilieme ipiuvait siii elles le
seigneur;.
2, 3 el i. Que personne n achetle des poi.'îsons, (hi vin, du
pam, pour les revendre; a 1 exception, pour le vin, du temps de
la vendange, el, pour les |ioi.s.><ons, des harengs vl des maipie-
reaux salés.
LOLIS-LE-JEUNE. .S;{
.'i. Aucune personne ne pourra èlre arnHée en plein niar- Xil SIECU:
elle pour n'avoir point payé le droit de lonlieu.
(j. Tout liomnic (pii tient à leruie noire droit de voyerie,
peut l'aire 'ouvrir dans sa maison une [)orle ou une t'en^^'tre
sans la permission du prévôt.
7. On no peut rien exiger |)Our le prêt île la mine, sauf
notre droit de minay;e. (On fournissait hi mesure aux naar-
eliands, et le roi percevait une rétribution pour le niesurai^e.)
<S. Ce prévôt ne peut exiger qu'un citoyen lui donne des
gages pour un duel (pii n'i-sl [)as encore jugé.
"J. Les habilans d'Elaiiipes peuvent à leur gré faire garder
leurs vignes, sauf le salaire des gardiens; le siîigneiir à (jui le
cens .sérail dû, ne [leut rien exigtîr pour cela
11», .\ucun regiatlier, vendant à sa fenêtre (cest-à-dire
en Itijulicpie , ne doit au prévôt un droit de honte. (On
a[)pelait ainsi une rétribution (pi(> Ion était censé payer libre-
ment, volontairement, cl(|u'on hivail comme don gratuit. )
1 I Le droit de bonté n'est dû au piévôl (jue par ceux
(pu sont dans l'iisai.'O de \enir aciieloi' el vendre au marclu!
public.
M Nul ne lui doit une peau, si C(> n'est celui (jui en pré-
pare.
l'{. Le droit de bonté ne peut être exigé par aucun de nos
'-ergeris, soi! en dedans, sdiI cm deliurs du marclie ; il in;
peiil 1 ('iii^ ipie par le prévôt .
14 Le prévôt ne rece\ra, pour a|)po-,ition de bornes,
quuii septier de vin roiige ; et eliaipie soMal -pii y assistera.
un denier.
I.'i. Ceux qui acIn'liMonl ilii ble pour lexposcr no. seiont
pas soumis à payer le droit de bonté ; ils ne payeront (|ue
le lonlieu.
K). Le prévôt ni> peut exiger des liaiengs, ou d'autres
poissons, soit de mei-, .soit di- rivièie, di's marcliands (|ui
les vendent ; il doit l(!S acliel(>r comme tous les autres liabi-
lans
17. Nous nexigiToiis pas plus de G livres, ni k' prévôt
plus de CiO .sols, diiii cliampioii vaincu dans un duel; il ne
donnera pas plus de :!:' .sois ;i .son vainqueur, liors (pie le
duel eût été causé par une infraction de banlieue, par un
meurtre, par un vol, un rapi (>u .s(MviUide.
18. On ne recevra le droit de |)re6surage que dans des
va.ses d'un demi-.septier.
84 LOUIS- L E- JE UNE.
XII SIECLE. _ ^9et 20. Les messigiers ne donneront, pour le droit de
bonté, que 1 2 deniers chacun par an ; les ciriers, qu'un peu
de cire.
21. Les vendeurs d'arcs donneront chacun, chaque année,
un arc pour droit de tonlieu.
22. Personne n'a de droit de tonlieu à payer pour une
vente de denrées, qui n'excède pas quatre deniers.
23. On ne peut saisir les biens de celui qui nie une dette,
jusqu'à ce qu'on ait prouvé que la dette existe.
24. On ne paiera au viguier, pour relever une échoppe,
qu'un setier de vin rouge.
25. Il n'est permis ni au prévôt des Juifs, ni à aucun autre,
de retenir, pour ce qui pourrait leur être dû, un homme
étant au marché, en allant ou en revenant, non plus que ses
marchandises.
26. Les marchands de lin ou de chanvre ne donneront
pas de l'argent pour tonlieu , mais une poignée convenable
de ce qu'ils vendent.
27. Le prévôt ne pourra faire arrêter, qu'après les délais
prescrits, le débiteur qui aura reconnu sa dette et fourni des
gages.
28. La veuve d'un marchand n'aura que vingt-cinq sous
à donner pour relever son étal.
29. On ne recevra pas de champion payé, mercenaire.
Une des dernières dispositions de celte loi a rapport aux
juifs, et à l'action que leur prévôt pouvait exercer sur leurs
débiteurs qui venaient vendre dans les marchés publics. En
général on ne trouvera pas dans les ordonnances de Louis-le-
Jeune une grande faveur du prince pour les- hommes de celle
iiisi. «le Kr. nation. Dès 1 146, Pierre -le- Vénérable avait excité contre eux
I. XV, p. 6*1. la piété du roi, à l'occasion de la croisade qui se préparait ;
et, en avouant qu'il ne fallait pas les tuer, il demandait que
néanmoins on leur prît leur argent pour le purifier en le .
faisant servir à la conquête de la terre sainte. Louis Vil fut
cependant bien loin de les traiter avec la rigueur qui signala,
depuis, le règne de Philippe- Auguste et de quelques-uns de
ses successeurs. On ne doit pas même lui attribuer, comme
T. I, p. <39. l'a fait Martène dans son nouveau Trésor des anecdote s, et
comme on le fait d'après lui, dans le discours préliminaire
P. 136. du neuvième volume dé cette Histoire, la loi qui condamna
leurs livres aux ûammes ; cette loi est de Louis IX et non de
Louis VU ; elle est de 1254 et non de 1 1 54. Dans un fragment
LOUIS-LE-JEUNE. 85
historique, tiré d'un manuscrit de la bibliothèque du roi, et xii siècle.
imprimé dans la nouvelle collection des historiens de France, t. xh, p. 286.
Louis VU est môme accusé d'avoir offensé Dieu par la pro-
tection qu'il accorda aux juifs. Nous avons une lettre
d'Alexandre lli à l'archevêque de Bourges, en 1179, dans
laquelle on se plaint aussi de la tolérance de Louis VII à cet "'*'■ <•« ^'■•
égard. Le pape espère qu'éclairé par lui, le roi changera de ' ' ' ''"
conduite ; il rappelle les dispositions du nouveau concile de
Latran, et ne croit pas que l'archevêque doive se soumettre
aux volontés contraires du roi. Cinq années auparavant, si
la date donnée par Martène est exacte , Louis VII avait Anecd. Thés,
octroyé aux habitans de Château-Landon une demande re- '' '' ''' ^ ^'
lative aux juifs, mais qui, sans être favorable, ne tendait
d'aucune manière à les exiler ou à les proscrire. En 1144, il Hisi. de Fr.
avait banni du royaume les juifs qui, après s'être convertis, '• ^V' P *•
retournaient au judaïsme; il avait ordonné, si on les arrê-
tait, de les punir par des peines aflictives, capitales même.
Cet acte est un véritable acte législatif et non une lettre,
quoique le savant éditeur de la nouvelle Collection des his- Hist. de Fr.
toriens de France l'ait placé parmi les épîtres de Louis-le- ' '"'■ P" *^*'
Jeune. Il est signé par les grands officiers de la couronne,
le sénéchal, le bouteiller, le chambellan, le connétable, le
chancelier.
Les hérésies qui agitèrent la France sous le règne de
Louis VII, devinrent l'objet de plusieurs mesures répres-
sives : mais elles furent prises sur-tout par des conciles.
Celui de Tours, en 1163, avait déjà signalé les progrès de l'er-
reur. Celui de Lombes, diocèse d'Alby, en 1165, les con-
damna de la manière la plus solemnelle (1). En 1167, une
nouvelle condamnation fut portée à Vezelay par un nouveau
concile ; on y brûla vivans ceux qui refusèrent d'abjurer leur
doctrine. Il est difficile de croire que le gouvernement ne
soit intervenu dans ses délibérations et dans leurs terribles
effets, que par une approbation tacite ; mais nous n'avons
pas les actes qui peuvent annoncer la part active que prit
le roi à des événemens d'une si grande influence.
Nous n'avons pas aussi, nous ne la connaissons que par
un historien qui en fait mention, la loi du même prince sur
les courtisannes. Geoffroy-de-Vigeois dit, dans sa chronique
(l) Voir sur ce concile en particulier, le t. XIV des Histor. de France,
p. 430 et saÏTantes.
80 LOL'IS-LE-.IEL'iNK .
\\i siëci.ë. q(,(. Marguerite, c'est Cousianco qu'il faut lire, la seconde
des trois femmes du roi , s étant trouvée placée à 1 église
près d'une femme superbement vtMue, qu'elle prit pour une
dame de la cour, et lui ayant donné ce baiser de paix (ju'on
se transmet, se plaignit davoir été ainsi trompée, quand
elle sut que ce nélail (ju une (;ourlisaiinc. Un édil lut publié
en conséquence pour interdire au\. lomnies publi(}ues l'usage
de (juelques ornemcns désignés, afin quou ne pût plus
confondre avec elles les lionnètes femmes. L'époque de celle
loi n'est pas clairement déterminée, mais lincerlilude ne peut
être grande puisque Constance no devint reine (ju'en 11.34, et
quelle mourut eu 1 KiO.
Nous sommes plus heuriux pour les lois de paix établies
en 1 lo."> dans les comices du ro\aum(î tenus à Soissons. Sans
iiiM (t.- Fi 3voir les dispositions textuelles et précises de ces lois, nous
I. XIV, |>. 3S7 avons les actes de ces comices el nou^ y lisons que des me-
"^ '"'* sures de police publicjue y Itircnl prises contre les .maux
occasionnés par les liaimîs, les discordes, les vols, les brigan-
dages.
Louis VII lient, des trois fenimes qui! épousa, qu un seul
liis, nommé l'iiili|)pf, à qui on a donné le nom d Auguste.
Il le lit sacrer el couronner 1 année qui précéda sa mort,
en 1171). ('.et événement dcvinl I occasion d un édil qui fut
eiiregi>ln- a la l'Iianibtv des comptes, el dont le but était de
deternnner a\*'t iiucj appaieil, dans (juel ordre, avec quelles
formes auraient lieu désorlllai^ le sacre ol le conronnemcnl
des rois. Il était écrit en latin : le texte ne nous est pas resté ;
mais nous lavons en français (pii doil être du XVI' siècle,
(;imI I. I. |i dans le céienniiiial d'' (jodcfioy, et dans le recueil des rois
' «i siiiv. ,1e France, par Dulillel. Rzovius la inséré en latin dans ses
itî-i il siiiv '- Annali's ccclésiasliipu-s ; mais ce n'est quune traduction faite
v ri .icss. p. 22. sur la pièce imprimée dans le recueil dont nous venons de
I M\, |i. ■>:,'.*. p;,||,.,. ji j,.|,il)|(> iiiénii' qu'on y a fait depuis cpielques addi-
tiiiiis; car on y dit que 1 abbé de Saint-Denys doit avoir ap-
porté de son monastère les ornemeus royaux, el ci^pendanl
|i ->;; Dulillel a.ss'.iii' (|iie ces ornemeus étaient gardés dans le palais
Diiiiii |i. -.Y.:;. (.'I le trésor du roi, avant \o. règne de .saint Louis, cl ipic ce
ilisi. (Il- la j„i ^.^, iiionarcpif, ipii les (il ineltie en dcpôt ii Saint l)t;nys,
hv VI, r. 7 ^'" l^''>0. Loi lire el les fonctions des pairs de France sont
i'- ^">7. réglés dans cet acte: el on le nraliiiuail encore à-neu-près
Dulill. p. 262. , , , , , - I I r i i
v ivii dlTis *^" même dans le dernier siècle. Le privilège de sacrer les
<ic clurir. Uibt. rois y fui assuré aux archevêques de Reims : une discus-
F,01I1S-M:-.1EUiNIv 87
sion violenlo sVtait ôli vt'-e sur ce pri\ ili^-i^e au sacre île Louis VI X" siëclk.
qui en cliaiijea DaimbiMt, archovCuiiie de Sens; néanmoins ce ''•■ ••"'• '• -^v.
qui confirme nos olisorvalions sur les additions faites aux '''
lettres-patentes de Louis-le-Jeune, c'est que l'acte, tel que
nous l'avons, parle de douze pairs, et ils n'étaient pas v. lUisi .i.
encore fixés à douze au comnienccmonl du siècle suivant, laiiKnci i ni.
Il 7.'i il siiiv.
en 1202.
la Colonibière attribue à Lnuis-lo-.leuno une ordonnance Tii.r.t. .riimi
sur les joules et tournois, (|u il dit être conservée dans les i" -''*
registres de la cour et qu il date du mois de juillet 1103:
Mais d'abord ces registres ne remonli'nt |)as au-dessus de
lan 1231); comment une ordonnance de I 1(13 pourrait-elle
y être? Il y a plus ; la loi fut rendue, selon lui, à 1 occasion
d'un fameux tournoi donné pat (u-oUroi, coniti' dAt)jou,
père de ce Henri qui lit asseoir la maison de l'ianlagenel
sur le trône dAni^ielerre, et (jui deviul duc d .\(]uilaine par
son maria^iî avec cette Eléonore que Louis Vil répudia,
tournoi dans lequel ce prince, à la télc de la faction an-
glaise, poussa la faction normande à outrance, et mit à mort
plusieurs de ceux qui se battirent [tour elle ; mais en ne
prenant même que l'époque de la mort de Geoiïroi l'Ianta-
genet, elle est de M:")|; comment un tournoi (|u'd aurait
livré pendant sa vie aurait-il été loccasion d un(^ loi qui ne
parut qu'en 1H;3? Du reste, cette ordonnance, telle (|ue la
Colond)ièro la ra|>[)Orle, dit expresscmeul, (|ue les barons
pourront assister dans tout le royaume à ces c(uiibals pri-
vés, « pour les voir seulement et en être les juges; (pie s'ils
voulaient être des soutenans ou des assaillans, ils ne [loui-
raient avoir pour toutes armes que K* lialecrct farmurc de
corps, sorte de cuirasse) , et l'armel (armure de tète, sorte
de casque), l'escu sans pointe, la lance légère et nuunéc
émoussée, ou bien sans fer), et la masse de mesme sans aucun
fer esmoidu (aiguisé) >-
Nous pouvons remarquer, i.'n lerminaiit col article, un
trait qui, sans appartenir à l'histoire personnelle de Louis VU,
appartient à l'histoire de la jurisprudence sous son règne,
et nous instruit des formalités adoptées pour l'administration Nouv. liisi.
de la justice : je veux parler du jugement rendu au parlement ;''" «"«"^s- •■ '.
de Morct, entre le duc de Bouigogni> , hudes II, et Geof- o'Ad.cry. Spi-
froi, ou Godefroi, évoque de Langres. Les deux parties con)- «-ii- i>- r>35 ci
parurent en personne, sans avocats ni procureurs, et plai- '""'
dèrenl leur cause elles-mêmes. L'évêqiie qui était le dcman-
88 LOUIS -LE -JE UNE.
XII SIECLE. (Jeur présenta d'abord ses réclamations et les moyens sur
lesquel il s'appuyait ; le duc répondit, l'évc'que répliqua ; le
duc demanda un délai pour répliquer à son tour, et ce délai
lui fut accordé. A l'expiration du terme, Eudes ne s'étant
pas présenté, on lui en octroya un nouveau, puis un nou-
veau encore. Enfin, le roi qui avait présidé le tribunal, las
de voir que le duc de Bourgogne faisait toujours défaut au
jour marqué, ordonna de le citer à comparaître la dernière
fois, à un jour absolument fixe, sans espérance d'aucun autre
délai. Le duc ne vint pas, mais il envoya un procureur en
son nom ; le procureur plaida ; mais sa défense parut si faible
que l'arrêt adjugea toutes ses fins et conclusions à l'évoque
de Langres. 11 est inutile de rappeler l'objet de la contesta-
tion ; elle roulait sur plusieurs points qu il serait trop long
de déduire. La date du jugement n'est pas sans quelque
incertitude, peut-être parce que l'afl'aire se prolongea , et
qu'il y eut plusieurs décisions rendues. En général, on la
rapporte à H 58 ; mais c'est uniquement l'année oîi l'arrêt
fut confirmé par le pape Adrien IV. Le nouvel historien de
Bourgogne croit qu'on doit plutôt le rapporter à 1153. On
pourrait en reculer encore la date : en effet, suivant le car-
tulaire de Langres d'où la pièce est extraite, le roi y prend
le titre de duc d'Aquitaine ; or, il la perdit en 11o2, par la
dissolution de son mariage avec la reine Eléonore, héritière
de ce duché (1). Il est nécessaire pourtant de remarquer
que, après celte dissolution même, on trouve encore des
chartes où ce titre est pris par Louis VII, du moins jusqu'au
moment oii Henri d'Angleterre eut épousé Eléonore. P.
(1) On a aussi de Louis VII plusieurs décisions rendues par lui commâ
fti-bitre volontaire, désigné et choisi par les parties. On en a inséré une
dans le tonne XI des Ordonnances de nos rois, p. 205 et 206, entre les
habitans de Tournus et les religieux de l'abbaye, sur la taille, la main-
morte, etc.
89
JEAN DE SARISBÉRY,
l'j V Ê Q u E DE Chartres.
Jer
SA VIE.
XII SIECLE.
Ep. 192.
Par Leiand
LK savant dont nous allons écrire l'hisloire n'est guère
connu que par son nom de baptême, joint au nom de sa
patrie. Petit, était celui de sa famille ; lui-même nous l'an-
nonce dans une de ses lettres avec beaucoup d'humilité :
Parvum nomine, dit-il, facuUate minorem, minimum merito.
Il naquit à Sarisbéry, on plutôt Salisbury, ville d'Angleterre,
située à 80 milles environ de Londres, et capitale du Wilts-
hire, comté de la partie méridionale ; et, comme celte province
fut appelée autrefois Severia, du nom de l'empereur Sévère,
conquérant de la Grande Bretagne, Jean-Petit est désigné
aussi quelquefois par Severianus -. lui-même dit, dans son enir'autres, de
Polycralique : Imperator ille à quo genti meae nomen est, ^ '^yg' "^'' '
Severus.
On fixe ordinairement à 1110 l'année de sa naissance ; mais,
en lisant ce qu'il dit souvent de lui-même, on est porté à
croire que celte date est fausse. Dans le Métalogique, par Liv. viii, c. to.
exemple, au commencement du dixième chapitre du second
livre, il nous apprend qu'il était très-jeune encore, adolescens
arfmodùw, quand il vint étudier en France; et cependant, il
détermine l'époque d'une manière précise ; c'était l'année qui
suivit la mort de Henri 1", roi d'Angleterre, qu'il appelle un
lion de justice, leo justitiee -. or Henri mourut en 1135; le
voyage est donc de 1 1 36 ; si Jean de Sarisbéry fût né en 1 1 10,
il aurait eu alors vingt-six ans; il ne se qualifierait pas
ôi' adolescens admodùm.
Le môme chapitre du même ouvrage nous offre sur ses
premières études, quelques détails intéressans à recueillir.
Le premier maître que le jeune étudiant eut à Paris, celui
qu'il paraît être venu y chercher, ce fut Abailard. 11 ne le
nomme pas, mais il le désigne par le litre qu'on lui donnait
Tome XIV. M
8 «
!)0 J liAN l)K SARISHEH V,
Ml siF.ci.r. alors, et par le lien où co savanl cnseii^nail : 1(3 lieu csl \n
nionlai^ne Saiiilc-Gc'ncviùvo ; le tilm, PéripatiHicien palatin,
par allusion à sa (loclrino et à Palais ou Palels, bouii; à quel-
ques lieues de Nantes, oii Abailartl était né, et (|u'on nomme
en latin Palatium. Mais ici se présentent de nouvelles difli-
eullés sur répo(|ue de la naissance de Jean de Sarisbéry.
Peiii Ai.aii. Ce fut veis laii 1118 ou 1111), que le malheureux amant
"'"'"• ''■ '^' (llIéloïs(>, clierclianl ;i se dérober à tous les yeux, depuis
l'outrai^e (ju'il avait reçu, voulut s't'iisevelir dans un cloître, et
filsesvdîux à Saint-Denis. Il paraîtrait s'ensuivre tpic c'était
au moins (>n 1 1 1G ou 1117 (pie Jean de Sarisbéry avait reçu
ses le(;()ns. Mais, si ce dernier na(piit en 1110, il était alors
eiuoie dans I enfance. I-a contradi(;lion semble naître de l'au-
teur lui-UK'ine ; (;ar il associe deux é|)0(pies assez éloignées
lune de l'autre, celle oîi Henri nioiirul, (pii est l'an 113.'),
el celle oii .Vhailard enseiy;nait: iiui ne peut ('Ire au-delà de
111'/.
Ldbjection se pn'senle naturellement ; mais, quoiqu'elle
ait une apparence de i'orce, on peut y répondre avec queUiue
avantage. En ellet, la piolession religieuse d Abailard ne lu!
pas le terme ou linit pour lui la carrièn; de l'enseignement.
.MmïI ..|mi:i. Il était, depuis p(!u de temps, à l'abbaye Saint-Denis, quand
'' ■ " '"" les personnes accoutumées à rccc^voir s(!s leçons députèrent
\ers lui, pour le prier de les leur donner encore. Adam, qui
gouvernail celte abbaye, oii il fut le prcniécesseur de Suger,
\ consentit. Les cours d Abailard recommencèrent ; mais bien-
l(")l il excita contre lui de nouveaux orages, pour avoir voulu
(!X|)li(juer |)liilosoplii(iuemenl le mystère de la trinité Un concile
de Soissons, en 11:21, [obligea de brûler ses livres, et le lit
enfermer dans un monastère. Après beaucoup de vicissitudes,
il reprit plus d'une fois .ses leçons publiques, toujours réclamées
par des disciples nombreux; et peul-èlre, en 113(5, élail-il
levenu dans ce local de la montagne Sainle-lJéneviève, où il
avait d abord enseigne.
Abailard remportait de beaucoup sur tous les professeurs
(|uon pouvait alors entendre, si nous en croyons fauteur
du Mélalogi(|ue, ipii exprime, dans les termes suivans, la
8(1"' ' manière dont il i';coulail son maître: Ibi, ad pedes ejus,
prima arlis hitjtis (la |)liilosopliie) rudimenla accepi, et pro
modido ingenioli mei, quidquid excidebat ab ore ejus, totà
mentis avidilateexcipiebam. Quand Abailard discontinua ses
leçons, Jean de Sarisbéry vint étudier sous Albéric et sons
liVÈQUB DE CM AirrUES 1)1
Roberl de iMclun, qui professaient éyaleiuenl, l'un cl l'autre, '^" sieci.k.
à la montague Sainle-Géncviève. Albéric était un tics plus <'^''> i'~ '■ >>"
estimes parmi les dialecticiens de ce temps-là , et le plus J|'i,i^,',',|, ''"^ *^'"'
ardent antagoniste de la secte des nominaux. Robert de v. lo t. ii <]e<
Melun parla''eait cette opinion, an la mitii<eanl; il devint l^'"*"'''- '''' '-'"
même le cliel dune école de réalistes ou rcaux, qui tua de suiv.
lui son nom de RobeHins . Il y avait aussi les Albéricains,
qui tiraient leur nom du premier. L'auteur du Métalogique Liv. il, c. m.
parle avec beaucoup d'éloges de ces d(nix professeurs ; il fait
connaître leur talent parlicidier, et les points ou chacun des
deux avait de ravanlaf;e sur l'autre. II ne dissimule pas
cependant combien leur enseignement était queUpiefois mi-
nutieux et puéril ; il s'accuse d'y avoir attaché trop d impor-
tance, et sur-tout d'en avoir conçu trop de vanité. Je croyais
savoir quehpie chose, dit-il, parce (jue je savais bien ce qu'on
m'avait appris : videbar mihi sciolus, quia in iis quse audie-
7'am, promplus eram. l'n retour sur lui-mC'me , et quelque
essai de ses forces, l(^ tirèrent de celte illusion.
Jean de Sari.sbcry étudia ensiulc xms duillaumc de v. ii- i. xii
Couches , rcînommé cnmmc grammairien cl comme philo- '''' "' """•';;<■.
soplie, unissant, h' mieux ipiil le pouvait, les idées de
l'ialoii, d'Arislole el d Epiciire. Il le quitta, au bout de trois
ans, pour suivre les leçons de Richard l'évripic : c'était un
homme insliiiil dans toutes les sciences, nous dit son élève, Mii-'''^ ii^-
1 r i-.- 11-. " '■ '". I'
mais ayant peu de lacilite pour sexpnmer , plus dislingue soi. v. aussi i.'
par la .solidité do ses inslriiclutns ipie par l'éclal de son c- 2t 'lu liv. i
es|)rit, ami de la vertu sans ostiMilaliou, uKjiiis occupé de
sa gloire (jue de la vérité. Jean de .Sarisbéry repassa .sous lui
ce qu'il avait déjà étudié sous les aulres, el y apprit des choses
nouvelles, sur ce ipii coiicei ii.iil nulammenl le quadriviiim,
mot par lequel on désignail 1 aiithméiiijiie , I astronomie,
la géométrie, et la musique 1 II étudia, vers k; même
temps, la rhétorique sous deux. prore.-;s('urs célèbres, 'J'Iiéo-
doric ou Thierri, et Pierre llélie. (pii renseignait encore avei'
une plus haute renommée, ('asimir Ouilin nomme aussi Scripi. Ecoi.
,T . , ,, , . , , 1 o . I. H, p. 11'.»!»,
(jaulier tie .Morlagne parmi les maîtres de Jean debarisbery.
La fortune du jtnine disciples ne répondait pas à son désir M,taio;. liv.
de s'instruire; il n'avait autour de lui ni païens, ni proli;c- ''
leurs; il se trouva donc obligé d ; devenir répétiteur, |)0ur
subsister. Celle obligation ne lui rendit que plus nécessaires
(1) Sur le Irivium. Voir ci-après, p. 115.
M2
.XII SIECLE.
92 JEAN DE SAKISBÉRY,
l'alleation et la méditation sur ce qu'il apprenait lui-même.
Il fixa aussi , par celle ardeur que la pauvreté ne faisait
qu'accroître, la bienveillance d'Adam du Petit-Pont, encore
un des professeurs les plus recommandables de ce temps-là,
dont nous parlerons dans la suite de ce volume. Adam prit
Jean de Sarisbéry en affection, et lui communiqua tout ce
qu'il savait avec beaucoup d'empressement , quoiqu'on l'eût
toujours accusé d'être fort avare de son savoir, et fort jaloux
de celui des autres; if est vrai que ce ne fut pas dans des
leçons publiques, mais dans des entretiens particuliers, qu'il lui
fit ces communications.
Adam du Petit - Pont s'attachait sur - tout à la doctrine
d'Aristote. Une autre école de pliilosophie venait de s'ouvrir,
dont le chef rejetait au contraire tout ce qu'on avait dit avant
p 70. lui. Ce chef était Guillaume de Soissons. Ses partisans
publiaient, dit l'auteur du discours préliminaire du neu-
vième tome de cette histoire, » qu'il avait inventé une espèce
de machine pour détruire ce (jue la logique avait de caduc,
et en établir une autre à laquelle on n'aurait pas pensé,
quoique l'inventeur y dût faire entrer les sentimens des
anciens. » Ad expugnandam, ut aiunt sui, logicœ vetusta-
tem , et consequentias inopinabiles construendas , et antiquo-
rum sententias diruendas, inachinam posttnodum fecit, avait
dit l'auteur du Métalogique, dans le dixième chapitre du
second livre. Guillaume de Soissons eut ces momens éphé-
mères de vogue et de célébrité, qu'obtiennent trop souvent
les hommes qui affectent de mépriser ce qu'ils sont mal en
état de comprendre, et dont la confiance audacieuse flatte la
curiosité du vulgaire en lui promettant des idées nouvelles,
et la haine des envieux en leur promettant de détruire des
réputations anciennes et respectées. Jean de Sarisbéry voulut
connaître par lui-même ce qu'il fallait penser de Guillaume
de Soissons; mais il ne larda pas à s'apercevoir que ces
découvertes promises n'existaient que dans l'imagination ou
la vanité de celui qui les annonçait avec tant de sécurité. 11
quitta ce nouveau maître, et, immédiatement après, il ouvrit
une école lui-même : il nous annonce que les conseils de ses
amis, le vœu de ses compagnons d'étude, et le besoin qui le
Mciai iiv. II, pressait , l'y déterminèrent également. Cependant , même
10, p wi!). jjgpyig qu'il ge fui livré à renseignement , il suivit encore,
comme disciple, quelques cours de théologie sous le docteur
Gilbert, vraisemblablement Gilbert de la Porrée, et, ce qui
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 93
nous le fait croire, c'est que Jean de Sarisbéry se plaint xii siècle.
d'avoir été bientôt privé de ses leçons : Gilbert de la Porrée
quitta Paris en effet, vers 1142, pour aller exercer la fonc- "'«'• Lin^r.
tion de scholastique de l'église Saint-Hilaire de Poiliers, dont '' ^"' ''■ ^^'
il fut nommé évêque l'année suivante. Robert Pullus (1)
ayant succédé à ce professeur, Jean de Sarisbéry ne dédaigna
pas de rester parmi ses disciples, et il le Bl d'autant plus
volontiers, que Robert joignait à la qualité de son compa-
triote une grande réputation de science et de vertu (2).
Celui-ci ayant repassé en Angleterre, pour y rétablir l'uni- j,„3|„g ,;,
versité d'Oxford, entièrement dégénérée, il fut remplacé par ii, c. x, p. 805.
Simon de Poissy ; Jean de Sarisbéry le préféra par le motif
que si d'autres professeurs le surpassaient en talent, aucun
d'eux ne l'égalait pour la pureté de la doctrine. Il dit, dans son
Métalogique, que ce sont là les seuls maîtres qu'il ait eus, pour
la théologie; il semble dire, néanmoins, qu'il l'avait encore
étudiée sous Eudes Shirton, dans une épître adressée à cet ^^ ^"^'
anglais, qui devint religieux de l'ordre de Cîteaux.
Les derniers professeurs dont nous venons de parler en-
seignaient apparemment dans l'intérieur de Paris, puisque
l'auteur nous apprend qu'après avoir ainsi suivi leurs cours
pendant plusieurs années, il voulut retourner aux écoles de
la montagne Sainte-Geneviève, pour juger des progrès que
ses premiers compagnons d'étude avaient fait dans la dialec-
tique, pour juger des siens à lui-môme, en les comparant
avec ceux des autres. Je les trouvai, dit-il, oîi je les avais
laissés, et comme je les y avais laissés, qui fuerant et ubi ; et
il en conclut que si la dialectique est utile à toutes les sciences,
quand elle les alimente et les dirige, n'étant livrée qu'à elle-
même, elle est sans force et sans fécondité ; elle ne produit
que quand elle conçoit par les autres.
Cependant, l'indigence le poursuivait toujours. Il alla •'■ «Je Celles,
chercher un asyle contre elle à l'abbaye de Moûtier-la-Celle f*!; * *',^'' 'j'
,,,.,,,"' ' vil. — Jean de
dans le diocèse de Iroies. On ly reçut en qualité de clerc sarisb. cp. 85.
ou de chapelain de l'abbé. Heureusement, le chef de ce mo- — oudin, Scr.
naslère se trouva digne d'apprécier un tel homme. C'était f""!"' isoi'.""
Pierre de Celles, depuis évoque de Chartres, et dont quel-
(1) Il devint ensuite cardinal.
(2) Voir les éloges qu'on lui donne dans la Collection des dix écrivains
d'Angleterre, p. 275. On a de lui sept livres de sentences imprimés à Paris, en
1655, in-fol.
It.in»id.
U4 JE AJN D E SAKISBÉ RY,
XII suxLE. (jueg écrits nous ont été conservés. Les mêmes goûts, les
mêmes travaux, la conformité d'âge, un savoir égal, éta-
blirent bientôt entre eux une assez étroite amitié. Au bout
de trois années (versllol ), Jean, sentant le désir de revoir
sa patrie, Pierre de Celles lui donna des lettres de recom-
mandation pour Thibaut, arclievèciue de Cantorbéry. Saint
i:|,. mil <ic s. Bernard, dont il s'éluil fait connaître aussi, le recommanda
également à ce prélat. Ces lettres produisirent l'elfet quon
en devait attendre. Thibaut sattacha, comme secrétaire,
.lean de Sarisbéry ; celui-ci acquit aisément sa confiance toute
entière : il eut naème occasion, pour les affaires dont il était
chargé, de voir plusieurs fois Thomas Becket, alors chance-
lier dWnglcterre. Thomas crut (pion pouvait employer plus
utilement pour l elal des connaissances aussi élenduc'S ; il le
présenta au roi, qui lui coiiûa plusieurs missions importantes,
l.iv. III, p s.")S. .lean de Sarisbéry nous apprend, dans &on Mélalogique, écrit
vers 1160, qu il avait déjà passé dix fois les Alpes, qu'il était
allé deux fois dans la l'ouille, qu'il avait traité |)lusieurs
affaires à Home pour ses maîtres et [lour ses amis, qu'il avait
fait souvent, pour difft'-renteîs causes, le tour de l'.Vnglelerre
et même de la Franc(>. Ce lut dans un de ces voyages qu'il
apporta de Home, à Henri U, une bulle (|ui |)ermeltail à ce
inonanpie de s'emparer de llrlande, et ordonnait aux Irlan-
dais de se conformer, pour la discipline ecclésiastique, aux
usages et aux indMirs de, Ici^iisc! dWiinlelerre. .\drien IV
l'avait chargé de ri'iui'ttrc au princi' un anneau dor, orné
d'une belle énicraudc. eu sii^tic de liinestilure qu'il lui don-
V. IM iiiy. liait d après le droit (|U(! les païu'S nrèlendaienl avoir , <!l
llisl l-'rclrs l III
xni I, 'ido ■ M'"^' '""'* .-îouveraiii:^ paraissaient rcconriaîlre, de tlisposer de
I. .\v, p. Tid l()ul(!s les îles oii la foi chiéliiMuu! .s'était inlroduile.
Ses voyages en ilalic cnnnuenccrenl sous le pontifical
d'Eugène 111, et foutiuucrent sous celui d'Anastase IV, et
sou^ cilui d'Adrien IV. .Vdncn était anglais comme lui ; et,
v ci ;i|iiùs <''ôniiue lui, il avait long-lemps vécu dans les angoisses du
. loi besoin, aNant de surmonter les obstacles que lui opposaient
la naissance et la fortun(;. Il distingua .lean de Sarisbéry, el
l'admit dans sa plus iiiliiue familiarité ; celui-ci ne s'en montra
pas indigne. Il profita moins de celle faveur pour lai (|ue
pour l'église d'Angleterre, pour la paix du loyauiue, pour la
gloire mèine du pa[)e, (|ui lavait fait son ami ; nous en offri-
rons d'honorables témoignages en rendant compte de ses
écrits.
Mrl
IV, <
Inlog. Iir.
S|.cl.n
il',\ii^l.
Corn il.
1. Il,
KVÉOUK DE CHARTRES 9:1
Thomas Becket étant devenu, en 1102, archevêque de xii sieclk.
(-antorbéry, Jean continua de remplir auprès de lui les fonc-
lions qu'il avait exercées sous Thibaut (1). Il partagea les
sentimens 'd'opposition que le nouvel archevêque montra,
avec tant d'ardeur et de constance, envers les projets que
Henri H avait conçus pour ranimer les mœurs du clergé,
rétablir l'ordre des jugcinens , soumettre les ecclésiastiques
aux tribunaux civils, allranchir ses sujets et lui-même de
l'exercice d'une puissance (ju'il accusait de troubler l'état.
Jean de Sarisbéry s'applaudit même souvent, dans ses lettres, J " ^'";"^*'
d'une résistance qui lui paraît un devoir, comme si la déso- ci dans*ic 'rcc".
IxMSsancc aux lois pouvait jamais être prescrite |iar le légis- •''• '■'''• '■' Cam.
laleur suprême, connue si i esprit de faction n'était pas !,','' "' ''''^' *"'
nécessairement un esprit de désordre et tlimpiélé. Kn parta-
geant l'opposition fanali(pie de Thomas Recket, (pioi(ju'avcc
plus de réserve et (h; modérali(ui, Jean de Sarisliéry devait
s'attendre à partager le mécontentement du prince, qui
voyait en lui, dit Pierre de Rlois, l'œil et le bras de l'arche- e,.. 21.
vê(jue. Thomas se voyant abandonné successivement par les
prélats d'Angleterre, voulut d'abord expliquer et modifier
sa résistance; mais, pres(|ue aussilê)!, il se repentit d'avoir
fait quehpies pas vers l'obéi.ssance et la paix. Cependant,
comme Henri II ne se montrait pas moins inflexible, larche- Ki'- ■i'- Timn..
vêque cpiilta secrètement Cantorbéry, et vint se réfugier à ^^ ^|"'- '"• ''
la cour de [,ouis-le-Jeune ; Jean de Sarisbéry l'y avait pré- '^''
cédé d'une année. Prive de tout ce qu'il possédait en Angle-
terre, car ses biens furent saisis, il retomba dans la pauvreté;
nous l'apprenons par .«jes lettres. Elles nous apprennent aussi ;,„, ^ .,
que Paris avait été sou premier asyle, (ju'il alla ensuite à 182, 18,>. -' p".
Reims, et qu'il fit de là plusieurs voyages à Rome, pour la ''*' '"""• '"■ '^''
défense de la cause qui avait occasionné sa disgrâce. Il était II',;.,, ,',. lai "".'t
venu à Saint-(jiii(<s, en Languedoc, vers la mi-carême de '""•
1 année IKiS; lui-même le dit dans une de ses lettres ; mais
il est trop difficile de croire que ce fut pour traiter de la ''''"' ^^''
paix entre le roi d'Angleterre et Raiinoiul V. comte de Tou-
louse : comment serait-il devenu le miiuslre et l'organe d'un
prince qui a\uit confisqué ses biens, et le tenait banni de son ^ Vaissutc,
rovaume? "';',: •'« l="'k
I. III, p. 21.
L'orage que la conduite de Thomas Becket avait fait
(1) Tliibaut l'avoit nommi'', en iiiomanf, un do .-e.'* eNéciifeui's te.stamenfaircH.
A agita sacra, préf. du t. Il, p. \i.
96 JEAN DE SARISBERY,
XII siËCLE. naître, ayant paru calmé en 1170, et les adversaires récon-
ciliés, Jean de Sarisbéry revint en Angleterre avec l'arche-
vêque de Canlorbéry. Mais les troubles y revinrent avec eux,
et on sait par quel crime ils se terminèrent. Jean de Saris-
Vie de Thom. ^^ faillit à être la victime des assassins, s'il est vrai toutefois
de Canl. p. 131 J . , , , , ,
Pi ^52. quon eut le projet de le frapper également; un clerc quon
prit pour lui, reçut, dit-on, un coup grave dont il tempéra
l'effet, néanmoins, en soulevant son bras pour garantir sa
tête.
Quand le siège vacant par la mort de Thomas Becket eut
Angi. i>acia, g^gjj ^j^ rempli, Jean de Sarisbéry resta encore attaché à son
l. Il, p. XI de la ' ' -J
préface. successeur Richard, auparavant prieur de Saiut-Marlin de Dou-
vres. Nous verrons même dans la suite, en analysant les lettres
de l'auteur, qu'il en écrivit plusieurs en faveur de Richard,
dont le fils du roi, couronné roi lui-même, n'avait pas approuvé
la nomination. Le nouvel archevêque ne fut définitivement
reconnu qu'en 1174. Deux ans après, en 1176, Jean de Saris-
béry fut appelé lui-même à l'épiscopat; c'est dans une ville
p. de Celles, de France qu'on le choisit, à Chartres Guillaume-aux-Blan-
ep. 8, iiv. vil. ches-Mains, quatrième fils de Thibaut, comte de Champagne,
— Bibl. Charir. '. . ., i . • i i .
de Liron, p. 70. et frère dAlix, troisième icmme de Louis-le-Jeune, unis-
— oudin, i. Il, sait alors l'évêché de Chartres à l'archevêché de Sens ; il
— 'g*'m ^'crifi 1"'^^^ '^ premier, et ne contribua pas peu à faire élire, pour
t VIII. p 1H6, l'y remplacer, Jean de Sarisbéry, qui joignait à son propre
— "'S'- de Kr. niérite, aux yeux de Guillaume, l'avantage d'avoir été l'ami
ei 1<J9 ^ ^ ^® Thomas Becket, et le compagnon fidèle de ses malheurs.
Louis-le-Jeune s'empressa de le féliciter par une lettre qui
p. 162 et 163. ^ été imprimée au tome XVI de la nouvelle Collection des
historiens de France, lettre à laquelle on a joint celle que
lui adressa pareillement le chapitre de Chartres, à cette occa-
sion. Le nouveau prélat fut sacré, au mois d'août U76, dans
la cathédrale de Sens, par Maurice, évêque de Paris. 11 par-
tageait tellement la vénération de Guillaume de Champagne,
son prédécesseur, pour l'ancien archevêque de Cautorbéry,
il croyait tellement devoir son élévation à l'amitié de cet
archevêque pour lui, que l'on trouve à la tête de plusieurs
„ . „ . ., actes de son épiscopat : « Jean, évêque de Chartres, par la
V. le S|]lCll. 1 r.- I - ■ • ml r^
de dAth. I. X, gracc de Dieu et les mentes de saint Thomas » ; Divina
p- i^**'- dignatione et merilis S, Thomœ, carnotensis ecclesix minister
humilis.
Jean de Sarisbéry gouverna, pendant quatre ans, le dio-
cèse de Chartres, et mourut dans celte ville, au mois d'oc-
ÈVÉQUE DE CHARTRES. 97
lobre, 1180. La date nous paraît certaine, quoique d'autres X" siècle.
écrivains aient voulu la fixer à l'année suivante ; quelques- " '
uns même, parmi lesquels on compte Casimir Oudin, et le ^'^ ^" ^fci.;
père Labbe, dom Ceillier, dans son Histoire générale des ml' le 'i [
auteurs sacrés et ecclésiastiques, et Dubois, dans son His- '' p'<"J6 '
toire de l'église de Paris, à 1182. Le nécrologe de l'église de ^^ '_^J"''
Chartres, celui de l'abbaye de Josaphat, monastère voisin Tii, p. isi
de celle ville, et plusieurs auteurs contemporains fixent l'époque *^''" ^'"•'''
de sa mort au huitième des calendes de novembre, 25 octobre, '' ^"'' ''' "^'''
1 1 80.
Il eut pour successeur ce Pierre de Celles dont nous avons
parlé, qui l'avait reçu trente ans auparavant, dans son ab-
baye, l'avait distingué, aimé, protégé, et lui avait ouvert, par
cet appui même, la carrière où il se montra toujours avec
succès.
La manière, cependant, dont Jean de Sarisbéry gouverna
le diocèse de Chartres, n'obtint pas toujours un assentiment
universel. Nous en avons la preuve dans une lettre que lui
adressait le même Pierre de Celles, alors abbé de Saint-Rémi
de Reims. «On vous reproche, lui disait-il, de manquer de ,.
gravité dans votre conduite, de circonspection dans vos 21 ^"' *p-
discours, de stabilité dans vos jugemens, d'exactitude dans
vos promesses, de reconnaissance envers vos amis d'être
prompt à vous irriter, de vous laisser mener entièrement par
les conseils et la volonté dun homme dépourvu de prudence
et plein d'avidité. Que répondez-vous? Si tout cela est véri-
table, vous êtes bien changé .. . Pierre de Celles, comme on
voit, hésitait beaucoup à le croire; et il est bien sur qu'en
général les éloges accordés à Jean de Sarisbéry l'emportent
infiniment sur les censures ; ils sont presque unanimes parmi les
auteurs contemporains.
Ce zèle pour les prérogatives du clergé et pour la discipline
ecclésiastique, dont Thomas Beckel avait donné de si vifs
témoignages pendant qu'il était archevêque de Cantorbérv
ne cessa d'animer également l'évêque de Chartres Nous en
pourrions citer plusieurs exemples. Son respect pour ce
qui existait l'éloignait de tout ce qu'on aurait voulu v sub-
stituer. Peut-être ne monlra-t-il jamais plus fortement ses
principes à cet égard qu'au concile de Latran en H 79 Des
projets de décrets étaient soumis à la délibération de l'as-
semblée : « A Dieu ne plaise, dit Jean de Sarisbéry, que
nous abrogions ou que nous changions les décrets faits par
N
98 JKAN DE SARISHÉRV.
XII siF.CLE nos pères; honorons el conservons ce quils établirent; ne
présentons pas sans cesse aux chrétiens des conslitiitions
nouvelles». Son avis l'emporta. Je lire ce passage d'un livre
verbum ab- connu de Pierre le Chantre. Pendant la courte durée de son
bicuat. c. 79, épiscopat, Jean de Sarisbéry reçut plusieurs délégations du
^ ^^^' ^, . Saint-Siéee, qu'il remplit toutes avec succès. Ses bienfaits
Gall. Christ. . .. , • i ■ . i -
t. VIII, p. il«i. envers l'église, dont il était devenu le pasteur, sont rappelés
avec détail et reconnaissance dans le nécrologe de Chartres:
Gall. cimsi. ^.Q ne gont pas seulement des dons de vases, d'ornemens, de
p. iu8eili4!i. ,.(,|ifn,gg . on y tiouvc le droit d'atTranchir sans obstacles et
— Ilist. (le rr. 1 ' - i i ■ i l •
t. XIV, p. iSii. à son gré tous les serfs de son église, et le droit de substi-
tuer la preuve par témoins à celle quon lirait alors du duel,
de leau, d'un fer brûlant. Il légua pareillement à l'église de
Chartres beaucoup de manuscrits, el sa bibliothèque toute
entière.
I'. (le CcU.s, jçgjj ^^Q Sarisbéry eut un fièrc nommé Hiiliard, qui par
— V.' nayris. tagca, commc lui, le sort de Thomas Hecket, quand ce prélat
V ". *!"• l'ut obligé de quitter 1 Angleterre. Richard fut aussi dépouillé
de ses biens, par un acte de l'autorité royale, il se Gt cha-
noine régulier, à la mort do l'archevêque de Cantorbéry.
Trois lettres de Jean de Sarisbéry lui sont adressées; la 141',
Ep. 71». - V. la \",",c Qi la 170e n y en a une autre de Pierre lie Rlois, qui
?r!ll ^^''Vi'mi '■ nous apprend combien le sang avait peu d'inibiencc sur les
VIII, p. llt'J. rr Cl I 1 . -n 1
choix de ce prélat ; il aimait mieux nommer aux benelices des
étrangers, que ses neveux, quoique honnêtes el pauvres.
§11
SES ÉCRITS LMP RI M ES.
La vie de Jean de Sarisbéry, comme nous lavons vu, fut
quelquefois occupée par des négociations politiques, el ha-
bituellement livrée aux devoirs que lui imposaii la confiance
des prélats auxquels il était attaché II n'en cultiva pas moins
la philosophie morale et plusieurs genres de littérature. Tout
ce qui nous reste de col écrivain mérite encore d'être lu au-
jourd'hui.
Le Policratique est le plus considérable de ses ouvrages. Il
est aussi intitulé : De nugis curialium el restigiis philosophoruin ,
des amusemens des courtisans el dos vestiges des phi-
losophes, il entend par ces derniers mois, ce qu'on pour-
rail suivre, imiter, adopter, dans leur conduite, ou dans
EVÉQUE DE CHARTRES. 99
leur doctrine; l'auteur l'a divisé en huit livres, il y discute X" sikclk
plusieurs importantes questions de morale et de politique
Une épître en vers le précède ; elle est adressée au livre même.
F"aisons-en' connaître (juclques passages.
Jean de Sarisbéry ne dissimule pas à son ouvrage tous les
risques qu'il va courir, toutes les censures (jui lattendent, des
accusations même; car on ne manquera pas de le présenter
comme coupable d'un attentat de lèse-majesté, pour avoir attaqué
les vices des cours. 11 lui conseille donc ou de rester paisible
dans le cabinet de son auteur, ou de se montrer avec une cir-
conspection et une humilité nécessaires; mais si tu dois éviter,
ajouie-t-il, les sols et les médians, présente-loi avec confiance
aux amis de la vérité; et cette phrase est sa transition vers
l'éloge du chancelier d'Aneleterre :
Jure pa/runal lis illitm culc, qui velif esKc,
Et .icial, et j)OssU, tiiliir vbujuc luus.
Ergo quara/nr hu eleri, ijloriu geulh
Anijhjrv.m, rcgis flextera . forma boni.
Qutijx/iiiii regni tibi cancellariuti angli
Prinms .soflicitâ mente pctcndm crif !
Hic ext qui regni Icges cancellal iiiiqnas,
El mandata pii principii œ'inafacit
Si qui// obest piipufo vet moribns est inimiciim.,
QiiidijHvt ifl est, per enm desiml csxc noceus
Piibl'Cii pririids qui prafcrt ccmimoda semper;
Quoilqve dat in plural, <}iicit in arc suo.
Qi((> I <!at hdbet ; qiiod hdbcl ilignix dunat ; rice rersd
Spargit ; xedxparsee miiltipliciintur opes.
Uique virum virlus animi, sic griitiafornue,
Undiqite mirandiim gentib/ts exue facit.
Tardas ad hune Samins- s/ rcrtet ucnminv menlis,
Indoctnsque Pla/o, Varrajne stultuserit,
Curio si cerf et verbis, vincrlur alj ipso ;
Victiis.n certet, Qitintilianus cril.
lliiJKS nosse domum non est rcs ardna ; cuivis,
Non duce quasil'i, scmila trila patel ^
Nota domi/s cimclis, ritio non cognita soli
l.ncct, abhdclucem dires, egenus, habent.
lUapatct m.iseris, patct et domm illa beatis ;
Hic paire lœlalwr adcena quisqne suo.
N2
100 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SrECLE.
Jura coin, pacem statuit, fundatque qulefem,
Et tumidos kostes mente manuque domat .
Sed seujura vocent, seu fidminet émis in hostes,
Nonnisi lancta gerit, non nid sancici jtrobai.
Je m'arrête. Ce panégyrique est loin d'être fini ; il remplit une
assez grande partie d'une assez longue épîlre; et quoique l'auteur
l'adresse à son livre, c'est à Thomas Becket qu'elle semble véri-
tablement dédiée ; c'est pour le louer qu'elle est faite. Jean de
Sarisbéry donne ensuite quelques vers au sujet qu'il doit traiter.
Ces vains amusemens, ces bagatelles, ces niaiseries, qu'il va
peindre à la cour, n'habitent pas là seulement, il les trouve
également par-tout :
Ecclesidnuga, régnant, el principis aidd •
In claustro régnant, pontificisque domo
In nngis clerus, in nngis mtUtis nsus ;
In niigisjuvenes, (otaque tiirba senum.
Rusticus in nugis, in nvgi.t sexus nlerque ;
Servus et ingenuus, divcs, egenus, in his.
Ce premier livre a treize chapitres. L'auteur examine, en
commençant, les dangers d'un rang élevé, l'ivresse qui le suit,
les fausses douceurs qui l'entraînent, les obstacles qui en écartent
la vérité, les effets empoisonneurs de cette prospérité qu'il
appelle marâtre de la vertu. L'ignorance de soi-même, un vain
orgueil, les connaissances les plus frivoles, de honteuses vo-
luptés : ce n'est plus un homme; l'homme est descendu au rang
«les animaux.
Quels doivent être les véritables objets de nos travaux?
l'iels sont les devoirs que nous imposent la nature, la raison,
1.1 justice, notre qualité de membre d'une association poli-
"ique? Jean de Sarisbéry annonce toutes ces questions plutôt •
■piil ne les traite dans les deux chapitres suivans. 11 s'arrête
plus long-temps à l'examen des plaisirs qu'on substitue dans
l(!s cours, à l'étude de ces devoirs et à leur exécution. Et
d'abord la chasse. L'auteur met à contribution l'histoire de
plusieurs peuples de l'antiquité, les fables des païens, el les
récits des livres sacrés, les opinions des pères et celles des phi-
losophes. 11 veut prouver que l'usage immodéré de la chasse
porte lame à la férocité ; il attaque ouvertement le droit
ÉVÊQUE DE CHARTRES. 101
exclusif de s'y livrer. Ces bêtes sauvages qui naturellement doi- xit siècle.
vent appartenir au premier qui s'en saisit, des hommes témé-
raires n'ont pas craint, dit-il, de revendiquer sur elles, en quel-
que lieu qu'elles se rencontrent, les droits qu'ils auraient si
elles étaient enfermées dans une enceinte close par eux ; et ce
qu'il y a de plus étonnant, tendre des lacets aux oiseaux, les
attirer par un moyen quelconque, devient souvent un crime
par l'effet d'une loi, et on vous en punit par la confiscation
de vos biens, par la mutilation des membres, par la mort
même. Nous avions ouï dire que les oiseaux, que les pois-
sons, étaient une propriété commune aux hommes ; non, ils
n'appartiennent qu'au fisc ; ils sont par-tout à lui ! craignez
de le troubler dans l'exercice de ce privilège. Pour laisser
toute liberté d'errer aux animaux, le laboureur ne peut ap-
procher de sa terre ensemencée : on le dépouille d'une partie
de son champ, propre à être mise en valeur, pour que ces
animaux puissent paître dans un terrain plus étendu. Tout
est pour eux, et les pâturages manquent aux troupeaux do-
mestiques, et on ferme aux abeilles même l'accès des lieux
où sont les fleurs.
Le jeu, la musique, les histrions, les mimes, les jon-
gleurs , toutes les espèces d'enchanteurs ou de magiciens ,
tous les faiseurs de tours ou de prodiges, toutes les sortes de
divinations, d'augures et de présages, font l'objet des autres
chapitres du premier livre. Le second roule encore sur
les augures, les présages, les signes physiques, astrono-
miques, les menaces faites ou les avertissemens donnés par
des phénomènes de la nature , sur les songes, l'astrologie
judiciaire, les mathématiques, les aruspices, la chiromancie,
l'évocation des morts, les miracles, les bornes du possible,
le libre arbitre des hommes, la prescience et l'immutabilité
de Dieu. Dans le quatrième, le cinquième, le sixième, et le
septième chapitres, le livre en a vingt-neuf, il entre dans
beaucoup de détails sur le siège de Jérusalem, sur les signes
funestes qui annoncèrent celte calamité, sur tous les maux
qu'eurent à souffrir ses habilans, sur les horribles actions que
la faim fit commettre. Dans le neuvième, il rapporte le fa-
meux passage de Josephe, touchant Jésus-Christ, et ne doute
pas de son authenticité. Il ne doute pas davantage dans le
dixième du miracle de Vespasien, en faveur de l'aveugle et
du boiteux qui lui furent présentés pendant qu'il était assis
sur son tribunal. Dans le vingt-sixième, oh il affirme que h
102 JEAN DE S AKISBEKY,
XII SIECLE, volonté de Dieu est la cause universelle et priinilive des
actions et des choses, nous lisons ces paroles remarquables :
« Si je ne puis arranger le procès »jui existe entre la provi-
dence et le libre arbitre, si je ne puis concilier la certitude des
cvénemens avec la facilité naturelle d'agir, tout cela n'en est
pas moins certain. Dans la jurisprudence civile, celui qui se
défend est souvent le plus favoiablo ; dans les matières philo-
sophiques, c'est presque toujours celui (pii attaque. La cause
en est sans doute dans la faiblesse de nos lumières. Notre
intelligence aperçoit si mal les premiers principes des choses !
et je mets de ce nombre ce qui concerne la Providence, et
plusieurs articles de notre foi. »
Quinze chapitres forment le troisième livre. Lauteur v
recherche d'abord ce qui constitue l'homme, celte ame qui
est le principe de la vie du corps, comme elle-même a Dieu
pour principe de sa vie. 11 recherche ensuite les avantages de
létudc de nous-mêmes, les connaissances qu'elle exige et
quelle produit. H voit la source de tous les maux dans un
orgueil insensé, cl dans la concupiscence, peste ou lèpre
dont tous les hommes sont infectés. H est un mal néanmoins
plus redoutable encore : la flatterie. L'auteur en développe
les ruses, les manèges, la fausseté, les dillérentes espèces,
le danger de toutes; il ne la croit permise (ju envers les
tyrans ; on ne peut selon lui en faire usage qu'envers ceux
qu'on peut tuer , et on peut tuer les tyrans puisqu ils sont
des ennemis publics : Ei dunlaaml licet adulari quem licet
occidere, et tyrannus publicus hoslis est. Ces mots sont le
titre du quinzième chapitre du troisième livre. Il les répète
dans ce ciiapitre mêmt!, et y joint de nouvelles imprécations
contre les tyrans. Leur donner la mort, n'est pas seulement
une action permise ; elle est éijuilable et juste. Qui prend le
glaive mérite de périr par le glaive. La justice doit s'armer
contre celui (jui desarme le> loi.s : de tous les crimes de lèse-
majesté, il n'en est pas de plu» gravi;, puisqu'elles doivent
ranger les princes même sous leur empire.
Ce nest pas le seul endroit de louvragc oîi JeandeSaris-
béry prêche la doctrine du tyraiinicide. Beaucoup d'autres res-
pirent encore c(.'s |)riiuipes daiiifcreux. 11 présente mêuK; alors
à découvert les motifs (pi il ne lai.<;se apercevoir ici cpie par
cette phrase va.i^ue : « (^elui (|ui a reçu de Dieu .sa puissance,
l'c-verce légiliinement ; on n est (prusiirpatciir, si on n a pas
reçu de lui le pouvoir d en user. » Il y met au nombre des
KVKQUK DE CHARTRES. 103
tyrans, loul roi que, \p. pape a déposé. On conçoit, en lisant ^" ^1^'ii^
une maxime aussi factieuse, on conçoit l'élroitc amitié qui
unissait Thomas Becket et Jean de Sarisbéry.
Tout le (piatrii-me livre est rempli do ces blasphèmes. De
qui le prince reçoit-il le glaive, se demande l'auteur? De
l'église ! répond-il ; et il ajoute : celte portion de l'autorité
souveraine, qu'il serait indigne du sacerdoce d'exercer, le
sacerdoce la confie au prince comme son ministre. Gladium
de manu ecclesix accipil princeps. . . sacerdolii minisler est,
et sacrorum officiorum illam parlent e.rercet quœ sacerdolii
manihus videlnr indigna. Le titre du chapitre est : Quod
princeps minisler csl saccrilolum, et minor eis. Il va chercher
des preuves de celH^ subordination des monarques, pour le
temporel même, à la décision et à la volonté du sacerdoce,
dans la conduite tenue par Constantin au concile de Nicée,
où cet empereur n'o.sa, dit-il, prendre la première place, ni
môme s'asseoir avec les prêtres, et avoua quM n'avait sur eux
aucune juridiction, (pie Dieu seul pouvait les juger; dans la
suspension prononcée conin; Théodosc , de ses fonctions
royales, et dans la pénitence (pii lui fut imposée par un prêtn;
de Milan ; dans la déposition de SaiU par Samuel, et le choix
d'un autre prince ; dans la cérémonie ordinaire du sacre des
rois. Du [louvoir qu'il attribue à l'église de donner des cou-
ronnes, il en déduit le pouvoir de les ôter : Ejus est nolle,
cujus est velle; ejus est au ferre qui de jure conferre polesl.
Il donne d'ailleurs aux princes d'exccllens conseils; il leur
recommande d être l((s sujets de la loi, quoiqu'ils puissent
s'en afFranchir; d'ètn^ les amis constans de la justice, en se
.souvenant (jue leur justice doit toujours être celle de Dieu ;
de fuir la d.hauche et lavarice, d'aimer les lettres, et de
rechercher le.s lumières de ceux qui les cultivent ; de lire sans
cesse les livres divins ; d'avoir une humilité qui n'aille pas
jusqu'à la faiblesse et l'abandon de son pouvoir ; de n'être pas
clément au préjudicMî de l'état ; de craindre Dieu ; cl de se
.souvenir toujours que l'arrogance et l'injustice des rois .sont
les causes néci^ssaires de la chute des empires
Il continue à traiter, dans le cinquième livre, de la di-
gnité royale, des obligations qu'elle impose, des vertus qu'elle
exige, des biens et des maux que produit l'exemple des sou-
verains, auxquels il olTre Trajan pour modèle ; et encore,
du respect (pi'ils doivent au sacerdoce, des privilèges des
églises, de la nécessité de ne pas confondre les prêtres avec
104 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, les sujets qui n'ont pas le même caractère. Après s'être élevé,
non sans force, contre la vénalité des cours et les perfides
conseillers des rois, il passe aux devoirs des personnes que
le prince appelle à concourir sous son autorité à l'adminis-
tration publique, et à l'ordre judiciaire en particulier ; volonté
du bien, pouvoir de le faire, respect absolu pour la loi,
incorruptibilité sans bornes ; liberté entière daus la défense,
point de questions captieuses, nécessité des preuves, peine
des faux accusateurs, sagesse et activité dans le jugement.
Des préceptes pour les guerriers , sur ce qu'ils doivent
savoir, sur ce qu'ils doivent faire, sur ce qu'ils doivent éviter,
sur leurs privilèges, sur la formation et la discipline des
corps militaires, sur l'obéissance passive à laquelle il met
c. I - 19. pour borne la crainte de déplaire à Dieu , occupent une
grande partie du sixième livre. Il les appelle les mains de la
république, comme il avait appelé les juges ses oreilles et ses
yeux. Les pieds sont, dit-il , ceux qui exercent les plus
humbles travaux, et dont le corps est sans cesse vers la
c. 20 cl 21. terre ; les laboureurs d'abord, et ensuite un grand nombre
d'ouvriers. Il dit comment on doit se conduire envers eux, et
cite comme renfermant les plus belles règles que l'on puisse
établir à cet égard, le beau passage de Virgile sur les abeilles,
dans le IV" livre des Géorgiques. Il revient, dans les chapitres
suivans, à des principes plus généraux sur le gouvernement
des empires , sur l'union intime du chef et des membres de
l'état, sur le respect dû au prince, et les attentats commis
contre lui ; et, dans un de ces chapitres, le vingt-quatrième,
voulant prouver qu'on doit souffrir patiemment les défauts
de ceux qui gouvernent, il rapporte une conversation avec
Adrien IV, assez digne d'être conservée. Ceux à qui l'histoire
ecclésiastique est familière, connaissent le mérite de ce pape.
Né en Angleterre, d'un homme réduit à la mendicité,
n'ayant subsisté lui-même pendant son enfance que des au-
mônes et des bienfaits des autres, sorti de sa patrie, errant
en France, domestique ensuite dans un monastère près
d'Avignon, méritant bientôt d'être adopté pour confrère par
ceux dont il était le serviteur, se distinguant d'abord parmi
eux, l'emportant enfin sur tous par ses connaissances et son
habileté, il devint prieur de la maison à laqiielle il était afl5-
lié, général de son ordre, évoque d'Albano, légat du pape,
et, à la mort d'Anaslase IV, il fut choisi pour le remplacer,
s'élant ainsi élevé par ses seules forces du dernier rang .de
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 105
la société au pontificat suprême. Jean de Sarisbéry était allé x" siècle.
visiter le pape, alors à Bénévent, et celui-ci l'y avait retenu
trois mois environ auprès de lui. Que pense-t-on de moi et
de l'église romaine, lui demanda un jour Adrien IV, dans
cette conversation que l'auteur rapporle? Je répondis, ajoute-
t-il, en lui exposant avec franchise, sans aucun déguisement,
ce que j'en avais ouï dire de peu favorable en diverses pro-
vinces. On accuse, par exemple, l'église romaine, mère de
toutes les églises, de se montrer pour elles moins en mère
qu'en marâtre : des scribes et des pharisiens y sont, lesquels
mettent sur les épaules des hommes d insupportables far-
deaux qu'ils ne touchent pas même de leur doigt : ils occupent
les premières places, sans offrir par leurs vertus des modèles
au troupeau qu'ils doivent conduire; mais ils amassent des
richesses; l'or et l'argent chargent leur table, et ils n'en sont
pas plus prodigues envers les malheureux ; jamais les pauvres
ne sont secourus, rarement du moins, el alors même c'est
moins la piété qu'une vaine gloire qui leur procure ce secours :
les églises sont en proie à leurs concussions; ils font naître
des procès; ils brouillent le clergé el le peuple; sans pitié
pour tout ce qui souffre, contens des dépouilles qu'ils ont
ravies, s'enrichir est toute leur religion : la justice, ils ne la
rendent pas, ils la vendent; tout est à prix aujourdhui;
demain encore, vous n'aurez rien sans le payer . comme les
démons, ils passent pour faire du bien s'ils ne nuisent pas;
il en est bien peu qui soient de vrais pasteurs. Le pape est
blâmé lui-même; on peut à peine le supporter : on lui re-
proche d'élever des palais, tandis que les églises fondées par
la piété de nos pères tombent en ruine, de laisser les autels
sans ornemens, tandis qu'il marche couvert de pourpre et
d'or... Voilà ce que dit le peuple, puisque vous m'ordonnez
de dire ce qu'il pense. Et vous-même, reprit le pape, qu'en
pensez-vous? Ma position est difficile, répliqua Jean de Saris-
béry ; je suis placé entre la crainte d'être accusé de flatterie
et de mensonge si je m'oppose seul à la voix pubuque, et,
dans lé cas contraire, d'être accusé de lèse-majesté, et d'avoir
comme mérité d'en être puni. Néanmoins, puisque le car-
dinal Clértient rend témoignage de l'opinion du peuple, je
n'oserai le contredire Avarice et hypocrisie, voilà, selon lui,
la source et la racine de tous les maux de l'église romaine '
et ce n'est pas en secret qu'il l'affirme ; il l'a déclaré publi-
quement dans cette assemblée de cardinaux qu'a présidée le
Tome XIV. 0
s ♦
10(5 .IKAN DE SAIMSHKHV,
xii siixLK. pape Eugène, oii j'eus mon iniiocenci; à défondre contre les
liabitans de Féivnlino. Je le dirai pourtant hardiment et dans
ma conscience, je n'ai vu nulle part des ecclésiastiques plus
vertueux, plus ennemis de l'avarice, (jue dans l'éi^lise ro-
maine. Oui n admire la modération de Bernard de Rennes,
son mépris pour les richesses? Celui dont il a(,'cepla quelijuc
présent est encore à naître. (Jui n'admire cet évêque de Pr6-
nesl(^ pnu.•>^anl le scrupule jusqu à refuser même ce (pie l'on
re(;oil en euiiuiiun? lui modestie, en ij;ravité, plusieurs égalent
Fabricius, et ils reiiipeitent sur lui de toutes les manières
par la coniiai.ssance de la vraie; religion. Puis donc (pie vous
me jtressez, (pu; vous 1 exigez, (pi(> \ous mt; le conmiandez,
ne voulant pas mentir ii l'espril saini, je confesse (pie l'on
doit snivr(> >()s j)réceples mais (pi il ne faut [»as toujours
iiiiil(>r \os (euvres : on de\ieiit en ellel hérélicpie ou scliis-
matKpie en secartani de votre doeirine ; mais il est des
hommes, grâces à Dieu, (pii ne se coiii'oniient pas en toiil à
NOS exemples .Mais je crains (]ii en me demandant ce (pie
vous voulez .sa\oir, \oiis n'enlendic/ de la hoiiclie d'un im-
prudent ami ce (jue vous ne voudriez pas connaître Vous
examinez la conduite des autres : examinez-vous la vôtre
uiénie? Tout le monde vous applaudit ; on vous appelle le
piire et le seigneur de Ions : père, pounpioi exiger de vos
enfans des reliihulioiis el des dons? Seigneur, jioiirquoi ne
pas se faire craindre des IJomains? poiinpioi ne pas compri-
mer leur audace , el les ramener à la lidélilé qu'ils vous
doivent? Vous voulez, par vos présens, conserver Home à
l'église: est-ce donc par lii (pie saint Sylvestre la lui ac(piit ?
Loin d'èln; dans la route, mon père, vous êtes hors de tout
chemin, fil y a tlans le latin une opposition de mots un peu
puérile, el im|)ossible à rcndn» en fran(;ais : In mrio, pater,
es, cl lion in rià). ("oiiservez Rome |»ar les moyens (pii vous
l'ont procurée: domn'z graluitement ce (pie vous axez re(;u
de même ■ la Ju^tl(:e (;sl la reine des vertus ; elle rougit d'èlre
mise à |)rix ; (pielh; soit gratuite, si vous lui voulez garder
ses grâces naturelles; |)oiir(pmi |)rosliluer ce (pu ne peut
subsister corrompu ? Le poids dont vous accablerez les autres
retombera cnlin sur vous-même. L'auleiir ajoute que le pape
lit de ce discours, le remercia de sa franchise, el lui ordonna
(le l'instruire toujours sans retard de C(! (pi il cnlendrail dire
de défavorable sur son compte. La conversation se termina
par un apologue que le pape enqiloya pour n-pondre au dis-
K VÈ(JUE DE en ARTUES 107
cours qui venait de lui ôtrc adressé, et qui n'esl (|ue lapo- au siècle.
logué si connu de la conspiration de tous les miMuhres du
corps contre le ventre : il se l'appliqua ensuil(> par ces mots
également rapportés dans l'ouvrage de Jean de SanslK-ry : Le
chef d'un étal est connue le V(!ntre dans l(! ccrps luiniain ; il
demande beaucoup, mais ce n'est pas pour lui, c e.-,l pour
les autres ipiil demande; est-il sans nourriture? il ne peut
rien distribuer, tous les membres huii^uissent. N'accusez
donc ni moi, ni les princes séculiers • ne considérez q[u' le
plus grand avantage de tous.
Des discussions sur les anciens pliilosoplies, sur la place
que chacune de leurs sectes mérite dans l'estime publique,
sur l'essence et les caractères de la vertu, sur les vices les
plus fré(piens à la cour et l(;s [)lus dangereux pour l'état et
tous ceuv qui le composent, remplissent les Ironie chapitres
du septième livre. Lrs acadcMuiciens, malgré leurs erreurs,
sont les pliilosopli(>s de rai)li([uilé (pi'il |)r(-r''re. Il examine
et combat, en [tarlatil (le, IMalon, ro|)iiiion de ccmix. (jui pré-
tendent que ses ouvrages ont été fait.'^ d'après Moïse et les
prophètc\s. il dislingue, dans un aulie endroit, c(» (pii est
prouvé par les sens, ce ipii lest par la '-aison, ce qui l'est [)ar
la religion. Toute religion a, .selon lui, se-; l)a.s(>s premières,
dont on doit admettre l'existence sans (pi on ait be.soin de la
démontrer. Il recherche ce (pi'il faut l'aire, ce (pi il faut ac-
quérir, ce (pi'il faut .savoir, pour èir(; ligm' du nom de phi-
losophe. Combien de gens [>ren!ient de vaines niaiseries [)our
la sagesse ! Conibien d<î gens s'éloignent délie, en croyant la
loucher! Ici sont d'utiles maximes sur les dangers de l'igno-
rance, sur la pri'soiiiplion (pi'elK; donne, sur la manière,
d'étudier, sur la conduite do la vie. Il prouve aisi-inent (pu;
la véritable philosophie, le vrai moyeis de bonheur , c'est la
vertu : mais [)as de vertu sans lumières ; car elle exige ab-
solument une coiinaissaïUHî parfail(i d; la justice et de la
vérité. I/écrivaiu déplore ensuite l'erieiir des hommes, des
courtisans en particulier, (pii |)Iacent 'eiirs jouissanctis dans
h; niouvement des passions ; i-i-s avares dont le conir toujours
insatiable ne se re[)ose jamais. L'anibilioii, av(u; les menées
secrètes auxquelles elle a recours quand elle craint d'être
aperçue, (!t par là même d'(Hre arrêtée avec tous les vices
qu'elle traîne à sa siiili^ (ît tous les ruaiix ([ii'eile, produit,
celle ([ui s'env(îloppe sur-tout des voile-' de la piélé ; il |)eint
l'ambitieux cachant ce (jui est, feignaui, d'être ce qu'il n'est
0 2
108 JEAN DE S A RISB ÉRY,
XII SIECLE, pas, simulons et dissimulans, astulamque gerens sub peclore
vulpem ; il le peint achetant les dignités ecclésiastiques,
quand il ne serait pas assez sûr de les obtenir, ou bien,
quand il veut arriver par la bonne opinion qu'on prendra
de lui, se couvrant de vêtemens grossiers, priant sans cesse
mais à haute voix, attaquant sans cesse la conduite des
autres, affectant la pâleur, portant des cheveux courts et la
tête rasée, poussant de profonds soupirs, répandant à volonté
des larmes artificieuses et obéissantes, ar^z'/ïaoszs et obsequen-
iibus lacrymis subito inundati, toujours prêt à dévoiler les
torts des autres, pour faire mieux croire qu'il n'en a aucun,
voulant faire tourner contre l'église les fautes de quelques
personnes, s'enrichissant par la crédulité aux dépens des
familles, dépouillant môme les héritiers du patrimoine de
leurs pères, se faisant céder jusqu'à la modique possession
que le pauvre aurait pu laisser ou transmettre ; les exemp-
tions et les privilèges demandés et accordés excitent pareille-
ment son indignation. Des hypocrites et des ambitieux, il
passe aux envieux, aux détracteurs, et voici un trait qu'il
raconte, au sujet de cet esprit si commun de blâme et de
jalousie, parmi ceux qui courent la même carrière, ou qui
sont forcés de vivre ensemble. « Le vénérable Gilbert, évêque
d'Héreford, m'a souvent entretenu, dit-il, de ce vice des
cloîtres, dont lui-même avouait ne s'être pas garanti. Novice,
encore plein d'une ferveur nouvelle, j'accusais mes chefs de
tiédeur, disait Gilbert : mis en charge, je devins indulgent
pour ceux qui remplissaient des fonctions semblables aux
miennes, en restant toujours sévère pour les religieux qui
en exerçaient de plus élevées. Appelé à ces dernières, je me
sentis une condescendance égale pour tous ceux de mon
rang ; les abbés seuls n'étaient pas épargnés. Je devins abbé
moi-même ; plus de censure envers les abbés ; plus de censure
qu'envers les évêques : me voila évêque enfin ; je ne dis plus
de mal de personne. »
Nous pouvons remarquer un autre trait que Jean de Saris-
béry raconte, au sujet de l'ambition. Un ôvêché du royaume
de Naples ayant vaqué, sous le règne de Roger 11, trois
hommes se présentèrent au chancelier, offrant beaucoup
d'argent pour l'obtenir. Le chancelier était alors un anglais
nommé Robert, ministre habile quoique peu lettré, admiré
par son éloquence, vénéré par ses mœurs, redoutable dans
l'exercice de sa haute magistrature. Un abbé, un archidiacre,
ÉVÈQUE DE CHARTRES. 109
un clerc protégé par son frère, officier du roi, étaient les xii siècle.
trois concurrens. Le chancelier les fit appeler l'un après
l'autre, et convint avec chacun de la somme qu'il donnerait.
Le jour de l'éiecliou fut ensuite indicjué. Les archevêques,
les évêques, et daulres s'élant réunis pour la faire, le chan-
celier leur rendit compte des trois pactes, et promit d'adop-
ter le vœu qu'exprimerait l'assemblée. Les simoniaques furent
universellement rejelés, et à l'instant on élut un religieux
obscur, qui était loin de s'attendre à cet honneur. On n'en
exigea pas moins des concurrens qu'ils payassent jusqu'à la
dernière obole la somme qu'ils avaient promise. Que ne fait-
on toujours de même, dit l'auteur, en finissant cette narra-
lion, envers nos grands que l'on voit si attentifs à flairer tous
les sièges, bien supérieurs pour la force et la sagacité de
l'odorat, au chien poursuivant la trace d un lièvre, ou cher-
chant à découvrir la retraite d'une bêle sauvage ?
Le huitième livre est le plus varié. La vraie gloire et la
fausse gloire, l'avarice et la libéralité, l'amour de ce qui est
juste opposé à 1 amour de ce qui nous est le plus commode,
d'où l'auteur fait |naîlre et place également en opposition
l'amour de la domination et celui de la liberté, la gourman-
dise et la tempérance, la continence et la débauche, les dif-
férentes sortes de volupté, le luxe, les lois somptuaires, les
règles de la civilité, les obligations du mariage, la société
des gens de bien, la fuite des méchans, la tyrannie, l'usage
légitime de la puissance souveraine, les principes sur lesquels
un bon gouvernement doit être appuyé, la conduite à tenir
envers ceux qui disputent sans droit le pontificat suprême (1),
les seuls moyens de vivre heureux et tranquille, sont les
principales matières qu'y traite l'écrivain. Citons en encore
quelques passages. Je les prends dans les chapitres sur la
tyrannie, et dans ceux sur le luxe et les lois somptuaires.
Nous l'avons entendu, au troisième livre, s abandonner à
toute son indignation contre les tyrans, et proclamer une
doctrine trop favorable à la désobéissance, à la révolte, au
crime. Ici il nomme les tyrans des ministres de Dieu ; Dieu a
voulu se servir de ce moyen pour corriger et punir les
hommes. H déclare de nouveau que la tyrannie va par-tout
où les prêtres sont sans pouvoir, et appuie encore sur
(1) On peut voir, c. 23, tout ce qu'y dit Adrien du malheur d'être
pape.
110 JEAN DE SAIUSHERY,
XII SIECLE, l'exemple de Samuel (quoi([iie Samuel ne fût pas prêtre)
dont la répudiation amena ce despotisme des rois que le
prophète avait lui-même annoncé aux Hébreux. (I retrace
ensuite les crimes de Caligula et de Néron, remonte à Cé.sar,
dont il loue l(;s hauts faits cl raconte la mort, redescu-nd a
ses successeurs, à ceux prinripaleini'nt ([ui périrent assassi-
nés, en couvre |)lusieurs, et sur-tout Domitien, de l'opprohre
quils méritent, célèbre les règnes de Nerva , de ïrajan ,
d'Adrien, d'Antonin, et bientôt, en revient à ces maximes
perverses, que nous avons rcmarcpiées, et ([u il fonde tou-
jours sur l'autorité de 1 écriture et la volonté la plus expresse
de Dieu.
Jean deSarisbéry rappelle dans le m-'-m • chapitre {)lu-
sieurs réglemens des peuples anciens , des Romains en par-
ticulier, contre le luxe des repas. Nous n'avons point à
examiner les erreurs que ce chapitre peut renfermer : nous
iir voulons ipic faire connaître la pensée généralede l'auteur
et ses principes. Cependant, nous n^marquons (ju'il cite une
loi Turannia ou Favina, (|ui n (ixista jamais, et qu'il confond
sans douti; avec la lo: Fannia; erreur d autant plus extraor-
s.uiiii. 2. .. dinaire qu'il ne fait ([ue copier .Macrobe, (|ui lui donne son
'•'• véritable nom. Après avt)ir fait ensuiti^ un a.ssez bel éloge
(le César, une censure plus juste d' Antoiiuî, et donné ([uel-
(pies détails sur rintenq>érani;e di!s lloinains vers le tenqjs
d'.Vuguste, il rappelle leurs (;ominutiicalions plus fréquentes
avec les étian.:,'ers, leur tolérance [xMir les dieux des autres
peu[)le.s 1.1 confusion des cultes et des nneurs ; et, passant
loiii - ;i - coup ilii (li'inier siècle av. ml l'ère chrétienne au
onzième de cette ère, il .-air'Me ;i ((uisideii-r ce fameux (iuil-
laume (pii, ayant soutenu par les armes les droits (julidouard
lui avait iais.sés à la couronne d Viigleterre, ne mérita pas
.seulement la gloire que donnent les conquêtes. Il annoii(;e
que ce prince, devenu posse.sseur paisible de son royaume .
envoya de ses sujets chez les aulre.s nations, pour ([u'ils lui
apportassent ce (piils y trouverai-nl de \Ans magnilique et
de plus rar.'. Ainsi, dit-il, se pree.ipila tout le luxe de. lEu-
lopc dans une ile conltmle jus(fualors de ses propres ri-
chesses. On peut louer sans doute le dessein de ce grand
homme; il voulut ra.ssembler dans ses états l'opulence de
tous les autres: mais il eût miiMix fait ruicore de s'opposer
par de bonnes lois à celte inleinpi';iance ([ui, en subjuguant
les Anglais , avait préparé sa complète. Jean de Sarisbéry
liVROlJE DE CHARTRES. 111
remonte onsiiile du leni[)s oii r(>gnait Guillaume à celui où vivait XH siècle.
César; il passe de César à Auguste et aux princes qui le suivi- "
rent; il rappelle encore, d'après Macrobe, Aulugelle et Varron,
(|uel(|ues traits de leur i,'0urmandis(>, de leur faste, de leurs
vaines prodiiialilés
Ces passages rapides d un siècle à 1 autre, dune histoire à
l'autre, sont communs dans les ouvrages de Jean de Sarisbéry.
Il en résulte un peu de désordre dans son érudition, ei souvent
des citations de faits, dcxcmples, d'usages, d'institutions, (|ui
ne peuvent d aucune nianièri; rire applicjués au temps oii il
f'crit, et aux princes et aux |)euples (|ui auraieni pu prolilcr de
ces leçons.
Lacroix du Maine, p;iilant des oiivrag(>s de Gabriel de Col- «'l'i'uHi. Fr.
Uinge, valel di' ciiiuni)!.' drCliiulcs IX, indiipie celui-ci ; Dis- ''''"'
cours de la iiolicratie et inslilulion |)oliti(|U(!, oii il est traité
des abus de la l'our, de la loi me el manière de la voi(^ pliilo.so-
phi(|iie. Cet uinta-e paiail nèli»! (pi'iine Iraduction du livre
de Jean de Sarisbérj . il n était point encore iiii[irim(! au temps
oii Lacroix du Maine écrivait (vers la fin du XM" siècle);
nous l'apprenons de lui-même, .le ne crois pas cpiil lait été
depuis
On a liuil édilionsdu l'olicratiipie. La première, in-folio, sans
dal(\ sans indicalioiis de ville ni d'imprimeur, sans signatures,
m réclames, ni ciiilfres, caractères golliicpies, fut exécutée, à
ce (|iie l'on croil, vers Hll\, à Cologne suivant les uns, a
Rnixelles suivant les autres. Il y en a un exemplaire à la Riblio-
llièipiedii Panlliéon, à l'aii.s.
La seconde a élé imprimée à Lyon, en loi 3, un volume
in-8", chez Conslanlin Fradin ; il est dit dans la préface
ipie c'était le confes.seur du roi, Guillaume Petit, ijui avait
lait fain^ celle édition. La troi.^ième parut in-4°, la même
année, à Paris, chez Rerlhold Rembolt ; la quatrième à
Leyde, in-S", en 1;)9;i, chez Planlin ; la cin(|uième, .sous
le même formai et dans la même ville, chez Jean Maire,
en IfiaO; la sixième, pelil in-8", en 1004. à Amsterdam'
chez la veuve Jean-Henri Room ; la septième et la huitième
font |)artie, l'une du supplément de la Ribliothèque des
l'ères, imprimée à Cologne, lautre du vingt-troisième vo-
lume de celle imprimée a Lyon, l'our les deux éditions de
1.'i13, celle de Fradin est la première, quoiijue Fabricius,
Rayle, el plusieurs autres, disent que c'est l'édition de Rem-
bolt. Celle-ci est du 25 mai; l'autre du 17" jour avant les
112 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, calendes de ce mois : Exlrema manus apposila est XVII cal.
mail. Il est difficile, au reste, de commettre une erreur moins
importante.
Le Policratique a été traduit deux fois en français. Sous
Charles V, Denis Soulechat, cordelier alors célèbre, l'entreprit
par ordre du roi; cette traduction, qui n"a point été imprimée,
se trouve cotée dans le catalogue des livres de ce monarque,
dressée en 1373, et elle était, à la fin du siècle dernier, parmi
les manuscrits du prince de Soubise • l'abbé Lebeuf en fait men-
I' 7iii. tion, dans une dissertation insérée au tome XVII des Mémoires
de l'académie des inscriptions et belles-lettres. L'autre traduc-
Hisi .ir lAc lion est de Mezerai ; elle fut publiée in-4°, à Paris, en 1640,
franc. I. Il, \<- SOUS le titre de Vanités de la cour, par Jean de Sarisbérij :
20!i- elle est rare sans doute; car nous n avons pu la trouver
dans aucune de nos grandes bibliothèques, quoique nous
eussions aimé à la consulter. Fabricius, dans sa bibliothèque
T. IV, |i 'S.^- jg [g moyenne et de la basse latinité, indique une traduction
française, ancienne, sous ce titre : « Polycralicon, des traces
des philosophes, et des truffes et vanités de ceux qui suivent les
cours des princes. »
T IV. p. 241. Le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque du Roi donne,
sous le n° 6416 : Joannis Sarisberiensis Polycraticus , sive de
nugis curialium et vestigiis philosophorum, libri oclo, prœmit-
tilur ejusde^n euthelicus, versibus elegiacis, quem J&annes le
Begite galiicé interpretatus est, anno 1372, jussu Caroli V,
Francarum régis. Les uianuscrils suivans, jusqu'à 64:io, pré-
sentent encore ce dernier ouvrage, mais sans traduction ; le
n" 6426 en contient l'index. Tous ceux-là sont parmi les anciens
T IV p 20». philosophes, in-folio. Parmi les anciens philosophes, in-4°,
est un n" 65a4, qui paraît écrit au XIIP siècle, et qui porte :
Joannis Sarisfy$riensis Polycraticus in epitomen ab anonymo
contractus.
11. L Euthelicus n'est autre chose que la pièce de vers,
l'épître à son ouvrage, que Jean de Sarisbéry avait destinée à
servir de préface au Policratique, et qu'on lit à la tête de plu-
sieurs éditions, quoiqu'elle ne soit pas dans toutes.
Si mi/hl cieilidenn. lingiiam cohlbehis, vl aitla
Litnina non iniret pes (iin-i ; eito do»i.
Ai'peelH's /mminun canlèis vilare memenlo ;
El iiùi commisses claude, liielle, tioias.
Onniu êitd inspecta tibi (jitia puilicui Aostis
ÉVÉQUE DE CHARTRES. M3
El majeslails diceris esse reus. XII SIECLE
Ignis edax, gladiusque ferox, tibi forte paranlur,
Aut te polliM subruet /losiis aguâ.
Ce sont les premiers vers de celle épîlre. Nous pouvons ren-
voyer à ce que nous en avons déjà dit au commencement de
l'article sur le Policralique. Nous venons d'observer qu'elle
fut traduite par Jean le Bègue, en 1372, d'après l'ordre de
Charles V, et que cette traduction est manuscrite à la Biblio-
thèque du Roi.
III. Métalogique. L'objet de cet ouvrage est de défendre
les connaissances utiles contre les injures et les déclamations
dont la sottise et l'ignorance sont toujours si prodigues.
L'éloquence, la logique et la grammaire étaient alors étu-
diées dans toutes les écoles de Paris. Quelques hommes
trouvèrent plus commode, et sur-tout plus facile, de s'en
moquer que de s'en instruire. Ils comparaient avec une poli-
tesse aimable les grammairiens, les orateurs et les dialecti-
ciens, aux bœufs d'Abraham, et aux ânesses de Balaam. ., . , ,-
' ' .Mctolog. Iiv.
Plusieurs écrivains d'un mérite distingué crurent devoir i, c. 5
descendre jusqu'à de pareils censeurs, et ils engagèrent un
combat dans lequel les adversaires qu'ils daignaient attaquer
ne se défendirent qu'en redoublant d'absurdités et d'injures.
Après l'ignorance, ce qu'ils aimaient le plus, c'était le mau-
vais style; et, comme l'une conduit à l'aulre, ils écrivaient
sans peine d'une manière barbare. Abailard, Gilbert de la McibIor liv
Porée, quelques autres encore, les avaient déjà poursuivis '^ *= "■
avec beaucoup de vigueur. Jean de Sarisbéry n'en mit pas
moins à les comballre. Il désigne ces hommes sous le nom
de Cornificiens, et leur chef, ou le chef qu'il leur suppose,
sous celui de Cornificius, peut-être par allusion à l'auteur „ . , .,
du même nom, qui censura Virgile. Voici comme, il le dé- t. ix, p. as.
peint, tout en annonçant que l'on doit de l'indulgence aux
personnes, si on n'en doit pas à l'erreur : « La charité chré-
tienne, dit- H, ne me permet pas de divulguer en lui l'épais-
seur de son ventre et de son esprit ; le latin vaudra mieux :
Tumorein ventris et mentis, oris impudentiam, rapacitatem
manuum, geslûs levitatem, fœditalem morum (quos tota
vicinia despuit), obsceenitatem libidmis, deformitatem eorpo-
ris, turpitudinem viias , maculam famée..., sterlit (ronde)
ille in dies medios, quotidianis conviscerationibus ingurgi-
tatur ad cràpulani, et in illis immunditiis volutatus incumbit
Tome XIV. P
lit JEAiN DE SARISbÉKY,
XII SIECLE, quse nec porcum deceant Epicuri». L auteur prend un pou ici
le Ion (le ses adversaires; un Corniiicien n'eût pas dit plus
d'injures dans un plus court espace.
CorniQcius (je lui donne le nom (|ue Jean de Sarisbéry lui
donne) avait pour amis tous les hommes sans lumières ou
ennemis de la gloire dos autres; ils se rendaient en foule à
ses leçons, si on peut les appeler ainsi. Ils s'y rendaient pour
.. , ,. apprendre qu'il ne fallait rien savoir, et leur maître, à cet
I, ,.. 5. égard, était plein de sa doctrine. Ses paroles étaient abon-
dantes, mais communes et vides ; il frappait l'air de mots
que les vents emportaient ; il blâmait tout insolemment, mais
sans apporter jamais aucun motif ou pour combattre l'opi-
nion d'un autre, ou pour élahlir la sienne. Lui faisait-on
quelque observation, il sirrilait ou se mettait à rire. Cepen-
dant, il repaissait ses auditeurs de niaiseries et de fables,
leur promettant de les rendre éloqiiens sans le secours de
l'art, et philosophes sans travail. Les plus ridicules (piestions
Siigitaient dans son école : on y examinait si le porc qu'on
mène au marclié est traîné par la corde ou par l'homme qui
la lient; si, en acquérant une cliappe, on ac(|uiert son cha-
|ieion. On ad'ectait telleiiKnil dimployer les particules néga-
liv(>s, (|ue pour être sur quelles ne .'^'étaient pas mutuellement
détruites, si elles étaiiMit en nnniltic pair ou impair, on en
prenait note, et on les comptait même avec des pois ou des
fèves. De grands cris étaient le moyen le plus sûr d'obtenir
la victoire. Les poètes, les historiens, étaient déclarés infâmes :
cpielipi un s'adonnait-il à la lecture (l(>s anciens, on le ba-
fouait dans les termes les plus nicpiisaiH ; (•(> n'était pas seu-
lement un Ane d'Arcadie, la picrri*, le plomb étaient moins
bouchés, moins lourds ipic lui Et les auditeurs d'un tei
homiiKï SI' trouvaient tout a-coup en état d'enseigner eux-
mêmes : il leur fallait moins de temps pour être de grands
|>liilosophes, ipiil n'en faut aux petits des oiseaux ponr com-
mencer à avoir des plumes
Après être entré dans quehpies autres détails sur la vanité
des Cornihciens et leur mépris pour toutes les sciences,
iiy I ,. { 1 auteur nous en présente apportant dans les cloîtres leur
ignorante pré.somption. D'autres, au contraire, allaient à
Montpellier ou à Salerne étudier la médecine, et n'en rappor-
taient (jue des mots avec un grand fonds de suflî.sance et
d'orgueil. A peine même avaient-ils reçu les premières
leçons, (ju'ils se croyaient dignes de l'exercer et de l'en.sei-
Hî) fl 6UIV.
ÉVÉQUK DE CflARTRES. 115
gnor. Leurs connaissances 0 en (•laionl pas moins vaines (M ">'" siècle.
fausses. Sans cesse ils avaient à la bouche les noms d'Hippo- " "
ciate et de Galien; ils ne parlaient que par aphorismes; mais
c était là toute leur scienc Le peuple s'y laissait (ron)per; et
les malades donnaient aveuglément leur confiance à ces char-
latans, dont ils devenaient ensuite les victimes. Et quelles
«nnnaissances véritables peut-on avoir, continue l'auteur
<l"an(l on dédaigne celle .|ui féconde et dirige toutes les
autres, la pliih^sopliie!
Autant il met d'ardeur à poursuivre les ennemis de la
science et delà raison, autant il aime à louer les hommes '' '*'
célèbres de son siècle, .\bailard, Thierry l'Armoricain, Ber-
nard de Chartres, Guillaume de Conches, Anselme et' Raoul
de Laon, Albéric de Reims, Simon de Paris, Guillaume de
(;ham[)eaux, en reçoivent de justes éloges. Nous avons sou-
vent eu l'occasion de les rappeler d'après lui au commenci^- ,.
ment de cet article, en retraçant les éludes premières de
Jean de Sarisbéry.
Les autres chapitres du premier livre sont principalement
consacrés à déviîlopper l'importance et l'utilité de la grain-
niain;, de la logi(|iie, de la rhétorique, des beaux-arts, et à
tracer quelques règles sur la manière de les étudier, il
comprend, sous la dénomination générale de beaux-arls ,
toutes les connaissances utiles que Ion pouvait alors cultiver.'
Le latin, depuis plusieurs siècles, avait cessé d être un lan-
gage commun. On cherchait à former une langue nationah;
C'était l'objet des vœux et des (ilïorts de tous ceux qui
aimaient et cultivaient les lettres. On ne sera donc pas étonné
qu(î la grammaire fût regardée comme la première dans
Tordre des sciences. La logique et la rhétorique formaient
avec elle te trivium; le quadrivium venait ensuite, c'est-à-dire,
comme nous l'avons déjà remarqué, l'arithmétique, la mu-
sique, la géométrie, et l'astronomie. Toutes ces connaissances
étaient alors comprises sous le nom d'arts libéraux ; et elles
sont appelées arts, disait Jean de Sarisbéry, ed^uo^^ arr/an^ .„,
reguhs et prseceplis, ou du mot grec (pii exprime la vertu, =• 12.
«P£T/,; la vertu rendant les esprits plus capables de recon-
naître et de suivre les voies de la sagesse.
L'auteur revient dans le second livre à l'étude de la logique
ou de la dialectique, et le rem[)lil tout entier des conseils,
des réflexions, des préceptes, des éloges, que lamour de cette
science lui inspire. H s'attache à faire connaître la doctrine
P3
p. 91.
Mdiil.
116 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE. d'Arislote et de ses disciples, parmi lesquels il se range. Le
développement de celte philosophie occupe encore le troi-
V. âur-toui sième livre et le quatrième. L'admiration que Jean de Saris-
iiv. IV, c. 27. ijéry professe pour lui ne l'empêche pas de remarquer
quelques erreurs. On avait,' dans ce siècle même, publié
Hist Littër. plusleurs traduclious de divers ouvrages de ce grand homme,
184^' '' *^^ *' '^* ""^^ d'après le grec, les autres d'après l'arabe; il se plaint
de leur peu de mérite, et de ce que pourtant on n'étudiait
plus que là les sentimens d'Aristote. Il se plaint également,
dans plusieurs autres chapitres, de quelques vices introduits
Liv. I, c. 2i; dans l'enseignement de la philosophie; de ce qu'on avait
c7l8 ' "^ ' abrégé le temps des cours ; de l'obscurité qu'on affectait dans
les leçons, des subtilités nouvelles qu'on y introduisait
chaque jour. Les réalistes et les nominaux agitaient encore
les esprits, en prétendant, ceux-là que l'universel est dans
les choses, ceux-ci qu'elles étaient toutes singulières, et
qu'il n'y avait d'universel que le nom. Jean de Sarisbéry
était réaliste, et il attaque souvent les nominaux dans son
Métalogique, et spécialement dans le dix-septième chapitre
du second livre. Les analytiques d'Arislote, ses catégories,
ses topiques, peuvent être indiqués parmi ceux des travaux
Liv. III, c. 2, de ce grand philosophe que notre auteur examine et discute
et HUIT. avec le plus de soin. Parmi les pères de l'église, saint Augustin
a toute sa préférence ; il trouve téméraire de ne pas penser
LiT. IV, c. 2S. 1 •• j . j I . I,
comme lui, impudent de le blâmer.
Le dernier chapitre de l'ouvrage est une véritable élégie
en prose sur le malheur des temps. Arrêlons-nous ici, dit
l'auteur, il convient mieux de pleurer que d'écrire. Un or-
gueil insensé agite le monde : nous devions espérer la paix,
et voilà que le trouble et la tempête se montrent à Toulouse,
et arment les uns contre les autres les Anglais et les Fran-
çais; des rois que nous avions cru amis s'attaquent et se
poursuivent, et, pour comble de maux, nous venons de
perdre Adrien; et sa mort, déplorable pour tous lesChré-*
liens, plus déplorable encore pour l'Angleterre, où il naquit,
ne doit faire verser à personne autant de larmes qu'à moi.
Sa mère, son frère, il ne les aimait pas plus tendrement.
Quelle amitié! quelle conQance ! Élevé sur le trône pontifical,
il se faisait un plaisir de m'avoir pour convive, et, malgré
moi, il voulait que le môme verre, la même assiette nous
fussent communs. Le schisme est venu encore accroître tant
de maux... Que Dieu préserve du naufrage le vaisseau de
l'Église !
383.
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 117
Le Métalogique se trouve à la suite du Policratique, dans xii siècle.
les éditions de 1513, 1639 et 1664; il a de plus été publié
séparément en 1610, à Paris, chez Hardouin Beys, d'après
un manuscrit de Cambridge, et à Leyde, en 1630 (1). Le
docteur Grancolas se trompe en disant que le Métalogique Crii. des aui.
est aussi dans la bibliothèque des Pères de Lyon. f*^'*»- '• '"' p-
IV. Un petit poëme, de Membris conspv'antibus. C'est
l'apologue des membres révoltés contre l'estomac. On le
lit, avec l'Euthétique , à la suite d'un autre poëme de Fulbert
de Chartres (2), publié par André Rivin, à Leipsick, in-S",
l'an 1655. Fabricius l'a donné de nouveau dans sa biblio- ___ ''^- *'^' P-
Ihèque de la moyenne et de la basse latinité. Nous croyons
pouvoir le conserver ici.
Concilium célébrant humani corpor'n artus
Inter se, de se plurima verba serunt.
Incidit in vent rem sermo, de ventre queruntur
Quod ffravia u dominas et nimis nrget eos.
Tandem rhetorico pingens sua verba colore
Aggreditur fratres linyua snperba sitos.
Quia /uror, o cives, quce tanialicentia ventrus
Audeat ut nobis ponere turpe jugum !
Turpe jugum ceriè, quando tervus dominalur.
Et dominus servit ; aie jubet, illefacit.
Certè nos servi turpes, digni cruce, cunctis
Ludibrium, miseri, degeneresque sumus.
Nam ventrem dominum nobit elegimus ipsi
Omnia colligimui quce sibi grata putat !
Nidla quies nobis, movet Aune, jubet Aitic, vocat illum ;
Surge piger , somnos excule , toUe moras ;
Quare cibos, epitlasque para, vinumque propina,
Mensampone, dies praierit, hora fugit.
Ecce duo veniunt hostes, etc.
V. Thomas de Cantorbéry, voulant obtenir la canonisation
d'Anselme, un de ses prédécesseurs, invita Jean de Sarisbéry
(1) Il y a quelques manuscrits du Métalogique et du Policratique
aussi dans les bibliothèques de Cambridge et d'Oxford. On peut voir le
catalogue des manuscrits d'Angleterre et d'Irlande, et ce qu'en cite
Pitseus, itlll. Angl. Scriptor. p. 248.
(2) On n'a rien dit de ce poëme à l'art. Fulbert, t. VII de cette Histoire.
1 0
Il
Ad. Cnnril
P. 1/.!» - 17(i
118 J E AN DE SA1{ ISiniRY,
xii SIECLE. ;, faire un abrégé de la vie de ce savant el pieux archevêque,
' composée par Ediner. Jean de Saiisbéry le fil, et porta cet
abrégé au pape Alexandre, pendant le concile de Tours, en
Coniii. Aiiyi. ] \ (53 ; mais le* démêlés naissans de Thomas Becket avec le
\,!'\ 'sutI T '"oi d'Angleterre, suspendirent l'exéculion d'un projet qui
1S5 - ne fut ensuite réalisé qw. sous Alexandre Vieil 14*.ti. L'ou-
\ rage de Jean de Sarisbéry, avec le l)ref d Alexandre 111 à
l'archevêque de Cantorbéry, |)0ur lui [)(>rmetlre de travailler
à la canonisation d'Anselme, a été inséré dans le second
tome de YAnglia sacra.
— \' 'lus i Oinl
,1 ', ,'f(,i7 ■ VI. Vie de Tlionias de Cantorbéry. Elle na point encore
été publiée en entier. Nous n'en avons que 1 abrégé qu'un
anonyme, au qualoizième siècle, a inséré dans la compila-
tion qu il lit par oulre de tJrégoiie XI, de ipiatre \ic.-; de ce
prélat, composées par (jualre ailleurs diU'erens, Guillaume
de (Cantorbéry ; Alain, abbé de Te^vksl)ur\ {deobesheriensis);
llériberl de bo,sahani, el notre Jean de Sarisbéry. (Celte com-
pilalion, imprimée pour la première fois à Paris, en 1495,
in-i", sons le litre de Quaiii-ilogns ou Quadri})a>'lita, a été
reproduite à la tête diïs lettres de Tlioiiias I$ecket, tlans l'édi-
,. , „ tion du Père Lupus, en 1082, mais non comme Fabricius
llili. Mp(I. il . •■ • I 1 •
iiif. I. I I, p. «S. l'avance, dans l'édition de ces luêines lettres, donnée en
V. Cave. II. \(\\\ ^ par .Massoii. Il y en a un exlrail au tome XIV delà
.'.(■i.s 1? (is-;'" nouvelle c(jll('cli()n des historiens de France; mais il ne ren-
i';iii>. iiiTi. fiMine pres(|ue rien de Jean de Sarisbéry. On a une Iraduc-
lion liaiiraise de celli' .•Diiiiiilalioii. sdus le nom du sieiir
de Beaulieu ( Ducamiioul ii> l'oulehàli'au, selon les uns,
Thomas du Fosse, .^elon le, ;iiii!i ■
iiisMii I. Il, Lai)bé Le Beul avait reuiaiipie des dilîérences considé-
rables enlre les deux éditions du (}nadrilogus, par rapport
au texte de Jean de Sarisbéry ; ce (]ui lui fait dire qu'il n'est
pas bien certain cpie ce i|ui |)a.ss(! sous son nom soit de lui.
Rien ne lui aurait éle plus facile cpie de s'en assurer, puis-
(juil avait eu communicalion, ainsi (jiiil nous l'apprend
lui-même, de la vie originale de Thomas Becket par Jean
de Sarisbéry. 11 cite d'ailleurs de celle vie deux traits qui
ne se rencontrent point dans les éditions que nous en avons,
et (juil avait lires du manuscrit du piésidenl do Mazaugues.
Le premier est que Thomas vint étudier le droit il Auxerre^
après l'avoir étudié ii Bologne ; slnduit in legihns Bononias,
postea Aulissiodori -, il y avait donc à Auxerre une école pu-
blique de jurisprudence, el elle devait être en grande répu-
III <
Itaill.'l, :,„| ,!,.
Uii'-''^, |.. lillS
■) 1 .1
EVKQUE Dli CHAUTHES. IIU
talion, puisquon voulait encore s'y instruire après avoir xii siëclk
suivi. les cours de l'université de Hologne, si célèbre alors
pour ronscigncmont du droit. Le second est relatif au nom
d'échiquier que portiiicnt des tribunaux de Normandie et
d'Angleterre, mot dont l'élymologie a occupé quelques
savans, et sur lequel le Gloï^saire de Du Canine est si étendu.
Eral Joannes ille, dit le biographe, ciim Ihesaurai'iis el ex-
teris fiscalis peciDiur et puhlici ;i')is feceptorilnts Londoniis ad
guadrangulani lahulnm /jiuv dicitur calcidis bicoloribus
vulgo scacariwn, poliiis aulem est régis tabula nummis
albicoloribus, ubi et placila coronœ régis tractantur. Le nom ""' p- '''
d échi(inier ne vient donc [)as, dit labbé Lebeuf, de ce que
cette cour était C()ni[)0sec Ar. gens do ililTérenles (pialilés, ni
de ce qu on \ plaidait les uns conlre les antres en bataille rangée,
comme au jeu des cchees ; ni du pa\éde la .salle, (jnj aurait été
en foniK! d ecliirpiier ; ni du lapis du bureau, qui aurait pu aussi
étredect'lle forme, mais de ce (pie. pour calculer sur la table
quarréi' di; celte salle on .si' servait de jetons de deux couleurs,
appareiiimeiil pour marcpierles livres avec 1 une, et les sols avec
l'autre.
Vil. Commentaire sur les é[)îln\-; do saint Paul. Suivant
Lipenius, (]ave, 1). Ceillier. et le père Ldoug, il a été im-
primé à .\msteidam, en l(»i-(), in-i". |,a partie de ce com-
mentaire (pii Lonceine lépîlre aux (^olossiens, avait été publiée,
dès l'an 1027, à (Cambridge, suivant Guillaume (àouvé, au-
teur anglais d'un ealalogue des (•cii\aius ([iii ont travaillé sur
la Bibli! l'eiit-clre Grouvi- sc^t-il mépii.- .-.ur la date de celte
publication : du moins, y avait-il dans la biblioiliètpie de "'''• '""'• ''
Morgenweeg, au rapjiort de Fabricius (I), un exemplaire ",' ^ '
imprimé du ('ommentaire di- Jean de Sarisbéry sur h'pîlre aux
Colo.ssiens, (jiii portait la date de 11)30. ,leaii l'ilseus fait mention
de ce commentaire, le(|uel embrasse, sous diil'crens livres ou
traités, toutes lesépîlres diversemenl adressées par l'apôtre saint
Paul.
VIII. Les lettres de Jean de Sarisbéry forment véritable-
ment, par leur nombre, leur élendiie, leurs divers objets,
un de ses piincii)aiix ouvrages. Il nous en reste trois cent
trente-neuf. La plupart sont écrites au nom même de l'au-
teur ; mais plusieurs aussi le sont au nom de Thibaut et de
{\) De m. Angl. Scnptor. |i. -il',!. V oii- au.xsi |i. (■.•illier, Hist. des Auteurs
sacrés et ecol('.sia.'-1ii|Ues, t. XXlll, ji. -79.
1)0
III. ai
.Sn. |.
. '2W.
V D.
Ceill
XMII,
!'■ •'
120 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE. Thomas, qui se succédèrent dans l'archevêché de Cantorbéry,
' et auxquels il fut successivement attaché; quelques-unes même
pour d'autres personnes auxquelles il prêta sa plume. Une
analyse de chacune de ces pièces, presque toutes relatives
à l'histoire du temps, aurait sans doute son utilité; mais elle
nous jeterait dans des détails dont nos lecteurs, peut-être, ne
s'accommoderaient pas toujours, et quelquefois, dans ces
répétitions de faits et de réflexions semblables, que peut difïï-
cilement éviter celui qui écrit dans le même temps, sur les
mêmes actions, avec les mêmes impressions, à des personnes
différentes. Bornons-nous donc à ce que ces lettres ont de plus
remarquable, après avoir, toutefois, indiqué les recueils ou elles
se trouvent.
Trois cent deux lettres de Jean de Sarisbéry ont été re-
cueillies avec celles d'Etienne, évêque de Tournay, d'abord
abbé de Sainle-Géneviève à Paris, et avec celles aussi de
Gerberl, qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, après
avoir été successivement archevêque de Reims et de Ravennes,
dans un volume in-4°, publié à Paris en 1 01 1 ; par Jean Masson,
archidiacre de Bayeux, d'après le manuscrit de Papire Masson,
son oncle ; édition défectueuse, qui n'honore ni l'imprimeur,
François Salis, ni celui qui eut la direction du travail.
Elles ont été reproduites, avec les mêmes défectuosités, dans
les bibliothèques des pères, imprimées à Cologne et à
Lyon.
Trente-cinq lettres nouvelles ont été jointes à soixante
déjà connues dans l'édition publiée des épîtres de Thomas
de Cantorbéry, en 2 volumes in-4", à Bruxelles, l'an 1682,
par les soins de Chrétien Lupus ; deux autres encore ont été
mises au jour par D. Martène, dans le premier tome de ses
I'. im. V Anecdotes. Baluze avait préparé une édition des lettres do
«ussi les |i. ÎjilO j I c ■ u
et S!i7. ""^^" "^ aarisbéry ; mais d'autres occupations ne lui per-
mirent pas de la terminer. Fabricius nous en a conservé le
Liv. IX, p. P'^J" tl«"s sa bibliothèque de la moyenne et de la basse lati-
387 - 394. nilé. Celles qui appartiennent plus particulièrement à l'his-
T. IV, p. 4S3 'oire ont été imprimées par Duchesne, après les avoir revues
- -^77. sur un manuscrit de la Bibliothèque du roi, placé dans le
T. IV, p. i7i. catalogue sous le n" 8562, et qui paraît écrit au XIII* siècle.
M. Brial a placé beaucoup de lettres de Jean de Sarisbéry
P. 488 ei suiv. dans le seizième volume de la nouvelle Collection des histo-
riens de France, et il y a joint à ses propres noies .cellf^s de
Baluze. Il a publié aussi quelques observations sur ces lettres
80 iliiis M
son ; V.i iioi
ÉVÉQUE DE CHARTRES. \2]
dans la seconde partie du neuvième lome des Notices des manus- xii siècle.
crits, oïl il fait d'abord très-bien connaître tous ceux qu'on en p. <J3 et suiv.
trouve à la Bibliothèque du roi, et le n" 8562 en particulier. Il
rappelle aussi des variantes tirées d'un manuscrit d'Oxford, que
Jean Fell. évêque de cette ville, avait envoyées à Baluze en
1676.
Les vingt-deux premières lettres de Jean de Sarisbéry
sont adressées au pape Adrien IV. Elles ont pour objet des
plaintes faites ou des différends survenus, entre des églises
l'une avec l'autre, entre des ecclésiastiques et des sécuîiers,
entre des monastères et leurs chefs ou des évêques. Elles
sont écrites au nom de Thibaut, archevêque de Cantorbéry,
dont Jean de Sarisbéry était chapelain et secrétaire. Adrien IV
régna de il 54 à 1159, un peu moins de cinq ans. Quelques-
unes des lettres qui suivent lui sont encore adressées. Un plus
grand nombre est pour Alexandre III, successeur d'Adrien,
et qui occupa le trône pontiflcal vingt-deux ans environ'
depuis 1169 jusqu'en 1181. Il y en a pour plusieurs abbés',
pour plusieurs évéques, pour plusieurs fonctionnaires civils
ou ecclésiastiques, pour des seigneurs, des princes, et une, la
vingt-quatrième, pour Henri II, roi d'Angleterre; celle-ci
est écrite encore au nom de larchevèque Thibaut. Le prélat
y parle au monarque de tous les succès obtenus en France,
du calme et de la paix dont les Anglais jouissent, du désir
qu'ils ont de le revoir. Henri 11 était alors en Normandie. La
lettre est de l'an 1159. Thibaut y appelle le roi votre béati-
tude. 11 exprime les voeux les plus ardens pour la santé et la
conservation de Henri, qu'il regarde comme si nécessaires
non seulement aux Anglais, mais encore à toutes les nations
voisines.
La trentième lettre, écrite au nom de l'auteur lui-même,
concerne l'interdit dont le pape Adrien IV avait frappé l'évêquè
d'Ély, pour avoir aliéné des fonds de son église. On y allègue,
entre autres motifs, pour lui accorder la levée qu'il demandait
de cet interdit, le dépôt fait entre les mains de l'archevêque de
Cantorbéry de cent marcs sterling pour les besoins du Saint
Siège. La lettre est terminée par le vœu qu'Alexandre règne
long-temps : Utinatn memoriter teneat quod omnes sciunt, in
auribus vestris paucissimi profiteniur, romanum pontificem non
passe diù pontificari! Ce vœu fut accompli, et Alexandre IH
survécut à celui qui l'avait formé.
Tome XIV. q
n:i siKcm.
122 .IRAN \)K SAT^ISBKRY,
Impaticnl d'ohlenir son absniiilion, l'évôquc d'Kly ajouta
encore un marc d'or aux cent marcs d'argent qu'il donnait
au Saint Siège. Jean de Sarisbéry nous l'apprend dans la
trente-unième lettre, adressée à un ami qui élail à Rome, et
qu il charge de poursuivre celle afliiire. I.e pape, y dit-il, ne
sera pas bien grevé, en envoyant des paroles pour de l'or :
gravari non débet, si accepta nuro rerba remiserit. Nous
remanpierons encore (jwe , dans la tnîniième Irltic, toute
courte qu'elle est, le pape est sucressivcMiicnl a|)pelé Votre
Majesli', Voire lùninmce, Vol)-e Palernilè, Votre Scrmité,
sans compter Votre Clcmencc, Vot)-e B(''nignitr, cpii ne sont
pas là comme une expression iionorifiqiio, mais comme une
V("rtu qu'on su[)pose et (pi On loue, rpielquefois pour la faire
naître.
C'est loujouis an nom de Tliil)aut, archevnpie de C.anlorbéry,
(prestécriti^ la lettre suivante !. en lésia>li(pie auquel on l'adresse,
el à qui le prélat ordonne de venir répondrez de .sa conduite,
y est accusé de désol)éissance, d irrévérences graves envers
1 archevêque el le pape, de sacrilège, d incontinence, el Thibaut
ne croit |)as pon\oir Inisser d'' tels excès impunis, sans s'ex-
poser, par celle négligence à r(>mplir ses devoirs, à être puni
lui-même par celui (pii n(> iail acccplion ni des dignilès, ni des
personnes
C'est encore au nom de Thibaut que fut écrite, en 1157,
la lettre placée la ([ualre-vingl-dix-luiilième, cpioique beau-
cou|) de celles (pu la précèdent dans le nnuieil soient posté-
rieures pour le li'm|)s l'Jlc est adressée à Henri, évêque de
Winchi'ster, petit fils de (iuillaume le-Conquérant, et frère du
roi Etienne. (>e prèlal avait cpiiltè l'Anglcilerri', el la crainte de
Henri II 1(! ret(>nait en iMance Thibaut l'engage à y revenir ;
il lui peint tous les maux rpie son ab.sence fait à .son diocè.se;
II' pain célesle y mancpu,'; il lui promet, au nom du roi,
sùrelé et tranquillité, [)Our lui el pour tous les siens, à l'excep-
lion de deux personnes qiu; le roi croit devoir exclure de la
permission de retour qu'il accorde à tous La Icllrc 99 et la
lettre 101, également de ll.'iT, ont à-peu-iirès le même objet.
ijévê(pic de Winchester n'avait pas trouvé suITisanle l'assu-
rance (]ue Thibaut lui ilonnail ; il avait voidu un sauf-conduit
du roi ; celui-ci en avait été blessé . Thibaut le lui lè-moignc
dans la première de ces deux lettres ; il lui fait des instances
encore pour hàler son retour, inslanees tpril rcnouvelli; dans la
.seconde.
SUIV.
IX, \ml. 2,
'Jii
liVKQUK DE CllARTHES. 123
La plupart des lellrcs imptiiuces avant ces Irois-là ont x" siècle.
rapport au schisme causé, (juel([ues années après, par la Lnn ri6 <
concurrence d'Alexandre et de Victor pour le ponlificat "'|'- ''■ *'^
suprême. Mais, parmi elles, en sont mêlées plusieurs cpii
n'ont pas cet objet, qui sont encore antérieures à lépoque
quelle suppose, puisque ce n'est pas à Alexandre que leur
auteur les adresse, mais au pape Adrien, son prédécesseur,
comme la fort bien remarqué lialuze, ([ui substitue le nom f^' ''" "'''^•
de ce dernier à celui d'Alexandre, par lequel les éditeurs
précédens avaient interprété la lettre A, mise à la tête de
l'épîlre; telles sont les lettres imi)rimées dans l'édition de
Masson, (!l dans la Hibliollièquc des pères, sous les n" 40,
41, 42, et 53. La (piaranle-uniùme est une de celles que
M. Brial a insérées dans le seiziènie lome de la nouvelle ("col-
lection des historiens de France Elle est de 1159, et n'est v. vn.
relative qu'à un lait particulier, concernant l'église de Bou-
logne-sur-Mer, qui voulait profiler de la mort de l'évêque
dans le diocèse duquel elle se trouvait, pour devenir elle-
même le siège d'un évêché particulier, et le centre d'un
diocèse.
La quarante-quatrième est adressée au roi d'Angleterre. i>, in],
Thibaut le consulte sur le [)arti qu'il convient de prendre
entre les deux personnes (jui se disputent la chaire de saint
Pierre. Après avoir rappelé tous les maux qui suivent un
règne divisé, et tous les avantages que l'unité procure, il sol-
licite une décision du loi, sans trop laisser a|)erc('\oir .son
opinion [)articulière On y voit (pie l'Angleterre était partagée p. r.>i.
entre les deux conlendans. Le prélat témoigne au roi son
embarras à cet égard, et le prie de l'aider de ses con.seils ;
car il y aurait pour moi, dit-il, un véritable danger, .m des
cvêques ou des abbés ipii ont reçu de l'église romaine bien
moins dhonneur (jue je nen ai reçu moi-même, prévenaient
mon obédience envers celui des deux concurrens, inconnu
encore pour nous, dont I élection doit prévaloir.
L'opinion de Thibaut, si incertaine dans la (|uarante-
(|uatrième lettre, avait cessé de l'être bientê)t après (pianti il
écrivit celle qui est imprimée la (piarante-huilième. Il s'élail
déterminé totalement pour Alexandre . il en donm^ au roi
pour motif principal, (pie la France vient île n connailri^ ce
pontife, et que dans de send)lal)les (pierelles le concurrent
préféré, accueilli, défendu, |)ar l'église gallicane, avait tou-
jours fini par l'emporter: c'est ainsi (pie nous avons vu, do
qz
124 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, notre temps, Innocent prévaloir contre Pierre de Léon,
Calixte contre Bourdin, Urbain contre Guibert, Pascal contre
ses trois compétiteurs, Albert, Théodoric et Maginulfe. Le
prélat engage le roi à ne pas se laisser entraîner par l'exem-
ple de l'empereur Frédéric Barberousse. Frédéric, en effet,
avait reconnu pour pape le concurrent d'Alexandre, et l'a-
vait fait reconnaître par un concile tenu à Pavie, au mois
de février 1160. A des considérations générales en faveur
d'Alexandre, Thibaut en joint de personnelles à ce pontife ;
il le regarde comme beaucoup plus capable de gouverner
l'église romaine, comme bien supérieur à l'autre par ses lu-
mières et ses taiens, comme étant honestior, prudentior , lit-
teratior, eloquenlior.
Les hésitations avaient cessé et l'Angleterre s'était rangée
du parti d'Alexandre, lorsque Jean de Sarisbéry écrivit sa
p. 42-1 et 42'J. cinquante-neuvième lettre. Elle est adressée à un de ses
amis qui n'est désigné dans les éditions ordinaires que par
N. Coll. des magister R. de Servis, c'est-à-dire Raoul de Serre, que l'au-
Histor. de Fr leur appelle dilecte mî, amicissime. La lettre contient une
cl noie h ' ^i^^ déclamation contre l'empereur Frédéric, le principal
appui de Victor. Entre autres attentats, Jean de Sarisbéry
lui reproche de vouloir s'arroger une monarchie universelle.
Qui donc a établi les Allemans juges des nations, dit-il?
Qui a donné à ces hommes brutaux et violens le droit d'éri-
ger un prince à leur gré au-dessus des enfans des hommes?
toujours une semblable entreprise a été foudroyée par le
Seigneur. Je sais ce que mérite le Teuton : j'étais à Rome,
sous le Pontificat d'Eugène, lorsqu'une langue imprudente
découvrit ses orgueilleux desseins. Il ne demandait, pour
changer la face de l'empire, soumettre l'univers à Rome,
réduire le monde sous ses lois, que le concours du pape;
c'est-à-dire, que le pape voulût frapper du glaive spirituel
tous ceux contre lesquels serait tiré le glaive matériel de
l'empereur. Aucun pontife, jusqu'à présent, n'a voulu con-
sentir à celte iniquité. Frédéric s'est donc associé un nou-
veau Balaani, par l'organe duquel il pourra maudire le
peuple de Dieu. Peut-être est-ce pour éprouver l'église ro-
maine que le Seigneur permet les attentats de ces Teutons,
comme, autrefois, il laissa des restes de Cananéens dans la
terre qu'il donna aux enfans d'Israël ; mais elle triomphera
de leurs efforts ; quand nous n'en aurions pas d'autres assu-
rances, le passé nous répond de l'avenir. Voyez dans le palais
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 125
de Lalran, les monumens des victoires semblables qu'elle a xii SIECXI.
remportées ; les igaorans peuvent, comme les savans, y re-
connaître que les schismatiques , élevés par une puissance
séculière à la papauté, servent de marchepieds aux vrais
pontifes. Celui qui ose troubler par la force l'exercice libre
des droits de l'église commet un crime digne de mort.
Jean de Sarisbéry examine aussi l'élection de Victor , la
validité du concile de Pavie et de l'acte par lequel on l'y a
reconnu pour souverain pontife. En l'absence des prélats,
des seigneurs y avaient été introduits ; on y admit des hommes
dont l'élection avait été annullée, à qui leur âge ne permet-
tait pas de remplir des fonctions épiscopales, comme Rai-
nald, chancelier de l'empereur, dont l'élection à l'archevê-
ché de Cologne n'avait pas eu la sanction du pape, alors
Adrien IV; et Gui, fils du comte de Blandrate, dont l'élection
à l'archevêché de Ravennes avait été annullée. Cui non haec
ridicula videantur, dit-il? Scenae theatralis haec species est
potiùs quant reverendi imago concilii... quis ad illius concilii
statuta moveatur, ajoula-t-il, ubi
Sedére paireis, cemere parai i,
Si regniim, si lempla petat, juguliimque senalûs,
Paasuraaque infunda nurus\
et si quid tyrannicum atrocius excogitari potest?
Le sujet de la lettre suivante est bien différent : elle est
écrite à un ami de Lisieux et contient un pompeux éloge des
habitans de celte ville. En considérant tout ce qu'ils savent et
la manière dont ils s'expriment, dit l'auteur, on les pren-
drait pour des êtres divins; il les déclare les pères de l'élo-
quence : Lexovienses patres non modo eloquentium sed elo-
quentiae quodammodo sunt. Comparables sous plusieurs rap-
ports, ajoule-t-il, aux habitans d'Aurillac , qui ont tant
d'instruction et qui en font un si bon usage, ils les surpassent
en ce point, qu'à Lisieux on naît et on devient orateur, en-
sorte que le talent de bien dire y appartient à tous les âges,
à tous les sexes. Nous avons dit plusieurs fois, dans les vo-
lumes précédens, tout ce que le monastère d'Aurillac avait
fait pour les lettres. Il avait contribué, plus qu'aucun autre, ,"'"• /''"**'•
à leur renaissance ; et, depuis deux siècles, il les cultivait îx, p. \q^' ''
avec le même succès.
Jean de Sarisbéry revient dans les soixante-troisième et
126 JEAN DE SARISBERY,
xn siRCLK. soixante-quatrième lettres au schisme né des prétentions
~~" mutuelles d'Alexandre et de Victor. Celles-ci sont écrites au
nom de Thibaut, archevêtiue de Cantorbéry, et adressées
par lui, en 1160, au roi d'Angleterre Dans la première des
deux, le prélat félicite d'abord le roi de la paix qui vient
d'être conclue entre Louis VII et lui : il l'invite à repasser
en Angleterre, et lui témoip;ne à cet égard des désirs d'autant
plus vifs (}ue sa vieillesse et ses inlirmilés ne lui permettent
pas d'espérer une vie bien longue encore. Il parle ensuite du
bruit répandu (|ue l'empereur cherchait à amener le roi
d'Angleterre au parti de Victor, et engage vivement Henri
à ne pas précipiter sa décision, à nr rien faire sans une dé-
libération mûre et éclairée; conseil (pii prouve que celte
lettre est antérieure à (fuelques autres placées avant elle
néanmoins dans les recueils ordinaires. La seconde des deux,
ou la soixante-quatrième, commence par des félicitations au
roi sur ce qu'il a appaisé les tempêtes de l'église et rendu
réponse aux cmbrassemcns de son époux. II fait des vœux
pour que le trône possède long-temps un prince ami de
l'unité, ennemi du schisme, dont ladniinislration salutaire
ne tend qu'à consolider la pierre sur laquelle 1 église est éta-
blie, et pour qu'après lui ce trône passe à ses enfans et aux
cufans de ses enfans, toujours alTermi par les bénédictions
des peuples. Il y parle ensuite du coiirile qui a été assemblé
en Angleterre, par l'ordre du roi, à l'occasion même de ces
deux prétendans, et pour exmiiiner lequel il convient de re-
connaître comme pontife romain Les titres sur lesquels l'un
et l'autre se fondaient furent mis sous les yeux du concile; les
canons y furent lus-: des témoins y furent entendus sur ce
(|ui s'était passé dans les deux élections ; et l'assemblée enfin
se décida pour Alexandre ; décision au reste qu'on doit re-
garder comme [ihilnl proposée que rendue , car les évèqucs
l'envoyèrent au roi connue leur opinion, lui laissant la déci-
sion suprême. Jean de Sarisliéry en donne les motifs en
méme-tenips qu'il eu rappelle les résultats. C'est là l'objet
de la première partie de cette lettre : elle en change bientôt
et devient une recommandation assez vive, faite au roi par
Thibaut, de Jean de Sarisbéry (jui du reste, comme nous
l'avons dit, était lui-même l'organe des éloges donnés et
des vœux exprimés par l'archevêfiue de Cantorbéry. Le pré-
lat se jette aux pieds du roi pour le supplier d'accorder toute
sa protection à la personne qu'il lui recommande ; quand i
KVKOUK DK CHAUTRES 127
m'aura perdu, lui dit Tliibaul, qu'il retrouve en vous l'af- xii sie*:le.
fection et les bontés d'un pure : Cùm me amiserit, respondeat
ei, pro me, serenitas vestra, in aff'ectu dulcedinis et consola-
tione patris amissi. Joannes is est de Saresberià, ajoute-t-il,
car Thibaut n'avait pas encore nommé au roi celui qu'il re-
commandait , ou plutôt Jean de Sarisbéry ne s'était pas en-
core nommé : Joannes is est de Sarisberià, quem utique alii
commendarem , si aliion inter amicos et dominos haberem
poliorem. La lellrc change encore d'objet avant de unir.
Thibaut était frappé, en l'écrivant, de l'idée d'une mort pro-
chaine; il témoigne à llonri un grand désir de le voir avant
ces derniers moniens. Il lui promet le trésor de ses béné-
dictions; il lui demande sur - tout de ne diminuer en rien
les privilèges de légliso, de ne |)as écouler ces hommes du
siècle, qui pourraient lui persuader cpie la dignité royale en
serait accrue. Il anirmc (pie Ions ceux (pii jtarlent ainsi sont
les ennemis de la royauté même, et les ennemis de Diini.
Les difTérens objets de celle lellre ont porté Baluze à croire
qu'il n'y en avait pas une seule ; il en fait trois épîlres dis-
tinctes, ayant chacune un des trois objets principaux dont
tille se compose. Mais rien n'est plus commun, et pour Jean
de Sarisbéry en particulier, (jue de traiter plusieurs matières
différenlcs dans une même lettre; et M. Brial a très-bien
observé, dans sa notice des ileux manuscrits de la Biblio- >ot. 'les niss.
ihèque royale , contenant les lettres de cet écrivain , que ' J^' '"""'■ "'
Haluze n'aurait pas dû changer le numéro des lettres subsé-
quentes pour une amélioration qui n'en est pas une ou qui
n'est pas assez motivée.
La soixante-cinquième, beaucoup plus courte, est adressée
aux évoques d'Angleterre : elle leur annonce encore la pré-
férence donnée par l'église de ce rojaume et par celle de
France auparavant , à l'élection d'Alexandre. L'archevêque
de Cantorbéry leur ordonne, comme primat, d'avoir pour cet
élu 1 obéissance et le respect dus au ponlife romain.
Le scandale de la cohabitation des ecclésiastiques avec des
femmes, est l'objet de la soixante-septième lellre et de la
soixante- huitième. On y rappelle les décrets, les canons,
qui le leur défendent, et l'opinion de saint Augustin en par-
ticulier, qui ne voulait pas même quon leur permît de de-
meurer avec leurs sœurs, se fondant sur ce qu'avec les sœurs
pouvaient habiter aussi quelquefois des personnes qui ne
128 JEAN DE SARISBÉRY,
m SIECLE, l'étaient pas , et qu'alors , suivant l'expression d'un poète
payen,
Cognato poterit nomme culpa fegi.
L'auteur y cite encore un autre passage de saint Augustin
sur la manière dont doivent être appréciées les fautes d'une
épouse, quand l'abandon de son mari les précède et l'y en-
traîne; il est question d'un prêtre marié d'abord, qui devint
prêtre sans être veuf, dont la femme crut alors pouvoir s'as-
socier à un autre par un mariage qui fut déclaré nul ; et ce-
pendant on fit rendre à l'épouse, par le premier mari, la
dot qu'il en avait reçue, disposition qu'on ne saltend pas
à voir commander, tant on est étonné qu'elle n'ait pas été
exécutée sur- le -champ et volontairement par un homme
qui renonçait à l'union conjugale pour se vouer au sacer-
doce. On voit encore, dans une de ces lettres, un prêtre
accusé d'avoir laissé mourir sans confession et communion
une femme dont il avait abusé. L'épître suivante, qui est la
soixante-neuvième, annonce des mesures prises par l'arche-
vêque de Cantorbéry, pour réprimer les exactions honteuses
dont se rendirent coupables quelques ministres de Satan
plutôt que de Dieu, et la vente sacrilège qu'ils ne rougissaient
pas de faire des sacremens de l'église.
L'archidiacre de Cantorbéry était absent ; l'archevêque
desirait et ordonnait son retour. L'archidiacre était auprès
du roi qui demanda au prélat de le lui laisser; c'est le sujet
des soixante-dizième et soixante-onzième épîtres que nous
nous contentons d'indiquer. Nous aurions pu même n'en rien
dire, comme de beaucoup d'autres qui n'ont aucune relation
à l'histoire religieuse, morale, politique ou littéraire, du
temps ou Jean de Sarisbéry écrivait, ou qui ne présentent
à cet égard aucun fait ou aucune discussion d'un véritable
intérêt. Une d'elles cependant , la quatre - vingt - troisième, '
peut être rappelée ici : un honmie, convaincu d'avoir fabri-
qué de fausses lettres apostoliques et contrefait le sceau du
Saint-Siège, avait été excommunié par le pape. L'archevêque
de Cantorbéry, ou Jean de Sarisbéry en son nom, écrit à
tous les curés pour leur en faire part : le salut de l'église,
dit-il, est en péril si le vaisseau que Pierre gouverne est con-
fié à d'indignes mains. Le sceau est la marque des règles et
des commandemens émanés du vicaire de ce prince des apôlres ;
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 129
en le voyant on doit s'empresser d'obéir. De quel crime ne xi! siècle.
se rendent donc pas coupables ceux qui en supposent l'exis-
tence ! ils sont vraîment des ennemis publics, et autant
qu'il est en eux, les perturbateurs de l'église. Un de ces cou-
pables est parmi vous : il a joint au faux le parjure ; il a mé-
rité l'anathôme. Qu'il soit par-tout dénoncé, et si on peut
l'atteindre, qu'il nous soit amené Quelques expressions de
la lettre peuvent porter à croire qu'il y avait eu alors plus
d'une fois des exemples de ce crime.
Plusieurs des lettres qui suivent celles que nous venons
d'analyser, sont écrites à Pierre de Celles, ce généreux abbé
qui avait si bien accueilli et distingué Jean de Sarisbéry
pauvre et malheureux, qui resta invariablement son ami, et
qui devint ensuite son successeur dans l'évêcbé de Char-
tres. Ce ne sont pas les moins anciennes quoiqu'elles soient
placées après beaucoup d'autres qui ne durent être écrites
que postérieurement. On trouvera, par exemple, ce carac-
tère d'une antériorité très-probable, dans l'épître sous le
numéro quatre-vingt-dix-sept, où Jean de Sarisbéry parle
d'une expédition de Henri II contre les Gallois, expédition
qui doit être celle de 1157, comme le présume M. Brial,
dans une note du seizième tome de la nouvelle collection Note /,. p. 490.
des historiens de France. L'épître sous le numéro cent vingt-
huit est plus ancienne encore : elle est écrite à l'évéque de
Norwick. Le testament de Geoffroi-le-Bel, comte d'Anjou,
donnait ce pays au second de ses fils, du moment que le pre-
mier monterait sur le trône d'Angleterre. Ce second fils,
nommé GeofiFroi aussi, s'en mit en possession à l'avènement
de Henri 11. Henri le lui disputa et s'en empara comme ayant
droit également à toutes les portions de 1 héritage paternel
et maternel; c'était en 1155. Un accommodement eut lieu
ensuite entre les deux frères; le domaine utile des terres prises
sur GeolTroi lui fut rendu ; Henri se réserva les châteaux et
forteresses, et lui assura une indemnité annuelle de mille
livres anglaises et de deux mille livres angevines. On s'occu-
pait des moyens de terminer le différend entre eux, quand
la lettre de Jean de Sarisbéry fut écrite à l'évéque de Nor-
wick. L'accommodement est de 1157, la lettre de 1156.
Celle qui est placée la quatre-vingt-cinquième, par Jean
iMasson et par les éditeurs de la Bibliothèque des pères, est
adressée encore à Pierre de Celles. Jean de Sarisbéry le re-
mercie du présent que cet abbé lui ;wait fait d'un de ses ou-
Tome XIV. B
130 JK AN 1)I<: S AU ISB KHY,
XII siEr.LE. vrages ( le Traité dos Pains ), et il saisit ceilo occasion de
ronoiivclcr à son ami loiilo la reconnaissance dont il est pr-
nélré pour ses anciens bienfaits. Ce n'est pas d'anjoui-d'liiii,
lui dit-il, que je reçois des marques de. votre bonté ; elle est
venue au secours de mon indigence dans une terre où j'étais
étranger, et vons ave/, eu po;ir moi la générosité d'un pén^
el l'ad'ection dune mércv C.V'Iail beaucoup, .-^ans doute, de
veiller auK bi-.-^oin.-' d un cxilf, de li' l'aiir jouir clir/ une
autre nation de tous les avantagiis i|uon lrou\e dans la
sienne : mais vous ave/, i.nt bien plus encore, en enq)èclianl
(|iiejene ru.->e éternellenienl prive du bonheur de revoir ma
patrie, (le.^t à vos soins (pie jie suis redevable de mon relmir
en Angleterre ; cesl à voire recoimnandalion ipie je; dois la
connaissance, la familiarité, la favteur des personnes les plu-
éminenles ; c'est dc^ vous (pu- je tiens létal llonssant ou jo
suis ici, et la [jréfr'renee (pmn me ilonne sur mes concitoyens
et mes contenq)oraiiis. Apie,- (piei(pie> remercfmens eneon;.
il lui dit que l'Iionune ne \il pas seelemenl de [)ain, cl (pu;
le boire fréfpient des .\nglai-, polnlioiiis assi'luiUis, les a
rendus illuslix'S paimi leu- le- anirc- peiq)les : donnez-moi
donc à boire, a|)res m.iM ii uduiii, ma -oif est grande, el
le pain va m'élran-ler si vous n y pourvoyez en me don-
nant du vin: Jnm enira si/io, /^oleroi/ite, voralor panum, in
siccilale sLraïKjidari, m-si clenioUii' festra nii/ii viiiimi pro-
rideat. Cela vous est plus facile, e(iiilinue-l-il. (pie de m'en-
vover de la bierr(>. ; je bois ce|)emlaiil I un el raulr(>, el j aime
tout ce(pii |ii ul l'iiixrer l'lrius(ine lamcn bihax sum el non
abhoneo (luidquul. inebriar,- polesl. .le \\v. rajjporte (pi'une
partie de la lettre : .raul(Mn- s(> complail. à parler assez long-
temps de la même licpieiir el du même diesir ; il en parle, el
dans le sens propre et dan- le -eus mélapliorupie, mais dans
le sens pro|)re sur-loiil . il parle loiil à-la-fois du vin de
l'alerne et du vin de Sicile du vin gnîc el du vin de Franco ;
il pr(''tend (pue le.-> l'raii'.ii- renvoyeni souvent leurs convivcvs
avant îii;iii;,;i'' sobrem.iil mais jamais .sans être ivres , ssppà
sùb)ios, nunquiim sioos.
Ce. n'est pas la se-ule lettre de .leaii de Sarisbéry, oii il
exi)rinie sa reconnaissance pour Pierre de; Celles. Il lui olfre
souvent, (luoiipi'avec moins détendue, N.'s mêmes lémoi-
P, -,. gnages de gratitude. Dans une autre épître il lui envoie un
d(>, C(!S présens cpii tirent moins de prix d(ï la valeur (pi ils
ont que du sentiment ipii les offre, cesl une salière d'argent ;
KVEQLE DE CIIARTKES 131
et à ce siijel, il ne laisse échapper aucun des jeux d'espril '^" '^"'-«''^i--
qu'un tel don peut faire naîlre : une salière est nécessaire à
un homme qui a du sel avec tant d abondance ; la rondeur
de sa foi'ine convient à la perfection (jui dislingue un tel
ami.
Dans une aulre lettre à Pierre de Culles, Jean de Saris- Ep. 115.
béry lui annonce l'occasion cl le coninioncenicnt de la dis-
i,'race qu'il vi(;nl d éprouver. Tnule la colère de noire séré-
nissinie seigneur, de notre mi Irès-puissant, de noire mo-
narque invincible, se$t alluiiK'e, dit-il, contre moi. En
voulez-vous savoir la cause? » je lui ai été trop favorable;
j'ai concouru, avec jilus d ardeur (juc je ikî Ici devais, à le
remplacer sur le trône de ses pères ; Diiui u résolu de m'en
punir. Ce n'est point là pourtant la faute dont on m accuse ;
on me fait des repi-oi'hes au sujet dc-^cpiels mon innocence
est facile à i)rouver: seul, dans le royaume, ji; porte alleinle
dit-on, à la majesté ro\ aie. On m'inipule le,-; ejlbits île l'église
anglicane pour di'feiidre sa libelle dans les élections, dans
l'exaiiuMi et le jugcMiienl dc^ caii.ses ecclésia5lii|ues, comme
si jetais le .seul à instruire l'archevi^pie de (lantorbéry -A
les autres prélats de ce ipiils doiv(>nt fairiî ; je suis menacé
de l'exil; j(i le su|)porlerai sans l'aible.s.si;, mèuie avec joie;
je compte; même (piiKei bientôt l'Angleleire, aller en France,
et.de là pa.sser à Home {.a'\[o lellic e-l de la lin de l'année
1 l.'i'.i Dans une leiirc (pn doil l'in' poulet icnn-. (pioupie placée
IxMueoup a\aiit par les éditeurs de.-, kh iieil.s annoncés, Jean
lie Sansbéry fait connaître à l'ieric de (!elles K's motifs ijui
reni|)è(lieiil de réali>er (>ncor(> le projet de venir en France:
insliuil que Henri II devait l)ieiitôi pas.ser en Angleterre, il
ly attendait pour se ju>lili(!r au|)rès de lui ; ce n est pas qu'il
crût mériter aucun re[)roclie ; il allribiiait a la jalousie, à la
malveillance, tontes les inq)utations (|u on lui faisait : défendre
la \éiité, croiriî (pie l'église doit être libre, voilà, disait-il,
tous mes crimes ; Professio liberlalis, vct'Ualis (Ic/cusio, crimina
mea sunt.
Lin de ceux à (pii Jean de Sarisbéry altriliuait |)riiicipale-
nienl I indignation contre lui, était Aiiioul, (-vèque de Li-
sieux, (pi'il ap[)elle un maileau diniquilé pour écraser l'é-
glise, maliens iniquilalU ad conlerendam ecciesiam, dans
une lettre au pape Adrien IV. En vain le pape avail-il écrit '^p. i"^»-
au roi pour le justifier ; Arnoiil avait rendu ce service inu-
tile en disant: le pape écrit ce qu'il veut; et moi, je; dis ce
112
132 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, quejesaisde vrai. Jean de Sarisbéry prie le pontife de lui
continuer ses bons offices, pour obtenir qu'il rentre en grâce
auprès du roi. Cette nouvelle tentative fut également infruc-
tueuse. Jean de Sarisbéry avait déjà parlé de l'évêque de Li-
sieux dans une autre lettre au pape Adrien, qui est la cent-
huitième des épîtres recueillies ; et dans la cent-treizième,
adressée à Thomas Becket, alors chancelier d'Angleterre, il
l'avait aussi conjuré d'employer tous ses efforts pour lui ramener
l'esprit et la bienveillance du roi, offrant de donner toutes les
satisfactions qui seraient jugées indispensables, et de sesoumel-
treà tout ce qu'on exigerait de lui pour prouver son innocence.
On peut voir dans le recueil de Lupus, une lettre que Jean de
Liv.i, rp. 24. Sarisbéry adressa, peu de temps après son arrivée en France,
à l'archevêque de Cantorbéry. Elle a été insérée aussi, sous le
numéro dix-sept, parmi les lettres recueillies dans la nouvelle
T. XVI, p. KOE). collection de nos historiens. Jean de Sarisbéry y rend compte
au prélat de l'accueil qu'il a reçu du roi et du comte de
Flandre. 11 se félicite d'être venu à Paris, et il applique au
séjour de cette ville un passage de la Genèse et un passage
d'Ovide: Verè dominus est in loco isto, c'est le premier; et le
second :
Félix exUium eui lociis utedatur.
Il parle des efforts qu'on fait pour animer le pape contre lui,
des efforts particuliers de cet évèque de Lisieux au sujet
duquel il s'exprime toujours avec amertume et animosité. Il
peint de couleurs assez vives l'avarice ou la cupidité de la
cour de Rome. C'est en 1164 qu'il écrivait ainsi. En, 1165,
, „, il fait connaître aii même prélat ce qu'on peut espérer des
El), de. Thom. . i i- i ■ i
de Coni. liv. I, négociations entreprises pour rétablir la paix entre les rois
fp^i. de France et d'Angleterre; il l'instruit rfune conversation
qu'il a eue avec Louis-le-Jeune, et dont lui, archevêque de
Cantorbéry, a été l'objet principal. Jean de Sarisbéry avait,
trouvé le roi moins animé que de coutume en faveur de
Thomas Becket, quoicjue ce prince d'ailleurs compatît aux
exilés et désaprouvât la dureté du roi d Angleterre. Loujs
craignait de donner au pape des conseils dont l'effet finît par
être l'abandon de l'église romaine par Henri H. Jean de Sa-
risbéry craint sur-tout l'influence de Robert, comte de
Dreux, frère de Louis Vil, qui ayant beaucoup d'enfans, et
comptant sur le roi d'Angleterre pour l'aider à les établir,
était entièrement dévoué à ce roi. L'auteur indique môme
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 433
en faveur de son assertion, un présent que la comtesse de xii siècle.
Dreux venait de faire à Henri, présent qui rappellerait peu
aujourd'hui la magnificence royale, trois cents aunes de toile
de Reims, pour des chemises. Est enim prudens mulier, •
ajoute-t-il. Jean de Sarisbéry conjure ensuite l'archevêque
d'accorder plus de soins à sa réconciliation avec le roi, et
de laisser là pour quelque temps ces études et ces exercices
scholastiques auxquels il se comptait. Connaître les lois et
les canons est utile sans doute, mais croyez m'en,
Non hoc ista si6i tempus êpeciacula poscti.
Siquidem, non tani devotionem excitant guam curiosila-
tem... guis à lectione legum aut etiam canonum compuncttcs
surgit ? plus dico : scholaris exercitatio inte?^dùm scientiam
auget ad tumorem, sed devotionem, aut raro, aut nunquàm,
inflammat.
Quelque attaché que fût Jean de Sarisbéry à la personne
et à la cause de l'archevêque de Cantorbéry, il n'approuvait
pas toute sa conduite, tous les emportemens de son zèle.
Nous lisons, dans une épître à l'évêque d'Excester ; « J'ai Ep. iso.
toujours conservé pour mon archevêque la fidélité que je
lui devais ; mais, d'après ma conscience seule, et sans oublier
ce que je devais à mon roi. Celui qui voit dans les cœurs, et
qui juge les paroles comme les œuvres, sait combien de fois
et avec quelle aspérité j'ai repris ce zèle outré que l'arche-
vêque montra d'abord, et dont l'efifet devait être d'irriter le
prince toujours davantage. Je le faisais ainsi par la persua-
sion oii je suis que le temps, les lieux, rendent des ména-
gemens nécessaires.»
Ces seniimens sont encore exprimés dans une des lettres Ep. 198. v,
suivantes, adressée à Regnauld, archidiacre de Sarisbéry. *"*" '^f- ''' •
« En vérité, dit-il, je me regarderais comme pire qu'un ca-
nanéen et un publicain, si je ne compatissais à la déplorable
situation de mon père, et si les peines qu'il endure ne fai-
saient sur mon ame une impression plus forte que ne le
feraient mes propres douleurs. J'ai travaillé de tout mon
pouvoir. Dieu m'en est le témoin, pour gagner quelque
chose sur son esprit, usant de remontrances tantôt douces,
tantôt fortes, et variant mes discours en toutes manières ;
mais tous mes efforts ont été vains » . Venant ensuite au fond
de l'affaire, il dit ces paroles assez remarquables : « Si on me
demande ce que je pense, voici, selon moi, la conduite à
11
134 .lEAN DE SARISBÉRY,
X!i SIECLE, suivre dans loule question difricilc ; chercher d abord ce que
prescrit la loi divine; si elle ne prescrit rien, recourir aux
canons et aux exemples des saints; ny Irouve-t-on rien de
certain encore? consulter les hommes sages, craignant le
Seigneur, et toujours préférer l'avis (|ui place l'honneur de
Dieu au-dessus de tous les intérêts personnels.
Dans la lettre que nous avons rappelée auparavant, celle
à l'évoque dExcester, après avoir exprimé son opinion sur
le caractère inflexible de Thomas Becket, Jean de Sarisbéry
insiste auprès de cet évêque, pour qu'il lui obtienne du roi
la permission de revenir en Angleterre. Elle lui fut enfin
accordée, mais à la condition qu il prêterait serment sur les
reliques, de n'avoir rien fait, au-delà de la mer, contre l'hon-
neur du roi el l'inlérèl de sa couronne. Jean de S.irisbéry
consulta le pape, et le pape ne crut pas que le serment dftl
être prêté, sur le prétexte (juq le monaripie et les gens de sa
cour regardaient comme ayant ce caractère toutes les actions
faites contre la volonté du prince. D'autres lui faisaient
espérer son retour, s'il voulait seul(;nient promettre de ne
plus aider en rien l'ari-hcvêcpir de Canlorbéry. « Mais, quoi-
(lue je n'aie prêté ni houjuiage, ni srinuMitù ce prélat, con-
tinue l'auteur, (pioi(pie je ne lui doive tpie l'obéissance due
par tous les fidèles à leur évêipic, j(^ n'ai pas cru devoir
accepter ma rentrée en AngletiMrc, au prix d'une renoncia-
tion dont personne, dans tout le royaume, n'a encore offert
l'exemple. Je ferais d ailleurs, volontiers, tout ce que je [K)ur-
rais faire sans nuire à ma réputation el à ma conscience. Je
me suis éloigné de I archevêque ; je ne vis plus avec lui :
mais je ne iiuinipierai ni à la lidélilé, ni à l'afl'ection que je
lui dois. »
La cent cincpianlc^-ueuvième lettre est encore écrite à
l'évêque (TExc-sIcr lliomas Heckel voulant excommunier le
roi, el jeter un intcrdil sui- I.Angleterre, se rendit à Soissons
pour V implorei la \ iergc, dont \c culte en celte ville était
alors célèbre, saint Drausin, auquel ceux qui allaient se
battre adressaient ordinairement liHirs prières, et saint Gré-
goire, fondateur de l'église anglican»;, qui repose dans la
même cité. On venait, pour saint Drausin en particulier,
jusque» d Italie, tellement on était convaincu (jue tout homme
qui avait pas.sé la nuit à son lomlxuiu était invincible ; Robert
de Montfort y était venu en 1103, avant de combattre Henri
d'Essex. Thomas Rcckot y resta trois nuits, et il allait pro-
ÉVÉQUE DE CHARTRES 131)
clamer ses censures, quand on apprit que le roi d'Angle- xir siecli;.
terre -était dangereusement malade : le prélat suspendit les
anathêmos qu'il s'était si bien préparé à lancer sur le prince
et sur son royaume. Cette lettre renferme quelques détails
sur l'église en général, sur divers princes et prélats, sur le
droit d'excommunication, sur la protection accordée à Victor,
concurrent d'Alexandre III, par l'empereur, que l'auleur
appelle l<! tyran teulonique, et sur lequel il rassemble beau-
coup d'injures. Nous avons dit que cet empereur était Fré-
déric I", surnommé Barberousse. Des révoltes avaient éclaté
contre lui en Lombardie : Jean de Sarislicry s'en félicite avec
l'évèquc dExceslor; il y voit la punition infligée par Dieu,
de lappui que ce prince avait prèle à Victor contre Alexan-
dre. Il y rappelle le voyage fait, quelques années auparavant,
par Frédéric Rarboronsst!, pour avoir avec Louis-le-Jeune
une conférence tendant à faire reconnaître Victor par le roi
de France, et rapporte à celte époque le commencement des
revers qui suivirent tant de victoires. 11 espère que les mal-
heurs de Frédéric iront croissant jusquau moment enfin ou
Jésus-Christ, dont il poursuit l'épouse, l'écrasera sous ses
pieds. Jean de'Sarisbéry s'irrite également contre le roi
d'Angleterre. Il va chercher aussi dans une contribution mise
sur les églises, pendant que Henri 11 portail la guerre en
Languedoc et en A(|uilainc, et y obtenait quelques premiers
succès, la cause des maux qu'il éprouva depuis. Personne, dit-
il, n'osait l'allaquer; l'ennemi élait ell'rayé à son aspect; ses
voisins s'inclinaient devant lui ; les princes éloignés lui en-
voyaient demander son alliance ; honoré des siens , honoré
des étrangers, loué par tous, cher aux gens de bien, cher au
clergé (jui 'liligebaL eum super amorem niulierum : qu'est-il
arrivé? Il a voulu ([ue les églises, malgré leurs privilèges,
fussent soumises à d'injustes exactions; la fortune l'a aban-
donné; ses succès ont fini. Une objection se présente aussi-
tôt à l'écrivain : ce reproche, dit-il, que le roi a mérité, ne
doit-on pas le faire sur-tout à celui qui était alors son chan-
celier, qui exerçait sur son esprit la plus grande influence?
Mais ce chancelier, c'était Thomas Becket, l'archevêque de
Cantorbéry. Eh bien, dit l'auteur de la lettre, il en fait péni-
tence aujourd'hui; il reconnaît et confesse sa faute; et s'il a
autrefois combattu léglise avec Salil, il est prêt à la défendre
avec Paul, et à tout sacriûer pour elle. Jean de Sarisbéry
exalte ensuite la puissance spirituelle, il n'hésite pas à la pla-
136 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, cer au même rang que la puissance civile; on voit même qu'il
la croit fort au-dessus, puisqu'il tire l'image ou la compa-
raison dont il se sert, pour mieux exprimer son idée, de ces
deux chérubins qui ombragent de leurs ailes le propitiatoire,
se regardant mutuellement, mais le visage tourné vers ce
propitiatoire même, pour mieux connaître et respecter la
loi de Dieu. La lettre continue par quelques traits nouveaux
contre Henri II. L'auteur admire, comme un effet de la pro-
vidence, que ce roi se trouve arrêté loul-à-coup et vaincu,
non par des monarques puissans, des chefs de nations, mais
par quelques-uns de ses anciens sujets. C'est ainsi que, pour
punir l'ingratitude de Salomon, qui avait abandonné le Sei-
gneur, le Seigneur arma pour le combattre, non des princes,
mais des déprédateurs, mais les serviteurs même de ce roi.
c. 19, V. 13. A ce fait tiré de l'Ecriture, l'auteur joint un passage d'isaïe,
où le prophète dit que les princes de Tanis sont devenus
insensés.
D'isaïe et du livre des rois, Jean de Sarisbéry revient à la
France, à l'Angleterre, et à une assemblée qui se tint, en
1166, époque de sa lellre, dans la ville de Chinon, en Tou-
raine. Henri H s'y occupa des affaires de l'église, et de l'ar-
chevêque de Cantorbéry; il craignait avec raison les nou-
veaux abus que ce prélat se disposait à faire de son autorité ;
l'appel au pape fut proposé par Arnoul, évêque de Lisieux,
qui fut chargé, avec l'évoque de Sées, de le signifier à Tho-
mas Becket; une excommunication n'en fut pas moins lancée
par l'archevêque de Cantorbéry, sinon contre le roi qui se
trouvait alors fort malade, du moins contre tous ceux qui
avaient reconnu et défendu les droits du trône si violemment
attaqués par ce pontife opiniâtre et séditieux. Le roi, de son
côté, envoya Gautier de llsle en Angleterre, y annoncer la
conférence de Chinon, et l'appel qui y avait été formé. Gau-
tier prescrit aussi des défenses de laisser entrer dans le
royaume la sentence de Thomas Becket, et d'y obéir. Ce
Gautier de l'isle est le même auquel fut adressée l'épîlre 187,
qui est la 93«du premier livre parmi celles de l'archevêque
de Cantorbéry. M. Brial croit qu'il n'est pas différent de celui
qu'on appelle aussi Gautier de Coulancos. Il avait été vice-
chancelier d'Angleterre; il perdit ensuite la faveur du roi;
le féliciter de l'avoir perdue est le sujet de celle lettre 187;
Jean de Sarisbéry la lui écrivit en 1 166.
Celle à l'évêque d'Excester, dont nous venons de pré-^^r-nlcr
ÉVÊQUE DE CHARTRES. 137
l'analyse, et qui est sous le n" 1 59, avait été précédée sans doute xii siècle.
par la lettre qui ncst indiquée que sous le n" 16G, et qui par *
conséquent, n'est placre qu après elle dans l'édition de Masson
et dans la Bibliothèque des pères. La 1 fif;- est adressée à Thomas
de Cantorbéry lui-m(*Mnc II avait consulté Jean de Sarisbéry v. aussi le,
sur ce dessein où il était d'excommunier le roi d'Angleterre, et HJ^''' "^'
de jeter l'mlerdit sur son royaume Jean de Sarisbéry lui conseille
d'écrire bien plutôt à l'impératrice Maliiilde, mère de Henri II
et aux évoques de Normandie, qu'il était prêt à reprendre
ses fonctions archiépisc.paies, pourvu qu'il pût les exercer
en sûreté, et qu'on rendit à son éi;li-,e tous les droits dont
elle jouissait avant qu'il se séparât délie. Jean de Sarisbéry
pense que le roi s'y refusera, et la modération de Thomas
Becket en sera d'autant plus éclatante. Si le roi pourtant,
ce qu'il est difBcilc de croire, accédait à votre demande [
ajoute l'auteur, il ne faudrait encore s'y fier qu'autant que
sa promesse serait écrite, solemnelle, et qu'elle aurait pour
dépositaires et pour garans l'archevêque de Rouen et l'impé-
ratrice Mathilde. Il faudra bien vous résoudre alors à vivre
a\\ milieu de gens qui pourront vous nuire : le prophète Gad
n'obligea-t-il pas ainsi David à se remontrer dans la ville qu'ha-
bitait Saul?
Une partie de la même lettre est consacrée à l'examen et à
la discussion d'un appel des évêques d'Angleterre au Saint-
Siège. Ils veulent être libres, et je crains qu'ils ne perpétuent
leur esclavage, dit Jean de Sarisbéry. II reproche à la plupart c. 19.
d'entre eux leur avidité et la dissolution de leurs moeurs ; et
c'est sur cela même qu'il fonde l'opinion de la prolongation
de leur servitude, idée qu d exprime par une métaphore tirée
de la législation des Hébreux, parmi lesquels ceux qui étaient
assez lâches pour vouloir continuer à vivre esclaves, quand
le terme de l'affranchissement légal était arrivé, 'avaient
l'oreille percée par l'ordre des magistrats, et ne pouvaient
plus remonter vers la liberté. Jean de Sarisbéry cite en outre
deux passages de l'Écriture, par lesquels il croit que l'arche-
vêque de Cantorbéry pouvait répondre victorieusement aux
prélats qui l'accuseraient d'être un perturbateur, et il lui dit
ensuite avec saint Paul : Argue, obsecra, increpa, opportune,
importuné.
Vous accuser d'être un perturbateur, lui dit encore Jean
de Sarisbéry, dans une des lettres suivantes, adressée à
l'évoque d'Excesler, et la cent soixante-neuvième de la col-
Tome XIV. S
S. so.
138 JEAN DE SARISBERY,
XII SIECLE, leclion ! Un perturbateur, parce qu'on défend les droits de
l'église ! 11 compare Thomas Becket à Moïse, et ceux qui l'accu-
sent aux Juifs qui murmuraient contre ce prophète, lorsque
celui-ci ne faisait qu'exécuter la loi divine.
La cent soixante-seizième est principalement consacrée à
dire au prélat de Canlorbéry ce qu'on doit répondre aux
évêques qui ont porté leur appel au pape. L'auteur rappelle
ces mots de Salomon, au septième chapitre de l'Ecclésiaste :
La fin du discours vaut mieux que le commencement ; melior
est finis or ationis quam principium :'\c\, au contraire, la fin
est pire. Ils commencent en effet par des protestations
d'obéissance et de respect, et passent, peu-à-peu, à la justi-
fication de l'impie; ils appellent bien ce qui est mal, mal ce
qui est bien, et répètent avec saint Jean, que celui-là mérite
la mort, qui s'oppose à César. Les qualifications de perfides,
d'infidèles, ne sont pas épargnées aux évoques par Jean de
Sarisbéry, et il les compare aux traîtres les plus connus de
l'ancien et du nouveau Testament. Ils disent que si le roi a
commis quelque faute, il se montra toujours prêt à la répa-
rer; mais il faut véritablement avoir im visage de courtisanne,
et un front plus dur que le diamant, pour ne pas rougir de
célébrer l'innocence d un homme dont la malice et les iniquités
sont connues de tout le monde chrétien : Faciès meretricis, et
frons adamante durior. L'évêque de Londres et celui d Hére-
ford, sont sur-tout l'objet de ses invectives. Le premier, selon
lui, n'agit ainsi que parce qu'il ambitionne l'archevêché de
Canlorbéry ; il refuse au second ce savoir et ces lumières qui
le placèrent néanmoins parmi les hommes les plus instruits
iii.si. Liiiér. de son sièclc. (C'était Robert de Melun, professeur célèbre,
xiif '! ■^71 ' S^and promoteur de la secte des Réalistes). Il ne fait, au reste,
37G.' — v. ci- de ce prélat et de tous les autres, que les Bibulus de César, par
dcsn p. 91. allusion à ce que Suétone raconte dans la vie de ce dernier,
que Bibulus, quoique son collègue dans le consulat, fut sans
autorité, réduit à l'inaction et au silence, ce qui fit faire ces deux
. . vers si connus ;
Non Bibtdo quidquam nuper, ^ei Casare gettun est :
Nam Bibulo gestum consule nil memini.
La lettre continue par assez d'injures contre Henri 11 et les
c 13 r 4 évèques qui l'excusent, il applique aux prélats ce qu'Ézéchiel
fait dire au Seigneur : Tes prophètes, Israël, étaient comme
des renards dans les déserts. S'adoucissanl un peu ensuite,
ÉVÊQUE DE CHARTRES. 13»
l'auteur donne quelques conseils à Thomas Becket, sur la xii sikcle.
manière de se conduire envers les évoques. Il l'invite à les
réunir, et espère que la plupart d'entre eux se rendront à
cette invitation , l'appel qu'ils ont formé ne pouvant briser
leur lien d'obéissance envers l'archevêque de Cantorbéry ; il
lui conseille de ne rien oublier pour affermir ceux qui hésite-
raient, pour les ramener tous par des sentimens affectueux ;
il insiste sur les efforts à faire spécialement envers quelques-
uns d'entre eux , et propose ce qu'il croit le plus capable
d'obtenir plus sûrement tout le succès qu'on doit attendre.
L'objet de la cent soixante-dix-seplième lettre est peu dif-
férent ; mais c'est à l'évêque d'Excesler qu'elle est écrite. Jean
de Sarisbéry parle encore des lettres du clergé d'Angleterre
en faveur du roi ; il les qualifie de mensongères, d'insensées,
d'impies. Il y revient à ce qu'on assurait que le roi était prêt
à donner toutes les satisfactions convenables : loin de croire
à cette assertion, il s'afflige de nouveau d'entendre des évoques
avancer ce que n'oserait dire sans rougir un mime , un
histrion. Il ne doute pas qu'on ne les voie bientôt démentir
eux-mêmes leurs propres écrits, blâmer ce qu'ils approuvent
aujourd'hui, et approuver ce qu'ils condamnent. 11 rappelle
les anathêmes lancés par Thomas Becket, anathêmes que le
pape avait mitigés en les approuvant : Alexandre avait sub-
stitué à une excommunication directe contre le roi, une
excommunication vague envers tous ceux qui feraient du
mal à l'archevêque de Cantorbéry ou à son église, qui en
retiendraient ou en détourneraient les revenus, qui ne s'em-
presseraient pas de les restituer dans toute leur intégrité. Le
pape assurément favorisa toujours Thomas Becket , au lieu
de le réprimer : cependant , comme il fut quelquefois plus
modéré que le prélat, celui-ci et ses partisans ne laissèrent
pas que de l'accuser d'être trop favorable à Henri 11, quoi-
qu'il n'ait mérité que le reproche contraire. Jean de Sarisbéry
lui écrivit, en 1167, sa cent quatre-vingt-treizième épîlre ;
et on n'est pas peu surpris en la lisant que le pape souffrît
de pareilles lettres de la part d'un chapelain de l'archevêché
de Cantorbéry, quand il en exigeait et en recevait de si
humbles des rois. Du reste, il est juste d'avouer que, dans
une épjlre du môme temps, la cent quatre-vingt-quinzième,
Jean de Sarisbéry n'écrivant plus au pape, le justifie des
reproches que les partisans de Thomas Becket faisaient à
l'église romaine. Il y parle également, comme il le fait dans
S8
140 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, plusieurs lettres encore, de 1 asyle et des secours donnés par
"" ' Louis-le-Jeune aux exilés de Canlorbéry.
L'église d'Angleterie et celle de France, les droits et les
privilèges du clergé, la situation de l archevêque de Cantor-
béry à l'égard de H( nri II , ses menaces, ses projets, les
opinions contraires de beaucoup de prélats , sont encore les
sujets qui reniplissen' plusieurs autres lettres de Jean de
Sarisbéry. (Juelques-iiues sont adressées à Thomas Becket
lui-même ; quelques-unes à l'évèquc d'Excester ; quelques-
unes encore à 1 archidiacre do cette église. Une d'elles, la
cent soixante-dixième, l'est à un frère do Jean de Sarisbéry,
qu'il appelle le plus chéri de tous les mortels, omnium mori-
p t)32. turorum dulcissime : du moins, est-ce ainsi que porte le texte
dans le seizième volume de la nouvelle Collection des histo-
loriens de France ; on lit ailleurs amicorum, au lieu de mori-
turorum. L'auteur parle encore de son frère dans d'autres
épîtres ; dans l'une même, il remercie l'évèque d'Arras de ce
que celui-ci avait fait pour Richard. 11 désire que Dieu récom-
pense le prélat de celte bonne action, et lui en rende men-
suram bonam, coagidalam et super effluentem. Cette lettre
est la cent cinquanle-deuxièuie. La cent quarante-unième
avait été adressée, comme la cent soixante-dixième , à ce
frère même. Elle fui écrite au commencement de l'exil de
Jean de Sarisbéry. Loin de se plaindre de cet événement, il
y voit avec plaisir un sujet d'épreuve , de résignation , de
soullrance, et espère y trouver un moyen de triomphe et
de salut. L'état oii jo suis n'est pas seulement tolérable pour
moi, dit-il, il m'est agréable; j'eusse mérité de souffrir da-
vantage : Flagellum purgationis meœ gratanter excipio ; pro-
ficietad coronam. Dieu , ajoutc-t-il , abaiulonna-t-il jamais
ceux qui espèrenl en lui? Il n'y a pas encore un seul exemple
de cet abandon, depuis le comnuMicemont du monde. Cette
satisfaction de son sort, cette contiance dans la protection
de Dieu , ne l'empêchaient cependant pas d'employer tous
l(>s moyens qui étaient en sa puissance pour voir finir ces
maux, qu'il se félicitait de souffrir. La plupart des lettres
écrites à la même époque ont pour objet de le faire revenir
en Angleterre, et d'obtenir, à cet effet, la permission du roi,
qui l'avait exilé. On peut voir, entre autres, la 134°, la 157°,
la 171°, la 182° adressée à l'évêque de Poitiers, et la 183'
adressée au chancelier de cette église La 2U1° est adressée,
comme la 154«, au nouvel évoque de Bayeux; et la 200',
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 141
adressée, vers le même temps, en 11 65 ou 1166, à un ami de xii siècle.
l'auteur. '
La seconde des deux lettres adressées par Jean de Sarisbéry Ep. 170.
à son frère Richard, lui est inspirée par l'attachement qu'il porte
à l'évoque d'Exccster, par le désir qu'il a que cet évêque marche
avec précaution et prudence dans le chemin difficile ou le
pliicenl les discussions élcvéos en Angleterre sur les droits de
1 église et siirceuxdu priuce. 11 veut que, dans ce conflit d'auto-
rités, le prélat se conduise de manière à ne pouvoir ni être
accusé de témérité envers une puissance que Dieu a établie, ni
l'être de consentir par crainte ou par amour des biens tem-
porels à l'humiliation du clergé, à l'abandon de ses propres
droits et de la justice. « Cela, direz-vous, est plus facile à
conseiller qu'à faire, cùm valemus, ajouterez-vous avec le comi-
que latin,
Recta comllia œgroiis damm ; Térence, Andr.
act. Il, se. I.
mais je vous répondrai avec Horace, que, comme la pierre
à aiguiser, sans couper moi-rjème, je mets le fer en état de
couper,
Fungar vice colis, aculum Ai t. poéi. v.
Redderequœfcrrumthilel exsorsipsa secandi. 301 et 30!>.
Sans vouloir que l'évèque d'Excester expose son église par des
efforts imprudens, Jean de Sarisbéry croit que l'on peut, comme
Chusaï d'Arach, soustraire Absalon à l'influence des conseils 2 Rcg. c. «s,
d'Achilopcl. 11 s'élève à ce sujet contre les mauvais conseillers "■ *^ «^^ "•
des rois, et ne reconnaît pas pour tidèles ceux qui ne le sont
que pour favoriser les penchans funestes d'un prince ou d'un
ami : appellera-l-on fidèle cet Iduméen, Doëg, qui, pour com-
plaire aux ordres de Saiil, frappe de mort tous les prêtres i Urg. c. -it.
deNobé?Onlui avait dit que l'évêquc de Londres et quel-
ques autres faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour
animer le roi contre l'archevêque de Cantorbéry, et empêcher
le retour de ce prélat : Ne craignent-ils pas que la colère du
roi ne s'appaise, dit l'auteur ; et employant des expressions de
Cicéron, que rend difficiles à traduire l'image employée par i^n^ fg^
ce grand homme, ne rejrigeat hasta Cœsaris aut gladius liv. ix, cp. lO.
hebeletur ?
Outre ce frère, appelé Richard, à qui sont adressées les
deux lettres dont nous venons de parler, Jean de Sarisbéry
en avait un autre appelé Robert. C'est à celui-ci que sont
142 JEAN DE SARISBÉRY,
^" SIECLE, écrites les lettres 145, 138, 221 el 236. Les lettres 94, 134,
Not. des mss. 1 46, 181 , 259, le sont à un autre parent de l'auteur, Geofroi,qui
t. IX, part. H, avait le titre de maoister, et que Jean de Sarisbéry, nomme dans
V. 99 et 101. ,. .1 •
une d elles amtcus et cognatus.
Une des plus longues lettres de Jean de Sarisbéry, et des
plus étrangères à tous ces objets, est celle qui suit presque
immédiatement la 172". L'auteur l'écrit au comte de Champagne,
Henri I^'', que ses bienfaits envers les lettres, envers les
églises et envers les pauvres, ont fait nommer le large ou le
libéral. Henri fut un des princes de son temps les plus jaloux
de s'instruire. Il avait fait proposer plusieurs questions à Jean
de Sarisbéry par Albéric de Reims, celui qu'on surnommait
déporta Veneris ; car le professeur célèbre de ce nom, qui
Hisi. Liiicr. devint ensuite archevêque de Bourges, était mort depuis 1141.
i. XII, p. 73. Ces questions étaient : 1° combien il y avait de livres de l'ancien
et du nouveau Testament, et quels en étaient les auteurs?
2o Ce que c'était que la table du soleil, qui se trouva marquée
sur le sable, au rapport de saint Jérôme, dans une épître
à Paulin, pendant que le philosophe Apollonius recherchait
l'origine des lettres ? 3" Ce qu'entend le même saint,
dans la môme épître, par les centons d Homère et de Virgile ?
4° Comment il peut être vrai de dire que les choses qui
n'existent point sont plus difformes que celles qui existent ?
Sur la première question, Jean de Sarisbéry déclare qu'il
adopte l'opinion de saint Jérôme, et il fait connaître cette
opinion sur le nombre des livres et l'auteur de chacun d'eux.
Sur la seconde: j'ai consulté, dit-il, les plus habiles hommes de
France ; mais comme ils savent peu l'histoire profane, je ne
suis pas étonné qu'ils n'aient pu me satisfaire. 11 essaie ensuite
de l'expliquer, il le promet du moins, et ne fait guères
ch. I, s. 7, que répéter ce qu'avait dit Valère-Maxime dans le quatrième
rmitt>,a. liyre de son ouvrage. Jean de Sarisbéry demande au comte
de Champagne la permission de renvoyer à une autre épître
la solution des autres questions. Il se trouvera heureux de
lui prouver son dévouement. Comment tous ceux qui cultivent
les lettres ne seraient-ils pas empressés à donner des témoi-
gnages de zèle et d'attachement à un prince qui les aime et les
protège ?
Une lettre qui n'est pas moins étrangère aux affaires de
l'église, ou aux événemens politiques, est celle qu'il écrit à
Jean Sarasin, un des hommes qui se livrait avec le plus de
succès à l'étude si négligée alors de la langue et de la liltéra-
XII &IECLK.
ÉVÊQUE DE CHARTRES. 143
lure grecque. Jean de Sarisbéry le consulte sur un passage
de saint Ambroise. Sarasin avait publié une traduction esti- Ep. iU.
mée de la hiérarchie céleste, attribuée à Dcnys l'Aréopagile.
Nous parlerons de l'ouvrage et de l'auteur dans ce volume
même.
La lettre de Jean Sarasin est précédée, dans l'ordre de
l'impression , d'une autre qui concerne principalement les
habitans de Reims. Jean de Sarisbéry croyait avoir eu à s'en
plaindre, pendant le séjour qu'il 6t en celte ville. Il le mande
à Richard, archidiacre de Poitiers, à qui plusieurs autres
lettres sont adressées. La dureté du cœur fait, selon lui, le
caractère des ces habitans, et il les nomme duricordes, titre
analogue, dit-il, au nom que portait anciennement la seconde
Belgique, dont le pays Remois faisait partie. Mais il joue ici
sur le mot, et comme l'a observé M Brial, c'est durocortorum ^ xvT p'*.%2u
provincia qu'on l'appelait, et non duricordium. Il avoue néan- note ..
moins, continuant toujours à employer l'équivoque dont il
a d'abord fait usage, que la douceur et l'humanité de quel-
ques-uns des habitans, de l'archevêque entre autres, méri-
terait qu'on substituât à ce titre celui de mellicordes . Nous
apprenons, d'ailleurs, dans cet écrit, que l'auteur alors sub-
sistait et se consolait de l'exil par les leçons qu'il donnait :
Negoctatio litterarum quae mihi subsidium pariter et sola-
tium prsébel.
Une autre lettre, la 214', écrite en 1167, et adressée à
l'évêque de Poitiers, est relative encore à la ville de Reims
et à des troubles qui l'agitèrent. Jean de Sarisbéry y avait
cherché un asyle ; mais les discussions, nées entre les Remois
et Henri de France, leur archevêque, ne lui permirent pas
de jouir d'un long repos; le désordre était tel qu'on ne pou-
vait entrer dans la ville ni en sortir sans danger. Les bour-
geois, soutenus par le clergé et par la noblesse, s'étaient
soulevés contre d'intolérables servitudes que ce prélat vou-
lait leur imposer ; ils avaient chassé ses amis, et s'étaient
emparés des maisons les plus fartes et des tours des églises.
On n'avait pris les armes qu'après avoir essayé des moyens
de conciliation et de soumission pour calmer et ramener
Henri ; on lui avait offert de verser dans son trésor une
somme assez considérable, s'il voulait laisser vivre les habi-
tans comme ils avaient toujours vécu depuis saint Remy : le
roi même avait été imploré ; mais rien n'avait pu fléchir leur
oppresseur. Les Remois s'adressèrent au comte de Cham-
144 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, pagne, qui leur conseilla de céder à Louis-le-Jeune, que Henri,
son frère, était parvenu à mettre dans ses intérêts. Cinquante
maisons furent détruiles ; mais le roi était à peine parti, que les
citoyens détruisirent de fond en comble celles des personnes les
plus dévouées à l'archevt'quo. Celui-ci recourut au comte de Fhn-
dre; il marcha vers Reims, avec de sinistres projets contre ses
habitans. Les habitans ([uillèrent la ville une seconde fois, de
manière que les Flamands n'y trouvèrent pas de quoi se nourrir
un seul jour l.e prélat se vil obligé de faire la paix, et de con-
sentir, après tant de maux, à l'exercice de droits anciens qu'il
aurait dû respecter.
La ns*" avait été adressée à (Jirard la Pucellc, professeur
distingué à celle époque, dont nous aurons occasion aussi
de parler avec plus d'étendue, sous l'année 1184, qui fut
celle de sa mort. Girard avait consulté Jean (!■, Sarisbéry
sur la conduite à tenir dan.s la situation difficile oh le pinçait
sa résidence à Cologne, auprès d'un archevêque regardé
comme schismatique. Il y a eu sur vous diverses opinions,
quand vous avez quitté Paris, lui répond l'auleur. Quelques-
uns vous excusèrent ; le plus grand nombre vous accusait ;
c'est qu'il ne connaissait pas vos motifs, la permission que le
pape vous avait donnée, l'utilité tlort votre séjour à Cologne
pourrait être à l'église; on crojait seulement que vous viviez
au milieu du schisme, parmi des hommes fra[)pés d'une juste
excommunication, et on est porté à croire dans l'erreur ceux
qui s'associent aux personnes qui y sont tombées. Ou n'y
est pas cependant, lorsqu'on reste au milieu d'elles le défen-
seur de la vérité et l'adorateur de la justice. Loth à Sodome,
Joseph dans la maison du Pharaon, Moïse en Egypte, y
étaient agréables à Dieu ; Dieu inspire et dirige Chusaï dans
les conseils d'Absalon, Abdias à la cour d'Achab et Jésabel,
Daniel à Babylone. Mais cet amour de la vérité a de la jus-
tice, il faut (jue vous le manifestiez; et c'est peut-être pour
produire ce bien que le Seigneur vous a destiné à venir au
milieu des barbares. La terre crie contre eux ; la vengeance
du ciel n'est pas éloignée ; déjà leur puissance s'évanouit.
Quel était l'enfant des hommes qui égalât Frédéric (l'empe-
reur Frédéric Barberousse), avant qu'il devînt un hérétique
et un tyran ! Il a voulu rompre, diviser le sacerdoce, et son
empire s'est divisé, rompu. Ainsi l'on voit, pareillement, ce
roi d'Angleterre, jadis si redoiilable aux nations voisines,
obligé de les implorer toutes, et vaincu par quelques lio:nu)cs
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 145
sans force, depuis qu'il a voulu combattre l'église. Jean de M' siècle.
Sarisbéry fait encore ici allusion à une espèce de ligue formée
entre les Gallois et quelques autres sujets de Henri H, contre
ce prince, par laquelle ils se promettaient un appui mutuel
dans le cas de quelque oppression. Ce n'était pas la pre-
mière fois que des insurrections pareilles avaient menacé le
roi d'Angleterre, et toujours il était parvenu à les comprimer
ou à les vaincre.
Plusieurs lettres encore de Jean de Sarisbéry sont adres- v. aussi r<^p.
sées à Girard la Pucelle ; ce sont les 185% 191% 194» 213° "'• '''■ ' ^"
et 285». II sy occupe principalement de la situation de 1 église ,ic CaniorWij.
en général, de celle de l'église de Cologne en particulier, et
du schisme auquel elle est en proie ; de l'archevêque de Can-
torbéry, de son étal à lui-même relativement à ce prélat et
au roi d'Angleterre, et de l'empereur Frédéric Barberousse,
qui n'avait pas voulu reconnaître, ainsi que nous l'avons dit,
Alexandre 111 pour souverain Pontife. Celui-ci, fort de l'as-
sentiment des églises et des rois d'Angleterre et de France,
crut devoir se venger par l'excommunication de la préférence
que l'empereur donnait à son compétiteur. Cette excommu-
nication est le sujet de la 210eépître de Jean de Sarisbéry.
Enfin, y lisons-nous, enfin, grâces à Dieu, l'église refleurit,
et l'orgueil de Moab est brisé. Depuis long-temps le pontife
romain supportait avec patience le schisme et les provoca«
lions du tyran teulonique ; celui-ci, chaque jour, multipliait
ses fautes, et l'erreur allait jusqu'au délire. Le vicaire, établi
par Dieu sur les peuples et les empires, vient de délier du
serment de fidélité qu'ils avaient fait à ce prince, les Italiens
et tous les autresqui lui étaient soumis. Il a ainsi subitement
enlevé à sa domination l'Italie pre.sque entière; il lui a ôté la
dignité royale; il la frappé d'analhême : il a défendu, au
nom de Dieu, que Frédéric ait désormais aucune force dans
les combats, qu'il remporte aucune victoire sur aucun chré-
tien, qu'il jouisse nulle part du repos et de la paix, jusqu'à
ce qu'il produise de dignes fruits de pénitence. Un des pré-
décesseurs d'Alexandre lui en avait donné l'exemple, de notre
temps, en déposant l'empereur Henri, qui n^ respectait pas
les privilèges de l'église (Henri IV, monté sur le trône en
1056, et mort en 1 1 0C)). Le prédécesseur d'Alexandre était ce
fougueux Hildebrand, pape sous le nom de Grégoire "VII,
qui, ministre d'un dieu de paix et d'obéissance, osa prêcher
en son nom la violation des sermens, et la révolte des çeu-
Tome XIV. T
lie. .lie A N DK S A lus i;i:k V ,
XII siiXLE. pics. Il y avait f|ualio-vinp^ls ans (|iie cr poalifn aiidacioux
élail iiîorl, (juand ccllf letltc l'ut ccrile I/aiilciir se livre
ensuite à de terribles uieiians rontrc ceux qui \oiidraiorit
résister à Dieu, et rcrmer la liuiiclie des prèlies.
Dans la 21 r, écrite, a Pierre Scriplor, eu I M17 'la i>(i4-.- lin
est aussi adressée, I auteur sabandonue à 1 ("S[)érau('iî de
\oir bientôt leniiiner, à laxanlage de léylise, les discussion»;
dont (iuel(|ucs étals de l'iùirope soni aj^'ités. ('l'Iui, (bt-il,
(jui a oblii^é le lyian ludes(|iie, cliel' des scliisnialiipio, à
sortir confus de la ville de Home, lammcia, jiar sa uraci', li'
l'oi d"Anf,'lelerre dan< le droit clicniin, <l ne perim'tlia pas
(pi'il s"en ecai'li' (U'sorrnais en suivant de niau\ais i^uiiles. Si
l'on en croit aux astrologues (hml, au ri^lc, je ne lais pa>
i^raiid cas, la disposition du ciel annonce de içrands é\ene-
uiens. ()i! y voit (pi(> les desseins des piiis>ani('s seroiU chan-
gés, (pie les i^uerres se niulliplieront Mir la lene, (pielle
sera troublée |)ar des séditions, (pu' les j^ens de lettres toin-
l)eront dans le mépris, mais (pi a la lin ils se relèveront Je
lei^arde ces prédiction? coniUH' ck' xain^ scuiues, (pioiipi'une
partie semble di'jasèlie \éiiliei': ciii les i^iands conseillei-.i
de reni[K'reur, Hégiiuird ou liainold. aiclievèrpie de (]oloi;n(î,
1 arclie\è(pie iiilnis de M;i\encc, r('\r(pi(> de i-ié^e, et celui
de Hatisluii'îie, avec d;iiili(> piiiire- siliisniati(pies, viennent
de (inir Iciiis jours. I.é\éuenii'nl trompa lespoir dc! Jean de
Sarisbéry. I.i's conlérencc- icniics à Oisors et Ai'irenlan, entre
l'arclievécpii' (l(> (lanlerberx >•{ les léi;a(s du pape, l'uienl
sans ellct.
i.rii ,1,. Tli .Nous lisons do d( lails assez elcn'lu> >ui la conlerenco de
•I.- Cuniuii,. iir. (iisoi^. diitisiine iijlii- écrite par leiin (l<> Sarisbery. vei'^ la
' '''■ ' ■ lin de laiiiiee 1 1 r;7 l'jli ii\;iii eu lii'ii le In iiovenibie eiilie
(ilr-ois ci liie. 'lU .-r liniivnil \:\ -e|ar;ilioii du royaume de
i'ianre avec le diK lie (l> .\onji;ii)(lie 1 liomas He( kel y vint
a^'■l• (|u( l(pies-u!!- (ie> ( oiiipai;noiis i\<- siui exil, painii les
(puis «'tait Jean de San-!iei\ l.e> l< lmIs \ | arien ni du lonj,'
voyaue qu ds avaient lait de lalli clion du pa|c p(r:r l'aiclie-
\êipu> de <'.aii|ot bel . ^ (|r . I i- iilail.s de lleiui II inveis ce
prélat, de.- niohi? (pi'i! | oiix.ul ,i\oii de .s'en plaindre, de la
iU'iandeur de ce rtti. d( - lie<o;ii- (ie léiilise, des n:auvais
tem[)3 oii on \i\ait ; il.- e\|ii,i Irieiil lluunas adi'.sariner eiiliri
par la moderalion. Iliuiuilil'' el um juste ilel'érence, I iiidi-
ynalion du ror (|ui leur- repiocliail i ntic autres choses, d'avoir
excité la i^uerre entre la Iraiice el iiir. Larchevècpic répondit
EVKOL'K 1)1- Cil A UT H ES. 1 i7
(|iril ('(ait ptrt à nioHlrcr en loiil <;i iléfércnco i-l sa niodrra-
lioii, saiil'son lioniR'iir, saiiil lionnciii do Dieu, sauf la libiM-li';
<li' fôylisL', sauf li'S biens de leiiiise Les li'-Lrats lui propasèrenl
de |)ioinel1i(^ (|m il oh-^crvi'iail li's eonlinnes du rnyannx" ; il
sy refusa, déclarant (|imI li's lioiivail contraires à la loi de
Dieu, et ajonlanl (|ue le pape liii-nièine. les avait condani-
niH's. [.os lésais lui demandent alors, s'il no vent pas approuver
ces coulniiios, i\r proniolliv an moins do so taire cl de les
tolérer : .-e taire, cr^l avouer, répond-il; Dion ne porniet pas
aux prêtres de so taire; l'I'Jifiu- allcnd ceux (pii di.vsjmnîenl.
[.a eonlérenco avant clé rumpiie, les légats allèrent rendre
compte à Henri II de ce (pn s'y était passé. Henri était alors
ii Ariienlan. Ils sv enlrelinrent encore avec lui !o Iciuleiiiain
27 novend)re. I.o roi lut peu conleii! des envoj'és du papo ;
il so plaignit du p.\pe liii-mèmo, el d<''clara rpi'il se sépar(>-
rait iU' lui, s"d n'ol»tenait enfin justice de rairiievêfinc de
Cantoiherv . I.e 2!). dans une n'^union fori:iée d'évèques d'Aii-
gliUerre el do \(jrmandie, et à laipiolle assistèrent les légats
du |)ape, li'vèipie de l.ondi-es renouvela l'appel déjà formé,
et III donna ie.-^ inolils. I.es l('i:ats envov èrenl doux députes
à Thomas Hecket, pour lui ordonner d'\ déférer, jus(pi'à ce
(pie. le papo eût prononcé. Tliomas leur répondit ipi il forait
ce (|u il lui paraîtrait le plus convenahlo à Dieu et à son ('■j^liso.
La lollre oîi Jean de Sarisbéry parli! de la conféronccî d'Ar-
gentan, est la ^ii" de la collection. Il s'y montre ontière-
meiil fav(ualjK' à son aiclievè(|ue. Il fut cependant allligé de
voir sans succès tant d'efforts, l/aniictioii cpi il éprouva est
fortement ex[)riméo dans la 212'' épître, adressée à rc. [)rolat
mémo Klle sert encore à nous montrer ((u'il n'ap|)rouvait
pas toujours la liauleur, 1 amertume, l'exagération de la con-
duite el dos écrits de Thomas IJecket. Il I invite à se modérer,
à dissimuler même. Un dos légats, envoyés par Alcixandre III,
(•uillauine dt; Pavie, cardinal-prètre de Saint-Piorrc-aux-
lions, avait imité le prélat anglais. Oliii-ci avait écrit à (luil-
laiimo ipi il ne le reconnaissait pas pour juge entriî le roi
d'Angleterre et lui, (pioiipu; le pape l'eût choisi dans le des-
sein (il! les concilier. La lot lie est asscc courte pour être
rapportée ici, el elle ne l'ait pas mal connaître le caractère
de son auteur; nous la donnons même, ;i cause de cola, sans
la traduinî. Thomas, canluaiioisis archiepiscopuH , Willelmo
Pnpiensi salulem et contrii priucipuni insolentiam fortitiuU-
ncm. Lilleras cclsilwUui.s veslrm nnper accepimtia , spoii
T -i
Xtl SIECLE.
148 JEANDESARISBÉRY,
, mellis tnitio propinantes, venenum in medio, oleum in fine,
in quitus continetur vos ad partes istas nunc temporis descen-
disse ad terminandas quasstiones inter dominum regem An-
glise et nos, prout expedire videbitis. Non credimus vos ad
hase venisse; nec cèrtè vos ad heec suscipimus; mullis ex
causis quas loco et tempore opportuno manifestabimus. Verum,'
tamen, si quid boni et pacis, per manutn vestram nobis
acciderit, deo gratias et vobis. Valeat celsitudo vestra, ut
indè nobis sitmelius. Cette épîlre est la 10° du second livre,
dans le recueil publié par Lupus, des lettres de Thomas de
Cantorbéry. — Fallait-il donc, écrit à ce prélat Jean de Saris-
béry, fallait-il affecter des soupçons odieux sur la bonne-foi
du cardinal, et l'accabler de reproches, contre l'intention du
pape, et sans respect pour l'église romaine? En vérité, je ne
crois pas qu'il soit permis de traiter ainsi un légat du Saint-
Siège. S'il envoie au pape ses lettres et les vôtres, je crains
fort que les dernières ne semblent justifier la conduite du
roi, et offrir un témoignage convaincant de votre opiniâtreté.
Je veux que Guillaume soit encore votre ennemi ; il eût été
convenable de dissimuler avec lui jusqu'à ce que la duplicité
de sa conduite fût mise au grand jour. Ma pensée n'est pas
que vous l'admettiez pour juge avant que la droiture de ses
intentions vous soit attestée par des marques certaines ; mais
elle n'est pas non plus de refuser brusquement : il faut décliner
le jugement avec adresse, vu que la restitution de vos biens
n'est point faite, et ne peut se faire encore. Tâchez, en atten-
dant, de vous concilier les cardinaux, autant que votre hon-
neur et votre conscience pourront vous le permettre. Si le
légat s'est dit envoyé pour terminer vos différends, comme
il le jugera plus utile aux intérêts de l'église, en quoi cela
peut-il vous blesser? Est-ce que les choses ne peuvent finir
aussi bien par un accommodement que par une sentence?
Il vous a exhorté à éviter, autant qu'il serait en vous, tout
ce qui produit de nouveaux motifs de discorde : je ne vois •
pas ce qu'il y a là de blâmable; n'est-ce pas le conseil que
vous ont donné les plus sages de vos amis? — La lettre de
Jean de Sarisbéry fit quelque impression sur l'esprit de Tho-
mas Becket ; on le voit par deux autres lettres du prélat à
Guillaume de Pavie, dans lesquelles il adoucit, il corrige ce
qu'il y avait de trop dur dans la première. Mais la plaie était
faite ; il n'était pas aisé de la fermer. Le légat eût-il d'ailleurs
déposé tout rebsentiment, il restait dans I adoucissement de
ÉVÉQUE DE CHARTRES. U9
l'archevêque de Canlorbéry plus de colère encore et d'inflexi- xii siècle.
bililé qu'il n'en fallait pour offrir l'espérance d'une réconci-
liation. Jean de Sarisbéry écrivit lui-même à Guillaume de
Pavie ; c'est la 223"* épître. Il lui témoigne autant de confiance
dans les intentions de ce prélat que dams sa sagesse ; c'est
une lumière éclatante placée au-dessus du candélabre aux
sept lampes. Il profite de l'occasion qu'il a de lui écrire,
pour le prier de s'intéresser en sa faveur auprès du roi d'An-
gleterre, et d'obtenir que ce prince mette un terme enfin à
un exil qui dure depuis quatre années.
Ce n'est plus dans les mêmes termes que Jean de Sarisbéry E|>. 232.
écrivait quelques mois après. Ce prolecteur imploré, ce flam-
beau par excellence de l'église et du monde, n'est plus qu'un
disciple de Balaam, un homme qui mérite de tomber avec
tous ses Madianites sous le glaive de Moïse. Son crime et
celui d'Olton, son collègue dans la légation du Saint-Siège,
était de ne s'être pas montrés assez favorables à Thomas
Becket, en écrivant au pape. L'indignation même lui suggère
des expressions, des figures, des allusions, que le goût ne
réprouve pas moins que la charité : ainsi , pour annoncer
que Guillaume de Pavie cachait des projets perfides sous
une élocution séduisante, il le fait par cette phrase prover-
biale, qu'il vaut mieux citer en latin que de la traduire : Malè
corpori operimenia couplai , cui verecunda et nates patent.
Olton excite moins sa colère que Guillaume ; il le suppose
corrompu par celui-ci ; il le plaint et l'excuse par cette
image aussi un peu familière : Qui tangit picem inquinatur
ab eâ ; et à cette phrase de l'Ecclésiastique, il ajoute celle de
Juvénal, qu'un grain gâté suffit pour gâter une grappe,
Uvaque conspedâ livorem ducit ab uvd.
La 21 9« lettre est de l'année suivante, 1168. Elle est écrite
à Baudoin, archidiacre de Norwick . Jean de Sarisbéry, allant
à Rome, avait cru devoir se déguiser, et voyager sous un
autre nom que le sien , pour échapper plus aisément aux
regards de ceux dont il craignait le désir de nuire. Ce fut
l'archidiacre de Norwick qu'il rencontra à Sienne , qui le
ceignit du baudrier militaire pour l'enrôler dans la guerre
du pape , contre l'empereur et les schismatiques. L'auteur
fait des vœux pour que le glaive qu'on lui a remis ne périsse
que par la rouille. 11 n'en espère pas moins de grands succès
contre Frédéric, ou le repentir de ce prince. Si vous appre-
Kp.
150 JEAN DE SARISBÉRY,
xn SIECLE, nez, dit-il en finissant, que je me bats en Italie, sous un
nom supposé, n'en soyez pas surpris, et ne vous en prenez
qu'à vous-même ; c'est vous qui m'avez armé.
Jean de Sarisbéry se plaint au pape, dans la lettre sui-
vante, d'une fraude commise pour des absolutions deman-
dées. Thomas de Cantorbéry avait été prodigue d'excommu-
nications. Alexandre 111 avait permis de les lever, en cas de
danger de mort. On feignait d'avoir la mer à traverser, pour
venir en France ; on trouvait dans ce voyage l'existence du
péril prévu, et on se faisait absoudre. Jean de Sarisbéry
dénonce au pape, avec beaucoup de force , ces absolutions
usurpées. Il veut qu'elles soient annullées, et que l'excommuni-
cation subsiste.
Il avait écrit, peu de temps auparavant, à Alexandre III,
une lettre assez vive sur le tort que faisaient aux membres
du clergé de Cantorbéry, exilés en France, les nouvelles dis-
positions arrêtées entre le pape et le roi d'Angleterre. L'exil,
d'après leur convention , devait subsister encore une année.
La douleur que Jean de Sarisbéry en ressentait parut altérer
un peu l'opinion qu'il professait ordinairement sur l'étendue
des droits du pontife romain. J'avoue, disait-il, qu'il a une
pleine puissance ; mais il ne la qu'en se conformant à l'évan-
gile, à la loi, au droit divin. Pierre aurait-il donc la liberté
d'absoudre un coupable qui persévérerait dans son crime ?
Pourrait-il donc se servir des clés du ciel, pour ouvrir les
portes à des pécheurs impénitens? Nous arrivions au port,
après le naufrage, et voilà que nous sommes rejetés en pleine
mer, par le triomphe que le roi obtient, qu'il obtient par le
3 Rig. 20, Saint-Siège même. 11 rappelle ce qu'on lit dans l'Écriture, du
5i pacte fait par Achab, roi d'Israël, avec Benadab, roi de Syrie,
pacte qui laissa la vie et la liberté à ce Benadab dont Dieu
voulait la mort.
Les mêmes sentimcns l'animaient, quand il écrivit la 230°
lettre adressée à l'évêque d'Albano. Les exilés sont les amis
de la foi, du pape, de l'église ; leurs persécuteurs en sont les
ennemis, des profanateurs, des sacrilèges, des impies. Serait-
ce parce qu'ils sont puissans et riches , tandis que nous
sommes pauvres et faibles, qu'on prononce en leur faveur?
Que deviennent alors la loi, les prophètes, l'évangile? La loi
est perpétuelle , universelle, indestructible. Dira-t-on qu'il
ne faut pas exaspérer des princes, pour servir des hommes
de si peu d'importance? Ce ne serait pas là une distinction
ÉVÉQUE DK CHARTRES. 151
faite par un apôlre, mais par ce sophiste Thrasymaque, qui xii siècle.
prétendait que la justice consistait dans ce qui était utile au plus
fort, tandis que d'excellens philosophes lui donnent pour carac-
tère d'offrir un grand appui à ceux précisément qui ont le moins
de puissance. Ce sont les mérites et non les personnes, que pèse
la justice.
Dans la 231 e, écrite au cardinal Albert, chancelier de
l'église romaine, il reparle du malheur des exilés, de l'injus-
tice exercée envers eux, des légats envoyés par le pape en
Angleterre, de la complaisance qu'ils pourraient avoir pour
Henri II ; il voit d'avance un hérétique, un précurseur de
l'Anlcchrist, l'Antéchrist lui-même, dans celui qui garderait
ou exigerait sur tant de mauvaises actions un coupable
silence. 11 répète avec saint Paul et avec Isaïe, qu'il faut s. Paul, 2
prier, blâmer, reprendre, accuser, crier de toutes ses forces, j^ gg"^ '^
crier sans cesse, faire retentir sa voix comme une trompette
éclatante, et annoncer à tout le peuple tous les crimes com-
mis. L'empereur Frédéric venait de feindre qu'il abandon-
nait Victor pour Alexandre. .Tean de Sarisbéry ne doute pas
que le roi d'Angleterre ne soit forcé bientôt de fléchir le
genou devant le pontife romain. 11 parle encore assez lon-
guement dans la 234" épître de Henri II, de l'empereur
Frédéric, des revers de ce prince en Italie, de Louis-le-
Jeune.deGui .de Crème, que les partisans de Victor avaient
élu pape après la mort de celui-ci, et qui prit le nom de
Pascal III, d'Otton et Guillaume de Pavie, et des efforts
tentés par Henri, comte de Champagne, et Philippe, comte
de Flandre, pour rapprocher l'un de l'autre les deux rois
d'Angleterre et de France. Des conférences furent tenues à
cet effet à Soissons, en 1 1()8. On en avait indiqué aussi pour
le même objet et vers le même temps, entre Pacy et Mantes,
et à la Ferté- Bernard, dans le Maine. Il y en eut une ensuite
à Montmirail, dans le Perche, à la 6n de l'an 1168 et au
commencement de l'an 1169, où les différends parurent ter-
minés par la reconnaissance que Henri II et son fils aîné,
appelé également Henri, firent de la suzeraineté de Louis-
le-Jeune, et par l'hommage que lui prêtèrent le jeune prince
et son frère Richard, pour le Maine, l'Anjou, la Bretagne, et
l'Aquitaine. Cette conférence de Montmirail est le principal
objet de la 268e lettre de Jean de Sarisbéry, adressée à Bar-
thelemi, évêque d'Excester. Ce fut le jour des rois, 1169,
que Henri H, qui avait si souvent et si publiquement juré,
152 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, dit l'auteur, qu'il ne se replacerait pas sous la suprématie
~ ' féodale du monarque français, prenant une résolution plus
sage, vint, en suppliant, mellre à sa disposition, lui, ses
enfans, ses domaines, ses forces, ses trésors, ad regem fran-
corum supplex accessit, se, liberos, terras, vires et thesauros
eœponens, universa contulit in arbitrium ejus, ut omnibus,
ajoute-t-il, uteretur, abuteretur pro voluntate, relineret,
auferrel, daret quibus et quantum vellet pro libitu, nullâ
prorsus insertâ vel adjectâ conditione : indè sibi dextras et
oscula dederunt. Louis VU, en conséquence, rendit à
Henri II tous les fiefs dont celui-ci avait été déchu, pour
avoir pris les armes contre son suzerain. Une réconciliation
avait été aussi promise et disposée en même temps avec
Thomas de Canlorbéry. Le prélat, en effet, se mit aux pieds
du roi, en disant : Miseremini me/, domine, quia pono me
in Dec etvobis ad hono7^em Dei et vestrum. Le roi, suivant
Jean deSarisbéry, au lieu dï-lre louché de voir l'archevêque
à ses genoux, répondit avec hauteur et par des reproches
injurieux, et termina par ces paroles qui ont du moins un
grand caractère de modération : « Je ne lui demande que de
garder ces coutumes qu'ont gardées ses cinq prédécesseurs,
dont quelques-uns sont réputés saints, ainsi qu'il a promis
de le faire comme prclre et comme évéque ». On sait que
Thomas Beckel se refusa à la proposition du roi, laquelle
d'ailleurs avait obtenu 1 assontinii-nt universel des personnes
présentes, ecclésiastiques ou séculières, des nonces du pape,
et de Louis-le-Jeune en particulier. Il répondit du moins
qu'il ne pouvait promettre de les observer que sauf l'hon-
neur de Dieu, expressions insidieuses, qui n'échappèrent ni
aux assislans, ni au roi, et que Thomas expliqua encore
d'une manière si coniraire à ce qu'on attendait de lui, que
l'assemblée se sépara sans que la paix eût élé consommée.
Le roi cependant se monlra disposé à une nouvelle condes-
cendance, et tous les hommes religieux firent de nouveaux
efforts pour ramener larchevèquc. Il doit vous suffire, lui
disaient-ils, que tous vos prédécesseurs aient agi de même:
nous ne valons pas mieux que nos pères L'archevêque ré-
pondit qu'il ne fallait imiter ses prédécesseurs qu'en ce qu'ils
avaient fait de bien ; il ne fallait pas imiter Moïse dans sa
défiance, David dans son adultère, Pierre dans son parjure;
et que les délils de rio.s ancêtres nous sont indiqués pour les
éviter et non pour les commettre de nouveau. Vainement on
ÉVÊQUE DE CHARTRES. 153
essaya de le ramener; il demeura inflexible. Jean de Saris- xii sikcle.
béry cherche à justifier son archevêque dans celte lettre
adressée à l'évêque d'Excesler, et dans une autre adressée à . '''V ' .''" 'P'
„, , , r> • • ■ ■ ,. . ™. de Th. de Cant.
leveque de Poitiers, qui avait aussi fait quelques efl^orls pour ep. 15I.
inspirer à Thomas Becket des sentimens plus pacifiques. On
peut voir encore la 269° épître du recueil de Jean Masson,
et la plupart des lettres suivantes. La 268° n'avait été publiée
par cet éditeur que d'une manière incorrecte, et non seule-
ment sans étr^ entière, mais en y joignant une page ou deux
qui ne lui appartiennent pas. Elle est parfaitement rétablie
dans la nouvelle Collection des historiens de France. C'est T. xvi, p.
vers la fin de la page 596, après le mot apud, que commence y ^uisr^Noî^
la restitution. Deux feuillets avaient été arrachés, et il est des mw. t. ix,
aisé de deviner par quel motif, dit M. Brial : l'auteur faisait, ?"■'■ ^' P ^"^•
dans cet endroit, un portrait assez hideux du clergé d'An-
gleterre, auquel il donne les qualifications les plus odieuses.
Ils sont presque tous, dit-il, sacrilegi, adulteri, prasdones,
fures, raptores virginum, incendiarii et homicidas. C'est pour
faire disparaître ces invectives flétrissantes que les feuillets
ont été arrachés ; mais ils existent dans le manuscrit d'Oxford,
dont Baluze s'était procuré une copie. »
Louis-le-Jeune est toujours désigné dans cette lettre par
Christianissimus rex, ce qui montre que, dès-lors, ce titre
lui était exclusivement affecté. On retrouve la même quali-
fication, pour exprimer le roi de France, dans d'autres lettres
de Jean de Sarisbéry, dans la 120', dans la 21 3«, dans la 214*,
dans la 220^ dans la 232*, dans la 234s et dans l'épître 27 du
livre 11 du Recueil de Lupus, pour la correspondance de Thomas
de Cantorbéry.
Jean de Sarisbéry parle aussi, dans les lettres qui suivent, gp, ^70.
d'un voyage que le roi de France et le roi d'Angleterre se
proposaient de faire à Jérusalem ; de nouveaux légats envoyés
par le pape, pour mettre enfin un terme aux discussions
entre Thomas Becket et Henri II; des excommunications
lancées par ce prélat ; du schisme de Cologne. Quelques-unes
sont adressées aux moines de l'abbaye de Cantorbéry. Tho- i,, „ 372
mas, dans son exil, avait été oublié par eux. La crainte du 273, 276 et 277.
roi les retenait sans doute Privé de tous ses revenus, l'arche-
vêque n'avait pas reçu d'eux le plus léger secours. Jean de
Sarisbéry le leur reproche dans plusieurs lettres écrites ou à
quelques religieux ou à la communauté toute entière. Depuis
cinq ans, dit-il dans la 27 2«, qui s'adresse à tout le couvent,
. -Tome XIV. V
i.i .IHAN- DK SA m S HE in,
.XII stF.CLE. volii! é\r'(|iio c^l proscrit; cl. par une impiélô parricide, vous
refusez loul à I homme (|ui soutfre pour \olre repos, pour
votre liberté, pour votre gloire, il vit, je ne ilirai pas en
dépouillant les autres églises, puisqu'elles y contribuent
volontairement, mais en recevant d elles seules de (juoi four-
nir à ses besoins. Les remontrances d(! Jean de Sarisbéry
produisirent lellet qu'il en devait attendre déjà même, dans
la illi'', il remercie le sous-prieur de ce monastère, pour
quel(|ues secours que la maison venait d envoyer à l'arche-
vêque (îxilc. La Sol" lettre, la ^'.ri'', la 2o3« et la 254«, ont
pareillement pour objet de demander quelques secours en faveur
des Anglais exilés comme lui, et réfugiés en France. Ti ois d'elles
sont adressées au prieur, au cellérier, el à l'archidiacre de
Norvvick; et la 4'', à une autre pLMSonne attachée à cette égli.S(î,
(jue lauteur appelle son ami, dont il loue même lamitié pour
lui ; quoi(|u il s'y plaigne (raillfur.s de la négligence et de l'iiési-
lalion quon apporte i\ secourir des mallieiireu.x (jiii néprouvcnl
leur proscription que pour avoir défendu avec persévérance les
droits de léglise.
Bientôt après, nous lisons ime autre épitre, la ^TU*", adres-
sée toul-à-la-fois au iin-me sous-prieur, au sacristain, et
aux adminisIraieiMS de lénlise de Cantorbéry. La joie y res-
[)ire autant que la douleur el le reproche ilans les lettres
écrites précédemment. Jean de Sarisbéry leur annonce que
Dieu a enlin exaucé les \(eux des fidèles, (|ue la paix est
rendue à léglise d'.An^lelernv II les invite à envoyer au-delà
du détroit, une; déjmlalion vers rarclie\è(pie, el à lui faire
tenir d(> (|uoi pay(M- ses créanciers Vos prédéces.seurs furent
les piiniiers que saint Ansiîlme rencontra au retour de son
exd. Ne l(?s imilerez-vous pas? Priverez-vous de celte con-
solation un père el des frères (|ui reviennent au milieu de
vous?
(]e retour, et celui de lauteur qui lavait précédé, sont
racontés dans la lettre 2.S(). Voici (c (|uelli' renferme de
moins connu. La paix ayant élé faite au mois de juill(*t 1 170,
II- roi d'Angletern! a\ail envoyé de France, à son fils, l'ordre
de rendre à raiclievèque et ii >es amis tous leurs i)iens, dans
le même état qu'ils étaient trois mois avant leur départ.
Cependant les olliciers ro\aux en avaient perçu d'avance,
jusipiau terme de Noél suivant, tous les revenus. Ils rele-
naieiii de plus des domaines, des églises, qu'ils devaient
rendre d'après li's conventions Jean de Sarisbéry était entre
ÉVÉQUË DE CHARTRES. 1o5
autres, privé d une église qui reiidail quarante marcs d'ar- A» siëci.f.
genl à son prédécesseur. Arrivé à Canlorbéry , trois jours
avant la Saint-Martin, il y fut reçu comme un ange du
Seigneur, cl célébra, par délégation de l'archevêque, le sy-
node tenu ordinairement dans l'octave de celte l'(^le. Delà, il
se rendit auprès du nouveau roi Henri (fils aîné de Henri M,
que son père avait fait couronner), qui l'accueillit assez favo-
rablement , quoique ses courtisans fissent paraître quelipje
défiance sur la sincérité de la p.iix qui venait d'être faite. Il
alla ensuite voir sa mère qui, all'aiblie et lani;ui>sante, atten-
dait la mort, mais à qui l'esprit saint avait promis <|u'elle ne
mourrait pas sans avoir vu ses enfans de retour de leur exil.
Cependant, l'arclievèque d Yorck, I évèque de Londres et leurs
complices envoyèrent une députalion au roi pour le prier
de ne pas permettre le retour de Tlioraas Becket, qu'il n'eilt
renoncé au titre de légat dont il était revêtu, remis toutes
les lettres qu'il avait obtenues de Rome, et promis d'observer
les lois du royaume. Ils firent choisir aussi dans toutes les
églises vacantes des comproniissaires chargés d élire le pas-
teur, et les envoyèrent auprès du roi, en Normandie, pour
procéder aux élections en sa présence et sous sa direction.
Dans 1 intervalle , Thomas Becket avait reçu Tordre de se
rendre à Rouen, d'où il devait passer en Angleterre, après
avoir été pleinement acquitté envers ses créanciers; mais en
y arrivant , il trouva Jean d'Oxeneford, doyen de Sarisbéry,
chapelain du roi, (pii l'y attendait avec des lettres du prince
pour lui ordonner de revenir sur-le-champ dans .son église.
Du rivage français, avant de s'embarquer, Thomas de (^an-
torbéry prononça, comme légat du |)ape , la suspeii.siun df
l'archevècpie d'Yorck, de 1 évèque de Durham, cl de (juel
ques autres, pour avoir, au préjudice de ses droits, couronné
le nouveau roi en Angleterre, ou assisté à son couronne-
ment. Des troupes 1 attendaient à Sandwic , oii il aborda.
