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Full text of "Histoire littéraire de la France"

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HISTOIRE 


LITTERAIRE 


DE    LA    FRANCE 


TOME    XIV 


HISTOIRE 

LITTÉRAIRE 

DE  LA  FRANCE 

OUVRAGE 

C.OMMKNCK     )'AU     UKS     K  K  I.  Kl  I  K  U  X     H  K  N  Kit  I  C  l' INS 
DE     LA     (:t)Nt;i'.ft(îATTON     l>K     S  A INT- M  Al)  Il 

ET      CONTINMIK 

PAR     UNE     COMMISSION     PRISE     DANS     LA     CLASSE     D'hISTOIRE     ET     DE 
LITTÉRATURE    ANCIENNE     DE     L'INSTITUT 

TOME     XIV 

SUITE     DU     DOUZIÈME     SIÈCLE 
.\(>l'\  KI.I.K     KnillON.    I.OM'OHMl-;    A     I.A     PKKT.KDKNIK 


A    PARJS 

Librairie  de  VICTOR  PALMÉ,  25,  rue  de  Grenelle-Sainl-Germain. 


M.    DCCC.    LXIX 


KRAUS   REPRINT 

Nendeln/Liechtenstein 

1973 


P6) 

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Kc'imprcssion  avec  L'accord  de 
1,' Académie  dos  Inscriptions  et  Belles -Lettres,  Paris 

KRAUS   RLPRINT 

A  Division  of 

KRAUS-TIIOMSON  ORGANIZATION   I.IMlTr.D 

Nendeln/Liechtenstein 

1973 

Printcd  in  Germany 
Lessingdruckerei  Wiesbaden 


AVERTISSEMENT 


Ce  quatorzième  volume  de  l'Histoire  littéraire  de  la  FraDce 
fait  connaître  les  auteurs  qui  sont  morts  depuis  l'an  1176 
jusqu'en  1190.  Il  a  été  composé  sur  le  même  plan  que  le 
tome  XIII,  et  par  les  mêmes  auteurs,  MM.  Pasloret,  Brial, 
Ginguené,  et  Daunou.  Le  tome  XV,  qui  vient  d'être  mis 
sous  presse,  correspondra  aux  dix  dernières  années  du 
X1I°  siècle.  Nous  plaçons  ici,  1°  des  corrections  et  additions 
au  t.  XIII  ;  2"  une  notice  sur  M.  Ginguené,  par  M.  Amaury 
Duval,  l'un  des  académiciens  qui  travaillent  en  ce  moment 
au  tome  XV  et  aux  suivans. 


CORRECTIONS    ET    ADDITIONS    AU    TOME    XIII. 

Les  Bénédictins,  auteurs  des  douze  premiers  tomes  de  cette  histoire,  oiJt  pris 
soin  de  relever  eux-mêmes,  au  commencement  de  chacun  de  leurs  volumes,  les 
erreurs  qui  leur  étaient  échappées  dans  les  précédents.  Ces  erreurs  sont  tellement 
inévitables  en  de  pareils  travaux,  qu'il  n'a  pas  été  possible  à  nos  savans  prédé- 
cesseurs, quelque  attention  qu'ils  y  aient  apportée,  de  reconnaître  toute»  celles 
qu'ils  avaient  commises.  Nous  avons  quelquefois  occasion  de  rectifier  certains 
détails  de  leurs  récits  et  de  leurs  notices  :  nos  successeurs  auront  infailliblement 
la  même  tâche  à  remplir  à  notre  égard. 

Les  fautes  typographiques  les  plus  graves,  et  la  plupart  des  erreurs  qui  ne 
concernent  que  des  dates  ou  des  noms  propres,  sont  corrigées  dans  nos  errata, 
auxquels  nous  prions  nos  lecteurs  de  vouloir  bien  recourir,  toutes  le»  fois  que 
notre  texte  présentera  quelques  difficultés.  Verrata  du  t.  XIII  contient  des  cor- 
rections importantes  :  en  voici  d'autres  non  moins  essentielles. 

P.  112du  tome  XIII.  Thibaud  de  Vernon,  chanoine  de  Rouen,  est  indiqué 
comme  florissant  vers  l'an  1 150.  Il  était  mort  plus  de  cent  ans  auparavant.  On 
lit,  à  la  vérité,  dans  les  mémoires  de  l'académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres 
(t.  XXIII,  p.  259)  que  Thibaud  de  Vernon  écrivait  vers  le  milieu  du  douzième 
siècle  ;  mais  il  fallait  écrire  onzième,  ainsi  qu'on  s'en  convaincra  en  lisant  cet 
article  même  des  mémoires  de  l'académie,  et  ce  qui  a  été  dit  de  Thibaud  de 
Vernon,  dans  le  tome  VII  de  l'Histoire  littéraire  de  la  France,  p.  512.  Il  sera 
bon  toutefois  de  joindre  à  ce  que  nos  prédécesseurs  ont  écrit  sur  l'époque  de 
ce  poète,  la  notice  que  nous  avons  donnée  de  ses  productions,  t.  XIII,  p.  112- 
114. 
P.  164,  1.  16  du  même  tome  XIII,  nous  plaçons  sous  la  date  1139  une  lettre 

Tome  XIV.  u 

1    •• 


ij         CORRECTIONS  ET  ADDITIONS  AU   TOME  XIII. 

de  saint  Bernard  à  l'empereur  Conrad.  1139  est  en  effet  la  date  que  Mabillon 
assigne  à  cette  épître  (Oper.  S.  Bernardi,  t.  1,  p.  178).  Mais,  en  la  rapprochant 
de  celle  de  Conrad  à  l'impératrice  de  Constantinople  (Rec.  des  histor.  de  Fr. 
t.  XV,  p.  535),  et  de  celle  de  Pierre-le-Vénérable  à  Roger,  roi  de  Sicile  {ibid. 
p.  653),  on  a  lieu  de  croire  qu'elle  concerne  le  projet  conçu  par  le  roi  de  France 
de  menacer  l'empire  germanique,  afin  d'empêcher  Conrad  de  porter  du 
secours  aux  Grecs  attaqués  par  Roger,  roi  de  Sicile.  Or  Roger  partait 
dans  ce  dessein  en  1150.  Cette  dernière  date  serait  donc  à  préférer  ici  à 
celle  de  1139. 

P.  205.  En  recherchant  l'époque  où  saint  Bernard  a  composé  son  traité  du 
précepte  et  de  la  dispense,  nous  disons  que  Roger  n'a^été  fait  abbé  de  Coulomb 
(ou  plutôt  Coulombs)  qu'en  1131.  C'est  encore  ce  qu'avait  dit  Mabillon  :  Rogerio 
ab  anno  MCXXXI  ad  MCLVIII  abbati  {Oper.  S.  Bern.  t.  I,  p.  496).  Mais  feu 
M.  Laporte  du  Theil,  qui  avait  une  connaissance  profonde  de  l'histoire  du  moyen 
âge,  et  qui  prenait  un  vif  intérêt  à  notre  ouvrage,  nous  a  communiqué,  sur 
l'époque  de  la  mort  de  Roger,  une  note  conçue  en  ces  termes  ;  ■;  Quoique  les  au- 
1  teurs  du  nouveau  Oallia  Christiana  fassent  entrevoir  qu'il  reste  de  la  difficulté 
«  à  fixer  avec  précision  le  commencement  et  le  terme  du  régime  abbatial  de 
«  Roger,  toujours  paraît-il  constant  que  ce  prélat  gouvernait  avant  1131.  Abbas 
«  Rogerius  religionis  amator  el  ordinis,  quwm  Columbensem  ecclesiam,  ut  bonus 
*  dispensator,rexisset,  anno  atatis  sucs  cR^^TEsmo,  plenus  dierum  migruvil  ad 
«  dominum  et  ihi  appositus  est  ad  patres  suos,  VII  idus  januarii  anno  domini 
i  MCLVIL  (V.  Mart.  Ampliss.  CoUect,  t.  I,  col.  652,  Gall.  Chr.  n.  VllI, 
«  1253-1255.)  »  Si  l'on  s'en  rapporte  à  ce  texte,  Roger  aura  commencé  d'être 
abbé  dès  1117.  Du  reste,  tout  annonce  que  le  Traité  du  précepte  et  de  la  dis- 
pense ne  lui  a  été  adressé  par  S.  Bernard  que  plusieurs  années  après.  Pier^e-le. 
Vénérable,  dans  une  lettre  écrite  en  1153,  demande  ce  traité,  en  disant  (ju'i 
ne  l'a  encore  rencontré  qu'une  seule  fois.  Nous  avons  avoué  qu'il  était  difficile 
d'assigner  la  date  précise  de  la  composition  de  ce  litre,  et  c'est  comme  une 
simple  conjecture  que  nous  avons  proposé  de  la  placer  entre  1131  et  1143, 
et  préférablement  en  1141  ou  1142. 

P.  487.  Il  faut  ajouter  à  ce  que  nous  disons  du  Pénitentiel  attribué  à  Richard 
de  Saint- Victor,  que  ce  livre  paraît  être  de  Robert  de  Flamesbure. 


N  OTICE 

SUR 

M.    GINGUENÉ 

Par   m.    AMAUKY    DU  VAL 


w  A  commission  chargée  de  la  continuation  de  l'Histoire  Litté- 
Ëiraire  de  La  France  a  perdu  un  de  ses  laborieux  et  estimables 
collaborateurs.  Qu'il  nous  soit  permis  de  consacrer  ici  quelques 
pages  à  sa  mémoire.  Larsque  le  premier  auteur  de  l'Histoire  Litté- 
raire, D.  Rivet,  mourut,  les  savans  qui  lui  succédèrent  dans  ce 
grand  travail  regardèrent  comme  un  devoir  de  placer  son  éloge 
à  la  tète  de  l'un  des  volumes  de  l'ouvrage  (1).  C'est  pour  nous  un 
exeicplo,  une  autorité,  et,  s'il  en  était  besoin,  notre  excuse  auprès 
du  public. 

PiKRRE- Louis  GINGUENÉ,  que  la  mort  vient  d'enlever  aux 
lettres  et  à  l'académie  des  Inscriptions,  qui  le  comptait  au  nombre 
de  ses  membres  les  plus  distingués,  était  né  à  Rennes,  en  1748, 
d'une  famille  estimée,  mais  peu  riche.  Il  fit  dans  cette  ville  ses 
premières  études. 

Très-jeune  encore,  il  cultiva  la  poésie  et  la  musique,  par  senti- 
ment, par  inspiration.  Tous  les  arts  agréables  charmaient  son  ame 
aimante  et  sensible. 

Mais  le  désir  de  se  faire  un  nom  dans  les  lettres  le  conduisit  à 
Paris.  C'est  là  que,  se  livrant  à  des  études  sérieuses  pendant 
plusieurs  années,  il  perfectionna  son  style  et  son  goût,  et  devint 
un  excellent  critique.  Depuis  1775  jusqu'à  ses  derniers  jours, 
il  a  coopéré  à  la  rédaction  des  journaux  littéraires  les  plus  dignes 
d'estime;  et  toujours  ses  articles  se  sont  fait  remarquer  par  la 
sagesse  et  la  pureté   des  principes  qu'il  y  développait.    En  les 

(1)  V.  l'avertissement  du  neuvième  vol.  de  l'Histoire  Littéraire  de  la  France, 

a. 


iv  NOTICE 

classant  avec  méthode  et  choix,  et  en  les  réunissant  dans  un 
seul  corps  d'ouvrage,  on  pourrait  en  faire  un  court  de  littérature, 
non  moins  utile  que  ce  Cour»  si  vanté  qui  a  valu  à  son  auteur  le  sur- 
nom de  Quintilien  français.  C'était  un  travail  que  M.  Giuguené 
réservait  pour  sa  vieillesse,  et  auquel  les  amis  des  lettres  doivent 
regretter  amèrement  qu'il  n'ait  pu  se  livrer. 

M.  Ginguené  était  uniquement  occupé  d'études  et  de  travaux 
littéraires,  lorsque  la  révolution  éclata.  Comme  la  plupart  des 
gens  de  lettres  de  cette  époque,  il  crut  voir  dans  ce  grand  événe- 
ment le  bonheur  et  la  gloire  de  la  France.  Mais  les  désordres  qui 
suivirent,  les  crimes  dont  il  fut  témoin,  navrèrent  son  ame,  et, 
dans  son  indignation,  il  déclama,  il  écrivit  contre  les  vils  tyrans 
qui,  en  invoquant  la  liberté,  couvraient  ses  images  de  fange  et 
de  sang.  Il  fut  proscrit,  plongé  dans  les  cachots,  et  n'en  sortit  que 
lorsqu'un  jour  moins  sombre  vint  à  luire  sur  notre  malheureuse 
patrie. 

C'est  alors  aussi  que  l'on  rendit  un  juste  hommage  aux  talens 
et  aux  vertus  de  M.  Ginguené,  en  lui  confiant  la  direction  générale 
de  l'instruction  publique.  Tout  était  à  réorganiser,  études,  maîtres, 
écoles.  En  peu  de  temps  on  vit  se  former  sur  tous  les  points  de  la 
France  des  établissemens  d'instruction  dont  les  étrangers  admirè- 
rent le  plan  vaste  et  hardi,  qui,  perfectionnés  par  l'expérience, 
seraient  devenus  des  modèles  pour  les  autres  gouvernemens,  mais 
que  devait  bientôt  renverser  celui  qui  déjà  méditait  l'asservissement 
de  la  France,  et  qui  voulait  pour  sujets  des  soldats,  et  non  des 
hommes  éclairés. 

M.  Ginguené  né  quitta  ces  augustes  fonctions  de  directeur  de 
l'instruction  publique  que  pour  en  remplir  d'autres  non  moins  im- 
portantes. Il  fut  appelé  dans  une  de  ces  assemblées  (le  tribunal), 
dont  l'institution  avait  pour  objet  de  défendre  les  intérêts  du  peuple 
contre  les  erreurs  du  gouvernement.  Ennemi  de  toutes  les  tyrannies, 
il  crut  devoir  s'opposer  avec  vigueur  à  quelques  mesures  qui  lui 
parurent  oppressives  ;  et  il  encourut  la  disgrâce  de  l'homme  qui 
régissait  la  France  avec  un  sceptre  de  fer. 

Dès  lors  la  carrière  politique  lui  fut  fermée  pour  toujours. 
M.  Ginguené  rentra  dans  le  silence  de  son  cabinet,  et  ne  songea 
plus  qu'à  mettre  en  œuvre  les  nombreux  matériaux  qu'il  avait 
rassemblés  dans  le  cours  de  sa  laborieuse  vie.  Le  tyran  n'avait 
pu  du  moins  lui  ravir  l'honneur  d'être  membre  du  grand  corps 


SUR    M.    GUINGENÉ.  v 

savait  qm  avait  remplacé  les  Bcadémiea  détruites.  Les  témoigriMiges 
d'«âtitae  qu'il  reoevait  de  ses  confrères  dédommag-eaient  M.  Gin- 
graené  de  la  perte  de  ses  places.  II  ne  désira  pointées  distmctioas 
qu'il  aurait  fallu  obtenir  par  des  bassesses. 

Cest  daas  l'iotervalle  de  temps  qui  s'est  éooulé  depuis  cette 
époque  jusqu'à  sa  mort,  que  M.  Qinguené  a  publié  ses  ouvragées 
les  plus  importans,  ceux  qui  lui  assurent  une  célébrité  durable.  Au 
premier  rang  nous  placerons  sa  g-rande  et  belle  Histoire  littéraire 
(t Italie.  U  avait  toujours  eu  une  prédilection  marquée  pour  la  lan- 
gue et  la  littérature  de  ces  peuples  dont  les  pères  avaient  été  nos 
maîtres,  et  qui  sortirent  les  premiers  de  la  barbarie  du  moyen  i^. 
11  entreprit  de  traoer  un  vaste  tableau  de  leurs  opinions,  de  lears 
mo&u£s,  de  leur  esprit,  de  ieurs  productions  littéraires  à  différentes 
époques. 

Il  publia  d'abord,  en  trois  volumes,  la  première  partie  de  l'ou- 
vrage; elle  renferme  l'histoire  de  la  littéraUire  italienne  jusqu'à 
la  fin  du  XVo  siècle.  C'est  là  qu'on  trouve  l'analyse  profonde  du 
poëme  «ublime  et  bigarre  du  Dante,  un  jugement  sur  Pétrarque 
sur  Bocace,  leurs  vies  puisées  dans  des  sources  peu  connues  du 
vulgaire  des  littérateurs. 

La  seconde  partie  devait  remplir  seule  cinq  volumes,  et  ne 
contenir  que  l'histoire  d'un  siècle  :  mais  c'était  celle  de  cet  éton- 
nant XVI»  siècle,  où  l'Italie  atteignit  dans  les  lettres  le  plus  haut 
degré  de  splendeur  ;  où  l'on  vit  paraître  des  épopées  héroïques, 
que  Virgile  n'eût  pas  désavouées,  des  épopées  romanesques,  que 
d'autres  peuples  ont  voulu  vainement  imiter  ;  de  ce  siècle  si 
fécond  en  politiquefi,  en  historiens,  en  artistes  de  tous  les  genres. 
De  ces  cinq  volumes  qui  devaient  composer  la  seconde  partie, 
trois  seulement  ont  paru  ;  mais  les  deux  autres]  sont  entièrement 
ou  presque  entièrement  rédigés.  Ils  traitent,  oonformém«nt  au 
plan  que  s'était  tracé  l'auteur,  «  l»  des  études  graves  et  scienti- 
II  fiques  dans  les  écoles  et  dans  les  universités  ;  de  la  ciriture  des 
Il  langues  anciennes,  des  ouvrages  en  prose  et  en  vers,  aussi 
"  remarquables  dans  ce  siècle  par  leur  élégance  que  par  leur 
Il  nombre  ;  2°  des  ouvrages  italiens  eu  prose  ;  philologie ,  philo- 
II  Sophie,  politique,  histoire,  dialogues,  lettres,  mélanges,  nou- 
II  velles  dans  le  genre  du  Décaméron,  etc.  »  On  peut  juger,  par 
cet  exposé,  de  l'intérêt  qu'offriront  les  deux  volumes  de  l'ouvrage 
de  M.  Ginguené,  que  nous  devons  espérer  de  posséder  bientôt. 


vj  NOTICE 

L'histoire  des  plus  beaux  siècles  de  la  littérature  italienne  est  du 
moins  complette;  et  l'écrivain  qui  entreprendra  de  terminer  l'ou- 
vrage n'aura  plus  à  peindre  que  l'époque  de  la  décadence  de  cette 
littérature. 

Malgré  les  immenses  travaux  que  suppose  la  composition  d'un 
ouvrage  de  cette  importance,  M.  Ginguené  trouvait  encore  le  temps 
de  lire  à  l'académie  des  mémoires  sur  des  questions  épineuses 
d'érudition;  de  faire,  chaque  année,  le  rapijorl publie  sur  les  travaux 
de  cette  même  académie,  nommée  alors  Classe  d'histoire  et  de  litté- 
rature ancienne.  Le  recueil  de  ces  rapports  formerait  un  ouvrage 
considérable. 

M.  Ginguené  ne  se  délassait  de  ses  travaux  sérieux  que  dans 
le  commerce  des  Muses  :  mais  c'était  un  besoin  pour  lui  de 
revenir  souvent  à  cette  première  passion  de  sa  jeunesse,  la  poésie. 
Le  public  accueillit  avec  intérêt,  en  1810,  un  volume  de  fables 
qu'il  avait  extraites  jd'un  plus  grand  nombre,  composées  dans  une 
campagne,  où  il  passait  avec  délices  quelques  mois  de  l'année. 
Dans  la  préface  de  ce  recueil,  qui  lui  assigne  une  place  parmi 
nos  premiers  fabulistes  modernes,  il  nous  apprend  lui-même 
combien  la  poésie  le  charmait,  le  consolait  dans  les  situations  les 
plus  pénibles  de  sa  vie.  »  J'ai  fait  des  vers,  dit-il,  presque  dès 
l'enfance,  quoique  j'en  aie  publié  fort  peu.  Je  n'ai  jamais  pu 
gagner,  ni  sur  mon  penchant  de  vaincre  ce  goût  né  avec  moi,  ni 
sur  ma  raison  de  m'y  livrer  assez  pour  en  attendre  de  la  réputa- 
tion et  de  la  fortune.  La  poésie  n'a  presque  jamais  été  pour  moi 
.  qu'un  amusement  :  je  m'en  suis  fait  trop  rarement  un  travail. 
Lorsqu'on  veut  consacrer  à  ce  premier  des  arts  l'étude  et  l'appli- 
cation qu'il  exige,  il  s'empare  de  l'existence  tout-entière;  et 
mon  existence  n'a  été  ni  assez  paisible,  ni  assez  libre,  ni  assez 
étrangère,  soit  à  des  études  regardées  comme  plus  sérieuses,  soit 
aux  devoirs  et  aux  emplois  de  la  société,  pour  me  permettre  de 
le  cultiver  ainsi.  Je  pourrais  dire  des  défauts  nombreux  qu'on 
aperçoit  sans  doute  dans  tous  mes  faibles  essais,  ce  qu'Ovide  disait 
des  fautes  qu'on  pouvait  reprendre  dans  ses  vers  :  Emendaturm,  si 
licuiêset,  eram.  « 

Mais  ce  ne  sera  jamais  l'incorrection  ou  les  négligences  que 
l'on  pourra  reprendre  dans  les  vers  de  M.  Ginguené,  comme  dans 
tout  ce  qui  sortait  de  sa  plume.  Il  avait  trop  de  goût,  il  respec- 
tait trop  le  public  pour  lui  livrer  d'imparfaites  ébauches.  On  jugeja 


SUR  M.    GINGUENÉ.  vij 

de  tout  ce  que  peut  le  courag-e  et  la  patience,  par  sa  traduction 
en  vers,  aussi  exacte  qu'élég-ante ,  qu'il  fit  paraître  deux  ans 
après  ses  fables,  c'est-à-dire  en  1812,  du  poëme  sublime,  mais  diffi- 
cile, de  Catulle,  les  Noces  de  Tl/élis  et  de  Pelée,  11  n'a  négligé  aucune 
recherche  pour  rétablir  dans  sa  pureté  le  texte  de  Catulle,  étrange- 
ment altéré  même  dans  les  meilleures  éditions,  et  il  convient  lui- 
même  des  efforts  constans  et  pénibles  auxquels  il  a  dû  se  condamner 
pour  faire  passer  dans  notre  langue,  au  moins  en  partie,  les  beautés 
de  l'original  latin.  Au  reste,  par  les  savantes  notes  que  M.  Ginguené 
a  jointes  à  sa  traduction  en  vers  de  l'un  des  plus  beaux  morceaux 
de  l'antiquité  latine,  son  ouvrage  appartient  autant  à  l'érudition 
qu'à  la  poésie. 

Mais  il  nous  tarde  de  consigner  ici  les  motifs  qui  doivent  rendre 
sa  perte  particulièrement  sensible  :i  la  Commission  chargée  de  la 
continuation  de  l'Histoire  Littéraire  de  la  France. 

Lorsque  le  gouvernement  ordonna,  en  1808,  de  reprendre  cet  utile 
ouvrage  interrompu  depuis  plus  de  quarante  ans,  M.  Ginguené 
devait  être  et  fut  appelé  des  premiers  à  faire  partie  de  la  Commis- 
sion à  laquelle  la  classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne  de 
l'Institut  confia  cette  tâche  difficile,  mais  honorable.  11  se  réserva 
la  partie  de  l'ouvrage  où  l'on  doit  traiter  des  poètes  français  et  des 
troubadoursprovençaux  des  XIlc  et  XIIl"  siècles  :  il  était  préparé 
à  ce  travail  par  les  recherches  qu'il  lui  avait  fallu  faire  sur  la  litté- 
rature Romane,  qui  eut  une  si  grande  influence  sur  la  littérature 
italienne,  dont  il  s'occupait  depuis  si  long-temps.  Bientôt  il  fournit 
à  la  Commission  un  grand  nombre  d'articles  neufs  et  piquans  :  ceux 
qui  concernent  des  auteurs  morts  avant  l'année  1190,  sont  imprimés 
dans  le  tome  XIII  de  l'Histoire  Littéraire  de  la  France,  publié  en 
1815,  et  dans  le  tome  XIV  que  nous  ofl"rons  en  ce  moment  au  public. 
Plusieurs  autres ,  qui  appartiennent  aux  dix  dernières  années 
du  XII"  siècle,  feront  partie  du  tome  XV.  Il  nous  a  même 
laissé  quelques  articles  et  beaucoup  de  matériaux  précieux  qui 
entreront  dans  le  tome  XVI,  c'est-à-dire  dans  les  annales  littéraires 
du  XIII«  siècle. 

Mais  rien  ne  dédommagera  ses  collaborateurs  de  tout  ce  que, 
dans  les  communications  et  les  fréquentes  conférences  qu'exige 
un  travail  commun,  il  apportait  de  lumières,  d'aménité,  et  de 
sagacité. 

Des  travaux  excessifs  j  la  douleur  qu'il  ressentit  en  voyant  cette 


viij  NOTICE  SUR   M.  GUINGENÉ. 

France  qu'il  avait  tant  aimée,  et  si  dignement  servie,  la  proie  de 
l'étrang-er;  enfin  les  malheurs  qu'éprouvaient  quelques  hommes 
célèbres,  qui  avaient  été  ses  amis,  minèrent  sourdement  sa  frêle 
existence,  ^ous  le  voyions  dépérir  graduellement,  nous  échapper 
pour  ainsi  dire,  sans  qu*il  parût  éprouver  d'autre  regret  que  celui 
de  quitter  des  confrères  dont  il  était  chéri. 

Enfin,  après  plus  d'une  année  de  langueur  et  de  souffrances  pres^ 
que  continuelles,  le  terme  fatal  arriva.  Il  est  mort  le  16  novembre 
1816,  dans  la  soixante-huitième  année  de  son  âge 

Il  n'a  point  laissé  d'enfans  ;  mais  il  sera  long-temps  pleuré  par 
la  femme  respectable  qui  fut  la  consolation,  le  seul  bonheur  de 
sa  vie,  et  par  un  jeune  orphelin,  né  en  Angleterre,  que  son 
père,  mourant  loin  de  sa  patrie,  avait  confié  à  ses  soins,  à  son 
humanité. 


<^^s:^§y:J^r^ 


TABLE 

DES    CITATIONS. 


PETBi  Abxiardi  et  Heloissœ  epislolaî  et  opéra.  (Cura  Andr.  Duchesne),  Abaelard. 
Parisiis,  1616,  in-4". 
Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  el  belles-lettres.  Paris,  1701-1809,  Acad.  desinscr. 

50  vol.  in-4°. 
Âlani  ab  insulis  commentarius  in  prophetias  Ambrosii  Merlini.  Francofurti,   Alan.  Insul. 

1608,  in-8°. 
Alberici  raonachi  trium  fontium  chronicon,  inler  accessiones  hislor.  Godof.   AlbericiChr. 

Guill.  Leibnitzii.  Hannovera),  1698,  in-4". 
Natalis  Àlexandri  bistoria  ecclesiastica  cum  dissertât,  criticis.  Parisiis,  1 699,  Alex.  N«t. 

8  vol.  io-fol. 
Michaëlis  Aiford.  Annales  ecciesiaslici  Brilannorum,  Saxonum  et  Anglorum.    Alford. 

Leodii,  Hovius,  1663,  4  vol   in-fol. 
Annales  Aquicinensis  monasterii   inler  clironica  ab  Auberlo  Mirso  édita.   Ann.  Aquicin. 

Anluerpi»,  1608,  \n-i°. 
Annales  brèves  ordinis  Prxmonstratensis  aucture  Maaricio  Dopré  ejnsd.  Annal.  Praem. 

ordinis.  Ambiani,  1645,  in-8°. 
S.  Anlonini,  arcliiep.  llorenlini  summa  histor.  Norimb.  1484,  3  vol.  in-fol.  S.Anton.  Hist. 

—  El  t.  I  de  la  collection  de  Pislorius. 
Apouii   commenlarius  in   cantica  canticorum    cum    abbatis  Lucse  summa-  Aponii  Comm. 

riolà;  cura  Joannis  Fabri.  Friburgi,  1B38,  info!. 
Arnoldi   Lubecensis  monachi,    suppiemenlum   dereliclorum    Hermoldi.    Ad  Arnoldi  Chr. 

calcem  chronici  Slavorum  Hermoldiani.  Lubecae,  1702,  in-4''. 
L'art  de  vérifier  les  dates  des  faits  historiques,  des  chartes,  des  chroniques.  Art  de  vérif. 

et  autres  anciens  monuments,  par  des  religieux  bénédictins.  Paris,  Jom- 

bert,  1783-1792,  3  vol.  in-fol. 
Assises  et  bons  usages  du  royaume  de  Jérusalem,  par  Jean  d'Ibelin,  comte  Assis,  de  Jérus. 

de  Japhé  et  d'Âscalon,  avec  des  notes  et  des  observations  deXhaumas  de 

la  Thaumassière.  Bourges,  1690,  in-fol. 
Ludovic!  Donii  d'Attichy,  Flores  historiae  cardinalium.  Parisiis,  Cramoisy,  Atttehy,  Flor. 

1660,  3  vol.  in-fol.  Card. 

B. 

Jugea]ents  des  savants  sur  les  ouvrages  des  auteurs,  par  Adr.  Baillet,  avec  Baillet,  Jug. 

des  remarques  de  La  Mounoye,  el  l'anti-Baillet  de  Ménage.  Paris,  1722- 

1730,8  vol.  in-4o. 
Vies  des  Sainls,  par   Adrien  Baillet.  Paiis,  1701,  etc.,  17  vol.  in-8°,  ou  Baill.  V.  des  SS. 

10  vol.  in-4'',  ou  4  vol.  in-fol. 

Tome  XIV  t 


X  TABLE 

Bal.  Scr.  «ngl.        Scriptorum  illustrium  roajoris  Brilannise  Catalogus  digestus  a  Joanne  Baixo. 

Basileae,  Oporin,  1557,  in-fol. 
Baluze.  Miscellanea  édita  a  Slepliano  Baluzio.  Parisiis,  1678-1716,  7  vol.  in-8°. 

Luc»,  1761,  4  voL  in-fol. 
Baronius  Caesaris  Baronii  Annales  ecclesiasiici,  cum  crilicâ  Ant.  Pagi,  etc.  Lucse, 

1740-1767,  39  vol.  in-fol. 
Barih.  advers.        J.  Barlhii  Adversaria.  Francof.  1624  vel  1648,  in-fol. 
Bariollocci.  Jul.  Bartollocci  Bibliolh.  magna  Rabbinica  Romse,  typ,  Propag.  Fid.  1676- 

1683,  3  vol.  in-foi. 
Baugier.  Mémoires  historiques  de  la  prov.   de  Champagne,  par  Baugier.  Cbâlons, 

1721,  2  vol.  in-8°. 
Bcrnardiop.  S.  Bernard!    abbatis  Ciar.  opéra,  Gurâ  Joannis  Mabillon.  Parisiis,  1690, 

i  vol.  in-fol. 
Bibl.  Carmelit.       Bibliolheca    Carmelitana,    seu    illustrium    ordinis    carmelitici    scriploruin 

catalogus.  Florenliae,  1693,  in-4o. 
Bibl.  Cluniac.         Bibliolheca    ClunitCensis    opéra    Martini  Marrier  et    Andréas  DuckesnA. 

Parisiis,  1614,  in-fol. 
Bibl.  pp.  Bibliotheca     maiima    Palrum,    cura    Phii.    Deepont.    Lugdaai,  AnisMû, 

1677,  30  vol.  in-fol. 
Blackstonfe.  Coœmentaries   on   the  laws  of  england,    by  Will.    Biackslone^    Oxford. 

1766,  4  vol.  in-S». 
Bolland.  Acta  saoctorum  omnium,  cura  Joannis  Bollandi  et  aliorum.    Anluerpi», 

1643-1794,  63  vol.  in-fol. 
Bongan,  Gest.       Gesta  Dei  per  Francos  sive  de  orientalibus  expeditiottibus  et  de  regtto 
Francorum  hierosolymilano  scriplores  varii,   collecti  a  Jac.  Bongarsio. 
Hanovia),  1611,  i  tom.  infol. 
Bossuet  Histoire  des  Variations,  par  Bossuel.  Paris,  1770,  5  voL  in-lâ;  et  tom«  111  des 

œuvres  de  Bossuel.  Paris,  1743,  in-4o. 
Bomhel.  Somme   béoéficiale,   par  Laur     Bouchel.  Paris,  1628,  in-fol.   ^-   1689, 

2  vol.  in-fol. 
Boulliard.  Histoire    de    l'abbaye  de  Saint-Germain    des  Prés,  par  dotn  Bonlliard. 

Paris,  1724,  in-fol. 
Bouq.  Hisi  Fr.      Rerum  gallicarum  et  franc,  scriplores.  Recueil  des  historiens  de  France, 
par  D.  Bouquel  et  autres  bénédictins.  Depuis  le  t.  XIV  inclusivement, 
par  M.  Briai,  de  l'Institut.  Paris,  1738-1814, 16  toL  in-fol. 
BronUon.  Joannis  Bromton  chronicon,  dans  le  recueil  intitulé  :  Rutorin  ànglieana 

êcriptorti  X, 
Brussel.  Nouvel  exatnen  de  l'usage  des  liefs  en  France,  par  Brussel.  PariB,  1789, 

2  vol.  in-4°. 

C. 
Calmct,  H.  de        Histoire  ecclésiast.  et  civile  de  la  Lorraine,  par  D.  Aug.  Calmet.  Nancy, 
l'O"-  1728,  3  vol.  in-fol.  —  Ibid.  1746-1767,  7  vol.  in-fol. 

Cambia.  Histoire  de  S.  Bénezet  et  du  pont  d'Avignon,  par  d'Isambec  (de  Cambis). 

Avignon,  1679,  in-12. 
Camuaat.  Promptuariom   sacraruro   antiquilatum  Tricassins  dioecesis,  auctore  Nie. 

Camusal.  AagustaB  Trecarum,  1610,  1618,  in-8°. 
Cajinate.  Paradisus    carmelitici    decoris,   autore    Marco    Anton.    Aleg.  Casanate. 

Lugduni.  1639,  in-fol. 
Cat.  Angl.  Catalogus  libr.  mss.  Ângliae  et  Hibernise.  Oxon.  Sbeldon,  1697,  9  vol.  in-fol. 


DES   CITATIONS. 


xj 


Calalogus  mss.  codicum  Bibliolhecs  Bodiejaiix.  Oxonii,  lG7i,io-fol. 

Calalogus  iibrorum  mss.  Bibliolhecae  Cottoniaaa,  1696,  io-fol. 

Catalogua  codicum  mss.  Bibliolheca)  regiae  (studio  Â.Diceti   Mellot),  Parisiis, 

lypis  regiis,  1739-1714,  4  vol.  in-fol. 
Catalogua  episcoporum  et   decaaorum  ecclesiœ    lauduoensis,   ab  Antonio 

Boleite.  —  lailio  libri   oui  lilulus  :  Ritus  ecclesiœ  Laudunemis.   Parisiis, 

Savreux,  1662,  in-fol. 
Mém.  dei'Hist.  du  Langued   par  Guill.  Calel.  Tolose,  Bosc,  1633,  in-fol. 
Scriplorum   ecclesiaslicorum   hisloria  lilleraria,    à  Guillelmo    Cave.   Oxon. 

SbeldoD.  1740  et  1743,  2  vol.  in-fol. 
Qistoire  des  auteurs    sacrés    et    ecclésiastiques,    par  D.  Ceillier.    Paris, 

Barois;  1732-1764,  23  vol.  iQ-4». 
Historiée  ecclesiasticse   cenluris  13  congestas  per  Magdeburgenses,  Flac- 

cum    Illyricuffl,    Wigandum ,    etc.     Basileae ,    1652-1654,    13    tom. 

8  vol.  in-fol. 
Hisloria  ecclesisa  Leodiensis,  studio  Joannis  Chappeauville ,  1612  et  1618 

3  vol.  in-4''. 
Sancti  Bernardi  geaus  illustre  asserlum,  à  P.  Fr.  Chifflel.  Divione,  Cha- 

vance,  1660,  10-4°. 
Manuale  solitariorum  è  cartusiaoorum  cellis  depromplum  ;  à  Fr.  Cbiffletio. 

Divione,  Chavance,  1657,  in-8o. 
Vesuntio,  civitas  imperialis,  sequanorum  metropolis,  illustrata  à  J.  Jacobo 

Cbifflet.  Lugduni,  1618,  in-4û. 
Traité  du  domaine  de   la  couronne  de    France,    par    Clioppin.    Paris, 

1662,  in-fol. 
Chronicon  Cisterciense.  — Cbronicon  Pramonslratense.  T.  Mirœus. 
Cbronicon  Clarevallense,  editum  à  Pelro  Fr.  Cbilflel,   in  opère  oui  litulus  ; 

Sancti  £ernardi  genut  illustre. 
Brève   clironicon  Cluniaceiise,    p.    1173  du  recueil  de  Marlène,  intitulé  : 

Thetaurus  anecdotorum. 
Chronicon  Uirsaugiense.  V.  Trxlhem. 
Alfonsi  Ciaconii,    vilœ  et  res  gestas  summor.    Ponlificum  et   Cardinalium. 

Romae,  de  Hubeis,  1677,  4  vol.  in-fol. 
Instilutes  of  tbe  laws  of  eugland  ;  éd.  Coke.  London,  1703,  in-fol. 
Cornelii  a  lapide,  comment.  iuCanticacaiilic.  Autuerpiae,  1676,  ia-fol. 
Alberli  Crantz  (vel    Krants)  Uisloria  ecclesiastica,    sive  Metropolis,   de 

primis   christiana)    religionis    in  Saxonià    iniliis,    deque   ejus  episcopis. 

Francofurti,  1576,  in-fol. 
L'Istoria  délia  volgar  poesia  daGiov.  Maria  Crescimbeni.  Yenezia,  1730 

e  1731,  7  vol.  in-4o. 
Histoire  de  l'Université  de  Paris,  depuis  sou  origine  jusqu'à  ICOO.    Paris, 

Desainlel  Saillant,  1761,  7  vol.  iu-12. 
Martjni  Cromeri,  de  origine  et  rébus  gestis  Polonorum libri  30.  Basileœ, 

1668,  in-fol. 
Guillelmi   Crowaei   Elenchus  scriptorum  in  sacram   scripturam.    Londini , 

1672,  in-8°. 
Alberli  Crummedyck  chronicon  lubecense,  t.  Il  scriptorum  de  rébus  germa- 

nicis,  collect.  ab  HenricoMeibomio.  Uelmstad,  1088,  in-fol. 


Cat.  BIb.  fiod. 
Cal.  Bibl.  Cou. 
Cat.  Bibl.  Reg. 

Cat.  Dec.  Laud 


Catel. 
Cave. 

Ceillier. 

Cend.  Hagd. 

Chappeauville. 

Fr.  Cbifflet,  S. 
Bern. 

Fr.  Cbiffl.  Man. 

Solit. 

J.  J.  Cbifflet. 

Choppin. 

Chr.  Cisl. 
Chr.  Clar. 

Chr.  Cluniae. 

Chr.  Ilirsaug. 
Ciacon. 

Coke. 

Corn.  &  lap. 
Craatz. 

Crescimbeni. 

Crevicr. 
Cromer. 

Crow3Eus. 

Crum.  Chr.  Lub. 


b  2 


D'Argentré. 

D'Autc.uil. 
De  Belloy. 
Deslandes. 

De  Visch. 

Dlugoss. 

Doublet. 

Dubois. 

Diiboulay. 

Dubreal. 

Ducaoge,  Glos. 

Ducange,  Saint 
Louis. 

A.  Duch.  H.  Fr. 

A.  Duch.  Hist. 

Norm. 

F.  Duch.  H.  d.  C 

Duell. 

Du  Haiize. 

Dupin. 

D.  Touss.  Do- 
plessis. 

Dutillet. 
Eadmer. 
Exord.  Cisterc. 

Fabliaus. 
Ftbric.  Hed. 


xij  TABLE 

D. 

Histoire  de  Bretagne,  des  rois,  ducs,  comtes,  et  princes  d'icelle,   par  Ber- 
trand d'Argenlré.  Rennes,  1582,  infol.  —  Rennes,  1668,  in-fol. 
Bisloiredes  minisires  d'élat,  par  Cliarlesd'Auleuil.  Paris,  1680,  iu-12. 
Gabrieile  de  Yergy,  et  autres  tragédies,  par  De  Belloy.  Paris,  1779,  in-8". 
Histoire  critique  de  la  philosophie,  par  Deslandes.  Amsterdam,  Changuyon, 

1757,  4voi.  in-12. 
Bibliolheca   scriplorum    ordinis   Cisterciensis,    autore  Carolo    de  Visch. 

Colonise  Agrippioœ,  1656,  in-d». 
Joannis   Dlugossi  sive   Loogini  canouici    quondam   Cracoviensis   historié 

Poloniae  iibri  12,  etc.  Francofurti,  1711,  2  vol.  in-foi. 
Histoire  de  l'abbaye   de  Saiut-Denys,  par  Doublet.   Paris,  Buoa,  1625, 

2  lom.  in-4o. 
Gerardi  Dubois  historia  ecclesia}  parisiensis.  Parisiis,  Muguet,  1690-1710, 

2  vol.  in-fol. 
Historia  universitalis  parisiensis,  autore  Csesare  Egassio  Bulaeo  (Duboulay). 

Parisiis,  1665-1673,  6  vol.  in-fol. 
Théâtre  des  antiquités  de  Paris,  par  Jacques  Dubreul,  bénédictin.  Paris, 

1612,  in-40  ;  Paris,  1739,  in-4o. 
Caroli  Dufresne  Ducange,  glossarium  mediae  et  infirmae    latinilalis  (cum 

indice  aatorum).  Parisiis,  Osmont,  1733-1736,  6  vol.  in-fol. 
Observations  sur  l'histoire  de  saint  Loys,  par  Ducange,   avec  l'histoire  de 

saint  Louis,  par  Joinville.  Paris,  1668,  in-fol. 
Historiée  Francorum  autores,  coUecli  ab  Â^ndreà  Duchesne.  Parisiis,  1636, 

5  vol.  in-fol. 
fiistoriaa  Normannorum  scriplores,  collecti  ab  Ândreâ  Duchesne.  Parisiis, 

1629,  in-fol. 
Histoire  de  tous  les  cardin.  franc.,  par  Fr.  Duchesne.  Paris,  1660,  in-fol. 
Raym.  Duellii  miscellaneorum  Iibri  2.  Augusta-Yindelicor.  1723,  in-4°. 
Histoire  de  saint  Bénezet  et  du  pont  d'Avignon,  par  Magne  Agricole  (Pierre 

Du  Haitze).  Aix,  1708,  in-16. 
Histoire  des  auteurs  ecclésiastiques  du  Xll^  siècle,  par  EUies  Dupin.  Paris, 

1696,  2  vol.  in-8o. 
Histoire  de  la  ville  et  des  seigneurs  de  Coucy,  par  D.  Touss.  Duplessis. 

Paris,  1728,  in-4°. 
Recueil  des  rois  de  France,  leurs  couronne  et  maison,  par  Jean  Dutillet. 

Paris,  1618,  in-4''. 

E. 
Eadmeri  cantuariensis  monachi  historia  novorum,  sive  rerum  sui   ssculi  ab 

aono  1066  ad  annum  1122.  Londini,  1623,  in-fol.  —  Et  ad  calcem  operum 

S.  Anselmi.  Parisiis,  1676,  in-fol.  ;  1721,  in-fol.' 
Exordium  magnum  cistercieose,  t.  L  P-  '3  Bibliothecse  patrum  cisteicien- 

sium,  Berlrandi  Tissier.  1660,  iu-fol. 

F. 

Fabliaux  et  contes  des  poètes  français  des  XI,  XII,  etc.  siècles,  publiés 
par  Barbasan  ;  nouv.  édit.  augmentée  par  Méon.  Paris,  Crapelel,  1808, 
4  vol.  in-S",  Dg. 

Joannis  Âlb.  Fabricii  Bibliolheca  média)  et  inGmx  latinitalis.   Hamburgi, 


DES  CITATIONS.  xiij 

173i,  6  vol.  in-S".  —  Cum  notis  Dominici  Mansi.  Palavii,  Maofré,  1754, 

6  vol.  in-i». 
J.  Â.lb.  Fabricii  Bibliolheca  ecclesiastica,  io  quâ  contineotur  de  scriptori-  Fabric.  B.  Eccl. 

bus  ecclesiasticis  libri  plurimorum.  Ilamburgi,  1718,  iD-rol. 
Origine  de  la  langue  et  de  la  poésie  française,  par  Claude  Fauchel.  Paris,    Fauchet. 

Pâtisson,  1681,  in-8°. 
Histoire  de  l'abbaye  de  Sainl-Denis.  par  dom  Michel  Félibien.  Paris,  1706,    Félibien. 

in-fol. 
Ferrii  Locrii  Maria  augusla.  Atrebali,  Mandhuy,  1608,  in-4°.  Ferr.  Locr. 

Histoire  ecclésiastique,   par  Fleury.  Paris,   1691-1737,   36  vol.   in-4°  ou  Fleuri. 

in-12. 
Bibliolheca  Belgica,  sive  Belgici  scriptores  à  Valerio  Andréa,  Auberto  Mi-   Foppens. 

rseo,  Fr.  Swertio  recensiti  :  cura  Francisci  Foppens.  Bruxellis,   1739, 

2  vol.  in-4°. 
Rerum  germanicarum  scriptores  aliquot  insignes,  collecti  à  Marquardo  Fre-    Freher. 

hero.  Edilio  Struviana.  Argenlorali,  1717,  3  vol.  in-fol.  —  Direclorium 

bisloricorUm  medii  œvi.  à  Marq.  Frehero.   Goelting»,   1772,  in-l".  — 

Thealrum  virorum  eruditione  clarorum,  à  Marq.  Frehero.   Norimbergse, 

1688,  2  vol.  in-fol. 
Pétri  Frison,  Gallia  purpurala.  Paris,  Lemoine,  1638,  in-fol.  Frison. 


Gallia  Christiana  (velus}  studio  Scaev.  et  Ludov.  Sammartb.  Parisiis,  1656,  Gall.  Christs  vet. 

4  vol.  in-fol. 
Gallia  Chrisliaoa  (nova)  operâ  Dionysii  Sammarlhani  et  aliorum.  Parisiis,   Gill.  Christ,  n. 

1716-1785,  13  vol.  in-fol. 
Yerbum  abbreviatum,  opus  Pétri  Canloris,  cum  notis  Georgii  Galopin.  Mon-  Galopin. 

libus,  1637,  in-4». 
Séries  Prxsulum  Magalonensium  cl  Monspeliensium,  autore  P.  Gariel.  Tolo-  Gariel. 

sae,  1652,  in-fol.  Ibid.  1665,  in-fol. 
Gaufridi  Vosiensis  chronicon  Lemovicence,  in  bibliolheca  librorum  manus-  Gaufr.  Vos. 

criptorum  Phiiippi  Labbe,  t.  11,  p.  279  et  seq. 
Gervasii  Dorobernensis  monachi  chronicon,  inler  AnglicsB  Hisloris  scripto-  GeT\.  Dorob. 

res  10.  Londini,  1662,  in-fol.  — Ëjusdem  liber  de  Pontificibus  Cantua- 

rieosibus.  Ibid.  p.  1630-1683. 
Bibliolheca  ordinealphabelico  inslitula,  à  Conr.  Gesnero,  1645,  in-fol.  —    Gesner. 

Recognita  et  aucta  à  Jos.  Simlero.   1574,  in-fol.  —  Amplilicaia  à  J.  J. 

Frisio.  Tiguri,  Froschover,  1583,  in-fol. 
Gesla  Ponlificum  Altissiodorensium  in  bibliolheca  manuscriptorum  librorum   Gesta  Pont.  ait. 

Phiiippi  Labbe,  t.  I,  p.  411  et  seq. 
Gesta  Ponliûcum  Cenomauensium,  inler  analectaMabillonii,  in-fol.  pag.  238-  Gesta  Pont.  C. 

338. 
Gesta  Ponlificum  Leodiensium,  in  Historiâ  Ëcclesis  Leodiensis,  studio  Joan-  Gesta  PoQt.  L. 

Joannis  Chappeauville. 
Gilles  d'Orval  dans  le  recueil  de  Chappeauville,  t.  II.  Gilles  d'Orval. 

iEgidii  de  Roya  Annales  Belgici,  dans  le  Recueil  des  Historiens  Belgiques  de  Gilles  de  Roya. 

Swerl.  Francfort,  1620.  1680.  in-fol. 
Giraldi  Cambrensis  hibernia  expugaala,  dans  la  collection  des  écrivains  Girald.  Cambr 

anglais  et  normands. 


xiv  TABLE 

GlsDTille.  TractatU!  de  legibus  el  conguetudioibus  regni  Angliœ,  tempore   régis  Hen- 

rici  II  compositus,  justili»  guberaacula  leneiile  Ranuiro  de  Gl^avilLà. 

Londini,  1673,  in-lï. 
Th.  Godefr.  Cér.  Le  Cérémonial  français,  par  Tbéad.  aodefroy.  Paris,  1649,  2  vol.  in-fol. 
Grancolas.  Critique  dei  auteurs  ecclésiastiques,  par  Jean  Grancolas,  2  vol.  in-S». 

Guichenon.  Histoire  de  Bresse,  Bugey,  etc.,  par  Sam.  Guicbenon.  Lyon,  Hoguelan,  1650, 

in-fol.  fig. 
Guill.  Neubr.        Guillelmi  Neubrigensis  chronica  rerum  Anglicarum,  cum  nolis  J.  Picard. 

Oxonii,  Sheldon,  1779,  3  vol.  in-S"  ;  el  dans  les  colleclious  d'historiens 

d'Angleterre. 
Guill.  Tyr.  Guillelmi  Tyrii  archiepiscopi  bistoriœ  rerum  in  partibus  marilimia  gesla- 

rum  libri  S3.   Dans  le  recueil  de  Bongars  ,  intitulé:   Gesta    Dei  pir 

Francot. 
Guyon.  Histoire  de  l'église  et  de  la  ville  d'Orléans,  par  Sympb.  Guyon.  Orléans, 

1647,  in-fol. 
Gyrald.  De  Historià  Poetarum  dialogi  12  Lilii  Gregor.  Gyraldi,  t.  II,  operum  ipsius. 

Lugdnni  Batav.  1696,  in  fol. 

H. 
Harpsfeld.  Historia ecclesiaslica  Anglicana  à  Nie.  Qarpsfeldio.  Duaci,  Wyon,   1622, 

in-fol. 
Cxs»  Heisterb.       CaBsarii  Heisterbacensis  libri  12  miracuiorum  el  historiarum  memorabilium 

sui    lemporis.  Anluerpiae,  Nutius,   1604,  in  8°,  et  il  Bibliotkecœ  PP. 

Cw«erc.  —  Dialogi,  ibid.  t.  II,  p.  170. 
Helinand.  Helinandi  monachi  chroiiicoa,  t.    Vil  Bibliolheca  PP.   Cistercieat,  tludio 

Bertr.  lissier. 
HemiDgford.  Guall.  Hemingforl,  inter  Ritloriœ  Angl.  scriptoresiQ. 

IlénauU.  Abrégé  chronologique  de  l'Histoire  de  France,   par  le  président  Uéoault. 

Paris,  1768,  3  vol.  in-8°. 
lienr.  Gand.         Henricus  Gandavensis  de  scriptoribus  ecclesiaslicis,  in  Bibliothecd  eccluias- 

lied  Fabricii. 
Henr.  Huniiog.     Henrici  HuDlingdoniensis  Historiarum  libri  8,  in  colleclione  Savilianâ, 
Henriq.  Mcnol.      Menologium  Cislerciense,  nolalionibus  illuslratum,  cum  conslilulionibus  et 

privilegiis  ejusdem  ordinis,  cura  Chrysostomi  Henriquez.  Antuerpiae,  Mo- 

rel.  1630,  infol. 
JleDriq.  Fascic.      Fasciculus  sanclorum  ordinis  Cisterciensis,    cura  Chrysostomi    Henriquez 

Coloniœ,  1631,2  vol.  in-4o. 
Ilenricq.  Phœn.     Chrysoslomi  Henriquez  Phœnix  reviviscens,  sive  ord.  Cisterc.  Angl.  el  Hi- 

bern.  scriplores.  Bruxellis,  1626,  in-4u. 
Ilcrman.  Hermanni  (vel  llerimanni)  de  miraculis  B.  Maria  Laudunensis,  de   geslis 

Barlholomœi  episcopi.   et    S.   Norberli  libri  3,    pag.   526-560   operum 

Guiberti  de  Novigenlo.  Parisiis,  1661,  in-fol. 
Hildebcn.  Ilildeberli  opéra  édita  ab  Antonio  Beaugendre.  Parisiis,  Le  Conte,  1708, 

in-fol. 
Hist.  d'Évrcux.      Histoire  du  comté  d'Evreux,  par  Ph.  Le  Brasseur.  Paris,  Barois,  1722, 

in-4o. 
H.  Angl.  ter.  10.  Hisloria  angliae  scriplores  10,  illustrali  à  Uogerio  Twissden,  et  à  Seldepo. 

Londini,  1632,  in-fol. 
II.  Aogl.  scr.  20  Hist.  britannic»,  saxonica),  aoglo-saxonicae,  scriptores  20,  coUeoti  à  Tfa« 

Gale.  Oxon,  Sheldon,  1691,  2  vol.  in-fol. 


DES    CITATIONS.  xv 

Historia  generalig  frattum    discalcealornm  ordinis   B.  Virgini»  Mari^B  de  H.  Fr.  Discale, 

nionie  Carmelo,  coDgtegaiionis  S.  Elis.  Roœœ,  1608,  in-fol. 
Anciennes  Lois  des  Français,  conservées  dan»  les  coutumes  anglaises  ;  par  Hou«rd. 

Dav.  Bouard.   Rouen,   1766,  3  vol.  in-4o.  —  Traité  du  même  sur  les 

ccutumes  anglo-normabdes.  Paris,  1776— 1777,  î  vol.  in-4°. 
Les  origine»   de  la  ville  de  Caen  et  des  lieux  circonvoisins,  par  P.  Dan.  Huet,  Caen. 

Caet;  nouv.  édil.  augm.  Rouen,  Maurry,  1706,  in-S», 
Magistri  Dugonii  de  sancto  Victore  opéra  omnia.  Rothomagi,  1648,  3  vol.  Hug.  de  S.  Vie». 

in-fol. 
Caroli   Ludovic!   Ilugonis   monument»  sacr»  aniiquitalis.  Stigavii,   1788,  Car.  Lnd.  Hug. 

2  vol.   in-fol.  —  Ejusdem  Annales  prsmonstratenses.  Nancei,  CusHon, 

1734  et  1736,  8  vol.  in-fol, 
The  Distory  of  england  from  tbe  invasion  of  Julius  Cssar,  to  the  révolution  Hume.      . 

in  1688  by  Dav.  Hume.  London,  1770,  8  vol.  in-4". 

I. 

Ivonis  Cartonensis  episcopi  epistolœ  et  opéra  omnia  cum   notis  Franc»  iv.  Cam. 
Jureli  et  Joannis  B.  Souchet,  Parisiis,  1647,  infol. 

J. 

Joannis   Sarisberiensis  epistolaj,  cum   epistolis  Gilberli ,    editis  à    Joanne  Joann.  Sarisb. 

Masson,  Parisiis,  1611,  in-4°.  —  Joannis  Sarisber.  Policraticus,  sive  de 

nugiscurialium  et  vesligiis  pbilosophorum   libri  8,  et  Metalog,   libri  1, 

LugJuni  Balav.  Maire,  1632,  in-8».  Lugd.  Balav.  1639,  in-8°. 
Histoire  de  saint  Louis,  par  Jean  sire  de  Joinviile,  avec  des  obsel-vations,   Joinville 

etc.    par    Dufresne-Ducange.    Paris,    Marbre-Cramoisy ,  1668,   in-fol. 

—  Histoire  de  saint   Louis,  par  Joinville;   Annales  de   son   règne,  par 

Guillaume  de  Nangis,  etc.;  édition  de  Melol  et   Capperonnier.   Paris, 

imprim.  Roya'e,  1761,  in-fol. 
Purpura  divi  Bernardi,  sive  elogia  PontiOcum,   Cardinalinm,  Episcoporum  JoDgelin, 

et  Archiepiscoporum  ex  ordine  Cisterciensi;   studio  Jungelini.  ColoDis 

Agrippinx,  Krafft,  1044,  in-fol. 

K. 
Henr.  Koyghlon,  inler  Anglic.  Bistoriœ  teriptoret  10.  Knyghion. 

Georg.Malh.  Konig.Bibliotheca  velus  et  nova.  AltdorGi,  Endler,1678,  in-fol.  Konig. 

L. 
Nova  Bibliolheca  manuscriplorum  codicum  cura  Philippi  Labbe,  Parisiis,   Labbe,  Bib.  mss, 

1657,  2  vol.  in-fol. 
Sacro-sancta   concilia,  collecta  et  édita  a  Philippo  Labbe  et  Gabriele  Cos-   Labbe,  Cône. 

sart.  Parisiis,  1671,  17  tom.  vol.  in-fol. 
Philippi  Labbe  Iraclalus  de  scriptoribus  ecclesiasticis.  Parisiis,  1660,  in  8",   Labbe,  Scr.  Ecc. 
Hisloire  de  la  Musique  ancienne  et  moderne  (par  J.  Benj.  de  la  Borde).   La  Borde. 

Paris,  Pierres.   1780,  4  vol.   in-4''.   —  Mémoires  histeriques  sur  Raoul 

deCoucy,  par  J.  Benj.  de  la  Borde.  Paris,  1701,  in-S». 
Théâtre  d'honneur  et  de  chevalerie,  par  la  Colombière.  Paris.  1648,  in-fol.   La  Colombière. 
Bibliothèque  française,  pai  la  Croix  du  Maine.  Paris,  1684,  in-fol.  —  Avec  Lacr.  du  M. 

Duverdier,  édition  de  Rigoley  de  Juvigny.  Paris.  1772  et  1773,  6  vol. 

in-4°. 
Remarques  de  Bernard  delà  Monnoye  surlesjugem.  de  Baillel;  dans  les  La  Monnoye. 
jugemens  des  savans,  etc^  Paris,  1722-1730,  8  vol.  in-4». 


xvj  TABLE 

Lanfranc.  Lanfranci  opéra,  studio  Lucaî  Dachery.  Parisiis,  1648,  in-fol. 

La  Pomraeraye.     Histoire  des  Archevesques   de  Rouen,  par  'un  Bénédictin  (Fr.  de  la  l'om- 

meraye).  Paris,  Maurry,1667,  in-fol. 
La  Roquo.  Histoire  généalogique  de  la  maison  d'Harcourt,  avec  les  preuves;  par  A.  G. 

de  la  Roque.  Paris,  1662,  4  vol.  in-fol, 
Launoy,  Arist.       Joannis  Launoy  traclatus  Je  varia  Aristotelis  fortunâ,  t.  IV   operum  ejus- 

dem  J.  Launoy.  Genevaî,  1732,  in-fol. 
L  baud  Histoire  de  Bretagne,  etc.,  par  Pierre  le  Baud,  aumônier  de  la  reine  Anne. 

*       ■  Paris,  Alliot.  1638,  in-fol. 

Lebeuf.  Aux.        Mémoires  concernant  l'hist.   d'Auxerre,  par  l'abbé   Lebeuf.  Paris,    1743, 

3  vol.  in-4°. 
Lebeuf.  Diss.         Dissertations  sur  l'histoire  ecclésiastique  et  civile  du  diocèse  de  Paris,  sui- 
vies de  plusieurs  éclaircissemens  sur  l'histoire  de  France,  par   Lebeuf, 

Paris,  Lambert,  1739  et  suiv.  3  vol   in-12. 
Lebeuf,  Paris.        Histoire  de  la  ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris,   par  Lebeuf.    Paris, 

Prault,  1764,16  vol.  in-12. 
Le  Labour.  Maz.    Les  mazures  de  l'abbaye  de  l'Isle-Barbe-lès-Lyon  ;  par  Claude  lo  Laboureur. 

1"°  partie,  Lyon,  Galbit,  1665,  in-4°.— 2»  partie,  Paris,  Couterot,  1682, 

in-4°.  — Suite.  Paris,  1682,  in-i". 
Le  Cointe.  Annales    ecclesiaslici    Francorum  ;  aulore   Car.    Lecointe,   orat.  Parisiis, 

typogr.  Reg.  1666-1 683, 8  vol .  in-fol. 
Leland.  Joannis  Lelandi  commeiilarii  de  scriptoribus  Britannicis.  Oxonii,  è  tl  eatro 

sheldoniano,  17Ô9,  in-8". 
Lelong,  Bibl.         Bibliothèque  historique  de  la  France,  par  Jacq.  Lelong,  de  l'Oratoire,  nouv. 
de  Fr.  édit.  augmentée  par  Fevret   de    Fontette.    Paris,  Hérissant,  1768-1778, 

6  vol.  in-fol. 
Lelong,  Bibl.  S.    Bibliolheca  sacra  in   binos  syllabos  distincta,  a  Jacobo  Lelong.   Parisiis, 

Couslelier,  1723,  2  vol.  in-fol. 
Lenglei  Dufr.        ^^  l'usage  des  romans,  avec  une  bibliothèque  des  romans,  par  Gordon  de 

Percel  (Lenglel  Dufresnoy).  Amsterdam,  1731,  2  vol.  in-12. 
Le  Paige,  B.  l'r.  Joannis  le  Paige,  Bibliotheca  ordinis   Pncmonstratensis.    Parisiis,    1633, 

in-fol. 
Lipcn.  Bibl.  Th.   Martini  Lipenii   Bibliotheca  realis   iheologica.   Francofurli,   1685,  2   vol. 

in-fol. 
LiroD    Bib.  Ch.     La  Bibliothèque  charlraine,  ou  Traité  des  auteurs  et  hommes  illustres  du 

diocèse  do  Chartres,  par  Dom  Liron.  Paris,  1778,  {11-4». 
Lobineau   llisi      D'sloire  de  Bretagne,  composée  sur  les  actes  et  les  auteurs  originaux,  par 
de  Brei.  '  Dom  Lobineau.  Paris,  Muguet,  1707,  2  vol.  in-fol.  fig.  —  L'Histoire  des 

Saints  de  Bretagne,  par  le  même.  Rennes,  1724,  in-fol. 
Ludewlg.  Reliquiœ  manuscriplorum  omnis  aivi  diplomatum,  etc.  collecta  à  J.  Petro 

Ludewig,  Francofurti  et  Lipsiae,  1720,  et  seqq.  12  vol.  in-8°. 
M. 
Mabillon,  Aci.       Acta  Sanctorum  ordinis  S,  Benedicti,    studio  Joannis  Mabillon  et  Lues 

Dachery.  Parisiis,  1688-1702,9  vol.  in-fol. 
Mobill.  Anal.         Vetera  Analecla  collecta  à  J.  Mabillon.  Parisiis,  Montalant,  1723,  in-fol. 
Mabill.  Annal.       Annales  ordinis  S.  Benedicti,  à  J.  Mabillon(et  Renalo  Massuet).    Parisiis, 

Robustel,  1703-1739,6  vol.  in-fol. 
Mabill.  Diplom.     Joannis  Mabillon  de  re   diplomaticà  libri  6,  eJilio  secunJa  cum  prœfatione 

Ruinarlii.  Parisiis,  Robustel,  1709,  in-fol.  lig. 


DES    CITATIONS.  xvij 

De  morinis  et  morinomm  rébus;  auctore  Jac.  Malbranq.  Tofdabi,  1639-  Malbrancq. 

166i,  3  vol.  in-4». 
Anliquilés  de  la  ville  de  Paris,  par  Claude  Malingre.  Paris,  Rocolet,  1610,  Malingre. 

in-fol. 
Cisterciensium  aDualium  libri  4,  aulore  Angeio  Manrique.  Lugduni  {ka'is-  Manrique. 

son),  1642-1653,  4  vol.  in-fol. 
Metropolis  Remensis  hisloria,  sludio  Guillelmi  Marlol.  Insulia,  de  Rache,   Marlot. 

1666.  i  vol.  in-fol. 
Thésaurus  novus   anecdolorum  compleclens  epislolas,  diplomala,  elc.  slu-  Mail.  Anecd. 

dio  Edmundi  Marlèue  et  Ursini  Durand.  Parisiis,  Delaulne,  1717,  5  vol. 

in-fol. 
Velerum   scriplorum   el.  monumenlorum  coUeclio  amplissima,   studio  Ed-   Martène,  Coll. 

mundi  Marlène  el  Ursini  Durand.  Parisiis,  Monlalant,  1724-1733,  9  vol    Ampl. 

in-fol. 
Edmundi    Marlène   de    rilibus    Ecclesiae   libri    4.    Anluerpiae   (Mediolaiii,   Marièoe,  Rit. 

cura  Muralorii),  1736-1738,  4  vol.  in-fol. 
Voyages  liiléraires   de  deux  Bénédiclins  (Marlène  el  Durand).  Paris,  1717  Mart.  Voy.  Lin. 

et  1724,2  vol.  in-4». 
Mathaei  Weslmonasteriensis,  flores  hisloriaram  de  rébus  brilannicis  usque  ad  Maih.  Westm. 

annuml307.  Londini,  1570,  in  fol. 
D.  Hugonis  Mathoud  nolae  in  Roberlum  PuUum.  Dans  l'édition  des  œuvres  Mathoud. 

de  Rob.  Pull.  Paris,  1666,  in-fol. 
Hist.  delà  ville  de  Lyon,  par  Ménétrier  Jés.  Lyon,  1696,  in-fol.  Ménéirier. 

Menologium  Carmelilanum  juxlà  novum   el  antiquum  ritum  S.  Sepulcbri  Menol.  Carmel. 

Ecclesiae  hierolymilanae.  Boloniae,  1627,  \n-i°. 
Jacobi  Meyer  commenlarii,  sive  Annales  rerum   flandricarum.  Âutuerpise,   Meyer. 

1561,  in-fol.  Francof.  1680,  in-fol. 
Histoire  littéraire  des  Troubadours,  par  Millot  (sur  les  Doémoiresde  Sainte-  Millot. 

Palaye).  Paris,  Durand,  1774,  3  vol.  in-12. 
Auberli  Miraei  (Le  Mire)  auclarium  de  scriptoribus  ecclesiasticis.  In  Biblio-  Mir.  Auci. 

theei  ecclesiailicd  Fabricii. 
Chronicon  Cislereiense,  sludio  Auberli  Miraei.  Coloniae,  1614,  in-fol.  Mir.'Chp.  Ciii. 

ChronicoD  ordinis  Prsmonslralensis,  sludio  Auberli  Mirsi.  Colonis  Agrip-  Hir.  Cbr.  Pr. 

pinae,  1713,  in-8<>.  r 

Origines  Cœnobiorum  ordinis  S.    Benedicti,    in    Belgio,    sludio  Âub«rli  Mir.  Orlg.  Ben. 

Mirsei  Antuerpise,  1606,  in-S". 
Missale  Cislereiense.  Parisiis,  1526,  2  vol.  in-fol.  Miss.  Cist. 

Bibliolheca  bibliolbecarum   œss.  nova  ;  sludio  Bernardi    de  Montfaucon.  Monif.  B.  mss. 

Parisiis,  Briasson,  1739,  S  vol.  in-fol. 
Dictionnaire  historique  de  Moréri.  Amst.   1698,  4  vol.  in-fol.  —  Paris;  Moréri. 

1759,  10  vol.  in-fol. 
Thealrum  sacri  ordinis  carlhusiani,  à  Carolo  Jos.  Morolio.  Taarioi,  1681,   Moroi.  Tb.  Cart. 

in-fol. 
Rerum   ilalicarum  scriptores,  coUecli  à  Lud.  Ant.  Muralorio,  Mediolani,  Huratori  Scr. 

17Î3-1751,  25  lom.  29  vol.  in-fol.  ""••  ''•'• 

N. 
Vies  des  anciens  poètes  provençaax,  par  Jean  Noslradaraus.    Lyon,  1875,   J.  Nosiradamus. 

in-8°. 
Notices  el  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi  et  autres  No'-  <>«»  ">»»• 
Tome  XIV.  c 

2    . 


Odon  de  Diog. 


Ordonninrcs. 


Olli.  Frising. 


Oudin. 


Pagi. 


Papebrock.  Chr. 
Cenom. 


Papillon. 


Papou. 
Math.  Paris. 


Pasquier. 

Patriarch.  Bitur, 

Pelrarca. 

Peir.  Dlea. 
Pctr.  Cant. 

Petr.  CeM. 

Pcir.  Vener. 

Pez. 

l'hil    B.  Sp. 

Pils. 


xviij  TABLE 

bibliothèques  de  Paris ,  publiées  par    l'Académie  des  inscriptions   et 
Belles- Lettres,  etc.  Paris,  1787-1813,  9  vol.  in-4«. 

0. 

Odonis  de  Diogilo  libelli  7  de  profectione  régis  Ludovici  VII  la  orienlem. 

==  Dans  le  livre  de  Chilllet,  intitulé  :  S.  Bernard i  genus  illustre  assertum. 

Notitia  utriusque  Vasconiae,  autore  Aroaldo  Oihenart.  Parisiis,  Cramoisy, 

1634,  iu-io. 
Ordonnances  des  Bois  de  France,  recueillies  par  de  Laurières,  de  Bré- 
quigny,  etc.  continuées  par  M.Pastoret.  Paris,  Impr.  Roy.  1728-1814, 
16  vol   in- fol. 
Olhoni.s  Frisingensis  opéra,  édita  à  Jeanne  Cuspiniano.  Argentorali,  1B16, 

in-fol.  —  Cura  Pétri  Pilbaci.  Basileae,   1569,   in-foi.  Ibid.  1696,   in-fol. 

^  Dans  la  collection  d'Iiisloriens  d'Allemagne.  Francfort,   1610,   in-fol. 

—  Dans  le  lom.  VIII  du  recueil  publié  par  Berlr.   lissier,  sous  le  titre 

ieBibliolAeca  PP.  Cisterciensium.  —  El  tom.  VI  du  recueil  de  Muralori 

Scriplores  rerum  italicarum. 
Casiœiri    Oudioi  commentarius   de    scriptoribus    Ecclesise   anliqùis,    cum 

multis  dissertationibus.  Francofurti  et  Lipsis,  Weidman,  Mii,  3  vol. 

in-fol. 

P. 
Ântonii  Pagi  critica  bistorico-chronologica  in  universos  Annales  Baronii. 

Anluerpiae  (Genevse),    1705,  4  vol.   in-fol.  —  Et  avec  les  Annales  de 

Baronius,  édit.  de  1740,  in-fol. 
Chronologia   Episcoporum   Cenomanensium,  Digesta  à   Dan.    Papebrokio. 

Apud  Bolland.  19  jun.  p.  868. 
Bibliotlièque  des  auteurs  de    Bourgogne,   par   Papillon.   Dijon,    Marteret, 

1742,  2  vol.  in-fol. 
Histoire  générale  de  Provence,  par  Papon.    Paris,  1778-1786,  4  vo'.  in-l", 
Malhaii  Paris  Angli,  Monachi   Albanensis,   liisloria  major,  sive  rerum  an- 

glicarum  faistoria  à  Guillelmi  adventu  ad  annum  43  lienrici  ill.  Londini, 

1640,  2  vol.  in-fol. 
Recherches   de  la  France,  par   Etienne  Pasquier  dans  ses  œuvres.  Amsl. 

1723,  2  vol.  in-fol. 
Patriarcbium  Bituricense,   sive    Ilistoria  Patriarcharum,    Episcoporum.... 

Bituriceosium,  tom.  il,  Bibliothecœ  manuscriplis  Philippi  Lahbe. 
Le  Rime  di  Fr.    Pelrarca.   Venezia,   Zalla,    1766,  2  vol.  in-4o.  —  Parigi, 

Praull,  1768,  2  vol.  in-12. 
Pelri  Blesensis  opéra,  édita  à  Petro  de  Gussanville.  Parisiis,  1667,  in-fol. 
Pétri  Cantoris  verbum  abbreviatum,  cum  notis  Georg.  Galopin.  Montibus, 

1637,  in-4». 
Pétri  abbalis  Cellensis  opéra  omnia,  studio   Reinerii    Ambrosii  Janvier. 

Parisiis,  Billaine,  1661,  in-4o. 
Pelri  Venerabilis  opéra,  p.  689-1376  Bibliothecœ  Cluniaeensit.  —  t.  XXII 

Bibliothecœ  maximœ  patrum. 
D.  Bernardi  Pezii  Thésaurus  anecdolorum  novissimus.  Augusla  Vindelicorum, 

1721,  7  tom.  6  vol.  in-fol. 
Philippi  abbalis  bono)  spei  ordiois  Prxmonslratensis  opéra  omnia.  Duaci, 

1621    in-fol. 

Joannes  Pilseus  de  scriptoribus  Anglia;  illuslribus.  Parisiis,  1619,  in-4o. 


DES    CITATIONS.  xix 

Histoire  générale  et  particalière  de  Bourgogne,  avec  des  notes,  dissertations  Plancher. 

et  preuves,  par  un  Bénédictin  (Urbain  Plancher).  Dijon,   de  Fay,  1739- 

1748,  3  vol.  in-foi. 
Antonii  Possevini  apparatus  sacer,  cum  appendicibus.  Venetiis,  1606,  3  vol.  Possev.  Appar. 

in-fol.  —  Colonia),  1608,  8  vol.  in-fol. 
Â^nt.  Possevini  bibliotbeca  !;elecia;  de  ratione  studioruoi.  Romae,  typogr.   Poss.  Bibl.  sel. 

Vatic.  1593,  in-fol.  —  Colonise,  Gymnicus,  1607,  in-fol. 

R. 

Radevicus  de  geslis  Frederici  yEoobardi  imperaloris.—  Â.  la  suite  d'Olhon  Radevic 

de  Frisingue  dans  la  collection  d'bisloriens  d'Allemagne.  Francfort,   IGIO, 

in-fol. 
Radulphi  de  Diceto  imagines  historiarum    inter    Anglicanes   historiœ  scrip-  Rad.  de  Diceio. 

tores  10. 
Histoire  d'Angleterre,  par  Rapin  de  Thoyras,  avec  les  remarques  de  Tyndall.   Rapin  Thoyras. 

La  Haye,  1726-1736,  15  vol.  in-4°.  —  Nouv.  édit.  donnée  par  Lefebvre 

de  Saint-Marc. La  Haye  (Paris),  1749,  16  vol.  in-4°. 
Th.  Raynaldi  opéra  omnia.  Lugduni,1666  et  seqq.  19  tom.  in-fol.  Th.  Raynald. 

Reineri  monachi  opéra;  t.  IV  Thesauri  anecdot.  Bernardi  Pez.  Hciner. 

Essais  historiques  sur  le  Maine,  par  P.  Renouard.  Au  Mans,  1811,  in-12.       HcDooard. 
(Roberti)    monachi  S.   Meriani  allissiodorensis,   Chronicon    altissiodorense,   Rob.  Chr.  Altis. 

usque  ad  annum  1212  ;  edilum  à  Nicolao  Camusat.  Trecis,  Moreau,  1608, 

in-4'. 
Roberti  dé  Monte,  ahbatis  S.  Michaelis,   chronica,   sive  appendix  ad  Sige-  Rob.  de  Monie. 

berlumab  anno  1100  usque  ad  1184.  —  Ad    calcem  operum  Guiberti  de 

Novigento   Parisiis,  1651,  in-fol.  pag.  743-810. 
Vita  Pétri  Monoculi,  aulore  Th.  Rodelio  in   Fasciculo  sanclorum  ord.   Vis-  Rodel    Viia  P. 

terc.  Chrys.  Henriguez.  Mon. 

Rogerii    de  Hoveden  Annales  ab  anno  732    ad   annum  1201.  P.  401-429  Rog.  de  Hoved. 

Collectionis  Saviliauae  :  Scriptores  rerum   angltcarum  pott  Bedam  prœci- 

put. 
Ândreae  Rosotti,  syllabus  scriptorum    Pedemontanorum,  etc.  Monte-Regali,  Rosotii. 

1667,  in-4o. 
Histoire  de  la  ville  de  Meluo,  par  Sébastien   Rouillard.  Paris,  1628,  in-4°.  Roullard 
Fœdera,  conventiones,  litter»  et  cujuscumque  geoeris  acla  publica,  inter  Rymer. 

reges  Angliaeetaliosquosvis  imperalores,  reges,  etc.  studio  Tboœse  Ry- 
mer. Hagae-Comit.  1745,  10  vol.  in-fol. 

S. 

Bibliotheca  Belgica  manuscr.  sive  Elencbus  universalis  codicum  manuscr.  in  Sander. 
celebrior.  Belgii  bibliothecis  ;  digestusab  Antonio  Sandero.  losuiis,  1641, 
in-4o. 

Anglicarum  rerum  scriptores  post  Bedam  prscipui,  coUecti  ab  Henrico  Savi-  savil.       Script. 
lio.  Londini,  1596,  in-fol.  Fraucofurti,  1611,  in-fol.  rer.  angl. 

ScriptoreshistoriœAnglicaB  10.  Franco!".  1601,   in-fol.    Lond.   1632,  in-fol.  Scr.  H.  Angl.  10. 

Scriptores  hislorise  BritannicsB,  Saxonic»,  Anglo-saxonicae  20.  Oxonii,  Shel-  Scr.  H.  Anglo- 
don,  1691,  2  vol.  in-fol.  Sax. 

Scriptores  historise  Normannorum,  coUecti  ab  Andréa  Duchesne.    Parisiis,  Scr.  Hlst.  Nom». 
1629,  in-fol. 

Scriptores  historise  Francorum,  collecti  ab  Andréa  Duchesne.  Parisiis,  1636,  Scr.  Uisi.  franc, 

5  vol.  in-fol. 


Scr.H.Fr.Coll.N. 
Scr.  Rer.  Germ. 
Pistor. 

Scr.  lier.  Germ. 

Urslii. 

Scr.  Rer.  Germ. 

Heib. 

Scr.  Rer.  Germ. 

Freh. 

Sevcriins. 

Seystre. 

Sirmond. 

Sixt.  Sen.  Bibl. 

T.  Smolelt. 

Spcc.  Csrmel. 

Spelman.  GIoss. 
Spelman.  Cod. 

Spelman.  Conc. 
Spicileg. 

Slepli.  Tornac. 

P.  Sutor. 
Swert. 

Tanner. 
Tliom.  Cantuar. 


Tissier.  Bib.  pp. 
Cisl. 

Triihem.     Scr. 
Eccles. 

Trilb.llI.Germ.J 


XX  TABLE 

Scriptores  Hisloriae  Francorum.  Parisiig,  1731-1811,  J6  vol.  in-fol. 
Scriptores  rerum  germanicarum  aliquot  iasignei,  collecli  à  Pistorio.  Edit. 

terlia,  cura  Barchardi  GoUhelffSlruvii.  Ratisbonae,  Conr.   Paï,    17Î6,   3 

vol.  in-fol. 
Scriptores  de  rébus  germanicis  ab  Beorico  IV  ad  aanum    1400,   coUecti  à 

Christiano  Urstisio  (Wurstisen).  Francofurli,  1670,  i  lom.  1    VQÏ.  in-fol. 
Rerum  germanicarum  tomi  très  collecli  »b  U^nrico  MeibQopjo,   Helmsladt. 

1688,  in-fol. 
Scriptores   rerum    germanicarum    aliquot  insignes,    collecli    à    Maquardo 

Frehero  ;  edilio  Slruviana.  Argentorali,  1717,  3  vol.  in-fol. 
Clironologia  Archiepiscoporum  Lugduuensium,  etc.  aulore  Jacobo  Severlio. 

Lugduni,  1628,  in-fol. 
Histoire  de  S.    Bénezel  et  du   pont  d'Avignon,  par  Despréaux   de   A.  B, 

(Élienne  Seystre,  céleslin).  Avignon,  1676,  in-12. 
Jacobi  SirmonJi  opéra  varia  (collectioscriptorum  elmonumenlorumecclesias- 

licorum).  Parisiis.  Typogr.  Reg.  1696,  6  vol,  in-fol. 
Sixli  Senensis  Bibliolheca  sancla.  Lugduni,  1676,    in-fol.;    Parisiis,    1610, 

in-fol.;  Neapoli,  1742,  'i  vol.  in-fol. 
Histoire  d'Angleterre,  par  Tob.  Smolelt;   traduit  de   l'angl.   en  franc,  par 

Targe,  avec  des  notes.  1769-1764,  19  vol.  in-12. 
Spéculum  Carmelilanum,   seu    historia   Eliani  ordinis.  Aotuerpix,    1680, 

in-fol. 
Henrici  Spelmanni  glossarium  arcliaeologicum.  Londini,  1664,  in-fol. 
Codex  velerum  legum  et  stalulorum  regni   Angliae,    cura    Henrici  Spelman, 

;;:=Dans  le  recueil  des  lois  anglo-saxonnes,  donné  par  WiUcins  ;    et  dans  le 

tome  II  des  anc.  lois  des  Français,  par  Houard. 
Concilia  magnae  Britannia),  collecla  ab  Henrico  Spelman,  cum  nolis  Davidis 

Wilkins.  Londini,  1747,  4  vol.  in  fol. 
Spicilegium,  sive  colleclio  velerum  aliquot  scriplorum,   cura  Luc»  Dacbery. 
Parisiis,  1685-1677,   14  vol.  in-4».  Parisiis,   Montalaul,   1723,  3  vol. 
in-fol. 
Slepbani  Tornacensis  epislolae,  notis  illuslralae  à  Claudio  du  Molinet.  Pari- 
siis, 1679.  in-8°. 
P.  Sutoriï  (Couslurier)  de  vilà  Carlusianâ  liber.  Parisiis,  Petit,  152Î,  in-l». 
Fr.  Swertii  Athenae  Belgicaj,  sive  Nomenclator  inferioris  Germaniae  scrip- 
lorum. Antuerpi»,  1628,  in-fol. 

T. 

Bibliolheca  Brilannico-Hibernica,  aulore  Tbomà  Tannero.  Londini;   1748, 

in-fol. 
Thomae  (Becket)  Canluariensis  Episcopi  (nec  non  Ludov.  VII,  Henr.  II  régis 

Angli»  et  aliorum),  epislolae,  édita;  à  Christ.  Lupo.  Bruxellis,  1682,2  vol. 

in-4'>.  —  Historia  quadriparlila,  sive  iraclatusde  vilà  et  passioneB.  Tbo- 

majarchiepiscopi  canluariensis  in  fronle  epislolarum  ejusdem. 
Bibliolheca  palrum  Cislerciensium,  opéra  Berlraodi  Tissier.  Bonofoole,  1660, 
8  vol.  in-fol. 
Joannis  deTrilhenhem  {Trilhemii)abbalis  Spanhemensis  liber  de  scriplori- 

bus  ecclesiasticis.  —  In  Bibliotheed  ecclesiasticd  J.  Alb.  Pabricii. 
J.  Trilhemii  liber  de  virisilluslribus  Germanie,  inler  ejus  opéra  bistorica. 

Fraocof.  1601,2  part,  in-fol. 


DES  CITATIONS.  xxj 

J.  Trilbemii  Annales  Hirsaugieoses,  sive  monasterii  sancli  Galli.  Typis  ejus-  Trith.  An.  Hirs. 

dem  monasterii,  lé90,  %  vol.  in-fol. 
Camilli  Tutini  prospectus  hisloriae  ordinis  Carlusiani.  Yiterbii,  1660,  in-8<>.   Tutio.  ord.  Cart. 
The  gênerai  bistory  of  england,  both  ecclesiastical  and  civil,  by  James  Tyrrel. 

Tyrrel.  London,  1700,  3  vol.  in-fol. 

U. 

Ferdinandi  Ughelli  Italia  sacra.  Romje,  1644-1662,  9  vol.  in-fol.  —  Editio  Ughelli,  h.  S. 
secunda,  studio  Nicolai  Coleli.  Venetiis,  1717-17Î2,  9  tom.   10  vol.  in- 
fol.  —  Editio  lerlia.  Florentiae,  1763,  10  vol.  in-fol. 

Jacobi  Usserii  anliquitates  ebclesiae  britannica;.  Londiui,  1729,  in-fol.  Ugg.  ^vnt.  E.  Br. 

V. 

Histoire  générale  de  la  province  de  Languedoc,  avec  les  pièces  justificatives,   Vaissette. 

par  (Claude  de  Vie  el)  Vaisselle.  Paris,  Vincent,  1730-1745,  6   vol   in- 
fol. 
Histoire  des  chevaliers  hospitaliers  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusa-  Veriot,  Hlst.  de 

lem,  aujourd'hui  chevaliers  de  Malle,  par  Verlol.  Paris,  1778,  6   vol.  Malte. 

in-12. 
Bibliothèque  bisloriale,  par  Nicolas  Vigoier.  Paris,  1688,  in-fol.  Vignier. 

Bibliolheca  Carmelitana,   nolis  el  disserlalionibus   illustrata  (à  Cosmâ  de  Vill.  Bibl.  Carm. 

Villiers  à  sanclo  Slephano).  Âureliani,  Couret  de  Villeneuve,  1752,  2  vol. 

in-fol. 
Jacobi  de  Vitriaco  Historia  Dierosolymilana.  —  Dans  le  recueil  de  Bongars,  Jac.  de  Vitri. 

intitulé  :  Gesla  Dei  per  Francos. 
Gerardi  Joannis  Vossii,  de  Hisloricis  lalinis  libri  3.  Lugduni  Balav.  1651»   Voss.  Histor. 

in-4o.  —  El  tom.  1  de  la  collection  des  oeuvres  de  Vossius.  Amsterdam, 

Blaeu,  1995-1701,  6  vol.  in-fol. 
Ger.'J.  Vossii  de  poetis  latinis  libri  i,  tom.  III  de  la  même  collection.  Voss.  Poet. 

W. 
Anglia  sacra  ,  sive  Colleclio  hisloriarum  de  arcbiepiscopis  et  episcopis  Warth.  Angl.  S. 

Anglis,  cura  Henrici  Warthon.  Londini,  1G9I,   1692,  2  vol.  in-fol. — 

Idem  Wartbon  de  Episcopis  et  Decanis  londinensibus.  Londini,  1696, 

in-80. 
Leges  anglo-saxonics  ecclesiasticae  el  civiles,  cura  Davidis  Wilkins.   Lon-   Wilkins,  Leg. 

dini,  1721,  in-fol.  Angl. 

Arnoldi  Wion,  lignum  vitse,  ornamentum  et  decus  Ecclesiae,  sive  de  illuslri-  Wion. 

bus  Cassinensibus  libri  6.  Venetiis,  1595,  2  vol.  in-S». 


TABLE 

DES  ARTICLES  CONTENUS  DANS  CE  VOLUME. 

'^  VEBTISSBMBNT.  Page            j 

Corrections  et  Additions  au  tome  XIU .  Ib. 

Not'ce  sur  M.  Ginyuené.  iij 

Table  des  Citations.                                                              •  ix 

Table  des  Articles .  .  xxij 

Français  auteurs  d'hisloi^es  étraugères.  1 

Rodolphe,  abbé  de  Cluni,  mon  eu  1177.  4 

SimoD  de  Poissy,  mort  après  1 176.  6 

Luc,  abbc  du  MoQl-Coroilloa,  mort  en  1178  ou  1179.  8 

Elienne  de  Fougères,  morl  en  1178  ou  1179.  10 

Pierre-le-Mangeur,  morleu  1179.  12 

Gilles,  évêque  d'Évreux,  morl  en  1179.  12 
Anonyme,  auteur  du  Formulaire  pour  le  sacre  de  Philippe-Auguste, 

morl  en  1179.  22 

Roger,  septième  abbé  du  Bec,  morl  en  1179  ou  1180.  26 

Geoffroy  Fulchier,  ou  Foucher,  mort  après  1179.  30 

Le  Reclus  de  Moliens  ou  MoUens,  mort  vers  1180.  33 

Elie  de  Barjols,  morl  eu  1180.  38 

Louis  VII,  dit  le  Jeune,  roi  de  France,  mort  en  1180.  41 

Jean  deSarisbéry,  évêque  de  Chartres,  mort  en  1180.  89 

Amaury,  patriarche  de  Jérusalem,  morl  en  1180.  162 

Philippe,  abbé  de  l'Aumône,  morl  vers  1180.  166 
(iuichard,  abbé  de  Pontigny,  puis  archevêque  de  Lyon,  morl  en  1180 

ou  1181.  179 

Anonymes,  auteurs  d'abrégés  de  l'Histoire  de  France,  vers  1180.  183 

.Vdam  du  Petil-Ponl,  morl  en  1180.  189 

Jean  Sarazin,  morl  vers  1180.  191 

Jean  de  Cornouailles.mfOrt  vers  1180.  194 

Guillaume,  abbé  d'Auberive,  mort  en  1 180.  200 

Uenri-le-Libéral,  comte  de  Champagne,  morl  en  1180.  206 

Guillaume  d'Agoull,  mort  vers  1181.  809 

Guillaume  de  Cabestain,  morl  vers  1131 .  210 
Richard  l'Evêque,  archidiacre  de  CoDslaace,  puis  évêque  d'Avraa - 

ches,  mort  en  1182.  215 
Robert  et  Gilles  Clément,  frères,  ministres  d'Etal,  le  premier  morl  eu 

1182.  217 

Tean  Beleth,  vers  1182.  918 

Jean  l'Hermite,  vers  1182.  S22 

Anonymes,  historiens  des  évêques  do  Périgueax,  vers  1182.  225 

Mathieu  d'Angers,  cardinal,  morl  en  1183.  227 

Roger,  abbé  de  Saint-Euvertc,  à  Orléans,  mot  après  1182.  228 

Pierre,  cardinal  du  titre  de  Sainl-Chrysogoue archevêque  de 

Bourges,  morl  en  1182.  S30 


JABLE   DES   ARTICLES.  xxiij 

Pierre  de  Celle,  évêque  de  Chartres,  mort  en  1183.  236 

Philippe  de  Ilarveng,  abbé  de  Bonne-Espérance,  morl  en  1183.  268 

Rotrou,  archevêque  de  Rouen,  morl  en  1183.  293 

Éverlin  de  Foux,  abbé  de  Sainl-Laurenlde  Liège,  morl  en  1183.  300 

Girard-la-Pucelle,  morl  en  11 84.  301 

Arnoul,  évêque  de  Lisieux,  morl  en  1184.  304 

BarUiélemi,  évêque  d'Excester,  morl  en  1184.  334 

Geoffroy,  prieur  de  l'abbaye  du  Vigeois,  morl  en  1184.  337 

Ordon,  abbé  de   Sainl-Père,  près  d'Auxerre,  el  Odon,  premier  abbé 

de  Sainte-Geneviève.  346 

Baudouiu  IV,  dit  le  Mesel  ou  le  Lépreux,  roi  de  Jérusalem,  mort  en 

1185.  3SI 
Hacquet,  abbé  des  Dunes,  morl  en  1185.  353 
Alain,  évêque  d'Auxerre,  mort  vers  1185.  354 
Robert  de  Torigny,  abbé  du  mont  Saint-Michel,  mort  en  1186.  36S 
Guillaume  de  Gap,  abbé  de  Saint-Denis  jusqu'en  1186.  374 
Recueil  de  Formules  épistolaires,  vers  1186.  377 
Roger-des-Moulins,  grand-maîlre  de  l'ordre  de  Saiot-Jean  de  Jéru- 
salem, mort  avant  1187.  381 
Aimeric,  troisième  patriarche  latin  d'Antioche,  morl  en  1187.  383 
Traimond,  ouTrasimond,  moine  deClairvaux,  morl  vers  1187.  395 
Gaucelin,  évêque  de   Lodève,    mort  en  1187,  et  Hugues,  moine  de 

Salvanez.  399 

Lambert  le  Bègue,  rnstiluteur  des  Béguines,  morl  vers  1188.  402 

Anonymes,  auteurs  des  actes  des  évêques  du  Mans,  vers  1188.  410 

Anonymes,  auteurs  d'Histoires  el  chroniques  d'Auxerre,  vers  1188.  413 

Thibaud  ,  abbé  de  Cluni ,    puis  cardinal  évêque   d'Ostie  ,    mort  en 

1188.  417 

Mainard,  abbé  de  Ponligny,  puis  cardinal,  mort  vers  1188.  418 

Reiner,  moine  de  Liège,  vers  1188.  420 

Geofroy  de  Péronne,  prieur  deClairvaux,  mort  vers  1189.  426 

Geofroy  d'Auxerre,  secrétaire  de  saint  Bernard,  mort  après  1188.  430 

Henri,  cardinal  évêque  d'Albano,  mort  en  1189.  451 

Henri  II,  roi  d'Angleterre,  mort  en  1189.  462 

Ranulfe  de  Glanville,  grand  justicier  d'Angleterre,  mort.en  1190.  646 

Gautier,  prieur  de  Saint-Victor,  mort  vers  1190.  649 

Herbert,  archevêque  de  Torrès,  mort  vers]l  190.  654 

Robert  Paululus,  mort  vers  1190.  B56 

Geoffroi  Rudel.  morl  en  1190.  669 

Garind'Apcbier,  vers  1190.  665 

Guillaume  Adhémar,  vers  1190.  567 

Jean  de  Haniville,  vers  1190.  669 

Raoul,  châtelain  de  Coucy,  vers  1190.  679 

Guillaume  de  Tyr,  morl  vers  1190.  587 

Lambert  Walerlos  el  autres  historiens  du  Cambrésis,  vers  1190.  696 
Anonyme,  auteur  de  l'histoire  de   la  fondation  du  prieuré  de  Sainte- 

Barbe  en  Auge.  gOl 

Anonymes  de  l'ordre  de  Prémontré.  g()3 

Auteurs  d'opuscules  depuis  1176  jusqu'en  1190.  gOg 

1.  Pierre  II,  évêque  de  Carpentras.  /j^ 


xxiv  TABLE  DES   ARTICLES. 

2.  Robertde  Fécamp.  Ih. 

3.  Chrétien,  moine.  /(. 
i.  Himbert  ou  Humberl,  disciple  de  saint  Bernard.  60? 
6.  Eustachc,  religieux  du  mont  Saint-Éloi.  608 

6.  Benri,  évêque  de  Lubeck,  depuis  1170  jusqu'en  1184.  Ib. 

7.  Gérard,  Girald,  ou  Giraud,  évêque  d'Alby,  609 

8.  Guillaume,    bibliothécaire    de    l'abbaye   de    Marmoutiers,    en 

1186.  n. 

9.  Guillaume  Templiers  ou  Tempers,  abbé  de  Reading.  Jb. 
Auteurs  de  lettres  missives,  1176 — 1190  610 

1.  Bernard,  évêque  de  Nevers,  mort  en  1177.  7A. 

2.  Ervise,  abbé  de  Saint-Victor,  mort  en  1177.  611 

3.  Gérard,  abbé  de  Fosseneuve,  mort  en  1177.  Ib. 

4.  Anthelme  ou  Nanthelme,  évêque  de  Beiley,  mort  en  1178.  612 

5.  Conon,  abbé  de  Saint- Vannes,  mort  en  1178.  614 

6.  Nicolas,  sous-prieur  de  Saint- Victor,  morten  1180.  Ib. 

7.  G.  abbé  de  Barbeau.  616 

8.  Hugues  du  Mortagne,  prieur  de  Saint-Martin  de  Séez,  veti 

1180.  Ib. 

9.  Hugues  de  Monceaux,  abbé  de  Sainl-Germaln-des-Prés,  mOrt 

eu  1181.  Ib. 

10.  Guillaume,  dit  de  Narbonne  ou  de  Toucy,  mort  en  1 182.  616 

11.  Boger  du  Pont-l'Evêque,  archev.  d'Yorck,  morten  1182.  Ib, 

12.  Richard,  archevêque  de  Canlorbéry,  morten  1184.  617 

13.  Etienne  de  Baugé,  évêque  de  Maçon.  618 

14.  Guillaume  Passavant,  évêque  du  Mans,  morten  1186.  619 

15.  Pierre  Monocule,  abbé  de  Clairvaux,  morten  1186.  (20 

16.  Adelbert  de  Tournai,  évêque  de  Mende,  mort  en  1187.  623 

17.  Roland  d'Avranches,  mort  en  1188.  624 

18.  PoDce,    abbé  de    Clairvaux,  évêque   de    Clermont,  mort   en 

1189.  /*. 

19.  Guy,  évêque  de  Châlons-sur-Marne.  6â5 

20.  Jean  de  Monllaur.  626 
Auteurs  anonymes  de  vifs  de  Saints,  1176-1190.  627 

1.  Vie  de  saint  Désiré,  archevêque  de  Bourges.  H 

i.  Vie  de  saint  Basin.  628 

3.  Deux  légendes  de  saiiil  Domilien,  évêqubde  Maestticht.  Ib. 

4.  Vie  du  bienheureux  Roland,  abbé  de  Chéry.  Ib. 

5.  Vie  de  saint  Frambalde  ou  Frambourg.  629 

6.  Vie  de  saint  Bénezel,  fondateur  du  pont  d'Avignon.  H, 

7.  Vie  du  bienheureux  Bertrand,  abbé  de  Grand-Selve.  639 

8.  Vie  du  bienheureux  Ponce,  évêque  de  Beiley.  Ib. 

9.  Vie  de  saint  Anthelme  ou  Nanthelme,  évêque  de  Beiley.  lè. 

10.  Vie  du  bienheureux  Pierre,  prieur  de  Jully.  631 

11.  Vie  de  saint  Arnould,  évêque  de  Gap.  632 

12.  Relation  de  la  translation  des  reliques  de  saint  Renobert.  Ib. 

13.  Vie  de  saint  Fiacre.                                                        ■  633 

14.  Relation  des  miracles  de  saint  Bernard.  637 
Table  alphabétique  des  auleurs  et  des  matières»  038 


HISTOIRE 

LITTÉRAIRE 

DE  LA  FRANCE 

SUITE    DU    DOUZIÈME    SIÈCLE. 


FRANÇAIS, 


AUTEURS     D'HISTOIRES     ETRANGERES. 


Nou.s  plaçons  sous  ce  litre  deux  auteurs,  dont  l'un  a  com-     xii  siècle. 
posé  une  histoire  de  Milan,  l'autre  une  histoire  de  Pologne. 
I.  Sire  Raul.  Tel  est  le  nom  de  l'auteur  d'un  morceau      ^".  itai.  i. 
d'histoire  ayant  pour  titre  :  Comment arius  de  gestis  Friderici      '  ^'      '"■ 
primi  in  Italiâ.    L'illustre    Muralori ,   en    publiant   cet    écrit 
dans  sa   Collection   des  historiens   d'Italie ,   examine  d'abord 
si  cet  auteur  était    italien  ou  français ,   comme  son   nom   et 
son  prénom  sembleraient  l'indiquer,   il  trouve  dans  cet  écrit 
des  preuves  suffisantes  que  l'auteur  était  à  Milan  lorsque  les 
Tome  XIV.  A 


2  FRANÇAIS,  AUTEURS  DHIST.  ÉTBANGÈRIÎS. 

xir  SIECLE,  événemens  qu'il  raconte  se  passaient  ;  car,  dès  l'entrée  du 
livre,  il  déclare  qu'il  a  tout  vu  par  ses  yeux,  ou  appris  de 
personnes  véridiques.  Mais  cela  ne  prouve  pas  qu'il  fût  Mila- 
nais ou  établi  à  Milan,  parce  que,  tout  comme  il  y  avait  des 
Italiens  en  France,  il  pouvait  y  avoir  des  Français  en  Italie, 
sur-tout  dans  un  temps  où  les  Milanais  étant  en  guerre 
ouverte  avec  l'empereur,  avaient  besoin  de  secours  étrangers 
en  hommes  expérimentés  dans  l'art  de  la  guerre. 

Le  nom  de  Raul,  qui  se  rend  en  latin  par  Radulfus , 
n'empêcherait  pas  de  le  croire  Milanais,  parce  que  ce  nom, 
quoique  moins  fréquent  alors  en  Italie  qu'en  France,  s'y 
rencontre  quelquefois;  mais  le  mot  de  Sire,  employé  comme 
prénom  ou  comme  expression  honorifique,  sans  être  joint 
au  litre  d'une  terre,  embarrasse  beaucoup  le  savant  italien. 
Pour  se  tirer  d'embarras,  il  soupçonne  qu'au  lieu  de  Sire, 
on  pourrait  lire  Siro,  qui  est  le  nom  d'un  saint  évêque  de 
Pavie,  fort  révéré  dans  le  pays.  Mais  le  mot  Sire  est  ainsi 
exprimé  au  titre  du  livre,  et  encore  enchâssé  dans  un  vers 
qui  le  termine,  oîi  l'on  aurait  pu  I  altérer  avec  d'autant  plus 
de  raison  que  sa  désinence  détruit  la  mesure  du  vers  : 

Qui  fecit  hoc  opiis.  Sire  Ratt!  nnmine  dictiis. 

S'il  s'agissait,  dit  Muratori,  d'un  auteur  florentin,  on  serait 
moins  embarrassé,  parce  qu'en  Toscane  on  ap[)elait  Sere  ou 
Ser  les  notaires  publics,  et,  en  ailmellant  celle  conjecture, 
le  vers  se  trouverait  avoir  sa  juste  mesure.  Il  examine  donc 
si  ce  vers  ne  serait  pas  de  la  façon  du  copisU;,  qui,  comme 
cela  est  arrivé  quelquefois,  aurait  eu  la  vanité  de  mettre  son 
nom  à  la  fia  de  l'ouvrage.  Mais  le  verbe  fecit  n'admet  pas 
cette  conjecture,  qui  est  encore  repoussée  par  le  titre  du  livre. 

Après  avoir  épuisé  ses  conjectures,  Muralori  déclare  qu'il 
appelera  son  auteur  Radulfus  Me('iolanensis ,  sans  décider 
s'il  est  Milanais  ou  Françai.'^.  Puis  donc  qu'il  veut  nous  le  per- 
mettre, nous  l'adopterons  pour  notre  compatriote,  et  nous 
le  placerons  parmi  nos  auteurs  fraiiçais,  avec  d'autant  plus 
de  raison  que  nous  savons  qu'en  Fr.mce,  dans  le  Xll'  siècle, 
la  qualification  de  Sire  était  réserviio  aux  seuls  militaires  qui 
avaient  été  admis  aux  honneurs  de  la  chevalerie.  On  peut  en 
voir  des  exemples  dans  le  Glossaire  de  Hucauge,  au  mol 
Siriaticiis. 

Cette  histoire  commence  à  l'année  11. "ii,  et  finit  en  1177. 
Muralori  se  félicite  d'avoir  fait  celte  découverte.  (>e  n'est  pas 


FRANÇAIS,  AUTEURS  D'HIST.  ÉTRANGÈRES.  3 

qu'il  manquât  d'historiens  contemporains  beaucoup  plus  xii  sif.clr 
circonstanciés  que  celui-ci;  mais,  comme  leurs  intérêts  per- 
sonnels les  allachaienl  au  parti  de  Frédéric,  il  s'applaudit 
avec  raison  d'en  avoir  trouvé  un  qui  soutienne  la  cause  des 
Italiens.  «  Car,  dit-il,  si,  dans  les  affaires  qui  regardent  le.s 
"  particuliers,  l'on  ne  peut  porter  un  jugement  sûr,  lorsqu'on 
«  na  entendu  qu'une  des  deux  parties,  à  plus  ferle  raison 
«  est-on  encore  moins  en  état  de  le  faire  dans  les  démêlés  qui 
«  arrivent  entre  les  princes  et  les  états  qui  leur  sont  opposés.  » 
Du  reste  il  nous  assure  que  la  relation  de  Raul  est  exacte  et 
sincère. 

On  trouvait  à  la  suite  du  manu'^crit  une  relation  de  la 
dernière  expédition  de  Frédéric  Barherousse  en  Orient,  que 
Muralori  n'a  pas  jugé  à  propos  d  imprimer.  Si  cette  relation 
était  du  même  auteur,  il  s'ensuivrait  que  Raul  ne  serait  mort 
qu'après  l'an  1190.  C'est  sur  quoi  le  savant  italien  ne  s'est 
pas  expliqué,  laissant  à  d'autres  le  soin  d'éclaircir  ce  point  de 
critique. 

11.  Fabricius,  en  rendant  compte  des  écrits  de  Vincent  Bibi.  mc.i  «u. 
Cadlubhus  o\x  Kadlubko,  évêque  de  Cracovie  depuis  l'an  1209 
jusqu'à  1219,  auteur  d'une  histoire  de  Pologne  impriniée  à 
Drobomili  l'an  1612,  in-8^,  et  réimprimée  à  la  suite  de  Dlu- 
gossus,  à  Leipsick  en  171 1  ;  Fabricius,  disons-nous,  rapporte 
que  l'éditeur  de  cet  ouvrage  est  étonné  que  Martin  Cromerus, 
auteur  d'une  Histoire  du  même  royaume,  ait  avancé  que 
Cadlubkus  est  le  premier  qui  ait  écrit  une  Histoire  do  Po- 
logne, tandis  que  deux  auteurs  qu'il  promet  do  donner  au 
public  l'avaient  devancé  dans  cette  carrière  ;  l'un  est,  dit-il, 
un  anonyme  français,  l'autre  Bascop  gouverneur,  custodem,  """'•  '  ". 
de  Posnanie  :  Hoc  te  solum  moneo,  mirari  me  quôd  Crome-  ''  '' 
rus,  summus  reverà  patriœ  nostrae  mystes,  illum  {Kadlub- 
konem)  primum  historiam  scripsisse  dicat,  cùm  nos  duos 
priores,  gallum  anonymum  et  Baskonem  custodem  Posna- 
niensem  habeamus,  tibique  daturi,  Deo  duce,  simus.  Ce  dernier 
n'appartient  pas  à  notre  histoire  ;  mais  l'anonyme  étant  Français, 
entre  dans  notre  plan. 

Son   histoire  n'a    point    encore   vu  le  jour    :    du  moins   le 

même  Fabricius  dit   n'avoir  aucune   connaissance   qu'elle    ait 

été  imprimée.  Mais  elle  a  été  souvent  citée  par  les  historiens 

polonais,    par    Sim.    Starovolsius,    par    Dlugossus,    qui  dans      eio»,  Smpi. 

deux  endroits    l'appelle   Martinus  Gallicus,    et    par    Martin  pnion!' num.  ii. 

Cromer,   qui  cependant  le  croit  moins   ancien  que  Cadlubkus       '^"°'  ''''•  '' 

A  ?  ■    P-  3«  el  63, 


XII 

SIE", 

LE. 

Cl 

omer. 

in 

prcf. 

ad.  S 

Ig.S. 

lUg. 

/</.  Iib.  i. 


4  RODOLPHE,    ABBÉ     DE    ÇLUNI. 

Il  est  donc  constant  qu'un  anonyme  français  a  composé  une  his- 
toire de  Pologne;  mais  en  quel  temps  vivait-il  ?  S'il  est  réelle- 
ment plus  ancien  que  Cadiubko,  il  doit  avoir  vécu  au  plus  lard 
dans  le  XU^  siècle.  Selon  Cromer,  celait  un  moine  français 
qui  avait  écrit  plus  de  trois  cents  ans  avanl  lui,  ce  qui  rcniouli - 
rait  vers  le  milieu  du  XIII'  siècle,  Cromer  ayant  dédié  >îOn  his- 
toire à  Sigismond  II,  roi  de  Pologne,  l'an  1566.  D'un  autre 
côté,  il  fait  dire  à  notre  anonyme  que  Casimir  I",  surnommé  le 
Pacifique,  était  venu  en  France  dès  sa  plus  tendre  jeunesse, 
oîi  il  avait  embrassé  la  vie  religieuse  à  Cluni.  Cette  circons- 
tance nous  porte  à  croire  que  ce  religieux  suivit  le  duc  Casimir, 
lorsqu'il  fut  appelé  au  trône  de  Pologne  l'an  1041.  D'où  l'on 
peut  conclure  qu'il  écrivait  cent  cinquante  ans  avanl  Cad- 
iubko, et  qu'il  aurait  dû  trouver  sa  place  dans  nos  volumes  pré- 
cédens.  B. 


RODOLPHE 


A  B  B  K    1)  E    Cluni. 


Brève  Chron. 
Clun.   in  Thcs. 
anccdol.    Edm. 
Mart.  t.  III,  p. 
1387.  -  Rob.  de 
iDonlc   ,         snn. 
1173.     -     Gall. 
Chr.  nov.   t.  IV, 
p.   1141.-  M»b. 
Ann.     ben.     lib. 
LXXX.  n    60. 
Gall.    Chr.   vel. 


Oiig.    Boncil. 
p.  W. 


RAoï'i-,  Radui-fb,  ou  Rodolfe,  neveu  de  l'évêque  de  Win- 
chester, Henri  de  Blois,  fut  élu  abbé  de  Cluni  en  1 173.  Une 
bulle  d'Alexandre  III  confirma  celle  élection  ;  et,  le  26  août, 
Raoul  reçut  la  bénédiction  abbatiale  des  mains  de  Pierre, 
évêque  de  Châlons-sur-Saône.  11  abdiqua  celle  dignité,  non 
en  in.'i,  comme  l'ont  supposé  MM.  de  Sainle-Marthe,  mais 
au  plutôt  en  1176,  ainsi  qu'on  doit  le  conclure  avec  le 
Mire  d'un  acte  où  Raoul,  en  cette  môme  année  1176,  donne, 
en  qualité  d'abbé  de  Cluni,  son  consentement  à  une  donation 
faite  par  l'abbé  de  Cercamps  à  Gautier  de  Chàlons,  prieur  de 
Saint-Marlin-des-Champs.  l/abdicalion  de  Rodolfe,  ou  du  moins 
léleclion  de  son  successeur,  n'esl  placée  qu'en  1177  par 
Robert  du  Mont,  qui  ajoute  que  Rodolfe  redevint  prieur  de  la 
(;iiarilé- sur-Loire,  fonction  qu'il  avait  exercée  avant  d'être 
abbé  de  Cluni  Ce  religieux  mourut  le  20  septembre  1177, 
ot  non  pas  1176,  comme  on  le  lisait  dans  l'ancienne  Gallia 
Christiana. 


RODOLPHE,   ABBÉ    DE  CLUNI.  5 

Martene  et  Durand  ont  inséré  dans  leur  araplissime  coUec-     xii  siècle. 
tion  une  Vie  de  Pierre-le- Vénérable,   dont  l'auteur,   désigné      tw~v1~~' 
dans  le  manusiFil  par  le  nom  de  Rodolfe,  moine  de  Cluni,   p.  1 187  —  1202. 
n'fest  autre  que   l'abbé   Rodojfe  ou  Raoul  dont   nous   venons 
déparier:  telle  est  du  moins  l'opinion  de  ces  savans  éditeurs.  Amplis,  coll. 

Celle  vie  est  précédée  d'un  prologue  ou  d'une  dédicace  à  '•  V'   p-  *'8. 
Etienne,  abbé  de  Cluni,  successeur  immédiat  de  Hugues  de  L°i**'c'go  * 
Frazan,  qui   avait   lui-même  succédé  immédiatement  à  Pierre- 
le-Vénérable.   L'auteur  annonce  qu'il   n'écrira  rien  qu'il   n'ait 
vu  de  ses  yeux,   ou  appris  de  témoins  oculaires  :   Scribere 
aggrediar  quod  virorum    religiosorum   relatione  didici   aut 
ipsevidi.W  atteste   que   Ringarde,  enceinte  de  Pierre,    ren- 
contra saint  Hugues,  abbé  de  Cluni,  qui  lui  dit  :  «  Madame, 
sachez   que  l'enfant  que  vous   portez   est   dédié  à  Dieu  ,    et 
donné  à  Saint-Pierre.  —  Ainsi  soit-il,    répondit-elle,  si  c'est       prucium  ven- 
un  garçon. — C'en  est  un,    répliqua  Hugues,  et   gardez-vous  tris  mi  deo  di- 
d'en  douter.    »    Après    quelques    détails   sur    l'éducation    de  "'"■"  *,'  ^-  •**' 
Pierre  à  Saucilanges,  sur  ses   fonctions  de  prieur  de  Vezelai,   domina  ,     cog- 
de  prieur  de  Domné  ou   de  Domina,   sur  sa   promotion  à  la  nusca» 
dignité  abbatiale,  sur  sa  piété,   son  zèle,   et  sa  chanté,    sur       Do'.me  ,    n 

D  >  r         >  >  I  masculus  est,  fl«t 

son  dévouement  à  la  cause  d'Innocent  H  ;  après  une  indi-  voiumas  tua. 
cation  très-sommaire  de  ses  principaux  écrits,  l'historien  Mascuium  eum 
entreprend  le  récit  des  miracles  opérés  par  le  vénérable  abbé,  ^jj  esse. 
A  ces  miracles  sont  consacrés  les  deux  tiers  de  l'ouvrage  dont 
nous  rendons  compte.  Un  villageois  vomit  un  serpent,  et 
c'est  par  les  mérites  de  Pierre  qu'il  recouvre  ainsi  la  santé. 
Dieu  révèle  à  Pierre  qu'un  moine  est  mort  empoisonné.  Un 
frère  agonisant  se  plaint  d'être  foulé  aux  pieds  d'un  cheval 
noir  qui  s'apprête  à  le  dévorer,  et  Pierre,  après  avoir  arra- 
ché du  mourant  l'aveu  d'un  péché  non  confessé  jusqu'alors, 
le  débarrasse  du  cheval  noir  qui  s'enfuit  au  galop  in  latrinas. 
Henri  I",  roi  d'Angleterre,  apparaît  plusieurs  mois  après  sa 
mort  à  l'un  de  ses  guerriers,  il  lui  apparaît  monté  sur  un 
cheval  noir,  et  accompagné  d'une  nombreuse  escorte  :  «  Oui 
c'est  Henri,  dit-il  au  guerrier  que  cette  rencontre  épouvante, 
c'est  ton  ancien  maître,  qui  serait  damné  à  jamais,  sans  les 
bons  offices  de  Pierre  de  Cluni  :  mais  fais  dire  à  Pierre  qu'il 
achève  son  ouvrage,  et  qu'il  ne  cesse  que  lorsqu'il  aura  reçu 
mes  remercîments  définitifs.  »  Pierre  de  Cluûi  ne  manqua 
point  de  redoubler  les  sacrifices,  les  prières,  les  aumônes  ; 
et  biçntôt  l'on  vit  reparaître  le  roi  Henri,  qui  se  déclara 
complètement   délivré,    satisfait,  et  reconnaissant.  Pliisieurs 

3 


6  SIMON  [)K  POISSV. 
XII  SIECLE,  autres  rcvcnans  figurent  dans  cette  liisloiro,  qui,  en  nous  inslrui- 
■  sant  à  fond  des  circonstances  miraculeuses  de  la  vie  du  vénéra- 
ble Pierre,  nous  apprend  fort  [teu  celles  qui  n'ont  rien  de 
surnaturel.  Toutefois,  le  dernier  chapitre  nous  offre  quelques 
renseii^nemcns  sur  son  père,  ea  mère,  et  ses  six  frères,  dont 
quatre  étaient  ecclésiastiques  et  deux  laïcs.  Ces  deux  derniers 
s'appelaient  Eustache  et  Oissutus.  Hérade  fut  évêque,  et  les 
trois  autres,  Jourdain,  Armand  et  Pons,  furent  alilu-s  de  la 
(^haisc-I)ieu,  de  (JrandLieu,  et  de  Yezelai. 

Celle  vie  n'est  terminée  par  aucune  relation  de  la  mort 
de  Pierre-le-Vénéral)li'..  liodoU'e  en  avait  parlé  ailleurs,  c'est- 
à-dire,  dans  une  lettre  au  pape  Adrien  IV,  lettre  dont  Wion 
a  publié  un  court  e.\.trail.  I.e  njènie  extrait  se  retrouve,  attri- 
bué au  même  Rodolfe,  dans  la  chronique  de  Cluni,  publiée 
par  dom  Marrier  à  la  lin  de  la  Hibliolhèqne  de  cet  ordre  reli- 
i<ieux.  1^ 


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II, 

P     U2,-,  77 

SIMON    UE    l'OISSY. 


SiMii.N  iiK  l'i)].-^-.Y  est  (Micore  un  des  hommiîs  (jui  profes- 
.laieiil  a\('r  quchpie  disliiictinii  ;i  Paris,  dans  le  |fMn|)S  ([ue 
Jean  de  Saii.-îliciN  y  étudiait,  ecst-a-dire,  entre  1  I  lit)  cl  M  i. s. 
Il  y  enseit;na  d'abord  la  pliiloso|)liie,  cl  la  lliéoloiiie  ensuile. 
Jean  d(!  Sarihbéry  I  appelle  Fvlua  h'clor  sed  obluaior  dispu- 
ta/or Il  loue  beaucoup  dailleuis  la  duclnne  et  les  principes 
tie  Simon  de  Poissv ,  cl  le  désii^'iic  (;onime  un  de  ceux  (pie  déchi- 
laiciit  le  j>lus  les  Conii/iciens ,  ces  ennemis  du  i^oill  et  de  la 
raison,  (pi'il  aliacpia  dans  son  ouvrai^e  av(;c  tant  de,  force,  el  que 
iiou.s  ierons  mieux  comiaîlie  à  l'arlicle  île  Jean  de  Sarisbéry  lui- 
mcnie. 

La  chioiiHpie  dt;  .Morii;ii;y  paili;  d  un  maître  Simon  do 
ViHi  Un-  Poi>sy,  (|ui  lut  dé|)ulé  à  Uome  vers  l'an  lli(>,  pour  faire 
•  '  "  lever  l'iiilerdil  ielc  sur  U's  terres  du  roi,  (U  annoncer  au  pape 
(  lîiii^ènc  III  j  la  croisade  résolue  à  Vezelai,  l't  dont  le  mo- 
nanpie  lui-mènu!  devait  èlre  le  chef.  Il  n'i-st  pas  permis  de 
douter  cpie  ce  ne  ne  IVit  h;  ni'dre.  iMais  est-ce  encore  lui  quil 
laiil  eiileiulr(>  |)ar  le  Simon  (pie  l.,ouis-le-Gros  a|)pelle ,  en 
Ilio,  à  rem[)lir  les  fonctions  de  chancelier  à  la  place  d'iitienne 


i.u.   m 

.">S(i. 
.I:.V 


SIMON    DE    POISSV.  7 

(le   (îurlande,    (jue  ce   prince  avait  dcslilué,    et  quil    télablit     xii  sircle. 


ensuile?  Plusieurs  actes  cités  dans  l'Iiisloire  généalogi([ue   et  t.  vi  ,  |..  itjy. 

chronologique  de  la   maison    de  France  et  des  grands  olFiciers 

de  la  couronne   par  le  père  Anselme,   prouvent  qu'il   existait 

alors  un  chancelier  Simon,   mais   on  ny  dit    pas  que  ce   fut 

celui    (pu  est   connu  sous  le  nom  caractéristique   de  Poissy  , 

vraisemblahleiuent  sa    patrie.    —    Le   père    Anselme  en    cite  /(,„/. 

d'autres  de  I  1  iiO  à  11o3,  (pii   annoncent  encore  un  diancelier 

Simon.   V.c    pouvait    être    le   même   rappelé    à    cette    fonction 

comme  l'avait  été  son  [)réd(''cesseur  Ktieiine  de  Garlaude  ;  mais 

il    n'est    encore    désigné   (pie    par    ce.   nom  ,    sans   y   joindre 

celui  (lu   lieu   |iar  l('(pii'l  on   le  désignait  plus  particulièrement  : 

ainsi,    on    ne   [)eul    guères  croire  que   ce  fût   le   même.   Il  est 

aussi  bien  vraisemblable  que  si  le  professeur  sous  k-qucl  Jean 

d(;  Sarisbéry   étudia   eût   été  chancelier ,  ou   le    fût  devenu  , 

l'écrivain  n'aurait  pas  né-gligé  cette  circonstance,  en   écrivant 

son  métalogi(pie,  qui  ne  fui  conq)Osé  que  vers  I  160. 

Mais  Simon    d(^    Poissy    pourrait   fort    bien    être  ce    maître 
Simon  dont    Etienne    de    Foiirnay,     alors    abbé    de     Sainle- 
Géneviève,     fait    un     éloge     magnilique     dans    sa     lettre    à       i.a   (;(!■    .i,in» 
Guillaume-aux-Belles- Mains ,     archevêque    de    Rheims.     Si  ''•'''''"''•   "" 

,  .....  .  .  „  IlloIllIPt,       |i.      //. 

cela  est,  il  doit  avoir  vécu  au  nioms  jusquen  H /G,  puisque 
Gauillaume-auv-!5elles-Mains  ne  fut  nomiiié  qu'au  commen- 
cement de  la  même  année  i^i  cet  archevêché. 

Un  anonyme  (pu  écrivait  vers  1170,  et  dont  Marlènc  nous 
a  conservé  une  assez  longue  l(;lire,  s'eKpriuie  ainsi  :  Raliones 
aiitcm  singulorum  qiuv  per  anni  cutviculiun  l'iunt  in  ecclesià,  ' 
qui scire  desiderat...  libruni  inagislri  Simonis,  qui  appellalur 
Quare  inspicial.  Ce  doit  être  encore  Simon  de  Poissy,  et  je 
le  crois  d  autant  plus  que  lanoiiyme  indi(iué  par  doni  Mar- 
tène,  n'est  peut-être  ipie  Jean  de  Sarisbéry,  qui  avait  étudié, 
comme  nous  lavons  remanpié,  sous  ce  professeur,  i.e  livre 
est  appelé  Quare,  apparemment  parce  (pi'il  était  par  de- 
mandes et  par  réponses,  et  que  chaipie  d(Mnan(le  commen- 
çait par  Pourquoi.  L'ouvrage,  au  reste,  n  est  pas  parvenu 
jusqu  à  nous.  P 


(;:ii:.  Cl 

t     l\,    y.   !!:■, 

les 
t.   i,   |r    4S9. 


XII    SIECLE. 


LUC, 


Abbé  du  Mont-Counillon. 


Ceillier,  tom.  nuR    le    mont    CornilloD,    près    de    Liège,    fut  fondée,   au 

XVII,  p.    7a6 ,  l^xil"  siècle  une  abbaye  de  l'ordre  de  Prémontré.    Mais   ce 

Bibl.   prsemomr.'  séjour  étant  deveuu  peu  sûr,  parce  que  des  brigands  en  infes- 

p.   304  ,   30!î ,  taient  le  voisinage,  on  ne  tarda  point   à  transférer   l'abbaye 

It^.  -/"PP""''  dans    les    murs   de    Liège,    en  un  lieu  appelé  Beau-Repart, 
Bibl.    Belg.     p.  ^  ,  '  ,  , 

825.  Belli  Reditus.  Dans   la   suite,    une  chartreuse  occupa   sur    le 

mont  Cornillon    la    place   que    les    Prémontrés   avaient    dé- 
Minus     in  sertée. 
Chron.     Praem .       j^uc,  premier  abbé  du   mont   Cornillon  et  de  Beau-Repart, 
35"et  38.  é'*'l  donc  de  l'ordre  de   Prémonlré  ,    et   non  pas  de  l'ordre  de 

Chron.  Hir-  Saint-Benoît ,    comme    l'a    cru  Trilhème,    de    qui    Sixte    de 
'""^ùi""   "^^    Sienne,    Crowerus,    et  quelques   autres   ont    emprunte   cette 
Bihi.    ssnci.  erreur.    Philippe    de   Bergame  est    le   seul   auteur  qui    nous 
lib-  'V.  indique  la  patrie  de  Luc  ;   encore  se  borne-t-il  à  le  déclarer 

2Ki"  '  allemand ,   natione    Teutonicus.   Luc   fut    disciple ,    selon    les 

Mansi  in  Fa-  uus,  de  Saint  Norbert,  selon  les  autres,  de  Richard  I",  abbé 
bric.  Bibl.  med.  ^jg  piorefles  :  OU  sait  du  moins  qu'il  avait  été  chanoine  régu- 
XI.  lier  de  Florefles  avant  de  devenir  en    1138  premier  abbé  du 

Suppi.  Chron.  mont    Cornillon.     Les   annales    de    Prémontré    font    mention 
""xi/s^     622    ^^^  services  rendus  par  ce  religieux  aux  habitans  de  Bouillon 
Bib).  sacr.  p.  durant  un   siège   de  cette  ville     Cave,  Dupin,  Lelong,  disent 
831J-  qu'il  mourut  en  1 137,    mais  il  est  désigné  comme  témoin  dans 

un  acte  de  11G5,    relatif  à   l'établissement  du  monastère  de 
Gali.  Chri»i.  Steinsbcrg.   On  'doit    fixer  la  date  de  sa  mort  au  24   octobre 
nnv.  t.  m,  p    1178;  Hugo  dit  1179. 

Si  Luc  a  composé  les   sermons,  les  épîlres,  et    les  opuscules 

Ann.  Pra:m.  que    Trilhême    et    d'autres    historiens    lui    attribuent ,     nous 

'   'ni  c'"'  .    '  avons  lieu  de  croire  qu'il  n'en  reste  rien  :  on  ne  cite  aucune 

l>c  scriptor.  ' 

ecci.  ann.  ii.îo,  bibliothèque  où  ces   productions  soient  conservées.  Trithéme, 
''■    D^^i  "  ?fr  au  surplus,  déclare  qu'il  ne  les  a  jamais  vues.  Personne  aussi 

ner  Bibl.  p.  547.      .  j  ? 

—  Henric.   Gan-  ^^  rendu  comple  de   deux  livres  composés,   dit-on,   par   ce 

div.  Script,  ap-  môme   Luc,   sur  les  Evangiles  de"  saint  Mathieu  et"  de  saint 

9*"  — ''  Polsev   ''^*""  ^^^^  "^  connaissons  de  lui  qu'un  Commentaire  sur  le 

Cantique  des  Cantiques,   ou  plutôt  sur  une  partie  de  ce  Can- 


LUC,   ABBÉ    DU  MO  NT-CORNI  LLON  .         9 

tique,  c'est-à-dire,  depuis  le  verset  8  du  chapitre  IV  jusqu'à  la     xh  siècle. 
fin  de  ce  poëme.  app.r.  ..c.  t.  ii. 

Aponius,  auteur  du  VIP  siècle,  avait  composé  sur  les  huit  •*•  '*•  ~  °"'''"- 
chapitres  de  ce  livre  sacré  un  long  commentaire  dont  l'abbé  du  '■(i'r'n.''i  S 
Mont-Cornillon  crut  à-propos  de  faire  un  abrégé  :  Summariola,  '"    '^n'-    ""«• 
summulariola.  Or,   en   1538,    il  prit  envie   à  Jean  Fabri  dé  ^' ^' 
publier   l'ouvrage    d'Aponius,   et,   comme   on   n'en   possédait  J"-tlvJZ 
point  de   manuscrit  complet,  l'éditeur  remplaça   ce  qui   man-  PP-  *<»   Logdun. 
quait  par  la   partie  correspondante  des  sommaires  de  l'abbé  \^^'^  '  ^^^' 
Luc.   On  n'imprima  donc  qu'un  peu  plus  de  la  seconde   moitié 
de  ces  sommaires  :  l'autre  moitié,  savoir,  celle  qui  s'appliquait 
aux  trois  premiers  chapitres  du  Cantique  des  Cantiques,   et 
aux  sept  premiers  versets  du  quatrième,  n'a  jamais  été  publiée, 
et  ne  se  retrouve  même  nulle  part  en  manuscrit.  Nous  devons 
avouer  que  la  perte  n'est  pas  grande,  si  nous  en  jugeons  par 
ce  qui  subsiste  ;  car  c'est  un  fastidieux  tissu  d'allégories  fort 
peu  raisonnables.   S'agit-il,  par  exemple,  de  la  bouche  et  du 
gosier  de  la  bien-airaée?  Celle  bouche  est  saint  Paul,  parce  qu'il 
a  écrit  le  premier    une  épître   aux   Romains;    et  ce  gosier, 
c'est  saint  Pierre,  ce  sont  même  ses  vicaires  [ejusque  vicarti), 
parce    qu'ils    professent   le   dogme   de   la    trinité,    profession 
figurée  par   l'excellent  vin  dont  parle  en  cet  endroit  l'auteur 
du  Cantique.  Léquilé  veut  que  ces  imaginations  soient  impu- 
tées au  commentateur  Aponius  bien  plus  qu'à  son  abréviateur. 
Tout  ce  qu'on  pourrait  observer  ici,  c'est  que  les  papes  sont 
appelés  par  Aponius  ou  par  Luc,  vicaires  dé  saint  Pierre,  et  non 
du  Christ. 

On  rencontre ,   parmi  les  œuvres  de  Philippe   de  Bonne-      p.  msH. 
Espérance,  sept  tomes  ou  livres  de  Moralités  sur  le  Cantique 
des  Cantiques.   L'auleur,  en  adressant  son  ouvrage  à   Milon 
évêque  de  Térouenne,  n'ose  point  se  nommer  :  il  se  qualifié 
le  pire  et  le  dernier  des  serviteurs  de  Dieu,  ajoutant  néan-     Pejor  et  uiii- 
moins  que  son  nom  se  forme  des  cinq   premières  lettres  des  ""*     '«rvorura 
cinq  premières   parties   du    premier   tome.    Sans   nul   doute,  "^'cu.u.  no„.en 
cet  auteur  nest  point  Philippe  de  Bonne-Espérance,  dont  le  wniinetur  i„   s 
nom  composé    de    plus  de  cinq   lettres  ne  se   retrouve   en  '*""'''  ''"""  " 
aucune  manière  dans  les  initiales  des  divisions  de  ce  traité.  ï!Z"Zi  % 
En   réunissant   celles   du  deuxième  tome,   du   troisième     du  ""'■ 
quatrième  et  du  cinquième,  on  a  les  quatre  lettres  ucas,  et  s.cr.!^j!"l3?.''''' 
il  est  permis  de  supposer  que  le  premier  tome  dont  les  pre- 
mières lignes  sont  perdues  commençait  par  la  lettre  L.  Mais 
il    reste    une  diffîcullé,   c'est  que    l'auteur   ne  dit   point  de 
Tome  XIV.  g 


iO  ETIENNE  DE  FOUGÈRES. 

\\\  SIECLE,  chercher  son  nom  dans  les  initiales  des  cinq  prenaiers  tomes, 
mais  dans  celles  des  cinq  premières  parties  du  seul  tome  pre- 
mier. Or  ce  tome  premier  n'est  point  divisé  en  parties;  les 
coupures  qu'il  présente  paraissent  purement  arbitraires ,  ne 
tiennent  à  aucun  système,  et  ne  reproduisent  d'ailleurs  sous 
aucun  aspect  les  cinq  lettres  du  mot  Lucas.  Peut-être  les  sept 
livres  que  l'éditeur  a  intitulés  ;  Tomus  primus,  tomus  secun- 
dus,  etc.,  ne  sont-ils  que  des  parties  d'un  tome  premier  qui  était 
suivi  d'un  autre  ou  de  plusieurs  autres  :  celte  hypothèse  est 
même  assez  plausible,  puisque  l'ouvrage,  tel  que  nous  l'avons, 
n'embrasse  point,  à  beaucoup  près,  tous  les  chapitres  du  livre 
saint  sur  lequel  l'auteur  moralise.  Mais  ces  prolixes  moralités 
sont  d'un  intérêt  si  faible,  que  nous  ne  croyons  pas  devoir 
examiner  plus  longuement  si  elles  sont  ou  ne  sont  point  de  l'abbé 
du  Mont-Cornillon.  D. 


ETIENNE  DE  FOUGÈRES. 


Lebaiid,  Ilist.  'pTlKNNE    DE    FoiGÈIlES,     évÔqUC    do    ReOnCS,    3    été    SOUVOUt 

(le    Brct.    ann.  Jjconfondu  avcc  son  prédécesseur   immédiat,   Etienne  de  la 

'*■'    f ■    ^\  Rochefoucauld,  qui,    à    peine   élu   abbé   de  Saint-Florent,    et 

—  D'Argcnlrc,  i 

iiisi.    de    Brci.  avaut  d'avoir  été  béni  comme  tel,  fut  appelé,  en  H56,  après 

iiv.  1,  c.    20,  la  xjixQri  d'Alain,  à  gouverner  l'église  de  Rennes.  C'est  à  cet 

'' Rob.  à  Monic,  Etienne  qu'appartiennent  des  chartes  de  1158,  et  une  lettre 

ann.  ii5(j.  à   Louis-lo- Jcuno,   publiée  par  Duchcsne   11   s'agit  dans  cette 

foi/'V' v"'"''  lettre  d'un  abbé   de  Bourgucil   contre  lequel  on  avait  prévenu 

li.ïi  ,    1132.  le  monarque  :  Etienne  de  la   Rochefoucauld  n'oppose  que  son 

Prcuv.    de  propre    témoignage    aux  accusations  intentées    contre  l'abbé. 

l'hist.    do     Brcl.  V.-    A         n    • 

I.  Il,  p.  210.  Lepîlre  fmil  |)ar  ces  mots  :    Verum  est  testimomum  nostrum, 

Duiiiesne,  valeat  reçTium  vestrum.    A  ce   premier  Etienne,  qui  mourut 

ei)  ■239'^        '  ^"   i  166,  succéda,  en  1168,  après  deux  ans  de  vacance,  celui 

ii()i).  .1  Monte,  (jue   distingue  le  surnom   de  Fougères,  de  Fulgeriis,  de  Fil- 

ann.  1168      in  ggf.ijg    dc  Fulcherïis,   et  qui,  chapelain   du   roi   d'Angleterre, 

9|)|>.     op.      Cuib.  ^  '  >  I      '  I  o  ' 

p.  787.  Henri  second  ,  dut  à  ce  prince  sa    promotion  à  l'épiscopat.  La 

Lobincau ,  plupart  des   Bretons  regardaient  Henri  comme   un  usurpateur, 

li'v   v'p.  isc.  ™3is   il  était  le  bienfaiteur  d'Etienne  dc   Fougères,  qui  lui  de- 


ETIENNE    DE    FOUGÈRES.  H 

meura  fidèle.  On  reprocha  loog-teraps  à  ce  prélat  une  vie  mon-     xii  sieci.e 
daine,  on  le   trouvait  plus   courtisan  qu'évêque,   moins  chré-  Lobineau 

lien  que  politique  ;  il  faisait   beaucoup  de  vers  qui  semblaient  ""''  "^   '^*- 
un  peu  lascifs,  épithète   qui  sans  doute  ne  doit  pas  être  prise    .     ^^''■•s^""''^ . 
trop  à  la  lettre,   elle  signifie   seulement  que  c'étaient  des  vers  3o'.'cd°d^eTuo8; 
profanes.    Nous  ne   les   connaissons,  au  surplus,  que  par  ce 
qu'en  disent   les  clironiquours  contemporains  et  surtout    Ro- 
bert du  Mont,  à  qui  Etienne  avait  adressé  cinquante  vers  sur      Roh.  à  Morne, 
la  vieillesse.    L'évoque    de    Rennes   s'tHait   tellement   livré  ou  """•  ''^^■ 
abandonné  à  la  poésie,    qu'il  fut   averti  miraculeusement  d'y 
renoncer.   Il  entendit  une  voix,   ou  plutôt  un  soufle,   qui  lui 
disait   par   un    léger   murmure  :  Desine  ludere  temerè,  nitere 
properè  surgere  de  pidvere.  Il  y  a  dans  ces  mots  une  harmonie     r„i,.  j  Monte, 
imitalive  que  nous  n'essayons  point  de  rendre,  mais  ils  signi-  '*"'■  ''"«■•  Ccr- 
fient  :  renonce  à  des  amusements  dangereux,    lève-toi  de  la  'Z^{  *",'",   ''*'" 
poussière,  il  en  est  temps.  En  effet  l'évéque  de  Rennes  touchait  èTs!  '''•''■ 
au  terme  de  sa  carrière,   il   eut  néanmoins  le  temps  d'expier 
ses   divertissements  poétiques,   en   écrivant   les  vies  de  saint 
Vital  et  de  saint  Firmal,    tous  deux    compagnons  de  Robert       cosu.  Ex«id. 
d'Arbrissel.  Il  paraît  que  la  vie  de  saint  Vital,  par  Etienne,  est  f'""'»    Eb.aidi,' 
perdue;   elle  n'est  point  dans  la  collection  des  Bollandisles,  et  J^„/hs^  "'",î' 
nous  ne  savons  pas  jusqu'à  quel  point  cette  œuvre  de  pénitence  """70.    '  '  '     ' 
était  méritoire;  mais   la  vie   de  saint   Guillaume    Firmat  se  lit       P'S' »'•  »""• 
dans  la  collection  susdite,  et  suffit  assurément  pour  démontrer  '"t"'x"i  ^'  33; 
qu'Etienne  avait  renoncé,  sinon  à  toute  fiction,  du  moins  à  toute  2i  aprii'.  ** 
littérature  profane.  Cet    opuscule,   divisé  en  quatre  chapitres, 
nous  offre  les  édifians  détails  de  la  naissance  et  de  l'éducation 
du  saint,  de  sa  retraite  au  désert,  de  son  pèlerinage  en  Pales- 
tine oîi  il  arriva  guidé  par  un  corbeau,  de  son  retour  en  France, 
des  habitudes  sociales  que  prenaient  avec  lui  les  quadrupèdes,' 
les  oiseaux,    les   poissons   mêmes,  de  sa  mort  enfin  et  de  ses 
miracles  si  avérés,  si  incontestables,  qu'un  impie  qui  avait  osé 
en  douter  fut   subitement  frappé   de    paralysie.    Nous  devons 
ajouter  qu'Etienne,    après   avoir   célébré  tant  de  miracles,  en 
fit  lui-même  ;   la    Sainte-Vierge   lui   apparut  à   l'instant   dé  sa 
mort,  qui  arriva  le  23  décembre  1178,  ou,   selon   Manrique, 
1179.   Nous  renvoyons  à  Manrique  les  lecteurs  qui  voudront 
être  plus  amplement  informés  des  miracles  d'Etienne  de   Fou-  a,..'     117™""- 
geres  et  des  vertus  qu'il  pratiquait,  depuis  qu'il  ne  faisait  plus  ^"  ^"^  '''''•  ^^ 
de  vers.  n  ^'''""  P'  ■*^"- 

'-»•  Maiir.  ad.  an. 

1179,    c.     -2,    n« 
10.  t.  IV  ,    app, 
p.  536. 
B3 


12 


XII  SIECLE. 


32i 


PIERRE-LE-MANGEUR 

DOYEN    DE    l'Église    de    troyes,    puis    chancelier 
DE    celle    de    paris. 


RECHERCHES    SUR     SA    VIE. 

PIERRE  surnommé  le  Mangeur,  en  latin  comestor  ou  mandu- 
cator,  non  à  cause  de  sa  voracité,  mais  parce  que,  dit  Tri- 
Henr.  Gand.  thôme,  il  dévorait   les  livres,  naquit  à  Troyes  en  Champagne, 
"P-  ^^'  selon  Henri-de-Gand.  Gilles  de  Paris  semble  le  compter  parmi 

les  savans  natifs  de  sa  propre  ville,  lorsqu'il  dit  : 

Chesn.  I.  V,  I/lum  e/iam  è  medio  raptum  proponere  possem, 

„*'■     ''""■     P'  Cujus  nunc  titulos  successor  honore  secundo 

Piciaviensis  hahet. 

Ce  Pierre  de  Poitiers  fut  chancelier  de  l'église  de  Paris, 
après  Hilduin,  qui  avait  succédé  à  Pierre-le-Mangeur.  C'est 
donc  de  celui-ci  qu'il  faut  entendre  les  vers  précédons,  mais 
comme  le  versiflcateur  n'aflirme  rien,  et  qu'on  peut  l'enten- 
dre du  lustre  que  Comestor  avait  donné  à  l'école  de  Paris, 
nous  nous  en  tiendrons  au  témoignage  positif  de  Henri-de- 
Gand  (1). 

Il  y  a  apparence  qu'il  exerçait  à  Troyes  la  scholastique  de 
cette  église,  lorsqu'il  parvint,  l'an  1147,  à  la  dignité  de  doyen, 
et  l'an  1164  il  quitta  ce  poste  pour  la  chancellerie  de  l'église 
de  Paris.  Obligé  par  ce  nouveau  titre  à  surveiller  les  écoles 
publiques,  il  voulut  multiplier  les  moyens  d'instruction,  et 
à  l'instar  de  Gratien  sur  les  canons,  et  de  Pierre  Lombard 
sur  la  théologie,  il  composa  un  livre  élémentaire  sur  la  bible, 
qui  a  fait  sa  réputation  dans  le  monde  littéraire.  11  paraît 
môme  qu'il  tenait  lui-môme   une  école   et  qu'il   y  donnait  des 

(1)  Nous  croyons  inutile  de  réfuter  ceux  qui  ont  avancé  que  Pierre-le-Man- 
geur était  frère  de  Gratien,  compilateur  du  Décret,  et  de  Pierre  Lombard, 
le  maître  des  sentences,  qui,  comme  personne  ne  l'ignore,  étaient  italiens 
l'un  et  l'autre.  On  a  voulu  dire  sans  doute  que  ces  trois  auteurs  avaient 
de  grands  traits  de  ressemblance  pour  s'être  exercés  dans  un  même  genre  do 
compilation. 


PIERRE-LE-MANGEUR.  13 

leçons  publiques  ;   c'est  ce  qu'on  voit  par  le  témoignage  de     xii  siècle. 
Gérald  de  Canabrie  ou  le  Gallois,  qui  assure  avoir  fréquenté  son       *"8'-  '"•  * 

école.  ".p.    «7,    net. 

La  réputation  de  Pierre-le-Mangeur  était  si  bien  établie, 
que  le  pape  Alexandre  111,  ayant  demandé  à  connaître  les 
personnes  de  mérite  qu'il  pouvait  élever  aux  grandes  dignités 
de  l'église  romaine,  parmi  les  sujets  que  lui  désigne,  l'an  1 178, 
le  cardinal  de  Saint-Chrysogone,  son  légat  en  France,  il  nomme 
avec  distinction  le  doyen  de  Troyes  en  ces  termes  :  Literatu-  '^•'esn.  t.  iv, 
ram  et  honestaiem  magistri  Pétri  Manducatoris,  decani  Tre-  gg,^"  ^""'  P" 
censis,  vos  non  credimus  ignorare.  Si  cette  recommandation 
ne  le  conduisit  pas  au  cardinalat,  c'est  qu'il  mourut  bientôt 
après. 

Une  des  fonctions  de  Pierre-le-Mangeur,  en  sa  qualité  de 
chancelier,  était  de  communiquer  le  pouvoir  d'enseigner  ;  car 
il  était  de  règle    dès-lors  que  ceux    qui  voulaient  faire  des 
leçons  publiques  en  obtinssent  la   licence  ou   permission  des 
chanceliers  des  églises  sur  le  territoire  desquelles  ils  préten- 
daient s'établir.  Mais  cette  licence  devait  être  accordée  gra-      Buiaeus.  hùi. 
tuiteraent  à  ceux  qui  étaient   jugés    capables.   Alexandre    III  «">'*'«'■•      p»"»- 
l'avait  ainsi  statué  dès  le  commencement  de  son  pontificat,  ''    '  •"■ 
par  une  décrétale  qu'il  fit  depuis  confirmer  au  concile  de  La- 
tran,   tenu  l'an   1179.    Cependant    le    môme  pape   permit  au 
chancelier  de  l'église  de  Paris,   qui  nous   occupe,  d'exiger  un 
droit  modique  pour  la  concession  de   la  licence.  La  lettre  au 
légat  Pierre,  cardinal  de  Sainl-Chrysogone,    est  datée  de  Fé- 
rentino,  le  29  octobre  1175.  Il  est  vrai  que  ce  ne  fut  qu'avec 
de  grandes  réserves  que  le   pape  dérogea  en  sa  faveur  à  la  loi 
qu'il  avait  établie  :  le  légat  devait  fixer   ce  droit  par  le  con- 
seil des  archevêques  de  Sens  et  de  Reims,  de  manière  qu'il  ne 
fût  pas  trop  onéreux   aux  professeurs  ;  il  était  dit  de  plus  que 
le  seul  chancelier  Pierre   en  jouirait  sans  tirer  à  conséquence 
pour  ses  successeurs.  Une  grâce  si  extraordinaire  montre  le  haut 
degré  d'estime  auquel  Pierre  était  parvenu  dans  l'esprit  du  pape, 
mais  elle  semble  prouver  en  même  temps  que  sa  fortune  n'était 
pas   brillante.  «  C'est   ainsi,  remarque   un  judicieux  écrivain, 
«  que  les  abus  s'introduisent  d'abord  sous  des  couleurs  favora-  Crev.    hist.    de 
«  blés,  ensuite  ils  s'étendent,  ils  s'enracinent,  et  ne  peuvent  plus  j""'"'  ''ig/""'*' 
«  être  réformés.  » 

Pierre  ne  tarda  pas  à  quitter  sa  place  pour  aller  se  renfer- 
mer dans  l'abbaye  de  Saint-Viclor,  ou  il  passa  le  reste  de 
ses  jours  dans  une  retraite  édifiante,  pour  ne  plus  s'occuper 


44  PIERRE-LE-MANGEUR. 

XII  SIECLE,  que  du  bonheur  de  l'éternité.  L'année  de  sa  mort  est  diver- 
sement marquée  dans  les  historiens.  Vincent  de  Beauvais  la 
place  l'an  1 160,  le  père  Labbe,  sur  des  documens  pris  à  Saint- 
Viclor,  en  1198  ;  mais  les  historiens,  les  plus  voisins  du  temps, 
la  chronique  de  sainl  Marien  d'Auxerre  ,  celles  de  Tours  et 
de  Guillaume  de  Nangis,  la  rapportent  à  l'année  1179;  c'est 
celle  qui  nous  paraît  la  plus  certaine.  Son  corps  fut  inhumé 
dans  l'église  de  Saint-Viclor,  sous  une  tombe  ou  l'on  voyait 
son  épitaphe  composée  par  lui-même,  elle  est  conçue  en  ces 
termes  : 

Pe/rus  cnim  qurm  pclrri  fcgi' ,  dichaque  Comeslor  ; 
NunccQme<lor.  V/v/is  r/oc/i/,  nec  cesio  docere 
Martims  ;  lit  dicat  qui  mevidel,  incineralum  : 
Quod  mm/is  in/e  fui/,  crimm  quandoqiie  quod /lic  est. 


SES    ECRITS. 

1°  La  plus  importante  production  littéraire  de  Pierre-le- 
Mangeur,  et  la  plus  connue,  est  son  histoire  abrégée  de  l'an- 
cien et  du  nouveau  Testament,  îi  laquelle  il  a  donné  le  titre 
d'Histoire  scholastique,  parce  qu'il  l'avait  composée  pour 
l'usage  des  écoles.  Elle  est  dédiée  à  Guillaume  de  Champa- 
gne, archevêque  de  Sens  ;  lequel  étant  monté  sur  ce  siège 
l'an  1169,  le  quitta  lan  1176  pour  passer  à  celui  de  Reims. 
Ce  fut  vraisemblablement  l'an  1173,  puisque  la  chronique 
de  sainl  Marien  d'Auxerre,  raanjuc  qu'à  cette  époque  son 
nom  devint  célèbre  en  France  (1).  Quoique  l'auteur  fût  alors 
chancelier  de  l'église  de  Paris,  il  ne  prend  néanmoins  à  la 
tôle  de  celte  dédicace  que  le  simple  litre  de  prêtre  de  Troyes, 
presbyter  Trecensis.  Sa  narration  commence,  ainsi  que  la 
Genèse,  à  la  création  du  monde,  et  continue  sans  interrup- 
tion jusqu'à  la  prison  de  Saint-Paul  à  Rome,  où  finissent  les 
Actes  des  Apôtres.  Les  vides  historicjucs  que  laissent  les  livres 
saints,  il  les  remplit  par  I  historien  Josèphe  et  par  les  auteurs 
profanes;  mais  les  traits  qu'il  emprunte  de  ceux-ci  ne  sonl 
pas  toujours  choisis  avec  discernement.  Il  adopte  de  temps 
en  temps  des  fables,  et,  ce  qu'il   y  a  de  plus  fâcheux,   il   eu 

(1)  Anno  1193,  Pelrus  Comettor  cekbris  habelur  in  Franciâ,  magistrorum 
parisiensium  primus,  vir  facundissimits  et  in  scripturis  divinis  excellenter 
inslruclus  :  qui  utriusque  Testamenti  historias  uno  compingens  volumine,  opus 
edidit  satis  utile,  salis  gratnm,  ex  diversis  historiis  compUaltm. 


PI  ERRE- LE -MANGEUR.  \'ô 

mêle  aussi  dans  l'explication  du  Icxte  sacré,  car  il  fait  la  dou-  _^'i_?!]:9Ji^_ 
ble  fonction  d'historien  et  d'interprète.  On  lui  reproche  aussi 
de  mauvaises  étymologies  des  noms  propres,  un  goût  exces- 
sif pour  les  allégories  et  les  sens  figurés,  et  enfin,  plusieurs 
endroits  qui  marquent  du  doute  là  oli  il  ne  doit  point  y  en 
avoir. 

Malgré  ces  taches,  qui  apparemment  n'étaient  guère  ap- 
perçues  de  ses  contemporains,  ce  livre  eut  la  vogue  et  con- 
serva l'estime  publique  pendant  plusieurs  siècles.  Fabricius  ^'^^  '"'  '"'"'' 
en  compte  jusqua  neuf  éditions,  dont  la  première  parut  a 
Reutlingen,  l'an  1473,  in-folio;  l'ouvrage  reparut  ensuite 
dans  le  même  formai  à  Strasbourg,  en  1483  et  1502;  à  Basle, 
en  1486;  à  Haguenau,  en  1519;  on  le  publia  in-4"  à  Paris, 
l'an  1513,  ainsi  qu'à  Lyon,  en  152G  et  1543;  enfin  l'ouvrage 
en  dernier  lieu  sortit  des  presses  de  Venise,  l'an  1728,  avec 
une  épître  dédicatoire  aux  pères  du  concile  qui  se  tenait  pour 
lors  à  Bénévent. 

On  a  fait  aussi  à  l'histoire  scholaslique  l'honneur  de  la  tra- 
duire   en   diverses  langues.   Guyars  des  Moulins ,  doyen   de       ind,    simon, 
l'église  de  Saint-Pierre  d'Aire  en  Artois,  la  translata  en  fran-  "•  cm.  du  n.t. 
çais  l'an  1297,  traduction  retouchée  en  divers  temps,  et  dont  f'  '^"  î^:,~  ^' 
il  y  a  quinze  éditions  que  nous  détaillerons  à  l'article  du  Ira-  i.  i,  p.  323. 
ducteur. 

Fabricius  indique  d'autres  traductions  du  même  ouvrage 
faites  en  Allemagne,  l'une  en  rimes  saxonnes,  par  ordre  de 
Henri  Raspon,  landgrave  de  Thuringe,  l'an  1248;  l'autre  en 
rimes  tudesques,  par  Jacques  Van-Mierlande,  environ  l'an 
1271 .  La  première  existe  en  manuscrit  à  la  bibliothèque  Pau- 
line de  Leipsick  ;  la  seconde  se  rencontrait  du  temps  de  B'I'I-  "i-s- 
Sanderus,  parmi  les  manuscrits  de  Jean-Guilain  Bultel  de  "*'f:,.  •'^'^''  '' 
Nipe. 

2°  Nous  revendiquons,  comme  appartenant  à  Pierre-le- 
Mangeur,  cinquanle-un  sermons  que  le  pèie  Buséc,  jésuite, 
publia  l'an  1600,  sous  le  nom  de  Pierre-de-Blois,  dans  l'édi- 
tion des  œuvres  de  cet  auteur  ;  c'est  aussi  sous  le  même  nom 
qu'ils  ont  été  réimprimés  dans  les  bibliothèques  des  pères  de 
Cologne  et  de  Lyon.  Mais  Goussainville,  dans  la  préface  de  g^^  ^  ^xiv 
la  nouvelle  édition  de  Pierre-de-Blois,  a  fort  bien  prouvé,  col.  1383. 
par  l'autorité  des  plus  anciens  manuscrits,  qu'ils  appartien- 
nent, du  moins  pour  la  plupart,  à  Pierre-le  Mangeur  ;  il  y 
a  difficulté  pour  quelques-uns,  (et  ce  sont  les  meilleurs), 
savoir  s'il  faut   les  donner  à  celui-ci ,   ou  bien  à   Hildebert, 


16  PIERRE-LE-MANGEUR. 

X"  SIECLE  évoque  du  Mans;  tels  sont  les  sermons  7,  1;i,  17,  21 ,  22,  23, 
25,  26,  28.  34,  35,  40,  51,  qu'on  trouve  parmi  ceux  d'Hil- 
debert,  et  qu'on  retrouve  avec  des  différences  considérables 
dans  ceux  de  Pierre-le-Mangeur.  Il  y  a  néanmoins  plus  d'appa- 
rence qu'ils  appartiennent  à  celui-ci,  parce  qu'ils  portent  son 
nom  dans  presque  tous  les  manuscrits,  et  qu'ils  finissent  par  la 
formule  ou  conclusion  qui  termine  les  autres  sermons  de 
Pierre-le-Mangeur  :  Prasstante  jesu  domino  nostro,  judice 
nostro,  qui  venturus  est  judicare  vives  et  mortuos  et  sxculum 
per  ignem,  ou  quelque  autre  semblable. 

De  Scr.   ceci.       C'est,  scloH  Oudin,   la  marque  la  plus  sûre  pour  discerner, 

t.  Il,  col.    1S28.  ,  .     ,  -      j  .  . 

non-seulement  les  sermons  imprimes  de  notre  auteur,  mais 
encore  ceux  qui  se  conservent  manuscrits  dans  plusieurs  bi- 
bliothèques ,  et  dont  le  nombre  surpasse  de  beaucoup  les 
premiers.  On  en  trouve  1 1  4  dans  un  recueil  du  monastère  de 
Long-Pont,  au  diocèse  de  Soissous,  avec  ce  titre,  Sermones 
M.  Pétri  Comesioris  ;  à  Marmoutier  il  y  en  avait  sous  le  même 
litre,  trois  exemplaires,  et  à  la  tête  du  plus  ancien  on  lisait  : 
Il  a  été  écrit  du  temps  du  bibliothécaire  Guillaume,  la  huitiè^ne 
année  de  l'abbé  Hervé,  qui  gouverna  ce  monastère  depuis 
l'an  1178  jusqu'en  1186.  Cet  exemplaire  fut  donc  écrit  presque 
aussitôt  après  la  mort  du  chancelier  de  Paris.  A  Saint-Victor  de 
N«  2G0-2.  2603,  Paris,  le  même  litre  se  rencontre  sur  deux  manuscrits  ;   on  en 

2950  2951 

291)2.  _  '  indique  cinq  à  la  Bibliothèque  Impériale,   qui  sont  intitulés  de 

même,  et  ce  qui  leur  est  commun  avec  les  précédents,  c'est 
qu'ils  ne  s'accordent  pas  pour  l'ordre  et  l'arrangement  qu'on  a 
donnés  aux  sermons. 

Il    serait  fort   long,   et    peut-être  peu  intéressant,  de  faire 

l'analyse  de  tant  de  sermons  pour  en   tirer  la  substance.  Du 

Hist.  univ.  Boulay  a  donné  des  extraits  de  quelques-uns  pour  prouver, 

ô/i-378.  '  **  d'après  son  système,  que  dès-lors  l'université  de  Paris  avait 
ses  nations  qui  chacune  avaient  leurs  patrons  ;  qu'aux  grandes 
fêles,  les  maîtres  et  les  écoliers  se  rassemblaient  pour  entendre 
de  la  bouche  du  chancelier  (car  il  n'y  avait  pas  encore  de  rec- 
teur) les  instructions  qu'il  était  chargé  de  leur  donner.  Si  ce 
n'est  pas  en  qualité  de  chancelier  que  Picrre-lc-Mangeur  a  pro- 
noncé la  plupart  de  ces  .sermons,  il  n'est  pas  moins  vrai  que 
plusieurs  s'adressent  à  des  professeurs. 

3°  Pierre-le-Mangeur   est    auteur    d'un   commentaire  moral 
sur  les  épîlres   de   Saint-Paul,    qu'on  trouve   manuscrit  à  la 

Cod.  lat.  iio  Bibliothèque  Impériale  et  dans  celle   de   Sorbonne.    Ce    n'est 
C5).  >  ■         ..  ,  1  -, 

])eut-('trc  qu  une    portion  d  un    plus  grand  ouvrage  qui  lui  est 


PIERRE-LE-MANGEUR.  17 

attribué   par  un  auteur  anglais  du  XIIl"  siècle,  dont  il  est  bon     xii  siècle- 
de  rapporter  ici  les  paroles  :  Scripsit  etiam  allegorias  super  Brompion , 

utrumque  testamentum.  Puis  il  ajoute  :  Allegorias  etiam  suas  "P"**  Twy»dcn , 
inlibrum  metricwn  redegit,  quem  Aurora  intitulavit.  Mais  ce  *^*' ' 
dernier  ouvrage  est  incontestablement  de  Pierre  de  Riga,  et  non 
de  Pierre-le-Mangeur.  Aiber  chron. 

4"  Albéric  de  Trois-Fontaines  lui  attribue  un  écrit  intitulé  "^  '"•  ^'^'• 
Paraenesis ,donl  nous  ne  connaissons  que  le  litre  et  point  de 
manuscrit  existant. 

5°  Pierre-le-Mangeur   avait  composé,   selon    Trithême,   un         y^^^^ 
livre  à  la   louange  de  la  Sainte-Vierge,  de  laudibus  B.  Marias.  Bihi.  med:  eiinf! 
Il   est  vrai  qu'on  cite  de  lui  quelques  vers  à  la  louange  de  '="'"    '•    '.   P- 
Marie,  mais  il  y  a  loin  de  là  à  un  livre.   Le  père  Labbe  dit        j^^i^^^      j^ 
avoir   vu  un  discours  sur  le  même  sujet,  imprimé  à    Anvers  script.   ceci.    i. 
l'an   1536,  sous  le  nom  de  Comestor.    C'est    peut-être  le  même  ">  ?•    ^oo. 
que    Nicolas    Grenier,    chanoine    de    Saint-Victor,   publia  de 
son   côté  à  Paris,  l'an    1539,   in-S",   sous  ce  titre  :  Thésaurus 
prseconiorum    deiparse  Virginis  Mariae  ex  dictis   authenticis 
contextus  ;  mais  il  est  sans   nom  d'auteur  dans  l'édition  comme 
dans   le  manuscrit   de  Saint-Victor.    D'autres  ont  cru  que   le 
traité  de  Pierre-le-Mangeur    était  celui  que  Jean  Amerbach 
publia  à  Bâle,  l'an  1481,  sous  le  nom  de'Vincent  de  Beauvais, 
parce  qu'on  trouve  à  la  fin  les  vers  de  Pierre-le-Mangeur  à  la 
louange  de  Marie.  Mais  le  père  Échard,  dominicain,  a  démontré     Bibi  fr.  Pr»d. 
que  cet   écrit  est  incontestablement  de  Vincent  de  Beauvais,  •*■  ^^  *'  *'"'■ 
de  manière  que  si  Pierre-le-Mangeur  en  a  composé  un,   nous 
ignorons  où    il    existe  ;    il  est   vraisemblable   que,  d'après   la 
citation  des  vers  dont  nous  venons  de  parler,  on  aura  supposé 
au   chancelier  de  l'église  de  Paris   un  ouvrage  sur  le  même 
sujet. 

6»  Vincent  de  Beauvais  attribuée  Pierre-le-Mangenr,  un  traité 
de  diligendo  Deo,  qui  est  imprimé  dans  l'appendice  du  tome  VI" 
des  œuvres  de  Saint-Augustin.  On  a  fait  voir  ailleurs  que  ce        Hist.  Luter. 
Irailé,  qu'on    a  attribué    à   différents    auteurs,    est   l'ouvrage  «•  xii,  p.  688. 
d'Alcher,  moine  de  Clairvaux.  B. 


Tome  XIV. 


XII  SIKCLE. 


GILLES, 

li  V  Î;Q  II  K      1'  '  l'I  V  K  K  (•  X, 


SA     Vlli. 

(■^iiiEs  on  (iilitii  rtail  (\r  I  illiisirc  lamilli'  des  cnmlcs  du 
I|'('i\'lic,  s  il  l'aiit  s'en  ia|i|i(irl<T  aux  aiilour.s  du  (7(Tr//w  tV/r/.v- 
linnn,  (jui  ne  doiiiieni  aiiciin  i;aianl  (l(i  leur  asscrlinn.  Nous 
lie  trouvons  ;iiiriiiic  |iii'iiv('  di'  cclli'  dcs((  tidaticc  ni  dans 
Duc'iesno,  ni  dans  l?iy  de  la  (ilcr^ci  ic,  (|iii  oui  dressé  des 
i^énéaloi^ies  do  ('ctle  laniilli'  Il  est  pionvô  an  contraire  i|iie. 
(iilles  était  noveii,  soit  |iar-  son  père,  soit  par  sa  niére,  de 
lliij:;iies  d'Aniiens,  arolioviM|ii('  de  Itmicii,  lr(|iiel  dit  |msi(i\e- 
,    ment,    dans    sa   lettre    a    Malliii'ii,  eaidinal   ovi'iiiie    d  Albano, 

Mari.     Aiiccd.  '  ,  ,        ,  .... 

i.  V,  ici.  s!i7       ipid  était    Pieard     On   voil    |>ar  la   iellr(M|ii  cerivil    au    nev(>ii 

liilii.  nair.  t.    Arnoiil    de    la/ioiiK,   |iniii-   Ir    Irlirilcr  >iir    son    éliAaIion  à    un 

XXII.   |>    \:>T,^l.  cvéelié    de    Norinandic     i\\u-    I'i'McIc    a\ail    attiré  au|iiés  di^  lui 

'"'    '•  le    neveu,    et  (|iiil  avait  |>ii-.   -nni  dr  --on    cdii'Mtion,  i/icv  '  Nor- 

inannia;  ro.v  ,sj(/.s    ,ih'il   i>/'rrihii\,   ms   l'urit  nniplcxti,  suis  ho- 

(lali.  (  linM    iinrihiif  mnplidril.    (Cla  est  si   vrai  i|uc,  dès  l'annéo    I  I  1)5,    il 

t.  XI,  lii-ii    (l'i.   liivail    déj.'i     pourvu     d  un    an  Indiainm;    dans    .sa    ealliedrale. 

iN'iiii     p('ii>oii-   au-^i  ipiocrsl  ,1  lin  (|u  esj    adres.si' l(>  petit   traité 

sur  le  sMiiIiole  et  lorai^oii    donnnieale,    dans   le([uel    il   lui  dit  : 

liait.  AiM|.i    ('(lyi^simc  /■'U  l.'ai''K    <ir<l,ii/iiiiii,n'Sii)))H'/lafi.s\    niinam  esse 
ColIrO.     i.      i\.  .,..."  ,  ■      ,•  j- 

,  I    |.>|2  niercaris  !    darisv.s  sior   <jiii"iin  nnnjno,  (luia  ihnnos  codices 

inifi'iri\\  piissini  ar;ior;iii/)/i"  i/i':r>'is,  de  (iilles  était  encore 
arcludiaric  de  Hoiii'n,  liusipii»  ,\iiioui  de  l.i/.ii'ii\  lui  adres.sa 
liilil  |,aii  >!■  I  ,|i^,.,,|,,.,  ,|||||  ;,^:,||  |iiMiiiiii(('  au  ciiiK  lie  de  Tours  de  l'an 
Ilfi.'t,  et  ce  ne  lut  i|iir  i  an  lli»!,  silon  la  clironiipie  (le  |{o- 
iiiMl  du  .Mont,  ipi  il  lui  iioiiHiii'  a  le\ relié  d'i-lvnMix,  (|Uoi(pie 
((•poste  fui  \aeant  deiuiis  I  an  IKi'i  On  peut  eroire  (pie  ses 
(pialil(  s  per.soiinelles  aiilaiil  (pie  la\anlai;o  détr(>  le  neveu  d'un 
i;raiid  lioiiiiiie,  ipii  si'lail  plu  a  le  former,  eonlril)iièrenl  à  son 
élévation. 