Elles voulurent exiger un serment de fidélité au roi, de la
part des étrangers qui suivaient le prélat. Il n'y avait guères
dans ce cas que Simon , aichitliacre do Sens, et il était dis-
posé à le préler; mais larchevèque de Cantorbéry s'y opposa,
en disant qu un pared serment était contraire aux h)is de
l'hospitulilé. Le jour suivant, Thomas étant revenu dans son
église, des députés de 1 archevêque d Yorck vmrent lui signifier
un appel au pape. Le reste est connu.
La 280" lettre olTie la relation de la mort de Thon)as de
V2
156 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE. Cantorbéry. Elle esl adressée à Jean, évêque de Poitiers, à qui
~" sont adressées aussi beaucoup d'autres lettres de cette collec-
tion. On connaît également les détails de cet assassinat ; et tous
les lecteurs partageront ici l'indignation que l'auteur exprime en
racontant l'histoire d'un tel forfait.
La 300° épître et la 302° sont écrites, l'une au pape
Alexandre, l'autre à l'archevêque de Sens; la première de-
mande au pontife de confirmer l'élection de Richard, prieur
de Douvres, au siège de Cantorbéry; et la seconde invite
l'archevêque de Sens à se réunir à lui, pour obtenir la sanc-
tion du pape en faveur du choix fait de Richard, pour rem-
placer Thomas Becket : le jeune roi Henri se refusait à
approuver ce choix L'archevêque de Sens était alors Guil-
laume de Champagne, un des fils du comte Thibaut, et
Alexandre 111 l'avait nommé son légat. Une autre lettre de
Jean de Sarisbéry lui fut aussi adressée vers le même temps ;
c'est la 91° du cinquième livre dans le recueil des épîtres
concernant Thomas de Cantorbéry. L'archevêque d'Yorck
n'oubliait rien auprès du pape pour le convaincre de toute
son innocence, dans le coupable événement dont Thomas
avait été la victime. Jean de Sarisbéry l'accable des plus
graves reproches dans cette lettre à Guillaume de Cham-
pagne ; son attachement pour la mémoire de l'archevêque
de Cantorbéry s'y montre bien plus que la charité chré-
tienne, et peut-être que l'amour de la vérité. Le tort de l'ar-
chevêque d'Yorck était d'avoir eu le courage de résister aux
prétentions insensées de l'archevêque de Cantorbéry , et de
respecter la personne et l'autorité du roi.
La 72"= épître du même livre du môme recueil, qui n'a pas
non plus élé publiée par Jean Masson, est adressée à Pierre
de Celles , et raconte principalement les actions criminelles
des enfans de Henri 11 ; ils s'étaient mis en état de révolte
contre leur père et leur roi, et avaient pris les armes pour
soutenir cette rébellion. Ces brigandages rendaient imprati-
cables les communications et les routes; on ne pouvait, sans
danger , aller d'une contrée à l'autre ; les troubles étaient
excités par les personnes même qui auraient dû les réprimer,
et le monarque avait pour ennemis ceux qu'il aurait dû avoir
pour défenseurs : Crescunt incendia , dit l'auteur , et non
modo ah aquilone sed à quatuor ventis cœli alla succenditur...
foris adstat gladius, timor intus ; civis et hoslis ■ in eodem ferè
versanlur calcula.
ÉVÉQUE DE CHARTRES. 157
Indépendamment des nouvelles lettres qu'offre le recueil xii siècle.
concernant Thomas de Canlorbéry, il y en a quatre encore ""
recueillies par D. Martène, et insérées au premier volume p. 396ei»uiv.
de son Trésor des Anecdotes. Les deux premières sont rela-
tives à une excommunication prononcée par lui-môme contre
Jean, comte de Vendôme. L'auteur était alors évêque de
Chartres, et il accusait ce seigneur d'avoir commis des dom-
mages, des injustices, des concussions, envers l'église de la
Sainte -Trinité de cette ville, et au monastère de Saint- Lomer
à Blois. L'excommiinicalion avait élé levée ensuite, moyen-
nant les satisfactions promises d'abord et données enfin par
le comte de Vendôme Ces deux lettres sont de 1180. Les
deux autres , recueillies par D. Martène, sont relatives à
l'abbaye de Fontaine-Blanche, en Tourame, et à des obliga-
tions qu'elle devait acquitter, pour des dons qu'elle avait
reçus.
§ m.
OUVRAGES MANUSCRITS OU PERDUS.
Jean Balée, dans ses Centuries des hommes illustres de la
Grande-Bretagne, annonce que, de son temps, au seizième , p *2ii! ^'
siècle, on conservait les manuscrits suivans de Jean de Saris-
béry :
1° Un Pénitenciel Trithême, dans son Catalogue des écri-
vains ecclésiastiques ; Pits, dans son ouvrage sur les écrivains 89, Terso. '
illustres d'Angleterre; D. Ceillier, dans son histoire des au- p- ^^■
leurs sacrés et ecclésiastiques, font mention également de ce 270^" ^^"'' ''
Traité. 11 est encore aujourd'hui parmi les manuscrits de la Cai. mss. Ang.
bibliothèque de Bodley. p»"- '. "• *09'-
2» Un livre intitulé. De malo exitu tyrannorum. Jean de
Sarisbéry rappelle lui-môme cet ouvrage dans un des cha-
pitres de son Policratique.
o iT 1- 1-^ , , . Liv. VIII, c, 20.
3» Un livre sur 1 état de la cour de Rome, de Statu curix
romanae. Il paraît que ce n'est autre chose que le vingt-
quatrième chapitre du sixième livre du Policratique. ^" Joy*' **■ '"*'
40 Un livre de Mathemalicâ duplici.
5» Un livre de Musicâ amoris. D. Ceillier dit, de l'Amour
de la -fnusique ; ce serait alors de Musicae amore.
60 Des sermons sur divers sujets.
7" Un livre intitulé Spéculum rationis, le Miroir de la
458 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, raison. Il lui est également attribué par Leiand, par Jean
Lei. Sir. hrii" Pits, et par D. Ceillier.
''m"**. '''.'" '^^ K Objurgalio cleri, oa Objurgatornini clericorum, Répri-
Ceill. uiel. locis. i i i '
mande du clergé, ouvrage contre les ecclésiasiiques du
Xlle siècle, dont Flaccus lliyricus et Jean Wolf ont donné
des extraits, l'un dans son calalogne des témoins de la vérité,
l'autre dans le premier tome de ses leçons mémorables.
9o Diverses poésies, entre autres, un poëme ayant pour
titre, Eutheticon de dogmate philosophorum, qui commen-
l'ii.s i7,irf. p. çait par ces mots . Dogmata discutiens. Cet ouvrage, qui fut
^^^ dédié à Thomas de Canlorbéry, alors chancelier d Angle-
terre, est conservé manuscrit dans la bibliothèque de Cam-
bridge
10" Un livre intitulé Ermeneuticon.
Ilo II faut y joindre un commentaire sur les livres attri-
bués à Saint Denis l'aréopagite, de la Hiérarchie céleste, et
de la Hiérarchie ecclésiastique, ouvrage qui se conserve à
la bibliothèque du Roi, sous le n" 1GI9, et dont aucun
bibliographe n'a parlé.
Leiand, Balée, D. Ceillier, supposent que Jean de Saris-
béry est encore l'auteur du Miroir de la sottise, Spéculum
stultiliie, manuscrit qui existait à la bibliothèque Cotlo-
Ain,. ,1. lOi. nienne (I;, presque entièrement détruite par les flammes,
7!',*v "[28 '- ^" ^^^^ ' "'^''' '"'* •'^' 'rompent : l'ouvrage est de Nigel Wi-
V. o.iiiin. s.r. '■t'eker, moine de Cantorbéry. Il paraît .seulement que
Twlr ' "' '"' "'^^'^ ^*^ Sarisbéry avait écrit sur cet ouvrage même. Jean
Fils et d'autres annoncent un livre super spéculum Nigelli-
ii'i,i. |, ii!» Jean Masson et Possevin ne sont [las mieux fondés à lui
''' "^"' attribuer l'Archillwenius ( l'Archiiileureiir ). L'ouvrage est
tiaas contredit de Jean Haulevillo, auteur contemporain, et
qui eut (|uel(jue cilèhrité en France , à celte époque du
XI |e siècle.
^ 'V.
SON ERUDITION, SA iMAN'IÉRE D'ECRIRE,
SA DOCTRINE.
Jusle-Lipse n'est pas l'écrivain qui a le plus loué Jean de
(1) Catalogue des livres manuscrits île la bibliothèque Cottonionne,
p. 3, n. XI. Voir le n. 2159 du catalogue des manuscrits de Bodley, et
aussi, les n. 2535, 2583, 3041 et 3852.
XII SIECLE
T. Il, p •"»!».
ÊVÊOUK DE CHARTRES. 1o9
Sarisbéry. In quo centone, dit-ii, dans ses notes sur le
douzième livre des annales de Tacite, en parlant du Poli-
cralique, in quo centone mullos pannos purpune agnosco et
fragjnenta^ sévi melioris. Jean Balée, au contraire (1), le
célèbre comme un des hommes qui ont cultivé avec le plus
de succAs les lani^ues grecque et latine, qui les ont rendues
à leur ancienne pureté, qui se distinguèrent à-la-fois comme
prosateurs et comme poètes , qui défendirent avec le plus
d'adresse et d'esprit les lettres et les beaux-arts, et en sou-
tinrent le mieux la gloire. Blount, qui rapporte en entier le
passage de Balée, dans sa censure des auteurs, y ajoute plu-
sieurs autres citations également apologétiques, d'un grand
Hombrc d écrivains, parmi lesquels nous remarquons Pilhou,
Vossius, le cardinal Bona, et Henri du Puy. On peut voir ce
qu'en dit Haillet d;ms ses jugeinens des savans.
Le l'olicraliquf fut commencé au temps (|ue les Anglais
assiégeaient Toulouse hauteur nous le dit lui-même à la lin
de sa préface. Ce siège eut lieu en 11")!). L ouvrage dut pa-
raître au plus tard en 11G2, |)uisque nous voyons, dao.s
l'épîlre qui le précède, que, Thomas Becket était encore chance-
lier d'Angleterre, et que, celte année- là même, il cessa de l'être,
en devenant archevêque de Canlorbéry.
Scaliger et Pilhou croyent que lePolicralique tire son nom de Soaiigoriana ,
ce qu'il contenait beaua)U[) de choses. Je suis loin de partager P- ^9^-
celte opinion , et les délai!» que nous avons donnés ont démon-
tré, j'espère, combien elle est inadmissible. Policratique, d'ail-
leurs, n'est pas écrit, et il ne peut l'êlre, avec un upsilon; c'est
de 7:d/i;, et non de no/j, que I auteur a composé son titre. Les
vertus qu'il faut avoir, les vices qu'il faut éviter ou craindre
(|uand on est placé au[)rès des rois, ou qu'on doit concourir au
gouvernemenl de l'état, voilà ce dont il cherche à nous
instruire.
Les morceaux cjue nous avons ra|)portes de cet ouvrage
peuvent donner une idée du style de l'auteur, du mérite et
des défauts (pii le caractérisent. La concision, la force, la
simplicité, y sont rares; l'afloctation et la diffusion, fré-
(1) Centuries (le.« liomiiie.s illustres île la liraiule Bretagne, oent. 3, o. I.
Voyez aussi ce qu'en dit, d'après I.eland, Pitseus, de lUuslribus Anfflia scrip-
toribus, p. 'MS du premier tome de .ses ouvrages, et ce (ju'en dit l.emire,
Auctar. de Scriptoribus erclesiasticis, dans la bibliothèque ecclésiastique de
Fabricius, p. 04.
160 JEAN DE SARISBÉRY,
XII SIECLE, quentes : mais il y a du mouvement, une sorte d'élégance , et
une connaissance assez étendue et assez variée de l'anliquité,
des siècles même plus modernes. Ses principes politiques sont
quelquefois hardis ; mais c'est encore plus en faveur des
papes qu'en faveur des peuples qu'il montre cette hardiesse
contre les rois. Sa philosophie n'est guère qu'en érudition ;
il sait bien ce qu'on a dit ; il sait moins bien ce qu'il faut
penser et croire. Souvent môme, on le trouve atteint des erreurs
V. le Policrat. qu'il Semble disposé à combattre ; la magie est de ce nombre.
liv. I, c. 10 ei La preuve n'en est pas seulement dans quelques endroits du
Policratique. Nous le voyons, dans une lettre à l'archevêque
de Cantorbéry (1), citer avec complaisance et crédulité la pré-
diction d'Ambroise Merlin, qui annonçait, selon Jean de Saris-
béry, tous les malheurs qu'éprouvait l'Angleterre sous le règne
de Henri II.
Ci-dess. p. 110. Nous avons fait remarquer le désordre de son érudition,
et la manière dont il passe quelquefois d'un peuple à l'autr'î,
dont il franchit plusieurs siècles, quand il fait des tableaux
progressifs de lois, de mœurs, d'institutions. Si elle n'est pas
toujours bien ordonnée, elle est toujours très-étendue. Il
puise les autorités, les faits, les principes qu'il veut examiner
ou dont il veut faire usage, il les puise par-tout oîi il y a des
lumières à acquérir, des vérités à confirmer, des erreurs à
combattre. Rien n'est étranger à son érudition. Il cite également
Ésope et saint Augustin, Ovide et Calon, Hippocrate et Papi-
nien, Aristole et saint Basile, Horace et saint Grégoire de
Nazianze.
Nous ignorons jusqu'à quel point les éditeurs de ces
hommes célèbres pouvaient trouver dans les passages nom-
breux que le Policratique en rapporte, des variantes utiles :
la table des auteurs cités, dans l'édition, entre autres, de
1639, le leur indiquerait aisément. Mais, ce qui est bien
digne d'être observé, c'est que, parmi les écrivains que Jean
dé Sarisbéry cite ou dont il invoque l'autorité, il en est"
plusieurs dont les ouvrages ne sont pas venus jusqu'à nous.
"Tel est, par exemple, Cratinus, cité au commencement du
Potier, liv. V, septième chapitre du septième livre. Tels sont Satyrius ou
c. 17. Satyrus, qui avait composé des histoires d'hommes illustres;
12 "liv VIII ' le poète Coquus, dont il nous donne deux épigrammes ;
c. 13.
(1) Lettre» 167, p. 464. Il déclaré pourtant, dans liHë autre lettre, qu'il n'i
pas beaucoup de confiance à l'astrologie. Lettre 211, p. 494.
KVÉQUE DE CHARTRES. Ifil
Furius Albinus, qui parlageait avec Cicéion, dit-il, l'opinion xii siei.li:.
que la profession de comédien n'esl pas infâme ; Flavianus, •'"• V'"' •"• ^"^•
auteur d'un livre intitulé de Vestigiis philosophorum , litre ^^ ph,sic'ur!, fois
qui fait partie de celui de l'ouvrage de Jean de Sarisbéry. dans le iiv. viii.
il cite aussi plusieurs fois Trogue-Pompée, que nous ne connais- ^^ "^^ ^\.\' ^^^'
sons aujourdliui que par un abréviateur, et dont les propres vu, c. I7 • liv.
paroles même sont quelquefois rappelées dans le Policratique ; viii, c. b, 6, 18.
mais je ne crois pas qu'il y ail aucune de ces citations dont
le passage n'ait été conservé par Justin. Au cinquième chapitre
du quatrième livre, Jean de Sari.sbéry rapporte comme tirée
du Trimalcion de Pétrone , l'histoire de cet ouvrier qui
avait trouvé larl de rendre le verre si malléable, qu'il
n'était pas plus facile do le briser que de briser de l'or ou de
l'argent : or le festin de Triinulcion ne se rencontre manus-
crit que dans le fragment découvert à Traw en Dalmatie,
l'an 1662 ou KiOS ; cela sert à confirmir i'aullienticité de ce
fragment. Pieire Pilhou, qui écrivit sous Henri III, avait
remarqué que Ion ne trouvait point dans le Salyricon le
morceau publié par Jean de Sarisbéry : Narrât, dit-il. Trimai- Conjiciinca,
cion ni addil gusedain, sive de suo, sive de integriure exemplari. p '!*■
Il indique d'autres endroits cités dans le l'olicraii(pie, et que
l'on ne trouvait pas daxaiilagc dans ce cpi on avait alors de
Pétrone. La déeouverU: faile en Dalmatie a |)ioii\é que Jean
de Sarisbéry n'avait pas imaginé la citation, ([ue le [)assiige est
tel qu'il le rapportait.
L'érudition n'est pas moins prodiguée dans le IMétalogique
que dans l'ouvrage dont nous venons de parler. L'auteur y cite
un traité de Caius César sur l'analogie, que le temps paraît Liv. i, c. <s
également nous avoir enlevé. ®'
Dans la 1 33" lettre du premier livre de celles de saint Thomas •*• '^"•
ou à saint Thomas, Jean de Sarisbéry rapporte cinq vers d'un
ancien poète, dont je ne crois pas non plus que les ouvrages
soient arrivés jusqu à nous, de Focinus ou Phocinus.
Dat panas laudata Jides. cùm sitstinet illos
Quosforluna premit. Falis acccde, deisque,
El cote felices, miseras fi'ge ; sidéra terris
Ut distant, ut Jlanima mari, sic utile recto,
Nnllafides uiKpiam miseras elejit amicos.
Jean de Sarisbéry cite plusieurs fois Juvénal dans ses ouvra-
ges, et, presque toujours, sous la seule dénomination iXElhicus,
le Moraliste. P.
Tome XIV. X
162
XII SIECLE.
AMAURY,
Patriarche de Jérusalem.
]|MAiRY était Français, et natif de Nesle, clans le diocèse
•'"de Noyon ; mais il passa de bonne heure en Orient. Il y
Guiii. de Tvr t'^vint prioiir de l'église du .Saint-Sépulchre, vers le milieu
liv. XVIII, j. du 12' siècle. A la mort de Foucher, autre Français, et
n .n, . qui, devenu patriarche de Jérusalem, à l'àee de 88 ans, eou-
Or. Clinst. t. T ' ' 11
III, p. 1250. — verna encore son ogliso pendant plus de onze années, mort
Art. rfc \dr. les survenuo le 20 novembre 1157, les évoques s'étanl assemblés
2Kj"jj 201 ' ^ PO"'' 'l'i choisir un successeur, Ainaury eut deux puissantes
protectrices dans la comtesse Sibylle , femme de Thierri ,
comte de Flandre, et sœur de Baudoin III, qui régnait alors,
et dans Mélisende, fille de Baudoin II, épouse de Foulques
le jeune, et mère du roi : sa mère et non sa sœur, comme
Liv VII i tii '^ disent Fleury, dans son Histoire Ecclésiastique, et les
T. I, p. '2(»i. auteurs de l'Art de vérifier les dates. Leur protection se montra
r.uiii. lie jy efficace, les évèques nommèrent Amaury à la place du patriar-
avail coiiiinls 'a , _, , j ,,, .■ r . . ■ r v i
che Foucher L élection ne fut pas bien contorme aux régies,
mcme erreur.
suivant Guillaume de Tyr ; aussi n'eul-elle pas lieu sans
opposition ; Hernèse, larchevêque de Césarée , et Raoul ,
évoque de Bethléem, rallaquôrenl. Adrien IV était assis sur
la chaire pontificale. Amaury envoya auprès de ce pape un
évoque de ses partisans et de ses amis, qui le défendit avec
d'autant plus de facilité et de succès, que les deux prélats
qui l'avaient dénoncé étaient restés en Orient, et qui ne
partit pas de Rome, sans en rapporter le pallium destiné à
Amaury. Celui-ci en était peu digne, s'il est vrai, comme
Liv. xviii, l'affirme Guillaume do Tyr; que quoiqu'il ne fût pas dépourvu
S- '^ de lumières, il était d'une grande simplicité, et d'un esprit
bien peu propre aux affaires : j'adoncis même, en le tradui-
sant, l'expression de l'historien; car il dit, pœnè inutilis, qu'il
n'était guères propre à rien. 11 le caractérise de même, et
Liv. XXII. j i avec les mômes mots, dans un des livres suivans, au mo-
ment où il parle de sa mort Un autre passage de Guil-
laume de Tyr nous annonce qu il avait dû en grande partie
.son succès à Rome, aux présens qu'il y fit faire, multâ inter'
veniente munificenlià.
AMAURY, l'ATRIARCHE DE JÉRUSALEM. 163
Le 18 février 1 1 62!, il sacra le nouveau roi de Jérusalem, xii sikcle.
Amaury l8^ qui venait de succéder à Baudoin III, son frère; '
nous disons, le 18 février 1 1G2 ; Guillaume de Tyr, il est vrai, Cuiii. de t>t,
au commencement du 19^ livre de son histoire, place en 1163 '*' ' ''
le sacre de Baudoin ; mais c'est une faute visible de copiste,
ou une inadvertance de l'auteur, puisque lui-même lie cette
cérémonie à la 3» année de la papauté d'Alexandre III,
qu'on sait avoir été élu le 7 septembre 1159. Notre patriarche
sacra encore Baudoin IV, fils et successeur d'Amaury 1*', Cuiii. de Tyr,
au mois de juillet 1173. Il sacra également, le 8 juin de J^' (fr^'c^ris^
l'année suivante, le prélat historien que nous avons déjà cité i. m, p. 1231.
plusieurs fois, Guillaume, quand il devint archevêque de , *'"'"• '^^ '>''
»: ' ' ^ ** i.v. XXI. s 0
Tyr.
Le patriarche Amaury avait été nommé, en 1168, pour aller,
en Occident, implorer le secours des princes chrétiens; mais
il fut à peine embarqué, qu'une tempête violente se fit sentir,
et le menaça du naufrage ; l'orage appaisé, ses compagnons et cuiii do Tyr.
lui ne crurent pas devoir continuer leur voyage; ils revinrent ''* xx, 5 13.
dans le port d'oii ils étaient partis, et d'autres prélats furent
députés pour le même objet vers les principaux rois de
l'Europe.
Il avait présidé, en 1160, le concile tenu à Nazareth, dans „ ... , ,,,
r ' ' ' Guill. de lyr.
le temps qu'Alexandre el Victor se disputaient la chaire pon- iiv xvui. j.
tificale ; assemblée dont l'objet principal fut de décider si l'on ^9
recevrait et reconnaîtrait un légat d'Alexandre, qui était venu
en Orient.
II mourut au mois d'octobre 1180, et non 1181, comme le Ccni. 12, r.
disent les continuateurs de Magdebourg ; la 22e année de son ^^- i" ^^'"
pontifical, et la 8« du règne de Baudoin IV.
Guillaume de Tyr l'appelle à plusieurs reprises un homme de
bonne mémoire ; mais il y joint toujours le reproche d'une sim-
plicité trop grande, et d'une profonde nullité.
Amaury fut le huitième des patriarches de Jérusalem, depuis
que les Croisés, à la fin du 11* siècle, après avoir élu au trône
Godefroi de Bouillon, voulurent avoir aussi un patriarche
latin.
Il nous reste quatre lettres du patriarche Amaury, dont trois
sont adressées à Louis-le-Jeune, et une à Henri, archevêque de
Reims.
Dans la première (1), qui est de l'année 1169, et la 347*
(1) P. 690. Elle est la sixième de celles de Bongars, t. I, p. 1174.
X8
164 AMAURY, l'ATRIAKCHE DE JÉRUSALEM.
XII SIECLE, du tome IV de la collection d'André Duchesne, après avoir rap-
pelé à son très-cher fils Louis (car le roi de France est également
pour lui carissimus in Christo filius) toutes les oppressions
qu'exercent les intidèles, et tous les dangers que courent les
chrétiens, il lui recommande instamment un évéque de Palestine,
qui, animé par la piété la plus vive et la plus courageuse,
n'avait pas craint de traverser les mers, de s'exposer aux plus
grands périls, pour aller solliciter les moyens de relever une
église détruite par les ennemis, église antique et célèbre, la
première qui ait reconnu et proclamé que Jésus-Christ est fils
du Dieu vivant, l'église oîi samt Pierre mérita que les clés du
ciel lui fussent confiées, et reçut la puissance do lier et de délier
sur la terre.
Bon-, t. I, Celte lettre, q ù o.^l placée la première dans le recueil d'André
p. 1174. — Du- Duchesne, n'est que la seconde dans le Gesta Dei per Francos,
!^n?"' ''..'^ ' ^,' dont Boni'ars est l'éditeur ; il a placé la première, celle dont
Fr (. x\ i.p.ius. nous allons parler, (jui est la seconde dans le recueil de
Diicliesne.
Le palriarciie y riVliUiii! K's hieiifails d.i monarque, en
faveur de ces pauvres it'pre. IX, que leur inlinuilé relient hors
des murs de Jérusalem, ipii y vivent empri.soniiés loin des
regards des hommes : le roi a été lui-même témom, il a vu
de ses propres yeux jusqu'à quel point ils sont tourmentés.
Les infirmes, les indigens, allluent ici de toutes les parties
du mou le; les ress:)ur(;i's iiianq iiinl à l'église d'Orient, frap-
pée elle-même de tant de maux, pour subvenir à tous leurs
besoins. La date de celle lettre n'est pas connue. J'avoue
même qu'il s'est élevé dans mon esprit quelques doutes sur
son auteur. Bongars, Duchesne et M. Brial n'ont pas hésité
à la reconnaître, comme écrite par Amaury, patriarche de
Jérusalem, et elle porte le nom de ce prélat dans leurs diffé-
rentes collections. Ce qui peut justifier leur opinion, c'est le
passage même de la leltrn oii Amaury observe que le roi a
été lui-même témoin de tous les maux que souffrent les
lépreux. Louis Vil effectivement était allé dans la Terre-
Sainte, en 1147, et était revenu en France en 1140: Amaury
ne devint patriarche que quelques années après, en 1157:
ces dates-là n'ont rien qui s'oppose à ce que dit la lettre.
Mais le commencement de celte lettre même semble rap-
peler comme nouveau un fait bien antérieur à la croisade et
au patriarchal d'Amaury ; l'avènement d& Louis VII au trùne.
Quoniani, dit-elle, palerni rcgni solium conscendere vos
AMAURY, PATRIARCHE DE JÉRUSALEM. 165 .
fecit divina dispensatio, pro gratta vobis collatâ, divinam Xii siècle.
interpellamus clementiam , ut vitam vestram prospéré pro- "~~
longet Deus ac foveat, et post hujus vitx terminum vitam
vobis tribuat sempiternam. Celle phrase , ces mots sur-
toul, et même les vœux qui suivent, ne paraissent-ils pas
s'appliquer à un événement assez nouveau? Or, il y avait
vingt ans que Louis VII était roi quand Amaury monta sur
le siège de Jérusalem ; il y passa vingt-trois ans ; même en
datant sa lettre des premières années de son patriarchal, est-
il vraisemblable qu'il l'eût commencée en parlant au roi d'un
événement qui avait dcja vingt ans au moins, trente peut-être,
peut-être davantage encore?
Dans la troisième leUre au roi, oîi je remarque qu'il ne Bong. p. iiso.
l'appelle plus mon très cher fils, comme dans les deux pre- ~ '^"'^'* p *'^^-
mières. Amaury le remercie de ses libéralités, et lui recommande Z xv" p^'' le?
un chanoine du Sainl-Sépulchre.
Ily a une qualrième lellre, elle est adressée, comme nous Duch^sne,
l'avons dit, à rarchevê(pni di^ Reims : c'élail H^mri de France, P' ^'^"^ ~ **''*•
frère de Loiiis-le Jeune. Le palnarch^^ y retrace tous les *!! M8,i.''AmpL
malheurs de léglise dOri'nl, sun impuissance absolue pour t^oli. t. n, p!
satisfaire à tant de besoins et soulager tant de maux : c'est ^^'
aux fidèles d'Occidenl à l'aider, à la secourir; les y exciter
est l'intérêt et le devoir de tous ceux à qui les fonctions pas-
torales sont confiées. Il l'engage aussi, vers la fin de sa lettre
à faire lous ses efforts pour réconcilier le roi d'Angleterre
(c'était Henri II) avec son fils (il aurait pu dire, ses fils),
afin qu'ils pussent songer efficacement à la défense des chré-
tiens d'Orient. Celte leltre est de l'an 1174 comme celle qui
fut écrite au même prélat, pour le même objet, par Amaury,
roi de Jérusalem, et que nous avons analysée dans l'article
consacré à ce roi. p. , xnrp.^i."-
166
Xll SIECLE. "
PHILIPPE.
A H U !■; IJ K L A l M 11 N h.
HKCHKUCHKS SliH SA l-KUSONM'].
Cal
un
ne-
i. n
Ducnn^c. i\N a long-teni[)S confondu ici ablK! cistercien avec
al. des aut. "g„j,.g jg luèuie uoni , surnommé Harveng, ahlié de Bon
Espérance, de Tordre des Prémonlrés II ilail d'aulanl [)lus
aisé de tomber dans celle méprise, (lue ces deux auteurs
vivaient dans le même temps,. et que le prémonlré élait plus
connu que le cistercien. Mais (le|)uis (pi'on a publié les
lettres de ce dernier, il n'est plus piMiuis de ronlbndre leurs
personiuîs, et ce serait inntdemrnl que nous accumulerion.s
les preuves fiour établir ({ue c(! sonl deux auteurs dillVions.
Mais on trouve, à la même épi)(|iie, dans 1 ordie de Cilcaux.
deux Piiilippes, contemporains do <aiiil Hernard ; l'un qui
avait été arclievèipie de Taienle dauN la l'ouillc, laulre archi-
diacre de l'éf^lise do l.iéi^e. Lopinion commune des savans
est que l'ancien arciie\ô(|ue de l'annle csl celui qui sciant
fait relit-'ieiix à (:iair\aii.\, lui daii> !.. .Miilr abbe de l'Aumône
ou du petit Cîleaux pri;.s di; Hloi? (', est le sonlimenl de
Mabillon, du Gallia cliristiana, do i) l.iion , d'Oudin , de
l'abriciiis, tlo lous liis lustoriens de Idrdn- de Cîteaux. Nous
làclierons ik' prouver (|ue I abbe de l'Aumône, dont nous
avons des ocnls, n est autre ipie l'anludiacre de Liéire.
Si Ton pouvait admettre (jue I ancien ar<lievè(jue de Tarcnte
soit devenu abbé de l'Aumône , nous serions en état do le
faire connaître un peu mieux qu il ne la été jusqu'ici. Nous
dirions (ju'il élail né à Fontaines, dans une terre dépendante
de l'abbaye de l.aubes, au diocèse d(r (Cambrai, et nous cile-
>i>ini in loi , JQ„>; lauliMir des Gesles des abbés de ce monastère , qui
' '' '■* dit, en citant le décret lancé conire IMiili()pe au concile de
F-atrandelan 113'.t, de noslris quidam Philippus, de familià
ecctesix Fonlanis oriiindus , lune lemporis de Turonensi
electo , à l'elro (Anaclelo) cui adhapseral , Tarentimis épis-
copus l'actus, irrecuperobililer sacerdolali gradii damnalus est.
XII SIFXI.F..
PHILIPPE. ARBli DK L'AUMONE. 1f)7
Nou.s (lirions qu'il élail neveu ilc Gilbert, mort archevf'que
de Tours, l'an 1124; (|iic son oncio lavait nommé chanoine
de celle é.qlise ; qu'à la mort de l'archevr-que Hildcbert, arri-
vée lan 1133 ou 1134, il fut élu d'une manière assez irrégu-
lièr(! archevêque de Tours par une partie da clergé, et nous
renverrions aux lettres de saint Bernard, (lui, ayant été délé- ^•='"" ""P- '^•
, , , ,, . — Ibid. cpist.
gué par le pape Innocent II pour termmer celte contesta- ap„j j,ari. t. i
lion, avait déclaré nulle l'éleclion de Philippe; qu'alors il se Am|.i. Coll. p.
jeta dans le parti de l'antipape Anaclet, (jui lui donna l'arche- ^''"•
véché de Tarcnle, comme nou^ l'avons dit d'a|)rès les Gesles
des ahhés de Laubes.
Nous dirions enfin qu'il était à Rome lan 1137, lorsque
saint Bernard, pour le délarlier du parti d'Anaclel, lui écrivit,
de Vilerbe, la letUx! 1.">l , dans laquelle il se. jette pour ainsi
dire à ses pieds, afin de le ramener au sein de l'église; qu'ayant
été dégradé et privé de toute fonction ecclésiastique au con-
cile de Lalran de l'an 1 139, Pliilippe, revenu d(; ses égaremen.s,
prit le parti de .s'enfermer pour toujours dans la solitude de
Clairvau.K.
SainI Bernard, Kiiili'nl dr 1 avoir [)arnii .ses enl'ans, voulut
adoucir son sort, rt tempérer la rigueur de la .sentence qui avai(
été porlée contre lui II l'ciivil en sa l'avrur au paju' Illugrncî lil, "''"' 'I'- -"•
et nialgtc le crédit dont il jouissait aupri;s du souverain ponlii'e,
tout ce qu'il put obtenir pour lui. vo lui, selon le catalogue des
prieurs de Clairvaux cité par .Alabillou, qu'il pourrait exercer à
l'autel les fonctions de diacre : (.ui de mise?-icordi'i concessum ii"<t in ik-Hs.
esl esse in officio diaconi.
Cependant c'est cet homme Iléiri et tombé dans l'humilia-
tion, pour lequel soinl Bernard o.sait à [)eine demander une;
j)elite faveur, cest c(>t homme (ju'on prétend avoir élé nommé
prieur de Claiivaux par le choix de saint Bernard. M est vrai
que le catalogue des prieurs de Clairvaux le dit expressément ; iicuriquei ,
mais cet écrit, dont on ignore l'âge et I auteur, n est pas d'une Fa>çicui
autorité assez grande pour fixer l'opinion, sur - tout lorsqu'on
connaît un autre Phili[)pe (pii, dans le même temps, était à
Clairvaux, (pii était beaucoup plus digne de cet honneur,
et avec lequil il a élé facile aux écrivains postérieurs de con-
fond] e le faux évêipie de Tare nti\
Nous pensons donc que labbé de I Aumône, dont il reste
des écrits, n'est autie que cet archidiacre de Liège, qui, à la
fin d(! M4G, accompagnait saint BernartI allant prêcher la
croi.sade en Allemagne ; lecjuel ayant été témoin des miracles
II. .|>. tl!<.
168 PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONE.
XII SIECLE, dont il a composé uue relation, se rendit à Clairvaux pour y
embrasser la vie monastique, comme il le dit lui-même dans sa
relation; et qu'enûn saint Bernard, connaissant son mérite,
l'avait mis à la tête de sa communauté.
Tissier, Bibi. 11 est Certain qu'à la mort de saint Bernard, c'est-à-dire
Pair. Cist. I. I, ig^ -1153 jj y avait à Clairvaux un prieur nommé Philippe,
p. 167 pro 16b . "', . V .,,.,.. A rr l
que ce prieur devint peu après abbé de l Aumône. Le ne peut
être que l'ancien archevêque de Tarenle ou l'ancien archi-
diacre de Liège ; et dans l'alternalive, nous ne douions pas
qu'on ne pense comme nous, que c'est à ce dernier que ces
deux posles ont dû être confiés plutôt qu'au premier, si l'on
fait attention que, devenu abbé de l'Aumône, il a joui d'une
très -grande considération auprès des papes, des évoques et
des souverains, ainsi qu'on le verra par la notice de ses
lettres Ajoutons que dans ces lettres il n'y a pas un mot qui
rappelle los aventures de l'ancien ardiovêque de Tarenle Tout ce
Gaii. chri-i. q,,^ QQ,jg savons , depuis la mort de sainl Bernard, c'est que
'■ ' '^° ' " Philippe était déjà abbé de I Aumône, l'an 1156, selon une
Gevas. Dorot). ^uile du pape Adrien IV, citée par les auteurs du Gallia
ad. an. 11H3. - chrislianu , qu'en 1163 ou ll6i, il fut envoyé par le pape
Hisi gnadiip. y^i^.xaiKJre III en Angleterre pour appuiser le dillérend qui
lib I. Cap. 'M. "-" ' ' ' I /-.
- Hov. ad an. sélail élevé entre le roi Henri II et larcheveque de Canlor-
i""- • béry, au sujet des prérogatives royales; et qu'd n'était plus
abbé l'an 1171, car on trouve, à celte année, sa souscription à
une charte de Henri, archevêque de Reims , en ces termes :
Philippus gui fuit abbas in Eleemosynâ. Nous ignorons
l'année de sa mort; maison voit qu'il vivait encore l'an 1 174,
puisque parmi ses lettres on en trouve une de Henri, arche-
Tissicr t III ^'^(^"^ ^^ Roims, qui ne peut avoir été écrite avant celte année,
p. 238. ' et dont Philippe fut le rédacteur. Il paraît môme que l'an 1179,
il était encore de ce monde, comme nous le dirons en rendant
compte de la lettre 28.
SES ÉCRITS.
\. Après avoir établi par des raisons au moins probables,
que l'abbé de l'Aumône est cet archidiacre de Liège qui ,
après avoir accompagné saint Bernard dans son voyage
d'Allemagne, s'était fait religieux à Clairvaux, c'est à lui que
nous devons attribuer la première relation des miracles
Bern. op. ^ol. opérés par le saint, laquelle porte son nom dans toutes les
il, col. 11(10 éditions. Elle est divisée en cinq chapitres, et contient les
Mart. Anecd.
t. I, col. 399.
PHILtPPE, ABBÉ DE L'AUMONE. 169
guérisons dont lui el les autres compagnons du voyage avaient Xll siècle.
été témoins depuis Francforl-sur-le-Mein jusqu'à Constance,
et depuis Constance jusqu'à Spire. Elle fut adressée d'abord
au prince Henri, frère du roi Louis-le-Jeune, qui était pour-
lors novice à Clairvaux ; mais dans la suite elle fut envoyée
à Samson, archevêque de Reims, par Philippe lui-même,
qui prend la qualité de moine de Clairvaux, frater Philippus
de Claravalle. A en juger cependant par le style, celle épîlre
dédicaloire n'est pas de Philippe; on y reconnaît celui de
Nicolas de Moutier-Ramey, qui, à cette époque, comme il NicoUi, cp. 18.
le dit lui-même, éti^it à Clairvaux le secrétaire des autres
religieux, ou le reviseur de leurs ouvrages. Philippe eut part
aussi à la seconde relation des miracles de sainl Bernard,
depuis sa sortie de Spire, passant par Cologne, Aix-la-Cha-
pelle, Mastrichl, jusqu'à Liège: mais il ne paraît pas qu'il
en ait été le rédacteur.
2. Ses lettres. Charles de Visch en a publié 25 sur un ma- gjy cjjjg^
nuscril de l'abbaye de Saint-Amand; et Bernard Tissier en p. 336 — 352.
a imprimé 40 qu il a trouvées dans différens manuscrits, „. "ibi. P»tr.
, _ . Cist. I. III , p.
c est-a-dire, 30 sur le manuscrit de Clairvaux, et parmi 237 — 2ti2.
celles-ci sont comprises les 25 publiées par de Visch, mais
non dans le même ordre. Le manuscrit de Dunes lui en a
fourni trois autres que de Visch avait déjà publiées sur le
manuscrit de Saint-Amand. EnQn, il en a ajouté encore
sept nouvelles sur la foi d'un manuscrit de Foigni. Les édi-
teurs ont placé à la lêle des observations, pour prouver que
ces lettres sont de l'abbé de l'Aumône, et non de Philippe de
Bonne-Espérance, el, à 1 égard du plus grand nombre, leurs
argumens sont conchians ; mais il en est d'autres que les Pré-
monlrés pourraient aussi revendiquer pour leur confrère.
Nous allons analyser les plus imporianles, en suivant l'ordre
du [)remier éditeur, et marquant à la marge le numérotage du
second.
La première est écrite au nom de deux cardinaux légats Tissier, ep. 4
que le pape Alexandre III avait envoyés en France, l'an 1 160, p- 2*i-
pour démontrer la lé^iliuiilé de son élection, et déterminer
en sa faveur le roi et l'église gallicane. Celle lettre est adressée
à tous les évêques, abbés et autres prélats de la chréiienlé,
et a pour objet de détruire les raisons ou les fausses alléga-
tions du conciliabule de Pavie, qui, influencé par l'empereur
Frédéric Barberousse, s'était déclaré pour l'antipape Victor.
Philippe a mis son nom à la suite de celui des deux légats
Tome XIV. Y
1 3 .
170 PHILIPPB, ABBÉ DE L'AUMONE.
xn SIECLE. Henri *t Qlton, avec la qualité de minister paupertem Christt
de Eleemosynâ.
Spicii. iD-foi. Oo voit par une autre lettre qui n'est pas dans la coHec-
t. 1», p. 27. jJQjj^ ijjgjj qyg Dacheri a publiée, que le pape Alexandre
l'avait chargé de négocier en sa faveur auprès du roi de
France et de celui d'Angleterre. Philippe rend compte au
(lape du 6UCCQS de ses démarches ; il annonce que les deu^
princes ont reconnu son bon droit, mais que des raison» de
politique les empêchent de se déclarer, parce qu'étant en
guerre, ils s'observaient mutuellement ; qu'on espérait cepen-
dant qu'ils ne tarderaient pas à se déclarer, parce qu'or tra-
vaillait à les réconcilier.
Bouquet, t. On peut jui^er par ces deux lettres, qui ont été reproduites
762 ** "'"' *' '^^'^ '^ collection des historiens de France, à quel degré de
considération était parvenu l'abbé de l'Aumône, auquel on con-
fiait des intérêts d'une si haute importance,
lissier, ep. 12 La seconde et la troisième lettres sont relatives à un procès
ei 13, p. 2i4. entre l'abbaye de l'Aumône et celle de Ponllevoi, au sujet de
certaines dîmes dont les Cisterciens se croyaient exeflapts. Ces
deux lettres sont postérieures à l'an H68, puisqu'on s'y
pourvoit par appel au tribunal de Guillaume, archevêque de
Sens, comme légat du siège apostolique : dignités dont ce prélat
ne fut revêtu que cette même année.
liiâ ep. u La quatrième et la cinquième prouvent combien on a eu
et 13, p. 2*5. jQfj d'attribuer à l'abbé de Bonne- Espérance les lettres de
Philippe de l'AuBoône. Dans la 4« on voit que l'abbé de l'Au-
mône avait visité, comme une fille et une dépendance de
son monastère, l'abbaye de Landais en Bretagne ; et dans la
5* celle de Bégard, au diocèse de Tréguier, sur lesquelles il
est absurde de dire que l'abbé de Bonne-Espérance ait pu
exercer ancuoe juridiction.
ibid. ep. ifi, La sixième est adressée à Guillaume, archevêque de Sens,
"*■ et doit être postérieure, comme nous l'avons dit plus haut,
à l'année H68. Celle-ci a pour objet défaire rendre à un
curé de son diocèse une somme d'argent qu'il avait prêtée
sans intérêt à un archidiacre d'Orléans, appelé Hugues, à la
prière de l'abbé de l'Aumône.
ibid. cp. 17, La septième à Hubalde, cardinal-évôque d'Oatie, est écrite
pour demander la sépulture d'un Anglais, qui, ayant causé
quelque dommage à l'église de Troie en Champagne, avait
été excommunié par t'évéque, ol puis absous, à condition
qu'il réparerait le dommage. Cet homme, ayant été lue à
•iifi.
PHILIPPE, ABBÉ DE L AUMONE. Hl
l'aro^ée avant que d'avoir pleiDemeut satisfait, avait été privé xii siècle!
de la sépulture ; et son fils, encore en bas-âge, n'avait pas — ~~— ~
songé à acquitter sa promesse. Parvenu à un âge plus avancé,
il demandait à remplir les engagemens de son père, afin
d'obtenir pour lui les honneurs de la sépulture; et c'est
l'abbb de l'Aumône qui fut chargé de la demander au pape ,
vraisemblablement dans le temps qu'il faisait son séjour
à Sens.
La huitième et la neuvième ont pour objet de mettre à*l'abri Tiwier, ep. 18
des poursuites de ses créanciers un archidiacre de l'église *' '^' p- ^*^'
d'Orléans, appelé Hugues de Rueneuve, qui, s'étanl fait reli-
gieux, avait délégué son patrimoine pour payer ses dettes,
mais un de ses neveux ne voulait pas s'en dessaisir. Philippe
supplie le pape Alexandre III et le roi Louis-le- Jeune d'inter-
poser leur autorité pour contraindre le neveu à exécuter les
volontés de l'oncle. Ces deux lettres sont de l'an 11 65 ou H 66,
car dans celle au roi il le félicite sur la naissance de son fils.
Celle au pape Alexandre a été imprimée pour la troisième fois **'''• ^°®**'-
^ i-v Tii . '• '. col. 993.
par D. Marlene.
Dans la dixième à Henri, comte de Champagne, Philippe xissier, ep. 20,
demande des secours pour aider l'abbé de la Cour-Dieu, au p- ^*^-
diocèse d'Orléans, à rebâtir son monastère. Il fait un grand
éloge des largesses du prince qui lui ont mérité le Kurnom de
libéral.
Nous avons trois lettres de Philippe à Henri de France,
archevêque de Reims, qui prouvent le cas infini que ce prélat
faisait de l'abbé de l'Aumône, avec lequel il avait fait, selon
nous, son noviciat à Clairvaux. Dans la première, qui est la ««*. ep. 28,
onzième de la collection, Philippe le remercie en bons termes •*' ^**'
de la bonté qu'il avait eue de nommer à une prélature uo de
ses parens, sans qu'il l'en eût prié ni qu'il eût fait pour cela
aucune démarche auprès de lui. Nous pensons que ce parent-
est André, abbé de Vaux-Sernai, nommé à l'évêché d'Arras,
non l'an -1161, comme l'ont dit les auteurs du Gallia chris-
tiana, mais l'an 1164. La seconde lettre a été publiée par
D. Marlene et par D. Tissier. Elle est encore un témoignage j^^, , c,,,
de l'étroite amitié qui unissait ces deux personnages. Philippe t. n. coi. wi.
était tombé malade, et le prélat s'était empressé de lui envoyer Z '"'"j!^' *P'
un homme de confiance pour le soigner, avec une lettre ' "*
dans laquelle il lui témoignait le vif intérêt qu'il prenait à sa
conservation. Philippe lui écrit pour le remercier,, et l'assurer
que. si sa saïUé se rétablit, il le doit au plaisir qu'il a éprouvé
172 PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONE.
XII SIECLE, en recevant sa lettre, et aux soins de la personne qu'il lui a
envoyée. Enfin, sa sanié s'élant rétablie, il lui renvoie ce servi-
teur officieux en lui renouvelant toute sa reconnaissance. Cette
Tissier, p. 2ril. troisièuio jiîlire à HLMiri ne se trouve que dans Ki bibliothèque
des pères de Cîleaux, par D. Tissier, qui l'a tirée d'un manus-
crit de Foigni. Ces deux dernières lettres sont postérieures à
l'abdication de Philippe, c'est-à-dire à l'année 1l7l. Il paraît
qu'à celte époque il demeurait non loin de Reims, et que le
ibid. p. 238. prélatine tarda pas à l'atiirer auprès de lui. En effet, Philippe
fut, en 1174, le rédacteur de la lettre que ce prélat écrivit au
pape pour dénoncer le choix irrégulier qu'on avait fait pour
remplir le siège de Cambrai d'un certain Robert, prévôt d'Aire,
et riiomme de confiance du comte de Flandre, déjà nommé à
l'évêché d'Arras.
ibié. p. 250. La douzième lettre de Philippe est adressée à l'abbé de
S. Michel en Thierrache, qui n'est désigné que par la lettre B.
Mais dans le catalogue des abbés de ce monastère nous n'en
trouvons aucun dont le nom commence par cette lettre. Elle n'est
pas fort intéressante, n'ayant pour objet que d'intercéder auprès
de lui en faveur d'un fermier ou d'un homme d'affaires, Villicus,
frère du prieur de Foigni, que l'abbé de S. Michel avait
renvoyé.
La treizième à un abbé de Liessies en Hainaut, que nous
croyons être Wéderic ou Guerric, lequel fut fait abbé de
S Vast d'Arras, l'an 1147 ou 1148, contient un bel éloge de
saint Augustin. Philippe n'y prend pas d'autre qualité que
celle de Philippus de Claravalle, nova in Christo creatura,
parce qu'il venait d'embrasser la réforme de Cîteaux. Il loue
le goût de l'abbé de Liessies pour la lecture de ce père de
l'église, et offre de lui faire transcrire à Clairvaux plusieurs
traités de saint Augustin, qui n'étaient pas à Liessies, s'il
veut envoyer un copiste et du parchemin , parce que le
volume renfermant ces ouvrages, était trop gros pour être
déplacé.
250. Les lettres 14 et 15 sont écrites à un abbé d'EInone ou de
S. Amand, au diocèse de Tournai, qui n'est désigné que par
la lettre I. C'est l'abbé Jean, successeur de l'abbé Hugues,
décédé au mois de septembre H 08 ou 1169. Il est question
dans ces lettres d'un service qu'on demandait à Philippe,
pour lequel il fallait faire un voyage au cœur de l'hiver.
Philippe propose d'attendre la belle saison, en protestant
qu'il n'est rien qu'il ne fasse pour une maison qu'il affec-
Ibid. ep. 2i
p. 248.
PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONE. 173
tienne plus qu'aucune autre. Il n'était plus alors abbé de xii siècle.
l'Aumône, et il n'en prend pas la qualité. .
Dans la 16^, Philippe écrit conjointement avec l'abbé de la Ti*'''^''- «p- 21.
■ • n 2-4*7
Cour-Dieu, désigné par la kltre L, qui ne peut être que ^'
l'abbé Léger, écrit, disons-nous, à l'archevêque de Cantor-
béry, Thomas Becket, en faveur de maître G, c'esl-à-dire,
de Girard , surnommé Pucelle, célèbre docteur de son
temps, lequel, après avoir partagé la disgrâce de son arche-
vêque, et son bienfaiteur, rappelé par le roi d'Angleterre,
avait consenti à retourner dans sa patrie. Ils représentent au
prélat que, bien loin de s'opposer à son retour, il doit y
consentir sans restriction, parce que dès ce moment Girard
sera plus à portée de travailler à sa reconciliation. Cette
lettre est de l'an 1169, à en juger par une autre du pape j^^ ""gve.
Alexandre III au roi Louis-le-Jeune, relative au même objet.
La lettre 17 est propre à nous faire connaître la famille de Tissier, ep. 22.
l'abbé Philippe, et pourquoi il était si fortement lié avec
l'abbaye de Saint-Amand. Elle est écrite à nn de ses parens,
consanguineo, nommé Denis, neveu par sa mère d'Absalon,
abbé d'EInone, sous la conduite duquel il avait été formé
aux lettres et à la vertu. Philippe l'exhorte à ne perdre jamais
de vue un si beau modèle.
La 18^ n'a rien de remarquable, si ce n'est qu'elle est /fciJ. ep. 23.
adressée à Etienne de la Chapelle, évoque de Meaux, prélat
d'un grand mérite, qui fut fait archevêque de Bourges l'an
1171. Elle a pour objet de lui demander une cure vacante
dans son diocèse pour un nommé Adam, frère d'un religieux
de Clairvaux.
Henri II, roi d'Angleterre, et sa mère l'impératrice Ma- ""«'• «p "'
thilde, avaient fondé en Angleterre deux monastères sous la **
dépendance de celui de l'Aumône. Dans la suite, le roi avait
réuni les deux en un. Philippe, dans la lettre 19, disserte
longuement sur les avantages du nombre double sur l'unité,
pour prouver au roi les inconvéniens de cet amalgame.
La lettre 20 est adressée à un comte de Leycester.. désigné im. cp. 0.
par la lettre R, qu'il appelle son ami. Nous croyons que p 2*2-
c'est Robert I^'', fils de Robert de Beaumont, comte de Mou-
lent, et d'Elisabeth de Vermandois, mort l'an 1168, ou bien
son fils de môme nom. Ce comte avait demandé à Philippe
quelque grâce; il la lui accorde, moins comme un bienfait
que comme une dette, après qu'il a tracé le portrait d'uq
Xri SIECLE.
Tissifr, ep
. 2i3.
Ibid. ep. 8,
p. 2*3
Ihid. ep
1(4.
17* PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONE.
bon prince, sur le modèle duquel il loue Robert d'avoir
formé son gouvernement et sa conduite.
On voîl, par la lettre 2\ , à quel degré d'intimité Philippe
était parvenu avec Lancelin III, sire de Beaugenci, non loin
de l'Aumône. Il paraît qu'à cette époque Philippe n'était plus
abbé, et qu'il s'était éloigné du pays ; mais leur amitié n'avait
rian perdu de sa force, leur correspondance n'en était deve^
nue que plus active. Cette lettre est l'efiFusioa de cœur d'un
véritable ami : il n'est pas possible de parler plus noblement
de l'amitié, et de l'exprimer avec plus de charmes. Philippe
termipe sa lettre en priant Lancelin d'armer chevalier un de
ses neveux, et d'accorder sa protection à uq serviteyr qu'il
ovait laissé au monastère de l'Aumône.
La 22* à PhilippCj abbé de Prémontré, depuis l'^o 1161
jusqu'à 1171 ou 1472,, a pour objet de réclamer soq iqdul-!-
gence poqr yn ami, vraisemblablement chanoine prémoplré,
en faveur duq^uçl Henri, archevêque de Reims, «tv^il guegi,
écrit.
La ?3* à l'abbé de Crêpin, qu'il appelle soq ami* W^is
qu'il ne désigne pas même par la lettre initiale de sOft rwm,
n'est pas pins intéressante que la p^écédent^. H lui recom-^
mande une affaire que le porteur de la lettre dqi\ lui ç^pU^
quer.
Les deux dernières bont relatives à l'abdication de ÇOft
ibn. ep io, abbaye. Dans la 2i'", il annonce à Tliibaud, couile d'î Blois,
sénéchal de France, qu'il su démet, par amour du repo^,,
d'une charge qu'i^ n'avait acceptée qu'à regret ;, il le prie.,
comme fondateur et seigneur territorial de l'abbaye,, d'ac-
corder aux religieux sa protection, sans laquelle ils ne po^r-
jbij. ep. 11, raient subsister. Dans la 2o« aux religieux de l'Aumône^ i^
'* ■ les absout de l'obéissancç qu'ils lui avaient vouée, et le,?
exhorte à faire un bon choix pour le remplacer. On voit,
par cette lettre, qu'il avait éprou /é des contradictions et.
peut-être des mortificî^tions de la part de ses confrèrçs, ;, il
proteste qu'il a tput pardonné, et qu'il n'en gardera aucfin
ressentiment. Ces deux lettres sont de l'an 1171.
A ces vingt-cinq lettres, Bernari Ti^sier, sur la fpi 4'un
manuscrit de Clairvaux, en a .ijouté quelc^ues autres qui nç.,
se trouvent pas dans la bibliothèque des écrivains de l'ordre
do Cîleaux par D. de Visch.
ibii. ep. «7. La 27* est adressée à un abbé do Prémontré, dont le nom
2«'.
Tissier, pp. 28.
là,J. »p. 2!).
PHFLfPPE, ABBÉ DE L'AUMONE. 175
commence par la lettre H. Ce doit être Hugues U, qui fut abbé xir siècle.
depuis l'an 1172 jusqu'à 1189. L'objet de celle lettre est de
réparer la faute d'une de ses nièces, qui, sans l'agrément de
l'abbé, s'était fait religieuse dans un monastère de l'ordre. 11 prie
le général des Prémontrés d'excuser 'a légèreté d'une fille, et
d'approuver une démarche en soi louable. Le père Hugo a publié
une lettre du pape Alexandre III, relative à cette affaire. Elle Annal Pra^m
est datée dn palais de Lalran, le 18 mars, et est adressée à t- """"0!. m'"'
Guillaume, archevêque de Reims, par conséquent postérieure-
ment à l'année 1 176 ; et, comme le pape Alexandre ne rentra
dans Rome qu'en 1179, il sensuil que Philippe peut avoir vécu
jusqu'à cette année.
Dans la 28* à l'évêque d'Arras, que nous croyons être André
son parent, dont il est parlé dans la lettre 11, Philippe lui pro-
pose de prendre à son service, insatettitio vestro, un maréchal.
C'est peut-être un maréchal ferrant ; mais peut-être aussi est-ce
un officier de sa maison, car alors les évêques n'étaient pas dis-
pensés du service militaire.
La 29* lettre est adressée au doyen de l'église de Reims
désigné par h lettre F, pour lui recommander un jeune clerc qui
voulait ouvrir une école dans la ville ou dans le diocèse. Ce
doyen, que Philippe appelle son ami, n'est autre que maîlre
Foulques, qui se trouve mentionné en cette qualité dans des
titres, depuis 1 1 68 jusqu'en 1175.
La 30- est relative aux troubles que l'empereur d'Allemagne ib,d ep. 50.
entretenait dans la Belgique. Ennemi déclaré du pape Alexan-
dre III, Frédéric Barberousse obligeait tous les prélats de sa
domination, sous peine de déposition, à souscrire la formule
de serment qu'il avait prescrite dans une assemblée de Wurs-
bourg. On voit, par une lettre du pape Alexandre III à Henri de Bouque.. ..
France, archevêque de Reims, de l'an 1171 ou 1172 que ^^' P" ^'•
l'abbé de Saint-Guilain, appelé Léon, ayant refusé le serment
avait été obligé de céder sa place à un partisan de Fempereur'
Le pape ordonne que Léon soit rétabli, si on ne peut lui
reprocher que le refus de serment. Mais il ne paraît pas quTl
lait été, car on voit à sa place un nommé Lambert. Cest à
celai-ci que Philippe écrit la lettre 30, pour lui recommander
deux religieux, qui, ayant suivi labbé Léon dans sa
retraite, desiraient, après sa mort, rentrer dans le monastère
Les auteurs du Galiia Christiana n'ont rien compris à tout
Cela.
Les trois lettres suivantes, que Bernard Tissier a extraites Tis.i.r. p.
251 et suir.
\16 PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONË.
XII SIECLE. jj'yQ manuscrit de l'abbaye de Dunes, existaient déjà dans la
collection de Charles de Visch, sous les n°' 12,14,15. Le manus-
crit de Foigni lui en a fourni sept autres assez peu intéressan-
tes : lesquelles étant sans suscription, pourraient être contestées
à notre auteur. Cependant, à en juger par le style, on peut croire
qu'elles sont de lui.
Nous nous sommes un peu étendus sur ces lettres, parce
qu'il n'y en a guères, dans le Xll« siècle, qui soient écrites
d'un style plus élégant et plus poli, et que, dans le nombre,
il s'en trouve quelques-unes assez intéressantes pour l'histoire.
D'ailleurs, nous avons cru qu'on nous saurait gré d'avoir
fait connaître la plupart des personnages auxquels elles sont
adressées, leur nom n'étant indiqué que par la lettre
initiale.
Phiiippi op. A ces lettres il faut en ajouter une, qui est la 21" parmi
'• ^'- celles de Philippe, abbé de Bonne-Espérance. Elle n'est
nullement dans le style de ce dernier ; on n'y voit point ces
consonnances étudiées et répétées à chaque membre de phrase,
qui sont la marque caractéristique de son style ; mais tout
concourt à nous persuader qu'elle est de l'abbé de l'Aumône,
le style certainement digne de lui, et le contenu de la lettre.
Elle est adressée à un Guillaume, qu'il est aisé de reconnaître
au portrait que l'auteur en fait. C'était un jeune homme d'une
grande naissance, qui venait d'être placé dans l'église sur
un siège éminent. Nous ne doutons pas que ce ne soit Guil-
laume de Champagne, frère de Henri-le-Libéral, et de Thi-
baud, comte de Blois, auxquels Philippe écrivit aussi les let-
tres 10 et 20. Guillaume, étant encore très-jeune, fut nommé,
l'an 1165, évèque de Chartres, et, l'an 1168, archevêque de
Sens; il fut ensuite transféré à l'archevêché de Reims, l'an
1176 Ce qui prouve que c'est de cette dernière translation
qu'il s'agit dans la lettre, c'est que l'aulour compare le nouvel
archevêque à Samuel, chargé de sacrer les rois : Obtulil qiiidem
niihi fama illum, illum, inquam, Samuelem, qui veterano Hely
loco et ofpcio succedens, eleclus est in prophetam, ut ungal
et alios tant prophelas quvm 7'eges, etc.
Philippe lui écrit pour le féliciter sur sa nouvelle promo-
tion ; il lui en ténioigne sa joie, et relève son rare mérite.
Après lui avoir donné des inslnictions pour bien gouvern(.'r
son diocèse, il le prie d'excuser la liberté qu'il a prise,
espérant que .sa vieillesse sera un motif sulTîsant d'excuse à
PHILIPPE, ABBÉ DE L'AUMONE. 177
l'égard d'un jeune homme. Il est vrai qu'à celle époque X" siècle.
Guillaume n'élail pas si jeune (il devait avoir, pour le moins, Bcrn. cp ÎtT.
Iren'e-six ans, si l'on fail attention que dès l'an 1151 son
père demandail pour lui des bénétices) ; mais il pouvail
passer pour tel à l'égard de Philippe, qui était à la fin de
sa carrière, et qui, d'ailleurs, lorsqu'il élait abbé de l'Au-
mône, avait été à portée de le cultiver dans sa première
jeunesse. L'auteur ajoute qu'il était absent lorsque l'église
de Reims procéda à l'élection de Guillaume ; et celle circon-
stance convient encore à l'abbé de l'Aumône, qui, comme
nous l'avons vu, avait été attiré à Reims par l'archevêque
Henri.
3. Il faut encore attribuer à I abbé de l'Aumône la Vie de
Saint Amand, évêque do Macstricht, qui a été imprimée notiT-Spci 'oV
parmi les œuvres de Philippe, abbé de Bonne -Espérance, p. 7U7 — 731.
On n'y reconnaît pas le style de ce dernier, et d'ailleurs
l'abbé de TAuniône a mis son nom à la tète de l'épîlre dé-
dicatoire, qu'il a adressée à Hugues, abbé d'Elnone ou de
Sainl-Amand, à la prière duquel il l'avait entreprise. Hugues,
second du nom, étant mort l'an 1 1 68 , avant que Philippe
lui eût envoyé son ouvrage, cl l'abbé Jean H lui ayant suc-
cédé , Philippe fil une nouvelle dédicace , qu'il envoya au
nouvel abbé par un de ses religieux, nommé Albert; et ce
qui prouve de plus en plus que l'abbé de I Aumône est auteur
de celte vie et des deux épîtres dédicaloires, c'est qu'il parle,
dans ses lettres 17, 22, 2o, du moine Albert comme d'un
homme qui lui était fort attaché, et même son parent. Quant
au mérite de son ouvrage, il dit n'avoir fait que retoucher,
pour en polir le style sans rien changer dans l'arrangement
des faits , deux vies de Saint Amand , plus anciennement
composées par Baudemonde et Milou, qui ont eu leurs arli- ii,st. i^^^
des dans celle histoire. Les Bollandisles, qui ont imprimé ' '"• p *>i'^
ces deux auteurs, n'ont pas dédaigné de faire aussi entrer ' ^'' '' *^^-
dans leur collection l'ouvrage de Philippe, qu'ils donnent febr. p.' m -
pour l'abbé de Bonne- Espérance, quoiqu'il se nomme lui- *^^-
même Philippus de Eleemosynâ.
On a placé à la suite de la vie de Saint Amand une rela-
,. j 11. VI,. . ""I- OP- p.
lion des miracles du saint, après 1 incendie qui consuma ce 732-736.
monastère l'an 1066. C'est la production de Gislebert, moine
d'Elnone, dont il a été parlé au tome VIII de notre histoire. iiist. Lincr
On ne peut guère attribuera Philippe que le prologue par i. vmi, p. ir.i.
lequel il atteste la sincérité de la relation, certifiée, dit-il
Tome XIV. z'
- 74:;.
ITS PHILIPIM'l, AIJBÉ DE LAUMONK
XII siij:i:lk. p;,,- \^. li'iiioiLrnaije do moines rontomporains, de clercs de les-
[HMiablc iiicnioiro, lide laïcs, diine icputalion à labridctoul
soupçon, ijisignis /a»ue la/cis.
__ ''I'''- "P- !'• Suivonl daiilrcs rolalions de miracles. La première est de
ceux (pie Dieu opéra, par rinlorcession de Saint Amaml, l'an
■1107, du lemps de l'ahbc Hiii;iies I, la vingt-deuxième année
de son ordination, dwianl le transport des reliques du Saint
dans le Rrabanl, à 1 occasion des violences (pie quekjues sei-
gneurs de celle province avaient exertV'CS sur les biens du
""■'' !'• ~'''^- monastère, ("elle relation, (pii ne peut être de Philippe, est
divisée en dix cliapilics, et est suivie de la lettre de Marsilie,
abbessc de Saint Amand de Houen, à Ravon, abbé d'EInoiie,
contenant la relation de iiuérisons obtenues à Rouen, par I in-
tercession du même saint. Il en a élé parlé au lomc IX de noire
histoire, jiage 38;}.
ihij. p. 741 Ce recueil est leruiinc par le .-sermon de; Milon, moine
d'Elnnnc, prononcé à loccasion de lélévalion du corps de
Saint .An and. Il en a éli'; parlé a rarlicle de .Milon, au lome V,
page 409. Ceci fait voir qu(^ Philippe avait joint à la vie du
saint tout ce qu il avait pu découvrir concernant son histoire.
Les Rollandistes ont rejuoduil toutes ces pi(-ces dans Icurgrande
coll(!ction.
l'iiii. op. |). Il II est pas moins certain (pir c("st Inbbc de. 1 .\iim('»ne, et
non l'abbé de Honne-Espéiance, qui a composé ou reloiiche
riiisloirc du martvre de .saint Cyr et sainte Julile , (pi un
trouve parmi les œuvres du d(>rnier. Il est vrai (pie I auteur,
dans lépîlieà Jean, abbé de Saint-Amand, ne prend (pie la
(pialilé de f'rnlef Philippits, sans ajouter; de Eleemosynà ;
mais c'e-l ipi il nV'iait plus ;ilor-; abbé de l'Auiimne. Cela est
si vrai, ipi li ne faut (pic |i'i(i Ic^ veux sur le style de la pi(':c(î,
pour se con\aincre ipie ce n est pas celui do I abbé de Ronne-
Espeiaiice, riconiiai.^-^ablc entre mille autres. Philippe en-
Ircpil cet iiuMage à la prière de I abbé de Saint Amand,
auipiel il ne pouvait rien k l'user, fomme il le dit dans deux
de ses lellr(>s. Il avoue i|iiil iia fait (pu.- iclouclier une an-
i.i i;;. ' cieniie histoiic de cv> -aiiil>. qii il regarde comme apocryphe,
sans \ ( lian,i;ei autre chose ipie |i; .stvh;. ("est I ouvrag(;
d lliielialde, moine iri"!liione, (pioirpi d ne le. nomme pas.
li.>i. i.iiiii. *'" !"'"' ^"'''- d"i^ iioirr \l \oliiiiie,ii 1 article dilucbalde,
I. \l. I' -'Ki le |ui;emeiil quon d' il pnrler de (•e> ;i(lcs, dont les lîollan-
.,"'■ '**)""■ (listes n 'on', imprime ipi une p.iilie |{.
7-1:; — 7:i2.
I>lnl
171)
XII SIECLE.
GIIICIIAUI),
AbISÉ ])!■, J'ONTK.M, PUIS AKCllEVi:CJUt DE IjVUN.
0
SA Vlli
N ne sait rien des [ireniières aimées de sa vie, m de sa
rauiille, ni du lieu de sa naissance. Ke nom de Guicliard ou
"\\ iiliard élanl conmiiui dans le Lyonnais, on est porlé à
croire qu'il élail né dans ces contrées. On trouve en cdet ce
nom souvent répété dans la famille des bires de Beaujeu, et Mcne-suin ,
dans un acli' celehre de l'an I17;5, émané de notre prélat, ligu- "'"'" !Î!i ''-""'
rent les noms de GiùcJiard d'Anton cl dv Guicliard de Jurez. On
peut donc croire (|ue nuire (iuicliaida|iparlenail à quehpi une de
ces familles.
Il était moine à (Jîteaux. lois(ju il lut fait abbé de Pontiiiïni,
après Uugu(îs de Màcon, élu é\éque dAuxerre I an 11;{G.
Celait un liomine recommaudable dans son ordre, et qui,
daub le monde, jouissait diine gianile considération. Jean,
évéque de l'oit iers, écrivant à saini Thomas de tJanlorbérv o ^l /<
Il p 1 1 - I .» ■ 1 I - "^ ' S. Th Catil.
ap|H'lle I ablje <Je ronlia;ni un homme d une sainteté inconi- liii. i, ep 2, p.
parable, avec le(|uel il lui conseille de se lier d amitié, parce *" *=' ^'"l-
que de tous les abbés de l'ordre de Cîteaux, dont l'inlluence
dans les afl'aires était alors très-grande, Guicliard était le
plus accrédité, soit à la cour du pajtc, soil à celle du roi de
France. Il lui suggère même (pi d trouvera à l'ontigni une
retraite assurée, si la force des événenuns, pendant sa contes-
tation avec le roi d'Angleterre, lobligi; a se.\palrier.
(Test ce (jui arriva sur la fin de la même année ll()4. Lai- \\u s. tIh.
clunêque de Cantorbery étant venu à Sens trouver le pape "'■'= 'i""i"pai.
Alexandre! III, ce pontife, après avoir pris connaissance de ^
son afl'aire, lui assigna pour retraite, labbaye de Poiitigni,
persuadé qu'il trouverait, dans l'abbe (iuichard, les secours
et les consolations dont l'illuslre persécuté avait lanl besoin.
L année da|)iès, Guicliard ayant éle élu pour remplir le siège M;iri,-iu' ,
de Lyon, à la place de Drogon, déposé par le pape, à cause '^"'P'- ^'f- ••
de ses liaisons avec l'empereur d'Allemagne, reçut, des mains ' '" *'
d Alexandre, la consécration é|)iscopale, à Montpellier, le Chcsnius, i.
8 du mois d août 11 60; mais .son compétiteur se maintenant !,\r,"'" *"""'■
<80 GUICHARD, ARCFIKVÉQUE DE LYON.
XII SIECLE, toujours, malgré sa déposition, dans Lyon, le nouvel arche-
' vôque ne put entrer en possession de son siège qu'au mois
j,)aii. Saicsb. Je novembre 1167. C'est ce qui résulte d'une lettre de Jean de
e|.. 224, sub. ggijgijyrv, écrivant à Jean, évêque de Poitiers : Lugdunensis
Il ne m. ■"
archiepiscopus, ûii-W. ecclesiam et civilalem suam cum honore
et lœtitià omnium recepil in festo beati Martini.
Sevcrt. Chro- Dans Une lettre de l'an 1171, le pape Alexandre lui donne
252 ''"^''""' ''■ la qualité de légat du sainl-siége; et lui-même prend ce titre
dans un acte de la même année, et dans une charte rapportée
parmi les pièces justificatives du Gallia christiana, tome IV,
page 21 .
Mi-nesirier, Ce qui a le plus illustré lépiscopat de Guichard, c'est
/'-d. pr p. 37. l'accord qu'il fit l'an 1 173 avec le comte de Forés, touchant le
domaine utile et honorifique de; la ville de Lyon. Depuis long-
temps des prétentions respectives avaiiîut donné lieu à de
fâcheuses contestations et à des enlrepris(!s hostiles de la
part des comtes de Furès. Guichard eut \v. bonheur d'en
tarir la source par l'abandon qu'il (it, avec le, consentement
de son clergé, de plusieurs (crrirs cl châteaux qu'il possédait
sur la rive droite du Rhône, en échange des droits seigneu-
riaux que les comtes de Forés exerçaient dans Lyon. «C'est
Und !.. 282. C6t acte, dit le P. Méncslrier, qui établit messieurs les cha-
noines de l'église de Lyon comtes de F'orès, aux mêmes
droits, titres et prérogatives que lavaient été les comtes de
Forés. C'est une acquisition qu'ils firent par l'échange de
plusieurs de leurs terres et par onze cents marcs d'argent. Pour
l'archevêque, il était auparavant plus que comte, puisqu'il
était exarque et souverain » Mais cela ne doit s'entendre que
de la portion du diocèse qui faisait partie du royaume de Bour-
gogne, et par concession des empereurs.
ChrMiiiis i. L'an 1174, le pape Alexandre III, ayant confié la légation
IV lier. Fimi. (jes Gaulcs à Pierre, cardinal du litre de saint Chrysogone,
|. »).,> cl 8e<|. auparavant évêque de iMeaux, écrivit à Guichard deux lettres
pour lui enjoindre de reconnaître le cardinal en sa qualité de •
légal : ce qui prouve que l'archevêque de Lyon, se trouvant
lui-même revêtu de celte éminente dignité, avait de la peine
ciiioii. cia- à se soumellre à la juridiction du cardinal. Saint-Bernard
leiat. p. 81. ayant été canonisé la même année, Guichard se rendit à
Clairvaux pour assister à la dédicace de l'église du monastère
et relever de terre le corps du saint.
Nous ne relèverons pas Terreur dans laquelle sont tombés
plusieurs modernes, Baronius, Binius, du Boulay, et même
GUICHARD, ARCHEVÊQUE DE LYON. 181
les auteurs du nouveau Gallia christiana, qui, trompés par xii siècle.
un passage altéré de Roger de Hoveden, font assister notre iio\e(i. p. sss.
archevêque au concile de Lombers, dans l'Albigeois, concile
qu'ils placent mal-à-propos à l'an 1176 La vraie date de ce
concile est lan 1165, temps auquel Guicliard n'était pas encore Laiibe, Cmc.
archevêque, et ce qu'on rapporte de lui est attribué dans les ' ^' '^"'- '*^*'-
vrais actes à Gaucelin, évêque de Lodève.
L'année précise de sa mort n'est marquée nulle part, mais elle
est postérieure à l'an 1170, et peut être rapportée à lan 1180
ou 1181. 11 voulut être enterré dans l'église du château du
Riotier, Retortorii, situé sur la Saône, à cinq lieues de Lyon,
terre qu'il avait achetée, dit-on, de Jean de Braine, comte de ciiesn. b.1)I.
Mâcon, pour la somme de seize raille livres. Du Chesne, ^'"JJj. '" ""'"
Severtius, les auteurs du Gallia christiana, qui ont avancé seven. p. -253.
ce fait, n'ont pas vu qu'il y a là un anachronisme insoute-
nable, Jean de Braine, de la maison de Dreux, n'étant devenu
comte de Mâcon que l'an 1224, par son mariage avec l'héri-
tière de ce comté. Quoi qu il en soit, il est certain que le
corps de Guichard fut enterré à Pontigni, où l'on voyait sur
son tombeau cette courte épilaphc : Hic jacet dominus Gui-
char dus, archiepiscopiis Lugdunensis, secundus abbas hujus
monasterii.
SES ÉCRITS
Bil)l. Cislrr.
p. 131.
Claude de Visch, après bien des recherches, n'ayant pu
découvrir aucun écrit de ce prélat, est fort étonné que Man-
riquez l'ait qualifié illustre par ses écrits, scriptis clams.
C'est qu'apparemment Manriquez avait lu la chronologie histo- Soen. p. 2i8.
rique des archevêques de Lyon, par Severtius, qui l'appelle
un poêle excellent; mais en disant cela, Severtius confond notre
prélat avec un nommé Wichard, poëte, et chanoine de Lyon, Hist. Lmcr.
qui a déjà eu son article dans notre histoire D. Martène, '" ''"' •'" *'*'
plus heureux, a déterré de Guichard un écrit considérable,
duquel nous parlerons, après avoir rendu compte de quelques-
unes de ses lettres.
1° N'étant encore qu'abbé de Pontigni, il écrivit à l'abbé imer ep. Sug.
Suger en faveur du trésorier de l'église d'Auxerre, deman- *^'' P- *•'^•
dant pour lui sa protection auprès du roi, qui lui suscitait
des affaires. Ce trésorier était, selon l'abbé Le Bœuf, un ^^j d'Auxcr
cardinal-diacre, nommé Grégoire. 11 cite à l'appui de son i. i, p. 7ti8.
opinion, deux lettres du pape Eugène III, qui prouvent, au ''"^" '•"• ^"8"
Hor. l'r. p. «SU.
182 GUICHARD. ARCHEVÊQUE DE LYON.
XII SIECLE, contraire, que ce cardinal el le trésorier étaient deux personnes
distinctes, possédant lune et l'autre des prébendes à Sainte-
Geneviève, avant l'introduction de la réforme. J'observe que
dans cette lettre l'abbé de Pontigni est appelé Guido, au lieu de
Guichardus.
ciioD. i. IV ±0 La lettre 320 du recueil de lettres adressées au roi Louis Vli ,
est aussi de notre abbé, quoiqu'on ny lise que la première
lettre de son nom. 11 y remercie ce prince de la grâce qu'il
avait accordée, à sa prière, à Clarembaud, de Chàlons-sur-
Marne, bOn ami, son bienfaiteur et celui de son ordre ; mais il
ajoute que le roi ne lui ayant pas encore accordé une entière
liberté, il est obligé de réitérer ses prières pour le supplier
de la lui accorder toute entière La lettre n'explique pas plus
clairement quelle était cette affaire
3" Etant archevêque de Lyon, il écrivit, en commun, à
Louis VU, au cardinal Pierre ^le Sainl-Clirysogone, à Jean de
Salisbury évéque de Chartres, à Maurice, évèque de Paris, et
à Thibaud, comte de Blois, une lettre dans laquelle il certifie
qu'un procès, qui s'était élevé entre labbaye de Pontigni et
Henri, évètiue deTroyes, avait été terminé à lamiable, pendant
qu'il était abbé de ce monastère, aux conditions qu il rapporte.
Cette lettre, qui, sans doule, avait pour objet d éclairer la reli-
gion de ces personnages dans la décision de celle même affaire,
exisle dans le carlulaire de Pontigni, n" iiiOd de la biblio-
thèque royale, fui. 47.
4' 1) Marlèiie, comme nous lavons annoncé, a publié
des statuts de Icglise de Lyon, renouvelés au XIT siècle,
par Guichard. Le litre du manuscrit porte : Incipiunt slaluta
ecrlesitV Lugdunensis cl ordinatio officii ejusdetn- En effet,
(•es statuts concernent picsqne tous l'ollice divin et la ma-
nière de le célébrer avec Tordre et la décence convenables.
Ils sont |)récéilés dune préface en forme dinslruclion pasto-
rale, commcnyanl |)ar ces mots ; Nos G. primas Luf/dunensis
ruinisler humilis, etc. dans lacpielle ce prélat s'élève avec force
coiilie ceux qui méprisaient el tournaient on ridicule les
ii>agcs de CL'lie église dont il fait remonter l'origine aux
siiiuls Cillions et aux aiuionncs inàtilutions do.. Pères Ces
slatuls sont curieux el intéressants pour ceux ipii aiment à
toiinaîlrc les usages anciens des egli.ses. Or, colle de Lyon
mérite |)his (jue toute autre iii France d'être prise pour règle.
Ou .>^ail avec quel zèle, et, [lour ainsi dire, avec quelle
jalousie elle conserva toujours ses usages et ses anciennes
céri'-monies
!'■■
Aiil. .-ni
1. III.
,. (IM .
ANON. ALT. DABRÉG. DE L'HIST. DE FH. IS-J
Sevcrlius avait connu ces statuts, dont il donne une courte xii sikclk
notice. Il voudrait en faire honneur à un archevêque nommé Si\(ii. ;/.
<iuillaume Pérauld , qu'il suppose avoir rempli le siège de P- - '-^
Lyon vers le milieu du Xllb siècle. Les auteurs du Gallia
chrisliana ont rejeté, avec raison, du catalogue des arche-
vêques de Lyon, Guillaume Pérauld, et Severlius détruit
lui - même son opinion , en rapportant la promulgation de
ces statuts, faite par Jean de Belnieis, successeur de Gui-
chard. B.
ANONYMES,
AlTKrifS D'AKRWiKS DK l>' i 1 1 STU Ut K UK FllANCK.
Il a été fait, à 1 époque oii nous en sommes, plusieurs
abrégés de l'histoire de France par des auteurs inconnus,
que nous réunissons dans cet article, pour en donner une
idée.
L Abbreviatio gestorura Franciœ reyum ah origine regni
ad ann. Chrisli 1137.
C'est le titre d'un manuscrit de l'abbaye de Saint -Victor
de Paris, n" 419, qui a été imprimé par fragmens dans le
Recueil des historiens de France. On ne doit chercher dans t vi. ,, -.'.tm
ces sortes d'ouvrages que les événcmens les plus connus de '•', ^,". i ■ -'' '
l'histoire , et l'on n'y trouve en elTel que des notions très- \ \\ '', j',;','
superficielles. ' T. xii, |. c;
Les derniers continuateurs du Recueil des historiens de
France ont rencontré le niêine abrégé dans le no o009 des
manuscrits latins de la bibli()tiiè(|nc du Roi; mais, dans un
autre manuscrit, qui est le no 5002 de la même bi4jlioîhèque ,
ils ont découvert, à la suite de la chronique d'Odoranne ,
moine de Saint- Pierre-le-Vif de Sens, une continuation t. xil. ..as.
qu'ils ont imprimée sous ce litre : Fragmentiim hisloricum
vitam Ludotnci VII summalim complectens- Ce fragment
commence précisément ou linit l'auleur précédent , et se ter-
mine à la mort de Louis- le-. leune. 11 a été continué jusquau
décès de Philippe Auguste par un autre écrivain, et succes-
vivemenl par d'autres jusqu'à Philippe -le -Bel , romme on le
184 ANON. AUT. D'ABRÉG. DE L'HIST. DE FR.
XII SIECLE. YQii par la différence des caractères du manuscrit 4937 de
la bibliothèque du Roi. Ce qui dislingue cet abrégé de tant
d'autres, qui ne sont que des compilations, c'est qu'il est
l'ouvrage d'auteurs contemporains qui, dans les portraits
qu'ils font des rois, sont les interprètes de l'opinion pu-
blique.
Voici, par exemple, le portrait que fait, de Louis- le- Jeune,
celui qui a dressé son article, dans lequel il caractérise fort
T XII, p 286. librement le gouvernement de ce prince. « Ce roi, dit -il,
fut très -pieux, et prit un soin particulier des églises, qu'il
protégea de tout son pouvoir , extitit ecclesix rector et protector.
Mais il offensa Dieu grièvement par la faveur trop signalée
qu'il accordait aux Juifs , auxcpieis, par des vues d'intérêt ,
immoderalà cleceptus cupiditate , il accorda beaucoup de
privilèges qui ne pouvaient pas être agréables à Dieu , et nui-
saient beaucoup à lui-même et au bien de son royaume,
Deo et sihi et regno cont7^arJa. " Paroles qui décèlent un
auteur qui écrivait au commencement du règne de Philippe
Auguste, lorsque ce prince expulsait les Juifs du royaume.
Ji reproche encore à Louis-le-Jeuno les nouveaux élablisscmens
qu'il avait faits de villes libres, parce que, pour y attirer
des habitans , il dépouilla les églises et les barons de leurs
hommes ou serfs, en accordant à ceux-ci le privilège de
secouer le joug de la servitude : Quasdam etiam villas no-
tas sedificavit , per quas plures ecclesias et milites de pro-
priis suis hominihus ad eas confugienlibus exhsereditasse non
est dubium. Témoignage précis qui fixe l'origine des bour-
geoisies dans les domaines du roi.
II. Histor^ia regicm Francoriim usque ad annum 1152.
Sur un manuscrit de la bibliothèque de Saint - Germain-
T xii.!-, Hti. des - Prés , les derniers conlinualeurs du Recueil des histo-
riens de France ont publié un fragment de celte histoire ,
depuis Vannée iOCO jusqu'à la fin. Ce manuscrit n'est pas
entier; il y manque au commencement quelques feuillets, ce
qui fait (ju'on n'a pu découvrir le nom de fauteur , si toute-
fois il l'a déclaré, ni quel était son plan. Mais le manuscrit
n'a pas été mutilé à la fin, et, comme il finit au concile de
Baugenci de l'année 11:)2, il est à croire que l'auteur écrivait
vers le même temps.
Les éditeurs ont remarqué (ju'il a emprunté de-Guillaume
de Juraiège beaucoup de choses cpiils ont dû relrancher:
Mais ce qu'ils ont relenu est écrit avec beaucoup d'exacii-
ANON. AUÏ. DABRÉG. DE L'HIST. DE FR. IS.)
lude. L'auteur raconte l'avenlure qui arriva au roi Louis-le- aii siècle.
Jeune, lorsque revenant de la Terre-Sainte, il tomba, près de
Corfou, dans l'escadre des Grecs, et fut fait prisonnier. On l'em-
menait, selon cet auteur, pour être présenté à l'empereur qui
faisait le siège de l'île. Mais heureusement l'amiral du roi de
Sicile, qui revenait de faire le dégât à Constanlinople, arriva
fort à propos pour le délivrer. M. de Burigni, dans un mémoire
lu à l'académie des inscriptions, cite, pour établir ce fait contre T. XLt, p.
l'opinion de quelques modernes, le témoignage d'une foule
d'historiens, dont le plus ancien, parmi les latins, est le faux
Robert du Mont, imprimé par Pisloriiis, qu'il croit contemporain,
quoique cet auteur n'ait écrit qu'au XIII" siècle. Mais le témoi-
gnage de noire anonyme, bien plus ancien el vraiment contem-
porain, détruit beaucoup mieux, larguinent qu'on prétend tirer
du silence du roi sur cet événement dans la lettre qu'il écrivit à
l'abbé Suger, pour l'informer des circonstances de sa navi- Sugenuep. 94-
galion.
III. Aimoini historia coniinuata, sive de gestis Francorum
liber V.
On a, dans le cours de l'Histoire lilléraire, rendu compte nisi. Lin. de
des écrits d'Aimoin, moine de Fleuri ou Saint-Benoît-sur- '» f''- ' ^"' P-
218
Loire, et particulièrement de son histoire des Français,
divisée en quatre livres, qui n'embrassent même pas toute
la première race de nos rois. Mais cet ouvrage a servi de
canevas à d'autres écrivains qui l'ont interpolé en plusieurs
endroits, el y ont ajouté une continuation qui finit à l'année
H 65. Cette époque nous avertit que c'est ici le lieu d'en
parler.
Celte continuation est imprimée dans toutes les éditions
d'Aimoin, excepté dans celle qu'en a donnée André Duchesne.
Elle commence au chapitre 42 du quatrième livre, el remplit
tout le cinquième livre qui est forl long. C'est une compilation
de différens morceaux d'auteurs connus, tels qu'Eginhart, Adé-
mar, Hugues de Fleuri, Suger, et autres, qu'il était peul-êlre
utile alors d'ajouter à l'écrit d'Aimoin, pour avoir une suite non
interrompue d'annales, mais qui, depuis que l'impression amis
les auteurs originaux dans les mains de tout le monde, ne sont
d'aucune utilité.
Tout le monde convient que cette compilation est l'ou-
vrage d'un ou de plusieurs religieux de l'abbaye de Sainl-
Germain de Paris Cela est évident par l'atlenlion qu'a eue
Tome XIV. A a
ISO A NON A UT IVABREG DR L MIST DU FH.
XII siKCLE. ;^ rédacleiir, que le père Lclona nomme (on ne sait sur quel
Bibi. iiist. (le fondcmeni] Robert de Casscnolte, d insérer soit dans le texte
Wii'^n" ififi""s' d'Aimoin, soit parmi les extraits qui le suivent, les chartes el
autres docnmens qui concernent son église. L'ouvrage est ter-
miné par riiiïloire de Louis-Ie-Jeunejus(|u'à l'époque de la nais-
sance de Philippe Aui^uKle, en lUib. .Mais le compilateur est-il
réellement l'aiiIcMir de celte dernière jtartie? ou n'eslil jusqu'à
la fin (jue !-inq)le copish- décrits ri rani;ers? C est ce qu'il importe
d'examiner.
T. X, p. 31)" M- La ('urne de Sainte-Palaye, dans un mémoire lu à
— •'"•'• l'académie des inscriptions, n'est pas éloigné d'attribuer cet
écrit, au moins en partie, à 1 abbé Snger. Kn effet, l'auteur
de la vie de Sugcr assure que ce ministre, après avoir com-
posé 1 histoire de Louis-le-lJros, avait conmienré à mettre
par écrit celle de Louis-le-Jcune (1). Mais peut-on recon-
naître cette dernière, in tout ou en partie, dans l'histoire que
nous avons de l.ouis-Ie-.leune, ou dansThisloirc de ses gestes,
dont nous parlerons bientôt? On s est presque décidé pour
T. XII. p. iiC). la négative dans celte histoire, ;i 1 article de Suger. On a fort
bien prouvé (ju'il n'y a rien dans les gestes qu'on puisse attri-
buer à l'abbé Sugcr, (pie tout y indique un aiileur différent.
Quant à ce quon appelle \ Histoire de Louis-le- Jeune, la
seule raison de douter (|u ils allèguent, est (]ue ral)l)é Suger,
lame des affaires de 1 état sous ce règne, ny est pas nommé
une .seule Ibis, lui qui n avait omis presque aucune occa-
sion de parler de lui-même dans la vi(> de l.oiiis-le-Gros.
Cette raison est assez forte : cependant, nen n'empêche de (brc
<|ue le continuateur d'Aimoin s'est approprié 1 ouvrage de Suger,
qui n'existi! plus, el qu'il l'a continué jusqu à son temps, en y
ajoutant, à son ordinaire, les traits qui ont rapport à son
monastère.
T- XI. y. 'i'i. Les continuateurs (lu Ueciieil des historiens de France n'ont
T. XII. p. Ii2. donné de ('et ouvrage que dcu\ l'ragmens, dans les(|uels ils n'ont
guères conservé (jue ce qui a rapport à I histoin; de 1 abbaye
(le Sainl-liermain, (ju'oii ne trouve pas ailleurs. Ils ont élagué
tout ce qui est cnq)runlc daiilns écrivains connus, même
l'histoire de Louis-lc-Jeune. (|imU oui. à le.xemple de Duchesnc,
imprimée séparément.
i\)j{egts J.udorœi spUmtido scrmone yesla descrtpstt, cjusque Jilii itidtta
l.udovici scrihere ijuidem cpit, sed mnr/r pm rrtitvx ad Jiiinn ojmî 'non prrdu.ril.
'iiiillelmus, vilii Siigei'ii. lib. I. niirii. ;">
ANUN. AUT DABRÉG. DE LHIST DE ¥\\ 1 S7
iV. Gesla Ludovici VII, Francoruni regia. xii siècle.
Quoique l'histoire des Gestes de Louis-le-Jeune se termine "
aux fiançailles de sa lille avec le fils de Henri II, roi d'An-
gleterre, en 11 GO, 1 auteur ou le rédacteur nous paraît moins
ancien que celui (|ui a composé l'histoire da même |)rince
dont nous venons de parler. Dès le début, il sannonce
comme écrivant postérieurement à l'année 1180, épocjue de
la mort du roi. « 1! fonda, dit-il, le monastère de Saint- (jf,,,, tudut.
Port, qu'on appelle aujourd'hui Barbeaux, non loin de Me- vn. num. i, y.
lun, sur les bords de la Seine, ou son corps est déposé sous '' '
un magnifi(jue mausolée (I) ». Le même auteur donne à l'il-
lustre Bernard, abbé de Clairvaux, le titre de saint, que ,(„j „„„. 3
l'auteur de l'iiisloire ne lui donne pas, et qu'il n'eut réelle-
ment qu'a[)rùs sa canonisation en Il7i-. De plus, l'auteur de
l'histoire nomujant les évèques qui assistèrent au concile de
Baugenci, pour la dis.-^ohition du mariage dt; Louis-le-Jeune
et de la reine Aliénor, déclare qu'il ignore le nom de celui
de Bordeaux, cujiis nomen non teneo ; au lieu que l'auteur
des Gestes l'appelle |)ar .son vrai nom, Gaiifriilus (c'était /(;.,(. num. -iii.
Geofroi de Lorouxi, et non Lanfridiis, comme on lit dans
l'imprimé
Nous faisons ces observations, parce (piil règne dans ces
deux écrits une telle cunfurmilé en ce (ju'ds ont de commun,
au slyle près qui est plus travaillé dans les Gestes (jue dans
l'histoire, (ju'il faut nécessairement (|ue l'un des deux ait été
copié sur l'autre. Miiis ou voit, par les dilTérences que nous
venons de reuianiuer, ([ue, bien loin ([iie l'auteur de l'his-
toire ait copié l'auteur des Gestes, c'est celui-ci qui a rema-
nié l'ouvrage du premier, lin elFet, si l'auteur de l'Iiisloire
ei\t copié celui des Gestes, il n'aurait pas laissé en blanc le
nom de l'archevècpie de Bordeaux, qu il aurait trouvé écrit
iM» toutes lettres dans les Gestes.
Il ne sensuit pas de ces observations (|ue louvrage des
Gestes soit entièrement inutile. Outre ce ([u'il a de commun
avec riiisloire de Louis-le-Jeune , il renferme une histoire
fort étendue du voyage de ce prince à la Terre-Sainte, sur
le(|uel l'autre écrivain ne dit ((:h; deux mots. Cette histoire
(1) Abbadaii de Sacro-I'orlu, qurp. hiuic Barbehel gailh-i dicitur, m
pago Meladunetisi juxlà liltiis Seqmuue faiidacU , ubi inausoleo nirifici
operis corporaliier reqmescil. Gesta Linlovici Vit. nura. I.
Aa2
188 ANON. AUT. DABRÉG. DE L'HIST. DE FR.
xii SIECLE, est d'aulanl plus intéressante, que c'est la seule que nous
/M., num 2S.
ayons de celte expédition malheureuse. La première croi-
sade a eu beaucoup d'historiens qui l'ont célébrée, parce
qu'elle eut un heureux succès ; mais, pour la seconde, qui
n'éprouva que des désastres, les écrivains du temps n'en ont
parlé qu'en passant, le plus sobrement qu'ils ont pu ; et
nous ignorerions la plupart des événemens de cette guerre
d'oulre-mer, s'ils n'étaient consignés dans les Gestes dont
nous parlons.
L'auteur en était parfaitement instruit ; il avait été sur les
lieux, comme nous le dirons bientôt. Cette circonstance nous
porterait à croire que cette portion des Gestes est l'ouvrage
d'Odon de Deuil, qui avait accompagné le roi dans son
voyage en qualité de chapelain, ou du moins qn'eile a été
composée sur ses mémoires. Nous disons sur ses mémoires,
car le rédacteur, dans un endroit, semble indiquer un écri-
vain qui lui servait de guide. Faisant la description du siège
de Damas, et voulant rendre raison des dilTéronles vues
politiques i\eh Croisés et di's Cluéliens du pays qui firent
manquer l'entreprise, celui, dit-il, qui a écrit celle histoire,
s'en est informé sur les lieux : Ipse ctiam qui islam scripsit
hisloriam à pluribus indigenis inquisivit. Il ne dit pas celui
qui écrit celle histoire, comme pour se désigner lui-même ;
mais celui qui l'a écrite, qui ipsam sa-ipsit hisloriam: ce qui
semble indiquer des mémoires dont il n était que le copiste
ou le rédacteur. Or ces mémoires ne peuvent pas être, comme
on la cru, de l'abbé Suger, qui n'alla jamais à la Terre-
Sainte ; il est bien plus naturel de les attribuer à Odon de
Deuil, qui, comme nous l'avons dit, fut du voyage.
Odon avait déjà écrit une relation très circonstanciée du
voyage de Louis-Ie-Jeuno, depuis son départ jusqu'à son arrivée
à Anlioche, relation qu il avait adressée en forme de lettre
,io la F." i xii^ à l'abbé Suger, comme on l'a dit ailleurs. Personne n'était
p. 615 - i\n. pi^jg jjj^ ^,,jj^ (jyQ |yi jig décrire les événemens ultérieurs
de la croisade, dont il avait été témoin. A son retour en
France, il fut fait abbé de Compiègne, et bientôt après, il
succéda à Saint-Denis, à l'abbé Suger, qui, comme nous
l'avons dit, avait commencé à écrire la vie de Louis-le-Jeune.
Tout [)orte à croire quil continua cet écrit en ce qui con-
cerne la croisade. Mais celte histoire ne devait paraître
qu'après la mort du héros. Ce fut donc alors que l'ouvrage
fut rendu public ; et, s'il ne s'étend pas jusqu'à celte époque,
lli-l. \M\ir.
ADAM DU PETIT PONT. ^89
c'est que, selon la remarque de l'éditeur, le manuscrit de l'ab- xii siècle.
baye Saint-Denys, dont il s'est servi, était imparfait. D.ichesnc '.
V. Les Continuateurs du Recueil des historiens de France ^"'f'^- ''*'■• '''■
ont publié, d'après le manuscrit 4671 A de la bibliothèque du ' j 'x'n 'aie.
Roi, qui contient les usages de Barcelone, un petit fragment
d'une chronique des rois de France, depuis Charlemagne
jusqu'à l'année 1180. Ce n'est qu'une nomenclature de nos
rois avec la simple indication des années pendant lesquelles
ils ont occupé le trône ; mais ce petit croquis contient une
particularité qu'il est bon de faire remarquer. Depuis Charle-
magne, qui avait fait sur les Sarrasins la conquête de la
marche d'Espagne, l'usage était dans ce pays de dater les
actes publics des années du règne de nos rois, comme une
reconnaissance de leur suzeraineté. Ce fragment nous apprend
qu'en U80 cet usage fut changé dans un concile de Tarra-
gone, et qu'on commença alors à dater des années de l'incar-
nation, peut-être cumulativen)ent avec l'année du règne ; car
nous ne voyons pas qu'on ail cessé alors de reconnaître la
suiceraineté de nos rois. B.
ADAM DU PETIT PONT.
An compte parmi les professeurs célèbres que Paris pos- ^^
^sédait vers le milieu du XII* siècle, Adam, surnommé du t. ii, p. 7i6
Petit-Pont, à cause du quartier dans le voisinage duquel son
école était placée. Jean de Sarisbéry, sans étudier précisé-
ment sous lui, l'avait eu pour ami. Adam ne s'était pas re- n.
fusé à lui communiquer tout ce qu'il savait, quoiqu'on l'ac-
cusât d'être peu porté à faire aux autres cette utile commu-
nication. La grammaire, la rhétorique, la dialectique, étaient
l'objet de ses leçons; et il prenait sur-tout Arislote pour
guide. Paris n'avait alors aucun maître qui enseignât celte
doctrine avec plus d'ardeur et de lumières. Jean de Sarisbéry Meiaiog. iit.
loue beaucoup l'étendue de ses connaissances, la finesse et "■ *• ^^ - '^"
Boul. t. II, |..
McUlog
r. (0.
la sagacité de son esprit. Adam avait composé un ouvrage y"^^
sur l'art de raisonner : nous l'apprenons encore de l'auteur
du Mélalogique, qui accordait d'ailleurs peu d'estime à cet liv. iv, cha^.s.
ouvrage, comme le prouve le passage suivant : Utinam bene
19U ADAM DU PETIT PONT.
XII SIECLE. dixisset Adam noster bona quag dixit ! et licel f'amiliares
~~~~'~~—-' gj^^ gf faiitQyes /iQi; sublilitati adscribunl , plurimi (amen
hoc ex desipienliù vel incidentiâ vani, ut aiunt, hominis conti-
gisse interpretati sunt . Il était dominicain, à ce que dit Tlioiiias
p. 6. -■ V. Tanner, dans sa Bibliotheca Brilannohibemicn, il l'était, au
aussi Baiép, par- njyjjjs, parle dognie, puisqu'il croyait, ajoute ce biographe,
Fils, il, p 8i!i. à l'immaculée conception de Marie. Mais les dominicains n'exis-
taient pas encore à lépoque oîi Adam du Petil-Pont écrivait et
Hist. Liu.r. professait.
t. IX, p. 73. — Nous plaçons Adam parmi les écrivains français, parce qu il
Du Boul t. II. \i .1 \ K . n I i I - n
p. 43t. -Du- étudia sous Mathieu d Angers, et Pierre Lombard, a Pans;
bois, H. lie lYgi. qu'il professa longtemps ensuite dans celle ville, oii il fut
e Pans, iiv. Qj^^g chanoine de Notre-Dame ; mais d'ailleurs, il était né en
XIII^ c. 2 cl 7, .
t. Il, p. lui Cl Angleterre, et il alla y terminer ses jours, ayant été nommé,
'""• en 1170, évèque de Sainl-Asaph, dans le pays de Galles,
i II p" 7i'« °^' ^''0"' ^*^ Diceto met son élection en 1 175, et son sacre au mois
Hi,i. Angi. d'octobre de la même année. Il est singulier que Balée, Pitseus
^ "^sH? ^' ' '' ^^ Tanner, le dernier sur-tout qui fut lui-même évêquo de
Duboi», t. Sainl-Asaph, ne fassent pas mention de l'épiscopat d'Adam du
11, p. 179. ' Petit-Pont.
Pendant quil était chanoine de Paris, Adam professa la
Hibi. Liuér. ihéologie à l'école épiscopale du diocèse 11 fut membre du
I. XII, p. 4(>8. synode réuni dans cette ville , et présidé par le pai)c Kiigène III,
II, p. 7i.'i. — ^^' sujet de (jilbcrt de la Porree ; et on bu reprocha d v avoir
Mauiiii. An. lie afTiriué qu'il avait entendu soutenir ii ce prélat, de vive voix, des
I, '..''/' [""'^positions donl on l'accusait, el dont ses écrits nbllVaicnl
Un lloiilay. ' ' '
i. Il, p. 7i(i aucun témoignage. Il se conduisit mieux au concile de Lalran de
T. I, p XI9. 1 n;»^ envers Pierre Lombard, et déclara (pi il défendait /es
Mcui! hv ""^'uj s^^^t^nces du maître. Pilseus lui attribue un commentaire en
i. 3 — Du Koui (piatre livres, sur ces sentences.
'■ ."- '' ^' * Son allachement pour .Vristote la fait aussi désigner (luel-
llili lilU. Illli. , . I II- ^
y ,j <piet()is sous le nom d'Adam le Peripalelicien. Tanner croit
•''""■ p- î*i ([u il pourrait bien être Ui putaliniis peripateticiis, donl parle
Jean de Sarisbery , dans le vingt-deuxième chapitre du
second livre de son Policratique. Jean Balée l'appelle Adam
scholaslicus.
«.I .1cj<. p. :ii) Lécrivain tpii fut plus parliculièrement désigné sous la
(iéiioiuiiialion du Palalinus Peripatelicus , est Abailard, comme
nous l'avons rappelé au comiuencemenl de la notice sur Jean
de Sarisbery.
Adam du Petit-Pont mourut en 1180. P.
191
XII SIECLE.
JEAN SAltAZIN.
l^iE.N ne fail mieux connaiire cet écrivain, qu'une lettre
" (Je Jean de Sarijbéry. Il s'adresse à lui comme à l'homme ^i'- '«i. -
de son temps le plus instruit dans la langue des Grecs ; per- p."-!i<',"'' '' "'
sonne n'avait |iu donner à Jean de Sarisbéry la véritable
signification d'un mot qu'il avait trouvé dans saint And)roise
et sur lequel il le consulle, h; mol i-jaix. Il ne loue pas moins
Sarazin comme [)hiIosoplie, el témoigne un grand regret de
ne pouvoir aller se ranger parmi ses disciples, et recevoir de sa
bouche les préceptes de la pliiiosopliicî ; Utinam delur mihi
locus ad pedes resh-os. . ntphilnsophur senlenlias nb ore reslro
excipiam !
On voit encore dans celle lettre que Jean Sarazin avait
conmiencé de traduire, du grec en latin, la hiérarchie céleste
de saint Denys, et que Jean de Sarisbéry faisait un tel cas
de celle Iraduciion, qu'il le presse d achever, el de lui en-
voyer ce qui en restait : Eœspecto à gratià veslrâ residtium
hiérarchise Iransferri, ut vestro bénéficia, Francis suis beatus
Dionysius innotescat. Jean de Sarisbéry, tout instruit qu il
élail, comme! ici l'erreur de croire que l'ouvrage fut de saint
Denys de Paris, On l'allribue ordinairement à Denys l'Aréo-
pagile, ainsi nommé, parce qu'il avait été juge de l'Aréo-
page à Athènes; mais celle opinion ménie a été fortement
combattue par des écrivains qui ont assez bien prouvé que
le traité de la hiérarchie célesle était postérieur de plusieurs
siècles à Denys l'Aréopagile. Il en est ainsi du traité qui a pour
titre, de la théologie mystique, attribué, par erreur au môme
Denys, el traduit égalemenl par Jean Sarazin. Sarazin avait
encore, si non traduit, du moins accompagné d'observations
préliminaires, le livre <,{ir les noms divins, attribué tout aussi
faussement au même auteur.
<'es traités ont élé imprimés dans la bibliothèque des
Pères; ils lavaient élé, en 1634, à Anvers, dans la collec-
tion, en deux volumes in-folio, des ouvrages de Denys lAréo-
pagite. La théologie mystique est dans le second volume;
et les traités des noms divins et de la hiérarchie célesle sont
dans le premier. On trouve parmi les manuscrits de Bodiey, f.,,^,
Dionysivs Areopagitn, de dirinis nominibus, ctii py^œponilur Anf;iir^'."'p.i" i.
et 56tt),
192 JEAN SARAZIN.
XII SIECLE. prologus Joannis Saraceni ad Odonem, sancti Dionysii ab-
3«u, 5(iis, batem .■ idem, de mysticà theologiâ, ad Timotheum episco-
pum Ephesi, cum prologo ipsius Joannis Saraceni ad eum-
dem Odonem, sancti Dionysii abbatem. On les trouve encore
ih.d. pari. IV, parmi les manuscrits de la cathédrale de Worchester, et
Voyage «Jiia- parmi ceux d'un monastère d'Italie, celui de sainte Schola-
lie. t. I, part. I. stique, près de Subiaco, dans la campagne de Rome, la tra-
P' ^^^^\^„ „, duction de la théologie mystique avec le prologue.
p. 107. ° Possevin annonce la traduction latine de la hiérarchie
céleste par Jean Sarazin, comme un des manuscrits de la
bibliothèque des Augustins de Crémone : Joannes Sara-
ceni'.s, dit-il, in librum de cœlesti hierarchiâ Dionysii Areo-
pagitas, ad magistrura Joannem de Sacaberiis. On aperçoit,
sans beaucoup de peine, que, sous ce nom corrompu, cest
Jean de Sarisbéry que l'on veut désigner
P»ri. I, p Kii. Sanderus, dans sa bibliolhèque des manuscrits delà Bel-
gique, indique parmi ceux de l'abbaye des Dunes, Joannis
Saraceni glossae super libros beati Dionysii, de cœlesti Me-
' ' ' ' rarchià. Le catalogue des manuscrits de la bibliothèque du roi
indique, sous le n" 237(), parmi les ouvrages des saints Pères,
in-folio, outre les traités que nous avons annoncés, onze lettres
de saint-Denys, traduites encore par J. Sarazin.
v. Bibi. Aug. La théologie mystique, avec la traduction de Sarazin, a
•*■ ' ■ été imprimée à Angsbourg, en 1510, sous ce titre : Dionysii
Areopagitse theologiâ mystica, gnecè, cum interpretatione
Johannis Saraceni, Ambrosii camaldidensis, Marsilii Ficini
et (Thornse) Vercellensis extractione : Johannes Eckins corn-
mentarios adjecil pro theologiâ negativà.
Les traductions de Jean Sarazin ont été imprimées à Cologne,
en 1536, et depuis, dans plusieurs autres villes, comme le re-
Apparat. Sa- „
cor, liT. I, p. marque Possevm.
sw. Jean Sarazin fut d'abord religieux de Saint-Denys; il fut
Mahiii. Mus. gjjgyijg aijbé jg Verceil, en Italie. Un autre religieux delà
Italie, t. I, part. "^
I, p. 128. première abbaye est cité comme ayant partagé avec Sarazin
Mab ibij. - l'amour et l'étude de la langue grecque ; c'est Guillaume de
t. vil, p. :,»{). Gap. n^J' devint peu de temps après le chef de ce célèbre
monastère, et qui traduisit en latin 1 éloge de saint Denys
par Michel Syncelle. Il avait apporté lui-même de Constan-
tinople, dans un voyage qu'il y fit par l'ordre d'Odon de
Deuil, alors son abbé, qui avait succédé à Suger, et dont
Lebœuf ' uiss. '' f"' lui-même un des successeurs, le manuscrit de cet éloge
i. II. p. :>-2. et aussi les ouvrages dont Sarazin fut l'interprète. La rhro-
JEAN SARÂZIN. i93
nique de saint Denys place son retour en 1167: ainsi, l'on xii siècle.
peut croire que ce fut vers 11 68 ou 1169 que les traductions
latines parurent. 11 y a donc une errei r dans la notice surOdon
de Deuil, insérée au tome Xil de l'Histoire Littéraire, quand p. 6is.
on y dit qu'elles furent dédiées à ce savant abbé. Odon
de Deuil ne l'était plus, en 1162, et l'abbé à qui Jean Sarazin
dédia son travail doit être Odon 111, ou Eudes de Taverny, qui v. Gaii. ciir.
eouverna le monastère de Saint-Denvs, depuis 1162 jusqu'en •■ ^'"' P 379;
î' J ' I ' ^ et Fëlib. Ilist.
1169. de r»b.s.- r)c-
M. Brial a recueilli et imprimé, dans le seizième tome de la ny*, p 198
nouvelle Collection des historiens de France, deux lettres de ._^' ^^'' *"' ''■
Jean Sarazin ; toutes deux sont de 1 167 et toutes deux parlent
de la traduction de l'ouvrage intitulé : de la Hiérarchie céleste ;
une d'elles renferme quelques réflexions sur la difficulté
de traduire, sur la différence du génie des langues grecque et
latine ; l'autre annonce qu'à la demande de Jean de Saris-
béry, Sarazin vient de traduire le livre de la Hiérarchie ecclé-
siastique, comme il avait déjà traduit le livre sur la Hiérarchie
céleste.
Des lettres insérées dans la même collection peuvent faire î** CoII. des
croire que Jean Sarazin, à celte époque, en 1167, était, ou j'^^vi p 522,
du moins passa quelque temps dans un monastère de Poitou, sko, ksi ci noi.
et que ce fut là qu'il revit l'ouvrage qu'il était sur le point ". 870 et noi. o,
, ^ , ,. ^ O M ' 878 Cl nol. e.
de publier.
L'amitié qui liait Jean Sarazin et Jean de Sarisbéry, a fait
croire à quelques écrivains que le premier était Anglais comme
le second. Du Bouiay le dit dans son histoire de l'Université; t. 11, \> 750.
mais il est diflicile de trouver une présomption plus faible :
c'en est une bien forte, au contraire, que d'avoir été religieux
en France ; d'y avoir professé avec éclat; d'y avoir publié ses
ouvrages ; de n'avoir enfin quitté le monastère de Saint-Denys
que pour aller exercer l'épiscopat, non en Angleterre, mais en
Italie.
L'époque précise de la mort de Jean Sarazin n'est pas très-
claire ; on désigne plus ordinairement l'an 1180.
Giles de Paris nomme parmi les savans personnages que Du Bouiay,
cette ville produisit au Xlle siècle, un Philippe Sarazin, égale- '• "• n- '"^^ ~
, • , . 1 11-. .111-, r ^ Duchesne. Rer.
ment mstruit dans le droit canonique et dans la littérature. Après g.ii. t. v, p.
avoir parlé d'Anselme de Garlande, sénéchal du roi Louis-le- 323.
Gros, il ajoute :
Tome XIV. B b
l'.ti IEAà' \)K CA)l\M)\ a ILLI<S
XII SIECLE. HiccI prôEsUtnlior illo
Prs/crwre sii/jU, qui raracena Pk'il'rpiju\
Cognomcnia ti'lU : praier qmts noi:eral aric.i,
Qiiaque meritnl i/lidivini/ih\ omiiia qiiondam
Hecrvla, <-/ muteras damlunsni jjrdurt' lerje-<.
V
JEAN DE COlîNOUAILLES.
l'its p. 235 !mI i^''" tliéologien esl-il né on Angleterre ou en Franco'
anti. 1170. - viTiciit-il son surnom dune pmvinoo anglaise, ou d'un ciiiiloii
'■'■'• ''■ """■ ~ de la H;is?e-Hrolagno'!' C'est uni; tiuostion fort peu éclaMcie.
C'axc, lie Srr. '-^ '
Ecct 11, |..2."S. l'its, Leiand, Cave, llar[)sicl(l, labncius, Vignier, Oudin,
iiafp^f. II. le disent Anglais; Jean l'icaid iM quelques-autres l'ont dé-
.;!! "^ ,. ,'' ciaré Bas-Breton. Malinirre l'a surnomn)é de Corbie, en tlian-
.1/1. — 1 alir ^ '
liiM. ni..i. ei inf. gGaut, par orrcur, Coi'imbiensis en Corbeiensis. On est sur,
I..I. t IV, |. (.7. j,^ njoins, (|u'il a fré(|!ionlé en France les écoles de Pierre
Bii.i. iiisi. ann! Lombard, de Hol)erl (le .Melun, et de Maurice de Sully; car
1I7!>, p. itis. il nous l'apprend lui-mônio, et il distingue les deux derniers
Oui m, ' ' """ couime Ics docteurs les plus orlliodoxos de ces temps-là.
lie Sri-, luxl. I. ^ , ' '
II. p. i.'ii'j, Kndn, il est peu croyal)le (pie ses principaux écrits, tout
Ijôo, lt)5l. — pleins des controverses iiui divisaionl alors les théologiens
.1. Pic. C:ital. ll.S r • • - . . . . .^, , -
aUiés lie Si. - 'rançais, aient ele composes en Angleterre U un autre cote
vkior, iians la pourtant, c cst l'Angleterre (|ui p()ss('de les manuscrits oii .se
■fournie U''ncfir. lisent plusieurs ouvrai^os de Jean de Cornouailles, que l'im-
ilr I,. llunrlicl. . , . ' ,
- Mal Ani do piossioii n'a point rendus publics; son commentaire sur les
Pnn.s. p. 2f<8. prophéties de .Merlin, ses explications de divers endroits de
Eiil. apiiil .Mari. , '., , ., , , , , _,,
Tiir«. An I. V ''' Bil)le, son recueil de senlonces, scsioliros a dilierontes per-
p. lfifi7, Kidst. sonnes, ses disserlalions iiK'léos : productions dont nous ne
.. ., '^m'.'!'^'""""' connaissons (jiio les tilros, et qui nous offriraient peut-être
lllhl. lillil. iii-s , ' ' '
I. 1. p. ô-j, 1-8. sur l'hisloire de sa Vie les doiails (|ui nous man(|uent. On ne
ii-i!i. i."7'2. — peut lire on France qui! Mois ouvrages de cet auteur, son traité
ici'p'^io - ''" ''ycremont de l'autel ; son éc-rit sommaire sur l'humanité
l'ioM-vin, ,\p. do Jésus-Christ, ot son F^iiloge adressé au pape Alexandre
Sa. I. I, p Sli'i. jii
C:i\c, (le Sir. [y prcniior de ces arliclt^s n'est qu un opuscnI(^ inliliilé,
2.1S. - (;iaii- ''<'"^ lin manuscrit de Cambridge. Summa qualiter fiât sa-
niia-i, Ciii. l'es cramtnlvtn allirris per vii-liilcm sanclœ criicis et de sepleni
•"" *""''■ '■ "■ ranonibus vei ordinibus mmv*'. Dom Ti.ssior l'a inséré dans
p. ;!I7.
J EAN DE CORNOUAILLES 19,')
la bibliothèque des Pères de Cileaux, en ratlril)uanl à Cuil- xii si^eci.f,
laimie, abbé de Sainl-Tliierry; les Dominicains l'onl publié
dans le recueil des œuvres de S. Thomas, el il a été plusieurs
fois imprimé parmi les ouvrages de Hugues de Saint -Victor , _^;,,J;"' ''' '"'
avec trois livres sur les cérémonies , les sacremens el les oflices
(le l'église. Oudin pense que ces trois livres sont de Robert snipt. E.d. i
Paululus , prêtre d Amiens, et revendique, pour Jean de n.i'H'!^
(]ornouailles, l'explication des sept parties de la messe. Cet l(!
opinion nous paraît assez bien établie par les manuscrits de c(! jj. ^ ^^^^^^
traité conservés en Angleterre, el spécialement par celui de jc u Fr. i. xri.
Cambridge. i^ ''
Les deux autres écrits de Jean de (lornouailles méritent plus
d'attention, parce qu'ils tiennent à 1 histoire de l'une des con-
troverses de son temps.
Parmi les questions ihéologiques agitées au XIT' siècle,
on remarque celle de savoir si le Christ en tant qu'homme est
quelqu'un. Abailard, Gilbert de la Porée, et queUjues autres,
semblaient ne considérer l'humanité lie Jésus- Christ que
comme un vèt(mienl dont le Vcrbo avait daigné se couvrir. On
avait dit avant eux, cl nous ilisons encore aujourd'hui , que le
Verbe s'est revêtu d'une chair humaine : ces docteurs prenaient
celle expression trop à la lettre. On les désigna, de leur temps,
par le nom de Nihilistes, parce qu'ils réduisaient à rien ou à
trop peu de chose l'humanité de Jésus - Chrisl ; el le savant
Pierre Lombard n'a point toujours été assez élrang('r à celte
secte. Ce qui l'égarail, lui et les autres, c'est que le Verbe
incarné n'élant en ses deux natures (ju une seule personne ,
il ne leur semblait pas (pi'il Tùl possiblo de trouver en lui
une personne purement humaine, de laquelle on put dire :
Voilà quehiu'un ; ou , si l'on veut nous permettre une tra-
duction moins française el [)lus précise : Voilà un quelqu'un.
Ils soutenaient qu'im quelqu'un n est point oh il n'y a pas
une personne, et prétendaient que leur doctrine se bornait
à énoncer le dogme ipii déclare (pie Jésus- Chrisl , entant
qu'homme seulement et abstraction faite de sa divinité ,
n'est pas une persDune di.sliucle, entière el com|)Iète. Le
pape Aluvandre III fit coïKl.uiinor celte erreur dans un
concile tenu à Tours en IHli; el, p);ir la innMix evlirper,
il écrivit , quelques années après , à divers archevêques
français, des épîlres ou elle est encore plus solennellement 'î'^^- •'<'* l'i»'-
réprouvée. Il desirait vivem ;al ipie les professeurs ou doc- sss"%s ^w) ''
leurs s'appliquassent à la combat Ire.
196 JEAN DE COR NOU AILLES .
XII SIECLE. jggn (jg Cornouailles fut l'un de ceux qui secondèrent le
mieux, sur cet article , le zèle du Saint -Père. Il réfuta d'au-
tant plus chaudement les opinions de Gilbert , d'Abailard et
de Pierre Lombard , qu'il les avait d'abord partagées , ainsi
Euiog I. V. qu'il le confesse lui-même. 11 a composé, sur ce sujet, deux
The». Anecd. , ■. ■• ,• ,
.cnn écrits distincts.
Mart. p. 1699.
Le premier, fort court et peu soigné, a été inséré dans
les œuvres de Hugues de Saint- Victor, sous le titre d'Apo-
Montfaucon, logie sur l'incarnation du Chrï?.l [Apologia de Christi incar-
Bibl Biblioth. \ ii . ■ .-. i- , „ . •
i. I. p. 629. natione). H est intitule : de Homme assumpto , dans un
Comm. de manuscrit du roi d'Angleterre. Oudin fait observer combien
^"1^57' - V '^^ formes scholasliques dont cet opuscule est hérissé sont
Hist. Lin. de la étrangères à Hugues de Saint- Victor. Qucero igitur, quaero
Fr. 1. XII, p. 2». t7gwi, qusero ab iis qui diciint , sont , aux yeux d Oudin , des
inoit''de"Hufiuc! loumurcs fort peu familières aux écrivains antérieurs à 1142.
de s.-Victor. Au surplus, lauteur de cette apologie soutient qu'il ne res-
tera rien de commun entre la nature de Jésus -Christ et celle
de sa mère, si un homma [aliquis homo), ne résulte pas de
la chair et de l'ame dont le Verbe s'est revêtu; que si cette
chair et cette ame ne conslituent pas un quelqu'un, leur
union devient chimérique, et que dès lors toute idée déna-
ture humaine s'évanouit. 11 examine ou veut examiner le sens
attaché au mot selon [secundùm] , quand on dit que Jésus-
Christ , selon son humanité ( secundùm humanitatem ), est
prédestiné. Mais le point qui demeure le moins éclairci dans
cette controverse, c'est la distinction à établir entre quelqu'un
e{ quelque chose ; car si les Nihilistes, ou ceux qu'on appelait
ainsi, prétendaient réellement que Jésus-Christ, en tant
qu'homme , n'était pas quelque chose, on les pouvait bien
facilement réfuter. Ce qui importait le plus, était de leur
montrer un homme [aliquem hominem) dans l'unique per-
sonne du Verbe incarné.
Au commencement de l'Euloge, autre ouvrage de Jean de .
Cornouailles sur la même matière , il annonce qu'il l'a déjà
traitée, mais avec trop de concision et même de stérilité;
il était pressé par les circonstances , un concile romain allait
souvrir : Propter Romanum quod tune temporis imminebal
concilium, brevi nimis et sterili stylo functus sum. Celte
déclaration se lit à la tête de l'Euloge , manuscrit qui se
v. Oudin, conservait à Saint-Victor; et c'est l'un des molifs que nous
e"h \ iT 'V ^^^"^ datlribuer à Jean de Cornouailles l'opuscule dont
1530. nous venons de rendre compte , et qui a été inséré dans le
JEAN DE CORNOUAILLES. 197
recueil des œuvres de Hugues. Nous devons avouer toutefois que xii siècle.
ce prologue ne se retrouve point à la tête de l'Euloge publié
parD. Martène. ''"''« l"'^'^''-
Cet ouvrage est adressé au pape Alexandre III, à qui l'au- 1702',
leur rappelle la lettre écrite par ce pontife à Guillaume, alors
archevêque de Sens, aujourd'hui archevêque de Reiras : ad
venerabtlem Guillebnum tune Senonensem hodiè Re7nensein
archiepiscopum. Nous citons ces paroles, parce qu'elles vont
donner lieu à deux observations.
Premièrement, Guillaume n'étant devenu archevêque de
Reims qu'en 1176, et le pape Alexandre 111 étant mort en
1181, il faut que l'Euloge ail été composé entre ces deux dates ;
et si le concile romain, mentionné dans le prologue, est le troi-
sième concile de Latran, on en devra conclure que le premier Tenu en 1179
écrit de Jean de Cornouailles sur le Verbe incarné, a été
rédigé au commencement de 1179, et le second, vers la fin de
la même année, ou dans le cours de la suivante ; mais, s'il
était possible que Jean de Cornouailles eût qualifié concile
romain, concilium romanitm , celui que le pontife romain
Alexandre il! avait présidé à Tours, dans celte hypothèse
peu vraisemblable, le premier écrit serait de 1163, et
l'Euloge n'aurait qu'une date plus indéterminée entre U16
et 1181.
En second lieu, lorsque Jean de Cornouailles nomme et
détermine si positivement Guillaume archevêque autrefois de
Sens, aujourd'hui de Reims, il n'y a pas moyen de supposer
que la lettre d'Alexandre ait été écrite à un autre archevêque
de Sens, par exemple, à Gui ou Widon, qui occupa ce siège
depuis 1176 jusqu'en 1193. Cependant, Mathieu Paris et Ba-
ronius ayant donné à cette lettre la date de 1179, M. Brial,
pour conserver cette date inconciliable avec le nom de nec. de» hisi
Guillaume, a cru devoir y substituer celui de Widon. Il nous
semble que le témoignage formel de Jean de Cornouailles
ne permettant ici sur le nom de Guillaume aucune sorte de
correction, ce serait plutôt la date qu'il conviendrait de
rectifier, et nous proposerions 1169 ou l'année suivante,
afin de rapprocher celte lettre de celle qu'Alexandre a
écrite, en H70, sur le même sujet, et presque dans les
mêmes termes, aux archevêques de Reims, de Rouen, de
Tours, et de Bourges 6n conçoit aisément le motif qui pou-
vait déterminer le pape à s'adresser par une lettre pari icu- deFr. t"xv, p
lière à l'archevêque de Sens, dont la juridiction métropo- 888.
< s
de Fr. t. XV, p
968.
Rec des hist.
108 JEAN DE CORNO LIAI MES.
xri stECLE. litainc s'étendait sur les écoles de Paris, plus exposées que les
autres à conserver une doctrine professée par Pierre Lombard.
Aussi Pierre Lombard est-il nommé dans la lettre à Guillaume,
au lieu qu'il ne l'est point dans la lettre- aux quatre autres
métropolitains, et c'est la dill'érence la plus essentielle entre
ces deux c|)îtres. Nous ajouterons que le souverain ponlilé
rappelle à lurclievêque de Sons les injonctions ([uil lui a
faites de vive voix pour être transmises à ses sullVai^ans ;
paroles qui ne peuvent trop, c(; semlile, s'adresser à Widon,
qui. avant 1 17G, n'avait été (juc prévôt des églises d'Anvers
et d'Auxerrc.
Revenons ;i lEuloi;e, litre (pii ne siirnilie, comme on sait,
que bon discours, discuu^•^ rxacl, orthodoxe ; mais l'objet
de ce traité est énoncé par di'r. lilnis accessoires et plus précis ;
de Chrislo homine, seu de /niinanitalc C/irisli, t/tiod Christus
siL aliquis liomo.
Dieu s est lait liomiuc trois di\erse.- e\|iiicalions de ce
doi;me sont i'i rappiulces par Jean de (iornouailles. Selon les
uns, il exisie en Jcsii.s (;iiri>l un liuiimie vénlablc ; selon
les autres, il i'iuil joiiulic ii lu chair <;l ii lame une troisième
substance, sa\nii. l;i dixiiule, pour constituer la personne
de rilumme-Dii'ii ; le deiniei système coiisisle à dire (jue
I humaiule <'>! ''M Jc>ii-~-('liri.sl n'ieinent , iM non Mibstance.
II esl homme rcsIinivalnUlr,-, el non pas substdnlialite)- ; il
n'\ a |>oiMl en lui im p.ii el .simple homme, une personne
hiiniaiiii' imipreiiii'iit el .^ll n liim ni dite. L'auteur commence;
par ciler le.s .uiluiile-- tpii ^einhii'iil lavoriser les deux der-
niers s\stèmes, et spei lalciin'iil lin pa-s.iirc' oii Sainl-Aui,'iis(ii»
e\|)liipie ces [)aioles de saiiil Paul : llabilu oiivnlus ul homo-
Il expose (îusuile la doctrine de dilhert delà l'oret;, d'Abai-
laiil, lie Pierre Lombard, eu observant, sur ce dernier,
(jiiil II a l'ait que lepéliT, sans trop dexainen et sans trop
de conliance, ce (|u'avaienl dit les deux autres Jean de (]or-
noiiailles oppose à Ciîs doeleuis Anselme de Canlorbéry,
S. beiiiard. .Vciuiid, é\èi|iie d'.Vviaiiihe^, Hobeil d.' Melim,
Maiinei; de Siilli Ci'sl a|)res celle exposilion (h's systèmes
oppo.sés, (|ue laiiUîiir .seii-ai;e dans une discussion rii^ou-
nni.se, el s'elfoiiM! de moiilier, |)ar des aiilorités el par des
ar.u;uiiieiis, (;oinme,iil il y a un homme piopnMueiil dil [aliquis
homn] en Jèsus-lLIirisl. M cili;, par l'xemple, ces textes de
I'.. r,t, s. la bible : Bcalus quem elegisli cl assumpsisli ■ dies super
l's. «o. 7. ^jj^ç^ renin adjicies : lu es sacerdo'S in œleraïun, etc.; el ,
l's. 109, i. j .1 '
JEAN DE CORNOUAILLES. 199
comme de tels passages ne tranchent point immédiatement la xii siècle
queslion, d a besoin, pour la leur faire résoudre, d'établir une ~
suite dmduelions et de rapprocl.emens, à laquelle il donne le
titre ÛEpilogatin I! recueille, de la bouche de Caïphe et du
Centurion, des l.'iiioii,'nases plus formels, et sur lesquels il n'a
pas besoin dépilonuer aussi long-temps : Eœpedit ut unus a..,,, u «„
lomo moviatur pro populo; ven- Jiic homo /ilius dei erat Man- iri; ny'
II trouve encore qu on a dit de Jésus-Christ, quil était le plus
saint des hommes, le plus glorifié des hommes ; ce qui suppose
qnil est eHertivement lun dVnIre eux. II ajoute que lorsque
Jesus-Christ mangeail , s'asseyait, soulliail , mourait ces
manières d«Mre, <|ui n appartenaient p-.int à la divinité étaient
necessairem.Mit eell.'s de ,,uel,pH. hoiiiin,'. (rs raisonnemens et
beaueoupd autres du même g..nre, se suivent ici plutôt qu'ils' ne
senchament : le mot Uem est la transition la plus ordinaire de
I un a I autre.
Pour linlelligence de «ede controverse, il convient dob-
scrver que Jean de Cornouailles ,1 ses adversaires s'accor-
daient a condamner et Nestonus, qui avail .bsiin^ué dans
le Verbe deux personnes, .'t 1,. n,ome lÙKvchùs, qui navait
reconnu en Jesus-Chnsl .p.une seule natui'e .M.is on sou-
tenait aux Nihilistes .pu- 1.,,, ,|oc(rine se rapprochait de
celle des hulychirns; e(, ,1e !,.„, côté. ,1.. Imuvaienl ,n,o la
proposition, Jésu.s-Chnst .•..( q,„.|.p,c homme, Jcsus-Chrisl
est une personne- humaine, tendait au Nestorianisme Ils
consentaient bien a dire Jesu>-(,hnsl est homme, niais non
pas un homme, (piehp.c honmie, I un ,!... l,.,n,n.es ■ et le
défaut d articles dans les textes lalms cpion allé:,nait départ
et d autre contribuait à nu.Uipl,,.,., dans cette' dispute les
mal-entendus et les sopbismes Jean de Cinumailles toul'efois
comnience .. I.n.t son Euloge par inviter le pape à Happer
.lana.heme la doctrine des N,!,,!,.,., Alexan.he III s'élait
contente de la rej.,.,- : .1 s e.ai. abs.enu, en la condamnant,
e a déclarer he,e„,u.; persuade, sans .Inute, que s'il faut
'"'" J ait des heresa.s, ,| „ c.M pourtant pas nécessaire
hJZr^'^'""^^"""^'-'"'- -'-^opinLs, aus.es 0:
Conlu^.r''"""''''''''''''"^^""''''''''''''"'-'''''^^--'
toit au-delà du pontilicatd Alexandre 111. u
200
XII SIFXLE.
G;
GUILLAUME,
Abbé d'Aubekivk.
un. r. AIME, abbé d'Aiiberive (1) en H 05, lélait encore en
'1180, ainsi qu'il résulte d'une charte citée dans le nouveau
T. IV. i>. »u. Gallia christiana. Mais on voit aussi qu'avant la fin de celte
même année 1 180, Garnier de Rochefort avait succédé à Guil-
laume, qui, sans doute, venait de mourir. Voilà tout ce que
nous avons à dire de la vie de cet auteur : car ses relations avec
quelques-uns de ses contemporains ne tiennent qu'à l'histoire de
ses ouvrages.
Hisi. Litici. Nos prédécesseurs ont parlé des sermons d'Odon de Mo-
1. XII, p. «12, ^jijjohJ et de ses explications myslitpies de plusieurs
endroits de la Bible ; mais en quelques manuscrits , ces
recueils, et surtout le second , portent le nom de Guillaume,
abbé d'Auberive. On a lieu de croire que le fonds de ces
ouvrages appartient réellement à Odon, mais que Guillaume
„ les a mis en ordre et en a même rédiaé plusieurs articles. Le
Oudin, l. Il, ... , . 11 • 1 ■ Il
p, 141S. prologue des explications dit quelles seraient bien meilleu-
res, si Odon avait pris la peine de les écrire lui-même ou de
les dicter. L'abbé de Morimond s'était aussi occupé de l'analyse
des nombres, c'est-à-dire, de l'Arithmétique mystérieuse ;
cl c'est quelquefois encore le nom de l'abbé d'Auberive qui
se trouve à la tête de ce traité , auquel nous reviendrons
bientôt.
Un abbé Noél avait proposé à Guillaume d'Auberive des
questions relatives à la trompette du jugement dernier. Guil-
laume y répondit par quatre épîlres, (pii sont restées manus-
crites ainsi (pie plusieurs autres du même Théologien. Elles
sont à la bibliolliè(jue du monastère de Saint-Jean en Jérusa-
liai. Saiia I. Iem, à Rome. Ughelli, qui les cite, et particulièrement celle
I, p 25à; 2a6 ^^jj ^^^ intitulée, de Verbo indisciplinato, transcrit en entier
une lettre de Guillaume à Henri abbé de Clairvaux, depuis car-
dinal évêque d'Albano. Guillaume communique à Henri ses
(1) Abbave de Tordre de CIteaux, au diocèse de Langres, fondée eU
1136.
GUILLAUME, ABBK D'AUBERIVR. 201
quatre épîlres sur le jugement dernier, et le prie de l'aider x" siècle.
de ses avis, de rectifier les erreurs qu'il a pu commettre.
De Visch indique un autre ouvraee de labbé d'Auberive, ^''''" Cisitrc.
, .. , . . ... . 325, ."lîG.
sous le titre de sacrarnentis minorum : mais il y a certaine-
ment ici une faute de copiste; il fallait écrire de sacramentis
numeroriim, et ne pas distinguer cet ouvrage de ceux qui le
suivent dans la liste de de Viscli, et qui ont pour objet
l'Arilhmélique.
Un manuscrit de la bibliothèque du Roi, n° 33.ï2, contient un C»tai. mu.
ouvrage intitulé analylica numerorum, et divisé en dix livres : ^ibi. Ri>g. i m,
notions préliminaires, signiliculions des nombres, leurs figures ^'
et leur.s noms, mysières des figures, règles des générations,
rapports et proportions, signiticalions de l'unilé et de la
dualité. C'est le nom d'Odon de Moriiuoud qui se lit ici à la
tète de ces dix livres qui, ailleurs, porlent celui de Guillaume
d'Auberive, ainsi que nos prédécesseurs l'ont remarqué après
Oudin.
Deux autres manuscrits de la bibliothèque du Roi. no 2o83
et 3011, tous deux provenant des fonds de Colberl, conticn- Caïai mss.
nent des traités du même genre et qui ont même des parties ^''''- "«"g- '• '"•
communes avec les dix livres dont nous venons de parler.
Dans le manuscrit 3011, qui est du XIIT siècle, peut-être de
la fin du Xir, les premières pages présentent des défini-
tions et des notions générales dont lauleur n'est pas dési-
gné. Au bas de la page 3 commence le traité de Guillaume,
abbé d Auberive, sur les mysières des nombres, de sacramen-
tis numerorum , depuis 3 jusqu'à 12 inclusivement. Suit une
épîlre du même auteur, ilem cujus suprà, au moine Etienne
sur le mystère du nombre 40. Celte épîlre, dont les dernières
lignes manquent ici, est séparée par un opuscule sur le
Lévitique, de deux autres traités d Arithmétique mystérieuse.
L'un explique les nombres 13 à 20. L'autre, beaucoup plus
court, concerne les nombres parfaits. 11 est bien dit que ce
dernier écrit est de l'auteur du trailé précédent, item cujus
suprà; mais ni le nom de Guillaume d'Auberive, ni aucun
autre nom, ne se lit à la tête ni à la fin du livre de tredenario
ad vicesitnum.
Le manuscrit 2;')83 est moins ancien : il pourrait n'être
que du XIV° siècle ; on y retrouve, sous le nom de Guil-
laume , abbé d Auberive , les mystères des nombres 3 à
12, et la lettre entière au moine Etienne, sur le nombre 40;
ensuite, sous le nom de Geufl'roi, abbé de Haute-Combe, le
Tome XIV. Ce
202 r.l ILLAL.ME, AB13É DAIREKIVE,
xii siKCLE. (railé des nombres liî à 20 et l'opuscule sur les nombres
parfaits. Esl-ce par méprise qu'on a subslilué ici Gavfridi de
alla cumbà à Guillelmi de albà ripcU Nous n'en cioulorions
point, si nous lisions ce dernier nom dans le manuscrit 3011,
au coniinencemenl ou à la (in de 1 un ou île l'autre de ces deux
livres : mais il y m;in(]ue, et nous ne sommes autorises à l'y
sous-entendre que parce (|ue les ipuitre ouvrai^es sorU à-peu-près
du mènu! f^oûl, et qu<' ilans ce manuscrit liUli. ils sont écrits
de la mémo main.
On sait (pie !)icn avant Pylli;ii;nro, les (>llaldéon^ et les Égyp-
tiens a\aiiMil allnhiié au\ noinlui's iji-s propnclés mystérieuses,
l'ylliagore dévelojipa celle tlociiiiu', !'l.ii'>ii la propaj^-a, cl nous
la voyons, an comniencenuMil d»' Icro vulgaire, élablieclicz les
Juifs et dans 1 église (tlirélicnne en(;ore plus que chez les Païens.
Les écrils diî Virgile, de Vilruve, cl d(> .Macrohe, en olFrent
di's traces; mais l'Iiilon y trowvail la hase de loul le syslénio
du monde; et bienlùl ciitre Ii'.s nmiiis ^\^•^ liiihhins. l'-Vrillimé-
lique suriiiiturclli! devinl la plus récondi." des sciences oc-
cultes. Sans se livrer à de pareils égarcmens, Saint ("Jémcnt
d Al(!xaii(lrie, et Saint .\ugusliii, ne laissciciil pas d'adopter
quel(pii'.-i spe( iilali.Jiis dt; ce gi iirc , cl les li.iiiMiiirenl au
niovcn à^e , dÎi elles ne pnmaieiil iiiampier de fiiiclilier.
Voici, dans un court e.-pace de teii.ps, |)iiisieurs écrivains
<pii en sont pior'jndi'iueiil dccnpes : Odon de Mnrimond ,
(Juillaume d'.Auberive , [leiit-i'lre aussi (Jeullroi de llaiile-
('cihbe, et Mil Tiiihaut de Laiigres, dont je parlerai à la lin
de cet article. '
Il (iinvieul de distinguer dans leurs traités deux ordres de
:ii)lii)ns : d'une part, des observai lons tort justes sur la forma-
tion des nombres et sur les rap|)orl> iju ils ont entre eux; de
laiilre. I •> plus In/.arres rapprochemens de textes sacrés, d énu-
1111 raiii)ii> llie(i|.)-!,pies du seieniili.pies, d époques clironoliigi-
(pie^. d ii.ii'iuDiiii's mu-ieales, eu un mol. de tniiles les espèces
d idées (l.iîis leNpressioii di'sipielles peut entrer un cluirre. En
di'ploiaiit ces extravagances, I é(piité veut (pie Ion convienne
ipii' ces auleiiis sa\eiit lu ancoiip il'aritliméliijue, plus mêm(î
jti il n'en e-t re-.ié i\i)n< renseignemeiil ordinaire, depuis (pie
les méthodes gem-iales ont rendu presipie inutiles tant de
détails (>t de parlicidarités.
Dans le traite dos nombres 3 à 12, (iuillaume d'Auberive
obscrxe sur It; nombre 3, (|ue son (jiiarré 9 exc(Mle 8,
■ube d"' '2 ; tandis (pie le nombre 3 et Ions C(;ux qui le sui-
GUILLAUME, ABBE DAUBERIVE 203
venl sont assnjélis à celte loi constante, que jamais le (|narré xii siècle.
de l'un (1 eux ne surpasse ni nirnie n 'éi^ale le cube du nondjre
immédiaicment antérieur. Ainsi H), qiiarré de 4, reste au-des-
sous de 27, ctdje de trois ; cl 2.i, ({narré de ">, au-dessous de
(Ji, cube de 4, etc. Voilà donc une prérogalivc qui, selon
Guillaume, fait infiniment d honneur au nombre ternaire,
et qui lui vient de ce qu'il renferme un médiateur entre deux
unités; en (|uoi, dit-il, nous devons reconnaître ce que la
foi nous enseigne du médialeur divin La nalurc humaine
n'élail ipie binaire; elle consislail en deux substances, le
corps et lame .sans inleriiiéiliaiio, elle ne pouvait s'élever à
la triiulé; aussi celui qui est venu au milieu île nous nous at-
leslc-t-il (|ue nous n'arrivons que [>ar lui à son [)ère : ipso qui
médius noulrùm stelil allestante quia nemo venil ad patron nisi
per me.
Le moine Etienne voulait savoir pourquoi le nombre 40 élail
celui de la pénitence. L'cxeiiqilc du jeûne de .1 -C. et laiilorilé
de lé.:,'lise, le lui appren.Ti(>:it sans doute, mais il aspirait à
bien en concevoir la raison démonstralive. Guillaume d'Aii-
berive lui lait observer (pic 40 est le [)roduit qu'on obtient en
miillipiianl l'expression du Irnips, par le nombre qui réunit
I homme cl Diru. Le l-mps t.v,t essentiellement (piadruple ;
quatre parties du jour, ([uatre saisons de lanni'-!. D'iiuirc?.
part, Dieu el l'homme fout 10. car, à la Trinité divine
l'homme ajoute 7 : savoir, I pour les quatre élémens qui
entrent dans .son corps, el ;{ pour K^s t. ois facultés de la
substance spirituelle, facullcs .pic. récriture distingue si par-
faitement quand elle mujs rocommande daiincr Dieu, 1" ,Je
toute notre ame, 2" de tout noire cœur, :i" (!,■ i„i,t notre
esprit. — Autre démonstration le but de la péniliuice est
d'acquérir la grâce, le salut, la félicité suprême dont le nom-
bre oO ou pentécoslal est évidemment lexpiussion. Mais on
parvient à ;i0, on fait préci.-ément T.O ni plus ni moins, en
additionnant toutes les partie,', ali(piotes de 40 • «avo.r -^0 10
8, 6, 4, 2el 1 - ' .
Le traité concernant hys nombres 13 à 20, examine cha-
cun de ces nombres sous .M-pi nspccls : sa na'iure, sou ram^
sa compo.^ilKju, s.>s alli.i.lo.s. sa .iivi,sion, addilion et mnll?-
plicalion. Le nombre 13 e..t .n lui-même ihéophaui.pio .esi-
a-dire, manifestant Dieu; car ce fut le treizième jou-' aprè.
sa naissance que Dieu incariM' daigna se montrer aux i,ré-
inicesdcs Gentils. Pour le nombre 20, il est militaire, parce
Cci
20 i GUILLAUME, ABBÉ DAUBERIVE.
XII SIECLE, que c'est à vingt ans qu'on s'enrôle. Ce sont des détails de cette
espèce qui remplissent les huit chapitres de ce traité.
Le dernier opii&cuie est intitulé : de crealione et mysterio
niimerorum perfectoriim. Un nombre parfait est celui dont
toutes les parties aliquolcs ou diviseurs exacts, reproduisent,
quand on les addilionne, ce nombre lui-même. Tels sont les
nombres 0 et 28 ; 6 dont les sous-multiples sont 1 , 2 et 3 ;
28, qui est aussi le total de 1, 2, 4, 7 et 14, qui le divisent
exactement. La perfection, dit l'auteur, est rare dans les
nombres comme dans les hommes : il ne faut pas moins que
le nombre virginal 7, multiplié par le nombre évangélique 4
pour produire le nombre parfail 28 ; et nous en devons con-
clure que l'évangile doit être annoncé chastement. De 28, il
faut aller jusqu'à 490, et de 496 jusqu'à 8128 pour trouver le
troisième et le quatrième nondjres parfaits. L'auteur n'en ren-
conlre pas un seul dans toute la série de 10000 à 1 00000. Mais
dans la série de 100000 à un million, il remarque le caractère
de perfection dans le nombr 130,810 qui, selon lui, pourrait
bien être le nombre exact des Saints du Paradis.
Dans le manuscrit 2383, le traité des nombres parfaits est
suivi d'un livre diinl le litre est conçu en ces termes : incipit
traclatus magistri Theobaldi lingonensis de quatuor modis
quibus signilicationes numeroyum aperiuntw. Ce n)aître Thi-
baut, de Langres, ne nous est point connu d'ailleurs : nous
n'avons aucun renseignement sur sa personne. Peut-être
n'a-t-il vécu qu'au XIII' siècle; peut-être aussi était-il con-
temporain de Guillaume d'Aubcrive ; en tout cas, la ressem-
blance de leurs écrits nous autorise à les rapprocher ici l'un
de l'autre Secimdkm generalionem, secundhm se vel secun-
dùm signa, secimdùm compositionem, secimdùm habitudi-
nem .- telles sont les quatre manières de considérer, avec Thi-
baut, les significations des nombres. Leur génération se fait
par voie d'aggrégalion, ou de position, ou de mulliplicalion.
Un nombre défectif est celui (pie la somme de ses parties
aliquotes ne peut pas atteindre : par cxomple, 9 n'est divisi-
ble que par 1 et par 3 qui, réunis, ne f(Mit (pie 4. Le sur;»-
boiulant, au contraire, est sur|iasï-é par le total de ses sous-
multi|)Ies : ainsi, 12 se divise exacleuienl par 1, par 2, par 3,
par 4 et par (J, qui, additionnés, donnent 1 G. De ces nom-
bres exiravagans il y en a une infinité, stutlorum infinilus est
numertis ; mais les nombres parfaits, non surabondans et
non défectifs , sont extrêmement rares ; 7nulli vocati ,
GUILLAUME, ABBÉ DAUBER! VE 205
pauciveroelecti. Sur les nombres parfaits, Thibaut ne fait
guères qu'abréger et quelquefois copier liKéralement Guillaume
d'Auberive. Considérant ensuite les signes des nombres, il
explique différentes manières de calculer, par les doigts et par
quelques autres parties du corps. Sous le titre de composition
des nombres, il parle des pairs et des impairs, de leurs puis-
sances linéaires, quarrées et cubiques, et des nombres figurés.
Par habitudo, il entend principalement les rapports et les pro-
portions, et dans chacun de ces chapitres, il ne cesse d'allier des
idées mystiques à tous les détails de la théorie des nombres.
Ce genre de mysticité a pu contribuer sans doute à conserver et
même à étendre les véritables notions d Arithmétique, comme
l'Astrologie judiciaire entraînait à l'élude de l'Astronomie.
D.
XII SIECLE.
HENRI LE LIBÉRAL
Court I) K (' H AM PAU N
SI l'amour des lettres et la protection accordée aux savans
sont des litres sufTisans pour donner aux grands une place
distinguée dans 1 Histoire littéraire, nul prince ne mérita
mieux celte distinction que Henri, surnommé le Riche, le
Large et le Libéral, comte de Champagne, mort l'an 1181,
au retour de la Terre-Sainte . tous les monumens attestent
qu'il aimait les gens de lettres, et qu'il n'avait pas de plus
grand plaisir que de converser avec eux sur des sujets de
littérature.
A peine Jean do Salisbury, exilé en France, s'était-il fixé
à Reims, que le comte de Champagne veut entrer en com-
merce avec lui, et lui propose des questions à résoudre. On
peut juger de la nature de ces questions par la réponse du
savant anglais, qui assure que le goût du prince pour l'élude
et l'application était si connu, que les gens du monde lui
reprochaient de négliger lo soin de ses états, parce que,
dédaignant d'employer son temps à de pompeuses bagatelles,
Juan. Sarcsb.
cpist. 172.
ÎO(J HENRI-LE-LIBERAL,
XII siFXLE. ji préférait aux agitations des cours et au tourbillon des aflfaires.
les exer'.ûces paisibles du cabinet.
Baïuz, tiiisc. Nicolas de Moùlier-Ramey voulant s'insinuer dans la bien-
''■ " ' veillance du prince, après réclicc Irès-coiinn cpi il avait porté à
sa propre réputation, ne trouve pas d'expédient plus propre
pour la capter, que de lui envoyer qucKpies-uns de ses écrits
Et qida novi excellenliam tuani, dil-il, sludiis libe)-alibus,
praesertim eloquenti^B, omni opère operam dare, niillo sublimi-
tali tucV quasdam epislolas, elc.
Philip. c|,isi Phdippe, abbé de Honue-E.spérance, rcncliérissaul sur tous
17, p. Si. les autres, le félicite, non d avoir succédé aux grands biens
et aux éininentcs (pialilés de son père, mais de I a\oir surpassé
par une instruction solide, dont sou père fut dépourvu ;
parce que ses conuais-sances, en l'éclairanl sur les besuiiis
du peuple, lui donnaient j)lus de moyens de le rendre
heureux.
Il si.'rait aisé de prouver (pie les |)euti!es furent heureux
sous le goiivernemcnl d un tel prir-.ce, si nous ne devions
nous renfermer dans ce <jui concerne l'hisloire littéraire.
Mais nous ne pouvons nous disi>enser de ra[)porter les pièces
de vers (pii furent composées [)Our orner son tombeau à
Troyes, dans l'église dt; Saiul-Ltienne, (pi'il avait fondée.
Rien de plus niagnitique, soit pour l.t richesse, .-oit pour le
travail, que ce tombeau dont ou |i('ul voir la desdijdion dans
Baugier, Mriuoires //istoriques de la province de Champagne,
t. I, p. [VM) — 400. Nous n'en extrairons (|ue les inscri|)iions,
pan;e (ju'elles renferment le.s principaux événeinens de la
vie du jirince, et qu'on y reconnaît h' caractère de la poésie
d'apparat du XII' siitle, qui n était au fond (jue de la piose
rimée.
Autour de la base, sur une baiule de bronze doré faisant le
tour du tombeau, él.iiint gravés et relevés en émail les vers
suivons :
Baiigii'i. II. Ilnjiiifirran fide-f, rnln spcs, devnlio ferreni,
iliui p'iii , l.ifija i/ia'ins. Hiv/nu d'iserla fuit.
Hic xna pliiS'iue *«/'« Morhnt su eoiduHl i/uttM,
J/uci'/jr p'iit toi 'iiie\\ m "nid auUior opvx.
Cruàthiit po'-t iiliix m.ir''"<. feriti'iuc secund<r
Fespe'-i(, mile hi'O fm-d l'ijtre dn^ni
1}i\irdiirco'uiii. "ic sine soU ^"'.um .
COMTE DE CHAMPAGNE 207
Au-dessous de l'enlublcmcnt on lisait ; -^" sieclf..
Baugier, p,
iOÏ.
nie meus /iiic finis pi o'raxd <le peref/rinié
^Fifiihus, vt s'il in his hic sine fine clni-i.
Hnnc Dei"' ipse (Jiuruw niihi xiravit. vt hiccfir eorum
Me reculât , quorum rex regn, xervo chorum.
Hiinc tvmiiJum milti feci, qui J'undii mina jeci
Eccleaia: luntct, qiinw mnic re'jo ■ùciil et aide.
Hic lUiu nitinbui leji Vulu : sic cuujirmo qilod e(ji.
El sur l'cntablomenl claienl gravis cl relèves eu émail, lout
autour, ces vers consacrés pinpreun iil à I épilafilie du [)rince :
lliv jactt Hvuricu\ cohiis, coiiLtsUle TiecoiHid. "'"'■ I' *"•'•
Hœc loca qui .\ir(iiif, cl ad/mv s'at Inlur eorum.
Annos iiiillcnos, caUcnos tcrquc ni/vt:nm,
Implera-s-, C/niile, qnau'lo il,:lii\ est dilnrisle ;
Bis ficui âcerunl ilc Vlnisti mi fie dm^nlU
Annis. cùm mediux luar.s os cl/iuyil mitricnlis.
L'abbé Lebeuf a rencoutre à la suite ilc ces vers, dans un ma- Lchonf. di*-
uu^crit de la bibli()liièi|ue de Saiut-Viclor, les deux distiques "■■'• ' il, pnn.
suivans, qui paraissent avoir été déclinés pour le même lombeau,
mais (jui n'y lurent pas yiavés .
Largua eram, vv lH-i dcilerani. mutluwqve lalorem
Hic tiilcraiii : nuue. qnte.so. J'cram J'nictmn Vicliurem,
Qu(c sLituo tibi icmpla tua. prvtomartt/r. /innori,
Perpctuo reije. Un que tiio ■jiriido'Se dalori .
Nous nous abstenons de rapporter les vers qui furent gravés,
dans la même éi^Iise, sur le tombeau de son fils, le comlc
Thibaud 111, plus beau el plus riche que le [)récédenl, snr
le(ju(l étaient représentés, en fiyiires d'arj^enl, presque; tous
les membres de la lamille des comtes de Champagne. On
peut les voir dans les mémoiies du même Baugier, p 406
— 416.
•S E S LE 1 I' R E S
Autant on a mis de soin a recueillir les cliarles de Henri,
qui prouvent sa grande libéralité envers les églis<'s, autant
on a eu peu d'attention à conserver ses lettres massives, qui
prouveraient la grande iniliience qu il avait dans la direc-
208 H E N R 1 - L E - L I B É R A L ,
XII SIECLE. (JQjj (igg affaires du royaume. Voici celles qui nous restent,
auxquelles nous ajouterons quelques lettres-patentes concer-
nant la législation dans ses états.
iniei rpi^^t. ;|., Lettre à l'abbé Su£;er , dans laquelle Henri demande
Sugeui. pp. I i. . c I T
son assistance pour accorder le différend qui s'était élevé
entre Renaud de Pomponne et Anseric de Montréal, qui,
dans un tournois, avait fait prisonnier le seigneur de Pom-
ponne.
Bni-^s,!. Firfs, 2° Lettres de l'an Hol, portant qu'ayant concédé à Anseric
P ^'- de Montréal les revenus de la prévôté de Chàblies, dans le
Tonnerrois, dépendante du chapitre de Saint-Martin de Tours,
il s'en est réservé la garde et autres droits, qu'il déclare ne
pouvoir céder à personne.
Mari. Aiirr. 3" Lettres portant que, sur les remontrances de saint
'■ ' '^° * Bernard, abbé de Clairvaux, il a fait entière satisfaction à
l'église et au chapitre de Saint-Pierre de Troyes, pour des
violences commises dans leur bourg appelé Saint-Denys,
reconnaissant la liberté et franchi.se de ce bourg : en témoi-
gnage de quoi il a laissé son chapeau en gage à l'archidiacre
Guerric.
4° Lettres de l'an Ho"), portant concession aux religieux du
Saint-Sépulcre, près de Troyes, de certains droits sur les
habitans de la Chapelle-Valon.
5" Lettres de l'an lliJG, portant confirmation des conven-
tions faites entre le comte Thibaud, son père, et des colons
établis auprès de Vassy.
6" Lettres de l'an 1159, qui dispensent l'abbé de Lagny de
construire la tour ou donjon que cet abbé s'était obligé envers
lui de faire construire.
Camusat. 7° Lcttrcs de l'an 1161, portant renouvellement des pri-
Prora. fol. 307. yiléges Cl excmptions dc labbayc (le Saint-Loup, de Troyes.
Camin.i, ,b. 8" Lettres de l'an 11G3, portant règlement dos droits des
fol. 352 seigneurs de Romilli sur les terres du prieuré du Saint-
Sépulcre.
Chesnius i ^° Lettre au roi Louis-le-Jeune, annonçant l'envoi de deux
IV. Rer. Fraii. lettres quo Henri avait reçues de la part de lemperenr Frédéric,
p. 711 et 728. g^ ^^j^^^ jg lg i,rouillerie qui s'était élevée entre le jeune duc de
Bourgogne, Hugues III, et sa mère. Sur quoi l'on peut voir la
lettre de Frédéric à Henri.
Cheiiiius, ifc. lOo Lettre au roi Louis-le-Jeune, en faveur d'un homme
P '""■ du roi nommé Hugues de Sens, qui s'était donné au comte
de Champagne, et que le roi poursuivait copame coupable de
félonie.
On!..
11. des
Kois <Ic
Fian.
t. VIII. |,
1
/il./.
1. VI,
p. 3U.
Mari.
Anor.
t. 1, col.
!i7.
C 0 MTR D \i C II A M P A G N E 209
11o Lettre au roi Louis-le-Jeune, relativement à l'ajotir- xii siècle.
nement que Henri avait reçu de comparaître à une conférence ciiesmus, i6.
qui devait se tenir à Gisors. P '^''•
12» Lettre à Henri, archevêque de Reims, écrite à la suite Manène ,
des hostilités qui avaient eu lieu entre l'archevêque et le comte. Ampl. coiiect.
c • 1- . II.. 1 r 1 > .1 «• ", eo'- "■'67.
Sur quoi Ion peut voiries lellres de I arclievcque et du pape
Alexandre m, dans IMarlène, Ampl. Collée, t. 11, col. 86G, 007,
909, 912.
13o Lettres de l'an 1178, portant promesse à l'abbé et aux Brms., Fiefs,
moines de Saint-Bénigne, de Dijon, de reprendre, à son retour '' '^*'
de la Terre-Sainte, la garde du prieuré de Bertignicourt, qu'il
avait cédée à Guiart, sire de Rinel.
1 4n Lettres de l'an 1 179, portant établissement d'une admi- Brussoi, Hi.j.
nistration communale dans la ville de Meaux. B. •'• '^■^ ~ "'l'-
do Meaii\. I. Il,
|.. 035.
GL'ILLAUMK D'ACOULT,
Poète P r o y e n r a i,.
Giji I, I. A L M E, seigneur d'Agoult, était de l'une des plus an- ,- Mc)réri
ciennes maisons de la Provence et du Oauphiné. Il joignait éJ. de t098, au
la noblesse des sentimens à celle de la naissance et à tous """ Ago»it.
les avantages de la nature et de l'éducation. Homme de gracieux
visage et d'apparence tant vénérable, qu'on lisait bien claire-
ment en son front toujours quelque autorité non commune, dit,
en parlant de lui, Nostradamus, historien de Provence ; et ce
sont à-peu-prôs les mêmes mois dont s'élait servi Nostra-
damus, son oncle, le biographe des troubadours. Guillaume
d'Agoult était plein de générosité, de courtoisie, obligeant,
circonspect dans ses discours et dans sa conduite, sur-lout à
l'égard des dames. Sa générosité s'exerça souvent envers les
hommes à talent, et principalement les poêles à qui la fortune
était contraire. Ce fut lui qui recueillit, dans sa maison, le jeune
Geoffroy Rudel, comme nous le verrons dans la vie de ce
troubadour-
Il avait en amour des opinions très-contraires aux mœurs
relâchées de son siècle, et, dans ses poésies, comme dans
Tome XIV Dd
210 r.UILLAUMR PK CARESTAING,
xit SIECLE. SCS discours, il ro2;rellait souvent Icsscnliiiiens d'iionncur, qui,
~ selon lui, présidaienl seuls autrefois aux liaisons de ijaianlerie.
Il fit même, à ce sujet, un ouvrage qu'il intitula : la Mariera
(Vamar tial temps passât. Il \ donnait, comme on l'a fait
dans tous les tenqis, la |iréférence aux. amans du bon \ieux
temps.
La dame do ses pensées et l'objet de ses vers, fut Jaus.se-
ranile de Lnnel, îille de (iausserand tui lausseranil, prince de
Frotte et de Gaulcier. Avec, les senlimciis t[uo nous venons de
voir, on (luit penst-r (pie .lau--ci;in(lc -a:;iia son C(cui-, moins
par les charmes de s,i lic;uilc, (pini(pie très-rare, (pie |)ur la
douceur de .son caraclerc l'I |iar la dci cnce de ses nueiirs 11 lit.
en .son honneur, plu>ienis cliansons l'oil estiinérsde son tenqis,
que les moine.> des îles d'Or et Saint-Cc/aire disaient avoir lues,
au rappo'l de Nosiradamiis. mais dont aucune n'est [larvenue
jusqu'à nous DAgoult en dédia le iccued il Alplion.s(! 1'' , roi
d'Aragon et comte de naicelonne, à la cour ducpiel il faisait
le.i fonctions de picinur giulilhonime. Il mourut dans le
temps même ipie ce roi recouvra le comté de Provence, parla
mort de Sanclie, son frère, cesl-à-ilire, vers lan II SI
\:„ l'ail II «'[lendanl Nostradamus, lliislorien, recule sa mort jusqucn
ni'' ' ' UltO. G.
(illILLAU.MK IH< CAIlLSTAIMi
r II, |,. 2i;i,
I' <> k ■( !■: V I! (I V I. N ( M.
f^ Il M. Al MK de Caheslaiiig était un nclile mais pauvre cliâ-
llclaiii de Provence, .s<'lon Nostradamus [.'alihé Millol, ou
pliilùl .M. de Sainli'-Palaye, d.ipn-. les manuscrits proven-
çaux, a contesti' cette oriuiMi', et lail naître Calteslaiiig en
Hoiissilloii Papon, dans son lii>toiii' de Provence, a voulu
i<iidre à ce pa\s 1 hoiiiuiii da\oir produit ce Ironbadoiir.
Srioii lui, le lieu dont i,i raiiiille de (Jabeslaing portait lo
'l'iiu, lUiil iiii \il!ii:^i' (lu li.ipeiK.'ois, sur les frontières de
Pi(i\ence. .Mais (|ii(l(pi(' |iliiii-ililc (pie paraisse d abord cille
POÈTE PROVENÇAL. ^H
opinion, il faut, comme nous le verrons hienlôt, y renoncer ou
refuser toute confiance aux manuscrits
Guillaume, dès sa première jeunesse , obligé par le mauvais
état de sa fortune (h; s'attaclier à que^iue grand seigneur
riche, se présenta à Raimond de Caslel -Roussillon (1),
château situé , selon l'apon , non dans la |)rovince dont
Perpignan était la capitale, mais en Provence, auprès de la
ville d'Apt, oii il y a encore un village appelé Caslel -Rous-
sillon. Millol , au contraire, cite une c'.ironique manuscrite des
seigneurs catalans , selon laipielli" il existait dans le Roussillon
une maison très-ancienne du nom de Caslel - Roussillon , et il
ajoute (|u'on voit encore , dans celte province, une tour ap-
pelée Castel-Rossello.
Raimond agréa (]abeslaing \\onY rnrlet , c'est-à-dire, pour
page, et fut si content d(^ lui, (|u il le nomma hientôl après
écuyer de madame Marguirile, sa femme. Caheslaing était
jeune, sensible, de la figuri; la plus agréable : son hiimi'ur était
enjouée, son esprit délicat ri (nillivé. Ses assiduités auprès
delà eoniless(! eurent les suites ((u'i'lli^s devaient avoir. Elle
con(;ut pour lui uni; passion (|u d partagea; el l'amour déve-
lop|)anl son génie . il lit [luiir elle de,-? vers el des chansons
fort tendres.
Raimond , aiiioiireiix et jaloux de sa lémme, fut averti de
leur intelligence; mais, dans un éclaircissement ipi'il cul à la
chasse avec Cabotaiiig , celui-ci lui donna le change, et lui
fit la fausse conlidence de sesainoiirs a\ec madame i\i;nès, souir
de .Marguerite et femme de Roberl di; Torascon. Agnès ne len
dé.savoua pas, l't senteudit inrnic ave<' Robert, son mari,
pour couvrir (h; ce voile les amours de sa sœur, el tromper la
jalousie de Raimond.
On sait (pi'il y a deux ïarascon , l'un dans l'ancien comté
de Foix , laiilre en Provence. (;'e.4 du premier, selon .Millol,
et du second, suivant Paiioii, (|ue ce Roberl était seigneur ;
et .Millol avoue i\\\\\ y a des dilli(;ullés dans la première de ces
deux positions, pui.siiuil est tlit (jac les lieux beaux - frères
étaient asse/ \oisms , pour <|iie Raimond se reiuiît avec
Cabeslaing, de son chàleaii à celui de Robert , eùl uiK^ ex-
plication avec Agnès, steur de, sa femme, et revînt le len-
demain matin à Caslel -Roussillon Celle [)romenade est eu
(1) NostiaJamii.-i iu noiumu llémon J - di- - Saillians , ut .sa femme
Tricline.
Dd 2
XII SIECLE.
212 GUILLAUME DE CABESTAING,
xit SIECLE, effel peu vraisemblable, si se dernier château était aux en-
virons de Perpignan , et l'autre auprès de Foix; mais on
peut supposer que Castel-Roussillon était vers les extrémités
de cette province, du côté du comté de Foix, et que le sei-
gneur de Tarascon avait , outre cette petite ville, un autre châ-
teau voisin du Roussillon.
Quoi qu'il en soit, Raimond, trompé par sa belle-sœur, revint
gaîment à son château , et n'eut rien de plus pressé que de
conter à sa femme la prétendue intelligence d'Agnès et de Ca-
bestaing. Marguerite se crut trahie, et ne douta point que
sa sœur ne lui eiîi enlevé son amant. Dans une explication
très-vive, Cabestaing parvint pourtant à se justifier; mais
il n'obtint sa grâce entière (juc sous la condition expresse
qu'au risque de ce qu'il en pourrait arriver, il déclarerait,
dans une chanson , qu'il l'aimait et qu'il n'aimerait qu'elle. La
chanson fut faite, et, suivant la coutume des troubadours,
adressée au mari lui-même. Le but de cet usage singulier
était, sans doute, de faire croire que la passion du poëte
pour la dame était toute poéli(]uc et n'avait rien que d'inno-
cent , et de flatter le mari par les éloges que l'on faisait des
beautés de sa femme. Mais Raimond fut moins touché de ces
éloges que piqué d'avoir été pris pour dupe; jaloux jusqu'à la
fureur, il conduit Cabestaing, sous un prétexte, hors du châ-
teau, le poignarde, lui coupe la tête, cl lui arrache le cœur
Il rentre au château, donne ordre à son cuisinier d'apprêter ce
cœur comme un morceau de gibier , et le fait manger à sa
femme, qui lui avoue qu'elle n'a depuis long-temps rien
mangé de meilleur. Alors lui présentant la tête sanglante
qu'il se fait apporter, il lui apprend quel horrible repas elle
vient de faire. Marguerite s'évanouit dhorreur et de déses-
poir. Ayant repris ses sens, elle s'écrie: « Oui, sans doute,
j'ai trouvé ce mets si délicieux, que je n'en mangerai jamais
d'autres, pour n'en pas perdre le goût. » Raimond, trans-
porté de fureur, court à elle, l'épée à la main . elle fuit, se'
précipite d'un balcon, et se tue
Le bruit de la mort tragicjue des doux amants se répandit
avec toutes ses circonstances dans la Provence, r,'\ragon , la
Catalogne, et y causa une grande aflliclion. Les parens de
Marguerite , ceux de Cabestaing, et presque tous les seigneurs
du Roussillon et de la Cerdaigne, se liguèrent contre Rai-
mond, et mirent ses terres à feu et à sang. Le roi Alphonse,
son suzerain, se transporta lui-même sur les lieux, le fil
POÈTE PROVENÇAL. 213
arrêter dans son château, qu'il fil démolir, le dépouilla de xii siècle.
tous ses biens, et l'emmena prisonnier. H fit faire de magni-
fiques funérailles à Cabeslatng et à sa dame ; ils furent mis
dans le même tombeau, devant une église de Perpignan. On
représenta sur leur tombe, ou plutôt, on y grava leur his-
toire ; et long-temps encore après, les chevahers et les dames
de ce pays et des environs venaient chaque année à Perpi-
gnan assister à un service solennel en l'honneur de Margue-
rite et de Cabestaing. En instituant cette solennité, on ne
pensa qu'à expier le meurtre et à intéresser pour le malheur,
on ne pensa point qu'en même temps on consacrait l'adul-
tère.
C'est de Guillaume de Cabestaing que Pétrarque a dit, dans
son Trionfo d'Amore que ce furent ses chants qui firent Capuoio, iv.
trancher la fleur de ses jours :
£ quel Giiglielmo
Che per cantar ka'lfior d^ suoi di scemo.
Ce fut en effet la chan.son où il déclara son amour pour
Marguerite, comme elle l'avait elle-même exigé, qui causa sa
mort.
Boccace, en racontant cette histoire dans sa quatrième jour- Nov. 9.
née change plusieurs circonstances, ne parle du mari jaloux
et de l'amant {|ue comme de deux chevaliers, et appelle l'un
Guillaume Roussillon, et l'autre Guillaume Guardasiaing.
Vellulello et Gesualdo l'ont suivi dans leur commentaire sur le
vers ci-dessus cité de Pétrarque. On est porté d'abord à croire
que Boccace avait fait de son chef tous ces changemens ; mais
le manuscrit 320 i du Vatican, dans la vie de Cabestaing, qui
est en tête de ses poésies, raconte le fait de la même manière
que Boccace, à l'exception du nom et de la qualité de l'amant,
qui est bien le troubadour Guillems de Gapesiaing ou Cabes-
taing.
Enfin dans la vie de ce poêle, aussi écrite en provençal, '
dans un recueil de poésies des troubadours que possède la
bibliothèque Laurentienne de Florence , les circonstances
sont à-peu- près les mômes. Elles sont plus détaillées, et les
conversations entre Cabestaing et sa maîtresse, entre le
jaloux Raimond et Cabestaing, y sont dialoguées fort au
long, comme si l'on en avait pris note au moment où elles
eurent lieu. Cela sent fort le roman, et ce n'est pas le seul
exemple de cette nature que l'on trouve dans ces vies pro-
1 6
214 GUILLAUME DE CÂBESTAING.
XII SIECLE, vençales. Elles sont vsouvenl aussi romanesques que celles de
l'ail. Il, cil. Nostradamus, et l'on est quelquefois embarrassé pour se
décider entre deux autorités presque également sus[)ecles.
Celte dernière vie est rapportée tout entière en provençal ,
par Manni, dans ses éclaircissemens sur le Décaméron de
Boccace. Elle conlirmo, ainsi que celle du manuscrit de
la Valicane, l'opinion de Millot sur le lieu de la scène qu'il
place en Roussillon, et contredit forniellenient Papon, qui a
réclamé, d après Nostradamus, en faveur de la Provence. Le roi
d Aragon, Alphonse II, vengeur de nos deux amans, eut en sa
possession le Roussillon et la Gerdaigne, en 1181; et c'est
à celte époque que l'on place la mort de Cabeslaing et de sa
maîtresse.
Il est impossible de ne pas voir entre l'histoire de Cabeslaing
et celle du cliàtelain de Couci, dont nous parlerons dans un
article suivant, un tel rapport, -({u'il paraît dillicile que l'une ne
soit pas l'original de laulre. Si la date de la mort du troubadour
est vraie, celle de Couci, tué en Palestine, et 1 envoi qu'il lit
do son cœur à la dame de Fayel, et la barbarie qu'eut le mari
jaloux, (|ui intercepta ce Irislt; présent, di; le faire manger à sa
femme, sont des fails postérieurs de dix à onze ans. Mais cela
ne suliil pas pour assurer à Cabeslaing cette triste antériorité.
Le manuscrit provençal, (lui sert ici d'original uni(jue, paraît
èlre do la lin du XUl' siècle, et le Roman du chàlelain de Couci
el de la dame de Fai/cl, du coinmenecinent de ce même
siècle (1). L'aiili.'iir du roman no pciil donc avoir rien om-
prnnlé à l'auteur de la vie, el ce dernier a écrit d'un style si
romanesijne les scènes qu'il ilécrit, les dialogues (ju'il ra|)porte
sentent tellemenl l'invention, cpi il put fort bien emprunter
au roman français celle liclion de plus et l'assortir avcîc les
siennes Au reste, celle (|uestion de [)riorité esl de peu d'im-
portance ; mais on répugne à croire ipiun pareil trait de féro-
cité ail pu, mèiiK! dans ces siècles barbares, cire ré()élé deux
fois.
Les poésies di' (luillaiime de Cabeslaing se trouvent, au
iiDnibn- (le .sept inorceaux .-euieiiienl, dyns notre manuscrit
7<i;tS, loi I4i, cl dans ceux de la bibliollicijue valicane el de
la Laurenlienne, litcs ci-dcssus G.
(1) l.'abbii I.ungK'l ;i cité une. co|pit! Je ce i-oiuan, .sur lai|iiolle on lisait (|u'il a
été composé un Tiio (Hibliot. îles Romans, I. 2, i>. 2:51). Le manuscrit Je la
bibliotli. du Koi, coté l'.)5, |>orlo iju'il a été écrit vers 1228.
215
II. c. H).
RICHARD L'KVÊOIJE,
AnrilII)IACIlK DK COUTANCES, KT KNSUITK KVf^.QVE d'Avk ANCHES
[EAN (le Sarisbéry p;irk' plusieurs fois, dans son Mélalo-
" giqiic, (le Riciiard rEv(\iuc, el ce n'est jamais sans éloge. Mi^miog
Dans II' dixième chapitre du second livre en particulier, il
l'appelle . IIo»iiinim ferè nullius ilisciplina' experleni; et il
ajoute : - Plus ppcloris habet (junni oris, plus scienliie quàm
facundicP, verilalis quàm ranilalis, virlulis quàm osten-
tationis. Dan.s le \ingl-(piatrii;mc chapitre du premier livre,
il avait dit : Vilà et conrersatione vir bonus. Partout il se
félicite de l'avoir eu pour maître. Il repassa sous lui tout ce
qu'il avait appris sous les autres.
Bernard de Chartres avait introduit dans les écoles une
nouvelle manière d'étudier les bciies-leltres, ou, pour mieux
dire, il y avait introduit la méthode de Quintilien, (fu'au-
cun professeur n'a%ait encore adoptée. 11 commençait, à
l'exemple de ce grand maître, dit l'auteur de son article, T 12. ].. 2(ii.
dans notre histoire littéraire, d après Jean de Sarisbéry,
dans le Mélalogirpie, par les fondemens de l'éloculion, c'est-
à-dire, par les règles de la grammaire, (pi'il expliquait avec
précision et netteté. De là, passant à 1 élégance du style, il
montrait le juste milieu quelle doit tenir entre la négligence
et raffcclalion ; ensuite, il apprenait à mettre de la justesse
dans les raisonnemens, soit pour rendre sensibles les vérités
qu'on a dessein d"étai)lir, .soit pour faire rejeter les erreurs
qu'on entreprend de réfuter. Tous ses documens étaient
appuyés d'exemples tir(''s de la bonne anti([uité, auxquels il
opposait quelquefois les compositions des modernes, moins
[)ar envie de criti(picr (jue pour taire sentir, par ce contraste,
combien la vraie éloquence l'emporte sur la fausse, .lean de
Sarisbéry ne loue pas moins sa conduite envers ses élèves
que son habileté dans renseignement, ou pluKjl il trouve
dans la première une nouvelle preuve de la seconde : aussi
éloigné de cette concision qui dérobe des choses nécessaire.s
à connaître, que de celte diiïusion qui fatigue sur-tout en
el 2(;2.
216 RICHARD L'ÉVÉQUË.
XII SIECLE, craignant de ne pas tout dire, il savait également propor-
tionner à la capacité de ses aiidileurs les leçons qu'il leur
donnait.
Richard ne crut pas d'abord pouvoir prendre un meilleur
modèle ; mais il se laissa corrompre dans la suite par la con-
tagion de l'exemple et la. fausse apparence d'un progrès plus
rapide. Jean de Sarisbéry peint vivement les maux qui en
c. 2i, in /ine. résultèrent.
Richard l'Évêque avait étudié avec beaucoup de soin la
philosophie d'Aristote; une lettre de Jean de Sarisbéry peut
mf'me nous faire croire que Richard composa des annota-
tions sur les ouvrages de ce grand homme. Jean l'avait sou-
vent prié do lui faire faire une copie des livres qu'il possédait
du philosophe grec ; il lui renouvelle cette prière avec plus
d'instance encore; et dans sa lettre, il le supplie d'accom-
pagner cet envoi d'observations et de notes sur les endroits
les plus diiïlciles, et d'aulant [)lus qu'il se méfie beaucoup
de la traduction latine qui en a été faile. 11 est vrai que Ri-
chard l'Evoque n'est pas désigné nominativement comme
celui à qui l'épîlre est adressée, mais il n'en est pas plus
impossible de le méconnaître (1) : Jean do Sarisbéry l'adresse
à un archidiacre de Coutances, et, quoique une partie du
nom soit ctfacéc dans le manuscrit, on reconnaît les pre-
mières lettres qui sont effectivement les premières du mot
latin Ricardus. Ajoutons que celte épîlre est de l'an 1166
ou 1167; or, précisément à cette époque, Richard occupait
l'archidiaconat de Coutances. il l'occupait déjà plusieurs
années auparavant, lorsque Jean de Sarisbéry écrivait son
Mélalogiquc; celle qualité lui est donnée dans le vingl-qua-
Irièmc chapitre du premier livre.
Richard dev nt évoque d'Avranches en 1171, et le fut jus-
qu'à sa mort en 1182 (2). Plusieurs de ses actes, comme pré-
T. XI, p. 481 lat, sont rappelés dans la PVance chrétienne. • 11 signa comme
'•^ '"^-- témoin, en 1174, ia convenlion faile entre Guillaume, roi
d'Ecosse, et Henri II, roi d'Angleterre (3). Ce fut pendant
son épiscopat en 1171, qu'on tint, à Avranches, le concile
(1) t.ettre ii)i de Joan de SarisbéiT: la voir aussi daa.s le recueil de
Thomas de Cantoibéry, liv. II, épif. 9!?, p. 454 et 455.
(2) li;tnon en II83, comme ledit Gabriel Dumoulin, Histoire de Normandie,
pag. 411.
(3) Voir le grand recueil de Kjmer, t. I, p. \',i de la troisième éiiition.
ROBERT ET GILLES CLÉMENT. 217
qui rendit ce dernier prince à la communion de l'église, dont xii siècle.
il avait été retranché après l'assassinat de Thomas Decipiet, Caiiia Ch.i^t.
archevêque de Cantorbérv. Robert du Mont sexprime ainsi, '• ^'' p ^^'^■
, , , . i- , , ^, .. , „. . Ad ami. 1182.
en parlant de la mort de Richard : Obiit pater noster Richar- voir Dubois,
dus , Abrincensis episcopus , vir magnée litteraturâe , tàm Hist. de rÉglise
secularis quàm divmx, morum honestate virgo ab ute^^o lau- •** Vaih, livre
dandus. f'"' ;•,/• "•
„ • 1 1 / • • 1 11.=, A 1 • 12 ; t. Il, pacc
On pourrait croire que la désignation de I Eveque lui est tgo.
venue de ce qu'il fut évêque d'Avranches; mais cette idée
serait détruite par un passage de Jean de Sarisbéry, oîi on
voit que cet écrivain le désignait déjà ainsi, quoique Richard
ne fût encore qu'archidiacre de Conlances : Richardus , co-
gnomenlo episcopus , ofpcio mine archidiaconus Constan- W'^iaiog. iiv.
tiensis. P. '' '^- ^*-
ROBERT ET GILLES CLÉMENT,
Fkères, Ministres d'État sous Philippe-Auguste.
ROBERT Clément avait été gouverneur de Philippe-Auguste :
il devint son ministre dès le commencement de son règne. Il
prit même la qualité de régent du royaume, comme l'avait fait
Suger, sous Louis VII. Philippe-Auguste était pourtant dans sa ciiarics d'Au-
seizième année; il restait en France, et il avait été couronné '^"''' p •'■'^ •"'
. , . j N suiv.. ; de l'édit.
roi avant la mort de son père. j„_i2. de 1680.
Robert Clément, par ses bons conseils, dit Charles d'Auteuil,
contribua beaucoup à tant de belles ordonnances qui honorent **• ^is.
les commencemens du règne de Philippe-Auguste.
Il conserva peu le rang suprême auquel on l'avait élevé ; il
mourut en 1 182.
Gilles Clément , son frère , fut choisi pour le remplacer
dans l'administralion de l'état , sans porter aussi toutefois
le titre de régent M ne conserva pas long-temps non plus,
cette grande fonction; il n'était [)liis ministre en 1184. Nous
ne savons pas bien si ce fut l'effet d'une disgrâce, d'une dé-
mission volontaire, ou de sa mort : le crédit et l'autorité que
ses neveux continuèrent d'avoir, nous portent à croire qu'il
ne faut pas attribuer cet événement à la première de ces trois
Tome XIV. Ee
' 6 ♦
218 JEAN BELE TH.
XII SIECLE, caiise.s. L'aîné, Albert, était maréchal de France; le second,
Henri, le fut après lui; et tous les deux contribuèrent puis-
iiist. des mi- samuienl à décider le roi, et à le diriger dans les guerres entre-
nuins dviai .^^ ^.^^^^^ Philippe, comlc (le Flandres, en 1 182 et 1 185.
|iar Cil. d Aul. 1 ' ' '
,, 34(i. Etienne de Tournay parle de Robert Clément dans une de ses
La soixante- lettres, et des ordres que ce ministre avait donnés pour favori-
trciziùmc dans
VMH. du P. du
ser la répression de I hérésie, si commune alors dans quelques
M.dii.ci. p. liiî'. provinces du midi de la France. P.
.lKA>i B KL ET II.
¥ A vie de Jean Belelh est fort [« u connue nous ne savons
la date ni de sa naissance, nidesan'orl. On ne remarque,
dans SCS écrits , qu'un seul endroit cpii puisse indiquer
I époque oii il les compo.sait ; cest le chapitre 146 de son
traité des ollices divins : il y parle d'une Elisabeth, sa con-
teiii|U)raine (qiuv ntoïc etiam in riiis est), à laquelle il fut
révélé que le corps de la Vierge .Marie él;iil monté au ciel
F.Monii L-> tj"''^''^"'*' jours après son ame Ferri de bocres suppose que
,,ii M:.iia Au- Belelli (lésignc ici une saintes Elisabeth de Hongrie, qui vivait
Rusiu : a-.ic-i.Mi, ,.,j \>-2H mariéc au landgrave de Thuringe. Mais Ferri de
..'12 <i'i.-.. I.(>rres i ile liii-inème l'intitulé de celle révélation: Visio
JJUsabellia' ancilUe dù,nini (jnam ridit in Schonaurjiensi ca'-
nnbio ; ol ces termes indiipient bien plutôt sainte. Elisabeth
(le Sehonau^;!', (pii mourut âgée de 33 ou 36 ans, (;n 1165.
(] riait (loiic avant 11 05 (pu- Jean Belelh écrivait le chapitre
ou il parh; d'elle comme d une religieuse personne qui vit
encore. Il sensuil au moins ipie nous ne le faisons pas trop
ancien, en h; pla(.;ant, coinin(î l'a fait Albéric de Trois-Fon-
ïiiilipui d.- tainis, sous l'innu-c; 1182. :i est vrai que Trilhème, Ciaconius,
s. liiii.ii 1...1 iVbibillon, Omiin, et (piehpies autivs disent que Belelh a
T.' """■*'•"* ~ lleuri plus tard, en 1 200. enlre 1195 et 1210, au X1II«- siècle,
ii-I''^(:oi.''sIi..i' iVi, même au XiV'-, en 1320 ou 1328. .Mais, de tous ceux qui
).. <:-27; .1 In- oiii parlé de lui, Albéric est le |)lus ancien; Albéric finissait
!!:T."' '"1.1.,'^ sa clironi.pie vers le milieu du Xlll- siècle; et l'année 1182,
in s. i!.rn.iii M)us l.Kpielle il fait mention de Belelh, est 1 une des soixante
II. U(t. - On ,i,.,.„i,\,,.^ (loiii il s occupe : son témoignage nous paraît ici le
,h„ ,1.- sr.,,,.,,,. ,
I>.lr< l II. y i)lus.Mir
l'an-
Iho,..
ail ■■•nn. IIS.Î.
JEAN BELETH. ng
Nous apprenons d Albéric que Jean Beleth fui attaché à xii siècle
léglise d'Amiens ; et de Henri de Gand, qu'il enseigna la théo- m9. _ g,
logieàParis Trithème le distingue parmi les docteurs de la fin '"".'• "- i'-
du XII" siècle ; un monument cité par D. Marlène le range au u!!l' ,',','""" ,"
nombre des quatre principaux disciples de Gilbert de la Porée nW iiiîr
Ce monument est un manuscrit d un ouvrage de Gilbert, manu- ''""''
scrit que l'on conservait dans l'abbaye de Sainl-Amand. et qui - n'nnc. g..,-
présentait, au-dessous du portrait de Gilbert, ceux de ses (pialre '',"• '''^ ^'"v^-
élèves, avec celte inscritjlion "^"''^ ''■ '*
' Mil! Irric .
Jordamis : i vo carnotensis decntms : Joa^ines Beleth : et 2' vov»gc" hu!
ille quarlus [ ce quatrième est Nicolas d Amiens ) ; intentiori i'- "" '''■. "*"
studio atfenii, mentis acie perspimcissimi, sub pictaviensi
episcopo viguerunt discipidi ; quorum animœ requiescnnt in
pace.
Jean Uelelli a résidé dans les villes d'Amiens, de Paris,
et de Poitiers peut-être. Au chapitre second de son traité
des Offices, il dit, en parlant de Paris, apud nostrmn Lute-
tiarti; et cette expression nostram, (|ui sans doute est bien
plutôt d'un Français quiï d un Anglais, sufiirait pour ré-
pondre à Jean Pits, qui met en doute si Beleth est né en
France ou en Angleterre La <|uestion, qui est véritablement. sc.?p,/'''"\',5!ra';
didicile à résoudre, est de savoir en quelle province de i' **''"■
France il a vu le jour, lluet, dans ses Origines de Cacn, ^cconJc ma
nomme plusieurs Beleth qui habitaient celte ville vers le v'-m"" ' "
milieu du XIll» siècle : un manuscrit de labbaye de Sainl-
Evroul fait mention d'un Michel Ik'Ieth, qui, en \->m, tenait (.,,.,,■,„
des assises à Falaise. Daprès ces indices, on pourrait roujec- n.is.-..i' dis '»L
turer que Jean Beleth était issu d'une lainille normande. '."""'"' '''' '^
Cependant un Jurannus Beleth est cilé comme témoin, à îuiic!!' BLi" ^''
Autun, d'un acte de l'évèque de celle ville ; et cet évéquc,
nommé Etienne, est on celui qui gouverna l'église d'Autun i. iv'",','' s?""'
depuis 1M2 jusqu'à M 40, ou celui qui occupa le même siège '
depuis 1171 jusqu'en 1181). Ainsi, au siècle de Jean Beleth,
il se trouvait des personnes (pii portaient son nom en Bour-
gogne connue en Normandie.
On peut compler jus(iu à sept ouvrages de Jean Belelh ; mais
un seul est imprimé. Les six aulres sont :
1„ Des sermons qui se trouvent dans quelques manuscrits .„ ,^','!' ','" c "'
à la suite de son traité des Offices divins, et qui sont ci lés par nlT 1>LJ."
Trii hème ; |i. me.
2» Un Traité des sept vices capitaux et des vertus oppo-
Ee2
220 JEAN BELETH.
XII SIECLE, g^es à ces vices ; manuscrit de la bibliothèque Ambrosienne à
M oiitfaiicon; Milan*
Bibl. Biblioth., „ r'i T • ^ j r.1 ..
t. I, p. S17. o" Un Iraité des Sibylles, indiqué dans le catalogue des manu-
Miintfaucoii , scrits de ia bibiioihèque Collonienne ;
6ti;!. ' ' i*- 40 Un Commentaire sur les quatre livres des sentences de
Pierre Lombard , manuscrit que possédaient les jésuites de
Saoder; Dib. LoUVain ;
inss. Bel;;. I'. I. ,^ r\ iS 1 • ■
p. 327. 5° Des tclairciesemens sur quelques endroits difficiles de
lancien et du nouveau Testament ; manuscrit de l'abbaye de Cî-
Bibiioih. sa- teaux, indiqué par Lelong ;
' ïtibiin'h. ,,. ^° Un ouvrage intitulé Gemm« aninice, cité par Gesner, mais
401), roi. i; qui paraît n'être que celui qu'on rencontre sous le même titre
II, ,^i!^.''''^"'T dans les œuvres d'Honoré d Autun.
iiisi. Li!tcr. de
la Fiance, lom On cite encore (les livres de Jean Beleth, intitulés . De Locis
^"- 1' l''9- venerabilibus ; de Personis, temporibus et midiis aliis rébus ;
471 .
Spéculum ecclesiœ ; Ralionale ; Sunima, etc. IMais tous ces titres
appartiennent vraisemblablement à un seul et même ouvrage ;
savoir, au Traité des Oflices divins.
Caiaiog. des [Jq manuscrit de la bibliothèque du roi, qui contient ce
du loi t. III l^'^ilé, paraît être de la fin du XII" siècle. Nous croyons
|. 79, n" 9P4. superflu d'indiquer ici d'autres manuscrits d'un livre qui a
été souvent imprimé dans le cours du XVI* siècle et du
XYll*^, soit à la suite de Guillaume Durand, sur le môme
sujet, soit séparément. Corneille Lauriman, d'Ulrecht, en
donna, en 155;i, à Anvers, une édition qu'il dédia à Georges
d'Autriche, alors évèque de Liège. Celte dédicace oii l'année
11 Ci est désignée comme l'époque de la composition de ce
livre, est suivie d'un avis au lecteur, oli l'éditeur fait valoir le
travail auquel il s'est livré pour rendre digne du grand jour
une production délaissée depuis près de quatre cents ans.
Dedimiis operam ut aiithor hic qui jam propè quadringentis
annis horyidus, incultus, jejunus et squallidus, inter fœdis-
simas chartas à muribus pœnè totus corrosus delituit, jam
tandem in manus eruditorum aliquantô tersior, ornatio7- ac
politior veniret.... quod sanè quantis mihi constiteril labori-
bus, Ole II ajoute que le manuscrit était [)resque indéchif-
fralile, et qu'il a fallu souvent deviner. Quoiqu'il en soit,
l'ouvrage, tel que Lauriman l'a publié, commence par un
prologue où l'auteur annonce qu'il traitera, 1° des Institutions
ecclésiasiiqucs, 2" des Offices divins; 3» du Calendrier litur-
gique. Il est possible, en effet, d'appliquer le premier de ces
trois titres générau.s. aux dix. sept premiers chapitres du
JEAN BELETH. 221
traité, le second aux quarante -six qui suivent jusqu'au xn siècle.
soixante -troisième inclusivement, et le troisième aux cent un
derniers chapitres, c'est-à-dire, jusqu'au cent soixante-
quatrième par lequel l'ouvrage est terminé.
Il s'agit, dans les dix-sept premiers, des lieux, des temps ,
des solemnités, des processions, des jeûnes, des personnes
ecclésiastiques, des vœux, des sacrifices, oblalions et dona-
tions. Sur tous ces articles, et spécialement sur les derniers,
l'auteur établit d'excellcnies maximes. 11 condamne l'usage
qui commençait à s'introduire en certaines églises , d'exiger
avidement des offrandes, qui devaient toujours rester volon-
taires. Vendre les sépultures et le son des cloches, c'est, dit-il,
comme si l'on vendait les sacremens de l'église. Quod vero in
quibusdam ecclesiis vendantiir sepulturx et pro campanarum
pulsatione donationes exigantiir, perindè est ac si ecclesias sa-
cramenta venderenlu?'.
Le chapitre 18 et les suivans, jusqu'au 03°, traitent de
l'oflice divin en général, des prières de la nuit, de celles du
jour, de la messe et de toutes ses parties, enfin des livres et
extraits de la Bible, dont la lecture entre dans la liturgie.
Cette seconde section du livre de Beleth contient beaucoup
d'explications allégoriques. Selon lui, par exemple, les clo-
ches sont les symboles des prédicateurs ; campana significat
concionatores ; et les mouvemens alternatifs de ces mêmes
cloches nous font voir comment le langage des livres saints
s'élève et s'abaisse tour-à-tour. L'auteur nous enseigne encore
que les sept heures liturgiques représentent les sept âges de
la vie humaine, la première enfance , l'âge puéril, l'adoles-
cence, la jeunesse, l'âge viril, la vieillesse, et la décrépi-
tude; et s'il tient compte de la première enfance, c'est, dit- il,
parce que saint Nicolas, dès le berceau, rendait hommage au
Seigneur, en s'abstenanl du sein maternel , les mercredis et les
vendredis.
Nous avons considéré les cent un derniers chapitres
comme une troisième section de l'ouvrage. L'auteur y par-
court le calendrier ecclésiastique , en s'arrêtant à chaque fête
mobile , et à plusieurs fêles de saints célébrées à des
époques invariables de l'année commune. Le chapitre 72 ,
consacré à la fête des fous, est fort court, et nous apprend
seulement qu'elle s'appelait aussi la fêle des sous-diacres, et
que les uns la célébraient à la circoncision, les autres à l'épi-
phanie, quelques-uns le 13 janvier. Beleth nous fait remar-
222 JEAN LHERMITE.
XII SIECLE, quer les rapports de certaines cérémonies de l'église avec celles
du paganisme; «Pourquoi, dit-il, la Purification se norame-
l-elle aussi la Chandeleur? et d'oii vient l'illumination extraor-
dinaire qui se pratique en ce jour-là ? C'est , répond-il . (|ue
les Romains portaient des torches ardentes en célébrant leurs
fêles amburbalcs, cesl-à-diro, en faisant, au commencement
de février , des processions autour de leur ville >- . L'un des
plus longs chapitres , le 1 20", est intitulé De quàdatn liber-
laie decembris • on voyait en décembre les évèques el les
archevèqnes jouer publi(iuemenl à la paume avec leurs clercs
et leurs domestiques ; cet usage et quelques autres du même
genre , conservés dans plusieurs églises, étaient, selon Belelh,
les restes des saturnales de lanliquitc. il faut remarquer
aussi, ajoute-t-il , nolandum quoqiie, que, dans la plupart
des diocèses, les fenunes battent leurs maris le second jour
après Pâques , et sont battues par eux le lendemain : In pie-
risque 7'egionibns secundo posl Pascha die midieres marilos
suos verberare ac i-iciss'',n marilos eas lerlio die. Dans le
chapitre 1 fG, qui traite de l'Assoniplion de la Vierge Marie ,
et que nous avons déjà cité , Jean Beleth se déclare contre la
fêle de la Conception , et contre la croyance que celte fêle
autorise. Festiim conceplionis aliqiii inlerdnm celebràrunl, et
adhiic forlassis célébrant, sed aulhenlicum atque approbation
non est, inio enimvero prohibenduni polius esse videtur : in
peccalo nuinqiie concepla fuil.
Ici est le plan el tels, sont les détails les [)lui remarquables
de ce traité : il res;.eud)le eu presipie tout le reste à ceux que
l'on a composés depuis sur la même matière. D.
JEAN L'lli:UMlTE.
iJeiU. K'-""'^ l*'^'' i.'IlKRMirK c^l Ic uoiii .li> 1 aiileur d'uuc Vie de .saini
s Ucrii. p. !i7 *^|{t;iiiar(l, publiée dabonl par Cliifllet , puis par Mabillon.
'^' A la tète de celle vie sont deux h.'ttres qui la concernent, el
dont l'une est adressée à Pierre, évêijue de Tusculum, l'autre
à HerbcTl, évê(|ue de Tories, en Sardaigne. L'ouvrage est
divisé en deux livres, précédés chacun dun prologue. Le
XII SIECLE.
JEAN LHERMITE. 223
premier livre n'est guères qu'un panégyrique d'Aalays, mère de
saint Bernard. L'autour célèbre, dans le second, les vertus do
l'abbé deClairvaux, ses miracles, ol sur-tout sa dévotion à la
Sainte Vierj^e. C'est là qu'on apprend comment il entendit
chanter le Salve Regina par des ani;es ; comment il retint cl mit
par écrit celle prière, l'adressa au papi> Euj^ènc, et la Gt inlroduire
dans la liltirgie. Du reste, les deux livres de Jean l'Hermile avec
leurs prologues, et les deux lellres qui les précèdent, remplis-
sent à [)eine buit pages dans le second volume des œuvres de
saint Bernard, quoitpie Mabillon y ait réiabli un morceau qui Col. 1277-!U.
avait échappé i» Cliidlet.
Bien qu'exlrêmement crédule, Ji>an l'Hermile n'est point
illélré ; il cite un passage de Sénèipie . Mendncium tenue est Ep. 79.
élut rittmm perliicel ; comme Seneque. il se déclare l'ennemi
du mensonge, et s il raconte tant d(> prodiges, c'est qu'il les juge
avérés ; il assure même qu il en a vu (piehjiies-uns. Dans 1 un de
ses récils, il est question d un moine (]ui, pour instruire un
frère Lay, lui expliquait la vie de saint Bernard en langue
romane: Secundwn idioma romanœ lingiue -. texte qu'on peut
joindre à ceux qui concernent lii.sage de la langue vulgaire au
XII"" siècle.
Mabillon lait ob.server (pie celte vie de saint Bernard n'a pu
être écrite cpiaprès 118(1 ; car l'auteur y cite Robert, abbé de
la Maison-Dieii, lequel, dit-il, a vécu soixanle-sept ans dans la
profession religieuse. Ces paroles donnent assez à entendre que
Robert ne vivait plus; or c est en 1180 qu'on s'accorde à placer
sa mort. Nous supposons donc que Jean l'Hermile écrivait vers
l'an 1 182. Nous ignorons en quelle année il mourut lui-même,
et nous ne pouvons olfrir sur sa personne que des conjectures
incertaines.
Selon Mabillon, l'Hermile sciait un nom propre ou de famille, Op. s. Ben
plulôl que le litre d'une profession; et laulrur qui nous occnpi; i""''*'*
pourrait n avoir point été religieux Cependant il appelle saiiil
Bernard, notre père ; et, lorsipi'il désigne les moines dont il
recueille les relations cl les lémoignages, il enqiloie la même
GX\tT(is?\on, à pntribus noslris accepimus. Son langage est tou-
jours celui que liendrait un religieux, et semble déceler par-loul
des idées et des habitudes clausiiales.
Il a existé un Jean, prieur de Clairvaux, indiciué dans la
chronique de ce monastère, sous l'année 1178. Or celte
époque conviendrait parfaitement à lauleur de la Vie de
saint Bernard. Alors vivaient les deux prélats Pierre et Her-
bert, au.\quels il adresse ses deux Inrcs. D'ailleurs, cette
224 JEAN LH ERMITE.
XII SIECLE, chronique dit que Jean lo prieur avait composé un recueil
d'histoires miraculeu.ses (I) ; et sans doute il se pourrait que
l'opuscule dont nous venons de rendre compte ne fût qu'un
extrait de cet ouvrage. D'un autre côté pourtant, dans le ÎMéno-
Kascir. I. 2. logc d'Henriquès, le prieur Jean meurt en 1179, tandis que
.hsi. i% c 7, notre auteur écrit après 1180.
''■ ■ o'ai'- On cite aussi un Jean, sous-prieur, dont la bibliothèque de
lies qui in prio- ' r ' n
laiu obiii aniio Lambelh possède un commentaire manuscrit sur l'Apocalypse ;
domini <179. gt qui a écril une lettre à Richard, prieur de Saint-Victor,
Leiong. Bi- ^ , . , '. c • . - •.
biioih . sacra, P^^^ '^ prier de compos(;r une oraison au baint-iisprit,
798. et de ne la faire ni trop courte, ni trop longue. Convient-il
Duciicsne . d'aHribuer et cette lettre et ce commentaire à l'auteur des
script . rcrum
gaii. ctfr. I. IV. deux livres sur saint Bernard? Cest ce que nous ne saunons
I'- 7^!5- affirmer.
Nous nous bornerons à distinguer ce biographe ou légendaire
de trois autres personnages plus anciens que lui, et qui portent
à-peu-près le même nom.
Mss. n.ifi. D'abord, Sander cite, parmi les manuscrits de l'abbaye
i.aii. I, |.. Kii. jgg Qyjjgg yj^g épître adressée à Rainard, abbé de Mori-
mond, par un Ermite [Eremits: cujusdam), qui n'est point
appelé Jean. L'absence de ce prénom et l'époque de 1139 à
Maiiii,| IV, 1154, où Rainard gouvernait l'abbaye de Morimond, nous
""^ paraissent suffire pour écarter toute hypothèse d'identité
entre l'auteur de celte épître et celui des deux livres sur saint
Bernard.
En second lieu, cette même abbaye de Morimond eut pour
Afin. cMeiT. fondateur, en 1115, un Jean l'Hermilc, assez distingué par une
Arl ami u ij) , jg||g jg^g jg [écrivain dont nous venons de parler.
c 3, p. 81. u. Enfin 1 abbaye de Cîteaux comptait, au nombre de ses pre-
A(i. ann. 1105, micrs instituteurs, uu Ermite Bussi iHimmé Jcau, qui, religieux
c^ ô. Il 3, p. (le Molesme jusqu'en 1098, se rendit en 1100, avec Ildebold,
un de ses confrères, auprès du pape Paschal il, et obtint la
bulle du 28 avril de la même année, qui conûrma l'établissement
inirod ail. de ce monastèrc célèbre. Ce Jean est révéré comme saint ; on
ann. cisierc. od cpojj q„'j| g contribué à la rédaction des statuts de Cîteaux, et
ann. 1098. c. 5, , . , ■ .-. 'i . • >. a \ l- ■ ■
. , / p cest le seul titre quil aurait a être nommé dans une histoire
n. If Pi 4. p O T
et 7. - Ann. littéraire. Mais il paraît que sa carrière ne s'est guéres
cisierc. ad ann ppoloni'ée au-dclà de l'année Wi^ \ et, par conséquent, on ne
1100, c. I. n 5. '^ ^ . , j , f 1 1- . |. ir j
eic c. 3. p. 21. psi't pas être tenté de le confondre avec 1 auteur dune Vie de
J. SeRiiin, I. II. saint Bernard. D.
Vir. illustr.
(1) Johannes prtor Cldrœvallis, pulchrum volumen fecit eomponi in gun •mira-
cula diveriorum et risiones ad adificationem continebantvr.
225
XII SIECLE.
ANONYMES
Qui ont écrit L'IIlriTOIllE iies Évêques
DE PÉKIGUEt'X.
1 E Périgord n'est pas riche en historiens. C'est une raison pour
■■^nous de ne pas négliger de faire connaître les petits fragmens
que nous avons pu découvrir.
io Les continuateurs du recueil des historiens de France t. xiv,i, 221
ont publié une notice touchant quelques évêques de Péri-
gueux, qui leur a été coninuiniquée par M. Lespine, un des
préposés à la garde des manuscrits de la bibliothèque royale.
Elle était dans les archives du chapitre de Saint-Aslier , et
contient la suite chronologique de six évêques de Périgueux,
sous le rapport du bien qu'ils ont fait à celle église depuis l'an-
née 991 jusques à 1122, Celte pièce n'est pas toujours d'accord
avec une autre histoire des évêques de Périgueux dont nous
parlerons plus bas , surtout pour les noms de famille de ces
évêques, qui ne sont pas les mêmes dans l'un et dans l'autre
écrit. Il n'est pas douteux qu'il ne faille préférer l'autorité de
cette notice, comme plus ancienne, à celle de l'autre écrivain
qui, comme nous le dirons bientôt, n'est rien moins qu'exact
dans ses narrés.
2° Les auteurs du nouveau Gallia christiana ont mis au d Q^,■^^^
jour une notice de la fondation de l'abbaye de Chancelade, i. ii, mstr. coi.
de Cancellata, ordre des chanoines réguliers de Saint-Au- *^^'
gustîn, à une lieue de Périgueux, dans laquelle l'auteur, par
le même motif qui dirigeait la plume du précédent, fait l'é-
loge de quelques évêques du diocèse, depuis l'époque de la
fondation en 1129, jusqu'à l'année 1178. On voit par ces
dates que cette pièce peut faire suite à la précédente, et les
deux ensemble nous donnent des renseignemens certains sur
les évêques de Périgueux, pendant l'espace de deux siècles.
La dernière surtout est recommandable par l'exactitude des
dates, qui ont été négligées dans la première. Les éditeurs
l'ont tirée du cartulaire de Chancelade, où elle était placée à
la tête des autres chartes du monastère.
Tome XIV. Ff
220 A N 0 i\ Y M E S.
XII SIECLE. 3° Le P. Labbe nous a donné une bistoiro des évoques de
«ib. in<s. 00(1. Périguenx, qui a pour tilro : Fragmenium de pelragoricensi-
I. Il, |i. 737 — bus episcopis , sive epilome geslorum quorumdam ecclesiœ
petragoricensis p7\esidian. (]('t(e bisloirc coniniencc à Tannée
976, on laciuollc, dit. laiileiir, Frolorius fut envoyé pour ôtre
évtViue de colle ville, par lliip;nos-Capot, Roi des Français.
Notez que Hugues-Capot ne fut déclaré Moi que onze ans après :
ce qui nv. donni^ pas iin(> graiido idée de Icxacliliide de notre
anonyme. Mais |)eut-ôlro a-t-il pu l'appeler ainsi dans le temps
qu'il écrivait pour se faire mieux ontondre ; car son écrit de.-;cond
jusqu'à l'année 1 1.S2.
Ce n'est pas (pi'à la rigueur on puisse conclure de là que
Gaii, chri.M. l'auteur vivait alors. Los rédacteurs du Gallia chrisliana ont
t. Il, col. u:;s, observé qu'il n'est pas toujours d'accord avec (jeoll'roi-de-
U(... . U(.fi, YjgçQJj;; (jue sa olironolovic. eu général, e.*t très-peu exacte,
étant souvent contrain- aux litres originaux : ce qui |)0urrait
faire soupçonner que cet ouvrage n'est pas entier et (pi'il a
été compo.^é par un auteur plus récent. Le P. Labbe, qui l'a
publié sur deux exemplaires manuscrits, a mis à la fin une note
qui prouve (pi il iia ou en n)aiii que des copies dont l'ime n'avait
été faite (pion i;')~0, sur un original peut-être mutilé, Quoi([u'il
en soit, iu)us n avons liru de nuMllour pour l'bistoiro des
(•v«'(|uos d(! cette ville, dniil il doinic la suite pendant plus de
doux sii'îdes, avec ipielipies li;iil- qui oui rapport aux aiïaiies de
la |)ro\inco.
V,. cnl. itfil. .Malgré le .secours de civs tmis lii>loires, les auleins du
Gallia i-hrisiiana «^ul Iro-iv une lacune (pii a beaucoup
exerce leur criliipie 11- oui lai bien établi (pi'd fallait ad-
mettre eiilre Heiiaud île bis Tors «'U ilc Tiborio , qu'on dit
iiKMt à la rorro-Sainle en IlO-i. el Guillaume frAit6e-/?or/ie.
(pii était d('ja évc'ipie en llol, un (■•vi"''(pie iiitorniédiaire
(|U il.-; a[)pellenl Hainiond. (pionpie, dans plusieurs titres, il
n(; soit désigne (pie par la lellrc h'. Hiin autre C('iié, Geolboi-
l.ni.hc. l)]i)i. ilc-Vig(!()is parle en loulos lettres d un Haoïd, évèipie de Pé-
^^ '• "' ''■ rigueux, qui, étant parti en 1101 ji.iur la Terie-.Sainle avec
Guillaume IX, duc d A(|ihlaiue, «lail mort en chemin. S'il no
s'est pas trompé on cicrivant Radidfvs pour Rainaldus , il
[laraît que Henaud et Haoul seraient partis l'un et l'autre
[tour la Terre -Sainte, mais en dillerens temps, Renaud en
lO'jG, lors (le la |)reiiiiere croisade I), et Raoul en 1101.
li; Ce. «iiii uiiîoiis.' il !.• pen.M-i. • ..-l .,iic 1 lii.stoncn, |iiil)lié p:ii- li>
MATHIEU D'ANGERS, CARDIiNAL. 227
Nous faisons ces réflexions, parce que s'il élail prouvé que Geof-
froi-de-Vigeois ne s'est pas trompé, nous pourrions dire avec
quelque fondement que ce Raoul n'est autre que Raoul
Ardent, qui appartient à lliistoire littéraire de France, comme
auteur d'un livre dhomélies, plusieurs fois imprimé en deux
volumes in-8", dont il a été rendu compte tome IX, p. 25? de
celle histoire. A la vérité, on ne dit pas dans la notice, qui esta
la tète de son livre, que Raoul ail été évê(|ue ; on veut qu'il n'ait
été que curé de |)aroisse. 3Iais à cela près, tout ce (ju'on dit de lui
convient parlailemenl à l'éxnpi.. de Péri-ueux. L'un et l'autre
furent altacliés au duc Guiilaunir ; lun et 1 aulre parlent avec lui
pour la'l'erre-Sa.nle; lun cl laulre y meurent : peut-on ima-
giner plus de conformité ? Ajoutons iju il serait assez surprenant
qu'un homme du mérite do Raoul ardent .pion nous représente
comme un des plus Leau\ -énies d.; .son >iècle, n'eût pas été
élevé à l'épiscopal. n
XII SIECLE.
MA'rillEl DANGERS,
C'a li 1) 1 N A L,
I Ec OLE d Angers soutint, dans le Xlk siècle, la réputation
Uqu elle avait acquise dans le Xi^ La jurisprudence v était
enseignée comme la théologie et les h-l Ires, l'armi K^s" hom-
mes qui s'y instruisirent et qui devinrent bientôt eux-mêmes
dignes d'instruire les autres, on lii.^ungua Mathieu, ordi-
nairement désigné pai le nom mèmi; de la ville oii il reçut
les premières leçons. 11 professa le droit civil et le droit
canonique à Pans, avec un grand succès. Mais nous ne con-
iiais.sous aucun de ses ouvrages pi-oprement dits. La répu-
P. I-abb. , fait m„u,i, IJer,»,,,! .Lux U. ; ,„.,.„i,,,.,„en< au siéf^e d'An-
fioche, .,,., .M ,1e i-.nnée UU.8, o„, dU ,.,.t au.,,,,,-, U (ut décapité par les
&a,Ta/,ns pendant qu'il disait la ,„«sse ; en secon.l lieu, ù la bataille de
Rarna, qu'il met eu 1099, cp„u,,u'el]e .soit de l'année noz. On ne peut
pall.er une contradiction ..i manifeste, q„',.„ admettant .leux évê,,Hes
qui serment allés successivement à la Ten-e-Sainte, et ,|„i y seraient
morts. "^
Yî %
Hist.
Liuér.
l VII, p
. K7 cl
su,v.
Mail.
ainpi.
'Oll., I.
1. p.
73().
Ilisl.
Lillcr.
l. IX, p.
216 et
■218.
228 ROGER, ABBÉ DE SAINT-EUVERTE.
XII SIECLE, talion qu'il s'était acquise dans la carrière de l'enseignement, et
Ang. sacra, les travaux que suppose un professorat long et célèbre, fixèrent
'.; "i' ^'f'^.' r les reeards d'Alexandre III, qui l'appela auprès de lui en 1 168,
Ducli , hisl. lies o ».
card. Franc, i. et le consulla pliisieuis fois sur les affaires les plus importantes.
'> !'• 139. ji g'gjj servit, en particulier, pour préparer les objets dont devait
s'occuper !e concile que ce pape lint ensuite à Saint-Jean-de-La-
.... tran. Le cardinalat fut la récompense de Mathieu d'Angers. 11
p. 158. -' Gaii. l'obtint cette année môme, 1178, et fut cardinal du litre de
purp., p. 171. Saint- Marcel.
L'époque de sa mort ne nous est pas connue : il vivait encore
Caii. purp., en 1182. 11 assista, comme cardinal, à l'absolution solennelle
p. 172. - Duc. prononcée par le pape Lucius III, à l'égard du roi d'Ecosse,
""■ ■ Guillaume, qu'Alexandre III avait excommunié, et dont il avait
Uuch., p. 159. mis le royaume en interdit. Mathieu d'Angers doit être mort en
1183, et au plus tard en 1184. P.
ROGER,
R,
Abbé de S a i n t - E u v i; hte, .\ Orléans.
OGER fut d'abord chanoine régulier de St. -Victor à Paris, vers
le milieu du Xllc siècle. En 1 1 45 ou 1 1 46, Gauthier, qui
gouvernait ce monastère, le choisit pour aller réformer celui de
Guyon, hist. Saint-Euvcrto d'Orléans, confié alors à des séculiers, il en fit
d'Ori. , siècle j chanoines réguliers sous la règle de Sainl-Aucustin, et
XI!, n. 91, p. ° *-" o '
399. Gaii. ciir. dcvint lui-méme, de leur propre choix, leur premier abbé.
i. viii-, p. 1574. L'auteur de l'histoire d'Orléans place cette réforme en 1163 ;
mais elle est antérieure de seize ans au moins. Roger était abbé
Gaii. Christ, de Saint-Euverte, en 1147. La bulle d'Eugène III, en faveur de
t. VMi, iiisirum. geng abbaye, lui est adressée, et elle est de la seconde année du
règne de ce pape Le Gallia christiana nous offre, sous la
môme date, un diplôme de Louis-le-Jeune, en faveur de Saint-
Euverte, dans lequel Roger est également désigné comme
l'abbé
Quelques années après il reçut dans son monastère et y
Xri SIECLE.
ROGER, ABBÉ DE SAINT-EUVERTE. 229
eut pour disciple Etienne, connu plus particulièrement sous
la dénomination de la ville dont il finit par être évêque,
de Tournay, et qui devint un des hommes les plus distin-
gués de ce siècle. Etienne parle de lui dans ses lettres , et
une d'elles lui est adressée (I). Il fut même choisi pour rem-
placer Roger, quand celui-ci donna sa démission en 1168.
Le nouvel abbé ne le fut guère que huit ans. On lui confia
en 1176 le gouvernement de la maison de Sainte-Geneviève
à Paris. L'abbaye de Saint-Euverte étant ainsi devenue va-
cante, Roger consentit à en redevenir le chef. Il fallut vrai-
semblablement vaincre sa résistance, car je vois dans un di-
plôme de cette môme année 1 176 que Louis-le-Jeune l'appelle
quondam abbas, ce qui me fait croire qu'il ne gouverna
d'abord que comme ancien abbé ; au lieu que dans les actes
suivans, il est qualifié d'abbé, sans l'addition du mot autre-
fois (2). Roger succéda ainsi à celui dont il avait été le
prédécesseur. Nous ne connaissons pas bien l'année précise
de sa mort, mais il vivait encore en 1182; on le voit par
sa signature apposée au bas d'un acte auquel il concourut,
et dont il est fait mention dans le huitième tome de la France p. 157«
chrétienne.
Nous avons trois écrits de Roger. Le premier est adressé
aux religieux de Saint-Ouen, à Rouen. L'abbé de Saint-Eu-
verte avait découvert le corps du patron de son église. Les reli-
gieux de Saint-Ouen lui avaient témoigné un grand désir de
connaître toutes les circonstances de cette découverte : Ro-
ger les satisfait. Sa narration est courte néanmoins ; le sujet
ne permettait guère qu'elle fût plus longue. Il dit princi-
palement quelles avaient été, à ce sujet, les espérances de
ceux qui, avant lui, étaient en possession de l'église, les
siennes propres , les motifs qui l'avaient fait hésiter, les
encouragemens et les promesses de Suger dans un voyage
que cet homme illustre fit à Orléans, la fouille subitement
faite d'après son conseil, le succès qui réalisa l'annonce de
Suger. Dom Martène a publié cetle lettre, qui, au reste, ne
paraît pas entière, sur un manuscrit de l'abbaye de Saint-
(1) La 17» dans l'édition que Du Molinet en a donnée en 1682, p. 25
et 26. Voir aussi la 520, adressée à Geoffroi, abbé de Saint-Satur, p. 69; et
sur toutes deux, les notes de l'éditeur, p. 26 et 70.
(2) Comparez les deux chartes de Louis VII, insérées sous les numé-
ros 44 et 47, dans les preuves du Gallia Christiana, t. VIII, p. 519 et 521.
1 7
230 PIERRE, GARD. DE S.-CHRYSOGONE.
XII SIECLE. Ouen , dans le premier tome du nouveau Trésor d'anecdotes.
P. i\â et m. Les continuateurs de Bollandus l'ont fait entrer dans leur
grande collection, d'après un autre manuscrit, en l'accom-
7 sei.i , I) (il. pagnant de quelques notes peu importantes.
Les deux autres écrits qui nous restent de Roger sont
deux lettres : l'une est adressée à Lo»is-le-Jeune. Duchesne
l'a insérée dans le tome IV de son recueil des historiens
(,Vsi la 10' j^, F'rance Elle en suppose d'autres qui l'avaient précédée;
car, dès la première phrase, Roger demande pardon à Louis
de l'importuner si souvent par ses plaintes. Un des officiers
du roi avait fait enlever les bœufs d'un des hommes de
l'abbé de Samt-Euverle; l'abbé demande qu'on restitue ce
qu'on a enlevé par violence, et que des excès pareils ne se
renouvellent jamais.
L'autre lettre est adressée à Ervise, abbé de Saint- Victor
ù Paris. Alexandre III faisait -assembler un concile à Tours.
Roger avait consulté Ervise pour savoir s'il devait s'y trouver ;
Ervise n'avait pas répondu; Roger lui écrit encore. Celle
seconde épîlre a été imprimée dans l'amplissime collection
T. VI. p. 242 de D. Marlène : elle est moins importante encore (luc la lettre à
cl 243. V. (;iill. , ■ , ,
Christ., t. vin, Louis-Ie-Jeune.
p. 1U75. Guyoïi. Voilà pourtant tout ce que nous avons de Roger, abbé de
iiist, dOri sièc. Saint-Euverte. P.
XII. D. !II, p.
399 ; et Diibou-
lay, liisl. (le ^
riJniv. t. II. p. "
r.lii.
V 1 E R U E,
C A it i> 1 N .\ i. 1) V r 1 r it i; d r; S a i n t C u ii y s o r; o N E , M v È Q vt e
I) K Mkatx, r II I s 1) I-, T i! se i I, t; ai , vins Aiiciiii v kq u !■;
D K H u B u (; i; s, 1j i'. c a r d i; S a i .n r - !S i k o k.
* I. EXAMuiE III , peiulaut son long séjour ou Franctî , accorda
•'^ronskiiiiiDi'nl imk; éc'lalanlc faveur aux écoles de Paris
Diilionliiv , , , 1 . 1 • • I • I -
iii>t. iii- riiiuv. de hautes diguiles ecclesiasli(pi(!s (Icivmrenl souvent la recom-
iie l'.niis, I II, pense de ceux qui s'y distinguaiiMil par de grands lalens.
p. oos cl (H>. j ^, piél;,| (loiii nous iillous parier en olVre un des plus frap-
pans temoigiiagos Dabord évèipie de .Mc.'aux , cardinal
ensuite, évè(pic de Tusculuiii ou Frascali , archevêque de
PIERRE, CARD DE S.-CHRYSOGONE. 231
Bourges, légat du Saint-Siège, il obtint toujours, à un haut xii siècle.
degré, la confiance d'Alexandre. Guillaume de Champagne, (Jaii. christ.
fils du comte Thibaut, et archevêque de Sens, n'avait pas ' ^'"'' P '^"'•
peu contribué d'abord à lui faire obtenir l'évêché de Meaux.
Pierre avait été archidiacre et abbé avant d'être élevé à
l'épiscopal ; mais nous ne savons pas bien de quelle église il
fut archidiacre, de quel ordre ou de quel monastère il fut
abbé. Une lettre qu'Etienne de Tournay lui écrit, pour le Lettre ir, de
complimenter sur sa promotion au cardinalat, ne laisse ce- ''«'^; •'" P- '■"
pendant aucun doute à cet égard ; il lui dit : Amplector „",""^Jg ,-^j|,^
scholarem (Pierre avait étudié sous lui dans 1 école de Paris), p. tiô.
•prosequor archidiaconum, deosculor abbatem, assurgo epis-
copo, revereor cardinalem ; et il ajoute ces mots, qui prou-
vent mieux la complaisance d'Etienne de Tournay pour les
hommes puissans, que son goût comme écrivain. Bis gra-
dalïm ascendentibus, et sibi accedenlibus potiùs quàm succeden-
tibus arliculis, ayri({ent honores moribus, mores honoribus
coexullant Immolopro vobis quales possur.i hostias preeum,
columbas gemiluiim. vitulos labiorum. Con/ido quia quetn dû
lexisli prioatus, non dediligatis promolus.
L'estime (pi'Alexandre III accordait à notre prélat, est
souvent exprimée dans les lettres de ce pontife. Duboulay t. il, |.. 3r,9.
en a recueilli plusieurs passages assez longs, qui offrent des
preuves de ce sentiment. Ces lettres sont imprimées en en-
tier dans la collection des actes des conciles, et dans le qtiin- r vi, port, ii,
zième volume du recueil des historiens de France. Henri, i'- '^"" f' '•"'»■•
abbé de Clairvaux, depuis cardinal, fait, de Pierre de Saint-
Chrysogone, le plus magnifique éloge dans une épître
adressée au pape, qui a été insérée dans le recueil aussi des t. xv, p îi-;n.
historiens, et dans la bibliothèque des pères de l'ordre de T- m, p ■^35.
Cîteaux.
Parmi les lettres d'Alexandre, il y en a une pourtant qii on
est aflligé de voir écrite sur un prélat si distingué par le.s
qualités de l'esprit et par des services rendtis à 1 église avec
un zèle qui supposerait plus de désintéressement. Pierre, Acta roncii.
devenant cardinal, avait aardé et continuait île percevoir ' V', p-, ''*^^-
^ ' — Hiilioulav, l.
les revenus de lévêché de .Meaux, dont d'aulns auraient du n, ,,. r)(;s. _
jouir. Plus vous rie.- élevé en dignité, lui mandait le pape, "'"• "'*" ''''"• '•
plus vous devez agir avec réserve et circonspection : il faut
qu'on n'aperçoive en vous que des actions à imiter, aucuuc
action à reprendre. Votre réputation souffre de la grande
avidité qu'on vous impute ; l'église en souffre elle-même :
232 PIERRE, GARD. DE S -CHRYSOGONE.
x\\ SIECLE, changez donc de conduite, ne faites que des choses louables
devant les hommes et devant Dieu, et que la religion y trouve
un accroissement d'honneur et de gloire.
Celte lettre est du 8 septembre 1173. Pierre de Sainl-
Chrysogone était déjà légat du Saint Siège. Il avait reçu ce
titre peu de temps après sa promotion au cardinalat vers
1 1 73. Parmi beaucoup d'autres objets, il eut, pendant le
cours de sa légation, à en traiter deux d'une haute impor-
tance ; l'un, qui est le second dans l'ordre des dates, avait
été prescrit par Alexandre III, à l'occasion de la princesse
Alix, tille de Louis VU, que l'on retenait dans les états du
roi d'Angleterre, sans terminer le mariage convenu entre
elle et Richard, lils d'Henri II; retard dont le pape s'irritait,
et qu'il menaça des foudres ordinaires de l'église, si le ma-
riage n'était pas célébré quarante jours après l'admonition
qu'il chargeait son légat de faire en son nom L'effet des me-
naces apportées par le cardinal Pierre fut d'engager Henri II
à demander un délai d'abord, une entrevue ensuite avec
Louis-le-Jeune, entrevue qui eut lieu à Ivry en Normandie,
oîi la paix fut rétablie, jurée du moins entre les deux princes,
et où parut conclu un mariage qui ne se célébra jamais. Les
lettres d'Alexandre m, sur cet objet, ont été imprimées dans
V 1171 <i U73. '^ sixième tome des actes des conciles, et dans le quinzième
p. [Ki cl iHis. de la nouvelle Collection des historiens de France. On peut
p. 171. voir aussi le treizième volume de celte collection, l'histoire
T. 1, p. itiO. des cardinaux français, par Duchesne, le Gallia purpurata,
p. 170. _ et la chronique de Jean Bromton, dans les Rerum anglicarum
etVi3l ^ ^ ^^ scriptores X. La plupart de ces écrivains ne font que trans-
crire un passage de Roger de Hoveden, dans ses annales,
sous l'an 1 177.
P ti70
La com[)rossion des hérésies (]ui agitaient principalement
le midi de la France, fut l'objet de la première et d'une
Cail. |iiir|m- troisième mission de Pierre de Saint-Chrysogone. On le
rala, p. K.ii et ^,^-^^ prendre des mesures terribles pour les étouffer. Les
historiens racontent en particulier qu'un des hommes les
plus riches et les plus puissans du comté de Toulouse, s'é-
tant trouvé suspect d'arianisme, on ordonna la démolition
de ses châteaux (H la conliscalion de tous ses biens. Pour
échappera ce malheur, il vint trouver le légal, fit entre ses
mains une abjuration d;'S erreurs qu'on lui imputait, et la
t xî'r 1.'' 174 profession de foi qu'on exigea : néanmoins il n obtint sa
— uuboui:.), t. grâce que sous la condition qu'il serait fustigé nu, les moins
II, p. 423.
PIERRE, GARD DE S -CHRYSOGONE. 233
liées derrière le dos, dans toutes les places et dans toutes lès xii sieci^
églises de Toulouse; qu'il irait servir les pauvres pendant trois
années dans la Terre-Sainte ; que même, à son retour, il paie-
rait une amende considérable, et que ses châteaux seraient
démolis. Nous citerons tout-à-l'heure une lettre de Pierre de
Saint-Chrysogone, écrite à l'occasion de cette mission même
contre les Albigeois.
Il paraît que notre cardinal fut en même temps évêque
de Tusculum ou Frascati, et ensuite archevêque de Bourges.
Guibert, abbé de Giblou, dans une lettre écrite vers 1182 Man. Anctd.
à Philippe, archevêque de Cologne, touchant les moines de *• ' ^ *'•
Marmoutiers, parle de Pierre de Saint-Chrysogone comme
ayant eu d'abord cet évoché, et comme assis actuellement
sur le siège métropolitain de Bourges. On est surpris que
celle circonstance n'ait pas été connue des auteurs tant de
l'ancien que du nouveau Gallia christiana. Il est vrai que
les auteurs du nouveau placent un Pierre dans la liste des t. ii, p. 5(i.
archevêques entre Guarin, mort le 20 mars 1180, et Henri
de Sully, nommé en 1184; mais ils n'ont pas su que c'était
le cardinal du titre de Saint-Chrysogone, célèbre par tant
de travaux, par ses légations sur- tout, et qui mourut en
1182, et non, par conséquent, sous Alexandre, comme le Duiwuiay,
disent Frison, dans sa Gallia purpurata, et Duchesne, dans * "'»''' jI'I''
son Histoire des cardinaux français, Alexandre III étant mort t. i, p. ibg;
e 30 août 1181. " =""' P-^euves,
t II, p. 113.
SES ÉCRITS.
Pierre est auteur de deux lettres, J'une à Ervise, abbé de
Saint-Victor de Paris, laulre à Garin, abbé du même monas-
tère, imprimées dans l'amplissime collection de Marteno et t. vt, p. 23*.
Durand. La première n'a pour objet qu'une somme dar- ei25'J.
gent qu'il avait prêtée à un ami d'Ervise et sur sa recom-
mandation. Il rappelle dans la seconde tout ce qu'il a fait
pour l'abbaye de Saint-Victor, tout ce qu'il croit que Garin
doit faire pour les intérêts de celte abbaye; il trace la con-
duite à suivre dans le cas oîi une composition amiable ne
terminerait pas le différend élevé entre Eskil, archevêque de
Lunden, et les religieux de Saint- Victor. Ces deux lettres sont
sans date ; mais la première est au plus tard de 1171, Ervise
ayant cessé d'ôlre abbé de Saint-Victor à cette époque. Mar-
tène et Durand en ont imprimé une troisième dans leur
Tome XIV. Qg
11*
234 PIERRE, CARI). DE S-CHRYSOGONE.
XII SIECLE, iiésor d'anccdoclos, C'crilo ;iux chanoines de Sainl-Marlin de
T. I, 11. !i!)2. Tours, el (lui doil être de ILSO environ. Il y confirme, sur leur
demande, une ancienne fondation qui avait établi que deux
cierges brideraient à perpéiuilé devant le tombeau de saint
Martin. H menace de l'indignation de ce saint, (l(^ Hieu mrme,
toute personne qui oserait diminuer ou détourner largenl con-
sacré à cet usage.
Une lettre beaucouf) plus importante (^sl celle du cardinal
Pierre contre les All»igeois, éciitc en -ins, cl adressée,
comme l'auteur le dit lui-même, à tous les entans de I église,
concernant la foi calholiipie et apostolique; elle est impri-
P. 170, nipn. niée au tome XIII des liisloriens de l'tance et dans la bi-
T. 111,11. 73. hliothèquc des pères de ("iîteaux Commi" il n'y a (pi'un Dieu,
V. aus.si Haro- ., , , c ■<■.,■ . , >. ' . ■ >■ .
i AifoKi il n y a qu une toi, (ht 1 auteur : les apolrc» en ont établi le
mus
un 1178. fondement, il est inébranlable; il l(! .sera toujours, (luelles (|ue
soient les fureurs des aciuilons el les machinations des impies.
Il raconte ensuite avec qut'l(]ue détail les tcntalives de I hérésie,
les séductions de plusieurs hommes (pii en étaient allciiils,
les mesures prises et les ed'orts laits pour s'en garanlir.
Les princi[iales erreurs attribuées à ces sectaires y sont (>\ po-
sées, ainsi que les poursuites faites et h; jugement icndu
contre eux.
Une autre lettre du cardinal Pierr(> de Saint-t^hrysogone,
bien digne aussi dètrtï rapportée, es! celle cju il adressa vers
1177 au pap(i Alexandre, eu répuu.^e à une autre où ce
pontife Vinvilait à lui laiie connaître les noms de.s hommes
les plll^ distingués |iar leur.-, lalens, leur savoir, leur doc-
Iriiii', I. m- iiitcui^ i|ii' la l'ianee po>.sedail alors. Pierre lui
en (liHi-iie plu.-ieui-- avec iK.uKdiip d éloges . c(! sont Henri,
.ilibé de (jairvaiix, qui lui daiw la suili' cardinal el i'\i''(pie
d .\lbano ; le |itieill(le la Chai 1 1 (Mise (lu .Moul - I lUMl (le lieillIS,
(juil lie nomme pas, iiiai.> (|iii n'est autre (jiie .Simon, loué
plu- d'une fois iluns les e|)iires de l'homas de Caiiloibery,
el (le Pierre de (!ell.- ; liaudouiu, alors abbé d»! Koides,
ordre de C.îleaiix, puis e\è(pie de \\ Orchesler, ardievèipic
euliii (le Caiilorbei \ ; Pierre, surnomiiie ;Monocul(\ abbé
digny, (|ui le devint eiisuilc di^ Clairvaux. et (|u'il recom-
liiamje, moiu.s .sous le rap|iorl des c()nnais.sances lilléraires,
ipie sou> 1 elni (le la saiulele et des miracles quon lui allii-
iiiiail ; lahbe de Sainl-Rcuii de Reims, qui nosl pas noiiinK-
non plus, mais ijui était l'iirre de Celle, devenu (pielques
années après évêciue de Chartres; labbé de Sainl-Crépin de
DiH-hesno,
t IV,
p. ,'jtill. -
N.xiv.
Coll. .les
hlst
t. XV. p.
(i!)-.>.
- Ouiliii,
l. Il,
|p lus.
- 1)1
!l. |..
ilioiilay, 1
(lu
le liniiiniu
!'■" •■
iinii al.h.^
..■ (
.^o.x. II.
la 1.1,
t l.\. !..
\i<i
PIERRE, GARD. DE S.-CIIRYSOGONE. 233
Soissons, le vénérable Bernerède, cardinal ensuite et évéque X" sin:rt>i:.
de Palestrine ; Pierre-le-Mangeur et Bernard de l'ise, profes-
seurs célèbres ; Girard-Ia-Pucelle, professeur non moins cé-
lèbre, et qui devint ensuite évêque de Coventry ; Ives, ar-
chidiacre de Rouen ; enfin, Herbert Médecins, forte medicus,
dit Duboulay en ra[)piiianl ces noms, mais plutôt Herbert T. it, p. .17
de Rosliatn, l'un des bioj^raphes de Thomas de Canlorbéry,
dont il avait ('-té li; secrétaire, qui était venu d'abord s'in-
struire à Paris, et ([ue l'on croit avoir été archidiacre de Dui r.ui.u,
Meaux. "' i'- '''''■
Le savant ( diteur de la nouvelle collection des historiens p. yw ctsui
de France a placé dans h; quinzième volume plusieurs let-
tres d Alexandre III au cardinal Pierre de Saint-Chrysoi^one ;
la première, du 11 mars IIT'l, est relative à l'assassinat de
I évèque de Cambrai ; il ordonne à ce légat de faire par-loul
connaître et publier rex:commuiiicalion qu'il prononce contre
les coupables et leurs complices. Nous avons parlé de la
seconde, (jui lui défendait de sapproprier plus longtemps les
revenus de l'évêché de Meaux. Il veut, dans la troisième 1175.
( 29 octobre 117i ), (pie le chancelier de léglise de Paris ne
puisse être inquiété pour l'ordre; donné de ne rien exiger d(;
ceux ([ui voudraient établir des écoitis. Il lui annonce dans
la (juatrième { (J iiovinibre ll7-">) ipic, par consiiléralion
pour Louis VII, il croit diîvoir pardonner à Maurice, évo-
que (le Paris, (|ui, contre ses ordnîs et l'appel du légat,
avait disposé de l'archidiaconé d(î c(;lte église en faveur d'un
neveu de Gautier , chambrier du roi. La cinquième ( 29
janvier 1 176 ) a pour objet les secours dont les chrétiens ont
besoin dans la Terre-Sainte contre les infidèles ; la sixième
et la huitième, l'une du ±\ mai 1176, l'autre du .'JO avril
1177, l(!tat de la princesse Alix, lille de Louis Vil, el destinée
à épouser le fils du roi d'Angleterre ; la septième ( 30 décembre
1 1 77 ), les droits du monastère de Saint-Magloire ; la neuvième
(27 mars M 78), quelques effets mobiliers déposés à la
cathédrale de Limoges c'est toujours en sa (pialité de
légat (jue Pierre de Saint-Chrysogone reroil du pape ces
avis ou ces ordres. Dans la lettre relative au chancelier de
l'église de Paris, Alexandre montre un véritable attache-
ment pour la gloire des lettres, et il témoigne à cet
égard au cardinal Pierre toute son attention et tout son
zèle.
Nous avons quelques autres lettres adressées à ce car-
Gff2
230 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, jinal ; l'une, ciiée par Martène, dans son trésor des anecdotes,
r. I, p 600. est de Thibaut, comie de Blois ; elle fut écrite vers 1180, et à
Malienne"""' ^ roccasion de l'hôpital de (^liàieaiuhin. Deux sont de Pierre de
Celle, alors abbé de .Sainl-Reini de Reims : ce sont la seizième
et la dix-huitième du septième livre ; on peut voir aussi la iiote
p. m. mise par l'éditeur au bas de la huitième. Trois autres let-
tres sont d'Etienne de Tournay, alors abbé de Sainte-Gene-
viève ; la cinquantième, la soixante-unième et la quatre-
vingt-unième de la collection, et dans l'édition du père du
Molinet, les quarante-troisième, quarante-sixième et soixante-
douzième.
p. K75, îi77. Il y 3 d'IIS le tome IV du grand recueil de Duchesne,
et 738. cinq lettres écrites par un doyen de Saint-Aignan d'Orléans,
dont le nom n'est désigné que par la lettre initiale P ; ce
sont la 37e, la 39«, la 41", la 43« et la 492^ Comme vers le
même temps un Pierre avait été doyen de cette église, et
qu'il fut ensuite promu au cardinalat, on pourrait croire
que ces lettres sont de Pierre de Saint-Chrysogone ; mais
elles ne paraissent pas devoir lui être attribuées.
P.
PIERRE DE CELLE,
ÉVÊQUE DE CHARTRES.
HISTOIRE DE SA VI E.
QuoKHE l'auteur dont nous allons esquisser l'histoire ait été
successivement abbé de Moiîlier-la-Celle, près de Troyes en
Champagne, ensuite de Saint-Remi de Reims, et enfin évoque de
Chartres, il est plus connu dans l'histoire sous la dénomination
de Pierre de Celle, du titre de sa première abbaye, beaucoup
moins illustre cependant que celle de Saint-Remi, qu'il occupa
même plus long-temps.
On convient assez généralement qu'il était né d'une famille
PIERRE DE CELLE. 237
noble , parce qu'on trouve dans ses lettres qu'il avait une xii siècle
nièce appelée Hadvide , qu'il avait mariée à Pierre, seigneur Lib. i, ep. 9, 22.
de la Tournelle (1), dans l'Auxerrois ; un parent nommé '''''• viii, ep. i.
Hugues , chanoine de Reims , et une cousine , dame de condi- ' ' ' ''''
tion , établie dans le Soissonnais, Mais une chose à laquelle
jusqu'à-présent personne n'a fait attention , c'est que celte cou-
sine n'était autre qu Agnès de Brame , qui épousa en premières
noces Milon , comte de Bar-sur-Seine , et en secondes noces
Robert de France, comte de Dreux, frère du roi Louis-le-
Jeune , comme nous l'apprenons d'une lettre de Jean de Saris-
béry, parmi celles de saint Thomas de Cantorbéry, oti il est s. Thom. i.b.
dit expressément que la comtesse de Dreux était cousine, ■- «^n ^'
cognata , de l'abbé de Saint-Remi. Ainsi on peut assurer que
la famille de notre auteur était non-seulement noble, mais une
des plus illustres de Champagne. C'était celle d'André de Bau- n. i». '
dément , de Baldimento, sénéchal de Champagne , ayeul de la
comtesse Agnès.
Dès son enfance, Pierre fut placé dans le monastère de , . .,.,.
Saint -Martin -des -Champs, près de Paris, pour y recevoir cp. 23.
sa première éducation. De-là il passa à l'abbaye de Moûtier-
la-Celle, près de Troyes , où il embrassa la vie religieuse ,
et acheva le cours de ses études. Sa manière d'étudier était
fort louable, et mérite d'être rapportée dans ses propres
termes : « J'avais , dit-il , un désir insatiable d'apprendre ; u\<. vir, rp 7
mes yeux ne se lassaient point de voir des livres, ni mes
oreilles d'entendre lire. Mais, dans cette ardeur extrême,
Dieu était toujours le principe, le centre et la fin de mes
études. Elles avaient plus d'un objet ; je m'adonnai même à
la science des lois, sans préjudice toutefois des devoirs de
mon étal , de l'assiduité à l'office divin , et de mes prières
accoutumées. »
Avec de telles dispositions ses progrès furent rapides , ses
ialens et ses vertus ne tardèrent pas à se manifester , et
bientôt il fut choisi , non seulement pour diriger les études
des autres , mais encore pour remplir le siège abbatial qui
était devenu vacant vers l'an 1147. La sagesse de son gou-
vernement et la supériorité de ses lumières, lui concilièrent
(1) Dans une lettre du pape Alexandre III à Henri, archevêque de Reims
(Ampîiss. Collectio, t. II, col. 943), nous trouvons un Pierre de la Tournelle,
avoué de l'abbaye de Compiègne, ou du moins de quelques lieux dépendans de
cette abbaye.
238 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, resliinc des personnes les plus dislinguées dans l'église cl
" ~ dans létal. Sa réputation se répandit au-delà des monts et
des mors; il jouit d'une très-grande considération auprès des
[)apes, en Angleterre, en Daneniarck, et en Suède, comme
on le verra par le détail de ses lettres. Son njonaslère fut
1 asyie des hommes à talens (pu; poursuivait l'indigence. Pour
joaii. Siri>ii. nVii citiM- (juun exemple, .Ican de Sarisbérv lui rend ce,
<•!'• ^'■i- témoignage qu il lui avait tenu lieu de père lorscpi il était
dans la détresse, qu'il lavait l'ait connaître dans le monde,
et lui avait procuré tous les avantages dont il jouissait clans
sa patrie.
Son mérite ri'connu le lit appeler, 1 an \U'>1, pour gou\er-
Gaii. Chrisi. Hcr le monaslèrc de Sainl-Remi de Reims, (jui avait besoin
t. IX, col. 234. ,|^v réforme. En quitanl sa première demeure, il emmena
avec lui quelques-uns de ses meilleurs élèves pour l'aider
dans celte entreprise, entre autres un nommé Foulcpies , qui,
bientôt après, fut sacré evèipie des Estoniens, pour por-
ter la foi dans la Livonie. Son zèle n'éprouva aucune résistance
de la part de ses nouveaux, religieux; la communaulé se [)lia
sans ell'urt aux nouveaux exercices (ju'il voulut y établir.
Le temporel se ri'sseutil aussi de .sa vigilance et de son
habileté dans le «iauicmenl des aiïaiies. On trouve dans
\ Arnplissima CoUectio de D .Martène, une (juanlité do let-
tres du pape .\le.xandrc III , (]ui pi()u\enl les soins (|ue notre
abbé se donna pour faire rentrer les biens usurpés, ou pour
cmi)êcher de nouveaux envahissemens (1). Les lieux réguliers
ayant été rétablis par Hugues , son prédécesseur, il porta
son attention à rembellisseiuenl de 1 église, dont il lit construire
i,ii.. IX, o).. le portad et le chœur; mais ce ne fut (pie sur la Un de sa
'^' ^- prélat lire.
.'\u mili(Hi de tant de soins , il était accablé de \isiles et
de messages de personnes (jui le consultaient de toutes [)arls ;
i.iii. m, rp 12. laliliience était si grande «pie souvent il n'avait pas , dit-d,
le loisir décrire deux syllabes de suite sans être interrom|)U.
i.ih. VI. rp. En ell'et, dans un \oyage (pie lit à Rome, l'an IIGC), Henri,
' *■' **• ar(lievè(pie de Reims, l'abbé de Saint-lîemi lui charg('ï du
gouvern(!ment du diocès(.' pendant 1 absence du prélat; et le
pape Alexandre 111, dans lespace d'une ou de deux années
seulement, lui délégua la connaissance île ciiiquanlc-six
(h Voyez, ihmfil Ampli ss. CoUcclio 'le Mirli-ne, t. II, col. 677, 085 , OK") ,
O'Jl, 701,70-i, 7M.>, 7."):, 771, 'JjO, 075,1U0U, 1006.
Pli: RUE DE CELLE. 239
aiïaiiPSj dont la plupart oxiij;eaionl un déplacement, comme on . ^" siècle
peut le voir dans l'Appendix aux leUies du pape Alexandre, •■'i''^''- *^""''-
imprinié daii8 la collection des conciles, et (pion a mis à la suite ' ' '
des lettres' dtî notre abbi''. A juger par celles-ci du nombre des
commissions dont k; pape dut le charger pendant les autres
années de son ponlilicat, on conviendra (pie l'abbé de Saint-
Remi n'avait pas tort de se plaindre (pi'il ne lui restait pas un
moment à lui.
La UK^me générosité (pie Jean de Sarisbéiy avait éprouvée
à Moùtier-la-Celle, de la iiarl de ikiIk; abbé, il la retrouva avec
plusieurs de ses compagnons d iiirmliiric à Saint-Rcuiii, lors(pie
leur altachement à la cause d' 1 ai(li('vé(pie de Cantorbéry
les força de se réfugier en France. On |)eut juger par un seul
Irait avec (piel empre.'^sement il accueillait ces réfugiés. « Si Lii., v, ep 4
vous éUîS obligé de vous expaliier, ecrivait-il à Rarlliéleiiii,
évècjue d Excesler, icndcz-vous ici ; vous y trotivi-re/ une
maison toute neuNc, xoiis y serez (lefra\é, et rien n(! v(nis
manquera; \ous aurez des livres en (|uanlilé, et du loisir
tant (pie vous voudrez. Si magna illa belliia , parlant du
roi d Angleterre, evomueril vos ilc teprù reslrà, est apuil nos
doraus nova vohis parala cnm ouini siimplu , sine auro
et arijento, ubi et copiani Ubrorv.n et slmlendi oliiim pra libitu
inremetis.» Ces livres, c'est lui ipii lesa\ail amassés en grande
|)arlie.
De son temps, la ville de Reims et la province lurent
exposées à de grands (roubles par les guerres privées (pie
suscitaient entre eu\ (lu contre raiclievé(]ue les seigneurs
(iéfés du pays. Henri de I'ranc(! eut besoin de tout son ascen-
dant pour liuniilK.'r des vassaux mai soumis: il lit raser leurs
clii'ileaux, et en construisit dans ses domaines pour les lenir
en respect. L abbé de Sainl-Remi , pour seconder les vues
du prélat, et cdnlribuer au bien public, abandonna un tlomaine
dc! l'ahbaye dans un lieu (pi il était ini|ioitanl de foiHilier. L'acle
est de 1172. Il (il plus ; il ('crivit à Rome pdur obtenir du pape '-iH- ttnist
(piu les gentil.-- liommes |)()iinaienl .^aliier entre eux par des ,y '
mariages aux degrés de parenté prohibés, alin de faire cesser Lib. vi, cp. r>
leurs inimitiés.
Peu de temps aprèis, \o |)ape Allexandre III voulant com-
poser le sacré collège des personnes les plus recommandables
dans l'église, avait demandé sur cela des renseignemens à
son légal en Franc(!. Celui-ci lui désigne entre autres sujets Duiiipsrie
dignes d'être promus aux dignités ecclésiastiiiues, labbé de ' '^' '' ^^^-
240 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE. Sainl-Remi et celui de Saint-Crépin de Soissons, comme les
plus recomraandables par leur science, et qui, par la régu-
larité de leur vie, faisaient le plus d'honneur à la religion.
Aussi furent-ils invités bientôt après à se trouver au concile
de Latran, que le pape devait assembler pour remédier aux
désordres qu'un schisme de vingt années avait introduits
dans 1 église. L'abbé de Saint-Crépin (c'était le pieux Berne-
rôde) partit avec l'archevi-que de Reims , et n'eut pas la
liberté de s'en retourner, ayant été créé cardinal-évêque de
Paleslrine. Mais quelques infirmités, et sur-tout nne sciatique
dont Pierre se plaint dans plusieurs lettres, ne lui permirent
Lib. VIII, pag (]g gg rendre à celle invitation : il écrivit au pape pour
'' s'excuser, alléguant son grand âge, la longueur du chemin, et
ses infirmités.
Cependant ces infirmités ne l'empêchèrent pas d'accepter,
l'an 1181, l'évêché de Chartres, vacant par la mort de son
plus intime ami, Jean de Sarisbéry. Mais il ne le garda pas
long-temps. L'année de .sa mort n'est pas bien constatée.
Robert du Monf, dans sa chronique, la place en 1182, mais
il y a erreur dans l'imprimé, il faut lire 1183. Beaucoup de
Gaii ciirisi t "iofl6'""f^s ^^ font vivie jusqu'en 1187; mais les auteurs du
VIII, col. iiso. Gallia Christiana prouvent, par chartes, qu'il faut s'en tenir
à l'année 1183, et donnent, d'après les nécrologes, pour le
jour de sa mort, le 20 février. Son corps (ut inhumé dans le
chœur de l'église de l'abbaye de Josaphat, et on lui fil cette
épitaphe :
Mœnibus etplafeis urhem mKÏgnvit et auxit.
Et rar/ix jiramtl tecta superba loclt.
Hnnc pia plebs hnbvit tantï. pietatis amore.
Oscilla mille mis ut dederit jiedibus.
On est étonné que, dans le temps d'un si court épiscopat,
Pierre ait pu exécuter de si grandes choses. Cependant les '
autres monumens du temps sont d'accord avec l'épilaphe. Le
'■ nécrologe de l'église de Chartres s'explique encore plus ou-
vertement, et nous apprend qu'une partie de la ville n étant
entourée que de fossés, pour 1 entretien desquels les habitans
étaient sujets à des corvées, notre prélat, pour les délivrer
de cette servitude, fit enfermer de murs celte parlie de la
ville, et rétablir les anciens à ses propres frais; qu'il donna
cent livres de ses deniers pour réparer le pavé des rues qui
Gall.
•ti/ii.
907.
PIERRE DE CELLE. 241
était si usé qu'on ne pouvait presque plus y marcher, et qu'il xii siècle.
engagea les babilans à fournir le surplus de la dépense. C'est ce ~—~——^
qui lui avait gagné le cœur de ses diocésains. Aussi le nécro-
loge de Josaphat l'a-l-il qualifié de grand et d'incomparable,
summi et incomparabilis viri.
SES ÉCRITS.
Des sermons, des opuscules ascétiques, des lettres, composent
la totalité des écrits de Pierre de Celle, qui sont parvenus jus-
qu'à nous. Ils ont été recueillis par D. Ambroise Janvier, en un
volume in-4°, imprimé chez Bilaine, l'an 1671, et de là sont Bibi. Pair,
passés dans la grande Bibliothèque des pères, imprimée à Lyon, t, xxni, p. sj»
tome XXIII, p. 63G— 907.
i° Ses lettres. Quoique, dans les éditions que nous venons
d'indiquer, les lettres de Pierre de Celle n'occupent que le der-
nier rang dans la collection de ses œuvres, nous nous en occu-
perons en premier lieu, parce qu'elles nous fourniront des traits
qui peuvent servir à compléter I histoire de sa vie.
Ces lettres sont partagées en neuf livres, d'après l'édition
in-8° que le P. Sirmond en avait donnée à Paris, l'an 1613,
chez Cramoisi, avec des notes et une épître dédicatoire aux
chartreux du Mont-Dieu, apparemment parce qu'il avait
trouvé chez eux le manuscrit, ou peut-être pour leur rap-
peler que Pierre de Celle fut leur ami, et qu'ils étaient
redevables de leur établissement aux religieux de Saint-
Remi.
On ne voit pas sur quel motif le P. Sirmond a partagé ces
lettres en neuf livres. Cette division n'existait pas dans le
manuscrit, et, puisqu'il voulait les partager en livres, il eût
été plus naturel de n'en former que deux, en plaçant d'abord
celles que Pierre a écrites étant abbé de Moûtier-la-Celle ;
ensuite les lettres dans lesquelles il prend le litre d'abbé de
Saint-Rerai, et, en dernier lieu, celles qu'il écrivit étant
évêque de Chartres. C'est la division que nous nous propo-
sons de suivre ; c'est aussi celle que le premier collecteur
semble s'être prescrite, mais il a plus d'une fois interverti
cet ordre en plaçant parmi les lettres de l'abbé de Moûtier-
la-Celle quelques-unes des lettres de l'abbé de Saint-Remi,
et des lettres de l'abbé de Saint-Remi parmi celles de l'abbé
de Moûtier-la-Celle. Quant au P. Sirmond, même en éta-
Tome XIV. H h
242 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, blissant sa division, il n'a rien changé à l'arrangement des let-
tres ; il a eu laltention de marquer à la marge le numéro que
chacune perlait dans le manuscrit : ce qui forme une série non
interrompue de cent soixante-neuf lellres, numérotage qu'on
est fûché de ne pas trouver dans les éditions subséquentes. Les
soixanle-huit premières lettres, renfermées dans les quatre
premiers livres du P. Sirmond, sont de labbé de Moûlier-la-
Ccllc, et les autres de l'abbé de Saint-Remi. Mais, comme nous
l'avons déjà dit, plusieurs des lettres de la première époque
devaient entrer dans la seconde, et beaucoup plus de la seconde
appartiennent à la première.
Outre ces cent soixante-neuf lettres, nous en avons quel-
Rcr. Fran. ques aulres qui ne sont pas dans la collection. Duchesne en
. V, p. c 8. ^ publié une de Pierre, abbé de Saint-Remi, au roi Louis-
le-Jeunc, relative à lenvoi d'un palefroi, de quatre marcs d'or
ou d'argent (car la matière n'est pas exprimée), et pour lui
représenter que, l'année d'auparavant, il avait prèle pour son
service une voilure à trois chevaux (|ui ne lui avait pas été
rendue.
Ep. s. Tiinm. Parmi celles de saint Thomas de Cantorbéry, il y en a une du
iii.. II, cp. loo. jjj(\jj^gay pape Alexandre Kl, pour l'avertir que le roi, la reine,
les évoques, et les grands du royaume avaient à se plaindre de
la conduite des légals qu'il avait envoyés en Franco, afin de
terminer le différend de l'archevêque de Cantorbéry avec le roi
d'Angleterre.
Joan. Sarcsb. Dans uue autrc, [larmi coIlcs (Ic Jean de Sarisbéry, écrite à
ep. U9. Hugues, abbé de Sainl-.Vniand, il le prie d employer le crédit
du comte de Flandre auprès du roi d'.Angleterre, pour obtenir
le rappel de Jean de. Sarisbéry, qui, forcé de s'exiler de son
pays, s'était réfugié dans son monastère. Celle leltro est infini-
ment honorable pour le savant anglais, et prouve combien vive
était l'amitié qui les unissait. (( Ce n'est pas lui (pii est exilé,
dit-d ; c'est moi qui le suis dans ma propre maison: car lui et
moi ne faisons qu'un. »
Spicii in ^. Dachcri a aussi publié deux lellres de labbé do Saint-Remi,
t. Il, p. U7 et à Irois religieux do Grandmont, qui, après avoir quitté leur
^'''- premier institut, et fait profession dans labbaye de Ponligni, de
lordro deCîleaux, étaient tourmentés do scrupules sur les liens
do leur première profession. Pierre les rassure, el les exhorte à
persévérer dans la voie plus duroot |tlus étroite (ju'ils ont em-
brassée, lue de cos lettres csl dans la colleclion, c'est la der-
nière ; mais l'autre ne s'y trouve pas.
PIERRE DE CELLE. 243
Parcourons maintenant la collection des lettres de l'aboé xii sikcle.
de Moûtier-Ia-Celle, depuis l'an 4 I 47 jusqu'à 1162. Dans cette
partie des lettres, le compilateur a placé d'abord les lettres
écrites au.^ papes et aux évoques; puis la correspondance avec
des abbés ou des supérieurs de monastères, et enfin avec de
simples religieux ou des clercs séculiers. On voit que, dans
cet arrangement, on n'a eu aucun égard à l'ordre des temps,
qu'on ne pourrait rétablir qu'en assignant à chacune de ces
lettres une date précise ; ce qui serait d'une difiîculté exlrôme
Nous ne pouvons rien faire de mieux que de les parcourir dans
l'ordre où elles ont été imprimées.
Quoique les quatre premières lettres du premier livre portent ^'^- '■ •'P- '-
pour suscription : Au pape Alexandre, nous ne croyons point ^''»*-
que ce soit à lui qu'elles furent adressées La chose est certaine
quant à la troisième, relative au dilférend (jui s'était élevé
entre l'abbesse de Fontevraul et l'évèque de Poitiers, Gilbert de
la Porrée, qui refusait de bénir la nouvelle abbesse Mathilde,
à moins que celle-ci ne lui fît serment d'obéissance. Or nous
avons deux lettres qui prouvent que cela se passait l'an 1149;
l'une est la SS« de l'abbé Suger, et l'autre du pape Eugène Ilî,
qu'on peut voir parmi les preuves du Gallia christiana, tome
11, col. 3G2. Nous n'avons pas d'aussi fortes raisons pour
décider que les autres furent pareillement adressées au même
pape ; mais, puis(|ue la sixième porte son nom dans la sus-
cription, nous sommes autorisés à croire que toutes les six lui
furent écrites, cl (|ue c'est par une témérité coupable que les
copistes ont substitué de leur chef le nom d Alexandre aux
quatre premières.
Ces six lettres, ainsi que la septième au cardinal Roland, clian- u\>. i, cp. s,
celier de l'église romaine, ne traitent que d'affaires particulières ^' ^•
à des monastères, excepté la cinquième, qui a pour but d'enga-
ger le souverain pontife à pourvoir de la prévôté de l'église de
Soissons, Guillaume de Champagne, le même qui fui successive-
ment évèque de Chartres, archevêque de Sens et de Reims, et
enfin cardinal. Pierre de Celle prie le pape de considérer la
grande protection que l'église pourrait tirer de ce jeune prince,
affectionné comme il est au Saint-Siège, et recommandable
d'ailleurs par ses bonnes mœurs.
Trois lettres du même livre sont relatives au mariage d'une Lih. i, cp. 8,
de ses nièces avec Pierre de la Tournelle, mariage que '"*' ^^'
l'abbé de la Celle avait béni, et qu'un oncle de la mariée at-
taquait comme incestueux. Alain , évèque d'Auxerre , l'ayant
II h 3
2*4 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, déclaré nul, Pierre se plaint amèrement de sa précipitation dans
la lettre 22; et l'affaire ayant été portée au tribunal du métropo-
litain, il écrivit à Hugues, archevêque de Sens, les lettres Set
9, pour demander à prouver par témoins que le mariage était
légitime, et pour se disculper en même temps des reproches
qu'on lui faisait d'avoir manqué aux saints canons, par trop
d'affection à la chair et au sang.
Lib. I, ep. 11. La lettre 1 I au même archevêque de Sens, parle d'un dif-
férend qui s'était élevé entre ce prélat et le roi Louis-le-Jeune,
au sujet d'un bénéfice qui avait été conféré à un docteur qui
n'est désigné que par la lettre initiale de son nom, magis-
tro. M. Jean de Sarisbéry ayant été consulté sur cette affaire,
écrivit la lettre 114, qui porte pour suscription , Mathœo
prâscentori Senonensi; mais on voit, par le corps même de
la lettre, que c'est une erreur du copiste. Nous pensons que
c'est le docteur Mélior, fait depuis cardinal par le pape Lucius
III, et non Mathieu, grand chantre de l'église de Sens, qui fut
dans la suite évêque de Troyes. Quel qu'il soit, ce docteur, après
une longue plaidoierie, s'était désisté de ses prétentions, pour
épargner au prélat le ressentiment du roi. C'est pourquoi l'abbé
de Moitier-la-Celle lui représente qu'il doit rendre ses bonnes
grâces à un homme qui avait eu la générosité de se sacrifier
pour lui.
Nous passons les lettres 10, 13 et 14, parce que Pierre
était abbé de Saint-Kemi lorsqu'il les écrivit ; il en sera parlé
ailleurs.
j^.^ La suscription de la lettre 12 est vicieuse. Elle porte :
' '' Domino et patri carissimo Thomœ Cantuariensi archiepis-
copo et apostolicœ sedis legato, frater Petrus Cellensis qua-
liscumque minister seipsum. Saint Thomas ne fut ni arche-
vêque, ni légat du Saint-Siège pendant tout le temps que
Pierre résida à Moûlier-la-Celle. C'est à l'archevêque Thibaud
que cette lettre fut écrite, pour lui recommander les religieux
qu'il envoyait en Angleterre, chargés de recueillir des au- .
môncs pour le rétablissement du prieuré de Saint-Ayoul de
Provins, consumé, comme nous l'avons dit ailleurs, par un
incendie. Sur quoi on peut voir la lettre 07 de Jean de
Sarisbéry.
Les lettres 15, 16, 17, 18, 19, 20, sont toutes adressées à
Jean de la Grille, évêque de Saint-Malo, mort l'an 1163. La
Lib. I; Cl). 15. quinzième, qui est toute de compliments, parle d-une famine
qui affligea la Bretagne. Ce fut lan 1145 ou 1162, selon les
PIERRE DE CELLE. 245
chroniques du temps. L'évêque de Saint-Malo se plaignait xii siècle.
d'avoir perdu, par la mort de saint Bernard, l'appui dun ^'^- '» •"? *•*•
puissant protecteur. Pierre lui répond, dans la lettre 16, qu'il
le trouvera encore plus puissant dans le ciel. Dans la dix-
septième, il l'invite à venir à Moutier-la-Celle. Après l'incendie m |^ çp, jy
qui consuma le prieuré de Provins , Pierre , en annonçant
à son ami ce fâcheux accident, le prévient, dans la lettre 18,
qu'il est dans ta nécessité de faire voyager les reliques de Lib. i, cp. 18.
saint Ayoul, pour recueillir des aumônes, et lui recommande
de bien recevoir le saint, s'il arrive dans son diocèse. La
lettre 19 est fort longue, pour dire au prélat que, depuis Lib. i, cp. lo.
deux ans, il n'a reçu de ses nouvelles; et la vingtième n'a
d'autre objet que de le remercier d'un présent qu'il lui avait Lib. i, ep. 20
envoyé. Tout cela est assaisonné de grandes protestations
d'amitié.
On voit, par la lettre 21 , que Thibâud, évêque de Paris, avait Lib. i, cp '21.
prié notre abbé de lui composer des sermons pour le temps de
l'A vent. Pierre lui écrit que, malgré les nombreuses occupations
qui lui sont survenues, et la brièveté des jours, il est parvenu
à^n composer trois, et qu'il en a commencé un pour le jour de
Noël.
Eskil , archevêque de Lunden , en Danemarck , dans un
voyage qu'il avait fait en France , avait emmené dans son
pays des colonies de cisterciens et de prémontrés. Voulant
avoir aussi des chartreux, il chargea l'abbé de Moûlier-la-
Celle du soin de lui en envoyer. La lettre 23 à Eskil, lui an- Lib. 1, cp. 23.
nonce que les chartreux ont acquiescé à sa demande, et ont
envoyé te frère Roger pour examiner les lieux qu'il leur des-
tine.
On lit avec plaisir deux lettres qu'il écrivit à Henri de France, Jf^' '' *•'
évoque de Beauvais, parce qu'elles sont écrites en meilleur
style que beaucoup d'autres; l'une (c'est la 24°) pour remercier
le pr<^at de l'avoir accueilli d'une manière distinguée dans un
voyage qu'il avait été obligé de faire à Beauvais, pour les
affaires de son abbaye; l'autre (la 26') afin d'engager le prince-
évêque à prendre la défense du pape Alexandre 111 contre
l'antipape 'V^ictor.
Baudouin, évêque de Noyon, avait apparemment témoigné à L.b. 1. ep. 25.
notre abbé sa douleur de voir que la discipline ecclésiastique
était fort relâchée. Pierre lui répond, dans la lettre 25, qu'il
ett géïnit tout comme lui.
La 27' et dernière lettre dil premier livre est adressée à Lib. i, ep. 27.
i W!, p. '.mi.
246 PIERRE DE CELLE.
Nir siKCl-E. Thomas Bivkol, rliancelier «lu roi (rAnglclorro. ([iii lui avait
ôcril pour lui domandor son amitié, cl 1(> prier de lui pro-
nin'r les sermons de niaîlrc G. Le P. Siriuond ciitil qu il
sa.ii;il là des sermons de Gillierl, surnommé Y fuiversel. Il est
plus croyalde (|u'on d('mandail les sermons de Gibuin, archi-
diaere de Troyes, dont .Nicolas de Moùtier-Ramei fait le {)lus
iiiM. r.ih. jj.|-jin(i élow dans sa lettre o. Gibuin était, selon lui, le plus
lifrand orateur de son siècle, et Nicolas était bon jnj^o en cette
partie. Quant à Pierre de Celle , il répond au chancelier
d An.iiilelerre avec la modestie (jui le caractérisait. « Quelle
|iroporlioii, écrit-il, entre un chancelicîr du loi d'Ani^çleterre et
un abbé de la Celle.' Queliju un iiçnore-t-il (pie vous êtes le
premier après le roi dans quatre royaumes.' El moi, (jui suis-je
dans I opinion pubii(|uc, sinon le premier d'une société de
pauvres Irèrcs? Je n aurai donc pas la témérité de prétendre à
l'honneur de votre amitié. .Mais,' si vous voulez bien ni'admetlre
au ii(iinbr(î de vos si'rvileurs, je tiendrai cela pour une très-
-larule laveur. »
Une |eili(> il Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluni, (>t quatre
autres à llii;j;u(!s, son successeiir, ouvrent le second livre. Lu
I ', n p. 1. j>reiiiière roule sur plusieurs objets de spiritualité , (pie nos
deux abbés avaient traités en.semble dans un entretien par-
\ '<• 11. op. '2. liciilier. Dans la s(îconde , après avoir l'é-licité lliif^iu^s de ce
(jue son él(!Ction avait mis lin au\ troubles (pii avaient suivi
la morl d(> son prédéc(^sseur, il demande ii êtie libéré de
I obiii:alii)ri (ju'il avait contractée, ii la prière de Pierre-lc-
Véiierabl(! , en léjtondant d'une somme d'ar.qent ipie ce
(leriiKM- avait empruntée. Ne recevant pas de réponse à sa
1,1 II. «p. r>. demande, ii cciivit la Iroisiiime lettre pour s(! plaindre,
sans aii-'reur , du silence des clunisles , (pion aurait pu
prendre [lOiir de l'ingratilude. Enfin, n'ayant reçu (pi(î des
repoitses évasivos , et point d'argenl , il leur dit, dans la
(piatrienie, ipi'ils sont fort habiles à résoudre un syllogisme,
mais (jue cela ne sullit [tas pour acquitter ses dettes ; jeu d(!
IUOI.-5 (pii na de S(}l que dans, le latin : Bone domine, bene
dofuit vas niagisler noslcr proponere , nlinam sic benè sol-
rere! Solvere dico debituni , non syllogismum . .\u reste, il
nous iqjprend (pte révé(|uc de Wincesler, Henri de Blois,
ancien cluniste, travaillait alors ii éteindre l(>urs d(>ltes. Il
n'i^sl plus cpicslion d<: c(!la dans la cimpiième l(>ltrc : elle a
pour olii(>t (11! cimeiiler la paix enln; les clunisles et l'abbé
(le Sainl-Lauivnl de Liéi;e, (lui , se iciidanl à llliini [lour
II, M'
PIERRE DE CELLE. 2i7
terminer à lainiablc un procès (ju'ils avuienl entre eux, avait xii sir.i:i.i
reçu, chemin faisant, l'Iiospitalité à .Moûtier-la-Celle.
Dans la lettre (i à Ilenri-le-Libéral, comte de, Cliam- '''' " '•'
|)ai;nc, l'ierrc Si- plaint ([U(î ses ofliciers le mcllenl a contri-
bution, et (pie le [iriiice ne lui [)eruiet ni de le voir, ni de
lui parler, |)our lui faire connaître la pénurii; de son mo-
nastère.
[.a siiscription de la 7'' lettre à labbe de Molème, di-sif^né '''"'■ "' ''■'
par la lettre A, est fautive II n'y a point eu daus ce temps-là
d'ai)bé de cette maison dont le nom commcnràt [)ar un A. Il
faut lire (i, ou bien W, cl sous-(!nteiidre Guilencus ou
Wilenrus. (ielle lettre lenferme de très-bonnes rè-les de con-
duite |)our un supérieur ; elle iinit par celle maxime : Ne faites
rien (\[k\ selon Dieu, ne commandez rien au-delà de ce ((uo
prescrit saint Renoil : h'.iirà Deum nihil agus, extra, Bene-
dicluni mhil piwcipia.s.
Les (leuv lettres --uivantcs aux abbes de l'rtMiilli (;l de '■'''• "•
Houleiicoui t ne coutieuneul encore <pie des re_i,'les d(^ con-
duite.
Matliilde, alibc-se de Tontevraut, avait prie notre abbé
de lui composer (piel<pies pieuses sentences, senienliolas. Kn
attendant cpi'il [misse les lui envoyer, l'ierre fait, dans la lettre
10, I èloi;e des vertus île l'abbesse et de sa ciunniiinanlé ; il loue ' ' '''
sur-tout la princes.^' d'avoir icnoncé au uion(l(>, (juoiipie toit
jeune, après a\(iir jierdu son époux, (ils du roi d'An^^leterri',
qui avait péri dans un nauiraiie.
Après celte lelln>, il y en a une dont la sii.scri[)tion est :
DomiUcV suœ scrcKS snus spiiilum tecium, et cette dame était
alors dans un couvent ; car l'ierrc s<' rccoyffiuande aux piicres
(1(! sa communauté. Seiait-re la c( ml esse Maliaut, \euvede
Tliibaud-le->ifand, (|ui, dit-on, se (U religieuse à i'ontevraiil,
ou bien sa lilie .Mai :jiieiile, <|iii embrassa aussi la vne religieuse
dans le même ordre .'' Il paraît fpie l'une ou l'autre avait à se
plain(ln> du prieur de Saiul-Ayoïil de Provins, dont l'abbé
prend la défende' dans çeiie lettre, et aiupiel il écrit la lettre
suivante.
Dans la lellre 13, d repond à 'l'iionias, prieur di; Molème, ui. w .i-. r
ipii, se voyant di'cliu di^ ses piélenlioiis sur uni; abbaye, re[)ro-
cliait à notre abbé de lavoir desservi au moment de lélection.
Pierre lui raconte comment la chose s'est passée, et nie avoir
rien dit à son désavantage
Les religieux de Cliési, près de Clifiteau-Tliierri, moles
Lil>. II.
Lil). Il, 1,1. 1 '
248 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, talent leur abbé, nommé Simon ; et, parce qu'il était vieux, ils
Lib. II. c|). voulaient lui donner un successeur. Pierre leur représente avec
'*■ *^- force l'atrocité d'une pareille conduite, et les exhortée vivre en
paix avec lui, dans les lettres 14 et 15.
Lib. m. cp. Les six premières lettres du troisième livre, aux chartreux
~ * du Mont-Dieu, dans le diocèse de Reims, nous donnent l'idée
de la correspondance qui s'était établie entre l'abbé de Moûlier-
la-Celle et les chartreux, sur des questions de pure mysti-
cité. On voit, dans la première, qu'il regrettait beaucoup
un de ses religieux nommé Simon, qui l'avait quitté pour
se réfugier au Mont-Dieu ; et, dans la sixième, qu'il était
allé lui-même faire une retraite dans cette solitude. C'était
l'an 1161, comme il le marque dans la lettre 11 du cinquième
livre.
Lib. V, ep. Deux autres lettres du même livre, l'une à Basile, prieur de
' ' la grande chartreuse (c'est la IS''), et la suivante à Simon,
prieur du Mont-Dieu, sont relatives à un établissement que
Henri, comte de Champagne, voulait faire dans ses états pour
des chartreux. Pierre fut chargé de celle négociation, et il s'en
acquitta avec d'autant plus de zèle que le prieur du Mont-Dieu
avait été son disciple.
Lib III. cp. 7. Pour bien comprendre la lettre 7 du troisième livre, il faut la
. ^.■^!^^ '?•-'!; combiner avec les lettres 2a et 28 de Nicolas de Clairvaux, dans
t. aM, p. î),>0
et scq. lesquelles on voit que l'abbé do Moûtier-la-Celle, entrant en
possession de son abbaye, éprouvait de grandes contradic-
tions de la part de deux religieux, qui, fiers de leur
noblesse, et Irès-irréguliers dans leur conduite, refusaient
de subir le joug de la règle. Nicolas exhorte le nouvel
abbé à s'armer de courage, à frapper de grands coups.
Mais, chose admirable, et qui donne la mesure du caractère
de notre abbé, bien loin de déployer la sévérité, il écrivit à
la communauté la lettre la plus amicale et la plus paternelle ;
il n'y désigne pas même les coupables : qu'ils se corrigent, et
tout est oublié.
Lib. iii, ep. 8. Dans la lettre 8, il fait un grand éloge des religieux de
Grandniont, avec lesquels il désire entrer on communauté de
prières.
Lib. III. cp. n. Ayant entendu dire beaucoup de bien d'un jeune prêtre de
Provins, ol voulant le connaître plus particulièrement, il I invite
( lettre 1) ) à venir le trouver à Moûtier-la-Celle.
Lib III cp Kl. " 3vait dans sa communauté un jeune religieux, fils
d'un prêtre ou curé de Hasling, en Angleterre, adonné, à ce
PIERRE DE CELLE. 249
qu'il paraît, au via el aux femmes ; car Pierre, à la prière de xii siècle.
son fils, le prêche beaucoup sur ces deux articles dans la
lettre 10.
Les lettres 1 1 , 12, 13 du môme livre sont adressées à des ., ^J'''"' ''P'
religieux de Clairvaux, el roulent sur des objets de spiri-
tualité.
Deux lettres à la tête du quatrième livre n'ont pas d'autre Liv. iv, ep.
suscription que /Swostn^s. Elles furent adressées à Nicolas de '
Moûtier-Ramei, alors profès de Clairvaux, parmi les lettres
duquel on les trouve, et servent de réponse à autant de lettres ^ ^ibl.' Patr.
de Nicolas, savoir la 2'' à la 49% el la première à la lettre 52, ^^ y^g ' '*'
dans lesquelles Nicolas emploie la même salutation Suo suus.
Ces deux amis étaient en dispute sur une question de pure
métaphysique, dont il a été parlé à l'article de Nicolas. Dans hisi LUiér.
le fond, ils étaient du même sentiment, et ne disputaient *■ X'"- P s^^-
que sur les mois. Mais, comme ces sortes de disputes sont
ordinairement les plus échauffées, notre auteur, dans sa pre-
mière lettre, s'échappe en termes assez durs contre son
adversaire, jusqu'à lui dire qu'il fera bien de ne plus lui
écrire.
La troisième lettre au même Nicolas, Nicolao suoPetrus suus, Lib. iv, cp. s.
fut écrite antérieurement aux deux précédentes. C'est la réponse ^'1^'- ^^^'- '''■
^ '^ p. Îi28.
à la lettre 20 de Nicolas, qui lui avait fait part de l'admission
d'un de ses élèves à Clairvaux. Aussi Pierre de Celle fait-il
l'éloge de ces religieux, qu'il compare aux lys des vallées pro-
fondes, aux cèdres du Liban, et à des oliviers plantés dans la
maison de Dieu. On voit bien, ajoute-t-il, à vos discours et à
vos œuvres, que vous êtes du nombre de ces hommes qu'on ne
peut assez louer.
Od a réuni à la suite neuf lettres à Jean de Sarisbéry,
quoiqu'elles aient été écrites en différens temps. La plupart ont
pour suscriplion Suo suus semper suus et unicè suus, ou bien
suo clerico suus abbas.
Dans la quatrième, Pierre avertit son ami de se tenir sur yb. iv, ep. 4.
ses gardes, parce qu'on épiait ses discours et ses démarches;
qu'on savait d'une personne distinguée de la cour du roi
d'Angleterre, qu'il avait tenu des propos fort indiscrets sur
celle cour, et s'était faussement porté pour légal du pape.
« Je ne sais, dit-il, si cela est vrai; mais soyez réservé, sur-
tout dans ces sortes de choses». Jean de Sarisbéry explique,
dans la lettre 115, sur quel fondement la malveillance avait
Tome XIV. I i
'IM) PIERRE DE CELF.E.
XII SIECLE. j)ort6 contre lui des accusations aussi tjravcs. Ces lettres sont de
l'an 1159.
Quelque temps auparavant, légliso du prieuré de Saint-
Ayoul de Provins, dé[)endanl de Moùtier-Ia-Ceile, ayant été
consumée par un incendie, Pierre résolut d'envoyer les reliques
du saint en Angleterre, pour amasser de quoi réparer cet édi-
i.ii>. IV, ep II. lice; il écrivit une première lettre à son ami (c'est la 11' du
(|iialriéuic livre) pouravoir son avis : et, sur sa réponse, con-
tenue dans la Icllre 97 de Jciin do Sarisl)éi\ , Pierre écrivit
l.ili. IV fp. M. encore ia a' pour lui annoncer le départ dr. ceux quil
envoyait.
,1^ ly j^ On voit, dans les lettres G et 7, restime (pic taisait laLbé de
6, 7. la ('ell(^ des lettres (ju'il recevait do.lean de Sarislicry ; il m parle
avec cnlliousiasme. Nous cro\ons cpi il avait pariiriiliéremeiit en
vue les lettres <S1 et H-2 du littérateur ani^lais.
Liv. IV. r|. 8 Quant à la lettre 8. cesl la répon.se à la Icllrc; 1 15 de Jean de
Sarisliéry, dans laquelle celui-ci (léi>iore le maliieiir (pi'd a eu
d'encourir ia c!i.si,'race du roi d .\ni^lelerre, et le prévient qu'il
sera forcé de se réfugier en Fiance ("cpcndant, coniine Pierre
était in(pii(!t sur le sort de son ami, .Icaii lui écrivit encore la
lettre 9(), pour linstruire {lr<. iiiotil^ (|ui lavaient fait changer
de résolution.
Lili. IV, cp. 1». Dans la lettre 9, Pierre represenle à son ami qu'il a tort de
le négliger après toutes les preuve^ d ainilié ipi il lui a données.
M lui demande ensuite sa |irolcctiori ..iipres du souverain
|)onlife, |)our ia réii.ssile d un procès ipi il avait avec les
chanoines réguliers di' CliantenitMle, au siijrit du cimetière du
lieu, d(jnt ils voulaient le dépouiller, au mépris du privilège
du pape Ana^tase i\ , dont .Ican de Sarisliéry avait été
lui-niênie le rédacteur ('ol donc, coik liil-il, une alTaire qui
\ous regarde : (\iiisa i\la Ivn est; coijila tiunquam tt(nm rel
lie iui'i. jWj^i riiilurn, sed i.iilUrni /uxlii eonsilinm tuuiii.
D'oîi il seiiilile (pi on jieut inlerei ipie son ami était alors vu cour
de Rome.
Lil.. IV op tu. Il est prolialile (pie Pierre iM'tail plus ahhé de la Celle,
lois(pril écrivit la lettre lit .\n>si la sus('ri|ilion Clerico suo
smisnbbas, ne le dit pas. C'est la réponse a une lettre de
Jean de .Siirisliei V ipie nous n'avons pas, dans hupielle celui-
ci, forcé de se.\|)atrier, r(>gardait Paris avec tous .ses agré-
mens comme un lieu d'ixil. C était l'an 1104, comme on
Kp s. Tiinni. le Voit |)ar cclie (pi'il ('crivit en même temps à saint Thomas
lit'. I, (|i. 2i. de Cantorlièrv , <;! oii il parle de Paris dans les mêmes
IMERRE DE CELLE. 251
termes. Sur (juoi labbô do la Celle lui écril : a 11 faul con- X" S'Ecle.
venir- (fuc vous avez choisi un liou d ex.il assez agréable. Quel
autre que vous ne regarderait pas l'aris comme un séjour dé-
licieux? Cependant , vous avez dit vrai; parce que là oii le
corps trouve le plus de volupté, le sage doit se regarder
comme dans un lieu dexil Ri-hudo lumen veriim dixisti ,
quia ubi niajov et amjilior voluptas lovporiim , ibi verum
ecriUiim anininmm
Dans la lettre M à .leaii de Sarisbérv , l'ierrc no |)reiid (pie '-''' '^'i T- «2.
la (|ualité de son ami cl de son diseiple; il .s'étend ensuite sur les
avantages de la .solitude, appareinment j)Our l'attirer au|)rés
de lui.
II fallait que l'étal monasliciue lût bien déchu en Angle- i.ii. iv, cp. n.
terre, à en juger par la peinture (ju'il l'ait, dans la lettre 13
à un religieux de Norwic, des déréglemens (pii régnaient
communément, à ce (ju'il dit , dans les nionastùres.
Ici finissent, avec le (pialrième livre, les lettres tpie Pierre
écrivit, à quelcpics excepiion.-; près, étant abbe de .Moûtier-la-
Celle. Dans les suivantes , il prend li: litre d"abbé de Saint-
Rem i ; mais, dans rairangeinenl de celles-ci, nous ne voyons
pas que le conqiilaleurail suivi le iiiènie ordre que nous avons fait
remarquer dans les premières Tout y est confondu ; cependant
on a eu quelque égard à l'ordre des ti-nips, au moins dans le
placement des dernières. Pour procéiler conformément à lar-
rangement ci-dessus, nous anal\ serons successivenuml les
lettres adressées aux papes, a;!\ caidiiuuix ou légats, aux
arclievè(pies , aux év.'(pies , aux abbés , etc.
De sept lettres au pap(> Alexandre III. deux sont relatives u\, y, e,.. i!..
à la mission de Foiihpies, son ilisciple , en (pialité d'évéque Lii). vi, c,'.. è.
d Estonie. i'i<Mrc dt-mandi; pour lui au .souverain pontife qu'il
lui communique une partie de son autorité, alin que le nou-
veau missionnaire puisse exercer son ministère avec plus de
fruit dans un pays barbari; et encore inlidèle. Une U.-ttre de lil. vi. op y
notre abbé au roi de .Suède, nous apprend que Foulques
n'était pas encore parti I an I KiO, épo(pie d un voyage que
fila Rome rarch<!\è(pie de Keinis , peiulanl lequel 'poulques
exerçait les Jonctions épiscopales. — Dans une autre, de l'an uh. viii, e 8
1177 ou 1178, il ex|)o.se au pape les raisons qu'avait Henri,
abbé de Clairvaux , de ne pas accepter lévèché de Toulouse
qui lui était offert. — Ayant été délégué pour juger un dillércnd
entre l'évêque de Sois.sons et le comle de Dreux, frère du roi „„ ^^^^' ^"''
X
11 2
de France, il rend compte au jiape de lïlat de lall'aire. — Au> '''''
252 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, approches du concile de Latran , de l'an 1 179, il écrit au pape
Lib. VIII , pour s'excuser de faire le voyage de Rome, et en même temps il
cp. 11, 12. lui dénonce deux grandes plaies qui minaient l'église de France,
Lii, vi/i ^^ auxquelles il était urgent de remédier, la simonie et l'incon-
ep. iG. (inence. — Dans une dernière lettre, il s'agit du prieuré de
Marsne , au diocèse de Liège, dépendant de Saint-Remi. Le
pape ayant accordé à un clerc de l'empereur une prébende dans
cette église, Pierre lui représente tout le mal que les Allemands
avaient fait au saint siège et à cette maison , durant le schisme,
et le prie de révoquer ses ordres.
Cinq ou six lettres au cardinal Albert, chancelier de l'église
Lib. VI, cj. 1. romaine , et enfin pape sous le nom de Grégoire VlU. M était
égat en France, l'an 1 17:5, pour travailler à la réconciliation
du roi d'Angleterre , accusé d'avoir participé au meurtre de
saint Thomas de Cantorbéry, lorsque Pierre lui écrivit la pre-
mière lettre du sixième livre , pour l'exhorter à bien faire son
devoir, et lui recommander en même temps les chartreux du
Val- Dieu , auxquels l'évèque de Séez différait de bénir un ci-
Lib. VI. ep. 3. nieliôre. — La Ictlre 3 du même livre a pour épigraphe uni
cardinalium. Ce cardinal ne nous parait pas autre que le légat
Albert, auquel il expose les maux infinis qu occasionnaient
dans la province les guerres privées des comtes de Rouci , de
Rélhel, et des seigneurs de Pierrepont. On n'avait pas trouvé
d'autre moyen de mettre un terme à ces hostilités que de réunir
ces familles par des mariages; mais les degrés de parenté for-
maient un obstacle à celle mesure de conciliation. L'abbé de
Saint-Remi pense que le souverain pontife devrait, en pareil cas,
tempérer la rigueur des canons — Il avait écrit au pape , au
Lili. VIII, (jQ^ jjgg religieux do Clairvaux , de ne pas contraindre leur
abbé à accepter l'évèché de Toulouse. Il adresse la même
prière au cardinal Albert , devenu chancelier de l'église ro-
Lib. VIII, maine. — (rest encore à lui qu'il adresse deux lettres relative-
ment au concile de Latran , qu- devait se tenir l'an 1179, pour
lui exposer les abus introduits dans l'église de France, qu'il
!,ib. VIII, serait instant de réformer. — Knfin le pa[)e ayant disposé
''■ ' dune prébende du prieuré de Marsne en faveur d'un clerc de
l'empereur, il s'adresse avec confiance au cardinal Albert ,
pour faire révoquer cet ordre.
16 '18 ^"' "'" '^^"'^ lettres au cardinal Pierre de Saint - Chrysogone ,
légat en France, en faveur d'un de ses clercs, appelé maître
Crépin, qu'il desirait attacher au service du légat, persuadé
qu'il en serait content.
PIERRE DE CELLE. 253
Trois lettres à Bernérède , créé cardinal évéque de Pales- xir siècle.
trine, l'an 1 1 79. Dans l'une, il déplore l'absence d'un si bon Lib. viii,
ami, qu'il n'espère plus revoir. — Bernérède n'était pas plus "^P;.u*'.v
, . , I r L,b IX, en. 1.
content que lui de se voir élevé au cardinalat ; il regrettait
ses anciennes habitudes. Pierre le console de son mieux, en lui
représentant les nouveaux avantages dont il jouit , qui font
plus que compenser ceux qu'il regrette. — Dans une troi-
sième, il veut lui prouver que son éloignement, bien loin Lib. ix, ep. 2.
d'avoir altéré l'amitié qu'il lui porte, n'a fait que l'accroître ;
il lui annonce que Thihaud a été nommé à sa place abbé de
Saint-Crépin ; qu'il lui envoie un missel après lui avoir en-
voyé un bréviaire; enfin il lui reproche de détruire sa santé
par des austérités immodérées. — Bernérède étant mort l'an- Lib. ix, ep. 0.
née suivante, l'abbé de Saint- Rémi, dans une lettre à Pierre,
cardinal évêque de Frascati, se reproche de l'avoir engagé de
faire le voyage de Rome, ne prévoyant point qu'on le retien-
drait contre le gré de son ami et le sien ; néanmoins, il se con-
sole en apprenant que Dieu a manifesté sa sainteté par des
miracles.
11 y a encore quatre lettres au même Bernérède, abbé de
Sainb-Crépin de Soissons. Dans l'une il charge son ami de Lib. v. cp. 1.
dire à sa cousine (nous avons déjà prouvé que c'était la
comtesse de Braine) de lui dire qu'elle agirait plus noblement
de se contenter des petits présens que ses sujets pourraient
lui faire, que de les forcer à de fortes contributions. — Dans
la seconde, il s'indigne que ses occupations ne lui permettent Lib. v, cp. 2.
pas d'aller à Saint-Crépin célébrer la fête patronale. — Dans la
troisième, il fait part à son ami des mesures qu'il a prises Lib. v, cp. 3.
pour faire déposer l'abbé Drogon, son successeur à Moûtier-
la-Celle , qui , dans un très-court espace de temps , avait
détruit le bien qu'il avait procuré à cette maison — L'affaire
étant consommée , il écrit aux religieux assemblés pour Lib. v, cp. 7.
l'élection d'un nouvel abbé, leur recommandant de prendre
conseil de l'archevêque de Sens et d'autres personnes reli-
gieuses, afin de ne pas faire un aussi mauvais choix que le
premier. — Vers l'an 1171 , il y eut des hostilités entre l'arche-
vêque de Reims et le comte de Champagne, qui prêtait main-
forte aux vassaux insoumis de l'archevêque. Sur quoi l'on
peut voir la lettre de celui-ci à ses suffragans. Pour rétablir Manùne ,
la paix, on tint à Troyes une assemblée à laquelle assista le '^'"p'- <^''"«'■'■
pieux Bernérède. 11 en revint tout glorieux d'avoir été dis- '' "' "'' ^"®"
lingue parmi beaucoup d'autres par la comtesse de Cham-
254 P I KU K K DE C El. \. R
XII SIECLE, pa^ne, fille du roi Louis-lo-ltMinc, ([tii l'avait admis à sa table,
el lui avait accordé tout ce (|u il lui avait dcmaudé. Mais il
Lit. viK. jj'ayaij pi, réussir à concilier li's esprits T'était pourtant là l'cs-
''^' senlicl. C'osl pour(pioi l'aljhé de Saint Uonu. dans un niOinout do
^'aîlé, l'invite plaisamment a (■<iiilimii'r de taire de ()areils
miracles.
Six lettres à Eskil , aiciievèfine île liindiMi, prouvent la
qrandc considi-ration dont jouissait l'alihé de Saint - Rémi
ijb. V, cp. ;i. auprès de lui. Dans l'une, il lui ri'commatuhî un clian'une
de Saint-Timolhée, Irere du vidauie ilc lieims, ipii. attire par
les lielles choses (pie puliliait de lui la renommée, allait en
Liii. VI. op. 15. Danemarck. — En lui envoyant I-'oui'pi's, un de ses élèves,
qu'Eskil avait demandé pour évèipie d(\-; E:,toniens , il lui
représ(>nte les dillieullés qu'éprouvera dans sa mission ce
zélé prédicateur, s il n'est a|ipnye de ses laigessos el di' son
Lit). VII. cp. (i. crédit. — Ayant appris (pic cet illustre prélat, au retour d'un
voyage en France, avait failli <'lre submergé dans la mer, il
désire êlie instruit d'un événement deuil s alarme son amitit' (I).
I.il.. VII, , -p. r, — Ha.ssuré [)ar le rapport de muitre Ciepin, (pii, ayant accom-
pai;né le prélat. a\ai' couru le mèuie daiii^cr, il admire la
conduite de la pro\ id'MKe, ipn met (pielipiefois .ses élus à de
Lil.. VII, cp 17. cruelles é[)reiives sans vtiuloir les peidre. — Eskil étant revenu
Lii). VIII, ,p. 1. p., i.'piince [)()ui emiuaxser la \ie relif^'ieuse à Clairvaux,
l'ahlui de .Sainl-lit-mi lui ('crivil emore deux lettres pleines
d'éloi,'es el do t(''moiiinaf:,e-. danuiie, ici^'ictlaut ipie ses inlirmités
i.ii. viK, ne lui permisMuil |)as de lallei \i-it.r — .Mi.-^alon ayant suc-
>■]■■ !'•• -'I. celé il E-kil d.iiis laiclii'vi'eiie de Luuden, Pierre lui écrivit
aii^si deux lettres pour lui recommander les neveux ou les
pelits-(ils d'E.skil , nepolcs, ainsi ipie son di.soiple Foulipn^s,
(•\èi|ne d'Estonie.
1,1, I ^, ,; (,)ualre autres lettres ;i autan! d archevèipies ; une ii Henri,
arilu-vèipie de Heiiiis. lequel elant aile à Rome, l'avait cliarg(''
ilu i;ou\eriieiiienl de -ou diiirr,,'. Il je pres.se de revenir,
parce ipi'.i la l'aveur de >i)n iloi-u.Miient, de grands troubles
sciaient élevés dan- le pays Celle letlic est de 1 au IHiG.
l.ib. VI, fp. 7. Il avait é'crit, peu de temps aMpara\aiit. au cliaiicelier et au
chantre île léi^'lise de Ciunine^ne , (pu avaient accomiJagiii'
le prélal dans ce voya;-'e, pour les assurer ipie loul allait au
(1} C't aoriilenf iinivi, .m plus lut, laii IITij; car, Mans sa letlrc, Pi^.'n-e
annonce :ui prélat ■|ii<! -lean ilo Sari.<l)i'ri vnnait dV-lr.^ nDiuiiic- évo.pi.: tU
Cliartres.
PIERRE DE CELLE. 255
iiiieux.— L'arclicvêque de Coliigne, Philippe, dont le pontiG- X" siècle.
cat coninicnra 1 an M 07, ayant disposé cmi faveur de clercs se- ^'^- '. ep. 13.
cidiers des ]irél)endes du prieuré de Marsnc, au préjudice du
monastère^ de Sainl-Renii, Pierre lui fait sur cela l(\s plus
vives représentations, cl l'assure (pie jamais sa communauté
ne consentira à une pareille spoliation.— Pendant les démê- Lii,. i, e|.. lo.
lés de saint Thomas de Canlorhérx avec le roi d Anj,'lelerre,
lorsque raccommodement ne tenait plus qu'à la reslilulion
des hiens de léglise, Pierre écrit au jjrélat de ne rien relâ-
cher de ses [irétenlions. Il fait un raisonnement qui se res-
sent bien des préjugés de son siècle. « Il fiuit, dit-il, con.si-
dércr attentivement les divers lenq)s de I église, et les dillerens
états par oii elle a passé: car, lorscpi'elle était encore faible
et naissante, e!l(> ne pouvait opposer ([ue la patience à l'in-
justice, et (luahandouncr .son mauleau à celui (pii demandait
la lunicpie. .Mais à-|)réM'nl (pi elle e>l dans sa force et .sa vi-
gueur, ce (pii liait piMmis à ses ennemis ne l'iîsl plus à ses
enfans. Il convient à la mère de corriger son ^d^, comme elle
devait tout endurer de la part de snii euMcnii, lorsiju'elle
n était que pupille ». .\\cc un [lareil raisonnement on pour-
rail aller loin —Pierre a\ail accueilli à Sainl-Remi, comme L i.. vil, ep. ^Ji.
tant d'aulres, un Anglais .pi il appcHe maîlre G. (Nous p(Mi-
sons que ce pourrait être (;ill)(ri d,: (ilanville (1), qui avait
suivi en France saint Thomas de Caiilorhéry). Il retournait
en Angleterre, à la deinandc de l'aichevnpie Raoul, succes-
seur de Thomas. Pierre, en le lui envoyant, fait l'éloge de sa
science et de ses bonnes cpialilés, le priant de faire pour son
avancement ce (pi'un de ses |)r(''déce.-;.seuis avait fail, à .sa ivconi-
mandalion, |)Our Jean i\v. Sarisbérv
Oeux lellres à (Guillaume de Chanipagno, arclieviVpie de Lib. Vl,q,. 2.
Sens. Ce pi.lnl a\ail IniKlé. conjoinleMiciil avec ...a Mnir l.i
comtesse du Peniic la chailiviisc du \, il -Dieu, au dioivse
de Séez; mais l'évi'que di(jc(''sain dillriail lonjoiirs de faire la
consécration du lieu. Pierre recommande à l'anhevèipie de
Sens d'employer son nédil en faveur dcis religieux qu'il y
a\ai( |)lac(''s, et de ne pas laisser im|iaifail un élal)lis.semenl
qui lui devait .son existence. —Dans une autre lelire. il le loue Lib. vu, cp. 8.
de séire démis de lévècli.' de Chartres en faveui de Jean de
Sarisbéry.
(I) Vujez la l.-ttiv ,|.\n,oul ,1,. I.isieu.'^ an pape Aloxan.lru, t. XXU Je lu
HibliolluMjiie .!(■.■< 1Vt.-.-<, p. l:;;i,S, rul. 2.
256 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE. Des plaintes contre Jean de Sarisbéry, devenu évêque de
Chartres, et en particulier sur ce qu'il se laissait conduire
par un homme qui manquait de prudence, et n'était pas
exempt de cupidilé, étaient portées à l'abbé de Saint-Remi
Lib VII, cp. 2:?. comme à celui qui l'avait formé. Pierre lui écrit qu'il ne le
reconnaît pas au portrait qu'on fait de lui ; mais qu'il ne sait
que répondre à ceux qui le dénigrent, attendu que, depuis
plus d'un an, il n'avait reçu de ses lettres. — Bernéréde, abbé
de Saint-Crépin de Soissons, porteur de cette lettre, devait
Liii. VIII. cp i. lui en remellre une autre dans laquelle Pierre se plaint que
son ancien ami n'a eu aucun égard à une demande qu'il avait
faite d'une place pour un de ses cousins nommé Hugues,
chanoine de Reims. Celui-ci s'étant désisté de sa demande
en faveur d un autre cousin, archidiacre de Chartres, dont
le nom corainençail par un G; Pierre forme pour ce dernier
la même demande, et ajoule que, s'il n'est pas exaucé, il ne
i.ii). VIII. e\>. '.i. lui demandera plus rien. — Dans la lettre suivante, il lui re-
proche de n avoir pas reçu Bernéréde comme il convenait.
Cependant , il l'assure que son méconlontenient est passé
depuis qu'il a reçu de ses nouvelles avec lespérance de le
voir bientôt. — Cinq autres lettres à Jean de Sarisbéry avant
son épiscopat, sont relatives au meurtre de saint Thomas de
Cantorbéri, ou ne contiennent que des témoignages d'amitié. Ce
sont les lettres 1 4 et iO du cinquième livre, les 1! et 1 2 du livre
VI, et la 2c du livre VII.
Liip vili. cp. 2. Lettres à des évêques. L'abbaye de Saint-Remi avait un
prieuré en Provence, dans la petite ville de Saint-Remi, au
diocèse d'Avignon. Pierre écrivant à l'évèque, lui demande
sa protection pour la maison et pour un nouveau prieur qu'il
Lib V, cp. (!. y envoyait. — Barthélemi, évéque d'Excoster, ayant résisté
dans une occasion critique au roi d'Angleterre, Pierre lui en
témoigne sa satisfaction, et lui offre sa maison pour asyle,
Lib. V, ep. ic. s'il est forcé de s'expatrier. — Après le meurtre de saint Tho-
mas, il mande au même que son deuil s'est changé en allé-
gresse, en apprenant les miracles que Dieu opérait sur son
tombeau. Ne pouvant aller visiter ce tombeau, il le charge
de faire pour lui ce pèlerinage, et de prendre soin des clercs
attachés au saint, qu'il appelle les poussins du grand aigle.
Liv VII cp 10. — Dans une autre lettre, il se plaint de son archidiacre, qui,
sans lui donner avis des désordres qu'il voulait réformer
dans le prieuré de Lapelée, dépendant de Saint-Remi, avait
traduit à son tribunal les religieux du prieuré. Il regarde la
PIERRE DE CELLE. 257
procédure comme irrégulière, et néanmoins, en rappelant les xn siècle.
coupables, il prie l'évêque de proléger ceux qu'il envoie à leur '
place. — La lettre suivante à l'abbé de Beldewas, est relative à Lib. vu, cp. ii.
la même afîaire.
Lettres à des abbés de différens monastères. Une à l'abbé Lib. v, ep. u,
de Saint-Hubert, pour lui persuader de ne pas se démettre
de son abbaye, malgré la difficulté qu'il trouvait à s'y main-
tenir sous une domination scliismalique — Une à Erlebolde, Lib. v, cp lo.
abbé de Stavelo, qui revendiquait une somme d'argent sur
le prieuré de Marsne. — Deux à l'abbé de Saint-Edraon, avec Lib. v, pp i;;.
lequel Jean de Sarisbéry l'avait mis en correspondance ; mais ^'^ ^ '' '■'• '"■
il se plaint que les troubles survenus en Angleterre ne lui
permettent pas de l'enlrelenir comme il désirerait. — Une à Lib. v, .p. is.
l'abbé de Lagni, auqii(>l il envoie un de ses écrits pour être
corrigé de sa main — Trois à 1 abbé de la Sauve -Majeure, dans Lib. v, pp. \i.
le Bordelais, pour excuser le prieur de]Novi,dans le Rethe- Lib. vi, cp.
lois, qui refusait d'accepter une abbaye à laquelle il avait
été nommé. — Deux à Thibaud, abbé de Molême ; l'une pour Lib. vi, op. lô,
se plaindre qu'il difléràt par de vaines défaites d'acquitter
une dette ; dans l'autre il n'ose lui conseiller de se démettre Lib. vu, cp. ly.
de son abbaye, comme il en avait formé le projet. — Une Lib. vil cp. \.
à l'abbé de Saint-Riquier, dans le Ponthieu, dans laquelle il
n'approuve pas que l'abbé de Saint-Riquier ait renvoyé un
de ses religieux, en lui faisant promelire par serment qu'il
ne retournerait plus sans sa permission. — Deux à l'abbé de Lib vu
Villier (apparemment Villier-Bennach, ordre de Cîteaux, «"P- ^^ î*-
au diocèse de Metz) ; l'une et l'autre pour recommander deux
religieux de cette abbaye — Une à l'abbé de Saint-Gilles, dont Lib. ix, ep 7.
le nom n'est pas exprimé, mais dont il relève la noblesse et
la littérature, afin de lui recommander l'humilité. C'était
apparemment l'abbé Ermengaud. — Une à Thibaud, prieur Lib. ix, cp. 3.
de Crépi en Valois, qui, apprenant son élection à l'abbaye
de Cluni, avait témoigné à l'abbé de Saint-Remi sa frayeur
d'être appelé à porter un fardeau si pesant. Pierre le rassure ;
et, sans lui dissimuler que c'est une croix à porter, il se
réjouit de le voir élevé à un poste si éminent. — 11 y a encore
une lettre à un abbé de Cluni, dont le nom n'est désigné Lib l\ c 11
que par la lettre H Ce ne peut être ni Hugues III, ni
Hugues ly, pour des raisons qu'il serait trop long de déduire
ici (1) Il y a eu vraisemblablement erreur de copiste. Nous
(1) Cette lettre, dans la Bibliothèque de Cluni, col. 1445, a pour
Tome XIV. Kk
■2;.. s PIKRRE [)R CKLL K
XII SIECLE, croyons quelle fut écrile à 1 abbé Élienne, qui gouverna ce
nionaslèrc depuis l'an IIGI jusqu'à 1173, pour lui dire qu'à
sa recommandalion et sous sa i;aranlie, il confiait à un reli-
gieux nommé Etienne comme lui, au(|u('l l'ahlic de Cluni
prenait beaucoup d'intérêt, le prieuré de Sainl-Rcmi en
Provence.
Lib. VI. cp. 9. Lettres à des prieurs. Trois au prieur de Canlorbéri,
l^'i,' «li '^''' li!' nommé Otion dans les lettres de .loan de .Sarisbérv, toutes
Lib. VII, ep. 20. . . ^ -> \
relatives au meurtre de Saint Thomas et à ses miracles,
quon recueillait de toutes paris pour en former un corp.s
d ouvrage (|ui existe manuscrit. Pierre i\\\ rapporte! uu qu'il
croyait ci'rlain ; mais il reconmiaiuli; sur-tout de pre ndri'
garde à ne pas mêler le vrai avec le faux, ni même avec l'in-
certain : Omni siipplicatione cl postulalione tara vos, qnôin
oranes qui posteris Iroditw^i eslis me7»oriam mirabiliinn
vestri et voslti marlyris, exoro lU iiiliH itisi septempliciter
e.raminatum, purgalmn et colalum fidelissvnà rerilate scri-
i.ii). VI, cp. 21. batur 'le eo vel de miraciilis ejiis. — .Ayant ajipris le niau-
Liv VII. i|.. il \;iis (.(al au(|uel (''tait réduit le prieuré de F.,a|)elée, il écrit
au prieur de WorcliestiT, appelé Radulfus par .lean de Saris-
bérv ( episl. 203 ;, qu il e.sl Inice de lapjieler, contre son avis,
le prieur de celte maisoi), et d y einoyer daulres religieux,
l.il) IN, ip. !> tji'i, aide-; de <es ( (iri>eils, pouiidiil i.i ti'lahlir — .Au nou-
veau prieur d-- [.apeli'-e, dont le niun eoiuiiiençait par Ing.,
siisoription, Pe/rus Carnutensis rler.tti.i I/vgoni abbali Cluniaccnsi ; mai.s il
paiait f|ne c'est mi titit- :ij<iiif<'- par l'f'.lit'Mir .\ri<li« l)iiclie.st.e. I.cs aiileiiis
>-^n Gallia christiana, Uiii\e \'lll, cul. il.'jll, per.suadp.s coiiunc lui ipiVlle fut
aili(ssp(! à ffiij^ups IV, alib'* ll<^ ("Imii, .successeur de Tliili'iiiil, fait canlirial
évèipie «rOstic a» niiii.x de dé< t-inlue 118!î, pensent <|u'il faut lire, Pehus
fpisotiius Hui/ovi e/erlo. Mai.s cnnnne, dan.s cette lettre, il s'a^'it du prieuré de
.Saint-Ueini en l'rovence, auipiel l'ierie envoyait un de se.s lelinieu.x en (jualitê
de prieur, il est évident «iii'il était alor.s abbé de -Saint Kenii, et nuii évèipie •lu
Chartres. Aussi ne lif-on. dans l'éilition lUi 1'. Sirnioud, que ces inoLs, H. abbali
Clv.tiiarfnsi. I.a lettie H. ne peut dési).'nei- ni llusiues 111, qui avait été
déposé ava!!l que Pierie fût fait abbé de .Saint lienii, ni Hu>;ues IV, pMisi|ue
l'ierie était mort avant que celui-ci fût élu abbi-. 0'<>u nous concluons qu'il
y a erreur dans les trois Ici uns iliflérentes ; mais nous suppcsuns que
la lettre fut éciite à l'abbé lltienne, jiarce ipie le cfipi.ste aura pris pour
un H les deux lettres SI, et cpie d'ailleui-s la peisonne recommandée
.s'appelait Ktienne comme lui. Il pai-ait jpie cette épiire, ainsi que la suivante
qui est la dernière, ne sont pas à leur place ; qu'ayant été trouvées après
renregislrement des antres, on b-s a mi.ses tout k la fin pour ne pa.s
le.s per<lri'.
IMËHRE DL; celle. So'J
ce (jui peut signifier Tngelranmis ou Tngelbertus , il témoigne xn sikclk
sa satishiclion du lion ordre que ce prieur avait rétabli dans
sa maison , et l'instruit en même temps qu'il a déjà bien
avancé la ' reconstruction de son église , pour laquelle il a
dépensé quinze cents livres. — Dans une lettre au prieur des liu. vi, ep u.
chartreux du Val-Saint-Pierre, appelé Ingcibert , il répond
il une consullalion .sur la manière dont on peut répondre à
celui qui nous objecterait les désordres de la vie passée. Il
l'invile ensuite à venir le trouver à la chartreuse du Mont-
Dieu .
Letlres à des communautés. (>elle aux religieux de Mo- Liii. vu, ep. u.
lême , sur h^ relàcheiiienl ipii s était introduit dans cette
maiMin , jadis si célèbre, doîi était sortie la réforme de
(iîleaux , contient un b(;l éloge de la jirol'ession monastique ,
et prouve combien l'abbé de Sainl-Hemi était profondément
religieux. — Dans deux li^llrcs aux religieux d(^ (irandinont , i,ii,. viii,
as.semblés cii cliapiire, il demande une association de prières '"P- ''' '^'^•
et un diplôme dans leijuel soient compris ceux qui contribue-
raient de leurs deniers à la reconstruction du chevet de l'église
de Saint-Hemi. — Aux Clunistes , il représente les grands biens ^ji, ym
que leur ordre, comme un astre brillant , avait procurés à la cp. 23.
chrétienté ; rappelant ensuite ce dont il avait été témoin ,
lorsque , dans .sa jeunesse , il était élevé à Saint-Mai tin-des-
Cliamps ; il ctaie ilc grandes plaintes sur la décadence de cet
ordre : » Ne dois-je pas, dil-il, être pénétré de douleur jusqu'à
la moelle des os , en voyant la ruine de la mère des filles
de Sion? J'entends le monastère de Cluni. N'est-ce pas là
notre ville forte , d'où sortaient autrefois mille hommes pour
les évêchés , milh; pour les abbayes , pour les palais des
rois cl des grands? Et maintenant il n'y a qu'un très-petit
nombre «Thabilans. N'est-ce pas ce grand corps de lumière
qui a dissipé dans plusieurs pays les ténèbres qui couvraient
la face de la religion, en rétablissant Tordre, en ensei-
gnant l'hoanèteté des mœurs , en renouvelant les autres devoirs
de la piété? Mais maintenant, hélas! une si grande ferveur
s'est ralentie; le froid de la vieillesse y a succédé; cette
maison si célèbre tend à sa fin » . Il les exhorte donc à réfor-
mer les abus , et , en particulier, celui de se livrer aux plaisirs
de la table après l'heure de compiles.
Lettres à (tes clercs ou chanoines- Pendant (jue Girard u\>. vil, ci>. '^.
Pucelle était à (Pologne, pour travailler à l'extinction du
schisme en Allemagne , Pierre , dans une lettre qu'il lui écri-
Kk 2
260 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, yit^ déplore la chiite de grands personnages, qui paraissaient
devoir être les colonnes de l'église , et réclame en même temps
ses bons offices auprès de l'archevêque , qui , comme nous
l'avons vu plus haut, disposait à son gré des prébendes du
Lib. VI, ep. 7. prieuré de Marsne. — Un ancien compagnon d'études, appelé
maître Prêlre , lui avait envoyé un présent ; Pierre , dans sa
lettre de remercîment, lui rappelle avec regret l'heureux temps
où , libres des embarras des affaires, ils pouvaient, à Moûtier-
la-Celle , se livrer à leur goût pour l'étude. Il lui annonce en-
suite que Jean de Sarisbéry a été nommé évêque de Chartres :
ce qui prouve que la lettre est de 1 176. — Jean de Sarisbéry
avait un frère nommé Richard, qui, ayant partagé la disgrâce
de son frère , avait été reçu comme lui à Saint-Remi de Reims.
Retourné en Angleterre , il avait embrassé l'état de chanoine
Lii>. VI, ep. régulier à Morelon. Outre trois lettres qui lui sont communes
l'i'^"!;., .o avec son frère, Pierre lui en écrivit en particulier six autres
Lui. VII, ep. 12. ^
Lib VIII, de pure civilité , qui ne contiennent que des témoi-
«"i'- ^' ';• gnages d'amitié. On voit dans l'une que ce fut à la prière
■ «1» jg Richard que Pierre composa le Traité de la discipline
du cloître.
Liii. VII. op. 19. Lettres à de simples religieux. Un moine de Saint- Bertin
lavant prié de lui communiquer ses sermons, Pierre lui répond
avec une modestie sans exemple : « Vous me demandez mes
sermons (jue les qualr..; veiils du ciel ont enlevés comme des
l'I nies imiliLîS et siiperll,! s Si \ dus h-s av -z déjà lus, voiis
(levez le.s avoir Irouves dépourvus de pensées, faibles et
languissans par la bassesse du style. Si vous ne les avez pas
lus, qui vous a persuadé de rechercher avec tant d'em-
pressement ce que vous rejeterez avec dédain dès que vous
l'aurez vu ? etc. ». On voit par-là que Pierre de Celle ne savait
pas surfaire la valeur de son travail , qu'il en connaissait
assez bien les défauts , et qu'il avait la modestie de les avouer.
Lib. VI. cp 22 — Un autre religieux, du monastère de Rading , en Angleterre,
lui avait écrit qu'il avait trouvé son traité des Pains délicieux ; *
« Apparemment, répond- il , que votre amitié vous fait
trouver la cendre aussi bonne que le pain » ; il sera beaucoup
plus flatté, si, au lieu de louer ses écrits, son admirateur
veut bien se donner la peine de les corriger. Il ne fut pas de si
bonne composition avec un autre religieux de Saint-Alban ,
nommé ilicolas , qui voulait établir comme un dogme l'imma-
culée conception de la Sainte- Vierge.
Il paraît que Nicolas avait composé sur ce sujet un écrit
PIERRE DE CELLE. 261
qui avait donné lieu à une altercation entre ces deux savans. xii siècle.
Plusieurs années s'étaient écoulées sans que de part et d'autre
on eût repris la plume, parce que, sur de faux rapports, l'abbé
de Saint-Remi croyait son adversaire mort ; mais, ayant appris
que, mort ou ressuscité, il était plein de vie, il lui écrivit pour
savoir si les peines de l'enfer l'avaient fait changer d'opinion. Lii.. vi, ep. i.
Celle lettre écrite après l'an 1170, puisqu'il y est parlé des mi-
racles de saint Thomas de Cantorbéri, donna lieu à une nouvelle
contestation.
Nous n'avons pas la réponse que fit Nicolas; mais on voit, Lib. vi, ep. 25.
par la réplique de notre abbé, que, bien loin d'avoir changé
d'opinion, le savant anglais l'appuyait de nouvelles preuves, et
si multipliées, que notre auteur n'ayant pas le temps de repren-
dre en détail tout ce que Nicolas avait avancé, se borne à relever
les principaux points de la controverse : à condition, dit-il,
que la paix ne sera point troublée entre nous, et que nous
supporterons patiemment de part et d'autre les termes un peu
durs qui pourraient nous échapper. Cette précaution n'était
pas de trop ; car des deux côtés on n'a guères ménagé les
termes.
Entrant ensuite en matière, il se déclare pour le sentiment
de saint Bernard, et dit que l'opinion contraire n'est appuyée
ni sur l'écriture, ni sur la tradition; que l'église romaine,
d'ailleurs, n'a rien prononcé là-dessus, il blûme Nicolas du
peu do respect quil léinoigne pour la mémoire de saint
Bernard; et, à celle occasion, il fait un grand éloge de ce
saint et de tout 1 ordre de Cîteaux. Mais, dans le vrai, il va
plus loin que le grand abbé de Glairvaux, en prétendant que
Marie, avant que d'avoir conçu le verbe, a senti, non pas à
la vérité les premières amorces de la concupiscence , mais
les autres empêchemens de la fragilité humaine : ce qu'il lui
paraît nécessaire d'admettre pour dire qu'elle a pu mériter et
déméi'iter. Concéda et credo quàd saeva libidinis incentiva,
Deo praeoperanle, nunquam senserit vel ad modicum ; cse-
tera verô impedùnenta humame fragilitatis , quœ naturali
origine sive scaturigine de naturâ procedunt, ante conceptionem
senlirepotuit, sed nuUateniis consensit.. . , Toile pugnam, toiles et
victoriam.
Nicolas fut, comme de raison, choqué de ces paroles, qui Lib. ix, ep. 9.
lui parurent une injure envers la mère de Dieu ; il prit la
plume pour les réfuter. « Puisque notre ami Pierre, dit-il,
sonne aujourd'hui de la trompette pour persuader que la
262 PIERRE DE CELLE.
MI SIECLE. Vierge a senli le péché, et en le sentant la combattu, il ne
' ~ m'est plus permis de dissimuler ; la patience m'échappe, il
faut que j élève ma voix pour combattre une telle assertion».
Venant à saint Bernard, il dit qu'ayant été mis depuis peu
au nombre des saints, il n'est plus justiciable des hommes,
<]u'on ne peut plus douter de sa ijloire ; mais qu'il est permis
de disputer sur ses écrits. Il apporte pour exemple saint
Cyprica, dont toute l'église révère la mémoire, et n'adopte
pas cependant toutes les opinions. Il en est de même, ajoute-
l-il, de saint Bernard ; et sa sainteté reconnue ne m'oblige
nullement de penser comme lui sur la conception. Il prétend
même que les Cisterciens avaient abandonné le sentiment
oii d était à cet égard. Sur quoi il rapporte une vision d'un
Irère convers de Clairvaux, à qui saint Bernard apparut,
dit-il, après sa mort, revêtu d'un habit blanc comme neige,
mais ou il y avait une tache iousse sur la poitrine. Le frère
lui ayant demandé la raison de celte tache, il répondit :
« (^esl la marque de ce que j'ai soulFert en purgatoire, pour
avoir mal écrit sur la conception do Marie. » Cette vision,
ajoute Nicolas, l'ut mise par éciit, et envoyée au chapitre
général de l'ordre; mais les p( res de ('îteaux la brûlèrent,
aimant mieux ()orler atteinte a la gloire de Marie (ju'à la
bonne opinion dont jouissail .sain! Bi'rnard. Cest ce que
Nicolas dit avoir appris de (]uel(pies (Cisterciens vertueux et
.^a\ans.
Venant ensuite au Ibnd île la (jucslion, il avance que la Sainte
Vierge a triomphé de tous lis vices, non |)as en les combattant
tous, mais en ii éprouvant le sentiment d aucun «C'est même,
ilil~il, ce que 1 abhe Bernard, sur l'autorité duciuel vous
M(ii.-< londt'/., a écrit et pensé. Car la raison pour laijuelle
i' approuve la fèt(; de la nativité de Marie, c'est que
i Ile (]iii a clé cour M • dans le pi'-che, selon lui, comme tout
' ,u,enn' humain, est iiee ^alls [)eclié. par une grâce accordée
il un lics-pelit nombre ilhommes. Dr, si elle est née sans
pi-cln;, consécpiemmiml elle a vécu sans péché : d'oii il suit
l'iiiore (pi'elle a quille ce monde sans avoir ressenti les atteintes
du péchi'.
« Mais, diles-vous, elle a ressenti le péché, sans conlracler
la lâche du péché : Sed dicis eaui sine peccalo sensisse pec-
iiliim. Voilà, je l'avoue, ce que je ne comprends |)as. Si vous
ciilende/. par-là (pielle a éprouvé la peine et les suites du
péché originel, comme la faim, la soif, le froid, cl les autres
PIERRE DE CELLE 263
uiisrie? lie la vio, cola est vrai; et cela, joint à une ii;rande ^^
charité et à une purotr incomparable, a dû sufllre pour lui
ac(}uérir dos raérilcs, sans la mettre aux prises avec le démon
de l'inipuroté n .
Sur co que Pierre lui avait reproché de soutenir une opinion
(]iii n'est point fondée sur l'autorité de la parole divine, il
répond : » Si j'écris quelque chose de la Vierge que je n'aie
point lu dans le canon des Ecritures, cependant cela est à la
louange de la Vierge et de son fils ; et, à l'occasion do récritur(ï
canoiique, j'écris ou des choses vraies quoi(jU(^ non évidentes,
ou des choses vraisemblables et très-catholiques. On présunu*
avantageusement de la Vierge bien des choses qu'on ne lit nulle
part, et on doit s'en tenir à ces présomptions, justpi'à co ([uo le
contraire soit prouvé ».
Cette lettre ne ferma pas la bouche à notre abbé. Il y i,,i,
répondit dans la suivante, à la tôle de hupiello il prend le
titre dévo(]ue élu de Chartres : ce qui prouve ((u'elle lut
écrite l'an 1180 ou 1181. « Dans la lettre très-niordanlo,
dit-il, que vous m'avez écrite, vous faites des syllogisnu-s
très-sublils, ou plutôt des paralogismes ; car vous n'avez piis
pour vous la vérité » . Il lui reproche d'avoir mis trop à nu
dos choses capables d'alarmer la pudeur. Il fait ensuite une
profession de foi très-claire sur les prérogatives singulières
de Marie. Il prétend que leur dispute est moins dans les
choses (pie dans les mots, puiscpie l'un et l'autn,' («laiont o;j;i-
lement dévoués au culte de Mario, il y a néanmoins, ajouli -
t-il, cotte dillérence entre vous et moi, (|ue je inattache au
vrai et au solide, au lieu que vous ne cherche/ qu'à accré-
diter les idées de certains dévots au\ dépens de la vérité. M
en donne pour preuve ces paroles de Nicolas : » (loniiuo h-
fils est loi que le père dans le ciel, de nirnio la more est lollr
que le fils sur la lorre. 0 Noire Dame! socrio là-flc^-^us nolro
auteur, parilonnoz-liii ces paroles (jui doivent iiilininirnL
vous déplaire. N'èles-vous pas la servante ainsi ipio la iiiéio
de votre fils.' Vos >cux no .sont-ils pas dans K's mains du
Seigneur votre fils, comme ceux do la sorvanlt; .son! (I;mh les
mains de sa maîtresse? Ni l'or de l'Elhiopio, ni les procieuses
teintures de l'Inde, ne peuvent être com[)aré.-> Ti co fils,
parce que nul ne sest trouvé semblable à lui .^ur la lerir,
étant seul et unique, et n'ayant personne qui piii.s.se aller
de pair avec lui. Il vous suflil, ô Vierge sainte, dVlro assise
à sa droite, non à litre d'égalité de condition, mais à raison
264 PIERRE DE CELLE.
XII SIECLE, de la gloire et de la félicité stable qui vous est commune à l'un
et à l'autre. » Cette lettre, mêlée de politesses et de duretés,
finit par demander pardon à Nicolas de ce qui peut s'y être glissé
d'incivil et de choquant : Si ferrum de manubrio elapsum te in
aliquo laesit, da veniam, eamdem à me recepturùs indulgentiam.
11 témoigne ensuite le plaisir qu'il aurait de le voir, étant on ne
peut pas plus satisfait de la beauté et de 1 élégance de ses écrits,
quem scriptorum tuoruni benè ornatus habitus non semel praesti-
tit audire.
Lib. IX, ep. 8. Dans une autre lettre au chapitre général des Cisterciens,
il prend aussi le titre d'évêque élu de Chartres. Il leur rap-
pelle qu'il fut un des nourrissons de saint Bernard, alumnus,
lequel l'avait admis en communauté de prières avec son
ordre, grâce qui lui avait été renouvelée depuis sa mort. Il
demande quelle lui soil continuée alors qu'il en avait le plus de
besoin.
Les autres lettres qu'il écrivit pendant son épiscopat n'ont pas
été conservées. Comme les hommes se peignent ordinairement
dans ces sortes d'écrits, celles qui nous restent décèlent un
caractère franc, ennemi de l'artifice et du déguisement ; un cœur
tendre, généreux et compatissant ; un esprit judicieux, cultivé
par de bonnes éludes ; une ame élevée, instruite des bonnes
règles, et zélée pour leur observation. A l'égard du style, il
serait à souhaiter qu'il fût plus naturel, et moins chargé d'allé-
gories qui obscurcissent souvent la pensée de l'auteur. C'était le
défaut de son siècle de ne pouvoir rien écrire sans faire allusion
à quelque endroit de l'écriture sainte, qu'on appliquait tant
bien que mal. Le plus habile était celui qui savait le mieux
s'approprier, non seulement les pensées, mais les expressions de
la Bible.
A la suite des lettres de notre auteur, on en a imprimé
cinquante-six du pape Alexandre III, dont la plupart s'adressent
à lui ou le concernent. C'est un fragment de quelque registre, car
il ne contient que les lettres d'une ou deux années du pontificat
d'Alexandre.
II. Ses Sermons, mis au jour par D. Janvier, sont au
nombre de quatre-vingt-seize, la plupart fort courts. Le
premier, sur l'Avenl, fut prononcé en public ; car l'auteur y
p t; dit qu'à cause du peuple qui l'écoute, il va parler de choses
moins relevées : Ad crassiora quaedam propter ■ adstantem
populum sermonem vertamus. Cela fait naître une difficulté,
savoir s'il a débité ces sermons en latin, ou s'il les a d'^puis
PIERRE DE CELLE. 26o
Iradiiils en celle langue, après les avoir prêches en français, x" siècle.
Dans le premier cas, il faudrait supposer qu'en ce temps-là le
peuple enlendail communément le latin ,- ce qu'on a peine à se
persuader.
Dans le sermon sur la fête de la Purification, on voit que p. 3C.
l'usage élait dès-lors de porter des cierges à la procession.
Il se sert du terme de Iransubslantiation, transubstantia- p 127.
bitur, au sermon 8' du jeudi saint.
Dans le premier des neuf sermons sur l'Assomption de
la Sainte-Vierge, il dit qu'on croit pieusement, quoiquon •'• 2i'2.
n'en ail pas d'assurance, qu'elle a été élevée corporellemcnl
au ciel. : Quod verù ignoratiir, etsi piè credilur, utrùm sci.
licet assumpta sit, causa veneralionis factum esse credendum
est.
Dans le quatrième des neuf sermons pour les synodes, il P- 2<9-
avertit les prêtres de s'appliquer plutôt à la piété qu'à la
dispute, et de ne pas planter auprès de l'autel une forêt de
questions inutiles « Car il esl bien plus sûr, ajoule-t-il, de
procurer le repos de son esprit après avoir adoré le Seigneur,
que de s'inquiéter à vouloir pénétrer la profondeur des
mystères. »
Il suppose, dans le neuvième, que Jésus-Christ a voulu former p. 266.
son église comme un nouveau ciel et une nouvelle terre, sur le
modèle des chœurs des anges, par les différons ordres et minis-
tères qu'il y a établis. Le pape ou l'apostolique est à la tête, et
représente Dieu , summum apicem velut Deum constituens.
Descendant de ce chef en rétrogradant, viennent les patriarches,
les métropolitains, les évêques, les prêtres, les diacres, les
sousdiacres, etc.
Un sermon ad monachos, et un autre sur la loi naturelle, la P. 2()t)-27S.
loi écrite, et la loi évangélique, imparfaits comme bien d'autres,
terminent ce recueil. Le P. Combefis en a publié encore un sur
la méditation de la mort ; mais ce n'est autre chose que le cha-
pitre "23 du Traité de la discipline du cloître.
Si l'on nous demande ce que nous pensons de toutes ces
productions, nous dirons que ce sont des pièces écrites fort
à la hâte, où il se trouve des instructions solides, et quelques
beaux traits de morale, mais noyés dans un tissu d'allégo-
ries aussi froides qu'énigmatiques. Nous avons déjà remarqué
ce défaut dans les lettres de ootre auteur; mais ce n'est rien
en comparaison de ses sermons; ils sont sans ordonnance et
sans liaison dans le contexte, et cependant Us eurent une
Tome XrV. Ll
26G PIERRE DE;5CELLE.
x;i SIECLE, irès-grande vogue do son temps. On peut voir plus haut le juge-
ment qu'en porte l'auteur lui-même dans la lettre à un moine de
Saint-Bertin.
P. 277-385. m. Quatre traités ascétiques, dont le premier, intitulé
de Panibus, contient vingt-sept chapitres. C'est une expli-
cation mystique de toutes les sortes de pain.s dont il est
parlé dans les livres saints, ouvrage exécuté dans le même
goût et le même style que les sermons de lauleur. 11 est
précédé d'une lettre à .lean de Sarishéry, par laquelle il prie
cet ami de corriger sans ménagement tout ce qu il y trouvera
Joan. Sarosb. à redire. Jean ne fit pas usage de sa crilicpie dans I e.\amen
ep 85. |). l«K. jg çg livre; l'amitié l'aveugla, et il vérifia ce mot de Cicéron :
Amicorum cœca sunt judicia. Tout lui parut bon, excellent,
admirable dans le livre des Pains. C'est ce qu'il mande à
l'auteur dans sa réponse, où rappelant toutes les obligations
qu'il lui avait, il dit iiuiiprcs lavoir long-temps nourri
dalimens corporels, il conliniK- de le rassasier d'une nour-
riture spiriluellt! inGiiiiii(>nt plus précicM.se. « Mais, ajoute-
t-il, vous .savez (pie lliomme ne vit pas seulement de pain,
et que les Anglais pa.ssent pour être de grands buveurs. Il
est donc juste et raisonnable qu'après nous avoir donné si
bien et si largement à manger, vous nous donniez ensuite à
boire. J'ai déjà soif, et je pourrais bien, en mangeant ces
pains avec trop davidilé, m'élrangler, si vous navcz la
charité di' lue procurer du vin. Comme celte boisson csl
plus en usage chez vous (pie la bierre, boisson ordinaire
des Anglais, je vous la demande par préférence à l'autre »
Ce discours alU'goiicpie fait voir que Jean desirait un Irailé
mystique sur la vigne et le vin dont il est parlé dans l'écriture
sainte.
1'. 3K!i-4(r7. 2" E. ••position mystique et morale du tabernacle de Moise,
(livisé(> en deux livres Lauleur exéciilc à sa manière ce que ce
lilre annonce: et on y clierclierail inulilem(^nt autre chose que
de la my^licilé.
V <is— 42!t. ;i" Tvailr de la Conscience. Il fut composé à la prière
d'.Mcliei , moine de (^lairvaiix, aii(]uel il est dt'>dié. Il y a
'pianlité de belles maximes dans cet ouviage, mais enchâs-
sées dans des allégories obscures, énoncées dans un style trop
aiïecté.
Ces trois écrits furent publies pour la première fois à
Paris, lan 1G()(», en un vol. in-X", d après un manuscrit de
iSicolas Lefèvre De là ils passèrent dans les bibliothèques
P 1 E R R E D E C E L L E. 267
des Pères, et dans la collection des œuvres de Pierre de Celle, vu sieci-e.
par D. Janvier, qui y en a ajouté un quatrième publié aupa-
ravant par D. Dacheri, Spicil. t. III, p. 42, cl au t. I de ledit,
in-fol. p. 452 ; c'est le suivant.
l" Traité de la discipline claustrale 11 est dédié à Henri, r 4r>() - ii3
comte de Champagne, que l'auteur qualifie simplement d'homme
illustre. Viennent ensuite deux préfaces adressées à Richard,
frère de Jean de Sarisl)éry, (jui, comme nous l'avons déjà dit,
avait engagé labbé de Saint-Rerai à écrire sur cette matière. Ce
traité, divisé en vingt-cinq chapitres, est beaucoup plus solide
que les autres. L'auteur y relève les avantages du cloître,
(}u il compare tantôt au stadium des anciens , ou chacun
s'exerce à courir pour atteindre à la perfection : tantôt à un
lit de repos pour ceux qui, fatigués du tumulte du monde,
cherchent un lieu de retraite ; tantôt à un marché public, ou,
pour des biens temporels, on trouve des richesses d'un autre
genre.
IV. Outre ces écrits de noire auteur, dont le public est en •" Vn).ngc
possession, il avait composé un commentaire sur le livre de '"" ^'' "'
Ruth, gui n'a pas encore vu le jour. D. Martène dit l'avoir vu
parmi les manuscrits de l'abbaye de Clairvaux
V. Il y a eu sur l'auteur de la lettre aux chartreux du
Mont-Dieu, pres(}ue autant d'opinions que sur lauleur du
livre de l'Imitation de Jésus-Christ. Les uns l'ont attribuée
à Saint Bernard, daulres à Guigues, pi ieur de la (chartreuse
Le sieur Lami ( Antoine le .Maître ) a cru pouvoir en faire hon-
neur à Pierre de ("elle, dans une dissertation (ju'il a placée à
la tête d'une traduction de cette fiuneuse lettre, imprimée à
Paris l'an 16i)1. On a déjà réfuté cette opinion dans notre n.si. Liuir
histoire, et prouvé que ce traité en forme de lettn .ipparlicni ' •'^"' P- 3'7.
incontestablement à Guillaume, abi)é de Sainl-Tliierri, [)re> do
Reims. B.
Ll 2
268
XII SIECLE. ■=
PHILIPPE DE HARVENG,
Abbé de B o n ne - Es p é r a n ce.
RECHERCHES SUR SA VIE
Mirœus, Scr. i^toiQuoN (iisliiigue assez communément cet abbé de
-'' Gaîi chrisi ^Ronnc-EspérancG, Ordre de Prémontré dans le Hainaut, de
t. iir, (oi. 200. Philippe, abbé de l'Aumône, qui a eu son article plus haut,
on lui a néanmoins conservé le surnom de Eleemosynarncs
ou ab Eleemosynà, non pour désigner le titre de son ab-
baye, mais comme un titre honorable qu'il aurait mérité
par son penchant à secourir les pauvres. Nous croyons cepen-
dant que ce surnom lui vient plutôt de ce qu'on lui a fausse-
ment attribué des écrits qui appartiennent, comme nous l'avons
Annal. Pram. fait voir, à l'abbé de l'Aumône. Quant au Z'»rnnm du Hat^veng,
i. I, p. 557. nous ignorons d'où il lire son origine. Le P. Hugo le dérive
du lieu de sa naissance ; mais nous no connaissons pas d'en-
droit de ce nom dans les Pays-Bas, ou il paraît certain que
Philippe avait pris naissance, à moins que ce lieu ne soit
celui de Hernin, dans l'Artois. La lettre n n'étant pas assez
distinguée, dans les manuscrits, de Vu consonne qu'on écri-
vait comme Vu voyelle, il est possible qu'on ait lu Harveng
ou Herving pour Herning. Toujours est-il certain que Philippe
Ep^ 16, p '• ^jgj^ flamand, puisqu'il dit avoir vu, dans sa jeunesse, Charles-
le-Ron, comte de Flandre, mort assassiné par ses propres
sujets, l'an 1 127.
Sa naissance ne fut rien moins (ju'illustrc : il dit lui-même
Ep. !3, p. KS, (pril était un homme du coniinun, jje nobili plebeius viderer
'"'• '• adulari Cependant la bonne éducation (lu'il avait reçue de
ses parons ne permet pas non plus de croire (}u il fût de la
riiii op. p. |i(3 (Ju peuple ; dès son enfance, in annis puerilibus, ils le
4/s, col. -1. destinaient à la cléricalure, et lui avaient déjà fait recevoir
la tonsure.
iiisi. univ. Oiiboulav a placé, dans le catalogue des plus illustres aca-
Paiis t II p J 1 ' '^ •
768. ' déiuiciens de l'école de Paris, l'abbé de Bonne-Espérance, el
PHILIPPE DE HARVENG. 269
ajoute qu'il avait aussi ('ludié à Laon, sous le célèbre Anselme, x» siècle
C'est une singulière méprise, qui a été répétée par son copiste
Oudin. Ils se fondent sur un long passage tiré de la septième D^ Scrip .
lettre de Philippe à un nommé Jean, qui paraît avoir été son ,1^3"' '' ' '''
confrère. 11 ne fallait pas une grande attention pour voir
que c'est Jean, qui dit avoir étudié à Laon , et non Philippe.
Celui-ci l'ayant félicité d'avoir été, dès son enfance, instruit K|.. 5, p 20,
des saintes lettres dans le cloître, Jean, chocjué du compliment, ''°'' '
lui répondit assez durement qu'il avait étudié et dans le
cloître et dans d'autres écoles. « Non, dit-il, je ne me suis ^ ; -.^
point enseigné moi-môm3, comme tant d'autres; j'ai eu l'avan- toi. 2.
tage d'étudier sous maître Anselme : ce que je dis, non pour me
faire valoir, mais pour vous prouver que vous êtes dans
l'erreur ». Il est clair que Duboulay et Oudin ont fort mal pris
le sens de ce passage, en attribuant à Philippe ce que Jean
disait de lui-même : et encore n'a-t-il pas dit qu'il eût étudié
à Paris.
Philippe , qui ne croyait pas l'avoir offensé , lui répond Ep. 7, <bid.
qu'il avait cru faire en cela son éloge, que mal-à-propos il
rougirait d'une science acquise dans le cloître, parce que les
études faites dans la retraite et le silence sont bien plus
profitables que celles qui se font dans le tumulte et le con-
cours des écoles publiques. « Vous croyez, dit-il, qu'il est
plus glorieux d'avoir étudié à Laon, et d'avoir fréquenté l'au-
ditoire de maître Anselme . et moi, je dis, heureux l'homme,
non qui a été instruit par maître Anselme, et qui a étudié à
Laon ou à Paris ; mais heureux celui que Dieu a lui-même
instruit, et à qui il a enseigné sa loi ! » Aussi Philippe re-
grelte-t-il fort de n'avoir pas été toujours instruit dans le
cloître.
Où avait-il donc étudié? est-ce à Arras ? est-ce à Tournai ? est-
ce à Cambrai, où les études, au commencement du XII* siècle,
étaient sur un très-bon pied ? C'est ce qu'il n'indique dans aucun
endroit de ses ouvrages ; mais , quelque part qu'il ait fait ses
éludes, il est constant, à en juger par ses écrits, qu'il en avait
fait de fort bonnes; qu'il possédait à fond, et qu'il employait à
propos l'écriture sainte ; qu'il avait lu les meilleurs auteurs
latins, qu'il cite assez souvent.
Dégoûté du monde dans un âge peu avancé, il fit de sé-
rieuses réflexions sur les devoirs de l'état qu'il avait embrassé,
et, pour les mieux remplir, il se consacra à la vie religieuse,
non dans un monastère, mais parmi les clercs réguliers de
270 PHILIPPE HE HARVEMJ,
XII SIECLE, l'ordre de Prémontré, qui était alors d;ins toute la ferveur de la
Ep. 12. p. i9, nouveauté. Après avoir passé qut'lquos années dans l'ordre, il
toi. 2; p. 52, fyj fgjj ppjgm- Je Bonne-Espérance, et il y avait dix-neuf ans
qu'il exerçait cette charge, lorsquil écrivit au pape Eui:ène III
la douzième lettre, dans laciuelle il dit (}u il avait vécu pendant
plus de vingt ans avec ses confrères dans la plus grande union.
Suivant cette supputation, on |)eut conjecturer (juil entra dans
l'ordre avant l'an 1130; car !e pa|)e Eugène étant mort lan
1153, la lettre de Philippe doit être, au plus tard, de 11. 'il ou
1152.
Selon sa lettre au pape Eugène, il y avait près de dix-neuf
ans qu'il gouvernait la communauté de Bonne-Espérance en
qualité de prieur, et il avait fait tout son possible pour s'y con-
duire d une manière irréprochable devant Dieu et devant les
honuues. A celte époque, il s'éleva cinilro lui une tempête
furieuse à laquelle il fut obligé de céder. La place d'abbé était
vacante, et vrai.semblabk'ment on jetai' les \ eux sur lui [uiur la
remplir Mais un des relii^'ieux ([ui \ aspirait peut-être, ou
qui craignait de lavoir pour abbé, inventa contre lui des
calomnies, et trouva créance dans l'esprit des premiers supé-
rieurs de l'ordre, de l'évêiiuo métropolitain, et sur-loul de
l'abbé de Clairvaux , auquel, trois ans auparavant, il avait
écrit une lettre fort mordante; et lui, qui ne cherchait qu à
vivre ignoré et tran(|uiUe, se vil lout-à-cotip la fable de ses
l'id. p. b[. confrères et des gens du monde. Il nous ap|uend lui-même
quels étaient les proposition tenait sur son compte. « Le prieur
de Bonne- Espérance, disail-on, se comporte fort mal ; il résiste
opiniâtrement à la religion et à son ordre. Le prieur transige
avec ses devoirs envers les religieux , pour gagner leur
hienvcillance ; e est un ambitieux (|ui sacrifie le bon ordre
pour m; déplaire à [lersonne. Le prieur a mis le (rouble et la
di.^corde dans la mai.son ; cesl un traître (jui ne respecte ni les
lois, ni la bonne foi , qui usurpe ce ([ui ne lui est point dû,
qui exige im()éiieusemenl ci; (pion ne veut pas lui aeconler
C'est ainsi, dit-il. qiioii déchirait ce pauvre prieur, et plu-
sieurs croyaient tu.'-; veritaiil' tout ce ipiou ilebiiait -ur son
compte, pan e (pi'il ne .--e trouvait personne ipii o.sàt parler
pour sa lustifiiatinii j/evipie de Cambrai prit d'abord
sa défense, mais il neul \r,\> as>ez de fermeté pour le
.soutenir contre laiilorilé de I aichew'-qne de Reims et le
cndil de labbé de Clairvaiiv. Il fut contraint de consentira son
expulsion.
l'IlILirPK DE [lARVENG 271
H(3légiié avec sopl de sos leli^'icux dans un aulio monastère, xii siècle.
il s'altendail à do mauvais iraitcmens de la pari de gens qu'il
pouvait regarder comme ses i,'Coliers; mais il y trouva, au
contraire, nies amis compàlissans. Cependant on murmurait
dans le public (]ue, sur des accusations vagues et assez insi-
gniliantes, on eût aqi avec tant de rigueur. Alors ses ennemis
firent entendre qu il saiiissait de quelque chose de plus /4„, ^^
grave, et ils le chargèrent tJ'iin crime infâme, d'un crime «"' 2
(jiii ne pouvait être expie ipu' i)ar le l'eu. Dans une si cruelle
position, le proscrit écrivit à saint Bernard la lettre 10, pour
lui représenler (pi'il n'aurait pas dû écouler si légèrement
ses dénonciateurs; car il ne supposait pas qu'un homme
dune sainteté reconnue eût voulu lui nuire par méchanceté.
Nec dubilo quin vestriiin illud judicium pt-oliilerit prsecipi-
iatio potilis pulatira, quàni malitia pra-sumptiva ; quia
minl invidiœ, nitiil maliliiV, vestiur adscribo sniictitali, cujus
siniplex existimalio, non p^-mh'ns ohslinnlio ine.v nocuil par-
rilati.
il paraît que ces représentai ions faites avec dignité eurent ""'• i' '■'>'
leur eû'et. Deux ans après son exil, son innocence fut recoh- *' '^'^'^
nue dans un chapitre général de l'ordre ; il lui fut permis de
retourner dans son monastère, mais il ne put obtenir aucune
autre satisfaction. C'est pour cela (]u'il écrivit au pape Eugène
la relation dont nous venons de donner le précis, le priant de
rendre entièrement à la vie un homme tué à demi, seminecem,
cesl-à-dire, d'achever de le justifier aux yeux des hom-
mes.
Essayons maintenant de Kxer le temps auquel tout cela se
passait. En supposant que la lettre au pape Eugène est de l'an
115^, qui est le dernier terme qu'on peut lui assigner, Philippe
à cette époque était déjà retourné à Bonne-Espérance, après
deux ans d absence, lien avait donc été expulsé l'an 1150, s'il
a porté sa plainte au pape dabord après son iai)pel. Si nous
supposons qu il aura saisi loccasion du séjour du ponlifc en
France pour demander son entier réiablissement, .son rappel
serait aniéneur à l'année 1117 ou 11 58, et son exil daterait au
plus tard de l an 1 1 45 ou 1 1 40.
Mais nous avons des preuves que cet événement doit être
de lan i 1 10 ou 1 150 : 1 parce que, dans sa lettre 10 à saint Ep. to, p. U,
Bernard, Philippe dit que son abbc élail à Paris l'an 1147, col. i.
lorsque saint Bernard le pressait, en présence du pape, de
permettre à un de ses religieux de faire profes.sion à Clair-
col. 2
272 PHILIPPE DE HARVENG.
SIECLE, vaux; 2" parce qu'il dit, dans sa lettre au pape, que son
Ep. 12, p. m, évêque avait d'autant plus de droit de le prendre sous sa
protection, el de sopposer à son exil, que le monastère de
Bonne -Espérance étant alors sans abbé, il avait le droit de le
içouverner immédiatement par lui-même . Prœsertim citm
ecdesia nostra proprii abbalis providentià tune careret, et ad
eum cura nostrf nullo medio pertineret. L'abbé Odon, pré-
décesseur de Philippe, était donc mort, ou avait donné sa
démi.ssion, lorsque cela se passait. Ce n'était donc pas l'an
1147, époque de la lettre de Philippe à saint Bernard. Disons
Gaii. ciiiist. Jonc avec les auteurs du Gallia christiana, et avec l'Anna-
Annài PiTm ''^'^ ^^ Prémonlré, qui placent la démission de l'abbé Odon
I. col. :.:.". vers IliiO, que c'est vers le même temps, c'est-à-dire, l'an
1149 ou 1150, que Philippe éprouva la persécution dont il
se plaint. Mais ces mêmes auteurs ajoutent que Philippe ne fut
fait abbé qu'en IliJo. Il n'est pas vraisemblable qu'on ail laissé
celle abbaye vacante pendant cinq ans, et nous sommes portés
à croire que Philippe, après son rappel, ne larda pas à en être
pourvu.
Son retour à Bonne-Espérance rendit le calme à ce monastère,
el sa promotion à la dignité d'abbé acheva de le justifier. Il
gouverna son monastère avec beaucoup de sagesse, en augmenta
les revenus, et obtint plusieurs privilèges des papes et de l'em-
pereur Frédéric. Tous les écrits qui nous restent de lui ont pour
objet linslruclion de ses religieux. L'an 1176, il se trouva à
1 abbaye de Laubes avec d'autres abbés, et signa avec eux une
Am 1 cil ^'^'^''l'' ^^ Baudoin, comte de Hainaul, qui a été publiée par
I, col. 8%. D. iMarlène. Ce prince avait élé excommunié par l'église de
Reims, pour des dommages qu'il avait causés à cette abbaye ;
mais voulant se réconcilier, et réparer ses torts, il tint à Laubes
une grande assemblée à laquelle |)résidèrent deux députés
de l'église de Reims, appelés l'un el l'autre Philippe. Nous
ne douions pas que l'un des deux ne soit l'ancien abbé de
l'Aumône, qui, comme nous l'avons dit à son article, avait été
appelé à Reims, peu de temps auparavant, par l'archevêque
Henri.
Quaul à l'abbé de Bonne-Espérance, les auteurs du Gallia
Christiana el l'Annaliste de Prémonlré disent qu'il gouverna
pendant vingt-sepl ans son monastère, qu il abdiqua au
mois de décembre 1182, el qu'il mourut le 13 du mois d avril
de l'année suivante. Tout cela n'est fondé que sur 1 époque
qu'ils assignent à la lettre de Philippe au pape Eugène. Le
PHILIPPE DE HARVENG. 273
P. Hugo rapporte encore l'épitaplic qui fut gravée sur son X" sif.(XE
tombeau; mais elle ne porte aucune date , et ne contient rien
qui puisse servir d'appui à leur opinion.
Casimir Oudin place la mort de notre abbé l'an 1188, sur De script.
la fausse supposition que l'cpilaphe du pape Urbain , qui est ^''''''' ^ "' ""'■
parmi ses poésies, est celle du pape Urbain III. Or, dit-il, le
pape Urbain III ne monta sur la chaire de saint Pierre qu'en
1183, et sa mort arriva l'an 1187. Il aurait raison si on lui
accordait sa supposition Mais nous verrons, en examinant les
poésies, que l'épitaphe dont on s'autorise est celle fl'Urbain II,
et que Philippe n'en est pas l'auteur.
SES ÉCRITS.
Nicolas Chamart, abbé de Bonne-Espérance publia, l'an 1G21,
à Douai , chez Ballhazar Bellère , la collection des œuvres
de Philippe , in -fol. Cette édition, assez bien imprimée, est
dénuée de notes critiques, et ne donne presque aucun éclaircis-
sement ni sur l'auteur, ni sur ses ouvrages , dont nous allons
rendre compte en suivant l'ordre de l'édition. Ce sont des
lettres, des commentaires sur l'écriture sainte, des traités
théologiques, des vies de saints, dont plusieurs ne sont
pas de lui, et des poésies qu'on lui a faussement attri-
buées.
lo Ses lettres. Il y en a vingt-une; elles roulent presque
toutes sur des matières théologiques, et la plupart sont si lon-
gues , qu'elles pourraient passer pour des traités.
La première est écrite à Wederic. C'est là tout le litre de Ep. i, p. i-o.
celte lettre, et il en est de même des autres , qui ne portent
toutes que le simple nom de celui à qui elles sont adressées ,
sans leur donner aucune qualité à laquelle oh puisse les
reconnaître. Ce Wederic ou Guerric était sans doute l'abbé
de Liessies , qui , après avoir gouverné ce monastère depuis
l'an 1124, fut fait abbé de Saint-'Vast d'Arras, l'an 1147, et
mourut l'an 11 53. C'était un homme studieux, et fort appliqué
à la lecture des pères de l'église, comme on le voit par la
lettre que lui écrivit de Clairvaux Philippe, qui fut depuis abbé B"*'- ■''"'■•
de l'Aumône. ^^'"- '• '"• p
Wederic _ avait prié l'abbé ou le prieur de Bonne-Espé-
rance de lui dire son sentiment sur deux questions qu'on
agitait sans doute alors dans les écoles. La première consistait
à savoir si Dieu avait créé le monde en un instant, ou s'il
Tome XIV. Mm
274 PHILIPPE DE IIARVENG.
^11 SIECLE, l'avait fait successivement m si\ jours; cl, clans ce cas, si
cela doit s'enlentire à la li'tire f)ii dans un sens ra(?lapliori(|i]e ,
comme on entend d'autres endroits de rÉcriturc , qui ne sont
que des antliropotogics. T'iiilipiie croit qu'on peut penser sur
cela diversement, pourvu (judiî ne s'éioii^ne pas de l'ana-
logie de la foi. Il se jelle sur des cpiostions [)urcment spécida-
tives , sur la création des sulislanccs -;piriluoll('s , sur la chùle
des mauvais anqes , sur la prrscvrranci^ des bons dans lo
bien, et il rapporte sui' cela ce (pie les auteurs occlésiasti(pies
ont dit de meilleur; mais il c>sl plus porlé à endirasser le sen-
timent de ceux qui ont pris à la lettre le récit de Moïse. —
La seconde (piestion était de savoir si un inlërif'ur était obligé
de se confesser à son supérieur, ou sil pouvait le faire à
un autre, lorsqu il était tombé dans (pielque péehé considé-
rable. Philippe s'excuse de répondn> à cette question, parce
que les sentimcns étant fort partagés, cela demanderait une
longue discussion
La deuxième et la troisième sont écrites à lïrroard, (pic
nous ne connaissons que par ces deux lellrcs C.etail un clerc
qui étudiait à Paris, au moins l()is(|ue l'hili[ipe lui ('crivil la
Ep. 2,|.. 9-li. troisième. Iléroard lui avait demandé la solution dune didi-
culté qu il avait propos('e à plusieurs docteurs, sans (prauciin
eût pu le satisfaire. C'était de lui expli(|uer comment la cliair
de Jésus-Christ , (pi il avait tirée d Adam comme nous ,
n'avait pas contracté le [Kché orii:iiiel. Philippe , avant que
de répondre à celte (piestion . fait mi leui; pri^ambule sur
les dispositions avec le,s(piclles on doit étudier les matières
de religion ; digression assez nécessaire |)Our rinsiruclion
d'un jeune étudiant it;! cpi'étaii IleKiard Kiilr.iut ensuite en
matière, il résout la (pieslion en Ixm llieologien; mais il est
trof) diffus , défaut (pii règne dans tous ses écrits. — iJans la
Ep. 3, i>. M troisième lettre au mènie Iléroard . (pii -hélait plaint de l'in-
lerruplion de leur coru-poiul.iMce l'Iiilippe le félicite sur
les progrès qu'il a faits dans la .science ecch'siasliipie; il lui
conseille de mettre de c(')té les auteurs [irofanes. pour ne
s'attacher (juà la lecture de rKcriliiic et des Pères. Cepen-
dant celle même lettre est une linnrie preuve (|ue Philippe
avait lui-mémo lu (>l bien étudie les auteurs iirofanes ; mais
il n'y avait pas apfuis à être concis 11 y fait à la lin un bel
éloge; des écoles de Paris, et dit quii bon droit celte ville
peut être a[)pcl(''e la nouvelle Cariatli Sepher, ou la ville dos
lettres , le nonibre des étiidians cL-alant pres(pie celui des
18.
PHILIPPE DE HARVENG. 27a
habilaiis ; In qun tanta lectorum diligentia, tanta deinceps xii siècle.
scientia scrïptura?^u7n , ut in modum Cariath-Sepher dici ""
possit civitas lilterai'um.
La qiuiU-iùrne lettre est encore adressée à un jeune homme E|. i, p 18
nommé Engelbe.H, qui étuiliait à Paris. Il l'exhorte à ne pas ~ '^•
se rebuter des didicullés qui! peut rencontrer dans la car-
rière des lettres, parce que la science ne s'acquiert que par
beaucoup de veilles et de travaux Vous voyez, dit-il, beau-
coup de gens décorés du nom de clerc, et très-peu qui soient
véritablement savans ; la moindre diliiculté les rebute, et il
arrive qu'ils restent ou ignorans ou avec un savoir Irès-super-
liciel, parce qu ils ne veulent pas se dévouer à un travail
assidu, sans leipiel on ne peut acquérir la science : ce qu'il
prouve par l'exemple de Platon, de Socrale, de Calon le
Censeur, qui, jusqu'à l'extrême vieillesse, montrèrent I ardeur
d'un jeune homme pour api)rendre N'écoutez i)as, lui dit-il,
les petites inlirmités, febriculas, (jui [)euvcnl survenir ; parce
que ce n'est pas un honneur d'avoir été à Paris, mais c'en est
un grand d'y avoir acijuis une instruction convenable : Non
enini Parisiis fuisse, sed Parisiis honestam scientiam acqui-
sivisse honestum est.
Les lettres 5, G et 7 sont des réponses à autant de lettres
d'un nommé .lean, (pie l'éditeur a placées à la suite de celles
de Philippe, mais qu'il aurait mieux fait d'intercaler parmi
celles qui leur servent de réponse. Ce Jean était prévôt d'une
communauté qui nous t'st inconnue, mais vraisemblablement
(lu même ordre de Prémontré. Il était parent de Philippe ; car
une de ses lettres jjorte pour suscriplion : Carissimo cognato
Philippo fr. Joannes saiutem. Dans celte lellie, il le remercie
de lui avoir communiipié un ouvrage (jue Philippe croyait être
de saint Alhunase : c'était h: traité de saint llilaire, de Trinilate,
comme on le reconnut ensuite, .h'an, en le lui renvoyant, lui
dit qu'il ne le croit point de saint Alhauase, parce (pi il y a
remarqué quelques erreurs, entre autres (jue JNolre Seigneur
n'avait pas reçu de Marie la matière dont .son corps était formé,
et encore que, dans sa passion, il n'avait éprouvé ni tristesse,
m douleur.
La réponse de Philippe est liv.s-judirieube ; il lui fait sentir k,,.
(pi'il prononce bien lestement sur louvrage d'un père de
l'église aussi respectable que saint Alhanase ; que, pour lui,
il ne va pas si vite : (pi'à la vérité il y a trouvé quelques
endroits obscurs, ipi'il a eu bien de la peine à comprendre,
Mm2
V. 94.
— -J.'o.
276 PHILIPPE DE HARVENG.
XII SIECLE. sQi( à cause de la difficulté du style, soit par le défaut du ma-
nuscrit ; mais qu'il s'est bien gardé de les condamner, ne se
croyant pas assez habile pour décider de choses qu'il n'enten-
dait pas. Il ajoute qu'd l'avait relu, et qu'en se bornant aux deux
erreurs que Jean prétendait y avoir trouvées, il ne serait pas
difficile de donner un bon sens aux paroles de l'auteur, qu'il
suppose toujours être saint Athanase. Ce n'est qu'en finissant
sa lettre, et dans un post scriptum, qu'il dit avoir appris de
maître Gilbert, évêque de Poitiers, qu'il avait vu depuis peu à
Paris, que l'auteur de cet ouvrage était saint Hilaire. Plein de
respect pour les pères de l'église, il prouve en habile théologien
que cet intrépide défenseur de la foi catholique contre les ariens,
s'est exprimé sur ces points contre les auteurs ecclésiastiques du
bon temps.
p 9* ^ 90. Jean répondit à cette lettre avec sa hauteur ordinaire. Il
convient que les explications de Philippe sont exactes ; mais
il soutient que c'est faire violence aux termes de l'auteur, et
qu'avec cette méthode il n'y a rien de si absurde et de si erroné
qu'on ne puisse justifier. Persistant à regarder ce livre comme
dangereux, il ne veut pas qu'on le lise ; car, dit-il, soit Atha-
nase, soit Hilaire, soit tout autre, il faut croire ou qu'ils ont
corrigé leur erreur de leur vivant, comme a fait notre père
Augustin, ou qu'ils ont expié leur péché comme le martyr
Cyprien, qui, suivant le témoignage de saint Augustin, a lavé
dans son sang l'erreur des donatistcs, ou sont morts comme
Origène, dans l'infidélité.
E|.. (i, p. 25 Philippe ne se tint pas pour battu ; il écrivit la sixième
- '•• lettre dans laquelle il suit pied à pied son adversaire, combat
tous ses principes, et justifie de nouveau saint Hilaire. Il y
prouve fort bien que, quoiqu'il y ait dans un ouvrage des
choses difficiles à entendre, ou qui ont besoin d'être expliquées
selon le sens de l'auteur, ce n'est pas une raison d'en interdire
la lecture; car alors il faudrait rejeter plusieurs livres du
Nouveau-Testament, parce que, de l'aveu môme des apôtres,'
il s'y trouve des choses qu'on comprend difficilement. Et, à
l'égard de Saint-IIilairc, il cite le passage de saint Jérôme, qui
dit positivement que le saint évèque de Poitiers est un docteur
trés-orlhodoxe, dont on peut lire les écrits en toute assurance
Cette lettre est fort longue, mais forte en preuves et en rai-
sohnemens.
Il arriva, ce (jui arrive presque toujours dans les disputes,
que celte controverse dégénéra en personnalités et en re-
PHILIPPE DE HARVENG. 277
proches. Jean lui renvoya ses deux lettres, si chargées de ^" ^^^^^^- .
remarques caustiques, que l'auteur eut de la peine à s'y
reconnaître. 11 en fut piqué, et crut devoir y répondre dans
la septième .etlre. Avec un grand ton de modération, il __ ^p- 7, p.
emploie finement l'ironie, et raille avec esprit son adver-
saire, qui avait pris avec lui le ton magistral, et quelquefois de
mépris.
A la suite des trois lettres de Jean, l'éditeur en a donné P. 97 - io<).
une d'Hunauld, Hunaldus, que nous ne connaissons pas.
Elle est adressée au prévôt, qui n'est autre que Jean. Son
but est de concilier celui-ci avec Philippe. Il prétend que ce
n'est entre eux qu'une question de mots qui les divise ;
qu'elle n'est fondée que sur une équivoque qui fait qu'ils ne
s'entendent pas, et qu'au fond ils sont d'accord. Il interprète
le sentiment de saint Hilaire dans un sens catholique, et
explique de même quelques endroits des lettres de Philippe,
qui avaient déplu à Jean, et si fort ému sa bile. En un mol,
il fait l'office de conciliateur. Il attribue à Philippe davoir
dit que la chair dont Jésus-Christ s'était revêtu était celle
qu'avait Adam avant son péché. Il réfute ce sentiment, en
avouant cependant qu'on peut le soutenir de la manière dont
on l'explique. II recommande au prévôt de lui faire part de la
réponse que fera Philippe à sa lettre, en cas qu'il la lui com-
munique. Il faut que la contestation ait fini là, car nous
n'avons pas de réponse.
La huitième lettre de Philippe est adressée à un nommé Ep. 8, p. 37
Grégoire, qui venait d'embrasser l'état religieux. Il lui donne - •"!>•
de fort bons avis, mais sur-tout de ne pas mépriser les reli-
gieux d'un autre ordre ou d'une autre communauté que la
sienne. L'établissement des nouvelles congrégations qui se
formèrent dans le Xll« siècle, fit naître des jalousies entre
les nouveaux et les anciens cénobites ; ils se décriaient mu-
tuellement. Philippe voyait avec peine ce levain de discorde.
II y revient avec force dans ses lettres à saint Bernard, dont
nous parlerons bientôt.
La lettre 9 à Barthélemi, qui sans doute n'est autre que Ep. 9, p. 39
l'évêque de Laon, l'ami et le bienfaiteur des Prémontrés, est - *2.
relative à la persécution que Philippe avait éprouvée de la
part de ses confrères, et dont nous avons rendu compte plus
haut Elle est en réponse à une lettre de consolation que le
prélat lui avait écrite en lui envoyant une ceinture. Philippe
voulant faire la peinture des maux qu'il endurait, rappelle
2 3
278 PHILIPPE DE HARVENG.
XII siErxE. la ceinture de saint Paul, avec laquelle le prophète Agabus
s'était lié les pieds et les mains, pour lui annoncer qu'à Jéru-
salem il serait lié et garolté par les Juifs; et il continue sur cette
allégorie à faire la description de ses malheurs.
^Ep. 10, p. 45 Lg \eHre 10 à Bernard, paraît être une réponse à la lettre
253 de l'abbé deClairvaux. Il s'agit dans l'une et dans l'autre
d'un religieux de Bonne-Espérance, nommé Robert, que
saint Bernard avait admis parmi ses religieux sans la per-
mission de son abbé, ni de l'abbé de Prémontré, ni du cha-
pitre général de l'ordre. On avait écrit et fait des instances
pour obtenir le renvoi de ce religieux. Saint Bernard répond
dans sa lettre aux plaintes amères des Prémontrés, et persiste
à garder le transfuge L'abbé de Bonne-Espérance, que cette
affaire regardait plus particulièrement, chargea le prieur
Philippe de détruire les fausses allégations de l'abbé de
Clairvaux, et il s'acquitta de la commission en homme supé-
rieur. Il commence par lui faire l'application de l'apologue
du prophète Nathan à David, et lui dit qu'un homme riche
comme lui en troupeaux, n'aurait pas dû enlever à une
pauvre maison une chétive brebis. On lui avait représenté
que cette conduite était contraire à la justice, aux décisions
des souverains pontifes, et aux transactions passées entre les
deux ordres. Saint Bernard avait répondu , entre autres
choses, qu'il n'avait ainsi agi que parce qu'un abbé de l'ordre
l'avait assuré que l'abbé de Prémontré avait donné son con-
sentement. Philippe lui soutient que cela est faux, que l'abbé
de Prémontré, et d'autres abbés qu'il lui nomme, lui avaient
dit le contraire de vive voix, et qu'il aurait dil les en croire
préférablemenl à tout autre ; que même en présence du
pape, lorsqu'il était à Paris ( c'était sans doute Eugène III,
et par conséquent l'an 1147), l'abbé de Bonne-Espérance,
interpellé par lui de donner son consentement, l'avait refusé,
disant qu'il ne l'accorderait pas à moins que le pape ne l'or-
donnûl formellement ; mais que le pape s'était abstenu de
commander. Il faut avouer qu'il plaide parfaitement bien sa
cause ; il presse vivement son adversaire, el lui fait observer
qu'il n'est que trop vrai que l'union et la charité se refroi-
dissaient beaucoup entre les membres des différons ordres,
les uns se préférant aux autres, les méprisant et les décriant :
désordre qu'il semble reprocher à saint Bernard, comme en
ayant donné l'exemple. Cette lettre est belle, pleine de bon
sens et de religion ; ses raisonnemens sont pressans et so-
PHILIPPE DE HARVENG. 279
lides, et sans trop manquer aux égards dus à un si grand xii siècle.
personnage, on y remarque des traits assez mordans. En
finissant, il prie le saint de lui faire une réponse ; mais nous
apprenons de la lettre suivante que celle-ci ne lui avait pas été
remise.
Trois ans après, Philippe, banni de sa maison à la suite e. u . n
d accusations graves, écrivit à labbé de Clairvaux la onzième - i9. ' ^
lettre, dans laquelle il se plaint que le saint homme eût
ajouté foi à des rapports calomnieux d'un de ses confrères.
Il regarde comme un malheur de lui avoir déplu, quoiqu'il
ne sache pas l'avoir jamais offensé. Il paraît'que saint Bernard
avait dit que le prieur de Bonne-Espérance méritait ce qu'il
souffrait. Mais, dit-il, si vous refusez de secourir celui à qui
vous avez voulu nuire, daignez au moins lui faire connaître
ses torts; car l'ignorance de mon crime m'est aussi insuppor-
table que les mauvais traitemens que j'endure, il revient
sur le peu de fraternité qui régnait entre les différens ordres,
et même entre les individus du même ordre, parce qu'il avait
appris que la lettre qu'il lui avait écrite trois ans auparavant
ne lui avait pas été remise II lui donne à la fin de sa lettre le
titre de majesté.
Philippe écrivit au pape Eugène III la douzième lettre E,. 12 p
après qu'il eut été rappelé à Bonne-Espérance. Comme i'i
n avait obtenu de ses supérieurs qu'une demi-justice, il fait
au pape la relation des calomnies et des mauvais traitemens
dont II avait été accablé, pour demander que justice entière
lui fût rendue. Se regardant comme un homme à demi-
mort civilement, seminecem, et se comparant à Lazare rendu
a la vie, mais non encore sorti du tombeau, il dit au pape •
Commandez que je sorte aussi d'entre les morts, parce que
tout ce que vous ordonnerez de la part de Dieu me sera fait :
aea et nunc seio, quia quascumque decreveritis à Deo, dabit
tilt Deus. Nous ne dirons plus rien de celle lettre, parce
que nous en avons donné la substance en faisant la vie de
1 auteur.
La treizième lettre a pour titre : Diledissimo dilectus, Eo <. -1
am. à son très-cher ami. il la commence par dire qu'un -% ' "'
lecteur attentif s'apercevra aisément des raisons qui lui oat
fait supprimer son nom et celui de son ami. C'est vraisem-
blablement par un excès de modestie , parce que cet ami
avec lequel il avait étudié dans sa jeunesse, était d'une nais-
sance illustre, et avait conservé pour lui une amitié inalté-
- 84.
280 PHILIPPE DE HARVENG.
xn SIECLE, rable. Étant parvenu à une des grandes dignités de l'église,
Philippe lui écrit, non pour lui en faire compliment, mais pour
le prémunir contre le danger des grandes places. Cette lettre est
écrite avec beaucoup d'art et de ménagement : elle contient
d'excellentes instructions, mais elles sont noyées dans un déluge
de paroles, de répétitions, d'allégories. 11 dit que Sénèque
était ami de saint Paul. 11 ne se doutait par conséquent pas de
la supposition des lettres qu'on a débitées sous le nom de l'un et
de l'autre.
Ep. li, !.. 66 La lettre 14 est adressée à Raoul. Ils étaient amis, et
~ ''*■ celui-ci l'avait prié d'écrire sur les martyrs : c'est ce qu'il
fait dans une espèce de panégyrique des martyrs et autres
saints.
E|). iî;. |) 79 La 15° à Adam est pour nous une énigme. Rien n'indique qui
~ ***• était cet homme ; on voit seulement qu'il lui avait promis quelque
chose, et qu'il n'avait pas tenu parole. Philippe commence ainsi
sa lettre : « Je vois bien qu'auprès de vous les premiers seront
les derniers, et pas môme les derniers » . Pour lui prouver qu'il
aurait dii tenir sa parole, et que lui a eu tort de s'y fier, il
entasse les citations de l'Écriture sainte, qui sans doute ont rap-
port à l'affaire, mais qui n'en donnent pas la clef. Elles roulent
toutes sur la liaison qu'ont entre elles la vérité et la justice, la
miséricorde et la paix.
E|). 10, |. 8) La seizième a pour titre : Suo Philippo suus Philippus.
- 8i. Ce Philippe, à qui la lettre est adressée, ne peut être que le
comte de Flandre de ce nom, fils de Thierri d'Alsace, puis-
qu'il lui dit que son père lui avait cédé, de son vivant, ses
états : ce qui arriva l'an 1157, lorsque Thierri partit pour la
Terre-Sainte. L'abbé de Ronne-Espérance fait de ce jeune
prince un éloge complet, quoiqu'il ne l'eût jamais vu. Il dit
qu'à moins d'être préoccupé par la haine ou par l'envie, il
n'est pas possible de considérer ses rares qualités sans l'ad-
mirer comme un phénix unique. Cependant il tourne ses
louanges de telle manière qu'elles sont en même temps de
bonnes instructions : sa lettre est comme un petit traité de
l'institution d'un prince. Il lui propose pour modèle Charle-
le-Ron, comte de Flandre, que j'ai toujours vu, dit-il, lisar t
attentivement les psaumes , lorsqu'il assistait aux offices
divins, et le comte Ayulfe, homme fort instruit, lequel
disait qu'il avait de grandes obligations à ses parens de l'avoir
fait iustruire daus les lettres, si bien qu'on l'aurait pris pour
un clerc : ce qui ne l'empêchait pas d'être bon chevalier,
PHILIPPE DE HARVENG. 281
puisqu'il est raort en combattant contre les infidèles. Nous ne xii siècle.
connaissons pas autrement ce comte Ayulfe, sur lequel nous
n'avons pu rien découvrir.
La lettre suivante contient l'éloge du prince Henri, à qui elle f-p i"> p- 8^
est adressée. 11 n'est pas douteux que ce prince ne soit Henri- —
le-Libéral, comte de Champagne et de Brie; car, en faisant
l'éloge de ses largesses envers les pauvres et les clercs, c'est-
à-dire, comme il l'explique, envers les gens de lettres, il lui
dit qu'il marche en cela sur les traces de son père, Thibaud-le-
Grand, dont les aumônes furent tant célébrées pendant la
première moitié du XII'" siècle. Mais il relève en lui un avantage
que son père n'avait pas eu, celui d'avoir été instruit dès l'en-
fance dans les lettres, et d'y avoir fait de grands progrès.
Faisant l'éloge de la science, il montre combien elle est néces-
saire aux princes pour se connaître eux-mêmes, et pour bien
conduire les autres Or Henri aimait à lire et à s'instruire ; il
favorisait de tout son pouvoir les gens de lettres, c'est-à-dire,
les clercs tant séculiers que réguliers, auxquels il faisait du bien
par préférence : et, comme les gens du monde y trouvaient
à redire, Philippe lui prouve qu'il ne saurait faire un meilleur
usage de ses richesses. Cette lettre est curieuse : il dit que,
de son temps, on ne s'appliquait ni au grec ni à l'hébreu ; qu'on
ne connaissait de ces langues que le nom, parce que la langue
latine réunissait de plus grands avantages, et il va jusqu'à
dire que, sans la connaissance du latin, on n'est qu'un hébété
et un âne : Jla ut si czdlibet vulgares linguas prœsto sint
cseterae, non latina, ipsius pace dixerim, hebetudo eum teneat
asinina.
Les lettres 18 et 20 sont écrites à Richer. C'était un jeune
homme qui faisait alors ses éludes à Paris, et dont on lui avait
dit beaucoup de bien. La dix-huitième lettre de Philippe roule Ep 18, p. 87
sur les avantages de l'élude, et sur l'obligation des clercs de '~^-
s'y adonner tout entiers ; mais il blâme ceux qui négligent
l'étude de la religion , pour ne s'occuper que des auteurs
profanes. « Ils croient, dit-il, être fort habiles, lorsqu'ils ont
recueilli quelques passages dAristote et de Platon, quelques
figures de Quintilien, quelques fleurs de Cicéron ». On voit
par là quels étaient alors les auteurs qu'on expliquait dans les
écoles.
Richer lui avait demandé un plan d'études ayant pour base
la religion. Phihppe lui répond dans la vingtième lettre, e 20 91
qu'il avait tort de s'adresser à lui, parce qu'il n'était pas à — 93.
Tome XIV. N n
2 0 *
i>82 PHILIPPE DE H AH VENG.
XII SIECLE, beaucoup près Ici qu il lo croyait, el que d'ailleurs ce jeuno
éliidianl était à la source des scicnocs, et dans une ville oîi il
pouvait trouver aisément les secours dont il avait besoin. Il ne
désiy;ne cette ville que par le nom de Cariath-Sepher ; mais nous
avons déjà vu qu'il entend par-là la ville de Paris.
Kp. 19, p. 88 La dix-neuvième lettre est écrite à Rainald, évêqne de quel-
" ^'* (]ue ii;rand siège dont le nom n est pas exprimé. On voit (pi il
était premier ministre de l'empereur d Allemagne, el (pi'il com-
mandait ses armées. A ces indices, on peut reconnaître; l'arche-
vêque de Cologne, Hainald ou Hainold, (pii lii\l ce siège depuis
l'an 11. 'iO jus(pià ll()7, sans cess(M- dèlre l'arcliicliancelier de
l'cmpercnr, et de conduire .ses armées Ayant renqiorlè une
grande victoire (apparemment sur les Milanais), il I avait an-
noncée à Philippe [lar une Ie(lr(> dans laquelle il en attri-
buait à Dieu seul le succès; et |»enl-êlr(; le consultait-il pour
savoir s'il pouvait allier le méli<'r des armes avec le caractère
dont il était revêtu. Philippe ne h; blAme pas de comman-
der les armées, et de passer sa vie dans Kis camps; il Icxhorle
seulement à user de la victoire avec modération, et à ne faire la
guerre que par nécessité, et en vue d'obtenir une paix hono-
rable ; il lui recommande de se rappehu- toujours (pi'il est prêtre
et èvêque.
i'i.. 21, p. !I5 Enlin la vingt-unième el deriiieiv a pour souscrinlion à
Siipià II 17(1 ^'"2''«î«»"*- C-ette lellre est de lalibè ilc r.\umê)ne, et non de
celui de ni)nne-l']spcrance, comiiu' nous lavons prouvé autre
•'■"■'■
On lit à la lin de ces lellres une; approbation de I lançois
Syhius, doctcHir de Loiixain, ipii altestt! i|ue non-.seuhîmenl
elks soni conl'ormi's à la foi callioli(pie, mais aussi solidement
tlorli's. pleines d un(> grandi ('riidilion. On ne p(!ut nier en
tllel (pie Philippe ne lui 1res sivaril pour .son tiMiips, ipi'il n'eiîl
(le leriKlilioii. el (piil ne liii I !('•.>;- versé dans la leclure des
ecnxains prol.ines el e(;cl<'siasli(pies ; mais il avait un slyle
singulier, doni on trouve peu di'xenqjles dans le XII'' siècle.
Il aiiiiail ItillemenI les consonnances , tpi il fait rim(M- tous
ie-^ iiiend)res de ses périodes, non-seulement dans ses liMtres,
mais dans Ions .ses écrits : ce (pii le rend verlu'iix à pure
p(M le.
l'iiii.ppi (ip. 2" Ses lettres sont suivies dun Comnienlaire sur le Can-
''■ ■'■ tique des Canlicjues. H l'a divisé en six livres, (H a mis à la
tête un prologue, dans leepiel il dit avoir entrepris ce! ou-
vrage à la sollicilation de. quehpies personnes auxquelles il
PHILIPF'E DE HARVENr, . 283
n'a pu persuader que ce travail clail beaucoup au-dessus de xn siècle.
ses forces; (ju'il existait d'ailleurs tant dex[)lications de ce
cantique nuptial, qu'il n'était guère possible de dire quchpie
chose de nouveau. Cependant il rend compte, dans une
introduction ou proème, du nouveau [)oiiit do vue sous lecpiel
il a (învisagé ce canticpic, bien supérieur, selon lui, à toutes
les lictiotis des poètes, il le regarde comme uni^ propliéti'- de
l'iiicarnUion du verbe dans l(^ sein de .Marie, et ne voit dans
les [)er^oniiages de; l'époux et de lépouse que lesus-Clirist
et .Marie, (!t dans leurs entretiens que l'ccuvre de la réileiiiption
des hommes, à la(iaelle la mère de Dieu a eu tant de jiart.
Lauteur, dans ce commentaire, est iné|)ui.sable en allégories
et sens mystiques ; il eu donne plusi(Mirs sur un même texte.
11 avait commencé son travail avant les mauvaises all'aires qui
pendant deux ans alléierenl le bonheur de sa vie, l'I il le con-
tinua au milieu des [«lus cruelles épreuves. C'est ce qu'd dit en
Unissant .son ouvrage, dont il fait hommagi; à la Sainte-Vierge,
à la prolecli(jn de laqutilk^ il altrdiue 1 heureux dénouement de
son alîairi'.
3" L'ouvrage ([ui suit ce commentaire a pour titre : Mora- n,.^ .^^
lités sur i.e Ca>Ui</ue 'tes Cantiques. Il est divisé en sept - 34*.
tomes, et travaillé à-peu-près dans le menu; goût que h;
précédent, mais il contient plus il'allégories, et des plus
singulières. Nous ne croyons pas qu'il .soit de notre abhe ;
ce n'est pas toul-à-fail son style, et I auteur dit dans le pro-
logue (pie son nom e.-^l renleriué dans cini| lettres ce qui ne
convient pas au mol l'hitippe C est [H)urlant un preinonirc .
car il a choisi pour Mécènes deux premontrés comme hn,
.Milon, qui lut évêcjue de Thérouanne ou des Alorins, de|iuis
l'an 1131 jusqu'à ll.'i'J, et Hugues, abbé de l*rém()uli<',
décédé l'an 11G1, (pi'il appelle ses [>ères. Quant à lui, il ne.
prend que le titre du plus peroers et du dernier des servileius
de Dieu, ajoutant (jue son nom est renfermé dans l(>s cin(j
premières lettres des cinq premières parti(;s du premier lome.
Nous avons essayé de faire celte combinaison, et nous n'avons
obtenu aucun bon résultat. Au reste, ceux qui aiment les
allégories peuvent avoir recours à son livre ; il en a mis par-
tout. C'est vraisemblablement de cet auteur que Philippe a p^ii. on
voulu parler, lorsipiii dit au chapitre 49 île Silentin dericoruvi, :''•"'. f»'- 2.
qu'un religieux de son ordre avait commencé un com-
mentaire sur le Canti(iue des Cantiques, et que s'étant
trop pressé de le rendre public, il eut la douleur de se voir
N n %
360.
284 PHILIPPE DE HARVENG.
XII SIECLE, baffoué lui et son livre, tani opus quàm opificem irriserunt -.
ce qui ôla à l'auteur l'envie de continuer.
4" L'éditeur a placé à la suite quelques traités de Philippe, en
réponse à autant de questions, qui, dans les conversations, lui
avaient été proposées par ses confrères.
ihid. p. 3i5— Le premier a pour titre, Responsio de salule primi hominis,
dans lequel il examine si Adam est ou n'est pas dans le ciel. 11
traite ce sujet fort au long, mais il y mêle bien des choses qui
n'y ont guère de rapport, plutôt dans le dessein d'instruire ses
religieux, que d'éclaircir la question, Enfln il conclut de tous ses
longs raisonnemens, que le premier homme a été sauvé en fai-
sant pénitence de son péché. Il dit qu'Adam ne pécha que pour
ne pas contrister sa femme, sachant que le serpent mentait ;
mais qu'il espérait se réconcilier avec Dieu par la pénitence.
11 y parle de l'état d'innocence, suivant le système de saint
Augustin, dont il emprunte les expressions. 11 admet la
prédestination gratuite avant la prévision des mérites : ce qu'il
prouve par les épîtres de saint Paul. L'ouvrage est divisé en
vingt-sept chapitres.
ihi,i p 301 - La seconde question était de savoir si Salomon était damné
^8s. ou s'il était sauvé, Responsio de damnatione Salomonis. Cet
ouvrage est savant, écrit avec ordre et beaucoup de méthode.
L'auteur commence par rapporter ce que dit à l'avantage du
roi Salomon la sainte écriture, et puis ce en quoi elle le
blùme. Son opinion est que Salomon n'ayant point expié ses
désordres par la pénitence, ne pouvait être sauvé. 11 cite à
l'appui de son opinion Origène, Victorin, saint Ambroise,
saint Jérôme, saint Augustin, Cassien, saint Fulgence, saint
Grégoire, saint Isidore, etc. Car je n'ignore pas, dit-il, que
plusieurs supportent impatiemment qu'on dise que Salomon
est mort impénitent, et qu'on est plus porté à ajouter foi
aux impertinences et aux fables que débitent les Juifs, qu'aux
témoignages des docteurs de l'église ; et pour qu'on ne l'ac-
cuse pas de dissimuler les autorités qui sont contraires à son
p. ^(12 cl se.], opinion, il les rap[)orte telles qu'il les avait trouvées dans
des papiers, foliola, oii l'on avait recueilli, pour prouver que
ce prince avait fait pénitence, quelques passages des pères
qui favorisent ce sentiment. Philippe dit que l'auteur de ce
recueil avait puisé presque tout ce qu'il avait transcrit dans
l'ouvrage d'un certain Bacliarius, et réfute pied à pied l'un
et lautre, en expliquant, conformément à son opinion, les
passages qui paraissaient lui être contraires. Cet ouvrage
Ihid p. 38îi —
PHILIPPE DE HARVENG. .285
prouve que noire auteur avait beaucoup d'érudition théolo- xii siècle.
gique et même profane , et qu'il n'était pas dépourvu de cri-
tique. Ce qu'il dit sur la manière d'étudier et d'interpréter p. asteiso.].
l'écriture est tout-à-fait judicieux. Il a cru qu'Esdras , voulant
rétablir de mémoire les livres saints , avait inventé de nou-
veaux caractères : d'oii vient qu'aujourd'hui la prononciation
des lettres étant la même pour l'hébreu et le samaritain ,
ces deux langues dififèrent cependant pour la forme des
caractères.
La troisième réponse a pour litre : De Dignitate clerico-
rum. Il répond à la question de savoir lequel des deux états ,
des clercs et des moines , est le plus relevé dans l'église : ques-
tion puérile qui se renouvela, l'an 1G80, entre les chanoines ré-
guliers et les bénédictins , relativement à la préséance aux états
de Bourgogne , et qui vraisemblablement ne se renouvellera
plus. Philippe a fait sur cela un long ouvrage divisé en cent
vingt-sept chapitres ; mais il n'aborde la question qu'au cha-
pitre 78. Il prouve d'abord ce qu'on n'a pu lui contester , que
les clercs sont plus anciens que les moines. Ainsi tout ce qu'il
dit roule sur une équivoque ; car on voit par son ouvrage
même que les moines ne se croyaient ni plus anciens , ni plus
relevés que les clercs ; mais ils contestaient l'ancienneté aux
nouvelles congrégations de chanoines réguliers , qu'ils avaient
vues naître aux Xl*^ et Xll« siècles. Philippe les fait remon-
ter jusqu'aux apôtres , parce que , dès l'origine du christia-
nisme , les apôtres , comme on n'eu peut disconvenir , avaient
établi à Jérusalem la communauté de biens , et la vie com-
mune non-seulement entre les clercs , mais entre tous les
fidèles. C'était le prendre de bien haut : il eût été plus juste de
dire que c'est sur le modèle de l'église de Jérusalem que furent
établis les chanoines réguliers , et les moines aussi , les uns plus
tôt , les autres plus tard.
Parvenu au chapitre 103, l'auteur dit qu'il aurait pu ter-
miner là sa réponse à la question sur la dignité des clercs ,
si un traité que venait de publier un certain moine , ne l'obli-
geait à la prolonger. H ne connaît , dit-il , ce moine que de
nom ; mais il ne le nomme pas et son ouvrage n'est pas par-
venu jusqu'à nous. C'était la relation d'une dispute qui s'était
élevée entre un bénédictin et un clerc, qui était sans doute
un prémontré; car Philippe dit qu'il le connaissait parfaite-
ment , que -ce clerc avait beaucoup étudié les auteurs pro-
fanes , et que , s il eût été question de Porphyre ou d'Aristote,
p. JtiO cl scq.
286 PHILIPPE DE MAKVENG.
XII SIECLE, il n'eût pas cédé la palme ;m moine ; mais <[u en fait d (mii-
dition ecclésiastique , il s'en éluil rapporté à la décision des
maîtres de Laon. Il pa?-aît que la d('ci>ioti lut en faveur du
moine , qui avait défendu sa cause par des passaLM's hien elioisis
dans les lettres de saint Jérôme. Son mémoire ayant été rendu
public, Pliilip[)e entreprit de le réfutei , dans la crainte .piil
ne fît impression sur quelqu'un di; ses confrères : et cest à
(juoi il consacra le reste de sa réponse ; mais sa relutatioii
manque souvent de justesse. Le plus fort ai.i,'ument du moine
|)Our mettre son état au-dessus de celui des clercs portail sur ce
(]u'il était moine et clerc en même tenqis. Pliilippe lui (ou
leste celte dernière qualité, en la prenant dans toute la rii^uein
du terme : ce qui prouve qu ils disputaient sans seii-
tendrc. Au reste , on trouve dans cet écrit des traits as.si-/
curieux sur les clercs el les moines de ce tenips-la. En
voici quelques-uns (jue nous pouvons indiquer sans incon-
vénient,
c.,,,. 11. 11 est porté à croire (pie I ori;^'iiie du nom ih clerc vient de
ee que les apôtres élurent par le sort saint Matliias et les
autres ministres. Il se plaint (jue lii^norance des ecclésias-
li(iucs était si profonde , ([ue la i)lus grande partie était inca
paille d'instruire les peuples confiés à leurs soins ; (juils
,.,, ,- n entraient dans le cler-é (pie pour vivre i)lus à leur aise;
(|u'ils avilissaient l(î cor|)s du Seigneur en le vendant pour une
inodi(|ue rétribution : ce (|ui suppose ipion en donnait dès
lors pour les messes. Philippe montre par-tout un t^rand /.èle
contre les vices du cleryé, et pour la dignité de son ordre
(:.|' m. 4s. Mais, ce ipi'on ne peut lui passer, c'est (ju il ait dit (\w les
clercs .sont exempts de payer le tribut à César , parce que
le caractère dont ils sont revrtus leur défend de se mêler d;.i
faires temporelles , cl (puis soni ou doivent être [>lus jiai -
^;., , ,;; lalls (juc Ics laïcs. Il trouve ("on mauvais (pie les prêtres grec>;
lus.sent mariés , et il semble vouloir en douter : tant on était
peu informé alors, du moins en France, des usages de l'église
grec(iuc.
'Ja;.. '.!'J. Il explique fort au long pouiipioi oii donnait le nom de
rlayc à tU'> laïcs peu instruits, et même à des femmes,
et sur-tout aii\ religieuses siui sa[)plii|uaient au.x sc;enc(!S.
On d(>vrait les appeler , dit-il, f'ona derica, et non pas bomts
c/rriciis ; mais l'usage contraire a [irévalu. (Cependant il --oii-
lient(|ue les iiinnies, (|uou|iie élevés à la déricalure , (pioi(pié
ruilivaiit les lellies plus ([ue tous les autres, ne doivent pas
Ml
SIECLE.
C»,..
9(;.
0,.,..
111.
PIIILIPI'E I)K ilAHVENG. 287
('^Iro appelés clercs, el ipie, s ils le soiU dans quelques opus-
ciiliîs clos pères, ce n'esl (priin|)iopiriiienl. Philippe n'a pas
toujours t;ar(lé à leur vj^uvA \.\ pr()iiu'.>i.'e (pi'il avait faite de
ne lien dire qui put oll'enser pcrsotuie. il aurait pu les ap-
peler grex monachorum ; il a mieux aimé iWvc pecus mona-
cho?-um. Il leur reproche, non pas de fréquenter les tournois,
mais d'y all(n- à cheval ; et il les |)laisante sur celte monture,
tandis (ju'ils (levaient, dit-il, aller à pied. Il faut dire aux che-
valiers tenaiis aux(piels il arrivait quelque mésaventure, que
I- était la rencontnî des moines qui leur avait porté malheur.
On voit i)ar ces traits combien les anciens moines et leurs
iichcsses étaient jalousées |)ar les clercs ou chanoines de
nouvelle institution Ilarveng a fait paraître en plus d'un
endroit «pi d était atteint de cette maladie. Voyez les cha-
pitres 8;i, 86, et 1)4. Il ne l'ail l'éloge que des prémonlrés cl i'j\,. in.
des cisterciens, autres délraclcurs des moines aussi nouveaux '"'*' '^'
([u'enx ; il veut cependant qu on vive en paix avec tout le
monde.
Dans la réponse à la question sur la dij^nité des clercs,
(|ui i!st sans contredit son meilleur ouvrage, IMiilippe avuil
loni;uemenl disserté sur leuis |irincipales obligations, qui
les rendent vraiment recommandables ; sur la science dont
ils doiv'Mit être pourvus; sur la justice qui leur csl propre,
quil l'ail con.iister dans le délachemenl parfait des biens de
ce monde , sur la continence «pii les oblige à veillei' sans
cesse sur eux pour cxcMcer dignement les fonctions de leur
ministère. Il avait interrompu ce cours d instructions pour
réfuter les |)rétentions des moines: il le reprit ensuite, parce
(pi'il n'avait encore rien dit sur le devoir de lobéis.sance, et
sur la nécessité de la retraite et du silence. C'est ce qui fait
le .siijel de deux nouselles réponses, qu'on a placées à la suite
des autres.
On lui avait demande en quoi consistait la vertu d'obéis- ""''■ i' '***•' '
sauce, sil laul la pralupier en tout sans exception, el s il n y
a pas des cas oii celle obligation cesse. Cette (juestion csl
belle el inq)ortante ; mais l'auteur la trailéo à sa manière,
cesl-à-dire, avec une abondance fastidieuse, tellement (|ue,
sur (juaranle-quatre clia|)itres dont louvrage est composé, il
n'y en a guère plus de trois (jui répondent à la question : le
reste est une longue paraphrase sur la désobéissance d'Adam
el sur l'obéissance d'Abraham. C'élail le goût des écrivains
du Xllc siècle, de prouver jiar l'écriture sainte les vérités les
ibid. p. r.{i -
(iiii.
288 PHILIPPE DE HARVENG
XII SIECLE. plus communes, ce qui les mettait dans la nécessité de saisir les
allégories les plus forcées, d'accumuler tant bien que mal les
exemples et les citations. C'est ce qu'a fait dans tous ses ouvrages,
et particulièrement dans celui-ci, l'abbé de Bonne-Espérance.
Il pouvait, sans tout cet échafaudage, établir, comme il l'a fait,
que de l'obéissance dépendent le bon ordre et la tranquillité
publique, et que sans elle le désordre et la confusion régne-
raient dans tous les états. Ce qu'il dit sur l'obéissance à laquelle
on s'oblige dans les monastères, touchant l'observation des
règles, et le pouvoir qu'ont les supérieurs d'accorder des dis-
penses, est très-sensé et très-conforme au dogme et à la morale ;
mais il ne fallait pas noyer ces vérités simples dans un déluge de
paroles.
Le même inconvénient règne dans la réponse sur le silence
des clercs. Il se propose d'examiner en quoi consiste ce
silence, à qui est l'obligation de le garder, quand et pour-
quoi, quod, quitus, qiiando, quare silentium sit tenendum.
Tel est l'objet de sa réponse, qu'il a divisée en cent dix- sept
chapitres, et encore n'est-elle pas entière, le manuscrit sur
lequel l'éditeur l'a publiée étant imparfait et mutilé à la fin.
Il y a d'excellentes choses dans ce traité ; l'auteur a recueilli tous
les passages de l'Écriture sainte qui ont trait aux maux et
aux biens qu'a produits le bon ou le mauvais usage de la
langue. Il y parle sur-tout de l'utilité et de la nécessité du
silence dans les cloîtres , pour le maintien de la régularité,
et pour prévenir les dissentions que des paroles inconsidérées
font naître trop souvent. Mais il traite tant de questions inci-
dentes, qu'il fait perdre de vue son objet. Parmi tant de digres-
sions, nous indiquerons comme ayant trait à 1 histoire littéraire,
celle qu'il a faite sur l'origine des lettres chez les peuples
anciens.
Cap .t!5. Il a cru qu'Enoch, descendant d'Adam au septième degré, fut
le premier inventeur de l'art décrire, parce que l'apôtre saint
Jude le cite comme prophète, quoique son livre n'ait pas été mis
dans le canon des Écritures. Après la confusion des langues,
l'ancien langage se perpétua, dit-il, dans la famille d'Héber, ce
qui lui a fait donner le nom d'hébraïque.
(. ^g Chez les Égyptiens, lo ou Isis, fille de Phoronée, sentant la
nécessité de pouvoir communiquer sa pensée aux absens, inventa
les hiéroglyphes : et voilà pourquoi elle est représentée avec le
doigt sur les lèvres, pour signifier qu'on peut se faire entendre
sans parler.
PHILIPPE DE H\RVENG. 289
Long-temps après Isis, les Phéniciens voulurent aussi avoir xii siècle.
des caractères à eux. Cet alphabet n avait encore que dix-sept Cap. 48.
lettres lorsque Cadmus le porta en Grèce ; et c'est par recon-
naissance que les Grecs ont introduit l'usage de mettre à la tête
des livres une lettre rouge.
Des Grecs, l'alphabet de Cadmus, perfectionné, passa aux Cap. 49.
Romains par le bienfait de la nymphe Nicostrata, surnommée
Carmentis, parce qu'elle se mêlait de prédire l'avenir. U faut
lire cet auteur pour se convaincre que l'antiquité n'était pas un
livre lout-à-fait fermé pour les écrivains de son temps, qui,
comme il ledit, n'étudiaient guère que l'Écriture sainte, ou ce
qui avait rapport à la religion.
5° Ces traités ou réponses sont suivis de quelques vies de
saints, dont la plupart ne sont que retouchées, d'autres môme
ne sont pas de hii.
La première est celle de saint Augustin 11 a mis à la tête «"'■ p- "S* —
un prologue dans lequel on voit qu'il entreprit cet ouvrage '" '
à la prière de ses confrères, qui, pleins d'amour pour leur
instituteur, désiraient avoir sa vie en abrégé. Il assure n'y
avoir rien mis de son invention, ni avoir rien exagéré par
une vaine complaisance ; car ce saint si parfait, ami de la
vérité, n'ambitionne pas, dit-il, d'être honoré par de fausses
louanges. « Ce que j'écris se trouve ailleurs, sinon dans les
mômes termes, néanmoins dans le même sens, et là peut-être
beaucoup mieux, mais ici plus brièvement » Il l'a pourtant
remplie d'allégories et de réflexions morales, qui ne servent
qu'à allonger un ouvrage qu'il voulait rendre plus court. Il y a
ajouté l'histoire de la translation des reliques de saint Augustin,
de Sardaigne à Pavie ; mais il avoue qu'il n'a pu rien trouver de
celle d'Afrique en Sarda'gne.
La vie suivante de saint Amand, évoque de Maëstricht, ibid.^.ivn-
ainsi que Ihisloire du martyre de saint Cyr et sainte Julite,
qui vient après, ne sont pas l'ouvrage de l'abbé de Bonne-
Espérance. On a eu d'autant plus de tort de les lui attribuer,
qu'elles ne sont nullement dans son style, et qu'elles portent
le nom de Philippe de 1 Aumône, auquel nous les avons
restituées.
Mais on ne peut lui contester la quatrième, qui contient wj. p. 732 -
l'histoire du martyre de saint Sauve : elle est dans son style, "''•
et de plus il se dit auteur de la vie de saint Augustin, qu'on
ne lui conteste pas. Il l'adresse au vénérable Hugues, prieur
de l'église do Saint-Sauve, et il s'y qualifie d'humble prieur
Tome XIV. Oo
•290 PHILIPPE DE HARVENG.
XII SIECLE, (jg Bonne-Espérance. Ce prieur de Saint-Sauve est mort,
suivant d'Oulreman, dans son histoire de Valenciennes, vers
fan 1146. Cela supposé, Philippe a dû écrire cette histoire
vers l'an 1144 ou 1 1 45 au plus tard. Mais en quelque temps
qu'il l'ait écrite, elle n'en est pas meilleure ; il n'a fait que
retoucher l'ancienne vie qui avait été écrite au WU" siècle.
On peut voir le jugement qu'on a porté de celle-ci au
tome V de cette histoire, et celui des bollandistes au 26 juin,
page 196.
/6irf. p. 7S9 - Cette légende est suivie de celle de saint Foillan, martyr.
766. C'est une traduction en prose d'une vie du môme saint,
écrite en vers, dont l'auteur se fait connaître dans les vers
suivans :
His ita iiUerulis libef insinuare noiatis,
Veraci specie quo nomine censear ipse.
Si primos apices ex partibus ocio retractes,
Add. Mati. Molanus, qui avait sous les yeux ce poëme, a trouvé, par la
Rom. p. 15 . combinaison des lettres indiquées, que le nom de l'auteur était
Hillin. Philippe le mit en prose à la prière de ses confrères du
monastère de Saint-Foillan , dans le Hainaul. Il n'est pas
douteux qu'il ne soit auteur de la prose ; on ne peut y mécon-
Baiii. 31 oct. naître son style. Mais, au jugement de Baillet, le fond de l'his-
cnt. n. 2. jQjj,g ^^ ggj mauvais ; le commencement n'est qu'une fable
insipide ; il n'y a de bon que ce qui est emprunté des vies de
saint Fursi et de sainte Gertrude.
Phii. op. p. La vie de saint Guilain, fondateur du célèbre monastère
767-773. qui porte son nom, près de Mons, en Hainaut, est encore
t. II* p. 788. son ouvrage. D. Mabillon fait mention de plusieurs vies de
ce saint, écrites tant en prose qu'en vers ; mais il a jugé à
propos de n'en imprimer qu'une, et ce n'est pas celle de Phi-
lippe. Il paraît que celui-ci les aura mises toutes à contribution
Btiii. 9 cet. pour composer la sienne : cependant, s'il faut en croire Baillet,
cru. n. . jj j^ beaucoup renchéri sur les fictions des précédentes, dont il
a été parlé dans notre histoire, tome VI, page 86; tome "VII,
p. 338.
ît'uTt?» "'* ^ ^^ ^'® ^^ ^^^'^'^ Landelin, abbé de Crépin. Philippe s'est
servi, pour la composition de cet ouvrage, de deux vies du
même saint plus anciennes, qui ont été publiées par Mabillon,
et par les bollandistes, au 15 juin. Comme on a déjà rendu
Hisi. Liii^r compte de celles-ci dans notre histoire, il suffira de dire que
l. IV, p. 70 et 71. , ^. , . _, .,. . , ,., , ,
c est dans ces écrits que Philippe a puisé ce qu il y a de plus
p
HILIPPE DE HARVENG. 291
avéré sur la vie du saint, et qu'il n'a fait qu'y ajouter des ré- xn siècle.
flexions morales. Aussi les hagiographes n'ont fait aucun usage
de son travail.
Il n'est vraiment auteur original que dans la vie de la véné- Pbii. op. p.
rable Ode, vierge qui mourut le 20 avril, jour de Pâques ''^~'*'-
1158, et fut enterrée le lendemain dans l'église de Bonne-
Espérance. La vie d'une sainte fille ne pouvant four-
nir à l'historien de grands événemens, Philippe l'a remplie
de lieux communs et de pieuses réflexions. On y rencontre
cependant quelques traits dont un historien peut faire son
profit. Il est dit, par exemple, que Grégoire, abbé d'Aine,
fit la cérémonie des obsèques. Cet abbé Grégoire n'a pas
été connu des auteurs du nouveau Gallia christiana : ils
auraient dû le placer entre les abbés Francon et Gérard.
Philippe ajoute qu'il était présent à la cérémonie avec l'abbé
Odon, son prédécesseur. II est clair par-là qu'Odon s'était
démis en faveur de Philippe avant l'an 1158; et que c'est à
tort qu'il est dit dans la bibliothèque de Prémontré, qu'Odon
mourut le l*^"" février 1 156. Ce n'est peut-être qu'une faute
d'impression, 1156 pour 1159. Les continuateurs de Bol- n n 20
landus ont publié de nouveau cette vie avec un commentaire p, 77ï— 780.
et des notes.
C'est à tort qu'on a attribué à l'abbé de Bonne-Espérance Phii. op. p.
la vie de sainte Waldelrude ou Vaudru, abbesse de Mons, en I^?/ „^^^*.. —
. ' Boll. 9 opril. p.
Hamaul. Elle n est poml dans son style, el elle porte le nom 837-8tl.
de Philippe, abbé de l'Aumône. Nous ne croyons pourtant *'■''• a='»'
pas qu'elle soit de ce dernier. C'est l'ouvrage d'un auteur du g^g ' ^' ' ~
VIII* siècle, comme il a été dit au tome IV de cette histoire,
pages 45 et 46.
60 Ses poésies. Avec le goût qu'avait Philippe Harveng
pour les rimes et les consonnances, dont il a fait un si grand
abus dans sa prose, il ne serait pas étonnant qu'il eût laissé
quelques vers de sa composition. Cependant, de toutes les
pièces de vers qu'on a imprimées sous son nom, il n'y en
a aucune qu'on ne puisse lui contester. Examinons les en
détail.
La première est l'histoire du martyre de sainte Agnès. Cette phii. op. p.
pièce de poésie appartient à Hildebert, archevêque de Tours, 796,798.
comme on l'a dit à son article. t. xi, p 578.
Les deux suivantes, sur la destruction de Rome, sont PWi. op. p. 798.
aussi du même prélat, et se trouvent parmi ses poésies,
col. 1334 et seq.
Oo2
et leq.
292 PHILIPPE DEHARVENG.
XII SIECLE. La quatrième, qui est un plaidoyer entre un naari et sa femme,
vu. p. 799, ne se trouve pas parmi les œuvres d'Hildebert, mais elle est
dans le goût de plusieurs de ses poésies, et on pourrait la lui
attribuer à meilleur droit qu'à notre abbé. Elle commence
ainsi :
Rarius in terris n'iMl esi quàm famina recti
Conscia, fida viro, quam nota nulla notât.
ibid. p. 800. La cinquième est un éloge de Samson, archevêque de Reims.
Elle se trouve parmi les poésies d'Hildebert, col. 1316, beau-
coup plus ample qu'elle n'est ici, ou elle n'a que dix vers.
Elle ne peut être d'Hildebert, qui, étant mort l'an 1134, n'a
pu faire l'éloge de Samson, nommé archevêque de Reims,
l'an 1140.
ibiâ. p. -JOl. La sixième est l'épitaphedu pape Urbain H. Elle est de Pierre
de Léon, chez qui mourut ce pontife. Oit l'a donnée sous son
nom, à l'article de ce pape, tome VIII de celte histoire, page
531 . Casimir Oudin, suivi par D. Ceillier, pense que c'est l'épi-
taphe d'Urbain III, et prolonge la vie de Philippe Harveng au-
delà de l'année 1 187, qui est celle de la mort de ce pape. Mais
peut-on appliquer à un autre qu'à Urbain II ces vers qui ont
trait à la première croisade ;
Ecce per Aune urbs mficlapatel, lexnos'ra Ir'mmphat ;
Génies snnl vicia, crescil in orùejide/^.
D'ailleurs l'abbé de Bonne-Espérance n'est pas plus l'auteur
de ces vers que de tant daulres qu'on a publiés sous son
nom.
Ibid. p. 801. La septième est l'épitaphc d'Ives de Chartres, en huit vers
élégiaques. Les auteurs du Gallia christiana, t. X, col. 1132,
l'ont donnée sous le nom de notre abbé, mais rien ne prouve
qu'elle soit de lui.
Ibid. p. 801. La huitième est l'épitaphe d'un archevêque de Sens, qui n'est
pas nommé. On ne voit pas ce qui aurait porté notre abbé à
faire l'épitaphe d'un archevêque de Sens, non plus que celle
d Ives de Chartres. Elle est la même, à quelques petits change-
mens près, que celle que Guillaume de Malmesbury rapporte
comme faite pour Pierre, évêque de Poitiers. De Gestis regum
Angl. lih. F, p. 171.
luid. p. 801. La neuvième est l'épitaphe d'Anselme, professeur à Laon,
"•'• ^* et non de saint Anselme, archevêque de Cantorbéri, comme
PHILIPPE DE HARVENG. 293
l'a cru l'éditeur. Ce qui le prouve, c'est que la mort du person- xn sjecle
nage y est marquée au 15 de juillet, et saint Anselme est mort
le 21 avril. Elle est imprimée parmi les poésies d'Hildebert,
col. 1321 , mais l'éditeur s'est trompé en lui donnant pour objet
Ansel, chanoine de Paris, mort à Jérusalem, chantre du Saint-
Sépulcre.
La dixième est l'épi taphe de Sénèque, qu'on représente lud. p. soi,
comme un sage parfaitement détaché des biens de la terre, <="'■ 2-
et qu'on place dans le ciel : ce qui ne peut convenir à
Sénèque, payen, à moins que l'auteur n'ait fondé son opi-
nion sur les lettres apocryphes de Sénèque à saint Paul, et
de saint Paul à Sénèque. Elle est parmi les poésies d'Hildebert,
col. 1369.
La onzième est l'épitaphc de maître Guillauaie. C'est ibid. p 80i,
Guillaume de Couches, célèbre philosophe. On l'a rapportée '^°'- ^•
au tome XII de cette histoire, comme étant de l'abbé de
Bonne-Espérance. Nous ne voudrions pas garantir ce juge-
ment.
Nous lui accorderions plutôt la douzième, qui est celle de ibn. p. soi,
Pierre Abélard, à cause des consonnances. En voici le début : '^°^- ^
Lucifer occnbiiit, stclLe radiale mi?iores,
CiiJKS vos radius hebelahat lit inferiores, etc.
La treizième est celle de maître Lanfranc. Dacheri et Ma- z,,,^ ,,, goa.
billon n'ont pas fait difTicullé de l'attribuer à labbé de Bonne -
Espérance Mais on peut dire que ces savans n'ont point exa-
miné ce point de critique.
Si la quatorzième, qui est des rois^ de Jérusalem, Godefroi ""«i- p- 8(K.
de Bouillon et Baudoin son frère, est son ouvrage, il faut
convenir qu'il s'est avisé un peu tard de leur faire une épi-
taphe.
La quinzième pièce, qui est l'épitaphc d'Henri I, roi d'Angle- ib,d. p. 802.
terre, appartient à Hildebert, cl se trouve parmi ses poésies,
col. 13G7.
La seizième a été faite pour un doyen de l'église d'Orléans. /^,.^ ggg
C'est Jean surnommé de Catena, qui fut assassiné l'an 1167. coi. 2.
Mais elle appartient plutôt à quelque Orléanais qu'à notre
Philippe. La preuve, en est dans les deux derniers vers :
Mors patriœ, mors illafuit quœ sustulit illttm.
In cuj'us casu patria to^a cadit.
2 1
294 PHILIPPE DE HARVENG.
XII SIECLE. La dix-septième est i'épitaphe de saint Bernard, commençant
im. p. 802, par ce vers :
fol. 2.
Clara: sunt valks, sed claris valUbiis allas
Clarior, etc.
Il n'y a guère apparence que ces vers soient de l'abbé de Bonne-
Espérance, qui n'avait point assez à se louer du saint pour
chanter ses louanges.
ihid. p 802, ^^ dix-huilième pièce, de six vers élégiaques, a pour titre :
col. 2. Compar^atio de incarnatione Domini. Les quatre premiers
vers se trouvent mol à mot parmi les poésies d'Ilildehcrt,
page 133î!, dans une pièce qui a pour litre : De partu Vir-
ginis.
1,1,(1. p. 805. L^ dix-neuvième, en quatre vers, traite de Muneribus Ma-
gorum. La vingtième, qui est une explication allégorique des
mêmes présens, se trouve aussi liiléralomenl parmi les poésies
dllildeberl, page 133G.
Les deux suivantes uni pour lilrc : De triplici domo justorum,
tbid. p. 8or>. De bnplici domo hohiumm. Elles sont parnu k-s œuvres d'iiil-
dcberl, aux pages 13 10, I3;j3.
Mid. p. 8ir., La vingl-lroisicme esl intitulée : De rolà Fortv.na;. Elle n'est
<■•'• ^- pas dans llildel)ert ; mais elle n est pas non plus de notre abbé,
qui. ne pouvait souffrir (ju un clnélien se servît du terme de
l'orlune.
iiii p. 803, La vinL'l-qualrième, qui a pour titre : Quôd parhm valent aries
'"' •'• sine pecunià, le savoir sans la richesse donne peu de crédit,
esl encore dans llildcbert, col. 1333, sans autre titre (jue
celui-ci : Ad Odonein.
ihd. y 80i. La vingl-cin(iuicmo , intitulée : De Malà fœminà , n'est
qu'un l'ragiuenl dum; pu;ce i)lus étendue dans llildeberl, page
1354.
;tid. p. 8o{. La vingl-sixième, de Diciie cupiente et Paupere avaro,
n'a que quatre vers élégiaques, qui sont pris presque mol
pour mol des sept vers hexamètres d'Hildebert, contenant
les maximes des sept sages, senlenlix seplem sapientum, à la
page 1336.
iiid. p. 80i. La vingt-septième a pour litre ; Deore, visu et mente. On ue
comprend pas trop ce qu'il a voulu dire.
Wid ) 80i Enfin toutes ces poésies sont terminées par des logo-
.r.i. 2. gryphes et des énigmes. Les trente-un premiers sont expri-
més par autant de distiques; les trois derniers par des sixains.
ROTROU, ARCIIEVKQUE Di: ROUEN. 295
Ceux qui seront curieux de les deviner les trouveront à la page ''*^" siKCi.n:
804.
On ne peut nier que Philippe n'eût beaucoup d'érudition. Il
connaissait les auteurs profanes, orateurs et poètes, qu'il cite
fréquemment dans ses écrits; mais il avait des connaissances
encore plus étendues surles matières de religion. On a vu qu'on
le consultait sur des questions théologiques, qu'il discute suivant
la méthode des pères, c'est-à-dire, en prenant pour guide,
l'Écriture sainte et la tradition : on ne peut lui reprocher qu'un
usage trop fréquent des allégories. Quant au style, il est abon-
dant et nombreux ; mais si chargé de consunnances, et si péni-
blement travaillé, que tous les membres d'une période riment
ensemble ou deux à deux. Voici le jii;^ement qu'en a porté
l'abbé Lebeuf : « L'extrémité d'un style rampant fut balancée, |,j,,e,,
au Xir siècle, par une autre extrémité qui se remarque dans les Pt's i h, p
œuvres de Philippe Harveng. C'est une cadence de phrases qui '^^'
admet une rime perpétuelle, et qui, pour y parvenir, force
souvent l'auteur à des pensées assez l)urlesqucs, cl à des
constructions embrouillées » . Nous connaissons peu d'auteurs
qui, .dans le X1I« siècle, aient affecté comme lui ce genre
d'écrire. B.
«ur
ROTROU,
Archevêque de Rouen.
ÏL était né de Henri, comte de 'Warwick, et de Marguerite,
fille du comte du Perche. Quelques auteurs l'ont appelé Laroque, n.
Rotrou du Perche, en lui donnant par erreur le nom de sa g*"- de la mai-
mère. Ses parens le firent élever dans le prieuré de la Charité- ^"" '^'""l^^"'!:
sur-Loire, il en sortit pour étudier la théologie sous Gilbert aW; l iiî", p.
de la Porée, et devint archidiacre de Rouen. Son nom se '^^ " ''^' • '•
rencontre mal-à-propos sur quelques listes des évoques de [Ig^ l[ *, Jf Z
Baycux et de Lincoln. Il n'a occupé ni l'un ni l'autre de ces 159"'. Suppi. p.
sièges, ni même celui d'Ely, quoiqu'on dise Laroque, sur J/' ^_." . " ^^
la foi d'une chronique normande. II était archidiacre de arTchcv. "c
29G ROTROU, ARCHEVÊQUE DE ROUEN.
XII SIECLE. Rouen, lorsqu'en 1138, selon Orderic Vilal, ou plulôl en
Rouen, p 5U - 1139^ gglon Robert du Mont, il fut élu évèque d'Évreux.
a-Évreux, cii! En 1147, il assista au concile de Paris, que présidait Eu-
21. p. 143; ch. gène m, et qui condamna Gilbert de la Porée. Dans ce
22, p. 450 et gQQgiig Qi (ja„3 gçiy[ (Je Reims, en 1148, Gilbert, en soute-
SUIT.
Gaufiidi cp. nanl la pureté de sa doctrine, invo(juait le témoignage de
ad Albin. I. Il son ancien disciple Rolrou. Il paraît que celui-ci fit un
°3i9 "^" '' ^'oy^S*^ ^ Rome en llol); on !c peut conclure dune lettre
d Adrien IV à Louis VII, oii le pontife, après avoir exhorté
le prince à ne pas aller en Espagne, le prie de s'en rapporter
à ce que lui dira le prudent et vertueux évoque d'Évreux.
Rotrou, en 1160, institua dans sa cathédrale la dignité de
trésorier; il assista, en 1163, au concile de Tours, tenu par
Alexandre III, et reçut de ce pontife, en 1164, la commission
de réconcilier l'archevêque de Cantorbéry avec le roi d An-
gleterre. L'année suivante, Rolrou devint archevêque de
iiisi de Fr. Rouen, cl continua d'être en correspondance avec le pape,
sts"^^' ''■ ****' (jui, en 1165, lui écrivit, à lui et à ses suffragans, une épître
encore relative à l'afTaire de Thomas Becket : Alexandre les
chargeait de rappeler vivement Henri II au respect dû à
1 église romaine. Au commencement de l'année 1170, Rotrou
et Rernard, évêque de Nevers, reçurent du Saint Père l'ordre
diiller trouver le monarque anglais, et de réclamer pour
Sppiman. Bgçjjgt pgjx sûrcté, icslilution de ses biens et de son siège.
Conc Angl. t. ' r ' , ,, ■ i- i a j t.
11^ ,,. «13. C était comme sujet de Henri que I arciieveque de Rouen
était si souvent employé à ces négociations; on ne voulait
pas que le roi pût dire qu'on ne lui envoyait que des étran-
gers: mais Bernard avait des pouvoirs particuliers qui l'au-
torisaient à se passer du concours de Rotrou, si celui-ci
lxxikT 17." refusait d'agir ou de parler avec énergie Après le meurtre
de Becket, Rolrou fui lun des prélats députés par Henri
vers le Saint-Siège, pour désavouer cet atlcnlal. Lui et 1 ar-
chevêque de Reims reçurent, vers les mêmes temps, ure
lettre d'Alexandre III, sur les dommages qu'avait essuyés le
iiisi. de Fr. niouaslère de Selincourl. D'autres lettres du même pontife à
t. XV, p. >*8o. Rotrou concernent ijuclques ailaiies particulières, et recora-
/*id. p. !its. mandent la réforme de certains abus. En 1172, Rolrou cou-
S'*6. ronna à Wincester le fils du monarque anglais, et Marguerite
de France, épou.se de ce jeune prince. Le serment de celui-ci
au roi de France fut prononcé en ll7o, en présence de lar-
chevêque de Rouen. Ce prélat lit en 1178 la dédicace de
l'église de l'abbaye du Bec, et mourut en 1183. C'est donc
ROTROU, ARCHEVÊQUE DE ROUEN. 297
fort mal-à-propos que Laroque parle d'une lettre adressée xil siècle.
à Rotrou , par Innocent III , dont le pontificat ne commence ~ '
qu'en 1198. Notre archevêque de Rouen a été loué par Pierre
de Blois , avec une grande profusion d'épilhètes et d 'auti- p. îj3.".
thèses : « Liberalis , affabilis , mansuetus ; in consiliis pro-
vidus , in agendo strenuus , in jubendo dtscretus, in loguendo
modestus ; timidus in prosperitate , in adversitate securus ;
in zelo tempérons , in misericordiâ fe?'vens ; in rei familiaris
dispensatione nec anxius , nec supinus » . Nous supprimons
la moitié des traits de cet éloge, à la lin duquel Rolrou est
comparé aux quatre animaux de l'Apocalypse , qui ont des
yeux en avant , en arrière , et sur toute la surface de leurs
corps.
Les écrits qui nous restent de cet archevêque ne sauraient
suffire pour justifier tant de louanges, alors même qu'on y
comprendrait les chartes assez nombreuses qu'il a souscrites
ou comme disposant ou comme témoin. Laroque en a publié une r iv, p. lôstf
vingtaine parmi les preuves de l'histoire de la maison d'Har- — I39t, isiH —
court. Les auteurs du nouveau Gallia christiana n'ont imprimé ''^''j'.' '*'"'''''■ '''
que celle qui concerne le monastère du Val d'Azon. Mais ils ' t xi. p. a
en ont indiqué beaucoup d'autres dans les deux articles qu'ils -5i- sTO-b?».
ont rédigés sur Rotrou , l'un dans leur notice des évêques
d'Évreux , l'autre dans l'histoire des archevêques de Rouen.
Ils distinguent particulièrement celle qui a pour objet la régie
des biens des chanoines décédés. Le surplus de ces chartes ne
consiste en général qu'en donations ou concessions à des monas-
tères et à des églises.
Nous avons quinze lettres de Rotrou : sept ont été insérées «ist de Fr
dans le recueil des épîtres de Thomas de Cantorbéry. Elles '• xvi, p. 62c-
sonU en effet adressées, depuis 1164 jusqu'en 1170, les unes ^^'
à ce prélat , les autres au pape Alexandre , et ne roulent que Thomae Canù
sur le démêlé fameux de Thomas avec son prince. Quoique ''b- i, ep 102;
Rotrou partageât les préjugés de son siècle sur l'étendue de J|^ JJ,' ^^ ^g'
la puissance ecclésiastique , cependant il demandait le main- 21, 36,49; iib'.
lien des articles de Clarendon , et invitait le pape à les con- ^» *P* *^v
firmer. Ses lettres annoncent de l'attachement à la personne
de Henri , quelquefois du respect pour l'autorité royale , et
toujours un ardent désir de voir renaître la concorde entre le
trône et l'autel.
Voici l'ordre chronologique des huit autres lettres de
Rolrou.
La plus ancienne doit être celle qui est adressée au roi
Tome XIV. Pp
2 1»
ep
298 ROTROU, ARCHEVÊQUE DE ROUEN.
xii SIECLE. d'Anglelerre , sur l'éducation littéraire de son fils. Gussan-
inicr el.i^l. ville, qui la date de 1161, ne prend pas garde que l'inlilulé
TI7 ®'*'"""'' liorie : Rotrodus arehiepiscopus Rothomagensis, et qu'en 1161,
Rolrou n'était point encore archevêque de Rouen. Elle ne peut
pas être antérieure à 1165, époque oîi lélùve dont elle parle
avait environ douze ans. Quoiqu il en soit , le père de cet
élève, Henri II, y est loué comme le prince le plus lettré
de son temps. L'esprit des autres monarques est inculte et
grossier, aliis regibus rude et informe ingenium -. le sien ,
développé par l'élude , est capable de tous les genres d'ob-
servations et de travaux. Il doit donc sentir mieux qu'un autre
l'utilité d'une éducation libérale. Faut-il gouverner , traiter ,
se retrancher, combattre? les livres enseignent toutes ces
parties de l'art de régner; lihri hsec omnia erudiunt. Un roi
sans lettres est un navire sans rames, un oiseau sans ailes.
L'auteur allègue ensuite les exemples de Jules César et d'A-
lexandre , et l'autorité d'Ovide et de Salomon. Ovide n'est
pas nommé , mais deux de ses vers sont transcrits en ces
termes :
De Ponio. Atlk <iiiod ingcnuas didicisse fi(Jeliier arles
lili. Il, eleg. il. Emollit mores ttec sinii es-w feras.
intiT r-|>. P. fo Dans une épître adressée à ses sulTragans , Rolrou les
m. ep. \". invite à subvenir, par des contributions pécuniaires, aux be-
soins pressans du pape Alexandre Ils n'ignorent pas ce que
ce pontife a soutlcrt, ce qu'il a fait pour l'église. Aujourd'hui
il faut qu'il contente l'avidité des Romains , qu'il assouvisse
leur soif; inexplebilem pecuniœ silim.Vo\r\\. de paix, point
de sécurité , si le pape ne peut par vos largesses satisfaire à
tant d<î besoins ; nisi sibi et suis victualium sufficientiam de
vestrà largitione restauret. Alexandre 111 e.sl reniré à Rome
en 1165 et en 1 1TS La lettre est de l'une ou de laulre épo-
que. Nous préférons la première , à la<|uelle peuvent s'ap-
[)liquer ces mots de ré[)îlr<' ; Sanè schismalicx potestatis pro-
cella jam detumuit , jam portum securiorem navicidcc Pelri
promittit aura clementior.
Mari . Alice. 30 ^n H71 , Rolrou écrit à ses sulfragans qu il ne peut,
■ "' '' ■'''■*■ quoi qu'en ait ordonné le pape, mettre en interdit les terres
que Henri possède en Normandie.ee prince ayant promis de
donner satisfaction du meurtre de Thomas Recket.
4o En in."), 1(' jeune llcnii, révolté contre son père, est
Peir. Bks. cp. vivcmont exhorté par l'archevêque de Rouen à rentrer dans
le devoir. « Très-cher lils , lui dit le prélat, nous vous adres-
33
ROTROU, ARCHEVÊQUE DE ROUEN. 299
sons des prières comme à un maître, des exhorlalions comme mi sieci-E.
à un roi, des leçons comme à un ûls. Cessez d'affliger voire
peuple, de persécuter votre père, et d'exposer aux ravages de
la guerre notre domaine ecclésiastique des Andelys.