Henri  II,  roi  d  Angleterre  el  Aur  de  Norniandio,  connais- 
sant la  caiiacile  d''  lev('(pie  dl'!\iciix.  .se  trouva  fort  liouroux 
de  pouvoir   lui   ciiiilier  le-    négociations  les    jilus    difliciles.  Ac- 


GILLES,     ÉVKQUE     I)   ÉVRKIJX  V.» 

cusé  duuieurlie  de  Saiiil-Tliomas  de  Cantorhéri,  il  le  drputa      xir  sii-fiE 
l'an  1171,  à  Home  avec  Rogor,  évoque   de  Worcliesler,  pour       (;cv    uoioii' 
désavouer  ce  meurlro  au  nom   du    roi,  et  demander  au   pape         iKncd.    iv- 
Alexandre^  III,   d'envoyer  sur  les  lieux  des  commissaires  avec  "'"''•    ~    ''"S" 
ordre  dinlormer  sur  la  vérité  d(>s  fails.  Cette  ambassade  eut  le  duïf!' de  Diccio' 
succès  (ju'on  s'en  était  promis;  la  paix  avec  Rome  fut  faite  Tan- 
née suivante,  mais  il  lallait  encore  satisfaire  la  cour  de  Franco, 
Irès-mécontenle  de  ce  (pie  le  couronncuiont  du  jiîune  roi  Henri, 
fils  de  ce  monarque,  n  avait    pas  rU\    accompagné   d(^    celui  de 
sonepouse,  lille  du  roi  Loiiis-le-Jeuiu-, ,  il  y  cul  di-s  pour[)arii'rs, 
et  pour   lever  tout    sujet   de  discorde,   l'on  consentit  à  un  nou- 
veau couronnement   des   deux    époux;    leviMpie    dKvreux  fut 
du  nonil)!!'  des  prc'lals  ipii  passèreiil   en  Anglel(Mre  pour  celle 
cérémonie. 

L'an    \\~il\,   il   recul   de    son    -.oiivi'raiii    la    iiiar(pi('    la    plus 
distiiii;uei'    di'  roniiancf*        le    loi  dAiiirlcIerre  avant   accordé 
Jeanne,    sa   lille.    en    maiiai-'i'  a   fiiiillamnc    II,    roi    de    Sicile, 
chargea  nolic    pida!  ik    coiidiiiic    la  piiiiccs>(>  a  l'i'.lcriiie,    ou         n^,     ivimi) 
du  moins  )iis(|ua  Saint  •■illes,   pour  ccicluci    les  liancaille.-;.  |)c  iiogci-    de 

retour  lamiéc  suivante,  il  lui  a|>p('lc  au  «  olives  (pu  rut  lieu  |)ri  s  "''^•■'' 
d'Ivri,  eniri'  le  roi  d'Angleterre  cl   le  loi  de  l'ranee,  el  .^igna   le 
trailé  de  [laix  (jiii  fut  lail   eiilre  lo    ileu\   monar(pics    11   pailil 
l'an   1  171),  [)our  le  concile  général  de  l.ahau     aiupiel    il   <is>i~la        ■*'■'"•    '^'"l'i 
seul  de  sa  province.  Ce  vova;;i'  lui  deviiil  Imic^le  ;    en   revenant  "'','*"^'-    ''    ^  "' 
il  fut  attaqué  dune  lliixion  di'   poilrine   qui   l'einporla  le  11  Se|i 
lemljre  1 1 7î>. 

SKs    Kcnirs 

Nous  n'avons  de  l'éviMpie  d  Evreux  <pie  d<ni\  lettres,  mais  ipii 
sont  inléressanles  [)0ur  l'Iiisloire  sous  plusieurs  rapports. 

La  premièr(^  fut  écrite  au  pa|(e  Alexandre  III,  l'an  1170,  inicv  ip.  s 
peu  ajjrès  le  retour  de  Saint-Tliomas  di^  Cantorhéri  dans  ''"''•""■'■  ^^"^■ 
son  ('';.ilis«\   et   avant   qii  il  eût    ele    indigiu'inenl    massacré.    Cil-   ,,   ^îj;'  ' 

l(!S,  toujours  all'eclionne  a  son  .souverain,  nap|)rouvait  pas 
les  démarclies  inconsidérées  du  primat  d'Angleterre  (pii  seni- 
lilaient  tenir  du  ressiMitimenl  contri-  ceux  qui,  pendant  son 
exil,  navaieiil  pas  épouse  sa  cause,  ou  lui  avalent  et.-  coii- 
Iraire.i  II  rappelle  la  |oie  universelle  (pi'avail  excilée  la  paix 
faite  [)ar  la  médialion  du  pape,  et  p;ii  .-ics  ordres  enlic  le  roi 
d'Angletern;  el  l'ari'li('V('([ui'  de  Canlorli{''ri  ;  la  m.inière  triom- 
pliante  dont    celui-ci   avait   lUe   reçu   dans   sou    église,    et    les 


20  GILLES,    ÉVÊQUE    D'ÉVREUX. 

XII  SIECLE,  fruits  heureux  qu'on  se  promettait  de  cette  réconcitiatiott. 
«  Mais,  hélas!  ajoute-t-il,  loul-à-coup  les  chants  d'allégresse 
«  ont  été  changés  en  des  sons  lugubres,  et  nous  avons  appris 
«  que  la  sérénité  royale  avait  été  précipitée  dans  un  si  grand 
«  trouble,  les  églises  dans  une  si  profonde  affliction,  et  pres- 
«  que  tout  le  peuple  dans  un  tel  désespoir,  que  nous  ne  pou- 
«  vons  pas  nous-mêmes  ne  pas  être  émus  d'une  aussi  éton- 
«  nanle  révolution  ;  parce  que  l'insulle  faite  au  roi  nous 
«  blesse  tous  tant  que  nous  sommes  qui  vivons  sous  ses  lois, 
«  et  nous  ne  pourrons  avoir  du  repos  tant  que  nous  le  ver- 
«  rons  dans  l'agitation.  »  Le  prélat  conjure  le  pape  de  mettre 
en  usage  tout  ce  qu'il  a  de  prudence  et  de  sagesse  pour  pré- 
venir les  suites  de  cette  nouvelle  division.  «  Vous  n'avez  pas 
«  oublié,  lui  dit-il,  que  dans  les  conjonctures  où  le  salut  d'un 
«  grand  nombre  périclite,  il  faut  relâcher  quelque  chose  de 
M  la  sévérité,  et  ne  pas  ébranler  toute  la  maison  du  Seigneur 
«  pour  la  fauie  d'un  seul  ;  et  celte  maxime  a  d'autant  plus  son 
«  application  dans  le  cas  ou  notre  monarque  eût  réellement 
«  péché,  que  l'archevêque  de  Cantorbéri,  s'il  connaissait  les 
«  voies  de  paix  et  qu'il  les  aimât  sincèrement,  avancerait  beau- 
«  coup  plus  en  usant  d'une  prudente  douceur,  qu'en  tonnant 
«  par  des  menaces  et  en  déployant  toute  la  vigueur  de  sa  puis- 
«  sance.  Au  reste,  ce  n'est  pas  une  chose  nouvelle,  dit-il,  ni 
«  merveilleuse  que  l'esprit  d'un  homme  s'égare,  et  en  entraîne 
«  d'autres  dans  son  égarement.  » 

On  avait  fait  entendre  au  pape  que  le  Jeune  Henri,  au  lieu 
de  faire  à  son  sacre  la  profession  accoutumée,  avait  juré  de 
maintenir  les  coutumes  introduites  par  son  père,  coutumes 
qui  avaient  fait  naître  de  funestes  contestations.  L'évêque 
d'Évreux  tâche  de  détromper  Alexandre  sur  ce  point,  en  lui 
protestant,  sur  son  ame,  qu'il  était  présent  au  sacre,  et  que  le 
prince  n'a  fait  que  la  profession  autorisée  par  l'usage,  et  que  lui 
.  .  évêque  n'a  aucune  connaissance  que  le  jeune  prince  ait  fait,  soit 

avant,  soit  après  le  couronnement,  le  serment  qu'on  lui  reproche. 
Cette  lettre  se  trouve  parmi  celles  de  Saint-Thomas,  dans  le 
recueil  qu'en  a  publié  le  père  Lupus. 

La  seconde  lettre  a  été  publiée  par  Warthon,  dans  la  pré- 
ADgi.  Mc.  t.  f*ce  du  tome  II  de  YAnglia  sacra.  Elle  est. adressée  au  môme 
II,  pref.  p.  IV.    pape  Alexandre,  et  est  relative  au  procès  qui  s'était  renou- 
velé  de  son  temps  entre  l'archevêque  de  Cantorbéri  et  l'abbé 
de  Saint- Augustin,  touchant  la  profession  canonique  d'obéis- 
sance que  Richard  exigeait  de  celui-ci  avaot  de    le  bénir. 


GILLES,  ÉVÊQUE  DÉVREUX.  21 

L'afiFaire  ayant  été  portée  à  Rome,  Gilles  adresse  au  pape  la     xii  srECLE 

lettre  que  son  oncle  avait  écrite  à  Saint-Thomas,  prédéces- 

seur  de  Richard,  contenant  la  relation  de  ce  qui  s'était  passé, 
plus  de  trente  ans  auparavant,  au   concile  de  Reims   de  l'an 
Î131,  relativement  à   la  profession  que  Hugues   exigeait  des 
abbés  de  Normandie.    L'éditeur  atteste  avoir  transcrit  la  lettre 
de  l'évêque  d'Evreux,  sur  l'autographe  conservé  dans  les  ar- 
chives de  l'église  de  Cantorbéri,   munie    d'un  sceau  dans   la 
circonférence    duquel  on  lisait:    Kgidius  Ebroicensis  episco- 
pus.  Ces  deux  lettres  de  l'oncle  et  du  neveu  ont  fait  grand 
bruit  dans  le  monde  littéraire,  et  sur-tout  devant   les  tribu- 
naux que  les  avocats  ont  fait  retentir  de  leurs  clameurs,  parce 
qu'il  y  est  dit  qu'un  certain  Guernon,    moine  de   Saint-Mé- 
dard  de  Soissons,  avait  confessé,  à  l'article  de  la  mort,  qu'il 
avait  fabriqué,  pour  les  moines  de  Cantorbéri,  de  faux  titres 
d'exemplion.  C'en  a  été  assez  pour  enhardir  les  avocats  à  ar- 
guer de  faux   tous  les    titres  indistinctement  que    des   reli- 
gieux leur  opposaient.    Les   diplomatistes   se    sont  beaucoup 
récriés,  et  ont  bien   voulu  examiner  si  ce   titre,  avec  lequel  les 
avocats   égayaient  leurs    plaidoyers,   ne  serait  pas  faux  lui- 
même.  C'est  ce  qu'a  fait  l'auteur  du  nouveau  traité  de  diplo-     uipiom.  ».  m, 
matique  en  six  volumes   in-4°.  Nous  n'entrerons  pas  dans   la  P'"^f-  p-  ^^ 
discussion  de    ce  point  de   critique,   nous  dirons   seulement 
que  les  avocats  ont  eu  tort  de  conclure  du  particulier  au  gé- 
néral, et  qu'en  leur   accordant  qu'il  y  a  eu  des  titres  suppo- 
sés ou  interpolés,  il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  qu'il  faille  les 
rejeter  tous  sans  examen.   Ainsi,   en  fait  de  titres  et  de  chartes, 
il  faut  toujours  en  venir  à  un  examen  particulier,  et  les  pré- 
somptions ne  décident  rien. 

Si  l'évêque  Gilles  n'a  pas  laissé  d'autres  productions  de  sa 
plume,  il  n'en  faut  pas  conclure  qu'il  fût  étranger  à  la  litté- 
rature; il  avait  eu  l'avantage  d'être  élevé  sous  les  yeux  d'un 
savant  du  premier  ordre  ;  et  si  l'écriyain  élégant  qui  gouver- 
nait alors  l'évêché  de  Lizieux  se  détermina  dans  sa  vieillesse 
à  recueillir  les  lettres  qu'il  avait  écrites  dans  le  cours  d'une 
longue  vie,  c'est  aux  instances  de  l'évêque  d'Évreux,  qui 
n'était  encore  qu'archidiacre  de  Rouen,  que  nous  en  sommes  xxîi,'''p.'''"i303" 
redevables.  Cest  le  témoignage  que  lui  rend  Arnoul,  évêque 
de  Lizieux,  à  la  tête  de  ses  lettres.  B. 


22 


XII  SIECLE. 


ANONYME 


Auteur  du    Fo  u  m  ii  i,  ai  hk   l'oi  r  le  sache 

DE      P  H  1  L  I.  I  r  r  E-A  II  (.  u  s  T  E  . 


w'an1179,  le  roi  Louis  lo-Jriiiie,    frappé  de  paralysie,    voulut 
Jjassocier  à   la  royauté  IMiilippo,   son  lils    unique,   âgé  de  1 4 
h  \'6   ans,  pour  lui  assurer  la  couronne   ajjrès  lui.  Ce  n'est  pas 
qu'elle    lui  lut  conleslée,    ou   ([u  il  y  eût  lieu  de  craindre  aucun 
trouble  de  la  part  des  nialveillans  ;  mais  il  voulait  se  décharger 
des  soins  du  gouveruenienl  ;  et  c'est  le  dernier  exemple  de  pa- 
reilles associations  failes  du  \ivant  du  père,  cl  de  couronnemcns 
anticipés  (jui    lurent  en  usai^e  sous  les  premiers    rois  (]a[»éliensi 
pour  prevenii'  des  brigues  (pii  auraient  pu  sélever  dans  un  chan- 
1,'enient  d(;  réyiie  cl  conserver  ainsi  la  couronne  dans  leur  famille. 
Pour  donner  à  celle  inauf-'iiralion  la    [dus  i^rande    solennité. 
Du  Tiii.t,  K,c.  il  fut  dressé,    dil-on,    un   furmulaire    (pu  réglait    l'ordre    des 
.les  liais  de  I r.  t;,'.,,3(iioiiic)s  à  obscrNcr  daiis  œs,  occasions  solennelles  oîi   toute 

Il    tilii.  i'mI.  1()IS. 

|a  majesté  du    Irône  >e   déploie,    ('e   cérémonial   est    le    môme 

(pu    a  élé  oliM'iAc  di'|)uis  au  sacre    de  nos    rois,  à  (juelques 

changcijK-nls  près  ;    d  elail  enregistré  à  la  chambre  des  comptes 

de  Paris    il  cesl   de  là  que  le  greflier  Du  Tillet    l'a    tiré  pour 

IwHiii  r  dan>  h-  recueil  dtîs  Kuis  de  Kranct;,  après  l'avoir  tra- 

diiii    .lu    lalin    en    français.     Théodon!    Godefroi    a    reproduit 

.  ). ,,    II:;.       dans   le  (crémonial  de  France  la  version  de  Du  Tillet. 

,      ,,.,,,         Il  V  a  des  auteurs  qui   font  remonter  à  l'époque  dececou- 
1)11    iiiiii  ,  -  1  '     ' 

•i.iiin.iiMiii.is  ronucin'til  I  clablisseinent  des  douze  pairs  de  France  ;  et  il 
faut  con\eiiir  ipi  ds  n  auraient  pas  tort,  s'il  était  certain  (pie 
ce  cérémonial  eùl  élé  composé  pour  le  sacre  de  Phdippc-Au- 
giisle.  Il  \  esl  parl(''  en  cllel  des  six  pairs  ecclisiasliipitis  tpii  y 
.'ioiit  nommés  dans  lordie  suivant  :  Heims,  Laon,  Langres, 
lk'au\ais,  ('.liàlnns,  Noyoïi  :  on  y  lil  encore  (pie  les  pairs 
ecclésiastiques  (il  laïcs  st)u(cnan'iil  la  couronne  sur  la  tête  du 
roi,  et  coiiiiiii'  il  n'est  pas  cro\alilc  (pie  tous  les  assistans  dé- 
cores de  la  pairi(!  y  aient  piulc  la  main,  on  peut  conclure 
cpi'il  y  avait  des  pairs  dislini;ues  des  autres  et  plus  élevés  en 
dif.'iiil(' 

Mais  cet   écrit  i>l-ii   bien    aiillienliquc  .'  est  il   prouvé  (juil 


FORM   ANON.  POUR  LE  SAC.  DE  PHIL.-AUG.  23 

ait  servi  au  sacre  de  Philippe- Aiigiisle?  C'est  ce  qu'il  est  permis  ■'^'>  S'ecle. 
de  révoquer  en  doute.  11  n'en  est  pas  do  cette  pièce  comme  de  lo-u.  ,,.  iiu. 
celle  qui  constate  le  sacre  de  Philippe  I,  sur  laquelle  on  ne  peut 
élever  aucun  doute,  parce  que  tous  les  assislans  sont  nommés  ; 
ici  on  ne  trouve  le  nom  ni  de  Philippe-Auguste,  ni  du  roi  son 
père,  ni  d'aucun  des  assislans,  évoques,  comtes  ou  barons,  ce 
n'est  qu'un  formulaire  qui  prescrit  des  prières,  l'ordre  des  mar- 
ches et  autres  cérémonies  à  observer,  applicables  à  tous  les 
sacres  et  couronnemens  qui  ont  été  faits  depuis  l'établissement 
des  douze  pairs. 

Il  est  fiicheux  qu'on  ne  nous  ait  pas  conservé  le   procès-ver- 
bal de  celle  cérémonie  mémorable,  ce  serait  une  pièce  i  mpor- 
lanlc  pour   décider  la  cpieslion  encore  indécise  sur    la    vraie 
époque  de  la  réduction  de  la  pairie  à  douze  membres  ;  on  y  ver- 
rait quels  élai(înl  les  pairs  (jui  y  assistèrent  et  en  quel    nombre, 
et  de  plus,  quel  rang  ils  gardaient  entre  eux.  Nous  savons  par 
le  témoignage  des  historiens  (|ue  tous  les  vassaux  de  la  cou- 
ronne y  furent  appelés  ;  mais  ils  ne  dislingiienl  des  autres  et  ne 
nomment  eu   particulier  que  le  jeune  roi  d'Angleterre,  fils  de 
Henri  11,   qui,    aux  droits  du  duché  de   Normandie,    portait, 
disent-ils,  dans  ses  main.s  la  couronne  royale  devant  servir  an 
sacre  du  nouveau  roi,  et  Philippe,  comte  (le  Flandre,  qui  portait 
devant   lui   l'épée  de  Charlemagnc ,   droit  qui  lui  était  acquis 
comme  au  plus   puissant   des  vassaux  ,   et    pour  le    maintien 
duquel    il    s'clait  fait     acconqiagner  d'une    foico    armée  ,   dit 
l'historien   Gillicrt  de  Mons  :  Ad  hoc  coronamentwn  et  régis 
edictum  cnm  omnes  Francùr  principes  accederenl,  l'hiUppus  t    \\\T"rU 
Flandriœ  et   ViromandicV  cornes    polmtissimus  ,   qui  in  ges- 
tamine  gladii  regalis  jus  reclamabal,  cum  atmis  et  militibus 
mxdlis  ■venil. 

11  est  clair,  par  le  témoignage  de  cet  historien,  qu'il  y 
avait,  à  l'époque  de  ce  couronnement,  des  fonctions  et  des 
prérogatives  attachées  à  certains  fiefs  de  la  couronne  Raoul 
de  Dicelo  observe  encore  que  le  même  Philippe  ,  coiuiue 
comte  du  Vermandois,  qu'il  tenait  de  sa  femme,  remplit  le 
jour  du  couronnement  les  fondions  de  Dapifer,  en  servant 
le  roi  à  lable  :  Philippus  ilaque  rex  Francorum  in  cofonatione  „,ij  ^r 
suâ  lam  in  gladio  perferendo  quam  in  regiis  dapibus  nppo- 
iiendis  ,  Philippum  Fla-ddricV  comilcm  privilegiatum  habuit 
ministerialem  ,  ulenlem  duplici  jure,  paterne  videlicet  et 
uxorio.  Mais  rien  ne  prouve  que  ces  offices  fussent  réduits  à 
douze;   les  historiens  Roger  de  Hoveden  et  Benoit  de  Péter- 


24  FORM.  ANNO.  POUR  LE  SAC.  DE  PHIL-AUG. 

XII  SIECLE.    Jjoroug,  disent  forraellemeni  que  tous  les  barons  présens  avaient 
'  ■  **•       ■  quelque  fonction  à  remplir  :  Philippus  cornes  Flandriae  prseibat 
anta  illum  ,  ferens  gladium  regni,  et  multi  duces,  comités  et 
èarones,  prasibœiit  et  sequehaniur  illum,  diversi  diversis  çlepu-' 
tati  obsequiis,prout  res  eœigehat. 

Ce  dernier  passage  semble  prouver  que  le  nombre  des  pairs 
en  dignité  n'était  pas  encore  réduit  à  douze,  six.  clercs  et  six 
laïcs,  et  le  silence  de  tous  les  historiens  contemporains  sur 
un  fait  qui  aurait  introduit  un  changement  si  remarquable 
dans  la  constitution  de  l'empire,  équivaut  à  une  preuve  posi' 
tive. 

On  pourrait  nous  opposer  le  titre  qu'on  lit  à  la  tête  de  cet 
écrit  :  L'ordre  qui  se  doit  observer  au  sacre  et  courotinetnent  des 
rois  de  France,  com^nandé  par  le  roi  Louis  le -Jeune,  Van  U79i 
et  enregistré  à  la  chambre  des  comptes  de  Paris,  traduit  du  latin 
en  français,  et  inséré  dans  le  recueil  des  Rois  de  France  par  le 
greffier  Du  Tillet. 

Ce  titre  nous  paraît  fort  arbitraire  de  la  part  des  éditeurs, 
parce  qu'on  n'a  jamais  produit  l'original  latin,  et  Du  Tillet  ne  dit 
pas  non  plus  qu'il  l'ait  Iranslalé  en  français  II  est  plus  vraisem- 
blable que  ce  formulaire  fut  dressé,  l'an  1223,  pour  le  sacre  de 
Louis  VIII,  car  ce  qu'on  nous  donne  pour  le  sacre  de  ce  dernier, 
n'est  en  latin  qu'un  extrait  pur  et  simple  du  pontifical  romain, 
sans  aucune  instruction  relative  à  la  cour  de  France.  A  cette 
éqoque  les  douze  pairs  formaient  réellement  une  classe  à  part, 
et  on  a  pu  les  distinguer  des  autres  barons  du  royaume,  comme 
ils  le  sont  dans  l'ordre  du  sacre  de  Saint-Louis,  en  tout  conforme 
à  celui  qu'on  attribue  au  roi  Louis  VII,  pour  le  sacre  de  Philippe- 
Auguste,  à  l'exception  du  langage  qui  a  été  rajeuni  dans  l'édi- 
tion de  Du  Tillet. 

En  effet ,  les  premiers  actes  dans  lesquels  on  trouve  une 
preuve  certaine  de  la  réduction  des  pairs  à  douze,  sont  ceux 
du  parlement  tenu  à  Melun,  l'an  1216,  pour  juger  le  droit 
des  prélendans  au  comté  de  Champagne.  Dans  ce  jugement 
solennel,  les  douze  pairs  sont  nettement  distingués  des  au- 
tres évéques  ou  grands  vassaux  de  la  couronne,  qui  assistè- 
rent à  cette  assemblée,  ils  y  sont  placés  en  première  ligne  ; 
es"!"  '  ^'^'  ''"^»c«'w»î  est  ibidem,  porte  cet  acte,  à  paribus  regni  nostri, 
videlicet  A.  Remensi  archiepiscopo,  W.  Lingonensi ,  W.  Ca- 
talaunensi,  Philippo  Belvacensi,  Stephano  Noviomensi  épis- 
copis ,  et  Odone  duce  Burgundiœ,  et  à  multis  aliis  episcopis 
etbaronibus  nostris,  videlicet  R.  Carnoti,  G.  Mvanectensi  et 


Ci' ré  m.     fr»n 
t.  L  p.  15. 


FORM.  ANON  POUR  LE  SAC.  DE  PHIL.-AUG.  2o 
/.  Lexoviensi  episcopis,  et  Guillehno  comité  Pontivi,  R.  Comité  ^"  SIECLE. 
Drocarum,  P.  comité  Britanniœ,  G.  comité  Sancti  Paiili,  W.  de 
Rupibus  senescallo  Andegavensi,  W.  comité  Jovigniaci,  J.  comité 
Bellimontis,  etR.  comité  de  Alenchon,  nobis  audientibus  et  judi- 
cium  approbantibus,  etc. 

On  ne  peut  pas  même  faire  remonter  avec  certitude  réta- 
blissement des  douze  pairs  à  l'époque  de  l'arrêt  qui  fut  rendu, 
l'an  l?.02,  contre  Jean  Sans  terre,  roi  d'Angleterre  et  duc  de 
Normandie.  Comme  nous  n'avons  pas  cet  arrêt,  on  n'en  peut 
rien  conclure.  Les  historiens  qui  en  parlent,  disent  bien  que 
ce  duc  de  Normandie  fut  condamné  à  perdre  son  fief  par  iu-  ,a   ***"'  ^V,-' 

...  r        j  la.     inn.     Izlo, 

gement  de  la  cour  des  pairs,  mais  sans  faire  aucune  dislinc-  p-  196,  édit. 
lion  entre  eux.  Ainsi  rien  ne  prouve  qu'à  celte  époque  les  *"**' 
douze  pairs  eussent  aucune  prééminence  sur  les  autres;  ils 
en  auraient  eu  cependant,  si  le  formulaire  du  sacre  que  nous 
examinons,  portait  les  caractères  de  certitude  qu'on  désire- 
rait pour  affirmer  qu'il  eût  servi  au  sacre  de  Philippe-Au- 
guste. 

Quoiqu'il  en  soit,  et  pour  déférer  un  moment  à  l'opinion 
des  éditeurs,  nous  ne  laisserons  pas  passer  l'occasion  d'en  rendre 
compte  en  peu  de  mots. 

Nous  ne    dirons    rien    des   formules  de    prières    qui  furent 
employées  dans  cette  cérémonie  :  elles  sont   restées  toujours 
les   mêmes;   mais  le  serment   du   roi  a  souCFert  dans  la  suite 
quelques  cliangcmens.    Voici  celui  que  prêta  alors  le  nouveau 
roi  :    «  Quand   ledit    archevêque   sera   à  l'autel,    demande  au 
«  roi  pour  toutes  les  églises  à  lui  sujettes  ce  qui  en  suit  :  Nous 
0  te  requérons  nous  octroyer,  que  à  nous  et  aux  églises  à  nous 
«  commises,   conserves   le  privilège  canonique,  loy  et  justice 
«  due  ;  nous  gardes  et  défendes  comme  roi  est  tenu  en    son 
<<  royaume  à  chaque  évêque  et  église  à  lui  commise.  Et    ledit 
«  roi  répond  aux  évêques  :  Je  promets  et  octroyé  qu'à  chacun 
<■'  de  vous  et  aux  églises  à  vous  commises,  je  garderai  le  pri- 
«  vilége  canonique,  loi  et  justice  due  ;  et  à  mon  pouvoir.  Dieu 
<•  aidant,  vous  défendrai  comme  roi  est  tenu  par  droit  en  son 
«  royaume  à  chacun  évêque  et  à  l'église  à  lui  commise. 

"  Je  promets,  au  nom  de  Jésus-Christ,  au  peuple  chreslien 
«  sujet  à  moi  ces  choses.  Premièrement  ;  Que  tout  le  peuple 
«  chrestien  gardera  à  l  église  de  Dieu  en  tout  temps  la  vraie 
«  paix  par  votre  advis.  Item.  :  Que  je  défendrai  toutes  rapines 
»  et  iniquités  de  tous degrez.  llem  :  Qu'en  tous  jugemens  je  re- 
TomeXlV  P 


26  ROGER,   SEPTIÈME   ABBÉ   DU   BEC. 

_xn  SIECLE.      a  commanderai  équité  et  miséricorde,  afin  que  Dieu  clément  et 
1  miséricordieux  m' octroyé  et  à  vous  sa  miséricorde. 

«  Que  toute  l'assistance  responde  aux  promesses  qu'aura 
«  failes  le  roi,  tant  aux  églises  qu'au  \)eup\e,  ainsi-soit-il.  Puis 
«  le  roi  derechef  ajoutera  :  Toutes  les  choses  susdites  je  con- 
a  firme  par  serment.  Il  mettra  alors  la  main  sur  le  livre  des 
«  évangiles.  »  B. 


ROGER, 


Septième    Abbk    du    Bec. 


Oi 


Fletam. 
p.  S09. 


N  a  commis,  je  crois,  plusieurs  erreurs  sur  cet   écrivain. 
Et  d'abord  on  n'est   pas  d'accord   sur  sa  patrie;  les  uns  le 
font  naître  en   Italie,  les  autres  en  France,  les  autres  en  An- 
gleterre.  Les  premiers  le   supposent   Lombard;   quelques-uns 
d'entre  eux  même  le  confondent  avec   un   des  premiers  disci- 
ples d'Imérius,    fondateur  de  la   première  école  oîi   les  lois 
romaines  furent  enseignées.  C'est  entre  autres  ,   l'opinion   de 
Dissert.  ad.  Selden,  mais  il  est  impossible  de  l'adopter.  Le  Roger,  élève 
'•  d'Irnérius,  ne  paraît  pas  avoir   quitte  son  pays,  il   y  établit 
une  école  à  son  tour,  il   y   professa;   il  publia  successivement 
plusieurs  ouvrages  sur  la  jurisprudence  romaine  ;  on  lui   doit 
les  plus  anciens  abrégés   ou  sommaires  qui  en  existent,   on 
lui  doit    les    premières   gloses  qui    furent  mises  au  jour   sur 
Terrasson,  H.  la   partie  du    digestc   qu'on    appelle    infortiat,  dénomination 
e  la  Jurisprud.       |  j  j  yjgQt   dit-ou,  de  cc  que  celte  partie  «  traitant  des  suc- 

roiu.   p»rl.  3,    J.    T  .  '  ,  ^ 

12,  p.  330.  cessions    et    substitutions,   aussi    bien  que    de   plusieurs   ma- 

tières également  importantes  et  qui  sont  d'un  plus  grand 
usage,  elle  était  celle  qui  produisait  un  plus  gros  revenu 
Vuir  Panci-  aux  jurisconsultes  »  :  on  lui  doit  encore  un  traité  des  prescrip- 

roie,  liv.  II,  c.  lions,    fait    en    forme   de  dialocue  entre   la  jurisprudence  et 

18;     et    Konig,    ,,      , 

,  ,„,  .  *•  I  auteur. 

Mais  comment  un  homme  dont  la.  vie  fut  si  laborieuse, 
dont  l'enseignement  en  Italie  est  devenu  mémorable  par  cela 
même  qu'il  fit  connaître  pour  rien  au  jeunes  étudians,  une 
partie  du  digeste,  que  les  professeurs  n'expliquaient  pas  dans 


p.  698,  col.  I. 


292. 


ROGER,    SEPTIÈME    ABBÉ    DU    BEC  27 

leurs  cours  publics ,  qu'ils  n'expliquaient  que  dans   les  leçons     ^'i  sieclb. 
particulières  qu'ils  donnaient  à  ceux  de  leurs  élèves  qui  pou- 
vaient les  payer,  comment  aurait-il  pu  être  abbé  d'un  mo- 
nastère  en  Normandie?   Comment  l'eût-il   été   sans  qu'aucun 
des  écrivains  qui  ont  parlé  de  lui  n'en  fît  mention? 

Il  serait  possible  que  le  Roger,  abbé  du  Bec,  eût  été,  dans 
sa  première  jeunesse,  étudier  en  Italie.  La  découverte  du  di- 
geste communiqua  un  grand  mouvement  à  tous  les  esprits 
jaloux  de  s'instruire  ;  des  diverses  parties  de  l'Europe  on  alla 
étudier  dans  le  pays  signalé  par  cette  découverte  même.  Il 
faut  néanmoins  se  souvenir  que  les  Pandecles  ne  furent 
trouvées  que  vers  l'an  1130,  qu'elles  ne  devinrent  l'objet 
d'un  enseignement  public,  que  plusieurs  années  après  ;  qu'Ir- 
nérius,  le  premier  professeur  de  droit  civil,  n'est  mort  qu'en 
1190;  qu'ainsi,  môme  en  supposant  qu'il  ait  vécu  jusqu'à  80 
ans,  il  n'en  avait  alors  que  20,  ou  environ  :  en  lui  en  don- 
nant 30,  lorsqu'il  commença  d'expliquer  la  jurisprudence 
romaine,  cela  nous  reporte  à  l'an  1 1  40  ;  et  cependant,  nous  R.  de»  Hist. 
apprenons  d'un  autre  côté,  que  Roger  fut  nommé,  en  1149,  ^^  ^''-  ••  '^"'. 
abbé  du  Bec,  el  qu'avant  d'être  élevé  à  cette  dignité,  il  était 
déjà  prieur  du  monastère.  Nous  ne  prétendons  pas  en  con- 
clure qu'il  n'ait  pu  venir  en  Italie,  à  l'époque  môme  dont 
nous  parlons;  de  là,  être  appelé  en  Angleterre  pour  y  ensei- 
gner le  droit  romain,  à  Oxford,  comme  on  le  dit,  lorsque 
Etienne,  qui  régnait  dans  cette  île,  entraîné  aussi  par  l'esprit 
général,  eut  voulu  fonder  une  école  de  ce  droit  pour  ses  su- 
jets. Etienne  avait  succédé  à  Henri  I",  fils  de  Guillaume-le- 
Conquérant,  et  mort  en  1135;  l'Angleterre  et  la  Normandie 
étaient  dans  des  relations  perpétuelles  :  Roger,  après  avoir 
professé  quelques  années  à  Oxford ,  serait  alors  venu  ou  ren- 
tré dans  le  monastère  du  Bec,  qu'il  gouverna  bientôt  après. 
Il  est  possible  aussi  que  Roger  le  Lombard,  le  disciple  d'Ir- 
nérius,  ait  été  appelé  en  Angleterre  par  le  roi,  qu'il  y  ait 
professé  quelques  années,  et  qu'il  soit  retourné  de  là  dans 
sa  patrie. 

Mais,  quoiqu'il  en  puisse  être,  on  voit  toujours  par  le 
rétablissement  des  faits  et  la  coïncidence  des  époques,  com- 
bien il  est  impossible  de  ne  voir  qu'une  seule  et  même  per- 
sonne dans  Roger  abbé  du  Bec,  et  dans  Roger  le  Lombard. 
Nous  avons  dit  que  Selden  avait  commis  cette  erreur.  Parmi 
les  écrivains  qui   l'ont  partagée    avec   lui,   on  peut  nommer 


28  UOGIilR,   SKPTIKMl':  ABBÉ    DU  BEC. 

Ail  SIECLE.      Simon,    dans    sa    bililiolhèiiiic    liisloriiiiic  des  principaux   au- 
T.  I,  p.  304.  leurs  du  droit  civil. 

L'abbaye  du  Bec,  quand  Roger  fut  choisi   pour  la  gouverner, 
n'était  pas  étrangère  à  la  culture  des  sciences  et  des  lettres. 
Un   grand  nombre  de  disciples  venaient   s'y   former,   chaque 
année,  sous   les  maîtres   qui    la    rendaient  une  des  écoles  les 
llist.  i-iiicr.  plus   célèbres  de   France.    La   plupart   des  abbés  qu'elle  avait 
t.  IX,  p.  108.      g^jg  jusqu'alors  s'élaienl   distingués  [lar  leurs  talens  et  leur  sa- 
voir, non  moins  que  par  leur  piété;   il  suffît  de  nommer  An- 
selme, un  des   hommes  les  i)lus  illustres  que  l'église  gallicane 
Voir  son  ar-  ait     produits ,     élu    ci.suite    à    l'an  hevèché    de    Cantorbéri  , 
liiip,   t.    IX  de  ojj  il  succéda   à  Lantranc,  dont  il   avait  élé  le  disciple,  et  qui 
f%»  ""sulr  '  lui-même  avait  donné   un  tel  éclat  à  1  école  du  Bec  par  une 
science  étendue  et   profonde  ,  qu'on    venait   étudier  sous   lui  , 
dit    l'historien   doses   iravaux,   do  France,    de  Gascogne,    de 
Bretagne,   de  Flandres,   d'Allemagne,   de   Rome    même:    les 
élèves   y  accouraient,   les    grands  y  envoyaient    leurs   enfans, 
les  maîtres  des  autres   écoles   les  plus  fameuses  se  rendaient 
ses  disciples.   Ce   concours  prodigieux    d'étudians   fit  du   Bec 
vu  "'":/'"■  '*  la  plus  florissante    académie  qu'on   eût    vue    depuis  plus    de 
cinq   siècles  :  Beccum  magnum  et  faniosum  litteraturae  gym- 
nasium. 

Lanfranc  et  Anselme  avaient  passé  l'un  et  l'autre  du  mo- 
nastère du   Bec  à  l'archevêché  de  Cantorbéry.  Roger  fut  des- 
iiisi.  (le  i:i  tiné  au  même  siège.  Ce  n'est  pas,  comme  le  dit  Terrasson,  à 
jucispnui.    roni.  |a    niort    do   Théobald    (ou   Thibaut),    mais   après    celle    de 
''■  *  ''■  Thomas  Becquet,  si  fameux   par  sa   résistance  à  Henri  11  et 

iiisiiir.  lie  Fr.  P^f  sa  mort.  Plusieurs  années  s'étaient  écoulées  sans  qu'on 
i.  XIII,  |..  150  lui  donnât  un  successeur.  Roger  enfin  fut  choisi  ;  mais  ne  se 
*'  !  c-  ~.    v'  croyant  pas  capable  de  soutenir,  dans  de  telles  circonstances, 

an^l.    a(ri|)l.   A,  •'  '  '  ' 

i.  I,  \>.  '.i(il  cl  le  poids  d'un  tel  épiscopal,  il   refusa  d'accepter  :  Quod  ambi- 

'**'•,  .     tiosi  homines  ejus  socordiœ  potius  quam  sajnentiœ  assignarunt, 

t.  XI,  p.  230.      dit  Polydore  Virgile  ;  adeo  difficile  est  placere  vulgo  qui  omnia 

honesta  lanlkm  utUilate  metitur. 

(Tétait    en   1174;  Roger  mourut  cin(|  ou  six  ans  après  dans 

Histor.  de  Fr.  gon  monastère,  l'endani  les  trente  années  environ  qu'il  le 
t.  XIII,  |..    r>23.  ,  ,  ,•    •  ,.  ,,      , 

gouverna,  douze  de  ses  religieux  lurent  successivement  élevés 

à  la  dignité  d'abbé,  et  allèrent,  à  ce  titre,  gouverner  d'autres 
iiisi.  de  Fr.  maisons.   Robert  de  Thorigny  est  de  ce  nombre;  il  eut  lab- 
el 323  '  ^  baye  di:  mont  Saint-Michel,   et   est,   à   cause   de  cela,    ordi- 
nairement  appelé    Roberl-du-Mon(  ;  il   a   célébré ,  dans   des 
écrits  qui  nous  restent ,  la  mémoire  de  Roger.  Nous  devons 


ROGER,   SEPTIÈME  AUBE  DU  BEC.  29 

néanmoins  observer  qu'il  le  loue  beaucoup  plus  comme  xii  siècle. 
moine,  que  sous  les  rapports  de  jurisconsulte  et  de  littéra- 
teur^ il  passe  môme  ces  rapports  sous  silence  :  mais  il  dit 
que  Roger  fit  construire  des  chambres  à  cheminée  pour  les 
hôtes  à  tous  les  étages,  un  ac(|ueduc,  une  iiilirmerie,  etc.  ; 
qu'il  répara  la  couverture  de  la  maison,  les  cellules  des  dor- 
toirs ,  etc.  Dans  le  Gallia  Christiana  ,  on  ne  le  loue  guère  t.  xi.  p.  230 
aussi  que  d'avoir  fait  ces  travaux;  et,  pour  tout  le  reste,  il 
y  est  dit  seulement  et  sans  aucun  détail  ;  Sacris  et  secula- 
ribus  litteris  appriniè  insiructiis. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ce  que  nous  avons  dit  de 
l'ouvrage  qu'on  Iili  attribue  sur  le  code  et  sur  le  digeste. 
Nous  no  pourrions  que  répéter  combien  il  est  difficile  de  l'en 
croire  l'auteur.  Comment  supposer  ,  indépendamment  des 
autres  raisons,  que  des  écrivains  (jui  furent  ses  disciples,  ses 
amis,  qui  ont  loué  ses  travaux,  eussent  négligé  de  nous 
parler  d'un  ouvrage  si  important?  Nous  avons  essayé  de  faire 
connaître  la  cause  vraisemblable  d'une  telle  confusion.  li  est 

,  ,,    ,  .,         n  ,  ,  Biljliolh.   Bi 

juste  cependant  dobserver  que  Montiaucon  en  place  le  ma-  biioihecar   t.  ii. 
nuscrit    parmi    ceux    de   l'abbaye  du    Bec,    observation    trop  P-  ^''^'''^■ 
prépondérante    pour    que    nous    la    dissimulions,    quoiqu'elle 
ne  nous  paraisse  pas  d'ailleurs  ôter  leur  force  aux  objections 
que  nous   tirons  du  silence  des  contemporains,  et  de    la  car- 
rière   toute  différente   dans  laquelle  Roger  entra  et  demeura. 
On  pourrait  dire,  et  on  la  dit,  que  ce  fut  l'éclat  avec  lequel 
il  professait   en    Angleterre,  (jui  le   fil    choisir  pour  abbé  du 
Bec  :  mais  nous  avons  vu  dans  Robert-du-Monl  lui-même, 
religieux  de  ce  monastère,  que  Roger  en  était  le  prieur  avant 
d'en  devenir  l'abbé.   Ce  qui  serait  très-possible  ,    c'est  que  la 
célébrité  qu'obtint   l'ouvrage  du    professeur  avec  lequel  on  le 
«onfond,   eût  donné  le   désir  de    l'avoir  en  France,  qu'on  eût 
copié  cet  ouvrage  dans  plusieurs   monastères,   dans  celui  du 
Bec  en  particulier,  cl  que  ce  fût  ainsi  qu'on  l'y  a  trouvé,  sans 
qu'U   faille   pour  cela   reconnaître   que   l'abbé  Roger  en   était 
l'auteur.  L'empressement  qu'on  eut  de  le  copier  est    rappelé      i'    "  Je    ses 
par    l'abbé    Leheuf,    d'après    Duboulay  ,    dans    l'histoire    de  '''^'"',    P"  ^gj" 
l'Université  de  Paris.  398,     bto      et 

Pourquoi  n'ajouterions-nous  pas  qu'îi    l'époque    oii   on   veut  '^'• 
que  Roger  ait   professé  en    Angleterre,    un   concile,   tenu   en 
1139  à  Sainl-Jean-de-Lalran  ,    avait    défendu    aux  religieux 
d'étudier    le  droit   romain,  et    par   là   même   plus    encore   de 
l'enseigner.    Nous   aurons    bienlôl     occasion  de    rappeler    les 


XII  SIECLE. 


Wood,  li' 
p.  51  et  32. 


T.  XIII,  p. 
392;  l.  XIV,  p. 
■8i.     anx   notes. 


30  GEOFFROI    FULCHIER. 

délibérations  de  ce  concile  et  de  celui  de  Tours,  en  parlant 

d'une  traduction  des  lois  romaines. 

L'ouvrage  dont  on  suppose  que  l'abbé  Roger  est  l'auteur, 
a  pour  titre  :  Libri  ex  universo  enucleato  jure  excerpti  ei  pau- 
peribus  prassertim  destinati.  Il  est  divisé  en  neuf  livres,  et 
composé  dans  l'ordre  du  Code  de  Juslinien. 

Par  les  pauvres  auxquels  le  livre  est  destiné  ,  l'auteur 
entend  les  écoliers  sans  fortune  ;  c'est  en  leur  faveur  qu'il 
l'entreprit. 

L'historien  de  l'Université  d'Oxford  attribue  quelques 
ouvrages  encore  au 'Roger  qui  professa,  et  entre  autres,  ce 
Traité  sur  les  prescriptions  dont  nous  avons  parlé  au  com- 
mencement de  cet  article. 

Roger  est  aussi  appelé  souvent  Vacarius  ou  Wacarius. 

C'était  Roger  de  Bailleul,  suivant  les  auteurs  de  la  nou- 
velle Collection  des  historiens  de  France.  P. 


GEOFFROI    FULCHIER 


OU   FOUCIIER, 


Procureur  de   l'Ordre  des   Templiers   a  Jérusalem. 


Liv.  I,  \ 
Gcsii  Dei 
Francos,  t 
p.     i08i. 


Ep.  27h 


JE  traduis  par  procureur  le  mot  de  prasceptor,  que  je  trouve 
dans  les  historiens  latins.  Un  passage  de  Jacques-de-Vitry, 
dans  son  histoire  de  Jérusalem,  détermine  ce  sens  avec  une 
telle  précision,  qu'il  est  impossible  d'en  admettre  un  autre. 
II  dit  :  Que  le  grand  maître  y  reçoit  chaque  année  une  somme 
d'argent,  que  lui  font  passer  procuratores  domorum ,  quos 
praeceptores  nommant.  11  semble  que  perceptores  était  le 
mot  propre,  puisqu'ils  recueillaient  et  envoyaient  les  contri- 
butions des  diverses  maisons  pour  les  besoins  généraux  de 
l'ordre  et  de  ses  chefs;  pr«eep<orps  paraîtrait  devoir  répon- 
bre  à  la  fonction  de  ceux  qu'on  a  appelés  commandeurs. 
Geoffroi  Fulohier  n'était  pas  grand  maître  ,  comme  on  l'a 
cru  d'après  une  leltre  de  Jean  de  Sarisbéry  ;  ce  sont  Bcrlrand- 


G  EOF  F  ROI    FULC,HIER.  Si 

de-Blanchefort,   Philippe-de-Naplouse,  et  Odon-de-S.-Amand,     xit  siècle. 
qui  le  furent  pendant    qu'il  était   procureur  de   la  maison   du    ' 
Temple    de    Jérusalem  :    Bertrand-de-Blancheforl    gouvernait 
l'ordre  à  l'époque  oii  furent  écrites  les  trois  lettres  de  Geof-  Duchesne, 

froi,    que   nous  allons   d'abord   faire   connaître,  et  dans  les-  701 '^Jt  '702^^- 
qaeWes  i\  se  quahùe\m-mùme procurator  templt.  Bongars,     p.gc. 

La  première  est  de  1 1 62,  elle  est  adressée  au  roi  de  France,  Jjjg'     *'^^  *' 
Louis-le-Jeune.    A  son   départ,  Geoffroi    Fulchier   avait  été        '  Duchesne, 
chargé     des     hommages    particuliers     du    monarque  ,    dans  p  702  -   iiist.' 
la  visite  des  lieux   saints  :  en  la   faisant,  il  les  a  constamment  "*"  gg"""  '•  ^^'' 
touchés  d'un  anneau   qu'il  portait  sans  cesse.  Cet  anneau ,   il  '' 
prie  le  roi  de  l'accepter  et  de  le  garder  en  mémoire  de  ce 
pieux  événement.  II  avait  commencé  sa  lettre  par  annoncer  son 
heureuse  arrivée  à    Saint-Jean-d'Acre,  et  par  témoigner  au 
prince  combien  il  avait  été  touché  du  bon  et  honorable  ac- 
cueil qu'il  y  avait  reçu. 

La   seconde   est  de   H  63.  En  voici  le  titre  :   Lodovico   Dei  Oudicsne, 

gratiâ  Francorum  régi  sanctissimo,  domino  et  amico  suo  in  P  «9^.  -  iiist! 
christo,  fraler  G.  Fulcherii,  domorum  pauperis  militix  templi  ^^J^^  \^f-  ~ 
procurator  indignus,  salutem  ;  mittere  rem  si  guis  quâ  caret  Franc,  p.*' 1170'! 
ipse  potest.  Celte  lettre  annonce  au  roi  une  victoire  remportée 
par  les  chrétiens  sur  un  des  généraux  de  Noradin,  Siracon, 
le  plus  distingué  d'entre  eux  et  le  confident  intime  de  son 
maître.  Le  sentiment  de  joie  n'est  pourtant  pas  celui  qui  y 
domine,  l'expression  en  est  troublée  par  la  douleur  que  cau- 
sent les  malheurs  d'Anlioche,  de  Jérusalem,  les  plaies  qui 
déchirent  sans  relâche  tous  les  serviteurs  fidèles  du  Christ, 
et  par  tous  les  événemens  à  jamais  déplorables  qui  suivirent 
ce  triomphe  momentané.  La  victoire  avait  été  néanmoins 
importante  et  glorieuse.  On  la  devait  au  roi  de  Jérusalem, 
Amaulry  et  au  grand  maître  des  Templiers.  Amaulry  avait 
battu  Siracon  et  l'avait  poursuivi  jusques  dans  Belbeïs  (Pe- 
luse),  oïl  celui-ci  s'était  réfugié.  Mais  tandis  que  le  roi  de 
Jérusalem  était  loin  de  ses  étals,  Noradin  y  pénètre  et  va 
assiéger  Harenc,  entre  Aniioche  et  Alep  ;  réduits  aux  der- 
nières extrémités,  les  assiégés  étaient  près  de  se  rendre,  lors- 
que Boëmond  III,  prince  d'Anlioche,  comme  un  digne  fils  de 
Mathatias,  dit  l'auteur  de  la  letlre,  marcha  pour  les  secourir, 
accompagné  de  Raimond  II,  comte  de  Tripoli,  de  Thoros  où 
Théodore,  prince  d'Arménie,  d'un  grand  nombre  de  cheva- 
liers du  Temple  et  de  Saint- Jean  de  Jérusalem,  et  signala  ses 
premiers  efforts  par  des  succès.    Mais  enfin,  les  ennemis  de 


32  (j  E  0  F  F  U  0 1     F  L  L  C  H  I  E  R. 

XII  SIECLE,  la  croix  Iriompheiu,  Norailii»  rcmporlc  une  victoire  complète 
et  décisive  ;  les  principaux  chefs  de  l'armée  chrétienne  sont 
faits  prisonniers,  d  autres  avaient  péri  dans  le  combat  ;  la  perte 
de  nos  troupes  a  été  immense.  Venez  donc  à  notre  secours, 
dit  Geoffroi  à  Louis  Vil.  nous  vous  le  demandons  à  genoux, 
que  votre  charité  s'émeuve,  ([ue  votre  libéralité  s'exerce,  c'est 
le  lieu  de  notre  Rédemption  que  nous  avons  à  défendre  ;  c'est 
la  Terre- Sainte  ,  le  berceau  du  Christianisme;  nous  vous 
avons  souvent  imploré,  mais  jamais  nous  ne  vous  adressâmes 
des  prières  plus  instantes  et  plus  vives. 
Duciifsnc,  Lg  troisième  lettre  est  de  la  même  année  1103,  et  elle  est 
de  Fr.'p762."-  encore  adressée  à  Louis-le-Jenne.  Comme  un  incendie  mal 
Gesia  dei  per  éteint  écrit  Gcoffroi  à  ce  prince,  se  remontre  bientôt  avec 
Franc,  p.  1182.  j^^  flammes  plus  dévorantes,  ainsi  Noradin  défait  par  nous, 
ayant  repassé  1  Euphrate,  est  revenu  avec  des  troupes  innom- 
brables de  Perses,  de  Turcomans,  d'Assyriens,  de  toutes  les 
nations  qui  fléchissent  sous  ses  lois.  Envain  le  jeune  Boë- 
mond,  prince  si  digne  de  eon  père  par  son  courage  et  sa 
vertu,  n'a  pas  craint  de  lutter  contre  une  armée  formidable  ; 
vaincu  par  un  jugement  secret  de  Dieu,  il  est  devenu  le 
captif  des  infidèles.  Le  château  d'Alep  renferme  avec  lui  nos 
plus  illustres  Seigneurs  ;  Aniioche  est  dans  le  plus  grand 
danger,  elle  manque  de  vivres,  d'armes,  de  soldats  :  si  elle 
peut  soutenir  encore,  malgré  cela,  l'eiïort  des  Turcs,  toute 
résistance  deviendra  impossible  (|uand  l'empereur  de  Cons- 
tantinople,  qui  approche,  sera  arrivé.  Le  roi  est  en  Egypte 
avec  une  partie  de  nos  troupes.  A  Jérusalem,  nous  sommes 
en  petit  nombre,  livrés  aux  attaques  et  aux  ravages  des 
Turcs.  Ou  plutôt,  il  faut  que  nous  citions  les  mots  en  latin, 
car  il  est  impossible  de  les  rendre  dans  notre  langue  avec 
l'opposition  que  l'auteur  a  vraisemblablement  voulu  y  met- 
tre Turcorum,  et  ut  veriùsdicam,  spurcorum.  Que  nos  cris 
soient  donc  entendus,  cpie  tous  les  retards  finissent,  que  ce 
qui  reste  de  Chrétiens  ne  soit  pas  entièrement  consumé.  Si 
vous  ne  vous  hâtez  de  les  secourir,  vous  ne  le  pourrez  plus 
quand  vous  voudrez  le  faire.  Que  tous  les  amis  de  Dieu  se 
réunissent,  qu'ils  défendent  tous  le  royaume  de  leur  père, 
qu'  ils  nous  affranchissent  du  j(jng  des  infidèles  ;  qu'un  pays 
ao(iuis  par  le  sang  de  tant  de  braves  guerriers  ne  nous  soit 
pa.s  arraché   honteusement  et   sans  espérance  de  le  recouvrer 

jamais. 

Nous  avons  encore  de  Geoll'n.i  Fulchier  une    lettre  ou  sup- 


LE    RECLUS  DE    MOLIENS.  33 

pljque  au  pape  Alexandre  III,  en  faveur  des  chanoines  de  mi  sieci 
Noyon  ;  elle  fut  écrite  en  1179,  et  se  trouve  dans  les  annales 
de  cette  ville,  par  Jacques  Levasseur  :  elle  a  aussi  été  impri-  ''•  ^'• 
niée  dans  le  quinzième  volume  du  nouveau  recueil  des  his- 
toriens de  France,  parmi  celles  d'Alexandre  III.  Il  s'y  appelle  : 
Gaufridus  Fulchier,  domorum  templi  citrà  mare  prœceplor. 
Vraisemblableinenl,  après  avoir  élé  procureur  de  la  maison 
du  Temple  à  Jérusalem,  il  était  devenu  procureur-général 
de  l'ordre.  L'objet  de  la  lettre  est  une  discussion  élevée  en- 
tre le  chapitre  de  Noyon  et  la  commune  :  celle-ci  s'opposait 
à  la  vente  d'un  domaine  ou  à  sa  donation  en  faveur  de  l'église. 
Geoffroi  demandait  au  pontife  de  ne  pas  souffrir  ces  entre- 
prises malicieuses  et  téméraires  contre  les  ministres  des  autels. 
Il  écrivit  en  même  temps  au  camérier  du  pape  et  à  son  trésorier, 
pour  les  mettre  dans  l'inlérêl  des  chanoines,  et  les  engager  à 
être  leur  appui  auprès  d'Alexandre. 

Geoffroi  Fulchier  fut  un  de  ceux  qui  accompagnèrent  Luques,  Cuiii.  Je  Tyr, 
archevêque  de  Césarée,  dans  son  ambassade  vers  le  calife  '"'a^'^'  ^'  *'' 
d'Égyple,en  1168.  ''■ 

Rien  ne  nous  fait  connaître  le  temps  de  sa  mort:  nous  venons 
de  voir,  par  les  lettres  écrites  en  faveur  des  cliaocines  de  Noyon, 
qu'il  vivait  encore  en  1 1 79.  P. 


Hist.  de    Fr. 
I.  .W,  p.  967. 


LE    RECLUS 


DE  MOLIENS  OU  DE  MOLLENS, 

Poète    Français. 


LE  nom  de  cet  auteur  et  les  litres  de  deux  de  ses  produc- 
tions qui  nous  sont  parvenues  ont  échappé  aux  recherches 
de  Pasquier,  de  Fauchel,  de  Duverdier,  de  La  Croix  du 
Maine ,  etc.  Il  est  cité  dans  le  Catalogue  des  auteurs  de 
Pierre  Borel,  sous  le  nom  de  Reclus  de  Molans  ou  Molens  ; 
dans  le  nouveau  Ducange ,  sur  les  mots  Cameraria,  Cembel- 
lum,  Curiile,  Deductus,  et  sur  plusieurs  autres.  Il  l'avait  élé 
par  Duchesne  dans  ses  notes  sur  Alain  Charlier;  par  Du- 
Tome  XIV.  E 


;J4  J,E     IIKCLI  S    DE    MOLIENS. 

XII  siFXLF..      caDge,    dans   ses  observai  ions   sur  .loiiiville  ;  cl  enfin  sur   un 
grand    nombre    de   mots,   dans    le    glossaire    qui    leniiine   le 
P.iiis,  17GI,  Joinville  de  l'imprimerie    royale ,    oii   l'on    n'a    pas   distingué 
'"■'"'•  ses  deux    diirérens  ouvrages.    iJarba/an  en   a  cité  deux  stro- 

phes, l'une   dans    son  discours    en  tète  de  VOrdène  de  Che- 
FaMiaiix,  Valérie,  et  l'autre  dans  la  préface  de  ses  Fabliaux.  Le  glossaire 
nnnv.  .•il.   t.   I.  ,|(,  |y  janguc  romaue  en    rapporte  aussi  des  exemples  sur  une 
III   p'.Mï'.'  pr.'r   (inanlité  de   mots  dont  on   peut  ju^e^   par  ceux  que   pré.senle 
la   lettre    B  :    Baloier,   Bat-boire,    Brachier,    Branc,    Brebielo , 
Buffuer,  etc. 

On   ignore  totalement  (piel  est  le  poète  (|ui  sest  caclié  sous 
ce  nom   de  R(m;1us  il'>    Molicns,  et  ce  qui  nous  reste  de  lui  ne 
nous   apprend  ritm   sur  sa    vie     D'après  les  deux  vignettes  (|ui 
décorent    le  manuscrit   n"  7('>l'.l   de  la    Hibliotiièquc   du    Hoi  , 
on  peut  seulement   conjeeturer   (pi'i!    était    religieux.    Diicange 
rii.si.     ,!.•     S.  I(i  fait  vivre  sous  Henri    II.   roi  i!  Ani-'letcrre,  (pu  régna  depuis 
'■".vs  p.  !'!••         \\\\,i^  jus(iu'en  1180    11  est  probable  ipiil  llorissail  avant  M 80. 
I,'un    (le   ses  deux   ouvrages   (]ui  se  sont  conservés    est   le 
Miserere    ou    H    Romans    du    Rendus    de    Maliens    de    bons 
exemples  de  moraliti's  seur  tous  eslals  cl  loiil  le  siècle  :  l'autre 
Jl^s  (le  b  est  le    Romans  de  Charilè.  Cn  deux   |uicmes  sont  en  vers  de 
'"'!'-     ""  iiuit  syllabes,   et  di\isi's   par  >ln)|ili('s   (!■■   douze  vers.  Le  pre- 
mier contient  deux  ceiil  .-~oi\anle-(piin/e  strophes,  et  le  second 
deux  cent  (|uin/.e. 

Les  trois  premiers  mois  du  [)saume  Miserere  met,  Deus, 
Ibrment  le  prcmiei-  vers  de  1  un  de  ces  deux  poëmes,  qui  en 
a  pris  le  titre  de  Miserere,  (pioiijue  ce  mot  n'ait  aucun 
rapport  avec  le  contenu  de  la  pièce.  En  voici  la  première 
strophe  : 


Miserere  aiei ,  Dcui. 
'frop  loniçiienierit  mo.  suis  téii.s 
Ke  je  «Idiisse avoir  bien  dit; 
Assez  ai  temps  et  lieu/  eus 
Des  maus  Ijla.smer  fjue  J'ai  véu.«. 
Ilex,  par  le  pi'opliète,  inamlil 
l'.pTii  „iau,i„ir,  (Jui  respont  (cacli.-)  ut  i|ui  (•.■;(•(. u.li(  (■i-cfn.-'i-) 

MialoiidiiU.  I,e  froument  au  peuple  mau  ilil 

Dont  il  «loitV-Iro  rëpeus 
IViur  i-e  ipi'ainsi  le  truis  eseiis  , 
Dit  bli- lie  mon  trn-uier  petit 
Ai  ilisin.-illi.rs  -ji-mh-^  <-^léiis. 


Itibl 

7(i<ll 

l.iucK.    M-    !■:     C. 

M.    7,    N.    i    lie 

riixl.  .le  l'ai. s. 


LK    HKCM  S    DK    MOIIKNS  3o 

On  voit  que  dans  ces  stroplics  les  douze  vers  sont  sur  deux 
seules  rimes  masculines,  et  assez  harnionieuseraenl  enltemêlces. 
Du  reste,  pour  parler  comme  le  poêle,  le  blé  qu'il  tire  de  son 
grenier  esl  assez  amer.  Il  s'élève  sans  cesse,  et  quelquefois 
avec  force  contre  les  niauvais  riches,  contre  les  prêtres  et  les 
moines  (|ui  se  servent  des  rcv(!nus  de  l'église  pour  leurs  plai- 
sii-s,  au  lieu  de  k's  donner  aux.  pauvres  à  qui  ces  revenus 
sont  destinés     II   dit  aux.  hommes  on    général  : 


Str.    I'.).        Horii,  or  eiitcnil,  tu  (lois  oii- 
(^ui  tu  es,  iir  ti;  dois  jeïi'. 
IJui  es-tii  (loni?  sas  plein  tle  liens  (ordure) 
Tu  le  vi'MX  t-ascnns  jour  emplir, 
lit  puis  vuidiei-  et  puis  remplir, 
(^uanf  tu  ex  vuis  mal  te  contiens, 
Et  ipiant  tu  es  trop  pleins  si  giens  (gémis). 

Assez  us  fii'us 

Ja  ne  le  s-h-ms  tant  polir  ; 

Tu  iTiiirclis  (salis)  .|uani|Ui-  lu  tiens, 

(';ir  n'alloUi'lir  lanl  nette  riens 

A  loi,  (jue  ne  l'aclic'S  |  l'assesl  soillir. 


L'origine  quil  donnt^  à  la  .Médisance  est  remanpiahle  par 
la  singularité  de  la  liclion,  et  par  une  ceitaine  vigueur  de 
style. 

Slj-.    lli.      Einie  (11, 'le  serve  (e.iclavc)  ainere, 
DisI  (piVle  volait  ostre  mère 
Kt  ini'lre  au  monde  de  son  fi-uit. 
l'ar  pechié  plu.s  lail  ((u'avoutere  (  adultère) 
Ala  coucliier  a\ec  son  ji^'ie 
l'ai-  une  iMoiil  horrible  nuit. 
Meneiriii  horrible  .lesduil 
N'en  I.n:i  |us  à  vciilio  \  :i  in- (' v  id.' )  ; 
hesoii  prr,.  coiichiil  un  IV.-ie 

'.lue  on  1 nue  iu"s.lil  in:iudit  : 

l.a  iiiorc  !':t  eu  ses  meurs  diiit  Mress(',  insiruit)  ; 
l':t  il  M-liul  birii  .sa  tn.-ilere. 


Voici  comme  il  traite  !('.•,  gens  deglisi' 


Slr.   .'i-J.        l'ai  rh. MIN  l'st  li  mondes  desiruis 

l'ar'jiii  il  déust  e.stre  estruis  (instruit)  ; 


36  LE    RECLUS    DE    MOLIENS. 

XII  SIECLE  *-'*""  '^^^^  1"'  ""•'^  doivent  conduire 

Nou3  mènent  par  estrois  pertuis, 
Et  ils  ont  trouvé  un  grand  huis 
Large  u  (  ou  )  parent  ils  vont  déduire 
Ou  (aux)  choses  qui  tant  puist  nuire. 
Ou    rovvent  *^^''  "î"'  '■««'"«'  (ordonnent)  les  déduis  fuire 

de  rngare  ;   prier  Sont  chils  qui  quierent  les  déduis. 

cl      aussi     com-  Or  ne  sai-jou  ou  me  refaire  ; 

Chil  qui  doivent  autrui  estruire 
Che  sont  chils  u  tous  les  maus  truis  (trouve). 


Il  ne  fait  point  de  grâce  aux  moines,  même  sur  l'article 
de  la  gourmandise,  et  la  manière  dont  il  les  reprend  est 
piquante  et  originale  : 


Str.  142.     Hom,  or  tenons  no  parlement 

De  gaste-bien  le  goustement  (la  gourmandise) 

De  qui  moût  pou  de  gens  s'estordent  (  s'abstiennent  ) 

Car  chil  qui  doivent  sobrement 

De  pou  vivre  et  plus  aspreraent 

S'en  desordonnent  et  enordent  (salissent). 

Li  moine  as  meillors  mes  s'acordent, 

Et  es  millors  morsiax  miex  mordent  ; 

Et  si  boivent  bien  et  souvant. 

De  lor  veu  petit  se  recoi-dent  ; 

Des-or-mais  au  bon  vin  s'acordent 

Tuit  li  ordre  et  tuit  li  couvant. 

Dans  ces  trois  dernières  strophes,  les  rimes  masculines 
sont  entremêlées  de  rimes  féminines,  ce  qui  les  rend  plus 
agréables  pour  nous  ;  mais  on  n'y  mettait  alors  aucune  diffé- 
rence. 

L'auteur  a  écrit  son  second  poëme,  le  Roman  de  Charité, 
dans  le  même  esprit,  du  même  style,  et  en  strophes  de  la 
même  forme.  Il  y  fait  moins  l'éloge  de  la  Charilé  que  la  satire 
des  hommes  en  général,  cl  siir-lout  des  hommes  d'église, 
qu'il  accuse  de  n'être  point  charitables.  Il  n'en  excepte  pas  ceux 
qui  remplissent  les  plus  hautes  dignités. 


Str.   12.       0  carités,  très-belle  co«e. 

Bien  sais  que  tu  n'es  pas  enclose 
En  porte  qui  est  merceniere. 
Par  raiaon  aperta  et  desclose 


LE    RECLUS    DE    MOLIENS.  37 

Prouvai  bien  que  toi  ont  forclose  -^j,     cirri  r 

Li  cardounal  (cardinaux)  de  lor  carniere  (porte)  ;  • 

Caria  maisnie  (la maison,  les  domesticjues )  est  coustumière 

De  graer  (agréer,  complaire  )  à  son  magestière  ; 

Rien  sans  congé  (permission)  faire  n'en  ose  ; 

Li  sire  à  son  serf  sa  manière 

Et  la  dame  à  sa  chambrière 

Sa  coustume  emprent  et  empose. 


Les  riches  abbés  ont  leur  tour  : 


Str.  104.     Abès,  rëpons-moi,  que  fais-tu, 
Qui  jadis  rompis  le  festu 
Au  monde,  que  pour  Dieu  lessas. 
Quant  de  vieus  dras  te  vis  vestu, 
Tu  me  montras  moût  grant  vertu, 
A  grant  cours  près  Dieu  t'eslaissas  (t'ëlevas) 
Quant  à  l'ordre  ton  cors  plaissas  (  plias  )  ; 
A  cel  jour  Sathan  moût  quassas  (secouas)  ; 
Sous  toi  l'avoies  abatu  ; 
Tu  vainquis  quant  tu  t'abaissas; 
Mais  l'honour  dont  toi  essaucha»  (exhaussas) 
T'a  en  ta  vieuté,  (vileté,  bassesse)  rembatu. 

Str.   105.     Abès,  Sathanas  point  ne  bée  (regarde) 

Se  ta  grange  est  bien  engarbée  (remplie  de  gerbes) 
Que  il  les  garbes  fors  en  traie, 
Ne  que  par  lui  soit  desgarbée. 


Se  ta  sustanche  (subsistance)  est  desturbée 
Che  ne  tient-il  pas  à  grant  plaie  ; 
Mais  il  bée  à  chou  (ce)  qu'il  te  traie  (tire) 
A  soi  par  ta  croche  (crosse)  courbée). 


Le  poète  interdit  aux  prêtres  tous  les  plaisirs  mondains,  et 
même  la  chasse. 


str.   107.     Prestres  miex  vient  ta  main  périr 

Que  ordoier  (souiller)  d'ome  férir  (frapper  ;. 

De  fol  tast  (attouchement)  ne  de  caroler  (danser), 

De  tremeler  (jouer  aux  dés)  ne  de  hellir  (faire  débauche). 

Tôt  chou  faire  est  Dieu  messervir. 


38  ÉLIE    DE    BARJOLS,    POÈTE    PROVENÇAL. 

XII  SIECLE.  Prestres,  tu  n'as  droit  en  vener  (chasser) 

——^———'  Prestres,  ta  main  de  chien  mener 

S'ordoie,  et  de  l'oisel  tenir. 

Job  est  un  modèle  qu'il  propose  à  imiter  ;  il  a  consacré  plu- 
sieurs strophes  à  son  éloge  ;  voici  la  dernière,  oii  il  accumule  lôs 
comparaisons  et  les  images  poétiques. 


Str.  214. 


Sans  doute 
coq  de  clocher 
.qui  tourne  & 
tout    rent. 


Job  fut  simples  com  uns  aigniaus  ; 

Job  fut  sages  com  H  caiaus  (chien) 

Qui  tous  tans  siut  (suit)  au  flair  sa  proie. 

Job  fut  semblant  au  drap  de  soie. 

Qui  tient  le  pli  où  on  le  ploie  ; 

Job  fu  li  grains  que  li  rtaiaus  (  le  flëau  ) 

Jeta  de  la  paille  et  nettoie. 

Job  fut  bues  arant  (labourant)  en  la  roie  (rue,  sillon). 


Job  ne  fut  cokes  ne  rosiaus 
Qui  au  vent  se  tourne  et  baloie. 


Il  est  à  regretter  que  le  nom  de  ce  poète  satirique  et  moral 
soit  inconnu  ;  il  y  en  a  peu  de  la  même  époque  qui  ait  autant  de 
verve,  de  force,  et  d'originalité.  G. 


ÉLIE    DE    BARJOLSc), 


Poète  Provençal. 


■p  M  K ,  suivant  Nostradamus,  était  un  gentilhomme  de  Bar- 
l^jols  en  Provence.  Un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Valicane 
lui  donne  une  origine  moins  illustre,  et  le  fait  naître  d'un 
marchand   à   Payols,  dans   le  comté    d'Agen.  H  ajoute    que 

(1)  Nostradamus  le  nomme  Elias  de  Bariols,  ainsi  que  les  Mss.  3204, 
5  et  7  du  Vatican  :  dans  ceux  de  la  bibliothèque  Laurentienne  à  Florence, 
il  est  nommé  Elyas  Berzoll.  Et  c'est  sous  ce  nom  que  Rédi  le  cite  dans  les 
notes  de  son  Bacco  in  Toscana,  d'après  un  manuscrit  qui  lui  appartenait. 
Crescimbeni  l'appelle  aussi  Elia  di  Bariola ,  et  ailleurs  Elia  di  Bargiolo  ou 
Barinolo. 


EUE  DE  BABJOLS,   POÈTE  PROVENÇAL.  39 

s'étant  fait  jongleur  dans  sa  jeunesse,  il  se  réunit  avec  un  homme  xii  siècle. 
du  môme  métier  nommé  Olivier  ;  qu'après  avoir  parcouru  en- 
semble  les  cours  les  plus  célèbres,  ils  s'arrêtèrent  à  celle  d'Al- 
phonse, comte  de  Provence  ;  que  le  comte  les  maria,  dota  riche- 
ment leurs  femmes,  et  leur  donna  des  terres  à  Barjols,  dans  le 
diocèse  de  Riez  ;  qu'alors  ils  se  firent  nommer  Elie  et  Olivier  de 
Barjols;  qu'ensuite  Élie  passa  de  la  cour  d'Alphonse  à  celle  de 
Guillaume,  comte  de  Forcalquier,  dont  la  fille  Garsende,  qui 
épousa  depuis  Rainier  de  Claustrel,  prince  de  Marseille,  le  prit 
pour  son  poète. 

Cette  dernière  circonstance  est  racontée  à-pcu-près  de  même 
par  Nostradamus,  l'historien  de  Provence  Suivant  cette  tradi- 
tion établie  par  Nostradamus  le  biographe,  et  suivie  par  Crescim- 
béni,  Elie  dédia  toutes  ses  chansons  à  cette  princesse ,  pour 
laquelle  il  conçut  une  passion  qui  lui  occasionna  plusieurs  aven- 
tures désagréables.  11  s'en  plaint  dans  une  de  ses  chansons  qu» 
se  termine  par  ces  deux  vers  : 

Car  cnmpïey  voiras  heavtas 
E  voiiras  plazcnsfassonf. 

Il  resta  pourtant  auprès  d'elle  tant  qu'elle  vécut.  Après  sa 
mort,  il  se  retira  à  l'hôpital  de  Saint-Benoît  d'Avignon,  où  il 
mourut  en  1180;  on  ajoute  :  à  la  fleur  de  son  ûge  ;  mais  nous 
verrons. bienlùt  qu'en  suivant  même  celte  version,  il  avait  alors 
atteint  l'âge  mûr. 

Selon  d'autres  manuscrits  suivis  par  l'abbé  Millot  ,  celle 
princesse  nommée  Garsende  de  Sabran,  était  la  femme  d'Al- 
phonse II,  comte  de  Provence.  Élie  ne  devint  amoureux 
d'elle  qu'après  la  morl  du  comte  :  on  ne  sait  point  quel  fui 
le  succès  de  sa  passion,  mais  ce  qui  fait  croire  qu'elle  ne  fui 
pas  heureuse,  c'est  qu'il  se  retira  dans  un  cloître,  peut-être  .  . 

entraîné,  dit  Millot,  par  l'exemple  de  la  comtesse,  qui  prit 
elle-même  l'habit  dans  le  monastère  de  la  Celle.  Le  couvent 
où  Élie  se  fil  moine  était  celui  des  hospitaliers  de  Saint- 
Benoît,  ou  Bénezel  d'Avignon,  dont  l'instilution  utile  avait 
pour  but  de  faire  bâtir  des  ponts  sur  le  Rhône,  alors  dé- 
pourvu de  ces  moyens  de  communication  ,  d'en  diriger  la 
construction,  et  de  servir  dans  les  hôpitaux  les  ouvriers 
malades  (1). 

(1)  B^neset  lui-même  dirigea  la  construction  du  pont  d'Avignon ,  et 
c'est,  dit-on,  à  ses  religieux  qu'on  doit  le  pont  du  Saint-Esprit.  Millot,  toms  I, 
p.  353. 


V.    1,-    M..M 
lie       Kism, 
iiKil  iluiieille. 


40  ÉLIE  DE  BARJOLS,  POÈTE  PROVENÇAL. 

Celle  version  apporte  de  grands  changemens  dans  l'histoire 
de  notre  troubadour,  et  relarderait  considérablement  l'époque 
de  sa  vie.  Le  comte  de  Provence  et  roi  d'Aragon  Alphonse  il, 
régna  depuis  i  196  jusqu'en  1209  ;  et  ce  ne  fut  qu'en  1222  que 
sa  veuve  prit  l'habit  monastique.  Ces  dates  ne  s'accordent  point 
avec  une  autre  époque  de  la  vie  d'Élie  de  Barjols,  qui  paraît  en 
fournir  une  assez  précise. 

Entre  les  chansons  qu'il  composa  dans  sa  jeunesse,  l'une 
des  premières  fut  celle  qu'il  fil  pour  célébrer  la  victoire 
remportée  par  Raimond  Bérenger  sur  Etiennelte  ,  mère  des 
princes  de  Baiilz.  Celle  maison  ,  outre  les  terres  de  Baus- 
senques  ou  Baussènes,  et  le  bourg  neuf  d'Arles,  pour  lesquels 
elle  était  en  contestation  avec  lui,  avait  dos  prétentions  sur 
le  comté  de  Provence  Raimond  ayant  eu  connaissance  de  la 
chanson  par  laquelle  Élie  avait  célébré  sa  victoire,  en  récom- 
pensa l'auteur  par  de  beaux  et  riches  présens  Le  poète 
reconnaissant  fil  un  ouvrage  en  forme  sur  le  même  sujet, 
qu'il  intitula  la  Guerra  dels  Baussene.  Le  moine  des  Iles 
d'Or  qui  l'avait  lu,  le  trouvait  écrit  élégamment  el  en  fort 
bon  style  (1).  Or,  la  victoire  qui  y  était  chantée  fut  remportée 
en  \  150.  Elie  qui  avait  d'abord  été  jongleur  avant  de  devenir 
troubadour,  ne  pouvait  guère  avoir  alors  moins  de  vingt-cinq 
ans.  Il  en  aurait  donc  eu  plus  de  soixante-dix  en  1196, 
lorsque  Alphonse  11  devint  comte  de  Provence;  et  l'on  voit 
que  cela  frappe  d'invraisemblance  tout  le  reste  de  son  his- 
toire. 

Il  est  probable  qu'il  y  a  ici  confusion  de  deux  Alphonse  el 
de  deux  princesses  GarsencU;,  dont  l'une  est  la  mère  el  l'autre 
la  fille.  C'est  sans  doute  à  la  cour  d Alphonse  1"  ou  lldé- 
fonse,  roi  d'Aragon  el  comte  de  Provence,  qu'Élie  s'établit 
d'abord.  Le  conile  de  Forcalquier,  auquel  il  s'allacha  ensuite, 
était  Guillaume  VI  ,  qui  eut  des  démêlés  avec  l'empereur 
Frédéric  I"  en  1162,  et  qui  mourut  en  1208.  Ce  Guillaume 
eut  une  fille  unique  nommée  Garsende,  qu'il  maria  à  Raynez 
ou  Raiuier  de  Sabran  ,  dit  de  Claustral  ,  qui  n'était  point 
prince  ou  plutôt  vicomte  de  .Marseille,  attendu  qu'il  n'y  en  a 
jamais  eu  de  ce  nom,  mais  qui  était  seigneur  de  Caslellan. 


(1)  C'était  sans  doute  un  poiime,  quoique  Lacroix-du-Maine  dise  que  c'était 
un  Traité  de  la  Guerre.  Nostiadamus,  l'historien  de  Provence,  dit  aussi  (lu'EIie 
mourut  vers  l'an  11 80,  après  avoir  fait  un  beau  Traité  de  la  guerre  des  Princes 
de  Baux.  Part.  II,  \>.  13-1. 


LOUIS -LE- JEUNE.  41 

Ce  fut  cette  princesse  dont  Élie  de  Barjols  fut  amoureux  à  la     xii  siècle. 
cour  du  comte  de  Forcalquier,   son  père,  et  pour  qui  il  com-  ~ 

posa  toutes  ses  chansons.   Elle  laissa  deux  filles,  dont   l'aînée, 
nommée  Garsende    comme    elle,    fut   mariée   en   1196  avec 
Alphonse  H,  comte  de  Provence,  qui  le  devint   cette  année-là    v.  Md.  au  mot 
Bjéme  par  la   mort  d'Alphonse  I".  C'est  celle-ci  qui  après  la  ''^'«'î'""-- 
mort  de  son  mari  se  retira  dans   un  cloître,  et  qui  ne  peut, 
d'après  toutes  les  dates,  avoir  été  aimée  de  noire  Elie. 

11  nous  reste  quatorze  ou  quinze  chansons  de  ce  trouba- 
dour,   éparses    dans  divers  manuscrits.    Elles  se   distinguent 
par  le  naturel  et  la  vérité  des  sentimens,    malgré  la  gêne  ex- 
traordinaire de   la  rime.  Il  est  un  des  poètes  provençaux  dont        *•'"•"'  '•  '• 
les  poésies  se  trouvaient   dans   la  bibliothèque  de  Robert,   roi  '"'N^naj.   hm 
de  Naples.  G.  <ie  l'rov.  p.,i.V 

l>.  319. 


C 


p.  152  elsiiiv. 


LOUIS  VII, 

Dit    le    Jeune. 

B  n'est   pas  la  première  fois  que  les  travaux  littéraires  des 
Iprinces  sont   rappelés  dans  celte  histoire.  On  a   parlé,  dans 
le  premier  volume,   de  Germanicus,   qui  se  distingua  par  son 
savoir  et  son  talent   poétique,   en     môme  temps  que    par  sa  imel^^Lf'^ii 
valeur  et  sa   bonté  ;   de   Claude,    d'Anlonin,  et  de   plusieurs  *'  *"'"• 
empereurs  qui  appartinrent   à    la  France    par  leur  naissance 
ou  par  leur  origine.    Des  lettres,  des  discours,   ont  suffi  pour 
les  y  placer,  quand  ils  en  avaient  été  eux-mêmes  les  auteurs  ; 
à  plus  forte  raison  des  lois  qui  étaient   leurs  propres  pensées^ 
et  qui  vivent   encore   dans   le  recueil  publié   par  l'ordre  de 
Justinien.     Nos    prédécesseurs    ont   fait    mention   de    Clovis,        his.    Lii.dr 
principalement  pour  les  additions  qu'on  lui  attribue  à  la   loi  '  '"•  p-  36»  «' 
salique.  Gondebaud,  roi  de   Bourgogne,  Théodebert  I"  Chil-  *"'''" 
deberl  !«',  Clolaire  1er ,  Chilpéric  1'^,  Contran,  Childebert  II 
Clotaire  11,   Dagobert  1",  occupent  également  une  partie  dû 
troisième  volume  ;    Charlemagne  et   Louis-Ie-Débonnaire    du 
quatrième  ;  Charles-le-Chauve,   Robert,   Guillaume  V,   comte 
de  Poitiers  et   duc  d'Aquitaine,  et  plusieurs  papes,  du   cin- 
Tome  XIV.  'p 

5    * 


42  1,0  II  I  S -LIi- JEU  N  E. 

XII  SIECLE      f|i''«^iue   f^t  du  scpliùmc  ;    Guillaume   I",   roi  d'Angleterre   et 
'—-  duc  (le  Noimandio,   Godefroi  de-Bouillon,    roi  de  Jérusalem, 


Elionne,  conilc  de  Chartres  et  de  Blois,  Foulques  Réchin, 
comte  d'Anjou,  Bernard  11 ,  comte  de  Béarn  et  de  Bigorre, 
Baudoin  I",  roi  de  Jérusalem,  et  plusieurs  papes  encore, 
du  liuitième,  du  neuvième  et  du  dixième  ;  Guillaume  IX, 
comte  de  Poitiers  et  duc  d'Aquitaine,  et  Louis-le-Gros,  roi 
de  France,  du  onzième. 

Louis  VU  ne  peut  être  étranger  à  l'Histoire  littéraire:  au- 
cun rèijne,  dans  les  temps  où  il  gouverna  la  France,  n'amena, 
sous  ce  rapport,  des  institutions  plus  utiles,  aucun  ne  fut 
plus  fécond  en  grands  hommes.  Bornons-nous  à  citer  Abé- 
lard,  mort  en  1142,  Suger,  mort  dix  ans  après,  Saint-Ber- 
nard, mort  en  llo;},  Gilbert  de  la  l'orée,  mort  en  11i)4, 
Pierrc-le-Vénérable,  mort  on  IMG,  Pierre  Lombard,  le 
maître  des  sentences,  mort  en.  M (U)  ou  IUJI,  Jean-de-Saris- 
béry,  évêquc  de  Chartres,  Salomon  Jarclii  et  plusieurs  autres 
rabbins  célèbres,  enfin  un  assez  grand  nombre  de  trouba- 
dours distingués.  On  sait  qu'il  était  monté  sur  le  trône  en 
1137  et  qu  il  ne  mourut  qu'en  1180  :  il  régna  ainsi  43  ans  ; 
et  on  pourrait  donner  à  son  siècle  le  nom  de  siècle  de 
Louis  Vil. 
Hén  Ai.r.  (jn  rapporte  à  lïigo  ou  il  vécut,  les  premières  représen- 
Chroiioi.  i.  I,  Valions  dramatiques,  mais  elles  étaient  un  peu  plus  ancien- 
''  l'i.st.  Liiicr.  ni;s.  Geoffroi,  depuis  abbé  de  Sainl-Alban,  à  qui  le  président 
t.  VII,  p.  m.  Hénault  en  attribue  l'idée,  vivait  dans  le  siècle  précédent, 
quoique  cet  historien  le  place  sous  Louis-le-Jeunc.  Il  est  re- 
inarquable  (pie  c(!  fui  un  religieux,  ce  GeoH'roi  même,  alors 
instituteur,  qui  les  inlioduisil,  en  commençant  par  l'école  qu'il 
dirigeait  ;  et  ce  qui  n'est  pas  moins  remarquable,  c'est  qu'elles 
durent  leur  origine  à  des  senlimens  de  piété  ;  on  voulait  dé- 
goûter le  peuple  des  baladins  et  des  j(mgleurs,  on  lui  donna 
des  tragédies  :  les  sujets  en  étaient  pris  ordinairement  dans 
riiistoire  de  la  religion. 

Les  progrès  vers  l'affranchissement  des  communes,  peuvent 
aussi  être  regardés  comme  un  bienfait  pour  les  lettres.  Elles 
purent  ('tre  cultivées  mieux  et  davantage,  par  des  hommes 
rendus  à  (iiieique  libellé.  Le  commerce,  entièrement  aban- 
donné jusiiu'alors  aux  étrangers,  commença  à  être  fait  par 
V.  le  i.  XI  Je  des  Français.  Louis  VI  avait  ouvert  sur  ce  |)oint  à  Louis-le- 
""'"•  "'*'•  •''"•  Jeune,  la  carrière  oli  celui-ci  marcha  honorablement. 

Il    li'i'l 

Iks  écoles  s'élevèrent  de  toute  pari  en  France,  cl  sur-tout 


LOUIS-LE-JEUNE.  43 

à   Paris.   Entendons   les  éloges  donnés  à  cette  capitale,  sons     xii  siècle. 
le  rapport  des  connaissances  humaines,  par  Jean  d'Haute  ville, 
poète  contemporain.  i^'^-  '•'  «•  17. 

'  '  —  V.   Dulioiilay, 

llist.    de    rUiiiT. 
Exoritur  (anâem  locm,  altéra  rcgm  Vliithi,  ,.    n^  p.  ^|    et 

Parinim,  Cyrrh/ea  vais,  C/irj/x/en  metallU,  suiv. 

Gi-fcca  librix,  Inda  nf/idiis,  Rnmanapoe/i-\, 
Alticaierra  so/j/iis,  mundi  rosa,  balmmits  orbi-i. 

Les  écoles  les  plus  célèbres  étaient  sur  la  montagne  Sainte- 
Geneviève,    que   l'auteur  appelle  nions  ambitionis.   Nous   fe- 
rons connaître   les    principales,  en   rendant  compte  de  la  vie 
et  des  ouvrages  de  Jean-de-Sarisbéry.   Une  impulsion   rapide 
et  forte  s'était  communiquée  à  tous  les  esprits  ;  l'université  de 
Paris  ne  fut  jamais   peut-être    plus   florissante   par  le  nombre 
des  disciples  et  la   réputation  des    maîtres,  en   proportionnant 
toujours  au   temps,  les  leçons  qu'ils   donnaient,  l'objet  de  ces 
leçons,  leur  caractère,  leur  oiïet.    Les  écoles  des  cathédrales, 
des  monastères,  étaient   aussi  dans  une   grande  activité  :  on 
y  instruisait  l'enfance,  on  y  copiait  les  ouvrages  des  Anciens. 
Dom  Rivet  en  a  tracé  un   tableau  bien  étendu  et  d'un   grand 
intérêt,  dans  le  savant  discours  qu'il  a  mis  à  la   lète  du  neu-     ''  30  «^i  s'""- 
viemc  volume   de  celle   histoire.    De    toutes   les    régions  de  i  ,x.  p.  «i    ^ 
l'Europe  on  venait  étudier  à   Paris,  el  tellement  que  sous  ce  Dui>""i-  P-  367. 
règne   même,  ou   du   moins   au    coumiencemenl  du  règne  sui-  ^j^.  p^^  ^    17g 
vanl,  les    Anglais   el  les  Danois  y  (eurent  des  collèges  fondés 

pour   eux.    Duboidav    et   Diicliesne,  nous  ont    conservé    plu-  d.iI.o..1:«v, 

.  •    .  »  1  i.  H.   p.  r>()i   cl 

sieurs   lettres  adressées  au   roi   lui-même,  par  des  princes  ou  ^^^^^    |_    j,,,^,, 

des  magistrats  d'Italie,    pour  recommander  des  jeunes  gens  1.  iv.   |,    70», 
qui  venaient  s'instruire  à  Paris.    La  France  élail  dès-lors  rc-  7U,  7;)4  ci  smv. 
gardée  comme  la  nation  la  plus  polie,  la  mieux  policée.  Tho- 
mas   de    Canlorbéry,    quoique    Anglais,    lui    rend  cet   hom-  _'y    y,{^^„  j,". 
mage  dans  une  de  ses  lettres,  et  d  autres  écrivains  étrangers  Fris.  liv.  1  ci  V; 
confirment  ces  éloges  :  ils  la  proclamaient   mère   de  la   philo-  *•'  '''•'''•'  '"'■^^• 
Sophie  el  des  sciences.  Les  étudians  étaient  si  nombreux,  on 
mettait  tant  de  prix  à  les  augmenter  encore,  que  les  lois  sont 
pleines  de  dispositions  qui  les   favorisent  (1).   Plusieurs  villes 
du    royaume   obtenaient  aussi    quelque   éclat    par   l'enseigne- 
ment;   Montpellier,   par   exemple,  où  déjà  la   médecine  élail 

(1)  Voir  p.  6  et  9  du  tome  IX  de  notre  Histoire  Littéraire.  I^eur  nombre  fut 
nias  grand  qu'il  ne  l'avait  jamais  été  en  Grèce  et  en  Egypte,  si  l'on  en  croit 
Guillaume-le-Breton.  Uuchesne,  tome  V,  p.  50. 

r2 


44  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  SIECLE,  professée  avec  beaucoup  de  succès,  et  où  l'élude  de  lajuris- 
prudence  romaine  fut  introduite  sous  le  règne  de  Louis-le- 
jeune  (1).  Il  y  avait  des  académies  Juives  àTroyes,  àT^arbonne, 
à  Marseille,  à  Lunel  (2),  dans  plusieurs  autres  villes,  qui  toutes 
se  distinguèrent  par  le  mérite  de  leurs  professeurs  et  par 
quelques  ouvrages  jouissant  encore  de  l'estime  de  la  pos- 
térité. 

Il  est  difficile  qu'un  mouvement  si  universel  ne  se  commu- 
nique pas  au  prince  qui  gouverne  ;  mais  il  serait  injuste  de 
croire  que  Louis  VII  ne  fit  que  le  recevoir,  il  le  favorisa  par 
les  principes  de  son  administration,  le  choix  de  ses  minis- 
tres et  principalement  de  Suger,  qui,  après  avoir  contribué  à 
élever  son  enfance  (3),  le  dirigea  d'une  manière  si  utile  dans  le 
gouvernement  de  l'état. 

Louis  VII  était  le  second  fils  de  Louis-le-Gros  et  d'Adélaïde 
de  Savoye.  La  mort  de  Philippe,  son  frère  aîné,  lui  transmit 
les  droits  de  la  primogéniture  ;  et  son  père  le  fit  sacrer  et 
couronner  de  son  vivant,  comme  il  avait  fait  pour  Philippe. 
Innocent  II  était  alors  en  France  ;  ce  fut  lui  qui  sacra  le 
jeune  roi,  à  Reims,  le  25  octobre  1131.  Louis  succéda  au  trône 
en  1137. 

Il  avait  déjà  épousé  la  princesse  Éléonore,  fille  et    héritière 
de  Guillaume    IX,  duc  d'Aquitaine  et  comte  de  Poitou.  II  la 
répudia  après  quatorze  ans  de   mariage,   en   1151,  sous   pré- 
texte  de  parenté.   L'auteur    de  la  continuation   de    Sigebert, 
sous  le  titre   de    Auctarium  aquicinctinum,    en    attribue    le 
conseil  à  Saint-Bernard    Ce  trait  important   qui   est  dans   le 
manuscrit  d'Anchin,  est    un  de  ceux  qu'en  a  retranchés  Le- 
mire,   dans  l'édition  qu'il  a  donnée  de  cet  ouvrage,  dit  dom 
Second  Voy.  Marteunc.    Quoi   qu'il  en   soil,   après  avoir   répudié  Éléonore 
iitér.  p.  83.        d'Aquitaine,  Louis  épousa  Constance  de  Castille,    fille  du  roi 
Alphonse   VIII,   et  celle-ci   étant   morte  en  1160,  il  eut  pour 
troisième  épouse   Adèle  de   Champagne,    fille  de  Thibaut   IV, 
Du<iiesnc,  dit  le  Grand.    Une  lettre   peu  connue  nous  apprend  qu'il  avaî 
i.  IV.  p.  721).       inspiré  à  une  autre  femme  assez    d'amour,   pour  qu'elle  re- 
nonçai, à  cause  de  lui,  au  trône  d'Ecosse;   c'est  Constance, 


(1)  Voir  ce  que  nous  en  dirons  à  l'article /"ZaceBit». 

(2)  Voir  au  t.  suiv.  les  articles  de  Salomon  Jarchi  et  de  David  Kioachi. 

(:i)  11  étudia  aussi  dans  l'école  épiscopale,  cloître  Notre-Dame.  Malingre, 
Antiq.  de  Paris,  p.  18.  Duboulay,  Histoire  de  l'Lniv.  p.  115,  116;  272,  442,  etc. 
Félibien,  Histoire  de  Paris,  1. 1,  p.  217. 


LOUIS-LE-JEUNE  45 

fille  d'Alain  III,  comle  de  Bretagne,  et  sœur  de  Conan  III,  xu  sieclk. 
ou  le  Petit.  Elle  lui  demandait  dans  cette  lettre,  de  lui  en- 
voyer un  anneau,  ou  tout  autre  témoignage  d'affection;  elle 
déclarait  qu'il  n'y  aurait  rien  de  plus  précieux  pour  elle  sur 
la  terre  qu'un  semblable  présent.  Elle  lui  offre  tout  ce  qui 
pourrait  lui  être  agréable  dans  la  contrée  qu'elle  habile  ;  un 
épervier,  un  chien,  un  cheval;  elle  finit  par  l'assurer  qu'elle 
aimerait  mieux  épouser  un  de  ses  serviteurs,  même  des  moins 
illustres  (1),  que  d'être  la  femme  du  roi  d'Ecosse. 

Les  fautes  et  les  malheurs  de  Louis -le -Jeune  n'ont  pas 
empêché  de  le  placer  parmi  ceux  de  nos  rois  qui  méritèrent 
l'affection  du  peuple  et  s'occupèrent  de  son  bonheur.  Les  his- 
toriens contemporains  ont  loué  sa  piété,  sa  bonté,  sa  mo- 
destie sur  le  trône,  une  simplicité  qui  ne  lui  permit  d'en 
conserver  que  le  faste  nécessaire  à  la  dignité  royale  ,  un 
amour  constant  de  ses  devoirs;  et  la  postérité  n'a  pas  infirmé 
ces  éloges.  La  douceur  avec  laquelle  il  gouverna,  la  tranquil- 
lité dont  il  fit  jouir  son  empire,  augmentèrent  la  population, 
rétablirent  l'agriculture  et  produisirent  le  défrichement  d'un 
grand  nombre  de  forêts;  des  bourgs,  des  villes,  furent  em- 
bellis, aggrandis,  il  s'en  éleva  de  nouveaux  ;  partout  on  vit 
renaître  et  prospérer  les  arts  utiles,  et  les  lettres  lui  ont  des 
obligations  dont  elles  conservent  le  souvenir.  Sa  bienfaisance 
ne  se  borna  pas  aux  Français  ;  à  l'exemple  de  son  père,  il 
ouvrit  un  asyle  dans  ses  états  à  deux  papes  persécutés,  Eu- 
gène III  et  Alexandre  III.  On  connaît  également  le  généreux 
accueil  qu'il  fil  au  célèbre  Thomas  Becket ,  quand  ce  prélat 
quitta  l'Angleterre  oii  des  dissentions  s'étaient  élevées  entre 
le  roi  et  lui.  Les  goûls  simples  et  paisibles  de  Louis-le-Jeune 
ne  firent  pas  même  dégénérer  en  lui  une  valeur  héréditaire 
dans  sa  maison.  Il  poussa  vivement  les  guerres  qu'il  fut 
obligé  de  soutenir  contre  ses  vassaux  ;  et  la  croisade  qu'il 
conduisit  aurait  eu  le  plus  grand  succès,  si  le  courage  suflî- 
sail  dans  celui  qui  commande,  pour  attacher  la  victoire  à  ses 
armes. 

Peut-être  porta-t-il  quelques-unes  de  ces  vertus,   sa  sim- 
plicité  et   sa    piété    en    particulier,  jusqu'aux   excès   qui   les 
faisaient  dégénérer  en  faiblesse.   On  le  craint,  en  voyant  la        n.  CoIi.  de» 
manière  même  dont  on  le  loue  :  Vir  pius  et  columbinx  sim-  Hisior.    de    ¥t. 
plicitatis,  .dit   l'un,   verus  israelita  in  quo  dolus  non  est.  Un  cuJ^'de  ïJub^ 

!iv.  III,  c.  8. 
(1)  Cette  Constance  épousa  ensuite  Alain  III  de  Roban, 


46  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  siFXLE.  autre  dit  après  avoir  célébré  son  amour  pour  Dieu,  et  sa 
douceur  envers  ses  sujets  :  Paulâ  autem  simplicior  quam  de- 
ceret  principeni;  quorumdam  procerwn  de  honesto  vel  aequo 
minime  curantium,  ajoute- t-il ,  plus  justo  se  credens  consi- 
liis,  non  levi  plerumque  macidà  mores  egregios  denigravil. 
il  lui  reproclic  nommément  davoir  soutenu  un  mauvais  fils 
contre  son  père  :  le  père,  dont  il  veut  parler,  c'est  Henri  11, 
roi  d'Angleterre  ;  le  fils,  le  prince  Henri,  devenu  l'aîné  par 
la  mort  de  Guillaume  en  bas  âge,  et  dont  tant  de  révoltes 
marquèrent  la  première  jeunesse. 

Louis  Vil  mourut  au  mois  de  septembre  1 180,  la  quarante- 
quatrième  année  de  son  règne,  et  fut  inhumé  dans  l'église  du 
monastère  qu'il  avait  fondé,  celui  de  Barbeaux,  près  de  Me- 
lun,  diocèse  de  Sens,  et  ordre  de  Citcaux.  Adèle  de  Cham- 
Gail.  Christ,  pagne,  sa  troisième  femme,  lui  fit  ériger,  dans  cette  église, 
'  ''"  ■  un  monument,  réparé  à  la  fin  du  17""  siècle,  par  le  cardinal 
de  Furstemberg,  qui  avait  celle  abbaye;  on  y  lisait  cette  épi- 
laphe  ,  composée  par  Etienne ,  abbé  de  Sainte-Geneviève  ,  et 
depuis,  évéque  de  Tournay  : 


Tranxil  in  liœredtm pin.t  ille  prier  Liulovicux 

Nomine,  fede,  Jiilt;,  nec  pïetate  minus. 
Sercida,  Irittis,  uiops,  aliijiio  sn/j  rege,  sub  islo 

Flornii  Ecclesia,  tibera,  lœl a .  pulen.i . 
Rex  humilis,  rexpncijicui.  David  et  Sahimontm 

ProUdil  exemjilo.  nequc  suosqut  regens. 
Quantum  conpigii  permisil  copidu,  castits  ; 

Quantum  justi lia:  reyuLt,  mitis  frat. 
Jejunans,  vigilant,  orans,  dewUi.t  ,ulomn.c-% 

Divini  cidtiU  obsei[uiiiiut  modo$ . 
Lingua  precex  virai',  lacri/mas  pin  palpebra  fiulil  ^ 

Pauperibu-'i  »olid<is  officuosa  mnnus. 


T.  IV,  p.  4U 


A  la  suite  de  celle  épilaphe,  rapportée  par  Ducliesne,  il  y 
—  Diibouiay.  p.  cn  a  uuo  autre  lirée  d  une  clironicpie  anonyme  qui  se  con- 
TM.  -  ciiiiTici,  servait  manuscrite  à  Saint-Victor  ;  elle  semble  faite  sous  les 
^TM.  g  iii.  p.  j.^yj^  gj  pjjj.  |j,g  ordres  de  Louis-le-Jwme.  Nous  la  trouvons 
P.  221.  ri  en  pareillement  dans  le  douzième  volume  de  la  nouvelle  collec- 
franç.  p.  227.  -  ^jq„  j^  rocucil  de  nos  liisloricns. 

V.  rilisl.  de  .Mc- 
luD.  par  Rouill. 
p.  366 

Qui  modo  tiim  tnodicut  cinis,  olim  rex  Ludovicus  ; 
Dam  terris prteeram,  lerra/nlurus  eram. 


LOUIS-LE-JEUNE. 

Seil  licel.  avfeirc  xiia  non  valent,  caro  terra 

Serval  perjjcluiim  sinriliisesse  suiti/i. 
Parce  mi/n,  ili/minc,  qui JiiKS  es  el  sinefitie, 

Quem  sine  principio,  qiiem  aine  fine  scio. 
Jani  Iranxcemliifidcm,  (jniajam  scio  crédita pr idem 

More  anopatr/a,  crédita  more  vicE. 
Hoc  mihi  scire  dédit,  quem  vil  a  scit  et  via  crédit  ; 

Qiteni  via  crédit,  eiim  vita  scit  esse  Detim. 
Ulet/isic  leges  alia  loca  regia  reges  ; 

Huic  mugis  eleiji  païqier  inesse  gregi. 
l'aiiperis  ni  memores  mdiùs  sint  pauperiores, 

Gaiideo paiipcr  liomo paiiperiore  domo. 


47 


Xll  SIECLE. 


Et  voici  comment  elle  s'y  trouve  également  mise  en  fran- 
çais, dans  le  treizième  siècle  ;  car  elle  fait  partie  d'une  tra- 
duction ordonnée  par  Al[)honse,  comte  de  Toulouse,  et  frère 
de  Saint-Louis. 

Je  qui  orendroit  sui  petis  et  devenus  cendre,  soloie  eslre 
roi  de  France  ;  et  quant  je  estoie  devant  los  les  autres  Sires, 
je  esloic  à  devenir  terre.  Et  ja  soit  ce  chose  que  la  charoigne 
ne  puisse  tolir  à  la  terre  sa  droiture  et  sa  rente,  si  ne  puel 
li  csperis  morir.  Sire  Diex,  tu  qui  es  fin  et  sans  fin,  aies  de 
moi  merci,  lequel  Deu  je  sai  commencement  et  sans  com- 
mencement. Or,  sui-jc  (lesus  ma  créance  ;  quar  je  sai  ja  ce 
que  j'ai  picça  cru.  Je  sai  les  couslumes  du  païs  que  j'ai  crcu 
eslre  vanitez  à  la  fin  de  lor  voie  acouslumée.  Tu  liras  ce  que 
li  autre  roi  ont  esleu  autres  lieus  haus  et  regiaus  ;  mais  je 
veil  eslre  povrement  en  celle  povre  compaignie  et  gésir  ci 
povrement  ;  et  mesjoïs  povres  bons  à  eslre  apovris  en  cesle 
povre  raeson,  porceque  li  plus  povre  soient  raraenbrable  de 
moi  povre. 


Il  nue  superes  In  qui  superes  snccessor  honoris  ; 
Degener  es,  ai  dcgefiercs  a  lande  prions. 


Telle  est  une   autre  épilaphe   rapportée,    d'après  un  écri- 
vain anglais,   au  treizième  tome  du   recueil  des  historiens  de  p.  ii9  aux  uoi. 
France  ;  le  roi   y  adresse  la  parole  à  Philippe,  son  fils  el  son 
successeur. 

Dulillel  dit  que  Louis  VH  eut    un  bûlard   nommé  Philippe,       nec.  des  rois 
qui    fut    doyen  de   Saint-Martin   de  Tours,   et  mourut   avant  **"  '''  •*•  '*^- 
son   père.   Ce  Philippe  était  un  frère  légitime,  el  non  un  fils 


XII  SIECLE. 


48  LOUIS-LE-JEUNE. 

naturel  du  roi.   Nommé  à  levêché  de  Paris,  il  le  refusa  quoi- 
qu'il eut  accepté  la  place  d'archidiacre,  comme  se  trouvant  peu 


Hisi.  rS:  digne  de  l'épiscopat,  et  il  indiqua  lui-même  le  fameux  Pierre 
i.  Il,  p.  888.       Lombard. 


SES  LETTRES.  SES  LOIS,  SES  DIPLOMES, 
ET  SES  AUTRES  ÉCRITS. 

Les  lettres  d'un  prince  dont  le  règne  a  été  marqué  par 
des  évènemens  politiques,  lilléraires,  religieux,  qui  fixent 
encore  l'allcntion  de  la  postérité,  sont  des  monumens  que  les 
biographes  no  doivent  pas  négliger.  Celles  de  Louis-le -Jeune 
ont  bien  ce  caractère.  Duchesne  en  a  recueilli  près  de  cin- 
quante, on  en  trouve  ailleurs  quelques  autres  ;  il  en  est  quel- 
ques-unes encore  qui  n'étaient  pas  connues,  que  le  savant  édi- 
teur de  la  nouvelle  collection  des  historiens  de  France  a 
réunies,  et  qui  ont  été  publiées  dans  le  seizième  volume  de 
ce  grand  ouvrage. 

Faisons  connaître  les  plus  remarquables,  en  suivant,  autant 
que  nous  le  pourrons,  l'ordre  chronologique. 

Louis,  au  commencement  de  son  règne,  avait   accordé  à  la 
ville  de  Reims  les  droits  de  commune  dont  la  ville  de  Laon 
jouissait  déjà.  Mais  ces  droits   ne  devaient    pas  être   exercés 
au  préjudice  de  l'archevêque,    des  églises,   de  toutes  les  per- 
Marioi.  Mc.r.  sonuos  cousacrées  au  sorvlco  de  la  religion.   La  ville  de  Reims 
Remens.    t.    Il,  encourut  cc   roprocho,  à  en  juger  par  une  lettre  que  le  roi 
Lrierillrr'.  lui  écrivit,  d'après  les  plaintes  qu'il  avait  reçues  coutre  elle. 
(le  Fr.  1.   XVI.  Louis-le-Joune  y   accuse   les  Rémois  de  ne  pas  respecter  une 
P'  "■  exception  légitime,  de  méconnaître  les  privilèges  des  églises, 

de  regarder  comme  usurpé  ou  injuste  ce  qui  est  établi  par 
un  usage  antique,  de  contester  cet  usage  même,  et  de  pré- 
tendre qu'ils  n'ont  jamais  donné  volontairement  cet  assenti- 
ment à  des  coutumes  serviles,  que  l'on  voudrait  leur  oppo- 
ser. La  lettre  du  monarque  est  néanmoins  paternelle  autant 
que  royale  ;  il  atteste  la  fidélité  des  Rémois  ;  il  leur  ordonne, 
et  en  même  temps  il  le?  prie  de  respecter  les  droits  eL  la 
possession  des  églises  (de  celle  de  Saint-Rémi  on  particulier), 
depuis  quelque  époque  qu'elles  en  jouissent;  de  ne  pas  se 
livrer  contre  elles  à  des  disputes  subtiles,  à  une  vive  .obsti- 
nation ;  prxcipimus,  imô  et  precari  addimus.  11  ajoute  cepen- 
dant que  si  l'on  n'a  pas  égard  à  sa  lettre,  touché  des  plaintes 


LOUIS-LE-JEUNE.  49 

des  églises,  il  leur  rendra  toute  la  justice  qui  leur  est  due,      xii  siècle. 
et  ne  souffrira  aucunement  le  tort  qu'on  leur  veut  faire.  — — — . 

Cette   lettre    n'eut   pas   l'effet    qu'en    attendait    le  roi.   Les 
Rémois    continuèrent    d'admettre    dans    leur    commune     les 
serfs   des  églises,  de  mettre  obstacle  à  l'exercice  des  privi- 
lèges  ecclésiastiques  ,   d'empêcher   qu'on   ne  payât  les  droits 
qu'elles   étaient  accoutumées  à  lever  ou  à  percevoir.  La  mort 
de   l'archevêque  Rainaud   de    Marligny,    arrivée  en   1138,  les 
enhardit  encore.  Louis  entre  les  mains  de  qui  étaient  tombés 
par  la  régale  les  revenus  de  l'archevêché,  se  crut  plus  obligé 
à  défendre  l'église    de   Reims.    Il  écrivit  une   seconde  lettre     Mariot  ci  Hi»t. 
aux  bourgeois  pour  leur  reprocher  tant  de  résistance,  avec  àe  Fr.  ibn. 
menace  de    les  punir  sévèrement ,    s'ils   ne    se   hâtaient   de 
changer  de  conduite.   Excité  par  saint  Bernard  qui  lui  écri- 
vait  du   style  le   plus   véhément  contre   les  Rémois,  le  pape  nistor.    de    jv! 
Innocent   II  avait  lui-même  excité  Louis-le-Jeune  contre  eux,  '•  ^v.  p.  59*. 
et    spécialement  contre    l'institution    de   ces   communes    qu'il 
appelait  pmvos  conventus,  et  qu'il  semblait  regarder  comme 
pouvant  affaiblir  ou    tempérer  la    puissance  exercée  par   les 
églises. 

La  seconde  lettre  du  roi  ne  fut  guère  plus  efficace  que  la 
première  ;  elle  ne  fit  du  moins  que  suspendre  l'animosité  des 
habitans  de  Reims.  Nous  voyons  en  effet  que  les  discussions 
recommencèrent  sous  l'épiscopat  de  Samson  ,  successeur  de 
Rainaud  de  Martigny  ;  quelles  s'accrurent  sous  celui  de 
Henri  de  France,  frère  du  roi,  successeur  de  Samson  ;  qu'elles 
ne  s'appaisèrent  enfin  que  par  les  soins  et  l'habileté  de 
Guillaume  de  Champagne,  successeur  de  Henri  de  France. 

L'archevêque  Samson  avait  eu  pourtant  à  défendre  l'église 
de  Reims  contre  le  monarque  lui-même.  Louis  VII,  pendant 
la  vacance,  qui  dura  deux  années,  avait  donné  à  son  frère 
Henri  ,  celui  même  qui  depuis ,  en  1 1 G2 ,  occupa  le  siège 
archiépiscopal,  il  lui  avait  donné  la  trésorerie  du  chapitre. 
Samson,  devenu  archevêque,  voulut  que  ce  don  fût  révoqué, 
comme  ayant  été  fait  à  un  homme  qui  n'était  pas  chanoine, 
comme  fait  au  préjudice  des  droits  de  l'église  et  contre  la 
disposition  des  canons,  les  prédécesseurs  de  Louis  Vil  n'ayant 
jamais  nommé  aux  dignités  ni  aux  prébendes  de  cette  métro- 
pole; il  obtint  la  révocation  qu'il  demandait.  Cette  victoire, 
il  crut  devoir  la  notifier  par  une  épître  à  tous  les  fidèles 
présens  et  futurs.  Le  roi,  y  dit  le  prélat,  ayant  reconnu  son 
injustice  et  avoué  sa  faute,  nous  avons  pensé  qu'il   était  con- 

To)7ie  XIV.  G 


riO  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  SIECLE,     venable  d'en  instruire  nos  contemporains  et  la  postérité,  et  de 


niellre  obstacle,  par  celle  publicité  même,  à  ce  qu'aucun 
prince  dans  la  suite,  entraîné  par  un  tel  exemple  ,  n'ose 
renouveler  une  semblable  entreprise.  Voila  comme  les  rois 
permettaient  que  les  archevêques  parlassent. 

Cette  lettre  est  imprimée  dans  le  XVI"  volume  du  Recueil 
des  historiens  de  France.  On  y  en  trouve  beaucoup  d'autres 
adressées  à  des  villes,  à  des  seigneurs,  pour  leur  demander 
de  ne  pas  inquiéter  des  monastères  et  des  églises ,  de  ne 
leur  faire  aucun  dommage,  de  venir  à  leur  secours  par  des 
dons,  de  contribuer  à  en  bâtir,  à  en  rétablir,  à  en  décorer. 
On  peut  consulter  aussi  le  Gallia  Christiana,  les  derniers 
tomes  de  la  Collection  nouvelle  de  nos  historiens ,  et  le 
tome  IV  de  celle  que  Duchesne  avait  donnée. 

A  la  mort  d'Albéric,  archevêque  de  Bourges,  en  1140, 
Innocent  II  ayant  fait  élire  Pierre  de  la  Châtre,  le  roi  dont 
on  n'avait  pas  môme  demandé  l'approbation  ,  s'irrita  de  ce 
qu'on  voulait  ainsi  lui  donner  des  prélats  sans  le  consulter  ; 
il  défendit  de  le  recevoir,  et  jura  de  ne  l'admettre  jamais. 
Mura(ori,  Rrr.  Pierre  de  la  Châtre   se  rendit  à   Rome  ,  et  y  fut  sacré  par 

liai  Scripi  t.  5,  jnnocent,  qui  dit,  en  parlant  du  roi,  qu'il  fallait  apprendre 
à  ce  jeune  homme,  le  texte  porte  même  cet  enfant,  puerum, 
lui  apprendre  à  se  conduire  et  l'empêcher  de  s'accoutumer  à 
de  telles  actions.  Louis  mit  sous  sa  main  le  temporel  de 
l'église  de  Bourges,  et  défendit  leotrée  de  son  royaume  à 
l'élu  du  pape;  le  pape  mit  le  royaume  en  interdit  (1).  Le 
comte  de  Champagne  se  déclara  le  protecteur  de  Pierre  de 
la  Châtre.  Louis  porta  la  guerre  et  le  ravage  dans  les  do- 
maines du  comte,  et  on  sait  quel  horrible  événement  signala 
l'entrée  du  monarque  à  Vitry  (2);  c'était  en  14  42.  Innocent 
mourut  en  1-143.  Célestin  II,  qui  lui  succéda,  se  réconcilia 
bientôt  avec  Louis-le-Joune  ;  le  roi  môme  promit,  en  témoi- 
gnage de  sa  réconciliation  ,  et  sur  -  tout  du  repentir  qu'il 
éprouvait  de  l'incendie  de  Vitry,  de  se  croiser  pour  la  Terre- 
Sainte.  L'histoire  nous  a  conservé  le  discours  qu'il  prononça 
quand  il  partit  pour   cette  expédition;  il  y  disait  : 

Dacb.   \.     IV,       «  Quelle  honte    pour   nous  si  le  Philistin   l'emporte  sur  la 

p.  388. 

(1)  Historien»  de  France,   tome  XII,    p.  87,    116,  436,472;   tome    XIII, 
p.  183  et  735;  tome  XV,  p.  389  et  586. 

(2)  Historiens  de  France,  tome  XII.  p:   IIG,    220,  225,  288,  472;  t.  XIII, 
p.  42.  90,  99,  124,  etc.;  t.  XV.  487  et  sui 


Bill,    àf  Fr. 
t.  XII,  p.  f8 


LOUIS-LE-JEUNË.  51 

famille  de  David,  si  le  peuple  des  démons  possède  ce  que  les  xii  siecli. 
amis  du  vrai  culte  opl  possédé  loDg-lemps;  si  des  chiens  "-~— ^— - 
morts  se  jouent  d'un  courage  vivant;  s'ils  insultent  à  ces 
Français  en  particulier,  dont  la  vertu  reste  libre  même  dans 
les  fers,  à  qui  aucune  circonstance,  quelque  pressante  qu'elle 
soit,  no  permet  de  supporter  une  injure,  qui  toujours  sont 
prêts  à  voler  au  secours  de  leurs  amis,  qui  poursuivent  leurs 
ennemis  jusqu'au-delà  du  tombeau  !  Qu'elle  éclate  donc,  celle 
vertu.  Allons  offrir  à  nos  amis,  aux  amis  do  Dieu,  à  ces 
Chrétiens  que  les  mers  séparent  de  nous,  allons  leur  offrir 
un  appui  vigoureux  ;  attaquons  sans  relâche  ces  vils  ennemis 
qui  ne  méritent  pas  même  le  nom  d'hommes.  Marchons , 
guerriers  courageux,  marchons  contre  l'adorateur  des  idoles  ; 
parlons  pour  cette  terre  que  les  pieds  d'un  dieu-homme 
foulèrent  autrefois,  oii  il  souffrit  ;  pour  une  terre  à  laquelle 
il  daigna  communiquer  sa  présence.  L'Éternel  se  lèvera  avec 
nous  ;  nos  ennemis  seront  dispersés  ;  ceux  qui  l'onl  méconnu 
fuiront  devant  nos  regards;  ils  fuiront,  ils  seront  confondus 
tous  ceux  pour  qui  Sion  est  un  objet  de  haine,  si  notre  cou- 
rage est  inébranlable,  ainsi  que  notre  confiance  en  Dieu.  Je 
pars;  la  piété  m'appelle;  rangez-vous  autour  de  moi  ;  secon- 
dez mes  desseins  ;  fortifiez  ma  volonté  par  votre  association  et 
votre  appui. 

Le  roi  partit  en  1147.    Il   traversa   l'Allemagne,  la  Hongrie  Hist  de  Fr 

le  pays  des  Thraces,   passa  le   Bosphore,  et  se   rendit    de-là  '•  ^"'    P-    ^8, 
en  Syrie.  Pendant  ce  long  voyage,  il  écrivit  souvent  à  Suger,   î"\iî/^'et*  xv 
qui   partageait  avec   le  comte  de  Vermandois  la  régence  dû  d'ct-  locis* 
royaume.  Dans  une  de  ces  lettres,  datée  de  Hongrie,  Louis  VII         "'*'"  ^®  ^'"" 
parle  du  bon  accueil   qu'il  a   reçu    par-tout  ,  de  la  dépense  '       '  ^ 
considérable  qu'il  est  obligé  de  faire,  du  besoin  qu'il  a  qu'on 
lui  envoie   de  l'argent.   Une  lettre  datée  de  Constantinople  le        H»«"  ^  ''•• 
4  octobre   1147,  n'a  encore  que  le  même  objet,   ainsi   qu'une   ''  ^^'  '''   ^^ 
autre  d'Antioche,  au  mois  de  mars  suivant.   Dans  la  première 
Louis  annonce  à  Suger  la  mort  d'Alvise,  évêque  d'Arras,  qui 
était  à  sa   suite,    en   l'appelant  votre    vénérable   frère    mots 
qui   ont  fait  croire  à  quelques  écrivains  que  cel  évêque  était 
le  frère  de  l'abbé  de  Saint-Denis,  qui  pourraient  n'être  cepen- 
dant que   l'emploi   d'une  expression  honorable  pour   tous  les 
deux.   Dans  la  dernière,  il   raconte  tout  ce  qu'il  a   souffert, 
lui  et  les  compagnons  de  sa  croisade,  en  allant  de  Constanti- 
nople à   Antioche,   les  obstacles  et    les  fatigues  de  la  route, 
les  dangers  qu'y  font  courir  des  brigandages  perpétuels,   les 

G  8 


52  LOUIS-LE-JEUNE, 

XII  SIECLE,     guerres  journalières    des    Turcs....    L'impossibilité  oîi  nous 
"  nous  sommes  trouvés  plusieurs  fois,   ajoute  la  lettre,  d'avoir 

les  choses  nécessaires  à  notre  subsistance ,  a  fait  souffrir 
pendant  quelque  temps  au  plus  grand  nombre  d'entre  nous 
les  horreurs  de  la  faim  :  en  un  seul  jour,  nos  péchés  avaient 
attiré  sur  nous  ce  jugement  de  Dieu  ,  en  un  seul  jour  ont 
péri  la  plupart  des  seigneurs  français,  et  nous  aussi  nous 
avons  été  fréquemment  en  péril  de  la  mort.  Le  roi  se  plaint 
dans  la  même  lettre,  de  la  conduite  de  l'empereur  et  de  ses 
perfidies  ;  il  veut  parler  de  celui  d'Orient  ;  Louis  VII  ne  le 
nomme  pas;  mais  c'était  Emmanuel  1"  Comnène.  Néan- 
moins, avant  de  partir  pour  le  voyage  de  la  Ïerre-Sainte, 
Louis  avait  écrit  à  cet  empereur  pour  lui  demander  le  pas- 
sage sur  ses  terres,  des  moyens  d'avoir  les  subsistances  né- 
cessaires à  ses  compagnons  et  à  lui,  quelques  facilités  pour 
le  change  des  monnaies  ;  Emmanuel  avait  tout  promis,  tout 
accordé,  en  mêlant  à  ses  promesses  tant  d'humilité,  tant  de 
protestations,  qu'il  était  difficile  peut-être  de  croire  à  sa 
loyauté  (1).    Nous  lisons   une   autre   lettre    de   cet  empereur 

P.  UO.  dans  le  quinzième  volume  du  Recueil  des  historiens  de 
France;  elle  est  adressée  au  pape  Eugène,  qui  lui  avait  écrit 
pour  l'engager  à  favoriser  de  tous  ses  moyens  le  voyage  du 
roi. 

Dans  une  lettre  postérieure,  datée  encore  d'Antioche , 
Louis  écrit  à  Suger,  à  rarchevê(iue  de  Reims,  et  au  comte 
de  Vermandois,  pour  demander  de  nouveau  qu'on  lui  envoie 
tout  l'argent  que  1  on  pourra  recueillir  :  il  veut  qu'on  acquitte 
au  plus  tôt  un  emprunt  qu'il  avait  fait  par  le  moyen  d'Evrard, 
grand-maître  des  Templiers  (2).  Arnoul,  évêque  de  Lisieu.\, 
avait  fourni  cent  quatre  marcs  d'argent  pendant  cette  expé- 

N.  Coll.  des  dition  :  le  roi    écrit  encore  à   son    ministre  de  rendre  cette 

Hisior.   de    Fr.  somme  au  prélat  dans  un  mois,  suivant  la  promesse  qu'il  en 

..  XV,  p.  BOO.     ^  faite.  Il  ne   croit  pas  avoir  ainsi  suffisamment  payé  sa  dette 

envers  l'évêque  de   Lisieux  ;  car   il  ordonne,    par  une  autre 

iiist.  de  Fr.  lettre  à  Suger  et  au  comte  de  Vermandois  de  donner  à   ce 

t.  XV,  p.  SOI. 

(1)  Voir  le  tome  XII  du  Recueil  dos  Historiens  de  France,  p.  93  ;  le 
tomoXIII.  p.  6t)0  et  737;  et  le  torae  XV,  p.  140,  noie  J.  I.a  lettre  d'Enn- 
manuel  Comnène  est  dans  le  Trésor  des  Aiiec<lotes  de  Martène ,  tome  I, 
page  399. 

(2)  Nouvelle  Collection  des  Historiens  de  France,  tome  X,V,  p.  496.  Voir 
dans  Odon  de  Ueuil,  livre  III,  p.  67,  tous  les  services  <]ue  ce  grand  maître  rendit 
4  I.oui8-le-Jeune. 


LOUIS-LE-JEUNE.  53 

géDéreux  ami  soixante  muids  de  son  meilleur  vin  d'Orléans,      xii  siècle. 

Les  Templiers  ne  s'en  tinrent  pas  au  service  que  nous 
venons  de  rappeler.  Leur  dévouement  pour  les  intérêts  du  Hist.  de  Fr 
roi  fut  aussi  persévérant  qu'efficace.  Il  déclare,  dans  une  t  xv,  p .moi. 
lettre  de  la  même  année,  qu'il  ne  sait  pas  comment  il  aurait 
pu  subsister  en  Asie,  même  pendant  un  court  espace  de 
temps,  sans  les  avances  qu'ils  n'ont  cessé  de  lui  faire,  sans 
les  secours  qu'ils  lui  ont  fournis,  dès  le  premier  jour,  pour 
son  entretien  et  celui  de  son  armée.  Le  prince  invite  son 
ministre  à  partager  toute  la  reconnaissance  qu'il  leur  doit  : 
vous  les  chérissiez  auparavant  par  un  effet  de  l'amour  que 
vous  portez  à  Dieu  ;  chérissez-les  maintenant  par  amour  pour 
Dieu  et  par  amour  pour  moi-même.  Que  mon  intercession 
en  leur  faveur  ne  soit  pas  vaine  :  ils  ont  promis  de  rendre 
bientôt  ce  qu'ils  ont  emprunté  dans  le  dessein  de  me  servir  ; 
ne  souffrons  pas  qu'ils  soient  regardés  comme  infidèles  à 
eur  parole,  que  je  le  sois  comme  eux,  qu'ils  soient  exposés 
à  la  diffamation,  à  leur  ruine.  Qu'ils  touchent  incessamment 
deux  mille  marcs  d'argent  ;  Geoffroi  de  Rançon  a  promis  de 
leur  payer  bientôt  tout  le  reste.  Geoffroi  avait  accompagné  jjjjt  j^  |.-^ 
Louis  VII  dans  l'Orient,  mais  il  était  revenu  en  France  avant  i.  xv,  p.  i99. 
le  roi  :  le  roi  lui  avait  confié  le  gouvernement  du  Poitou, 
pour  en  employer  les  revenus  suivant  ses  ordres  particuliers. 
Louis  mande  à  Suger  de  le  forcer  à  tenir  sa  promesse,  dans 
le  cas  où  il  hésiterait  à  le  faire.  J'avais  espéré,  dit-il  en  finis- 
sant cette  lettre,  revoir  bientôt  notre  patrie  ;  mais  l'oppres- 
sion oii  est  l'église  d'Orient,  les  maux  que  souffre  tout  le 
pays,  les  instantes  prières  des  fidèles,  me  déterminent  à  dif- 
férer jusqu'à  Pâques  mon  retour  en  France.  La  nécessité  de 
ce  retard,  et  les  causes  qui  le  produisent  sont  exprimées  dans 
plusieurs  autres  lettres,  ainsi  que  sa  reconnaissance  pour 
les  Templiers.  Les  chevaliers  de  Saint-Jean-de-Jérusalem  lui 
avaient  donné  des  témoignages  semblables  de  dévouement, 
autant  du  moins  que  leur  peu  d'opulence  pouvait  le  per- 
mettre. Une  lettre  de  Louis-le-Jeune  à  Suger  parle  de  mille  Biit.  de  Fr. 
marcs  d'argent  qu'ils  avaient  empruntés  pour  lui  :  le  roi  devait  '•  ^^>  P-  **■ 
les  leur  rendre  au  milieu  du  carême  suivant  ;  il  demande 
encore  à  son  ministre  de  ne  pas  le  faire  manquer  à  une  parole 
si  sacrée. 

Albert  Dalvolt  était  pareillement  un  des  seigneurs  qui 
avaient  accompagné  le  roi.  Il  mourut  dans  l'expédition  de  la 
Terre-Sainte.  Hugues,  son  fils,  resté  en  France,  était  mort 


54  L  0  U  I  S  -  L  E  -  J  E  U  N  E. 

xii  siKCLE.     avant  lui.  Le  père,  avec  la  permission  du  roi,  avait  fortitié   la 

tour  d'Andresei,  à  quelques  lieues  de  Melun.  Sa  raorl  et   celle 

de   Hugues  arrivée  presque  en  même  temps,   firent  craindre 

Hisi  de  Fr.  à  Louis  qu'un  autre  ne  s'emparât  de  cette   forteresse.  11  écrivit 

'■      ' ''■  donc  à  Suger  et  au  comte  de   Vermandois  de  s'en   mettre  en 

possession  jusqu'à  ce  qu'il  fill  de  retour,  et  d'y  établir  une 
garnison  royale  pour  la  garantir.  Une  autre  lettre  de  la 
même  époque,  1148,  et  adressée  aux  mêmes  personnes,  les 
invite  à  suspendre  leurs  poursuites  contre  Archambaud  de 
Sully,  accusé  d'avoir  manqué  aux  devoirs  de  la  vassalité 
envers  le  prince  :  Archambaud  avait  écrit  à  Louis  VII  ,  et 
obtenu  cette  lettre  en  protestant  de  son  zèle,  de  son  dévoii- 
ment  et  de  sa  fidélité. 

Parmi  les  croisés  était  encore  Henri,  lils  de  Thibaut  IV, 
comte  de  Champagne.  La  conduite  de  ce  jeune  prince  mérita 
tous  les  éloges  du  souverain  qui  écrivit  au  père  pour  lui 
annoncer  la  satisfaction  qu'il  en  avait.  La  lettre  pourtant, 
quoiqu'elle  semble  avoir  cet  objet,  en  montre  bientôt  un 
autre,  plus  réel  peut-être,  qui  occupait  davantage  la  pensée 
du  roi  :  elle  exhorte  le  comte  de  Champagne  à  se  souvenir 
qu'il  est  le  dépositaire  de  Ihonneur  de  la  couronne,  que  la 
défense  de  l'état  est  commise  à  sa  lidélité,  qu'il  doit  veiller 
sur  les  médians,  et  réprimer  leurs  complots.  Il  paraît  que 
celte  lettre  fut  écrite  à  loccasion  du  départ  de  Robert,  comte 
de  Dreux,  frère  du  roi,  qui  s'était  séparé  de  lui  mécontent 
et  menaçant  de  se  venger  quand  il  serait  de  retour  en  France. 
Le  comte  de  Dreux  n  oublia  rien  elfectivement  pour  réaliser 
ses  menaces.  Un  grand  nombre  de  seigneurs,  raécontens 
comme  lui,  secondaient  son  audace  ;  il  voulait  s'emparer  du 
gouvernement  pendant  l'absence  de  son  frère.  Suger  en  fut 
vivement  alarmé  La  lellrc  qu'il  adresse  au  roi  pour  lui 
peindre  les  dangers  (pii  menaçaient  l'étal,  a  élé  rapportée 
I'.  3SI.  Elle  par  nos  prédécesseurs,   dans   le   douzième    volume    de    celle 

"•'  '     ^^    '^^^  liisloire.   La  réponse  du  roi  est  datée  de  Sicile.    Après  avoir 

i.  Vi'io    "  remercié    son    ministre  de  l'empressement   qu'il  témoigne  de 

iii>i    <ir  Kr.  le    revoir,  Louis  assure    que  les  mêmes  senlimens    l'animent  : 

t.  \\,  !..  :.!...  Il  ^,^gj  j^-,j-j  rapproché  de  lui,  s(;  prépare  à  continuer  son 
voyage,  et  veut  le  faire  jouir  d'avance  de  sou  retour  pro- 
chain. La  divine  providence,  ajoute  le  roi,  noui  a  fait  abor- 
der en  Calabre,  dans  un  port  sûr,  oii  nous  sommes  descen  - 
dus  le  quatrième  jour  (I(!s  calendes  d'aoùl  (21»  juillet  ).  Nous 
y  avons  élé  honoiablemenl    ii'(.us  par  les  gens  de  notre  bon 


I.OL  1S-LK-,IEUNK.  an 

ami  le  roi  de  Sicile,  (|iii  nous  a  envoyé  dans  ce  lieu  des  xii  sieclb 
ambassadeurs  avec  dos  lotlres  pleines  d'affection  :  nous  y 
sommes  restés  près  de  trois  semaines  à  attendre  l'arrivée  de 
la  reine,  qui  était  dans  un  autre  vaisseau,  et  (jui,  ayant  heu- 
reusement débarqué  à  Palermc,  devait  au  plutôt  venir  nous 
rejoindre.  Nous  avons  encore  été  retardés  par  une  maladie 
grave  et  dangereuse  de  1  évêque  de  Langres,  et  par  la  néces- 
sité d'avoir  une  conférence  avec  le  roi  de  Sicile  avant  de 
partir.  Le  moment  arrive  enfin  où  je  pourrai,  grâces  à  Dieu, 
vous  donner  mes  embrassernens  et  recevoir  les  vôtres. 

Louis  alla  trouver  dans  la  Fouille  le  roi  de  Sicile,  qui  l'y 
retint  pendant  quelques  jours.  Il  venait  de  se  remettre  en 
route,  quand  sa  marche  fut  encore  retardée  par  une  maladie 
de  la  reine.  Eléonore  élaiil  rétablie,  le  inonan|ue  français  se 
rendit  auprès  du  pape,  à  Frascati  et  à  Home  où  il  ne  passa 
que  (luelques  jours  aussi.  Ce  fut  en  en  partant  qu'il  écrivit 
à  Suger  une  lettre  qui  renferme  les  détails  (|ue  nous  venons 
de  donner.  Il  la  termine  en  lui  demaiulaut  île  devancer  en  Hisi.,..  .1,  1.. 
secret  et   d'un  jour  tous  ses   autres  am's  quand  ils    viendront  '  p     •  •• 

au-devant  de  lui  .  <(  Les  divers  bruits  (jui  nous  sont  parve- 
nus sur  notre  royaume,  1  inquissibilité  où  nous  sommes  de 
reconnaître  |)ar  nous-mèmc  ce  (|u'ils  ont  de  ('erlain  ou  d'in- 
certain, exigent  que  nous  apprenions  de  vous  comment  nous 
devons  nous  conduire  envers  chiiciin  ;  mais  venez  secrète- 
ment, et  que  la  lettre  que  y  vous  écris  en  ce  moment  ne  soit 
connue  que  de  vous  seul.  » 

Il  semble  que  le  mauvais  surcc-,  do  la  croisade  entreprise 
par  Louis-le-Jeune   aurait  dû  le  lixer  à  jamais  dans  ses  étais  . 
et   cependant   il    nourrissait  toujours  la  pensée  d'en  faire  une 
autre.    Il  était  excité  dans  ce  désir  [)ar  des  lettres  (ju  il  rece- 
vait   d'Asie.     Ilainaiid,    prince    dAnlioche,     lui    écrivit    entre  limiiiMir. 
autres  pour  lui  depemdre  toutes  les  calamités  que  celle  partie  _  n.   ;.„ii    ,ics 
de   l'Orient  avait  à  soulfrir.   La   lellrc  de  ce  prince  est  anté-  ''i-'i'"     <'•=     F'- 
rieure   à    1100,    puisque,    vers   la    lin   de   cette   année,    il    fut  '     ^^'    '''   "' 
vaincu  jtar    les  Sarrasins,   (!t   emmené   par   eux   en   caj)tivité 
Pendant    qu  il    était    leur    prisonnier,    lioi'mond,    fils   de    Rai-            Ducl.esiu- , 
raond  el    neveu  de  Rainaud,   écrivit  pareillement  à  Louis-le-  ^'  „'"'"''"' 

'  de  rr.  p.  2/. 

Jeune  en   faveur  des    chrétiens    de   Syrie.    Duchesne   nous  a      p.  r.8.1.  cisiiiv. 
aussi  conservé  les   plaintes  adressées  au  roi  sur  cette  oppres-  "'*'•     '"''     •■'• 
sion,  sur  ces  calamités,  sur  toutes  celles  qui  les  suivirent,  par 
Amaury  d'Anjou,    roi  de  Jérusalem,  qui  venait   de  succéder 
à  Raudouin  III,  son    frère  aîné,  par  plusieurs  des  princes  de 


t.  XVI,  |).  37. 


56       '  LOUIS-LE-JEUNE. 

Xli  SIECLE,     celle  contrée,  par  les  grands-maîtres  des  hospitaliers  et  des 
""""  templiers,   par    les  patriarches   de  Jérusalem    et  d'Antioche, 

et  par  d'autres  personnages  illustres. 

Les  gens  de  la  cour  du  roi  ne  partageaient  pas  son  désir 
d'une  nouvelle  croisade  ;  ils  parvinrent  à  l'en  détourner  ;  mais 
le  prince  ne  consentit  à  abandonner  le  projet  d'une  seconde 
expédition  en  Asie,  que  par  l'espérance  de  trouver  en  Europe 
des  infidèles  à  combatire.  Il  résolut  donc  de  s'armer  contre 
les  Maures  d'Espagne.-  Le  roi  d'Angleterre,  Henri  II,  étant 
venu  le  voir  à  Paris  en  1159,  Louis  lui  fit  part  de  ses  des- 
seins, et  Henri  se  montra  disposé  à  le  seconder  dans  cette 
entreprise.  Le  roi  de  France  envoya  au  pape  Adrien  IV 
des  ambassadeurs  pour  l'en  instruire,  et  lui  demander  son 
approbation  avec  la  bulle  et  les  privilèges  de  la  croisade. 
Adrien,  pontife  sage  et  circonspect,  ne  démentit  pas  son 
caractère  en  cette  rencontre.  Il  loue,  dans  sa  réponse,  le  zèle 
de  Louis,  et  blâme  son  empressement  ;  il  ne  trouve  ni  pru- 
dent, ni  sûr  de  pénétrer  dans  une  terre  étrangère,  sans  l'avis 
des  seigneurs  et  du  peuple  qui  l'habitent  ;  il  lui  conseille  de 
chercher  auparavant  à  connaître  leurs  dispositions  ;  il  lui 
fait  craindre  que,  sans  cela,  il  ne  perde  le  fruit  de  son 
voyage,  et  qu'on  ne  l'accuse  de  légèreté.  «  Votre  altesse, 
ajoute-t-il,  doit  se  rappeler  comment  elle  échoua  dans  la 
Palestine,  pour  avoir  négligé  de  prendre  les  informations  et 
les  précautions  nécessaires  :  et  cet  échec  a  suscité  des  plaintes 
contre  l'Eglise  romaine  elle-même,  pour  avoir  conseillé  l'en- 
treprise, et  aidé  à  l'exécuter  ;  de  tous  côtés,  on  l'accusait, 
avec  beaucoup  d'amertume,  d'^'Hre  la  cause  d'un  si  grand 
malheur.  Ces  considérations  nous  obligent  à  différer,  pour- 
suit Adrien,  l'exhortation  apostolique  aux  peuples  de  votre 
royaume  (c'est-à-dire  la  bulle  de  croisade),  que  votre 
évêque  d'Evreux  nous  est  venu  demander  de  votre  part  :  il 
sera  temps  de  vous  l'envoyer,  lorsqu'à  la  prière  des  Espa- 
gnols, vous  vous  disposerez  à  partir.  »  Cette  lettre  est  datée 
du  12  des  calendes  de  mars,  18  février;  elle  est  de  l'année 
1159.  La  lettre  de  Louis-le-Jeune  ne  nous  est  pas  restée; 
iiiat  de  Fr.  nous  ne  la  connaissons  que  par  la  réponse  du  pape. 

XV,  p.  690.  ^  la  jjjQri  (Je  ce  pontife,  arrivée  peu  de  temps  après,  au 
mois  de  septembre  de  la  même  année,  deux  cardinaux  furent 
élus  pour  le  remplacer  ;  Roland  de  Sienne,  de  la  maison  de 
Bandinelli,  qui  prit  le  nom  d'Alexandre,  et  Octavien,  de» 
comtes  de  Frascati,  qui  prit  le  nom  de  Victor.  La  majorité 


LOUIS-LÉ-JEUNE.  f>7 

du  sacré  collège  avait  choisi  le  premier  ;  mais  l'aùlrè  avait  xii  siècle. 
l'appui  du  peuple  de  Rome,  lequel  prétendait  que  l'élection 
lui  âV'âît  de  tout  tétïips  àp|)ar'tènu,  èl  tju'bb  ne  pouvait  sans 
usurpatiôh  le  priver  de  l'eiei'cice  d'art  droit  'qoi  remontait  à 
là  à'ài'ssédbë  du  christianisme.  L'église  gallicane,  que  Louis  VII 
âVàit  ëbilslillëe,  se  décida  eu  faveur  d'Alekandré,  et  le  roi  suivit 
cette  opinion.  Mais  Victor,  que  reconnaissâU  l'empereur  d'Alle- 
rfiàgne,  h'avait  rien  négligé  pour  obtenir  du  roi  des  Fran- 
çais le  iùèvae  dssêhtimertt.  Pli!lsieU<-fe  des  lettres  que  nous 
offre  là  bbt-refepôndancé  deLbnis-le-Jeune  ont  cet  événement  pour 
objet.    Datià   une  d'ellies,  datée   de  Panne,   et  écrite  le   hui-  Duchesne 

liêfie  jour  des  calérideè  de  juillet    11 CO,   24  juin,    le   pon-  i- iv,  p.  B82.  - 
tire  pfie    lè   monarque   d'accueillir    et   d'écouter  avec    bien-  "y,'  "^^  ^^  ^ 
veillàncfe  deux  de  ses  envoyés,  et  de  lui  rëpondi'è  par  eux  avec  Act.'conc  t.  x, 
le  même  sentiment.  DanS  line  autre,  datée  de  GrémoHe,  et  du  •*•  '^*- 
Irôlâlèttie  jbur  deè  ides  de  février  1 161,  11  février,  il  lui  paUe 
éiicoré  tfés  aBîiii^ès  de  l'égliâe,  lui  adresse  un  confident  sûr,  en 
Ibi  detbàhdàn't  d'àjoulei-  une  foi  entière  à  tout  cei:}ué  cet  envoyé 
lui  dira  de  Sa  pàH ,  et  t-appelle  l'affinité  qu'a  établie  entre  eux  le 
fa'sHAgé  de  Louib  èivfec  AUX  de  Champagne)  la  nouvelle  reine 
élâtttsd  p&rfehlë(1). 

Ce  ttolif,  Vràléemblableilient,  avait  fait  croire  à  Victof, 
qui  l'avait  perSnadé  à  beaucoup  d'sntres ,  que  le  roi  de 
ft-anèé  lui  était  favorable.  No^s  trouvons  encore  efiFective- 
àiënl   plûâieurs    létties    écrites   h    Loliis-le-Jenne   par   divers  Duci.esnc, 

ibagiélraltèi  rortlains,  qui  tous  pressent  le  monarque  de  s'ex-  '  '^'  p  ^"*  " 
phquer  d  line  matlière  phife  solennelle,  comme  fan  mofert  Fr.  i.  xvi.  p.  33. 
néce&sàiré  pbar  cohfbtidre  les  rhensonges  de  Victor.  Nous 
n'à^bhs  pas  les  réponses  du  ptincë-;  mais  elles  nous  sbnl 
cbtihueS  paf  les  iVolivelles  letti-es  de  ces  tûagistrals  ;  ils 
renûet-clent  le  roi  dé  s'être  pt-onondé  aûthenliquemenl  pour 
Alèiandrè  III.  Il  y  a  aussi  dans  cfetle  Cot-rtespondanCe  une 
létlhé  de  Geysa  II,  t-oi  de  HohgHe,  jJar  laquelle  il  se  déclare 
conli'e  Victor,  quoique  I  enJpereur  d'Allemagne  l'eût  reconnut 
eC  prbiïiet,  si  be  soàvéi-ain  vôtflàii  attaquer  là  Fradce,  de  l'at- 
tàqtter  lui-méifae  (2).   L'empereur  avait   essayé  de  détacher 


(1)  Duchesne ,  tome  IV ,  p.  583.  Nouvelle  CollecUon  des  Histotiens 
d»  France,  tome  XVI,  p.  25.  Actes  des  Conciles,  p.  1305.  On  a  aussi 
plusieurs  lettres  sur  le  même  objet ,  de  plusieurs  partisans  ou  officiers  de 
Victor. 

(2)  Tome  iV  de  Duchesne,  p.  578.  Histor.  de  France,  t.  XVI,  p.  27. 
On    trouve  dans  Cet   deux   collections   d'autres    lettres   de  plusieurs  princes, 

Tome  XIV.  H 


;i.S  LOIWS-LE-JEUNE. 

XII  siFXLE.      'e  '"oi  d'Alexandre  ;  nous  l'apiirciions  par  une  épîtic  all'ectiieuse 
'      iiisi.  uc  Fr.  tle  ce  pape  à  Louis-le-.lcune. 

t.  XV,  p.  7Si.        Le   conile    de  Toulouse  était  resté    favorable    au   parti   de 
î\   ^"(i'ào'"'^' '    Victor  et  de  son   successeur;  et,  dans  le  Daupliiné  où  il  gou- 
vernail  alors  au   nom   de  son  fils  (pii  en  avait  épousé  l'héri- 
tièrc,   il    avait  forcé  l'évéque  de  Grenoble,   qui  ne  voulait  pas 
reconnaître  ce  pontife ,    à   ([uiller   son    siéi^e    et    à    s'exiler. 
Alexandre  avait  jelé  l'inlerdit  sur  tous  les  domaines  du  comte 
de  Toulouse.   Les  magislrals  et  le  clergé  de  celle  ville  deman- 
dèrent   l'appui    du   roi   pour    le  faire  lever     Louis  écrivit  au 
pape  une  lettre  pleine  de  raison,  et  à  laquelle  le  pape  ne  pût 
p.  88K.        s'empêcher  de  se  rendre  :  l'interdit  fut  levé.   Os  lettres  sont 
I'    *<•)<>•         rapportées    dans    les    mémoires   di;    Catel   pour    l'iiisloire    du 
Languedoc;    elles  ont  éle    insérées  au    tome   XV   d(!   la  nou- 
velle Collection  des  liistoricins  de  Fiance. 

Les  liabilans  du  comté  de,  Toulouse  étaient  accoutumés 
à  trouver  dans  Louis- le-.lenne  cette  protection  active  et 
constante.  Quelques  années  avant  ce  démêlé  de  Raimond  V 
avec  le  pape,  des  événements  d'une  très-haute  inq^ortance 
en  avaient  fourni  la  preuve.  Nous  avons  dit  que  le  roi,  après 
((ualorze  ans  de  mariage,  avait  répudié  sa  première  femme, 
•  liléonore  d'Aquitaine.  On  lui  a  reproché  celte  répudiation, 
(^t  ce  n'est  pas  .sans  beaucoup  de  raison  ;  par  elle  en  effet, 
non  seulement  il  perdit  les  belles  provinces  dont  le  duché 
d'A(juilaine  se  composait,  mais  il  l(>s  vil  passer  au  second 
mari  diiléonore,  à  un  vassal  dont  il  était  de  son  intérêt 
dairaiblir  la  puissance  au  lieu  d(>  l'accroître,  à  Henri,  qui 
n'était  pas  encore  sur  l(>  trône  d'Angleterre,  mais  qui  ne 
tarda  pas  à  y  monter  Jl  épousa  Kléonore  en  IMV'i  et  devint 
roi  en  lIJii).  Oui  ne  connaît  les  déplorables  clTets  de  celle 
imprudente  conduite?  I^lle  amena  |)lusieurs  siècles  de  troubles, 
cl  d'c'clalantes  défaites.  Louis  Vl  avait  connnis  une  grande 
Imite  en  sotiirraiit  (pie  Henri  I''  s'emparùl  de  la  Normandie 
que  po.-^.sédait  le  duc  Uobeil  ;  Louis  VII  ajouta  encore  à  celte 
faute  et  à  la  piiis.sance  des  Anglais,  en  les  laissant  devenir 
maîtres  de  provinces  importantes  tpie  lui-même  avait  pos- 
-r-dée-.  e|  (pie  la  Lrance  aurait  ilù  posséder  toujours. 

Devenu    le  mari    d'HIéonore   d'A(piilaine,    Henri    11   prélen- 


:|iii  ont  un  ohjct  f^tnU)l:il.l(?,  <•(  iriiiilii'S  .-luspi ,  lelativcs  k  Pasonl ,  quand, 
,1  la  mort  ilo  \'i>tor,  un  laidinal  <|ui  |.ril  re  nom  eut  été  clioisi  pour  le 
n'inpiacer. 


LOUIS-LE-JEUNE.  5'J 

dit  que  le  comté  de  Toulouse  faisait  partie  du  domaine  de  cette  xii  siècle. 
princesse.  Raymond  V  s  arma  contre  une  telle  prétention,  et 
implora  le  secours  du  roi  de  France,  son  beau-frère.  (Il  avait 
épousé  la  princesse  Constance,  fille  de  Louis-le-Gros)  Le 
roi  de  France  accourut,  et  défendit  la  ville  île  Toulouse  en 
particulier  avec  tant  de  succès,  (jue  Henri  fut  obligé  d'en 
lever  le  siège.  La  lettre  des  liabitans  à  Louis  VII,  en  l'implorant  Uuciiesnc 

de  nouveau,  rappelle  les  services  qu'il  leur  avait  déjà  rendus;   '• 'v,  p.  yi.".  - 
ns  ont  recours  a  lui  comme  a  leur  deienseur,   leur  libérateur,   xvi,  i,.  «s    _ 
celui  en  qui  ils  ont  le  plus  de  conliance  après  Dieu.  Ils  ont  ii'si.    de    Lang. 
appris  que  le  roi  d'Angleterre   se  prépare  à   les   attaquer  de   '■  "'  ''•  *'*^- 
nouveau  ;   leur  espérance  est  ilans  les  secours   (jue  le  roi   de 
France  leur  a  promis. 

La  liittre  de  Louis  VII  ne  nous  est  connue  que  par  les  renier-  Dudicsnc, 

cîniens  (ju'elle  lui  fait  adresser  par  les  mêmes  habilans  de  '  'V,  p.  7U. — 
Toulouse.  Ils  se  félicitent  de  défiendre  de  lui;  ils  le  bénissent  ^^y,'^  ,,.' ei/ 
de  veiller  sur  eux,  (juand  di^  grands  dangers  les  menacent. 
«  Nous  supplions  Votre  .Altesse,  ajoutent-ils,  de  ne  nous  oublier 
jamais,  d'accorder  toujours  votre  appui  au  comte  notre  seigneur, 
à  noire  sérénissime  dame  votre  sœur,  à  nous  qui  vous  appar- 
tenons, et  de  veiller  sur  nous  toutes  les  fois  que  notre  situation 
le  demandera.  » 

Il    y   a  dans    le   même   volume   de   Diichesne,   et   dans   la      i'.  7ir>  cisui». 
nouvelle     Collection     des     historiens     de     France ,     plusieurs      ''•  *'■'  "'■ 
lettres  de  Raimond  V,  de  Constance,  sa   femme,  de  Raiinond 
de  Trancavel,    vicomte  de  Réziers,  de  quelques  prélats,    des 
habitans  de  Toulouse,  sur  l'état  oii  se  trouvait  le  Languedoc 
Les  réponses  de  Louis  Vil  manquent  encore.    Mais  en  voici 
une  de  lui  à  Ermengarde,  vicomtesse  de  Narbonne,  cjui  nous 
paraît  digne  d'être  conservée.  Elle  est  de  1163  ou  1  IGi.  Nous 
la  rapporterons  d'après   la  traduction  qu'en  a  donnée  l'auteur 
de    la    nouvelle    Histoire    générale    de    cette    province,    dom 
Vaissetle  (1). 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  à  sa  très-chère  illustre 
dame,  Ermengarde  de  Narbonne,  salut.  Vous  nous  a|)prenez 
par  l'abbé  û'i  Saiiil-l'aul  et  Pierre  Raiin  )nd,  vos  luivoyés, 
qu'on    décide    chez    vous  li'S   |)iocès    conforiuéiueiit   aux    lois 


(1)  Tome  II,  p.  50!.  KUe  e.st  en  latin,  tome  IV  Je  Diu-li.itne,  p.  7:î-J.  Vc, 
p.  721,  la  lettre  éfritw  an  <'ontr.iire,  \m-  HiM'onser  tin  Puy,  poni' i|n.>  I.-  r.ii  n'.i 
cordât  pas  cti  (ju'Knnenjîarde  lui  dein.-irulail.  Ces  lettres  sont  aus.'ii  t.  N.\i  dr 
nouvelle  Collection  des  historien.^  de  Franco. 

112 


UIV. 


^0  LOUIS-LE-JEUNE. 

Ali  SIECLE,  des  empereurs,  qui  défendent  aux  femmes  de  rendre  a 
justice.  La  coutume  de  notre  royaume  est  plus  indulgente; 
elle  permet  aux,  femmes  de  succéder  au  défaut  des  mâles, 
et  d'administrer  elles-rmêmçs  leurs  biens.  Or  vous  devez  vous 
souvenir  que  vous  êtes  de  notre  royaume ,  et  nous  voulons 
que  vous  en  suiviez  les  maximes  ;  car,  quoique  vous  soyez 
voisine  de  l'empire,  vous  ne  devez  pas  suivre  ses  lois  et  ses 
usages  sur  cet  artiicle.  Rendez  donc  vous-même  la  justice,  et 
exanjinej;  vous-même  ^es  affaires  avec  attention.  Employez 
le  zèle  de  celui  qui,  pouvant  vous  créer  homme,  ne  vous  a 
créé  quç  femme,  et  qui,  par  sa  bonté,  a  mis  dans  vos  mains 
le  gouvernçmpnt  (le  la  province  de  Narbonne.  Quoique  vous 
ne  soyez  donc  qu'une  femme,  nous  ordonnons,  par  notre 
aujlorité,  qu'il  ne  soit  permis  à  personne  de  décliner  votre 
juridiction.  » 

Cette  épître,  comme   dom    Vaissette  le  remarque,   prouve 
évidemment  que  les  lois    romaines  étaient  alors  exactement 
observées    dans    le    Languedoc,    puisque,   sous   ce  prétexte, 
on  y  faisait  difficulté  de  souffrir  qu'Ermengarde   rendît  elle- 
même  la  justice.  Mais  ajoute-t-il,  sans  avoir  recours  à  l'au- 
torité du  roi   q[ui    le  lui   permit,    elle  pouvait  se    servir   de 
l'exemple    de   plusieurs   comtesses  ou   vicomtesses   du    pays, 
qui  avaient  auparavant  présidé  à  plusieurs  plaids,  et  se  fonder 
aussi   sur  un    usage  par   lequel  on  avait  dérogé  en  cela  au 
droit  romain. 
Duchcsne,       Dans  une  autre,   lettre,   postérieure  d'environ   dix   années, 
i.  IV  p.  574.  -  Ermengarde  se  justiûe  auprès  du  roi  qui  l'avait  accusée  d'être 
.(.0      "   '''•  favorable  à  ses  ennemis;   elle  lui  reproche  à  son  tour  de  mal 

<lc    Fr.    t.    XVI,  '  r 

p.  1K8.  défendre  les  habitans  de  Toulouse  et  des  contrées   voisines, 

de  favoriser  par-là  les  progrès  de  ces  ennemis  même  qui  se 
vantent  de  posséder  bientôt  tout   l'espace  de  la  Garonne  a^: 
Rhône  ;    elle  l'exhorte  à  venir  réprimer  cette  audace,  et  rendre 
aux    peuples    une  confiance    et    un    espoir  que    chaque  jour 
diminue;    elle   lui  promet  qu'il   trouvera   bien   amplement   le 
prix  des  avances  qu'il  sera  obligé  de  faire,  et  finit  par  lui 
dire  qu'il  rendra  ainsi  à  son  nom   un  éclat  qui  commence  à 
v.  la  N.  Coll.  s'obscurcir.   Raimond  V,  comte  de  Toulouse,  avait    fait  une 
des  iiis».  de  Fr.  alliance  avec  Henri  II,  roi  d'Angleterre;   et  tous  les  habitans 
'  ^'     "    du  duché  de  Narbonne,  ftdèles  à  Louis  VII  et  à  la  France,  sup- 
portaient avec  peine  ce  traité. 
Uucbcsnc,       Une  lettre,   écrite  la  même  année    1173,   par  l'archevêque 
Hi.i'^'d  "f    ~  '^^  Narbonne,   exprime    les   mêmes  craintes  sur  la  coqduile 

XVI,  p.  IS9. 


LOUIS-LE-JEUNE.  61 

de  Henri  II,   sur  ses   projets,  sur  les  moyens  de  séduction     xy  siècle 

qu'il  emploie   pour  attirer   à   lui  tous  les  habilans.    L'arche-  ""^ r- 

vêque  de  Narbonne  appelle  également  l'attention  du  roi  sur 
les  progrès  de  l'hérésie,  et  il  l'invite  à  prendre  contre  elle  le 
bouclier  de   la  foi  et  les  armes  de  la  justice.   Depuis   assez 
long-temps,  des  opinions   nouvelles   venaient  agiter  tous  les 
esprits,   et  troubler  les  consciences.   Âbailard  lui-même  s'était        H'*'-  de  Fr. 
écarté  de  la  doctrine  universelle,  et  ses  principes  avaient  été  !'  ^.'.';  '''  ^^J 
livrés  a   lanalheme    dans    un   concile   auquel  Louis-le-Jeune  63s,    7!is  ;    t. 
se  fit  gloire  d'assister.  Pierre  de  Bruis  fut  brûlé  à  Saint-Gilles  ^^'  p    ^^'  " 
en    Languedoc,   l'année    même   que   le    roi    partit   pour   son 
voyage  de   la  Terre-Sainte.   Henri,   le  plus  célèbre  et  le  plus      v.  aussi  notre 
zélé  de  ses  disciples,  mourut  peu  de  temps  après  dans  les  "'"    •^'"^'■-    '• 
prisons    de   l'archevêché   de   Toulouse.    La    mort   des   chefs  l^iy[    **' 
n'éteignit  pas  l'erreur.   On  appelait  ariens,  manichéens,  ceux 
qui  s'y  livraient  :  ce  ne  pouvait  être  que  par  allusion  à  quel- 
ques-unes  des  opinions    qu'ils    professaient  ;    car   la,   plupart 
d'entre  elles  n'avaient  rien  de  commun  avec  l'arianisme  et  le 
manichéisme.  Le  nom  de  la  ville,  devenue  comme  la  capitale 
de  l'hérésie,  Alby,  désigne  encore  ces  sectaires.  Mais  le  nord 
avait  ses  novateurs  comme  le  midi.  Une  lettre  de  Louis  VII      n.   Coii.    des 
à  Alexandre  III,  en  1162,  lui   annonce  que  Henri,  son  frère,  "•  ^«  f""-  t-^v, 
archevêque  de  Reims,  voyageant  en  Flandre,  y  a  trouvé  des  ''    ^  ' 
hommes  dépravés,   abandonnés  aux  plus  funestes  erreurs,  tom- 
bés dans  le  manichéisme,  appelés  vulgairement  poplicains  ou 
publicains,  et,   par   d'autres,   pauliciens,   comme    infectés   des 
dogmes  soutenus  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétien- 
ne par  Paul  de  Samosate.   Louis  VII  les  nomme  populicançs. 
On  voit,  dans  sa  lettre,  qu'ils  avaient  oflFert  à  l'archevêque  de 
Reims   de   lui    donner    600    marcs    d'argent,   s'il    voulait   les 
tolérer.    N'ayant  pu  se  faire   entendre  du   prélat,  ils  avaient 
écrit  au  pape,   et  appelé  à  son    tribunal.    Le    roi  engage  le 
pontife  à  ne  pas  souffrir  que  celte  herbe  venéneqse  croisse,  que 
celte  peste  se  propage,  à  étouffer  le  mal  avant  qu'il  ait  pris  des 
racines  plus  profondes.  Les  hommes    vraiment    pieux    béni- 
ront  une  utile  sévérité  :  ils  murmureront  si   Alexandre  qen 
fait  pas  usage  ;  et  leur  murmure  ne  s'appaisera  pas  aisément  ; 
et  un  grand  nombre  de  bouches  s'ouvriront  pour  blasphémer 
contre  lui  et  contre  l'église  romaine. 

La  dernière  lettre  que  nous  avons  de  Louis  Ip- Jeu  ne  res-  nut.  de  Fr. 
pire  les  mêmes  sentimens  ;  elle  est  de  1178.  La  convocation  t-  xv,  p.  mi. 
prochaine  qui  devait  avoir  lieu  du  grand  concile  de  Latran,. 


62  LOUIS-LE-JEUNE. 

xii  SIECLE,  en  fut  l'occasion.  Le  monarque  commence  par  témoigner 
une  grande  joie  sur  la  réunion  sainte  qui  va  se  former.  Nous 
l'attendions  avec  impatience,  ce  jour  ;  il  arrive  enfin  ;  ils  vont 
se  dissiper  les  brouillards  du  péché,  les  ténèbres  du  crime  ; 
ils  vont  renaître  les  jours  du  bonheur,  de  la  paix,  et  de  la 
justice.  La  terre  était  languissante  ;  le  Liban,  corrompu;  nous 
allons  retrouver  la  douce  température  du  printemps,  et  des 
cermes  d'une  iieureuse  espérance  naîtront  des  entrailles  de 
la  terre.  Qu'elle  soit  cultivée  à  jamais  celle  vignu  que  le 
Seigneur  veut  nous  rendre  dans  sa  première  fertilité  ;  qu'une 
rosée   abondante  en  féconde   les   fruits. 

Après  avoir  exprimé  par  ces  images  l'espoir  et  le  conten- 
tement qu'il  éprouve ,  Louis  prenant  un  ton  moins  animé  , 
mais  plus  noble  et  plus  fort,  exhorte  le  pontife  à  donner  tous 
ses  soins  pour  la  réformalion  des  abus  dont  les  troubles 
causés  par  l'hérésie  avaient  favorisé  la  naissance  et  l'accrois- 
sement. Il  lui  rappelle  toutes  ses  obligations,  toute  l'étendue 
cl  loule  l'edicacilé  de  son  pouvoir.  Le  bien  est  facile  à  faire 
avec  tant  d'autorité  :  veuillez,  et  l'église  esl  sauvée.  Qui  ne 
croit  pas  à  ce  qu'il  entend  de  vous?  Qui  n'obéit  point  à  vos 
paroles?  Qui  n'exécule  pas  vos  commandemens?  Que  s'il  se 
trouve  quelqu'un  d'assez  témérain;  pour  vous  résister,  faites 
tonner  contre  lui  cette  voix  terrible  que  Dieu  vous  a  donnée  ; 
servez-vous  du  glaive  tranchant  (pril  a  mis  en  vos  mains 
pour  exercer  sur  les  nations  la  vengeance  et  les  chùtimens, 
pour  enchaîner  les  rois  el  hîs  puissans  de  la  terre.  Je  traduis 
mal  ces  derniers  mots;  l'original  est  plus  expressif  encore  : 
v.  le  l'i.  \i^,  Ad  alligandos  reges  eorum  (des  peuples)  in  compedibus  cl 
V.  8.  nobiles    eorum   in  manicis  fert-eis.    La   piélé    n'a  guèrcs    fait 

oublier  davantage   aux  rois  leur   puissance. 

Louis-le-Jeune  continue.  «  Les  temps  oîi  nous  vivons  sont 
des  lenq)S  de  dépravation.  Le  .schisme  détruit  l'unité  ;  el  de 
nouveaux  malheurs  aflligenl  cha(jue  jour  l'église  de  Dieu. 
Chacun  se  croit  loul  permis,  et  le  désordre  universel  fait 
assi'7-  connaître  ju.s(|uà  quel  point  les  nori's  Je  la  discipline 
erclésiastique  sont  relâchés.  Par-toul  on  voit  des  prélats  :  mais 
combien  peu  qui  se  rendent  utiles  1  ('.'est  beaucoup,  pour  la 
plupart  d'entre  eux,  s'ils  ne  nuisent  pas  :  ils  usent  ou  ds 
abii.sent  d  un  si  grand  noml)r(^  de  chars  el  de  chevaux  qu'ils 
mettent  la  désolation  dans  lous  les  lieux  oîi  ils  arrivent  par 
leur  dépense  et  leur  luxe.  Ce  ne  .sont  |)as  les  chars  d'Amina- 
bad  ;   ce  n'est   pas  la  cavalerie  de;  1  armée  céleste  :  c'est  bien 


i,()LnS-LE- JEUNE.  fi3 

pliilùl    le    renouvellement  de   ces   chars  que  le  tout-puissanl     ''*'"  ^''^-^LE. 


fit  disparaître  au   milieu  des  Ilots,  lorsqu  il  précipita  dans  la         v.  itxodc, 

,  ,    •  •   1  .        '  '  "^  r.  tS,   V.  1. 

mer  le  coursier  et  celui  qui  le  montait,  equum  et  ascensorem. 
Ils  ne  prolèijent  pas  l'orphelin;  la  cause  de  la  veuve  n'a  point 
on  eux.  un  défenseur  ;  et  plusieurs  d  entre  eux  ne  connaissent 
d'autres  motifs  de  juij;emont  que  la  valeur  dos  présens  mis 
dans  la  balance  de  l'équilé.  Annonce-t-on  dans  un  bourg, 
dans  un  monastère,  l'arrivée  d'un  prélat?  vous  croif-ioz  que 
c'est  un  roi  qui  se  montre,  et  non  pas  un  évêqiie  ;  si  grande 
est  l'armée  de  ses  chevaux  ,  la  cohorte  de  ceux  qui  l'en- 
vironnent, la  troupe  des  valets  qui  le  précèdent.  Les  faibles 
revenus  de  l'église  sont  consumés  on  repas  opulens  ;  on  con- 
sume en  délices  pour  les  convives  I  argent  (pii  devait  nourrir 
le  pauvre.  Ah  !  si  (jiiehpi  un  perçait  le  mur  |)our  faire  péné- 
trer un  rayon  ili^  lumière  ,  pour  f;iirc  apercevoir  quclhîs 
ténèbres  environnent,  pour  dissiper  celte  ombre  de  la  mort  I 
La  carrière  vous  est  ouvirte  pour  réparer  tant  de;  maux.  Il 
faudra  regarder  comme  incurable  cell<!  maladie  que  nous 
déplorons,  si  le  coiiciU;  que  vous  aile/  réunir  n(>  rend  pas  à 
l'église  la  force  et  la  santé.  » 

("es  idées  d'ordre,  de;  discipline,  de  piété,  avaient  toujours 
frappé  l'esprit  et  le  cœur  de  Louis- le -Jeune.  A  peine  de 
retour  en  France,  après  h;  voyage  de  la  Terre-Saint(ï  ,  se 
livrant  tout  entier  à  l'adiiiinisliation  piibli(|ue  dont  faisait 
alors  une  si  grande  partie  1  administration  particulière  des 
diocèses,  des  églises,  des  monastères,  il  n'avait  pas  vu  sans 
douleur,  les  dissentions,  et  le  relâchement  [lénétrcr  dans  ces 
asj les  naturels  de  l'obéissance,  de  la  résignation,  des  mœurs 
et  du  repos,  et  leurs  prétentions,  leur  rivalité,  leurs  droits 
même,  faire  naître  sans  cesse  des  troubles  que  l'esprit  du 
cloître  et  de  la  religion  auraient  dû  étoulfer.  Le  caractère 
moral  de  Sug(M-,  l'avantage  <|u'il  avait  pour  les  appai.ser  ou 
les  réprimander  d'èlie  lui-même  prêtre  et  religieux,  .sa  grande 
influence  et  son  grand  pouvoir  navaient  pas  toujours  suffi 
pour  y  mettre  un  terme.  Plusieurs  lettres  de  Louis  VII  ont 
rapport  à  quelques-uns  de  c(,'s  événemens.  Le  roi,  par  exem-  t.  XV,  p.  B26  ei 
pie,  en  passant  à  Home,  avait  demandé  à  Eugène  III  une  '"'''• 
bulle  pour  substituer  des  religieux  de  Saint-Denis  aux  cha- 
noines de  Saint-Corneille  île  Compiègne  Ceux-ci  résistèrent, 
animés  par  Philippe  de  France,  leur  chef,  et  frère  du  roi.  Ils 
voulurent  chasser  les  religieux,  qui  finirent  par  les  chasser 
eux-mêmes  ,    après  leur   avoir    repris    des  ornemens    et  des 


64  LOUIS-LE-JËDNE. 

Xll  SIECLE,     reliques  quils   (emportèrent  (1).  Suger,   cepetidâtil,  s'y  était 

rendu  ;    mais  la  colère  fut  plus   forte  que    le  respect  dû  â 

son  autôHlè,  et  ce  n'est   pas  sans  peine  qu'il  se  Ûtôbéiï-;  le 

i  XV '"  %!'   déâordré    tnême  fui    plulôt    comprimé    que    détruit.    Louis, 

dont  son  ministre  rédamait  la  présence,  lui  répOnd   qUô  dès 

affaires    indispensables    rappellent   à  Orléans,  oh   il  coitplè 

rester  jusqu'à  là  Saint-Uemi  ;   il  l'invite  à   se  tëtiil-   prêt  llit- 

même    pour  ce   voyage,  et   lui  dit  qu'ils  iront  ensemble  à 

Beâuvais,  et  ensuite  à  Compiègne.  Le  roi  ajoute  qu'il  a  écrit 

à  la  reiûe  sa  mère  (Adélaïde  de  Savoie),  de  laisser  en  rèpôs 

l'abbé  de  Saint-Corneille,    et  touâ  ses    religieux,  de  né  leuf 

faire  aucun  mal,  et  de   remettre  jusqu'à  l'ocliave  dé    S&tnl- 

Denis  les  plaintes  qu'elle  fait  valoir  contre  lui,   tatit  en  âotl 

nom  qu'au   nom  de  son  fds  (Philippe  de   France,   doût  hôuà 

avons  parlé)  ;  et  enfin,  qu'il  a  écrit  au  comte  de  Vermandoi^ 

et  au  comte  de  Champagne  de  faire  mettre  l'abbé   de  Ùoto- 

piègne  en  possession  de  toutes  les  terres  de  sùû  église  Situées 

dans  leufs  domaines. 

Duciifsnp,       Quelques  autres   lettres    renferment    des  avis    utiles    p6ut 

t  IV,  p.  7.10.  -   des  monastères   qui  s'écartaient  de  la    discipline   t-eHgieCrSe. 

xv'i     ^  m   -  ^^"^   ^^'   ^^"^  ^^^  Louis -le -Jeune   adressait,  en  lléi,   au 

Martine,    Arapi.  couvent  de  Saintc-Geneviève  à  Paris  :    «  Votre  église,    dit- il, 

Coll.   i.   VI,   p.   (,  ne  doit    pas   seulement  se   distinguer  par  sôù    ancienneté, 

«  par  sa  célébrité,  par  ses  richesses  ;  elle  doit  être  rema^qUéè 

«  encore  par  l'amour  de  l'ordre  et   le  culte  de  là  justice.  Si 

«  dans  ce  moment  vous  êtes  sans  pasteur ,  ne  Sôyeji   pas  pour 

«  cela  comme  des  brebis  vagabondes.  Que  la  ferveui*  de  vblrë 

«  piété  soit  égale  à  la  grandeur  de  votre  nom.  Rappelez  à   là 

«  bonne  voie  ceux  qui  s'en  écartent;    corrigea,   purtisse^  les 

«  rebelles.  »    Videté  (amen  ut  ila  ver-bà  patenta  hahèatii,  ut 

ubera  materna  Vtû^    desint.   Ce  jeu  de   mois  est   suivi  d'Uh 

c.  5,  V.  i»  autre.  Le  roi  fait  allusion  à  un  passage  dé  salnl  Mathieu,  ôÛ 

l'évangélisle  dit,  qu'une  ville,  placée  sur  urie  muntëghè,  iie 

peut  être  cachée.    «  Et  vous  êtes  Sur  une  montagne  àusSl,  ' 

«  ajoute  le  roi  dans  sa  lettré  aux'  l-eligieux  ;  prenei  ddtic  gai'de 

«  que  voire  lampe,  dont  la  lueur  se  monthe  à  tou^  les  yèUt, 

«  ne    soit   éteinte  par    la    fumée  de  vos  mauvaise»  actions, 

«  ne  eam  pravarutYi  aclionum  fumus  eMinguat.  Que  delui  (Jûi 


(I)  Véir  lé  tome  XII  de  notre  Histoire  lltt^falre,  p.  38t  et  3gS.  Il  ûé  parhft 
pM  qu»  le  roi  fut  présent,  coMtne  od  le  tuppote  dtU(  l'artitfls  qu6  *oM 
indiquoDB. 


LOUIS-LE-JEUNE.  65 

«  est  sur  la  montagne  n'abandonne  pas  le  mont  escarpé  de     xii  siècle. 

«  la  vertu  ;   qu'il  ne  descende  pas  dans  la  plaine  des  vices,  où 

«  Caïn  tua  son  frère.  »  Celle  lettre  est  dans  la  colleclion  de        p.  730. 

Duchesne,   et  dans  l'amplissime  colleclion   de  dom  Martène.      '''•  ^''  P-  ^''• 

On  en  cile  seulement  le  commencement  dans  la  France  chré-  ^    ^"'  ''■  '*'" 

tienne. 

On  pourrait  désirer  un  style  plus  simple,  un  goût  plus  sûr; 
mais  enfin,  on  ne  peut  nier  que  les  conseils  ne  soient  salutaires. 
Un  grand  trouble  s'était  élevé  dans  l'abbaye  de  Sainte-Gene- 
viève, au  sujet  de  la  nomination  du  prieur.  Le  roi  en  avait 
choisi  un,  sur  la  demande  de  l'abbé.  Le  nouveau  prieur  vint 
prendre  sa  place  au  réfectoire  :  au  moment  oh  il  sonna,  un 
moine,  appelé  Guillaume,  se  précipita  sur  la  sonnelte,  la  relira 
de  ses  mains,  et  la  mit  dans  celle  du  sous-prieur.  L'abbé  con- 
damna Guillaume  à  élre  fustigé,  et  à  être  pendant  sept  jours  au 
pain  et  à  l'eau,  se  tenant  à  genoux  au  milieu  du  réfectoire.  L'in- 
tervention du  pape,  qui  était  alors  à  Sens,  ne  fut  pas  trop  ferle  ni*i.  de  Fr. 
pour  appaiser  le  trouble.  ••  xv,  p.  823w 

La  lettre  d'Alexandre  est  du  18  août  1164.  Deux  jours  après, 
il  en  écrivait  une  autre  dont  l'objet  peut  être  rappelé.  Le  roi 
ne  se  contentait  pas  d'observer  les  jeûnes  prescrits  à  tous  les 
fidèles;  il  y  en  ajoutait  d'autres,  et  pratiquait  jusqu'à  trois 
carêmes.  Il  s'était  de  plus  imposé  l'abstinence  du  vin  et  du  pois- 
son, pour  tous  les  vendredis  de  l'année.  Alexandre  le  dispensa 
de  cette  austérité  par  un  bref  dont  l'interprélation  embar- 
rassait le  monarque  ;  la  dispense  comprenait-elle  les  vendredis 
même  des  trois  carêmes?  Se  bornait-elle  aux  autres  vendredis? 
Louis  écrivit  au  pape  pour  lui  faire  part  de  ses  anxiétés.  Le  "'"'•  v  82. 
pontife  expliqua  son  premier  bref  par  un  second,  daté  de  Sens, 
le  même  jour  20  août  1 1  G4,  dans  lequel  il  déclarait  que  la  dis- 
pense ne  s'étendait  qu'aux  vendredis  du  carême  de  la  Saint- 
Martin  à  l'Avenl,  lemps  où  il  lui  permettait  un  plat  de  poisson 
et  un  peu  de  vin,  l'avertissant  néanmoins  de  redoubler  alors  ses 
aumônes. 

Un  événement  plus  important,  arrivé  à  la  fin  de  la  même 
année,  donna  occasion  à  plusieurs  autres  lettres  de  Louis  VII 
à  Alexandre  III.  Thomas  Becket,  oubliant  tout  ce  qu'il  devait 
de  reconnaissance  à  Henri  II,  et  l'adhésion  qu'il  avait  don- 
née aux  articles  signés  par  les  évêques  d'Angleterre  dans 
l'assemblée  de  Clarendon,  rétracta  cette  adhésion,  et  se  mil 
en  état  de  résistance  contre  son  bienfaiteur  et  son  roi.  En  vain 
le  clergé  le  désavoua,  en  vain  le  monarque  témoigna  son  mé- 

Totne  XIV.  I 


ce,  LOUIS- Li':-.iEUNM<:. 

XII  SIECLE,  contenlenient  envers  ce  qu'il  appelait  avec  raison  la  palinodie 
de  Bechet,  le  prélat  resta  seul  contre  tous;  et  cependant 
craignant  qu'on  ne  sévit  contre  lui,  il  quitta  l'Angleterre,  et 
vint  demander  un    asyle   ;i   Louis-Ie-Jeune,    au   mois  de   no- 

Leii.  18  et  22,  vembrc  1164.  Louis  écrivit  en  sa  faveur  beaucoup  de  lettres  , 
iiv.  IV,  cl  /8,  jj        jjQ^jg  gjj  reste  que  trois,  adressées  au  pape  qui  venait  de 

liv.    V    du    Ilcc.  111  r    r      t 

de     Thoni.    do  retourncr  à  Rome,  dont  les  liabitans  I  avaient  rappelé  :  Louis 
'•'"'"'''  s'v    montre    protecteur   zélé   de   1  archcvèqu!'    de  Cantorbéry. 

La  première  a  rapport  aux  ordres  cpi'Alexandre  avait  douné.^ 
pour  suspendre  l'exercice  de  la  légation  de  Thomas  en  An- 
gleterre; le  roi  se  plaint  de  ce  cpic  le  pape  abandonne  ainsi 
un  défenseur  des  libertés  ecclésiaslitpies  :  la  reine  Adélaïde  de 
Champagne,  écrivait  en  même  tem()s  au  f)ontife  dans  le  même 
sens  et  pour  le  même  objet;  elle  lui  reproche  sur-tout  d'avoir 
accordé  une  audience  favorable  à  Jean  d'Oxford,  un  des 
ennemis  les  plus  déclarés  de  rarchevé(|ue  de  îlantorbery. 
""'•  ''^-  '^'  Nous  trouvons  cependant  une  épîlre  dAlexandre  III  à 
Louis  V^ll,  oîi  il  lui  ilemande  d  accorder,  en  France,  un 
évèché  ou  une  abbaye  au  prélat  anglais  ;  et  nous  ne  voyons 
pas  que  le  roi  ait  satisfait  à  la  prière  du  pape,  <pioi(jue  son 
zèle  pour  Thomas  Bccket  ait  été  vif  et  constant,  tel  enfin, 
que  ce  prélat,  dans  sa  corres[)ondance,  ne.  lappelait  pas 
Liv.  I,  icti.  r;8.  setdcment  le  roi  très-chrétien,  mais  le  prince?  très-saint, 
sanctissimuni  jmncipem . 

La  seconde  lettre  de  Louis -le-Jeune  est  adressé'e  au  cardinal 
évê(pie  (LOslie  Elle  exprime  les  mêmes  .<;entimens  de  faveur  et 
d'inli'rèt  pour  le  préla!  d  Angleterre. 

La  tioisicnie  est  écrite  iiniiiédialenuMit  après  la  nouvelle 
de  l'assa.-^sinat  de  .Thomas  lieckel  Le  roi  sy  livre  à  toute 
l'indignation  (|u  un  pareil  crime  devait  faire  naître.  Tirez, 
dit-il  il  .Mexandre,  lin/,  le  i^laivc  de  Pierre,  pour  venger  le 
sang  dcî  ce  glorieux  martyr,  (a;  sang  crie  moins  pour  lui- 
même  que  pour  l'église  universelle  dont  l'intérêt  exige  (pi  on 
ne  laisse  pas  impuni  cet  horrible  attentat  Le  ciel  se  déclare 
hautement  ;  car  nous  apjirenons  ipi  il  se  fait  des  miracles  au 
tombeau  de  larchevêque,  afin  de  montrer  à  ceux  (pii  ne 
voudraient  pas  le  reconnaître,  que  ce  .saint  homme  n'a  com- 
battu que  pour  la  gloire  du  Seigneur  (1).  On  voit  par  la  fin 
de  l'épîtrc  que  c'étaient  des  clercs  de  Cantorbéry  qui  avaient 

(1)  11  y  a  iini-  :iiitre  lettre  «le  lui,  f)i.st.  (le  Fi-ance,  tome  XV,  p.  912, 
jjoiir  ilemander  lu  canoni.^ation  .riiri  aicliovèciue  f|iu  avait  appartenu  à  IVi.lie 
de  Ci'teaii.v. 


N. 

Coll. 

lie." 

liislor. 

lie 

Fr. 

i.  xvr, 

p. 

\M. 

LOUIS-LK-J  EUN  K  67 

engagé  le  monarque  à   l'écrire.    Dans  une  lettre   postérieure,      xii  siècle. 
encore  en  1 170,  écrivant   à  Jean  de  Sarisbérv,    pour  lui   an-         Duimuiay,  i. 
noncer  tout  l'assentiment  qu'il  donne  à  son  élection   à    l'évé-  ^[g^^'  j^    y,^ 
ché  de  Chartres,  et  pour  l'inviter  à  venir  le  plus   tôt  possible,  Hist.  .Aiiri.  Scr. 
prendre  possession   du  siège    auquel   on   l'appelait,   il  lui  dit   '  ''  •'•  '''^^^ 
qu'un  pareil    choix  n'est  pas  moins  dû  à   sa   science    et  à  ses 
mœurs,  qu'à  l'amitié  dont  le  bienheunuix    martyr  avait    tou- 
jours payé  son   dévouement  et   son   mérite.    Louis   Vil    était 
venu   faire    un  voyage  de   piélé  à    (>anlorbéry,  et  avait  fait  à 
son  église  de  riches  présens.   Tne  lettre   de  Richard,  succès-         "is'-  <'«  'li- 
seur   de   Thomas   Becket,   lui    annonce  que,    par    reconnais-       ■     •  p 
sance,  il  a  ordonné  de  placer  son  nom,  celui   de  la  reine  et 
de  leur    famille   parmi   les  bienfaiteurs   de  cette  église  ;    que 
cha(]ue  jonr  on  célébrera  une  messe   oîi  Dieu  sera  plus    parli- 
culiènMuent  invocjué  pour  eux. 

Voici  quel(jues  letlres  encore  (jui  nous  paraissent  ne  devoir 
pas  être  oubliées.  L'une,  de  l'année  1  Kiî),  est  aiii(!ssé(^  à  l'em- 
pereur Kmmanuel  Comuène,  c(î  priece  dont  Louis  avait  eu 
tant  à  se  plaindre,  dans  le  voyage  à  la  Terre-SainU^  ;  rien  n'y 
annonce  assurément  l'ancien  mécontentement  du  roi  ;  il  y 
suppose  au  contraire  (ju'il  reçut  un  bon  accueil,  et  parle 
d'une  reconnaissance  que  n'ont  point  affaiblie  les  mers  et  les 
enq)ires  (jui  les  séparent:  la  hîllre ,  d'ailleurs,  n'a  pas  un 
objet  qu'elle  exprime  clairement.  Ot  objet  avait  élé  confié  à 
la  personne  que  l,ouis  avait  (chargée  de  la  porter  à  Emmanuel 
Comnène,  Théobaid  ou  Thibaut,  un  des  religieux  les  plus  *■•'"  ciiri.st. 
distingués  de  l'ordre  de  Cliiny,  (pii  devint  successivement  ''  '^'  '''  "*^' 
abbé  de  plusieurs  monastères,  et  ensuite  éviMjue  d'Oslie  et 
cardinal  ;  il  est  permis  de  croire  cependant,  d'après  quelques 
passages  de  la  lettre,  que  le  roi  avait  cherché  à  rappeler  de 
nouveau  l'attention  et  les  secours  de  l'empereur,  sur  l'état 
de  l'église  d'Orient.  Emmanuel  Comnène  lui  avait  fait  passer 
les    protestations   les   plus  tendres  d  amitié,    et    une  adhésion  Dudiesnc, 

entière  à   la  préférence   donnée  pour  le  pontificat  suprême,  à   [',  '^''  .•*'.   '^^^' 

*  V.   sussi     les     D 

Alexandre  contre  Victor,  par  des  andjassadeurs  à  la  tète  des-  g-jo   ii  oas.  - 
quels  était  le  prieur  des  hospitaliers  de  Constantinople.    Ce-  ^,'^'     ^"'l'=''-    *• 
lui-ci  même  ayant  eu  pour  instruction    de    ne   voir   le   pape   iiûi.'' dè^Fr.  l 
qu'après  avoir  vu  le   roi,  et  le   nonce  ayant  voulu  l'obliger  à   xvi,  p.  82. 
voir  d'abord   le   pontife,  ce  petit  événement  devint   l'objet  de 
deux  lettres   adressées   à  Louis-le-Jeune,  et  publiées  dans   le 
quatrième    tome  de  Duchesne,  ainsi   que  dans  le  tome   XVl      '"  '""*  "^  *"*''' 
de  la  nouvelle  collection  des  historiens  de  France. 

13 


68  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  SIECLE  L'envoyé  du  roi  de  France  à  l'empereur  d'Orient,  Thibaud, 

Hist.  ëe  Fr.  devait  passer   en  Sicile  ;  Louis  VII    le   recommande   à  Guil- 
t.  XVI,  p.  «so.  igyjj^g  II  qui  y  régnait,   par  une  lettre  dans  laquelle  il   le  prie 
également  d'avoir  toute  confiance  en  ce  que  cet  envoyé    lui 
dira  de   sa  part  :  il  y  commence  par  rappeler  tous  les  témoi- 
gnages d'affection  qu'il    reçut   lui-même   de  l'ayeul  de  Guil- 
laume, quand  il  traversa   ses   élats,   revenant   de   la  Terre- 
Sainte,    en    i  I  49  ;  il    proteste   de  sa   reconnaissance,  de  son 
dévoûment,    de  son  amitié,    et   du  désir  qu'il  aurait  de   lui  en 
offrir  des  témoignages  ;  il  lui  demande   avec  confiance  ce  qu'il 
se  trouverait  heureux  de  faire  si  Guillaume   le  demandait.  lien 
vient  ensuite  à  l'archevêque  de  Palerme,  en  faveur  duquel  la 
lettre  est  principalement  écrite.  Ce  prélat,  qui  était  en' même 
temps  chancelier  du  royaume,  avait  été  honteusement  chassé 
par  les  Siciliens  ;  Louis    rappelle  ses  vertus,  sa  naissance  illus- 
tre, et  il  les  oppose  à  un   affront  si  peu   mérité  ;   il  conjure 
Guillaume  de  le  rétablir  sur  le  siège  de  Palerme.    Cet   arche- 
vêque était  Etienne  du   Perche,    cousin  de  Marguerite,    mère 
du  roi  et  régente  pendant  sa  minorité,  et  fils  de   Rotrou   II, 
dont  la  veuve  avait  épousé  Robert,  comte  de   Dreux,   père  de 
Louis  VII. 
Vnisj.  t.  III,       Cette  lettre  est  pareillement  de    1169.   Le  nouvel  historien 
Preuves  p.   120.  do  Langucdoc,    et    Baluze   dans  son  histoire  d'Auvergne,  en 
~  °*9r'  'hi"'  rapportent  une  de  1 171 ,  à  Roger,  comte  de  Béziers,  par  laquelle 
de  Fr.  t.  XVI,  le  prince   lui  fait  don   du  chûteau  de   Minerve,  en    considéra- 
p-  '^'3-  lion  de  son  mariage  avec  sa   nièce,  (Adélaïde,    fille  de  Rai- 

mond,  comte   de  Toulouse,  et  de  Constance,  fille  de  Louis- 
Duchesne,  le-Gros  ),   SOUS  la  condition   de   l'hommage.    Duchesne  et   dom 
I.  ly,    p.    TS'J.  ]yiartène   en    rapportent   une    autre,     antérieure  à  1172,    et 

—  M»rl.     Am()l.  '^^  i  n      i  • 

Col.    t.  VI,  p.  adressée  à  Ervise,    abbé  de  Saint- Victor,    par  laquelle  le   roi 
"^^^  réclame,  en  vertu  des  droits   de  la  couronne,  ce  qui    lui   re- 

vient sur  un    trésor  découvert  à  Empomville,    prés  de  Pithi- 
viers,  diocèse  d'Orléans, 

Telles  sont  les  principales  lettres  de  Louis-le-Jeune  ;  occu-' 
pons-nous  maintenant  des  chartes  et  des  ordonnances  qui 
nous  restent  de  lui. 

On  peut  ranger  sous  plusieurs  classes  les  chartes  et  les 
lois  données  par  Louis-le-Jeune.  Les  unes  ont  pour  objet  de 
favoriser  des  monastères,  des  abbayes,  des  églises,  des  pré- 
lats :  les  autres  s'adressent  à  des  villes  ;  elles  en  conservent, 
en  accroissent  les  privilèges,  et  abolissent  les  mauvaises  cou- 
tumes ;  elles  tiient  létal  de  leurs   habitans   en  géoéral,   de 


LOUIS-LE-JEUNE.  69 

quelques-unes  de  leurs  corporations  en  particulier  :  les  autres  xii  sieclb. 
ont  du  rapport  au  domaine  du  prince,  à  ses  droits  doma- 
niaux, à  quelques  contributions  imposées  :  les  autres  enfin, 
sont  des  mesures  générales  de  police  et  d'administration  pu- 
blique. Nous  ne  ferons  guères  qu'indiquer  les  premières: 
celles  des  trois  autres  classes  pourront  exiger  quelques  déve- 
loppemens. 

Parmi  les  premières  sont  une  charte  de  1154,  en  faveur 
des  églises  de  Saint-Sernin   de  Toulouse  et  de  Notre-Dame 
de  la  Daurade  de  la  même  ville;  une  autre  de  1155,  en  fa- 
veur de  l'église  de  Maguelone,  alors  épiscopale,  et  dont  le 
siège  a  été  transféré  depuis  à  Montpellier  ;    une   troisième , 
en  1156,  pour  celle  d'Usés;  une  quatrième  et  une  cinquième, 
en  1157,  pour  les  églises  de  Narbonne  et  de  Nismes  ;   trois 
autres  encore  en  1161,  1162,   1163,  en  faveur  de  celles  de 
Mende  et  de  Lodève,   et  de  l'abbaye  de  Saint-Gilles.   Elles 
sont  toutes  imprimées  parmi  les  preuves  de  la   nouvelle  his-     t.  h,  p.  m, 
toire   de  Languedoc.   Marlène,    dans    son   Trésor   des    anec-  ^?^'  ""'•    ^*'^' 
dotes  (1),  annonce  un  don  annuel  et  perpétuel,   d'une  cer-  ^'^' "*''  ^"• 
taine  quantité  de  froment,  fait  par  une  charte  de  Louis  VII 
au  monastère  de  la  Charité-sur-Loire,  moyennant  lequel   on 
célébrera  un   anniversaire  pour  son  père   et   pour  lui.   11   a 
publié,   dans  le   premier    tome  du  même  ouvrage,   d'autres 
chartes  du  même  prince  en   faveur  de  plusieurs  églises  ou     p.  m,    S87, 
monastères.  kqi. 

La  collection  des  ordonnances  de  nos  rois  nous  offre  des     ^'  ''  ""  *' 
lettres  patentes  données   à   Paris,    en  1137,  sur  les  élections 
aux  évêchés  et  aux  abbayes  d'Aquitaine,  sur  la  jouissance  et 
la   transmission  de   leurs  biens,  sur  lès  obligations  des  nou- 
veaux élus  envers  le  prince;  d'autres  lettres-patenles,  de  1138,  ,,  y^^        ^^^ 
accordant   des    privilèges  au  chapitre  de   Brioude;  d'autres     '      '  ''' 
de  1141,  défendant  de  vexer  en  aucune  manière  les  religieux 
de  Saint-Pierre  de  Melun  (2);  d'autres  de  la  même  année,  con-  t.  xi,  p.  m 
Armant  la  donation  d'un  territoire  à  deux  églises  d'Etampes 
et  les  immunités  dont  ce  territoire  jouissait  ;  d'autres  de  11  48,   '•'•  x'.  p.  19*. 
en  faveur  de  l'église  de  Tournus  ;  d'autres  de  1151,  pour  as-  T-  ^i,  p 


198. 


(Tome  I,  p.  390  et  suiv.  La  date,  dans  Martène,  est  de  1 138  ;  on  la  suppose 
de  1143  dan.  le  Qallia  Christiana,  tome  XII,  p.  405.  Voir  encore,  p.  478  du 
même  tome  de  Martène,  une  lettre  de  Louis  Vil,  de  1 170,  à  l'évoque  d'Autun,  en 
faveur  de  co  monastère. 

n  ?o/!'^ô,'^''  ^'  J^''  '^"''*'"  *  conserve,  torâa  I  du  Trésor  de.  anecdote., 
p.  3»1  et  392,  un.  charte  de  1 1 39  en  faveur  du  mâine  monwtère . 
7 


70  L0UIS-LE-.1EUNE. 

XII  SIECLE,  surer  à  l'évêque  de  Beauvais,  la  conservation  de  son  droit 
de  justice  sur  la  commune;  d'autres  de  W'àrt,  pour  réprimer 
un  pillage  constamment  exercé  sur  les  biens  meubles  des 
évoques  de  Chartres,  au  moment  de  leur   mort  (I);   d'autres 

,,^,1    ,    ,        de  Ho8,  en    faveur  de  l'église   de   Laon,   qui   ont   aussi  cet 

13;  I.  IV.  p.  sr).';.  objet,    quoiqii  elles    en     aient     un     beaucoup     plus     étendu; 

celles  dont   nous  avons   déjà   parlé,    pour  l'abbaye  de  Saint- 

T.  IV.  p  2(Hi.  Gilles;  celles  qiii  portent  que  l'abbaye  de  Cusset  et  les  biens 
qui  lui  appartiennent,  ne  seront  point  démembrés  de  la  cou- 
y,  .M-  ronne  ;  enlin,  une  concession  de  privilèges  et  d'immunités, 
pour  le  chapitre  de  Saint-Klienne  de  Bourges.  Ce  pillage  des 
maisons  des  évéciues  après  leur  mort,  (jue  nous  avons  remar- 
qué dans  l'église  de  Chartres,  ot  (|ui  allait  quelquefois  jus- 
(pi'ii  ruiner  les  bàliniens  pour  en  prendre  les  matériaux, 
iii,i.  .Il-  i>a    avait  déjà,   sous  ce   règne,    excité  les   plaintes  de   léglisc    de 

lis,  aux    Pieiiv.  pjj,.jg     yj     (lonné     licu    à    uue     charte     de     Louis-le- Jeune, 
p.  ;i!)6.  ^ 

en  H  4  i . 

T  II,  :.u\  Le  Gallia  Christiaaa  a  conservé  un  diplôme  de  M3t,  pour 
Piriiv.  p.  ->»■>.  goiisicaji-t,  j,.  inonaslèie  de  Maillezais  en  Poitou,  à  une  juri- 
tliction  réclamè(^  sur  lui  par  droit  héréditaire  :  et  un  autre 
de  11 5!».  en  fa\iMir  de  le^^'lise  de  Bourires.  Dans  celui-ci,  le 
roi  p(>rmet  ii  larchevèipie  de  faire  son  testament.  La  charte 
contient  de  plus  (juelques  détails  ass(!z  curieux  sur  divers 
usages  de  ce  l{îin[)S-l;i.  On  p(Mit  reni;in|uer  (*>)  (jue  Louis  VII 
y  est  appelé  roi  di;  France,  au  lieu  île  roi  des  Français,  appel- 
lation dont  on  avait  fait  usage  jiisiju'alors,  (>t  qui,  au  reste, 
nesl    pas  employée  dans    le    registre    de    Philippe- Auguste , 

tlaorès  k'duel  celte   charte  a  été  transcrite  dans  le  recueil  des 
I   .\i   |.    -'l'i.        '  '       ,  .      .^  1    . 

T.    II.    .-.in  ordonnanri's  de  nos  rois.    La   rrance    chrétienne  en  conserve 

l'rciiv    r'  -"'i-deux  autres,   l'une  de    114(),   en    faveur  de  1  église  du   Puy  ; 

huître  de  lliiS,  en  faveur  de  lévèiiue  de  cette  ville;  et    une 

T    II     :.i.x  Iroisicnie  encore  de   1l7i,  en  laveur  de  l'église  de  Bourges; 

l'ir.iY.-.,  |,    Ki.    |,.,,    eelle-ci,    il   aecoi'de   la  permission   de  fortilier   le   cloître, 

a  condition  que    larchevèijue    et    les    chanoines    permellronl 

avec  serment  de  ne  jamais  s'en  servir  contre  les  intérêts   du 

roi,  et  de;  le  lui  reim'ltre  à  sa  volonté;   il  les  exemple  de  la 


(1)  Tome  1,  p.  11  ;  et  p.  i.  tles  lettres  semblables,  déjà  données  par  l'hi- 
lipjie  l'-',  en  1 105,  à  l:i  demande  de  l'évoque,  Ives  de  Cbartre». 

(•2)  Gallhi  Chrisliana,  t.  II,  p.  i:î  et  14  de.s  l'reuves.  Dans  une  pièce 
citée,  p.  'l&i,  Lonis-lu-loiine  est  H|)pelé  Ludvricus  minor,  et  Louis  VI  ou 
le  Gros,  Ludocicus  magtius. 


LOUIS-LE-JEUNE.  71 

juridiction  iaï<iiie  dans  l'encointe  de  ce  cloître,  en  leur  donnant     ^"  sie< xk- 

le  pouvoir  déjuger  et  punir  les  délits  qu'y  commettraient  tant 

les  membres  du  chapitre  que  les  autres  clercs  qui  y  habitaient, 

et  leurs  domestiques.    Les   privilèges  de  l'église  de  Narbonne  uA.iieiy, 

furent  conlirmés  par  de  nouvelles  lettres  patentes,  en  WGo.         Spic.i.    i.    Xlii. 

,,  I  •     1    I  1      1  i>-  5">  «i  *"'^- 

Passons  aux.  lois  de  la  seconde  classe, 

La  Thaumassière  rapporte  dans  ses  anciennes  coutumes  du  ciiap.  il. 

..''.,,  ,  ,  ,  1'     9    ol      siiiv. 

lîerry,  el  on  a  imprime  dans  le  premier  volume  des  ordon- 
nances de  nos  rois,  des  lettres  de  1148,  qui  abolissent  plu- 
sieurs mauvaises  coutumes  de  la  ville  de  Bourges  :  voici 
comment  elles  entendent  ces  mots,  quels  usages  elles  réfor- 
ment, quels  usages  elles  établissent. 

Lorsqu'un  boiiri^'eois,  mandé  par  le  magistral,  négligeait  de 
comparaître,  K"  magistrat  (li.-:ait  :  Je  t'ai  appelé,  lu  n'as  pas 
daigné  venir  ;  fais-moi  raison  de  ce  dédain.  Le  duel  était  au- 
torisé, si  le  boiirgeoi.s  assigné  protestait  (|u  il  n'avait  pas 
connu  le  mandeiiieril  du  juge.  Louis  VII,  adoptant  en  cela  les 
idées  de  Loi.is  VI,  son  père,  défend  le  duel  et  le  remplace 
par  un  serment  (luon  sera  obligé  de  prêter,  pour  soutenir 
son  afTirmalion. 

Une  mauvaise  coutume  aussi,  dit  l'article  deux  en  commen- 
çant, était  établie  à  Bourges,  relativement  aux  cautions  :  le 
créancier  n  osait  saisir  leurs  effets  ou  les  prendre  en  gage,  sans 
la  permission  du  juge.  Le  roi  n(î  veut  plus  (]ue  cette  permission 
soit  nécessain;  ;  eliacun  pourra,  .sans  le  demander,  sans  se  pour- 
voir, de  sa  seule  autorité,  mettre  ia  main  sur  le  gage  el  veiller  à 
la  silrelé  de  sa  créance. 

Quelques  redevances  étaient  ordinairement  levées  dans  toute 
la  banlieue  sur  les  moissons  :  on  y  était  soumis  pareillement 
au  droit  de  gîte;  ces  deux  contributions  (1)  sont  abolies  par  l'ar- 
ticle 3  L'article  4  réduit  le  nombre  des  viguiers  (|ui  sélaient 
multipliés  ;  il  n'y  en  aura  plus  (pi'un  désormais  dan>  ciia(|u»> 
arrondissement. 

Le  haut  ban,  c'est-à-dire  la  convocation  des  personiies  sou- 
mises envers  le  roi  à  quelque  service  personnel,  à  quelque 
corvée,  avait  lieu  toutes  les  fois  (|ue  cela  plaisait  ainsi  au 
prévôt  ou  an  viguier,  cl  ils  forçaient  ceux  à  qui  il  était  im- 
posé, à  s'en  racheter  pour  de    l'argent.   Louis   VII   défend  de 


(1)  On  peut  voir,  sur  ce.s  deux  conti'ibution.s  et  sur  toutes  colles  dont 
il  va  être  parlé,  le  di.^cours  préliminaire  ilu  tome  XV  i  des  Ordonn.'uice.i 
lie  nos  rois. 


72  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  SIECLE,     l'exiger  plus  de  trois  fois  l'année,  à  des  termes  convenables, 
et  tout  rachat  est  interdit. 

Mestiva  était  une  contribution  sur  le  blé  recueilli.  Louis  VU 
la  définit  lui-même  dans  une  charte  en  faveur  de  l'église  de 
Saint-Denis,  tallia  de  annonâ  :  il  avait  déjà  rappelé  celte  con- 
tribution, dans  un  des  articles  que  nous  venons  de  citer.  Il 
déclare  ici  qu'on  ne  percevra  aucune  mestive  au  proflt  du 
roi,  sur  ceux  qui  n'auront  pris  des  bœufs  que  depuis  la 
Saint-Michel  jusqu'aux'  moissons  suivaules.  Ce  passage  nous 
fait  connaître  un  mode  de  perception,  ou  plutôt  les  bases  sur 
lesquelles  on  établissait  la  quotité  de  l'impôt  :  la  portion  en 
était  moins  forte,  si,  au  lieu  de  bœufs,  on  n'employait  que 
des  ânes;  moins  forte  encore,  si  on  n'avait  aucun  de  ces  ani- 
maux. 

Le  roi  met  un  prix  à  l'abolition  de  ces  mauvaises  coutu- 
mes. Tout  chef  de  famille  lui  payera  une  mesure  de  froment 
chaque  année.  On  en  payera  une  également,  par  bœuf,  et  une 
mesure  d'orge,  pour  le  rachat  des  charrois. 

Il  y  a  quelques  dispositions  encore  dont  les  principales  regar- 
dent les  personnes  étrangères  à  la  commune,  qui  viendront  ap- 
porter au  marché  de  Bourges  des  denrées  ou  marchandises  à 
vendre,  ou  qui  désireront  de  s'y  établir.  Le  roi  met  les  premières 
sous  sa  sauve-garde,  en  allant  et  en  revenant  ;  si  elles  commet- 
tent quelque  délit,  elles  l'amenderont  à  l'arbitrage  des  barons  ; 
c'est  ainsi  que  la  loi  désigne  les  principaux  habiians  de  la  ville 
commune  de  Bourges  ;  et  d'ailleurs  elles  pourront  emporter  leurs 
efFels.  Les  étrangers  à  la  commune  qui  viendront  s'y  fixer  et  y 
bâtiront  une  maison,  auront,  pourvu  qu'ils  soient  nés  en  France, 
la  faculté  de  disposer  de  leurs  biens  en  faveur  de  leurs  pa- 
rens. 
Ord.  (le  XI  Cette  protection  accordée  à  ceux  qui  viendront  vendre 
197.  dans  la    commune,    aux    marchands  qui    y  séjourneront,    se 

trouve  pareillement  dans  des  lettres  de  1150,  pour  la  ville 
de  Mantes  ;  les  autres  articles  portent  que  les  habiians  seront 
exempts  à  perpétuité  de  taille,  de  prise  ou  exaction  injustes. 
Ce  qu'exigeront  le  besoin  de  la  ville,  ou  le  service  du  roi, 
sera  fourni  par  tous  proportionnellement  aux  facullés  de 
chacun.  Les  habiians  auront  seuls  la  garde  de  leurs  vignes. 
Si  quelqu'un  demeurant  hors  de  la  commune,  a  forfait  envers 
elle,  et  qu'il  ne  veuille  pas.  le  réparer,  elle  .est  autorisée  à 
s'en  faire  justice  par  tous  les  moyens  possibles.  On  contrain- 
dra aussi  par  tous  les  moyens,  l'homme  qui  en  ayanl  frappé 


LOUIS-LE-JEUNE.  73 

un  autre,  lui  refuserait  la  satisfaction  qui  lui  est  due.  Si  lau-  xii  siècle. 
leur  d'une  injure  personnelle  est  amené  dans  la  ville,  sans 
que  celui  qui  l'y  amène  l'en  connaisse  pour  l'auteur,  celui-ci 
pourra,  celte  fois  seulement,  l'en  faire  sortir,  en  attestant 
par  sertnent  qu'il  ignorait  celte  injure;  sinon,  le  coupable 
sera  arrêté.  Si  l'hôte  de  quelque  chevalier  forfait  contre  son 
seigneur,  le  seigneur  en  pourra  saisir  les  biens,  s'il  n'obtient 
pus  une  réparation  convenable  ;  et  sur  sa  déclaration  que 
l'impossibililé  d'obtenir  justice  lui  a  fait  prendre  cette  me- 
sure, le  pnév5t  du  roi  ne  négligera  rien  pour  qu'elle  lui  soit 
fendue. 

Des  coutumes  furent  données,  trois  ans  après,  aux  habi- 
tans  de  Seaus,  en  Gâtinois.  Elles  règlent  ce  qui  concerne  les  ^QQ^'  ''  ^'' 
délits,  les  forfaitures,  les  anaendes  ;  elles  font  de  la  commune 
un  véritable  lieu  de  sauve-garde  et  dasyle  pour  les  coupables 
étrangers  qui  s'y  réfugient  et  pour  leurs  biens  ;  elles  attachent 
beaucoup  de  force  au  serment  de  l'accusé  pour  sa  justifica-^ 
lion,  excepté  dans  les  crimes  majeurs,  coQitoe  le  vol,  le  rapt, 
la  trahison,  l'homicide.  Nul  ne  pourra  être  forcé  d'aller 
plâidef  hors  de  la  ville  ;  nul  ne  pourra  être  ârtêté,  tant  qu'il 
aura  letiu  justice.  Les  habitans  sont  déclarés  exempts  de 
toute  laille  et  levée,  excepté  des  coutumes  dues  au  rdi  ou 
aui  nobles;  ils  ne  sortiront,  pour  aller  en  guerre,  que  sous 
la  condition  de  rentrer  le  soir  chez  euît.  Quiconque  aura 
demeuré  un  an  dans  la  ville,  de  l'aveu  des  naagistrats,  sera 
affranchi  de  toute  servitude.  Il  y  a  quelques  articles  encore  sur 
les  droits  relatifs  aux  ventes  d'immeubles,  et  sur  d'autres  objets 
Inoinâ  importans. 

Deux  ans  après  encore,  en  1 1  b5,  nous  voyons  Louis  VII  abolir  t.  xi,  p.  200. 
une  coutume  bizarre  à  Étampes  :  c'était  que  le  prévôt,  le  viguier, 
les  sergens,  les  autres  officiers  du  roi,  ne  payaient  que  les  deux 
tiers  du  prix,  lorsqu'ils  achetaient  de  la  viande.  Louis  VII  veut 
qu'ils  rentrent  dans  l'obligation  commune,  qu'ils  n'aient  pas  plus 
de  droits  que  les  autres  habitans. 

Plusieurs  mauvais  usages  de  la  villB  d'Oriéads  furent  aussi  ord.  t.  r,  p. 
abolis  pâf  une  ordonnance  de  Louis-le- Jeune,  en  1168.  Où  ^^-  «'«• 
n'exigera  aucune  coutume,  dit  l'article  premier,  de  l'étrangèt 
qui  vietidfa  dans  cette  ville  pour  y  réclamer  lef  paiement  de 
ce  qui  lui  sera  dû.  On  n'en  exigera  aucune,  dit  l'arlicl*  f ,  dô 
celui  qui  n'aura  fait  qu'offrir  sa  marchandise  et  en  dire  l6 
prix.  L'arlrcle  3  défend  d'ordonner  le  duel,  quand  1*  coûtes- 
lation  ne  s'élèvera  pas  au-delà  de  cinq  sols.  L'article  4  déclare 

Tome  XIV.  .     K 

7  • 


(1.  SJil'.l. 


74  l.<)i:iS-l.l-:-.ll<  UNE. 

Ml  siF.( LF..  qu'on  ne  sera  pas  (lc(  lui  de  son  dioil,  pour  n'avoir  pas  amené 
le  garant  promis  au  Jour  indiqué;  il  autorise  à  le  produire 
un  aulro  jour.  Nul  lionime  associé  avec  un  autre  pour  la 
ferme  des  audi(!nces  ne  payera  la  coutume  entière,  mais  sa 
part  seulement,  dit  l'article  o  ;  et  l'article  (5  :  Les  cabaretiers, 
les  crieurs  de  vin  n'en  achèteront  point  à  Orléans  pour  l'y 
revendre.  L'article  îl  |)rescril  la  même  chose  pour  des  regrat- 
ticrs  qui  y  ac(pieriaieul  des  comestihies.  L'article  8  avait 
voulu  qu'il  n'y  cùl  plus  désormais  de  meneurs  ou  conduc- 
teurs de  ceux  qui  achèlent  des  vins.  Les  dispositions  suivantes 
concernent  principaliînieul  les  vivres  amenés  au  marché,  le 
droit  de  prendre  ile.^  cliarrelles,  le  salaire  du  garde  de  la 
mine  de  sel,  I  achat  l'ail  du  |)ain  pour  le  revendre,  le  prix 
mis  à  la  haillie  de  (pielques  hahilans,  le  hrénago,  c'est-à-dire 
une  redevance  en  son  que  l'on  devait  aux  seigneurs  pour  la 
nourriture   de    liMirs    chiens.    -(.otiis-le-Jeune     la    réduit  à   ce 

..'„'r'  "■  ^''  'I"^'"l'  '^'i^'l  '^f'i's  le  règne  de  Louis-le-Gros.  Il  y  a  dos  lettres 
aussi  de  1 178,  (pii  abolissent  d  autres  mauvaises  coutumes  de  la 
ville  d'Orléans. 

Plus  de  douze  années  auparavant,  en  H  ;');>,  Louis  VII 
avait  accordé  aux  hahilans  de  Lorris  en  Gâlinois,  ces  cou- 
tun)es  devenues  eélèbres  par  les  demandes  et  les  concessions 
que  tant  de  communes  en  ont  laites  et  obtenues  dans  la  suite. 
On  n'en  connaît  gueres  de  plus  anciennes  en  France  ;  et  elles 
ont  tenu  trop  de  place  dans  I  histoire  de  notre  civilisation,  de 
notre  jurisprudence!,  de  notre  police,  pour  que  nous  ne  les  rap- 
portions pas  dans  toute  leur  élendue. 

V.    I lie   le       La  coulunK!  de   Lorris  a  3;')  articles.  Ouelques-unes  de  ses 

i.   XI   lies  Oui.  dispositions  .sont  déjà  ou  à-ptMi-iirès  dans  les  diverses  letlres- 

p       M^     CI      MUT.  '  ,  •'  '    ,  '  ...... 

patentes  dont  nous  a\ons  rendu  C()nq)le  ;   mais  ici,  la  loi  est  plus 
générale,  plus  complèle. 

1.  Tout  halnlaiil  paiera  six  deniers  de  cens  pour  sa  mai- 
son et  pour  cliaipic  aipeiil  d(3  leire  (pi  il  possédera  dans  la 
paroisse. 

2.  Aucun  d'eux  ii(>  paieia  aucun  droit  sur  ce  (pi'il  achclera 
pour  sa  subsislance,  ou  ijuand  il  vendra  les  productions  de  ses 
I erres. 

'.i.  Aucun  d'eux  ne  sera  tenu  de  marcher  pour  une  expé- 
dition militaire,  sil  ne  peut  être  revenu  chez  lui  le  même 
jour. 

L'article  4  les  exeiupte  de  tous  péages,  depuis  iMclun  juscpi'à 
Orléans. 


L  C)  U  I  s  -  I.  E  -  .1  E  L  N  E.  75 

5.  La  confiscation   de    leurs  biens  ne   pourra  t'irc  pronon-      x'i  siki.lk. 
cée  que  dans  le  cas  de  délits  commis  envers   le    roi    ou  ses 

hôtes  (on   appelait    hôtes  du    roi  ceux  à    qui  il  avait    donné 
une  maison,  moyennant  une  redevance  annuelle). 

6.  Ceux  qui  iront  aux  niarcliés  et  aux  foires  de  Lorris,  ou 
en  reviendront,  no  pourront  être  arrêtés  que  pour  un  déHl 
qui  aurait  été  commis  le  jour  même.  On  ne  pourra,  pendant 
ces  foires  ou  marchés,  saisir  le  gage  d'une  caution,  si  le  cau- 
tionnement n'a  été  donné  à  pareil  jour,  c'est-à-dire,  pen- 
dant qu'on  les  tenait  aussi. 

7.  Los  amendes  de  soixante  sous  seront  réduites  à  cinq  ; 
celles  de  cinq  sous,  à  douze  deniers  :  on  réduira  à  quatre  de- 
niers ce  qu'on  paie  pour  la  pré.sonlalioii  d'une  requête  ou 
d'une  plainte  au  prévôt. 

8.  Aucun  habitant  ne  sera  obligé  de  sortir  île  la  commune, 
pour  plaider  avec  le  roi. 

9.  Aucune  taille,  aucun  don,  ne  pourront  être  exigés  par 
le  roi  ou  par  tout  autre,  des  habitants  de  I>orris. 

10  Aucun  n'y  aura  droit  de  banvin,  si  ce  n'est  le  roi 
pour  le  vin  de  son  propre  cellier. 

11 .  Le  roi  aura  (juinze  jours  pour  |iayer  les  vivres  achetés 
pour  lui  et  pour  la  reine:  les  gages  doiniés  pour  la  sùrelé  du 
paiement  pourront  être  vendus  huit  jours  après    l'échéance. 

12.  Si  un  honamc  en  ollense  un  auli-e,  et  (|u'ils  s'acconj- 
modent  avant  (jue  la  |)liiinle  ai(  vU'  formée  en  justice,  l'of- 
fenseur ne  devra  pas  l'annndc  il  n'eu  sera  dû  non  plus 
aucune,  si,  la  [)laiule  formée,  elle  n'est  suivie  d'aucune  con- 
damnation envers  l'une  ou  I  autre  dcstleux  parties. 

13.  On  peut  dispen,ser  d'un  sernuMil  (pion  aurait  pu  exiger. 

14.  Sia[)rès  avoir  donné,  du  conscnteuKml  du  [)révôt,  le.s 
gages  de  bataille,  les  parties  ^'accommodent  avant  ([uc  les 
otages  soient  livrés,  elles  |)aieron[  chacune  deux  sous  six  de- 
niers ;  elles  paieront  sept  sous  six  deniers,  si  les  otages  avaient 
déjà  été  donnés  .  le  combat  Uni,  les  otages  du  vain;:u  paie- 
ront cent  douze  sous  d'amemle.  flelle  dernière  disposition 
est  devenue  l'origine  d'un  proverbe  céJèbic. 

15.  Aucune  corvée  ne  sera  due  au  roi,  si  ce  n'est  de  con- 
duire, une  fois  chacpie  année,  sou  vin  à  Orléans  ;  et  encore 
n'y  aura-t-il  d'obligés  (pie  ceux  ({ui  ont  des  charrettes  et  des 
chevaux,  cl  qui  auront  été  sommés  de  le  faire  ■  le  roi  ne 
sera  pas  tenu  de  les  nourrir.  Les  gens  de  la  campagne  appor- 
teront du  bois  pour  sa  cuisine; 


76  LOUIS-LE-JËUNE. 

XII  siKCLE.  \Q     Aucun  habitant  ne  pourra  être  détenu  comme  prison- 

nier, s'il  donne  caution  de  se  représenter  en  justice.  Article 
mémorable  encore,  qui  passa  dans  la  législation  des  peuples 
voisins,  et  qui  se  perdit  dans  la  nôtre. 

17.  Tout  habitant  sera  libre  de  vendre  ses  biens,  et  après 
avoir  payé  les  lods-et-ventes  ,  de  sortir  de  la  commune,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  commis  un  délit. 

-18.  Quiconque  aura  demeuré,  un  an  et  un  jour,  à  Lorris, 
sans  que  nous  ou  notre  prévôt  nous  y  soyons  opposés,  pourra 
y  demeurer  toujours  librement  et  tranquillement. 

19.  On  ne  plaidera  que  pour  obtenir  ce  qu'on  a  droit 
d'exiger. 

Les  articles  20,  21  et  22  déterminent  les  droits  que  paie- 
ront les  marchandises  allant  de  Lorris  à  Orléans  ;  ceux  que 
les  laboureurs  paieront  aux  sergens,  dans  le  temps  des  mois- 
sons :  il  ne  sera  rien  dû  au  crieur  public  ni  à  celui  qui  fait 
le  guet,  à  l'occasion  des  mariages. 

L'article  23  règle  ce  qu'il  faudra  faire  si  les  animaux  des 
particuliers  causent  du  dommage  dans  les  bois  du  roi 

24.  11  n'y  aura  pas  de  porteurs  de  pain  aux  fours  ban- 
naux,  c'est-à-dire,  des  porteurs  qu'on  soit  obligé  de  choisir 
et  de  payer. 

25.  Les  habitans  ne  seront  point  assujétis  à  faire  le  guet, 
à  monter  la  garde. 

26.  Ils  ne  paieront  qu'un  denier  par  charrette  pour  le  se' 
ou  le  vin  qu'ils  porteront  à  Orléans. 

27.  Les  prévôts  d'Étampes,  de  Pithivicrs,  des  autres  villes 
du  Gûtinois,  ne  pourront  exiger  une  amende  des  habitans  de 
Lorris. 

L'article  28  désigne  quelques  villes  oîi  ces  habitans  seront 
dispensés  de  payer  le  tonlieu.  L'article  30  fixe  l'époque  oii  ils 
devront  le  payer,  au  plus  tard,  dans  leur  propre  commune. 
L'article  29  les  avait  autorisés  à  prendre  hors  de  la  forêt  du 
bois  mort  pour  leur  usage. 

31.  Les  habitans  qui  auront  une  maison,  une  vigne,  un 
pré,  un  champ,  une  possession  quelconque,  dans  des  lieux  dé- 
peudans  de  Saint-Benoît,  ne  seront  pas  justiciables  de  l'abbé, 
si  ce  n'est  pour  le  non  paiement  du  cens  ou  du  droit  de 
gerbe  ;  et  dans  ce  cas  môme,  ils  ne  seront  pas  tenus  à  sortir 
de  Lorris  pour  être  jugés. 

32  Tout  habitant  accusé  se  purgera  par  son  seul  serment, 
s'il  n'y  a  aucune  preuve  par  témoins  contre  lu'i. 


LOUfS-LE-JEUNE.  77 

33.  Les  habitans  ne  paieront  aucun  droit  sur  ce  qu'ils  aehe-     xh  siècle. 
leront  au  marché  pour  leur  usage. 

L'article  34  déclare  toute  la  loi  commune  à  quelques  ha- 
bitans voisins.  L'article  35  veut  que  toutes  les  fois  qu'on 
nommera  un  nouveau  prévôt  ou  de  nouveaux  sergens,  ils  jurent 
tous  d  observer  fidèlement  les  coutumes  de  Lorris. 

Nous  avons  dit  que  plusieurs  villes  demandèrent   bientôt 
à  jouir  pour   elles-mêmes   de    ces    coutumes.    Louis  VII  les      Or<i.  des  rois 
octroya,  en  1159,  à  une  paroisse  assez  voisine  d'Orléans,   le  '*'=  ^''-  '•  '"'  p 
Molinet,  que  son  seigneur  venait  de  lui  céder.   En   1165,  il  ^^* 
les  octroya  aussi,  pour  le  droit  de  gîte  en  particulier,  aux  ha-       ord.  t.  xiii, 
bilans  de  Senely,    bourg  de  l'Orléanais.    Des  lettres-patentes  p-  ^'^^■ 
données  à  Sens,  en  1 1 63,  les  avaient  accordées  à  Villeneuve-      ht  '    '  ^'  ' 
le-Roi,  et  les  expressions  même  de  ces  lettres  sont  un  témoi- 
gnage indirect  de  tout  le  prix  qu'on  attachait  à  obtenir  des 
coutumes  semblables  à  celles  de  Lorris  :  le  roi  croit  assurer, 
par  une  telle  concession,  I accroissement  rapide  de  cette  ville 
que   lui-même    venait    de    faire    construire,    et  qu'il    appelle 
Villa  franca,  quoiqu'elle  ait  eu  ensuite  et  conservé   le  nom 
de  Villa  nova  régis;  ut  in   brevi  cresceret,  dit-il,  quia  vole- 
bamus  multos  ibi  esse  habitatores,  ipsis  concessimus  omnes 
consuetudines  Lorriaci.  Adélaïde  de  Savoie,  mère  de  Louis- 
le-Jeune,   ayant   acquis  par  un   échange   avec  des  chanoines 
d'Orléans  un  lieu  nommé  Sonchalo  que  l'on  croit  être  Chail- 
lou-la-Reine,    elle    accorda    aux    habitans ,    ses   hommes   du 
corps  et  ceux  du   roi  exceptés,  la  même  coutume  de  Lorris, 
à  condition  que   chacun   d'eux    payerait  cinq  sous  annuelle- 
ment pour  sa  maison.    Louis  VII    confirme  par  des  lettres-      ord.  i.  viii, 
patentes  de  1175,  la  concession  de  sa  mère,  sous  la  réserve  p  ■'*• 
néanmoins  qu'on  ne  pourrait  y  recevoir  comme  libres  les  serfs 
du  roi. 

Quelques  privilèges  furent  octroyés,  en  1169,  aux  habitans        ord.  t.  vu, 
d'un  bourg  voisin  d'Etampes.  Ces  privilèges  sont  une  exemp-  ^-  *'^^- 
tion  de   taille,  d'impôt,  d'osl  et  de  chevauchée,  moyennant  une 
rente  fixe  que  chaque  habitant  payera,  chaque  année,  et  une 
modération  d'amende  en  cas  de  délit. 

Les  anciennes  coutumes  des  bourgeois  de  Paris,  négociant 
sur  la  Seine,  furent  confirmées  par  des  lettres- patentes  dç 
1170(1).  Nul  ne  peut  apporter  à  Paris,  qi  en  faire  sortir,  des 


(1)  Elles  sont  en   latin,  tome  II  des  Ordonnances,  p.  436,  et  en  français, 
tome  IV,  p.  270  et  271. 


78  LO  L  1  s -LK- JEU  N  E. 

XII  SIECLE,     marchandises  par  eau,  dit  cette  loi,  depuis  le  pont  de  Mantes 
'  jusqu'aux  ponts  de  Paris,  s'il  n'y  est  marchand  de   l'eau,  aqiiae 

mercator,  ou  associé  à  un  marchanil  qui  le  soit,  sous  peine 
de  confiscation,  dont  moitié  pour  le  roi  cl  moitié  pour  les 
hommes  voués  à  celte  sorte  de  commerce.  On  pourra  toute- 
fois venir  de  Rouen  avec  des  bateaux  vides  jusqu'au  village 
du  Pec  (I),  les  y  charger,  cl  les  ramener,  sans  être  en  société 
avec  les  marchands  de  1  eau  de  Paris.  Si  ou  venait  plus  près, 
la  confiscation  serait  aussi  dans  le  cas  détrc  prononcée. 

Diverses  lettres    ou  chartes,    accordant  ou  confirmant  des 
privilèges  à  des  villes,  à  leurs  habitans,  ou  en  réglant  l'ordre, 
la  police,    ont  encore  élé  recueillies    parmi    les  ordonnances 
de  nos  rois. 
ord.  des  rois       Lcs  deux  premières,  toutes   doux  de  1137,   sont  Tune  en 
do  Fr.  I.  XI,  p.  faveur  d  lîllampes,   l'autre  en  fiivour  d'Orléans.    Le  roi  promet 
ISS  cl  ISO.         aux  deux  villes  de  ne  taire  aucun  changement  aux  monnaies, 
moyennant   une   contribution  à   laquelle    elles  .se  soumetleul. 
A  Étampes,  le  roi  seul  exercera  le  droil  de  banvin  ;    les  pré- 
vois ne  percevront  plus  rien  dans  les  tavernes;  les  crieurs  de 
vin   ne    pourront    refuser    à    ceux    qui   la    demanderont  une 
mesure  pour  le  vendre,  ni  exiger  au-delà  de  ce  qu'on  a  trou- 
jours  exigé    A  Orléans,  aucune   semonce  ne    pourra   être  faite 
il   un   bourgeois,   si  ce   n'est   par  I  ortlre  du   prmce  ou  de  son 
sénéchal  ;    et   quand    il    en  aura  leru    une    semblable,    il   ne 
pourra,   en    comparaissant,    être    reti-nu,   s'il   na   été  pris   en 
lla^ranl  dclil.    mais  il  aura  la  liberté  de  .-^'t'ii  aller,  de  [tasser 
un   jour  <'ii   sa  maison,   el   a[>n's.    lui  el  ses  biens  seront  en  la 
vol'jiite  (lu   roi.    Le    prévôt   ne   doit    pas   soulfrir   ipie  ses  gi'us 
ihsiilleut    les    bouigeois  ;    aucune   an^'iidc    ne    sera   payée,   si 
eu\-miMi:es  sont  malli'aités.   Les  mainmorles  au-dessus  de  sept 
ans  ne  seront  pas  recherchées. 
Oui  I   xt.       Il   V  en  a  un*;  de  Mil,  pour  fixer  le  nombre  et  les  droits 
I'   '""         ,  .    (les  crieurs  de  vin  ii  Bourges;  une  île  11 4  i,   pour  confirmer 
_  i.oisoi.  Mom.  la   rharlre  de  commune,   donnée  par  Louis   VI  à  la  ville  de 
cl.    i!.;.iiv:ms.   |i.  |{(^.aii vais  ;  uiic  ilc  1 1 1-'),   (pii   accorde  des  privilèges  aux  habi- 
''    ,,^j    j    Y,    laiis  d'un  lieu  peu  connu,  quoiipi  il   ne  fût    giières  éloigné  de 
|..  7!r,  l'aiis;    une   de   1147,     pour  donner    à    Ihôpital    des   lépreux 

T.  M.  i».  !!•..    j  |.;(;,|,i|u's    le   labourage    d'une   clianue ,     une    foire,   cl   tout 
I  émolument  (|ui  en  [troviendra,  et  chaque  année  trois  muids 
T.  III  |..  nor).  lie  froment  et  douze  de  vin  ;  une  de  1  l.'J8,   pour  un  lieu  jtlus 


(1)  Près  de  Paris,  au  bas  'le  Saint-' '(.•imain-eii-Laye. 


LOUIS- LE-.IEI;  NE  7!) 

voisin  encore  do  Paris,  (|ui  y  loiirliail  nirnie,  les  rauroaux,  xii  sieole. 
dans  l'endroit  qui  forme  aiijoiiid  liui  la  partie  supérieure  du 
faubourg  Saint-Jacnfuos  ;  une  dr.  117"),  non  moins  favorable  t.  xi.  i>.  20s. 
aux  habiluns  de  I)un-lo-Hoi.  en  Ikrry.  Ce  sont  presque 
toujours  des  exemptions  tie  taille,  des  dispenses  ou  des  mo- 
difications du  service  militaire,  des  règlemens  sur  les  amendes, 
la  juridiction,  l(>s  délils,  sur  \v  dniil  d  habitation  ,  la  vente 
ou  le  transport  des  marciiandises.  Dans  la  loi  pour  beauvais, 
il  est  dit  (|ue  le  roi  cl  le  grand-sénéchal  pourront  seuls  y 
amener  l'homnie  (pii  aurait  comiiiis  un  forfait  envers  un 
membre  de  la  commune,  à  muins  (pi  il  nr.  vienne  pour  offrir 
la  satisfaction  qui  est  due. 

La  |)oiice  des  coi|)orati(»ns  li\e  aussi  lallention  du  prince. 
Une  loi  de  11(12  est  lelalive  aux  bouchers  de  Paris,  et  leur 
rend  d'anciens  privilèges "doni  ils  avaient  cessé  île  jouir,  et 
dont  la  privation  élail  un  grand  mal  pour  eux,  si  l'on  s'en 
rapporte  aux  plaintes  (pi  ils  avaient  adressées  au  roi.  Ils  sont 
venus  à   nous,  disent  les  Idlres-palentes,  nous  ont  exposé  le  oui.  t.  ni, 

poids  de  leur  misère  ,  l'impo.ssibililé  de  subsister  pour  eux  !>•  -•'>*■ 
et  pour  leur  famille  ;  nous  en  avons  élé  émus  ;  nos  entrailles 
se  sont  ouvertes  ;  nous  les  avons  rétablis  dans  l'étal  oii  ils 
étaient  sous  nos  prédécesseurs.  La  loi  les  nomme- bouchers 
naturels,  naturales  carni lices,  ce  «pii  l'ait  croire  (pie  ct^tte  pro- 
fession restait  alors  ordinairement  dans  les  mêmes  familles, 
opinion  qui  peut  se  fortifier  ])ar  uni'  autre  loi  du  siècle  sui- 
vant, dans  laquelle,  en  parlant  du  droit  détablir  des  bouchers, 
on  dit  :  Constituendi  carni (ices ,  videlicel,  filios  carnificum.  T.  m,  p.  '■M). 
Il  fallut  leur  conscnlemenl  pour  (pie  l(,'s  Templiers  pussent  avoir 
deux  boucheries. 

Une  loi  plus  récente,  mais  assez  semblable  à  toutes  celles  ord.  t.  vu, 
dont  nous  avons  parlé,  accorde  à  un  lieu  du  leriitoire  de  p  27G. 
Poissy  et  à  ceux  (|iii  vicndionl  s''^  li\er,  moyennant  une 
augmentation  de  cens  annuel  (pi  ils  promettent  au  roi ,  une 
exemption  perpétuelle  de  toutes  les  contributions  ordinaires, 
militaires  ou  civiles;  en  nexceplant  que  les  amendes  judi- 
ciaires, lesquelles  encore  ne  pourront  être  que  de  douze  de- 
niers :  on  ne  pourra  les  ajourner  que  ilans  ce  lieu  m('''me  ou 
à  Poissy  :  ils  jouiront  du  droit  de  prendre  dans  la  forêt  voi- 
sine du  bois  pour  brûler  et  pour  bâtir;  ils  se  soumettent, 
s'ils  convertissent  des  bois  en  terres  labourables,  à  ne  vendre 
ces  terres  qu'à  des  personnes  qui  s(Mont,  comme  eux,  habi- 
tantes de  la  commune.   Cette  loi  fut  donnée  à  Paris  en  1174. 


80  LOUIS-LE-JEUNE. 

XII  SIECLE.         La  ville  de  Bruyères,  près  de  Cocapiègne,  esl  l'objet  d'une 

T.  IV,  |..  (il!»,  autre  loi,  datée  de  Compiègne  même,  en  H77.  Ceux  qui  vo««- 

dront  venir  s'y  établir  en  qualité  d'hôtes,  y  seront  reçus  :  ils 

n'auront  aucune  taille  à  payer,  aucune  exaction  injuste  à  sup-- 

porter  :  on  ne  les  mènera,  pour  une  expédition  militaire,  que 

dans  un  lieu  d'où  ils  puissent  revenir  chei.  eux  le  soif  même  ; 

ils  auront  l'usage  du  mort-bois  dans  une  forêt  voiâitte.  Suivent 

quelques  dispositions  sur  les  délits,  sur  les  amendes,  el  sur  un 

cens  annuel  à  payer  au  roi. 

Ord.  t.  VII,       La  même  année,  des  lettres-patentes  furent  données  à  Setiliâ, 

•  ^^-  à  la  prière  d'Adélaïde  de  Savoie,  mère  de  Louis-le-Jeune.  êft 

faveur  des  habitans  de  Villeneuve,  près  de  Corapiègne.  Elles 
renferment  huit  articles,  qui,  presque  tous,  sont  plus  des  obli- 
gations que  des  privilèges,  quoique  ce  dernier  mot  soit  présenté 
comme  le  seul  caractère  de  la  loi,  'dans  le  titre  qu'elle  porte. 
Les  trois  premiers  articles  déterminent  la  redevance  annuelle 
payable  au  roi,  suivant  l'habitation  qu'on  aura  dans  le  lieu, 
la  quantité  de  vin  qui  lui  sera  fournie  par  arpent  de  vigtte, 
les  droits  auxquels  on  sera  soumis  envers  lui  pour  la  vente 
de  ses  domaines.  L'article  4  déclare  que  les  serfs  du  roi  n'&c- 
querront  point  la  liberté  en  venant  demeurer  à  Villeneuve.  Lès 
articles  5  el  6  fixent  les  amendes  que  l'on  y  payera.  L'arlitl'l'e  7 
autorisée  prendre  gratuitement  du  bois  vif  pour  bâtir,  du  bûis 
mort  pour  brûler.  L'article  8  met  un  sergent  Sous  la  sauve-'garde 
du  roi. 
Ord  1. 1,  p.  7.  Daijg  leg  jois  relatives  aux  droits  du  prince  et  à  ses  domaines, 
nous  apercevons  d'abord  celles  que  donna  Louis- le- Jeune , 
en  1137,  pour  confirmer  une  ordonnance  de  Louiâ-le-Grôs, 
qui  renonce,  en  faveur  des  églises  d'Aquitaine,  à  d'anciennes 
prérogatives  de  la  couronne.  Les  personnes  élues  à  des  évôcbés 
ou  à  des  abbayes  devaient  en  faire  hommage  au  rôi,  et  Itil 
en  demander  l'investiture.  Louis  Vil  approuve  et  renouvelle 
l'abolition  de  cette  coutume;  et  peut-être  est-il  permis  de 
remarquer  qu'en  se  dépouillant  ainsi  de  leurs  droits  par  un  ' 
saint  respect  pour  l'église,  son  père  et  lui  croyaient  aVôif 
atteint,  ils  le  déclarent  du  moins,  le  sommet  de  la  dignité  royale, 
regalis  apicem  dignitatis. 
Ordon.  t.  I,       Louis-le-Jeune    se   dépouille  de  beaucoup  d'autres    droits, 

•  '*  •=»  *"'^-      constamment  attachés  à  la  couronne,  par  ses  leltres-patentes 

de  1158,  en  faveur  de  l'évêque  de  Laon.  Les  maisons,  les 
fermes,  les  granges,  les  vignes,  les  troupeaux,  les  charrues, 
tout  ce  qui  sert  à  la  culture,  est  affranchi  pour  jamais  de  la 


LOUIS-LE-JEUNE.  81 

régale.  L'évêque  aura  le  droit  de  disposer  à  son  gré  de  ses  biens  xii  siècle 
par  un  testament;  et,  s'il  meurt  ab  intestat,  ce  qa a  Dieu  ne 
plaise,  son  argent,  son  blé,  son  vin,  appartiendront  au  roi, 
avec  quelques  exceptions  néanmoins  que  la  loi  détermine. 
Quand  la  mort  de  l'évoque  aura  fait  passer  l'évôché  sous  la 
main  du  prince,  les  personnes  qu'il  commettra  pour  l'exercice 
de  ses  droits  viendront  demeurer  dans  les  maisons  où  sont  les 
provisions  (le  revenu  épiscopal  était  alors  en  grains,  en  vins, 
en  toutes  sortes  de  denrées),  et  non  dans  celles  oîi  il  n'y 
aurait  rien  à  garder  :  et,  quant  aux  effets  qui  ont  été  affran- 
chis de  la  régale,  ils  resteront  conBés  à  ceux  auxquels  l'évêque 
en  avait  donné  l'administration.  Les  bois  sont  exceptés  des 
choses  dont  le  roi  jouira,  tant  que  l'évéché  sera  sous  sa  main  ; 
et,  à  l'égard  de  celles  dont  il  aura  la  jouissance,  il  sera  tenu 
aux  frais  nécessaires  pour  mettre  en  valeur  les  fonds  sur 
lesquels  elles  se  lèvent. 

Quelques  années  après,  en  1165,  Louis-le-Jeune  abolit  une  v.  lei.  ivdcs 
coutume  qui  s'était  introduite  comme  droit  royal  dans  la  capitale  ^'^°"'^-  f-  ^^'•^■ 
de  son  empire,  et  qui  offrait  souvent  à  ses  officiers  l'occasion 
d'exercer  de  petites  vexations  sur  les  habitans  de  Paris;  toutes 
les  fois  qu'il  y  venait,  on  faisait  pour  lui  ce  qu'on  appelait  des 
prises  de  matelas  et  de  coussins.  Louis  le  défend  pour  jamais; 
et  il  dit  avec  raison  dans  sa  loi  :  opus  bonum  facimus  quociens 
illicitas  exactiones  extinguimus. 

Des  lettres-patentes  de    la   môme  année  règlent  l'exercice        ^l"**-  '•  ^"' 
de  quelques  droits  de  seigneurie  et  de  justice  entre  le  roi  et 
les  religieux  de  Saint-Pierre-Ie-Moutier.   Le  roi  avait  mis  ce 
lieu  sous  sa  protection;  et  chaque  habitant  devait,  en  con- 
séquence,  lui  payer  une  redevance  annuelle  en  argent  ou  en 
grains,  plus  ou  moins  forte,  suivant  qu'il  était  plus  ou  moins 
riche.    La    haute,    moyenne  et  basse  justice,   qui  jusqu'alors 
avait  appartenu  au    monastère  seul,   fut  désormais   partagée 
entre  lui  et  le   roi.    Il   y  avait  eu,   en   1155,  des  lettres  de     ^^^  ^  j^, 
partage  entre  Louis  'VII  et  l'abbé  de  Saint-Jean-de-Sens,  pour  203. 
divers  lieux  du  Gàtinais.    Il  y  en  eut  un,  en  1179,  entre  lui        ord.  t.  xi, 
et  les  religieux  de  Bonneval,   pour  la  terre  de  Lorrets,   au  p-  ^i'- 
diocèse  de  Chartres.  Des   lettres  de  1166  règlent  les  droits      Ord.  t.  xiv, 
respectifs  du  roi  et  de  l'abbaye  de  Cluni,  sur  le  territoire  de  ^'  '^^^' 
Saint-Jagoul;  Louis  VII  s'y    réserve   principalement   le    droit 
d'y  avoir  des  forteresses  et   d'y  instituer  le  prévôt.   D'autres 
lettres  de  1175  contiennent  un  accord  du  môme  prince  avec        ord.  t.  xi, 
les  chevaliers  possédant  des  terres  à   Villeneuve-le-Roi,    au  p.  207. 
Tome  XIV.  h 


T.  XIV,  p.  Hil 


1.  XV.  |> 


,S2  I.ol  IS-I.l- -  JKINK 

XII  SIECLE,  sujet  Ji'.s  cens  cl  croi.st  di'  cens  :  Louis  y  ahandonnn  plus  di; 
droits  (ju'il  n'en  consi'rvo  l.'iiuluritr  du  monarque  sur  ses  vas- 
saux est  a.ssez  bien  connue  par  un  édil  que  Louis  VII  rendit  en 
1171,  dans  sa  cour  féodale,  (|ue  Raluze  a  rapporté  dans  son 
T.  Il  p.  16(1  histoire  d  Auvergne,  et  publié  d  après  lui  dans  la  nouvelle  Col- 
""'nfi','.,  _  /...•  'action  des  historiens  de  France.  Quehpiefois  les  ecclésiastiques 
essayaient  de  se  soustraire  à  leurs  oblii-'a lions,  en  iin[»lorant 
l'intervention  du  pape  :  ceux  dl'ssel,  près  de  Pithivicrs, 
s'étaient  ainsi  adressés  à  Alexandre  III  :  mais  Louis  VIL  dans 

iii-i.  .Il'  ir.  une  lellrci  au  |)ontife,  lui  observe  très-bien  qu'Ussel  est  dan.î  .<a 
mouvance,  cpie  personne  ne  doil.  n}(''connnHi-e  l'nutorilr  judiciaire 
'j h' 1 1  >/ exerce,  et  il  invile  le  pape  à  ne  pas  s'en  mêler  et  à  respecter 
ses  droits. 

Oïd.  t.   XI,        Avant  de    partir    pour    la    Terre-Sainte,     Louis     VII    avait 

■"'•  déchargé  du  droit  de  main-morte  tous  les  habilans  du  diocèse 

d  Orléans.  Peu  de  temps  avant  sa  mori,  il  anVanehil  à  jamais  de 

toute  servitude,  eux  et  leur  posli'iilé,  tous  les  hommes  et  femmes 

T.  XI.  |i.-'i{.   de  corps  rpi'il  avait  tant  à  Orléans  f(ue  dans  (paniques  bourgs 

voisins,  cl  jusqu'à  ciiuj  lieues  au-delà. 
T.  VI,  p.  us.  L auteur  de  la  Science  du  gou\crnement  aOlrmo  (pi  un  ad'ran- 
chi.^semenl  général  des  gens  de  maïu-morte  fut  jjrononcé.  on 
1141,  par  Suger,  régent  du  royaume  :  il  y  a,  dans  ce  peu  de 
mots,  une  double  nu-prise  :  Suger  n'clail  point  régent  eu  1111; 
il  ne  le  devint  ipieii  1  I  17.  quand  le  roi  partit  pour  la  Tern'- 
Saitil(>  .  1  allraiielii>semenl   prononcé  par  Suger  ii"  fui  pa.-;  uni- 

11.^1    i.iiiii.   versel,  mais  borné  aux  habilans  de  Saint-Denis;  comme  abbé, 
■    '  ''■   ■'"  ■  il  les  a\ail  sous  sa  |)uissaiice,  et  ce  fut  en  celte  (pialile  seule  ipi  il 
agit;  Suger  n  aurait  pas,  en  l'absence  du  roi,  alVranchi  les  sujets, 
sans  le  consentenii'iil  du  prince  doul  il  était  le  représentant  et  le 
ministre;. 
^""'    '■    ^'-        I  lie  ordonnance  ipii  lunl  toiil-a- la-lms  aux  dioils  du  mimai 
que,  aux  privilèges  des  eommiiiu--.,  et  ;'i  leiii  police  ou  admim 
sli'alion   intérieure,  est  celii'   qui   l'ut   reniliie  à  Pai  is,  en    I17'.i, 
pour  la  ville  d'iitauipes.  f.lle  a  \  iiml-ni'iir  ai  licles  donl  xoici   le 
résiuiK' 

1.  On  pourra,  sans  dev(>nir  serf  du  roi,  acheter  désorniai.s 
les  terres  (pii  portent  le  iHim  doclaves  'dénominalion  venais 
probablement  du  droil  (h>  Imilieme  ipiuvait  siii  elles  le 
seigneur;. 

2,  3  el  i.  Que  personne  n  achetle  des  poi.'îsons,  (hi  vin,  du 
pam,  pour  les  revendre;  a  1  exception,  pour  le  vin,  du  temps  de 
la  vendange,  el,  pour  les  |ioi.s.><ons,  des  harengs  vl  des  maipie- 
reaux  salés. 


LOLIS-LE-JEUNE.  .S;{ 

.'i.  Aucune   personne  ne   pourra  èlre    arnHée  en    plein  niar-      Xil  SIECU: 
elle  pour  n'avoir  point  payé  le  droit  de  lonlieu. 

(j.  Tout  liomnic  (pii  tient  à  leruie  noire  droit  de  voyerie, 
peut  l'aire 'ouvrir  dans  sa  maison  une  [)orle  ou  une  t'en^^'tre 
sans  la  permission  du  prévôt. 

7.  On  no  peut  rien  exiger  |)Our  le  prêt  île  la  mine,  sauf 
notre  droit  de  minay;e.  (On  fournissait  hi  mesure  aux  naar- 
eliands,  et  le  roi  percevait  une  rétribution  pour  le   niesurai^e.) 

<S.  Ce  prévôt  ne  peut  exiger  qu'un  citoyen  lui  donne  des 
gages  pour  un  duel  (pii  n'i-sl  [)as  encore  jugé. 

"J.  Les  habilans  d'Elaiiipes  peuvent  à  leur  gré  faire  garder 
leurs  vignes, sauf  le  salaire  des  gardiens;  le  siîigneiir  à  (jui  le 
cens  .sérail  dû,  ne  [leut  rien  exigtîr  pour  cela 

11»,  .\ucun  regiatlier,  vendant  à  sa  fenêtre  (cest-à-dire 
en  Itijulicpie  ,  ne  doit  au  prévôt  un  droit  de  honte.  (On 
a[)pelait  ainsi  une  rétribution  (pi(>  Ion  était  censé  payer  libre- 
ment, volontairement,  cl(|u'on  hivail  comme  don  gratuit.  ) 

1  I  Le  droit  de  bonté  n'est  dû  au  piévôl  (jue  par  ceux 
(pu  sont  dans  l'iisai.'O  de  \enir  aciieloi'  el  vendre  au  marclu! 
public. 

M  Nul  ne  lui  doit  une  peau,  si  C(>  n'est  celui  (jui  en  pré- 
pare. 

l'{.  Le  droit  de  bonté  ne  peut  être  exigé  par  aucun  de  nos 
'-ergeris,  soi!  en  dedans,  sdiI  cm  deliurs  du  marclie  ;  il  in; 
peiil  1  ('iii^  ipie  par  le  prévôt . 

14  Le  prévôt  ne  rece\ra,  pour  a|)po-,ition  de  bornes, 
quuii  septier  de  vin  roiige  ;  et  eliaipie  soMal  -pii  y  assistera. 
un  denier. 

I.'i.  Ceux  qui  acIn'liMonl  ilii  ble  pour  lexposcr  no.  seiont 
pas  soumis  à  payer  le  droit  de  bonté  ;  ils  ne  payeront  (|ue 
le  lonlieu. 

K).  Le  prévôt  ni>  peut  exiger  des  liaiengs,  ou  d'autres 
poissons,  soit  de  mei-,  .soit  di-  rivièie,  di's  marcliands  (|ui 
les  vendent  ;  il  doit  l(!S  acliel(>r  comme  tous  les  autres  liabi- 
lans 

17.  Nous  nexigiToiis  pas  plus  de  G  livres,  ni  k'  prévôt 
plus  de  CiO  .sols,  diiii  cliampioii  vaincu  dans  un  duel;  il  ne 
donnera  pas  plus  de  :!:'  .sois  ;i  .son  vainqueur,  liors  (pie  le 
duel  eût  été  causé  par  une  infraction  de  banlieue,  par  un 
meurtre,  par    un  vol,  un    rapi  (>u  .s(MviUide. 

18.  On  ne  recevra  le  droit  de  |)re6surage  que  dans  des 
va.ses  d'un  demi-.septier. 


84  LOUIS- L  E- JE  UNE. 

XII  SIECLE.  _  ^9et  20.  Les  messigiers  ne  donneront,  pour  le  droit  de 
bonté,  que  1 2  deniers  chacun  par  an  ;  les  ciriers,  qu'un  peu 
de  cire. 

21.  Les  vendeurs  d'arcs  donneront  chacun,  chaque  année, 
un  arc  pour  droit  de  tonlieu. 

22.  Personne  n'a  de  droit  de  tonlieu  à  payer  pour  une 
vente  de  denrées,  qui  n'excède  pas  quatre  deniers. 

23.  On  ne  peut  saisir  les  biens  de  celui  qui  nie  une  dette, 
jusqu'à  ce  qu'on  ait  prouvé  que  la  dette  existe. 

24.  On  ne  paiera  au  viguier,  pour  relever  une  échoppe, 
qu'un  setier  de  vin  rouge. 

25.  Il  n'est  permis  ni  au  prévôt  des  Juifs,  ni  à  aucun  autre, 
de  retenir,  pour  ce  qui  pourrait  leur  être  dû,  un  homme 
étant  au  marché,  en  allant  ou  en  revenant,  non  plus  que  ses 
marchandises. 

26.  Les  marchands  de  lin  ou  de  chanvre  ne  donneront 
pas  de  l'argent  pour  tonlieu ,  mais  une  poignée  convenable 
de  ce  qu'ils  vendent. 

27.  Le  prévôt  ne  pourra  faire  arrêter,  qu'après  les  délais 
prescrits,  le  débiteur  qui  aura  reconnu  sa  dette  et  fourni  des 
gages. 

28.  La  veuve  d'un  marchand  n'aura  que  vingt-cinq  sous 
à  donner  pour  relever  son  étal. 

29.  On  ne  recevra  pas  de  champion  payé,  mercenaire. 

Une  des  dernières  dispositions  de  celte  loi  a  rapport  aux 
juifs,  et  à  l'action  que  leur  prévôt  pouvait  exercer  sur  leurs 
débiteurs  qui  venaient  vendre  dans  les  marchés  publics.  En 
général  on  ne  trouvera  pas  dans  les  ordonnances  de  Louis-le- 
Jeune  une  grande  faveur  du  prince  pour  les-  hommes  de  celle 
iiisi.  «le  Kr.  nation.  Dès  1 146,  Pierre -le- Vénérable  avait  excité  contre  eux 

I.  XV,  p.  6*1.  la  piété  du  roi,  à  l'occasion  de  la  croisade  qui  se  préparait  ; 
et,  en  avouant  qu'il  ne  fallait  pas  les  tuer,  il  demandait  que 
néanmoins  on  leur  prît  leur  argent  pour  le  purifier  en  le . 
faisant  servir  à  la  conquête  de  la  terre  sainte.  Louis  Vil  fut 
cependant  bien  loin  de  les  traiter  avec  la  rigueur  qui  signala, 
depuis,  le  règne  de  Philippe- Auguste  et  de  quelques-uns  de 
ses  successeurs.  On  ne  doit  pas  même  lui  attribuer,  comme 

T.  I,  p.  <39.        l'a  fait  Martène  dans  son   nouveau  Trésor  des  anecdote  s, et 

comme  on   le  fait  d'après  lui,   dans  le  discours  préliminaire 

P.  136.        du  neuvième  volume  dé  cette  Histoire,  la  loi  qui  condamna 

leurs  livres  aux  ûammes  ;  cette  loi  est  de  Louis  IX  et  non  de 

Louis  VU  ;  elle  est  de  1254  et  non  de  1 1 54.  Dans  un  fragment 


LOUIS-LE-JEUNE.  85 

historique,  tiré  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  roi,  et     xii  siècle. 
imprimé  dans  la  nouvelle  collection  des  historiens  de  France,    t.  xh,  p.  286. 
Louis  VU  est  môme  accusé  d'avoir  offensé  Dieu  par  la  pro- 
tection   qu'il    accorda    aux    juifs.    Nous    avons    une    lettre 
d'Alexandre  lli  à  l'archevêque    de  Bourges,  en   1179,   dans 
laquelle  on  se  plaint  aussi  de  la  tolérance  de  Louis  VII  à  cet        "'*'■  <•«  ^'■• 
égard.  Le  pape  espère  qu'éclairé  par  lui,  le  roi  changera  de    '  '    '  ''" 
conduite  ;   il   rappelle  les  dispositions  du  nouveau  concile  de 
Latran,   et  ne  croit  pas  que  l'archevêque  doive  se   soumettre 
aux  volontés  contraires  du  roi.   Cinq  années   auparavant,   si 
la   date    donnée    par    Martène   est   exacte ,    Louis   VII   avait       Anecd.  Thés, 
octroyé  aux  habitans  de  Château-Landon    une  demande  re-  ''  ''  '''  ^  ^' 
lative  aux  juifs,   mais  qui,   sans    être  favorable,    ne    tendait 
d'aucune  manière  à  les  exiler  ou  à  les  proscrire.  En  1144,   il        Hisi.  de  Fr. 
avait  banni  du  royaume   les  juifs  qui,  après  s'être  convertis,  '•  ^V'  P  *• 
retournaient  au  judaïsme;   il  avait  ordonné,  si  on   les  arrê- 
tait, de   les  punir  par  des  peines  aflictives,  capitales  même. 
Cet  acte  est  un   véritable    acte   législatif  et  non   une  lettre, 
quoique  le  savant  éditeur  de  la  nouvelle  Collection  des  his-        Hist.  de  Fr. 
toriens  de  France  l'ait  placé  parmi  les  épîtres  de  Louis-le-  '   '"'■  P"  *^*' 
Jeune.  Il  est  signé   par  les  grands   officiers  de   la  couronne, 
le  sénéchal,  le  bouteiller,   le  chambellan,    le  connétable,   le 
chancelier. 

Les  hérésies  qui  agitèrent  la  France  sous  le  règne  de 
Louis  VII,  devinrent  l'objet  de  plusieurs  mesures  répres- 
sives :  mais  elles  furent  prises  sur-tout  par  des  conciles. 
Celui  de  Tours,  en  1163,  avait  déjà  signalé  les  progrès  de  l'er- 
reur. Celui  de  Lombes,  diocèse  d'Alby,  en  1165,  les  con- 
damna de  la  manière  la  plus  solemnelle  (1).  En  1167,  une 
nouvelle  condamnation  fut  portée  à  Vezelay  par  un  nouveau 
concile  ;  on  y  brûla  vivans  ceux  qui  refusèrent  d'abjurer  leur 
doctrine.  Il  est  difficile  de  croire  que  le  gouvernement  ne 
soit  intervenu  dans  ses  délibérations  et  dans  leurs  terribles 
effets,  que  par  une  approbation  tacite  ;  mais  nous  n'avons 
pas  les  actes  qui  peuvent  annoncer  la  part  active  que  prit 
le  roi  à  des  événemens  d'une  si  grande  influence. 

Nous  n'avons  pas  aussi,  nous  ne  la  connaissons  que  par 
un  historien  qui  en  fait  mention,  la  loi  du  même  prince  sur 
les  courtisannes.  Geoffroy-de-Vigeois  dit,  dans  sa  chronique 


(l)    Voir  sur  ce  concile  en  particulier,  le  t.  XIV  des  Histor.  de  France, 
p.  430  et  saÏTantes. 


80  LOL'IS-LE-.IEL'iNK  . 

\\i  siëci.ë.  q(,(.  Marguerite,  c'est  Cousianco  qu'il  faut  lire,  la  seconde 
des  trois  femmes  du  roi ,  s  étant  trouvée  placée  à  1  église 
près  d'une  femme  superbement  vtMue,  qu'elle  prit  pour  une 
dame  de  la  cour,  et  lui  ayant  donné  ce  baiser  de  paix  (ju'on 
se  transmet,  se  plaignit  davoir  été  ainsi  trompée,  quand 
elle  sut  que  ce  nélail  (ju  une  (;ourlisaiinc.  Un  édil  lut  publié 
en  conséquence  pour  interdire  au\.  lomnies  publi(}ues  l'usage 
de  (juelques  ornemcns  désignés,  afin  quou  ne  pût  plus 
confondre  avec  elles  les  lionnètes  femmes.  L'époque  de  celle 
loi  n'est  pas  clairement  déterminée,  mais  lincerlilude  ne  peut 
être  grande  puisque  Constance  no  devint  reine  (ju'en  11.34,  et 
quelle  mourut  eu  1  KiO. 

Nous   sommes   plus  heuriux    pour  les  lois  de  paix  établies 
en  1  lo.">  dans  les  comices  du  ro\aum(î  tenus  à  Soissons.  Sans 
iiiM  (t.-  Fi    3voir   les  dispositions   textuelles  et   précises  de  ces  lois,  nous 
I.  XIV,   |>.  3S7  avons  les  actes  de  ces  comices  el   nou^  y  lisons  que  des  me- 
"^  '"'*  sures   de   police    publicjue    y    Itircnl    prises   contre    les  .maux 

occasionnés  par  les  liaimîs,  les  discordes,  les  vols,  les  brigan- 
dages. 

Louis  VII    lient,   des  trois  fenimes  qui!  épousa,   qu  un  seul 
liis,   nommé   l'iiili|)pf,   à  qui  on   a    donné   le  nom  d  Auguste. 
Il    le   lit   sacrer    el  couronner   1  année    qui   précéda  sa   mort, 
en    1171).    ('.et  événement  dcvinl    I  occasion   d  un   édil   qui  fut 
eiiregi>ln-   a    la  l'Iianibtv  des  comptes,   el  dont  le   but  était  de 
deternnner  a\*'t    iiucj   appaieil,  dans  (juel  ordre,  avec   quelles 
formes  auraient    lieu   désorlllai^  le  sacre  ol  le  conronnemcnl 
des  rois.   Il  était  écrit  en  latin  :  le  texte  ne  nous  est  pas  resté  ; 
mais  nous   lavons  en    français  (pii  doil  être  du  XVI'  siècle, 
(;imI  I.  I.   |i    dans   le  céienniiiial  d''   (jodcfioy,   et  dans  le  recueil   des  rois 
'    «i    siiiv.         ,1e    France,    par  Dulillel.    Rzovius  la  inséré  en  latin  dans   ses 
itî-i  il  siiiv     '-    Annali's  ccclésiasliipu-s  ;    mais  ce  n'est  quune  traduction  faite 
v  ri  .icss.  p.  22.  sur   la   pièce   imprimée  dans  le   recueil  dont   nous    venons   de 
I    M\,  |i.  ■>:,'.*.  p;,||,.,.     ji  j,.|,il)|(>  iiiénii'  qu'on  y  a  fait  depuis  cpielques  addi- 
tiiiiis;  car  on   y  dit  que  1  abbé  de  Saint-Denys  doit  avoir  ap- 
porté de  son  monastère   les  ornemeus    royaux,   el   ci^pendanl 
|i   ->;;  Dulillel  a.ss'.iii'  (|iie  ces  ornemeus  étaient  gardés  dans  le  palais 

Diiiiii   |i.  -.Y.:;.  (.'I  le  trésor  du  roi,   avant  \o.   règne  de  .saint  Louis,  cl  ipic   ce 
ilisi.     (Il-    la  j„i  ^.^,  iiionarcpif,   ipii   les   (il   ineltie   en   dcpôt   ii  Saint  l)t;nys, 
hv     VI,    r.    7    ^'"    l^''>0.    Loi  lire   el    les  fonctions  des  pairs  de   France   sont 
i'-  ^">7.  réglés  dans  cet  acte:    el  on   le   nraliiiuail  encore  à-neu-près 

Dulill.  p.  262.     ,  ,  ,  ,        ,  -    I         I  r  i  i 

v   ivii  dlTis  *^"  même  dans  le  dernier   siècle.    Le  privilège  de  sacrer   les 
<ic  clurir.   Uibt.  rois   y   fui  assuré  aux  archevêques  de  Reims   :   une  discus- 


F,01I1S-M:-.1EUiNIv  87 

sion  violenlo  sVtait  ôli  vt'-e  sur  ce  pri\  ili^-i^e  au  sacre  île  Louis  VI  X"  siëclk. 

qui  en  cliaiijea  DaimbiMt,  archovCuiiie  de  Sens;  néanmoins  ce  ''•■  ••"'•    '•  -^v. 

qui    confirme   nos    olisorvalions    sur   les  additions    faites  aux  ''' 
lettres-patentes  de    Louis-le-Jeune,    c'est  que   l'acte,    tel  que 

nous   l'avons,     parle    de    douze    pairs,    et    ils    n'étaient    pas  v.    lUisi    .i. 

encore  fixés  à  douze    au    comnienccmonl   du    siècle  suivant,  laiiKnci    i    ni. 

Il     7.'i  il  siiiv. 

en  1202. 

la  Colonibière  attribue  à  Lnuis-lo-.leuno  une  ordonnance  Tii.r.t.  .riimi 
sur  les  joules  et  tournois,  (|u  il  dit  être  conservée  dans  les  i"  -''* 
registres  de  la  cour  et  qu  il  date  du  mois  de  juillet  1103: 
Mais  d'abord  ces  registres  ne  remonli'nt  |)as  au-dessus  de 
lan  1231);  comment  une  ordonnance  de  I  1(13  pourrait-elle 
y  être?  Il  y  a  plus  ;  la  loi  fut  rendue,  selon  lui,  à  1  occasion 
d'un  fameux  tournoi  donné  pat  (u-oUroi,  coniti'  dAt)jou, 
père  de  ce  Henri  qui  lit  asseoir  la  maison  de  l'ianlagenel 
sur  le  trône  dAni^ielerre,  et  (jui  deviul  duc  d  .\(]uilaine  par 
son  maria^iî  avec  cette  Eléonore  que  Louis  Vil  répudia, 
tournoi  dans  lequel  ce  prince,  à  la  télc  de  la  faction  an- 
glaise, poussa  la  faction  normande  à  outrance,  et  mit  à  mort 
plusieurs  de  ceux  qui  se  battirent  [tour  elle  ;  mais  en  ne 
prenant  même  que  l'époque  de  la  mort  de  Geoiïroi  l'Ianta- 
genet,  elle  est  de  M:")|;  comment  un  tournoi  (|u'd  aurait 
livré  pendant  sa  vie  aurait-il  été  loccasion  d  un(^  loi  qui  ne 
parut  qu'en  1H;3?  Du  reste,  cette  ordonnance,  telle  (|ue  la 
Colond)ièro  la  ra|>[)Orle,  dit  expresscmeul,  (|ue  les  barons 
pourront  assister  dans  tout  le  royaume  à  ces  c(uiibals  pri- 
vés, «  pour  les  voir  seulement  et  en  être  les  juges;  (pie  s'ils 
voulaient  être  des  soutenans  ou  des  assaillans,  ils  ne  [loui- 
raient  avoir  pour  toutes  armes  que  K*  lialecrct  farmurc  de 
corps,  sorte  de  cuirasse) ,  et  l'armel  (armure  de  tète,  sorte 
de  casque),  l'escu  sans  pointe,  la  lance  légère  et  nuunéc 
émoussée,  ou  bien  sans  fer),  et  la  masse  de  mesme  sans  aucun 
fer  esmoidu  (aiguisé)    >- 

Nous    pouvons    remarquer,    i.'n    lerminaiit    col    article,    un 
trait  qui,  sans  appartenir  à  l'histoire  personnelle  de  Louis  VU, 
appartient    à  l'histoire   de  la   jurisprudence  sous  son   règne, 
et  nous    instruit  des  formalités  adoptées  pour  l'administration         Nouv.   liisi. 
de  la  justice  :  je  veux  parler  du  jugement  rendu  au  parlement  ;''"  «"«"^s-  •■  '. 
de  Morct,    entre  le  duc   de   Bouigogni> ,    hudes   II,   et    Geof-  o'Ad.cry.     Spi- 
froi,  ou  Godefroi,  évoque  de  Langres.  Les  deux  parties  con)-  «-ii-    i>-   r>35    ci 
parurent    en  personne,    sans  avocats  ni   procureurs,  et   plai-  '""' 
dèrenl  leur  cause   elles-mêmes.  L'évêqiie  qui  était  le  dcman- 


88  LOUIS -LE -JE  UNE. 

XII  SIECLE.  (Jeur  présenta  d'abord  ses  réclamations  et  les  moyens  sur 
lesquel  il  s'appuyait  ;  le  duc  répondit,  l'évc'que  répliqua  ;  le 
duc  demanda  un  délai  pour  répliquer  à  son  tour,  et  ce  délai 
lui  fut  accordé.  A  l'expiration  du  terme,  Eudes  ne  s'étant 
pas  présenté,  on  lui  en  octroya  un  nouveau,  puis  un  nou- 
veau encore.  Enfin,  le  roi  qui  avait  présidé  le  tribunal,  las 
de  voir  que  le  duc  de  Bourgogne  faisait  toujours  défaut  au 
jour  marqué,  ordonna  de  le  citer  à  comparaître  la  dernière 
fois,  à  un  jour  absolument  fixe,  sans  espérance  d'aucun  autre 
délai.  Le  duc  ne  vint  pas,  mais  il  envoya  un  procureur  en 
son  nom  ;  le  procureur  plaida  ;  mais  sa  défense  parut  si  faible 
que  l'arrêt  adjugea  toutes  ses  fins  et  conclusions  à  l'évoque 
de  Langres.  11  est  inutile  de  rappeler  l'objet  de  la  contesta- 
tion ;  elle  roulait  sur  plusieurs  points  qu  il  serait  trop  long 
de  déduire.  La  date  du  jugement  n'est  pas  sans  quelque 
incertitude,  peut-être  parce  que  l'afl'aire  se  prolongea ,  et 
qu'il  y  eut  plusieurs  décisions  rendues.  En  général,  on  la 
rapporte  à  H  58  ;  mais  c'est  uniquement  l'année  oîi  l'arrêt 
fut  confirmé  par  le  pape  Adrien  IV.  Le  nouvel  historien  de 
Bourgogne  croit  qu'on  doit  plutôt  le  rapporter  à  1153.  On 
pourrait  en  reculer  encore  la  date  :  en  effet,  suivant  le  car- 
tulaire  de  Langres  d'où  la  pièce  est  extraite,  le  roi  y  prend 
le  titre  de  duc  d'Aquitaine  ;  or,  il  la  perdit  en  11o2,  par  la 
dissolution  de  son  mariage  avec  la  reine  Eléonore,  héritière 
de  ce  duché  (1).  Il  est  nécessaire  pourtant  de  remarquer 
que,  après  celte  dissolution  même,  on  trouve  encore  des 
chartes  où  ce  titre  est  pris  par  Louis  VII,  du  moins  jusqu'au 
moment  oii  Henri  d'Angleterre  eut  épousé  Eléonore.  P. 


(1)  On  a  aussi  de  Louis  VII  plusieurs  décisions  rendues  par  lui  commâ 
fti-bitre  volontaire,  désigné  et  choisi  par  les  parties.  On  en  a  inséré  une 
dans  le  tonne  XI  des  Ordonnances  de  nos  rois,  p.  205  et  206,  entre  les 
habitans  de  Tournus  et  les  religieux  de  l'abbaye,  sur  la  taille,  la  main- 
morte, etc. 


89 


JEAN  DE  SARISBÉRY, 


l'j  V Ê Q u  E    DE   Chartres. 


Jer 


SA   VIE. 


XII  SIECLE. 


Ep.  192. 


Par     Leiand 


LK  savant  dont  nous  allons  écrire  l'hisloire  n'est  guère 
connu  que  par  son  nom  de  baptême,  joint  au  nom  de  sa 
patrie.  Petit,  était  celui  de  sa  famille  ;  lui-même  nous  l'an- 
nonce dans  une  de  ses  lettres  avec  beaucoup  d'humilité  : 
Parvum  nomine,  dit-il,  facuUate  minorem,  minimum  merito. 
Il  naquit  à  Sarisbéry,  on  plutôt  Salisbury,  ville  d'Angleterre, 
située  à  80  milles  environ  de  Londres,  et  capitale  du  Wilts- 
hire,  comté  de  la  partie  méridionale  ;  et,  comme  celte  province 
fut  appelée  autrefois  Severia,  du  nom  de  l'empereur  Sévère, 
conquérant  de  la  Grande  Bretagne,  Jean-Petit  est  désigné 
aussi  quelquefois  par  Severianus -.  lui-même  dit,  dans  son  enir'autres,  de 
Polycralique  :  Imperator  ille  à  quo  genti  meae  nomen  est,  ^  '^yg'  "^''  ' 
Severus. 

On  fixe  ordinairement  à  1110  l'année  de  sa  naissance  ;  mais, 
en  lisant  ce  qu'il  dit  souvent  de  lui-même,  on  est  porté  à 
croire  que  celte  date  est  fausse.  Dans  le  Métalogique,  par  Liv.  viii,  c.  to. 
exemple,  au  commencement  du  dixième  chapitre  du  second 
livre,  il  nous  apprend  qu'il  était  très-jeune  encore,  adolescens 
arfmodùw,  quand  il  vint  étudier  en  France;  et  cependant,  il 
détermine  l'époque  d'une  manière  précise  ;  c'était  l'année  qui 
suivit  la  mort  de  Henri  1",  roi  d'Angleterre,  qu'il  appelle  un 
lion  de  justice,  leo  justitiee -.  or  Henri  mourut  en  1135;  le 
voyage  est  donc  de  1 1 36  ;  si  Jean  de  Sarisbéry  fût  né  en  1 1 10, 
il  aurait  eu  alors  vingt-six  ans;  il  ne  se  qualifierait  pas 
ôi' adolescens  admodùm. 

Le  môme  chapitre  du  même  ouvrage  nous  offre  sur  ses 
premières  études,  quelques  détails  intéressans  à  recueillir. 
Le  premier  maître  que  le  jeune  étudiant  eut  à  Paris,  celui 
qu'il  paraît  être  venu  y  chercher,  ce  fut  Abailard.  11  ne  le 
nomme  pas,  mais  il  le  désigne  par  le  litre  qu'on  lui   donnait 

Tome  XIV.  M 

8    « 


!)0  J  liAN    l)K    SARISHEH  V, 

Ml  siF.ci.r.  alors,  et  par  le  lien  où  co  savanl  cnseii^nail  :  1(3  lieu  csl  \n 
nionlai^ne  Saiiilc-Gc'ncviùvo  ;  le  tilm,  PéripatiHicien  palatin, 
par  allusion  à  sa  (loclrino et  à  Palais  ou  Palels,  bouii;  à  quel- 
ques lieues  de  Nantes,  oii  Abailartl  était  né,  et  (|u'on  nomme 
en  latin  Palatium.  Mais  ici  se  présentent  de  nouvelles  difli- 
eullés  sur  répo(|ue  de  la  naissance  de  Jean  de  Sarisbéry. 
Peiii  Ai.aii.  Ce   fut  veis  laii    1118  ou    1111),    que    le    malheureux   amant 

"'"'"•  ''■  '^'  (llIéloïs(>,  clierclianl  ;i  se  dérober  à  tous  les  yeux,  depuis 
l'outrai^e  (ju'il  avait  reçu,  voulut  s't'iisevelir  dans  un  cloître,  et 
filsesvdîux  à  Saint-Denis.  Il  paraîtrait  s'ensuivre  tpic  c'était 
au  moins  (>n  1 1 1G  ou  1117  (pie  Jean  de  Sarisbéry  avait  reçu 
ses  le(;()ns.  Mais,  si  ce  dernier  na(piit  en  1110,  il  était  alors 
eiuoie  dans  I  enfance.  I-a  contradi(;lion  semble  naître  de  l'au- 
teur lui-UK'ine  ;  (;ar  il  associe  deux  é|)0(pies  assez  éloignées 
lune  de  l'autre,  celle  oîi  Henri  nioiirul,  (pii  est  l'an  113.'), 
el  celle  oii  .Vhailard  enseiy;nait:  iiui  ne  peut  ('Ire  au-delà  de 
111'/. 

Ldbjection    se     pn'senle    naturellement  ;     mais,    quoiqu'elle 

ait  une  apparence  de  i'orce,   on    peut   y    répondre  avec  queUiue 

avantage.  En  ellet,   la   piolession   religieuse  d  Abailard    ne  lu! 

pas  le  terme  ou    linit    pour  lui   la   carrièn;   de   l'enseignement. 

.MmïI  ..|mi:i.  Il  était,  depuis  p(!u    de   temps,   à   l'abbaye  Saint-Denis,   quand 

''  ■  "  '""  les  personnes  accoutumées  à  rccc^voir  s(!s  leçons  députèrent 
\ers  lui,  pour  le  prier  de  les  leur  donner  encore.  Adam,  qui 
gouvernail  celte  abbaye,  oii  il  fut  le  prcniécesseur  de  Suger, 
\  consentit.  Les  cours  d  Abailard  recommencèrent  ;  mais  bien- 
l(")l  il  excita  contre  lui  de  nouveaux  orages,  pour  avoir  voulu 
(!X|)li(juer  |)liilosoplii(iuemenl  le  mystère  de  la  trinité  Un  concile 
de  Soissons,  en  11:21,  [obligea  de  brûler  ses  livres,  et  le  lit 
enfermer  dans  un  monastère.  Après  beaucoup  de  vicissitudes, 
il  reprit  plus  d'une  fois  .ses  leçons  publiques,  toujours  réclamées 
par  des  disciples  nombreux;  et  peul-èlre,  en  113(5,  élail-il 
levenu  dans  ce  local  de  la  montagne  Sainle-lJéneviève,  où  il 
avait  d  abord  enseigne. 

Abailard    remportait  de  beaucoup  sur    tous  les   professeurs 
(|uon   pouvait    alors   entendre,    si  nous    en    croyons    fauteur 
du    Mélalogi(|ue,    ipii   exprime,    dans    les   termes    suivans,    la 
8(1"'      '  manière     dont    il    i';coulail    son    maître:     Ibi,  ad  pedes  ejus, 

prima  arlis  hitjtis  (la  |)liilosopliie)  rudimenla  accepi,  et  pro 
modido  ingenioli  mei,  quidquid  excidebat  ab  ore  ejus,  totà 
mentis  avidilateexcipiebam.  Quand  Abailard  discontinua  ses 
leçons,   Jean  de   Sarisbéry   vint   étudier  sous  Albéric  et    sons 


liVÈQUB    DE   CM  AirrUES  1)1 

Roberl  de  iMclun,  qui  professaient  éyaleiuenl,  l'un  cl    l'autre,      '^"  sieci.k. 
à   la   montague  Sainle-Géncviève.    Albéric    était  un  tics  plus  <'^''>    i'~  '■    >>" 
estimes  parmi   les   dialecticiens    de  ce  temps-là  ,   et  le  plus  J|'i,i^,',',|, ''"^   *^'"' 
ardent    antagoniste   de    la    secte    des   nominaux.    Robert    de      v.  lo  t.  ii  <]e< 
Melun   parla''eait    cette    opinion,    an   la    mitii<eanl;   il   devint  l^'"*"'''-  ''''   '-'" 
même   le  cliel  dune  école  de  réalistes  ou   rcaux,  qui  tua  de  suiv. 
lui   son    nom   de    RobeHins .    Il  y   avait  aussi   les  Albéricains, 
qui   tiraient    leur  nom  du  premier.    L'auteur   du  Métalogique     Liv.  il,  c.  m. 
parle  avec  beaucoup  d'éloges  de  ces  d(nix  professeurs  ;  il  fait 
connaître  leur  talent  parlicidier,  et   les  points  ou  chacun  des 
deux  avait  de    ravanlaf;e   sur    l'autre.     II    ne    dissimule    pas 
cependant  combien   leur   enseignement   était   queUpiefois   mi- 
nutieux et  puéril  ;  il  s'accuse  d'y  avoir  attaché  trop  d  impor- 
tance, et  sur-tout  d'en  avoir  conçu  trop  de  vanité.  Je  croyais 
savoir  quehpie  chose,  dit-il,  parce  (jue  je  savais  bien  ce  qu'on 
m'avait  appris  :    videbar  mihi  sciolus,   quia  in  iis  quse  audie- 
7'am,  promplus  eram.    l'n   retour    sur    lui-mC'me  ,   et   quelque 
essai  de  ses  forces,  l(^  tirèrent  de  celte  illusion. 

Jean     de     Sari.sbcry     étudia     ensiulc    xms    duillaumc    de        v.  ii-  i.  xii 
Couches  ,    rcînommé    cnmmc   grammairien   cl     comme     philo-   ''''   "'   """•';;<■. 
soplie,    unissant,    h'     mieux    ipiil     le    pouvait,     les    idées    de 
l'ialoii,   d'Arislole  el   d  Epiciire.  Il  le  quitta,   au    bout   de   trois 
ans,    pour  suivre   les  leçons   de    Richard   l'évripic  :    c'était   un 
homme   insliiiil  dans  toutes  les  sciences,    nous  dit  son  élève,       Mii-'''^    ii^- 

1        r       i-.-  11-.    "       '■       '".      I' 

mais  ayant  peu  de    lacilite  pour    sexpnmer  ,    plus   dislingue  soi.  v.  aussi   i.' 

par   la    .solidité    do    ses     inslriiclutns   ipie    par    l'éclal   de    son  c-  2t  'lu  liv.  i 

es|)rit,    ami   de    la   vertu   sans   ostiMilaliou,     uKjiiis   occupé    de 

sa  gloire  (jue  de  la  vérité.  Jean  de  .Sarisbéry   repassa    .sous  lui 

ce  qu'il  avait  déjà  étudié  sous  les  aulres,  el  y  apprit  des  choses 

nouvelles,    sur  ce   ipii  coiicei  ii.iil    nulammenl  le  quadriviiim, 

mot    par    lequel    on    désignail     1  aiithméiiijiie ,    I  astronomie, 

la    géométrie,    et    la    musique     1       II    étudia,    vers    k;   même 

temps,    la   rhétorique  sous  deux.    prore.-;s('urs  célèbres,     'J'Iiéo- 

doric  ou   Thierri,  et  Pierre   llélie.  (pii    renseignait   encore  avei' 

une    plus    haute    renommée,     ('asimir    Ouilin     nomme    aussi         Scripi.  Ecoi. 

,T        .         ,     ,,  ,  .  ,      ,  1     o  .  I.  H,  p.    11'.»!», 

(jaulier  tie  .Morlagne  parmi  les  maîtres  de  Jean  debarisbery. 

La   fortune  du  jtnine  disciples   ne   répondait   pas  à  son  désir         M,taio;.  liv. 

de  s'instruire;    il   n'avait  autour    de   lui    ni   païens,  ni  proli;c-     '' 

leurs;  il   se   trouva  donc  obligé  d  ;   devenir   répétiteur,    |)0ur 

subsister.   Celle  obligation   ne    lui   rendit  que  plus  nécessaires 

(1)  Sur  le  Irivium.  Voir  ci-après,  p.  115. 

M2 


.XII  SIECLE. 


92  JEAN    DE    SAKISBÉRY, 

l'alleation  et  la  méditation  sur  ce  qu'il  apprenait  lui-même. 
Il  fixa  aussi  ,  par  celle  ardeur  que  la  pauvreté  ne  faisait 
qu'accroître,  la  bienveillance  d'Adam  du  Petit-Pont,  encore 
un  des  professeurs  les  plus  recommandables  de  ce  temps-là, 
dont  nous  parlerons  dans  la  suite  de  ce  volume.  Adam  prit 
Jean  de  Sarisbéry  en  affection,  et  lui  communiqua  tout  ce 
qu'il  savait  avec  beaucoup  d'empressement  ,  quoiqu'on  l'eût 
toujours  accusé  d'être  fort  avare  de  son  savoir,  et  fort  jaloux 
de  celui  des  autres;  if  est  vrai  que  ce  ne  fut  pas  dans  des 
leçons  publiques,  mais  dans  des  entretiens  particuliers,  qu'il  lui 
fit  ces  communications. 

Adam   du   Petit  -  Pont  s'attachait   sur  -  tout  à   la    doctrine 
d'Aristote.  Une  autre  école  de  pliilosophie  venait  de  s'ouvrir, 
dont  le  chef  rejetait  au  contraire  tout  ce  qu'on  avait  dit  avant 
p  70.         lui.    Ce    chef  était    Guillaume    de    Soissons.    Ses    partisans 
publiaient,   dit    l'auteur    du    discours    préliminaire    du   neu- 
vième tome  de  cette  histoire,   »  qu'il  avait  inventé  une  espèce 
de   machine  pour  détruire  ce  (jue  la  logique  avait  de  caduc, 
et   en  établir  une   autre    à   laquelle   on  n'aurait   pas    pensé, 
quoique   l'inventeur   y    dût   faire   entrer    les    sentimens     des 
anciens.   »    Ad  expugnandam,   ut  aiunt  sui,    logicœ  vetusta- 
tem  ,  et  consequentias  inopinabiles  construendas ,  et  antiquo- 
rum sententias  diruendas,  inachinam  posttnodum  fecit,  avait 
dit  l'auteur    du   Métalogique,    dans    le    dixième   chapitre   du 
second    livre.   Guillaume   de  Soissons  eut  ces  momens   éphé- 
mères  de   vogue  et  de  célébrité,   qu'obtiennent  trop  souvent 
les  hommes  qui  affectent  de  mépriser   ce  qu'ils    sont  mal  en 
état  de  comprendre,  et  dont  la  confiance  audacieuse  flatte  la 
curiosité  du   vulgaire  en   lui  promettant  des  idées  nouvelles, 
et  la  haine  des  envieux   en  leur  promettant  de  détruire  des 
réputations  anciennes  et   respectées.  Jean  de   Sarisbéry   voulut 
connaître  par  lui-même  ce  qu'il  fallait    penser  de  Guillaume 
de  Soissons;    mais    il   ne   larda   pas   à  s'apercevoir   que  ces 
découvertes  promises   n'existaient  que  dans  l'imagination   ou 
la  vanité  de  celui  qui  les  annonçait  avec  tant  de   sécurité.   11 
quitta  ce  nouveau  maître,  et,  immédiatement  après,   il  ouvrit 
une  école  lui-même  :   il  nous  annonce  que  les  conseils   de  ses 
amis,  le  vœu  de  ses  compagnons  d'étude,  et  le  besoin  qui  le 
Mciai   iiv.  II,  pressait  ,    l'y   déterminèrent    également.    Cependant  ,    même 
10,  p  wi!).      jjgpyig  qu'il    ge  fui  livré  à   renseignement ,  il  suivit  encore, 
comme  disciple,  quelques  cours  de  théologie  sous   le  docteur 
Gilbert,  vraisemblablement  Gilbert  de  la  Porrée,  et,  ce  qui 


ÉVÉQUE    DE  CHARTRES.  93 

nous  le   fait   croire,   c'est  que  Jean    de    Sarisbéry    se    plaint     xii  siècle. 
d'avoir  été  bientôt  privé  de  ses  leçons  :   Gilbert  de  la  Porrée 
quitta  Paris  en  effet,  vers  1142,  pour  aller  exercer  la    fonc-        "'«'•  Lin^r. 
tion  de  scholastique  de  l'église  Saint-Hilaire  de  Poiliers,   dont  ''  ^"'  ''■  ^^' 
il   fut  nommé    évêque    l'année     suivante.     Robert   Pullus  (1) 
ayant  succédé  à  ce  professeur,    Jean  de  Sarisbéry  ne  dédaigna 
pas  de   rester  parmi   ses    disciples,    et  il    le   Bl  d'autant  plus 
volontiers,   que    Robert  joignait  à   la  qualité  de  son  compa- 
triote une    grande   réputation    de    science   et    de   vertu    (2). 
Celui-ci  ayant  repassé  en   Angleterre,   pour  y    rétablir  l'uni-        j,„3|„g  ,;, 
versité  d'Oxford,  entièrement  dégénérée,  il    fut  remplacé    par  ii,  c.  x,  p.  805. 
Simon  de  Poissy  ;   Jean  de  Sarisbéry  le  préféra   par  le   motif 
que   si  d'autres  professeurs   le  surpassaient  en  talent,  aucun 
d'eux  ne  l'égalait  pour  la  pureté  de  la  doctrine.  Il  dit,  dans  son 
Métalogique,  que  ce  sont  là  les  seuls  maîtres  qu'il  ait  eus,  pour 
la    théologie;   il  semble  dire,  néanmoins,  qu'il    l'avait  encore 
étudiée  sous   Eudes  Shirton,  dans  une    épître  adressée  à  cet       ^^   ^"^' 
anglais,   qui  devint  religieux  de  l'ordre  de  Cîteaux. 

Les  derniers  professeurs  dont  nous  venons  de  parler  en- 
seignaient apparemment  dans  l'intérieur  de  Paris,  puisque 
l'auteur  nous  apprend  qu'après  avoir  ainsi  suivi  leurs  cours 
pendant  plusieurs  années,  il  voulut  retourner  aux  écoles  de 
la  montagne  Sainte-Geneviève,  pour  juger  des  progrès  que 
ses  premiers  compagnons  d'étude  avaient  fait  dans  la  dialec- 
tique, pour  juger  des  siens  à  lui-môme,  en  les  comparant 
avec  ceux  des  autres.  Je  les  trouvai,  dit-il,  oîi  je  les  avais 
laissés,  et  comme  je  les  y  avais  laissés,  qui  fuerant  et  ubi  ;  et 
il  en  conclut  que  si  la  dialectique  est  utile  à  toutes  les  sciences, 
quand  elle  les  alimente  et  les  dirige,  n'étant  livrée  qu'à  elle- 
même,  elle  est  sans  force  et  sans  fécondité  ;  elle  ne  produit 
que  quand  elle  conçoit  par  les  autres. 

Cependant,     l'indigence    le    poursuivait    toujours.     Il     alla       •'■  «Je  Celles, 
chercher  un  asyle   contre  elle  à  l'abbaye  de  Moûtier-la-Celle    f*!;  *  *',^''  'j' 

,,,.,,,"'  '    vil.  —  Jean    de 

dans    le  diocèse  de  Iroies.  On   ly   reçut  en  qualité  de  clerc  sarisb.   cp.   85. 

ou  de  chapelain  de  l'abbé.   Heureusement,   le  chef  de  ce  mo-  —  oudin,    Scr. 

naslère  se    trouva   digne  d'apprécier   un  tel     homme.  C'était  f""!"'    isoi'."" 
Pierre   de   Celles,  depuis  évoque  de  Chartres,  et  dont  quel- 


(1)  Il  devint  ensuite  cardinal. 

(2)  Voir  les  éloges  qu'on  lui  donne  dans  la  Collection  des  dix  écrivains 
d'Angleterre,  p.  275.  On  a  de  lui  sept  livres  de  sentences  imprimés  à  Paris,  en 
1655,  in-fol. 


It.in»id. 


U4  JE  AJN    D  E    SAKISBÉ  RY, 

XII  suxLE.  (jueg  écrits  nous  ont  été  conservés.  Les  mêmes  goûts,  les 
mêmes  travaux,  la  conformité  d'âge,  un  savoir  égal,  éta- 
blirent bientôt  entre  eux  une  assez  étroite  amitié.  Au  bout 
de  trois  années  (versllol  ),  Jean,  sentant  le  désir  de  revoir 
sa  patrie,  Pierre  de  Celles  lui  donna  des  lettres  de  recom- 
mandation pour  Thibaut,  arclievèciue  de  Cantorbéry.  Saint 
i:|,.  mil  <ic  s.  Bernard,  dont  il  s'éluil  fait  connaître  aussi,  le  recommanda 
également  à  ce  prélat.  Ces  lettres  produisirent  l'elfet  quon 
en  devait  attendre.  Thibaut  sattacha,  comme  secrétaire, 
.lean  de  Sarisbéry  ;  celui-ci  acquit  aisément  sa  confiance  toute 
entière  :  il  eut  naème  occasion,  pour  les  affaires  dont  il  était 
chargé,  de  voir  plusieurs  fois  Thomas  Becket,  alors  chance- 
lier dWnglcterre.  Thomas  crut  (pion  pouvait  employer  plus 
utilement  pour  l  elal  des  connaissances  aussi  élenduc'S  ;  il  le 
présenta  au  roi,  qui  lui  coiiûa  plusieurs  missions  importantes, 
l.iv.  III,  p  s.")S.  .lean  de  Sarisbéry  nous  apprend,  dans  &on  Mélalogique,  écrit 
vers  1160,  qu  il  avait  déjà  passé  dix  fois  les  Alpes,  qu'il  était 
allé  deux  fois  dans  la  l'ouille,  qu'il  avait  traité  |)lusieurs 
affaires  à  Home  pour  ses  maîtres  et  [lour  ses  amis,  qu'il  avait 
fait  souvent,  pour  difft'-renteîs  causes,  le  tour  de  l'.Vnglelerre 
et  même  de  la  Franc(>.  Ce  lut  dans  un  de  ces  voyages  qu'il 
apporta  de  Home,  à  Henri  U,  une  bulle  (|ui  |)ermeltail  à  ce 
inonanpie  de  s'emparer  de  llrlande,  et  ordonnait  aux  Irlan- 
dais de  se  conformer,  pour  la  discipline  ecclésiastique,  aux 
usages  et  aux  indMirs  de,  Ici^iisc!  dWiinlelerre.  .\drien  IV 
l'avait  chargé  de  ri'iui'ttrc  au  princi'  un  anneau  dor,  orné 
d'une  belle  énicraudc.  eu  sii^tic  de  liinestilure  qu'il  lui  don- 
V.   IM  iiiy.  liait     d  après  le    droit   (|U(!    les    païu'S    nrèlendaienl    avoir  ,    <!l 

llisl       l-'rclrs       l  III 

xni     I,     'ido  ■  M'"^'  '""'*  .-îouveraiii:^  paraissaient    rcconriaîlre,    de   tlisposer    de 
I.  .\v,  p.  Tid       l()ul(!s  les  îles  oii  la  foi  chiéliiMuu!  .s'était  inlroduile. 

Ses   voyages    en    ilalic     cnnnuenccrenl    sous   le    pontifical 
d'Eugène  111,    et    foutiuucrent    sous    celui   d'Anastase    IV,    et 
sou^  cilui  d'Adrien  IV.   .Vdncn    était  anglais  comme   lui  ;    et, 
v    ci  ;i|iiùs    <''ôniiue  lui,    il   avait    long-lemps   vécu    dans  les  angoisses  du 
.  loi  besoin,    aNant  de  surmonter  les  obstacles    que    lui   opposaient 

la  naissance  et  la  fortun(;.  Il  distingua  .lean  de  Sarisbéry,  el 
l'admit  dans  sa  plus  iiiliiue  familiarité  ;  celui-ci  ne  s'en  montra 
pas  indigne.  Il  profita  moins  de  celle  faveur  pour  lai  (|ue 
pour  l'église  d'Angleterre,  pour  la  paix  du  loyauiue,  pour  la 
gloire  mèine  du  pa[)e,  (|ui  lavait  fait  son  ami  ;  nous  en  offri- 
rons d'honorables  témoignages  en  rendant  compte  de  ses 
écrits. 


Mrl 

IV,     < 

Inlog.   Iir. 

S|.cl.n 
il',\ii^l. 

Corn  il. 
1.       Il, 

KVÉOUK  DE  CHARTRES  9:1 

Thomas  Becket    étant   devenu,    en     1102,    archevêque    de      xii  sieclk. 
(-antorbéry,  Jean  continua  de  remplir  auprès  de  lui  les  fonc- 
lions  qu'il    avait   exercées   sous  Thibaut   (1).    Il   partagea   les 
sentimens 'd'opposition    que  le    nouvel    archevêque    montra, 
avec   tant   d'ardeur  et  de  constance,    envers  les  projets  que 
Henri    H    avait  conçus   pour  ranimer  les   mœurs   du    clergé, 
rétablir  l'ordre  des    jugcinens ,   soumettre   les    ecclésiastiques 
aux    tribunaux    civils,    allranchir   ses   sujets   et    lui-même  de 
l'exercice   d'une   puissance  (ju'il    accusait    de    troubler   l'état. 
Jean  de  Sarisbéry  s'applaudit  même  souvent,  dans  ses  lettres,       J    "  ^'";"^*' 
d'une  résistance  qui  lui  paraît  un  devoir,  comme  si  la  déso-  ci  dans*ic  'rcc". 
IxMSsancc  aux  lois  pouvait  jamais  être  prescrite  |iar  le  légis-  •''•  '■'''•  '■'  Cam. 
laleur    suprême,    connue    si    i  esprit    de    faction    n'était     pas  !,','' "' ''''^' *"' 
nécessairement  un  esprit  de  désordre  et  tlimpiélé.  Kn  parta- 
geant   l'opposition   fanali(pie   de   Thomas   Recket,    (pioi(ju'avcc 
plus  de   réserve  et  (h;  modérali(ui,  Jean   de   Sarisliéry   devait 
s'attendre    à    partager    le     mécontentement    du    prince,    qui 
voyait  en   lui,   dit  Pierre  de  Rlois,  l'œil  et  le  bras  de  l'arche-         e,..  21. 
vê(jue.    Thomas  se   voyant  abandonné  successivement  par   les 
prélats    d'Angleterre,    voulut    d'abord    expliquer    et    modifier 
sa  résistance;    mais,    pres(|ue    aussilê)!,    il  se    repentit    d'avoir 
fait  quehpies   pas   vers    l'obéi.ssance  et    la     paix.    Cependant, 
comme   Henri   II  ne  se  montrait  pas  moins  inflexible,  larche-      Ki'-  ■i'-  Timn.. 
vêque  cpiilta   secrètement    Cantorbéry,    et   vint  se   réfugier   à  ^^  ^|"'-  '"•   '' 
la   cour  de  [,ouis-le-Jeune  ;  Jean  de  Sarisbéry  l'y  avait  pré-  '^'' 
cédé  d'une   année.  Prive  de  tout  ce  qu'il  possédait  en  Angle- 
terre, car  ses  biens  furent  saisis,  il  retomba  dans  la  pauvreté; 
nous  l'apprenons  par  .«jes  lettres.  Elles  nous  apprennent  aussi         ;,„,  ^      ., 
que  Paris  avait  été   sou    premier    asyle,   (ju'il   alla   ensuite  à   182,  18,>.  -'  p". 
Reims,  et   qu'il  fit  de  là  plusieurs   voyages  à   Rome,   pour  la  ''*'  '"""•  '"■  '^'' 
défense  de  la  cause  qui  avait  occasionné  sa  disgrâce.  Il  était  II',;.,,  ,',.  lai  "".'t 
venu   à    Saint-(jiii(<s,    en    Languedoc,    vers    la    mi-carême   de  '""• 
1  année   IKiS;    lui-même  le  dit  dans  une  de  ses  lettres  ;  mais 
il  est  trop  difficile  de  croire  que  ce   fut   pour   traiter   de   la         ''''"'  ^^'' 
paix  entre  le  roi  d'Angleterre  et  Raiinoiul  V.  comte  de  Tou- 
louse :  comment  serait-il  devenu   le   miiuslre  et  l'organe  d'un 
prince  qui  a\uit  confisqué  ses  biens,  et  le  tenait  banni  de  son       ^    Vaissutc, 

rovaume?  "';',:  •'«   l="'k 

I.  III,  p.  21. 

L'orage    que   la    conduite    de    Thomas    Becket    avait    fait 


(1)  Tliibaut  l'avoit  nommi'',  en  iiiomanf,  un  do  .-e.'*  eNéciifeui's  te.stamenfaircH. 
A  agita  sacra,  préf.  du  t.  Il,  p.  \i. 


96  JEAN  DE  SARISBERY, 

XII  siËCLE.     naître,  ayant  paru  calmé  en  1170,  et  les  adversaires  récon- 
ciliés, Jean   de  Sarisbéry  revint  en  Angleterre  avec  l'arche- 
vêque de  Canlorbéry.   Mais  les  troubles  y  revinrent  avec  eux, 
et  on  sait  par  quel  crime  ils  se  terminèrent.  Jean  de  Saris- 
Vie  de  Thom.  ^^      faillit  à  être  la  victime  des  assassins,  s'il  est  vrai  toutefois 

de  Canl.  p.     131  J  .  ,      ,        ,  ,       , 

Pi  ^52.  quon  eut  le  projet  de  le   frapper  également;   un  clerc  quon 

prit  pour  lui,  reçut,  dit-on,  un  coup  grave  dont  il  tempéra 
l'effet,  néanmoins,  en  soulevant  son  bras  pour  garantir  sa 
tête. 

Quand   le  siège   vacant  par   la  mort  de  Thomas  Becket  eut 
Angi.  i>acia,  g^gjj  ^j^  rempli,  Jean  de  Sarisbéry  resta  encore  attaché  à  son 

l.  Il,   p.  XI  de  la  '     '  -J 

préface.  successeur  Richard,  auparavant  prieur  de  Saiut-Marlin  de  Dou- 

vres. Nous  verrons  même  dans  la  suite,  en  analysant  les  lettres 
de  l'auteur,  qu'il  en  écrivit  plusieurs  en  faveur  de  Richard, 
dont  le  fils  du  roi,  couronné  roi  lui-même,  n'avait  pas  approuvé 
la  nomination.  Le  nouvel  archevêque  ne  fut  définitivement 
reconnu  qu'en  1174.  Deux  ans  après,  en  1176,  Jean  de  Saris- 
béry fut  appelé  lui-même  à  l'épiscopat;  c'est  dans  une  ville 
p.  de  Celles,  de  France  qu'on  le  choisit,  à  Chartres     Guillaume-aux-Blan- 

ep.  8,  iiv.  vil.  ches-Mains,  quatrième  fils  de  Thibaut,  comte  de  Champagne, 

—  Bibl.     Charir.  '.  .    .,  i  .        •       i       i  . 

de  Liron,  p.  70.  et    frère   dAlix,    troisième   icmme   de    Louis-le-Jeune,   unis- 

—  oudin,  i.  Il,  sait  alors  l'évêché  de  Chartres  à  l'archevêché  de  Sens  ;  il 
— 'g*'m  ^'crifi  1"'^^^  '^  premier,  et  ne  contribua  pas  peu  à  faire  élire,  pour 
t  VIII.  p  1H6,  l'y  remplacer,  Jean  de  Sarisbéry,  qui  joignait  à  son    propre 

—  "'S'-  de  Kr.  niérite,  aux  yeux  de  Guillaume,  l'avantage  d'avoir  été  l'ami 
ei  1<J9     ^  ^  ^®  Thomas  Becket,  et  le  compagnon  fidèle  de  ses  malheurs. 

Louis-le-Jeune  s'empressa  de  le  féliciter  par  une  lettre  qui 
p.  162  et  163.  ^  été  imprimée  au  tome  XVI  de  la  nouvelle  Collection  des 
historiens  de  France,  lettre  à  laquelle  on  a  joint  celle  que 
lui  adressa  pareillement  le  chapitre  de  Chartres,  à  cette  occa- 
sion. Le  nouveau  prélat  fut  sacré,  au  mois  d'août  U76,  dans 
la  cathédrale  de  Sens,  par  Maurice,  évêque  de  Paris.  11  par- 
tageait tellement  la  vénération  de  Guillaume  de  Champagne, 
son  prédécesseur,  pour  l'ancien  archevêque  de  Cautorbéry, 
il  croyait  tellement  devoir  son  élévation  à  l'amitié  de  cet 
archevêque  pour  lui,  que  l'on  trouve  à  la  tête  de  plusieurs 
„  .    „  .  .,    actes  de  son  épiscopat  :  «  Jean,  évêque  de  Chartres,   par  la 

V.    le    S|]lCll.  1  r.-  I  -      ■  •  ml  r^ 

de  dAth.  I.  X,  gracc  de  Dieu  et  les  mentes  de  saint  Thomas  »  ;  Divina 
p-  i^**'-  dignatione  et  merilis  S,  Thomœ,  carnotensis  ecclesix  minister 

humilis. 

Jean  de  Sarisbéry  gouverna,   pendant  quatre  ans,   le   dio- 
cèse de  Chartres,  et  mourut  dans  celte  ville,  au  mois  d'oc- 


ÈVÉQUE   DE   CHARTRES.  97 

lobre,   1180.   La  date  nous  paraît  certaine,   quoique  d'autres     X"  siècle. 

écrivains  aient  voulu  la    fixer  à   l'année  suivante  ;   quelques-  "  ' 

uns  même,  parmi  lesquels  on  compte  Casimir  Oudin,  et  le  ^'^  ^"  ^fci.; 
père  Labbe,  dom  Ceillier,  dans  son  Histoire  générale  des  ml'  le  'i  [ 
auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques,  et  Dubois,  dans  son  His-  ''  p'<"J6  ' 
toire  de  l'église  de  Paris,  à  1182.  Le  nécrologe  de  l'église  de  ^^  '_^J"'' 
Chartres,  celui  de  l'abbaye  de  Josaphat,  monastère  voisin  Tii,  p.  isi 
de  celle  ville,  et  plusieurs  auteurs  contemporains  fixent  l'époque  *^''"  ^'"•''' 
de  sa  mort  au  huitième  des  calendes  de  novembre,  25  octobre,  ''  ^"''  '''  "^''' 
1 1 80. 

Il  eut  pour  successeur  ce  Pierre  de  Celles  dont  nous  avons 
parlé,  qui  l'avait  reçu  trente  ans  auparavant,  dans  son  ab- 
baye, l'avait  distingué,  aimé,  protégé,  et  lui  avait  ouvert,  par 
cet  appui  même,  la  carrière  où  il  se  montra  toujours  avec 
succès. 

La  manière,  cependant,  dont  Jean  de  Sarisbéry  gouverna 
le  diocèse  de  Chartres,  n'obtint  pas  toujours  un  assentiment 
universel.  Nous  en  avons  la  preuve  dans  une  lettre  que  lui 
adressait  le  même  Pierre  de  Celles,  alors  abbé  de  Saint-Rémi 
de  Reims.  «On  vous  reproche,  lui  disait-il,  de  manquer  de  ,. 
gravité  dans  votre  conduite,  de  circonspection  dans  vos  21  ^"'  *p- 
discours,  de  stabilité  dans  vos  jugemens,  d'exactitude  dans 
vos  promesses,  de  reconnaissance  envers  vos  amis  d'être 
prompt  à  vous  irriter,  de  vous  laisser  mener  entièrement  par 
les  conseils  et  la  volonté  dun  homme  dépourvu  de  prudence 
et  plein  d'avidité.  Que  répondez-vous?  Si  tout  cela  est  véri- 
table, vous  êtes  bien  changé  .. .  Pierre  de  Celles,  comme  on 
voit,  hésitait  beaucoup  à  le  croire;  et  il  est  bien  sur  qu'en 
général  les  éloges  accordés  à  Jean  de  Sarisbéry  l'emportent 
infiniment  sur  les  censures  ;  ils  sont  presque  unanimes  parmi  les 
auteurs  contemporains. 

Ce  zèle  pour  les  prérogatives  du  clergé  et  pour  la  discipline 
ecclésiastique,  dont  Thomas  Beckel  avait  donné  de  si  vifs 
témoignages  pendant  qu'il  était  archevêque  de  Cantorbérv 
ne  cessa  d'animer  également  l'évêque  de  Chartres  Nous  en 
pourrions  citer  plusieurs  exemples.  Son  respect  pour  ce 
qui  existait  l'éloignait  de  tout  ce  qu'on  aurait  voulu  v  sub- 
stituer. Peut-être  ne  monlra-t-il  jamais  plus  fortement  ses 
principes  à  cet  égard  qu'au  concile  de  Latran  en  H 79  Des 
projets  de  décrets  étaient  soumis  à  la  délibération  de  l'as- 
semblée :  «  A  Dieu  ne  plaise,  dit  Jean  de  Sarisbéry,  que 
nous  abrogions  ou  que  nous  changions  les  décrets   faits   par 

N 


98  JKAN    DE   SARISHÉRV. 

XII  siF.CLE       nos  pères;    honorons    el  conservons  ce  quils  établirent;    ne 

présentons    pas    sans    cesse    aux    chrétiens    des  conslitiitions 

nouvelles».  Son  avis  l'emporta.  Je   lire  ce  passage  d'un    livre 

verbum  ab-  connu  de  Pierre  le   Chantre.   Pendant  la   courte  durée  de  son 

bicuat.    c.  79,  épiscopat,    Jean   de  Sarisbéry  reçut   plusieurs  délégations   du 

^  ^^^'     ^,  .      Saint-Siéee,    qu'il    remplit    toutes  avec    succès.    Ses  bienfaits 

Gall.  Christ.  .  ..     ,      •       i  ■  .  i  - 

t.  VIII,  p.  il«i.  envers  l'église,  dont   il  était  devenu  le   pasteur,  sont  rappelés 

avec  détail  et    reconnaissance  dans  le  nécrologe  de  Chartres: 

Gall.  cimsi.  ^.Q  ne  gont  pas  seulement  des   dons  de  vases,   d'ornemens,  de 

p.  iu8eili4!i.  ,.(,|ifn,gg .  on   y   tiouvc   le   droit    d'atTranchir   sans  obstacles  et 

—  Ilist.    (le     rr.  1  '  -  i  i       ■        i  l      • 

t.  XIV,  p.  iSii.  à  son  gré  tous  les  serfs  de  son  église,  et  le  droit  de  substi- 
tuer la  preuve  par  témoins  à  celle  quon  lirait  alors  du  duel, 
de  leau,  d'un  fer  brûlant.  Il  légua  pareillement  à  l'église  de 
Chartres  beaucoup  de  manuscrits,  el  sa  bibliothèque  toute 
entière. 
I'.  (le    CcU.s,       jçgjj  ^^Q  Sarisbéry  eut   un   fièrc   nommé  Hiiliard,   qui  par 

—  V.'  nayris.  tagca,  commc  lui,  le  sort  de  Thomas  Hecket,  quand    ce  prélat 
V  ".  *!"•  l'ut  obligé  de  quitter   1  Angleterre.    Richard  fut    aussi   dépouillé 

de  ses  biens,    par  un  acte  de    l'autorité  royale,  il  se  Gt    cha- 
noine   régulier,    à    la    mort    do    l'archevêque    de  Cantorbéry. 
Trois  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry  lui   sont  adressées;   la   141', 
Ep.  71».  -  V.  la  \",",c   Qi  la  170e    n  y  en  a  une  autre  de   Pierre  lie  Rlois,  qui 
?r!ll    ^^''Vi'mi  '■  nous  apprend  combien  le  sang  avait   peu    d'inibiencc    sur    les 

VIII,    p.    llt'J.  rr  Cl  I  1    .      -n  1 

choix  de  ce  prélat  ;  il  aimait  mieux  nommer  aux   benelices  des 
étrangers,  que  ses  neveux,  quoique  honnêtes  el  pauvres. 

§11 

SES   ÉCRITS  LMP  RI  M  ES. 

La  vie  de  Jean  de  Sarisbéry,  comme  nous  lavons  vu,  fut 
quelquefois  occupée  par  des  négociations  politiques,  el  ha- 
bituellement livrée  aux  devoirs  que  lui  imposaii  la  confiance 
des  prélats  auxquels  il  était  attaché  II  n'en  cultiva  pas  moins 
la  philosophie  morale  et  plusieurs  genres  de  littérature.  Tout 
ce  qui  nous  reste  de  col  écrivain  mérite  encore  d'être  lu  au- 
jourd'hui. 

Le  Policratique  est  le  plus  considérable  de  ses  ouvrages.  Il 
est  aussi  intitulé  :  De  nugis  curialium  el  restigiis  philosophoruin  , 
des  amusemens  des  courtisans  el  dos  vestiges  des  phi- 
losophes, il  entend  par  ces  derniers  mois,  ce  qu'on  pour- 
rail    suivre,    imiter,  adopter,     dans    leur    conduite,    ou    dans 


EVÉQUE    DE    CHARTRES.  99 

leur  doctrine;    l'auteur  l'a  divisé  en  huit   livres,    il  y  discute     X"  sikclk 
plusieurs   importantes  questions  de   morale  et   de    politique 
Une  épître  en  vers  le  précède  ;  elle  est  adressée  au  livre  même. 
F"aisons-en' connaître  (juclques  passages. 

Jean  de  Sarisbéry  ne  dissimule  pas  à  son  ouvrage  tous  les 
risques  qu'il  va  courir,  toutes  les  censures  (jui  lattendent,  des 
accusations  même;  car  on  ne  manquera  pas  de  le  présenter 
comme  coupable  d'un  attentat  de  lèse-majesté,  pour  avoir  attaqué 
les  vices  des  cours.  11  lui  conseille  donc  ou  de  rester  paisible 
dans  le  cabinet  de  son  auteur,  ou  de  se  montrer  avec  une  cir- 
conspection et  une  humilité  nécessaires;  mais  si  tu  dois  éviter, 
ajouie-t-il,  les  sols  et  les  médians,  présente-loi  avec  confiance 
aux  amis  de  la  vérité;  et  cette  phrase  est  sa  transition  vers 
l'éloge  du  chancelier  d'Aneleterre  : 


Jure  pa/runal lis  illitm  culc,  qui  velif  esKc, 

Et  .icial,  et  j)OssU,  tiiliir  vbujuc  luus. 
Ergo  quara/nr  hu  eleri,  ijloriu  geulh 

Anijhjrv.m,  rcgis  flextera .  forma  boni. 
Qutijx/iiiii  regni  tibi  cancellariuti  angli 

Prinms  .soflicitâ  mente  pctcndm  crif  ! 
Hic  ext  qui  regni  Icges  cancellal  iiiiqnas, 

El  mandata  pii  principii  œ'inafacit 
Si  qui//  obest  piipufo  vet  moribns  est  inimiciim., 

QiiidijHvt  ifl  est,  per  enm  desiml  csxc  noceus 
Piibl'Cii  pririids  qui  prafcrt  ccmimoda  semper; 

Quoilqve  dat  in  plural,  <}iicit  in  arc  suo. 
Qi((>  I <!at  hdbet  ;  qiiod  hdbcl  ilignix  dunat  ;  rice  rersd 

Spargit  ;  xedxparsee  miiltipliciintur  opes. 
Uique  virum  virlus  animi,  sic  griitiafornue, 

Undiqite  mirandiim  gentib/ts  exue  facit. 
Tardas  ad  hune  Samins-  s/  rcrtet  ucnminv  menlis, 

Indoctnsque  Pla/o,  Varrajne  stultuserit, 
Curio  si  cerf  et  verbis,  vincrlur  alj  ipso  ; 

Victiis.n  certet,  Qitintilianus  cril. 
lliiJKS  nosse  domum  non  est  rcs  ardna  ;  cuivis, 

Non  duce  quasil'i,  scmila  trila  patel ^ 
Nota  domi/s  cimclis,  ritio  non  cognita  soli 

l.ncct,  abhdclucem  dires,  egenus,  habent. 
lUapatct  m.iseris,  patct  et  domm  illa  beatis  ; 

Hic  paire  lœlalwr  adcena  quisqne  suo. 


N2 


100  JEAN   DE   SARISBÉRY, 


XII  SrECLE. 


Jura  coin,  pacem  statuit,  fundatque  qulefem, 
Et  tumidos  kostes  mente  manuque  domat . 

Sed  seujura  vocent,  seu  fidminet  émis  in  hostes, 
Nonnisi  lancta  gerit,  non  nid  sancici  jtrobai. 


Je  m'arrête.  Ce  panégyrique  est  loin  d'être  fini  ;  il  remplit  une 
assez  grande  partie  d'une  assez  longue  épîlre;  et  quoique  l'auteur 
l'adresse  à  son  livre,  c'est  à  Thomas  Becket  qu'elle  semble  véri- 
tablement dédiée  ;  c'est  pour  le  louer  qu'elle  est  faite.  Jean  de 
Sarisbéry  donne  ensuite  quelques  vers  au  sujet  qu'il  doit  traiter. 
Ces  vains  amusemens,  ces  bagatelles,  ces  niaiseries,  qu'il  va 
peindre  à  la  cour,  n'habitent  pas  là  seulement,  il  les  trouve 
également  par-tout  : 

Ecclesidnuga,  régnant,  el  principis  aidd  • 

In  claustro  régnant,  pontificisque  domo 
In  nngis  clerus,  in  nngis  mtUtis  nsus  ; 

In  niigisjuvenes,  (otaque  tiirba  senum. 
Rusticus  in  nugis,  in  nvgi.t  sexus  nlerque  ; 

Servus  et  ingenuus,  divcs,  egenus,  in  his. 

Ce  premier  livre  a  treize  chapitres.  L'auteur  examine,  en 
commençant,  les  dangers  d'un  rang  élevé,  l'ivresse  qui  le  suit, 
les  fausses  douceurs  qui  l'entraînent,  les  obstacles  qui  en  écartent 
la  vérité,  les  effets  empoisonneurs  de  cette  prospérité  qu'il 
appelle  marâtre  de  la  vertu.  L'ignorance  de  soi-même,  un  vain 
orgueil,  les  connaissances  les  plus  frivoles,  de  honteuses  vo- 
luptés :  ce  n'est  plus  un  homme;  l'homme  est  descendu  au  rang 
«les  animaux. 

Quels  doivent  être  les  véritables  objets  de  nos  travaux? 
l'iels  sont  les  devoirs  que  nous  imposent  la  nature,  la  raison, 
1.1  justice,  notre  qualité  de  membre  d'une  association  poli- 
"ique?  Jean  de  Sarisbéry  annonce  toutes  ces  questions  plutôt  • 
■piil  ne  les  traite  dans  les  deux  chapitres  suivans.  11  s'arrête 
plus  long-temps  à  l'examen  des  plaisirs  qu'on  substitue  dans 
l(!s  cours,  à  l'étude  de  ces  devoirs  et  à  leur  exécution.  Et 
d'abord  la  chasse.  L'auteur  met  à  contribution  l'histoire  de 
plusieurs  peuples  de  l'antiquité,  les  fables  des  païens,  el  les 
récits  des  livres  sacrés,  les  opinions  des  pères  et  celles  des  phi- 
losophes. 11  veut  prouver  que  l'usage  immodéré  de  la  chasse 
porte    lame   à  la  férocité  ;    il  attaque   ouvertement  le    droit 


ÉVÊQUE  DE  CHARTRES.  101 

exclusif  de  s'y  livrer.  Ces  bêtes  sauvages  qui  naturellement  doi-  xit  siècle. 
vent  appartenir  au  premier  qui  s'en  saisit,  des  hommes  témé- 
raires n'ont  pas  craint,  dit-il,  de  revendiquer  sur  elles,  en  quel- 
que lieu  qu'elles  se  rencontrent,  les  droits  qu'ils  auraient  si 
elles  étaient  enfermées  dans  une  enceinte  close  par  eux  ;  et  ce 
qu'il  y  a  de  plus  étonnant,  tendre  des  lacets  aux  oiseaux,  les 
attirer  par  un  moyen  quelconque,  devient  souvent  un  crime 
par  l'effet  d'une  loi,  et  on  vous  en  punit  par  la  confiscation 
de  vos  biens,  par  la  mutilation  des  membres,  par  la  mort 
même.  Nous  avions  ouï  dire  que  les  oiseaux,  que  les  pois- 
sons, étaient  une  propriété  commune  aux  hommes  ;  non,  ils 
n'appartiennent  qu'au  fisc  ;  ils  sont  par-tout  à  lui  !  craignez 
de  le  troubler  dans  l'exercice  de  ce  privilège.  Pour  laisser 
toute  liberté  d'errer  aux  animaux,  le  laboureur  ne  peut  ap- 
procher de  sa  terre  ensemencée  :  on  le  dépouille  d'une  partie 
de  son  champ,  propre  à  être  mise  en  valeur,  pour  que  ces 
animaux  puissent  paître  dans  un  terrain  plus  étendu.  Tout 
est  pour  eux,  et  les  pâturages  manquent  aux  troupeaux  do- 
mestiques, et  on  ferme  aux  abeilles  même  l'accès  des  lieux 
où  sont  les  fleurs. 

Le  jeu,  la  musique,  les  histrions,  les  mimes,  les  jon- 
gleurs ,  toutes  les  espèces  d'enchanteurs  ou  de  magiciens  , 
tous  les  faiseurs  de  tours  ou  de  prodiges,  toutes  les  sortes  de 
divinations,  d'augures  et  de  présages,  font  l'objet  des  autres 
chapitres  du  premier  livre.  Le  second  roule  encore  sur 
les  augures,  les  présages,  les  signes  physiques,  astrono- 
miques, les  menaces  faites  ou  les  avertissemens  donnés  par 
des  phénomènes  de  la  nature  ,  sur  les  songes,  l'astrologie 
judiciaire,  les  mathématiques,  les  aruspices,  la  chiromancie, 
l'évocation  des  morts,  les  miracles,  les  bornes  du  possible, 
le  libre  arbitre  des  hommes,  la  prescience  et  l'immutabilité 
de  Dieu.  Dans  le  quatrième,  le  cinquième,  le  sixième,  et  le 
septième  chapitres,  le  livre  en  a  vingt-neuf,  il  entre  dans 
beaucoup  de  détails  sur  le  siège  de  Jérusalem,  sur  les  signes 
funestes  qui  annoncèrent  celte  calamité,  sur  tous  les  maux 
qu'eurent  à  souffrir  ses  habilans,  sur  les  horribles  actions  que 
la  faim  fit  commettre.  Dans  le  neuvième,  il  rapporte  le  fa- 
meux passage  de  Josephe,  touchant  Jésus-Christ,  et  ne  doute 
pas  de  son  authenticité.  Il  ne  doute  pas  davantage  dans  le 
dixième  du  miracle  de  Vespasien,  en  faveur  de  l'aveugle  et 
du  boiteux  qui  lui  furent  présentés  pendant  qu'il  était  assis 
sur  son  tribunal.  Dans  le  vingt-sixième,  oh  il  affirme  que  h 


102  JEAN    DE   S  AKISBEKY, 

XII  SIECLE,  volonté  de  Dieu  est  la  cause  universelle  et  priinilive  des 
actions  et  des  choses,  nous  lisons  ces  paroles  remarquables  : 
«  Si  je  ne  puis  arranger  le  procès  »jui  existe  entre  la  provi- 
dence et  le  libre  arbitre,  si  je  ne  puis  concilier  la  certitude  des 
cvénemens  avec  la  facilité  naturelle  d'agir,  tout  cela  n'en  est 
pas  moins  certain.  Dans  la  jurisprudence  civile,  celui  qui  se 
défend  est  souvent  le  plus  favoiablo  ;  dans  les  matières  philo- 
sophiques, c'est  presque  toujours  celui  (pii  attaque.  La  cause 
en  est  sans  doute  dans  la  faiblesse  de  nos  lumières.  Notre 
intelligence  aperçoit  si  mal  les  premiers  principes  des  choses  ! 
et  je  mets  de  ce  nombre  ce  qui  concerne  la  Providence,  et 
plusieurs  articles  de  notre  foi.  » 

Quinze  chapitres  forment  le  troisième  livre.  Lauteur  v 
recherche  d'abord  ce  qui  constitue  l'homme,  celte  ame  qui 
est  le  principe  de  la  vie  du  corps,  comme  elle-même  a  Dieu 
pour  principe  de  sa  vie.  11  recherche  ensuite  les  avantages  de 
létudc  de  nous-mêmes,  les  connaissances  qu'elle  exige  et 
quelle  produit.  H  voit  la  source  de  tous  les  maux  dans  un 
orgueil  insensé,  cl  dans  la  concupiscence,  peste  ou  lèpre 
dont  tous  les  hommes  sont  infectés.  H  est  un  mal  néanmoins 
plus  redoutable  encore  :  la  flatterie.  L'auteur  en  développe 
les  ruses,  les  manèges,  la  fausseté,  les  dillérentes  espèces, 
le  danger  de  toutes;  il  ne  la  croit  permise  (ju envers  les 
tyrans  ;  on  ne  peut  selon  lui  en  faire  usage  qu'envers  ceux 
qu'on  peut  tuer  ,  et  on  peut  tuer  les  tyrans  puisqu  ils  sont 
des  ennemis  publics  :  Ei  dunlaaml  licet  adulari  quem  licet 
occidere,  et  tyrannus  publicus  hoslis  est.  Ces  mots  sont  le 
titre  du  quinzième  chapitre  du  troisième  livre.  Il  les  répète 
dans  ce  ciiapitre  mêmt!,  et  y  joint  de  nouvelles  imprécations 
contre  les  tyrans.  Leur  donner  la  mort,  n'est  pas  seulement 
une  action  permise  ;  elle  est  éijuilable  et  juste.  Qui  prend  le 
glaive  mérite  de  périr  par  le  glaive.  La  justice  doit  s'armer 
contre  celui  (jui  desarme  le>  loi.s  :  de  tous  les  crimes  de  lèse- 
majesté,  il  n'en  est  pas  de  plu»  gravi;,  puisqu'elles  doivent 
ranger  les  princes  même  sous  leur  empire. 

Ce  nest  pas  le  seul  endroit  de  louvragc  oîi  JeandeSaris- 
béry  prêche  la  doctrine  du  tyraiinicide.  Beaucoup  d'autres  res- 
pirent encore  c(.'s  |)riiuipes  daiiifcreux.  11  présente  mêuK;  alors 
à  découvert  les  motifs  (pi  il  ne  lai.<;se  apercevoir  ici  cpie  par 
cette  phrase  va.i^ue  :  «  (^elui  (|ui  a  reçu  de  Dieu  .sa  puissance, 
l'c-verce  légiliinement  ;  on  n  est  (prusiirpatciir,  si  on  n  a  pas 
reçu  de  lui  le  pouvoir  d  en  user.  »    Il  y  met  au  nombre   des 


KVKQUK    DE    CHARTRES.  103 

tyrans,  loul  roi  que,  \p.  pape  a  déposé.  On  conçoit,  en   lisant     ^"  ^1^'ii^ 
une  maxime    aussi    factieuse,    on    conçoit   l'élroitc    amitié  qui 
unissait  Thomas  Becket  et  Jean  de  Sarisbéry. 

Tout  le  (piatrii-me  livre  est  rempli  do  ces  blasphèmes.  De 
qui  le  prince  reçoit-il  le  glaive,  se  demande  l'auteur?  De 
l'église  !  répond-il  ;  et  il  ajoute  :  celte  portion  de  l'autorité 
souveraine,  qu'il  serait  indigne  du  sacerdoce  d'exercer,  le 
sacerdoce  la  confie  au  prince  comme  son  ministre.  Gladium 
de  manu  ecclesix  accipil  princeps.  .  .  sacerdolii  minisler  est, 
et  sacrorum  officiorum  illam  parlent  e.rercet  quœ  sacerdolii 
manihus  videlnr  indigna.  Le  titre  du  chapitre  est  :  Quod 
princeps  minisler  csl  saccrilolum,  et  minor  eis.  Il  va  chercher 
des  preuves  de  celH^  subordination  des  monarques,  pour  le 
temporel  même,  à  la  décision  et  à  la  volonté  du  sacerdoce, 
dans  la  conduite  tenue  par  Constantin  au  concile  de  Nicée, 
où  cet  empereur  n'o.sa,  dit-il,  prendre  la  première  place,  ni 
môme  s'asseoir  avec  les  prêtres,  et  avoua  quM  n'avait  sur  eux 
aucune  juridiction,  (pie  Dieu  seul  pouvait  les  juger;  dans  la 
suspension  prononcée  conin;  Théodosc ,  de  ses  fonctions 
royales,  et  dans  la  pénitence  (pii  lui  fut  imposée  par  un  prêtn; 
de  Milan  ;  dans  la  déposition  de  SaiU  par  Samuel,  et  le  choix 
d'un  autre  prince  ;  dans  la  cérémonie  ordinaire  du  sacre  des 
rois.  Du  [louvoir  qu'il  attribue  à  l'église  de  donner  des  cou- 
ronnes, il  en  déduit  le  pouvoir  de  les  ôter  :  Ejus  est  nolle, 
cujus  est  velle;  ejus  est  au  ferre  qui  de  jure  conferre  polesl. 
Il  donne  d'ailleurs  aux  princes  d'exccllens  conseils;  il  leur 
recommande  d  être  l((s  sujets  de  la  loi,  quoiqu'ils  puissent 
s'en  afFranchir;  d'ètn^  les  amis  constans  de  la  justice,  en  se 
.souvenant  (jue  leur  justice  doit  toujours  être  celle  de  Dieu  ; 
de  fuir  la  d.hauche  et  lavarice,  d'aimer  les  lettres,  et  de 
rechercher  le.s  lumières  de  ceux  qui  les  cultivent  ;  de  lire  sans 
cesse  les  livres  divins  ;  d'avoir  une  humilité  qui  n'aille  pas 
jusqu'à  la  faiblesse  et  l'abandon  de  son  pouvoir  ;  de  n'être  pas 
clément  au  préjudicMî  de  l'état  ;  de  craindre  Dieu  ;  cl  de  se 
.souvenir  toujours  que  l'arrogance  et  l'injustice  des  rois  .sont 
les  causes  néci^ssaires  de  la  chute  des  empires 

Il  continue  à  traiter,  dans  le  cinquième  livre,  de  la  di- 
gnité royale,  des  obligations  qu'elle  impose,  des  vertus  qu'elle 
exige,  des  biens  et  des  maux  que  produit  l'exemple  des  sou- 
verains, auxquels  il  olTre  Trajan  pour  modèle  ;  et  encore, 
du  respect  (pi'ils  doivent  au  sacerdoce,  des  privilèges  des 
églises,  de   la  nécessité  de  ne  pas  confondre  les   prêtres  avec 


104  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  les  sujets  qui  n'ont  pas  le  même  caractère.  Après  s'être  élevé, 
non  sans  force,  contre  la  vénalité  des  cours  et  les  perfides 
conseillers  des  rois,  il  passe  aux  devoirs  des  personnes  que 
le  prince  appelle  à  concourir  sous  son  autorité  à  l'adminis- 
tration publique,  et  à  l'ordre  judiciaire  en  particulier  ;  volonté 
du  bien,  pouvoir  de  le  faire,  respect  absolu  pour  la  loi, 
incorruptibilité  sans  bornes  ;  liberté  entière  daus  la  défense, 
point  de  questions  captieuses,  nécessité  des  preuves,  peine 
des  faux  accusateurs,  sagesse  et  activité  dans  le  jugement. 