5" A la même époque, Rotrou et ses suffragans conjurent
la reine Éléonore de retourner auprès de son époux, qu'elle
avait quitté. 'Vous êtes, lui disent-ils, notre paroissienne : Pcir. Bic». ep.
parochiana nostra es; et si vous continuez d'offrir à vos fils '^*-
rexemplo de la rébellion, nous serons forcés de lancer contre
vous, dans l'amertume de notre cœur, les censures ecclé-
siastiques.
6 " La date de 1 1 73 convient aussi à l'cpître qu'écrivent
Rotrou et Arnoul de Lizieux au roi d'Angleterre, pour lui
rendre compte de la mission dont il les a chargés auprès du '*"'• 'P- '^■'•
roi de France. Ils exposent les plaintes de Louis VII, et ils
invitent Henri II à se mieux conduire. Ses enfans s'arment
contre lui, sa femme l'abandonne ; doîi peuvent venir tant
de malheurs, sinon de ce qu on sait trop qu'il n'est pas assez
dévoué à l'église? Nec est quod magis hostes vestros excitet ad
conflictum , quam quod arbitrantw vos ecdesiee Dei minus
extitisse devotwn.
1° Vers les mêmes temps, Rotrou répond au prieur et
aux moines de la Charité-sur-Loire , qui l'avaient invité à
passer quelques jours dans leur monastère. Il en est empêché "'"'■ '^'' ""**
par les discordes des rois , par les troubles qui agitent la
Normandie.
La huitième et dernière lettre de 1 archevêque de Rouen est
adressée, en 1175, à Guillaume, archevêque de Sens. C'est un
tissu de complimens et de supplications. Guillaume est tout puis- ""«'• «P- 28.
sant, les cœurs des rois sont en sa main, il dispose des volontés
publiques. Cest donc à lui de proléger les biens des églises,
de les garantir des incursions militaires, et de préserver sur-
tout le domaine des Andelys, ressource unique de Rotrou, et
sans laquelle il ne peut vivre : VilUv nostras parcile, si vultis
parcere vilœ nostrae.
La troisième de ces lettres est dans l'un des recueils de dom
Martène; les sept autres se trouvent parmi les épîtres de Pierre
de Blois, qui pourrait bien en être le rédacteur, ayant rempli,
pour bien d'autres que Rotrou, la fonction de secrétaire. Nous
discuterons ce point dans l'article qui concernera Pierre de
Blois.
Rotrou , placé par Crowaeus dans la liste des interprètes De Scr. in. s. s,
Pp 2 !'• 313.
300 EVERLIN DE FOUX.
■XII SIECLE, de la bible, n'y a point été maintenu par le P. Lelong; et nous
ne saurions en effet citer aucun commentaire, aucun ouvrage ni
imprimé ni manuscrit, qui puisse être attribué à cet archevêque
de Rouen, sinon les chartes et les quinze lettres que nous avons
fait connaître.
D.
EVERLIN'" DE FOUX,
Abhé de Saint-Laurent de Liège.
ET écrivain, qui mourut le 20 décembre 1183, avait été tiré
fjdu monastère de Saint-Jacques de Liège, en 1 161 , pour être
abbé de Saint-Laurent C'est lui dont Pierre de Celle parle en
ces termes : AbhatisanctiLaurentiiLeodiensis novo confederatus
Gall. chrisi. amicitiœ paeto.... in ejus personâ prudentiain,religionem, litte-
""glJi A ' '>^<^turam, simplicitatem notavi. Son éloge se retrouve encore
Mariùne, dans plusieurs recueils (2). On ne connaît de lui que l'épilaphe
2« Voyage lui. jg Réginard, évoque de Liège, qui mourut en 1036. Elle est
'' Lib. II, cp. îi rapportée dans Chapeauville, qui nous apprend qu'Éverlin
ail Hugon. III, fil rétablir le maître-autel de son église, et le tombeau de
aiibaicm ciun Réginard, sur lequel il fit inscrire l'épilaphe en lettres d'or; il
Ai<a*, Rai fit aussi réparer le chœur et la sacristie. Ce sont là les seules
iiaud, Rainauid, do SCS actious qui soient parvenues à notre connaissance, et
Rcginaid. l'épilaphe suivante est aussi le seul ouvrage qui nous soit
licum, eic. Léo- connu de lui. Elle donne peu de regrets pour ceux que nous ne
(lii, 1612, i. i, connaissons pas.
p. 277.
Flos, deeus, ecclesia prœsul, speculumque sophiœ
JIîv, Reginarde jaces, coi pore jam cinli en.
Nos quia frumenli satias phignedine dulci,
Pascua tint cœli centupUcala iihi.
Te rapii à (enebris mundi, lux quinia decevibrix,
Splendeat in requie, sol iibi jusiiha.
G.
(1) Alias, Everlin, Everelhme, Everelme, Mverlitiris, seu Eterelmus de Foux,
abbas Sancti-Laurentii, ordinis S. Augustiiii.
(2) t'ez, Anecdota, tom. IV, part. 111, p. 181 et 200-208. Martène, Ampl.
ÇoUect. t. IV, p. 1088 et seqq. Ejusdem, t. 1, p. 914 ; t. IV, p. 1178.
301
XII SIECLE.
GIRARD-LA-PUCELLE.
GiRARD-LA-PucELLE, Girardus Puellu, fut un des pro-
fesseurs célèbres du XII' siècle. L'auteur de la vie de saint Ep- <!« Thom.
Thomas de Cantorbéry le fait anglais ; mais d'autres le croient J^ ^ m'! — \.
né en Normandie; et ce n'est pas la seule fois que la domi- Angiia sacra, t.
nation d'un même prince pour les deux pays a produit cette ''K',!''*' .-x
erreur. Girard embrassa l'état ecclésiastique, et l'honora _ cem. de
par son savoir et sa piété. 11 enseigna long-temps à Paris, *'^e''- p- '^''•
avec une grande distinction, le droit civil et le droit cano- „. ms. '
nique. Duboulay, dans son histoire de l'université de Paris, t. ii, p. 73*.
et D. Rivet, dans notre Histoire littéraire, l'y placent depuis '"'• '^' P- ^^•
1160 jusqu'en 1177. Ce ne fut pas du moins sans beaucoup
d'interruption, comme les faits que nous allons rappeler
peuvent nous en convaincre. En effet, la considération dont
Girard-la-Pucelle jouissait à Paris, les témoignages d'estime
qu'il y recevait perpétuellement des grands, des prélats, des
amis des lettres, l'estime particulière et la faveur du roi,
semblaient devoir l'y fixer : cependant il quitta la France
subitement pour aller s'établir à Cologne , livrée alors au
schisme, par l'instigation et par l'exemple de son arche-
vêque Rainold ou Réginald. Cette conduite irrita facile- Thom. Ti,*»!
ment tous ceux qui jusqu'alors lui avaient voué leur bien- 283, 286, 298,
veillance et leur appui; Louis -le- Jeune , en particulier, «"^ 296.
s'indigna que Girard ne lui eût pas même fait connaître le
projet qu'il avait conçu de s'éloigner de Paris. On assure g ,gg j^
pourtant que le schisme ne l'atteignit pas. Jean de Sa- même recueil,
risbéry aime à se le persuader dans une lettre qu'il lui P' ^^^gg
écrit, et dans laquelle, d'ailleurs, les schismatiques ne sont pas
épargnés, et dans une autre lettre qu'il adresse à Richard de
Poitiers. Ep. 174.
Thomas de Cantorbéry parle avec intérêt de Girard, dans
une de ses lettres. Celui-ci, qui cependant en avait reçu son
premier bénéfice , sembla d'abord s'abandonner à quelques
préventions contre ce prélat, dans la fausse persuasion qu'il
302 GIRARD-LA-PUCELLE.
xit SIECLE, en avait été desservi auprès de Louis-le-Jeune ; il fut désa-
Ep. 175, p. 295. busé par Jean de Sarisbéry : Tiiomas avait au contraire écrit
uid. p 297. au pape en faveur de Girard. L'archevêque de Canlorbcry
annonce, dans la lettre dont nous avons parlé plus haut,
que Girard ayant fait solliciter son retour en Angleterre, on
le lui accorda au moyen d'un serment de fidélité prôté au
Ep. 174. j,QJ . ^^ utinàm, ajoute-t-il , versetur ibi, ut nec Dewn
off'endat , nec Uedat famam ! Ce retour en Angleterre ne
l'cmpe-cha pas, au reste, de revenir bientôt à Cologne, oîi
un bénéûce lui avait été conféré par les schismatiques, béné-
fice dont l'acceptation avait attiré sur lui une excommuni-
cation du pape : Thomas de Cantorbéry fit tous ses efforts
pour l'en faire absoudre, et aussi pour lui obtenir de Louis-
le-Jeune la permission de rentrer en France. L'absolution ne
ihu. p 50(1. fut accordée qu'à deux conditions : la première, que Girard
condamnerait hautement le schisme , suivant une formule
qu'on lui envoya; la seconde, (ju'il renoncerait au bénéfice
que les schismatiques lui avaient donné, à moins que l'église
ne le lui conférât de nouveau. Girard ayant satisfait aux
deux conditions exigées, le pape joignit sa médiation à celle
de l'archevêque de Cantorbéry, pour le rétablir dans les
bonnes grâces du roi de France. La lettre d'Alexandre lli à
Louis VII est la 177", du premier livre parmi celles de
Thomas Bccket, ou qui lui sont adressées. Elle est aussi
dans le quinzième volume de la nouvelle collection de nos
historiens,
onii i. Il, Alexandre 111 donna à Girard-la-Pucelle un autre lémoi-
!'■ '*'''• ^ ""'■ "nage de sa considération et de son estime : il déclara en sa
iiu. 1. 1.\, p. u. ° '^ ... • . - 1-
faveur que les ecclésiastiques qui se vouaient a I enseigne-
ment public n'en jouiraient pas moins de tout le revenu des
bénéfices qu'ils possédaient dans d'autres églises. Il lui
accorda du moins, pour plusieurs années, une dispense de
lobligation de les desservir en personne, concession qui est
le premier exemple, et qui devint ensuite une règle com-
mune, de l'exemption de résidence pour les professeurs
bènéficiers. La lettre du pape est du 7 février 1170. Elle a
été imprimée dans le dixième tome de l'histoire des conciles,
' ■ *^""' par Labbe, dans le quatrième tome du recueil de Duchesne,
^ '*"'" et dans le quinzième de la nouvelle collection des historiens
I'. 9U5. - jg France. Une autre lettre du même pontife, datée du
1. 11^ p.'^m ''■'' 15 mars 1178, rend à Girard-la-Pucelle les bénéfices qui
GfRARD-LA-PUCELLE. 303
avait obtenus à Cologne pendant le schisme, et auxquels il avait _^" siècle
renoncé pour renlrer clans la communion de l'église et la faveur LalbrrrôiT.
d Alexandre III. ciicsnc. ibid. _
Le successeur de Thomas Becket, Richard, avant mis un 9«o' ''' ^' ^'
grand prix à s'attacher un ecclésiastique si distingué par ses
laleos et ses lumières, Girard avait repassé en Angleterre
vers 1 177. La même année, il fut envové par cet archevêque
avec Pierre de Blois, au pape Alexandre, contre l'abbé nou-
vellement élu du monastère de Cantorbéry, qui refusait au
prélat les soumissions accoutumées. Quelques années après
on 11 83, il fut fait évoque de Coventry ; on dit de Chester dans
notre Histoire littéraire ; mais le siège de l'évèché a varié
plusieurs fois, comme l'observe Raoul de Dicoto ; et Balée dit L?'/' ''^''^'
même que cet évéchè avait trois cathédrales, Chester Co- •• '"p- m' '"'
veniry, et Lichfeld. ' 2' partie, p.
Girard mourut presqu.; aussitôt, le 13 janvier d,; l'année *'''
suivante Gervais de Cantorbéry dit qu'il mourut empoi- Ang. saca,
sonné. p. «y.
Il ne reste aucun monument écrit de la science de Girard • la
théologie, la philosophie, le droit civil, le droit canonique, fu-
rent les principales sciences qu il cultiva.
On a imprimé, dans le recueil des lettres écrites par
Thomas de Cantorbéry, ou qui le concernent, une épître
qu'on y attribue à Jean de Sarisbéry. C'est la 111e du pre-
mier livre ; mais M. Brial a très-justement remarqué qu'elles
ne peut être de cet écrivain. Il pense qu'elle est de Girard- '^"' ''" "*'"
la-Pucelle, et les raisons qu'il en donne nous paraissent l" \l] ''"'■ "
convaincantes. Elle doit en effet avoir été écrite par quel-
qu'un qui résidait à Cologne, et Jean de Sarisbéry n'y de-
meura jamais, refusa même d'y aller, quoiqu'on l'en pressât ^'* "'
vivement. On y parle de l'archevêque de cette ville comme
dangereusement malade, assez malade pour qu'on ne puisse
espérer (,u'il f.U en état, avant l'hiver, d'entreprendre un
voyage résolu ; et de la promes.se qu'il venait de faire de s'en
rapporter au roi de France et à l'archevêque de Cantorbéry
pour rétablir la paix entre le pape et lui. Enfin dans une
epître de Jean de Sarisbéry, la 178», il mande à Girard-la-
Pucelle qu'il vient de faire passer sa lettre à Thomas de
Cantorbéry. Girard annonce dans celle lettre que le roi
d Angleterre vient décrire à l'archevêque de Cologne, que
Henri de Pise et Guillaume de Pavie devaient venir en
France, comme légats, pour y faire de nouvelles levées de
mss.
304 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
nouvelles exactions pour l'entretien du pape à Rorae. Il y trace
un portrait peu favorable de ces deux légats. L'un, dit-il, est
un homme léger, variable ; l'autre un homme artiflcieux et
fourbe, tous les deux également cupides. Il craint que leur
arrivée ne soit nuisible à la cause de Thomas de Cantorbéry.
Il annonce, dans la même lettre, que l'archevêque de Cologne
est sur le point de renoncer à l'opinion qu'il avait mani-
festée en faveur du concurrent d Alexandre, que Frédéric
Barberousse avait d'abord reconnu, et protégeait encore. Il finit,
au reste, par déclarer que tout ce qu'il vient de dire, il le dit
sous le secret de la confession, et ajoute qu'il est prêt à retour-
ner auprès de l'archevêque de Cantorbéry, s'il peut lui être
nécessaire ; qu'il y retournera même, nécessaire ou non, appelé
ou non par lui, dès qu'il se sera acquitté du devoir dont il
est chargé.
Si cette lettre, comme on doit le penser, est de Girard-
la-PucelIe, elle est le seul monument écrit qui nous reste de
lui. Il est impossible cependant de révoquer en doute l'éten-
due de ses connaissances, et le prix qu'y attachaient ses
contemporains. Ses lumières et ses talens ont été fréquem-
ment l'objet des éloges de Jean de Sarisbéry. On peut voir,
entre autres, les lettres 191, 194, 213, et 285, de cet écri-
vain. P.
ARNOUL,
ÉVÊQUE DE LiSIEUX,
SA VIE.
Ord. Vit. p. - RNouL, fils d'Hardouin, neveu de Jean, évêque de LisieuT,
^et frère puîné de Jean, évêque de Séez, naquit en Norman-
die, dans les premières années du XIl*' siècle. Son frère étant
ARNOUL, EVEQUIi: DE LISIEUX. âOo
monté sur le siège de Séez, l'an 1 124, l'atlira auprès de lui, prit xii siei le.
soin de son éducation, le pourvut d'abord d'un canonicat dans
sa cathédrale, et lui conféra dans la suite la dignité d'arcliidiacre.
L'éviVpie de Séez voulant établir dans son église la vie corn- xxii'. n. luiV.
mune des chanoines, réussit, non sans peine, à y introduire,
l'an 1131, les chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris,
auxquels il procura quelques revenus en attendant le décès
des chanoines, qui ne jugèrent pas à propos d'embrasser la
réforme. 11 y a lieu de croire qu'Arnoid l'embrassa, ou du moins
qu'il seconda les pieuses intentions de son frère, puisque, dans la
suite, il se crut obligé de prendre la défense des chanoines
réguliers contre les entreprises du successeur de Jean, qui, au
mépris des anciennes transactions, voulait conférer les prébendes
à des séculiers.
Bientôt après, Arnoul se rendit en Italie pour y apprendre le Spicii. in fol.
droit canoni(]uo. Le Saint-Siège était alors disputé par deux '' '' ''" ^^^'
antagonistes, Innocent II et Anaclet, pour lesquels on s'obstinait
d'autant plus de part et d'autre, que leurs droits étaient plus
difTiciles à discerner. Anaclet était tout puissant à Rome : cepen-
dant Arnoul consacra les prémices de sa plume à la défense
d'Innocent, qui était reconnu en France, et il le fit avec la viva-
cité d'un jeune homme, comme nous le dirons en rendant compte
de ses écrits.
Son oncle, l'évèque de Lisieux, étant mort le 28 mai de
l'an 1141, Arnoul fut choisi pour lui succéder, et reçut
aussitôt la consécration des mains de l'archevêque de Rouen.
Cette élection déplut au comte d'Anjou, Geofroi Plante-
genet, qui, aux droits de son épouse, venait de faire la
conquête de la Normandie: il trouva mauvais qu'on y eût
procédé sans sa recommandation, sine designatione suâ, et
il entreprit de la faire casser par le pape. Mais l'évèque élu
trouva des amis accrédités qui croisèrent les mesures du
prince. Saint Bernard fut un de ceux qui le servirent avec Bern, ep. 3is.
le plus de zèle. On voit dans la lettre quil écrivit au pape
Innocent, en faveur d'Arnoul, la chaleur et la vivacité qui
animaient ce saint, lorsqu'il croyait venger les droits de l'in-
nocence et de la justice opprimées. Il y fait du comte Geofroi
un portrait assez hideux, et ne manque pas de rappeler au
pape les services signalés qu'Arnoul lui avait rendus au
commencement de son pontificat. Cest, dit-il, le flis utérin
de l'église romaine, celui dans lequel vous avez mis votre
complaisance. Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluni, écrivit Lib. iv. pp. 7.
Tome XIV. Qq
30r, ARNOri., KM-Ql'l-; l>E I.!SIE(X
XII SIECLE, aussi on faveur d'Arnoul. mais jucc plus de luodéralion (pu-
' l'alibé do Clairvaux. Ces deux ii lires, donl Arnoul fut le por-
teur, firent leur effet ; l'appel du comte fut mis à néant, et
I élection d'Arnoul maintenue.
Spicil. in-fol. Lcs grands sont ordinairement les i)lus tardifs à reconnaître
i. III, p. 512. leurs torts. Geofroi avait mis la main sur les revenus de l'évêché :
mais piqué à proportion de ce qu'il se sentait humilié par
le trioHjphe de révè{|ue de Lisieux, il les garda pendant doux
ans et demi. Enfin il voulut bien se désister de ses préten-
tions, mais il en coiila cher au prélat ; il fut obligé de prendre
dans le trésor de l'église, outre ce qu'il donna du sien,
dix-sept marcs d'argent, pour appaiscr le comte : ce qui
lui occasionna, long-temps après, un procès avec ses
chanoines.
Remis en possession (\r son temporel, Arnoul en fit I usage
le plus légitime et le plus noble. Après avoir acquitté les
dettes (]u'il avait contractées durant la saisie, il s'appliqua à
réparer la cathédrale et son palais, (]ui étaient tombés en
ruine; et, malgré le pou de temps (]ui s'éooula jusquà la
croisade do Louis-le-Joune, il trouva les moyens d'avancer au
monarque des sommes considérables pour les frais du voyage.
\uter rp. Sug. Nous avons dcux lettres de Louis à Suger; dans l'une il mande
5'^ •■' ''"• au régent de rembourser à r6vè(|ue de Lisieux cent quatre
marcs d'argent, qui lui revenaient sur les avances par lui faites
à l'état ; dans I autre il lui ordonne de livrer à son ami
et féal Arnoul soixanle muids de son bon vin d'Orléans, on
reconnaissance des services (|u'il lui avait rendus. Non content
d'avoir contribué aux frais de la croisade, Arnoul voulut
encore, à la prière, du pape Eugène III, être de la partie.
II accompagna le roi ; mais l'histoire ne dit pas qu'il se soit
signalé dans (juelqiie occasion romanpiable il n'était là que
pour le conseil, et pour avoir soin di's inléirls spirituels des
croisés.
De retour dans son diocèse, il eut bientôt occasion d'obli-
ger le comte d Anjou, qui lui avait été si contraire. Lan
IloO, Geofroi voulait faire passer sur la tôte do son fils le
duché de IS'ormandie, sous le bon plaisir du roi de France,
à qui était dû l'hommage, et le roi d'Anglolorre le demandait
aussi pour son fils Eustache, (jui avait épousé la soeur du
monarque français. Los choses étaient au point que le roi
avait pris parti |)our Euslache, et se préparait à faire la
guerre au comte, qui de son côté armait aussi. L'abbé Suger
ARNOUL , ÉVÉQUE DE LISIEUX. 307
s'était porté pour médiateur ; l'évêque de Lisieux fut chargé x" sieclk.
de négocier avec lui pour le comte et son fils, et il réussit au
gré de leurs désirs. Martène a imprimé les lettres qui ont trait à *'•"' Anmi.
cette négociation . ^,^' '"' *'^ "
Geofroi mourut bientôt après , mais son fils Henri hérita dos
derniers senlimens de son père envers notre prélat ; il l'employa
souvent dans des négociations importantes. Parvenu au trône
d'Angleterre sous le nom de Henri il, il le mil à la tôle d'une r.aii. ciinr,!.
ambassade qu'il envoyait à Home pour des atfaires d'état. La ' '^'' '^'''- ^^''
confiance que ce prince avait dans la prudence et les lumières
d'Arnoul , servit par la suite à le fixer sur le parti qu'il avait à
prendre dans le schisme qui s'éleva , l'an 1 159 , entre le pape
Alexandre III et Victor, pour la papauté. L'évêque de Lisieux
le détermina pour Alexandre ; mais comme le roi avait des
ménagemens à garder avec l'empereur , ce ne l'ut pas sans peine
qu'il vainquit ses irrésolutions, comme il le dit lui-même dans Bii.i. l'aii. i'<
sa lettre au pape. ''• '^'^"
Bientôt après il eut matière à exercer son zèle et son crédit
dans la grande contestation qui s'éleva entre ce prince et saint
Thomas de Cantorbéry. Les niouvemens qu il se donna pour
arranger cette affaire ne furent pas également heureux. On
l'accuse d'avoir honteusement varié dans la conduite qu'il tint à
cet égard. Saint Thomas et Jean de Sarisbéry impriment cette
tache à notre prélat dans plusieurs lettres oîi ils le représentent Ep. s. Tiioin;c..
comme un luurbe , un vrai Sinon, entièrement dévoué au roi , '''''"' ""i'- •*;'•
tout en faisant semblant de prendre les intérêts de ces illustres op. (2i.
persécutés. Il peut se faire que l'adversité leur ail arraché ces
plaintes, persuadés qu'ils étaient qu'ils soutenaient la cause
de Dieu et de l'église. 11 est certain néanmoins que, dans
toutes les occasions , Arnoul servit le roi de son mieux ; dès "'*' Q"'"''i|>
, 1 1 / .1 , 1 11 • 1 1- ■ '■''■ '• •^"p- ^*-
la naissance du démêlé , il conseilla au roi de diviser entre
eux les évoques , pour les affaiblir en les isolant : dans la
suite, après la conférence de Chinon , en HGG , voyant
l'archevêque de Cantorbéry prêt à lancer l'excommunication •>»*"• Sarcsb.
contre le monarque, il lui suggéra de prévenir le coup par "'' ■*"
un appel au Sainl-Siége, et il se chargea lui-même de
signifier cet acte à domicile, conjointement avec l'évêque de
Béez. Enfin, après le massacre du saint archevêque, Henri H inipr cp. s.
eut encore besoin de la dextérité et de l'éloquence d'Arnoul , ''"''"""e- '■'' ^'
.... . , , , ' . ^ ' op. 7y, p. SM.
qui lui prêta sa plume , pour desarmer la cour de Rome ,
prêle à lancer ses foudres contre lui et contre les évoques de
son parti.
Qq-3
308 ARNOUL , ÉVÈQLE \)\i LISIELX
Ml SIECLE jaQi de services readus par Arnoul à ce prince semblaient
devoir lui assurer sa faveur pour toujours. Cependant il la
perdit sur la fin de sa carrière , et en même temps celle du
Saint-Siège, aux intérêts duquel il avait fait paraître en tout
Spieii in-foi. temps le même attachement. L'an 1181, le roi d Angleterre
i. III, p. M 2. ppit parii contre notre prélat, dans un procès que les cha-
noines lui intentèrent au tribunal du pape Lucius III , et il vint
à bout de le faire suspendre de ses fonctions On laccusait
d'avoir dilapidé les biens de son église. 11 est certain qu'Arnoul
tenait un état de maison magnifique , et que souvent il
s'était vu obéré de dettes ; mais il lui fut aisé de prouver
que les chanoines, auxquels il avait fait beaucoup de bien ,
n'avaient aucun sujet de se plaindre , et que, dans ses pro-
Pei. Bics. cp. 91. fusions, il n'avait pas oublié les pauvres. C'est le témoignage
que lui rend Pierre de Blois. Le pape ne tarda pas à recon-
naître la surprise qui lui avait été faite. Mais Arnoul, dès qu'il
ad''a°nn ''l'l82°"' ^"^ appris la sentcuce apostoliiiue prononcée contre sa per-
sonne, quitta de lui-même son siège, et se relira dans l'abbaye
Gai. Christ ^^ Saint- Victor de Paris. Il y mourut le 31 octobre de l'an I 184,
t. XI, col. 778. après deux ou trois ans de retraite dans un logement très-
propre qu'il s'était fait bâtir. Son corps fut inhumé dans
l'ancienne église , d'oii il fut depuis transféré dans la cha-
pelle de Saint-Denis , avec cette inscription gravée sur sa
tombe :
Tu qui dives erax et magnus epix.'op'is , ob quid
Sortem mulasli panperiore datu?
lihu pavper'iem mnluvi fœnore magno ;
Mundo dues erain , plus fiiii esse Deo.
SES ÉCRITS.
Arnoul s'est acquis , moins par le nombre que par la qualité
de ses écrits , un rang distingué parmi les écrivains de son
siècle. Il ne reste des productions de sa plume que des
lettres, deux ou trois sermons, et quelques poésies Dans la
revue que nous allons en faire, nous commencerons par ses
lettres.
Epist. 1. !• Ses lettres. Ce fut lui-même qui on fit le recueil , à la
prière de Gilles, archidiacre de Rouen, auquel il l'adressa ,
par conséquent avant l'année 1170, époque de l'épiscopat
de Gilles à Évreux ; et ce premier recueil ne contient que
ARNOUL, ÉVÊQUE DE LFSIEUX. 309
trente-neuf lettres, à la suite desquelles on a placé deux ser- xii siècle.
mons. On trouve ensuite dix-sept lettres, après lesquelles vien-
nent les poésies, et enfin quinze autres lettres : ce qui prouve
qu'elle sont été recueillies en trois temps différens.
Arnoul parle de ses lettres avec beaucoup de modestie; il
les jugeait si peu dignes des regards du public, qu'il n'en
avait point gardé de copies : il fallut, pour les rassembler,
qu'il allât en mendier, pour ainsi dire, la communication,
velut emendicatas, auprès de ceux qui en avaient conservé
les originaux. Ceci explique pourquoi, dans l'arrangement
de ces lettres, on n'a observé aucun ordre . on les enregis-
trait à mesure qu'on les retrouvait. 11 avertit qu'il n'a pu
recouvrer celles qu'il avait écrites dans sa jeunesse. C'étaient,
selon lui, les plus agréables, et celles où la vivacité de l'âge
avait gravé plus fortement l'empreinte de son génie. Celles
que je donne, dit-il, se ressentent de la pesanteur de la
vieillesse, et de la gravité des occupations sérieuses de l'épis-
copat. Elles ne manquent pourtant pas d'élégance. Il y en a
soixante-onze en tout, et, ce qui est embarrassant pour la
citation, c'est qu'elles n'ont pas été numérotées. Nous les
parcourrons en les numérotant dans l'ordre qu'elles ont été
imprimées. Nous rendrons compte ensuite de celles qui ont
été retrouvées depuis, ou qui ayant été écrites postérieure-
ment à l'époque du recueil, n'ont pu y trouver place. Telles
sont celles qui ont été publiées dans le Spicilége de Dacheri,
et ailleurs.
Dans la deuxième lettre, Arnoul répond à Robert de Episi. i.
Chesny, évêque de Lincoln, depuis 11 47 jusqu'à 1 167. Il se féli-
cite d'avoir retrouvé dans son ami des senlimens qui n'ont jamais
vieilli dans son coeur, et lui recommande de prendre en main les
intérêts du jeune duc de Normandie, qui réclamait à juste titre
le royaume d'Angleterre. La lettre doit avoir été écrite vers
1153.
La troisième est adressée à Ernald ou Arnaud, abbé de ^'"'' ^
Ronneval , au pays charlrain. Arnoul ayant été instruit par
Philippe, abbé de l'Aumône, que son ami était tombé dan-
gereusement malade, dans un moment où il relevait lui-
môme d'une grosse maladie, informé de sa convalescence,
il lui témoigne le regret qu'il aurait eu de le perdre, et à
cette occasion il fait l'éloge des vertus et des talens de l'au-
teur de l'ouvrage des Six jours, des œuvres cardinales du
Sauveur, des sept paroles de Notre Seigneur sur la croix, etc.
310 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX
xir SIECLE. (( Je pensais, dit-il, à ce talent que la bonté divine vous a donné
pour écrire : talent si rare qu'on ne sait ce qu'on doit le plus
admirer dans vos écrits, ou le fond des choses, ou la manière de
les dire » . Cette lettre doit être placée après l'an 1 1 53, si l'on
fait attention que Philippe ne fut fait abbé de l'Aumône qu'après
la mort de saint Bernard.
Episi. i. Dans la quatrième, Arnoul entretient Henri de Pise. qui
était légat en France l'an i 160 et 1 161 , du régime que les mé-
decins lui faisaient observer pour quelques accès de fièvre, et il
s'égaye sur le compte des médecins, qui croiraient, dit-il, avilir
la dignité de leur art, s'ils usaient de quelque indulgence envers
les pauvres malades. 11 prie ensuite le légat de remercier en
son nom le roi ( sans doute celui d'Angleterre ) de la générosité
qu'il avait eue de se charger des dettes qu'il avait contractées à
son service. On voit cependant, par une lettre imprimée parmi
Thoiii?'"ui!'' I celles de saint Thomas de Cantorbéry, qu'en 1166 ses deUes
ep. a, p. et», n'étaient pas encore payées.
La cinquième lettre est adressée à une religieuse qui, à l'âge
de sept ans, avait été fiancée à un frère de notre prélat, lequel
étant mort avant qu'il eût pu l'épouser, la jeune personne avait
pris le parti de s'enfermer dans un cloître. Arnoul veut lui per-
suader qu'elle n'a rien perdu en changeant d'époux.
Les lettres 6, 7, 8 et 9, au pape Adrien IV, ont pour objet de
lui recommander différentes personnes qui avaient des affaires
en cour de Rome.
Epist. 6. La sixième est en faveur d'un nommé Simon, qui, pour avoir
appelé au Saint-Siège contre celui qu'il appelle son tyran, avait
été mis en prison au mépris de l'autorité papale.
Epitt. 7. Philippe de Harcour, évoque de Bayeux, persécuté par des
séditieux, fut obligé d'abandonner son diocèse, et d'aller
chercher un asyle à Rome. Arnoul écrivit en sa faveur la
lettre 7 ; il supplie Adrien de renvoyer au plutôt cet évoque
à son église, qui le réclame avec tous les gens de bien de la
province.
Epist. 8. Arnoul avait déjà fait deux voyages à Rome depuis son
épiscopat, et depuis trois ans il se proposait d'en faire un
troisième, lorsqu'il écrivit au pape la lettre 8. Mais plusieurs
choses l'en avaient détourné ; les guerres que la France sus-
cita à la maison d'Anjou, la mort inopinée du comte Geofroi,
arrivée le 7 septembre 1151, et en dernier lieu le ressenti-
ment et la colère du roi de France contre le fils de ce
prince, après qu'il eut épousé la reine Aliéner : colère, dit
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 311
l'auteur, qui fit trembler sa ville épiscopale et son diocèse (1). xil siècle.
Telles sont les raisons qu'il allègue pour s'excuser d'avoir tant
différé son voyage, promettant de l'exécuter dès que les circon-
stances le lui permettront. En attendant, il recommande au
souverain pontife l'évêque de Coûtance, porteur de la lettre.
C'était Richard, élu l'an 1150, qui allait, suivant la coutume
des évêqucs de ce temps-là , rendre ses devoirs au Saint-
Siège. Celte lettre ne peut avoir été écrite, qu'après 1 1 54, si elle
est réellement adressée à Adrien, dont le pontificat n'a com-
mencé qu'au 3 décembre de celle année.
Adrien ayant reçu des plaintes très-graves des religieux de Epist. 9.
Jumiège contre Pierre, leur abbé, chargea l'évêque de Lisieux
de se transporter sur les lieux, de vérifier les faits, et de rendre
un jugement Arnoul , après avoir ouï les témoins que les
moines produisaient , ne trouva pas les preuves assez con-
cluantes pour condamner l'abbé, ni ses défenses suffisantes
pour l'absoudre. Sur quoi il ordonna que Pierre se purgerait
par le serment de sept personnes, savoir de trois abbés, de
trois moines prôlres, et le sien propre. C'est ce qu'on appelait
la purgalion canonique. Ce jugement déplut aux religieux,
qui en interjetèrent appel au Saint-Siège. Tel est le précis de la
lettre 9.
La lettre 10 est adressée à Pierre Hélie, professeur à Paris. Rpist. lo.
Arnoul lui avait confié l'éducation d'un de ses neveux, qui
ne répondait pas aux soins du maître. H. se crut obligé de le
remercier à proportion de ce que ce sujet indocile lui avait
donné de peine et d'embarras. Il demande qu'il soit renvoyé
à son père, sauf à le remellre aux études après qu'il aura été
corrigé.
Arnoul était en relation de lettres avec le pape Alexandre III, Epist. ii.
avant qu'il fût élevé sur le Saint-Siège. Ce pontife n'étant que
le cardinal Roland, avait recommandé à notre prélat un jeune
gentilhomme italien de ses parens, nommé Bandin, qui allait
en France pour être élevé à la cour du roi. Arnoul, dans sa
réponse, lui dit qu'il a présenté le jeune homme au roi, qui
l'a reçu avec plaisir, el l'a confié au grand maître de sa
maison, pour être élevé avec la jeune noblesse à son service.
(1) Primh siquiiem per bella Pranromm, âeinde per insperdtunt iomitù
Andegavensis interitwn, novissimè per regiam qu<e in flium ejus ira recru-
duit, ad quant non solum civitatis nostrœ, led ipsius etiam eccUsia limina
tremmrunt.
312 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
xn SIECLE. „ c'egt uQg merveille , ajoute-t-il, que la manière dont Bandin
s'acquitte de ses exercices. On le trouve toujours prêt à tout.
Soit que le roi chasse au cerf, soit qu'il chasse à l'oiseau,
soit qu'il aille à la guerre, Bandin le suit partout avec une
agilité infatigable; et tandis que ses camarades demeurent
en arrière, il est toujours à côté du roi pour le servir, et
non-seulement le roi, mais tous ceux de sa compagnie, comme
s'il était au service de chacun d'eux. Ces soins et ces attentions
lui ont mérité la faveur du monarque et les éloges de toute la
. cour. Si vous m'interrogez s«r ses mœurs, je vous dirai qu'enne-
mi de la licence des Français, il conserve, grâces à l'éducation
que vous lui avez donnée, toute la retenue et la sévérité des
mœurs italiennes, etc. »
Episi. 12. 15. Les lettres 1 2 et 1 3 à l'abbé de Saint-Évroul (c'était apparem-
ment l'abbé Bernard, qui, après une très-courte administration,
fut déposé l'an \ 1 59) ne sont pas fort importantes. Il s'agit, dans
l'une, de forcer l'abbé à acquitter des dettes pour lesquelles
l'évêque avait répondu, et dans l'autre, de l'obliger à recevoir
un religieux qu'il avait chassé.
Episi. u. Le trésorier de l'église de Rouen, Raoul de Varneville, qui
fut le successeur d'Arnoul dans le siège de Lisieux, était en
procès avec l'évêque de Poitiers ; on ne dit pas à quel sujet.
Guillaume, évêque du Mans, devait les juger ; celle ville était
à-peu-près à égale dislance des deux conlendans. Cependant
le juge délégué avait ajourné les parties h comparaître dans
un lieu beaucoup rapproché de la ville de Poitiers. Arnoul
lui adresse la lettre 1 4 , pour lui représenter l'injustice de ce
procédé.
Episi. lo. La lettre 1 5 à Hugues, archevêque de Rouen, n'a rien de plus
remarquable. Arnoul avait gagné un procès contre l'abbé de
Fécamp , au sujet d'un droit de patronage. L'abbé , pour
éluder le jugement, avait chargé l'archevêque de présenter à
la cure. L'évêque de Lisieux voyait en cela un piège qu'on lui
tendait. C'est le sujet de la lettre.
E|.isi. ic. Les chanoines de Sainte-Barbe en Auge ayant perdu, l'an
1 154, le prieur qui les gouvernait, avaient nommée sa place
le chanoine Daniel, qui était en Angleterre dans une de leurs
maisons, et refusait daccepter la place. Arnoul lui écrit la
lettre 16 pour lui enjoindre, comme évêque diocésain, de se
rendre aux désirs de ses confrères.
Kfii,i. 17. Nous avons vu plus haut l'étroite amitié qui régnait entre
notre prélat et Arnaud, abbé de Bonneval, et combien ilà se
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 3! 3
croyaient heureux de se trouver ensemble. Arnoul était à Tours xii sieixe.
pour les affaires du roi, lorsqu'il reçut la nouvelle qu'Arnaud,
de retour d'un voyage qu'il avait fait à Rome, se proposait de
l'aller voir à Lisieux. Arnoul lui mande, par la lettre 17,
qu'incertain de l'issue qu'auraient les grandes affaires qui se
traitaient à Tours, entre le roi de France et celui d'Angleterre,
il n'avait pu lui répondre tout de suite, mais qu'il serait im-
manquablement à Lisieux au 1" mars. Les auteurs du nouveau
Gallia Christiana placent cette lettre à l'année 1 1 44 ou 1 1 45. Caii. ciiri>-t. t.
C'est une erreur. La conférence des rois de France et d'Angle- ^'"'' *'"'■ '''*■'■
terre eut lieu, selon la chronique de Robert du Mont, l'an 1 1 56,
le dimanche après la Purification. C'est aussi la vraie date de
la lettre.
Quoique la lettre à Raoul de Dicet, archidiacre de Londres, Epist. 18.
ne soit qu'une lettre de complimens, elle nous donne quel-
ques notions importantes pour 1 histoire littéraire. Elle nous
apprend que cet historien célèbre était venu pour la seconde
fois étudier à Paris; qu'il était lié d'une amitié intime avec
un savant nommé par abbréviation Rad. de Flur., que la
mort venait de moissonner, et l'un et l'autre avec l'évêque
de Lisieux. Ce savant ne serait-il pas ce Raoul de Flaix, qui
a déjà eu son article dans notre histoire, counu par quelques nui. Liiiér.
commentaires sur l'Écriture sainte? Un autre savant dont il est ^ ^''' P **'
encore parlé dans cette lettre, est Guillaume de Ver, qui, au
rapport de Raoul de Dicet, fut fait évoque de Herforl, l'an 1 186.
Il paraît que l'évêque de Lisieux se plaisait à réunir chez lui les
savans ; il invite l'archidiacre de Londres à venir augmenter
le nombre de ceux qu'il attendait à un jour de grande solennité.
Le cardinal Roland étant parvenu à la papauté l'an 1159,
sous le nom d'Alexandre III, Arnoul fut un des plus em- Epist. 19 et 22.
pressés à le complimenter. Après lavoir encouragé à tenir
ferme contre les efforts de son compétiteur, par l'exemple
du pape Innocent II, qui s'était trouvé dans un cas sem-
blable, il l'instruit des démarches qu'il avait faites auprès du
roi d'Angleterre, pour prévenir en sa faveur l'esprit du
monarque, encore libre de tout engagement, sans qu'il eût
pu le déterminer à se déclarer pour lui ouvertement. « Notre
roi, dit-il, ayant reçu nouvellement des lettres de l'empe-
reur, avec lequel il a d'étroites liaisons, comme le témoignent
les ambassades fréquentes qu'ils s'envoient réciproquement,
il a jugé à propos de suspendre l'édil général qu'il voulait
Tome XIV. R r
2 2 .
314 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
XII SIECLE, donner en votre faveur, par tnénagemenl pour son allié. Mais
il n'a pas cessé pour cela de respecter, soit dans ses discours,
soit dans sa conduite, votre nom et vos lettres » . Au reste il
promet de veiller auprès du monarque, pour écarter toutes
les séductions qui pourraient l'environner. Cette lettre était
accompagnée d'une autre qui est la vingt-deuxième, aux
cardinaux Jean de Naples et Guillaume de Pavie, dans laquelle
il dit en substance la même chose, et fait les mêmes protes-
tations.
Episi. 20. Le pape ayant reçu cette lettre, la porta au consistoire,
où elle fut lue avec applaudissement. Il en témoigna lui-
même sa satisfaction à notre prélat par une lettre, où, après
l'avoir remercié de ses bons offices, il l'exhorte à confirmer
le roi d'Angleterre dans les bonnes dispositions où il la mis
à son égard. Ensuite, après une vive déclamation contre
l'empereur et son anti-pape, il lui annonce qu'il les a excom-
muniés solennellement l'un et l'autre le jeudi saint de l'année
1160.
Episi. 21. Encouragé par cette réponse, Arnoul écrivit une lettre
circulaire aux évoques d'Angleterre, pour les engager à suivre
l'exemple de l'église gallicane, et à se réunir en faveur
d'Alexandre. Après un récit détaillé de tout ce qui s'était
passé dans l'élection de ce pape et dans celle de son rival, il
réfute les prétextes allégués par les partisans du dernier,
dans la lettre synodale du conciliabule de Pavie. A l'autorité
de l'empereur et de quelques églises d'Allemagne qui sui-
vaient le parti de l'anli-pape, il oppose celle de presque toutes
les autres églises, et sur-lout celle de l'église gallicane, « la-
quelle , depuis long-temps , dit-il , l'emporte sur toutes les
autres par la pureté de sa foi, l'excellence de sa doctrine, et
l'éclat de toutes les vertus. C'est pourquoi, continue-t-il, après
avoir examiné les qualités des deux conlendans, et discuté
soigneusement le mérite des deux élections, elle vient de recon-
naître, du consentement de son roi sérénissime et très-catho-
Lobbe. conc. lique, le pape Alexandre ». Cette lettre, ainsi que la précé-
i. X, col. 1-93. dente du pape Alexandre, a été" insérée dans la collection des
conciles.
Epi.i. 33. Arnoul envoya copie de celte lettre au cardinal Henri de
Pise, envoyé en France pour négocier en faveur d'Alexandre.
Dans celle qui accompagnait cet envoi, il nous apprend
pourquoi il se crut obligé d'écrire au clergé d'Angleterre sur
lafTaire du schisme. « Le roi, dit-il, ayant reçu, pendant
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 315
son séjour en Normandie , des lettres du pape Alexandre , d'une ^n siècle
part, et de l'autre , un écrit du faux concile de Pavie , fit partir
pour l'Angleterre des prélats chargés de ces deux pièces , avec
ordre de convoquer une assemblée pour les examiner. J'étais
du nombre des commissaires ; mais n'ayant pu me rendre
en Angleterre , j'ai cru devoir suppléer à mon absence par
la lettre ci-jointe » . C'est la lettre 21 dont nous venons de par-
ler. Par conséquent, celle-ci, qui est la trente-troisième, n'est
pas à sa place.
Arnoul , dans la même lettre , mande au cardinal qu'il a
remis au porteur de la lettre un exemplaire des oeuvres d'En-
nodiùs de Pavie, que ce prélat lui avait demandé. « Pour moi ,
dit-il , je ne connaissais pas cet auteur avant que vous m'en
eussiez parlé. Mais , après avoir lu ses écrits , je me suis étonné
comment il avait eu la confiance de les mettre au jour , et
le bonheur de trouver des copistes et des lecteurs. Car en vérité
ils ne méritent pas le temps qu'il faut employer pour les bien
entendre , ni la peine et les frais qu'il en coûte pour les
transcrire, attendu que le volume est fort gros, et qu'il est
besoin de le relire plusieurs fois pour saisir la pensée de l'au-
teur qui est si embrouillé, dit-il, qu'on devrait l'appeler
Innodius plutôt qa Bnnodius. Arnoul ne fait pas plus de cas de
ses vers que de sa prose, et ce jugement est assez conforme àcelui
des auteurs de l'Histoire littéraire de la France , qui avouent nisi. LiMt
cependant qu'on reconnaît , dans quelques-uns de ses écrits , ' '"' ''■ ''"■
tm poète ingénieux , plein de feu , d'imagination , et d'élé-
gance.
Henri de Pise était alors , comme nous l'avons dit , légat EpUi. 23.
en France avec le cardinal Guillaume de Pavie. Le roi Louis-
Ic-Jeune avait conçn d'abord une haute idée de leur mérite ;
n)ais il rabattit bientôt de cette estime à l'occasion d'une
dispense qu'ils accordèrent trop facilement, selon lui, au
roi d'Angleterre , pour célébrer le mariage de son fils avec
la fille du roi de France, mariage qu'on était convenu de
différer encore de trois ans. Le Vexin français était la dot
promise à la princesse ; mais le roi d'Angleterre , impatient
de jouir , n'attendit pas ce terme ; il fit célébrer le mariage ,
l'an 1160, avec l'autorisation des légats. Le roi de France
s'en plaignit hautement comme d'une perfidie, et l'évêque
de Lisieux se chargea de prévenir l'impression que le mé-
contentement du roi pourrait produire à Rome sur les
esprits. Il écrivit au collège des cardinaux la lettre 23,
Kr 2
26
316 ARNOUL, ÉVÊQUE DE LISIEUX.
xil SIECLE, dans laquelle il déduit les motifs de la conduite des légats,
et fait leur apologie.
Epist. 24, 2», Lgg lettres 24, 25, 26, au pape Alexandre , ont trait aux
atteintes que Froger, évêque de Séez , portait à l'état de régu-
larité de son chapitre, en nommant à un archidiaconé un de
ses neveux appelé Jean. Arnoul se crut obligé de prendre la
défense du chapitre , parce qu'il avait travaillé avec son frère
à y établir la régularité , et avait obtenu contre Froger une
sentence; mais celui-ci s'était pourvu par appel en cour de
Rome. Arnoul ne pouvant pas faire le voyage , malgré le désir
qu'il avait de conférer avec le pape , écrivit les deux premières
lettres pour le prémunir contre les sollicitations de l'oncle et
du neveu ; et la troisième pour se plaindre qu'il leur eût donné
gain de cause.
Episi. 27. La lettre 27 au pape Alexandre n'est qu'une recomman-
dation en faveur d'un archidiacre de Poitiers , qui allait à
Rome défendre le droit qu'il avait de nommer les archi-
prètres.
Epist. 28. L'an 1166, Henri II , roi d'Angleterre , avait envoyé à Rome
des commissaires chargés de poursuivre l'appel qu'il avait inter-
jeté , pour se mettre à l'abri de l'interdit dont il était me-
nacé par l'archevêque de Cantorbéry. Arnoul devait être de la
députation , et il s'en félicitait, parce que depuis long-temps
il desirait de baiser les pieds de Sa Saintelé. Mais le roi l'avait
retenu par celte considération, dit-il, lettre 28, qu'il aurait
exposé sa vie aux traits des ennemis du pape Alexandre , qui
infestaient les chemins. Ego enim homo sum cui celebrem
multœ causée contulère noHtiam , et cui apud hostes eccle-
sise plurimam zelus justitiae contraxit invidiam , sibique cre-
dunt successisse si in personà meà et malignitati suae satisfa-
cere , et vesiram passent offendere majestatem . Retinuit ita-
que me rex noster, etc.
Episi. 29. Le chantre de Saint- Agnan d'Orléans , nommé Remiba , avait
perdu sa place pour quelque manquement envers le pape.
Louis-le-Jeune avait intercédé pour lui , et n'avait pu obtenir
t. iv'ïu'r ^Iw son rétablissement. Arnoul écrivit aussi en sa faveur au pape
p. %u. la lettre 29, qui doit être de l'an 1165, à en juger par la lettre
d'Alexandre au roi de France.
Epist. 30. Pour ]3i^.ij comprendre la lettre 30 , également adressée
au pape Alexandre , il faut la comparer avec une autre du
XVI, «""âse!" ' roi d'Angleterre au même pontife, imprimée parmi celles de
saint Thomas de Cantorbéry , d'après un manuscrit de la
Epist. 32.
ARNOUL, ÉVÈQUE DE LISIEUX! 317
Bibliothèque royale. La lettre d'Arnoul contient les mêmes xii siècle.
reproches que le roi faisait à la cour de Rome, qu'elle était pleine
d'émissaires tout occupés à le décrier, et qu'ils étaient mieux
accueillis que les personnes respectables qu'il envoyait en son
nom, etc.
La lettre 31 à Gilbert, évêque de Londres, ne mérite pas que F.pisi. 3i.
nous nous y arrêtions. Elle a pour objet de recommander au
prélat l'affaire d'un particulier dont la connaissance lui était
déléguée par le pape.
La trente-deuxième n'est pas plus importante. C'est un ordre
à l'abbé de Grestain, qui, depuis quinze mois, était eu Angle-
terre occupé de procès, de retourner dans sa maison, à un temps
marqué.
Nous avons rapporté plus haut ce que nous avions à dire sur Epist.35.
la lettre 33 au cardinal légat Henri de Pise.
La lettre 34, en faveur d'un de ses anciens condisciples, nom- Episi. u.
mé maître Meschin, est adressée à Ernald, archidiacre de Poi-
tiers. C'est sans doute Arnaud, surnommé qui non ridet,
le dénonciateur des erreurs de son évêque Gilbert de la Porée.
Meschin avait encouru la disgrâce de l'archidiacre; mais il allait
se présenter à lui avec des lettres de recommandation de la
part du pape, auxquelles l'évêque de Lisieux joignit la
sienne.
Arnoul étant allé visiter à Bénévent le pape Adrien IV, j. j^, 55
fut chargé à son retour de la conduite d'un jeune homme
qui devait recevoir à Lacques la ceinture militaire. Ce jeune
homme étant tombé malade dans la route, Arnoul, dans la
lettre 35, rend compte au pape des soins qu'il a pris de sa
santé jusqu'à Lucques; mais ne pouvant pas s'arrêter plus
long-temps, il l'instruit qu'il a chargé quelqu'un de pourvoir
aux frais de la cérémonie, lorsque le jeune homme serait
rétabli.
Gautier, évêque d'Albano, avait écrit à celui de Lisieux Epist. 36,
une lettre pleine d'estime et en même temps de reproches,
sur ce qu'il n'avait pas répondu à plusieurs de ses lettres, ou
ne lui avait envoyé que des complimens, in globo, avec les
autres cardinaux. Arnoul, dans sa lettre 36, emploie toute sa
rhétorique pour répondre dignement à une prévenance si flat-
teuse.
La lettre 37, à l'évêque d'Angoulême, contient un fait j, j^^ ^^
assez extraordinaire. Un diocésain de Lisieux avait envoyé
son fils à un de ses parens établi dans l'Angoumois, avec une
318 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
XII SIECLE, somme considérable d'argent pour le faire élever. Celui-c
ayant dissipé les fonds de son pupille, l'avait mis entre les mains
d'un clerc, à titre de gage, pour une somme qu'il avait emprun-
tée delui. Le clerc, en conséquence, retenait l'enfant, et exigeait,
pour le rendre, qu'on lui remboursât non seulement le capital
de son prêt, mais encore les intérêts. Arnoul se plaint au
prélat d'une conduite si révoltante à tous égards. «Car 1°,
dit-il, le contrat est nul, attendu que l'enfant n'était point en
âge de s'obliger ; 2o c'est une violation manifeste des canons
qu'un clerc exerce l'usure, odie'ise même parmi les laïcs ;
3° un enfant de condition libre ne peut pas être réduit en ser-
vitude sans le consentement de ses parens » . L'évêque de
Lisieux demande justice là-dessus à son confrère, avec menace
de l'entreprendre lui-même, s'il ne lui donne une prompte
satisfaction.
Episi. ô8. Nous avons vu, dans la lettre 17, qu'Arnaud, abbé de Bonne-
val, avait fait un voyage à Rome vers l'an I l5o. Avant que de
partir, il avait prévenu de son prochain départ l'évêque de
Lisieux ; mais, par la négligence du commissionnaire, la lettre
lui ayant été remise trop tard pour pouvoir lui donner des
instructions, Arnoul, dans la lettre 38, antérieure par conséquent
à la lettre 17, lui mande qu'il a offert, et qu'il continuera
d'offrir, pour le succès de son voyage, le saint sacrifice de la
messe, dont il parle en vrai théologien.
EpUi. ri9. Le pape Alexandre III ayant assemblé un concile à Tours,
l'an 1163, pour traiter de l'affaire du schisme qui l'avait
contraint de se réfugier en France, Arnoul prononça un
discours sur l'unité et la liberté de l'église contre les préten-
tions de l'empereur d'Allemagne, qu'on regardait comme
tyranniques. On l'avait prié de mettre par écrit son sermon,
parce que, dans le tumulte d'une grande assemblée, il n'avait
pu être entendu de tout le monde, ('/est ce qu'il fit, en pla-
çant à la tête la lettre 39 à Gilles, archidiacre de Rouen,
le même à la prière duquel il fit depuis la collection de ses
lettres.
Epist. 40. Nous ne dirons rien de la lettre 40 au grand chantre de Lin-
coln, parce qu'elle n'a pour objet (jue ile recommander un parti-
culier qui n'est pas même nommé.
Episi. 41. Nous avons vu qu'Arnoul, sur la fin de ses jours, s'était
retiré dans l'abbaye de Saint- Victor à Paris. Il avait eu aupa-
ravant l'intention de renoncer entièrement aux affaires, et
de se fixer tout auprès de l'abbaye de Morleraer. 11 écrivit,
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 319
pour avoir l'agrément de l'abbé de Cîteaux et de son ordre, la xii siècle
lettre 41 .
Dans la lettre 42 au pape Alexandre, après l'énumération des Epist. i2
désordres qui régnaient dans l'abbaye de Grestain. Arnoul pro-
pose au pape de disperser les religieux , et de mettre à leur place
des chanoines réguliers.
Obligé, malgré son grand âge, de voyager soit pour ses Epjsj ^^
propres afifaires, soit pour 'celles des autres, Arnoul avait prié
Richard, archidiacre de Poitiers, homme tout puissant à la cour
du roi d'Angleterre, de lui procurer deux bons chevaux. Les
ayant reçus, il lui écrit la lettre 43 pour le remercier, et fait
en même temps l'éloge des chevaux, qu'il a trouvés doux et
Iraitables, tels qu'il les desirait. Cet archidiacre fut élu évoque
de Winchester, l'an 1172. La lettre, par conséquent, est anté-
rieure à cette époque.
Laurent, abbé de Westminster avait, à la recommanda- Episi. u.
tion d'Arnoul, conféré un bénéfice à un nommé Simon. La
lettre 44 est écrite pour l'en remercier, et n'a pas d'autre
objet.
Les lettres 45, 46, 47, sont relatives au meurtre de saint
Thomas de Cantorbéry, et ont pour objet de justifier la
conduite des évêques d'Angleterre, qui s'étaient montrés les
plus opposés au saint archevêque. La première est en faveur
de Roger, archevêque d'York ; les deux suivantes à la dé-
charge de Jocelin, évêque de Sarisbéry, et de Gilbert, évêque
de Londres.
Gilles, archidiacre de Rouen, ayant été promu, l'an 1170, à Epist. të.
l'évêché d'Évreux, Arnoul, qui avait pour lui une amitié toute
particulière, lui écrit la lettre 48 pour le féliciter.
Des prêtres du diocèse de Noyon étant venus dans le sien, g j^^ ^j,
sous prétexte de recueillir des aumônes pour rebâtir l'église
de Noyon, et se disant habiles en architecture, Arnoul voulut les
retenir, dans le dessein de rebâtir la sienne, et se rendit caution
pour eux d'une somme qu'ils avaient empruntée. Ces prêtres
s'étant évadés furtivement, il en porta ses plaintes à l'évêque de
Noyon parla lettre 49.
Gilles, évùque d'Évreux, devait connaître d'un procès qui £„jjj ,^
s'était élevé entre lévêque de Lisieux et l'abbé d'un monas-
tère qui n'est pas nommé ; mais il était retenu par la crainte
d'indisposer contre lui le prince régnant. Arnoul, pour le
tirer d'embarras, lui mande, dans la lettre 50, qu'il a résolu
p. D
320 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
XII SIECLE. Je demander un autre juge, qui, par sa position, soit à l'abri
d'une pareille crainte.
Epist. »l. Le patronage de la cure de Marines, dans le Vexin français,
était l'objet d'un procès entre l'abbé de Saint-Vincent de Senlis
et un prêtre séculier. Arnoul, comme délégué du saint siège,
conjointement avec l'évoque de Senlis, avait prononcé en der-
nier ressort en faveur de l'abbé , mais la partie adverse
voulait se pourvoir contre ce jugement. Arnoul , dans la
lettre !i1 au pape Alexandre 111, lui rend compte de l'affaire, et
des motifs qui ont déterminé le jugement. Cette lettre est posté-
rieure à l'an 1171, car il est dit que Richard, qui avait assisté au
jugement en sa qualité d'archidiacre de Coûtance, était alors
évêqued'Âvranches.
Epist. K2. La lettre 52, au même pape, fut écrite au nom des évêques de
Ep. s. Thom. Normandie, et se trouve parmi celles de saint Thomas de Can-
lib.^ m. ep. 23. ^Qj.jj^^y gng ggj relative à la conférence que les envoyés du
pape, Gralien et Vivien, avaient eue à Bayeux, l'an 1 169, avec
le roi d'Angleterre, sur les moyens de réconcilier ce prince
avec l'archevêque de Cantorbéry.
Episi. 53. L'objet de la lettre 53 est le même que celui de la trente-
deuxième. C'est une nouvelle injonction à l'abbé de Grestain de
quitter l'Angleterre, et de se rendre à son abbaye.
On voit, par la lettre 54, qu' Arnoul savait maintenir les préro-
*"' gatives de son siège. Les moines de Bernay ayant élu un nouvel
abbé, avaient manqué à son égard aux formalités usitées en pa-
reil cas; il s'en plaint, et néanmoins il est disposé de son côté à
remplir les devoirs de sa charge.
Episi st. La lettre 55 au pape Alexandre est mutilée, et ce n'est pas
une grande perte. Il s'agissait d'un procès dont la connaissance
lui avait été déléguée par le pape,
g ij, ge Dans la suivante à Henri de Sully, abbé de Fécamp,
*"* Arnoul prend une tournure ingénieuse pour lui demander
un cheval. Il se plaint agréablement que ses amis, partis
depuis peu pour la Terre-Sainte, ayant enlevé ses chevaux,
l'on réduit à aller à pied. Voulant redevenir cavalier, et ne
croyant pas qu'il fût décent qu'un homme de son importance
fût armé chevalier par des mains vulgaires, c'est de lui qu'il
veut recevoir cet honneur, comme appartenant éminemment
à l'ordre de la chevalerie, étant issu du sang royal. Et quia
indignum est hominem ôpinionis mex per manus humiliutn
in equitem reformari, in vestram id duxi gloriam conferen-
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 321
dum , quem non solùm equestris ordinis dignilas , sed etiani xii siècle.
regii sanguinis excellentia sublimavit. En effet , l'abbé de
Fécamp était de la maison de Blois , propre uevcu d'Etienne , ,^
roi d'Angleterre. Quant à la circonstance du départ pour la
Terre-Sainte, cela ne peut s'entendre de la croisade de 1147,
puisque Arnoul fut un des partans. Mais nous avons un long ^^ s'j,"'^*' ^79
catalogue de gentils-hommes d'Anjou et du Maine , qui ,
vers H 60, reçurent la croix des mains de Guillaume,
évêque du Mans; c'est apparemment de ceux-là qu'il s'agit en
cet endroit.
Richard, archidiacre de Poitiers, était, comme nous l'avons ^^p- ^'^■
dit en rendant compte de la lettre 43 , un des ministres que
le roi d'Angleterre employait dans les affaires les plus impor-
tantes du gouvernement. Arnoul , en lui envoyant le livre
des Obligations des clercs , de ecclesiasticis Officiis, lui
témoigne , dans la lettre 57 , le désir qu'il aurait de le voir
déchargé du maniement des affaires temporelles , et lui recom-
mande sur-tout de ne prendre aucune part aux jugemens em-
portant peine afflictive corporelle, qu'il appellejugemensdesang,
si contraires à l'esprit de douceur qui doit animer les ecclé-
siastiques.
Un particulier avait obtenu des légats du pape, Albert et ^'^' ''^
Théoduin, des lettres qui renvoyaient à l'évèque de Lisieux le
jugement de son affaire. Arnoul , imaginant que ces lettres
étaient supposées , parce qu'il y avait remarqué un solécisme,
et que renfermant une injonction , elles blessaient l'usage
reçu en pareil cas, Arnoul , dis-je , renvoie la lettre et le
plaideur aux légats , en les priant de lui faire connaître, d'une
manière moins équivoque , leurs intentions, et même de choisir
un autre juge , parce que d'autres affaires devaient le tenir
éloigné de son diocèse. Tel est lobjet de la lettre 58.
Le fameux Nicolas, moine de Moùtier-Ramei , s'étant plaint Ep. su.
à Arnoul d'un jeune homme qu'il s'était associé au service du
comte de Champagne, et qui, pour de l'argent, avait contrefait
le sceau du comte et forgé do fausses lettres, voulait de plus
rendre l'évèque de Lisieux responsable de la mauvaise con-
duite du jeune homme , comme lui ayant été recommandé
de sa part. Arnoul lui repond , dans la lettre 59, que ce jeune
homme ne le touche en rien , et qu'il n'a jamais écrit en sa
faveur; qu'au contraire il a en main deux lettres du comte,
qui prouvent l'intérêt que ce prince prenait au jeune homme ,
qu'il avait pourvu d'uu canonicat , el qu'à en juger par le
Tome XIV. Sa
322 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
XII SIECLE style, c'était lui , Nicolas, qui les avait rédigées; qu'au surplus
ce jeune homme n'était pas, son justiciable , qu'il pouvait l'at-
taquer, s'il le jugeait à propos, au tribunal du comte, au
risque de ne pouvoir le convaincre en justice réglée; mais qu'en
le supposant même coupable, il y aurait de l'inhumanité à
perdre , pour une première faute , un jeune homme bien né ,
auquel il avait des obligations. On voit par celte lettre que
Nicolas , convaincu jadis d'avoir falsifié le cachet de saint
Bernard , était parvenu à regagner la confiance du comte de
Champagne , et , quoique nous ignorions le dénouement de
cette affaire , il est fâcheux pour sa mémoire qu'il se soit
trouvé encore impliqué, dans l'exercice de ses fonctions, dans un
cas semblable.
f-i> fio. La lettre 60 à Barlhéiémi , évêque d'Excester, est en faveur
d'un jeune Anglais , qui , ayant reçu en France les ordres
sacrés sans la permission de son évoque, avait encouru sa
disgrâce.
Ep Cl, C2, Les lettres 61 à l'abbé de Saint-Évroul , 62 à celui de la
Ud, Ci. Cour-Dieu, 63 à celui de Cîtoaux, et 64 à celui de Fécamp,
ne traitent que d'affaires monastiques , et ne présentent pas
un grand intérêt.
Ep. C5, 67. La lettre 65 au pape Alexandre , et la 67° aux légats du
pape , Albert et Théoduin , peuvent servir à faire connaître
de quelle manière on procédait au jugement des affaires
ecclésiastiques. Arnoul y rend compte de ce qui s'était passé
dans la décision de deux procès , dont la connaissance lui avait
été délégué.
Ep. «8, C9 Arnoul était en procès depuis trente ans avec les abbés de
Saint-Évroul, lorsqu'il écrivit, l'an 1172, au même pontife
les lettres 68 et 69 , au sujet des dîmes que les moines étaient
en possession de percevoir dans les paroisses dont ils étaient
les curés primitifs. Il se plaint qu'il n'avait jamais pu obtenir
un jugement , quoique le pape eût déjà nommé trois fois des
juges pour terminer ce procès. Il forme encore d'autres plain-
tes contre l'abbé , qui, depuis cinq ans, n'avait aucun égard
Ep. 66. aux censures dont il l'avait frappé. La lettre 66 , au cardinal
Guillaume de Pavie, a pour objet de lui recommander celte
affaire, et l'agent qu'il envoyait pour cela en cour de
Rome,
t ifi'''"' B09 '"' ^" ^°''' P^T une autre lettre, publiée dans le. Spicilége de
Dacheri, qu'Arnoul ne fut pas content des juges que le pape
lui nomma encore cette fois. C'était l'évéque d'Avranches,
ARNOUL, ÉVÊQUE DE LrSIEUX. 323
avec les doyens de Bayeux et d'Évreux. II se plaint qu'un xii siècle.
évêque soit obligé de comparaître devant des clercs d'un ordre
inférieur, et attendu que les moines ont encore décliné le juge-
ment auquel il avait bien voulu se soumettre, il demande un
nouveau règlement de juges.
Henri de France, archevêque de Reims, avait un neveu ^p. 70.
nommé Philippe de Chaumont. C'était le fils ou le petit-fils
d'une fille naturelle de Louis-le-Gros , qui l'avait mariée à
Guillaume de Chaumont dans le Vexin français. Son oncle
voulut l'avoir auprès de lui, et le fit venir à Reims ; mais
bientôt après le jeune homme encourut la disgrâce du prélat.
Se voyant frustré d'une si haute protection, il eut recours à
l'évêque de Lisieux, qui écrivit en sa faveur la lettre 70, très-
importante pour établir l'existence de cette fille de Louis-le-
Gros, et sa postérité.
La 71* et dernière lettre du recueil, à Henri, évoque de Ep. 7i.
Bayeux, n'est qu'une recommandation eu faveur de celui qui en
était le porteur, et qui n'est pas nommé. Arnoul ayant déjà
obtenu pour lui un adoucissement au châtiment qu'il méritait,
supplie le prélat de lui pardonner entièrement.
Ce sont là toutes les lettres d'Arnoul, publiées à Paris l'an
1585, par Claude Miguaut (en latin Minos), sur l'exemplaire
manuscrit d'Odon Turnèbe, chez Jean Richer , en un vol.
in 8°, réimprimées depuis dans les grandes bibliothèques des
pères, mais sans aucune nouvelle correction. Elles en avaient
toutefois grand besoin , car toutes ces éditions fourmillent
de fautes. De plus , on a négligé d'insérer dans la dernière
édition de la Bibliothèque des pères, faite à Lyon, beaucoup
plus ample que les autres, treize nouvelles lettres d'Arnoul,
que Dacheri avait publiées vingt ans auparavant dans son
Spicilége. Aussi l'infatigable Baluze s'était-il proposé de donner
une nouvelle édition des œuvres d'Arnoul. Il avait fait pour
cela des recherches que nous avons trouvées parmi ses papiers
à la Bibliothèque royale ; mais, à l'exception de quelques
chartes qui n'ont pas encore vu le jour , nous n'y avons
trouvé aucune pièce nouvelle. Il nous reste à parler de celles
qui ont été publiées dans différentes collections, et que Baluze
n'aurait pas manqué d'insérer dans la sienne. Nous allons les
parcourir en suivant l'ordre chronologique, qui, comme nous
l'avons démontré, n'a pas été observé dans l'arrangement des
premières.
Nous avons deux lettres d'Arnoul au pape Célestin II, qui spicii. in-foi.
Ss^ t. m, p. 817.
32* ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISjEUX.
XM SIECLE, ne sont pas dans la collection. La première a pour objet de
""" le féliciter sur son avènement au trône pontifical, l'an 1143;
dans la seconde, il se porte pour dénonciateur de l'irrégu-
larité de l'élection qui avait été faite de Girard, chanoine de
Séez, pour remplir le siège épiscopal de cette église. En
effet, les chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris avaient
été introduits dans le chapitre, l'an 1131, et dès-lors toutes
les places de cette église devaient être remplies par des régu-
liers à mesure qu'elles vaqueraient. L'évêque Jean, frère
d'Arnoul, étant mort l'an 1143, quelques particuliers caba-
lèrent pour faire tomber l'élection d'un successeur sur un
chanoine qui n'eût pas embrassé la réforme , et ils élurent
Girard; mais il éprouva de grandes oppositions qui ne se
bornèrent pas à de simples protestations. On en vint aux
voies de fait; on attenta sur sa personne, et on lui fit subir,
selon quelques historiens (1) , une honteuse mutilation. On
voit même que le comte d'Anjou, alors maître de la Nor-
mandie , élait soupçonné d'avoir favorisé cette atrocité.
L'affaire ayant été portée à Rome, Arnoul écrivit au pape
Célestin, non pour insulter au malheur de Girard , mais
pour demander que ses assassins fussent punis, et qu'en même
temps son élection , dont il prouve la nullité, fût cassée.
Célestin nomma des commissaires pour juger sur les lieux;
mais Girard ayant trouvé moyen de décliner le jugement,
s'enfuit à Rome, où il arriva sous le pontificat d'Eugène III.
. Bern. cp 65. Arnoul l'y suivit de près, muni de lettres de saint Bernard,
qui peignaient l'évêque élu de Séez sous les traits d'un hypo-
crite et d'un fourbe, et comblaient d'éloges celui de Lisieux.
Eugène cependant confirma l'élection , à condition que le
nouvel évoque embrasserait la réforme , c'est-à-dire , la vie
commune. Cette lettre existe toute entière dans le nouveau
(Jaii. chrisi. GalUa Christianu, et on partie parmi les lettres d'Arnoul, à la
162 ' ""^ "^^ suite d'un sermon, où elle n'a pas de commencement, parce que
l'éditeur ne s'est pas aperçu qu'il y avait une lacune dans le
manuscrit.
Mart. Anccd. L'an 1150, Amoul fut chargé par le comte d'Anjou,
t. I, col. <I8.
(I) Cette mutilation est une fable, selon l'abbé des Tailleries, dans ea Disser-
tation sur quelques points de l'histoire de Normandie, p. 173-175. Mais ses
preuves ne sont nullement convaincantes. Girard disait lui-même, suivant Raoul
de I)iceto(arf an. 1 145),(iu'il avait été sacré dans son sang, quod in volutabro s%i
snnfjuidis/ueral consecratus.
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. 32;i
Geofroi Planlagenet, de négocier avec l'abbé Siiger, pour faire xii sieclk.
passer sur la léle de son fils Henri, depuis roi d'Angleterre, le
duché de Normandie, il reste de cette négociation une lettre à
l'abbé Suger, dont il a été |);irlé plus iiaul.
Le manuscrit de la Bibliothèque royale, n" 5320, fol. 151, Hisi. de Fr.
en contient une autre qui a ete nouvellement imprimée, bile est
adressée à saint Thomas, archevêque de Cantorbéry, pour le
féliciter sur sa nouvelle dignité, l'an 11G2.
Tout le monde connaît le grand différend qui séleva bien-
tôt après entre le roi d'Angleterre et l'archevêque de Can-
torbéry, qui fut contraint de se réfugier en France. On voit,
par plusieurs lettres imprimées parmi celles de saint Thomas,
qu'en 1164, le pape et 1 impératrice Mathilde, mère de
Henri il, travaillaient à réconcilier le saint archevêque avec le
roi. Il paraît que Thomas lui-même désirait un accomodemenl,
el qu'il avait réclamé pour cela les bons offices de 1 evêque de
Lisieux. Celui-ci écrivit une longue lettre, qui a été imprimée Spuii. ih,d.
dans le Spicilége de Dachcri, et parmi celles de saint Thomas. ■'■ ^'*^", ^,
t ^ ' l Ep. s. Thom.
Elle est curieuse : Arnoul y montre au naturel son esprit i,i,. i, cp. 8».
délié.
Elle débute par un éloge du saint archevêque, où l'auteur
relève la ferveur de son zèle, tempéré par une humilité sin-
cère, el fortifié par un courage à toute épreuve, et aussitôt
il rapporte les mauvais bruits qui couraient sur son compte ;
qu'affectant de conserver dans la prélature les mœurs de la
chancellerie, il voulait que tout pliât sous sa puissance, et
que personne n'osât résister à ses volontés; qu'élevé comme
il était, el porté par la providence à un plus haut degré d'hon-
neur, il ne lui convenait plus de s'asseoir aux pieds du maître
ni même à ses côtés, mais que sa place était en quelque sorte
au-dessus du diadème; que par ces motifs il avait jugé devoir,
au commencement de son pontificat, s'opposer aux volontés du
monarque, afin que, par sa défaite, tout le monde se crût
terrassé.
Arnoul, loin d'adopter ces faux bruits, témoigne que le
temps les avait déjà entièrement dissipés , et que tout le
monde était convaincu de la pureté des motifs qui le fai-
saient agir, ainsi que de la justice de sa cause. Mais il l'avertit
en même temps que, s'il veut rentrer en grâce avec le roi,
il doit beaucoup se relâcher de ses prétentions, sans quoi il
rencontrera de grandes oppositions; 1" de la part du roi,
dont il lui retrace le caractère. « C'est un prince, dit-il, dont
2 i
326 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX
, les intrigues sont redoutées dans les pays éloignés, dont la puis-
sance inspire la crainte à ses voisins, et dont la sévérité fait
trembler ses sujets. Ses nombreux succès, et la faveur non
interrompue de la furtunc, lonl rendu si jaloux de son autorité,
que, ne pas lui obéir, cest, à son avis, l'outrager. Autant il est
aisé de 1 irriter, autant il est diflicile de 1 apaiser. Cependant
la soumission et la patience le rendent quelquefois traitable ;
mais il ne se laisse jamais vaincre par la roideur • il veut que
ce qu'il fait paraisse venir de son choix, et non d'aucune loi
qu'il serait contraint de subir. »
2" De la part des évèques d'Angleterre, il les représente
comme des lâches et des traîtres, qui, loin de prendre la
défense de leur primat, dont la cause était celle de Jésus-
Christ et de son église, non seulement 1 ont abandonné
comme de concert, mais ont cru ne devoir épargner à son
égard ni fourberies, ni mauvais propos, et semblent s'être
disputé les uns aux autres à qui passerait pour le haïr davan-
tage, et le traiter avec moins de ménagement. Il convient
que, dans le clergé du second ordre, l'archevêque avait plu-
sieurs partisans sincères, qui soupiraient en secret pour son
retour, et demandaient ii Dieu qu'il lui accordât la victoire.
Mais aucun n'avait le courage de se dire ouvertement son
ami.
3" Quant aux grands, c étaient les ennemis-nés du clergé.
Ils avaient formé de tout temps entre eux une espèce de
ligue contre les gens d'église, pour traverser leurs projets,
comptant au nombre de leurs pertes tout ce qui pourrait
leur arriver d'avantageux : ils redoublaient leurs efforts à la
faveur des conjonctures présentes, parce qu'elles leur four-
nissaient un [)rétexte de se porter pour les défenseurs de
lautorité royale : non qu'ils eussent lintention de la servir,
mais pour se procurer l'impunité dans leurs déprédations
par un zèle aÛeclé. Or, dit-il, ces gens-là sont d'autant plus
à craindre qu'ils ont l'oreille du prince, et qu'ils sont plus à
portée de nuire.
De toutes ces considérations Arnoul conclut qu'il faut se
prêter aux tempéramens qui peuvent se concilier avec la
droiture et la religion; qu'il est à propos de dissimuler bien
des choses jiisiju'à ce (jue des conjonctures plus favorables
nous mettent en état de mieux faire « Si donc, ajoute-t-il,
on vous propose quelque projet d'accommodement, n'allez
pas discuter scrupuleusement chacjue article, parce que cela
ARNOUL, ÉVÈQUE DE LISIEUX. 327
ne produirait qiio dos contestations propres à faire revivre xii siècle
les anciennes inimitiés. Car si on nexice de nous que la pro-
messe de garder fidèlement les anciennes coutumes, autant
qu'elles n'ont rien de contraire à la loi de Dieu, il n'y a rien
en cela qui blesse la conscience. Si donc la bonté divine permet
qu'on vous offre la paix sous la condition d'une pareille formule,
ne la rejetez pas, et réservez à un autre temps l'interprétation
des termes de votre engagement. » Enfin il lui promet d'agiren
sa faveur auprès du roi ; mais il le prévient que, pour le
mieux servir et pour être écouté, il fera semblant de lui
être opposé, et (ju il blâmera sa conduite. Proinde sic agen-
(him niihi erit, ut me vobis prima facie profilear inimicum,
quia amicuin profitenti neque fides haberelur, nec aliquis
piwstarelur accessus. Il est clair qu'Arnoul eût été de bien
plus facile ccm[)osition, mais non pas d'aussi bonne foi que
saint Thomas, s'il eût eu le même différend que ce prélat avec
le roi d'Angleterre.
Arnoul, quoique sujet immédiat du roi d'Angleterre n'était ciicsn. t. iv,
pas moins attentif à se ménager la faveur du roi de France. P- " '•■
... 1 I •!• Uouiiuet,
A la naissance de Philippe-Auguste, il fut un des plus em- i. xvi, p. lis.
pressés à le féliciter sur cet heureux événement, par une
lettre qui a été publiée dans le Kecueil des historiens de
France.
Après le liiourlre de saint Thomas de ("aniorbéry, il eut lieu
d'exercer son zèle pour dissiper forage qui se formait sur la
tête du monar([ue anglais. Le roi de France, et des évêques
français avaient dénoncé au pape cet attentat, et voulaient en
faire retomber l'odieux sur celui d Angleterre. Arnoul, au nom Ep. s. Thom
des évêques de Normandie, écrivit de son côté au pape, à la ''*•• v, rp. 79.
décharge du roi d'Angleterre, une lettre qui a été conservée
parmi celles de saint: Thomas, et contribua plus que tout autre
à négocier sa réconciliation avec les légats du pape, Albert et
Théoduin.
L'an 1173, les enfants du roi d'Aglelerre. excités par leur
mère, ayant levé lelendard de la révolte contre leur père,
s'étaient mis sous la protection du roi de France, qui leur
avait procuré de nombreux partisans. Henri, consterné,
envoya au monarque français l'évêque de Lisieux et l'arche-
vêque de Rouen, pour le fléchir, et savoir de lui les sujets
de mécontentement qu'il pouvait avoir. La lettre dans
laquelle ils rendent compte de leur mission au roi d'Angle- p^, gi^,
terfe, a été imprimée parmi celles de Pierre de Blois, et dans ep. 163.
328 ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX.
XII SIECLE. |g Recueil des liisloriens de France. On y voit les nombreux
ciiesii 1. IV griefs dont se plaignait le monarque français, et jusqu'à quel
lier F'»"- !'• pointce prince, d'ailleurs humain el religieux, était irrité contre
(|tift, I. XVI, celui d'Angleterre.
I'. «i28. Ce prince, pour être absous du meurtre de saint Thomas,
avait promis qu il ne s'entremettrait plus des élections aux
prélatures, laissant à toutes les églises la liberté des su CTrages.
Il était temps de remplir les sièges qui depuis long-temps
étaient vacans : on y procéda lan 1173. Raoul, prieur de
Douvres, fut nomnjé à l'archevêché de Cantorbéry ; mais le
jeune roi d'Angleterre se porlant pour uni(|ue roi, s'opposait à
ce qu'il fût sacré sans sa pernii.ssion. Il fallut recourir à Rome:
ili'" ", 'il'; "^ ' l3'"chevêque élu partit avec une lettre d'Arnoul pour le pape.
C'est la huitième [tarmi celles cpii ont été publiées dans le
Spicilége.
Un archidiacre de Sarisbéry, nommé Reginaldiis, avait été
pareillement élu pour remplir le .siège, de Bath, et éprouvait
de la part du jeune; roi les mêmes difllcullés. L'évêque de Li-
sieux écrivit en sa faveur deux lettres consécutives aux légats
K.,,." ' Albert et Théoduin, qui étaient encore en France. Ce senties
et tilii. ' ^
lettres 2 et H) du Spicilége.
L'année d'après, les chanoines de Tours ayant élu un
archevêcjue sans avoir appelé Us èvêcpies de la province,
Ariioul écrivit à celui du ÎSIans. qui, comme premier suf-
' fraganl, devait avoir la première voix dans l'élection, pour le
prier (hî trouver bon ce qui avait été fait, e.xcnsanl Firrégu-
larilè d(; cvXW, conduilc sur les dangers aux(|uels était exposée
la ville de Tours, au |)lus fort de la guerre (pie se faisaient alors
( en 1l7i; les rois de France et d'Anglelerre, pendant
laquelle il eût élé dangereux aux évêijues de quitter leurs
diocèses
ii,d 1». HIC. On voit, par la lelln; 9 du Spicilége, que des malveillans
avaient desser\i Arnoul au|»rès clu roi d'Angleterre, et loi
avaient fait perdre ses bonnes grâces. Il n'explique pas les
motifs dont on s'était servi pour lèloigner du conseil du ror ;
mais il paraît qu on accusait de rigidité .ses avis. Sur quoi il
représente au roi tous les avantages dont il a joui, depuis
le commencement de son règne, en suivant ses constMis, el
les dangers auxcpiels il s'expose en écoutant des adulateurs,
au mépris de la raison, de la justice, et de la vérité. Nous
dirions à quelle occasion cette lettre fut écrite, s'il n'y avait
dans l(> texte une petite lacune à l'endroit essentiel. M.iis i
:il7.
AftNOUL, ÉVÉQUE DE LISIEUX. ;529
est certain qu'Arnoul clait alors dans l'exlrcnie vieillesse qui lu; xii sikclh.
lui permellait pas do se transporter chez le roi.
Ce fut vers le môme temps (juc ses chanoines lui inlenlèrenl /j.j ^p. 6,
le procès dont il est parlé dans la lettre au pape Lucius III, par p- !*li-
conséquent l'an 1181 , au p*lus tôt. On y voit que, sur les plaintes
des chanoines, le pape l'avait suspendu de ses fonctions, et quil
l'avait renvoyé devant l'évéquc d'Avranches et les abbés
du Bec et de Savigni, pour être jugé sur l'administration des
biens de son église, (|u'on l'accusait d'avoir dissipés. Arnoul
se plaint de la partialité de ces commissaires, qui ne lui
doftnèrent pas le loisir de se défendre, et de leur ignorance
des règles du droit et des formalités de la procédure, ignorance
dont ils convenaient eux-mêmes. « A cela se joignaient, dit-il,
l'indisposition du roi contre moi, et les efforts continuels de
Gautier de Coulances, que mes parties avaient mis à la télé
de leur faction, sous la promesse do lui faire avoir mon évêché.
Cet homme les appuyait en tout, et leur ménageait la faveur
du roi; établi garde des sceaux, il scellait tout ce quon voulait
à mon désavantage, môme à l'insu du roi, afin que les
actes munis de cette empreinte parussent émanés de sa
volonté. »
Quant au fond de l'affaire, il se justifie pleinement, et
nous instruit de quelques circonstances de sa vie relative-
ment à son entrée dans l'épiscopat, quarante ans aupara-
vant « Ils m'accusent, dit-il, d'avoir dilapidé mon église,
moi qui lui ai acquis plus de douze cents livres de revenu à
perpétuité; qui en ai porté cinq cents dans le trésor, qui en
ai employé dix mille en bàtimcns qui subsistent; moi qui ai
fait rebâtir la cathédrale, en grande partie à mes frais; qui ai
augmenté de six cents livres de revenu la mense commune
des chanoines, qui en ai ajouté cinq cents à celle de l'évêque.
Il est vrai qu'au commencement de mon épiscopat, je pris
dans le trésor dix-sept marcs ; mais ce fut pour retirer des
mains du comte d'Anjou les biens de ma mense, qu'il rete-
nait depuis deux ans et demi, sous prétexte que je m'étais
fait sacrer sans son consentement : et en cela je n'ai a-i
qu'avec l'agrément du pape Innocent. .ïai encore vendu un
calice d'or, pesant 34 onces, pour la croisade, dans laquelle
je fus engagé, bien malgré moi, par le pape Eugène, qui
m'avait môme permis de faire d'autres ventes, s'il en était
besoin, pour cet objet. Je passe sous silence, pour éviter
tout soupçon de jactance, la rnaiiirro libérale avec laciuello
Tome XIV. Tt
330 ARNOUL, ÉVEQUE DE LISIEUX.
JUl SIECLE, j'ai toujours exercé l'hospitalité, le grand nombre de charités
que j'ai faites, et qui, de l'aveu de ceux qui les ont reçues,
et de ceux qui en ont été témoins, surpassent ce qu'on pou-
vait attendre d'un homme dont la fortune était aussi mé-
diocre que la mienne. J'ai demandé à mes juges que l'on fit
une compensation de ce que j'avais pris et de ce que j'avais
donné: on ne m*a pas écouté; on m'a condamné à payer
aux chanoines cent livres pour être employées au profit de
l'église, et de plus on a retenu ma chapelle. C'est ainsi qu'ils
m'ont laissé sans argent et sans vêtemens sacerdotaux. Ces pro-
cédés indignes vous étant revenus, vous avez cassé leur sentence,
et, comme vos lettres le font entendre, vous m'avez tiré des
mains de ces juges iniques. Je vous supplie donc de maintenir
votre jugement, et de me faire rendre ce qui m'a été
injustement enlevé, afin qu'il puisse revenir aux frères chez
lesquels je me suis retiré, suivant la destination que j'en avais
faite. »
ma. cp. 5, La dernière lettre d'Arnoul, suivant Tordre chronolo-
î^'o. gique, est adressée à Henri II, roi d'Angleterre. L'auteur s'y
plaint amèrement à ce prince de la conduite ingrate de son
neveu, Hugues de Nonant, à son égard. Il l'avait élevé dès
son enfance, l'avait fait instruire avec soin, et après l'avoir
initié dans le clergé, il l'avait comblé de bénéfices, en par-
ticulier d'une prébende dans la paroisse de Gacé ou Gassey,
au diocèse de Lisieux. Le prélat ayant donné ladite paroisse
aux chanoines de Saint-Victor, peu avant sa retraite, pour les
dédommager en partie de la dépense qu'il devait leur
causer, Hugues leur contesta celte donation, et vint à bout
de les en dépouiller. Arnoul supplie le roi de réprimer l'en-
treprise de ce neveu si peu reconnaissant, et, comme celui-ci
occupait vraisemblablement un emploi à la cour, il avertit
Henri de se défier de lui comme d'un sujet dangereux. II
rappelle au monarque les magnifiques promesses qu'il lui
avait faites dans une entrevue qu'ils avaient eue ensemble à
Gisors. « Lorsque je pris congé de vous, dit-il, vous me
donnâtes votre parole royale que vous m'aideriez désormais
dans tous mes besoins avec plus de libéralité que vous »'aviez
encore fait, et que vous feriez en sorte d'écarter de moi tout
sujet de mécontentement. Or rien n'est plus chagrinant
pour moi que de voir celui qui aurait dû me seconder en
toutes choses, s'opposer à mes volontés ; que de voir le repos
que je m'étais promis en quittant le monde, troublé et ira-
ARNOUL, ÉVÉQUK DE LISIEUX. 331
versé par l'insatiable cupidité de mon ingrat neveu, qui ne xii siècle.
cesse de me persécuter jusqu'au tombeau ». Cette lettre ne
fit point perdre au neveu les bonnes grâces du roi. Ce monarque
le fit dans la suite évêque de Coventri et Lichfield.
Dacheri a encore publié deux lettres dont nous n'avons
pas parlé; elles sont peu intéressantes L'une est adressée à /'"<* cp s.
Rotrou , archevêque de Rouen , mal nommé Robert dans p- ^'"'
l'édition, au sujet d'un mauvais religieux chassé de l'abbaye
de Comeilles, qui s'était pourvu à Rome pour être réintégré.
L'autre est plutôt une charte en forme de jugement arbitral ibiJ. ep. 4
sur un procès auquel avait donné lieu le testament de Hugues
du Pin, c?e PiwM, entre l'abbé de Saint-André de Gouffern et
les frères de l'hôpital de Jérusalem
Nous terminerons ici le détail des lettres d'Arnoul. Elles
sont écrites avec une certaine élégance , quelquefois avec
esprit, et toujours recommandables par un grand amour de
la justice et de la religion On y voit de quelle considération
il jouissait à la cour des papes et des rois, et combien il eut
de pari aux grandes affaires soit politiques , soit ecclésias-
tiques de son temps. Si, dans quelques-unes, le préjugé ou
l'influence des cours semble se montrer, c'est qu'il est bien
difficile qu'un homme en place soit assez indépendant pour
ne voir en tout que le vrai, et pour le suivre sans se laisser en-
traîner par des affections particulières.
. Pour ne rien omettre sur les éditions de quelques-unes de ces
lettres, nous dirons qu'on en trouve trois adressées à Ërnaud,
abbé de Bonneval, à la fin des œuvres de saint Cyprien, édition
d'Oxford 1682, ce sont les 3, 17, 38, de la collection ; et que t. xvi. p.
les continuateurs du Recueil des historiens de France en ont eso-e?».
inséré trente dans la leur.
Il faut parler maintenant des autres écrits d'Arnoul, qui ne
sont pas considérables.
2° Dans les premières années du pontificat d'Innocent II,
Arnoul fit les premiers essais de sa plume , comme on l'a
déjà dit, pour la défense de ce pape. L'ouvrage divisé en huit Spicii. in foi.
chapitres est dédié à Geofroi de Lèves, évêque de Chartres, \']' P *'^ ~
légat du Saint - Siège. C'est une invective sanglante, dans
le goût des Catilinaires, contre Pierre de Léon, et sur-tout
contre Gérard , évêque d'Angoulême , le plus zélé partisan
de cet anti-pape. Il les peint l'un et l'autre sous les couleurs
les plus noires. On a dit sur le second ce qu'on pensait du j xil" p 'lig?
portrait quArnoul en a tracé. Voici les principaux traits de et «uir!
Ttiî
332 ARNOUL, ÉVÈQUE DE LISIEUX.
XII siKCLii celui du premier. Romain de naissance, et pelil-fils d'un
juif qui s'était prodigieusement enrichi par l'usure, il se
trouvait allié aux plus illustres maisons de Rome. Dans sa
jeunesse, il fréquenta les écoles, oîi il apprit plus de vices
(juil n'amassa de savoir. L'impudence ne lui permit i)as de
voiler ses débauches. Elles étaient si manifestes et si ou-
trées, qu'on le regardait assez universellement comme l'ante-
christ. Cependant étant venu en France, il embrassa la vie
monastique dans l'abbaye de Cluni , afin d'effacer par-là,
dans lesprit du public, la honte de sa vie passée. Son am-
bition, qui dès-lors aspirait au souverain pontificat, secondée
des intrigues de ses parens, le lira bientôt de cette retraite :
il trouva moyen de se faire appeler à Rome pour y recevoir
les honneurs du cardinalat, et bientôt après il obtint des
légations en diverses parties de l'Europe. Dans ces emplois,
il pensa bien moins à remplir ses devoirs qu'à satisfaire son
orgueil et sa cupidité. Les affaires qui passaient par ses
mains n'avaient jamais , à son gré , une bonne issue que
lors(]u'elles avaient rempli sa bourse. Il faisait chaque jour
deux repas, et sa gourmandise était telle, qu'il avait imaginé
de nouveaux ragoûts et des vaisseaux particuliers pour les
apprêter (1). On parlait d'une singulière marmite qui était
de son invention. C'était une espèce d'amphore ou large
cruche, partagée en deux par le milieu en forme de trône.
La partie supérieure contenait les viandes, et l'inférieure, en
forme de réchaud, communiquait avec l'autre par un col
fort étroit. Tandis que les viandes cuisaient, on y faisait brû-
ler de l'encens, jusqu'à ce qu'elles fussent imprégnées de
l'odeur de cet aromate. Sa luxure, telle qu'Arnoul la décrit,
allait à un excès qui fait rougir l'humanité. Suit le portrait du
pape Innocent II, qui est tout l'opposé de celui qu'il vient de
tracer.
Nous ne garantissons pas la fidélité de ces portraits. La
passion que l'auteur fait paraître dans tout lo cours de cet
ouvrage, donne lieu de soupçonner qu'il les a presque éga-
(1 ) Docehatur Jigulus amphoras Jigmenlo plasmare mirabili, quibus ad simili-
tudinem solii pcr Iransccrsam. Médium discrimen inesset, statusf/ue superior
repositis cscis fumum per modiC' oris respimrel anguslias ; inj'erior terh pars
caucellalis arcubiis undique pcrj'orala jmmas claudcret, quibus thuris copiam
lamdiii sûllicitus miiiistcr infunderel, donec cor lis cihis odorem ipsum transferret
cocus arli/ex in saporem .
■123.
Hil.l. Pair.
1
XXII, p.
13-23
- 1326.
ARNOUL, ÉVÉQUE DE LISFEUX. 333
lement surchargés. Cela n'a pas empêché le célèbre Muratori '^'" siècle
de réimprimer cet ouvrage loi qu'il avait été publié par D Murât, lu
Dacheri. "± P"' '■ ''
3° Notre prélat, doué cr.niinc il I était du talent de la parole,
et chargé d'annoncer au peuple celle ^lo Jésus-Chrisl, composa
sans doute beaucoup de soi in.jii.-. ; in.us il n'en reste que trois,
dont le premier est un discours prononcé à l'ouverture du concile
de Tours, tenu l'an 1 163 sous la présidence du pape Alexandre
III. Comme le schisme suscité par l'empereur d'Allemagne
était alors dans sa plus grande force, il prit pour sujet l'unité et
la liberté de l'église. Mais il prouve trop ; car apostrophant
l'empereur, il fait des vœux pour qu'il soit humilié, et qu'il
reconnaisse que la principauté de l'église est au-dessus
de la sienne. « Ce prince, ajoule-t-il, a une raison spéciale
de reconnaître l'église romaine pour sa maîtresse , à
moins de vouloir passer aux yeux de l'univers pour coupable
d'une noire ingratitude : car si nous consultons les an-
ciennes histoires , il est certain que ses ancêtres n'ont pas
eu d'autre titre à l'empire q^jc la faveur de l'église de Rome. »
Cette doctrine ultramonlaine était alors très-répandue, même
en France.
Ce discours, qu'on trouve aussi dans la collection des con- Lai>ijc, Conc.
ciles est suivi d'un autre discours prononcé dans un synode. '' '''' "'' '*"
Celui-ci est imparfait à la lin, parce que le premier éditeur
y a cousu une lettre d'Arnoul, qui n'a aucun rapport avec le
commencement, ne s'élant pas aperçu qu'il manquait un feuillet
à son manuscrit. Cette lacune a été remplie par Dacheri, d'après
un manuscrit de l'abbaye de Foucarmont. Il a encore publié un Spicii, iii-f..i.
troisième sermon pour l'Annonciation de la sainte Vierce, dans '' !,"', ^'^ K,^-,
lequel on trouve de fort beaux sentimens sur le mystère de
l'Incarnation.
4° Arnoul se mêlait aussi de poésie. On trouve parmi ses BiLi. Pair. *
lettres un recueil d'épigrammes , d'épitaphes et de vers de p- '334-1336.
sa façon, au nombre de seize en tout, sur des sujets pieux
dont voici les titres : De Nativilate Domini. Ad Henricum
Wintoniensem episcopwn. De Innovatione vernali. De al-
terna temporum successione. Ad Poétam mendicum. Ad
Scaevam, de anu non reformandâ. Ad juvenem et puellam
se invicem intuentes. Ad lascivos sodales. Quomodo pauperi
vel diviti sit dandiim. Ad nepotem siium cùm esset ado-
lescens. Dans cette dernière, l'auteur résigne à son neveu,
qui commençait à versifier heureusement, la place qu'il oc-
334 BARTHÉLEMI, ÉVÈQUE DEXCESTER.
xii !>!F';le. cupait sur le Parnasse. Il témoigne que sa patrie le comptait
autrefois parmi les poètes célèbres, et qu'il avait à peine son égal
dans toute la France.
Olivi me celebrem Normannia totapoetam
Suxit, vixque dabat Gallia tota parem.
Ce jugement n'a pas .été désavoué par la postérité. Les vers
Duprii. 12' s. de notre prélat, sans être aussi parfaits que le docteur Dupin
|.sii. '-' i sti.'. le suppose, sont élégans, harmonieux, semés de pensées fines,
tels, en un mot, qu'ils peuvent aller de pair avec ceux des meil-
leurs poêles du Xll° siècle. Les épitaphes qu'on y trouve sont
celles de Henri I^"", roi d'Angleterre, de sa fille l'impératrice
Mathilde, d'Algar, évêque de Coulances, et de Hugues, ar-
chevêque de Rouen. Les vers de notre auteur, tous élégiaques,
su)°i" 72o''' °°' ^'^ encore imprimés à Léipsick, l'an 1652, par André
Rivinius,en un volume in-S", qui comprend les poésies de Fulbert
de Chartres, de Jean de Sarisbéry , et d'autres au nombre
de dix.
Cal. mss. Ang. 50 Qn voil à la bibliothèque du colléce de Merton, à Ox-
l. I. I an 2, p. , j . . ^ . °
22, n* -'^s tord, un manuscrit qui a pour litre : Arnulfus de divtstone
scientiarum Nous ne saurions dire si c'est l'ouvrage d'Ar-
noul de Lisieux, ou dErnulfe, évêque de Rochester, ou de
tout autre. B.
BARTHÉLEMI,
Évêque d'Exckstee.
SA VIE.
¥ ES bibliographes anglais, et après eux Oudin et Fabricius,
^"lC9 ''""'' font cet évêque Anglais de naissance. Jean de Sarisbéry nous
apprend qu'il était né en France. En lui recommandant un
sujet se disant originaire du Dcvonshire, qui de Reims pas-
BARTHÉLEMI , ÉVÉQUE DEXCESTER. 335
sail en Angleterre, Jean de Sarisbéry ajoute qu'il était plus Xli siècle.
croyable que cet homme était compatriote du prélat , né
comme lui dans l'Armorique , près du mont Sainl-Michel.
Voici le texte ; Me causa duplex impresentiarum impulit ad
scribendum, tum ne preeler consuetudinem sine litteris abire
patiar aliquem ad vos de mea conscientia proficiscentem,
tum ut amicis , quorum voluntati satisfacere par est , moretn
geram. Voluerunt enim latorem praesentium à Devonia oriun-
dum , ut assent, etsi credi possit eum ah uUerioribus convica-
neis vestris , circa monteni beati archangeli, in sitiu Armorico
traxisse originem , paternitati vestrse mex parvitatis officia
commendari , etc. il est donc prouvé que Barthélemi était
Français.
Casimir Oudin se trompe en le nommant év^îque d'Oxford , ^^ Script, ecci.
évêché qui n'a été érigé qu'au XV1° siècle. Il n'est pas mieux ' '*"' ^ '
fondé lorsqu'il le donne pour le fondateur de l'université
d'Oxford. Ce qui est plus certain, c'est que Barthélemi était
archidiacre d'Excesler lorsqu'il fut choisi, l'an 11 GO, pour
remplir le siège épiscopal de cette ville. Sa promotion souf-
frit des difficultés de la part du roi d'Angleterre , qui portait
à ce poste un autre sujet : sur quoi on peut consulter les
lettres 70 , 71 , 78. et 90 de Jean de Sarisbéry. Thibaud ,
archevêque de Cantorbéri , ayant aplani toutes les difficultés ,
Barthélemi passa en France pour faire au roi serment de Rai. ,ie Di_
fidélité ; mais il ne put être sacré qu'en l'an 1161 par les «fio, p. (m2;
mains de l'évoque de Rochester , parce que dans l'intervalle p*7g", '^"'"''*
Thibaud était mort.
Barthélemi fut un des prélats d'Angleterre en qui saint
Thomas, successeur de Thibaud dans le siège de Cantorbéri ,
et Jean de Sarisbéry avaient le plus de confiance , et auquel Joan Saresk
ils envoyoient leurs instructions pendant la longue alterca- ?{!g !l'^\fl^^'
tion qu'ils eurent avec le roi d'Angleterre. Nous ne voyons
pas cependant qu'il ait pris ouvertement leur défense , ni
qu'il ait compromis sa tranquillité; au contraire, les histo-
riens lui reprochent d'avoir, au commencement de la dis- Ccivas. .i«j.
pute , incliné du côté du roi. Après la catastrophe de l'arche- cot. i.î'mi.
vêque, c'est à lui que le roi donna sa confiance pour la direc-
tion des affaires ecclésiastiques du royaume, comme on voit
par deux lettres que ce monarque lui écrivit , l'an 1172, pour .loan. Sarcsh.
mettre à exécution les conditions auxquelles il avait obtenu *P' ^"*''' ^'*''
des légats du pape l'absolution du crime d'avoir participé au
meurtre de saint Thomas. Ce fut lui qui , faisant la réconci-
336 BARTHÉLEMI, EVÉQUE D'EXCESTRR.
XII SIECLE, liation de l'église de Canlorbéri un an après le meurtre , pro-
Ra.i. !<• iiice- nonça ce beau discours dont l'histoire a conservé le début :
10, toi. bii>. Secundum multitudinem dolorum meorum consolationes tuae
Isetificaverunt aniniam meam.
Ce prélat mourut l'an 1184, selon Roger de Hoveden ;
Angi sacra, cependant les annales de Winchester placent sa mort en H 86.
t. I, p. .^02. Q^ p^^i^ ^^j^^ j^^g X'Anglia sacra, l'éloge que fait de Barlhé-
lemi, Gerald le Gallois , en latin Cambrensis , l'homme le moins
ibi'd. t. Il, p. adulateur de son siècle. 11 le représente , lui et 1 évêque de
*'*• Worchester, Roger, fils du comte de Glocester, comme deux
grandes lumières de la Grande-Bretagne; l'un par sa science,
l'autre par l'éclat de sa naissance.
SES ÉCRITS.
Les historiens anglais sont d'accord sur le mérite littéraire
de notre prélat , auquel ils allribuonl beaucoup plus de pro-
ductions que nous ne pouvons lui en garantir. Voici celles qu'on
ne peut lui contester.
]" Parmi les lettres de Jean de Sarisbéry, il y en a quaire de
joi,n. Saicsb. Barihélemi au pape Alexandre 111. Ayant été chargé par lui de
•P' vérifier les plaintes que les moines de Saint-Augustin de Can-
torbéri avaient portées contre leur abbé nommé Clarenbaud ,
il rend compte au pape, dans la première du résultat de la
procédure , et de l'usage qu'il avait fait de son autorité pour
"'"' ""P 2!);i. destituer l'abbé. — Dans la seconde , il recommande avec
éloge au pape la personne de Richard , archidiacre de Poi-
tiers , élu canoniquement et avec l'agrément du roi pour
ibui. cp 297. remplir le siège épiscopal de Winchester. — Li troisième a
pour objet de demander au pape la confirmation de l'évê-
que pour l'église d'Herford , vacante depuis plusieurs an-
ibid cp. 2!i?. nées. — L'église de Cantorbéri avait aussi élu un archevê-
que dans la personne de Richard , prieur à Douvres ; on était
sur le point de le sacrer , lorsque le fils aîné du roi d'Angle-
terre , se disant le seul roi légitime en vertu de son couronne-
ment , vint en opposition , fit signifier des lettres d'appel au
pape , et arrêta la cérémonie. L'archevêque élu se rendant à
Rome, Barthélemi le chargea d'une lettre dans laquelle il
instruit le pape de ce qui s'était passé , et le prie de venir au
secours de cette église désolée. C'est le sujet de la quatrième
lettre,
riieod. Pœiiii. ^^ Barthéicmi f^l auteur d un pcniienti'l . don! Jacques
GEOFROl, PRIEUR DR LAB. DU VIGEOIS. 337
Pclil n'a piihlié, à la snilodu pùnilcnliel de Tliéodoro, arclievriine xii sifcik.
de Canlorhéry, daprès un maniiscril de l'abltayc de Saint- i. i, p. r>5i —
Victor, que les chapitres 29, 30, 37, 34;j, 340, 393 cl 394. '^^^
Oudin, qui cite un grand nond)re de manuscrits de ce péni-
tenliel, comme existons dans les bibliothèques d'Angleterre,
regrette de n'avoir pu retrouver dans la bibliothèque de Saint-
Victor celui dont s'est servi .lactpies Petit. Au défaut de celui-là,
on en trouvera un scnd)lalile parmi K-s manuscrits latins de la
Bibliothèque royale, ïous le n" 2(iO().
3" Baléc et Pits attribuent à notre auteur dautres ou-
vrages ; un dialogue contre les Juifs ; des traités de Pnedes-
tinalione, de Libero Arbitrio, de Pœnitentiù, contra Falsilatis
Errorem, de Miindo et Corpotibiis caiestibits, des sermons, etc.
Nous ne sommes pas à portée de vérilicr si elTcclivement
ces ouvages sont de Barthélemi, et s'ils existent. Quant au
dialogue contre les Juifs, c'est peul-éirc celui qui a été im-
primé à la suite des rouvres de Saint-Anselme, et par extrait s. Anseimi op.
dans la grande bibliothèque des Pères. Mais alors ce serait f, , 7 vv ' '
. . l'air. I. AA, p.
Gilbert Crispin, abbe de ^V(•.slmin^l(!r, qui en serait le vrai i«8t.
auteur, comme cela a été prouvé dans notre histoire, t. X,
I). 198. B.
G E 0 V 1! 0 [.
PuiKtJlt 1) K 1.' A li It A ï E nu VlOEOL-j.
S A \ 1 iv
i^ E 0 F n o 1 naquit à Sainte-Marie de Clermonl, au-dessus Labbe, Bibl.
^d'Exideuil, aux confins du l'érigord et du Limosin, d'une ^|'|' ' "' •"■
des plus nobles familles du pays. Son père, appelé pareille-
ment Geofroi, était fils d Adémar do Bieuil et d'Euphémie,
sœur de Peys Bernard Ramnolfï, surnommé Lopix, d'Exi-
deuil. Sa mère, nommée Lucie, était fille <le Bernard Mar- «j. p. sm.
elles et nièce de Gui et Alduiu, .seigneurs d(^ Noailles,
Tome XIV. ' V v
338 GEOFROI, PRIEUR DE LAB. DU VIGEOIS.
XII SIECLE. seniorian de nobiliaco, losqiu'ls avaient eux-mêmes pour
/iic<. |i. 313 oncles Gui, Gc'iald cl GoufTior de Lastoiiis. Il avait un frère,
vraisemblablement son aîné, dont le nom était Aiineri,
honmie de guerre et chevalier, miles, i\\\\. mourut en 1173.
rtid. p. 307. L'an lir»0, Geofroi était encore aux éludes dans l'abbaye de
Saint-Martial de Limoges, oîi il avail été placé dès son en-
fance, ego (iaufredus e7'am tune parvulus in svholâ. L'an
/''i<i. p. 511 1151) ou 11 GO, il lit profession entre les mains de l'abbé
Pierre, el lui ordonné prêtre en 1108, par (iéraud, évêquc
de Caliors, dans réi;lise de Rc'névenl, à deux lieues de Li-
thid. p. 290. moges. Dix ans après, il fui nommé |)rieur de l'abbaye de
-Saint-Pierre du Vigeois, près de Brives, alors soumise à celle
de Sainl-Marlial. Cesi lui-même (pii nous apprend (ouïes
ces circonstances (le sa vie. On ignoie le temps de sa mort ;
ïnais il est certain (|u il cessa d'écrire en 118i. Ce fui en
effet celle année (piil mil la diMnière main à sa chronique,
lUd. p. 280. ^jngi q„j| Iq tôiiioignecii ces termes : « Comme je venais d'ache-
ver ce livre, il ariiva (pie Goufïier de Lasloiirs mourut au 'Vi-
geois, le 5 des ides d'avril, un lundi à six heures, neuf jours
après Pàque, dans la trente- troisième année de son âge et la
douzième depuis (lu'ileiil reçu la ceinture militaire.» Notes
chronologiques qui touli's désignent le 9 avril de 1 annexe 1184.
En elTel, nous allons \o\v (piil ne rapporte aucun événement qui
soit postérieur à cette année, el s il s'en trouve dans sa chro-
nique qui soient [ilus récciis, on a rcmaKpié avant nous que ce
sont des additions élrangères.
SES ECRllS.
1" Chronica Gaufredi ccenobit.T monasterii D. Martialis
Lemovicensis ac prioris Vosicnsis ca">iobii, à Roberlo rege ad
annum I l<S4.
(ieofroi lait hommage de sa cliioniqiic à la communauté
Ibiii. p. 2i)0. <!'' Saint-Martial et au clergé de Limoges. Dans cette préface,
il annonce (]ue, voulant recueillir les événcmens de l'his-
loirc, il a commencé au règne du roi Robert, époijue oîi se
termine la chronique dAdémar de Chabanois, et qu'il l'a
finie à l'année où l'empereur Frédéric Barberoussc subjugua
la Lombardie, c'est-à-dire en 1107. Cependant dans le corps
c.np. 22 p. de, louvrag(\ il déclare tpi'il écrivait le chapitre 22 en 1183:
iiS"- Ego siquideni Gaufredus isla divtari anno incarnalionis Do-
GEOFROI, PRIEUR DE LAB. OU VIGEOIS. 339
minier MCLXXXIII, Philippi qui fuit filius Ludovici anno -Xii siècle.
tertio.
Pour expliquer celle espèce de contradiclioa, il faut dire
qu'il composa sa chroniijue à difl'érenles reprises, el distin-
guer deux parties bien distinctes, dont la première se ter-
mine au chapitre 62, ou il est parlé de l'expédition de l'om-
pefeur Frédéric dans la Lombardie cl contre la ville de
Rome. On voit efTeclivemont à cet endroit comme un repos
et un vide qui a été rempli par des faits que l'auteur avait
oubliés, ou qui ont élé ajoulés depuis. 11 reprend sa chro-
nique au chapitre 63, et linit au cliapilre 74 avec l'année
1182. Cette partie n'est pas la moins intéressante de l'ou-
vrage. Vient ensuite un appendix, qui, dans limprimé, forme
la seconde partie. Elle roule entièrement sur les guerres que
suscitèrent dans le Limosin les enfans de Henri 11, roi d'An-
gleterre, pendant les années 1182 et 1183. Le père Labbe, /ii-/. p. 330
éditeur de celle chronique, a divisé cet appendice en vingt-
huit paragraphes, pour la commodité, dit il des lectew^s :
sans doute pour se conformer au corps de l'ouvrage, qui est
divisé par chapitres. Mais cette division nullement motivée,
par chapitres et par paragraphes, ne remédie pas à la con-
fusion qui règne dans tout louvragc ; il n'y a ni ordre ni
méthode dans l'arrangement des faits , el l'auleur n'est pas
plus jaloux de les mettre à leur place que de les dire en bons
termes .
Cependant son ouvrage n est pas moins précieux ; tel
(ju'il est, il jette beaucoup de lumières sur la province du
Limosin. S'il n'a pas mieux fait, el si ijuclcju'un l'accuse de
présomption, il espère ({u'on lexcusera par l'inlenlion qu'il
a eue d'honorer Dieu et de servir sa patrie. En elfet, il /6W. p. 280.
donne les généalogies des meilleures maisons de la province ;
il indique les fondations des églises avec les noms cl les
qualités de leurs fondateurs : il décrit les révolutions arrivées
dans le pays, les guerres dont il a élé le théâtre, les assem-
blées ecclésiastiques qu'on y a tenues, la succession des évèques,
des abbés, et sur-tout des vicomtes de Limoges ; les mœurs du
temps, les modes, el beaucoup d'autres parlicularilés qui peu-
vent élre d'une grande utilité pour Ihi-sloire. Il serait seulement
à désirer que l'auteur eût éié plus attentif à ûxer la date des
événemens.
Après ces indications générales, on nous dispensera sans
doute de faire l'analyse du contenu dans celle chronique, et
Vv2
3iO GEOFROI, PRIKUU DE LAB. DU VIGEOIS.
XII SIECLE, ,1g rclover (iiiclques erreurs que nous y avons remarquées.
~ En fait do clironi([ues, s'il fallait se livrer à ce travail, l'ana-
Iv^c sciait plus longue (|no le texte Nous nous contenterons
(jcn l'xliiiire ce (|iii se rencontre rarement dans les autres
clirc)in(|ues, les mœurs du temps et les usages les plus dignes
d être remarqués Voiei des anecdotes qui ont rap[)ort à la che-
valerie et aux troubadours, ces premiers nourrissons des muses
françaises.
ibid p aOG " Grégoire, surnommé Héchade , natif de I,aslours ,
lionmie de guerre, professione miles, d'un esprit pénétrant ,
(|iioi((ue peu lettré, composa sur la prise de Jérusalem et
sur les guerres des croisés un gros volume en langue pour
ainsi dire maternelle, et en rimes vulgaires pour être en-
tendu du peuple (1). il employa douze années à ce travail
pour lui donner l'exactitude et l'agrément dont il était sus-
ceptible, lit vera et faceta ve7-ba proferret. Mais dans la
crainte ([ue le langage vulgaire dont il se servait ne jetûl
de la défaveur sur sou écrit, il ne fallut pas moins qu'un
ordre exprès de l'évèque Eustorge et les conseils de Gau-
bert le Normand, pour le déterminer à l'entreprendre. »
Ce qui faisait alors sa crainte serait aujounl'hui le princi-
pal mérite de son écrit , s il était jjarvenu jusqu'à nous.
Mais il n'en reste que le soutenir que Gcofroi nous a con-
servé.
Veut-on savoir jusqu'oii la noblesse portail alors la magni-
ficence, ou pour mieux dire la prodigalité ? Voici des traits qui
nous le feront connaître.
ibid. |>. 321. « I.e roi d'Angleterre ayant marqué jour au château de
Beaucaire pour la réconciliation du duc de Narbonne (Rai-
mond V , comte de Toulouse) et d Alphonse, roi d'Aragon ,
plusimirs princes et seigneurs s'y rendirent ; mais les rois qui
devaient y venir jugèrent à propos, pour certaines raisons,
de s'absenter. Les petits tyrans, dit notre auteur, se signa-
lèrent au rendez-vous par quantité de folles dépenses Le
comtiî de Toulouse lit présent à liaimond d'Agout, chevalier
fort généreux , d une somme de cent mille sous. Celui-ci
au.ssilôt, divisant le tout en cent parties égales, les distribua
à cent autres chevaliers [i). Bertrand Raiuibaul fit labourer
(1) M. (leFoncemafrne a fait .sur ce texte (Ie.« observations qu'on peut lire dans
l'avoitissement à la t<">te du t. XI de cette histoire, p. xxxiv.
(•2) D. Vaisselle dit qu'il les distribua à dix mille chevaliers. Cela n'est
GEOFROI, PRIEUR DE LAB. DU VIGEOIS. 341
les cours du château par douze paires de bœufs, et y fit xii siècle.
semer jusqu'à trente mille sous. Guillaume Gros de Martel,
qui avait à sa suite trois cents chevaliers (car il y en avait
bien dix mille à cette fête) fit cuire toutes les viandes à la
flamme des bougies et des torches. La comtesse d'Urgel avait
envoyé à l'assemblée une couronne estimée quarante raille
sous, pour celui qui devait être élu roi des Histrions. C'était
Guillaume Mita sur lequel on avait jeté les yeux pour faire
ce personnage ; mais quelques raisons l'empêchèrent de se
trouver à cette cour. Autre folie: Ramnous de Venoul fit
brûler, par ostentation, trente chevaux en présence de tout le
monde.
« Puisque je suis, continue Geofroi, sur le compte des
nobles de Provence, je vais raconter quelque chose d'assez
plaisant d'un de nos vicomtes. Guillaume, gendre de Guil-
launae, comte de Toulouse (c'est Guillaume IX, comte de
Poitiers et duc d'Aquitaine), étant venu à Limoges, Adémar,
qui depuis se fil moine à Cluni, le reçut et le défraya, sui-
vant la coutume. Or il arriva que le maître-d'hôtel du comte
ayant demandé du poivre à Constantin de la Sana, celui-ci
le naena dans une chambre où il y en avait des monceaux
répandus par terre, comme des tas de glands destinés aux
pourceaux. Voilà, lui dit-il, du poivre; prenesen tant qu'il
vous plaira pour les sauces de votre maître -. et en disant
cela, il jetait le poivre à grandes pelletées. Cette profusion d'une
denrée alors assez rare ayant été connue à la cour, donna une
hau4e idée de l'opulence du vicomte. Le duc, piqué de
jalousie, voulut avoir sa revanche d'une autre manière. Le
vicomte Adémar étant venu à Poitiers, il y eut défenses de
lui vendre du bois. Alors les gens du vicomte s'avisèrent d'un
expédient; ils amassèrent une quantité prodigieuse de noix,
dont ils allumèrent un grand feu (1): ce que le comte ayant
appris, il ne put s'empêcher de louer le savoir faire des
Limosina, sur la grossièreté desquels il avait coutume de
s'égayer.
« Ebles de Ventadour (c'est toujours Geofroi qui parle)
pa« exact. Ily a dans l'original : Qui statim milUnas per centmas iitiitns sin-
giUit si^fuim mlltMM tribuit.
(1) Le roman de Rou raconte la même chose de Robert I, duc de Nor-
mandie, lequel passant par Constantinople, eut recours au même expédient, à
cause que l'empereur avait défendu qu'on lui fournît du bois.
; ;
342 GEOFROI, PRIEUR DE LAB. DU VIGEOIS.
XII SIECLE, fji dans ce genre quelque chose d'aussi remarquable. Il faisait
de jolis vers et composait des chansons fort agréables : Erat
valdè gratiosus in cantilenis (1). Ce talent lui avait concilié
un grande faveur auprès de Guillaume, fils de Gui (c'est
encore le même Guillaume IX, duc d'Aquitaine) ; mais ils se
jalousaient mutuellement, et cherchaient à se surpasser en
somptuosité. Un jour Ebles étant venu à Poitiers, se présenta
à la cour pendant que le comte dînait. On lui prépara un
bon repas, mais qui se fil allendre long-temps. Lorsque le
comte eut dîné, Ebles lui dit : Il me semble qu'un grand
seigneur comme vous ne devrait pas être dans le cas de corn-
jnander un nouveau dîner pour un petit vicojnte comme moi.
Quelques jours après, Ebles étant retourné chez lui, le comte
vint le surprendre à son tour. Comme il était à table, Guil-
laume tomba au château de Ventadour, accompagné de cent
chevaliers. Ebles s'apercevant flu'on cherchait à le mystifier,
se philosophari animadvertens, leur Ut donner promptement
à laver. En même temps, ses domestiques sciant mis à par-
courir les maisons du bourg, enlèvent toutes les viandes
qu'ils y trouvent et les apportent à la cuisine du château.
C'était heureusement un jour solemnel, oii chacun se réga-
lait de poules, d'oies, et d autres volailles ; ils en amassèrent
tant (ju'ils eurent de quoi faire un repas qu'on eût pris pour
le festin des noces d'un grand prince. Ce ne fut pas tout.
Vers le soir, arrive un paysan conduisant une charrette
traînée par des bœufs, sans que le vicomte l'eût mandé, et
se met à crier : Que les gens du comle de Poitiers apprennent
comment on dclivt^e la cire dans la cour de monseigneur de
Ventadour! En disant ces mois, il prend une coignée, coupe
les cercles d'une grosse tonne, et fait tomber à terre une
(juantilé prodigieuse de formes de cire, la plus belle et la
plus pure qu'on pût voir. Cela fait, le villageois, sans mettre
beaucoup d importance à ce qu'il venait de faire, reprend
son char, et retourne à la métairie de Malmont, d'oîi il était
venu. Celte magnificence étonna beaucoup le comle de Poi-
tiers, qui, depuis, faisait par-tout l'éloge du bon ordre qui
régnait dans la maison du vicomte. Ebles ne laissa pas sans
récompense laclion du villageois; il lui fit don de la métairie
de Malmont pour lui el pour sa postérité. Ses enfans ac-
quirent depuis l'honneur de la chevalerie, et sont aujourd'hui,
(1) On n'a plus aucune des poésies d'Ebles.
GEOFROI, PRIEUR DE L'AB. DU VIGEOIS. 343
dit Geofroi, les neveux d'Archambaud de Solignac et d'Audouin, xii siècle.
archidiacre de Limoges. »
Nous concluons (le cette dernière anecdote, 1° que la che-
valerie n'était pas le partage des seuls nobles, ou que, du
moins, la noblesse pouvait dès-lors s'acquérir; 2° que la cire
était en ce temps-là fort commune dans le Limosin. Le
beurre, en revanche, y était rare, ainsi que dans presque
toute la France (1). On en peut juger par ce que dit notre
auteur, qu'on faisait usage de la graisse les jours d'abstinence
comme les autres jours. Les moines mômes ne se l'interdisaient
pas. Albert, abbé de Saint-.Marlial, qui tint celle place l'année ;/.,-/ j.. r.()!).
1145 jusqu'en 1156, défendit néanmoins qu'on en usât dans
sa maison les vendredis, excepté à certains Jours de grande
solemnité. Il n'est pas parlé du samedi, parce que l'abstinence
n'était pas encore générale ce jour-là. Geofroi remarque '*"' p ^2ii.
cependant que, de son temps, clic gagnait beaucoup parmi le
peuple.
En terminant sa chronique, l'auteur fait une description
curieuse des mœurs et des modes de son temps. Tous les lud \> r^ax
états, selon lui, avaient beaucoup dégénéré. Les moines por-
taient de petites couronnes, des souliers étroits, des coules
fermées au lieu de frocs, des bottes au lieu de guêtres, des
chaperons de poil de chameau bordés de pelleteries, pour
tenir lieu de scapulaire. Ils ne se faisaient pas scrupule de
porter du linge et de manger de la viande. S'il vaquait parmi
eux une place, ils se livraient aux brigues, d'où naissaient les
schismes ; si bien que , dans une seule abbaye , on voyait
quatre abbés à-la-fois. — Les évéques faisaient des e.xactions
tyranniques dans les paroisses : ils parcouraient leurs dio-
cèses, non pour y rétablir l'ordre, mais dans la vue do faire
bonne chère et de senrichir. Ils donnaient les églises à des
hommes sans mœurs et sans science, et ne les donnaient pas
gratuitement. — Les chevaliers et les princes étaient aussi
ardens à détruire les églises que leurs ancêtres l'avaient été
à les bâtir. Quand leurs hommes étaient faits prisonniers,
(\) On peut conclure d'un pas.sage d'Ordenc N'ital (lib. VllI, p. 712),
que, même en Normandie, le beurre était fort rare alors. Nous usons, dit-
il, de graisse, parce que nous n'avons pas d'huile, comme en Italie et en
Palestine. Ce raisonnement suppose qu'on n'avait pas de beurre; car au-
trement, on aurait pu leur diro , pourquoi n'en usez-vous pas au lieu de
grais.se ?
■ 344 GEOFROl , PRIEUR DE L'AB. DU VIGEOIS,
XII SIECLE, s'ils leur étaient rendas d'une manière ou d'autre, ils leur im-
posaient de fortes rançons, comme auraient pu faire leurs enne-
mis — L'usure était si commune, que ceux qui l'exerçaient n'en
rougissaient plus. Le profit sordide qu'elle leur procurait, ils lui
donnaient l'honnête dénomination de cens, comme aurait été
celui d'un champ qu'ils auraient cultivé. Dans les mariages,
non-seulement les grands, mais encore les personnes d'un rang
peu élevé . n'avaient aucun égard aux degrés de parenté.
«C'est pour cela, ajoute Geofroi, que Dieu a envoyé dans l'Aqui-
taine de cruels ennemis, tels que nos pères n'en avaient point
vu depuis les Normands; premièrement des Basques, ensuite
des Teutons, des Flamands, et, pour parler le langage du
peuple, des Brabançons, Hannuyers, Asperes, Pailler, Na-
vars , Turlaus , Valcs , Romas , Cotarels , Catalans , Arago-
nés, dont les dents et les armes ont consumé presque toute
l'Aquitaine. »
Sur les modes, il dit : « Au temps passé, nos barons, qui
se piquaient de générosité, se revétissaient d'étoffes gros-
sières, jusques-là qu'Eustorgc , évoque de Limoges (il fut
évêque depuis l'année 1106 jusqu'en 1137), et le vicomte de
Comborn, portaient des peaux de bélier et de renard, dont les
petites gens d'aujourd'hui auraient honte de se couvrir. On a
depuis inventé des habits précieux et bigarrés, que plusieurs
découpent par languettes, réunies par des boutons impercep-
tibles, in spherulis et lingulis minutissimè frepantes ; ce qui
leur donne la forme de diables en peinture : et ils appellent
ces sortes de chlamydes ou chappes ainsi découpées des aiots.
Ensuite, ils ont fait à ces chappes de larges manches, comme
celles des frocs des moines Enfin, ils ont inventé nouvellement
une sorte d'habit fort ample, sembla'ble à celui du commun du
peuple, excepté qu'il n'a point de manches : c'est ce que les
Français appellent gamache.
« Les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe portaient autre-
fois sur la tète des Jiiîlres qu'on appelait bonnets ; puis est
viînuc la mode des chaperons ou coiffes de lin, à quoi ont
succédé d'autres chaperons de poil de chameau. Toute la jeu-
nesse laisse croître aujourd'hui ses cheveux : autrefois on les
coupait, et on portait de longues barbes; maintenant, jus-
qu'aux paysans et aux plus bas valets, garciones, tout le
monde se fait raser. Qno dirai-je de la chaussure? On voit à
l'extrémité des ImjIIcs et des souliers de longs becs recourbés
(ce sont les souliers à la poulaine, dont on a déjà parlé sur
GEOFROI, PRIEUR DE LAB. DU VIGEOIS. 345
Orderic Vital ) Tout le monde porte aujoiirdhui dos bottes o;i xii siècle.
bollines , ocreas, au lieu qu'auparavant il n'y avait que les T. xu, i». 199.
personnes de la première qualité qui eussent droit d'en porter.
Je pourrais encore parler des longues queues que portent
les femmes à leurs habits, qui, selon Merlin, leur donnent la
démarclie des serpens, et de la diversité des vêtemens des
gens de la campagne, si je ne craignais d'ennuyer les lecteurs
par un trop long détail de la bizarrerie des liabilicmens. CejK'n-
danl le luxe a fait doubler le prix, de nos étoll'es et de nos pellL--
teries. »
Nous pourrions encore citer plusieurs autres endroits re-
marquables de la même chronique ; mais ce que nous en
avons rapporté doit suffire pour en donner une idée avanta-
geuse. C'est dommage qu'elle n'ait pas été imprimée avec
toute la correction qu'elle mérite. Le P. Lablie, qui se porte
pour en avoir revu le texte sur cinq manuscrits ou copies ,
convient qu'en plusieurs endroits il n'a pu le rétablir dans sa
pureté originale Les continuateurs du Recued des historiens t. xu, p. <2i
de France l'ont réimprimée presque toute entière jusqu à — ''•'5'-
l'année 1182; ils ont rétabli quelques endroits à laide du
manuscrit 5452 de la bibliothèque royale, qui n'en contient
qu'un fragment : mais ils ont éclairci les endroits défectueux
par des notes, et fixé, ce que n'avait pas fait le P. Labbe, la
chronologie.
2° Geofroi avait fait, sur le fanieux roman de Roland et île
Charlemagne , faussement attribué à 1 arclievêque Tiirpin
un travail qui n'est pas parvenu jus(|u'à nous. Il faut l'en-
tendre lui-même dans la préface qu'd avait mise à la tète de
cet ouvrage, publiée par Oienhart ; elle est adressée, comme Notiiia Vas-
celle de sa chronique, aux religieux de Saint-Martial et au '^"°" ^ ^^"•
clergé de Limoges. « J'ai reçu dernièrement de l'Hcspérie ,
dit-il, avec une grande satisfaction, l'histoire des triomphes
éclatans de Charlemagne, et des hauts faits d'armes par les-
quels l'illustre comte Roland s'est distingué dans ces expé-
ditions. Je l'ai fait copier avec grand soin, attendu que nous
ne savions de ce qu'elle renferme que ce que les jongleurs en
racontaient dans leurs chansons. Mais comme le texte, par
la négligence des copistes, en était corrompu, et le carac-
tère presque effacé en plusieurs endroits, je me suis appliqué
à le corriger, non en retranchant les choses qui m'ont paru
superflues, mais en ajoutant des choses essentielles qu'on y
avait omises. Mais de peur que quelqu'un ne s'imagine que
Tome XIV. Xx
34j6 OnON DE S. -PÈRE, ET ODON DR S-GEN .
XII SIECLE. j(3 veux par-là déroger aux louanges si bien méritées du cé-
lèbre Turpin, je déclare que j'implore le suffrage de ce grand
prélat pour obtenir grâce au tribunal du souverain juge. »
Oienhart conclut de là que ce roman ne devait pas être
fort ancien alors, puisqu'on n'en avait point de connaissance
en France avant Geofroi du Vigeois. D. Rivet ( tome IV ,
page^, 207 ) prouve, au contraire, que le faux Turpin fut
composé en laliii dans le X'' siôclc : mais il est plus vraisem-
blable que Goofroi du Vigeois veut parler de la traduction
qui ^ful faite au XII'' siècle par Michel de liâmes , selon
II. de l'Acad. jyj Ducaugo ; par maître Jehans, selon le président Fauchel.
lios Inscr. l. VII, r\- \ , i i ■ l'f i- -■
297. Oienhart pense avec plus de raison que I Espagne, dou ce
roman lui était venu, élail, comme elle le fut de tant d'autres,
son pays nalal. Au reste, la perte de ce manuscrit n'est à
regretter qu'autant qu'il nous aurait fait connaître les amé-
liorations que Geofroi aurait faites à un écrit devenu fa-
meux.
Cap. 6i, p. 3„ Dans un endroit de sa chronique, Geofroi annonce qu'il
se proposait de recueillir dans un livre les miracles opérés de
son temps par l'intercession de saint Pardon, S. Pardulft, abbé
de Guéret dans le VIIT siècle, et dans lequel il devait traiter
delà vérité du corps et du sang de Jésus- Christ Nous ignorons
s'il a exécuté ce projet.
•'•'' "'*'• ^"e'- Il existe parmi les manuscrits du collège de Saint-Benoît ,
....I T n \K-7I\ ' ~
à Cambridge, un ouvrage (|ui a [lour titre : Gaiifredus, de cor-
pore Chrisli, sive de sacramento altaris. C'est pi^ut-étre 1 oii-
vrai'e de noire auteur. B.
316.
p»i't. ô, n. 1570.
0 1) 0 N,
A li m-, DE S A IN T- 1' K II !•;, riiv.s n' .\ i x i; iiii e,
ET ODON.
P It E si 1 E lî A li B É I) K !S ,\ I N T E- G E N E V 1 j") VE.
ilildcb. op. «la suite des lettres d"Hildebcrl,1 dom Bcaugendre en a im-
p. i9.>-in8. /«primé deux d'Odon, chanoine régulier, lesquelles se retrou-
ODON DE "S. -PÈRE, ET ODON DE S'-GEN 347
venl, avec cinq autres du même auteur, dans le Spicilége de _xii^|Et^_
dom Dachéry. mg' ' P"' "*
La première de ces sept épîtres expose les obligations des
chanoines réguliers. L'un d'eux est consolé dans la seconde,
et vivement exhorté à ne pas quitter son monastère. Le lieu
appelé ici Apponi Villa, n'est point Appoigny, près d'Auxerre,
(labbé Lcbeuf en convient) , mais Amponville , prieuré dé- ^,,.,„ ^.^ux.
pendant de labbaye de Saint-Victor de Paris, et situé au i. ii, p. issi.
diocèse de Sens. L'obéissance monastique est le sujet de la
troisième lettre. La quatrième traite des précautions à prendre
par les religieux hors de leurs couvons. Lagleur enseigne,
dans la cinquième, à bien user de la science ; dans la sixième,
à mépriser le siècle ou le monde ; et, dans la dernière , à
chérir les pratiques de la vie religieuse. La plus importante
de ces lettres est la sixième, parce qu'elle est adressée à un
ministre ou homme d'état disgracié. « Voilà , dit l'auteur,
voilà donc que le roi vous persécute comme son ennemi, vous
qui viviez [)rès de lui dans la familiarité la plus honorable Tout
ce que vous avez établi à Paris, par tant de travaux, la reine
ordonne de le détruire (I). »
Entre plusieurs personnages qui, au XII*" siècle, ont porté
le nom dOdon, il n'est pas très-aisé de distinguer celui qui
a composé ces sept épîtres ascétiques. Ce|iendant Oudin et De Scr. i'..ci.
les auteurs du nouveau Gallia Christiana ont assez bien '^^"7' ''' ''^^ '
prouvé quelles ne |)euveut être ni d'un (.)Jon, bénédictin, t. vu, p 7l!i.
auquel les attribuait Cave; ni d'un autre Odon, désigné par
Pagi, mais (jui fut évêque de Cambrai, et ne fut jamais cha- in ami. 1109,
noine régulier, qualité que prend expressément celui par qui "• ^'•
ces lettres sont écrites. Nos prédécesseurs se sont abstenus, ^^ ^^''^f^- J^'^^^'j-
par cette même raison, de les comprendre parmi les opus- p. 010.
cules d'Odon , abbé de Morimoud , opuscules dont ils ont
donné une liste fort complète, ou de laquelle du moins ils
n'ont écarté qu'un traité sur les mystères des nombres , cité
par labbé Lebeuf. Ain.si, pour indi(]uer I auteur des sept ['T'!" yi "'
lettres ascétiques, on ne peut plus guère hésiter qu'entre
(1) Ecce elemm rex de cujus dilectione flurimùm conjidebas et juxlà quem
J'amiliarilatis causa et honoris gradti residere sotebas, le velul hostem persequitur .
et quidquid Parisivs tam magno labore construTeras, pracepto reginm totum,
destruitur.
Xx2
;r(8 ODON DE s -PÈRE, ET ODON DE Se-GEN.
XII siECLK. ojon, abbé de Sainle-Geneviève, et Odon, abbé de Saint-
Pierre ou Saint-Père, près d'Auxerre. Nous allons d'abord
(lonnor une notice fort succincte de la vie de ces deux per-
sonn;iges.
Otlon, chanoine régulier de l'ordre de saint Augustin dans
l'iibbaye de Sainl-Viclor à Paris, s'y distingua tellement par
sa science et sa |)iélé, qu'en 1140, après la mort du célèbre
Hugues de Sainl-Viclor, il lui succéda dans la fonction de
piieur, sous l'abbé Gilduin M a rempli ce poste jusqu'en 1148,
c'est-à-dire jusqu'à l'époque où, appelé par Suger à réformer
le monastère de Sainte-Geneviève , il en devint le premier
abbé régulier. En celte qualité, et comme administrateur des
biens de cette communauté , il fit des transactions , des
concessions, des échanges, dont les auteurs du nouveau
.|. y,| ^ Giillia christiana rendent compte, mais qui n'appartiennent
712-71E). aiHuiiiement à I liisloire de la litlératiire. Le dernier de ces
acies est (le 1lo2, et l'on en conclut qu'Odon ab(ii(iiia, peu
(le leiups après, la Ibiicliou d'abbé pour se retirer à Sainl-
Viclor; mais ou ne le, voit rem|)lacé, par Aubert ou Albert,
à Sainte-(j(>nevièvc, (|u'en 1IG3, ou lldl au plus tôt. Odon
n'en fut pas moins, en 11()"), l'un des p.:rrains de Philippe-
iiisi. 1,'iiiv Auguste !l mourut à Sainl-'Viclor dès IKiii, selon du Boulay ;
Par. sec. IV, p. i.,, 1 1 CG , seloo Oiidiu ; en 1107, selon l'ancienne Gaule
"^'•'^ , ^ clin'iii'nncî; en 117-'}, selon la nouvelle!. Nous ne trouvons
De Scr. Efil. . , , . ^
i. II. p. \%n. 'l'U dans les manuscrits de Sainle-Genevicve qui puisse nous
T. iv, p. i70, (Jcicrminer entre ces dates. Le nécroloee dit seulement
171 . ^ r
(prodon termina sa carrière le troisième jour avant les ca-
Vics (1rs lcn(I(^s de mai. Le père Dumolinet, qui a écrit sa vie, et qui
iiomm. iii. (iian. |',i remplit; de longs détails sur les désordres monastiques que
"^^ /rc> '" /'-u" repiiina ce premier abbé de Sainte-Geneviève, et sur les
p. 4liz — -i/o; ' 1
inss lit- la BiM. oli.-^tacles (pii le découragèrent, ainsi que l'atteste saint Ber-
<!.• S' (.oiio.v. iund. le père Duiiioliiiet ne nous apprend ni quels écrits
O Lin compijsa, ni combien d'années il vécut après sa retraite
à S tint Victor. .Mercier, abbé de Saint-Léger, qui a joint un
G.iisM,. -x la fil— ,,iand numiiri! de noti^s manuscrites à un exem|)laire de
itii)i. lie S-Ucii. |i\ lUbliotliecn mcdix et infimœ lalinilalis de Fal)riciiis , n'a
rie.i ;ijouté à l'arlieh; lrès-suc(;incl (|ui concerne cet Odon. En
un mol, nous ignorons ce (jui autorise les auteurs du nou-
\e;iu Gallia chrisliana à fixer sa mort à l'année 1173. Ils
.\iiii.i. de Pa t':ii»>crivent d'ailleurs son épilaplie, qui était déjà dans Oudin
ri«. p 478. oi (liiiis Malingre. Nous n'en reproduirons ici (jue les deux
ODON DE S. -PÈRE, ET ODON DE S^-GEN. 349
derniers vers , qui égalent ou même surpassent un peu en mau- xii siècle.
vais goût les huit vers qui les précèdent :
Ne pereas , per eum ie , Parisius , Paradiso ,
Orbe parode , para . non parUiira parem.
Voilà ce qui concerne Odon , abbé de Sainte-Geneviève :
à l'égard de celui qui fut abbé de Sainl-Père ou Saint-Pierre ,
près d'Auxerre, il faut d'abord observer qu'il avait, ainsi que U'htyx\, iiisi.
le précédent , commencé par être chanoine régulier de Saint- dAux.ire. t. i,
Victor de Paris. 11 fut tiré de celle abbaye , ou d'une de ses dé- }',' '"''^g,/ ' [[
pendances, pour devenir , vers 1 1G7, premier abbé de la com- Pjpiiion, Bibi.
munauté de Saint-Père , qui jusqu'alors n'avait été gouvernée '''■ '''""^' '• "-
que |)ar des doyens. Odon obtint en 1174 une bulle d'Alexan- ''
dre III en faveur des chanoines de Sainl-Père ; mais dès 1 178
il avait abdiqué la dignité dabbé On lui trouve, dès celte
époque , un successeur. Uedevenu simple chanoine régulier, il
continua de jouir d une grande considération : il esl nommé
comme témoin , et (juaiitié magisler Odo canonicus sancti
Pétri, en des chartes de Gudlauniede Toucy, évèque d'Auxerre,
datées de 1180 et 1181. On sait ainsi qu'il vécut au moins
jusques-là , et l'on ignore en laquelle des années suivantes il
termina sa carrière
H a sans doute été bien facile de confondre quelquefois ces
deux Odon , contemporains , enlre lesquels les traits de ressem-
blance sont si nombreux. Tous deux chanoines réguliers, sortent
de l'abbaye de Saint- Victor de Pans, pour devenir les premiers
abbés de deux communautés nouvellement transformées en
abbayes. Ils abdiquent l'un comme l'autre la dignité abbatiale ,
et conservent également , après leur retraite , du crédit, de
l'ascendant , des honneurs. Mais enfin , l'un fui abbé de Sainte-
Geneviève , à Paris; l'autre de Saint-Pierre , près d'Auxerre;
et ce dernier survécut dix ans , et peut-être plus, au pre-
mier.
Pour distinguer auquel des deux appartiennent les huit
lettres ascétiques que nous avons d'abord indiquées , il
n'existe, ni hors de ces épîlres , ni dans leur texte même ,
point d'autre indice que celui que présente la seconde de ces
lettres , adressée à un ministre disgracié , et qui voit tous ses
travaux anéantis par les ordres de la reine. Il nous paraît ,
comme à l'abbé Lebeuf , que ce ministre ne saurait être que
Gilles Cléraenl , qui , après avoir joui quelque temps de la
confiance de Philippe-Auguste , déplut à la rdae-mère Alix ,
Ouil
m. l. 11.
12S4. ■
— Mont-
faucon
Bil>l.
Bil.I. <
•• 2, p.
iin.-i ,
2l5:i.
15!i3.
Bilil
. Uilllinl.
t. 1, p.
(i7.
350 ODON DE S. -PÈRE, ET ODON DE S'-GEN.
XII SIECLE, gf f^j éloigné de la cour en 1182, ou seulement en 1184,
selon la chronique de saint Marien d'Auxerre. L'épîlre 0 ne
serait donc pas d'Odon de Sainte-Geneviève , dont personne n'a
prolongé la carrière au-delà de 1 173. Oudin, et les auteurs du
nouveau Gallia Christiana, qui lui allribuenl cette lettre et
les six autres, n'appuient cette opinion d'aucune preuve solide,
et ne préviennent point du tout l'objection qui résulte du texte
applicable à la disgrâce de Gilles Clément. Odon de Sainl-
Père signait encore des chartes en 1181, et l'on est en droit
de supposer (|u'il vécut jusqu'en 1184, ou même au-delà.
C'est donc lui qu'il convient de prendre pour lauleur de ces
lettres, puisqu'elles sont duu Odon, chanoine régulier au dou-
zième siècle.
Des manuscrits de l'abbaye de Saint-Germain et de l'ab-
baye du Bec renfermaient , avec ces sept épîtres, huit sermons
du même auteur, un sur la parole de Dieu , un sur 1 Epiphanie ,
deux sur la Pa.-sion , trois sur l'Ascension ; ils n'ont jamais été
imprimés , non [)liis qu'une lettre de consolation au pape
Alexandre III , citée par dom Monifaucon.
Il existe à la bibliothèque de Sainte-Geneviève un petit manu-
scrit in 8° sur vélin , dont l'écriture paraît être du XlV° siècle ,
et qui est inlitulé : Oddo abbas , sentcntiœ ex sanctis palribus
excerptœ. On lit à la fin de l'ouvrage : Explicit à sanclas mémo-
riœ domno Odone excerptus.
Diujni'ile cœlexfi pnidens huac Oddo liljtVum ,
Fioridu conipiixi'il dodorum iiViiUt piTa^rans.
Ce sont trois livres d'extraits de pères de lEglise sur des ma-
tières dogmatiques et morales Peut-èlre ce manuscrit ne diffère-
t-il point de ceux (jui sont in(ii(piés ailleurs, sous les titres do
Magistri Oddonis sententiœ, ou Summa, ou Philosophia moralis.
Cette somme, celte compilation dexlrails ou de sentences est-
clle d'Odon, abbé de Sainte-Geneviève , ou dOdon de Saint-
Père ? Les catalogues des manu.scrits de Sainte-Geneviève
attribuent au [)remier les trois livres d'extraits : mais ces cata-
Idgucs ne sont punit ancuiis ; il n'y a rien dans louvrage qui
puis.se désigner l'un des Odou plutôt que I autre. Le P. Dumo-
linet, en écrivant la vie d'Odon de Sainte-Geneviève, ne dit
point que cet abbé ait lais.sé aucune proiUiclion littéraire; et c'est
cnûn Odon de Saint-Père que les bililiogiaplies indi(iiienl le
plus souvent comme auteur d'une summe ou d'un livre des
sentences. D. ^
351
XII SIEiXE.
B
BAlIDnillN IV,
Dit I. e m i': s v. l ou i. f. L k preux,
Il 0 I DE Jérusalem.
aidoiinIV, fils d'Amaiiri I" cl d'Agnès de Courlenai,
fille de Joscclin, comte d Kdcsse, naijuit en 1160. Ainauri 1"
ne régnail pas encore; cétail Baudouin 111, son frère aîné,
qui régnail. Celui-ci fui le parrain de son neveu ; el comme
on lui demandait ce qu'il voulait donner à l'enfant tenu sur r.mi. .le Tyr.
les fonts baptismaux, il répondit, en rianl; Le royaume de '8,5.29.
Jérusalem. Celle plaisanl(Mie se réalisa treize ans après. Bau-
douin III étant mort sans postérité à l'âge de trente-un ans, r.uii. .le Tvr,
Amauri lui succéda, el Auianri lui-même étant mort à trente- '^' ^ '■ '^''
huit ans, en 1173 le trône pas.^^a à Baudouin IV, qui n'élail
encore Agé que de treize ans Ce jeune prince avait eu pour
maître Guillaume de Tyr, (pii en a Iracé le portrait au com-
mencement du vingt-unième livre de son lii>toire ; il y loue
son amour pour l'étude et son goût pour les lettres. Baudouin
n'avait encore que neuf ans quand Guillaume de Tyr fut
chargé de l'instruire. Il fut sacré à Jérusalem, dans léglise
du Saint-Sépulcre, par le patriarche Amauri, le 15 juillet
1173.
Son âge ne lui permettait pas de gouverner. La régence (j^j, ,|^ -y^,.^
fut d'abord confiée à Milon de Plancy, sénéchal du royaume; 21, \. n, i et :i.
mais celui-ci étant mort peu après, on la donna au comte
de Tripoli, le plus proche parent du roi, et descendant des
comtes de Toulouse. Baudouin gouverna bientôt par lui-
même ; mais les infirmités qui le vinrent assaillir, et qui
menaçaient sa vie, l'engagèrent à donner de nouveau un ré-
gent à l'état. Il avait jeté les yeux sur Gui de Lusignan, qu'il iW\\. «le Tyr,
maria, dans cette idée, à Sibylle, sa sœur: mais, jugé inca- ^2' ^ ' ^" '^''•
pable d'une si haute fonction, Gui de Lusignan la perdit j^ ii^^i, ' ,4'
presque aussitôt, à la demande dos principaux de la cour et <=■ '• 5. iHet-20.
de l'armée. C'était en 1183. Baudouin mourut au mois de ç g;;' 27 « 29'
mars 1185, âgé à peine de vingt-cinq ans, laissant le trône Oubois, li.
35-2 BAUDOUIN IV, ROI DE JÉRUSALEM.
XII SIECLE. ^ ujj neveu qui n'en avait que neuf, selon les uns, que cinq même,
c. 1, j. 20.- suivant les autres, et qui mourut l'année suivante.
Flan" an "ils/ L'abbé d'Ursperg, dans sa chronique, appelle Baudouin
An. 1187. vir strenuus, et sapiens, et justus. Regnum strenuè rexit,
fiesia Dei per avait déjà dit Marin Sanuto dans le vingt-quatrième chapitre
^MDc. . . p- jg ja sixième partie du troisième livre de son Liber secretorum
fidelium crucis super terrœ sanctae recuperatione et conser-
vatione.
Hist. Angi. Raoul de Diceto a inséré une lettre de ce prince dans ses
^cnpt. t. , p. Imagines historiarum. Baudouin écrit au patriarche de Jéru-
salem, et aux grands maîtres des Templiers et des Hospi-
taliers, pour leur rendre compte de quelques événemens
passés dans la Terre-Sainte. Le patriarche et les deux grands-
maîtres étaient allés en Europe solliciter les secours des rois
pour les chrétiens d'Orient. En débarquant à Brindes, ils
avaient écrit au roi pour l'instruire de leur heureux voyage.
Le roi les en félicite, et leur apprend les nouveaux succès
obtenus, depuis leur départ de Jérusalem, par Saladin. C'est
une suite de faits particnliers d'une guerre active et perpé-
tuelle, de dévastations, de pillages, de sièges, de combats,
où la victoire se déclare toujours en faveur des ennemis des
chrétiens.
Voir ce ser- Daus le Serment que les nouveaux rois de Jérusalem prô-
nient dans les . , ■ i ■ i c ■ ■
As9 de Jc'rusai. laisnt entre les mains du patriarche, qui leur laisait promettre,
c 287. avant tout, de lui conserver toutes ses possessions et tousses
privilèges, on trouve aussi la promesse d'accorder quelque appui
aux veuves, aux orphelins, et de garder ou conserver à tous les
anciennes assises et coutumes du royaume de Jérusalem, parmi
lesquelles on nomme expressément les assises du roi Amauri et
du roi Baudouin, son tils. C est Baudouin IV, et Amauri I""", son
père. P.
353
XII SIECLE
HACKET,
Abbk dk.s Dunes.
HACKET, né en Flandres, vint étudiera Paris, oîi il acquit
bientôt la réputation d'un théologien savant et d'un habile
prédicateur. Attiré à Senlis par l'évéque de celte ville, il y
prêcha aussi avec beaucoup de succès. Il quitta néanmoins
Senlis pour retourner en Flandres, où il fut fait doyen de
l'église de Saint-Donatien, à Bruges. Il souscrivit, en cette
qualité, des chartes qui portent les dates de 1164, 11 Go,
1166, 1171, et qui sont citées dans le nouveau Gallia chris- t. v, p. 25(i,
tiana Peu après 1171, et peut-être dès celte année même, 26i, asfi.
Hacket prit l'habit monastique dans l'abbaye des Dunes : son
humilité profonde et son goût pour la solitude l'entraînaient
à cette profession : mais les honneurs qu'il fuyait l'atten-
daient au sein du cloître. Son abbé, Valher, le força, en 1174
ou 1175, d'aller gouverner l'abbaye de Thosan ou Doest, AEgid. de
près de Bruges, et lui résigna, en 1179, l'abbaye même des ^"y chron. a.i
Dunes. Hacket a souscrit, cjmme abbé de ce dernier monas- mej^r, ad aniT
tère, des chartes qui portent les dates de 1180 et 1183. Il l'/S.
ne mourut donc pas en 1181, quoiqu'on le lise ainsi dans le
nouveau Gallia Christiana, mais en 1185, comme il est dit t. v, p ^ai;.
en deux autres articles qui le concernent dans ce même ou- '*• 261, 286.
vrage , ou bien en 1184, comme le rapporte Manrique , Ad ami. 1175,
d'après Gilles de Roya. Le nécrologe de Thosan place la mort v. s. U79. vu,
du bienheureux Hacke* au 1" novembre, et le ménologe de . . »•
Henriquez au 4 du même mois. Gilles de Roya dit que l'on ,
- . 1 . 1 . • I Tr- L * """• Fascic.
conservait les sermons de ce pieux abbe ; mais de Viscn, au ss. ord. cisi.
XVII' siècle, ne les retrouvait plus parmi les manuscrits de "'»• '- Ji»»- s,
l'abbave des Dunes : seulement il v existait beaucoup d'an- "'*„.,','' ..?**
ciens sermons sans noms d auteurs, entre lesquels ceux de p ^^y^ 14(1
Hacket pouvaient être confondus, sans que rien aidât à les
distinguer. - D.
Tome XIV Yy
i.islerc.
3oi
XII SIECLE.
ALAIN,
ÉVÊQUE d'AdXERRE
F=
HISTOIRE DE SA VIE
lAiT-iL admettre deux Alain, surnomniés de Lille, qui
'auraient vécu l'un et l'autre dans le XII" siècle? ou bien
faut-il n'en admettre qu'un seul, auquel on puisse attribuer
tous les écrits qui portent ce nom ? Celte question a déjà été
agitée plusieurs fois parmi les savans : les uns en font deux
personnages distincts ; d'autres n'en font (pi'un , auquel ils
attribuent tous les ouvrages que les premiers partagent,
d'après les bonnes règles de la critique, entre Alain , qui fut
évoque d'Auxerre, et maître Alain, surnommé le docteur uni-
versel, heaacoap [i\as cé\èhrc quo Vawlre, comme lui religieux
cistercien, mais un peu plus jeune. Telle est la question que
nous (levons examiner, avant (pic d'entreprendre la notice des
écrits de l'év^-que d'Auxerre.
Casimir Oudin avait adopté, dans un premier écrit, l'opi-
Dc Script, nion de ceux qui distinguent ces deux écrivains l'un de
Eecics. t. i\. col laiiipp pi pn font .(Jeux personnages différens : mais dans
158^ - 1^'8. i ^
son grand ouvrage sur les auteurs ecclésiasliques, il a fait
une longue dissertation [)onr établir l'opinion contraire. Il
est peu d'articles que ce bibhographe ail Irailés plus mélho-
diqucmenl que celui de maître Alain : il délniil forl bien
les fables qu'on a débitées sur son compte ; mais, quant à la
question principale , lous ses raisonnemens ont pour objet
de prouver que maître Alain, appelé le docteur universel,
n'est autre que l'évt'que d'Auxerre, ou du moins qu'il n'est
point impossible que ce dernier ail v(''cu jusqu'à l'année 1203,
qui est l'époque de la mort du docteur Alain. Oudin a si
bien persuadé le docle Fabricius, qu il l'a entraîné dans son
opinion.
Dissert, jiir |;abijé Lebeuf a combattu I opinion d'Oudin dans un
I liist. lie Fai i«, '
ALAIN, ÉVÊQUE D'AUXERRE. 355
supplément à la dissertation sur l'état des sciences en France, xii siècle.
depuis la mort du roi Robert jusqu'à celle de Philippe-le-Bel. irii~^;iTir2~|r
Il est d'accord avec Oudin, pour rejeter l'opinion de ceux 293—313.
qui font vivre le docteur universel jusqu'à l'année 1294, et
même jusqu'à I 300 ; mais il nie que ces deux écrivains soient
un seul et m<*^me personnage : tel est l'objet de sa disserta-
tion. Nous ne répéterons ni les argumens ni les conjectures
que ce savant accumule contre son adversaire ; nous y re-
viendrons à l'article du Docteur universel : mais nous adop-
terons en partie ses conclusions. Nous distinguerons comme
lui deux. Alain ; nous prouverons que l'évêque d'Auxerre
étant mort réellement peu après l'an 11 82, et enterré à Clair-
vaux, ne peut pas être le docteur Alain, mort en 1203, qui
avait sa sépulture à Cîteaux. C'est ce qui résultera de l'exa-
men que nous allons faire des circonstances de la viede l'évoque
d'Auxerre.
Alain naquit en Flandres au commencement du douzième
siècle. La preuve en est certaine par le témoignage de l'ano-
nyme contemporain qui a écrit sa vie parmi les actes des
évêques d'Auxerre; il l'appelle Alanus Flandrensis : ce qui Lahbc, Bii.i.
est décisif. Mais il n'est pas aussi bien prouvé qu'il soit né à mss. i. il, p. iOK.
Lille. Le livre des sépultures des moines de Clairvaux, ou
plutôt l'inscription qui, au rapport de Camusat, était sus- famusai
pendue sur le tombeau d'Alain, dit bien qu'il avait été élevé l'iomi». foi. 522'
à Lille en Flandres, mais ne dit pas qu'il y eût pris naissance.
In quâdam ecclesià oppidi famosi in Flandriâ, quœ Insida
nuncupatur , à puero educatus. D. Mabillon, pour donner «lai). noi. in
un sens à la lettre 280 de saint Bernard, qui, pour faire un ^p. 280 s. Ucrn.
jeu de mots (1), paraît le désigner par le mot de Regniacensis,
pense qu'Alain pourrait bien être né à Renenghe, près de la
ville d'Ypres, parce qu'il ne fut jamais abbé de Regni, dans
le diocèse d'Auxerre.
S'il était prouvé, comme le prétend l'abbé Lebeuf, que
l'évoque Alain fût l'auteur du commentaire sur les prophé-
ties de Merlin, qui porte le nom d'Alain de Lille, il ne res-
terait aucun doute sur le lieu de sa naissance ; car l'auteur dit
positivement qu'il élait né à Lille, et qu'il élait encore enfant,
puerulus, lorsque Thierri d'Alsace prit possession du comté
de Flandres : ce qui arriva l'an 1128 Vidi eleqo in Flandriâ, ., ,.
ç, ' a f Alain Loni-
cùm puerulus adhuc essem , apud Insulam undè natus fui, mcm. hb. v, foi.
198, éd. An-
tucrp,
(l) Regniacensis regnare nuUatetiùs permittaiur.
Yy 2
356 ALAIN, ÉVÉQUR D'AUXERRE.
xri SIECLE, feeminam quamdam maleficam, etc. Tempus illud fuit quo
cornes Theodoricus ah Insulanis hominibus, Gandensibus quoque
atque Bjnigensibus, advocatus erat è terra sua in Flandriam,
tamquam legitimus FlandricV liserés.
Ce lexle, loin de nous persuader qu'Alain, qui fut dans la
suite évèque d'Auxerre, soit l'auteur du Commentaire, semble
prouver tout le contraire, si Ion fait attention que, douze
ans après, l'an 1140, Alain était déjà abbé de Larivour, Art
patorii, à deux lieues de Troyes en Champagne ( ce qui sup-
pose un âge assez avancé ), et que l'auteur du Commentaire
n'était qu'un petit enfant l'an 1128. D'ailleurs, ce Commen-
taire est certainement l'ouvrage d'un homme d'une vaste lit-
térature ; il est plein do citations des historiens d'Angleterre
et de Normandie, de connaissances physiques et naturelles,
et même des anciens poètes latins, qui lui étaient familiers.
Tant d'érudition n'a rien d'étonnant, si on l'attribue au Doc-
teur universel ; mais il est difficile d'en faire honneur à un
homme qui serait entré fort jeune à Clairvaux, oîi l'on s'oc-
cupait d'études d'un autre genre, et sur-tout à l'évêque
d'Auxerre, que l'auteur de sa vie nous représente non comme
un grand littérateur, mais comme un saint religieux qui
soupirait après les exercices du cloître, et s'ennuyait beaucoup
dans le monde.
Nous avons insisté sur le lieu de sa naissance, parce que
de ce point de critique dépend en parlie la distinction des
deux Alain. Celui qui fait le sujet de cet article, après avoir
gouverné pendant douze ans le monastère de Larivour, fut
élu, l'an 1152, évêque d'Auxerre, par le crédit de saint Ber-
F.1SC. ss. .ml. nard Le livre des sépultures des moines de Clairvaux dit que
^'«3"^'' cette élection se ^{unanimement, mais on voit parles lettres
H.in. rp 275. Je saint Bernard qu'elle ne fut rien moins que paisible. Deux
fois l'intrigue s'était agitée, deux fois on était allé aux voix
pour donner au comte de Nevers et d'Auxerre une personne
qui lui fût agréable ; ce ne fut qu'après un an de vacance que
le pape chargea trois commissaires de procéder à l'élection,
et du nombre de ces couimissaires était saint Bernard. Deux
furent pour Alain , mais ce ne fut pas sans éprouver de grandes
contradictions de la part du comte de Nevers et du roi Louis-
Bern. ep. 280 le-Jeune quc saint Bernard parvint à le faire reconnaître. 11
se plaint au pape Eugène des mortihcalions qu'il &utà essuyer
dans cette affaire, jusqu'à être accusé d'avoir menti ; et puis-
qu il manquait à l'élu une voix, il prie le pape de lui donner
ALAIN, ÉVÉQUE DAUXERRE. 357
la sienne. Tvibus commissum erat ; uno conlemnente, duobus xii siècle.
consentientibus, quid restât nisi ut vox vestra suppléât quod
minus est ?
Le pape confirma l'élection : mais il fallait encore le con-
sentement de Louis-le-Jeune, qu'on avait indisposé contre Alain ;
il se plaignait qu'on eût procédé à une nouvelle élection sans
une permission expresse de sa part. Saint Bernard, qui avait pem «p. 282.
fort à coeur la réussite de cette affaire, lui représente que,
dans cette élection, tout s'était passé dans les règles ; qu'on
avait regardé bonnement la permission une fois donnée comme
suffisante ; qu'il n'avait rien à craindre de la part de l'élu, qui
serait affectionné à son service, et de la fidélité duquel il répon-
dait. Il finit en disant que, si le roi persistait dans son refus, ce
serait pour lui le coup le [)lus sensible qu'il eût éprouvé de sa
vie. Ce prince sans doute n'insista pas davantage et approuva
ce qui avait été fait.
Alain gouverna sagement l'église d'Auxerre pendant treize
ans ; il fut chargé, soit par le roi, soit par le pape, de com-
missions importantes, comme on peut le voir dans le Gallia
Christiana et dans les Mémoires de l'abbé Lebeuf, pour l'his-
toire d'Auxerre. Notre objet n'est pas de recueillir en détail
toutes les actions de sa vie ; nous dirons seulement que, s'étant
démis de son évêché l'an 1167, selon la chronique de saint Bouquet
Marien d'Auxerre, il se relira à son ancienne abbaye de Lari- '• x'". p- 296.
vour, d'autres disent à Clairvaux, ou il finit ses jours vers l'an
1182. Nous avons promis d'établir sur de bonnes preuves la
véritable époque de sa mort, comme essentielle pour distinguer
l'évêque d'Auxerre de maître Alain, le docteur universel, sur
la mort duquel, arrivée en 1203, il n'y a point de contestation.
Or, voici nos preuves.
Si Alain était mort sur le siège d'Auxerre, les chroniqueurs
n'auraient pas manqué de marquer l'année de son décès ;
mais, étant mort simple particulier dans un cloître, nous ne
trouvons que dans la chronique de Clairvaux l'époque de
son décès, et encore d'une manière indécise, sous l'année
4178, en ces termes : Anno 1178, mortuus est apud Cla- itid. ,,. 312.
ramvaUem venerabilis Gaufridus episcoptis Soranus in Sardi-
niâ, in dedicatione Clarœvallis, et juxtà Godefridum epis-
copum (Lingonensem) est sepultus : cum quibus paulo post
adjunctus est episcopus Alanus Autisiodorensis . Ce texte,
comme l'on voit, n'est pas bien précis pour déterminer l'année
de la mort d'Alain ; mais il prouve au moins qu'il n'est guère
358 ALAIN, ÉVÉQUE D'AUXERRE.
XII SIECLE, possible de la différer jusqu'à l'année 1203. L'abbé Lebeuf,
Disscri. sur qui la place en 1182, ajoute : «Je dis qu'il est sûr que cet
riiist. de Paris, évèquc d'Auxcrre était mort dès 1182, parce que ce fut dans
p 297 '""^' ' '^^ premières années de répisco|)al de Hugues de Noyers,
fait évoque d'Auxerre en 1 181 , que sa vie fut écrite, avec celle
de Guillaume de Touci, son successeur, |)ar un clianoine
d'Auxerre, ainsi qu'on en juge par le manuscrit original de ce
temps-là, conserve dans les archives du chapitre. Cette cir-
constance de la mort de l'évèque Alain, (jui se tire d un manu-
scrit authentique , détruit la pensée que Casimir Oudin a eue
de faire vivre cet évê(jue jusipi'à I an 1203, c'est-à-dire trente-
six ans depuis son abdication , sur le fondement que c'est
jusqu'oïl la vie de maître Alain a été conduite par quelques
écrivains, entre autres par Albéric, auteur du milieu du X\IV
siècle. Il eût été plus naturel, dit-il, de distinguer ces deux
écrivains ; de convenir que, coamie le docteur Alain était né
plus lard, aussi avail-il survécu de beaucoup à l'évèque
d Auxerre; et de ne |)asse laisser tromper par certaines ressem-
blances de dénominations. »
c.miisat, Nicolas Camusal rapporte le testament d'Alain, qui fut
l'romp. K.i .'ji. j.gçy jpjjj, Yixhhé de Larivour et certifié par lui véritable l'an
1182; mais il a tort de conclure, comme 1 abbé Lebeuf,
(ju'Alain soit mort cette mémo année. Les autours du Gallia
caii ciinsi. christiana citent de lui une charte de 1183, et ils ont trouvé
I. xn, col. ■£)'.;. sa signature dans une autre de 118o; d oîi Ion peut conclure
que la date précise de sa mort est incertaine . mais ce n'est pas
une raison de le faire vivre jusquà l'an 1203, et d(î le confondre
avec le Docteur universel.
uikIim, ,iwi. Oudin sin.^i:ril en faux contre ce testament, parce qu'il
'^^"'- '''^"*' dérange son système. Un moine, dit-il, n'ayant rien à léguer,
ne peut pas faire de testament. Mais saint Bernard, mais
labbé Suger, et tant d'autres, ont fait des testamens que per-
sonne ne révoque on doute. Hugues de Màcon, prédécesseur
immédiat d'Alain sur le siège d.Vuxerre, moine cistercien
li.in. ri. -j:»; t:ommo lui, avait fait un leslanienl dont parh? saint Bernard.
Pounjuoi Alain, (pu lui avait succédé, n'aurait-il pas pu en
faire un aussi? Daillours qui; légue-l-il? une lerme, grangiam,
qu'il avait achetée de ses deniers, pour fonder un service
anniversaire après .sa mort, des calices, des livres, et pas autre
chose.
Ce qui prouve encore (jue maître Alain et lévèijuc d'Auxerre
ne sont pas une même personne, cest que celui-ci a toujours
ALAIN, ÉVÉQUE D AUXERRE. 359
pris la qualité d'évêque, iiu'ruc depuis qu'il avait renoncé à xii siècle.
l'épiscopat ; tandis que l'autre n'a jamais pris celle qualité
dans plusieurs épîtres dédicatoires de ses ouvrages oii il se
nomme : enfin, ce qui décide la question sans ré[)lique, c'est
(}ue I un fut enterré à Clairvaux et l'autre à Cîteaux, où l'on
voyait jusqu'à ces dcrni'ers temps leurs tombeaux. « Il est
impossible, dit fort bien l'abbé Lebeuf , qu'un seul homme
soil inhumé dans deux endroits différens. Ainsi la double sé-
pulture prouve de surcroît que ces deux personnages ont été
différens. »
SES ÉCRITS
Après ce que nous venons de dire pour établir qu'on no.
doit pas confondre l'évêque il'Auxcrre avec Alain, le docteur
universel, il nous reste à démêler les écrits qui appartiennent
inconlestablemcnl au premier, qui fait le sujet de cet ar-
ticle.
1" Nous avons de lui cin(( lettres adressées au roi Louis-le-
Jeune, qui ont été inq)rimées par Diichesne, au tome IV du ciios. t. iv.
Recueil des Historiens de France. Elles sont relatives aux con- "'''' ''"'■"' '"■
testations qu'il eut, vers l'an I KJi, avec Guillaume IV, comte de ^^'^ ^^^''
Nevers, au sujet de certains droits seigneuriaux que chacun
revendiquait dans la ville d'Auxerre. Alain eut besoin de toute
la protection du pape Alexandre III, qui demeurait alors à Sens,
et de l'ascendant du roi sur son vassal, pour terminer cette
affaire à l'avantage de son église La décision en fut confiée
d'abord à l'archevèipu» de Sens, Hugues de Touci ; n)ais on ne "'"'■ i'- ''"^*
gagna rien par les voies judiciaires, parce que le comte de
Nevers interjetait appel sur aj)pel pour esquiver le jugement.
Enfin il voulut bien consentir (|ue l'affaire fût soumise à l'arbi-
trage de Godefroi, ancien évêque de Langres, assisté des abbés
de Pontigni et de Clairvaux, dont la décision, qui porte l'année
MG4, a été imprimée parmi les pièces justificatives du
Gallia chrisliana Ces lettres, en même temps qu'elles prou- , x^li'l'uist'r."*'
vent le zèle d'Alain pour les intérêts de son église, nous don-
nent des lumières sur les droits ou coutumes féodales, et
sur la manière de terminer les contestations qui s'élevaient en
cette matière. Alain, comme suzerain, exigeait du comte de Ne-
vers, outre les droits utiles du fief, le serment de fidélité; mais
on voit, par la sentence arbitrale, que ce point ne lui fut pas
accordé.
360 ALAIN, ÉVÉQUE D'AUXERRE.
XII SIECLE. 2° Alain est auteur d'une vie de saint Bernard, qui est la
' Bern. op. t. secondc parmi celles que D. Mabillon a publiées à la suite
II, col. 123S. jjgg oeuvres du saint docteur. Elle est divisée en trente-un
chapitres, ayant en tôte une épîlre dédicaloire à Ponce, abbé
de Ciairvaux, dans laquelle il prend la qualité d'ancien évê-
que d'Auxerre : Frater Alanus, Autisiodorensis ecclesise hutni-
lis quondam sacerdos. Ponce, cinquième abbé de Ciairvaux,
succéda, l'an 1168, à Geofroi d'Auxerre, auteur des trois der-
niers livres de la première vie de S. Bernard, et fut promu, qua-
tre ans après, à l'évèché de Clermont. C'est par conséquent
dans l'intervalle de ces quatre années qu'Alain composa son
ouvrage. Cette époque résulte encore des expressions de l'au-
teur, qui ne donne à son héros que la qualité de bienheureux,
beatae recordationis, et non le titre de saint , qui ne lui
fut donné qu'en 1174, époque de sa canonisation ; et il est vrai-
semblable qu'il n'entreprit ce travail que pour parvenir à
cette canonisation, à laquelle on travaillait depuis long-temps.
Alain ne le dit pas expressément, mais il le donne assez à en-
tendre.
Ce qui le détermina à composer celle nouvelle vie après
celle qu'avaient publiée Guillaume de Saint-Thierri, Arnoul
""''• de Bonneval, el Geofroi d'Auxerre, c'est, dil-il, qu'il se trou-
vait dans leur composition beaucoup de redites, des choses
peu conformes à la vérité , et quelques expressions trop
dures, queedam aspera , contre les puissances ecclésiastique
et séculière : ce qui élait, dit-il, fort éloigné du caractère
du saint, qu'il compare à une olive sans amertume, lequel
s'élait toujours distingué par un grand fonds de douceur et
d'amabilité envers tous les hommes. Ces inconvéniens étaient
graves, et auraient pu relarder sa canonisation : c'est pourquoi
Godefroi, évèque de Langres, qui dès lenfance avait été élevé
avec l'abbé de Ciairvaux, qui élait son parent selon la chair, el
son ami le plus intime, avait, pour faire disparaître ces taches,
conçu le dessein de publier une nouvelle vie ; mais la mort
l'ayant empêché de terminer cet ouvrage, qu'il avait fort à
cœur, Alain fut chargé de le mettre au jour. Aussi promet-il
de ne rien avancer que de certain, qu'il n'ail appris de la bouche
même de Godefroi, ou d'autres religieux doni la sincérité lui
était connue, en abrégeant seulement les écrits de ceax qai
l'avaient précédé.
En effet, l'ouvrage d'Alain n'est qu'an abrégé des cinq pre-
miers livres de la vie de S. Bernard, d'où, par conséquent.
ALAIN, ÉVÈOL'I- D'AUXERRE. 301
il a retranché beaucoup de choses, et iiolaniiuent le qualiièiiie xii sir.cf.K.
livre, qui conlient ses révélalions el ses miracles, pri'8t|ue
tout entier. Il a aussi abréi^é le style de ces auteurs, c'est-à-
dire qu'il a réduit à de moindres termes ce qui lui paraissait
trop diffus. Mais il a donné tout ce qu il y avait d'essentiel à
dire pour la vérité de l'histoire el pour l'édiiicalion des lecleuis,
en conservant néanmoins les propres expressions dont ils
s'étaient servis : il n'y a de lui proprement que l'ordre de l'ar-
rangement.
Geofroi d'Auxerre, qui est celui qui a le plus écrit sur saint ii,d. mi iiits.
Bernard, avait déclaré quil ne suivrait pas dans ses narrés
l'ordre chronoloi^ique, parce qu'il espérait produire un plus
grand etTel en réunissant dans un même chapitre les événe-
mens et les exemples d'un même genre (I). Alain a fait tout le
contraire ; il a rétabli l'ordre chronologique en plaçant K's
événemens dans leur ordre naturel , et il a réussi à donner
une vie complète du saint docteur, dégagée des longues et fré-
quentes réflexions qui existaient auparavant, et d'une multi-
tude de miracles qui trouvaient apparemment des incrédules :
non qu'il révoque en doute la véracité de ceux qui les ont
recueillis, mais pour ne pas rebuter les lecteurs par une trop
grande prolixité.
3° L'abbé Lebeuf ne doute pas qu'Alain, évêque d'Auxerre, Di.sscri. sur
ne soit le véritable auteur du commentaire qui porte le nom ^ '"j, "î,,, ""g
d'Alain de Lille, sur les prophéties de Merlin, et il lire di; ce p. 2!i;j.
livre son plus fort argument, pour établir que l'évèque d'Au-
xerre était né dans celte ville ou aux environs. Nous avons
donné plus haut les raisons qui, sans être décisives, nous empê-
chent d'être de son sentiment.
4« Bernard Pez parle d'un homiliaire manuscrit, sous le nom Ancci. i, m,
d Alain, abbé de Sainte Marie. Il est possible qu'Alain, n'étant
encore qu'abbé de Notre-Dame-de-Larivour, ait composé ces
sermons : mais ce n'est qu'une conjecture.
S^Anloine Augustin soupçonne qu'Alain, évêque d'Auxerre,
(1) Illud etiam ad'monendum,inrerum.narratione gestarum coharentiam simili-
tudinis '•naffis quàm temporis observari ; siguidem nec signa ipsa, nec opéra qv,œ-
dam eo ordine scripla guo/aclasuut, scd interdùm aliqua, prout occurrere locis
opporluniorib-us ridebaniur, inserta. Firmior enim zidetur et haberi acceplior
solel oratio qua suis innilitur et illustratur exemplis, velut fabrica quadam
idoueis fulta columnis. Nonunlla quoque transposita sunt, ut similibus alia jun-
gerentur, et qua erant ejusdem gcneris sibi apiiùs coharerent. Gaufiidus in pro-
logo ad vitam S. Bernardi.
Tome XIV. Zz
2 5 *
|iail. .">, |>. CjU.
;<C:> ROBERT DU MONT.
XII SIECLE, gj,^ aulcur oie la colleclion des conslitulions ou décrets qui se
Irouve à la suilo du troisième concile de Lalran, sous le pape
Alexandre 111, dans toutes les éditions des conciles. Mais c'est
un fait encore plus incertain.
Camusai. (jo ^i Alain nélail pas un savant du i)renii(;r ordre, il aimait
Promp. fol. 021. .... ,, ', , v , . • , •■ ,•
au moins les livres. Il le.i;ua au monastère de Larivour sa biblio-
Vovas*- l'iti. llièque. F), ftlarlène dit avoir vu à Clairvaux, parmi les manu-
part. I, p. 94. scrits, un beau décret de Gratien, légué par Alain, avec défense
Lciriif ihni ''" '*^ dé[)lacer pour quelque raison que ce pût être. « Mais, dit
p. 2U. '< l'abbé Lebeuf, dès l'année 1188, le chapitre général de
'( CîU'aux regarda apparemment ce livre comme dangereux ,
i< puisqu'il ordonna qu'il ne fui point mis dans la biblioliuMjue
« commune, à causi^ du mauvais u.sage (pion pouvait en faire,
« et qu'il serait enfermé séparément pour y avoir seulement
« recours dans le bi'soin. » Voyez ce statut dans D. Martène,
Anecd., tom. IV, cl. MVùi. ■ B.
«OÏÎKIIT DE TORIGNI,
A V- V. I i> II Mont Sain tM i c. w k l.
Gall. Clinsl.
SA VIK.
ROBERT de Torigni, ainsi nommé du nom de sa famille ou
.._ (lu lieu de sa naissance, surnommé du Mont, du litre de
son iilibaye, se (lc\oua, lan 112(S, ;i la vie religieuse dans
liiliba\<! du ncc-llcrliiin. (iclle maison, sous le gouverne-
,|. y^i ^ ,j,,, liHut (lu sage Hoson, doiil ou a donné ci-devani larliclc, se
.soulenait dans le liant point de réputation oîi l'avaient élevée
Lanfranc et S. Anselme. Robert s'y forma aux lettres et à la
vertu .sur les modèles (ju'il avait devant les yeux. Ses progrès
dans l(\s lettres furent si ra|ii(les, qu'en 1139 I historien an-
glais Henri, archidiacre dllunlinglon, [)assant au Bec, ad-
mira lélcndiie de ses (toiinaissanccs , et le rc[)résenle comme
Apppnd. »<l iin ardent chercheur de livres , dont il avait fait une bonne
^M.iii opp. p. j,,.y^ j^j,,^^ riru'iu (am dirinotnim qiiiim secutarùim librorum
ROBERT DU MONT. 363
inquisitorem et conservatorem studiosissimum. Sa régularitô ■^" sieoie.
ol sesverlus monastiques lui mcritcrent bientôt d'être él(;vé au-
dessus des autres dans l'emploi de prieur claustral, qu'il exerça
jusqu'à l'an 1 loi. Cette année il fut choisi pour remplir le siège
abbatial du mont Saint-Michel, qui, depuis cin(j ans, était
vacant par le refus qu'avait fait le duc de Normandie d'agréer
ceux qu'on y avait nommés sans sa participation. L'élection de
Robert, faite à l'unanimité, confirmée par le métropolitain, noi, j^ m
et hautement approuvée du prince, rétablit le calme dans cette aJ an. lisf
maison. Robert, dans ce poste, ajouta beaucoup à l'idée qu'on
avait de sa capacité ; en peu de temps il donna une nouvelle
face à son abbaye, dont le temporel et le spirituel avaient
également soulTert des derniers troubles. Sa réforme se
ressentit de son amour pour les lettres. Persuadé tpi'une des
plus utiles occupations des moines était celle de copier des
livres dans un temps ou ils étaient si rares, il appliqua ses
frères à ce travail, et enrichit par-là sa bibliothèque d'un grand
nombre de volumes, dont plusieurs se sont conservés jusqu'à nos
.llnntfaucoii .
J^"*"^ Uib. Bibl. t. Il,
Notre abbé, dès la seconde année de son élection, s'était p i2:i9.
acquis une telle considération dans la province, que quatre
prélats de Normandie, le métropolitain à la tète, vinrent
exprès au mont Saint-3Iichel pour le voir, orationis ne nos ""''• '''' '*'""'<'•
visitandi gratià, et passèrent quatre jours avec lui, tant ils
furent enchantés de sa conversation Deux ans apiès, en
1138, le roi de France et le roi d'Angleterre, r|iii viii;uent de
cimenter leur bonne intelligence par le mariage de leurs en-
fans, lui firent le mèm(> honneur. La rerne d'Angleterre ne
céda point à son épou.x en estime pour l'abbé du mont Saint-
Michel. Elle lui en donna un gage bien marqué, lorsqu'élant
accouchée, l'an 1102, à Domfront, d'une fille nommée
comme elle, Éléonore, elle voulut (ju'il la tînt sur les fonts
de baptême avec l'èvècpie d'Avranches. L'an MOI, le roi
d'Angleterre ayant dcsiilué, sur les plaintes di's halùlans du
pays, le gouverneur du château de l'ont-Orson, en CDulia la
garde à noire abbé. Tels sont les traits les plus renianiuîibles
de sa vie, qu'il a consignés dans sa chroniqu(V (lliéri au-
dedans, respecté au-dehors, il mourut le 23 juin d(î l'an
1186.
SES ÉCRITS.
Il y a peu de plumes qui, au Xifc siècle, aient été plus
Zz2
301 ROBERT DU MONT.
■\[i SIECLE, fécondes que celle de Robert du Mont, s'il est vrai, comme l'as-
Lntifian cp. g,,,-,, (me liistoirc manuscriic (lu mont Saint-Michel, qu'on voyait
l'hrist <iiii " " '"'■'"efois dans son abbaye jusqu'à cent quarante volumes de sa
coiiiposilion, que la ruine d'une tour oîi ils étaient renfermés,
minée par les pluies, a fait presque tous périr, sans que les titres
même en soient venus jusqu'à nous. Ceux qui nous restent sont
presque tous historiques.
\" Gesta Henrici I t'egis Anglorum. C'est la continuation
de l'histoire des ducs de Normandie, par Guillaume de Ju-
niiègo, dont on a rendu compte au tome VII de cette his-
toire, page 169-172. D. Rivet a démontré, par des preuves
tnullipliées tirées de l'ouvrage même, que cette continuation
(pii forme le iiuitiéme livre de Ihistoire des ducs de Nor-
mandie, ainsi que plusieurs chapitres intercalés parmi les
livres précédens, étaient l'ouvrage d'un moine du Bec, et
non de Guillaume de Jumiège. L'abbé Claude du Moulinet,
sieur des Thuileries, avait déjà prouvé la même chose à la
suile de la défense de la dissertation du même auteur, et du
Ir.'.ilé de l'abbé de Verlot, sur la mouvance de la Bretagne
comme fief immédiat de la Normandie, qui fut imprimée à
Paris, chez Guignard, 1714, in-1 2 L'abbé des Thuileries n'a
pas cherché à découvrir qui pouvait être cet anonyme moine
(lu l'icc. I). Rivet n'a pas non plus poussé jusque-là ses recher-
iinii,|n.i, i. ,.].,,;. ,„a[g igg continuateurs du Recueil des historiens de
-Ml, pii(. p.
xr.vi. I Kiiirc qui, dans le tome XII, ont réin)|)rimé ce S" livre, qui
complète I histoire d(! Guillaume de Jumiège, ont établi par
(l(! bonnes preuves que cet anonynie n'est autre que le cé-
Irbic Robert de Torigni, qui fut depuis abbé du mont Sainl-
Mi(;liel.
Vax ell'el, dans la préface qui précède VAppendix à la chro-
nii|iii' de Sigoberl, dont nous parlerons ci-après, Robert avertit
lu même (pi'il fera grand usage d'une histoire qu'il avait déjà
App :iii op. coii'po.sé!! de Henri l«'', roi d'Angleterre: Ad quod opus,
c.iiii. p. ;:■:;. (|,i-il, me adjuvahil et historia quant de ipso rege noviler
(Ic/imclo edidi, et geslis Normanniœ diicwn adjeci. (x's gestes
(h s ducs de Normandie ne sont autre chose (jue l'ouvrage de
Guillaume de Jumiège, qui a |)Our titre; de Normannorum
diicinn gestis.
Luc preuve que Robert de Torigni est auteur de la con-
liuiiulion de ces gestes, c'est ce qu'il dit dans sa chronique,
en parlant, sous l'année 113"», de Henri 1er, roi d Angleterre.
Il il (ail, dit-il, bien d'autres œuvres de piété dont nous avons
ROBERT DU MONT. 365
donné le dénombrement dans sa vie, fecit etiam alia mulla x» siècle.
pietatis opéra quse in libro de vita ejus pleniùs enumeravi- ihd. y. 757.
mus. C'est précisément ce dénombrement qu'on trouve au
chapitre 32 du huitième livre de l'histoire de Guillaume de
Jumiège. Robert avait donc fait une histoire de Henri 1"
lorsqu'il travaillait à sa chronique, et ce fruit de sa plume
n'est pas un ouvrage isolé, mais le supplément d'un autre,
savoir, des gestes des ducs de Normandie, et gestis Norman-
noruni ducum adjeci.
Robert , lorsqu'il composait cet ouvrage, qui vraisembla-
blement est le premier qui soit sorti de sa plume , n'était
encore que moine du Bec. On le voit par l'attention qu'il a
de faire entrer à tout propos les affaires du Bec dans son his-
toire; et ce n'est pas seulement dans le huitième livre dont
il s'agit qu'il fait de ces sortes do digressions, les livres pré-
cédens, comme on l'a remarqué avant nous, en renferment
de semblables : ce qui prouve que c'est lui qui s'est permis
d'interpoler Guillaume de Jumiège, comme il a interpolé
depuis la chronique de Sigebert, sans qu'il soit nécessaire de
supposer d'autres interpolateurs, comme ont fait D. Rivet et
l'abbé des Thuileries. Nous allons indiquer ces interpolations,
afin qu'à l'avenir chacun soit en état de distinguer ce qui appar-
tient au premier rédacteur des gestes, cl ce que Robert y a ajouté
du sien.
D'abord il faut convenir que le premier livre et les huit
premiers chapitres du second ne doivent être attribués ni à
Guillaume de Jumiège, ni peut-être à Robert de Torigni. La
raison en est qu'ils ne se trouvent pas dans les plus anciens
manuscrits de Guillaume, et que Robert ne compte le hui-
tième livre, qui est de sa façon, que pour le septième : Hic liber
qui septimus cuditur in Normannorum ducum gesta, dit-il , p. 2»2.
au chapitre \". Il ne paraît pas non plus avoir touché aux
livres trois, quatre et cinq, à peu de chose près 11 a ajouté au
sixième livre le chapitre 9, qui est tout à la gloire de l'ab-
baye du Bec. Le livre sept lui appartient presque tout en-
tier; les chapitres 3, 4, 12, 13, 14, 15, 16, 19, 20, 22, 23,
25, 26, 29, 30, 32, 43 et 4 4, sont incontestablement de lui,
et il a augmenté de moitié les chapitres 2, 9, 10, 11, 38. Il
a fait aussi disparaître entièrement la conclusion que Guil-
laume de Juibiège avait placée à la (in de son livre. Pour ce
qui regarde d'autres changemens moins considérables, on
peut consulter les notes qu'a recueillies l'abbé des Thuileries,
366 ROBERT DU MONT.
XII SIECLE, gur un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Victor, qui ne con-
tenait ni les interpolations ni le huilièmc livre.
Ce huitième livre, comme nous l'avons dit, est entière-
ment consacré à retracer l'histoire do Henri I", roi d'Angle-
terre et duc de Normandie, jusqu'à sa mort, arrivée en 1135.
Il est divisé en 42 chapitres ; mais il s y trouve une lacune
considérable depuis le chapitre 17 juscjuau chapitre 21.
Nous avons consulté aulrclois tous les manuscrits qui exis-
tent en grand nombre dans la capitale ; aucun n'a pu nous
fournir de quoi la remplir. Elle existe dans tous, ce qui
prouve quils ont été copiés sur un premier qui avait été
mutilé, nous ne savons pounjiioi ; car l'endroit oit se trouve
la lacune est le plus hv] endroit et le plus glorieux de la vie
de Henri l"', roi d'Angleterre; C'est là que l'historien parlait
de la guerre que Henri eut à soutenir, en 1 I 18 et 1119, contre
le roi de France, et de la victoire éclatante qu'il remporta
sur les Français, à Brenneville. Si la sup[)ression de ces cha-
pitres a été faite à dessem, ce ne p'nil être cpie par des Français
qui, à répo(pie de la coïKpiète de la Noiinandiiî par Philippe-
Auguste, auraient voulu abolir la mémoire d(; cette journée ;
et ils y auraient réussi, si cet événement n'était raconté par
d'autres historiens , et parliculièretueiil par Orderic Vital ,
(jui n'a rien oublié de tout ce (|u"((ii pouvait dire à la louange du
roi d'Angleterre.
2" Robcrti de Moule c/tronifon, sire Appendi.v ad Sigeber-
tnm La chronifpie de Sigei)eit, uKune de (ieinblours, dont
on a rendu compte au tonn; l.\ ih' cette histoire, page .•i3y,
avait acquis tant de eeléluiie an Ml' et au XIII' siècles,
([u'elle a été conliunée par un gr;ind nombre d'écrivains.
i*lusieurs de ces continuations on! été imprimées, soit à la
suite de la chronicpic de Sig(d)erl, soit séparément. La mé-
thode (]u il avait adoptée parut si commode, que par-tout on
s'enq)res.sa de rimil<'r ; mais aussi elle éprouva lu^aucoup d'al-
térations. Dans presipie tous le^ monastères, on trouve cette
chn»ni(pie avec des additions ou iiilerpolations coiieernanl
les événemcns locaux dont (ni xoiihul perpétuer le .souvenir,
(lest C(; (pii a produit celle (piiinliU- d'articles nouveaux
(jMoii reiiiai(|iie dans lediiKui diinnee par Auberl Lemire ,
et (|iiil distingue par des li-tties italicpies, en indiqiia?il Ijs
manuscrits d'oii il les a tirés. Il aurait [tu en ajouter encore
davantage, s'il eiU consulté un plus grand noudire de ma-
nuscrits.
ROREUT 1)1! MONT. 367
Robert du Moiil adopta cette iiK^lhode de classer les événe- ^n siècle
mens. Sigebert avait placé à la tête de sa chronique celles
d'Eiisèbe et de saint Jérôme, qui vont depuis la création jusqu'à
l'année 38'0. Après cela, il commence la sienne à l'année 3cS1 el
finit en 1 113. Robert du Mont se proposa, comme tant d'autres,
de la continuer; mais voyant que Sigebert avait traité trop
superficiellement lliistoire dos ducs de Normandie, il entreprit
de suppléer à son silence, en insérant aux lieux convenables les
noms, la succession, el (]uelquefois les faits les plus mémorables
des ducs de Normandie, des arclievèques et évèques de la pro-
vince, etc. C'est ce qui cumpose les Accessions à la chronique de
Sigebert, que D. Uachéri on a déiacliées pour les imprimer sépa-
rément.
Sigebert n'avait presque rien dit des rois de la Grande-
Bretagne, soit bretons, soit anglais. Robert aurait bien voulu
suppléer à son silence; mais il aurait lallu pour cela inter-
poler les chroniques d'Knsèbe el do saint Jérôme : il cul
scrupule de le faire. Pour satisfaire en quelque sorte sur cela
la curiosité du lecteur, il prit le parti d(^ transcrire, comme un
hors d'œuvre, à la suite de sa préface, la lettre de Henri,
arcliidiacre d'Huntington, à Varin, dans laquelle il fait le dénom-
brement de tous les rois bretons depuis Brulus, arrière petit-
fils d'Énce, et fondateur de ce royawne, jusqu'à Cad\vallon,
dernier roi des Bretons, qui fut pure de Cawaladre, nommé
Cedwalde par le vénérable Bède. C'est moi , conlinue-l-il, r.,.ii>^'!!!7*35.''''"
qui lui ai fourni la matière de celle lettre, en lui commu-
niquant un exemplaire de l'ancienne histoire des Bretons, qui
se conserve au Bec : Quant episiolam, sicut in eâ reperitur,
ciim Roniam idem Uenricus pergeret, me ei prœbente co-
piam exemplaris totius hislOiHœ B7Htonum, apud Beccum ex-
scripsit. C'était l'histoire fabuleuse que (Jeofroi de Monmoulh a
mise en latin.
Après ce premier travail sur la chroni(iue de Sigebert,
Robert entreprit de la continuer, comme il avait déjà fait à
l'égard de lliistoire de (iuiiiautuc de Jumiège , qu'il avait
interpolée cl puis continuée. Le motif de ce second ouvrage
fut le même qui lui avait fait entreprendre le premier, celui
de célébrer, comme il le dit lui-même, le règne du roi d'An-
gleterre Henri f'-. Ce n'est pas qu'il borne à cela son tra-
vail ; il recueille les événemens de tous les pays qui parve-
naient à sa connaissance , mais plus particulièrement ceux
qui se passaient en Angleterre et en Normandie : Ea quœ in
Guil>. p. 735.
368 ROBERT DU MONT.
XII SIECLE, diversis provinciis, et maxime in Normannià et Angliâ evene-
runt, et ad meam notitiam pervenerunt, sub annis Dominicée
incarnationis colligere aggrediar. Et hoc ideô libentius, quia
volo gesta pritni Henrici, strenuissim régis Angloriim et ducis
Normannoriim, summalim per singulos annos annotare. Ad
quod opus me adjuvabit et hisioria quani de ipso rege noviter
defuncto edidi, et gestis ducum Normanniae adjeci, et historia
prsedicti Henrici archidiaconi quain composiiit de rébus
Anglias Cette histoire de Henri d'Hunlinglon, (|tii va jusqu'à
l'avènement de Henri H à la couronne d'Angleterre, fait partie
de la collection de Henri Savile, qui a pour litre: jRe7'um Angli-
carum scriptores post Bedamprsecipui.
C'est sur ce plan que Robert a composé sa chronique Après
avoir rapporté la mort de Henri 1""', son héros, il donne son
épitaphe en vers de sa façon, dans laquelle il épuise toutes les
louanges que l'admiration la plus grande peut ins[)irer. Il n'en
demeura pourtant pas là, comme dans son premier ouvrage;
nous lui avons encore l'obligation d'avoir continué en différens
temps sa chronique : delà vient que. dans quelques manuscrits,
elle ne s étend que jusqu'à l'année 1 1.iO Mais il est certain qu'il
l'a continuée année par année jusciuà sa mort , et qu'en
1182 ou 1184(1), il la présenta à Henri 11, roi d'Angleterre,
comme on le voit par celte note, qu'on lisait à la télé du
manuscrit du Mont Saint-Michel : Ab anno MC. Robertus abbas
Sancti Michaelis de periculo maris fecit historiam continentem
res gestas Romanorum , Francorum , Anglorum , usque ad
pressens tempus, continenteyn annos usque ad an. llSi: quem
librum. prœsentavit carissimo domino suo Henrico régi An-
glorum, continentem istam liisloriam et alias in hâc pagina
notatas.
On voit par celle note, et encore mieux par l'inspection
du livre, qu'il y a à profiter pour loul le monde dans la
chronique de Robert, et sur-tout pour les amateurs de l'his-
toire de France. C'est depuis la mort d'Orderic Vital, le seul
historien français que nous puissions opposer au grand
nombre d'historiens anglais qui, à la même époque , écri-
(1) Nous dison.s ! 182 ou 1 18), parce (jue, dans le prologue de Robert duMont,
on lit la première de ces dates, et dans la note ci-jointe l'année 1 184. M. 1 abbé
de Larue, professeur d'histoire à la nouvelle académie de Caen, correspon-
dant de l'Institut de France , nous a communiqué une lettre inédite de
Robert, dans laquelle il dit avoii' continué sa chronique jusqu'à l'année
1182.
Ibid. p. 711$.
ROBBRT DU MONT. 369
valent leurs chroniques. Ce n'est pas que Robert , vivant sous x" siècle.
la même domination , soit animé d'un autre esprit ; mais il était
plus à portée de connaître ce qui se passait en France. Il n'a
pas seulement recueilli les événemens politiques , il est encore
attentif à marquer les phénomènes delà nature arrivés chaque
année, lels que les éclipses, les apparitions des comètes, les
famines, les inondations, les trenihlemens de terre, etc. Écri-
vant l'histoire littéraire de la France , nous croyons faire plai-
sir au lecteur de lui présenter ici les traits épars qui peuvent
servir à l'histoire littéraire de cet âge.
Sous l'année 1128 . il rapporte qu'un clerc de Venise , nommé ii>i<i. p. 753.
Jacques, traduisit en latin les Topiques al quelques autres livres
philosophiques d'Aristote, quoiquil y en eût, dit-il, une an-
cienne traduction.
Il place à l'année H 30 la compilation du décret de ^ra- '*"'• p 75S.
tien , qu'il fait mal-à-propos évoque de Chiusi , dans la Tos-
cane , episcopus clusinus. Peut-être faut-il lire monachus
clusinus, c'est-à-dire de Saint-Michel de Cluse au marquisat
de Saluées, quoique d'autres le disent moine de Saint-Félix,
à Bologne. Celle utile compilation , dil-il , composée de dé-
crets et canons de conciles , de passages de saints docteurs
et des lois romaines , est d'un grand u.sage pour décider toutes
les contestations en matière ecclésiastique , soit à la cour de
Rome , soit dans les autres cours ecclé.siasliques. Il ajoute
que de son temps, maître Omnebonum, évêque de Vérone,
qui avait été disciple de Gratien , avait déjà fait un abrégé de
son livre.
« Maître Vacaire , dit-il à l'année 1 1 49 , lombard d'origine , ii>'à. p. 766.
honnête homme et habile jurisconsulte , tenait cette année
parmi les Anglais une école de droit , à laquelle une foule in-
nombrable de riches et de pauvres accourait de toutes parts. En
faveur des derniers, il ûl un abrégé du Code et du Digeste en
neuf livres, qui , bien médités , peuvent suffire pour la dé-
cision de toutes les questions de droit qu'on a coutume d'agi-
ter dans les écoles. » Le travail de Vacarius n'est pas parvenu
jusqu'à nous, et nous ne connaissons aucun bibliographe ancien
qui en ait fait mention.
L'an 1 1 52, le pape Eugène fil traduire de grec en latin un livre ftw. p. 770.
de Pierre de Damas , Pétri Damasceni.
En parlant du grand concile de Lalran , tenu sous Âlexan- ibid. p. soB.
dre 111 , en 1179 (Robert le met en 1180), il raconte qu'un
Pisan , nommé Burgundio , homme savant en grec et en iatin ,
Tome XIV. Aaa
370 ROBERT DU MONT,
XII SIECLE, y apporta une noii\c'lle traduction latine (lu'il avait faite de
lévani^ilc! selon saint Jean. 11 déclara de plus qu il avait déjà
traduit une grande partie de la (k-nèse , et assura que saint
.lean-Cluysoslôrae avait expliqué , en grec, tout lancien et le
nouveau Testainent.
La chronique de labbé Robert a été long-temps confon-
due avec la cluoni(pie d'un autre Robert, préniontré , qui
vivait au coniiucm cini'iil du Mil' siècle. Celle-ci a été im-
primée sons le nom de l'abbé du Mont , à la suite de toutes
les éditions de Sigcbut antérieures;! celle dAubcit Leniirc ,
Antuerpi.v , lOO.S. l'en l.")!."), par Guillaume V\\v\\ , Paris ,
H. Etienne, w-4' ; t" en 1i')cS2, par l'istonus , sur I édition
(le (unlluume l'arvi , au tome 1 de son rccued des liisloriens
d'Allemagne, Franco/urti, in-foL; .T'en l."><S;{ , par Laurent
(le la Barre, dans un recueil inlilulc , Hisloria christiana ,
Paris, in fol. Cette clironiipie dill'ne entièrement de celle
de Robert du .Mon! depuis Tannée Mit jnsipien 1 1 ;')i : mais
depuis cclti; dernière année , elle est en tout conforme à celle
de Robert du Mont, jusqu'à Tannée I I .S l oii celle-ci se ter-
mine, et le faux RobeM du Mont Ta (imlinuée jusipTà Tannée
1210. Noyez la pn-faco du tome XIII du nouveau recueil
des historiens de Tianci , pugc :i2; voyez aussi \a IHsqiiisilion
(pie le iV Conrad .laiiiimg jiour piiiu\er la distinction des
(l(Mi\ liobert , a imprimée dans le Becueil des Actes des
S;iiiils de Bollandiis , au tome VI du mois de juin , part. 2,
page 171
La vraie clironupie de Robert du Mont est donc celle que
I). Luc l)acli(>ri a dnnnc(î au public en l(j.')I, à la suite des
u'iivres de (iuiberl., abbé de iNogenl , sur un manu.scril du
mont Samt-Miclii'l , (|u'il croit être Taulograiihe , ;i cause, des
ratures l'ré(pientes et des surcharges (pii s y troinenl Ce
.«ont peut-être C(.'s changemens (pii ont occasionné le dé-
sordre et la confusion des dates (juon y lemanpie en plu-
sieurs endroits, notamment depuis Tann(''C 1110 jusipien
1K')i, oii tous les événemens sont jilacés une année troj) l<')t.
Mais toutes ces def(cluo>ilés ont disparu , à Taidc des ma-
nuscrits de la Bibliollièipie Royale , par les soins des conli-
niiateiirs de I) Bouipiet , qui Tont ins(}r(''e prcs(|He tout en-
lirr(! au treizième volume du Recueil des historiens de France.
La chronologie de Robert du Mont est encore [dus vici(;c
dans un long fragment de cette clironi(|uc , depuis l'année
tl.{9 jusqu'(;n 1108, donne .•-iii un mauvais manuscrit de
XII SIKCLE.
ROBERT DU MONT. 371
Sainl-Victor par André Duchesne, sous le litre de Chronica
Normanniœ, parmi les historiens de Normandie, pape 0~7-
1003.
3" Epistbla Roberti nionaclii Beccensis ad Gervasium prio-
y^em Sancti- Serenici . Non content de sexercer sur riiisloire,
Robert exhortait et encourageait ceux qui avaient du talent pour
ce genre d'écrire à s'y livrer comme lui ; c'est ce que témoigne
sa lettre à Gervais, prieur de Saint-Cénéré, au Maine. Elle a
pour objet de l'engager à décrire les événeniens qui sont arrivés
dans la Normandie depuis la mort de Henri 1*^' , roi d'Angleterre
(en 1135), jusquà celle du comte Gcofroi-le-lk'l ou Planta-
genet, comte d Anjou, qui en fil alors la conquête sur Etienne
de Blois, lecpiel sélait emparé du trône d'Angleterre, c'esl-
<^-dire jusquen 11,")!, temps auquel celle lettre paraît avoir
été écrite. Cetravail, dil-il, vous fera honneur ; en mon parti-
culier, je vous en aurai obligation, et, qui |)lus est, il vous
conciliera peut être la laveur du nouveau duc ; c'est-à-dire
du fds du comte Geofroi, Henri, (pii devint bientôt après roi
d'Angleterre.
Voici le |)lan qu'il lui Irace : « Je voudrais, dit-il, cpic vouj "•'• p- 715.
nous donnassiez sommairement l'histoire des comtes d'An-
jou depuis Ingelger, le premier d'entre eux, jusqu'audit
Geofroi, en indiquant seulement les noms, les généalogies,
la durée de leur gouviMucmenl, et ce qu ils ont fait de plus
mémorable, soit au spiriluel, soit au temporel. Je voudrais
sur-tout que vous lixas.siez à quelle époque et sous quel
règne de la monarchie française vivait le comte Ingelger. El
lorsque vous serez arrivé à Foul(]ues, père de Geofroi-le-
Rel, comme il avait épousé la lille d Hélie, comte du Maine,
il serait à-propos que vous fissiez sur les comtes du Maine
ce que vous aurez fait sur les comtes d'Anjou, selon le plan
que je vous ai tracé. Je me chargerais volontiers de ce tra-
vail, si j'en avais le loisir et le secours des chroniques que
vous êtes à poriéc de consul le r. J'ai déjà fait une histoire
abrégée de la vie de Henri b', roi d'Angleterre, que j ai ajou-
tée aux gesles des autres ducs de Normandie, pour que son
exemple ne fût pas moins utile après sa mort que son règne
l'avait élé de son vivant. C'est pour la même raison que je
désire que quelqu'un transmetle à la poslérilé ce qui s'est
passe depuis sa mort sous nos yeux et dans notre province.»
Nous ne pouvons pas assurer si Gervais exécuta ce des- . "'""i"*''' '•
sein; mais les continuateurs du Recueil des Historiens de Juv.'"^ '"
A a a :2
372 ROBERT DU MONT.
XII SIECLE. France croient avoir trouvé son écrit dans un manuscrit de
l'abbaye Saint-Victor, qu'ils ont publié en partie au t. XII, p.
534-539. C'est ce que nous examinerons dans la suite en ren-
dant compte des écrits de Gcrvais.
i" Tractatus de immulatione ordinis monachorum. De
abbatibus et abbatiis normannorum et asdificatoribus eav.m.
Cp g Robert de Torigni composa ce traité, comme il le dit
lui-même, l'an 115i, la même année qu'il fui fait abbé du
mont Saint-Michel. Il l'a divisé en deux parties bien dis-
tinctes, quoique dans l'imprimé on ne voie qu'une seule
série de chapitres au nombre de trente-quatre. Dans la pre-
mière, qui renferme les sept premiers chapitres, l'auteur décrit
l'origine des nouveaux ordres religieux qui furent établis de
son temps ; des cisterciens, qui dans l'espace de cinquante ans
avaient déjà fondé cinq cents abbayes ; des chartreux, qui ne
devaient être que treize dans chaque maison ; de Chczal-Benoît,
de Fontevrault, de Tyron, de Savigni, ainsi que des chanoines
réguliers de Saint-Viclor, d'Aroaise et de Prémontré. Il ne
parle pas des grandmontains ni de plusieurs autres congré-
gations qui, à l'époque où il écrivait, étaient déjà établies.
Il est remarquable que toutes ces congrégations ont pris nais-
sance en France, et (|ue de là elles se sont propagées chez
tontes les nations voisines. L'auleiir observe que celte nouvelle
création d'ordres religieux produisit un renouvellement de fer-
veur parmi les anciens moines, qui eurent honte de se voir
surpassés dans la pratique de leur règle par des nouveaux
venus ; que les autorités ecclésiastique et civile s'en mêlèrent
aussi, pour les forcer d'embrasser les réformes de Cluni,
de Marmoutier, du Bec, ou d'autres monastères qui étaient
alors, parmi les anciens moines, les plus réguliers qu'il y eût
en France.
Dans la seconde partie, il ne parle que des monastères de
Normandie de l'ordre de saint Benoît , qui, avant les nou-
velles créations, était le seul connu en France. Ce n'est pas
que les nouveaux ordres monastiques eussent embrassé une
autre règle que la sienne ; mais ils y avaient apporté des mo-
difications, et ils s'étaient formé un gouvernement particulier.
Robert du Mont est fort succinct dans cette seconde partie ;
il se contente de nommer les fondateurs de chacun de ces
monastères et les abbés qui, juscju'à cette époque, en avaient
_ ., eu le gouvernement. Cet ouvrage a été publié par D. Luc
Guib. op. p. •-' o I r
811. Dacheri, à la suite de la chronique de Robert du Mont. Les
Cip. 7.
ROBERT DU MONT. 373
continuateurs du Recueil des Historiens de France l'ont donné de xii siècle.
nouveau au tome XIV, p 381-387.
5° Historia Monasterii Sancti-Michaelis de Monte.
Quelques bibliographes attribuent à Robert des ouvrages
historiques autres que ceux dont nous venons de parler :
1° une Histoire de la première croisade, qui n'est pas de lui,
mais d'un autre Robert qui fut abbé de Saint-Remi de Reims,
dont on a parlé au tome X de cette Histoire, p. 326 ; 2" une
Histoire de labbaye du Bec, imprimée à la suite des œuvres
du B Lanfranc, p. i, qu'on ne peut lui attribuer sur aucun
fondement; 3° une Histoire de l'abbaye du Mont-St-Michel.
Avec le goût qu'avait l'abbé Robert pour les recherches his-
toriques, on ne peut guère douter qu'il n'ait composé une
histoire de son monastère. Il en existe plusieurs sans nom t '. p 347
d'auteur dans la bibliothèque des manuscrits du P. Labbe : ce ~ ^^^'
sont deux petites chroniques qui ont été composées dans ce
monastère, et qu'on peut attribuer à Robert, parce qu'elles
finissent précisément à l'année 1154, où il commença d'être
abbé. On trouve à la suite une Histoire des abbés du Mont-
Saint-Michel : celle-ci est plus vraisemblablement son ou-
vrage, parce qu'elle finit aussi à l'année 1154, quoiqu'elle ait
été continuée par une autre main ; mais Robert du Mont n'a
pas jugé à propos d'y mettre son nom, ni d'y parler de lui-
même.
On trouve encore, dans le catalogue des manuscrits du Momfaucon ,
Mont-Saint-Michel, plusieurs ouvrages qu'on pourrait lui at- ^'^- ""*• '■ ">
tribuer, entre autres une Histoire de ce monastère en vers '*' ""
latins ; Versus de angelis et duobus montibus ; Commendatio
hujus venerabilis loci qui dicitur unum de mirabilibus mundi.
Si ces ouvrages ne sont pas de lui, ils paraissent avoir été faits
pendant son gouvernement, et vraisemblablement sous sa direc-
tion. Mais voici d'autres écrits d'un autre genre, qu'on ne peut
lui contester.
6° Prologus Roberti de Torinneio in abbreviationem exposi-
tionis epistolarum Apostoli, secundùm Augustinum.
Robert, dans cet écrit, a donné une preuve qu'il n'était
pas dépourvu de critique. Il avait un gros volume contenant
un commentaire sur les épîtres de saint Paul, composé des
seuls textes de saint Augustin, qui y sont relatifs, qu'on ap-
pelait pour cela Florus, comme contenant la fleur des œuvres
du saint docteur. Cet ouvrage était attribué par quelques sa-
vans au vénérable Bède, parce qu'à la fin de son histoire il
2 6
374 GUILLAUME DE GAP, ABBÉ DE S. -DENIS.
XII SIECLE, dit avoir composé une chaîne ou un commentaire sur saint Paul,
tiré des écrits de saint Augustin. La preuve était assez con-
cluante : mais Robert, qui avait les deux commentaires sous les
yeux, observe que l'écrit de Bède était si succinct, qu'il n'éga-
lait pas, pour la grosseur, la moitié de son manuscrit sur la
seule épître aux Romains. Il fallut chercher quel était le vrai
,, .. , . auteur de son grand commentaire ; il trouva dans Cassiodore
De div. Iccl. ~
cap. 8. que, long-temps avant Bède, un abbé de la province Tripoli-
taine, nommé Pierre, avait fait un pareil ouvrage. Il ne douta
plus que ce ne fût celui qu'il possédait. 11 en fil des extraits,
comme vraisemblablement Bède en avait fait avant lui, aux-
quels il ajouta d'autres sentences tirées des écrits de saint
Guib. op. p. Augustin. D. Luc Dacheri s'est contenté d'imprimer le prologue
de cet ouvrage.