Des  préceptes  pour  les  guerriers ,  sur  ce  qu'ils  doivent 
savoir,  sur  ce  qu'ils  doivent  faire,  sur  ce  qu'ils  doivent  éviter, 
sur  leurs  privilèges,  sur  la  formation  et  la  discipline  des 
corps  militaires,  sur  l'obéissance  passive  à  laquelle  il  met 
c.  I  -  19.  pour  borne  la  crainte  de  déplaire  à  Dieu ,  occupent  une 
grande  partie  du  sixième  livre.  Il  les  appelle  les  mains  de  la 
république,  comme  il  avait  appelé  les  juges  ses  oreilles  et  ses 
yeux.  Les  pieds  sont,  dit-il ,  ceux  qui  exercent  les  plus 
humbles  travaux,  et  dont  le  corps  est  sans  cesse  vers  la 
c.  20  cl  21.  terre  ;  les  laboureurs  d'abord,  et  ensuite  un  grand  nombre 
d'ouvriers.  Il  dit  comment  on  doit  se  conduire  envers  eux,  et 
cite  comme  renfermant  les  plus  belles  règles  que  l'on  puisse 
établir  à  cet  égard,  le  beau  passage  de  Virgile  sur  les  abeilles, 
dans  le  IV"  livre  des  Géorgiques.  Il  revient,  dans  les  chapitres 
suivans,  à  des  principes  plus  généraux  sur  le  gouvernement 
des  empires  ,  sur  l'union  intime  du  chef  et  des  membres  de 
l'état,  sur  le  respect  dû  au  prince,  et  les  attentats  commis 
contre  lui  ;  et,  dans  un  de  ces  chapitres,  le  vingt-quatrième, 
voulant  prouver  qu'on  doit  souffrir  patiemment  les  défauts 
de  ceux  qui  gouvernent,  il  rapporte  une  conversation  avec 
Adrien  IV,  assez  digne  d'être  conservée.  Ceux  à  qui  l'histoire 
ecclésiastique  est  familière,  connaissent  le  mérite  de  ce  pape. 
Né  en  Angleterre,  d'un  homme  réduit  à  la  mendicité, 
n'ayant  subsisté  lui-même  pendant  son  enfance  que  des  au- 
mônes et  des  bienfaits  des  autres,  sorti  de  sa  patrie,  errant 
en  France,  domestique  ensuite  dans  un  monastère  près 
d'Avignon,  méritant  bientôt  d'être  adopté  pour  confrère  par 
ceux  dont  il  était  le  serviteur,  se  distinguant  d'abord  parmi 
eux,  l'emportant  enfin  sur  tous  par  ses  connaissances  et  son 
habileté,  il  devint  prieur  de  la  maison  à  laqiielle  il  était  afl5- 
lié,  général  de  son  ordre,  évoque  d'Albano,  légat  du  pape, 
et,  à  la  mort  d'Anaslase  IV,  il  fut  choisi  pour  le  remplacer, 
s'élant  ainsi  élevé  par  ses    seules  forces  du  dernier  rang  .de 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES.  105 

la  société  au  pontificat  suprême.  Jean  de  Sarisbéry  était  allé  x"  siècle. 
visiter  le  pape,  alors  à  Bénévent,  et  celui-ci  l'y  avait  retenu 
trois  mois  environ  auprès  de  lui.  Que  pense-t-on  de  moi  et 
de  l'église  romaine,  lui  demanda  un  jour  Adrien  IV,  dans 
cette  conversation  que  l'auteur  rapporle?  Je  répondis,  ajoute- 
t-il,  en  lui  exposant  avec  franchise,  sans  aucun  déguisement, 
ce  que  j'en  avais  ouï  dire  de  peu  favorable  en  diverses  pro- 
vinces. On  accuse,  par  exemple,  l'église  romaine,  mère  de 
toutes  les  églises,  de  se  montrer  pour  elles  moins  en  mère 
qu'en  marâtre  :  des  scribes  et  des  pharisiens  y  sont,  lesquels 
mettent  sur  les  épaules  des  hommes  d  insupportables  far- 
deaux qu'ils  ne  touchent  pas  même  de  leur  doigt  :  ils  occupent 
les  premières  places,  sans  offrir  par  leurs  vertus  des  modèles 
au  troupeau  qu'ils  doivent  conduire;  mais  ils  amassent  des 
richesses;  l'or  et  l'argent  chargent  leur  table,  et  ils  n'en  sont 
pas  plus  prodigues  envers  les  malheureux  ;  jamais  les  pauvres 
ne  sont  secourus,  rarement  du  moins,  el  alors  même  c'est 
moins  la  piété  qu'une  vaine  gloire  qui  leur  procure  ce  secours  : 
les  églises  sont  en  proie  à  leurs  concussions;  ils  font  naître 
des  procès;  ils  brouillent  le  clergé  el  le  peuple;  sans  pitié 
pour  tout  ce  qui  souffre,  contens  des  dépouilles  qu'ils  ont 
ravies,  s'enrichir  est  toute  leur  religion  :  la  justice,  ils  ne  la 
rendent  pas,  ils  la  vendent;  tout  est  à  prix  aujourdhui; 
demain  encore,  vous  n'aurez  rien  sans  le  payer  .  comme  les 
démons,  ils  passent  pour  faire  du  bien  s'ils  ne  nuisent  pas; 
il  en  est  bien  peu  qui  soient  de  vrais  pasteurs.  Le  pape  est 
blâmé  lui-même;  on  peut  à  peine  le  supporter  :  on  lui  re- 
proche d'élever  des  palais,  tandis  que  les  églises  fondées  par 
la  piété  de  nos  pères  tombent  en  ruine,  de  laisser  les  autels 
sans  ornemens,  tandis  qu'il  marche  couvert  de  pourpre  et 
d'or...  Voilà  ce  que  dit  le  peuple,  puisque  vous  m'ordonnez 
de  dire  ce  qu'il  pense.  Et  vous-même,  reprit  le  pape,  qu'en 
pensez-vous?  Ma  position  est  difficile,  répliqua  Jean  de  Saris- 
béry ;  je  suis  placé  entre  la  crainte  d'être  accusé  de  flatterie 
et  de  mensonge  si  je  m'oppose  seul  à  la  voix  pubuque,  et, 
dans  lé  cas  contraire,  d'être  accusé  de  lèse-majesté,  et  d'avoir 
comme  mérité  d'en  être  puni.  Néanmoins,  puisque  le  car- 
dinal Clértient  rend  témoignage  de  l'opinion  du  peuple,  je 
n'oserai  le  contredire  Avarice  et  hypocrisie,  voilà,  selon  lui, 
la  source  et  la  racine  de  tous  les  maux  de  l'église  romaine  ' 
et  ce  n'est  pas  en  secret  qu'il  l'affirme  ;  il  l'a  déclaré  publi- 
quement dans  cette  assemblée  de  cardinaux  qu'a  présidée  le 
Tome  XIV.  0 


s  ♦ 


10(5  .IKAN     DE     SAIMSHKHV, 

xii  siixLK.  pape  Eugène,  oii  j'eus  mon  iniiocenci;  à  défondre  contre  les 
liabitans  de  Féivnlino.  Je  le  dirai  pourtant  hardiment  et  dans 
ma  conscience,  je  n'ai  vu  nulle  part  des  ecclésiastiques  plus 
vertueux,  plus  ennemis  de  l'avarice,  (jue  dans  l'éi^lise  ro- 
maine. Oui  n  admire  la  modération  de  Bernard  de  Rennes, 
son  mépris  pour  les  richesses?  Celui  dont  il  a(,'cepla  quelijuc 
présent  est  encore  à  naître.  (Jui  n'admire  cet  évêque  de  Pr6- 
nesl(^  pnu.•>^anl  le  scrupule  jusqu  à  refuser  même  ce  (pie  l'on 
re(;oil  en  euiiuiiun?  lui  modestie,  en  ij;ravité,  plusieurs  égalent 
Fabricius,  et  ils  reiiipeitent  sur  lui  de  toutes  les  manières 
par  la  coniiai.ssance  de  la  vraie;  religion.  Puis  donc  (pie  vous 
me  jtressez,  (pu;  vous  1  exigez,  (pi(>  \ous  mt;  le  conmiandez, 
ne  voulant  pas  mentir  ii  l'espril  saini,  je  confesse  (pie  l'on 
doit  snivr(>  >()s  j)réceples  mais  (pi  il  ne  faut  [»as  toujours 
iiiiil(>r  \os  (euvres  :  on  de\ieiit  en  ellel  hérélicpie  ou  scliis- 
matKpie  en  secartani  de  votre  doeirine  ;  mais  il  est  des 
hommes,   grâces  à  Dieu,   (pii   ne  se  coiii'oniient   pas  en   toiil  à 

NOS  exemples .Mais  je  crains  (]ii  en   me  demandant  ce  (pie 

vous  voulez  .sa\oir,  \oiis  n'enlendic/  de  la  hoiiclie  d'un  im- 
prudent ami  ce  (jue  vous  ne  voudriez  pas  connaître  Vous 
examinez  la  conduite  des  autres  :  examinez-vous  la  vôtre 
uiénie?  Tout  le  monde  vous  applaudit  ;  on  vous  appelle  le 
piire  et  le  seigneur  de  Ions  :  père,  pounpioi  exiger  de  vos 
enfans  des  reliihulioiis  el  des  dons?  Seigneur,  jioiirquoi  ne 
pas  se  faire  craindre  des  IJomains?  poiinpioi  ne  pas  compri- 
mer leur  audace ,  el  les  ramener  à  la  lidélilé  qu'ils  vous 
doivent?  Vous  voulez,  par  vos  présens,  conserver  Home  à 
l'église:  est-ce  donc  par  lii  (pie  saint  Sylvestre  la  lui  ac(piit  ? 
Loin  d'èln;  dans  la  route,  mon  père,  vous  êtes  hors  de  tout 
chemin,  fil  y  a  tlans  le  latin  une  opposition  de  mots  un  peu 
puérile,  el  im|)ossible  à  rcndn»  en  fran(;ais  :  In  mrio,  pater, 
es,  cl  lion  in  rià).  ("oiiservez  Rome  |»ar  les  moyens  (pii  vous 
l'ont  procurée:  domn'z  graluitement  ce  (pie  vous  axez  re(;u 
de  même  ■  la  Ju^tl(:e  (;sl  la  reine  des  vertus  ;  elle  rougit  d'èlre 
mise  à  |)rix  ;  (pielh;  soit  gratuite,  si  vous  lui  voulez  garder 
ses  grâces  naturelles;  |)oiir(pmi  |)rosliluer  ce  (pu  ne  peut 
subsister  corrompu  ?  Le  poids  dont  vous  accablerez  les  autres 
retombera  cnlin  sur  vous-même.  L'auleiir  ajoute  que  le  pape 
lit  de  ce  discours,  le  remercia  de  sa  franchise,  el  lui  ordonna 
(le  l'instruire  toujours  sans  retard  de  C(!  (pi  il  cnlendrail  dire 
de  défavorable  sur  son  compte.  La  conversation  se  termina 
par  un  apologue  que  le   pape  enqiloya  pour  n-pondre  au  dis- 


K  VÈ(JUE   DE   en  ARTUES  107 

cours  qui  venait  de  lui  ôtrc  adressé,  et  qui  n'esl  (|ue  lapo-  au  siècle. 
logué  si  connu  de  la  conspiration  de  tous  les  miMuhres  du 
corps  contre  le  ventre  :  il  se  l'appliqua  ensuil(>  par  ces  mots 
également  rapportés  dans  l'ouvrage  de  Jean  de  SanslK-ry  :  Le 
chef  d'un  étal  est  connue  le  V(!ntre  dans  l(!  ccrps  luiniain  ;  il 
demande  beaucoup,  mais  ce  n'est  pas  pour  lui,  c  e.-,l  pour 
les  autres  ipiil  demande;  est-il  sans  nourriture?  il  ne  peut 
rien  distribuer,  tous  les  membres  huii^uissent.  N'accusez 
donc  ni  moi,  ni  les  princes  séculiers  •  ne  considérez  q[u'  le 
plus  grand  avantage  de  tous. 

Des  discussions  sur  les  anciens  pliilosoplies,  sur  la  place 
que  chacune  de  leurs  sectes  mérite  dans  l'estime  publique, 
sur  l'essence  et  les  caractères  de  la  vertu,  sur  les  vices  les 
plus  fré(piens  à  la  cour  et  l(;s  [)lus  dangereux  pour  l'état  et 
tous  ceuv  qui  le  composent,  remplissent  les  Ironie  chapitres 
du  septième  livre.  Lrs  acadcMuiciens,  malgré  leurs  erreurs, 
sont  les  pliilosopli(>s  de  rai)li([uilé  (pi'il  |)r(-r''re.  Il  examine 
et  combat,  en  [tarlatil  (le,  IMalon,  ro|)iiiion  de  ccmix.  (jui  pré- 
tendent que  ses  ouvrages  ont  été  fait.'^  d'après  Moïse  et  les 
prophètc\s.  il  dislingue,  dans  un  aulie  endroit,  c(»  (pii  est 
prouvé  par  les  sens,  ce  ipii  lest  par  la  '-aison,  ce  qui  l'est  [)ar 
la  religion.  Toute  religion  a,  .selon  lui,  se-;  l)a.s(>s  premières, 
dont  on  doit  admettre  l'existence  sans  (pi  on  ait  be.soin  de  la 
démontrer.  Il  recherche  ce  (pi'il  faut  l'aire,  ce  (pi  il  faut  ac- 
quérir, ce  (pi'il  faut  .savoir,  pour  èir(;  ligm'  du  nom  de  phi- 
losophe. Combien  de  gens  [>ren!ient  de  vaines  niaiseries  [)our 
la  sagesse  !  Conibien  d<î  gens  s'éloignent  délie,  en  croyant  la 
loucher!  Ici  sont  d'utiles  maximes  sur  les  dangers  de  l'igno- 
rance, sur  la  pri'soiiiplion  (pi'elK;  donne,  sur  la  manière, 
d'étudier,  sur  la  conduite  do  la  vie.  Il  prouve  aisi-inent  (pu; 
la  véritable  philosophie,  le  vrai  moyeis  de  bonheur  ,  c'est  la 
vertu  :  mais  [)as  de  vertu  sans  lumières  ;  car  elle  exige  ab- 
solument une  coiinaissaïUHî  parfail(i  d;  la  justice  et  de  la 
vérité.  I/écrivaiu  déplore  ensuite  l'erieiir  des  hommes,  des 
courtisans  en  particulier,  (pii  |)Iacent  'eiirs  jouissanctis  dans 
h;  niouvement  des  passions  ;  i-i-s  avares  dont  le  conir  toujours 
insatiable  ne  se  re[)ose  jamais.  L'anibilioii,  av(u;  les  menées 
secrètes  auxquelles  elle  a  recours  quand  elle  craint  d'être 
aperçue,  (!t  par  là  même  d'(Hre  arrêtée  avec  tous  les  vices 
qu'elle  traîne  à  sa  siiili^  (ît  tous  les  ruaiix  ([ii'eile,  produit, 
celle  ([ui  s'env(îloppe  sur-tout  des  voile-'  de  la  piélé  ;  il  |)eint 
l'ambitieux  cachant  ce  (jui  est,   feignaui,  d'être  ce    qu'il  n'est 

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108  JEAN    DE    S  A  RISB  ÉRY, 

XII  SIECLE,     pas,  simulons  et  dissimulans,  astulamque  gerens  sub  peclore 
vulpem  ;  il   le    peint     achetant    les    dignités    ecclésiastiques, 
quand    il   ne   serait  pas  assez   sûr  de    les  obtenir,   ou   bien, 
quand  il  veut  arriver    par  la    bonne  opinion  qu'on    prendra 
de  lui,  se  couvrant  de  vêtemens  grossiers,   priant   sans  cesse 
mais  à    haute   voix,    attaquant   sans     cesse   la    conduite  des 
autres,   affectant   la  pâleur,  portant  des  cheveux   courts  et  la 
tête   rasée,  poussant  de  profonds  soupirs,    répandant    à  volonté 
des  larmes  artificieuses  et  obéissantes,  ar^z'/ïaoszs  et  obsequen- 
iibus  lacrymis  subito  inundati,  toujours  prêt  à  dévoiler  les 
torts  des  autres,  pour  faire  mieux  croire  qu'il  n'en  a  aucun, 
voulant  faire   tourner    contre   l'église   les   fautes   de  quelques 
personnes,   s'enrichissant    par     la     crédulité  aux    dépens  des 
familles,  dépouillant    môme    les    héritiers   du   patrimoine    de 
leurs  pères,  se    faisant  céder  jusqu'à    la    modique   possession 
que  le  pauvre  aurait  pu    laisser  ou   transmettre  ;   les  exemp- 
tions et  les  privilèges  demandés  et  accordés  excitent  pareille- 
ment son   indignation.    Des  hypocrites    et    des  ambitieux,   il 
passe  aux  envieux,  aux  détracteurs,   et  voici  un    trait   qu'il 
raconte,   au  sujet  de   cet   esprit  si   commun  de  blâme  et  de 
jalousie,   parmi  ceux  qui  courent   la    même  carrière,    ou  qui 
sont  forcés  de  vivre  ensemble.   «  Le  vénérable  Gilbert,  évêque 
d'Héreford,     m'a  souvent   entretenu,   dit-il,    de  ce    vice    des 
cloîtres,  dont  lui-même  avouait  ne  s'être  pas  garanti.  Novice, 
encore  plein  d'une  ferveur   nouvelle,  j'accusais   mes   chefs  de 
tiédeur,  disait   Gilbert  :  mis  en  charge,  je  devins   indulgent 
pour  ceux  qui    remplissaient   des    fonctions    semblables   aux 
miennes,   en   restant  toujours  sévère    pour  les    religieux    qui 
en  exerçaient  de  plus  élevées.  Appelé  à  ces  dernières,  je  me 
sentis  une  condescendance    égale    pour  tous    ceux   de    mon 
rang  ;  les  abbés  seuls  n'étaient  pas  épargnés.    Je  devins  abbé 
moi-même  ;  plus  de  censure  envers  les  abbés  ;  plus  de  censure 
qu'envers  les  évêques  :  me  voila  évêque  enfin  ;  je  ne  dis  plus 
de  mal  de  personne.  » 

Nous  pouvons  remarquer  un  autre  trait  que  Jean  de  Saris- 
béry  raconte,  au  sujet  de  l'ambition.  Un  ôvêché  du  royaume 
de  Naples  ayant  vaqué,  sous  le  règne  de  Roger  11,  trois 
hommes  se  présentèrent  au  chancelier,  offrant  beaucoup 
d'argent  pour  l'obtenir.  Le  chancelier  était  alors  un  anglais 
nommé  Robert,  ministre  habile  quoique  peu  lettré,  admiré 
par  son  éloquence,  vénéré  par  ses  mœurs,  redoutable  dans 
l'exercice  de  sa  haute  magistrature.   Un  abbé,  un  archidiacre, 


ÉVÈQUE    DE    CHARTRES.  109 

un  clerc  protégé  par  son  frère,  officier  du  roi,  étaient  les  xii  siècle. 
trois  concurrens.  Le  chancelier  les  fit  appeler  l'un  après 
l'autre,  et  convint  avec  chacun  de  la  somme  qu'il  donnerait. 
Le  jour  de  l'éiecliou  fut  ensuite  indicjué.  Les  archevêques, 
les  évêques,  et  daulres  s'élant  réunis  pour  la  faire,  le  chan- 
celier leur  rendit  compte  des  trois  pactes,  et  promit  d'adop- 
ter le  vœu  qu'exprimerait  l'assemblée.  Les  simoniaques  furent 
universellement  rejelés,  et  à  l'instant  on  élut  un  religieux 
obscur,  qui  était  loin  de  s'attendre  à  cet  honneur.  On  n'en 
exigea  pas  moins  des  concurrens  qu'ils  payassent  jusqu'à  la 
dernière  obole  la  somme  qu'ils  avaient  promise.  Que  ne  fait- 
on  toujours  de  même,  dit  l'auteur,  en  finissant  cette  narra- 
lion,  envers  nos  grands  que  l'on  voit  si  attentifs  à  flairer  tous 
les  sièges,  bien  supérieurs  pour  la  force  et  la  sagacité  de 
l'odorat,  au  chien  poursuivant  la  trace  d  un  lièvre,  ou  cher- 
chant à  découvrir  la  retraite  d'une  bêle  sauvage  ? 

Le  huitième  livre  est  le  plus  varié.  La  vraie  gloire  et  la 
fausse  gloire,  l'avarice  et  la  libéralité,  l'amour  de  ce  qui  est 
juste  opposé  à  1  amour  de  ce  qui  nous  est  le  plus  commode, 
d'où  l'auteur  fait  |naîlre  et  place  également  en  opposition 
l'amour  de  la  domination  et  celui  de  la  liberté,  la  gourman- 
dise et  la  tempérance,  la  continence  et  la  débauche,  les  dif- 
férentes sortes  de  volupté,  le  luxe,  les  lois  somptuaires,  les 
règles  de  la  civilité,  les  obligations  du  mariage,  la  société 
des  gens  de  bien,  la  fuite  des  méchans,  la  tyrannie,  l'usage 
légitime  de  la  puissance  souveraine,  les  principes  sur  lesquels 
un  bon  gouvernement  doit  être  appuyé,  la  conduite  à  tenir 
envers  ceux  qui  disputent  sans  droit  le  pontificat  suprême  (1), 
les  seuls  moyens  de  vivre  heureux  et  tranquille,  sont  les 
principales  matières  qu'y  traite  l'écrivain.  Citons  en  encore 
quelques  passages.  Je  les  prends  dans  les  chapitres  sur  la 
tyrannie,  et  dans  ceux  sur  le  luxe  et  les  lois  somptuaires. 

Nous  l'avons  entendu,  au  troisième  livre,  s  abandonner  à 
toute  son  indignation  contre  les  tyrans,  et  proclamer  une 
doctrine  trop  favorable  à  la  désobéissance,  à  la  révolte,  au 
crime.  Ici  il  nomme  les  tyrans  des  ministres  de  Dieu  ;  Dieu  a 
voulu  se  servir  de  ce  moyen  pour  corriger  et  punir  les 
hommes.  H  déclare  de  nouveau  que  la  tyrannie  va  par-tout 
où    les    prêtres    sont    sans    pouvoir,    et    appuie    encore   sur 


(1)    On    peut    voir,    c.   23,    tout   ce  qu'y  dit   Adrien    du    malheur  d'être 
pape. 


110  JEAN    DE    SAIUSHERY, 

XII  SIECLE,  l'exemple  de  Samuel  (quoi([iie  Samuel  ne  fût  pas  prêtre) 
dont  la  répudiation  amena  ce  despotisme  des  rois  que  le 
prophète  avait  lui-même  annoncé  aux  Hébreux.  (I  retrace 
ensuite  les  crimes  de  Caligula  et  de  Néron,  remonte  à  Cé.sar, 
dont  il  loue  l(;s  hauts  faits  cl  raconte  la  mort,  redescu-nd  a 
ses  successeurs,  à  ceux  prinripaleini'nt  ([ui  périrent  assassi- 
nés, en  couvre  |)lusieurs,  et  sur-tout  Domitien,  de  l'opprohre 
quils  méritent,  célèbre  les  règnes  de  Nerva ,  de  ïrajan  , 
d'Adrien,  d'Antonin,  et  bientôt,  en  revient  à  ces  maximes 
perverses,  que  nous  avons  rcmarcpiées,  et  ([u  il  fonde  tou- 
jours sur  l'autorité  de  1  écriture  et  la  volonté  la  plus  expresse 
de  Dieu. 

Jean  deSarisbéry  rappelle  dans  le  m-'-m  •  chapitre  {)lu- 
sieurs  réglemens  des  peuples  anciens  ,  des  Romains  en  par- 
ticulier, contre  le  luxe  des  repas.  Nous  n'avons  point  à 
examiner  les  erreurs  que  ce  chapitre  peut  renfermer  :  nous 
iir  voulons  ipic  faire  connaître  la  pensée  généralede  l'auteur 
et  ses  principes.  Cependant,  nous  n^marquons  (ju'il  cite  une 
loi  Turannia  ou  Favina,  (|ui  n  (ixista  jamais,  et  qu'il  confond 
sans  douti;  avec  la  lo:  Fannia;  erreur  d  autant  plus  extraor- 
s.uiiii.  2.  ..  dinaire  qu'il  ne  fait  ([ue  copier  .Macrobe,  (|ui  lui  donne  son 
'•'•  véritable   nom.    Après   avt)ir    fait  ensuiti^    un   a.ssez  bel  éloge 

(le  César,    une  censure  plus  juste   d' Antoiiuî,  et  donné   ([uel- 
(pies  détails    sur  rintenq>érani;e   di!s    lloinains    vers    le   tenqjs 
d'.Vuguste,    il    rappelle    leurs   (;ominutiicalions   plus    fréquentes 
avec    les   étian.:,'ers,    leur  tolérance  [xMir  les    dieux    des   autres 
peu[)le.s     1.1   confusion    des   cultes    et    des    nneurs  ;  et,  passant 
loiii  -  ;i  -  coup    ilii   (li'inier    siècle    av. ml    l'ère   chrétienne    au 
onzième  de  cette  ère,  il  .-air'Me   ;i  ((uisideii-r   ce  fameux  (iuil- 
laume   (pii,   ayant  soutenu  par  les  armes  les  droits  (julidouard 
lui   avait   iais.sés  à   la    couronne  d  Viigleterre,    ne   mérita    pas 
.seulement    la  gloire   que   donnent    les    conquêtes.    Il    annoii(;e 
que  ce   prince,  devenu  posse.sseur  paisible  de    son   royaume  . 
envoya  de  ses    sujets  chez   les  aulre.s  nations,  pour  ([u'ils  lui 
apportassent  ce  (piils   y   trouverai-nl  de   \Ans   magnilique     et 
de  plus  rar.'.    Ainsi,  dit-il,  se  pree.ipila  tout  le  luxe  de.  lEu- 
lopc  dans    une  ile    conltmle  jus(fualors  de   ses     propres    ri- 
chesses.   On   peut  louer    sans  doute  le    dessein  de  ce    grand 
homme;   il    voulut  ra.ssembler    dans  ses  états    l'opulence  de 
tous   les  autres:   mais  il  eût  miiMix  fait  ruicore  de  s'opposer 
par  de  bonnes  lois  à  celte  inleinpi';iance  ([ui,  en   subjuguant 
les   Anglais  ,   avait  préparé    sa  complète.    Jean  de    Sarisbéry 


liVROlJE    DE    CHARTRES.  111 

remonte  onsiiile  du  leni[)s  oii  r(>gnait  Guillaume  à  celui  où  vivait      XH  siècle. 
César;  il  passe  de  César  à  Auguste  et  aux  princes  qui  le  suivi-  " 

rent;  il  rappelle  encore,  d'après  Macrobe,  Aulugelle  et  Varron, 
(|uel(|ues  traits  de  leur  i,'0urmandis(>,  de  leur  faste,  de  leurs 
vaines  prodiiialilés 

Ces  passages  rapides  d  un  siècle  à  1  autre,  dune  histoire  à 
l'autre,  sont  communs  dans  les  ouvrages  de  Jean  de  Sarisbéry. 
Il  en  résulte  un  peu  de  désordre  dans  son  érudition,  ei  souvent 
des  citations  de  faits,  dcxcmples,  d'usages,  d'institutions,  (|ui 
ne  peuvent  d  aucune  nianièri;  rire  applicjués  au  temps  oii  il 
f'crit,  et  aux  princes  et  aux  |)euples  (|ui  auraieni  pu  prolilcr  de 
ces  leçons. 

Lacroix  du  Maine,  p;iilant  des  oiivrag(>s  de  Gabriel  de  Col-  «'l'i'uHi.  Fr. 
Uinge,  valel  di'  ciiiuni)!.'  drCliiulcs  IX,  indiipie  celui-ci  ;  Dis-  ''''"' 
cours  de  la  iiolicratie  et  inslilulion  |)oliti(|U(!,  oii  il  est  traité 
des  abus  de  la  l'our,  de  la  loi  me  el  manière  de  la  voi(^  pliilo.so- 
phi(|iie.  Cet  uinta-e  paiail  nèli»!  (pi'iine  Iraduction  du  livre 
de  Jean  de  Sarisbérj .  il  n  était  point  encore  iiii[irim(!  au  temps 
oii  Lacroix  du  Maine  écrivait  (vers  la  fin  du  XM"  siècle); 
nous  l'apprenons  de  lui-même,  .le  ne  crois  pas  cpiil  lait  été 
depuis 

On  a  liuil  édilionsdu  l'olicratiipie.  La  première,  in-folio,  sans 
dal(\  sans  indicalioiis  de  ville  ni  d'imprimeur,  sans  signatures, 
m  réclames,  ni  ciiilfres,  caractères  golliicpies,  fut  exécutée,  à 
ce  (|iie  l'on  croil,  vers  Hll\,  à  Cologne  suivant  les  uns,  a 
Rnixelles  suivant  les  autres.  Il  y  en  a  un  exemplaire  à  la  Riblio- 
llièipiedii  Panlliéon,  à  l'aii.s. 

La  seconde  a  élé  imprimée  à  Lyon,  en  loi 3,  un  volume 
in-8",  chez  Conslanlin  Fradin  ;  il  est  dit  dans  la  préface 
ipie  c'était  le  confes.seur  du  roi,  Guillaume  Petit,  ijui  avait 
lait  fain^  celle  édition.  La  troi.^ième  parut  in-4°,  la  même 
année,  à  Paris,  chez  Rerlhold  Rembolt  ;  la  quatrième  à 
Leyde,  in-S",  en  1;)9;i,  chez  Planlin  ;  la  cin(|uième,  .sous 
le  même  formai  et  dans  la  même  ville,  chez  Jean  Maire, 
en  IfiaO;  la  sixième,  pelil  in-8",  en  1004.  à  Amsterdam' 
chez  la  veuve  Jean-Henri  Room  ;  la  septième  et  la  huitième 
font  |)artie,  l'une  du  supplément  de  la  Ribliothèque  des 
l'ères,  imprimée  à  Cologne,  lautre  du  vingt-troisième  vo- 
lume de  celle  imprimée  a  Lyon,  l'our  les  deux  éditions  de 
1.'i13,  celle  de  Fradin  est  la  première,  quoiijue  Fabricius, 
Rayle,  el  plusieurs  autres,  disent  que  c'est  l'édition  de  Rem- 
bolt. Celle-ci   est  du  25   mai;  l'autre  du   17"  jour  avant   les 


112  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  calendes  de  ce  mois  :  Exlrema  manus  apposila  est  XVII  cal. 
mail.  Il  est  difficile,  au  reste,  de  commettre  une  erreur  moins 
importante. 

Le  Policratique  a  été  traduit  deux  fois  en  français.  Sous 
Charles  V,  Denis  Soulechat,  cordelier  alors  célèbre,  l'entreprit 
par  ordre  du  roi;  cette  traduction,  qui  n"a  point  été  imprimée, 
se  trouve  cotée  dans  le  catalogue  des  livres  de  ce  monarque, 
dressée  en  1373,  et  elle  était,  à  la  fin  du  siècle  dernier,  parmi 
les  manuscrits  du  prince  de  Soubise  •  l'abbé  Lebeuf  en  fait  men- 
I'  7iii.  tion,  dans  une  dissertation  insérée  au  tome  XVII  des  Mémoires 
de  l'académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  L'autre  traduc- 

Hisi    .ir  lAc    lion  est  de  Mezerai  ;  elle  fut  publiée  in-4°,  à  Paris,  en  1640, 

franc.   I.  Il,   \<-  SOUS  le  titre  de  Vanités  de  la  cour,  par  Jean  de  Sarisbérij  : 

20!i-  elle   est    rare  sans   doute;    car  nous   n avons    pu    la   trouver 

dans   aucune    de   nos    grandes    bibliothèques,    quoique    nous 

eussions  aimé  à  la  consulter.  Fabricius,  dans  sa  bibliothèque 

T.  IV,  |i  'S.^-  jg  [g  moyenne  et  de  la  basse  latinité,  indique  une  traduction 
française,  ancienne,  sous  ce  titre  :  «  Polycralicon,  des  traces 
des  philosophes,  et  des  truffes  et  vanités  de  ceux  qui  suivent  les 
cours  des  princes.  » 

T  IV.  p.  241.  Le  catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi  donne, 
sous  le  n°  6416  :  Joannis  Sarisberiensis  Polycraticus ,  sive  de 
nugis  curialium  et  vestigiis  philosophorum,  libri  oclo,  prœmit- 
tilur  ejusde^n  euthelicus,  versibus  elegiacis,  quem  J&annes  le 
Begite  galiicé  interpretatus  est,  anno  1372,  jussu  Caroli  V, 
Francarum  régis.  Les  uianuscrils  suivans,  jusqu'à  64:io,  pré- 
sentent encore  ce  dernier  ouvrage,  mais  sans  traduction  ;  le 
n"  6426  en  contient  l'index.  Tous  ceux-là  sont  parmi  les  anciens 

T  IV  p  20».  philosophes,  in-folio.  Parmi  les  anciens  philosophes,  in-4°, 
est  un  n"  65a4,  qui  paraît  écrit  au  XIIP  siècle,  et  qui  porte  : 
Joannis  Sarisfy$riensis  Polycraticus  in  epitomen  ab  anonymo 
contractus. 

11.  L Euthelicus  n'est  autre  chose  que  la  pièce  de  vers, 
l'épître  à  son  ouvrage,  que  Jean  de  Sarisbéry  avait  destinée  à 
servir  de  préface  au  Policratique,  et  qu'on  lit  à  la  tête  de  plu- 
sieurs éditions,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  dans  toutes. 

Si  mi/hl  cieilidenn.  lingiiam  cohlbehis,  vl  aitla 
Litnina  non  iniret  pes  (iin-i  ;  eito  do»i. 

Ai'peelH's  /mminun  canlèis  vilare  memenlo  ; 
El  iiùi  commisses  claude,  liielle,  tioias. 

Onniu  êitd  inspecta  tibi  (jitia  puilicui  Aostis 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES.  M3 

El  majeslails  diceris  esse  reus.  XII  SIECLE 

Ignis  edax,  gladiusque  ferox,  tibi  forte  paranlur, 
Aut  te  polliM  subruet  /losiis  aguâ. 

Ce  sont  les  premiers  vers  de  celle  épîlre.  Nous  pouvons  ren- 
voyer à  ce  que  nous  en  avons  déjà  dit  au  commencement  de 
l'article  sur  le  Policralique.  Nous  venons  d'observer  qu'elle 
fut  traduite  par  Jean  le  Bègue,  en  1372,  d'après  l'ordre  de 
Charles  V,  et  que  cette  traduction  est  manuscrite  à  la  Biblio- 
thèque du  Roi. 

III.  Métalogique.  L'objet  de  cet  ouvrage  est  de  défendre 
les  connaissances  utiles  contre  les  injures  et  les  déclamations 
dont  la  sottise  et  l'ignorance  sont  toujours  si  prodigues. 
L'éloquence,  la  logique  et  la  grammaire  étaient  alors  étu- 
diées dans  toutes  les  écoles  de  Paris.  Quelques  hommes 
trouvèrent  plus  commode,  et  sur-tout  plus  facile,  de  s'en 
moquer  que  de  s'en  instruire.  Ils  comparaient  avec  une  poli- 
tesse aimable  les  grammairiens,  les  orateurs  et  les  dialecti- 
ciens,  aux  bœufs  d'Abraham,   et    aux    ânesses    de   Balaam.        ., .  ,      ,- 

'  '  .Mctolog.  Iiv. 

Plusieurs    écrivains   d'un    mérite    distingué     crurent    devoir  i,  c.  5 
descendre  jusqu'à   de  pareils  censeurs,   et  ils  engagèrent  un 
combat  dans  lequel  les  adversaires  qu'ils  daignaient  attaquer 
ne  se  défendirent  qu'en  redoublant  d'absurdités  et  d'injures. 

Après  l'ignorance,  ce  qu'ils  aimaient  le  plus,  c'était  le  mau- 
vais style;  et,   comme  l'une  conduit  à  l'aulre,   ils  écrivaient 
sans  peine  d'une  manière   barbare.    Abailard,   Gilbert  de    la        McibIor  liv 
Porée,    quelques    autres   encore,  les  avaient  déjà    poursuivis  '^  *=  "■ 
avec  beaucoup  de  vigueur.  Jean  de  Sarisbéry   n'en  mit   pas 
moins  à   les  comballre.    Il  désigne  ces  hommes  sous  le  nom 
de  Cornificiens,  et  leur  chef,  ou   le  chef  qu'il  leur  suppose, 
sous  celui   de  Cornificius,    peut-être  par   allusion  à    l'auteur        „  .    ,  ., 
du  même  nom,  qui  censura  Virgile.   Voici  comme, il  le   dé-  t.  ix,  p.  as. 
peint,    tout  en   annonçant   que  l'on   doit  de  l'indulgence  aux 
personnes,  si  on  n'en  doit  pas  à  l'erreur  :    «  La  charité  chré- 
tienne, dit- H,   ne  me  permet  pas  de  divulguer  en  lui  l'épais- 
seur de  son  ventre  et  de  son  esprit  ;  le  latin  vaudra  mieux  : 
Tumorein  ventris  et    mentis,  oris  impudentiam,  rapacitatem 
manuum,    geslûs   levitatem,    fœditalem    morum    (quos    tota 
vicinia  despuit),  obsceenitatem  libidmis,  deformitatem  eorpo- 
ris,   turpitudinem  viias ,   maculam    famée...,    sterlit  (ronde) 
ille   in   dies  medios,   quotidianis  conviscerationibus  ingurgi- 
tatur  ad  cràpulani,  et  in  illis  immunditiis  volutatus  incumbit 

Tome  XIV.  P 


lit  JEAiN    DE   SARISbÉKY, 

XII  SIECLE,  quse  nec  porcum  deceant  Epicuri».  L  auteur  prend  un  pou  ici 
le  Ion  (le  ses  adversaires;  un  Corniiicien  n'eût  pas  dit  plus 
d'injures  dans  un  plus  court  espace. 

CorniQcius  (je  lui  donne  le  nom  (|ue  Jean  de  Sarisbéry  lui 
donne)   avait   pour  amis  tous  les  hommes  sans   lumières  ou 
ennemis  de  la  gloire  dos  autres;   ils  se  rendaient  en   foule  à 
ses  leçons,  si  on  peut  les  appeler  ainsi.  Ils  s'y  rendaient  pour 
..    ,      ,.     apprendre  qu'il  ne   fallait    rien  savoir,  et  leur   maître,    à  cet 
I,  ,..  5.  égard,  était   plein   de  sa  doctrine.   Ses  paroles  étaient  abon- 

dantes, mais  communes  et  vides  ;  il  frappait  l'air  de  mots 
que  les  vents  emportaient  ;  il  blâmait  tout  insolemment,  mais 
sans  apporter  jamais  aucun  motif  ou  pour  combattre  l'opi- 
nion d'un  autre,  ou  pour  élahlir  la  sienne.  Lui  faisait-on 
quelque  observation,  il  sirrilait  ou  se  mettait  à  rire.  Cepen- 
dant, il  repaissait  ses  auditeurs  de  niaiseries  et  de  fables, 
leur  promettant  de  les  rendre  éloqiiens  sans  le  secours  de 
l'art,  et  philosophes  sans  travail.  Les  plus  ridicules  (piestions 
Siigitaient  dans  son  école  :  on  y  examinait  si  le  porc  qu'on 
mène  au  marclié  est  traîné  par  la  corde  ou  par  l'homme  qui 
la  lient;  si,  en  acquérant  une  cliappe,  on  ac(|uiert  son  cha- 
|ieion.  On  ad'ectait  telleiiKnil  dimployer  les  particules  néga- 
liv(>s,  (|ue  pour  être  sur  quelles  ne  .'^'étaient  pas  mutuellement 
détruites,  si  elles  étaiiMit  en  nnniltic  pair  ou  impair,  on  en 
prenait  note,  et  on  les  comptait  même  avec  des  pois  ou  des 
fèves.  De  grands  cris  étaient  le  moyen  le  plus  sûr  d'obtenir 
la  victoire.  Les  poètes,  les  historiens,  étaient  déclarés  infâmes  : 
cpielipi  un  s'adonnait-il  à  la  lecture  (l(>s  anciens,  on  le  ba- 
fouait dans  les  termes  les  plus  nicpiisaiH  ;  (•(>  n'était  pas  seu- 
lement un  Ane  d'Arcadie,  la  picrri*,  le  plomb  étaient  moins 
bouchés,  moins  lourds  ipic  lui  Et  les  auditeurs  d'un  tei 
homiiKï  SI'  trouvaient  tout  a-coup  en  état  d'enseigner  eux- 
mêmes  :  il  leur  fallait  moins  de  temps  pour  être  de  grands 
|>liilosophes,  ipiil  n'en  faut  aux  petits  des  oiseaux  ponr  com- 
mencer à  avoir  des  plumes 

Après  être  entré  dans  quehpies  autres  détails  sur  la  vanité 
des  Cornihciens  et  leur  mépris  pour  toutes  les  sciences, 
iiy  I  ,.  {  1  auteur  nous  en  présente  apportant  dans  les  cloîtres  leur 
ignorante  pré.somption.  D'autres,  au  contraire,  allaient  à 
Montpellier  ou  à  Salerne  étudier  la  médecine,  et  n'en  rappor- 
taient (jue  des  mots  avec  un  grand  fonds  de  suflî.sance  et 
d'orgueil.  A  peine  même  avaient-ils  reçu  les  premières 
leçons,  (ju'ils  se  croyaient    dignes  de  l'exercer  et  de  l'en.sei- 


Hî)     fl      6UIV. 


ÉVÉQUK    DE     CflARTRES.  115 

gnor.    Leurs  connaissances  0  en   (•laionl    pas   moins   vaines  (M      ">'"  siècle. 

fausses.  Sans   cesse  ils  avaient  à  la  bouche  les  noms  d'Hippo-  " " 

ciate  et  de  Galien;  ils  ne  parlaient  que  par  aphorismes;  mais 
c était  là  toute  leur  scienc  Le  peuple  s'y  laissait  (ron)per;  et 
les  malades  donnaient  aveuglément  leur  confiance  à  ces  char- 
latans, dont  ils  devenaient  ensuite  les  victimes.  Et  quelles 
«nnnaissances  véritables  peut-on  avoir,  continue  l'auteur 
<l"an(l  on  dédaigne  celle  .|ui  féconde  et  dirige  toutes  les 
autres,  la  pliih^sopliie! 

Autant  il  met  d'ardeur  à  poursuivre  les  ennemis  de  la 
science  et  delà  raison,  autant  il  aime  à  louer  les  hommes  ''  '*' 
célèbres  de  son  siècle,  .\bailard,  Thierry  l'Armoricain,  Ber- 
nard de  Chartres,  Guillaume  de  Conches,  Anselme  et' Raoul 
de  Laon,  Albéric  de  Reims,  Simon  de  Paris,  Guillaume  de 
(;ham[)eaux,  en  reçoivent  de  justes  éloges.  Nous  avons  sou- 
vent eu  l'occasion  de  les  rappeler  d'après  lui  au  commenci^-  ,. 
ment  de  cet  article,  en  retraçant  les  éludes  premières  de 
Jean  de  Sarisbéry. 

Les  autres  chapitres  du   premier   livre  sont  principalement 
consacrés  à  déviîlopper  l'importance  et   l'utilité   de    la  grain- 
niain;,    de   la    logi(|iie,   de   la   rhétorique,   des  beaux-arts,  et  à 
tracer    quelques    règles    sur    la    manière    de    les    étudier,    il 
comprend,    sous   la    dénomination    générale    de   beaux-arls , 
toutes  les  connaissances  utiles  que  Ion  pouvait  alors  cultiver.' 
Le  latin,   depuis  plusieurs  siècles,    avait  cessé  d être   un   lan- 
gage commun.   On   cherchait  à   former  une  langue  nationah; 
C'était   l'objet   des    vœux    et   des  (ilïorts  de     tous   ceux    qui 
aimaient  et  cultivaient  les  lettres.  On  ne  sera  donc  pas  étonné 
qu(î    la   grammaire    fût    regardée    comme    la    première   dans 
Tordre   des  sciences.    La    logique  et  la    rhétorique  formaient 
avec  elle  te  trivium;  le  quadrivium  venait  ensuite,  c'est-à-dire, 
comme   nous    l'avons  déjà    remarqué,   l'arithmétique,   la  mu- 
sique, la  géométrie,   et  l'astronomie.   Toutes  ces  connaissances 
étaient  alors  comprises  sous  le  nom  d'arts   libéraux  ;     et  elles 
sont  appelées   arts,   disait   Jean   de  Sarisbéry,  ed^uo^^  arr/an^       .„, 
reguhs  et  prseceplis,  ou  du  mot  grec  (pii  exprime  la   vertu,  =•  12. 
«P£T/,;  la   vertu  rendant  les  esprits   plus  capables  de  recon- 
naître et  de  suivre  les  voies  de  la  sagesse. 

L'auteur  revient  dans  le  second  livre  à  l'étude  de  la  logique 
ou  de  la  dialectique,  et  le  rem[)lil  tout  entier  des  conseils, 
des  réflexions,  des  préceptes,  des  éloges,  que  lamour  de  cette 
science  lui  inspire.    H  s'attache  à   faire  connaître   la  doctrine 

P3 


p.    91. 


Mdiil. 


116  JEAN  DE  SARISBÉRY, 

XII  SIECLE.     d'Arislote  et  de  ses  disciples,   parmi  lesquels  il  se  range.  Le 

développement  de   celte  philosophie  occupe   encore   le  troi- 

V.  âur-toui  sième  livre  et  le  quatrième.  L'admiration   que  Jean  de  Saris- 

iiv.  IV,  c.  27.     ijéry    professe    pour    lui    ne    l'empêche    pas    de    remarquer 

quelques    erreurs.    On    avait,'  dans    ce  siècle   même,   publié 

Hist   Littër.  plusleurs  traduclious  de  divers  ouvrages  de  ce  grand  homme, 

184^'  ''  *^^  *'  '^*  ""^^  d'après  le  grec,  les  autres  d'après  l'arabe;  il  se  plaint 

de   leur  peu  de   mérite,    et  de  ce  que  pourtant  on  n'étudiait 

plus   que  là   les  sentimens  d'Aristote.   Il  se  plaint  également, 

dans  plusieurs  autres  chapitres,  de  quelques  vices   introduits 

Liv.  I,  c.  2i;  dans    l'enseignement    de  la    philosophie;    de  ce  qu'on   avait 

c7l8  '  "^    '        abrégé  le  temps  des  cours  ;  de  l'obscurité  qu'on  affectait  dans 

les     leçons,    des    subtilités    nouvelles    qu'on     y    introduisait 

chaque  jour.   Les  réalistes  et   les  nominaux  agitaient  encore 

les  esprits,  en  prétendant,   ceux-là  que  l'universel    est  dans 

les  choses,   ceux-ci    qu'elles  étaient    toutes    singulières,    et 

qu'il   n'y  avait    d'universel  que   le  nom.    Jean  de  Sarisbéry 

était  réaliste,  et  il  attaque  souvent  les    nominaux   dans  son 

Métalogique,  et  spécialement   dans  le   dix-septième  chapitre 

du  second   livre.    Les  analytiques  d'Arislote,  ses  catégories, 

ses  topiques,  peuvent  être  indiqués  parmi  ceux  des  travaux 

Liv.  III,  c.  2,  de  ce  grand  philosophe  que  notre  auteur  examine  et  discute 

et  HUIT.  avec  le  plus  de  soin.  Parmi  les  pères  de  l'église,  saint  Augustin 

a  toute  sa  préférence  ;   il  trouve  téméraire  de  ne  pas  penser 

LiT.  IV,  c.  2S.  1    ••  j      .    j      I      .  I, 

comme  lui,  impudent  de  le  blâmer. 

Le  dernier  chapitre  de  l'ouvrage  est  une  véritable  élégie 
en  prose  sur  le  malheur  des  temps.  Arrêlons-nous  ici,  dit 
l'auteur,  il  convient  mieux  de  pleurer  que  d'écrire.  Un  or- 
gueil insensé  agite  le  monde  :  nous  devions  espérer  la  paix, 
et  voilà  que  le  trouble  et  la  tempête  se  montrent  à  Toulouse, 
et  arment  les  uns  contre  les  autres  les  Anglais  et  les  Fran- 
çais; des  rois  que  nous  avions  cru  amis  s'attaquent  et  se 
poursuivent,  et,  pour  comble  de  maux,  nous  venons  de 
perdre  Adrien;  et  sa  mort,  déplorable  pour  tous  lesChré-* 
liens,  plus  déplorable  encore  pour  l'Angleterre,  où  il  naquit, 
ne  doit  faire  verser  à  personne  autant  de  larmes  qu'à  moi. 
Sa  mère,  son  frère,  il  ne  les  aimait  pas  plus  tendrement. 
Quelle  amitié!  quelle  conQance  !  Élevé  sur  le  trône  pontifical, 
il  se  faisait  un  plaisir  de  m'avoir  pour  convive,  et,  malgré 
moi,  il  voulait  que  le  môme  verre,  la  même  assiette  nous 
fussent  communs.  Le  schisme  est  venu  encore  accroître  tant 
de  maux...  Que  Dieu  préserve  du  naufrage  le  vaisseau  de 
l'Église  ! 


383. 


ÉVÉQUE    DE  CHARTRES.  117 

Le  Métalogique  se  trouve  à  la  suite  du  Policratique,   dans     xii  siècle. 
les  éditions  de  1513,  1639  et  1664;  il   a  de  plus   été  publié 
séparément   en  1610,  à  Paris,   chez    Hardouin   Beys,   d'après 
un   manuscrit  de  Cambridge,   et  à   Leyde,   en   1630  (1).    Le 
docteur  Grancolas   se  trompe  en   disant  que  le   Métalogique       Crii.  des  aui. 
est  aussi  dans  la  bibliothèque  des  Pères  de  Lyon.  f*^'*»-  '•  '"'  p- 

IV.  Un  petit  poëme,  de  Membris  conspv'antibus.  C'est 
l'apologue  des  membres  révoltés  contre  l'estomac.  On  le 
lit,  avec  l'Euthétique  ,  à  la  suite  d'un  autre  poëme  de  Fulbert 
de  Chartres  (2),  publié  par  André  Rivin,  à  Leipsick,  in-S", 
l'an  1655.  Fabricius  l'a  donné  de  nouveau  dans  sa  biblio-  ___ ''^- *'^'  P- 
Ihèque  de  la  moyenne  et  de  la  basse  latinité.  Nous  croyons 
pouvoir  le  conserver  ici. 


Concilium  célébrant  humani  corpor'n  artus 

Inter  se,  de  se  plurima  verba  serunt. 
Incidit  in  vent  rem  sermo,  de  ventre  queruntur 

Quod  ffravia  u  dominas  et  nimis  nrget  eos. 
Tandem  rhetorico  pingens  sua  verba  colore 

Aggreditur  fratres  linyua  snperba  sitos. 
Quia  /uror,  o  cives,  quce  tanialicentia  ventrus 

Audeat  ut  nobis  ponere  turpe  jugum  ! 
Turpe  jugum  ceriè,  quando  tervus  dominalur. 

Et  dominus  servit  ;  aie  jubet,  illefacit. 
Certè  nos  servi  turpes,  digni  cruce,  cunctis 

Ludibrium,  miseri,  degeneresque  sumus. 
Nam  ventrem  dominum  nobit  elegimus  ipsi 

Omnia  colligimui  quce  sibi  grata putat  ! 
Nidla  quies  nobis,  movet  Aune,  jubet  Aitic,  vocat  illum  ; 

Surge piger ,  somnos  excule  ,  toUe  moras  ; 
Quare  cibos,   epitlasque  para,  vinumque  propina, 

Mensampone,  dies  praierit,  hora  fugit. 
Ecce  duo   veniunt  hostes,  etc. 


V.  Thomas  de  Cantorbéry,  voulant  obtenir  la  canonisation 
d'Anselme,  un  de  ses  prédécesseurs,  invita  Jean  de  Sarisbéry 


(1)  Il  y  a  quelques  manuscrits  du  Métalogique  et  du  Policratique 
aussi  dans  les  bibliothèques  de  Cambridge  et  d'Oxford.  On  peut  voir  le 
catalogue  des  manuscrits  d'Angleterre  et  d'Irlande,  et  ce  qu'en  cite 
Pitseus,  itlll.  Angl.  Scriptor.  p.  248. 

(2)  On  n'a  rien  dit  de  ce  poëme  à  l'art.  Fulbert,  t.  VII  de  cette  Histoire. 
1  0 


Il 

Ad.     Cnnril 


P.   1/.!»   -    17(i 


118  J  E  AN    DE    SA1{  ISiniRY, 

xii  SIECLE.     ;,  faire  un  abrégé  de  la  vie  de  ce  savant  el  pieux  archevêque, 

'  composée  par  Ediner.    Jean  de   Saiisbéry  le  fil,  et  porta   cet 

abrégé  au   pape  Alexandre,    pendant  le  concile  de  Tours,  en 

Coniii.  Aiiyi.  ] \ (53  ;   mais  le*  démêlés  naissans  de  Thomas  Becket  avec  le 

\,!'\  'sutI   T    '"oi  d'Angleterre,    suspendirent    l'exéculion    d'un    projet    qui 

1S5     -  ne  fut  ensuite  réalisé  qw.   sous  Alexandre  Vieil  14*.ti.    L'ou- 

\  rage  de  Jean  de    Sarisbéry,    avec    le  l)ref  d  Alexandre    111  à 

l'archevêque  de  Cantorbéry,  |)0ur    lui   [)(>rmetlre  de   travailler 

à  la  canonisation  d'Anselme,    a     été   inséré    dans   le    second 

tome  de  YAnglia   sacra. 

—    \'      'lus  i   Oinl 

,1  ',  ,'f(,i7  ■  VI.  Vie  de  Tlionias  de  Cantorbéry.  Elle  na  point  encore 
été  publiée  en  entier.  Nous  n'en  avons  que  1  abrégé  qu'un 
anonyme,  au  qualoizième  siècle,  a  inséré  dans  la  compila- 
tion qu  il  lit  par  oulre  de  tJrégoiie  XI,  de  ipiatre  \ic.-;  de  ce 
prélat,  composées  par  (jualre  ailleurs  diU'erens,  Guillaume 
de  (Cantorbéry  ;  Alain,  abbé  de  Te^vksl)ur\  {deobesheriensis); 
llériberl  de  bo,sahani,  el  notre  Jean  de  Sarisbéry.  (Celte  com- 
pilalion,  imprimée  pour  la  première  fois  à  Paris,  en  1495, 
in-i",  sons  le  litre  de  Quaiii-ilogns  ou  Quadri})a>'lita,  a  été 
reproduite  à  la  tête  diïs  lettres  de  Tlioiiias  I$ecket,  tlans  l'édi- 
,. ,    „  tion   du    Père  Lupus,  en    1082,    mais    non    comme   Fabricius 

llili.   Mp(I.     il  .      •■    •  I  1  • 

iiif.  I.  I  I,  p.  «S.  l'avance,  dans    l'édition    de    ces     luêines     lettres,  donnée   en 
V.  Cave.   II.  \(\\\  ^   par   .Massoii.    Il    y    en  a  un   exlrail  au   tome  XIV    delà 

.'.(■i.s  1?  (is-;'"  nouvelle  c(jll('cli()n  des  historiens  de  France;  mais  il  ne  ren- 
i';iii>.  iiiTi.  fiMine  pres(|ue  rien  de  Jean  de  Sarisbéry.  On  a  une  Iraduc- 
lion  liaiiraise  de  celli'  .•Diiiiiilalioii.  sdus  le  nom  du  sieiir 
de  Beaulieu  (  Ducamiioul  ii>  l'oulehàli'au,  selon  les  uns, 
Thomas  du  Fosse,  .^elon  le,  ;iiii!i  ■ 
iiisMii  I.  Il,  Lai)bé  Le  Beul  avait  reuiaiipie  des  dilîérences  considé- 
rables enlre  les  deux  éditions  du  (}nadrilogus,  par  rapport 
au  texte  de  Jean  de  Sarisbéry  ;  ce  (]ui  lui  fait  dire  qu'il  n'est 
pas  bien  certain  cpie  ce  i|ui  |)a.ss(!  sous  son  nom  soit  de  lui. 
Rien  ne  lui  aurait  éle  plus  facile  cpie  de  s'en  assurer,  puis- 
(juil  avait  eu  communicalion,  ainsi  (jiiil  nous  l'apprend 
lui-même,  de  la  vie  originale  de  Thomas  Becket  par  Jean 
de  Sarisbéry.  11  cite  d'ailleurs  de  celle  vie  deux  traits  qui 
ne  se  rencontrent  point  dans  les  éditions  que  nous  en  avons, 
et  (juil  avait  lires  du  manuscrit  du  piésidenl  do  Mazaugues. 
Le  premier  est  que  Thomas  vint  étudier  le  droit  il  Auxerre^ 
après  l'avoir  étudié  ii  Bologne  ;  slnduit  in  legihns  Bononias, 
postea  Aulissiodori  -,  il  y  avait  donc  à  Auxerre  une  école  pu- 
blique de  jurisprudence,  el  elle  devait  être  en  grande    répu- 


III  < 

Itaill.'l,   :,„|     ,!,. 
Uii'-''^,      |..      lillS 


■)  1 .1 


EVKQUE    Dli   CHAUTHES.  IIU 

talion,  puisquon  voulait  encore  s'y  instruire  après  avoir  xii  siëclk 
suivi. les  cours  de  l'université  de  Hologne,  si  célèbre  alors 
pour  ronscigncmont  du  droit.  Le  second  est  relatif  au  nom 
d'échiquier  que  portiiicnt  des  tribunaux  de  Normandie  et 
d'Angleterre,  mot  dont  l'élymologie  a  occupé  quelques 
savans,  et  sur  lequel  le  Gloï^saire  de  Du  Canine  est  si  étendu. 
Eral  Joannes  ille,  dit  le  biographe,  ciim  Ihesaurai'iis  el  ex- 
teris  fiscalis  peciDiur  et  puhlici  ;i')is  feceptorilnts  Londoniis  ad 
guadrangulani  lahulnm  /jiuv  dicitur  calcidis  bicoloribus 
vulgo  scacariwn,  poliiis  aulem  est  régis  tabula  nummis 
albicoloribus,  ubi  et  placila  coronœ  régis  tractantur.  Le  nom  ""'  p-  ''' 
d  échi(inier  ne  vient  donc  [)as,  dit  labbé  Lebeuf,  de  ce  que 
cette  cour  était  C()ni[)0sec  Ar.  gens  do  ililTérenles  (pialilés,  ni 
de  ce  qu  on  \  plaidait  les  uns  conlre  les  antres  en  bataille  rangée, 
comme  au  jeu  des  cchees  ;  ni  du  pa\éde  la  .salle,  (jnj  aurait  été 
en  foniK!  d  ecliirpiier  ;  ni  du  lapis  du  bureau,  qui  aurait  pu  aussi 
étredect'lle  forme,  mais  de  ce  (pie.  pour  calculer  sur  la  table 
quarréi'  di;  celte  salle  on  .si'  servait  de  jetons  de  deux  couleurs, 
appareiiimeiil  pour  marcpierles  livres  avec  1  une,  et  les  sols  avec 
l'autre. 

Vil.  Commentaire  sur  les  é[)îln\-;  do  saint  Paul.  Suivant 
Lipenius,  (]ave,  1).  Ceillier.  et  le  père  Ldoug,  il  a  été  im- 
primé à  .\msteidam,  en  l(»i-(),  in-i".  |,a  partie  de  ce  com- 
mentaire (pii  Lonceine  lépîlre  aux  (^olossiens,  avait  été  publiée, 
dès  l'an  1027,  à  (Cambridge,  suivant  Guillaume  (àouvé,  au- 
teur anglais  d'un  ealalogue  des  (•cii\aius  ([iii  ont  travaillé  sur 
la  Bibli!  l'eiit-clre  Grouvi- sc^t-il  mépii.-  .-.ur  la  date  de  celte 
publication  :  du  moins,  y  avait-il  dans  la  biblioiliètpie  de  "'''•  '""'•  '' 
Morgenweeg,  au  rapjiort  de  Fabricius  (I),  un  exemplaire  ",'  ^  ' 
imprimé  du  ('ommentaire  di-  Jean  de  Sarisbéry  sur  h'pîlre  aux 
Colo.ssiens,  (jiii  portait  la  date  de  11)30.  ,leaii  l'ilseus  fait  mention 
de  ce  commentaire,  le(|uel  embrasse,  sous  diil'crens  livres  ou 
traités,  toutes  lesépîlres  diversemenl  adressées  par  l'apôtre  saint 
Paul. 

VIII.  Les  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry  forment  véritable- 
ment, par  leur  nombre,  leur  élendiie,  leurs  divers  objets, 
un  de  ses  piincii)aiix  ouvrages.  Il  nous  en  reste  trois  cent 
trente-neuf.  La  plupart  sont  écrites  au  nom  même  de  l'au- 
teur ;  mais  plusieurs  aussi  le  sont   au  nom   de  Thibaut  et    de 


{\)  De  m.  Angl.  Scnptor.  |i.  -il',!.  V  oii- au.xsi  |i.    (■.•illier,    Hist.    des  Auteurs 
sacrés  et  ecol('.sia.'-1ii|Ues,  t.  XXlll,  ji.  -79. 


1)0 

III.    ai 

.Sn.     |. 

.    '2W. 

V     D. 

Ceill 

XMII, 

!'■     •' 

120  JEAN  DE  SARISBÉRY, 

XII  SIECLE.  Thomas,  qui  se  succédèrent  dans  l'archevêché  de  Cantorbéry, 
'  et  auxquels  il  fut  successivement  attaché;  quelques-unes  même 
pour  d'autres  personnes  auxquelles  il  prêta  sa  plume.  Une 
analyse  de  chacune  de  ces  pièces,  presque  toutes  relatives 
à  l'histoire  du  temps,  aurait  sans  doute  son  utilité;  mais  elle 
nous  jeterait  dans  des  détails  dont  nos  lecteurs,  peut-être,  ne 
s'accommoderaient  pas  toujours,  et  quelquefois,  dans  ces 
répétitions  de  faits  et  de  réflexions  semblables,  que  peut  difïï- 
cilement  éviter  celui  qui  écrit  dans  le  même  temps,  sur  les 
mêmes  actions,  avec  les  mêmes  impressions,  à  des  personnes 
différentes.  Bornons-nous  donc  à  ce  que  ces  lettres  ont  de  plus 
remarquable,  après  avoir,  toutefois,  indiqué  les  recueils  ou  elles 
se  trouvent. 

Trois  cent  deux  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry  ont  été  re- 
cueillies avec  celles  d'Etienne,  évêque  de  Tournay,  d'abord 
abbé  de  Sainle-Géneviève  à  Paris,  et  avec  celles  aussi  de 
Gerberl,  qui  devint  pape  sous  le  nom  de  Sylvestre  II,  après 
avoir  été  successivement  archevêque  de  Reims  et  de  Ravennes, 
dans  un  volume  in-4°,  publié  à  Paris  en  1 01 1  ;  par  Jean  Masson, 
archidiacre  de  Bayeux,  d'après  le  manuscrit  de  Papire  Masson, 
son  oncle  ;  édition  défectueuse,  qui  n'honore  ni  l'imprimeur, 
François  Salis,  ni  celui  qui  eut  la  direction  du  travail. 
Elles  ont  été  reproduites,  avec  les  mêmes  défectuosités,  dans 
les  bibliothèques  des  pères,  imprimées  à  Cologne  et  à 
Lyon. 

Trente-cinq  lettres  nouvelles  ont  été  jointes  à  soixante 
déjà  connues  dans  l'édition  publiée  des  épîtres  de  Thomas 
de  Cantorbéry,  en  2  volumes  in-4",  à  Bruxelles,  l'an  1682, 
par  les  soins  de  Chrétien  Lupus  ;  deux  autres  encore  ont  été 
mises  au  jour  par  D.  Martène,  dans  le  premier  tome  de  ses 
I'.  im.  V    Anecdotes.    Baluze  avait   préparé   une  édition  des  lettres  do 

«ussi  les    |i.    ÎjilO    j  I        c      ■   u 

et  S!i7.  ""^^"   "^    aarisbéry  ;    mais   d'autres  occupations   ne   lui  per- 

mirent  pas  de  la   terminer.   Fabricius  nous  en  a  conservé  le 
Liv.  IX,  p.  P'^J"  tl«"s  sa  bibliothèque  de  la  moyenne  et  de  la  basse   lati- 
387  -  394.         nilé.   Celles  qui  appartiennent   plus   particulièrement  à  l'his- 
T.  IV,  p.  4S3  'oire  ont  été  imprimées  par  Duchesne,   après  les  avoir  revues 
-  -^77.  sur   un   manuscrit  de   la  Bibliothèque  du  roi,    placé  dans  le 

T.  IV,  p.  i7i.  catalogue  sous  le  n"  8562,  et  qui  paraît  écrit  au   XIII*  siècle. 
M.    Brial  a  placé  beaucoup  de  lettres   de   Jean  de  Sarisbéry 
P.  488  ei  suiv.  dans  le  seizième  volume  de  la  nouvelle  Collection   des  histo- 
riens de  France,  et  il  y  a  joint  à  ses  propres  noies  .cellf^s  de 
Baluze.  Il  a  publié  aussi  quelques  observations  sur  ces  lettres 


80  iliiis  M 
son  ;      V.i    iioi 


ÉVÉQUE  DE  CHARTRES.  \2] 

dans  la  seconde  partie  du  neuvième  lome  des  Notices  des  manus-     xii  siècle. 
crits,  oïl  il  fait  d'abord  très-bien  connaître  tous  ceux  qu'on  en     p.  <J3  et  suiv. 
trouve  à  la  Bibliothèque  du  roi,  et  le  n"  8562  en  particulier.  Il 
rappelle  aussi  des  variantes  tirées  d'un  manuscrit  d'Oxford,  que 
Jean  Fell.  évêque  de  cette  ville,  avait  envoyées  à  Baluze    en 
1676. 

Les  vingt-deux  premières  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry 
sont  adressées  au  pape  Adrien  IV.  Elles  ont  pour  objet  des 
plaintes  faites  ou  des  différends  survenus,  entre  des  églises 
l'une  avec  l'autre,  entre  des  ecclésiastiques  et  des  sécuîiers, 
entre  des  monastères  et  leurs  chefs  ou  des  évêques.  Elles 
sont  écrites  au  nom  de  Thibaut,  archevêque  de  Cantorbéry, 
dont  Jean  de  Sarisbéry  était  chapelain  et  secrétaire.  Adrien  IV 
régna  de  il 54  à  1159,  un  peu  moins  de  cinq  ans.  Quelques- 
unes  des  lettres  qui  suivent  lui  sont  encore  adressées.  Un  plus 
grand  nombre  est  pour  Alexandre  III,  successeur  d'Adrien, 
et  qui  occupa  le  trône  pontiflcal  vingt-deux  ans  environ' 
depuis  1169  jusqu'en  1181.  Il  y  en  a  pour  plusieurs  abbés', 
pour  plusieurs  évéques,  pour  plusieurs  fonctionnaires  civils 
ou  ecclésiastiques,  pour  des  seigneurs,  des  princes,  et  une,  la 
vingt-quatrième,  pour  Henri  II,  roi  d'Angleterre;  celle-ci 
est  écrite  encore  au  nom  de  larchevèque  Thibaut.  Le  prélat 
y  parle  au  monarque  de  tous  les  succès  obtenus  en  France, 
du  calme  et  de  la  paix  dont  les  Anglais  jouissent,  du  désir 
qu'ils  ont  de  le  revoir.  Henri  11  était  alors  en  Normandie.  La 
lettre  est  de  l'an  1159.  Thibaut  y  appelle  le  roi  votre  béati- 
tude. 11  exprime  les  voeux  les  plus  ardens  pour  la  santé  et  la 
conservation  de  Henri,  qu'il  regarde  comme  si  nécessaires 
non  seulement  aux  Anglais,  mais  encore  à  toutes  les  nations 
voisines. 

La  trentième  lettre,  écrite  au  nom  de  l'auteur  lui-même, 
concerne  l'interdit  dont  le  pape  Adrien  IV  avait  frappé  l'évêquè 
d'Ély,  pour  avoir  aliéné  des  fonds  de  son  église.  On  y  allègue, 
entre  autres  motifs,  pour  lui  accorder  la  levée  qu'il  demandait 
de  cet  interdit,  le  dépôt  fait  entre  les  mains  de  l'archevêque  de 
Cantorbéry  de  cent  marcs  sterling  pour  les  besoins  du  Saint 
Siège.  La  lettre  est  terminée  par  le  vœu  qu'Alexandre  règne 
long-temps  :  Utinatn  memoriter  teneat  quod  omnes  sciunt,  in 
auribus  vestris  paucissimi  profiteniur,  romanum  pontificem  non 
passe  diù  pontificari!  Ce  vœu  fut  accompli,  et  Alexandre  IH 
survécut  à  celui  qui  l'avait  formé. 
Tome  XIV.  q 


n:i  siKcm. 


122  .IRAN  \)K  SAT^ISBKRY, 

Impaticnl  d'ohlenir  son  absniiilion,  l'évôquc  d'Kly  ajouta 
encore  un  marc  d'or  aux  cent  marcs  d'argent  qu'il  donnait 
au  Saint  Siège.  Jean  de  Sarisbéry  nous  l'apprend  dans  la 
trente-unième  lettre,  adressée  à  un  ami  qui  élail  à  Rome,  et 
qu  il  charge  de  poursuivre  celle  afliiire.  I.e  pape,  y  dit-il,  ne 
sera  pas  bien  grevé,  en  envoyant  des  paroles  pour  de  l'or  : 
gravari  non  débet,  si  accepta  nuro  rerba  remiserit.  Nous 
remanpierons  encore  (jwe ,  dans  la  tnîniième  Irltic,  toute 
courte  qu'elle  est,  le  pape  est  sucressivcMiicnl  a|)pelé  Votre 
Majesli',  Voire  lùninmce,  Vol)-e  Palernilè,  Votre  Scrmité, 
sans  compter  Votre  Clcmencc,  Vot)-e  B(''nignitr,  cpii  ne  sont 
pas  là  comme  une  expression  iionorifiqiio,  mais  comme  une 
V("rtu  qu'on  su[)pose  et  (pi On  loue,  rpielquefois  pour  la  faire 
naître. 

C'est  loujouis  an  nom  de  Tliil)aut,  archevnpie  de  C.anlorbéry, 
(prestécriti^  la  lettre  suivante  !.  en  lésia>li(pie  auquel  on  l'adresse, 
el  à  qui  le  prélat  ordonne  de  venir  répondrez  de  .sa  conduite, 
y  est  accusé  de  désol)éissance,  d  irrévérences  graves  envers 
1  archevêque  el  le  pape,  de  sacrilège,  d  incontinence,  el  Thibaut 
ne  croit  |)as  pon\oir  Inisser  d''  tels  excès  impunis,  sans  s'ex- 
poser, par  celle  négligence  à  r(>mplir  ses  devoirs,  à  être  puni 
lui-même  par  celui  (pii  n(>  iail  acccplion  ni  des  dignilès,  ni  des 
personnes 

C'est  encore  au  nom  de  Thibaut  que  fut  écrite,  en  1157, 
la  lettre  placée  la  ([ualre-vingl-dix-luiilième,  cpioique  beau- 
cou|)  de  celles  (pu  la  précèdent  dans  le  nnuieil  soient  posté- 
rieures pour  le  li'm|)s  l'Jlc  est  adressée  à  Henri,  évêque  de 
Winchi'ster,  petit  fils  de  (iuillaume  le-Conquérant,  et  frère  du 
roi  Etienne.  (>e  prèlal  avait  cpiiltè  l'Anglcilerri',  el  la  crainte  de 
Henri  II  1(!  ret(>nait  en  iMance  Thibaut  l'engage  à  y  revenir  ; 
il  lui  peint  tous  les  maux  rpie  son  ab.sence  fait  à  .son  diocè.se; 
II'  pain  célesle  y  mancpu,';  il  lui  promet,  au  nom  du  roi, 
sùrelé  et  tranquillité,  [)Our  lui  el  pour  tous  les  siens,  à  l'excep- 
lion  de  deux  personnes  qiu;  le  roi  croit  devoir  exclure  de  la 
permission  de  retour  qu'il  accorde  à  tous  La  Icllrc  99  et  la 
lettre  101,  également  de  ll.'iT,  ont  à-peu-iirès  le  même  objet. 
ijévê(pic  de  Winchester  n'avait  pas  trouvé  suITisanle  l'assu- 
rance (]ue  Thibaut  lui  ilonnail  ;  il  avait  voidu  un  sauf-conduit 
du  roi  ;  celui-ci  en  avait  été  blessé  .  Thibaut  le  lui  lè-moignc 
dans  la  première  de  ces  deux  lettres  ;  il  lui  fait  des  instances 
encore  pour  hàler  son  retour,  inslanees  tpril  rcnouvelli;  dans  la 
.seconde. 


SUIV. 


IX,    \ml.    2, 
'Jii 


liVKQUK    DE    CllARTHES.  123 

La  plupart  des  lellrcs  imptiiuces  avant  ces  Irois-là  ont  x"  siècle. 
rapport  au  schisme  causé,  (juel([ues  années  après,  par  la  Lnn  ri6  < 
concurrence  d'Alexandre  et  de  Victor  pour  le  ponlificat  "'|'-  ''■  *'^ 
suprême.  Mais,  parmi  elles,  en  sont  mêlées  plusieurs  cpii 
n'ont  pas  cet  objet,  qui  sont  encore  antérieures  à  lépoque 
quelle  suppose,  puisque  ce  n'est  pas  à  Alexandre  que  leur 
auteur  les  adresse,  mais  au  pape  Adrien,  son  prédécesseur, 
comme  la  fort  bien  remarqué  lialuze,  ([ui  substitue  le  nom  f^'  ''"  "'''^• 
de  ce  dernier  à  celui  d'Alexandre,  par  lequel  les  éditeurs 
précédens  avaient  interprété  la  lettre  A,  mise  à  la  tête  de 
l'épîlre;  telles  sont  les  lettres  imi)rimées  dans  l'édition  de 
Masson,  (!l  dans  la  Hibliollièquc  des  pères,  sous  les  n"  40, 
41,  42,  et  53.  La  (piaranle-uniùme  est  une  de  celles  que 
M.  Brial  a  insérées  dans  le  seiziènie  lome  de  la  nouvelle  ("col- 
lection des  historiens  de  France  Elle  est  de  1159,  et  n'est  v.  vn. 
relative  qu'à  un  lait  particulier,  concernant  l'église  de  Bou- 
logne-sur-Mer,  qui  voulait  profiler  de  la  mort  de  l'évêque 
dans  le  diocèse  duquel  elle  se  trouvait,  pour  devenir  elle- 
même  le  siège  d'un  évêché  particulier,  et  le  centre  d'un 
diocèse. 

La  quarante-quatrième  est  adressée  au  roi  d'Angleterre.  i>,  in], 
Thibaut  le  consulte  sur  le  [)arti  qu'il  convient  de  prendre 
entre  les  deux  personnes  (jui  se  disputent  la  chaire  de  saint 
Pierre.  Après  avoir  rappelé  tous  les  maux  qui  suivent  un 
règne  divisé,  et  tous  les  avantages  que  l'unité  procure,  il  sol- 
licite une  décision  du  loi,  sans  trop  laisser  a|)erc('\oir  .son 
opinion  [)articulière  On  y  voit  (pie  l'Angleterre  était  partagée  p.  r.>i. 
entre  les  deux  conlendans.  Le  prélat  témoigne  au  roi  son 
embarras  à  cet  égard,  et  le  prie  de  l'aider  de  ses  con.seils  ; 
car  il  y  aurait  pour  moi,  dit-il,  un  véritable  danger,  .m  des 
cvêques  ou  des  abbés  ipii  ont  reçu  de  l'église  romaine  bien 
moins  dhonneur  (jue  je  nen  ai  reçu  moi-même,  prévenaient 
mon  obédience  envers  celui  des  deux  concurrens,  inconnu 
encore  pour  nous,  dont  I  élection  doit  prévaloir. 

L'opinion  de  Thibaut,  si  incertaine  dans  la  (|uarante- 
(|uatrième  lettre,  avait  cessé  de  l'être  bientê)t  après  (pianti  il 
écrivit  celle  qui  est  imprimée  la  (piarante-huilième.  Il  s'élail 
déterminé  totalement  pour  Alexandre  .  il  en  donm^  au  roi 
pour  motif  principal,  (pie  la  France  vient  île  n  connailri^  ce 
pontife, et  que  dans  de  send)lal)les  (pierelles  le  concurrent 
préféré,  accueilli,  défendu,  |)ar  l'église  gallicane,  avait  tou- 
jours fini  par  l'emporter:   c'est  ainsi  (pie  nous  avons  vu,  do 

qz 


124  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  notre  temps,  Innocent  prévaloir  contre  Pierre  de  Léon, 
Calixte  contre  Bourdin,  Urbain  contre  Guibert,  Pascal  contre 
ses  trois  compétiteurs,  Albert,  Théodoric  et  Maginulfe.  Le 
prélat  engage  le  roi  à  ne  pas  se  laisser  entraîner  par  l'exem- 
ple de  l'empereur  Frédéric  Barberousse.  Frédéric,  en  effet, 
avait  reconnu  pour  pape  le  concurrent  d'Alexandre,  et  l'a- 
vait fait  reconnaître  par  un  concile  tenu  à  Pavie,  au  mois 
de  février  1160.  A  des  considérations  générales  en  faveur 
d'Alexandre,  Thibaut  en  joint  de  personnelles  à  ce  pontife  ; 
il  le  regarde  comme  beaucoup  plus  capable  de  gouverner 
l'église  romaine,  comme  bien  supérieur  à  l'autre  par  ses  lu- 
mières et  ses  taiens,  comme  étant  honestior,  prudentior ,  lit- 
teratior,  eloquenlior. 

Les  hésitations  avaient  cessé  et  l'Angleterre  s'était  rangée 
du  parti  d'Alexandre,  lorsque  Jean  de  Sarisbéry  écrivit  sa 
p.  42-1  et  42'J.  cinquante-neuvième  lettre.  Elle  est  adressée  à  un  de  ses 
amis  qui  n'est  désigné  dans  les  éditions  ordinaires  que  par 
N.  Coll.  des  magister  R.  de  Servis,  c'est-à-dire  Raoul  de  Serre,  que  l'au- 
Histor.  de  Fr  leur  appelle  dilecte  mî,  amicissime.  La  lettre  contient  une 
cl  noie  h  '  ^i^^  déclamation  contre  l'empereur  Frédéric,  le  principal 
appui  de  Victor.  Entre  autres  attentats,  Jean  de  Sarisbéry 
lui  reproche  de  vouloir  s'arroger  une  monarchie  universelle. 
Qui  donc  a  établi  les  Allemans  juges  des  nations,  dit-il? 
Qui  a  donné  à  ces  hommes  brutaux  et  violens  le  droit  d'éri- 
ger un  prince  à  leur  gré  au-dessus  des  enfans  des  hommes? 
toujours  une  semblable  entreprise  a  été  foudroyée  par  le 
Seigneur.  Je  sais  ce  que  mérite  le  Teuton  :  j'étais  à  Rome, 
sous  le  Pontificat  d'Eugène,  lorsqu'une  langue  imprudente 
découvrit  ses  orgueilleux  desseins.  Il  ne  demandait,  pour 
changer  la  face  de  l'empire,  soumettre  l'univers  à  Rome, 
réduire  le  monde  sous  ses  lois,  que  le  concours  du  pape; 
c'est-à-dire,  que  le  pape  voulût  frapper  du  glaive  spirituel 
tous  ceux  contre  lesquels  serait  tiré  le  glaive  matériel  de 
l'empereur.  Aucun  pontife,  jusqu'à  présent,  n'a  voulu  con- 
sentir à  celte  iniquité.  Frédéric  s'est  donc  associé  un  nou- 
veau Balaani,  par  l'organe  duquel  il  pourra  maudire  le 
peuple  de  Dieu.  Peut-être  est-ce  pour  éprouver  l'église  ro- 
maine que  le  Seigneur  permet  les  attentats  de  ces  Teutons, 
comme,  autrefois,  il  laissa  des  restes  de  Cananéens  dans  la 
terre  qu'il  donna  aux  enfans  d'Israël  ;  mais  elle  triomphera 
de  leurs  efforts  ;  quand  nous  n'en  aurions  pas  d'autres  assu- 
rances, le  passé  nous  répond  de  l'avenir.  Voyez  dans  le  palais 


ÉVÉQUE  DE  CHARTRES.  125 

de  Lalran,  les  monumens  des  victoires  semblables  qu'elle  a  xii  SIECXI. 
remportées  ;  les  igaorans  peuvent,  comme  les  savans,  y  re- 
connaître que  les  schismatiques ,  élevés  par  une  puissance 
séculière  à  la  papauté,  servent  de  marchepieds  aux  vrais 
pontifes.  Celui  qui  ose  troubler  par  la  force  l'exercice  libre 
des  droits  de  l'église  commet  un  crime  digne  de  mort. 

Jean  de  Sarisbéry  examine  aussi  l'élection  de  Victor ,  la 
validité  du  concile  de  Pavie  et  de  l'acte  par  lequel  on  l'y  a 
reconnu  pour  souverain  pontife.  En  l'absence  des  prélats, 
des  seigneurs  y  avaient  été  introduits  ;  on  y  admit  des  hommes 
dont  l'élection  avait  été  annullée,  à  qui  leur  âge  ne  permet- 
tait pas  de  remplir  des  fonctions  épiscopales,  comme  Rai- 
nald,  chancelier  de  l'empereur,  dont  l'élection  à  l'archevê- 
ché de  Cologne  n'avait  pas  eu  la  sanction  du  pape,  alors 
Adrien  IV;  et  Gui,  fils  du  comte  de  Blandrate,  dont  l'élection 
à  l'archevêché  de  Ravennes  avait  été  annullée.  Cui  non  haec 
ridicula  videantur,  dit-il?  Scenae  theatralis  haec  species  est 
potiùs  quant  reverendi  imago  concilii...  quis  ad  illius  concilii 
statuta  moveatur,  ajoula-t-il,  ubi 

Sedére  paireis,  cemere  parai i, 
Si  regniim,  si  lempla  petat,  juguliimque  senalûs, 
Paasuraaque  infunda  nurus\ 

et  si  quid  tyrannicum  atrocius  excogitari  potest? 

Le  sujet  de  la  lettre  suivante  est  bien  différent  :  elle  est 
écrite  à  un  ami  de  Lisieux  et  contient  un  pompeux  éloge  des 
habitans  de  celte  ville.  En  considérant  tout  ce  qu'ils  savent  et 
la  manière  dont  ils  s'expriment,  dit  l'auteur,  on  les  pren- 
drait pour  des  êtres  divins;  il  les  déclare  les  pères  de  l'élo- 
quence :  Lexovienses  patres  non  modo  eloquentium  sed  elo- 
quentiae  quodammodo  sunt.  Comparables  sous  plusieurs  rap- 
ports, ajoule-t-il,  aux  habitans  d'Aurillac ,  qui  ont  tant 
d'instruction  et  qui  en  font  un  si  bon  usage,  ils  les  surpassent 
en  ce  point,  qu'à  Lisieux  on  naît  et  on  devient  orateur,  en- 
sorte  que  le  talent  de  bien  dire  y  appartient  à  tous  les  âges, 
à  tous  les  sexes.  Nous  avons  dit  plusieurs  fois,  dans  les  vo- 
lumes précédens,  tout  ce  que  le  monastère  d'Aurillac  avait 
fait  pour  les  lettres.  Il  avait  contribué,  plus  qu'aucun  autre,  ,"'"•  /''"**'• 
à  leur  renaissance  ;  et,  depuis  deux  siècles,  il  les  cultivait  îx,  p.  \q^'  '' 
avec  le  même  succès. 
Jean  de  Sarisbéry  revient  dans  les  soixante-troisième  et 


126  JEAN   DE  SARISBERY, 

xn  siRCLK.     soixante-quatrième    lettres     au    schisme    né    des    prétentions 
~~"  mutuelles  d'Alexandre  et  de  Victor.   Celles-ci  sont  écrites  au 
nom  de   Thibaut,   archevêtiue   de    Cantorbéry,    et   adressées 
par  lui,  en  1160,  au  roi  d'Angleterre    Dans  la    première  des 
deux,   le  prélat  félicite   d'abord   le  roi  de  la  paix  qui   vient 
d'être  conclue  entre   Louis  VII   et  lui  :  il   l'invite  à   repasser 
en  Angleterre,  et  lui  témoip;ne  à   cet  égard  des  désirs  d'autant 
plus  vifs  (}ue  sa  vieillesse  et  ses  inlirmilés  ne  lui  permettent 
pas  d'espérer  une  vie  bien  longue  encore.    Il  parle  ensuite  du 
bruit    répandu    (|ue    l'empereur    cherchait    à   amener    le    roi 
d'Angleterre  au   parti    de   Victor,   et   engage    vivement   Henri 
à  ne   pas  précipiter  sa  décision,   à  nr   rien  faire   sans  une  dé- 
libération mûre   et    éclairée;    conseil    (pii   prouve   que   celte 
lettre    est    antérieure    à    (fuelques   autres    placées  avant   elle 
néanmoins  dans  les  recueils  ordinaires.  La  seconde  des  deux, 
ou  la  soixante-quatrième,   commence  par  des    félicitations    au 
roi  sur  ce  qu'il  a   appaisé  les  tempêtes   de   l'église  et  rendu 
réponse  aux  cmbrassemcns  de  son   époux.    II   fait   des  vœux 
pour    que    le    trône    possède    long-temps    un   prince    ami  de 
l'unité,    ennemi    du    schisme,     dont   ladniinislration    salutaire 
ne  tend  qu'à  consolider  la  pierre  sur  laquelle  1  église  est  éta- 
blie, et  pour  qu'après  lui  ce  trône  passe  à  ses  enfans  et  aux 
cufans  de   ses   enfans,   toujours  alTermi    par    les  bénédictions 
des   peuples.  Il   y  parle  ensuite  du  coiirile  qui  a  été  assemblé 
en    Angleterre,   par  l'ordre  du  roi,   à  l'occasion  même  de  ces 
deux  prétendans,  et   pour  exmiiiner  lequel  il  convient  de   re- 
connaître comme  pontife   romain     Les  titres  sur   lesquels   l'un 
et  l'autre  se  fondaient  furent  mis  sous  les  yeux  du  concile;  les 
canons  y  furent  lus-:    des  témoins  y   furent  entendus  sur  ce 
(|ui  s'était  passé  dans  les  deux  élections  ;   et  l'assemblée  enfin 
se  décida  pour  Alexandre  ;    décision   au   reste  qu'on  doit  re- 
garder comme   [ihilnl   proposée  que   rendue  ,    car  les  évèqucs 
l'envoyèrent   au   roi  connue   leur   opinion,    lui  laissant  la  déci- 
sion suprême.    Jean    de    Sarisliéry    en    donne    les    motifs   en 
méme-tenips  qu'il    eu    rappelle    les  résultats.   C'est  là   l'objet 
de  la  première  partie  de  cette  lettre  :  elle  en  change  bientôt 
et  devient  une  recommandation   assez   vive,  faite   au   roi  par 
Thibaut,  de    Jean    de  Sarisbéry    (jui   du    reste,   comme   nous 
l'avons   dit,    était    lui-même    l'organe   des    éloges    donnés  et 
des   vœux  exprimés  par  l'archevêfiue  de  Cantorbéry.  Le  pré- 
lat se  jette  aux  pieds  du  roi   pour  le  supplier  d'accorder  toute 
sa  protection  à  la  personne  qu'il   lui  recommande  ;  quand  i 


KVKOUK    DK    CHAUTRES  127 

m'aura  perdu,  lui  dit  Tliibaul,  qu'il  retrouve  en  vous  l'af-  xii  sie*:le. 
fection  et  les  bontés  d'un  pure  :  Cùm  me  amiserit,  respondeat 
ei,  pro  me,  serenitas  vestra,  in  aff'ectu  dulcedinis  et  consola- 
tione  patris  amissi.  Joannes  is  est  de  Saresberià,  ajoute-t-il, 
car  Thibaut  n'avait  pas  encore  nommé  au  roi  celui  qu'il  re- 
commandait ,  ou  plutôt  Jean  de  Sarisbéry  ne  s'était  pas  en- 
core nommé  :  Joannes  is  est  de  Sarisberià,  quem  utique  alii 
commendarem  ,  si  aliion  inter  amicos  et  dominos  haberem 
poliorem.  La  lellrc  change  encore  d'objet  avant  de  unir. 
Thibaut  était  frappé,  en  l'écrivant,  de  l'idée  d'une  mort  pro- 
chaine; il  témoigne  à  llonri  un  grand  désir  de  le  voir  avant 
ces  derniers  moniens.  Il  lui  promet  le  trésor  de  ses  béné- 
dictions; il  lui  demande  sur  -  tout  de  ne  diminuer  en  rien 
les  privilèges  de  légliso,  de  ne  |)as  écouler  ces  hommes  du 
siècle,  qui  pourraient  lui  persuader  cpie  la  dignité  royale  en 
serait  accrue.  Il  anirmc  (pie  Ions  ceux  (pii  jtarlent  ainsi  sont 
les  ennemis  de  la  royauté  même,  et  les  ennemis  de  Diini. 

Les  difTérens  objets  de  celle  lellre  ont  porté  Baluze  à  croire 
qu'il  n'y  en  avait  pas  une  seule  ;  il  en  fait  trois  épîlres  dis- 
tinctes, ayant  chacune  un  des  trois  objets  principaux  dont 
tille  se  compose.  Mais  rien  n'est  plus  commun,  et  pour  Jean 
de  Sarisbéry  en  particulier,  (jue  de  traiter  plusieurs  matières 
différenlcs  dans  une  même  lettre;  et  M.  Brial  a  très-bien 
observé,  dans  sa  notice  des  ileux  manuscrits  de  la  Biblio-  >ot.  'les  niss. 
ihèque  royale  ,  contenant  les  lettres  de  cet  écrivain ,  que  '  J^'  '"""'■  "' 
Haluze  n'aurait  pas  dû  changer  le  numéro  des  lettres  subsé- 
quentes pour  une  amélioration  qui  n'en  est  pas  une  ou  qui 
n'est  pas  assez  motivée. 

La  soixante-cinquième,  beaucoup  plus  courte,  est  adressée 
aux  évoques  d'Angleterre  :  elle  leur  annonce  encore  la  pré- 
férence donnée  par  l'église  de  ce  rojaume  et  par  celle  de 
France  auparavant  ,  à  l'élection  d'Alexandre.  L'archevêque 
de  Cantorbéry  leur  ordonne,  comme  primat,  d'avoir  pour  cet 
élu  1  obéissance  et  le  respect  dus  au  ponlife  romain. 

Le  scandale  de  la  cohabitation  des  ecclésiastiques  avec  des 
femmes,  est  l'objet  de  la  soixante-septième  lellre  et  de  la 
soixante- huitième.  On  y  rappelle  les  décrets,  les  canons, 
qui  le  leur  défendent,  et  l'opinion  de  saint  Augustin  en  par- 
ticulier, qui  ne  voulait  pas  même  quon  leur  permît  de  de- 
meurer avec  leurs  sœurs,  se  fondant  sur  ce  qu'avec  les  sœurs 
pouvaient   habiter   aussi    quelquefois    des   personnes  qui    ne 


128  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

m  SIECLE,     l'étaient  pas ,    et  qu'alors  ,   suivant    l'expression    d'un  poète 
payen, 

Cognato  poterit  nomme  culpa  fegi. 

L'auteur  y  cite  encore  un  autre  passage  de  saint  Augustin 
sur  la  manière  dont  doivent  être  appréciées  les  fautes  d'une 
épouse,  quand  l'abandon  de  son  mari  les  précède  et  l'y  en- 
traîne; il  est  question  d'un  prêtre  marié  d'abord,  qui  devint 
prêtre  sans  être  veuf,  dont  la  femme  crut  alors  pouvoir  s'as- 
socier à  un  autre  par  un  mariage  qui  fut  déclaré  nul  ;  et  ce- 
pendant on  fit  rendre  à  l'épouse,  par  le  premier  mari,  la 
dot  qu'il  en  avait  reçue,  disposition  qu'on  ne  saltend  pas 
à  voir  commander,  tant  on  est  étonné  qu'elle  n'ait  pas  été 
exécutée  sur- le -champ  et  volontairement  par  un  homme 
qui  renonçait  à  l'union  conjugale  pour  se  vouer  au  sacer- 
doce. On  voit  encore,  dans  une  de  ces  lettres,  un  prêtre 
accusé  d'avoir  laissé  mourir  sans  confession  et  communion 
une  femme  dont  il  avait  abusé.  L'épître  suivante,  qui  est  la 
soixante-neuvième,  annonce  des  mesures  prises  par  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry,  pour  réprimer  les  exactions  honteuses 
dont  se  rendirent  coupables  quelques  ministres  de  Satan 
plutôt  que  de  Dieu,  et  la  vente  sacrilège  qu'ils  ne  rougissaient 
pas  de  faire  des  sacremens  de  l'église. 

L'archidiacre  de  Cantorbéry  était  absent  ;  l'archevêque 
desirait  et  ordonnait  son  retour.  L'archidiacre  était  auprès 
du  roi  qui  demanda  au  prélat  de  le  lui  laisser;  c'est  le  sujet 
des  soixante-dizième  et  soixante-onzième  épîtres  que  nous 
nous  contentons  d'indiquer.  Nous  aurions  pu  même  n'en  rien 
dire,  comme  de  beaucoup  d'autres  qui  n'ont  aucune  relation 
à  l'histoire  religieuse,  morale,  politique  ou  littéraire,  du 
temps  ou  Jean  de  Sarisbéry  écrivait,  ou  qui  ne  présentent 
à  cet  égard  aucun  fait  ou  aucune  discussion  d'un  véritable 
intérêt.  Une  d'elles  cependant ,  la  quatre  -  vingt  -  troisième,  ' 
peut  être  rappelée  ici  :  un  honmie,  convaincu  d'avoir  fabri- 
qué de  fausses  lettres  apostoliques  et  contrefait  le  sceau  du 
Saint-Siège,  avait  été  excommunié  par  le  pape.  L'archevêque 
de  Cantorbéry,  ou  Jean  de  Sarisbéry  en  son  nom,  écrit  à 
tous  les  curés  pour  leur  en  faire  part  :  le  salut  de  l'église, 
dit-il,  est  en  péril  si  le  vaisseau  que  Pierre  gouverne  est  con- 
fié à  d'indignes  mains.  Le  sceau  est  la  marque  des  règles  et 
des commandemens  émanés  du  vicaire  de  ce  prince  des  apôlres  ; 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES.  129 

en  le  voyant  on  doit  s'empresser  d'obéir.  De  quel  crime  ne  xi!  siècle. 
se  rendent  donc  pas  coupables  ceux  qui  en  supposent  l'exis- 
tence !  ils  sont  vraîment  des  ennemis  publics,  et  autant 
qu'il  est  en  eux,  les  perturbateurs  de  l'église.  Un  de  ces  cou- 
pables est  parmi  vous  :  il  a  joint  au  faux  le  parjure  ;  il  a  mé- 
rité l'anathôme.  Qu'il  soit  par-tout  dénoncé,  et  si  on  peut 
l'atteindre,  qu'il  nous  soit  amené  Quelques  expressions  de 
la  lettre  peuvent  porter  à  croire  qu'il  y  avait  eu  alors  plus 
d'une  fois  des  exemples  de  ce  crime. 

Plusieurs  des  lettres  qui  suivent  celles  que  nous  venons 
d'analyser,  sont  écrites  à  Pierre  de  Celles,  ce  généreux  abbé 
qui  avait  si  bien  accueilli  et  distingué  Jean  de  Sarisbéry 
pauvre  et  malheureux,  qui  resta  invariablement  son  ami,  et 
qui  devint  ensuite  son  successeur  dans  l'évêcbé  de  Char- 
tres. Ce  ne  sont  pas  les  moins  anciennes  quoiqu'elles  soient 
placées  après  beaucoup  d'autres  qui  ne  durent  être  écrites 
que  postérieurement.  On  trouvera,  par  exemple,  ce  carac- 
tère d'une  antériorité  très-probable,  dans  l'épître  sous  le 
numéro  quatre-vingt-dix-sept,  où  Jean  de  Sarisbéry  parle 
d'une  expédition  de  Henri  II  contre  les  Gallois,  expédition 
qui  doit  être  celle  de  1157,  comme  le  présume  M.  Brial, 
dans  une  note  du  seizième  tome  de  la  nouvelle  collection  Note  /,.  p.  490. 
des  historiens  de  France.  L'épître  sous  le  numéro  cent  vingt- 
huit  est  plus  ancienne  encore  :  elle  est  écrite  à  l'évéque  de 
Norwick.  Le  testament  de  Geoffroi-le-Bel,  comte  d'Anjou, 
donnait  ce  pays  au  second  de  ses  fils,  du  moment  que  le  pre- 
mier monterait  sur  le  trône  d'Angleterre.  Ce  second  fils, 
nommé  GeofiFroi  aussi,  s'en  mit  en  possession  à  l'avènement 
de  Henri  11.  Henri  le  lui  disputa  et  s'en  empara  comme  ayant 
droit  également  à  toutes  les  portions  de  1  héritage  paternel 
et  maternel;  c'était  en  1155.  Un  accommodement  eut  lieu 
ensuite  entre  les  deux  frères;  le  domaine  utile  des  terres  prises 
sur  GeolTroi  lui  fut  rendu  ;  Henri  se  réserva  les  châteaux  et 
forteresses,  et  lui  assura  une  indemnité  annuelle  de  mille 
livres  anglaises  et  de  deux  mille  livres  angevines.  On  s'occu- 
pait des  moyens  de  terminer  le  différend  entre  eux,  quand 
la  lettre  de  Jean  de  Sarisbéry  fut  écrite  à  l'évéque  de  Nor- 
wick. L'accommodement  est  de  1157,  la  lettre  de  1156. 

Celle  qui  est  placée  la  quatre-vingt-cinquième,  par  Jean 
iMasson  et  par  les  éditeurs  de  la  Bibliothèque  des  pères,  est 
adressée  encore  à  Pierre  de  Celles.  Jean  de  Sarisbéry  le  re- 
mercie du    présent  que  cet  abbé  lui  ;wait   fait  d'un  de  ses  ou- 

Tome  XIV.  B 


130  JK  AN    1)I<:   S  AU  ISB  KHY, 

XII  siEr.LE.  vrages  (  le  Traité  dos  Pains  ),  et  il  saisit  ceilo  occasion  de 
ronoiivclcr  à  son  ami  loiilo  la  reconnaissance  dont  il  est  pr- 
nélré  pour  ses  anciens  bienfaits.  Ce  n'est  pas  d'anjoui-d'liiii, 
lui  dit-il,  que  je  reçois  des  marques  de.  votre  bonté  ;  elle  est 
venue  au  secours  de  mon  indigence  dans  une  terre  où  j'étais 
étranger,  et  vons  ave/,  eu  po;ir  moi  la  générosité  d'un  pén^ 
el  l'ad'ection  dune  mércv  C.V'Iail  beaucoup,  .-^ans  doute,  de 
veiller  auK  bi-.-^oin.-'  d  un  cxilf,  de  li'  l'aiir  jouir  clir/  une 
autre  nation  de  tous  les  avantagiis  i|uon  lrou\e  dans  la 
sienne  :  mais  vous  ave/,  i.nt  bien  plus  encore,  en  enq)èclianl 
(|iiejene  ru.->e  éternellenienl  prive  du  bonheur  de  revoir  ma 
patrie,  (le.^t  à  vos  soins  (pie  jie  suis  redevable  de  mon  relmir 
en  Angleterre  ;  cesl  à  voire  recoimnandalion  ipie  je;  dois  la 
connaissance,  la  familiarité,  la  favteur  des  personnes  les  plu- 
éminenles  ;  c'est  dc^  vous  (pu-  je  tiens  létal  llonssant  ou  jo 
suis  ici,  et  la  [jréfr'renee  (pmn  me  ilonne  sur  mes  concitoyens 
et  mes  contenq)oraiiis.  Apie,-  (piei(pie>  remercfmens  eneon;. 
il  lui  dit  que  l'Iionune  ne  \il  pas  seelemenl  de  [)ain,  cl  (pu; 
le  boire  fréfpient  des  .\nglai-,  polnlioiiis  assi'luiUis,  les  a 
rendus  illuslix'S  paimi  leu-  le-  anirc-  peiq)les  :  donnez-moi 
donc  à  boire,  a|)res  m.iM  ii  uduiii,  ma  -oif  est  grande,  el 
le  pain  va  m'élran-ler  si  vous  n  y  pourvoyez  en  me  don- 
nant du  vin:  Jnm  enira  si/io,  /^oleroi/ite,  voralor  panum,  in 
siccilale  sLraïKjidari,  m-si  clenioUii'  festra  nii/ii  viiiimi  pro- 
rideat.  Cela  vous  est  plus  facile,  e(iiilinue-l-il.  (pie  de  m'en- 
vover  de  la  bierr(>.  ;  je  bois  ce|)emlaiil  I  un  el  raulr(>,  el  j  aime 
tout  ce(pii  |ii  ul  l'iiixrer  l'lrius(ine  lamcn  bihax  sum  el  non 
abhoneo  (luidquul.  inebriar,-  polesl.  .le  \\v.  rajjporte  (pi'une 
partie  de  la  lettre  :  .raul(Mn-  s(>  complail.  à  parler  assez  long- 
temps de  la  même  licpieiir  el  du  même  diesir  ;  il  en  parle,  el 
dans  le  sens  propre  et  dan-  le  -eus  mélapliorupie,  mais  dans 
le  sens  pro|)re  sur-loiil  .  il  parle  loiil  à-la-fois  du  vin  de 
l'alerne  et  du  vin  de  Sicile  du  vin  gnîc  el  du  vin  de  Franco  ; 
il  pr(''tend  (pue  le.->  l'raii'.ii-  renvoyeni  souvent  leurs  convivcvs 
avant  îii;iii;,;i''  sobrem.iil  mais  jamais  .sans  être  ivres  ,  ssppà 
sùb)ios,    nunquiim  sioos. 

Ce.     n'est    pas   la  se-ule   lettre    de   .leaii   de  Sarisbéry,    oii    il 
exi)rinie  sa  reconnaissance  pour  Pierre   de;   Celles.    Il  lui  olfre 
souvent,     (luoiipi'avec    moins    détendue,    N.'s     mêmes    lémoi- 
P,    -,.  gnages  de  gratitude.   Dans  une  autre   épître    il  lui    envoie  un 

d(>,  C(!S   présens  cpii    tirent   moins   de   prix  d(ï    la  valeur   (pi  ils 
ont  que  du   sentiment  ipii   les  offre,  cesl  une  salière  d'argent  ; 


KVEQLE    DE   CIIARTKES  131 

et  à  ce  siijel,  il  ne  laisse  échapper   aucun   des  jeux  d'espril     '^"  '^"'-«''^i-- 

qu'un  tel  don  peut  faire  naîlre  :   une  salière   est  nécessaire  à 

un  homme  qui  a  du  sel  avec   tant  d  abondance  ;    la   rondeur 

de  sa   foi'ine    convient  à    la    perfection   (jui    dislingue   un    tel 

ami. 

Dans  une  aulre  lettre  à  Pierre  de  Culles,  Jean  de  Saris-  Ep.  115. 
béry  lui  annonce  l'occasion  cl  le  coninioncenicnt  de  la  dis- 
i,'race  qu'il  vi(;nl  d  éprouver.  Tnule  la  colère  de  noire  séré- 
nissinie  seigneur,  de  notre  mi  Irès-puissant,  de  noire  mo- 
narque invincible,  se$t  alluiiK'e,  dit-il,  contre  moi.  En 
voulez-vous  savoir  la  cause?  »  je  lui  ai  été  trop  favorable; 
j'ai  concouru,  avec  jilus  d  ardeur  (juc  je  ikî  Ici  devais,  à  le 
remplacer  sur  le  trône  de  ses  pères  ;  Diiui  u  résolu  de  m'en 
punir.  Ce  n'est  point  là  pourtant  la  faute  dont  on  m  accuse  ; 
on  me  fait  des  repi-oi'hes  au  sujet  dc-^cpiels  mon  innocence 
est  facile  à  i)rouver:  seul,  dans  le  royaume,  ji;  porte  alleinle 
dit-on,  à  la  majesté  ro\ aie.  On  m'inipule  le,-;  ejlbits  île  l'église 
anglicane  pour  di'feiidre  sa  libelle  dans  les  élections,  dans 
l'exaiiuMi  et  le  jugcMiienl  dc^  caii.ses  ecclésia5lii|ues,  comme 
si  jetais  le  .seul  à  instruire  l'archevi^pie  de  (lantorbéry  -A 
les  autres  prélats  de  ce  ipiils  doiv(>nt  fairiî  ;  je  suis  menacé 
de  l'exil;  j(i  le  su|)porlerai  sans  l'aible.s.si;,  mèuie  avec  joie; 
je  compte;  même  (piiKei  bientôt  l'Angleleire,  aller  en  France, 
et.de  là  pa.sser  à  Home  {.a'\[o  lellic  e-l  de  la  lin  de  l'année 
1  l.'i'.i  Dans  une  leiirc  (pn  doil  l'in'  poulet  icnn-.  (pioupie  placée 
IxMueoup  a\aiit  par  les  éditeurs  de.-,  kh  iieil.s  annoncés,  Jean 
lie  Sansbéry  fait  connaître  à  l'ieric  de  (!elles  K's  motifs  ijui 
reni|)è(lieiil  de  réali>er  (>ncor(>  le  projet  de  venir  en  France: 
insliuil  que  Henri  II  devait  l)ieiitôi  pas.ser  en  Angleterre,  il 
ly  attendait  pour  se  ju>lili(!r  au|)rès  de  lui  ;  ce  n  est  pas  qu'il 
crût  mériter  aucun  re[)roclie  ;  il  allribiiait  a  la  jalousie,  à  la 
malveillance,  tontes  les  inq)utations  (|u  on  lui  faisait  :  défendre 
la  \éiité,  croiriî  (pie  l'église  doit  être  libre,  voilà,  disait-il, 
tous  mes  crimes  ;  Professio  liberlalis,  vct'Ualis  (Ic/cusio,  crimina 
mea  sunt. 

Lin  de  ceux  à  (pii  Jean  de  Sarisbéry  altriliuait  |)riiicipale- 
nienl  I  indignation  contre  lui,  était  Aiiioul,  (-vèque  de  Li- 
sieux,  (pi'il  ap[)elle  un  maileau  diniquilé  pour  écraser  l'é- 
glise, maliens  iniquilalU  ad  conlerendam  ecciesiam,  dans 
une  lettre  au  pape  Adrien  IV.  En  vain  le  pape  avail-il  écrit  '^p.  i"^»- 
au  roi  pour  le  justifier  ;  Arnoiil  avait  rendu  ce  service  inu- 
tile en  disant:  le  pape  écrit   ce  qu'il  veut;   et  moi,  je;   dis   ce 

112 


132  JEAN   DE  SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  quejesaisde  vrai.  Jean  de  Sarisbéry  prie  le  pontife  de  lui 
continuer  ses  bons  offices,  pour  obtenir  qu'il  rentre  en  grâce 
auprès  du  roi.  Cette  nouvelle  tentative  fut  également  infruc- 
tueuse. Jean  de  Sarisbéry  avait  déjà  parlé  de  l'évêque  de  Li- 
sieux  dans  une  autre  lettre  au  pape  Adrien,  qui  est  la  cent- 
huitième  des  épîtres  recueillies  ;  et  dans  la  cent-treizième, 
adressée  à  Thomas  Becket,  alors  chancelier  d'Angleterre,  il 
l'avait  aussi  conjuré  d'employer  tous  ses  efforts  pour  lui  ramener 
l'esprit  et  la  bienveillance  du  roi,  offrant  de  donner  toutes  les 
satisfactions  qui  seraient  jugées  indispensables,  et  de  sesoumel- 
treà  tout  ce  qu'on  exigerait  de  lui  pour  prouver  son  innocence. 
On  peut  voir  dans  le  recueil  de  Lupus,  une  lettre  que  Jean  de 
Liv.i,  rp.  24.  Sarisbéry  adressa,  peu  de  temps  après  son  arrivée  en  France, 
à  l'archevêque  de  Cantorbéry.  Elle  a  été  insérée  aussi,  sous  le 
numéro  dix-sept,  parmi  les  lettres  recueillies  dans  la  nouvelle 
T.  XVI, p.  KOE).  collection  de  nos  historiens.  Jean  de  Sarisbéry  y  rend  compte 
au  prélat  de  l'accueil  qu'il  a  reçu  du  roi  et  du  comte  de 
Flandre.  11  se  félicite  d'être  venu  à  Paris,  et  il  applique  au 
séjour  de  cette  ville  un  passage  de  la  Genèse  et  un  passage 
d'Ovide:  Verè  dominus  est  in  loco  isto,  c'est  le  premier;  et  le 
second  : 

Félix  exUium  eui  lociis  utedatur. 

Il  parle  des  efforts  qu'on  fait  pour  animer  le  pape  contre  lui, 
des  efforts  particuliers  de  cet  évèque  de  Lisieux  au  sujet 
duquel  il  s'exprime  toujours  avec  amertume  et  animosité.  Il 
peint  de  couleurs  assez  vives  l'avarice  ou  la  cupidité  de  la 
cour  de  Rome.  C'est  en  1164  qu'il  écrivait  ainsi.  En,  1165, 
,    „,        il  fait  connaître  aii  même   prélat  ce   qu'on   peut  espérer  des 

El),    de.   Thom.  .      i  i-        i  ■  i 

de  Coni.  liv.   I,  négociations  entreprises  pour  rétablir    la  paix  entre  les   rois 
fp^i.  de    France   et  d'Angleterre;    il    l'instruit  rfune   conversation 

qu'il  a  eue  avec  Louis-le-Jeune,  et  dont  lui,  archevêque  de 
Cantorbéry,  a  été  l'objet  principal.  Jean  de  Sarisbéry  avait, 
trouvé  le  roi  moins  animé  que  de  coutume  en  faveur  de 
Thomas  Becket,  quoicjue  ce  prince  d'ailleurs  compatît  aux 
exilés  et  désaprouvât  la  dureté  du  roi  d  Angleterre.  Loujs 
craignait  de  donner  au  pape  des  conseils  dont  l'effet  finît  par 
être  l'abandon  de  l'église  romaine  par  Henri  H.  Jean  de  Sa- 
risbéry craint  sur-tout  l'influence  de  Robert,  comte  de 
Dreux,  frère  de  Louis  Vil,  qui  ayant  beaucoup  d'enfans,  et 
comptant  sur  le  roi  d'Angleterre  pour  l'aider  à  les  établir, 
était  entièrement  dévoué  à  ce  roi.   L'auteur   indique    môme 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES.  433 

en  faveur  de  son  assertion,  un  présent  que  la  comtesse  de  xii  siècle. 
Dreux  venait  de  faire  à  Henri,  présent  qui  rappellerait  peu 
aujourd'hui  la  magnificence  royale,  trois  cents  aunes  de  toile 
de  Reims,  pour  des  chemises.  Est  enim  prudens  mulier,  • 
ajoute-t-il.  Jean  de  Sarisbéry  conjure  ensuite  l'archevêque 
d'accorder  plus  de  soins  à  sa  réconciliation  avec  le  roi,  et 
de  laisser  là  pour  quelque  temps  ces  études  et  ces  exercices 
scholastiques  auxquels  il  se  comptait.  Connaître  les  lois  et 
les  canons  est  utile  sans  doute,  mais  croyez  m'en, 

Non  hoc  ista  si6i  tempus  êpeciacula  poscti. 

Siquidem,  non  tani  devotionem  excitant  guam  curiosila- 
tem...  guis  à  lectione  legum  aut  etiam  canonum  compuncttcs 
surgit  ?  plus  dico  :  scholaris  exercitatio  inte?^dùm  scientiam 
auget  ad  tumorem,  sed  devotionem,  aut  raro,  aut  nunquàm, 
inflammat. 

Quelque  attaché  que  fût  Jean  de  Sarisbéry  à  la  personne 
et  à  la  cause  de  l'archevêque  de  Cantorbéry,  il  n'approuvait 
pas  toute  sa  conduite,  tous  les  emportemens  de  son  zèle. 
Nous  lisons,  dans  une  épître  à  l'évêque  d'Excester  ;  «  J'ai  Ep.  iso. 
toujours  conservé  pour  mon  archevêque  la  fidélité  que  je 
lui  devais  ;  mais,  d'après  ma  conscience  seule,  et  sans  oublier 
ce  que  je  devais  à  mon  roi.  Celui  qui  voit  dans  les  cœurs,  et 
qui  juge  les  paroles  comme  les  œuvres,  sait  combien  de  fois 
et  avec  quelle  aspérité  j'ai  repris  ce  zèle  outré  que  l'arche- 
vêque montra  d'abord,  et  dont  l'efifet  devait  être  d'irriter  le 
prince  toujours  davantage.  Je  le  faisais  ainsi  par  la  persua- 
sion oii  je  suis  que  le  temps,  les  lieux,  rendent  des  ména- 
gemens  nécessaires.» 

Ces  seniimens  sont  encore  exprimés  dans  une  des  lettres  Ep.  198.  v, 
suivantes,  adressée  à  Regnauld,  archidiacre  de  Sarisbéry.  *"*" '^f-  ''' • 
«  En  vérité,  dit-il,  je  me  regarderais  comme  pire  qu'un  ca- 
nanéen et  un  publicain,  si  je  ne  compatissais  à  la  déplorable 
situation  de  mon  père,  et  si  les  peines  qu'il  endure  ne  fai- 
saient sur  mon  ame  une  impression  plus  forte  que  ne  le 
feraient  mes  propres  douleurs.  J'ai  travaillé  de  tout  mon 
pouvoir.  Dieu  m'en  est  le  témoin,  pour  gagner  quelque 
chose  sur  son  esprit,  usant  de  remontrances  tantôt  douces, 
tantôt  fortes,  et  variant  mes  discours  en  toutes  manières  ; 
mais  tous  mes  efforts  ont  été  vains  » .  Venant  ensuite  au  fond 
de  l'affaire,  il  dit  ces  paroles  assez  remarquables  :  «  Si  on  me 
demande  ce  que  je  pense,  voici,  selon  moi,  la  conduite  à 
11 


134  .lEAN    DE    SARISBÉRY, 

X!i  SIECLE,  suivre  dans  loule  question  difricilc  ;  chercher  d  abord  ce  que 
prescrit  la  loi  divine;  si  elle  ne  prescrit  rien,  recourir  aux 
canons  et  aux  exemples  des  saints;  ny  Irouve-t-on  rien  de 
certain  encore?  consulter  les  hommes  sages,  craignant  le 
Seigneur,  et  toujours  préférer  l'avis  (|ui  place  l'honneur  de 
Dieu  au-dessus  de  tous  les  intérêts  personnels. 

Dans  la  lettre  que  nous  avons  rappelée  auparavant,  celle 
à  l'évoque  dExcester,  après  avoir  exprimé  son  opinion  sur 
le  caractère  inflexible  de  Thomas  Becket,  Jean  de  Sarisbéry 
insiste  auprès  de  cet  évêque,  pour  qu'il  lui  obtienne  du  roi 
la  permission  de  revenir  en  Angleterre.  Elle  lui  fut  enfin 
accordée,  mais  à  la  condition  qu  il  prêterait  serment  sur  les 
reliques,  de  n'avoir  rien  fait,  au-delà  de  la  mer,  contre  l'hon- 
neur du  roi  el  l'inlérèl  de  sa  couronne.  Jean  de  S.irisbéry 
consulta  le  pape,  et  le  pape  ne  crut  pas  que  le  serment  dftl 
être  prêté,  sur  le  prétexte  (juq  le  monaripie  et  les  gens  de  sa 
cour  regardaient  comme  ayant  ce  caractère  toutes  les  actions 
faites  contre  la  volonté  du  prince.  D'autres  lui  faisaient 
espérer  son  retour,  s'il  voulait  seul(;nient  promettre  de  ne 
plus  aider  en  rien  l'ari-hcvêcpir  de  Canlorbéry.  «  Mais,  quoi- 
(lue  je  n'aie  prêté  ni  houjuiage,  ni  srinuMitù  ce  prélat,  con- 
tinue l'auteur,  (pioi(pie  je  ne  lui  doive  tpie  l'obéissance  due 
par  tous  les  fidèles  à  leur  évêipic,  j(^  n'ai  pas  cru  devoir 
accepter  ma  rentrée  en  AngletiMrc,  au  prix  d'une  renoncia- 
tion dont  personne,  dans  tout  le  royaume,  n'a  encore  offert 
l'exemple.  Je  ferais  d  ailleurs,  volontiers,  tout  ce  que  je  [K)ur- 
rais  faire  sans  nuire  à  ma  réputation  el  à  ma  conscience.  Je 
me  suis  éloigné  de  I  archevêque  ;  je  ne  vis  plus  avec  lui  : 
mais  je  ne  iiuinipierai  ni  à  la  lidélilé,  ni  à  l'afl'ection  que  je 
lui  dois.  » 

La  cent  cincpianlc^-ueuvième  lettre  est  encore  écrite  à 
l'évêque  (TExc-sIcr  lliomas  Heckel  voulant  excommunier  le 
roi,  el  jeter  un  intcrdil  sui-  I.Angleterre,  se  rendit  à  Soissons 
pour  V  implorei  la  \  iergc,  dont  \c  culte  en  celte  ville  était 
alors  célèbre,  saint  Drausin,  auquel  ceux  qui  allaient  se 
battre  adressaient  ordinairement  liHirs  prières,  et  saint  Gré- 
goire, fondateur  de  l'église  anglican»;,  qui  repose  dans  la 
même  cité.  On  venait,  pour  saint  Drausin  en  particulier, 
jusque»  d  Italie,  tellement  on  était  convaincu  (jue  tout  homme 
qui  avait  pas.sé  la  nuit  à  son  lomlxuiu  était  invincible  ;  Robert 
de  Montfort  y  était  venu  en  1103,  avant  de  combattre  Henri 
d'Essex.  Thomas  Rcckot   y  resta  trois  nuits,   et  il   allait   pro- 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES  131) 

clamer  ses  censures,  quand  on  apprit  que  le  roi  d'Angle-  xir  siecli;. 
terre  -était  dangereusement  malade  :  le  prélat  suspendit  les 
anathêmos  qu'il  s'était  si  bien  préparé  à  lancer  sur  le  prince 
et  sur  son  royaume.  Cette  lettre  renferme  quelques  détails 
sur  l'église  en  général,  sur  divers  princes  et  prélats,  sur  le 
droit  d'excommunication,  sur  la  protection  accordée  à  Victor, 
concurrent  d'Alexandre  III,  par  l'empereur,  que  l'auleur 
appelle  l<!  tyran  teulonique,  et  sur  lequel  il  rassemble  beau- 
coup d'injures.  Nous  avons  dit  que  cet  empereur  était  Fré- 
déric I",  surnommé  Barberousse.  Des  révoltes  avaient  éclaté 
contre  lui  en  Lombardie  :  Jean  de  Sarislicry  s'en  félicite  avec 
l'évèquc  dExceslor;  il  y  voit  la  punition  infligée  par  Dieu, 
de  lappui  que  ce  prince  avait  prèle  à  Victor  contre  Alexan- 
dre. Il  y  rappelle  le  voyage  fait,  quelques  années  auparavant, 
par  Frédéric  Rarboronsst!,  pour  avoir  avec  Louis-le-Jeune 
une  conférence  tendant  à  faire  reconnaître  Victor  par  le  roi 
de  France,  et  rapporte  à  celte  époque  le  commencement  des 
revers  qui  suivirent  tant  de  victoires.  11  espère  que  les  mal- 
heurs de  Frédéric  iront  croissant  jusquau  moment  enfin  ou 
Jésus-Christ,  dont  il  poursuit  l'épouse,  l'écrasera  sous  ses 
pieds.  Jean  de'Sarisbéry  s'irrite  également  contre  le  roi 
d'Angleterre.  Il  va  chercher  aussi  dans  une  contribution  mise 
sur  les  églises,  pendant  que  Henri  11  portail  la  guerre  en 
Languedoc  et  en  A(|uilainc,  et  y  obtenait  quelques  premiers 
succès,  la  cause  des  maux  qu'il  éprouva  depuis.  Personne,  dit- 
il,  n'osait  l'allaquer;  l'ennemi  élait  ell'rayé  à  son  aspect;  ses 
voisins  s'inclinaient  devant  lui  ;  les  princes  éloignés  lui  en- 
voyaient demander  son  alliance  ;  honoré  des  siens ,  honoré 
des  étrangers,  loué  par  tous,  cher  aux  gens  de  bien,  cher  au 
clergé  (jui  'liligebaL  eum  super  amorem  niulierum  :  qu'est-il 
arrivé?  Il  a  voulu  ([ue  les  églises,  malgré  leurs  privilèges, 
fussent  soumises  à  d'injustes  exactions;  la  fortune  l'a  aban- 
donné; ses  succès  ont  fini.  Une  objection  se  présente  aussi- 
tôt à  l'écrivain  :  ce  reproche,  dit-il,  que  le  roi  a  mérité,  ne 
doit-on  pas  le  faire  sur-tout  à  celui  qui  était  alors  son  chan- 
celier, qui  exerçait  sur  son  esprit  la  plus  grande  influence? 
Mais  ce  chancelier,  c'était  Thomas  Becket,  l'archevêque  de 
Cantorbéry.  Eh  bien,  dit  l'auteur  de  la  lettre,  il  en  fait  péni- 
tence aujourd'hui;  il  reconnaît  et  confesse  sa  faute;  et  s'il  a 
autrefois  combattu  léglise  avec  Salil,  il  est  prêt  à  la  défendre 
avec  Paul,  et  à  tout  sacriûer  pour  elle.  Jean  de  Sarisbéry 
exalte   ensuite  la    puissance  spirituelle,  il  n'hésite  pas  à  la  pla- 


136  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  cer  au  même  rang  que  la  puissance  civile;  on  voit  même  qu'il 
la  croit  fort  au-dessus,  puisqu'il  tire  l'image  ou  la  compa- 
raison dont  il  se  sert,  pour  mieux  exprimer  son  idée,  de  ces 
deux  chérubins  qui  ombragent  de  leurs  ailes  le  propitiatoire, 
se  regardant  mutuellement,  mais  le  visage  tourné  vers  ce 
propitiatoire  même,  pour  mieux  connaître  et  respecter  la 
loi  de  Dieu.  La  lettre  continue  par  quelques  traits  nouveaux 
contre  Henri  II.  L'auteur  admire,  comme  un  effet  de  la  pro- 
vidence, que  ce  roi  se  trouve  arrêté  loul-à-coup  et  vaincu, 
non  par  des  monarques  puissans,  des  chefs  de  nations,  mais 
par  quelques-uns  de  ses  anciens  sujets.  C'est  ainsi  que,  pour 
punir  l'ingratitude  de  Salomon,  qui  avait  abandonné  le  Sei- 
gneur, le  Seigneur  arma  pour  le  combattre,  non  des  princes, 
mais  des  déprédateurs,  mais  les  serviteurs  même  de  ce  roi. 
c.  19,  V.  13.  A  ce  fait  tiré  de  l'Ecriture,  l'auteur  joint  un  passage  d'isaïe, 
où  le  prophète  dit  que  les  princes  de  Tanis  sont  devenus 
insensés. 

D'isaïe  et  du  livre  des  rois,  Jean  de  Sarisbéry  revient  à  la 
France,  à  l'Angleterre,  et  à  une  assemblée  qui  se  tint,  en 
1166,  époque  de  sa  lellre,  dans  la  ville  de  Chinon,  en  Tou- 
raine.  Henri  H  s'y  occupa  des  affaires  de  l'église,  et  de  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéry;  il  craignait  avec  raison  les  nou- 
veaux abus  que  ce  prélat  se  disposait  à  faire  de  son  autorité  ; 
l'appel  au  pape  fut  proposé  par  Arnoul,  évêque  de  Lisieux, 
qui  fut  chargé,  avec  l'évoque  de  Sées,  de  le  signifier  à  Tho- 
mas Becket;  une  excommunication  n'en  fut  pas  moins  lancée 
par  l'archevêque  de  Cantorbéry,  sinon  contre  le  roi  qui  se 
trouvait  alors  fort  malade,  du  moins  contre  tous  ceux  qui 
avaient  reconnu  et  défendu  les  droits  du  trône  si  violemment 
attaqués  par  ce  pontife  opiniâtre  et  séditieux.  Le  roi,  de  son 
côté,  envoya  Gautier  de  llsle  en  Angleterre,  y  annoncer  la 
conférence  de  Chinon,  et  l'appel  qui  y  avait  été  formé.  Gau- 
tier prescrit  aussi  des  défenses  de  laisser  entrer  dans  le 
royaume  la  sentence  de  Thomas  Becket,  et  d'y  obéir.  Ce 
Gautier  de  l'isle  est  le  même  auquel  fut  adressée  l'épîlre  187, 
qui  est  la  93«du  premier  livre  parmi  celles  de  l'archevêque 
de  Cantorbéry.  M.  Brial  croit  qu'il  n'est  pas  différent  de  celui 
qu'on  appelle  aussi  Gautier  de  Coulancos.  Il  avait  été  vice- 
chancelier  d'Angleterre;  il  perdit  ensuite  la  faveur  du  roi; 
le  féliciter  de  l'avoir  perdue  est  le  sujet  de  celle  lettre  187; 
Jean  de  Sarisbéry  la  lui  écrivit  en  1 166. 

Celle  à  l'évêque  d'Excester,  dont  nous  venons  de  pré-^^r-nlcr 


ÉVÊQUE    DE   CHARTRES.  137 

l'analyse,  et  qui  est  sous  le  n"  1 59,  avait  été  précédée  sans  doute     xii  siècle. 
par  la  lettre  qui  ncst  indiquée  que  sous  le  n"  16G,  et  qui    par  * 

conséquent,  n'est  placre  qu  après  elle  dans  l'édition  de  Masson 
et  dans  la  Bibliothèque  des  pères.  La  1  fif;-  est  adressée  à  Thomas 
de  Cantorbéry  lui-m(*Mnc    II  avait  consulté  Jean  de  Sarisbéry        v.  aussi  le, 
sur  ce  dessein  où  il  était  d'excommunier  le  roi  d'Angleterre,  et  HJ^'''    "^' 
de  jeter  l'mlerdit  sur  son  royaume  Jean  de  Sarisbéry  lui  conseille 
d'écrire  bien  plutôt  à  l'impératrice  Maliiilde,  mère  de  Henri  II 
et  aux   évoques  de  Normandie,   qu'il   était   prêt  à    reprendre 
ses    fonctions  archiépisc.paies,   pourvu  qu'il    pût   les   exercer 
en  sûreté,   et  qu'on  rendit  à  son  éi;li-,e   tous  les  droits  dont 
elle  jouissait  avant  qu'il  se  séparât  délie.  Jean  de  Sarisbéry 
pense   que  le  roi  s'y   refusera,   et  la  modération  de  Thomas 
Becket  en  sera   d'autant    plus    éclatante.   Si  le   roi   pourtant, 
ce    qu'il    est   difBcilc   de   croire,   accédait  à  votre  demande [ 
ajoute   l'auteur,   il  ne   faudrait  encore   s'y  fier  qu'autant  que 
sa   promesse   serait  écrite,   solemnelle,  et   qu'elle  aurait   pour 
dépositaires  et  pour  garans  l'archevêque  de  Rouen  et  l'impé- 
ratrice Mathilde.   Il  faudra  bien  vous   résoudre  alors  à  vivre 
a\\  milieu  de  gens  qui  pourront  vous  nuire  :  le  prophète  Gad 
n'obligea-t-il  pas  ainsi  David  à  se  remontrer  dans  la  ville  qu'ha- 
bitait Saul? 

Une  partie  de  la  même  lettre  est  consacrée  à  l'examen  et  à 
la  discussion  d'un  appel  des  évêques  d'Angleterre  au  Saint- 
Siège.  Ils  veulent  être  libres,  et  je  crains  qu'ils  ne  perpétuent 
leur  esclavage,  dit  Jean  de  Sarisbéry.  II  reproche  à  la  plupart  c.  19. 
d'entre  eux  leur  avidité  et  la  dissolution  de  leurs  moeurs  ;  et 
c'est  sur  cela  même  qu'il  fonde  l'opinion  de  la  prolongation 
de  leur  servitude,  idée  qu  d  exprime  par  une  métaphore  tirée 
de  la  législation  des  Hébreux,  parmi  lesquels  ceux  qui  étaient 
assez  lâches  pour  vouloir  continuer  à  vivre  esclaves,  quand 
le  terme  de  l'affranchissement  légal  était  arrivé,  'avaient 
l'oreille  percée  par  l'ordre  des  magistrats,  et  ne  pouvaient 
plus  remonter  vers  la  liberté.  Jean  de  Sarisbéry  cite  en  outre 
deux  passages  de  l'Écriture,  par  lesquels  il  croit  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  pouvait  répondre  victorieusement  aux 
prélats  qui  l'accuseraient  d'être  un  perturbateur,  et  il  lui  dit 
ensuite  avec  saint  Paul  :  Argue,  obsecra,  increpa,  opportune, 
importuné. 

Vous  accuser  d'être  un  perturbateur,  lui  dit  encore  Jean 
de   Sarisbéry,    dans   une   des    lettres    suivantes,    adressée    à 
l'évoque  d'Excesler,  et  la  cent  soixante-neuvième  de  la  col- 
Tome  XIV.  S 


S.  so. 


138  JEAN    DE   SARISBERY, 

XII  SIECLE,  leclion  !  Un  perturbateur,  parce  qu'on  défend  les  droits  de 
l'église  !  11  compare  Thomas  Becket  à  Moïse,  et  ceux  qui  l'accu- 
sent aux  Juifs  qui  murmuraient  contre  ce  prophète,  lorsque 
celui-ci  ne  faisait  qu'exécuter  la  loi  divine. 

La  cent  soixante-seizième  est  principalement  consacrée  à 
dire  au  prélat  de  Canlorbéry  ce  qu'on  doit  répondre  aux 
évêques  qui  ont  porté  leur  appel  au  pape.  L'auteur  rappelle 
ces  mots  de  Salomon,  au  septième  chapitre  de  l'Ecclésiaste  : 
La  fin  du  discours  vaut  mieux  que  le  commencement  ;  melior 
est  finis  or ationis  quam  principium  :'\c\,  au  contraire,  la  fin 
est  pire.  Ils  commencent  en  effet  par  des  protestations 
d'obéissance  et  de  respect,  et  passent,  peu-à-peu,  à  la  justi- 
fication de  l'impie;  ils  appellent  bien  ce  qui  est  mal,  mal  ce 
qui  est  bien,  et  répètent  avec  saint  Jean,  que  celui-là  mérite 
la  mort,  qui  s'oppose  à  César.  Les  qualifications  de  perfides, 
d'infidèles,  ne  sont  pas  épargnées  aux  évoques  par  Jean  de 
Sarisbéry,  et  il  les  compare  aux  traîtres  les  plus  connus  de 
l'ancien  et  du  nouveau  Testament.  Ils  disent  que  si  le  roi  a 
commis  quelque  faute,  il  se  montra  toujours  prêt  à  la  répa- 
rer; mais  il  faut  véritablement  avoir  im  visage  de  courtisanne, 
et  un  front  plus  dur  que  le  diamant,  pour  ne  pas  rougir  de 
célébrer  l'innocence  d  un  homme  dont  la  malice  et  les  iniquités 
sont  connues  de  tout  le  monde  chrétien  :  Faciès  meretricis,  et 
frons  adamante  durior.  L'évêque  de  Londres  et  celui  d  Hére- 
ford,  sont  sur-tout  l'objet  de  ses  invectives.  Le  premier,  selon 
lui,  n'agit  ainsi  que  parce  qu'il  ambitionne  l'archevêché  de 
Canlorbéry  ;  il  refuse  au  second  ce  savoir  et  ces  lumières  qui 
le  placèrent  néanmoins  parmi  les  hommes  les  plus  instruits 
iii.si.  Liiiér.  de  son  sièclc.  (C'était  Robert  de  Melun,  professeur  célèbre, 
xiif  '!  ■^71  '  S^and  promoteur  de  la  secte  des  Réalistes).  Il  ne  fait,  au  reste, 
37G.'  —  v.  ci-  de  ce  prélat  et  de  tous  les  autres,  que  les  Bibulus  de  César,  par 
dcsn  p.  91.  allusion  à  ce  que  Suétone  raconte  dans  la  vie  de  ce  dernier, 
que  Bibulus,  quoique  son  collègue  dans  le  consulat,  fut  sans 
autorité,  réduit  à  l'inaction  et  au  silence,  ce  qui  fit  faire  ces  deux 
.     .  vers  si  connus  ; 

Non  Bibtdo  quidquam  nuper,  ^ei  Casare  gettun  est  : 
Nam  Bibulo  gestum  consule  nil  memini. 

La  lettre  continue  par  assez  d'injures  contre  Henri   11  et  les 

c   13  r   4    évèques  qui  l'excusent,   il  applique  aux  prélats  ce  qu'Ézéchiel 

fait  dire   au  Seigneur  :  Tes  prophètes,   Israël,   étaient   comme 

des  renards  dans  les  déserts.    S'adoucissanl  un   peu  ensuite, 


ÉVÊQUE    DE    CHARTRES.  13» 

l'auteur  donne  quelques  conseils  à  Thomas  Becket,  sur  la  xii  sikcle. 
manière  de  se  conduire  envers  les  évoques.  Il  l'invite  à  les 
réunir,  et  espère  que  la  plupart  d'entre  eux  se  rendront  à 
cette  invitation  ,  l'appel  qu'ils  ont  formé  ne  pouvant  briser 
leur  lien  d'obéissance  envers  l'archevêque  de  Cantorbéry  ;  il 
lui  conseille  de  ne  rien  oublier  pour  affermir  ceux  qui  hésite- 
raient, pour  les  ramener  tous  par  des  sentimens  affectueux  ; 
il  insiste  sur  les  efforts  à  faire  spécialement  envers  quelques- 
uns  d'entre  eux  ,  et  propose  ce  qu'il  croit  le  plus  capable 
d'obtenir  plus  sûrement  tout  le  succès  qu'on  doit  attendre. 

L'objet  de  la  cent  soixante-dix-seplième  lettre  est  peu  dif- 
férent ;  mais  c'est  à  l'évêque  d'Excesler  qu'elle  est  écrite.  Jean 
de  Sarisbéry  parle  encore  des  lettres  du  clergé  d'Angleterre 
en  faveur  du  roi  ;  il  les  qualifie  de  mensongères,  d'insensées, 
d'impies.  Il  y  revient  à  ce  qu'on  assurait  que  le  roi  était  prêt 
à  donner  toutes  les  satisfactions  convenables  :  loin  de  croire 
à  cette  assertion,  il  s'afflige  de  nouveau  d'entendre  des  évoques 
avancer  ce  que  n'oserait  dire  sans  rougir  un  mime ,  un 
histrion.  Il  ne  doute  pas  qu'on  ne  les  voie  bientôt  démentir 
eux-mêmes  leurs  propres  écrits,  blâmer  ce  qu'ils  approuvent 
aujourd'hui,  et  approuver  ce  qu'ils  condamnent.  11  rappelle 
les  anathêmes  lancés  par  Thomas  Becket,  anathêmes  que  le 
pape  avait  mitigés  en  les  approuvant  :  Alexandre  avait  sub- 
stitué à  une  excommunication  directe  contre  le  roi,  une 
excommunication  vague  envers  tous  ceux  qui  feraient  du 
mal  à  l'archevêque  de  Cantorbéry  ou  à  son  église,  qui  en 
retiendraient  ou  en  détourneraient  les  revenus,  qui  ne  s'em- 
presseraient pas  de  les  restituer  dans  toute  leur  intégrité.  Le 
pape  assurément  favorisa  toujours  Thomas  Becket ,  au  lieu 
de  le  réprimer  :  cependant ,  comme  il  fut  quelquefois  plus 
modéré  que  le  prélat,  celui-ci  et  ses  partisans  ne  laissèrent 
pas  que  de  l'accuser  d'être  trop  favorable  à  Henri  11,  quoi- 
qu'il n'ait  mérité  que  le  reproche  contraire.  Jean  de  Sarisbéry 
lui  écrivit,  en  1167,  sa  cent  quatre-vingt-treizième  épîlre  ; 
et  on  n'est  pas  peu  surpris  en  la  lisant  que  le  pape  souffrît 
de  pareilles  lettres  de  la  part  d'un  chapelain  de  l'archevêché 
de  Cantorbéry,  quand  il  en  exigeait  et  en  recevait  de  si 
humbles  des  rois.  Du  reste,  il  est  juste  d'avouer  que,  dans 
une  épjlre  du  môme  temps,  la  cent  quatre-vingt-quinzième, 
Jean  de  Sarisbéry  n'écrivant  plus  au  pape,  le  justifie  des 
reproches  que  les  partisans  de  Thomas  Becket  faisaient  à 
l'église  romaine.  Il  y  parle  également,   comme  il  le  fait  dans 

S8 


140  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,     plusieurs  lettres  encore,  de  1  asyle  et  des  secours  donnés  par 
""  '  Louis-le-Jeune  aux  exilés  de  Canlorbéry. 

L'église  d'Angleterie   et  celle   de  France,  les  droits  et  les 
privilèges  du  clergé,   la  situation  de  l  archevêque  de  Cantor- 
béry   à  l'égard  de  H(  nri   II ,    ses   menaces,  ses   projets,   les 
opinions  contraires  de   beaucoup   de  prélats  ,  sont  encore  les 
sujets  qui    reniplissen'    plusieurs  autres    lettres    de    Jean    de 
Sarisbéry.    (Juelques-iiues    sont    adressées    à  Thomas  Becket 
lui-même  ;   quelques-unes   à   l'évèquc  d'Excester  ;   quelques- 
unes  encore  à  1  archidiacre  do  cette  église.   Une  d'elles,    la 
cent  soixante-dixième,  l'est  à  un  frère  do  Jean  de  Sarisbéry, 
qu'il  appelle  le  plus  chéri  de  tous  les  mortels,  omnium  mori- 
p   t)32.        turorum  dulcissime  :  du  moins,  est-ce  ainsi  que  porte  le  texte 
dans  le  seizième  volume  de  la  nouvelle  Collection  des  histo- 
loriens  de  France  ;  on  lit  ailleurs  amicorum,  au  lieu  de  mori- 
turorum.  L'auteur   parle  encore  de  son    frère  dans    d'autres 
épîtres  ;  dans  l'une  même,  il  remercie  l'évèque  d'Arras  de  ce 
que  celui-ci  avait  fait  pour  Richard.    11  désire  que  Dieu  récom- 
pense le  prélat  de  celte  bonne  action,  et  lui  en  rende  men- 
suram  bonam,  coagidalam  et  super  effluentem.    Cette    lettre 
est   la   cent    cinquanle-deuxièuie.     La   cent   quarante-unième 
avait  été  adressée,   comme    la  cent  soixante-dixième  ,    à  ce 
frère  même.    Elle  fui   écrite  au    commencement  de  l'exil  de 
Jean  de  Sarisbéry.   Loin  de  se  plaindre  de  cet  événement,  il 
y  voit  avec   plaisir   un   sujet  d'épreuve  ,   de  résignation  ,  de 
soullrance,    et  espère    y   trouver  un    moyen   de  triomphe   et 
de  salut.    L'état  oii  jo  suis  n'est  pas  seulement  tolérable  pour 
moi,   dit-il,  il   m'est  agréable;   j'eusse  mérité  de  souffrir  da- 
vantage :  Flagellum  purgationis  meœ  gratanter  excipio  ;  pro- 
ficietad  coronam.  Dieu  ,    ajoutc-t-il  ,    abaiulonna-t-il   jamais 
ceux  qui  espèrenl  en  lui?  Il  n'y  a  pas  encore  un  seul  exemple 
de  cet  abandon,    depuis   le  comnuMicemont   du   monde.  Cette 
satisfaction  de  son  sort,   cette  contiance   dans  la   protection 
de  Dieu  ,    ne    l'empêchaient    cependant   pas  d'employer  tous 
l(>s  moyens  qui    étaient  en  sa   puissance    pour   voir  finir    ces 
maux,  qu'il   se  félicitait  de  souffrir.     La    plupart   des  lettres 
écrites  à  la  même  époque  ont  pour  objet  de  le  faire  revenir 
en  Angleterre,   et  d'obtenir,  à  cet  effet,  la  permission  du  roi, 
qui  l'avait  exilé.  On  peut  voir,  entre  autres,  la  134°,  la  157°, 
la  171°,  la  182°  adressée  à  l'évêque  de  Poitiers,  et  la  183' 
adressée  au  chancelier  de  cette  église    La  2U1°  est   adressée, 
comme  la  154«,    au  nouvel  évoque  de  Bayeux;  et  la  200', 


ÉVÉQUE  DE  CHARTRES.  141 

adressée,  vers  le  même  temps,  en  11 65  ou  1166,  à  un  ami  de     xii  siècle. 
l'auteur.  ' 

La  seconde  des  deux  lettres  adressées  par  Jean  de  Sarisbéry  Ep.  170. 
à  son  frère  Richard,  lui  est  inspirée  par  l'attachement  qu'il  porte 
à  l'évoque  d'Exccster,  par  le  désir  qu'il  a  que  cet  évêque  marche 
avec  précaution  et  prudence  dans  le  chemin  difficile  ou  le 
pliicenl  les  discussions  élcvéos  en  Angleterre  sur  les  droits  de 
1  église  et  siirceuxdu  priuce.  11  veut  que,  dans  ce  conflit  d'auto- 
rités, le  prélat  se  conduise  de  manière  à  ne  pouvoir  ni  être 
accusé  de  témérité  envers  une  puissance  que  Dieu  a  établie,  ni 
l'être  de  consentir  par  crainte  ou  par  amour  des  biens  tem- 
porels à  l'humiliation  du  clergé,  à  l'abandon  de  ses  propres 
droits  et  de  la  justice.  «  Cela,  direz-vous,  est  plus  facile  à 
conseiller  qu'à  faire,  cùm  valemus,  ajouterez-vous  avec  le  comi- 
que latin, 

Recta  comllia  œgroiis  damm  ;  Térence,  Andr. 

act.  Il,  se.  I. 

mais  je  vous  répondrai  avec  Horace,  que,  comme  la  pierre 
à  aiguiser,  sans  couper  moi-rjème,  je  mets  le  fer  en  état  de 
couper, 

Fungar  vice  colis,  aculum  Ai  t.  poéi.  v. 

Redderequœfcrrumthilel  exsorsipsa  secandi.  301  et  30!>. 

Sans  vouloir  que  l'évèque  d'Excester  expose  son   église   par  des 
efforts  imprudens,  Jean  de  Sarisbéry  croit  que  l'on  peut,  comme 
Chusaï  d'Arach,  soustraire  Absalon  à  l'influence  des    conseils      2  Rcg.  c.   «s, 
d'Achilopcl.  11  s'élève  à  ce  sujet  contre  les  mauvais  conseillers  "■  *^  «^^  "• 
des  rois,  et  ne  reconnaît  pas  pour  tidèles  ceux   qui  ne  le  sont 
que  pour  favoriser  les  penchans  funestes  d'un   prince  ou  d'un 
ami  :  appellera-l-on  fidèle  cet  Iduméen,  Doëg,  qui,  pour  com- 
plaire aux  ordres  de  Saiil,   frappe  de    mort   tous  les  prêtres       i  Urg.  c.  -it. 
deNobé?Onlui  avait  dit  que  l'évêquc  de  Londres  et  quel- 
ques autres  faisaient   tout  ce  qui  était  en  leur  pouvoir    pour 
animer  le  roi  contre  l'archevêque  de  Cantorbéry,  et  empêcher 
le  retour  de  ce  prélat  :  Ne  craignent-ils  pas  que  la  colère  du 
roi  ne  s'appaise,  dit  l'auteur  ;  et  employant  des  expressions   de 
Cicéron,  que  rend  difficiles  à   traduire    l'image  employée    par  i^n^   fg^ 

ce   grand    homme,    ne  rejrigeat  hasta   Cœsaris  aut  gladius  liv.  ix,  cp.  lO. 
hebeletur  ? 

Outre  ce  frère,  appelé  Richard,  à  qui  sont  adressées  les 
deux  lettres  dont  nous  venons  de  parler,  Jean  de  Sarisbéry 
en  avait  un  autre  appelé  Robert.    C'est  à  celui-ci  que   sont 


142  JEAN   DE   SARISBÉRY, 

^"  SIECLE,     écrites  les  lettres  145,  138,  221  el  236.  Les  lettres  94,  134, 
Not.  des  mss.  1  46,  181 ,  259,  le  sont  à  un  autre  parent  de  l'auteur,  Geofroi,qui 
t.  IX,  part.  H,  avait  le  titre  de  maoister,  et  que  Jean  de  Sarisbéry,  nomme  dans 

V.  99  et  101.  ,.   .1  • 

une  d  elles  amtcus  et  cognatus. 

Une  des  plus  longues  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry,  et  des 
plus  étrangères  à  tous  ces  objets,  est  celle  qui  suit  presque 
immédiatement  la  172".  L'auteur  l'écrit  au  comte  de  Champagne, 
Henri  I^'',  que  ses  bienfaits  envers  les  lettres,  envers  les 
églises  et  envers  les  pauvres,  ont  fait  nommer  le  large  ou  le 
libéral.  Henri  fut  un  des  princes  de  son  temps  les  plus  jaloux 
de  s'instruire.  Il  avait  fait  proposer  plusieurs  questions  à  Jean 
de  Sarisbéry  par  Albéric  de  Reims,  celui  qu'on  surnommait 
déporta  Veneris ;  car  le  professeur  célèbre  de  ce  nom,  qui 
Hisi.  Liiicr.  devint  ensuite  archevêque  de  Bourges,  était  mort  depuis  1141. 

i.  XII,  p.  73.  Ces  questions  étaient  :  1°  combien  il  y  avait  de  livres  de  l'ancien 
et  du  nouveau  Testament,  et  quels  en  étaient  les  auteurs? 
2o  Ce  que  c'était  que  la  table  du  soleil,  qui  se  trouva  marquée 
sur  le  sable,  au  rapport  de  saint  Jérôme,  dans  une  épître 
à  Paulin,  pendant  que  le  philosophe  Apollonius  recherchait 
l'origine  des  lettres  ?  3"  Ce  qu'entend  le  même  saint, 
dans  la  môme  épître,  par  les  centons  d  Homère  et  de  Virgile  ? 
4°  Comment  il  peut  être  vrai  de  dire  que  les  choses  qui 
n'existent  point  sont  plus  difformes  que  celles  qui  existent  ? 
Sur  la  première  question,  Jean  de  Sarisbéry  déclare  qu'il 
adopte  l'opinion  de  saint  Jérôme,  et  il  fait  connaître  cette 
opinion  sur  le  nombre  des  livres  et  l'auteur  de  chacun  d'eux. 
Sur  la  seconde:  j'ai  consulté,  dit-il,  les  plus  habiles  hommes  de 
France  ;  mais  comme  ils  savent  peu  l'histoire  profane,  je  ne 
suis  pas  étonné  qu'ils  n'aient  pu  me  satisfaire.  11  essaie  ensuite 
de  l'expliquer,  il  le  promet  du  moins,  et  ne  fait  guères 
ch.  I,  s.  7,  que  répéter  ce  qu'avait  dit  Valère-Maxime  dans  le  quatrième 

rmitt>,a.  liyre  de  son  ouvrage.  Jean  de  Sarisbéry   demande  au  comte 

de  Champagne  la  permission  de  renvoyer  à  une  autre  épître 
la  solution  des  autres  questions.  Il  se  trouvera  heureux  de 
lui  prouver  son  dévouement.  Comment  tous  ceux  qui  cultivent 
les  lettres  ne  seraient-ils  pas  empressés  à  donner  des  témoi- 
gnages de  zèle  et  d'attachement  à  un  prince  qui  les  aime  et  les 
protège  ? 

Une  lettre  qui  n'est  pas  moins  étrangère  aux  affaires  de 
l'église,  ou  aux  événemens  politiques,  est  celle  qu'il  écrit  à 
Jean  Sarasin,  un  des  hommes  qui  se  livrait  avec  le  plus  de 
succès  à  l'étude  si  négligée  alors  de  la  langue   et  de  la  liltéra- 


XII  &IECLK. 


ÉVÊQUE  DE  CHARTRES.  143 

lure  grecque.  Jean  de  Sarisbéry  le  consulte  sur  un  passage 

de  saint  Ambroise.  Sarasin  avait  publié  une  traduction  esti-       Ep.  iU. 

mée  de  la  hiérarchie  céleste,  attribuée  à  Dcnys  l'Aréopagile. 

Nous  parlerons  de  l'ouvrage  et  de  l'auteur  dans  ce  volume 

même. 

La  lettre  de  Jean  Sarasin  est  précédée,  dans  l'ordre  de 
l'impression ,  d'une  autre  qui  concerne  principalement  les 
habitans  de  Reims.  Jean  de  Sarisbéry  croyait  avoir  eu  à  s'en 
plaindre,  pendant  le  séjour  qu'il  6t  en  celte  ville.  Il  le  mande 
à  Richard,  archidiacre  de  Poitiers,  à  qui  plusieurs  autres 
lettres  sont  adressées.  La  dureté  du  cœur  fait,  selon  lui,  le 
caractère  des  ces  habitans,  et  il  les  nomme  duricordes,  titre 
analogue,  dit-il,  au  nom  que  portait  anciennement  la  seconde 
Belgique,  dont  le  pays  Remois  faisait  partie.  Mais  il  joue  ici 
sur  le  mot,  et  comme  l'a  observé  M  Brial,  c'est  durocortorum  ^  xvT  p'*.%2u 
provincia  qu'on  l'appelait,  et  non  duricordium.  Il  avoue  néan-  note  .. 
moins,  continuant  toujours  à  employer  l'équivoque  dont  il 
a  d'abord  fait  usage,  que  la  douceur  et  l'humanité  de  quel- 
ques-uns des  habitans,  de  l'archevêque  entre  autres,  méri- 
terait qu'on  substituât  à  ce  titre  celui  de  mellicordes .  Nous 
apprenons,  d'ailleurs,  dans  cet  écrit,  que  l'auteur  alors  sub- 
sistait et  se  consolait  de  l'exil  par  les  leçons  qu'il  donnait  : 
Negoctatio  litterarum  quae  mihi  subsidium  pariter  et  sola- 
tium  prsébel. 

Une  autre  lettre,  la  214',  écrite  en  1167,  et  adressée  à 
l'évêque  de  Poitiers,  est  relative  encore  à  la  ville  de  Reims 
et  à  des  troubles  qui  l'agitèrent.  Jean  de  Sarisbéry  y  avait 
cherché  un  asyle  ;  mais  les  discussions,  nées  entre  les  Remois 
et  Henri  de  France,  leur  archevêque,  ne  lui  permirent  pas 
de  jouir  d'un  long  repos;  le  désordre  était  tel  qu'on  ne  pou- 
vait entrer  dans  la  ville  ni  en  sortir  sans  danger.  Les  bour- 
geois, soutenus  par  le  clergé  et  par  la  noblesse,  s'étaient 
soulevés  contre  d'intolérables  servitudes  que  ce  prélat  vou- 
lait leur  imposer  ;  ils  avaient  chassé  ses  amis,  et  s'étaient 
emparés  des  maisons  les  plus  fartes  et  des  tours  des  églises. 
On  n'avait  pris  les  armes  qu'après  avoir  essayé  des  moyens 
de  conciliation  et  de  soumission  pour  calmer  et  ramener 
Henri  ;  on  lui  avait  offert  de  verser  dans  son  trésor  une 
somme  assez  considérable,  s'il  voulait  laisser  vivre  les  habi- 
tans comme  ils  avaient  toujours  vécu  depuis  saint  Remy  :  le 
roi  même  avait  été  imploré  ;  mais  rien  n'avait  pu  fléchir  leur 
oppresseur.    Les    Remois  s'adressèrent  au  comte  de  Cham- 


144  JEAN  DE   SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  pagne,  qui  leur  conseilla  de  céder  à  Louis-le-Jeune,  que  Henri, 
son  frère,  était  parvenu  à  mettre  dans  ses  intérêts.  Cinquante 
maisons  furent  détruiles  ;  mais  le  roi  était  à  peine  parti,  que  les 
citoyens  détruisirent  de  fond  en  comble  celles  des  personnes  les 
plus  dévouées  à  l'archevt'quo.  Celui-ci  recourut  au  comte  de  Fhn- 
dre;  il  marcha  vers  Reims,  avec  de  sinistres  projets  contre  ses 
habitans.  Les  habitans  ([uillèrent  la  ville  une  seconde  fois,  de 
manière  que  les  Flamands  n'y  trouvèrent  pas  de  quoi  se  nourrir 
un  seul  jour  l.e  prélat  se  vil  obligé  de  faire  la  paix,  et  de  con- 
sentir, après  tant  de  maux,  à  l'exercice  de  droits  anciens  qu'il 
aurait  dû  respecter. 

La  ns*"  avait  été  adressée  à  (Jirard  la  Pucellc,  professeur 
distingué  à  celle  époque,  dont  nous  aurons  occasion  aussi 
de  parler  avec  plus  d'étendue,  sous  l'année  1184,  qui  fut 
celle  de  sa  mort.  Girard  avait  consulté  Jean  (!■,  Sarisbéry 
sur  la  conduite  à  tenir  dan.s  la  situation  difficile  oh  le  pinçait 
sa  résidence  à  Cologne,  auprès  d'un  archevêque  regardé 
comme  schismatique.  Il  y  a  eu  sur  vous  diverses  opinions, 
quand  vous  avez  quitté  Paris,  lui  répond  l'auleur.  Quelques- 
uns  vous  excusèrent  ;  le  plus  grand  nombre  vous  accusait  ; 
c'est  qu'il  ne  connaissait  pas  vos  motifs,  la  permission  que  le 
pape  vous  avait  donnée,  l'utilité  tlort  votre  séjour  à  Cologne 
pourrait  être  à  l'église;  on  crojait  seulement  que  vous  viviez 
au  milieu  du  schisme,  parmi  des  hommes  fra[)pés  d'une  juste 
excommunication,  et  on  est  porté  à  croire  dans  l'erreur  ceux 
qui  s'associent  aux  personnes  qui  y  sont  tombées.  Ou  n'y 
est  pas  cependant,  lorsqu'on  reste  au  milieu  d'elles  le  défen- 
seur de  la  vérité  et  l'adorateur  de  la  justice.  Loth  à  Sodome, 
Joseph  dans  la  maison  du  Pharaon,  Moïse  en  Egypte,  y 
étaient  agréables  à  Dieu  ;  Dieu  inspire  et  dirige  Chusaï  dans 
les  conseils  d'Absalon,  Abdias  à  la  cour  d'Achab  et  Jésabel, 
Daniel  à  Babylone.  Mais  cet  amour  de  la  vérité  a  de  la  jus- 
tice, il  faut  (jue  vous  le  manifestiez;  et  c'est  peut-être  pour 
produire  ce  bien  que  le  Seigneur  vous  a  destiné  à  venir  au 
milieu  des  barbares.  La  terre  crie  contre  eux  ;  la  vengeance 
du  ciel  n'est  pas  éloignée  ;  déjà  leur  puissance  s'évanouit. 
Quel  était  l'enfant  des  hommes  qui  égalât  Frédéric  (l'empe- 
reur Frédéric  Barberousse),  avant  qu'il  devînt  un  hérétique 
et  un  tyran  !  Il  a  voulu  rompre,  diviser  le  sacerdoce,  et  son 
empire  s'est  divisé,  rompu.  Ainsi  l'on  voit,  pareillement,  ce 
roi  d'Angleterre,  jadis  si  redoiilable  aux  nations  voisines, 
obligé  de  les  implorer  toutes,  et  vaincu  par  quelques  lio:nu)cs 


ÉVÉQUE    DE  CHARTRES.  145 

sans  force,  depuis  qu'il  a  voulu  combattre  l'église.  Jean  de  M'  siècle. 
Sarisbéry  fait  encore  ici  allusion  à  une  espèce  de  ligue  formée 
entre  les  Gallois  et  quelques  autres  sujets  de  Henri  H,  contre 
ce  prince,  par  laquelle  ils  se  promettaient  un  appui  mutuel 
dans  le  cas  de  quelque  oppression.  Ce  n'était  pas  la  pre- 
mière fois  que  des  insurrections  pareilles  avaient  menacé  le 
roi  d'Angleterre,  et  toujours  il  était  parvenu  à  les  comprimer 
ou  à  les  vaincre. 

Plusieurs  lettres  encore  de  Jean  de  Sarisbéry  sont  adres-  v.  aussi  r<^p. 
sées  à  Girard  la  Pucelle  ;  ce  sont  les  185%  191%  194»  213°  "'•  '''■  '  ^" 
et  285».  II  sy  occupe  principalement  de  la  situation  de  1  église  ,ic  CaniorWij. 
en  général,  de  celle  de  l'église  de  Cologne  en  particulier,  et 
du  schisme  auquel  elle  est  en  proie  ;  de  l'archevêque  de  Can- 
torbéry,  de  son  étal  à  lui-même  relativement  à  ce  prélat  et 
au  roi  d'Angleterre,  et  de  l'empereur  Frédéric  Barberousse, 
qui  n'avait  pas  voulu  reconnaître,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
Alexandre  111  pour  souverain  Pontife.  Celui-ci,  fort  de  l'as- 
sentiment des  églises  et  des  rois  d'Angleterre  et  de  France, 
crut  devoir  se  venger  par  l'excommunication  de  la  préférence 
que  l'empereur  donnait  à  son  compétiteur.  Cette  excommu- 
nication est  le  sujet  de  la  210eépître  de  Jean  de  Sarisbéry. 
Enfin,  y  lisons-nous,  enfin,  grâces  à  Dieu,  l'église  refleurit, 
et  l'orgueil  de  Moab  est  brisé.  Depuis  long-temps  le  pontife 
romain  supportait  avec  patience  le  schisme  et  les  provoca« 
lions  du  tyran  teulonique  ;  celui-ci,  chaque  jour,  multipliait 
ses  fautes,  et  l'erreur  allait  jusqu'au  délire.  Le  vicaire,  établi 
par  Dieu  sur  les  peuples  et  les  empires,  vient  de  délier  du 
serment  de  fidélité  qu'ils  avaient  fait  à  ce  prince,  les  Italiens 
et  tous  les  autresqui  lui  étaient  soumis.  Il  a  ainsi  subitement 
enlevé  à  sa  domination  l'Italie  pre.sque  entière;  il  lui  a  ôté  la 
dignité  royale;  il  la  frappé  d'analhême  :  il  a  défendu,  au 
nom  de  Dieu,  que  Frédéric  ait  désormais  aucune  force  dans 
les  combats,  qu'il  remporte  aucune  victoire  sur  aucun  chré- 
tien, qu'il  jouisse  nulle  part  du  repos  et  de  la  paix,  jusqu'à 
ce  qu'il  produise  de  dignes  fruits  de  pénitence.  Un  des  pré- 
décesseurs d'Alexandre  lui  en  avait  donné  l'exemple,  de  notre 
temps,  en  déposant  l'empereur  Henri,  qui  n^  respectait  pas 
les  privilèges  de  l'église  (Henri  IV,  monté  sur  le  trône  en 
1056,  et  mort  en  1 1 0C)).  Le  prédécesseur  d'Alexandre  était  ce 
fougueux  Hildebrand,  pape  sous  le  nom  de  Grégoire  "VII, 
qui,  ministre  d'un  dieu  de  paix  et  d'obéissance,  osa  prêcher 
en  son  nom  la  violation  des  sermens,   et  la  révolte  des  çeu- 

Tome  XIV.  T 


lie.  .lie  A  N  DK  S  A  lus  i;i:k  V  , 

XII  siiXLE.  pics.  Il  y  avait  f|ualio-vinp^ls  ans  (|iie  cr  poalifn  aiidacioux 
élail  iiîorl,  (juand  ccllf  letltc  l'ut  ccrile  I/aiilciir  se  livre 
ensuite  à  de  terribles  uieiians  rontrc  ceux  qui  \oiidraiorit 
résister  à  Dieu,  et  rcrmer  la   liuiiclie  des  prèlies. 

Dans  la  21  r,  écrite,  a  Pierre  Scriplor,  eu  I  M17  'la  i>(i4-.-  lin 
est  aussi  adressée,  I  auteur  sabandonue  à  1  ("S[)érau('iî  de 
\oir  bientôt  leniiiner,  à  laxanlage  de  léylise,  les  discussion»; 
dont  (iuel(|ucs  étals  de  l'iùirope  soni  aj^'ités.  ('l'Iui,  (bt-il, 
(jui  a  oblii^é  le  lyian  ludes(|iie,  cliel'  des  scliisnialiipio,  à 
sortir  confus  de  la  ville  de  Home,  lammcia,  jiar  sa  uraci',  li' 
l'oi  d"Anf,'lelerre  dan<  le  droit  clicniin,  <l  ne  perim'tlia  pas 
(pi'il  s"en  ecai'li'  (U'sorrnais  en  suivant  de  niau\ais  i^uiiles.  Si 
l'on  en  croit  aux  astrologues  (hml,  au  ri^lc,  je  ne  lais  pa> 
i^raiid  cas,  la  disposition  du  ciel  annonce  de  içrands  é\ene- 
uiens.  ()i!  y  voit  (pi(>  les  desseins  des  piiis>ani('s  seroiU  chan- 
gés, (pie  les  i^uerres  se  niulliplieront  Mir  la  lene,  (pielle 
sera  troublée  |)ar  des  séditions,  (pu'  les  j^ens  de  lettres  toin- 
l)eront  dans  le  mépris,  mais  (pi  a  la  lin  ils  se  relèveront  Je 
lei^arde  ces  prédiction?  coniUH'  ck'  xain^  scuiues,  (pioiipi'une 
partie  semble  di'jasèlie  \éiiliei':  ciii  les  i^iands  conseillei-.i 
de  reni[K'reur,  Hégiiuird  ou  liainold.  aiclievèrpie  de  (]oloi;n(î, 
1  arclie\è(pie  iiilnis  de  M;i\encc,  r('\r(pi(>  de  i-ié^e,  et  celui 
de  Hatisluii'îie,  avec  d;iiili(>  piiiire-  siliisniati(pies,  viennent 
de  (inir  Iciiis  jours.  I.é\éuenii'nl  trompa  lespoir  dc!  Jean  de 
Sarisbéry.  I.i's  conlérencc-  icniics  à  Oisors  et  Ai'irenlan,  entre 
l'arclievécpii'  (l(>  (lanlerberx  >•{  les  léi;a(s  du  pape,  l'uienl 
sans  ellct. 
i.rii  ,1,.  Tli  .Nous  lisons  do  d(  lails  assez  elcn'lu>  >ui  la  conlerenco  de 
•I.-  Cuniuii,.  iir.  (iisoi^.  diitisiine  iijlii-  écrite  par  leiin  (l<>  Sarisbery.  vei'^  la 
'  '''■  '  ■  lin    de    laiiiiee     1  1  r;7     l'jli    ii\;iii  eu  lii'ii  le    In  iiovenibie  eiilie 

(ilr-ois  ci  liie.  'lU  .-r  liniivnil  \:\  -e|ar;ilioii  du  royaume  de 
i'ianre  avec  le  diK  lie  (l>  .\onji;ii)(lie  1  liomas  He(  kel  y  vint 
a^'■l•  (|u(  l(pies-u!!-  (ie>  (  oiiipai;noiis  i\<-  siui  exil,  painii  les 
(puis  «'tait  Jean  de  San-!iei\  l.e>  l<  lmIs  \  |  arien  ni  du  lonj,' 
voyaue  qu  ds  avaient  lait  de  lalli  clion  du  pa|c  p(r:r  l'aiclie- 
\êipu>  de  <'.aii|ot  bel  .  ^  (|r  .  I  i- iilail.s  de  lleiui  II  inveis  ce 
prélat,  de.-  niohi?  (pi'i!  | oiix.ul  ,i\oii  de  .s'en  plaindre,  de  la 
iU'iandeur  de  ce  rtti.  d(  -  lie<o;ii-  (ie  léiilise,  des  n:auvais 
tem[)3  oii  on  \i\ait  ;  il.- e\|ii,i  Irieiil  lluunas  adi'.sariner  eiiliri 
par  la  moderalion.  Iliuiuilil''  el  um  juste  ilel'érence,  I  iiidi- 
ynalion  du  ror  (|ui  leur-  repiocliail  i ntic  autres  choses,  d'avoir 
excité  la    i^uerre  entre  la    Iraiice  el  iiir.  Larchevècpic  répondit 


EVKOL'K    1)1-     Cil  A  UT  H  ES.  1  i7 

(|iril  ('(ait  ptrt  à  nioHlrcr  en  loiil  <;i  iléfércnco  i-l  sa  niodrra- 
lioii,  saiil'son  lioniR'iir,  saiiil  lionnciii  do  Dieu,  sauf  la  libiM-li'; 
<li'  fôylisL',  sauf  li'S  biens  de  leiiiise  Les  li'-Lrats  lui  propasèrenl 
de  |)ioinel1i(^  (|m  il  oh-^crvi'iail  li's  eonlinnes  du  rnyannx"  ;  il 
sy  refusa,  déclarant  (|imI  li's  lioiivail  contraires  à  la  loi  de 
Dieu,  et  ajonlanl  (|ue  le  pape  liii-nièine.  les  avait  condani- 
niH's.  [.os  lésais  lui  demandent  alors,  s'il  no  vent  pas  approuver 
ces  coulniiios,  i\r  proniolliv  an  moins  do  so  taire  cl  de  les 
tolérer  :  .-e  taire,  cr^l  avouer,  répond-il;  Dion  ne  porniet  pas 
aux  prêtres  de  so  taire;  l'I'Jifiu- allcnd  ceux  (pii  di.vsjmnîenl. 

[.a  eonlérenco  avant  clé  rumpiie,  les  légats  allèrent  rendre 
compte  à  Henri  II  de  ce  (pn  s'y  était  passé.  Henri  était  alors 
ii  Ariienlan.  Ils  sv  enlrelinrent  encore  avec  lui  !o  Iciuleiiiain 
27  novend)re.  I.o  roi  lut  peu  conleii!  des  envoj'és  du  papo  ; 
il  so  plaignit  du  p.\pe  liii-mèmo,  el  d<''clara  rpi'il  se  sépar(>- 
rait  iU'  lui,  s"d  n'ol»tenait  enfin  justice  de  rairiievêfinc  de 
Cantoiherv .  I.e  2!).  dans  une  n'^union  fori:iée  d'évèques  d'Aii- 
gliUerre  el  do  \(jrmandie,  et  à  laipiolle  assistèrent  les  légats 
du  |)ape,  li'vèipie  de  l.ondi-es  renouvela  l'appel  déjà  formé, 
et  III  donna  ie.-^  inolils.  I.es  l('i:ats  envov  èrenl  doux  députes 
à  Thomas  Hecket,  pour  lui  ordonner  d'\  déférer,  jus(pi'à  ce 
(pie.  le  papo  eût  prononcé.  Tliomas  leur  répondit  ipi  il  forait 
ce  (|u  il  lui  paraîtrait  le  plus  convenahlo  à  Dieu  et  à  son  ('■j^liso. 
La  lollre  oîi  Jean  de  Sarisbéry  parli!  de  la  conféronccî  d'Ar- 
gentan, est  la  ^ii"  de  la  collection.  Il  s'y  montre  ontière- 
meiil  fav(ualjK'  à  son  aiclievè(|ue.  Il  fut  cependant  allligé  de 
voir  sans  succès  tant  d'efforts,  l/aniictioii  cpi  il  éprouva  est 
fortement  ex[)riméo  dans  la  212''  épître,  adressée  à  rc.  [)rolat 
mémo  Klle  sert  encore  à  nous  montrer  ((u'il  n'ap|)rouvait 
pas  toujours  la  liauleur,  1  amertume,  l'exagération  de  la  con- 
duite el  dos  écrits  de  Thomas  IJecket.  Il  I  invite  à  se  modérer, 
à  dissimuler  même.  Un  dos  légats,  envoyés  par  Alcixandre  III, 
(•uillauine  dt;  Pavie,  cardinal-prètre  de  Saint-Piorrc-aux- 
lions,  avait  imité  le  prélat  anglais.  Oliii-ci  avait  écrit  à  (luil- 
laiimo  ipi  il  ne  le  reconnaissait  pas  pour  juge  entriî  le  roi 
d'Angleterre  et  lui,  (pioiipu;  le  pape  l'eût  choisi  dans  le  des- 
sein (il!  les  concilier.  La  lot  lie  est  asscc  courte  pour  être 
rapportée  ici,  el  elle  ne  l'ait  pas  mal  connaître  le  caractère 
de  son  auteur;  nous  la  donnons  même,  ;i  cause  de  cola,  sans 
la  traduinî.  Thomas,  canluaiioisis  archiepiscopuH  ,  Willelmo 
Pnpiensi  salulem  et  contrii  priucipuni  insolentiam  fortitiuU- 
ncm.    Lilleras    cclsilwUui.s    veslrm    nnper     accepimtia ,    spoii 

T  -i 


Xtl  SIECLE. 


148  JEANDESARISBÉRY, 

,  mellis  tnitio  propinantes,  venenum  in  medio,  oleum  in  fine, 
in  quitus  continetur  vos  ad  partes  istas  nunc  temporis  descen- 
disse ad  terminandas  quasstiones  inter  dominum  regem  An- 
glise  et  nos,  prout  expedire  videbitis.  Non  credimus  vos  ad 
hase  venisse;  nec  cèrtè  vos  ad  heec  suscipimus;  mullis  ex 
causis  quas  loco  et  tempore  opportuno  manifestabimus.  Verum,' 
tamen,  si  quid  boni  et  pacis,  per  manutn  vestram  nobis 
acciderit,  deo  gratias  et  vobis.  Valeat  celsitudo  vestra,  ut 
indè  nobis  sitmelius.  Cette  épîlre  est  la  10°  du  second  livre, 
dans  le  recueil  publié  par  Lupus,  des  lettres  de  Thomas  de 
Cantorbéry.  —  Fallait-il  donc,  écrit  à  ce  prélat  Jean  de  Saris- 
béry,  fallait-il  affecter  des  soupçons  odieux  sur  la  bonne-foi 
du  cardinal,  et  l'accabler  de  reproches,  contre  l'intention  du 
pape,  et  sans  respect  pour  l'église  romaine?  En  vérité,  je  ne 
crois  pas  qu'il  soit  permis  de  traiter  ainsi  un  légat  du  Saint- 
Siège.  S'il  envoie  au  pape  ses  lettres  et  les  vôtres,  je  crains 
fort  que  les  dernières  ne  semblent  justifier  la  conduite  du 
roi,  et  offrir  un  témoignage  convaincant  de  votre  opiniâtreté. 
Je  veux  que  Guillaume  soit  encore  votre  ennemi  ;  il  eût  été 
convenable  de  dissimuler  avec  lui  jusqu'à  ce  que  la  duplicité 
de  sa  conduite  fût  mise  au  grand  jour.  Ma  pensée  n'est  pas 
que  vous  l'admettiez  pour  juge  avant  que  la  droiture  de  ses 
intentions  vous  soit  attestée  par  des  marques  certaines  ;  mais 
elle  n'est  pas  non  plus  de  refuser  brusquement  :  il  faut  décliner 
le  jugement  avec  adresse,  vu  que  la  restitution  de  vos  biens 
n'est  point  faite,  et  ne  peut  se  faire  encore.  Tâchez,  en  atten- 
dant, de  vous  concilier  les  cardinaux,  autant  que  votre  hon- 
neur et  votre  conscience  pourront  vous  le  permettre.  Si  le 
légat  s'est  dit  envoyé  pour  terminer  vos  différends,  comme 
il  le  jugera  plus  utile  aux  intérêts  de  l'église,  en  quoi  cela 
peut-il  vous  blesser?  Est-ce  que  les  choses  ne  peuvent  finir 
aussi  bien  par  un  accommodement  que  par  une  sentence? 
Il  vous  a  exhorté  à  éviter,  autant  qu'il  serait  en  vous,  tout 
ce  qui  produit  de  nouveaux  motifs  de  discorde  :  je  ne  vois  • 
pas  ce  qu'il  y  a  là  de  blâmable;  n'est-ce  pas  le  conseil  que 
vous  ont  donné  les  plus  sages  de  vos  amis?  —  La  lettre  de 
Jean  de  Sarisbéry  fit  quelque  impression  sur  l'esprit  de  Tho- 
mas Becket  ;  on  le  voit  par  deux  autres  lettres  du  prélat  à 
Guillaume  de  Pavie,  dans  lesquelles  il  adoucit,  il  corrige  ce 
qu'il  y  avait  de  trop  dur  dans  la  première.  Mais  la  plaie  était 
faite  ;  il  n'était  pas  aisé  de  la  fermer.  Le  légat  eût-il  d'ailleurs 
déposé  tout  rebsentiment,   il    restait  dans  I  adoucissement  de 


ÉVÉQUE    DE   CHARTRES.  U9 

l'archevêque  de  Canlorbéry  plus  de  colère  encore  et  d'inflexi-  xii  siècle. 
bililé  qu'il  n'en  fallait  pour  offrir  l'espérance  d'une  réconci- 
liation. Jean  de  Sarisbéry  écrivit  lui-même  à  Guillaume  de 
Pavie  ;  c'est  la  223"*  épître.  Il  lui  témoigne  autant  de  confiance 
dans  les  intentions  de  ce  prélat  que  dams  sa  sagesse  ;  c'est 
une  lumière  éclatante  placée  au-dessus  du  candélabre  aux 
sept  lampes.  Il  profite  de  l'occasion  qu'il  a  de  lui  écrire, 
pour  le  prier  de  s'intéresser  en  sa  faveur  auprès  du  roi  d'An- 
gleterre, et  d'obtenir  que  ce  prince  mette  un  terme  enfin  à 
un  exil  qui  dure  depuis  quatre  années. 

Ce  n'est  plus  dans  les  mêmes  termes  que  Jean  de  Sarisbéry  E|>.  232. 
écrivait  quelques  mois  après.  Ce  prolecteur  imploré,  ce  flam- 
beau par  excellence  de  l'église  et  du  monde,  n'est  plus  qu'un 
disciple  de  Balaam,  un  homme  qui  mérite  de  tomber  avec 
tous  ses  Madianites  sous  le  glaive  de  Moïse.  Son  crime  et 
celui  d'Olton,  son  collègue  dans  la  légation  du  Saint-Siège, 
était  de  ne  s'être  pas  montrés  assez  favorables  à  Thomas 
Becket,  en  écrivant  au  pape.  L'indignation  même  lui  suggère 
des  expressions,  des  figures,  des  allusions,  que  le  goût  ne 
réprouve  pas  moins  que  la  charité  :  ainsi  ,  pour  annoncer 
que  Guillaume  de  Pavie  cachait  des  projets  perfides  sous 
une  élocution  séduisante,  il  le  fait  par  cette  phrase  prover- 
biale, qu'il  vaut  mieux  citer  en  latin  que  de  la  traduire  :  Malè 
corpori  operimenia  couplai  ,  cui  verecunda  et  nates  patent. 
Olton  excite  moins  sa  colère  que  Guillaume  ;  il  le  suppose 
corrompu  par  celui-ci  ;  il  le  plaint  et  l'excuse  par  cette 
image  aussi  un  peu  familière  :  Qui  tangit  picem  inquinatur 
ab  eâ  ;  et  à  cette  phrase  de  l'Ecclésiastique,  il  ajoute  celle  de 
Juvénal,  qu'un  grain  gâté  suffit  pour  gâter  une  grappe, 

Uvaque  conspedâ  livorem  ducit  ab  uvd. 

La  21 9«  lettre  est  de  l'année  suivante,  1168.  Elle  est  écrite 
à  Baudoin,  archidiacre  de  Norwick .  Jean  de  Sarisbéry,  allant 
à  Rome,  avait  cru  devoir  se  déguiser,  et  voyager  sous  un 
autre  nom  que  le  sien  ,  pour  échapper  plus  aisément  aux 
regards  de  ceux  dont  il  craignait  le  désir  de  nuire.  Ce  fut 
l'archidiacre  de  Norwick  qu'il  rencontra  à  Sienne ,  qui  le 
ceignit  du  baudrier  militaire  pour  l'enrôler  dans  la  guerre 
du  pape  ,  contre  l'empereur  et  les  schismatiques.  L'auteur 
fait  des  vœux  pour  que  le  glaive  qu'on  lui  a  remis  ne  périsse 
que  par  la  rouille.  11  n'en  espère  pas  moins  de  grands  succès 
contre  Frédéric,  ou  le  repentir  de  ce  prince.  Si  vous  appre- 


Kp. 


150  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

xn  SIECLE,  nez,  dit-il  en  finissant,  que  je  me  bats  en  Italie,  sous  un 
nom  supposé,  n'en  soyez  pas  surpris,  et  ne  vous  en  prenez 
qu'à  vous-même  ;  c'est  vous  qui  m'avez  armé. 

Jean  de  Sarisbéry  se  plaint  au  pape,  dans  la  lettre  sui- 
vante, d'une  fraude  commise  pour  des  absolutions  deman- 
dées. Thomas  de  Cantorbéry  avait  été  prodigue  d'excommu- 
nications. Alexandre  111  avait  permis  de  les  lever,  en  cas  de 
danger  de  mort.  On  feignait  d'avoir  la  mer  à  traverser,  pour 
venir  en  France  ;  on  trouvait  dans  ce  voyage  l'existence  du 
péril  prévu,  et  on  se  faisait  absoudre.  Jean  de  Sarisbéry 
dénonce  au  pape,  avec  beaucoup  de  force  ,  ces  absolutions 
usurpées.  Il  veut  qu'elles  soient  annullées,  et  que  l'excommuni- 
cation subsiste. 

Il  avait  écrit,  peu  de  temps  auparavant,  à  Alexandre  III, 
une  lettre  assez  vive  sur  le  tort  que  faisaient  aux  membres 
du  clergé  de  Cantorbéry,  exilés  en  France,  les  nouvelles  dis- 
positions arrêtées  entre  le  pape  et  le  roi  d'Angleterre.  L'exil, 
d'après  leur  convention  ,  devait  subsister  encore  une  année. 
La  douleur  que  Jean  de  Sarisbéry  en  ressentait  parut  altérer 
un  peu  l'opinion  qu'il  professait  ordinairement  sur  l'étendue 
des  droits  du  pontife  romain.  J'avoue,  disait-il,  qu'il  a  une 
pleine  puissance  ;  mais  il  ne  la  qu'en  se  conformant  à  l'évan- 
gile, à  la  loi,  au  droit  divin.  Pierre  aurait-il  donc  la  liberté 
d'absoudre  un  coupable  qui  persévérerait  dans  son  crime  ? 
Pourrait-il  donc  se  servir  des  clés  du  ciel,  pour  ouvrir  les 
portes  à  des  pécheurs  impénitens?  Nous  arrivions  au  port, 
après  le  naufrage,  et  voilà  que  nous  sommes  rejetés  en  pleine 
mer,  par  le  triomphe  que  le  roi  obtient,  qu'il  obtient  par  le 
3  Rig.  20,  Saint-Siège  même.  11  rappelle  ce  qu'on  lit  dans  l'Écriture,  du 
5i  pacte  fait  par  Achab,  roi  d'Israël,   avec  Benadab,  roi  de  Syrie, 

pacte  qui  laissa  la  vie  et  la  liberté  à  ce  Benadab  dont  Dieu 
voulait  la  mort. 

Les  mêmes  sentimcns  l'animaient,  quand  il  écrivit  la  230° 
lettre  adressée  à  l'évêque  d'Albano.  Les  exilés  sont  les  amis 
de  la  foi,  du  pape,  de  l'église  ;  leurs  persécuteurs  en  sont  les 
ennemis,  des  profanateurs,  des  sacrilèges,  des  impies.  Serait- 
ce  parce  qu'ils  sont  puissans  et  riches  ,  tandis  que  nous 
sommes  pauvres  et  faibles,  qu'on  prononce  en  leur  faveur? 
Que  deviennent  alors  la  loi,  les  prophètes,  l'évangile?  La  loi 
est  perpétuelle ,  universelle,  indestructible.  Dira-t-on  qu'il 
ne  faut  pas  exaspérer  des  princes,  pour  servir  des  hommes 
de  si  peu  d'importance?  Ce  ne  serait  pas  là  une  distinction 


ÉVÉQUE    DK    CHARTRES.  151 

faite  par  un  apôlre,  mais  par  ce  sophiste  Thrasymaque,  qui  xii  siècle. 
prétendait  que  la  justice  consistait  dans  ce  qui  était  utile  au  plus 
fort,  tandis  que  d'excellens  philosophes  lui  donnent  pour  carac- 
tère d'offrir  un  grand  appui  à  ceux  précisément  qui  ont  le  moins 
de  puissance.  Ce  sont  les  mérites  et  non  les  personnes,  que  pèse 
la  justice. 

Dans  la  231  e,  écrite  au  cardinal  Albert,  chancelier  de 
l'église  romaine,  il  reparle  du  malheur  des  exilés,  de  l'injus- 
tice exercée  envers  eux,  des  légats  envoyés  par  le  pape  en 
Angleterre,  de  la  complaisance  qu'ils  pourraient  avoir  pour 
Henri  II  ;  il  voit  d'avance  un  hérétique,  un  précurseur  de 
l'Anlcchrist,  l'Antéchrist  lui-même,  dans  celui  qui  garderait 
ou  exigerait  sur  tant  de  mauvaises  actions  un  coupable 
silence.  11  répète  avec  saint  Paul  et  avec  Isaïe,  qu'il  faut  s.  Paul,  2 
prier,  blâmer,  reprendre,  accuser,  crier  de  toutes  ses  forces,  j^  gg"^  '^ 
crier  sans  cesse,  faire  retentir  sa  voix  comme  une  trompette 
éclatante,  et  annoncer  à  tout  le  peuple  tous  les  crimes  com- 
mis. L'empereur  Frédéric  venait  de  feindre  qu'il  abandon- 
nait Victor  pour  Alexandre.  .Tean  de  Sarisbéry  ne  doute  pas 
que  le  roi  d'Angleterre  ne  soit  forcé  bientôt  de  fléchir  le 
genou  devant  le  pontife  romain.  11  parle  encore  assez  lon- 
guement dans  la  234"  épître  de  Henri  II,  de  l'empereur 
Frédéric,  des  revers  de  ce  prince  en  Italie,  de  Louis-le- 
Jeune.deGui  .de  Crème,  que  les  partisans  de  Victor  avaient 
élu  pape  après  la  mort  de  celui-ci,  et  qui  prit  le  nom  de 
Pascal  III,  d'Otton  et  Guillaume  de  Pavie,  et  des  efforts 
tentés  par  Henri,  comte  de  Champagne,  et  Philippe,  comte 
de  Flandre,  pour  rapprocher  l'un  de  l'autre  les  deux  rois 
d'Angleterre  et  de  France.  Des  conférences  furent  tenues  à 
cet  effet  à  Soissons,  en  1 1()8.  On  en  avait  indiqué  aussi  pour 
le  même  objet  et  vers  le  même  temps,  entre  Pacy  et  Mantes, 
et  à  la  Ferté- Bernard,  dans  le  Maine.  Il  y  en  eut  une  ensuite 
à  Montmirail,  dans  le  Perche,  à  la  6n  de  l'an  1168  et  au 
commencement  de  l'an  1169,  où  les  différends  parurent  ter- 
minés par  la  reconnaissance  que  Henri  II  et  son  fils  aîné, 
appelé  également  Henri,  firent  de  la  suzeraineté  de  Louis- 
le-Jeune,  et  par  l'hommage  que  lui  prêtèrent  le  jeune  prince 
et  son  frère  Richard,  pour  le  Maine,  l'Anjou,  la  Bretagne,  et 
l'Aquitaine.  Cette  conférence  de  Montmirail  est  le  principal 
objet  de  la  268e  lettre  de  Jean  de  Sarisbéry,  adressée  à  Bar- 
thelemi,  évêque  d'Excester.  Ce  fut  le  jour  des  rois,  1169, 
que  Henri  H,    qui  avait  si  souvent  et  si  publiquement  juré, 


152  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,    dit  l'auteur,   qu'il    ne  se    replacerait  pas  sous  la  suprématie 
~    '  féodale   du    monarque    français,  prenant  une  résolution  plus 
sage,    vint,  en    suppliant,   mellre    à    sa    disposition,  lui,  ses 
enfans,  ses  domaines,  ses  forces,   ses  trésors,  ad  regem  fran- 
corum  supplex  accessit,  se,  liberos,  terras,  vires  et  thesauros 
eœponens,  universa    contulit  in   arbitrium  ejus,  ut  omnibus, 
ajoute-t-il,     uteretur,    abuteretur    pro    voluntate,     relineret, 
auferrel,  daret  quibus  et    quantum    vellet  pro    libitu,    nullâ 
prorsus  insertâ  vel  adjectâ  conditione  :   indè  sibi  dextras  et 
oscula   dederunt.    Louis    VU,    en     conséquence,      rendit    à 
Henri  II  tous   les   fiefs   dont    celui-ci   avait  été  déchu,    pour 
avoir  pris  les  armes  contre  son  suzerain.   Une  réconciliation 
avait  été   aussi   promise   et  disposée   en    même    temps    avec 
Thomas  de  Canlorbéry.  Le  prélat,   en  effet,  se  mit  aux    pieds 
du  roi,   en  disant  :    Miseremini  me/,   domine,  quia  pono  me 
in  Dec  etvobis  ad  hono7^em  Dei  et  vestrum.    Le   roi,   suivant 
Jean  deSarisbéry,  au   lieu  dï-lre  louché  de  voir   l'archevêque 
à  ses  genoux,   répondit  avec  hauteur    et  par  des   reproches 
injurieux,  et  termina  par  ces   paroles  qui  ont   du  moins   un 
grand  caractère  de  modération  :    «  Je   ne   lui  demande  que  de 
garder   ces  coutumes   qu'ont  gardées  ses  cinq   prédécesseurs, 
dont  quelques-uns  sont    réputés    saints,    ainsi  qu'il   a   promis 
de  le  faire  comme   prclre   et    comme  évéque  ».    On    sait   que 
Thomas    Beckel   se  refusa    à  la    proposition   du    roi,    laquelle 
d'ailleurs  avait   obtenu    1  assontinii-nt  universel    des  personnes 
présentes,  ecclésiastiques  ou  séculières,  des   nonces  du   pape, 
et   de    Louis-le-Jeune    en   particulier.   Il   répondit  du  moins 
qu'il    ne   pouvait    promettre  de  les  observer  que  sauf  l'hon- 
neur de    Dieu,    expressions  insidieuses,  qui   n'échappèrent  ni 
aux   assislans,    ni    au    roi,    et    que   Thomas  expliqua  encore 
d'une  manière   si  coniraire  à   ce  qu'on  attendait  de  lui,  que 
l'assemblée  se   sépara  sans  que  la   paix    eût  élé  consommée. 
Le  roi  cependant   se  monlra   disposé   à    une  nouvelle  condes- 
cendance, et  tous    les   hommes    religieux    firent   de   nouveaux 
efforts   pour  ramener  larchevèquc.   Il  doit    vous   suffire,    lui 
disaient-ils,  que   tous  vos  prédécesseurs  aient  agi  de   même: 
nous  ne  valons  pas    mieux    que  nos  pères    L'archevêque  ré- 
pondit qu'il  ne  fallait   imiter  ses  prédécesseurs  qu'en   ce  qu'ils 
avaient  fait    de    bien  ;  il  ne  fallait  pas  imiter  Moïse   dans  sa 
défiance,  David  dans  son  adultère,    Pierre  dans  son   parjure; 
et  que  les  délils  de  rio.s  ancêtres   nous   sont    indiqués   pour    les 
éviter  et  non  pour  les  commettre  de  nouveau.    Vainement   on 


ÉVÊQUE  DE   CHARTRES.  153 

essaya  de  le  ramener;  il  demeura  inflexible.  Jean  de  Saris-     xii  sikcle. 
béry    cherche    à  justifier  son   archevêque    dans    celte   lettre 
adressée  à  l'évêque  d'Excesler,  et  dans  une  autre  adressée  à   .  '''V  ' .''"  'P' 

„,    ,  ,     r>   •  •  ■  ■    ,.  .  ™.  de  Th.   de  Cant. 

leveque  de  Poitiers,  qui  avait  aussi  fait  quelques  efl^orls  pour  ep.  15I. 
inspirer  à  Thomas  Becket  des  sentimens  plus  pacifiques.   On 
peut  voir  encore  la  269°  épître  du  recueil  de  Jean   Masson, 
et  la  plupart  des  lettres  suivantes.  La  268°  n'avait  été  publiée 
par  cet  éditeur  que  d'une  manière  incorrecte,  et  non  seule- 
ment sans  étr^ entière,  mais  en  y  joignant  une  page  ou  deux 
qui  ne  lui   appartiennent  pas.    Elle  est  parfaitement  rétablie 
dans  la  nouvelle   Collection  des  historiens   de   France.    C'est        T.  xvi,  p. 
vers  la  fin  de  la  page  596,  après  le  mot  apud,  que  commence  y     ^uisr^Noî^ 
la  restitution.    Deux  feuillets  avaient    été  arrachés,   et   il  est  des  mw.  t.  ix, 
aisé  de  deviner  par  quel  motif,  dit  M.  Brial  :   l'auteur  faisait,  ?"■'■  ^'  P    ^"^• 
dans  cet   endroit,   un  portrait  assez  hideux  du  clergé  d'An- 
gleterre, auquel  il  donne  les  qualifications  les  plus  odieuses. 
Ils  sont    presque    tous,    dit-il,    sacrilegi,  adulteri,  prasdones, 
fures,  raptores  virginum,  incendiarii  et  homicidas.  C'est  pour 
faire  disparaître   ces   invectives   flétrissantes  que  les  feuillets 
ont  été  arrachés  ;  mais  ils  existent  dans  le  manuscrit  d'Oxford, 
dont  Baluze  s'était  procuré  une  copie.  » 

Louis-le-Jeune  est  toujours  désigné  dans  cette  lettre  par 
Christianissimus  rex,  ce  qui  montre  que,  dès-lors,  ce  titre 
lui  était  exclusivement  affecté.  On  retrouve  la  même  quali- 
fication, pour  exprimer  le  roi  de  France,  dans  d'autres  lettres 
de  Jean  de  Sarisbéry,  dans  la  120',  dans  la  21 3«,  dans  la  214*, 
dans  la  220^  dans  la  232*,  dans  la  234s  et  dans  l'épître  27  du 
livre  11  du  Recueil  de  Lupus,  pour  la  correspondance  de  Thomas 
de  Cantorbéry. 

Jean  de  Sarisbéry   parle  aussi,  dans  les  lettres  qui  suivent,       gp,  ^70. 
d'un   voyage  que  le  roi   de   France  et  le  roi  d'Angleterre  se 
proposaient  de  faire  à  Jérusalem  ;  de  nouveaux  légats  envoyés 
par  le    pape,    pour    mettre    enfin   un   terme  aux   discussions 
entre  Thomas    Becket    et    Henri   II;    des   excommunications 
lancées  par  ce  prélat  ;  du  schisme  de  Cologne.  Quelques-unes 
sont  adressées   aux  moines  de  l'abbaye  de  Cantorbéry.   Tho-       i,,  „   372 
mas,  dans  son  exil,  avait  été  oublié  par  eux.  La   crainte  du  273,  276  et  277. 
roi  les  retenait  sans  doute   Privé  de  tous  ses  revenus,  l'arche- 
vêque  n'avait  pas  reçu  d'eux  le  plus  léger  secours.   Jean  de 
Sarisbéry  le  leur  reproche  dans  plusieurs  lettres  écrites  ou  à 
quelques  religieux  ou  à  la  communauté  toute  entière.   Depuis 
cinq  ans,  dit-il  dans  la  27 2«,  qui  s'adresse  à  tout  le   couvent, 
.     -Tome  XIV.  V 


i.i  .IHAN-    DK    SA  m  S  HE  in, 

.XII  stF.CLE.  volii!  é\r'(|iio  c^l  proscrit;  cl.  par  une  impiélô  parricide,  vous 
refusez  loul  à  I  homme  (|ui  soutfre  pour  \olre  repos,  pour 
votre  liberté,  pour  votre  gloire,  il  vit,  je  ne  ilirai  pas  en 
dépouillant  les  autres  églises,  puisqu'elles  y  contribuent 
volontairement,  mais  en  recevant  d  elles  seules  de  (juoi  four- 
nir à  ses  besoins.  Les  remontrances  d(!  Jean  de  Sarisbéry 
produisirent  lellet  qu'il  en  devait  attendre  déjà  même,  dans 
la  illi'',  il  remercie  le  sous-prieur  de  ce  monastère,  pour 
quel(|ues  secours  que  la  maison  venait  d  envoyer  à  l'arche- 
vêque (îxilc.  La  Sol"  lettre,  la  ^'.ri'',  la  2o3«  et  la  254«,  ont 
pareillement  pour  objet  de  demander  quelques  secours  en  faveur 
des  Anglais  exilés  comme  lui,  et  réfugiés  en  France.  Ti  ois  d'elles 
sont  adressées  au  prieur,  au  cellérier,  el  à  l'archidiacre  de 
Norvvick;  et  la  4'',  à  une  autre  pLMSonne  attachée  à  cette  égli.S(î, 
(jue  lauteur  appelle  son  ami,  dont  il  loue  même  lamitié  pour 
lui  ;  quoi(|u  il  s'y  plaigne  (raillfur.s  de  la  négligence  et  de  l'iiési- 
lalion  quon  apporte  i\  secourir  des  mallieiireu.x  (jiii  néprouvcnl 
leur  proscription  que  pour  avoir  défendu  avec  persévérance  les 
droits  de  léglise. 

Bientôt  après,  nous  lisons  ime  autre  épitre,  la  ^TU*",  adres- 
sée toul-à-la-fois  au  iin-me  sous-prieur,  au  sacristain,  et 
aux  adminisIraieiMS  de  lénlise  de  Cantorbéry.  La  joie  y  res- 
[)ire  autant  que  la  douleur  el  le  reproche  ilans  les  lettres 
écrites  précédemment.  Jean  de  Sarisbéry  leur  annonce  que 
Dieu  a  enlin  exaucé  les  \(eux  des  fidèles,  (|ue  la  paix  est 
rendue  à  léglise  d'.An^lelernv  II  les  invite  à  envoyer  au-delà 
du  détroit,  une;  déjmlalion  vers  rarclie\è(pie,  el  à  lui  faire 
tenir  d(>  (|uoi  pay(M-  ses  créanciers  Vos  prédéces.seurs  furent 
les  piiniiers  que  saint  Ansiîlme  rencontra  au  retour  de  son 
exd.  Ne  l(?s  imilerez-vous  pas?  Priverez-vous  de  celte  con- 
solation un  père  el  des  frères  (|ui  reviennent  au  milieu  de 
vous? 

(]e  retour,  et  celui  de  lauteur  qui  lavait  précédé,  sont 
racontés  dans  la  lettre  2.S().  Voici  (c  (|uelli'  renferme  de 
moins  connu.  La  paix  ayant  élé  faite  au  mois  de  juill(*t  1  170, 
II-  roi  d'Angletern!  a\ail  envoyé  de  France,  à  son  fils,  l'ordre 
de  rendre  à  raiclievèque  et  ii  >es  amis  tous  leurs  i)iens,  dans 
le  même  état  qu'ils  étaient  trois  mois  avant  leur  départ. 
Cependant  les  olliciers  ro\aux  en  avaient  perçu  d'avance, 
jusipiau  terme  de  Noél  suivant,  tous  les  revenus.  Ils  rele- 
naieiii  de  plus  des  domaines,  des  églises,  qu'ils  devaient 
rendre  d'après  li's  conventions    Jean  de   Sarisbéry  était   entre 


ÉVÉQUË    DE    CHARTRES.  1o5 

autres,  privé  d  une  église  qui  reiidail  quarante  marcs  d'ar-  A»  siëci.f. 
genl  à  son  prédécesseur.  Arrivé  à  Canlorbéry  ,  trois  jours 
avant  la  Saint-Martin,  il  y  fut  reçu  comme  un  ange  du 
Seigneur,  cl  célébra,  par  délégation  de  l'archevêque,  le  sy- 
node tenu  ordinairement  dans  l'octave  de  celte  l'(^le.  Delà,  il 
se  rendit  auprès  du  nouveau  roi  Henri  (fils  aîné  de  Henri  M, 
que  son  père  avait  fait  couronner),  qui  l'accueillit  assez  favo- 
rablement ,  quoique  ses  courtisans  fissent  paraître  quelipje 
défiance  sur  la  sincérité  de  la  p.iix  qui  venait  d'être  faite.  Il 
alla  ensuite  voir  sa  mère  qui,  all'aiblie  et  lani;ui>sante,  atten- 
dait la  mort,  mais  à  qui  l'esprit  saint  avait  promis  <|u'elle  ne 
mourrait  pas  sans  avoir  vu  ses  enfans  de  retour  de  leur  exil. 
Cependant,  l'arclievèque  d  Yorck,  I  évèque  de  Londres  et  leurs 
complices  envoyèrent  une  députalion  au  roi  pour  le  prier 
de  ne  pas  permettre  le  retour  de  Tlioraas  Becket,  qu'il  n'eilt 
renoncé  au  titre  de  légat  dont  il  était  revêtu,  remis  toutes 
les  lettres  qu'il  avait  obtenues  de  Rome,  et  promis  d'observer 
les  lois  du  royaume.  Ils  firent  choisir  aussi  dans  toutes  les 
églises  vacantes  des  comproniissaires  chargés  d  élire  le  pas- 
teur, et  les  envoyèrent  auprès  du  roi,  en  Normandie,  pour 
procéder  aux  élections  en  sa  présence  et  sous  sa  direction. 
Dans  1  intervalle  ,  Thomas  Becket  avait  reçu  Tordre  de  se 
rendre  à  Rouen,  d'où  il  devait  passer  en  Angleterre,  après 
avoir  été  pleinement  acquitté  envers  ses  créanciers;  mais  en 
y  arrivant ,  il  trouva  Jean  d'Oxeneford,  doyen  de  Sarisbéry, 
chapelain  du  roi,  (pii  l'y  attendait  avec  des  lettres  du  prince 
pour  lui  ordonner  de  revenir  sur-le-champ  dans  .son  église. 
Du  rivage  français,  avant  de  s'embarquer,  Thomas  de  (^an- 
torbéry  prononça,  comme  légat  du  |)ape ,  la  suspeii.siun  df 
l'archevècpie  d'Yorck,  de  1  évèque  de  Durham,  cl  de  (juel 
ques  autres,  pour  avoir,  au  préjudice  de  ses  droits,  couronné 
le  nouveau  roi  en  Angleterre,  ou  assisté  à  son  couronne- 
ment. Des  troupes  1  attendaient  à  Sandwic  ,  oii  il  aborda. 
Elles  voulurent  exiger  un  serment  de  fidélité  au  roi,  de  la 
part  des  étrangers  qui  suivaient  le  prélat.  Il  n'y  avait  guères 
dans  ce  cas  que  Simon  ,  aichitliacre  do  Sens,  et  il  était  dis- 
posé à  le  préler;  mais  larchevèque  de  Cantorbéry  s'y  opposa, 
en  disant  qu  un  pared  serment  était  contraire  aux  h)is  de 
l'hospitulilé.  Le  jour  suivant,  Thomas  étant  revenu  dans  son 
église,  des  députés  de  1  archevêque  d  Yorck  vmrent  lui  signifier 
un  appel  au  pape.  Le  reste  est  connu. 

La   280"   lettre  olTie  la   relation  de  la  mort  de  Thon)as  de 

V2 


156  JEAN   DE  SARISBÉRY, 

XII  SIECLE.     Cantorbéry.  Elle  esl  adressée  à  Jean,  évêque  de  Poitiers,  à  qui 
~"  sont  adressées  aussi  beaucoup  d'autres  lettres  de  cette  collec- 

tion. On  connaît  également  les  détails  de  cet  assassinat  ;  et  tous 
les  lecteurs  partageront  ici  l'indignation  que  l'auteur  exprime  en 
racontant  l'histoire  d'un  tel  forfait. 

La  300°  épître  et  la  302°  sont  écrites,  l'une  au  pape 
Alexandre,  l'autre  à  l'archevêque  de  Sens;  la  première  de- 
mande au  pontife  de  confirmer  l'élection  de  Richard,  prieur 
de  Douvres,  au  siège  de  Cantorbéry;  et  la  seconde  invite 
l'archevêque  de  Sens  à  se  réunir  à  lui,  pour  obtenir  la  sanc- 
tion du  pape  en  faveur  du  choix  fait  de  Richard,  pour  rem- 
placer Thomas  Becket  :  le  jeune  roi  Henri  se  refusait  à 
approuver  ce  choix  L'archevêque  de  Sens  était  alors  Guil- 
laume de  Champagne,  un  des  fils  du  comte  Thibaut,  et 
Alexandre  111  l'avait  nommé  son  légat.  Une  autre  lettre  de 
Jean  de  Sarisbéry  lui  fut  aussi  adressée  vers  le  même  temps  ; 
c'est  la  91°  du  cinquième  livre  dans  le  recueil  des  épîtres 
concernant  Thomas  de  Cantorbéry.  L'archevêque  d'Yorck 
n'oubliait  rien  auprès  du  pape  pour  le  convaincre  de  toute 
son  innocence,  dans  le  coupable  événement  dont  Thomas 
avait  été  la  victime.  Jean  de  Sarisbéry  l'accable  des  plus 
graves  reproches  dans  cette  lettre  à  Guillaume  de  Cham- 
pagne ;  son  attachement  pour  la  mémoire  de  l'archevêque 
de  Cantorbéry  s'y  montre  bien  plus  que  la  charité  chré- 
tienne, et  peut-être  que  l'amour  de  la  vérité.  Le  tort  de  l'ar- 
chevêque d'Yorck  était  d'avoir  eu  le  courage  de  résister  aux 
prétentions  insensées  de  l'archevêque  de  Cantorbéry  ,  et  de 
respecter  la  personne  et  l'autorité  du  roi. 

La  72"=  épître  du  même  livre  du  môme  recueil,  qui  n'a  pas 
non  plus  élé  publiée  par  Jean  Masson,  est  adressée  à  Pierre 
de  Celles  ,  et  raconte  principalement  les  actions  criminelles 
des  enfans  de  Henri  11  ;  ils  s'étaient  mis  en  état  de  révolte 
contre  leur  père  et  leur  roi,  et  avaient  pris  les  armes  pour 
soutenir  cette  rébellion.  Ces  brigandages  rendaient  imprati- 
cables les  communications  et  les  routes;  on  ne  pouvait,  sans 
danger ,  aller  d'une  contrée  à  l'autre  ;  les  troubles  étaient 
excités  par  les  personnes  même  qui  auraient  dû  les  réprimer, 
et  le  monarque  avait  pour  ennemis  ceux  qu'il  aurait  dû  avoir 
pour  défenseurs  :  Crescunt  incendia  ,  dit  l'auteur  ,  et  non 
modo  ah  aquilone  sed  à  quatuor  ventis  cœli  alla  succenditur... 
foris  adstat  gladius,  timor  intus  ;  civis  et  hoslis  ■  in  eodem  ferè 
versanlur  calcula. 


ÉVÉQUE    DE    CHARTRES.  157 

Indépendamment  des  nouvelles  lettres  qu'offre  le  recueil  xii  siècle. 
concernant  Thomas  de  Canlorbéry,  il  y  en  a  quatre  encore  "" 
recueillies  par  D.  Martène,  et  insérées  au  premier  volume  p.  396ei»uiv. 
de  son  Trésor  des  Anecdotes.  Les  deux  premières  sont  rela- 
tives à  une  excommunication  prononcée  par  lui-môme  contre 
Jean,  comte  de  Vendôme.  L'auteur  était  alors  évêque  de 
Chartres,  et  il  accusait  ce  seigneur  d'avoir  commis  des  dom- 
mages, des  injustices,  des  concussions,  envers  l'église  de  la 
Sainte -Trinité  de  cette  ville,  et  au  monastère  de  Saint- Lomer 
à  Blois.  L'excommiinicalion  avait  élé  levée  ensuite,  moyen- 
nant les  satisfactions  promises  d'abord  et  données  enfin  par 
le  comte  de  Vendôme  Ces  deux  lettres  sont  de  1180.  Les 
deux  autres  ,  recueillies  par  D.  Martène,  sont  relatives  à 
l'abbaye  de  Fontaine-Blanche,  en  Tourame,  et  à  des  obliga- 
tions qu'elle  devait  acquitter,  pour  des  dons  qu'elle  avait 
reçus. 

§  m. 

OUVRAGES   MANUSCRITS    OU    PERDUS. 


Jean  Balée,  dans  ses  Centuries  des  hommes  illustres  de  la 
Grande-Bretagne,    annonce  que,  de  son    temps,   au  seizième  ,  p  *2ii!   ^' 
siècle,  on  conservait  les  manuscrits  suivans  de  Jean  de  Saris- 
béry  : 

1°  Un  Pénitenciel    Trithême,  dans  son   Catalogue  des  écri- 
vains ecclésiastiques  ;  Pits,  dans  son  ouvrage  sur  les  écrivains  89,  Terso.  ' 
illustres  d'Angleterre;   D.  Ceillier,  dans  son  histoire   des  au-        p-  ^^■ 
leurs  sacrés  et  ecclésiastiques,   font  mention  également  de  ce  270^"  ^^"''  '' 
Traité.   11  est  encore   aujourd'hui  parmi   les  manuscrits  de  la     Cai.  mss.  Ang. 
bibliothèque  de    Bodley.  p»"-  '.  "•  *09'- 

2»  Un  livre  intitulé.  De  malo  exitu  tyrannorum.  Jean  de 
Sarisbéry  rappelle  lui-môme  cet  ouvrage  dans  un  des  cha- 
pitres de  son  Policratique. 

o     iT     1-  1-^       ,    ,  .  Liv.  VIII,  c,  20. 

3»  Un  livre  sur  1  état  de  la  cour  de  Rome,  de  Statu  curix 

romanae.  Il  paraît  que  ce  n'est  autre  chose  que  le  vingt- 
quatrième  chapitre  du  sixième  livre  du  Policratique.  ^"  Joy*'  **■  '"*' 

40  Un  livre  de  Mathemalicâ  duplici. 

5»  Un  livre  de  Musicâ  amoris.  D.  Ceillier  dit,  de  l'Amour 
de  la  -fnusique  ;  ce   serait  alors  de  Musicae  amore. 

60  Des  sermons  sur  divers  sujets. 

7"  Un  livre    intitulé    Spéculum  rationis,    le  Miroir  de   la 


458  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,      raison.    Il   lui    est   également  attribué  par   Leiand,   par  Jean 
Lei.  Sir.  hrii"  Pits,  et  par  D.  Ceillier. 
''m"**. '''.'" '^^       K  Objurgalio  cleri,  oa    Objurgatornini  clericorum,     Répri- 

Ceill.  uiel.   locis.  i  i  i  ' 

mande  du  clergé,  ouvrage  contre  les  ecclésiasiiques  du 
Xlle  siècle,  dont  Flaccus  lliyricus  et  Jean  Wolf  ont  donné 
des  extraits,  l'un  dans  son  calalogne  des  témoins  de  la  vérité, 
l'autre  dans  le  premier  tome  de  ses  leçons  mémorables. 

9o  Diverses  poésies,  entre  autres,  un  poëme  ayant  pour 
titre,  Eutheticon  de  dogmate  philosophorum,  qui  commen- 
l'ii.s  i7,irf.  p.  çait  par  ces  mots  .  Dogmata  discutiens.  Cet  ouvrage,  qui  fut 
^^^  dédié  à    Thomas  de    Canlorbéry,    alors   chancelier    d  Angle- 

terre, est  conservé  manuscrit  dans  la  bibliothèque  de  Cam- 
bridge 

10"  Un  livre  intitulé  Ermeneuticon. 

Ilo  II  faut  y  joindre  un  commentaire  sur  les  livres  attri- 
bués à  Saint  Denis  l'aréopagite,  de  la  Hiérarchie  céleste,  et 
de  la  Hiérarchie  ecclésiastique,  ouvrage  qui  se  conserve  à 
la  bibliothèque  du  Roi,  sous  le  n"  1GI9,  et  dont  aucun 
bibliographe  n'a  parlé. 

Leiand,    Balée,  D.    Ceillier,    supposent   que  Jean   de  Saris- 

béry  est   encore  l'auteur  du  Miroir   de   la  sottise,  Spéculum 

stultiliie,    manuscrit  qui    existait    à    la     bibliothèque    Cotlo- 

Ain,.  ,1.    lOi.  nienne    (I;,    presque    entièrement   détruite    par  les    flammes, 

7!',*v  "[28  '-  ^"  ^^^^  '  "'^'''  '"'*  •'^'  'rompent  :  l'ouvrage  est  de  Nigel  Wi- 
V.  o.iiiin.  s.r.  '■t'eker,  moine  de  Cantorbéry.  Il  paraît  .seulement  que 
Twlr  '  "'  '"'  "'^^'^  ^*^  Sarisbéry  avait  écrit  sur  cet  ouvrage  même.  Jean 
Fils  et  d'autres  annoncent  un  livre  super  spéculum  Nigelli- 
ii'i,i.  |,  ii!»  Jean  Masson  et  Possevin  ne  sont  [las  mieux  fondés  à  lui 
'''  "^"'  attribuer     l'Archillwenius     (  l'Archiiileureiir  ).    L'ouvrage     est 

tiaas  contredit  de  Jean  Haulevillo,  auteur  contemporain,  et 
qui   eut  (|uel(jue    cilèhrité    en    France  ,    à    celte     époque  du 


XI |e  siècle. 


^  'V. 


SON  ERUDITION,   SA    iMAN'IÉRE   D'ECRIRE, 
SA   DOCTRINE. 

Jusle-Lipse   n'est  pas  l'écrivain  qui    a  le  plus  loué  Jean  de 

(1)  Catalogue  des  livres  manuscrits  île  la  bibliothèque  Cottonionne, 
p.  3,  n.  XI.  Voir  le  n.  2159  du  catalogue  des  manuscrits  de  Bodley,  et 
aussi,   les  n.  2535,   2583,  3041    et  3852. 


XII  SIECLE 


T.  Il,  p    •"»!». 


ÊVÊOUK    DE  CHARTRES.  1o9 

Sarisbéry.  In  quo  centone,  dit-ii,  dans  ses  notes  sur  le 
douzième  livre  des  annales  de  Tacite,  en  parlant  du  Poli- 
cralique,  in  quo  centone  mullos  pannos  purpune  agnosco  et 
fragjnenta^  sévi  melioris.  Jean  Balée,  au  contraire  (1),  le 
célèbre  comme  un  des  hommes  qui  ont  cultivé  avec  le  plus 
de  succAs  les  lani^ues  grecque  et  latine,  qui  les  ont  rendues 
à  leur  ancienne  pureté,  qui  se  distinguèrent  à-la-fois  comme 
prosateurs  et  comme  poètes ,  qui  défendirent  avec  le  plus 
d'adresse  et  d'esprit  les  lettres  et  les  beaux-arts,  et  en  sou- 
tinrent le  mieux  la  gloire.  Blount,  qui  rapporte  en  entier  le 
passage  de  Balée,  dans  sa  censure  des  auteurs,  y  ajoute  plu- 
sieurs autres  citations  également  apologétiques,  d'un  grand 
Hombrc  d écrivains,  parmi  lesquels  nous  remarquons  Pilhou, 
Vossius,  le  cardinal  Bona,  et  Henri  du  Puy.  On  peut  voir  ce 
qu'en  dit  Haillet  d;ms  ses  jugeinens  des  savans. 

Le  l'olicraliquf  fut  commencé  au  temps  (|ue  les  Anglais 
assiégeaient  Toulouse  hauteur  nous  le  dit  lui-même  à  la  lin 
de  sa  préface.  Ce  siège  eut  lieu  en  11")!).  L ouvrage  dut  pa- 
raître au  plus  tard  en  11G2,  |)uisque  nous  voyons,  dao.s 
l'épîlre  qui  le  précède,  que,  Thomas  Becket  était  encore  chance- 
lier d'Angleterre,  et  que,  celte  année-  là  même,  il  cessa  de  l'être, 
en  devenant  archevêque  de  Canlorbéry. 

Scaliger  et  Pilhou  croyent  que  lePolicralique  tire  son  nom  de  Soaiigoriana , 
ce  qu'il  contenait  beaua)U[)  de  choses.  Je  suis  loin  de  partager  P-  ^9^- 
celte  opinion  ,  et  les  délai!»  que  nous  avons  donnés  ont  démon- 
tré, j'espère,  combien  elle  est  inadmissible.  Policratique,  d'ail- 
leurs, n'est  pas  écrit,  et  il  ne  peut  l'êlre,  avec  un  upsilon;  c'est 
de  7:d/i;,  et  non  de  no/j,  que  I  auteur  a  composé  son  titre.  Les 
vertus  qu'il  faut  avoir,  les  vices  qu'il  faut  éviter  ou  craindre 
(|uand  on  est  placé  au[)rès  des  rois,  ou  qu'on  doit  concourir  au 
gouvernemenl  de  l'état,  voilà  ce  dont  il  cherche  à  nous 
instruire. 

Les  morceaux  cjue  nous  avons  ra|)portes  de  cet  ouvrage 
peuvent  donner  une  idée  du  style  de  l'auteur,  du  mérite  et 
des  défauts  (pii  le  caractérisent.  La  concision,  la  force,  la 
simplicité,    y    sont  rares;   l'afloctation    et    la    diffusion,    fré- 


(1)  Centuries  (le.«  liomiiie.s  illustres  île  la  liraiule  Bretagne,  oent.  3,  o.  I. 
Voyez  aussi  ce  qu'en  dit,  d'après  I.eland,  Pitseus,  de  lUuslribus  Anfflia  scrip- 
toribus,  p.  'MS  du  premier  tome  de  .ses  ouvrages,  et  ce  (ju'en  dit  l.emire, 
Auctar.  de  Scriptoribus  erclesiasticis,  dans  la  bibliothèque  ecclésiastique  de 
Fabricius,    p.   04. 


160  JEAN    DE    SARISBÉRY, 

XII  SIECLE,  quentes  :  mais  il  y  a  du  mouvement,  une  sorte  d'élégance ,  et 
une  connaissance  assez  étendue  et  assez  variée  de  l'anliquité, 
des  siècles  même  plus  modernes.  Ses  principes  politiques  sont 
quelquefois  hardis  ;  mais  c'est  encore  plus  en  faveur  des 
papes  qu'en  faveur  des  peuples  qu'il  montre  cette  hardiesse 
contre  les  rois.  Sa  philosophie  n'est  guère  qu'en  érudition  ; 
il  sait  bien  ce  qu'on  a  dit  ;  il  sait  moins  bien  ce  qu'il  faut 
penser  et  croire.  Souvent  môme,  on  le  trouve  atteint  des  erreurs 
V.  le  Policrat.  qu'il  Semble  disposé  à  combattre  ;   la  magie  est  de  ce  nombre. 

liv.  I,  c.  10  ei  La  preuve  n'en  est  pas  seulement  dans  quelques  endroits  du 
Policratique.  Nous  le  voyons,  dans  une  lettre  à  l'archevêque 
de  Cantorbéry  (1),  citer  avec  complaisance  et  crédulité  la  pré- 
diction d'Ambroise  Merlin,  qui  annonçait,  selon  Jean  de  Saris- 
béry,  tous  les  malheurs  qu'éprouvait  l'Angleterre  sous  le  règne 
de  Henri  II. 

Ci-dess.  p.  110.  Nous  avons  fait  remarquer  le  désordre  de  son  érudition, 
et  la  manière  dont  il  passe  quelquefois  d'un  peuple  à  l'autr'î, 
dont  il  franchit  plusieurs  siècles,  quand  il  fait  des  tableaux 
progressifs  de  lois,  de  mœurs,  d'institutions.  Si  elle  n'est  pas 
toujours  bien  ordonnée,  elle  est  toujours  très-étendue.  Il 
puise  les  autorités,  les  faits,  les  principes  qu'il  veut  examiner 
ou  dont  il  veut  faire  usage,  il  les  puise  par-tout  oîi  il  y  a  des 
lumières  à  acquérir,  des  vérités  à  confirmer,  des  erreurs  à 
combattre.  Rien  n'est  étranger  à  son  érudition.  Il  cite  également 
Ésope  et  saint  Augustin,  Ovide  et  Calon,  Hippocrate  et  Papi- 
nien,  Aristole  et  saint  Basile,  Horace  et  saint  Grégoire  de 
Nazianze. 

Nous  ignorons  jusqu'à  quel  point  les  éditeurs  de  ces 
hommes  célèbres  pouvaient  trouver  dans  les  passages  nom- 
breux que  le  Policratique  en  rapporte,  des  variantes  utiles  : 
la  table  des  auteurs  cités,  dans  l'édition,  entre  autres,  de 
1639,  le  leur  indiquerait  aisément.  Mais,  ce  qui  est  bien 
digne  d'être  observé,  c'est  que,  parmi  les  écrivains  que  Jean 
dé  Sarisbéry  cite  ou  dont  il  invoque  l'autorité,  il  en  est" 
plusieurs  dont  les  ouvrages  ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous. 
"Tel  est,  par  exemple,  Cratinus,  cité  au  commencement  du 
Potier,  liv.  V,  septième  chapitre  du  septième  livre.    Tels    sont  Satyrius  ou 

c.  17.  Satyrus,  qui  avait   composé  des   histoires  d'hommes  illustres; 

12    "liv   VIII  '    le    poète  Coquus,   dont    il    nous    donne    deux   épigrammes  ; 

c.  13. 

(1)  Lettre»  167,  p.  464.    Il  déclaré  pourtant,  dans  liHë   autre  lettre,  qu'il  n'i 
pas  beaucoup  de  confiance  à  l'astrologie.  Lettre  211,  p.  494. 


KVÉQUE    DE   CHARTRES.  Ifil 

Furius  Albinus,  qui   parlageait  avec  Cicéion,  dit-il,  l'opinion     xii  siei.li:. 
que  la  profession  de  comédien  n'esl    pas  infâme  ;   Flavianus,  •'"•  V'"'  •"•  ^"^• 
auteur  d'un   livre   intitulé  de   Vestigiis   philosophorum ,    litre  ^^  ph,sic'ur!,  fois 
qui   fait  partie  de  celui  de  l'ouvrage  de  Jean  de  Sarisbéry.  dans  le  iiv.  viii. 
il  cite  aussi  plusieurs  fois  Trogue-Pompée,  que  nous  ne  connais-  ^^  "^^  ^\.\'  ^^^' 
sons  aujourdliui  que  par  un  abréviateur,  et  dont  les  propres  vu,  c.  I7  •   liv. 
paroles  même  sont  quelquefois  rappelées  dans  le  Policratique  ;  viii,  c.  b,  6,  18. 
mais  je  ne  crois  pas  qu'il  y  ail  aucune  de  ces  citations  dont 
le  passage  n'ait  été  conservé  par  Justin.  Au  cinquième  chapitre 
du  quatrième  livre,  Jean  de  Sari.sbéry  rapporte  comme  tirée 
du    Trimalcion    de    Pétrone ,    l'histoire   de   cet   ouvrier    qui 
avait    trouvé    larl    de    rendre    le    verre    si    malléable,    qu'il 
n'était  pas  plus  facile  do  le  briser  que  de  briser  de  l'or  ou  de 
l'argent  :  or  le  festin  de  Triinulcion  ne    se  rencontre   manus- 
crit   que   dans    le    fragment   découvert   à   Traw   en    Dalmatie, 
l'an  1662  ou  KiOS  ;  cela  sert  à  confirmir  i'aullienticité  de  ce 
fragment.    Pieire    Pilhou,    qui    écrivit    sous    Henri    III,    avait 
remarqué   que    Ion    ne    trouvait    point    dans    le   Salyricon   le 
morceau  publié  par  Jean  de  Sarisbéry  :  Narrât,  dit-il.  Trimai-        Conjiciinca, 
cion  ni  addil  gusedain,  sive  de  suo,  sive  de  integriure  exemplari.  p   '!*■ 
Il  indique  d'autres  endroits  cités  dans  le   l'olicraii(pie,  et  que 
l'on  ne  trouvait   pas  daxaiilagc  dans  ce  cpi  on   avait    alors   de 
Pétrone.    La    déeouverU:  faile    en   Dalmatie  a  |)ioii\é  que  Jean 
de  Sarisbéry  n'avait  pas  imaginé  la  citation,  ([ue  le  [)assiige  est 
tel  qu'il  le  rapportait. 

L'érudition  n'est  pas  moins  prodiguée  dans  le  IMétalogique 
que  dans  l'ouvrage  dont  nous  venons  de  parler.  L'auteur  y  cite 
un  traité  de  Caius  César  sur  l'analogie,  que  le  temps  paraît       Liv.  i,  c.  <s 
également  nous  avoir  enlevé.  ®' 

Dans  la  1 33"  lettre  du  premier  livre  de  celles  de  saint  Thomas         •*•  '^"• 
ou  à  saint  Thomas,  Jean  de  Sarisbéry  rapporte  cinq  vers  d'un 
ancien  poète,  dont  je  ne  crois  pas  non   plus  que  les  ouvrages 
soient  arrivés  jusqu  à  nous,  de  Focinus  ou  Phocinus. 

Dat  panas  laudata  Jides.  cùm  sitstinet  illos 
Quosforluna  premit.  Falis  acccde,  deisque, 
El  cote  felices,  miseras  fi'ge  ;  sidéra  terris 
Ut  distant,  ut  Jlanima  mari,  sic  utile  recto, 
Nnllafides  uiKpiam  miseras  elejit  amicos. 

Jean  de  Sarisbéry  cite  plusieurs  fois  Juvénal  dans  ses  ouvra- 
ges, et,  presque  toujours,  sous  la  seule  dénomination  iXElhicus, 
le  Moraliste.  P. 

Tome  XIV.  X 


162 


XII  SIECLE. 


AMAURY, 

Patriarche  de  Jérusalem. 


]|MAiRY    était   Français,   et  natif  de  Nesle,   clans   le  diocèse 

•'"de  Noyon  ;  mais  il  passa  de  bonne  heure  en   Orient.  Il  y 

Guiii.  de  Tvr    t'^vint  prioiir  de   l'église  du  .Saint-Sépulchre,  vers  le  milieu 

liv.    XVIII,    j.  du   12'   siècle.   A   la  mort    de   Foucher,    autre    Français,   et 

n    .n,  .  qui,  devenu  patriarche  de  Jérusalem,  à  l'àee  de  88  ans,  eou- 

Or.  Clinst.   t.    T      '  '  11 

III,  p.   1250.  —  verna  encore  son  ogliso  pendant  plus  de   onze  années,   mort 

Art.  rfc  \dr.  les  survenuo  le  20  novembre  1157,   les  évoques  s'étanl  assemblés 

2Kj"jj  201  '    ^    PO"''  'l'i  choisir   un  successeur,   Ainaury  eut  deux    puissantes 

protectrices   dans    la    comtesse    Sibylle  ,    femme   de   Thierri  , 

comte  de  Flandre,  et  sœur  de  Baudoin  III,  qui  régnait  alors, 

et  dans  Mélisende,    fille  de   Baudoin  II,   épouse  de   Foulques 

le  jeune,  et   mère  du  roi  :  sa  mère  et  non  sa  sœur,  comme 

Liv  VII  i  tii    '^   disent    Fleury,    dans   son   Histoire   Ecclésiastique,    et    les 

T.  I,  p.  '2(»i.  auteurs  de  l'Art  de  vérifier  les  dates.  Leur  protection  se  montra 

r.uiii.    lie    jy  efficace,  les  évèques  nommèrent  Amaury  à  la  place  du  patriar- 

avail    coiiiinls    'a       ,       _,         ,  j  ,,,      .■  r    .  .  ■  r  v     i 

che  Foucher    L  élection  ne  fut  pas  bien  contorme  aux  régies, 


mcme  erreur. 


suivant  Guillaume  de  Tyr  ;  aussi  n'eul-elle  pas  lieu  sans 
opposition  ;  Hernèse,  larchevêque  de  Césarée ,  et  Raoul  , 
évoque  de  Bethléem,  rallaquôrenl.  Adrien  IV  était  assis  sur 
la  chaire  pontificale.  Amaury  envoya  auprès  de  ce  pape  un 
évoque  de  ses  partisans  et  de  ses  amis,  qui  le  défendit  avec 
d'autant  plus  de  facilité  et  de  succès,  que  les  deux  prélats 
qui  l'avaient  dénoncé  étaient  restés  en  Orient,  et  qui  ne 
partit  pas  de  Rome,  sans  en  rapporter  le  pallium  destiné  à 
Amaury.  Celui-ci  en  était  peu  digne,  s'il  est  vrai,  comme 
Liv.  xviii,  l'affirme  Guillaume  do  Tyr;  que  quoiqu'il  ne  fût  pas  dépourvu 

S-  '^  de   lumières,  il  était  d'une    grande  simplicité,  et  d'un  esprit 

bien  peu  propre  aux  affaires  :  j'adoncis  même,  en  le  tradui- 
sant, l'expression  de  l'historien;  car  il  dit,  pœnè  inutilis,  qu'il 
n'était  guères  propre   à   rien.    11   le  caractérise  de  même,  et 

Liv.  XXII.  j  i  avec  les  mômes  mots,  dans  un  des  livres  suivans,  au  mo- 
ment où  il  parle  de  sa  mort  Un  autre  passage  de  Guil- 
laume de  Tyr  nous  annonce  qu  il  avait  dû  en  grande  partie 
.son  succès  à  Rome,  aux  présens  qu'il  y  fit  faire,  multâ  inter' 
veniente  munificenlià. 


AMAURY,  l'ATRIARCHE  DE  JÉRUSALEM.  163 

Le  18  février  1 1 62!,  il  sacra  le  nouveau  roi  de  Jérusalem,     xii  sikcle. 

Amaury  l8^  qui  venait  de  succéder  à   Baudoin   III,   son  frère;  ' 

nous  disons,  le  18  février  1 1G2  ;  Guillaume  de  Tyr,    il  est  vrai,      Cuiii.  de  t>t, 

au  commencement  du  19^  livre  de  son  histoire,  place  en   1163    '*'        '   '' 

le  sacre  de  Baudoin  ;  mais  c'est  une  faute  visible   de   copiste, 

ou  une  inadvertance  de  l'auteur,  puisque  lui-même  lie   cette 

cérémonie    à  la    3»  année   de    la    papauté    d'Alexandre    III, 

qu'on  sait  avoir  été  élu  le  7  septembre  1159.  Notre  patriarche 

sacra    encore  Baudoin    IV,   fils    et  successeur    d'Amaury  1*',     Cuiii.  de  Tyr, 

au  mois  de  juillet   1173.    Il  sacra   également,   le  8  juin   de  J^'  (fr^'c^ris^ 

l'année  suivante,  le  prélat  historien   que  nous  avons  déjà   cité  i.  m,  p.   1231. 

plusieurs    fois,    Guillaume,    quand    il    devint    archevêque    de  ,  *'"'"•  '^^  '>'' 
»:  '  '    ^  **  i.v.  XXI.  s  0 

Tyr. 

Le  patriarche  Amaury  avait  été  nommé,  en  1168,  pour  aller, 
en  Occident,  implorer  le  secours  des  princes  chrétiens;  mais 
il  fut  à  peine  embarqué,  qu'une  tempête  violente  se  fit  sentir, 
et  le  menaça  du  naufrage  ;  l'orage  appaisé,  ses  compagnons  et  cuiii  do  Tyr. 
lui  ne  crurent  pas  devoir  continuer  leur  voyage;  ils  revinrent  ''*  xx,  5  13. 
dans  le  port  d'oii  ils  étaient  partis,  et  d'autres  prélats  furent 
députés  pour  le  même  objet  vers  les  principaux  rois  de 
l'Europe. 

Il  avait  présidé,  en  1160,  le  concile  tenu  à  Nazareth,  dans      „  ...    ,    ,,, 

r  '  '  '  Guill.  de    lyr. 

le  temps  qu'Alexandre  el  Victor  se  disputaient   la  chaire  pon-  iiv     xvui.    j. 
tificale  ;  assemblée  dont  l'objet  principal  fut  de  décider  si  l'on  ^9 
recevrait  et  reconnaîtrait  un  légat  d'Alexandre,  qui  était  venu 
en  Orient. 

II  mourut  au  mois  d'octobre  1180,   et  non   1181,  comme   le        Ccni.  12,  r. 
disent  les  continuateurs  de  Magdebourg  ;  la  22e  année  de  son  ^^-  i"  ^^'" 
pontifical,  et  la  8«  du  règne  de  Baudoin  IV. 

Guillaume  de  Tyr  l'appelle  à  plusieurs  reprises  un  homme  de 
bonne  mémoire  ;  mais  il  y  joint  toujours  le  reproche  d'une  sim- 
plicité trop  grande,  et  d'une  profonde  nullité. 

Amaury  fut  le  huitième  des  patriarches  de  Jérusalem,  depuis 
que  les  Croisés,  à  la  fin  du  11*  siècle,  après  avoir  élu  au  trône 
Godefroi  de  Bouillon,  voulurent  avoir  aussi  un  patriarche 
latin. 

Il  nous  reste  quatre  lettres  du  patriarche  Amaury,  dont  trois 
sont  adressées  à  Louis-le-Jeune,  et  une  à  Henri,  archevêque  de 
Reims. 

Dans  la  première  (1),  qui  est  de  l'année   1169,  et  la  347* 

(1)  P.  690.  Elle  est  la  sixième  de  celles  de  Bongars,  t.  I,  p.  1174. 

X8 


164  AMAURY,  l'ATRIAKCHE  DE  JÉRUSALEM. 

XII  SIECLE,     du  tome  IV  de  la  collection  d'André  Duchesne,  après  avoir  rap- 

pelé  à  son  très-cher  fils  Louis  (car  le  roi  de  France  est  également 

pour    lui  carissimus  in  Christo  filius)   toutes    les    oppressions 

qu'exercent  les  intidèles,  et  tous  les  dangers  que  courent  les 

chrétiens,  il  lui  recommande  instamment  un évéque  de  Palestine, 

qui,  animé  par  la  piété  la  plus   vive  et  la  plus  courageuse, 

n'avait  pas  craint  de  traverser  les  mers,  de  s'exposer  aux    plus 

grands  périls,  pour  aller  solliciter  les  moyens  de    relever  une 

église  détruite  par  les  ennemis,   église   antique  et  célèbre,    la 

première  qui  ait  reconnu  et  proclamé  que   Jésus-Christ  est  fils 

du  Dieu  vivant,  l'église  oîi  samt  Pierre  mérita   que  les  clés  du 

ciel  lui  fussent  confiées,  et  reçut  la  puissance  do  lier  et  de  délier 

sur  la  terre. 

Bon-,  t.  I,       Celte  lettre,  q  ù  o.^l  placée  la  première  dans  le  recueil  d'André 

p.  1174.  —  Du-  Duchesne,  n'est  que  la  seconde  dans  le  Gesta  Dei  per  Francos, 

!^n?"'  ''..'^  '  ^,'  dont  Boni'ars  est  l'éditeur  ;   il  a  placé   la   première,   celle   dont 

Fr  (.  x\  i.p.ius.  nous   allons    parler,    (jui    est    la   seconde    dans   le   recueil   de 

Diicliesne. 

Le  palriarciie  y  riVliUiii!  K's  hieiifails  d.i  monarque,  en 
faveur  de  ces  pauvres  it'pre. IX,  que  leur  inlinuilé  relient  hors 
des  murs  de  Jérusalem,  ipii  y  vivent  empri.soniiés  loin  des 
regards  des  hommes  :  le  roi  a  été  lui-même  témom,  il  a  vu 
de  ses  propres  yeux  jusqu'à  quel  point  ils  sont  tourmentés. 
Les  infirmes,  les  indigens,  allluent  ici  de  toutes  les  parties 
du  mou  le;  les  ress:)ur(;i's  iiianq  iiinl  à  l'église  d'Orient,  frap- 
pée elle-même  de  tant  de  maux,  pour  subvenir  à  tous  leurs 
besoins.  La  date  de  celle  lettre  n'est  pas  connue.  J'avoue 
même  qu'il  s'est  élevé  dans  mon  esprit  quelques  doutes  sur 
son  auteur.  Bongars,  Duchesne  et  M.  Brial  n'ont  pas  hésité 
à  la  reconnaître,  comme  écrite  par  Amaury,  patriarche  de 
Jérusalem,  et  elle  porte  le  nom  de  ce  prélat  dans  leurs  diffé- 
rentes collections.  Ce  qui  peut  justifier  leur  opinion,  c'est  le 
passage  même  de  la  leltrn  oii  Amaury  observe  que  le  roi  a 
été  lui-même  témoin  de  tous  les  maux  que  souffrent  les 
lépreux.  Louis  Vil  effectivement  était  allé  dans  la  Terre- 
Sainte,  en  1147,  et  était  revenu  en  France  en  1140:  Amaury 
ne  devint  patriarche  que  quelques  années  après,  en  1157: 
ces  dates-là  n'ont  rien  qui  s'oppose  à  ce  que  dit  la  lettre. 
Mais  le  commencement  de  celte  lettre  même  semble  rap- 
peler comme  nouveau  un  fait  bien  antérieur  à  la  croisade  et 
au  patriarchal  d'Amaury  ;  l'avènement  d&  Louis  VII  au  trùne. 
Quoniani,   dit-elle,    palerni    rcgni    solium    conscendere    vos 


AMAURY,   PATRIARCHE  DE  JÉRUSALEM.  165       . 

fecit  divina  dispensatio,  pro  gratta  vobis  collatâ,  divinam  Xii  siècle. 
interpellamus  clementiam ,  ut  vitam  vestram  prospéré  pro-  "~~ 
longet  Deus  ac  foveat,  et  post  hujus  vitx  terminum  vitam 
vobis  tribuat  sempiternam.  Celle  phrase  ,  ces  mots  sur- 
toul,  et  même  les  vœux  qui  suivent,  ne  paraissent-ils  pas 
s'appliquer  à  un  événement  assez  nouveau?  Or,  il  y  avait 
vingt  ans  que  Louis  VII  était  roi  quand  Amaury  monta  sur 
le  siège  de  Jérusalem  ;  il  y  passa  vingt-trois  ans  ;  même  en 
datant  sa  lettre  des  premières  années  de  son  patriarchal,  est- 
il  vraisemblable  qu'il  l'eût  commencée  en  parlant  au  roi  d'un 
événement  qui  avait  dcja  vingt  ans  au  moins,  trente  peut-être, 
peut-être  davantage  encore? 

Dans  la  troisième  leUre  au  roi,  oîi  je  remarque  qu'il  ne  Bong.  p.  iiso. 
l'appelle  plus  mon  très  cher  fils,  comme  dans  les  deux  pre-  ~  '^"'^'*  p  *'^^- 
mières.  Amaury  le  remercie  de  ses  libéralités,  et  lui  recommande  Z  xv"  p^''  le? 
un  chanoine  du  Sainl-Sépulchre. 

Ily  a   une  qualrième  lellre,  elle  est  adressée,  comme  nous  Duch^sne, 

l'avons  dit,  à  rarchevê(pni  di^  Reims  :  c'élail  H^mri  de  France,    P'  ^'^"^  ~   **''*• 
frère  de   Loiiis-le  Jeune.    Le    palnarch^^    y     retrace    tous   les  *!!  M8,i.''AmpL 
malheurs  de   léglise  dOri'nl,    sun    impuissance   absolue    pour  t^oli.  t.    n,    p! 
satisfaire   à  tant  de  besoins  et  soulager  tant  de  maux  :   c'est  ^^' 
aux  fidèles  d'Occidenl  à  l'aider,  à  la  secourir;   les  y  exciter 
est  l'intérêt   et  le  devoir  de  tous  ceux  à  qui  les  fonctions  pas- 
torales sont  confiées.   Il  l'engage  aussi,  vers  la  fin  de  sa  lettre 
à  faire    lous  ses   efforts    pour   réconcilier  le  roi    d'Angleterre 
(c'était  Henri  II)  avec  son    fils    (il  aurait  pu   dire,    ses  fils), 
afin  qu'ils  pussent  songer  efficacement  à  la  défense  des  chré- 
tiens d'Orient.  Celte  leltre  est  de  l'an  1174  comme  celle  qui 
fut  écrite  au  même  prélat,  pour  le  même  objet,  par  Amaury, 
roi  de  Jérusalem,  et  que  nous  avons  analysée  dans  l'article 
consacré  à  ce  roi.  p.  ,  xnrp.^i."- 


166 

Xll  SIECLE.      " 


PHILIPPE. 

A  H  U  !■;       IJ  K      L  A  l  M  11  N  h. 


HKCHKUCHKS    SliH  SA    l-KUSONM']. 


Cal 


un 

ne- 


i.  n 


Ducnn^c.  i\N    a    long-teni[)S  confondu   ici    ablK!    cistercien     avec 
al.   des    aut.   "g„j,.g  jg  luèuie  uoni ,  surnommé   Harveng,  ahlié  de  Bon 

Espérance,  de  Tordre  des  Prémonlrés  II  ilail  d'aulanl  [)lus 
aisé  de  tomber  dans  celle  méprise,  (lue  ces  deux  auteurs 
vivaient  dans  le  même  temps,. et  que  le  prémonlré  élait  plus 
connu  que  le  cistercien.  Mais  (le|)uis  (pi'on  a  publié  les 
lettres  de  ce  dernier,  il  n'est  plus  piMiuis  de  ronlbndre  leurs 
personiuîs,  et  ce  serait  inntdemrnl  que  nous  accumulerion.s 
les  preuves  fiour  établir  ({ue  c(!  sonl  deux  auteurs  dillVions. 

Mais  on  trouve,  à  la  même  épi)(|iie,  dans  1  ordie  de  Cilcaux. 
deux  Piiilippes,  contemporains  do  <aiiil  Hernard  ;  l'un  qui 
avait  été  arclievèipie  de  Taienle  dauN  la  l'ouillc,  laulre  archi- 
diacre de  l'éf^lise  do  l.iéi^e.  Lopinion  commune  des  savans 
est  que  l'ancien  arciie\ô(|ue  de  l'annle  csl  celui  qui  sciant 
fait  relit-'ieiix  à  (:iair\aii.\,  lui  daii>  !..  .Miilr  abbe  de  l'Aumône 
ou  du  petit  Cîleaux  pri;.s  di;  Hloi?  (',  est  le  sonlimenl  de 
Mabillon,  du  Gallia  cliristiana,  do  i)  l.iion  ,  d'Oudin  ,  de 
l'abriciiis,  tlo  lous  liis  lustoriens  de  Idrdn-  de  Cîteaux.  Nous 
làclierons  ik'  prouver  (|ue  I  abbe  de  l'Aumône,  dont  nous 
avons  des  ocnls,  n  est  autre  ipie  l'anludiacre  de  Liéire. 

Si  Ton  pouvait  admettre  (jue  I  ancien  ar<lievè(jue  de  Tarcnte 
soit  devenu  abbé  de  l'Aumône  ,  nous  serions  en  état  do  le 
faire  connaître  un  peu  mieux  qu  il  ne  la  été  jusqu'ici.  Nous 
dirions  (ju'il  élail  né  à  Fontaines,  dans  une  terre  dépendante 
de  l'abbaye  de  l.aubes,  au  diocèse  d(r  (Cambrai,  et  nous  cile- 
>i>ini  in  loi  , JQ„>;  lauliMir  des  Gesles  des  abbés  de  ce  monastère  ,  qui 
'  ''  '■*  dit,    en  citant   le  décret  lancé  conire  IMiili()pe  au  concile  de 

F-atrandelan  113'.t,  de  noslris  quidam  Philippus,  de  familià 
ecctesix  Fonlanis  oriiindus  ,  lune  lemporis  de  Turonensi 
electo ,  à  l'elro  (Anaclelo)  cui  adhapseral ,  Tarentimis  épis- 
copus  l'actus,  irrecuperobililer  sacerdolali  gradii  damnalus  est. 


XII    SIFXI.F.. 


PHILIPPE.    ARBli  DK   L'AUMONE.  1f)7 

Nou.s  (lirions  qu'il  élail  neveu  ilc  Gilbert,  mort  archevf'que 
de  Tours,  l'an  1124;  (|iic  son  oncio  lavait  nommé  chanoine 
de  celle  é.qlise  ;  qu'à  la  mort  de  l'archevr-que  Hildcbert,  arri- 
vée lan  1133  ou  1134,  il  fut  élu  d'une  manière  assez  irrégu- 
lièr(!  archevêque  de  Tours  par  une  partie  da  clergé,  et  nous 
renverrions  aux  lettres  de  saint  Bernard,  (lui,   ayant  été  délé-      ^•='""  ""P-  '^• 

,  ,  ,  ,,  .  —     Ibid.      cpist. 

gué  par  le  pape   Innocent   II   pour  termmer   celte  contesta-   ap„j  j,ari.  t.  i 
lion,   avait    déclaré  nulle   l'éleclion   de  Philippe;  qu'alors  il  se  Am|.i.    Coll.   p. 
jeta  dans  le  parti  de  l'antipape  Anaclet,  (jui  lui  donna  l'arche-  ^''"• 
véché  de  Tarcnle,    comme  nou^  l'avons  dit  d'a|)rès  les  Gesles 
des  ahhés  de  Laubes. 

Nous  dirions  enfin  qu'il  était  à  Rome  lan  1137,  lorsque 
saint  Bernard,  pour  le  délarlier  du  parti  d'Anaclel,  lui  écrivit, 
de  Vilerbe,  la  letUx!  1.">l ,  dans  laquelle  il  se.  jette  pour  ainsi 
dire  à  ses  pieds,  afin  de  le  ramener  au  sein  de  l'église;  qu'ayant 
été  dégradé  et  privé  de  toute  fonction  ecclésiastique  au  con- 
cile de  Lalran  de  l'an  1  139,  Pliilippe,  revenu  d(;  ses  égaremen.s, 
prit  le  parti  de  .s'enfermer  pour  toujours  dans  la  solitude  de 
Clairvau.K. 

SainI  Bernard,  Kiiili'nl  dr  1  avoir  [)arnii  .ses  enl'ans,  voulut 
adoucir  son  sort,  rt  tempérer  la  rigueur  de  la  .sentence  qui  avai( 
été  porlée  contre  lui  II  l'ciivil  en  sa  l'avrur  au  paju'  Illugrncî  lil,  "''"'  'I'-  -"• 
et  nialgtc  le  crédit  dont  il  jouissait  aupri;s  du  souverain  ponlii'e, 
tout  ce  qu'il  put  obtenir  pour  lui.  vo  lui,  selon  le  catalogue  des 
prieurs  de  Clairvaux  cité  par  .Alabillou,  qu'il  pourrait  exercer  à 
l'autel  les  fonctions  de  diacre  :  (.ui  de  mise?-icordi'i  concessum  ii"<t  in  ik-Hs. 
esl  esse  in   officio  diaconi. 

Cependant  c'est  cet  homme  Iléiri  et  tombé  dans  l'humilia- 
tion, pour  lequel  soinl  Bernard  o.sait  à  [)eine  demander  une; 
j)elite  faveur,  cest  c(>t  homme  (ju'on  prétend  avoir  élé  nommé 
prieur  de  Claiivaux  par  le  choix  de  saint  Bernard.  M  est  vrai 
que  le  catalogue  des  prieurs  de  Clairvaux  le  dit  expressément  ;  iicuriquei , 

mais  cet  écrit,  dont  on  ignore  l'âge  et  I  auteur,  n  est  pas  d'une  Fa>çicui 
autorité  assez  grande  pour  fixer  l'opinion,  sur  -  tout  lorsqu'on 
connaît  un  autre  Phili[)pe  (pii,  dans  le  même  temps,  était  à 
Clairvaux,  (pii  était  beaucoup  plus  digne  de  cet  honneur, 
et  avec  lequil  il  a  élé  facile  aux  écrivains  postérieurs  de  con- 
fond] e  le  faux  évêipie  de  Tare  nti\ 

Nous  pensons  donc  que  labbé  de  I  Aumône,  dont  il  reste 
des  écrits,  n'est  autie  que  cet  archidiacre  de  Liège,  qui,  à  la 
fin  d(!  M4G,  accompagnait  saint  BernartI  allant  prêcher  la 
croi.sade  en  Allemagne  ;  lecjuel  ayant    été  témoin   des  miracles 


II.  .|>.    tl!<. 


168  PHILIPPE,    ABBÉ  DE  L'AUMONE. 

XII  SIECLE,     dont  il  a  composé  uue  relation,   se  rendit  à  Clairvaux  pour  y 

embrasser  la  vie  monastique,  comme  il  le  dit  lui-même  dans  sa 

relation;   et   qu'enûn  saint  Bernard,  connaissant  son  mérite, 

l'avait  mis  à  la  tête  de  sa  communauté. 

Tissier,  Bibi.       11  est  Certain  qu'à  la  mort  de  saint  Bernard,   c'est-à-dire 

Pair.  Cist.  I.  I,  ig^  -1153   jj  y  avait  à  Clairvaux  un   prieur  nommé  Philippe, 

p.  167  pro    16b  .         "',      .  V        .,,.,..         A  rr  l 

que  ce  prieur  devint  peu  après  abbé  de  l  Aumône.  Le   ne  peut 
être  que  l'ancien    archevêque  de   Tarenle  ou  l'ancien   archi- 
diacre de  Liège  ;   et  dans  l'alternalive,  nous  ne  douions  pas 
qu'on  ne  pense  comme  nous,   que  c'est  à  ce  dernier  que   ces 
deux  posles  ont   dû  être  confiés  plutôt  qu'au   premier,  si  l'on 
fait  attention   que,  devenu  abbé  de  l'Aumône,  il   a  joui  d'une 
très -grande    considération   auprès   des  papes,  des  évoques  et 
des  souverains,    ainsi  qu'on    le  verra    par    la   notice   de  ses 
lettres    Ajoutons   que   dans  ces    lettres   il  n'y  a  pas  un  mot  qui 
rappelle  los  aventures  de  l'ancien  ardiovêque  de  Tarenle  Tout  ce 
Gaii.  chri-i.  q,,^  QQ,jg  savons  ,   depuis  la  mort   de  sainl  Bernard,   c'est  que 
'■        ' '^°  '     "  Philippe  était  déjà   abbé  de   I  Aumône,    l'an   1156,    selon    une 
Gevas.  Dorot).  ^uile   du   pape    Adrien    IV,    citée   par   les  auteurs    du    Gallia 
ad.  an.  11H3.  -  chrislianu ,    qu'en   1163   ou  ll6i,  il   fut   envoyé   par  le  pape 
Hisi      gnadiip.  y^i^.xaiKJre   III   en    Angleterre   pour  appuiser   le   dillérend    qui 

lib     I.     Cap.    'M.  "-"  '  '  '  I        /-. 

-  Hov.   ad  an.   sélail  élevé  entre   le  roi   Henri  II   et  larcheveque  de  Canlor- 

i""-  •  béry,   au   sujet  des    prérogatives    royales;   et  qu'd   n'était  plus 

abbé  l'an  1171,  car  on  trouve,  à  celte  année,  sa  souscription  à 

une  charte  de  Henri,    archevêque  de  Reims ,  en  ces  termes   : 

Philippus    gui    fuit    abbas    in    Eleemosynâ.    Nous    ignorons 

l'année  de  sa  mort;  maison  voit  qu'il  vivait  encore  l'an  1  174, 

puisque  parmi  ses  lettres  on  en  trouve  une  de  Henri,   arche- 

Tissicr  t    III    ^'^(^"^  ^^  Roims,  qui  ne  peut  avoir  été  écrite  avant  celte  année, 

p.  238.  '  et  dont  Philippe  fut  le  rédacteur.  Il  paraît  môme  que  l'an  1179, 

il  était  encore  de  ce  monde,  comme  nous  le  dirons  en  rendant 

compte  de  la  lettre  28. 

SES  ÉCRITS. 

\.  Après  avoir  établi  par  des  raisons  au  moins  probables, 
que  l'abbé  de  l'Aumône  est  cet  archidiacre  de  Liège  qui , 
après  avoir  accompagné  saint  Bernard  dans  son  voyage 
d'Allemagne,  s'était  fait  religieux  à  Clairvaux,  c'est  à  lui  que 
nous  devons  attribuer  la  première  relation  des  miracles 
Bern.  op.  ^ol.  opérés  par  le  saint,  laquelle  porte  son  nom  dans  toutes  les 
il,  col.  11(10        éditions.  Elle  est    divisée  en   cinq  chapitres,   et  contient  les 


Mart.    Anecd. 
t.  I,  col.  399. 


PHILtPPE,   ABBÉ   DE   L'AUMONE.  169 

guérisons  dont  lui  el  les  autres  compagnons  du  voyage  avaient  Xll  siècle. 
été  témoins  depuis  Francforl-sur-le-Mein  jusqu'à  Constance, 
et  depuis  Constance  jusqu'à  Spire.  Elle  fut  adressée  d'abord 
au  prince  Henri,  frère  du  roi  Louis-le-Jeune,  qui  était  pour- 
lors  novice  à  Clairvaux  ;  mais  dans  la  suite  elle  fut  envoyée 
à  Samson,  archevêque  de  Reims,  par  Philippe  lui-même, 
qui  prend  la  qualité  de  moine  de  Clairvaux,  frater  Philippus 
de  Claravalle.  A  en  juger  cependant  par  le  style,  celle  épîlre 
dédicaloire  n'est  pas  de  Philippe;  on  y  reconnaît  celui  de 
Nicolas  de  Moutier-Ramey,  qui,  à  cette  époque,  comme  il  NicoUi,  cp.  18. 
le  dit  lui-même,  éti^it  à  Clairvaux  le  secrétaire  des  autres 
religieux,  ou  le  reviseur  de  leurs  ouvrages.  Philippe  eut  part 
aussi  à  la  seconde  relation  des  miracles  de  sainl  Bernard, 
depuis  sa  sortie  de  Spire,  passant  par  Cologne,  Aix-la-Cha- 
pelle, Mastrichl,  jusqu'à  Liège:  mais  il  ne  paraît  pas  qu'il 
en  ait  été  le  rédacteur. 

2.  Ses  lettres.  Charles  de  Visch  en  a  publié  25  sur  un  ma-  gjy  cjjjg^ 
nuscril  de  l'abbaye  de  Saint-Amand;  et  Bernard  Tissier  en  p.  336  —  352. 
a    imprimé    40    qu  il    a   trouvées   dans  différens    manuscrits,    „.     "ibi.    P»tr. 

,  _  .    Cist.    I.     III  ,  p. 

c est-a-dire,  30  sur  le  manuscrit  de  Clairvaux,  et  parmi  237  —  2ti2. 
celles-ci  sont  comprises  les  25  publiées  par  de  Visch,  mais 
non  dans  le  même  ordre.  Le  manuscrit  de  Dunes  lui  en  a 
fourni  trois  autres  que  de  Visch  avait  déjà  publiées  sur  le 
manuscrit  de  Saint-Amand.  EnQn,  il  en  a  ajouté  encore 
sept  nouvelles  sur  la  foi  d'un  manuscrit  de  Foigni.  Les  édi- 
teurs ont  placé  à  la  lêle  des  observations,  pour  prouver  que 
ces  lettres  sont  de  l'abbé  de  l'Aumône,  et  non  de  Philippe  de 
Bonne-Espérance,  el,  à  1  égard  du  plus  grand  nombre,  leurs 
argumens  sont  conchians  ;  mais  il  en  est  d'autres  que  les  Pré- 
monlrés  pourraient  aussi  revendiquer  pour  leur  confrère. 
Nous  allons  analyser  les  plus  imporianles,  en  suivant  l'ordre 
du  [)remier  éditeur,  et  marquant  à  la  marge  le  numérotage  du 
second. 

La  première  est  écrite  au  nom  de  deux  cardinaux  légats  Tissier,  ep.  4 
que  le  pape  Alexandre  III  avait  envoyés  en  France,  l'an  1  160,  p-  2*i- 
pour  démontrer  la  lé^iliuiilé  de  son  élection,  et  déterminer 
en  sa  faveur  le  roi  et  l'église  gallicane.  Celle  lettre  est  adressée 
à  tous  les  évêques,  abbés  et  autres  prélats  de  la  chréiienlé, 
et  a  pour  objet  de  détruire  les  raisons  ou  les  fausses  alléga- 
tions du  conciliabule  de  Pavie,  qui,  influencé  par  l'empereur 
Frédéric  Barberousse,  s'était  déclaré  pour  l'antipape  Victor. 
Philippe  a  mis  son  nom  à  la  suite  de  celui  des  deux  légats 

Tome  XIV.  Y 

1    3    . 


170  PHILIPPB,  ABBÉ  DE  L'AUMONE. 

xn  SIECLE.     Henri  *t  Qlton,  avec  la  qualité  de  minister  paupertem  Christt 

de  Eleemosynâ. 
Spicii.    iD-foi.       Oo  voit  par  une  autre  lettre  qui  n'est  pas  dans  la  coHec- 

t.  1»,  p.  27.  jJQjj^  ijjgjj  qyg  Dacheri  a  publiée,  que  le  pape  Alexandre 
l'avait  chargé  de  négocier  en  sa  faveur  auprès  du  roi  de 
France  et  de  celui  d'Angleterre.  Philippe  rend  compte  au 
(lape  du  6UCCQS  de  ses  démarches  ;  il  annonce  que  les  deu^ 
princes  ont  reconnu  son  bon  droit,  mais  que  des  raison»  de 
politique  les  empêchent  de  se  déclarer,  parce  qu'étant  en 
guerre,  ils  s'observaient  mutuellement  ;  qu'on  espérait  cepen- 
dant qu'ils  ne  tarderaient  pas  à  se  déclarer,  parce  qu'or  tra- 
vaillait à  les  réconcilier. 
Bouquet,  t.       On  peut  jui^er  par  ces  deux  lettres,  qui  ont  été  reproduites 

762    **    "'"'  *'  '^^'^  '^  collection  des  historiens  de  France,  à  quel   degré  de 
considération  était  parvenu  l'abbé  de  l'Aumône,  auquel  on  con- 
fiait des  intérêts  d'une  si  haute  importance, 
lissier,  ep.  12       La  seconde  et  la  troisième  lettres  sont  relatives  à  un  procès 

ei  13,  p.  2i4.  entre  l'abbaye  de  l'Aumône  et  celle  de  Ponllevoi,  au  sujet  de 
certaines  dîmes  dont  les  Cisterciens  se  croyaient  exeflapts.  Ces 
deux  lettres  sont  postérieures  à  l'an  H68,  puisqu'on  s'y 
pourvoit  par  appel  au  tribunal  de  Guillaume,  archevêque  de 
Sens,  comme  légat  du  siège  apostolique  :  dignités  dont  ce  prélat 
ne  fut  revêtu  que  cette  même  année. 
liiâ  ep.  u       La  quatrième  et  la   cinquième   prouvent   combien  on  a  eu 

et  13,  p.  2*5.  jQfj  d'attribuer  à  l'abbé  de  Bonne- Espérance  les  lettres  de 
Philippe  de  l'AuBoône.  Dans  la  4«  on  voit  que  l'abbé  de  l'Au- 
mône avait  visité,  comme  une  fille  et  une  dépendance  de 
son  monastère,  l'abbaye  de  Landais  en  Bretagne  ;  et  dans  la 
5*  celle  de  Bégard,  au  diocèse  de  Tréguier,  sur  lesquelles  il 
est  absurde  de  dire  que  l'abbé  de  Bonne-Espérance  ait  pu 
exercer  ancuoe  juridiction. 
ibid.  ep.  ifi,       La  sixième  est  adressée  à  Guillaume,  archevêque  de  Sens, 

"*■  et  doit  être  postérieure,    comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 

à  l'année  H68.  Celle-ci  a  pour  objet  défaire  rendre  à  un 
curé  de  son  diocèse  une  somme  d'argent  qu'il  avait  prêtée 
sans  intérêt  à  un  archidiacre  d'Orléans,  appelé  Hugues,  à  la 
prière  de  l'abbé  de  l'Aumône. 
ibid.  cp.  17,  La  septième  à  Hubalde,  cardinal-évôque  d'Oatie,  est  écrite 
pour  demander  la  sépulture  d'un  Anglais,  qui,  ayant  causé 
quelque  dommage  à  l'église  de  Troie  en  Champagne,  avait 
été  excommunié  par  t'évéque,  ol  puis  absous,  à  condition 
qu'il    réparerait  le  dommage.    Cet  homme,  ayant   été  lue  à 


•iifi. 


PHILIPPE,  ABBÉ  DE  L AUMONE.  Hl 

l'aro^ée  avant  que  d'avoir  pleiDemeut  satisfait,  avait  été  privé  xii  siècle! 
de  la  sépulture  ;  et  son  fils,  encore  en  bas-âge,  n'avait  pas  — ~~— ~ 
songé  à  acquitter  sa  promesse.  Parvenu  à  un  âge  plus  avancé, 
il  demandait  à  remplir  les  engagemens  de  son  père,  afin 
d'obtenir  pour  lui  les  honneurs  de  la  sépulture;  et  c'est 
l'abbb  de  l'Aumône  qui  fut  chargé  de  la  demander  au  pape , 
vraisemblablement  dans  le  temps  qu'il  faisait  son  séjour 
à  Sens. 

La  huitième  et  la  neuvième  ont  pour  objet  de  mettre  à*l'abri  Tiwier,  ep.  18 
des  poursuites  de  ses  créanciers  un  archidiacre  de  l'église  *'  '^'  p-  ^*^' 
d'Orléans,  appelé  Hugues  de  Rueneuve,  qui,  s'étanl  fait  reli- 
gieux, avait  délégué  son  patrimoine  pour  payer  ses  dettes, 
mais  un  de  ses  neveux  ne  voulait  pas  s'en  dessaisir.  Philippe 
supplie  le  pape  Alexandre  III  et  le  roi  Louis-le- Jeune  d'inter- 
poser leur  autorité  pour  contraindre  le  neveu  à  exécuter  les 
volontés  de  l'oncle.  Ces  deux  lettres  sont  de  l'an  11 65  ou  H  66, 
car  dans  celle  au  roi  il  le  félicite  sur  la  naissance  de  son  fils. 
Celle  au  pape  Alexandre  a  été  imprimée  pour  la  troisième  fois      **'''•  ^°®**'- 

^     i-v    Tii     .  '•  '.  col.  993. 

par  D.  Marlene. 

Dans  la  dixième  à  Henri,  comte  de  Champagne,  Philippe     xissier,  ep.  20, 
demande  des  secours  pour  aider  l'abbé  de  la  Cour-Dieu,   au  p-  ^*^- 
diocèse  d'Orléans,  à  rebâtir  son  monastère.   Il  fait  un  grand 
éloge  des  largesses  du  prince  qui  lui  ont  mérité  le  Kurnom  de 
libéral. 

Nous  avons   trois   lettres   de  Philippe  à   Henri  de  France, 
archevêque  de  Reims,  qui  prouvent  le  cas  infini  que  ce  prélat 
faisait  de  l'abbé  de  l'Aumône,  avec  lequel  il  avait  fait,  selon 
nous,  son  noviciat  à  Clairvaux.  Dans  la  première,  qui  est  la        ««*.  ep.  28, 
onzième  de  la  collection,  Philippe  le  remercie  en  bons  termes  •*'  ^**' 
de  la  bonté  qu'il  avait  eue  de  nommer  à  une  prélature  uo  de 
ses  parens,  sans  qu'il  l'en  eût  prié  ni  qu'il  eût  fait  pour  cela 
aucune  démarche  auprès  de  lui.  Nous  pensons  que  ce  parent- 
est  André,  abbé  de  Vaux-Sernai,  nommé  à  l'évêché  d'Arras, 
non  l'an  -1161,  comme  l'ont  dit  les  auteurs  du  Gallia  chris- 
tiana,  mais  l'an  1164.  La  seconde  lettre  a  été   publiée  par 
D.  Marlene  et  par  D.  Tissier.  Elle  est  encore  un  témoignage       j^^,  ,    c,,, 
de  l'étroite  amitié  qui  unissait  ces  deux  personnages.  Philippe  t.  n.  coi.  wi. 
était  tombé  malade,  et  le  prélat  s'était  empressé  de  lui  envoyer  Z  '"'"j!^'    *P' 
un  homme  de  confiance    pour   le   soigner,   avec  une  lettre     '  "* 
dans  laquelle  il  lui  témoignait  le  vif  intérêt  qu'il  prenait  à  sa 
conservation.  Philippe  lui  écrit  pour  le  remercier,,  et  l'assurer 
que.  si  sa  saïUé  se  rétablit,  il  le  doit  au  plaisir  qu'il  a  éprouvé 


172  PHILIPPE,  ABBÉ  DE  L'AUMONE. 

XII  SIECLE,      en  recevant  sa  lettre,  et  aux  soins  de  la  personne  qu'il  lui  a 
envoyée.  Enfin,  sa  sanié  s'élant  rétablie,  il  lui  renvoie  ce  servi- 
teur officieux  en  lui  renouvelant  toute  sa  reconnaissance.  Cette 
Tissier,  p. 2ril.  troisièuio  jiîlire  à  HLMiri  ne  se  trouve  que  dans  Ki  bibliothèque 
des  pères  de  Cîleaux,  par  D.  Tissier,  qui  l'a  tirée  d'un  manus- 
crit de  Foigni.  Ces  deux  dernières  lettres  sont  postérieures  à 
l'abdication  de  Philippe,  c'est-à-dire  à  l'année  1l7l.  Il  paraît 
qu'à  celte  époque  il  demeurait  non  loin  de  Reims,  et  que  le 
ibid.  p.  238.    prélatine  tarda  pas  à  l'atiirer  auprès  de  lui.  En  effet,  Philippe 
fut,  en  1174,  le  rédacteur  de  la  lettre  que  ce  prélat  écrivit  au 
pape  pour  dénoncer  le  choix  irrégulier  qu'on  avait  fait  pour 
remplir  le  siège  de  Cambrai  d'un  certain  Robert,  prévôt  d'Aire, 
et  riiomme  de  confiance  du  comte  de  Flandre,  déjà  nommé  à 
l'évêché  d'Arras. 
ibié.  p.  250.        La  douzième  lettre  de   Philippe  est  adressée  à   l'abbé   de 
S.  Michel  en  Thierrache,  qui  n'est  désigné  que  par  la  lettre  B. 
Mais  dans  le  catalogue  des  abbés  de  ce  monastère  nous  n'en 
trouvons  aucun  dont  le  nom  commence  par  cette  lettre.  Elle  n'est 
pas  fort  intéressante,  n'ayant  pour  objet  que  d'intercéder  auprès 
de  lui  en  faveur  d'un  fermier  ou  d'un  homme  d'affaires,  Villicus, 
frère  du   prieur  de   Foigni,    que   l'abbé   de   S.    Michel   avait 
renvoyé. 

La  treizième  à  un  abbé  de  Liessies  en  Hainaut,  que  nous 
croyons  être  Wéderic  ou  Guerric,  lequel  fut  fait  abbé  de 
S  Vast  d'Arras,  l'an  1147  ou  1148,  contient  un  bel  éloge  de 
saint  Augustin.  Philippe  n'y  prend  pas  d'autre  qualité  que 
celle  de  Philippus  de  Claravalle,  nova  in  Christo  creatura, 
parce  qu'il  venait  d'embrasser  la  réforme  de  Cîteaux.  Il  loue 
le  goût  de  l'abbé  de  Liessies  pour  la  lecture  de  ce  père  de 
l'église,  et  offre  de  lui  faire  transcrire  à  Clairvaux  plusieurs 
traités  de  saint  Augustin,  qui  n'étaient  pas  à  Liessies,  s'il 
veut  envoyer  un  copiste  et  du  parchemin ,  parce  que  le 
volume  renfermant  ces  ouvrages,  était  trop  gros  pour  être 
déplacé. 
250.  Les  lettres  14  et  15  sont  écrites  à  un  abbé  d'EInone  ou  de 
S.  Amand,  au  diocèse  de  Tournai,  qui  n'est  désigné  que  par 
la  lettre  I.  C'est  l'abbé  Jean,  successeur  de  l'abbé  Hugues, 
décédé  au  mois  de  septembre  H 08  ou  1169.  Il  est  question 
dans  ces  lettres  d'un  service  qu'on  demandait  à  Philippe, 
pour  lequel  il  fallait  faire  un  voyage  au  cœur  de  l'hiver. 
Philippe  propose  d'attendre  la  belle  saison,  en  protestant 
qu'il  n'est   rien  qu'il  ne  fasse  pour   une   maison   qu'il  affec- 


Ibid.  ep.  2i 
p.  248. 


PHILIPPE,    ABBÉ  DE    L'AUMONE.  173 

tienne  plus  qu'aucune    autre.    Il   n'était   plus   alors  abbé    de      xii  siècle. 
l'Aumône,  et  il  n'en  prend  pas  la  qualité.  . 

Dans    la  16^,  Philippe  écrit  conjointement  avec   l'abbé  de  la    Ti*'''^''-  «p-  21. 

■  •  n    2-4*7 

Cour-Dieu,  désigné  par  la  kltre  L,  qui  ne  peut  être  que  ^' 
l'abbé  Léger,  écrit,  disons-nous,  à  l'archevêque  de  Cantor- 
béry,  Thomas  Becket,  en  faveur  de  maître  G,  c'esl-à-dire, 
de  Girard  ,  surnommé  Pucelle,  célèbre  docteur  de  son 
temps,  lequel,  après  avoir  partagé  la  disgrâce  de  son  arche- 
vêque, et  son  bienfaiteur,  rappelé  par  le  roi  d'Angleterre, 
avait  consenti  à  retourner  dans  sa  patrie.  Ils  représentent  au 
prélat  que,  bien  loin  de  s'opposer  à  son  retour,  il  doit  y 
consentir  sans  restriction,  parce  que  dès  ce  moment  Girard 
sera  plus  à  portée  de  travailler  à  sa  reconciliation.  Cette 
lettre  est  de  l'an  1169,  à  en  juger  par  une  autre  du  pape  j^^  ""gve. 
Alexandre  III  au    roi  Louis-le-Jeune,  relative  au   même  objet. 

La  lettre  17  est  propre  à  nous  faire  connaître  la  famille  de  Tissier,  ep.  22. 
l'abbé  Philippe,  et  pourquoi  il  était  si  fortement  lié  avec 
l'abbaye  de  Saint-Amand.  Elle  est  écrite  à  nn  de  ses  parens, 
consanguineo,  nommé  Denis,  neveu  par  sa  mère  d'Absalon, 
abbé  d'EInone,  sous  la  conduite  duquel  il  avait  été  formé 
aux  lettres  et  à  la  vertu.  Philippe  l'exhorte  à  ne  perdre  jamais 
de  vue  un  si  beau  modèle. 

La  18^  n'a  rien  de  remarquable,  si  ce  n'est  qu'elle  est  /fciJ.  ep.  23. 
adressée  à  Etienne  de  la  Chapelle,  évoque  de  Meaux,  prélat 
d'un  grand  mérite,  qui  fut  fait  archevêque  de  Bourges  l'an 
1171.  Elle  a  pour  objet  de  lui  demander  une  cure  vacante 
dans  son  diocèse  pour  un  nommé  Adam,  frère  d'un  religieux 
de  Clairvaux. 

Henri   II,  roi   d'Angleterre,    et  sa    mère  l'impératrice  Ma-        ""«'•  «p    "' 
thilde,  avaient   fondé  en  Angleterre  deux  monastères   sous  la  ** 
dépendance  de  celui  de    l'Aumône.  Dans  la  suite,  le  roi  avait 
réuni  les   deux    en   un.   Philippe,   dans  la  lettre  19,   disserte 
longuement  sur  les  avantages  du   nombre  double  sur  l'unité, 
pour  prouver  au  roi  les  inconvéniens  de  cet  amalgame. 

La  lettre  20  est  adressée  à  un  comte  de  Leycester..  désigné  im.  cp.  0. 
par  la  lettre  R,  qu'il  appelle  son  ami.  Nous  croyons  que  p  2*2- 
c'est  Robert  I^'',  fils  de  Robert  de  Beaumont,  comte  de  Mou- 
lent, et  d'Elisabeth  de  Vermandois,  mort  l'an  1168,  ou  bien 
son  fils  de  môme  nom.  Ce  comte  avait  demandé  à  Philippe 
quelque  grâce;  il  la  lui  accorde,  moins  comme  un  bienfait 
que  comme    une  dette,  après  qu'il   a  tracé  le  portrait  d'uq 


Xri  SIECLE. 


Tissifr,  ep 
.  2i3. 


Ibid.  ep.  8, 


p.  2*3 


Ihid.  ep 
1(4. 


17*  PHILIPPE,   ABBÉ  DE   L'AUMONE. 

bon  prince,  sur   le  modèle   duquel    il  loue    Robert    d'avoir 

formé  son  gouvernement  et  sa  conduite. 

On  voîl,  par  la  lettre  2\ ,  à  quel  degré  d'intimité  Philippe 
était  parvenu  avec  Lancelin  III,  sire  de  Beaugenci,  non  loin 
de  l'Aumône.  Il  paraît  qu'à  cette  époque  Philippe  n'était  plus 
abbé,  et  qu'il  s'était  éloigné  du  pays  ;  mais  leur  amitié  n'avait 
rian  perdu  de  sa  force,  leur  correspondance  n'en  était  deve^ 
nue  que  plus  active.  Cette  lettre  est  l'efiFusioa  de  cœur  d'un 
véritable  ami  :  il  n'est  pas  possible  de  parler  plus  noblement 
de  l'amitié,  et  de  l'exprimer  avec  plus  de  charmes.  Philippe 
termipe  sa  lettre  en  priant  Lancelin  d'armer  chevalier  un  de 
ses  neveux,  et  d'accorder  sa  protection  à  uq  serviteyr  qu'il 
ovait  laissé  au  monastère  de  l'Aumône. 

La  22*  à  PhilippCj  abbé  de  Prémontré,  depuis  l'^o  1161 
jusqu'à  1171  ou  1472,,  a  pour  objet  de  réclamer  soq  iqdul-!- 
gence  poqr  yn  ami,  vraisemblablement  chanoine  prémoplré, 
en  faveur  duq^uçl  Henri,  archevêque  de  Reims,  «tv^il  guegi, 
écrit. 

La  ?3*  à  l'abbé  de  Crêpin,  qu'il  appelle  soq  ami*  W^is 
qu'il  ne  désigne  pas  même  par  la  lettre  initiale  de  sOft  rwm, 
n'est  pas  pins  intéressante  que  la  p^écédent^.  H  lui  recom-^ 
mande  une  affaire  que  le  porteur  de  la  lettre  dqi\  lui  ç^pU^ 
quer. 

Les  deux  dernières    bont  relatives    à    l'abdication  de    ÇOft 
ibn.  ep  io,  abbaye.    Dans  la  2i'",   il   annonce  à  Tliibaud,  couile  d'î  Blois, 
sénéchal    de  France,   qu'il    su  démet,    par   amour  du  repo^,, 
d'une  charge  qu'i^  n'avait  acceptée  qu'à  regret  ;,  il  le  prie., 
comme   fondateur   et  seigneur  territorial  de    l'abbaye,,   d'ac- 
corder aux  religieux  sa  protection,  sans  laquelle  ils  ne  po^r- 
jbij.  ep.  11,  raient   subsister.   Dans  la   2o«  aux  religieux  de  l'Aumône^  i^ 
'*  ■  les  absout  de  l'obéissancç  qu'ils    lui    avaient  vouée,    et    le,? 

exhorte  à  faire  un  bon  choix  pour  le  remplacer.  On  voit, 
par  cette  lettre,  qu'il  avait  éprou  /é  des  contradictions  et. 
peut-être  des  mortificî^tions  de  la  part  de  ses  confrèrçs,  ;,  il 
proteste  qu'il  a  tput  pardonné,  et  qu'il  n'en  gardera  aucfin 
ressentiment.  Ces  deux  lettres  sont  de  l'an  1171. 

A   ces  vingt-cinq   lettres,   Bernari  Ti^sier,  sur  la  fpi  4'un 

manuscrit  de  Clairvaux,  en  a   .ijouté  quelc^ues   autres  qui  nç., 

se  trouvent  pas  dans  la  bibliothèque  des  écrivains  de  l'ordre 

do  Cîleaux  par  D.  de  Visch. 

ibii.  ep.  «7.      La  27*  est  adressée  à  un  abbé  do  Prémontré,  dont  le  nom 

2«'. 


Tissier,  pp.  28. 


là,J.  »p.  2!). 


PHFLfPPE,  ABBÉ  DE  L'AUMONE.  175 

commence  par  la  lettre  H.  Ce  doit  être  Hugues  U,  qui  fut  abbé     xir  siècle. 
depuis  l'an  1172  jusqu'à  1189.  L'objet  de  celle  lettre  est  de 
réparer  la  faute  d'une  de  ses  nièces,  qui,  sans  l'agrément  de 
l'abbé,  s'était  fait  religieuse  dans  un  monastère  de  l'ordre.  11  prie 
le  général  des  Prémontrés  d'excuser  'a  légèreté  d'une  fille,  et 
d'approuver  une  démarche  en  soi  louable.  Le  père  Hugo  a  publié 
une  lettre  du  pape  Alexandre  III,  relative  à  cette  affaire.   Elle     Annal    Pra^m 
est  datée  dn  palais  de  Lalran,  le  18  mars,  et  est  adressée  à  t-  """"0!.  m'"' 
Guillaume,  archevêque  de  Reims,   par  conséquent  postérieure- 
ment à  l'année  1 176  ;  et,  comme  le  pape  Alexandre  ne  rentra 
dans  Rome  qu'en  1179,  il  sensuil  que  Philippe  peut  avoir  vécu 
jusqu'à  cette  année. 

Dans  la  28*  à  l'évêque  d'Arras,  que  nous  croyons  être  André 
son  parent,  dont  il  est  parlé  dans  la  lettre  11,  Philippe  lui  pro- 
pose de  prendre  à  son  service,  insatettitio  vestro,  un  maréchal. 
C'est  peut-être  un  maréchal  ferrant  ;  mais  peut-être  aussi  est-ce 
un  officier  de  sa  maison,  car  alors  les  évêques  n'étaient  pas  dis- 
pensés du  service  militaire. 

La  29*  lettre  est  adressée  au  doyen  de  l'église  de  Reims 
désigné  par  h  lettre  F,  pour  lui  recommander  un  jeune  clerc  qui 
voulait  ouvrir  une  école  dans  la  ville  ou  dans  le  diocèse.  Ce 
doyen,  que  Philippe  appelle  son  ami,  n'est  autre  que  maîlre 
Foulques,  qui  se  trouve  mentionné  en  cette  qualité  dans  des 
titres,  depuis  1 1 68  jusqu'en  1175. 

La  30-  est  relative  aux  troubles  que  l'empereur  d'Allemagne     ib,d  ep.  50. 
entretenait  dans  la  Belgique.  Ennemi  déclaré  du  pape  Alexan- 
dre III,  Frédéric  Barberousse  obligeait  tous  les  prélats  de  sa 
domination,  sous  peine  de  déposition,    à  souscrire   la   formule 
de  serment  qu'il  avait  prescrite  dans  une  assemblée  de  Wurs- 
bourg.  On  voit,  par  une  lettre  du  pape  Alexandre  III  à  Henri  de         Bouque.. .. 
France,  archevêque  de  Reims,  de  l'an   1171  ou   1172    que  ^^' P"  ^'• 
l'abbé  de  Saint-Guilain,  appelé  Léon,  ayant  refusé  le  serment 
avait  été  obligé  de  céder  sa  place  à  un  partisan   de  Fempereur' 
Le  pape  ordonne  que  Léon   soit  rétabli,  si  on   ne  peut  lui 
reprocher  que  le  refus  de  serment.   Mais  il  ne  paraît  pas  quTl 
lait  été,  car  on  voit  à  sa  place  un  nommé  Lambert.  Cest  à 
celai-ci  que  Philippe  écrit  la  lettre  30,  pour   lui  recommander 
deux    religieux,    qui,    ayant    suivi    labbé    Léon    dans    sa 
retraite,  desiraient,  après  sa  mort,    rentrer  dans  le  monastère 
Les    auteurs   du   Galiia  Christiana  n'ont  rien  compris  à  tout 
Cela. 

Les  trois  lettres  suivantes,  que  Bernard  Tissier  a  extraites  Tis.i.r.  p. 

251  et  suir. 


\16  PHILIPPE,  ABBÉ  DE  L'AUMONË. 

XII  SIECLE.  jj'yQ  manuscrit  de  l'abbaye  de  Dunes,  existaient  déjà  dans  la 
collection  de  Charles  de  Visch,  sous  les  n°'  12,14,15.  Le  manus- 
crit de  Foigni  lui  en  a  fourni  sept  autres  assez  peu  intéressan- 
tes :  lesquelles  étant  sans  suscription,  pourraient  être  contestées 
à  notre  auteur.  Cependant,  à  en  juger  par  le  style,  on  peut  croire 
qu'elles  sont  de  lui. 

Nous  nous  sommes  un  peu  étendus  sur  ces  lettres,  parce 
qu'il  n'y  en  a  guères,  dans  le  Xll«  siècle,  qui  soient  écrites 
d'un  style  plus  élégant  et  plus  poli,  et  que,  dans  le  nombre, 
il  s'en  trouve  quelques-unes  assez  intéressantes  pour  l'histoire. 
D'ailleurs,  nous  avons  cru  qu'on  nous  saurait  gré  d'avoir 
fait  connaître  la  plupart  des  personnages  auxquels  elles  sont 
adressées,  leur  nom  n'étant  indiqué  que  par  la  lettre 
initiale. 
Phiiippi  op.       A  ces  lettres  il  faut  en  ajouter  une,  qui   est  la  21"  parmi 

'•  ^'-  celles    de    Philippe,    abbé    de    Bonne-Espérance.    Elle    n'est 

nullement  dans  le  style  de  ce  dernier  ;  on  n'y  voit  point  ces 
consonnances  étudiées  et  répétées  à  chaque  membre  de  phrase, 
qui  sont  la  marque  caractéristique  de  son  style  ;  mais  tout 
concourt  à  nous  persuader  qu'elle  est  de  l'abbé  de  l'Aumône, 
le  style  certainement  digne  de  lui,  et  le  contenu  de  la  lettre. 
Elle  est  adressée  à  un  Guillaume,  qu'il  est  aisé  de  reconnaître 
au  portrait  que  l'auteur  en  fait.  C'était  un  jeune  homme  d'une 
grande  naissance,  qui  venait  d'être  placé  dans  l'église  sur 
un  siège  éminent.  Nous  ne  doutons  pas  que  ce  ne  soit  Guil- 
laume de  Champagne,  frère  de  Henri-le-Libéral,  et  de  Thi- 
baud,  comte  de  Blois,  auxquels  Philippe  écrivit  aussi  les  let- 
tres 10  et  20.  Guillaume,  étant  encore  très-jeune,  fut  nommé, 
l'an  1165,  évèque  de  Chartres,  et,  l'an  1168,  archevêque  de 
Sens;  il  fut  ensuite  transféré  à  l'archevêché  de  Reims,  l'an 
1176  Ce  qui  prouve  que  c'est  de  cette  dernière  translation 
qu'il  s'agit  dans  la  lettre,  c'est  que  l'aulour  compare  le  nouvel 
archevêque  à  Samuel,  chargé  de  sacrer  les  rois  :  Obtulil  qiiidem 
niihi  fama  illum,  illum,  inquam,  Samuelem,  qui  veterano  Hely 
loco  et  ofpcio  succedens,  eleclus  est  in  prophetam,  ut  ungal 
et   alios   tant  prophelas  quvm  7'eges,  etc. 

Philippe  lui  écrit  pour  le  féliciter  sur  sa  nouvelle  promo- 
tion ;  il  lui  en  ténioigne  sa  joie,  et  relève  son  rare  mérite. 
Après  lui  avoir  donné  des  inslnictions  pour  bien  gouvern(.'r 
son  diocèse,  il  le  prie  d'excuser  la  liberté  qu'il  a  prise, 
espérant  que  .sa  vieillesse  sera  un  motif  sulTîsant  d'excuse   à 


PHILIPPE,  ABBÉ  DE  L'AUMONE.  177 

l'égard  d'un  jeune  homme.  Il  est  vrai  qu'à  celle  époque  X"  siècle. 
Guillaume  n'élail  pas  si  jeune  (il  devait  avoir,  pour  le  moins,  Bcrn.  cp  ÎtT. 
Iren'e-six  ans,  si  l'on  fail  attention  que  dès  l'an  1151  son 
père  demandail  pour  lui  des  bénétices)  ;  mais  il  pouvail 
passer  pour  tel  à  l'égard  de  Philippe,  qui  était  à  la  fin  de 
sa  carrière,  et  qui,  d'ailleurs,  lorsqu'il  élait  abbé  de  l'Au- 
mône, avait  été  à  portée  de  le  cultiver  dans  sa  première 
jeunesse.  L'auteur  ajoute  qu'il  était  absent  lorsque  l'église 
de  Reims  procéda  à  l'élection  de  Guillaume  ;  et  celle  circon- 
stance convient  encore  à  l'abbé  de  l'Aumône,  qui,  comme 
nous  l'avons  vu,  avait  été  attiré  à  Reims  par  l'archevêque 
Henri. 

3.  Il  faut  encore  attribuer  à  I  abbé  de  l'Aumône  la  Vie  de 
Saint    Amand,   évêque  do    Macstricht,  qui   a     été    imprimée  notiT-Spci    'oV 
parmi   les    œuvres  de   Philippe,  abbé  de  Bonne -Espérance,  p.  7U7  — 731. 
On    n'y    reconnaît  pas   le   style   de    ce    dernier,    et    d'ailleurs 
l'abbé  de  TAuniône  a  mis   son   nom  à  la  tète  de  l'épîlre  dé- 
dicatoire,    qu'il    a   adressée    à   Hugues,  abbé  d'Elnone  ou    de 
Sainl-Amand,  à  la  prière  duquel  il  l'avait  entreprise.  Hugues, 
second    du   nom,   étant  mort   l'an  1 1 68 ,  avant  que  Philippe 
lui  eût  envoyé  son  ouvrage,  cl  l'abbé  Jean  H  lui  ayant  suc- 
cédé ,    Philippe    fil    une   nouvelle  dédicace  ,    qu'il    envoya  au 
nouvel  abbé  par  un    de    ses  religieux,   nommé  Albert;  et  ce 
qui    prouve  de  plus  en  plus  que  l'abbé  de  I  Aumône  est  auteur 
de  celte  vie  et  des  deux  épîtres  dédicaloires,  c'est  qu'il  parle, 
dans   ses  lettres  17,   22,    2o,  du  moine  Albert  comme  d'un 
homme  qui  lui  était  fort  attaché,  et  même  son  parent.  Quant 
au  mérite  de  son  ouvrage,  il  dit  n'avoir  fait  que  retoucher, 
pour  en   polir  le  style  sans  rien  changer  dans  l'arrangement 
des  faits  ,    deux  vies  de    Saint  Amand  ,    plus  anciennement 
composées  par  Baudemonde  et   Milou,  qui  ont  eu  leurs  arli-        ii,st.  i^^^ 
des  dans  celle  histoire.    Les  Bollandisles,  qui  ont  imprimé  '    '"•  p    *>i'^ 
ces  deux  auteurs,  n'ont  pas  dédaigné   de   faire  aussi  entrer  '  ^'' ''  *^^- 
dans    leur    collection    l'ouvrage  de    Philippe,    qu'ils    donnent  febr.   p.'  m  - 
pour  l'abbé  de    Bonne- Espérance,    quoiqu'il  se    nomme  lui-  *^^- 
même  Philippus  de  Eleemosynâ. 

On  a  placé  à  la  suite  de  la  vie  de  Saint  Amand  une  rela- 

,.  j  11.  VI,.  .  ""I-    OP-       p. 

lion  des  miracles  du  saint,   après  1  incendie  qui   consuma  ce  732-736. 
monastère  l'an  1066.  C'est  la  production  de  Gislebert,  moine 
d'Elnone,  dont   il  a  été  parlé  au  tome  VIII  de  notre  histoire.         iiist.  Lincr 
On   ne  peut   guère  attribuera  Philippe   que   le   prologue  par  i.  vmi,  p.  ir.i. 
lequel   il  atteste  la   sincérité   de  la   relation,  certifiée,   dit-il 
Tome  XIV.  z' 


-  74:;. 


ITS  PHILIPIM'l,    AIJBÉ   DE   LAUMONK 

XII  siij:i:lk.  p;,,-  \^.  li'iiioiLrnaije  do  moines  rontomporains,  de  clercs  de  les- 
[HMiablc  iiicnioiro,  lide  laïcs,  diine  icputalion  à  labridctoul 
soupçon,  ijisignis  /a»ue  la/cis. 
__  ''I'''-  "P-  !'•  Suivonl  daiilrcs  rolalions  de  miracles.  La  première  est  de 
ceux  (pie  Dieu  opéra,  par  rinlorcession  de  Saint  Amaml,  l'an 
■1107,  du  lemps  de  l'ahbc  Hiii;iies  I,  la  vingt-deuxième  année 
de  son  ordination,  dwianl  le  transport  des  reliques  du  Saint 
dans  le  Rrabanl,  à  1  occasion  des  violences  (pie  quekjues  sei- 
gneurs de  celle  province  avaient  exertV'CS  sur  les  biens  du 
""■''  !'•  ~'''^-  monastère,  ("elle  relation,  (pii  ne  peut  être  de  Philippe,  est 
divisée  en  dix  cliapilics,  et  est  suivie  de  la  lettre  de  Marsilie, 
abbessc  de  Saint  Amand  de  Houen,  à  Ravon,  abbé  d'EInoiie, 
contenant  la  relation  de  iiuérisons  obtenues  à  Rouen,  par  I  in- 
tercession du  même  saint.  Il  en  a  élé  parlé  au  lomc  IX  de  noire 
histoire,  jiage  38;}. 
ihij.  p.  741  Ce  recueil  est  leruiinc  par  le  .-sermon  de;  Milon,  moine 
d'Elnnnc,  prononcé  à  loccasion  de  lélévalion  du  corps  de 
Saint  .An  and.  Il  en  a  éli';  parlé  a  rarlicle  de  .Milon,  au  lome  V, 
page  409.  Ceci  fait  voir  qu(^  Philippe  avait  joint  à  la  vie  du 
saint  tout  ce  qu  il  avait  pu  découvrir  concernant  son  histoire. 
Les  Rollandistes  ont  rejuoduil  toutes  ces  pi(-ces  dans  Icurgrande 
coll(!ction. 
l'iiii.  op.  |).  Il  II  est  pas  moins  certain  (pir  c("st  Inbbc  de.  1  .\iim('»ne,  et 
non  l'abbé  de  Honne-Espéiance,  qui  a  composé  ou  reloiiche 
riiisloirc  du  martvre  de  .saint  Cyr  et  sainte  Julile  ,  (pi  un 
trouve  parmi  les  œuvres  du  d(>rnier.  Il  est  vrai  (pie  I  auteur, 
dans  lépîlieà  Jean,  abbé  de  Saint-Amand,  ne  prend  (pie  la 
(pialilé  de  f'rnlef  Philippits,  sans  ajouter;  de  Eleemosynà  ; 
mais  c'e-l  ipi  il  nV'iait  plus  ;ilor-;  abbé  de  l'Auiimne.  Cela  est 
si  vrai,  ipi  li  ne  faut  (pic  |i'i(i  Ic^  veux  sur  le  style  de  la  pi(':c(î, 
pour  se  con\aincre  ipie  ce  n  est  pas  celui  do  I  abbé  de  Ronne- 
Espeiaiice,  riconiiai.^-^ablc  entre  mille  autres.  Philippe  en- 
Ircpil  cet  iiuMage  à  la  prière  de  I  abbé  de  Saint  Amand, 
auipiel  il  ne  pouvait  rien  k  l'user,  fomme  il  le  dit  dans  deux 
de   ses   lellr(>s.    Il   avoue    i|iiil   iia  fait   (pu.-   iclouclier   une  an- 

i.i  i;;.        '  cieniie  histoiic    de  cv>  -aiiil>.  qii  il  regarde  comme  apocryphe, 

sans    \    (  lian,i;ei    autre  chose    ipie    |i;    .stvh;.    ("est     I  ouvrag(; 

d  lliielialde,    moine     iri"!liione,    (pioirpi  d     ne     le.    nomme    pas. 

li.>i.   i.iiiii.  *'"    !"'"'    ^"'''-   d"i^    iioirr    \l     \oliiiiie,ii   1  article  dilucbalde, 

I.  \l.  I'   -'Ki         le  |ui;emeiil  quon   d'  il    pnrler   de   (•e>   ;i(lcs,    dont    les    lîollan- 
.,"'■  '**)""■  (listes  n 'on',  imprime  ipi  une  p.iilie  |{. 


7-1:;  —  7:i2. 


I>lnl 


171) 


XII  SIECLE. 


GIIICIIAUI), 

AbISÉ    ])!■,    J'ONTK.M,    PUIS    AKCllEVi:CJUt    DE    IjVUN. 


0 


SA     Vlli 

N  ne  sait  rien  des  [ireniières  aimées  de  sa  vie,  m  de  sa 
rauiille,  ni  du  lieu  de  sa  naissance.  Ke  nom  de  Guicliard  ou 
"\\  iiliard  élanl  conmiiui  dans  le  Lyonnais,  on  est  porlé  à 
croire  qu'il  élail  né  dans  ces  contrées.  On  trouve  en  cdet  ce 
nom  souvent  répété  dans  la  famille  des  bires  de    Beaujeu,  et  Mcne-suin  , 

dans  un  acli'  celehre  de  l'an   I17;5,  émané  de  notre  prélat,  ligu-  "'"'"    !Î!i   ''-""' 
rent  les  noms  de  GiùcJiard  d'Anton  cl  dv  Guicliard  de  Jurez.  On 
peut  donc  croire  (|ue  nuire  (iuicliaida|iparlenail  à  quehpi  une  de 
ces  familles. 

Il  était  moine  à  (Jîteaux.  lois(ju  il  lut  fait  abbé  de  Pontiiiïni, 
après  Uugu(îs  de  Màcon,  élu  é\éque  dAuxerre  I  an  11;{G. 
Celait  un  liomine  recommaudable  dans  son  ordre,  et  qui, 
daub  le  monde,  jouissait  diine  gianile  considération.  Jean, 
évéque  de  l'oit  iers,    écrivant  à  saini    Thomas  de  tJanlorbérv  o  ^l  /< 

Il       p    1  1    -      I       .»  ■  1  I  -  "^  '  S.  Th    Catil. 

ap|H'lle  I  ablje  <Je  ronlia;ni  un  homme  d  une  sainteté  inconi-  liii.  i,  ep  2,  p. 
parable,  avec  le(|uel  il  lui  conseille  de  se  lier  d  amitié,  parce  *"  *='  ^'"l- 
que  de  tous  les  abbés  de  l'ordre  de  Cîteaux,  dont  l'inlluence 
dans  les  afl'aires  était  alors  très-grande,  Guicliard  était  le 
plus  accrédité,  soit  à  la  cour  du  pajtc,  soil  à  celle  du  roi  de 
France.  Il  lui  suggère  même  (pi  d  trouvera  à  l'ontigni  une 
retraite  assurée,  si  la  force  des  événenuns,  pendant  sa  contes- 
tation avec  le  roi  d'Angleterre,  lobligi;  a  se.\palrier. 

(Test  ce  (jui  arriva  sur  la  fin  de  la  même  année  ll()4.  Lai-        \\u  s.  tIh. 
clunêque   de   Cantorbery   étant   venu    à  Sens  trouver  le  pape  "'■'=    'i""i"pai. 
Alexandre!   III,    ce    pontife,    après  avoir   pris  connaissance  de  ^ 
son  afl'aire,   lui  assigna   pour    retraite,    labbaye  de   Poiitigni, 
persuadé  qu'il   trouverait,   dans  l'abbe    (iuichard,    les  secours 
et  les  consolations  dont   l'illuslre   persécuté  avait  lanl  besoin. 
L année  da|)iès,  Guicliard  ayant  éle  élu  pour  remplir  le  siège  M;iri,-iu' , 

de  Lyon,    à  la  place  de  Drogon,   déposé  par   le  pape,  à  cause  '^"'P'-    ^'f-    •• 
de  ses  liaisons  avec  l'empereur  d'Allemagne,  reçut,  des  mains     '  '"        *' 
d  Alexandre,     la     consécration    é|)iscopale,   à    Montpellier,     le         Chcsnius,  i. 
8  du  mois  d  août   11 60;   mais  .son  compétiteur  se  maintenant  !,\r,"'"     *"""'■ 


<80  GUICHARD,  ARCFIKVÉQUE  DE  LYON. 

XII  SIECLE,     toujours,   malgré  sa  déposition,   dans  Lyon,  le  nouvel  arche- 

'  vôque  ne  put  entrer  en  possession   de  son  siège   qu'au  mois 

j,)aii.  Saicsb.  Je  novembre  1167.    C'est  ce  qui  résulte  d'une  lettre  de  Jean  de 

e|..    224,     sub.  ggijgijyrv,  écrivant  à  Jean,   évêque  de  Poitiers  :  Lugdunensis 

Il  ne  m.  ■" 

archiepiscopus,  ûii-W.  ecclesiam  et  civilalem  suam  cum  honore 
et  lœtitià  omnium  recepil  in  festo  beati  Martini. 
Sevcrt.  Chro-       Dans  Une  lettre  de  l'an  1171,  le   pape   Alexandre  lui  donne 

252  ''"^''""'  ''■  la  qualité  de  légat  du  sainl-siége;  et  lui-même  prend   ce  titre 

dans  un  acte  de  la  même  année,  et  dans  une  charte  rapportée 

parmi  les  pièces  justificatives  du  Gallia  christiana,  tome   IV, 

page  21 . 

Mi-nesirier,       Ce    qui    a    le    plus    illustré    lépiscopat  de  Guichard,    c'est 

/'-d.  pr  p.  37.  l'accord  qu'il  fit  l'an  1 173  avec  le  comte  de  Forés,  touchant  le 
domaine  utile  et  honorifique  de;  la  ville  de  Lyon.  Depuis  long- 
temps des  prétentions  respectives  avaiiîut  donné  lieu  à  de 
fâcheuses  contestations  et  à  des  enlrepris(!s  hostiles  de  la 
part  des  comtes  de  Furès.  Guichard  eut  \v.  bonheur  d'en 
tarir  la  source  par  l'abandon  qu'il  (it,  avec  le,  consentement 
de  son  clergé,  de  plusieurs  (crrirs  cl  châteaux  qu'il  possédait 
sur  la  rive  droite  du  Rhône,  en  échange  des  droits  seigneu- 
riaux que  les  comtes  de  Forés  exerçaient  dans  Lyon.  «C'est 
Und  !..  282.  C6t  acte,  dit  le  P.  Méncslrier,  qui  établit  messieurs  les  cha- 
noines de  l'église  de  Lyon  comtes  de  F'orès,  aux  mêmes 
droits,  titres  et  prérogatives  que  lavaient  été  les  comtes  de 
Forés.  C'est  une  acquisition  qu'ils  firent  par  l'échange  de 
plusieurs  de  leurs  terres  et  par  onze  cents  marcs  d'argent.  Pour 
l'archevêque,  il  était  auparavant  plus  que  comte,  puisqu'il 
était  exarque  et  souverain  »  Mais  cela  ne  doit  s'entendre  que 
de  la  portion  du  diocèse  qui  faisait  partie  du  royaume  de  Bour- 
gogne, et  par  concession  des  empereurs. 
ChrMiiiis    i.       L'an  1174,    le  pape  Alexandre  III,  ayant   confié   la  légation 

IV     lier.   Fimi.  (jes  Gaulcs  à  Pierre,   cardinal   du  litre   de   saint   Chrysogone, 

|.  »).,>  cl  8e<|.       auparavant  évêque   de  iMeaux,  écrivit   à  Guichard  deux  lettres 

pour  lui  enjoindre  de  reconnaître  le  cardinal  en  sa  qualité  de  • 

légal  :  ce  qui  prouve  que  l'archevêque  de   Lyon,    se   trouvant 

lui-même  revêtu  de  celte  éminente  dignité,  avait  de  la  peine 

ciiioii.  cia-  à  se  soumellre   à  la   juridiction  du   cardinal.   Saint-Bernard 

leiat.  p.  81.  ayant  été  canonisé  la  même  année,  Guichard  se  rendit  à 
Clairvaux  pour  assister  à  la  dédicace  de  l'église  du  monastère 
et  relever  de  terre  le  corps  du  saint. 

Nous   ne  relèverons  pas  Terreur  dans  laquelle  sont   tombés 
plusieurs  modernes,  Baronius,    Binius,  du   Boulay,   et  même 


GUICHARD,  ARCHEVÊQUE  DE  LYON.  181 

les  auteurs  du  nouveau  Gallia  christiana,  qui,    trompés   par     xii  siècle. 
un   passage  altéré  de  Roger  de  Hoveden,   font  assister  notre     iio\e(i.  p.  sss. 
archevêque  au  concile  de  Lombers,   dans  l'Albigeois,  concile 
qu'ils  placent  mal-à-propos  à   l'an  1176    La  vraie  date  de  ce 
concile  est  lan  1165,  temps  auquel  Guicliard  n'était  pas  encore       Laiibe,  Cmc. 
archevêque,  et  ce  qu'on  rapporte  de  lui  est  attribué  dans  les  '  ^'  '^"'-   '*^*'- 
vrais  actes  à  Gaucelin,  évêque  de  Lodève. 

L'année  précise  de  sa  mort  n'est  marquée  nulle  part,  mais  elle 
est  postérieure  à  l'an  1170,  et  peut  être  rapportée  à  lan  1180 
ou  1181.    11   voulut   être  enterré  dans  l'église  du  château  du 
Riotier,  Retortorii,  situé  sur  la  Saône,  à  cinq  lieues  de  Lyon, 
terre  qu'il  avait  achetée,  dit-on,  de  Jean  de  Braine,  comte  de       ciiesn.    b.1)I. 
Mâcon,    pour   la  somme    de   seize   raille   livres.    Du   Chesne,  ^'"JJj.    '"    ""'" 
Severtius,   les  auteurs  du  Gallia  christiana,   qui   ont    avancé     seven.  p. -253. 
ce  fait,  n'ont  pas  vu  qu'il  y  a  là  un  anachronisme  insoute- 
nable, Jean  de  Braine,  de  la  maison  de  Dreux,  n'étant  devenu 
comte  de  Mâcon  que  l'an  1224,  par  son  mariage  avec  l'héri- 
tière de  ce  comté.   Quoi  qu  il  en  soit,  il  est  certain  que  le 
corps  de  Guichard  fut  enterré  à  Pontigni,  où  l'on  voyait  sur 
son  tombeau  cette  courte  épilaphc  :  Hic  jacet  dominus  Gui- 
char  dus,  archiepiscopiis  Lugdunensis,  secundus  abbas  hujus 
monasterii. 


SES    ÉCRITS 


Bil)l.    Cislrr. 
p.   131. 


Claude  de   Visch,   après   bien  des  recherches,    n'ayant   pu 
découvrir  aucun  écrit  de  ce  prélat,  est  fort  étonné  que  Man- 
riquez    l'ait   qualifié    illustre    par    ses   écrits,    scriptis  clams. 
C'est  qu'apparemment  Manriquez  avait  lu  la  chronologie  histo-     Soen.  p.  2i8. 
rique  des  archevêques  de  Lyon,  par  Severtius,  qui   l'appelle 
un  poêle  excellent;  mais  en  disant  cela,  Severtius  confond  notre 
prélat  avec  un  nommé  Wichard,  poëte,  et  chanoine  de  Lyon,         Hist.  Lmcr. 
qui  a  déjà  eu  son  article  dans  notre   histoire     D.    Martène,  '"  ''"'  •'"  *'*' 
plus  heureux,   a  déterré  de  Guichard  un   écrit  considérable, 
duquel  nous  parlerons,  après  avoir  rendu  compte  de  quelques- 
unes  de  ses  lettres. 

1°  N'étant  encore  qu'abbé  de  Pontigni,   il  écrivit  à  l'abbé     imer  ep.  Sug. 
Suger  en  faveur  du  trésorier  de  l'église   d'Auxerre,   deman-  *^''  P-  *•'^• 
dant  pour   lui  sa  protection  auprès  du  roi,   qui  lui  suscitait 
des  affaires.   Ce  trésorier   était,    selon    l'abbé   Le   Bœuf,    un      ^^j    d'Auxcr 
cardinal-diacre,    nommé  Grégoire.    11  cite  à   l'appui  de   son  i.  i,  p.  7ti8. 
opinion,  deux  lettres  du  pape  Eugène  III,  qui  prouvent,  au     ''"^"  '•"•  ^"8" 


Hor.  l'r.   p.    «SU. 


182  GUICHARD.  ARCHEVÊQUE  DE  LYON. 

XII  SIECLE,  contraire,  que  ce  cardinal  el  le  trésorier  étaient  deux  personnes 
distinctes,  possédant  lune  et  l'autre  des  prébendes  à  Sainte- 
Geneviève,  avant  l'introduction  de  la  réforme.  J'observe  que 
dans  cette  lettre  l'abbé  de  Pontigni  est  appelé  Guido,  au  lieu  de 
Guichardus. 
ciioD.  i.  IV  ±0  La  lettre  320  du  recueil  de  lettres  adressées  au  roi  Louis  Vli , 
est  aussi  de  notre  abbé,  quoiqu'on  ny  lise  que  la  première 
lettre  de  son  nom.  11  y  remercie  ce  prince  de  la  grâce  qu'il 
avait  accordée,  à  sa  prière,  à  Clarembaud,  de  Chàlons-sur- 
Marne,  bOn  ami,  son  bienfaiteur  et  celui  de  son  ordre  ;  mais  il 
ajoute  que  le  roi  ne  lui  ayant  pas  encore  accordé  une  entière 
liberté,  il  est  obligé  de  réitérer  ses  prières  pour  le  supplier 
de  la  lui  accorder  toute  entière  La  lettre  n'explique  pas  plus 
clairement  quelle  était  cette  affaire 

3"  Etant  archevêque  de  Lyon,  il  écrivit,  en  commun,  à 
Louis  VU,  au  cardinal  Pierre  ^le  Sainl-Clirysogone,  à  Jean  de 
Salisbury  évéque  de  Chartres,  à  Maurice,  évèque  de  Paris,  et 
à  Thibaud,  comte  de  Blois,  une  lettre  dans  laquelle  il  certifie 
qu'un  procès,  qui  s'était  élevé  entre  labbaye  de  Pontigni  et 
Henri,  évètiue  deTroyes,  avait  été  terminé  à  lamiable,  pendant 
qu'il  était  abbé  de  ce  monastère,  aux  conditions  qu  il  rapporte. 
Cette  lettre,  qui,  sans  doule,  avait  pour  objet  d  éclairer  la  reli- 
gion de  ces  personnages  dans  la  décision  de  celle  même  affaire, 
exisle  dans  le  carlulaire  de  Pontigni,  n"  iiiOd  de  la  biblio- 
thèque royale,  fui.  47. 

4'  1)  Marlèiie,  comme  nous  lavons  annoncé,  a  publié 
des  statuts  de  Icglise  de  Lyon,  renouvelés  au  XIT  siècle, 
par  Guichard.  Le  litre  du  manuscrit  porte  :  Incipiunt  slaluta 
ecrlesitV  Lugdunensis  cl  ordinatio  officii  ejusdetn-  En  effet, 
(•es  statuts  concernent  picsqne  tous  l'ollice  divin  et  la  ma- 
nière de  le  célébrer  avec  Tordre  et  la  décence  convenables. 
Ils  sont  |)récéilés  dune  préface  en  forme  dinslruclion  pasto- 
rale, commcnyanl  |)ar  ces  mots  ;  Nos  G.  primas  Luf/dunensis 
ruinisler  humilis,  etc.  dans  lacpielle  ce  prélat  s'élève  avec  force 
coiilie  ceux  qui  méprisaient  el  tournaient  on  ridicule  les 
ii>agcs  de  CL'lie  église  dont  il  fait  remonter  l'origine  aux 
siiiuls  Cillions  et  aux  aiuionncs  inàtilutions  do..  Pères  Ces 
slatuls  sont  curieux  el  intéressants  pour  ceux  ipii  aiment  à 
toiinaîlrc  les  usages  anciens  des  egli.ses.  Or,  colle  de  Lyon 
mérite  |)his  (jue  toute  autre  iii  France  d'être  prise  pour  règle. 
Ou  .>^ail  avec  quel  zèle,  et,  [lour  ainsi  dire,  avec  quelle 
jalousie  elle  conserva  toujours  ses  usages  et  ses  anciennes 
céri'-monies 


!'■■ 

Aiil.   .-ni 

1.   III. 

,.     (IM     . 

ANON.  ALT.  DABRÉG.    DE   L'HIST.  DE  FH.        IS-J 
Sevcrlius  avait   connu  ces  statuts,  dont  il   donne  une  courte     xii  sikclk 
notice.   Il  voudrait  en   faire   honneur  à  un  archevêque  nommé        Si\(ii.  ;/. 
<iuillaume    Pérauld  ,    qu'il    suppose   avoir   rempli   le  siège  de  P- -  '-^ 
Lyon    vers  le  milieu  du  Xllb  siècle.   Les  auteurs  du    Gallia 
chrisliana  ont  rejeté,  avec  raison,    du  catalogue   des  arche- 
vêques   de    Lyon,    Guillaume    Pérauld,    et  Severlius   détruit 
lui  -  même    son    opinion ,   en    rapportant  la    promulgation  de 
ces   statuts,    faite   par   Jean  de  Belnieis,    successeur   de   Gui- 
chard.  B. 


ANONYMES, 

AlTKrifS    D'AKRWiKS    DK     l>' i  1 1 STU Ut K       UK     FllANCK. 


Il    a  été    fait,    à    1  époque    oii    nous  en    sommes,    plusieurs 
abrégés  de   l'histoire  de    France  par  des  auteurs  inconnus, 
que  nous  réunissons   dans   cet  article,   pour  en   donner   une 
idée. 

L   Abbreviatio    gestorura   Franciœ   reyum  ah  origine  regni 
ad  ann.  Chrisli  1137. 

C'est  le   titre  d'un   manuscrit  de    l'abbaye  de    Saint -Victor 
de   Paris,   n"   419,  qui  a  été   imprimé   par  fragmens  dans   le 
Recueil  des  historiens  de   France.   On   ne  doit  chercher  dans      t   vi.  ,,  -.'.tm 
ces  sortes  d'ouvrages  que  les  événcmens  les  plus  connus  de     '•',  ^,".  i  ■  -''  ' 
l'histoire ,   et   l'on   n'y   trouve  en   elTel  que  des   notions  très-      \   \\  '',  j',;',' 
superficielles.  '  T.  xii,  |.    c; 

Les  derniers  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de 
France  ont  rencontré  le  niêine  abrégé  dans  le  no  o009  des 
manuscrits  latins  de  la  bibli()tiiè(|nc  du  Roi;  mais,  dans  un 
autre  manuscrit,  qui  est  le  no  5002  de  la  même  bi4jlioîhèque , 
ils  ont  découvert,  à  la  suite  de  la  chronique  d'Odoranne , 
moine  de  Saint- Pierre-le-Vif  de  Sens,  une  continuation  t.  xil.  ..as. 
qu'ils  ont  imprimée  sous  ce  litre  :  Fragmentiim  hisloricum 
vitam  Ludotnci  VII  summalim  complectens-  Ce  fragment 
commence  précisément  ou  linit  l'auleur  précédent ,  et  se  ter- 
mine à  la  mort  de  Louis- le-. leune.  11  a  été  continué  jusquau 
décès  de  Philippe  Auguste  par  un  autre  écrivain,  et  succes- 
vivemenl    par  d'autres  jusqu'à  Philippe -le -Bel ,    romme  on  le 


184        ANON.   AUT.  D'ABRÉG.   DE  L'HIST.  DE  FR. 

XII  SIECLE.  YQii  par  la  différence  des  caractères  du  manuscrit  4937  de 
la  bibliothèque  du  Roi.  Ce  qui  dislingue  cet  abrégé  de  tant 
d'autres,  qui  ne  sont  que  des  compilations,  c'est  qu'il  est 
l'ouvrage  d'auteurs  contemporains  qui,  dans  les  portraits 
qu'ils  font  des  rois,  sont  les  interprètes  de  l'opinion  pu- 
blique. 

Voici,  par  exemple,  le  portrait  que  fait,  de  Louis- le- Jeune, 
celui  qui  a  dressé  son  article,  dans  lequel  il  caractérise  fort 

T  XII,  p  286.  librement  le  gouvernement  de  ce  prince.  «  Ce  roi,  dit -il, 
fut  très -pieux,  et  prit  un  soin  particulier  des  églises,  qu'il 
protégea  de  tout  son  pouvoir  ,  extitit  ecclesix  rector  et  protector. 
Mais  il  offensa  Dieu  grièvement  par  la  faveur  trop  signalée 
qu'il  accordait  aux  Juifs ,  auxcpieis,  par  des  vues  d'intérêt , 
immoderalà  cleceptus  cupiditate ,  il  accorda  beaucoup  de 
privilèges  qui  ne  pouvaient  pas  être  agréables  à  Dieu  ,  et  nui- 
saient beaucoup  à  lui-même  et  au  bien  de  son  royaume, 
Deo  et  sihi  et  regno  cont7^arJa.  "  Paroles  qui  décèlent  un 
auteur  qui  écrivait  au  commencement  du  règne  de  Philippe 
Auguste,  lorsque  ce  prince  expulsait  les  Juifs  du  royaume. 
Ji  reproche  encore  à  Louis-le-Jeuno  les  nouveaux  élablisscmens 
qu'il  avait  faits  de  villes  libres,  parce  que,  pour  y  attirer 
des  habitans ,  il  dépouilla  les  églises  et  les  barons  de  leurs 
hommes  ou  serfs,  en  accordant  à  ceux-ci  le  privilège  de 
secouer  le  joug  de  la  servitude  :  Quasdam  etiam  villas  no- 
tas sedificavit ,  per  quas  plures  ecclesias  et  milites  de  pro- 
priis  suis  hominihus  ad  eas  confugienlibus  exhsereditasse  non 
est  dubium.  Témoignage  précis  qui  fixe  l'origine  des  bour- 
geoisies dans  les  domaines  du   roi. 

II.  Histor^ia  regicm  Francoriim  usque  ad  annum   1152. 
Sur  un    manuscrit   de   la  bibliothèque  de  Saint  -  Germain- 

T  xii.!-,  Hti.  des  -  Prés ,  les  derniers  conlinualeurs  du  Recueil  des  histo- 
riens de  France  ont  publié  un  fragment  de  celte  histoire , 
depuis  Vannée  iOCO  jusqu'à  la  fin.  Ce  manuscrit  n'est  pas 
entier;  il  y  manque  au  commencement  quelques  feuillets,  ce 
qui  fait  (ju'on  n'a  pu  découvrir  le  nom  de  fauteur  ,  si  toute- 
fois il  l'a  déclaré,  ni  quel  était  son  plan.  Mais  le  manuscrit 
n'a  pas  été  mutilé  à  la  fin,  et,  comme  il  finit  au  concile  de 
Baugenci  de  l'année  11:)2,  il  est  à  croire  que  l'auteur  écrivait 
vers  le  même  temps. 

Les  éditeurs  ont  remarqué  (ju'il  a  emprunté  de-Guillaume 
de  Juraiège  beaucoup  de  choses  cpiils  ont  dû  relrancher: 
Mais  ce  qu'ils  ont   relenu   est  écrit  avec   beaucoup  d'exacii- 


ANON.  AUÏ.  DABRÉG.  DE  L'HIST.  DE  FR.  IS.) 

lude.  L'auteur  raconte  l'avenlure  qui  arriva  au  roi  Louis-le-  aii  siècle. 
Jeune,  lorsque  revenant  de  la  Terre-Sainte,  il  tomba,  près  de 
Corfou,  dans  l'escadre  des  Grecs,  et  fut  fait  prisonnier.  On  l'em- 
menait, selon  cet  auteur,  pour  être  présenté  à  l'empereur  qui 
faisait  le  siège  de  l'île.  Mais  heureusement  l'amiral  du  roi  de 
Sicile,  qui  revenait  de  faire  le  dégât  à  Constanlinople,  arriva 
fort  à  propos  pour  le  délivrer.  M.  de  Burigni,  dans  un  mémoire 
lu  à  l'académie  des  inscriptions,  cite,  pour  établir  ce  fait  contre  T.  XLt,  p. 

l'opinion  de  quelques  modernes,  le  témoignage  d'une  foule 
d'historiens,  dont  le  plus  ancien,  parmi  les  latins,  est  le  faux 
Robert  du  Mont,  imprimé  par  Pisloriiis,  qu'il  croit  contemporain, 
quoique  cet  auteur  n'ait  écrit  qu'au  XIII"  siècle.  Mais  le  témoi- 
gnage de  noire  anonyme,  bien  plus  ancien  el  vraiment  contem- 
porain, détruit  beaucoup  mieux,  larguinent  qu'on  prétend  tirer 
du  silence  du  roi  sur  cet  événement  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à 
l'abbé  Suger,  pour  l'informer  des  circonstances  de  sa  navi-  Sugenuep.  94- 
galion. 

III.  Aimoini  historia  coniinuata,  sive  de  gestis  Francorum 
liber  V. 

On  a,  dans  le  cours  de   l'Histoire  lilléraire,    rendu    compte        nisi.  Lin.  de 
des    écrits  d'Aimoin,    moine   de   Fleuri   ou  Saint-Benoît-sur-   '»  f''-  '   ^"'  P- 

218 

Loire,  et  particulièrement  de  son  histoire  des  Français, 
divisée  en  quatre  livres,  qui  n'embrassent  même  pas  toute 
la  première  race  de  nos  rois.  Mais  cet  ouvrage  a  servi  de 
canevas  à  d'autres  écrivains  qui  l'ont  interpolé  en  plusieurs 
endroits,  el  y  ont  ajouté  une  continuation  qui  finit  à  l'année 
H  65.  Cette  époque  nous  avertit  que  c'est  ici  le  lieu  d'en 
parler. 

Celte  continuation  est  imprimée  dans  toutes  les  éditions 
d'Aimoin,  excepté  dans  celle  qu'en  a  donnée  André  Duchesne. 
Elle  commence  au  chapitre  42  du  quatrième  livre,  el  remplit 
tout  le  cinquième  livre  qui  est  forl  long.  C'est  une  compilation 
de  différens  morceaux  d'auteurs  connus,  tels  qu'Eginhart,  Adé- 
mar,  Hugues  de  Fleuri,  Suger,  et  autres,  qu'il  était  peul-êlre 
utile  alors  d'ajouter  à  l'écrit  d'Aimoin,  pour  avoir  une  suite  non 
interrompue  d'annales,  mais  qui,  depuis  que  l'impression  amis 
les  auteurs  originaux  dans  les  mains  de  tout  le  monde,  ne  sont 
d'aucune  utilité. 

Tout  le  monde  convient  que  cette  compilation  est  l'ou- 
vrage d'un  ou  de  plusieurs  religieux  de  l'abbaye  de  Sainl- 
Germain  de  Paris     Cela   est  évident  par  l'atlenlion  qu'a   eue 

Tome  XIV.  A  a 


ISO  A  NON    A  UT    IVABREG    DR  L  MIST    DU  FH. 

XII  siKCLE.     ;^  rédacleiir,  que  le  père  Lclona  nomme  (on   ne  sait  sur  quel 
Bibi.  iiist.  (le  fondcmeni]  Robert  de  Casscnolte,   d  insérer  soit  dans  le   texte 

Wii'^n"  ififi""s'  d'Aimoin,  soit  parmi  les  extraits  qui  le  suivent,  les  chartes  el 
autres  docnmens  qui  concernent  son  église.  L'ouvrage  est  ter- 
miné par  riiiïloire  de  Louis-Ie-Jeunejus(|u'à  l'époque  de  la  nais- 
sance de  Philippe  Aui^uKle,  en  lUib.  .Mais  le  compilateur  est-il 
réellement  l'aiiIcMir  de  celte  dernière  jtartie?  ou  n'eslil  jusqu'à 
la  fin  (jue  !-inq)le  copish- décrits  ri  rani;ers?  C  est  ce  qu'il  importe 
d'examiner. 
T.  X,  p.  31)"        M-    La    ('urne   de    Sainte-Palaye,   dans    un    mémoire   lu    à 

—  •'"•'•  l'académie  des  inscriptions,   n'est    pas  éloigné   d'attribuer    cet 

écrit,  au  moins  en  partie,  à  1  abbé  Snger.  Kn  effet,  l'auteur 
de  la  vie  de  Sugcr  assure  que  ce  ministre,  après  avoir  com- 
posé 1  histoire  de  Louis-le-lJros,  avait  conmienré  à  mettre 
par  écrit  celle  de  Louis-le-Jcune  (1).  Mais  peut-on  recon- 
naître cette  dernière,  in  tout  ou  en  partie,  dans  l'histoire  que 
nous  avons  de  l.ouis-Ie-.leune,  ou  dansThisloirc  de  ses  gestes, 
dont  nous  parlerons  bientôt?  On  s  est  presque  décidé  pour 
T.  XII.  p.  iiC).  la  négative  dans  celte  histoire,  ;i  1  article  de  Suger.  On  a  fort 
bien  prouvé  (ju'il  n'y  a  rien  dans  les  gestes  qu'on  puisse  attri- 
buer à  l'abbé  Sugcr,  (pie  tout  y  indique  un  aiileur  différent. 
Quant  à  ce  quon  appelle  \  Histoire  de  Louis-le- Jeune,  la 
seule  raison  de  douter  (|u  ils  allèguent,  est  (]ue  ral)l)é  Suger, 
lame  des  affaires  de  1  état  sous  ce  règne,  ny  est  pas  nommé 
une  .seule  Ibis,  lui  qui  n  avait  omis  presque  aucune  occa- 
sion de  parler  de  lui-même  dans  la  vi(>  de  l.oiiis-le-Gros. 
Cette  raison  est  assez  forte  :  cependant,  nen  n'empêche  de  (brc 
<|ue  le  continuateur  d'Aimoin  s'est  approprié  1  ouvrage  de  Suger, 
qui  n'existi!  plus,  el  qu'il  l'a  continué  jusqu  à  son  temps,  en  y 
ajoutant,  à  son  ordinaire,  les  traits  qui  ont  rapport  à  son 
monastère. 
T-  XI.  y.  'i'i.  Les  continuateurs  (lu  Ueciieil  des  historiens  de  France  n'ont 
T.  XII.  p.  Ii2.  donné  de  ('et  ouvrage  que  dcu\  l'ragmens,  dans  les(|uels  ils  n'ont 
guères  conservé  (jue  ce  qui  a  rapport  à  I  histoin;  de  1  abbaye 
(le  Sainl-liermain,  (ju'oii  ne  trouve  pas  ailleurs.  Ils  ont  élagué 
tout  ce  qui  est  cnq)runlc  daiilns  écrivains  connus,  même 
l'histoire  de  Louis-lc-Jeune.  (|imU  oui.  à  le.xemple  de  Duchesnc, 
imprimée  séparément. 


i\)j{egts  J.udorœi  spUmtido  scrmone  yesla  descrtpstt,  cjusque  Jilii  itidtta 
l.udovici  scrihere  ijuidem  cpit,  sed  mnr/r  pm  rrtitvx  ad Jiiinn  ojmî  'non  prrdu.ril. 
'iiiillelmus,  vilii  Siigei'ii.  lib.   I.  niirii.  ;"> 


ANUN.  AUT     DABRÉG.    DE   LHIST     DE  ¥\\         1 S7 

iV.  Gesla  Ludovici  VII,   Francoruni  regia.  xii  siècle. 

Quoique   l'histoire  des  Gestes  de  Louis-le-Jeune  se  termine  " 

aux  fiançailles  de  sa   lille  avec   le   fils  de    Henri  II,   roi  d'An- 
gleterre,   en  11  GO,   1  auteur  ou  le  rédacteur  nous    paraît  moins 
ancien    que   celui  (|ui   a  composé  l'histoire  da    même   |)rince 
dont   nous     venons     de    parler.    Dès  le    début,    il    sannonce 
comme  écrivant  postérieurement   à  l'année    1180,   épocjue  de 
la  mort  du   roi.    «   1!    fonda,   dit-il,    le  monastère  de  Saint-        (jf,,,,  tudut. 
Port,   qu'on  appelle  aujourd'hui    Barbeaux,    non   loin  de   Me-   vn.  num.  i,  y. 
lun,  sur  les  bords  de  la  Seine,   ou  son  corps  est  déposé  sous   ''  ' 
un  magnifi(jue    mausolée  (I)  ».    Le  même   auteur    donne  à  l'il- 
lustre  Bernard,    abbé    de  Clairvaux,   le    titre    de    saint,  que      ,(„j  „„„.  3 
l'auteur  de  l'iiisloire  ne    lui  donne  pas,  et  qu'il  n'eut  réelle- 
ment qu'a[)rùs  sa  canonisation  en    Il7i-.    De  plus,   l'auteur  de 
l'histoire  nomujant    les  évèques  qui  assistèrent  au  concile   de 
Baugenci,  pour  la  dis.-^ohition  du    mariage   dt;   Louis-le-Jeune 
et   de  la  reine  Aliénor,  déclare   qu'il    ignore   le   nom  de  celui 
de   Bordeaux,    cujiis  nomen  non  teneo  ;  au   lieu  que  l'auteur 
des   Gestes    l'appelle  |)ar    .son    vrai    nom,    Gaiifriilus   (c'était      /(;.,(.  num. -iii. 
Geofroi   de  Lorouxi,    et   non  Lanfridiis,   comme   on   lit  dans 
l'imprimé 

Nous  faisons  ces  observations,  parce  (piil  règne  dans  ces 
deux  écrits  une  telle  cunfurmilé  en  ce  (ju'ds  ont  de  commun, 
au  slyle  près  qui  est  plus  travaillé  dans  les  Gestes  (jue  dans 
l'histoire,  (ju'il  faut  nécessairement  (|ue  l'un  des  deux  ait  été 
copié  sur  l'autre.  Miiis  ou  voit,  par  les  dilTérences  que  nous 
venons  de  reuianiuer,  ([ue,  bien  loin  ([iie  l'auteur  de  l'his- 
toire ait  copié  l'auteur  des  Gestes,  c'est  celui-ci  qui  a  rema- 
nié l'ouvrage  du  premier,  lin  elFet,  si  l'auteur  de  l'Iiisloire 
ei\t  copié  celui  des  Gestes,  il  n'aurait  pas  laissé  en  blanc  le 
nom  de  l'archevècpie  de  Bordeaux,  qu  il  aurait  trouvé  écrit 
iM»  toutes  lettres  dans  les  Gestes. 

Il  ne  sensuit  pas  de  ces  observations  (|ue  louvrage  des 
Gestes  soit  entièrement  inutile.  Outre  ce  ([u'il  a  de  commun 
avec  riiisloire  de  Louis-le-Jeune  ,  il  renferme  une  histoire 
fort  étendue  du  voyage  de  ce  prince  à  la  Terre-Sainte,  sur 
le(|uel  l'autre   écrivain  ne   dit  ((:h;   deux   mots.   Cette    histoire 


(1)  Abbadaii  de  Sacro-I'orlu,  qurp.  hiuic  Barbehel  gailh-i  dicitur,  m 
pago  Meladunetisi  juxlà  liltiis  Seqmuue  faiidacU  ,  ubi  inausoleo  nirifici 
operis  corporaliier  reqmescil.  Gesta  Linlovici    Vit.  nura.  I. 

Aa2 


188     ANON.    AUT.   DABRÉG.     DE    L'HIST.     DE  FR. 
xii  SIECLE,     est    d'aulanl    plus  intéressante,    que   c'est    la   seule   que  nous 


/M.,  num  2S. 


ayons  de  celte  expédition  malheureuse.  La  première  croi- 
sade a  eu  beaucoup  d'historiens  qui  l'ont  célébrée,  parce 
qu'elle  eut  un  heureux  succès  ;  mais,  pour  la  seconde,  qui 
n'éprouva  que  des  désastres,  les  écrivains  du  temps  n'en  ont 
parlé  qu'en  passant,  le  plus  sobrement  qu'ils  ont  pu  ;  et 
nous  ignorerions  la  plupart  des  événemens  de  cette  guerre 
d'oulre-mer,  s'ils  n'étaient  consignés  dans  les  Gestes  dont 
nous  parlons. 

L'auteur  en  était  parfaitement  instruit  ;  il  avait  été  sur  les 
lieux,  comme  nous  le  dirons  bientôt.  Cette  circonstance  nous 
porterait  à  croire  que  cette  portion  des  Gestes  est  l'ouvrage 
d'Odon  de  Deuil,  qui  avait  accompagné  le  roi  dans  son 
voyage  en  qualité  de  chapelain,  ou  du  moins  qn'eile  a  été 
composée  sur  ses  mémoires.  Nous  disons  sur  ses  mémoires, 
car  le  rédacteur,  dans  un  endroit,  semble  indiquer  un  écri- 
vain qui  lui  servait  de  guide.  Faisant  la  description  du  siège 
de  Damas,  et  voulant  rendre  raison  des  dilTéronles  vues 
politiques  i\eh  Croisés  et  di's  Cluéliens  du  pays  qui  firent 
manquer  l'entreprise,  celui,  dit-il,  qui  a  écrit  celle  histoire, 
s'en  est  informé  sur  les  lieux  :  Ipse  ctiam  qui  islam  scripsit 
hisloriam  à  pluribus  indigenis  inquisivit.  Il  ne  dit  pas  celui 
qui  écrit  celle  histoire,  comme  pour  se  désigner  lui-même  ; 
mais  celui  qui  l'a  écrite,  qui  ipsam  sa-ipsit  hisloriam:  ce  qui 
semble  indiquer  des  mémoires  dont  il  n  était  que  le  copiste 
ou  le  rédacteur.  Or  ces  mémoires  ne  peuvent  pas  être,  comme 
on  la  cru,  de  l'abbé  Suger,  qui  n'alla  jamais  à  la  Terre- 
Sainte  ;  il  est  bien  plus  naturel  de  les  attribuer  à  Odon  de 
Deuil,   qui,  comme  nous  l'avons  dit,  fut  du  voyage. 

Odon  avait  déjà  écrit  une  relation  très  circonstanciée  du 
voyage  de  Louis-Ie-Jeuno,  depuis  son  départ  jusqu'à  son  arrivée 
à  Anlioche,  relation  qu  il  avait  adressée  en  forme  de  lettre 
,io  la  F."  i  xii^  à  l'abbé  Suger,  comme  on  l'a  dit  ailleurs.  Personne  n'était 
p.  615  -  i\n.  pi^jg  jjj^  ^,,jj^  (jyQ  |yi  jig  décrire  les  événemens  ultérieurs 
de  la  croisade,  dont  il  avait  été  témoin.  A  son  retour  en 
France,  il  fut  fait  abbé  de  Compiègne,  et  bientôt  après,  il 
succéda  à  Saint-Denis,  à  l'abbé  Suger,  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  avait  commencé  à  écrire  la  vie  de  Louis-le-Jeune. 
Tout  [)orte  à  croire  quil  continua  cet  écrit  en  ce  qui  con- 
cerne la  croisade.  Mais  celte  histoire  ne  devait  paraître 
qu'après  la  mort  du  héros.  Ce  fut  donc  alors  que  l'ouvrage 
fut  rendu  public  ;  et,  s'il   ne  s'étend  pas  jusqu'à  celte  époque, 


lli-l.    \M\ir. 


ADAM  DU    PETIT   PONT.  ^89 

c'est  que,  selon  la  remarque  de  l'éditeur,  le  manuscrit  de  l'ab-      xii  siècle. 
baye  Saint-Denys,  dont  il  s'est  servi,  était  imparfait.  D.ichesnc  '. 

V.  Les  Continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France  ^"'f'^-  ''*'■•  '''■ 
ont  publié,  d'après  le  manuscrit  4671  A  de  la  bibliothèque  du  '  j  'x'n  'aie. 
Roi,  qui  contient  les  usages  de  Barcelone,  un  petit  fragment 
d'une  chronique  des  rois  de  France,  depuis  Charlemagne 
jusqu'à  l'année  1180.  Ce  n'est  qu'une  nomenclature  de  nos 
rois  avec  la  simple  indication  des  années  pendant  lesquelles 
ils  ont  occupé  le  trône  ;  mais  ce  petit  croquis  contient  une 
particularité  qu'il  est  bon  de  faire  remarquer.  Depuis  Charle- 
magne, qui  avait  fait  sur  les  Sarrasins  la  conquête  de  la 
marche  d'Espagne,  l'usage  était  dans  ce  pays  de  dater  les 
actes  publics  des  années  du  règne  de  nos  rois,  comme  une 
reconnaissance  de  leur  suzeraineté.  Ce  fragment  nous  apprend 
qu'en  U80  cet  usage  fut  changé  dans  un  concile  de  Tarra- 
gone,  et  qu'on  commença  alors  à  dater  des  années  de  l'incar- 
nation, peut-être  cumulativen)ent  avec  l'année  du  règne  ;  car 
nous  ne  voyons  pas  qu'on  ail  cessé  alors  de  reconnaître  la 
suiceraineté  de  nos  rois.  B. 