7° Le même éditeur témoigne avoir vu un exemplaire ma-
nuscrit de l'Histoire Naturelle de Pline , qui lui avait été
apporté du Mont-Saint-Michel, à la trie duquel il y avait une
préface de la façon de notre auteur : Prologus Roberti abbatis
in Plinium : qui et ipsum librum in Nonnminiam advexit,
'*"'• et corruptum correxil. Telle était l'occupation des savans de
ces temps-là pour se procurer des copies fidèles des anciens
auteurs. B.
71(5
GUILLAUME DE GAP,
AuBÉ DE Saint -Déni S.
Doublet, II. /^ui 1. 1, AVME, né à Gap en Danphiné, est quelquefois qualifié
PAiiiiayc «le " Pvovençal. Après avoir étudié et pcîul-être exercé la méde-
ue, il se lit moine ; et il n'est pas le seul qui, on ce siècle,
de PAI)!
2S7. - b. Fcii- , -, "p ■ ■ ,. 1. . - ■
bien, llist. <ic ait (]uille la première de ces |)rofessi')ns pour I autre. Il s était
la m.'mc Abb aussi ap[)liqué à l'élude de la langue grec(|ue, genre de con-
*'■ naissance alors peu commun dans lEurope occidentale. Nous
ne saurions fixer la date de son entrée à l'abbaye de Saint-
Dans les Pi. Dcuis ; mais la petite chronique de ce monastère parle, sous
juslif. d.- l'Abb. „ , ,,^m l ,, ,, -1 ■ .1 n
dcS-Dcu par l année 11G7, d un Guillaume médecin qui apporta de Go n s-
GUILLAUME DE GAP, ABBÉ DE S.- DENIS. 31:\
tantinople des livres grecs. Ne s'est-il fait religieux qu'après ce ^" siècle.
voyage, ou l'élail-il déjà avant de partir ? Nous ne déciderons ^- Féiibicn. —
point celte question, fort peu importante. D'un côté, Jean de J,; ""'*' ^^^^"^'
' . ' ' ' ' Uiss. sur 1 Hisl.
Sarisbéry ne l'appelle, au nionicnl même de son retour, que le de Paris, t. ii,
médecin Guillaume (I ) ; et, de plus, nous lisons à la fin du manu- f • ^^^-
scrit n" 2495 de laBIbliotTièque du Roi ; Explicit vila Secundi Bibi. Reg. t. iv-
philosophide grœco in latiniaJi translata à }7iagistro Willelmo, appcnd. p ko6.
medico , riatione provinciali : hanc secum à Constantinopoli
detulit : l'osT factus monadiiis in cœnobio Sancti-Dionysii ac
postremô piwficitiir abbas ejusdem loci. Voilà Gudlaume mé-
decin qui rapporte un livre, et qui ensuite se fait moine. Mais,
d'un autre côté, .lean Sarasin, dans le prologue de sa tra-
duction dos œuvres de saint Denis l'aréopagite, dit que l'abbé
Odon avait envoyé le moine Guillaume en Grèce pour y cher- v. Mabiiion,
cher des livres. ■""■• ''3'"^- ' '.
Quoi qu'il en soit, Guillaume de Gap fut élu abbé de Saint- ^""^ ' ' P" ' •
Denis en 1172, ouphilôl 1 173, avant Pâques. Il a signé en celle
qualité plusieurs actes datés de 1173, de 1174, et des années
suivantes, et qui sont indiqués dans le nouveau Gallia Chris- r. vu, p.
tiana : ils concernent les intérêts de I abbaye que gouvernait 38()-ô8-2.
Guillaume. Il obtint, en 1174, de l'archevêque de Sens , la
confirmation du droit de présentation à certaines cures. Peu de
temps après, il fit des réglemens fort sages, qui réformaient
quelques abus, et qui même en garantissant les droits de la
communauté, limitaienl les pouvoirs de l'abbé. Ils déterminaient
particulièrement le sceau de l'abbaye et la manière de le con-
server. Des réformes à -peu-près pareilles sont ordonnées par
une bulle d'Alexandre III , lequel aida aussi Guillaume à
défendre les biens et les privilèges de ce monastère contre Ma-
thieu, comle de Beaumont. Suger s'était passé des ornemens
épiscopaux : Guillaume demanda, pour lui et les abbés ses suc-
cesseurs, le droit de les porter, et l'obtint du même pape, au
concile de Lalran, tenu en 1179. Albéric de Trois-Fontaines ,
rapporte ce fait en des termes qui donnent lieu de croire que chron. ann.
Guillaume assistait à ce concile. "'^"
Malgré tant de zèle pour les intérêts de son monastère, et
quoiqu'il pai ùt gouverner avec sagesse, administrer avec éco-
(i) Cùm de restris plurimi revertantur, iiemo p-œter Willeîmum medi-
cvm, tva: salniationis rel alloquiiim reportarit. Le manuscrit de Colbert,
cité par Félibien , porte allc(/l<iwn au lieu de nvntium qu'on lit dan.s les
imprimé.s.
376 GUILLAUME DE GAP, ABBÉ DE S.-DENIS
XII SIECLE, nomie, il déplul à Philippe-Auguste, qui l'accusa de relâche-
Uuchesne, ment et de négligence. Rigord ( qui fut, comme Guillaume, raé-
'■ ^' P' ^^' decin et moine), ne donne aucun autre détail sur cette disgrâce ;
mais elle entraîna l'abdication de l'abbé, le samedi, sixième
Hisi.de l'Égi. (jgg jdes de mai 1186. Dubois et quelques autres disent 1185 ;
xni c'e n« 12. ^«"is c'est à l'année 1 1 86 que convient la coïncidence du samedi
et du sixième jour avant les ides do mai, énoncée par Rigord.
P- ^i* Mabillon, dans son Voyage d'Italie, confond Guillaume de Gap
avec un autre Guillaume qui fut aussi abbé de Saint-Denis ,
mais soixante ans plus tard, et qui envoya des présens à saint
Louis, en 1252.
Du reste, ses ouvrages se réduisent, ou peu s'en faut, à deux
traductions qui sont restées manuscrites. Il a traduit du grec
en latin, d'une part, l'éloge de saint Denis l'aréopagite, par
Michel Syncelle, potriarche de Jérusalem , de l'autre, une vie
du philosophe Sccundus, qui vivait au second siècle de l'ère
vulgaire. L'auteur de celte vie n'est pas connu ; Roger de Hove-
den en a inséré un extrait, on ne sait trop pourquoi, dans sa
p SIS ei 816 Chronique d'Angleterre. Guillaume de Gap a dédié la première
Scr. lier. An;;!, de CCS vcrsions à Yves 11, abbé de Saint-Denis; ce qui montre
(rancof. itiol, q„'elle a été rédigée entre 11 69 et 1172. Leiong cite, d'après
B.hi. ihiiiz Wion, un commentaire sur quelques livres de la Bible, par
part. 3, p. !i2, Guillaume, moinc (le Saint-Denis, vers l'année 1200. Ce com-
"*^'**.'..r .î""'' menlateur scrail-il l'abbé Guillame de Gap, ou quelque autre
mss. Bilil Hrs. ^ i i i
i. III. p. 'i.yi, religieux du mr'me monastère et à-peu- près du même temps?
"■ ^**^- C'est ce que nous n'avons aucun moyen ni aucun intérêt d'é-
Bibl. Sacra, ,..*.., -^ ,,,,,,-
p 758, claircir; mais il y a toute apparence que le même helléniste
Usnum Tiu! Jont uous vonons dc parler est celui aux lumières duquel Jean
^2,' ' '^' ' '"' Sarasin soumit sa traduction du \\\\a de Divinis Noyninibus, et
V uiicnf, dont il fait aussi mention dans la préface du traité de Mysticâ
Theologiâ.
Nous ne pouvons fixer l'époque de la mort de Guillaume
de Gap : il n'est plus question de lui après son abdication ,
en 1186. D.
Diss. p. 32, 33.
377
== XII SIECLE
0
RECUEIL
DE Formules E pi st glaires.
N conservait, dans la bibliothèque de la calhédralo de Beau-
vais, un manuscnl inhli}]é Siimma dictaminis per magistrum j. "^^j"*^"",'
dominicanum hispanwn. Quel est ce maîlre dominicain cspa- 1-202. B.
gnol? Nous n'en savons rien du tout, et nous ne pouvons guère
le considérer que comme un auteur anonyme. Seulement, il
parle si souvent de l'évêque d Orléans et des privilèges de l'église
de Meun, qu'il serait permis de conjecturer qu'il était chanoine
de cette église. 11 est moins difficile de fixer l'époque oii il
rédigeait son recueil • car, lorsqu'il donne des modèles d'épîlrcs
du pape, de l'empereur, et du roi de France, les noms propres
qu'il emploie sont toujours ceux d'Urbain, de Frédéric et de
Philippe. Il est donc extrêmement probable que ce manuel a
été composé sous le pontifical d Urbain III, cest-à-dire de 1183
à 1187 : nous le plaçons ici sous l'année 1186, n'ayant aucun
moyen de connaître la date de la mort de l'auteur. L'écriture
du manuscrit est de la fin du X\\^ siècle ou du commen-
cement du XIll", et les fautesqu'on y remarque donnent lieu de
croire qu'il n'est qu'une seconde ou une troisième copie.
On peut considérer comme un peu moins ancienne encore
celle qui existe à la Bibliothèque du Roi, n° 994 des manuscrits
latins.
Nos prédécesseurs ont fait connaître un ouvrage du même pe»*t* ii"p' 78
genre, composé au XI" siècle, et intitulé Syntagma diclandi. Hist. Litiér.
Mabillon en avait inséré plusieurs morceaux dans sa Diplo- de '» F"", i. viii,
, "^ p. t)93.
matique. L auteur de la Summa dictaminis, après avoir di-
visé toutes les compositions en deux classes, la prose et les ^^ ■"* '''f'
vers, distingue sept genres en prose, savoir, le décret, le pre- vi n. 207.
ceple, le privilège, l'homélie ou harangue ecclésiastique, la
harangue séculière, 1 histoire, et l'épîtie. Il est question du
privilège dans le second livre de l'ouvrage; mais le premier
et la moitié du second ne concernent que le genre épislo-
laire.
La salutation, le début, la narration, la demande, et la
conclusion, sont, dit l'auteur, les cinq parties intégrantes
Tome XIV. B b b
2 5 •
378 RECUEIL DE FORMULES EPISTOLAIRES.
XII SIECLE, d'une épître. Il avoue qu'une ou plusieurs de ces parties peuvent
manquer quelquefois, non pas pourtant la salutation, à moins
qu'un vif mouvement d'indignation n'ait porté à la retrancher.
Jl ajoute que, dans cette première ligne de la lettre, celui qui
écrit ne doit placer son propre nom qu'après celui de la personne
à laquelle il l'adresse, excepté lorsque celle-ci lui est inférieure
en dignité.
Le pape met toujours son nom le premier, et au mot
saluiem i\ d.]on\.Q : et benedictionem, apostolicam . Il donne aux
archevêques et aux évéques laqualificaliun de vénérables frères ;
tous les autres, quels qu'ils soient, il ne les appelle que ses
chers fils : encore a-l-il coutume, s'il écrit à un ex com-
munié, de substituer au mol de fils celui d'homine, sauf à y
joindre ladjectif cher, quand il conserve quelque espoir de la
résipiscence de cet homme-là. S'agit-il, par exemple, d'un
prévôt ou doyen dégradé, mais non encore dépossédé, le pape
écrira: Urbanus... dilecto viro N. prseposito de lali loco,
bene sapere et errori suo finem imponere. L empereur étant
le seul qui doive hommage au pape, il est le seul aussi pour qui
le pape j )igne le moi fideli à dilecto filio. Mais d qualifie
viros catholicos les rois de Jérusalem et de France, à cause
des services particuliers qu'ils rendent à la religion et à l'église
romaine. Si le Saint-l'ère écrit à-la*fois à un séculier et à un
ecclésiastique, il donne à celui-ci le premier rang, à moins
que l'autre ne soit roi, ou qu'il n'exerce sur l'ecclésiastique
une autorité civile, comme un comte de Flandres sur un
évêque flamand Telle est l'humilité du Saint-Père, qu'il ne
prend pour lui-même que la qualité de serviteur des serviteurs
de Dieu, celle d'évôque par la grâce divine étant par trop
fastueuse.
En écrivant au pape, les archevêques et évêques ne s'inti-
tulent ni ses vénérables frères, ni ses dévols fils; mais cette
dernière qualification doit être prise par toute autre per-
sonne, soit ecclésiastique, soit séculière. Tous, sans distinction,
doivent donner au pape les titres de Saint-Père, de Seigneur,
et de Souverain Pontife Les séculiers lui disent : salutem
et reverentiam ; les ecclésiastiques, salutem et débitant obedien-
tiam, à l'exce[)tion toutefois des moines et des religieu-
ses, qui ne doivent l'obéissance qu'à leurs abbés ou abbesses :
Non dicent débitant obedientiam, quia debetur solis abbatibus et
abbatissis.
L'empereur écrira . Sanctissimo patri nostro et domino
RECUEIL DE FORMULES ÉPISTOLAIRES. 379
Urbano Dei gratiâ summo pontifici , Fredericus eâdem gratiâ xii siècle.
Romanoruin imperator, semper augusttis , salutem et debitum
servituiis obsequium ; mais le roi de France remplacera ces
trois derniers mots par reverentiam. Les ducs , comtes , mar-
quis , prévôts, ne se diront point tels par la grâce de Dieu ;
il n'appartient qu'aux rois et à l'empereur de s'appliquer cette
formule. Un prince infidèle ne se dit point le dévot fils du
Saint-Père , et n'ajoute rien au mol salutem. Les Juifs de
Paris écrivent au pape : Benè valere et mandata Dei fideliter
adimplere .
On écrit à un primat ou à un archevêque , Reverendo patri
ac domino; à un évéque , Venerabili patri ac domino. Les
prélats emploient, à l'égard de leurs inférieurs, la formule
dilectis in Christo filiis , et entre eux de venerabili fratri
salutem, et reverentiam ; mais un simple évêque dit à l'arche-
vêque, ou au primai, son supérieur, salutem et debitam
obedientiam ; et ce supérieur lui répond, salutem et episcopa-
lem benedictionem.
Les prélats, en écrivant à l'empereur ou à un roi dont ils
sont les sujets, doivent commencer par celle formule : Sere-
nissimo domino nostro. . . . N. fidelis suus salutem et cunc-
torum, suorum successuum ubertatem , ou bien votivam, pe-
rennitatem. Les religieux disent seulement salutem et orationes.
L'auteur fait connaître beaucoup d'autres formules ou étiquet-
tes applicables à diverses relations entre parens , entre ecclé-
siastiques et laïcs , entre seigneurs et vassaux. Les treize pre-
miers chapitres du premier livre de son ouvrage n'ont pas d'au-
tre matière; ils ne traitent que de la salutation. Les quatre
autres parties de l'épîlre, préambule, narration , demande et
conclusion , sont expliquées beaucoup plus succinctement dans
les quatre derniers chapitres du même livre , où nous ne remar-
quons aucun détail bien instructif.
Au commencement du second livre , le privilège est défini
une sanction apostolique ou impériale où sont accordés à
quelqu'un de nouveaux^ droits qui font exception aux lois
reçues. La salutation y est suivie d'une sentence générale , et
le pape fait entrer dans la conclusion une menace d'anathéme
contre ceux qui oseront porter atteinte à ce qu'il vient d'éta-
blir. Au bas d'un privilège émané du pape doivent se trouver,
du côté droit , deux cercles concentriques entre lesquels sont
une croix et un verset de psaume ; par exemple , Domtmts
illuminatio mea. Dans le cercle intérieur , le nom du pape et
Bbb2
XII SIECLE.
Thés. Aoecd.
Il, p. 182.
380 RECUEIL DE FORMULES ÉPISTOLAIRES.
le nombre ordinal à joindre à ce nom se lisent entre les bran-
ches d'une grande croix, composée de deux diamètres perpen-
diculaires l'un sur l'autre. A gauche de ces cercles s'inscrivent
les noms des cardinaux et autres souscripteurs.
L'auteur présente ensuite des modèles de privilèges impé-
riaux et de décrets épiscopaux , des exemples de chirographes
d'évêques , de chanoines et de laïcs; après quoi il explique à
sa manière, et comme il suit, l'origine de l'indiclion ; «Au-
guste ayant ordonné la description et le dénombrement de
tout l'empire, ainsi que l'Évangile nous l'atteste, des com-
missaires, envoyés dans toutes les provinces , lui rapportèrent
des états de population et des tableaux statistiques convena-
blement détaillés. En conséquence, un édit impérial soumit
chaque arrondissement à un tribut proportionné à sa popu-
lation et à la richesse de ses produits ; tribut qui devait se
payer la première année en or, la seconde en argent , la troi-
sième et les douze suivantes en produits particuliers à chaque
pays; par exemple , dans la Saxe , en épées et en couteaux.
Au bout de quinze ans, les paiemens devaient recommencer
dans le même ordre : les prêtres étaient chargés d'annoncer
dans les temples, tant le retour de chaque période , que le
numéro de chacune des quinze années , et le genre de paie-
mens à effectuer. » De là, selon l'auteur , le cycle appelé in-
diction ; et comme on sait que son commencement remonte à
la troisième année avant Jésus-Christ , un calcul fort simple
suffît pour trouver le rang que lient dans l'indiction chaque
année courante. Une charte qui ne marque point l'année de
l'indiction , manque d'authenticité ; sur ce point , l'auteur cite
Hciperic , moine de Saint-Gai au Xi" siècle , qui a laissé ef-
fectivement un traité de comput ecclésiastique , publié par
dom Bernard Pez.
Vient ensuite une assez longue série de chartes et de tes-
lamcns : dt-s malades , ou des pèlerins qui partent pour la
Tcrnî-Sainle , font des donations ou des legs aux églises; et
il csi à noter que lorsque le testateur n'a pas de sceau , on y
S'.ippièi' |)ar le sceau de l'église que Id charte ou le testament
eniK lui. L'aiileur interrompt assez brusquement celte suite
d'cIcU's , pour parler de Iharmoiiie qu'il convient de donner
à la pro*e , parle mélange des dactyles, des spondées et des
Irucliées. Ce sont là les seuls pieds qu il dislingue , et il veut
qu'on évite avec soin d'en mettre plusieurs de suite de la
même espèce. Il suit assez fidèlement lui-même cet excellent
ROGER DES MOULINS. 381
conseil dans les modèles de lettres qu'il compose, et dont il
prend les sujets dans le cours le plus commun des affaires
ecclésiastiques et civiles. Ainsi, c'est un pape qui rappelle un
légal convaincu de rapines, ou bien qui exhorte un arche-
vêque à tenir tête à l'empereur. C'est la réponse du légat ,
qui s'excuse de son mieux, ou de l'archevêque, qui promet
de ne pas mollir. On remarque une plainte d'un curé contre
les Templiers, qui enterraient dans leur cimetière des bri-
gands alors appelés cottereaux. Plus loin, des moines supplient
le pape de leur permettre d'exhumer un de leurs frères dont la
sainteté est prouvée par de fréquens miracles. Différens chapitres
demandent la déposition de leurs évêques , parce qu'ils sont
simoniaques, ou déréglés, ou oppresseurs, ou qu'ils introduisent
des bâtards dans le clergé. Voilà pour les matières ecclésias-
tiques. L'auteur traite aussi des sujets profanes : il fait des let-
tres d'amans et d'amantes, d'épouses qui se plaignent de leurs
maris, de prisonniers qui demandent de l'argent à leurs amis
et à leurs femmes, de comtes qui appellent à la guerre leurs
vassaux ou leurs alliés, de rois enfin qui donnent des ordres à
des seigneurs et à des oITiciers publics. En général, ce recueil
peut contribuer à faire connaître et les mœurs et les études lit-
téraires, et sur-tout le cérémonial épistolaire de la fin du XIl"
siècle. D-
ROGER DES MOULINS.
GeAND maître des HOSPITALIEKS DE SaINT-JeAN-DE-JÉEUSALEM.
JouBBRT, grand-maître de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem,
venait de périr par la faim, dans un cachot ou les Musul- Ven.t. i, p.ios.
mans vainqueurs l'avaient jeté. Roger des iMoulins fut choisi
pour le remplacer , à une époque où les succès toujours
croissans de Saladin allaient bienlôl amener la prise de Jé-
rusalem et la renonciation forcée de Lusignan au titre de
roi. Quelques écrivains ont commis, à son sujet, une double
38è ROGER DES MOULINS.
xir SIECLE, erreur; ils le font grand-matlre des Templiers, et le font suc-
céder à Gérard de Rochefort, fait prisonnier à la bataille de
Tibériade, que Saladin gagna sur les chrétiens le 2 juillet 1187.
Roger des Moulins fui grand- maître des Hospitaliers et non pas
des Templiers ; il était mort quand Tibériade fut assiégée et
., . prise : il n'y a pas eu de Gérard de Rocbefort grand-maître du
vénf. les daies, Temple ; Seulement un Gérard de Bédefort ou de Riderfori., et
t. I, p. SI6 ei encore il ne le devint qu'en 1188.
Art de vérif Roger était normand. Sa famille, illostre dans la province
les dates, t I, qui le vit naître , tira son nom des moulins d'une terre
P- *'"■ qu'elle y possédait. ■Ses lalens le firent élever, autant que son
de celte liist p cotjrage, à la dignité de grand-maître. Raymond du Puy avait
585 et suiv. donné, au milieu de ce siècle, des statuts à l'ordre de Sainl-
, , Jean de Jérusalem : Roeer des Moulins les fil confirmer par
Monasl Angl ° '
t. Il, p. S02. le pape Lucius III, et y en ajouta de nouveaux. Il fut employé
aussi, pendant son magistère, à une négociation importante
et d'où pouvait dépendre le sort des chrétiens en Orient.
Boêmond lll, prince d'Antioche, avait abandonné Théotlora,
sa femme légitime, de la maison de Comnène, et nièce de
l'empereur , pour épouser une de ses concubines. Le pa-
triarche excomnaunia le prince ; le prince chassa, poursuivit,
dépouilla le patriarche et tous les évêques qui partageaient
son opinion. On s'arma pour le prince ; on s'arma pour le
pontife. Roger des Moulins fut envoyé de Jérusalem, avec le
patriarche de cette ville et le erand-maîlre des Tem[)liers, pour
appaiser des troubles dont leflet pouvait être de faire allier
Boëmond, prince irascible et inconsidéré, avec les ennemis des
chrétiens, et d'achever ainsi de ruiner toutes les espérances des
croisés, déjà si afrai|;)lies par les succès des Musulmans. Guil-
. 6 cl suiv. ' laume de Tyr nous a conservé quelques détails sur celte né-
gociation.
L'auteur anonyme d'une histoire de Jérusalem, que Bongars
T. t, p. iisi. a insérée dans sa collection, dit que Roger des Moulins fut tué
à la bataille de.Tibériade.
Art de vérif. I^ ^st Ic premier qui soit qualifié de grand-maître dans les
les datej, t. I, chartes que nous avons. P
p S16.
383
XII SIECLE
AIMERIC,
Troisième Patriarche latin d'Antioche.
/^ un L AUME de Tyr, qui parle de ce prélat dans plusieurs en- Voy liv. xv,
"droils de son histoire, ne 1 appelle jamais qu'Aimeric, sans y ^^y, V _.' ||];'
ajouter aucun surnom. Celui de Malefaida ou Malafaida lui est xvii, 5 lO;
cependant donné par quelques écrivains , et notamment par '^ i^.^"''viy
l'auteur d'une lettre attribuée à Cyrille, troisième prieur général 5. 1.
de l'ordre du Mont-Carmel, en Orient Un des continuateurs de
BoUandus, le P. Papebroëck, le lui reproche, et affirnie que les Boiian<l. 8a»r
surnoms n'élaienl pas d'usage dans ce siècle; mais la seule bis- '' '''' " ''*
toire de Guillaume de Tyr en fournil, à cette époque, plusieurs
exemples, et nous allons bientôt en trouver un dans la famille
même d'Aimeric.
Ce patriarche était né au bourg de Salamiac, en Limousin, Boiiund. ib,d.
de villa appellatâ Salamiacum. On croit que c'est le lieu appelé Bibiimh
aujourd'hui Solignac, à deux lieues de Limoges. moin. i i. aiss.
Les auteurs qui ont écrit sur Tordre des Carmes, comme r"^^'>»- p ■^o.
Trithème , Casanale , Lemire , Jean de Carlhagène, Cogme
de Villiers qui a fait imprimer au milieu du dernier siècle
une bibliotheca carmelitana en deux volumes in-folio , ont
publié beaucoup de fables sur la jeunesse d'Aimeric. Le père
Marc-Antoine Alègre-Casanate, en particulier, dans l'ouvrage
intitulé, Paradisus Carmelilici decoris, raconte que le pre- P. 2{9, coi.2.
mier général de cet ordre, en Asie, fut Berthold de Male-
faida, français et limousin, issu de la sérénissime famille du
roi de Hongrie Salomon, qui, parti pour la première croi-
sade, embrassa la vie religieuse, et choisit, pour s'y consa-
crer, l'ordre des Carmes, dont il devint ensuite le chef, par
la nomination d'Aimeric , Adamàr ou Aymer , patriarche
d'Antioche, son cousin- germain ; narration qui renferme trop
d'anachronismes et de faussetés palpables pour que nous pre-
nions la peine de les relever. Un père Pierre-Thomas Sarazin,
va aussi loin en anachronisme, et plus loin encore en absur-
dité. A l'en croire, un jeune seigneur, appelé Guy de Maie- Mcnniog.Car-
faida, d'une noble famille de Limousin, étant à la cour du ^/g" ^ ^^ *"
384 AIMERIC, TR. PATR. LAT. D'ANTIOCHE.
XII SIECLE, roi de Hongrie, la Sainte-Vierge lui apparut, et lui ordonna
de retourner dans sou pays et de s'y marier, parce que, de
son mariage, naîtraient deux enfans, qui, comme deux
astres lumineux, illustreraient l'église d'Orient; prédiction,
ajoute Sarazin, que l'événement justifia ; car de ce mariage
vinrent Berthold , premier supérieur général des religieux
durit latin au Mont-Carmcl, et Aimeric, son frère utérin, qui
devint patriarche d Anlioche. Aimeric n'était pas frère de
Berthold ; Berthold n'était pas français, mais caiabrois : tous
les faits avancés par cet écrivain sont contredits par des
faits connus et par l'histoire des temps. Nous trouverons un
guide plus sûr et plus vrai dans Guillaume de Tyr, auteur
contemporain.
i.iv XV. S- Ki- Guillaume nous dit qu'il y avait auprès du roi Foulques-le-
Jeune un homme qui exerçait sur lui beaucoup dempire, et
qu'il désigne par Pelrus Armoinus, prtesidii civitatis custos. Il
en fait ici le gouverneur de la citadelle d'Aniioche; et sans
doute c'est la même chose qu'il veut exprimer, lorsqu'il dit un
'. is- peu plus bas, Petrus quidam cognomine Armoinus, civitatis
castellanus. Il l'appelle, dans le premier passage, vir mali-
tiosus suprà moduin, et dans le second, il ne le traite pas
beaucoup plus favorablement. L'oncle fit venir son neveu
auprès de lui, et celui-ci fut doyen de l'église d'Aniioche
pendant que Raoul la gouvernait ; doyen choisi par ce patriarche
Giiii. (ip r>r, lui-même, qui avait cru se l'allacher ainsi par la reconnais-
liv. XV, %. 1(5 sance. Cependant la hauteur et les vexations de Raoul l'a-
''' ■ valent rendu insupportable au prince, aux seigneurs, aux mi-
nistres de la religion. Il dominait sur le clergé plus en tyran
qu'en évoque, et jouissait avec insolence de ses grandes
Giiii. (le Tyr. richesses. Des plaintes et des réclamations furent portées à la
liv. XV. \. 15 cour de Rome (Innocent II était alors le chef de l'éi^lise); un
ilir"\iiM lie 'égal fut envoyé sur les lieux même par ce pontife ; un concile
Tii-i iir- P;.iis. y fut réuni au mois de novembre 1141, et ce concile déposa
iiv. XIII, (• 2, paQui^ qu'un ordre du prince fit ensuite renfermer dans un
monastère.
Raoul ne croyait pas sans doute, quand il nomma Aimeric
doyen de l'église d'.Anlioche, que l'homme qu'il élevait ainsi
par des motifs de complaisance pour un oncle puissant, de-
viendrait bientôt son successeur à lui-même. Il paraît néan-
i.iv XV. 5. moins, par ce que dit Guillaume de Tyr, que Pierre Armoin
'6 oi 18. n'oublia rien pour favoriser, autant qii il était en lui, les pro-
grès de 1 orage suscité contre Raoul. A peine la déposition
AIMERIC, TR PATR LAT. DANTfOCHE. 38o
eut-elle été prononcée, qu'il employa tous les moyens de x.i siècle
crainte, d'espérance, de séduction, qui étaient en son pou-
voir, pour faire porter sur Aimeric le choix des électeurs
qui devaient donner un patriarche à Antioche. Le légal, ayant
terminé les affaires qui l'avaient appelé dans cette ville, se
rendit à Jérusalem, où il séjourna jusqu'après les fêtes de
Pâques, qu'il y tint .aussi un concile. Ce n'est qu'après avoir
parlé de ce dernier fait, que Guillaume de Tyr rapporte l'é-
lection d'Aimeric, sourdement sollicitée par le prince d'Aii-
tioche, et procurée, comme nous l'avons dit, par les intri-
gues, les artifices et les libéralités de Pierre Armoin Elle doit
être du mois de mai ou du mois de juin 1 1 i2, Pâques ayant
été, celte année-là, le 19 avril. Fleury la met à la fin de "i^i Ecd. li,.
1140 ; mais celte opinion paraît difficile à concilier avec les ^^''"'' ^' ^*-
faits certains que nous venons d'exposer, et auxquels on
peut joindre ce que rapporte encore le même Guillaume de i.iv. xix, 5 1.
Tyr, en parlant du couronnement d'Amaury, successeur de
Baudouin III au royaume de Jérusalem, en M 62, qu'Aimeric,
troisième patriarche latin d'Anlioche, était alors dans la ving-
tième année de son pontificat. Le père Labbe, de son colé, Acta Conc. t.
retarde un peu le concile d'Anlioche, quand il le place en ^''- ''• '^^^ «'
1142. C'est en 1141, cinq à six mois avant l'élection d'Aimé- '""'
ne, qu'd avait été tenu. Du reste, on peut remarquer dans p. nos et suiv
le même tome une erreur plus grande encore ; le même cou- Ann
cileyest inséré sous la date de 1136 : Baronius l'avait aussi "" "•'"'
placé en 1136 ou 1137.
Guillaume de Tyr trace un portrait assez peu favorable du
nouveau patriarche; il l'appelle homme sans lettres et dune con-
duite peu édifiante, homo absque lùteris et conversationis non
satts honestas. Ce second re,.iochc peut être entièrement vrai •
mais II semblerait, d'après quelques actions de la vie d'Aimeric'
que ce patriarche n'était pas aussi ignorant que Guillaume de
lyr le suppose.
Raymond, prince d'Anlioche, ayant été tué avec un i>rand
nombre de chevaliers, dans un combat qu'il livra imprudem-
ment en 1149, et non en 1148, comme le dit notre historien, l.v. xvm s 9
(Louis VII avait quitté l'Orient, et ce ne fut qu'en 1149 qu'il
revint en France ) contre Noradin , sultan d'Alep depuis
quelques années, et déjà le prince le plus puissant que 10-
rieni connût alors ; celle perle causa une consternation d'au-
tant plus grande , qu'il ne se présentait aucune espérance
aucun moyen de résister, après un tel malheur et l'envaliisl
Tome XIV. C^.^
Ann. Ecclcs.
Liv. XV, i. 18.
^., ccr.r. 38G AIMERIC, TR. PAIR. LAT. D'ANTIOCHE.
sèment d'une partie de la contrée. Le peuple d'Anlioche
croyait voir, chaque jour, arriver l'armée à ses portes, et il
manquait d'un chef capable de le commander et de relever
L. XVII, ç. 10. son courage abbaltu. Dans celle terrible situation, le patriarche
Aimeric, c'est Guillaume de Tyr lui-même qui nous l'apprend,
homme à ressources, adroit, solers, et très-riche, touché de
compassion pour son peuple désolé, se^ mit courageusement
à la tète des affaires, et donna libéralement, contre son naturel,
de quoi lever des troupes et les payer. Baudouin III, roi de
Jérusalem, vint à Antioche, dans la pensée de remédier aux
maux qu'elle souffrait et aux dangers dont elle était menacée ;
mais rappelé bienlôl dans ses étais parles soins dus à son propre
royaume, il voulut engager Constance, veuve de Raymond,
qui n'était âgée que de vingt-deux ans, et qui n'avait que
des enfaus en bas Age, à se choisir un époux capable de
gouverner et de défendre sou pays Constance, redoutant
le lieu conjugal, préférant une vie libre et indépendante, peu
touehéo de linlérêt du peuple, s'y refusa. Le patriarche avait
sur-loul la cotdiance de la princesse, et la dirigeait par ses
conseils , on l'accusa d'avoir aussi cherché à la détourner du
mariage pour pouvoir satisfaire plus librement cette passion
extrême de domination dont il était lournienlé. Guillaume de
L. XVII \. 17 ^y'' 'appelle, à ce sujet, vir argutus et versipellis, domina-
tionis cupidus nimis.
Constance finit (■e[)endant par se délerminer au mariage ;
mais elle ne crut pas devoir le contracter publiquement. Elle
avait choisi un guerrier appelé Ramaud, (pie l'archevêque
L. XVII, i. 2fl. (le Tyr place, je ne sais pourquoi, dans les derniers rangs
de l'armée, dont il semble faire un simple soldai, gregariiis,
stipendiarius , miles Ce guerrier était de 1 illu.-tre famille de
Cliàtillon ; il avait suivi Loiiis-le-Jeiine à la Terre-Sainte, en
Alt (!.• vi'iif 1147, avec un de ses frères , qui y mourut les armes à la
'*'■ .'i!''"' '■ '' main, et nui avait épousé Adélaïde de Rouci, d'une des fa-
p. ♦48. 'Il
milles aussi les plus illustres de ce temps-la. On pense bien
fpi'Aimeric n'approuva pas un mariage qui menaçait son in-
Gnii <ic Tyr, flucuce. Il scxpliquait fort librement, tant en public qu'en
liv. xviti, 5. I particulier, sur la personne et les actions du nouveau prince :
celui-ci fut bientôt instruit de tout ce qu'en disait le patriarche ;
et, dans son indignation, il le fit arrêter et conduire ignomi-
nieusement dans un châleau cpii dominait la ville. La, ce
(jui est horrible, il contraignit ce prélat, déjà vieux et d'une
santé débile, à s'asseoir, la tête nue et enduite de miel, un
AIMERIC, TR. PAIR. LAT. DANTIOCHE. 387
jour d'été aux plus grandes ardeurs du soleil, sans qu'il y eût xii siècle.
personne qui lui offrît quelque soulagement dans cette situation
douloureuse, et qui chassât au moins, par humanité, les mou-
ches qui fatiguaient son visage.
Jean Cinnaraus, dans son histoire de l'empereur Manuel Liv iv c ii
attribue a une autre cause ce barbare traitement. Rainaud
de Châlillon, cniignant la colère de ce monarque, qui vou-
lait se venger d'incursions faites et de ravages exercés dans
1 île de Chypre, et pour cela menaçait d'envahir les étals de
Rainaud, offrit à Manuel Comnène, pour l'apaiser de lui
livrer la citadelle d'Anl.oche. Le patriarche s'était vivement
opposé à cette résolution : ,1 |„i avait de plus refusé une somme
d argent dont Rainaud disait avoir le plus pressant besoin Ce
prince irrité le Qt dépouiller, fouetter cruellement, du Cin-
namus, et l'ayant fait frotter de miel de la léle aux pieds
pour sécher ses plaies, il le fit exposer, en cet étal, à toute
I ardeur d'un soU-il brûlant, livré aux mouches, aux guf^pes
aux abeilles, dont il f.,i cruellement tourmenté. Aimeric '
pour se délivrer de cet horrible supplice, abandonna toutes
ses richesses. Rainaud, ayant alors ce qu'il souhaitait, il bi
fil rendre ses habits, le fit monter sur un cheval, et le con-
duisit à pied, dans la ville, tenant d'une main une des cour-
roies qui pendait de la selle ou on avait assis le patriarche
Ces honneurs insultans furent peu capables d'eflacer dans
lespritd'Aimeric le sentiment de l'injure qiûl venait de re-
cevoir. H chercha tous les moyens de s'en venger; il alla jusqu'à
envoyer plusieurs fois des émissaires à l'empereur de Constanti-
nople pour lui offrir de lui livrer Rainaud; mais Manuel refusa
constamment de profiter d'une perfidie.
Jean Cinnamus lie cet événement avec l'entrée do l'empc- cuii de T
reur a Antioche, laquelle n'eut lieu qu'en 1158. Guillaume xviii'j îeia.
de Tyr le place en 1154; car il parle, immédiatement après
de la mort du pape Anastase et de l'élection d'Adrien IV il
venait de dire que le roi de Jérusalem, apprenant la con-
duite du prince d'Antioche, étonné de tant d'extravagance
lui envoya l'évêque d'Acre et Raoul, son chancelier, pour lui
en faire des reproches, et lui enjoindre do revenir enfin d'un
SI horrible délire ; et l'historien ajoute que ce fut d'après les
eltres de Baudouin, q^e Rainaud mit Aimeric en liberté et
lui rendit tous ses biens. Celui-ci, abandonnant son diocèse
suivit les envoyés du roi à Jérusalem, où il demeura quel-
ques années, y ayant été reçu avec une égale bienveillance
Ccc3
388 AFMERIC, TR. PATR. LAT. DANTIOCHE.
XII SIECLE. par le monarque, la reine sa mère, le patriarche, tous les
Gvéques. 11 y était encore à l'époque du mariage de Bau-
douin 111 avec Théodore, fille du prince Isaac, fils aîné de l'em-
pereur Jean Comnéne, au préjudice duquel celui-ci avait désigné
pour successeur iManuel, son second rils, et c'est lui, Aimeric,
qui fit, au mois de septembre I 158 (1), la cérémonie des épou-
V. ci dessus, sailles : Foucher, patriarche de Jérusalem, était mort le 20 no-
p. 16-2; et G. yoiiibre 1 1 o7 , et Amaury, choisi pour le remplacer, n'était pas
de Tyr, 18, 5 i
22. encore sacré.
Cuil. (le Tyr, L'empereur Manuel Comnéne étant venu de Constantinople
1 , 5. -2 — '.j. ^^^ Syrie pour y châtier le prince d'Antioche, il y séjourna
jii'^cju'après les fêtes de Pâques de I année suivante, et lui ayant
alors pardonné, à la recommandation du roi de Jérusalem,
il fit son entrée à Antioche, où il fut reçu comme en triomphe.
Aimeric alla au-devant de lui processionellement à la tête
de son clergé, et le conduisit à l'église de Saint-Pierre. Il
était sans doute venu à Antioche avec Baudouin, qui vou-
lait vraisemblablement le réconcilier avec Rainaud. C'est là
du moins l'époque la plus vraisemblable du retour d'Aimeric
dans son église ; et, ce qui nous le fait croire encore davan-
L xviii. 5. 20. jj,gg^ cesl que Guillaume de Tyr, après avoir fait le détail
de ces événeraens, passe immédiatement à un autre qu'on sait
ôlre du même temps, la mort du pape Adrien IV, arrivée le
l*^"^ septembre 11 o9.
Les écrivains qui ont recherché rorigine de l'ordre des
(larmes assurent tous que notre patriarche est le premier qui
ail rassemblé en corps de communauté les ermites répandus
Bibi. Csrnie- ^j.jjjg différeus eudroits de la Terre-Sainte. Un auteur du
lil. p. (108. — ., , • , ■ A - 11 1 •
Spec. Carmciii. Xlll^ sieclc, qui lui-memc avait voyage en Palestme, sup-
pose qu'il y avait autrefois sur le Mont-Carmel une com-
niunaulé si nombreuse, que l'espace étant devenu trop étroit
pour la contenir, ceux qui la composaient se répandirent
(l;i'i.s loules les .solitudes de la contrée que leurs prédéces-
S' Ms avaient habilées anciennement ; qu'Aimeric en amena
qi'i'|(|ues-ims avec lui, qu'il étai)lit sur la .Montagne-Noire,
oii ils vivaient dans des cavernes; que, quoique séparés les
uns des autres , ils lâchaient tous néanmoins d'observer le
(1) Et non en 11.57, comme on le dit dans l'Art de vérifier les dates,
t. 1, p. 291, col. 1. On dit, au reste, 1158, p. 441 du même vol. col. 2.
On appelle aussi par erreur, p. 291, Marie, la princesse appelée TlUo-
dvra, p. 441.
I, part. I, p
96. - V Du
bois. Il de l'r^l
de Paris. Iili
XYI, c. 3, S. 1
AIMERIC, TR PATR. LAT. D'ANTIOCHE. 389
même genre de vie que les ermites du Mont-Carmel. On voit xrr siècle.
qu'il ignorait ce que dit le prétendu Cyrille, que, au temps Spcc Carmc
des premières croisades, il y avait à Aniioche un patriarche '" ' '' P' '^
légat du Saint Siège en Palestine, aimé de Dieu et des hommes,
appelé Aimeric Maiafaida, qui, édifié de la sainte vie des
frères de la bienheureuse Marie, leur accorda une protection
particulière ; mais ayant remarqué que quiques-uns de ceux
qui étaient venus d'occident, méprisant les averiisseruens des
anciens, ne marchaient pas selon la vérité de la vie religieuse
érémitique décrite dans le livre de Jean , faisant attention
que ce dérangement avait sa source dans l'ignorance oii ils
étaient de la langue grecque, ignorance qui ne leur permet-
tait pas de s'instruire dans le texte même, il fit traduire l'ou-
vrage en latin, et pour assurer la paix des ermites , les lia
tous par un voeu commun d'obéissance, sous un chef qui
porterait le nom de prieur, et que Berthold, son frère, fut
nommé le premier, d'un consentement unanime, en 1121.
L'annotateur corrige 1121 par 1141 ; mais l'un n'est pas plus
vrai que l'autre, et nous avons déjà dit combien était desti-
tuée de tout fondement la fraternité de Berlhold et d'Aimeric.
Du moins il ne fait pas de celui-ci un religieux de son ordre :
le père Marc-Antoine Alègre de Casenale s'était pareillement p^^,-^ ^^
contenté de s'en faire le protecteur et l'ami. Rien n'empêche Carm. .lecoris,
de croire qu'Aimeric n'ait favorisé de son crédit et de ses p ^*■^•
libéralités l'établissement de Berthold sur le Mont-Carmel ,
qui n'était pas, au reste, de son diocèse et de son patriarchal,
mais du diocèse d'Acre : cela même néanmoins est peu cer-
tain , et il règne beaucoup de confusion et de contradiction
dans tout ce que l'on a publié à cet égard. C'est encore une
assertion fausse que de supposer , comme Wastel , à la
tête de l'édition des ouvrages de Jean , évêque de Jé-
rusalem, et comme le supposent en général tous les écri-
vains de l'ordre des Carmes , qu'Aimeric fit traduire ou
traduisit lui-môme le livre de cet évoque sur l'institution des ^J^' ?J' ~
, ' V. aussi Gesiier,
premiers moines ; le père Fapebroëch la tres-bien prouvé p. 97, coi. i.
dans sa dissertation sur le bienheureux Albert , patriarche Boiiand. 8
de Jérusalem 11 croit l'ouvrage fort postérieur même au 732'" ''" ^**"
temps d'Aimeric, et d'un Français ou d'un Wallon nommé
Jean INeveu , né vraisemblablement dans une des villes qui
portent le nom de bois, Joannis nepotis sylvani , ainsi que
l'appelle Wastel lui-même dans l'édilion qu'd publie. On
peut ajouter , en faveur de cette opinion , que le pape Eu-
: 7
390 AIMERIC, PR. PATR LAT. D'ANTIOCHE.
xi[ siErxE. gène III ayanl écrit, vers 1130, au patriarche Aimeric pour
"^ l'engager à faire traduire du grec en latin, ce qui manquait
dans les exemplaires qu'on avait en occident des homélies
de saint Jean-Chrysoslôme sur saint Matthieu, dont il sou-
haitait avoir une traduction complète ; Aimeric ne put faire
ui par lui même ni par d autres ce que le pape désirait, et se
contenta de lui envoyer un excrnpidire grec de ces homélies :
Martine, ce ful alors qu'Eugène en chargea Burgondion de Pise, qui
Ampi. "''''■'^' dit dans sa préface, avoir terminé son travail le 1«=' décem-
l. I, (1. 017 — t^
820. bre 1151.
Les dernières années de la vie d'Aimeric furent agitées et
troublées par les chagrins et les traverses auxquels l'exposa
un zèle ardent , mais peu rélléclii. Boëiuond III , prince
d'Anlioche. avait épousé, en premières noces , Orgueilleuse ,
fille du seigneur de Harenc, dont il eut entre autres Boë-
mond IV, qui lui succéda. Il- lépudia celle princesse pour
V. l'An (le épouser Irène ou Tliéodora Comnène, nommée par d'aulres
vi^iif. Ics^ (laïcs Esine ou hlsline, nièce de l'empiMeur .Manuel, qu'd répudia
' '' ^' aussi hienlôl après, el qu'il rélégua en Romaiiie, pour épouser
une troisième femme appelée Sibylle. Le patriarche ne crut
pas pouvoir dissimuler un si grand scandale. Après avoir
fait au prince deux monilions inutiles, il porta contre lui
une sentence d'excommunication. Boëmond en fut vivement
irrité. La discorde et la guerre même éclatèrent entre Aimeric
el lui ; il assiégea le patriarche' dans un château, poursuivit
les autres évêques, pilla les églises, et commit divers actes
de violence. Quelques seigneurs du pays, ne pouvant sup-
porter ses emportemcns , quittèrent son service Toute la
principauté d Antioche était en proie à des divisions dont il
était à craindre que les ennemis dos chrétiens ne profilassent,
r.dii. de Tvr, Le roi de Jérusalem, le patriarche, les prélats, les seigneurs
'^' ^ '■ se réunirent pour délibérer sur cette affaire ; ils pensèrent
qu'il y aurait du danger à vouloir réduire par la force un
prince imprudent el débauché, qui peut-être appellerait les
infidèles à son secours ; ils jugèrent aussi que les exhorta-
tions et les conseils .seraient sans clfel auprès d'un homme que
la passion égarait ; ils conclurent donc qu'il fallait soulfrir un
mai pour ne pas en attirer un plus grand, et attendre qu il plût
à Dieu de toucher le cœur du prince.
Mais Aimeric ne s'élait pas contenté d'excommunier Boë-
mond ; il avait jelé l'interdit sur tout le pays : on n'y admi-
nistrait plus de sacrement au peuple, si ce n'est le baptême
AIMERIC, TR. PATR LAT. DANTIOCIIE. 391
aux enfans. Les personnes réunies pour délibérer convinrent xii sifxle.
donc d'envoyer sur les lieux, afin de voir s'ils ne pourraient
pas apporter quelque remède à ces maux, le palriarche de
Jérusalem , le grand-maître des Templiers, le grand maître
des Hospitaliers , cl Rainaud de Chàlillon, ci-devant prince
d Antioche, et beau-pèrd du jeune Boëmond. Ils se rendirent
d'abord à Laodicée; ils y eurent des conférences avec le pa-
triarche et avec le prince, chacun en particulier ; ils en indi-
(pièrenl une ensuite à Anlioclie , dans laquelle , après bien
des discussions, on ronchil la paix pour (|uel(|ue temps. Les •"■'"' <■« Ty"'
conditions eu furent, que Ion rendrait au palriarche, aux évè- ""'
ques, aux églises, tout ce ipiils avaient perdu, et (p.ie linter-
dil serait levé, le prince ce[)eudanl restant excommunié jusqu'à
ce qu'il eût abandonné sa nouvelle épouse : Boëmond n'en
continua pas moins de vivre avec elle Flenry |)lace cet événe- iiisi. Kcd. liv.
ment en 1181; mais il doit être de 1180, puisque Guillaume 7-^ 5- *•'>.
' ^ . 5. * et 7.
de Tyr parle en même- temps de la mort de Louis-le-Jeune
et de celle do rem|)ereir .M;m;iel, arrivées la première le
18 si'plembre I 181), el la seconde le ii du même muis de la
môme année.
Guillaume de Tyr rapporte immédiatement après un fait i ^•
honorable pour Aimeric. Une peiqilade de Syriiius, habitant
le long du Liban, ijne l'ou di-iail com|)osi!c de plus de rpiaranle
mille hiimmos, bravos , aguerris et toujours prêts à com-
battre les inlidèles, mais attachée depuis cinq cents ans à
l'hérésie de Maron , qui n'est que celle des Monothélites ,
abjura cette erreur entre ses mains , et se réunit à la doctrine
générale de l'église Je rappelle ce fait d après (îuillaume de
Tyr el Jacques de Vitry , oîi l'on pris plusieurs hiatoriens
modernes , el Flenry en particulier : mais il donnerait lieu
à quelques observations sur k's(jiieli(>s nous croyons traiilant
moins devoir insister, (luolles ont élé failes [)ar le P. l'agi,
qui les avait même publiées ()lusieurs années avant (pie parut
le volume de l'Hi-loire ecclésiasliijue oii {"leur y raconte cet
événement. On a de la pi'ine à croire aussi que, si les Maronites «"'v- oi ii!>7-
tiraienl leur nom d'un hérésiarque, ils 1 eussent conservé
après leur retour au catholicisme. Quoi ()u il en soil , on at-
tribue à Aimeric Ihonneur de les avoir ainsi ramenés, ceux
du moins qui étaient dans terreur, s'il est vrai qu'ils n'y
fussent pas tous, de les avoir ramenés au centre de i'éalise _ .
roraame. 11 alla chez eux, reçut leur nouvelle profession de nsi, n. u.
p. Kinr.
<lu
t.
I (le lioHK^
ir-.
l-il.. 73,
V ■'•
Ki.
A.l ll8-.>.
11.
10. - V
. RU
-ssi
Onciis
Chri
.si.
i. ni, p
34
et
Marif ne ,
1. I,
p. 870 -
872
- Ilisl. de
Kr.
1. XVI, p.
61.
392 AIMERIC, TR. PAIR. LAT. D'ANTIOCHE.
XII SIECLE. fQJ^ Qi jgyp gi é]ipg ujj nouveau patriarche d'une saine doc-
trine.
Ce fait doit être de 1183. Aimeric mourut quelques années
après, vraisemblablement au mois de novembre ou de décembre
de l'an 1 187 : cette date deviendra presque certaine par une des
lettres dont nous allons parler.
SES ÉCRITS.
Les écrits du patriarche Aimeric se réduisent à des lettres ;
mais elles ne sont pas sans quelque intérêt pour l'histoire de ce
temps-là.
La première est adressée à Louis-le-Jeune, et a été publiée
dans l'amplissime collection de Marlenne et de Durand, d'après
un manuscrit de l'abbaye de Marchiennes en Flandre, et dans
la nouvelle collection des historiens de France On lit en tête
de celte lettre, qu'elle fut envoyée l'an 11G4. Elle est en effei
bien certainement, ou de celle année-là, ou de l'année précé-
dente. Le patriarche l'écrivit après la perle d'une bataille dans
laquelle Boëmond, prince d'Anlioclie, avait été fait prisonnier,
cl dans le temps que les Turcs pressaient de toutes parts
celte ville, lellenier.L dégarnie de troupes, que les clercs, les
piètres et le patriarche lui-même étaient obligés de faire la
garde. 11 su|)plie le roi d'avoir compassion d'eux ; sans un
prompt secours, la captivité les menace tous, et le christia-
nisme périra dans 1 Orient. Il s'excuse de ne jamais parler au
prince que de douleurs et de gémissemens : mais quand on
en e.st oppressé, comment lenir un autre langage? La vie
qu'il supporte est plus affreuse que ne le serait la mort. Il
entre dans quelques détails sur l'état du peuple, de la guerre,
de l'armée ennemie, sur les progrès des infidèles. Sa lettre
est assez bien écrite, et assez intéressante pour l'histoire des
croisades. Elle ne se trouve point dans le recueil de lettres
de Louis VII ou à Louis VII, donné par Duchesne dans le
quatrième tome de sa collection.
Mari. Anicd. Une autre Ictire d'Aimeric est sa réponse à Hugues Élhé-
t. I, p. i/it. gjj^j^ Celui-ci, né en Italie, à Pise, mais qui résidait alors à
Constanlinople, y avait composé un ouvrage contre la doctrine
de l'église grecque, pour prouver que le St. -Esprit procède da
Bibi Pair, fils, ot l'avait adressé au pape Alexandre III, qui l'en remercia
i. VIII, p. 863. pgp yjjg lettre que nous avons encore, datée du 13 novenabre
AIMERIC, TR. PATR, LAT. D'ANTIOCHE. 393
1177. Bugues adressa également son traité au patriarche ^" siècle
d'Antioche, et, dans sa missive, il l'appelle amantissimus Anecd. .. i, p.
domtnus suus. Le patriarche, dans sa réponse, où il l'ap- ^'^- ~ ''''"'>■•
pelle dilectus filins in Christo, après l'avoir' remercié de Ts: '"'" ""^ '''
l'envoi de son livre, loue beaucoup son esprit, son savoir
la beauté de son style, éloge que justifie mal, sous le rap-
port du style, la lettre que nous venons de rappeler; car il
y est plein d'affectation, et renferme cependant des mots vrai-
ment barbares. Aimeric n'hésite pas à déclarer Hugues Élhé-
sien supérieur aux philosophes de lanliquilé, et égal aux
pères de l'église. Il ne loue pas moins l'objet de cet ouvrage :
ce n'est pas pour vous seul que vous vivez, leur dit-il, c'est
pour l'église toute entière; vous avez opposé aux attaques
des Grecs un rempart inexpugnable. Il lui recommande en-
suite trois choses, qu'il regarde comme très-utiles aux Latins
d'Orient, et qu'il affirme devoir procurer à leur auteur une
gloire plus durable que le bronze ; la première, de chercher
le commentaire de saint Jean-Chrysoslôme sur les épîlres de
saint Paul, et de le publier pour faire connaître à tout le
monde les soustractions et les falsifications de ceux qui en
avaient retranché ou changé les passages qu'ils jugeaient
leur être contraires ; la seconde, de lui envoyer les chroni-
ques qui contiennent ce qui s'est fait depuis le temps que les
empereurs grecs se sont séparés de l'empire romain ; la troi-
sième, de lui envoyer pareillement les canons du concile de
Nicée, qu'on dit être chez l'empereur de Constantinople. Si je
puis, ajoute- t-il, les obtenir toutes trois de vous, je vous
devrai d'infinies actions de grâce, et je vous rendrai avec usure
les dépenses que vous aurez été obligé de faire. En attendant,
il lui envoie une coupe d'argent, m quâ, dit-il, pro nostro
amore pariter et honore volumus ut bibatis. D. Martène et
D. Durand ont publié ces deux lettres dans le premier volume P- ■*79-i«o.
de leur Trésor d'anecdotes, sur un manuscrit de l'abbaye de
Clairvaux. Celle du patriarche d'Antioche n'est point d'un
homme ignorant et sans lettres, comme le caractérise Guillaume
de Tyr.
Roger de Hoveden nous a conservé une autre lettre d'Ai- Ann. Angi
mène. Elle est adressée à Henri II, roi d'Angleterre Le pa- p *'"•
tnarche y décrit en peu de mots l'état malheureux où se
trouvaient la Terre-Sainte et tous les pays conquis par les
croisés, depuis la perte de la bataille, livrée le 4 juillet 11 87
.dans laquelle le roi de Jérusalem, Gui de Lusignan, fut fait
Tome XIV j^^^
301 AIMERIC, TR. PATR. LAT. D'ANTIOCHIi:.
XII SIECLE, prisonnier par Saladin, ainsi que le prince tlAntioche, et le
grand-maître du Temple et celui des Hospitaliers. Aimeric y
fait lenuniération de toutes les villes dont s'empara le vainqueur.
Il s'exprime de la manière la plus palhélique pour exciter la
compassion du roi, qu'il prie de venir en personne secourir la
Palestine, et la délivrer des mains des ennemis de Jésus-Christ.
Saladin assiégeait Jéi usalcm, lorsqu Aiméric écrivit cette lettre,
que les évoques de Ciiàlons-sur-Saône et de Valence devaient
présenter à ce roi ; ce qu'ils tirent conjmc on le voit par la
réponse de Henri H. Baronius a donné la lettre du patriarche
An. 1187, II. ti dans ses annales; elle se trouve aussi dans le quatrième tome
des annales ecclésiastiques d Angleterre du père Michel Alford.
An 11»7, n. ^ ,, , ■ , , i - i , - i
7 ,.f j5 Comme elle est écrite dans le temps du siego de Jérusalem,
jai-q. deViiiy, elle doit ("'trc dc la fin de septembre de cette année, Jérusalem
Dci'^er Franc* s'élant rendue, après quatorze jours de défense, le 2 octobre
i.'i, Tus. ' 1187.
Aimeric y dit encore que Saladin sélail vanté de venir à
Aatioche après la prise dc Jérusalem. Profilant en effet de sa
bonne fortune, le vainqueur soumit bientôt tout le pays à
jacq. de \ iiry, ^^ puissance: il épargna cependant, et la ville d'Antioche,
/Aid. |). 119. '^ 1 /-. - 1
et le château de Cursal, appartenant a notre patriarche, moyen-
nant une somme considérable dargent que celui-ci lui
donna.
Aimeric survécut peu vraisemblablement à l'envoi de cette
lettre ; mais les objets même dont il y parle, le siège de Jé-
rusalenj qui se faisait alors, et dont la durée fut si courte,
la négociation qu'il fit ensuite avec Saladin pour la ville
d Anlioche et le château de (àirsat, prouvent ipie les auteurs
T. I. p. '-'!i5. de lArt de vérifier les dates ont trop avancé sa mort, quand
ils l'ont placée au mois do septembre H 87: elle doit être
pourtant d(! la fin de celle même année. Dans sa lettre à
Henri H, le |)alriarrhe se plaint d'une maladie de langueur qui
l'aU'ectait depuis loiig-lemps, et sous laquelle il est près dc suc-
Ci iirss. p. r.8(i comber. Il est même surpirnanl (pi'élant déjà vieux et d'une
ei 387. santé débile, en 1 \ ii i, il ait pu prolonger jusqu'en 1 1 87 une vie
traversée par tant de malheurs. La situation où était alors son
diocèse, cl la Terre-Sainte en général, devait encore aggraver
ses maux : Saladin y portait par-tout le ravage et le joug des
ennemis des chrétiens
On lit, dans (juchpies biographes, que le patriarche Aime-
ric avait écrit une histoire de la conquêle du royaume de
Jérusalem sur les chrétiens par Saladin. Celte histoire n'existe
V. i^->. loi. 2.
TRAIMOND, MOINE DE CLAIRVAUX. 39o
nulle part, et aucun auteur n'en fait mention. Il est plus que mi sikci k
vraisemblable qu'on aura pris la lettre à Henri II, ou l'auteur
parle en effet des malheurs des chrétiens et des progrès de leurs
ennemis, pour un ouvragi; particulier destiné à les retracer, et à
raconter le siège et la prise de Jérusalem .
Simier, dans l'abrégé qu'il a donné de la bibliothèque de
Conrad Gesner, attribue à Aimeric une traduction du grec en
latin de l'ouvrage sur l'institution des premiers moines, par
Jean, évèque de Jérusalem. Nous avons déjà fait connaître l'er-
reur de cette opinion
Les continuateurs de Magdebourg disent quelques mots ^i' '^-- \ 2
d'Aimcric d'après (iérard de Nazareth, et ne lui donnent que
douze ans de pontificat. Ils citent GuiHaume de Tyr : mais sans
doute ils ne 1 avaient pas lu : ils n'auraient pas commis une faute
si grossière.
Quelques autres, et notamment Vignier. dans sa bibliothèque
hislorialc, en répétant des erreurs que nous avons signalées, y
ajoutent qu'Aimeric fut légat du saint siège outre-mer. Aimeric
n'eut jamais cette qualité , c'est Alberic qui l'eut: la ressemblance
de leurs noms aura probablement occasionné cette confusion.
Alberic était cardinal : ce fut lui qui présida le concile
dans lequel le prédécesseur d'Aimeric, le patriarche Raoul, fut
déposé. P.
De coiivcrs. sor
Dci. c. 33.
l'uil. 5, an.
tl4l, n. 95.
TKAIMOND 00 TUASIMOINU
M 0 I :< K I) K G I, A I R V A U X.
"Il N moine de Clairvaux, nommé Traimond ou Trasimond, a
'^rédigé, au nom de son abbé Henri, au nom de Louis VII, et
de quelques autres personnages, plusieurs lettres que Duchesne
et dom Tissier ont insérées dans leurs collections, et dont voici nisi. Franc
une notice succincte ; s.ripi. t. iv,
1. Lettre de Louis VII au pape Alexandre III. Le monarque ''' ^%ibi. ' kir.
s'y plaint amèrement du luxe des prélats, du faste somp- Cisi. i. m, i.
tueux de leurs équipages et de leurs festins, /n laulas epu- '^^-'^^"•
DdcU
396 TRAIMOND, MOINE DE CLAIRVAUX.
XII siKCLE. lantium cœnas tennis ecclesias victus expirât, et alimonia pau-
perum migrât in delicias convivantum. Mais le pontife et le
concile vont guérir l'église de Dieu de cette maladie, qui s'est
invétérée durant le schisme. 11 s'agit sans doute du troisième
concile de Latran, tenu en 1179, et l'on peut par conséquent
assigner cette date à l'épître de Louis Vil, ou plutôt de Trasi-
mond ; car on s'aperçoit trop que le prince ne l'a point dictée,
Hcc. des hist. . / , . ., i .. v i
de Fr. t. XV, p. lorsqu'on observe a quel pomt cette lettre exagère la puissance
p. 96(, !)Gîi. pontificale. C'est un moine, et non un roi de France, qui repré-
sente l'évêque de Rome comme établi pour punir les nations et
pour enchaîner les souverains. Ad faciendam vindictam in
nationibus; ad alligandos reges in compedibus et no biles in
manicis ferreis.
2. Lettre d'Alexandre 111 aux religieux de Cîteaux, réunis
en chapitre. Us sont loués de leur zèle contre l'anti-pape, et
vivement exhortés à persévérer dans les mêmes sentimens. M.
Rcc. des iiisi. Brial, qui a réimprimé cette lettre, en a fixé la date à l'année
dnFi. t. XV, p. ;n(39 ein'en a point désigné le rédacteur. On peut douter, en
effet, qu'elle soit de Trasimond ; car il n'aurait écrit que celle-là
au nom d'Alexandre.
3 et 4. Lettres de Pierre Monocule, abbé de Clairvaux, à
l'abbé de Cîteaux et au roi de Portugal. L'une contient le récit
i de la mort de l'abbé des Trois-Fontaincs, assassiné par un moine;
l'autre est plus courte, et ne consiste qu'en compiimens etremer-
ciemcns.
5 et 6. Lettres des religieux de Clairvaux au pape et au roi
de France. On venait d'élire leur abbé à l'archevêché de Tou-
louse : mais ils seront inconsolables, s'il ne leur est conservé.
Pour déterminer le pontife et le monarque à ne pas permettre
qu'il leur soit ravi, ils comparent les Toulousains aux Égyptiens,
qui s'enrichiraient de la dépouille des Israélites, tandis que Dieu
veut précisément tout le contraire.
7, S et 9. Trois lettres de i'abbé Henri au pape Alexandre.
La plus longue et la plus importante concerne ce même ar-
chevêché de Toulouse , que n'accepte point Henri. Faut-il
donc, dit-il, tout négliger, tout abandonner pour celle lie
de la Gascogne? Nwnquid tanii est ad tribus Tolosanas et
fœces Vasconiœ convertendas iniendere, ut negligantur alla t
Ainsi c'était, non Pierre Monocule en 1179, mais Henri en
1178, qui refusait l'archevêché de Toulouse, alors vacant par
(..nii chrisi. |g j^g^g jjj, Gosselin, dont le successeur fut, en 1179, Ful-
Bov. l. XIII, p. ' . '
18, 19. crand.
TRAIMOND, MOINE DE CLAIRVAUX. 397
10 et 11. Deux lettres , au nom du même Henri , au roi xii siècle.
d'Angleterre. La première concerne encore Toulouse, qui,
cette fois , est appelée noble ville , nobilis urbs ; et la .".econde
est un récit de la fête célébrée à Clairvaux en l'honneur de
saint Bernard.
12, 13 et 14. Trois lettres de Tabbé Henri à l'évêque de
Châlons-sur-Saône. Les deux premières ne contiennent que
des complimens et des recommandations particulières. Dans
la troisième , Henri , appelé à la dignité d'abbé de Cîteaux,
ne voit dans cette élection qu'un nouveau péril. Échappés ,
dit-il, aux flots toulousains, faut-il que nous fassions nau-
frage dans le port ? Qui Tholosani turbinis fluctus intégra
nave enavigasse putavimus , in poriûs nostri finibus naufra-
gemur ?
15. Lettre du même abbé au roi de France Louis VH. Elle
annonce que le comte Henri s'est croisé contre les Albi-
16. Épître à tous les fidèles , encore au nom de l'abbé Henri.
C'est une bien longue déclamation contre les hérétiques du
Languedoc.
n. Lettre de Guillaume, cardinal-prêtre du titre de Saint-
Pierre-aux-Liens, à Manuel, empereur de Constantinople ,
pour l'inviter à s'unir, 'par une sainte et utile alliance, au
roi Louis Vil et au pape Alexandre \\\. On ne connaît, à
celte époque, d'autre cardinal Guillaume que celui qui l'était
du titre de Sainte-Sabine , et qui occupait le siège archiépis-
copal de Reims. A-t-il écrit celte épître ? l'a-t-il fait rédiger
par Trasimond? Tout ce que nous en pouvons dire , c'est
qu'elle termine dans Duchesne le recueil des lettres dont la
rédaction est attribuée à ce religieux.
Duchesne a tiré ces dix-sept pièces de deux manuscrits qui
lui avaient été communiqués , l'un par Nicolas Camusat , cha-
noine de Troyes , l'autre par Claude de Lafons , avocat de
Saint-Quentin.
Ni la lettre à l'empereur Manuel , ni celle d'Alexandre III
aux cisterciens , ne se trouvent dans le recueil , d'ailleurs plus
considérable , des épîlres de Trasimond , publié par dom
Tissier au tome 111 de la Bibliothèque des pères de Cîteaux.
Ce recueil peut se diviser en trois parties : 1° douze lettres
de l'abbé Henri , ou quatorze , si l'on y comprend celles des
religieux de Clairvaux à Louis VII et au pape ; 2» dix-neuf
lettres de Pierre Monocule , dool nous rendons compte dans
308 TRAFMOND, MOINE DE CLAIRVAUX.
xti SIECLE, l'article qui le concerne ; S» enfin , seize autres lettres (juc
nous allons brièvement indiquer.
Lettre d'Alexandre , abbé de Cîteaux , qui annonce à ses
religieux qu'il abdique cette dignité , et qu'il faut lui choisir
un successeur.
Lettre écrite , on ne sait en quel nom , à la communauté
de Foigny , pour lui otl'rir des services spirituels et tem-
porels.
Lettre , pareillement anonyme , au nouimé Baudoin , pour
le presser d'accomplir le vœu ([u'il a fait d'embrasser la pro-
fession monastique.
Lettre de félicitation au nouvel abbé do Coulombs , au nom
d'un prieur nommé Roger.
Lettre du même Roger à l'abbé d'Aube-Pierre , sur la con-
duite à tenir pour rétablir le bon ordre dans celle abbaye.
Lettre de Guillaume, moine de Clairvaux , à son père,
qu'il invite à venir endjrasser la vie religieuse dans ce mo-
nastère.
Trois lettres morales ou ascélirpies du prieur Jean à deux
clercs et à un chanoine.
Enfin , sept lettres que Trasimond écrit , en son propre
nom , à des abbés , à d<îs moines , à des clercs , à l'évêque de
Langres, et à un bourgeois de Sainl-Omer. Deux de ces
épîlres peuvent donner li(;u d(> conjecturer que l'auteur était
né en Es[)agne ; car il y traite d'anciens amis el même de
compatriotes des correspondaiis qui semblent être de ce
iiiiii l'air, pays-là. On y voit aussi qu il sciait l'ail moine dès son jeune
Cisi Ml, 2(i(i. ^-,J,^J j£u une autre de ces lettres , il répond avec beaucoup de
modestie aux compliraens (pion lui a faits sur ses talens lit-
ihid. 2;i!i, 2(10. téraires.
Il était sur-tout fort renommé comme rédacteur d'épîtres
et de chartes ; il avait même composé sur cet art un livre
Cal. manusc. jonl Buntlcrius a vu des exemplaires manuscrits dans les
Bcig M' 8i. - j)j[,ii()|hL!(iues du n\onaslèrc de Saint-Sauveur à Utrecht , de
Ucviscli. HiIpI. ^ .. 1 I.. V ,. ■ t..
r,i>i. 1. 3n. I. labbaye de Sept-rons , et des rreres iMineurs de lournay.
En 1218, Hugues, secrétaire de Gervais , abbé de Prétnontré,
parlait de cet ouvrage : Summam quae intUulatur magistri
ii„"o,. ani Traimundi de arte diclandi. Bundcîrius dit : Authore Trasi-
saci. i"!, !> I. mundo abbale Claravallensi ; mais aucun abbé de Clairvaux
na porté ce nom, cl il faut bien qu'il s'agisse du moine Trai-
mond, qui avait rédigé, ou p<'ul-èlre seulement recueilli les
lettres des abbés Henri cl Pierre.
|>. 277.
GAUCELiN, ËVÉQUE, ET HUGUES, MOINE. .399
Les auteurs du Nouveau Traité de diplomatique disent X" siècle
que le chancelier Albert ne se réservant pas l'expédition de '
toutes les bulles d Urbain 111, Transmond ou Tratisimond,
notaire dé la chancellerie romaine, en data plusieurs, il se
pourrait que ce notaire lui le même personnage que le reli-
gieux dont nous venons de parler : en ce cas, il faudrait le
faire vivre au moins jusqu'en 1185 ou 1187, années du pon-
tificat d'Urbain 111. Au surplus, voilà tout ce que nous savons
de sa vie. ia
GAICKLIN,
E V f; Q U E DE L 0 D È v
ET HUGUES
Moine de Sai.vanez.
Q AicELi.N DE MoNTPEïuoix ( de Motite-Petroso ) était abbé
d Anianc lorsqu'il fut élu évêque de Lodève pour succéder à
Pierre dUsez, décédé le f. juillet 11 GO. Il remplit ce siège
l'espace do vingt-sept ans, étant mort le 9 juillet 1 187. C'élàil
un homme si recommaiulable par sa capacité et son intelli-
gence dans les affaires, qu'on le trouve choisi pour arbitre
dans presque toutes les contestations cpii , de son temps
s'élevèrent entre les prélats et les seigneurs de la province*
Il en donna sur-tout des preuves au concile de Lombers, dans
l'Albigeois, assemblé l'an 1165 contre les hérétiques du pays,
qui se faisaient appeler bons-ho7nmes, et qu'on nomma de-
puis Albigeois. L évêque de Lodève fut comme lame de ce
concile ; il fut chargé de les interroger sur leur croyance au
nom de l'évêque d'AIbi, qui, comme diocésain, avait la prin-
cipale-autorité sur eux. Il soutint dignement la controverse
avec tout l'avantage que donne la vérité sur l'erreur. Après
400 GAUCELIN, ÉVEQUE, ET HUGUES, MOINE.
XII SIECLE, une longue discussion sur divers points de doctrine, il pro-
' ~ ' nonça, au nom de l'évi^que d'Albi et des assesseurs qu'on lui
avait donnés, un jugement par lequel il les déclarait héré-
Lahbe, Conc. liquos en ces termes : « Je condamne la secte d'Olivier et
t. X, col. 1472. jg ggg associés, qui tiennent le sentiment des hérétiques de
Lombers, quelque part qu'ils soient, suivant l'autorité des
écritures. »
T. XIII. p. r.9(i Nous ne répéterons pas ici ce qui a été dit plus haut, en
rendant compte du procès-verbal de cette assemblée. Nous
observerons seulement que les sectaires s'étant beaucoup ré-
Lahho, ifiid. criés sur ce jugement, et ayant pour ainsi dire pris à partie
col. U77. le rapporteur : « Ma sentence est juridique, répliqua le pré-
lat ; je suis prêt de la soutenir en la cour du pape Alexandre,
en celle de Louis, roi de France, en celle de Raimond, comte
de Toulouse, ou de sa femme, qui est ici présente, ou enfin
en celle de Trencavel (vicomte d'Albi), qui est aussi pré-
sent. » Cependant les sectaires se radoucirent, et, se tour-
nant vers le peuple, qu'ils craignaient peut-être plus que les
évêques : « Ecoutez, dirent -ils, bonnes gens; voici notre
profession de foi, que nous voulons bien faire en votre con-
sidération : Propter dilectionem et gratiam vestri. » Et ils
parlèrent sur les points contestés à-peu-près comme les ca-
tholiques. Mais ayant refusé d'affirmer par serment qu'ils
croyaient de cœur ce qu'ils venaient de confesser de bouche,
sous prétexte qu'il n'est pas permis de jurer, l'évêque de Lo-
dève leur prouva, par des passages du Nouveau Testament,
qu'il était quelquefois permis et même nécessaire de jurer,
et qu'étant notés d hérésie, ils devaient s'en purger par ser-
ment. Sur leur refus persévérant, qui rendait leur croyance
Irès-suspecte, le jugement prononcé contre eux fut souscrit par
toute l'assemblée.
Il n'est pas hors de vraisemblance que le procès-verbal de
celle conférence soit l'ouvrage de l'évêque Gaucelin ; mais en
supposant qu'il ait été rédigé par le secrétaire de l'assemblée,
il n'est pas moins certain que la substance, c'est-à-dire le
fonds de la doctrine, les citations, les raisonnemens sont à
lui : d'où l'on peut conclure qu'il avait des connaissances
très-variées sur les matières théologiques, comme on le voit
encore par une autre de ses productions, qui est une lettre
adressée à Hugues, moine de Salvanez, aujourd'hui de l'an-
cien diocèse de Vabres. Ce bon religieux l'avait consulté sur
quelques endroits de l'Ecriture sainte qui paraissaient se
GAUCELIN, ÉVÉQUE, ET HUGUES, MOINE. 401
contredire , et qu'il ne pouvait concilier ; il s'adresse avec xii siècle.
confiance à l'évêque, dont il avait admiré la pénétration dans
un court séjour que le prélat avait fait à Salvanez, et l'évêque
lui fait une réponse qui prouve et l'étendue de ses lumières et
la bonté de son cœur, par la manière obligeante avec laquelle
il accueille la demande du religieux et résout ses diflicultés.
Dom Martene n'a imprimé qu'une seule lettre de l'évêque, quoi- Mart. Anec.
qu'il y en ail deux du religieux, dont la dernière méritait une '• '. «"'• ^^^ —
réponse comme la première ; mais c'est tout ce qu'on nous a
conservé de cette correspondance, et nous ne connaissons au-
cune autre production de la plume de Gaucelin.
2. Outre les deux lettres de Hugues de Salvanez, dont nous
venons de parler, dom Martene est persuadé qu'il est auteur
de l'Histoire de la Conversion de Pons de Larazio, publiée
par Baluze , dans la(iuelle sont décrits d'une manière très- Biiuz. Mise,
édifiante et assez intéressante pour la contrée l'origine et les ' '"' P' ^^ ~
commencemens du monastère de Salvanez. Dans le titre de
cet ouvrage, l'auteur est surnommé Hugo Francigena ; mais
il ne prend lui-même dautrc qualité que celle du dernier
des moines , omnium minimus monachorum , qui est celle
qu'il se donne aussi dans ses lettres à Gaucelin , évêque de
Lodève. Quant au temps où il écrivait cette histoire, il dé- "'"' i'- 2<)C
et 225
clare qu'il l'entreprit pour obéir à l'abbé Ponce, qui gouverna
ce monastère depuis le mois d'octobre 1161 jusqu'à 1172,
et qui lui fournit les mémoires dont il avait besoin. C'était le
quatrième abbé depuis que le monastère s'était donné à l'ordre
de Cîteaux par son union à celui de Mansiade ou Mazan, dans le
Vivarais, l'an 1136.
S'il est vrai que Hugues, moine de Salvanez, ait été sur-
nommé Francigena, on pourrait lui attribuer encore un ou-
vrage cité dans le nouveau glossaire de Ducangc , comme Verb. Dùia.
existant dans la bibliothèque de Wolfenbutel, sous ce titre
Henrici Francigenas libellus de arte dictandi. Il est vrai que
Henri n'est pas la même chose que Hugues ; mais comme ce
Henri n'est pas connu d'ailleurs, on peut supposer que ce n'est
qu'une erreur de copiste, qui, ne trouvant que la lettre initiale
H, l'aura rendue par Henri. B.
Tome XIV. Eee
m«n.
l
i02
LAMBERT-lE-RKdl'E,
PkIÎTHK 11 K LiKCK, INSTlTlTElll I> K S B Ê G U I N E S.
iiisroii!!'; i) !•; sa vik.
AMnF.Ri, |)uMro do I-iégo , ost siiriioninn' dans I liistoiro
^Uiiilùl licggh ou le Pt-^iic, sans donlo a caiisf de (|ii('l(nio
('ini)rclicnieiil de. la langue ; lanlùl, mais [)lus rarement, de
Sainl-Clirisloplie, du lilre d'une éij;lise (|n il avait lait hàlir.
r.csia l'ont, (".était , dit (iilles ^.l'Orval, un homme d une; littérature mé-
l.mi. t. Il, cap. lijocre, mais d'une grande innocence de nidnirs et d'un zèle
■* ' ''■ ■ ' ardent pour le salut {\cr~ anies. De son lemi)S, e'cst-à-dirc sous
répiscopal de Kaoïil di; Zeringlieni, (|ui gouverna ré'glise do
Liège depuis l'an II (i.S jus(pieu ll'.U, cetle église, aupara-
vant si florissante, Ion. lia dans un aH'nnix dépérissement. Cx\
lirélal , f)uliliant jusipiaiix biensi'ances , ne rougit point de
mcllrcï pul)li(iuenicnl en \enle les hénéfices de son diocèse ,
comme! avaient l'ail (|uelipn'.s-uns de sis prédécesseurs. Vn
inl.imr 1)oik1,i r, nommé l'delin, elail son courtier pour ccl
aliomiiiable cummeri e : !'■ nirmc cUil m\v Ici|ucI d e\|iii<,iil
-^a viande lui .^civail df coiuiiloir pour dcli\ ii'i les prebende.i
au plu> oifrant lui' .simonie aus>i luanilesle et aussi révol-
larilr ou\nl la porte a tous les \ires; ell'i'Cli\cment, on les
\il régmr daii^ le (.liocese de l.iege au poml (pion n y aper
Ihid. p. !Ki. cevail jiresipie plus aucun ve-.ligt^ de reli-ioc, I,es chanoines
et les aulri'S cIriL- ih' t.ii-aicnt nulle dillicidle de >e marier ,
et les bourgeois . lant 1 ignorance et la corruption étaient pro-
('(jiides) leur dounaieni par prcréictnc.' leurs tilles, a.ssiirés qu elles
vivraient plus commodemcnl avec de tels é|)0ux.
Pénétré de douleur à la vue de ces scandales, Lambert crut
devoir élever la \oix pour les faire cesser. Ses prédications
véhémentes firent des impressions Irès-opposées sur le peuple
cl sur le clergé. Quantité d<' laïcs, sur-tout <le femmes, re-
connaissant les erreurs ou leurs pasteurs les avaient engagés,
vinnmt trouver l'homme de Dieu el se mirent sous sa (H-
reclion. Lambert h-ur donnait à tous des conseils assortis à
leur condition : il choisit parmi h-s plus fervens de l'un et de
LAMBERT-LE-BÈGIE , PRÈTUIi DE LIÈGE 403
l'aulrc sexe ceux dont l'élal élail libre, cl en forma deux '^" siècle
congrégations religieuses, l'une de filles ou femmes, connue
sous le nom de Béguines, l'autre d'hommes, qu'on nomma
Béguards {à). Les clercs, au contraire, furent opiniâtrement
sourds à sa voix. D'abord ils n'accueillirent ses censures
qu'avec mépris; voyant ensuite (jui» [)lus ils se montraient
incorrigibles, plus il haussait le Ion, leur indifférence se um. p. 127.
tourna en fureur. « Quelle est donc la témérité de cet homme
rustique, disaient-ils, doser usurper, ignorant comme il est,
le ministère! de la prédication? Et ils frémissaient de colère
contre lui, no faisant pas allenlion, dit Gilles d'Orval, que
l'esprit de Dieu sou'llli^ oii il veul : car il y a des personnes que
l'Esprit saint éclaire et iiisiruil secii-lement, de manière (|ue,
quoique privées du secours de renseignement humain, elles
n'en ont j)as moins prolilé sous la discipline du maître intérieur
qui les a seul dirigées. Mais ces exemples, ajoute-t-il fort-à-
propos, sont plutôt des objets tie vénération pour his simjiles
que des modèles à imiter • do peur ijuc chacun, se crovant
rempli pareillement de l'esprit de Dieu, ne dédaigne, sous ce
prétexte, de se rendre le disciple des hommes, et par-là no
devienne un maître d'erreur. »
Les principaux du clergé s'élaut donc concerl(';s entre eux, ak^mI. /m.
vinrent trouver l'évéque et l'engagèrent à se .-saisir de la in-r- ~ ""•''"•''■'"■
sonne de Lamberl. On 1 arrêta dans 1 église même de Sainte-
Marie, oii il prêchait : on ne lui épargna pas les mauvais
traitements, et l'évêijue l'envoya prisonnier dans le château
de Rivognc. Lambert ne fut point oisif dans sa prison ; il y
traduisit en français les Actes des Apôtres, comme nous le
dirons au paragraphe suivant. Le peuple cependant murmu-
rait de sa détention, d'autant plus injuste, disait-on, qud
ne réclamait sa liberté (juc [)oiir aller .se justifier à Home. Ses
ennemis, intimidés par ces plaintes, se déterminèrent à sol-
liciter eux-mêmes son élargi.ssemeiil. Ils lirent entendre au
prélat que le pape liouveiuit fort mauvais (pion retînt en
prison un homme qui demandait à se rendre à ses pieds ;
qu il n'y avait dailleurs rien à craindre de ce vovagc, oii
(1) On nu s'ari'iîtera pas à l'éfutt-r rnjjinion .le iiii.\ ^m rapportent à sainte
Bcgghe, (illo Uo Pépin de Landen, laipifllo vivail à la lin du \'1I" siècle, l'institu-
tion dos liéjjuines. C'est ime imaf^ination (pii n'a pour l'ondemeiit (ju un« équi-
roipie de nom, comme l'ont l'ait voir Coens (Disq. de Orig. Begh.), et le P. Pagi,
ad au. 1177, num. l'J.
Eee a
404 LAMBERT-LE-BEGUE, PRETRE DE LIEGE.
XII SIECLE. Lambert ne ferait qu'étaler sa folie aux yeux du souverain pon-
tife, et d'où par conséquent il ne remporterait que des reproches
avec défense de récidiver.
Raoul se laissa persuader et relâcha son prisonnier ; mais les
choses tournèrent au rebours des espérances qu'on lui avait
données. Le pape reçut très-favorablement Lambert ; il fut
attendri jusqu'aux larmes du récit que ce bon prêtre lui fit de la
situation de l'église de Liège et des persécutions que lui avait
occasionnées son zèle : il le combla d'éloges, lui confirma sa
mission, et approuva le double institut religieux qu'il avait
établi. Gilles d'Orval dit que Lambert mourut en s'en retour-
nant : Qui dum regrederetur, viam universee carnis ingressus
est. L'auteur de la Grande Chronique Belgique assure au con-
Ajiud Pisto- traire, et plus vraisemblablement, qu'il revint dans sa patrie, y
num, t. Il, p. fgppjj ggg fonctions, et que ce fut alors qu'il construisit, pour les
deux communautés qu'il avait fondées, cette église de Saint-
Christophe, dont il porta depuis le surnom, et oîi il eut sa sépul-
ture l'an 1177, la septième année de l'épiscopat de Raoul (1).
La Chronique est d'accord sur la date avec Albéric de Trois-
Fontaines ; mais il faut qu'il y ait erreur dans les chiffres, car
l'année 1177 était la neuvième, et non la septième année de
l'épiscopat de Raoul.
Mir. chron. Aubert Lcmiro prétend qu'on doit reculer cet événement
Cul. p. 203. jusqu'au mois d'octobre de l'an 1187. Ainsi, selon lui, ce fut
sous le pape Urbain 111, qui remplit le Saint-Siège depuis le
25 novembre 1185 jusqu'au l'J octobre 1187, et non sous
Alexandre m, décédé le 30 août 1181, (}ue Lambert vint à
Rome, retourna dans sa patrie, et y mourut. Cette opinion
AEgid. ihid. est un peu contredite par les historiens, qui rapportent que
- iiisi. monaji. Lambert, au moment de son arrestation dans l'église cathé-
S-Laur. Leoii jj,g|j, s'(3tait écrié, en levant les yeux vers l'autel de Notre-
l. IV, Amp!. ' ' •'
Coll. col. 1093. Dame : Hélas! le temps n'est pas éloigné où les pourceaux
fouilleront sous cet autel, aujourd'hui consacré au culte des
choses saintes. Ce qui arriva, disent-ils, après l'incendie qui •
consuma tous les édifices l'an 1183, selon les uns, l'an 1185,
selon les autres. L'arrestation de Lambert et son voyage à
(1) Papa verb intentionem cjus piam videns, et in carcerem conjectum esse per
inridiam, eum inpace dimisit, data Ucentvl pradicandi : qui reversus ecclesiam.
S. Ckrislopkori rotislruxil, ubi et sepulluram accepit, anno prasulat&s Radul-
phi VU, anno scilicet salutis MCLXXVII. Apud Pistor. t. II, Hev, GormaQ.
p. 211, edit. Katisponse 1726,
LAMBERT-LE-BÈGUE, PRÊTRE DE LIÈGE. 405
Rome étaient donc antérieurs à ces années ; mais on ne peut
guère les placer plutôt, si l'on fait attention que ce ne fut que
l'an 1 1 88 que le pape se détermina à envoyer un légat à Liège
pour remédier aux désordres du clergé. Il n'est pas croyable
que les papes auraient tardé dix ans à porter remède à des
maux qui étaient à leur comble.
Ce légat fut le cardinal Henri, évoque d'Albano, aupara-
vant abbé de Clairvaux, qui, l'an 1188, vint à Liège, et fit
tant par ses exhortations, accompagnées de menaces, qu'une
grande partie des clercs vint remettre les bénéfices entre ses
mains. Il se contenta, par indulgence, de les faire passer
d'une église dans une autre ; mais plusieurs ne se croyant pas
encore en sûreté de conscience, prirent la croix de ses mains,
et se consacrèrent au service de la Terre-Sainte. L'évêque
Raoul fut lui-môme du nombre ; il partit l'an 1 1 89 avec l'em-
pereur Frédéric, et mourut en retournant dans son diocèse.
Il y a toute apparence que Lambert l'avait précédé au tom-
beau.
XJI SIECLE.
Alberic. ad
1188.
SES ÉCRITS.
Alberic ad.
1177.
Tous les bibliographes anciens et modernes semblent s'être
accordés à supprimer dans leurs catalogues le nom de Lam-
bert-le-Bégue. Il méritait toutefois d'y avoir place, autant pour
le moins que beaucoup d'autres, par un assez bon nombre
d'écrits sortis de sa plume. Gilles d'Orval atteste qu'il s'oc-
cupa dans sa prison à traduire en langue vulgaire les Actes
des Apôtres. Le moine Alberic, outre cette traduction, lui
attribue encore celles de plusieurs vies de saints, un ouvrage
intitulé Antigraphum, une table ou calendrier qu'on nom-
mait la Table de Lambert, et beaucoup d'autres livres (1).
Nous ne pouvons garantir l'existence d'aucun de ces ou-
vrages, et il y a beaucoup d'apparence que le temps les a
tous consumés. L'abbé Lebeuf, ce critique de nos jours si
fécond en conjectures , présume néanmoins qu'on pourrait '"scr. t. xvii,
mettre sur le compte de notre auteur une ancienne traduc- **■
Academ. des
(1) Magister Lamherttu Leoiiensis de tancto Ckristophoro obiit, nova religio-
nis q%œ fercet in. Leoiio et circa partes illat ferveniissimns prœdicator. Iste
Antigraphum scripsit, et tabulant qum Lamberti intitulatur, edidit ; sed et multos
libros, et maxime vitas sanctorum et Acttu Apostolorvm, de latino ver lit in ro-
manim. Âlbericus ad an. 1 177.
2 8
406 LAMBERT-LE- BKGUE, PRÊTRE DE LIÈGE
-MI SIECLE, 'ion de la vie de sainte Balliilde, traduction faite sur un original
latin du Vil" siècle, conservée en manuscrit à la l)il)liothèque
de la Sorbonne. Le langage elleclivenient convient assez au
temps de Lambert et aux. idiotismes du [)ays. Mais n'y a-l-il
eu que Lambert, parmi ses contempurains Flamands, qui se soit
adonné à ce genre de travail '!* Ouui qu il en soit, voici les deux,
échantillons de celte traduction, tels que M. Lebeuf les a
donnés.
« Beneois soit nostres Sires, qui vouli oit que cascuus liom fust
sauf, et que cascuns venisl à la connoissanche de la vérité. Sous
nons doit estre gloreliés en toutes coses. Car il fait des petits
grans, et des fous saiges, et des [)oures riches, si comme nous
veons qu il est aempli en ceste glorieuse reine inedame saincle
Balthalt : de la cui vie nous volons en peu parler à 1 onnor et à
la gloire Noslre Seigneur.
« Cheste dame fu née de Sessoigne et extraite de royale
lignée, et fu en sa joncce ravie des mescreans , et fu par la
j)roveauche Nostre Seigneur amenée en cest pais, et vendue à un
hom qui avoit nom Enlicnual-K, et esloil à chesl tans ujarechaux
de Trance »
U'i'iioih. Rcg. A l'égard de \' Anligrcqihum , (juAlbiiric attribue à Lamberl-
loilc», 0785. le-Bègue, nous avons découvert, à la Bibliothèque du Roi, un
manuscrit ipii porle ce lilie, mai.- nuii le nom de Lambert.
Au reste, il pail de lu main d un liumiiie (pii se désigne par
la lellrt; J', vX (pu dans le coi|)s de louvrage, est appelé
Pierre, luais ijui est dans les mêmes principes ([ue Lamixîrl,
relativement au clergé de Liège, non mcjins véhément ni
moins /cK' que lui, cl p(!ul-è|re plus c'lo(pient, s'il est vrai,
comme le dil (iillcs dOrval, que Lambert était peu lettré.
L ouvrage a pour tilii- A';i^i^rrt;;/ai/n PeZ>7. (iesl une réponse
à la leltre d un nommé Lambert, [Hêtre ou curé de Teux,
de Tcctis, pies de l'ranchimonl , au diocè.se de Liège. Ce
cuiè viiNanl le pttuple soulevé par les |)rèdicalions de Pierre,
lui eitiil |i(jur 1 a\erlii du danger aui|iiel il expose son salut et
(clui des personnes (|ui lècoulent. (>e sont des reproches
(jue iiienlail plus que tout autre Lambert-le -Bègue. Pouniuoi
-oiit-il.i adressés au |trètre Pierre? Est-ce cpie Lambert, en
bulle à ses (îniiemis, aurait [iris ce nom-là pour se déguiser?
ou bien ce Pierre ètail-il un de ses parli.sans qui aurait pris
sa défense? Sans décider celte question, et pour donner une
idée de l'ouvrage, (jui na pas encore vu le jour, nous tra-
duirons en français la lellrc du curé de Teux , à laquelle
LAMBERT-LE-BÈGUE, PRÊTRE DE LIÈGE. 407
l'Aniigraphum sert de réponse, et ensuite le début de l'ou- xii sikixk
vrage.
« A son très-cher frère et ami P., à qui fr. L. souhaite la
persévérance dans la vraie et fraternelle dilection Quoique
nous soyons de senlimcns contraires sur divers points, ce-
pendant cetle dilTérence 'd'opinions ne doit pas, à mon avis,
altérer en nous l'union des cœurs et la charité fraternelle.
Parce que je n'approuve point le zèle qui vous porte à dé-
clarer une guerre ouvcric aux pri'-tres et à condamner hau-
tement leur conduite, vous prétendez que je me trompe, et
que je prends on main la défense de leurs égaremens. Mais,
pour vous répondre en peu de mois, je pense que vous fe-
riez beaucoup mieux d inviter les peuples, suivant le salutaire
précepte de la vérité même, à rendre à leurs pasteurs l'obéis-
sance qu'ils leur doivent : car il est évident que cette vérité
nous recommande, dans l'Évangile, une extrême déférence
envers ces mêmes jiersonnes, contre lesquelles vous vous
élevez. Obsercez, dil-oWo, et /ai/es ce qu'ils vous disent, mais Matt. xxm, :>.
ne faites pas ce qu'ils font. I.(i souverain maître condamne
aussi, par la bouche de son prophète, Ma témérité de vos
censures, lorscju'il dit : Gardez-vous bien de toucher à mes c. av. i:;.
oints, et de faire du mal à mes prophctes. Ht l'apôtre . (iui ' '''"'■ '^■
êles-vous pour vous ctablir le juge des autres? De même:
Qu'arez-vous que vous n'ayez reçu ? Et si vous l'avez reçu,
pourquoi vous en glorifiez-vous, comme si vous ne l'aviez pas
reçu? Et encore : Si quelqu'un est tombe par fragilitr dans
quelque péché, vous autres, qui cf.es spirituels, ayez soin de
le relever dans un esprit de douceur, chacun de vous faisant
réflexion sur soi-même, et craignant d'être tenté toid comme
lui. Ces témoignages, et d'autres semblables, tant de notre
Sauveur (|uc des .saints Pères, renferment la condamnation
manifesie de cetle rigueur indiscrète f|ui caractérise votre
nouvelle façon de penser, et celle de tous ceux qui sont dans
la même erreur que vou.s. Voilà quelle est la croyance de
l'égli.sc et de tous les hommes spirituels. En suivant de tels
guides avec une docile simplicité, je ne crains point de me
tromper, ni de donner les mains à ceux qui .se trompent.
Quand un ange du ciel me dirait le contraire, je ne le croi-
rais point : car, ne serait-ce pas (m moi le comble de la pré-
somption que d'oser juger mon frère spirituel, un prêtre
distingué, un excellent ministre du grand Roi, flétrir ses
mœurs, et détourner les ouailles confiées à ses soins de
li.mi. XIV, 4.
C.l. VI. 1.
408 LAMBERT-LE-BÈGUE, PRÊTRE DE LIÈGE.
XII SIECLE, l'obéissance qu'elles lui doivent ; d'oser, dis-je, faire de tels
' acles d'hostilité contre lui, tandis qu'il garde paisiblement
son rang, et que je le vois exerçant ses fonctions sans en être
repris par ses supérieurs? Loin de moi, par la grâce du Sei-
gneur, loin de tous les fidèles une erreur si pernicieuse ; parce
Ps. txxi, !) que ceux qui l'adoptent ouvrent leur bouche contre le ciel, et
que leur langue n'épargne personne sur la terre. Comment
se peut-il faire, en effet, qu'avec tant de hauteur et d'él i-
gnement de la façon de penser des humbles, on soit exempt
de quelque enflure subtile de l'orgueil et de cet amour exé-
crable de sa propre excellence? Il ne m'appartient pas, mon
très-cher frère, d'avertir un homme prudent comme vous du
danger auquel il s'expose avec de semblables dispositions ;
vous savez que le pharisien attira sa condamnation par son
orgueil, et que le publicain, qu'il condamnait, mérita, par
sa pénitence, d'être justifié. Personne n'ignore la raison de
Pi. cxxxvil, 0. cette différence : c'est que le Seigneur est grand, qu'il consi-
dère de près les humbles, et qu'il regarde de loin les superbes.
Si donc en toutes ces choses vous n'avez point péché, Dieu
et votre conscience le savent. Cependant l'amitié singulière
et sincère que je vous porte, et que je vous dois, m'engage
à vous conseiller de faire en sorte que l'excellente vertu
d'humilité préside à toutes vos pensées, et rende le fond de
votre ame agréable à celui dont l'œil pénètre dans la v'us
épaisse obscurité. Que s'il vous est arrivé d'avancer des maxmes
qu'il n'est ni nécessaire ni avantageux de suivre, ayez l'hum-
ble et sage générosité d'y renoncer ; car nous sommes témoins
que les traits par vous lancés contre les prêtres ont été l'oc-
casion d'une grande erreur parmi le peuple ; que la plupart
des fidèles sont tombés par-là dans un danger éminent de
leur salut, en ce que, après avoir secoué le joug de l'obéis-
sance légitime envers leurs pasteurs, sous la conduite desquels
ils pouvaient se sauver, ils n'ont plus de guides qui leur
montrent la voie du salut. Mais ce n'est pas assez dire que
cette disposition les rend coupables, ajoutons quelle leur
attire la malédiction de Cham, ce fils de Noe, qui osa dé-
couvrir la nudité de son père : car en s'ingérant sur vos
traces, et d'après vos enseignemens, de juger leurs pères
spirituels pour quelques actions à la vérité illicites, ils pro-
voquent manifestement contre eux la colère divine, à l'exemple
de ce fils dénaturé. Je souhaite ardemment que votre con-
science, purifiée et sans tache, vous mette à l'abri d'-. n tel
LAMBERT-LE-BEGUE, PRÊTRE DE LIÈGE 409
malheur. Ne me récrivez point , mais venez vous-même nie xii siècle.
trouver. »
VAntigraphum Pétri n'est autre chose que la réponse à cette
lettre , divisée en quatre livres , dans laquelle l'auteur reprend
chacun des membres qui la composent ])Our les réfuter. Cette
réponse est vigoureuse , et bien nourrie de passages de l'Ecri-
lure-sainte : nous n'en donnerons que la préface , qui est assez
courte. En voici la traduction :
« Tandis que, d'une part, je me rappelle avec joie qu'au-
trefois Jésus-Clirist , la sagesse de Dieu, enseigna par une
miséricorde inetTable la voie de la vie aux hommes , et que ,
de l'autre , je vois , non sans gémir, une foule de faux prêtres
appliqués , les uns à obscurcir celte voie , les autres à faire de
leur ministère un commerce d'avarice , je sens que nous
sommes venus au temps marqué par ces funestes prédictions :
Alors le soleil sera changé en ténèbt^es et la lune en sang. Et jod, ii, 31.
ailleurs : Les prêtres n'ont point dit: Oh est le Seigneur? e^ jcrem. II. 8.
ceux qui avaient e^i main la loi ne m'ont point connu. Et en- .. ^g
core : Alors ceux qui appellent ce peuple heureux se trou-
veront être des séducteurs , et ceux qu'on flatte de ce bonheur
se trouveront avoir été conduits dans le précipice. Considérant
d'ailleurs que peu de personnes aperçoivent ces maux , et
que beaucoup moins encore en sont touchés , il m'est souvent
arrivé de répéter en soupirant ces paroles du psalmiste : .Tai Ps. cxviii, 158.
vu les prévaricateu7^s, et je séchais de doideur, parce qu'ils
n'ont pas gardé vos commandemens. Troublé de plus en
plus par ces tristes réflexions , j attendais quelque consolation
de celui qui voit la peine et l'affliction. Mon attente n'a pas
été frustrée ; car tel est l'effet des larmes que la véhémence
de la douleur excite : arrêtées par quelque obstacle, elles
ajoutent poids sur poids ; libres dans leur cours et répandues
avec abondance , elles épuisent la douleur en la rassasiant ,
et par-là procurent un grand soulagement à notre ame. C'est
aussi ce que j'ai moi-même éprouvé. La vue de ce mal uni-
versel, que je déplore, m'affligeait d autant plus que je ne
trouvais aucune occasion de faire éclater ma douleur. Dans
cet abattement , la divine Providence , et non le caprice
aveugle du hasard, ma fait tomber entre les mains une lettre
qui m'était adressée comme par un de mes amis. Alors j'ai
commencé de respirer à la faveur de l'ouvrage que j'ai cru
devoir opposer à cette lettre , sous le titre d'Antigraphum
Pétri ; ouvrage dans lequel , après l'avoir représentée toute
Tome XIV. Fff
2 8 •
Pi. LU, G.
410 ANON. AUT. DES ACT. DES ÉV. DU MANS.
entière , je la reprends en détail , cl la réfute pied à pied. »
Suit immédiatement la lettre de Lambert ; après quoi vient
le corps de la réponse , avec celle salutation en lète , qui an-
nonce l'esprit dans lequel elle est conçue : Lamberlo près-
bylero de Tectis P. Deo et non hominibus placere , quoniam
dissipavit Deus ossa eoiton qui kominibiis placent, etc.
II.
ANONYMliS
A U T K I! E s DES A C T F. S T) K S K V K Q V K S DU M A N S,
iiisi. Liiicr. w»0MRivct,en rendant compte de la première partie de ces
t. V. |). iu — Uacles , a fort bien dislini;ué les ditrérens auteurs qui y ont
travaillé successivement. Il fixe au IX*^ siècle celui qui re-
cueillit les actes des premiers évêcpies depuis saint Julien
jusqu à la mort d'Aldric , arrivée vers l'an Siij. Il pense
qu'on ne songea à continuer ce corps d'hisloire si intéres-
sant (|ue vers le milieu du XI|c siècle, sous l'épiscopal de
Gui d Êlampes , décédé lan M3G. L'ouvrage de cet anonyme
remonlail jiis(|ua lépinopat de saint Innocent au V"^ siècle;
mais I). Mabillon ne l'a imprimé que ile[)uis saint Aldric. Il
contient l'iiisluire de treize é\è(pies, succes.<eurs d Aldric, à
l;u]U(lie un troi^ième anonyme a ajouté les vies de Hugues de
Sainl-t^alais il de (iuiliannie de Passavant, décédé l'an 1187.
("est de ct\s deux anon\ mes (|ue nous allons rendre complc dans
cet article.
On se lrom|>erail si on regardait ces deux morceaux
comme unci liisloire purement ecclésiasiique , ou il ne serait
queslion «pie du gouvernement d'un diocèse. Les auteurs, el
sur-tout le premier, y ont fait enlrer (juanlilé de traits con-
cernant riiisloir(> ]iubli(pi(; , el particuliérenienl celle d An-
jou, du .Maine , cl de la Touraine. Ils a\aienl à décrire les
acies d'un grand nombre d évèques du plus giand mérite ,
tels qu'Avesguud de llcliinie , Gervais de Cliâlcau-du-Loir,
Arnaud , llcël , ilildd.irl , elc. f|ui ont illustré ce siège
ANON. AUT. DES ACT. DES EV. DU MANS. 41 1
dans un temps ou la province du Maine changeait souvent xii sikclu.
de maître , et où il était difficile de concilier les intérêts
d'une foule de prélendans. Tantôt c'étaient les comtes d'An-
jou qui s'en emparaient au préjudice de la maison d'Est,
qui descendait par les femmes des anciens comtes du Maine ;
tantôt c'étaient les ducs do Normandie, devenus rois d'An-
gleterre, qui, à la faveur d'un mariage projeté entre l'unique
héritière du dernier comte Elerbert II, et Robert fils aîné de
Guillaume-le Conquérant, s'en étaient rendus maîtres mal-
gré laversion dos Manseaux pour la domination normande.
Que d'événcmens à décrire dans cet intervalle de temps ?
Quels embarras pour des prélats qu'on rendait responsables
des soulèvemens de la multitude, lorsqu'elle ciicrchait à se-
couer le joug :• Cet état violent ne cessa que lorsque la mai-
son d'Anjou monta elle-même sur le trône d'Angleterre
l'an 1154.
Tel est l'intérêt que présente l'ouvrage qui nous occupe.
Nous ne pouvons indi(iuer qu'en général tous ces objets ;
mais nous ne devons pas passer sous silence quelques traits
relatifs à l'histoire littéraire que ces écrivains nous four-
nissent.
Le premier nous fait connaître plusieurs hommes de let-
tres qui, sans avoir laissé des écrits api^ès eux, rendirent
néanmoins des services importans à la science par l'ensei-
gnement dans les écoles. De ce nombre est un Robert, sur- Gpsi» poni.
nommé le grammairien, (iin fut écolàtre de l'église calhé- '^«""'"n:'"- "p-
53,
drale vers le milieu du XI'' siècle, et eut pour successeurs
dans cet emploi, eiilre aulres de ses élèves, Arnaud, son
neveu , homme très-inslruit , admoduni eruditus, qui fui
élu évêque du Mans l'an 1()()7. Celui-ci eut |)Our disciple /^jj „ 5^
IIoCl, qui lui succéda aassi dans ! épis(0[)at I an 1(»<S4. lloël
confia le soin de lécole au célèbre llil(lebi;rt, (|ui fut son
successeur immédiat, et lun des plus savans prélats de son
temps.
Nous ne reviendrons pas sur révètiiic lliidebeil, (lui a eu „ ...
' ■ ' i Uisl. Liltcr.
son article dans c.'lle liisioire, et sur l(n[uel noirt; historien 1. xi, p 250 —
s'étend bcaucciup ; mais il faut dire (pielque chose de son '''-
successeur dans re\ relié du Mans, (jui d'Elam|)('s, (jue Ihis-
lorien nous représente comme un savant distingué, quoique
nous ne connaissions de lui aucun ouvrage. Il fut disciple
d'Hildebert et de saint Anselme avant que celui-ci montât g^^,, ^j^
sur le siège de Canlorbéri. llddeberl, à la demande de Roger, caji. 3ti.
412 ANON. AUT. DES ACT. DES ÉV. DU IMANS.
XII SIECLE, évêque de Salisburi (I), l'envoya en Angleterre pour diriger
l'écolede celte église. De là il passa à Rouen, oîi il fut fait cha-
noine et archidiacre. 11 se Usa ensuite au Mans, oîi il exerça
les fonctions decolàtre sous Ilildeberl, son premier maître, et
rendit cette école si florissante, (juclle attirait des élèves de
l'Angleterre, de la Normandie, et de prcscjue tous les endroits
de la France : Cenonmnnis Tplane confluebant, disciplinam Gid-
donis atque contubeynium quasi cœleste scientes oraculum.
On conçoit qu'un homme de ce mérite, devenu prélat, dut favo-
riser au Mans les bennes éludes.
/éid. ca|i. 56. Un autre savant, sorti de celle école, dont il est parlé dans
celte histoire, fut Guillaume tfc iiitWs; mais celui-ci alla por-
ter la science dan.s la Palestine. Il revint au Mans vers l'an
1128, chargé d'une légation auprès de Foulques-le-Roux,
comte d'Anjou, delà part du patriarche et du roi de Jérusalem,
qui lui déféraient la couronne à condition qu'il épouserait la
lillc unique du roi : négociation qui réussit au gré de tout le
monde
ihii. rap. 57. Dcs dcux. succcsseurs de révè([ue Gui, Hugues de Saint
Calais avait une connaissance |)arliculière des lois ecclésias-
ti(pies et civiles . In causis tani ecdesiaslicis quùm seculari-
àus dux et lampas veritatis, dit notre second anonyme.
ibii. cap. 58. Guillaume de Passavant avait du goût pour la poésie, et im-
provisait fort ingénieusement dans les occasions. Son Histo-
rien rapporte de lui (puîhpies vers, un entre autres plein de
sens, (pi'il (il pendant sa dernière maladie, à l'occasion de ses
domesti(iues, qu il voyait plus empressés à lui demander des
récompenses (ju'ii le servir.
Nec deftiéiclns hnbcl, uec qui loca mnlal, amicoa.
Les actes des évèques du Mans ont été mis au jour par D. Ma-
bilion, dans ses Ajiaiet'^a, au tome 111, page 4G-397, de Tédi-
lion in 8", cl pages 23S-338 de l'édition in-folio. Lescontinua-
UHirs du Rcc. d(!s historiens de France en ont donné des extraits
au lomeXI, page l3o ; tome Xll, p iJ39-o57.
B.
(1) Voici la lettre d'HiMebert i-apportée par l'historien : OMidonem fra-
trem Jiliumquc noslruni eo non dcbeo defraudare leslimonio, quhd non mxKut
rit'l qv,àm lilteraturâ promcruil. l/nus ex nostrii eccUsià excepliu est, eut ad
fmr.lum scieiilia, ad exeraplum mores exubérant : unus ille libi pro ntullis,
quoniam in illo uno mullox magislros inrenies. Porro diutumior ej'tu apvd te
concersatiopauca ne super eo scripsisse conclamaM.
413
XII SIECLE.
ANONYMES,
Auteurs b'IIisioiues kt CiiiiONiquES d'Auxerre.
C'ÉTOiT à Auxerre, comme dans beaucoup d'autres églises
de France, un usa^'e fort louable, qui a duré pendant plu-
sieurs siècles, de mettre par écrit, aussitôt après la mort de
chaque évoque , leurs principaux gestes pour transmettre à
la postérité le bien ou le mal qu'ils avaient opéré, et perpé-
tuer ainsi leur mémoire. C'est ce qu'atteste un écrivain du Lai,ijc, Bi i.
XI" siècle, qui lui-même fut chargé de remplir ce devoir mss. t. i, p. i54.
après la mort de lévèquo Robert de Nevers, décédé l'an 109i).
De la réunion de toutes ces vies particulières est résulté un
corps dhistoire fort intéressant, et qui mérite d'autant plus
de confiance, (ju'il est louviage d'autant, pour ainsi dire ,
d'auteurs contemporains qu'elle contient d'articles, mais qui
tous n'avaient pas le môme talent d'écrire, ni un égal discer-
nement pour recueillir les faits vraiment inléressans de leur
vie et de leur gouvtTuemenl. On ne trouve, dans la plupart
de ces vies, que les donations faites aux églises, et sur-tout
à la cathédrale d'Auxerre, par ces prélats, soit pour la déco-
ration du temple, soit pour l'entretien de ses ministres. Cepen-
dant il y a encore à profiler pour l'histoire, dans ces minutieux
détails : on peut y voir quel était, aux différentes époques, l'état
des beaux-arts en France, et en quoi consistait le luxe des édi-
fices et des ameublemens.
Ce serait un travail plus long que ne comporte la tâche dont
nous sommes chargés, de satisfaire sur tous ces objets la curio-
sité des lecteurs ; il nous sudit de les avoir indiqués : mais nous
ne devons pas omettre de dire quelque chose des auteurs connus
ou anonymes qui ont contribué à cet ouvrage.
Les premiers évèques de cette église , presque tous émi-
nens en sainteté ou couronnés du martyre, avaient eu leurs
bioi'raphes ou panégyristes, dont les écrits remplissent l'im-
mense collection des Bollandistes, et ont fourni des maté-
riaux à tous nos agiographes modernes ; on a les actes de
saint Pérégrin , de saint Amateur , de saint Germain , de
saint Auaaire, et autres. Ce ne fut qu'au IX° siècle qu'on
4U ANON. AUT DHIST. ET CHRON. D'AUX.
xri SIECLE, entreprit de réunir dans un corps d histoire tous les docu-
mens qu'on put recueillir relativement aux évêques honorés
iiiid. p. 43i. du titre de saint et à ceux, qui ne l'étaient pas. L'évêquc
■Wala, qui mourut l'an 879, conçut ce dessein, et en confia
l'exécution à doux chanoines de son église, nommés Raino-
gala et Alagus, sous la diroclion du moine Heric, (|ui élùit
alors en grande réputation dans labbayc ilc Saint-Germain
d'Auxerrc, dont il dirigeait les écoles Depuis cette épofjue,
l'usage de rédiger par écrit les gestes des évè(iues aussitôt
après leur décès, sest maintenu, comme nous l'avons dit,
dans l'église d'Auxerrc, et a produit celte suite non inter-
rompue de notices , dont les autours pour la plupart sont
inconnus. Celles des cvèciues Goufroi do Champaleman ot
de son successeur Robert de iNevers, mort en lOîi.i, sont at-
tribuées , non sans fondement , à un certain Frodon , tpii ,
ii'si. Liiu'r. ;, raison de cet écrit, a eu .son article dans celle histoire.
527 ' '' ' ~ Celle de Guillaume de Touci, ([ui a gouverné l'égliso d .\ux(!rre
depuis Tannée 1167 jiiscpi'en 1181, a ou pour auteur, à ce
qu'on croit, le chanoine Fromond, et c'est à son occasion (jue
nous avons cru devoir dire un mot des anonymes qui lont
précédé.
Fromond, ou l'anonyme ([ui a écrit la vie de Guillaume
de Touci, est celui de Ions los an.)nymos du XIT siècle qui a
le mieux rempli h; devoir d hi-,l(irion ; son écrit est |)lus
nourri de faits ou d'anecdolos qui micressent autant Ihisluire
civile (^t polili(|ue que Ihistoin; oi ilisiaslique. On y voit les
alFaires conlentuîuses tpic lévôque (imliaume eut à démêler,
soit avec les comtes de Nevers, (pii lélaient aussi d'Auxerrc ,
au sujet d(is droits syigneuriaux dans la même ville, soit avec
le roi l,ouis-lo-Jeuno, qui voiilail ('lablir à Auxerre une com-
mune, comme lui ou ses prèilecessonrs en avaicMit établi dans
plusieurs autres villes l'-piscopales. Lauleur nous donne une
idée fort juslo de la p ililique de ce prine(î, lorsquil dit que
Lablic. ii'i.1. Louis regardait comme à lui apparleiianl louti^s les villes dans
les(|uelles sélablissaieiil des eoniiminos , et (pi'il regardait
comme ennemi de sa couronne ([UKuncpie s'opposait à leur
établissement (I)
(I) /lent romes de nssensu. r^'iin roriiriiHiiiau .iiitissiodori d'; nom ituti-
turre Toiuil : fui ifrm pnrsuniplioni prifsul iHSijnis se conJidenUr npponens.
super hoc in régi'' curii rauxani rci/il'titd'i'ii SHSicpil, hdh tamcn ahsijne
pericul) et e.rnc'nv,rn,i ,i"it"i'l''- Fii''- f-c -( malcculcHli(X"i il/tus pitsstm
iiiC.
S20.
ANON. AUT. DlliST ET CHRON. D'AUX. 41 ÎJ
Le P. Lal)l)C a pultlié ces actes, qui sont divisés en deux par-
ties: la première conlioiit les gestes des évêques depuis saint
Pérégrin jusqu'à l'année 1277; la seconde n'est que l'extrait
d un manuscrit d'Alexandre Pétau, qui a passé depuis dans la
Ijihliolhèqne du Vatican avec les manuscrits de la reine
Christine de Suède. Ces extraits s'étendent depuis l'an 1277
jusqu'en 13G2, et on y a ajouté les vies des deux François
de Dinteville. et d(> Jacques \miot, dont les auteurs sont con-
nus. Les continuateurs du Reciuil des liisloriens de France ont
donné (juelques extraits de ces actes aux tome IX, page 132;
tome X, page 170; tome XI, page 113; tome XII, pages
3U0-30O.
II. Le même P. Lalihe a aussi publié le livre des miracles
de saint Geniiaiu il.Anxerre, composé au IX'' siècle par le moine
Heric. Les continuateurs de Bollaiidus lonl réimprimé dans leur "o"- ^' J""»
collection, et y ont ajouté trois appendices dont les auteurs ^ '*"
anonymes vivaient aux XFet Xll'^ siècles. Le dernier est un
Anglais, qui, à l'occasion des miracles de saint (iermain, fait
l'histoire du monastère de Seleshy, prèsdYoïk, monastère qui
doit son origine à un moine de Saint-Germain d'Auxerre, nom-
mé Benoît, lequel ayant enlevé un doigt de la main de Saint
Germain s'était enfui en Angleterre du temps de Guillaume-
le-Conquérant, et, à la faveur de cette relique, était par-
venu à fonder un monastère. Cet écrit, qui finit à l'année 1174.
est tissu de visions et de miracles qu'on peut voir dans le P
Labhe ou dans les Bollandisles; il est aussi dans le Monasticon
anglicanum.
III Le P. LaLhe a encore imprimé deux petites chroniques v.\\A>e^iUi.
d'Auxerre; la première commence à l'an 1003, et finit en ''• '^"'''■
1174; la seconde commence en 1032, et se termine à l'an "'''' v '•^^■
1190. L'éditeur la donne comme une suite delà première;
mais on voit que c'est un autre ouvrage qui a eu d'autres rédac-
teurs
D. Martène a aussi publié une chronique qu'il avait trouvée Ma>i Anonl.
écrite à la marge d'un vieux nécrologe de l'église d'Auxerre. '' '"' ''"'■ '"****"
Elle commence à l'an 1022 et finit en 1188. Ces chroniques
ne sont 'nullement remplies, les mêmes faits y sont souvent
répétés ; il faudrait, pour en avoir une entière, ne faire
ludnrici rcgis iucurrit, yui ci improperabat ijuiid Antissiodorensem. ciritatem
ipsi et hœredilus suis avfcrre ronalatur, reputans civitales omnes suas esse,
in quihus communirr cssent.
416 THIBÂUD^ CARDINAL KVÊQUE D'OSTIE.
XII SIECLE, qu'un tout de ces trois morceaux ; c'est ce qu'ont fait les conti-
nuateurs du Recueil des historiens de France, aux tomes X, page
270; XI, page 292; Xil, page 299; et, malgré cela, plusieurs
années ne sont pas remplies. B.
t:
TIIIDAUD,
Abbé de Cluni, puis Cardinal Évêque d'Ostie.
^HiBAUD, n'étant encore que prieur de Sainl-Arnoiil, à Crépi
eu Valois, jouissait déjà d'une grande considération en France.
Btfuquri. Ayant été envoyé, l'an 11 G9, à Conslantinople et en Syrie, pour
Hist. de Fr. I. |es affaires de son ordre, il fut chargé de porter au roi de Sicile
' ^'' ■ et à l'empereur de Constanlinople, deux lettres du roi Louis-le-
Jeune, dans lesquelles ce prince fait un bel éloge de sa vertu et
de sa capacité : « C'est un homme, dit-il, plein de foi, recora-
niandable par sa sainteté, distingué par sa science, honoré de
mon amitié la plus intime, nobis admodum familiaris ; en un
mot, chéri et considéré dans tout le royaume. » Saint Thomas
de Cantorbéry, qui l'avait aussi chargé de deux lettres, l'une
pour la reine de Sicile, l'autre pour l'évèque élu de Syracuse,
répète presque dans les mêmes termes les éloges donnés
à Thibaud, par le roi. On peut voir en partie, dans la
B,i)i. ci.iii. bibliothèque de Cluni, quelles furent ses opérations en
roi. 1411. Orient.
r.aii Christ "^ retour en France, on veut qu'il ail été successivement
i IV, loi. ti.'.-i abbé de Sainl-Basle, de Fleuri ou Saint-Benoîl-sur-Loiro, de
Saint-Lucien de Beauvais, de Saint -Crépin de Soissons;
mais tout cela est avancé sans preuves. Ce qui est bien
prouvé, c'est qu'il fut fait abbé de Cluni lan 1180, selon la
itii). ciun. chronique de Robert du Rlonl, et dans une charte du l*"" scp-
coi. 1U1. tembre 1180, cette année est comptée pour la première de
sa prélalure. Thibaud, ayant témoigné à Pierre de Celles,
„ . r 11 abbé de Saint-Remi de Reims, sa frayeur d'être élevé à un
lib. IX, fp. 3. poste si éminent, et, à son avis, si fort au-dessus de ses
forces, celui-ci le console, et l'encourage en méme-lemps à
i07.
THIBAUD, CARDINAL ÉVÉQUE D'OSTIR. 417
porter cet honorable fardeau, dont il ne dissimule pas la pesan- xii sh;<:le.
leur.
François de Rivo, auteur d'une chronique de Ciuni, ne Bibi. cIuh.
donnant à cet abbé qu'un an de prélalure, dit qu'il fut fait "'• ^^''^•
évêque d'Oslie l'an H 80, et qu'il mourut la mâme année.
Tout cela est faux : nous lisons, dans Geofroi de Vigeois, Lai>be, Bibi.
que Thibaud, abbé de Cluni, fut chargé, l'an 1183, par le 337 ci seq. ^
pape Lucius iil , de travailler conjointement avec l'évêque
de Nevers à rétablir la paix entre le jeune Henri, roi d'An-
gleterre, et Henri son père, qui se faisaient une guerre à
outrance dans le Limousin, et que le jeune Henri étant mort
sur ces entre-faites, Thibaud assista à ses funérailles, qui
furent célébrées à Grandmont. Ce n'est donc que sur la fin
de l'année 1183 au plutôt, ou au commencement de la sui-
vante, que Thibaud a été créé cardinal évéque d'Oslie. il signa Dibi. <,im,iac.
en cette qualité une bulle du pape Urbain IH, de l'an 1185, '"'■ '**•'■
en faveur de l'abbaye de Cluni. Llghelli dit qu'il fut envoyé td â» i'im " "'
légat en Allemagne l'an 1 186, et qu'il mourut à Rome l'an 1188.
Pour réfuter ceux qui le disent enterré à Cluni, il rapporte
l'épitaphe qu'on lisait sur son tombeau dans l'église de Saint-
Paul, à Rome : Hîc requiescit dominus Theobaldus, episcopus
Ostiensis. C'est tout ce que nous avons pu découvrir sur sa
personne depuis son épiscopat ; mais le rang éminent auquel
il fut élevé prouve qu'on reconnaissait en lui un mérite plus que
vulgaire.
Il existe une vie de saint Guillaume, prétendu duc d'Aqui-
taine, composée par un évf'que nommé Thibaud, dont on boII. die 10
n'indique pas le siège. Hcnschcnius, qui a fait un long com- feb. p. 4«.
mentaire sur celte vie pleine, d'erreurs et d'anachronismes,
n'a pu découvrir qui était ce Thibaud. Un des anciens colla-
borateurs de notre Histoire litlérairc a imaginé que ce pour-
rait être l'évoque d'Oslie, qui, à la prière des disciples de saint
Guillaume de Malaval, inslituleur des Guillelmiles, aurait com-
posé celte vie; parce qu'il est certain, dit-il, que l'auteur de
cette vie était Français, qu'il était évêque, et qu'il écrivait en
Italie. Ces raisons ne nous paraissent pas suffisantes pour nous
décider. Il est plus probable que le mot episcopi est le nom de
famille de l'auteur; et d'ailleurs l'ouvrage est si mauvais, que ce
serait faire injure à notre cardinal de le lui attribuer sans de
bonnes preuves.
On peut dire la même chose d'un ouvrage qui a pour titre,
Theobaldi episcopi philologus, seu de naturis duodecim ant-
TomeXIV. Gg.^
118 MAINARD, ABBÉ DE PONTIGNY.
XII SIECLE. 7nalium ; ouvrage cité par Fabriciiis comme imprimé in-4'
Fahncius vei- ggns indication du lieu et de l'année de l'impression. Nous
Im Tlieubiililiis. , . r-r ■ ■ . ■ ■ t c ii
pensons que le mot Eptscopi est encore ici un nom cie famille.
B.
Il AIN AU I)
n 129
Dictis Inc
ÀBBl'; DK PONTIONY, CT KNSCITE C.\KI1IXAT„
Mail. Anecii. 1) 1 ERRE , second du uom, septième ahbé de Pontii^ny, ordre de
t 111,1). 1-240. A Cfieau-K, ayant été fait évètpie d'Arras en M.S4, Mainard fut
"j^ii" ^ ^,^^' ' élu à sa place, et gouverna 1 abbaye pendant (piatrc ans. (^lé-
Maii.-iie. |. ment III le nomma, en 1188, cardinal et évèque de Palestrine.
1242. ~ liai. Il j^p jouit pas long-temps de ces dignités. Il mourut, cette
am" - j,.ii"i'! finnée-là même, le 16 octobre. .Martène, du moins, .longelin
Purp. liivi Uin. et \ Ilalia Sacra l'afTirment, (|uoi((iie le Gallia christiana le
nomme encore, pour divers actes, jusquen l!0'2; on y dit,
T.Mi. |i! entre autres, que ce fut lui qui ,ju;.^ea, eu ll'.H), comme délé-
2l« cl tu. gué de Clément III, avec (uiy, abbé de l'itilly, les contesta-
tions éknées entre l'évrijue di' Pans et les clianoines de
,^]l^^ ,'.'"!! Corbeil. Nous le voyons, dès les premiers mois de son goii-
p. 1240. - (jall. ■' '
Christ. I. XII, vernemenl, en 118i-, obtenir d .Agnes, comtesse de Nevers,
P Wi'- lapprobation d'un don de cpiarante arpens de bois, fait à
.son monastère par. '»uy, comie, et .Malliilde, comtes.se de
Nevers, don qu'il fU confimcr, la mr-nic anni'i-, par Pierre d(>
Courlenay, comte d'Auxerre.
Lordre de Calatrava venait di'ire elabli par des religieux
de lordre de Cîleaux, ([ui, .sous Saiulu'. III, roi dt^ Caslille,
avaient défendu celle ville avec succès contre les .Maures ;
mais, animé dès sa naissance par un esprit guerrier, cet
ordre préféra les litres de chevalier pour ses membres, et
de grand-maître pour son chef, aux titres de moine ou
d'abbé, el les exercices militaires aux paisibles devoirs du
cloître, sans vouloir néanmoins >orlir de la dépendance de
C.îleaux, (pii l'avait fondé. Mainard lut chargé, en 1187, de
composer des statuts pour les chevaliers de (Calatrava; il le
lui conjoinlemenl avec labbe de Cîteaux, (iuillaume, et non
MAINARD, AHHE DE PONTIGNY. 4i.j
Guy, couHueonra dit par erreur, car Guillaume, second xii siicci.f..
< u nom dans la l.ste des cliefs de ce monastère, le qouverna "
dc,Hus 11 84 jusqu'en 1192: amsi laffirraent du moins dom
Maitene et le Gallia chrisliana. Manrique au contraire ^' Ma,i;„c,
dans ses Annales de Cîleauv, avait placé la mort de Guil-' !',. ',f ; ".v"""'
laume en 118G; léleclion de Pierre II, son successeur, en m C , xil;
118G encore, et sa mort à la fin de 1187- l'élection de •' **'
Guy le-, son successeur, en -Il 87, et sa mort en 1 I 90 • et il '' '' ''' "'*'
allnhue formellement au temps du so'.vernement de Giiv les
slatuts donnés a l'ordre de Calalrava On croit que Mamard
en lut le véritable auteur . quoique les quatre chefs de fdia-
lions en eussent été chargés, conjointement et sous la pré-
sidence de l'abbé de Cîteaux, et qu'il fît seulement examiner
cl approuver le travail par ses trois collègues et par leur aé-
néral. ' °
Le successeur de Mainard, dans l'abbaye de Ponligny Gc-
ranl, étant également devenu cardinal et évêque de "p'ales-
inne , on a .pi,"l(|uefoi8 confondu leurs personnes et leurs
actes Le Gallia Puvpurata ne fait même pas mention du
premier, et le Gallia chrisliana en parle sans dire qu'il de-
vint cardinal; ces auteurs placent même pendant quelques T. xii, ,, iu
mois un abbé entre lui et Gérard, quoiqu'ils citent le né-cro-
loge de Ponligny, qui fait de ce dernier le huitième chef de celte
abbaye. Le Gallia Purpurata el le Purpura divi Bemardi en Mv ii „ 197
lont également le neuvième. l!ghelli a le premier, dans son Ilalia ^- ' 1^2.
Sacra, replacé parmi les cardinaux Mainard, qui jusqu'alors r , ,„.
avait été oublié 11 dit cependant : Mainardus quem nonnulli - v.' l „g ,i„
Gherardum appellant. Manriipie, qui venait de faire donner ° '2"-
par Mainard, en 1 187, des statuts pour l'ordre de Calalrava, '^ '' ''• '"*^-
en fait donner encore pour le même ordre en 1189 par
Gérard. '
L'année de la mort de Mainard était rappelée dans ces vers
que cite Jongelin ; ' n .
'-' Purp. (livi
Bciicd. n. 121).
Anna mllleno ccii/eno cum ocfuageno
Octavd, moritiir Mahnnrdns Fonlhuicennis ;
Mortales iinquens, super'u Icelus .social iir.
P.
Ggg2
420
XII SIECLE.
REINER,
Religieux du Monastère de Saint-Laurbnt,
A Ll ÉO E.
"IlKiNER, religieux de Saint-Laurent, monastère de l'ordre
•^''de Saint-Benoît dans l'un des faubourgs de Liège, nous ap-
prend lui-même qu'il avait été disciple du moine Jean, et
qu'il était ami de Guillaume, écolâlre de l'église de la môme
ville. Voilà tout ce que nous savons de sa vie : mais nous
verrons qu'on peut conclure encore de ses ouvrages qu'il a
vécu jusqu'en 1188 au moins, et peut-être jusqu'en 1206,
quoique Chappeauville, Baillot, Oudin , et les auteurs de la
nouvelle Gaule Chrétienne aient placé sa mort sous l'année
1130.
Il nous a laissé lui même une liste de ses écrits ; mais elle con-
tient plusieurs articles que nous n'avons plus, et n'embrasse
point tous ceux qui subsistent sous le nom de ce religieux.
Voici d'abord ceux qui ne sont connus que par les titres qu'il en
donne :
Des lamentations en vers sur les malheurs de l'église.
Tarent de ecclesiae pressuris.
Deux livres sur l'Ancien et le Nouveau Testament, mélange
de vers et de prose, que l'auteur \r\i\{n\d\\ la Panthère, à cause
de cette bigarrure, quod prosâ esset et metris velut multicolo-
riter distinctum.
Des vers sur le martyre des Machabées.
Une paraphrase en vers a.sclépiades de ces mots de l'apôlre :
Omnes quidèm currunt, sed unus accipit bravium.
Premiers essais de lauleur, ces |)oésie3 et quelques autres
lui ont été dérobées, et il regrette de n'en avoir point con-
servé de copie. Mais il possédait encore des poëmes lyriques,
composés par lui lorsqu'il étudiait la musique, et dans les-
quels étaient célébrés saint Sixte , saint Félicissime , saint
Agapll, saint Antoine, saint Jérôme, saint Servais, sainte
Begge, les saints martyrs Évermare et Urbain, les triomphes
de l'archange Michel, et les dons du Saint-Esprit. Il avait fait
aussi des épitaphes, une élégie sur la mort d'un ami, un
REINER, RELIGIEUX DE S.-LAURENT. 421
poëme sur le rétablissement de sa propre santé, et deux livres X" sif-CLe.
en vers, versificè, sur la Sardaigne et sur la Sicile. Toutes ces
poésies nous manquent, ainsi que plusieurs ouvrages en prose •
savoir : une exhortation à la piété ; un livre sur le respect dû
aux lieux saints ; quatorze livres composant une histoire de
l'expédition des chrétiens dans la Palestine ; une réponse à un
sophiste qui avait critiqué les productions de l'auteur ; des
oraisons ou prières à saint Laurent et à d'autres saints: enfin
des épîtres . '
De tous les ouvrages que Reiner a compris dans son cata-
logue, il n'en subsiste que huit , y compris celui dont ce ca-
talogue même fait partie, et qui consiste en trois livres,
intitulés : De claris scriptorihus monasierii sut. Ces écrivains!
dont s'honorait le monastère de Saint-Laurent, sont ici aii
nombre de dix-sept ; le plus célèbre est Robert ou Rupert
qui devint abbé de Tuy. Des notices sur ces dix-sept auteurs «is. Liu.r
composent le premier livre de l'ouvrage dont nous parlons de i^ Fr i. xi.
Le second est consacré à Reiner lui-même ; c'est là qu'il
donne la liste de ses propres écrits. Le troisième ne contient
que des considérations mystiques sur les antiennes qui se
chantent avant Noël, et qui commencent par l'exclama-
tion 0 !
On peut envisager ce troisième livre comme une sorte
d'abrégé d'une seconde production de Reiner, laquelle n'est en
effet qu'un plus long commentaire de ces mêmes antiennes. On
rencontre ensuite le miroir de pénitence : c'est une vie de sainte
Pélagie en deux livres, contenant plus d'amplifications que de
récits : puis un Palmarium virginale, ou une vie de sainte
Marie de Cappadoce, aussi en deux livres. Cette sainte fut mar-
tyrisée vers le commencement du Ile siècle ; deux anges, sur des
chevaux blancs, apparurent à son supplice, et trois mille hom-
mes se convertirent au christianisme.
Reiner déclare qu'il n'est pas le premier auteur d» la vie de
sainte Pélagie : il n'a fait qu'orner, corriger, compléter celle
qu'avait rédigée un plus ancien historien, mais qui ofl^raili des
lacunes, et fourmillait de solécismes et de barbarismes. Quant au
Palmarium virginale, il est tout-à-fait de Reiner; il l'a com-
posé pour effacer de son esprit les impressions qu'y avait lais-
sées la lecture des comédies de Térence.
Le cinquième ouvrage, intitulé Flos eremi, est une vie de
l'ermite saint Thiébaut, en deux livres encore : Thiébaut
était né près de Son- ; il fut élevé à Provins. Le démon ne
422 REINER, RELIGIEUX DE S.-LAURENT.
XH SIECLE. ^ cessa jamais de le tenter ; mais le pieux solitaire sortit victo-
rieux de toutes ces épreuves. Triumphale Bidonicum est le
titre d'un sixième article : Godefroi, duc de Lorraine, en par-
lant pour la croisade de 1095, avait vendu à l'évoque de Liège
le château de Bouillon, qui, ayant été pris en 1 1 35 par Renaud,
comte de Bar, fut recouvré par l'église de Liège en 1 1 42. Reiner,
auteur de cinq livres oii sont exposés ces événemens, n'est donc
pas mort en 1 150, quoi qu'en aient dit la plupart de ceux qui
ont parlé de lui.
Voilà six ouvrages en prose . le septième et le huitième sont
en vers hexamètres. L'un chante l'arrivée des reliques de saint
Laurent, envoyées de Rome à Liège, et il est suivi d'oraisons et
d'hymnes en vers lyriques en l'honneur du saint martyr. Le
sujet de l'autre poëme est plus compliqué, ainsi qu'on en peut
juger par le litre : De conflictu duorum ducum et animarum
revelatione ac de milite captivo per salutarem hostiam liberato
libelli duo. La, un soldat ou chevalier se voit miraculeusement
délivré d'une captivité durant laquelle il avait souvent éprouvé
des soulagemens inefl'ables : à certaines heures, il ne sentait
plus le poids de ses fers. De retour dans ses foyers, il vérifia que
les jours, les momens de ses consolations et de sa délivrance
étaient précisément ceux ou sa femme avait fait dire des messes
pour lui :
Ad 7ia(aie solum qui posl quaniloqnc regrensus
Pleniùs nxori qtunî coni'ujeral palefeclt,
Quœ proiedata est liora'<que fahse d'iesqnc
Jpnui ob'ati tolieus rdcvamine mcri.
. j Dom Bernard Pez a publié ces huit ouvrages, et en a fait
rhcs. Anecd. ' • ■ j
i. IV, |>8ii. III, en même temps paraître sept autres, qui ne sont point dans
p. - 272. le catalogue de Reiner, mais qui portent son nom dans les
manuscrits. Nous avons donc à indiquer ici, comme neu-
vième article, une vie de saint Evracle, quarante-cinquième
évêque de Liège, né d'une noble famille saxone, et décédé
en 971, après avoir eu beaucoup d'extases, et fait encore
plus de bonnes œuvres ; comme dixième article, une vie de
Règinard, cinquantième évéque de la même ville, né à Co-
logne, et mort en 1036, treizième année de son épiscopat.
Suit un livre de Casu fulminis : il .s'agit d'un événement ar-
rivé en 1182, le onzième jour avant les calendes d avril. Au
moment ou l'on s'apprêtait à enterrer un chanoine, le ton-
nerre tomba sur l'église du monastère de Saint-Laurent :
REINER, RELIGIEUX DE S -LAURENT. 423
mais les hosties renfermées dans le ciboire demeurèrent in- xii siècle
tactes , ainsi que les reliques du saint martyr , malgré les
efforts que faisait le diable pour diriger sur elles les flammes
dont elles étaient environnées. Nous rencontrons ensuite un
livre d'actions de grâces à saint Laurent, à l'occasion de la
dédicace de sa nouvelle église ; puis un opuscule sur l'incendie
de l'église de Saint-Lambert de Liège, le quatrième jour avant
les calendes de mai 1 1 88 : c'est cette date qui sert de motif
à l'opinion que nous avons énoncée relativement à la durée de
la vie de Reiner.
Le quatorzième ouvrage de cet auteur est intitulé, dans le
recueil de dom Pez ; Lacrymarum libri III. Ce sont des com-
plaintes en prose, accompagnées de récits qui ont pour objet des
conversions, des guérisons miraculeuses, des visions, des songes.
Viennent en quinzième et dernier lieu deux livres de Profectu
mortis : des histoires édiBantes nous y montrent comment la
pensée de la mort peut et doit amender la vie. Dans toutes ces
productions, Ueiner cite souvent les poètes latins, particulière-
ment Horace et Virgile.
A l'exception des deux premiers livres de claris Scripto-
ribus , et du Triumphale Bulonium , lesquels tiennent en
effet à l'histoire , soit littéraire, soit politique , nous avoue-
rons que la publication de tant d'écrits de Reiner n'était pas
d'une extrême utilité. Dom iMartènc cependant avait imprimé Ampliss. Coll.
avant dom Poz et l'épître adres.sée par Reiner à Frédéric ,
moine de Stavelo, pour lui dédier le livre rfe Casu fulminis ,
et ce livre même, et les prologues des vies de sainte Pélagie ,
de saint Thiébaut, et de Réginard.
Mais il existe une production de Reiner plus connue que
toutes celles que nous venons de parcourir, quoique dom Pez
l'ait omise : c'est une vie de saint Wolbodon. Qu'elle soit en
effet de Reiner, on n'en peut douter, puisque les manuscrits
la lui attribuent, et sur-tout puisqu'il la cite lui-même dans
sa vie d'Evracle, ainsi que dans celle de Réginard. Chappeau- j i j q ^,-
ville, Mabillon, et les Bollandisles, l'ont imprimée. Reiner, episc. Leod.
dans le prologue , annonce que , pour complaire à ses con- **'• '""'^'•
, V , •„• . . ! • ^ • . , Ord. s. Ben.
frères, il a recueilli tout ce quon avait écrit jusqu alors sur sec. 6 part, i, p.
saint Wolbodon, et en a composé l'opuscule qu'il leur offre. I7i-l9i.
On y apprend que Wolbodon, issu d'une noble famille de om^^l *^^' *''
Flandres, devint, après ses études, chanoine d'Utrecht , et
fut élu évêque de Liège en 1018 ; qu'après quelques démêlés
avec le saint empereur Henri II, il obtint la bienveillance de
424 REINER, RELIGIEUX DE S.-LAURENT.
XII SIECLE, ce prince ; qu'il mourut en 102'! ; et que tant de miracles s'opé-
raient à son tombeau, qu'Etienne 1"^ abbé du monastère de
Saint-Laurent, le conjura de n'en plus faire, attendu que laf-
fluence des peuples attirés par ces prodiges troublait la solitude
des religieux et compromettait la régularité,
chapcauv. de Qn attribue aussi à Reiner une vie de saint Lambert, évoque
Leod" t 'i'""! "^^ martyr. Mais Suysken, l'un des continuateurs de Bollan-
iii — i^i — dus, nous paraît avoir assez bien prouvé que celte vie est
Mahiii. Aci ss l'mjg (jgg j^,ux que Sigebert de Gemblours avait composées,
Ord. S. Ilened. ,,,.■■■« i-«./ ■ . , ■■
I. m. p. 68. 3'DSi quil le dit lui-mcme, et qui ne dîneraient entre elles
17 sept. p. t)20. que parce que l'une était écrite avec plus de simplicité, l'autre
avec plus d'ornemens. Cette dernière nous est restée sous le
nom de Sigebert ; et si nous en rapprochons celle qui porte
le nom de Reiner, nous y retrouvons un récit plus simple de
tous les mêmes faits, dans le même ordre, à un seul miracle
près, qui ne sera parvenu que plus lard à la connaissance du
légendaire. Suysken ajoute que Reiner ne place point une vie
de saint Lambert dans le catalogue de ses propres écrits : mais
ce silence ne prouve rien ; nous avons assez vu combien ce
catalogue est loin d'être complet. Au surplus, la vie de saint
— v'uibi ^Wisi Lambert a été écrite par beaucoup d'auteurs, qui tous ensemble
de la Fr. i. I, \<. ne Valent pas, selon Rlabillon, un seul historien qui aurait été
887, n. «7i8. jjjgjj g^gct et judicieux.
^2 Vossius prétend que Reiner , moine de Saint-Laurent , à
Liège, contemporain d'Aimoin de Fleuri, s'est illustré par
ses écrits, qui consistent en une vie de saint Laurent, évoque
et martyr, et une vie de saint Wolbodon. ftlais Aimoin de
Fleuri vivait au commencement du XI" siècle , ot l'on ne
connaît point de saint Laurent tAÈQiE et martyr. Le martyr
Laurent était diacre. On peut donc présumer ([uc Vossius a mis
ici Laurent pour Lambert, et qu'il avait peu éclairci ce qui con-
cerne l'époque ol les travaux de Reiner. il y a beaucoup d'in-
exactitudes pareilles dans les notices de Vossius sur les historiens
du moyen âge.
Gilles d'Orval, qui écrivait au milieu du Xlll" siècle, dit
11 ^"""w*— M"^ Reiner, moine de Saint-Laurent, homme d'une grande
V. aussi p. 60 science, et dont on a plusieurs autres opuscules, a composé
*' 224. ung très-belle vie du bienheureux Frédéric, évoque de Liège.
Ce prélat mourut en 1121 ou 1122, et son historien était
ù -peu-près son contemporain, ainsi qu'il y a lieu de le con-
clure de ces paroles : Quse fada sunt his diedus.... dtiximtis
stylo memoriseque mandare. D'un autre côté, cet historien
REINER, RELIGIEUX DE S -LAURENT. 425
n'écrit qu'après la mort de l'évoque Alexandre, c'est-à-dire ^" s'ecle
qu'après l'année 1135; et, sur le témoignage de Gilles d'Orval,
Chappeauville, les Bollandistes, Pagi, dora Martène, croient ^^ """'• p '^2*.
devoir attribuer cette légende a Reiner.quoiqu elle soit anonyme n. ii.
dans les manuscrits. Elle est fort courte, ne remplit que trois Amplis, coll.
colonnes dans le Recueil des Bollandistes, et ne raconte guère <032éi'j08J —
que des guérisons miraculeuses. Voy. Liu. p. 185.
A l'égard d'une vie d'Alberon, que Martène dit composée
par Reiner , et empruntée de lui par Gilles d'Orval , celte t. iv, p"''io8!j'.
indication ne peut s'appliquer qu'à des extraits du Trium-
phale Bullonium, employés en effet par Gilles dans ce qu'il a
écrit sur Alberon H, évêque de Liège.
L'Amplissima Collectio contient encore une histoire du t. iv, p. 1033.
monastère de Saint-Laurent, à laquelle ont successivement "~ "^^•
coopéré Rupert, Reiner et Lambert, religieux de cette com-
munauté : mais, dans l'état défectueux oii l'on a trouvé le
manuscrit de celte histoire, il est fort difficile d'assigner les
morceaux qui appartiennent à Reiner. Il a dû commencer
à l'année 1135, époque de la mort de Rupert, et dom Mar-
tène dit qu'il a conduit l'ouvrage jusqu'en 1206. Nous avons
recherché en vain les motifs de cette assertion de Martène,
et nous nous bornerons à ne point la contredire, bien qu'elle
nous paraisse prolonger beaucoup la carrière de Reiner, à
qui ce savant bénédictin attribue de plus un abrégé manu- 7^,^ „ 1034.
scrit des sermons de saint Bernard sur le Cantique des Can-
tiques
Enfin, parmi les Scriptores succedanei contra Waldenses,
imprimés à Ingolstadt en 1613, in-4°, se trouve un opuscule ^''''- ">»»•
de Reiner, mais sans la qualification de moine de Saint-Laurent : „' 202. '
il est de Reinier, dominicain du Xlll" siècle.
Les autres productions que nous venons d'indiquer sont si
nombreuses et si variées, qu'on serait tenté de les partager
entre deux auteurs du même nom, tous deux Liégeois et reli-
gieux du même monastère, dont l'un aurait écrit dans le cours
des cinquante premières années du XII° siècle, et l'autre de-
puis 1180 jusqu'en 1206. Mais, à la rigueur, elles peuvent
toutes appartenir à un seul écrivain, laborieux ou fécond, qui,
né vers 1116, sera mort nonagénaire; et si l'on écartait ce que
dit dom Martène relativement à l'année 1206, il suffirait qu'un
Reiner, moine de Saint-Laurent, eût vécu depuis l'une des
premières années du XII' siècle jusqu'en 88 ou 89.
D-
Tome XIV. Hhh
2 s *
420
XII SIECLE.
GEOFROI DR PÉHO^NE,
1' H I {■: l'i! i)v: (!i. A 1 1! \ A r \.
SA VI !•:
s. iV'rii. viia fy EoFuoi (l(> IVioniic l'il iiiic tlcs vin^l-Iunl^ porsonncs
lil). IV, lap, •>■ "|-econini;n)(lal)les par leur iiiiiss.inrc, leur iiMinosse cl leur in-
struclioii, qiiesainl ncriiaid, dans un voxaui' qii il lit en Flandre,
(lôlcnnina à (Mnbrasscr la \ ic icii^ii-nso à (Ilairvanx. C'est à
lui, comiiic au plus ilislini^uc de la Irnupc;, (|uc saiiil H(>rnar(l
adressa la lotlre 10!) pour les idlcrniir Ions dans la irsolulion
qu'ils avaiiînl prise. Il paraît aussi ipie lic^ofroi , possédant
(.le glands biens dans li' siècle, cl pourvu d(''ja de la
trésorerie de rép;lise Sainl-(Jnenlin, éprouvait (pielque regret
de quitter le monde, et de l'(i|>position de la part de ses
parons à l'exécution de son dessein : c'est et- ipi un |)eiit
inl'énM' de la lettre 110 du même saint Hernard au père do
tîeofroi.
Manri(piès place cet é\('nemenl à ranné(> li;{l, et la mort
Spini in-i(ii. de (jeol'roi en 1 1 'i(i 11 \ a la deux erreurs. Ilciimanne de,
' '"' ■ '■ Tournai dit |K)siliveir,enl ipic la conversion de cette, luul-
lilude di' clercs ariiva \eis l,i vingl-ipiatrième année de
1 épiscopat (I(! Simon de Vcrmamlois, évéïpie de iXoyon. Or,
comme I épiscopat de; Simon commence à lannée 1122, la
vingt-ipiali lèaie année indi(pie nécessairement l'année 1140.
Ainsi, 1)1(11 loin ipie (iedlroi soi! mort celli; année-là, c est
l'i'poipie a l.iipielle il l'aul rappoilei .--on enlri'c en religion.
Cei;i c^t d autant plus ceilaiii. (pie saint lieinard, dans la
lellK! (pi il lui eciiMi, -e donne |ioiir un lioinnie déjà alFai-
bli par làge ; Dciolus mippono Inancios , ctsi jam f'essos ,
safcincV huù-, si 'mihi crlili/s iinponatw- ; ce (pi'il n'aurait
pu dire laii I 1 .'5 1 lor>ipi il ( lail encoie dans la luice de
làge
r-hi lil.s. ,.p. Pierre i\r. lilois nous appK ad (pie lù'otroi de l'eronne
^^^'l'jj '' ' ' étant prieur de l".lair\au\ , lut appelé , par le cierge de
Tournav , a k m|)lir le siège épiscopal de cette ville, et (ju'il
le relusa. Il laiil donc, pour (''claircir son liistoire, reclier-
GEOFROI DE l'É BONNE. 427
cher en quel Icmps il commença à exercer la cliar^e de prieur ^'" sirole.
à Clalrvaux. , et à (luellc éprxnie il a |)ii être nommé à lévêché de
Tournay.
L'an 1146, celail Riialen (|iii occupait la place de prieur ■'' "oin. cp. 258.
à Clairvaux. A crKc épo(iuc , le pape Eu;.;ène III le de-
manda pour remplir à Rome celle d'aljhc de Saint-Ana-
stase aux Irois-Foiilaincs , cpi'il venait de quitter. A la vérité,
saint Bernard , dan.s sa li.'llre au pape , ne donne pas à Rualen
la (jualité de prieur, parce ([ue celui-ci était déjà installé à
Rome lor.sipi il 1 écrivit; mais Nicolas de Moulier-Ramey Hii.i l'air.
la lui donne dans deux lettres ( la 23 et la 25 ) (lu'il écrivit '' .^"^'' ''• ^'^"
.... ft boO.
en son nom pendant qu d était encore à Clairvaux J'observe
seulement que dans ces deux endroits le nom du prieur est
estropié ; c'est Rualenus (ju'il faut lire , et non Rievallis.
Geofroi de i'éronnt! nélait donc pas encore prieur l'an
1146.
Une charte de saint Bernard , de lan 1153, rapportée par *"""' ^'"'•
D. Mabillon , prouve qu'à cette époque le prieur de Clair- ' '*■•"•'•
vaux s'appelait Philippe. Dans la même charte , sont cités
comme témoins Gérard et Geofroi , religieux de la maison.
Ces deux religieux, ;i notre avis, ne sont autres que Gérard
et Geofioi , lun et laulre surnommés de Péronne , lesquels
tenaient un rang distingué à Clairvaux ; et le prieur Philippe ,
mentionné aussi par Césaire d'Fleisterbach , est le même qui,
comme nous l'avons dit plus haut , devint abbé de l'Aumône
au diocèse de Charlres \ers lan 1156. Ainsi ce n'est qu'à
cette année que Geofroi de l'éronne peut avoir été fait prieur
de Clairvaux.
Il l'était, selon Pierre de Rlois , ior sipi il fut nommé à révèchc
de Tournay. Or, cet évéché ne fut vacant (pie l'an 1166, par
la mort de l'évêque Gérard , ou l'an 1171, par celle de Gautier.
C'est à l'une de ces deux époijucs qu'on peut rapporter sa no-
mination à l'épiscopat.
Celle circonstance de la vie de Geofroi semble noi's avertir
que c'est à lui qu'il faut appliquer les quatre vers suivans en
forme d'épitaphe, rapportés dans le ménologe cistercien au
8 novembre , dont Casimir Oudin fait l'application à Geofroi
d'Auxerre.
Ijmaci iwilor , Gaiifredns lefjis amator ,
Q/ia/ror Iiïc anuis darutt atqi/e fiiil ;
Prœxiil /■<! drcliia , rirt.ii/iim noni.'iiu; clants ,
Noin'it /incjli-ri , 'l il/ nus amore Del.
llhhS
IM.I.
P.ilr.
105.
. !'•
428 GEOFROI DE PÉRONNE.
XII SIECLE. Oudin trouve dans ces vers un gros mensonge, parce que, dit-
De Scr. ecci. i\ , Geoffoi d'Auxerre, bien loin de refuser les prélatures, en a
I. Il, col ii98. pgfppii plusieurs , ayant été successivement abbé d'Igni , de
Ciairvaux , de Fosse-Neuve et de Haute-Combe ; mais ce
mensonge disparaît , si l'on fait l'application des vers à Geo-
froi de Péronne. Reste donc à savoir si Geofroi de Péronne a
été, comme Geofroi d'Auxerre , abbé d'Igni.
Gaii. Christ. Lcs autcurs du Gallia christiana placent dans le catalogue
t. IX, col, 301. jgg abbés d'Igni au diocèse de Reims , un Geofroi II, men-
tionné dans un titre de l'an 1177, sur lequel ils ne donnent
aucune lumière, et se plaignent, au contraire, qu'à cette époque
la chronologie des abbés d'Igni est hérissée de difficultés inex-
tricables. Rien n'empêche de supposer que ce Geofroi soit celui
de Péronne , qui , après avoir gouverné ce monastère l'espace
de quatre ans , serait retourné à Ciairvaux. On sait que, dans
l'ordre de Cîleaux , les supériorités étaient moins des pré-
latures que des commissions révocables à la volonté du chapitre
général de l'ordre. Voilà pourquoi l'on voit tant d'abbés passer
successivement d'un monastère à d'autres , et qu'on rencontre
tant de difficultés à fixer la chronologie des abbés de la plupart
de ces maisons S'il y avait des preuves que Geofroi eut con-
servé l'abbaye d'Igni jusqu'à sa mort , nous dirions qu'il vé-
cut jusqu'à l'année 1190 , parce que ce n'est qu'à cette année
qu'on trouve le nom de celui qu'on lui donne pour successeur.
Le plus sûr est d'avouer qu'on ignore l'année de sa
mort.
SES ÉCRITS.
Quoique Geofroi de Péronne ait mérité à plusieurs titres
une place parmi les écrivains ecclésiastiques , aucun biblio-
graphe n'en a fait mention , parce qu'on a attribué ses écrits à
Geofroi d'Auxerre, moine de Ciairvaux comme lui, et secrétaire
de saint Bernard, beaucoup plus connu que le premier par le
grand nombre de ses productions. En revendiquant pour lui les
ouvrages qui lui appartiennent , nous combattrons les opi-
nions de Charles de Visch, historien de l'ordre de Cîleaux, et
celles de Casimir Oudin, qui le réfute.
Bii.i Cisicr. 1° Un commentaire sur le Cantique des Cantiques , di-
p. 120 cl scq. .yjg^ çjj gj^ livres. De Visch l'attribue à Geofroi , abbé de
i. Il, col. li!)!). Haule-Combc, qu'il distingue de Geofroi d'Auxerre. Oudin
prouve très-bien qu'il ne fdul pas les distinguer , et que
GEOFROI DE PÉRONNE. 429
c'est le même personnage qui, après la mort de saint Ber- xii siècle.
nard, fut successivement abbé d'igni, de Clairvaux, de Fosse-
Neuve, et en dernier liei de Haute-Combe. Mais il se trompe
aussi lorsqu il attribue ce commentaire tout entier à Geofroi
d'Auxerre. Parmi les manuscrits de Colbert qu'il cite, il en
est un qui aujourd'hui est le o59« des manuscrits latins de la
bibliothèque royale, écriture du Xlll^ siècle, ayant pour
titre en lettres rouges : Prologus domini Gaufridi prioris cla-
revallis super Cantica Canticorum. Geofroi d'Auxerre ne fut
jamais prieur de Clairvaux. C'est donc à tort qu'on lui a attri-
bué, au moins dans son entier, ce commentaire, et nousaommes
fondés à le réclamer pour Geofroi de Péronne, qui occupa
long-temps la place de prieur. En comparant ce manuscrit
avec le n° 476 de la même bibliothèque, ou peut dire que
Geofroi d'Auxerre n'a fait que continuer, ou, pour mieux
dire, interpoler le même ouvrage. Cela résulte de trois lettres
insérées au cinquième livre, dans lesquelles il se nomme
Frater Gaufridus de AUacumba. La première est adressée à
Henri, abbé de Clairvaux, auquel il succéda l'an 11 76 dans
l'abbaye de Haute-Combe ; la seconde, au prieur des chartreux
de l'Alviére, qu'il ne nomme pas ; et la troisième, à Hugues,
abbé de Bonnevaux au diocèse de Vienne, qui tous avaient
demandé à l'auteur l'explication de quelque verset particulier du
cantique. La manière dont les cinquième et sixième livres sont
rédigés, ne ressemble pas à celle des quatre premiers livres que
nous attribuons à Geofroi de Péronne. Indépendamment des
courtes notes qui constituent le commentaire, ^on y a intercallé
une vingtaine de sermons, dont il sera parlé à l'article de Geofroi
d'Auxerre.
Disons maintenant en quoi consiste ce commentaire. Il
est divisé en six parties ou six livres, à la tête desquels est
un prologue commençant par ces mots : Plura quidem
audivimus. On avait suggéré à l'auteur de continuer l'ou-
vrage de saint Bernard sur ce divin cantique, en compo-
sant, à son exemple, une suite de sermons, ainsi que l'a fait
Gilbert, abbé de Hoiland en Angleterre. Mais, ne se croyant Bcm. opp. i.
pas capable d'une telle entreprise, il s'est contenté de faire "■ «"'• *-i9S.
de courtes notes sur tous les versets , non depuis l'endroit
du livre où saint Bernard s'était arrêté, mais depuis le com-
mencement jusqu'à la fin, en employant les explications
des commentateurs anciens et de saint Bernard lui-même, y
ajoutant quelquefois les siennes. L'ouvrage commence par
430 GEOFROI D A LI X K H 1! E
XII SIECLE, ceg niots : Ad singidos profectus tnrtiUum, elc. Mais lo ma-
nuscrit ne contient que trois parties, ce (jui suppose qu'il y
avait un second volume, lequel n'existe pas. Nous croyons cepen-
dant qu'on le retrouve tout entier dans le manuscrit 170 indiciué
ci-dessus.
2» A la tcHc du même manuscrit i').'i9, est un opuscule;
sans nom d'auteur, attribué aussi par une écriture récente
à Ticofroi, prieur de Clairvaux, cl il paraît que ce n'est pas
sans fondement. Ce sont de courtes noies sur le dernier cha-
pitre de l'Ëcclésiasle, commen(;ant par ces mots • Mémento
creatoris lui. C'est encore une explication que les confrères
de l'auteur lui avaient demandée, ipi il a arrangée dans le
môme goût quo celle qu'il a donnée du Cantique des Can-
tiques.
Wnu. opp. 1. 3" D. Mabillon attribue à Geofiui d'Auxerrc une cxplica-
, col. ir>sii. lion de l'Oraison dominicale, ;i la trie de huiuclle lauleur
se nomme Geofroi, sans prendre aucune cpialité. Nous se-
rions portés à en faire honneur à (ieofroi de l'éronne, par
la raison qu'elle e.-.l composée dans le ,:;'iùl des autres écrits
du prieur de Clairvaux, consi.->laul en de simples notes très
courtes sur celte divine prière, et parce ipi il esl plus naturel
de croire (juc le leiigieux qui avait (h'maiuli' ces explicalions
se soit ailressé au prieur de la maison, cliargr' du soin de.s
aines, cpi'à Geofroi d Auxerre, <]ui, a\anl et a[)!es la mort
de saint Bernard, fui toujours emplove dans les grandes allaires
de l'ordre. "•
mmm daumîuiiiî,
M I) 1 N K 1) E C I, A I IL V A i: X, s K V II l-, T \ I U i: I' 1'. s. H K R .N A Iv D
KT S U(;CK.SS I V EM 10 NT A U Hl, I)' 1 (; N 1 , DE Cl, Al UVAUX,
DE !•' O S S E - .N E C V i;, f. T D E U A C T E C O M H 1'..
G
IIISTCIRI': l)K S.\ Vllv
(. F u 0 1 a été surnommé d' Auxerre, parce qu'il était né
dans celte ville, et pour le dislin^-uer de doux autres Geo-
GKUI'ROI DAUXEHUE. 431
t'roi, également religieux de Clairvaux, qui vivaient dans le ^" s'eci^e.
inêiue temps. Cela n a pas empêché qu'on ne l'ail quelquefois
confondu avec Geofroi de Péronne, qui fut prieur de Clairvaux,
Il avec Geofroi ou Godefroi, parent de saint Bernard, qui fut
évoque de Langres depuis l'année M 38 jusqu'en I1G2. Casimir i. iî!'c^!.' ,/Ji!)'
Oudin, qui a fait sur Geofroi d Auxerre un assez long article,
observe que Charles de '\'isch, aulem- d'une bibliothèque de
l'ordre de Cîloaux, trompé par la multiplicité d'abbayes, dont le
secrétaire de saint 15(rn;ud porta les litres, d'une seule personne
en a l'ail quatre.
(icoiroi avait éle (lisci|ile dAbailaril, comme nous l'apprc- g^,,,, ^,, ,
nous du moine lielinan (1;; d \\ étudiait encore à Paris, ". coi. ii,-.i ei
lorsque saint Bernard, sur I invitation de l'évéquc Etienne, '^^**-
ayant prêché dans les écoles le sermon célèbre qui nous a
été conservé louchant I obligation de se convertir , de con-
rersione adclericos, il en fut si touché, ([u'à rinstanl même
il se détermina à le -iii\r<" cl a ctnbrasser la réforme de
Clairvaux. Cela arriva la même année qu'Abailard fut con-
damné au concile de Sens, c'(>st-à-dirc, l'an 1140. C'est Geo- /',,( ,„i m:;
froi lui-même qui l'allesle dans la préface du troisième livre
de la vie de saint Bernard , oii déplorant la perte de ce
grand homme, il dil (pi'i! avait l'u l'avantage de converser
avec lui pendant treize ans : Quem ub ejus uberibus post
annos treda nn (qiiod sine singidlu nec nie»nnisse debeo,
nec proferre queo'i sola tandem, quœ sola potuit , mors
nvulsit. Or, saint Bernard étant mort au mois d'août 1153,
il s'ensuit que lépocpie de la conversion de Geofroi, et son
entrée à Clairvaux, doit être rapportée à l'année 1140, ou du
moins que c'est 1(> temps oii saint Bernard le prit pour son
secrétaire.
Il fallait que (ieofioi tînt déjà alors un rang dans le
monde, el (pi d fît (|uelque figure ou dans le clergé ou dans
l'école de Paris, car il dit ipiun changement si subit de /^„j (.,,, |27j(
sa pari fut un sujet délonnemcnt pour [)lusieurs personnes.
(I) llii|ii.v l'(.'ii (.Mielanli) .Tli(|uan(lo luerat discipulus (jaufridus Antisiodo-
rcii.'^is, (|iii niiiKi) (.•iii|>i.ic liiil iioluriu.s S. HeriKiidi ; qui iiiter cit'tera de eodem
l'utro dixit : Er/o mihi atiquando renlo riiagistrum fuisse illurn qui prelium
redemplionis nostrcf evacuaim, ni/ni aliudin sacrificio dominira patsionis com-
mendabat, uisi rirlulis e.rcuiplum et amoris inceiUiruM, etc. Et quidcm magna
sunl hue et vera, sed nuit sola. Beiicduius Deus , qui mihi simul cl robis
waf/is/fum drdii melinrcrn , fcr iiucm prinris redarguit ignoraiitiani et insolen-
liaiii cmifutaril. •
Tom
B98.
432 GEOFROI D'AUXERRE
XII SIECLE. Oudin suppose malignement que ce qui le détermina fut
•il. col. U94 de voir la déroute de son maître Abailard , et l'avantage
qu'il trouverait à se ranger du côté de saint Bernard. Mais
si, comme nous venons de le dire, le passage cité peut s'en-
tendre aussi bien du temps où il fut attaché au saint abbé comme
secrétaire, que devient le sarcasme de ce transfuge de son
ordre?
Quoi qu'il en soit, les grands progrès que Geofroi fit dans la
vertu, lui méritèrent bientôt l'affection et la confiance du saint
abbé; et sa capacité , aussi bien que le talent qu'il avait
pour écrire, le firent choisir pour être son principal secrétaire
et le compagnon de ses voyages. De son côté, Geofroi avait
pour ce grand saint une tendresse et un respect tout ex-
traordinaire, comme on le voit par un discours très-pieux
et fort éloquent, qu'il prononça en son honneur et avec une
ibid col. 2.'ïio. grande eflFusion de cœur, au jour anniversaire de sa mort,
en 1 163.
Dès l'année 1 1 45, et non 1 1 47, comme l'ont prouvé les conti-
nuateurs du recueil des historiens de France, il accompagna
saint Rernard dans le voyage qu'il fit avec le légat Alberic,
'''^' évoque d'Oslie, à Toulouse et aux environs, pour combattre les
erreurs d'un certain Henri qui avait perverti presque tous les
habitans de ces contrées. Geofroi a dressé de ce voyage, comme
témoin oculaire, une relation dont nous parlerons en rendant
compte de ses écrits.
Sur la fin de l'an 11 4G, il fut du voyage que saint Bernard
entreprit pour aller prêcher la croisade en Allemagne, et nous
avons de lui une relation des merveilles que l'homme de Dieu
Bern o t ^P^""^ P^"'" prouvcr sa mission.
col •n>'2 I^'an il 48, il assista au concile de Reims, qui fut présidé par
le oape Eugène III. Gilbert de la Porrée, évoque de Poitiers,
était accusé de quelques erreurs qui devaient ôlre examinées
dans ce concile. Saint Bernard y joua un grand rôle, et Geofroi
fit, long-temps après, une relation de ce qui s'y était passé. On y
oi i"i9 ^'^'^ '*" P'"^^ 4" '' P'^''' ^ '^ dispute pour convaincre d'erreur le
prélat.
Il n'est pas certain, comme nous l'avons dit plus haut, p. 428,
que notre Geofroi ait été abbé d'Igni. Mais bientôt après, en
1161 ou 1162, les religieux de Clairvaux le choisirent pour
leur abbé à la place de Fastrede, qui avait été tranféré à
labbaye de Cîleaux. L'année suivante, ayaut appris que le
pape Alexandre 111 était arrivé à Paris, il alla le trouver avec
GEOFROl DAUXERRE. 433
le B. Fastrede, pour demander la canonisation de saint Bernard ^" sieclk
au concile de Tours, que le pape devait tenir au mois de juin de ~~cùn:i::^
la môme année ; mais la cliose lut remise à un autre temps ^"^d- Mag'.
pour les raisons qui sont indiquées dans la bulle de canoni- . ^'f **'"• '^
sation. p- ^*-
L'an H"64, Geofroi termina comme arbitre, conjointe- Caii. ci,rist
ment avec Godefroi, qui avait été évêque de Langres , et '' ^"' »"•• wi-
qui était retourné à Clairvaux, un différend qui s'était élevé ^^'
entre Alain, évoque d'Auxerre, et le comte deNevers, relative-
ment à des droits que chacun prétendait exercer dans la ville
d'Auxerre.
L'année suivante, H 65, plusieurs religieux de Clairvaux, Mar.. An,p.
taéeontens de son gouvernement , parce qu'à leur gré il ne <^°"- '• ". coi'
faisait pas assez la cour aux princes et aux grands, agirent Z,:lTxv
auprès du pape Alexandre, qui était à Sens, pour le faire p- »^- '
déposer. Le pape écrivit sur cela à Gilbert, abbé de Cîteaux
dans la persuasion que sur ses remontrances, l'abbé de
Clairvaux se démettrait de sa place. Mais Gilbert n'approuva
pas cette mesure, et prit au contraire la défense de Geofroi
Le pape avait aussi délégué cette affaire à Henri, archevêque
de Reims, et à Alain, évéque d'Auxerre, pour être terminée
à I amiable et non par voie de jugement; mais voyant la
résistance de l'abbé de Cîleaux, et dans la crainte d'au-
menter les troubles qu'il voulait appaiser, il écrivit aux com-
missaires de ne rien statuer jusqu'à nouvel ordre. Il paraît
cependant que bientôt après Geofroi se démit volontairement ;
car, cette même année. Ponce, qui fut ensuite évéque de Cler- *^^'- <^'""»l-
mont, lui avait succédé.
Geofroi s'était retiré à Cîleaux, et il n'était plus abbé lors-
quen 1 167 il fut envoyé par l'abbé iJilbert en Italie, pour tra-
vailler à la réconciliation de l'empereur Frédéric avec le pape
Frédéric n'accepta pas la médiation. Jean de Sarisbéri, qui ra- inter ep. s.
conte ce fait, dit positivement que Geofroi n'était plus alors abbé '^^""'^^ '"'■ "'
de Clairvaux : Vice suâ misit dominum Gaufridum Autissio- "' "'' '^ *"•
dorensem, qui Clarasvallis fuerat abbas . L'année suivante on
le voit en Normandie, occupé à rétablir la paix entre Henri II „
roi d'Angleterre, et l'archevêque de Cantorberi. Le roi d'An- 677 "• '"'
gleterre fut si content de ses services, qu'il pria les abbés de
J ordre de le laisser auprès de lui, voulant profiter de ses con-
seils (1). mu. p. «28.
il)Praterea dikctioni vestra grates nheres exsolvo, quod ad petitionem
Tome XIV. , . .
lu
434 GEOFROI D'AUXERRE.
XII SIECLE. Lg„ 1170, Gérard d'Auvergne, abbé de Fosse-Neuve dans
Cbr. cisrevai. la campagne de Rome, ayant été rappelé pour gouverner
l'église de Clair vaux, Geofroi fut envoyé à Fosse-Neuve pour
être abbé à sa place. Mais en 1176, Henri, abbé de Haute-
Combe dans le diocèse de Genève, ayant été fait abbé de
Clairvaux, fit nommer, pour lui succéder, l'abbé Geofroi.
Nous ignorons combien de temps il gouverna ce monastère.
11 ne prenait plus la qualité d'abbé en 1188, lorsqu'il écrivit
au même Henri, devenu cardinal-évêque d'Albano, la rela-
tion de ce qui s'était passé , quarante ans auparavant , au
concile de Reims, 'louchant les erreurs de Gilbert de la
Porrée.
De Scr. Er.i. Casimir Oudin prolonge la vie de Geofroi jusqu'à l'année
t. Il, col. U96. ^215, après le concile de Lalran, parce que, dans ses ser-
mons, il réfute le célèbre Joachim, abbé de Flore, dans la
Calabre, dont les erreurs furent condamnées dans ce concile.
Nous ne trouvons pas celte raison convaincante, parce que ,
Annal, ad an. long-temps auparavant, de l'aveu de Manriquez, les Cister-
1188, cap. i, ciens s'étaient déclarés contre Joachim , ti l'avaient accusé
d'erreur dans son livre de la Trinité, qu'il avait composé pour
réfuter le sentiment de Pierre Lombard, dit le Maître des
sentences. Pour ne rien donner aux conjectures, nous dirons
que nous ignorons l'année de sa mort. Voyez ce que nous
avons dit plus haut sur l'épitaphe qu'on croit avoir été faite
pour lui.
SES ÉCRITS IMPRIMÉS.
Bertrand Tissier,^ prieur de l'abbaye de Bonne-Fontaine ,
au diocèse de Reims, qui a publié la Bibliothèque des pères
Oud ibid U98- ^^ l'ordre de Cîteaux, avait préparé une édition complète des
œuvres de Geofroi d'Auxerre , qui n'a jamais été publiée.
Nous allons faire connaître les ouvrages qui auraient dû y en-
trer, tant ceux qui ont été imprimés que ceux qui sont restés
manuscrits.
1° Le premier et le meilleur service qu'ait rendu Geofroi
meam fralrem Gaufredum mihi misistis. El nunc UerUm diligenler peld ,
quatenus eumdem quàm cilivs mihi remittalts. Kecessariatn enim mihi ejut
intelligo discretionem et prudentiam, ut mihi preeseni adsit et aliquandiù
propinqua mihi ejut conversalio. Inter epiat. S. Thomee, lib. III, epist. 29,
p. 528.
GEOFROI D'AUXERRE. 435
à la littérature , c'est d'avoir recueilli et mis en ordre, soit du xii siècle.
vivant du saint, soit après sa mort, les lettres de saint Bernard ,
dont il était le secrétaire. Quand nous n'aurions pas d'autorité
positive pour lui faire honneur de ce travail , nous pourrions
le supposer , puisque c'était le devoir de sa charge : mais
nous avons sur cela son propre témoignage. Parlant de la lettre
que saint Bernard écrivit en plein air à Robert , son neveu ,
et qui ne fut pas mouillée quoiqu il plût beaucoup, c'est moi,
dit-il, qui, à cause de cette circonstance extraordinaire, que Bem. opp. t.
j'ai apprise de la bouche du saint , l'ai placée à la tête des "> «^o'- '^'•
autres lettres.
2" Geofroi est auteur d'une relation en forme de lettre du
voyage de saint Bernard dans le Languedoc , et des miracles
qu'il opéra pour prouver qu'il était l'envoyé de Dieu contre
les hérétiques qui désolaient alors ces contrées , et qui furent
les précurseurs des Albigeois. Cette lettre est adressée à Ar- w.d. coi. 1192
chenfred, son trèi-cher maître, et à l'un et à l'autre chapitre,
ses frères utérins. Il entend sans doute par-là toute la commu-
nauté de Clairvaux , composée des religieux de chœur et des
frères convers. Mais, qui était cet Archenfred qu'il appelle
son maître? Dom Mabillon n'a donné sur cela aucune explica-
tion. Ne serait-ce pas ce maître Alfred dont parle Landulphe
de Saint-Paul , historien du Milanais , lequel Alfred ensei- , '*'""'• ""•
• ^ ^ • . ^7.. v . » iul t. v, p. *85.
gnait a Pans au commencement du Air siècle , en même
temps que Guillaume de Champeaux (1). Si, malgré la non-
identité de nom, on peut y reconnaître la même personne,
nous connaîtrons un peu mieux ce professeur qui est très-peu
connu , et nous saurons qu'il s'était retiré à Clairvaux , ou
qu'il était attaché à quelque église du voisinage , peut-être à
Langres.
Quoi qu'il en soit, cette lettre fut écrite, non en 1 i 47, comme
l'a cru dom Mabillon , et après lui , tous ceux qui en ont
parlé, maison 1145; sur quoi il faut voir les preuves qu'ont
alléguées les continuateurs du Recueil des historiens de France t. xv, p. îS98.
pour s'éloigner de l'opinion commune , et pour rétablir la
vraie date. 11 n'est pas douteux que celte production ne soit de
Geofroi d'Auxerre et qu'il ne fût du voyage; toute la lettre
en est la preuve.
(1) Cv,mAnselmonamque (àBVasierXa.) per annum et dimldium Turoni, et
parisinis in scholis magistri Al/redi et Gulielmi legi, et legendo, scribendo ,
multisque aliis modis Amelmo miillam commoditatem dedi.
436 GEOFROI D'AUXERRE.
XII SIECLE 30 Sur la fin de l'anoée 1 146 , saint Bernard fut envoyé en
■ Allemagne pour y prêcher la croisade. 11 était accompagné de
plusieurs religieux de son ordre , qui ont mis par écrit les
miracles qu'il opérait dans tous les endroits où il passait , et
notre Geofroi était du nombre. Ils en ont dressé trois relations,
dont la première est adressée, par un nommé Philippe, à
Samson , archevêque de Reims; la seconde porte les noms
d'Everhard , de Gérard et de Geofroi , qui se disent moines
tels quels , ainsi que de Philippe de Liège et de Volmare de
Constance , qui vraisemblablement nétaienl que des clercs sé-
culiers , et est adressée au clergé de Cologne ; la troisième est
écrite au nom du seul Geofroi , moine de Clairvaux , qui l'a
adressée à Herman , évêque de Constance. C'est ce qui com-
pose le sixième livre de la vie de saint Bernard , intitulé le livre
des miracles,
Bern. opp. t. ^g première partie contient la relation des miracles que le
II, Ml. ma. ^^.^^ homme opéra , sur la fin de 11 46, en allant à la diète de
Spire , et nous retrace la route qu'il suivit pour y arriver. On
le voit d'abord à Francfort sur le Mein ; de là , il passe à Fri-
bourg en Brisgaw , ensuite à Constance , et de Constance à
Bâle. Enfin , il arrive la veille de Noël à Spire , et par-toul
oU il passe il guérit des malades , redresse des boiteux , rend
la lumière aux aveugles, etc. Cette relation est écrite en forme
de dialogue ou de conférence , dans laquelle chacun des in-
terlocuteurs rapporte ce qu'il a vu. L'un des interlocuteurs est
l'évêque de Constance , appelé Herman ; mais on n'y aperçoit
aucun moine cistercien.
ibid. col. 2178. La seconde relation traite des miracles qui eurent lieu au
retour de Spire , en passant par Worms , Coblenlï , Cologne ,
Juliers , Aix-la-Chapelle , Maëstricht, jusqu'à Liège. Les inter-
locuteurs , dans cette partie , sont les religieux qui accon»pa-
gnaient saint Bernard , parmi lesquels Geofroi se trouve
nommé. L'évoque de Constance ayant quitté la compagnie à
Spire , leur donna , pour les accompagner , un de ses clercs
appelé Wuolkemare, le même apparemment qui, dans la
première relation , est nommé Volmare. Celui-ci est un des
interlocuteurs. Ils citent encore en témoignage les abbés
Thierri de Kempten et Herwin de Steinfelden , qui étaient
des chanoines réguliers : mais ceux- ci n'eurent point de part à
la rédaction. Les rédacteurs rappellent , dans celle seconde
partie , la première relation , que nous acons envoyée , disent-
ils , à l'illustre Henri, printc r:n/al /"iti par l'esprit qui l'anime
GEOFROI D AUXËRRE. 437
qitê par sa naissance. (C'est Henri, fils de Louii-J©-Gfos, qui x» sncLt.
faisait alors son noviciat à Clairvaux. ) D'où l'on pourrait
coDclure qu'ils sont également auteurs de la première partie :
mais, à la rigueur, cela peut s'entendre du simple envoi d'une
pièce qui leur était étrangère Au reste, ils déclarent que cet ou-
vrage n'est pas fait pour rester tel qu'il est, mais pour servir de
mémoire à ceux qui voudront entreprendre d'écrire la vie
du Saint.
Quant à la troisième partie, elle est l'ouvrage de Geofroi ibid.co\M$i.
seul, qui a mis son nom à la lêle. Dans l'épîlre dédicaloire
à Herman, évéque de Constance, il semble se dire l'auteur
ou le rédacteur de la seconde partie. « Nous avons envoyé,
dil-il, au clergé de Cologne, la relation des miracles dont
nous avons été témoins depuis la ville de Spire jusqu'à Liège,
rédigée en forme de conférence, comme était la première. Je
ne doute point que cet écrit q6 soit parvenu à la conoais-
sance de votre béatitude ; c'est pourquoi j ai eu graod soin
de recueillir les miracles qui ont suivi, afin de vous en en-
voyer aussi la relation. » Il commence par ceux qui arrivèrent
à Liège, oii en était restée la seconde relation. De là, repre-
nant le chemin de Clairvaux, ils passèrent par Huy, Gem-
blours, Villiers, Mons en Hainaut, Valenciennes, Cambrai,
Vauxelles , Humblières , Laon , Reims , Châlons, Rosnay ,
Brienne, Bar-sur-Aube, et arrivèrent à Clairvaux, laissant
par-tout, en témoignage de leur passage, quelque guérison
miraculeuse.
Après un court séjour à Clairvaux, il fallut repartir pour le ib<d. coi. lise.
concile dÉtampes, qui devait se tenir au moistle février 1147,
pour régler le départ des croisés L'auteur continue à décrire les
miracles qui, dans ce voyage, se succédèrent sans interruption à
Bar-sur-Seine, à Troyes, à Trainel, à Brai-sur-Seioe, à Mon-
tereau -faut- Yonne, à Moret, et dans presque tous les endroits
sur la roule, jusqu'à Etampes. — Au retour du concile,
pareilles merveilles à Milly, à Moret, à Sens, à Joigny, à
Auxerre, à Chablis, à Tonnerre, jusqu'à ce qu'ils fussent arri-
vés àClairvaux.
Il est à remarquer que tous ces miracles accompagnaient
la prédication de la croisade, et étaient donnés en preuve
que «elle expédition était agréable à Dieu. Aussi saint Ber- Bem. de Cons.
nard, lorsqu'on lui reprochait le mauvais succès de la croi- ''*' "• "P- '•
sade, les alléguait-il en témoignage, pour prouver qu'il n'avait
pas agi incooâidérémeat, par enthousiasme, et en suivant son
1 0
438 GEOFROI D AUX ERRE.
XII SIECLE, espril particulier. Toutes ces relations sont écrites avec tant
de candeur et de simplicité, qu'il n'est guère possible de se
refuser à les croire. Ceux qui les ont publiées dans le temps
même ne craignaient pas d'être démentis, et ne l'ont pas été.
Ceux à qui ces relations sont adressées, l'évoque de Con-
stance, larchevêque de Reims, le clergé de Cologne, et une
infinité d'autres personnes dont on invoque le témoignage,
ne les ayant pas désavouées, sont censés les avoir approuvées.
Est-il croyable que des gens de probité, des religieux qui
faisaient profession de la vertu la plus austère, auraient accu-
mulé tant de mensonges, et qu'il ne se soit trouvé personne
pour les démentir ? A la vérité, on est étonné du nombre
prodigieux de ces merveilles ; mais le nombre n'y fait rien.
Si l'on peut eu admettre une seule, toutes les autres sont
prouvées. Il n'est pas plus difficile à Dieu de faire mille mi-
racles que d'en faire un. Rejeter indistinctement tous ceux
qui sont rapportés dans ces relations, c'est donner un dé-
menti à une génération entière, c'est introduire sur des faits
bien attestés un pyrrhonisme gratuit. Aussi le judicieux abbé
iiisi. «ni. t Fleuri, bien loin d'élever des doutes sur leur authenticité,
XIV, hb. tii», n. jj'g pgg fjjj^ dilHculté de les insérer dans son histoire et d'en
ib. *
prendre la défense. « En ce voyage, dit-il, Bernard fit un
grand nombre de miracles, dont nous avons une relation
exacte, écrite, à la prière de Samson, archevêque de Reims,
par Philippe, qui accompagnait le saint abbé dans ce voyage,
étant archidiacre de Liège . mais il se convertit alors, et,
au retour, se rendit moine à Clairvaux... Philippe fait parler
tous ceux qui avaient été avec lui témoins de ces miracles,
savoir, Herman, évêque de Constance, et Everard, son cha-
pelain ; deux abbés, Baudouin et Frouin ; deux moines, Gé-
rard et Geofroi ; trois clercs, Philippe, qui est l'auteur,
Ollon, et Francon; enfin, Alexandre de Cologne, qui se joig-
nit à eux dans le voyage. Ce sont, dit l'historien, dix témoins de
ces miracles. »
n , Geofroi, en terminant sa relation, ajoute quelques-uns
Bcrn. 0[i|). ib. ' J T n
col. 1190. des miracles que le saint a\ait obtenus de Dieu, à Rolelen,
à Trêves, à Francfort, à Toul, (\m, sans doute, avaient été
publiés dans les deux premières relations. Il avait déjà dit,
dans l'épître dédicatoire à l'évoque de Constance, qu'à raison
du peu de séjour qu'ils faisaient dans chaque endroit, in
Iransilu, il leur était échappé beaucoup de choses qu'ils au-
raient pu recueillir dans leurs mémoires. H ajoute que, de-
GEOFROI DAUXERRE 4^9
puis leur sorlie d'Allemagne, ils en ont ignoré un bien plus xii siècle
grand nombre, parce qu'en France, le peuple de la langue ro-
mance n'avail pas, pour les avertir du miracle, certaines excla-
mations communes chez les Allemands, qui, à chaque guérison,
s'écriaient: Christ uns genade ! Christ, ayez p<tié de nous! Au
reste, il proteste, en finissant celte dédicace, qu'il n'a rien
écrit qu'il n'ait vu de ses yeux, ou qu'il n'ait appris de ses con-
frères qui étaient sur les lieux.
4° Avant de parler de l'écrit que notre Geofroi composa contre
les erreurs de Gilbert de la Porrée, évêquede Poitiers, qui furent
condamnées au concile de Reims de 1 an 1 1 48, il est à propos
de faire connaître la lettre qu'il écrivit, quarante ans plus lard,
à Henri (1), cardinal, évoque d'Albano, légat en France, moine
cistercien comme lui, auquel il avait succédé, l'an 1176, dans
l'abbaye de Hiiule-Combe, lorsque Henri fut transféré à l'abbaye
de Clairvaux.
Ce prélat, qu'il qualifie vicaire du pape, c'est-à-dire légat,
l'avait fait prier par un nommé Augustin , que Geofroi ap-
pelle son vénérable frère, de lui faire un récit exact de ce
qui s'était passé au concile de Reims, présidé par le pape
Eugène III, louchant la condamnation des erreurs de l'évèque
de Poitiers. Henri ne pouvait mieux s'adresser qu'à lui ; car
on voit, par la lellre de Geofroi. qu'il avait eu beaucoup de
part à l'examen des propositions de Gilbert ; que celait lui
qui avait recherché, dans les ouvrages des Pères, les pas-
sages qui furent allégués contre sa doctrine, et qu'il fut pré-
sent à tout ce qui fut fait louchant cette affaire, tant à Paris
qu'au concile de Reims. 11 commence sa relation par 1 accu- /m. coi. 1319.
salion qui fut portée, dès l'année U4C>, contre ce prélat, en
plein synode , par son archidiacre Arnaud , surnommé qui
non ridet. La conleslalion , en effet , devint sérieuse, puis-
(1) Dans toutes les éditions, le nom de ce cardinal éveque d'Albano
est désigné par la lettre A. Ughelli, et après lui Claude du Molinet, sur
l'épitre^ 106 d'Etienne de Tournay, p. 151 , l'appellent AlUn. Il est bien
Trai qu'un Albin, chanoine régulier milanais, a été évêque d'Albano après
Henri , moine de Clairvau.x ; mais rien ne prouve que cet Albin ait été
légat en France, au lieu que Henri l'était certainement à l'époque de la
lettre, et de plus était en correspondance active avec Geofroi. 11 est donc
vraisemblable qu'on aura lu A. au lieu de E., comme l'ont pensé le.<(
continuateurs du Recueil des historiens de France, t. XIV, p. 327, méprise
assez facile, en supposaut que cette dernière lettre était un peu fermée par
le haut.
Baroa. ad an
(lis
- 1127
T. XII, p. 469
UO GEOFROI D'AUXERRE.
xu SIECLE, qu'elle fut portée à Rome, et donna matière à deux conciles en
France. Elle roulait sur l'essence de la Divinité : savoir si les
attributs de Dieu, la bonté, la sagesse, etc., sont Dieu lui-même,
ou ne sont qu'une manière d'être, forma quâ Deus est ; et sur
d'autres assertioiK que Gilbert avait avancées dans un commen-
taire sur le livre de Boece de Trinitate.
Cette lettre est bien écrite, et jette beaucoup de jour sur
des questions fort subtiles; elle est toute historique, et, sous
ce rapport, elle a mérité une place dans les Annales de Ba-
Laiibe. Conc. ronjus et dans les collections des conciles. Nous aurions du
X, col. 1121 plaisir à en donner un précis, s'il n'avait déjà été fait deux
fois dans cette histoire, aux articles de saint Bernard et de
Gilbert de la Porrée. Nous ajouterons seulement à ce qui a
été dit une circonstance qui, étant personnelle à notre au-
teur, rappelle une maxime proverbiale qui avait cours de
son temps. Gilbert soutenait au concile de Reims des pro-
positions qu'il avait dés-axouées devant le pape à la conférence
de Paris Geofroi lui reprochait une variation si étonnante
dans ses opinions « Qu'importe, répondit Gilbert, ce que
je disais alors; voilà ce que je dis maintenant. » A cela répli-
qua Geofroi : « Vous faites donc comme le roi, qui a le droit
de revenir sur ce qu il a dit. Ergo, sicut rex, vestrum dictum
et dedictum hahetis '^ Maxime commode et nécessaire dans l'ad-
ministration d'un état.
Geofroi, en terminant sa lettre, avertit le légat que, s'il
désire de plus grands éclaireissemens, il lui enverra copie
des sermons de saint Bernard sur le Cantique des Cantiques,
oîi le saint réfute les opinions de Gilbert , ainsi que d^s
lettres qu'il écrivit en grand nombre sur cette affaire. El, en
attendant, il lui envoie un autre écrit de sa composition, qu'il
avait publié environ quarante ans auparavant, qu'il croyait
perdu, qu'il venait de retrouver, et dont nous allons rendre
compte.
5'' A la suite de cette lettre, dom Mabillon a publié un
Il co'" 1336 — Irailé purement théologique de notre auteur contre les .;r-
1358. reurs de Gilbert. Il est précédé d'une préface historique qui,
quant au fonds, ne dit rien de plus que la lettre dont nous
venons de parler. Cet ouvrage fut composé peu de lemp"
après le concile de Reims ; car il dit qu'il n'y avait pas long-
temps que ces erreurs avaient été condamnées, ■ nuper. Ce-
pendant il crut nécessaire de les réfuter, parce que, maigre
la défense que ie pape avait faite, sons peine d'excommnni-
GEOFROI D'AUXERRE. ill
calion, de lire ou de transcrire l'écril de Gilbert, à moins Ml sikcle.
que l'église romaine ne le publiât après l'avoir purgé et cor-
rigé (ce qui, dit Geofroi, n'a pas été fait et ne le sera jamais,
comme nous l'espérons), néanmoins plusieurs de ses disci-
ples conservaient encore dans leur cœur les sentimens dont
ilti avaient été une fois initus, et continuaient à lire et à re-
tenir cet ouvrage d'une manière d'autant plus dangereuse,
qu'ds le faisaient plus secrètement. C'est ce qu'il exécuta dans
le traité dont nous rendons compte. 11 y réfute un à un les
quatre principaux articles qui avaient été proscrits, il expose
sur chacun la doctrine et les sentimens de Gilbert, rapporte
ses propres termes, et prouve que ces articles sont contraires
à la doctrine de l'égiise, d'une conséquence très-dangereuse
pour la foi de la Trinité, et même hérétiques, il lui prouve
qu'il n'a pas entendu Boëce, qu'il en a fort mal pris le sens,
et qu'en tout, son commentaire est encore plus obscur que le
texte. Cette matière est sans doute fort abstraite; mais Geofroi
la traite en hon)me très-versé dans la lecture des écrits des
Pères, dont son ouvrage n'est proprement qu'un tissu. 11 est à
remarquer que, dans cet écrit, il donne toujours à l'abbé de
Clairvaux le titre de saint, quoiqu'il fût peut-être encore en
vie, et, supposé qu'il fût mort lorsque Geofroi écrivait, avant
qu'il eût été canonisé.
Ce traité est suivi d'un symbole de foi opposé aux articles ««/. col. 1339.
de Gilbert, composé, au nom des évêques de dix provinces,
des abbés et autres théologiens qui, après le concile, se trou-
vaient encore à Reims, par saint Bernard, lequel craignait qu'il
ne fût rien statué sur cette affaire, parce que plusieurs cardi-
naux avaient paru favorables à l'évêque de Poitiers, ou du
moins vouloir excuser et interpréter bénignement ses opinions.
Geofroi rapporte ce symbole comme un témoignage qui dépose
contre Gilbert, et à l'appui des accusations qu'il porte lui-même
contre sa doctrine. Nous ne dirons rien de cet écrit, parce qu'il
en a été assez parlé à l'article de saint Bernard, son véritable
auteur.
6" Personne n'était plus en état d'écrire la vie de saint
Bernard que Geofroi, qui avait été son secrétaire, le com-
pagnon de ses voyages et le confident de ses pensées. Deux
auteurs célèbres avaient commencé ce travail du vivant même
du saint, Guillaume, abbé de Saint-Thierri, près de Reims,
Tome XJV. K k k
3 0 ♦
ÏM GEOFROI D'AUXERRE.
xu SIECLE, et Arnaud, abbé de Bonneval, au pays Charlrain (1), l'un et
l'aulrc bénédictins, qui sans doute avaient été choisis comme
moins suspects d'adulation que n'auraient été des cisterciens.
Mais le premier étant mort avant saint Bernard, et l'autre
ayant laissé son ouvrage imparfait, Geofroi entreprit de le
continuer, et, sans loucher aux deux livres qui étaient com-
posés, il on ajouta trois autres, savoir, le troisième, le qua-
trième et le cinquième. C'est un travail quon avait exigé de
lui, ot il était assez porté par inclination et par reconnais-
sance pour tant de bienfaits qu'il avait reçus du saint abbé,
(i Plusieurs j)er?onnes , dit-il, ont pensé qu'il n'était pas
convenable à un de ses plus cher.s onfans, qu'il avait élevé
avec tant de bonté et chéri si tendrement, de garder le silence
après sa mort, qui seule avait pu le séparer de lui. » Il ex-
pose ensuite le plan qu d a adopté pour exécuter ce travail.
Dans le premier livre, il traitera, dil-il, principalement de ce
qui a rapport à l'extérieur, aux mœurs, et à la doctrine du
saint abbé , dans le second, des miracles que Uieu opéra par son
ministère; et, dans le troisième, de sa mort bienheureuse
Il avertit qu'il ne s'est point astreint à suivre scrupuleuse-
ment l'oulre des temps, mais qud sest attaché plutôt à lier
ensemble les faits qui ont du rapport les uns avec li's autres,
parce que les choses d'une même nature, ainsi rapprochées,
forment un tableau plus agréable à voir, tel qu'un édilice porté
sur des colonnes symétriquement arrangées en acquiert plus
de grâce,
iidii. opp. I. Geofroi a fort bien exécuté ce plan : il fait bien connaître les
"■ '^"' i"S — vertus et le caractère du saint, son extérieur, son maintien,
sa figure ; et si, pour être éloquent, il faut être passionné pour
son sujet, on peut dire qu'il fut éloquent, sur-tout au cinquième
livre, qui est plein de figures de rhétorique, parce qu'il décri-
vait la mort d'un grand homme, perle irréparable pour la
communauté dont il était membre, el que la vive douleur dont
il était pénétré ne trouvait de soulagement que dans une admi-
ration sans bornes.
L'ouvrage de Geofroi, qui, avec le premier et le second
livres, composés avant lui, forment 1 histoire complète de la
vie de saint Bernard, a été imprimé dans toutes les éditions
Alt dicni 20 de ses œuvres et dans le Recueil des Bollandisles. Celle vie
(1) Voyez, pour le travail de Ouiltautne, l'Histoire littéraire, t. XII, p. .'340;
et, pour le travail d'Arnaud, iind. p. 539.
GEOFROI DAUXERRE. 443
a été traduite par Philippe-le-Bel, curé de Luzarches, à la x„ s.ecle.
tele de sa traduction en notre langue des œuvres de saint '
Bernard, imprimée à Paris, chez Michel Joly 16^2 in fol
Le sieur Lamy qui n'est autre quAntoine Lemaislre,' avocat
au parement de Pans, a donné une nouvelle traduction de
la vie de saint Bernard en six livres, dans laquelle les trois
hvres de Geotroi, réduits en un. forment le troisième, parce
que, d.t-il, ses aniis lui firent entendre que la mullùude des
miracles rapportés dans louvrage de Geofroi pourrait dégoûter
es ec.eurs. Les trois derniers livres de celle traduction sont
I extrait des ouvrages de saint Bernard, et représentent son
esprit. Cette traduction a été imprimée plusieurs fois in-i" el
in— 8°.
70 Geofroi s'était préparé de longue main à la composition opnsc.ia iv
de cet ouvrage. Le père ChdQet, jésuite, publia en 1679 ^^->^',v ml
quelques extraits dune vie de saint Bernard presque entiè- ^"•
rement conforme à celle dont nous venons de rendre compte •
mais II y remarqua quelques articles qui ne se trouvaient
pas dans l'ouvrage imprimé. Il les publia sous le titre de
fragmens . Fragmenta ex vita et rébus gestis S. Bemardi
auctore Gaufrido, monacho Clarevallensi. Ce savant jésuite
croit que ce sont des matériaux que Geofroi avait préparés pour
composer la vie de saint Bernard, et dont il a employé une
Ires-grande partie dans son histoire. Dom Mabillon qui
les a reproduits comme une troisième vie de saint Bernard
est dans la même opinion que le père Chifflet. Ayani retrouvé 11 iTn^l '•
quelques autres fragmens que le père jésuite n'avait pas extraits
il a cru devoir les publier. '
8° A peine Geofroi avait-il terminé la vie de saint Ber '"'' "' '^*-
nard qu'il s'empressa de l'envoyer à Eskil, archevêque de
Lunden en Daneiuarck. Nous avons la lettre qu'il lui écrivit
a cette occasion, dans laquelle il rappelle à ce prélat qu'il "''"'• """'•
était venu du bout du monde à Clairvaux , pour entendre '' ''' ''''
comme autrefois la reine de Saba était allée à Jérusalem la
sagesse du nouveau Salomon, la dernière année de sa vie
c'est-à-dire, l'an Wéi ou même 1133. Cette lettre respire
les senlimens d'admiration et de reconnaissance dont Geo-
froi était pénétré pour son cher maître. C'est une applica-
tion allégorique de plusieurs versets du Cantique des can-
tiques, a I explication duquel saint Bernard avait consacré
les dernières années de sa vie. Il espère dit-il, en finissant
que 1 envoi qu'il lui fait de son livre, de quelque manière
KkJi.2
II. col 1309
1318.
444 GEOFROI D'AUXERRE
XII SIECLE, qu'il soit écrit, lui sera agréable , parce que ce n'est que
~ ~ ~ dans le souvenir des vertus du saint qu'ils peuvent trouver,
lui et eux, quelque consolation. 11 ne dissimule pas que sa
composition pèche par trop do prolixité ; mais on l'excusera,
dit-il, de s'être laissé entraîner par ses affections. Quant au
style, il a fait de son mieux et selon le degré de capacité qui lui
était départi. Tel est le jugement que l'auteur porte lui-même de
son livre.
9° Gcofroi était inépuisable lorsqu'il s'agissait de célébrer
les louanges de saint Bernard. Étant abbé de Clairvaux, il
Hcrn. opp. i fit, en 1163, devant sa communauté, un long panégyrique du
saint, pour célébrer le jour anniversaire de la dixième année
de sa mort. Son but, dans cet éloge, est de le proposer pour
modèle à ses religieux, dont plusieurs avaient long-temps
vécu avec le saint. 11 ne parle ni de ses travaux pour l'extin-
ction du schisme et des hérésies, ni des négociations aux-
quelles il avait été employé pour la paix de l'église et des états ;
il se borne à leur retracer ses vertus religieuses, son amour
de la solitude, sa sollicitude pastorale, et le zèle qu'il avait pour
le salut des âmes. L'auteur reconnaît les bontés singulières
que le saint avait eues pour lui , et les soins infinis qu'il
s'était donnés pour lui rendre le joug du Seigneur doux et
agréable,
«id. col. 283 10» D. Mabillon a restitué à Geofroi un écrit que les édi-
— '*'■ teurs des oeuvres de saint Bernard avaient attribué avant lui
à l'abbé de Clairvaux. Il a pour titre (1) dans l'imprimé :
Gaufridi abbalis declamationes de coUoquio Simonis cum Jesu,
ex S. Bernafdi sermonibus collecix. Ad Henricum S. R. E.
vardinalem. Petits discours de l'abbé Geofroi sur la conversation
do Simon-Pierre avec .lésus, adressés à Henri, cardinal de
l'église romaine.
Ce cardinal n'est autre que Henri de Pise, qui, en 1148,
(1) Le titi'e de cet écrit varie beaucoup dans les manuscrits. Celui du monas-
tère de Cheininon porte : /ncipil opusculum domini Gauf'ridt de diclis B. Ber-
nardi ad Henricum !>'. E. tune subdiaconwii, poslea monachum Clarœvallix,
deinde cardinalem , super u\\\t Simon l'ururs ad Jksi m ; celui d'Anchin : Liber
de lectione evangelicâ, kick nos kki h^iimi .s omm v ; celui de Vauluisant : Inci-
pivnt capitula in opusciito quodfecit Abbas Igniaceiuis ad Henricum, etc. ; celui
du Vatican, que le pape Nicola-s V avait fait transcrire pour son usage ; De Collo-
quio Simonis et Jesu ad Henricum R. E. subdittconum, etc. Dans d'autres, cet
écrit a pour titre : De eontewtplu mundi.
GEOFROl DAUXSRRE. 445
au rapport do notre Geofroi , n'était encore que soudiacre de xii siècle.
l'église romaine, lorsqu'il assista au concile de Reims. Il em- wid. coi. 1320.
brassa ensuite la réforme de Clairvaux , et fut abbé de
Saint-Anasiase à Rome. Bientôt après il fut décoré de la pourpre
romaine , et fait cardinal du tilre des SS. Nérée et Acbillée.
L'an 1160, il fut envoyé légat en France. Geofroi était
abbé d'Igni, selon le manascril de Vauluisant, lorsqu'il adressa
son écrit à Henri ; ce fut par conséquent dans l'intervalle de
l'année 1155 à 1161, et vraisemblablement lorsque ce car-
dinal vint en France.
C'est ajuste litre que l'auteur a donné à son ouvrage celui
de Déclamations. Il consiste en plusieurs petits discours ou para-
graphes au nombre de soixante, dans lesquels il déclame beau-
coup contre les vices en général , et sur-tout contre les désor-
dres des clercs de son temps , qu'il critique sans ménagement ;
et néanmoins il dit qu'ils doivent lui savoir gré de sa retenue,
qu'il les épargne beaucoup ; que personne n'ignore les choses
qu'il avance ; qu'il peut bien les révéler , puisque personne
n'en rougit. D'ailleurs , dit-il , nous avons aussi été clerc :
qu'il nous soit au moins permis d'examiner notre conduite
passée, liceat vel nostra scrutari. Il leur applique, d'une ma-
nière ingénieuse, ce verset du pseaume 72 : Ils ne participent
point aux travaux des hommes ; ils n'éprouvent point les
fléaux auxquels sont exposés les autres hommes. Cependant
tout n'est pas déclamation dans son écrit ; il y prend souvent
le ton d'exhortation et d'insinuation, pour mieux faire goûter sa
morale.
Ce livre a été imprimé à Spire, en 1501 (1), sous le titre
de Declamatorium, et avec le nom de saint Bernard , d'où
il était passé dans les éditions des œuvres du saint docteur.
il est bien vrai que le fond de l'ouvrage lui appartient ,
comme le dit l'auteur dans son épîlre au cardinal Henri ;
mais Geofroi en fut le compilateur et le rédacteur, soit qu'il
l'ait extrait des sermons écrits de saint Bernard , soit qu'il
ait recueilli de ses sermons, à mesure qu'il les prononçait,
les différents traits qui composent son ouvrage , qui, à cause
de cela , porte . dans quelques manuscrits , le titre de Sen-
tences.
11° A la demande du pape Lucius III, les abbés de l'ordre
(1) 11 fat réimprima en 1518, avec les fleurs tirées des écrite de saint
Bernard, Bemardifiora. Daventri», in-4».
U6 GEOFROI DAUXERRE.
xit SIECLE, de Cîteaux, qui sollicitaient la canonisation du B. Pierre, ar-
chevêque de Tarentaise, cistercien célèbre par ses vertus et
ses miracles, mort le 8 mai 1175, jetèrent les yeux sur
Geofroi d'Auxerre , qui était alors abbé de Haute-Combe,
Boiiand. Arta pour composcr la vie du saint archevêque. Nous avons la
ss. 8 maii, p. lettre que le pape écrivit au chapitre de Cîteaux, ainsi que
celle des abbés de Cîteaux et de Clairvaux à Geofroi, et la
réponse de celui-ci, par laquelle il se charge de ce travail
avec sa modestie ordinaire. L'ouvrage était prêt à être pré-
senté au pape, lorsque Lucius mourut en 1 1 8o, Geofroi l'a
exécuté à sa manière ; il représente le saint archevêque comme
un autre thaumaturge, non moins fécond en miracles que
saint Bernard. Il y a cependant beaucoup à gagner pour l'his-
toire, lors même que, dans ses narrations, l'auteur est tout oc-
cupé de prodiges.
12° Peu de temps après, vers 1188, Geofroi écrivit au cardi-
nal Henri, évoque d'Albano, qui l'avait consulté , comme nous
Supià p. 459. l'avons dit plus haut, sur l'affaire de Gilbert de la Porrée ,
pour le consulter à son tour sur une question théologique qui
s'était élevée en France, savoir si leau qu'on mêle avec le vin
au sacriBce de la messe se change immédiatement au sang du
Seigneur, ou si, en vertu des paroles de la consécration , elle
est changée en vin, pour ensuite être transformée en sang.
Geofroi expose les raisons des partisans des deux opinions,
mais il ne donne pas la sienne ; il désire seulement que le sacré
collège veuille bien oxaiuiner cette question, et la décider,
pour fixer sur cela la croyance commune. Nous n'avons pas
la réponse du cardinal d Albano, ni la décision du sacré collège;
AH an. 1188. inais le Cardinal Baronius, qui a imprimé la lettre de Geo-
froi, en a donné une qui n'a pas été du goût de tout le
monde.
13" Geofroi avait composé beaucoup de sermons. Oudin en
avait vu, entre les mains de D. Bernard Tissier, une collec-
tion en deux volumes in-fol , que ce savant cistercien se pro-
T vil, p. i{7 posait de publier. Le P. Combetis eu a imprimé trois dans la
- 15:». Bibliothèque des pères préilicaleurs; deux sur la naissance de
' ' •* ***" saint Jean-Baptiste, et un pour la fêle de saint Martin. Ils
portent le nom de Gal/'ridus ; mais rien ne prouve qu'ils
bibi. Pair, soient de Geofroi d'Auxerre. D. Tissier a donné un fragment
uster. i. IV, p. j.^^^ ^^j^^ sermon sur la résurrection de Jésus-Christ, dans
lequel l'auleur déclame un peu contre son ancien maître
Abailard.
H. .ul. n39.
GEOFROI D AUXERRE. 447
1 4° D. Mabillon a publié une lettre de Geofroi à un religieux xii siècle.
nommé Josbert, qui lui avait demandé une explication de l'orai- Bem. o|i|..
son dominicale, laquelle ne fut ni trop longue, ni trop courte.
Geofroi, a()rés quelques instructions sur la bonne manière de
prier, satisfait aux désirs de son confrère en expliquant briève-
ment les demandes contenues dans cette divine prière. Nous
avons déjà averti que cet écrit pourrait bien être de Geofroi de
Péronne.
SES ÉCRITS INÉDITS, SUPPOSÉS- OU DOUTEUX
On trouve dans les catalogues des grandes bibliothèques, plu-
sieurs écrits de noire auteur, qui n'ont pas encore vu le jour, ou
qu'on lui attribue faussement.
15° Un commentaire sur le Cantique des cantiques en six
livres, sur lequel Casimir Oudin a fait de grandes recherches, i»-' Script. ord.
Il en cite plusieurs manuscrits qu'il avait vus à Foucarmont, ' "' '^°'' '*^'
à Viiliers en Brabanl, à Bonne-Fontaine, à Igni, à Orval,
sans compter ceux qui élaienl à la bililiolhèque de Colbcrl,
et qui sont aujourd'hui à la biLliothcque du roi, sous les
numéros 71,470,559 D Marlùne dit en avoir vu un exem- Vovagc liu
plaire à labbaye de Longpont, dédié à Henri, abbé de •'"'• "' •' "^
Clairvaux. Voici l'idée que Casimir Oudin donne de cet ou-
vrage. « Le prologue commence par ces mois, Plurima qui-
dem audivimus, et le corps de l'ouvrage par ceux-ci. Ad
singulos profectus virtutum canenda sunt cantica graduum, etc.
C'est un commentaire moral très-prolixe, à l'imitation des
sermons que saint Bernard avait composés sur la même
matière, mais non avec la même élégance de style. Au com-
mencement de l'ouvrage, l'auteur explique, verset par verset,
ce divin cantique, mais bientôt après il change de méthode,
et au lieu d'un commentaire, il a cousu des sermons entiers
qu'il avait prêches dans différentes solennités de l'année. »
Tel est le jugement que porte de cet écrit Casimir Oudin.
Nous en avons parlé plus haut à l'article de Geofroi de
Péronne.
16" Un commentaire sur l'Apocalypse, composé de dix-
neuf sermons. Il existe manuscrit à la bibliothèque royale,
sous le n" 476. Il commence par ces mots. Liber Apoca-
lypsis, ut comperit vestra fraternitas, etc. On en trouve dans
la chronique d'Hélinand, sous l'année 1119, et dans le Miroir
448 GEOFROI D'AUXERRE.
XII SIECLE historial de Vincent de Beau vais, un fragment qui a été rapporté
Lit). XXVII, pjip Manriquez dans ses Annales.
"''aj an iiu ^^° Casimir Oudin dit avoir vu entre les mains de D. Ber-
rap I, n nne. nard Tissier, un livre de Geofroi contre Abailard. C'est dom-
mage que, contre son ordinaire, cet habile bibliographe
n'ait pas fait connaître l'ouvrage par les premiers mots du
texte. On aurait pu alors le comparer avec l'écrit d un abbé
anonyme, que le même cistercien a publié dans la Bibliothèque
Bibi. Pair, des pèrcs de l'ordre de Cîteaux. Celui-ci est une réponse à
238*- 259^ ** '''Po'og''^ qu'Abailard avait publiée contre saint Bernard.