ADAM  DU  PETIT  PONT. 


An  compte  parmi  les  professeurs  célèbres  que   Paris  pos-  ^^ 

^sédait  vers  le  milieu  du  XII*  siècle,  Adam,  surnommé  du  t.  ii,  p.  7i6 
Petit-Pont,  à  cause  du  quartier  dans  le  voisinage  duquel  son 
école  était  placée.  Jean  de  Sarisbéry,  sans  étudier  précisé- 
ment sous  lui,  l'avait  eu  pour  ami.  Adam  ne  s'était  pas  re-  n. 
fusé  à  lui  communiquer  tout  ce  qu'il  savait,  quoiqu'on  l'ac- 
cusât d'être  peu  porté  à  faire  aux  autres  cette  utile  commu- 
nication. La  grammaire,  la  rhétorique,  la  dialectique,  étaient 
l'objet  de  ses  leçons;  et  il  prenait  sur-tout  Arislote  pour 
guide.  Paris  n'avait  alors  aucun  maître  qui  enseignât  celte 
doctrine  avec  plus  d'ardeur  et  de  lumières.  Jean  de  Sarisbéry  Meiaiog.  iit. 
loue  beaucoup  l'étendue   de  ses  connaissances,    la   finesse  et  "■  *•  ^^  -  '^" 

Boul.    t.    II,     |.. 


McUlog 
r.  (0. 


la  sagacité   de  son   esprit.   Adam  avait  composé  un  ouvrage  y"^^ 

sur  l'art  de  raisonner  :  nous  l'apprenons  encore  de  l'auteur 

du  Mélalogique,   qui    accordait  d'ailleurs  peu  d'estime  à  cet  liv.  iv,  cha^.s. 

ouvrage,  comme  le  prouve  le  passage  suivant  :  Utinam  bene 


19U  ADAM  DU  PETIT  PONT. 

XII  SIECLE.       dixisset   Adam  noster    bona   quag    dixit  !  et  licel   f'amiliares 
~~~~'~~—-'    gj^^   gf   faiitQyes    /iQi;  sublilitati   adscribunl  ,   plurimi  (amen 
hoc  ex  desipienliù  vel  incidentiâ  vani,  ut  aiunt,  hominis  conti- 
gisse  interpretati sunt .   Il  était  dominicain,  à  ce  que  dit  Tlioiiias 
p.  6.  -■   V.  Tanner,  dans  sa  Bibliotheca  Brilannohibemicn,  il  l'était,   au 
aussi  Baiép,  par-  njyjjjs,  parle  dognie,   puisqu'il  croyait,    ajoute    ce  biographe, 
Fils,  il,  p  8i!i.  à  l'immaculée  conception  de  Marie.  Mais  les  dominicains  n'exis- 
taient pas  encore  à  lépoque  oîi  Adam  du  Petil-Pont  écrivait  et 
Hist.  Liu.r.  professait. 
t.  IX,  p.  73.  —       Nous  plaçons  Adam  parmi  les  écrivains  français,  parce  qu  il 

Du    Boul     t.    II.  \i    .1  \   K  .     n  I         i        I      -     n 

p.  43t.  -Du-  étudia  sous  Mathieu  d  Angers,  et  Pierre  Lombard,  a  Pans; 
bois,  H.  lie  lYgi.  qu'il  professa  longtemps  ensuite  dans  celle  ville,  oii  il  fut 
e    Pans,     iiv.  Qj^^g  chanoine  de  Notre-Dame  ;  mais  d'ailleurs,  il  était  né  en 

XIII^  c.  2   cl    7,  . 

t.  Il,  p.   lui  Cl  Angleterre,  et  il  alla    y  terminer  ses  jours,  ayant  été   nommé, 
'""•  en   1170,    évèque   de  Sainl-Asaph,    dans  le  pays  de   Galles, 

i  II  p"  7i'«  °^'  ^''0"'  ^*^  Diceto  met  son  élection  en  1 175,  et  son  sacre  au  mois 
Hi,i.  Angi.  d'octobre  de  la  même  année.   Il  est  singulier  que  Balée,  Pitseus 
^  "^sH?   ^'  '    ''  ^^  Tanner,    le  dernier  sur-tout  qui   fut  lui-même  évêquo   de 
Duboi»,  t.  Sainl-Asaph,  ne  fassent  pas  mention  de  l'épiscopat  d'Adam  du 
11,  p.  179.    '       Petit-Pont. 

Pendant   quil   était  chanoine  de    Paris,    Adam    professa    la 
Hibi.  Liuér.  ihéologie  à    l'école  épiscopale  du   diocèse     11  fut  membre   du 

I.  XII,   p.    4(>8.  synode  réuni  dans  cette  ville ,  et  présidé  par  le  pai)c  Kiigène  III, 

II,  p.  7i.'i.    —  ^^'  sujet  de  (jilbcrt  de  la  Porree  ;    et  on  bu  reprocha  d  v  avoir 
Mauiiii.  An.   lie  afTiriué  qu'il  avait  entendu  soutenir  ii  ce  prélat,  de  vive  voix,  des 

I,  '..''/'  [""'^positions  donl  on  l'accusait,    el  dont  ses  écrits  nbllVaicnl 

Un   lloiilay.    '        '  ' 

i.  Il,  p.  7i(i  aucun  témoignage.  Il  se  conduisit  mieux  au  concile  de  Lalran  de 

T.  I,  p    XI9.  1  n;»^  envers  Pierre    Lombard,    et  déclara  (pi  il  défendait /es 

Mcui!   hv  ""^'uj  s^^^t^nces  du  maître.   Pilseus  lui  attribue  un  commentaire  en 

i.  3  —  Du  Koui  (piatre  livres,  sur  ces  sentences. 
'■ ."-  ''  ^'  *  Son  allachement  pour  .Vristote  la  fait  aussi  désigner  (luel- 

llili     lilU.     Illli.  ,    .     I  II-  ^ 

y  ,j  <piet()is  sous   le  nom  d'Adam   le    Peripalelicien.    Tanner   croit 

•''""■  p-  î*i  ([u  il  pourrait  bien  être  Ui  putaliniis  peripateticiis,  donl  parle 
Jean  de  Sarisbery ,  dans  le  vingt-deuxième  chapitre  du 
second  livre  de  son  Policratique.  Jean  Balée  l'appelle  Adam 
scholaslicus. 
«.I  .1cj<.  p.  :ii)  Lécrivain  tpii  fut  plus  parliculièrement  désigné  sous  la 
(iéiioiuiiialion  du  Palalinus  Peripatelicus ,  est  Abailard,  comme 
nous  l'avons  rappelé  au  comiuencemenl  de  la  notice  sur  Jean 
de  Sarisbery. 

Adam  du  Petit-Pont  mourut  en  1180.  P. 


191 


XII  SIECLE. 


JEAN  SAltAZIN. 

l^iE.N   ne   fail    mieux   connaiire    cet  écrivain,   qu'une   lettre 

"  (Je  Jean  de   Sarijbéry.  Il  s'adresse  à  lui  comme  à  l'homme         ^i'-  '«i.  - 

de  son  temps  le  plus  instruit   dans  la   langue  des  Grecs  ;  per-  p."-!i<',"''    ''   "' 

sonne    n'avait    |iu    donner  à  Jean   de  Sarisbéry     la    véritable 

signification  d'un   mot  qu'il  avait  trouvé  dans  saint  And)roise 

et  sur  lequel    il  le  consulle,  h;  mol  i-jaix.  Il  ne    loue  pas  moins 

Sarazin  comme  [)hiIosoplie,    el    témoigne  un  grand   regret  de 

ne  pouvoir  aller  se  ranger  parmi  ses  disciples,  et  recevoir  de  sa 

bouche   les   préceptes  de  la    pliiiosopliicî  ;    Utinam   delur  mihi 

locus  ad  pedes  resh-os.  .  ntphilnsophur  senlenlias  nb  ore  reslro 

excipiam  ! 

On  voit  encore  dans  celle  lettre  que  Jean  Sarazin  avait 
conmiencé  de  traduire,  du  grec  en  latin,  la  hiérarchie  céleste 
de  saint  Denys,  et  que  Jean  de  Sarisbéry  faisait  un  tel  cas 
de  celle  Iraduciion,  qu'il  le  presse  d  achever,  el  de  lui  en- 
voyer ce  qui  en  restait  :  Eœspecto  à  gratià  veslrâ  residtium 
hiérarchise  Iransferri,  ut  vestro  bénéficia,  Francis  suis  beatus 
Dionysius  innotescat.  Jean  de  Sarisbéry,  tout  instruit  qu  il 
élail,  comme!  ici  l'erreur  de  croire  que  l'ouvrage  fut  de  saint 
Denys  de  Paris,  On  l'allribue  ordinairement  à  Denys  l'Aréo- 
pagile,  ainsi  nommé,  parce  qu'il  avait  été  juge  de  l'Aréo- 
page à  Athènes;  mais  celle  opinion  ménie  a  été  fortement 
combattue  par  des  écrivains  qui  ont  assez  bien  prouvé  que 
le  traité  de  la  hiérarchie  célesle  était  postérieur  de  plusieurs 
siècles  à  Denys  l'Aréopagile.  Il  en  est  ainsi  du  traité  qui  a  pour 
titre,  de  la  théologie  mystique,  attribué,  par  erreur  au  môme 
Denys,  el  traduit  égalemenl  par  Jean  Sarazin.  Sarazin  avait 
encore,  si  non  traduit,  du  moins  accompagné  d'observations 
préliminaires,  le  livre  <,{ir  les  noms  divins,  attribué  tout  aussi 
faussement  au  même  auteur. 

<'es  traités  ont  élé  imprimés  dans  la  bibliothèque  des 
Pères;  ils  lavaient  élé,  en  1634,  à  Anvers,  dans  la  collec- 
tion, en  deux  volumes  in-folio,  des  ouvrages  de  Denys  lAréo- 
pagite.  La  théologie  mystique  est  dans  le  second  volume; 
et  les  traités  des  noms  divins  et  de  la  hiérarchie  célesle  sont 
dans  le  premier.  On  trouve  parmi  les  manuscrits  de  Bodiey,  f.,,^, 
Dionysivs  Areopagitn,  de  dirinis  nominibus,  ctii  py^œponilur  Anf;iir^'."'p.i"  i. 


et  56tt), 


192  JEAN   SARAZIN. 

XII  SIECLE.  prologus  Joannis  Saraceni  ad  Odonem,  sancti  Dionysii  ab- 
3«u,  5(iis,  batem  .■  idem,  de  mysticà  theologiâ,  ad  Timotheum  episco- 
pum  Ephesi,  cum  prologo  ipsius  Joannis  Saraceni  ad  eum- 
dem  Odonem, sancti  Dionysii  abbatem.  On  les  trouve  encore 
ih.d.  pari.  IV,  parmi  les  manuscrits  de  la  cathédrale  de  Worchester,  et 
Voyage  «Jiia-  parmi  ceux  d'un  monastère  d'Italie,  celui  de  sainte  Schola- 
lie.  t.  I,  part.  I.  stique,  près  de  Subiaco,  dans  la  campagne  de  Rome,  la  tra- 
P'  ^^^^\^„  „,  duction  de  la  théologie  mystique  avec  le  prologue. 
p.  107.   °  Possevin   annonce    la     traduction    latine  de  la    hiérarchie 

céleste    par   Jean  Sarazin,  comme  un  des  manuscrits   de    la 
bibliothèque    des    Augustins    de    Crémone   :    Joannes   Sara- 
ceni'.s,  dit-il,  in  librum   de  cœlesti  hierarchiâ  Dionysii  Areo- 
pagitas,  ad  magistrura  Joannem  de  Sacaberiis.   On   aperçoit, 
sans   beaucoup  de  peine,   que,  sous  ce   nom  corrompu,  cest 
Jean  de  Sarisbéry  que  l'on  veut  désigner 
P»ri.  I,  p  Kii.       Sanderus,  dans  sa  bibliolhèque  des  manuscrits   delà  Bel- 
gique,  indique  parmi  ceux  de   l'abbaye   des  Dunes,   Joannis 
Saraceni  glossae  super   libros  beati  Dionysii,  de  cœlesti  Me- 
'  '  '     '      rarchià.  Le  catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  du  roi 
indique,  sous  le  n"  237(),    parmi  les  ouvrages  des  saints  Pères, 
in-folio,  outre  les  traités  que  nous  avons  annoncés,  onze  lettres 
de  saint-Denys,  traduites  encore  par  J.  Sarazin. 
v.  Bibi.   Aug.       La  théologie    mystique,   avec    la   traduction  de  Sarazin,   a 
•*■  '    ■  été   imprimée  à   Angsbourg,  en   1510,  sous  ce  titre  :  Dionysii 

Areopagitse  theologiâ  mystica,  gnecè,  cum  interpretatione 
Johannis  Saraceni,  Ambrosii  camaldidensis,  Marsilii  Ficini 
et  (Thornse)  Vercellensis  extractione  :  Johannes  Eckins  corn- 
mentarios  adjecil  pro  theologiâ  negativà. 

Les  traductions  de  Jean  Sarazin  ont  été  imprimées  à  Cologne, 
en  1536,  et  depuis,  dans  plusieurs  autres  villes,   comme  le  re- 

Apparat.  Sa-  „ 

cor,  liT.    I,  p.  marque  Possevm. 

sw.  Jean  Sarazin   fut  d'abord  religieux  de  Saint-Denys;    il   fut 

Mahiii.  Mus.  gjjgyijg  aijbé  jg  Verceil,   en  Italie.   Un  autre  religieux  delà 

Italie,   t.   I,   part.  "^ 

I,  p.  128.  première  abbaye  est  cité  comme  ayant  partagé  avec    Sarazin 

Mab    ibij.   -  l'amour  et  l'étude  de  la  langue  grecque  ;   c'est  Guillaume  de 

t.  vil,  p.  :,»{).  Gap.  n^J'  devint  peu  de  temps  après  le  chef  de  ce  célèbre 
monastère,  et  qui  traduisit  en  latin  1  éloge  de  saint  Denys 
par  Michel  Syncelle.  Il  avait  apporté  lui-même  de  Constan- 
tinople,  dans  un  voyage  qu'il  y  fit  par  l'ordre  d'Odon  de 
Deuil,   alors  son  abbé,   qui    avait  succédé  à  Suger,    et  dont 

Lebœuf     '  uiss.  ''  f"'  lui-même  un  des  successeurs,  le  manuscrit  de  cet  éloge 

i.  II.  p.  :>-2.        et  aussi  les  ouvrages   dont  Sarazin    fut  l'interprète.   La  rhro- 


JEAN  SARÂZIN.  i93 

nique  de  saint   Denys  place  son  retour  en    1167:  ainsi,    l'on      xii  siècle. 
peut  croire  que  ce  fut  vers  11 68  ou   1169  que  les  traductions 
latines  parurent.  11  y  a  donc  une  errei  r  dans  la  notice  surOdon 
de  Deuil,  insérée  au  tome  Xil  de  l'Histoire  Littéraire,  quand        p.  6is. 
on   y  dit   qu'elles  furent   dédiées   à  ce    savant    abbé.    Odon 
de  Deuil  ne  l'était  plus,  en  1162,  et  l'abbé  à  qui   Jean  Sarazin 
dédia  son  travail  doit  être  Odon  111,  ou  Eudes  de  Taverny,  qui       v.  Gaii.  ciir. 
eouverna  le  monastère  de  Saint-Denvs,   depuis  1162  jusqu'en  •■  ^'"' P    379; 

î'  J    '  I  '      ^  et     Fëlib.      Ilist. 

1169.  de  r»b.s.-  r)c- 

M.  Brial  a  recueilli  et  imprimé,  dans  le  seizième  tome  de  la  ny*,  p  198 
nouvelle  Collection  des  historiens  de  France,  deux  lettres  de  ._^'  ^^'' *"'  ''■ 
Jean  Sarazin  ;  toutes  deux  sont  de  1 167  et  toutes  deux  parlent 
de  la  traduction  de  l'ouvrage  intitulé  :  de  la  Hiérarchie  céleste  ; 
une  d'elles  renferme  quelques  réflexions  sur  la  difficulté 
de  traduire,  sur  la  différence  du  génie  des  langues  grecque  et 
latine  ;  l'autre  annonce  qu'à  la  demande  de  Jean  de  Saris- 
béry,  Sarazin  vient  de  traduire  le  livre  de  la  Hiérarchie  ecclé- 
siastique, comme  il  avait  déjà  traduit  le  livre  sur  la  Hiérarchie 
céleste. 

Des  lettres  insérées  dans  la  même  collection  peuvent  faire  î**  CoII.  des 
croire  que  Jean  Sarazin,  à  celte  époque,  en  1167,  était,  ou  j'^^vi  p  522, 
du  moins  passa  quelque  temps  dans  un  monastère  de  Poitou,  sko,  ksi  ci  noi. 
et  que  ce   fut  là  qu'il   revit   l'ouvrage   qu'il  était  sur  le  point  ".  870  et  noi.  o, 

,    ^    ,  ,.  ^  O        M  '  878  Cl  nol.  e. 

de  publier. 

L'amitié  qui  liait  Jean  Sarazin  et  Jean  de  Sarisbéry,  a  fait 
croire  à  quelques  écrivains  que  le  premier  était  Anglais  comme 
le  second.  Du  Bouiay  le  dit  dans  son  histoire  de  l'Université;  t.  11,  \>  750. 
mais  il  est  diflicile  de  trouver  une  présomption  plus  faible  : 
c'en  est  une  bien  forte,  au  contraire,  que  d'avoir  été  religieux 
en  France  ;  d'y  avoir  professé  avec  éclat;  d'y  avoir  publié  ses 
ouvrages  ;  de  n'avoir  enfin  quitté  le  monastère  de  Saint-Denys 
que  pour  aller  exercer  l'épiscopat,  non  en  Angleterre,  mais  en 
Italie. 

L'époque  précise  de  la  mort  de  Jean  Sarazin  n'est  pas  très- 
claire  ;  on  désigne  plus  ordinairement  l'an  1180. 

Giles   de  Paris  nomme    parmi  les  savans   personnages  que         Du  Bouiay, 
cette  ville  produisit  au  Xlle  siècle,  un  Philippe   Sarazin,  égale-  '•  "•  n-  '"^^  ~ 

,  •      ,        .    1  11-.  .111-,  r      ^      Duchesne.      Rer. 

ment  mstruit  dans  le  droit  canonique  et  dans  la  littérature.  Après  g.ii.   t.    v,    p. 
avoir  parlé  d'Anselme  de  Garlande,  sénéchal  du  roi  Louis-le-  323. 
Gros,  il  ajoute  : 
Tome  XIV.  B  b 


l'.ti  IEAà'   \)K  CA)l\M)\  a  ILLI<S 

XII  SIECLE.  HiccI  prôEsUtnlior  illo 

Prs/crwre  sii/jU,  qui  raracena  Pk'il'rpiju\ 
Cognomcnia  ti'lU  :  praier  qmts  noi:eral  aric.i, 
Qiiaque  meritnl  i/lidivini/ih\  omiiia  qiiondam 
Hecrvla,  <-/  muteras  damlunsni  jjrdurt'  lerje-<. 

V 


JEAN  DE  COlîNOUAILLES. 

l'its  p.  235  !mI  i^''"  tliéologien  esl-il  né  on  Angleterre  ou  en  Franco' 
anti.  1170.  -  viTiciit-il  son  surnom  dune  pmvinoo  anglaise,  ou  d'un  ciiiiloii 
'■'■'•  ''■  """■  ~  de  la  H;is?e-Hrolagno'!'    C'est    uni;   tiuostion    fort  peu    éclaMcie. 

C'axc,       lie      Srr.  '-^  ' 

Ecct  11,  |..2."S.  l'its,    Leiand,   Cave,     llar[)sicl(l,     labncius,     Vignier,     Oudin, 

iiafp^f.    II.   le  disent  Anglais;   Jean    l'icaid    iM    quelques-autres  l'ont  dé- 

.;!!        "^  ,.  ,''  ciaré  Bas-Breton.  Malinirre  l'a  surnomn)é  de  Corbie,   en   tlian- 

.1/1.      —      1  alir  ^  ' 

liiM.  ni..i.  ei  inf.  gGaut,  par  orrcur,  Coi'imbiensis  en  Corbeiensis.  On  est  sur, 
I..I.  t  IV,  |.  (.7.  j,^  njoins,  (|u'il  a  fré(|!ionlé  en  France  les  écoles  de  Pierre 
Bii.i.  iiisi.  ann!  Lombard,  de  Hol)erl  (le  .Melun,  et  de  Maurice  de  Sully;  car 
1I7!>,  p.  itis.  il  nous  l'apprend  lui-mônio,  et  il  distingue  les  deux  derniers 
Oui  m,      '  ' """    couime   Ics    docteurs    les   plus    orlliodoxos    de    ces     temps-là. 

lie    Sri-,    luxl.  I.      ^      ,  '  ' 

II.  p.  i.'ii'j,  Kndn,  il  est  peu  croyal)le  (pie  ses  principaux  écrits,  tout 
Ijôo,   lt)5l.    —  pleins   des   controverses    iiui   divisaionl   alors    les    théologiens 

.1.    Pic.  C:ital.  ll.S     r  •  •  -     .  .  .  .  .^,  ,     - 

aUiés  lie  Si.  -  'rançais,  aient  ele  composes  en  Angleterre  U  un  autre  cote 
vkior,  iians  la  pourtant,  c  cst  l'Angleterre  (|ui  p()ss('de  les  manuscrits  oii  .se 
■fournie    U''ncfir.  lisent  plusieurs   ouvrai^os  de  Jean    de  Cornouailles,    que  l'im- 

ilr     I,.      llunrlicl.  .  ,  .  '  , 

-  Mal  Ani  do  piossioii  n'a  point  rendus  publics;  son  commentaire  sur  les 
Pnn.s.  p.  2f<8.       prophéties    de  .Merlin,  ses   explications  de  divers  endroits  de 

Eiil.   apiiil     .Mari.     ,        '.,  ,  .,     ,  ,  ,       ,   _,, 

Tiir«.  An  I.  V  '''  Bil)le,  son  recueil  de  senlonces,  scsioliros  a  dilierontes  per- 
p.  lfifi7,  Kidst.  sonnes,  ses  disserlalions  iiK'léos  :  productions  dont  nous  ne 
.. ., '^m'.'!'^'""""'  connaissons    (jiio    les  tilros,    et  qui    nous  offriraient   peut-être 

lllhl.    lillil.     iii-s  ,  '  '  ' 

I.  1.  p.  ô-j,  1-8.  sur  l'hisloire  de  sa  Vie  les  doiails   (|ui   nous    man(|uent.  On    ne 

ii-i!i.    i."7'2.    —  peut  lire  on  France  qui!  Mois  ouvrages  de  cet  auteur,   son  traité 

ici'p'^io     -  ''"    ''ycremont   de   l'autel  ;   son    éc-rit    sommaire  sur   l'humanité 

l'ioM-vin,       ,\p.  do  Jésus-Christ,    ot   son   F^iiloge    adressé   au    pape    Alexandre 

Sa.  I.  I,   p    Sli'i.    jii 

C:i\c,  (le   Sir.  [y    prcniior    de   ces    arliclt^s  n'est    qu  un    opuscnI(^    inliliilé, 

2.1S.     -    (;iaii-  ''<'"^    lin  manuscrit  de  Cambridge.    Summa    qualiter  fiât  sa- 

niia-i,    Ciii.   l'es  cramtnlvtn  allirris  per  vii-liilcm   sanclœ  criicis  et  de  sepleni 

•""   *""''■    '■   "■  ranonibus  vei  ordinibus  mmv*'.    Dom    Ti.ssior    l'a    inséré    dans 

p.   ;!I7. 


J  EAN   DE  CORNOUAILLES  19,') 

la   bibliothèque  des  Pères  de  Cileaux,  en   ratlril)uanl  à  Cuil-      xii  si^eci.f, 
laimie,  abbé    de  Sainl-Tliierry;  les  Dominicains  l'onl   publié 
dans  le  recueil  des  œuvres  de  S.  Thomas,  el  il  a  été  plusieurs 
fois  imprimé  parmi   les  ouvrages  de   Hugues  de  Saint -Victor ,    _^;,,J;"' '''    '"' 
avec  trois  livres  sur  les  cérémonies  ,  les  sacremens  el  les  oflices 
(le  l'église.    Oudin   pense  que  ces  trois   livres  sont  de   Robert  snipt.   E.d.    i 
Paululus ,    prêtre    d  Amiens,    et    revendique,    pour    Jean   de  n.i'H'!^ 
(]ornouailles,    l'explication   des  sept  parties  de  la    messe.  Cet l(! 
opinion  nous  paraît  assez  bien  établie  par  les  manuscrits  de  c(!         jj.  ^    ^^^^^^ 
traité  conservés  en  Angleterre,   el  spécialement  par  celui  de  jc  u  Fr.  i.  xri. 
Cambridge.  i^  '' 

Les  deux  autres  écrits  de  Jean  de  (lornouailles  méritent  plus 
d'attention,  parce  qu'ils  tiennent  à  1  histoire  de  l'une  des  con- 
troverses de  son  temps. 

Parmi  les  questions  ihéologiques  agitées  au  XIT'  siècle, 
on  remarque  celle  de  savoir  si  le  Christ  en  tant  qu'homme  est 
quelqu'un.  Abailard,  Gilbert  de  la  Porée,  et  queUjues  autres, 
semblaient  ne  considérer  l'humanité  lie  Jésus- Christ  que 
comme  un  vèt(mienl  dont  le  Vcrbo  avait  daigné  se  couvrir.  On 
avait  dit  avant  eux,  cl  nous  ilisons  encore  aujourd'hui ,  que  le 
Verbe  s'est  revêtu  d'une  chair  humaine  :  ces  docteurs  prenaient 
celle  expression  trop  à  la  lettre.  On  les  désigna,  de  leur  temps, 
par  le  nom  de  Nihilistes,  parce  qu'ils  réduisaient  à  rien  ou  à 
trop  peu  de  chose  l'humanité  de  Jésus  -  Chrisl  ;  el  le  savant 
Pierre  Lombard  n'a  point  toujours  été  assez  élrang('r  à  celte 
secte.  Ce  qui  l'égarail,  lui  et  les  autres,  c'est  que  le  Verbe 
incarné  n'élant  en  ses  deux  natures  (ju  une  seule  personne  , 
il  ne  leur  semblait  pas  (pi'il  Tùl  possiblo  de  trouver  en  lui 
une  personne  purement  humaine,  de  laquelle  on  put  dire  : 
Voilà  quehiu'un  ;  ou  ,  si  l'on  veut  nous  permettre  une  tra- 
duction moins  française  el  [)lus  précise  :  Voilà  un  quelqu'un. 
Ils  soutenaient  qu'im  quelqu'un  n  est  point  oh  il  n'y  a  pas 
une  personne,  et  prétendaient  que  leur  doctrine  se  bornait 
à  énoncer  le  dogme  ipii  déclare  (pie  Jésus- Chrisl ,  entant 
qu'homme  seulement  et  abstraction  faite  de  sa  divinité  , 
n'est  pas  une  persDune  di.sliucle,  entière  el  com|)Iète.  Le 
pape  Aluvandre  III  fit  coïKl.uiinor  celte  erreur  dans  un 
concile  tenu  à  Tours  en  IHli;  el,  p);ir  la  innMix  evlirper, 
il  écrivit ,  quelques  années  après ,  à  divers  archevêques 
français,  des  épîlres  ou  elle  est  encore  plus  solennellement  'î'^^-  •'<'*  l'i»'- 
réprouvée.  Il  desirait  vivem  ;al  ipie  les  professeurs  ou  doc-  sss"%s  ^w)  '' 
leurs  s'appliquassent  à   la  combat  Ire. 


196  JEAN    DE    COR  NOU AILLES  . 

XII  SIECLE.         jggn  (jg  Cornouailles   fut  l'un  de  ceux  qui  secondèrent  le 
mieux,   sur  cet  article  ,   le  zèle  du  Saint -Père.  Il  réfuta  d'au- 
tant  plus  chaudement    les  opinions   de  Gilbert ,  d'Abailard  et 
de  Pierre   Lombard ,   qu'il  les  avait  d'abord  partagées ,    ainsi 
Euiog  I.  V.  qu'il  le  confesse  lui-même.  11  a  composé,  sur  ce  sujet,  deux 

The».  Anecd.     ,      ■.       ■•   ,•       , 

.cnn      écrits  distincts. 

Mart.  p.   1699. 

Le   premier,  fort  court  et   peu  soigné,  a    été  inséré   dans 

les  œuvres  de  Hugues    de   Saint- Victor,   sous  le   titre  d'Apo- 

Montfaucon,  logie  sur  l'incarnation  du  Chrï?.l  [Apologia  de   Christi    incar- 

Bibl         Biblioth.  \       ii         .     ■    .-.    i-  ,        „        .  • 

i.  I.  p.  629.        natione).    H  est    intitule  :  de    Homme   assumpto ,    dans    un 
Comm.  de  manuscrit  du   roi  d'Angleterre.   Oudin    fait  observer  combien 
^"1^57'  -  V    '^^   formes   scholasliques   dont    cet   opuscule  est   hérissé  sont 
Hist.  Lin.  de  la  étrangères  à  Hugues  de  Saint- Victor.    Qucero  igitur,   quaero 
Fr.  1.  XII,  p.  2».  t7gwi,  qusero  ab  iis  qui  diciint ,  sont ,   aux  yeux  d  Oudin  ,  des 
inoit''de"Hufiuc!  loumurcs  fort  peu  familières  aux  écrivains  antérieurs  à  1142. 
de  s.-Victor.       Au  surplus,  lauteur  de  cette  apologie  soutient  qu'il    ne  res- 
tera rien  de  commun  entre  la  nature  de  Jésus -Christ  et  celle 
de  sa  mère,  si  un  homma  [aliquis  homo),  ne   résulte  pas  de 
la  chair  et  de  l'ame  dont   le  Verbe  s'est  revêtu;  que  si  cette 
chair    et  cette  ame  ne   conslituent   pas  un   quelqu'un,    leur 
union  devient  chimérique,  et  que    dès  lors  toute  idée   déna- 
ture humaine  s'évanouit.  11  examine  ou  veut  examiner  le  sens 
attaché    au  mot  selon   [secundùm] ,    quand  on   dit   que  Jésus- 
Christ  ,   selon    son    humanité   (  secundùm  humanitatem  ),    est 
prédestiné.  Mais  le  point  qui  demeure  le  moins  éclairci  dans 
cette  controverse,  c'est  la  distinction   à  établir  entre  quelqu'un 
e{  quelque  chose  ;  car  si  les  Nihilistes,  ou   ceux  qu'on  appelait 
ainsi,     prétendaient    réellement    que    Jésus-Christ,     en    tant 
qu'homme  ,    n'était   pas  quelque  chose,   on   les   pouvait   bien 
facilement    réfuter.   Ce  qui   importait  le   plus,   était   de   leur 
montrer  un  homme  [aliquem  hominem)  dans     l'unique    per- 
sonne du  Verbe  incarné. 

Au  commencement  de  l'Euloge,   autre  ouvrage  de  Jean  de  . 

Cornouailles  sur  la  même  matière ,   il  annonce    qu'il  l'a  déjà 

traitée,  mais  avec   trop  de  concision    et   même   de   stérilité; 

il  était  pressé  par   les  circonstances  ,   un   concile   romain  allait 

souvrir  :    Propter  Romanum  quod  tune  temporis  imminebal 

concilium,    brevi  nimis  et   sterili   stylo   functus    sum.    Celte 

déclaration   se    lit  à   la    tête  de    l'Euloge  ,    manuscrit  qui   se 

v.  Oudin,  conservait  à  Saint-Victor;  et  c'est  l'un  des   molifs   que  nous 

e"h    \    iT 'V  ^^^"^   datlribuer    à    Jean     de    Cornouailles    l'opuscule   dont 

1530.  nous  venons  de  rendre  compte  ,   et  qui  a  été  inséré  dans  le 


JEAN    DE    CORNOUAILLES.  197 

recueil  des  œuvres  de  Hugues.  Nous  devons  avouer  toutefois  que     xii  siècle. 
ce  prologue  ne  se   retrouve  point  à  la  tête  de  l'Euloge  publié 
parD.  Martène.  ''"''«    l"'^'^''- 

Cet  ouvrage  est  adressé  au  pape  Alexandre  III,  à  qui  l'au-  1702', 
leur  rappelle  la  lettre  écrite  par  ce  pontife  à  Guillaume,  alors 
archevêque  de  Sens,  aujourd'hui  archevêque  de  Reiras  :  ad 
venerabtlem  Guillebnum  tune  Senonensem  hodiè  Re7nensein 
archiepiscopum.  Nous  citons  ces  paroles,  parce  qu'elles  vont 
donner  lieu  à  deux  observations. 

Premièrement,  Guillaume  n'étant  devenu  archevêque  de 
Reims  qu'en  1176,  et  le  pape  Alexandre  111  étant  mort  en 
1181,  il  faut  que  l'Euloge  ail  été  composé  entre  ces  deux  dates  ; 
et  si  le  concile  romain,  mentionné  dans  le  prologue,  est  le  troi- 
sième concile  de  Latran,  on  en  devra  conclure  que  le  premier  Tenu  en  1179 
écrit  de  Jean  de  Cornouailles  sur  le  Verbe  incarné,  a  été 
rédigé  au  commencement  de  1179,  et  le  second,  vers  la  fin  de 
la  même  année,  ou  dans  le  cours  de  la  suivante  ;  mais,  s'il 
était  possible  que  Jean  de  Cornouailles  eût  qualifié  concile 
romain,  concilium  romanitm ,  celui  que  le  pontife  romain 
Alexandre  il!  avait  présidé  à  Tours,  dans  celte  hypothèse 
peu  vraisemblable,  le  premier  écrit  serait  de  1163,  et 
l'Euloge  n'aurait  qu'une  date  plus  indéterminée  entre  U16 
et  1181. 

En  second  lieu,  lorsque  Jean  de  Cornouailles  nomme  et 
détermine  si  positivement  Guillaume  archevêque  autrefois  de 
Sens,  aujourd'hui  de  Reims,  il  n'y  a  pas  moyen  de  supposer 
que  la  lettre  d'Alexandre  ait  été  écrite  à  un  autre  archevêque 
de  Sens,  par  exemple,  à  Gui  ou  Widon,  qui  occupa  ce  siège 
depuis  1176  jusqu'en  1193.  Cependant,  Mathieu  Paris  et  Ba- 
ronius  ayant  donné  à  cette  lettre  la  date  de  1179,  M.  Brial, 
pour  conserver  cette  date  inconciliable  avec  le  nom  de  nec.  de»  hisi 
Guillaume,  a  cru  devoir  y  substituer  celui  de  Widon.  Il  nous 
semble  que  le  témoignage  formel  de  Jean  de  Cornouailles 
ne  permettant  ici  sur  le  nom  de  Guillaume  aucune  sorte  de 
correction,  ce  serait  plutôt  la  date  qu'il  conviendrait  de 
rectifier,  et  nous  proposerions  1169  ou  l'année  suivante, 
afin  de  rapprocher  celte  lettre  de  celle  qu'Alexandre  a 
écrite,  en  H70,  sur  le  même  sujet,  et  presque  dans  les 
mêmes  termes,  aux  archevêques  de  Reims,  de  Rouen,  de 
Tours,  et  de  Bourges  6n  conçoit  aisément  le  motif  qui  pou- 
vait déterminer  le  pape  à  s'adresser  par  une  lettre  pari icu-  deFr.  t"xv,  p 
lière  à  l'archevêque  de  Sens,  dont  la  juridiction  métropo-  888. 
<  s 


de   Fr.  t.  XV,  p 
968. 


Rec     des   hist. 


108  JEAN    DE    CORNO  LIAI  MES. 

xri  stECLE.  litainc  s'étendait  sur  les  écoles  de  Paris,  plus  exposées  que  les 
autres  à  conserver  une  doctrine  professée  par  Pierre  Lombard. 
Aussi  Pierre  Lombard  est-il  nommé  dans  la  lettre  à  Guillaume, 
au  lieu  qu'il  ne  l'est  point  dans  la  lettre-  aux  quatre  autres 
métropolitains,  et  c'est  la  dill'érence  la  plus  essentielle  entre 
ces  deux  c|)îtres.  Nous  ajouterons  que  le  souverain  ponlilé 
rappelle  à  lurclievêque  de  Sons  les  injonctions  ([uil  lui  a 
faites  de  vive  voix  pour  être  transmises  à  ses  sullVai^ans  ; 
paroles  qui  ne  peuvent  trop,  c(;  semlile,  s'adresser  à  Widon, 
qui.  avant  1 17G,  n'avait  été  (juc  prévôt  des  églises  d'Anvers 
et  d'Auxerrc. 

Revenons  ;i  lEuloi;e,  litre  (pii  ne  siirnilie,  comme  on  sait, 
que  bon  discours,  discuu^•^  rxacl,  orthodoxe  ;  mais  l'objet 
de  ce  traité  est  énoncé  par  di'r.  lilnis  accessoires  et  plus  précis  ; 
de  Chrislo  homine,  seu  de  /niinanitalc  C/irisli,  t/tiod  Christus 
siL  aliquis  liomo. 

Dieu  s  est  lait  liomiuc  trois  di\erse.-  e\|iiicalions  de  ce 
doi;me  sont  i'i  rappiulces  par  Jean  de  (iornouailles.  Selon  les 
uns,  il  exisie  en  Jcsii.s  (;iiri>l  un  liuiimie  vénlablc  ;  selon 
les  autres,  il  i'iuil  joiiulic  ii  lu  chair  <;l  ii  lame  une  troisième 
substance,  sa\nii.  l;i  dixiiule,  pour  constituer  la  personne 
de    rilumme-Dii'ii  ;    le   deiniei    système  coiisisle   à   dire    (jue 

I  humaiule  <'>!    ''M    Jc>ii-~-('liri.sl    n'ieinent  ,    iM    non  Mibstance. 

II  esl  homme  rcsIinivalnUlr,-,  el  non  pas  substdnlialite)- ;  il 
n'\  a  |>oiMl  en  lui  im  p.ii  el  .simple  homme,  une  personne 
hiiniaiiii'  imipreiiii'iit  el  .^ll  n  liim  ni  dite.  L'auteur  commence; 
par  ciler  le.s  .uiluiile--  tpii  ^einhii'iil  lavoriser  les  deux  der- 
niers s\stèmes,  et  spei  lalciin'iil  lin  pa-s.iirc' oii  Sainl-Aui,'iis(ii» 
e\|)liipie  ces  [)aioles  de  saiiil  Paul  :  llabilu  oiivnlus  ul  homo- 
Il  expose  (îusuile  la  doctrine  de  dilhert  delà  l'oret;,  d'Abai- 
laiil,  lie  Pierre  Lombard,  eu  observant,  sur  ce  dernier, 
(jiiil  II  a  l'ait  que  lepéliT,  sans  trop  dexainen  et  sans  trop 
de  conliance,  ce  (|u'avaienl  dit  les  deux  autres  Jean  de  (]or- 
noiiailles  oppose  à  Ciîs  doeleuis  Anselme  de  Canlorbéry, 
S.  beiiiard.  .Vciuiid,  é\èi|iie  d'.Vviaiiihe^,  Hobeil  d.'  Melim, 
Maiinei;  de  Siilli  Ci'sl  a|)res  celle  exposilion  (h's  systèmes 
oppo.sés,  (|ue  laiiUîiir  .seii-ai;e  dans  une  discussion  rii^ou- 
nni.se,  el  s'elfoiiM!  de  moiilier,  |)ar  des  aiilorités  el  par  des 
ar.u;uiiieiis,  (;oinme,iil  il  y  a  un  homme  piopnMueiil  dil  [aliquis 
homn]  en   Jèsus-lLIirisl.    M   cili;,    par    l'xemple,    ces    textes   de 

I'..  r,t,  s.   la   bible  :   Bcalus    quem    elegisli    cl    assumpsisli  ■    dies   super 

l's.  «o.  7.  ^jj^ç^  renin  adjicies  :    lu    es  sacerdo'S    in    œleraïun,    etc.;  el , 
l's.  109,  i.  j  .1  ' 


JEAN     DE    CORNOUAILLES.  199 

comme  de  tels  passages  ne  tranchent  point  immédiatement  la     xii  siècle 

queslion,  d  a  besoin,  pour  la  leur  faire  résoudre,  d'établir  une ~ 

suite  dmduelions  et    de  rapprocl.emens,  à  laquelle   il  donne  le 

titre   ÛEpilogatin    I!  recueille,   de  la  bouche  de  Caïphe  et  du 

Centurion,  des  l.'iiioii,'nases  plus  formels,    et  sur  lesquels  il  n'a 

pas    besoin    dépilonuer   aussi    long-temps  :   Eœpedit  ut  unus       a..,,,  u   «„ 

lomo   moviatur  pro  populo;    ven- Jiic   homo    /ilius  dei  erat        Man-   iri;  ny' 

II  trouve  encore  qu  on  a  dit  de  Jésus-Christ,  quil  était  le  plus 

saint  des  hommes,  le  plus  glorifié  des  hommes  ;  ce  qui  suppose 

qnil    est    eHertivement  lun  dVnIre  eux.   II   ajoute  que   lorsque 

Jesus-Christ    mangeail  ,    s'asseyait,     soulliail  ,     mourait       ces 

manières  d«Mre,  <|ui  n  appartenaient  p-.int  à  la  divinité    étaient 

necessairem.Mit  eell.'s  de  ,,uel,pH.  hoiiiin,'.  (rs  raisonnemens    et 

beaueoupd  autres  du  même  g..nre,  se  suivent  ici  plutôt  qu'ils' ne 

senchament  :  le  mot  Uem  est  la  transition  la  plus  ordinaire  de 

I  un  a  I  autre. 

Pour    linlelligence   de   «ede   controverse,   il  convient   dob- 
scrver    que  Jean    de  Cornouailles  ,1   ses  adversaires  s'accor- 
daient   a  condamner  et  Nestonus,    qui   avail    .bsiin^ué    dans 
le    Verbe   deux    personnes,  .'t    1,.  n,ome   lÙKvchùs,  qui  navait 
reconnu   en   Jesus-Chnsl    .p.une   seule    natui'e     .M.is  on  sou- 
tenait  aux   Nihilistes  .pu-    1.,,,     ,|oc(rine     se    rapprochait    de 
celle   des   hulychirns;    e(,   ,1e    !,.„,  côté.   ,1..  Imuvaienl   ,n,o  la 
proposition,    Jésu.s-Chnst     .•..(    q,„.|.p,c    homme,     Jcsus-Chrisl 
est     une    personne-     humaine,    tendait    au    Nestorianisme      Ils 
consentaient  bien  a  dire     Jesu>-(,hnsl  est  homme,  niais  non 
pas     un    homme,   (piehp.c    honmie,    I  un    ,!...    l,.,n,n.es  ■    et  le 
défaut  d  articles  dans   les  textes  lalms  cpion  allé:,nait  départ 
et    d  autre     contribuait   à    nu.Uipl,,.,.,    dans  cette'  dispute     les 
mal-entendus  et  les  sopbismes    Jean  de   Cinumailles   toul'efois 
comnience   ..   I.n.t   son  Euloge  par   inviter  le  pape   à    Happer 
.lana.heme   la    doctrine   des   N,!,,!,.,.,     Alexan.he    III    s'élait 
contente  de  la    rej.,.,- :   .1  s  e.ai.  abs.enu,  en    la   condamnant, 
e    a   déclarer    he,e„,u.;   persuade,   sans   .Inute,   que  s'il  faut 
'"'"    J     ait    des    heresa.s,   ,|     „  c.M     pourtant     pas    nécessaire 
hJZr^'^'""^^"""^'-'"'- -'-^opinLs, aus.es  0: 


Conlu^.r''"""''''''''''''"^^""''''''''''''"'-'''''^^--' 
toit  au-delà  du  pontilicatd  Alexandre  111.  u 


200 


XII  SIFXLE. 


G; 


GUILLAUME, 

Abbé    d'Aubekivk. 


un. r. AIME,  abbé  d'Aiiberive  (1)  en  H 05,  lélait  encore  en 
'1180,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  charte  citée  dans   le  nouveau 
T.  IV.  i>.  »u.  Gallia  christiana.    Mais  on  voit  aussi  qu'avant  la  fin  de   celte 
même  année  1 180,  Garnier  de  Rochefort  avait  succédé  à  Guil- 
laume,  qui,  sans  doute,  venait  de  mourir.  Voilà   tout  ce  que 
nous  avons  à  dire  de  la  vie  de  cet  auteur  :  car  ses  relations  avec 
quelques-uns  de  ses  contemporains  ne  tiennent  qu'à  l'histoire  de 
ses  ouvrages. 
Hisi.  Litici.       Nos  prédécesseurs  ont  parlé  des  sermons  d'Odon   de  Mo- 
1.  XII,  p.  «12,  ^jijjohJ    et     de     ses     explications     myslitpies    de     plusieurs 
endroits   de    la   Bible  ;     mais   en    quelques    manuscrits  ,    ces 
recueils,  et  surtout  le  second  ,  portent  le  nom  de  Guillaume, 
abbé   d'Auberive.   On  a  lieu   de  croire   que  le   fonds  de  ces 
ouvrages  appartient  réellement  à  Odon,   mais  que  Guillaume 
„    les  a  mis  en  ordre  et  en  a  même  rédiaé  plusieurs  articles.  Le 

Oudin,  l.  Il,  ...  ,  .    11  •  1  ■  Il 

p,  141S.  prologue  des    explications  dit  quelles  seraient  bien   meilleu- 

res, si  Odon  avait  pris  la  peine  de  les  écrire  lui-même  ou  de 
les  dicter.  L'abbé  de  Morimond  s'était  aussi  occupé  de  l'analyse 
des  nombres,  c'est-à-dire,  de  l'Arithmétique  mystérieuse  ; 
cl  c'est  quelquefois  encore  le  nom  de  l'abbé  d'Auberive  qui 
se  trouve  à  la  tête  de  ce  traité ,  auquel  nous  reviendrons 
bientôt. 

Un  abbé  Noél  avait  proposé  à  Guillaume  d'Auberive  des 
questions  relatives  à  la  trompette  du  jugement  dernier.  Guil- 
laume y  répondit  par  quatre  épîlres,  (pii  sont  restées  manus- 
crites ainsi  (pie  plusieurs  autres  du  même  Théologien.  Elles 
sont  à  la  bibliolliè(jue  du  monastère  de  Saint-Jean  en  Jérusa- 
liai.  Saiia  I.  Iem,  à  Rome.  Ughelli,  qui  les  cite,  et  particulièrement  celle 
I,  p  25à;  2a6  ^^jj  ^^^  intitulée,  de  Verbo  indisciplinato,  transcrit  en  entier 
une  lettre  de  Guillaume  à  Henri  abbé  de  Clairvaux,  depuis  car- 
dinal évêque  d'Albano.     Guillaume  communique  à   Henri  ses 


(1)   Abbave    de    Tordre    de    CIteaux,    au    diocèse    de    Langres,    fondée   eU 
1136. 


GUILLAUME,    ABBK    D'AUBERIVR.  201 

quatre  épîlres  sur  le  jugement  dernier,  et  le  prie  de  l'aider     x"  siècle. 
de  ses  avis,   de  rectifier  les  erreurs   qu'il   a  pu   commettre. 
De   Visch    indique   un    autre    ouvraee  de    labbé    d'Auberive,   ^''''"       Cisitrc. 

,         ..  ,  .  .  ...  .  325,  ."lîG. 

sous  le  titre  de  sacrarnentis  minorum  :  mais  il  y  a  certaine- 
ment ici  une  faute  de  copiste;  il  fallait  écrire  de  sacramentis 
numeroriim,  et  ne  pas  distinguer  cet  ouvrage  de  ceux  qui  le 
suivent  dans  la  liste  de  de  Viscli,  et  qui  ont  pour  objet 
l'Arilhmélique. 

Un  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  Roi,  n°  33.ï2,  contient  un  C»tai.  mu. 

ouvrage  intitulé  analylica  numerorum,  et  divisé  en  dix  livres  :  ^ibi.  Ri>g.  i  m, 
notions  préliminaires,  signiliculions  des  nombres,  leurs  figures  ^' 
et  leur.s  noms,  mysières  des  figures,  règles  des  générations, 
rapports  et  proportions,  signiticalions  de  l'unilé  et  de  la 
dualité.  C'est  le  nom  d'Odon  de  Moriiuoud  qui  se  lit  ici  à  la 
tète  de  ces  dix  livres  qui,  ailleurs,  porlent  celui  de  Guillaume 
d'Auberive,  ainsi  que  nos  prédécesseurs  l'ont  remarqué  après 
Oudin. 

Deux  autres  manuscrits  de  la  bibliothèque  du  Roi.  no  2o83 
et  3011,   tous  deux  provenant  des  fonds  de  Colberl,  conticn-  Caïai   mss. 

nent  des  traités  du  même  genre  et  qui  ont  même  des  parties  ^''''-  "«"g-  '•  '"• 
communes  avec  les  dix  livres  dont  nous  venons  de  parler. 
Dans  le  manuscrit  3011,  qui  est  du  XIIT  siècle,  peut-être  de 
la  fin  du  Xir,  les  premières  pages  présentent  des  défini- 
tions et  des  notions  générales  dont  lauleur  n'est  pas  dési- 
gné. Au  bas  de  la  page  3  commence  le  traité  de  Guillaume, 
abbé  d  Auberive,  sur  les  mysières  des  nombres,  de  sacramen- 
tis numerorum ,  depuis  3  jusqu'à  12  inclusivement.  Suit  une 
épîlre  du  même  auteur,  ilem  cujus  suprà,  au  moine  Etienne 
sur  le  mystère  du  nombre  40.  Celte  épîlre,  dont  les  dernières 
lignes  manquent  ici,  est  séparée  par  un  opuscule  sur  le 
Lévitique,  de  deux  autres  traités  d  Arithmétique  mystérieuse. 
L'un  explique  les  nombres  13  à  20.  L'autre,  beaucoup  plus 
court,  concerne  les  nombres  parfaits.  11  est  bien  dit  que  ce 
dernier  écrit  est  de  l'auteur  du  trailé  précédent,  item  cujus 
suprà;  mais  ni  le  nom  de  Guillaume  d'Auberive,  ni  aucun 
autre  nom,  ne  se  lit  à  la  tête  ni  à  la  fin  du  livre  de  tredenario 
ad  vicesitnum. 

Le  manuscrit  2;')83  est  moins  ancien  :  il  pourrait  n'être 
que  du  XIV°  siècle  ;  on  y  retrouve,  sous  le  nom  de  Guil- 
laume ,  abbé  d  Auberive ,  les  mystères  des  nombres  3  à 
12,  et  la  lettre  entière  au  moine  Etienne,  sur  le  nombre  40; 
ensuite,  sous  le  nom  de  Geufl'roi,  abbé  de  Haute-Combe,  le 
Tome  XIV.  Ce 


202  r.l  ILLAL.ME,    AB13É    DAIREKIVE, 

xii  siKCLE.  (railé  des  nombres  liî  à  20  et  l'opuscule  sur  les  nombres 
parfaits.  Esl-ce  par  méprise  qu'on  a  subslilué  ici  Gavfridi  de 
alla  cumbà  à  Guillelmi  de  albà  ripcU  Nous  n'en  cioulorions 
point,  si  nous  lisions  ce  dernier  nom  dans  le  manuscrit  3011, 
au  coniinencemenl  ou  à  la  (in  de  1  un  ou  île  l'autre  de  ces  deux 
livres  :  mais  il  y  m;in(]ue,  et  nous  ne  sommes  autorises  à  l'y 
sous-entendre  que  parce  (|ue  les  ipuitre  ouvrai^es  sorU  à-peu-près 
du  mènu!  f^oûl,  et  qu<'  ilans  ce  manuscrit  liUli.  ils  sont  écrits 
de  la  mémo  main. 

On  sait  (pie  !)icn  avant  Pylli;ii;nro,  les  (>llaldéon^  et  les  Égyp- 
tiens a\aiiMil  allnhiié  au\  noinlui's  iji-s  propnclés  mystérieuses, 
l'ylliagore  dévelojipa  celle  tlociiiiu',  !'l.ii'>ii  la  propaj^-a,  cl  nous 
la  voyons,  an  comniencenuMil  d»'  Icro  vulgaire,  élablieclicz  les 
Juifs  et  dans  1  église  (tlirélicnne  en(;ore  plus  que  chez  les  Païens. 
Les  écrils  diî  Virgile,  de  Vilruve,  cl  d(>  .Macrohe,  en  olFrent 
di's  traces;  mais  l'Iiilon  y  trowvail  la  hase  de  loul  le  syslénio 
du  monde;  et  bienlùl  ciitre  Ii'.s  nmiiis  ^\^•^  liiihhins.  l'-Vrillimé- 
lique  suriiiiturclli!  devinl  la  plus  récondi."  des  sciences  oc- 
cultes. Sans  se  livrer  à  de  pareils  égarcmens,  Saint  ("Jémcnt 
d  Al(!xaii(lrie,  et  Saint  .\ugusliii,  ne  laissciciil  pas  d'adopter 
quel(pii'.-i  spe(  iilali.Jiis  dt;  ce  gi  iirc  ,  cl  les  li.iiiMiiirenl  au 
niovcn  à^e  ,  dÎi  elles  ne  pnmaieiil  iiiampier  de  fiiiclilier. 
Voici,  dans  un  court  e.-pace  de  teii.ps,  |)iiisieurs  écrivains 
<pii  en  sont  pior'jndi'iueiil  dccnpes  :  Odon  de  Mnrimond  , 
(Juillaume  d'.Auberive ,  [leiit-i'lre  aussi  (Jeullroi  de  llaiile- 
('cihbe,  et  Mil  Tiiihaut  de  Laiigres,  dont  je  parlerai  à  la  lin 
de  cet  article.  ' 

Il  (iinvieul  de  distinguer  dans  leurs  traités  deux  ordres  de 
:ii)lii)ns  :  d'une  part,  des  observai lons  tort  justes  sur  la  forma- 
tion des  nombres  et  sur  les  rap|)orl>  iju  ils  ont  entre  eux;  de 
laiilre.  I  •>  plus  In/.arres  rapprochemens  de  textes  sacrés,  d  énu- 
1111  raiii)ii>  llie(i|.)-!,pies  du  seieniili.pies,  d  époques  clironoliigi- 
(pie^.  d  ii.ii'iuDiiii's  mu-ieales,  eu  un  mol.  de  tniiles  les  espèces 
d  idées  (l.iîis  leNpressioii  di'sipielles  peut  entrer  un  cluirre.  En 
di'ploiaiit  ces  extravagances,  I  é(piité  veut  (pie  Ion  convienne 
ipii'  ces  auleiiis  sa\eiit  lu  ancoiip  il'aritliméliijue,  plus  mêm(î 
jti  il  n'en  e-t  re-.ié  i\i)n<  renseignemeiil  ordinaire,  depuis  (pie 
les  méthodes  gem-iales  ont  rendu  presipie  inutiles  tant  de 
détails  (>t  de  parlicidarités. 

Dans  le  traite  dos  nombres  3  à  12,  (iuillaume  d'Auberive 
obscrxe  sur  It;  nombre  3,  (|ue  son  (jiiarré  9  exc(Mle  8, 
■ube  d"'   '2  ;    tandis  (pie  le    nombre  3  et  Ions  C(;ux   qui    le   sui- 


GUILLAUME,   ABBE  DAUBERIVE  203 

venl  sont  assnjélis  à  celte  loi  constante,  que  jamais  le  (|narré  xii  siècle. 
de  l'un  (1  eux  ne  surpasse  ni  nirnie  n 'éi^ale  le  cube  du  nondjre 
immédiaicment  antérieur.  Ainsi  H),  qiiarré  de  4,  reste  au-des- 
sous de  27,  ctdje  de  trois  ;  cl  2.i,  ({narré  de  ">,  au-dessous  de 
(Ji,  cube  de  4,  etc.  Voilà  donc  une  prérogalivc  qui,  selon 
Guillaume,  fait  infiniment  d  honneur  au  nombre  ternaire, 
et  qui  lui  vient  de  ce  qu'il  renferme  un  médiateur  entre  deux 
unités;  en  (|uoi,  dit-il,  nous  devons  reconnaître  ce  que  la 
foi  nous  enseigne  du  médialeur  divin  La  nalurc  humaine 
n'élail  ipie  binaire;  elle  consislail  en  deux  substances,  le 
corps  et  lame  .sans  inleriiiéiliaiio,  elle  ne  pouvait  s'élever  à 
la  triiulé;  aussi  celui  qui  est  venu  au  milieu  île  nous  nous  at- 
leslc-t-il  (|ue  nous  n'arrivons  que  [>ar  lui  à  son  [)ère  :  ipso  qui 
médius  noulrùm  stelil  allestante  quia  nemo  venil  ad  patron  nisi 
per  me. 

Le  moine  Etienne  voulait  savoir  pourquoi  le  nombre  40  élail 
celui  de  la  pénitence.  L'cxeiiqilc  du  jeûne  de  .1  -C.  et  laiilorilé 
de  lé.:,'lise,    le  lui  appren.Ti(>:it  sans  doute,   mais  il  aspirait  à 
bien  en   concevoir  la  raison  démonstralive.    Guillaume    d'Aii- 
berive  lui  lait  observer  (pic  40  est  le  [)roduit  qu'on  obtient  en 
miillipiianl  l'expression    du   Irnips,  par   le   nombre  qui  réunit 
I  homme    cl    Diru.    Le    l-mps  t.v,t    essentiellement   (piadruple  ; 
quatre    parties    du   jour,    ([uatre  saisons    de    lanni'-!.     D'iiuirc?. 
part,    Dieu    el    l'homme    fout    10.    car,    à    la   Trinité   divine 
l'homme  ajoute   7  :    savoir,    I    pour    les  quatre   élémens    qui 
entrent   dans  .son    corps,  el    ;{  pour  K^s    t. ois    facultés  de    la 
substance  spirituelle,    facullcs  .pic.  récriture   distingue  si  par- 
faitement  quand  elle  mujs    rocommande  daiincr    Dieu,    1"  ,Je 
toute  notre  ame,   2"    de   tout    noire   cœur,    :i"    (!,■    i„i,t    notre 
esprit.  —  Autre  démonstration      le   but  de  la    péniliuice   est 
d'acquérir  la  grâce,   le  salut,  la  félicité  suprême  dont  le  nom- 
bre oO   ou   pentécoslal  est  évidemment   lexpiussion.  Mais  on 
parvient   à  ;i0,   on  fait    préci.-ément  T.O  ni  plus   ni   moins,    en 

additionnant  toutes  les  partie,',  ali(piotes  de  40  •  «avo.r    -^0    10 
8,  6,  4,  2el  1  -       '       . 

Le  traité  concernant  hys  nombres  13  à  20,  examine  cha- 
cun de  ces  nombres  sous  .M-pi  nspccls  :  sa  na'iure,  sou  ram^ 
sa  compo.^ilKju,  s.>s  alli.i.lo.s.  sa  .iivi,sion,  addilion  et  mnll?- 
plicalion.  Le  nombre  13  e..t  .n  lui-même  ihéophaui.pio  .esi- 
a-dire,  manifestant  Dieu;  car  ce  fut  le  treizième  jou-'  aprè. 
sa  naissance  que  Dieu  incariM'  daigna  se  montrer  aux  i,ré- 
inicesdcs  Gentils.    Pour  le  nombre  20,  il  est  militaire,   parce 

Cci 


20 i  GUILLAUME,   ABBÉ  DAUBERIVE. 

XII  SIECLE,     que  c'est  à  vingt  ans  qu'on  s'enrôle.  Ce  sont  des  détails  de  cette 
espèce  qui  remplissent  les  huit  chapitres  de  ce  traité. 

Le  dernier  opii&cuie  est  intitulé  :  de  crealione  et  mysterio 
niimerorum  perfectoriim.  Un  nombre  parfait  est  celui  dont 
toutes  les  parties  aliquolcs  ou  diviseurs  exacts,  reproduisent, 
quand  on  les  addilionne,  ce  nombre  lui-même.  Tels  sont  les 
nombres  0  et  28  ;  6  dont  les  sous-multiples  sont  1 ,  2  et  3  ; 
28,  qui  est  aussi  le  total  de  1,  2,  4,  7  et  14,  qui  le  divisent 
exactement.  La  perfection,  dit  l'auteur,  est  rare  dans  les 
nombres  comme  dans  les  hommes  :  il  ne  faut  pas  moins  que 
le  nombre  virginal  7,  multiplié  par  le  nombre  évangélique  4 
pour  produire  le  nombre  parfail  28  ;  et  nous  en  devons  con- 
clure que  l'évangile  doit  être  annoncé  chastement.  De  28,  il 
faut  aller  jusqu'à  490,  et  de  496  jusqu'à  8128  pour  trouver  le 
troisième  et  le  quatrième  nondjres  parfaits.  L'auteur  n'en  ren- 
conlre  pas  un  seul  dans  toute  la  série  de  10000  à  1 00000.  Mais 
dans  la  série  de  100000  à  un  million,  il  remarque  le  caractère 
de  perfection  dans  le  nombr  130,810  qui,  selon  lui,  pourrait 
bien  être  le  nombre  exact  des  Saints  du  Paradis. 

Dans  le  manuscrit  2383,  le  traité  des  nombres  parfaits  est 
suivi  d'un  livre  diinl  le  litre  est  conçu  en  ces  termes  :  incipit 
traclatus  magistri  Theobaldi  lingonensis  de  quatuor  modis 
quibus  signilicationes  numeroyum  aperiuntw.  Ce  n)aître  Thi- 
baut, de  Langres,  ne  nous  est  point  connu  d'ailleurs  :  nous 
n'avons  aucun  renseignement  sur  sa  personne.  Peut-être 
n'a-t-il  vécu  qu'au  XIII'  siècle;  peut-être  aussi  était-il  con- 
temporain de  Guillaume  d'Aubcrive  ;  en  tout  cas,  la  ressem- 
blance de  leurs  écrits  nous  autorise  à  les  rapprocher  ici  l'un 
de  l'autre  Secimdkm  generalionem,  secundhm  se  vel  secun- 
dùm  signa,  secimdùm  compositionem,  secimdùm  habitudi- 
nem  .-  telles  sont  les  quatre  manières  de  considérer,  avec  Thi- 
baut, les  significations  des  nombres.  Leur  génération  se  fait 
par  voie  d'aggrégalion,  ou  de  position,  ou  de  mulliplicalion. 
Un  nombre  défectif  est  celui  (pie  la  somme  de  ses  parties 
aliquotes  ne  peut  pas  atteindre  :  par  cxomple,  9  n'est  divisi- 
ble que  par  1  et  par  3  qui,  réunis,  ne  f(Mit  (pie  4.  Le  sur;»- 
boiulant,  au  contraire,  est  sur|iasï-é  par  le  total  de  ses  sous- 
multi|)Ies  :  ainsi,  12  se  divise  exacleuienl  par  1,  par  2,  par  3, 
par  4  et  par  (J,  qui,  additionnés,  donnent  1  G.  De  ces  nom- 
bres exiravagans  il  y  en  a  une  infinité,  stutlorum  infinilus  est 
numertis  ;  mais  les  nombres  parfaits,  non  surabondans  et 
non     défectifs  ,     sont     extrêmement     rares  ;     7nulli    vocati , 


GUILLAUME,   ABBÉ  DAUBER! VE  205 

pauciveroelecti.  Sur  les  nombres  parfaits,  Thibaut  ne  fait 
guères  qu'abréger  et  quelquefois  copier  liKéralement  Guillaume 
d'Auberive.  Considérant  ensuite  les  signes  des  nombres,  il 
explique  différentes  manières  de  calculer,  par  les  doigts  et  par 
quelques  autres  parties  du  corps.  Sous  le  titre  de  composition 
des  nombres,  il  parle  des  pairs  et  des  impairs,  de  leurs  puis- 
sances linéaires,  quarrées  et  cubiques,  et  des  nombres  figurés. 
Par  habitudo,  il  entend  principalement  les  rapports  et  les  pro- 
portions, et  dans  chacun  de  ces  chapitres,  il  ne  cesse  d'allier  des 
idées  mystiques  à  tous  les  détails  de  la  théorie  des  nombres. 
Ce  genre  de  mysticité  a  pu  contribuer  sans  doute  à  conserver  et 
même  à  étendre  les  véritables  notions  d  Arithmétique,  comme 
l'Astrologie  judiciaire  entraînait  à  l'élude  de  l'Astronomie. 

D. 


XII  SIECLE. 


HENRI  LE  LIBÉRAL 


Court     I)  K     ('  H  AM  PAU  N 


SI  l'amour  des  lettres  et  la  protection  accordée  aux  savans 
sont  des  litres  sufTisans  pour  donner  aux  grands  une  place 
distinguée  dans  1  Histoire  littéraire,  nul  prince  ne  mérita 
mieux  celte  distinction  que  Henri,  surnommé  le  Riche,  le 
Large  et  le  Libéral,  comte  de  Champagne,  mort  l'an  1181, 
au  retour  de  la  Terre-Sainte .  tous  les  monumens  attestent 
qu'il  aimait  les  gens  de  lettres,  et  qu'il  n'avait  pas  de  plus 
grand  plaisir  que  de  converser  avec  eux  sur  des  sujets  de 
littérature. 

A  peine  Jean  do  Salisbury,  exilé  en  France,  s'était-il  fixé 
à  Reims,  que  le  comte  de  Champagne  veut  entrer  en  com- 
merce avec  lui,  et  lui  propose  des  questions  à  résoudre.  On 
peut  juger  de  la  nature  de  ces  questions  par  la  réponse  du 
savant  anglais,  qui  assure  que  le  goût  du  prince  pour  l'élude 
et  l'application  était  si  connu,  que  les  gens  du  monde  lui 
reprochaient  de  négliger  lo  soin  de  ses  états,  parce  que, 
dédaignant  d'employer  son  temps  à  de  pompeuses  bagatelles, 


Juan.  Sarcsb. 
cpist.   172. 


ÎO(J  HENRI-LE-LIBERAL, 

XII  siFXLE.     ji  préférait  aux  agitations  des  cours  et  au  tourbillon  des  aflfaires. 
les  exer'.ûces  paisibles  du  cabinet. 
Baïuz,  tiiisc.       Nicolas  de  Moùlier-Ramey  voulant  s'insinuer  dans   la  bien- 
''■  "    '        veillance  du  prince,  après  réclicc  Irès-coiinn  cpi  il  avait  porté  à 
sa  propre   réputation,   ne  trouve  pas  d'expédient  plus  propre 
pour  la  capter,  que  de  lui  envoyer  qucKpies-uns  de  ses  écrits 
Et  qida   novi    excellenliam   tuani,  dil-il,    sludiis  libe)-alibus, 
praesertim  eloquenti^B,  omni  opère  operam  dare,  niillo  sublimi- 
tali  tucV  quasdam  epislolas,  elc. 
Philip.  c|,isi        Phdippe,  abbé  de  Honue-E.spérance,  rcncliérissaul  sur    tous 
17,  p.  Si.  les  autres,    le  félicite,  non   d  avoir  succédé   aux    grands    biens 

et  aux  éininentcs  (pialilés  de  son  père,  mais  de  I  a\oir  surpassé 
par  une  instruction  solide,  dont  sou  père  fut  dépourvu  ; 
parce  que  ses  conuais-sances,  en  l'éclairanl  sur  les  besuiiis 
du  peuple,  lui  donnaient  j)lus  de  moyens  de  le  rendre 
heureux. 

Il  si.'rait  aisé  de  prouver  (pie  les  |)euti!es  furent  heureux 
sous  le  goiivernemcnl  d  un  tel  prir-.ce,  si  nous  ne  devions 
nous  renfermer  dans  ce  <jui  concerne  l'hisloire  littéraire. 
Mais  nous  ne  pouvons  nous  disi>enser  de  ra[)porter  les  pièces 
de  vers  (pii  furent  composées  [)Our  orner  son  tombeau  à 
Troyes,  dans  l'église  dt;  Saiul-Ltienne,  (pi'il  avait  fondée. 
Rien  de  plus  niagnitique,  soit  pour  l.t  richesse,  .-oit  pour  le 
travail,  que  ce  tombeau  dont  ou  |i('ul  voir  la  desdijdion  dans 
Baugier,  Mriuoires  //istoriques  de  la  province  de  Champagne, 
t.  I,  p.  [VM) — 400.  Nous  n'en  extrairons  (|ue  les  inscri|)iions, 
pan;e  (ju'elles  renferment  le.s  principaux  événeinens  de  la 
vie  du  jirince,  et  qu'on  y  reconnaît  h'  caractère  de  la  poésie 
d'apparat  du  XII' siitle,  qui  n  était  au  fond  (jue  de  la  piose 
rimée. 

Autour  de  la  base,  sur  une  baiule  de  bronze  doré  faisant  le 
tour  du  tombeau,  él.iiint  gravés  et  relevés  en  émail  les  vers 
suivons  : 


Baiigii'i.  II.  Ilnjiiifirran  fide-f,  rnln  spcs,  devnlio  ferreni, 

iliui p'iii ,  l.ifija  i/ia'ins.  Hiv/nu  d'iserla  fuit. 
Hic  xna  pliiS'iue  *«/'«  Morhnt  su  eoiduHl  i/uttM, 

J/uci'/jr  p'iit  toi  'iiie\\  m  "nid  auUior  opvx. 
Cruàthiit  po'-t  iiliix  m.ir''"<.  feriti'iuc  secund<r 
Fespe'-i(,  mile  hi'O  fm-d  l'ijtre  dn^ni 
1}i\irdiirco'uiii.  "ic  sine  soU  ^"'.um  . 


COMTE    DE    CHAMPAGNE  207 

Au-dessous  de  l'enlublcmcnt  on  lisait  ;  -^"  sieclf.. 


Baugier,   p, 
iOÏ. 


nie  meus  /iiic  finis  pi  o'raxd  <le  peref/rinié 

^Fifiihus,  vt  s'il  in  his  hic  sine  fine  clni-i. 
Hnnc  Dei"'  ipse  (Jiuruw  niihi  xiravit.  vt  hiccfir  eorum 

Me  reculât ,  quorum  rex  regn,  xervo  chorum. 
Hiinc  tvmiiJum  milti  feci,  qui J'undii mina  jeci 
Eccleaia:  luntct,  qiinw  mnic  re'jo  ■ùciil  et  aide. 
Hic  lUiu  nitinbui  leji  Vulu  :  sic  cuujirmo  qilod  e(ji. 

El  sur  l'cntablomenl  claienl  gravis  cl  relèves  eu  émail,  lout 
autour,  ces  vers  consacrés  pinpreun  iil  à  I  épilafilie  du  [)rince  : 

lliv jactt  Hvuricu\  cohiis,  coiiLtsUle  TiecoiHid.  "'"'■  I'   *"•'• 

Hœc  loca  qui  .\ir(iiif,  cl  ad/mv  s'at  Inlur  eorum. 

Annos  iiiillcnos,  caUcnos    tcrquc  ni/vt:nm, 

Implera-s-,  C/niile,  qnau'lo  il,:lii\  est  dilnrisle  ; 

Bis  ficui  âcerunl  ilc  Vlnisti  mi  fie  dm^nlU 

Annis.  cùm  mediux  luar.s  os  cl/iuyil  mitricnlis. 

L'abbé  Lebeuf  a  rencoutre  à  la  suite  ilc  ces  vers,  dans  un  ma-         Lchonf.  di*- 
uu^crit  de  la   bibli()liièi|ue   de  Saiut-Viclor,  les  deux  distiques  "■■'•  '    il,   pnn. 
suivans,  qui  paraissent  avoir  été  déclinés  pour  le  même  lombeau, 
mais  (jui  n'y  lurent  pas  yiavés  . 

Largua  eram,  vv  lH-i  dcilerani.  mutluwqve  lalorem 
Hic  tiilcraiii  :  nuue.  qnte.so.  J'cram  J'nictmn  Vicliurem, 
Qu(c  sLituo  tibi  icmpla  tua.  prvtomartt/r.  /innori, 
Perpctuo  reije.  Un  que  tiio  ■jiriido'Se  dalori . 

Nous  nous  abstenons  de  rapporter  les  vers  qui  furent  gravés, 
dans  la  même  éi^Iise,  sur  le  tombeau  de  son  fils,  le  comlc 
Thibaud  111,  plus  beau  el  plus  riche  que  le  [)récédenl,  snr 
le(ju(l  étaient  représentés,  en  fiyiires  d'arj^enl,  presque;  tous 
les  membres  de  la  lamille  des  comtes  de  Champagne.  On 
peut  les  voir  dans  les  mémoiies  du  même  Baugier,  p  406 
—  416. 

•S  E  S     LE  1  I'  R  E  S 

Autant  on  a  mis  de  soin  a  recueillir  les  cliarles  de  Henri, 
qui  prouvent  sa  grande  libéralité  envers  les  églis<'s,  autant 
on  a  eu  peu  d'attention  à  conserver  ses  lettres  massives,  qui 
prouveraient   la  grande   iniliience  qu  il    avait   dans    la    direc- 


208  H  E  N  R  1  -  L  E  -  L  I  B  É  R  A  L  , 

XII  SIECLE.      (JQjj  (igg  affaires  du   royaume.    Voici  celles  qui  nous  restent, 
auxquelles  nous  ajouterons   quelques  lettres-patentes  concer- 
nant la  législation  dans  ses  états. 
iniei  rpi^^t.       ;|.,   Lettre   à    l'abbé    Su£;er ,    dans  laquelle   Henri    demande 

Sugeui.    pp.    I  i.  .  c        I  T 

son  assistance  pour  accorder  le  différend  qui  s'était  élevé 
entre  Renaud  de  Pomponne  et  Anseric  de  Montréal,  qui, 
dans  un  tournois,  avait  fait  prisonnier  le  seigneur  de  Pom- 
ponne. 
Bni-^s,!.  Firfs,  2°  Lettres  de  l'an  Hol,  portant  qu'ayant  concédé  à  Anseric 
P  ^'-  de   Montréal    les  revenus  de  la  prévôté  de  Chàblies,  dans  le 

Tonnerrois,  dépendante  du  chapitre  de  Saint-Martin  de  Tours, 
il  s'en  est  réservé  la  garde  et   autres  droits,   qu'il  déclare  ne 
pouvoir  céder  à  personne. 
Mari.  Aiirr.       3"  Lettres    portant    que,     sur    les   remontrances  de    saint 
'■  ' '^°    *  Bernard,  abbé   de  Clairvaux,   il  a    fait  entière  satisfaction   à 

l'église  et  au  chapitre  de  Saint-Pierre  de  Troyes,  pour  des 
violences  commises  dans  leur  bourg  appelé  Saint-Denys, 
reconnaissant  la  liberté  et  franchi.se  de  ce  bourg  :  en  témoi- 
gnage de  quoi  il  a  laissé  son  chapeau  en  gage  à  l'archidiacre 
Guerric. 

4°  Lettres  de  l'an  Ho"),  portant  concession  aux  religieux  du 
Saint-Sépulcre,  près  de  Troyes,  de  certains  droits  sur  les 
habitans  de  la  Chapelle-Valon. 

5"  Lettres  de  l'an  lliJG,  portant  confirmation  des  conven- 
tions faites  entre  le  comte  Thibaud,  son  père,  et  des  colons 
établis  auprès  de  Vassy. 

6"  Lettres  de  l'an  1159,  qui  dispensent  l'abbé  de  Lagny  de 
construire  la  tour  ou  donjon  que  cet  abbé  s'était  obligé  envers 
lui  de  faire  construire. 
Camusat.       7°    Lcttrcs  de  l'an    1161,  portant    renouvellement  des  pri- 
Prora.    fol.  307.  yiléges Cl  excmptions  dc  labbayc  (le  Saint-Loup,  de  Troyes. 

Camin.i,  ,b.       8"  Lettres  de   l'an   11G3,   portant  règlement  dos  droits  des 
fol.  352  seigneurs    de    Romilli    sur  les  terres    du    prieuré    du    Saint- 

Sépulcre. 
Chesnius    i        ^°   Lettre  au  roi  Louis-le-Jeune,  annonçant  l'envoi   de  deux 
IV.    Rer.    Fraii.  lettres  quo  Henri  avait  reçues  de  la  part  de  lemperenr  Frédéric, 
p.  711  et  728.      g^  ^^j^^^  jg  lg  i,rouillerie  qui  s'était  élevée  entre  le  jeune  duc  de 
Bourgogne,   Hugues  III,  et  sa  mère.   Sur  quoi  l'on  peut  voir  la 
lettre  de  Frédéric  à  Henri. 
Cheiiiius,  ifc.        lOo  Lettre  au   roi  Louis-le-Jeune,   en   faveur   d'un    homme 
P  '""■  du  roi    nommé   Hugues  de   Sens,  qui  s'était  donné  au    comte 

de  Champagne,  et  que  le  roi  poursuivait  copame  coupable  de 
félonie. 


On!.. 

11.    des 

Kois      <Ic 

Fian. 

t.    VIII.   |, 

1 

/il./. 

1.  VI, 

p.  3U. 

Mari. 

Anor. 

t.  1,  col. 

!i7. 

C  0  MTR   D  \i  C  II  A  M  P  A  G  N  E  209 

11o    Lettre   au  roi   Louis-le-Jeune,    relativement  à  l'ajotir-      xii  siècle. 


nement  que  Henri  avait  reçu  de  comparaître  à  une  conférence        ciiesmus,  i6. 
qui  devait  se  tenir  à  Gisors.  P  '^''• 

12»  Lettre  à  Henri,   archevêque  de  Reims,  écrite  à  la  suite  Manène , 

des  hostilités  qui  avaient  eu  lieu  entre  l'archevêque  et  le  comte.   Ampl.      coiiect. 

c  •    1-  .  II..  1      r        1         >  .1  «•    ",    eo'-    "■'67. 

Sur  quoi  Ion  peut  voiries  lellres  de  I  arclievcque  et  du  pape 
Alexandre  m,  dans  IMarlène,  Ampl.  Collée,  t.  11,  col.  86G,  007, 
909,  912. 

13o  Lettres   de  l'an  1178,  portant  promesse  à   l'abbé  et  aux        Brms.,  Fiefs, 
moines  de  Saint-Bénigne,  de  Dijon,  de  reprendre,  à   son  retour  ''  '^*' 
de  la  Terre-Sainte,  la  garde  du  prieuré  de  Bertignicourt,  qu'il 
avait  cédée  à  Guiart,  sire  de  Rinel. 

1  4n  Lettres  de  l'an    1 179,  portant  établissement    d'une  admi-       Brussoi,  Hi.j. 
nistration  communale  dans  la  ville  de  Meaux.  B.         •'•  '^■^    ~  "'l'- 

do  Meaii\.  I.    Il, 
|..  035. 


GL'ILLAUMK  D'ACOULT, 


Poète  P  r  o  y  e  n  r  a  i,. 

Giji  I,  I.  A  L  M  E,  seigneur  d'Agoult,  était  de  l'une  des  plus  an-  ,-  Mc)réri 
ciennes  maisons  de  la  Provence  et  du  Oauphiné.  Il  joignait  éJ.  de  t098,  au 
la  noblesse  des  sentimens  à  celle  de  la  naissance  et  à  tous  """  Ago»it. 
les  avantages  de  la  nature  et  de  l'éducation.  Homme  de  gracieux 
visage  et  d'apparence  tant  vénérable,  qu'on  lisait  bien  claire- 
ment en  son  front  toujours  quelque  autorité  non  commune,  dit, 
en  parlant  de  lui,  Nostradamus,  historien  de  Provence  ;  et  ce 
sont  à-peu-prôs  les  mêmes  mois  dont  s'élait  servi  Nostra- 
damus, son  oncle,  le  biographe  des  troubadours.  Guillaume 
d'Agoult  était  plein  de  générosité,  de  courtoisie,  obligeant, 
circonspect  dans  ses  discours  et  dans  sa  conduite,  sur-lout  à 
l'égard  des  dames.  Sa  générosité  s'exerça  souvent  envers  les 
hommes  à  talent,  et  principalement  les  poêles  à  qui  la  fortune 
était  contraire.  Ce  fut  lui  qui  recueillit,  dans  sa  maison,  le  jeune 
Geoffroy  Rudel,  comme  nous  le  verrons  dans  la  vie  de  ce 
troubadour- 

Il  avait  en  amour  des  opinions  très-contraires  aux  mœurs 
relâchées    de  son  siècle,   et,   dans  ses  poésies,    comme   dans 

Tome  XIV  Dd 


210  r.UILLAUMR    PK    CARESTAING, 

xit  SIECLE.     SCS  discours,  il  ro2;rellait  souvent  Icsscnliiiiens  d'iionncur,  qui, 
~  selon  lui,  présidaienl  seuls  autrefois  aux  liaisons  de  ijaianlerie. 

Il  fit  même,  à  ce  sujet,  un  ouvrage  qu'il  intitula  :  la  Mariera 
(Vamar  tial  temps  passât.  Il  \  donnait,  comme  on  l'a  fait 
dans  tous  les  tenqis,  la  |iréférence  aux.  amans  du  bon  \ieux 
temps. 

La  dame  do  ses  pensées  et  l'objet  de  ses  vers,  fut  Jaus.se- 
ranile  de  Lnnel,  îille  de  (iausserand  tui  lausseranil,  prince  de 
Frotte  et  de  Gaulcier.  Avec,  les  senlimciis  t[uo  nous  venons  de 
voir,  on  (luit  penst-r  (pie  .lau--ci;in(lc  -a:;iia  son  C(cui-,  moins 
par  les  charmes  de  s,i  lic;uilc,  (pini(pie  très-rare,  (pie  |)ur  la 
douceur  de  .son  caraclerc  l'I  |iar  la  dci cnce  de  ses  nueiirs  11  lit. 
en  .son  honneur,  plu>ienis  cliansons  l'oil  estiinérsde  son  tenqis, 
que  les  moine.>  des  îles  d'Or  et  Saint-Cc/aire  disaient  avoir  lues, 
au  rappo'l  de  Nosiradamiis.  mais  dont  aucune  n'est  [larvenue 
jusqu'à  nous  DAgoult  en  dédia  le  iccued  il  Alplion.s(!  1'' ,  roi 
d'Aragon  et  comte  de  naicelonne,  à  la  cour  ducpiel  il  faisait 
le.i  fonctions  de  picinur  giulilhonime.  Il  mourut  dans  le 
temps  même  ipie  ce  roi  recouvra  le  comté  de  Provence,  parla 
mort  de  Sanclie,  son  frère,  cesl-à-ilire,  vers  lan  II  SI 
\:„  l'ail  II  «'[lendanl  Nostradamus,  lliislorien,  recule  sa  mort  jusqucn 
ni''   '      '  UltO.  G. 


(illILLAU.MK   IH<    CAIlLSTAIMi 


r  II,  |,.  2i;i, 


I'  <>  k  ■(  !■:     V  I!  (I  V  I.  N  (    M. 


f^  Il  M.  Al  MK  de  Caheslaiiig  était  un  nclile  mais  pauvre  cliâ- 
llclaiii  de  Provence,  .s<'lon  Nostradamus  [.'alihé  Millol,  ou 
pliilùl  .M.  de  Sainli'-Palaye,  d.ipn-.  les  manuscrits  proven- 
çaux, a  contesti'  cette  oriuiMi',  et  lail  naître  Calteslaiiig  en 
Hoiissilloii  Papon,  dans  son  lii>toiii'  de  Provence,  a  voulu 
i<iidre  à  ce  pa\s  1  hoiiiuiii  da\oir  produit  ce  Ironbadoiir. 
Srioii  lui,  le  lieu  dont  i,i  raiiiille  de  (Jabeslaing  portait  lo 
'l'iiu,  lUiil  iiii  \il!ii:^i'  (lu  li.ipeiK.'ois,  sur  les  frontières  de 
Pi(i\ence.   .Mais    (|ii(l(pi('    |iliiii-ililc    (pie    paraisse    d  abord   cille 


POÈTE    PROVENÇAL.  ^H 

opinion,  il  faut,  comme  nous  le  verrons  hienlôt,  y  renoncer  ou 
refuser  toute  confiance  aux  manuscrits 

Guillaume,  dès  sa  première  jeunesse  ,  obligé  par  le  mauvais 
état  de  sa  fortune  (h;  s'attaclier  à  que^iue  grand  seigneur 
riche,  se  présenta  à  Raimond  de  Caslel -Roussillon  (1), 
château  situé ,  selon  l'apon  ,  non  dans  la  |)rovince  dont 
Perpignan  était  la  capitale,  mais  en  Provence,  auprès  de  la 
ville  d'Apt,  oii  il  y  a  encore  un  village  appelé  Caslel -Rous- 
sillon. Millol  ,  au  contraire,  cite  une  c'.ironique  manuscrite  des 
seigneurs  catalans  ,  selon  laipielli"  il  existait  dans  le  Roussillon 
une  maison  très-ancienne  du  nom  de  Caslel  -  Roussillon  ,  et  il 
ajoute  (|u'on  voit  encore  ,  dans  celte  province,  une  tour  ap- 
pelée   Castel-Rossello. 

Raimond  agréa  (]abeslaing  \\onY  rnrlet ,  c'est-à-dire,  pour 
page,  et  fut  si  content  d(^  lui,  (|u  il  le  nomma  hientôl  après 
écuyer  de  madame  Marguirile,  sa  femme.  Caheslaing  était 
jeune,  sensible,  de  la  figuri;  la  plus  agréable  :  son  hiimi'ur  était 
enjouée,  son  esprit  délicat  ri  (nillivé.  Ses  assiduités  auprès 
delà  eoniless(!  eurent  les  suites  ((u'i'lli^s  devaient  avoir.  Elle 
con(;ut  pour  lui  uni;  passion  (|u  d  partagea;  el  l'amour  déve- 
lop|)anl  son  génie  .  il  lit  [luiir  elle  de,-?  vers  el  des  chansons 
fort  tendres. 

Raimond ,  aiiioiireiix  et  jaloux  de  sa  lémme,  fut  averti  de 
leur  intelligence;  mais,  dans  un  éclaircissement  ipi'il  cul  à  la 
chasse  avec  Cabotaiiig  ,  celui-ci  lui  donna  le  change,  et  lui 
fit  la  fausse  conlidence  de  sesainoiirs  a\ec  madame  i\i;nès,  souir 
de  .Marguerite  et  femme  de  Roberl  di;  Torascon.  Agnès  ne  len 
dé.savoua  pas,  l't  senteudit  inrnic  ave<'  Robert,  son  mari, 
pour  couvrir  (h;  ce  voile  les  amours  de  sa  sœur,  el  tromper  la 
jalousie  de  Raimond. 

On  sait  (pi'il  y  a  deux  ïarascon  ,  l'un  dans  l'ancien  comté 
de  Foix  ,  laiilre  en  Provence.  (;'e.4  du  premier,  selon  .Millol, 
et  du  second,  suivant  Paiioii,  (|ue  ce  Roberl  était  seigneur  ; 
et  .Millol  avoue  i\\\\\  y  a  des  dilli(;ullés  dans  la  première  de  ces 
deux  positions,  pui.siiuil  est  tlit  (jac  les  lieux  beaux  -  frères 
étaient  asse/  \oisms  ,  pour  <|iie  Raimond  se  reiuiît  avec 
Cabeslaing,  de  son  chàleaii  à  celui  de  Robert  ,  eùl  uiK^  ex- 
plication avec  Agnès,  steur  de,  sa  femme,  et  revînt  le  len- 
demain   matin  à  Caslel -Roussillon     Celle  [)romenade  est  eu 

(1)    NostiaJamii.-i     iu     noiumu       llémon J  -  di- - Saillians  ,     ut     .sa     femme 
Tricline. 

Dd    2 


XII  SIECLE. 


212  GUILLAUME    DE  CABESTAING, 

xit  SIECLE,  effel  peu  vraisemblable,  si  se  dernier  château  était  aux  en- 
virons  de  Perpignan  ,  et  l'autre  auprès  de  Foix;  mais  on 
peut  supposer  que  Castel-Roussillon  était  vers  les  extrémités 
de  cette  province,  du  côté  du  comté  de  Foix,  et  que  le  sei- 
gneur de  Tarascon  avait  ,  outre  cette  petite  ville,  un  autre  châ- 
teau voisin  du  Roussillon. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Raimond,  trompé  par  sa  belle-sœur,  revint 
gaîment  à  son  château  ,  et  n'eut  rien  de  plus  pressé  que  de 
conter  à  sa  femme  la  prétendue  intelligence  d'Agnès  et  de  Ca- 
bestaing.  Marguerite  se  crut  trahie,  et  ne  douta  point  que 
sa  sœur  ne  lui  eiîi  enlevé  son  amant.  Dans  une  explication 
très-vive,  Cabestaing  parvint  pourtant  à  se  justifier;  mais 
il  n'obtint  sa  grâce  entière  (juc  sous  la  condition  expresse 
qu'au  risque  de  ce  qu'il  en  pourrait  arriver,  il  déclarerait, 
dans  une  chanson  ,  qu'il  l'aimait  et  qu'il  n'aimerait  qu'elle.  La 
chanson  fut  faite,  et,  suivant  la  coutume  des  troubadours, 
adressée  au  mari  lui-même.  Le  but  de  cet  usage  singulier 
était,  sans  doute,  de  faire  croire  que  la  passion  du  poëte 
pour  la  dame  était  toute  poéli(]uc  et  n'avait  rien  que  d'inno- 
cent ,  et  de  flatter  le  mari  par  les  éloges  que  l'on  faisait  des 
beautés  de  sa  femme.  Mais  Raimond  fut  moins  touché  de  ces 
éloges  que  piqué  d'avoir  été  pris  pour  dupe;  jaloux  jusqu'à  la 
fureur,  il  conduit  Cabestaing,  sous  un  prétexte,  hors  du  châ- 
teau, le  poignarde,  lui  coupe  la  tête,  cl  lui  arrache  le  cœur 
Il  rentre  au  château,  donne  ordre  à  son  cuisinier  d'apprêter  ce 
cœur  comme  un  morceau  de  gibier  ,  et  le  fait  manger  à  sa 
femme,  qui  lui  avoue  qu'elle  n'a  depuis  long-temps  rien 
mangé  de  meilleur.  Alors  lui  présentant  la  tête  sanglante 
qu'il  se  fait  apporter,  il  lui  apprend  quel  horrible  repas  elle 
vient  de  faire.  Marguerite  s'évanouit  dhorreur  et  de  déses- 
poir. Ayant  repris  ses  sens,  elle  s'écrie:  «  Oui,  sans  doute, 
j'ai  trouvé  ce  mets  si  délicieux,  que  je  n'en  mangerai  jamais 
d'autres,  pour  n'en  pas  perdre  le  goût.  »  Raimond,  trans- 
porté de  fureur,  court  à  elle,  l'épée  à  la  main  .  elle  fuit,  se' 
précipite  d'un  balcon,  et  se  tue 

Le  bruit  de  la  mort  tragicjue  des  doux  amants  se  répandit 
avec  toutes  ses  circonstances  dans  la  Provence,  r,'\ragon  ,  la 
Catalogne,  et  y  causa  une  grande  aflliclion.  Les  parens  de 
Marguerite  ,  ceux  de  Cabestaing,  et  presque  tous  les  seigneurs 
du  Roussillon  et  de  la  Cerdaigne,  se  liguèrent  contre  Rai- 
mond, et  mirent  ses  terres  à  feu  et  à  sang.  Le  roi  Alphonse, 
son    suzerain,  se  transporta   lui-même  sur  les  lieux,    le  fil 


POÈTE    PROVENÇAL.  213 

arrêter  dans  son  château,  qu'il  fil  démolir,  le  dépouilla  de  xii  siècle. 
tous  ses  biens,  et  l'emmena  prisonnier.  H  fit  faire  de  magni- 
fiques  funérailles  à  Cabeslatng  et  à  sa  dame  ;  ils  furent  mis 
dans  le  même  tombeau,  devant  une  église  de  Perpignan.  On 
représenta  sur  leur  tombe,  ou  plutôt,  on  y  grava  leur  his- 
toire ;  et  long-temps  encore  après,  les  chevahers  et  les  dames 
de  ce  pays  et  des  environs  venaient  chaque  année  à  Perpi- 
gnan assister  à  un  service  solennel  en  l'honneur  de  Margue- 
rite et  de  Cabestaing.  En  instituant  cette  solennité,  on  ne 
pensa  qu'à  expier  le  meurtre  et  à  intéresser  pour  le  malheur, 
on  ne  pensa  point  qu'en  même  temps  on  consacrait  l'adul- 
tère. 

C'est  de  Guillaume  de  Cabestaing  que  Pétrarque  a  dit,  dans 
son    Trionfo   d'Amore  que    ce    furent    ses   chants    qui    firent       Capuoio,    iv. 
trancher  la  fleur  de  ses  jours  : 

£  quel  Giiglielmo 
Che  per  cantar  ka'lfior  d^  suoi  di  scemo. 

Ce  fut  en  effet  la  chan.son  où  il  déclara  son  amour  pour 
Marguerite,  comme  elle  l'avait  elle-même  exigé,  qui  causa  sa 
mort. 

Boccace,  en  racontant  cette  histoire  dans  sa  quatrième  jour-  Nov.  9. 
née  change  plusieurs  circonstances,  ne  parle  du  mari  jaloux 
et  de  l'amant  {|ue  comme  de  deux  chevaliers,  et  appelle  l'un 
Guillaume  Roussillon,  et  l'autre  Guillaume  Guardasiaing. 
Vellulello  et  Gesualdo  l'ont  suivi  dans  leur  commentaire  sur  le 
vers  ci-dessus  cité  de  Pétrarque.  On  est  porté  d'abord  à  croire 
que  Boccace  avait  fait  de  son  chef  tous  ces  changemens  ;  mais 
le  manuscrit  320 i  du  Vatican,  dans  la  vie  de  Cabestaing,  qui 
est  en  tête  de  ses  poésies,  raconte  le  fait  de  la  même  manière 
que  Boccace,  à  l'exception  du  nom  et  de  la  qualité  de  l'amant, 
qui  est  bien  le  troubadour  Guillems  de  Gapesiaing  ou  Cabes- 
taing. 

Enfin  dans  la  vie  de  ce  poêle,  aussi  écrite  en  provençal,  ' 
dans  un  recueil  de  poésies  des  troubadours  que  possède  la 
bibliothèque  Laurentienne  de  Florence  ,  les  circonstances 
sont  à-peu- près  les  mômes.  Elles  sont  plus  détaillées,  et  les 
conversations  entre  Cabestaing  et  sa  maîtresse,  entre  le 
jaloux  Raimond  et  Cabestaing,  y  sont  dialoguées  fort  au 
long,  comme  si  l'on  en  avait  pris  note  au  moment  où  elles 
eurent  lieu.  Cela  sent  fort  le  roman,  et  ce  n'est  pas  le  seul 
exemple  de  cette  nature  que  l'on  trouve  dans  ces  vies  pro- 

1    6 


214  GUILLAUME    DE   CÂBESTAING. 

XII  SIECLE,     vençales.  Elles  sont  vsouvenl  aussi   romanesques  que  celles  de 


l'ail.  Il,  cil.  Nostradamus,  et  l'on  est  quelquefois  embarrassé  pour  se 
décider  entre  deux  autorités  presque  également  sus[)ecles. 
Celte  dernière  vie  est  rapportée  tout  entière  en  provençal  , 
par  Manni,  dans  ses  éclaircissemens  sur  le  Décaméron  de 
Boccace.  Elle  conlirmo,  ainsi  que  celle  du  manuscrit  de 
la  Valicane,  l'opinion  de  Millot  sur  le  lieu  de  la  scène  qu'il 
place  en  Roussillon,  et  contredit  forniellenient  Papon,  qui  a 
réclamé,  d  après  Nostradamus,  en  faveur  de  la  Provence.  Le  roi 
d  Aragon,  Alphonse  II,  vengeur  de  nos  deux  amans,  eut  en  sa 
possession  le  Roussillon  et  la  Gerdaigne,  en  1181;  et  c'est 
à  celte  époque  que  l'on  place  la  mort  de  Cabeslaing  et  de  sa 
maîtresse. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  voir  entre  l'histoire  de  Cabeslaing 
et  celle  du  cliàtelain  de  Couci,  dont  nous  parlerons  dans  un 
article  suivant,  un  tel  rapport, -({u'il  paraît  dillicile  que  l'une  ne 
soit  pas  l'original  de  laulre.  Si  la  date  de  la  mort  du  troubadour 
est  vraie,  celle  de  Couci,  tué  en  Palestine,  et  1  envoi  qu'il  lit 
do  son  cœur  à  la  dame  de  Fayel,  et  la  barbarie  qu'eut  le  mari 
jaloux,  (|ui  intercepta  ce  Irislt;  présent,  di;  le  faire  manger  à  sa 
femme,  sont  des  fails  postérieurs  de  dix  à  onze  ans.  Mais  cela 
ne  suliil  pas  pour  assurer  à  Cabeslaing  cette  triste  antériorité. 
Le  manuscrit  provençal,  (lui  sert  ici  d'original  uni(jue,  paraît 
èlre  do  la  lin  du  XUl'  siècle,  et  le  Roman  du  chàlelain  de  Couci 
el  de  la  dame  de  Fai/cl,  du  coinmenecinent  de  ce  même 
siècle  (1).  L'aiili.'iir  du  roman  no  pciil  donc  avoir  rien  om- 
prnnlé  à  l'auteur  de  la  vie,  el  ce  dernier  a  écrit  d'un  style  si 
romanesijne  les  scènes  qu'il  ilécrit,  les  dialogues  (ju'il  ra|)porte 
sentent  tellemenl  l'invention,  cpi  il  put  fort  bien  emprunter 
au  roman  français  celle  liclion  de  plus  et  l'assortir  avcîc  les 
siennes  Au  reste,  celle  (|uestion  de  [)riorité  esl  de  peu  d'im- 
portance ;  mais  on  répugne  à  croire  ipiun  pareil  trait  de  féro- 
cité ail  pu,  mèiiK!  dans  ces  siècles  barbares,  cire  ré()élé  deux 
fois. 

Les  poésies  di'  (luillaiime  de  Cabeslaing  se  trouvent,  au 
iiDnibn-  (le  .sept  inorceaux  .-euieiiienl,  dyns  notre  manuscrit 
7<i;tS,  loi  I4i,  cl  dans  ceux  de  la  bibliollicijue  valicane  el  de 
la  Laurenlienne,  litcs  ci-dcssus  G. 


(1)  l.'abbii  I.ungK'l  ;i  cité  une.  co|pit!  Je  ce  i-oiuan,  .sur  lai|iiolle  on  lisait  (|u'il  a 
été  composé  un  Tiio  (Hibliot.  îles  Romans,  I.  2,  i>.  2:51).  Le  manuscrit  Je  la 
bibliotli.  du  Koi,  coté  l'.)5,  |>orlo  iju'il  a  été  écrit  vers  1228. 


215 


II.  c.  H). 


RICHARD  L'KVÊOIJE, 

AnrilII)IACIlK    DK    COUTANCES,    KT  KNSUITK    KVf^.QVE   d'Avk ANCHES 


[EAN  (le  Sarisbéry  p;irk'  plusieurs  fois,  dans  son  Mélalo- 
"  giqiic,  (le  Riciiard  rEv(\iuc,  el  ce  n'est  jamais  sans  éloge.  Mi^miog 
Dans  II'  dixième  chapitre  du  second  livre  en  particulier,  il 
l'appelle  .  IIo»iiinim  ferè  nullius  ilisciplina'  experleni;  et  il 
ajoute  :  -  Plus  ppcloris  habet  (junni  oris,  plus  scienliie  quàm 
facundicP,  verilalis  quàm  ranilalis,  virlulis  quàm  osten- 
tationis.  Dan.s  le  \ingl-(piatrii;mc  chapitre  du  premier  livre, 
il  avait  dit  :  Vilà  et  conrersatione  vir  bonus.  Partout  il  se 
félicite  de  l'avoir  eu  pour  maître.  Il  repassa  sous  lui  tout  ce 
qu'il  avait  appris  sous  les  autres. 

Bernard  de  Chartres  avait  introduit  dans  les  écoles  une 
nouvelle  manière  d'étudier  les  bciies-leltres,  ou,  pour  mieux 
dire,  il  y  avait  introduit  la  méthode  de  Quintilien,  (fu'au- 
cun  professeur  n'a%ait  encore  adoptée.  11  commençait,  à 
l'exemple  de  ce  grand  maître,  dit  l'auteur  de  son  article,  T  12.  ]..  2(ii. 
dans  notre  histoire  littéraire,  d  après  Jean  de  Sarisbéry, 
dans  le  Mélalogirpie,  par  les  fondemens  de  l'éloculion,  c'est- 
à-dire,  par  les  règles  de  la  grammaire,  (pi'il  expliquait  avec 
précision  et  netteté.  De  là,  passant  à  1  élégance  du  style,  il 
montrait  le  juste  milieu  quelle  doit  tenir  entre  la  négligence 
et  raffcclalion  ;  ensuite,  il  apprenait  à  mettre  de  la  justesse 
dans  les  raisonnemens,  soit  pour  rendre  sensibles  les  vérités 
qu'on  a  dessein  d"étai)lir,  .soit  pour  faire  rejeter  les  erreurs 
qu'on  entreprend  de  réfuter.  Tous  ses  documens  étaient 
appuyés  d'exemples  tir(''s  de  la  bonne  anti([uité,  auxquels  il 
opposait  quelquefois  les  compositions  des  modernes,  moins 
[)ar  envie  de  criti(picr  (jue  pour  taire  sentir,  par  ce  contraste, 
combien  la  vraie  éloquence  l'emporte  sur  la  fausse,  .lean  de 
Sarisbéry  ne  loue  pas  moins  sa  conduite  envers  ses  élèves 
que  son  habileté  dans  renseignement,  ou  pluKjl  il  trouve 
dans  la  première  une  nouvelle  preuve  de  la  seconde  :  aussi 
éloigné  de  cette  concision  qui  dérobe  des  choses  nécessaire.s 
à  connaître,    que  de   celte    diiïusion  qui    fatigue   sur-tout  en 


el  2(;2. 


216  RICHARD   L'ÉVÉQUË. 

XII  SIECLE,  craignant  de  ne  pas  tout  dire,  il  savait  également  propor- 
tionner à  la  capacité  de  ses  aiidileurs  les  leçons  qu'il  leur 
donnait. 

Richard  ne  crut  pas  d'abord  pouvoir  prendre  un  meilleur 
modèle  ;  mais  il  se  laissa  corrompre  dans  la  suite  par  la  con- 
tagion de  l'exemple  et  la.  fausse  apparence  d'un  progrès  plus 
rapide.   Jean  de  Sarisbéry   peint   vivement   les   maux  qui  en 

c.  2i,  in  /ine.  résultèrent. 

Richard  l'Évêque  avait  étudié  avec  beaucoup  de  soin  la 
philosophie  d'Aristote;  une  lettre  de  Jean  de  Sarisbéry  peut 
mf'me  nous  faire  croire  que  Richard  composa  des  annota- 
tions sur  les  ouvrages  de  ce  grand  homme.  Jean  l'avait  sou- 
vent prié  do  lui  faire  faire  une  copie  des  livres  qu'il  possédait 
du  philosophe  grec  ;  il  lui  renouvelle  cette  prière  avec  plus 
d'instance  encore;  et  dans  sa  lettre,  il  le  supplie  d'accom- 
pagner cet  envoi  d'observations  et  de  notes  sur  les  endroits 
les  plus  diiïlciles,  et  d'aulant  [)lus  qu'il  se  méfie  beaucoup 
de  la  traduction  latine  qui  en  a  été  faile.  11  est  vrai  que  Ri- 
chard l'Evoque  n'est  pas  désigné  nominativement  comme 
celui  à  qui  l'épîlre  est  adressée,  mais  il  n'en  est  pas  plus 
impossible  de  le  méconnaître  (1)  :  Jean  do  Sarisbéry  l'adresse 
à  un  archidiacre  de  Coutances,  et,  quoique  une  partie  du 
nom  soit  ctfacéc  dans  le  manuscrit,  on  reconnaît  les  pre- 
mières lettres  qui  sont  effectivement  les  premières  du  mot 
latin  Ricardus.  Ajoutons  que  celte  épîlre  est  de  l'an  1166 
ou  1167;  or,  précisément  à  cette  époque,  Richard  occupait 
l'archidiaconat  de  Coutances.  il  l'occupait  déjà  plusieurs 
années  auparavant,  lorsque  Jean  de  Sarisbéry  écrivait  son 
Mélalogiquc;  celle  qualité  lui  est  donnée  dans  le  vingl-qua- 
Irièmc  chapitre  du  premier  livre. 

Richard  dev  nt  évoque  d'Avranches  en  1171,  et  le  fut  jus- 
qu'à sa  mort  en    1182  (2).  Plusieurs  de  ses  actes,  comme  pré- 

T.  XI,  p.  481  lat,  sont  rappelés  dans  la  PVance  chrétienne.  •  11  signa  comme 

'•^ '"^--  témoin,  en   1174,    ia  convenlion    faile  entre  Guillaume,    roi 

d'Ecosse,   et    Henri  II,    roi   d'Angleterre    (3).    Ce  fut   pendant 

son  épiscopat  en    1171,   qu'on   tint,  à   Avranches,    le  concile 


(1)  t.ettre   ii)i  de    Joan    de    SarisbéiT:    la    voir    aussi   daa.s   le    recueil    de 
Thomas  de  Cantoibéry,  liv.  II,  épif.  9!?,  p.  454  et  455. 

(2)  li;tnon  en  II83,  comme  ledit  Gabriel  Dumoulin,  Histoire  de  Normandie, 
pag.  411. 

(3)  Voir  le  grand  recueil  de  Kjmer,  t.  I,  p.  \',i  de  la  troisième  éiiition. 


ROBERT  ET  GILLES  CLÉMENT.  217 

qui  rendit  ce  dernier  prince  à  la  communion  de  l'église,  dont  xii  siècle. 

il   avait  été  retranché  après  l'assassinat  de  Thomas  Decipiet,  Caiiia  Ch.i^t. 

archevêque  de  Cantorbérv.    Robert  du  Mont  sexprime  ainsi,  '•  ^''  p    ^^'^■ 

,  ,      ,  .     i-    ,         ,        ^,  ..  ,  „.    .  Ad  ami.    1182. 

en  parlant  de  la  mort  de  Richard  :  Obiit  pater  noster  Richar-  voir        Dubois, 

dus  ,    Abrincensis    episcopus ,    vir    magnée   litteraturâe  ,   tàm  Hist.  de  rÉglise 

secularis  quàm  divmx,  morum  honestate  virgo  ab  ute^^o  lau-  •**    Vaih,    livre 

dandus.  f'"'  ;•,/•    "• 

„  •  1         1  /   •  •  1      11.=,    A  1    •  12  ;     t.  Il,    pacc 

On  pourrait  croire  que  la  désignation  de  I  Eveque  lui  est  tgo. 
venue  de  ce  qu'il  fut  évêque  d'Avranches;  mais  cette  idée 
serait  détruite  par  un  passage  de  Jean  de  Sarisbéry,  oîi  on 
voit  que  cet  écrivain  le  désignait  déjà  ainsi,  quoique  Richard 
ne  fût  encore  qu'archidiacre  de  Conlances  :  Richardus ,  co- 
gnomenlo  episcopus  ,  ofpcio  mine  archidiaconus  Constan-  W'^iaiog.  iiv. 
tiensis.  P.  ''  '^-  ^*- 


ROBERT  ET  GILLES  CLÉMENT, 

Fkères,  Ministres  d'État  sous  Philippe-Auguste. 


ROBERT  Clément  avait  été  gouverneur  de  Philippe-Auguste  : 
il  devint  son  ministre  dès  le  commencement  de  son  règne.  Il 
prit  même  la  qualité  de  régent  du  royaume,  comme  l'avait  fait 
Suger,  sous  Louis  VII.  Philippe-Auguste  était  pourtant  dans  sa      ciiarics    d'Au- 
seizième  année;  il  restait  en  France,  et  il  avait    été   couronné  '^"'''  p    •'■'^  •"' 

.  ,  .   j  N  suiv..  ;    de  l'édit. 

roi  avant  la  mort  de  son  père.  j„_i2.  de  1680. 

Robert  Clément,  par  ses  bons  conseils,  dit  Charles  d'Auteuil, 
contribua  beaucoup  à  tant  de  belles  ordonnances  qui  honorent        **•  ^is. 
les  commencemens  du  règne  de  Philippe-Auguste. 

Il  conserva  peu  le  rang  suprême  auquel  on  l'avait  élevé  ;  il 
mourut  en  1 182. 

Gilles  Clément ,  son  frère ,  fut  choisi  pour  le  remplacer 
dans  l'administralion  de  l'état  ,  sans  porter  aussi  toutefois 
le  titre  de  régent  M  ne  conserva  pas  long-temps  non  plus, 
cette  grande  fonction;  il  n'était  [)liis  ministre  en  1184.  Nous 
ne  savons  pas  bien  si  ce  fut  l'effet  d'une  disgrâce,  d'une  dé- 
mission volontaire,  ou  de  sa  mort  :  le  crédit  et  l'autorité  que 
ses  neveux  continuèrent  d'avoir,  nous  portent  à  croire  qu'il 
ne  faut  pas  attribuer  cet  événement  à  la  première  de  ces  trois 

Tome  XIV.  Ee 

'  6    ♦ 


218  JEAN    BELE  TH. 

XII  SIECLE,     caiise.s.  L'aîné,  Albert,  était  maréchal  de  France;    le  second, 
Henri,  le   fut  après  lui;  et  tous  les  deux  contribuèrent  puis- 
iiist.  des  mi-  samuienl  à  décider  le  roi,  et  à  le  diriger  dans  les  guerres  entre- 
nuins     dviai        .^^  ^.^^^^^  Philippe,  comlc  (le  Flandres,  en  1 182  et  1  185. 

|iar     Cil.     d  Aul.    1  '  '  ' 

,,  34(i.  Etienne  de  Tournay  parle  de  Robert  Clément  dans  une  de  ses 

La   soixante-  lettres,  et  des  ordres  que  ce  ministre  avait  donnés  pour  favori- 

trciziùmc        dans 
VMH.    du  P.    du 


ser  la  répression  de  I  hérésie,   si  commune  alors  dans  quelques 


M.dii.ci.  p.  liiî'.    provinces  du  midi  de  la  France.  P. 


.lKA>i   B  KL  ET  II. 


¥  A  vie  de  Jean  Belelh  est  fort  [«  u  connue     nous  ne  savons 

la  date  ni  de  sa  naissance,  nidesan'orl.  On   ne  remarque, 

dans    SCS    écrits ,    qu'un     seul    endroit    cpii    puisse    indiquer 

I  époque  oii    il    les    compo.sait  ;   cest   le  chapitre  146    de   son 

traité  des  ollices  divins  :  il  y  parle  d'une  Elisabeth,   sa  con- 

teiii|U)raine    (qiuv  ntoïc  etiam  in  riiis  est),  à    laquelle   il   fut 

révélé  que   le    corps  de  la   Vierge    .Marie   él;iil   monté  au   ciel 

F.Monii  L->    tj"''^''^"'*'   jours  après   son    ame     Ferri  de  bocres  suppose  que 

,,ii    M:.iia    Au-  Belelli  (lésignc  ici  une  saintes  Elisabeth  de  Hongrie,  qui  vivait 

Rusiu  :  a-.ic-i.Mi,  ,.,j    \>-2H     mariéc  au  landgrave  de  Thuringe.   Mais    Ferri   de 

..'12  <i'i.-..  I.(>rres    i  ile     liii-inème     l'intitulé  de    celle  révélation:    Visio 

JJUsabellia'  ancilUe  dù,nini  (jnam  ridit  in  Schonaurjiensi  ca'- 

nnbio  ;  ol   ces   termes  indiipient    bien    plutôt  sainte.    Elisabeth 

(le  Sehonau^;!',  (pii  mourut  âgée  de  33  ou  36  ans,  (;n  1165. 

(] riait    (loiic   avant    11 05  (pu-  Jean  Belelh  écrivait  le  chapitre 

ou    il   parh;   d'elle    comme   d  une    religieuse    personne  qui   vit 

encore.    Il   sensuil   au   moins  ipie  nous  ne   le  faisons   pas  trop 

ancien,   en    h;  pla(.;ant,  coinin(î  l'a   fait   Albéric  de  Trois-Fon- 

ïiiilipui    d.-  tainis,  sous  l'innu-c;   1182.  :i  est  vrai  que  Trilhème,  Ciaconius, 

s. liiii.ii       1...1    iVbibillon,  Omiin,    et    (piehpies    autivs    disent    que    Belelh    a 

T.' """■*'•"*  ~  lleuri  plus  tard,  en  1  200.  enlre  1195  et  1210,  au   X1II«- siècle, 

ii-I''^(:oi.''sIi..i'  iVi,  même   au    XiV'-,  en   1320   ou   1328.  .Mais,   de  tous  ceux    qui 

)..  <:-27;   .1   In-  oiii  parlé  de  lui,    Albéric  est    le  |)lus  ancien;  Albéric  finissait 

!!:T."'     '"1.1.,'^  sa   clironi.pie  vers   le    milieu  du   Xlll-  siècle;  et  l'année  1182, 

in    s.     i!.rn.iii    M)us  l.Kpielle   il  fait  mention  de   Belelh,  est   1  une  des   soixante 

II.   U(t.    -  On    ,i,.,.„i,\,,.^  (loiii  il  s  occupe  :  son  témoignage   nous  paraît  ici  le 

,h„     ,1.-     sr.,,,.,,,.  , 

I>.lr<    l     II.     y     i)lus.Mir 


l'an- 

Iho,.. 
ail      ■■•nn.       IIS.Î. 


JEAN    BELETH.  ng 

Nous   apprenons   d  Albéric    que  Jean   Beleth  fui  attaché    à     xii  siècle 
léglise  d'Amiens  ;   et  de  Henri  de  Gand,  qu'il  enseigna  la  théo-   m9.   _    g, 
logieàParis  Trithème  le  distingue  parmi  les  docteurs  de  la  fin   '"".'•     "-    i'- 
du   XII"  siècle  ;  un   monument  cité  par  D.    Marlène  le  range  au  u!!l'   ,',','"""  ," 
nombre  des  quatre  principaux  disciples  de  Gilbert  de  la  Porée    nW  iiiîr 
Ce  monument  est  un  manuscrit  d  un  ouvrage  de  Gilbert,  manu-         ''""'' 
scrit  que  l'on  conservait  dans  l'abbaye  de  Sainl-Amand.  et  qui  -  n'nnc.  g..,- 
présentait,  au-dessous  du  portrait  de  Gilbert,  ceux  de  ses  (pialre  '',"•  '''^    ^'"v^- 
élèves,  avec  celte  inscritjlion  "^"''^   ''■  '* 

'  Mil!  Irric  . 

Jordamis  :    i  vo    carnotensis  decntms  :    Joa^ines    Beleth  :    et  2'    vov»gc"   hu! 
ille  quarlus  [  ce  quatrième  est   Nicolas  d  Amiens  )  ;  intentiori   i'-  ""  '''■.  "*" 
studio   atfenii,    mentis    acie  perspimcissimi,  sub  pictaviensi 
episcopo  viguerunt  discipidi  ;  quorum   animœ  requiescnnt   in 
pace. 

Jean    Uelelli   a    résidé   dans   les  villes  d'Amiens,  de   Paris, 
et   de   Poitiers  peut-être.  Au  chapitre    second    de  son  traité 
des  Offices,  il  dit,  en  parlant  de    Paris,    apud  nostrmn  Lute- 
tiarti;  et   cette  expression   nostram,  (|ui  sans  doute  est    bien 
plutôt    d'un    Français  quiï    d  un    Anglais,    sufiirait   pour    ré- 
pondre à  Jean    Pits,   qui    met   en  doute  si   Beleth    est    né  en 
France  ou  en  Angleterre     La  <|uestion,  qui    est    véritablement.  sc.?p,/'''"\',5!ra'; 
didicile  à    résoudre,    est    de    savoir    en    quelle    province    de  i'  **''"■ 
France  il    a  vu    le  jour,    lluet,  dans    ses  Origines   de   Cacn,       ^cconJc  ma 
nomme    plusieurs  Beleth    qui     habitaient   celte    ville   vers    le  v'-m""  '  " 
milieu  du  XIll»  siècle  :    un  manuscrit    de  labbaye    de  Sainl- 
Evroul  fait   mention    d'un  Michel  Ik'Ieth,  qui,   en   \->m,  tenait       (.,,.,,■,„ 
des  assises  à  Falaise.    Daprès  ces  indices,    on  pourrait  roujec-  n.is.-..i'  dis  '»L 
turer   que  Jean    Beleth    était    issu    d'une    lainille     normande.   '."""'"'     ''''    '^ 
Cependant     un   Jurannus    Beleth    est   cilé    comme   témoin,    à  îuiic!!' BLi"    ^'' 
Autun,  d'un  acte  de    l'évèque  de   celle   ville  ;  et  cet  évéquc, 
nommé  Etienne,  est  on   celui   qui  gouverna  l'église   d'Autun  i.  iv'",',''  s?""' 
depuis  1M2  jusqu'à  M  40,   ou  celui  qui  occupa  le  même  siège         ' 
depuis  1171  jusqu'en   1181).  Ainsi,  au  siècle   de  Jean  Beleth, 
il  se  trouvait   des  personnes  (pii  portaient  son  nom  en    Bour- 
gogne connue  en  Normandie. 

On  peut  compler  jus(iu  à  sept  ouvrages  de  Jean  Belelh  ;  mais 
un  seul  est  imprimé.  Les  six  aulres  sont  : 

1„  Des  sermons  qui  se  trouvent  dans  quelques  manuscrits  .„  ,^','!' ','"  c  "' 
à  la  suite  de  son  traité  des  Offices  divins,  et  qui  sont  ci  lés  par  nlT  1>LJ." 
Trii  hème  ;  |i.  me. 

2»  Un   Traité  des  sept  vices  capitaux    et  des  vertus  oppo- 

Ee2 


220  JEAN    BELETH. 

XII  SIECLE,     g^es   à  ces  vices  ;  manuscrit  de  la  bibliothèque  Ambrosienne  à 


M  oiitfaiicon;    Milan* 
Bibl.      Biblioth.,  „     r'i     T      •   ^  j      r.1     .. 

t.  I,  p.  S17.  o"  Un  Iraité  des  Sibylles,  indiqué  dans  le  catalogue  des  manu- 

Miintfaucoii ,  scrits  de  ia  bibiioihèque  Collonienne  ; 
6ti;!.  '        '   i*-       40  Un  Commentaire  sur   les  quatre   livres   des  sentences  de 
Pierre  Lombard  ,  manuscrit  que  possédaient    les   jésuites  de 

Saoder;    Dib.    LoUVain  ; 
inss.    Bel;;.    I'.    I.  ,^      r\         iS    1    •       ■ 

p.  327.  5°  Des  tclairciesemens  sur   quelques  endroits  difficiles  de 

lancien  et  du  nouveau  Testament  ;  manuscrit  de  l'abbaye  de  Cî- 

Bibiioih.  sa-  teaux,  indiqué  par  Lelong  ; 

'  ïtibiin'h.  ,,.       ^°  Un  ouvrage  intitulé  Gemm«  aninice,  cité  par  Gesner,  mais 

401),  roi.  i;  qui  paraît  n'être  que  celui   qu'on  rencontre  sous  le  même  titre 

II,  ,^i!^.''''^"'T  dans  les  œuvres  d'Honoré  d  Autun. 

iiisi.    Li!tcr.    de 

la  Fiance,  lom       On  cite  encore  (les  livres  de  Jean  Beleth,  intitulés  .  De  Locis 
^"-     1'      l''9-  venerabilibus  ;  de  Personis,  temporibus  et  midiis  aliis  rébus  ; 

471  . 

Spéculum  ecclesiœ  ;  Ralionale  ;  Sunima,  etc.  IMais  tous  ces  titres 
appartiennent  vraisemblablement  à  un  seul  et  même  ouvrage  ; 
savoir,  au  Traité  des  Oflices  divins. 
Caiaiog.  des  [Jq  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  roi,  qui  contient  ce 
du  loi  t.  III  l^'^ilé,  paraît  être  de  la  fin  du  XII"  siècle.  Nous  croyons 
|.  79,  n"  9P4.  superflu  d'indiquer  ici  d'autres  manuscrits  d'un  livre  qui  a 
été  souvent  imprimé  dans  le  cours  du  XVI*  siècle  et  du 
XYll*^,  soit  à  la  suite  de  Guillaume  Durand,  sur  le  môme 
sujet,  soit  séparément.  Corneille  Lauriman,  d'Ulrecht,  en 
donna,  en  155;i,  à  Anvers,  une  édition  qu'il  dédia  à  Georges 
d'Autriche,  alors  évèque  de  Liège.  Celte  dédicace  oii  l'année 
11  Ci  est  désignée  comme  l'époque  de  la  composition  de  ce 
livre,  est  suivie  d'un  avis  au  lecteur,  oli  l'éditeur  fait  valoir  le 
travail  auquel  il  s'est  livré  pour  rendre  digne  du  grand  jour 
une  production  délaissée  depuis  près  de  quatre  cents  ans. 
Dedimiis  operam  ut  aiithor  hic  qui  jam  propè  quadringentis 
annis  horyidus,  incultus,  jejunus  et  squallidus,  inter  fœdis- 
simas  chartas  à  muribus  pœnè  totus  corrosus  delituit,  jam 
tandem  in  manus  eruditorum  aliquantô  tersior,  ornatio7-  ac 
politior  veniret....  quod  sanè  quantis  mihi  constiteril  labori- 
bus,  Ole  II  ajoute  que  le  manuscrit  était  [)resque  indéchif- 
fralile,  et  qu'il  a  fallu  souvent  deviner.  Quoiqu'il  en  soit, 
l'ouvrage,  tel  que  Lauriman  l'a  publié,  commence  par  un 
prologue  où  l'auteur  annonce  qu'il  traitera,  1°  des  Institutions 
ecclésiasiiqucs,  2"  des  Offices  divins;  3»  du  Calendrier  litur- 
gique. Il  est  possible,  en  effet,  d'appliquer  le  premier  de  ces 
trois    titres  générau.s.    aux     dix.  sept   premiers   chapitres    du 


JEAN    BELETH.  221 

traité,    le    second    aux    quarante -six    qui    suivent    jusqu'au     xn  siècle. 
soixante -troisième  inclusivement,  et  le   troisième  aux  cent  un 
derniers    chapitres,     c'est-à-dire,    jusqu'au    cent    soixante- 
quatrième  par   lequel  l'ouvrage  est  terminé. 

Il  s'agit,  dans  les  dix-sept  premiers,  des  lieux,  des  temps , 
des  solemnités,  des  processions,  des  jeûnes,  des  personnes 
ecclésiastiques,  des  vœux,  des  sacrifices,  oblalions  et  dona- 
tions. Sur  tous  ces  articles,  et  spécialement  sur  les  derniers, 
l'auteur  établit  d'excellcnies  maximes.  11  condamne  l'usage 
qui  commençait  à  s'introduire  en  certaines  églises ,  d'exiger 
avidement  des  offrandes,  qui  devaient  toujours  rester  volon- 
taires. Vendre  les  sépultures  et  le  son  des  cloches,  c'est,  dit-il, 
comme  si  l'on  vendait  les  sacremens  de  l'église.  Quod  vero  in 
quibusdam  ecclesiis  vendantiir  sepulturx  et  pro  campanarum 
pulsatione  donationes  exigantiir,  perindè  est  ac  si  ecclesias  sa- 
cramenta  venderenlu?'. 

Le  chapitre  18  et  les  suivans,  jusqu'au  03°,  traitent  de 
l'oflice  divin  en  général,  des  prières  de  la  nuit,  de  celles  du 
jour,  de  la  messe  et  de  toutes  ses  parties,  enfin  des  livres  et 
extraits  de  la  Bible,  dont  la  lecture  entre  dans  la  liturgie. 
Cette  seconde  section  du  livre  de  Beleth  contient  beaucoup 
d'explications  allégoriques.  Selon  lui,  par  exemple,  les  clo- 
ches sont  les  symboles  des  prédicateurs  ;  campana  significat 
concionatores  ;  et  les  mouvemens  alternatifs  de  ces  mêmes 
cloches  nous  font  voir  comment  le  langage  des  livres  saints 
s'élève  et  s'abaisse  tour-à-tour.  L'auteur  nous  enseigne  encore 
que  les  sept  heures  liturgiques  représentent  les  sept  âges  de 
la  vie  humaine,  la  première  enfance  ,  l'âge  puéril,  l'adoles- 
cence,  la  jeunesse,  l'âge  viril,  la  vieillesse,  et  la  décrépi- 
tude; et  s'il  tient  compte  de  la  première  enfance,  c'est,  dit- il, 
parce  que  saint  Nicolas,  dès  le  berceau,  rendait  hommage  au 
Seigneur,  en  s'abstenanl  du  sein  maternel ,  les  mercredis  et  les 
vendredis. 

Nous  avons  considéré  les  cent  un  derniers  chapitres 
comme  une  troisième  section  de  l'ouvrage.  L'auteur  y  par- 
court le  calendrier  ecclésiastique ,  en  s'arrêtant  à  chaque  fête 
mobile  ,  et  à  plusieurs  fêles  de  saints  célébrées  à  des 
époques  invariables  de  l'année  commune.  Le  chapitre  72 , 
consacré  à  la  fête  des  fous,  est  fort  court,  et  nous  apprend 
seulement  qu'elle  s'appelait  aussi  la  fêle  des  sous-diacres,  et 
que  les  uns  la  célébraient  à  la  circoncision,  les  autres  à  l'épi- 
phanie,   quelques-uns  le  13  janvier.   Beleth  nous  fait  remar- 


222  JEAN     LHERMITE. 

XII  SIECLE,  quer  les  rapports  de  certaines  cérémonies  de  l'église  avec  celles 
du  paganisme;  «Pourquoi,  dit-il,  la  Purification  se  norame- 
l-elle  aussi  la  Chandeleur?  et  d'oii  vient  l'illumination  extraor- 
dinaire qui  se  pratique  en  ce  jour-là  ?  C'est ,  répond-il  .  (|ue 
les  Romains  portaient  des  torches  ardentes  en  célébrant  leurs 
fêles  amburbalcs,  cesl-à-diro,  en  faisant,  au  commencement 
de  février  ,  des  processions  autour  de  leur  ville  >- .  L'un  des 
plus  longs  chapitres  ,  le  1 20",  est  intitulé  De  quàdatn  liber- 
laie  decembris  •  on  voyait  en  décembre  les  évèques  el  les 
archevèqnes  jouer  publi(iuemenl  à  la  paume  avec  leurs  clercs 
et  leurs  domestiques  ;  cet  usage  et  quelques  autres  du  même 
genre  ,  conservés  dans  plusieurs  églises,  étaient,  selon  Belelh, 
les  restes  des  saturnales  de  lanliquitc.  il  faut  remarquer 
aussi,  ajoute-t-il  ,  nolandum  quoqiie,  que,  dans  la  plupart 
des  diocèses,  les  fenunes  battent  leurs  maris  le  second  jour 
après  Pâques ,  et  sont  battues  par  eux  le  lendemain  :  In  pie- 
risque  7'egionibns  secundo  posl  Pascha  die  midieres  marilos 
suos  verberare  ac  i-iciss'',n  marilos  eas  lerlio  die.  Dans  le 
chapitre  1  fG,  qui  traite  de  l'Assoniplion  de  la  Vierge  Marie  , 
et  que  nous  avons  déjà  cité  ,  Jean  Beleth  se  déclare  contre  la 
fêle  de  la  Conception  ,  et  contre  la  croyance  que  celte  fêle 
autorise.  Festiim  conceplionis  aliqiii  inlerdnm  celebràrunl,  et 
adhiic  forlassis  célébrant,  sed  aulhenlicum  atque  approbation 
non  est,  inio  enimvero  prohibenduni  polius  esse  videtur  :  in 
peccalo  nuinqiie  concepla  fuil. 

Ici  est  le  plan  el  tels,  sont  les  détails  les  [)lui  remarquables 
de  ce  traité  :  il  res;.eud)le  eu  presipie  tout  le  reste  à  ceux  que 
l'on  a  composés  depuis  sur  la  même  matière.  D. 


JEAN  L'lli:UMlTE. 


iJeiU.  K'-""'^    l*'^''  i.'IlKRMirK   c^l  Ic   uoiii  .li>  1  aiileur  d'uuc   Vie  de  .saini 

s    Ucrii.  p.  !i7    *^|{t;iiiar(l,    publiée  dabonl    par    Cliifllet  ,  puis   par    Mabillon. 

'^'  A  la   tète  de  celle  vie  sont  deux    h.'ttres  qui  la  concernent,  el 

dont   l'une  est  adressée  à  Pierre,  évêijue  de  Tusculum,  l'autre 

à   HerbcTl,    évê(|ue  de  Tories,    en    Sardaigne.    L'ouvrage   est 

divisé  en   deux   livres,    précédés    chacun   dun  prologue.    Le 


XII  SIECLE. 


JEAN  LHERMITE.  223 

premier  livre  n'est  guères  qu'un  panégyrique  d'Aalays,  mère  de 
saint  Bernard.  L'autour  célèbre,  dans  le  second,  les  vertus  do 
l'abbé  deClairvaux,  ses  miracles,  ol  sur-tout  sa  dévotion  à  la 
Sainte  Vierj^e.  C'est  là  qu'on  apprend  comment  il  entendit 
chanter  le  Salve  Regina  par  des  ani;es  ;  comment  il  retint  cl  mit 
par  écrit  celle  prière,  l'adressa  au  papi>  Euj^ènc,  et  la  Gt  inlroduire 
dans  la  liltirgie.  Du  reste,  les  deux  livres  de  Jean  l'Hermile  avec 
leurs  prologues,  et  les  deux  lellres  qui  les  précèdent,  remplis- 
sent à  [)eine  buit  pages  dans  le  second  volume  des  œuvres  de 
saint  Bernard,  quoitpie  Mabillon  y  ait  réiabli  un  morceau  qui  Col.  1277-!U. 
avait  échappé  i»  Cliidlet. 

Bien  qu'exlrêmement  crédule,  Ji>an  l'Hermile  n'est  point 
illélré  ;  il  cite  un  passage  de  Sénèipie  .  Mendncium  tenue  est  Ep.  79. 
élut  rittmm  perliicel  ;  comme  Seneque.  il  se  déclare  l'ennemi 
du  mensonge,  et  s  il  raconte  tant  d(>  prodiges,  c'est  qu'il  les  juge 
avérés  ;  il  assure  même  qu  il  en  a  vu  (piehjiies-uns.  Dans  1  un  de 
ses  récils,  il  est  question  d  un  moine  (]ui,  pour  instruire  un 
frère  Lay,  lui  expliquait  la  vie  de  saint  Bernard  en  langue 
romane:  Secundwn  idioma  romanœ  lingiue -.  texte  qu'on  peut 
joindre  à  ceux  qui  concernent  lii.sage  de  la  langue  vulgaire  au 
XII""  siècle. 

Mabillon  lait  ob.server  (pie  celte  vie  de  saint  Bernard  n'a  pu 
être  écrite  cpiaprès  118(1  ;  car  l'auteur  y  cite  Robert,  abbé  de 
la  Maison-Dieii,  lequel,  dit-il,  a  vécu  soixanle-sept  ans  dans  la 
profession  religieuse.  Ces  paroles  donnent  assez  à  entendre  que 
Robert  ne  vivait  plus;  or  c est  en  1180  qu'on  s'accorde  à  placer 
sa  mort.  Nous  supposons  donc  que  Jean  l'Hermile  écrivait  vers 
l'an  1 182.  Nous  ignorons  en  quelle  année  il  mourut  lui-même, 
et  nous  ne  pouvons  olfrir  sur  sa  personne  que  des  conjectures 
incertaines. 

Selon  Mabillon,  l'Hermile  sciait  un  nom  propre  ou  de  famille,  Op.  s.  Ben 
plulôl  que  le  litre  d'une  profession;  et  laulrur  qui  nous  occnpi;  i""''*'* 
pourrait  n  avoir  point  été  religieux  Cependant  il  appelle  saiiil 
Bernard,  notre  père  ;  et,  lorsipi'il  désigne  les  moines  dont  il 
recueille  les  relations  cl  les  lémoignages,  il  enqiloie  la  même 
GX\tT(is?\on,  à  pntribus  noslris  accepimus.  Son  langage  est  tou- 
jours celui  que  liendrait  un  religieux,  et  semble  déceler  par-loul 
des  idées  et  des  habitudes  clausiiales. 

Il  a  existé  un  Jean,  prieur  de  Clairvaux,  indiciué  dans  la 
chronique  de  ce  monastère,  sous  l'année  1178.  Or  celte 
époque  conviendrait  parfaitement  à  lauleur  de  la  Vie  de 
saint  Bernard.  Alors  vivaient  les  deux  prélats  Pierre  et  Her- 
bert,  au.\quels    il    adresse  ses  deux   Inrcs.    D'ailleurs,    cette 


224  JEAN   LH  ERMITE. 

XII  SIECLE,     chronique  dit  que  Jean  lo    prieur    avait   composé    un   recueil 

d'histoires  miraculeu.ses  (I)  ;    et   sans   doute  il  se  pourrait   que 

l'opuscule  dont  nous  venons  de  rendre   compte   ne   fût  qu'un 

extrait  de  cet  ouvrage.  D'un  autre  côté  pourtant,  dans  le  ÎMéno- 

Kascir.   I.   2.  logc  d'Henriquès,   le  prieur  Jean  meurt  en    1179,  tandis  que 

.hsi.  i%  c  7,  notre  auteur  écrit  après  1180. 

''■        ■     o'ai'-       On  cite  aussi  un  Jean,   sous-prieur,  dont   la  bibliothèque  de 

lies    qui  in   prio-  '  r  '  n 

laiu  obiii   aniio  Lambelh  possède  un  commentaire  manuscrit  sur  l'Apocalypse  ; 
domini  <179.        gt  qui    a  écril  une  lettre  à   Richard,   prieur   de  Saint-Victor, 

Leiong.     Bi-  ^       ,  .  ,  '.  c    •    .    -        •. 

biioih .      sacra,  P^^^    '^    prier   de    compos(;r    une    oraison    au    baint-iisprit, 

798.  et    de  ne  la  faire  ni  trop   courte,  ni  trop  longue.  Convient-il 

Duciicsne .   d'aHribuer  et  cette  lettre   et   ce   commentaire  à  l'auteur  des 

script  .        rcrum 

gaii.  ctfr.  I.  IV.  deux  livres  sur  saint  Bernard?   Cest  ce  que  nous   ne  saunons 
I'-  7^!5-  affirmer. 

Nous  nous  bornerons  à  distinguer  ce  biographe  ou  légendaire 

de  trois  autres  personnages  plus  anciens  que  lui,  et  qui  portent 

à-peu-près  le  même  nom. 

Mss.     n.ifi.       D'abord,   Sander    cite,    parmi    les    manuscrits    de  l'abbaye 

i.aii.  I,  |..   Kii.  jgg  Qyjjgg    yj^g   épître   adressée  à    Rainard,    abbé  de   Mori- 

mond,    par  un    Ermite  [Eremits:  cujusdam),    qui    n'est    point 

appelé  Jean.  L'absence  de  ce  prénom  et   l'époque  de  1139   à 

Maiiii,|    IV,   1154,  où  Rainard    gouvernait    l'abbaye    de   Morimond,   nous 

""^  paraissent    suffire    pour    écarter    toute    hypothèse    d'identité 

entre  l'auteur  de  celte  épître  et  celui  des  deux  livres  sur  saint 

Bernard. 

En  second  lieu,  cette  même  abbaye  de  Morimond  eut  pour 

Afin.  cMeiT.  fondateur,  en  1115,  un  Jean  l'Hermilc,  assez  distingué  par  une 

Arl  ami     u ij) ,  jg||g  jg^g  jg  [écrivain  dont  nous  venons  de  parler. 

c  3,  p.  81.  u.       Enfin  1  abbaye  de  Cîteaux  comptait,  au  nombre  de  ses  pre- 

A(i.    ann.   1105,   micrs  instituteurs,  uu  Ermite  Bussi  iHimmé  Jcau,   qui,   religieux 

c^  ô.  Il    3,   p.  (le  Molesme  jusqu'en  1098,  se  rendit  en   1100,  avec    Ildebold, 

un  de  ses  confrères,  auprès  du   pape  Paschal  il,  et   obtint    la 

bulle  du  28  avril  de  la  même  année,  qui  conûrma  l'établissement 

inirod     ail.  de  ce  monastèrc  célèbre.  Ce  Jean  est  révéré  comme  saint  ;    on 

ann.  cisierc.    od  cpojj  q„'j|  g  contribué  à  la  rédaction  des  statuts  de  Cîteaux,  et 

ann.   1098.  c.  5,       ,     .    ,  ■    .-.  'i  .  •    >.  a    \  l-   ■    ■ 

.     ,  /        p  cest  le   seul  titre  quil  aurait  a  être  nommé  dans  une  histoire 

n.  If  Pi   4.    p     O  T 

et   7.   -    Ann.  littéraire.    Mais    il    paraît    que   sa    carrière    ne    s'est    guéres 
cisierc.  ad  ann    ppoloni'ée  au-dclà  de  l'année  Wi^  \  et,  par  conséquent,   on  ne 

1100,    c.  I.  n    5.     '^  ^      .  ,    j      ,  f         1  1-       .  |.  ir  j 

eic  c.  3.  p.  21.  psi't  pas  être  tenté  de  le  confondre  avec  1  auteur  dune  Vie  de 
J.  SeRiiin,  I.  II.  saint  Bernard.  D. 

Vir.  illustr. 

(1)  Johannes  prtor  Cldrœvallis,  pulchrum  volumen  fecit  eomponi  in  gun  •mira- 
cula  diveriorum  et  risiones  ad  adificationem  continebantvr. 


225 


XII  SIECLE. 


ANONYMES 


Qui    ont    écrit    L'IIlriTOIllE    iies    Évêques 
DE      PÉKIGUEt'X. 


1  E  Périgord  n'est  pas  riche  en  historiens.  C'est  une  raison  pour 
■■^nous  de  ne  pas  négliger  de  faire  connaître  les  petits  fragmens 
que  nous  avons  pu  découvrir. 

io  Les  continuateurs  du  recueil  des  historiens  de  France  t.  xiv,i,  221 
ont  publié  une  notice  touchant  quelques  évêques  de  Péri- 
gueux,  qui  leur  a  été  coninuiniquée  par  M.  Lespine,  un  des 
préposés  à  la  garde  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  royale. 
Elle  était  dans  les  archives  du  chapitre  de  Saint-Aslier ,  et 
contient  la  suite  chronologique  de  six  évêques  de  Périgueux, 
sous  le  rapport  du  bien  qu'ils  ont  fait  à  celle  église  depuis  l'an- 
née 991  jusques  à  1122,  Celte  pièce  n'est  pas  toujours  d'accord 
avec  une  autre  histoire  des  évêques  de  Périgueux  dont  nous 
parlerons  plus  bas ,  surtout  pour  les  noms  de  famille  de  ces 
évêques,  qui  ne  sont  pas  les  mêmes  dans  l'un  et  dans  l'autre 
écrit.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne  faille  préférer  l'autorité  de 
cette  notice,  comme  plus  ancienne,  à  celle  de  l'autre  écrivain 
qui,  comme  nous  le  dirons  bientôt,  n'est  rien  moins  qu'exact 
dans  ses  narrés. 

2°  Les  auteurs  du  nouveau   Gallia  christiana   ont  mis  au         d   Q^,■^^^ 
jour   une  notice  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  Chancelade,  i.  ii,  mstr.  coi. 
de  Cancellata,  ordre    des    chanoines  réguliers  de  Saint-Au-  *^^' 
gustîn,  à  une  lieue  de  Périgueux,   dans  laquelle  l'auteur,  par 
le    même  motif  qui  dirigeait    la  plume  du  précédent,  fait  l'é- 
loge de  quelques   évêques  du   diocèse,    depuis    l'époque  de  la 
fondation  en    1129,  jusqu'à  l'année   1178.    On    voit   par    ces 
dates  que  cette  pièce   peut  faire  suite  à    la   précédente,  et  les 
deux  ensemble  nous  donnent  des  renseignemens  certains  sur 
les  évêques  de  Périgueux,    pendant   l'espace  de  deux  siècles. 
La  dernière  surtout  est  recommandable  par  l'exactitude   des 
dates,   qui  ont  été   négligées   dans  la   première.    Les  éditeurs 
l'ont  tirée  du  cartulaire  de  Chancelade,  où  elle  était  placée  à 
la  tête  des  autres  chartes  du  monastère. 

Tome  XIV.  Ff 


220  A  N  0  i\  Y  M  E  S. 

XII  SIECLE.         3°  Le  P.  Labbe  nous   a  donné  une  bistoiro  des  évoques  de 


«ib.  in<s.  00(1.  Périguenx,  qui  a  pour  tilro  :  Fragmenium  de  pelragoricensi- 
I.  Il,  |i.  737  —  bus  episcopis  ,  sive  epilome  geslorum  quorumdam  ecclesiœ 
petragoricensis  p7\esidian.  (]('t(e  bisloirc  coniniencc  à  Tannée 
976,  on  laciuollc,  dit.  laiileiir,  Frolorius  fut  envoyé  pour  ôtre 
évtViue  de  colle  ville,  par  lliip;nos-Capot,  Roi  des  Français. 
Notez  que  Hugues-Capot  ne  fut  déclaré  Moi  que  onze  ans  après  : 
ce  qui  nv.  donni^  pas  iin(>  graiido  idée  de  Icxacliliide  de  notre 
anonyme.  Mais  |)eut-ôlro  a-t-il  pu  l'appeler  ainsi  dans  le  temps 
qu'il  écrivait  pour  se  faire  mieux  ontondre  ;  car  son  écrit  de.-;cond 
jusqu'à  l'année  1 1.S2. 

Ce  n'est  pas  (pi'à  la  rigueur  on   puisse  conclure   de  là    que 
Gaii,  chri.M.  l'auteur  vivait  alors.   Los  rédacteurs  du  Gallia  chrisliana  ont 
t.  Il,  col.    u:;s,  observé    qu'il    n'est    pas   toujours    d'accord    avec  (jeoll'roi-de- 
U(... .        U(.fi,  YjgçQJj;;  (jue  sa  olironolovic.  eu  général,   e.*t    très-peu  exacte, 
étant  souvent  contrain-  aux  litres  originaux  :   ce  qui  |)0urrait 
faire  soupçonner  que  cet    ouvrage  n'est   pas  entier  et  (pi'il  a 
été  compo.^é  par   un  auteur  plus  récent.    Le    P.   Labbe,  qui  l'a 
publié  sur  deux  exemplaires  manuscrits,  a  mis  à  la  fin  une  note 
qui  prouve  (pi  il  iia  ou  en  n)aiii  que  des  copies  dont  l'ime  n'avait 
été  faite  (pion  i;')~0,  sur  un  original  peut-être  mutilé,  Quoi([u'il 
en   soit,    iu)us    n  avons    liru    de    nuMllour    pour    l'bistoiro    des 
(•v«'(|uos   d(!  cette  ville,    dniil    il  doinic  la    suite  pendant  plus  de 
doux  sii'îdes,  avec  ipielipies  li;iil-  qui  oui  rapport  aux  aiïaiies  de 
la  |)ro\inco. 
V,.  cnl.    itfil.        .Malgré    le    .secours   de    civs     tmis   lii>loires,    les   auleins  du 
Gallia  i-hrisiiana    «^ul     Iro-iv     une    lacune    (pii    a     beaucoup 
exerce    leur    criliipie    11-    oui    lai    bien  établi  (pi'd    fallait   ad- 
mettre   eiilre   Heiiaud   île  bis    Tors    «'U   ilc   Tiborio ,   qu'on    dit 
iiKMt    à    la    rorro-Sainle  en    IlO-i.  el  Guillaume  frAit6e-/?or/ie. 
(pii     était    d('ja    évc'ipie   en    llol,    un    (■•vi"''(pie    iiitorniédiaire 
(|U  il.-;    a[)pellenl    Hainiond.    (pionpie,    dans    plusieurs    titres,    il 
n(;  soit  désigne  (pie   par  la   lellrc   h'.  Hiin  autre  C('iié,  Geolboi- 
l.ni.hc.  l)]i)i.  ilc-Vig(!()is   parle  en   loulos   lettres  d  un    Haoïd,  évèipie  de  Pé- 
^^    '•    "'    ''■   rigueux,  qui,    étant  parti   en    1101    ji.iur    la    Terie-.Sainle  avec 
Guillaume  IX,   duc  d  A(|ihlaiue,   «lail   mort  en  chemin.  S'il  no 
s'est   pas  trompé  on   cicrivant    Radidfvs    pour   Rainaldus  ,    il 
[laraît   que     Henaud    et    Haoul   seraient   partis    l'un   et   l'autre 
[tour    la   Terre -Sainte,    mais    en    dillerens   temps,    Renaud    en 
lO'jG,    lors   (le    la    |)reiiiiere   croisade     I),    et    Raoul  en   1101. 

li;     Ce.    «iiii    uiiîoiis.'     il     !.•    pen.M-i.     •  ..-l     .,iic     1  lii.stoncn,     |iiil)lié     p:ii-    li> 


MATHIEU  D'ANGERS,   CARDIiNAL.  227 

Nous  faisons  ces  réflexions,  parce  que  s'il  élail  prouvé  que  Geof- 
froi-de-Vigeois  ne  s'est  pas  trompé,  nous  pourrions  dire  avec 
quelque  fondement  que  ce  Raoul  n'est  autre  que  Raoul 
Ardent,  qui  appartient  à  lliistoire  littéraire  de  France,  comme 
auteur  d'un  livre  dhomélies,  plusieurs  fois  imprimé  en  deux 
volumes  in-8",  dont  il  a  été  rendu  compte  tome  IX,  p.  25?  de 
celle  histoire.  A  la  vérité,  on  ne  dit  pas  dans  la  notice,  qui  esta 
la  tète  de  son  livre,  que  Raoul  ail  été  évê(|ue  ;  on  veut  qu'il  n'ait 
été  que  curé  de  |)aroisse.  3Iais  à  cela  près,  tout  ce  (ju'on  dit  de  lui 
convient  parlailemenl  à  l'éxnpi..  de  Péri-ueux.  L'un  et  l'autre 
furent  altacliés  au  duc  Guiilaunir  ;  lun  et  1  aulre  parlent  avec  lui 
pour  la'l'erre-Sa.nle;  lun  cl  laulre  y  meurent  :  peut-on  ima- 
giner plus  de  conformité  ?  Ajoutons  iju  il  serait  assez  surprenant 
qu'un  homme  du  mérite  do  Raoul  ardent  .pion  nous  représente 
comme  un  des  plus  Leau\  -énies  d.;  .son  >iècle,  n'eût  pas  été 
élevé  à  l'épiscopal.  n 


XII  SIECLE. 


MA'rillEl  DANGERS, 


C'a  li  1)  1  N  A  L, 


I  Ec  OLE  d  Angers  soutint,  dans  le  Xlk  siècle,  la  réputation 
Uqu  elle  avait  acquise  dans  le  Xi^  La  jurisprudence  v  était 
enseignée  comme  la  théologie  et  les  h-l Ires,  l'armi  K^s"  hom- 
mes qui  s'y  instruisirent  et  qui  devinrent  bientôt  eux-mêmes 
dignes  d'instruire  les  autres,  on  lii.^ungua  Mathieu,  ordi- 
nairement désigné  pai  le  nom  mèmi;  de  la  ville  oii  il  reçut 
les  premières  leçons.  11  professa  le  droit  civil  et  le  droit 
canonique  à  Pans,  avec  un  grand  succès.  Mais  nous  ne  con- 
iiais.sous    aucun   de   ses    ouvrages  pi-oprement  dits.    La  répu- 

P.  I-abb.  ,  fait  m„u,i,  IJer,»,,,!  .Lux  U.  ;  ,„.,.„i,,,.,„en<  au  siéf^e  d'An- 
fioche,  .,,.,  .M  ,1e  i-.nnée  UU.8,  o„,  dU  ,.,.t  au.,,,,,-,  U  (ut  décapité  par  les 
&a,Ta/,ns  pendant  qu'il  disait  la  ,„«sse  ;  en  secon.l  lieu,  ù  la  bataille  de 
Rarna,  qu'il  met  eu  1099,  cp„u,,u'el]e  .soit  de  l'année  noz.  On  ne  peut 
pall.er  une  contradiction  ..i  manifeste,  q„',.„  admettant  .leux  évê,,Hes 
qui  serment  allés  successivement  à  la  Ten-e-Sainte,  et  ,|„i  y  seraient 
morts.  "^ 

Yî  % 


Hist. 

Liuér. 

l    VII,   p 

.  K7   cl 

su,v. 

Mail. 

ainpi. 

'Oll.,        I. 

1.     p. 

73(). 

Ilisl. 

Lillcr. 

l.  IX,  p. 

216    et 

■218. 

228  ROGER,    ABBÉ   DE    SAINT-EUVERTE. 

XII  SIECLE,     talion  qu'il  s'était  acquise  dans   la  carrière  de  l'enseignement,  et 
Ang.  sacra,  les  travaux  que  suppose  un  professorat  long  et  célèbre,  fixèrent 
'.;  "i'  ^'f'^.'  r  les reeards  d'Alexandre  III,  qui  l'appela  auprès  de  lui  en  1 168, 

Ducli  ,    hisl.  lies  o  ». 

card.  Franc,  i.  et  le  consulla  pliisieuis  fois  sur  les  affaires  les  plus  importantes. 
'>  !'•  139.  ji  g'gjj  servit,  en  particulier,  pour  préparer  les  objets  dont  devait 

s'occuper  !e  concile  que  ce  pape  lint  ensuite  à  Saint-Jean-de-La- 
....   tran.  Le  cardinalat  fut  la  récompense  de  Mathieu  d'Angers.  11 
p.  158.  -'  Gaii.  l'obtint  cette  année  môme,  1178,  et  fut  cardinal  du    litre  de 
purp.,  p.  171.     Saint- Marcel. 

L'époque  de  sa  mort  ne  nous  est  pas  connue  :  il  vivait  encore 

Caii.  purp.,  en  1182.    11  assista,  comme  cardinal,  à    l'absolution  solennelle 

p.  172.  -  Duc.  prononcée  par  le  pape  Lucius  III,   à  l'égard  du  roi  d'Ecosse, 

""■      ■  Guillaume,  qu'Alexandre  III   avait  excommunié,  et  dont  il  avait 

Uuch.,  p.  159.  mis  le  royaume  en  interdit.  Mathieu  d'Angers  doit  être  mort  en 

1183,  et  au  plus  tard  en  1184.  P. 


ROGER, 


R, 


Abbé    de   S  a  i  n  t  -  E  u  v  i;  hte,    .\  Orléans. 


OGER  fut  d'abord  chanoine  régulier  de  St. -Victor  à  Paris,  vers 

le  milieu  du  Xllc  siècle.    En    1 1  45  ou  1 1  46,  Gauthier,  qui 

gouvernait  ce  monastère,  le  choisit  pour  aller  réformer  celui  de 

Guyon,  hist.  Saint-Euvcrto   d'Orléans,  confié  alors  à  des  séculiers,  il  en  fit 

d'Ori.  ,     siècle  j      chanoines   réguliers  sous    la  règle  de  Sainl-Aucustin,  et 

XI!,    n.    91,     p.  °  *-"  o  ' 

399.  Gaii.   ciir.  dcvint  lui-méme,   de  leur   propre   choix,    leur  premier  abbé. 

i.  viii-,  p.  1574.  L'auteur  de  l'histoire  d'Orléans  place  cette   réforme  en  1163  ; 

mais  elle  est  antérieure  de  seize  ans  au  moins.  Roger  était  abbé 

Gaii.  Christ,  de  Saint-Euverte,  en  1147.  La  bulle  d'Eugène  III,  en  faveur  de 

t.  VMi,  iiisirum.  geng  abbaye,  lui  est  adressée,  et  elle  est  de  la  seconde  année  du 
règne  de  ce  pape  Le  Gallia  christiana  nous  offre,  sous  la 
môme  date,  un  diplôme  de  Louis-le-Jeune,  en  faveur  de  Saint- 
Euverte,  dans  lequel  Roger  est  également  désigné  comme 
l'abbé 
Quelques  années  après  il  reçut  dans  son    monastère  et   y 


Xri  SIECLE. 


ROGER,    ABBÉ  DE  SAINT-EUVERTE.  229 

eut  pour  disciple  Etienne,  connu  plus  particulièrement  sous 
la  dénomination  de  la  ville  dont  il  finit  par  être  évêque, 
de  Tournay,  et  qui  devint  un  des  hommes  les  plus  distin- 
gués de  ce  siècle.  Etienne  parle  de  lui  dans  ses  lettres ,  et 
une  d'elles  lui  est  adressée  (I).  Il  fut  même  choisi  pour  rem- 
placer Roger,  quand  celui-ci  donna  sa  démission  en  1168. 
Le  nouvel  abbé  ne  le  fut  guère  que  huit  ans.  On  lui  confia 
en  1176  le  gouvernement  de  la  maison  de  Sainte-Geneviève 
à  Paris.  L'abbaye  de  Saint-Euverte  étant  ainsi  devenue  va- 
cante, Roger  consentit  à  en  redevenir  le  chef.  Il  fallut  vrai- 
semblablement vaincre  sa  résistance,  car  je  vois  dans  un  di- 
plôme de  cette  môme  année  1 176  que  Louis-le-Jeune  l'appelle 
quondam  abbas,  ce  qui  me  fait  croire  qu'il  ne  gouverna 
d'abord  que  comme  ancien  abbé  ;  au  lieu  que  dans  les  actes 
suivans,  il  est  qualifié  d'abbé,  sans  l'addition  du  mot  autre- 
fois (2).  Roger  succéda  ainsi  à  celui  dont  il  avait  été  le 
prédécesseur.  Nous  ne  connaissons  pas  bien  l'année  précise 
de  sa  mort,  mais  il  vivait  encore  en  1182;  on  le  voit  par 
sa  signature  apposée  au  bas  d'un  acte  auquel  il  concourut, 
et  dont  il  est  fait  mention  dans  le  huitième  tome  de  la  France  p.  157« 
chrétienne. 

Nous  avons  trois  écrits  de  Roger.  Le  premier  est  adressé 
aux  religieux  de  Saint-Ouen,  à  Rouen.  L'abbé  de  Saint-Eu- 
verte avait  découvert  le  corps  du  patron  de  son  église.  Les  reli- 
gieux de  Saint-Ouen  lui  avaient  témoigné  un  grand  désir  de 
connaître  toutes  les  circonstances  de  cette  découverte  :  Ro- 
ger les  satisfait.  Sa  narration  est  courte  néanmoins  ;  le  sujet 
ne  permettait  guère  qu'elle  fût  plus  longue.  Il  dit  princi- 
palement quelles  avaient  été,  à  ce  sujet,  les  espérances  de 
ceux  qui,  avant  lui,  étaient  en  possession  de  l'église,  les 
siennes  propres ,  les  motifs  qui  l'avaient  fait  hésiter,  les 
encouragemens  et  les  promesses  de  Suger  dans  un  voyage 
que  cet  homme  illustre  fit  à  Orléans,  la  fouille  subitement 
faite  d'après  son  conseil,  le  succès  qui  réalisa  l'annonce  de 
Suger.  Dom  Martène  a  publié  cetle  lettre,  qui,  au  reste,  ne 
paraît  pas  entière,   sur   un   manuscrit  de  l'abbaye   de  Saint- 


(1)  La  17»  dans  l'édition  que  Du  Molinet  en  a  donnée  en  1682,  p.  25 
et  26.  Voir  aussi  la  520,  adressée  à  Geoffroi,  abbé  de  Saint-Satur,  p.  69;  et 
sur  toutes  deux,  les  notes  de  l'éditeur,  p.  26  et  70. 

(2)  Comparez  les  deux  chartes  de  Louis  VII,  insérées  sous  les  numé- 
ros 44  et  47,  dans  les  preuves  du  Gallia  Christiana,  t.  VIII,  p.  519  et  521. 

1    7 


230  PIERRE,  GARD.   DE  S.-CHRYSOGONE. 

XII  SIECLE.     Ouen  ,  dans  le  premier  tome  du   nouveau  Trésor  d'anecdotes. 

P.  i\â  et  m.  Les   continuateurs    de   Bollandus   l'ont  fait    entrer  dans  leur 
grande   collection,    d'après   un  autre  manuscrit,  en  l'accom- 
7  sei.i ,  I)    (il.  pagnant  de  quelques  notes  peu  importantes. 

Les  deux  autres  écrits  qui  nous  restent  de  Roger  sont 
deux  lettres  :  l'une  est  adressée  à  Lo»is-le-Jeune.  Duchesne 
l'a  insérée  dans  le  tome  IV  de  son  recueil  des  historiens 
(,Vsi  la  10'  j^,  F'rance  Elle  en  suppose  d'autres  qui  l'avaient  précédée; 
car,  dès  la  première  phrase,  Roger  demande  pardon  à  Louis 
de  l'importuner  si  souvent  par  ses  plaintes.  Un  des  officiers 
du  roi  avait  fait  enlever  les  bœufs  d'un  des  hommes  de 
l'abbé  de  Samt-Euverle;  l'abbé  demande  qu'on  restitue  ce 
qu'on  a  enlevé  par  violence,  et  que  des  excès  pareils  ne  se 
renouvellent  jamais. 

L'autre  lettre  est  adressée  à  Ervise,  abbé  de  Saint- Victor 
ù  Paris.  Alexandre  III  faisait -assembler  un  concile  à  Tours. 
Roger  avait  consulté  Ervise  pour  savoir  s'il  devait  s'y  trouver  ; 
Ervise  n'avait  pas  répondu;  Roger  lui  écrit  encore.  Celle 
seconde  épîlre    a   été  imprimée  dans    l'amplissime   collection 

T.  VI.  p.  242  de  D.  Marlène  :  elle  est  moins  importante  encore  (luc  la  lettre  à 

cl  243.    V.  (;iill.    ,       ■     ,      , 

Christ.,  t.  vin,  Louis-Ie-Jeune. 

p.  1U75.  Guyoïi.       Voilà  pourtant  tout  ce  que  nous  avons  de  Roger,  abbé  de 

iiist,  dOri  sièc.  Saint-Euverte.  P. 

XII.    D.     !II,    p. 
399  ;    et    Diibou- 

lay,       liisl.  (le ^ 

riJniv.    t.  II.    p.    " 
r.lii. 


V 1 E  R  U  E, 


C  A  it  i>  1  N  .\  i.  1)  V  r  1  r  it  i;  d  r;  S  a  i  n  t  C  u  ii  y  s  o  r;  o  N  E  ,  M  v  È  Q  vt  e 
I)  K  Mkatx,  r  II  I  s  1)  I-,  T  i!  se  i  I,  t;  ai  ,  vins  Aiiciiii  v  kq  u  !■; 
D  K  H  u  B  u  (;  i;  s,    1j  i'.  c  a  r   d  i;    S  a  i  .n  r  -  !S  i  k  o  k. 


*  I.  EXAMuiE  III  ,  peiulaut  son  long  séjour  ou  Franctî ,  accorda 
•'^ronskiiiiiDi'nl    imk;   éc'lalanlc   faveur  aux   écoles   de    Paris 

Diilionliiv ,     ,      ,  1  .  1  •  •  I       •  I         - 

iii>t.  iii-  riiiuv.  de  hautes  diguiles  ecclesiasli(pi(!s  (Icivmrenl  souvent   la  recom- 

iie  l'.niis,   I    II,  pense  de  ceux  qui  s'y  distinguaiiMil   par  de  grands    lalens. 

p.  oos  cl    (H>.      j  ^,  piél;,|  (loiii   nous  iillous  parier   en   olVre  un  des   plus    frap- 

pans    temoigiiagos       Dabord     évèipie     de    .Mc.'aux ,     cardinal 

ensuite,    évè(pic    de    Tusculuiii    ou    Frascali  ,    archevêque   de 


PIERRE,  CARD     DE  S.-CHRYSOGONE.  231 

Bourges,    légat  du  Saint-Siège,  il  obtint  toujours,  à  un  haut      xii  siècle. 
degré,  la  confiance    d'Alexandre.    Guillaume  de  Champagne,         (Jaii.  christ. 
fils  du  comte  Thibaut,    et  archevêque   de  Sens,  n'avait   pas  '  ^'"''  P   '^"'• 
peu  contribué  d'abord  à  lui   faire  obtenir  l'évêché  de  Meaux. 
Pierre    avait    été    archidiacre   et   abbé  avant  d'être  élevé   à 
l'épiscopal  ;    mais  nous  ne  savons  pas  bien  de  quelle  église  il 
fut   archidiacre,   de  quel  ordre  ou  de  quel    monastère    il  fut 
abbé.    Une  lettre   qu'Etienne    de  Tournay   lui   écrit,    pour   le         Lettre  ir,  de 
complimenter  sur   sa  promotion   au  cardinalat,    ne  laisse  ce-   ''«'^;  •'"  P-    '■" 
pendant   aucun  doute  à    cet    égard  ;    il    lui   dit  :    Amplector  „",""^Jg    ,-^j|,^ 
scholarem  (Pierre  avait  étudié  sous  lui  dans  1  école  de  Paris),  p.  tiô. 
•prosequor  archidiaconum,   deosculor  abbatem,  assurgo  epis- 
copo,  revereor  cardinalem  ;  et   il   ajoute  ces  mots,  qui   prou- 
vent mieux   la  complaisance  d'Etienne  de  Tournay  pour   les 
hommes  puissans,  que  son    goût    comme  écrivain.    Bis  gra- 
dalïm  ascendentibus,  et  sibi  accedenlibus  potiùs  quàm  succeden- 
tibus  arliculis,    ayri({ent  honores    moribus,    mores  honoribus 

coexullant Immolopro  vobis  quales  possur.i  hostias  preeum, 

columbas  gemiluiim.  vitulos  labiorum.  Con/ido  quia  quetn  dû 
lexisli  prioatus,  non  dediligatis  promolus. 

L'estime   (pi'Alexandre    III    accordait    à    notre    prélat,    est 
souvent   exprimée  dans  les    lettres  de  ce    pontife.    Duboulay      t.  il,  |..  3r,9. 
en  a  recueilli   plusieurs   passages  assez  longs,  qui  offrent  des 
preuves  de  ce  sentiment.  Ces  lettres   sont  imprimées    en    en- 
tier dans   la  collection  des   actes  des  conciles,  et  dans  le  qtiin-      r  vi,  port,  ii, 
zième   volume   du    recueil   des  historiens    de  France.    Henri,  i'-  '^""  f'  '•"'»■• 
abbé  de  Clairvaux,    depuis  cardinal,   fait,  de  Pierre  de   Saint- 
Chrysogone,     le     plus   magnifique     éloge    dans    une     épître 
adressée  au  pape,  qui  a   été   insérée  dans  le  recueil  aussi  des      t.  xv,  p  îi-;n. 
historiens,  et  dans    la  bibliothèque  des  pères   de   l'ordre    de      T-  m,  p   ■^35. 
Cîteaux. 

Parmi    les  lettres  d'Alexandre,  il   y  en  a  une  pourtant  qii  on 
est  aflligé   de   voir   écrite  sur  un   prélat  si    distingué  par  le.s 
qualités  de  l'esprit  et  par   des  services   rendtis    à   1  église  avec 
un    zèle    qui     supposerait  plus   de  désintéressement.    Pierre,         Acta  roncii. 
devenant    cardinal,    avait    aardé  et   continuait    île   percevoir  '    V',  p-,  ''*^^- 

^  '  —  Hiilioulav,     l. 

les  revenus  de  lévêché   de  .Meaux,   dont  d'aulns  auraient  du  n,    ,,.    r)(;s.  _ 
jouir.    Plus  vous  rie.-  élevé  en   dignité,    lui  mandait    le   pape,   "'"•   "'*"   ''''"•   '• 
plus   vous  devez  agir  avec  réserve  et  circonspection  :   il  faut 
qu'on    n'aperçoive  en  vous  que   des  actions  à  imiter,   aucuuc 
action  à  reprendre.    Votre   réputation    souffre    de    la   grande 
avidité    qu'on    vous     impute  ;    l'église  en   souffre   elle-même  : 


232  PIERRE,  GARD.  DE  S  -CHRYSOGONE. 

x\\  SIECLE,  changez  donc  de  conduite,  ne  faites  que  des  choses  louables 
devant  les  hommes  et  devant  Dieu,  et  que  la  religion  y  trouve 
un  accroissement  d'honneur  et  de  gloire. 

Celte  lettre  est  du  8  septembre  1173.  Pierre  de  Sainl- 
Chrysogone  était  déjà  légat  du  Saint  Siège.  Il  avait  reçu  ce 
titre  peu  de  temps  après  sa  promotion  au  cardinalat  vers 
1 1 73.  Parmi  beaucoup  d'autres  objets,  il  eut,  pendant  le 
cours  de  sa  légation,  à  en  traiter  deux  d'une  haute  impor- 
tance ;  l'un,  qui  est  le  second  dans  l'ordre  des  dates,  avait 
été  prescrit  par  Alexandre  III,  à  l'occasion  de  la  princesse 
Alix,  tille  de  Louis  VU,  que  l'on  retenait  dans  les  états  du 
roi  d'Angleterre,  sans  terminer  le  mariage  convenu  entre 
elle  et  Richard,  lils  d'Henri  II;  retard  dont  le  pape  s'irritait, 
et  qu'il  menaça  des  foudres  ordinaires  de  l'église,  si  le  ma- 
riage n'était  pas  célébré  quarante  jours  après  l'admonition 
qu'il  chargeait  son  légat  de  faire  en  son  nom  L'effet  des  me- 
naces apportées  par  le  cardinal  Pierre  fut  d'engager  Henri  II 
à  demander  un  délai  d'abord,  une  entrevue  ensuite  avec 
Louis-le-Jeune,  entrevue  qui  eut  lieu  à  Ivry  en  Normandie, 
oîi  la  paix  fut  rétablie,  jurée  du  moins  entre  les  deux  princes, 
et  où  parut  conclu  un  mariage  qui  ne  se  célébra  jamais.  Les 
lettres  d'Alexandre  m,  sur  cet  objet,   ont  été  imprimées    dans 

V  1171  <i  U73.  '^  sixième  tome  des  actes  des  conciles,   et  dans  le  quinzième 

p.  [Ki  cl  iHis.  de  la  nouvelle  Collection  des  historiens  de  France.    On   peut 

p.  171.        voir  aussi  le  treizième   volume  de  celte  collection,    l'histoire 

T.  1,  p.  itiO.    des   cardinaux  français,    par  Duchesne,   le  Gallia  purpurata, 

p.   170.     _  et  la  chronique  de   Jean  Bromton,  dans  les  Rerum  anglicarum 

etVi3l  ^  ^  ^^  scriptores  X.  La  plupart  de  ces  écrivains  ne  font  que  trans- 
crire un  passage  de  Roger  de  Hoveden,  dans  ses  annales, 
sous  l'an  1 177. 

P     ti70 

La  com[)rossion   des    hérésies   (]ui  agitaient  principalement 

le  midi   de  la    France,   fut   l'objet  de   la    première   et    d'une 

Cail.  |iiir|m-  troisième     mission     de    Pierre    de    Saint-Chrysogone.    On    le 

rala,  p.    K.ii  et  ^,^-^^  prendre  des   mesures    terribles    pour    les    étouffer.    Les 

historiens    racontent    en    particulier  qu'un    des    hommes   les 

plus  riches  et   les   plus    puissans  du   comté  de  Toulouse,  s'é- 

tant   trouvé  suspect    d'arianisme,     on   ordonna   la    démolition 

de   ses  châteaux   (H   la   conliscalion   de   tous  ses  biens.    Pour 

échappera   ce  malheur,   il    vint  trouver  le  légal,  fit  entre  ses 

mains  une   abjuration  d;'S   erreurs  qu'on    lui    imputait,    et  la 

t  xî'r  1.'' 174    profession    de     foi    qu'on    exigea  :     néanmoins    il    n  obtint  sa 

—  uuboui:.),  t.  grâce  que   sous  la  condition   qu'il  serait  fustigé  nu,  les  moins 

II,  p.  423. 


PIERRE,  GARD   DE  S  -CHRYSOGONE.  233 

liées  derrière  le  dos,  dans  toutes  les  places  et  dans  toutes  lès  xii  sieci^ 
églises  de  Toulouse;  qu'il  irait  servir  les  pauvres  pendant  trois 
années  dans  la  Terre-Sainte  ;  que  même,  à  son  retour,  il  paie- 
rait une  amende  considérable,  et  que  ses  châteaux  seraient 
démolis.  Nous  citerons  tout-à-l'heure  une  lettre  de  Pierre  de 
Saint-Chrysogone,  écrite  à  l'occasion  de  cette  mission  même 
contre  les  Albigeois. 

Il   paraît  que   notre  cardinal   fut   en   même   temps  évêque 
de  Tusculum  ou  Frascati,  et  ensuite  archevêque  de  Bourges. 
Guibert,    abbé   de   Giblou,   dans   une  lettre   écrite  vers  1182       Man.  Anctd. 
à  Philippe,  archevêque  de  Cologne,    touchant  les  moines  de  *•  '  ^    *'• 
Marmoutiers,   parle   de    Pierre    de   Saint-Chrysogone   comme 
ayant  eu  d'abord   cet   évoché,    et   comme  assis  actuellement 
sur   le   siège    métropolitain  de    Bourges.  On  est  surpris  que 
celle  circonstance  n'ait   pas  été  connue  des  auteurs   tant  de 
l'ancien  que   du   nouveau   Gallia  christiana.    Il  est   vrai  que 
les  auteurs  du  nouveau  placent   un   Pierre  dans  la  liste  des       t.  ii,  p.  5(i. 
archevêques  entre  Guarin,  mort   le  20  mars  1180,  et  Henri 
de  Sully,  nommé  en   1184;   mais  ils  n'ont  pas  su  que  c'était 
le    cardinal    du   titre  de    Saint-Chrysogone,   célèbre  par  tant 
de  travaux,   par  ses   légations  sur- tout,    et   qui   mourut   en 
1182,   et  non,   par  conséquent,    sous  Alexandre,    comme    le  Duiwuiay, 

disent  Frison,  dans  sa  Gallia  purpurata,  et  Duchesne,  dans  *  "'»''' jI'I'' 
son  Histoire  des  cardinaux  français,  Alexandre  III  étant  mort     t.   i,  p.  ibg; 

e  30  août  1181.  "    =""'    P-^euves, 

t    II,  p.  113. 

SES    ÉCRITS. 

Pierre  est  auteur  de  deux  lettres,  J'une  à  Ervise,  abbé  de 
Saint-Victor  de  Paris,  laulre  à  Garin,  abbé  du  même  monas- 
tère, imprimées  dans  l'amplissime  collection  de  Marteno  et  t.  vt,  p.  23*. 
Durand.  La  première  n'a  pour  objet  qu'une  somme  dar-  ei25'J. 
gent  qu'il  avait  prêtée  à  un  ami  d'Ervise  et  sur  sa  recom- 
mandation. Il  rappelle  dans  la  seconde  tout  ce  qu'il  a  fait 
pour  l'abbaye  de  Saint-Victor,  tout  ce  qu'il  croit  que  Garin 
doit  faire  pour  les  intérêts  de  celte  abbaye;  il  trace  la  con- 
duite à  suivre  dans  le  cas  oîi  une  composition  amiable  ne 
terminerait  pas  le  différend  élevé  entre  Eskil,  archevêque  de 
Lunden,  et  les  religieux  de  Saint- Victor.  Ces  deux  lettres  sont 
sans  date  ;  mais  la  première  est  au  plus  tard  de  1171,  Ervise 
ayant  cessé  d'ôlre  abbé  de  Saint-Victor  à  cette  époque.  Mar- 
tène    et    Durand    en   ont   imprimé   une  troisième   dans    leur 

Tome  XIV.  Qg 

11* 


234  PIERRE,  CARI).  DE  S-CHRYSOGONE. 

XII  SIECLE,     iiésor  d'anccdoclos,  C'crilo  ;iux   chanoines  de  Sainl-Marlin    de 


T.  I,  11.  !i!)2.  Tours,  el  (lui  doil  être  de  ILSO  environ.  Il  y  confirme,  sur  leur 
demande,  une  ancienne  fondation  qui  avait  établi  que  deux 
cierges  brideraient  à  perpéiuilé  devant  le  tombeau  de  saint 
Martin.  H  menace  de  l'indignation  de  ce  saint,  (l(^  Hieu  mrme, 
toute  personne  qui  oserait  diminuer  ou  détourner  largenl  con- 
sacré à  cet  usage. 

Une  lettre  beaucouf)  plus   importante  (^sl  celle    du   cardinal 

Pierre    contre   les    All»igeois,     éciitc  en    -ins,    cl    adressée, 

comme  l'auteur  le  dit  lui-même,  à  tous  les  entans  de  I  église, 

concernant   la   foi    calholiipie  et  apostolique;   elle  est    impri- 

P.  170,  nipn.  niée   au   tome  XIII   des   liisloriens  de  l'tance  et  dans  la   bi- 

T.  111,11.  73.  hliothèquc  des  pères  de  ("iîteaux     Commi"  il   n'y  a  (pi'un    Dieu, 

V.  aus.si  Haro-    .,        ,  ,  c  ■<■.,■       .  ,  >.         '  .      ■  >■   . 

i    AifoKi    il   n  y  a  qu  une  toi,  (ht  1  auteur  :  les  apolrc»  en  ont  établi  le 


mus 


un  1178.  fondement,   il  est   inébranlable;  il  l(!  .sera  toujours,  (luelles  (|ue 

soient  les  fureurs  des  aciuilons  el  les  machinations  des  impies. 
Il  raconte  ensuite  avec  qut'l(]ue  détail  les  tcntalives  de  I  hérésie, 
les  séductions  de  plusieurs  hommes  (pii  en  étaient  allciiils, 
les  mesures  prises  et  les  ed'orts  laits  pour  s'en  garanlir. 
Les  princi[iales  erreurs  attribuées  à  ces  sectaires  y  sont  (>\ po- 
sées, ainsi  que  les  poursuites  faites  et  h;  jugement  icndu 
contre  eux. 

Une  autre  lettre  du  cardinal  Pierr(>  de  Saint-t^hrysogone, 
bien  digne  aussi  dètrtï  rapportée,  es!  celle  cju  il  adressa  vers 
1177  au  pap(i  Alexandre,  eu  répuu.^e  à  une  autre  où  ce 
pontife  Vinvilait  à  lui  laiie  connaître  les  noms  de.s  hommes 
les  plll^  distingués  |iar  leur.-,  lalens,  leur  savoir,  leur  doc- 
Iriiii',  I. m-  iiitcui^  i|ii'  la  l'ianee  po>.sedail  alors.  Pierre  lui 
en  (liHi-iie  plu.-ieui--  avec  iK.uKdiip  d  éloges  .  c(!  sont  Henri, 
.ilibé  de  (jairvaiix,  qui  lui  daiw  la  suili'  cardinal  el  i'\i''(pie 
d  .\lbano  ;  le  |itieill(le  la  Chai  1 1  (Mise  (lu  .Moul  -  I  lUMl  (le  lieillIS, 
(juil  lie  nomme  pas,  iiiai.>  (|iii  n'est  autre  (jiie  .Simon,  loué 
plu-  d'une  fois  iluns  les  e|)iires  de  l'homas  de  Caiiloibery, 
el  (le  Pierre  de  (!ell.- ;  liaudouiu,  alors  abbé  d»!  Koides, 
ordre  de  C.îleaiix,  puis  e\è(pie  de  \\ Orchesler,  ardievèipic 
euliii  (le  Caiilorbei  \  ;  Pierre,  surnomiiie  ;Monocul(\  abbé 
digny,  (|ui  le  devint  eiisuilc  di^  Clairvaux.  et  (|u'il  recom- 
liiamje,  moiu.s  .sous  le  rap|iorl  des  c()nnais.sances  lilléraires, 
ipie  sou>  1  elni  (le  la  saiulele  et  des  miracles  quon  lui  allii- 
iiiiail  ;  lahbe  de  Sainl-Rcuii  de  Reims,  qui  nosl  pas  noiiinK- 
non  plus,  mais  ijui  était  l'iirre  de  Celle,  devenu  (pielques 
années  après  évêciue  de  Chartres;   labbé  de  Sainl-Crépin  de 


DiH-hesno, 

t    IV, 

p.  ,'jtill.  - 

N.xiv. 

Coll.     .les 

hlst 

t.    XV.    p. 

(i!)-.>. 

-    Ouiliii, 

l.     Il, 

|p      lus. 

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ilioiilay,     1 

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la  1.1, 

t     l.\.     !.. 

\i<i 

PIERRE,  GARD.   DE  S.-CIIRYSOGONE.  233 

Soissons,  le  vénérable  Bernerède,  cardinal   ensuite  et  évéque     X"  sin:rt>i:. 
de  Palestrine  ;   Pierre-le-Mangeur  et   Bernard  de  l'ise,  profes- 
seurs célèbres  ;    Girard-Ia-Pucelle,   professeur   non  moins   cé- 
lèbre, et  qui    devint    ensuite   évêque   de  Coventry  ;  Ives,   ar- 
chidiacre de   Rouen  ;  enfin,    Herbert  Médecins,  forte  medicus, 
dit    Duboulay  en   ra[)piiianl    ces  noms,     mais   plutôt    Herbert      T.   it,  p.  .17 
de    Rosliatn,    l'un    des   bioj^raphes  de  Thomas  de  Canlorbéry, 
dont  il   avait    ('-té   li;   secrétaire,   qui  était  venu  d'abord  s'in- 
struire à    Paris,    et  ([ue    l'on    croit   avoir  été  archidiacre    de         Dui r.ui.u, 
Meaux.  "'  i'-  '''''■ 

Le  savant  (  diteur  de  la  nouvelle  collection  des  historiens  p.  yw  ctsui 
de  France  a  placé  dans  h;  quinzième  volume  plusieurs  let- 
tres d  Alexandre  III  au  cardinal  Pierre  de  Saint-Chrysoi^one  ; 
la  première,  du  11  mars  IIT'l,  est  relative  à  l'assassinat  de 
I  évèque  de  Cambrai  ;  il  ordonne  à  ce  légat  de  faire  par-loul 
connaître  et  publier  rex:commuiiicalion  qu'il  prononce  contre 
les  coupables  et  leurs  complices.  Nous  avons  parlé  de  la 
seconde,  (jui  lui  défendait  de  sapproprier  plus  longtemps  les 
revenus  de  l'évêché  de  Meaux.  Il  veut,  dans  la  troisième  1175. 
(  29  octobre  117i  ),  (pie  le  chancelier  de  léglise  de  Paris  ne 
puisse  être  inquiété  pour  l'ordre;  donné  de  ne  rien  exiger  d(; 
ceux  ([ui  voudraient  établir  des  écoitis.  Il  lui  annonce  dans 
la  (juatrième  {  (J  iiovinibre  ll7-">)  ipic,  par  consiiléralion 
pour  Louis  VII,  il  croit  diîvoir  pardonner  à  Maurice,  évo- 
que (le  Paris,  (|ui,  contre  ses  ordnîs  et  l'appel  du  légat, 
avait  disposé  de  l'archidiaconé  d(î  c(;lte  église  en  faveur  d'un 
neveu  de  Gautier  ,  chambrier  du  roi.  La  cinquième  (  29 
janvier  1 176  )  a  pour  objet  les  secours  dont  les  chrétiens  ont 
besoin  dans  la  Terre-Sainte  contre  les  infidèles  ;  la  sixième 
et  la  huitième,  l'une  du  ±\  mai  1176,  l'autre  du  .'JO  avril 
1177,  l(!tat  de  la  princesse  Alix,  lille  de  Louis  Vil,  el  destinée 
à  épouser  le  fils  du  roi  d'Angleterre  ;  la  septième  (  30  décembre 
1 1 77  ),  les  droits  du  monastère  de  Saint-Magloire  ;  la  neuvième 
(27  mars  M 78),  quelques  effets  mobiliers  déposés  à  la 
cathédrale  de  Limoges  c'est  toujours  en  sa  (pialité  de 
légat  (jue  Pierre  de  Saint-Chrysogone  reroil  du  pape  ces 
avis  ou  ces  ordres.  Dans  la  lettre  relative  au  chancelier  de 
l'église  de  Paris,  Alexandre  montre  un  véritable  attache- 
ment pour  la  gloire  des  lettres,  et  il  témoigne  à  cet 
égard  au  cardinal  Pierre  toute  son  attention  et  tout  son 
zèle. 

Nous  avons  quelques   autres  lettres   adressées   à     ce   car- 

Gff2 


230  PIERRE     DE    CELLE. 

XII  SIECLE,     jinal  ;  l'une,  ciiée  par  Martène,  dans  son  trésor  des  anecdotes, 
r.  I,  p   600.  est  de  Thibaut,   comie  de  Blois  ;  elle  fut  écrite  vers  1180,  et  à 
Malienne"""'     ^  roccasion  de  l'hôpital  de  (^liàieaiuhin.    Deux   sont  de  Pierre  de 
Celle,  alors  abbé  de  .Sainl-Reini  de  Reims  :  ce  sont   la  seizième 
et  la  dix-huitième  du  septième  livre  ;  on  peut  voir  aussi  la  iiote 
p.  m.        mise   par  l'éditeur  au  bas  de   la   huitième.    Trois  autres   let- 
tres  sont  d'Etienne  de  Tournay,    alors  abbé    de  Sainte-Gene- 
viève ;     la  cinquantième,    la  soixante-unième    et    la  quatre- 
vingt-unième   de  la  collection,  et  dans  l'édition  du   père  du 
Molinet,  les  quarante-troisième,  quarante-sixième  et  soixante- 
douzième. 
p.  K75,  îi77.       Il  y  3  d'IIS  le    tome   IV  du   grand   recueil   de   Duchesne, 
et  738.  cinq  lettres   écrites  par    un  doyen  de  Saint-Aignan  d'Orléans, 

dont  le  nom  n'est  désigné  que  par  la  lettre  initiale  P  ;  ce 
sont  la  37e,  la  39«,  la  41",  la  43«  et  la  492^  Comme  vers  le 
même  temps  un  Pierre  avait  été  doyen  de  cette  église,  et 
qu'il  fut  ensuite  promu  au  cardinalat,  on  pourrait  croire 
que  ces  lettres  sont  de  Pierre  de  Saint-Chrysogone  ;  mais 
elles  ne   paraissent  pas  devoir  lui  être  attribuées. 

P. 


PIERRE  DE  CELLE, 


ÉVÊQUE    DE    CHARTRES. 


HISTOIRE    DE     SA    VI  E. 

QuoKHE  l'auteur  dont  nous  allons  esquisser  l'histoire  ait  été 
successivement  abbé  de  Moiîlier-la-Celle,  près  de  Troyes  en 
Champagne,  ensuite  de  Saint-Remi  de  Reims,  et  enfin  évoque  de 
Chartres,  il  est  plus  connu  dans  l'histoire  sous  la  dénomination 
de  Pierre  de  Celle,  du  titre  de  sa  première  abbaye,  beaucoup 
moins  illustre  cependant  que  celle  de  Saint-Remi,  qu'il  occupa 
même  plus  long-temps. 
On  convient  assez  généralement  qu'il  était  né  d'une  famille 


PIERRE   DE   CELLE.  237 

noble ,    parce  qu'on  trouve  dans   ses   lettres   qu'il  avait  une     xii  siècle 
nièce  appelée  Hadvide  ,   qu'il  avait  mariée  à   Pierre,  seigneur  Lib.  i,  ep.  9,  22. 
de  la    Tournelle  (1),    dans    l'Auxerrois  ;    un    parent    nommé  '''''•  viii,  ep.  i. 
Hugues  ,  chanoine  de  Reims  ,  et  une  cousine  ,  dame  de  condi-       '  '    '  '''' 
tion ,  établie  dans  le  Soissonnais,  Mais  une  chose  à  laquelle 
jusqu'à-présent  personne  n'a  fait  attention ,  c'est  que  celte  cou- 
sine n'était  autre  qu  Agnès  de  Brame  ,  qui  épousa  en  premières 
noces  Milon ,   comte  de   Bar-sur-Seine ,  et  en  secondes  noces 
Robert   de  France,  comte  de  Dreux,   frère  du   roi  Louis-le- 
Jeune  ,   comme  nous  l'apprenons  d'une  lettre  de  Jean  de  Saris- 
béry,  parmi  celles  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  oti  il  est       s.  Thom.  i.b. 
dit  expressément   que  la  comtesse   de  Dreux  était  cousine,   ■-  «^n   ^' 
cognata ,  de  l'abbé  de  Saint-Remi.  Ainsi  on  peut  assurer  que 
la  famille  de  notre  auteur  était  non-seulement  noble,  mais  une 
des  plus  illustres  de  Champagne.  C'était  celle  d'André  de  Bau-  n.  i».  ' 
dément ,  de  Baldimento,  sénéchal  de  Champagne  ,  ayeul  de  la 
comtesse  Agnès. 

Dès  son    enfance,    Pierre  fut  placé  dans  le  monastère  de  ,  .    .,.,. 

Saint -Martin -des -Champs,  près  de  Paris,  pour  y  recevoir  cp.  23. 
sa  première  éducation.  De-là  il  passa  à  l'abbaye  de  Moûtier- 
la-Celle,  près  de  Troyes ,  où  il  embrassa  la  vie  religieuse  , 
et  acheva  le  cours  de  ses  études.  Sa  manière  d'étudier  était 
fort  louable,  et  mérite  d'être  rapportée  dans  ses  propres 
termes  :  «  J'avais ,  dit-il ,  un  désir  insatiable  d'apprendre  ;  u\<.  vir,  rp  7 
mes  yeux  ne  se  lassaient  point  de  voir  des  livres,  ni  mes 
oreilles  d'entendre  lire.  Mais,  dans  cette  ardeur  extrême, 
Dieu  était  toujours  le  principe,  le  centre  et  la  fin  de  mes 
études.  Elles  avaient  plus  d'un  objet  ;  je  m'adonnai  même  à 
la  science  des  lois,  sans  préjudice  toutefois  des  devoirs  de 
mon  étal ,  de  l'assiduité  à  l'office  divin ,  et  de  mes  prières 
accoutumées.  » 

Avec  de  telles  dispositions  ses  progrès  furent  rapides  ,  ses 
ialens  et  ses  vertus  ne  tardèrent  pas  à  se  manifester ,  et 
bientôt  il  fut  choisi ,  non  seulement  pour  diriger  les  études 
des  autres ,  mais  encore  pour  remplir  le  siège  abbatial  qui 
était  devenu  vacant  vers  l'an  1147.  La  sagesse  de  son  gou- 
vernement et  la  supériorité  de  ses  lumières,  lui   concilièrent 


(1)  Dans  une  lettre  du  pape  Alexandre  III  à  Henri,  archevêque  de  Reims 
(Ampîiss.  Collectio,  t.  II,  col.  943),  nous  trouvons  un  Pierre  de  la  Tournelle, 
avoué  de  l'abbaye  de  Compiègne,  ou  du  moins  de  quelques  lieux  dépendans  de 
cette  abbaye. 


238  PIERRE    DE    CELLE. 

XII  SIECLE,      resliinc  des    personnes  les  plus   dislinguées    dans   l'église   cl 

"  ~  dans  létal.    Sa  réputation   se  répandit  au-delà   des    monts  et 

des  mors;  il  jouit  d'une  très-grande  considération  auprès  des 
[)apes,  en  Angleterre,  en  Daneniarck,  et  en  Suède,  comme 
on  le  verra  par  le  détail  de  ses  lettres.  Son  njonaslère  fut 
1  asyie  des  hommes  à  talens  (pu;  poursuivait  l'indigence.  Pour 
joaii.  Siri>ii.   nVii   citiM-    (juun    exemple,    .Ican  de    Sarisbérv    lui   rend    ce, 

<•!'•  ^'■i-  témoignage   qu  il    lui   avait    tenu    lieu    de    père   lorscpi  il    était 

dans  la  détresse,  qu'il  lavait  l'ait  connaître  dans  le  monde, 
et  lui  avait  procuré  tous  les  avantages  dont  il  jouissait  clans 
sa  patrie. 

Son  mérite  ri'connu   le  lit   appeler,  1  an  \U'>1,  pour  gou\er- 
Gaii.  Chrisi.   Hcr  le  monaslèrc  de   Sainl-Remi    de   Reims,    (jui   avait   besoin 

t.  IX,  col.  234.  ,|^v  réforme.  En  quitanl  sa  première  demeure,  il  emmena 
avec  lui  quelques-uns  de  ses  meilleurs  élèves  pour  l'aider 
dans  celte  entreprise,  entre  autres  un  nommé  Foulcpies  ,  qui, 
bientôt  après,  fut  sacré  evèipie  des  Estoniens,  pour  por- 
ter la  foi  dans  la  Livonie.  Son  zèle  n'éprouva  aucune  résistance 
de  la  part  de  ses  nouveaux,  religieux;  la  communaulé  se  [)lia 
sans  ell'urt  aux  nouveaux  exercices  (ju'il  voulut  y  établir. 
Le  temporel  se  ri'sseutil  aussi  de  .sa  vigilance  et  de  son 
habileté  dans  le  «iauicmenl  des  aiïaiies.  On  trouve  dans 
\  Arnplissima  CoUectio  de  D  .Martène,  une  (juanlité  do  let- 
tres du  pape  .\le.xandrc  III ,  (]ui  pi()u\enl  les  soins  (|ue  notre 
abbé  se  donna  pour  faire  rentrer  les  biens  usurpés,  ou  pour 
cmi)êcher  de  nouveaux  envahissemens  (1).  Les  lieux  réguliers 
ayant  été  rétablis  par  Hugues ,  son  prédécesseur,  il  porta 
son  attention  à  rembellisseiuenl  de  1  église,  dont  il  lit  construire 
i,ii..  IX,  o)..  le  portad  et  le  chœur;  mais  ce  ne  fut  (pie  sur  la  Un  de  sa 
'^'  ^-  prélat  lire. 

.'\u    mili(Hi  de  tant  de   soins  ,    il   était  accablé   de    \isiles  et 
de  messages  de  personnes  (jui  le  consultaient  de  toutes  [)arls  ; 

i.iii.  m,  rp    12.  laliliience  était  si   grande  «pie  souvent  il    n'avait  pas  ,    dit-d, 

le  loisir  décrire  deux  syllabes  de  suite  sans  être  interrom|)U. 

i.ih.  VI.  rp.   En  ell'et,  dans  un  \oyage  (pie  lit  à   Rome,   l'an    IIGC),  Henri, 

'  *■'  **•  ar(lievè(pie    de    Reims,    l'abbé   de    Saint-lîemi    lui  charg('ï  du 

gouvern(!ment  du  diocès(.'  pendant  1  absence  du  prélat;  et  le 
pape  Alexandre  111,  dans  lespace  d'une  ou  de  deux  années 
seulement,    lui    délégua    la    connaissance    île     ciiiquanlc-six 

(h   Voyez,  ihmfil  Ampli  ss.  CoUcclio  'le  Mirli-ne,  t.  II,  col.  677,   085  ,    OK") , 
O'Jl,   701,70-i,   7M.>,   7."):,  771,   'JjO,   075,1U0U,   1006. 


Pli: RUE    DE    CELLE.  239 

aiïaiiPSj  dont  la  plupart  oxiij;eaionl  un  déplacement,  comme  on  .  ^"  siècle 


peut  le  voir    dans  l'Appendix  aux    leUies  du  pape  Alexandre,       •■'i''^''-  *^""''- 

imprinié  daii8  la  collection  des  conciles,  et  (pion  a  mis  à  la  suite    '  '  ' 

des   lettres' dtî  notre  abbi''.  A  juger  par  celles-ci  du  nombre  des 

commissions  dont  k;  pape  dut  le  charger   pendant    les  autres 

années  de   son  ponlilicat,  on  conviendra   (pie  l'abbé  de  Saint- 

Remi  n'avait  pas  tort  de  se  plaindre  (pi'il  ne  lui  restait  pas  un 

moment  à  lui. 

La  UK^me  générosité  (pie  Jean  de  Sarisbéiy  avait  éprouvée 
à  Moùtier-la-Celle,  de  la  iiarl  de  ikiIk;  abbé,  il  la  retrouva  avec 
plusieurs  de  ses  compagnons  d  iiirmliiric  à  Saint-Rcuiii,  lors(pie 
leur  altachement  à  la  cause  d'  1  ai(li('vé(pie  de  Cantorbéry 
les  força  de  se  réfugier  en  France.  On  |)eut  juger  par  un  seul 
Irait  avec  (piel  empre.'^sement  il  accueillait  ces  réfugiés.  «  Si  Lii.,  v,  ep  4 
vous  éUîS  obligé  de  vous  expaliier,  ecrivait-il  à  Rarlliéleiiii, 
évècjue  d  Excesler,  icndcz-vous  ici  ;  vous  y  trotivi-re/  une 
maison  toute  neuNc,  xoiis  y  serez  (lefra\é,  et  rien  n(!  v(nis 
manquera;  \ous  aurez  des  livres  en  (|uanlilé,  et  du  loisir 
tant  (pie  vous  voudrez.  Si  magna  illa  belliia  ,  parlant  du 
roi  d  Angleterre,  evomueril  vos  ilc  teprù  reslrà,  est  apuil  nos 
doraus  nova  vohis  parala  cnm  ouini  siimplu ,  sine  auro 
et  arijento,  ubi  et  copiani  Ubrorv.n  et  slmlendi  oliiim  pra  libitu 
inremetis.»  Ces  livres,  c'est  lui  ipii  lesa\ail  amassés  en  grande 
|)arlie. 

De  son    temps,    la    ville    de    Reims    et    la   province   lurent 
exposées  à    de   grands    (roubles   par   les    guerres  privées   (pie 
suscitaient   entre    eu\    (lu    contre    raiclievé(]ue    les   seigneurs 
(iéfés  du  pays.    Henri  de  I'ranc(!   eut  besoin  de  tout  son  ascen- 
dant  pour    liuniilK.'r  des  vassaux   mai  soumis:  il  lit  raser  leurs 
clii'ileaux,   et  en   construisit   dans  ses  domaines  pour  les  lenir 
en    respect.    L  abbé    de   Sainl-Remi ,    pour  seconder  les  vues 
du  prélat,  et  cdnlribuer  au  bien  public,  abandonna  un  tlomaine 
dc!  l'ahbaye  dans  un  lieu  (pi  il  était  ini|ioitanl  de  foiHilier.  L'acle 
est  de  1172.  Il   (il   plus  ;  il  ('crivit  à  Rome  pdur  obtenir  du  pape         '-iH-  ttnist 
(piu   les   gentil.--  liommes  |)()iinaienl  .^aliier  entre  eux   par  des  ,y     ' 
mariages  aux  degrés  de  parenté  prohibés,  alin  de  faire  cesser      Lib.  vi,  cp.  r> 
leurs  inimitiés. 

Peu  de  temps  aprèis,  \o  |)ape  Allexandre  III  voulant  com- 
poser le  sacré  collège  des  personnes  les  plus  recommandables 
dans  l'église,  avait  demandé  sur  cela  des  renseignemens  à 
son  légal  en    Franc(!.    Celui-ci    lui  désigne  entre  autres  sujets  Duiiipsrie 

dignes  d'être  promus   aux  dignités    ecclésiastiiiues,  labbé   de  '  '^'  ''  ^^^- 


240  PIERRE   DE  CELLE. 

XII  SIECLE.  Sainl-Remi  et  celui  de  Saint-Crépin  de  Soissons,  comme  les 
plus  recomraandables  par  leur  science,  et  qui,  par  la  régu- 
larité de  leur  vie,  faisaient  le  plus  d'honneur  à  la  religion. 
Aussi  furent-ils  invités  bientôt  après  à  se  trouver  au  concile 
de  Latran,  que  le  pape  devait  assembler  pour  remédier  aux 
désordres  qu'un  schisme  de  vingt  années  avait  introduits 
dans  1  église.  L'abbé  de  Saint-Crépin  (c'était  le  pieux  Berne- 
rôde)  partit  avec  l'archevi-que  de  Reims  ,  et  n'eut  pas  la 
liberté  de  s'en  retourner,  ayant  été  créé  cardinal-évêque  de 
Paleslrine.  Mais  quelques  infirmités,  et  sur-tout  nne  sciatique 
dont  Pierre  se  plaint  dans  plusieurs  lettres,  ne  lui  permirent 
Lib.  VIII,  pag  (]g  gg  rendre  à  celle  invitation  :  il  écrivit  au  pape  pour 
''  s'excuser,  alléguant  son  grand  âge,   la  longueur  du  chemin,  et 

ses  infirmités. 

Cependant  ces  infirmités  ne  l'empêchèrent  pas  d'accepter, 
l'an  1181,  l'évêché  de  Chartres,  vacant  par  la  mort  de  son 
plus  intime  ami,  Jean  de  Sarisbéry.  Mais  il  ne  le  garda  pas 
long-temps.  L'année  de  .sa  mort  n'est  pas  bien  constatée. 
Robert  du  Monf,  dans  sa  chronique,  la  place  en  1182,  mais 
il  y  a  erreur  dans  l'imprimé,   il  faut  lire  1183.  Beaucoup  de 

Gaii  ciirisi  t  "iofl6'""f^s  ^^  font  vivie  jusqu'en  1187;  mais  les  auteurs  du 
VIII,  col.  iiso.  Gallia  Christiana  prouvent,  par  chartes,  qu'il  faut  s'en  tenir 
à  l'année  1183,  et  donnent,  d'après  les  nécrologes,  pour  le 
jour  de  sa  mort,  le  20  février.  Son  corps  (ut  inhumé  dans  le 
chœur  de  l'église  de  l'abbaye  de  Josaphat,  et  on  lui  fil  cette 
épitaphe  : 

Mœnibus  etplafeis  urhem  mKÏgnvit  et  auxit. 

Et  rar/ix  jiramtl  tecta  superba  loclt. 
Hnnc  pia  plebs  hnbvit  tantï.  pietatis  amore. 

Oscilla  mille  mis  ut  dederit  jiedibus. 

On  est  étonné  que,  dans  le  temps  d'un  si  court  épiscopat, 
Pierre  ait  pu  exécuter  de  si  grandes  choses.  Cependant  les  ' 
autres  monumens  du  temps  sont  d'accord  avec  l'épilaphe.  Le 
'■  nécrologe  de  l'église  de  Chartres  s'explique  encore  plus  ou- 
vertement, et  nous  apprend  qu'une  partie  de  la  ville  n  étant 
entourée  que  de  fossés,  pour  1  entretien  desquels  les  habitans 
étaient  sujets  à  des  corvées,  notre  prélat,  pour  les  délivrer 
de  cette  servitude,  fit  enfermer  de  murs  celte  parlie  de  la 
ville,  et  rétablir  les  anciens  à  ses  propres  frais;  qu'il  donna 
cent  livres  de  ses  deniers  pour  réparer  le  pavé  des   rues  qui 


Gall. 
•ti/ii. 


907. 


PIERRE    DE   CELLE.  241 

était  si  usé  qu'on  ne  pouvait  presque  plus  y  marcher,  et  qu'il     xii  siècle. 
engagea  les  babilans  à  fournir  le  surplus  de  la  dépense.  C'est  ce   ~—~——^ 
qui  lui  avait  gagné  le  cœur  de  ses  diocésains.  Aussi  le  nécro- 
loge de  Josaphat  l'a-l-il  qualifié  de  grand  et  d'incomparable, 
summi  et  incomparabilis  viri. 

SES  ÉCRITS. 


Des  sermons,  des  opuscules  ascétiques,  des  lettres,  composent 
la  totalité  des  écrits  de  Pierre  de  Celle,  qui  sont  parvenus  jus- 
qu'à nous.  Ils  ont  été  recueillis  par  D.  Ambroise  Janvier,  en  un 
volume  in-4°,  imprimé  chez  Bilaine,  l'an   1671,   et  de  là  sont  Bibi.  Pair, 

passés  dans  la  grande  Bibliothèque  des  pères,  imprimée  à  Lyon,  t,  xxni,  p.  sj» 
tome  XXIII,  p.  63G— 907. 

i°  Ses  lettres.  Quoique,  dans  les  éditions  que  nous  venons 
d'indiquer,  les  lettres  de  Pierre  de  Celle  n'occupent  que  le  der- 
nier rang  dans  la  collection  de  ses  œuvres,  nous  nous  en  occu- 
perons en  premier  lieu,  parce  qu'elles  nous  fourniront  des  traits 
qui  peuvent  servir  à  compléter  I  histoire  de  sa  vie. 

Ces  lettres  sont  partagées  en  neuf  livres,  d'après  l'édition 
in-8°  que  le  P.  Sirmond  en  avait  donnée  à  Paris,  l'an  1613, 
chez  Cramoisi,  avec  des  notes  et  une  épître  dédicatoire  aux 
chartreux  du  Mont-Dieu,  apparemment  parce  qu'il  avait 
trouvé  chez  eux  le  manuscrit,  ou  peut-être  pour  leur  rap- 
peler que  Pierre  de  Celle  fut  leur  ami,  et  qu'ils  étaient 
redevables  de  leur  établissement  aux  religieux  de  Saint- 
Remi. 

On  ne  voit  pas  sur  quel  motif  le  P.  Sirmond  a  partagé  ces 
lettres  en  neuf  livres.  Cette  division  n'existait  pas  dans  le 
manuscrit,  et,  puisqu'il  voulait  les  partager  en  livres,  il  eût 
été  plus  naturel  de  n'en  former  que  deux,  en  plaçant  d'abord 
celles  que  Pierre  a  écrites  étant  abbé  de  Moûtier-la-Celle  ; 
ensuite  les  lettres  dans  lesquelles  il  prend  le  litre  d'abbé  de 
Saint-Rerai,  et,  en  dernier  lieu,  celles  qu'il  écrivit  étant 
évêque  de  Chartres.  C'est  la  division  que  nous  nous  propo- 
sons de  suivre  ;  c'est  aussi  celle  que  le  premier  collecteur 
semble  s'être  prescrite,  mais  il  a  plus  d'une  fois  interverti 
cet  ordre  en  plaçant  parmi  les  lettres  de  l'abbé  de  Moûtier- 
la-Celle  quelques-unes  des  lettres  de  l'abbé  de  Saint-Remi, 
et  des  lettres  de  l'abbé  de  Saint-Remi  parmi  celles  de  l'abbé 
de  Moûtier-la-Celle.    Quant  au    P.   Sirmond,    même  en   éta- 

Tome  XIV.  H  h 


242  PIERRE   DE   CELLE. 

XII  SIECLE,  blissant  sa  division,  il  n'a  rien  changé  à  l'arrangement  des  let- 
tres ;  il  a  eu  laltention  de  marquer  à  la  marge  le  numéro  que 
chacune  perlait  dans  le  manuscrit  :  ce  qui  forme  une  série  non 
interrompue  de  cent  soixante-neuf  lellres,  numérotage  qu'on 
est  fûché  de  ne  pas  trouver  dans  les  éditions  subséquentes.  Les 
soixanle-huit  premières  lettres,  renfermées  dans  les  quatre 
premiers  livres  du  P.  Sirmond,  sont  de  labbé  de  Moûlier-la- 
Ccllc,  et  les  autres  de  l'abbé  de  Saint-Remi.  Mais,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  plusieurs  des  lettres  de  la  première  époque 
devaient  entrer  dans  la  seconde,  et  beaucoup  plus  de  la  seconde 
appartiennent  à  la  première. 

Outre  ces  cent  soixante-neuf  lettres,  nous  en   avons  quel- 

Rcr.  Fran.  ques  aulres  qui  ne  sont  pas  dans  la   collection.    Duchesne  en 

.   V,  p.  c  8.      ^  publié   une  de  Pierre,  abbé  de  Saint-Remi,   au   roi  Louis- 

le-Jeunc,  relative  à  lenvoi  d'un  palefroi,  de  quatre   marcs  d'or 

ou  d'argent  (car   la  matière   n'est   pas  exprimée),   et  pour    lui 

représenter  que,  l'année  d'auparavant,  il   avait  prèle    pour  son 

service  une  voilure  à  trois  chevaux  (|ui  ne   lui   avait   pas  été 

rendue. 

Ep.  s.  Tiinm.       Parmi  celles  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  il  y  en  a  une  du 

iii..  II,  cp.  loo.  jjj(\jj^gay  pape  Alexandre  Kl,  pour  l'avertir  que  le  roi,  la  reine, 
les  évoques,  et  les  grands  du  royaume  avaient  à  se  plaindre  de 
la  conduite  des  légals  qu'il  avait  envoyés  en  Franco,  afin  de 
terminer  le  différend  de  l'archevêque  de  Cantorbéry  avec  le  roi 
d'Angleterre. 
Joan.  Sarcsb.       Dans  uue  autrc,  [larmi  coIlcs  (Ic  Jean  de  Sarisbéry,  écrite  à 

ep.  U9.  Hugues,  abbé  de  Sainl-.Vniand,  il  le   prie   d  employer  le  crédit 

du  comte  de  Flandre  auprès  du  roi  d'.Angleterre,  pour  obtenir 
le  rappel  de  Jean  de. Sarisbéry,  qui,  forcé  de  s'exiler  de  son 
pays,  s'était  réfugié  dans  son  monastère.  Celle  leltro  est  infini- 
ment honorable  pour  le  savant  anglais,  et  prouve  combien  vive 
était  l'amitié  qui  les  unissait.  ((  Ce  n'est  pas  lui  (pii  est  exilé, 
dit-d  ;  c'est  moi  qui  le  suis  dans  ma  propre  maison:  car  lui  et 
moi  ne  faisons  qu'un.  » 
Spicii  in  ^.        Dachcri  a  aussi  publié  deux  lellres  de    labbé  do    Saint-Remi, 

t.  Il,  p.  U7  et  à  Irois  religieux  do  Grandmont,   qui,    après   avoir   quitté   leur 

^'''-  premier  institut,  et  fait  profession  dans  labbaye  de  Ponligni,  de 

lordro  deCîleaux,  étaient  tourmentés  do  scrupules  sur  les  liens 
do  leur  première  profession.  Pierre  les  rassure,  el  les  exhorte  à 
persévérer  dans  la  voie  plus  duroot  |tlus  étroite  (ju'ils  ont  em- 
brassée, lue  de  cos  lettres  csl  dans  la  colleclion,  c'est  la  der- 
nière ;  mais  l'autre  ne  s'y  trouve  pas. 


PIERRE    DE   CELLE.  243 

Parcourons  maintenant  la  collection  des  lettres  de  l'aboé  xii  sikcle. 
de  Moûtier-Ia-Celle,  depuis  l'an  4  I  47  jusqu'à  1162.  Dans  cette 
partie  des  lettres,  le  compilateur  a  placé  d'abord  les  lettres 
écrites  au.^  papes  et  aux  évoques;  puis  la  correspondance  avec 
des  abbés  ou  des  supérieurs  de  monastères,  et  enfin  avec  de 
simples  religieux  ou  des  clercs  séculiers.  On  voit  que,  dans 
cet  arrangement,  on  n'a  eu  aucun  égard  à  l'ordre  des  temps, 
qu'on  ne  pourrait  rétablir  qu'en  assignant  à  chacune  de  ces 
lettres  une  date  précise  ;  ce  qui  serait  d'une  difiîculté  exlrôme 
Nous  ne  pouvons  rien  faire  de  mieux  que  de  les  parcourir  dans 
l'ordre  où  elles  ont  été  imprimées. 

Quoique  les  quatre  premières  lettres  du  premier  livre  portent  ^'^-  '■  •'P-  '- 
pour  suscription  :  Au  pape  Alexandre,  nous  ne  croyons  point  ^''»*- 
que  ce  soit  à  lui  qu'elles  furent  adressées  La  chose  est  certaine 
quant  à  la  troisième,  relative  au  dilférend  (jui  s'était  élevé 
entre  l'abbesse  de  Fontevraul  et  l'évèque  de  Poitiers,  Gilbert  de 
la  Porrée,  qui  refusait  de  bénir  la  nouvelle  abbesse  Mathilde, 
à  moins  que  celle-ci  ne  lui  fît  serment  d'obéissance.  Or  nous 
avons  deux  lettres  qui  prouvent  que  cela  se  passait  l'an  1149; 
l'une  est  la  SS«  de  l'abbé  Suger,  et  l'autre  du  pape  Eugène  Ilî, 
qu'on  peut  voir  parmi  les  preuves  du  Gallia  christiana,  tome 
11,  col.  3G2.  Nous  n'avons  pas  d'aussi  fortes  raisons  pour 
décider  que  les  autres  furent  pareillement  adressées  au  même 
pape  ;  mais,  puis(|ue  la  sixième  porte  son  nom  dans  la  sus- 
cription, nous  sommes  autorisés  à  croire  que  toutes  les  six  lui 
furent  écrites,  cl  (|ue  c'est  par  une  témérité  coupable  que  les 
copistes  ont  substitué  de  leur  chef  le  nom  d  Alexandre  aux 
quatre  premières. 

Ces  six  lettres,  ainsi  que  la  septième  au  cardinal  Roland,  clian-  u\>.  i,  cp.  s, 
celier  de  l'église  romaine,  ne  traitent  que  d'affaires  particulières  ^'  ^• 
à  des  monastères,  excepté  la  cinquième,  qui  a  pour  but  d'enga- 
ger le  souverain  pontife  à  pourvoir  de  la  prévôté  de  l'église  de 
Soissons,  Guillaume  de  Champagne,  le  même  qui  fui  successive- 
ment évèque  de  Chartres,  archevêque  de  Sens  et  de  Reims,  et 
enfin  cardinal.  Pierre  de  Celle  prie  le  pape  de  considérer  la 
grande  protection  que  l'église  pourrait  tirer  de  ce  jeune  prince, 
affectionné  comme  il  est  au  Saint-Siège,  et  recommandable 
d'ailleurs  par  ses  bonnes  mœurs. 

Trois  lettres  du  même  livre  sont  relatives  au  mariage  d'une       Lih.  i,  cp.  8, 
de    ses    nièces    avec    Pierre    de    la   Tournelle,    mariage   que  '"*'  ^^' 
l'abbé  de  la  Celle  avait  béni,  et  qu'un  oncle  de  la  mariée  at- 
taquait comme  incestueux.   Alain  ,  évèque  d'Auxerre ,   l'ayant 

II  h  3 


2*4  PIERRE   DE  CELLE. 

XII  SIECLE,  déclaré  nul,  Pierre  se  plaint  amèrement  de  sa  précipitation  dans 
la  lettre  22;  et  l'affaire  ayant  été  portée  au  tribunal  du  métropo- 
litain, il  écrivit  à  Hugues,  archevêque  de  Sens,  les  lettres  Set 
9,  pour  demander  à  prouver  par  témoins  que  le  mariage  était 
légitime,  et  pour  se  disculper  en  même  temps  des  reproches 
qu'on  lui  faisait  d'avoir  manqué  aux  saints  canons,  par  trop 
d'affection  à  la  chair  et  au  sang. 

Lib.  I,  ep.  11.  La  lettre  1  I  au  même  archevêque  de  Sens,  parle  d'un  dif- 
férend qui  s'était  élevé  entre  ce  prélat  et  le  roi  Louis-le-Jeune, 
au  sujet  d'un  bénéfice  qui  avait  été  conféré  à  un  docteur  qui 
n'est  désigné  que  par  la  lettre  initiale  de  son  nom,  magis- 
tro.  M.  Jean  de  Sarisbéry  ayant  été  consulté  sur  cette  affaire, 
écrivit  la  lettre  114,  qui  porte  pour  suscription  ,  Mathœo 
prâscentori  Senonensi;  mais  on  voit,  par  le  corps  même  de 
la  lettre,  que  c'est  une  erreur  du  copiste.  Nous  pensons  que 
c'est  le  docteur  Mélior,  fait  depuis  cardinal  par  le  pape  Lucius 
III,  et  non  Mathieu,  grand  chantre  de  l'église  de  Sens,  qui  fut 
dans  la  suite  évêque  de  Troyes.  Quel  qu'il  soit,  ce  docteur,  après 
une  longue  plaidoierie,  s'était  désisté  de  ses  prétentions,  pour 
épargner  au  prélat  le  ressentiment  du  roi.  C'est  pourquoi  l'abbé 
de  Moitier-la-Celle  lui  représente  qu'il  doit  rendre  ses  bonnes 
grâces  à  un  homme  qui  avait  eu  la  générosité  de  se  sacrifier 
pour  lui. 

Nous  passons  les  lettres  10,  13  et  14,  parce  que  Pierre 
était  abbé  de  Saint-Kemi  lorsqu'il  les  écrivit  ;  il  en  sera  parlé 
ailleurs. 

j^.^  La  suscription  de  la   lettre   12    est   vicieuse.    Elle  porte  : 

'  ''  Domino  et  patri  carissimo  Thomœ  Cantuariensi  archiepis- 
copo  et  apostolicœ  sedis  legato,  frater  Petrus  Cellensis  qua- 
liscumque  minister  seipsum.  Saint  Thomas  ne  fut  ni  arche- 
vêque, ni  légat  du  Saint-Siège  pendant  tout  le  temps  que 
Pierre  résida  à  Moûlier-la-Celle.  C'est  à  l'archevêque  Thibaud 
que  cette  lettre  fut  écrite,  pour  lui  recommander  les  religieux 
qu'il  envoyait  en  Angleterre,  chargés  de  recueillir  des  au-  . 
môncs  pour  le  rétablissement  du  prieuré  de  Saint-Ayoul  de 
Provins,  consumé,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs,  par  un 
incendie.  Sur  quoi  on  peut  voir  la  lettre  07  de  Jean  de 
Sarisbéry. 

Les  lettres  15,  16,  17,  18,  19,  20,  sont  toutes  adressées  à 
Jean  de  la  Grille,  évêque  de   Saint-Malo,  mort   l'an  1163.  La 

Lib.  I;  Cl).  15.  quinzième,  qui  est  toute  de  compliments,  parle  d-une  famine 
qui  affligea  la  Bretagne.  Ce  fut   lan  1145  ou  1162,  selon  les 


PIERRE   DE  CELLE.  245 

chroniques  du  temps.    L'évêque  de   Saint-Malo  se  plaignait     xii  siècle. 
d'avoir   perdu,   par  la    mort  de  saint   Bernard,   l'appui  dun     ^'^-  '»  •"?  *•*• 
puissant  protecteur.   Pierre  lui  répond,  dans  la  lettre  16,  qu'il 
le  trouvera  encore  plus  puissant  dans  le  ciel.   Dans  la  dix- 
septième,  il  l'invite  à  venir  à  Moutier-la-Celle.  Après  l'incendie     m  |^  çp,  jy 
qui  consuma   le    prieuré  de   Provins ,   Pierre ,  en    annonçant 
à  son  ami  ce  fâcheux  accident,  le  prévient,  dans  la  lettre  18, 
qu'il  est  dans  ta  nécessité  de  faire   voyager  les  reliques   de     Lib.  i,  cp.  18. 
saint  Ayoul,  pour  recueillir  des  aumônes,  et  lui  recommande 
de  bien  recevoir  le  saint,   s'il   arrive   dans   son   diocèse.    La 
lettre  19   est   fort  longue,   pour  dire    au   prélat  que,   depuis     Lib.  i,  cp.  lo. 
deux  ans,  il  n'a  reçu  de  ses  nouvelles;   et  la  vingtième  n'a 
d'autre  objet  que  de  le  remercier  d'un  présent  qu'il   lui  avait     Lib.  i,  ep.  20 
envoyé.   Tout  cela  est    assaisonné   de  grandes  protestations 
d'amitié. 

On  voit,  par  la  lettre  21 ,  que  Thibâud,  évêque  de  Paris,  avait  Lib.  i,  cp  '21. 
prié  notre  abbé  de  lui  composer  des  sermons  pour  le  temps  de 
l'A  vent.  Pierre  lui  écrit  que,  malgré  les  nombreuses  occupations 
qui  lui  sont  survenues,  et  la  brièveté  des  jours,  il  est  parvenu 
à^n  composer  trois,  et  qu'il  en  a  commencé  un  pour  le  jour  de 
Noël. 

Eskil ,  archevêque  de  Lunden ,  en  Danemarck ,  dans  un 
voyage  qu'il  avait  fait  en  France  ,  avait  emmené  dans  son 
pays  des  colonies  de  cisterciens  et  de  prémontrés.  Voulant 
avoir  aussi  des  chartreux,  il  chargea  l'abbé  de  Moûlier-la- 
Celle  du  soin  de  lui  en  envoyer.  La  lettre  23  à  Eskil,  lui  an-  Lib.  1,  cp.  23. 
nonce  que  les  chartreux  ont  acquiescé  à  sa  demande,  et  ont 
envoyé  te  frère  Roger  pour  examiner  les  lieux  qu'il  leur  des- 
tine. 

On  lit  avec  plaisir  deux  lettres  qu'il  écrivit  à  Henri  de  France,  Jf^'  ''  *•' 
évoque  de  Beauvais,  parce  qu'elles  sont  écrites  en  meilleur 
style  que  beaucoup  d'autres;  l'une  (c'est  la  24°)  pour  remercier 
le  pr<^at  de  l'avoir  accueilli  d'une  manière  distinguée  dans  un 
voyage  qu'il  avait  été  obligé  de  faire  à  Beauvais,  pour  les 
affaires  de  son  abbaye;  l'autre  (la  26')  afin  d'engager  le  prince- 
évêque  à  prendre  la  défense  du  pape  Alexandre  111  contre 
l'antipape  'V^ictor. 

Baudouin,  évêque  de  Noyon,  avait  apparemment  témoigné  à     L.b.  1.  ep.  25. 
notre  abbé  sa  douleur  de  voir  que  la  discipline  ecclésiastique 
était  fort  relâchée.   Pierre  lui  répond,  dans  la  lettre  25,  qu'il 
ett  géïnit  tout  comme  lui. 

La  27'  et  dernière  lettre  dil  premier  livre  est  adressée  à      Lib.  i,  ep.  27. 


i  W!,  p.  '.mi. 


246  PIERRE  DE   CELLE. 

Nir  siKCl-E.  Thomas  Bivkol,  rliancelier  «lu  roi  (rAnglclorro.  ([iii  lui  avait 
ôcril  pour  lui  domandor  son  amitié,  cl  1(>  prier  de  lui  pro- 
nin'r  les  sermons  de  niaîlrc  G.  Le  P.  Siriuond  ciitil  qu  il 
sa.ii;il  là  des  sermons  de  Gillierl,  surnommé  Y  fuiversel.  Il  est 
plus  croyalde  (|u'on  d('mandail  les  sermons  de  Gibuin,  archi- 
diaere  de  Troyes,  dont  .Nicolas  de  Moùtier-Ramei  fait  le  {)lus 
iiiM.  r.ih.  jj.|-jin(i  élow  dans  sa  lettre  o.  Gibuin  était,  selon  lui,  le  plus 
lifrand  orateur  de  son  siècle,  et  Nicolas  était  bon  jnj^o  en  cette 
partie.  Quant  à  Pierre  de  Celle  ,  il  répond  au  chancelier 
d  An.iiilelerre  avec  la  modestie  (jui  le  caractérisait.  «  Quelle 
|iroporlioii,  écrit-il,  entre  un  chancelicîr  du  loi  d'Ani^çleterre  et 
un  abbé  de  la  Celle.'  Queliju  un  iiçnore-t-il  (pie  vous  êtes  le 
premier  après  le  roi  dans  quatre  royaumes.'  El  moi,  (jui  suis-je 
dans  I  opinion  pubii(|uc,  sinon  le  premier  d'une  société  de 
pauvres  Irèrcs?  Je  n  aurai  donc  pas  la  témérité  de  prétendre  à 
l'honneur  de  votre  amitié.  .Mais,'  si  vous  voulez  bien  ni'admetlre 
au  ii(iinbr(î  de  vos  si'rvileurs,  je  tiendrai  cela  pour  une  très- 
-larule  laveur.  » 

Une   |eili(>  il  Pierre-le-Vénérable,  abbé  de  Cluni,    (>t  quatre 
autres   à    llii;j;u(!s,   son  successeiir,  ouvrent  le  second  livre.  Lu 

I  ',  n  p.  1.  j>reiiiière  roule  sur  plusieurs  objets  de  spiritualité  ,  (pie  nos 
deux  abbés    avaient   traités   en.semble  dans  un    entretien  par- 

\ '<•  11.  op.  '2.  liciilier.  Dans  la  s(îconde  ,  après  avoir  l'é-licité  lliif^iu^s  de  ce 
(jue  son  él(!Ction  avait  mis  lin  au\  troubles  (pii  avaient  suivi 
la  morl  d(>  son  prédéc(^sseur,  il  demande  ii  êtie  libéré  de 
I  obiii:alii)ri  (ju'il  avait  contractée,  ii  la  prière  de  Pierre-lc- 
Véiierabl(!  ,  en  léjtondant  d'une  somme  d'ar.qent  ipie  ce 
(leriiKM-  avait   empruntée.    Ne   recevant   pas   de  réponse  à  sa 

1,1  II.  «p.  r>.  demande,  ii  cciivit  la  Iroisiiime  lettre  pour  s(!  plaindre, 
sans  aii-'reur  ,  du  silence  des  clunisles  ,  (pion  aurait  pu 
prendre  [lOiir  de  l'ingratilude.  Enfin,  n'ayant  reçu  (pi(î  des 
repoitses  évasivos ,  et  point  d'argenl ,  il  leur  dit,  dans  la 
(piatrienie,  ipi'ils  sont  fort  habiles  à  résoudre  un  syllogisme, 
mais  (jue  cela  ne  sullit  [tas  pour  acquitter  ses  dettes  ;  jeu  d(! 
IUOI.-5  (pii  na  de  S(}l  que  dans,  le  latin  :  Bone  domine,  bene 
dofuit  vas  niagisler  noslcr  proponere ,  nlinam  sic  benè  sol- 
rere!  Solvere  dico  debituni ,  non  syllogismum .  .\u  reste,  il 
nous  iqjprend  (pte  révé(|uc  de  Wincesler,  Henri  de  Blois, 
ancien  cluniste,  travaillait  alors  ii  éteindre  l(>urs  d(>ltes.  Il 
n'i^sl  plus  cpicslion  d<:  c(!la  dans  la  cimpiième  l(>ltrc  :  elle  a 
pour  olii(>t  (11!  cimeiiler  la  paix  enln;  les  clunisles  et  l'abbé 
(le   Sainl-Lauivnl   de    Liéi;e,    (lui  ,    se    iciidanl    à    llliini    [lour 


II,  M' 


PIERRE    DE    CELLE.  2i7 

terminer   à   lainiablc  un   procès  (ju'ils  avuienl  entre  eux,  avait      xii  sir.i:i.i 
reçu,  chemin  faisant,  l'Iiospitalité  à  .Moûtier-la-Celle. 

Dans    la    lettre     (i    à    Ilenri-le-Libéral,    comte    de,    Cliam-      ''''   "  '•' 
|)ai;nc,    l'ierrc    Si-   plaint   ([U(î  ses    ofliciers    le  mcllenl  a  contri- 
bution, et  (pie  le    [iriiice  ne  lui    [)eruiet   ni   de  le  voir,    ni  de 
lui    parler,    |)our   lui    faire  connaître   la    pénurii;  de  son  mo- 
nastère. 

[.a  siiscription  de  la  7''  lettre  à  labbe  de  Molème,  di-sif^né  '''"'■  "'  ''■' 
par  la  lettre  A,  est  fautive  II  n'y  a  point  eu  daus  ce  temps-là 
d'ai)bé  de  cette  maison  dont  le  nom  commcnràt  [)ar  un  A.  Il 
faut  lire  (i,  ou  bien  W,  cl  sous-(!nteiidre  Guilencus  ou 
Wilenrus.  (ielle  lettre  lenferme  de  très-bonnes  rè-les  de  con- 
duite |)our  un  supérieur  ;  elle  iinit  par  celle  maxime  :  Ne  faites 
rien  (\[k\  selon  Dieu,  ne  commandez  rien  au-delà  de  ce  ((uo 
prescrit  saint  Renoil  :  h'.iirà  Deum  nihil  agus,  extra,  Bene- 
dicluni  mhil  piwcipia.s. 

Les   (leuv   lettres    --uivantcs    aux    abbes    de    l'rtMiilli   (;l   de         '■'''•  "• 
Houleiicoui  t   ne   coutieuneul    encore  <pie   des   re_i,'les    d(^  con- 
duite. 

Matliilde,  alibc-se  de  Tontevraut,  avait  prie  notre  abbé 
de  lui  composer  (piel<pies  pieuses  sentences,  senienliolas.  Kn 
attendant  cpi'il  [misse  les  lui  envoyer,  l'ierre  fait,  dans  la  lettre 
10,  I  èloi;e  des  vertus  île  l'abbesse  et  de  sa  ciunniiinanlé  ;  il  loue  '  '  ''' 
sur-tout  la  princes.^'  d'avoir  icnoncé  au  uion(l(>,  (juoiipie  toit 
jeune,  après  a\(iir  jierdu  son  époux,  (ils  du  roi  d'An^^leterri', 
qui  avait  péri   dans  un  nauiraiie. 

Après  celte  lelln>,  il  y  en  a  une  dont  la  sii.scri[)tion  est  : 
DomiUcV  suœ  scrcKS  snus  spiiilum  tecium,  et  cette  dame  était 
alors  dans  un  couvent  ;  car  l'ierrc  s<'  rccoyffiuande  aux  piicres 
(1(!  sa  communauté.  Seiait-re  la  c(  ml  esse  Maliaut,  \euvede 
Tliibaud-le->ifand,  (|ui,  dit-on,  se  (U  religieuse  à  i'ontevraiil, 
ou  bien  sa  lilie  .Mai  :jiieiile,  <|iii  embrassa  aussi  la  vne  religieuse 
dans  le  même  ordre  .''  Il  paraît  fpie  l'une  ou  l'autre  avait  à  se 
plain(ln>  du  prieur  de  Saiul-Ayoïil  de  Provins,  dont  l'abbé 
prend  la  défende'  dans  çeiie  lettre,  et  aiupiel  il  écrit  la  lettre 
suivante. 

Dans  la  lellre  13,  d  repond  à  'l'iionias,    prieur  di;   Molème,      ui.  w  .i-.  r 
ipii,  se  voyant  di'cliu  di^  ses  piélenlioiis  sur  uni;  abbaye,    re[)ro- 
cliait  à  notre  abbé  de  lavoir  desservi  au   moment  de  lélection. 
Pierre  lui  raconte  comment  la    chose  s'est   passée,  et  nie  avoir 
rien  dit  à  son  désavantage 

Les    religieux  de   Cliési,    près  de   Clifiteau-Tliierri,  moles 


Lil>.  II. 


Lil).  Il,  1,1.  1  ' 


248  PIERRE    DE    CELLE. 

XII  SIECLE,     talent    leur  abbé,  nommé  Simon  ;  et,  parce  qu'il  était  vieux,  ils 
Lib.  II.  c|).  voulaient  lui  donner  un  successeur.  Pierre  leur  représente  avec 
'*■  *^-  force  l'atrocité  d'une  pareille  conduite,  et  les  exhortée  vivre  en 

paix  avec  lui,  dans  les  lettres   14  et  15. 
Lib.  m.  cp.       Les  six  premières  lettres  du  troisième  livre,   aux  chartreux 
~   *  du  Mont-Dieu,  dans  le  diocèse  de  Reims,  nous  donnent  l'idée 

de  la  correspondance  qui  s'était  établie  entre  l'abbé  de  Moûlier- 
la-Celle  et  les  chartreux,  sur  des  questions  de  pure  mysti- 
cité. On  voit,  dans  la  première,  qu'il  regrettait  beaucoup 
un  de  ses  religieux  nommé  Simon,  qui  l'avait  quitté  pour 
se  réfugier  au  Mont-Dieu  ;  et,  dans  la  sixième,  qu'il  était 
allé  lui-même  faire  une  retraite  dans  cette  solitude.  C'était 
l'an  1161,  comme  il  le  marque  dans  la  lettre  11  du  cinquième 
livre. 
Lib.  V,  ep.  Deux  autres  lettres  du  même  livre,  l'une  à  Basile,  prieur  de 
'     '  la  grande  chartreuse    (c'est  la   IS''),  et  la   suivante  à  Simon, 

prieur  du  Mont-Dieu,  sont  relatives  à  un  établissement  que 
Henri,  comte  de  Champagne,  voulait  faire  dans  ses  états  pour 
des  chartreux.  Pierre  fut  chargé  de  celle  négociation,  et  il  s'en 
acquitta  avec  d'autant  plus  de  zèle  que  le  prieur  du  Mont-Dieu 
avait  été  son  disciple. 
Lib  III.  cp.  7.  Pour  bien  comprendre  la  lettre  7  du  troisième  livre,  il  faut  la 
.    ^.■^!^^    '?•-'!;  combiner  avec  les  lettres  2a  et  28  de  Nicolas  de  Clairvaux,  dans 

t.    aM,    p.    î),>0 

et  scq.  lesquelles  on  voit  que   l'abbé  do   Moûtier-la-Celle,  entrant  en 

possession  de  son  abbaye,  éprouvait  de  grandes  contradic- 
tions de  la  part  de  deux  religieux,  qui,  fiers  de  leur 
noblesse,  et  Irès-irréguliers  dans  leur  conduite,  refusaient 
de  subir  le  joug  de  la  règle.  Nicolas  exhorte  le  nouvel 
abbé  à  s'armer  de  courage,  à  frapper  de  grands  coups. 
Mais,  chose  admirable,  et  qui  donne  la  mesure  du  caractère 
de  notre  abbé,  bien  loin  de  déployer  la  sévérité,  il  écrivit  à 
la  communauté  la  lettre  la  plus  amicale  et  la  plus  paternelle  ; 
il  n'y  désigne  pas  même  les  coupables  :  qu'ils  se  corrigent,  et 
tout  est  oublié. 

Lib.  iii,  ep.  8.  Dans  la  lettre  8,  il  fait  un  grand  éloge  des  religieux  de 
Grandniont,  avec  lesquels  il  désire  entrer  on  communauté  de 
prières. 

Lib.  III.  cp.  n.  Ayant  entendu  dire  beaucoup  de  bien  d'un  jeune  prêtre  de 
Provins,  ol  voulant  le  connaître  plus  particulièrement,  il  I  invite 
(  lettre  1)  )  à   venir  le  trouver  à  Moûtier-la-Celle. 

Lib  III  cp  Kl.  "  3vait  dans  sa  communauté  un  jeune  religieux,  fils 
d'un  prêtre  ou  curé  de   Hasling,  en  Angleterre,  adonné,   à  ce 


PIERRE   DE   CELLE.  249 

qu'il  paraît,  au  via  el  aux  femmes  ;  car  Pierre,    à  la  prière   de     xii  siècle. 
son  fils,    le  prêche   beaucoup  sur  ces    deux  articles  dans   la 
lettre  10. 

Les  lettres  1 1 ,  12,  13  du  môme  livre  sont  adressées  à  des  .,   ^J'''"'  ''P' 
religieux  de  Clairvaux,    el  roulent   sur   des  objets  de  spiri- 
tualité. 

Deux  lettres  à  la  tête  du   quatrième  livre  n'ont  pas  d'autre        Liv.  iv,  ep. 
suscription  que /Swostn^s.    Elles  furent   adressées  à   Nicolas  de    ' 
Moûtier-Ramei,  alors  profès  de  Clairvaux,    parmi   les  lettres 
duquel  on  les  trouve,  et  servent  de  réponse  à   autant  de  lettres        ^  ^ibl.'  Patr. 
de  Nicolas,  savoir  la  2''  à  la  49%  el  la  première  à   la   lettre   52,  ^^  y^g  '  '*' 
dans  lesquelles  Nicolas  emploie  la  même  salutation   Suo  suus. 
Ces  deux  amis  étaient  en   dispute  sur   une  question  de   pure 
métaphysique,  dont  il  a  été  parlé  à  l'article  de  Nicolas.  Dans        hisi    LUiér. 
le   fond,  ils   étaient   du   même  sentiment,    et    ne    disputaient  *■  X'"-  P    s^^- 
que   sur  les  mois.    Mais,   comme  ces  sortes  de   disputes  sont 
ordinairement  les  plus  échauffées,  notre  auteur,   dans  sa    pre- 
mière   lettre,    s'échappe   en    termes    assez    durs    contre  son 
adversaire,   jusqu'à    lui    dire   qu'il    fera  bien   de   ne  plus   lui 
écrire. 

La  troisième  lettre  au  même  Nicolas,  Nicolao  suoPetrus  suus,     Lib.  iv,  cp.  s. 
fut  écrite  antérieurement  aux  deux  précédentes.  C'est  la  réponse      ^'1^'-  ^^^'-  '''■ 

^  '^  p.  Îi28. 

à  la  lettre  20  de  Nicolas,  qui  lui  avait  fait  part  de  l'admission 
d'un  de  ses  élèves  à  Clairvaux.  Aussi  Pierre  de  Celle  fait-il 
l'éloge  de  ces  religieux,  qu'il  compare  aux  lys  des  vallées  pro- 
fondes, aux  cèdres  du  Liban,  et  à  des  oliviers  plantés  dans  la 
maison  de  Dieu.  On  voit  bien,  ajoute-t-il,  à  vos  discours  et  à 
vos  œuvres,  que  vous  êtes  du  nombre  de  ces  hommes  qu'on  ne 
peut  assez  louer. 

Od  a  réuni  à  la  suite  neuf  lettres  à  Jean  de  Sarisbéry, 
quoiqu'elles  aient  été  écrites  en  différens  temps.  La  plupart  ont 
pour  suscriplion  Suo  suus  semper  suus  et  unicè  suus,  ou  bien 
suo  clerico  suus  abbas. 

Dans  la  quatrième,  Pierre  avertit  son  ami  de  se  tenir  sur  yb.  iv,  ep.  4. 
ses  gardes,  parce  qu'on  épiait  ses  discours  et  ses  démarches; 
qu'on  savait  d'une  personne  distinguée  de  la  cour  du  roi 
d'Angleterre,  qu'il  avait  tenu  des  propos  fort  indiscrets  sur 
celle  cour,  et  s'était  faussement  porté  pour  légal  du  pape. 
«  Je  ne  sais,  dit-il,  si  cela  est  vrai;  mais  soyez  réservé,  sur- 
tout dans  ces  sortes  de  choses».  Jean  de  Sarisbéry  explique, 
dans  la  lettre  115,  sur  quel  fondement  la  malveillance   avait 

Tome  XIV.  I  i 


'IM)  PIERRE  DE  CELF.E. 

XII  SIECLE.      j)ort6  contre  lui  des  accusations  aussi  tjravcs.  Ces  lettres  sont  de 
l'an  1159. 

Quelque  temps  auparavant,  légliso  du  prieuré  de  Saint- 
Ayoul  de  Provins,  dé[)endanl  de  Moùtier-Ia-Ceile,  ayant  été 
consumée  par  un  incendie,  Pierre  résolut  d'envoyer  les  reliques 
du  saint  en  Angleterre,  pour  amasser  de  quoi  réparer   cet   édi- 

i.ii>.  IV,  ep  II.  lice;  il  écrivit  une  première  lettre  à  son  ami  (c'est  la  11'  du 
(|iialriéuic  livre)  pouravoir  son  avis  :  et,  sur  sa  réponse,  con- 
tenue dans  la   Icllre    97    de   Jciin  do  Sarisl)éi\ ,    Pierre  écrivit 

l.ili.  IV    fp.   M.   encore    ia    a'     pour    lui    annoncer    le    départ  dr.    ceux    quil 
envoyait. 
,1^    ly     j^  On  voit,  dans  les  lettres  G  et  7,  restime  (pic  taisait   laLbé   de 

6,  7.  la  ('ell(^  des  lettres  (ju'il  recevait  do.lean  de  Sarislicry  ;  il  m  parle 

avec  cnlliousiasme.  Nous  cro\ons  cpi  il  avait  pariiriiliéremeiit  en 
vue  les  lettres  <S1  et  H-2  du  littérateur  ani^lais. 
Liv.  IV.  r|.  8  Quant  à  la  lettre  8.  cesl  la  répon.se  à  la  Icllrc;  1  15  de  Jean  de 
Sarisliéry,  dans  laquelle  celui-ci  (léi>iore  le  maliieiir  (pi'd  a  eu 
d'encourir  ia  c!i.si,'race  du  roi  d  .\ni^lelerre,  et  le  prévient  qu'il 
sera  forcé  de  se  réfugier  en  Fiance  ("cpcndant,  coniine  Pierre 
était  in(pii(!t  sur  le  sort  de  son  ami,  .Icaii  lui  écrivit  encore  la 
lettre  9(),  pour  linstruire  {lr<.  iiiotil^  (|ui  lavaient  fait  changer 
de  résolution. 
Lili.  IV,  cp.  1».  Dans  la  lettre  9,  Pierre  represenle  à  son  ami  qu'il  a  tort  de 
le  négliger  après  toutes  les  preuve^  d  ainilié  ipi  il  lui  a  données. 
M  lui  demande  ensuite  sa  |irolcctiori  ..iipres  du  souverain 
|)onlife,  |)our  ia  réii.ssile  d  un  procès  ipi  il  avait  avec  les 
chanoines  réguliers  di' CliantenitMle,  au  siijrit  du  cimetière  du 
lieu,  d(jnt  ils  voulaient  le  dépouiller,  au  mépris  du  privilège 
du  pape  Ana^tase  i\  ,  dont  .Ican  de  Sarisliéry  avait  été 
lui-niênie  le  rédacteur  ('ol  donc,  coik  liil-il,  une  alTaire  qui 
\ous  regarde  :  (\iiisa  i\la  Ivn  est;  coijila  tiunquam  tt(nm  rel 
lie  iui'i.  jWj^i  riiilurn,  sed  i.iilUrni  /uxlii  eonsilinm  tuuiii. 
D'oîi  il  seiiilile  (pi  on  jieut  inlerei  ipie  son  ami  était  alors  vu  cour 
de  Rome. 

Lil..  IV  op  tu.  Il  est  prolialile  (pie  Pierre  iM'tail  plus  ahhé  de  la  Celle, 
lois(pril  écrivit  la  lettre  lit  .\n>si  la  sus('ri|ilion  Clerico  suo 
smisnbbas,  ne  le  dit  pas.  C'est  la  réponse  a  une  lettre  de 
Jean  de  .Siirisliei  V  ipie  nous  n'avons  pas,  dans  hupielle  celui- 
ci,  forcé  de  se.\|)atrier,  r(>gardait  Paris  avec  tous  .ses  agré- 
mens  comme  un  lieu  d'ixil.  C était  l'an  1104,  comme  on 
Kp   s.  Tiinni.   le  Voit  |)ar  cclie  (pi'il  ('crivit    en   même    temps   à   saint  Thomas 

lit'.  I,  (|i.  2i.      de     Cantorlièrv ,    <;!    oii     il    parle  de    Paris  dans  les  mêmes 


IMERRE    DE    CELLE.  251 

termes.  Sur  (juoi  labbô  do  la  Celle  lui  écril  :  a  11  faul  con-  X"  S'Ecle. 
venir-  (fuc  vous  avez  choisi  un  liou  d  ex.il  assez  agréable.  Quel 
autre  que  vous  ne  regarderait  pas  l'aris  comme  un  séjour  dé- 
licieux? Cependant ,  vous  avez  dit  vrai;  parce  que  là  oii  le 
corps  trouve  le  plus  de  volupté,  le  sage  doit  se  regarder 
comme  dans  un  lieu  dexil  Ri-hudo  lumen  veriim  dixisti , 
quia  ubi  niajov  et  amjilior  voluptas  lovporiim ,  ibi  verum 
ecriUiim  anininmm 

Dans  la  lettre  M  à  .leaii  de  Sarisbérv ,  l'ierrc  no  |)reiid  (pie     '-'''  '^'i  T- «2. 
la  (|ualité  de  son  ami  cl  de  son  diseiple;  il  .s'étend  ensuite  sur  les 
avantages  de  la  .solitude,  appareinment    j)Our  l'attirer    au|)rés 
de  lui. 

II  fallait  que    l'étal  monasliciue   lût    bien  déchu   en  Angle-     i.ii.  iv,  cp.  n. 
terre,  à  en  juger  par  la  peinture  (ju'il   l'ait,  dans  la  lettre  13 
à  un    religieux    de    Norwic,   des    déréglemens  (pii   régnaient 
communément,  à  ce  (ju'il  dit  ,  dans  les  nionastùres. 

Ici  finissent,  avec  le  (pialrième  livre,  les  lettres  tpie  Pierre 
écrivit,  à  quelcpics  excepiion.-;  près,  étant  abbe  de  .Moûtier-la- 
Celle.  Dans  les  suivantes  ,  il  prend  li:  litre  d"abbé  de  Saint- 
Rem  i  ;  mais,  dans  rairangeinenl  de  celles-ci,  nous  ne  voyons 
pas  que  le  conqiilaleurail  suivi  le  iiiènie  ordre  que  nous  avons  fait 
remarquer  dans  les  premières  Tout  y  est  confondu  ;  cependant 
on  a  eu  quelque  égard  à  l'ordre  des  ti-nips,  au  moins  dans  le 
placement  des  dernières.  Pour  procéiler  conformément  à  lar- 
rangement  ci-dessus,  nous  anal\ serons  successivenuml  les 
lettres  adressées  aux  papes,  a;!\  caidiiuuix  ou  légats,  aux 
arclievè(pies  ,   aux    év.'(pies  ,    aux  abbés  ,  etc. 

De  sept  lettres   au  pap(>   Alexandre  III.  deux  sont   relatives     u\,   y,  e,..  i!.. 
à  la  mission  de   Foiihpies,    son  ilisciple  ,  en  (pialité  d'évéque    Lii).  vi,  c,'..  è. 
d  Estonie.    i'i<Mrc   dt-mandi;   pour  lui  au  .souverain   pontife  qu'il 
lui  communique  une  partie  de   son   autorité,   alin  que  le  nou- 
veau missionnaire  puisse  exercer  son   ministère  avec   plus  de 
fruit  dans  un    pays   barbari;  et   encore    inlidèle.   Une  U.-ttre  de    lil.  vi.  op    y 
notre    abbé   au    roi   de    .Suède,     nous    apprend  que    Foulques 
n'était    pas   encore   parti   I  an    I  KiO,  épo(pie    d  un    voyage  que 
fila  Rome   rarch<!\è(pie  de    Keinis  ,    peiulanl  lequel  'poulques 
exerçait  les  Jonctions  épiscopales.  —  Dans  une  autre,  de  l'an  uh.  viii,  e     8 
1177  ou    1178,   il  ex|)o.se  au  pape  les  raisons  qu'avait  Henri, 
abbé  de  Clairvaux  ,  de   ne  pas   accepter  lévèché  de  Toulouse 
qui  lui  était  offert.  —  Ayant  été  délégué  pour  juger  un  dillércnd 
entre  l'évêque  de  Sois.sons  et  le  comle  de  Dreux,  frère  du  roi   „„   ^^^^'    ^"'' 

X 

11  2 


de  France,  il  rend  compte  au  jiape  de  lïlat  de  lall'aire.  —  Au>    ''''' 


252  PIERRE    DE    CELLE. 

XII  SIECLE,     approches  du  concile  de  Latran  ,  de  l'an  1 179,  il  écrit  au  pape 

Lib.  VIII ,  pour  s'excuser  de  faire  le  voyage  de  Rome,  et  en  même  temps  il 
cp.  11,  12.  lui  dénonce  deux  grandes  plaies  qui  minaient  l'église  de  France, 

Lii,    vi/i    ^^  auxquelles  il  était  urgent  de  remédier,  la  simonie  et  l'incon- 
ep.  iG.  (inence. — Dans  une  dernière  lettre,  il  s'agit  du  prieuré  de 

Marsne ,  au  diocèse  de  Liège,  dépendant  de  Saint-Remi.  Le 
pape  ayant  accordé  à  un  clerc  de  l'empereur  une  prébende  dans 
cette  église,  Pierre  lui  représente  tout  le  mal  que  les  Allemands 
avaient  fait  au  saint  siège  et  à  cette  maison  ,  durant  le  schisme, 
et  le  prie  de  révoquer  ses  ordres. 

Cinq  ou  six  lettres  au  cardinal  Albert,  chancelier  de  l'église 
Lib.  VI,  cj.  1.  romaine  ,  et  enfin  pape  sous  le  nom  de  Grégoire  VlU.  M  était 
égat  en  France,  l'an  1  17:5,  pour  travailler  à  la  réconciliation 
du  roi  d'Angleterre ,  accusé  d'avoir  participé  au  meurtre  de 
saint  Thomas  de  Cantorbéry,  lorsque  Pierre  lui  écrivit  la  pre- 
mière lettre  du  sixième  livre  ,  pour  l'exhorter  à  bien  faire  son 
devoir,  et  lui  recommander  en  même  temps  les  chartreux  du 
Val- Dieu  ,  auxquels  l'évèque  de  Séez  différait  de  bénir  un  ci- 
Lib.  VI.  ep.  3.  nieliôre.  —  La  Ictlre  3  du  même  livre  a  pour  épigraphe  uni 
cardinalium.  Ce  cardinal  ne  nous  parait  pas  autre  que  le  légat 
Albert,  auquel  il  expose  les  maux  infinis  qu occasionnaient 
dans  la  province  les  guerres  privées  des  comtes  de  Rouci ,  de 
Rélhel,  et  des  seigneurs  de  Pierrepont.  On  n'avait  pas  trouvé 
d'autre  moyen  de  mettre  un  terme  à  ces  hostilités  que  de  réunir 
ces  familles  par  des  mariages;  mais  les  degrés  de  parenté  for- 
maient un  obstacle  à  celle  mesure  de  conciliation.  L'abbé  de 
Saint-Remi  pense  que  le  souverain  pontife  devrait,  en  pareil  cas, 
tempérer  la  rigueur  des  canons   — Il  avait  écrit  au  pape ,  au 

Lili.  VIII,  (jQ^  jjgg  religieux  do  Clairvaux  ,  de  ne  pas  contraindre  leur 
abbé  à  accepter  l'évèché  de  Toulouse.  Il  adresse  la  même 
prière  au  cardinal  Albert ,  devenu  chancelier  de  l'église   ro- 

Lib.  VIII,  maine.  —  (rest  encore  à  lui  qu'il  adresse  deux  lettres  relative- 
ment au  concile  de  Latran  ,  qu-  devait  se  tenir  l'an  1179,  pour 
lui  exposer  les  abus  introduits  dans   l'église  de    France,  qu'il 

!,ib.  VIII,  serait    instant   de  réformer.  —  Knfin    le   pa[)e   ayant  disposé 
''■    '  dune  prébende  du  prieuré  de  Marsne  en  faveur  d'un  clerc  de 

l'empereur,  il  s'adresse  avec  confiance  au  cardinal  Albert , 
pour  faire  révoquer  cet  ordre. 
16 '18  ^"'  "'"  '^^"'^  lettres  au  cardinal  Pierre  de  Saint  -  Chrysogone , 
légat  en  France,  en  faveur  d'un  de  ses  clercs,  appelé  maître 