L'auteur entreprend de prouver que ce saint s'est élevé avec
justice contre Abailard, on plutôt contre ses erreurs, et qu'il
a dû le faire. Mais qui était cet anonyme? était-ce Geofroi
d'Auxerre, secrétaire de saint Bernard? Ce qui pourrait le
iiiid. p. 2i-2, 2. faire croire, c'estqu'il dit avoirvécu familièrement avec Abailard,
verumtamen ne videur invehi vehemens in Petrum, oui
strictissimâ familiaritate conjunctus fui; et dans un
Vil. p 238, 2. autre endroit, adressant la parole aux disciples d'Abai'ard,
ô nostrates philosophi ! (\\l~\\ : ce qui conviendrait assez bien
à Geofroi d'Auxerre. Mais, d'un autre côté, il nous apprend
lui-même, dans sa lettre au cardinal d'Albano, qu'il n'est
Bern npp. I. pas l'auleur dc cet ouvragc. «Je me souviens, dit-il, d'avoir
II, col. i.i2i. yy autrefois à Clairvaux un petit traité composé par un abbé
de moines noirs, dans lequel sont combattues les erreurs
d'Abailard, mais, depuis plusieurs années, le premier cahier
y manque, et les bibliothécaires assurent que, malgré les
recherches les plus exactes, ils n'ont pu le retrouver. Ce qui
me fait prendre le parti d'envoyer en France, au monastère
dont a été abbé I auteur de ce livre ; et si je puis le recou-
vrer, je le ferai copier en entier pour vous l'envoyer. » Tel
est l'étal actuel dans lequel cet écrit a été imprimé, c'est-à-
dire, mutilé au commencement. Si c'est de celui-là que Oudin
a voulu parler, il est évident qu'on ne peut l'attribuer à
Geofroi, qui ne dit pas non plus qu'il en eût composé un
semblable, quoique ce fut là le lieu d'en parler. Il nous
semble qu'il serait plus naturel de donner cet écrit, anonyme
parce qu'il est mutilé, à Guillaume de Saint-Thierri, qui,
ayant provoqué la condamnation d'Abailard, à dû répondre
plutôt qu'un autre à son apologie, prendre la défense de
saint Bernard, et repousser les calomnies et les subterfuges
de son adversaire. Mais, sans prétendre décider cette quee-
ibii. t. I, col. lion que D. Mabillon a laissée indécise, il eâl de notre devoir
636.
XII SIECLE.
GEOFROI D'AUXERRE. 449
de faire connaître cet écrit, puisque l'occasion s'en présente.
II est divisé en trois livres. Dans le premier, l'auteur réfute
les erreurs d'Abailard sur la Trinité ; dans le second, celles
qu'il a avancées sur l'incarnation du Verbe ; et, dans le troi-
sième, ses opinions pélagiennes sur la grâce. II y rapporte
les propres termes d'Abailard, tirés sur-tout de son Apologie,
de sa Théologie, et de quelques autres de ses écrits, qu'il
réfute par des passages bien choisis d-B l'écriture sainte et des
pères de l'église. 11 s'élève avec feu contre les mauvais théo- b.li. Pair,
logiens de son temps, qui traitaient les choses divines par ^^^"'^ '' '^' P"
la seule force du raisonnement. Pour lui, il ne fait pas grand
cas de la science de Platon et d'Aristote. Mon Aristote, dit- ma. p. 240, i
il, est saint Augustin. Il dit avoir composé un traité intitulé ibid. p. 258. 2
de Rébus universalibus,(\VL'\\ a adressée maître Thierri (c'est
sans doute le fameux Thierri l'Armorique, professeur de Paris),
dans lequel il prouvait, entre autres choses, que la providence
de Dieu n'imposait point de nécessité aux événements. L'auteur
avait dédié son écrit à Hugues d'Amiens, archevêque de Rouen,
mort en 1164, comme on le voit par plusieurs endroits de son
livre, où il l'appelle ô clarissima Rotomagensium lucer- /ftirf. p. ski, i.
na, et ailleurs optime Hugo ; mais l'épîlre dédicatoire est
perdue.
18" Quelques bibliographes attribuent à Geofroi un volume
de lettres, qui n existe dans aucune bibliothèque qui soit à
notre connaissance. Outre les lettres qu'il a placées à la tête de
ses ouvrages, Lt dont nous avons rendu compte, il s'en trouve
dans des recueils imprimés, deux qu'on pourrait peut-être lui
attribuer. L'une est adressée à un abbé d'un monastère qui Mart. Anecd.
n'est pas nommé, et qui lui-même n'est désigné que parla *''«"»'• '74.
lettre N. L'auteur ne se fait connaître que par la lettre G, avec
la qualité d'abbé de Clairvaux : mais cela ne suffît pas pour
attribuer avec certitude la lettre en question à Geofroi. Au reste
il s'agissait de jusliBer un religieux qui avait quitté son monas-
tère pour se fixer à Ourcamp, dans la Bliation de Clairvaux.
L'autre lettre est adressée au roi Louis le-Jeune, pour recom- Chcsn. i. iv
mander à sa charité un nécessiteux qui allait implorer son assis- ^"' ^"""^ P-
tance. L'auteur, qui se dit abbé de Clairvaux, n'est désigné que
par la lettre G, qui peut s'appliquer à Garnier aussi bien qu'à
Geofroi.
19° Dans le manuscrit du roi, cotté 2583, ci-devant de
Colbert, on indique deux ouvrages de Geofroi sous ce litre,
Gaufridi abbatis de AUacumba tractatus de saeramentis nu-
Tome XIV. L 1 1
i;-0 CEOFROI IVAl'XKRRE.
XII SIECLE, merorum à tricenario ad vicenariimi ; et ensuite!, Ejusdem liber
de creatione perf'ectoriini iiumerortim et eorum sacramento.
C est une laiilc dans cv ealaloiiiie. Ces ouvrages appartien-
nent à (Inillaunic, ablié d'Aubeiive, comme nous lavons dit
T. XII, p. 61.). ailleurs, et ils sont rapportés sous son nom dans le manuscrit
Suprà, p. 202. „„. .' , ' '
3011 du même catalogue.
De Scr. Ecci. 20" Casimir Oudin, sur le litre du manuscrit ")")9 de la
t. Il, (ol. \VM l)il)lioliiè(pie royale, lr(|u<!l fiait it^ i77iS dans colle de Col-
lj<'rt, attribue à CeoCroi loiiviagc suivant, Gauft'idi piioris
clarevallensis explùatio illorum Ecdesinstae verbofiim, mkmemo
ciU'ATiiiiis Tii. (jeoiVoi d Auxerre ne lui jamais prieur de Clair-
vaux, (letle ([ualilé ne pi'ul ciuaciiii- ipià CcolVoi d(! Fe-
ronne, ou à Godel'roi, (pion noniiiie (picl(]uet'ois CeoJ'roi,
|)arent de saint Bernard, si toutduis louvrage est de ce,
temps-là.
2l„Le même dudin nie comnic iiin' protluclinn dcdco-
Iroi une homélie sur \v, Canlique dis cauliipies, commeuyaul
par ces mots, Vobis fralres alia quipu aliis de secido, aiU
verte aliter dicenda sunl. KNi' l'xi.-lail, sridii lui, dans la
bibliolliè(|ue de i-'Ieuri ou -^aml liennît-^ur-Loue. Ce dibul
est celui des sermons de sain! Jîcriuud sur le Canli(iut' des
canlii|ues.
'it" Il cite encore, comme a[)parlenanl à Geofroi, un opuscule
qu il avait vu entre les mains de Bernard Tissit;r, ayant [)our
titre, De Vestibus sao-is seu sacerdotalibus. Nous ne pouvons ni
garantir, ni nier que cet ouvrage soit de lui.
Iiist. cccUs. ^liuM. Du[)in l'ait Geofroi auteur dune description de Clair-
2, p !ii(i vaux. C'est sans doute celle qui se trouve p. I.'IOO-ISOO de
rA[ipendicc aux œuvres do sain! [Jernard II faut ((ue M. Dupiu
n'ait |)as seulement jeté les yeux sur ces vers, lis sont certaine-
ment d'un auteur (jui écrivait ile[)uis le renouvellement des
lellies.
2in D'autres lui allribuent un écrit (|ui a |)Our titre. Liber
sepulcroruni Clarsevallis, an bien, De personis illustribus in
Claravalle septdtis. Cet écrit est imprimé dans le Fasciculus
Sanctorum de llenriquès, dislincl. 41. Il est rare que ces
sortes d ouvrages aient été compo:-és par une même per-
.sonne.
iii.si. fcic'!. 2-")o Dempslerus , par une ni(''|)rise inconcevable, fait Geofroi
ijriiiis .Sioi 1,1, j,„i,,„r (I une vu- de saint Wiron, évi'que Irlandais. Vovez ce
quen dit liollaudus au 8 de mai, luim. 7, p. 310.
itii.i. CMcr. ^'*" '^- ^''<irl<^'S' lie Viscli attribue, lunlôt à notre auteur,
1). l'.ii.
HENRI, ÉVÈQUE DALHANO. 451
tanlôl à un nommé Gin, tantôt à Odon de Schirstone , an- mi siecu:
glais. un Parabolariwn seu liber proverbiorum et parabo-
larum, qui existe manuscrit dans plusieurs hibliotlièques
(.asimir Oridin observe (,ue cet ouvrai,'e est dédié à saint
Bernard, Parabolx ad S. Bernardum ; el d prouve par le
texte même de lépîlre dédicatoire , qu'il ne peut 'ôlro de
(.eoiro. d'Auxerre. L'abbé Lebeuf, qui avait examiné ce ma- „. ,,
nuscnt a Clairvaux, s'exprune ainsi : « D. Martène donnant u ..,%8
connaissance de quelques manuscrits de Clairvaux marque
entre autres expositio in proverbia , et ajoute qu'on lit au
commencement de cet ouvra^-r, : Hoc apusculum pr^sens
non Richardi, sed domni Gaufridi nbbalis Fontisniensium
qnod Regniaci pro certo constat esse, et sepidtus est ibi juxta
abbates. >> Voila, d.l-,1, un Geofro., abbé de Re^-oi au dioecse
dAuxerre, parmi les écrivains ; le titre qui le dit est dune
écriture du XIII» siècle, ai nsj ,,uil ma paru en examinant
ce manuscrit a Clairvaux, l'an 17;J0. Ce nesl point un corn-
menla.re sur les Proverbes de Salomon , quo,.|ue le titre
semble I insinuer. Laute.ir dit .lans sa préface .p, ayant re-
cueilli autrelois un bvre .le proverbes ou paraboles, Etienne
sonabbe, la exhorté à les orn.-r duue paraphrase spirituelle'
Au reste , si Geoiroi a ét(- ...oine de Regni sous labbé
Etienne, qui vivait en I I iO, elquil ait été un de ses suc-
csseurs, il faut avouer (pul n'est connu par aucun autre mo-
nument. „
D.
Ahbk m: llAUTK-CoMnio, i-eis „k C.viuvArx, kt kxhn Caulix^m.
KvÉQiJK p'Alh.ano.
SA VIE.
|ltNKi un des grands personnages qu'ait produits l'ordre Fasc. ss. Or,i
"(le C.leaux, naquit, dit-on, d'une famille noble au château '^'"'"- ''''■ "'
de Marcy, castro Marsiaco, près l'abbaye de Cluni Quel- ""'' "' '"''' ''
ques-uns lonl cru de Loaibardie, le confondant mal-à-pro-
Lli2
452 HENRI, ÉVÊQUE DALBANO.
XII SIECLE pos, d'après Arnold Wion , avec un autre Henri surnommé
de Pise, qui, de moine de Clairvaux, fut fait cardinal du titre
Hisi. des card. jgg gainis Nérée et Achillée (1). François Duchesne dit que
""■ ''■ ■ l'évêque d'Albano était de la famille des Monocules, frère de
Pierre Monocule, qui fut son successeur dans l'abbaye de
Clairvaux. Si cela était, il faudrait dire qu'ils étaient l'un et
Fascic. l'.id. l'autre du sang des rois de France ; car Henriquez dit posi-
Disi. 22. cap. 2. i[vement que Pierre Monocule était issu du sang royal. Mais
ni Henriquez, ni Duchesne , ne donnent aucune preuve de
Enord. Map. l^ur asscrtion. L'auteur du grand Exorde de Cîteaux se con-
Diïi. 2, cap. 29. lente de dire que Henri était né d un père noble, mais qu'il
était beaucoup plus noble par ses vertus que par sa naissance ;
qu'il entra fort jeune à Clairvaux, et qu'il y passa les premières
années de sa profession avec tant de ferveur et d'ionocence,
qu'on lui trouvait déjà la maturité des vieillards.
Fisc. ibtd. S'il est vrai, comme le dit Henriquez , que Henri prit
dist. il, csp. 3. l'habit monastique sous l'abbé Robert de Bruges, successeur
de saint Bernard, ce fut par conséquent après le mois d'aoilkt
1153, oii commence la prélature de Robert, et avant le 29
avril 1157, époque de sa mort ; ce fut probablement l'an 1 156,
puisqu'il n'y avait, dit-on, que quatre ans qu'il était profès,
lorsqu'il fut nommé, extrêmement jeune, l'an 1160, abbé
Gaii. Christ, de Haule-Combe dans la Savoie ; car on le voit signer eu
vei. t. IV, p. 3f. cette qualité un acte de l'an 1161. Tout le monde fut surpris
d'un pareil choix, qui néanmoins est à-la-fois une preuve et
du rare mérite de Henri, et du sage discernement de l'abbé
Faslrède. On eut lieu de le reconnaître quand on vit le nouvel
abbé remplir les devoirs de sa charge à la satisfaction de tout le
monde.
La proximité des lieux le mit en relation avec saint Pierre,
archevêque de Tarenlaise, religieux comme lui de l'ordre de
Boli. die 8 Cîteaux. Ce bon prélat lui ayant communiqué le dessein où
miii, p. 533, il était de vendre son modeste équipage, pour en donner le
""""^ ■ ' prix aux pauvres, résolu de faire dans la suite à pied la
(1) Geofroi d'Auxerre, secrétaire de saint Bernard, parlant de Henri de
Pise (S. Bernarii op. t. II, col. 1320), nous apprend ce qu'il était Tan
1148, et ce qu'il devint depuis. Domnus Henricus Pisanus, dit-il, tune
Romana: ecclesia subdiaconus , futurus posteà daretallensit monacknt, et
ex abbate S. Anastasii sanctorum Kerei el Achillei presbyter cardinalis. Or
il est prouvé qu'il était déjà cardinal l'an 1153. N'^ ez Baronius sur cette
année, q<> 5.
HENRI, ÉVÉQUE DALBANO. 453
visite de son diocèse, notre abbé, tout en louaat son dessein, xii siècle.
lui représentait qu'il lui serait impossible de se passer de voi-
ture, si à son âge il était obligé de voyager au loin. La chose
était encore en délibération, dit l'auteur de la vie du prélat,
lorsque !e saint archevêque reçut l'ordre du pape de se trans-
porter en Normandie, pour travailler à rétablir la paix entre
les rois de France et d'Angleterre. Ceci arriva en 1174, et l'an
1176 Henri fut fait abbé de Clairvaux.
A cette époque, une espèce de manichéens auxquels on a HoTcd. «d >n.
donné plusieurs noms, et enfin celui d'Albigeois, sous lequel "'*' ■*■ ^^''
ils sont plus connus, faisait des progrès effrayans dans le
Languedoc, et principalement dans les environs de Tou-
louse. Le comte Raimond-le-Vieux, prince zélé pour la foi,
voulant arrêter les progrès du mal, s'était adressé d'abord
au roi de France, persuadé que sa présence déconcerterait
l'hérésie. C'était l'an 1177, dans le temps que ce prince avait
pris des engagements avec le roi d'Angleterre, pour faire en
commun le voyage de la Terre-Sainte. Pour préluder à celte
expédition, il fut résolu que les deux monarques iraient en
personne exterminer les hérétiques du Languedoc. Cependant,
mieux avisés, ils convinrent qu'il serait plus à-propos d'em-
ployer contre eux d'autres armes : des missionnaires furent
désignés comme plus propres à dissiper l'erreur par la force
de la parole et de l'instruction. On voit en effet que de ces
missionnaires les uns étaient sujets du roi de France, les autres
du roi d'Angleterre : c'étaient le légat du pape, Pierre, cardinal
du titre de Saint-Chrysogone, les archevêques de Bourges et
de Narbonne, les évêques de Bath et de Poitiers. Quant au
comte de Toulouse, sachant quels services saint Bernard avait Gênas. Do-
rendus, en pareille occasion, au comte Alphonse, son père, '"^ ''°'' '"''
il s'adressa au chapitre général de l'ordre de Cîteaux, qui lui
accorda les secours qu'il demandait, et chargea de celte mission
l'abbé de Clairvaux.
Henri se joignit, l'an 1178, aux autres missionnaires, qui, Hovcd. p. 578.
arrivés à Toulouse, ne furent accueillis que par des huées.
Après quelques jours de repos, l'un d'eux se hasarda à prê-
cher publiquement; il établit si solidement, dans son dis-
cours, les articles de la foi catholique, que les hérétiques
dissimulant leurs sentiments, dirent qu'ils croyaient tout ce
qu'on venait de leur e.\poser 11 y a toute apparence que ce
fut l'abbé de Clairvaux qui prononça ce discours, car c'est
de lui que nous tenons ces particularités : et puisque ce
454 HENRF, ÉVÈQUE D'ALBANO.
XII SIECLE, discours produisit un si grand effet, il n'aurait pas manqué d'en
faire honneur à celui qui l'avait prononcé, s il l'eût été par quel-
qu'un de ses collègues. Nous savons d'ailleurs qu'il avait émi-
nemment le don de la parole ; le chroniqueur de Saint- Marien
d'Auxerre l'appelle vir lingue diserte.
Movpd ji B80. Le principal chef des sectaires s'élant converti , et ayant
été réconcilié à l'église, après avoir subi une pénitence pu-
blique, notre abbé, qui voulait se rendre au chapitre général
de son ordre, demanda au légat la permission de se retirer.
Elle lui fut accordée, mais à condition qu'en s'en retournant,
il irait avec l'évèque de Balli dans I Albigeois, trouver le
vicomte Uogor, seigneur du pays, pour l'e-Khorler à remettre
en liberté I évoque d Albi, (ju il avait mis en prison sous la
garde des hérétiques. Henri sacquilta de la commission ;
mais, à son approche, Uoger se retira dans des lieux inac-
cessibles, ne voulant point cfitrer en conférence avec lui.
Cependant l'abbé de Clairvaux s'avanya avec l'évèque de
Bath jusqu'à Castres, une des plus fortes places du pays, oLi
se trouvait la famille du vicomte. Ils y prrt^hèienl la foi
catholique, sans se laisser iiUimider par le grand nombre
des héiéliques qui peuplait celle ville. Voyant (juils ne pou-
vaient retirer des mains du vicomte lévi'que d'.Mbi, ils le
déclarèrent traître, hérétique, et parjure; et après l'avoir
excommunié au nom de Jésus-Chrisl, ils le dèUèrent au nom
du pape, des rois de France el d' .Angleterre, en présence de sa
femme et de ses \as.saux, cesl-à-dire, qu'ils lui déclarèrent la
guerre, à laquelle Ihuiri exhorte tous les princes chrétiens en
Unissant sa relation,
ciir. oiaic%ui. De reloui- à Clairvaux, il lit faire la translation du corps de
saint Bernard, qui fut placé dans un beau tombeau de marbre,
Aii.riic. a.i. tleniere l'autel de la Sainle-Vierge. Il obtint, dans le même
un. 1178. temps, de Henri II, roi d'Angleterre, les fonds nécessaires pour
couvrir en plomb I église du monastère , qui ne l'était (ju'en
brupie (;e fut aussi par ses soins et à sa persuasion que Henri-
la-Libéral, comte de Cham[)agnc, prit la croix, celle m(*'rae
année, avec plusieurs aulres seigneurs.
Henri, pendaul sa mission à Toulouse, s'était acipiis une
si grande estime, que le siège épiscopal de celle ville étant
venu à vaquer, il fut unanimement élu pour le remplir: mais
Bibi. l'air. '• le refusa constamment. Pour motiver son refus, non seu-
Cist. i. III, p. Icmenl il écrivit au pape et au roi Lo.iis-lc-Jeunc, il engagea
^'"pei. Ccli. i.b. encore Pierre de Celle, abbé de Saint- Ilcmi de Reims, à
VIII, cp. 8.
HENRI, ÉVKQUE D'ALBANO. ioo
joindre ses instances aux siennes, ci la conimunanté deClairvaux xii siècle.
lui lénioigna aussi son altachement, et la douleur qu'elle aurait
de le perdre, par deux lettres qu'elle écrivit, l'une au pape,
l'autre au roi. IMais, l'année d'après, il fallut bien qu'il se
séparât bon gré mai gré de sa communauté.
S'étant rendu au concile de l.utran, Henri y fut créé car-
dinal évèqu(! d Albaiio {lar le papi^ Alexandre 111 , (\m le
jugeant [)lus propre ([iie personne à mettre à exécution les
décrets du concile contre les liéréli(|iies, le nomma légat en
France, l/évécpie d.Mbano ne larda pas à rem|)lir sa mission. Vaissciic, t.
On le voit, dès l'an 1 180, dans le bas Languedoc, ou il signa '"' '"'• '"'• *^'-
comme témoin une charte datée de cette année, avec les
qualités d évèque d'x\ll)aiio et de légal. Ayant persuadé à un p'^"f- Vosic».
grand niwnbre de catholiques do prendre les armes et de le '*'
suivre, il entreprit, au mois de juin IINI, le siège du châ-
teau de ' uvaur, cpii, après ipielque résistance, lui fut livré
par Adelaïile de Tcmlousc! , é[)Ouse de Roger , vicomte de
Bésiers. Alors celui-ci se soumit, et promit avec les princi-
paux du pays de renoncer à riierésie. Geofroi de Vigeois
ajoute qu après celte expédilion . lis croisés se retirèrent ,
mais (pic les mécréanis ne fuient pas pour cela convertis :
Reverioitibiis eatholicis, sues illi ■tepclimt antiqua volutabra
luti.
Après avoir terminé cette expédition , le cardinal Henri *'^|' Ampi.
prit la route du Vellai, et lint au Pny, U\ \'o septembre de ^'oi "j.j7 ^i sp,, '
la même année, im concile auquel assistèrent les évécpics de
Poitiers, du l'uy, de iMaguclonne, et de Lodève. Nous le
retrouvons à Rasas, au mois de décembre. Il y tint le concile de
la province d'y\uch. H passa ensuite à Saintes, où il était le
9 janvier de tannée suivante. Au troisième dimanche du carême
(28 février), il présidait à Limoges au concile des deux [>ro-
vinces de Bourges et de Bordeaux. Geofroi de Vigeois place c.mi. Vnsi.n
ce concile au commencement du carême, et dit qu'il était P- "'^*
composé des abbés et des {)rélals d Aquitaine. Les pères Labbe
et Cossart ne l'ont mcnlion d'aucun de ces conciles dans leur
collection, et il y a toute apparence qu'il nen reste aucun
statut, ni règlement. Le légat se trouvait le 1" avril à Poitiers.
C'est de cette ville qu est datée la pièce d'où nous avons tiré ces
détails.
De Poitiers Henri se rendit a Paris, ou il fut un des mé- Anct. Aqiiil.
diateurs de la paix ijui fut conclue l'an 1182, après Pâques, *''""• "*^'
456 HENRI, ÉVÉQUE D'ALBANO.
XII SIECLE, entre le roi de France el le comte de Flandre. Le chroniqueur qui
Gauf. Vo>icn. rapporte cet événement, dit qu'on n'avait jamais vu une guerre
f ^^- si vive éteinte si promptement. A la prière de Tévôque de
Paris, Henri fit ensuite la dédicace de l'église cathédrale, le
mercredi après la fête de la penlecôle. Ce fut sans doute pendant
le séjour du cardinal à Paris, que le po^te Léonins lui offrit la
iiisi. des card. pièce de vers rapportée par Franc. Duchesne, dans laquelle
Fran. pr. p. loi. Léonius remercie le légat Henri du présent qu'il lui avait
fait d'un anneau précieux.
Il paraît que Henri, après avoir présidé celte année au
chapitre général de Cîleaux, retourna en cour de Rome sur
Pagi, ad ..n '^ ^'" *^^ 1182 11 était à Velietri au commencement de février
1 183, n. 3 ri i. 1183, oh il souscrivit à la constitution du pape Lucius III,
portant érection en métropole de l'évCché de Montréal en
Sicile. Il était encore en Italie l'an 1185, car il fut présenta
la mort de ce pape, arrivée à Véronne le 24 novembre de
cette année. Il assista pareillement à la mort du pape
Urbain III, décédé à Ferrare le 1!) octobre 1187, du chagrin
que lui causait la prise de Jérusalem par Us Turcs, qui fut
Aibcric. ad pour lui comuic un coup de foudre. Lorsqu'il fut question
'" ''****• de lui donner un successeur , plusieurs cardinaux jetèrent
les yeux sur l'évéque d'Albano; mais lui se jeta au milieu
de l'assemblée, disant qu'd était serviteur de la croix, et
qu'il préférait au souverain [jonlifical l'honneur d'aller la
\)rC(\u:r aux peuples el aux princes. Alors les suffrages se
portèrent sur le cardinal Albert, (hancelier de l'église ro-
maine, qui prit le nom do (îrégnire Vill. Aussitôt le nou-
veau pape nomma le cardinal Henri son légHt en France et
en Allemagne, avec des pouvoirs très-élendus. Mais ce pape ne
survécut qu'un mois el dix-sept jours, étant mort à Pise, le <7
décembre 1 187.
Allier ibiii. L'év<^que d'Albano , suivant les instructions qu'il avait
reçues du pape , commença sa légation par ordonner un
jeûne extraordinaire, qui consistait à jeûner pendant cinq
ans tous les vendredis comme en carême , et à s'abstenir
d'alimens gras les mercredis el les samedis, à l'exemple de
la cour papale , qui s'était imposé une pareille pénitence,
Anon. <pud en y ajontant labstinence du lundi. Il paraît que le légat
Pag. an. 1188, alla d'abord trouver l'empereur dAIIemagne, avec lequel il
" "' * '"*■ se concerta pour le voyage de la Terre-Sainte. Il trouva ce
prince dans les meilleures dispositions ; mais il ne voulait se
HENRI, ÉVÉQUE D'ALBANO. 4o7
déclarer qu'après que la majeure partie des princes chrétiens au- xn siècle.
rait pris la croix.
Henri passa donc en France, et agit si efficacement auprès Aibénc. ibid.
des rois de France et d'Angleterre, qu'oubliant leurs que-
relles, ils reçurent de ses mains la croix, dans une confé-
rence qu'ils eurent au mois de janvier sur les confins de la
Normandie. Il alla ensuite avec Guillaume, archevêque de
Tyr, solliciter l'empereur de prendre la croix, et fut présent
à la conférence que ce prince eut à Yvoi avec le roi de
France. L'empereur, après cette conférence, indiqua une
diète à Mayence pour le 27 mars, et le légat parcourut
l'Allemagne pour disposer les esprits à ce pèlerinage. A la
diète de Mayence, il donna la croix à l'empereur et à
soixante-huit princes de l'empire. De là s'élaut rendu à
Liège, il prêcha si fortement contre les vices du clergé, et
particulièrement contre la simonie, que soixante-six clercs
résignèrent leurs prébendes entre ses mains. Il fut touché
de leur repentir, et, par un sage tempérament qui adoucis-
sait la rigueur de la règle sans la détruire, il les fit changer
de bénéfice, et rendit, par ce moyen, leur institution cano-
nique.
La guerre ayant recommencé plus fortement que jamais
entre les rois de France et d'Angleterre, donna d'autant plus
d'exercice au légat, qu'elle pouvait anéantir tout le fruit de
sa légation. Sa position était vraiment difficile; il fallait con-
cilier les parties belligérantes sans se rendre suspect, et
sans blesser les intérêts ni de l'une ni de l'autre. Benoît de vu» Hcnr. ii,
Péterboroug observe que, dans toutes les occasions où il fut P" ''''"•
question de paix et de conciliation, le légat avait l'attention
de ne parler à aucune des parties avant les conférences, fai-
sant toujours sa résidence en Flandre pour éviter tout soup-
çon. Cependant, après celle qui eut lieu près de Bonsmoulin , Hoved. p. 649.
au diocèse de Seez, le 18 novembre 1188, il lança l'excom-
munication contre Richard, fils du roi d'Angleterre, qui,
s'étant ligué avec le roi de France contre son père , mettait
au voyage de la Terre-Sainte un obstacle insurmontable.
Étant retourné en Flandre, il mourut bientôt après à Arras, Chron. cia-
le premier janvier 1189, selon la chronique de Clairvaux, ■**•'• P- 8'*-
et n'eut pas la consolation de voir cette guerre terminée.
Son corps fut transporté à Clairvaux, comme il l'avait désiré,
et l'on grava sur sa tombe les vers suivants, qui ne répondent
Tome XIV. Mm m
3 t ♦
XII SIECLE.
438 HENRI, ÉVÉQUE D'ALBANO.
guère à la haute idée que l'histoire nous donne de ses vertus
et de ses travaux apostoliques.
Siiljacet Jniic lapidi, qiwnâavi notïssimm orbi,
Abbaf Ilenriea.i, romano cardine dignua :
I/ubrica qui vani contemnens gaudlu mundi.
Terrm membra lUdit^ aelii anhnamque remisit.
SES ÉCRITS.
Cliesn. t
Rer. Fran
»6U.
Bil<l
Cistcr. I
p. 2S2-i
Pair.
III,
IV, Dans une lettre du cardinal Pierre de Saint-Chrysogone ,
•'■ légat en France, écrite l'an 1177 au pape Alexandre III,
l'abbé de Clairvaux est représenté comme un homme qui
joignait à une grande science des mœurs irréprochables , et
un grand fond de religion. C'est sans doute sur un témoignage
si avantageux que Henri fut créé cardinal deux ans après.
Ses titres littéraires ne sont pourtant pas en grand nombre ;
ils consistent en (jnelques lettres éparses dans plusieurs collec-
tions, et dans un traité qui a pour litre : De peregrinante
civilaie Dei.
Nous n'avons de Henri aucune lettre écrite pendant les
seize années qu'il lui allé de Haute-Combe. D. Bertrand
Tissier en a publié (juatorze de celles qu'd écrivit étant abbé
de Clairvaux, et (pion relrouvi; en partie dans la collection
de Duchesne.
Kpisi. 1. 1" Six de ces lettres sont adressées au pape Alexandre 1(1.
Dans la première, il annonce au pape que Henri, comte de
('hauipagne, avait reçu la croix de la main du légat Pierre,
cardinal de Sainl-Chrysogonc, et le prie de prendre sous la
protection du Sainl-Siége les domaines de ce prince pendant
E|)i>i. r>. (juil fera le voyage de la Terre-Sainte. — Il prie instamment,
dans la troisième, quon ne le force pas d'accepter l'évèché
Episi. t. (le Toulouse, auquel il avait été nommé — Dans la suivante,
il expose le cas d'un évèque d'Irlande, qui, se sentant près
de sa fin, voulait se donner un successeur. Henri prie le
pape d'accorder cette grâce , s'il n'y trouve point d'inconvé-
Episi. il cl 10. ment. — Deux autres lettres contiennent des plaintes contre
les moines de Déols et de Saint-Bénigne de Dijon, relative-
Episi. 11. ment à des intérêts temporels. — Dans la sixième, pour
détourner le pape de ra|)pcler le légat Pierre de Sainl-Chry-
sogone, il Un fait un portrait allligeant des vices qui régnaient
HENRI, ÉVÊQUE D'ALBANO. 439
en France, à l'extirpation desquels le cardinal légat travaillait xn siècle.
efficacement.
2" Deux lettres à Henri II, roi d'Angleterre, pour le renier- Episi. s ei 6.
cier, au nom du chapitre de son ordre, de ses libéralités envers
l'église de Clairvaux, que ce prince voulait faire couvrir en
plomb. Il lui envoie pour cela les dimensions de l'église; et,
comme il venait de faire la translation du corps de saint Ber-
nard, il lui destine un doigt qu'il avait retiré de la main droite
du saint. On trouve encore ces deux lettres au second tome des
œuvres de saint Bernard, parmi les pièces relatives à sa canoni-
sation, col. 1345.
3" Les autres lettres sont adressées, la deuxième à son EpUt. 2. 8,
ancien ami l'abbé de Boscodun en Dauphiné ; la huitième '"' '"'' '*•
aux religieux de Savigni en Normandie, pour les exhorter à
supporter patiemment les privations auxquelles les avait
réduits la mauvaise administration de leur monastère; la
douzième à des abbés bénédictins de Flandre, qui trouvaient
mauvais que l'abbé de Ham eût livré son monastère aux
cisterciens ; la treizième à l'évoque de Chûlons-sur-Saône,
nouvellement installé, ce qui ne peut s'entendre que de
l'évéque Engelbert ; enfin, dans la quatorzième au cardinal
Hiacinthe, il prie cette érainence d'employer son crédit au-
près du pape, pour le dispenser d'accepter l'évéché de Tou-
louse.
4o De ces quatorze lettres, six sont encore imprimées dans ^'■^<^^"- <• 'V
le Recueil des historiens de France de Duchesne, parmi /go.Aar"' "''
celles de Trasimond, moine de Clairvaux. Ce sont les 1,3,
4, 5, 6, et 13. On trouve déplus, dans cette dernière col-
lection, deux lettres à l'évèque de Chàlons-sur-Saône, et
deux autres relatives aux hérétiques de la province de Tou-
louse. Dans l'une de ces dernières, adressée au roi Louis- le- loid. p. im.
Jeune, il loue la résolution que ce prince, de concert avec le
roi d'Angleterre, avait prise d'exterminer ces hérétiques;
dans l'autre à tous les fidèles catholiques, après avoir fait la
relation de la mission du légal Pierre, cardinal de Saint-
Chrysogone, dont lui-même faisait partie, il conclut que
c'en est fait de la religion dans ces contrées, si les princes
chrétiens ne prennent les armes, tant l'hérésie avait fait de
progrès. Cette pièce d'éloquence ayant été conservée à la
postérité par l'historien Roger de Hoveden, a passé de là Hoved. p S75,
dans les Annales de Baronius [ad an. 1178); dans la biblio-
thèque des pères de l'ordre de Cîteaux (t. III, p. 70), sous
M m m 2
Ampl.
t. VII,
Marlôiic ,
lollccl.
col. 87.
Rr
end. 1
437.
liq mss.
L II, !'•
460 HENRI, ÉVÊQUE D'ALBANO.
XII SIECLE, le liiie de Declamatio ; dans le Recueil des historiens de France
de Duchesne(t. IV, p. 486), et dans celui de D. Bouquet, (t. XIV,
p. 479), et dans beaucoup d'autres livres.
Mari. Aiiocd. 5" D. Martcne a aussi publié onze lettres de Henri, abbé de
I. I, col S76 — ciairvaux, fort courtes, et assez peu intéressantes. La plupart ne
portant point le nom de ceux à qui elles sont adressées, et
toutes ne traitant que d'afifaires relatives à l'administration des
abbayes de la filiation de Clairvaux, il est inutile de s'y
arrêter.
6« Nous avons déjà parlé d'un jugement prononcé par notre
prélat, évoque d'Albano, l'an H8î{, dans lequel il fait connaître
plusieurs conciles qu'il avait assemblés en France, en sa qualité
de légat. Cet acte a été publié par D. Martène, et se trouve par
extrait parmi les preuves de l'histoire de Languedoc, t. III,
p. 155.
7° Jean-Pierre Ludewig a recueilli deux pièces de l'évéque
d'Albano, relatives à sa légation en Allemagne, l'an 1 1 88. Chargé
de prêcher la croisade, et de préparer les esprits au voyage
d'outre-mer, il s'élève fortement, dans la première, contre les
mœurs du temps; il passe en revue le luxe des habits, des équi-
pages, et de la table, les jeux et les divertissements qui, selon
lui, n'étaient plus de saison dans des jours de calamité, et pres-
crit, au contraire, des jeûnes extraordinaires. Celte pièce est
aussi imprimée dans la grande collection de D. Martène, t. I,
col n7o. La seconde pièce est une lettre circulaire adressée aux
prélats et aux princes de l'empire, portant convocation d'une
assemblée à Mayence, pour concerter le voyage de la Terre-
Sainte.
Chron. cia- 8" L'autcur de la chronique de Clairvaux, après avoir
rcvai. p. 89. rapporté en peu de mots les gestes du cardinal Henri pen-
dant sa dernière légation, dit que. vers ce temps-là, il com-
posa un traité pour l'instruction des religieux de Clairvaux.
Bibl. Pair. Cet ouvrage, qui a pour litre De peregrinanle civitcte Dei,
cui. i. III, p. a été publié par D. Bertrand lissier. C'est une espèce de
traité de l'église, divisé en dix-huit chapitres ou discours,
que l'éditeur a intitulés Traités, craignant, dit-il, qu'on ne
le prît pour ce que nous appelons ordinairement des ser-
mons. En léte est une préface dans laquelle Henri ne prend
d'autre litre que ceux de pécheur et de moine. On voit pour-
tant qu'il était alors évêque, car, quelques lignes, après, il
forme dos vœux pour être délivré du poids accablant de
l'épiscopat. il ne veut pas, comme saint Augustin, faire un
md. p. ii'J.
70
XII SIECLE.
HENRI, ÉVÉQUE DALBANO. 461
traité de la cité de Dieu, qui embrasse et la cité du ciel, et
celle qui voyage sur la terre ; il se borne à parler de celle-ci ,
et il expose son plan dans le premier discours, mais d'une ma-
nière assez confuse. 11 promet de traiter bien de matières qu'il
n'a pas même touchées : c'est que l'ouvrage est resté imparfait,
comme on en peut juger par les derniers mots de l'ouvrage im-
primé, primum igilur de primo prosequimur , qui supposent
une continuation.
L'auteur en était au treizième discours, lorsqu'arriva la nou-
velle de la prise de Jérusalem par Saladin , par conséquent l'an
1187. Là il interrompt sa matière pour se livrer sur ce triste
événement à de longs gémissements, qui remplissent ce treizième
discours ; et comme il y fait mention du résultat de sa légation
en Allemagne, il s'en suit qu'il ne composa ce discours que l'an
1188. Dans les suivants, qui sont comme un hors-dœuvre, il
traite des offices de l'église depuis le dimanche de la seplua-
gésime jusqu'au premier dimanche du carême, cherchant par-tout
des sens allégoriques. Aussi trouve-t-on dans son écrit des
opinions assez singulières.
Dans un endroit , l'auteur distingue des autres apôtres wid. p. 33.
Pierre, Jacques, et Jean, appelés par saint Paul les colonnes
de l'église. C'est à eux, selon lui, qu'ont succédé les primats
et les archevêques ; les évêques sont les successeurs des autres
apôtres, et les clercs inférieurs le sont des soixante-douze disci-
ples. Dans les discours 8 et 9, il relève beaucoup la chaire de
saint Pierre, et il ne dit rien de trop.
Le temple de Jérusalem ayant été ruiné trois fois en diffé- /6,a. p 5
rens temps , par les Chaldéens , par les Grecs , et par les
Romains, il dit qu'il en sera de même de la Jérusalem spi-
rituelle , qui est l'église. Elle sera humiliée dans la dignité
sacerdotale ; elle déchoira de son antique simplicité, et n'ayant
plus que l'apparence de la piété, elle ne conservera pas même
la forme extérieure de sa constitution. Tout cela lui paraît figuré
dans les cérémonies des trois derniers jours de la semaine
sainte, pendant lesquels l'église se couvre de deuil. On voit que
l'auteur n'était pas difficile en fait d'allégories, et qu'il en trou-
vait par-lout. Le style de cet écrit est moins bon que celui
de ses lettres, parce que, dans celles-ci, il avait pour secrétaire
le moine Trasimond , excellent latiniste dont il sera parlé
ailleurs.
9» C'est encore vers le temps de sa dernière légation qu'il
faut rapporter la lettre que Henri écrivit à Geofroi d'Auxerre,
XII SIECLE.
462 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE,
jadis secrétaire (le saint Bernard. Nous n'avons pas sa lettre;
mais on voit, par la réponse de ce dernier, qu'il lui avait
demandé des renseignements sur la manière dont les erreurs
de Gilbert de la Porrée avaient été condamnées , quarante
Baron ad nn ^°^ auparavant , dans le concile de Reiras Cette lettre de
1148, num. i3. Geofroi a pour inscription, dans tous les imprimés ; Aman-
— Laiii.p. coiic iissimo patri et domino A. Dei gratià Albanensi episcopo ,
t. . , ec.i. I12Î. ^Qniini papas vicario , frater Gauf'ridus de Claravalle mini-
mum id quod est. Cet évêquc d'Albano était , selon D. Ma-
s Bern. op. billon, Albin, qui fut le successeur de Henri. 11 est plus vrai-
i. Il, col. i:>iy. semblable, comme nous l'avons dit plus haut, que la lettre A a
été mise par les copistes à la place de la lettre H; car nous ne
lisons nulle part qu'Albin ait été légat en France.
Baron ad an. ^ ^^ Le même Geofroi avait consulté l'évrque d'Albano sur
1188, num .14. une question qui sélail élevée entre les théologiens de ce temps-
là, savoir si, dans le sacrifice de la messe, l'eau mêlée avec le
vin est changée immédiatement au sang du seigneur, ou si
auparavant elle est changée en vin Nous n'avons pas la réponse
du prélat
11" Ciaconius et d'autres écrivains disent que Henri avait
Biiii Pair prêché en présence du pape. L'éditeur de la bibliothèque
Cistcr. I. III. p des pères de Cîteaux regrette de n'avoir pu retrouver ces
^^- sermons, non plus que ceux que Henri avait prononcés à
Clairvaux , devant sa communauté , et auxquels il semble
faire allusion au commencement de son traité de la cité de
Dieu. B.
HENRI II,
Duc DE Normandie et d'Aquitaine, et ensuite Hoi d'Anuletekke,
CosiTE d'An.tou, etc.
H
!5 I".
HISTOIRE DE SA VI E.
BNRi II naquit en France, il mourut en France, il y fut
enseveli ; il passa une grande partie de sa vie en Normandie
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 463
et en Anjou. Plusieurs de nos autres provinces étaient encore de xn siècle.
sa souveraineté. Il était difficile de ne pas lui donner place
dans cette histoire littéraire, où en ont une tant de princes moins
illustres. ^
Henri naquit au Mans, le Ij mars 1133 ; il était le fils aîné « Angi- Scr.
de Geofroi Plantagenet, treizième comte d'Anjou, et de Malilde. ^m'' -!-**' «!«
tille du roi d Angleterre Henri F% veuve de l'empereur Henri 1020 , 223i ,
IV, et petite-fille de Guillaume-le-Conquérant. Il descendait en ^"'^^'g^^,
outre, par les femmes aussi, d'Edmond, Côte-de-Fer, le pénul- liv. i, c!V*""^'
tièrae roi de la race saxone. Geofroi, son père, était fils de Foul-
ques, roi de Jérusalem. Henri se trouvait ainsi petit-fils de
deux rois.
Un seul historien me fournit la date précise du jour de sa Rcnouar.i,
naissance. Roger de Hoveden, Raoul de Diceto, Robert Dumont, ^^^'\ '"*' '"'
Litlleton, dans l'histoire de la vie de ce prince et du temps où il „". 25^""^' ' '
vécut, disent seulement qu'il naquit au mois de mars. D'autres,
comme l'auleur d'une chronique de Saint-Florent de Saumur „ *'*"•"'?•
-^ . , ^ , , .^ , „ coll. l. V, p.
Gervais de Cantorbery, Smolelt, Hume, se contentent d'indiquer nu
l'année ; et sur cette année Alfordse trompe, quand il place, en Geiv. de c.
1132, dans ses annales de l'église d'Angleterre, la naissance de '^^'■'- ~ **■""'•
Henri. ',; "' ': ^ -
llunie, t. I, p.
Henri II fut un trop grand homme pour que les historiens de 3<i9. - au, t.
ce temps-là n'aient pas placé, autour de son jeune âge, quelque '^' ''" "^^^
anachorette juédisant sa grandeur. Gervais parle, dans sa chro- ir,ei." ' ''
nique, d'une conversation de l'enfant, avec un saint prêtre, qui
lui avait annoncé qu'un jour il monterait sur le trône d'An-
gleterre.
Matilde, mère de Henri, avait un frère, Robert, comte de Gciv. de Cani
Glocesler, qui habitait l'Angleterre, et qui était digne par {' '"^^'^ ''' '•"'■'**
ses connaissances de diriger et de surveiller l'éducation du 3U.*^ • , p-
jeune prince. Elle le confia à ses soins. Un instituteur,
nommé Mathieu, fut chargé de l'instruire dans les lettres, et
de l'élever dans les bonnes mœurs, comme on devait le faire
pour un tel enfant, dit Gervais. Henri n'avait alors que neuf
ans. Il en passa quatre en Angleterre avec le comte de Glo-
cesler, faisant des progrès rapides, et ne se distinguant pas
moins dans les exercices du corps que dans les exercices de
l'esprit. Au bout de ce temps, le comte d'Anjou, souhaitant
ardemment de revoir son fils, Robert le fit embarquer pour
la France, en regrettant toutefois qu'on éloignât ce jeune
prince d'un pays auquel sa présence était d'autant plus chère,
qu'on supportait avec plus d'impatience le règne d'Etienne,
464 HENRI II, ROI DANGLETERRE.
XII SIECLE, regardé comme usurpateur. Henri était animé du même
sentiment. Deux ans s'étaient à peine écoulés depuis son
Guiiiaum. de retour dans sa famille, qu'il repassa en Angleterre avec un
^*"^ GcVv' de Srand nombre de seigneurs qui lui étaient dévoués, et y fut
c»ni. p. 1366. reçu chevalier, avec la plus grande solemnité, par David,
— J. de Hexam, ^qJ (j'ÉcQsse, SOU oucle. Dans les deux années que Henri
p. 277. — Uicel _, , 1 • 1,11,,.
p. 810, 525, avait passées en France, son père lui avait cédé le duché de
aie. - Bromi. Normandie.
du M anli'ig ^^ ''^' ^^"^ '^ colleclion intitulée Historias Anglicans»
scriptores deceni , une lettre dAilred, abbé de Rival, qui peut
P. 347. servira nous faire connaître les sentimens inspirés par Henri,
dés sa première jeunesse : il est vrai que la lettre est adressée
à ce prince lui-même, et, il est alors permis de croire, que
l'éloge y est plutôt exagéré qu'afaibli ; mais en en retranchant
ce que peut y avoir ajouté la complaisance ou la flatterie, on y
retrouve le fond de ce caractère, de cette conduite, annoncés
par les auteurs contemporains, et que loue encore la
postérité.
Ailred parle d'abord au jeune duc de Normandie de la
réputation que lui ont déjà faite ses vertus, de l'admiration
universelle qu'on a pour lui : In tali asiate tanla sapientia,
in tantis deliciis tanta continentia, in tantts negotiis lanla
providenlia, in tali sublimitale laits severitas, in lali severi-
tate talis benignitas. Quis non obslupeat, continue-t-il ,
juvenem pro regno certantem àbstinere rapinis , caedibus
parcere, cavere incendia, nullum gravamen inferre paupe-
ribus, pacem et reverentiam ecclesiis et sacerdotibus conser-
vare ! Unde, non immeritù, Andegavensium gloria, Norma-
norum lutela, spes Anglorum, Aquitano7~um decus, ab omnibus
praedicatus.
On a pu remarquer dans ce passage les mots pro regno
certantem et Aquitanorum decus. Henri, en effet, devenu
duc de Normandie, en 1 1ÎS0, à l'âge de dix-sept ans, épousa,
deux ans après, Eléonore d'Aquitaine, qui elle-môoie lui '
Dic»io, p- ^26. g^,3jf fgjf témoigner le désir de ce mariage qui fit perdre
— Gcrv. p. 1371. . , _ t ft ■ 1 r» • !• * >t
— Bronii. p. à la France la Guienne et le Poitou; et, d un autre coté,
•045. Henri avait commencé à manifester l'intention que devait
lui donner sa naissance, et que les Anglais étaient si
portés à seconder, de remonter sur un trône où sa mère
aurait dû être assise, et dont le roi Etienne l'avait dô-
pouilh'k;.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 4C;j
Élienne avait alors un 61s nommé Euslaclie, à qui il complait mi siëclk.
laisser ses états ; mais Euslache étant mort avant son père,
cet événement ramena ce monarque vers le duc de Norman- . Diccto, p.
,. ^ . ,. , , ^ . 327. — Maili. de
die. Etienne 1 adopta , et le reconnut pour son successeur, wesim. p. i2.
Les deux princes étaient encore en guerre, quand Eustache -Ccrv. p. i37i
mourut. L'accord fait entre eux prit ainsi la forme d'un ''"• ''■
traité. Ce traité , imprimé dans le Codex leguni veterum
de Spelmann et dans la grande collection de Rymer, a pour
disposilitions principales, la transmission du royaume à Henri
et à ses enfans ; l'hommage et le serment de fidélité du duc
de Normandie au roi ; des promesses mutuelles d'amitié et
d'appui ; des ôlages donnés à Henri pour les châteaux de
la couronne qui lui ap[)arliondraicnt quand il deviendrait
roi; la détermination des terres et domaines accordés ou laissés
à Guillaume, fils d'Etienne, et l'assurance qu'il en jouirait
paisiblement, sous l'obligalion néanmoins de reconnaître le
nouveau roi , de lui prêter hommage , de lui donner des
gages de fidélité ; l'hommage à prêter aussi par les seigneurs
qui n'avaient pas été jusqu'alors vassaux du duc, et par
les habitans des villes du domaine du roi : la justice continua
d'être administrée au nom d'Etienne, qui se soumit à ne
rien faire d'important, pour le gouvernement du royaume,
sans consulter Henri. Les évêques devaient contraindre, par
des censures ecclésiastiques, celui des deux qui violerait ce
traité.
Guillaume dont il est ici parlé était un bâtard du roi. *^erv. p. 1370.
Plusieurs historiens le font conspirer à celte époque contre
Henri. Si la conspiration eut lieu, elle effraya peu le jeune
prince ; car, au lieu de rester dans les états qu'il venait d'ac-
quérir, et où il pouvait craindre les intrigues et les efforts de
son compétiteur, il passa presque aussitôt en Normandie. Dans
le temps qu'il était en Angleterre, ayant à peine seize ans, c'est-
à-dire en 11 49, il y avait fait quelques actes d'une véritable
souveraineté.
Les espérances que l'Angleterre fondait sur le caractère et les
talons de ce prince, le désir qu'elle nourrissait de le voir monter
sur un trône qu'il illustrerait par des actions et des vertus
consacrées au bonheur et à la gloire de son peuple, sont encore
y , . , , llcnn (le Hun-
exprimésdans une pièce de vers faite en 1153, au moment ou le liugi. ,,. 591;.
duc de Normandie arriva dans un royaume que le roi Etienne
livrait à tant de malheurs. C'est l'Angleterre qui s'adresse au
jeune Henri ;
Tome XIV. N n n
40C HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE. ])ux Henrice, nepos Hennci maxime mngni
— .\ngli(t celxaruo, nec jatii ruo iota ruina.
Dicere vix possmn, fueram ; sum namque recessit.
Si miki, (lute miseris supcrest , vel xpes superesstf,
Chimarem miserfre, veni, succurre, résiste.
Nam sumjvre fui juris, potex, érige lap»am :
Sedniinc ora rigeni ; nnnc vox.fiunc vita, recedunt.
Ai quia clamor ailest., Vunit ! ingeminant qnoque, Venit.
Qitis di'x ille diicum. puer (ninis, mente senilii !
Gemma virûm. vir ave, mea "pe-i, dum .^pe-^ miki, salve,
Sera renis; pcrii : clames tamen. Anglia surge,
Immo resurge : t/iam refera fiii, morfiia, vifam.
Ad voceit' redivivatuam. po!^t fata resiirgam.
Le poëte retrace ensuite les maux faits par Etienne à l'Angle-
terre, et il finit par ces vers, toujours adressés au jeune duc de
Normandie :
Placei pax sol a milii, discordia régi.
Pacem sero lero. pacem tiùi -iiniguine /juaro
Dvlcis alumna mci, cui tanta pericula si/mpti.
Tepodar, si pace tamen per me p'diare ;
Si aecus, etnoriar, ne te vid^am morienfetn.
Etienne mourut l'année suivante, et lavènement du duc Henri
au trAne d'Anglelorro fui un grand sujet de joie pour tous les
Anglais. Le senlimenl qu'ils éprouvèrent est encore exprimé
H. de iiun. dans CCS vcrs d'un auteur contemporain :
p. 399.
Bex obiit. nec reye carcn/i caret anglia pace :
Hac, Henrice, créai miraculaprimus in orbe.
Per le. ned. .sine te.frnitur tamen anglia pace.
Hac auroru tues pravetsit, l'/iceLe, nitoret.
JScce feni.s radium, radii lunl advenient ia
Certajides, kilaris clemenlia. caula pote.slas.
Lenejiigum, vindicla decens. co'rectio dnlcin,
Cadia amor. libratus kvnor, franata volvptai.
Hii igitur radiis dum. sceplra décora décoras.
Tu diadema magis (juam tediadema perornat.
Anglia. lethall jamdiidum frigore tnrpen.s,
Nunc .solis ferrore m/ri rediviva calescejis,
Erigi.s impressum ttrrie caput. et vacualix
Liill. l. Il,
2 et SUIT.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE 467
Mœstitia lacrymi», pro lœtUid lacrymaris, XII SIECLE.
Citm lacrymu htrc verba (uoprofundh alumno :
Spirilus et, caro sum, te mine Intrante, revixi.
Les premiers vers font allusion au temps qui s'écoula entre la
mort d'Etienne et l'arrivée du nouveau roi en Angleterre.
Etienne mourut en effet le 25 octobre 1154, et Henri n'arriva
à Londres que dans les premiers jours de décembre. II avait
voulu, avant de quitter la Normandie, en assurer et en régler
l'administration de manière qu'elle n'eût pas à souflrir de son
absence.
Les guerres nées entre le roi Etienne et le jeune Henri,
les succès qu'obtint souvent le duc de Normandie, le traité
qu'il conclut avec le roi d'Angleterre, les causes et les cir-
constances de son mariage avec Éléonore, les malheurs qui
le suivirent, tous ces objets, qui appartiennent si bien à
l'histoire générale, appartiennent peu à une histoire litté-
raire en particulier. Nous croyons donc devoir les passer sous
silence : nous ne parlerons du moins de quelques-uns d'entre
eux qu'autant qu'Us seront le sujet des actes ou des lettres
de Henri, quand nous les analyserons. Nous passerons de même
sous silence toutes les actions de son règne qui sont purement
guerrières, comme linvasion du pays de Galles, ses combats
en Aquitaine, etc., etc., toutes les fois qu'elles ne seront pas
aussi l'objet d'une lettre de Henri II ou d'un des actes de son
administration.
On sait comment ce grand roi termina sa vie. Vaincu par
Philippe-Auguste, obligé de signer avec lui un traité auquel
quarante ans de gloire l'avaient mal préparé, trahi et com-
battu par l'aîné de ses enfants ( Richard-Cœur-de-Lion),
abandonné par le second ( Jean-sans-Terre ) , sur l'affection
duquel il avait le plus compté, Henri ne put supporter tant
d'infortunes. Il mourut après quelques jours d'une maladie
violente, au mois de juillet 1189; le 8 de ce mois, selon la "="■'• ^J'"*^-
chronique d'Anjou; le 7, ou le premier des nones de juillet , ■?■■>•
suivant la chronique de Saint-Florent de Saumur, imprimée
dans le cinquième tome de l'amplissime collection de Mar- P. 1U5.
tène, et suivant quelques autres écrivains ; le 6 ou le
deuxième jour des nones du même mois, suivant d'autres,
dont l'opinion est plus générale et plus vraie, et parmi les-
quels nous pouvons citer la chronique de Gervais, celle p j^g.
de Raoul, abbé de Coggeshale, imprimée aussi dans le cin-
Nnnà
168 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, qiiième tome de l'amplissime collection de Marlène, l'Art de
p. 814. _ vériQer les dates, Rapin-Thoyras, Hume et Tyrrell Alford,
■ ''■ ■* Guillaume de Nangis, Lilllelon, et plusieurs autres, se sont
contentés d'indiquer le mois, ou môme l'année de sa mort, sans
en indiquer le jour.
Ce n'est pas au Mans qu'il mourut, comme le dit la chro-
nique d'Hélinand, imprimée dans le septième tome de la
p. 20:-). bibliothèque des Pères de Cîteaux., mais à Chinon ; à Chinon
en Touraine, et non en Normandie, comme le dit, par une
T. I, p. lOîi. singulière erreur, le traducteur de l'histoire d'Angleterre par
Lillleton, erreur au demeurant qui n'était pas dans le texte.
Hume dit à Chinon, près de Saumur ; il aurait pu désigner un
autre voisinage; car, quoique ces deux villes ne soient qu'à
cincj à six lieues l'une de l'autre, elles ne faisaient pas partie
de la même province; la première est en Touraine, et la
seconde en Anjou,
sianfurd II. " ^"^^ enterré à Fontevrault ; et plusieurs siècles après ,
gencaiog. .les une fille naturelle d Henri IV, Jeanne-Baptiste de Bourbon,
■ ois d Angi. p. abbesse de ce monastère sous Louis XIII et sous Louis XIV,
64. — Tindal, • .^ iSi,
sur Rap. Th. lui fit ériger dans le chœur un monument, ainsi qua hléo-
p G''- nore d'Aquitaine, à Richard-Cœur-de-Lion, leur fils, et à
l'épouse de ce prince : on y réunit les statues des deux rois
et des deux reines, qui étaient placées dans difTérenles parties
de l'église.
Die p. 643. Raoul de Diceto, Alford, Duboulay, Duchesne, etc., nous onl
- Aif. an^ Hi*». conservé, dans leurs écrits, l'inscription qui fut mise sur son
e 7. Duboiil- "I 'Il
L II, p 475. - tombeau :
Duchesne, Hisl.
d'Angl. liv. XII, Siifficil Me lumulu» ciii twn iiiffecerat urdu ;
y- ♦'8. Jlg^ brevis est ampla cur fn'it ampla brevis.
Rex Henricus crain, mi/ii plurima 'e[ina mibegi,
MultipUcique mcilo, duxquc comt:!<qiie fui.
Ciii .salis ad votnm non istent omiiii lerrœ
Climala terra modo sttjic// vdo pednm
Qui legis liac, pcnxa discrimina ynortii, et in me
llumaniB specttli'm condilionis liabe
Qiiod p'iles inilunlernperarc bonum, quia mundut
Transit, et iiicanloi mors inopina rajiit.
L'idée principale de ces vers est une allusion à celte phrase
ambitieuse que les hislcjnens attribuent à Hinri II, que le
monde entier était bien peu de chose pour un grand homme,
p ,„jj tolum mundum uni potenti viro parvum esse, disent Bromton
p. 2392. et Knyghton.
HENRI II, ROI D ANGLETERRE. 469
Plusieurs écrivains nous ont aussi conservé le testament xii siècle.
d'Henri 11 II est en français, et peut-être n'avons-nous, dans """"""""
noire laneue , aucun monument de ce genre , plus ancien.
Harpsfeld"( siècle XII, c. 5) et Alford (an 1189, n. 8 ) en font
mention sans le donner. Gervais et Rymer l'ont publié en ^, ', ,,,
latin.
De quelquesLois et Institutions de HenriII,
dans les premières années de son règne.
Les troubles dont l'Angleterre fut agitée pendant le règne Bromt. p.
d'Élienne avaient nécessairement affaibli une puissance qui "^*'- "" ^"^■
I • iT I u j P- 1377. - Guil.
n avait pas su les réprimer. Un grand nombre de seigneurs JJ^ pieubi. liv.
s'étaient comme soustraits à l'obéissance du roi; et pour être ii. c. i. - Fiu-
plus sûrs de leur indépendance et de leur impunité , ils ?!'"'!''• J?' ''' ~
r r I ' Malli. Pans, p.
avaient fait de leurs châteaux autant de forteresses : Tôt es. — Hovcd. p.
regei erant, vel potius tyranni, dit Guillaume de Neubridge, *'"• — *"•
quot domini castelloy^um. Etienne, d'un autre côté, avait u^^^ "', \^ ~
appelé à son aide des troupes d'étrangers , et il ne les payait 402. — Liuiei.
qu'en leur permettant d'exercer beaucoup de vexations. Ce ' "' P' ^ "' ^
« , . . ,, „ . ■ • — Spelm. eod. p.
furent les premiers objets qui signalèrent 1 administration 319 _ Tyrrell,
du nouveau roi. Cet édit renvoya les troupes étrangères , et t ". p 298 ci
Guillaume d'Ypres, leur chef, qui avait été l'ami particulier ^^'
et le confident d'Etienne. Un autre édit ordonna de démolir
les châteaux fortifiés. Ces châteaux se montaient à plus de
1,100, suivant Math. Paris, Edouard Coxe et Blackstone. Biack. hv. 1. 1 7
Quant aux troupes, elles étaient principalement composées
de Brabançons et de Flamands, se répandant au hasard,
sans discipline et sans règle ; c'étaient moins des corps de
soldats que des bandes de vagabonds armés, lour-à-tour aux
ordres de différens princes, de différens seigneurs, soute-
nant aujourd'hui ceux qu'ils avaient combattus hier, pour
les recomballre demain encore , si on payait mieux leur
bravoure ou leur audace : souvent même c'était à leur
profit qu'ils s'armaient, sous le commandement de quelques-
uns d'entre eux qu'ils avaient choisis pour chefs. L'édit du
roi leur fixait un terme précis pour sortir d'Angleterre ; ils
y obéirent avec tant dépouvante et une si grande ponctua-
lité, que le pays entier fut à linslant même , par un seul
acte de la volonté courageuse du prince, purgé de tous ces
hommes qui l'infestaient depuis tant d'années : Quo edicto
XII SIECLE.
Brotnl. |)
lOiB. - S(.cliu
cod. p. 519. —
Hume, t. I, |i
402. — .Ml. an.
IISS, n. 7.
Kob du M ai
1164. - Lilll. -2,
f>. 9 — Tyiicll,
t. Il, p. 298.
II»T. p. 491.
— .S|iclni. cod.
p. ril8 - Hume,
p. 402.
Speliu. cod.
p 207, i>()8 cl
31S. -- llUcksl.
Iiv 4, c. 35. —
T\rrcll, t. H, p.
299.
470 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
pamfacti, dit encore Giiill. de Neubridge , ita in brevi di-
lapsisunt, ut quasi fantasmata in momento disparuisse vide-
rentur , siupentibus plurimis quomodo repente evanuissent.
Henri H fit en même temps rentrer dans le domaine de la
couronne un grand nombre de villes, de châteaux, de terres, que
son prédécesseur avait aliénées ; il révoqua même les dons
que la nécessité avait arrachés à Malhilde, sa mère, et celle-
ci napporla aucune opposition à une mesure si nécessaire
au soulagement du peuple et à la dignité du trône. Tout
cela n'eut lieu pourtant qu'après un examen attentif , fait par
des commissaires royaux, de tous les actes en vertu des-
quels ces biens avaient été aliénés au préjudice de l'état.
Ce ne fut pas sans beaucoup de réclamations et de murmures
que les détenteurs se résignèrent à les abandonner. Plusieurs
montraient la donation d'Etienne ; mais Henri leur répondait
que les dons faits par un usurpajeur ne pouvaient nuire au roi
légitime. Indignés d'abord , dit Bromlou , mais ensuite épou-
vantés et consternés , ils rendirent avec peine, mais eu en-
tier, les domaines envahis. Henri 11 reprit également à des
personnes qu Etienne avait nommées comtes, sans leur as-
signer un comté , le titre dont elles avaient été revêtues,
et le domaine qui devait les aider à soutenir ce titre nou-
veau.
Tous ces édils sont de Tannée ll^o. Ce fut en 1150, peut-
être même à la. fin de 115o, que parut celte déclaration de
Henri H, relative aux lois de ses prédécesseurs, un des actes
les plus mémorables de sa législation. Les différentes peu-
plades qui étaient venues successivement se fixer en Angle-
terre y avaient apporté leurs lois. La plupart des coutumes
anciennes avaient néanmoins subsisté. Le code national était
ainsi formé de principes divers, et souvent peu conformes
entre eux Frappé des maux qui en résultaient, Edgard eut
le premier la pensée de ramener dans la législation l'ordre
et l'unité; mais laclièvement de cet ulil^; projet était réservé
à Edouard, son petit-fils, (jue l'on désigne ordinairement
i»ar Edouard-le-Simple ou le Confesseur. Henri l*"" modifia
ensuite (pielques-unes de ces lois , en supprima ou en ajouta
quelques autres , et publia un nouveau code qui régis.sail
lAngleliirre quand Henri 11 monta sur le trône. Ce prince
ne larda point à le confirmer : nous avons l'acte de celte
confirmation sous le titre de Charla libertalum Anglise
régis Uenrici II. Les lois allnbuées à Édouard-le Confes-
Ir. I. Il, |..
cl s'iiv.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 471
seur, et que d'autres attribuent à Guillaume-le-Conqucrant, xii siècle.
qui , suivant eux, les mit lui- môme sous le nom de ce
prince, mort peu d'années avant la conquête de l'Angleterre
par les Normands, ces lois sont parvenues jusqu'à nous;
elles portent ce titre : Ce sont les leis et les coustumes que
Il rets Villiam grantut (accorda) à tut le peuple de Engle-
terre, après le conquest de la terre ; ice les nieismes que les
reis Edward sun cosin tint devant lui. Ducange en a donné '^"<^- i"'" ''<••*
une nouvelle traduction latine : celle-ci, la traduction plus
ancienne, le texte en vieux français, ont été conservés par
Houard, qui y a joint une traduction dans notre langue ac-
tuelle. Le même auteur a aussi imprimé, d'après Spelmann, les •'.2ii nsuiv.
lois données par Henri I<=^ Elles n'étaient en grande partie
que celles d'Kdouard-le-Confesseur. Elles eurent cependant,
sur queUjues objets , des dispositions entièrement diffé-
rentes ; et , parmi ces dispositions , nous pouvons remar-
quer, comme servant à mieux faire connaître plusieurs lois
de Henri II, celle qui rendit au clergé le droit d'élire les mark. liv. 4,
prélats, en laissant néanmoins subsister le droit de palro- '^' ""'
nage : celle qui laissait au roi la garde du temporel des églises,
en cas de vacance ; celle qui réunissait les juridictions ecclésias-
tiques aux juridictions civiles, union, au reste, dont le clergé ne
tarda pas à obtenir la révocation.
La loi qui confirme les libertés de la ville de Londres, ou _ Speim. co.i.
qui lui en accorde de nouvelles, fut encore un des pre- '' ' '
miers actes du gouvernement de Henri II. Cette loi, adres-
sée aux évêques, aux barons, aux juges, à tous les fidèles
du roi, assure aux liabitans qu'ils ne pourront jamais être
distraits de leurs juges naturels, qu'ils n'auront à supporter
l'exercice d'aucun droit de logement ; qu'ils jouiront , sous
les rapports de l'impôt et du service envers le roi , de plu-
sieurs autres privilèges, que nous aurons occasion de faire
connaître quand nous rappellerons les actes de son règne
concernant les revenus publics et la féodalité. Des Chartres
semblables furent octroyées à d'autres villes , et concou-
rurent à diminuer cet étal d'humiliation et de dépendance
où les barons avaient tenu jusqu'alors le peuple d'Angle- Liui. iiist.
terre. •'"'^"e'- '• '' i'-
L'année 1 1 56 fut marquée par un autre acte important de lé- uenri 11 [^ \\i
gislation et d'administration publique p. 281.
Le litre de l'argent monnayé avait été fort altéré pendant
le règne d'Etienne, Henri ordonna de fabriquer une mon-
^ 472 HENRI II, ROI D ANGLETERRE.
^11 SIECLE, jjajg nouvelle, et désormais elle eut seule cours dans le
royaume. Nous disons en 115G, d'après Roger de Hoveden
(page 491), qui a été suivi par Hume et d'autres historiens.
Mat. (le Wpst. Mathieu de Westminster , Raoul de Diceto ', Littleton ,
1». 44. - Diccto, placent en 1158 une fabrication de monnaies; mais c'est
p. 811 et »3o. — "^ , , , , , ,.,.,. -, , ,
Littiei. i. Il, i>. probablement la même qu ils mdiquent , ils la placent seu-
84 lement deux années après. Henri, né ant encore que duc
Hove . p. .. . j^ Normandie, avait ôlé leur cours à des monnaies que la
plupart des évoques ou des barons avaient mises en circu-
lation, et il en avait fait faire une nouvelle qu'on appelait la
monnaie du duc. Dans la suite , et bien longtemps après
Hovcdeii. p qu'il fut monté sur le trône d'Angleterre, en UNO (la vingt-
a97. — Guiii. lie septième année de son règne), Henri donna une nouvelle
Neubr. l.v. III, .' , , u- . r. r • • . 1
c 3. — Maiii. loi sur le même objet. Des faussaires avaient corrompu la
Paris, an. u»\ . monnaie publique; il la 6t refondre, et condamna les cou-
- Spcim Co pailles à de très-fortes amendes. Seize ans auparavant, en
p. 33.). — Tyir. r i
i. Il, p. 84. 1164, parmi les accusations proposées contre Thomas
Becket, il y avait eu, suivant le traducteur de Littleton,
celle d'avoir altéré les monnaies lorsqu'il était chancelier ;
Hisi iiAiij;! mais le texte a clé mal entendu, et Liltlelon dit que Recket
t. I, p. 100. j.^^ accusé d'avoir diverti l'argent de l'étal, les fonds qui
étaient dans le trésor du roi : Accused him of embezzling
the public money , While chancellor -. je ne crois pas du
moins (\\\embezzle doive avoir ici une autre signiBcation.
Gprv. p 1389 Gervais de Canlorbéry nous apprend effectivement que le
_ Voir !.• Quai- ,.qj p,^ demander compte à Thomas Becket de plusieurs évé-
tiloR. I, s. 20 , , , , ,1 ■ , ■ 1 , ,
çi 27. chés et abbayes iju il avait régies pendant leur vacance ,
dans le temps qu'il était chancelier, revenu qu'on faisait
monter à deux cent trente mille marcs d'argent, et que
Thomas répondit qu'en devenant archevêque, il avait été
libéré de tous les cngagemens auxquels il avait pu être
soumis comme chancelier. C'est pousser loin les privilèges
ecclésiastiques Le roi lui avait aussi redemandé cinq cents
livres d'argent qu'il lui avait prêtées, et Thomas avait ré-
Ridcvic. liv. pondu aussi qu'on ne les lui avait pas prêtées, mais don-
I, c. 7. i. VI. - nées.
74T"-LiurT. Une lettre de Henri H à Frédéric Barberousse , parvenu
II, p 187. depuis peu de temps à l'empire, doit être également citée,
par le désir qu'elle exprime dune alliance entre les deux
peuples, alliance qui aura, entre autres, l'objet el l'effel
d'établir un commerce sûr el libre dans les duminatioa'
respectives. Le roi d' Angleterre y offre d'ailleurs à Tempe-
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 473
reur Frédéric les assurances les plus vives d'amilié, de déférence xii siècle.
et de fidélité. La lettre est de 1 1 57.
Littlelon développe très-bien les premiers efforts de Henri
IF, et le succès qu'ils obtinrent. Grâce à la magnanimité de t. ii, p. 16 et 17.
cet excellent prince, dit-il, l'Angleterre, qui avait tant souffert
de la tyrannie et de l'esprit de faction, fut entièrement rétablie
dans ces droits légaux dont l'exercice devait lui offrir une
garantie contre ce double malheur. Henri ne se contenta pas
d'avoir rendu au peuple de bonnes lois; il en assura l'exé-
cution. Ce n'était pas une entreprise facile ; elle exigeait
toute l'activité de Henri II, son esprit, son caractère, son
amour ardent du bien public Sous le règne de son prédé-
cesseur, la loi était un vain nom. Lors même qu'elle n'était
pas suspendue par la violence, l'esprit de parti et liniquité des
temps corrompaient entièrement l'administration de la justice.
Les appels à la couronne, celle ressource constitutionnelle
et nécessaire du peuple contre les trop fréquentes injustices
des nobles, avaient perdu toute leur force ; le roi n'avait
pas la puissance d'accorder aux plaideurs un recours qu'ils
lui demandaient : ses sujets n'étaient sûrs ni de leurs
propriétés, ni de leur vie ; le glaive des méchans avait plus de
force que celui des magistrats ; et les crimes les plus mani-
festes étaient non-seulement protégés, mais récompensés,
s'ils étaient l'eiret de cette ardeur téméraire et sans remords
qui précipite dans les horreurs des guerres civiles Aucun
effort ne coûta au roi pour enchaîner les factions, pour rendre
à la justice toute sa vigueur et toute sa pureté, pour
rétablir dans son royaume le bon ordre et les bonnes
moeurs.
Actes et lettres de Henri II, sur les matières ecclésiastiques
en général, et sur Thomas Becket en particulier, avant
l'assemblée de Clarendon : statuts faits dans cette assem-
. Née.
L'appui qu'Etienne avait imploré et reçu du clergé pour
parvenir au trône, les efforts malheureux qu'il fit ensuite
pour se soustraire à la dépendance où les évêques cher-
chaient à le tenir, les dissentions civiles qui marquèrent
son règne, avaient également favorisé les entreprises ambi-
Tome XIV. O o o
:- 2 ♦
474 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, lieuses des ecclésiastiques (lu royaume. Une circonstance parti-
culière y introdiiisil aussi sans résistance des lois canoniques
nouvelles; ces lois, que Gratien venait de recueillir, que le pape
Eui,'ùne reconnut et sanctionna, dont la connaissance devint
un objet d'étude en Angleterre comme en Italie; car déjà on
les invoquait dans les querelles ecclésiastiques, et, par cela
miiiie, on eut bientôt des professeurs chargés de les
enseigner.
Etienne avait voulu faire exclure Henri du trône dAn-
gloterre. Tliibaut, archevêque de Cantorbéry, résista à
Etienne. Rocket, alors son chapelain, écrivit au pape,
DuboQiay, ^yec unc grande véhémence, pour Henri. Thibaut fut exilé,
ail ii5j~. 'Jt>. R^'nlré ensuite dans les bonnes grâces du roi, il contribua
beaucoup à assurer le trône à Henri, après la mort d'Etienne,
qui, dans l'intervalle, avait perdu Eustache , son fils
unique.
Diccio, p. Hcckel était archidiacre de Canlorbérv, quand Henri
V. x?,n. monta sur le Irône. Henri le 6t chancelier. Gervais dit que
ce fut sur la proposition de Thibaut, qui voulut donner au
jeune roi un des hommes les plus capabic.-î de lier ferme-
ment ensemble le trône et l'autel. On ne pouvait se m-eux
tromper dans ses espérances. A la mort de ce prélat, Becket
fut nommé archevêque de Cantorbéry. Il eût ainsi, pen-
dant quelque temps, la première place ecclésiastique et la
promièrn place civile du royaume. Il devait l'une et l'autre
à la bienveillance de Henri ; mais il ambitionna bientôt la
faveur du pape avec aulant d'ardeur qu il en avait mise à
ambitionner celle du roi, et devint le plus irréconciliable
ennemi du prince iuupiel il devait tant de bienfaits. Un de
ses plus glands panégyristes, Gervais de Cantorbéry, avoue
néanmoins que Thomas Becket fut, dès sa première jeu-
nesse, supra modum caplator auras popularis. Le même
défaut le rendit turbulent et factieux d'une autre manière ; le
parli du clergé, sa défense, était encore aura popularis
Diccio, j). pour lui. Ses mœurs changèrent dès qu'il eut conçu ce ,
5ôi. - r.eiv. |i. projet. Il alTecla autant de recueillement et d'austérité,
Maih Vai'is 7 *'" '' ''^'^'^ ' " jusqu'alors de faste, de magnificence, de
«y. — Giiiii. de sensualité. On prétend que le roi lui ayant annoncé le
Nc.ii)r p 39.1. dessein qu'il avait de lélire, Thomas lui avait répondu
Quadril. lir. I, . ' j i .c •
c. f. cl siiiv. - en souriant et en montrant les habits de cour dont il était
Tyireii. i. Il, revêtu : « Voyez donc quel est le saint homme que vous
'' ' voulez placer sur ce saint siège; » et qu'il avait ajouté : « Si
HENRI II, ROI DANGLETKRRE. 475
cela arrive , je perdrai bientôl voire amitié ; elle se convertira x" sikcle.
en haine pour moi. »
Bientôt, en effet, la conduite de l'archevêque de Cantor-
béry lui fil perdre toute la bienveillance du roi. Prélat
hautain et sujet indocile, il annonça ou favorisa des préten-
tions exorbitantes , et sembla constamment oublier (jue le
respect pour les lois et la soumission envers le prince est
un des devoirs que commande le plus cette religion chré-
tienne, dont il était devenu un des premiers ministres. Un
des maux (ju'avait produits l'oubli de ce principe, était l'im-
possibilité fréquente de réprimer et de punir des crimes.
Le clergé cherchait à se soustraire, par tous les moyens, à
la juridiction des tribunaux : mais devenus plus nombreux
par l'effet môme des privilèges qu'ils s'attribuaieni , ses
membres n'étaient pas toujours bien choisis , et de graves
délits étaient quelquefois commis par eux avec impunité.
Des recherches faites avec soin prouvèrent, dit un historien
connu par sa modération et son impartialité. Hume, que t. i, \>. ti8
des hommes de cette profession s'étaient rendus coupables
de plus de cent meurtres , depuis l'avènement du roi à la
couronne; et aucun deux n avait été traduit, pour son crime,
devant les tribunaux. Un prêtre enfin du digcèse de Salis- Qiinci.ii. liv.
burv, avant assassiné un gentilhomme du comté de Wor- " *„ ' '^i,,
J ' - ^ " ^ — Ua|>. Tlioyr.
chester, après en avoir corrompu la fille, le roi voulut que t. i, ,, iss. -
les magistrats infligeassent à ce misérable le châtiment qu'il ^i'.î- '■ "• ''•
méritait. Becket le Ut enfermer dans la prison de l'évèque,
et soutint que la dégradation était la seule peine à lui faire
subir. Henri demanda que, quand la dégradation aurait été
prononcée , les tribunaux ordinaires prononçassent à leur
tour la punition due à de tels crimes. Becket prétendit (pi'un
ecclésiastique ne pouvait jamais être condamné à mort Le
roi déclara, au contraire, qu établi pour rendre la justice à
tous, il ne souffrirait pas que des coupables, quels ([n'ils
fussent, pussent l'être impunément ; loin de croire que Dieu
autorisât de pareilles exemptions, il croyait ([ue la saiiilelé
même de leur ministère devait plutôt ajouter a la peine que
la faire abolir. L'archevêque de Cantorbery insista en disant
qu'une punition avait élé prononcée , et que ce serait une
chose inique de faire deux fois le procès à la même personne
sur une seule et même accusation. Le roi ne put supporter
plus long-temps l'idée d'une aussi révoltante impunité. Les
privilèges sur lesquels on la fondait lui parurent mériter
Ooo;J
476 HENRI I[, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, d'être soumis à un examen approfondi ; et, pour y apporter
enfin de justes bornes, pour rendre à la juridiction civile les
droits qu'elle avait long-temps exercés, que toutes les an-
ciennes lois lui assuraient , et dont cependant elle était ,
chaque jour, dépouillée de plus en plus par les entreprises
du clergé, il résolut de convoquer une assemblée générale des
prélats et des premiers personnage? de l'empire. Il était devenu
nécessaire, dit encore le sage historien que j'ai cité, de déter-
miner lequel devait être le souverain du royaume, si ce serait
le roi ou les prêtres, et l'archevêque de Cantorbéry en parti-
culier.
Plusieurs fois auparavant, il avait essayé de ramener Thomas
Becket à l'obéissance et d la modération. « Plusieurs des grands
du royaume avaient secondé ses désirs, en représentant au
prélat, dit Fleury, les maux qu'une division produirait, et l'im-
prudence qu'il y avait de tout perdre pour un petit mot ; car il
ne s'agissait que de cette clause, sauf notre ordre. » Ces der-
niers mots seront bientôt expliqués. Roger de Hoveden parle
des efforts tentés par quelques évèques, et du succès qu'eut enfin
sur l'archevêque de Cantorbéry un religieux de l'ordre de
(liteaux, qui avait toute la confiance du pape, Philippe, abbé de
l'aumône, que le traducteur de Hume appelle assez mal-à-propos
abbé d'Eleemosyne.
L'assemblée des seigneurs et des prélats, convoquée par
Henri H, se réunit à Clarendon, au mois de janvier 1164. Les
résolutions qu'elle prit sont célèbres encore sous le nom de la
ville oîi elles furent proposées et adoptées.
Seize articles composent les statuts ou constitutions de
Clarendon. Plusieurs écrivains les ont recueillis , et entre
autres Gervais , dans sa chronique ; Mathieu Paris, dans sa
grande histoire ; Tyrrell, dans son histoire ecclésiastique et
civile d'Angleterre, Baronius et Alford, dans leurs annales;
Spelinann, dans ses conciles d'Angleterre et dans son Codex
legum velerum statulorum regni Angliœ ; Duboulay , dans
son histoire de l'université de Paris ; Rymer, qui les analyse
plutôt (ju'il ne les donne, dans le dixième tome de son im-
portante collection ; et Lillleton dans le second volume de
son histoire de la vie de Henri 11 et du siècle où il vécut.
Quoique les seize articles ne soient pas tous précisément
l'ouvrage de Henri, quoiqu'il ne fasse souvent que renou-
veler ou confirmer ce que ses prédécesseurs avaient déjà
ordonné, nous devons d'autant plus en rappeler les dispo-
HENRI il. ROI D'ANGLETERRE. 477
sillons, qu'elles furent un des objets les plus actife et les plas con- x" siècle.
stans des méditations du roi, un des principaux actes de son
gouvernement et de sa législation, et que plusieurs des lettres on
des autres écrits dont nous aurons à parler dans la suite de cet
article se rapportent avec plus ou moins détendue aux consti-
tutions de Clarendon.
Le premier article porte que, s'il s'élevait quelque diffé-
rend ou entre des laïques, ou entre des clercs, ou entre
clercs et laïques, il serait discuté el ja^é dans la cour du roi ;
In cunâ domini régis teyminelur. Le texte est formel, et ce-
pendant Hume parle des tnhunaux civils en général ; Shouid
he determined in the civil courts- Dans plusieurs de» écri-
vains que nous avons indiqués comme ayant recueilli les
constitutions de Clarendon, 1 article ne caractérise pas la
nature, l'objet du différend qui pourrait sélever ; mais on
voit, par le contexte même, qu'on a voulu parler du droit
de présenter aux bénétices ecclésiastiques, du droit de pa-
tronage. Cela est même exprimé, dans l'article rapporté en
latin par Spelmann, et dans celui que donne en anglais lord
Litllelon. Gervais et d'autres s'étaient bornés à dire : 5i contro-
versia emerserit.
Les églises du fief du roi, dépendantes de son domaine, porte
le second article, ne jHjurront, sans son consentement, être
aliénées à perpétuité.
Le troisième article veut que les ecclésiastiques accusés
d'un crime quelconque, sommés de comparaître devant une
cour de justice du roi, soient tenus de s'y rendre et d'y ré-
pondre sur tout ce qui leur sera demandé ; les juges séc^j-
liers se concerteront, à cet égard, avec les juges ecclésias-
liques ; si les accusés avouent leur faute, ou s'ils eu sont
convaincus, léglise ne pourra plus leur accorder aucun appui.
Jamais une loi n'avait éié plus à propos rappelée ou établie,
puisque, tout récemment, Becket avait affecté de croire
qu'un ecclésiastique coupable de séduction et de meurtre
était assez puni par la privation de son bénéfice et l'empri-
sonnement. Une indulgence si reprébensible pouvait d'autant
moins être approuvée j.>ar un monarque ami de la justice,
que les lois anglaises pronontjaient la peine de mort contre
l'homicide. Mais une chose plus difficile encore qu'une telle
approbation par un tel roi. c'était d'obtenir qu'un tel prélat
n'excédât pas toutes les bornes, ne réclamât pas, sous le nom
de privilège, une véritable impunité, quand il s'agissait duo
ecclésiastique.
478 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE. L'article 4 défend aux archevêques, aux évêques, à toutes
les personnes constituées en dignité ( personis 7'egni, dit le
texte, et je crois que c'est ainsi qu'il faut l'entendre; Little-
ton, néanmoins, n'applique le mot persona qu'aux ecclésias-
tiques ; il traduit and any dignifîed clergymeti ofthe realm :
Tyrrell dit généralement, or any other peraons ofthe kingdom),
il leur défend de sortir du royaume sans la permission du
roi. S'ils en sortent, on pourra prendre d'eux assurance ou
caution qu'ils ne feront rien, en allant, en séjournant, en reve-
nant, qui apporte quelque malheur, quelque dommage au roi ou
à l'étal.
On n'obligera pas les excommuniés, dit l'art. 5, à donner
caution qu ils ne s'absenteront pas, ni à faire aucun serment :
ils la donneront seulement de comparaître pour obtenir
l'absolution de l'église. Il y a dans le latin non debent dure
iiist Ecri ^o,dinm ad remanens ; et Fleury rend ces derniers mots par
XV, p. ii.8. caution pour le surplus- Je doute que ce soil là le sens, et je
pense que ad remanens exprime ici l'action de demeurer, de
rester dans so-i 'omicile. Du reste, il y a dans le texte donné
par Spelmanu, ad remanentiam, ce qui est plus formel en-
T II 11 387. core. Littlelon traduit la give any securily by way of depo-
sit ; il laisse ainsi de côté le mot cpii pourrait offrir quelque
dillicullé. La traduction de Tyrrell peut expliquer ce que
Litllcton a dit pourianl, assez long-temps après lui : Money
or some other l'U'ige deposited in Ihe bishop's court.
L'art. G détermine comment des laïques pourront être ac-
cusés devant le tribunal de l'évèque, le caractère que devront
avoir les accusateurs cl les témoins, la nécessité de conserver,
en recourant à ce tribunal, tous les droits de l'archidiacre. Si les
prévenus sont tels, ajoule-t-il, que personne ne veuille ou n'ose
les accuser, le vicomte re([uis par levèque appellera, en pré-
sence de celui-ci, douze hubitants ou voisins ayant les qualités
prescrites par la loi, et leur fera promettre avec serment de dire
la vérilé, suivant leur conscience.
Le lexle désigne par légales homines les habilans qui de-
vront être choisis. 11 avait dit [)lus haut légales accusatores
et testes, en parlant do ceux (pu |)Ouriaienl former l'accu-
sation ou la i;aranlir. By légal and reputable [ ii^i bonne
réputation ) promoters and witnesses ( témoins ) , traduit
Hume, t i, p. 420. Légales veut dire ici des hommes qui
peuvent ester en droit, qui ont la capacité légale ou les
caractères reconnus par la loi, pour quelle admette leur
HENRI II, ROI D ANGLETERRE. 479
accusation, leur témoignage, pour que foi soit accordée à xii siècle.
leur déclaration, à leur opinion ; et non certains et légitimes,
comme le traduit Flcury (t. 15, p. 108), ni loyaux, comme
d'autres le^ traduisent. Ce n'est pas précisément une qualité
morale que ce mol doit indiquer, c'est une qualité civile ou
légale, une manière d'(Mre devant la loi et d'après les règles
qu'elle établit. Pour ester en droit, pour être legalis homo,
il fallait avoir un revenu délorniiné, cl qui n'élait pas égal
quand l'objet des discussions ou des poursuites était diffé-
rent ; on I exigeait bien moins considérable pour prononcer
sur une dette, sur un léger dommage, que sur une propriété
foncière ou sur un crime. Du reste, celte ideo de confier la
décision à douze personnes recommandables dont on reçoit
le serment, fut encore empruntée des lois françaises par la
législation anglaise : elle se trouve dans nos Capitulaires, et
même dans la loi salique. (Loi saliq., c. G1; Capitul., lib. 3,
c 9 et 64.)
Art. 7. Aucun vassal immédiat du roi, nullus qui de rege
teneat incapite, aucun officier de sa maison, ne pourront être
excommuniés, aucune de leurs terres ne pourra être mise en
interdit, qu on ne se soit d abord adressé au prince, s'il est dans
le royaume, et, s il est absent, au grand justicier, afin que
justice soit rendue : tout ce qui sera du ressort de la cour du
roi y sera terminé, et ce qui pourrait concerner la cour ecclé-
siastique y sera renvoyé
Art. 8 Les appels seront portés de l'archidiacre à l'évêque
diocésain, de l'évêque à l'archevêque; si l'archevêque man-
que à faire justice, on s'adressera au roi, afin que, par son
ordre, la contestation soit jugée dans la cour archiépiscopale,
de sorte qu'on ne puisse aller plus loin sans l'assentiment
du roi.
Art. 9. S'il s'élève quelque différend entre un laïc et un
ecclésiastique, touchant des tcnures que celui-là prétendrait
fiefs et celui-ci aumônes, le grand justicier décidera, après
avoir entendu douze notables; et, s'il est reconnu que la
lenure est en franche aumône, la cause sera portée devant
la cour ecclésiastique ; elle sera portée à la cour du roi, s'il
est reconnu que la lenure est féodale. Si les deux parties
relèvent ou du même évêque ou du même baron, elles plai-
deront en sa justice, sans que, pour cela, le possesseur ac-
tuel puisse être dépouillé de l'héritage dont il sérail saisi,
(jusqu'au jugement définitif sans doute); le sens de l'article
480 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE l'annonce assez clairement; mais il n'y aurait eu, je pense,
Ane. lois (les Fr. aiicun inconvénient à l'exprimer. Quant à la tenure en fran-
iiv.ii. c. 6. ^jjg aumône, en frank almoigne, comme disent les anciennes
lois, c'était le fond baillé à un ecclésiastique quelconque,
séculier ou régulier, sans aucune charge, in liberam elee-
mosynam.
Art. 10. Tout habitant d'une ville, d'un château, d'un
bourg, d'un domaine appartenant au roi, cité par l'archi-
diacre ou par l'évêque pour répondre sur une accusation,
pourra être mis en interdit sil ne comparaît pas, mais non
être excommunié jusqu'à ce (pi'il ait reçu du premier offi-
cier royal du lieu l'injonction de se présenter : si cet officier
manque à faire celte injonction, il sera mis à l'amende du roi,
et l'évêque pourra dès-lors contraindre l'accusé par la voie
ecclésiastique.
Le texte dit capitulis minister régis. Un écrivain français,
Lair. 1. 1, p. qui a publié une histoire d'Angleterre, en citant l'article,
""'^ traduit ces mots par le juge criminel. Capitalis n'a aucun
rapport ici avec les peines à prononcer ; c'est principal qu'il
iiisi. de lien- veut dire, le principal officier du roi. Littleton l'a entendu
■' "• '• "• I' ainsi : King's chief-officer ofthe toion.
n y a aussi dans le texte : Ipse erit in misericordia Domini
T. x\, |. \m régis. Fleury traduit il se rend à la miséricorde du roi; et les
autres écrivains qui ont rappelé ou traduit en français, en tota-
lité ou en partie, les Constitutions de Clarendon, donnent la
même interprétation. C'est un conire-sens grave. Misericordia
veut dire ici amende; il paiera une amende au roi, et l'évêque
pourra le contraindre par les voies ecclésiastiques. Je ne crois
pas qu'il puisse y avoir de doute sur le sens que j'indique.
L'amende tirait ce nom de ce qu'elle était à la volonté du roi,
ou du juge en son nom ; qu'il dépendait de sa clémence, de
sa miséricorde, de la réduire autant qu'il le voulait. Edouard I"
la remet lui-même dans des lettres-patentes du XIII" siècle,
T. I, part. 2, recueillies par Rymer ; Misericordiam ad nos spectantem-
^■'-•'- perdonavimus ; et dans les lois même publiées par Glanville,
Liv. IX, an. 10. sur le règne de Henri II , on trouve : Misericordiam quas indè
provenit vice comiti.
Diccio, p. 53G. Un fait qui s'était passé l'année précédente avait prouvé
combien l'article que nous venons de rapporter était néces-
saire. La cure d'Ainesford ayant vaqué, Thomas Becket y
avait nommé un prêtre appelé Laurent. Guillaume, seigneur
du lieu , réclama son droit de patronage , et s'opposa , en
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 481
conséquence, à ce que Laurent prît possession. Becket excom- xii siècle
raunia Guillaume Le roi fut indigné de cette conduite, et d'au-
tant plus que, depuis Gnillaume-le-Conquérant, c'étail'un prin-
cipe invariablement reconnu et suivi, qu'un vassal immédiat de
la couronne ne pouvait être excommunié sans le consentement
du prince.
Art. 11 Les archevêques, évêques, et autres, relevant immé-
diatement du roi, 01 ayant leurs possessions à titre de baronies,
ils sont tenus de répondre sur col objet à ses juges et officiers, et
de garder et observer toutes les coutumes royales et tous 'les
droits du prince ; ils doivent assister, comme les autres barons,
aux jugemens de la cour du roi, jusqu'à sentence de mort ou de
mutilation des membres.
Art. 12. Le roi percevra, comme siens, les revenus d'un
archevêché, d'un évêché, d'une abbaye, d'un prieuré de son
domaine, pendant la vacance L'élection, quand on y procédera,
se fera dans sa chapelle, de son consentement, par l'avis des
personnes les plus distinguées de l'église vacante, réunies autour
de lui, et par ses ordres. L'élu y fora hommage-ligeau roi, avant
d'être sacré, de sa vie, de son corps, de sa'dignité temporelle,
salvo online suo.
Art. 13. Tout seigneur qui s'opposerait aux jugemens
rendus par un archevêque, un évêque, un archidiacre, sera
forcé par le roi de s'y soumelire; les archevêques, les évêques,
les archidiacres, doivent contraindre de même ceux qui mé-
connaitraient les droits du monarque, à y satisfaire. Il y a
dans le texte si aliquis disfortiaret régi rectitudinem suam ;
il y avait auparavant si quisquam de proceribus defortiaverit
justitiamexhibere. Les deux parties de l'article sembleraient
devoir correspondre encore davantage, et c'est dans ce sens
que Lilllelon l'entend et le traduit: If any nobleman of the T. il, p. 429.
realm shall forcibly resist the archbishop, bishop, or arch-
deacon, in doing justice upon him or his, the king ought to
bring them to justice; and if any shall forcibly resist the king
in his judicature, the archbishops, bishops, and archdeacons,
ought to bring him to justice, that he may make satisfaction
to our lord the king. Les archevêques, évêques, archidiacres
doivent ici poursuivre ceux qui refuseraient d'obéir à une
décision des tribunaux du roi, les obliger à y satisfaire. La
phrase latine est moins précise. Le savant auteur de l'His-
loirc Ecclésiastique s'est encore trompé en traduisant le
conooiencement de cet article par ces mots ; Si ouelou'ttn des
TomeXIV. Ppp
482 HENRI n, ROI D'ANGLETERRE
XII siFXLE. grands du royaume refuse de rendre justice à un évêqiie,
- ' de, le roi la doit fair^e lui-même. Il ne s'agit pas du refus de
rendre justice, mais du refus dose soumettre à un jugement
rendu.
Art. 1 4. Les biens-meubles de ceux qui ont encouru la con-
fiscation au profil du roi, qui sunt in forisfaclo régis (mots
Firury, i- XV, insuffisamment traduits par ceux-ci: qui ont forfait au roi),
• 170. ne pourront être détenus par une église contre les droits du
prince ; ils lui appartiennent, qu'on les trouve dans l'église môme
ou hors de son enceinte.
Le mot que je rends par biens-meubles est catalla. Le traduc-
teur de Hume, ici et dans une occasion seniblublc, en parlant do
ce qui suivit l'assemblée de Clarendon, Initerprète \Mxr biens et
châteaux. 11 n'y a qu'un mol dans le texte ; mais, indépendam-
ment de cette observation, l'auteur avait dit chattels, expression
qui peut correspondre à catalla; ce sont les effets mobiliers, les
biens-meubles, et non les cliâtcaux : chattels, même en anglais,
ne signifie pas châteaux ; on se sert du mot castle pour l'ex-
primer.
Art. 1 3 . La poursuite des dettes, qu'elles aient ou non été con-
tractées avec serment, se fera devant les cours royales.
Art. 1 6. Les fils des paysans ne pourront être ordonnés qu'avec
le consentement du seigneur dans la terre duquel ils seront nés.
11 y a dans le texte rusticorum, qu'on pourrait traduire j)ar serfs
ou vassaux.
Rymcr, ou plutôt Leclerc, qui est auteur de l'extrait des actes
publiés dans le dixième volume de celte grande collection, nous
donne (t. 10, p. Il), comme faisant partie des Constitutions
de Clarendon, un article qui porte : « Les affaires de l'église,
qui ne regardent pas directement la religion, comme celles
qui concernent les dîmes, les réparations des églises, et autres
choses de celle nature, seront d'abord portées aux cours
royales. » Rapin-ïhoyras l'a in,séré de même dans son Histoire
d'Angleterre (t. 2, p. 190). Cet article pourtant ne s'y trouve
pas; il n'est ni dans le texte, que Gervais et Spelmann
nous ont conservé, ni dans la traduction française qu'en
donne l'abbé Fleury, ni dans la traduction anglaise de Litllelon,
ni dans Alford, ni dans aucun autre des écrivains que j'ai con-
sultés.
Si on peut aujourd'hui reprocher (|uek|ue cho.se aux Con-
stitutions de Clarendon, c'est de n'être pas assez favorables
aux droits du prince et de l'état, de les balancer |»erpéluel-
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 483
lemenl avec un pouvoir nécessairement subordonné, dont ^" siècle.
on fait ici comme une puissance égale. Mais il est juste de
se reporter au temps ou ces Constitutions furent établies.
Par le plus étrange renversement des bases sur lesquelles
reposent exclusivement l'ordre et la paix, des empires, les
rois avaient souffert que des lois leur fussent dictées par une
cour étrangère ; et le nom le plus sacré que les hommes con-
naissent, celui de Dieu, était devenu le prétexte de ces éton-
nantes usurpations , également protégées par la superstition
des peuples et la faiblesse, l'ambition même des souverains :
et lorsque (juclques-uns d'entre eux, plus courageux et plus
éclairés, voulurent essayer d'affrancliir le trône, ils ne firent
que d'inutiles efforts, el se virent contraints de plier eux-
mêmes avec plus d'humiliation encore parce qu'ils avaient
plus long-temps résisté, sous le joug qu'on leur voulait im-
poser. A de telles époques, comme dans toutes les circon-
stances difficiles des empires , quelques pas faits , quelques
efforts tentés, sup[)oscnl plus de courage et do fermeté que
n'en supposent , dans d'autres temps , les attaques les plus
illimitées, les plus universelles. Henri II mérita donc la re-
connaissance de ses contemporains et de la postérité, pour
avoir au moins voulu mettre quelques bornes aux envahis-
semens toujours croissans du clergé , et raffermir un peu
contre lui ce pouvoir civil et politique que chaque siècle
voyait s'ébranler davantage. On pense bien que les nobles
et généreuses pensées du roi trouvèrent des ennemis et des
censeurs. Parmi eux se distingua l'archevêque de Cantor-
béry. Tous les seigneurs, réunis à Clarendon, approuvèrent
el signèrent les Constitutions présentées ; les évoques aussi """''• P"
les signèrent, après avoir inutilement proposé une restric- k^' ~ Y»™" -
tion dont Henri II ne voulut pas, sauf les droits de l'église, i^'i'i*'- >■ ".
Becket les signa, comme eux, rontjnranl aussi à la restriction ^ ^,.^,* "'"'J:
proposée. 11 apposa lui-même son sceau, dit Hume d'après ceci. t. xv, p.
Fitz-Stcphens (p. 35), promettant de les observer loyalement, ''" "^ '"'"• "
de bonne foi, sans fraude ni réserve ; ce sont les mots du i\ eTsuiv.'^^'
serment qu'il prêta. Il ne s'en rétracta pas moins, (juand il P- *23.
apprit que le pape, inspiré par lui peut-être, ne donnerait
pas une bulle confirmalive de ces Constitutions ; il alla jus-
qu'à se suspendre lui-même de ses fonctions archiépiscopales ,
s'en reconnaissant indigne pour avoir signé. Bientôt cepen-
dant, il rétracta sa rétractation, puis se repentit de nouveau
Ppp2
484 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, d'avoir cédé, n'oublia rien enfin pour produire et accroître la
désobéissance et la discorde.
Les constitutions de Clarendon n'offraient pas seulement
l'avantage d'unir en un seul corps des articles isolés ; mais,
en les présentant à une assemblée oii les seigneurs laïcs as-
sistaient, le roi leur donnait encore le caractère d'une loi de
l'état , d'une loi plus solennelle. Il ne fesait , en même
temps , que consacrer par son autorité et la sanction des
principaux, du royaume , les coutumes invariables de leurs
ancêtres. Mais il commit une véritable faute en voulant les
soumettre à l'approbation du pape. Henri II avait pensé
qu'un pontife qui lui devait tant, puisqu'il l'avait reconnu
malgré la préférence donnée par lempereur Frédéric à son
compétiteur , s'empresserait de remplir un vœu si juste :
Alexandre, néanmoins, refusa de sanctionner dix des seize ar-
ticles dont ces statuts se composaient ; le premier, le troisième,
le quatrième, le cinquième, le septième, le huitième, le neu-
vième, le dixième, le douzième, et le quinzième. Cependant,
nous venons de le dire, les Constitutions de Clarendon
n'étaient pas des coutumes nouvelles. Les historiens et les
jurisconsultes de celte époque et des règnes suivans expri-
ment toujours l'action du roi et la décision prise dans cette
assemblée , par consuetudines avilas confirmare. Thomas
Becket léfe avait connues dès son entrée dans l'ordre ecclé-
siastique ; il les avait observées comme archidiacre de Can-
lorbéry ; il les avait fait observer comme chancelier du
royaume ; il savait mieux que personne quels droits elles
laissaient au prince, quelles obligations elles imposaient au
clergé, quand il fut promu à l épiscopat ; et on le voyait
alors anathématiser ceux qui pensaient encore ce qu'il avait
long-temps pensé Le clergé d'Angleterre reconnaît lui-même
Aci. Conc. t. l'ancienneté et l'utilité des Constitutions de Clarendon, dans
Fi'p'u/'y,* 1. XV, une lettre au pape sur la discusion qui avait éclaté entre le
p. 225. — Ep. roi et l'archevêque de Cantorbéry. Tous les vœux du prince,
Trde"c"nL - Y ^''■''' "^ tendent qu'à faire régner la justice quelques
Aif. an. 1167, clcrcs s'étaient livrés à des excès condamnables; en respec-
\. 35 ei 36. jg^i^ jgg droits de l'église, il a voulu rendre certaine la puni-
lion du crime. Le désir seul d'établir solidement l'ordre et
la paix l'ont conduit à renouveler des lois faites par ses pré-
décesseurs, et toujours observées par les ecclésiastiques du
royaume, afin qu'étant mieux connues de tous, on ne dis-
HEiNRl II, ROI D'ANGLETERRE. 485
putât plus sur elles à l'avenir; il les a présentées à une réu- ^" siècle
nion d'évéques et de grands du royaume , et voilà ce qu'on
proclame une mauvaise action, une méchanceté du roi, un
attentat contre l'église de Dieu. Les évéques écrivirent en même
temps à Thomas Becket, et, dans cette lettre, ils ne dissimulent vi, p ii'o'^ —
pas que si Henri avait mérité quelques reproches, c'était par Ec 126 .lu nec.
la faveur et la confiance sans bornes qu'il lui avait long-temps "^^ ^^' ^'^ ^'"''
accordées , contre l'avis de sa mère , malgré les murmures du p. 228."^^— Dicet'.
royaume et les gémissemens de l'église : Dissuadente 7}iatre, v 5*^ - Air.
regno reclamante, ecclesiâ Dei quoad licuit suspirante et inge- °"' '
miscenfe.
Le pape ayant continué de protéger l'archevêque de Can-
torbéry, Henri défendit de lui payer le denier de S. Pierre,
dont le pontife desirait d'autant plus la perception , qu'il
voulait retourner à Rome. Si l'on en croit Pierre de Blois, ce ^?!,l ^^V,' °^'
' p. ioi. — Baroii.
fut lui qui obtint du roi la permission de lever ce tribut. 11 an. ii64, s u.
le dit dans un pamphlet consacré à se justifier contre un dé-
prédateur de ses œuvres, contre un homme qui l'accusait d'être
le flatteur des rois et le délateur du clergé, moins pour se louer ,
ajoute-t-il, que pour rabaisser tant d'impudence : Ul un-
pudentiam tuam retundam, frons enhn meretricis facta est
tibi.
Actes et Lettres concernant Thomas Becket et la cour de Rome ,
depuis les constitutions de Clarendon "jusqu'à la mort de
ce prélat.
Le maréchal de l'échiquier s'élant plaint de n'avoir pu ""^e**- p ^9*-
obtenir justice de la cour archiépiscopale pour des terres 557 "!"ù"erv *"'
qu'il réclamait , et que détenait l'église de Cantorbéry, Tho- 1389. - suih.
mas Becket fut sommé de comparaître à la cour du roi, pour ''"'*■ P- '-■ ~
j ^i i-.f - . ^1- »^i. Hume, t. I, p.
repondre a la plam te formée contre cette église. Becket de- 424 - luu. i.
manda quinze jours pour présenter quelques irrégularités "• p- 396. -
sur l'appel du maréchal de l'échiquier ; d'autres disent qu'il ^"23'et Jly i'
annonça , pour toute réponse , qu'il ne voulait pas obéir. Tyrre:!, i. 11, p
Le roi , ayant alors assemblé tous les prélats à Northampthon, ^'*-
il se plaignit à eux , avec beaucoup de modération pourtant ,
du mépris fait par l'archevêque de la sommation de compa-
raître à la cour du roi. Appelé dans cette assemblée , Becket
y vint, avoua la non-comparution, et s'excusa en disant
? 3
486 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, que \q maréchal de l'échiquier, en formant son appel , ne
l'avait pas fait , suivant la couluine , en touchant l'évangile ,
mais en touchant seulement un livre d'hymnes. Une pareille
défense n'a pas besoin d'être caractérisée. La cour du roi pro-
nonça la confiscation des biens de Becket, comme s'étanl rendu
coupable de désobéissance envers le roi . sans qu'il put allé-
guer aucun motif légitime d'excuse , et les évoques adoptèrent
unanimement la sentence prononcée. Henri n'autorisa que trop ,
il sembla exciter même une telle sévérité; et malheureuse-
ment ce ne fut pas la seule qu'on exerça envers l'archevêque
de Cantorbéry. Des plaintes , justes en elles-mêmes , prirent
ainsi , par leur objet et leur direction , un caractère de tra-
casserie et de vengeance lout-à-fait mdigne d'un tel prince.
Il est vrai que tout ce qu'on peut réunir de bravades , de lé-
iiovod. i>. i!U. mérité, de haine, d'orgueil, Thomas Becket le réunit. Un
— Gcrvais, p. jour , par exemple , il affecta de se montrer dans le palais du
U6i ^23 "" ''°' ' ^^ ' suivant Liltleton , dans la salle même oii on était
i.iitci. iiist. réuni pour le juger; il affecta de s'y montrer la chape sur le
dAnyi. i. I, |«. jQg j,j ]g croix à la main , se plaignant toujours et mena-
86; llisl. lie . • ■ I ^ .
iicnii, II, t. II, Ç^nl toujours. Les evêcjues eux-mêmes s en mdignercnt.
|). 402. Gervais , si partial en faveur de Thomas Becket , répôle lui-
même ce (|ue l'évêque de Londres dit à ce sujet à l'ar-
chevêque de (Cantorbéry : ShiUiis hactenus fuisli , et ab liàc
stuUitiâ, ut video , non recedis ; hodie , in te , tua fatuitas
apparcbil. Thomas Becket sortit en disant , à ceux qu'il
rencontrait sur ses pas, des injures dilliciles à concilier
avec la piété ; il appela impudent bâtard un des frères na-
turels du roi , reprocha à un autre seigneur d'avoir eu son
père pendu pour félonie , s'abandonna enfin à tous les em-
porleiiicns qui pouvaient prouver combien il était peu maître
de lui (juand sa colère cnllammait son orgueil. Cependant, la
nuit même cpii suivit , il se déroba par la fuite à la condam-
nation qu il méritait. Il s'échappa déguisé , et parvint à se
réfugier en France,
iii.vpd. p l'.Mi. Henri II avait dé|)ulé vers Alexandre, qui était alors à
- _Spciin. ...j. gj,„g_ plusieurs évêqucs et seigneurs, pour lui porter ses
.'lui! l'v 7i, c'"« plaintes contre I archevêque de Cantorbéry; mais ils n'a-
<i '■uiv. vaicnt rien obtenu. Le pape s'était même refusé à envoyer
deux légats en Angleterre , comme le roi le lui proposait ;
et, peu de jours après ce refus, il avait donné audience à
Thomas Becket, avait partagé tous ses senlimens , l'avait
même autorisé à excommunier tous ceux qui n'approu-
HENRI W, ROI D'ANGLETERRE. 487
valent pas ses principes ou sa conduite, le roi seul excepté, xii siècle.
Becket n'épargna personne ; tous ses adversaires , quels
qu'ils pussent être, furent excommuniés, comme fauteurs, ou
comme défenseurs, ou comme approbateurs, ou comme observa-
teurs, ou comme propagateurs des constitutions de Clarendon.
Ces constitutions , qui Étaient une loi du royaume , et les
anciennes coutumes qui leur servaient de fondement, il les dé-
clara vaines et nulles, de sa propre autorité; et délia les évêques
du serment fait de leur obéir. Justement irrité de tant d'audace,
le roi s'oublia au point de bannir de ses états tous les parens
de Thomas Becket , les enfans même , de punir ainsi des
fautes du prélat plusieurs personnes qui ne pouvaient en être
complices.
La conduite de Becket, depuis son départ d'Angleterre, porta
le roi à prendre des mesures plus générales, des mesures qu'il
crut nécessaires pour arrêter ou réprimer cet esprit d'insubordi-
nation que fomentait l'arclievêcjue, et ([uo favorisait la conni- novd. ii. 4%.
vence du pape. Un édit porté en II 05 a les dispositions sui- — Bamn. an.
vantes. Henri était alors en Normandie. .'r'''^' ^" ■*■*.. »T
Ail. :iri nui,
1° Si quelqu'un est trouvé portant en Angleterre des lettres ;;. lis. _ Spei.
d'interdit, soit de l'archevêque, soit du pape, qu'on l'arrête, et '^'"' '*' ^^''- "
wi • . ; , -, Dubmil, I. H,
quon le poursuive sans délai, comme traître envers le roi et le p. 332. _ q„j,.
royaume. 'i''i- i>- it)7. -
2" Il est défendu à tout clerc ou religieux de passer en ^r •'« *• '''''^"n-
'^ \ liV. I, cp. 1.) cl
Angleterre sans une permission du haut-justicier; il faudra, suiv. — Tyrrell.
pour en revenir, des lettres émanées du roi même : l'empri- '• "> P- ^■'^*-
sonnement est prononcé contre celui qui ferait le contraire.
La première disposition de cet article est exprimée dans le
texte par nisi de iransfreiaiione habèat litteras justitiarum.
Justifiée pourrait signifier les juges en général ; mais Little-
lon le rend par king's jusliciary, et peut-être est-ce là le
véritable sens du mot latin. Tyrrel traduit cependant par
the justices.
3° et 4" Il est défendu d'appeler au pape ou à l'arche-
vêque , ainsi que de porter , recevoir , exécuter aucun de
leurs commandemens : celui qui le ferait sera mis et détenu
en prison .
5" Les évêques, abbés, prêtres, moines, clercs, laïques,
qui reconnaîtraient l'interdit seront chassés du royaume, sans
délai, eux et tous leurs parens. Les personnes ainsi exilées
ne pourront emporter aucun de leurs effets mobiliers : ces
effets et tout ce qu'elles posséderont .seront mis sous la main
du roi.
488 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII siEi-LE. go Les ecclésiastiques qui ont des revenus en Angleterre
seront sommés d'y rentrer dans trois mois ; s'ils n'obéissent pas,
tous leurs biens seront mis sous la main du roi.
7° Les évoques de Londres et de Norwick seront sommés de
comparaître devant les juges royaux, pour avoir, contre les lois,
jeté l'interdit sur la terre du comte Hugues. (Ils avaient aussi
fait publier, dans leurs paroisses respectives, sans l'autorisation
des juges, une excommunication lancée par le pape contre ce
seigneur).
8" Le denier de Saint Pierre sera levé et gardé (gardé dans le
trésor du roi) jusqu'à ce que le roi ait fait connaître sa volonté :
ce développement est en termes précis dans d'autres copies de la
loi, et dans la traduction anglaise de Litllelon, qui dit : Let
Peter-pence be no longer said to the Pope, but carefulUj collectcd
and kept in tke hing's treasury, and laid ont according to his
orders.
Spcim. cod. Une lettre adressée par Henri II à ses vicomtes ou sheritTs
\n^uu~\ t% ''enferme les principales de ces dispositions. On voudrait n'y
pas trouver l'article qui met sous la main du roi les biens des
parens des ecclésiastiques qui n'obéiraient pas à ses ordres ;
article d'une évid(!nte injustice, et qui infecte la loi que nous
venons de transcrire. Litllelon le rapporte même d'une manière
qui rend cette injustice plus sensible encore, s'il est possible :
And the possessions of ail who belong to them, of ichatsoever
degree, order , sex or condition they may be. L'article, tel
qu'il est dans Alford , porte en effet ; Et possessiones om-
nium eis pertinentium, cujuscumgue gradûs sint aut sescûs vel
conditionis.
Un mandement, encore adressé à tous les juges du royaume,
n'est que l'édil même, et presque sans changement dans les
termes : seulement l'article six, au lieu de prononcer la conûs-
calion des biens, ne la prononce que pour les revenus.
Une autre lettre, adressée par Henri II à l'évéque de Londres,
s'exprime ainsi : « Vous savez combien l'archevêque de
Cantorbéry s'est mal conduit envers moi et mon royaume,
de quelle manière il s'est éloigné. Je vous ordonne en consé-
quence d'empêcher qu'aucun de ceux qui l'ont accompagné
dans sa fuite, et qui auraient quelque revenu à percevoir
dans votre diocèse , puissent le toucher sans ma permis-
Spcim. f(«i. sion ; je voux aussi qu'ils ne reçoivent de vous ni conseil ni
p- 32ti. secours. »
B»ron. i. XIX, Nous plaçons l'édil du roi sous l'année 1165. Baronius.
p. 2» cl 836. -
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. iSQ
Alfonl ol Diihoulay lo placent sons l'année 1IG4 ; mais celle xii siècle.
dale paraît Irop avancée. Thomas Rcckiîl ne sortit d'Angle- Aif. an. 1I64.—
terre ([n'aii mois d'octoljre ; il traversa la Flandre, et s'ar- D"!")"'- p- 332.
rêta (juclques jours dans plusieurs monastères ; il ne dut
guère arriver auprès du pape avant le mois de décembre.
L'année, il est vrai, ne finissait qu'à Pûcpies ; mais on peut 5. 59, p. 13g.
croire, avec Alford, (|u une lettre dont nous allons parler
est anléiiiMiri' à la loi de Henri II. ,1e ne penserais pas ce-
pendant (|ue celle loi lui de beaucoup postérieure, et moins
encore qu'elle n'ait été lendue, pour la première fois du
moins (car elle fut renouvelée) (|uc plusieurs années après,
en M09, comme le supposent Gervais et Lillleton. L'encliaî- r.crv. p. itoo-
nement des fails semble déduire celle supposition. D'autres - Lmi'i- '■ n,
Il ÎJ7I .— Tvrrcl.
écrivains, au reste, indiqueiii à deux époques dilférenles t. 11, n. 300 et
deux lois cpii, portant les mêmes défenses et dirigées éga- 3'j2.
Icment contre les sectateurs de Becket et du pape, n'assujé-
tisscnl pas à des peines send)lables les actions qu'elles pros-
crivent ; dans une d'elles du moins, on Ironve expressément
ordonnées la castration et la perte des yeux si c'est un
ecclésiastique séculier, l'amputation des pieds si c'est un
ieligieux, la mort si c'est un laïque. Cela même nous porte
à croire, comme nous le disions, que les prohibitions et les
menaces de la loi sur cet objet furent, plus d'une fois, re-
nouvelées : la peine eut plus ou moins d'intensité, suivant que
le danger d'élre désobéi et les cfTels de la désobéissance paru-
rent devoir inspirer plus de crainte au roi.
La lettre que j'ai annoncée comme antérieure à ledit de liist. de Fr.
Henri II est de l'évèque de Londres ( Gilbert Folioth). Par nne '• ^^■' P J*38 et
. . ^ . ., 839. — Ep. de
autre qu'Alexandre III lui écrivait le 10 juillet 1165, ce pon- §. Thom. liv. i,
tife accusait le roi d'Angleterre de s'être écarté des senti- p- 37 et 38. —
■ •1 •. ly ,. 1 .A, • 1 ,- Baron, an. 1160,
mens qu il avait pour I église, de s être mis en relation avec . 24 ci suiv.
des schismatiques et des excommuniés, d'avoir forcé Tho-
mas de Canlorbéry à sortir du royaume. Il engageait l'é-
vèque de Londres à se réunir à celui d'Hereford, Robert de
Melun, pour faire changer de conduilf! à Henri, elle rame-
ner à la vénération qu'il portait jadis au Saint-Siège, pour
obtenir de lui qu'il ne s'opposât plus aux appels portés à
Rome, qu'il fît revenir Becket dans son diocèse, qu'il n'e-
xerçât et ne laissât exercer aucune vexation envers l'église.
Alexandre mandait en même-temps à Gilbert de recueillir
en Angleterre le plus tôt possible et de lui envoyer le
denier annuel de saint Pierre, de lui en faire môme l'avance
Tome XIV. Q 1 <1
490 illCNRI 11, ROI DANGLETERHE.
XII SIECLE, sur son propre argeni ou sur ce qu'il pourrait se procurer de
toule autre manière. Gilbert répondit qu'il avait vu le roi,
que ce prince aimait le pape comme un père, respectait
l'église romaine comme une mère, et qu'il leur obéirait tou-
jours, sauf la dignité du trône et de l'empire. Mais il se
plaint, ajoutait révoque de; Londres, de co qu'après vous
avoir servi de cœur et dame quand son appui vous était si
nécessaire, il n'a éprouvé que des refus toutes les fois qu'il
s'est adressé à vous. Quant aux appels, il pense (}ue, d'après
l'ancienne constitution du royaume, aucun clerc ne doit en
sortir pour une cause civile, s'il ne s'est d'abord présenté de-
vant les tribunaux pour s'y faire rendre justice : il ne s'oppose
pas à ce que ceux qui n'auraient pu l'obtenir recourent à votre
excellence { c'est le litre que Gilbert donne au pontife, qu'il
appelle aussi, dans la même lettre, votre sainteté, et votre
a\les&e, sublmiitas vestra ), et, promet de réparer tout ce qui
pourrait attenter à vos droits, après avoir loulofois assemblé
cl consulté l'église d'Angleterre. Pour l'empereur , le roi
ignorait que vous l'eussiez excommnnié : et quant à I arche-
vêque de Cantorbéry, on ne l'a point exilé ; c'est lui quia
volontairement quitté le royaume ; il est maître d'y rentrer
quand il voudra, pourvu qu'il se soumette à respecter des
coutumes dont il a lui-mêiue juré l'observation. Gilbert
invitait ensuite le pa|)o à rentrer dans les bornes de la mo-
dération, à ne pas se permellre des déniarclies qui pour-
raient éloigner à jamais l'Angleterre de son obédience, à atten-
iiisi. .1.- Fr. dre tout de la douceur, de la patience, et du temps. Alexandre
1. XV, (>. siô.- avait répondu qu il adoptait le sage parti que lévéque de Lon-
^"iiKo"' - E !' ^'•''^^ '"' conseillait, et avait écrit en même-temps à l'archevêque
lie s. Th. liv. I, de Cantorbéry de se tenir tranquille, au moins jusqu'à
'I' ^*'- l'Aques.
Hist. de Fr. Ôaus unc lettre de la même époque, adressée au collège
i. XV, p. mn. des cardinaux, Henri 11 répète ce qu'avait dit pour lui
...Z /''-?." '"■ levêque de Londres. Sans parler de tant d'autres choses,
IKili, j 1!l. rie. ' , ,
— Aif. an. 1160. lour dit-il, quand le |)onlilicat d Alexandre a ete conteste,
$. 7. ne. - Ep. ne me suis-ie pas décidé en sa faveur ? n'ai je pas engagé les
/,f ' ' autres à le reconnaître ? Il .s(! plaint vivement de co (|ue des
calomniateurs le présentent comme le persécuteur de 1 église ;
il proteste de son alVection cl de son obéissance pour le pape,
mais il veut qu'on lui laisse (;l lui reconnaisse les droits que
les pontifes antérieurs à Alexandre n'ont jamais contesté
aux rois ses prédécesseurs. Ce qu'il demande, relativement
HENRI II, ROI D ANGLETERRE 491
aux appellations, n'est que ce qui a toujours été fait, ce que xii .sifxle.
veulent les coutumes antiques du royaume. Le pape me
reproche, ajoute le roi, une alliance avec des excommuniés ;
mais lui-même m'a dit qu'il ne regardait pas comme excom-
munié l'empereur Frédéric , et je ne crois pas que , depuis
le temps qu'il m'a tenu* ce langage, aucune excommunica-
tion ait été lancée contre ce prince. En accordant ma fille
en mariage au fils de l'empereur, je n'ai rien fait que de
licite et d'autorisé par des exemples , par l'exemple de mon
aïeul en particulier, du roi Henri , qui maria sa fille à un
prédécesseur de Frédéric ( il veut parler de Mathilde qui
avait épousé l'empereur Henri V). Je ne la lui ai même ac-
cordée qu'après en avoir délibéré avec de sages conseillers.
( La princesse dont il est (juestion ici s'appelait Mathilde
également . le mariage convenu avec le fils de l'empereur
n'eut pas lieu, et elle épousa , dans la suite , un duc de
Saxe.)
Le pape me reproche enfin, dit Henri H , d'avoir chassé
Thomas de Cantorbéry ; il demande que je le rappelle et lui
rende son siège : mais il est faux que j'aie forcé ce prélat à
sortir du royaume,- il en est sorti de lui-même, par légèreté,
par méchanceté, par le désir de me nuire et de soulever contre
moi une opinion injuste , intentione et proposilo adversùm
nos malignandi, et nobis et famœ nostrœ maligne derogandi.
S'il veut revenir et faire ce qu'il doit à son prince, je ferai
pour lui ce qui lui est dû , d'après l'avis du clergé et des
seigneurs de mon royaume , conformément à nos anciennes
coutumes. Celui qui voudrait les détruire , ces coutumes ,
sera toujours à nos yeux un ennemi public. Je ne souffrirai
pas qu'on altère ou diminue des droits que les rois d'Angle-
terre ont toujours exercés, et que de saints pontifes ont
toujours reconnus. Quant à ce qu'il a voulu me faire insinuer
par vous, de ne grever ni les personnes ni les terres ecclé-
siastiques , Dieu m'est témoin (jue jamais je ne l'ai fait ni
permis.
Henri parle dans cette lettre de tout ce qu'il avait fait
pour le pape , quand le pontificat lui était contesté. 1! est
certain qu'en se décidant pour lui contre Victor (jue l'em-
pereur protégeait , le roi d'Angleterre avait assuré la victoire
d'Alexandre sur son compétiteur. La lettre du monarque a
été imprimée dans le quinzième volume de la nouvelle col- p. 762.
leclion des historiens île France; elle est datée de Rouen, et
Qqq2
492 HENRI lï, ROI DANGLETERRE.
XII SIECLE, écrite en 1160 : le roi y dit que croyant ])onne son éloclion,
et voulant assurer laiiilc de l'éj-'lise catholique, il le reconnaît
pour père spirituel et pontife suprême, (jue son peuple; et son
cleri^é le reconnaissent. Le parti (jue pril i< cette occasion
-01 ^^'^"''i " lui a été viveinenl reproché par Litileion. Lu cun-
■ ' '"' ' duite qu'Alexandre avait tenue ('tant cardinal , et qu. l'avait
mené à la papautr , aurait dû . .suivant cet historien , pré-
sager assez combien il serait ardent a (K'fiMidre k; syst-Vue du
pouvoir ecclésiasti jue ; tandis qiien -e réuniscanî à Vie o •
soutenu par l'emperetir, Henri n avait pas à craindre un [)apc
ennemi des rois. L'auteur develo|)[)(' cette opinion que je ni! fais
quindi(juer.
Henri parle également, dans sa lettre aux cardinaux., comme
Alexandre l'avait fait dans celle à l'évêque de Londres, de rela-
tions et d'alliance avec des scliismatitiues el des excommuniés.
Le reproche du pape portait sur une assemblée tenue à Wurtz-
Cuii -le Noni>r. bourg, en Fraiicoiiie, au mois de mai IIG.'), oîi des envoyés
i. Il, c. 16. du roi d Anglelerreavaienl paru dis[)Osésà reconnaître le succes-
seur de Victor, l'ascal 111, si Alexandre ne consentait enfin à
abandonner l'archevcupie de Cantorbéry, el à faire respecter
les coutumes d'Argleterre.
Nous avons une autre lettre du roi, adressée, en liGG, à
liv.T.'cp. où. — l'aii-hevtNiuc de Cologne, celui de tous les prélats favorables
Baioii. pt Aif ^, Victor, el ensuite à l'ascal, (pii paraissait avoir le [tlus
-"^Muia i II dinllueiicesur 1 empereur. « J ai longtemps désiré, lui écril-
|.. -ity. il, (lavoir un ju.-te motif de méloigner d'Alexandre el de ses
perlides carilina ix, qui osent mamtenir contre moi le Iraîlro
Thomas, aulrtlois archevêque! de Cantorbéry. J'envoie donc
à Rome, de I avis île mes barons el avec le consentement du
clergt' , plusieurs personnes considérabh's . pour demander
au pape el aux cardinaux de im; délivrer enlin d un homme
qui ma Iiahi, danniiller tout ce (pi il a fait, de promeltrc
par seriiieiil, peur eux et leurs succe.^.si'urs , d observer in-
violablem 'lit -t i(»'ij')urs nos («.utunies. S ils .se refusent à
qui'lqu ,ni(! di^ ne s deiiainie-;, ni moi, ni mes ])arons , ni
mon cleigé ne ic. onnaîtrons plus .son obédience ; nous com-
battrons même, lui el les siens , oiiveitemenl ; et tous ceux
de mes sujets (pii voadraieiil continuer à le reconnaître
seront chassés ilu rojaunuv Nous vous prions en consé-
quence de nous envoy(>r sur-Uï-chanip , ou Ernold , ou un
iiospilalier nommé Raoul, pour lacililer à mes députés leur
passage dans les étals de lempiMCur, en allant à R')mc el
HENRI II, ROI D ANGLETERRE. 493
en en revenant. » Ce prince lui envoya en effet Raoul. Celle xii siècle.
lettre, que Liltleton place sous l'année 11 60, lui a fourni quel-
ques réflexions aussi justes qii importantes.
Le pape ne s était pas contenté de tout refuser au roi ; il iJ'çcio, p. 539
avait nommé l'arclievt'que Tliomas son légat en Angleterre. ,7,, j*,' 1039°'—
Colle nomination, au moins imprudente, avait achevé d'ai- I0(i3 - Gciv.
grir lesprit de Henri 11. L'évècpu; de Londres, l'ayant reçue '^'''u** ^ *^'.f'
vers la fin du mois de janvier HGG, s'empressa d'en écrire it(j7, 5. 19.
au monarque. Une assemblée générale des prélats fui con-
voquée a Londres. Elle écrivit au |)ape contre Becket , et
appela de toutes les excommunications qu'il avait lancées.
(Guillaume de Pavie et Otlun furent envoyés comme légats ;
mais leur pouvoir ne s'étendait que sur les élats que Henri
avait en-deçà de la mer. Ils voyagèrent lentement ; car, partis
de Rome le l*^' janvier 1107, ils n'arrivèrent en Normandie
que vers le mois de septembre. Ce défenseur passionné de
la cour de Rome, Reckel, voulut refuser de les reconnaître
dès qu'il put craindre cpi ils ne lui fussent pas favorables ; il
y consentit cependant, par les conseils de Jean de Sarisbéry,
comme nous l'avons remarqué dans l'article de ce savant ci-dess p. 133.
prélat , qui ne négligea rien poui modérer la fougue et
l'obstination de l'archevêque de Canlorbéry. Plusieurs con-
férences eurent lieu sans succès; c'était en 1 108. En 1109,
de nouveaux amba.ssadcMirs furent envoyés par Alexandre à
Henri. Ils ouvrirent des conférences nouvelles, qui n'eurent
encore aucun résultat. C'est ici que Gervais et Liltleton
placent ledit dont nous avons parlé, sous l'année 1165 ; et,
dans le fail, il est probable que cet édil fut alors renouvelé.
Les dispositions en sont pareilles : seulement, on trouve ici,
à la fin de la loi, un ordre donné aux vicomtes d'en faire ^'^"- ''■ ^^*^'''
jurer l'observation à tous les Anglais au-dessus de l'âge de ,,. 57a
quinze ans.
Parmi les évi-nemens dont nous venons de présenter un rapide
sommaire, qucl(jucs-uns furent l'objet particulier de quelques
lettres de Henri H
La première est celle qu'il écrivit à Gilbert , évoque de Voir Aifoni,
Londres, quand Thomas Rocket eut excommunié ce prélat : ""• "*'^J ^!''
, . . I _ Ep. de S. Th.
«On ma instruit, lui dil-il, de ce que vient de faire contre liv. m, cp. ^7.
vous ce traître de Thomas; je n'en suis pas moins affligé que
s'il eût vomi • son poison contre moi-même. Soyez bien sûr
que je ferai tout ce qui dépendra de moi auprès du pape,
auprès du roi de France, auprès de tous mes amis, cl que
liv. III,
cil
.. '/!».
— Alford,
, ;iii.
1169 ,
5
•i .
Dul.oul.
i.
Il .
|). 353.
-
Uiiih.
l. IV,
I'
73t.
T. Il,
p-
im.
494 HENRI If, ROI D'ANGLETERRE.
XH SIECLE, cela n'aura aucun effel nuisible pour mon royaume, ni pour
vous. N'ayez donc aucune inquiétude, et tenez pour certain
que, si vous voulez aller à Rome, vous aurez de moi tout
ce qui vous sera nécessaire pour faire convenablement le
voyage. »
Grrv |) U07. La socondo est une lettre au roi de France, pour se plain-
Ep. (ics. Th. dre de la protection qu'il accordait à Thomas, et demander à ce
prince de ne plus le souffrir dans son royaume, lettre à la-
quelle Louis-le-,Ieune lit cette réponse connue, que c'était la
coutume ancienne des Français, le droit héréditaire de leurs rois,
d'offrir un asyle et le soulagement de leurs maux à ceu.K (|ui se
trouvaient bannis pour avoir été justes, p7^o justitiâ exiilan-
tibus ; nobles sentimens , dit FJttleton , mais qui ne furent
jamais plus mal appliqués, puisqu'au lieu d'avoir été banni
pour aimer la justice. Rocket avait fui pour se dérober ù ses
poursuites.
Ep. dcS Th. La troisième fut écrite par Henri au pape Alexandre. «Je
liv. III, cp. 2(1. YQyg a[ souvent prié, lui dit-il, de mettre un terme aux dis-
— Uyiiior, i. , gçj^gJQj^g q„Q f^it naître l'archevêque de (^antorbéry. Vous
m'aviez envoyé des légats avec l'autorité nécessaire pour y
parvenir. Cependant, quoifjue je me fusse soumis à leur dé-
cision , l'archevêque refusa de s'y soumettre. Nous vous en
instruisîmes ; et vous mîtes également la terre et les personnes
hors de son autorité, juscju'à ce qu il fût rentré en grâce au-
près de moi. D'où est donc venu le changement (jui s'est
opéré?» Le roi se plaint ensuite des excommunications lan-
cées envers un si grand nombre de personnes , envers des
gens attachés à sa maison, ayant auprès de lui un service
journalier. \\ se plaint de ce que les nouveaux nonces du
pape, Vivien et Gratien, avaient plutôt favorisé , étendu les
excommunications , qu ils ne les avaient arrêtées ou annul-
Ices ; il se plaint de ce qu'ils ont manqué à la parole donnée
(jue l'un d'eux, Vivien, passerait en Angleterre avec le roi,
tandis ({ue l'autre, Gratien, irait annoncer à l'archevêque de
Canlorbéry son rélabii.s.>3ement ; qu'ils y ont manqué subitc-
mi'Ut, et sans (ju'on put savoir [)Oui(pioi. C'est sur toutes ces
actions que; Henri s'était décidé à écrire au pape, et à lui
envoyer sa lettre par deux ecclésiastiques, lesquels pourraient
l'instruire avec plus de détail di- ce (pii en faisait l'objet, et
de toutes les circonstances qui lavaient porté à l'écrire. Ces
deux ecclésiaslicjues, l'un et lautre de la chapelle du roi,
étaient Richard Barre et l'archidiacre de Cantorbéry, nomnaé
HENRI H, ROI DANGLETERRR 495
Richard aussi par Rymcr, et Réginakl dans la collection des épî- xii siècle
très do saint Thomas.
La quatrième commence encore par des plaintes graves Ep. <ie s. Th.
contre Thbnias de Canlorbcry, et de vifs regrets sur ce ''^- '"■ ''n- ***•
qu'Alexandre le protège au lieu de le punir, sur ce qu'il n ,,. '301"/'
souffre qu'un prince dévoué à l'église romaine soit sans cesse
exposé aux affronts et aux outrages d'un tel ennemi. « Il vient
de vous faire, ajoute-t-il , une injure nouvelle, en excom-
muniant de nouveau , sans jugement, et malgré leur appel ,
deux évoques fidèles , l'évèque de Londres et celui de Saris-
béry. L'offense me serait personnelle que je n'y serais pas
plus sensible. Punissez donc sans délai une conduite si repré-
hensible; vengez un fils qui vous aime; vengez vos propres
droits, car c'est au préjudice d'un appel dont vous étiez
juge, que Thomas a lancé encore ses anathêmes. » Les deux
évêques furent en effet absou.^ par le pape , ce qui irrita fort
l'archevêque de Cantorbéry, qui disait avec peu de modéra- ^i'- ''<" ^ Tii.
tion , écrivant à ce sujet à l'archovèque de Rouen : « Toujours "" ' '^''"
à la cour de Rome liarrabas est délivré , et Jésus-Christ mis à
mort. »
Dans une lettre plus ancienne , et de l'année liGG, Henri n. Cnii. >ics
s'était plaint au pape , avec quelque vivacité , de la protection '""'"' ''^" •■"'
que la cour de Rome accordait à ceux qui se montraient '' ' ' '' "'*'"
rebelles et perfides envers lui, et du refus constant qu'elle lui
faisait de la justice qu'il lui en demandait.
Deux autres lettres sont adressées à Guillaume-aux-Rlanches- ljv. m, cp. 8
Mains, beau-frère de Louis VII, et archevêque de Sens. Henri II *' ^c.
s'y plaint encore de l'impossibilité que l'obstination de Thomas
met à une réconciliation sincère et durable , de la faveur que
le roi de France accorde à ce prélat, des excommunications
lancées, de 1 oubli des droits du trône , de toutes les actions
enfin qui ne cessaient d'être l'objet de sa correspondance et de
ses plaintes.
L'époque oii ces diverses lettres furent écrites avait été
marquée cependant par de nouveaux efforts pour rétablir la
paix entre Thomas Recket et Henri II. Une conférence avait Ccn. p. iior>.
eu lieu , dès le mois do janvier IGG'J, à Montmirail, dans le ^TiVJ'"". '' "'
' j > 'p. 24h cl siirv.
Maine, entre les rois de France et d'Angleterre. Thomas,
vaincu enfin ou paraissant l'êlrc par les conseils de ses amis
même, s'y présenta, s'accusa des troubles et de l'affliction
que l'église anglicane avait eus à souffrir , et sollicita pour
elle la clémence du roi. « Je m'en rapporte à sa décision ,
4110 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE ajoiila-l-il, pour les difïcrends (|ui ont éclaté entro nous ,
sauf l'honneur de Dieu. » (les derniors mots, comme l'ob-
serva Henri, détruisirent l'cfrel do tout lo reste : ce ([ui lui
déplaira , disait-il avec raison , il lo déclarera contraire à
l'honneur de Dieu, et s'attribuera ainsi mes droits comme
les siens. Pour prouver néanmoins que je ne veux a|)porter
aucun obstacle à la paix, contiuua-t-il, voici ce (jue je lui
olTrc. L'Angleterre a eu avant nmi beaucoup de princes (|ui
ont eu plus ou moins de puissance ; 1(î siège de Ganlorbéry a
eu avant lui plusieurs grands et saints personnages : ipi'il
m'accorde ce (|ue le plus grand de ses préiléeesseurs a accordé
au moindre des miens, et je suis satisfait. » Thomas ne ré-
pondit à ce sage discours (pia\ec une arrogante opiniâtreté,
que ses partisans même lui reprochèrent. Nous pouvons
remarquer aussi que ce [irélat (|ui voidait toujours se retran-
iinmc. t. I, cher derrière les mots sauf l'honneur de Dieu ou de l'église,
p. .iji). - Voir y^ç. iiianquait jamais de s'emporter (iiiand Henri ne donnait
Diriln, p. !;yi 1 J II
cl !i52. son consentement que sauf la dignité royale, sauf les droits
de la royauté.
Après plusieurs hésitations encore et plusieurs traverses , la
paix sembla être conclue. On la dut bien à l'extrèrae conde-
scendance du roi ; car, à l'instant même qu'elle s'achevait avec
Aif. an 1170, yma sanction universelle, Thomas écrivait encore aux commis-
Le», de s Tii saires du pape, auxquels le roi s elait adresse , de se méuer
liv. v. cp. 12 cl des pièges (pion leur tendait , de ne voir par-tout que dissi-
li. — Lie.i. t. niulation et fourberie: d'èlre prêts à rejeter toutes les proposi-
II, p. QOÔ (iUÎ). . , .-, ,, , , ,, -
tions du monar(|uc , qu il appelle un Pharaon, un Protee , un
monstre. Henri II ex|)rimait plus de confiance et des scntimens
plus pacifiques dans une lettre à l'archevêque de Rouen,
chargé avec révê(|ue de Nevers de terminer enfin une ré-
conciliation si difïjcile. H les avait déjà montrés dans une autre
Ep. lie s. iii. adressée à tous les abbés de l'ordre de Cîteaux , ou , après
liv m, pp. 2!!
avoir imploré leurs prières , il les entretient des conférences
eues avec Graticn et Vivien , légats du pape, et de tout ce qu'il
a fait pour ramener l'archevêfpie Thomas à des senlimens plus
pacifiques.
Diccio , p. La paix est annoncée dans une autre lettre du roi, adros-
t'32 — Gcrv, p. g(iQ pgp lyj ^ J.QJJ fjig aîn,5 11 y (lit quen conséquence il a
an. 1170, 5 2!t. Ordonné de restituera l'archevêciuc de Canlorbéry, et à ceux
— Epii. (le s. qui avaient partagé son exil, tous leurs biens, tous leurs
'"T, ''*" ^' honneurs, tels qu'ils en jouissaient trois mois avant de
cp. »3. > 1 j
quitter l'Angleterre. Le roi charge le jeuno prince de faire
HENRI H. ROI D ANGLETERRE. 497
venir devant lui quelques-uns des meilleurs et des plus xii siècle.
anciens chevaliers de l'arrondissement de Salliunde, de leur
faire reconnaître avec serment ce qui peut appartenir là au
fief archiépiscopal de Cantorbéry, et de restituer au prélat
ce qui aura été ainsi reconnu. Cette lettre est datée de
Chinon, et contre-signée par l'archevêque de Rouen. H y a
dans Alford, legalioribus et antiquioribus minisbns, au lieu
de melioribus et antiquioribus militibus, que nous lisons dans
Raoul de Diceto ; Gervais dit, antiquioribus et legalioribus
militibus ; le recueil des lettres de saint Thomas dit de
même, legalioribus et antiquioribus militibus.
Henri écrivit en même temps à tous ses juges pour leur
ordonner de faire rétablir dans la jouissance de leurs droits
et de leurs biens Thomas Beckct, et tous ceux qui avaient
partagé son sort. Cette lettre, ou plutôt ce mandement, est
sommairement rappelée dans le premier chapitre du troisième
livre du Quadrilogue, et, d'après cet ouvrage, dans les Annales An. H7(i, \. 20.
de l'église d'Angleterre, par Alford. Une autre lettre du roi à
l'archevêque de Cantorbéry annonce qu'il a donné les ordres Ep s. Thom.
nécessaires pour que tous les biens du prélat lui soient ren- •'*• v, cp. u.
dus, pour que le jeune roi le reçoive et le traite dignement ;
il regrette qu'une attaque dont l'Auvergne est menacée ne
lui permette pas d'aller voir à Rouen Thomas Becket avant son
départ.
La modération et la bonté du roi n'avaient pas fléchi
Thomas. A peine abordé en Angleterre, malgré la paix jurée,
il agita de nouveau le flambeau de la discorde. Plusieurs
évêques furent excommuniés : deux des principaux seigneurs
du royaume le furent aussi ; et l'un d'eux, pour avoir coupé
la queue d'un cheval qui portait des provisions au palais de
l'archevêque. Ces seigneurs étaient pourtant vassaux immé-
diats de la couronne, de ceux, par conséquent, dont l'ex-
communication ne pouvait être prononcée sans le consente-
ment du roi, d'après les coutumes anciennes d'Angleterre,
et les nouveaux statuts qui les avaient confirmées. Guillaume Liv. 11, c. 23.
de Neubridge ne peut s'empêcher de déplorer lui-même
l'emportement d'un tel zèle ; il se demande si ce fut agir selon
la science de Dieu, si le pape Grégoire n'eût pas été animé
d'un autre esprit, si l'amour de la paix n'eût pas engagé ce
saint pontife à tolérer des choses qui n'avaient rien de contraire
à la foi.
Les évêques et les seigneurs frappés d'anathêmes passèrent
Tome XIV. Rrr
108 HENRI 11, ROI D'ANGLETERRE
XII SIECLE, la jncr, et vinrent en rendre compte au roi. L'indignation
du prince ne put se contenir ; elle s'exhala niênac en des
termes trop connus, cl qui devinrent bientôt la cause d'un
grand crime.
Actes et Lettres concernant les matières ecclésiastiques,
postilrieurs à la mort de Thomas Becket.
L'histoire a dit tous les regrets que fit éprouver à Henri II
l'attentat commis sur la personne de Thomas Becket. Elle aurait
gardé le silence à cet égard, que nous retrouverions dos
témoignages indirects mais certains de son repentir et de sa
douleur, dans la |)lupart dos actes de .son adinini.siralion, p(Mi-
dant les années qui suivirent. D'abord il s'empresse d'envoyer
,-^^ ?,'!^f '"l .'!' au pape des aud)assadeurs, pour désavouer ce crime; il fait des
!>so, sIhI. DhS, ' ' , '
S72, \ïii. - dons ensuite à 1 église de Canlorbéiy ; il se soumet à la plu-;
Cromi. (.. losi étoiuiaute des pénitences publiques : il abandonne ou modifie
vais p u-w et '^^ principes qu u avait soutenus avec tant d ardeur; les
urj. — Qua- électioins ecclésiastiques deviennent indépendantes de lui ;
Jiii. p. I» cl les appels au pape seront permis; leur patrie et leurs biens
SUIV. — Dulinu- ' ' , ', ' , ^ . , , ,,
lay. t II, p. i()7(i seront rendus a tous ceux quon en avait privés, a I occasion
408 - Tyircii, dcs troiiblcs suscités dans léglise anglicane ; on le voit enfin
. , p. o) <i ,.(,,j(j^(,Q|. :, ces constitutions d(! Clarcîiidon, pour le maintien
SUIV. ' r
desquelles il avait lutté si longtemps, avec tant de raison,
de force, et de courage. Rassemblons encore ici quelques-
uns des actes publics ou privée, émanés de lui à celte époque
de son règne.
Un des premiers est sa K^llrc au pape sur la mort de
Thomas Becket, lettre recueillie par 1). Martène, d après les
manuscrits de l'abbaye du monl Saint-Michel. « Par égard
pour l'église romaine et par alVeclion pour vous, dit le roi,
je lui avais permis de revenir en Angleterre ; je lui en avais
fourni tous les moyens; je lui avais restitué tous ses biens:
mais à peine arrivé, au lieu de celle heureuse paix que nous
devions attendre, il n'a apporté parmi nous que le glaive et
l'incendie. Suscitant contre moi-même l'esprit de faction, il
a excommunié au hasard cl sans mol if tous mes serviteurs.
Tant de méchanceté n'a pu être souiïerle par ceux qui en
étaient l'objet; cl, ce que je ne puis dire sans douleur, ils lui
ont donné la mort. Quehiue mécontentement <iue j'eusse
depuis long-temps envers lui, cet allcntal, Dieu m'en est
.Mari. Anccil
t. I. p t^KO.
HENRI 11, ROI D'ANGLETERRE. 400
témoin, m'a affligé. Je crains bien plus pour ma lépulalion xn siècle.
que pour ma conscience, plus famée meae quam conscientise
ivneo. Donnez-moi donc, je vous en prie, vos salutaires con-
seils. »
Le pape ne laissa pas échapper une occasion qu'il crut si favo-
rable d'obtenir ce que Becket et lui avaient si long-temps
demandé, j)Our assurer à l'église indépendance et suprématie.
Henri accorda tout avec un étonnant oubli de ses principes
et de SCS droits. Le serment (ju il consentit à prêter fut
une des grandes fautes de sou règne. On peut le lire dans les
annales de Baronius et dans celles d'Alford, sur l'an 1172,
et dans l'histoire de l'université de Pans, par Duboulay. t ". p- 590-
11 était déjà dans Roger de lloveden, et dans quelques autres ''• ^^9
écrivains. Le triomphe qu'eut alors le clergé, l'abus qu'il • '''"'P'" i' -^
en fit, les humiliations auxquelles le roi fut obligé de se sou-
mettre, restèrent dans le souvenir de tous les Anglais, et
préparèrent cet affranchissement de l'autorité papale, pronon-
cée sous Henri Vlll. Pas d'abus de pouvoir qui nait eu ce
résultat dans l'histoire ; et le désir d'abuser remporta tou-
jours !
Henri pourtant ne se soumit pas sans conserver le senti-
ment intérieur que ce qu'il avait d'abord voulu à Clarendon
lui était prescrit par les devoirs du trône et l'intérêt du
peuple. 11 revint, autant qu'il le put, sur une renonciation
inconsidérée. «Je puis chaiiue jour prendre une forteresse, Aif. an. ueii.
disait-il, et je ne pourrais prendre un clerc! » En 1177, d
fit demander au légat du pape, le cardinal Vivien, comment iiovcd. p. 555.
il avait osé venir en Angleterre sans sa permission. En 1175,
un autre légat, le cardinal Hugues, y ayant été envoyé, iiovcd. p. U7.
Henri avait demandé et obtenu que les ecclésiastiques accu- 7 mZu ivis
ses d'avoir chassé dans ses bois, fussent poursuivis devant p. 127.
les tribunaux séculiers. Gervais s'emporte à ce sujet contre
le roi, contre le légat, contre la cour de Rome, contre
l'amour de l'or et la cupidité générale des hommes. Il y avait
une observation plus juste à faire, mais qui était loin de sa
pensée et de sa doctrine ; c'était (juc le retour du prince vers
le sentiment de ses droits aurait pu être marqué par une
demande plus importante, plus utile à ses sujets : et ce (jui
afflige davantage, c'est d'entendre le roi lui-même, dans une
lettre au pape, se féliciter d'avoir obtenu cette exception, et uiccio, p. î>!M.
consentir de nouveau, sur tout le reste, à ce que les ecclé-
siastiques ne fussent pas soumis aux tribunaux séculiers pour
]i r r 2
500 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE
xil SIECLE, les crimes dont ils se sei aient rendus coupables. Gervais ne
s'irrite que de la concession faite par le légat sur les délits com-
mis dans les forêts : la lettre de Henri H annonce pourtant qu'on
lui avait accordé une exception semblable pour ce qui serait
relatif à la féodalité.
Ce ne sont pas les seuls articles dont fait mention la lettre du
V. Speim. cod. Foi. Il veut que l'assassinat prémédité d'un ecclésiastique soit
• 331. jugé en présence de l'évêque et de son officiai, et qu'indépen-
damment de la peine que les juges laïcs prononceront, les biens
du coupable soient confisqués, ses biens à venir comme ses
biens présens ; il veut encore que les clercs ne puissent
être forcés à des combats judiciaires ; il veut enfin que la
régale ne lui appartienne jamais au-delà d'une année. Nous
reviendrons sur ces deux objets dans un des paragraphes
suivans.
GerT. p. im. Un autre acte du roi, daté do 1177, est celui qui fait les
plus grandes concessions à l'église de Cantorbéry. « Sachez,
y dit Henri H aux évoques, aux comtes, aux baillis, à ses
autres fidèles d'Angleterre et de France, que, pour l'honneur
de Dieu et de la Trinité, le rachat de mon ame et de telle de
mes pères et prédécesseurs, j'accorde et confirme les pos-
sessions, franchises, immunités, que mon bisaïeul Guillaume
et mon aïeul Henri avaient données à l'église de Cantorbéry. »
(Ici est l'énumération de ces immunités.) Le roi finit par
développer toute l'étendue qu'il entend leur donner, quoique
les expressions générales dont il s'était servi, communes au
reste dans les chartes semblables, l'indiquassent assez : Has
onines libertates teneat cum terris et omnibus suis bene et in
pace, libère et quiète, intègre et plenarie, et honorifice, in
bosco et piano, in pratis et pasturis, in aquis et tnolendinis,
in vivariis et stagnis, piscariis et mariscis, in viis et semitis,
et in omnibus aliis locis et aliis rébus ad eas pertinentibus,
cum omnibus libertatibus et liberis consuetudinibus , sicut
eidem ecclesiœ concessi et hâc chartâ meâ eonfirmavi. Henri
donna encore, douze ans après, l'année môme de sa mort,
d'autres lettres relatives à l'église de Cantorbéry ; mais ces
lettres sont plutôt une exhortation aux religieux d'attendre
une décision nécessaire, qu'un acte public, accordant ou
refusant des droits, ou bien exprimant des faits qui appar-
tiennent à l'histoire. L'année d'auparavant, il avait nommé,
par des lettres adressées à ces religieux, cinq conpmissaires,
dont trois évoques, pour régler les différends élevés entre l'ar-
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 501
chevêque et les moines. Il leur en avait adressé encore, quel- ^ n siècle
ques mois après, toujours pour la môme contestation. Les trois
lettres de Henri sont sous les années 11 h8 et 1189, dans la
chronique de Gervais, auteur contemporain, et qui fut moine de ''• '^^'' '^^^
cette abbaye célèbre.
Raoul de Diceto en donne une autre de Henri II, adressée, en Wccto, p. Ui
1 1 89, aux doyen et chapitre de l'église de Londres, concernant
l'élection d'un évéque pour celte église , dont le siège était
vacant par la mort de Gilbert. Ce doyen, à qui la lettre fut
écrite, était Raoul de Diceto lui-même.
Jean de Sarisbéry avait écrit au nom du roi, en 1172, deux
autres lettres, qui sont imprimées dans la collection de ce Ep. 289 et 290.
savant écrivain. La première, fort courte, adressée à l'évèque
d'Excester, n'est presque qu'un ordre d'exécuter et de faire
exécuter ledit qui rétablissait dans leurs honneurs et dans
leurs biens les compagnons d'exil de l'archevêque de Cantor-
béry. La seconde, plus étendue, et adressée encore à l'évèque
d'Excester, a pour but de lui faire part de la réconciliation
du roi avec le pape, concernant la mort de Thomas Becket,
réconciliation dont avaient été les ministres , au nom
d'Alexandre, deux légats envoyés par ce pontife en Nor-
mandie. Henri avait quitté llrlande qu'il venait de conque- Qujjrii„„
rir, pour se rendre auprès d'eux. Peu content d'abord des U7 et u°8." -
propositions qu'on lui fit, il refusa de prêter le serment ^"^- p- '*^^-
qu'on lui demandait, rompit môme l'assemblée avec quelque ^.^^s^""'
indignation, et annonça qu'il allait retourner en Irlande. Les
deux légats s'étant réunis et concertés avec plusieurs évoques,
de nouvelles propositions furent faites, et le roi les adopta.
Il dit lui-même dans sa lettre en quoi elles consistaient; et
certes on doit avouer que , modifiées ainsi , elles offraient
encore des concessions bien inespérées. Il se soumet , en
premier lieu, à fournir et entretenir pendant un an deux
cents chevaliers , qui seront incessamment envoyés en Asie
pour la défense de la Terre-Sainte. 2° Il autorise les appels
au pape, sous la seule condition que si les appelans lui sont
suspects, il leur fera prêter, avant qu'ils s'éloignent, le ser-
ment que dans ce voyage ils ne feront rien de contraire au
bien et à l'honneur du royaume. 3° Il renonce aux cou-
tumes qu'il avait rétablies et introduites, concernant les ma-
tières ecclésiastiques. 4» 11 promet de rendre à l'église de
Cantorbéry tous ses biens, comme elle les possédait un an
avant que Thomas Becket sortît d'Angleterre. Il finit par dé-
811. 1181. - Ho-
vcd. p. 613
502 HENRI II, ROI DANGLETERRE.
xn SIECLE, clarer que c'est pour la remission de ses péchés qu'il accepte
toutes ces conditions que le pape lui a imposées.
Math. Paris, L'archevôque d'Yorck, Roger, étant mort en 1181, laissant
onze mille marcs d'argent et trois cents marcs d'or, Henri, sans
être retenu par les dispositions testamentaires que le prélat avait
faites, se mit en possession de tous les biens, comme devant ap-
partenir au prince : le testament avait été fait pendant la
maladie de l'archevêque, et celui-ci avait lui-même reconnu et
jugé que de pareils actes, faits dans un tel état, par un ecclé-
siastique, devaient être annuités,
iinvod. p. 600 Henri avait fait en 1 1 80 un acte que le clergé loua davantage,
et siiiv. - Aif. C'était moins un édit nouveau que le rétablissement d'une loi
an. 1180, 5. .) générale faite autrefois par Guillaume-le-Conquéranl, ou peut-
être par Édouard-le-Confesseur. On y statue sur les personnes
des ecclésiastiques et sur leurs biens, sur la paix, ou la sûreté
pour les chrétiens qui vont darts les églises, sur les époques et
l'étendue de celte paix, sur la juridiction îles évoques, sur ceux
qui ont des possessions tributaires ou dépenilantes d'une église,
sur les coupables qui s'y réfugient, sur les redtn'ances qu'on
doit leur payer, et sur quelques autres objets (pie nous retrou-
verons en analysant les lois de Henri 11 dans les paragraphes
suivans.
Actes et Lettres relatifs à un voyage et à des
secours pour la Terre-Sainte.
il serait diflicilc de n(! pas trouver des actes relatifs à la Terre-
Sainte, dans l'histoire d'un prince chrétien qui vivait au dou-
zième siècle. Henri annonça plusieurs fois h^ projet de faire ce
voyage ; il demanda plusieurs fois des subsides pour contribuer
à l'entretien des pieux, guerriers qui allaient, ;iu-delà des mers,
combattre les infidèles
En 116(), ayant rassemblé au Mans ses évê(jues cl ses ba-
- u.iii." (lu M. roDs, il ordonna, de leur consentement et d'après leur avis,
p 78îi, - Kini qu'on ferait dans tous ses étals une levée d argent pour la
'sm' Bai«ii. ^^!' "Terre-Sainte. Ledit du roi porte que chacun paiera deux
i>45, un iiut, deniers par livre de loul ce qu'il aura , immeubles , elTels
^- '^- mobiliers, revenus, pour la première année , et un denier
pour les quatre années suivantes Les {avances pour la cul-
ture de la terre ne devaient i)as être prélevées en réglant
la valeur totale sur laquelle 1 impôt serait demandé ; les
r.nv. p. ir.iin.
Ilisl. (le Kr
t XIII, i>. îiiiO.
HENRI II, noi DANGLETERRE. 503
délies donl on avait lassurance d'obtenir le remboursement de- x'i sinrLE
vaienl entrer dans ce total. Les prélats et autres ecclésiastiques,
les comtes et autres seigneurs, les habilans des villes et des
campagnes y sont également soumis ; la loi réduit à un denier la
contribution à payer par ceux qui posséderaient moins d'une
livre. Elle ordonne de ' placer dans les églises un tronc à
plusieurs clefs, où chacun versera la somme due, après avoir
juré de le faire avec loyauté et fidélité, et sous peine d'excom-
munication.
Des envoyés de la Terre-Sainte étant venus trois ans après
implorer les secours de quelques princes de l'Europe, et in-
viter sur-tout à une croisade Henri II et Louis-le-Jeune,
Henri ne crut pas devoir quitter l'Angleterre. Celte idée d'un
voyage à la Terre-Sainte lui fut présentée encore après le
meurtre de Thomas Reckot, et il le promit alors comme un
témoignage de son repentir. Henri, son fds aîné, le promit
comme lui. Le serment qu'ils prêtèrent, et qui a d'autres ob-
jets, est rappelé dans un des paragraphes précédens de cette
notice.
En 1177, il sembla que le projet de ce voyage allait enfin
être réalisé. Le roi de France et le roi d Angleterre en prirent '^"■'''" p- ^'"i'-
[engagement mutuel par un acte qui porte en même temps 1154 _ g^^,
la promesse de se secourir en tout cl contre tous. Ils s'obli- p u<2. - M;ii.
sent à ne pas souffrir dans leurs terres les ennemis l'un î!"'^''*', ^^' '"*^.. "
de l'autre ; cl pour éviter toute discorde, à ne se rien de- ^ Rym. 1. i, ,..
mander de leurs possessions réciproques, sauf quelques ""• ~ ^'f- ""•
lieux déjà réclamés, et au sujet desquels ils nomment des suiv. - rvnpi'î,
commissaires-arbitres, dans le cas où ils ne pourraient sac- ' ". p- ■J'^ p>
corder entre eux. Malgré ce pacte, fondé sur un départ pro-
chain, les deux monarques ne s éloignèrent pas de leur em-
pire. Henri envoya cependant une somme assez considérable nnmit. |.. 1127.
en Orient, pour y subvenir aux dépenses de la guerre sacrée ; " jt!,'.'''' '■ '"'
-, , , A - • ,, 1' ">00.
u donna aussi, la même année, cinq cents marcs d argent au
comte de Flandre, pour l'aider à faire le voyage de la Terre-
Sainte.
En 1181, des chevaliers du Temple et de Saint-Jean de ii..vca p. en
Jérusalem ayant apporté à Henri des lettres du pape Alexan- •■' "'^ ~ '*'"''•
dre, qui demandaient un subside pour la Terre-Sainte, le roi
promit de l'accorder, et ce subside fut sans doute celui que
nous voyons ordonner par un statut de 1182, après une con-
vocation des grands du royaume et de leur consentement ;
la levée en produisit cinq cents marcs d'or et quarante-deux
504 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, mille marcs d'argent, suivant Mathieu de Westminster et Raoul
Li» II p 'j<' ^^ Diceto .
p. èis! Le premier dimanche de carême de l'an 1185, Henri tint
iioved. p. C29 ^ Londres une grande assemblée à laquelle assistèrent avec
tm.-BrZ[: lui le patriarche de Jérusalem, les évêques et abbés, les
p. 11*4. - Ger- comtes et barons, Guillaume, roi d'Ecosse, et son frère, avec
''- Lyght: p. les comtes et barons de ce royaume. On y délibéra sur des
2398. - Giraidi, subsidcs encore pour la Terre-Sainte. Henri fut invité, selon
S'il c'se""- quelques autours, à s'entendre sur cet objet avec le roi de
Pierre' de Diois, France, Philippe-Auguste. Selon d'autres, l'assemblée décida
cp. 08 - Baron. ^^^^ quoiqu'il cûl promis d'aller en Palestine, il n'était pas
-Liuier i.^'nt, obligé de le faire présentement ; qu'il était plus convenable
p. 422 cl suiv (]g rester en Angleterre pour la gouverner, que d'aller ex-
- S'ei" .130 "' poser sa personne royale dans une terre étrangère ; que le
'"' gouvernement de ses états était une obligation non moins
sacrée. Ce qu'il y a de certain, c'est que le roi ne partit pas :
il autorisa cependant tous ceux qui voudraient prendre la croix,
à le faire ; un grand nombre de personnes considérables, tant
ecclésiastiques que laïcs, la prirent en effet sur-le-champ. II
ordonna de plus une collecte générale dans les paroisses de son
royaume, offrit de son propre trésor cinquante mille marcs
d'argent, et s'obligea d'entretenir au-delà des mers ses sujets
enrôlés pour la croisade.
La résolution de Henri II inspira au patriarche de Jéru-
salem, lléraclius, un des discours les moins mesurés qu'un
prince ait jamais entendus. « Ce n'est pas l'argent qui nous
est nécessaire, dit-il au roi, c'est vous ; de par-tout on nous
envoie des subsides, de nulle part un prince : nous deman-
dons un homme qui ait besoin d'argent, et non de l'argent
qui ail besoin d'un homme. Vous avez régné jusqu'à pré-
sent avec gloire, ajoute Héraclius : mais Dieu, dont vous
abandonnez la cause, va vous abandonner. Comparez aux
biens qu'il vous prodigua, l'ingratitude dont vous l'avez
payé ; vous avez violé la foi duc au roi de France , vous avez
fait massacrer l'archevêque de Cantorbéry, et maintenant
vous refusez de défendre les chrétiens » . Le roi s'endammait
à ces mots. « Voilà ma tôle, continua Héraclius ; traitez-moi
comme saint Thomas; j'aime autant périr de vos mains en
Angleterre, que de celles des Sarrasins en Syrie ; aussi-bien
ne valez-vous guère mieux qu'un Sarrasin ». Henri ayant té-
moigné la crainte que ses lils ne se révoltassent s'il s'ab-
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. iiOo
sentait : «Cela n'est pas étonnant, répliqua le patriarche ; ils xii siècle.
sont venus du diable, ils retourneront au diable» . Heraclius fai-
sait allusion à une comtesse d'Anjou, trisaïeule du roi, qui passa Bromi. p. 104S.
pour sorcière ; elle s'envola, disait-on, par une fenêtre, pendant
la messe, et ne reparut jamais.
Deux ou trois ans après, les erands succès de Saladin et les Hoved. p. 614.
, , , . ^ ^ , , . , , . — Alf. an. 1187.
malheurs des chrétiens ayant engage un autre patriarche, celui ^t jjgg p. 7,53
d'Antioche, à écrire au roi d'Angleterre pour demander un -i 338.
prompt secours : Nos péchés, lui répondit Henri, ayant excité
la colère de Dieu, il a permis que les infidèles devinssent maîtres
d'un pays où son sang a coulé pour la rédemption des hommes;
c'est donc un devoir pour nous et pour tous ceux qui professent
la religion chrétienne, de concourir par tous leurs moyens à sou-
lager les maux de ce pays. Agissez avec force et courage : beau-
coup de personnes s'arment et se préparent à aller aussi en Pa-
lestine combattre pour la foi ; bientôt elles seront près de vous ;
bientôt la terre et la mer vous amèneront une multitude de
guerriers telle que l'œil n'en vit jamais» . (La lettre ajoute même:
Nec auris audivit , nec in cor hominis ascendit.) Moi-même
et mes fils, laissant là les douceurs et les vaines gloires du
monde, nous irons bientôt visiter les saints lieux et les dé-
fendre.
Henri prit eCTeclivement la croix en 1 188, et il rendit à ce Gerv p. 1522,
sujet, dans une assemblée où assistèrent les évêques et les ba- — ^'^ p ''^"
' ^ — Spelm.. cou.
rons, une ordonnance qui renferme un grand nombre de dispo- p 336 _ Tyr.
sitions. «• 1'. p- ■**3.
On y soumet tous ceux qui ne feront pas le voyage de la
Terre-Sainte, ecclésiastiques ou laïcs, à payer le dixième de
leur revenu d'une année, et de tout ce qu'ils posséderont en
or, argent et autres effets mobiliers, sauf les livres, les cha-
pelles et les habits des clercs , les chevaux, les armes et les
habits des militaires, les pierres précieuses des uns et des
autres.
Les ecclésiastiques et les militaires qui feront ce voyage pren-
dront la dîme sur leurs hommes ou vassaux, et ne donneront rien
eux-mêmes.
Les bourgeois qui se croiseraient sans permission n'en paieront
pas moins la dîme.
Les gros juremens et les jeux de hasard sont prohibés. A
compter des fêtes de Pâques, il ne sera plus permis d'avoir à
sa table au-delà de deux mets achetés , ni de faire usage de
quelques vêtemens de luxe déterminés. On ne pourra mener,
Tome XIV. Sss
506 HENRI II, 1101 D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, dans le voyage, aucune femme, si on en excepte des lavandières
à pied, hors de soupçon.
Les ecclésiastiques ou laïcs qui avant de prendre la croix
auraient engagé leur revenu, ne l'en percevront pas moins
en entier, pendant celle année ; et pour les années suivantes,
le créancier en jouira, de manière cependant que le revenu
soit imputé sur le capital, et qu'il n'y ait pas d'intérêt à payer
tant que durera le voyage du débiteur à la Terre-Sainte.
Tous ceux qui partiront pourront engager leur revenu ,
des fêtes de Pâques de l'année de leur départ à trois ans ;
et le créancier, quoiqu il arrive du débiteur, touchera, pen-
dant ces trois ans, en entier, le revonu engagé. L'argent de
celui qui mourroit pendant le voyage sera partagé entre
ses serviteurs, les pauvres et le secours de la Terre-Sainte,
d'après une répartition faite par des personnes sages, choisies
pour cela.
Le roi nomma ensuite des commissaires pour recueillir la dîme
Ccrv. p. 1529, imposée. Leurs vexations lurent si grandes, qu'il se vit obligé,
l'année suivante, de les révoquer.
Diceio, p. Henri H écrivit aussi à l'empereur Frédéric et à quelques
*"'■''' •'' '"'"• — autres princes, pour leur demander la permission de passer
' sur leurs terres en allant à la Terre-Sainte. Ces lettres ont été
recueillies dans les imagines historiarum de Raoul de Diceto et
dans la vie de Frédéric Barberousse par Radevic, insérée au
premier tome de la collection des historiens d'Allemagne par
Wrslisius. Une d'elles est adressée à Isaac Lange, empereur
d'Orient, et l'autre à Bêla III, roi de Hongrie.
Actes et lettres relatifs a%t.x conquêtes de Henri II, et à
l'accroissement de ses états.
Henri était, par la cession et les droits de Malhilde, sa mère,
duc de Normandie. Son mariage le rendit maître des états
d'Éléonore, qui n'étaient pas seulement la Guienne et le Poitou,
mais encore le Limousin, le Périgord, la Sainlonge, le pays
d'Aunis, le Rouergue, l'Auvergne. Il devint, après la mort de
son pore, souverain de lAnjou, du Maine, de la Touraine, d'une
partie dujBerry. Il s'empara, quelque temps après, du duché de
Bretagne. Jamais un roi d'Angleterre n'avait eu au-delà des mers
Puboui»), ^^ pl"^ vastes étals.
Il, p. iT.;. Nc'ustria, piclone.i, andix, vtuconia, sanlo.
\,. il\) cl 480.
HENRI H, ROI D'ANGLETERRE. 507
Armortci, hifures, alvernicus, Atiglia lola, XII SIECLE.
MiiUi prœlercà populi quos enquore lato " ~
Cireuil Oceanns cnm regibus atqiie lyrannis
Subjiciebanlur, illi servir e coacfi,
dit Guillaumo-le- Breton, poète contemporain , vers la fin du
troisième livre de sa Phillippido.
Nous venons de dire que l'Anjou et les autres parties des
états du comte Gcofroi passèrent après sa mort à Henri II ,
son fils aîné. Beaucoup d'historiens assurent que Geofroi n'en
avait pourtant pas disposé ainsi Ils citent ou rapportent un
testament de ce prince , dans lequel il déclarait que Henri cuii Je Nh'I'-
devant, par l'effet de ses droits maternels, posséder la Nor- l!'^^" '.'' '^ ''," ,~
mandie et lAnglelerre, il voulait que le second de ses fils , _ iiemingfurd,
nommé Geofroi aussi, recueillît alors les états qui formeront i' *^''^. — ^'f
l'héritage paternel ; il exigeait même des seigneurs et des évê- ^' Liuiei't. i, p.
ques présens, le serment de ne pas lais.ser inhumer son corps ^'6.
avant que Henri eût juré de se soumettre à sa volonté. Celui-ci
hésita long-temps. Néanmoins, comme, par l'effet de son hési-
tation, le corps de Geofroi se trouvait privé de sépulture, il
céda aux instances générales, et prêta le serment exigé. Hume ,
d'après l'autorité du moine de Marmoutiers, rejette cette nar- t. i, p. 403.
ration, sans motifs suflisans peut-être. Bromton y croit, et la p. lOts.
répète, ainsi que Guillaume de Newbridge Ilcmingford l'a co- ^"- "; '^- ^•
piée dans ces deux écrivains. Rapin Thoyras la rapporte toute t. ii, p. 178.
entière, et Litllcton la rapporte aussi, dans son histoire de la ^' '• p ^"';
vie de Henri II et du temps, où il vécut. Rvmer avait eu la ^' ' ''„ ''''
, . . 1. X, p. 10.
même opinion.
Devenu roi d'Angleterre, Henri ne voulut pas renoncer Bromt. p. io4«.
aux états laissés il son frère Geofroi. H ne crut pas qu'un -A'f- »" '""J.
1 1 - • . , , S- 3. — Liitict.
serment aussi peu volontaire détruisit les droits qu'il avait i. n, p. i-jg.
comme aîné et successeur naturel. Il s'adressa au pape, qui
le releva de son serment. En implorant ainsi l'autorité du
pontife romain sur des actes qui transmettaient des états ,
Henri se présentait de lui-môme à ces liens dont la cour de
Rome enveloppait tous les rois, et qui se serrèrent ensuite
si fortement pour lui, malgré tous les efforts qu'il fit pour les
briser.
Un Anglais, Adrien IV, était alors assis sur la chaire de
saint Pierre. Henri avait été un des premiers à le féliciter
sur son avènement au pontificat. La lettre qu'il lui écrivit à
cette occasion nous est parvenue. Après avoir dit au pape
combien l'église romaine est heureuse de son élection , le
Sss2
508 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
xu SIECLE. pQi ajoute que cette élection est principalement un sujet de
joie pour l'Angleterre, puisque, par un eifel de la protection
divine, l'occident a rendu toul-à-coup au monde chrétien ce
soleil qui venait de disparaître vers l'orient, puisque Dieu
a choisi dans cette contrée même ce bois vivant qui devait
être planté au milieu de son paradis. Il l'invite à nommer
des cardinaux dignes de l'aider à porter le fardeau de la
papauté , s'occupant moins du pays oii ils seront nés , de
l'illustration de leur naissance , du crédit qu'ils pourront
avoir, que de leur incorruptibilité, leur crainte de Dieu, leur
amour ardent de la justice. Il lui demande la même sollici-
tude à l'égard des autres ministres de l'église, pour que les
bénéfices soient accordés à ceux qui les méritent, et que le
patrimoine de Jésus-Christ ne soit pas livré à des personnes
indignes de le posséder. H exprime le vœu que le pape n'ou-
blie rien pour assurer la délivrance de cette terre consacrée
par le sang du rédempteur du monde, souillée maintenant
« par la présence des infidèles et tant d'abominations. Nous
sommes pleins de confiance dans le Soigneur, dit le roi en
finissant , qu'élevé au faîte des dignités ecclésiastiques, vous
chercherez à répandre la lumière sur toutes les églises qui
vous sont soumises, et que la terre qui se félicite aujourd'hui de
vous avoir donné la naissance, pourra se féliciter à jamais de
votre sainteté. »
Cette lettre est imprimée toute entière parmi les épîlres de
Pierre de Blois ; elle est la cent soixante-huitième de la col-
lection qui en a été publiée par Gussanville, en 1667, in-
folio. Elle y a pour litre : Ad N. pontificem romanum , et
pour sommaire : Rex quidam sibi totique occidenti gratu-
latur quod N. ex ipsius terra ad summum pontifîcatum per-
veneril, eumque hortatur ut dignos tantum ad dignitates
I'. Gtti. ecclesiasticas promoveat. Busée, dans ses observations sur
Pierre de Blois, soupçonne que celte Icllrc fut adressée par
Henri II à Adrien IV, Anglais de nation, et élevé à la pa-
pauté peu de temps après l'avènement de ce monarque au
trône. Gussanville n'en dit rien dans ses noies. Baronius ,
^ '''*'■ "■ sur l'an 1154, aflirmc l'idenlilé ; le P. Pagi l'a entendu de
. ,,,, / même. Alford, dans ses annales de l'église d'Angleterre, n'ose
le faire aussi, cl rapporte cependant les raisons de croire
et les raisons de douter , que Buscc avait déjà oDfertes. Il est
certain que Pierre de Blois était, quelques années après, en
Sicile, chargé de l'éducation du jeune roi Guillaume II, el
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 509
qu'il ne revint en Angleterre qu'en 1 1 60 ; mais ne pouvait-il xii siècle.
pas avoir été attaché au roi d'Angleterre avant de devenir
le précepteur de Guillaume ? Quant au style, je ne vois pas
qu'il soit bien différent du style ordinaire de Pierre de Blois,
et il n'y a encore là aucun motif de méconnaître un objet
aussi clairement exprimé que l'objet de cette épître ; elle
s'adresse nécessairement à un pape, à un pape contempo-
rain, à un pape né loin de Rome et de lllalie ; caractères qui
s'appliquent tous à Adrien, et ne s'appliquent qu'à lui. L'au-
teur de l'article consacré à ce pontife dans notre histoire lit- t. xiii, p. 288.
léraire, M. Daunou, n'élève aucun doute à cet égard. Fleury,
dans son histoire ecclésiastique, partageait tellement cette t. xv, |>. 6.
opinion, qu'il dit de Pierre de Blois abandonnant la Sicile et '• •''"'•^•
revenant en Angleterre : « H y revint auprès du roi, son ancien
maître » .
Ce fut au môme pape Adrien que Henri s'adressa dès la
première année de son règne pour réaliser le projet qu'il
avait formé d'unir l'Irlande à son royaume d'Angleterre. Le pj^^^, ^ ^v
roi crut avoir besoin de demander cette île au pape, et le p. 29. '
pape crut avoir le droit de la lui accorder. Jean de Sarisbérv . j
„ , , ,. , ... •' Voir Cl dcss.
fut charge, dit-on, de cette négociation Dans le bref où le p. 9^.
pontife la donne, il loue d'abord Henri de vouloir étendre
les bornes de l'église, faire connaître la vérité à des peuples
ignorans et grossiers, extirper du champ du Seigneur des pé- . '^'""'' •'•
pinières de vices, vitiorum plantaria. Après avoir ensuite an. 1159, s^Ti
déclarés incontestables les droits de l'église romaine sur ti 22 -Aif. an
toutes les îles pour qui luit le soleil de justice, et qui ont été ^'^''' " ^' ~
. . •. 1 1 1 • ,• • 1 ,, Act. Conc. t. VI,
instruites dans le christianisme, il approuve avec dautant p. 1334. _ du-
plus de plaisir la pieuse demande du roi, que l'Irlande sera l'miiaj, t. 11, p.
purifiée des vices qui l'obsèdent, et que Henri promet d'y "'^ ~ Hymci,
conserver dans toute leur intégrité les droits des églises, et s,icimann, an.
d'y payer au Sainl-Siége le tribut annuel d'un denier par "^^- — Spicii.
maison. Nous n'observerons pas que cette Irlande, dont le ^ p^^' '' ' ''
pape autorisait le roi d'Angleterre à s'emparer pour y plan-
ter la foi, était devenue chrétienne depuis plusieurs siècles,
et que saint Patrice y avait porté sept à huit cents ans aupara-
vant la religion de Jésus-Christ. Nous ne ferons pas plus
d'observations sur le droit que s'arrogèrent les papes de dis-
poser des îles, que sur le fait particulier du christianisme de
l'Irlande. Nous nous contenterons de rappeler ici quel fut le
prétexte de l'invasion, et la reconnaissance que Henri sembla
faire d'un droit qu'il ne pouvait croire réel et légitime, re-
510 HENRI 11, ROI D ANGLETERRE.
XII SIECLE, connaissance que le pape ne manque pas de signaler dans
' le bref sur ce pays, Quod tua etiam nolnlitas recognoscit.
Du reste, il est échappé encore au traducteur de l'histoire
abrégée d'Angleterre par Littleton, une erreur que son au-
teur n'avait pas commise; il lui fait dire que Henri s'étant
purgé par serment du meurtre de Becket, et ayant fait vœu
d'aller pieds nus sur son tombeau et d'y recevoir la disci-
pline, le pape Adrien, satisfait de ces soumissions, lui ac-
corda, par une bulle, le royaume d'Irlande. La conquête de
ce royaume est de 1171 ; le voyage du roi au tombeau de
Becket, de 1173; et il y avait alors qualorze ans cpi'Adrien
était mort, et dix-neuf ans que la bulle sur l'Irlande avait
Ci-dcs-!. p. !)i. été publiée. Le pape, en l'envoyant i\ Henri II, y avait joint
- Liiii. 1. III, yjj anneau d'or, signe de l'investiture (lu'il faisait du pays au
p. 47. ' o i r j
roi.
Bromi p. Rymer et Bromton ont encore recueilli un traité fait, quelques
1106. — Kjm. t. années après, entre Henri H et le roi de Conawght, le plus puis-
I, p. 13 Cl u. , ' . , , , , •. . ' I 1 • . 1
sant des prmces entre lesquels était partagée la dommation de
l'Irlande. Le roi de Conawght, Rodéric 0' Conor, s'y soumet
à rendre hommage au roi d'Angleterre qui, au prix de cette
vassalité, et des obligations (ju'elle impose, lui laisse ses états.
Parmi ces obligations, on peut remarquer la redevance d'une
peau d'animal, de bon débit, sur dix animaux qui seront tués
dans le royaume, et un service de chiens et d'oiseaux qui
sera dû au roi d'Angleterre par des personnes désignées.
Les terres possédées par Henri, ou données par lui, sont
itciioii lie Pc- déclarées e.xemptes de la redevance prescrite. Ces dons avaient
icri). ri >in'<"'_ ^^» nombfeux de la part du roi; ils n'avaient pas été moins
sur I an 117/. ' '
- Spcim. loii. considérables ; des terres, des villes, des provinces même, furent
p. 332. - Liui. distribuées à des seigneurs anglais, sous la suzeraineté du
t. m. p. 308 cl •
. roi.
SUIV.
Le séjour que Henri H ût en Irlande, après la conquête,
fut marqué par de nouvelles lois, ou par des changemcns
faits à celles qui existaient, tant en elles-mêmes, que pour
Dromt. p. la manière dont elles étaient ob.servées ou exécutées. Ainsi,
p !J28.^LiMici. "J^"^ ""'^ assemblée générale oîi avaient été convoqués les
i. III, p. 8!t cl évoques et d'autres personnes distinguées du clergé, on s'oc-
""■ cupa du mariage, des mariages illicites et incestueux en par-
ticulier, de la manière de faire son testament et de la trans-
mission de ses biens, du baptême des enfans, de la sépulture
des morts, du paiement des dîmes, des exemptions ecclé-
siastiques, de la poursuite et de la peine de l'homicide, et
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 511 ':
do plusieurs aulres objets d'une haute importance. Le roi crut xii siècle.
devoir encore soumettre ces résolutions au pape. 11 alla môme, "^^ p- sut;
en H77, jusqu'à demander la permission du pontife romain, «1-7 T .,9
quand il céda I Irlande à un de ses fds, Jean, connu depuis sous
le nom de Jean Sans-Terre , et en 1 1 83, la permission de le faire
couronner,
L'Irlande ne fui pas la seule conquête d'Henri II ; mais les
autres n'ayant donné lieu à aucune correspondance , à au-
cune loi , que le temps du moins nous ait conservées , elles
ne peuvent appartenir à notre sujet. Les plus mémorables
sont celles de l'Ecosse et du pays de Galles. On peut voir,
pour ces dernières, les Chroniques de Bromton et de Gcr- P- 'Oi7, loiii,
vais , les chapitres 0 et suivans du second livre de Guillaume ijij^ ' ^ * '
de Newbridge , les Annales de l'église anglicane , par Alford ,
et presque tous les historiens. Le roi d'Ecosse, par un traité Diceio , p.
de l'année 1150, se reconnut le vassal du roi d'Angleterre, ''^*„,r î"'"'^''-
1 • A , . , -, , , • ' p. 4!)! - Broml.
lui prêta nommage, et se soumit a un tribut dont le paiement p. iioi. — Litii.
devint même , dans la suite, une occasion de querelle entre ' "• P- 8-- —
les deux états. Par un traité postérieur de treize ans, Guillaume !;""^'\.'' '' l'
... ' . 13; t. X, p. 13.
le-Lion , qui avait succédé à Macolm sur le trône d'Ecosse, _ Aifmd , an.
qui avait d'abord lutté avec Henri, qui était devenu son 'p^ - 5- '!• «i
prisonnier, qui s'était obligé pendant la guerre même à payer T ,'^""[ ^^j,, !
une rançon de cent mille livres sterling pour obtenir sa an 1175, 5. 18
liberté , et à restituer tout ce que les hasards de la guerre ''' ^"""
avaient mis dans ses mains, Guillaume se reconnut pareille-
ment l'homme-lige du roi d'Angleterre, lui fit hommage de
son royaume, soumit tous ses barons au même hommage
pour leurs possessions, y soumit les évêques et tout le clergé,
reconnut à l'église d'Angleterre quelque suprématie et quel-
ques droits sur l'église d'Ecosse , promit de n'accorder asylo
dans ses états à aucun Anglais fugitif pour cause de félonie,
donna cinq châteaux en garantie de l'exécution du traité,
son frère et plusieurs seigneurs en otages. Thierry, comte de
Flandre, et son fils, avaient fait, en 1163, un pacte assez long
avec Henri II et son fils aîné , pacte qu'on peut lire en entier
dans le premier volume de la collection de Rymer, et qui y i>. s ei it.
est suivi de la reconnaissance faite par les barons et châtelains,
du service qu'ils doivent au roi pour les fiefs qu'ils tiennent de
lui.
L'histoire nous otî're quelques autres actes publics du
règne de Henri H, qui se rapportent également à l'agrandis- i,"^^ ,'' ,'' ■'"
11. p. 9U.
512 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, sèment de ses états. L'un de ces actes est une convention
faite entre le roi d'Angleterre et Conan IV ou le Petit, duc
de Bretagne. Les Nantais ayant choisi pour leur souverain ,
Geofroi, frère de Henri, quand ce dernier eut réclamé et pris
le comté d'Anjou que leur père avait laissé à Geofroi, et
celui-ci étant mort peu de temps après, Conan se mit en
possession du comté de Nantes. Henri marcha, les armes à
la main pour reprendre un pays auquel il prétendait, comme
héritier naturel de son frère. Le duc de Bretagne fut vaincu,
obligé de céder le comté de Nantes , et de promettre en ma-
riage sa fille unique à Geofroi, troisième fils du roi, encore
Brnmt. wv>\- auberceau. Par un traité antérieur, il s'était allié, en 1158,
au roi d'Aragon et au comte de Barcelone, pour pouvoir plus
aisément s'emparer de Toulouse , à laquelle il se croyait des
droits, par sa femme , comme héritière de la maison de
Poitiers; mais Louis VII le prévint, défendit Toulouse, et
Bromi. |). iir>c. força le roi d'Angleterre à y renoncer. Dix-neuf ans après, en
~ islr-'^'AÎl'. ^'^'^'^' '1 acquit par un traité avec Aldebert V, comte do la
an. iibi), V 17 Marche, ce pays même qui se trouvait placé entre plusieurs
«" ^8. —_''"'• provinces dont il était le souverain, il l'acquit moyennant
■''■'' ' quinze mille livres , vingt palefrois ou chevaux , et vingt
mulets. Ces quinze raille livres, monnaie d'Anjou , s'élevaient
à peine à deux cent soixante-dix mille francs de notre mon-
naie actuelle. Le texte de Bromton , porte même quinze
livres , au lieu de quinze mille , co qui est une faute assez
évidente.
Henri II refusa cependant en 1 184, une royauté de plus qu'on
lui offrait, celle de Jérusalem. Mathieu Paris l'assure du moins.
Je ne trouve ce fait dans aucun autre historien.
V. Roger de iio- Actes et Lettres concernant la rébellion des enfants de
Tcdcn, j). 628. Henri II envers lui.
Henri II avait fait couronner roi , en 1170, Henri son fils
aîné, que plusieurs écrivains, et Pierre de Blois , en parti-
K52. — Bromi, p. culior, désignent toujours sous le nom de Henri III, quoiqu'il
KHîO. — Gcrv. n'git jamais régné , qu'il soit mort avant son père , et qu'un
autre prince du même nom ait été désigné ainsi dans le
siècle suivant. Guillaume de Neubridge le lui reproche
(liv. Il, chap. 27), comme une action inconsidérée, insensée
Diceto , p.
2. -
CO.
ji. U12
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE r,l3
même : inconsulte, imo stulle egit, py^eemature creando sihi Xil sieci.e._
successorem, minus attendens , ajoule-t-il , quod novarum
rerum occupatores regem proclivius sequerentur juniorem.
Il était facile de prévoir ce que ferait le jeune prince, quand
on l'entendit répondre à l'arcliev^'quc d'York, qui le félicitait
sur ce que son père avait voulu le servir lui-même le jour
de son couronnement : « Est-il donc si extraordinaire que
mon père me serve? il n'est fils que d'un comte ; je le suis d'un
roi. »
Deux des autres fils du monarque s'unirent à leur frère
aîné contre leur père, lis prirent tous pour prétexte de leur
soulèvement les dons que Henri II venait de faire à Jean, son ^- Aifor.i, an.
quatrième fils, en le fiançant, car le mariage ne s'accomplit ^ .^'g^ „ ^j
pas, avec Adélaïde, fille de Humbcrl III, dit le Saint, comte
de Maurienne. Le roi d'Ecosse (c'était alors Guillaume, dit
le Lion), le comte de Flandre (Philippe d'Alsace), le comte
de Champagne (Henri le Libérai), le comte de Boulogne
(Matthieu d'Alsace, frère du comte de Flandre), favorisaient
la rébellion des enfans de Henri. Attaqué de toutes parts, cl
par tant d'ennemis à-la-fois, il triompha de tous. Mais ces
succès ne pouvaient affaiblir la profonde douleur qu'il res-
sentait, comme père, de la révolte de ses trois fils. C'est sous
l'accablement de cette douleur, qu'il écrit au pape Alexandre P- Je Bioi»,
pour le consulter : le bonheur dont il a long-temps joui ne '^''' l'!~~, l'i'
la rend que plus amère ; et ce que je ne puis dire sans verser _ uach.' SpiciL
des larmes, ajoute le roi, c'est envers mon propre sang, mes ' '"' p- '"** —
entrailles, que je suis contraint d'éprouver une haine mor- „ "4.00"— Rym!
telle. Je me vois forcé de choisir mes successeurs parmi des t. 1, p 12
étrangers. Mes amis, mes serviteurs m'abandonnent eux-
mêmes pour s'unir à ceux qui conspirent ; ils aiment mieux
servir des fils fngrats, que d'exercer auprès de moi d'émi-
nentes dignités. Je me jette à vos pieds ; éclairez-moi de vos
conseils. L'Angleterre est de votre juridiction ; je suis votre
feudataire; c'est de vous seul que je relève: à ce titre, puisque
les pontifes romains ne font pas usage d'armes matérielles,
défendez par le glaive spirituel le patrimoine de saint Pierre. Maih. Pari»,
Je pourrais repousser par la force l'injure que me font des P j"^^^' "^gg'^'l!.
enfans rebelles ; mais l'affection paternelle l'emporte encore Hume, t 11, p.
dans mon cœur sur les sentimens que m'inspire leur conduite. ^'^- - Tyrrell,
n ' . 1 r u- . /-> . 1 , l- II, p. 357.
vjue ne peuvent-ils I abjurer ! Que votre sagesse les ramené
à moi ; ils retrouveront le cœur d'un père ; je vous promets de
leur tout pardonner.
Tome XIV. Ttt
;,I4 flENRriI , ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE. i^a lettre de Henri II est attribuée à Pierre de Blois. Les
' ~ principes qu'elle renferme, sous le rapport du Saint-Siège et
de la vassalité de l'Angleterre, étaient assez peu conformes
à ceux que le roi avait long-temps professés, quoiqu'ils fussent
alors très-communs parmi les princes catholiques : aussi
T. III, p. 119. Littleton croit-il raisonnable de sup[)0scr que la lettre fut
envoyée par Pierre de Blois, sans avoir été montrée au
monarque qui l'avait chargé de l'écrire. Celle supposition
n'est pas plus vraisemblable . et tout ce qu'on peut dire, c'est
que Henri, frappé dans les endroits les plus sensibles de son
coeur, ût tout céder au désir d'obtenir une paix, qui était
celle de sa famille en même temps que celle de l'empire, et
que l'espérance de l'acquérir par l'intercession du pape fit
taire ses droits et sa fierté devant sa tendresse paternelle.
Henri avait également envoyé des ambassadeurs à Louis-le-
Jeune, pour lui demander aussi d'être le médiateur entre le
père et les enfans; et ce qui ne peut laisser aucun doute sur
les sentimens dont il était animé, c'est que, dans cette mal-
heureuse lutte, il ne cessa de remporter d'éclatantes victoires,
quoique plusieurs princes se fussent armés en faveur de ses
enfans Ainsi, c'était le roi victorieux, le père outragé, qui
offrait la paix, qui la sollicitait, ([ui sacrifiait tout à l'espé-
rance de ramener à lui des vaincus si coupables comme fils
et comme sujets. Croirait-on qu'après une conduite si tendre
et si généreuse, Henri vil ses enfans se soulever encore
contre lui, (ju il eut encore besoin de les vaincre et de leur
pardonner !
Celte paix si désirée par Henri, malgré les torts de ses
enfans, cette paix c^u ils avaient d abord refusée, et que Henri
ne leur en offrait pas moins à chacjue victoire (ju il remportait,
avait eu lieu, pour la première fois, bientôt après la lettre
au pape; la lettre doit avoir été écrite vers la fin de 1173, et
le traité de paix est du 30 se|)t()mbre 1174. Par ce traité, les
- iioo""- Mo enfans rebelles .se déclarent mutuellement libres des sermens
Tcii. |.. 5i<). — (puis avaient |)U faire; ils en déchargent toutes les personnes
Uiceto. p. 585. ^^^^j ^^ j|j.^,||^ ^^^^^ ^.^1^^ recounais.senl le roi pour leur sei-
p. 12; i. X. p. gneur, lui renouvellent hommage et fidélité; les terres et
U. - Aif. »fi. forteresses seront rendues à ceux (|ui les possédaient avant
zo^'J' LUii"? '» guerre. Une amnistie générale est accordée par Henri H ;
I. III, p. 1(17 et lo roi Henri, son fils, l'accorde également à tous ceux à qui
suiv. - Tyrrell, ^.||g ^^^ ^j^g néccssaire. Henri 11 |)romel à ce prince deux
391.' '' ^ ' châteaux forts en Normandie, el quinze mille livres de re-
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 515
venus, monnaie d'Anjou ; il fait d autres dons à Richard et à x» siècle.
Geofroi, deux autres de ses enfans : le jeune roi Henri promet
de reconnaître et de respecter quelques dons aussi faits par
son père. Les prisonniers seront rendus de part et d'autre ;
subsisteront néanmoins les conventions qui avaient été faites
avant le présent acte, pour la rançon d'une liberté demandée
et obtenue. Richard et Geofroi prêtent hommage à Henri II,
qui en dispense son fils aîné, attendu que ce fils était déjà
roi. Ce traité fut conclu à Falaise ; un grand nombre de sei-
gneurs et d'évôques le signèrent, comme témoins. On y joignit,
comme un nouveau témoignage de réconciliation, la conclusion
d'un mariage entre le prince Ricliard et Alix, fille de Louis-le-
Jeune
Louis-le-Jeune avait eu le maiiieur de protéger long-temps la
révolte des trois fils contre leur père, comme, plus ancienne-
ment il s'était montré le protecteur constant de ce prélat fou-
gueux, opiniâtre ennemi des droits des peuples et de l'autorité
des rois. Mais la révolte avait surtout été excitée par Eléonore dimio, p,
d'Aquitaine elle-même, que sa haine entraîna dans le crime, et ^ ^ ij°„' j"
qui ne rougit pas d'y précipiter ses enfans, de les y animer du Peterb. sur fan
moins, et de trahir ainsi tout-à-la- fois les obligations les plus "'''■
fortes et les plus sacrées que puissent inspirer la société et
la nature.
Une lettre de Pierre de Blois est relative à la défection des Ep. 69, p. loi.
peuples d'Anjou, qui avaient abandonne Henri pour se ranger
sous les drapeaux de ses enfans. Deux autres du même écri- P. 'Ji ci m.
vain, sous le nom, l'une de Rotrou, archevêque de Rouen,
l'autre de Richard , archevêque de Cantorbéry , ont toutes
deux pour objet de détourner ces princes de leur révolte.
Une autre encore est adressée à Eléonore, et lui demande de Ep. vm, p. 240.
les ramener à l'obéissance et au respect dus à leur père. Les
deux traités entre le monarque et ses enfans, et les principales
dispositions que nous venons d'exprimer, sont mentionnés
pareillement dans une lettre de Henri H à ses fidèles, du Diceio, p. U82.
mois d'octobre 1174. On y retrouve le don des quinze mille
livres angevines de revenu, et de deux châteaux en Nor-
mandie pour l'aîné de ses fils; l'assignation d'un revenu
pour Geofroi et pour Richard, et pour celui-ci, de plus, le
don aussi de deux châteaux, la restitution des terres con-
fisquées sur ceux qui l'avaient abandonné pour suivre ses
enfans, la réserve de l'accomplissement des conventions
antérieures, et à cela près, le retour des choses dans l'étal
Ttt3
516 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE où elles étaient avant la guerre qui avait éclaté entre le père et
les enfans.
Diccio, p. t:86. Dans une autre lettre à ses fidèles, Henri leur annonce que
son fils est venu le voir, qu'il s'est jeté à ses pieds en pleurant,
qu'il l'a prié de lui pardonner tout ce qu'il avait fait avant la
guerre, pendant la guerre, depuis la guerre. 11 m'a prié encore,
ajoute le monarque, de recevoir, comme son seigneur et son
père, son hommage et sa foi, déclarant qu'il ne se croirait
jamais entièrement réconcilié si je ne faisais pour lui ce que
j'avais fait pour ses frères. Ma tendresse et la persuasion oiijesuis
de ses regrets et de son repentir ont fait tomber mon courroux,
et je lui ai rouvert mon cœur, sous le serment de mètre fidèle
contre tous, de déférer à mes conseils, de ne jamais faire
aucun mal à ceux qui m'ont secondé dans la guerre, de les
honorer au contraire comme mes fidèles et les siens. Le
jeune prince avait donné pour cautions plusieurs évoques et
seigneurs ; ils devaient tous l'abandonner s'il violait les pro-
messes qu'il venait de faire. Ce prince mourut avant son père,
en 1183. Le roi pleura sa mort amèrement. Il s'abandonna
En. 2, 1. J. même à une douleur sans bornes, si nous nous en rapportons à
Pierre de Blois. Quâclam mollilie muliebri degenerans magna-
niniitas vestra, lui dil-il, gemilibus indulget ac lacrijmis, aique
revere^itià majestatis abjeclà, supervacuis dolotnbus puerililer
inlabescit.
Dans les premiers momens de la révolte de ses enfans contre
lui, Henri II avait adressé à quelques souverains cl à Guillaume,
roi de Sicile, en particulier, des lettres où il leur faisait part
lie ce funeste événement. Nous n'avons pas ces lettres, mais
nous en connaissons l'existence par une réponse de ce roi
Guillaume, qu'on lit dans les annales de Roger de Hoveden, el
1'. bôi. publiées d'après lui par Alford, dans ses Annales de l'église
am. 1173, V 30. (l'Angleterre.
Actes et Lettres sur divers objets.
La plus ancienne de ces lettres , parmi celles qui nous
restent, est datée de 1138, et imprimée dans le Recueil de
Duchesne (tom. IV, p. •)84), et dans la nouvelle collection
des Historiens de France (tom. XVI, p. 16); et même,
quoiqu'on l'ail placée parmi les épîtres , elle a moins ce
caractère que celui d'une promesse, d'une obligation, d'un
engagement reconnu et pris. Louis-le -Jeune s'était emparé
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 517
de quelques villes du duché de Normandie ; Henri les avait xii siècle.
redemandées : il prorael, si on les lui restitue, de renouveler et
de garder au roi hommage et fidélité, et par déférence et amour
pour lui, il consent à faire la paii avec le comte de Blois, con-
formément à ce qui sera décidé par deux seigneurs et deux pré-
lats qu'il désigne, et quatre autres personnes que le roi de France
choisira.
Une lettre de 11 58 ou H 59 concerne la garde de l'abbaye Baïuse, mïm.
Saint-Julien de Tours. Henri l'avait réclamée comme comte ' '^' p- ***• —
d'Anjou et grand-sénéchal du royaume. Louis-le-Jeune avait de Fr. i.'"xvij
reconnu ce droit. La lettre, fort courte, n'a pas d'autre objet que P- ^'6.
d'annoncer la décision du roi de France.
Une autre lettre, de 1160 ou 1161, est adressée à l'abbé ""'■ A"»»»^-
général de Grandmont (ce général ne portait alors que le ' ' ''
titre de prieur). Henri le félicite sur son élection ; il se re-
commande à ses prières, et lui promet en échange des secours
et des bienfaits ; il n'a pas oublié qu'on devait à Dieu la tête
et la queue des victimes. La tunique de l'église, ajoute-t-il ,
est déjà bien ornée ; je veux qu'elle s'allonge encore , et
descende jusqu'aux pieds : tuni^am ecclesiae, jam polymitam,
curamus facere et talarem. Cette lettre, datée de Londres ,
du mois de mars, et de la septième année du règne de Henri II,
est souscrite par le chancelier Thomas. Ce chancelier est
Thomas Becket, si célèbre ensuite comme archevêque de Can-
torbéry.
En 1 177, à la demande des religieux de la même abbaye de Bisi. deBret.
Grandmont, Henri II, alors à Verneuil, fit une ordonnance qui Benôirde Peier^
défendait de saisir, pour les dettes d'un seigneur, les biens de bor. a™. 1177.
ses sujets, à moins qu'ils ne se fussent rendus ses cautions ;
il voulut que l'on pût seulement saisir les rentes que les
sujets devraient à leurs seigneurs. On voit par-là comment
ceux-ci se conduisaient, puisque c'était parce qu'ils manquaient
à leurs engagemens, que leurs sujets étaient inquiétés et
saisis.
On a publié, sous le nom de Henri II, une lettre qui n'est voir Ajf. an.
pas de lui, mais, évidemment, de son fils aîné. Elle est *'"*' i ^ *'
adressée à l'archevêque de Cantorbéry, et porte sur le cou-
ronnement du prince, que devait faire l'archevêque d'York.
Le nom du premier de ces prélats n'étant désigné que par
la lettre initiale T, on a cru que c'était Thibaut , prédéces-
seur de Becket, et le roi en efiFet n'aurait pu être alors que
Henri II ; mais au lieu d'indiquer Thibaut, n'est-ce pas Thomas
3 S
518 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
xn SIECLE, qmj cette lettre initiale exprime ? Le couronnement du jeune
Henri par l'archevôque d'York devint l'occasion de beaucoup de
troubles que l'histoire a racontés, et auxquels se rapportent quel-
ques-uns des passages des lettres ou dos actes que nous avons
cités dans les paragraphes précédons .
Aiford, an. La guerre sétant allumée, vers 1 1 67, entre les souverains qui
111)8, 5. 60. g^ partageaient l'Irlande, plusieurs d entre eux se réunirent con-
tre le roi de Leinster [Lagénia], Dermilius, qui, non content
d'exercer envers ses sujets une grande tyrannie, avait séduit et
enlevé la femme d'un autre roi de cette contrée, Maurice qui gou-
vernait le Mealh (en latin Media.) Dermitiusse réfugia en France
où était alors Henri 11, et implora son appui. Henri lui accorda
des lettres patentes, adressées à tous ses fiilèlcs d .Angleterre,
de Normandie, d'Ecosse, du pays de Galles, pour qu'ils concou-
russent à secourir le roi de Leinster, et le rétablir dans ses
états qu'on l'avait forcé de quit'ter. Plusieurs autres faits rela-
tifs aux elTorts de £)ermitius pour reconquérir le royaume
qu'il avait perdu, sont rappelés encore dans les lettres de
Henri.
"Voici l'objet ou le sommaire de quelques autres lettres de ce
prince.
E|.. .ir s. Tii. L'une est écrite à l'abbé de Cîteaux. Quelques religieux
lii. Il, c|.. 84. de cet ordre s'étaient chargés d'apporter au prince des
lettres peu mesurées de Thomas Rocket. Le prince en fut
Irès-irrité; il mande à l'abbé do réprimer ses moines, comme
ils méritent de l'être, et annonce qu'il se vengera lui-même
de cet outrage, si leur supérieur ne s'empresse de les en
punir.
Vir il.- s Th. Une autre encore avait été adressée au chapitre général de
liv. n, V. 17 <t Cîteaux. Le roi s'y j)laint de lasyle donné à l'archevêque de
'!ii ll'in^'^'^ Ganlorbéry, dans un des monaslères de cet ordre, à Pontigny;
S|.i( il. t. III, p. il demande qu'on l'en éloigne, et menace, si on lui désobéit ,
'"''• de s'emparer de tout ce que les cisterciens possèdent dans ses
états.
Duciicsnc , Deux autrcs sont écrites à Louis-lc-Jcune. Il avait fait arrê-
i. IV, |.. 731 cl 1er, en 1164, des comtes d'Auvergne, sujets et vassaux de
7..2. — N. Coll. jjgnri, sans s'être adressé à ce monaniue et avoir imploré con-
iles liist. (le Fr. ... ■ • ■ i j
i. .\vi, p. 110 tre eux sa justice; Henri sen plamt vivement, et demande
cl Ml. qu'ils lui soient rendus. Ils le furent en cITet, cl la seconde des
deux lettres a pour obj(H d'en remercier Louis-le-Jmine, et de
lui renouveller 1 a.ssurance de l'amitié et de la lidélité du roi
d'Angleterre.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 519
Une lettre antérieure, elle est de 1 1 59, annonce à l'évêque de xii sïecle.
Nantes la confirmation que le roi vient de faire d(!s privilèges de iiisi. .le Bict
l'abbaye Saint-Sauveur à Redon, en Bretagne. ' '■ P- 657. —
On a inséré à la suite des œuvres de Pierre de Blois plu- xvi. i/es?^ '
sieurs chartes de Henri H. 11 y en a trois (jui conûnucnt des !'• 771 et suiv.
dons faits et des privilèges octroyés à 1 abbaye appelée le
Vœu { Sancta-Maria de Voto ), de l'ordre de Saint-Augustin.
La première des trois est du mois de septembre 1178 ; les
deux autres sont postérieures. Il y en a une ensuite pour
l'abbaye de Rangerais ( Baugeseium ), en Touraine, de l'ordre
de Cîteaux, et une autre pour celle du Loroux ( Oratoriwn ),
du même ordre, diocèse d'Angers, une pour l'abbaye do
Fontevraull, trois pour l'abbaye de Savigny en Normandie,
de l'ordre de Cîleawx encore, une pour l'abbayi^ de Blanche-
lande, en Normandie aussi, de l'ordre de l'rèinontrè. Alford
a imprimé dans ses annales de l'église d'Angleterre une . ..„„ ,
charte du même roi, en faveur de l'abbaye de Glaston ou 12 et suiv.
Glastonbury, une des plus célèbres et des plus anciennes
de ce royaume ; elle était devenue la proie des flammes ;
Henri ordonne de la reconstruire, et il lui a.ssure de nouveau
toutes les po.'^scpsions et tons les privilèges qu'elle avait.
Parmi ces privilèges, on remarque celui de [)unir et de par-
donner les délits commis dans les lieux dépcndans de
l'abbaye.
Nous n'analyserons pas, nous nous contenterons din-
diquer les actes de Henri II, qui èlabli.^.sent, maintiennent,
changent, modifient les rapports entre ce prince et les autres
rois. Tels sont le traité fait avec Louis-le-Joune, après l'ex- djccIo, p. 5.">5,
pédilion de Toulou.sc, en IKiO, oii il est sur-tout ((ueslion "HJ <i <'►*■ -
du mariage de Marguerite, fille de Louis VII, avec un fils de h {'2 l'i nr>o '*-
Henri 11 ( N. Coll des Ilist. de Fr. T. XVI, p. È\ ) • le traité ii»vc.i. ,.. '.m
fait en 1 1 80 avec Philippe-Auguste, pour renouveler l'alliance •■' *'^"' — '^'f-
et 1 amitié qui unissaient les deux peuples, et un autre, de a„ n.sn 5 .-;.
1189, avec les mêmes souverains, traité qui fut, pour Henri H, - iiymer, t 1,
une grande cause d humiliation et de douleur. Tels sont en- ''' "
core quelques traités avec le roi dKcos.se et des rois d'Irlande,
et un accord assez important entre Henri H et le comte de
Flandre. Cette dernière convention fut faite à Douvres, au „ ,
' Itvmer, t. I,
mois de mars 11 03, entre Henri II, et son fils d'une part, et p. 8.
de l'autre, Thierry d'Alsace, comte de Flandre, et son fils
aîné. Par cet acte, le comte de Flandre recevait en fief cinq
cents marcs d urgent, à condition d'envoyer mille chevaux
XII SIEr.LE.
613.
1459
Diccto,
- Gcrv.
De III. Aiigl.
Scr. p. 2H3.
520 HENRI ir, ROI D'ANGLETERRE,
au roi d'Angleterre, quand celui-ci en aurait besoin. Henri
I*"" avait déjà fait, au commencement du même siècle, une
convention avec Robert, comte de Flandre, par laquelle il
s'obligeait à lui payer, chaque année, en fief, 400 marcs
d'argent, sous la condition que Robert fournirait cinq cents
cavaliers, quand le service du roi l'exigerait. Robert s'obligea
ensuite à fournir mille chevaux à Henri aux mêmes con-
ditions. 11 y eut encore entre ces deux princes quelques dis-
cussions et une convention faite en 1181 ouH82. Raoul de
Diceto rapporte une lettre de Henri à l'évêque de Win-
cester, qui renferme plusieurs détails sur les demandes du
comte de Flandre et les concessions du roi. Cet évêque
s'appelait Richard, et peut-être est-ce à lui que fut écrite
cette lettre que Pitseus indique comme l'ayant été à l'ar-
chevêque de Cantorbéry, nommé Richard également : du
moins, je n'ai trouvé aucune épître de Henri H à ce dernier prélat,
et Pilseus ne fait pas mention de la lettre du monarque à l'évêque
de Wincesler ; la similitude des noms a pu produire la con-
fusion. Les traités avec le roi d'Ecosse sont des années 1 156 et
1174; nous en avons fait connaître les principales dispositions
dans le paragraphe relatif aux conquêtes de Henri II et à
l'accroissement de ses états ; nous y avons fait connaître éga-
lement les principales dispositions du traité conclu avec les sou-
verains qui gouvernaient l'Irlande, quand elle fut soumise par
les Anglais.
L'acte dont nous allons parler est un des plus mémorables
de la vie du roi. La guerre divisait, depuis plusieurs années,
Sancbe V, roi de Navarre, et Alphonse VIII, roi de Castille.
Au lieu de chercher à la prolonger, ils convinrent de s'en
rapporter, pour les différends qui avaient éclaté entre eux,
au roi d'Angleterre. Henri accepta cet honorable témoignage
de leur confiance, et la justifia par la manière dont il rendit
le jugement demandé. Le roi de Castille et le roi de Navarre
s'y soumirent également. La décision de Henri II est con-
T. I, |.. u. — servée dans les actes de Rymer. Elle l'avait déjà été par Roger
iioTed. p 565. jjg Hoveden et Raoul de Dicelo. « Vos lettres et vos ambassa-
— Oiccio, P- ,
597. - V. Tytr dcurs, y dit le roi, m'ayant fait connaître vos plaintes mu-
t. Il, p. 407 cl tuelles et le désir que je les terminasse par un jugement,
persuadé que le rétablissement de la paix entre vous sera
utile à la chrétienté toute entière, après avoir entendu les
défenseurs que vous avez chargés de faire valoir auprès do
noos vos réclamations, après en avoir aussi délibéré avec
HENRI II , ROI D'ANGLETERRE. 521
mes évêques, mes comtes et barons, j'ai rendu la décision xii siëcle.
suivante .... » Nous ne rapporterons pas celle décision, qui
consiste principalement dans des réparations et dédomma-
gemens demandés , dans des restitutions de terres prises par
un des monarques sur l'autre, dans une somme à payer ,
pendant un certain temps , à Sanche , par Alphonse , etc.
Le jugement du roi d'Angleterre a été pareillement conservé, p. 1120 ci
avec des détails historiques assez étendus, dans la Chronique s"'"- — v. aussi
de Bromion. Rymer ne donne pas seulement cet acte, il y , 53 e"suiv*. '
joint tous ceux qui le précédèrent. Pierre de Blois, dans une
de ses lettres , félicite Henri d'avoir été ainsi choisi pour Epit. n.
prononcer entre des rois, entre des peuples; il le compare
à Salomon, dont une reine éloignée venait consulter et admi-
rer la sagesse.
Pilséus, dans ses illustres écrivains d'Angleterre, cite d'autres P. 2t54.
lettres de Henri, que je n'ai pas retrouvées. Telles sont celles
qu'il indique, comme adressées à Bernard, abbé de Clairvaux.
Aurait-il été trompé par la ressemblance du nom de ce saint
avec le nom de l'abbé général de l'ordre de Grandmont, Pierre
Bernard ou Bernardi ? Ce religieux écrivit à Henri II, pour voir la Nouv.
lui faire part de sa nomination au généralat, et Henri II lui <^""- ''*■« "'s'-
répondit par la lettre dont nous avons offert l'analyse, quel- " 33J ^^ 332]
ques pages plus haut. aux notes, p.
Pitséus annonce encore plusieurs lettres à Jean de Sarisbéry l^Jl' "^^J, ^i!f'
^ . . •' o'Jb, dO(), u3o
et a Pierre de Blois, que je nai pas retrouvées, non plus que ei «39.
celle dont il parle, comme ayant été écrite par ce prince au
roi Etienne, son prédécesseur. La Collection de Pierre de Blois
en offre six, adressées par cet écrivain à Henri; la 1'% la 2",
la 41% la 47% la 95« et la 153«.
Actes concernant l'administration de la justice , la policé
et r administration intérieures , la législation civile et cri-
minelle.
11 n'y avait eu long-temps qu'une seule cour pour les Biack. liv. iif,
affaires civiles et les affaires ecclésiastiques, celle du comté '^- ^■
County-Court. L'évéque et le comte y siégeaient également,
avaient l'un pour l'autre une déférence réciproque dans les
objets qui les concernaient davantage , et se prêtaient, par
la différence même de leur caractère, un mutuel appui, qui
tournait au profit de l'ordre- public et de la justice. Mais
Tome XIV. Yvv
"yn HENRI II, ROI D'ANGLRTËRRK
XII siECLK. insensiblement prévalut la maxime que les ecclésiastiques
ne pouvaient être jugés que par eux-mêmes. Ce fut sous le
règne de Guillaume-le-Conquéranl qu'elle acheva de s'éta-
blir. Henri I essaya de rappeler l'ordre ancien ; mais les
ecclésiastiques firent presque aussitôt échouer ses efforts par
la déclaration faite dans un synode tenu à Westminster ,
qu'ils n'assisteraient pas au jugement des causes tempo-
relles. L'obligation de laisser au clergé ses tribunaux par-
ticuliers, fut une de celles que les évêques imposèrent à
Etienne quand il se plaça sur le trône. Sous son règne aussi
furent introduits les appels en cour de Rome Henri II fit or-
Ci-dcss. p. i7!t. donner, dans les constitutions de Clarendon , que dans les
causes ecclésiastiques l'appel serait porté de la cour de l'ar-
chidiacre à celle de révoque diocésain , de celle de révè(jue
à celle de l'archevêque ((ui l'avait pour suffragant, de la cour
de l'archevêque au roi, et qu'on ne pourrait étendre plus loin
son appel sans une permission de lui. Il voulut en même
temps réprimer l'énorme abus qu'on faisait des immunités
Cuil. Je Nouh. jje l'église. Guillaume de Newbridge et Pierre de Blois louent
1'. de Biois, en. Henri II pour avoir cherché à y mettre des bornes. Pierre
5 cl 75. de Blois parle au nom de Richard, successeur de Thomas
Becket dans l'archevêché de Canlorbéry. Le roi s'était plaint
de la faiblesse et de l'insouciance du prélat; le prélat écrit ou
fait écrire une lettre assez longue, oii la question est exami-
née et discutée; avcîc cpielquc étendue. Les principes qu'il
y développe sont peu conformes à ceux que Thomas Becket
n'avait cessé de défendre Longtemps avant ce dernier, le
Cl .icss. p. 475. clergé avait soutenu qu'il ne pouvait, en matière criminelle,
être soumis aux tribunaux ordinaires ; prétention qu'il éten-
dit enfin jus(]u'aux matières civiles L'assemblée de Claren-
don discuta également ces deux objets. Nous avons dit
quelles résolutions y furent |)rises, et combien il en naquit
de dissensions nouvelles. Nous avons dit pareillement (jue
I abandon fait de ses droits par Henri , après la mort de
Thomas Becket, n'avait pas éteint en lui le .s(>nliment de leur
justice et quelque regret d'en avoir lui-même dépouillé le
trône, après avoir fait tant cl de si longs efforts pour le lui
rendre.
Spcim rtpj. Je trouve, en 1170, une assemblée tenue à Norlhamplon,
p. 331. - Dio. sous la présidence d'un légal du |ia|)e , dans la(}ueile on
de ^Hov 7 s*!> ''"'S'e f|i'G les ccclét-iastiqucs seront justiciables des Iribu-
— Tyrrell, 1. Il, naux Ordinaires comme tous les autres sujets, i>our les dé-
p. *M.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 533
lits concernant la chasse et les forêts. Un des principaux ■"" sïeclr
changemens apportés à la législation britannique par la
conquête de Guillaume, avait été l'introduction des lois
normandes, relatives à la chasse et aux forêts. Le droit de
chasse fut réservé au prince; on ne put du moins l'exercer ,,. <8 cl'tui!! -
désormais sans une permission particulière de lui ; la morl "'="''• ■'» 'V,
fut prononcée contre ceux qui violeraient la défense faite. *^ "'^
On regardait les animaux comme des épaves, et, à ce titre
comme la propriété du souverain. Reaucoup de seigneurs
puissans s'arrogèrent cette portion des droits de la souve-
raineté. Etienne, pour acquérir cette popularité dont les
usurpateurs ont besoin, avait promis aux Anglais la réforme
de ces lois ; il ne tint pas sa promesse. Henri II vint encore Bi»ck. liv. m,
ici au secours du peuple. Il soumit à des règles et à des for- *■• **' ''''• 'V- «•
malilés la conduite des ofTiciers chargés de leur exécution ; m' " l,'? '"^'^ ''
il prit des moyens j)our réprimer les vexations dont ils se
rendaient coupables ; il établit des grands maîtres des forêts
juges et punisseurs des oppressions comme des délits. Mal-
heureusement, peu d'années après, Richard, son fils et son
successeur, rendit aux lois forestières toute leur force; il
ajouta même à leur sévérité. Nous n'entrerons dans aucun
détail sur l'ordonnance de ce prince ; elle est étrangère à la
vie de Henri II et à ses travaux. Ceux qui voudraient la
connaître la trouveront imprimée, dans toute son étendue,
parmi les [)reuves et pièces juslilicatives de l'ouvrage inti-
tulé : Anciennes lois des Français, conservées dans les cou- T ". p • J«
tûmes anglaises, recueillies par Lillleton. Le savant auteur "^^ *""'
de cet ouvrage , Houard , les a publiées d'après le Codex
legum veterum regni Angliae de Spclmann , qui fait partie
du recueil des lois anglo-saxonnes de Wilkins. L'ordon-
nance de Richard porte le titre suivant • Hcec est assisa
domini régis, et haec sunt prsecepta de forestis suis in Angliâ,
fada per assensum et consilium archiepiscoporioji et episco-
porum, abbatwn, comitum et baronum, et militum totiits
regni sui. L esprit de la loi peut aisément se reconnaître en
voyant quels furent ceux qui y concoururent, qui la conseil-
lèrent, qui l'avaient sans doute provoquée.
Blackstone fixe à Tannée 1184 l'institution des grands maî- Liv. m. c. «.
ires des eaux et forêts par Henri II , mais un passage de
Roger de Hoveden annonce qu'ils existaient auparavant, et Sur lan asi.
que l'année 1184 fut seulement l'époque d'une nouvelle di- — V"»- gioss.
vision établie dans l'administration générale, et sur-tout dans ''■ l^' '°''" ^'^^
V vv 2
524 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, l'organisation judiciaire de ce qai concernait les bois. Celte année
même, dit-il, mourut Thomas, fils de Bernard, qui, après le
décès d'Alain de Neuville, avait été grand maître des forêts
d'Angleterre. Le roi divisa alors ses forêts en plusieurs parties,
et proposa quatre maîtres ou justiciers pour chacune d'elles,
deux nobles et deux ecclésiastiques. 11 nomma aussi des gardiens
et conservateurs généraux, tant pour les forêts royales, que pour
celles des seigneurs.
Si l'on avait besoin de mieux connaître encore la sagesse
des mesures prescrites par Henri II, il suffirait de lire ce
qu'ont écrit plusieurs auteurs contemporains sur tout ce
que le peuple avait à souffrir, d'après les lois même, avant
les nouvelles ordonnances du roi. Pedicas ponere avibus ,
dit Jean de Sarisbéry dans le premier livre du policratique,
laqueis texere, allicere nodis vel fistidâ, aut quibuscumque
insidiis supplantare, ex edicto saspè fit criminis, et vel praes-
criptïone bonorum mulctatur, vel membrorum punitur, sc-
lutisque dispendio. A novalibus arcentur agricole, dum fer se
habeant vagandi libertalem ; illis ut pasciia augeantur,
praedia subtrahuntur agricolis -. sationalia insitiva colonis ,
cùm pascua arnientariis et gregariis, tiim alvearia à flora-
libus excludunt ; ipsis quoque apibus vix naturali libertate
g^. gg uli permissum est. Pierre de Blois, écrivant à Henri II, ne
s'exprime pas avec moins de force sur les vexations et les
déprédations commises par les officiers des forêts.
Des vexations aussi, des injustices étaient reprochées aux
juges ordinaires. Pierre de Blois, dans la même épître, les
accuse avec véhémence auprès du roi, à qui sa lettre est
adressée. 11 attaque même ceux qui formaient les assises
nouvellement établies. Ipsos justiciarios , dit-il, quos vulga.
riter errantes vel itinérantes dicimus, dum errata hominum
diligenter explorant, fréquenter errare contingit. H se plaint
bien plus encore des juges inférieurs, qui mettaient à prix
les jugemens qu'ils devaient rendre. Il regrette que le mo-
narque ne puisse soumettre toutes les causes à sa décision,
cl appelle son attention la plus sévère sur des hommes qui
trompent ainsi sa confiance et qui oppriment son peuple.
Pierre de Blois indique d'autres poursuites faites envers des
malheureux qui n'avaient pas même de quoi fournir à la
subsistance de leurs femmes et de leurs enfants. Accusaiur
quod jura coronse tacuerit, quod publicœ functionis tribu-
tum non solverit, quod undredo et alimoto defuerit, quod
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 525
regios ministeriales honorifice non exhibuerit. Ces. derniers xii siècle.
ujots annoncent un droit de gîte exercé par les officiers du
roi ; ceux qui précèdent se rapportent à l'obligation de
se rendre, à des jours marqués, aux assemblées qui doi-
vent se tenir pour régler les travaux à faire ou la taxe à
payer par l'hundred , c'est-à-dire , par une réunion de cent
fam'lles ; les deux premiers chefs d'accusation n'ont pas be-
soin d'être expliqués. Les chefs de grandes familles de cul-
tivateurs , qui formaient l'hundred , en étaient les adminis-
trateurs et les juges, et aujourd'hui encore les francs tenanciers BUck. liv. m,
forment une cour semblable , quoique le temps et les chan- '• *••
gemèns politiques en aient modifié les attributions et le
pouvoir.
Le séjour de Henri 11 en France pendant plusieurs an-
nées ayant relâché les ressorts du gouvernement intérieur
de l'Angleterre , et beaucoup de magistrats étant devenus
moins dignes de la confiance du prince et des peuples, la
conduite des shérifs et de leurs oflîciers avait été l'objet , en
1170, d'une enquête dont Tyrrell nous a conservé les ar- r. ii. p. 463.
ticles souvent relatifs à l'administration de la justice. Lit-
tleton parle aussi de l'état de désordre et de malversation où Vie de Henri
les tribunaux étaient tombés , la cour suprême exceptée. La "• '• "' P ^'•"•
commission d'enquête fut composée de comtes , barons, che-
valiers , et de personnes considérables dans le clergé , les-
quels se partagèrent le royaume en arrondissemens. Les
lettres données par Henri II ne bornent pas aux juges l'in-
formation prescrite, mais elles les concernent plus particu- Hoved. p! sis.
lièrement. Elles commandent un examen attentif sur des — Diceio. p
605
prévarications auxquelles ils ont pu se livrer ; le résultat de
cet examen ne montra que trop combien ce mal était cer-
tain et universel. Le roi déposa presque tous ses juges , et
les força de restituer les fruits des exactions dont ils s'étaient ren-
dus coupables.
La juste animadversion du roi, et les mesures qu'elle lui
inspira , n'eurent pas tout l'effet qu'il aurait dû en attendre ,
si nous en jugeons par ce que dit Pierre de Blois dans la lettre
que nous venons de citer. Les membres même des assises mé-
ritèrent bientôt d'assez graves reproches. Henri H les avait à peine
établies. L'érection de ces tribunaux est un des principaux actes
du règne de ce prince. Essayons de faire bien connaître les mo-
tifs qui l'y déterminèrent.
Lesjugemens appelés jugemens de Dieu étaient alors corn-
526 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, muns eu Angleterre. On y recherchait de deux manières
cette décision que faisait attribuer à l'être suprême l'idée
qu'il intervenait nécessairement dans chaque accusation pour
indiquer le crime et protéger linnocLiicc . par l'eau et par le
feu. Blackstone dit que la dernière était réservée aux per-
sonnes d un rang plus élevé, et que ré[)reuve par l'eau était
pour le commun du peuple Cependant, sous le règne même
de Henri 11, un riche et noble vicUlard ayant été accusé d'un
meurtre commis pendant l'assemblée qui se tenait à Londres
en 1176, il fut soumis à l'épreuve de l'eau , et y succomba ;
et l'historien qui nous le raconte obscrvi' que ce fut à l'exa-
men par l'eau chaude ({u'on eut recours ; car, dit-il , c'est
[lar elle que Dieu était consulté sur les inculpations faites
aux nobles ; on n examinait par l'eau froi le que les per-
sonnes d'un rang inférieur ; Intelligendum autem est exa-
men hoc faclicm fuisse aquà calidà, non frigidà, quod
Joannes (le coupable) nobilis esset ; nain aquà frigidà rus-
tici solummodo examinabanlur. Or, cet historien , Itadul-
phus Niger, était contemporain de Henri H. Le fait qu'il
rapporte est aussi rai)porté par Mathieu Paris, sur l'an 1177.
T. lu, |.. 2S8. Litlleton dit seulement que l'accusé subit ré[)reuve de l'eau.
Tous expriment par ordalie cette manière de rechercher le
jugement de Dieu , mol (jui ne s applique pas aux seules
épreuves par l'eau ; il désigne également celles par le feu :
la jurisprudence anglaise l'avait pris à la langue des Saxons;
or est un primitif semblable à l'a des Grecs et à \'in des La-
lins, et ordael est lécpiivalenl d'aSAaonç ou iXinnoxius. Wil-
UiLs sax. i>. kins entre dans les plus grands détails sur I ordalie , et il
27 cl S'î. Voir n,éiiie d'autant pli;s d être consulté par ceux (jui voudraient
pr .'cl le (iioss. approfondir ce sujet, qu'il n'annonce pas toujours les mêmes
p. 421 cl sujv. formes, les mêmes cérémonies que Pithou et Haluse avaient
indiquées dans leurs observations sur les capilulaires de
I' 135 cl siiiv "'^^ ''°'^- ^" P^"^ ^^'"^ encore le glossaire de Spelmann et
T. Il, p. ai», les notes de M. Houard snr l'ouvrage qu'il a intitulé An-
i'i<o cl *!•?. ciennes lois des Français , consen'ées dans les coutumes
anglaises.
Les épreuves par leau et par le leu n'empêchaient pas , au
reste , qu'on ne tentât aussi , en m'^-me temps , de décider par
un combat entre l'accusateur et l'accusé Celte manière d'in-
Biack liv. III, lerroger Dieu s'était pareillement introduite en Angleterre;
c. 22 cl i!5. cIIq y avait été apportée par Guillaume- le -Conquérant.
Blackstone nous dil comment et dans quel cas on en faisait
XII SIECLE.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. o27
usage. Un prince tel que Henri H ne pouvait approuver une
coutume si stupide et si barbare. Elle était néanmoins lelie-
menl dans les mœurs de sa nation comme de toutes les nations
de l'Eurofie, qu'on ne devait guères espérer de l'abattre d'un
seul coup. Sans recourir désormais aux combats judiciaires,
Henri offrit à ses sujets un moyen plus sûr d'atteindre la vérité :
des assises furent établies, et la décision y fut confiée à des
jurés, lis étaient nommés par des juges, chargés par eux de
l'examen des faits , et prononçaient avec serment ce qu'ils
croyaient équitable. Une semblable institution avait existé en
France dès la première race îles causes importantes, et sur-
tout les causes criminelles, y étaient décidées par l'avis et
le serment de douze personnes. Les épreuves et les combats
avaient ensuite prévalu. Henri essaya d'en détourner par le
renouvellement de 1 institution de la jurée ou de la grande
assise, que la loi même qui l'établit appelle regale quoddam cia°viiif. iiv.
be7ieficiuin , rlementia principis , de consilio procertim , po-
pulis induUum , quo vilce hommum et status integritati tant
salubriter consulitu?' .... Ex equilate maximà prodituni ;
jus enini quod post multas et longas dilations s , vix evinci-
tur per duellum ; per bene/icinm isliiis constitutionis commo-
diiis et acceleratiiis expedilur .... Prœtereà , quanto magis
pondérât in judiciis plurium idoneorwn testium fides, quàm
unius tantwn , tanto majore aequitate nititur ista consti-
tutio quam duellum : ciini ex unius jurati testimonio prO'
cedat duellum, duodecim, ad minus, legalium hominum exigit
isla constitutio juramenta.
Le mol assise a plusieurs sens dans la jurisprudence des m ^^l^^\. ''ei
Anglais. On s'en est servi pour exprimer une ordonnance Speim. Gioss. p.
du prince, des résolutions prises dans une assemblée gêné- *^ "^^ *^'
raie du royaume, des assemblées judiciaires dans chaque
comté, et l'acte aussi par lequel on réclamait auprès d'elles
une propriété qu'on avait perdue : il a d'autres significations
encore, que ce n'est point ici le lieu d'examiner ou de faire
connaître. Dans un ouvrage du treizième siècle, publié sous
le titre de Miroir de justices , spéculum justitiaf^iorium ,
comme l'appellent les auteurs qui ont écrit en latin (on di- Ch. a, seci. 2Ji.
sait alors justices pour dire juges), nous lisons : Assise est
donnée pur (pour) action en quatre manièrs de pleas (pro-
cès) possessories ; novel disseisins (dépossession récente), mort
d'auncester (d'ancélres), darrein presenlment (dernière no-
mination, présentation), juris utrum (mots qui s'appliquent
528 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, ay caractère du tenement disputé). Mes tiels assises sont ap-
pelés petits à le différence des grandes, car la ley (loi) de
fiefs est toute fondée sur deux droits, de possession et de
propriété. Le miroir de justice fait assez bien connaître ,
dans ce chapitre, les assises établies, dans le siècle précédent,
par Henri II, d'après le travail et les conseils de Ranulfe de
Glanville, grand justicier d'Angleterre. On peut voir aussi
ce qu'en dit Biackslone dans les dixième et seizième cha-
pitres du troisième livre de son commentaire sur les lois
anglaises ; il faut voir sur-tout le traité dû à Ranulfe de
Glanville lui-même, sur les lois el les coutumes de sa patrie ,
pendant qu'il en était le premier magistrat et que Henri la
gouvernait, et principalement le second livre, le dixième et le
treizième.
L'assise établie par ce prince se composa de juges que nomma
une assemblée générale du royaume, en 1176, et qu'elle choisit
dans la grande cour du roi. Ils furent ambulans, Jtwiictam in
Ci dess. p. !î2*. itiïiere, errantes vel itinérantes justiciarii, comme disait Pierre
de Blois, et devaient faire, à des époques déterminées, le tour
successif des différentes provinces, pour y juger les causes sou-
mises à leurs tribunaux, et des causes civiles comme des causes
criminelles. La question de la saisine, de la possession, fut laissée
à de petites assises ; les grandes prononcèrent seules sur la
question définitive de la conservation du domaine , de la
propriété.
Plus de six siècles n'ont pas détruit l'institution de Henri II.
Les assises, les assises ambulantes sont encore une des lois
de l'Angleterre, une de celles qu'un assentiment général n'a
pas moins consacrées que le temps. Seulement de fausses
idées religieuses persuadèrent assez long-temps qu'on ne
devait les tenir ni pendant l'avent , ni pendant le carôme ,
ni depuis l'Ascension jusqu'à l'octave de la Pentecôte, ni à
quelques autres époques de l'année ; comme si c'était offenser
Dieu que de juger des procès ou de punir des crimes. Henri II "
ne l'avait pas ordonné ainsi ; et l'on se vit même souvent
obligé d'accorder une dispense ecclésiastique pour que la
justice ne fut pas retardée, pour qu'elle pût être rendue en
ces temps même où on avait paru croire qu'elle ne pouvait
l'être sans déplaire à celui qui est pourtant la justice éter-
nelle et suprême. Douze grands juges vont aujourd'hui de
deux en deux tenir les assises dans des arrondissemens et
T. Il, p. 22*. à des termes indiqués. Rapin Thoyras l'avait, dit , comme
XII SIECLE.
HENRI H, ROI D'ANGLETERRE. 529
plusieurs autres historiens, et Tindal lui fait à ce sujet un
reproche assez puéril, et qui porte moins sur la chose elle- obstr». t. i,
même que sur l'emploi du mol par lequel les époques sont Liv. m, c. 18.
assignées. Blackstone explique très-bien encore quel fut et quel
est aujourd'hui l'état de la législation sur ces tribunaux. Spel- Cod. p. 329.
mann donne le détail des circuits formés par la loi de Henri H ; p, g^g '
ils furent au nombre de six, et il y eut trois juges pour chacun.
Spelmann donne aussi le nom de toutes les personnes que le
monarque y préposa à l'adminislralion de la justice. Henri leur
fit jurer sur l'évangile d'observer fidèlement les réglemens qu'il
venait d'établir, et de les faire observer inviolablement par
tous les sujets de l'empire. La loi prononça des peines sévères spcim. cod.
contre ceux qui se rendraient coupables de parjure dans les P- ^-^^
assises ; l'infamie y est jointe à l'emprisonnement de la personne
et à la confiscation des biens mobiliers. 11 s'agit ici des douze
jurés qui devaient concourir à reconnaître et déterminer le
crime et le coupable.
La confiscation n'est là que partielle. Quelquefois elle était
générale. Les condamnations prononcées sous le règne de
Henri 11 offrent plusieurs exemples de cette universalité. Les
biens de Thomas Becket furent confisqués en entier. En 1157, Ci-dess. p. ise.
pendant la guerre faite dans le pays de Galles, Henri, comte
d'Essex, qui, par un droit héréditaire, portait la bannière ,j^ *jj ^^ ^«"'"■•
du roi, l'ayant laissé prendre aux ennemis, et s'étant sauvé
en répandant la fausse nouvelle de la mort du prince, Ro-
bert de Montfort l'appela en duel, le vainquit ; et cependant
le roi consentit à lui lai.sser la vie, mais en l'enfermant dans
un monastère et confisquant l'immense héritage qu'il pos-
sédait. Un peu auparavant, Henri II avait aussi dépouillé de Diceto, p. B31.
tous ses biens un seigneur accusé d'empoisonnement, Guil- ^^ ^377 _ p^,,
laume Peverel (Peverel même s'était d'abord fait moine pour du m. p. 773.
échapper au supplice; mais bientôt il prit la fuite, ne croyant
plus que cet habit suffirait pour lui assurer l'impunité). A une
anire époque, en 1177 , on voit Henri H rendre au comte
de Leicester et au comte de Chesler, les terres qu'on leur ooved. p. 660.
avait prises ; mais il s'agit moins ici de domaines confisqués par
l'effet d'un jugement que par l'effet de la guerre et de la
victoire.
L'année précédente, le roi Henri, fils aîné de Henri H, avait Ho?cd. p. 55t.
fait fouetter publiquement un homme accusé d'avoir découvert
an père des secrets que le fils lui avait confiés.
Quelques autres actes de Henri H s'appliquent à des dé'
TomeXir. Xxx
530 HENRI II, ROI DANGLETËRRK.
XII SIECLE, liis contre les propriétés publiques ou privées. La levée des
décimes pour la Terre-Sainte fut l'occasion de plusieurs vols
faits à l'état par ceux même qui étaient chargés de les re-
P. 64'J. cueillir. Iloveden nomme un templier, Gilbert de Ogcrstan,
qui s'en rendit coupable, et il observe que, (pioique Henri
pût, d'après la nature du crime, le punir lui-même , ce prince
le renvoya au maître des templiers à Londres, (jui se
chargea de la punilion Spelmann, (pii le rappelle, y joint
dautres accusations faites pour d'autres délits du même
genre, des vols de blé, des vols de drap, et il dit comment
ces crimes furent poursuivis , comment on en établit la
preuve, par quel magistral ils furent jugés. Ils le furent par
le coroner , coronarins , ou juge de tout ce cpii regarde la
couronne ; et on n'entend pas sculenienl par-là les droits ou
la ilignilé du prince, mais le premier de ses tlevoirs, la Iran-
(piillilé et la sûreté pidtlitpie Iloveden parle encore , sur
r. B67. 1 an H 77, du vol fait par un chanoine, du corps d'un saint,
[)our le porter, d'Angleterre oii il était, dans un monastère
de Bretagne. Henri ordonna au justicier tie cette province
de le redemander aux religieux du conveni oîi on l'avait
porté, cl en cas de; relus, de le leur enlever de vive force. On
n'eut pas besoin diMecourir à ce di rnier moyen; le corps
„ ,,„ lut bientôt rendu Diccio i)arle, sur lannée M7!>, d'une con-
r. 007. — ' ...
Liulct. I. III, damnation à la poleiic(î contre les meurIruTs d un petil
•'• '^- prince du pays de (j;illes, a.s.-;assiné eu retournant dans sa
piiiicipauté, (pioi(pi il eût un sauf-conduit du roi à la cour
dutjuel il était \enu l.a même peine avait été prononcée
contre quatre chevaliers prévenus d avoir assassiné un fo-
restier.
Le bannissement est aussi ordonne dans (pielipies lois de
S|.rim. cod. Henri H. Les assi.ses (h; (llareiidon el de Northamplon in-
p. ...)0 cl ..31. - ,|j,.„çpi ,|(;g p.,j; (,j, il (Jev;iil être prononcé. Elles délerminenl
LiUlcl. t. III, ' 1 I 1 V- Il
p. 218 ctsciiv.- plusieurs autres peines applicables a dillerens crimes, (le
Tyiirii, t. Il, p. meiirlie, le vol, le lecélement des coupables, le faux, l'in-
*^^' '^''"' eendie, la Irahi.son, etc \ comme les jioings coupés et l'am-
piitalion des pieds ou des mains. Les jiigemens par l'eau, les
cautions offertes, les douze jurés y sont souvent rappelés. Quel-
(pies articles ne sont que des réglemens de police, celui, par
exemple, (|ui détermine comi)ien de temps on pourra loger
im étranger dans sa maison : d'autres peuvent s'appliquer
aux lois féodales, comme ceux qui règlent la saisine des biens
à la mort du franc tenancier, l'hommage et le serment dus
HENRF II, ROI D'ANGLETERRE. 531
au seigneur ou au roi, la décision des difl'érends que les hé- xii siècle
rilages laissés peuvent faire naître, et quelques droits de
la couronne : d'autres concernent 1 administration de la jus-
tice, prescrivent aux juges quelques obligations particulières
qui tendent à la conservation de l'ordre public, des do-
maines et revenus du roi. Un des articles invile à rentrer
dans le royaume ceux qui l'ont (juitté, et les déclare pro-
scrits à jamais, s'ils ne reviennent dans un tenq)s déterminé,
peine à laquelle était jointe celle de la confiscation univer-
selle des biens. Le bannissement pour deux années avait Diccio, p.
été prononcé, en 11G4, envers un chanoine de Bedford, Phi- ^'2. — Spcim.
lippe de Broc, qui, appelé en justice pour un assassinat donton "^^ *"■
l'accusait, s'était permis des paroles outrageantes contre le jus-
ticier du roi ; il avait été privé en nit''mc! temps des revenus de
son canonicat.
Le rachat pécuniaire du crime n'était pas inconnu en
Angleterre, quand Henri II monta sur le trône ; une loi de Spcim. rod.
Henri P avait même déterminé les actions pour lesquelles llv. iv^as?
il serait permis de composer avec la l'amiUe de 1 oflensé, les
actions pour lesquelles il ne le serait pas, et le prix de cette
composition, cpiand elle aurait lieu, l'n autre u.sage, peu
favorable au maintien des lois et du l.i justices, dont on re-
trouve des exemples sous le règni! de Henri II, est celui qui
reconnaissait à des évêques le droit de suspendre l'exécution
d'un jugement prononcé; ainsi, en 11N4, un gentilhomme Ho», p. 024.
ayant été condamné il être pendu pour crime de rapt, l'évêque ~ ^i'^'""- ="'!•
se présenta au moment oii le cou|)ablo allait subir la mort,
et défendit, sous peine d'excommunication, au bourreau, d'exé-
cuter le jugement, sur le prétexte que c'était un jour de di-
manche et de fêle.
Le droit dasyle avait été aussi consacré par les lois. Tout cout Ancio-
coupable qui se réfugiait dans la maison d'un prêtre, qui nnrm. i. 1, p.
arrivait jusqu'au porche d'une église, était à l'abri des pour- ^*'*" T *"'^" '"''
suites. Henri 11 ne voulut pas reconnaître celle immunité, p. 76 '
Les coupables furent arrachés du lieu oii ils se cachaient,
pour être remis aux tribunaux et subir la j)eine que les lois Knyghion,
prononçaient. p. uoo.
S'il réforma ainsi un des plus grands abus que les lois
puissent autoriser, il en laissa subsister un autre que la lé-
gislation d'Angleterre a conservé, celui de laisser aux cours cig,,^ ^■^
ecclésiastiques le jugement de ce qui concerne les teslamens vit, c. 8. -
et les successions. Henri le sanctionna même par une loi ex- ^^'"^^' ''^' '"'
X.XX2 '■''
532 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, presse. La plupart des questions concernant le mariage furent
GisDT. liv. également soumises à la décision de ces cours. Radulphus
^"'sJm. Cod. Niger attribue à Henri II la permission donnée aux évêques de
p. 337 ei 538. disposer de leurs biens, et ensuite l'autorisation des mariages
au troisième degré de parenté.
Sons les rapports de l'administration intérieure, l'histoire nous
a conservé plusieurs actions, dont elle exprime le but et le résul-
Diceio !.. 589. ^^^' ^^°^ °°"^ ^° conserver les actes écrits et publiés. On doit
citer ce qu'il fit en 1176: la disette frappant le Maine et l'An-
jou, Henri, du 1er avril à la récolte du blé, nourrit, chaque
jour, dix mille hommes ; tout ce qui se trouvait dans les gre-
niers publics fut distribué aux pauvres, qui reçurent encore
d'autres secours.
Dès le commencement de son règne, le monarque avait
assuré aux peuples une administration plus douce, en répri-
mant la tyrannie des seigneurs, en accordant aux villes des
privilèges, ou plutôt en rétablissant des droits que l'oppres-
T. III, p. 281. sion seule avait pu détruire. Lillleton nous rappelle ce qui
fut fait pour les villes de Bristol et de Dublin. Le roi leur as-
sura de plus, par la même charte, un commerce libre avec
tous les états de sa domination. Nous avons parlé, dans un
Ci-Jcss. p. 472. des paragraphes qui précèdent, d'une alliance qui devait avoir
pour but de procurer le môme avantage aux sujets de Henri H
qu'à ceux de l'empereur Frédéric Barberousse. Par un article de
„. , „„, la convention de 1177, au sujet du voyagea la Terre-Sainte
Ci-iless. p 503. •* •> '^ 1. i 1
que devaient faire ensemble les rois de France et d Angleterre,
Henri avait assuré dans ses états, comme Louis dans les siens,
paix et protection au commerce,
iioved. p. 615. Quant à la transmission des biens , Roger , archevêque
— Mal. Pans, d'Yorck, avait obtenu du pape Alexandre le privilège de s'ap-
»n. M8I ' 15. proprierceux des ecclésiastiques de sa juridiction, morts sans
les avoir distribués eux-mêmes, quoiqu'ils en eussent disposé
par un testament. Roger mourut, laissant à diverses personnes
son argent et son mobilier, lesquels s'élevaient à onze mille
marcs de ce mêlai et à trois cents marcs d'or. Henri s'empara de
tout, appliquant à l'archevêque d'Yorck la décision que ce prélat
avait obtenue du pape relativement aux biens des clercs sou-
mis à son autorité.
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 533
XII SIECLK.
Lois concernant les revenus publics et la féodalité.
Guiilaume-Ie-Conquérant introduisit en Angleterre la plu-
part des institutions et des coutumes adoptées en Norman-
die, et parmi elles se remarquent les lois qui concernent la
féodalité. Après avoir annexé une partie des terres au do- nv ix.^p. 15?!
maine de la couronne, le vainqueur laissa la possession du —Chopin, du
reste aux propriétaires, sous des conditions de dépendance ^""'^'""^ '"'•
et d'hommage, moyennant des redevances aussi et quelques p. 21.
obligations personnelles. Des fiefs furent par-là même éta-
blis. Guillaume ordonna en même temps pour tout le
royaume un cadastre général, et le rôle ou l'état des terres
qui fut alors dressé subsiste encore aujourd'hui ; il est connu
dans la législation anglaise sous un nom qui n'a aucune re-
lation avec ce qu'il exprime, domesday, c'est-à-dire, jour du
jugement ; Sententia hujus libri inficiari nonpotest, vel impune
declinari ; ob hoc nos ewndem librum judiciarium nominamus,
dit Coke, qui ne fait que répéter ce qu'en disait dans le livre '"''• ''*'• '"•
noir de l'échiquier (ainsi appelé, parce qu'il est couvert de noir) igg ' ''
un neveu de Guillaume-le-Conquérant, Henri , évoque de
Winchester, et que redit Spelmann dans son glossaire, vou-
lant en expliquer aussi l'étymologie. Le livre noir contenait ''■ *'*'
aussi l'état des soldats que devaient au roi les possesseurs d'un
fief mouvant immédiatement de lui, et des soldats dus parles
vassaux de chacun d'eux pour les fiefs qui en relevaient. Les
Anglais n'ont aucun monument plus ancien. Spelmann en-
core dans le même ouvrage en a donné une description assez
étendue.
Parmi les redevances pécuniaires dont ce livre môme de-
vait servir à régler la mesure ou la quotité, une des plus
considérables était le droit de relief, ou le droit à payer pour
conserver une terre qu'on supposait tombée dans le domaine
du seigneur par la mort de celui qui la possédait, et que
l'héritier devait relever, s'il voulait continuer à en jouir. Une
loi de Henri I«' avait modéré ce droit , perçu auparavant "*'*!: ^"'^
d'une manière arbitraire et oppressive. Une loi de Henri II Biàck. liv. 11, c
détermina que l'héritier ou possesseur d'un fief entier de che- ^- " *''"'• '• .''
Valérie paierait, quand il serait de plein âge (à vingt-un ans), 5"' 112. '_ coke
cent sous pour relief au seigneur , deux livres dix sous, s'il et Houard, sur
n'en avait que la moitié, et ainsi toujours proportionnelle- "
;< 8
534 HENRI II, ROI D ANGLETERRE.
XII SIECLE, menl. (Le relief fut du quart de la valeur du service : on
évaluai! à vingt livres le service d'un fief de chevalier , à
quatre cents livres celui d'une baronnie ou d'un comté, ce
qui faisait par conséquent cent livres pour le relief.) Ce
droit, établi quand les fiefs n'étaient pas encore héréditaires,
avait subsisté quand ils le furent devenus ; Guillaume-le-Con-
quérant le faisait payer en armes, en habillemens de guerre,
et pour de l'argent, dans le cas uniquement où celui qui le
devrait n'aurait pas d'armes à fournir : mais Henri 11 ayant
décidé que les armures passeraient à l'héritier, la redevance
pécuniaire devint la seule manière de payer le relief au sei-
gneur. Nous avons dit qu'on ne le devait qu'à vingt-un ans;
iiiMii. (le Liui. si la tenure néanmoins était à la charge de rente, le seigneur
i- *^- avait relief dès l'instant du décès de son vassal , quel que fût l'âge
du mineur.
Les terres anglaises, en devenant féodales, ne le devinrent
pas toutes aux mêmes conditions , avec les mêmes carac-
tères. Les tenures laïques que Blackstone réduit à quatre es-
pèces principales, diffèrent entre elles par la nature et la
durée du service imposé ; prendre les armes pour la défense
du seigneur, labourer sa terre, lui payer une redevance en
argent ou en fruits, etc. La plus honorable était celle qui
concernait le service militaire, ou la tenure de chevalerie.
La dernière de toutes était le villenagium socagium , qui
imposait de moins nobles obligations; celait un service bas
cl entièrement dépendant de la volonté du seigneur. Le ser-
vice était-il incertain pour le temps et pour la quantité : la
tenure se désignait alors par villenagium purum. Au-dessus
d'elle, et immédiatement après la première, fut le service
libre, déterminé, qui ne consistait que dans les foi et hom-
mage et dans des redevances, liberum socagium, ou roture
libre.
Les fiefs dont nous avons d'abord parlé devaient le ser-
vi(;e militaire, et c'est d'après ce motif que la loi n'exigail
quune partie du revenu. Il était dû tout entier pour les te-
nures qui ne devaient pas ce servioe. L'obligation imposée
aux vassaux de prendre les armes pour leur seigneur était
Hume, I. I. aussi ancienne que la féodalité Mais les troupes qu'ils four-
I iule! "\ Ti'' 7 nissaienl avaient dans leur composition même des élémens
ilo.*^ ' '' d'indépendance (jui ne rendaient pas toujours certain le se-
cours qu'on en pouvait espérer. Henri substitua en Norman-
die et dans plusieurs autres provinces, une contribution en
HENRI, I! ROI D'ANGLETRRRR. 535
argent au service personnel. La contribution fut de trois xii siècle.
livres par fief de chevalier. Les tenanciers militaires adop-
tèrent avec plaisir le changement proposé, cl le roi, de son
côté, eut, par le moyen de cet argent, un service plus sûr
et des troupes plus obéissantes. C'est la rcd-^vance désignée
ordinairement dans les* anciennes lois féodales, par scuta-
giutn, servitiian senti, ou bien, escuage , essuage , soulage.
On entendait par (ief de chevalier, celui qui ne relevait que du
prince.
Henri avait fixé le droit d'cscuage en l'établissant. La taxe insi. ,ie Liui.
en devint par la suite tellement arbitraire, (lue lorsqu'un des 5 9^ '^ "'• —
nls du roi, Jean-sans-terrc, donna la grande charte ou lac- c. s.
cepta, un de ses articles décida formellement qu'on ne pour-
rait en imposer une semblable sans le consentement du par-
lement, et sa valeur fut a^sez souvent de quarante sous pour
le plein fief, et de vingt pour le demi-fief Blackslone re-
garde l'escuage ou le scutage comme le principe et l'origine
de la taxe mise sur les terres La subslilulion des troupes
soudoyées à une milice composée de barons, de chevaliers,
de gentilshommes, tous vassaux du roi, est un des plus grands
changemens faits dans les institutions britanniques. Il est de
la cin(]uième année du règne de Henri II. Gervais dit que p ijgi v.
la somme produite celle année même, Ho'J, par le droit de Tvi.eii, i. ii, p.
scutage, fut de 180 mille livres d'argent pour l'Angleterre;
Henri préleva pareillement une somme assez considérable en
Aquitaine et dans ses autres provinces de France. Tyrrell fait
mention d'autres scutages encore, mis par ce prince à d'autres
époques de son règne.
11 y a plusieurs dispositions féodales dans une autre loi du
même prince, de l'année 117G, lesquelles concernent les
biens laissés par le franc tenancier mourant, la saisine de
l'héritage, le relief et l'hommage dus au seigneur du fief, la
dot de la veuve et ses droits sur les biens meubles. Une
autre loi encore de Henri H, mais de 1181, rècle la manière „ ,.,,
"^ UOV. p. I)l4.
de s'armer pour tous ceux qui avaient le droit ou l'obliga- — Liiti.-t. t m,
lion du service militaire. Quiconque possédait un fief de ^' ''^'' '^' ■'""^'
chevalier (ou ne relevant que du prince) devait avoir une p. is» et i^*.!.
cuirasse, un casque, un bouclier, une lance. En possédait- - Tvricii. i ii,
on plusieurs : il fallait avoir de chacune de ces armures au- ^' **'* *' *^^*
tant qu'on avait de fiefs ; la lance, le bouclier, le casque, la
cuirasse, furent aussi exigés de tout laïque libre ayant des
biens mobiliers ou un revenu nîontant à seize marcs ; au-
536 HENRI IF , ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE dessous, mais avec une valeur de dix marcs au moins, un
haubergeon, un chappel de fer [capelet ferri, dit le texte ;
et Hoveden, trois pages plus haut, avait dit capellum fer-
reum ; Lillleton dit scull-cap of iron), étaient demandés ; et
pour tous les autres bourgeois, le chappel de fer et la lance
aussi, et un gamboison (plastron ou corselet, qui descendait
jusqu'aux cuisses) Le roi fixe ensuite le temps où il veut que
chacun soit armé et vienne prêter serment de lui être
fidèle, et d'employer ces armes pour son service, comme il le
prescrira.
Cette loi fut faite pour l'Angleterre ; mais peu de temps
auparavant, Henri 11 en avait fait une semblable pour toutes
Hoved. p. 611. ses provinces de France. La manière de s'armer recevait aussi
quelque différence, assez légère, de la différence de la for-
tune ou du revenu. Henri prohiba de vendre ses armes ou de
les mettre en gage, interdiction qu'on trouve dans la loi con-
cernant l'Angleterre. Cette dernière loi a plusieurs autres
dispositions qui règlent ce qui arrivera, quand le maître de
ces armes mourra , quand un bourgeois en aura un plus
grand nombre qu'on ne lui en laisse ici, quand il n'aura pas
obéi à l'ordre de s'armer ; et dans quelques circonstances en-
core, le seigneur ne peut, sous aucun prétexte, s'approprier
les armes de son vassal ou en disposer. Le droit de les porter
fut exclusivement réservé aux hommes libres. Les ecclésias-
tiques en furent long-temps exempts ; ils avaient eu ce pri-
vilège en Normandie. Des évoques accompagnèrent Guil-
laume quand il vint conquérir l'Angleterre ; mais ils ne le
servirent que de leurs conseils, comme le dit un historien ,
precibus pugnabant et consiliis. Dans la suite, néanmoins ,
Maiii. Palis, Igs lerrcs des évéques qui furent déclarées baronnies se trou-
an. 1070, p. s. vèrent soumises aux mômes obligations militaires que les
~ l'tjie' ' '' terres des laïques qui avaient le même titre et le môme
caractère.
Le neuvième livre de Glanville , rédigé par ce magistrat
sous le règne et de l'ordre de Henri II , contient beaucoup
d'autres lois féodales. Les hommages et les services imposés,
les secours de différente nature dus au seigneur, les peines
encourues si l'on manque à ces obligations , y deviennent
successivement l'objet des régicmens présentés par le grand
justicier d Angleterre. I! avait rappelé, entre autres, dans le
premier livre de son ouvrage, un impôt territorial qu'on le-
vait quelquefois sur ses vassaux à l'occasion d'un événemcnl
HKNRI !l, ROI D'ANGLETERRE. 537
important pour le seigneur, le mariage de ses enfans , par •'^" ''"^'•''^ _
exemple. Quand la mère de Henri II, Mathilde, épousa l'em-
pereur, Henri 1" perçut une contribution semblable ; Henri II ,
en 1166, en fit payer une aussi pour les besoins de la Terre-
Sainte : quatre deniers, suivant Math. Paris; deux seulement , „ ,
, . _ , . Spcltn. y
suivant Gervais , furent levés a cet effet sur chaque portion crua et nua,
de terre occupant annuellement une charrue ; aussi l'impôt <■' «od- '«'g- p-
..,,,., , 327. — Math.
est-il désigne par cartiagium ou carucagium, comme la por- ^,^^ et Gcrv sur
tion de terre l'est par caruca ou carucata; hidagium, hida l'an 1166.
ont encore le même sens , ils indiquent le môme espace de
terrain. Les maisons furent soumises à une taxe aussi; on
y soumit toutes les possessions mobiliaires ; on en préleva
une jusque sur ceux qui n'avaient qu'une seule possession ,
mais qui exerçaient quelque fonction. Cette loi prescrit
d'ailleurs plusieurs autres mesures , qui sont les moyens
d'exécution des ordres généraux qu'elle venait de don-
ner.
Un contemporain de Henri II , qui , accusé auprès de lui , Spcim. cod.
et banni du royaume , s'en vengea par un écrit , qui est un p- 338.
véritable libelle contre ce grand roi , Radulphus Niger dit que
le danegeld fut renouvelé sous le même règne. Le danegeld est
une contribution territoriale qu'on prélevait par hide , et qui
., , ir» Chron sax.
avait été mise autrefois en Angleterre pour combattre les Ua- p. i26 et ibi.
nois, ou pour satisfaire à un tribut qu'ils avaient imposé. Le — Humiodon ,
peuple qui s'y soumit éprouva bientôt ce qu'éprouveront lou- ^^^^^ *' ^
jours les peuples assez effrayés pour accepter des conditions - Spcim.v. Do-
humiliantes et les regarder comme un moyen de salut; ils sont , '"?'"'''""'•
pour long-temps , découragés , asservis , et le joug , chaque
année , pèse davantage sur eux : le danegeld , qui n'était que
de dix mille livres en 991 , était de 24 mille en 1002, de
36 mille en 1007, de 48 mille en 1012, de 71 mille en 1018.
Le tribut cessa enfin d'être payé aux Danois, quand la dynastie
de Guillaume régna sur l'Angleterre ; mais le peuple n'en fut
pas soulagé; ce qu'il payait comme tribut , on l'exigea
comme impôt. Je vois qu'on le percevait sous cette forme , par
des lois qui en affranchissent les membres de l'échiquier, les
vicomtes, les bourgeois de Londres. Du reste , on appliquait
plus ordinairement cet impôt à la défense de l'Angleterre contre
ses ennemis.
Le danegeld fut aboli sous le règne d'Étienqe ; il l'avait Bromton, p.
promis par le serment prêté à son couronnement. Nous ^^^- ~ Hoved.
n'avons aucune preuve positive que Henri H l'ait rétabli, jéni a7iiecu"
Tome XIV. Yyy liv. 2, c. 6.
3 6*
538 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE Peut-être le fiil-il par Etienne lui-même; peut-être subsis-
tait-il en se modiflanl , malgré la promesse du roi ; peut-être
aussi son rétablissement fut-ill'ouvrage de Henri II, quoique
le silence des historiens à cet égard puisse avoir d'autant plus
de force , qu'ils nous ont conservé les autres lois de ce
monarque sur l'impôt. 11 y a cependant, au milieu de ces
doutes , une chose certaine ; c'est que des lettres patentes de
Henri, données en M 77 en faveur de légiise de Cantorbéry,
Ccr». p. 1435 supposent qu'il existe encore une contribution ap|)elée dane-
geld, puisque le roi veut que cette église continue à en être af-
franchie.
Speim. ood. D'autres lettres d'exemption, accordées à la ville de Londres
p. 319. par le même prince , dès les premiers jours de son règne ,
nous avaient fait connaître la plupart des impôts levés alors en
Angleteire. La loi les désigne par tkelonum ou Iheloneiim, les-
tagiwn, consueiudo, impôls coimus au.ssi dans notre ancienne
jurisprudence Oscale , et sur les(|uels nous avons essayé d'of-
frir quelques développemons dans le discours préliminaire du
seizième volume des ordonnances de nos rois ; mais Henri II
parle ensuite de brudloll, childwyle, yaresgive, scolale, con-
tributions dont il affranchit également les bourgeois de Lon-
dres. Ces mots ne sont pas expliqués, ils ont besoin de l'être
pour nous : le premier est un droit sur la vente des marchan-
dises ; le second une rétribution pécuniaire pour quelques
délits : beaucoup de crimes s'expiaient alors avec de l'argent;
le troisième indi(|ue un droit sur le mesuragc ; le quatrième
une contribution qu on payait par tête, et qui était levée par
les vicomtes et les baillis ; l'artic le même que nous citons leur
défend de l'exiger à Londres. Henri II , par celle loi , accorda
également aux bourgeois de sa capitale fugationes sicas ,
c'pst-à-dire , les droits dédiasse, tels qu'ils les avaient eus
sous le règne de Henri I*" .
Les lettres patentes qui concernent l'église de Cantorbéry
noniuienl jilusieurs autres impôls dont elles accordent ou
toniirment limmunilé. Do7xo eis et concedo , discnl-elles, ^^
hàc car/à meà confirmo has libellâtes , scilicel geld et de-
S>clni r.Us. negel ( dancgeld), hidagium, pecuniam pro murthro, opus
»"• (iriiiuiii il pontium, custellorum , pa^corum , dausularwn , auxilium
Hundrcdus. pecunix pro exercilu , wardpennij, blodrcile , childv:ite per
ûmnia dominia archiepiscopi et monachorwn , et villanagia.
Geld ou gild est un mol générique pour exprimer (juelque
chose à payer, une contribution , une redevance, un tribut :
XII SIECLE.
HENRI II , ROI D'ANGLETERRE. ;J39
la langue de l'impôt s'en est souvent servi en l'unissanl à
un autre mot qui en resserre l'étendue, mais qui le carac-
térise; dancgeld, hornegeld, vodegeld, ou l'injpôt danois, l'im-
[)ôt sur les bi'lcs à corne, l'impôl des forêts. Hidagium ai
childwile viennent d'être expliqués; les mots qui suivent
n'ont pas besoin de l'être jusqu'à viardpenny , qui veut dire
une taxe payée pour la garde du lieu, du chûleau, et Modicité,
qui est une amende pour le sang versé. La loi de Henri II
affranchi! également les possessions de l'église de Cantorbéry
à siris et hundredis, et leslis hundredortim : ce sont des taxes
encore qu on devait payer pour subvenir aux dépenses occa-
sionnées par la tenue des assemblées judiciaires d'un district,
lequel lirait son nom des cent personnes même qui devaient les
composer.
Les autres revenus publics dont il est fait mention ilans les
lois de Henri II, sont le droit de régale, le droit sur les effets
trouvés ou vacans, le droit sur les naufrages.
Le droit de régale n'était pas moins ancien en France que
le christianisme ; il remontait à Clovis. Les ducs de Norman-
die l'exercèrent comme nos rois ; lliisloire en olFre des
exemples avant le règne de Guillaumc-le-Conquéranf, sous
son règne et sous ses successeurs. Henri I" en avait joui
pendant cinq années que vaqua I archevêché de Cantorbéry, V, p. lOîtè
après la mort d'Anselme, Un acte inséré par Marlène dans
son amplissime collection, atteste que Henri II l'exerça pour
l'archevêché de Rouen, devenu vacant par la mort de Rotrou ;
U en avait même fait l'objet d'une de ses lois, en 1 1 o"). Il y
rappelle les gardes des évêchés vacans au véritable esprit de
leur institution primitive, dit Ilouard, en enjoignant d'ob- . , .
server a I égard de cette garde les nu-mes règles que l'on Fr. i. i, p. 157.
suivait pour celle des fiefs; disposition d'autant plus sensée,
que , quoique l'administration royale des églises, durant la
vacance, eût précédé la garde royale et seigneuriale des fonds
inféodés et lui eût servi de modèle, les feudataires n'avaient
point essayé, comme le clergé l'avait tenté en quelques cir-
constances à l'égard de la régale, d'obscurcir les droits que
le roi ou leurs seigneurs avaient sur leurs fiefs durant la mi-
norité; et que d'ailleurs, ajoute ce savant jurisconsulte, mal-
gré les efforts des ecclésiastiques, au premier coup-dœil, il
y avait toujours eu entre la gardn féodale et celle des églises
les rapports les plus frappans. Eu effet, l'une et l'autre por- ,4,^ , ,^3
talent sur tous les biens : il n'y avait de compte à rendre ni
Ednicr, liv.
T. I. p. H)8t.
540 HENRI II, ROI D'ANGLETERRE.
XII SIECLE, pour l'une ni pour l'autre : l'une et l'autre unissaient quand
le vassal ou le nouveau prélat nommé avaient prêté l'hom-
mage ou le serment que les lois exigeaient. Mais la vacance
des bénéfices ecclésiastiques pouvait âtre plus ou moins pro-
longée par le défaut de nomination ou par le retard du ser-
ment. Henri lise soumit, en 11 76, à ne pouvoir jouir plus
Speim. cod. (j'une année, du revenu d'un archevêché , d'un évêché, d'une
Pans. p.~i27^ abbaye, si ce n'était par des motifs évidens ou dans le cas d'une
urgente nécessité.
Rym. i. I. p Venons au droit sur les effets naufragés. Par l'ancienne
12. — Litiiei. t. législation , quand un navire échouait ou périssait sur les
ni. p! 232. côtes d'Angleterre, tout ce qu'il contenait appartenait au roi.
Il est difficile de trouver une loi plus injuste, moins conforme
à cette garantie dos personnes et des propriétés, un des pre-
miers objets de tous les gouvernemens, sous quelque forme
Spcim. cod. qu'ils s'établissent. Henri I" avait déjà repoussé la maxime
p. 30S. barbare qui voulait que le propriétaire cessât de l'être, dès
qu'il éprouverait le malheur d'un naufrage, et que le prince
en confisquât les biens, au lieu de l'aider à les sauver. Henri H
reconnut le droit naturel et sacré des maîtres du navire et
des marchandises ; il régla cependant que dans le cas oii ils
ne se présenteraient pas dans un espace de temps déterminé ,
dans les trois mois après le naufrage , ces biens , comme
tous les biens vacans, appartiendraient à l'état. La loi de
Henri II s'applique aux vaisseaux échoués sur les rivages des
pays qu'il possédait en France, comme sur ceux d'Angle-
terre in quatuor costeris, videlicet Angliae, Pictaviae, Vas-
coviœ, vel in insulâ Oleronis. Il suffit qu'un seul homme ait
échappe au naufrage, pour que les biens soient rendus :
Quoties de navi taliter periditatà, aliquis honio vivus eva-
serit et ad terram venerit, omnia bona et catalla in navi
illa contenta remaneant et sint eorum quorum prius fuerunt.
P. 482. Nous avons dit plus haut que ce mot catalla , dont on se
sert ici, est ordinairement employé dans les anciennes lois
de France et d'Angleterre, pour exprimer des biens meubles ,
des marchandises ; et on trouve également chatel employé
dans le sens d'objet mobilier, au chapitre quatre-vingt-onzième
du premier livre des établissemeas de saint Louis. La loi de
Henri II est du 26 mai 1174. Constantin, huit siècles aupara-
vant, avait abrogé, d'une manière plus formelle encore et
plus absolue, une loi romaine semblable à celle qu-i existait
en Angleterre avant le règne des deux premiers Henri : Quod
XII SIECLE.
P. 529.
HENRI II, ROI DANGLETERRE. 541
jris habet fiscus in aliéna ealamitate, ut de re lam luctuosâ
compendium sectetur, disail-il, avec autant de raison que
d'humanité.
En attribuant celte loi à Henri II, j'ai suivi Rynier. Je crains
bien cependant que Rymer ne se soit trompé. On lit au bas de
l'acte le nom de Radulphe, évêque de Chester. Or, Radulphe
n'eut cet évêché qu'en 1224. La loi devrait être alors du règne
de Henri III.
Nous avons parlé des confiscations ; elles étaient l'effet d'une
condamnation judiciaire. Mais le passage des biens privés au
domaine public n'avait pas toujours une si funeste origine. La
mort d'un vassal sans postérité, faisait réunir au domaine de la
couronne les terres qu il laissait. C'étaient des biens qui, n'ayant
plus u'j maître particulier, devaient appartenir à la société toute
entière, et, en son nom, au chef de l'état. Robert Dumont cite le
fait de Gautier Giffart, comte de Buckingham, mort en 1164:
n'ayant point laissé d'héritiers, toutes les terres qu'il avait
tant en Angleterre qu'en Normandie, passèrent au domaine du
roi.
Les impôts, les redevances, les droits exigés étaient au profit
di' monarque ou de l'état. On en percevait aussi pour le pontife
romain. Quelques lois de Henri II parlent du denier de saint Speim. Gioss.
Pierre, tribut si commun alors des peuples chrétiens envers le ^- R"™"^»»' p-
chef de l'église : ce fut cependant de tous les rois de celte p. n/6. — Bromt.
époque, celui dans les états duquel le denier de saint Pierre fut p- '76- - P- '*'=
le plus mal payé ; la perception en fut même quelquefois inter- ^u^*' ''■
dite.
Les Romains, en 1183, s'élanl soulevés contre Lucius III,
et ce pape, qui avait été obligé de quitter Rome, ayant de-
mandé un subside aux princes chrétiens, Henri le lui ac-
corda : les ecclésiastiques prièrent le roi de l'octroyer de lui-
môme, sauf à le lever ensuite sur eux, pour ne pas donner aux
nonces du pape une occasion d'entrer en Angleterre, dont ils
redoutaient les suites.
Ilovcd. p 652
Littlet. l III,
«07.
Henri II est le plus illustre des rois français qui ont régné
en Angleterre, un des plus illustres de l'histoire britannique
tout entière. Des écrivains ecclésiastiques, des orateurs chré-
tiens, ne le jugeant que d'après son opposition à Thomas
Becket, archevêque de Cantorbéry, et protégeant une doc-
r)i2 HENRI II , ROI D'ANGLETERRE
XII SIECLE. irine vraiment subversive de rindépendaiice des élats et des
droits des trônes, se sont montrés envers le monarque dune
sévérité qu'on doit appeler injustice. Aucun n'a jamais été
plus loin, sous ce rapport, qu'un auteur contemporain,
Radulphus Niger, banni du royaume sous Henri II, comme nous
l'avons déjà dit, et dont louvragc respire les seiitimens les
De isug. eu- P'"^ continuels de malveillance et de haine. Dautres, comme
riaiib., liv. VI, Jean de Sarisbéry, qui, du reste, fut l'ami et le conseil de
c. 18; iiv. vni, xhomas Beckel, passant tour-à-tour du blâme à l'éloge, et de
l'éloge au blûme, en font, suivant les circonstances et 1 intérêt
de leurs passions, tantôt un grand homme et tantôt un tyran.
Voir Tcp. 77. Pierre de Blois fut constamment plus juste eflvers lui.
Il en avait fait l'histoire dans un livre intitulé ; De prsestigiis
p. 4(17 cl w;.). fortunœ, dont il ne nous reste qu'un frairment qui n'a aucun
— Voir les p. 2 , ii i • i .
cl i de la picf. rapport a ce prince. 11 un a adresse son ouvrage sur .lob,
le traité intitulé, Quales sunt, et d'autres ouvrages encore.
Bibi. ht. liv. 11 y en a un de Guillaume de (Jonches, Dragmaticon philo-
III, p. Uih. sophiœ, que Fabricius suppose un dialogue entre l'auteur et
Henri H, duc de Normandie et comte d Anjou ; mais c'est
iiist. LitK^r. Geofroi, père de Henri, Geofroi dit le Bel, que Guillaume de
i. XII, p. 4^)6 (;Qm.}jes fait parler avec lui; cet écrivain mourut en 1 154.
cl tbi. ' . ,
C'est à Henri II qu est adressée la première épîtrc de Pierre
de Blois, épître qui sert de préface à sa collection. On y voit
que le conseil de recueillir toutes les lettres écrites en différens
temps à différentes personnes, avait été donné à l'auteur lui-
même ; et la manière dont Pierre de Blois s'exprime sur son
ouvrage, annonce assez combien il trouve le prince à qui il
l'offre, capable d'en apercevoir toutes les négligences, tous les
défauts.
Ep. 67, p. Plus loin, Pierre de Blois écrivant ii Henri II, au nom de
lep. *c. *"^' I archevêque de Rouen, linvite à donnera son fils la con-
naissance et l'amour des lettres, et il remarque très -bien
tous les avantages que le roi en a tirés pour son propre gou-
vernement. Cum aliis regibus, dit l'archevêque, rude sit et
informe ingenium, vestrum qiiod exercitatum est in litleris,
in magnarum rerum administralione est prooidwn, subtile
in juditiis, cautum iii prœceplis, in consilio circumspeclum .
11 n'est rien que les lettres n'apprennent, ajoute le prélat :
gouverner un état, lui assurer des moyens di; défense, gagner
des batailles, faire et maintenir la paix, assurer le règne des
HENRI II, ROI D'ANGLETERRE. 543
lois et de la justice, toutes ces choses, ce sont les livres qui en xii siècle.
instruisent ; un roi sans lettres est un vaisseau sans rames, un
oiseau sans ailes. L'archevêque rappelle ensuite tout ce
qu'avaient ti instruction César, Salomon et d'autres princes, tout
l'avantage qu'ils en ont tiré pour leur conduite et pour leur
gloire.
Cotte lettre est la 67" de la Collection de Pierre de Blois.
La 66e est écrite à (îuiilaunic, archevêque de Palerme, qui
desirait de bien connaître Henri H, sous les rapports exté-
rieurs et moraux. Pierre de Blois, à qui il s'était adressé, lui
donne les rcnseignemens demandés. Après avoir observé que p. «7 ou
ce qu'on exige de lui est au-dessus de ses forces, que le génie
de Virgile y suflirail ii peine, il commence néanmoins à tracer
le portrait du monarque. Le livre des Rois, dit-il, annonce
que David était roux, pour louer sa beauté ; Henri était
à-peu-prcs de cette couleur avant qu'elle fût altérée parla
blancheur de la vieillesse. Sa taille est médiocre ; il paraît
grand parmi les petits, sans paraître trop petit parmi ceux
qui sont grands. Sa tête est ronde, sphérique ( sphericum ),
comme le siège d'une haute sagesse, le sanctuaire d'une rare
prudence, tanquam sapiaitia; magnas sedes et alli consilii
spéciale sacrarium. Ses yeux sont ronds, doux et modestes
quand il est tranquille, pleins de force , foudroyans ,
quand il est on colère. L'auteur décrit également son nez, ses
cheveux, son visage, ses pieds, ses jambes, ses bras, ses
mains, sa large poitrine. 11 ajoute que ce prince, du matin
au soir, à la messe, au conseil, dans tous les autres actes de
son gouvernement, était perpétuellement debout, qu'il ne
s'asseyait jamais quà cheval ou pour manger. Il parle ensuite
de sa sobriété, de la simplicité de ses habits, de l'exercice
auquel il se livrait chaque jour, de celui de la chasse en
particulier, de ses voyages dans les provinces de son em-
pire, de sa vigilance publique. Il loue sa sagacité dans les
délibérations, la force entraînante de son éloquence, sa
tranquillité dans le péril, sa fermeté dans le malheur, sou
peu d'audace dans la prospérité. Celui qu'il a une fois aimé,
il cesse rarement de le faire ; celui qu'il a une fois haï rentre
difficilement dans son amitié. Des arcs, des flèches, des épées,
des instrumens de chasse sont en ses mains, toutes les fois
qu'il n'est pas dans ses conseils ou avec ses livres ; car dès
qu'il a quelques momens dont il puisse disposer, il les con-
sacre à la lecture. "Votre roi aime les lettres : le nôtre est plus
544 HENRI H, ROI D'ANGLETERRE.
XH SIECLE instruit encore ; je connais bien leur savoir à l'un et à l'autre ;
le roi de Sicile ( Guillaume II ) a été mon disciple pendant
une année, mais dès que j'eus quitté ses états, il abandonna
ses livres, tandis que la conversation des hommes instruits
et les questions qu'il discute avec eux remplissent tous les
loisirs du roi d'Angleterre. La charité de Henri pour les
pauvres, sa munificence pour les églises , son désintéressement,
l'étendue et l'affermissement qu'il avait donnés à ses états, son
amour et ses soins pour la paix, et l'avantage que lui avait offert
un trésor abondant pour élever des édifices utiles et magni-
fiques, la protection qu'il accordait aux malheureux, ses efforts
constans pour abaisser ou réprimer les oppresseurs et les
superbes, devinrent successivement l'objet des éloges de Pierre
deBlois ; il répète que pour célébrer dignement toutes les qua-
lités du roi, il faudrait un Cicéron ou un Virgile, et s'excuse de
n'avoir pu, au milieu des louanges de tant d'hommes distin-
gués, de n'avoir pu, comme la pauvre veuve, placer dans le
trésor que la plus petite monnaie. Pierre de Blois termine
sa lettre par l'examen des inculpations faites à Henri II, au
sujet du meurtre de Thomas de Cantorbéry. Il annonce, comme
bien reconnu par les légats du pape eux-mêmes, que le
prince n'en était pas coupable, que c'était l'ouvrage de
quelques seigneurs, qui devaient seuls en supporter la honte.
Il ajoute que Henri a visité le tombeau de Thomas Becket, et
semble attribuer à l'invocation du saint martyr les succès
récemment obtenus par le roi envers ses enfants soulevés
contre lui.
Le savoir de Henri, son application à l'étude, son amour
pour les lettres, et la protection qu'il accorda cons'amment
à ceux qui les cultivaient, sont célébrés par tous les écrivains
An. 1180, p. qui parlent de ce crand roi, et entre autres, Pilseus dans son
ouvrage sur les illustres écrivains d'Angleterre ; Duboulay, dans
T. ir, p. 7m, son Histoire de l'Université de Paris, et le Nécrologe de l'abbaye
^^* P. *Ij2 de Fontevrault.
Duboulay n'oublie pas de dire que Henri donna des
évdchés ou des abbayes importantes à plusieurs professeurs
et littérateurs distingués de France et d'Angleterre, et nomme
entre autres, Achard de Saint-Viotor et Robert de Melun.
M»rt. Anecd. Un poète lui dédiant son ouvrage, disait . Métro castigatum
elegiaco, reçus prgesentari se gaudet ( opusculum ), sed ttmet
aspectibus .... curiam adiré curavit, ut ibidem de regià
sententiâ sumat senteiiliajyi, de principali judicio judicivm,
RANULFE DE GLANVILLE. 545
an cum honore prodire deheat in médium, an sine honore
redire. L'auteur fait dépendre tout le mérite de son poënie
du jugement qu'en portera le roi, ce qui prouverait que l'art
des vers était bien connu de Henri II, si on ne savait que les
éloges des dédicaces ne sont pas toujours d'une vérité rigou-
reuse. P.
RANULFE DE GLANVILLE
Grand Jdsticieb, d'Angleteree.
¥l était normand, quoiqu'il ait vécu en Angleterre et qu'il y ait
rempli une si haute fonction. Gabriel Dumoulin donnant, à la
suite de son Histoire générale de Normandie , la liste des p. i5.
familles les plus renommées, depuis Guillaume le Conquérant
jusqu'à l'an 1212, y place la maison de Glanville. Vers le
même temps, une autre personne de cette maison, dont le pré- Aif. amiai.
nom est Gilbert, était archidiacre de Lisieux ; il devint ensuite °"'
évêque de Rochester. Peut-être était-ce un frère de Ranulfe;
plus vraisemblablement, c'était son neveu, puisqu'il ne devint
évêque qu'en 1185, et que Ranulfe mourut en 1190. L'auteur
de la vie de saint Thomas de Cantorbéry loue Gilbert comme Epist. et viia
également versé dans la science du droit canonique et dans ^"" ^.^u'"^' ''
celle du droit civil.
Guillaume-le-Conquérant, devenu maître de l'Angleterre, Coutumes,
y avait transporté ces cours royales connues sous le nom pàr^ "nouardr™
d'échiquiers, et principalement destinées à veiller sur les re- i, p. ici.
venus publics et leurs dépositaires. Des barons composaient
seuls ce tribunal, qui s'assemblait ordinairement deux fois
chaque année, à Pâques et à la fin de septembre, et son pré-
sident portait le titre de grand-justicier. Mais le grand-jus-
ticier d'Angleterre avait des attributions plus étendues encore
que celles des finances. On connaissait alors dans cette île des
justiciers des. Francs-bourgeois ou pour dix familles, des jus-
ticiers de l'Hundred ou pour cent familles, les justiciers des
comtés, et enfin ceux du roi. Les derniers avaient un chef
suprême dont la dignité ne le cédait à aucune autre du
Tome XIV. Z z z
.-.ir, RANlir.FE DK f.LANVILLE
XII SIECLE, royaume. « II unissait en sa personne, dit l'auteur du traité sur
iiouard. t. I, lescoulumcsanf^Ionormandcs, publiées eu Angleterre du onzièmo
p. û89; i. Il, p. siècle au quatorzième, les fonctions des quatre principaux justi-
ciers actuels ; celles du premier président du banc royal oîi se
tiennent les plaids pour les aiïaires criminelles qui intéressent
la couronne ; celles du président du commun banc oii se traitent
les affaires civiles qui concernent les grands vassaux ; celles du
premier baron de 1 échiquier, oîi l'on discute les matières du
domaine ; et celles du maître des gardes des pupilles et orphe-
lins. Les hauts barons et autres dignitaires de l'état ne répon-
daient de tout ce qui touchait leur tlignilé ou leurs (icfs, qu'au
roi ou au premier justicicT. Ce magistrat donnait ses audiences
dans le palais du roi; on ne tirait rien du trésor royal, (|ue
par son ordre, il avait 1 inspection des forêts ; tous les brefs
du roi s'expédiaient sous son sceau ; et en l'absence du roi,
il gouvernait l'état. »
L'auteur ajoute que le grand-justicier commandait souvent
les armées. Ranulfe de Glanville prouva, dans une occasion
importante, qu'il réunissait les talons du guerrier à la science
du magistrat. Plusieurs lii>toriens anglais, et Hume en parlicu-
T. I, p. 476. lier, lui attribuent la victoire (]ue Henri II remporta contre
- V. i> Chroii. Guillaume, roi d'Ecosse, à Alnwic, le 13 juillet I 174. Hume
de Co^^csll. II. '^ nomme, dans ce passage, tlie famous Uncyei' and justiciary,
de Fr. I. XIII, le célèbre jurisconsulte et justicier. Ranulfe y fit prisonnier
P ''^'■' le roi d'Ecosse, et s'empressa d annoncer à Henri II la défaite
et la captivité de son ennemi. Nous rapprenons de Guillaume
de Neubridge, qui avait déjà rendu justice à son courage et à ses
succès, dans le 34" chapitre du second livre de son Histoire
V. aussi Tyrr. d'Angleterre. Il parJe encore; de Raïuilfe de Glanville, chap. 33
i. Il, p. 383. p^ 3^;^ ^^ j.^^ ^^ ^l^^p , ^1 ^
Ranulfe de Glanville se distingua par .ses écrits, comme
par lexercice de la magistrature; ciyzts sapienliâ, ilit Roger
v ■'"v't" Il <^'^ ^'ovcden, conditae sunt loges subscriptœ, quas anglicanas
sur iiap. Tiic.vr. vocanius ; cl il nous donne ensuite les lois d Edouard le
!'• ^T- confesseur et de Guillaume I", comme §i elles n'avaient ja-
mais été rédigées en une forme régulière. L'ouvrage de Ra-
nulfe de Glanville est un traité ou une collection des lois et
coutumes reconnues et observées en Angleterre sous le règne
d(( Henri H; en voici le titre latin : Traclatus de legibtis et
consuetiidinibus regni angliee, teinpore j-egis Henrici II corn-
posilus, jiisticiœ gubernacula tenenle illuslri viro Ranulpho
de Glanvillà juris regni et antiquarum consuetudinum eo
RANULFE DE GLANVILLE. 547
tempore peritissimo . E t illas soluin leges continet et consuetudi- xii siE'l.K
nés secundum qiias placitatur in curiâ régis ad scaccariuni
et coram justiciis ubicumque fuerint. Houard l'a placé dans
le premier lome des coutumes anglo-normandes : on l'avait
imprimé à Londres, in-12, en 1673. L'ouvrage de Ranulfe
de Glanvillo nous fait connaître aussi les différentes formules
des sentences et jugemens qui étaient alors adoptées. Le
plus grand nombre de ces formules sont encore d'usage au-
jourd'hui.
La préface du traité publié par Ranulfe de Glanville est fort
courte ; elle renferme cependant un bel éloge d'Henri II sous le
double rapport de la guerre ut de l'administration publique,
ainsi que des tribunaux qu'avait alors l'Angleterre, de leur im-
partialité, de leur respect pour la justice et pour la loi. L'auteur
croit utile de fixer par écrit, sinon tout ce qui n'existe que par
l'usage, du moins les principes les plus généraux et les règles les
plus communes.
L'ouvrage est divisé en quatorze livres.
Le premier a pour objet principal de déterminer quelles ma-
tières seront jugées par les cours du roi, quelle procédure on y
suivra, les délais qui seront accordés, les cautions qui seront
données, les obligations des vicomtes royaux auxquels on défé-
rait d'abord les crimes commis dans leur arrondissement, et qui
prononçaient aussi sur quelques affaires civiles, les excuses de
comparaître, etc., etc.
Le second livre traite des actions qui suivent immédiate-
ment le commencement du procès, telles que la nomination
de la jurée, la visite du lieu où fut commis le crime, celle
des fonds en litige; et aussi, des duels, des champions, des
grandes assises : le duel pouvait avoir lieu en matière civile ;
il était adopté toutes les fois que le défendeur préférait ce
moyen.
Les garans, les avoués des particuliers, ceux des églises,
leur droit de patronage, sont l'objet du troisième et du qua-
trième livres.
Dans le cinquième, on règle ce qui doit être fait lorsqu'il se
présente une question d'état, de famille, de vasselage, de servi-
tude ou de liberté.
Le sixième livre est consacré à la dot ou au douaire, aux
moyens d'assurer les droits de la femme contre les héri-
tiers du mari ; le septième, à différentes sortes de successions,
aux testamens, aux donations, aux tutèles, aux bâtards, aux
Zzz 2
548 RANULFE DE GLANVILLE.
XII SIECLE, mineurs; le huitième, aux compositions amiables, aux tran-
~ sactions, à ce qu'il faut faire dans le cas ou elles sont violées par
l'une ou l'autre des parties ; le neuvième, aux hommages et à
quelques services féodaux, à la juridiction des seigneurs, aux
confiscations qui sont la peine d'une obligation mal remplie ou
de la foi violée; le dixième, aux contrats, aux dettes, aux
garanties, aux divers engageraens civils; le onzième, à ces
répondans qui existaient dans nos anciennes législations, les-
quels se mettaient à la place des véritables contendans, et
gagnaient ou perdaient le procès pour eux-mêmes, bien difiFé-
rens en cela des procureurs ou avoués ordinaires qui agissaient
toujours au nom et au risque de celui qui leur avait donné sa
confiance.
Il est question, au douzième livre, de l'exercice de droits
royaux ou féodaux dans quelques cas déterminés, comme un
partage de fonds, une saisie mobiliaire injuste, la réclamation
d'un serf fugitif ; et au treizième, delà procédure qui concerne
l'action d'être mis en possession d'une chose ou d'en être privé,
dépouillé.
Enfin le quatorzième et dernier livre traite de la poursuite
des crimes envers le roi et sa couronne, des crimes dont il
peut seul connaître, le faux, le rapt, l'incendie, l'attentat de
lèse-majesté.
On attribue à ce savant jurisconsulte le fameux acte d'assise
Ci dess. p. !i27. OU de novel disseisin dont nous avons parlé à l'article de
Henri II. On peut voir ce que dit André Hornes, dans the
c. 2, scct. 23. Mù'ror of justice. Blackstone en parle aussi dans le chapitre
du livre troisième, concernant les torts faits à la propriété
individuelle.
Ranulfe de Glanvillc fut grand-justicier d'Angleterre jusqu'à
la mort du roi, en 1189. Richard I", successeur de Henri II, ne
lui accorda pas les mômes témoignages de confiance. Ranulfe
Guii. deNcubr. Jonna sa démission, et partit, en M 1)0, pour la Terre-Sainte.
360 ' - Ro".' de i^'^'s bientôt il succomba loin du pays oîi il était né et loin
Hov. an. "iiDO, de cclui OU il avait acquis tant de gloire. Roger de Hoveden
P- ^^^- nous dit que ce fut au siège de Saint-Jean-d'Acre qu'il
perdit la vie.
Benoit de Pe- Hcuri II l'avait nommé un de ses commissaires pour aller
icrbor i. XIII, pg^gyQJp \q germent promis par Philippe comte de Flandres,
des II. de rr. ' ' , n i •<
p. 168. de ne pas marier les filles du comte de Boulogne ses nièces,
sans l'avis et le consentement du roi d'Angleterre. Il avait été
Hist. de Fr. chargé, quelques années auparavant, d'une négociation plus
GAUTIER DE SAINT-VICTOR. 549
importante, celle d'une paix désirée et nécessaire. Giraud de xii siècle.
Cambden, qui le rapporte, donne à cette occasion de justes élo-
ges à la prudence, aux lumières, à la fidélité constante de
Ranulfe de Glanville.
Nous avons deux lettres de lui dans la Chronique de Ger- Hisi. Angi.
vais, moine de Cantorbéry. Elles ont peu d'importance, et p"'|503.^' '' ''
ne sont guères que des ordres donnés à un abbé ou à des reli-
gieux du monastère de cette ville, de venir à Londres confé-
rer avec lui, à un jour indiqué, et de ne rien se permettre
auparavant contre leur archevêque ; mais elles servent à faire
connaître, et la conférence qui suivit le fait mieux connaître ihid. p. iko*.
encore la saeesse de Ranulfe, son attachement aux droits du ~ ,^: '""' ,'"
' ^ ,-,■..■ 1- • P- ISiC 01 1044.
prince, sa fermeté pour réprimer les agitations religieuses et
les prétentions des monastères ou des prélats. Je remarque aussi
ces paroles échappées à son indignation contre des moines fac-
tieux qui se servaient du nom du pape pour se dispenser de
leurs devoirs ; vous ne voulez que Rome ; eh bien, c'est par
Rome que vous périrez ; solam Rotnam quœritis ; sola Roma ii><<i. p. lUi.
destruet vos.
Parmi les erreurs nombreuses de Balée, on peut compter Pan i, p.
celle qui place Ranulfe de Glanville dans le treizième siècle, ^^'^l. ^''""""" ''
sous Henri III, dum Henricus iertius, dit-il. sub antichrisH
tyrannide, in Angliâ regnaret. Je n'ai pas besoin d'observer
que ce qu'il appelle ici l'antechrist, c'est le pape. Balée s'ex-
prime en bon calviniste, et il se montra toujours d'autant
plus ennemi des pontifes romains qu'il était transfuge de la
religion catholique ; il avait même été moine, de l'ordre dès
carmes. P.
GAUTIER,
Prieur de S ai nt- Victo r.
NOËL -Alexandre,. Fabricius, et Mabillon lui-même, ont "■'•• «««'««•
désigné comme abbé de Saint- Victor le théologien dont nous dTss'i^ln Ys'
allons parler ; et les auteurs du nouveau Gallia christiana B'I»'- med. et
l'ont identifié avec Gauthier qui mourut en 1162 après avoir '"^' '"' '" '"'
' 1 1 • . . P- '>9» in-4*.
gouverne durant quelques mois cette abbaye, entre les abbés
550 GAUTIER DE SACNT-VICTOR.
xn SIECLE. Richard et Ervise. Mais du Boulay, Fleuri, Pagi, ne donnent
Anal. t. III, à Gautier que la qualité de prieur, ce qui est beaucoup
""" ^',. /. plus exact. II n'avait même rempli jusqu'en 1 173, c'est-à-dire
Gall. Chiisl. J 1 T.- 1 j
i VII, |>. 6()(i. jusqu a la mort de Richard, que la fonction de sous-prieur.
Hist. Univ. Pour ne pas le confondre avec un abbé mort en 1162, il suffit
r."'* ■5o-"'/''9 d'observer qu'il parle dans ses livres du concile général tenu
ei 7ii. ' à Rome par le pape Alexandre III on 1170 Comme il dit que
Hisi. eccics. cc concilc vionl d'être célébré depuis peu de temps, nuper,
hv. Lxxiii, n. Q„ ne peut guère relarder au-delà de 1180 ou 1181 l'époque
l'agi, ad ami. OÙ il écrivait. C'est là d'ailleurs tout ce qu'on sait de sa vie, et
1179, n 11, vi, la date de sa mort n'est point connue. Supposer qu'il devint
'■*■ prieur des chanoines réguliers de l'église de Saint-André en
Ecosse, et qu'il est le Gauthier auquel Adam le prémontré dédia,
en 1 190, un soliloque publié par doin Pez ; c'est une conjecture,
Anrcd. t. I. à notro avis, trop hazardée, bien qu'il soit vrai que l'abbaye de
pan. 2, p .>.>7. Saint-Victor fournissait en ce temps-là des prieurs à beaucoup
de communautés de chanoines réguliers, tant en France que hors
de la France.
Gautier, prieur de Saint-Victor, est-il l'auteur d'un dialogue
manuscrit que Ion conserve en Angleterre, et (jui a pour titre :
Calai, mss. Magistri Walteri dialogus quœrens quid sential Hugo de ani-
AukIii! pan. 2, ^^ Christi ? Il est fort possiUle que les écrits de Hugues de
Saint-Victor aient occupé un prieur de cette même abbaye ; et
d'autre part nous verrons bientôt que le théologien, dont nous
entretenons ici nos lecteurs, a beaucoup disserté sur 1 ame de
Jésus-Christ.
On lui attribuerait, avec encore plus de vraisemblance, une
lettre à sainte llildegarde, lettre dont l'auteur n'est désigné que
Mari.'nc, par l'initiale V, mais dans kuiuelle la sainte est interrogée sur
'^'" n "lO'ts '** doctrine de Gilbert d»; la Porée, et de ses disciples. Peut-être,
t()<j!t. ' en effet, Gautier, avant il écrire contre cette doctrine, aura-t-il
voulu se fortilier des lumières d'une théologienne alors consultée
par les docteurs Elle répondit qu'elle avait appris de Dieu même
qu'en lui la paternité et la divinité étaient véritablement Dieu ;
et qu'en consé(iuence le système de Gilbert devait être combattu
comme erroné.
Le principal ouvrage de Gautier, et le .seul qui soit par-
faitement aiitiienlicpie , est celui qu'il a composé contre
Abélard, Gilbert de la Porée, Pierre Lombard, et Pierre de
Mni.ifauroii , Poitiois. Ce traité polémique est resté manuscrit, mais du
''''il , "1371""' R«"'ay 3 publié de longs extraits des (pialre livres qui le
— Lebcuf, Uiss. composent.
GAUTIER DE SAINT-VICTOR. 551
Les lhéoIo2;iens étaient alors divisés eu trois écoles. La pre- xii smiE.
mièrç s'en tenait à l'enseignement et au langage de la bible et sur ruisi."~de
des saints pères. La seconde appliquait à la théologie la dialec- •*"''' '. "• P-
liquo d'Aristote, accumulait les syllogismes; et d'un long tissu Laimoy"'dr va"
d'argumentations, déduisait quelques résultais suspects au ■■'' Arisim. for-
moins par leur nouveauté-: elle jetait les fondemens delathéo- T\' ": '\ 7
I • II.- t . ., Mallioiid ad R.
logie scliolastique. La troisième secte tenait le milieu entre les p.iii. p. 327 -
doux autres, et s'efforçait d'Ctrc sage ou philosophe avec ^*-'^-
sobriété; elle admettait les argumens, les formes péripatéti- p^^. ""'n!^''',!.'
ciennes, pourvu que les conclusions se rapprochassent des «-'o-etio.
dogmes reçus dans l'église.
Les (pialro docteurs réfutés par Gautier appartenaient à
la seconde de ces écoles. Gautier les appelle les quatre laby- ^'- •>«i»"'i".
rinthes de la France; il leur reproche des syllogismes cajp- ," Vit c. IÏ'T'-
lieux, des sophismes, et la perle irréparable du temps em- 3<'7.
ployé à de si vaines disputes. « Suivez-les, dit-il, dans ces
longues controverses où ils passent les jours et les nuits,
vous verrez comment ils tournent la même proposition de
tant de façons diverses qu'on ne sait plus s'il la faut ad-
mettre ou rejeter. Ils se jouent du vrai et du faux avec la plus
coupable adresse : si vous prêtez l'oreille a leurs discours,
bientôt vous ignorerez s'il y a un Dieu, ou s'il n'en existe
point ; si Jésus s'est fait homme, ou s'il n'a pris qu'un corps
fantastique; s'il y a (jucique chose de réel dans le monde,
ou si tout n'est qu illusion ou que prestige. » L'auteur va
plus loin, il aflirme que ces quatre faux docteurs, égarés
par la philosophie d'Aristote, ont enseigné beaucoup d'hé-
résies, altéré la foi due aux mystères ineffables de la trinité
et de l'inrarnalion. Il avoue que Pierre Lombard et Pierre de
Poitiers débitent ces erreurs sous des noms étrangers, qu'ils
ont l'air de raconter plutôt que de les .soutenir. Mais, au soin
qu'ils prennent d'aiguiser et d'orner les argumens dont elles
sont les conséquences, on voit trop, selon Gautier, qu'ils
en veulent être les propagateurs autant que les historiens.
Quelle est en effet la méthode de Pierre Lombard? Sur chaque
question, il expose trois sentimens, et représente le troisième
comme hérélifjue, le second comme catholique, le premier
comme n'étant susceptible ni de lune ni de l'autre de ces
qualifications. El quand il a longuement argumenté en faveur
de chacun de ces trois sentimens , voici comment il conclut :
Je pense, dit-il, avoir traité la question présente avec assez
de soin et d'exactitude, .-,ans toutefois rien affirmer, et sans
.'i52 GAUTIER DE SAINT-VICTOR.
XII SIECLE, préjuger contre les opinions d'aulrui; car dans une matière
si grave et si compliquée, je ne prétends point que le lecteur
décide d'après ce que j'ai dit, mais je l'exhorte à lire ce nue
d'autres que moi ont écrit sur le môme sujet, et à délier en-
suite lui-même, s'il en est capable, le nœud de la difficulté.
Étrange méthode, s'écrie le prieur de Saint-Victor, par
laquelle disparaîtrait toute distinction entre le dogme et
l'hérésie, si le souverain pontife n'avait déjà réprouvé une
philosophie si pernicieuse. A ce propos, Gautier raconte
comment, dans le concile de Latran , Alexandre III voulait
condamner les sentences de Pierre Lombard, qui tendaient à
faire revivre le sabellianisme et l'arianisme; comment un évo-
que du pays de Galles répondit : Seigneur pape, j'ai été clerc
de Pierre Lombard et le prévôt de son école : me voici prêt à
défendre sa doctrine ; comment enfin plusieurs cardinaux,
impatients d'écarter cette discussion, déclarèrent qu'ils avaitnt
été convoqués pour s'occuper d'affaires plus sérieuses : comme
si l'on pouvait, observe Gautier, rien imaginer de plus essen-
tiel que la foi chrétienne! mais peu importe h Gautier le si-
lence du concile ; le Saint-Siège a tonné, dit-il, et le corsse-
ment des grenouilles doit cesser. 11 cite, en preuve de cet
anathême apostolique, une lettre d'Alexandre III à Guil-
laume, archevêque de Reims et légat, laquelle ordonne
d'assembler les docteurs et de leur défendre d'enseigner
désormais la proposition que plusieurs d'entre eux énon-
çaient en ces termes : « Le Christ en tant qu'homme n'est
point quelque chose. »
C'est sur-tout à la réfutation de cette proposition que sont
consacrés les dix-huit chapitres du premier livre de l'ou-
vrage de Gautier. Voici un exemple de la méthode et du style
de cet auteur. Jésus-Christ dit : Pater major me est, mon
père est plus grand que moi. Que faut-il entendre par ce
mot me? est-ce quelque chose qui n'est pas le Christ, ou
est-ce le Christ lui-même? Dans le premier cas, Jésus dirait
qu'il est ce qu'il n'est pas ; hypothèse trop absurde. D'ail-
leurs si ce moi n'est pas le Christ, il faut que ce soit une
substance ou incréée ou créée. Incréée, cette substance ne
pourrait pas être déclarée inférieure à Dieu le père ; et si
vous admettez, comme il le faut bien, qu'elle est créée, vous
avez à déterminer si elle est raisonnable ou non raisonnable.
Ce dernier système ne pouvant être soutenu, cette sub-
stance, déclarée raisonnable, devra être ou angélique ou
GAUTIER DE SAINT-VICTOR. 553
humaine. Or elle n'est point angélique; donc ce moi, dont parle ^" siEcm.
Jésus-Christ , est une substance créée , raisonnable , humaine ,
c'est-à-dire composée d'un corps et d'une ame. Donc Jésus-
Christ en tant qu'homme est quelque chose.
Nous aurions à extraire beaucoup d'argumentations pareilles
si nous entreprenions l'analyse des huit chapitres du second
livre de Gautier , des quinze chapitres du troisième, et des vingt-
six du dernier. C'est principalement Abélard qui est attaqué
dans le second livre où il s'agit de la trinilé de Jésus-Christ ,
vrai homme et vrai Dieu. Le troisième otTre un examen, plus
rigoureux peut-être que fidèle, des opinions de Pierre Lombard
e: de Pierre de Poitiers , sur Jésus-Christ , sur sa mère , sur
l'eucharistie. Dire que la chair du Verbe est formée de sang
de sanguinibus formata, c'est , selon Gautier , une hérésie des
nouveaux docteurs. Le dernier livre contient beaucoup d'invec-
tives contre les philosophes, contre Aristote, contre les dialecti-
ciens et contre les hérétiques, au nombre desquels est placé saint
Jean Damascène. C. 10 de hearesibus Joannis Damasceni ; C. 13
de hœresi Joannis Damasceni. Nescio quis Joannes Dama-
scenus , dit Gautier, qui no connaissait cet écrivain ecclé-
siastique que par les citations des théologiens du doozième
siècle.
En général , cet ouvrage ne donne pas une très-haute idée
de la science du prieur de Saint-Victor, ni de sa modération, ni
même de son équité : car, ainsi que l'a remarqaé Noël Alexan-
dre , il impute fort injustement à Pierre Abélard l'hérésie de inst. ecdcs. sacr.
T,, ,. . • ■ ^ • . j . t. XI et XII.
Bérenger sur I eucharistie. On aurait aussi beaucoup de peine jj^^ , ^ ^5^
à retrouver, dans les livres du maître des sentences , les er- p. 2B0.
reurs qui lai sont ici attribuées ; et ce qu'on voit le mieux
dans l'ouvrage de Gautier, c'est que les haines ihéologiques
de ce temps étaient alimentées par des controverses bre* ob-
scures et bien fastidieuses
Il n'y a nulle apparence qu'il soit l'auXeur de deux opuscules
intitulés : Galteri veteris liber de Trinitate. — Waltheri veteris
theologi epistola de modo prsedicandi divina de Christo. Dom
Bernard Pez qui a imprimé ces deux articles , pense qu'on Thcs. anecd.
pourrait attribuer le premier à Gautier de Châtillon , prévôt de J' ','' ^' ^^ -^^^
l'église de Tournay, et le second à Gautier , évêqne de Laon : v. l'Hist. uit.
mais ces oonjeclures sont très-hazardées. D. ''^ '* ^^- '• ^'"'
p. 512 et suiv.
Tome XIV. A a a a
3 7 *
Oui
XII SIECLE.
HERBERT,
Archevêque de Torées.
nERBEni ou IlÉRiBERT, abbé de Mores, puis archevêque
,ua..,,i,. ..^ de Terres, élait né en Espagne selon le père Chifïlct. 11 y a
ann. 1153 , c. fait du moins quelque séjour : c'est ce que prouve un texte de
c / n 1 — ''^^ écrits ou il rapporte ce qu'il a vu dans le monastère de
Henri.], appar. Carrazède au royaume de Léon. Chilllel se presse un peu trop
ad McnoK Uvt. de conclure , de ce passage, qu'Herbert était Espagnol : mais
cl âd (lieiii 28 aussï , le déclaror Français . parce qu'il fut novice à Clairvaux ,
feiT. c'est raisonner avec bien peu de rigueur; car il entrait à Clair-
. cin gcn. Yaux dcs élôvcs de toute contrée , de toute tribu , de toute
ni. asscrium , p. ' '
1^8. langue. Au surplus , le noviciat d Herbert dans cette abbaye
n'est point douteux ; on sait de lui-même celle circonstance de
sa vie , il l'énonce positivement en parlant de son maîlre Achard,
de la Vv. t. xiir, ainsi que nous 1 avons déjà dit dans i article de ce directeur des
P- *'0- novices.
Herbert devint abbé de Mores au diocèse de Langres : il oc-
cupait celle place lors(ju'il écrivit ses trois livres sur les miracles
Caii. ciiii.'-i. de saint Ik'rnard et des cisterciens. Oii a lieu de fixer la composi-
iiov. t. IV, p. lion de cet ouvrage à l'année 1178 ou 1179. En efTet , l'auteur
Âii)cr. ( iiron. parlc d uH |)rince qui , aussitôt après la mort de saint Bernard
p. 2(i(i, 27i. (115.3), s'élait hàlc { fesiinavii ) do se confiner à Clairvaux ,
et qui depuis vingt-cinq ans (jam annum quinquiès quinum)
habitait et édifiait ce monastère.
Dr m. «on. (ihiinil a publié , d aj)rès un manuscrit original de l'ab-
s. iiciM. p. i:.s l,;iyo de Clairvaux , ces trois livres d Herbert dont le P. Ma-
billon sest contenté d'insérer quehpies fragmens dans le
p. 1223, 1224, second volume des œuvres de saint Bernard. Au fond , cet
^22S. ouvrage ne contient (jue de menus détails d histoire monas-
tique , cl des relations monolones , quoique merveilleuses. Ce
qu'il faut dire ici en l'honneur d Herbert , c'est qu'il n'invente
aucun des prodiges qu il raconte , à moins qu'il n'invente
aussi les noms des témoins qu'il cile. Au nombre de ces
témoins, on remai(juc le roi Louis-Ie-Jeunc , de qui l'au-
Liv. m, c. 20 (p„r lient deux miracles, l'un accompli en Artois, en 1176,
ci^^at. p. 387 - ,.j^n,.(j récemment arrivé, en 1178, dans le territoire de
HERBERT, ARCHEVÊQUE DE TORRES. 5o:i
Chartres. Nous rapportons ces dates parce qu'elles confirment ce xii siècle
que nous avons dit du temps oîi écrivait Herbert ; mais on a de " '
plus à conclure, des deux chapitres oii les miracles sont racon-
tés, que l'historien était connu du roi de France, et avait eu des
entretiens avec lui.
Outre ces trois livres, Herbert a écrit le récit d'un prodige
dont la date est tixéc à l'année 1181 par la clironiiiue de
Long-Pont d'Antoine Muldrac. Cette narration, insérée dans p 67 ot seq.
le tome H des œuvres de saint Bernard, nous apprend quller- ^- "6^ '='■ '"'<'
berl accompagnait Pierre, abbé de Clairvaux, dans un voyage
à l'abbaye de Valroi; qu'ils trouvèrent dans ce couvent un
gros volume contenant l'histoire véritable des miracles que
saint Bernard avait opérés ; qu'ils empruntèrent et emportèrent
ce manuscrit avec sept autres volumes d'une moindre valeur •
qu'à Long-Pont la valise oli les huit volumes étaient
déposés tomba dans la rivière, et que les livres n'en furent
retirés qu'en lambeaux mouillés, pourris, illisibles, à l'excep-
tion du seul tome des miracles de saint Bernard, lequel tome
se trouva intact et sec, tout comme s'il sortait d'une
armoire.
Quand ce prodige s'opéra, Herbert était encore alibô de
Mores: il fut élu, fort peu de temps après, archevêque de
Torres, en Sardaigne; on a même rapporté cette élection à Siogctians-
l'année 1180; mais il faut ce me semble, ou rectifier cette "^''"^ ' ^-'^-^t^
date, ou placer avant 1181 le miracle de Long-Pont. Quoi- '^" ''*''
qu'il en soit, Herbert occupa le siège de Torres durant quel-
ques années, aliquot annis, expression qui ne permet de jcin-eim. in
donner à son épiscopat une durée ni très-courte ni très-Ion- ''"'i' u Ucm.
gue. C'est seulement d'après cette indication, et sans aucune ''*'''■
preuve positive, que nous supposons qu'il mourut vers l'an
1190.
On a d'un moine Herbert une lettre contre les nouveaux
hérétiques de Périgord, insérée dans les collections de Tis-
sier, de Martène, de Mabiilon ; mais nous croyons avec Fabri-
cius que ce moine, peu connu d'ailleurs, doit être distinr.ié
de l'abbé de Mores qui était trop occupé de miracles et de re-
lations édifiantes, pour se livrer à la théologie polémique. Il
règne dans cette lettre une amertume tout-à-fait étrangère «"i '"i- laiinit.
au style, à la piété, aux habitudes de l'abbé Herbert" ou ucZvL ''''""'
Héribert. D.
Aaaa 2
ll.l.l
iolh.
pp.
cisli'ic.
l.
VI,
p. 157.
Tl.cs. M
iccd.
t. I, p.
Analcc
l. p.
4(i7.
I!il>li>
>ll>.
mcil.
556
XII SIECLE.
ROBERT PAULULUS.
i
,OBERT Paululus est fort peu connu: il ne le serait pas du
lloul, si l'on n'eût trouvé, dans l'abbaye de Corbie, un manus-
crit et quelques diplômes où se lisent son nom et sa qualité
de ministre de l'évûque d'Amiens ; Magister Robertus Paululus
minister episcopi Ambianensis. C'est eu ces termes qu'il a
souscrit en 1174, 1179 et 1184, certaines chartes indiquées
par D. Mabillon. Ce mot de ministre signifie sans doute ici
ou la dignité d'archidiacre ou une fonciion pareille à celle
qu'exercent aujourd'hui les grands vicaires. Quoiqu'il en
soit, un traité sur les cérémonies, sacremens et offices de
T. m, p. 3aG l'église, inséré parmi les œuvres de Hugues de S. Victor, est,
-399. selon toute apparence, l'ouvrage de Robert Paululus. D'a-
bord c'est ce dernier nom qui s'olTre à la tôle du plus ancien
et du meilleur manuscrit de ce livre, savoir de celui que
Mabiu. ann. possédait l'abbaye de Coibie. En second lieu, dans tout l'ou-
DencJ. t. III, vrage, et surtout dans la préface, l'auteur s'annonce comme
prcf i^^"''*J|'"|' un prêtre séculier, comme un chanoine qui ne vit point dans
bibiî!!!!.. t. Il p. un monastère: pas un seul mot qui retrace des habitudes
1I3S — ouii. claustrales, qui rappelle des institutions ou des règles cénobiti-
Il I Kr'i Du '111 ^^
càn"c il. ind. quos. Ajoulons que Hugues de S. Victor a composé, sur les
aiicL - Ma- iiiêmes matières, des livres qui ne ressemblent à celui-ci ni par
^^°"'^' J" j^°'^" le style, ni par la méthode, ni quelquefois même par la
Puiium. p 393, doctrine.
i2t. - Faillie. pgjjg ]g^ préface de ce traité, Robert Paululus s'adresse à
uiilir"!. Vm' l'un de ses confrères qui en avait trouvé la première esquisse,
— DûlIi. spicii. oubliée par l'auteur hors d'une armoire destinée à serrer des
t. I, pref. II. u. |j^,,.çg . quaterniioiculum meum extra armarioli dausulam
incautè derelictum. Ce n'était alors qu'un cahier de quatre
feuilles: maintenant c'est un traité divisé en trois parties,
parce que l'auteur, à la prière de son confrère, n'a épargné
ni soins ni veilles pour compléter ce recueil. Il ne dissimule
point qu'il n'a fait que transcrire, abréger, compiler enfin
ce que les pères de l'église avaient écrit sur les cérémonies
sacrées. Obligé lui-même d'assister aux offices divins, il n'a
pas le temps de les expliquer par de longs discours. Il promet
donc d'être concis, d'être simple, de ne rien dire de son pro-
XII SIECLE.
ROBERT PAULULUS. 557
pre fonds, de ne rien embellir par les profanes ornemens du
style, et, afin que son confrère puisse plus commodément se ser-
vir de ce manuel, il met d'abord sous ses yeux les titres de
chaque partie et de tous les chapitres.
La première partie traite de la consécration ou dédicace
de l'église et de l'administration des sacremens. On y voit que
le baptême s'administrait encore par immersion. Dans l'un des
chapitres qui concernent la pénitence, l'auteur examine si une
excommunication injuste peut avoir quelque efficacité, et se dé-
cide pour la négative. Il est pourtant d'avis qu'il faut craindre
tout anathème ecclésiastique, même injuste ; mais il n'élève
point la question de savoir si cette crainte doit empêcher qui
que ce soit de faire son devoir. Les discussions théoiogiques ne
sont jamais qu'entamées ou effleurées dans ce traité : c'est prin-
cipalementaux détails liturgiques que Robert Paululus s'attache.
La description des habits sacerdotaux ou épiscopaux occupe les
treize derniers chapitres de celte première partie, qui en a
cinquante-sept.
La seconde en contient quarante-un qui traitent des heures
canoniales, et plus longuement des cérémonies de la messe. C'est
un tissu d'explications allégoriques.
Dans les trente-sept chapitres du troisième livre, l'auteur
parcourt le calendrier liturgique depuis lavent jusqu'au-delà
de la Pentecôte. 11 rend compte des pratiques diverses pro-
pres à chaque solennité ; et, au milieu des commentaires mys-
tiques dont il est toujours prodigue, il est possible néan-
moins de recueillir un petit nombre de faits ; par exemple,
qu'en certaines églises on disait deux messes le jour de la
nativité de saint Jean-Baptiste ; que durant le carême la messe Liv. m, c. 6.
commençait le dimanche à neuf heures, et les autres jours à trois
heures après midi ; qu'on avait peu-à-peu abandonné l'ancien Liv. m, c. 2i.
usage de ne commencer l'office du samedi-saint qu'après le cou-
cher du soleil.
Robert Paululus n'est point sans instruction. 11 cite l'histoire
Tripartite, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin, saint
Hilaire qu'il croit l'auteur du Gloria m excelsis, sainl Grégoire Liv. ii, c. il.
pape, Bède, Isidore de Séville, Hincmar qu'il appelle Ymar,
l'évêque du Mans, sans doute Hildebert, qu'il qualifie egregius
persificator. Mais il cite aussi le décret de Gratien et donne une
pleine confiance aux fausses décrétales.
L'ouvrage dont nous venons de parler est suivi, dans la col-
lection des œuvres de Hugues deSainl-Viclor, d'un opuscule
Liv. I, c. 30.
Liv. I, c. 40.
T. III, p. 399
- <06.
558 ROBERT PAULULUS.
XII SIECLE, intitulé : De canone mystici libaminis ejusque ordinibus. Ce sont
dix chapitres, d'une mysticité transcendante, qui divisent le
canon de la messe en sept périodes, et rendent sur-tout raison
des divers signes de croix que fait le prêtre dans le cours de
T. xir, s. p. ces prières. Dupin veut que Robert l'aululus soit aussi l'au-
V ci dessus ^^^'" ^^ ^^^ opuscule, (jui est attribué par Casimir Oudin à
p. i94-i!'5. Jean de Cornouailles. Aucun motif, aucun indice n'appuie Ihy-
pothèse de Dupin. Les deux productions <|u'il réunit diffèrent
autant que possible, par la diction, par le style, par le caractère
des idées, par le genre du travail. L'auteur des trois livres sur
les cérémonies, sacremens et oOices, n'est qu'un compilateur
qui recueille de toutes parts des faits et des explications dont
il ne cherche point à composer un système. L'opuscule sur
le canon de la messe peut sembler beaucoup plus original.
C'est lojvrage d'une imagmalion active, qui n'emprunte
rien, qui crée elle-même des rapports entre les signes, entre
les mots, entre les nombres. La matière est de part et d'autre
à-peu-près la même, mais elle est traitée, dans la première
production, par un simple amateur d'allégories, qui ne veut
ou même ne peut en inventer aucune ; dans la seconde,
par un mystique de piofession, trop ca[)able d'enrichir le
genre auquel il s'est voué. Tous deux écrivent mal, mais le
premier parce que ses idées ne lui appartiennent jamais, et le
second, parce (jue les siennes sont toujours trop bizarres pour
être bien exprin)ées (I).
Du reste nous n'avons rien de positif ni même d'hypothé-
ti(iueà dire ici sur la vie de Robert l*aululus, ni sur lépoque
de sa mort. Aucun de ces contemporains n'a fait mention de lui.
Nous voyons seulement qu'il vivait encore en 1184, puisque
Uayni Ducii. c'cst la date de l'une des chartes ({u'il a souscrites. 11 y a fort
miscei. t. I, p. pemi'apparence qu'il soit le même qu'un maître Paul, auteur
d'une somme sur la pénitence ; m que le Paulus ou Paululus,
Jan. I 3S'J qui a <^crit une vie de saint Erard, évêiiue de Ratisbonne. Les
cl se.]. Rollaiidistes ([ui ont recueilli celle légende, pensent qu'elle a été
com[»osée vers la lin du Xk siècle, peul-êtrc i)ar l'aul de Bern-
riod, auteur des vies de Grégoire Vil et de la bienheureuse
Ilerluca. "•
(1) Prima quidem cru:r ex ulrâque 2>arte ullrà caliccm protenditur ; secunda
calici co'iquatur , tcrtia infrh calicem coartatur... In prima ergb cruce aternitas
Jiiii inUllijitw cwn pâtre ; in secundâ, œqualilas ; in terlvï unitas interna et
ejusdcm subslantitF.... In co verb quod dicitur pcr ipsum, intelligitur creatio ;
in eo quod dicitur cum ipso, operatio ; t-t eo quod dicitur, in ipso, consum-
matio, etc.
5o9
XII SIECLE.
GEOFFROI RUDEL''',
Poète Pkovencal.
SA VIE ET SES ÉCRITS.
GBOFFRoi Rudel est regardé par Noslradamus et par
Crescinibeni, comme le plus ancien des troubadours pro- Vies des poêi.
vençaux dont la mémoire soit parvenue iusquà nous. Ils ne P™^'"
,' J T Slot ta dellit
placent cependant sa mort quen11G2; encore se trompent- «(,/jar poeiio, i.
ils sur cette date, qui doit être rejetée beaucoup plus loin, "■
comme nous Talions voir, si Ion veut ajouter foi à quelques
circonstances importantes de la vie de ce poète. 11 était sei-
gneur de Blaïa ou de Blaye (2) près Bordeaux, et selon toute
apparence, de la maison d'Angoulême. Né avec un talent MiIIoi, i. i,
marqué pour la poésie, mais vraisemblablement peu favorisé P ""•
de la fortune, il se relira dans sa jeunesse auprès de Guillaume
d'Agoult, seigneur du Sault, qui était lui-même fort bon poêle,
et qui le logea chez lui et fournit quelque temps à son en-
tretien.
Rudel embellit ce séjour par les charmes de son esprit.
Geoffroi, comte de Bretagne, fils de Henri H, roi d'Angle-
terre, étant allé, à son passage en Provence, visiter le sei-
gneur du Sault, notre poêle acquit son estime et ses bonnes
grâces par les chansons agréables qu'il chanta devant ce
prince, à la louange de son patron. d'Agoult profila de ces
bonnes dispositions pour prier le comte de prendre Rudel à
sa suite. La proposition fut acceptée avec joie. Rudel passa
plusieurs années à la cour de ce prince, ne s'occupant qu'à
chanter la générosité de ses deux prolecteurs. Si cette anec-
(1) Son nom rst écrit très-diversement dans les manuscrits provençaux. Il
y est nommé Gaufrés Rudelo, Jaufré lîudelh. Giaiifré Hodel, Ginfrê Rndello,
et même Cufres Rudel. Nostradamus l'appelle Jaufred Rudel, et Crescimbeni
Giuffredo Rudello.
(2) Nostradamus dit de Blieux en Prorence. Il faut donc ajouter à toutes
les autres incertitudes au sujet de ce troubadour , celle de savoir si
Blieux en Provence peut être le même lieu que Blaïa ou Blaye près Bor-
deaux.
560 GEOFFROI RUDEL, POÈTE PROVENÇAL.
XII SIECLE. Joie est vraie, et il n'y a aucune raison de la révoquer en doute,
elle peut servir à rectifier les dates sur lesquelles les deux histo-
riens de sa vie et des poètes provençaux se sont trompés. Le
•uprà, p.' 94, comte Geoffroi était né en 1158. Quelque jeune qu'il pût être
noie. quand il rencontra Rudel chez le seigneur d'Agoult, il faut bien
lui donner au moins vingt ans, ce qui porte à H 78 au plutôt
l'époque de leur liaison.
Rudel était dans celte position heureuse et paisible, lors-
qu'une circonstance imprévue et la passion romanesque et
bisarre qu'elle fit naître, vinrent troubler son repos et abré-
ger sa vie. Des pèlerins , au retour de la Terre-Sainte, lui
contèrent tant de merveilles d'une comtesse de Tripoli ,
alors célèbre dans le Levant par sa beauté, qu'il en devint
éperduement amoureux, et ne voulut plus célébrer qu'eUe
dans ses vers. Il trouvait le moyen de les lui faire tenir ; « et
il est grandement vraisemblable, dit Pasquier, que ce n'était
Recherches pas sans remcrcîmens de la dame par lettres » . La passion du
de la France, troubadour s'en accrut au point de lui faire entreprendre le
Ht. VII, ci, ,, , -, • 1 / , . A œ ■
g07. voyage d outre-mer : il prit donc congé du comte Geoffroi, et
quoique ce prince fît son possible pour le détourner de son pro-
jet, il partit en habit de pèlerin, voulant, selon le même Pas-
""•'• quier, « couvrir son voyage d'une dévotion pour ne servir de
moquerie aux siens, et disant qu'il allait visiter les saints lienx
de Jérusalem » .
Bertrand d'Alamanon, poète provençal comme lui, voulut
Ctre le compagnon de sa folie. Il ne comptait pas, en mon-
tant sur le vaisseau, avoir à rendre de si tristes devoirs à son
ami. Rudel fut atteint en mer d'une maladie si violente, que
les nautoniers le croyant mort, eurent plusieurs fois la
pensée de le jeter à la mer. Il arriva dans cet état au port
de Tripoli. Bertrand d'Alamanon alla promptemont avertir
la comtesse de la venue du pèlerin malade et du sujet de
son voyage. La force et la constance de cette passion, ce
que les talens du poète et l'état fAcheux où il était réduit y "
ajoutaient d'intéressant , touchèrent la princesse ; elle con-
sentit à se faire porter au vaisseau. En abordant le malheu-
reux Geoffroi, elle lui prit la main et lui fit un accueil si
obligeant, qu'il crut avoir recouvré ses forces et lui adressa
les remercîmens les plus respectueux et les plus tendres.
Mais il ne put suffire à des émotions si vives, et au milieu
des expressions de sa reconnaissance et de sa joie, il rendit
l'esprit, selon l'expression de Noslradamus, entre les mains
GEOFFROI RUniiL, POKTl;; PROVENÇAL liGI
de la comtesse (1). Une mort si soudaine troubla tellement xii siècle.
l'ame de cette princesse , que la sérénité disparut de son
visags le reste de sa vie. On ajoute que dès le même jour ,
soit dévotion, soit chagrin, elle se dévoua au cloître (2). Ce-
pendant elle prit soin des obsèques du poëte, et le fit inhumer
chez les templiers de Tripoli, dans un tombeau de porphyre, sur
lequel elle fit graver quelques vers en langue arabe. Bertrand
d'Alamanon lui présenta les poésies que Rudel avait compo-
sées pour elle ; la comtesse en fut si flattée, qu'elle les fit trans-
crire en lettres d'or. Elle n'oublia pas de récompenser celui qui
lui avait remis cet intéressant recueil, elBertrand revinten France
comblé de ses présens.
Comme il y a eu plusieurs Geoffroi Rudel de la maison
d'Aiigoulême, et plusieurs comtesses de Tripoli, on n"a pas
été d'accord sur les deux personnages qui figurent dans celte
anecdote romanesque. M. de Foncemagne avait fait , sur ce
point d'histoire, de savantes recherches (3), dont le résultat
n'offre rien de certain, mais peut servir cependant à corriger
les erreurs de Nostradamus et de Crcscimbeni. Selon eux,
cette dame avait épousé le comte de Tripoli, qui fut cause
de la prise de Jérusalem, lorsque Saladin enleva celle ville
aux chrétiens en il 88. Tripoli de Syrie avait été prise par les
croisés et érigé en comté en 1109. Ce comté fut réuni une
première fois à la principauté d'Anlioche en 11S7, par Rai-
mond II, quatrième comte de Tripoli, qui mourait. Ce fut
Raimond lui-môme qui fit celle réunion en se voyant mourir
sans enfans. Il le fut une seconde fois en 1200, et n'en fut plus
séparé depuis. Dans tout cet espace de temps l'histoire ne
parle d'aucune femme des comtes de Tripoli, qui soit entrée
(1) Crescimbeni traduit ira le iraccia délia confessa, ce qui n'est pas la même
chose.
(2) Vie de G. Rudel, ms. du Vatican 3204. Crescimbeni, Millot.
(8) Millot, tti sup. p. 90. Presque tous les faits suivans se trouvent dans cet
auteur, qui avait ici pour garant non-seulement M. de Sainte-Palaye, mais un
travail de M. de Foncemagne, et un autre de M. de Paulmy ; la vie de Geoflroi
Rudel est une des six dont il avoue dans sa préface avoir l'obligation à ce der-
nier académicien. L'ouvrage de Millot parut en 1774. M. Papon n'a fait, dans
son histoire de Provence, imprimée quatre ans après (1778), que recopier (t. II,
p. 444 ) ce même travail de M. de Paulmy, dont il dit avoir eu la communication.
Les mêmes faits sont présentés dans cet article sous un jourun peu différent, et
les conséquences qu'on en a tirées, ne sont pas les mêmes.
Tome XIV. Bbbb
;.02 GEOFFROI RUDEL, l'OÈTE PROVENÇAL.
XII SIECLE. dans le cloîlrc ; mais elle tlil que la princesse Mélisondc, fillo
de Rainiond I"^^' , niorl en 1 1 48 , fui accordée avec Manuel
Coninène , empereur de Constanlinople, qui ensuite la
refusa. Elle devait, selon l'usage, porter le litre de comtesse.
Guillaume tle Tyr la nomme avec éloge. (1. 18, c. 31.) L'af-
front (ju'elle avait reçu dut faire beaucoup parler d'elle, et
donna sans doute du relief à ses qualités. Les récils des
pèlerins, qu'elle avait peul-<"'lre captivés par ses bienfaits ,
étaient capables d'écliauirer 1 imagination vive du trouba-
dour. Enfin il est |)r()l)abl(ï (pie cette [)rincesse, plutôt cpi aucune
femme des cornlcs de Tripoli , embrassa la vie n;ligieuse.
Telle est l'opinion de labbc .Millol;mais on peut croire aussi
que cette coiulcsse île Tri[K)li était la veuve do ce Rai-
mond il, dont on vient de parler, ce qui placerait celle
aventure vers l'an 11 90, en supposant qu'il se fût écoulé
deux ou trois ans depuis la mort de son mari. Voyez à son
sujet la nouvelle histoire du Languedoc, par dom Vaisselle ,
lom. Il, page 400.
A l'égard de Geoll'roi Rude! ou Geoffred Rwlelli^ on en
trouve un de ce nom parmi cin(j fils de JolTred , comte
d'AngouIrnie, mort en lOlS, et ce fui celui (jni eut en par-
tage la seigneurie de Blaye. Mais ce ne peut être notre Irou-
batlour, ou bien, en rapprochant les dates, il n'y a rien de
vrai dans ce (jue l'on raconte de son séjour chez le seigneur
d Agoult dans sa jeunesse, île ses liaisons avec le comte
Geollroy d Angleterre, et di; so» amour pour une comtesse
d( Tripoli. D'ailleurs linslitulion des Templiers ne remonte
quàlan 1118 : Grolfroi le troubadour fui enterré à Tripoli
dans leur maison : il s'était alor> écoule soixante-dix ans depuis
la mort de son père : comme il était le second des cinq fils, il
était né |)lusieurs années a\anl celte mort ; et, enfin, comme les
templiers ne furent pas d abord établis à Tripoli, et qu'il n'est
pasdiliiu'ils le fussent récemment quand le troubadour fulentcrré
chez eux, il aurait ou alors au moins quatre-vingt quelques
années.
D'un autre côté ce G(>oilroi ■^Rudelii mourut sans cnfans ,
la seigneurie de lilaye fui réunie au comté d'Angoulèrae .
elle en fut démembrée de nouveau dans la suite ; mais l'on
ne voit plus de seigneurs de Blaye qui aient porté ce nom,
si ce nesl dans le Xlllc siècle, le fils d'un Gérard de Blaye,
qui sans doute succéda à son père, et dont on trouve dans
le Gallia chrisLiana un sauf-conduit signé, G. Rw.lelli do-
minas de Bta'ia. Mais ce sauf-conduit est de lan 1^31, et
GEOFFROI RUDEL, POÈTE PROVENÇAL. o63
celle date ne convient non plus dans un autre sens ni aux xii siècle.
dates, ni aux aventures atlribuées au troubadour. Cotte
nouvelle difficulté paraît insurmontable à l'ablté Millot , et ^'** >«r'à,
elle le serait en effet, s'il n'était pas naturel de supposer que
pendant le temps qui s'écoula depuis la dernière fois que la
seigneurie de Blaye fut démeml)rée du comté d'Angoulème,
jusqu'à la fin du Xll*^ siècle, époque oîi nous avons vu plus
haut que le comté de Tripoli cessa d'exister , il y eut plu-
sieurs seigneurs de Blaye ; que le fils de quelqu'un d'entre
eux, destiné à hériter de son père, put se nommer Gcolfrcd
ou Geoifroi Rudelli, avoir le taleul de troubadour, éprouver les
vicissitudes auxquelles le nôtre fut exposé, et mourir jeune dans
celte aventure lointaine, sans laisser après lui aucun acte dont
l'iiistoirc puisse s'emparer comme d'un titre, ni aucune trace de
son existence que ses vers.
C'est de lui, selon les commentateurs de Pétrarque, que ce Vdluteiio,
poète a voulu parler dans son triomphe d amour :
Gesucido.
Gianfi'è Rudel che uso la vola <>( il remo Tiionfo d'A-
Acercar la sua morte. more, cap. i.
« Geoffroi Rudel, qui se servit de la voile et de la ran)e pour
aller chercher la mort » ; ce (}ui est d'nntunl plus vraisendiiaiile,
(jue Pétrarque passe en revue dans cet endroit les liijubadours
les plus célèbres ; Arnauld Daniel, Pierre d Auvergne, Foulques
ou Folchetlo de Marseille, etc.
La mort funeste de Rudel contribua sans doute beaucoup à
sa célébrité. Au rapport de Nostradanius, le moine des lles-
d'Or, premier historien des poêles provençaux, faisait mention
d'un dialogue oii l'on niellait en question de savoir si
l'on aime mieux sa dame ou présente ou absente ; et ce qui
engage le plus à aimer, ou les yeux ou leconir. On citait,
en faveur de l'absence, lexeujple de notre Geoifroi. a Tout
homme sensé, disait un des couplets, reconnaît que le c(eur
l'emporte sur les yeux, que les jeux ne servent de rien en
amour si le cœur n'en éprouve lo sentiment ; et i|ue sans les
yeux le cœur peut franchemenl aimer chose qu il n'a jamais
vue, ainsi que fit Geoifroi Rudel. » La question parut si im-
portante et si difficile à résoudre, qu'elle fut renvoyée par-
devant la cour d'amour, siégeant à Pierrefeii et à Signa, et
composée des dames les plus illustres et des plus galaus
chevaliers du pays. Nostradamus, qui va jusqu'à nous don-
]5bbb ^,
564 GEOFFROI RUDEL, POETE PROVENÇAL.
XII SIECLE, jjgr la liste de ces dames (1), ne nous dit pas quelle fut la déci-
sion de la cour.
Mais, comme si chacune des circonstances sur Geoffroi
Rudel devait jeter sur lui de nouvelles obscurités, le couplet
que cet historien rapporte finit par ces mots : « Ainsi que fit
Jaiifred Rade\ de Savoie t ; et qu'y a-t-il de commun entre
un Jaufrcd de Savoie et un Geoffroi seigneur de Blaye près
Bordeaux? C'est peut-être uniquement sur cette autorité
(\n Andréa Rosolti, dans son catalogue des écrivains Pié-
Syiiabus Scr. monlais, cité par Crescimbeni, mentionne ce poêle qu'il
Pcdemoni. p.2i6. nouime Gotlofredus Rudellus, et lui donne la Savoie pour
patrie. 11 lui attribue aussi, comme Noslradamus attribue à
notre Geoffroi, un poëme sur la guerre de Tressin ou Tersin,
prince des Sarrasins contre les rois d'Arles. C'est" tout ce
qu'il dit de lui : seulement il ajoute que Possevino en a fait
mention. En effet, cet auteur parle, dans sa Bibliothèque
choisie, d'un Gaufrediis Rudelius que les Français, dit-il,
nomment Gcufroy Rudel, (|ui avait écrit sur cette guerre de
ïrossin une histoire ou un |)ocme, et à qui il donne le titre de
Possev. miii. "ol>''^ savoisien, nobilis sabaiidus.
sciccia, I. xvi, Quoi qu'il en soit, de toutes ces incertitudes, on n'a publié
!'"*''*'■ des poésies de Geoffroi Rudel, qu'une des chansons qu'il avait
faites en France pour la comtesse de Tripoli, lorsque son dessein
de l'aller trouver n'était pas encore entièrement arrêté, ou lors-
que, même après en avoir pris la résolution, il doutait de pou-
voir arriver jusqu'auprès d'elle. Nous donnerons ici ces quatre
couplets pour mettre le lecteur en état d'apprécier le style de
Geoffroi Rudel et sa manière :
Irat et dolent m'en partray
S'yeu non vey est' amour de luench
E non say qu' ouras la veyray;
Car son trop nostras terras luench.
Dieu qui fes tout quant ven e vay,
E forma quest' amour do luench,
(1) C'étaient, selon lui, Stephanette, dame de Baux, fille du comte de Pro-
vence, Adalasie, vicomtesse d'.\vi<rnon, Atalete ou Allaëte, dame d'Ongles,
Ecrmyssenie, dame de Posquiores, Bertrane, dame d'Urgon, Mabille, dame
d'Véres, la comtesse de Die, liostangue, dame de Pierrefeu, Bertrane, dame do
Signa, et Jausserande de Claustral.
GARIN DAPCHIER, POÈTE PROVENÇAL. 565
Mi don poder al cor, car hay XH SIECLE.
Esper, veïer l'amour de laench.
SeigBa«r, ten«fl my psr veray
L'amour qu'ay per ella de luench ;
Car per un ben que m'en esbay,
Hay mille mais, tant soi de luench.
Ja d'autr' amours non jauziray,
S' yeu non jau degt' amour de luench.
Que' na plus bella pon en s»y
En Inech que si», oy près ni luench (1).
L'imitation de la poésie et de la manière des Arabes se fait
sentir dans cette pièce. C'est sans doule à leur exemple que
GteoflVoi Rudel fait ainsi revenir le même mot de deux en deux
vers. On y voit aussi l'origine de notre mol loin, qui se termi-
nait autrefois par un g. Le ch de luench se prononçait du gosier,
prononciation celtique, qui subsiste encore dans l'allemand et
dans le bas-breton.
Nostradamus rapporte que le moine de Montmaïour, ce trou-
badour satirique, qu'on appela le fléau des troubadours, traitait
GeoflFroi Rudel d'homme grossier et d'ennemi des dames. Jamais,
dit avec raison l'abbé Millot , satire ne fut plus injuste, à en T. i, p. M.
juger parce que nous connaissons de la vie et des ouvrages de
ce galant troubadour. G.
GARIN D'APCHIER,
Poète Pkovbnçal.
1^' ET A 11 un ehevaliser d'une maison très^noble et très*
^ancienne du Gevaudao, vaillant et bon gtterrier, dit^on;
mais il ne reste aucune mémoire de sœ faits d'armes et de
chevalerie ; galant et très-habile en amour, et l'on ne trouve
(I) Ou trouve des chansons de Geoffroi Rudel dans les manuscrits 3304 et
3206 du Vatican, et dans les recueils des poètes provençaux de la Biblioth.
Saint-Laurent à Florence. Crescimb.
566 GARIN DAPCHIER, POETE PROVENÇAL.
xn SIECLE, aucune trace de ses tendres aventures ni de ses galanteries ;
enBn, de quelque célébrité parmi les troubadours du XH' siècle,
sans que ce qui nous reste de ses poésies donne une haute idée
de son talent.
On lui attribue l'invention d'une espèce de poésie appelée
descord, ou descors. L'abbé Millot cite, pour expliquer ce
mot, un manuscrit français et latin de la bibliothèque de
Saint-Laurent, à Florence, qui l'interprète d'une certaine
diversité et variation dans le chant. C'est un glossaire, ma-
nuscrit provençal et latin, qu'il fallait dire, et voici ce que
porte ce glossaire : Discors, descordes. Discordia. V. Can-
tilena habens sonos diversos (1); c'est-à-dire, une chanson ou
un chant, ayant des sons divers; ce qui ne paraît signifier
rien de particulier, attendu que les sons de tous les chants
possibles sont dififérens les uns des autres; mais, dans la plu-
part des chansons provençales, toutes les strophes étaient
sur les mêmes rimes que la première. Dans le descors, au con-
traire, chaque couplet ou chaque strophe avait ses rimes diffé-
rentes de celles des autres, habens sonos diversos : cela ne veut
pas dire autre chose.
On en peut citer pour exemple une chanson de Raymbaut de
Vaquieyras, qui commence ainsi :
Ar as quan vey verdeyar
Pratz e vergiers e boscatges,
Nuelh un descort comensar, etc.
Les cinq strophes suivantes sont chacune sdr deux différentes
rimes, et l'on n'y voit aucun autre signe qui pût caractériser un
descort.
Garin d'Apchier, Me troubadour, car il y eut plusieurs che-
valiers de cette maison nommés Garin, florissait sous le comte
Mort en 1194. Raimond V de Toulouse, mais on ignore l'époque précise de sa
naissance et de sa mort.
Les cinq pièces de lui qui se sont conservées sont toutes adres-
sées à son jongleur; il se nommait Communal, était vieux, vou-
lait faire le galant, et chantait d'uue manière ridicule les vers
de Garin. Celui-ci en fait des reproches grossiers et qui n'ont
rien de piquant. îtnjUiVf)!!;.
(l) Voyez dans les additions aux vies des poètes provençaux, trsdnitea
par Crescimbeni, vol. 2 de son HLst. de la Poésie vulg. édit. de 1730,
la Bibl. du roi.
GUIL. ADHÉMAR , POÈTE PROVENÇAL. 567
Dans l'un de nos manuscrits, qui contient deux de ses xii siècle.
pièces et une courte notice de sa vie ; la vignette qui orne n. 71225 de
cette notice , le représente à cheval , le casque en tête , l'épée
d'une main , et tenant de l'autre un bouclier chargé d'un
écu d'azur, à la bordure et à trois barres d'or , celle du mi-
lieu ondoyée. { V. Hist. de Languedoc, par D. Vaissette, t. II ,
pag. 520.) G. '
GUILLAUME ADHÉMAR o.
Poète PRoys^ïÇAL.
' vïilAiVU* Adhémamaquil au château de Marveys ou Mar-
G
veil (2), en Gévaudan. 11 était fils d'un chevalier qui n'était
ni riche ni puissant. On croit que ce chevalier se nommait
Géfard, et que ce fut à lui que l'empereur Frédéric I*^' donna
en fief le château de Grésignan ou Grignan. C'est de cette
tiiaisoh qu'était le toarquis de Grignan, qui épousa mademoi-
selle de Sévigné. On sait combien madame de Sévigné était fière
des Adhémars.
Guillaume acquit par ses lalens , par la délicatesse et l'en-
Jouement de son esprit , les bonnes grâces de Frédéric , bien-
feiteiir dé soti père.. 11 se mit ensuite au service du comte de
Provence (3) , qui l'arma ehévalier. 11 fut brave soldat et bon
poëte. L'objfet do ses amours fut une comtQsse de Die, diffé-
rente de celle qui aima Ratiabaud d'Orange , mais qui joignait
èbîùflië' elle à ses antres belles qualités le don de la poésie.
Elle cènipbâàit des chansons dont son amant était si fiet,
iq(Ù'iI'IfeS-pGrtîtit ordinairement avec lui. 11 les chantait , sans
en ndtïlm^'-l''àutetir, d^ns:; les plus èrillantes réunions de
«dathës' étuiè dhQVaHePSu^npnj; il était si passionnément amou^
•^nîi^-d-erllrf jni^iq'aiyant: appris ')^u'oû| pijriail de la, marier au
tfernlè dlîfiilSPuài^îi^a :;douleun.';<fU'ilfceï|;t .cûnçuti le xiotoduisjtaaûu
^'(^nbeSasSfO'^oiq 'cinoaunaiu sa^noan ftof :)97« bioaas'b uv«0'îJ
ii-roa iasib'i}p iso'a ^inmbdbk O'nualluid sb "^nùèib giiop 00
568 GUIL. ADHÉMAR, POÈTE PROVENÇAL.
XII SIECLE. Étant tombé malade, à son château de Grignan , la com-
tesse qui l'aimait , l'alla visiter avec sa mère. Le troubadour
violemment ému par sa présence , prit sa main , qu'elle lui
présenta, la baisa en soupirant et expira. On place sa mort
en H 90. La mère eut soin de lui faire élever un superbe
mausolée, sur lequel elle fit graver des vers héroïques à sa
louange. La fille fut tellement frappée de cette mort , qu'elle
ne voulut point se marier. Elle se fit religieuse à Saint-Ho-
norat de Tarascon , oii elle mourut de chagrin peu d'années
après.
L'abbé Millot est tombé dans une erreur au sujet de Guil-
laume Adhémar, en voulant en redresser une de Noslrada-
mus. « Trompé , dit-il , par le nom d'Adhémar , Noslradamus
conjecture que ce troubadour était fils de Gérard Adhé-
T. Il, p. w. mar , etc. ... Il était certainement contemporain du moine de
Montaudon, qui parle de lui, dans sa satire, comme d'un
homme qu'il a connu et fréquenté; ce moine florissait à la
fin du XIII* siècle; ainsi l'on ne peut douter de la méprise de
Nostradamus » .
Guillaume Adhémar était sans doute contemporain du
moine de Montaudon ; mais Guillaume de saint Didier, Pey-
rols d'Auvergne , Gaucelm Faidit, Arnaud Dainel , Arnaud de
Marveil , Pierre Vidal , l'étaient aussi , puisqu'il parle d'eux dans
cette même satire. Or, tous ces troubadours fleurirent dans le
XII" siècle.
Il est donc faux que le moine de Montaudon , qui les a
satirisés , ait fleuri à la fin du Xlll°. De cela seul qu'il a parlé
d'eux tous , il s'ensuit donc , au contraire , que c'est dans le XII°
et dans le commencement du XIII° qu'il a fleuri.
L'abbé Millot, dans cette occasion comme dans beaucoup
d'autres, peut être accusé d'irréflexion. Elle est prouvée par
les conséquences mêmes que nous venons de tirer de la satire
du moine de Montaudon ; conséquences qui , comme on le
dit vulgairement, sautent aux yeux, et à la place desquelles
on ne peut concevoir qu'il en ait tiré de toutes contraires.
Mais il n'en est pas moins à présumer que Nostradamus
donne ici une preuve de plus de son penchant pour les fables et
les aventures romanesques. Rien de ce qu'il raconte ne se
trouve d'accord avec les anciens manuscrits provençaux. Tout
ce qu'ils disent de Guillaume Adhémar, c'est qu'étant sorti
secrètement dans sa jeunesse du château de Marveil, oh il
était né , et dont le seigneur l'avait fait chevalier , sa pauvreté
XII SIECLE.
JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LAThN. 5G9
l'empôcha de soutenir celle noble profession ; qu'il pril celle de
jongleur ; qu'ayant composé beaucoup de chansons, il eut dans
le monde de très-grands succès ; et qu'enfin, après avoir long-
temps vécu de celte sorte, il entra dans l'ordre monastique de
Grammont, oîi il mourut.
Quoi qu'il en soit, on dit qu'oulre ses chansons, il avait fait, Lou Cuihafog
en rimes provençales, le catalogue des dames illustres, qu'il ''« '"» '*"""'"
dédia à l'impératrice (1), femme de Frédéric \" . 11 avait aussi
inventé un jeu, ou l'on se parlait à l'oreille « pour donner, dit
Noslradaraus , commodité aux amoureux de découvrir leur
amour, sans soupçon des assislans )>. La Croix du Maine lui at-
tribue plusieurs comédies non imprimées, écrites en langage pro-
vençal : mais on sait ce que ce pouvait être que des comédies en
ce temps-là. G.
JEAN DE HANTVILLE,
Poète Latin.
LE nom de cet auteur d'un poëme latin, intitulé Archithrenius,
a été défiguré par plusieurs des écrivains qui ont parlé de
lui (2), la plupart aussi l'ont fait naître en Angleterre (3), quoi-
qu'il nous apprenne lui-même, dans le prologue de son poëme,
qu'il était né en Normandie. Bonamy. Ou
din, Moreri, loc
(1) Sans doute Béatrix de Bourgogne, mariée en 1156, et morte en *='i- 1 Bulseus
iigr Hist. Univ. Pa-
ris t II D 750
(2) 11 est nommé Haufeville ( Hauiivillensis, seu de alla villa ) dans la • • > F-
Dissertation de Bonamy, Mém. de l'Acad. des Inscript, t. XV, p. 680; dans
le Dictionnaire de Moréri, éd. de 1759, t. V, p. 545; et dans Oudin, de Scriptor,
Ecclesiast., t. II, p. 1621. Lilio Gregorio Giraldi, Hist. Poet. dialog. V, et
après lui Vossius, de Poet. lat. c. IX, p. 87, l'ont appelé iVaM^w-W* ; ce der-
nier avait oublié que, dans son livre de Historicis latinis, Leyde, 1651, in-4",
p. 783-784, il l'avait nommé Hauiivillensis sive Santwillensis. Usserius l'a
appelé Annavillanus, Antiq. Britann. p. 269.
(3) Nicolaus honœ spei Puteanus, Compend. de Multipl. Parisiens, vniv.
magnif : Giraldi, ut sup. Joan. Petr. Pitseus, de Illustr. Angl. Script.
p. 266. Vossius, de Bist. lat. p. 783 ; Du Cange, Qloss. in ind. auct. Bar-
thius, advers. liv. 44, c. 19, p. 2027 ; Baillet, Jugem. des Sav. t. IV, p. 256 ;
Usserius, ub. sup.
Tome XIV Cccc
:< 3 «
570 JEAN DE HANTYILLE, POÈTE LATIN.
XII SIECLE. ])g aulhoris autem
Nomine si qucsras, liceat diocisse Joannes
Est ejm novien, cui Nevstria contulit ortum.
Il y a en Normandie, à trois lieues d'Evreux, et à deux lieues
de Conches, un bourg dont le nom est Anville, d'où le duc
d'Anville, tué en 1746 dans l'Amérique septentrionale, avait pris
son nom; l'on pourrait croire que c'est de ce bourg d'Anville
que notre poète était originaire ; au moins n'y en a-t-il
point qui ait plus de rapport avec son surnom de Hantvil-
lensis ou de Ann^ivillensis , comme il est aussi quelquefois
nommé.
vbi tuprù ad On ne sait sur quelles autorités Pitseus, copié ensuite par
^" ' ''■ d'autres auteurs, a pu avancer que Jean de Oantville, après
avoir fait ses études à Oxford, y avait pris les degrés de
maître ès-arts et en philosophie, et qu'il s'était fait moine à
Urid. p. 249. l'abbaye de Saint-Alban. Il nous apprend que Hantville,
selon la coutume de son temps, étant venu terminer et per-
fectionner ses études à Paris, s'adonna à la poésie, et qu'il
y réussit. Son talent particulier, ajoute-t-il , était de savoir
accommoder son esprit et son style aux sujets qu'il avait à
traiter, en sorte qu'il imitait la gravité de Virgile dans les
matières importantes et élevées , la douceur et la facilité
d'Ovide dans les sujets médiocres, et qu'il avait quelque
chose du sel d'Horace dans ses poésies satiriques ; selon lui,
en6n, de Hantville écrivait en meilleur latin que tous les autres
auteurs de son siècle, et avec une élégance qui, bien que
fort inférieure à celle des bons poètes de l'antiquité, ne lais-
Jcï SaT T'iv"^ ^^^^ P^^ d'avoir beaucoup d'éclat parmi ceux de son temps.
Le même Pitseus rapporte qu'un moine bénédictin de Saint-
Alban, nommé Hugues Legalhe, qui florissail en 1400, ayant
trouvé dans son monastère le poëme de VArchithrenius, en fut
si charmé, que dès ce moment il renonça à tous les autres livres,
pour faire de celui-ci l'objet de ses études et de toutes ses mé-
ditations. Cette passion l'engagea à composer un commentaire
sur le poCme de Jean de Hantville, et Baillct prétend qu'en cela,
toute irrégulière qu'était cette passion, elle fut utile au public ;
ibt iupra. ^gj^ Lamonnoye observe que ces commentaires n'ont jamais été
Ceni. 2, 01. iiiiprimés, non plus que ceux dont parle Furycius Puteanus,
38 et 84. «Il- ou Henri Dupuils.
•uum 2. Qp ignore les détails de la vie de Jean de Hantville ; il fut,
I H. selon Oudm, iort attaché au roi d Angleterre et duc de Wor-
JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN. 571
mandie, Henri II, dont il fait l'éloge dans un chapitre de xii siècle.
son poëme. Il intitula ce poëme Archithrenius, mot com-
posé de mots grecs, qui ne signifient pas, comme le dit
Baillet, que l'auteur commence par déplorer la misère de uh i,.prà
l'homme, car il ne commence pas ainsi son ouvrage, mais
qui le représente, déplorant sans cesse les vices et les dé-
fauts du genre humain ; Archithrenim, dit Badius Ascensius,
en tête de l'édition qu'il en a faite, quod est princeps lamen-
tationum .
Cet ouvrage, divisé en neuf livres, qui sont subdivisés en
chapitres d'inégale grandeur, est dédié à Walter, ou Gau-
tier de Coutances, surnommé le Magnifique, d'abord archevê-
que de Lincoln, ensuite de Rouen, et qui tint ce dernier siège
archiépiscopal depuis 1184 jusqu'au 12 novembre 1209. La
dédicace, qui n'est point en tète du poëme, mais au cha- Pommeraye,
pitre Vil du premier livre, indique clairement l'époque de iHsi. des »reh.
la composition, ou du moins de la publication de YArchù "** Rouen, p.
threnius; c'est celle où Gautier venait d'être transféré de cait. chr. mv.
Lincoln à Rouen, lorsqu'il n'avait point encore quitté le pre- '• •'• p- si-s»-
mier siège , et qu'il était impatiemment attendu dans le
second. Rouen est une veuve qui attend son nouvel époux,
qui aspire au moment oii elle le serrera dans ses bras qui
brûle de voir un nouveau printemps fleurir pour elle, et de
monter au lit conjugal, oîi la vertu présidera sous les aus-
pices du Christ, et confirmera l'union de l'époux, et de l'épouse;
sacrati et sacras connubia firmet. Les huit vers suivans disent,
dans un langage Irès-mélapiiorique, qui était sans doute
alors regardé comme très-poétique, que Lincoln n'a pas long-
temps joui de celui qu'elle va perdre , mais que la terre
qui l'a produit le rappelle, qu'elle le réclame comme un
dépôt confié, qu'elle attend en lui, vierge un homme,
nubile le lit nuptial, non mariée un époux, orpheline un
père, décapitée une tête, persécutée un détenseur, aveugle
un guide, entourée de ténèbres une lumière, plongée dans la
nuit un Qambeau.
Virgo virum, matura loroa, innnpla maritnm ;
Orba palrem, mutilala capul, jactata miulcm ;
Cœca ducem, teaebrosajubar, nocticrna lucernam.
Le prologue en prose qui précède le premier livre, an-
nonce le dessein et le plan de tout l'ouvrage, et pourrait
être intitulé, argument. Archithrenius , -^ est-il dit, parvenu
Ckîcc?
572 JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN.
XII SIECLE, à l'âge viril, passe en revue toutes les actions de sa vie, et
trouve qu'il n'a rien fait pour la vertu. Il se plaint de la
nature qui a fait l'homme faible, et ne lui a pas donné la
force de résister aux attraits du vice et aux mouvemens dés-
ordonnés du crime. Après beaucoup de plaintes et de larmes :
J'irai, dit-il, chercher la nature, afin qu'oubliant tout ressen-
timent et toute haine , elle accorde au malheureux Archi-
ihrenins le secours et l'appui qu'il désire. Parcourant donc
à pied tout le monde, il rencontre Vénus ou la Volupté, l'am-
bition, l'avarice, la gourmandise et les autres corruptrices,
caeteras meretrices, qui entraînent et pervertissent l'homme.
\Y trouve enfin la nature, se jette à ses pieds, expose le sujet
qui l'amène, et, ayant obtenu tout ce qu'il demande, reçoit
pour secours, par le conseil de la nature, une épouse appelée
la modération Dans le cours de ses voyages, Architrenius
compatit au genre humain qu'il voit submergé par les flots de
tous les vices; son ame est oppressée par ses gémissemens, et
ses yeux sont noyés de larmes. C'est d'oii il a pris son nom et le
titre de son poëme.
Les neuf livres dont il est composé offrent, en effet, l'exécution
de ce plan. Après douze ou treize chapitres assez vagues, et entre
lesquels on ne voit aucune liaison, tels que de potentiâ labo-
ris, de impotentiâ desidise, de sociis desidiee, de remotione
arrogantiœ, contra senes prsssentia damnantes, etc. ; Archi-
threnius commence enfin le récit de ses voyages. Il rencontre
d'abord le séjour de Vénus ou de la Volupté. La déesse est
entourée de jeunes vierges qu'elle instruit, et dont elle en-
flamme les cœurs. Il en est une qui efface en beauté toutes
les autres. Le dernier chapitre du livre, qui est le plus long,
est employé tout entier à en tracer le portrait. Ce portrait
même est loin d'en finir avec le livre : il ne comprend encore
que la tête et le cou. Le premier chapitre du second livre
est intitulé : de residuo descriptionis puellas, et, en effet, la
description de tout le reste, depuis le cou jusqu'au bout du
pied, y est faite avec le même détail. Ce n'est pas tout; la
description de la toilette suit celle de la personne ; et le
poète en reprend toutes les parties en remontant depuis les
^' '"■ pieds jusqu'aux cheveux. Archiihrenius, après avoir con-
templé à loisir ce joli spectacle, suit son chemin et arrive
„ „ .au séjour de la i:ourmandise. La gloutonnerie de ceux qui
Dt Qvœiuo- •' '' ° -11
nibuf vcitrico- l'habitent, qu'il appelle les ventricoles; les questions dont la
torum. solution fait leur occupation ordinaire sur la différente na-
JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN. 373
lure, la nouveauté, la variété, le prix, le goût des mets, et xii siècle.
leur sollicitude sur les assaisonnements, sont le sujet de trois
chapitres. La passion du vin, les louanges de Bacchus c. iv, v e
chantées par ceux qui s'y livrent, et la peinture de leurs excès,
en occupent trois autres ; Archithrenius se mil alors à dé-
clamer contre les gourmands ; puis il oppose à ce vice hon-
teux l'éloge de la sobriété ; il en prend d'abord les exemples
dans les moines blancs, et il ne dit rien de tous les autres. c. xiv. De
La sobriété de Fabricius et celle de Philémon et de Baucis, ^"'""""^ """'■
lui servent ensuite de modèle, et il décrit avec une comptai- .i.m.
sance particulière là table frugale de ces deux époux. Après
une prière fervente à Dieu, pour qu'il corrige les gourmands,
et qu'il remette la sobriété en honneur, prière qu'il accom-
pagne de larmes ; il reprend sa route, et arrive à Paris, où
sans doute il ne trouvera rien de ce qui jusqu' alors lui en a chuhrenius ' pà-
fait tant verser. Il termine par un éloge pompeux de cette »<»'um et de ejut
ville, qu'il compare à tout ce qu'il y a de plus grand et de '""'''■
plus beau:
Parrhisius, Cijrrhœa viris, Chrysœa melallis,
Graca libris, Inda studiis, Romana poetis,
Attica terra sophis, mundi rosa, balsamus orbis, etc.
Mais, dans ce séjour admirable, il trouve de nouveaux
sujets de pleurer. 11 déplore les misères ou les souffrances
des écoliers, c'est-à-dire de ceux qui se livrent à l'étude des
sciences, la pauvreté de leurs habits, de leur logement, de
leur nourriture, de leurs lits, la bassesse de ceux qui les
servent, l'excès de travail nécessaire pour apprendre ies sept
arts ;• il les peint accablés de sommeil, troublés et réveillés
avant d'avoir dormi, pour retourner à leurs études. Quelques-
uns cependant sont arrachés du lit pour une autre cause,
qu'indique suffisamment le litre du chapitre Xll : De ama-
tore amicam expectante et ad eam noctu accedente. Mais de
quelque manière qu'ils aient passé la nuit, il leur faut se
rendre aux écoles dès la pointe du jour. L'état où ils sont
en présence du maître, les rudes traitemens qu'ils éprouvent,
enfin tout ce qu'ont à souffrir les élèves des muses, mériterait
d'autres encouragemens que ceux qu'ils reçoivent dans le
monde de la part des grands et des riches. L'aveugle distri-
bution des grâces est exprimée ici par un vers, applicable à
574 JEAN DE HANTVILLE, POETE LATIN.
XII SIECLE, d'autres temps que celui de l'auteur, et malheureusement peut-
être à tous les temps :
Liv. III, e. XVI.
Pramia qua Davus recipit memùiet Uomerus.
Après avoir blâmé à leur tour les savans et les philosophes
qui montrent trop d'orgueil, et les philosophes superficiels qui
discréditent la science, il revient au meilleur emploi que les
riches et les grands pourraient faire de leurs dons ; il désap-
prouve ceux qu'ils font aux histrions aux dépens des philo-
sophes, el termine par ces deux vers son troisième livre, qui n'a
pas moins de vingt-trois chapitres .
Injima laus est
Citttcla dari cum niMa bonis ; quai norùei in kora
Histrio dantis opes , logicus delihet in anno
Le voyageur détourne enfin ses yeux toujours baignés de
nouvelles larmes, et cherche des objets (jui puissent les sécher.
Igitur mœroris in iiiida
Liv. IV, c. I, Naufragui indè méat alibi giccandus Oceliiu.
i la 6n.
Un mont élevé, qu'il appelle motis ambilionis, et dont le
sommet est voisin des cieux, sideribtis vicinus apex, attire
ses regards. Il le représente environné de superbes jardins,
rempli d'arbres et de fleurs de toute espèce, et arrosé par un
ruisseau qui roule, au lieu de sable et de cailloux, de l'or, de
l'argent, et des pierres précieuses. Un palais est bâti au sommet;
c'est la cour, la demeure des rois, dont le faîle égale en hauteur
le séjour des dieux, et dont les fondcmens pénètrent jusqu'au
fond duTarlare. Les ailes de ce palais embrassent le tour entier
de la montagne, et forment en plusieurs endroits des réduits
favorables aux crimes secrets, et aux désordres dont gémit la
pudeur.
Explicat aula sinus montemqite ampfectitur alis,
Midt'/ilici laieôra xcc/erum lersura rn/jorem,
Ipsa loco factura nef as, erroribm umbram
C<eca parai, iwclitqiie vice», oculi>/iie verendas
Decipit cxciibias, perennlis Sftpe pwluris
Ce/iili/ras notas, Veneriiqne accommoda fur/is,
Nam lencbras quipeccatamal, laMritiiue pudorem
ExcMal, noetcmqite facit vclamina culpte.
JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN S75
Le poète décrit le luxe, les habits somptueux, les riches ameu- xii sieclb.
blements, les vases précieux, et ensuite les mœurs, l'avidité, la
corruption, la basse adulation des courtisans.
Bonamy, de l'académie des inscriptions et belles-lettres,
s'est singulièrement trompé sur toute cette description, évi-
demment allégorique. Dans un mémoire où il traite de la
célébrité et de l'étendue de Paris avant les ravages des Nor-
mands, il dit que malgré ces ravages qui détruisirent en Académ. des
partie le palais des Thermes, ancienne demeure de nos rois, m, 6ii, ia-i:
ce palais en servit encore à plusieurs rois de la troisième
race, et que sous Louis-le- Jeune il s'appelait le vieux palais.
« Jean de Hantville, ajoute-t-il, qui vivait sous le règne de
Philippe-Auguste en fait une description magnifique. » Il cite
le passage que nous venons de rapporter pour prouver que
l'ancien palais des Thermes avait une étendue plus grande
que celle de l'hôtel de Clugny ; il en conclut aussi que dans
les beaux jardins de ce palais il se commettait des désordres
où la pudeur n'était guère épargnée. Tout cela est un malen-
tendu. Notre grand pleureur parcourt le monde trouvant par-
tout des sujets de larmes. Arrivé à Paris, dont il fait d'abord
un grand éloge, il s'afflige de l'état de misère et de souffrance
où il trouve les élèves de la science, et il dit bien clairement
qu'il va porter ses yeux ailleurs. Il n'est plus à Paris quand
il remonte la montagne de l'ambition. Il est en Grèce, en Macé-
doine; et cette montagne s élève au-dessus de la ville de Pella,
patrie d'Alexandre. 11 le dit positivement, en commençant la
description de celte montagne, et le chapitre H de son quatrième
livre.
Mons surgeniejiigo, PeUœam despicii urbem
Astra svpercUio libans, etc.
Il s'exprime à la fin du chapitre V, de manière à Délaisser au-
cune équi voque ; et il faut que l'académicien qui a si mal enten-
du tout ce passage ne l'ait même pas lu. » C'est là dit le poète
que jouait cet enfant avide de régner, cet élève de Mars, Alexan-
dre; c'est là que l'ambition, sa nourrice, l'enflamma pour les
honneurs du sceptre et l'arma contre l'univers entier, etc.
nie puer imper ii cupidus ludebal, ulumnuB
Marlis, Alexander : sceplrique infudit Iionorem
Ambitio uuirix, totumque armavit in orbem :
Prœcipites animas tenerisque indurvii annis
Bella pati, votumque duos extendit in ortus.
Liv. V, c. I.
576 JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN.
XII SIECLE. Après des vers aussi positifs, il est difficile d'imaginer com-
ment Bonaray a pu tomber et persister dans une telle mé-
prise. Ce qui suit aurait pu contribuer à l'en garantir. Archi-
threnius, affligé de plus en plus, et les yeux inondés de
larmes , poursuit son voyage : il trouve la colline de la
présomption, de colle praesumptionis , dont il fait aussi
une description poétique. 11 est clair que ces deux rencontres
sont de même nature. Si l'on entend par la montagne de l'ambi-
tion le palais des Thermes, à Paris, il faut dire ce que l'on en-
tend par la colline de la présomption, et si celte colline est
aussi à Paris, ou si elle est ailleurs. Si au contraire la colline
n'est qu'une fiction, une vision, une peinture purement allégo-
rique, il n'y a pas la moindre raison pour n'en pas dire autant de
la montagne.
Cette erreur de Bonamy a passé dans la dernière édition
du dictionnaire de Moiéri ; on l'y retrouve avec les expres-
sions même de Bonamy à l'article Hauteville (Jean de) édi-
tion de 1759, tome V, pag. 545. Mais elle y est moins éton-
nante, les compilateurs de ces sortes d ouvrages ne faisant
d'ordinaire que copier les écrits des savans, sans recourir aux
sources.
Sur cette colline de la présomption, ce ne sont ni des rois
ni des grands, mais des ecclésiastiques, des maîtres ou doc-
teurs, des moines avides et orgueilleux, de prœsumptiono
c. 111. ecclesiasticorum et magistrorum, de superbia, de monacho
elato ; c'est cet orgueil qui perdit Lucifer el le précipita du
c. VIII. ciel ; de là un chapitre sur sa chiite, de casu Luciferi, puis
une invective contre l'orgueil, invectio m superbiam. Les
chapitres de tous ces livres ont souvent peu de liaison entre
eux ; celui qui en a peut-être le moins ou qui a le rapport
le plus singulier avec le reste est le 4" de ce livre. I! est inti-
tulé : de praesumptione senectutis quam queritur ad regem
Angliae divertisse. Le poète, après s'être plaint de la présomp-
tion des docteurs, se plaint aussi de la présomption de la
vieillesse, qui a osé blanchir les cheveux et rider le visage de
Henri U, que l'Angleterre est fière d'avoir pour roi, et la Nor-
mandie d'avoir pour duc. Un prince si grand dans la paix et
si infatigable dans les travaux de la guerre et le bruit des
armes, devait voir refleurir sur ses joues un printemps éter-
nel ; les glaces de la vieillesse ne devaient jamais les flétrir.
Quemjlava Brilan»ia regern
Jadat, eoque duce titulia Normannia ridet
JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN. 577
Et belli et pacit, fotumque supemieat orbem, XII SIECLE.
Indole quem belli nunqv.am fregere tutniiUns, ~~~"
Dedidicilque virum gladio malurajuventus,
Hiê vernare geni» œternum dehuit œvi
Flosciilus, et nuUâsenii mareetcere brumd.
C'est là ce que Oudin regarde comme une preuve que Jean de
Hanlville était fort attaché à ce roi, impensè addictm. Il pj. „p.
fallait en effet qu'il eût une extrême envie de parler de
Henri II, mais il fallait aussi qu'il fût très-embarrassé com-
ment en faire entrer l'éloge dans son poëme pour l'y amener si
mal.
Arehithrenius, toujours pleurant, avait recommencé à par-
courir le monde, lorsqu'il voit paraître un monstre qui avait la
tête dans les cieux et les pieds sur la terre ; c'est la cupidité.
Il moralise pendant quelques chapitres sur ce vice monstrueux, Liv. V, c. X.
et s'emporte contre les prélats, qui y étaient apparemment ^- .^'V- ^»-
sujets de son temps. 11 est interrompu par le bruit d'un combat 'lato»!*" '" '""*
horrible entre les prodigues et les avares ; il regarde long- c. xv.
temps ce combat. Un guerrier sort de la mêlée, vient à lui
et lui fait un long discours sur l'origine fabuleuse des rois
de la Grande-Bretagne. Il met à contribution le roman de
Geoffroy de Monmouth, Brulus, Corinée, et la naissance du roi
Artus.
Par une brusque transition, le triste voyageur se trouve trans-
porté dans une terre lointaine et idéale, à laquelle il donne le
nom de cette Thule, placée par les anciens aux extrémités de la Liv. VI, c. II.
terre ; il y trouve rassemblés les philosophes de la Grèce et de
Rome, qui dissertent ou plutôt déclament contre les vices. Ar-
chitas fait un discours sur la colère , Platon sur l'envie ,
Caton contre l'amour des richesses, Diogène sur le mépris du
monde. Socrale fait l'éloge de Diogène, de Cratès, et de Démo-
crite ; Démocrite dit qu'on ne doit désirer les richesses que pour
les répandre ; Cicéron parle contre la prodigalité ; Pline fait voir
les suite sfun estes du luxe ; Cratès tout ce qu'a d'incommode la
vie que l'on mène à la cour j et Sénèque témoigne un profond
mépris pour la gloire.
Ce sujet, commode pour le but moral que se proposait l'aatear,
est continué dans le septième livre et dans une partie da
hoitième. Après les philosophes viennent les sept sages de la
Grèce; chacun d'eux fait de même on la satire d'an vice oa
l'éloge d'une vertu. Solon parle le dernier.
Archithrenirts l'écoatatt avec recBeillemrat et les yeux bais- 'î'- ^^» «•
T^meXlV. Dddd '^*^"
5*78 JEAN DE HANTVILLE, POÈTE LATIN.
xn siiaB. ses. Tout-à-coup il les lève, et il voit devant lui la Nature,
C. VI. au milieu d'une plaine fleurie, et entourée d'un nombreux
cortège ; il se jette à ses pieds. Mais avant d'écouter sa prière,
la déesse lui fait une longue explication du eysténle dd monde,
des étoiles, des planètes, des cercles du zodiaque, des signes,
de leur lever et de leur coucher, ôûBû ûû cooits tottiplet
d'astrottoUiiô, qdi n'est terminé qu'au sixiènie chapitre da
neuvième et dernier livre. Alors seulement Arùhithrênius
omi» Archi. peut adressera la nature une prière plaintive; il expose les
'*""" ",1 "•'"" misères dont il à été témoin et les siennes : il implore enfin
am, e. IX. '
les secours de la déesse, et lui demande un remède à tant de
maux. Le remède qu'elle lui conseille pour lui-même et le
secours qu'elle lui promet, est, comme il l'annonce dans son
prologue, le mariage; mais il ajoute que l'épouse que la na-
ture lui coûseille de prendre est la modération, prosubUdii
-s?. .7ix r.i sttmma de nàturas consilio uosor Archithretiio Modwantia
' ' nominedesponsaiur. On ne voit rien de pareil dans le poëmô ;
c'est bien de véritable mariage et d'une épouse réelle que
parle la nature. C'est elle qui donne la sanction à la générd-
c. XI. tion des choses ; de sanctiùne natures in rêrum genituHs i
mais ell« prescril à celui qui l'implore de mépriser les em-
brassemeos d'une servante, de ancillse amplewibus asper*-
c. XII. nandis; d'éviter l'adultère, enfin d'épouser, tandis qu'il est
encore dan» la force de l'âge, une aimable et jeune vierge
qu'elle tient auprès d'elle, et qui semble faite pour le rendre
M -^ ,r/ .y;a .heureux : ;,_, ^^i i^q oùj^iil^ ,ii.„iVï; jj;;;:, uù iaua
Primague fani/eia lexens velamina pubi ; '' . . ' .■ ■» ' . j.
; .i.ii.>. ffi^ifi^^c0fngg(Aalamt, sapiaoqtteteneUutataetu.
ub anq'-u ■' ^ ■ ^. . . .... .' ''-^ O'iinoo noJcj
-OCasCf 'pidtAra,pudiâa{a>iien,(iabUiirtibi\itàefèiUfaMi0od .ohaoca
C XIV. 'lijoq C- PcBdef<t,^tt,ii«Uoi<iaveasr/iJibuleieiUu,: ..hoocnàO i aJiio
pf .;r«nV: .c^B i»^ «*««»W?i f 9iin5»« oSWffi? M^m ^^w^a^
pureo^eot idéal appelé la modjérati^p. Le p<>èld p^rle ibôme eo
suite du ceste ou de la ceinture de Vénus; du cpliçr de I», jeune
épouçe, du r€ste de sa jP^fUJ^^iv^^Ç^n «[lu Jaaflq^él pnpU^^ ;,,dan3
Jçguel i^, reç,9ipDç^aBWle, , ii,p?j!| v,rai..^:li\, sobiriél^^ct ,%:^«ges8Qf Jl
Jjinit) '^çi^il^^. ,y «jjxj ^ai:de
^R)^ 5f>pç5q:3tjie«|reft^i,a,u§pjcg^^^ Jiùi'zuob nno-'-uf-, :S:y>!0
L Archilhre^iius ài^,k\MS^\':Wàm\SM^ ^aW\hom
I^AOUL, CHATELAIN DE COUCY. 579
iq-i°. Pau d'ouvrages on\ reçu plue d'élogeç ; mais ii p»raîl que i« siècle.
pariDi lefi critiqwçe qui l'on!, loué, plusieurs se so^it diapep^ de
le lire,
Seim Pitseus e^ J^alxuf, de Baotville était aocore auteur
d'iAnMvredf R^àiis ocmUis,d'm livre de lelires, d'un autre
d'épigraouyoes et de poésies diverses ; oiais aucup de cea ouvra-^
ge« ne uoMs egt couuu, Oudin lui attribue aussi le poëme
de BeUo TrajoMQ, que l'Qp sait être de Joseph de OevQO Dçpo-
niWf ou JsçaflUf. Q- Vos»iu«, de
hiitor. Iitiaif,
Uv. II, p. «0.
RAOUL,
CB14.TBLA.I» DB ConOT,
POÈTE FEANÇAIS.
SA VIE.
LA célébrité de ce chevalier poète n'est pas due tout entière
auK chansons qui nous restent de lui, il en doit une partie à
une aventure tragique et romanesque dont oq oroit qu'il fut
le hérois. Celle aventure nous a été transmise par Fauchet dans
l'eKtrait d'une vieille chronique, antérieure de deux cents ans
au temps oii il écrivait, et qui date par conséquent de l'an 4380
ou environ. Le fond de la même histoire est aussi dans un 1639—1601.
roman du treizième siècle, conservé à la bibliothèque du roi.
On la retrouve dans \qs Anecdotes de la cour de Philippe-Auguste
de madeoioiselle de Lussan ; elle a été le sujet d'une romance
simple et touchante du duc de la Yallière ; enôn elle a fourni
à de Belloy une de ses tragédies qui fait le pins d'eflfet au
théâtre.
Voici quel est en abrégé le récit de l'ancienne chronique
citée par Fauchet. On remarquera que le chevalier y est appelé Des «ne poit.
Regnault et non Raoul; châtelain et non sire de Couei. Au '■"• '"'• ^^' '*•
temps que le roi Philippe^Augusle régnait en France, et le
roi Richard en Angleterre, il y avait en Vermandois un galant
et preuj^ chevalier, qui s'appelait Regnault et était châtelain de
Dddd2
580 RAOUL, CHATELAIN DE COUCY.
xii SIECLE. Couci. Ce chevalier fut amoureux d'une dame du pays, femme
du seigneur de Fayel. Ils éprouvèrent beaucoup de peines
et de traverses dans leurs amours. Quand les rois de France
et d'Angleterre firent le voyage d'outre-mer, le châtelain de
Couci les y suivit ; à son départ, la dame de Fayel lui fit pré-
sent d'un lacs de soie fait de sa main, où elle avait tissu de
ses cheveux, et dont il se servait pour attacher un bourlet
très-riche qu'il portait par-dessus son heaume. Après beau-
coup de faits de chevalerie, et les actions les plus brillantes,
il fut blessé mortellement devant une place qui était assiégée
par les chrétiens. Se sentant mourir, il appela un de ses
écuyers et lui dit : « Quand je serai mort, je te prie de pren-
dre mon coeur, de l'envelopper de ces langes-ci , et de le
porter en France à madame de Fayel. Alors il lui donna le lacs
que la dame avait fait de ses cheveux, et un petit écrin où
étaient plusieurs anneaux et diamans qu'elle lui avait donnés, et
qu'il portait toujours avec lui, pour l'amour et souvenance d'elle.
Quand le chevalier futmorl, l'écuyer lui obéit de point eu point ;
il lui ouvrit le corps, prit le cœur, le sala, le confit en bonnes
épices, et le mit dans l'écrin, avec le lacs, les bijoux, et une
lettre plaintive que le chevalier avait écrit en mourant et signée
de sa main.
L'écuyer étant retourné en France, se rendit vers le lieu
où la dame demeurait , et se tint caché dans un bois voisin.
Malheureusement le seigneur de Fayel le vit et le reconnut.
Il courut à lui, accompagné de deux de ses gens, l'arrêta et
le menaça de le tuer s'il ne lui disait où était le châtelain
son maître, qu'il haïssait mortellement. L'écuyer lui cria
merci, lui assura que son maître était mort, et comme Fayel
refusait de le croire il lui montra pour preuve l'écrin qu'il
portait. Fayel prit l'écrin et chassa l'écuyer. 11 alla aussitôt
trouver son maître-queux ou cuisinier et lui ordonna d'ac-
commoder ce cœur de si bonne manière qu'on en pût bien
manger; le cuisinier le fit, et mit dans le même plat d'autre
viande accommodée de même ; la dame en fut servie au dîner ;
leseigneur mangea de l'autre viande et elle mangea le cœur du
châtelain son ami. Après le repas, quand le seigneur lui eut
dit ce qu'elle avait mangé, quand il lui eut montré pour preuve
l'écrin ouvert, et qu'il lui eut fait lire la lettre, elle changea
de couleur, puis commença fortement à penser, et puis dit
à son seigneur : « Oui je crois qu'il est mort dont est dom-
mage, comme du plus loyal chevalier du monde. Vous m'a'
RAOUL, CHATELAIN DE COUCY. 581
vez fait manger son cœur, et c'est la dernière viande que je Xil siècle.
mangerai ; il ne serait pas juste qu'après une viande si noble
j'en misse une autre par-dessus. » Elle se leva, s'en alla dans
sa chambre, et après s'être livrée à toute sa douleur, finit sa
vie et mourut.
On croit généralement que le héros de cette aventure nom-
mé ici Regnault, et ailleurs Raoul de Couci, est le même que
lauteur des chansons. 11 y eut deux Raoul sires de Coucy ;
l'un né vers 1134, tué en 1191 devant Saint-Jean-d'Acre en
Palestine; l'autre, qui était son petit-fils, tué en 1249, à la
Massoureen Egypte, avec le comte d'Artois, frère de St.-Louis.
Doit-on attribuer à l'un ou à l'autre les chansons et les
amours avec la dame de Fayel, et leur terrible catastrophe ?
Trop d'invraisemblances et d'anachronismes défendent de les
attribuer à Raoul second ; mais, en s'arrêtanl à l'idée de Raoul
premier, comme l'ont fait la plupart des auteurs, et Fauchet
lui-même, et de Belloi qui reconnaît en lui le héros de sa Foi. 567, v
tragédie, on tombe dans d'autres invraisemblances presque Œuvres de
aussi fortes. Ce Raoul, que les historiens appellent tantôt de 332. ' ' ' ^'
Marie, tantôt de Lafère, et tantôt de Coucy, parce qu'il était
seigneur de ces trois châteaux, marié deux fois, et deux fois
allié à la famille royale de France, père de trois filles, nées
de son premier mariage, et de trois fils nés du second, avait
environ cinquante-sept ans lorsqu'il fut tué devant Acre.
Ni cet âge, ni sa position, ne s'accordent avec de tels évé-
nemens.
La Borde, dans un chapitre de son Fssai sur la musique, Pari», 178O,
réimprimé à part sous le titre de Mémoires historiques sur '•>*'. i- "1 p-
Raoul de Couci, a levé ces difficultés en rappelant l'exis- p^^.^ ^^^^
tence d'un Raoul de Couci neveu de Raoul I, mort comme 2 vol. pet. in-8«
lui en Palestine; et que de Belloi, malgré l'attention qu'il
paraît avoir mise dans ses recherches sur la maison de Couci, a
oublié.
Raoul I, fils d'Enguerrand II, eut un frère, aussi nommé
Enguerrand; celui-ci, mort en 1174, laissa un fils et une
fille, l'un appelé Raoul, qui prit le parti de l'église, et l'autre
Marguerite, qui fut mariée à Joubert, seigneur de la Ferlé-
Béliard. Voyez là-dessus D. Toussaint Duplessis dans son
Histoire de la ville et des seigneurs de Couci. Ces deux en- p- *^-
fans, dont Duchesne parle dans les pièces justificatives de
son Histoire de la maison de Couci, existaient en 1187, p. 351.
comme le prouve un acte de Raoul I leur oncle, passé à
3 9
582 RAOUL, CHATELAIN DE COUCY.
XII SIECLE. Laon la même année, dans lequel il cite pour témoins son
neveu Raoul, auquel il donne le litre de Clericus, et sa nièce
Laborde, ufci Marguerite.
'"'"^ ■ Raoul, qui était clerc, ou si l'on veut étudiant, en 11 87, ayant
perdu son père en 1 174, avait donc alors treize ans au moins:
il pouvait aussi être né six ou sept ans avant la mort de son
père, et par conséquent en avoir alors à-peu-près vingt. Sur ces
faits positifs et sur cette hypothèse vraisemblable, l'auteur du
Mémoire historique établit les conjectures suivantes. A cet
âge qui est celui des passions, le jeune Raoul put quitter la
carrière à laquelle il s'était d'abord destiné, prendre celle des
armes, être fait par son oncle Raoul 1, châtelain ou gouverneur
de son château de Couci, connaître et aimer la dame de Fayel,
dont le château était voisin ; la célébrer pendant deux ans dans
ses poésies; être appelé en ll'JO en Orient, où se rendaient
alors tous les braves, et où son- oncle l'avait précédé la môme
année ; y emporter les gages d'amour qu'il tenait de la dame de
Fayel ; y périr et les renvoyer à celle qui occupait sa dernière
pensée.
Ce ne sont là que des conjectures, et qu'il est impossible d'ap-
puyer sur aucun titre positif, mais qui ont au moins quelque pro-
babilité, tandis que le même fait attribué à un vieux chevalier,
marié avec une princesse du sang, qu'il aimait, el dont il avait
trois fils vivans, n'en a aucune.
11 resterait maintenant à examiner le fait en lui-même, et ses
principales circonstances qui ont un si grand rapport avec ce que
Cl dfssus, p. nous avons vu dans larticle du troubadour Guillaume de
210—214. Cabeslaing (1), et celles qui sont relatives au lieu de la scène el
au sire de Fayel autour de cette action atroce et à la dame de
Vergy ou Vergiès, sa malheureuse épouse et sa victime ; mais ce
sont des questions où il nous parait inutile d'entrer. Le fait a une
telle notoriété qu il peut être regardé comme historique ; nous
nous abstenons cependant de rien adirmer, et nous nous bornons
à établir, du moins d'une manière plausible, que le châtelain
• de Couci. auteur des chansons qui se sont conservées sous son
nom est le même que laïuant de la dame de Fayel, que cet
amant n'est point Raoul !«' sire de Coucy, tué à cinquante-
sept ans au siège de S.-Jean-d'Acre, mais Raoul son neveu,
mort aussi la même année en Palesline, à l'âge d'environ vingt-
quatre ans.
RAOUL, CHATELAIN DE COUCY. 583
XII SIECLE.
SES POÉSIES.
Nous avons de ce poète vingt-trois chansons éparses dans dlf-
férens manuscrits de la bibliothèque du Roi , de celle du Vati-
can , et de MM. de Paulmi , de Clairambaiill et de Sainte-Palaye.
La Borde les a réunies et publiées. Nous n'en citerons ici que ^"'> «"K"-
quelques couplets qui peuvent donner une idée du talent poé-
tique de l'auteur, ou qui se rapportent à quelques circonstances
de sa vie et de ses amours.
La première est une des plus agréables. Elle est composée de
cinq couplets de huit vers cl d'un envoi do cinq , tous sur les
deux mêmes rimes.
Pour verdure ne pour prée,
Ne pour feuille ne pour flour,
Nulle chanson ne m'agrée
S'il ne vient de fine amoui'.
Mes li feignant priéour,
Dontja dame n'iert ( ne sera) aimée.
Ne chantent fors en pascour;
Lors se plaignent sans doulour.
La fin du cinquième couplet annonce ([ue les soins qu'il ren-
dait étaient déjà épiés parla jalousie et la malveillance.
Mes li faus enquéréour
Font œuvre raaléurée,
Enging de mainte coulour
Four changer joie en tristour.
C'est dans la sixième chanson qu'il parle pour la première fois
de son voyage d'outre-mer. Les senlimens de piété qui faisaient
entreprendre ces saintes expéditions , ne l'empêchent pas de for-
mer dans le premier couplet un vœu très-profane, et d'intéresser
Dieu à l'accomplissement de ce vœu.
Ij nouviau temps, et mais , et violete.
Et rossignol mi semont (m'avertit) de chanter;
Et mes fins cuers me fait d'une amourete
Si dous présent que ne l'os refuser.
Or me dont Dex en tele honour monter
Que celé oùj'ai mon cuer et mon penser
Tienne une fois entre mes bras nuéte (nue)
Ainz que j'aille outre mer.
584 RAOUL, CHATELAIN DE COUCY.
XII SIECLE. Comme la plupart des poètes français et des poètes proven-
çaux de ce temps-là, le châtelain de Couci commence souvent
ses chansons par des descriptions du printemps , de la ver-
dure et des fleurs. Tel est encore le premier couplet de la
douzième.
Quant li rosignol jolis
Chante seur la flor d'estë
Que naist la rose et le lis,
Et la rousée et vert pré ;
Plains de bonne volonté
Chanterai com fins amis, etc.
Dans la treizième il met en opposition ces images riantes avec
la tristesse où il est plongé, quoique sans sujet.
Quant li estes et la douce saisons
Fait foille et flors et les prés raverdir
Et le dois chans des menus oisillons
Fait à pluisors de joie sosvenir ;
Las! chacun cante, et je plore et sospir,
Et si n'est pas droiture ne raisons ;
Ains c'est adès tote m'entencions,
Dame, de vos honorer et servir.
Dans plusieurs de ses chansons il se plaint ou des rigueurs de
sa dame ou des obstacles qui s'opposent à son bonheur, ou des
jaloux et des envieux. Les trois dernières roulent sur le même
sujet, son départ pour la Terre-Sainte , d'oîi il semble prévoir
qu'il ne reviendra pas. Il dit au second couplet de la vingt-
unième :
Peau sire Des! que iert (que sera-ce) donc, et cornent
lert tex lafins qu'il m'estuet ( me faut) congé prendre?
Oïl par Deu, ne puet estre autrement :
Âler m'estuet morir en terre estrange.
Le couplet suivant prouve qu'il n'avait pas toujours eu à se
plaindre de celle qu'il regrette de quitter.
Beau sire Dex ! que iert (qne sera-ce) du désirer,
Du doux solaz et de la compaignie.
Et de l'amor que me soloit mostrer
Celé qui m'ert et Compaigne et amie?
Et quant recort sa simple cortbisie
Et les douz mos dont saet k moi parler.
Cornent me puet li cner au cors dorer?
RAOUL, CHATELAIN DE COUCY. 585
Dano la vingt-deuxième , les regrets de l'amant forment
d'abord un contraste avec les sentimens du chevalier dévoué
à cette sainte entreprise; le dévouement l'emporte ensuite,
et le poète s'exprime avec l'enthousiasme d'un pèlerin et d'un
croisé.
Ahi! atnors, com dure départie
Me convendra faire pour la meillor
Qui oDCques fust amée ne servie !
Dex me ramâins à li, par sa douçor.
Si voirement corn j'en part à dolor.
Dex! qu'ai-je dit? Ja ne m'en part-je mie;
Ainz va mes cors servir nostre seignor
Mes cuers remains du tout en sa baillie.
Pour li m'en vois sospirant en Surie,
Car nus ne doit faillir son criator.
Qui li faudra à cest besoin d'aïe
Sachiez de voir qu'il faudra à gregnor (au plus grand besoin),
Et sachiez bien li grand et li menor
Que là doit-on fere chevalerie ;
C'on i conquiert paradis et honor,
Et pris, et los, et l'amor de sa mie.
Qui ci He veut avoir vie honteuse
S'aille morir por Dieu liez et joïeux ;
Car ceste mors est bone et glorieuse
Qu'en i conquiert le règne glorieux.
Ne jà de mors n'en i morra un seus ( un seul) ;
Ainz nestront tuit en vie glorieuse ;
Je n'i sai plus qui ne fust amoreus.
Trop fust la voie et bone et deliteuse.
Dex est assis ( assiégé) en son saint héritage ,
Or i parra com cil le secorront
Que il geta de la prison honbrage
Quand il fust mis en la croix que Turc ont.
Bien sont boni tuit cil qui remanront;
Et cil qui riche et sain et fort seront
N'i pueat pas demorer sans hontage.
Tuit li cliergé et tuit li home d'âge
Qui en aumosne et en bienfet mainront
Tome XIV. E e e e
3 i *
58G RAOUL, CHATELAIN DE COUCY
su SIECLE. Partiront tuit à cest pèlerinage,
Et les dames qui chastée (chasteté) tenront,
Se loïauté font à ceux qui i vont ;
Et s'eles font par mal conseil folage,
A lasches gens mauveses le feront;
Car tuit li bon s'en vont en cest voyage.
Mais les regrets l'emportent à leur tour dans la vingt-troisième
et dernière chanson qu'il paraît avoir faite à l'instant même du
départ , et il va jusqu'à faire entendre que s'il ne s'était pas
avancé si loin , il reviendrait sur ses pas.
S'onques nus lions pour dure départie
Ot cuer dolent, je l'aurai par réson ;
Onques turtre qui peit son conipaignon
Ne remest (ne reste) jor de moi plus esbahie.
Chacun pleui'e sa terre et son pays,
Quant il se part de ses coriax amis ;
Mes nul partir sachiez, queque nus die,
N'est dolereuz que d'ami et d'amie.
Un confort voi en vostre désérance
Que je n'aurai à Dieu que reprochier.
Mes quant i)our li me convient vous laissier,
Onque ne vi si dure désevrance.
Car cil qui voist tel amor désevrer.
Et n'a povoir qu'il puisse recouvrer
A assez plus de duel et de pesance
Que n'oroit ja li rois s'il perdait France.
Pardieu, amors, tout sui hors de balance;
Partir m'ei^tuet de vous sans demorer.
Tant en fet (jue ne puis plus durer.
Et s'il ne fustde rcmonoir viltance
Et reproche, j'allasse demander
A ma dame congié do retorner.
Mes elle est, voir, de si très grant vaillance
(.>u'à son ami ne doit faire faillance.
Il n'est pas étonnant qu'un jeune chevalier qui part dans
de semblables dispositions, se voyant mourir un an après ,
loin de celle qa\\ aime , lui envoie du fond do la Syrie les
tristes présens que le châtelain de Couci destinait à la dame
GUILLAUME DE TYR. 587
de Fayel ; mais il nous paraît de plus en plus invraisemblable et xii srECLE.
même impossible qu'un pareil trait d'amour et d'imagina- ~
tion passionnée, puisse appartenir à l'oncle de ce chevalier.
G.
GUILLAUME DE TYR.
1
SA VIE.
L y a quelque incertitude sur la patrie de Guillaume de Tyr :
les uns le font allemand, les autres anglais ; d'autres syrien ; Tm'i. Bihi.
d'autres français. Les deux premières opinions ne peuvent être !'[.',"""" ' '''''" ^'
soutenues. Ceux qui le supposent anglais, comme les cenluria- apns, p. im.
teurs de Magdebourg, et Jean Balée, dans ses hommes illustres „ ''• '^7"'-
de la Grande-Bretagne, le confondent vraisemblablement avec ^q. j^ voir aussi
un autre Guillaume, le premier latin devenu archevêque de p- i^o, ccm 13,
Tyr, qui mourut en 1130, et à qui l'on attribue quelques écrits *^" ^^'
dont nous aurons occasion de parler à la fin de cet article : le
prélat dont nous rappelons en ce moment la vie et les ouvrages,
en a fait mention lui-même dans le treizième et dans le qua- tiv. xiii. §.
torzième livres de son histoire. 23; hv. xiv,
La troisième opinion est moins éloignée qu'elle ne le pa-
raît de la dernière ; en le faisant naître à Tyr ou à Jérusa-
lem, elle lui donne des parens français. Flcury adopte ce Hisi. eccics.
sentiment, et il ajoute que Guillaume avait fait ses études '•'' " *•' ~ ^
en France. Celui-ci déclare effectivement lui-même , dans ,ic7â Bihi.'' mi.
son histoire composée à Tyr, qu'il avait été élevé, instruit •'e l'aimcius.
dans les arts libéraux, au-delà des mers ; transmare , circa U\. i!>, 5 i.
liberalium artiuni studia detinebamur , passage que nous
trouvons favorable à l'opinion de ceux qui le croient né en
Orient, mais de parens français alors accidenlellemeni, en
Asie. J'ignore d'après quoi Fabricius écrit , que Guillaume Bihi. mtd. ei
avait fait ses études en Italie ; on sait que les Italiens, même '"'• '"'• ' '"•
j 1 j ' 1 I P- ^""•
dans le douzième siècle , venaient souvent s instruire sous
les professeurs célèbre.s que Paris renfermait en grand nom-
bre. Jacques de Vitry n'hésite pas même à dire, en parlant p,éf. de Bon-
de cette époque : Tùm civitas parisiensis , velut fons horto- S'"- P- '2.
rum et puieus aquarum viventium , irrigabat universœ terrée
superficiem , panem delicatum et delicias pt-asbetis regibus ,
Eeee 2
588 GUILLAUME DE TYR.
x» SIECLE et universas dei ecclesiœ super mel et favum ubera dulciora
propinans. Au reste, l'opinion que Guillaume de Tyr naquit
en France, a été constamment adoptée par les auteurs de
cette histoire littéraire ; ils en parlent plusieurs fois, notam-
p. 1K3, 1S6, 160. nient dans le savant discours placé à la lôte du neuvième
volume, et toujours comme d'un Français. 11 est certain que
Guillaume se montre constamment , dans son ouvrage , tel-
lement instruit de ce qui regarde notre patrie, non-seulement
sous le rapport des événemens généraux , mais sous des
rapports plus particuliers et qui concernent les personnes ,
qu'il est difficile de croire que, s'il n'y avait pas fait un
long séjour, il n'eût pas du moins avec elle et ceux qui y
étaient nés, des relations habituelles et quelquefois intimes
d'amitié. Etienne de Lusignan , auteur d'une hisL»>ire de
Gcsi. Dei per chvpre, dit même très-positivement, que Guillaume de
Franc, préf. p. „"'',. ,., , • •
j2. Tyr était hé par le sang aux prmcipaux seigneurs du royaume
App. sacer, i. (jy Jérusalem. Possevin, Duboulay, Nicolas Vignier, dans son
^' ^' ^.?^' „ histoire de l'église et dans sa bibliothèque historique, et Leau-
T. Il, p. 4/2. "-^ ... ,
Hisi. de ivgi. coup d'autres, assurent tout aussi positivement, que cest
p. 385. — Bibi. ÇQ France qu'il avait reçu le jour. Citons de préférence le
"" **■ ■ passage de Nicolas Vignier ; il présente un fait nouveau, qui
ne peut que nous affermir dans notre opinion : Linguarum
latinas , grsecae , arabicas, persicas , germamcse , mater-
naque gnarus ; et par materna;, il indique la langue fran-
çaise, car il venait de dire : ex gallicis parentibus oriundus
et in comitatu Raymundi pictaviensis , unà ierram sanctam
ingressus anno \\'à\. llèrold, dans sa préface de la continuation
de l'histoire de Guillaume de Tyr, dit aussi que Guillaume
était venu dans l'Orient en H 31. Celte époque paraît néan-
moins difficile à concilier avec ce que le prélat dit lui-même
Liv. XIX, 5. du temps de ses études en Europe, puisqu'il annonce expres-
d r ^' '* ^^tl sèment qu'il y étudiait lorsque le divorce fut prononcé avec
Amaiiry I", roi de Jérusalem, et Agnès de Courlenay, fille du
comte d'Edesse, mariée au mépris de l'opposition du patriarche
Foucher; (Amaury, son successeur au palnarchat, à l'avéne-
ment de ce prince au trône, avait refusé de le couronner, tant
qu'il n'aurait pas délaissé Agnès, et le roi se détermina enfin
à l'abandonner ) Or, ce divorce est indubitablement de 1 1 6'2 :
comment Guillaume de Tyr était-il encore au temps de ses
éludes, quelque avancées qu'on les suppose par leur carac-
tère et le mérite des professeurs , lui supposa-t-on à lui-
même trente ans, comme cela est possible pour l'instruction
CUIS.
GUILLAUME DE TYR 589
la plus élevée, s'il était venu pour la première fois de France à xii siècle.
Jérusalem en 1 131 ? Guillaume dit cncforc dans un autre endroit
de son ouvrage , qu'étant enfant, il avait vu Raoul palriarciie Liv. xv, \. 17.
d'Antioche : or Raoul fut déposé en 1141, et mourut en 1142.
L'année 1131 serait tout au plutôt l'année de la naissance de
Guillaume de Tyr, dont je ne vois pas, au reste, que l'époque ail
été fixée par aucun écrivain.
Ce qui paraît constant, c'est que Guillaume devint en ««'i- «<« 'fy,
1167, archidiacre de Tyr, à la demande du roi de Jérusa- ^ Lemh'e, p.
lem , Amaury l", qui bientôt le chargea d'une mission ei <in la ëm.
importante auprès de l'empereur de (;onstantino|)lc. Au re- *■"' ''" ^^^"'
tour de cette mission, qui était relative à l'Kgypte, et qui fui
exécutée avec quelque succès, Guillaume reprit ses fonc-
tions d'archidiacre ; mais des discussions qui s'élevèrent entre
son archevêque et lui, et aussi, dit-il, quelques affaires 5. 18.
particulières , l'engagèrent peu de temps après, à faire le
voyage de Rome. La faveur d'Araaury ne l'abandonna pas
à son retour d'Italie. Ce monarque lui confia l'éducation do
son (ils, Agé de neuf ans, et qui régna ensuite sous le
nom de Baudoin IV. Guillaume de Tyr retrace avec sensi-
bilité les espérances que donnait cet enfant, et les maux Liv. xxi, j. 1.
physiques dont il était déjà tourmenté dans un Age aussi
tendre. C'est le Baudoin communément appelé le mézel ou lo
lépreux. La mort de son père le plaça bientôt sur le trône, r,m\. <ic Tyr,
en 1173, ayant à peine treize ans. Guillaume fut nommé, ^xi, 5 2.
presque aussitôt chancelier du royaume , ut essel , dit-il , tiv, xxi. %.
qui regiarum epislolarum curam haberet ; et au mois de mai de "j '■""' »"«'*' ''"•
l'année suivante, 1 174, archevêque do Tyr; au mois de mai, ,,^ xx\i ^/'b'^
et non au mois d'octobre, conmic le disent les ccnturia- Cont, 12, c.
tours de Magdebourg , auxquels on a tant d'erreurs à repro- '"• !'• *^'*-
cher, et qui en commeltert une plus grande dans un autre
endroit, oîi se retrouve une preuve de plus du peu de soin /&,</. p 1377.
qu'ils ont apporté à la composition de leur ouvrage. Frédéric,
son prédécesseur, comme archevêque de Tyr, était mort au
mois de novembre précédent ; Gudlaiime lui accorde un
assez faible éloge dans son histoire. Frédéric avait suc- Liv. xxi, 5, 4.
cédé à Pierre de Barcelonne ; Pierre, à Foucher ; et Foucher
au premier Guillaume dont nous avons parlé. Je n'en fais
l'observation qu'à cause de l'erreur ou de la confusion que la
ressemblanoe du nom des deux prélats avait fait naître, et
que nous avons déjà eu occasion de remarquer ; ce premier y. ci-dcss.
Guillaume était mort en 1130, et par conséquent, avant W7.
■iOO GUILLAUME DE TYR
XII SIECLE, qug le second fût même arrivé en Orient, dans rhy|)Olhèsc de
ceux qui l'y font venir de France, puisqu'ils assignent 1 1 3 1
pour l'année de ce voyage.
Liv. XXI, s. 26. Guillaume assista comme archevêque de Tyr, avec plu-
sieurs autres prélats d'Orient, au concile qui fut tenu à Rome
dans l'église de S. Jean de Lalran, en 1179. En revenant de
ce concile, il alla passer plusieurs mois auprès de l'empereur
Manuel, à Constanlinople, séjour qui ne fut inutile, dit-il,
Liv. XXII, 5. i. ni à lui ni à son église. Il était de retour à Tyr depuis peu
de temps, quand la mort du patriarche Amaury lit vaquer
le siège de .lérusaleiu. Héraclius, archevêque de Césarée,
aspirait à le remplacer, et il avait dans la mère du roi une
puissante protectrice. Biau clerc était, dit le traducteur-
continuateur de Guillaume de Tyr, dont l'ouvrage a été pu-
I». 60{ Llié, la continuation du moins, dans le cinquième volume
de l'amplissimc collection de Martène et Durand, biau clerc
était, et par sa biauté Vania la mère le roi. Guillaume com-
battit avec beaucoup de force ce projet, dans l'assemblée de
ceux qui devaieiil élire le nouveau patriarche. « J'ai trové
'''"'• I' '■"'■'■ escrit, leur disait-il, que Brades coiiquist la saint crois en
Parse, si la porta en Jérusalem, et que Eracles l'en getcrait
hors, et (ju'a son tans serait perdue, et par ce vous pri par
Dieu, que vous ne l'eslisiés mie à patriarche. » Les désirs de
la reine eurent plus de succès (jue les recommandations de
Guillaume de Tyr. Celui-ci cependant fut présenté concur-
remment avec Héraclius, pour le siège de Jérusalem ; mais
Héraclius tut nomiiié. Guillaume appela do son élection ; il
fit même, pour cela, un nouveau voyage à Rome, ou il re-
cueillit beaucoup de témoignages d'amitié, d'estime, de con-
ihid. 1). (iOK. sidération, mais oii il trouva la mort, suivant son continua-
iioiiK. le IV- leur, (jui prétend que Guillaume y fut empoisonné par les
'""'■''"'■'' ''■ ordres et par les agens dlléraclius. L'empoisonneur, suivant
le même écrivain, fut un médecin que le nouveau patriarche
de Jérusalem, avait envoyé à Rome pour y exécuter cet hor-
rible projet. « Quand Eracle sut qu'aie à Rome, disl à un sien
fisicien, (]u'il ;tlasl après et qu'il lempoi.sonast , et cil si fist, si fu
mort. »
Cniiiii \z. Les cenluriateurs de Magdebourg l'ont venir Guillaume
c 10. p I57f. de Tyr en Asie, l'an 1131 ; et cependant ils ne le font mourir
qu'en 1219, annonçant alors qu'il mourut octogénaire ; mais
dans celle hypothèse, il y avait à celte époque quatre-vingt
huit an.s que (juillaume était arrivé dans la Terre-Sainte,
G U I L L A U M E D E T Y R. 591
et n'en eût-il eu que vingt à son arrivée, il en aurait eu cent xii siècle.
huit. Eux-ni6mes disent qu'il fut archidiacre de Jérusalem à
trente ans ; ils lui font remplir ensuite beaucoup de fonctions,
lesquelles 'employèrent beaucoup d'années avant qu'il devint ar-
clievéque de Tyr; puis ils l'en font archevêque en 1167. De
11C7 à 1219, il y aurait cinquante-deux ans de prélature; en
1 1 G7, il y avait déjà trente-six ans qu'il était en Asie, puisqu'il
y était venu en 1131; Irente-six et cinquante-deux feraient
encore quatre-vingt-huit ; et il faut toujours y joindre l'âge
qu'il avait lorsqu'il arriva dans la Palestine, ûge qu'on ne peut
mettre au-dessous de vingt ans.
La vérité est que Giiiliaunie de Tyr mourut vers 1 1 90 ;
il est même impossible d'admettre ce que nous disait tout-à-
l'heurc le continuateur de Guillaume de Tyr. En elTet, d'après
lui, l'élection d'Iléraclius est du 10 octobre 1180 : à peine
élu, ce patriarche mande 5 tous les archevêques et évèques
de venir lui prêter serment d'obéissance; ils le font tous,
excepté Guillaume, dont la réponse est un appel et un voyage
à Rome ; Héraclius, prévoyant le péril où cette démarche peut
le jeter, envoie à Rome aussi, et l'archevêque de Tyr est
empoisonné. Mais si tout cela était vrai, Guillaume serait
donc mort en 1181 .or, il vivait encore, rien déplus cer-
tain, en 1188. La preuve en est dans une action de sa vie,
qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence, car elle
appartient en môme-temps à son histoire individuelle et à
l'histoire générale du temps L'année 1187 fut une des plus
fatales aux chrétiens d'Orient Saladin les vainquit plusieurs
fois, et leur enleva successivement leurs plus importantes
cités, Jérusalem en particulier. Dans cet état de malheur
et de désolation, on résolut d'envoyer en Europe solliciter
de nouveaux secours Guillaume de Tyr fut chargé de cette
honorable et pieuse mission ; il vint en France en 1 1 88 :
il paraît même, par Roger de Iloveden, dont le passage est
cité dans la préface du Gesta Dei per Francos de Bongars , p. 13. - voir
qu'il assista aux conférences tenues près de Gisors, entre '*^'""i'- ". v-
Henri II et Philippe Auguste, que ce fut lui qui donna la croix Lemirc, m\. 1o
à ces deux princes et à beaucoup de prélats et de barons f»'""- i>- 62. —
des deux royaumes. Le pape rappelle lui-même le voyage de je"s" g''' "'"
Guillaume de Tyr et son objet dans deux lettres adressées, Pr. p 'i04; et
la première aux grands, aux guerriers, à tous les fidèles, et *''>"!''i"e, an
la seconde à Henri de France, archevêque de Reims, insé- ^'^^' '' ^'
rées toutes deux dans l'amplissime collection de Martène. ^j y^'o"' ^' ''^
592 GUILLAUME DE T Y R.
XII SIECLE. On a même cru que Guillaume fut nommé, pour celte croisade,
légat du Saint-Siège. On peut voir ce qui est dit à ce sujet dans
P. 13. la préfacede Bongars, et les auteurs qu'on y cite.
Or. ciirisi. Ces fails détruisent également l'opinion qui tend à placer, vers
. III, p. 1316. lan ^ ^ 84_ i^ j^o^t de Guillaume de Tyr.
SES ÉCRITS.
Tous ceux qui ont parlé des premiers historiens des croi-
sades se sont accordés à donner de grands éloges à Guil-
Vossius, H. laume de Tyr. Vossius et Noël Alexandre l'appellent modeste,
îsV"— Nil Alex savant, exact, ami de la vérité, élégant pour l'époque oU il
Hist. ecci. i. VI, écrivait. Aubert Lemire lui assigne le premier rang parmi ces
P- ^^ historiens, et l'appelle aussi auteur d'un savoir peu commun et
p. Gl de la 'ri r
Bibi. ecci. de d'uuc élégance au-dessus de son siècle, doctrinâ non vulgari et
Fabricius. suprà sœculum illud amœnâ. Renaudot le loue à-peu-près
p. 477. de ja mênic manière dans son histoire des patriarches d'Ale-
Pr<<f. p. II. xandre, ainsi que Bongars, dans son Gesta deiper Francos,
Liv XIII, . 19. Fleury, dans son histoire ecclésiastique, et plusieurs autres
écrivains.
Guillaume a fait l'histoire des événemens survenus dans
la Terre-Sainte, et presque dans toute la Syrie, sous les princes
chrétiens d'Occident, depuis 1095, époque où Philippe I*
régnait en France et oli la première croisade fut résolue au
concile de Clermont, présidé par Urbain II, jusqn'en 1184,
c'est-à-dire, jusqu à l'année qui précéda la mort de Baudoin IV,
roi de Jérusalem. Longtemps avant de le commencer, il
avait conçu le projet de ce grand ouvrage, et recueilli peu-
à-peu et avec soin les matériaux nécessaires à sa composi-
tion, soit en écrivant les faits particuliers dont il avait été
le témoin, en consultant pour les autres ceux de ses contem-
porains qui y avaient concouru et qui en étaient le mieux
instruits, soit en interrogeant, sur les faits antérieurs, les ■
personnes dignes de foi qui en avaient conservé la mémoire,
j. n. Lui-môme nous l'annonce au douzième livre de son histoire,
p. 126. — V. gm commencement du seizième, et dans sa préface, qui est
^rfine,' p. 998. ' comme une lettre adressée à ses frères en Jésus-Christ et dans
laquelle il s'intitule : Willermus, dei palientià sanclx tiren-
sis ecclesix minister indignics. H y retrace la difficulté d'une
pareille entreprise : veut-on dire la vérité : on s'expose à beau-
coup de haine, veut-on la taire; on trahit. son premier de-
XII SIFXLE.
GUILLAUME DE TYR. 593
voir : et qui éprouva plus que moi ce danger ? mais l'amour
de la patrie l'emporte sur toutes les autres considérations ;
il ne me permet pas de laisser dans l'oubli tant d'actions
illustres ; ma seule crainte est de rester trop au-dessous
d'un pareil sujet. J'obéis, d'ailleurs, en écrivant cet ouvrage,
aux ordres du roi Amaury, si digne d'un souvenir éternel.
C'est également par ses insinuations et par ses ordres
que nous avons écrit l'histoire du temps écoulé depuis Ma-
homet jusqu'à nous, c'est-à-dire, pendant cinq-cent soixante-
dix ans. Celle-ci renferme un espace de quatre-vingt-quatre
ans, ajoute l'auteur; il aurait pu même dire d'environ quatre-
vingt-dix.
Guillaume de Tyr ajoute qu'il divise son ouvrage en vingt-
trois livres. Il n'eut pas le temps de 6nir le vingt- troisième,
lequel a été achevé dans la suite par Hérold, qui y en a joint
six autres. L'histoire entière avait été traduite en français ,
dès le treizième siècle, par un écrivain qui la continua aussi
jusqu'en 1275, et cette continuation a été imprimée dans le
cinquième tome de l'amplissime collection de dom Martène
qui lui suppose un auteur anonyme. Dom Ceillier fait de
même, dans l'histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, t. xxr, p. i7<.
quoique son nom soit très-connu et que Ducange, qui le cite
souvent, l'appelle toujours Hugues Plagon. Elle fut traduite
de nouveau dans le seizième siècle par du Préau, et imprimée
à Paris, en 1574, in-folio, sous ce titre : Histoire de la guerre
sainte, dite proprement la Franciade Orientale, faite latine par
Guillaume, archevêque de Tyr, chancelier du royaume de Jéru-
salem, et traduite en français par Gabriel du Préau.
Ce fut aussi dans le seizième siècle qu'on imprima pour
la première fois le texte latin de Guillaume de Tyr ; l'édition
en fut donnée à Bâle , in-folio, en 1549. Le titre porte:
Belli sacri historia, libris XXIII comprehensa, de Hierosolymâ
ac terra promissionis , adeoque universâ penè Syriâ , per
occidentales principes christianos recuperatâ , narrationis
série usquè ad regnum Balduini quarti , per annos
LXXXIIII continuata ; optes mirabili rerum, scitu dignis-
simarum varietate refertum ac historiée studiosis ut jucun-
dissimum ita et utilissimum futurum , ante annos circiter
quadringentos conscriptum, nuncgue pritnùm doctissimi viri
Philiberti Poissenoti opéra in îtœem editum , GuUlelmo
Tyrio metropolitano quondam archiepiscopo ac regni ejiis-
dem cancellario autore: Bâle, par Nicolas Brylinger et Jean
TwneXTV. Ffff
r.04 GUILLAUME DE TYR.
xn SIECLE. Oporin, 1549. Poissenot dédie l'ouvrage à Christophe Co-
quille, doclour en ihéologie et grand prieur de Cluny, par une
longue épître, écrite du collège de S. Jérôme de Dôle, ou on
voit que Coquille avait eu d'abord la direction de ce collège,
fourni de bons livres par Antoine Laroche son fondateur, du ma-
nuscrit entre autres de Guillaume de Tyr, que Poissenot impri-
mait alors. L'impression étant du mois de mars, et 1549 étant
placé là d'après l'ancienne manière de compter, c'est pour
nous 1o50.
Il en parut une seconde édition à Hille encore chez Nicolas
Hrylinger, en 15G4, in-folio aussi. Elle a pour litre : Historia
belli sacri verissima, lectu et jucunda et tUilissima, libris vi-
ginti tribus ordine co^nprehensa, in qiià Hierosolyma ac terra
populo dei olim promissa et data, imà cum totà fere Syriâ,
per accidentes principes christianos , anno réparâtes saliUis
1099, magnâ pietate et fortitudine recuperata fuit , certà
narrationis série, per anno* SI, ad regnuni Balduini quarti
usque continuata et descripta, anthore olim Willelmo Tyrio
metropolitano archiepiscopo, ac regni hierosolymitani fidelis-
simo cancellario ; mine rero midlo castigatior quàni anteà in
lucem édita ; unà cum continuatione totius de bello sacro his-
toricV, quœ libris sex ad nostra tempora usque extenditur
et hierosolymitani rogni cl urbis castes et varielates fortunœ
ordine explicat, cum prœfatione Ilenrici Pantaleonis, atque
ipsius aulhoris rit''' , multarumque nobilissimarum urbium
depiclione. C'est Panlalèon qui a donné cette édition, comme
le titre l'annonce et comme on le voit aussi par l'épître dé-
dicaloire adressée au prince George de llochenheim Bombast,
maître des chevaliers de Rhodes en Allemagne, datée de Bâle,
le 10 mars 1;i64. Les six livres ajoutés à ceux de Guillaume
de Tyr sont , comme nous l'avons dit , de Jean Hérold ; la
continuation n a [)as été imprimée à la suite de l'ouvrage,
dans le Gesta dei per francos. L auteur même de cette collec-
tion , Bongars , ne parait pas accorder une grande estime
aux soins du nouvel éditeur ; emendatam pollicetur, dit-il,
corruptcm dal, cl il rappelle ce que Panlalèon raconte lui-
même de son travail. Panlalèon, comme on le voit par le
litre, y a joint une vie de Guillaume de Tyr. C'est là qu'il
le fait naître dans la seconde Germanie , la plus voisine de
la France, qu'il lui fail suivre en Oricnl, l'an 1031 , (sans doute
1131), Raimond, comte de Poitiers, et étend sa vie jusqu'en
1209, en observant qu'il mourut oclogèuaire. Ce biographe
GUILLAUME DE TYR. 595
était de Bâle, et médecin : ces deux qualifications sont jointes à '"' siècle.
son nom dans l'annonce faite au titre de l'ouvrage.
Dès 1 562, il en avait paru une traduction italienne, à Venise,
in-4°, par Joseph Horologgi. Thomas Bagloni en publia une
seconde, à Venise aussi, et in-4°, en 1G10.
On peut regarder comme une nouvelle édition de celte
histoire, l'insertion que Jacques Bongars en a faite dans le
Gesta dei-per francos, collection qui fut imprimée à Hanovre,
en 1619.
Le père Lelong, dans sa bibliothèque historique de la France, Edii. de Fon-
en cite un manuscrit indiqué au catalogue de la biblothèque '*""' ' "' ''
d'Urfé, n" XXVU, sous ce titre : Histoire des croisades, par
Guillaume de Tyr, suivie d'une notice du patriarchat d'Antioche
et de ce qui s'est passé depuis 1 187, jusqu'à la prise de Plolé-
maïde, in-folio, sur vélin, il croit que c'est la traduction de
Hugues Plagon, insérée comme anonyme dans le cinquième tome
de i'amplissime collection de doni Marlène II annonce qu'on
trouve aussi, parmi les manuscrits do Colberl, n" 1 lOo, 1121,
1409 et 1828, une histoire des guerres d outre-mer par Guil-
laume de ïyr, qui j)Ourrail bieu être encore cette même traduc-
tion. Le catalogue des livres de Rolheiin renferme une histoire !'• *"!'. "• ■^326.
des croisades, traduite du latin de Guillaume de Tyr, manuscrit
sur vélin du quatorzième siècle ou de la fin du treizième, avec
quelques miniatures, grand in-folio. Ce manuscrit est différent
de celui de la bibliolhècjue du Roi, suivant l'observation d'un
savant qui les a confrontés, et dont le jugement est à la tète du
livre.
Guillaume de Tyr avait fait plusieurs autres ouvrages
qui sont malheureusement perdus. 11 faut mettre au premier
rang cette histoire des princes d'Orient et de leurs actions,
de principibus orientalibus et eornin actibiis, depuis l'an 014
jusqu'en 1184, pendant 570 années par conséquent, dont
il parle dans la préface que nous avons citée, et qu'il com- p y _ v i»
posa pareillement sur les instances du roi Amaury, d'après i>- i)2C do \'o».
les manuscrits arabes que ce prince lui procura , d après V"^^' *"", ?"'i"
1 histoire sur-tout du vénérable Seilh, fils d'un patriarche de lu, 5. is.
Jérusalem. Les savans regrettent beaucoup la perle de celle
histoire. Elle est une preuve de plus que Guillaume était
versé dans la langue arabe. Plusieurs endroits de son ouvrage
et le séjour assez long qu'il avait fait à Conslantinople, porte
à croire que la langue grecque lui était aussi Irès-familière.
Nicolas Vignier, dans deux de ses ouvrages, le proclame,
Ffff 2
Ibid.
596 LAMBERT WATERLOS.
XII SIECLE, comme nous l'avons remarqué, homme bien docte égale-
ment es langues grecque , latine, arabesque, persique et
germanique.
Les actes du treizième concile œcuménique de Latran, sous
le pape Alexandre 111, concile auquel Guillaume de Tyr assista,
furent dressés par lui à la prière des pères qui composaient cette
assemblée- il nous l'apprend lui-même, au vingt-unième livre de
S- 16, p. 1013. , ■ ■ '
son histoire.
Gesn. p. 3U. Gesner et Possevin lui attribuent aussi plusieurs lettres adres-
- Possev. t. I, séesà Bernard, patriarche d'Antioche : mais, comme on l'a déjà
•"■ ^'!' observé, ce n'est pas lui qui en est l'auteur, mais le premier
339, p.^25a * Guillaume archevêque de Tyr. Celui-ci élait anglais. 11 mourut
Oibi. hisi. jjgjjg ]g njême temps qu'Innocent 11 fui élevé sur le siège ponti-
m, p^'to'."' ' fical, vers le mois de février ou de mars 1 1 30, et non en 1 127,
p. 2bo. comme le dit Lemire. Notre archevêque en parle lui-même dans
p g^^" le quatorzième livre de son histoire II en avait déjà parlé dans
Préf. de Bon- le treizième.
sa", p. ii- ]\ avait composé, suivant Henri Pantaléon, un éloge funèbre
de l'empereur Frédéric Barberousse. Le même auteur suppose
que Guillaume de Tyr avait professé à Rome, pendant deux
années, avec un grand succès.
LAMBERT WATERLOS,
Chanoine régulier de S.-Aubert de Cambrai,
ET AUTRES HISTORIENS DU CaMBRÉSIS,
T. XIII, p. 497 m L existe, dans la continuation di' recueil des historiens de
— î*32. iFrance par D. Bouquet, un long fragment d'une chronique
de Cambrai, qu'on attribue à Lambert Walerlos, chanoine
régulier de l'abbaye de S. Aubert. Cet écrit étant mutilé au
commencement et à la fin, le nom de l'auteur ne se trouve
nulle part; et quoiqu'il parle souvent de lui-même, ce n'est
jamais qu'en première personne. Ainsi nous savons qu'il était
né en 1107; qu'en 1139 il fut ordonné prêtre; qu'en 1153,
étant âgé de quarante-six ans, il perdit son père, qui s'appelait
Alulfe; qu'en 1161 il fut envoyé pour exercer les fonctions
curiales à Olviler, et en 1164 à Borleries ; qu'en 1169, il
LAMBERT WATERLOS. 597
fut affligé d'une maladie sérieuse, dont il ne parle que pour x» siècle.
remercier Dieu de lui avoir rendu la santé. Cependant il y
a toute apparence qu'il avait mis son nom à la tête de son
manuscrit, puisque les écrivains postérieurs qui citent sa chro-
nique, le nomment Lambert Waterlos.
Sous l'année 1 152, il raconte comment l'idée lui vint de com- iHd. p. 807.
poser sa chronique. 11 s'était recouché, dit-il, un jour après
l'office de la nuit, et ne pouvant dormir, il s'était livré à de
pieuses méditations, lorsque Dieu lui inspira le dessein de
transmettre à la postérité les principaux évènemens de sa vie,
et les faits dont il avait connaissance, tant par lui-même que
par Ivi témoignage de personnes dignes de foi ; sans oublier ce
qu'il avait trouvé dans les livres et dans des mémoires particu-
liers ; et ce dessein il l'exécuta, dit-il, en vers, carminé dictavi.
Nous ne voyons cependant guère de vers dans ce qui nous reste
de son écrit. Excepté ceux qui sont rapportés sous l'année
1149, et quelques autres que les éditeurs n'ont pas jugé à
propos de publier, tout le reste n'est que de la prose assez mal
écrite.
Nous avons déjà dit que cette chronique, dont on n'a pu
trouver qu'un seul manuscrit, était imparfaite au commen-
cement et à la fin. M. Mutte, doyen de l'église de Cambrai,
qui avait rassemblé dans son cabinet tous les monumens
historiques du Cambrésis qu'il avait pu se procurer, avait
a copie d'un fragment faite en 1664 sur un ancien manu-
scrit : ce qui prouve que ce manuscrit existait alors ; mais ce
savant n'ayant pu le recouvrer, a essayé de rétablir la partie
qui nous manque, en recueillant les citations prises dans
cette chronique par différens auteurs. Il en a trouvé beau-
coup dans une histoire manuscrite du Câteau-Cambrésis, par
André Potier, et dans un livre de mélanges appelé Pot-
pourri, que Martin Leleu, chanoine régulier de S. Aubert,
a laissé à son monastère. Les éditeurs ont imprimé ces cita-
tions qui représentent bien plus le sens ou la pensée de
l'auteur que ses paroles, mais qui ne nous empêcheront pas
de regretter ce qui est perdu. Elles s'étendent depuis l'année
1100, qui paraît avoir été le point d'où Waterlos est parti,
jusqu'à l'année 1149. Vient ensuite le fragment original qui
se termine en 1170.
//. Gesta Cameracensium episcoporum.
Il nous reste de cet écrit, qui, vraisemblablement, n'était
qu'une continuation du chronicon Cameracense et Atreba-
4 0
598 LAMBERT WATERLOS.
Xii siEPXE. tense de Baudri, dont nous avons parlé au lonic VIII de celte
histoire, pag. 404, deux fragmens, dont l'un contient les
Gestes de Gérard If, successeur et neveu de S. Liéberl, mort en
1076; et l'autre les troubles et les guerres occasionnes par
le schisme qui s éleva dans cette ville après la mort de Gérard,
arrivée en 1092. L'auteur terminait cet écrit, comme il le dit
luii. |i. 479. lui-même on 1180 ; Nos autem successiones pontificuin ab
illo tempore usque ad prœsens tempus per annos fera cen-
tum, hoc est ab anno incarnationis verbi MXV, usque ad
annum MCLXXX, summatim designare inlendimus. Mais
ce fragment ne va (juc jusqu'à l'année lOOo. On pourrait
croire que cet écrit était la continuation de la chronique de
Baudri, ap[)elée aussi Gesta cameracensium episcoporum, si
lauteur ne nous avertissait qu'il existait d autres Gestes [)lus
étendus que les siens, auxquels il renvoie : Qux videlicet
omnia, muUaque alia mala, si quis plenius nosse voluerit,
Gesta pontificum 7^equirat. Ces Gestes, qui sans doute fai-
saient suite à la chronique de Baudri, sont perdus, à moins
qu'ils n'aient été conservés dans un fragment de chronique
française, (jue les continuateurs du recueil des historiens de
France ont imprimé au même endroit. Ce fragment pourrait
bien être la traduction des anciens Gestes, ipioiqu'il ait beau-
coup de ressemblance avec l'écrit dont il nous reste des frag-
ibid ) 476 niens. C'est pour mettre le lecteur à portée de faire la com-
_ 4!»o. paraison entre les deux écrits, que les éditeurs ont imprimé
le fragment latin sous la traduction française, (jui va jusqu'à
l'année 1137, cl s'arrête là, quoiqu'elle ait été faite après
le milieu du Xlll" siècle, sous l'épiscopat d'Enguerrand de
Créijui, comme on le voit par le catalogue des évêques qui
est à la tête du manuscrit, dont le dernier nommé est l'évcquc
Enguerrand.
Si ces écrits ne sont venus jusqu'à nous cpie mutilés, ou ne
nous sont pas parvenus du tout, c'est qu'ils ont été composés
dans un temps de trouble et de dissention. C'est ce qui arrive
toujours ; après que; ces troubles sont appaisés on voudrait
faire disparaître jusqu'aux moindres traces de ce; qui est
arrivé, et les descendant des acteurs de ces scènes tragiques
n'épargnent rien pour en faire perdre le souvenir. Cela est
encore plus vrai, lorsijue la religion, comme ici, en est le
motif. A la mort de lévêque Gérard II, il s'était formé à
Cambrai un schisme déplorable ; le clergé n'avait pu s'accorder
pour lui élire un successeur. Un an s'était passé dans ces alter-
LAMBERT W A TER LOS. 509
cations. Le clergé d'Arras profitant de l'occasion pour se sous-
traire à la juridiction de rév<*"que de Cambrai , obtint du
pape Urbain H que la ville d'Arras aurait son évêque propre,
indépendant de celui de Cambrai. Alors les habitans de
Cambrai voyant que les clercs ne pouvaient s'accorder entre
eux, élurent de leur chef un évéque dans la personne de
Manasscs de Cbûtillon : le clergé de son côté élut le prévôt
de l'église nommé Masselin, et la guerre fut déclarée entre
le clergé et le peuple. L'élection de ces deux prétendans ayant
été rejetée par l'empereur d'Allemagne, qui alors était le
souverain du Cambrésis , le clergé procéda à une seconde
élection qui tomba sur l'archidiacre Gaucher, homme d'esprit
et très-capable de maintenir ses droits. 11 eut l'agrément de
l'empereur, qui lui donna l'investiture, et ce qui est plus
étonnant, celui du pape, dans un tenqjs où la querelle des
investitures élait le plus animée. Mais il faut croire qu'on
avait déguisé au pape la vérité ; car bientôt après il l'excom-
munia au concile de Clermont, et confirma l'élection de
Menasses qui élait antérieure à la sienne Cependant Gaucher,
avec la protection de l'empereur et au mépris de 1 excommu-
nication, se maintint à Cambrai jus(iu'en H(i.'), et Manasses
ne put jamais y entrer.
Tel est le sujet de ces deux écrits composés par deux par-
tisans de l'évrque Gaucher , qui exhalent leur ressentiment
et forment les accusations les plus graves contre le pape
Urbain II. L'idée qu'ils nous donnent de ce pontife n'est pas
celle qu'on peut recueillir de ses Gestes, ni des écrivains qui
l'ont mieux connu. On voit bien qu'ils ne pouvaient lui
pardonner ni la déposition de Gaucher, ni le rétablissement
de lévéché d'Arras. Il n'est donc pas surprenant que leurs
écrits, dans la suite des temps, aient été peu respectés parles
bons catholiques.
Ilf. La chronique de Baudri était si estimée de son temps, que
plusieurs anonymes ont entrepris de la continuer. Outre les
deux fragmens français et latin dont nous venons de parler,
les mêmes éditeurs ont publié trois autres continuations dont
nous allons rendre compte.
1 ° Brevis anomjtni appendix ad Baldetnci chronicon Came-
racense et Atrebalense.
Ce n'est qu'une nomenclature depuis l'année 1070, où finit
la chronique de Baudri, jusqu'à l'année 1179. Mais cette
no menclature peut avoir son utilité pour fixer la succession
Ibid. p. S33.
600 LAMBERT WATERLOS.
XII SIECLE, .des évêques, qui, depuis la mort de Baudri, ont gouverné l'é-
glise de Cambrai. Les éditeurs l'ont trouvée dans le manuscr-t
5533, A. de la bibliothèque Royale, qui autrefois avait appar-
tenu à Baluze.
2° Balderici chronicon Cameracense continuatum pt"^ ano-
nymum Atrebatensem.
Comme le précédent abrégé ne donne la suite que des évêques
de Cambrai, celui-ci ne traite que des évêques d'Arras qui gou-
vernèrent cette église, depuis qu'en 1093, elle fut séparée du
diocèse de Cambrai, et eut ses évêques propres. Il se termine
à l'année 1174. Les éditeurs l'ont tiré d'un manuscrit de l'ab-
baye du S. Sépulcre à Cambrai. Il en existait un pareil à Arras,
selon le témoignage de Grammaye, dans son Cameracum. Lib.
1, sect. 3, p. 3.
ihid. p. B3i 3o Balderici chronicon abbreviaium et continuatum pe.^ ano-
nymum Cameracensem.
Cet anonyme ne s'est pas contenté de continuer la chro-
nique de Baudri, il en a encore fait un abrégé dans lequel,
dit-on, il se trouve quelques particularités qui ne sont pas
dans Baudri. Les éditeurs n'ont donné que la continuation
qui s'étend depuis l'année 1076 jusqu'à l'année 1191. Ils l'ap-
pellent l'anonyme de Cambrai, parce qu'il ne parle que des
évêques de cette ville, et non de ceux d'Arras, qui, comme
nous l'avons dit, avaient, depuis l'année 1093, leur diocèse à
part. Il en parle sans passion, avec la modération et l'impar-
tialité qui conviennent à un historien ; on n'y voit pas les em-
porlemens qui défigurent les fragmens dont nous avons parlé
plus haut ; mais les faits y sont. Les éditeurs ont tiré ce mor-
ceau précieux du Cartulaire manuscrit de l'église de Cambrai,
coté A, B-
- M2.
601
XII SIECLE.
ANONYME
AuTETJR DE l'Histoire de la fondation du Prieuré
DE Sainte-Barbe en Auge.
*RTus DU MousTiER 3 publié, sur un manuscrit du prieuré Nensiria pia,
'"de Sainte-Barbe, une histoire de la fondation de cette église ''' ~
dans le pays d'Auge, au diocèse de Lisieux, près d'un lieu
appelé anciennement Scajols ou Escajols. Elle fut fondée
d'abord pour six chanoines séculiers, sous le titre de Saint-
Martin, et donnée ensuite à des chanoines réguliers qui s'y
sont maintenus jusqu'à ces derniers temps. La première fon-
dation remonte au temps de Guillaume-le-Conquérant, et eut
pour auteur un seigneur nommé Odon Stigand, ou Stigaud,
assurément bien apparenté, puisque cet écrivain le donne pour
cousin, consanguineus (n'importe à quel degré) des empe-
reurs de Constantinople, des rois d'Angleterre, et de ceux de
France. Ce seigneur, au rapport de Ihistorien, avait été
chambellan des empereurs de Constantinople, Isaac Comnène
et Constantin Ducas, qui, comme l'on sait, monta sur le
trône l'an 1059. Odon possédait parfaitement la langue grec-
que, et avait apporté de Constantinople plusieurs autres belles
connaissances en médecine, sur la manière de traiter les
maladies des hommes^ des chevaux et des oiseaux : science
qui lui faisait d'autant plus d'honneur-, qu'elle était plus rare
parmi les gens de sa qualité. L'auteur met sa mort au 27
novembre, sans dire en quelle année; mais comme il annonce
que Maurile, archevêque de Rouen, assista à ses funérailles
dans l'église de S.-Ouen, et qu'on sait d'ailleurs que ce prélat
mourut au mois d'août 1067, il faut qu'Odon soit mort aupa-
ravant.
Il laissa en mourant deux fils et une fille. L'aine, appelé
Robert, ayant fait du vivant du père un voyage en Grèce,
en avait apporté le corps de sainte Barbe, dont il éprouva
la vertu en guérissant d'une grave maladie son frère Maurice.
C'en fut assez pour propager le culte de la sainte, et pour lui
ériger un temple dans l'endroit même où était le château
d'Odon Stigand, appelé de son nom Mesnil-Odon, ou
Tome XIV. Qgg g
4 0*-
G02 ANON IlIST. DU PRIEURÉ DE S -BARBE.
XII SIECLE. Mozidon, Mansio-Odonis. Les deux frères élanl morts sans
postérité, leur baronie passa à Rabel de Tancarville, qui avait
épousé leur sœur Ai:;nès ; et c'est de là peut-être qu'est veuu aux
Tancarville le prénom de Camerarius, qu'ils ont porté con-
stamment.
Quoiqu'il en soit, ce fut Rabel de Tancarville qui, à l'occa-
sion d'un nouveau miracle de guérison, augmenta et enrichit
beaucoup la maison de Sainte-Barbe, dans laquelle il intro-
duisit, l'an 1128, des chanoines réguliers qu'il fil venir de
la ville d'Eu, à la tête desquels il plaça un nommé Guillaume
d'Evreux, homme de mérite, qui. ayant renoncé aux emplois
qu'il avait à la cour du roi, s'était relire dans une solitude
près de Brclcuil-sur-Eure. Le reste de 1 histoire est consacré à
décrire la vie et les gestes de ce premier prieur ou prévôt, qui
mourut l'an 1153. L'auteur le représente comme un homme
d'un grand caractère et d'une -activité infatigable pour la con-
servation des biens de son prieuré, soit en Normandie, soit
ibid. p. îiitf. en Angleterre. Guillaume était musicien et bon chanire ; il s'ap-
pliqua à embellir de ses chants l'oflice de l'église, et il y réus-
sit si bien, que les évèques et les autres prélats s'empressèrent
d'adopter ses réformes dans leurs églises. Il composa des hymnes
et des sécpiences, ou proses riniées, sur des chants délicieux, et
encore un abrégé des évangiles (ju'on lisait tous les dimanches
dans le chapitre de Sainte-Barbe. Mais tout cela est perdu pour
noua.
Il eut pour successeur un nommé Daniel, auquel il avait
confié la résidence de Bexfort, en Angleterre, et qu'il avait
liid. p. 75i8. désigné poui lui surcédcr. Nous avons la lettre que l'évoque
diocésain Arnonl dv. Lisieux, lui écrivit pour le contraindre
d'accepter la j)Iace qui lui était destinée par la volonté du
défunt et par le choix de ses confrères. Daniel obéit; mais
l'historien ne dit pas combien de temps ce prieur gouverna
la maison de Suinle-Barbe Nous pensons que c'est à lui qu'il
Ampl. Coll. faut attribuer la It lire anonyme d'un prieur de Sainte-Barbe
787 "'" '"* ~ ^ s'^s religieux, ipi'd avait quittés pour se retirer dans une
maison de prémontrés. Cette lettre qui a été publiée par
D. Martène est belle, et le serait davantage si elle était im-
primée plus correctement ; elle respire les sentimens d'une
arae timorée et tl une piélé tendre. L'auteur y rend compte
des molifs (|ui lavaient delerininé à abdiquer sa charge, et
nous fait connaître à la fin (luilques circonstances de sa vie.
11 était Anglais; mais chassé, dit-il, dès sa jeunesse, de la
ANON. HIST. DU PR[EURÉ DE S. -BARBE. 603
maison paternelle , il s'était réfugié en France, et se trouvant xii siècle.
sans ressource, mundo mihi novercante, il avait été recueilli
par les chanoines de Sainte-Barbe. 11 était déjà vieux, et plus
que sexagénaire, lorsqu'il écrivit celte lettre, mais rien n'indi-
que en quelle année. Elle est adressée à ses cl-crs confrères de
Sainte-Barbe : Dominis ac verè dilectis in Christo fratribus
Gau, lo, et 7'eliquis dilectoribus suis de sancta Barbara con-
servus eorum frater ... Nous ne voyons que Daniel à qui
celte lettre puisse convenir, lequel aura eu autant de plaisir . ,
à quitter le poste de prieur, qu'il avait eu de répugnance à l'ac-
cepter. Nous ne doutons pas non plus que le chanoine de
Sainte-Barbi.' , désigné par les leltres initiales Gau. ne soit le
pieux et savant Geofroi, sous-prieur de Sainte-Barbe , dont
nous avons un recueil de lettres, et qui aura son article dans le
volume suivant.
L'histoire du prieur Daniel est inconqiiète dans le manuscrit Ncustria pU,
qui a été imprimé; mais on voit par les circonstances de sa vie, •"'
rapportées dans ce qui reste, que sa démission est certainement
postérieure à l'an 1170, puis(iu'il reçut un bénéfice de la main
de Gilles, évèque d'Evreux, qui ne commença son épiscopat que
celte année. Mais la lumière nous manque pour en fixer l'épo-
que avec plus de précision.
Quant à l'anonyme qui a écrit celte histoire, il vivait au plu-
tôt à la fin du XIT siècle , car il parle de Lisiard , évoque de ibn. p. 720.
Seez , qui ne remplit ce siège que depuis l'année 1188, jus-
qu'en 1201. Mais il a fait usage de documens qui existaient
de son temps à Sainte-Barbe, et particulièrement d'une vie du
prieur Guillaume , par un auteur contemporain , que le père
Artus du Mouslier avait promis de publier dans le Neustria
sancta, et (jui l'a été par un chanoine régulier de l'abbaye de
Beaulieu, dans le Maine, dans un ouvrage qui a pour litre, de
Canonicorum ordine disquisiliones, etc. l'aris 1 G97, in-4" p. 537.
Au reste, celle histoire de la fondation de Sainte-Barbe n'est
pas mal écrite soit pour le style , soit pour l'ordre de la nar-
ration , dans la(|uclle on ne voit ni épisodes ni lieux communs;
mais l'édileur l'a pour ainsi dire gâtée en y enlremèlanl ses pro-
pres réflexions. Les conlinualcurs du recueil des historiens de
France, en la réimprimant, l'ont dégagée de cette espèce de ^iv """S'-
superfétation. B. boe.'
Gggg%
604
XII SIECLE.
ANONYMES
DE l'Ordre de Prémontré.
Spiii. in fol. ]o w|oM LucDacheri a publié , dans son Spicilége, un histoire
in, ; in-i», i. abrégée de la fondation de l'abbaye de Vicogne, ordre de
XII. |) îi33 — prémoniré, dans le diocèse d'Arras , à deux lieues de Valen-
^^^' ciennes dans le Hainaut , laquelle s'étend depuis l'an 1123,
époque de la fondation , jusques vers l'an 1160. L'anonyme qui
l'a composée vivait sous l'abbé Gerald, dont la prélature com-
mença l'an 1 1 53 , et finit par une sentence de déposition l'an
Gaii. Christ. 1 1 68, solon Ics auteups du Gallia christiana. Or, notre anonyme
t. III, col 462. J•gj^ l'éiQge (Ju gouvernement de cet abbé , et ne dit rien de sa
déposition ; il ne parle pas non plus de son successeur, preuve
certaine qu'il était mort ou qu'il cessa d'écrire avant l'an 1168.
Son histoire est passablement bien écrite ; il y règne un ton
de candeur et de piété qui en relève le mérite. On y voit que
les prémontrés , sans préjudice des travaux delà campagne,
gagnaient alors leur vie à copier des livres. L'auteur prrlant
des reliques dont son monastère avait fait l'acquisition , insinue
qu'il avait composé un livre sur la translation de quelques
"g", se- ossemens des onze mille vierges, qu'on avait obtenus, à force
antiq. monuni. oit •
t. II. |. 202, in de prières, de l'église de Cologne Le P. Hugo, abbé
"oi's d'Estival, dit avoir eu ce livre entre les mains, et en donne une
courte notice.
Mail. Ampi. La même histoire a été reproduite, presque en même-lemps
coll. i. VI, col. par deux éditeurs: l'an 1729, par D. Martène ; et l'an 1731,
gao — 21) I
par l'abbé d'Estival , avec quelques additions et deux continua-
tions dont l'une, faite au commencement du treizième siècle ,
par un prémontré nommé Nicolas , l'autre, au siècle suivant ,
par un de ses confrères, nommé Nicolas de Montigni. On
parlera de leurs écrits dans quelqu'un de nos volumes
suivans.
Hu-o, An.) 2" Le P. Hugo fait mention d'une Chroniqiie de V abbaye
prœm. i. Il, col. de Tougerlo, près de la ville de Diesl , dans le Brabant, com-
posée par un chanoine de la maison , vers l'an 1170, sous
l'abbé Wiperl, dont le gouvernement commença l'an 1167 et
finit l'an 1178. Nous n'avons pas connaissance qu'elle ait été
imprimée.
ANONYM. DE L'ORDRE DE PRÉMONTRÉ. 605
3° Les continuateurs de Bollandus nous ont fait connaître *" siècle.
un livre manuscrit qui leur avait été envoyé de Ninove, mai- Boii. t. iv,
son de prémontrés , alors du diocèse de Cambrai ; à deux ^'' •*' ^^ ~
lieues d'Alost , contenant l'histoire de la fondation de cette
abbaye. Cet ouvrage est divisé comme en deux parties, dont '">'• P-770,
la première donne quelques détails sur l'origine et les fonda- """^ ^"
leurs de ce monastère, et la seconde contient une relation des
miracles obtenus par l'intercession du pape saint Corneille,
patron de l'abbaye. Les bollandistes se sont bornés à publier
celte seconde partie, qui seule convenait à leur plan, dans un
appendix à la gloire posthume de ce saint, qu'ils ont imprimé à
là fin du quatrième volume du mois de septembre. Mais, dans
un commentaire qui le précède, ils donnent une notice de la
première, de laquelle il résulte que l'auteur était déjà religieux /«,„/. p. 769,
profès à Ninove du temps de l'abbé Gérard ; lequel ayant été ""'°- *•
élu l'an 1142, gouverna celte maison, suivant notre auteur,
pendant quarante-quatre ans, c'est-à-dire jusqu'en 1186. Mais
nous allons voir que l'auteur poussa beaucoup plus loin sa
carrière.
Les auteurs du Gallia christiana ont publié une histoire c.ii. christ,
très-abrégée de la fondation de Ninove, sous le titre d'Bxor- i v, pr. col. 293.
dium ecclesiee Ninivensis. En comparant cette histoire avec
les fragmens que donnent de l'autre relation les bollandistes,
on voit que ce sont deux ouvrages diflférens. En la comparant
ensuite avec la Chronique de Beaudouin de Ninove, auteur de
la fin du treizième siècle, publiée par le P. Hugo, on trouve „„ „ ^^^
que c'est de là que les auteurs du Gallia christiana ont tiré. Ami.,, monum!
mot pour mot, cette pièce, et que Beaudouin de Ninove l'avait '• "' p- ^^ *'
extraite lui-même de la relation que nous n'avons plus. Comme
cet abrégé finit à la mort de l'abbé Arnoul, surnommé Wala,
décédé l'an 1190, il s'ensuit que l'auteur original qui, en
parlant de lui l'appelle d'illustre mémoire, doit être mort pos-
térieurement à celte année. Au reste il fait un grand éloge, tant
du savoir que de la piété, de l'abbé Arnoul, ainsi que d'un de ses
frères nommé Damien, chanoine comme lui de Ninove, dont il
parle comme d'un habile musicien de son temps, dont les
chants avaient alors la vogue et étaient demandés de tous les
côtés. g
seq.
606
XII SIECLE.
AUTEURS D'OPUSCULES.
1170— 1190.
I
piERRB II , évêqiie de Carpentras, a composé des régle-
■*• mens ou staliils pour les monastères de Grèze {de Grezo]
eldePerves [do Patervis.) C'étaient deux communautés de cha-
noines réguliers de l'ordre de saint Augustin.
Le 27 avril 1178 est la date de l'établissement de ces régle-
mens, qui ont été mitigés en 1203 par Raimond ou Raimbaud,
évoque de Carpentras, successeur de Pierre II, dès 1 178. C'est
T. I, p. 902, dans les mémoires de Peyresc que les auteurs du nouveau
^^" . Gallia chrtsliana ont pris connaissance de ces statuts.
col. 1. ' Il Gesner, Railey, Vossius, et d'autres auteurs, parlent d'un
Bailcy , apud Robert de Fi'camp, né en Normandie, et religieux bénédictin,
Cent. Magdel). , , on - ■ -, i • ■ . • .
cent. XII c 10. 'I"'' ^^""^ ^ '^ '' t-'crivit unc chronique ou se trouvaient rassem-
p. 1091. blés les principaux faits de l'histoire universelle jusqu'à son
Voss. ''*"'*'• temps. Inclaruit, dit Vossius, opère chronico quod ad sua usque
III, c. 7, p. 2iti. tempora perduxit.
Zciiicr. P. I, Cette chronique du Moine Robert serait-elle la Chronique de
îiiK p 6!i;> " tticamp insérée dans la bibliothèque di; Labbe ? 11 n'y pas d'ap-
T. I, p 3-Jo parence ; car le Chronicon fiscamnense , que Labbe a publié, ne
~ '-*■ se termine qu'en IrJKi; et si les derniers articles sont d'une
seconde main, on a (lu moins lieu de croire que le premier auteur
a conduit jusiju'à 1220 cette série fort aride de dates souvent
erronnées. Nous en reparlerons dans l'Histoire littéraire du trei-
zième siècle.
Quant au moine Robert, il peut très-bien avoir fait une
chronique, mais elle n'est point indiquée dans la Bibliotheca
hibliothecarum de Mnnlfaucon , ni dans les catalogues des
manuscrits d Angleterre, <iuoique Ge-ner dise qu'elle existait à
.Montfoncnn , Norwick.
Bibi. i>ii.iinih. t. m On conservait dans les bibliothèques de (juelques ab-
II, p. ii.>7. — jjaygg igg sermons manuscrits d'un moine nommé Chrétien.
Ducangc, ma J i i i / i c n •
auior. p. lir»7. Nous n'ajoulons poinl à ce nom la (jualilé dabbé de S. -Père
D. Liron. q^, S -Pjerre de Chartres, parce (lu'aucun abbé nommé Chré-
Bibl. chartrain. . , , . . . i
p. 70, 71. ''"-'fi "a gouverne ce monastère. Les auteurs du nouveau
AUTEURS D'OPUSCULES. 607
Gallia christiana soupçonnonl que ces homélies sonl l'ouvrage Xll siècle.
d'un abbé de Bonneval (au diocèse de Chartres) qui s'appelait tTviii, p.
Chrétien, et qui vivait en 1188. ^254 oi I2i3.
Thrithème attribue à un Chrétien, abbé de S.-Pantaléon, à sang. t. i, p"
Cologne, en 961 , des sermons qui paraissent ne pas différer '"*•
du tout de ceux qui nous occupent. Mais il est fort probable Anaioci. t.
qu'ils sont du douzième siècle D. Mabillon les a trouvés re- ' P- '' •
liés dans un même volume manuscrit, avec le traité de frac-
tionepanis, par Abbaudus, contemporain d Abélard.
Mabillon a parlé de ces homélies et dans les Annales de Liv. xxxiii,
l'ordre de S. Benoît, et dans les Vetera analecta sive collée- " '^'^- .,.,.
, 111 1 » I '''^- l'^X, n.
tio velerwn ahquot scrtptorum. Au tom. 111 des Annales, n,)
Mabillon transcrit l'intitulé, à piœ Memorùr Christiano quon-
dam abbate ecclesiae S.-Peiri Carnotensis, et paraît en con-
clure qu'il y a eu un abbé de S. -Père nommé Chrétien, mais
dont lépoque est incertaine. Dans les Anaicctes, Mabillon
permet de croire que ces sermons pourraient CXre l'ouvrage
d'un Chrétien, évêque de Mayence, mort en 1183, et qui a
laissé de plus une histoire de l'empereur Frédéric Barberousse.
Le seul prétexte de cette conjecture serait que le prédicateur,
en parlant de la simplicilé de son style, dit qu'il n affecte
point l'éloquence théâtrale des Français , gallicanum elo-
quentise cothumum. On pourrait penser en efl'et que c'est un
étranger, un Mayençais, qui s'exprime de cette manière, si
tous les manuscrits de ces sermons ne s'accordaient à les
attribuer à un moine , à un abbé : qualités qui n'ont appar-
tenu ni au Chrétien, archevêque de Mayence, décédé en 1183,
ni à un autre prélat de cette même ville, également nommé comment, de
Chrétien. En conséquence Casimir Oudin croit qu'on attribue- Srript. eccics. t
rail avec plus de probabilité les prédictions dont il "s'agit à un
Chrétien, moine de Clairvaux et disciple de S. Bernard. On
aurait môme ici à choisir entre deux personnages qui ont porté
ce nom, et réuni à ses qualités celles d'abbés et de prélats en
Irlande.
Pour nous, plutôt que de chercher en Irlande l'auteur de
ces homélies, nous aimerions mieux, ainsi que nous l'avons dit
d'abord, les attribuer à Chrétien, abbé de Bonneval, près de
Chartres.
IV. Uimbert ou Humbert, disciple de saint Bernard, fut Manriq.
envoyé, en 1143, avec d'autres moines de Clairvaux, pour *""• ''*^'
établir la règle cistercienne dans le monastère de Notre- ^^' "' ''
Dame-de-Sobrado, au diocèse de Compostelle. Dans la suite,
II, p. 1695,
IS9G.
608 AUTEURS D'OPUSCULES.
XII SIECLE. Himbert devint abbé de Sobrado, et visita en cette qualité, le
monastère de Moreruela près de Zamora, dans la Castille.
Il fut témoin, à Moreruela, de la guérison ou conversion mi-
raculeuse d'un novice qu'une obsession démoniaque avait
entraîné dans quelques égaremens. L'abbé Himbert a écrit
l'histoire de ces prodiges : histoire qu'on a depuis mise à la
suite de l'exorde de Cîteaux , et qui a été d'ailleurs publiée
presque en entier dans les Annales de Manrique, sous l'an-
c. 2 et 3. née 1180. Manrique la trouve si bien attestée et circon-
stanciée, qu'il ne voit pas trop qu'on en puisse douter :
Cohaerentibus tôt ac tantis signis, ac tantis externis coni'
probationibus , ut non liceat de illâ dubitare. Cependant
Manrique convient qu'il n'est pas toujours facile de recon-
naître ce qui est miracle, ce qui est prestige, ce qui n'est
qu'une fable, ce qui n'est qu'un rêve d'une imagination ma-
lade. Nec facile inter miracula et praestigia , veros eventus
et . . . fictos discernit ratio . . . nec pauca ex vehementi appre-
hensione seu cerebri defectu facta creduntur. Au fond, il suf-
firait de retrancher ou de modifier un assez petit nombre de
circonstances pour réduire toute cette histoire du novice
castillan, à des accès de délire qui n'auraient rien de sur-
naturel.
Bibiioth ms. V. Sanderus indique des manuscrits contenant des ques-
iieig. p. I, p. lions sur les livres des Sentences et d'autres opuscules
339. 3a. dîEustache, religieux du Mont Saint-Eloy, près d'Arras. Ce
religieux, qui fut professeur de théologie, est-il le même per-
sonnage qu'Eustache septième abbé du Mont-Saint-Eloy? Nous
manquons de renseignemens positifs sur cette question. Les au-
T. m. p. 427. leurs du nouveau Gallia christiana, dans l'article qui concerne
l'abbé Eustache, décédé le 7 novembre 1181, ne lui attri-
buent aucun ouvrage.
Cranii Hisi ^I. Henri, évêque de Lubec depuis 1170 jusqu'en 1184, était
eccie».. meirop. né daDS le Brabant, et avait gouvcmé l'abbaye de Brunswick,
^"' *„"T V.' ordre de Cîteaux. Il était abbé de ce monastère, lorsqu'il partit
H0l() ndmnldi • 1 /x 1 •.
coniinusi. Ml, pour 1 Orient avec Heun Léon, duc de Bruttsw^icK. On le vit en
K , p. 2i7. — présence de ce prince et de l'empereur grec, Michel Paléologue,
incTck chron soutcnir, à Constantinople, une grande dispute, grandem dis-
Lubecens. t. II. pw^a^toMem, sur la procossion du Saint-Esprit. Crantzius, l'un
- Meib. p^396. des historiens qui parlent de cette dispute, ajoute que Henri
- Cent. Mapd. • , . , . , "^ . •" . .
cent XII, c. 10. avait laissé des monumens de son savoir, et sur-tout une
p. 1B12, isis. homélie sur l'Évangile, Stabat juxtà crucem, dans laquelle
â in* u't t!"ni on admirait la profondeur des pensées et la politesse du lan-
AUTEURS D' 0 P U S C U L E S C09
gage. Mais Cranlzius avoue que c'était principalement par sa x'i siècle.
dévotion sincère que Henri méritait d'être admiré. p. 224. -Wioo,
Vil. Gérard, Girald ou Gérauld, évêqued'Alby, fut lame d'un '"''• "' ^ ''*•
concile tenu en 1176 (et non en 11C5)à Lombes, ou Lombers,
bourgade située à trois lieues d'Alby, et fort distincte de la ville
de Lombes, autrefois épiscopale Ce concile condamna les Pé-
trobusiens, appelés depuis Albigeois ; et l'évèque d'Alby s'y dis-
tingua tellement par son zèle, qu'on lui déféra l'honneur de
prononcer la sentence. La collection des conciles, disposée par
Labbe, contient les actes de ce synode : « Je ne crois pas, dit '•' ^- P- '*7'^
Bossuet, quon puiese voir en aucun concile ni l'écriture mieux Hist. de» vi-
employée, ni une dispute plus précise et plus convaincante. ri«i. liv. xi,
La chronique d'Alby, publiée par d'Achery, dit que Gérard " '^'
gouvernait encore celte église en 1 1 90. C'est une erreur ; il avait Spicii t. vi.
dès 1183 un successeur nommé Claude, lequel Claude était déjà
remplacé en 1185 par Guillaume VI. ^*"- ChrUt.
VIII. Une note manuscrite de D. Coulomb, nous fait connaître "" • ' P
Guillaume, moine et bibliothécaire en 11SG, de l'abbaye de
Marmoutiers. Cette date se trouvait dans un manuscrit copié du
temps de ce bibliothécaire. » Faclus estiste liber in tempore
Guillermi armarii, anno nono Hervaei abbatis, ab incarnaiione
Christi 1 lOG. » Le volume où se lisaient ces paroles contenait,
enlre autres écrits, des extraits du décret de Gratien, recueillis et
choisis par Guillaume, incipiunt excerpta qucedam utilia quée
collegit et elegit Guillermus de decreiis Gt^aliani On a lieu
de croire que ce Guillaume n'est pas distinct du bibliothé-
caire.
X. Dans l'appendix du livre de Jean Pilz, sur les écrivains
illustres d'Angleterre, Guillaume Templiers ou Tempers, P. 858.
abbé de Reading est indiquécomme auteur de quelques opus-
cules. Il est assez probable que cet abbé avait d'abord été
religieux de l'abbaye de Cluni, de laquelle dépendait celle
de Reading. Hugues d'Amiens, qui en 11 '28 quitta le gouver- Htkiii. Ano.
nement de ce monastère anglais pour devenir archevêque de °'^- ^- ^'"^'^•
Rouen, était certainement français. Il n'est donc pas néces- 143
saire de regarder comme Anglais Guillaume Tempers, qui,
d'abbé de Reading devint, en 1 173, archevêque de Bordeaux.
Nous le voyons désigné comme évêque de Poitiers dans la
Chronique de Gaufredus, prieur de Voses : mais il paraît que c • n
c'est une erreur. Le patriarchium bituricense le fait archevê- Ubbe, Bibi.
que de Bordeaux, et le représente comme soumis, en cette ""• ""^•' P-
qualité, à l'église de Bourges. Sciatis quodego archiepiscopus
Tome XIV. Hhhh
f, ! 0 AUTEURS DE f. E T T R E S.
XII SIECLE. Burdegalensis subjectits et obediens sum ecclesias Bituricensi,
et eideni debeo omnimodam subjectionem et obedientiam, et
super hoc, temporibus fuluris, si opiis fuerit, perhibete testi-
moniiim veritati. Toiles sont les paroles que Guillaume adresse
C. C7. Dans BU peiipic dc Roiirgos, dans le Patriarchium Bituricense.
LaLbe, BiLi. ni5. Quoiqu'il ait été mis par Jean Pil/ au nombre des écrivains
''''*' ecclésiastiques, on ne connaît de cet arclievê(|uc de Bordeaux
d'autres écrits (|iie des cliarles indi(|ui''es dans le nouveau Rallia
^ " f'' ^' christiana. Chmlti, en ll7i, pour terminer un différend en-
tre les ciianoincîs de Saint-André etlahhaye de Sainte-Croix.
Sentences en favcMir de ces mi^iies moines de Sainte-Croix,
qui réclamaient contr(> les exactions d'.Mmavin de Riancafort.
Charte pour confirmer les donations faites aux clunistes par les
précédons archevéïpies di^ Rordeaiix. Enfin excommunication
de Guillaume de Curlon et de Richard di; Rioncio, accusés de
rajiines et de violences militaires.
Guillaume Templier vivait encore en I 187, et avait un suc-
cesseur on l1iS8. Il (Si mort le dix-septième jour avant les
calendes d'octobre, sans doule I 1S7. Il avait assisté, en 1 I7'J,
au troisième concile de Latran II ('liin boiteux, dit l'auteur du
Lalibc, iiiiii. Patriarchium Bituricense : nuls ^es \ertus et sa science avaient
ms. t. II, |>. !ti effacé ce défaut naturel. D.
AUTEURS DE LETTRES.
1 1 T.") — I 1 î)().
surnommé de Saint-Sauge : cest le nom du lieu où il était
(i3!), 670; et né, dans le Nivernais. En IlOfJ, il assista au concile de
ai>i> |..r,{-;, ôit. p^fauvais oii furent condamnés les moines de Uebais, qui
selV()r(;airnt de se soustraire à la juridiction de l'évèquo de
Meaux. Envoyé par I-ouis-lo-.leuni' (ri Angleterre avec Ber-
trod, archcvè(|ue de Rouen, Bernard a contribué au retour
Epi^i. Tiiniivc et à la réintégration de Thomas Bockct on 1170. L'épître qu'il
(.ani iiv. III, l'.^.j.j^.j^ ç.„p ci^wa affaire, an pape Alexandre III, se fait remar-
rp. ^I>. |>. slfl, ' '
.Mit.
A UT E DUS D E LETTRES. 01 1
quer par des senlimens modérés et pacifiques (1) M. Brial a pu- xii sikcli:
blié une autre lettre de Bernard : elle est écrite à Louis VU "1^^071^.
au nonades évoques deNevers et de Bourges, et concerne l'église <ic f.. t. xv,
de S. PorCien. Voilà tous les écrits de Bernard, puisqu'on ne ^- ^"®-
peut considérer comme des productions littéraires les chartes
qu'il a souscrites et que les auteurs du nouveau Gallia chris- T- X". p-
tiana ont imjjriiuées ou indiquées. 11 était encore évèque de ^■''*' ''''''■ ^*'''
Nevers en 1 170, et Théobalde lui avait succédé avant la 6n de
l'année suivante. On sait que Bernard mourut au mois de
février, el il faut que ce soit en 1 177.
II Ervise ou Ernise ou Ernest, né en Angleterre, était abbé
de Saint-Viclor à Paris, dès Tannée 1-102. C'est la date de la
première des cliarlcs (ju'il a souscrites en cette qualité, cl
qui sont mdiquées dans le nouveau Ga/^m t7irzs<mna. QueKjiies t vu. |.,
lettres d'Alexandre III, prouvent (pi'Ervise ne veillait point '"'''' '^''S-
assez au maintien de la discipline iiiona.sliquo ; il abdiqua la
dignité abbatiale en 1172. L'année 1177 est celle, non de sa
démission, mais de son décès : il mourut le 13 mai. Quoique
peu zélé, il prêchait néanmoins, el 1 on a loiig-lcmps conservé
à Saint-Victor ses sermons manuscrits. Sa lettre au cardinal v n,, ii,,.„ii
Odon, diacre du titre de Saint-Nicolas, in carcere Tulliano, '^"'"i- '''' ''^■'*'
a été publiée par I) Marlène. Ervise dit (|u'il a sollicité et ob- LbLr ii^ d^
tenu du roi de France, pour ce cardinal, la permission de retour- i>i<)c. do i>:i,i,,
ner auprès du pape. 11 a écrit, de plus, conjointement avec Ri- ' "' ''• ^^".
chard, |)riour de Saint-Viclor, une épîlrc à Robert de Melun, i. vi.'"'',, ''■ïfl)
évô(jue dHerford , en laveur de l'archevêque de Cantorbéry, -'!<■' des i„si.
Thomas Beckel. M. Brial, en réimprimant cette lettre, a rétabli p^*^ ' ^''^''
le nom A' Ervisius, que les copistes avaient changé en Hermus. On imci cp rii.
peut lire, dans le recueil de Ducliesne , [)lusieurs épîlres adres- ^*""'i"'- l'»'. i,
sées à Ervise, ou qui le concernent. Par exeuqile, Eskd arche- '^''iioc'dés hf* '
vôque de Lunden en Danemark, écrivant à Louis-le-Jeune, accuse Je Fr., i. xvi^
l'abbé de Saint-Viclor d'avoir délourné, à son profil, un dépôt ^■^^*;
de 400 marcs d'argent 7Bo, -yi). 7(jfi^
III Gérard ou Girard, d'abbé de Fosscneuve devint, en ^' ""'*' '*'"'•»•
1170, abbé de Clairvaux. On croit qu'il était né en Lombardie, ?"v,' ,,. '2'^;
et l'on sait qu'il pérità Igny, le 10 octobre 1177, sous les ««^'l-
coups d'un moine dont il avail essayé de téiirimtir les dés- ii,.^"vi,|"f '''''
ordres. Le ménologe de Cîteaux. raconte toutes les circon Fx. "cutcrc'
II, ï7, 2X. _
Jlanjiijuo, aiin.
n\ n -, 4 ,■ ... , 1172, c. /p; 1174,
(ij uormitet aliquantulim a-piii vos sereritas discipliiKc ut magis proflciat c. I;1I7C, c. 5;
benignitas et mansuetudo gratiœ.
Hhhh 2
612 . AUT E URS DE LETT R ES
XII SIECLE, stances du crime dont cet abbé fui la victime (1), à l'exception
1177, c. 2 ei 3. pourtant du nom de l'assassin. Les confrères de Gérard l'ont
— Mir. m chr. hoDoré comme un saint martyr, et lui ont attribué plusieurs
eisterc p. 319. , v rv-j- , a j m.^
Uetir. in me- ffliracles. Il est auteur dune lettre a Didier, éveque de Ihé-
nol. cisterc. 7 rouenne, imprimée dans l'une des collections de Martène.
***"'Thes. anccd Gérard y recommande les religieux de Clairmarets, et com-
i. I, p. 599, 6,0. munique à Didier une épîlre d'Alexandre III à l'archevêque
d'Yorck, épîlre oîi les moines sont déclarés exempts de payer
la dîme sur les terres qu'ils cultivent de leurs mains. Dans
la lettre, ou plutôt dans le simple billet d'envoi qui accom-
pagne cette épître pontificale, Gérard dit qu'il a vu les terres
de Clairmarets, et il ajoute : Certum est qicod in profundo
maris sitœ, nullam aliquandà habuemnt culturam prseter
hoc quod in praesenti fratres nostri.... contra mare magnis
expensis et laboribus instant ut appareat arida. On voit qu'au
douzième siècle la mer venait à peine de quitter les terres
de Clairmarets, qui en sont aujourd'hui distantes d'environ
De Morinis, huit lieues, quoique toujours marécageuses. Malbrancq pa.'-le
» '. p- !5*- d'une ancre que l'on y a trouvée de son temps. Les moines
en ont été, comme le dit ici Gérard , les premiers culti-
vateurs.
IV. Anthelme ou Nanthelme (2), quelquefois appelé Ancelin,
était issu de l'ancienne famille des seigneurs de Chignin, en
Savoie. Après avoir été prévôt de la cathédrale de Genève,
il fui sacristain de celle de Belley, et ne larda point à se re-
tirer à la chartreuse des Portes, oîi il embrassa l'élal monas-
tique. Le prieuré de la grande chartreuse vint à vaquer en
1139: Anlhelme fut contraint de l'accepter. Sous lui , se tint
Mibill. ann. . , , , , i . j i
ord. Benfd. Ht. BU 1140, le premier chapitre général des chartreux, duquel
Lxxvi, n. is«. émanèrent des statuts que Martène a insérés dans le plus
ample de ses recueils. On a lieu de croire que les deux cha-
I. iv,7' I237ei pitres suivans furent aussi tenus du temps d'Anthelme. Il est
"1- probablement le prieur de la grande chartreuse, auquel est
adressée l'une des lettres de Pierre-le-Vénérable. Mais, en 11 51 '
il abdiqua dite dignité, et revint à la cliarlreuse des Portes,
dont on le força dèlre prieur. Il y reçut Eracle exilé du siège
(1) Cultrum acuminatum , lonijum et lalum, risceribus rjus immergens, cruii-
liter scindendo, secando,fodiendousguè ad spinam dorsi.
(2) Gall. Christ, vêtus, t. II. p. 3G2. — Guichenon, Hist. de Bresse, contin. de
la 2' partie, p. 24. — Camill. Tutin. in hist. ord. carlus. p. 27-30. — Marot.
Theatr. onl. cart. p. 21. — P. Sutor, de vità cartus. liv. II, tract. 3, c. 5. —
Duboulay. ann. 1161, p. 298.
Liv. IV, cp r>8.
Mabill. noi.
cp. 250 S. Bcrn.
AUTEURS DE LETTRES. 613
épiscopal de Lyon. Anlhelme avait encore abdiqué le prieuré xii siècle.
des Portes, lorsqu'en 1161 ou plutôt 1163, il devint, toujours "
malgré lui, évêque de Belley : il fut sacré par Alexandre III,
dont il avait soutenu la cause contre les partisans de l'anti-
pape Octavien. C'est ici l'époque d'une courte épîlre d'Anlhelme ouchesne
à Louis VII, pour l'informer de l'élection faite à Belley : le t. iv, p eso -
nouvel évèque prie Dieu pour la stabilité du gouvernement
et recommande un de ses neveux à la bienfaisance du sou-
verain. Cette lettre oîi nous apprenons que Louis VII avait
visité la grande chartreuse et y avait été reçu par Anthelme,
est à-peu-près le seul écrit qui nous reste de ce prélat et
qui nous autorise à parler de lui. Nous ne nous arrêtons chifiici, mon.
point à une charte de 1164 oli il transige avec les seigneurs «"iKanoium, p.
de Rougemont. Mais il pourrait bien être l'auteur d'une plus Ti,p, ^„g^^
longue épître, que Marlène a publiée eu l'attribuant à S. An- •• ', p 210 -
thelme de Lucques. Il faut noter que l'inscription porte ^'*'
A. Bell., et que le manuscrit qui contient cette lettre a été
trouvé dans l'abbaye de Barselies, fondée vers 1150. On nous
permettra donc de supposer ijue ce manuscrit n'est pas d'une
époque antérieure à lépiscopal d'Anthelme, quoique l'éditeur
en ait regardé l'écriture comme étant du commencement du
douzième siècle. Dans un intervalle de cinquante années, la
différence des écritures est-elle assez sensible et sur-tout
assez constante pour qu'elle puisse servir à fixer avec tant de
précision l'âge des manuscrits? 11 est vrai que la lettre n'est
point adressée à un chartreux : mais Anlhelme n'a-t-il pas pu
écrire à un chanoine régulier ou à un cistercien ? Au surplus,
celle épître, quel qu'en soit l'auteur, a pour objet de consoler
celui qui doit la recevoir et de le détourner du projet d'ab-
diquer une fonction pastorale, vraisemblablement celle d'abbé.
II nous reste à dire qu'illustre par sa piété et même, selon
les chroniques, par l'esprit de prophétie et par le don des mira-
cles, Anthelme fit un voyage en Normandie, par ordre d Alexan-
dre III. C'était en 1169, et nous voyons par une charte de
l'empereur Frédéric, en faveur de 1 église de Belley, que dès
1171, le saint évêque était rentré dans cette ville. Il y mourut
le 26 juin 1178 Guillaume de Nangis et Harœus qui ont
placé sa morl, l'un en 1 176, l'autre en 1 177, se* sont trompés ; Cent, xii, c.
et les centiirialeurs de Magdebourg ont commis une erreur *°' '' *"**'■
plus grave en prolongeant sa vie jusqu'en 1190 : mais ils sont
si peu instruits de ce qui concerne Anthelme, qu'ils le font Marot, Theatr.
évêque de Blois. Voici l'épitaphe moderne qu'on lisait sur son «="■""• P- *^ -
tombeau. "^
* 1
614 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE. Beato Anthelmo Thaumaturgo, libertatis ecclesiastieae strenuo
vindici, Cartusise majoris septimo priori, totiusque ordinis item
seplitno gênerait praeposito, sacri tmperii principi, civitatis Bel-
licii XLIII prassuli, primo dynastas et tutelari pientissimo,
cives bellioenses illius devotissimi clientuli D.
Uactenus illcBSum per bella, incenrlia, pesleSy
BeUicium Aoc, Anf//eh/ie, tihi debvre falel nr ;
El ne nulla tibi referaiur gratia, posthac
Urbs tua perp:iuos foto iibi sacrât /iimorei
Nous parlerons ailleurs d'une ancienne légende de S. An-
thelme ; et nous transcrirons l'épilaphe qui la termine, il a été
canonisé, et son corps transféré en 1630, dans une chapelle
Boii. 26 juin, coustruile exprôs à Bolley .
V. Conon fut abbé de S. -Vannes de Verdun, depuis 1 143 ou
Caimei, iiisi. 1144 jusqu'on 1178, époque de- sa mort. Gétait un homme d'un
de Lorraine i. irôs-"ranci mérite, vir multà excellens prœslantiâ, qui réparait
et agrandissait les bàtiniens de son abbaye, les peuplait de
sujets recommandables, y maintenait la régularité, et y introdui-
sait le goût des livres. Il enrichit ou plutôt il fonda la biblio-
thèque de ce monastère. D'ailleurs, il aidait de ses conseils
l'évêque de Verdun, Richard de Crissé, et il avait inspiré au pape
Alexandre ill, une estime dont nous avons la preuve dans une
Mirtèiie Ï6ll''« ^lue 00 pontifc lui adressait en 1163. Mais. il ne subsiste
Thés, aiiced. i. d'autro écrit de ce vénérable abbé qu'une lettre à Berthe,
' ■ I' V"* duchesse (h; Lorraine, pour lui recommander le monastère de
Collecl. lies Hk- , ' , . . ,A
lor. de Fr. i. l'^'i^vigny, 011 la nlii; de celte prmcesse était enterrée. Dom
XV. 11.796. Calmel a insi-rc cette épîlre de dix-neuf lignes, parmi les
' preuves de l'hisloiro de Lorraine.
VL Nicolas, auteur d'une lettre à maître Gereberl, est
probablement le sous-prieur de Saint-Victor, qui portait ce
Marièiie , nièmc noHi do Nicolas, et qui mourut en 1 liSO. En effet, celle
Ti.es. »;"•«■''■'• pièc(. est immédiatement suivie, dans le recueil de Duchesne,
I, |i. .)4o, B*H. '
T. IV, p. 751. de plusieurs aiilrtîs k'tlres tpii sont écrites par des victorins, ou
qui leur sont adressées. Quoi (ju'il en soit, le billet dont il s'agit
est d'une bien faible importance. .Nicolas allègue ses fonc-
tions pour s'excuser de n'avoir point écrit à Gereberl, et il
se plaint de ce que Gereberl, moin.s occupé, ne lui écrit pas
davantage. Cela n'empêchera point leur amitié d'être du-
rable : Idem vilœ et amicitiie terminus. Nicolas finit celte
lettre comme Cicéron commence (jueli}uefois les siennes. Si
iiiiii sacre, volcs, 1)6116 est, eço valeo. Le P. Leiong cite, d'après Feller,
t. Il, p. 879.
AUTEURS DE LETTRES. Glo
une glose sur l'apocalypse, par Nicolas de Paris. Nous n'avons xii siècle.
aucun- moyen d'éclaircir si ce Nicolas est celui dont nous venons
de parler.
VII. G. abbé de Barbeau, au diocèse de Sens, a écrit, 1» aux
abbés de Cîteaux, de Clairvaux, et de Pontigny, pour leur inspi-
rer une haute idée des vertus religieuses de l'évéque de Meaux ;
2" à labbé de Bonneval, pour lui recommander un moine qui
voulait passer d'un ordre religieux dans un autre; 3" à la reine
de France A. en faveur du porteur lucme de cette troisième
épîlre : la reine y est suppliée de lui faire rendre justice comme à
son homme : quatenus et ut homini vestro facialis justitiam
exhiberi. ('elle reine de France est sans doute Alix, troisième
épou.se de Louis-le-.Ieune ; et voilà pourquoi nous plaçons
l'auteur de ces trois lettres vers 1 180 Martène,qui lésa publiées,
les considérait comme des monumens de la fin du douzième Thcs. nnecd
siècle i •,,..773.774.
\Ul. Hugues de Mortagne, prieur de l'abbaye de S.-Marlin-
de-Seez, avait sans-doute écrit plusieurs lettres, et peut-être
composé d'autres écrils : mais il ne nous reste de lui qu'une seule
épître, adressée à Geoffroy abbé de Sainte-Barbe, communauté
de chanoines réguliers en Normandie. Invité à écrire la vie du
bienheureux Waultier, Hugues répond qu'elle serait infiniment
mieux rédigée par ceux même qui veulent bien lencourager à
celle entreprise. La lettre annonce beaucoup de modestie, et non
moins de goiit pour les exercices de pénitence. Elle est terminée
par ces deux vers :
Cojijlicfii tripUci me vexant treu inimici :
Serpens aniiqims, ca.ro lulrica, fratcr iniijuui.
Nous ne savons quel est ce frère inique, troisième ennemi
du prieur Hugues; et les détails de la vie de ce prieur ne
nous sont pas connus: nous le plaçons vers Tannée 1180,
parce que c'est à-peu-près l'époque qui convient à Geoffroy
son correspondant. La lettre de Hugues à Geoffroy, et cinq
lettres de Geoffroy à Hugues, ont été publiées par 0 Mar-
tène Anecd. t. I,
''*^"^- p. 550-551.
IX. Hugues de Monceaux, abbé de S.-Germain-des-Prés,
mourut le 27 mars 1181. Il a écrit deux lettres à Louis-le- ^^"' '^'"''"•
Jeune. Dans la première, il apprend à ce prince que le nommé ^^^ 1" 7}l' ^
Salon vient d'être élu abbé de Colombe: mais Hugues diffère Bouiiian, Hist.
de confirmer cette élection, et ce délai a deux motifs, l'un ''" ''''^''- ''" ^-^
qu'expliquera le porteur, et l'autre qui consiste en ce que 92.""—" bubof» '
t. IV, p. GS3.
616 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE. Salon déjà élu une première fois n'a [)oint été agréable au souve-
iiisi. ceci. Paris, rain. Les formes de celte épilre sont fort peu cérémonieuses :
Duchesne répondcz-moi donc, dil I abbé do S. -Germain au roi de France ;
t IV, p. 737. nolifiez-moi votre volonté par le porteur des présentes ; e»,
Duchcnc, portez-vous bien. (1) Dans la seconde lettre, l'abbé se plaint des
barons d'Auvergne qui l'ont arrêté, blessé, emprisonné et
rançonné. L'inscriplion de cette lettre porte, dans le recueil
de Duchesne, le nom de Hébrard, abbé de S -Germain ; c'est
une faute de copiste, on a écrit Hébrarù pour Hugues. Le même
Duchesne, abbé 8 composé une notice ou relation succincte de la consécra-
Snciic'* III ' ~ lion de l'église de S -Germain-des-Prés, parle pape Alexnr-
Hisi. Univ. dre III Du Boulay, en transcrivant cette pièce, révrquu en
Pans i. II. p. (Joute la vérité des faits qu'elle expose : il la met au nombre
311, Zi'i 513. '
des artifices qu'employaient les moines du douzième siècle pour
secouer le joug de l'autorité épiscopale et pour obtenir des
privilèges.
X. Guillaume dit de Narbonne, où il était né [)eut-ôtre,
et quelquefois de Toucy, oii nous savons qu'il mourut, fut
trésorier de l'église d'Auxerre, puis archidiacre de celle de
Sens, dont Hugues son frère était archevêque. Alain évêque
d'Auxerre, ayant donné sa démission en 1107, on élut, pour
le remplacer, Guillaume de Narbonne, qui gouverna cette
église jusqu'à sa mort, c'est-à-dire jusqu'au 27 février 1181,
Rob s M.1- ^" Il 82 avant pâques. Il avait fait réparer le toit de sa
riani ciiron fol. Cathédrale. Unc lettre d'Alexandre III est adressée à cet
83-85. - Mart évêquo d'Auxerre et à celui de Troyes : il y esl question de
III, p" i38i 1 élection d'un abbé. Mais Guillaume écrivit lui-même au
138». pape Alexandre en faveur de Thomas Becket, et c'est à
inier ep. Th causG de celle lettre, qui n'a d'ailleurs rien de remarquable,
cp. 8!;, p. (i07 1"^ nous faisons ici mention de Guillaume de loucy ou de
«08. Narbonne.
XI. Roger du Pont-l'Evêque, né apparemment dans la
ville de Normandie qui porte ce nom, était archidiacre de
Canlorbéry, lorsqu'en 11J>4 il fut promu à l'archevêché
Angi. sacra, dYorck, qu'il occupa jusqu'à sa mort, c'est-à-dire jusnu'en
I. I, p. 8, 9, /j-isi, selon plusieurs historiens, ou jusqu'au vingt novembre
72 ICI 309- ' r ' j T o
i. Il, p. iv, '^82, selon la chronique de Robert Dumont. Ce prélat nous
«90, 692. - fournirait aisément la matière d'un long article; car il a élé
mi*" -^"s T" '^*^' '' ** ^^^'■•^ '^^''•'■' au Court Mantel, il a pris part dura ni
coDC. «ngl. (. Il,
lil IIB— '' ^'^ Racrinte igitvr cl fer leclorem prasenlium nMs valram volmmiaUm
' notifieatt; valcte.
AUTRURS DE l.inTllES ri7
plus de trente ans à de grandes affaires politiques et ecclé- xir siècle.
siastiques ; et comme i! s'est vivement déclaré contre saint Cuiii. N^brig.
Thomas Becket, il est fort mal noté dans les écrits de plu- •'«'■• ""g'- •''•• '»
j . 1 •. 1- j j =■ 32 ; lib. III,
sieurs auteurs contemporams dont il y aurqit lieu de dis- ^ 5 _ r^g„i„r
cuter les témoignages. Mais ces détails appartiennent à l'his- Magd. cent, xii,
loire ecclésiastique de la Grande-Bretagne, et nous n'aurions "• 1^\ P' , *"'?•
^ , Rob. de M.
qu un bien faible prétexte de les transporter dans 1 histoire gnn . 1182, p.
littéraire de la France 11 est vrai que les ennemis mêmes de *"'6< '" appcnd.
l'archevêque d'Yorck conviennent qu'il était éloquent et y ' xhom«
savant. Fleury le répète après eux : mais il ne subsiste de Caniuar . cpUt .
Roger aucun écrit étranger à laffaire de Becket, sinon une i'|'7^". "îf^ ly'
lettre assez insignifiante, adressée à Hugues, évoque de Du- ep ^1. a, 16-,
rham, et que le jésuite Alfnnl a insérée, sous l'année 1172, ''i*' Y' *''■ ^^'
dans ses annales ecclésiasli(|ues des Bretons, Saxons et An- ' hisi ecdé».
glais. Il y est parlé des droits du siège d'Yorck, droits dont l'v. lxxiii, n.
Roger se montra toujours fort j;iloux. Dans un concile de
Londres, tenu en I17(>, il disputa la préséance à Richard,
archevêque de Cantnrbéry : ce fut le signal d'une scène indé-
cente qui l(>rniina le synode, et que David Hume a rap- iiisi. dAngl.
portée, pour montrer, dit-il, quel était le génie du siècle *'" '^"
et à quelles extrémités se portaient les évêques eux-mêmes.
Les deux métropolitains se plaignirent, à la cour de Rome, qui,
selon Rapin Thoyras, sut faire tourner cette querelle à son pro- iii,t dAngl.
pre avantage. '• "' i' ''^O-
XII. Richard, cet archevêque de Canlorbéry, antagoniste
de Roger, archevêque d'Yorck, avait été moine bénédictin. "«■•pjfeid. il.
'-' ' eccles. aiigl. p.
11 était prieur à Douvres en 1173, au moment de son élection 337, 338, 33'j.
au siège de Cantorbéry. Son installation ayant été empêchée
par le fils du roi, il se réfugia auprès du pape Alexandre III,
qui le sacra lui-même à Anagni. En 1175, Richard remplis- ^"" '*'«"'"'•
sait en Angleterre ses fonctions archiépiscopales et celles de m ^ ,
légat du Saint-Siège - il présidait au concile de Westminster,
où Roger, archevêque d'Yorck, ne voulut pas se rendre,
aimant mieux protester contre les décrets értianés de cette
assemblée, spécialement en ce qui concernait les droits ou
les prétentions de son église. Nouveaux débals entre les deux
archevêques en 1176, au concile de Londres: nous venons
d'en parler à l'article de Roger. Richard mourut d'une coli-
que, au château de Halinges près de Rochesler, le 17 février
1184, selon notre manière actuelle de compter. Il était, dit- P»gi, td tnn.
. . 1184
on, d'un savoir médiocre et d'une innocence louable : Medio-
criter litteratus, laudabiliter innoxius- On compte au nombre ^^ jl|| ^ g*" '"
Tome XIV. I i i i ■ • ■ •
G1H AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, de ses écrits, des canons qui occupent trois pages dans la
Concii. angi colIection de Spelnian, et qui concernent les devoirs des
i II, p. \0ô — ecclésiastiques. Bailey lui attribue , outre plusieurs lettres,
Script. Angi. un livrc contre ses ennemis, contra suos perlurbatores ; ce
cent. 3, c. 21. livre ne se retrouve plus ; mais sept lettres de Richard ont
éié publiées. Deux sont adressées aux cisterciens : l'une, écrite
aussitôt après son élection, exprime les senlimens d'amitié
M:iiiiiqiic, nd i|u'il lour conscrvc ; l'aiilro, beaucoup plus longue et com-
ann. il7i>, cl. |),,^,5g ^;,j 1)79^ est unc vivc cxliorlaliou à payer exactement
les dîmes, avec menace d excommunication, s ils persistent
à s'en [)rél(-ndre exempts. Deux autres Icllrcs de Ricliard
Chroiiic. in .s'adressciit à (les évêqiics d'Angleterre ; Nicoia.s Triveth Irans-
Spicii. Dociicry. ^^jj |g première et la rapporte à l'année 1176 : on y voit que
i VIII, p. 47.1, ,, ' , , . . , . , ,, •
47^/^7,:; I usage selait introduit de ne punir que par 1 excommunica-
tion l'as.sassin d'un évèqiie, d'un prêtre ou d'un clerc ; Richard
se récrie contre cette jurisprudence. Dans l'autre lettre aux
j)rélats. ses confrères, il se plaint de l'extrrme facilité avec
Iai|uelle ils admellcnt à l'exercice des fonctions é[)iscopales
des évê<pu's étrangers dont l'ordination est incertaine. Il existe
aussi deux Ici lies du même prélat au pape Alexandre ; il s'agit
dans l'une de l'abbé de Malmesbury, (|ui prétend se sous-
Iraire à la juridiction épiscopale ; Richard se plaint en général,
de toutes les immunités de ce genre que les abbayes obtien-
nent ou s'arrogent. Dans l'autre lettre au pape, il excuse par
des exemples, tirés de l'ancien testament, les évêques qui
fréquentent la cour. La septième lettre de Richard est une
remontrance au prince Henri , depuis Henri III, qui alors
faisait la guerre à son |)ère Henri II : il va être excommunié
s'il ne rentre au plutôt dans le devoir. Ces épîtres de Richard
Episi. il. ;j3, se trouvent parmi celles de F'ierre de Rlois , qui lui en a
68,73,82, 8t. / •. . ■ ! • .... i r ■■ , V ^
Ep. y, îi2, 107. ^^''^^ trois, et qui a été son chancelier. Il nous reste a dire
pourquoi nous avons parlé ici d'un primat d'Angleterre :
c'est qu'il était normand de naissance, et avait étudié à
Dniioni.iy , Paris
1. Il, "p 3118.'* XIII. Etienne de Baiigr, ainsi nommé, peut-être, à cause
du lieu de sa naissance, fut d'abord archidiacre de l'église de
MAcon, puis évê(]ue de celte même église, vers l'an 11C7,
et mourut le onzième jour avant les calendes de décem-
bre ; on ne sait pas bien en quelle année ; mais il avait un
successeur en 1I8C. Nous faisons ici mention d'Etienne de
Haugé, parce qu'il écrivit à Louis le-Jeune une lettre qu'on
peut lin; dans Guichenon et dans Duchesne : elle contient des
G
ail
Cl.ri-I
nov .
l
IV. ,,
1(175,
1(1'
U
II
de
ItlfSSC
AUTEURS DE LETTRES. 011)
plaintes contre le comte Girard de Vienne , qui nuisait à le- xn siècle.
glise de Mâcon. Le roi réprima les attentats du comte , par I'J'''- '. p i»,
un diplôme daté de Vezelai , l'an 1172, et transcrit dans le *'*'
nouveau Gallia christiana- rmnc. i. iv, ù.
XIV. Guillaume Pas sava7tt, né à Saintes, d'archidiacre de ♦*^'-
Reims, devint en 1143 évêque du Mans II est fort loué dans ,. iv*^""; 1073''
uneépîtrede S. Bernard au pape Eugène III. Une très-courte Kf.isi. -hh.
lettre d'Alexandre 111 est adressée au même Guillaume dont "'""■ *'"?'■
la vie, fort édilianle, peut se lire au chapitre Irenie-huilième 731), 740 ' -
des actes des évoques du Mans, insérés dans les analecles de "'''^- ''^'^ '""■ <*<=
Mabillon. 8^^ '• ^^' l'-
on connaît une charte de Guillaume, datée de 1 147, et par Anai. p. 327
laquelle il permet aux religieux de Marmoutiers d'accepter le ~ ''■" '''^ '''''"•
j 1 r ■ 1 ■ 1 II • 11 iii-fnl.
don qui leur est tait par les ermites de rontainc-Geliart, Du- Thiumuic par
ranl quarante-deux ans d'cpiscopat, Guillaume a fort enri- " Mut p:irmi
chi la bibliothèque de son église : le décret de Gratien est cité '" '"^" ''*' *""'!■
' '-' iir.iiiii^fi Ile do
parmi les livres qu il y rassembla. Il était lui-même auteur de Muimomiers
quelques écrits qui nous sont inconnus, à 1 exception de cin(| épi-
tres et de huit vt-rs, rapportés au chapitre trenle-hiiitièau! des
actes des évoques du Mans Les quatre premiers se lisaient sur
un tissu d'or et de pierres précieuses, donné par lui à l'église
de S. Julien et destiné à être vendu , en cas de famine, pour
subvenir à la nourriture des pauvres :
Gemma ni/ens, aurnm. rntihnisjnnijunlnr, ut ex hig
Arlesimid iunctin. noùde nurgut opus.
Nobilim qnœciunqnc lamen (li^junda/iitiira,
Vendila cumfiterin/, pauperibusqne data.
La croix de Jésus-Christ est le sujet de deux autres vers de
Guillaume Passavant .
Sub cruccqni traiisls, aevotd mente rétracta,
Quoi t/bt vila datur, C/irkti cruce morte subacfd.
EnBn ce prélat avait un goût si décidé pour la poésie , que
durant son agonie, il fit les deux vers suivants ;
Nec defunclwi /iabef,nec qui loca mutât , amicos.
Omii'ia iunt hominum tenui pnidentia ( pendentia ) filo.
Duchesne a publié deux lettres de Guillaume Passavant à t. iv, p. 6^8,
Louis Vil, qui n'ont pour objet que des contestations parti- "^"•
culières ; dans la seconde, le prince est remercié de ce qu'il ^^ /J^^\ xv'^ù
a bien voulu écrire au pape en faveur de l'église du Mans, Cii2, 695,
Iiii2
620 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE, lourmentée parGuillaunaeGoeti, pour lequel Louis VII s'était d'a-
~~ ~~ bord déclaré.
Un différend s'était élevé entre les moines de la Roche-Beau-
court et les ecclésiastiques de Périgueux. Chargé par Adrien IV
dexaminer et de juger celle affaire, Guillaume Passavant
prononça en faveur des moines, et leur adjugea l'église dont on
leur disputait la possession. C'est le sujet d'une lettre ou [jIuIôI
d'une charte adressée à Hélie, prieur de la Roche-Beaucourt ,
datée de 1159, et d'une épître du même évêque au pape
Adrien IV. Ces deux pièces ont été mises au jour par M. Brial.
Elles sont tirées d'un recueil manuscrit de Baluze , où l'on
trouve aussi une lettre de Guillaume Passavant et de i'évêque
d'Avranches au souverain ponlife , sur une contestation dont
il leur avait conlié l'examen : les parties étaient Arnould
évêque de Lizieux , et son trésorier Silveslre : celui-ci renonça
pour toujours à ses prétentions, aimant mieux conserver les
bonnes grâces de son prélat. « Maluit enim in gratiam domini
sut teneri quam uliquam in poslerum contra eum conlrover-
siani retinere. »
p.pchr. chr Guillaume Passavant mourut le '27 janvier H 80.
ml'nn"''" n ^^Ti X\ . Pierre Monoculc [\] naquit au château de Marlac, près
.pud Boii. 19 de Cluni, au sem d'une famille noble, alliée, dil-on, à celle
jun. p. 868. jgg ^Qjg Je France : mais cette parente n'est point assez
éclaircie. 11 n'est pas non plus Irès-conslant que Pierre fût le
Hist. rcT'cTrd'. frère de Henri, Cardinal-évéquc d'Albano. Il est surnommé
fr»nr. I. I, p. Monoculo , papco qu'il était hor%\\Q , Monocvlus ob infîrmita-
'î"- tem ; ce n'est point là un nom de famille, quoique Duchesne
lerb. d*aV. A\li Ic prenne pour tel. Pierre embrassa la profession monastique
6, lib. Il, in Bibi. dans l'abbaye d'Igny, dont il devint prieur. On le fit, malgré
cisterc. i. Il, p. Il jjjj^ Je Vairoi, puis d'Ignv, enfin de Clairvaux et non
17(1. o j >
Hist. des c»rd. dc Cluni, comme Labbe l'écrit par inadvertance. Quelques
fr.nc i6.d. monumens attestent qu'il était à Vairoi en 1164, à Igny
• "'' B^Wioih. ^^ 1169, et il ne paraît point qu'il ait abdiqué cette seconde
norx
libror. ms
(!) S. Antonin. liist. t. II. p. 17, 37, 1:5. — C<:ntiir Magdeb. cent. XII,
c. 10, p. 1633. — tiall. Christ, nova, t. IV, p. 803. — Pétri monoculi viU
à Th. Kodelio, apuil Henriq. in fascicuîo SS. ord. S. Ben. t. II, dist. 22.
— DeVisch, Bibl. Cisterc. p. 270, 312. — Kob. Alti's. in chronico. —
MiiKus, in Chron. cisterc. p. 181, 182. — Maniif). ann. 1144, 1157,
1179, 1180, 1182, 1183, 1185, 1186. — Exord. cistei-c. dist. 2, c. 31.
32. In Bibl. pp cisterc. t. I, p. 76 et seqq. 170, 190. — Heltoand, ibid.
t. Vil, p. 200-203.
AUTEURS DE LETTRES. 62i
abbaye en H 71 ; car il était encore à Igny en 1179, lors- xii siècle.
qu'on l'élut abbé de Clairvaux. Il voulut, sans nul doute , chron. ciar.
renoncer à toute dignité, son humilité fut profonde, il peut *""• ^''^' p*
même avoir refusé l'évéché de Toulouse ; mais on ne lui j^„„ eist. «nn'
permit jamais do renoncer à la dignité abbatiale ; le roi de 1179, c i, n. 7.
France, auquel il communiqua ce projet de démission, n'y
consentit point. Tout ce que Pierre put obtenir ce fut de se
décharger des soins temporels sur le cellérier et sur les
autres officiers du couvent. Il garda l'autorité spirituelle,
et il l'exerça non-seulement à Clairvaux, mais aussi dans les
monastères qui dépendaient de celte abbaye ; il fit en 1180,
1183, même encore en 1186, des tournées en France et en
Allemagne. Il voyagea en Italie par ordre du pape Lucius,
qui désirait ardemment de connaître un si vénérable abbé.
Ce voyage est de l'année 1185, époque ou la discorde écla-
tait dans l'ordre de Grammont : Pierre était l'un des commis-
saires chargés par le pape d'y rétablir l'harmonie; mais Pierre
mourut le 28 septembre 1186, dans le monastère de Foigny, Rob s. Ma-
qu'il visitait. Son corps fut rapporté et inhumé à Clairvaux ; '""" ^'""''" f"'-
des inscriptions en prose et en vers couvraient sa tombe : on
y lisait, par exemple :
88.
Petrua lux leijig, paslor ijregis Igniacensvs,
Ilic fuit, et merild, sanctus et almiis homo.
Octaviis pa-stor clartevaUis qiiogue reclor
Hic fuit annis xe.x, pos!eà mortiius cit. ,, _
•^ ' lienr. Fascic.
dist. ii. c. 9,
Pierre a fait des miracles, le Ménologe de Cîteaux le place p-2s>-
au nombre des saints : mais il ne nous appartient de parler "*"■"■ ""'""'"
que de ses productions littéraires. Or, elles se réduisent à Miscd. Cisierc.
seize épîtres imprimées dans la bibliothèque des pères de Cî- '' '^^''•.
teaux et en d'autres collections La première, adressée au pape en. \."'m,%.
Alexandre III, invoque la protection pontificale contre ceux 264-270.
qui oppriment les moines, les dépouillent ou leur suscitent
d'injustes procès. Par la seconde lettre, le même pape est
remercié d'un service qu'il a rendu à l'abbaye de Balerne.
La troisième est écrite au chancelier de l'église romaine, pour
lui recommander l'évoque d'Aulun, dont une ordonnance
avait excité de vives réclamations. Dans la quatrième épîlre,
l'évoque de Mayence est félicité de sa réintégration el de la
fermeté avec laquelle il a supporté beaucoup d'outrages : cet
évoque de Mayence est apparemment Conrad de Boche, qui
mourat en 1183, mais que l'on trouvera pea digne de tant
622 AUTEURS DE LETTRES
XH SIECLE, d'éloges, si l'on consuUe, sur ce qui le concerne, les auteurs
du nouveau Gallia christiana. Les quatre lettres suivantes
sont relatives à des affaires particulières du plus faible inté-
rêt, ou contiennent des conseils ascétiques extrêmement
communs On voit par la neuvième, que le roi d'Angleterre
était indisposé contre Pierre iMonocule , qui avait mis en
pénitence un moine protégé par ce prince ; l'abbé écrit à
ï'évêque de Winchester et le prie d'appaiser le monarque.
La dixième est adressée à l'abbé du Val, à qui Pierre avait
prêté deux livres : on a rendu le premier, mais gâté, mouillé
et mutilé : Pierre redemande le second, et veut qu'on le res-
titue en bon état : cette lettre , fort détaillée, atteste le prix
qu'on attachait aux livres. La onzième et la douzième sont
des réponses à la reine Tarasie, princesse d'une piété exem-
„ . nlaire, et au roi de Portugal, insigne bienfaiteur de l'ordre
Uiichcsnc , I * xj '^ ^j
t. IV. p «0. - de Cîteaux. Nous ne disons rien de trois autres lettres, qui
Mabiii Mot in j,q concernent que de très-peliles affaires: mais celle qui
op. 41!) s. «ern. . . i - i - • r m
les suit, et qui est adressée aux cardinaux-eviqiies d Albano
et de Palestrine, montre avec quelle légèreté on jetait des
interdits généraux sur les villes et sur les bourgs, pour des
intérêts purement temporels. Il faut observer que dans la
bibliolhc(|ue des pères de Cîteaux, le nombre des lettres de
Pierre Monocule est de dix-neuf, parce que l'éditeur y a com-
pris trois lettres écrites au nom de la communauté de Clair-
vaux. Pierre a bien pu rédiger celle (jui sadresse à un archi-
diacre nommé Cadorus, et (jiii lui ru{)pelK^ la promesse (juil
a faite de visiter cette abbaye : mais les deux autres ont eu
certainement un autre rédacteur, puisqu'elles sont d'un temps
oii Pierre était encore abbé d'Igny. En effet, dans ces deux
lettres, les religieux de Clairvaux font un magnifique éloge
de leur abbé, ils gémissent de ce qu'on vient de l'élire évêque
de Toulouse, et supplient Alexandre III et Louis VU de ne
point consentir à cette élection Si l'abbé dont il s'agit est
Pierre lui-même, il est évident qu'il n'a point composé une
épître oii il est si pompeusement loué. S'il s'agit au contraire du
prédécesseur de Pierre à Clairvaux , c'est-à-dire de Henri,
qui depuis fut cardinal, lélection à l'évêché de Toulouse ,
contre laquelle les religieux réclament ici, devra se rapporter
à Tanné 1178, lorsque Pierre n'était point encore leur abbé.
Dire qu'ils sont allés le trouver à Igny, pour le prier d'être
leur secrétaire, ce serait supposer que personne, dans leur
communauté populeuse , n était capable de rédiger deux
AUTEURS DE LETTRES. 023
courtes suppliques. Concluons qu'il ne resle que seize épîlres de xri siècle.
Pierre Monocule, ou au plus dix-sept ; il en a sans doute écrit
bien d autres, mais il n'en subsiste rien, non plus que des ser-
mons qu'il' a du prêcher à ses moines.
XVI. Adelbcrl de Toufnel, issu dune ancienne famille du
Gévaudan, est surnommé quelquefois le Vénérable, à cause de
ses vertus; quelquefois de Capione, parce qu'il possédait un
château de ce nom Dabord chanoine régulier, puis prévôt de
régli.sc de Mende, il en devint évOqiie en 1 1 -il . 11 fit un voyage |,.^| ^J" ^ '
à Rome, sous le pontificat d'Eugène III, qui l'avait chargé de i ii, p -jst,
terminer un démêlé entre lévêque du Puy el le vicomte de *****
Polignac. Adciberl est le premier évêque de Mende qui ait re- ^ ,, ^^ .
^ I ^■''" Christ.
connu que son évêché relevait de la couronne. Duchesne a publié p^v. t. i, p. 9o,
quatre lettres de ce prélat au roi Louis-le- Jeune. Dans la pre- ^dJ'i- p 24.
mière, lévêque accuse son propre frère, qui a pris les armes fra,,, "^T'iv "V
contre lui, et ravagé ses ilomaines ; bAlard ingrat dont les excès 6:ii. 650, 67o,
doivent être réprimés par l'auloiilc royale. La seconde épître *******
concerne quelques abus dans la distribution des bénéfices ; et la
troisième, le démêlé dont le pape l'avait établi juge. La
quatrième est la plus courte : c'est un remercîment au prince qui
veut bien se souvenir de son serviteur, habitant au milieu
des neiges. Cependant le frère d'Adclbert parvint à s'emparer
du château de Capion et du prélat lui-même qu'il emprisonna.
Adelbert mourut captif, sans doute en 1 1 87. Car son successeur,
en datant de 1207 l'une de ses chartes, ajoute, vingtième
année de notre épiscopat. On attribue à cet évêque de Mende
un écrit de l'invention el de la translation des reliques de
saint Privai : mais cette pièce est restée manuscrite entre
les mains des bollandisles, qui n'ont pas jugé à propos de
la publier. Aol. Sanclor.
Il ne faut pas confondre cet évêque de Mende avec un ''^' ""*' ^ *^'^'
évêque de Nîmes, son contemporain, qui portail à-peu-près "
le même nom. C'est lévêque de Nîmes Audebert, Aldeberl
ou Adalbert, qui écrit à Louis VII la lettre que Duchesne a
publiée sous le n" 304 : elle contient des plaintes contre le Soiipi. hisi.
comte de Molgueil, que le pape avait excommunié : Audebert ^!^^'^' ' '^'' '*'
voudrait que le roi engageât le souverain pontife à étendre
cette excommunication sur tous les domaines du comte. Sacré
à Rome, par Innocent II, en 1141, Audebert était encore
évêque de Nîmes en 1 180 : il ne l'était plus en 1 183. On trouve
dans le nouveau Gallia christiana , la notice des privilèges
qu'il a obtenus et des chartes qu'il a souscrites ; et dans les *i2, i«.''
G24 AUTEURS DE LETTRES.
XII SIECLE. Annales de Mabillon, le récit d'un démêlé qu'il eut en 1 1 49 avec
Liv. LXXix, Jourdain, abbé de la Chaise-Dieu, au sujet du prieuré de Saint-
n. 69, 70 Baudile, situé non loin des murs de Nîmes.
XVli. Roland d'Avranches n'est point assez connu, s'il en
jiist. des Card. fayi croire François Duchesne, qui se plaint de ne pas trouver
\lTe\ 180 *" dans les auteurs contemporains de ce prélat, assez de rensei-
gnemens sur sa personne François Duchesne sait néanmoins que
Roland fut doyen de l'église d Avranches, qu'il devint en 1177
ad anii. 1177, archevêqup de Dol, en Bretagne, puis légal de Lucius III, en
III api-ciiii. op. Ecosse, cardinal en 1l8i; deux ans après, légal d'Urbain III,
Cini.ciii, |i 9' en Lombardic; qu'enfin il mourut la veille de l'élection du pape
Clément III, c'est-à-dire le 5 janvier 1188. On a conservé
deux lettres de ce prélat, l'une au pape Lucius III, l'autre
f ,. , à Conrad, abbé de Tegernse. La première est écrite en com-
Hisi. des Casd. muu par Roland et par Silvain, abbé de Rieval : ils rendent
liane i. II. y. pomple d'une contestation fort peu importante dont il paraît que
Knson, Caii. '^ papc Icur avait ordonné de prendre connaissance L'abbé
Futpur p iw. auquel la seconde lettre est adressée est prié de conférer un
i V ? 37" '^' bénéfice à un ecclésiasli(iue dont le nom n'esi désigné que par
l'initiale E.
XVIII. Ponce, gentilhomme auvergnat (1), avait gouverné
durant cinq ans l'abbaye de Grandselve, lorsqu'en 1165 il fut
élu abbé de Clairvaux. Il était revêtu de cette .seconde dignité
Mail. Ainpi. quand il écrivit un billet do félicilation à Henri, qui venait
tol1.1i i. Il, p. jgjpg promu à l'archevêché de Reims. Ponce, en 1170, devint
lui-même évêque de Clermont Nous préférons ces dates à
Ann iic«. celles qu établit Manrique, selon leciuel Ponce n'aurait été
fi'lllJHv,
7. 'ii7„ ' ,' nommé abbé de Grandselve quen I Hifi, abbé de Clairvaux
1172, IV, 1, 2; qu'en H08, évêque de Clermont qu'en 1179. Quoi qu'il en
1176, VI. puisse être, tous ceux qui ont parlé de lui s'accordent à cé-
lébrer ses vertus religieuses, et la haute considération dont
il jouissait. Thomas de Cîleaux lui a dédié un commentaire
Wion, liv. I, sur le Cantique des Cantiques. Ponce était estimé du pape
'^- ***■ Alexandre III et de l'empereur Frédéric Barbcrousso; il a "
Mari. Ampi. travaillé à les réconcilier. On a imprimé plusieurs fois sa lettre
coiicci. p. 989. à Maurice, évêque de Paris, et à labbé Etienne, depuis évê-
iiist iiinv.'"'F'a^ ^"6 dc Toumai. Elle a pour objet une question relative à
I. ir, p. 412, l'administration du baptême. On altérait en Auvergne et en
413. — Inlercp.
Sleph. Porna-
censis, etc.
(1) Oall. Christ, nova, t. II, p. 2^1, 272. et t. IV, p. 801. — Heoiiq.
Fascic. lib. II, dist. VI, p. 86-91. — Chron. ClaraT. apud Chifflet, de III.
gen. B«rn. p. 83.
AUTEURS D li LETTRES. (m
d'autres provinces de France, la forme de ce sacrement, en xii siècle
supprimant les paroles ego te baptisa , et en se bornant à
prononcer les mois qui suivent . m nomine patris et filii et
spiritûssancti. Ponce, qui trouve cette pratique fort mauvaise,
pessima consuetudo, demande si le bapt(}me ainsi conféré est
valide, si ceux (jui n'ont été baptisés que de cette manière
doivent l'être une seconde fois, et s'ils peuvent être mariés.
Les deux docîeurs consultés par lévèque de Clermont n'ayant
point été d'un même avis, il s'adressa au pape, qui répondit,
comme avait répondu Maurice, que sans les paroles ego te
baptisa, il n'y avait point de baptême. Ponce vivait encore
en 11 85, en 1 186 ; des chartes nous l'attestent . il y en a même v Caii chrLst.
une de 1188, oii il est nommé comme témoin. Aussi la plu- "«*■• i- "-p- 272.
part des chroniques le font-elles vivre jusqu'au 2 avril 1189.
Nous nous en tiendrons à cette date, quoique les quatre der-
niers vers de son épiiaphe semblent en indiquer une autre
voici ces quatre vers : ^„„ ch„„.
nov. l. Il, p.
Ilic quinio iiimos dormivif pace sacerâos, 272.
Cvm crtix ex Hdenâ hem credilur ense reperta :
Et. prima fend scandenu, vl credimus, outra,
Temj.ore pasc/iali meruit Christ o sociarl.
Auiieudenowas, le poète écrit nanos, afin de rimer avec
sacerdos. Mais il s'agit du 3 mai, jour de l'invention de la
samle croix, cumcrux ex Helenà benè creditur esse reperta ;
et ce jour est une première férié, prima feria, c'esl-à-dire
un dimanche, puisque c'esl au lundi que le nom de seconde
féneapparlient. C'est enfin l'un des dimanches entre Pâque et
^^^{ecàm, temporepaschali. Or, depuis 1185 jusqu'en 1200,
d n'y a que l'année 11 87 qui satisfasse à toutes ces conditions.'
La mort de Ponce serait donc à fixer au 3 mai 11 87, et non
au deux avril 1189, si une épitaphe écrite en vers énigma-
tiques et barbares devait prévaloir sur le témoignage positif et
unanime des chroniques.
XIX. Guy m, évêque de Châlons sur-Marne. II y a eu «n ci.rist.
successivement sur ce siège deux évêqucs du nom de Guy "°''- '• '^' p-
Le premier, élu en 1 163, mourut en cette année même, ou au ^^.j 'pV
commencement de la suivante, la veille du jour où il devait
être sacré. C'est à lui que s'adresse une lettre d'Alexandre III, Aib. .„n ii65
écriieenH63. Ma<^ nous ne parlons ici de ce premier Guy
que pour le distinguer du second. Celui-ci est indiqué par
Albéric, comme successeur immédiat da premier, et comme «««• <•" «>"«.
Totne XIV. K k k k «»e Fr. t. xv.
020 AUTEURS DK LETTRES
XII SIECLE, ayant gouverné durant vingt-huit ans l'église de Châlons-
snr-Marne. Il est désigné par le nom de Guy III, dans le
nouveau Gallia christiana, oii sa mort est fixée au 31 jan-
vier 1180, ou plutôt 1190, selon notre manière actuelle de
compter. Guy III encourut la disgrâce du pape Alexandre,
qui finit par ordonner qu'on le suspendît de ses fonctions
Mari Ampi. épiscopalcs. Nous avons quatre lettres de cet évt^que de Châ-
coUcct I. Il, i^^g toutes quatre adressées au roi Louis-le-Jeune, el pu-
p. IHJ*. . ...
Coiiect. Scr. blices par Duchesne. Dans la première, le prmce est supplie
hist. Gaii. t. IV, (jg n'avoir aucun éeard à un écrit du doyen de l'église de
670 6S0 ' f^li'''fins. vieillard dont la raison s'affaiblit de jour en jour.
La seconde est relative aux démêlés de l'évéque avec le sei-
gneur Gérard, qui avait osé le défier, el auquel toutefois il a
rendu et livré un brigand. La troisième consiste en remer-
cîmens dont l'objet n'est pas bien clairement énoncé. Non-
veaux reinercîmcns dans la quatrième, oïl le monarque est
daiileurs prié d'appaiscr le courroux de l'archevêque de
Reims, Domini mei Remensis. Ces quatre lettres sont fort
courtes, el seraient susceptibles d'un long commentaire que
nous nentreprenons point, car il néclaircirait que des cir-
constances fort indifférentes, si même il réussissait à les
ilémèler en effet. Il paraît que Guy ne manquait point d'en-
nemis; il a essuyé quelques déplaisirs qu'il méritait peut-être.
Hermnnii de Toutefois il est loué dans certaines chroniques, à moins qu'il
""•" "l'and ï '"' '^^'"^ appliquer ces éloges à son prédécesseur Guy II,
î!",5 opcr. Cilib. (jn'.Mbéric pourtant en déclare indigne. Ces deux Guy .sont
— Caiaios. Dn- surnomiiiés tanlùt de Dampierre, tantôt de Joinville Nous
i/»-;. !.. 819 — "■'■oyons que le premier de ces surnoms appartient a Guy II,
ndoiic, obscr- et |(> socond à Guv III, frère de Gaufrid et fils de Roger de
vat. ad ri lus cr- Jovevillâ.
-iis" "12^"' ' -^^^ Jean de Montlaur fut fait évèque de Maguelone en
D. Vaisselle, Mîi8. L'éclat de ses vertus surpas.sail, dit-on, celui de sa
iiisi (le LanR. naissanco illustre. L'article qui le concerne dans le nouveau
i»6 487 *!^8 Gallia cfunstiana, est fort étendu : on y peut lire la notice
— r.;.rici, de de toutes les chartes qu'il a signées, de tous les démêlés dont
Pra-siiiii). ma- jj ,,gj ^Qrù Vainqueur. Il nous suffira de dire ici qu'il obtint
Rolon. el nionsp ; . , . • c i i i ■ J r
P. I, p. 200 — pour son église plusieurs décisions favorables du roi de rrance,
239. -Gaii. tlir. Louis le-Jcune, et du pape Alexandre III ; qu'il se montra fort
752 - -se" ' zèle pour la cause de ce pontife qui, en 1162, fut reçu par
3|)prii,i. p. ^ï;i!) lui à Maguelone, el qui lui adressa cinq épîlres en 1161,
~ ■'*'"• 1 1 67 et 1 1 68 ; que non moins fervent contre les Albigeois,
il assista on 11 66 à l'un des conciles oii ils furent condamnés ;
VIES DE SAINTS. 627
qu'il siégea en H79 au troisième concile de Lalran ; qu'en xii siècle
1182 il fil pour les affaires de I église de Narbonne un second
voyage en Italie, et se rendit à Vellélri auprès du saint-père ;
qu'enfin il' mourut le 24 février 1190, digne de tous les éloges
dont ses contemporains l'ont comblé, et que Gariel et dom
Vaisselte ont recueillis. A l'égard de ses productions litté-
raires, elles consistent en deux billets adressés en 1163 à
Louis VII. Par le premier, le prince est remercié du bon uuchcsnc
accueil qu'il a fait aux envoyés de l'évêque, et prié de Iraitei
avec la même bonté les nouveaux messagers qu'on lui dé- \^■^[ ,';(j;
pêche. La seconde épître n'est pas plus longue; elle est un
peu moins charitable : car cesl une dénonciation très-acerbe
contre Bérenger Du Puy Sorgier. A ces deux billets nous
pourrions joindre un statut par lequel Jean de Monllaur
défend, en 1169, de recevoir des chanoines étrangers dans ,,. 561.
la communauté de Maguelone ; et une lettre ou charte dans
laquelle il recommande à la charité des fidèles le nommé
Bernard, qu'il vient de mettre en pénilence pour d'énormes
péchés. D.
Sii'. Ih>1. fraii-
IV, |.
r.M. Clnisl.
VIES DE SAINTS,
Par des Anonymes.
1176-1190.
I. "■T'E de saint Désiré, archevêque de Bourges. Elle se lit
■ dans le recueil des boilandisles au 8 mai ; et à l'exception 8 mai, p. 3113
des seuls noms propres, elle n'est qu'une copie litlérale de " '*'^-
l'une des vies de saint Ouen, insérées dans la même colleclion,
au 24 août. Cette identité observée par le P. Le (voinle, n'est 24 au-
remarquable que parce qu'elle est toul-à-fait complète : car 810-8I8.
on ne manque point d'exemples d'une même légende adaptée •^"" "■''
à deux bienheureux avec un certain nombre de variantes. Il
paraît qu'on avait besoin d'une vie de saint Désiré, qu'on en
était fort pressé, et qu'on ne trouva rien de plus court que
Kkkk2
<i9.
70.
628 VIES DE SAINTS.
XII SIECLE, (le lui appliquer celle de saint Ouen, son contemporain L'au-
ÛiiIh, Bibi li^ur di\ Patriarchiwn Bituricense, histoire des archevêques de
Hourges, y a inséré cette prétendue vie de saint Désiré, en
i. I,
l'attribuant à un abbé du monastère de Bœuf ou Beuil, au dio-
T II, p C3I, ^^g^ j^ Lanières. Or, le nouveau Gallia christiana nous fait
connaître quatre abbés du Bœuf ou Beud au douzième siècle.
1" Etienne; 2° Bernard jusqu'en llol; 3" Rainald, en 1160;
4° Jean qui vivait encore en 1191 . L'un des doux derniers pour-
rait être l'auteur ou plutôt le plagiaire en question.
ReU. li jiii. II. Vie de saint Basin. Ce samt vivait au milieu du septième
p. 69:)-702. siècle ; mais lauleur de sa vie n'écrivait qu'après 1137, époque
d'un fait dont il parle, savoir de l'introduction des prémonlrés
dans le monastère de Drongcn, qu'on venait de rétablir près de
la vilJe de Gand. Cet écrit de deux pages est un tissu d'anachro-
nisnies, de solécismes el de miracles. Les boUandistes n'en par-
lent qu'avec un profond mépris.
Boii. il mai, i||. j)eux légendes de suint Domitieu, évèquc de Maestrichl.
p. iiii-182. C'est un saint du sixième siècle, mort vers 560 Mais les deux
légendaires ne nous parlent guères que de la translation de
SCS reliques faite en 1172, suivant lun, en 1173 suivant l'autre.
On voit qu'ils ne se sont point concertés, et ils racontent
pourtant à-peu-près les mêmes prodiges; le premier plus
brièvement, le second en plus de paroles, et en mêlant à sa
prose quelques vers rimes comme elle. Ils connaissent fort peu
les circonstances de la vie de saint Domitien , plus ancien
qu'eux de six siècles ; quand les miracles leur manquent, ils
sont réduits à remplir par des amplitications les lacunes de leurs
récits,
r.aii CHiisi IV. Le bienheureux Roland, abbé de Chéri, Caherium,
i„u i.x, !'■>(''•' Cheriacum, est mort après le milieu du douzième siècle : car
ce monastère n'a été fondé qu'en 113.') selon l'ancien Gallia
T. IV, p i'M christiana, qui le place au diocèse de Reims, ou môme qu'en
1 1 10, selon Manrique, qui le fait dépendre du diocèse de
Laon, auquel véritablement il appartenait. Philippe Seguin,
BiM. cisi 11. jjj, Visch, et Manrique, disent qu'un moine de Chéri avait
ciu oi composé une vie de Roland, ils font même 1 éloge du style de
onn. iiio. 11 c^.( anonyme, mais sans indiquer le lieu oîi se conserve son
-in ^ ' ' ' ouvrage qui est reslé manuscrit Les bollandisles qui parlent
p. 8. de Roland parmi les saints omis au 16 janvier, avouent que
ce bienheureux ne leur est pas fort connu, et renvoient au
ménologe de Cîleaux, qui ne dit pas même que sa vie ail été
écrite.
23r.
Ann
VIES DE SAINTS. 629
V. Vie de saint Frambalde ou Frambourg. C'était un religieux ^n siècle.
qui vivait dans le Maine du temps de saint Innocent, évêque du Labbe, Bibi.
Mans, c'esl-à-dire vers le milieu du sixième siècle. Sa léirende "'■ "'"'• '•„'!;
est fort courte et parait provenir de quelque bréviaire. Nous la le aug. p. 300
supposons écrite en même-temps que la relation dont elle est ~'°^
suivie, et qui concerne les découvertes des reliques du saint ^pi. ?."n, p^.îia.'
personnage. Le corps de Frambourg avait été transféré du Maine
à Senlis, par des fidèles quépouvantaienl, au dixième siècle, les
ravages des Normands Depuis, Adélaïde, épouse de Hugues
Capel, avait fondé, sous l'invocation de ce saint, une collégiale
qui a subsisté à Senlis tant qu'il y a eu des collégiales en France.
Mais l'église bâtie par les soins d'Adélaïde, tombait, dit-on,
en ruines dès 1177 ; et le projet d'en construire une nouvelle
amena Louis \\[ à Senlis, où se rendirent plusieurs prélats.
Or, ce fut en leur présence et sous les yeux du souverain qu'on
eut le bonheur de retrouver le corps de saint Frambourg, ou
Frambalde.
VI. Vie de saint Bénezet, fondateur du pont d'Avignon.
Bénezet est en langage avignonais la traduction de Benedictus,
et c'est du nom de Benedictus que le saint est appelé dans
cette légende latine. Elle est moins une vie de Bénezet qu'une
histoire du pont qu'il fil construire. Ce pont fut commencé en
1177, et il paraît que celle légende fut rédigée en 1178 ou
1179, avant la mort du fondateur, et lorsqu'il continuait d'o-
pérer des miracles à l'appui des quêles qui se faisaient pour
subvenir aux frais de l'entreprise. La légende elle-même,
lue dans les églises, a contribué à prolonger les receltes Le
pont d'Avignon a été le sujet de quelques autres ouvrages ;
par exemple de celui que Théophile Raynauld a publié sous
le titre de sanctus Joannes Benedictus pastor et pontifex, titre Thcoph. Ray-
où le mot pontifex est pris dans son sens immédiat faiseur "'''^' "p*"» ••
de pont. Mais on ne sait où Raynauld a trouvé le prénom Jg"' ^' '^^ ~
Jean Johannes, qu'il donne à Bénezet, et c'est une des fautes
que lui reprochent les bollandisles. Nous avons en français
trois histoires de saint Bénezet; la première par un céleslin,
Etienne Seysîre, qui prend le nom de Despréaux de B. A ; la
seconde par d'Isambec, anagramme du véritable nom de l'au- i67s, itT7%
leur, de Cambis ; là troisième par Pierre du Haitze. auquel il Avignon,
a plu aussi de se déguiser sous le nom de Magne Agricole. *^^^' '".~*^-
Le P. Le Long cherche en vain des motifs à ces trois déguise- in-i6. '^'
mens : les trois ouvrages français n'ont d'autre fonds que la B'"»'- •>'"• ^^
légende latine et quelques pièces accessoires; il n'y avait là édjt''7"r'b°278'
630 VIES DK SAINTS
XII SIECLE, ni de quoi se cacher ni de quoi se montrer. Les accessoires
11. i336, 4357, dont nous venons de parler sont des leçons qui, après la
^^■'^- canonisation de Bénezel, ont fait partie de l'office de sa
2SS-289!'" '' f'^l6- Les bollandistes les ont ajoutées à la légende du pont
d'Avignon.
Vil. Vie du bienheureux Bertrand, abbé de Grand-Selve, par
un religieux du même monastère. Celle vie, restée manuscrite,
n'est connue que par la mention qu'en fait de Viscli dans sa
p. i29. Bibliothèque Cistercienne. Elle n'est citée ni par Manrique ni par
Cisi. ^" va^" Vaisselte, qui tous deux néanmoins parient de l'abbé Bertrand.
hist. de Long. H paraît que ce bienheureux s'appelait aussi Bernard, et qu'il
'■■ '^ vivait encore en 1147 Nous supposons que I histoire de sa vie
a été rédigée vers 1 1 80.
VIII. Vie du bienheureux Ponce, de Balmey, évêque de
Bclley, publiée par Guichenou, parmi les preuves de l'His-
**■ ^~*'' toire du Bugey. l'once doit élre compris, non-seulement dans
la liste des bienheureux, mais aussi dans celle des auteurs
du douzième siècle, puisque, selon la légende que nous indi-
quons ici, il avait composé des traités que l'on conservait
dans le trésor de son église cathédrale. Ils étaient intitulés :
De œlernilale et de vitandis schismaticis ; de pace conciliandà
et de contemptu vanitatis sœcidi. Ce saint évoque mourut
le 13 décembre 1140: Jean, prévôt de la même église, pro-
nonça son éloge et célébra ses miracles ; mais ce panégyrique
ne subsiste plus et ne nous est connu que par la mention
qu'en fait lauteur de la légende mise au jour par Guichenon.
Nous avons lieu de croire que celte légende elle-même n'a
été composée qu'environ quarante ans plus lard; car il y
est parlé de saint Nanlhelme, en des termes qui semblent
suppo.ser que ce prélat, l'un des successeurs de Ponce, était
déjà décédé. Or Nanlhelme, dont nous parlerons toul-à-
l'heure, vécut jusqu'en 117S. Le légendaire du bienheureux
l'once s'annonce comme un chartreux de Meyria, dans le
Bugey.
«aiiand. 2(i IX. Vic de suint Antelme, évêque de Belley. Antelme ou
jun. p. 226 - Anselme , ou Nanlhelme, ou Ancelin, était, comme nous la-
^"'^' vous du, moine de la chartreuse des Portes, lorsqu'il con-
tribua particulièremcnl à faire reconnaître Alexandre III
pour pape légitime par les chartreux. Il eul pour compéti-
teur, au siège épiscopal de Belley, un chanoine de celle ville
nommé Sigibode, rusé personnage sur lequel pourtant il
l'emporta. La vie de sainl Anlhelme esl d'ailleurs fort éditiante,
V I K s n E s A I N T s . 631
el riche en miracles : elle est terrainéeel résumée par l'épitaphe xii siècle
en vers que voici :
Hic locus es/nrcius quo sunt ontistitis arUit
Anthelwi, cujiislau>< est (tdli décor hvjus.
Ihmc posf claustralemvitiim, Carinsia falem
Ex//iJivit mundii atque dto, quod peclore tnundo
Bel/ici (lielley) /VeiJ, siimvii luHramine F/iœli,
sa tiatvs inpatrefii, cui w dédit in quasi matrem.
Officiiim. Mart/ice jnngenx cum. yiiiritiis arte
Docirinâ paiit, vildfurii. prece lavit .
Innumcris signis fnlgel pivs hic Jide difinis
In quibui ipue jidn.t . ro'/o, pras^d, "is miki .tir/us
Per mvndi icnebrat, vifiorum pelle saifebras :
Te duce, poH cvrgt(m,ferar h inc ad sidéra suisùm. Ameti.
Anselme est mort le 26 juin 1178, et sa vie a été écrite
vers 1180, par un de ses anciens confrères, à la chartreuse
des Portes. Contubernalis . . . qui ejus contubernio sedificari
meruimus. Cet historien n'a pourtant point vu à Belley les
miracles accomplis au tombeau du saint évéque ; il se plaint
de la négligence des témoins, qui auraient bien dû les écrire, et
de la nécessité où il se voit de se borner à n'en rapporter qu'une
trop faible partie.
X. Vie du bienheureux Pierre, prieur de Jidly, au diocèse
de Langres. Cliifilet a inséré cette légende dans l'ouvrage inti-
tulé : Sancti Bernardi genus illustre assertum. Les jésuites, P. 1:^2-157.
continuateurs de Bollandus, disent, en la réimprimant, qu'elle 2." jun. p. 6O8
n'a été composée qu'au treizième siècle. Ils oublient qu'elle "~ '"^•
se trouve, au rapport de leur confrère Chifflet, dans un re-
cueil que Jean, prieur de Clairvaux, fit écrire vers 1 185. Pierre
de Jully mourut en 1136, mais un passage de sa vie montre
qu'elle n'a été rédigée que lorsque Louis Vil était époux
d'Alix, par conséquent après 1160. Au surplus, l'historien
est fort peu instruit de ce qui concerne le bienheureux qu'il
célèbre. Il se plaint des moines de Molesme, abbaye dont le
monastère dn Jully dépendait. Ces moines, dit-il, auraient pu,
auraient dû remplir plusieurs volumes du récit des actions
et des vertus du prieur Pierre ; ils ont négligé ce devoir pour
s'occuper des affaires temporelles de leur communauté. Réduit
aux mémoires que lui fournissent des religieuses dirigées au-
trefois par le bienheureux, l'anonyme n'a que des miracle.?
el des visions à nous raconter. Mais du moins, il est intimé-
632 VIES DE SAINTS,
xn SIECLE njent convaincu de la vérité de tous ces prodiges ; et il ne doute
pas non plus que le monastère de Jully ne doive son nom à
Jules-César.
XI. Vie de saint Arnould , évêque de Gap- Mabillon l'a
T. IX. p. 237 tjpge j'un manuscrit de l'abbaye de Vendôme, et l'a insérée
■" ■ dans les actes des saints de l'ordre de saint Benoît. Arnould
avait été religieux de cet ordre, et môme de celle abb?ye de
Vendôme , avant d'occuper le siège épiscopal de Gap. Ce
saint prélat est mort en 1070, et son historien n'écrivait que
plus d'un siècle après, puisqu'on rapportant un des miracles
d'Arnould, il observe qu'afin de conserver la mémoire du
manteau dont le saint s'était servi pour l'opérer , l'antiqoité
a donné le nom de Chappe au lieu où s'est accompli ce pro-
dtge. Ce mot d'andquité autoriserait, même à su|)poser que
l'historien qui l'emploie ici n'a vécu qu'après le douzième
siècle, si le manuscrit ne portait, selon Mubillon, les carac-
tères d'une époque antérieure au treizième. L'historien était
lui-même un moine de Vendôme, et il écrivait d'après deux
relations , l'une conservée dans son monastère , et l'autre
envoyée de Gap. C'est sur-tout de Gap que viennent les
miracles ; la relation de Vendôme en fournissait beaucoup
moins, et n'en était pas d'ailleurs plus exacte. Car c'est elle,
par exemple, qui induit l'auteur à déclarer Odéric premier abbé
de Vendôme, et à placer sous le ponlifical de Clément II la fon-
dation de celte abbaye, tandis que Clément II n'a été élu pape
que six ans après la dédicace de l'église de ce monastère, dont
GbII. Christ. Odéric ne fut que le second abbé.
nov. t. vni, p. j^ii Translation de saint Renobert ou Rambert. Ce fut
du temps du comte Gillin, c'est-à-dire vers 1070 ou 1((80,
que ces reliques furent transférées à l'abbaye de saint André,
aujourd'hui saint Rambert, dans le Forez, et que ce transport
donna lieu, comme toutes les translations du même genre,
à nombre de guérisons miraculeuses. Mais la relation n'a été
rédigée que bien après, puisqu'il y est dit que dans le laps du
temps le bourg a pris le nom du saint qu'on y avait trans-
féré : temporis lapsu à sancto Ragneberto nomen accvpit. Cet
T. I, p. 76-80. écrit, publié par Le Laboureur dans ses Mazures de l'ile-Barbe,
est en contradiction avec des pièces plus authentiques, ainsi
p. 97. ({ue la exposé Guichenon dans son histoire du Bugey. Les
15 jun. p 6!i*. continuateurs de Bollandus avaient promis d'examiner celle
" *■ légende, et s'en sont dispensés comme d'un travail superflu.
Rec. de div. L'abbé Le Bœuf, dans une dissertation sur saint Renobert,
VIKS FM<] SAINTS CX\
parle de la l('i;eiule manuscrite {l'iin antn- licnlicuroiix, GcolTroi. ■'^" ''"''■'•''••
al)l)i'' (!(> Savi.u;iii, mort on 1 liiO. .Mais (lii rxisic co maniiscril. et f'''';"N ' '^ !'•
quel on esl railleur? C'est ee quo Le Heuf ne nous apprend point,
on sorte quo nous sommes forcés do nous l)()rner à une; simple
mention de cette légende.
XIII. Vie de saint Fiacre. L'écrit aui|ui'l nous appliquons
ce litre est divisé en trois parties. La première est un pané-
ij;\Ti(pie de saint Fiacre, prêché le jour de sa fêle, et com-
pose de lieux, communs (lui s'ajusteraient à tout autre saint
anachorète. Le prédicateur finit par ai.noncer qu'il a rédigé
des leçons en stjle laniilier à l'usage de ceux qui passent la
nuit devant les relicpies du saint Ces leçons, au nond)re de
neuf, forment la seconde partie et paia ssenl renvoyer à une
Ii'L'cnde |)liis ancienne et plus étendue ; siciU actuurn suorum
lectiv sacra déclarai. La troisième est la plus considérable :
c'est une relation chronologique des miracles opérés par lin-
torcession de saint Fiacre. L'auteur a été témoin de ipielques-
uns : il s'est bien a.-^suré de la vérité de tous les autres. Saint
Fiacre vivait au septième siècle; n)ais la jilupart des miracles
dus à ses reli(|ues sont du douzième; le dernier de ceux qui
sont ici racontés est de liScS Prétendre avec les bollandisles
qu i! a elé ajouté après coup, parce (pie le récit en est moins
latin et moin.s modeste, cesl y regarder de bien près. Le style
de ce qui |)récèdc est tout aussi afiirmatif, la latinité tout
aussi digne du moyen Age, la descrifilion des maladies guéries
par le saint n'est ni plus ni moins circonstanciée; et chaque
article est terminé par la même doxologie que le dernier.
D'ailleurs, elail-ce la peine de toucher à cet ouvrage, pour
n\ ajouter qu'un seul [irodige ? Les reliques de saint Fiacre
ne continuaient-elles pas d'en opérer en 1189? Et pouvons-
nous croire (]ue Uur vertu no se soit manifestée qu'une seule
for- après la mort de leur principal historien ? Nous attri-
buerons donc à un même auteur écrivant en 118S ou peu
après, la lolalili' des trois parties que nous venons d'indi(|uer,
ot nous non distinguerons que certaines pièces que les bol-
landisles y joignent, dcu.x proses rimées ([non chantait à rm iw^. p
l'oflice du saint, et quelques extraits ÛC' deux autres légendes ^'**'-''"'-
manuscriles. Nous apprenons par ces extraits, que S. Fiacre
était de la race des rois d'Ecosse, que beaucoup de miracles
se sont opérés par son intercession dans la chapelle des ducs
de Bourgogne, à Dijon, et que les médecins avaient fait une
étude si particulière des vertus attaclu-es à ses reliques, qu ils
Tome XI V. LUI
4 2 î
O.Ti. Vil': S ])\'] SAINTS
XII siKCLi:. y icnvoj aient leurs malades scion Icxisjçencc dos cas. Coniino
il est (luoslion dans l'une de c(>s légend(;s du doyen de la
chapelle des ducs de Rouisni>;n(^ on en doil conclure qu'elle
n'a élé composée qu'au treizième siècle; : car lorsqu'en 1 17:2,
Hugues, troisième diu; de ce nom, fonda celte chapelle, il
n'y mit point de doyen : ce dignitaire n'y fut établi qu'en
«ail. ciirist. 1214 [)ar le duo Odon. Mais ct;s deux légendes manuscrites
nrn. i IV. |i ^^^^^^ jj^,^.^. 1^ principale vie; de saint Tiacre, uiu; connexion (|ui,
ce semble, nous autorise à les citer ici, afin de n'y plus revenir.
D'ailleurs elles prouvent ce (jue nous disions toul-à-l'heure de la
continuation des miracles du saint, fort au-delà de 1 188.
XIV. Vie de saint Etienne, abbé d'Obasine, en Limosin ,
de l'ordre de Cîteaux. Haliize, (pii a inséré cette longue vie
„ dans ses mélanges, déclare (ni'elle est écrite fort élégamment :
Baluz. miscell. , ^. ,. . , , , , ,
t. IV in 8o, |). elegantîsstme scripta. UU\ est divisée en trois livres dont clia-
m-'Mi ; i. I, cun a sa préface. Le livre [Memier nous entretient de l'en-
'"""■ fance de saint Etienne, de sa jeunesse, de sa retraite, de sa
pénitence, du couvent qu'il établit à Obasine, de ses disciples
des deux sexes, de sa manière de se conduire lui-même et do
diriger les autres; en un mot de ce (]ui précède l'association
de sa congrégation à l'ordre de Cîteaux, association opérée
vers la lin de lan 1 1 42. Le second livre remonte néanmoins
un peu avant cette époipic ; car on y voit comment les dis-
ciples d'Etienne se traiisfoimèienl en moines, et cojnment
d ermite, il dcîvinl lui-mém(ï abbé. Mais son histoire est con-
tinuée dans ce livre ju.Miu'à l'année 1 \l\\) cii il mourut ; et cette
seconde partie est dcja IdiI oiikc de miracles Nous en admirons
un plus grand nomlire dans la lioisième, (pii décrit la mort du
saint abbé et ses funérailles L(>xhuma(i()n de son corps et qu(ïl-
(pies faits relatifs au monastère dObasine, achèvent de remplir
( e troi.sième livre et de porter I ouvrage à (•cnl lrenle-cin(] pages
dans ICdition de Haln/.i'
Li's boliandistcs, plus Irappes ■ipiiaii'inmcnl de la longueur
de cette histoire, (pie de .--oii élrgance, .se sont contentés do
s mnii p ,s(i(i i"d)lier l'abrég*'; (|ui en a élé lait au Irei/.iènie siècle, peut-
— 809. èlre dès la lin du douzième, par nu moine d'Obasine ; abrégé
destiné sans doute à èlic lu en forme de leçons à l'oflico
du saint. .Mais les bollaiidistes n'ont |(u s'empêcher de joindre
à ce sommaire un extiail considérable du troisième livre,
savoir ce qui concerne le décès de sami lilieiine el les pro-
diges dus à ses reliques. IJien que les fails consignés dans ces
trois livres soient beaucoup plus miraculeux que le talent de
VIES DE SAINTS. 63!i
l'écrivain, celui-ci ne doit pas rester confondu dans la foule xir siècle.
des légendaires. Il n'est point sans instruction, il cite dos pas-
sages de saint Ghrysoslôme, de saint Grégoire-le-Grand, de
Snlpice Sévère, toutefois sans les nommer ; et parmi les détails n,) ^i^^_ ,.
historiques contenus dans_ son ouvrage, ([iiehiMes-nns peuvent iv, !"-»"- p- 70,
iDcri'.or d'être recueillis. Nous y remarquerons [uir exemple, '' ^'''
l'éiablissement d'une école auprès du monastère d'Obasine ,
sur la rive de la Dordogne : on y instruisait les enfants du
voisinage, autres que ceux ijui étaient en prohation, cest-à-
dire destinés à Ictat monastique. Saint Etienne avait lui-même
étudié dans une école du même genre, et y avait fait de si
grands progrès que, devenu prêtre, il se distingua tout aussitôt
par .son éloquence. Il [)rêcliail avet: un tel succès dans le bourg
de Ficus, (ju'on ne voulait j)lws eiileudrc (jue lui. Les prédica-
teurs qui se présentaient pour le sup})léer se retiraient dé-
daignés et honnis par les lidèles. Ouand il fut abbé, il ins[)ira
le goût de l'élude à ses religieux; il en occupait cpiclques-uns
à transcrire des livres. Observons qu ils avaient l'habitude tij>d. p. yo
de racler les parchemins; et quoicjue I anonyme, en par- ""''• p ''^"J
lant des écrits ell'acés de cette manière pour être remplacés
par (1 autres, ne désigne que des livres de chant, il nous laisse
voir au moins comment des ouvrages plus précieux ont pu
disriaraUre. Eu avouant que lu commerce des iudidgences a
contribué à la construction dune église que fit bàlir saint
Etienne, son historien nous assure (]ue ce saint personnage, im^ ^, 150,
malgré son goût pour la décoration des ttîmples, n'approu- -S'-
vail pas infiniment ce moyen de les embellir. Il dirigeait des
religieuses dans le Limosin , comme Robert d'Arbriselles, en
Anjou ; mais cette comparaison que fait l'anonyme, ne doit
pas être étendue tro[) loin, puisqu'il certifie que les soins que
I abbé d'Obasine prenait de ces pieuses filles n'avaient jamais
fourni la moindre occasion de médire ni de lui ni d'elles. Nous
citerons encore une distinction (fu'élablil l'historien entre /(„j. ,.. iny
trois sortes de personnes ipi'on discernait dans les tribunaux, — i'3-
sapicnles, Icgistas et causidicos -. les sages ou prud'hommes, wn. p i'2S
les légistes et les avocats; tous gens, ajoute-l-il, largement - ^-''■
payés. Ce qui nous reste à recueillir de cet écrit concernera
l'ouvrage même et l'auteur.
L'ouvrage essuya des contradictions avant d'être achevé. Les ib,i. p. 71-72.
envieux disaient (pl'il y avait eu de l'orgueil à l'entreprendre;
ils voulaient (pion attendît au moins qu'Etienne fût canonisé,
et (pie jusiiues-là l'on s'en tînt aux vieux livres et aux vieux
LUia
(;3(> vil-: s DE SAINTS.
Ml siLCLE. saillis. L'anonyme lepond qu'il n'a |)ris la plura(! (jue par
l'ordre exprès de .ses supérieurs, qu'il sent les périls (ju il
court en obéissant ; mais qu'il se rendrait , en n'obéissant
pas, beaucoup plis coupable; qu'il travaille, non pour sa
propre gloire, mais pour celle du saint abbé, et j)liis enco-e
pour l'édilicalion publique; que les vies de [tlusieurs bien-
heureux ont été composées avant leur canonisation, ([uelque-
fois même avant leur mort ; qu il espère bien (pie son livre
deviendra vieux un jour , mais (pi ii faut pour cela (pi il
commence par (Mie nouveau; (juau-surplus si Diiu ne veut
pas que ce livre subsiste, les ellorts de 1 écrivain ne le ren-
dront pas durable , et cjue si Dieu au contraire a i é.solii de
le conserver à la postérité la plus lointaine, la malveillance des
contemporains ne lenqx'cliera pastly parvenir.
Il paraît cependant que lauteur n'a pas toujours eu pour
ces vaines critiques le mépris qu'il exprime dans sc;- préfaces;
car il avoue qu'il a interrompu son travail durant quatorze
ibiii. f> 105. ans, depuis 11G0 jusqu'à 1 174. Il l'avait commencé aussitôt
après la mort de saint Etienne, et il ne l'a terminé qu'après
(jue Gérald second eut remplacé Uobert dans la diynilè d abbé
dObasine. Or Robert nabdiijua cvAh\ l'onction qu'en \\XH.
Ce monastère avait eu ainsi trois abbés depuis Etienne, sa-
(;;iii. Chiisi. voir : Gérald 1", Uobert, et Gérard II. Ce lut ce dernier qui
iinv... . ji. .)>. yjj^jj^,gjj ,jm, l'autour mît la dernière main à son ouvrage et ne
laissât point à tous les témoins des vertus et des miracles
d Etienne, le temps de vieillir, d'oublier et de s'éteindre.
Cita particularités disent assez que l'anonyme était un moine
dObasine. Né dans le bas Limosin, il avait été élevé à l'abbaye
de la Cliaise-Dicu, ou dans un monastère qui en dépendait.
Il n en sortit (pe pour rencontrer dans le monde des périls
et des Iraversc's qui le ramenèrent à la vie jwisible du cloître.
Il» ifpi. gyj 1^ |.]iienn(!, auciuel il sadressa, l'envoya laire deux années
a|iiiil lialUi. 1111- ' • ' J
srcii. i. IV, p de noviciat à Cîteaux, et l'en rappela pour le mettre au nombre
"^■,, . , .... d(;s relia;ieux proies d'Obasine. Il est parlé, dans cette liis-
Ihid. d. lui- .
103. toire, d'un pèri! de famille d'une naissance illustre qui vint
avec toute sa famille et tous ses biens se consacrer à Dieu dans
le monastère d'EUenne ; et d se pourrait que ce gentilhomme,
qui n'est point nommé, fût le père de notre écrivain : car
celui-ci, après avoir dit dans un autre endroit de son livre,
que tous ses parens étaient sous la direction du saint, ajoute :
comme je l'ai rapporti: plus haut ; paroles qui ne s'applique-
raient à quoi que ce soit, si elles ne renvoyaient le lecteur à
VIKS DE SAINTS f)37
l'article môino do ce père de famille, devenu moine et ensuite xii siècle
prêtre à Obasine
XV. Miracles de sainl Bomerede. D'ahbé de saint Crépin-le-
Grand à Soissons , Bernerede l'ut fait cardinal et évèque de
Palestrine, par le papi; Alexandre III ; reçut plusieurs lettres de l'j^iioiir Uai.
Pierre de Celles, assista au concile de Lalran de 1179, et "àsV^'i^s - ai-
mourut, selon toute apparence, en 1 "î 81 . Les miracles opérés liriiy, flores cai-
à son tombeau ont été racontés par un chanoine régulier de '"'" ' ''
Saint-Ruf, dont le nom con)nience par la lettre P, et qui n'est
connu d'aucune autre manière. On voit seulement par sa
relation qu'il avait clé témoin à Rome du principal miracle
de Bernerede, savoir de la guérison d'une boiteuse Cette lé-
gende, ou du moins ce qui en reste, est adressé, en fo.me de
lettre, à tous les fidèles, et occu[h; deux colonnes dans l'une
des collections de Martène. Il v a lieu de croire (luelle a été ^'"'' ■'""""'•
,. , ,, , ' 11, lol. &2j
composée sous i un des successeurs d'Alexandre III, entre «at;
1181 et 1190. D.
I" I N D IJ 'I' U M E Q V A T i) K Z 1 V. M E .
TABLE
DES AUTEURS
ET DES MATIERES.
KbaUard. Sea siiicr» comme professeur.
"■Jean de Sarisliéiy l'iuilic sous lui page
89, IM).
Adam du pelit-ponl. Doù lui venait ce
suiiiuui, 1 tilt. Sa ci'Irliiitc comme profes-
seur, !t"2el IWil. .Sun ouvi:i;;e ;sui' l'art de
raisonner, ISD, 19(1. .Synod,', ci «oncilis
auxquels il assista, t'.M). Quand il mnuiul,
ifciii. il était deveiiui\ôi|ue en AngU'leire,
ibid. Autre suriiniM par liMpiil mii Io désigne,
ibiJ. Scclaleur d"Ari>l(ilr, '.H il 1!)().
AiitLiitnT de Toarml, é\(i|ue île Sleiidc ;
dislmcl d'un c'vèi|ue de Mimes du iniine
nom. Charles et aiilies éirils de l'un et de
l'aulrc, 62."), (i2t.
Adtieit /!'. Sa letlre à Louis VII sni le
lirojcl d'aller allanuer les Maures en l>pa-
giie, iiO. Vo^e/ .It-aii de S'irts'-crif .
AiHERic,troisii'Uie patriarche d Aiilioclic.
Failles répandues sur sa naissance et sur son
enfance. SS.">, ^Hi II devient duyeii cl en-
suite patriarche de l'égli.se d'Antioclie,58i.
âW.i. Ce i|u'en dil (tuillaumc de 'i'yr, .'iHii.
Vains elTorls d'Aimeric pour empêcher la
veuve du pi inee d Anliochsde se remarier;
mcamlcnleiiieiil i|ii'il annonce eoutie le
nouveau prince, 3ti(i.llorril>le supplm- au-
quel Aimcric cslcmidainui'-.r>S(i.3S7 Muaii.l
et comment il renlra d.uis son rglise. ."iSS.
S'il tilt l'iMsliluleur de l'ordre de-, tianiies,
3XS,58!*. Trouilles occasionnes par la ir|iii-
<liaiiiiii que lloéinond III, prince d'Aii-
tiiiche. fuit de sa femme, 3!)(l. E.vcommu-
niraliimel interdit primoncés par Aiineric.
3'.HI, 5'.ll. A quelles conditions la pais e^l
concloe, ô'Jl. Il rcçoil l'atijuralioii il'iiii
lri's-(;iand iiomhrc d'hérétiques, ihid. Sa
mort 592, Ses lettres, Ô!I2 et suiv. Ouvrage
i|u'oii lui lUribue sur la conqurle de Jérii
salein par Saladin, Ti'Ji : aiilrr, sur l'insli-
liilion des premiers m unes, 38!) et ."ï'.lfi.On
a dit faussement ipi'il a\ail ili légal du
Saint Siège, oulrc mer, "iHi.
.,4i»ioin, continuation de ses annales pa
des religieux de SaiiU-Gerraain-de»-Prés,
IS'i cl SUIV.
Ai.MN. évèqiie d',\uxerreélail (lamand-
Dissirlalion dans laipielle en prouve qui'
ne doit pus èlrc confondu avic Alain de
Lille, surnommé le lliHleiir universel. 7>^i
— r>ii(>. L'ail Wj'i.. Alain fui élahli évoque
d'Aiixene, non sans éprouver de grandes
iippiiMliuiis, ntili el suiv. Il se démit de son
l'vèclié r m 1 11)7, et retourna ;'i son ancienne
alilia\e de l'Arrivour, j;i7. Discussion sur
l'année de sa mort, !)57 el stiiv. Ses lettres
au I II Liiuis-le-Jeune jIjil.Kst auteur d'une
vie d(' saint lleruurd, el motifs qui la lui
lirenl enlieprendre après celle qui avait été
composée par des auteurs fort recommun-
ildilrs. ".()(». Autres écrits qu'on luiatui-
liui- TiUI et suiv.
/l(/i/',it'- professeur célèlire du Xll« siècle,
un des niaiires de Jean de Sarishéry, yi.
AUieri d Alvolt, et Hugues, sou lils,!i.'>,!i{.
Albigiiiif. Voyez Hcréêies.
Alex'indre III Le roi el l'église de France
se déclarent pour lui contre le cardinal Oc-
lavien. son compétileur, qui avait pris le
nom de Victor, ;i7. L'Angleterre aussi se
déclare pour Alexandre, 123. Lettres di:
Jean de Sarishéiy à ce sujet, 123 et suiv.
Lcllres de LouisVII,'J7. Alexandre favorise
la lésisl.ince de 'l'homas ilei Ici à lleuri 11,
{.S3 et SUIV. Vojcz t.'Olet.
Ammiut d'Aiijoi, roi de Jérusalem, suc-
cède ■! Itamloin III, son frère aiiié, ti:i, 103.
Ses lellies à LouisVII, sur les mallieuis de
la Terre -Sainlc,I)5. Ses assises, VO) . Aêstta.
Amaihv. patriarche ilc Jérusalem, ('om -
ment il acquit celte dignité, 102. Opposition
liirmée à sou élection, l'iiii Le pape la coii-
liriiie, i'iid. Plusieurs de ses actions, 163.
<^- que (Guillaume de Tyr pensail-dc lui,
102, 103. Sa iniirt, 105. Ses lettres, Ili5 et
SUIV.
.l'iac/ef.ou Pierre dr icon.PorIrailde cri
aniipapctraec par Arnoul de Lisieux. 332.
TABLE IiKS ATITICIKS ET DES MATIERES.
039
/lnjcr». Cplc'brilc (le son école, dans le
XII' siècle, 227.
Anouymb, niitoiir crnndiisl. de Pologne.
Ucchcrclics sur i'cpoquc où il a vécu, 3 et
suiv. '
Anonïmf. auteur (In Formulaire ilu sacre
(lu roi Pliilippr-Aumiste. Illsscrlatiou sur
l'autheiiilcité de cet écrit, 22 — 20.
A^()^lMll, auteur des Gestes du mi
Kniiis Vil. Rcdcxions sur cet éciit, 1><7 cl
SUIV.
Anonyme, auteur d'un recueil de for-
mules épistolaircs. 377 — 381.
Anntiijmp. auteur d'une Iiisl. du nioiiiis-
ti're de Si'desliy en Anglctone. pii's
d'Vorck, i\r,.
A^o^l^.M«. auteur de l'iiisl. de la fiuida-
tion du prieuré de Sainte- llarbc en Au^e,
«01 — (iU3.
Anonvmks, auteurs d'nlnégés de l'Iii^l de
France jusqu'à l'année 11811; 183 — 1811.
ANoNYMi-S(|ui ont écrit lliisldes évcqucs
de i'éiigucux, 223 cl suiv.
Anontmrs, auteurs des actes des évc(|ues
(lu Mans, pendant le XII' sit'xle, *10— '412.
AivoNTMEs, auteurs dliistoire s cl de cliro-
ni(]Ues d'Aiixeric. au XII'sièclc,'{l3- ■îl.'i.
Anonymes, auleiirs de cliioi)ii|ues aliré-
«ëes des cvcciucs de Cainbray et d Arr:is,
!>i)!t et suiv.
Anonymes de l'ordre de Pi éinonlré, 60i
«05.
Anonymes, aut(nrsdc vies de saints, «27
— «37.
Anihelme, ou >aiillicline, ou Aiicdin.
prieur de lagiinidc cliarlrcusc.piiis é\c(pic
de lîelley; auteiir d'une épilie. «12 — (i|.4.
Sa vie par un anonyme, «50. «31.
AroNiiJs, auteur du VII' sii'( le. Son coiii-
nienlaire sur le (;nnli(|iie des caiiliquis,
ahrégc par Luc du Moiil-Coniillon, 8 — 10.
AiUI,fi.(-ii,/„r^ tics cultivée au ,\ll'
siècle. 202.
ArilUiiiiKini inyslénciiso. 200 ilOii.
Abnoui.. évcipie (le Lizieux, fut pnuivii
d'aliord d'un iiicIndiaïKiié d:ins l'é^iisc de
Scez par I é\c(|iic Jc;iii,s.,ii (ii'ie. ."lO.'i. Vcis
1131, étant allé étudier le droiL en Italie, il
composa un écrit contre l'anlipapc Aiiarlet,
ibid. L'an 1 Ut, il succéda à Icvêipic Jean,
son oncle, sur le sirgc de Lizieux. ibil. Ses
démêlés avec Ginfroi Plaiitaf;ciiel, comte
d'.\iijou, au sujet de sa piduiolioii ;'i l'cpis-
copal, l' iJ.L'aii t l/f7,il part pour la Tcric-
S.iiiite avec le roi Louis le- Jeune, "Oli .Ser-
vices impnilants par lui rendus au nÉcnic
comlc Gcofroi et à son lils llciin II, roi
d'Anglelcrre. 307. Ayant encouru la dis-
grâce de ce prince, l'an 1181. il se démet
de son cvèclié, et se relire à .Saint- Victor
de Paris, où il mourut l'an 1184, 308. Ses
letlrcs, ."0!»— 331. Son .!crit contre l'anli-
papc Anaclil en faveur du pape Inimcciil II,
331 et suiv. S( s sermons, 333. Ses poésies,
3^3 et suiv. l'ièt (]u'il fait A Louis VII,
(loiir le voyage de la Terre Sainte, 52.
Ucconnaissance du roi, 52 et 53. Ilaïue de
■iean de Sarisbéry pour lui ; sur quoi elle
élall fondée, 131 et 132.
/1/M/m/ (Saint), évcque de Gap. nioit en
1070. Sa vie par unanonymc du XII' siècle,
et autres relations sur ce prélat, 632.
Atniifn. Divers .sens de ce mol dans la
juiispiudciice anglaise, 527. Henri II suli-
slitiia aux comlials judiciairesleslribunaux
(|ui pi>ilcient ce nom. ibid. Comment il les
oigaiHMi. 527el528.L"insliliilion de ce roi
Milisisic encore, 328 et 529. Elle avait
existé en Fiance, avant de passercn Angle-
terre. 527.
A-fiset (leJêriii^itlrm. Les nouveaux rois
prêlaieiit seiinenl de garder les assises de
ce lovauine. celles d'Amauri I" et de Bau-
doin î V en particulier, 3.'i2.
Aiiteuff iiniii'"S. cités par Jean de Saris-
béry doiil les ouvrages ne sont pas venus
jUMHi';i nous, l«i) et 1«l.
Aii.Tirie. Kcole de jurisprudence ro-
maine, à Auxeire. 118.
B.
l)iif/<(i/iiis, auteur d'un ouvrage sur la
(lamiialion du roi Salomon, 284.
Whii (Ihiil). Aliusdonl il élail l'orcasioii ;
mesures piisesparLouis-lc-Jeunc,71 cl 72.
Rjmin lÉMY.évèiiued'Excester.élailfran-
cais. né d iiis la province de Itrelagne. 33.(5,
L'.tii 1 1«0. il fut nommé év(">que d'KxccsIer.
ibij. Kl niouriil l'an tl«4', 33«. Scslcltrcs,
ibid. Son pénileiilirl. 337.
Butin, sailli du VII' siècle. Sa vie par un
alioiiuiic, «-28.
IU( iiiiiN IV. ou le Lépreux, roi de Jéru-
s;ileiii.l«3 (hiand etcommenlil le devint.
1«3 cl 351. I';ir(|ni la régence fui exercée
pendant ({u'il vécut. 351. Éloges laits de ce
priiiic, 351 cl 352. Lcllie de ce prince sur
c|tii Iqiics événements de la Tcrrc-Saiiilc,
352. .Ses assises, i'iid. Vovez Angin'H.
Iliiu'luiii r, neveu de Baudoin IV. Voir
la p. 352.
HiKiilii, évcipie deNoyon. Conlinualcur
de sa chroniipie .51)8 et suiv.
llir (Abbaye du) en Normandie. De
(]uel(]ues-uiis de ses abbés p. 25 cl 27.
Avec(|uel succès ony cultiva leslcllres.27.
Ilécliiidr (Grégoire). Son poème sur la
prise de Jérusalem par les croisés, ZiO.
Ile/lift (Tbomas), archevi'que de Can-
loibéry. De l'accusation portée ctmire lui
d'avoir diveili l'argent de l'élal. pendant
(pi'il élait cliancelier d'AnglcIerre, 472. Il
avait cnniribué à faiic reconnailrclesdinilii
de liciii i II d la couronne, i7i. D'abord
(léfcnsenr ardent du trône, ildevient ensuite
ilélcnscurplus ardent encore des privilèges
(VU)
TAIilK DES Al TKI H-
n'clamt-'î par lc« oci lrsia--lliliirs Vi f\ smv .
Jiisi|i:à i|Ucl |ii)iiil il -■'■•^i"', ''"'■ i:irorts
titl riii pniir le laiiicniT. 17:) ri /»7li. Sa
coiuluitc relative :iin iiin<liliiliniis ilc Cla-
reiidon. 1^5 et sniv. M( snris (.ri'ies par
Henri II. ÎH7 et W8. Appui que larclic-
vripic «le Canlorliéry trouve ilain le pap-
Alexandre Vovez.KïT'iii'/i'' Au nimnentoù
la paix seinlilail rétablie entre le pi iiiee et
le prélat.Tlinma-- lieokel la Irnulil. <le noii-
vcau,i'j:ict .4!)7.11 est ;,s,assinf : actes dnnt
ce crime est suivi, 498 cl siiiv.
BbLiiH iJeaii). On ignore la date cl le
lieu lie sj naissance, 2tS. 219. i-cs écrits
non-impriniés. 219, 2-20. Son traite des of-
liccs divins, 2^J) 2'.'-'.
Bi'u('firet. Premier exem|)lc du droit ac-
cordé aux professeurs île conlinncr à tim-
clier le revenu de leurs l)énérii'cs,i|iini(|u'ils
ne résiliassent pa~. :i02 Voyez (iiruni-la-
Pnrelle.
Beiifze! ;Sa!nli,t.iniliilcur du l'init d'Avi-
gnon. Sa léRcnde, cl autres éerils qui le
eonccrncnl. (VW.
nernnrd (S.). Il excite Louis V(l contre
les Rémois, au sujet îles priviléi^es ecclé-
siastiques. 4^. C' qu'il pensait de linslitu-
tiiiii des communes, Oiiil -S.i vie. pir Jean
l'Iierinile, 2t>> - '2U. Trois livres sur ses
miracles, elr par lleilieil. aldié de Mores,
puis arclievêiinc de Torie-, '.;:){, b.i.i.
Iltim.nii. évi'<iue de Nevers Ses lettres
p nid. lit I.
/(frii'icie.iSainlj.eaidinal éiêqne de l'a-
leslrine. Kécil île ses uiuarles par un cha-
noine régulier de Saint -Ituf. tiô7.
Herirand (le Itienlieuienx) , ohlié de
firand-ScIte Sa vie par un religieux ilu
même monastère resiée manuscrite. 6fKK
ItutMo.vD. prince d'Anlioche. Son cou-
rage, sa délaile. ■.a captivilé, 51 et 32. Sa
Icilre à l,iiiiis VII eu faveur des du éticns
lie Syrie, ."i5.
Vont gif. Tioulilcs nrcasionués par la uo-
niinatioii d un de ^es aiclie\êi|ues. Voyez
Iniiorenl ll.la Cli.iii f. cl /,'miii I //.Aliolilmui
di'S mauvaises cintiinus de rrltc ville.
Voyez Cn-il»mrt Faveur accordée à ceux
qui vicnilroiil vendre à ses marcliés. 72
flniyi'iM.près de Compiégnc. Lettres de
J-ouls VII en laTCur ilc citlc ville, S(l.
CiKiliout. Olistarlrs mu, :i Bout gesi l'ex-
ercice des droits qu'elles devaieul effiir
aux créanciers ; l.ouisVII les fait (esser.7!.
Chiuir. Uéflcxinns de Jean de Sorishéry
contre la cliasse, UXUl lUI.
CHBÉiiii.N. iiiniiie, alilié de llonneval pi es
de Cluriies. Ses sermons, HUli. <ill7.
CUrenioii. Asseinlilcc tenue dans cette
ville sous llcnii II, VI6. Statuts ou consti-
luiinns qui y furent proposés el ailupléc.
f 7(1 et siiv . îi:.'!. darart' le de ci' s lois,iSi -
(,e que lilTIiiMiias Ueckel '. ce sujet. li>5 et
48(..
Clàmfiu (llobeit et Gillo). ministres d'é-
tat sou^ .l'lulippe-Au{;uste. 217. Rolicrt
prenait la quaiilé djiégcntdu royaume.
iliid. Il elierelie ik ré( rimer l'iiérésic. 2IS.
De liens <lr leurs neveux, puissants aussi à
lar.iur .le Philippe Auguste, ilnl.
Cleif/ Appui que le rUrgé d'Ansleleire
prèle au 1.11 Klienne. Vains efl.irts de ce
i.u pour se soustraire ;': sa dépi'iidanee, 475
et (7i. Droits que lui assuraient des lois
antérieures à Henri II 471 . Jurididiclion
.lu elcrgé; jujîcment i"es lonteslalions ou
des aeciisalious roncei'ianl des eeelésiasti-
qiies. 477 el siiiv. Iininuiiites el préroga-
tives nelamées par ie lieri^é. ou d..iil il
jouissait, ihid el 'ri-i. L'isposition» favora-
bles di roi à son èj;ard, apiés I as^a^slnat
de Th .mas Ue, ket, 499.
Commutirt. Vojez taoïi, el /ifim<.
Cnn/isculiun. D.' I.i eonliscalion en Au-
gletene, sous le rè^iic de Henri II. j29.
Voirh, p!J4l.
C.oMiN. ablié de Sainl-Vaimes. Sa lellrc
à Rerllie. dueli sse de Lorraine, (il 4.
Coii'iancp, lillc d'Ahin III, roiiile de
Itiela^nc. Letlie de cette plllu■es^e .i Louis
VII, /,:;.
Cour» i'»iinoMj. Diverses exemptions ([u'on
en a<-. ordi-. 70. 72, 7r> el suiv
Cm infirinii. \ ipii on donnait ce nom.
(i cl 1 1."). Alla.iués avec foi.c par plusieurs
écrivains, cl par Jean de S.iiiîliéiy en
particulier, ihid.
Couriisaiixf Kdit de Louis VII qui les
eoucerne, 8(i.
Cu'iriixun!. C'est contre eux priiicipale-
inenl qu'est iliii(;é le l'olieralique de Jean
de Sarisbéry, 9!< cl suiv.
Coilumei. (juentend-on par mauvaises
eoulnmes? 71. On eu aholil plusieurs â
lloiii-es. i'ml. Vinez B.m (l!ai:l), On.'iim»,
DurI liiti-. Mfiliva, Tenu- Droit de). Prix
uns I ar le roi à leur abolition 72. Coutumes
acroidcesà plusieurs villes. 72,73 Aboli-
tion lie mauvaises coiilumes à Orléans, T.").
Coulumisde Loriis. H el.sui.
Ctoimdei. Les voyages el les guerre»
(loni elles furent l'cdijelou l'elTel sont sou-
vent rappelés dans <e volume. Voir entre
aulics les pages 51, 5'i. KO el uiT . ICI cl
105. 532, 592 et suiv.
D.
LJitnrijiU. Impôt. Voir la p. 'j'û.
Il-nyï t'Art'np'igilr. De quelqn''r' ouvra-
ges qu'on lui allribue, 191 el IS'J Sa vie.
par .Micbel-le-.Synrelle ; iia.luile eti Ijiin,
par (lUiUauinc de Gap. 57(i.
ET DES MATIERES.
641
Detiié (Saint), archevêque de Bourges.
Sa vie, e-27.
Deamoulins, grand-maîlrc de l'ordre deS
Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem'
Voyez Roger.
Domaine. Charles relaùvcs .lu domaine.
du prince et à ses droits domnniaux, ()9.
Domilien (Saint), évêtiue de Miestricht,
au VI' siècle, deux légendes qui le concer-
nent; t)28.
Dreux { Robert, oomle de ) , frère de
Louis VII. Il quitte l'Orient où il était avec
le roi, en mcnaçint de se venger de lui. 'ji.
Lettre écrite par le roi, à ce sujet, au eomle
de Champagne, ibidem. Tentatives du com-
te de Dreux, à son retour en Frince, 16/-
dem. Lettre du roi i Sugcr, et de Suger au
roi, ibidum. Dévoiiment du comte de Dreux
au roi d'Angleterre, 152.
Droit Romain. Voyez Piindeclei et Iteli-
gieux. Ouvrages sur ce droit, 50. Quand on
commença de l'enseigner eu Franco. iZ cl
ii. Observé en Languedoc, vers ll(i3, (JO.
Duel. Louis VII défend d'y recourir pour
la non-comparution du justicjahle, 71. Il
le remplace par un serment, ibid. Défendu
à Orléans, dans les conleslalions qui ne
s'élèveront pas au-dessus de cinq sous, 73.
Dun-le-Hoi, en Bcrry. Lettres de Louis
VU en faveur de cette ville, 79.
E.
T^cclé$ia$tiq<'es. Désordres que Jean de
Sarisbéry leur reproche, 127, 128.
Echiquier, tribunal. D'où cette dénomi-
nation est venue, HO. Voir aussi, sur sa
composition el sur son objet, la p. 54!>.
Eiotei, Voyez Angers, pmfegsenrt,
Edoiiiird-le-Simple, ou le Confesseur, roi
d'Angleterre. Lois qu'on lui attribue, ^70,
471.
Eglitet. Divers actes de Louis VII sur
leur juridiction, 70.Conccssiondc plusieurs
privilèges, ou immunités, 08 et suiv. 80,
81. Voyez Monusièrei.
Eleciiont. Lettres de Louis VU sur les
élections ecclésiastiques, C9. Discussions
dont elles furent la cause en Angleterre,
471,477.
Etéonore d'Aquitaine. Louis VII la repu-
dic;sur quel prétexte, cl par quels conseils,
44. Maux que celte répudiation fit à la
France, 38. Elle épouse Henri II, duc de
Normandie, etdcpuisroid'Anglelerre, 464.
Cequece mariage ru perdreà la France, ibid.
Li,iide6ar;a/i,poèleprovciiçal. Différen-
tes opinions sur sa naissance d'ans le Mss. de
la Bibl. Vatic. et dans l'Histoire de Proven-
ce, par Nostradamus Son long attachement
pour Oarsende, fgmme du prince de Mar-
seille, Raioier de Claustre. Il lui dédie tou-
tes ses chansons. Meurt en 1 180. 38—41,
Tome XIV
Emmanuel l" Comnîne. Sa conduite en-
vers Louis VII, à l'orcasion du voyage de
ce roi à la Terre-Sainlc, ^2. Lettre que le
roi lui écrit, plusieurs années après son
retour en France, 07.
EniwHiiii, évèque de Pavie; jugement
d'Arnoul de Lisieux sur ses ouvragBs, ôlS.
Kpistolaires, 610- C29. Voyez Formula
ipistatiiirc».
Ermengaidc, vicomtesse de Narbonne.
Refus de reconnaître sa juridiction, \ cause
de son sexe: Louis VII ordonne de le faire,
(iO. Elle Si- justifie du reproche que ce roi
lui faisaild'rlrc favorable à ses ennemis, i6i(i.
Ervise, ou Ernise, ou Ernesl, abbé de
Saint-Victor à Paris; ses lettres, 611.
Eiampes. Abolition d'une coutume bizarre
à Etampcs. 73. Autres lettres en faveur de
celle ville, 78. Autres en faveur de son
hôpital des lépreux, tbid. Autres lettres
encore de Louis VII, en faveur de la ville
d'Étam[)es, 82 et suiv.
Eiieiine, roi d'Angleterre. Sa conduite
envers Henri H, 464 et 465. Il le reconnaît
pour son successenr, 46S. Traité fait entre
les deux princes, iftiJ. Malheurs de l'Angle-
teire sous le règne d'Etienne, 466.Samort,
467. Usage qu'il avaitfaitdestroupesétran-
gères; vexations qu'il leur avait permises,
409. Il établit en Angleterre l'enseignement
du droit romain, 27.
ETIHM^E de Bniiqv, évoque de Mâcon. Sa
lettre à Louis Vil, 618, 619.
Etienne de Fougères, évèque de Rennes,
fuit des vers profanes, écrit des vies de
saints, 10, 11.
Etienne de Tournny, religieux, et ensuite
abbé deSaint-EuverIc d'Orléans, 229. Sa
lettre à Pierre deSaint-Chrysogone, pour le
félicilersursa promotion au cardinalat, 231 .
Eliemie (Saint), abbé dObasine, en Li-
mosin. Sa vie en trois livres, par un moine
d Obasine, 634-6.57.
Eiriuigert. Collèges qu'on fonde pour
eux ii Paris, 42.
£m(yian« Leur nombre dans le XII° siècle;
disposition des lois en leur faveur, 43.
Ei)ST*ciiE, religieux du mont Saint-Eloi,
près d'Arras. Ses questions sur le livre des
Sentences, 008.
Evi'ques. Fasteeldésordresdonl Louis Vil
les accuscdans une lettre au pape, 62ct63.
EvERLiN de Faux, abbé de Saint-Laurent
de Liège. Auteur de l'épitaphe en six ver»
élégiaques, d'un évêqiic de Liège, mort en
1036. C'est tout ce qu'on sait de sa vie cl
de ses écrits, 500.
F.
F
emmtt.Loisquileui'dérendaienlde ren-
dre la justice, 60. En conséquence de cm
M m m m
()4?
TAm.E DES AITF.ri'.s
Inis, les liahilans ilo la proviiiop de Nar- j
lionne leftisenl 'le se sniniieUîT nii\ jti^e-
nieiis lendiK |iar leur ^niiM-rnliie, i''i(i.
Ordre envdjé par Louis VU. ^l'i^l. Voyez
ioiii» 17/ et liituenfiurde: les lemnics
nvoienl excrciî ec droit aiipaiavnnl. (iO.
l'rodnli'r. De la Kodalilé en Ani;lelerre,
«vanl cl pendant le règne de llrnii 11.
t>34 et suiv.
t'inoe iSainI). Sa \ le et pièces acces-
soires, f)33, 634.
flBilnir. Knirrsipii. cl par quel motif
Jean de S:irisliéry la eioit iieinii-e. 1(12
fin mule du liaplènie, allérée, (!'2'i-, (i2^>.
Fiiriutilrs riùtlnluit et\i\a fin dn XII' siècle
357— ÔSI. Traité du penre épislolaire. par
un anonyme, iliid ; par Trasniiond. 39n.
l'imiihitlili (SainI). on Kraniliour!». moine
du VI' siècle; sa légende anonyme, (i:^!).
l-'tfji'iic (le hienlieureny], évêciue de
LKge.Sa vie, allnhuée à Reiucr, -424, ^'2\).
FrnnxjiiJ, chanoine d'Anxerre. auteur,
à ce qu'on croit, de la vie de Guillaume
de Toucy. parmi les Gestes des c^vèqucs
d'Auxcrre, i\i,
FLLiniFB (fironioi), ou Fouclicr. pioeu-
rcur lie lonlie des Tem|p|iers à .Iciusaicm.
Il ne fui pas ^rand niailre de cet ordre,
ronime on l'a supposé, 30 et 31. l.ellies
qu'il adresse ii l.ouiç VII, concernant la
Terre-Sainte et les croisades, ril et Ti'i.
Lettre au pape, eu faveur du chapitre de
Noyon. .'13 II fait partie il'nne anihassade
en ti;) pte, l'.ir/. Iiieeitilude sur Icpoque
lie sa mort, thiJ.
G.
(jaM é de llail-eau Ses lellres. (!i;i.
(ÎAiiiN ilApcliii-r. piièle pri.xrned On lui
alliiliiie riinrnlinn d'une lonne de poésie,
appelée <lr<njiil on ilesimt: ce que céltiil.
!ifi-.
(;»iiri.iN lie .lfo)i';ifi/i(,tir,é\éi|UC de Ln-
dève. depuis llCdjiisquS M,H7 Aiédi^é la
ici it ion de la roui inverse qui eut lieu, l'an
I lli'i. au eonrilf de I omlieK, m AllM^elil^.
avec le^ hérétiques ilii Languedoc, 3!l!» 1 I s.
('.n,,!,.,- ,lr M,„i..,,nr, pHdes-curdii Ml-
■ iérle. et un des ni;iities de .lean de Saris-
\n\\. !)l.
«ivi rim. prieur ( et non alilié ) de S.iiiil-
Viclor. :iiîl. ri:,0 U^l-il auteur d'un dia-
lo^iii- siii lame île J. C? d'une vie de sainle
II 1 Illégal de:' ;..'ill ,S.iii liaili' e.inlie l'ierie
Lninlwid l'ierie de l'oilieis. Ahélaidel
(iill.eilde la l'„iée [dits les (inatic lai v-
liuihes). !>!)() îiHô.
. (IrflFBOi i.'.\ixniiiK, disciple d'Aliélaid.
Icpoque lie son eiitiée .1 Clairvaux. i3l.
Heveiiii principal seeiélaiie de saiiil l!ci-
Uaiil. il r,n,eoiiipagnc dans ses dilféiens
Voyages, i3i. L'an I Ifi2. il fut ponivudc
l'aliliiyc (IcCInirvaox, à laquelle il renonça
trois ou qnntie ans apiès. 43". L'an 117(1.
il fui cm oxéenqiiaiiléiraldié àFosse-Ncu-
ve. dans lacaiii(iaKne de Itomc. et eu 117((,
à llanle-Conilie. dans le diocèse de Genève,
i^'i. Il était encore vivant l'an 1I8S, mais
(111 isiioie l'année de sa mort, ihid. Ses
écrits; compilation des lettres de saint
Hernard, 33^) pour iTt'.i. Uclation du voyage
du saint alilié à Toulouse, ilud. lîdalioii
des miracles du même eu Allemagne et en
l'rani e. qui forme le sixième livre de la
\ ie du saint. 33fi - 338 pour {3(i. etc. Let-
tre à llenii, cardinal, évêiiuc d'Alliano,
contenant la lelalion de ce qiiis'ctail passé,
l'an 1 1 {S, au concile de Reims, contre Gil-
heit de 11 l'orrée, 33!) pour r>!). Traité
théologiqne eonlie les erreurs de Gilliert,
410 cl -iiiv. Vie de saint Bernard, ii'i et
suiv. l'anégyricpic à l'honneur de saint
liernaid, iii. l'Iusieurs petilsdiscours sous
le titre de déclainatious. < (<et suiv. Vie de
>aiiit l'iiire,arclie\êi|ue ileTnrenl'ii*e. {{(!.
I (lire à Henri, caidiiinl. évéque d'Ail. aiio,
sur la iiursiiou. si dins le sacrifice de la
messe l'eau est elian^ée en vin, avant d'être
changée au corps du Seigneur, i' iil. .Ses
sermons, i'nil. F.xplii ation de l'Oraison !>o-
miuicale. 157. (Commentaires -ur le Can-
tique des ('antiques et sur l' Apocalypse, l'/iri.
Traité coiilre les erreurs d'Ahélard, ilS cl
suiv. Ses li'iires, li!(. Traité sur les mvs-
lères des uiiniliies, et autres éeiils. 4.iO
cl suiv.
(înM uni iiE l'iRONXF.. priciir de Clairvaux.
l.p(M|iie de son entrée eu rclmion. t2(>. Il
refiiH- lévèihé de Tournai. {27. I'euta\nir
clé ildié dlgiii pendant quatre ans, ^{28.
Son Commenlaiie sur le (lanliqne des
('antiques, l'ontiiiué ou interpolé par Geo-
fi..i d'AiiMiie. dans le temps qu'il élail
al. hé de Iliiute-Comlie. {211 l'ci ils (pi'on
peut lui atliil.ner sur ces mots de llvclé-
siasie Vi iiiciid, ( >c,i(oM»(ni, cl sur 1 Orai-
■.(III linminicale, 430.
(Iromoi llri. tu, poi'te pro\en(al. le plus
ancien tii.uhadour dont la ménioire nous
soit paMciiiie. >éinli:iS, -ii-ncurdu
cliliiiu lie lllaye pi es lloideaiix, il élail de
la maison d' Vugoiiléinc, mais sans fi.i lune,
cl oliligé lie s'allaclier dans sa jeunesse i
(iuillaumc d'.Vgoul. seigneur du Saull, qui
élail aussi foi l liun poète, et qui le défraya
de tout pendant pliisicuis .Minées, l'assinn
suliiie II liizaire qu'il comcil sur de sim-
pl s 1 l'cils de croises re\ ciiaiil de Jéi nsalcni,
il qui lui (lépeigiienl eoniiue la mei veille
.h s iiierveillcs IicouiIcsm' de Tripoli. Il
pail pour la 'i'erre Sainte, dans riiniquc
dessi'iii de la \oir, et meui t en dcharquaut
en .^Mie 11 ne priil .|ni' lui faire parvenir
un rei mil des eliaiiMUis ipiil avait f.iitcs
pour elle en Fiance, 'iîi'.) — "iliS.
(iLoiix.i, prieur de l'ahhayc du Vigcois
K'î' DKS MATIERES.
643
Sa famille. 357. .Sa pinfcssinn relii^iciisc à
Saiiil-M.iitial (le Limoges. 538 Ces^e il'i'ci i-
re, l'an I I8i, idiii.SaCiironique, 330—345.
Anecdotes sur les pimligalilés îles nolilen île
son temps, 3V0 — 3i"2 Sur les modes et les
niipurs du peuple à la même cpoipic.StS cl
.■•uiv.Son travaO surune traduction frarn aise
(lu roman dcCtiarleinagiicetdcRolland.3iS.
Iiviit sur les miracles de saint Pardon, âtti.
Ge>lfioi (le bienlieuicux), alilié de Sa-
vigny. Sa U'geiidc manuscrite, 033.
Gi.i\AnD, (iirald ou Géiauld, éM'{|ui'
(l'Alliy, piiMde le concile de I.omlieis
contre les Alhigeois, (509.
fii':ii»ni>. ou Girard, alilK* de Clairvnux,
Salettreà l'c'vique dcTliéioueiine,tiH,Olii.
Ciiyza II. nn de Hongrie, 57.
Gitbnl délit Poiée. Sa r(ïputalion connue
professeur, U2, !)5. Son (élévation à Icpis
copat, 93.
Gilles, évcque d'Évicux. lUait neveu de
Hugues d'Amiens, mais non de la ramille
des comtes du Peu lie, lï<. Pourvu par sou
oncle, dés l'an 1I4">, d'un an liidiaconé
dans l'église de Uoiien, il lui lait évêiiuc
(riivrcnx l'an 1170, ibid. 1/ari 1171, il lait
le voyage de Itome pour jiistilier -on sou-
verain lleurill, du luenitre de saint Tho-
mas de Oantorbëry, et réussit à le léeon-
(■ilicr soit avec Kome, soit avec le roi de
France, 19. Il se rendit, seul de sa provin-
ce, au concile de Lalraii de l'an 1 17!), et il
mourut la même aimée, à sou retcnr, ibid.
Sa lettre au pape Alexandre III, peu favo-
ralile à rarclicvêi|ue Thomas, dont il n'ap-
prouve pas les lessentimcns, et pour dé-
tromper lepapc sur les rapporis mensongers
(]u'oii lui avait faits de ce qui s'était passé
au eouronneiiienl du jeune roi Henri, I!),
20. Autre lellreau iiiènie pape, relative au
procès qui s'était lenouvele de sou temps
cnticrarchevêqueileCaulorhéry ( t l'abliéde
Sainl-Angu-tin. au sujet i!e la proris>ion
canonique d'obéissance dont cet abhé se
piétcniiait exempt [lai privilège, 20 et 21.
Girard, la pueelle, professeur céli'brc du
.\ H' siècle. Sa pallie. 301. Des sciences
ipi'il cultiva et (pi'il enseigna. 301 et 303.
Prévention que sa eonduitc fait naître sur
son orthodoxie, ibid. Il consnllc Ji^aii de
Sarisbéiy ; réponse qu'il eu lecoit. \ii.
Autres lettres qui i e ileriiier lui éii il sur le
nicnie sujet, 145. Uéelaiatioii qu'on exige
dcGiiard, 301, 502. Il avait Thomas li.ekel
pour prolecteur, 302. Il lelioine le iiièiiie
appui dans son successeur, qui le eliaige
d'une réclainalioii aili'cssée au pafic eonlie
l'abbé de Caiiloihcry, 305. Sa iiiiininaliun '.i
uu évèché, ihitl. Si mort, ibid. 1) une de
ses lettres à Thomas Itecket, 503, 504. Il
obtient du papequc les professeurs jouiront
du revenu de leurs béiiéliees, quoiqu ilsiie
résident pas, voyez Uùno/iccs.
Gisorf. Détails donnés par Jean deSaris-
liéry, dans ses leltres, sur la conférence
tcnueàGisors. en 1167, cl ensuite à Argen-
tan, à l'occasion des démêlés de Henri II
avec rarchcvêque dcCantorbéiy,l4Gcll47.
Gtie (droit de) Aboliliou de ce droit
pour la ville du Bourges, 71.
Glawille (lianulfe de), grand justicier
irAiigleterre Sa patrie et sa famille, iiiS.
Sou Traité des loisetcouluincs d'Angleter-
re, "ifO. Analyse de cet ouviage, t)i7 cl
5t!S. Autrcouviage qu'on lui attribue, iiiS.
Ses talensaussi comme guerrier, 341). Mis-
sions d.iiit il fut chargé, ;i48 el 5l!l. De
quelques-unes de ses lettres Si'.t. Sa moil,
E){8 Erreur commise à l'égard du temps
où il léciil, !>4'.). Voyez Jusiiciets.
Gnc;/ iif» Piétcptcs et conseils que leur
donne Jean Sarisbéiy, 104.
Gui III, évcquc de Ch'ilons-sur-Manie,
.1 distinguer de Gui II.— Ses quatre Icltrci
à Louis-le-Jeuue, 020.
Gui d' Eiumpet, évcque du Mans, célèbre
professeur avant son cpiscopat, 412.
GmeiiARD, abbé de Pontigni, puis anlie-
vèq.ie de Lyon Suceéd.i, a Pontigny, l'an
1 15(), Ji Hugues de Mac. in. (I.miiu évoque
d .\uxerii', 170. Étant encore dans ce pos-
te, il donna l'an Util, l'hospitalité à Tho-
mas lleckel, archevêque de Canlorbéry, el
à ses com|iagiiuiis (l'exil, i'<m(. L'an lliiu,
noiniiié à 1 aiilievêché de l.yon. Il reiul la
coiiséei ation des inaiiis du Pape Aluxau-
die III, ibid. 1/au 1171, il est levètu des
pouvoirs de légat, 180. Il Iraiisige, l'an
1175, avec le comte de Forés, pour la pari
des ili (lits seigneuriaux ([ue celui-ci exer-
çait dans Lyon. ibid. Sa mort vers 1 180 ;
.ses écrits, 181. Ses leltres. 182. Des statuts
pour régler l'ordre des oflices divins dans
l'i'glisc de Lyon, ihtd.
GciLLicMii Adliéinur, poêle provençal,
brave soldai, el bon poète. Aniaiil d'une
comtesse de llie, qui ressemble de nom à
une autre qu'aima Uamband d Orange, et
(|ul eut, comme clic, le talent de la puésicj
Il en était SI passiounémcnl amoureux,
(|u'ayaiit appris qu'un parlait de sou ma-
riage avec un autre,il en mourut, !)U7-Stj!l.
GUILLAU.MS d' Agonit, poêle provençal. Se
luonlra toujours attaché à la pureté des an-
ciennes micui's et des anciennes amours.
La (biiiie de ses pensées, et l'objet de se,
chansons lut Juiisserande de Liiiiel. lien
dédiale recueil ii Alpliouse 1 ',i uid'Aragou,
doiuilétait premier geiitiUiumme Uori vers
I l8t.INostiadaiiius, rbistorieudeProvcnce,
recule sa moi t jusqu'en llilO, 20!>, 210.
Guillaume, uhbv d'Auheiivi\ Écrit sur
Icsprupriéles clsignillcations invstérieuses
des nombres, 200 - 20îi.
Guillaume de Ca'iesliing, poêle provcii-
(;al. Dans sa jeunesse, page ou varlet de
M m min 2
644
TABLE DES AUTEURS
Raimond, seigneur de Caslel-Koussiilon,
210, 211. Ensuite écuycrde madame Mar-
guerite, femme de Raimond, est bientôt
amoureut et aimé d'elle. Raimond averti
de leur intelligence ; vengeance i|a'il en
tire. Trait à jamais exécrable du cœur de
Guillaume qu'il fait mangera Slargucrile.
C'est le même qui est rapporté, à la même
époque, sur Raoul de Couci et Gabrielle de
Vcrgy. L'auteur de la vie romanesque de
Cabestaing y aura ajouté cette fiction de
plus. Impossibilité que le mcme trait se soit
répété deux fois, même dans ces siècles
barbares, 210-21.4.
Guillaume de Conihe$,{in des professeurs
célèbres du XII' siècle, et des maîtres de
Jean de Sarisbéry, 31 .
Guillaume, lils naturel d'Utiennc, roi
d'Angleterre, Mi.
GuiLHUME de Gnp, médecin, abbé de
Saint-Denis. Abdique en ll86;a traduit du
grec en latin l'éloge de saint Denis l'Aréo-
pagite. par Micbcl le Symelle, et une vie
du philosophe Sccundus, 374 — 376.
GoiLLtcMi, moine et bibliolhécaiie de
l'abbaye de Marmoutieis, (iUD.
Guillaume de S'ui bonne, ou de Toucy . .Sa
lettre à Alexandre III, pour Thomas Occket,
616.
GuiLLtUME Pattnvant,tvè<\WR du Mans. Ses
chartes, ses vers et ses épîtres, 619, 62U
Guillaume de Soiisoni. Invention qu'on
lui attribuait, !)2. Jelo de Sarisbéry vient
étudier sous lui ; détrompé bientôt, il l'a-
bandonne, iljid.
Guillaume TemiUiers, ou Tempeii. abbé
de Reading. puis archevêque de Bordeaux.
Ses Charles, 609,610.
Guillaume de Ti/r. Sa patrie, 587, 588.
Gouverneur du lils du roi de Jérusalem,
889. Archevêque de Tyr. ihid. Époque et
cau.sedesa mort, S90, 591. Son Histoire
d'Orient depuis la première croisade; di-
verses éditions de cet ouvrage, 592 elsuiv.
Autres ouvrages de Guillaume de Tyr, 59S,
596. (C est par erreur qu'on a suppo.é. p.
B91,vers la fin, que les deux lettres d'Ale-
xandre III étaient adressées à Guillaume ;
elles le sont à un autre archevêque de Tyr,
nommé Frédéi ic.)
H.
HACKBT, abbé des Dunes. Ses chartes et
ses sermons, 353
Uétie (Pierre), professeur célèbre du
XII' siècle, un des maîtres de Jean de Sa-
risbéry, 91 .
HiRtT II, roi d'Angleterre. Lieu et épo-
que de sa naissance, 463. Rois dont il des-
cendait, il/id. Son enfance, son éducation,
iliid. Devientduc de Normandie, 4-64. Élo-
ges donnés à sa première jeunesse , ibid. Il
épouse Éléonore d'Aquitaine. Voir£Woiiore.
Il est adopté par le roi Etienne, 405. Accord
fait entre ces deux princes, liid. Conspira-
tion tentée contre Henri, ibiii. Les Anglais
étaient cependant impatiens de le voir ré-
gner, 468 et 466 Sa mort, 407. Oi il mou-
rut;inscriplion mise sur son tombeau, 468.
Du testamentdc Henri 11,469. De quelques
lois et institutions qu'il fit dans les pre-
mières années de son règne, 469, et suiv.
Actes et lettres de ce prince sur les matières
ecclésiastiques en général, cl sur Thomas
Becket, en particulier. 473 et suiv. Voyez
Alextndre, Becket, et Clurendon. Actes et
lettres concernant Thomas Becketel la cour
de Rome, depuis les constitutions de Cla-
rcndon jusqu à la mort de ce prélat, 485 et
suiv. Voyez fltcAef. Actes et lettre? relatifs
aux conquêtes de Henri II, cl à l'accroisse-
ment de ses étals, 5U6 cl suiv. Actes et
lettres concernant la rébellion des cnfans
de Henri II envers lui, 512 el suiv. Actes et
lettres sur divers objets, 516 el suiv. Actes
concernant l'administration de la justice,
la police, cl l'administration intérieure, la
législation civile et criminelle, 521 et suiv.
Lois concernant les revenus pubb'-s el la
féodalité. 533 et suiv. Le roi de Castillect
le roi de .Navarre s'en rapportent à son ju-
gem,dans les diflérends élevés entre eux,
520 et 521. Il rend hommage à Louis Vil,
comme i son suzerain. Louis VII lui rend
les fiefs confisqués, 152. Jugement à porter
sur Henri II;ce qu'en disent plusieurs écri-
vains 541 et suiv. Son amour pour les let-
tres; proteclinn qu'il leur BCCorde,542-544
cl suiv. Voir aussi sur ce prince, aux mois
Aleximiie, Becket, Ctarendon, C/crçi',
Etienne, h lande. Loi; Jean de Sjriibéry,
Terre- Sainte.
Henri, abbé de Haute-Combe, puis de
Clairvaux, enfin cardinal-évcque d'Albano.
Sa n:iissaiice, 452 Abbé de Ilaute-Cocnbe,
l'an 1160, il est transféré à l'abb. de Clair-
vaux. l'an 1 176, i&iii. L'an 1 t78|ilse joint oux
missionnaires envoyés à Toulouse, pour
combattre cl dissiper les erreurs des Albi-
geois, 453. Il se rend & Castres pour déli-
vrer l'évèque d'AIbi, que le vicomte Roger
retenait en prison. 454 II refuse l'évêclié
de Toulouse, ibid. Il assiste, l'an 1179, au
concile de Latran, est créé cardinal-évêqne
d'Albano. el nommé légat en France. 455.
L'an 1181, il fait, a la tête des croisés, le
siège de Lavaur contre le vicomte Roger.
ibiJ. Conciles qu'il célébra, cette année,
dans plusieurs villes, iii(i. L'an 1182, après
avoir cimenté la paix entre le roi de Erance
el le comte de Flandre, il fait la dédicace
de la cathédrale de l'aris, 456. Retourné à
Rome, il assista aux obsèques des papes
Lucius el Uibain ; se voyant désigné pour
succéder au dernier, il préfère d'aller,
comme auparavant, prêcher la croisade.
ET DES MATIÈRES.
645
ibid. Arrivé en Allemagne, l'an 1187, il a
sur rel objet une conférence avec l'empc-
rcurFiédéric, puis avec les rois de Fiance
et û'Anglclcrrc, i57. De rclour en Alle-
magne, l'an 1188, il assiste à la diète de
Waycncc, où l'empereur prit la croix avec
Is noblesse de l'empire, ibid. La même
année, il travaille à la réconcili;ition des
rois de France et d'Angleterre, et meurt à
Arras, au l" janvier de l'année suivante,
ibid. Ses lettres, 4!I8— 460. Son traité De
Peregrinanle Civilate Oei, ^^âO — 462.
fianrt,archidiacre d'Hunlington; sa lettre
4 Warij,surlespremiersrois de la Grande-
Bretagne, 367.
ïltKK\-te-Libéral, comte de Champagne.
Son application it l'étude, et la protection
qu'il accordait aux gens-de-leltres, 205 et
suiv. Éloges et pièces de vcrsgravés sursoa
tombeau, 206 et suiv. Ses lettres ou actes
législatifs pourses états, 208. Questionslit-
téraires et philosophiques^ qu'il propose à
Jean de Sarisbéry; lettre de Jean de Saris-
béry, en réponse aux demandes du prince,
142-208.
Benri, fils de Thibaut IV, comte de
Champagne, Éloges que Louis Vil lui
donne, S4.
Ubnri, évcque de Lubec. Soutient une
dispute sur la procession du Saint-Esprit ;
auteur d'une homélie, etc., 608, 609.
Béraclius, patriarche de Jérusalem. Inso-
lent discours qu'il adresse au roi Ucuri II,
804.
IIekbirt, ou llcribert, né en Espagne,
abbédeMores, au diocèse de Langres, écrit
trois livres sur les Miracles de saint Bernard,
devientarchevêquedeTorres enSanlaignc;
n'est pas l'auteur d'une épître polémique
contre les hérétiques de Périgord, BSi,
8S5.
Bérésie. Lettre de l'archevêque de Nar-
bonne au roi.sursesprogrèsen Languedoc,
61 ,62. Mort de ses plus ardents promoteurs,
6t. Albigeois,i6iii. Autres hérétiques, voyez
Popficaini. Lettre de Louis VII au pape, sur
les progrès de l'hérésie, 61, 62. Mesures
législatives pour la réprimer, 85. Punitions
infligées par Pierre de Saint-Chrysogone,
légat dusaint-siége, à un seigneur langue-
docien, qui était venu abjurer ses erreurs,
232, 233. Lettre de ce prélat contre l'hé-
résie des Albigeois, 234.
Béric, moine de Saint-Germain à
Auxerre. Premier compilateur des gestes
des évêques de celte ville, 414.
HiHBERT, ou Humbert: auteur d'une
relation des miracles d'un novice Castillan,
607, 609.
Hugues ie Afon(;eaux,abbéde Saint-Ger-
main des Prés. Ses deux lettres & Louis VII,
618, 616.
HoeoES (i« Murdijiie, prieur de Saint -
< 3
Martin de Seez. Son épître à Geoffroy,
abbé de Sainte-Barbe, 618.
ifujuosde Nonaiil, neveu d'Ariioul, évê-
que de Lizieux. Lettre de son oncle, écrite
contre lui au roi d'Angleterre, 330.
Hugues, moine à Salvanez, au diocèse
de Vabres. Ses lettres à Gaucelin, évêque
de Lodève, 400 et suiv.Auteur de l'Histoire
de la conversion de Pons de Lavazio, fon-
dateur de son monastère, 401.
Humanité de J. C. Objet de controverse
entre lesthéologiens,196-199,et 882,883.
I.
Jndiclion. Explication singulière de l'ori-
■'■gine de ce cycle, 380.
Innacint 11. Sa lettre contre Louis-Ie-
Jeune, au sujet de l'élection de Pierre delà
Châtre à l'archevêché de Bourges, 80. Il
met le royaume en interdit.
Iiuerdii. Jeté sur le royaume par Inno-
cent, tiO. Jeté sur tous les domaines du
comte de Toulouse, par Alexandre ill, 68.
Levé à la demande de Louis- Ie-Jeune,i6t(l.
Jeté sur un évcque, pour avoir aliéné les
fonds de son église; comment il le fit lever,
121, 122. Voyez Becket.
Irlande. Permission donnée par le pape
au roi d'Angleterre de s'en emparer; con-
quête qu'en fait le roi,94,b09,alO.Nouvel-
lesloisque Henri lui donne, 510, 511, B18.
Irneriu$, fondateur delà première école
oiî l'on enseigne les Pandectes, 26, 27.
J.
JEAN DE CoKNouAiLLBs. Le licu de sa nais-
sance est inconnu, il a étudié en France;
son traité du S. Sacrement de l'autel, et de
l'humanité de J, C; son Euloge adressé au
pape Alexandre 111, 194-199. Un opus-
cule mystique sur le canon de la messe lui
a été attribué, 858.
Jean de IIantvilli, poète latin, dont
le nom a étédéfiguré par la plupart desau-
teurs, et que plusieurs ont voulu fairenaîlre
en Angleterre, quoiqu'il dise lui-même
qu'il était né en Normandie. On ne sait rien
d'à-peu-près certain de sa vie, sinon qu'il
fut fort attaché au roi, duc de Normandie,
Henri II. H a laissé un poème triste et bi-
zarre, intitulé.ArchithréniuSjCl dont Badius
Ascensius, qui en a donné une édition, a
dit qu'il portait justement ce titre, comme
le chef ou le prince i/e» tomenf'Kiojn.ldcede
celouvrage; erreuret malentendu extraor-
dinaire de M. Bonamy, de l'académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, dans un mé-
moire qui fait partie du recueil de cette
académie, au sujet dece poème. Cetteerreur
de Bonamy a passé dans la dernière édition
de Moréri,"et voilà comme les erreurs se
646
TABLE DES AUTEURS
propagent! VArchiihreniui a été imprimé
iParis,par JodocusBadiu8Àsccnsius,tS17,
petit in-**, 669-S79.
Jean l'Uibuitk. Auteur d'une vie de
saint Bernard, 222—122*. Plusieurs person-
nages nommés par Jean l'ilermite, 22*.
Jeam de MoNTLAca, évèque de Uaguelo-
ne. Ses deux lettres à Louis Vil, 62(j, 627.
Jean, prévôt d'une maison de Prcmon-
Irés. Ses lettres ù Philippe, abbé de Bonne-
Espérance, 275 et suiv.
Jean de Sabisbéry, ou Salisbury. Son
nom de famille, époque et lieu de sa nais-
sance, 89. Désigné quelquefois sous le nom
de Sévériaous,pourquoi?ibid.Ses premières
études, ses premiers mailres, 89 et suiv. Il
devient chapelain de Pierre de Celles, 93.
Il repasse en Anglelerre, et s'attache &Tbi-
bault, archevêque de Canlorbéry, et ensuite
à Thomas Beckcl. 9*, 95. Plusieurs missions
qu'on lui donne pour Komc, i'iii. Amitié
qu'Adrien IV conçoit pour lui, 9* et 10*.
Leurs entretiens tamiiiers; ce que Jean de
Sarisbéry en rapporte, 105, 10b. Il partage
la résistance de Thomas Beckct, et il est
obligéde quitter l'Anglcterre.Ot). Voir aussi
*32etsuiv. Il demande à y revenir; serment
qu'on eiige de lui; le pape n'approuve pas
que ce serment soit prêté, 13*. Jean de Sa-
risbéry revient enfin en Angleterre,et après
l'assassinat de son archevêque, il reste at-
taché i son successeur, 96. Il est nommé
évcquc de Chartres; le dévouaient qu'il
avait montré pour Thomas Beckct contribua
beaucoup à lui faire obtenir l'cpiscopat,
67 et 96. Sa mort, son successeur, 97.
DilTérentes opinions sur la manière dont il
gouverna son diocèse, ibid. Sa haine pour
les innovations, 97,98. Ses bienfaits envers
l'église de Chartres, 98. De deux de ses
frères, et des lettres qui leur sont adressées,
98, 1*0. 1*1, 1*2. Son dévoiiment à lar-
chevêque de Cantorbéry n'empêchait pas
qu'il ne hlùmàt quelquefois sa conduite,
110,153,13*, 1*8.
Sesouvragesimprimés,l°lePulicratique;
objet de cet ouvrage, analyses successives
des huit livres dont il se compose, 198 et
suiv. Ses différentes éditions, 112. C'est à
Thomas Bccketqu'ilcsl dédié, 100. 2»rEs-
théiique, 112, 113. 3° le Métalogique; ob-
jet de cet ouvrage; analyse de ce qu'y dit
l'auteur eu l'honneur des lettres et de la
philosophie, et contre leurs ennemis, 113
et suiv. Éditions et manuscrits du Métalo-
gique, 1 17. *" les Membres qui conspirent,
petit poëme, 117.5" Vie d'Anselme, arche-
vêque de Cantorbéry, H7. 6» Vie de Tho-
mas de Cantorbéry, 118, 119.7» Commen-
taire sur les cpîtres de Saint-Paul, 119.
8» Lettres écrites sur un grand nombre de
suiets, 119 elsuiv. Voir Alexandie, Beckel
( Tbomu } , Girard-ta-P'ucelU, Giiori ,
Benri II, Henri, comte de Champaani,
Reinii, rÂi6au(. Des différentes collectio.is
et éditions de ces lettres, 120, 157. Ouvra-
ges manuscrits ou perdus, 157, 158 Sur la
manière d'écrire de lean de Sarisbéry, son
érudition et sa doctrine, 158 et suiv.
Joùttf et Tournait. Ordonnance sur cet
objet, attribuée à Louis VU, 87.
Jugemenê de Dieu. Ce qu'ils étaient en
Angleterre avant Henri 11; il leur substitua
les assises, 527. Voir ili»iie«.
Juifâ. Kcoleset professeurscélèbresqu'ils
eurent en France dans le X1I° siècle, *4.
Loi de Louis VII, concernant les Juifs,
82, 83.
Juêii'ieri des justices d'Angleterre, 5*5 .
Du grand ju8(i< ter, de sa dignité, de ses at-
tributions, 5*5 et suiv.
L.
l" ACBATRB (Pierre dej. Elu et sacré arcbe-
■'-'vèque de Bourges, contre la volonté du
roi ; comment l'opposition du roi se mani-
feste; ce que fait le pape, 50. Voyez /nno-
ce,>i II.
Laleu (Martin), chanoine régulier de
Saint-Aubert de Cambrai. Livre manuscrit
de mélanges, appelé Po(-poui ri, 597.
Lo/.feer«(Sainl), évèque de Liège et mar-
tyr. Sa vie par Heiner, *2*.
Laubebt le Bègue, prètredc Liège, insti-
tuteur des Béguines. Mis en prison à cause
de ses prédications véhémentes contre le
clergé du diocèse, *02 et suiv. Son voyage
à Rome, et sa mort arrivée l'an 1187, ou
environ, *0*. Auteur de traductions en
langue vulgaire, soit des Actes des Apôtres,
soit des vies dejsaint3,405 etsuiv.Ce qu'il
faut penser d'un ouvrage qu'on lui attribue,
ayant pour titre, Aniigraplium Pétri, *06
-*09.
Lambert, curé de Teux, au diocèse de
Liège. Sa lettre à Lambert le Bègue, *07
et suiv.
Lahbebt Waterlos, chanoine régulier
de Saint-Auberl de Cambrai. Quelques cir-
constances de sa vie, 596. Un long fragment
de sa Chronique, 597.
Languedoc. Diverses lettres sur l'état où
se trouvait ce pays pendant que Raymond
V le gouvernait, 59.
Laon. Droits dont ta commune jouissait,
*8. Droits accordés par Louis VII è son
évcquc, 80 et 81.
Légalei. Erreurs commises sur le sens de
ce mot; sasignilication véritable, *78 et *79.
Liturgie, ou offices divins, 220 — 222,
556 - 558.
Lo'M. Des lois d'Angleterre, avant Henri
II, *7U. Changeincns ou modificalions i|u'il
y apporte, *70 et 471. Lois de ce princesur
divers objets, 471 et suit. Voyez Henri II.
Voyez aussi Loait VU, pourquelques-uncs
de ses lois.
ET DES
Lofidrei. Loi de Henri H, qoi Confirme
SCS libertés, 171.
Lorrii, en Gâtinoi». De ses cooliimes, 71
et suiv. Réclamées par plusieurs villes, 77.
Voyez Uarchéi.
Loois VII. Homme? célèbres que la France
eut, pendant son règne, sous les rapports
littéraires, 12. Écoles et professeurs qui
existaient alors à Paris, lî, 13,91. Aca-
démies juives dans plusieurs villes, 11.
Éducation de Lwiis Vil, ihid. De ses diffé-
rens mariages, 11 et 15. Ses vertus et ses
défauts, 13. Sa mort, sa sépulture, épita-
phes, 16 cl 17. D'un de ses frères, 17 et 18.
Son voyage à la Terre-Sainle ; ce qui le
lui fit entreprendre, 50. Diverses lettres
écrites par lui, pendant ce voyage, bl cl
suiv. Son retour en France. 55. Projet
d'une nouvelle croisade, ibid. Comment
on parvint à l'un détourner, li6. Son projet
d'aller combattre les Maures en Espagne
est désapprouvé par le pape, ibid. 11 fait
lever l'interdit jeté sur les états du comte
de Toulouse, 5S. Il répudie Éléonore d'A-
quitaine. Voir Eléonore. Il défend Toulou-
se contre Henri 11, roi d'Angleterre, 58 et
59. Ses lettres au pape contre les héréti-
ques, 61 et 62. Lettre au même, sur la
convocation du grand concile <le Latran,
ihid. 11 s'y plaint, avec beaucoup de force,
delà conduite des évèques, 62 et 63. Lettres
<\\i\ ont pour objet les dissensions et le re-
lâchement des églises et des monastères,
63, 61, 65. Lettres concern.nnl Thomas
Bcckel, S-ï. 66, 67, 70. Voyez Beckei (Tho-
mas). Lettre au pape sur les jeûnes pres-
crits; réponse du pape, 68 Quelques autres
lettres de Louis VII, 68. Diverses chartes
de ce prince, concédées à des églises ou i
des villes, ou concernant les droits royaux,
la police et l'administration publiques, 68
et suiv. De quelques JQgemens rendus par
lui, 87 et 88.
Loc, ahhé du Uoni Cornillon, ordre de
Prémontré. 11 ne reste de ses écrits qu'un
Commentaire sur une partie du Cantique
des Cantiques; c'est un abrégé du commen-
taire d'Aponius, 8 -10.
M.
ATajh4«ii, abbé de Pontigny, cl ensuite
J-*-cardiflal et évéque de Palestrine, 118.
kpoque il« sa m»n,ibid. Chargé de compo-
ser desstatuli pour le« chevaliers de l'ordra
de Calatrava, 118 et U9. Oublié quelque-
fois dam la liste des cardinaux, 119. On
l'a auiai confondu avec son successeur dans
l'abbaye de Pontigoy, ibid.
Wain - Motte. Affranchissement de ce
droit, 88.
Manlet. Letlresde Louis VII enfaveurde
cette ville, 72. Avantages assarés à ceux
AtATlÉilËS. 647
qui Viendraient vendre & ses marchés, ihid
Uanutcrili effacés pour écrire d'autres
livres sur les mêmes parchemins, 633.
MrtrcA^». Voyez Bovrga, ilantei. Orléant.
Dispositions relatives aux marchés de Lor-
ris, 75.
MtTBiED d'Angkhs. D'abord profeiseiir
de jurisprudence, 227. Consulté souvent
par Alexandre III, 228. Fait cardinal, ibid.
Sa mort, ibid.
liatitde. mère de Henri II, roi d'Angle-
terre. Voir la page 163.
ildutei. Louis Vil veut se croiser contre
les Maures d'Espagne, 56. Réponse que lui
fait le pape à qui il avait envoyé des am-
bassadeurs pour l'en instruire, ibid.
Uercier de Suint- Léger . Ses notes ma-
nuscrites sur la Uibliothèque medix et infi-
mat latinitaiii deFabricius, 318.
Metiiva. Quelle contribution c'était, 72.
Son abolition à Boiiiges, 71 et 72.
Michel te Syncelle, auteur d'une vie de
saint Denys l'Aréopagile, traduite en latin
[iarGuillaumedeGap,abbédeSaial-Denys,
ô7Q.
Misericordia. Signification que ce mot a
souvent dans les anciennes lois de France
et d'Angleterre, 180.
Hona'tèiet. Dissensions et relûchemenl
dans les monastères; mesures et lettres de
Louis VII à ce sujet, 63, 61, 65.
UuUe, doyen de l'église de Cambrai. Ses
collections manuscrites des historiens da
Cambrésis, 597.
N.
AJaii/roje. Droits du prince sur les effets
^^ naufragés, d'après les anciennes lois
d'Angleterre, 510.
Nicolat, moine de Saint Alban en Angle-
terre; sa controverse avec Pierre de Celle,
touchant l'immaculée conception de la
Sainte-Vierge, 261—261.
NicoLis, lous-prieur de Saint-Victor.
Sa lettre i Gérebert, 611, 615.
NiAiliKiD. lia rejetaient la propoaition:
JésDs-Christ est quelque homme. Jean de
Cornouailles les réfute ; Alexandre III les
condamne sans les déclarer hérétiqoes,
198, 199, 592, 853.
Nomftre».. Leurs propriétés oa significa-
tions mystérieuses, 200— aoB.
Noradin. Victoire qu'il remporte sur
les chrétiens; lettres k ce sujet, 31, 32.
iVoyon. Discussions élevées entre cette vil-
leetsonchapitre,aurledonuula vente d'un
domaine; lettres au pape à ce sujet, 33.
0.
0
don,»hbé de Morimond Se* idées sur les
significatioss njslArieaBe* des nombres.
648
TABLE DES AUTEURS
200—202. N'est pas l'auteur de sept épîlres
ascétiques, 3i7.
Odon, abhé de Snim-Père pt h d'Âiixerre,
et ODON,prcmier abbé de Sainte-Geneviève.
Leurs vies, leur écrits ; il est diflicile de
savoir lequel des deux est l'autour de sept
épitres ascétiques; plusieurs Odons souvent
confondus, 346 — 350.
Odon Stigand, fondateur du prieuré de
Sainte- Barbe en Auge, 603 et suiv.
OrMan», Louis VII y abolit plusieurs
mauvaises coutumes, 75. Dispositions con-
cernant les marchandises apporlées- cHes
ventes faites au marché d'Orléans, 73 et
74. Autres lettres en faveur de la ville
d'Orléans, 78, 82.
Paiidectej.Lcur découverte; effets qu'elle
produit; Iciii' enseignement public, 27.
Parti. Avec quel succès on s'y livrait,
dans le XII» siècle, à- l'étude des sciences
et des lettres, 43. Collèges qu'on y fonde
pour les étrangers, ibid. Confirmation par"
Louis VU des privilèges accoidcsaux bour-
geois de Paris, négociant sur la Sciiio, 77,
78. Loi de ce prince, concernant les bou-
chers de la même ville, 79. Louis VU dé-
fend d'y exercer le droit de prise, 81.
Paulicient, voyez Popticaim.
Pauluibs (Roborl), attaché 1 l'évêque
d'Amiens, n'élail pas moine. Son traité de
liturgie on des cérémonies sacrées; il n'est
pas l'auteur d'un opuscule sur le canon de
la messe, ni d'une somme sur la pénitence,
ni d'une vie de saint Kranl, etc. BoG— 538.
Philippe, père de Louis VU, 47 et 48.
Philippe, abbé de l'Aumône. Liant ar-
chidiacre de l'église de Liège, il accom-
pagna, l'an 114(i. sailli bcrnaid allant prê-
cher là croisade en Allemagne, 167 cl suiv.
Ayanicrabrassé la vie religieuseàClairvaux,
il fut fait prieur du monastère du vivant
même desaiiil Bernard. et vers l'année lliiC,
abbé de l'Aumône. IC8. L'an 1164, il fui
envoyé parle pape Alexandre 111 en Angle-
terre, pour appaiser le différend qui s'était
élevé enlre le roi lleiiri M et l'arcbcvcijuc
de Cantorbérv, au sujet de la prérogative
royale, iiid. L'an 1171, il se démit de son
abbaye, et vécut au-delà de l'année 1179,
ibid. Si relalion dnvoyagc desainlBernard
en Allemagne. 109. Ses lellrcs. 169-176.
Auteur des vies de saint Amand.évêquedc
Maëslrichl, et de l'Ilirtoire du martyre de
saint Cyr et de sainte Julile, imprimées
parmi les œuvres de Philippe, abbé de
Bonne-Espérance. 177 et suiv.
PniLirPE DE lUnvEsa. Était Flamand,
268. Llantcnlréilaiisl'ordrede Prémoniré,
il fut long-lcmps prieur de l'abbaye de
Sonne-Espérance au diocèse de Cambrai,
dont il devint abbé vers l'an 11ÎÎ2; 271 et
suiv. Sa mort peut être rapportée à l'an-
née 1182 ou 1183, 272. Ses lettres, au
nombre de vinsl-une,273 —282. Commen-
taire sur le Cantique des Cantiques, 283.
Moralités sur le Cantique des Cantiques,
ouvrage qui n'est jias de lui, ibid. Traité
dans lequel onexamine si Adam est ou n'est
pas dans le ciel, 284. Aulrc question rela-
tive à la damnation du roi Salomon, ibi'd.
Traité de la dignité des clercs et de leur
préémineucc au-dessus des moines, 285. —
288. Traité du silence des clercs, 288.
Vies des Saints, écrites ou retouchées par
Philippe, 289 et suiv. Ses poésies, presque
toutes faussement atlribuécs, 291 — 293.
Philippe, archevêque élu de Tours, puis
archevêque de Tarcnle, dans la Pouille,
mal-à-propos confondu avec Philippe, ab-
bé de l'Aumône. 166 et suiv.
Pieri e (le Bienheureux), prieur de Jully ,
au diocèse de Langres. Sa Légende, 631 —
652.
Pierre de Z?(oi». A peut-être rédigé les
lettres de Rotrou, archevêque de Rouen,
299.
Pierre II, évoque de Carpentras, auteur
de réglemens monastiques, 605.
Pierre de Celle. Sa famille était alliée à
celle des comles de Dreux de la maison de
France, 237. Ayant embrassé l'élal monas-
tique, il fut fait, vers l'an 1147, abbé de
Mdûticr-la-Celle, près de Troie en Cham-
pagne, ilii't. L'an 1162, Il fut pourvu de
l'abbaye de Sainl-Remi de Reims, 238; et
l'an 1180 ou 1181, de l'évêché de Chartres,
24U. Sa mort pcul èlre fixée à l'annéel 183,
l'iid Ses lettres pendani qu'il était abbé ù
Moùlier la -Celle. 241 — 251. Ses lettres
comme abbé de Saint-lteini de Reims, 251
— 264. Ses sermons. 265. Traité des Pains,
dont il est parlé dans la Sainle-Écrilure,
266. Exposition mysliquect morale du ta-
bernacle de Moïse, ibid. Traité de la con-
science, ibid. Traité de la discipline claus-
Iralc, 267. Commentaires sur le livre de
Ruth, iV)irJ Pierre de Celle donne asyle &
.Iran de Sarisbéry. cl le fail son chapelain,
93. Lettres que Jean dcSarisbéry lui adresse,
reconuaissanccqu'illui témoigne, 130, 151.
Pierre de Saint- Ciirvsocone. Faveur
qu'il cul auprès du pape Alexaiidres III,
2.^0, 231 . Reproches que lui fil pourtant ce
ponlife, 231. 252 lldcvicnt légalduSaint-
Siége et cardinal. 232 Affaires qu'il eut à
Irailei pendant sa légation, ibid Mesures
qu'il prend pour étouffer l'hérésie. 232,
235. Voyci Héréiiet. Lettres de Pierre de
Sainl-Chrysogone,a53 et suiv. De quelques
lellres qui lui furent adressées par le pape,
par tlienne de Tonrnay, par Pierre de
Celle, par Thibaut, comte de Blois, 235,
236. Il fail lonnaiire à Alexandre III, oui
le lui demandait, les noms des hommes les
ET DES MATIERES.
649
plus dislingués que la France eût alors sous
le rapport du talent, du savoir et de la
doctrine, 23i.
Pierre Lombard. Rcfiiti^ en ce qui con
cerne l'humaniti^ de J. C , par Jean de
Cornouailles, 194—199, et par Gautier de
Saint-Victor, 850-533.
PiEtiRE LE Mangbur, doycu de l'église
de Troie, l'an lli7, puis chancelier de
celle de Paris, l'an 1164, p. 12. L'an 1178,
il est désigné au pape Alexandre III com-
me une personne digne d'clrc élevée aux
plus émincntes dignités, 11). Faveur spéciale
i lui accordée par le même pape de per-
cevoir une modique rétribution des maîtres
à qui il accordait la licence d'enseigner,
ibii. Retiré à Sainl-Victor, il y termine
ses jours vers l'an 1179,14. Son Histoire
scholastique de l'Ancien et du Nouveau
Testament, 14 et suiv. Ses sermons, 15 et
suiv. Autres écrits qu'on lui alribue, 17.
PiERKE MoNOcuLB, abbé de Clairvaux.
Ses miracles et ses seize épîtres, 620—623.
Ponce (le Bienheureux), évêque de Bel-
ley. Ses écrits et sa vie, par un chartreux,
630.
Po^cB, gentilhomme auvergnac, abbé de
Graud-Selve, puis de Clairvaux. Sa lettre
à Maurice, archevêque de Paris, et à
Élicnne de Tournay, 624, 625.
Poplicains, ou Puliti'iiint, (appelés aussi
Pauliciens). Lettre de Louis Vil au pape,
contre ces hérétiques, 61. Ils offrent de
l'argent à l'archevêque de Reims, pour les
tolérer, ibid.
Potier (André). Histoire manuscrite de
Caleau-Cambrésis, 597.
Prxcepior. Fonction que ce mot désignai!
dans les ordres hospitaliers, 30.
Profetteitrt. Écoles et professeurs célè-
bres sous le règne de Louis VII, 42, 43.
Écoles deg Juifs en particulier, 44.
Q.
Qiiadriloffe. De celle compilation, de son
objet, et de ses différentes éditions, 118.
Quadrivium, voyez Trivium.
R.
"Daimonii V, comte de Toulouse. Interdit
■*-'jelë par Alexandre III sur tous ses états,
B8. Par quel molif? ibid. L'interdit est levé
d'après les observations du roi de France,
ibid. Alliance de Raimond avec Henri II.
roi d'Angleterre ; mécontentement qu'en
éprouvent Louis VU et les habitans de la
province de Narbonnc, 60, 61.
Itainaud, prince d'Antioche. Sa lettre &
Louis-le-Jeune, sur les malheurs de ce
pays, 55.
Ruonl-Ardent On examine s'il fut évèque
de Périgueux, 226 et suiv.
Tome XIV
RiOuL, châtelain de Coucy, poêle français,
dont le nom lié avec celui de Gabriellè de
Vcr^y, forme l'épisode le plus intéressant
de riiisloire de la poésie moderne en Fran-
ce ; on retrouve par-tout celte anecdote,
sous les noms de ces deux amans, et aussi
sous d'autres noms, comme dans l'histoire
de Guillaume de Cabestaing. Mais de gran-
des diflicultés historiques et chronologiques
se sont élevées en France, au sujet du vé-
ritable héros de ce roman, et ce n'a été que
pardcs recherches Irès-élendues et très-ap-
profoiidies qu'on est parvenue prouver que
de lielloy lui-même s'y est trompé ; que ce
n'est point du tout au seigneur de Coucy,
plus noble sans doute que son neveu, mais
beaucoup plus âgé. qu'appartient le triste
honneur de cette avenluie, mais bien au
jeune cl aimable chCitelain du même lieu,
dont les chansons pronvcnt qu'il était parti
avec regret pour la croisade; ce qui rend
croy-jble tout le reste du roman, quand il
se vil mourant sur une terre étrangère, et
privé, par celle mort lointaine, des der-
nières consolations de l'amour, 579 — 587.
R.\otL ( Sire ), historien. Auteur d'un
commentaire ou journal des diO'érentes ex-
péditions de l'empereur Frédéric Barbe-
rousse en Italie, 1. On examine si cet écri-
vain était Français ou Italien, 2 et suiv.
Rbclus (Le) de Moliens, ou de MoUeiis,
poèlc français On ignore le nom du poète
qui s'est cache sous ce titre. Il florissait
probablement avant 1 180, 33, 34. Idée des
deux poèmes qui sonl restes de lui; le ca-
ractère en est satirique et moral, 34 — 38.
Régale. Du droit de Régale en Angleterre,
avant cl sous le règne de Henri II, 539.
Reinii. Louis VII accorde ii celte ville les
droits de commune dont Laon jouissait déjà,
48. Réclamation de l'archevêiiuc et des
églises, ibid. Dissensions que le roi cherche
à appaiser, 49. Comment elles sont enfin
terminées, ibid. Lettres de Jean de Saris-
béry sur les Rémois et leurs dissensions,
143, 144.
ReiNER, religieux du monastère de Saint-
Laurent, à Liège. A donné lui-même un
catalogue de ses écrits en vers et en prose,
420 — 423. Vies de saint Wolbodou et de
saint Lambert, évêque et martyr, etc., par
Reiuer, 423 — 425. Plusieurs Reiner, diffi-
ciles & distinguer, ibid.
Religieux. On leur défend l'élude cl l'en- ,
seigncmeiit du droit romain, 29. \
Renuberi (Saint), ou RambcrI. Translation
de ses reliques en 1070 ou 1080: légende
rédigée au Xll° siècle, 632.
Reprf»eiHuiion» dramatique». Ce qu'elles
étaient sous le règne de Louis VII ; quelle
en avait été l'origine, 42.
Brveiuia publier, en Angleterre, avant et
l'cadanl le règne de Henri II, 533 et suiv.
RicKAno, archevêque de Cantorbéry. An.
N n n n
650
TABLE DES AUTEURS
tagoniste de Roger, archevêque d'Yorck ;
décrets et lettres de Richard, ()17, 618.
Richard l'Évèqi'ii, professeur célèbre
du XII" iiccle, un des maiires de Jean de
Sarisbéry. 91, 215. Éloge que celui ci fait
l'c son savoir et de sa manière d'enseigner,
ihid. Il change elg'ile sa méthode d'ensei-
gnement, 21(3 Étude particulière qu'ilavait
faite de la philosophie d'Arislote, ilud. Il
mourut évi'que d'Avranchcs.2IO, 217. Est-
ce à cet évôchc qu'il a dû le surnom par
lequel on le désigne? 217.
\\<\KEKT lie Fécwi'p, auteur d'iinc chio-
niquc, <)0(i.
Rubei l le flxiiiDJiui» ien,écol;'itrede l'égli.-e
duMans. 4il.
Ifd'ieri (le Mehin. professeur célMire du
XII" siècle, et thef de la secte des Kcau\,
ou Koheilins, 91.
Robert du Mont, religieux de l'abbaj c du
Bec en Normandie. 29. Eslnommé abbé du
mont Saint-Mithel, 28.
Itobcri Piiiilulus, Voyez I'aulolcs.
Riiberl Pallni, professeur célèLredu XII"
siècle, un des maitresde Jean de Sarisbéry,
03. Cardinal ensuite, ibij.
Robert de Toricni, moine et prieur du
Bec. puis ahhé du mont Saint-Micliel en
H3i, mourut l'an 1186, le 2.3 juin, 363.
Est auleurd'iMie vie de Henri I"', roi d'An-
gleterre, faisant .suite à l'histoire des ducs
de Normandie, par Guillaume de Jiimiége,
Z6i — 3(i6. Il ajouta k la chronique de Si-
gebcrt de Gemblours des accessions cl une
conlinuation jusqu'à l'année 1183. 567 —
370. Lettre de Robert à Gervais, prieur
de Soint-Céiiévc au Maine, pour l'engager
àécrirc sommairement Ihisloiredcs comtes
d'Anjou et du Maine, 371. Traité des chan-
gemens arrivés de son temps dana l'ordre
monastique, par l'établissement de nouvel les
congrégations, 371. Histoire du monastère
du mont Saint-Michel, 373. Deux prologues
placés, l'an à la tête d'un commentaire sur
les épiires de saint Paul, l'autre i la tète
de l'Histoire naturelle de Pline, 373 etauiv.
RoGBR, septième abbé du Bec. Sa patrie,
26. S'il est le même que Roger qui professa
la jurisprudence romaineen Italie, 26. 27,
29. C« qu'il avait failavant dedevenir abbë
du Bec, 27. Quand il le devint, iHd. Quels
prédécesseurs il avait eus danicetle abbaye,
28. Il refuse l'arcbeTJebé de Canlorbéry,
ibid. De l'ouvrage qu'on lui attribue, 3U.
Comment quelques écrivaina le désignent,
ibid. Ce qu'il fit pour l'abbaye qu'il gou-
vernait. z9. Éloge que Robert du Hont fait
de l'abbé Roger, 28, 29.
Roc>R,Deiinoi/(ii<, grand mailredeSaint-
Jean de Jérusalem. ErreHrseommisfs&son
sujet, 381, 382. Sa famille, d'où lui venait
son nom, 382. Statuts qu'il ajoute 1 ceux
qu'avaienCdéjales chevaliers de Saint-Jean
de Jéiusalcm, ibid. Négociations dont il fut
chargé, 'bid. Epoque de sa mort, ibid. Il est
lo premier qui soit qualifié grand-maître
dans les chniios relatives à l'ordre dont il
élan le cluf, ibid.
Roger, ahliéde S.Tint-Eiiverlc, à Orléans.
Ce qu'il avait d'abiird été, 228. Changemcus
qu'il opéia dansée monaslèie. i';i(/. Il quitte
son abliayc, et la reprend ensuite, 229.
torils qu'on a de lui, (lucl eu est le sujet,
2i9, 250.
RoGKR 1)0 Po^T l'évèqoe, archcvoi[uc
dVorck, légal, etc. Se déclare contre Tho-
mas Bciket; dispute la préséaiueà liirhard,
archevêque de Cantorhiiy, (il6, 617.
Itois. Travaux des rois qui peuvent np-
pîirUnir à l'histoire lilléiaire, ce qu'ont
iail. à cet égard, les auleiiis des douze
piemiers \oluuies de celle histoire, 41, 42.
Bl isphimes de Jean de Sarisliéiy cmilre h s
droits et l'auloiilé des rois, 103. Conseils
utiles qu'il leur donne, i6id.
RclL^^D d'ASinnibei, archevêque de Dol,
légal, cardinal. Ses lettres, 62i.
Hdliind (le Bienheureux), aMié de Chery,
au Xll* siècle. Sa vie par un anonyme,
restée manuscrite, 628.
RoTROi!, archevêque de Rouen, 29") et
suiv. Ses chai tes. 297. Ses épiires. la plu-
part relatives à Thomas Bcckct, 297—299.
Pi ni être rédigées par Pierre de Bois, ibid.
So
Oncif. Édit de Louis VII concernant le
sacre et le couronnement des rois, 86.
S'int-Jeai de Jérutalein (Chevaliers de).
Emprunt ipi ils funt pour Louis VII, venu
à la Terre Sjinte, S5. Additions faites à
leurs statuts. Voyez Koger Deimoulmi.
Siiini-Pier/e-le-iloiilitr. Lettres de Louis
VII en faveur des habilans de celte ville et
de son nionaslère. 81.
Samion, archevêque de Reimi. Sa résistance
A Louis VII; sa lettre pastorale contre ce
prince, i9 et HO.
Sar^izin (Jean). Estime que Jean de Sa-
risbéry professe pour lui, 143 et 191. Ses
divers ouvrages. 191 et 192 Quelques-unes
de ses lettres, 193. Abbé de Vcrceil, 192.
Sa mort, 193.
Saittziu (Philippe). Cité parmi les savans
du Xllo siècle, 193.
5<ciin<iuir, philosophe. Sa vie, traduite du
grec en latin, par Guillaume de Gap, 376.
Shirion (Eudea), professeur de théologie
dans le Xli< aiècle, 93.
Sicile. Lettre de Louis VII i Guillaume
II, roi de Sicile, en faveur de l'archevêque
de Palerme, qu'on avait chassé du royau-
me, 08. Accueil que le roi de France avait
reçu en Sicile, à son retour de la Terrc-
Sainte, SB.
Siuon Da PuissY. Dans quel temps il pro-
ET DES MATIÈRES.
fessa ; ce qu'il enseigna, C et 93. Est-ce le
mcme que le chancelier Simon? 6 cl 7. Est-
ce lui que désignent quelques écrivains, en
parlant d'un maitrc Simon ? ibid.
Siign: Lellrcs de Louis VU à ce ministre,
et de ce minisire au roi, SI, 52, et suiv.
Sully (Archambaud de). Accusé d'avoir
manqué aux devoirs de la vassalité envers
Louis VII ; il s'en justifie, 5i.
T,
^emplieis. Services qu'ils rendcul à
Louis VII pendant .son expédition à la
Terr, -Sainte, m et Ei3. Argent qu'ils cm
pruntcnt pour lui, ibid.
TeriH-Suiiite. Levée d'argent ordonnée
par llcnii II, roi d'Angleterre, pour venir
aiiscioursde la Terre Sainte, Îi02. Projet
forme plusieurs fois par ce prince, d'en
faire In voyage ti03 Nouveaux secours
qu'il accorde, 505 et 'oOi.
jTes'pr (Droit de). Concession faite à ce
sujet à rarchevcqiie de Bourges et 6 ses
nouveaux liabltants70 et 72. A l'cvèiiuc de
Laon, 81. '
Théodoric, ou Thierri, professeur du
XI1= siècle, 91.
TuiBAUD,cordinal-évêque d'Ostic. N'élant
encore que prieur de SarntArnoul à Cré-
py, en Valois, fit, l'an 1169, un voyage en
Syrie, muni de lettres de recommandation
du roi Louis-le- Jeune; l'an 1180, il fut
fait abbé de Cluni. trois ans après évêqiie
d'Ostie, cl mourut à Rome, l'an 1188, il7.
Écrit qu'on lui «ttribue, xbid.
Tliiliaut IV, comte de Champagne. Let-
tre de Louis VII à ce prince, à l'occasion
du comté de Dreux, Si. Voy. D/CHa; (Com-
te dej. ^
Thihiiui, archevêque de Canlorbèi y. Let^
très écrites au nom de ce prélat au pape
Adrien IV, par Jean de Sarisbéry, 121 et
suiv.
Thibaut de Lnngreê. Son traité sur les
signiGcatioDs mystérieuses des nombres,
204, 203.
Thomna Becket, archevêque de Cantor-
béry. Epîtres qui le concernent, parmi
651
celles de Rotrou, archevêque de Rouen
297 - 299. Voyez Beckec.
Titres qu'on donnait alors au roi, S9
121. Aux papes, 122. '
Toiiliinse. Protection eonstaute accordée
par Louis Vil aux habitans du comté de
Toulouse, 'M. Hcnii II, devenu mari d'É-
Icmiore d'Aquitaine, veut s'emparer de
celte ville; secours accordés par Louis VII
59. Lcllre des habitans au roi pour lé
remercier et l'implorer de nouveau, ibid.
TaiiMOND, ou Trasimond, moine de
Clairvaux.A rédige plusieurs lettres au nom
de Louis VII, cl de quelques autres per-
sonnes, 395 — 398. IJ avait composé un
Traité du genre épistolaire, 398, 399.
r/'^soc. Réclamation des droits royaux
sur un trésor découvert, (iS.
Tnvium. qiiadiivium. Ce qu'on enten-
dait par-là, 91 et 115.
rî/rnii». Doctrine de Jean de Sarisbéry
à leur égard, 102. Jusqu'où il étend celte
qualificatiori, 105. Nouvelles réflexions
qu'il fait sur les tyrans, 109 et 1 10.
V.
^erniandois (le comte de), régent avec
Suger pendant l'absence de Louis VII.
Lcllres de ce roi (lui lui sont adressées.
51,52, 51.
Victor, concurrent d'Alexandre III pour
la papauté. Lettres qu'il écrit ou qu'il fait
écrire ii Louis VII, afin d'en être reconnu.
57.
Viguier». Réduction de leur nombre, i
Bourges, 71.
ViWneiive, prés de Compiegne. Lettres
de Louis VII en faveur des habitants de
cette ville, 80.
Viiry. Son incendie; comment le roi
cherche à l'expier, 50.
w.
w
olbodon (Saint), évêque de Liège. Sa
vie par Reiner, .i23, i24.
FIN DE LA TABLE.
ERRATA.
P. 591. Les deux lellres citées à la ùa de celte page ne sont pas adressées
à Guillaume, mais à Frédéric, son prédécesseur comDie archevêque de Tyr.
FIN DU TOMK XIV.
Date Due
FORM I08
(
il 0