Crépin,  qu'il  desirait  attacher  au  service  du  légat,  persuadé 
qu'il  en  serait  content. 


PIERRE    DE    CELLE.  253 

Trois  lettres  à  Bernérède  ,   créé  cardinal  évéque  de  Pales-      xir  siècle. 
trine,   l'an  1 1  79.  Dans  l'une,  il  déplore  l'absence  d'un  si  bon  Lib.  viii, 

ami,  qu'il   n'espère  plus  revoir.  —    Bernérède  n'était  pas  plus  "^P;.u*'.v 

,    .      ,  I         r  L,b    IX,  en.  1. 

content  que  lui  de  se  voir  élevé  au  cardinalat  ;  il  regrettait 
ses  anciennes  habitudes.  Pierre  le  console  de  son  mieux,  en  lui 
représentant  les  nouveaux  avantages  dont  il  jouit ,  qui  font 
plus  que  compenser  ceux  qu'il  regrette.  —  Dans  une  troi- 
sième, il  veut  lui  prouver  que  son  éloignement,  bien  loin  Lib.  ix,  ep.  2. 
d'avoir  altéré  l'amitié  qu'il  lui  porte,  n'a  fait  que  l'accroître  ; 
il  lui  annonce  que  Thihaud  a  été  nommé  à  sa  place  abbé  de 
Saint-Crépin  ;  qu'il  lui  envoie  un  missel  après  lui  avoir  en- 
voyé un  bréviaire;  enfin  il  lui  reproche  de  détruire  sa  santé 
par  des  austérités  immodérées.  —  Bernérède  étant  mort  l'an-  Lib.  ix,  ep.  0. 
née  suivante,  l'abbé  de  Saint- Rémi,  dans  une  lettre  à  Pierre, 
cardinal  évêque  de  Frascati,  se  reproche  de  l'avoir  engagé  de 
faire  le  voyage  de  Rome,  ne  prévoyant  point  qu'on  le  retien- 
drait contre  le  gré  de  son  ami  et  le  sien  ;  néanmoins,  il  se  con- 
sole en  apprenant  que  Dieu  a  manifesté  sa  sainteté  par  des 
miracles. 

11  y   a  encore  quatre  lettres  au  même  Bernérède,  abbé  de 
Sainb-Crépin  de   Soissons.    Dans   l'une  il  charge  son  ami   de     Lib.  v.  cp.  1. 
dire    à    sa    cousine   (nous   avons   déjà   prouvé  que  c'était   la 
comtesse  de  Braine)  de  lui  dire  qu'elle  agirait  plus  noblement 
de  se  contenter  des  petits  présens  que   ses  sujets  pourraient 
lui  faire,  que  de  les  forcer  à  de  fortes    contributions.  —  Dans 
la  seconde,  il  s'indigne  que  ses  occupations  ne  lui  permettent      Lib.  v,  cp.  2. 
pas  d'aller  à  Saint-Crépin  célébrer  la  fête  patronale.  —  Dans  la 
troisième,  il  fait  part   à    son   ami  des  mesures  qu'il   a  prises      Lib.  v,  cp.  3. 
pour  faire  déposer  l'abbé  Drogon,  son  successeur  à  Moûtier- 
la-Celle  ,  qui  ,   dans  un  très-court    espace  de   temps  ,    avait 
détruit  le  bien  qu'il  avait  procuré  à  cette  maison    —  L'affaire 
étant    consommée  ,     il    écrit    aux    religieux    assemblés    pour      Lib.  v,  cp.  7. 
l'élection  d'un   nouvel  abbé,    leur  recommandant  de    prendre 
conseil  de  l'archevêque   de  Sens  et   d'autres  personnes    reli- 
gieuses, afin  de  ne  pas  faire  un  aussi   mauvais  choix   que    le 
premier.  —  Vers  l'an  1171 ,  il  y  eut  des  hostilités  entre  l'arche- 
vêque de  Reims  et  le  comte  de  Champagne,  qui  prêtait  main- 
forte  aux   vassaux    insoumis  de   l'archevêque.   Sur  quoi   l'on 
peut  voir  la  lettre  de  celui-ci  à  ses  suffragans.  Pour  rétablir  Manùne , 

la  paix,  on  tint  à  Troyes  une  assemblée  à  laquelle  assista  le  '^'"p'-      <^''"«'■'■ 
pieux  Bernérède.  11  en  revint   tout  glorieux  d'avoir  été   dis-  ''  "'  "''  ^"®" 
lingue  parmi  beaucoup   d'autres  par  la  comtesse  de  Cham- 


254  P  I  KU  K  K     DE    C  El.  \.  R 

XII  SIECLE,      pa^ne,  fille  du  roi  Louis-lo-ltMinc,  ([tii  l'avait  admis  à  sa  table, 
el   lui  avait  accordé  tout  ce  (|u  il    lui  avait   dcmaudé.  Mais  il 
Lit.    viK.   jj'ayaij  pi,  réussir  à  concilier  li's  esprits    T'était  pourtant  là  l'cs- 

''^'  senlicl.  C'osl  pour(pioi  l'aljhé  de  Saint  Uonu.  dans  un  niOinout  do 

^'aîlé,    l'invite  plaisamment    a    (■<iiilimii'r    de    taire    de   ()areils 
miracles. 

Six    lettres  à   Eskil  ,    aiciievèfine   île    liindiMi,    prouvent    la 

qrandc     considi-ration    dont     jouissait     l'alihé  de   Saint  -  Rémi 

ijb.  V,  cp.  ;i.  auprès  de    lui.    Dans    l'une,   il    lui    ri'commatuhî    un   clian'une 

de  Saint-Timolhée,  Irere  du  vidauie  ilc  lieims,  ipii.    attire  par 

les    lielles  choses   (pie    puliliait    de    lui   la  renommée,  allait  en 

Liii.  VI.  op.  15.  Danemarck.  —  En  lui  envoyant  I-'oui'pi's,  un  de  ses  élèves, 
qu'Eskil  avait  demandé  pour  évèipie  d(\-;  E:,toniens  ,  il  lui 
représ(>nte  les  dillieullés  qu'éprouvera  dans  sa  mission  ce 
zélé   prédicateur,  s  il   n'est  a|ipnye  de   ses  laigessos  el  di'   son 

Lit).  VII.  cp.  (i.  crédit. —  Ayant  appris  (pic  cet  illustre  prélat,  au  retour  d'un 
voyage  en  France,  avait  failli  <'lre  submergé  dans  la  mer,  il 
désire  êlie  instruit  d'un  événement  deuil  s  alarme  son  amitit'  (I). 

I.il..  VII, , -p.  r,  — Ha.ssuré  [)ar  le  rapport  de  muitre  Ciepin,  (pii,  ayant  accom- 
pai;né  le  prélat.  a\ai'  couru  le  mèuie  daiii^cr,  il  admire  la 
conduite   de  la    pro\  id'MKe,   ipn    met  (pielipiefois  .ses  élus  à  de 

Lil..  VII,  cp   17.  cruelles  é[)reiives  sans  vtiuloir  les  peidre.  —  Eskil  étant  revenu 

Lii).  VIII,  ,p.  1.  p.,    i.'piince    [)()ui     emiuaxser    la     \ie    relif^'ieuse    à   Clairvaux, 

l'ahlui   de   .Sainl-lit-mi    lui    ('crivil    emore  deux    lettres   pleines 

d'éloi,'es  el  do  t(''moiiinaf:,e-.  danuiie,  ici^'ictlaut  ipie  ses  inlirmités 

i.ii.    viK,  ne  lui   permisMuil   |)as  de   lallei   \i-it.r     —  .Mi.-^alon  ayant  suc- 

>■]■■  !'••  -'I.  celé  il    E-kil  d.iiis  laiclii'vi'eiie   de   Luuden,   Pierre    lui   écrivit 

aii^si  deux  lettres  pour  lui  recommander  les  neveux  ou  les 
pelits-(ils  d'E.skil  ,  nepolcs,  ainsi  ipie  son  di.soiple  Foulipn^s, 
(•\èi|ne  d'Estonie. 
1,1,  I  ^,  ,;  (,)ualre  autres  lettres  ;i  autan!  d  archevèipies  ;  une  ii  Henri, 
arilu-vèipie  de  Heiiiis.  lequel  elant  aile  à  Rome,  l'avait  cliarg('' 
ilu  i;ou\eriieiiienl  de  -ou  diiirr,,'.  Il  je  pres.se  de  revenir, 
parce  ipi'.i  la  l'aveur  de  >i)n  iloi-u.Miient,  de  grands  troubles 
sciaient  élevés  dan-  le  pays  Celle  letlic  est  de  1  au  IHiG. 
l.ib.  VI,  fp.  7.  Il  avait  é'crit,  peu  de  temps  aMpara\aiit.  au  cliaiicelier  et  au 
chantre  île  léi^'lise  de  Ciunine^ne  ,  (pu  avaient  accomiJagiii' 
le  prélal  dans  ce  voya;-'e,   pour  les  assurer  ipie  loul  allait  au 

(1}  C't  aoriilenf  iinivi,  .m  plus  lut,  laii  IITij;  car,  Mans  sa  letlrc,  Pi^.'n-e 
annonce  :ui  prélat  ■|ii<!  -lean  ilo  Sari.<l)i'ri  vnnait  dV-lr.^  nDiuiiic-  évo.pi.:  tU 
Cliartres. 


PIERRE  DE  CELLE.  255 

iiiieux.— L'arclicvêque  de  Coliigne,   Philippe,   dont  le  pontiG-      X"  siècle. 
cat  coninicnra  1  an  M  07,  ayant  disposé  cmi  faveur  de  clercs  se-      ^'^-  '.  ep.  13. 
cidiers  des  ]irél)endes  du  prieuré  de  Marsnc,  au  préjudice  du 
monastère^  de    Sainl-Renii,    Pierre    lui  fait  sur  cela    l(\s    plus 
vives  représentations,  cl   l'assure  (pie  jamais  sa  communauté 
ne  consentira  à  une   pareille   spoliation.— Pendant   les  démê-      Lii,.  i,  e|..  lo. 
lés  de  saint  Thomas  de  Canlorhérx    avec  le  roi  d  Anj,'lelerre, 
lorsque    raccommodement    ne    tenait   plus   qu'à    la    reslilulion 
des  hiens  de  léglise,   Pierre  écrit   au  jjrélat  de   ne  rien  relâ- 
cher de  ses  [irétenlions.   Il   fait   un   raisonnement  qui  se   res- 
sent bien  des  préjugés  de  son  siècle.    «  Il  fiuit,  dit-il,  con.si- 
dércr  attentivement  les  divers  lenq)s  de  I  église,  et  les  dillerens 
états  par  oii  elle  a  passé:  car,   lorscpi'elle  était  encore  faible 
et  naissante,  e!l(>   ne  pouvait  opposer  ([ue  la  patience  à  l'in- 
justice, et  (luahandouncr  .son   mauleau   à   celui  (pii  demandait 
la  lunicpie.  .Mais  à-|)réM'nl   (pi elle  e>l   dans  sa  force  et  .sa  vi- 
gueur, ce  (pii  liait  piMmis  à  ses  ennemis  ne  l'iîsl  plus  à  ses 
enfans.  Il  convient  à  la  mère  de  corriger  son  ^d^,  comme  elle 
devait    tout    endurer   de    la    part    de   snii    euMcnii,    lorsiju'elle 
n  était  que  pupille  ».    .\\cc  un  [lareil  raisonnement  on  pour- 
rail   aller    loin  —Pierre  a\ail    accueilli   à    Sainl-Remi,  comme  L  i..  vil,  ep.  ^Ji. 
tant  d'aulres,    un    Anglais   .pi  il   appcHe  maîlre  G.  (Nous   p(Mi- 
sons  que  ce  pourrait  être   (;ill)(ri   d,:  (ilanville  (1),  qui  avait 
suivi    en    France   saint    Thomas  de    Caiilorhéry).    Il   retournait 
en  Angleterre,  à  la  deinandc  de   l'aichevnpie   Raoul,   succes- 
seur de  Thomas.   Pierre,    en   le  lui  envoyant,  fait  l'éloge  de  sa 
science  et   de  ses  bonnes  cpialilés,  le  priant  de  faire  pour  son 
avancement  ce  (pi'un  de  ses  |)r(''déce.-;.seuis  avait  fail,  à  .sa  ivconi- 
mandalion,  |)Our  Jean  i\v.  Sarisbérv 

Oeux  lellres  à  (Guillaume  de  Chanipagno,  arclieviVpie  de  Lib.  Vl,q,.  2. 
Sens.  Ce  pi.lnl  a\ail  IniKlé.  conjoinleMiciil  avec  ...a  Mnir  l.i 
comtesse  du  Peniic  la  chailiviisc  du  \, il -Dieu,  au  dioivse 
de  Séez;  mais  l'évi'que  di(jc(''sain  dillriail  lonjoiirs  de  faire  la 
consécration  du  lieu.  Pierre  recommande  à  l'anhevèipie  de 
Sens  d'employer  son  nédil  en  faveur  dcis  religieux  qu'il  y 
a\ai(  |)lac(''s,  et  de  ne  pas  laisser  im|iaifail  un  élal)lis.semenl 
qui  lui  devait  .son  existence. —Dans  une  autre  lelire.  il  le  loue  Lib.  vu,  cp.  8. 
de  séire  démis  de  lévècli.'  de  Chartres  en  faveui  de  Jean  de 
Sarisbéry. 

(I)   Vujez  la   l.-ttiv   ,|.\n,oul  ,1,.  I.isieu.'^   an  pape   Aloxan.lru,   t.    XXU  Je  lu 
HibliolluMjiie  .!(■.■<  1Vt.-.-<,  p.   l:;;i,S,  rul.  2. 


256  PIERRE  DE  CELLE. 

XII  SIECLE.  Des  plaintes  contre  Jean  de  Sarisbéry,  devenu  évêque  de 
Chartres,  et  en  particulier  sur  ce  qu'il  se  laissait  conduire 
par  un  homme  qui  manquait  de  prudence,  et  n'était  pas 
exempt  de  cupidilé,    étaient  portées  à   l'abbé  de  Saint-Remi 

Lib  VII,  cp.  2:?.  comme  à  celui  qui  l'avait  formé.  Pierre  lui  écrit  qu'il  ne  le 
reconnaît  pas  au  portrait  qu'on  fait  de  lui  ;  mais  qu'il  ne  sait 
que  répondre  à  ceux  qui  le  dénigrent,  attendu  que,  depuis 
plus  d'un  an,  il  n'avait  reçu  de  ses  lettres. — Bernéréde,  abbé 
de  Saint-Crépin   de  Soissons,   porteur  de  cette  lettre,  devait 

Liii.  VIII.  cp  i.  lui  en  remellre  une  autre  dans  laquelle  Pierre  se  plaint  que 
son  ancien  ami  n'a  eu  aucun  égard  à  une  demande  qu'il  avait 
faite  d'une  place  pour  un  de  ses  cousins  nommé  Hugues, 
chanoine  de  Reims.  Celui-ci  s'étant  désisté  de  sa  demande 
en  faveur  d  un  autre  cousin,  archidiacre  de  Chartres,  dont 
le  nom  corainençail  par  un  G;  Pierre  forme  pour  ce  dernier 
la  même  demande,  et  ajoule  que,  s'il  n'est  pas  exaucé,  il  ne 

i.ii).  VIII.  e\>.  '.i.  lui  demandera  plus  rien. — Dans  la  lettre  suivante,  il  lui  re- 
proche de  n  avoir  pas  reçu  Bernéréde  comme  il  convenait. 
Cependant  ,  il  l'assure  que  son  méconlontenient  est  passé 
depuis  qu'il  a  reçu  de  ses  nouvelles  avec  lespérance  de  le 
voir  bientôt. —  Cinq  autres  lettres  à  Jean  de  Sarisbéry  avant 
son  épiscopat,  sont  relatives  au  meurtre  de  saint  Thomas  de 
Cantorbéri,  ou  ne  contiennent  que  des  témoignages  d'amitié.  Ce 
sont  les  lettres  1  4  et  iO  du  cinquième  livre,  les  1!  et  1 2  du  livre 
VI,  et  la  2c  du  livre  VII. 

Liip  vili.  cp.  2.  Lettres  à  des  évêques.  L'abbaye  de  Saint-Remi  avait  un 
prieuré  en  Provence,  dans  la  petite  ville  de  Saint-Remi,  au 
diocèse  d'Avignon.  Pierre  écrivant  à  l'évèque,  lui  demande 
sa  protection  pour  la  maison  et  pour  un  nouveau  prieur  qu'il 
Lib  V,  cp.  (!.  y  envoyait. — Barthélemi,  évéque  d'Excoster,  ayant  résisté 
dans  une  occasion  critique  au  roi  d'Angleterre,  Pierre  lui  en 
témoigne  sa  satisfaction,  et  lui  offre  sa  maison  pour  asyle, 
Lib.  V,  ep.  ic.  s'il  est  forcé  de  s'expatrier.  —  Après  le  meurtre  de  saint  Tho- 
mas, il  mande  au  même  que  son  deuil  s'est  changé  en  allé- 
gresse, en  apprenant  les  miracles  que  Dieu  opérait  sur  son 
tombeau.  Ne  pouvant  aller  visiter  ce  tombeau,  il  le  charge 
de  faire  pour  lui  ce  pèlerinage,  et  de  prendre  soin  des  clercs 
attachés  au  saint,  qu'il  appelle  les  poussins  du  grand  aigle. 

Liv  VII  cp  10.  — Dans  une  autre  lettre,  il  se  plaint  de  son  archidiacre,  qui, 
sans  lui  donner  avis  des  désordres  qu'il  voulait  réformer 
dans  le  prieuré  de  Lapelée,  dépendant  de  Saint-Remi,  avait 
traduit  à  son  tribunal  les  religieux  du  prieuré.  Il  regarde  la 


PIERRE    DE    CELLE.  257 

procédure  comme   irrégulière,   et  néanmoins,  en  rappelant  les     xn  siècle. 
coupables,  il  prie  l'évêque  de  proléger  ceux  qu'il  envoie  à  leur  ' 
place.  —  La  lettre  suivante  à  l'abbé  de  Beldewas,  est  relative  à  Lib.  vu,  cp.  ii. 
la  même  afîaire. 

Lettres  à  des  abbés  de   différens  monastères.  Une  à  l'abbé  Lib.  v,  ep.  u, 
de  Saint-Hubert,    pour  lui  persuader  de  ne   pas  se  démettre 
de  son  abbaye,  malgré  la   difficulté  qu'il   trouvait  à  s'y  main- 
tenir sous  une   domination  scliismalique    —   Une  à   Erlebolde,  Lib.  v,  cp   lo. 
abbé  de   Stavelo,    qui    revendiquait    une  somme  d'argent  sur 
le  prieuré  de  Marsne.  —  Deux  à  l'abbé  de    Saint-Edraon,  avec  Lib.  v,  pp   i;;. 
lequel  Jean  de  Sarisbéry  l'avait  mis   en  correspondance  ;  mais  ^'^  ^ ''  '■'•  '"■ 
il  se   plaint   que  les   troubles    survenus  en   Angleterre  ne  lui 
permettent    pas    de  l'enlrelenir  comme  il  désirerait.  —  Une   à  Lib.  v,  .p.   is. 
l'abbé  de    Lagni,   auqii(>l  il   envoie  un    de   ses  écrits  pour  être 
corrigé  de  sa  main    —  Trois  à  1  abbé  de  la  Sauve -Majeure,  dans  Lib.  v,  pp.  \i. 
le  Bordelais,  pour  excuser  le  prieur  de]Novi,dans   le  Rethe-        Lib.  vi,  cp. 
lois,   qui   refusait   d'accepter  une  abbaye    à   laquelle   il  avait 
été  nommé.  —  Deux  à  Thibaud,  abbé  de  Molême  ;   l'une   pour  Lib.  vi,  op.  lô, 
se  plaindre  qu'il  difléràt    par  de  vaines  défaites   d'acquitter 
une  dette  ;   dans   l'autre  il  n'ose  lui  conseiller  de  se  démettre  Lib.  vu,  cp.  ly. 
de  son    abbaye,  comme   il  en   avait  formé  le  projet.  —  Une  Lib.  vil  cp.  \. 
à  l'abbé  de   Saint-Riquier,   dans  le   Ponthieu,  dans  laquelle  il 
n'approuve   pas  que   l'abbé  de   Saint-Riquier  ait    renvoyé  un 
de  ses    religieux,    en   lui  faisant   promelire  par  serment  qu'il 
ne  retournerait   plus  sans  sa   permission.  —  Deux  à  l'abbé  de  Lib   vu 

Villier    (apparemment    Villier-Bennach,     ordre    de    Cîteaux,  «"P-  ^^  î*- 
au  diocèse  de  Metz)  ;    l'une  et  l'autre  pour  recommander  deux 
religieux  de  cette  abbaye   —  Une  à  l'abbé  de  Saint-Gilles,  dont  Lib.  ix,  ep   7. 
le   nom   n'est    pas  exprimé,    mais  dont  il  relève  la  noblesse  et 
la   littérature,     afin    de   lui    recommander  l'humilité.     C'était 
apparemment  l'abbé    Ermengaud.  —  Une  à   Thibaud,    prieur  Lib.  ix,  cp.  3. 
de   Crépi  en  Valois,   qui,    apprenant  son  élection  à  l'abbaye 
de  Cluni,  avait  témoigné  à  l'abbé  de  Saint-Remi   sa  frayeur 
d'être  appelé  à  porter   un  fardeau  si  pesant.  Pierre  le  rassure  ; 
et,  sans  lui   dissimuler   que  c'est    une   croix  à  porter,  il  se 
réjouit  de  le  voir  élevé  à  un  poste  si  éminent.  —  11  y  a  encore 
une  lettre  à    un  abbé  de  Cluni,   dont  le  nom  n'est   désigné  Lib  l\  c     11 
que  par    la    lettre    H     Ce  ne    peut  être    ni     Hugues  III,    ni 
Hugues  ly,  pour  des  raisons  qu'il  serait   trop  long  de  déduire 
ici  (1)   Il  y  a  eu  vraisemblablement  erreur  de  copiste.    Nous 

(1)  Cette     lettre,    dans      la     Bibliothèque     de    Cluni,    col.     1445,    a   pour 

Tome  XIV.  Kk 


■2;.. s  PIKRRE    [)R     CKLL  K 

XII  SIECLE,  croyons  quelle  fut  écrile  à  1  abbé  Élienne,  qui  gouverna  ce 
nionaslèrc  depuis  l'an  IIGI  jusqu'à  1173,  pour  lui  dire  qu'à 
sa  recommandalion  et  sous  sa  i;aranlie,  il  confiait  à  un  reli- 
gieux nommé  Etienne  comme  lui,  au(|u('l  l'ahlic  de  Cluni 
prenait  beaucoup  d'intérêt,  le  prieuré  de  Sainl-Rcmi  en 
Provence. 
Lib.  VI.  cp.  9.  Lettres    à    des   prieurs.    Trois    au     prieur    de   Canlorbéri, 

l^'i,'  «li  '^'''  li!'  nommé  Otion   dans  les  lettres   de    .loan   de  .Sarisbérv,    toutes 

Lib.  VII,  ep.  20.  .  .         ^  ->  \ 

relatives  au  meurtre  de  Saint  Thomas  et  à  ses  miracles, 
quon  recueillait  de  toutes  paris  pour  en  former  un  corp.s 
d ouvrage  (|ui  existe  manuscrit.  Pierre  i\\\  rapporte!  uu  qu'il 
croyait  ci'rlain  ;  mais  il  reconmiaiuli;  sur-tout  de  pre  ndri' 
garde  à  ne  pas  mêler  le  vrai  avec  le  faux,  ni  même  avec  l'in- 
certain :  Omni  siipplicatione  cl  postulalione  tara  vos,  qnôin 
oranes  qui  posteris  Iroditw^i  eslis  me7»oriam  mirabiliinn 
vestri  et  voslti  marlyris,  exoro  lU  iiiliH  itisi  septempliciter 
e.raminatum,  purgalmn  et  colalum  fidelissvnà  rerilate  scri- 
i.ii).  VI,  cp.  21.  batur  'le  eo  vel  de  miraciilis  ejiis.  — .Ayant  ajipris  le  niau- 
Liv  VII.  i|..  il  \;iis  (.(al  au(|uel  (''tait  réduit  le  prieuré  de  F.,a|)elée,  il  écrit 
au  prieur  de  WorcliestiT,  appelé  Radulfus  par  .lean  de  Saris- 
bérv (  episl.  203  ;,  qu  il  e.sl  Inice  de  lapjieler,  contre  son  avis, 
le  prieur  de  celte  maisoi),  et  d  y  einoyer  daulres  religieux, 
l.il)  IN,  ip.  !>  tji'i,  aide-;  de  <es  (  (iri>eils,  pouiidiil  i.i  ti'lahlir  — .Au  nou- 
veau   prieur    d--    [.apeli'-e,  dont    le  niun    eoiuiiiençait  par  Ing., 


siisoription,  Pe/rus  Carnutensis  rler.tti.i  I/vgoni  abbali  Cluniaccnsi  ;  mai.s  il 
paiait  f|ne  c'est  mi  titit-  :ij<iiif<'-  par  l'f'.lit'Mir  .\ri<li«  l)iiclie.st.e.  I.cs  aiileiiis 
>-^n  Gallia  christiana,  Uiii\e  \'lll,  cul.  il.'jll,  per.suadp.s  coiiunc  lui  ipiVlle  fut 
aili(ssp(!  à  ffiij^ups  IV,  alib'*  ll<^  ("Imii,  .successeur  de  Tliili'iiiil,  fait  canlirial 
évèipie  «rOstic  a»  niiii.x  de  dé<  t-inlue  118!î,  pensent  <|u'il  faut  lire,  Pehus 
fpisotiius  Hui/ovi  e/erlo.  Mai.s  cnnnne,  dan.s  cette  lettre,  il  s'a^'it  du  prieuré  de 
.Saint-Ueini  en  l'rovence,  auipiel  l'ierie  envoyait  un  de  se.s  lelinieu.x  en  (jualitê 
de  prieur,  il  est  évident  «iii'il  était  alor.s  abbé  de  -Saint  Kenii,  et  nuii  évèipie  •lu 
Chartres.  Aussi  ne  lif-on.  dans  l'éilition  lUi  1'.  Sirnioud,  que  ces  inoLs,  H.  abbali 
Clv.tiiarfnsi.  I.a  lettie  H.  ne  peut  dési).'nei-  ni  llusiues  111,  qui  avait  été 
déposé  ava!!l  que  Pierie  fût  fait  abbé  de  .Saint  lienii,  ni  Hu>;ues  IV,  pMisi|ue 
l'ierie  était  mort  avant  que  celui-ci  fût  élu  abbi-.  0'<>u  nous  concluons  qu'il 
y  a  erreur  dans  les  trois  Ici  uns  iliflérentes  ;  mais  nous  suppcsuns  que 
la  lettre  fut  éciite  à  l'abbé  lltienne,  jiarce  ipie  le  cfipi.ste  aura  pris  pour 
un  H  les  deux  lettres  SI,  et  cpie  d'ailleui-s  la  peisonne  recommandée 
.s'appelait  Ktienne  comme  lui.  Il  pai-ait  jpie  cette  épiire,  ainsi  que  la  suivante 
qui  est  la  dernière,  ne  sont  pas  à  leur  place  ;  qu'ayant  été  trouvées  après 
renregislrement  des  antres,  on  b-s  a  mi.ses  tout  k  la  fin  pour  ne  pa.s 
le.s  per<lri'. 


IMËHRE    DL;  celle.  So'J 

ce  (jui  peut  signifier  Tngelranmis  ou  Tngelbertus ,  il  témoigne  xn  sikclk 
sa  satishiclion  du  lion  ordre  que  ce  prieur  avait  rétabli  dans 
sa  maison ,  et  l'instruit  en  même  temps  qu'il  a  déjà  bien 
avancé  la  '  reconstruction  de  son  église ,  pour  laquelle  il  a 
dépensé  quinze  cents  livres.  —  Dans  une  lettre  au  prieur  des  liu.  vi,  ep  u. 
chartreux  du  Val-Saint-Pierre,  appelé  Ingcibert ,  il  répond 
il  une  consullalion  .sur  la  manière  dont  on  peut  répondre  à 
celui  qui  nous  objecterait  les  désordres  de  la  vie  passée.  Il 
l'invile  ensuite  à  venir  le  trouver  à  la  chartreuse  du  Mont- 
Dieu  . 

Letlres  à  des  communautés.  (>elle  aux  religieux  de  Mo-  Liii.  vu,  ep.  u. 
lême ,  sur  h^  relàcheiiienl  ipii  s  était  introduit  dans  cette 
maiMin  ,  jadis  si  célèbre,  doîi  était  sortie  la  réforme  de 
(iîleaux  ,  contient  un  b(;l  éloge  de  la  jirol'ession  monastique  , 
et  prouve  combien  l'abbé  de  Sainl-Hemi  était  profondément 
religieux.  —  Dans  deux  li^llrcs   aux   religieux  d(^  (irandinont  ,  i,ii,.  viii, 

as.semblés  cii   cliapiire,    il  demande  une  association  de  prières  '"P-  '''  '^'^• 
et  un  diplôme  dans  leijuel  soient  compris  ceux  qui   contribue- 
raient de  leurs  deniers  à  la  reconstruction  du  chevet  de  l'église 
de  Saint-Hemi.  —  Aux  Clunistes  ,  il  représente  les  grands  biens  ^ji,    ym 

que  leur  ordre,  comme  un  astre  brillant ,  avait  procurés  à  la  cp.  23. 
chrétienté  ;  rappelant  ensuite  ce  dont  il  avait  été  témoin  , 
lorsque  ,  dans  .sa  jeunesse  ,  il  était  élevé  à  Saint-Mai  tin-des- 
Cliamps  ;  il  ctaie  ilc  grandes  plaintes  sur  la  décadence  de  cet 
ordre  :  »  Ne  dois-je  pas,  dil-il,  être  pénétré  de  douleur  jusqu'à 
la  moelle  des  os ,  en  voyant  la  ruine  de  la  mère  des  filles 
de  Sion?  J'entends  le  monastère  de  Cluni.  N'est-ce  pas  là 
notre  ville  forte ,  d'où  sortaient  autrefois  mille  hommes  pour 
les  évêchés ,  milh;  pour  les  abbayes ,  pour  les  palais  des 
rois  cl  des  grands?  Et  maintenant  il  n'y  a  qu'un  très-petit 
nombre  «Thabilans.  N'est-ce  pas  ce  grand  corps  de  lumière 
qui  a  dissipé  dans  plusieurs  pays  les  ténèbres  qui  couvraient 
la  face  de  la  religion,  en  rétablissant  Tordre,  en  ensei- 
gnant l'hoanèteté  des  mœurs ,  en  renouvelant  les  autres  devoirs 
de  la  piété?  Mais  maintenant,  hélas!  une  si  grande  ferveur 
s'est  ralentie;  le  froid  de  la  vieillesse  y  a  succédé;  cette 
maison  si  célèbre  tend  à  sa  fin  » .  Il  les  exhorte  donc  à  réfor- 
mer les  abus  ,  et ,  en  particulier,  celui  de  se  livrer  aux  plaisirs 
de  la  table  après  l'heure  de  compiles. 

Lettres  à    (tes  clercs    ou   chanoines-    Pendant    (jue    Girard   u\>.  vil,  ci>.  '^. 
Pucelle    était    à    (Pologne,    pour    travailler    à    l'extinction  du 
schisme  en  Allemagne  ,    Pierre  ,    dans  une  lettre  qu'il  lui  écri- 

Kk  2 


260  PIERRE   DE  CELLE. 

XII  SIECLE,  yit^  déplore  la  chiite  de  grands  personnages,  qui  paraissaient 
devoir  être  les  colonnes  de  l'église  ,  et  réclame  en  même  temps 
ses  bons  offices  auprès  de  l'archevêque  ,  qui  ,  comme  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  disposait  à  son    gré  des   prébendes  du 

Lib.  VI,  ep.  7.  prieuré  de  Marsne.  —  Un  ancien  compagnon  d'études,  appelé 
maître  Prêlre  ,  lui  avait  envoyé  un  présent  ;  Pierre  ,  dans  sa 
lettre  de  remercîment,  lui  rappelle  avec  regret  l'heureux  temps 
où  ,  libres  des  embarras  des  affaires,  ils  pouvaient,  à  Moûtier- 
la-Celle ,  se  livrer  à  leur  goût  pour  l'étude.  Il  lui  annonce  en- 
suite que  Jean  de  Sarisbéry  a  été  nommé  évêque  de  Chartres  : 
ce  qui  prouve  que  la  lettre  est  de  1 176.  —  Jean  de  Sarisbéry 
avait  un  frère  nommé  Richard,  qui,  ayant  partagé  la  disgrâce 
de  son  frère ,  avait  été  reçu  comme  lui  à  Saint-Remi  de  Reims. 
Retourné  en  Angleterre ,  il  avait  embrassé  l'état  de  chanoine 
Lii>.  VI,  ep.  régulier  à  Morelon.  Outre  trois  lettres  qui  lui  sont  communes 

l'i'^"!;.,        .o   avec  son  frère,  Pierre  lui  en  écrivit  en  particulier  six  autres 

Lui.  VII,  ep.  12.  ^ 

Lib    VIII,  de     pure     civilité  ,    qui    ne     contiennent    que    des     témoi- 
«"i'-  ^'  ';•  gnages  d'amitié.   On   voit    dans  l'une  que  ce  fut  à  la  prière 

■  «1»  jg  Richard  que  Pierre  composa  le  Traité  de  la  discipline 
du  cloître. 
Liii.  VII.  op.  19.  Lettres  à  de  simples  religieux.  Un  moine  de  Saint- Bertin 
lavant  prié  de  lui  communiquer  ses  sermons,  Pierre  lui  répond 
avec  une  modestie  sans  exemple  :  «  Vous  me  demandez  mes 
sermons  (jue  les  qualr..;  veiils  du  ciel  ont  enlevés  comme  des 
l'I  nies  imiliLîS  et  siiperll,!  s  Si  \  dus  h-s  av -z  déjà  lus,  voiis 
(levez  le.s  avoir  Irouves  dépourvus  de  pensées,  faibles  et 
languissans  par  la  bassesse  du  style.  Si  vous  ne  les  avez  pas 
lus,  qui  vous  a  persuadé  de  rechercher  avec  tant  d'em- 
pressement ce  que  vous  rejeterez  avec  dédain  dès  que  vous 
l'aurez  vu  ?  etc.  ».  On  voit  par-là  que  Pierre  de  Celle  ne  savait 
pas  surfaire  la  valeur  de  son  travail ,  qu'il  en  connaissait 
assez  bien  les  défauts  ,  et  qu'il  avait  la  modestie  de  les  avouer. 
Lib.  VI.  cp  22  —  Un  autre  religieux,  du  monastère  de  Rading  ,  en  Angleterre, 
lui  avait  écrit  qu'il  avait  trouvé  son  traité  des  Pains  délicieux  ;  * 
«  Apparemment,  répond- il  ,  que  votre  amitié  vous  fait 
trouver  la  cendre  aussi  bonne  que  le  pain  »  ;  il  sera  beaucoup 
plus  flatté,  si,  au  lieu  de  louer  ses  écrits,  son  admirateur 
veut  bien  se  donner  la  peine  de  les  corriger.  Il  ne  fut  pas  de  si 
bonne  composition  avec  un  autre  religieux  de  Saint-Alban , 
nommé  ilicolas  ,  qui  voulait  établir  comme  un  dogme  l'imma- 
culée conception  de  la  Sainte- Vierge. 

Il  paraît  que  Nicolas  avait  composé  sur  ce  sujet  un  écrit 


PIERRE  DE   CELLE.  261 

qui  avait  donné  lieu  à  une  altercation  entre  ces  deux  savans.  xii  siècle. 
Plusieurs  années  s'étaient  écoulées  sans  que  de  part  et  d'autre 
on  eût  repris  la  plume,  parce  que,  sur  de  faux  rapports,  l'abbé 
de  Saint-Remi  croyait  son  adversaire  mort  ;  mais,  ayant  appris 
que,  mort  ou  ressuscité,  il  était  plein  de  vie,  il  lui  écrivit  pour 
savoir  si  les  peines  de  l'enfer  l'avaient  fait  changer  d'opinion.  Lii..  vi,  ep.  i. 
Celle  lettre  écrite  après  l'an  1170,  puisqu'il  y  est  parlé  des  mi- 
racles de  saint  Thomas  de  Cantorbéri,  donna  lieu  à  une  nouvelle 
contestation. 

Nous  n'avons  pas  la  réponse  que  fit  Nicolas;  mais  on  voit,  Lib.  vi,  ep.  25. 
par  la  réplique  de  notre  abbé,  que,  bien  loin  d'avoir  changé 
d'opinion,  le  savant  anglais  l'appuyait  de  nouvelles  preuves,  et 
si  multipliées,  que  notre  auteur  n'ayant  pas  le  temps  de  repren- 
dre en  détail  tout  ce  que  Nicolas  avait  avancé,  se  borne  à  relever 
les  principaux  points  de  la  controverse  :  à  condition,  dit-il, 
que  la  paix  ne  sera  point  troublée  entre  nous,  et  que  nous 
supporterons  patiemment  de  part  et  d'autre  les  termes  un  peu 
durs  qui  pourraient  nous  échapper.  Cette  précaution  n'était 
pas  de  trop  ;  car  des  deux  côtés  on  n'a  guères  ménagé  les 
termes. 

Entrant  ensuite  en  matière,  il  se  déclare  pour  le  sentiment 
de  saint  Bernard,  et  dit  que  l'opinion  contraire  n'est  appuyée 
ni  sur  l'écriture,  ni  sur  la  tradition;  que  l'église  romaine, 
d'ailleurs,  n'a  rien  prononcé  là-dessus,  il  blûme  Nicolas  du 
peu  do  respect  quil  léinoigne  pour  la  mémoire  de  saint 
Bernard;  et,  à  celle  occasion,  il  fait  un  grand  éloge  de  ce 
saint  et  de  tout  1  ordre  de  Cîteaux.  Mais,  dans  le  vrai,  il  va 
plus  loin  que  le  grand  abbé  de  Glairvaux,  en  prétendant  que 
Marie,  avant  que  d'avoir  conçu  le  verbe,  a  senti,  non  pas  à 
la  vérité  les  premières  amorces  de  la  concupiscence  ,  mais 
les  autres  empêchemens  de  la  fragilité  humaine  :  ce  qu'il  lui 
paraît  nécessaire  d'admettre  pour  dire  qu'elle  a  pu  mériter  et 
déméi'iter.  Concéda  et  credo  quàd  saeva  libidinis  incentiva, 
Deo  praeoperanle,  nunquam  senserit  vel  ad  modicum  ;  cse- 
tera  verô  impedùnenta  humame  fragilitatis ,  quœ  naturali 
origine  sive  scaturigine  de  naturâ  procedunt,  ante  conceptionem 
senlirepotuit,  sed  nuUateniis  consensit.. . ,  Toile pugnam,  toiles  et 
victoriam. 

Nicolas  fut,  comme  de  raison,  choqué  de  ces  paroles,  qui  Lib.  ix,  ep.  9. 
lui  parurent  une   injure  envers  la  mère  de  Dieu  ;  il  prit   la 
plume  pour  les  réfuter.    «  Puisque  notre  ami  Pierre,   dit-il, 
sonne    aujourd'hui  de   la  trompette  pour  persuader  que    la 


262  PIERRE  DE   CELLE. 

MI  SIECLE.     Vierge  a  senli  le  péché,  et  en  le   sentant  la  combattu,  il  ne 
'  ~       m'est  plus   permis  de  dissimuler  ;  la  patience    m'échappe,    il 

faut  que  j  élève  ma  voix  pour  combattre  une  telle  assertion». 
Venant  à  saint  Bernard,  il  dit  qu'ayant  été  mis  depuis  peu 
au  nombre  des  saints,  il  n'est  plus  justiciable  des  hommes, 
<]u'on  ne  peut  plus  douter  de  sa  ijloire  ;  mais  qu'il  est  permis 
de  disputer  sur  ses  écrits.  Il  apporte  pour  exemple  saint 
Cyprica,  dont  toute  l'église  révère  la  mémoire,  et  n'adopte 
pas  cependant  toutes  les  opinions.  Il  en  est  de  même,  ajoute- 
l-il,  de  saint  Bernard  ;  et  sa  sainteté  reconnue  ne  m'oblige 
nullement  de  penser  comme  lui  sur  la  conception.  Il  prétend 
même  que  les  Cisterciens  avaient  abandonné  le  sentiment 
oii  d  était  à  cet  égard.  Sur  quoi  il  rapporte  une  vision  d'un 
Irère  convers  de  Clairvaux,  à  qui  saint  Bernard  apparut, 
dit-il,  après  sa  mort,  revêtu  d'un  habit  blanc  comme  neige, 
mais  ou  il  y  avait  une  tache  iousse  sur  la  poitrine.  Le  frère 
lui  ayant  demandé  la  raison  de  celte  tache,  il  répondit  : 
«  (^esl  la  marque  de  ce  que  j'ai  soulFert  en  purgatoire,  pour 
avoir  mal  écrit  sur  la  conception  do  Marie.  »  Cette  vision, 
ajoute  Nicolas,  l'ut  mise  par  éciit,  et  envoyée  au  chapitre 
général  de  l'ordre;  mais  les  p(  res  de  ('îteaux  la  brûlèrent, 
aimant  mieux  ()orler  atteinte  a  la  gloire  de  Marie  (ju'à  la 
bonne  opinion  dont  jouissail  .sain!  Bi'rnard.  Cest  ce  que 
Nicolas  dit  avoir  appris  de  (]uel(pies  (Cisterciens  vertueux  et 
.^a\ans. 

Venant  ensuite  au  Ibnd  île  la  (jucslion,  il  avance  que  la  Sainte 
Vierge  a  triomphé  de  tous  lis  vices,  non  |)as  en  les  combattant 
tous,  mais  en  ii  éprouvant  le  sentiment  d  aucun  «C'est  même, 
ilil~il,  ce  que  1  abhe  Bernard,  sur  l'autorité  duciuel  vous 
M(ii.-<  londt'/.,  a  écrit  et  pensé.  Car  la  raison  pour  laijuelle 
i'  approuve  la  fèt(;  de  la  nativité  de  Marie,  c'est  que 
i  Ile  (]iii  a  clé  cour  M •  dans  le  pi'-che,  selon  lui,  comme  tout 
'  ,u,enn'  humain,  est  iiee  ^alls  [)eclié.  par  une  grâce  accordée 
il  un  lics-pelit  nombre  ilhommes.  Dr,  si  elle  est  née  sans 
pi-cln;,  consécpiemmiml  elle  a  vécu  sans  péché  :  d'oii  il  suit 
l'iiiore  (pi'elle  a  quille  ce  monde  sans  avoir  ressenti  les  atteintes 
du  péchi'. 

«  Mais,  diles-vous,  elle  a  ressenti  le  péché,  sans  conlracler 
la  lâche  du  péché  :  Sed  dicis  eaui  sine  peccalo  sensisse  pec- 
iiliim.  Voilà,  je  l'avoue,  ce  que  je  ne  comprends  |)as.  Si  vous 
ciilende/.  par-là  (pielle  a  éprouvé  la  peine  et  les  suites  du 
péché  originel,   comme  la  faim,  la  soif,  le   froid,  cl  les  autres 


PIERRE   DE  CELLE  263 

uiisrie?  lie  la  vio,  cola  est  vrai;  et  cela,  joint  à  une  ii;rande    ^^ 
charité  et  à   une   purotr  incomparable,  a  dû  sufllre  pour  lui 
ac(}uérir  dos  raérilcs,  sans  la  mettre  aux  prises  avec  le  démon 
de  l'inipuroté  n . 

Sur  co  que  Pierre  lui  avait  reproché  de  soutenir  une  opinion 
(]iii  n'est  point  fondée  sur  l'autorité  de  la  parole  divine,  il 
répond  :  »  Si  j'écris  quelque  chose  de  la  Vierge  que  je  n'aie 
point  lu  dans  le  canon  des  Ecritures,  cependant  cela  est  à  la 
louange  de  la  Vierge  et  de  son  fils  ;  et,  à  l'occasion  do  récritur(ï 
canoiique,  j'écris  ou  des  choses  vraies  quoi(jU(^  non  évidentes, 
ou  des  choses  vraisemblables  et  très-catholiques.  On  présunu* 
avantageusement  de  la  Vierge  bien  des  choses  qu'on  ne  lit  nulle 
part,  et  on  doit  s'en  tenir  à  ces  présomptions,  justpi'à  co  ([uo  le 
contraire  soit  prouvé  ». 

Cette  lettre  ne  ferma  pas  la  bouche  à  notre  abbé.  Il  y  i,,i, 
répondit  dans  la  suivante,  à  la  tôle  de  hupiello  il  prend  le 
titre  dévo(]ue  élu  de  Chartres  :  ce  qui  prouve  ((u'elle  lut 
écrite  l'an  1180  ou  1181.  «  Dans  la  lettre  très-niordanlo, 
dit-il,  que  vous  m'avez  écrite,  vous  faites  des  syllogisnu-s 
très-sublils,  ou  plutôt  des  paralogismes  ;  car  vous  n'avez  piis 
pour  vous  la  vérité  » .  Il  lui  reproche  d'avoir  mis  trop  à  nu 
dos  choses  capables  d'alarmer  la  pudeur.  Il  fait  ensuite  une 
profession  de  foi  très-claire  sur  les  prérogatives  singulières 
de  Marie.  Il  prétend  que  leur  dispute  est  moins  dans  les 
choses  (pie  dans  les  mots,  puiscpie  l'un  et  l'autn,'  («laiont  o;j;i- 
lement  dévoués  au  culte  de  Mario,  il  y  a  néanmoins,  ajouli - 
t-il,  cotte  dillérence  entre  vous  et  moi,  (|ue  je  inattache  au 
vrai  et  au  solide,  au  lieu  que  vous  ne  cherche/  qu'à  accré- 
diter les  idées  de  certains  dévots  au\  dépens  de  la  vérité.  M 
en  donne  pour  preuve  ces  paroles  de  Nicolas  :  »  (loniiuo  h- 
fils  est  loi  que  le  père  dans  le  ciel,  de  nirnio  la  more  est  lollr 
que  le  fils  sur  la  lorre.  0  Noire  Dame!  socrio  là-flc^-^us  nolro 
auteur,  parilonnoz-liii  ces  paroles  (jui  doivent  iiilininirnL 
vous  déplaire.  N'èles-vous  pas  la  servante  ainsi  ipio  la  iiiéio 
de  votre  fils.'  Vos  >cux  no  .sont-ils  pas  dans  K's  mains  du 
Seigneur  votre  fils,  comme  ceux  do  la  sorvanlt;  .son!  (I;mh  les 
mains  de  sa  maîtresse?  Ni  l'or  de  l'Elhiopio,  ni  les  procieuses 
teintures  de  l'Inde,  ne  peuvent  être  com[)aré.->  Ti  co  fils, 
parce  que  nul  ne  sest  trouvé  semblable  à  lui  .^ur  la  lerir, 
étant  seul  et  unique,  et  n'ayant  personne  qui  piii.s.se  aller 
de  pair  avec  lui.  Il  vous  suflil,  ô  Vierge  sainte,  dVlro  assise 
à  sa  droite,  non  à  litre  d'égalité  de  condition,  mais  à   raison 


264  PIERRE  DE  CELLE. 

XII  SIECLE,  de  la  gloire  et  de  la  félicité  stable  qui  vous  est  commune  à  l'un 
et  à  l'autre.  »  Cette  lettre,  mêlée  de  politesses  et  de  duretés, 
finit  par  demander  pardon  à  Nicolas  de  ce  qui  peut  s'y  être  glissé 
d'incivil  et  de  choquant  :  Si  ferrum  de  manubrio  elapsum  te  in 
aliquo  laesit,  da  veniam,  eamdem  à  me  recepturùs  indulgentiam. 
11  témoigne  ensuite  le  plaisir  qu'il  aurait  de  le  voir,  étant  on  ne 
peut  pas  plus  satisfait  de  la  beauté  et  de  1  élégance  de  ses  écrits, 
quem  scriptorum  tuoruni  benè  ornatus  habitus  non  semel praesti- 
tit  audire. 
Lib.  IX,  ep.  8.  Dans  une  autre  lettre  au  chapitre  général  des  Cisterciens, 
il  prend  aussi  le  titre  d'évêque  élu  de  Chartres.  Il  leur  rap- 
pelle qu'il  fut  un  des  nourrissons  de  saint  Bernard,  alumnus, 
lequel  l'avait  admis  en  communauté  de  prières  avec  son 
ordre,  grâce  qui  lui  avait  été  renouvelée  depuis  sa  mort.  Il 
demande  quelle  lui  soil  continuée  alors  qu'il  en  avait  le  plus  de 
besoin. 

Les  autres  lettres  qu'il  écrivit  pendant  son  épiscopat  n'ont  pas 
été  conservées.  Comme  les  hommes  se  peignent  ordinairement 
dans  ces  sortes  d'écrits,  celles  qui  nous  restent  décèlent  un 
caractère  franc,  ennemi  de  l'artifice  et  du  déguisement  ;  un  cœur 
tendre,  généreux  et  compatissant  ;  un  esprit  judicieux,  cultivé 
par  de  bonnes  éludes  ;  une  ame  élevée,  instruite  des  bonnes 
règles,  et  zélée  pour  leur  observation.  A  l'égard  du  style,  il 
serait  à  souhaiter  qu'il  fût  plus  naturel,  et  moins  chargé  d'allé- 
gories qui  obscurcissent  souvent  la  pensée  de  l'auteur.  C'était  le 
défaut  de  son  siècle  de  ne  pouvoir  rien  écrire  sans  faire  allusion 
à  quelque  endroit  de  l'écriture  sainte,  qu'on  appliquait  tant 
bien  que  mal.  Le  plus  habile  était  celui  qui  savait  le  mieux 
s'approprier,  non  seulement  les  pensées,  mais  les  expressions  de 
la  Bible. 

A  la  suite  des  lettres  de  notre  auteur,  on  en  a  imprimé 
cinquante-six  du  pape  Alexandre  III,  dont  la  plupart  s'adressent 
à  lui  ou  le  concernent.  C'est  un  fragment  de  quelque  registre,  car 
il  ne  contient  que  les  lettres  d'une  ou  deux  années  du  pontificat 
d'Alexandre. 

II.    Ses  Sermons,  mis  au  jour    par   D.    Janvier,    sont  au 
nombre   de   quatre-vingt-seize,    la    plupart   fort    courts.    Le 
premier,  sur  l'Avenl,   fut  prononcé  en  public  ;  car  l'auteur  y 
p    t;  dit  qu'à  cause  du  peuple  qui  l'écoute,  il  va  parler  de  choses 

moins  relevées  :  Ad  crassiora  quaedam  propter  ■  adstantem 
populum  sermonem  vertamus.  Cela  fait  naître  une  difficulté, 
savoir  s'il  a  débité  ces  sermons  en  latin,  ou  s'il  les  a  d'^puis 


PIERRE    DE  CELLE.  26o 

Iradiiils  en  celle  langue,  après  les  avoir  prêches  en  français,      x"  siècle. 
Dans  le  premier  cas,  il  faudrait  supposer  qu'en  ce  temps-là  le 
peuple  enlendail  communément  le  latin  ,-  ce  qu'on  a  peine  à  se 
persuader. 

Dans  le  sermon  sur  la  fête  de  la  Purification,  on  voit  que        p.  3C. 
l'usage  élait  dès-lors  de  porter  des  cierges  à  la  procession. 

Il  se  sert  du  terme  de  Iransubslantiation,  transubstantia-        p  127. 
bitur,  au  sermon  8'  du  jeudi  saint. 

Dans  le  premier  des  neuf  sermons  sur  l'Assomption  de 
la  Sainte-Vierge,  il  dit  qu'on  croit  pieusement,  quoiquon  •'•  2i'2. 
n'en  ail  pas  d'assurance,  qu'elle  a  été  élevée  corporellemcnl 
au  ciel.  :  Quod  verù  ignoratiir,  etsi  piè  credilur,  utrùm  sci. 
licet  assumpta  sit,  causa  veneralionis  factum  esse  credendum 
est. 

Dans  le  quatrième  des  neuf  sermons  pour  les  synodes,  il  P-  2<9- 
avertit  les  prêtres  de  s'appliquer  plutôt  à  la  piété  qu'à  la 
dispute,  et  de  ne  pas  planter  auprès  de  l'autel  une  forêt  de 
questions  inutiles  «  Car  il  esl  bien  plus  sûr,  ajoule-t-il,  de 
procurer  le  repos  de  son  esprit  après  avoir  adoré  le  Seigneur, 
que  de  s'inquiéter  à  vouloir  pénétrer  la  profondeur  des 
mystères.  » 

Il  suppose,  dans  le  neuvième,  que  Jésus-Christ  a  voulu  former  p.  266. 
son  église  comme  un  nouveau  ciel  et  une  nouvelle  terre,  sur  le 
modèle  des  chœurs  des  anges,  par  les  différons  ordres  et  minis- 
tères qu'il  y  a  établis.  Le  pape  ou  l'apostolique  est  à  la  tête,  et 
représente  Dieu  ,  summum  apicem  velut  Deum  constituens. 
Descendant  de  ce  chef  en  rétrogradant,  viennent  les  patriarches, 
les  métropolitains,  les  évêques,  les  prêtres,  les  diacres,  les 
sousdiacres,  etc. 

Un  sermon  ad  monachos,  et  un  autre  sur  la  loi  naturelle,  la      P.  2()t)-27S. 
loi  écrite,  et  la  loi  évangélique,  imparfaits  comme  bien  d'autres, 
terminent  ce  recueil.  Le  P.  Combefis  en  a  publié  encore  un  sur 
la  méditation  de  la  mort  ;  mais  ce  n'est  autre  chose  que  le  cha- 
pitre "23  du  Traité  de  la  discipline  du  cloître. 

Si  l'on  nous  demande  ce  que  nous  pensons  de  toutes  ces 
productions,  nous  dirons  que  ce  sont  des  pièces  écrites  fort 
à  la  hâte,  où  il  se  trouve  des  instructions  solides,  et  quelques 
beaux  traits  de  morale,  mais  noyés  dans  un  tissu  d'allégo- 
ries aussi  froides  qu'énigmatiques.  Nous  avons  déjà  remarqué 
ce  défaut  dans  les  lettres  de  ootre  auteur;  mais  ce  n'est  rien 
en  comparaison  de  ses  sermons;  ils  sont  sans  ordonnance  et 
sans  liaison  dans  le  contexte,  et  cependant  Us  eurent  une 
Tome  XrV.  Ll 


26G  PIERRE    DE;5CELLE. 

x;i  SIECLE,  irès-grande  vogue  do  son  temps.  On  peut  voir  plus  haut  le  juge- 
ment qu'en  porte  l'auteur  lui-même  dans  la  lettre  à  un  moine  de 
Saint-Bertin. 

P.  277-385.  m.  Quatre  traités  ascétiques,  dont  le  premier,  intitulé 
de  Panibus,  contient  vingt-sept  chapitres.  C'est  une  expli- 
cation mystique  de  toutes  les  sortes  de  pain.s  dont  il  est 
parlé  dans  les  livres  saints,  ouvrage  exécuté  dans  le  même 
goût  et  le  même  style  que  les  sermons  de  lauleur.  11  est 
précédé  d'une  lettre  à  .lean  de  Sarishéry,  par  laquelle  il  prie 
cet  ami  de  corriger  sans  ménagement  tout  ce  qu  il  y  trouvera 

Joan.  Sarosb.  à  redire.  Jean  ne  fit  pas  usage  de  sa  crilicpie  dans  I  e.\amen 
ep  85.  |).  l«K.  jg  çg  livre;  l'amitié  l'aveugla,  et  il  vérifia  ce  mot  de  Cicéron  : 
Amicorum  cœca  sunt  judicia.  Tout  lui  parut  bon,  excellent, 
admirable  dans  le  livre  des  Pains.  C'est  ce  qu'il  mande  à 
l'auteur  dans  sa  réponse,  où  rappelant  toutes  les  obligations 
qu'il  lui  avait,  il  dit  iiuiiprcs  lavoir  long-temps  nourri 
dalimens  corporels,  il  conliniK-  de  le  rassasier  d'une  nour- 
riture spiriluellt!  inGiiiiii(>nt  plus  précicM.se.  «  Mais,  ajoute- 
t-il,  vous  .savez  (pie  lliomme  ne  vit  pas  seulement  de  pain, 
et  que  les  Anglais  pa.ssent  pour  être  de  grands  buveurs.  Il 
est  donc  juste  et  raisonnable  qu'après  nous  avoir  donné  si 
bien  et  si  largement  à  manger,  vous  nous  donniez  ensuite  à 
boire.  J'ai  déjà  soif,  et  je  pourrais  bien,  en  mangeant  ces 
pains  avec  trop  davidilé,  m'élrangler,  si  vous  navcz  la 
charité  di'  lue  procurer  du  vin.  Comme  celte  boisson  csl 
plus  en  usage  chez  vous  (pie  la  bierre,  boisson  ordinaire 
des  Anglais,  je  vous  la  demande  par  préférence  à  l'autre  » 
Ce  discours  alU'goiicpie  fait  voir  que  Jean  desirait  un  Irailé 
mystique  sur  la  vigne  et  le  vin  dont  il  est  parlé  dans  l'écriture 
sainte. 

1'.  3K!i-4(r7.  2"  E. ••position  mystique  et  morale  du  tabernacle  de  Moise, 
(livisé(>  en  deux  livres  Lauleur  exéciilc  à  sa  manière  ce  que  ce 
lilre  annonce:  et  on  y  clierclierail  inulilem(^nt  autre  chose  que 
de  la  my^licilé. 

V  <is— 42!t.  ;i"    Tvailr   de   la   Conscience.   Il    fut    composé  à    la    prière 

d'.Mcliei ,  moine  de  (^lairvaiix,  aii(]uel  il  est  dt'>dié.  Il  y  a 
'pianlité  de  belles  maximes  dans  cet  ouviage,  mais  enchâs- 
sées dans  des  allégories  obscures,  énoncées  dans  un  style  trop 
aiïecté. 

Ces  trois  écrits  furent  publies  pour  la  première  fois  à 
Paris,  lan  1G()(»,  en  un  vol.  in-X",  d  après  un  manuscrit  de 
iSicolas   Lefèvre     De   là    ils    passèrent     dans    les    bibliothèques 


P  1  E  R  R  E    D  E    C  E  L  L  E.  267 

des  Pères,  et   dans  la  collection  des  œuvres  de  Pierre  de  Celle,      vu  sieci-e. 
par  D.  Janvier,  qui   y  en  a  ajouté  un  quatrième   publié  aupa- 
ravant par  D.  Dacheri,  Spicil.  t.  III,  p.   42,  cl  au  t.  I  de  ledit, 
in-fol.  p.  452  ;  c'est  le  suivant. 

l"  Traité  de  la  discipline  claustrale  11  est  dédié  à  Henri,  r  4r>()  -  ii3 
comte  de  Champagne,  que  l'auteur  qualifie  simplement  d'homme 
illustre.  Viennent  ensuite  deux  préfaces  adressées  à  Richard, 
frère  de  Jean  de  Sarisl)éry,  (jui,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
avait  engagé  labbé  de  Saint-Rerai  à  écrire  sur  cette  matière.  Ce 
traité,  divisé  en  vingt-cinq  chapitres,  est  beaucoup  plus  solide 
que  les  autres.  L'auteur  y  relève  les  avantages  du  cloître, 
(}u  il  compare  tantôt  au  stadium  des  anciens  ,  ou  chacun 
s'exerce  à  courir  pour  atteindre  à  la  perfection  :  tantôt  à  un 
lit  de  repos  pour  ceux  qui,  fatigués  du  tumulte  du  monde, 
cherchent  un  lieu  de  retraite  ;  tantôt  à  un  marché  public,  ou, 
pour  des  biens  temporels,  on  trouve  des  richesses  d'un  autre 
genre. 

IV.  Outre  ces  écrits  de  noire  auteur,  dont   le  public  est    en  •"  Vn).ngc 

possession,   il  avait  composé  un   commentaire  sur  le   livre  de    '""  ^''     "' 
Ruth,  gui  n'a  pas  encore  vu  le  jour.  D.    Martène  dit  l'avoir  vu 
parmi  les  manuscrits  de  l'abbaye  de  Clairvaux 

V.  Il  y   a   eu  sur  l'auteur  de    la  lettre  aux  chartreux  du 
Mont-Dieu,    pres(}ue  autant    d'opinions    que  sur   lauleur    du 
livre    de  l'Imitation   de   Jésus-Christ.    Les    uns   l'ont   attribuée 
à  Saint  Bernard,  daulres  à  Guigues,  pi  ieur  de    la  (chartreuse 
Le  sieur  Lami  (  Antoine  le    .Maître  )  a  cru  pouvoir  en  faire  hon- 
neur à  Pierre  de  ("elle,  dans  une  dissertation  (ju'il  a  placée  à 
la  tête  d'une   traduction  de  cette   fiuneuse  lettre,    imprimée  à 
Paris    l'an   16i)1.  On    a  déjà  réfuté  cette    opinion  dans  notre         n.si.  Liuir 
histoire,  et  prouvé  que  ce  traité  en  forme  de  lettn   .ipparlicni   '   •'^"'  P-  3'7. 
incontestablement   à  Guillaume,  abi)é  de  Sainl-Tliierri,  [)re>  do 
Reims.  B. 


Ll  2 


268 

XII  SIECLE.       ■= 


PHILIPPE  DE  HARVENG, 

Abbé     de     B  o  n  ne  -  Es  p  é  r  a  n  ce. 


RECHERCHES    SUR   SA   VIE 

Mirœus,  Scr.  i^toiQuoN    (iisliiigue   assez     communément    cet    abbé    de 
-'' Gaîi    chrisi   ^Ronnc-EspérancG,  Ordre  de  Prémontré  dans   le  Hainaut,  de 
t.  iir,  (oi.  200.    Philippe,   abbé   de  l'Aumône,  qui  a   eu  son  article  plus   haut, 
on  lui  a  néanmoins  conservé  le  surnom  de   Eleemosynarncs 
ou  ab  Eleemosynà,   non    pour   désigner   le   titre  de  son    ab- 
baye,  mais    comme    un    titre    honorable    qu'il    aurait    mérité 
par  son  penchant  à  secourir  les  pauvres.   Nous  croyons  cepen- 
dant que  ce  surnom   lui  vient   plutôt  de  ce  qu'on  lui  a  fausse- 
ment attribué  des  écrits  qui  appartiennent,  comme  nous  l'avons 
Annal.   Pram.  fait  voir,  à  l'abbé  de  l'Aumône.  Quant  au  Z'»rnnm  du  Hat^veng, 
i.  I,  p.  557.        nous  ignorons  d'où  il  lire  son   origine.    Le  P.  Hugo  le  dérive 
du  lieu  de  sa  naissance  ;    mais  nous  no  connaissons  pas  d'en- 
droit de  ce   nom  dans    les  Pays-Bas,    ou  il    paraît  certain  que 
Philippe  avait  pris    naissance,   à  moins   que  ce  lieu  ne    soit 
celui  de  Hernin,  dans  l'Artois.    La   lettre  n    n'étant  pas   assez 
distinguée,  dans  les  manuscrits,    de  Vu    consonne  qu'on  écri- 
vait comme  Vu    voyelle,  il  est  possible  qu'on  ait  lu  Harveng 
ou  Herving  pour  Herning.  Toujours  est-il  certain  que  Philippe 
Ep^  16,  p    '•  ^jgj^  flamand,  puisqu'il  dit  avoir  vu,  dans  sa  jeunesse,  Charles- 
le-Ron,   comte  de  Flandre,   mort    assassiné    par  ses    propres 
sujets,  l'an   1 127. 

Sa  naissance  ne  fut  rien    moins  (ju'illustrc  :  il  dit  lui-même 

Ep.  !3,  p.  KS,  (pril  était  un  homme   du  coniinun,  jje  nobili  plebeius  viderer 

'"'•  '•  adulari    Cependant   la   bonne  éducation   (lu'il  avait    reçue  de 

ses  parons   ne  permet  pas  non    plus  de  croire   (}u  il  fût  de  la 

riiii  op.  p.  |i(3  (Ju  peuple  ;  dès  son    enfance,  in  annis  puerilibus,    ils  le 

4/s,  col.  -1.         destinaient   à  la  cléricalure,   et  lui  avaient  déjà  fait  recevoir 

la  tonsure. 

iiisi.  univ.       Oiiboulav  a   placé,  dans  le  catalogue  des  plus  illustres  aca- 

Paiis    t    II    p  J  1  '  '^  • 

768.     '  déiuiciens  de  l'école  de   Paris,   l'abbé  de  Bonne-Espérance,    el 


PHILIPPE  DE  HARVENG.  269 

ajoute  qu'il  avait  aussi  ('ludié  à  Laon,  sous  le  célèbre  Anselme,     x»  siècle 

C'est  une  singulière  méprise,  qui  a  été  répétée  par  son  copiste 

Oudin.    Ils  se  fondent  sur  un  long  passage  tiré  de  la  septième  D^  Scrip . 

lettre  de  Philippe  à   un  nommé  Jean,  qui  paraît  avoir  été  son  ,1^3"'  ''    '  ''' 

confrère.    11  ne    fallait    pas  une  grande    attention    pour    voir 

que  c'est  Jean,  qui  dit  avoir  étudié  à  Laon  ,  et  non  Philippe. 

Celui-ci   l'ayant  félicité  d'avoir  été,    dès   son  enfance,  instruit       K|..  5,  p   20, 

des  saintes  lettres  dans  le  cloître,  Jean,  chocjué  du  compliment,  ''°''  ' 

lui  répondit    assez  durement   qu'il   avait   étudié   et   dans   le 

cloître   et  dans  d'autres  écoles.  «  Non,   dit-il,  je  ne  me  suis       ^     ;       -.^ 

point  enseigné  moi-môm3,  comme  tant  d'autres;  j'ai  eu  l'avan-  toi.  2. 

tage  d'étudier  sous  maître  Anselme  :  ce  que  je  dis,  non  pour  me 

faire  valoir,    mais  pour  vous  prouver    que    vous   êtes    dans 

l'erreur  ».  Il  est  clair  que  Duboulay  et  Oudin  ont  fort  mal  pris 

le  sens  de  ce  passage,  en  attribuant  à  Philippe  ce  que  Jean 

disait  de  lui-même  :  et  encore  n'a-t-il  pas  dit  qu'il  eût  étudié 

à  Paris. 

Philippe  ,  qui  ne  croyait  pas  l'avoir  offensé  ,  lui  répond  Ep.  7,  <bid. 
qu'il  avait  cru  faire  en  cela  son  éloge,  que  mal-à-propos  il 
rougirait  d'une  science  acquise  dans  le  cloître,  parce  que  les 
études  faites  dans  la  retraite  et  le  silence  sont  bien  plus 
profitables  que  celles  qui  se  font  dans  le  tumulte  et  le  con- 
cours des  écoles  publiques.  «  Vous  croyez,  dit-il,  qu'il  est 
plus  glorieux  d'avoir  étudié  à  Laon,  et  d'avoir  fréquenté  l'au- 
ditoire de  maître  Anselme  .  et  moi,  je  dis,  heureux  l'homme, 
non  qui  a  été  instruit  par  maître  Anselme,  et  qui  a  étudié  à 
Laon  ou  à  Paris  ;  mais  heureux  celui  que  Dieu  a  lui-même 
instruit,  et  à  qui  il  a  enseigné  sa  loi  !  »  Aussi  Philippe  re- 
grelte-t-il  fort  de  n'avoir  pas  été  toujours  instruit  dans  le 
cloître. 

Où  avait-il  donc  étudié?  est-ce  à  Arras  ?  est-ce  à  Tournai  ?  est- 
ce  à  Cambrai,  où  les  études,  au  commencement  du  XII*  siècle, 
étaient  sur  un  très-bon  pied  ?  C'est  ce  qu'il  n'indique  dans  aucun 
endroit  de  ses  ouvrages  ;  mais ,  quelque  part  qu'il  ait  fait  ses 
éludes,  il  est  constant,  à  en  juger  par  ses  écrits,  qu'il  en  avait 
fait  de  fort  bonnes;  qu'il  possédait  à  fond,  et  qu'il  employait  à 
propos  l'écriture  sainte  ;  qu'il  avait  lu  les  meilleurs  auteurs 
latins,  qu'il  cite  assez  souvent. 

Dégoûté  du  monde  dans  un  âge  peu  avancé,  il  fit  de  sé- 
rieuses réflexions  sur  les  devoirs  de  l'état  qu'il  avait  embrassé, 
et,  pour  les  mieux  remplir,  il  se  consacra  à  la  vie  religieuse, 
non  dans  un  monastère,  mais  parmi  les  clercs   réguliers  de 


270  PHILIPPE   HE    HARVEMJ, 

XII  SIECLE,      l'ordre  de  Prémontré,  qui  était  alors  d;ins  toute  la  ferveur  de  la 

Ep.  12.  p.  i9,  nouveauté.   Après  avoir  passé  qut'lquos  années  dans  l'ordre,  il 

toi.  2;    p.   52,  fyj  fgjj  ppjgm-  Je  Bonne-Espérance,  et  il  y  avait  dix-neuf  ans 

qu'il  exerçait  cette  charge,    lorsquil  écrivit  au   pape  Eui:ène  III 

la  douzième  lettre,  dans  laciuelle  il  dit  (}u  il  avait  vécu  pendant 

plus  de  vingt  ans  avec  ses  confrères  dans  la  plus  grande  union. 

Suivant  cette  supputation,  on  |)eut  conjecturer  (juil  entra  dans 

l'ordre  avant   l'an    1130;  car  !e   pa|)e  Eugène  étant  mort  lan 

1153,   la  lettre  de  Philippe  doit  être,  au  plus  tard,  de  11. 'il  ou 

1152. 

Selon  sa  lettre  au  pape  Eugène,  il  y  avait  près  de  dix-neuf 
ans  qu'il  gouvernait  la  communauté  de  Bonne-Espérance  en 
qualité  de  prieur,  et  il  avait  fait  tout  son  possible  pour  s'y  con- 
duire d  une  manière  irréprochable  devant  Dieu  et  devant  les 
honuues.  A  celte  époque,  il  s'éleva  cinilro  lui  une  tempête 
furieuse  à  laquelle  il  fut  obligé  de  céder.  La  place  d'abbé  était 
vacante,  et  vrai.semblabk'ment  on  jetai'  les  \  eux  sur  lui  [uiur  la 
remplir  Mais  un  des  relii^'ieux  ([ui  \  aspirait  peut-être,  ou 
qui  craignait  de  lavoir  pour  abbé,  inventa  contre  lui  des 
calomnies,  et  trouva  créance  dans  l'esprit  des  premiers  supé- 
rieurs de  l'ordre,  de  l'évêiiuo  métropolitain,  et  sur-loul  de 
l'abbé  de  Clairvaux  ,  auquel,  trois  ans  auparavant,  il  avait 
écrit  une  lettre  fort  mordante;  et  lui,  qui  ne  cherchait  qu  à 
vivre  ignoré  et  tran(|uiUe,  se  vil  lout-à-cotip  la  fable  de  ses 
l'id.  p.  b[.  confrères  et  des  gens  du  monde.  Il  nous  ap|uend  lui-même 
quels  étaient  les  proposition  tenait  sur  son  compte.  «  Le  prieur 
de  Bonne- Espérance,  disail-on,  se  comporte  fort  mal  ;  il  résiste 
opiniâtrement  à  la  religion  et  à  son  ordre.  Le  prieur  transige 
avec  ses  devoirs  envers  les  religieux  ,  pour  gagner  leur 
hienvcillance  ;  e  est  un  ambitieux  (|ui  sacrifie  le  bon  ordre 
pour  m;  déplaire  à  [lersonne.  Le  prieur  a  mis  le  (rouble  et  la 
di.^corde  dans  la  mai.son  ;  cesl  un  traître  (jui  ne  respecte  ni  les 
lois,  ni  la  bonne  foi  ,  qui  usurpe  ce  ([ui  ne  lui  est  point  dû, 
qui  exige  im()éiieusemenl  ci;  (pion  ne  veut  pas  lui  aeconler 
C'est  ainsi,  dit-il.  qiioii  déchirait  ce  pauvre  prieur,  et  plu- 
sieurs croyaient  tu.'-;  veritaiil'  tout  ce  ipiou  ilebiiait  -ur  son 
compte,  pan  e  (pi'il  ne  .--e  trouvait  personne  ipii  o.sàt  parler 
pour  sa  lustifiiatinii  j/evipie  de  Cambrai  prit  d'abord 
sa  défense,  mais  il  neul  \r,\>  as>ez  de  fermeté  pour  le 
.soutenir  contre  laiilorilé  de  I  aichew'-qne  de  Reims  et  le 
cndil  de  labbé  de  Clairvaiiv.  Il  fut  contraint  de  consentira  son 
expulsion. 


l'IlILirPK   DE   [lARVENG  271 

H(3légiié  avec  sopl  de  sos  leli^'icux  dans  un  aulio  monastère,  xii  siècle. 
il  s'altendail  à  do  mauvais  iraitcmens  de  la  pari  de  gens  qu'il 
pouvait  regarder  comme  ses  i,'Coliers;  mais  il  y  trouva,  au 
contraire,  nies  amis  compàlissans.  Cependant  on  murmurait 
dans  le  public  (]ue,  sur  des  accusations  vagues  et  assez  insi- 
gniliantes,  on  eût  aqi  avec  tant  de  rigueur.  Alors  ses  ennemis 
firent  entendre  qu  il  saiiissait  de  quelque  chose  de  plus  /4„,  ^^ 
grave,  et  ils  le  chargèrent  tJ'iin  crime  infâme,  d'un  crime  «"'  2 
(jiii  ne  pouvait  être  expie  ipu'  i)ar  le  l'eu.  Dans  une  si  cruelle 
position,  le  proscrit  écrivit  à  saint  Bernard  la  lettre  10,  pour 
lui  représenler  (pi'il  n'aurait  pas  dû  écouler  si  légèrement 
ses  dénonciateurs;  car  il  ne  supposait  pas  qu'un  homme 
dune  sainteté  reconnue  eût  voulu  lui  nuire  par  méchanceté. 
Nec  dubilo  quin  vestriiin  illud  judicium  pt-oliilerit  prsecipi- 
iatio  potilis  pulatira,  quàni  malitia  pra-sumptiva  ;  quia 
minl  invidiœ,  nitiil  maliliiV,  vestiur  adscribo  sniictitali,  cujus 
siniplex  existimalio,  non  p^-mh'ns  ohslinnlio  ine.v  nocuil  par- 
rilati. 

il  paraît  que  ces  représentai  ions  faites  avec  dignité  eurent  ""'•  i'  '■'>' 
leur  eû'et.  Deux  ans  après  son  exil,  son  innocence  fut  recoh-  *'  '^'^'^ 
nue  dans  un  chapitre  général  de  l'ordre  ;  il  lui  fut  permis  de 
retourner  dans  son  monastère,  mais  il  ne  put  obtenir  aucune 
autre  satisfaction.  C'est  pour  cela  (]u'il  écrivit  au  pape  Eugène 
la  relation  dont  nous  venons  de  donner  le  précis,  le  priant  de 
rendre  entièrement  à  la  vie  un  homme  tué  à  demi,  seminecem, 
cesl-à-dire,  d'achever  de  le  justifier  aux  yeux  des  hom- 
mes. 

Essayons  maintenant  de  Kxer  le  temps  auquel  tout  cela  se 
passait.  En  supposant  que  la  lettre  au  pape  Eugène  est  de  l'an 
115^,  qui  est  le  dernier  terme  qu'on  peut  lui  assigner,  Philippe 
à  cette  époque  était  déjà  retourné  à  Bonne-Espérance,  après 
deux  ans  d  absence,  lien  avait  donc  été  expulsé  l'an  1150,  s'il 
a  porté  sa  plainte  au  pape  dabord  après  son  iai)pel.  Si  nous 
supposons  qu  il  aura  saisi  loccasion  du  séjour  du  ponlifc  en 
France  pour  demander  son  entier  réiablissement,  .son  rappel 
serait  aniéneur  à  l'année  1117  ou  11  58,  et  son  exil  daterait  au 
plus  tard  de  l  an  1 1  45  ou  1 1  40. 

Mais  nous  avons  des  preuves  que  cet  événement  doit  être 
de  lan  i  1  10  ou  1 150  :  1    parce  que,  dans  sa  lettre  10  à  saint      Ep.  to,  p.  U, 
Bernard,  Philippe    dit   que    son  abbc  élail  à  Paris  l'an  1147,  col.  i. 
lorsque  saint  Bernard   le  pressait,   en    présence   du  pape,   de 
permettre  à  un  de  ses  religieux  de  faire  profes.sion  à  Clair- 


col.  2 


272  PHILIPPE  DE  HARVENG. 

SIECLE,  vaux;  2"  parce  qu'il  dit,  dans  sa  lettre  au  pape,  que  son 
Ep.  12,  p.  m,  évêque  avait  d'autant  plus  de  droit  de  le  prendre  sous  sa 
protection,  el  de  sopposer  à  son  exil,  que  le  monastère  de 
Bonne -Espérance  étant  alors  sans  abbé,  il  avait  le  droit  de  le 
içouverner  immédiatement  par  lui-même  .  Prœsertim  citm 
ecdesia  nostra  proprii  abbalis  providentià  tune  careret,  et  ad 
eum  cura  nostrf  nullo  medio  pertineret.  L'abbé  Odon,  pré- 
décesseur de  Philippe,  était  donc  mort,  ou  avait  donné  sa 
démi.ssion,  lorsque  cela  se  passait.  Ce  n'était  donc  pas  l'an 
1147,  époque  de  la  lettre  de  Philippe  à  saint  Bernard.  Disons 
Gaii.  ciiiist.  Jonc  avec  les  auteurs  du  Gallia  christiana,  et  avec  l'Anna- 
Annài  PiTm  ''^'^  ^^  Prémonlré,  qui  placent  la  démission  de  l'abbé  Odon 
I.  col.  :.:.".  vers  IliiO,  que  c'est  vers  le  même  temps,  c'est-à-dire,  l'an 
1149  ou  1150,  que  Philippe  éprouva  la  persécution  dont  il 
se  plaint.  Mais  ces  mêmes  auteurs  ajoutent  que  Philippe  ne  fut 
fait  abbé  qu'en  IliJo.  Il  n'est  pas  vraisemblable  qu'on  ail  laissé 
celle  abbaye  vacante  pendant  cinq  ans,  et  nous  sommes  portés 
à  croire  que  Philippe,  après  son  rappel,  ne  larda  pas  à  en  être 
pourvu. 

Son  retour  à  Bonne-Espérance  rendit  le  calme  à  ce  monastère, 
el  sa  promotion  à  la  dignité  d'abbé  acheva  de  le  justifier.  Il 
gouverna  son  monastère  avec  beaucoup  de  sagesse,  en  augmenta 
les  revenus,  et  obtint  plusieurs  privilèges  des  papes  et  de  l'em- 
pereur Frédéric.  Tous  les  écrits  qui  nous  restent  de  lui  ont  pour 
objet  linslruclion  de  ses  religieux.  L'an  1176,  il  se  trouva  à 
1  abbaye  de  Laubes  avec  d'autres  abbés,  et  signa  avec  eux  une 
Am  1  cil  ^'^'^''l''  ^^  Baudoin,  comte  de  Hainaul,  qui  a  été  publiée  par 
I,  col.  8%.  D.  iMarlène.  Ce  prince  avait  élé  excommunié  par  l'église  de 
Reims,  pour  des  dommages  qu'il  avait  causés  à  cette  abbaye  ; 
mais  voulant  se  réconcilier,  et  réparer  ses  torts,  il  tint  à  Laubes 
une  grande  assemblée  à  laquelle  |)résidèrent  deux  députés 
de  l'église  de  Reims,  appelés  l'un  el  l'autre  Philippe.  Nous 
ne  douions  pas  que  l'un  des  deux  ne  soit  l'ancien  abbé  de 
l'Aumône,  qui,  comme  nous  l'avons  dit  à  son  article,  avait  été 
appelé  à  Reims,  peu  de  temps  auparavant,  par  l'archevêque 
Henri. 

Quaul  à  l'abbé  de  Bonne-Espérance,  les  auteurs  du  Gallia 
Christiana  el  l'Annaliste  de  Prémonlré  disent  qu'il  gouverna 
pendant  vingt-sepl  ans  son  monastère,  qu  il  abdiqua  au 
mois  de  décembre  1182,  el  qu'il  mourut  le  13  du  mois  d  avril 
de  l'année  suivante.  Tout  cela  n'est  fondé  que  sur  1  époque 
qu'ils  assignent  à  la  lettre   de  Philippe  au  pape  Eugène.   Le 


PHILIPPE    DE    HARVENG.  273 

P.    Hugo   rapporte    encore   l'épitaplic  qui   fut  gravée  sur  son     X"  sif.(XE 
tombeau;  mais  elle  ne  porte  aucune  date ,   et  ne  contient  rien 
qui  puisse  servir  d'appui  à  leur  opinion. 

Casimir  Oudin  place  la  mort  de  notre  abbé  l'an  1188,  sur  De  script. 

la  fausse  supposition  que  l'cpilaphe  du  pape  Urbain  ,  qui  est  ^'''''''  ^  "'  ""'■ 
parmi  ses  poésies,  est  celle  du  pape  Urbain  III.  Or,  dit-il,  le 
pape  Urbain  III  ne  monta  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  qu'en 
1183,  et  sa  mort  arriva  l'an  1187.  Il  aurait  raison  si  on  lui 
accordait  sa  supposition  Mais  nous  verrons,  en  examinant  les 
poésies,  que  l'épitaphe  dont  on  s'autorise  est  celle  fl'Urbain  II, 
et  que  Philippe  n'en  est  pas  l'auteur. 

SES  ÉCRITS. 

Nicolas  Chamart,  abbé  de  Bonne-Espérance  publia,  l'an  1G21, 
à  Douai  ,  chez  Ballhazar  Bellère ,  la  collection  des  œuvres 
de  Philippe  ,  in -fol.  Cette  édition,  assez  bien  imprimée,  est 
dénuée  de  notes  critiques,  et  ne  donne  presque  aucun  éclaircis- 
sement ni  sur  l'auteur,  ni  sur  ses  ouvrages ,  dont  nous  allons 
rendre  compte  en  suivant  l'ordre  de  l'édition.  Ce  sont  des 
lettres,  des  commentaires  sur  l'écriture  sainte,  des  traités 
théologiques,  des  vies  de  saints,  dont  plusieurs  ne  sont 
pas  de  lui,  et  des  poésies  qu'on  lui  a  faussement  attri- 
buées. 

lo  Ses  lettres.  Il  y  en  a  vingt-une;  elles  roulent  presque 
toutes  sur  des  matières  théologiques,  et  la  plupart  sont  si  lon- 
gues ,  qu'elles  pourraient  passer  pour  des  traités. 

La  première  est  écrite  à  Wederic.  C'est  là  tout  le  litre  de  Ep.  i,  p.  i-o. 
celte  lettre,  et  il  en  est  de  même  des  autres ,  qui  ne  portent 
toutes  que  le  simple  nom  de  celui  à  qui  elles  sont  adressées , 
sans  leur  donner  aucune  qualité  à  laquelle  oh  puisse  les 
reconnaître.  Ce  Wederic  ou  Guerric  était  sans  doute  l'abbé 
de  Liessies ,  qui ,  après  avoir  gouverné  ce  monastère  depuis 
l'an  1124,  fut  fait  abbé  de  Saint-'Vast  d'Arras,  l'an  1147,  et 
mourut  l'an  11  53.  C'était  un  homme  studieux,  et  fort  appliqué 
à  la  lecture  des  pères  de  l'église,  comme  on  le  voit  par  la 
lettre  que  lui  écrivit  de  Clairvaux  Philippe,  qui  fut  depuis  abbé  B"*'-  ■''"'■• 

de  l'Aumône.  ^^'"-  '•  '"•  p 

Wederic  _  avait  prié  l'abbé  ou  le  prieur  de  Bonne-Espé- 
rance de  lui  dire  son  sentiment  sur  deux  questions  qu'on 
agitait  sans  doute  alors  dans  les  écoles.  La  première  consistait 
à  savoir  si  Dieu   avait  créé  le  monde  en  un  instant,    ou  s'il 

Tome  XIV.  Mm 


274  PHILIPPE    DE    IIARVENG. 

^11  SIECLE,  l'avait  fait  successivement  m  si\  jours;  cl,  clans  ce  cas,  si 
cela  doit  s'enlentire  à  la  li'tire  f)ii  dans  un  sens  ra(?lapliori(|i]e  , 
comme  on  entend  d'autres  endroits  de  rÉcriturc  ,  qui  ne  sont 
que  des  antliropotogics.  T'iiilipiie  croit  qu'on  peut  penser  sur 
cela  diversement,  pourvu  (judiî  ne  s'éioii^ne  pas  de  l'ana- 
logie de  la  foi.  Il  se  jelle  sur  des  cpiostions  [)urcment  spécida- 
tives  ,  sur  la  création  des  sulislanccs  -;piriluoll('s  ,  sur  la  chùle 
des  mauvais  anqes  ,  sur  la  prrscvrranci^  des  bons  dans  lo 
bien,  et  il  rapporte  sui'  cela  ce  (pie  les  auteurs  occlésiasti(pies 
ont  dit  de  meilleur;  mais  il  c>sl  plus  porlé  à  endirasser  le  sen- 
timent de  ceux  qui  ont  pris  à  la  lettre  le  récit  de  Moïse.  — 
La  seconde  (piestion  était  de  savoir  si  un  inlërif'ur  était  obligé 
de  se  confesser  à  son  supérieur,  ou  sil  pouvait  le  faire  à 
un  autre,  lorsqu  il  était  tombé  dans  (pielque  péehé  considé- 
rable. Philippe  s'excuse  de  répondn>  à  cette  question,  parce 
que  les  sentimcns  étant  fort  partagés,  cela  demanderait  une 
longue  discussion 

La  deuxième  et  la  troisième  sont  écrites  à  lïrroard,  (pic 
nous  ne  connaissons  que  par  ces  deux  lellrcs  C.etail  un  clerc 
qui  étudiait  à  Paris,  au  moins  l()is(|ue  l'hili[ipe    lui   ('crivil   la 

Ep.  2,|..  9-li.  troisième.  Iléroard  lui  avait  demandé  la  solution  dune  didi- 
culté  qu  il  avait  propos('e  à  plusieurs  docteurs,  sans  (prauciin 
eût  pu  le  satisfaire.  C'était  de  lui  expli(|uer  comment  la  cliair 
de  Jésus-Christ  ,  (pi  il  avait  tirée  d  Adam  comme  nous  , 
n'avait  pas  contracté  le  [Kché  orii:iiiel.  Philippe  ,  avant  que 
de  répondre  à  celte  (piestion  .  fait  mi  leui;  pri^ambule  sur 
les  dispositions  avec  le,s(piclles  on  doit  étudier  les  matières 
de  religion  ;  digression  assez  nécessaire  |)Our  rinsiruclion 
d'un  jeune  étudiant  it;!  cpi'étaii  IleKiard  Kiilr.iut  ensuite  en 
matière,  il  résout  la  (pieslion  en  Ixm  llieologien;  mais  il  est 
trof)  diffus  ,  défaut  (pii  règne  dans  tous  ses  écrits.  —  iJans  la 
Ep.  3,  i>.  M  troisième  lettre  au  mènie  Iléroard  .  (pii  -hélait  plaint  de  l'in- 
lerruplion  de  leur  coru-poiul.iMce  l'Iiilippe  le  félicite  sur 
les  progrès  qu'il  a  faits  dans  la  .science  ecch'siasliipie;  il  lui 
conseille  de  mettre  de  c(')té  les  auteurs  [irofanes.  pour  ne 
s'attacher  (juà  la  lecture  de  rKcriliiic  et  des  Pères.  Cepen- 
dant celle  même  lettre  est  une  linnrie  preuve  (|ue  Philippe 
avait  lui-mémo  lu  (>l  bien  étudie  les  auteurs  iirofanes  ;  mais 
il  n'y  avait  pas  apfuis  à  être  concis  11  y  fait  à  la  lin  un  bel 
éloge;  des  écoles  de  Paris,  et  dit  quii  bon  droit  celte  ville 
peut  être  a[)pcl(''e  la  nouvelle  Cariatli  Sepher,  ou  la  ville  dos 
lettres  ,    le    nonibre   des    étiidians    cL-alant    pres(pie   celui   des 


18. 


PHILIPPE    DE    HARVENG.  27a 

habilaiis   ;   In  qun  tanta  lectorum  diligentia,    tanta  deinceps      xii  siècle. 
scientia   scrïptura?^u7n ,    ut    in   modum    Cariath-Sepher    dici  "" 

possit  civitas  lilterai'um. 

La  qiuiU-iùrne  lettre  est  encore  adressée  à  un  jeune  homme  E|.  i,  p  18 
nommé  Engelbe.H,  qui  étuiliait  à  Paris.  Il  l'exhorte  à  ne  pas  ~  '^• 
se  rebuter  des  didicullés  qui!  peut  rencontrer  dans  la  car- 
rière des  lettres,  parce  que  la  science  ne  s'acquiert  que  par 
beaucoup  de  veilles  et  de  travaux  Vous  voyez,  dit-il,  beau- 
coup de  gens  décorés  du  nom  de  clerc,  et  très-peu  qui  soient 
véritablement  savans  ;  la  moindre  diliiculté  les  rebute,  et  il 
arrive  qu'ils  restent  ou  ignorans  ou  avec  un  savoir  Irès-super- 
liciel,  parce  qu  ils  ne  veulent  pas  se  dévouer  à  un  travail 
assidu,  sans  leipiel  on  ne  peut  acquérir  la  science  :  ce  qu'il 
prouve  par  l'exemple  de  Platon,  de  Socrale,  de  Calon  le 
Censeur,  qui,  jusqu'à  l'extrême  vieillesse,  montrèrent  I  ardeur 
d'un  jeune  homme  pour  api)rendre  N'écoutez  i)as,  lui  dit-il, 
les  petites  inlirmités,  febriculas,  (jui  [)euvcnl  survenir  ;  parce 
que  ce  n'est  pas  un  honneur  d'avoir  été  à  Paris,  mais  c'en  est 
un  grand  d'y  avoir  acijuis  une  instruction  convenable  :  Non 
enini  Parisiis  fuisse,  sed  Parisiis  honestam  scientiam  acqui- 
sivisse  honestum  est. 

Les  lettres  5,  G  et  7  sont  des  réponses  à  autant  de  lettres 
d'un  nommé  .lean,  (pie  l'éditeur  a  placées  à  la  suite  de  celles 
de  Philippe,  mais  qu'il  aurait  mieux  fait  d'intercaler  parmi 
celles  qui  leur  servent  de  réponse.  Ce  Jean  était  prévôt  d'une 
communauté  qui  nous  t'st  inconnue,  mais  vraisemblablement 
(lu  même  ordre  de  Prémontré.  Il  était  parent  de  Philippe  ;  car 
une  de  ses  lettres  jjorte  pour  suscriplion  :  Carissimo  cognato 
Philippo  fr.  Joannes  saiutem.  Dans  celte  lellie,  il  le  remercie 
de  lui  avoir  communiipié  un  ouvrage  (jue  Philippe  croyait  être 
de  saint  Alhunase  :  c'était  h:  traité  de  saint  llilaire,  de  Trinilate, 
comme  on  le  reconnut  ensuite,  .h'an,  en  le  lui  renvoyant,  lui 
dit  qu'il  ne  le  croit  point  de  saint  Alhauase,  parce  (pi il  y  a 
remarqué  quelques  erreurs,  entre  autres  (jue  JNolre  Seigneur 
n'avait  pas  reçu  de  Marie  la  matière  dont  .son  corps  était  formé, 
et  encore  que,  dans  sa  passion,  il  n'avait  éprouvé  ni  tristesse, 
m  douleur. 

La   réponse  de  Philippe  est  liv.s-judirieube  ;    il   lui  fait  sentir       k,,. 
(pi'il    prononce    bien    lestement   sur    louvrage   d'un    père   de 
l'église  aussi  respectable  que  saint  Alhanase  ;   que,    pour  lui, 
il   ne  va  pas   si   vite  :  (pi'à  la  vérité  il    y    a   trouvé  quelques 
endroits  obscurs,    ipi'il   a  eu  bien  de  la  peine  à  comprendre, 

Mm2 


V.  94. 


—  -J.'o. 


276  PHILIPPE    DE    HARVENG. 

XII  SIECLE.  sQi(  à  cause  de  la  difficulté  du  style,  soit  par  le  défaut  du  ma- 
nuscrit ;  mais  qu'il  s'est  bien  gardé  de  les  condamner,  ne  se 
croyant  pas  assez  habile  pour  décider  de  choses  qu'il  n'enten- 
dait pas.  Il  ajoute  qu'd  l'avait  relu,  et  qu'en  se  bornant  aux  deux 
erreurs  que  Jean  prétendait  y  avoir  trouvées,  il  ne  serait  pas 
difficile  de  donner  un  bon  sens  aux  paroles  de  l'auteur,  qu'il 
suppose  toujours  être  saint  Athanase.  Ce  n'est  qu'en  finissant 
sa  lettre,  et  dans  un  post  scriptum,  qu'il  dit  avoir  appris  de 
maître  Gilbert,  évêque  de  Poitiers,  qu'il  avait  vu  depuis  peu  à 
Paris,  que  l'auteur  de  cet  ouvrage  était  saint  Hilaire.  Plein  de 
respect  pour  les  pères  de  l'église,  il  prouve  en  habile  théologien 
que  cet  intrépide  défenseur  de  la  foi  catholique  contre  les  ariens, 
s'est  exprimé  sur  ces  points  contre  les  auteurs  ecclésiastiques  du 
bon  temps. 

p  9*  ^  90.  Jean  répondit  à  cette  lettre  avec  sa  hauteur  ordinaire.  Il 
convient  que  les  explications  de  Philippe  sont  exactes  ;  mais 
il  soutient  que  c'est  faire  violence  aux  termes  de  l'auteur,  et 
qu'avec  cette  méthode  il  n'y  a  rien  de  si  absurde  et  de  si  erroné 
qu'on  ne  puisse  justifier.  Persistant  à  regarder  ce  livre  comme 
dangereux,  il  ne  veut  pas  qu'on  le  lise  ;  car,  dit-il,  soit  Atha- 
nase, soit  Hilaire,  soit  tout  autre,  il  faut  croire  ou  qu'ils  ont 
corrigé  leur  erreur  de  leur  vivant,  comme  a  fait  notre  père 
Augustin,  ou  qu'ils  ont  expié  leur  péché  comme  le  martyr 
Cyprien,  qui,  suivant  le  témoignage  de  saint  Augustin,  a  lavé 
dans  son  sang  l'erreur  des  donatistcs,  ou  sont  morts  comme 
Origène,  dans  l'infidélité. 
E|..  (i,  p.  25       Philippe  ne  se  tint   pas   pour  battu  ;    il  écrivit   la   sixième 

-  '••  lettre  dans  laquelle  il  suit  pied  à  pied  son  adversaire,  combat 

tous  ses  principes,  et  justifie  de  nouveau  saint  Hilaire.  Il  y 
prouve  fort  bien  que,  quoiqu'il  y  ait  dans  un  ouvrage  des 
choses  difficiles  à  entendre,  ou  qui  ont  besoin  d'être  expliquées 
selon  le  sens  de  l'auteur,  ce  n'est  pas  une  raison  d'en  interdire 
la  lecture;  car  alors  il  faudrait  rejeter  plusieurs  livres  du 
Nouveau-Testament,  parce  que,  de  l'aveu  môme  des  apôtres,' 
il  s'y  trouve  des  choses  qu'on  comprend  difficilement.  Et,  à 
l'égard  de  Saint-IIilairc,  il  cite  le  passage  de  saint  Jérôme,  qui 
dit  positivement  que  le  saint  évèque  de  Poitiers  est  un  docteur 
trés-orlhodoxe,  dont  on  peut  lire  les  écrits  en  toute  assurance 
Cette  lettre  est  fort  longue,  mais  forte  en  preuves  et  en  rai- 
sohnemens. 

Il  arriva,  ce  (jui  arrive  presque  toujours  dans  les  disputes, 
que  celte  controverse  dégénéra   en  personnalités   et  en  re- 


PHILIPPE    DE    HARVENG.  277 

proches.    Jean   lui  renvoya  ses  deux   lettres,    si  chargées  de     ^"  ^^^^^^-  . 
remarques    caustiques,   que  l'auteur    eut  de   la   peine  à    s'y 
reconnaître.  11  en  fut   piqué,   et  crut  devoir  y  répondre  dans 
la   septième    .etlre.    Avec  un    grand  ton    de  modération,    il  __  ^p-  7,  p. 
emploie  finement    l'ironie,   et   raille   avec  esprit  son  adver- 
saire, qui  avait  pris  avec  lui  le  ton  magistral,  et  quelquefois  de 

mépris. 

A  la  suite  des  trois  lettres  de  Jean,  l'éditeur  en  a  donné  P.  97  -  io<). 
une  d'Hunauld,  Hunaldus,  que  nous  ne  connaissons  pas. 
Elle  est  adressée  au  prévôt,  qui  n'est  autre  que  Jean.  Son 
but  est  de  concilier  celui-ci  avec  Philippe.  Il  prétend  que  ce 
n'est  entre  eux  qu'une  question  de  mots  qui  les  divise  ; 
qu'elle  n'est  fondée  que  sur  une  équivoque  qui  fait  qu'ils  ne 
s'entendent  pas,  et  qu'au  fond  ils  sont  d'accord.  Il  interprète 
le  sentiment  de  saint  Hilaire  dans  un  sens  catholique,  et 
explique  de  même  quelques  endroits  des  lettres  de  Philippe, 
qui  avaient  déplu  à  Jean,  et  si  fort  ému  sa  bile.  En  un  mol, 
il  fait  l'office  de  conciliateur.  Il  attribue  à  Philippe  davoir 
dit  que  la  chair  dont  Jésus-Christ  s'était  revêtu  était  celle 
qu'avait  Adam  avant  son  péché.  Il  réfute  ce  sentiment,  en 
avouant  cependant  qu'on  peut  le  soutenir  de  la  manière  dont 
on  l'explique.  II  recommande  au  prévôt  de  lui  faire  part  de  la 
réponse  que  fera  Philippe  à  sa  lettre,  en  cas  qu'il  la  lui  com- 
munique. Il  faut  que  la  contestation  ait  fini  là,  car  nous 
n'avons  pas  de  réponse. 

La  huitième  lettre  de  Philippe  est  adressée  à  un  nommé  Ep.  8,  p.  37 
Grégoire,  qui  venait  d'embrasser  l'état  religieux.  Il  lui  donne  -  •"!>• 
de  fort  bons  avis,  mais  sur-tout  de  ne  pas  mépriser  les  reli- 
gieux d'un  autre  ordre  ou  d'une  autre  communauté  que  la 
sienne.  L'établissement  des  nouvelles  congrégations  qui  se 
formèrent  dans  le  Xll«  siècle,  fit  naître  des  jalousies  entre 
les  nouveaux  et  les  anciens  cénobites  ;  ils  se  décriaient  mu- 
tuellement. Philippe  voyait  avec  peine  ce  levain  de  discorde. 
II  y  revient  avec  force  dans  ses  lettres  à  saint  Bernard,  dont 
nous  parlerons  bientôt. 

La  lettre  9  à  Barthélemi,  qui  sans  doute  n'est  autre  que  Ep.  9,  p.  39 
l'évêque  de  Laon,  l'ami  et  le  bienfaiteur  des  Prémontrés,  est  -  *2. 
relative  à  la  persécution  que  Philippe  avait  éprouvée  de  la 
part  de  ses  confrères,  et  dont  nous  avons  rendu  compte  plus 
haut  Elle  est  en  réponse  à  une  lettre  de  consolation  que  le 
prélat  lui  avait  écrite  en  lui  envoyant  une  ceinture.  Philippe 
voulant  faire  la  peinture  des  maux  qu'il  endurait,    rappelle 

2  3 


278  PHILIPPE    DE    HARVENG. 

XII  siErxE.  la  ceinture  de  saint  Paul,  avec  laquelle  le  prophète  Agabus 
s'était  lié  les  pieds  et  les  mains,  pour  lui  annoncer  qu'à  Jéru- 
salem il  serait  lié  et  garolté  par  les  Juifs;  et  il  continue  sur  cette 
allégorie  à  faire  la  description  de  ses  malheurs. 
^Ep.  10,  p.  45  Lg  \eHre  10  à  Bernard,  paraît  être  une  réponse  à  la  lettre 
253  de  l'abbé  deClairvaux.  Il  s'agit  dans  l'une  et  dans  l'autre 
d'un  religieux  de  Bonne-Espérance,  nommé  Robert,  que 
saint  Bernard  avait  admis  parmi  ses  religieux  sans  la  per- 
mission de  son  abbé,  ni  de  l'abbé  de  Prémontré,  ni  du  cha- 
pitre général  de  l'ordre.  On  avait  écrit  et  fait  des  instances 
pour  obtenir  le  renvoi  de  ce  religieux.  Saint  Bernard  répond 
dans  sa  lettre  aux  plaintes  amères  des  Prémontrés,  et  persiste 
à  garder  le  transfuge  L'abbé  de  Bonne-Espérance,  que  cette 
affaire  regardait  plus  particulièrement,  chargea  le  prieur 
Philippe  de  détruire  les  fausses  allégations  de  l'abbé  de 
Clairvaux,  et  il  s'acquitta  de  la  commission  en  homme  supé- 
rieur. Il  commence  par  lui  faire  l'application  de  l'apologue 
du  prophète  Nathan  à  David,  et  lui  dit  qu'un  homme  riche 
comme  lui  en  troupeaux,  n'aurait  pas  dû  enlever  à  une 
pauvre  maison  une  chétive  brebis.  On  lui  avait  représenté 
que  cette  conduite  était  contraire  à  la  justice,  aux  décisions 
des  souverains  pontifes,  et  aux  transactions  passées  entre  les 
deux  ordres.  Saint  Bernard  avait  répondu  ,  entre  autres 
choses,  qu'il  n'avait  ainsi  agi  que  parce  qu'un  abbé  de  l'ordre 
l'avait  assuré  que  l'abbé  de  Prémontré  avait  donné  son  con- 
sentement. Philippe  lui  soutient  que  cela  est  faux,  que  l'abbé 
de  Prémontré,  et  d'autres  abbés  qu'il  lui  nomme,  lui  avaient 
dit  le  contraire  de  vive  voix,  et  qu'il  aurait  dil  les  en  croire 
préférablemenl  à  tout  autre  ;  que  même  en  présence  du 
pape,  lorsqu'il  était  à  Paris  (  c'était  sans  doute  Eugène  III, 
et  par  conséquent  l'an  1147),  l'abbé  de  Bonne-Espérance, 
interpellé  par  lui  de  donner  son  consentement,  l'avait  refusé, 
disant  qu'il  ne  l'accorderait  pas  à  moins  que  le  pape  ne  l'or- 
donnûl  formellement  ;  mais  que  le  pape  s'était  abstenu  de 
commander.  Il  faut  avouer  qu'il  plaide  parfaitement  bien  sa 
cause  ;  il  presse  vivement  son  adversaire,  el  lui  fait  observer 
qu'il  n'est  que  trop  vrai  que  l'union  et  la  charité  se  refroi- 
dissaient beaucoup  entre  les  membres  des  différons  ordres, 
les  uns  se  préférant  aux  autres,  les  méprisant  et  les  décriant  : 
désordre  qu'il  semble  reprocher  à  saint  Bernard,  comme  en 
ayant  donné  l'exemple.  Cette  lettre  est  belle,  pleine  de  bon 
sens  et  de  religion  ;   ses  raisonnemens    sont  pressans  et   so- 


PHILIPPE    DE    HARVENG.  279 

lides,   et  sans  trop  manquer  aux  égards  dus  à  un  si   grand     xii  siècle. 
personnage,  on    y   remarque    des  traits    assez    mordans.    En 
finissant,  il  prie  le  saint  de  lui   faire  une  réponse  ;  mais  nous 
apprenons  de  la  lettre  suivante  que  celle-ci  ne  lui  avait  pas  été 
remise. 

Trois  ans  après,  Philippe,  banni  de  sa  maison  à  la  suite  e.  u  .  n 
d  accusations  graves,  écrivit  à  labbé  de  Clairvaux  la  onzième  -  i9.  '  ^ 
lettre,  dans  laquelle  il  se  plaint  que  le  saint  homme  eût 
ajouté  foi  à  des  rapports  calomnieux  d'un  de  ses  confrères. 
Il  regarde  comme  un  malheur  de  lui  avoir  déplu,  quoiqu'il 
ne  sache  pas  l'avoir  jamais  offensé.  Il  paraît'que  saint  Bernard 
avait  dit  que  le  prieur  de  Bonne-Espérance  méritait  ce  qu'il 
souffrait.  Mais,  dit-il,  si  vous  refusez  de  secourir  celui  à  qui 
vous  avez  voulu  nuire,  daignez  au  moins  lui  faire  connaître 
ses  torts;  car  l'ignorance  de  mon  crime  m'est  aussi  insuppor- 
table que  les  mauvais  traitemens  que  j'endure,  il  revient 
sur  le  peu  de  fraternité  qui  régnait  entre  les  différens  ordres, 
et  même  entre  les  individus  du  même  ordre,  parce  qu'il  avait 
appris  que  la  lettre  qu'il  lui  avait  écrite  trois  ans  auparavant 
ne  lui  avait  pas  été  remise  II  lui  donne  à  la  fin  de  sa  lettre  le 
titre  de  majesté. 

Philippe  écrivit  au  pape  Eugène  III  la  douzième  lettre  E,.  12  p 
après  qu'il  eut  été  rappelé  à  Bonne-Espérance.  Comme  i'i 
n  avait  obtenu  de  ses  supérieurs  qu'une  demi-justice,  il  fait 
au  pape  la  relation  des  calomnies  et  des  mauvais  traitemens 
dont  II  avait  été  accablé,  pour  demander  que  justice  entière 
lui  fût  rendue.  Se  regardant  comme  un  homme  à  demi- 
mort  civilement,  seminecem,  et  se  comparant  à  Lazare  rendu 
a  la  vie,  mais  non  encore  sorti  du  tombeau,  il  dit  au  pape  • 
Commandez  que  je  sorte  aussi  d'entre  les  morts,  parce  que 
tout  ce  que  vous  ordonnerez  de  la  part  de  Dieu  me  sera  fait  : 
aea  et  nunc  seio,  quia  quascumque  decreveritis  à  Deo,  dabit 
tilt  Deus.  Nous  ne  dirons  plus  rien  de  celle  lettre,  parce 
que  nous  en  avons  donné  la  substance  en  faisant  la  vie  de 
1  auteur. 

La   treizième    lettre    a    pour  titre  :  Diledissimo   dilectus,     Eo  <.       -1 
am.  à  son  très-cher    ami.   il   la   commence   par   dire    qu'un  -%     '  "' 
lecteur  attentif  s'apercevra  aisément  des  raisons  qui  lui  oat 
fait  supprimer    son  nom  et  celui  de  son  ami.   C'est  vraisem- 
blablement  par  un   excès  de    modestie ,   parce  que  cet  ami 
avec  lequel  il  avait  étudié  dans  sa  jeunesse,  était  d'une  nais- 
sance illustre,   et  avait  conservé  pour  lui  une  amitié  inalté- 


-  84. 


280  PHILIPPE    DE    HARVENG. 

xn  SIECLE,  rable.  Étant  parvenu  à  une  des  grandes  dignités  de  l'église, 
Philippe  lui  écrit,  non  pour  lui  en  faire  compliment,  mais  pour 
le  prémunir  contre  le  danger  des  grandes  places.  Cette  lettre  est 
écrite  avec  beaucoup  d'art  et  de  ménagement  :  elle  contient 
d'excellentes  instructions,  mais  elles  sont  noyées  dans  un  déluge 
de  paroles,  de  répétitions,  d'allégories.  11  dit  que  Sénèque 
était  ami  de  saint  Paul.  11  ne  se  doutait  par  conséquent  pas  de 
la  supposition  des  lettres  qu'on  a  débitées  sous  le  nom  de  l'un  et 
de  l'autre. 

Ep.  li,  !..  66       La   lettre  14    est  adressée  à  Raoul.    Ils  étaient  amis,   et 
~  ''*■  celui-ci   l'avait  prié  d'écrire  sur  les  martyrs  :   c'est  ce  qu'il 

fait  dans  une  espèce  de  panégyrique  des  martyrs  et  autres 
saints. 

E|).  iî;.  |)    79       La  15°  à  Adam  est  pour  nous  une  énigme.  Rien  n'indique  qui 
~  ***•  était  cet  homme  ;  on  voit  seulement  qu'il  lui  avait  promis  quelque 

chose,  et  qu'il  n'avait  pas  tenu  parole.  Philippe  commence  ainsi 
sa  lettre  :  «  Je  vois  bien  qu'auprès  de  vous  les  premiers  seront 
les  derniers,  et  pas  môme  les  derniers  » .  Pour  lui  prouver  qu'il 
aurait  dii  tenir  sa  parole,  et  que  lui  a  eu  tort  de  s'y  fier,  il 
entasse  les  citations  de  l'Écriture  sainte,  qui  sans  doute  ont  rap- 
port à  l'affaire,  mais  qui  n'en  donnent  pas  la  clef.  Elles  roulent 
toutes  sur  la  liaison  qu'ont  entre  elles  la  vérité  et  la  justice,  la 
miséricorde  et  la  paix. 

E|).  10,  |.   8)       La  seizième  a   pour  titre   :   Suo  Philippo  suus  Philippus. 
-  8i.  Ce  Philippe,  à  qui  la  lettre  est  adressée,  ne  peut  être  que  le 

comte  de  Flandre  de  ce  nom,  fils  de  Thierri  d'Alsace,  puis- 
qu'il lui  dit  que  son  père  lui  avait  cédé,  de  son  vivant,  ses 
états  :  ce  qui  arriva  l'an  1157,  lorsque  Thierri  partit  pour  la 
Terre-Sainte.  L'abbé  de  Ronne-Espérance  fait  de  ce  jeune 
prince  un  éloge  complet,  quoiqu'il  ne  l'eût  jamais  vu.  Il  dit 
qu'à  moins  d'être  préoccupé  par  la  haine  ou  par  l'envie,  il 
n'est  pas  possible  de  considérer  ses  rares  qualités  sans  l'ad- 
mirer comme  un  phénix  unique.  Cependant  il  tourne  ses 
louanges  de  telle  manière  qu'elles  sont  en  même  temps  de 
bonnes  instructions  :  sa  lettre  est  comme  un  petit  traité  de 
l'institution  d'un  prince.  Il  lui  propose  pour  modèle  Charle- 
le-Ron,  comte  de  Flandre,  que  j'ai  toujours  vu,  dit-il,  lisar  t 
attentivement  les  psaumes  ,  lorsqu'il  assistait  aux  offices 
divins,  et  le  comte  Ayulfe,  homme  fort  instruit,  lequel 
disait  qu'il  avait  de  grandes  obligations  à  ses  parens  de  l'avoir 
fait  iustruire  daus  les  lettres,  si  bien  qu'on  l'aurait  pris  pour 
un   clerc  :  ce  qui   ne  l'empêchait   pas  d'être  bon   chevalier, 


PHILIPPE  DE    HARVENG.  281 

puisqu'il  est  raort  en  combattant  contre   les  infidèles.  Nous  ne     xii  siècle. 
connaissons  pas  autrement  ce  comte  Ayulfe,    sur  lequel   nous 
n'avons  pu  rien  découvrir. 

La  lettre  suivante  contient  l'éloge  du  prince  Henri,  à  qui  elle  f-p  i">  p-  8^ 
est  adressée.  11  n'est  pas  douteux  que  ce  prince  ne  soit  Henri-  — 
le-Libéral,  comte  de  Champagne  et  de  Brie;  car,  en  faisant 
l'éloge  de  ses  largesses  envers  les  pauvres  et  les  clercs,  c'est- 
à-dire,  comme  il  l'explique,  envers  les  gens  de  lettres,  il  lui 
dit  qu'il  marche  en  cela  sur  les  traces  de  son  père,  Thibaud-le- 
Grand,  dont  les  aumônes  furent  tant  célébrées  pendant  la 
première  moitié  du  XII'"  siècle.  Mais  il  relève  en  lui  un  avantage 
que  son  père  n'avait  pas  eu,  celui  d'avoir  été  instruit  dès  l'en- 
fance dans  les  lettres,  et  d'y  avoir  fait  de  grands  progrès. 
Faisant  l'éloge  de  la  science,  il  montre  combien  elle  est  néces- 
saire aux  princes  pour  se  connaître  eux-mêmes,  et  pour  bien 
conduire  les  autres  Or  Henri  aimait  à  lire  et  à  s'instruire  ;  il 
favorisait  de  tout  son  pouvoir  les  gens  de  lettres,  c'est-à-dire, 
les  clercs  tant  séculiers  que  réguliers,  auxquels  il  faisait  du  bien 
par  préférence  :  et,  comme  les  gens  du  monde  y  trouvaient 
à  redire,  Philippe  lui  prouve  qu'il  ne  saurait  faire  un  meilleur 
usage  de  ses  richesses.  Cette  lettre  est  curieuse  :  il  dit  que, 
de  son  temps,  on  ne  s'appliquait  ni  au  grec  ni  à  l'hébreu  ;  qu'on 
ne  connaissait  de  ces  langues  que  le  nom,  parce  que  la  langue 
latine  réunissait  de  plus  grands  avantages,  et  il  va  jusqu'à 
dire  que,  sans  la  connaissance  du  latin,  on  n'est  qu'un  hébété 
et  un  âne  :  Jla  ut  si  czdlibet  vulgares  linguas  prœsto  sint 
cseterae,  non  latina,  ipsius  pace  dixerim,  hebetudo  eum  teneat 
asinina. 

Les  lettres  18  et  20  sont  écrites  à  Richer.  C'était  un  jeune 
homme  qui  faisait  alors  ses  éludes  à  Paris,  et  dont  on  lui  avait 
dit  beaucoup  de  bien.  La  dix-huitième  lettre  de  Philippe  roule  Ep  18,  p.  87 
sur  les  avantages  de  l'élude,  et  sur  l'obligation  des  clercs  de  '~^- 
s'y  adonner  tout  entiers  ;  mais  il  blâme  ceux  qui  négligent 
l'étude  de  la  religion  ,  pour  ne  s'occuper  que  des  auteurs 
profanes.  «  Ils  croient,  dit-il,  être  fort  habiles,  lorsqu'ils  ont 
recueilli  quelques  passages  dAristote  et  de  Platon,  quelques 
figures  de  Quintilien,  quelques  fleurs  de  Cicéron  ».  On  voit 
par  là  quels  étaient  alors  les  auteurs  qu'on  expliquait  dans  les 
écoles. 

Richer  lui  avait  demandé  un  plan  d'études  ayant  pour  base 
la   religion.   Phihppe   lui    répond  dans    la   vingtième    lettre,      e    20       91 
qu'il   avait   tort  de  s'adresser  à  lui,    parce  qu'il  n'était  pas  à  —  93. 
Tome  XIV.  N  n 

2  0  * 


i>82  PHILIPPE   DE  H  AH  VENG. 

XII  SIECLE,  beaucoup  près  Ici  qu  il  lo  croyait,  el  que  d'ailleurs  ce  jeuno 
éliidianl  était  à  la  source  des  scicnocs,  et  dans  une  ville  oîi  il 
pouvait  trouver  aisément  les  secours  dont  il  avait  besoin.  Il  ne 
désiy;ne  cette  ville  que  par  le  nom  de  Cariath-Sepher  ;  mais  nous 
avons  déjà  vu  qu'il  entend  par-là  la  ville  de  Paris. 

Kp.  19,  p.  88  La  dix-neuvième  lettre  est  écrite  à  Rainald,  évêqne  de  quel- 
"  ^'*  (]ue  ii;rand  siège  dont  le  nom  n  est  pas  exprimé.    On  voit  (pi  il 

était  premier  ministre  de  l'empereur  d  Allemagne,  el  (pi'il  com- 
mandait ses  armées.  A  ces  indices,  on  peut  reconnaître;  l'arche- 
vêque de  Cologne,  Hainald  ou  Hainold,  (pii  lii\l  ce  siège  depuis 
l'an  11. 'iO  jus(pià  ll()7,  sans  cess(M-  dèlre  l'arcliicliancelier  de 
l'cmpercnr,  et  de  conduire  .ses  armées  Ayant  renqiorlè  une 
grande  victoire  (apparemment  sur  les  Milanais),  il  I  avait  an- 
noncée à  Philippe  [lar  une  Ie(lr(>  dans  laquelle  il  en  attri- 
buait à  Dieu  seul  le  succès;  et  |»enl-êlr(;  le  consultait-il  pour 
savoir  s'il  pouvait  allier  le  méli<'r  des  armes  avec  le  caractère 
dont  il  était  revêtu.  Philippe  ne  h;  blAme  pas  de  comman- 
der les  armées,  et  de  passer  sa  vie  dans  Kis  camps;  il  Icxhorle 
seulement  à  user  de  la  victoire  avec  modération,  et  à  ne  faire  la 
guerre  que  par  nécessité,  et  en  vue  d'obtenir  une  paix  hono- 
rable ;  il  lui  recommande  de  se  rappehu-  toujours  (pi'il  est  prêtre 
et  èvêque. 

i'i..  21,  p.  !I5        Enlin   la    vingt-unième   el    deriiieiv    a    pour   souscrinlion  à 

Siipià  II  17(1  ^'"2''«î«»"*-  C-ette  lellre  est  de  lalibè  ilc  r.\umê)ne,  et  non  de 
celui  de  ni)nne-l']spcrance,  comiiu'    nous  lavons  prouvé   autre 

•'■"■'■ 

On  lit   à   la    lin  de  ces  lellres  une;  approbation  de   I  lançois 

Syhius,  doctcHir  de  Loiixain,  ipii  altestt!  i|ue  non-.seuhîmenl 
elks  soni  conl'ormi's  à  la  foi  callioli(pie,  mais  aussi  solidement 
tlorli's.  pleines  d  un(>  grandi  ('riidilion.  On  ne  p(!ut  nier  en 
tllel  (pie  Philippe  ne  lui  1res  sivaril  pour  .son  tiMiips,  ipi'il  n'eiîl 
(le  leriKlilioii.  el  (piil  ne  liii  I !('•.>;- versé  dans  la  leclure  des 
ecnxains  prol.ines  el  e(;cl<'siasli(pies  ;  mais  il  avait  un  slyle 
singulier,  doni  on  trouve  peu  di'xenqjles  dans  le  XII''  siècle. 
Il  aiiiiail  ItillemenI  les  consonnances ,  tpi  il  fait  rim(M-  tous 
ie-^  iiiend)res  de  ses  périodes,  non-seulement  dans  ses  liMtres, 
mais  dans  Ions  .ses  écrits  :  ce  (pii  le  rend  verlu'iix  à  pure 
p(M  le. 
l'iiii.ppi  (ip.  2"  Ses  lettres  sont  suivies  dun  Comnienlaire  sur  le  Can- 
''■  ■'■        tique    des  Canlicjues.  H  l'a  divisé  en  six  livres,  (H  a  mis  à  la 

tête  un  prologue,  dans  leepiel  il  dit  avoir  entrepris  ce!  ou- 
vrage   à    la    sollicilation  de.   quehpies  personnes    auxquelles  il 


PHILIPF'E  DE   HARVENr, .  283 

n'a  pu  persuader  que  ce  travail  clail  beaucoup  au-dessus  de  xn  siècle. 
ses  forces;  (ju'il  existait  d'ailleurs  tant  dex[)lications  de  ce 
cantique  nuptial,  qu'il  n'était  guère  possible  de  dire  quchpie 
chose  de  nouveau.  Cependant  il  rend  compte,  dans  une 
introduction  ou  proème,  du  nouveau  [)oiiit  do  vue  sous  lecpiel 
il  a  (învisagé  ce  canticpic,  bien  supérieur,  selon  lui,  à  toutes 
les  lictiotis  des  poètes,  il  le  regarde  comme  uni^  propliéti'-  de 
l'iiicarnUion  du  verbe  dans  l(^  sein  de  .Marie,  et  ne  voit  dans 
les  [)er^oniiages  de;  l'époux  et  de  lépouse  que  lesus-Clirist 
et  .Marie,  (!t  dans  leurs  entretiens  que  l'ccuvre  de  la  réileiiiption 
des  hommes,  à  la(iaelle  la  mère  de  Dieu  a  eu  tant  de  jiart. 
Lauteur,  dans  ce  commentaire,  est  iné|)ui.sable  en  allégories 
et  sens  mystiques  ;  il  eu  donne  plusi(Mirs  sur  un  même  texte. 
11  avait  commencé  son  travail  avant  les  mauvaises  all'aires  qui 
pendant  deux  ans  alléierenl  le  bonheur  de  sa  vie,  l'I  il  le  con- 
tinua au  milieu  des  [«lus  cruelles  épreuves.  C'est  ce  qu'd  dit  en 
Unissant  .son  ouvrage,  dont  il  fait  hommagi;  à  la  Sainte-Vierge, 
à  la  prolecli(jn  de  laqutilk^  il  altrdiue  1  heureux  dénouement  de 
son  alîairi'. 

3"  L'ouvrage  ([ui   suit  ce  commentaire  a   pour  titre  :  Mora-         n,.^       .^^ 
lités   sur  i.e   Ca>Ui</ue    'tes  Cantiques.    Il    est    divisé   en    sept   -  34*. 
tomes,    et    travaillé    à-peu-près   dans    le   menu;  goût  que    h; 
précédent,    mais    il    contient    plus    il'allégories,    et    des    plus 
singulières.    Nous   ne  croyons   pas   qu'il    .soit    de   notre  abhe  ; 
ce  n'est  pas  toul-à-fail  son  style,  et  I  auteur  dit   dans  le  pro- 
logue (pie  son  nom  e.-^l   renleriué  dans  cini|   lettres     ce  qui  ne 
convient  pas  au  mol  l'hitippe    C  est   [H)urlant  un   preinonirc  . 
car   il   a    choisi    pour   Mécènes   deux    premontrés  comme    hn, 
.Milon,  qui  lut   évêcjue  de  Thérouanne    ou  des    Alorins,   de|iuis 
l'an   1131    jusqu'à    ll.'i'J,    et    Hugues,    abbé    de    l*rém()uli<', 
décédé  l'an  11G1,  (pi'il  appelle  ses  [>ères.   Quant  à  lui,   il    ne. 
prend  que  le  titre  du  plus  peroers  et  du  dernier  des  servileius 
de  Dieu,  ajoutant  (jue  son  nom   est  renfermé    dans  l(>s   cin(j 
premières  lettres  des  cinq  premières  parti(;s  du  premier  lome. 
Nous  avons  essayé  de  faire  celte  combinaison,  et  nous  n'avons 
obtenu   aucun    bon    résultat.    Au   reste,    ceux    qui   aiment  les 
allégories  peuvent  avoir  recours  à  son  livre  ;  il  en  a  mis  par- 
tout.   C'est  vraisemblablement   de   cet  auteur   que   Philippe  a         p^ii.  on 
voulu  parler,  lorsipiii  dit  au  chapitre  49  île  Silentin  dericoruvi,  :''•"'.  f»'-  2. 
qu'un    religieux    de    son    ordre    avait    commencé    un    com- 
mentaire  sur    le    Canti(iue    des     Cantiques,     et    que   s'étant 
trop  pressé  de  le  rendre  public,  il  eut  la  douleur  de  se   voir 

N  n  % 


360. 


284  PHILIPPE   DE  HARVENG. 

XII  SIECLE,  baffoué  lui  et  son  livre,  tani  opus  quàm  opificem  irriserunt -. 
ce  qui  ôla  à  l'auteur  l'envie  de  continuer. 

4"  L'éditeur  a  placé  à  la  suite  quelques  traités  de  Philippe,  en 
réponse  à  autant  de  questions,  qui,  dans  les  conversations,  lui 
avaient  été  proposées  par  ses  confrères. 

ihid.  p.  3i5—  Le  premier  a  pour  titre,  Responsio  de  salule  primi  hominis, 
dans  lequel  il  examine  si  Adam  est  ou  n'est  pas  dans  le  ciel.  11 
traite  ce  sujet  fort  au  long,  mais  il  y  mêle  bien  des  choses  qui 
n'y  ont  guère  de  rapport,  plutôt  dans  le  dessein  d'instruire  ses 
religieux,  que  d'éclaircir  la  question,  Enfln  il  conclut  de  tous  ses 
longs  raisonnemens,  que  le  premier  homme  a  été  sauvé  en  fai- 
sant pénitence  de  son  péché.  Il  dit  qu'Adam  ne  pécha  que  pour 
ne  pas  contrister  sa  femme,  sachant  que  le  serpent  mentait  ; 
mais  qu'il  espérait  se  réconcilier  avec  Dieu  par  la  pénitence. 
11  y  parle  de  l'état  d'innocence,  suivant  le  système  de  saint 
Augustin,  dont  il  emprunte  les  expressions.  11  admet  la 
prédestination  gratuite  avant  la  prévision  des  mérites  :  ce  qu'il 
prouve  par  les  épîtres  de  saint  Paul.  L'ouvrage  est  divisé  en 
vingt-sept  chapitres. 

ihi,i  p  301  -       La  seconde  question  était  de  savoir  si  Salomon  était  damné 
^8s.  ou  s'il  était  sauvé,  Responsio  de  damnatione  Salomonis.  Cet 

ouvrage  est  savant,  écrit  avec  ordre  et  beaucoup  de  méthode. 
L'auteur  commence  par  rapporter  ce  que  dit  à  l'avantage  du 
roi  Salomon  la  sainte  écriture,  et  puis  ce  en  quoi  elle  le 
blùme.  Son  opinion  est  que  Salomon  n'ayant  point  expié  ses 
désordres  par  la  pénitence,  ne  pouvait  être  sauvé.  11  cite  à 
l'appui  de  son  opinion  Origène,  Victorin,  saint  Ambroise, 
saint  Jérôme,  saint  Augustin,  Cassien,  saint  Fulgence,  saint 
Grégoire,  saint  Isidore,  etc.  Car  je  n'ignore  pas,  dit-il,  que 
plusieurs  supportent  impatiemment  qu'on  dise  que  Salomon 
est  mort  impénitent,  et  qu'on  est  plus  porté  à  ajouter  foi 
aux  impertinences  et  aux  fables  que  débitent  les  Juifs,  qu'aux 
témoignages  des  docteurs  de  l'église  ;  et  pour  qu'on  ne  l'ac- 
cuse pas  de   dissimuler  les  autorités  qui  sont  contraires  à  son 

p.  ^(12  cl  se.],  opinion,  il  les  rap[)orte  telles  qu'il  les  avait  trouvées  dans 
des  papiers,  foliola,  oii  l'on  avait  recueilli,  pour  prouver  que 
ce  prince  avait  fait  pénitence,  quelques  passages  des  pères 
qui  favorisent  ce  sentiment.  Philippe  dit  que  l'auteur  de  ce 
recueil  avait  puisé  presque  tout  ce  qu'il  avait  transcrit  dans 
l'ouvrage  d'un  certain  Bacliarius,  et  réfute  pied  à  pied  l'un 
et  lautre,  en  expliquant,  conformément  à  son  opinion,  les 
passages  qui  paraissaient    lui  être   contraires.    Cet    ouvrage 


Ihid   p.  38îi  — 


PHILIPPE   DE  HARVENG.  .285 

prouve  que  noire  auteur  avait  beaucoup  d'érudition  théolo-  xii  siècle. 
gique  et  même  profane  ,  et  qu'il  n'était  pas  dépourvu  de  cri- 
tique. Ce  qu'il  dit  sur  la  manière  d'étudier  et  d'interpréter  p.  asteiso.]. 
l'écriture  est  tout-à-fait  judicieux.  Il  a  cru  qu'Esdras  ,  voulant 
rétablir  de  mémoire  les  livres  saints ,  avait  inventé  de  nou- 
veaux caractères  :  d'oii  vient  qu'aujourd'hui  la  prononciation 
des  lettres  étant  la  même  pour  l'hébreu  et  le  samaritain , 
ces  deux  langues  dififèrent  cependant  pour  la  forme  des 
caractères. 

La  troisième  réponse  a  pour  litre  :  De  Dignitate  clerico- 
rum.  Il  répond  à  la  question  de  savoir  lequel  des  deux  états , 
des  clercs  et  des  moines ,  est  le  plus  relevé  dans  l'église  :  ques- 
tion puérile  qui  se  renouvela,  l'an  1G80,  entre  les  chanoines  ré- 
guliers et  les  bénédictins  ,  relativement  à  la  préséance  aux  états 
de  Bourgogne ,  et  qui  vraisemblablement  ne  se  renouvellera 
plus.  Philippe  a  fait  sur  cela  un  long  ouvrage  divisé  en  cent 
vingt-sept  chapitres  ;  mais  il  n'aborde  la  question  qu'au  cha- 
pitre 78.  Il  prouve  d'abord  ce  qu'on  n'a  pu  lui  contester  ,  que 
les  clercs  sont  plus  anciens  que  les  moines.  Ainsi  tout  ce  qu'il 
dit  roule  sur  une  équivoque  ;  car  on  voit  par  son  ouvrage 
même  que  les  moines  ne  se  croyaient  ni  plus  anciens ,  ni  plus 
relevés  que  les  clercs  ;  mais  ils  contestaient  l'ancienneté  aux 
nouvelles  congrégations  de  chanoines  réguliers  ,  qu'ils  avaient 
vues  naître  aux  Xl*^  et  Xll«  siècles.  Philippe  les  fait  remon- 
ter jusqu'aux  apôtres ,  parce  que  ,  dès  l'origine  du  christia- 
nisme ,  les  apôtres  ,  comme  on  n'eu  peut  disconvenir  ,  avaient 
établi  à  Jérusalem  la  communauté  de  biens ,  et  la  vie  com- 
mune non-seulement  entre  les  clercs ,  mais  entre  tous  les 
fidèles.  C'était  le  prendre  de  bien  haut  :  il  eût  été  plus  juste  de 
dire  que  c'est  sur  le  modèle  de  l'église  de  Jérusalem  que  furent 
établis  les  chanoines  réguliers  ,  et  les  moines  aussi ,  les  uns  plus 
tôt ,   les  autres  plus  tard. 

Parvenu  au  chapitre  103,  l'auteur  dit  qu'il  aurait  pu  ter- 
miner là  sa  réponse  à  la  question  sur  la  dignité  des  clercs  , 
si  un  traité  que  venait  de  publier  un  certain  moine  ,  ne  l'obli- 
geait à  la  prolonger.  H  ne  connaît ,  dit-il ,  ce  moine  que  de 
nom  ;  mais  il  ne  le  nomme  pas  et  son  ouvrage  n'est  pas  par- 
venu jusqu'à  nous.  C'était  la  relation  d'une  dispute  qui  s'était 
élevée  entre  un  bénédictin  et  un  clerc,  qui  était  sans  doute 
un  prémontré;  car  Philippe  dit  qu'il  le  connaissait  parfaite- 
ment ,  que  -ce  clerc  avait  beaucoup  étudié  les  auteurs  pro- 
fanes ,  et  que  ,  s  il  eût  été  question  de  Porphyre  ou  d'Aristote, 


p.   JtiO  cl    scq. 


286  PHILIPPE  DE  MAKVENG. 

XII  SIECLE,  il  n'eût  pas  cédé  la  palme  ;m  moine  ;  mais  <[u  en  fait  d  (mii- 
dition  ecclésiastique  ,  il  s'en  éluil  rapporté  à  la  décision  des 
maîtres  de  Laon.  Il  pa?-aît  que  la  d('ci>ioti  lut  en  faveur  du 
moine  ,  qui  avait  défendu  sa  cause  par  des  passaLM's  hien  elioisis 
dans  les  lettres  de  saint  Jérôme.  Son  mémoire  ayant  été  rendu 
public,  Pliilip[)e  entreprit  de  le  réfutei  ,  dans  la  crainte  .piil 
ne  fît  impression  sur  quelqu'un  di;  ses  confrères  :  et  cest  à 
(juoi  il  consacra  le  reste  de  sa  réponse  ;  mais  sa  relutatioii 
manque  souvent  de  justesse.  Le  plus  fort  ai.i,'ument  du  moine 
|)Our  mettre  son  état  au-dessus  de  celui  des  clercs  portail  sur  ce 
(]u'il  était  moine  et  clerc  en  même  tenqis.  Pliilippe  lui  (ou 
leste  celte  dernière  qualité,  en  la  prenant  dans  toute  la  rii^uein 
du  terme  :  ce  qui  prouve  qu  ils  disputaient  sans  seii- 
tendrc.  Au  reste  ,  on  trouve  dans  cet  écrit  des  traits  as.si-/ 
curieux  sur  les  clercs  el  les  moines  de  ce  tenips-la.  En 
voici  quelques-uns  (jue  nous  pouvons  indiquer  sans  incon- 
vénient, 
c.,,,.  11.  11  est  porté  à  croire  (pie  I  ori;^'iiie   du  nom    ih  clerc  vient  de 

ee  que   les   apôtres  élurent    par    le   sort   saint    Matliias  et  les 
autres  ministres.    Il  se   plaint  (jue   lii^norance    des   ecclésias- 
li(iucs  était  si  profonde  ,  ([ue   la  i)lus  grande   partie  était  inca 
paille  d'instruire   les     peuples    confiés    à    leurs    soins  ;    (juils 
,.,,  ,-  n  entraient  dans   le   cler-é  (pie  pour   vivre  i)lus  à   leur  aise; 

(|u'ils  avilissaient  l(î  cor|)s  du  Seigneur  en   le  vendant  pour  une 
inodi(|ue   rétribution    :    ce  (|ui  suppose  ipion    en    donnait   dès 
lors  pour  les  messes.    Philippe   montre  par-tout    un  t^rand  /.èle 
contre  les  vices  du  cleryé,  et  pour  la  dignité  de  son   ordre 
(:.|'   m.  4s.      Mais,   ce  ipi'on  ne  peut  lui  passer,  c'est  (ju  il  ait  dit    (\w     les 
clercs  .sont  exempts  de    payer   le   tribut  à  César  ,   parce  que 
le  caractère  dont  ils  sont  revrtus  leur  défend   de  se  mêler  d;.i 
faires   temporelles  ,    cl    (puis  soni  ou  doivent  être  [>lus  jiai  - 
^;., ,  ,;;  lalls  (juc  Ics  laïcs.   Il  trouve  ("on  mauvais  (pie  les  prêtres  grec>; 

lus.sent  mariés ,   et   il  semble  vouloir  en  douter  :  tant  on  était 
peu  informé  alors,  du  moins  en  France,  des  usages  de   l'église 
grec(iuc. 
'Ja;..  '.!'J.  Il    explique    fort    au    long  pouiipioi   oii    donnait  le    nom   de 

rlayc  à  tU'>  laïcs  peu  instruits,  et  même  à  des  femmes, 
et  sur-tout  aii\  religieuses  siui  sa[)plii|uaient  au.x  sc;enc(!S. 
On  d(>vrait  les  appeler  ,  dit-il,  f'ona  derica,  et  non  pas  bomts 
c/rriciis  ;  mais  l'usage  contraire  a  [irévalu.  (Cependant  il  --oii- 
lient(|ue  les  iiinnies,  (|uou|iie  élevés  à  la  déricalure  ,  (pioi(pié 
ruilivaiit    les  lellies  plus  ([ue  tous   les   autres,   ne  doivent  pas 


Ml 

SIECLE. 

C»,.. 

9(;. 

0,.,.. 

111. 

PIIILIPI'E    I)K  ilAHVENG.  287 

('^Iro  appelés  clercs,  el  ipie,  s  ils  le  soiU  dans  quelques  opus- 
ciiliîs  clos  pères,  ce  n'esl  (priin|)iopiriiienl.  Philippe  n'a  pas 
toujours  t;ar(lé  à  leur  vj^uvA  \.\  pr()iiu'.>i.'e  (pi'il  avait  faite  de 
ne  lien  dire  qui  put  oll'enser  pcrsotuie.  il  aurait  pu  les  ap- 
peler grex  monachorum  ;  il  a  mieux  aimé  iWvc  pecus  mona- 
cho?-um.  Il  leur  reproche,  non  pas  de  fréquenter  les  tournois, 
mais  d'y  all(n-  à  cheval  ;  et  il  les  |)laisante  sur  celte  monture, 
tandis  (ju'ils  (levaient,  dit-il,  aller  à  pied.  Il  faut  dire  aux  che- 
valiers tenaiis  aux(piels  il  arrivait  quelque  mésaventure,  que 
I-  était  la  rencontnî  des  moines  qui  leur  avait  porté  malheur. 
On  voit  i)ar  ces  traits  combien  les  anciens  moines  et  leurs 
iichcsses  étaient  jalousées  |)ar  les  clercs  ou  chanoines  de 
nouvelle  institution  Ilarveng  a  fait  paraître  en  plus  d'un 
endroit  «pi  d  était  atteint  de  cette  maladie.  Voyez  les  cha- 
pitres 8;i,  86,  et  1)4.  Il  ne  l'ail  l'éloge  que  des  prémonlrés  cl  i'j\,.  in. 
des  cisterciens,  autres  délraclcurs  des  moines  aussi  nouveaux  '"'*'  '^' 
([u'enx  ;  il  veut  cependant  qu  on  vive  en  paix  avec  tout  le 
monde. 

Dans  la  réponse  à  la  question  sur  la  dij^nité  des  clercs, 
(|ui  i!st  sans  contredit  son  meilleur  ouvrage,  IMiilippe  avuil 
loni;uemenl  disserté  sur  leuis  |irincipales  obligations,  qui 
les  rendent  vraiment  recommandables  ;  sur  la  science  dont 
ils  doiv'Mit  être  pourvus;  sur  la  justice  qui  leur  csl  propre, 
quil  l'ail  con.iister  dans  le  délachemenl  parfait  des  biens  de 
ce  monde  ,  sur  la  continence  «pii  les  oblige  à  veillei'  sans 
cesse  sur  eux  pour  cxcMcer  dignement  les  fonctions  de  leur 
ministère.  Il  avait  interrompu  ce  cours  d  instructions  pour 
réfuter  les  |)rétentions  des  moines:  il  le  reprit  ensuite,  parce 
(pi'il  n'avait  encore  rien  dit  sur  le  devoir  de  lobéis.sance,  et 
sur  la  nécessité  de  la  retraite  et  du  silence.  C'est  ce  qui  fait 
le  .siijel  de  deux  nouselles  réponses,  qu'on  a  placées  à  la  suite 
des  autres. 

On  lui  avait  demande  en  quoi  consistait  la  vertu  d'obéis-  ""''■  i'  '***•'  ' 
sauce,  sil  laul  la  pralupier  en  tout  sans  exception,  el  s  il  n  y 
a  pas  des  cas  oii  celle  obligation  cesse.  Cette  (juestion  csl 
belle  el  inq)ortante  ;  mais  l'auteur  la  trailéo  à  sa  manière, 
cesl-à-dire,  avec  une  abondance  fastidieuse,  tellement  (|ue, 
sur  (juaranle-quatre  clia|)itres  dont  louvrage  est  composé,  il 
n'y  en  a  guère  plus  de  trois  (jui  répondent  à  la  question  :  le 
reste  est  une  longue  paraphrase  sur  la  désobéissance  d'Adam 
el  sur  l'obéissance  d'Abraham.  C'élail  le  goût  des  écrivains 
du  Xllc  siècle,  de  prouver  jiar  l'écriture  sainte  les  vérités  les 


ibid.  p.  r.{i  - 
(iiii. 


288  PHILIPPE    DE    HARVENG 

XII  SIECLE.  plus  communes,  ce  qui  les  mettait  dans  la  nécessité  de  saisir  les 
allégories  les  plus  forcées,  d'accumuler  tant  bien  que  mal  les 
exemples  et  les  citations.  C'est  ce  qu'a  fait  dans  tous  ses  ouvrages, 
et  particulièrement  dans  celui-ci,  l'abbé  de  Bonne-Espérance. 
Il  pouvait,  sans  tout  cet  échafaudage,  établir,  comme  il  l'a  fait, 
que  de  l'obéissance  dépendent  le  bon  ordre  et  la  tranquillité 
publique,  et  que  sans  elle  le  désordre  et  la  confusion  régne- 
raient dans  tous  les  états.  Ce  qu'il  dit  sur  l'obéissance  à  laquelle 
on  s'oblige  dans  les  monastères,  touchant  l'observation  des 
règles,  et  le  pouvoir  qu'ont  les  supérieurs  d'accorder  des  dis- 
penses, est  très-sensé  et  très-conforme  au  dogme  et  à  la  morale  ; 
mais  il  ne  fallait  pas  noyer  ces  vérités  simples  dans  un  déluge  de 
paroles. 

Le  même  inconvénient  règne  dans  la  réponse  sur  le  silence 
des  clercs.  Il  se  propose  d'examiner  en  quoi  consiste  ce 
silence,  à  qui  est  l'obligation  de  le  garder,  quand  et  pour- 
quoi, quod,  quitus,  qiiando,  quare  silentium  sit  tenendum. 
Tel  est  l'objet  de  sa  réponse,  qu'il  a  divisée  en  cent  dix- sept 
chapitres,  et  encore  n'est-elle  pas  entière,  le  manuscrit  sur 
lequel  l'éditeur  l'a  publiée  étant  imparfait  et  mutilé  à  la  fin. 
Il  y  a  d'excellentes  choses  dans  ce  traité  ;  l'auteur  a  recueilli  tous 
les  passages  de  l'Écriture  sainte  qui  ont  trait  aux  maux  et 
aux  biens  qu'a  produits  le  bon  ou  le  mauvais  usage  de  la 
langue.  Il  y  parle  sur-tout  de  l'utilité  et  de  la  nécessité  du 
silence  dans  les  cloîtres ,  pour  le  maintien  de  la  régularité, 
et  pour  prévenir  les  dissentions  que  des  paroles  inconsidérées 
font  naître  trop  souvent.  Mais  il  traite  tant  de  questions  inci- 
dentes, qu'il  fait  perdre  de  vue  son  objet.  Parmi  tant  de  digres- 
sions, nous  indiquerons  comme  ayant  trait  à  1  histoire  littéraire, 
celle  qu'il  a  faite  sur  l'origine  des  lettres  chez  les  peuples 
anciens. 

Cap  .t!5.  Il  a  cru  qu'Enoch,  descendant  d'Adam  au  septième  degré,  fut 

le  premier  inventeur  de  l'art  décrire,  parce  que  l'apôtre  saint 
Jude  le  cite  comme  prophète,  quoique  son  livre  n'ait  pas  été  mis 
dans  le  canon  des  Écritures.  Après  la  confusion  des  langues, 
l'ancien  langage  se  perpétua,  dit-il,  dans  la  famille  d'Héber,  ce 
qui  lui  a  fait  donner  le  nom  d'hébraïque. 

(.     ^g  Chez  les  Égyptiens,   lo  ou  Isis,  fille  de  Phoronée,  sentant  la 

nécessité  de  pouvoir  communiquer  sa  pensée  aux  absens,  inventa 
les  hiéroglyphes  :  et  voilà  pourquoi  elle  est  représentée  avec  le 
doigt  sur  les  lèvres,  pour  signifier  qu'on  peut  se  faire  entendre 
sans  parler. 


PHILIPPE    DE    H\RVENG.  289 

Long-temps  après  Isis,  les  Phéniciens  voulurent  aussi  avoir     xii  siècle. 


des  caractères  à  eux.  Cet  alphabet  n  avait  encore  que  dix-sept  Cap.  48. 
lettres  lorsque  Cadmus  le  porta  en  Grèce  ;  et  c'est  par  recon- 
naissance que  les  Grecs  ont  introduit  l'usage  de  mettre  à  la  tête 
des  livres  une  lettre  rouge. 

Des  Grecs,  l'alphabet  de  Cadmus,  perfectionné,  passa  aux  Cap. 49. 
Romains  par  le  bienfait  de  la  nymphe  Nicostrata,  surnommée 
Carmentis,  parce  qu'elle  se  mêlait  de  prédire  l'avenir.  U  faut 
lire  cet  auteur  pour  se  convaincre  que  l'antiquité  n'était  pas  un 
livre  lout-à-fait  fermé  pour  les  écrivains  de  son  temps,  qui, 
comme  il  ledit,  n'étudiaient  guère  que  l'Écriture  sainte,  ou  ce 
qui  avait  rapport  à  la  religion. 

5°  Ces  traités  ou  réponses  sont  suivis  de  quelques  vies  de 
saints,  dont  la  plupart  ne  sont  que  retouchées,  d'autres  môme 
ne  sont  pas  de  hii. 

La  première  est  celle  de  saint  Augustin    11  a  mis  à  la  tête     «"'■  p-  "S* — 
un  prologue  dans  lequel  on   voit   qu'il   entreprit  cet  ouvrage  '"  ' 
à   la  prière  de    ses  confrères,   qui,  pleins   d'amour  pour  leur 
instituteur,   désiraient  avoir  sa  vie  en   abrégé.   Il  assure  n'y 
avoir  rien  mis  de  son  invention,   ni   avoir   rien  exagéré  par 
une  vaine  complaisance  ;  car  ce  saint  si   parfait,   ami   de  la 
vérité,  n'ambitionne  pas,  dit-il,  d'être  honoré  par  de  fausses 
louanges.   «  Ce  que  j'écris  se  trouve  ailleurs,   sinon  dans   les 
mômes  termes,   néanmoins  dans  le  même  sens,   et  là  peut-être 
beaucoup  mieux,    mais  ici   plus  brièvement   »  Il  l'a   pourtant 
remplie  d'allégories  et  de   réflexions  morales,  qui  ne  servent 
qu'à  allonger  un  ouvrage  qu'il  voulait  rendre  plus  court.  Il  y  a 
ajouté  l'histoire  de  la  translation  des  reliques  de  saint  Augustin, 
de  Sardaigne  à  Pavie  ;  mais  il  avoue  qu'il  n'a  pu  rien  trouver  de 
celle  d'Afrique  en  Sarda'gne. 

La  vie  suivante  de  saint  Amand,  évoque  de  Maëstricht,  ibid.^.ivn- 
ainsi  que  Ihisloire  du  martyre  de  saint  Cyr  et  sainte  Julite, 
qui  vient  après,  ne  sont  pas  l'ouvrage  de  l'abbé  de  Bonne- 
Espérance.  On  a  eu  d'autant  plus  de  tort  de  les  lui  attribuer, 
qu'elles  ne  sont  nullement  dans  son  style,  et  qu'elles  portent 
le  nom  de  Philippe  de  1  Aumône,  auquel  nous  les  avons 
restituées. 

Mais  on  ne  peut  lui   contester  la  quatrième,  qui  contient     wj.  p.  732 - 
l'histoire  du  martyre  de  saint   Sauve  :  elle  est  dans  son  style,  "''• 
et  de  plus  il  se  dit  auteur  de  la  vie  de  saint  Augustin,  qu'on 
ne  lui  conteste  pas.   Il  l'adresse  au  vénérable  Hugues,  prieur 
de  l'église  do  Saint-Sauve,    et  il  s'y  qualifie  d'humble  prieur 
Tome  XIV.  Oo 


•290  PHILIPPE    DE    HARVENG. 

XII  SIECLE,  (jg  Bonne-Espérance.  Ce  prieur  de  Saint-Sauve  est  mort, 
suivant  d'Oulreman,  dans  son  histoire  de  Valenciennes,  vers 
fan  1146.  Cela  supposé,  Philippe  a  dû  écrire  cette  histoire 
vers  l'an  1144  ou  1 1 45  au  plus  tard.  Mais  en  quelque  temps 
qu'il  l'ait  écrite,  elle  n'en  est  pas  meilleure  ;  il  n'a  fait  que 
retoucher  l'ancienne  vie  qui  avait  été  écrite  au  WU"  siècle. 
On  peut  voir  le  jugement  qu'on  a  porté  de  celle-ci  au 
tome  V  de  cette  histoire,  et  celui  des  bollandistes  au  26  juin, 
page  196. 

/6irf.  p.  7S9  -  Cette  légende  est  suivie  de  celle  de  saint  Foillan,  martyr. 
766.  C'est  une  traduction    en    prose    d'une    vie   du    môme    saint, 

écrite  en  vers,  dont  l'auteur  se  fait  connaître  dans  les  vers 
suivans  : 

His  ita  iiUerulis  libef  insinuare  noiatis, 

Veraci  specie  quo  nomine  censear   ipse. 

Si  primos  apices  ex  partibus  ocio  retractes, 

Add.  Mati.  Molanus,  qui  avait  sous  les  yeux  ce  poëme,  a  trouvé,  par  la 
Rom.  p.  15  .       combinaison  des  lettres  indiquées,  que  le  nom  de  l'auteur  était 
Hillin.   Philippe  le  mit  en  prose  à  la  prière  de  ses  confrères  du 
monastère   de    Saint-Foillan  ,  dans    le  Hainaul.   Il  n'est   pas 
douteux  qu'il  ne  soit  auteur  de  la  prose  ;  on  ne  peut  y  mécon- 
Baiii.  31  oct.  naître  son  style.  Mais,  au  jugement  de  Baillet,  le  fond  de  l'his- 
cnt.  n.  2.  jQjj,g  ^^  ggj  mauvais  ;   le    commencement  n'est  qu'une    fable 

insipide  ;  il  n'y  a  de  bon  que  ce  qui  est  emprunté  des  vies  de 
saint  Fursi  et  de  sainte  Gertrude. 
Phii.  op.  p.      La  vie  de  saint  Guilain,   fondateur  du  célèbre  monastère 
767-773.  qui  porte   son   nom,   près   de    Mons,    en  Hainaut,   est  encore 

t.  II*  p.  788.       son  ouvrage.    D.  Mabillon  fait  mention  de  plusieurs  vies  de 
ce  saint,  écrites  tant  en  prose  qu'en  vers  ;  mais  il  a  jugé  à 
propos  de  n'en  imprimer  qu'une,  et  ce  n'est  pas  celle  de  Phi- 
lippe. Il  paraît  que  celui-ci  les  aura  mises  toutes  à  contribution 
Btiii.  9  cet.  pour  composer  la  sienne  :  cependant,  s'il  faut  en  croire  Baillet, 
cru.  n.    .  jj  j^  beaucoup  renchéri  sur  les  fictions  des  précédentes,  dont  il 

a  été  parlé  dans  notre  histoire,  tome  VI,  page  86;  tome  "VII, 
p.  338. 
ît'uTt?»  "'*  ^  ^^  ^'®  ^^  ^^^'^'^  Landelin,  abbé  de  Crépin.  Philippe  s'est 
servi,  pour  la  composition  de  cet  ouvrage,  de  deux  vies  du 
même  saint  plus  anciennes,  qui  ont  été  publiées  par  Mabillon, 
et  par  les  bollandistes,  au  15  juin.  Comme  on  a  déjà  rendu 
Hisi.  Liii^r   compte  de  celles-ci  dans  notre  histoire,  il   suffira  de  dire  que 

l.  IV,  p.  70  et  71.      ,      ^.  ,      .  _,  .,.  .    ,  ,.,  ,        , 

c est  dans  ces  écrits  que  Philippe  a  puisé  ce  qu  il  y  a  de  plus 


p 

HILIPPE    DE    HARVENG.  291 

avéré  sur  la  vie  du  saint,  et  qu'il  n'a  fait  qu'y  ajouter  des  ré-     xn  siècle. 
flexions  morales.  Aussi  les  hagiographes  n'ont  fait  aucun  usage 
de  son  travail. 

Il  n'est  vraiment  auteur  original  que  dans  la  vie  de  la  véné-        Pbii.  op.  p. 
rable  Ode,  vierge  qui  mourut   le   20    avril,  jour  de  Pâques  ''^~'*'- 
1158,    et  fut    enterrée  le  lendemain   dans  l'église  de  Bonne- 
Espérance.     La    vie    d'une   sainte     fille   ne    pouvant    four- 
nir à  l'historien  de  grands   événemens,    Philippe   l'a  remplie 
de  lieux    communs  et  de  pieuses  réflexions.  On  y  rencontre 
cependant  quelques  traits  dont  un  historien    peut    faire    son 
profit.    Il  est  dit,  par  exemple,  que  Grégoire,    abbé  d'Aine, 
fit  la  cérémonie    des  obsèques.  Cet   abbé    Grégoire  n'a  pas 
été  connu   des    auteurs  du   nouveau    Gallia    christiana  :   ils 
auraient  dû   le  placer   entre    les  abbés   Francon    et  Gérard. 
Philippe  ajoute  qu'il  était  présent  à  la   cérémonie  avec  l'abbé 
Odon,    son  prédécesseur.    II  est  clair  par-là   qu'Odon  s'était 
démis  en  faveur  de  Philippe  avant  l'an   1158;  et  que  c'est  à 
tort  qu'il  est  dit  dans  la  bibliothèque  de  Prémontré,   qu'Odon 
mourut  le  l*^""  février  1 156.    Ce  n'est  peut-être    qu'une  faute 
d'impression,    1156   pour    1159.    Les  continuateurs   de  Bol-     n  n  20 
landus  ont  publié  de  nouveau  cette  vie  avec  un  commentaire  p,  77ï— 780. 
et  des  notes. 

C'est  à  tort  qu'on  a  attribué  à  l'abbé  de  Bonne-Espérance        Phii.  op.  p. 
la  vie  de  sainte  Waldelrude  ou  Vaudru,  abbesse  de  Mons,  en  I^?/  „^^^*..   — 

.  '  Boll.  9  opril.    p. 

Hamaul.  Elle  n  est  poml  dans  son  style,  el  elle  porte   le  nom  837-8tl. 
de  Philippe,  abbé  de    l'Aumône.   Nous  ne   croyons    pourtant         *'■''•  a='»' 
pas  qu'elle  soit  de  ce  dernier.   C'est  l'ouvrage  d'un  auteur  du  g^g  '  ^'      '  ~ 
VIII*  siècle,  comme  il  a  été  dit  au  tome  IV  de  cette  histoire, 
pages  45  et  46. 

60  Ses  poésies.  Avec  le  goût  qu'avait  Philippe  Harveng 
pour  les  rimes  et  les  consonnances,  dont  il  a  fait  un  si  grand 
abus  dans  sa  prose,  il  ne  serait  pas  étonnant  qu'il  eût  laissé 
quelques  vers  de  sa  composition.  Cependant,  de  toutes  les 
pièces  de  vers  qu'on  a  imprimées  sous  son  nom,  il  n'y  en 
a  aucune  qu'on  ne  puisse  lui  contester.  Examinons  les  en 
détail. 

La  première  est  l'histoire  du  martyre  de  sainte  Agnès.  Cette        phii.  op.  p. 
pièce  de  poésie  appartient  à   Hildebert,    archevêque   de  Tours,  796,798. 
comme  on  l'a  dit  à  son  article.  t.  xi,  p  578. 

Les    deux    suivantes,  sur  la   destruction  de   Rome,    sont  PWi.  op.  p.  798. 
aussi  du   même  prélat,     et  se    trouvent    parmi    ses  poésies, 
col.   1334  et  seq. 

Oo2 


et  leq. 


292  PHILIPPE     DEHARVENG. 

XII  SIECLE.  La  quatrième,  qui  est  un  plaidoyer  entre  un  naari  et  sa  femme, 
vu.  p.  799,  ne  se  trouve  pas  parmi  les  œuvres  d'Hildebert,  mais  elle  est 
dans  le  goût  de  plusieurs  de  ses  poésies,  et  on  pourrait  la  lui 
attribuer  à  meilleur  droit  qu'à  notre  abbé.  Elle  commence 
ainsi  : 

Rarius  in  terris  n'iMl  esi  quàm  famina  recti 
Conscia,  fida  viro,  quam  nota  nulla  notât. 

ibid.  p.  800.  La  cinquième  est  un  éloge  de  Samson,  archevêque  de  Reims. 
Elle  se  trouve  parmi  les  poésies  d'Hildebert,  col.  1316,  beau- 
coup plus  ample  qu'elle  n'est  ici,  ou  elle  n'a  que  dix  vers. 
Elle  ne  peut  être  d'Hildebert,  qui,  étant  mort  l'an  1134,  n'a 
pu  faire  l'éloge  de  Samson,  nommé  archevêque  de  Reims, 
l'an  1140. 

ibiâ.  p.  -JOl.  La  sixième  est  l'épitaphedu  pape  Urbain  H.  Elle  est  de  Pierre 
de  Léon,  chez  qui  mourut  ce  pontife.  Oit  l'a  donnée  sous  son 
nom,  à  l'article  de  ce  pape,  tome  VIII  de  celte  histoire,  page 
531 .  Casimir  Oudin,  suivi  par  D.  Ceillier,  pense  que  c'est  l'épi- 
taphe  d'Urbain  III,  et  prolonge  la  vie  de  Philippe  Harveng  au- 
delà  de  l'année  1 187,  qui  est  celle  de  la  mort  de  ce  pape.  Mais 
peut-on  appliquer  à  un  autre  qu'à  Urbain  II  ces  vers  qui  ont 
trait  à  la  première  croisade  ; 

Ecce per  Aune  urbs  mficlapatel,  lexnos'ra  Ir'mmphat  ; 
Génies  snnl  vicia,  crescil  in  orùejide/^. 

D'ailleurs  l'abbé  de  Bonne-Espérance  n'est  pas  plus  l'auteur 
de  ces  vers  que  de  tant  daulres  qu'on  a  publiés  sous  son 
nom. 

Ibid.  p.  801.  La  septième  est  l'épitaphc  d'Ives  de  Chartres,  en  huit  vers 
élégiaques.  Les  auteurs  du  Gallia  christiana,  t.  X,  col.  1132, 
l'ont  donnée  sous  le  nom  de  notre  abbé,  mais  rien  ne  prouve 
qu'elle  soit  de  lui. 

Ibid.  p.  801.  La  huitième  est  l'épitaphe  d'un  archevêque  de  Sens,  qui  n'est 

pas  nommé.  On  ne  voit  pas  ce  qui  aurait  porté  notre  abbé  à 
faire  l'épitaphe  d'un  archevêque  de  Sens,  non  plus  que  celle 
d  Ives  de  Chartres.  Elle  est  la  même,  à  quelques  petits  change- 
mens  près,  que  celle  que  Guillaume  de  Malmesbury  rapporte 
comme  faite  pour  Pierre,  évêque  de  Poitiers.  De  Gestis  regum 
Angl.  lih.  F,  p.  171. 
luid.  p.  801.  La  neuvième  est  l'épitaphe  d'Anselme,  professeur  à  Laon, 
"•'•  ^*  et  non  de  saint  Anselme,  archevêque  de  Cantorbéri,  comme 


PHILIPPE   DE   HARVENG.  293 

l'a  cru  l'éditeur.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  la  mort  du  person-  xn  sjecle 
nage  y  est  marquée  au  15  de  juillet,  et  saint  Anselme  est  mort 
le  21  avril.  Elle  est  imprimée  parmi  les  poésies  d'Hildebert, 
col.  1321 ,  mais  l'éditeur  s'est  trompé  en  lui  donnant  pour  objet 
Ansel,  chanoine  de  Paris,  mort  à  Jérusalem,  chantre  du  Saint- 
Sépulcre. 

La  dixième  est  l'épi taphe  de  Sénèque,  qu'on  représente  lud.  p.  soi, 
comme  un  sage  parfaitement  détaché  des  biens  de  la  terre,  <="'■  2- 
et  qu'on  place  dans  le  ciel  :  ce  qui  ne  peut  convenir  à 
Sénèque,  payen,  à  moins  que  l'auteur  n'ait  fondé  son  opi- 
nion sur  les  lettres  apocryphes  de  Sénèque  à  saint  Paul,  et 
de  saint  Paul  à  Sénèque.  Elle  est  parmi  les  poésies  d'Hildebert, 
col.  1369. 

La    onzième    est    l'épitaphc    de    maître   Guillauaie.    C'est       ibid.  p    80i, 
Guillaume  de  Couches,  célèbre  philosophe.   On  l'a  rapportée  '^°'-  ^• 
au  tome  XII  de  cette  histoire,    comme  étant   de    l'abbé    de 
Bonne-Espérance.  Nous  ne  voudrions  pas  garantir  ce  juge- 
ment. 

Nous  lui  accorderions  plutôt  la  douzième,  qui  est  celle  de       ibn.  p.  soi, 
Pierre  Abélard,  à  cause  des  consonnances.  En  voici  le  début  :  '^°^-  ^ 

Lucifer  occnbiiit,  stclLe  radiale  mi?iores, 
CiiJKS  vos  radius  hebelahat  lit  inferiores,  etc. 

La  treizième  est  celle  de  maître  Lanfranc.  Dacheri  et  Ma-        z,,,^  ,,,  goa. 
billon  n'ont  pas  fait  difTicullé  de  l'attribuer  à  labbé  de  Bonne - 
Espérance   Mais  on  peut  dire  que  ces  savans  n'ont  point  exa- 
miné ce  point  de  critique. 

Si  la  quatorzième,  qui  est  des  rois^  de  Jérusalem,  Godefroi        ""«i-  p-  8(K. 
de  Bouillon   et    Baudoin  son  frère,   est   son  ouvrage,  il   faut 
convenir  qu'il  s'est  avisé  un  peu  tard  de  leur  faire  une  épi- 
taphe. 

La  quinzième  pièce,  qui  est  l'épitaphc  d'Henri  I,  roi  d'Angle-        ib,d.  p.  802. 
terre,  appartient  à  Hildebert,  cl  se  trouve  parmi  ses  poésies, 
col.  13G7. 

La  seizième  a  été  faite  pour  un  doyen  de  l'église  d'Orléans.         /^,.^      ggg 
C'est  Jean  surnommé  de  Catena,  qui  fut  assassiné  l'an  1167.  coi.  2. 
Mais  elle   appartient   plutôt  à    quelque   Orléanais   qu'à   notre 
Philippe.  La  preuve,  en  est  dans  les  deux  derniers  vers  : 


Mors  patriœ,  mors  illafuit  quœ  sustulit  illttm. 
In  cuj'us  casu  patria  to^a  cadit. 
2   1 


294  PHILIPPE   DE    HARVENG. 

XII  SIECLE.         La  dix-septième  est  i'épitaphe  de  saint  Bernard,  commençant 
im.  p.  802,  par  ce  vers  : 

fol.  2. 

Clara:  sunt  valks,  sed  claris  valUbiis  allas 
Clarior,  etc. 

Il  n'y  a  guère  apparence  que  ces  vers  soient  de  l'abbé  de  Bonne- 
Espérance,   qui  n'avait  point  assez  à  se  louer  du  saint  pour 
chanter  ses  louanges. 
ihid.  p    802,       ^^  dix-huilième  pièce,  de  six  vers  élégiaques,  a  pour  titre  : 
col.  2.  Compar^atio    de    incarnatione    Domini.    Les  quatre    premiers 

vers  se  trouvent  mol  à  mot  parmi  les  poésies  d'Ilildehcrt, 
page  133î!,  dans  une  pièce  qui  a  pour  litre  :  De  partu  Vir- 
ginis. 
1,1,(1.  p.  805.  L^  dix-neuvième,  en  quatre  vers,  traite  de  Muneribus  Ma- 
gorum.  La  vingtième,  qui  est  une  explication  allégorique  des 
mêmes  présens,  se  trouve  aussi  liiléralomenl  parmi  les  poésies 
dllildeberl,  page  133G. 

Les  deux  suivantes  uni  pour  lilrc  :  De  triplici  domo  justorum, 
tbid.  p.  8or>.  De  bnplici  domo  hohiumm.  Elles  sont  parnu  k-s  œuvres  d'iiil- 

dcberl,  aux  pages  13 10,  I3;j3. 
Mid.  p.  8ir.,       La  vingl-lroisicme  esl  intitulée  :  De  rolà  Fortv.na;.  Elle  n'est 
<■•'•  ^-  pas  dans  llildel)ert  ;  mais  elle  n  est  pas  non  plus  de  notre  abbé, 

qui. ne  pouvait  souffrir  (ju  un  clnélien  se  servît  du  terme  de 
l'orlune. 
iiii    p.  803,       La  vinL'l-qualrième,  qui  a  pour  titre  :  Quôd parhm  valent  aries 
'"'   •'•  sine  pecunià,  le  savoir  sans  la  richesse  donne  peu  de  crédit, 

esl  encore   dans    llildcbert,  col.    1333,  sans   autre    titre    (jue 
celui-ci  :  Ad  Odonein. 
ihd.  y  80i.        La    vingl-cin(iuicmo  ,     intitulée    :    De  Malà  fœminà ,   n'est 
qu'un  l'ragiuenl  dum;  pu;ce  i)lus  étendue  dans  llildeberl,  page 
1354. 
;tid.  p.  8o{.       La  vingl-sixième,   de  Diciie  cupiente   et    Paupere    avaro, 
n'a    que  quatre  vers  élégiaques,   qui  sont   pris  presque  mol 
pour  mol   des    sept  vers    hexamètres   d'Hildebert,   contenant 
les  maximes  des  sept  sages,  senlenlix  seplem  sapientum,  à  la 
page  1336. 
iiid.  p.  80i.       La  vingt-septième  a  pour  litre  ;  Deore,  visu  et  mente.  On  ue 

comprend  pas  trop  ce  qu'il  a  voulu  dire. 
Wid    )  80i        Enfin   toutes  ces   poésies    sont   terminées    par    des    logo- 
.r.i.  2.  gryphes  et  des  énigmes.   Les  trente-un  premiers  sont  expri- 

més par  autant  de  distiques;  les  trois  derniers  par  des  sixains. 


ROTROU,   ARCIIEVKQUE  Di:  ROUEN.  295 

Ceux  qui  seront  curieux  de  les  deviner  les  trouveront  à  la  page      ''*^"  siKCi.n: 
804. 

On  ne  peut  nier  que  Philippe  n'eût  beaucoup  d'érudition.  Il 
connaissait  les  auteurs  profanes,  orateurs  et  poètes,  qu'il  cite 
fréquemment  dans  ses  écrits;  mais  il  avait  des  connaissances 
encore  plus  étendues  surles  matières  de  religion.  On  a  vu  qu'on 
le  consultait  sur  des  questions  théologiques,  qu'il  discute  suivant 
la  méthode  des  pères,  c'est-à-dire,  en  prenant  pour  guide, 
l'Écriture  sainte  et  la  tradition  :  on  ne  peut  lui  reprocher  qu'un 
usage  trop  fréquent  des  allégories.  Quant  au  style,  il  est  abon- 
dant et  nombreux  ;  mais  si  chargé  de  consunnances,  et  si  péni- 
blement travaillé,  que  tous  les  membres  d'une  période  riment 
ensemble  ou  deux  à  deux.  Voici  le  jii;^ement  qu'en  a  porté 
l'abbé  Lebeuf  :  «  L'extrémité  d'un  style  rampant  fut  balancée,  |,j,,e,, 
au  Xir  siècle,  par  une  autre  extrémité  qui  se  remarque  dans  les  Pt's  i  h,  p 
œuvres  de  Philippe  Harveng.  C'est  une  cadence  de  phrases  qui  '^^' 
admet  une  rime  perpétuelle,  et  qui,  pour  y  parvenir,  force 
souvent  l'auteur  à  des  pensées  assez  l)urlesqucs,  cl  à  des 
constructions  embrouillées  »  .  Nous  connaissons  peu  d'auteurs 
qui,  .dans  le  X1I«  siècle,  aient  affecté  comme  lui  ce  genre 
d'écrire.  B. 


«ur 


ROTROU, 

Archevêque    de   Rouen. 

ÏL  était  né  de  Henri,  comte  de  'Warwick,  et  de  Marguerite, 

fille  du  comte  du  Perche.  Quelques  auteurs  l'ont  appelé  Laroque,  n. 
Rotrou  du  Perche,  en  lui  donnant  par  erreur  le  nom  de  sa  g*"-  de  la  mai- 
mère.  Ses  parens  le  firent  élever  dans  le  prieuré  de  la  Charité-  ^""  '^'""l^^"'!: 
sur-Loire,  il  en  sortit  pour  étudier  la  théologie  sous  Gilbert  aW;  l  iiî",  p. 
de  la  Porée,  et  devint  archidiacre  de  Rouen.  Son  nom  se  '^^  "  ''^'  •  '• 
rencontre  mal-à-propos  sur  quelques  listes  des  évoques  de  [Ig^  l[  *,  Jf  Z 
Baycux  et  de  Lincoln.  Il  n'a  occupé  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  159"'.  Suppi.  p. 
sièges,  ni  même  celui  d'Ely,  quoiqu'on  dise  Laroque,  sur  J/'  ^_." .  "  ^^ 
la   foi    d'une  chronique    normande.    II    était   archidiacre    de  arTchcv.  "c 


29G  ROTROU,  ARCHEVÊQUE  DE  ROUEN. 

XII  SIECLE.  Rouen,  lorsqu'en  1138,  selon  Orderic  Vilal,  ou  plulôl  en 
Rouen,  p  5U  -  1139^  gglon  Robert  du  Mont,  il  fut  élu  évèque  d'Évreux. 
a-Évreux,       cii!  En   1147,   il  assista  au  concile  de   Paris,   que   présidait  Eu- 

21.  p.   143;   ch.  gène  m,    et  qui    condamna    Gilbert   de  la    Porée.     Dans    ce 

22,  p.    450  et  gQQgiig  Qi  (ja„3  gçiy[  (Je  Reims,  en   1148,   Gilbert,   en  soute- 

SUIT. 

Gaufiidi  cp.  nanl   la   pureté  de   sa  doctrine,    invo(juait  le  témoignage   de 
ad   Albin.   I.   Il  son    ancien    disciple    Rolrou.    Il  paraît   que    celui-ci    fit    un 
°3i9      "^"    ''    ^'oy^S*^  ^  Rome  en    llol);    on   !c   peut  conclure  dune  lettre 
d  Adrien  IV  à  Louis  VII,  oii  le  pontife,  après  avoir  exhorté 
le  prince  à  ne  pas  aller  en   Espagne,  le  prie  de  s'en  rapporter 
à  ce  que  lui  dira  le  prudent   et   vertueux   évoque  d'Évreux. 
Rotrou,   en   1160,   institua   dans  sa  cathédrale  la  dignité  de 
trésorier;    il  assista,   en   1163,  au  concile  de  Tours,  tenu  par 
Alexandre  III,  et  reçut  de  ce  pontife,  en  1164,  la  commission 
de  réconcilier  l'archevêque  de  Cantorbéry  avec  le  roi  d  An- 
gleterre.    L'année    suivante,    Rolrou    devint    archevêque    de 
iiisi  de  Fr.  Rouen,   cl   continua  d'être  en  correspondance  avec  le  pape, 
sts"^^'  ''■  ****'  (jui,  en  1165,  lui  écrivit,  à  lui  et  à  ses  suffragans,  une  épître 
encore  relative  à  l'afTaire  de  Thomas  Becket  :   Alexandre  les 
chargeait    de  rappeler    vivement    Henri    II    au    respect    dû    à 
1  église  romaine.    Au  commencement  de  l'année   1170,   Rotrou 
et  Rernard,   évêque  de  Nevers,  reçurent  du  Saint  Père  l'ordre 
diiller   trouver    le   monarque   anglais,    et    de    réclamer    pour 
Sppiman.  Bgçjjgt    pgjx    sûrcté,  icslilution  de  ses  biens  et  de  son  siège. 

Conc      Angl.      t.  '    r         '  ,       ,,         ■  i-        i         a  j        t. 

11^  ,,.  «13.  C  était    comme    sujet    de   Henri  que    I  arciieveque  de    Rouen 

était  si  souvent  employé  à  ces  négociations;  on  ne  voulait 
pas  que  le  roi  pût  dire  qu'on  ne  lui  envoyait  que  des  étran- 
gers: mais  Bernard  avait  des  pouvoirs  particuliers  qui  l'au- 
torisaient   à    se   passer    du    concours   de   Rotrou,    si    celui-ci 

lxxikT  17."  refusait  d'agir  ou  de  parler  avec  énergie  Après  le  meurtre 
de  Becket,  Rolrou  fui  lun  des  prélats  députés  par  Henri 
vers  le  Saint-Siège,  pour  désavouer  cet  atlcnlal.  Lui  et  1  ar- 
chevêque de  Reims  reçurent,  vers  les  mêmes  temps,  ure 
lettre  d'Alexandre  III,  sur  les  dommages  qu'avait  essuyés  le 
iiisi.  de  Fr.  niouaslère  de  Selincourl.   D'autres  lettres  du  même  pontife  à 

t.  XV,  p.  >*8o.  Rotrou  concernent  ijuclques  ailaiies  particulières,  et  recora- 
/*id.  p.  !its.  mandent  la   réforme  de  certains  abus.    En    1172,   Rolrou  cou- 

S'*6.  ronna  à  Wincester  le  fils  du   monarque  anglais,  et  Marguerite 

de  France,  épou.se  de  ce  jeune  prince.  Le  serment  de  celui-ci 
au  roi  de  France  fut  prononcé  en  ll7o,  en  présence  de  lar- 
chevêque  de  Rouen.  Ce  prélat  lit  en  1178  la  dédicace  de 
l'église  de  l'abbaye  du  Bec,    et  mourut  en    1183.   C'est  donc 


ROTROU,  ARCHEVÊQUE    DE  ROUEN.  297 

fort   mal-à-propos  que    Laroque    parle  d'une   lettre   adressée      xil  siècle. 
à  Rotrou  ,  par  Innocent   III ,  dont  le  pontificat  ne  commence  ~  ' 

qu'en  1198.  Notre  archevêque  de  Rouen  a  été  loué  par  Pierre 
de  Blois ,  avec  une  grande  profusion  d'épilhètes  et  d 'auti-  p.  îj3.". 
thèses  :  «  Liberalis ,  affabilis  ,  mansuetus  ;  in  consiliis  pro- 
vidus  ,  in  agendo  strenuus ,  in  jubendo  dtscretus,  in  loguendo 
modestus  ;  timidus  in  prosperitate ,  in  adversitate  securus  ; 
in  zelo  tempérons ,  in  misericordiâ  fe?'vens  ;  in  rei  familiaris 
dispensatione  nec  anxius ,  nec  supinus  » .  Nous  supprimons 
la  moitié  des  traits  de  cet  éloge,  à  la  lin  duquel  Rolrou  est 
comparé  aux  quatre  animaux  de  l'Apocalypse ,  qui  ont  des 
yeux  en  avant ,  en  arrière ,  et  sur  toute  la  surface  de  leurs 
corps. 

Les  écrits  qui  nous  restent  de  cet  archevêque   ne  sauraient 
suffire  pour  justifier  tant  de   louanges,    alors  même  qu'on   y 
comprendrait  les   chartes  assez  nombreuses  qu'il  a  souscrites 
ou  comme  disposant  ou  comme  témoin.  Laroque  en  a  publié  une    r    iv,  p.  lôstf 
vingtaine  parmi  les  preuves  de   l'histoire  de  la  maison  d'Har-  —  I39t,  isiH  — 
court.  Les  auteurs  du  nouveau  Gallia  christiana  n'ont  imprimé  ''^''j'.'  '*'"'''''■  ''' 
que  celle  qui  concerne  le  monastère  du  Val   d'Azon.  Mais  ils    '  t  xi.  p.  a 
en  ont  indiqué  beaucoup  d'autres  dans  les  deux  articles  qu'ils  -5i-  sTO-b?». 
ont  rédigés  sur  Rotrou  ,   l'un    dans  leur   notice  des  évêques 
d'Évreux ,  l'autre  dans  l'histoire   des  archevêques  de  Rouen. 
Ils  distinguent  particulièrement  celle  qui  a  pour  objet  la  régie 
des  biens  des  chanoines  décédés.  Le  surplus  de  ces  chartes  ne 
consiste  en  général  qu'en  donations  ou  concessions  à  des  monas- 
tères et  à  des  églises. 

Nous  avons  quinze  lettres  de  Rotrou  :  sept  ont  été  insérées        «ist  de  Fr 
dans  le  recueil  des  épîtres  de  Thomas  de  Cantorbéry.   Elles  '•  xvi,  p.  62c- 
sonU  en  effet  adressées,  depuis  1164  jusqu'en  1170,  les  unes  ^^' 
à  ce  prélat ,  les  autres  au  pape  Alexandre ,  et  ne  roulent  que  Thomae       Canù 
sur  le  démêlé  fameux  de  Thomas  avec  son  prince.  Quoique  ''b-  i,  ep    102; 
Rotrou  partageât   les  préjugés  de  son  siècle  sur  l'étendue  de  J|^    JJ,'  ^^    ^g' 
la  puissance  ecclésiastique ,  cependant  il  demandait  le  main-  21,  36,49;   iib'. 
lien  des  articles  de  Clarendon ,   et  invitait  le  pape  à  les  con-  ^»  *P*  *^v 
firmer.   Ses  lettres  annoncent  de  l'attachement  à  la  personne 
de   Henri ,  quelquefois  du  respect  pour  l'autorité  royale ,  et 
toujours  un  ardent  désir  de  voir  renaître  la  concorde  entre  le 
trône  et  l'autel. 

Voici    l'ordre    chronologique    des   huit    autres    lettres    de 
Rolrou. 

La  plus  ancienne   doit  être  celle  qui  est  adressée  au  roi 
Tome  XIV.  Pp 

2  1» 


ep 


298  ROTROU,  ARCHEVÊQUE  DE  ROUEN. 

xii  SIECLE.      d'Anglelerre ,    sur   l'éducation   littéraire  de  son  fils.    Gussan- 
inicr  el.i^l.  ville,  qui  la  date  de  1161,  ne  prend  pas  garde  que  l'inlilulé 

TI7  ®'*'"""''  liorie  :  Rotrodus  arehiepiscopus  Rothomagensis,  et  qu'en  1161, 
Rolrou  n'était  point  encore  archevêque  de  Rouen.  Elle  ne  peut 
pas  être  antérieure  à  1165,  époque  oîi  lélùve  dont  elle  parle 
avait  environ  douze  ans.  Quoiqu  il  en  soit ,  le  père  de  cet 
élève,  Henri  II,  y  est  loué  comme  le  prince  le  plus  lettré 
de  son  temps.  L'esprit  des  autres  monarques  est  inculte  et 
grossier,  aliis  regibus  rude  et  informe  ingenium  -.  le  sien  , 
développé  par  l'élude ,  est  capable  de  tous  les  genres  d'ob- 
servations et  de  travaux.  Il  doit  donc  sentir  mieux  qu'un  autre 
l'utilité  d'une  éducation  libérale.  Faut-il  gouverner  ,  traiter  , 
se  retrancher,  combattre?  les  livres  enseignent  toutes  ces 
parties  de  l'art  de  régner;  lihri  hsec  omnia  erudiunt.  Un  roi 
sans  lettres  est  un  navire  sans  rames,  un  oiseau  sans  ailes. 
L'auteur  allègue  ensuite  les  exemples  de  Jules  César  et  d'A- 
lexandre ,  et  l'autorité  d'Ovide  et  de  Salomon.  Ovide  n'est 
pas  nommé  ,  mais  deux  de  ses  vers  sont  transcrits  en  ces 
termes  : 
De  Ponio.  Atlk  <iiiod  ingcnuas  didicisse  fi(Jeliier  arles 

lili.  Il,  eleg.  il.  Emollit  mores  ttec  sinii  es-w  feras. 

intiT  r-|>.  P.       fo  Dans  une  épître  adressée  à  ses  sulTragans  ,   Rolrou  les 

m.  ep.  \".  invite  à  subvenir,  par  des  contributions  pécuniaires,  aux   be- 

soins pressans  du  pape  Alexandre  Ils  n'ignorent  pas  ce  que 
ce  pontife  a  soutlcrt,  ce  qu'il  a  fait  pour  l'église.  Aujourd'hui 
il  faut  qu'il  contente  l'avidité  des  Romains ,  qu'il  assouvisse 
leur  soif;  inexplebilem  pecuniœ  silim.Vo\r\\.  de  paix,  point 
de  sécurité ,  si  le  pape  ne  peut  par  vos  largesses  satisfaire  à 
tant  d<î  besoins  ;  nisi  sibi  et  suis  victualium  sufficientiam  de 
vestrà  largitione  restauret.  Alexandre  111  e.sl  reniré  à  Rome 
en  1165  et  en  1 1TS  La  lettre  est  de  l'une  ou  de  laulre  épo- 
que. Nous  préférons  la  première ,  à  la<|uelle  peuvent  s'ap- 
[)liquer  ces  mots  de  ré[)îlr<'  ;  Sanè  schismalicx  potestatis  pro- 
cella  jam  detumuit ,  jam  portum  securiorem  navicidcc  Pelri 
promittit  aura  clementior. 
Mari .  Alice.       30  ^n   H71  ,  Rolrou  écrit  à  ses  sulfragans  qu  il    ne  peut, 

■  "'  ''  ■'''■*■  quoi  qu'en  ait  ordonné  le  pape,  mettre  en  interdit  les  terres 
que  Henri  possède  en  Normandie.ee  prince  ayant  promis  de 
donner  satisfaction  du  meurtre  de  Thomas  Recket. 

4o   En   in."),  1(' jeune    llcnii,  révolté  contre  son   père,   est 

Peir.  Bks.  cp.  vivcmont   exhorté   par  l'archevêque  de  Rouen   à    rentrer  dans 

le   devoir.  «  Très-cher  lils ,  lui  dit  le  prélat,  nous  vous  adres- 


33 


ROTROU,  ARCHEVÊQUE  DE  ROUEN.  299 

sons  des  prières  comme  à  un  maître,  des  exhorlalions  comme      mi  sieci-E. 
à  un  roi,  des  leçons  comme  à  un  ûls.   Cessez  d'affliger  voire 
peuple,  de  persécuter  votre  père,  et  d'exposer  aux  ravages  de 
la  guerre  notre  domaine  ecclésiastique  des  Andelys. 

5"  A  la  même  époque,  Rotrou  et  ses  suffragans  conjurent 
la  reine  Éléonore  de  retourner  auprès  de  son  époux,  qu'elle 
avait  quitté.  'Vous  êtes,  lui  disent-ils,  notre  paroissienne  :  Pcir.  Bic».  ep. 
parochiana  nostra  es;  et  si  vous  continuez  d'offrir  à  vos  fils  '^*- 
rexemplo  de  la  rébellion,  nous  serons  forcés  de  lancer  contre 
vous,  dans  l'amertume  de  notre  cœur,  les  censures  ecclé- 
siastiques. 

6  "  La  date  de  1 1 73  convient  aussi  à  l'cpître  qu'écrivent 
Rotrou  et  Arnoul  de  Lizieux  au  roi  d'Angleterre,  pour  lui 
rendre  compte  de  la  mission  dont  il  les  a  chargés  auprès  du  '*"'•  'P-  '^■'• 
roi  de  France.  Ils  exposent  les  plaintes  de  Louis  VII,  et  ils 
invitent  Henri  II  à  se  mieux  conduire.  Ses  enfans  s'arment 
contre  lui,  sa  femme  l'abandonne  ;  doîi  peuvent  venir  tant 
de  malheurs,  sinon  de  ce  qu  on  sait  trop  qu'il  n'est  pas  assez 
dévoué  à  l'église?  Nec  est  quod  magis  hostes  vestros  excitet  ad 
conflictum ,  quam  quod  arbitrantw  vos  ecdesiee  Dei  minus 
extitisse  devotwn. 

1°  Vers    les    mêmes  temps,    Rotrou   répond   au    prieur   et 
aux  moines   de  la  Charité-sur-Loire  ,   qui  l'avaient  invité  à 
passer  quelques  jours  dans  leur  monastère.  Il  en  est  empêché      "'"'■  '^''   ""** 
par  les   discordes  des  rois ,   par   les    troubles  qui   agitent   la 
Normandie. 

La  huitième  et  dernière  lettre  de  1  archevêque  de  Rouen  est 
adressée,  en  1175,  à  Guillaume,  archevêque  de  Sens.  C'est  un 
tissu  de  complimens  et  de  supplications.  Guillaume  est  tout  puis-  ""«'•  «P-  28. 
sant,  les  cœurs  des  rois  sont  en  sa  main,  il  dispose  des  volontés 
publiques.  Cest  donc  à  lui  de  proléger  les  biens  des  églises, 
de  les  garantir  des  incursions  militaires,  et  de  préserver  sur- 
tout le  domaine  des  Andelys,  ressource  unique  de  Rotrou,  et 
sans  laquelle  il  ne  peut  vivre  :  VilUv  nostras  parcile,  si  vultis 
parcere  vilœ  nostrae. 

La  troisième  de  ces  lettres  est  dans  l'un  des  recueils  de  dom 
Martène;  les  sept  autres  se  trouvent  parmi  les  épîtres  de  Pierre 
de  Blois,  qui  pourrait  bien  en  être  le  rédacteur,  ayant  rempli, 
pour  bien  d'autres  que  Rotrou,  la  fonction  de  secrétaire.  Nous 
discuterons  ce  point  dans  l'article  qui  concernera  Pierre  de 
Blois. 

Rotrou ,  placé  par  Crowaeus  dans  la  liste  des  interprètes  De  Scr.  in.  s.  s, 

Pp    2  !'•  313. 


300  EVERLIN    DE   FOUX. 

■XII  SIECLE,  de  la  bible,  n'y  a  point  été  maintenu  par  le  P.  Lelong;  et  nous 
ne  saurions  en  effet  citer  aucun  commentaire,  aucun  ouvrage  ni 
imprimé  ni  manuscrit,  qui  puisse  être  attribué  à  cet  archevêque 
de  Rouen,  sinon  les  chartes  et  les  quinze  lettres  que  nous  avons 
fait  connaître. 

D. 


EVERLIN'"  DE  FOUX, 


Abhé  de  Saint-Laurent  de  Liège. 


ET  écrivain,  qui  mourut  le  20  décembre  1183,  avait  été  tiré 

fjdu  monastère  de  Saint-Jacques  de  Liège,  en  1 161 ,  pour  être 

abbé  de  Saint-Laurent    C'est  lui  dont  Pierre  de  Celle  parle  en 

ces  termes  :  AbhatisanctiLaurentiiLeodiensis  novo  confederatus 

Gall.  chrisi.  amicitiœ  paeto....  in  ejus  personâ  prudentiain,religionem,  litte- 

""glJi   A         '  '>^<^turam,  simplicitatem  notavi.  Son  éloge  se  retrouve  encore 

Mariùne,  dans  plusieurs  recueils  (2).  On  ne  connaît  de  lui  que  l'épilaphe 

2«  Voyage    lui.  jg  Réginard,  évoque  de  Liège,  qui  mourut  en  1036.  Elle  est 

''  Lib.  II,  cp.  îi  rapportée  dans    Chapeauville,   qui    nous    apprend    qu'Éverlin 

ail    Hugon.    III,  fil  rétablir  le  maître-autel   de  son   église,  et  le  tombeau  de 

aiibaicm      ciun    Réginard,  sur  lequel  il  fit  inscrire  l'épilaphe  en  lettres  d'or;  il 

Ai<a*,  Rai    fit  aussi  réparer  le  chœur  et  la  sacristie.  Ce  sont  là  les  seules 

iiaud,    Rainauid,  do  SCS  actious  qui  soient  parvenues  à  notre  connaissance,  et 

Rcginaid.  l'épilaphe   suivante  est    aussi    le   seul  ouvrage  qui   nous  soit 

licum,  eic.  Léo-  connu  de  lui.  Elle  donne  peu  de  regrets  pour  ceux  que  nous  ne 

(lii,  1612,  i.  i,  connaissons  pas. 

p.  277. 

Flos,  deeus,  ecclesia  prœsul,  speculumque  sophiœ 
JIîv,  Reginarde  jaces,  coi  pore  jam  cinli  en. 

Nos  quia  frumenli  satias  phignedine  dulci, 
Pascua  tint  cœli  centupUcala  iihi. 

Te  rapii  à  (enebris  mundi,  lux  quinia  decevibrix, 
Splendeat  in  requie,  sol  iibi  jusiiha. 

G. 

(1)  Alias,  Everlin,  Everelhme,  Everelme,  Mverlitiris,  seu  Eterelmus  de  Foux, 
abbas  Sancti-Laurentii,  ordinis  S.  Augustiiii. 

(2)  t'ez,  Anecdota,  tom.  IV,  part.   111,  p.    181  et   200-208.    Martène,  Ampl. 
ÇoUect.  t.  IV,  p.  1088  et  seqq.  Ejusdem,  t.  1,  p.  914  ;  t.  IV,  p.  1178. 


301 

XII  SIECLE. 


GIRARD-LA-PUCELLE. 


GiRARD-LA-PucELLE,  Girardus  Puellu,  fut  un  des  pro- 
fesseurs célèbres  du  XII'  siècle.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Ep-  <!«  Thom. 
Thomas  de  Cantorbéry  le  fait  anglais  ;  mais  d'autres  le  croient  J^  ^  m'!  —  \. 
né  en  Normandie;  et  ce  n'est  pas  la  seule  fois  que  la  domi-  Angiia  sacra,  t. 
nation  d'un  même  prince  pour  les  deux  pays  a  produit  cette  ''K',!''*'  .-x 
erreur.  Girard  embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  l'honora  _  cem.  de 
par  son  savoir  et  sa  piété.  11  enseigna  long-temps  à  Paris,  *'^e''-  p-  '^''• 
avec  une  grande  distinction,   le  droit  civil  et  le  droit  cano-  „.  ms.  ' 

nique.   Duboulay,   dans  son  histoire  de  l'université  de  Paris,      t.  ii,  p.  73*. 
et  D.   Rivet,  dans  notre  Histoire  littéraire,  l'y  placent  depuis     '"'•  '^'  P-  ^^• 
1160  jusqu'en  1177.  Ce  ne  fut  pas  du  moins  sans  beaucoup 
d'interruption,    comme    les    faits    que    nous    allons    rappeler 
peuvent  nous  en  convaincre.   En  effet,   la  considération  dont 
Girard-la-Pucelle  jouissait  à   Paris,  les  témoignages  d'estime 
qu'il  y  recevait  perpétuellement  des   grands,  des  prélats,  des 
amis  des   lettres,  l'estime  particulière  et    la   faveur   du   roi, 
semblaient   devoir   l'y    fixer  :   cependant   il  quitta  la    France 
subitement   pour  aller    s'établir   à  Cologne  ,   livrée   alors  au 
schisme,   par   l'instigation   et   par  l'exemple   de    son    arche- 
vêque   Rainold    ou    Réginald.    Cette    conduite    irrita    facile-  Thom.  Ti,*»! 
ment   tous  ceux  qui  jusqu'alors   lui  avaient  voué  leur   bien-  283,    286,  298, 
veillance    et    leur     appui;  Louis -le- Jeune ,    en   particulier,  «"^  296. 
s'indigna  que  Girard  ne  lui  eût   pas   même  fait  connaître  le 
projet  qu'il  avait    conçu   de  s'éloigner   de   Paris.    On  assure         g     ,gg  j^ 
pourtant  que    le   schisme    ne    l'atteignit   pas.    Jean     de    Sa-  même      recueil, 
risbéry  aime  à    se   le   persuader   dans  une   lettre     qu'il    lui  P'  ^^^gg 
écrit,  et  dans  laquelle,  d'ailleurs,  les  schismatiques  ne  sont  pas 
épargnés,  et  dans  une  autre  lettre  qu'il  adresse  à  Richard  de 
Poitiers.  Ep.  174. 

Thomas  de  Cantorbéry  parle  avec  intérêt  de  Girard,  dans 
une  de  ses  lettres.  Celui-ci,  qui  cependant  en  avait  reçu  son 
premier  bénéfice ,  sembla  d'abord  s'abandonner  à  quelques 
préventions  contre  ce  prélat,  dans  la  fausse  persuasion  qu'il 


302  GIRARD-LA-PUCELLE. 

xit  SIECLE,     en  avait  été  desservi  auprès  de  Louis-le-Jeune  ;    il   fut  désa- 
Ep.  175,  p.  295.  busé  par  Jean  de  Sarisbéry  :  Tiiomas  avait  au  contraire  écrit 

uid.  p  297.  au  pape  en  faveur  de  Girard.  L'archevêque  de  Canlorbcry 
annonce,  dans  la  lettre  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
que  Girard  ayant  fait  solliciter  son  retour  en  Angleterre,  on 
le  lui  accorda  au  moyen  d'un  serment  de  fidélité  prôté  au 
Ep.  174.  j,QJ  .  ^^  utinàm,  ajoute-t-il  ,  versetur  ibi,  ut  nec  Dewn 
off'endat ,  nec  Uedat  famam  !  Ce  retour  en  Angleterre  ne 
l'cmpe-cha  pas,  au  reste,  de  revenir  bientôt  à  Cologne,  oîi 
un  bénéûce  lui  avait  été  conféré  par  les  schismatiques,  béné- 
fice dont  l'acceptation  avait  attiré  sur  lui  une  excommuni- 
cation du  pape  :  Thomas  de  Cantorbéry  fit  tous  ses  efforts 
pour  l'en  faire  absoudre,  et  aussi  pour  lui  obtenir  de  Louis- 
le-Jeune  la  permission  de  rentrer  en  France.   L'absolution   ne 

ihu.  p  50(1.  fut  accordée  qu'à  deux  conditions  :  la  première,  que  Girard 
condamnerait  hautement  le  schisme  ,  suivant  une  formule 
qu'on  lui  envoya;  la  seconde,  (ju'il  renoncerait  au  bénéfice 
que  les  schismatiques  lui  avaient  donné,  à  moins  que  l'église 
ne  le  lui  conférât  de  nouveau.  Girard  ayant  satisfait  aux 
deux  conditions  exigées,  le  pape  joignit  sa  médiation  à  celle 
de  l'archevêque  de  Cantorbéry,  pour  le  rétablir  dans  les 
bonnes  grâces  du  roi  de  France.  La  lettre  d'Alexandre  lli  à 
Louis  VII  est  la  177",  du  premier  livre  parmi  celles  de 
Thomas  Bccket,  ou  qui  lui  sont  adressées.  Elle  est  aussi 
dans  le  quinzième  volume  de  la  nouvelle  collection  de  nos 
historiens, 
onii   i.  Il,       Alexandre  111  donna   à  Girard-la-Pucelle   un   autre  lémoi- 

!'■  '*'''•  ^  ""'■  "nage  de  sa  considération  et  de  son  estime  :  il  déclara  en  sa 
iiu.  1. 1.\,  p.  u.  °     '^  ...  •     .  -   1- 

faveur  que    les   ecclésiastiques   qui  se  vouaient  a  I  enseigne- 
ment public  n'en  jouiraient  pas  moins  de  tout  le   revenu  des 
bénéfices    qu'ils    possédaient    dans    d'autres    églises.     Il    lui 
accorda  du    moins,  pour   plusieurs  années,    une  dispense  de 
lobligation  de   les  desservir  en  personne,  concession  qui  est 
le  premier   exemple,  et  qui  devint  ensuite    une  règle   com- 
mune,   de   l'exemption    de    résidence    pour    les    professeurs 
bènéficiers.    La  lettre  du  pape  est  du  7  février  1170.  Elle  a 
été   imprimée  dans  le  dixième  tome  de  l'histoire  des  conciles, 
'  ■  *^""'        par  Labbe,   dans  le   quatrième  tome  du  recueil  de  Duchesne, 
^    '*"'"        et  dans   le  quinzième  de  la  nouvelle  collection  des  historiens 
I'.  9U5.  -     jg  France.    Une  autre    lettre    du     même    pontife,   datée   du 
1. 11^  p.'^m ''■''  15   mars  1178,   rend  à   Girard-la-Pucelle  les  bénéfices  qui 


GfRARD-LA-PUCELLE.  303 

avait  obtenus  à  Cologne  pendant  le  schisme,  et  auxquels  il  avait   _^"  siècle 
renoncé  pour  renlrer  clans  la  communion  de  l'église  et  la  faveur     LalbrrrôiT. 
d  Alexandre  III.  ciicsnc.  ibid.   _ 

Le   successeur  de  Thomas  Becket,   Richard,   avant  mis  un  9«o'    '''   ^'  ^' 
grand  prix  à  s'attacher  un  ecclésiastique  si  distingué   par  ses 
laleos  et  ses  lumières,    Girard    avait   repassé  en  Angleterre 
vers  1 177.  La  même  année,  il  fut  envové  par  cet  archevêque 
avec  Pierre  de  Blois,  au  pape  Alexandre,   contre  l'abbé  nou- 
vellement élu   du    monastère  de  Cantorbéry,   qui   refusait   au 
prélat    les   soumissions   accoutumées.  Quelques  années   après 
on  11 83,  il  fut  fait  évoque  de  Coventry  ;  on  dit  de  Chester  dans 
notre  Histoire  littéraire   ;    mais    le  siège  de  l'évèché  a  varié 
plusieurs  fois,  comme    l'observe  Raoul  de  Dicoto  ;  et  Balée  dit     L?'/'  ''^''^' 
même  que   cet   évéchè   avait  trois  cathédrales,  Chester    Co-  ••  '"p-  m'  '"' 
veniry,  et  Lichfeld.  '  2'  partie,  p. 

Girard  mourut   presqu.;  aussitôt,    le   13   janvier  d,;   l'année  *''' 
suivante      Gervais     de    Cantorbéry    dit    qu'il   mourut  empoi-  Ang.  saca, 

sonné.  p.  «y. 

Il  ne  reste  aucun  monument  écrit  de  la  science  de  Girard  •  la 
théologie,  la  philosophie,  le  droit  civil,  le  droit  canonique,  fu- 
rent les  principales  sciences  qu  il  cultiva. 

On  a  imprimé,  dans  le  recueil  des  lettres  écrites  par 
Thomas  de  Cantorbéry,  ou  qui  le  concernent,  une  épître 
qu'on  y  attribue  à  Jean  de  Sarisbéry.  C'est  la  111e  du  pre- 
mier livre  ;  mais  M.  Brial  a  très-justement  remarqué  qu'elles 
ne  peut  être  de  cet  écrivain.  Il  pense  qu'elle  est  de  Girard-  '^"'  ''"  "*'" 
la-Pucelle,  et  les  raisons  qu'il  en  donne  nous  paraissent  l"  \l]  ''"'■  " 
convaincantes.  Elle  doit  en  effet  avoir  été  écrite  par  quel- 
qu'un qui  résidait  à  Cologne,  et  Jean  de  Sarisbéry  n'y  de- 
meura jamais,  refusa  même  d'y  aller,  quoiqu'on  l'en  pressât  ^'*  "' 
vivement.  On  y  parle  de  l'archevêque  de  cette  ville  comme 
dangereusement  malade,  assez  malade  pour  qu'on  ne  puisse 
espérer  (,u'il  f.U  en  état,  avant  l'hiver,  d'entreprendre  un 
voyage  résolu  ;  et  de  la  promes.se  qu'il  venait  de  faire  de  s'en 
rapporter  au  roi  de  France  et  à  l'archevêque  de  Cantorbéry 
pour  rétablir  la  paix  entre  le  pape  et  lui.  Enfin  dans  une 
epître  de  Jean  de  Sarisbéry,  la  178»,  il  mande  à  Girard-la- 
Pucelle  qu'il  vient  de  faire  passer  sa  lettre  à  Thomas  de 
Cantorbéry.  Girard  annonce  dans  celle  lettre  que  le  roi 
d  Angleterre  vient  décrire  à  l'archevêque  de  Cologne,  que 
Henri  de  Pise  et  Guillaume  de  Pavie  devaient  venir  en 
France,   comme  légats,  pour  y   faire  de  nouvelles  levées    de 


mss. 


304  ARNOUL,   ÉVÉQUE  DE    LISIEUX. 

nouvelles  exactions  pour  l'entretien  du  pape  à  Rorae.  Il  y  trace 
un  portrait  peu  favorable  de  ces  deux  légats.  L'un,  dit-il,  est 
un  homme  léger,  variable  ;  l'autre  un  homme  artiflcieux  et 
fourbe,  tous  les  deux  également  cupides.  Il  craint  que  leur 
arrivée  ne  soit  nuisible  à  la  cause  de  Thomas  de  Cantorbéry. 
Il  annonce,  dans  la  même  lettre,  que  l'archevêque  de  Cologne 
est  sur  le  point  de  renoncer  à  l'opinion  qu'il  avait  mani- 
festée en  faveur  du  concurrent  d  Alexandre,  que  Frédéric 
Barberousse  avait  d'abord  reconnu,  et  protégeait  encore.  Il  finit, 
au  reste,  par  déclarer  que  tout  ce  qu'il  vient  de  dire,  il  le  dit 
sous  le  secret  de  la  confession,  et  ajoute  qu'il  est  prêt  à  retour- 
ner auprès  de  l'archevêque  de  Cantorbéry,  s'il  peut  lui  être 
nécessaire  ;  qu'il  y  retournera  même,  nécessaire  ou  non,  appelé 
ou  non  par  lui,  dès  qu'il  se  sera  acquitté  du  devoir  dont  il 
est  chargé. 

Si  cette  lettre,  comme  on  doit  le  penser,  est  de  Girard- 
la-PucelIe,  elle  est  le  seul  monument  écrit  qui  nous  reste  de 
lui.  Il  est  impossible  cependant  de  révoquer  en  doute  l'éten- 
due de  ses  connaissances,  et  le  prix  qu'y  attachaient  ses 
contemporains.  Ses  lumières  et  ses  talens  ont  été  fréquem- 
ment l'objet  des  éloges  de  Jean  de  Sarisbéry.  On  peut  voir, 
entre  autres,  les  lettres  191,  194,  213,  et  285,  de  cet  écri- 
vain. P. 


ARNOUL, 

ÉVÊQUE     DE     LiSIEUX, 


SA    VIE. 


Ord.  Vit.  p.  -  RNouL,  fils  d'Hardouin,  neveu  de  Jean,  évêque  de  LisieuT, 
^et  frère  puîné  de  Jean,  évêque  de  Séez,  naquit  en  Norman- 
die, dans  les  premières  années  du  XIl*'  siècle.  Son  frère  étant 


ARNOUL,  EVEQUIi:  DE  LISIEUX.  âOo 

monté  sur  le  siège  de  Séez,  l'an  1 124,  l'atlira  auprès  de  lui,  prit  xii  siei  le. 
soin  de  son  éducation,  le  pourvut  d'abord  d'un  canonicat  dans 
sa  cathédrale,  et  lui  conféra  dans  la  suite  la  dignité  d'arcliidiacre. 
L'éviVpie  de  Séez  voulant  établir  dans  son  église  la  vie  corn-  xxii'.  n.  luiV. 
mune  des  chanoines,  réussit,  non  sans  peine,  à  y  introduire, 
l'an  1131,  les  chanoines  réguliers  de  Saint-Victor  de  Paris, 
auxquels  il  procura  quelques  revenus  en  attendant  le  décès 
des  chanoines,  qui  ne  jugèrent  pas  à  propos  d'embrasser  la 
réforme.  11  y  a  lieu  de  croire  qu'Arnoid  l'embrassa,  ou  du  moins 
qu'il  seconda  les  pieuses  intentions  de  son  frère,  puisque,  dans  la 
suite,  il  se  crut  obligé  de  prendre  la  défense  des  chanoines 
réguliers  contre  les  entreprises  du  successeur  de  Jean,  qui,  au 
mépris  des  anciennes  transactions,  voulait  conférer  les  prébendes 
à  des  séculiers. 

Bientôt  après,  Arnoul  se  rendit  en  Italie  pour  y  apprendre  le  Spicii.  in  fol. 
droit  canoni(]uo.  Le  Saint-Siège  était  alors  disputé  par  deux  ''  ''  ''"  ^^^' 
antagonistes,  Innocent  II  et  Anaclet,  pour  lesquels  on  s'obstinait 
d'autant  plus  de  part  et  d'autre,  que  leurs  droits  étaient  plus 
difTiciles  à  discerner.  Anaclet  était  tout  puissant  à  Rome  :  cepen- 
dant Arnoul  consacra  les  prémices  de  sa  plume  à  la  défense 
d'Innocent,  qui  était  reconnu  en  France,  et  il  le  fit  avec  la  viva- 
cité d'un  jeune  homme,  comme  nous  le  dirons  en  rendant  compte 
de  ses  écrits. 

Son  oncle,  l'évèque  de  Lisieux,  étant  mort  le  28  mai  de 
l'an  1141,  Arnoul  fut  choisi  pour  lui  succéder,  et  reçut 
aussitôt  la  consécration  des  mains  de  l'archevêque  de  Rouen. 
Cette  élection  déplut  au  comte  d'Anjou,  Geofroi  Plante- 
genet,  qui,  aux  droits  de  son  épouse,  venait  de  faire  la 
conquête  de  la  Normandie:  il  trouva  mauvais  qu'on  y  eût 
procédé  sans  sa  recommandation,  sine  designatione  suâ,  et 
il  entreprit  de  la  faire  casser  par  le  pape.  Mais  l'évèque  élu 
trouva  des  amis  accrédités  qui  croisèrent  les  mesures  du 
prince.  Saint  Bernard  fut  un  de  ceux  qui  le  servirent  avec  Bern,  ep.  3is. 
le  plus  de  zèle.  On  voit  dans  la  lettre  quil  écrivit  au  pape 
Innocent,  en  faveur  d'Arnoul,  la  chaleur  et  la  vivacité  qui 
animaient  ce  saint,  lorsqu'il  croyait  venger  les  droits  de  l'in- 
nocence et  de  la  justice  opprimées.  Il  y  fait  du  comte  Geofroi 
un  portrait  assez  hideux,  et  ne  manque  pas  de  rappeler  au 
pape  les  services  signalés  qu'Arnoul  lui  avait  rendus  au 
commencement  de  son  pontificat.  Cest,  dit-il,  le  flis  utérin 
de  l'église  romaine,  celui  dans  lequel  vous  avez  mis  votre 
complaisance.  Pierre-le-Vénérable,  abbé  de  Cluni,  écrivit  Lib.  iv.  pp.  7. 
Tome  XIV.  Qq 


30r,  ARNOri.,   KM-Ql'l-;  l>E  I.!SIE(X 

XII  SIECLE,      aussi   on  faveur  d'Arnoul.   mais  jucc  plus  de   luodéralion  (pu- 
'  l'alibé  do  Clairvaux.  Ces  deux  ii  lires,  donl  Arnoul  fut  le  por- 

teur,  firent  leur  effet  ;    l'appel  du  comte  fut  mis  à   néant,  et 

I  élection  d'Arnoul  maintenue. 

Spicil.  in-fol.  Lcs  grands  sont  ordinairement  les  i)lus  tardifs  à  reconnaître 
i.  III,  p.  512.  leurs  torts.  Geofroi  avait  mis  la  main  sur  les  revenus  de  l'évêché  : 
mais  piqué  à  proportion  de  ce  qu'il  se  sentait  humilié  par 
le  trioHjphe  de  révè{|ue  de  Lisieux,  il  les  garda  pendant  doux 
ans  et  demi.  Enfin  il  voulut  bien  se  désister  de  ses  préten- 
tions, mais  il  en  coiila  cher  au  prélat  ;  il  fut  obligé  de  prendre 
dans  le  trésor  de  l'église,  outre  ce  qu'il  donna  du  sien, 
dix-sept  marcs  d'argent,  pour  appaiscr  le  comte  :  ce  qui 
lui  occasionna,  long-temps  après,  un  procès  avec  ses 
chanoines. 

Remis  en  possession  (\r  son  temporel,  Arnoul  en  fit  I  usage 
le  plus  légitime  et  le  plus  noble.  Après  avoir  acquitté  les 
dettes  (]u'il  avait  contractées  durant  la  saisie,  il  s'appliqua  à 
réparer  la  cathédrale  et  son  palais,  (]ui  étaient  tombés  en 
ruine;  et,  malgré  le  pou  de  temps  (]ui  s'éooula  jusquà  la 
croisade  do  Louis-le-Joune,  il  trouva  les  moyens  d'avancer  au 
monarque  des  sommes  considérables  pour  les  frais  du  voyage. 
\uter  rp.  Sug.  Nous  avons  dcux  lettres  de  Louis  à  Suger;  dans  l'une  il  mande 
5'^  •■'  ''"•  au   régent   de  rembourser  à   r6vè(|ue  de  Lisieux  cent  quatre 

marcs  d'argent,  qui  lui  revenaient  sur  les  avances  par  lui  faites 
à  l'état  ;  dans  I  autre  il  lui  ordonne  de  livrer  à  son  ami 
et  féal  Arnoul  soixanle  muids  de  son  bon  vin  d'Orléans,  on 
reconnaissance  des  services  (|u'il  lui  avait  rendus.  Non  content 
d'avoir  contribué  aux  frais  de  la  croisade,  Arnoul  voulut 
encore,  à  la  prière,  du  pape    Eugène   III,   être    de   la  partie. 

II  accompagna  le  roi  ;  mais  l'histoire  ne  dit  pas  qu'il  se  soit 
signalé  dans  (juelqiie  occasion  romanpiable  il  n'était  là  que 
pour  le  conseil,  et  pour  avoir  soin  di's  inléirls  spirituels  des 
croisés. 

De  retour  dans  son  diocèse,  il  eut  bientôt  occasion  d'obli- 
ger le  comte  d  Anjou,  qui  lui  avait  été  si  contraire.  Lan 
IloO,  Geofroi  voulait  faire  passer  sur  la  tôte  do  son  fils  le 
duché  de  IS'ormandie,  sous  le  bon  plaisir  du  roi  de  France, 
à  qui  était  dû  l'hommage,  et  le  roi  d'Anglolorre  le  demandait 
aussi  pour  son  fils  Eustache,  (jui  avait  épousé  la  soeur  du 
monarque  français.  Los  choses  étaient  au  point  que  le  roi 
avait  pris  parti  |)our  Euslache,  et  se  préparait  à  faire  la 
guerre  au  comte,  qui  de  son   côté  armait  aussi.  L'abbé  Suger 


ARNOUL  ,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  307 

s'était  porté  pour   médiateur  ;   l'évêque  de  Lisieux  fut  chargé      x"  sieclk. 

de  négocier  avec  lui  pour  le  comte  et  son  fils,  et  il  réussit  au 

gré  de  leurs  désirs.  Martène  a  imprimé  les  lettres  qui  ont  trait  à       *'•"'    Anmi. 

cette  négociation .  ^,^' '"'    *'^  " 

Geofroi   mourut  bientôt  après  ,  mais  son  fils  Henri  hérita  dos 

derniers  senlimens  de  son  père  envers  notre  prélat  ;  il  l'employa 

souvent  dans  des  négociations  importantes.    Parvenu  au  trône 

d'Angleterre  sous  le  nom  de  Henri  il,  il  le  mil  à  la  tôle  d'une        r.aii.  ciinr,!. 

ambassade  qu'il  envoyait  à  Home  pour  des  atfaires  d'état.  La  '    '^''  '^'''-  ^^'' 

confiance  que  ce  prince  avait  dans  la  prudence  et  les  lumières 

d'Arnoul ,  servit  par  la  suite  à  le  fixer  sur  le  parti  qu'il  avait  à 

prendre  dans  le  schisme  qui  s'éleva  ,  l'an  1  159  ,  entre  le  pape 

Alexandre  III  et  Victor,  pour  la  papauté.  L'évêque  de  Lisieux 

le  détermina   pour  Alexandre  ;    mais  comme  le  roi  avait  des 

ménagemens  à  garder  avec  l'empereur  ,  ce  ne  l'ut  pas  sans  peine 

qu'il  vainquit  ses  irrésolutions,    comme  il  le  dit  lui-même  dans      Bii.i.  l'aii.  i'< 

sa  lettre  au  pape.  ''•  '^'^" 

Bientôt  après  il  eut  matière  à  exercer  son  zèle  et  son  crédit 

dans  la  grande  contestation  qui  s'éleva  entre  ce  prince  et  saint 

Thomas  de  Cantorbéry.    Les  niouvemens  qu  il  se  donna  pour 

arranger   cette  affaire  ne    furent    pas  également  heureux.  On 

l'accuse  d'avoir  honteusement  varié  dans  la  conduite  qu'il  tint  à 

cet  égard.  Saint  Thomas  et  Jean  de  Sarisbéry  impriment  cette 

tache  à  notre  prélat  dans  plusieurs  lettres  oîi  ils  le  représentent    Ep.  s.  Tiioin;c.. 

comme  un  luurbe ,  un  vrai  Sinon,  entièrement  dévoué  au  roi ,  '''''"'  ""i'-  •*;'• 

tout  en  faisant  semblant  de  prendre  les  intérêts  de  ces  illustres  op.  (2i. 

persécutés.  Il  peut  se  faire  que  l'adversité  leur  ail  arraché  ces 

plaintes,    persuadés  qu'ils  étaient  qu'ils    soutenaient   la   cause 

de  Dieu   et  de  l'église.    11  est  certain    néanmoins  que,   dans 

toutes  les  occasions ,  Arnoul  servit  le   roi  de  son  mieux  ;  dès     "'*'    Q"'"''i|> 
,  1       1  /     .1 ,       1  11  •    1       1-   ■  '■''■  '•  •^"p-  ^*- 

la   naissance  du  démêlé ,    il  conseilla  au  roi  de   diviser  entre 

eux    les    évoques  ,   pour    les  affaiblir  en  les   isolant  :  dans  la 

suite,   après    la    conférence    de  Chinon ,    en    HGG    ,   voyant 

l'archevêque  de  Cantorbéry   prêt   à   lancer   l'excommunication       •>»*"•  Sarcsb. 

contre  le  monarque,  il   lui  suggéra   de  prévenir  le  coup  par  "''    ■*" 

un    appel   au  Sainl-Siége,    et    il    se    chargea    lui-même   de 

signifier  cet  acte  à  domicile,   conjointement  avec  l'évêque  de 

Béez.  Enfin,  après  le  massacre  du  saint  archevêque,    Henri  H        inipr  cp.  s. 

eut  encore  besoin  de  la  dextérité  et  de  l'éloquence  d'Arnoul  ,  ''"''"""e-   '■''    ^' 
....  .  , ,  ,     '  .      ^  '  op.  7y,  p.   SM. 

qui   lui  prêta  sa  plume ,    pour  desarmer    la  cour   de    Rome  , 

prêle  à  lancer  ses  foudres  contre  lui  et  contre  les  évoques  de 

son  parti. 

Qq-3 


308  ARNOUL ,  ÉVÈQLE  \)\i  LISIELX 

Ml  SIECLE  jaQi  de  services  readus  par  Arnoul  à  ce  prince  semblaient 

devoir   lui  assurer   sa  faveur  pour    toujours.   Cependant  il   la 
perdit  sur  la  fin  de  sa  carrière ,  et  en  même  temps   celle  du 
Saint-Siège,  aux  intérêts  duquel  il  avait  fait  paraître  en  tout 
Spieii    in-foi.  temps  le  même  attachement.   L'an    1181,  le  roi  d  Angleterre 

i.  III,  p.  M 2.  ppit  parii  contre  notre  prélat,  dans  un  procès  que  les  cha- 
noines lui  intentèrent  au  tribunal  du  pape  Lucius  III ,  et  il  vint 
à  bout  de  le  faire  suspendre  de  ses  fonctions  On  laccusait 
d'avoir  dilapidé  les  biens  de  son  église.  11  est  certain  qu'Arnoul 
tenait  un  état  de  maison  magnifique ,  et  que  souvent  il 
s'était  vu  obéré  de  dettes  ;  mais  il  lui  fut  aisé  de  prouver 
que  les  chanoines,  auxquels  il  avait  fait  beaucoup  de  bien  , 
n'avaient  aucun  sujet   de  se  plaindre ,  et  que,   dans  ses  pro- 

Pei.  Bics.  cp.  91.  fusions,  il  n'avait  pas  oublié  les  pauvres.  C'est  le  témoignage 
que  lui  rend  Pierre  de  Blois.  Le  pape  ne  tarda  pas  à  recon- 
naître la  surprise  qui  lui  avait  été  faite.  Mais  Arnoul,  dès  qu'il 

ad''a°nn  ''l'l82°"'    ^"^  appris  la  sentcuce  apostoliiiue   prononcée   contre  sa   per- 
sonne,  quitta  de  lui-même  son  siège,  et  se  relira  dans  l'abbaye 
Gai.    Christ   ^^  Saint- Victor  de  Paris.  Il  y  mourut  le 31  octobre  de  l'an  I  184, 

t.  XI,  col.  778.  après  deux  ou  trois  ans  de  retraite  dans  un  logement  très- 
propre  qu'il  s'était  fait  bâtir.  Son  corps  fut  inhumé  dans 
l'ancienne  église  ,  d'oii  il  fut  depuis  transféré  dans  la  cha- 
pelle de  Saint-Denis ,  avec  cette  inscription  gravée  sur  sa 
tombe  : 

Tu  qui  dives  erax  et  magnus  epix.'op'is ,  ob   quid 

Sortem   mulasli  panperiore  datu? 
lihu  pavper'iem  mnluvi  fœnore  magno  ; 

Mundo  dues  erain  ,  plus  fiiii  esse  Deo. 

SES  ÉCRITS. 

Arnoul  s'est  acquis ,  moins  par  le  nombre  que  par  la  qualité 
de  ses  écrits ,  un  rang  distingué  parmi  les  écrivains  de  son 
siècle.  Il  ne  reste  des  productions  de  sa  plume  que  des 
lettres,  deux  ou  trois  sermons,  et  quelques  poésies  Dans  la 
revue  que  nous  allons  en  faire,  nous  commencerons  par  ses 
lettres. 
Epist.  1.  !•  Ses  lettres.  Ce  fut  lui-même  qui  on  fit  le  recueil ,  à  la 

prière  de  Gilles,  archidiacre  de  Rouen,  auquel  il  l'adressa , 
par  conséquent  avant  l'année  1170,  époque  de  l'épiscopat 
de  Gilles  à  Évreux  ;  et  ce  premier  recueil  ne  contient  que 


ARNOUL,  ÉVÊQUE  DE  LFSIEUX.  309 

trente-neuf  lettres,  à  la  suite  desquelles  on  a  placé  deux  ser-     xii  siècle. 
mons.  On  trouve  ensuite  dix-sept  lettres,  après  lesquelles  vien- 
nent les  poésies,  et  enfin  quinze  autres  lettres  :  ce  qui  prouve 
qu'elle  sont  été  recueillies  en  trois  temps  différens. 

Arnoul  parle  de  ses  lettres  avec  beaucoup  de  modestie;  il 
les  jugeait  si  peu  dignes  des  regards  du  public,  qu'il  n'en 
avait  point  gardé  de  copies  :  il  fallut,  pour  les  rassembler, 
qu'il  allât  en  mendier,  pour  ainsi  dire,  la  communication, 
velut  emendicatas,  auprès  de  ceux  qui  en  avaient  conservé 
les  originaux.  Ceci  explique  pourquoi,  dans  l'arrangement 
de  ces  lettres,  on  n'a  observé  aucun  ordre  .  on  les  enregis- 
trait à  mesure  qu'on  les  retrouvait.  11  avertit  qu'il  n'a  pu 
recouvrer  celles  qu'il  avait  écrites  dans  sa  jeunesse.  C'étaient, 
selon  lui,  les  plus  agréables,  et  celles  où  la  vivacité  de  l'âge 
avait  gravé  plus  fortement  l'empreinte  de  son  génie.  Celles 
que  je  donne,  dit-il,  se  ressentent  de  la  pesanteur  de  la 
vieillesse,  et  de  la  gravité  des  occupations  sérieuses  de  l'épis- 
copat.  Elles  ne  manquent  pourtant  pas  d'élégance.  Il  y  en  a 
soixante-onze  en  tout,  et,  ce  qui  est  embarrassant  pour  la 
citation,  c'est  qu'elles  n'ont  pas  été  numérotées.  Nous  les 
parcourrons  en  les  numérotant  dans  l'ordre  qu'elles  ont  été 
imprimées.  Nous  rendrons  compte  ensuite  de  celles  qui  ont 
été  retrouvées  depuis,  ou  qui  ayant  été  écrites  postérieure- 
ment à  l'époque  du  recueil,  n'ont  pu  y  trouver  place.  Telles 
sont  celles  qui  ont  été  publiées  dans  le  Spicilége  de  Dacheri, 
et  ailleurs. 

Dans  la  deuxième  lettre,  Arnoul  répond  à  Robert  de  Episi.  i. 
Chesny,  évêque  de  Lincoln,  depuis  11  47  jusqu'à  1 167.  Il  se  féli- 
cite d'avoir  retrouvé  dans  son  ami  des  senlimens  qui  n'ont  jamais 
vieilli  dans  son  coeur,  et  lui  recommande  de  prendre  en  main  les 
intérêts  du  jeune  duc  de  Normandie,  qui  réclamait  à  juste  titre 
le  royaume  d'Angleterre.  La  lettre  doit  avoir  été  écrite  vers 
1153. 

La  troisième  est  adressée  à  Ernald  ou  Arnaud,  abbé  de  ^'"''  ^ 
Ronneval  ,  au  pays  charlrain.  Arnoul  ayant  été  instruit  par 
Philippe,  abbé  de  l'Aumône,  que  son  ami  était  tombé  dan- 
gereusement malade,  dans  un  moment  où  il  relevait  lui- 
môme  d'une  grosse  maladie,  informé  de  sa  convalescence, 
il  lui  témoigne  le  regret  qu'il  aurait  eu  de  le  perdre,  et  à 
cette  occasion  il  fait  l'éloge  des  vertus  et  des  talens  de  l'au- 
teur de  l'ouvrage  des  Six  jours,  des  œuvres  cardinales  du 
Sauveur,  des  sept  paroles  de  Notre  Seigneur  sur  la  croix,   etc. 


310  ARNOUL,   ÉVÉQUE  DE  LISIEUX 

xir  SIECLE.  ((  Je  pensais,  dit-il,  à  ce  talent  que  la  bonté  divine  vous  a  donné 
pour  écrire  :  talent  si  rare  qu'on  ne  sait  ce  qu'on  doit  le  plus 
admirer  dans  vos  écrits,  ou  le  fond  des  choses,  ou  la  manière  de 
les  dire  »  .  Cette  lettre  doit  être  placée  après  l'an  1 1  53,  si  l'on 
fait  attention  que  Philippe  ne  fut  fait  abbé  de  l'Aumône  qu'après 
la  mort  de  saint  Bernard. 

Episi.  i.  Dans  la   quatrième,  Arnoul  entretient    Henri   de  Pise.   qui 

était  légat  en  France  l'an  i  160  et  1 161 ,  du  régime  que  les  mé- 
decins lui  faisaient  observer  pour  quelques  accès  de  fièvre,  et  il 
s'égaye  sur  le  compte  des  médecins,  qui  croiraient,  dit-il,  avilir 
la  dignité  de  leur  art,  s'ils  usaient  de  quelque  indulgence  envers 
les  pauvres  malades.  11  prie  ensuite  le  légat  de  remercier  en 
son  nom  le  roi  (  sans  doute  celui  d'Angleterre  )  de  la  générosité 
qu'il  avait  eue  de  se  charger  des  dettes  qu'il  avait  contractées  à 
son  service.  On  voit  cependant,  par  une  lettre  imprimée  parmi 
Thoiii?'"ui!''  I  celles  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  qu'en  1166  ses  deUes 
ep.  a,  p.  et»,      n'étaient  pas  encore  payées. 

La  cinquième  lettre  est  adressée  à  une  religieuse  qui,  à  l'âge 
de  sept  ans,  avait  été  fiancée  à  un  frère  de  notre  prélat,  lequel 
étant  mort  avant  qu'il  eût  pu  l'épouser,  la  jeune  personne  avait 
pris  le  parti  de  s'enfermer  dans  un  cloître.  Arnoul  veut  lui  per- 
suader qu'elle  n'a  rien  perdu  en  changeant  d'époux. 

Les  lettres  6,  7,  8  et  9,  au  pape  Adrien  IV,  ont  pour  objet  de 
lui  recommander  différentes  personnes  qui  avaient  des  affaires 
en  cour  de  Rome. 

Epist.  6.  La  sixième  est  en  faveur  d'un  nommé  Simon,  qui,  pour  avoir 

appelé  au  Saint-Siège  contre  celui  qu'il  appelle  son  tyran,  avait 
été  mis  en  prison  au  mépris  de  l'autorité  papale. 

Epitt.  7.  Philippe  de  Harcour,  évoque  de  Bayeux,  persécuté  par  des 

séditieux,  fut  obligé  d'abandonner  son  diocèse,  et  d'aller 
chercher  un  asyle  à  Rome.  Arnoul  écrivit  en  sa  faveur  la 
lettre  7  ;  il  supplie  Adrien  de  renvoyer  au  plutôt  cet  évoque 
à  son  église,  qui  le  réclame  avec  tous  les  gens  de  bien  de  la 
province. 

Epist.  8.  Arnoul  avait  déjà   fait  deux  voyages    à  Rome  depuis  son 

épiscopat,  et  depuis  trois  ans  il  se  proposait  d'en  faire  un 
troisième,  lorsqu'il  écrivit  au  pape  la  lettre  8.  Mais  plusieurs 
choses  l'en  avaient  détourné  ;  les  guerres  que  la  France  sus- 
cita à  la  maison  d'Anjou,  la  mort  inopinée  du  comte  Geofroi, 
arrivée  le  7  septembre  1151,  et  en  dernier  lieu  le  ressenti- 
ment et  la  colère  du  roi  de  France  contre  le  fils  de  ce 
prince,  après  qu'il  eut  épousé  la  reine  Aliéner  :   colère,  dit 


ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  311 

l'auteur,  qui  fit  trembler  sa  ville  épiscopale  et  son  diocèse  (1).  xil  siècle. 
Telles  sont  les  raisons  qu'il  allègue  pour  s'excuser  d'avoir  tant 
différé  son  voyage,  promettant  de  l'exécuter  dès  que  les  circon- 
stances le  lui  permettront.  En  attendant,  il  recommande  au 
souverain  pontife  l'évêque  de  Coûtance,  porteur  de  la  lettre. 
C'était  Richard,  élu  l'an  1150,  qui  allait,  suivant  la  coutume 
des  évêqucs  de  ce  temps-là  ,  rendre  ses  devoirs  au  Saint- 
Siège.  Celte  lettre  ne  peut  avoir  été  écrite,  qu'après  1 1 54,  si  elle 
est  réellement  adressée  à  Adrien,  dont  le  pontificat  n'a  com- 
mencé qu'au  3  décembre  de  celle  année. 

Adrien  ayant  reçu  des  plaintes  très-graves  des  religieux  de  Epist.  9. 
Jumiège  contre  Pierre,  leur  abbé,  chargea  l'évêque  de  Lisieux 
de  se  transporter  sur  les  lieux,  de  vérifier  les  faits,  et  de  rendre 
un  jugement  Arnoul ,  après  avoir  ouï  les  témoins  que  les 
moines  produisaient ,  ne  trouva  pas  les  preuves  assez  con- 
cluantes pour  condamner  l'abbé,  ni  ses  défenses  suffisantes 
pour  l'absoudre.  Sur  quoi  il  ordonna  que  Pierre  se  purgerait 
par  le  serment  de  sept  personnes,  savoir  de  trois  abbés,  de 
trois  moines  prôlres,  et  le  sien  propre.  C'est  ce  qu'on  appelait 
la  purgalion  canonique.  Ce  jugement  déplut  aux  religieux, 
qui  en  interjetèrent  appel  au  Saint-Siège.  Tel  est  le  précis  de  la 
lettre  9. 

La  lettre  10  est  adressée  à  Pierre  Hélie,  professeur  à  Paris.  Rpist.  lo. 
Arnoul  lui  avait  confié  l'éducation  d'un  de  ses  neveux,  qui 
ne  répondait  pas  aux  soins  du  maître.  H.  se  crut  obligé  de  le 
remercier  à  proportion  de  ce  que  ce  sujet  indocile  lui  avait 
donné  de  peine  et  d'embarras.  Il  demande  qu'il  soit  renvoyé 
à  son  père,  sauf  à  le  remellre  aux  études  après  qu'il  aura  été 
corrigé. 

Arnoul  était  en  relation  de  lettres  avec  le  pape  Alexandre III,  Epist.  ii. 
avant  qu'il  fût  élevé  sur  le  Saint-Siège.  Ce  pontife  n'étant  que 
le  cardinal  Roland,  avait  recommandé  à  notre  prélat  un  jeune 
gentilhomme  italien  de  ses  parens,  nommé  Bandin,  qui  allait 
en  France  pour  être  élevé  à  la  cour  du  roi.  Arnoul,  dans  sa 
réponse,  lui  dit  qu'il  a  présenté  le  jeune  homme  au  roi,  qui 
l'a  reçu  avec  plaisir,  el  l'a  confié  au  grand  maître  de  sa 
maison,  pour  être  élevé  avec  la  jeune  noblesse  à  son  service. 


(1)  Primh  siquiiem  per  bella  Pranromm,  âeinde  per  insperdtunt  iomitù 
Andegavensis  interitwn,  novissimè  per  regiam  qu<e  in  flium  ejus  ira  recru- 
duit,  ad  quant  non  solum  civitatis  nostrœ,  led  ipsius  etiam  eccUsia  limina 
tremmrunt. 


312  ARNOUL,  ÉVÉQUE   DE  LISIEUX. 

xn  SIECLE.  „  c'egt  uQg  merveille  ,  ajoute-t-il,  que  la  manière  dont  Bandin 
s'acquitte  de  ses  exercices.  On  le  trouve  toujours  prêt  à  tout. 
Soit  que  le  roi  chasse  au  cerf,  soit  qu'il  chasse  à  l'oiseau, 
soit  qu'il  aille  à  la  guerre,  Bandin  le  suit  partout  avec  une 
agilité  infatigable;  et  tandis  que  ses  camarades  demeurent 
en  arrière,  il  est  toujours  à  côté  du  roi  pour  le  servir,  et 
non-seulement  le  roi,  mais  tous  ceux  de  sa  compagnie,  comme 
s'il  était  au  service  de  chacun  d'eux.  Ces  soins  et  ces  attentions 
lui  ont  mérité  la  faveur  du  monarque  et  les  éloges  de  toute  la 
.  cour.  Si  vous  m'interrogez  s«r  ses  mœurs,  je  vous  dirai  qu'enne- 
mi de  la  licence  des  Français,  il  conserve,  grâces  à  l'éducation 
que  vous  lui  avez  donnée,  toute  la  retenue  et  la  sévérité  des 
mœurs  italiennes,  etc.  » 
Episi.  12.  15.  Les  lettres  1 2  et  1  3  à  l'abbé  de  Saint-Évroul  (c'était  apparem- 
ment l'abbé  Bernard,  qui,  après  une  très-courte  administration, 
fut  déposé  l'an  \  1 59)  ne  sont  pas  fort  importantes.  Il  s'agit,  dans 
l'une,  de  forcer  l'abbé  à  acquitter  des  dettes  pour  lesquelles 
l'évêque  avait  répondu,  et  dans  l'autre,  de  l'obliger  à  recevoir 
un  religieux  qu'il  avait  chassé. 

Episi.  u.  Le  trésorier  de  l'église  de  Rouen,  Raoul  de  Varneville,  qui 

fut  le  successeur  d'Arnoul  dans  le  siège  de  Lisieux,  était  en 
procès  avec  l'évêque  de  Poitiers  ;  on  ne  dit  pas  à  quel  sujet. 
Guillaume,  évêque  du  Mans,  devait  les  juger  ;  celle  ville  était 
à-peu-près  à  égale  dislance  des  deux  conlendans.  Cependant 
le  juge  délégué  avait  ajourné  les  parties  h  comparaître  dans 
un  lieu  beaucoup  rapproché  de  la  ville  de  Poitiers.  Arnoul 
lui  adresse  la  lettre  1  4  ,  pour  lui  représenter  l'injustice  de  ce 
procédé. 

Episi.  lo.  La  lettre  1 5  à  Hugues,  archevêque  de  Rouen,  n'a  rien  de  plus 

remarquable.  Arnoul  avait  gagné  un  procès  contre  l'abbé  de 
Fécamp ,  au  sujet  d'un  droit  de  patronage.  L'abbé  ,  pour 
éluder  le  jugement,  avait  chargé  l'archevêque  de  présenter  à 
la  cure.  L'évêque  de  Lisieux  voyait  en  cela  un  piège  qu'on  lui 
tendait.  C'est  le  sujet  de  la  lettre. 

E|.isi.  ic.  Les  chanoines  de  Sainte-Barbe  en  Auge  ayant  perdu,  l'an 

1 154,  le  prieur  qui  les  gouvernait,  avaient  nommée  sa  place 
le  chanoine  Daniel,  qui  était  en  Angleterre  dans  une  de  leurs 
maisons,  et  refusait  daccepter  la  place.  Arnoul  lui  écrit  la 
lettre  16  pour  lui  enjoindre,  comme  évêque  diocésain,  de  se 
rendre  aux  désirs  de  ses  confrères. 

Kfii,i.  17.  Nous   avons  vu  plus  haut  l'étroite   amitié  qui  régnait  entre 

notre  prélat  et  Arnaud,  abbé  de  Bonneval,  et  combien  ilà  se 


ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  3! 3 

croyaient  heureux  de  se  trouver  ensemble.  Arnoul  était  à  Tours     xii  sieixe. 
pour  les  affaires  du  roi,  lorsqu'il  reçut  la  nouvelle  qu'Arnaud, 
de  retour  d'un  voyage  qu'il  avait  fait  à  Rome,  se  proposait  de 
l'aller   voir  à   Lisieux.    Arnoul  lui  mande,   par  la  lettre   17, 
qu'incertain  de  l'issue  qu'auraient  les  grandes  affaires  qui  se 
traitaient  à  Tours,  entre  le  roi  de  France  et  celui  d'Angleterre, 
il  n'avait  pu  lui  répondre  tout  de  suite,  mais  qu'il  serait  im- 
manquablement à  Lisieux  au  1"  mars.  Les  auteurs  du  nouveau 
Gallia  Christiana  placent  cette  lettre  à  l'année  1 1  44  ou  1 1  45.      Caii.  ciiri>-t.  t. 
C'est  une  erreur.  La  conférence  des  rois  de  France  et  d'Angle-  ^'"''  *'"'■  '''*■'■ 
terre  eut  lieu,  selon  la  chronique  de  Robert  du  Mont,  l'an  1 1 56, 
le  dimanche  après  la  Purification.  C'est  aussi  la  vraie  date  de 
la  lettre. 

Quoique  la  lettre  à  Raoul  de  Dicet,  archidiacre  de  Londres,       Epist.  18. 
ne  soit  qu'une  lettre  de  complimens,  elle  nous  donne  quel- 
ques notions  importantes  pour  1  histoire  littéraire.   Elle  nous 
apprend  que  cet  historien  célèbre  était  venu  pour  la  seconde 
fois  étudier  à  Paris;  qu'il  était  lié  d'une  amitié  intime   avec 
un    savant    nommé    par  abbréviation  Rad.  de  Flur.,  que   la 
mort  venait  de    moissonner,  et  l'un   et  l'autre  avec  l'évêque 
de  Lisieux.  Ce  savant  ne  serait-il  pas  ce  Raoul  de  Flaix,  qui 
a  déjà  eu  son  article  dans  notre  histoire,  counu  par  quelques        nui.  Liiiér. 
commentaires  sur  l'Écriture  sainte?  Un  autre  savant  dont  il  est  ^  ^'''  P    **' 
encore  parlé  dans  cette  lettre,  est  Guillaume  de  Ver,  qui,  au 
rapport  de  Raoul  de  Dicet,  fut  fait  évoque  de  Herforl,  l'an  1 186. 
Il  paraît  que  l'évêque  de  Lisieux  se  plaisait  à  réunir  chez  lui  les 
savans  ;  il  invite  l'archidiacre  de  Londres  à  venir  augmenter 
le  nombre  de  ceux  qu'il  attendait  à  un  jour  de  grande  solennité. 
Le  cardinal    Roland  étant  parvenu  à  la  papauté  l'an  1159, 
sous  le  nom   d'Alexandre   III,    Arnoul    fut  un  des   plus  em-    Epist.  19  et 22. 
pressés  à  le  complimenter.    Après  lavoir    encouragé  à  tenir 
ferme  contre  les  efforts   de   son    compétiteur,   par   l'exemple 
du    pape    Innocent  II,   qui  s'était   trouvé  dans   un  cas   sem- 
blable, il  l'instruit  des  démarches  qu'il  avait  faites  auprès  du 
roi    d'Angleterre,    pour    prévenir    en   sa    faveur    l'esprit    du 
monarque,   encore  libre  de   tout  engagement,  sans  qu'il   eût 
pu  le  déterminer  à  se  déclarer  pour  lui  ouvertement.  «  Notre 
roi,  dit-il,   ayant   reçu   nouvellement  des  lettres   de   l'empe- 
reur, avec  lequel  il  a  d'étroites  liaisons,  comme  le  témoignent 
les  ambassades   fréquentes   qu'ils    s'envoient   réciproquement, 
il  a  jugé  à   propos  de  suspendre  l'édil  général   qu'il   voulait 
Tome  XIV.  R  r 

2  2  . 


314  ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX. 

XII  SIECLE,  donner  en  votre  faveur,  par  tnénagemenl  pour  son  allié.  Mais 
il  n'a  pas  cessé  pour  cela  de  respecter,  soit  dans  ses  discours, 
soit  dans  sa  conduite,  votre  nom  et  vos  lettres  » .  Au  reste  il 
promet  de  veiller  auprès  du  monarque,  pour  écarter  toutes 
les  séductions  qui  pourraient  l'environner.  Cette  lettre  était 
accompagnée  d'une  autre  qui  est  la  vingt-deuxième,  aux 
cardinaux  Jean  de  Naples  et  Guillaume  de  Pavie,  dans  laquelle 
il  dit  en  substance  la  même  chose,  et  fait  les  mêmes  protes- 
tations. 

Episi.  20.  Le  pape  ayant  reçu  cette    lettre,  la  porta  au  consistoire, 

où  elle  fut  lue  avec  applaudissement.  Il  en  témoigna  lui- 
même  sa  satisfaction  à  notre  prélat  par  une  lettre,  où,  après 
l'avoir  remercié  de  ses  bons  offices,  il  l'exhorte  à  confirmer 
le  roi  d'Angleterre  dans  les  bonnes  dispositions  où  il  la  mis 
à  son  égard.  Ensuite,  après  une  vive  déclamation  contre 
l'empereur  et  son  anti-pape,  il  lui  annonce  qu'il  les  a  excom- 
muniés solennellement  l'un  et  l'autre  le  jeudi  saint  de  l'année 
1160. 

Episi.  21.  Encouragé   par    cette    réponse,    Arnoul    écrivit  une   lettre 

circulaire  aux  évoques  d'Angleterre,  pour  les  engager  à  suivre 
l'exemple  de  l'église  gallicane,  et  à  se  réunir  en  faveur 
d'Alexandre.  Après  un  récit  détaillé  de  tout  ce  qui  s'était 
passé  dans  l'élection  de  ce  pape  et  dans  celle  de  son  rival,  il 
réfute  les  prétextes  allégués  par  les  partisans  du  dernier, 
dans  la  lettre  synodale  du  conciliabule  de  Pavie.  A  l'autorité 
de  l'empereur  et  de  quelques  églises  d'Allemagne  qui  sui- 
vaient le  parti  de  l'anli-pape,  il  oppose  celle  de  presque  toutes 
les  autres  églises,  et  sur-lout  celle  de  l'église  gallicane,  «  la- 
quelle ,  depuis  long-temps ,  dit-il  ,  l'emporte  sur  toutes  les 
autres  par  la  pureté  de  sa  foi,  l'excellence  de  sa  doctrine,  et 
l'éclat  de  toutes  les  vertus.  C'est  pourquoi,  continue-t-il,  après 
avoir  examiné  les  qualités  des  deux  conlendans,  et  discuté 
soigneusement  le  mérite  des  deux  élections,  elle  vient  de  recon- 
naître, du  consentement  de  son  roi  sérénissime  et  très-catho- 

Lobbe.  conc.  lique,  le  pape  Alexandre  ».  Cette  lettre,  ainsi  que  la  précé- 
i.  X,  col.  1-93.  dente  du  pape  Alexandre,  a  été" insérée  dans  la  collection  des 
conciles. 

Epi.i.  33.  Arnoul  envoya  copie  de  celte  lettre  au  cardinal  Henri  de 

Pise,  envoyé  en  France  pour  négocier  en  faveur  d'Alexandre. 
Dans  celle  qui  accompagnait  cet  envoi,  il  nous  apprend 
pourquoi  il  se  crut  obligé  d'écrire  au  clergé  d'Angleterre  sur 
lafTaire  du   schisme.    «   Le    roi,    dit-il,   ayant   reçu,   pendant 


ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE   LISIEUX.  315 

son  séjour  en  Normandie  ,  des  lettres  du  pape  Alexandre  ,  d'une  ^n  siècle 
part,  et  de  l'autre ,  un  écrit  du  faux  concile  de  Pavie ,  fit  partir 
pour  l'Angleterre  des  prélats  chargés  de  ces  deux  pièces  ,  avec 
ordre  de  convoquer  une  assemblée  pour  les  examiner.  J'étais 
du  nombre  des  commissaires  ;  mais  n'ayant  pu  me  rendre 
en  Angleterre ,  j'ai  cru  devoir  suppléer  à  mon  absence  par 
la  lettre  ci-jointe  » .  C'est  la  lettre  21  dont  nous  venons  de  par- 
ler. Par  conséquent,  celle-ci,  qui  est  la  trente-troisième,  n'est 
pas  à  sa  place. 

Arnoul ,  dans  la  même  lettre ,  mande  au  cardinal  qu'il  a 
remis  au  porteur  de  la  lettre  un  exemplaire  des  oeuvres  d'En- 
nodiùs  de  Pavie,  que  ce  prélat  lui  avait  demandé.  «  Pour  moi , 
dit-il ,  je  ne  connaissais  pas  cet  auteur  avant  que  vous  m'en 
eussiez  parlé.  Mais ,  après  avoir  lu  ses  écrits ,  je  me  suis  étonné 
comment  il  avait  eu  la  confiance  de  les  mettre  au  jour ,  et 
le  bonheur  de  trouver  des  copistes  et  des  lecteurs.  Car  en  vérité 
ils  ne  méritent  pas  le  temps  qu'il  faut  employer  pour  les  bien 
entendre ,  ni  la  peine  et  les  frais  qu'il  en  coûte  pour  les 
transcrire,  attendu  que  le  volume  est  fort  gros,  et  qu'il  est 
besoin  de  le  relire  plusieurs  fois  pour  saisir  la  pensée  de  l'au- 
teur qui  est  si  embrouillé,  dit-il,  qu'on  devrait  l'appeler 
Innodius  plutôt  qa  Bnnodius.  Arnoul  ne  fait  pas  plus  de  cas  de 
ses  vers  que  de  sa  prose,  et  ce  jugement  est  assez  conforme  àcelui 
des  auteurs  de  l'Histoire  littéraire  de  la  France  ,  qui  avouent  nisi.  LiMt 
cependant  qu'on  reconnaît ,  dans  quelques-uns  de  ses  écrits ,  '  '"'  ''■  ''"■ 
tm  poète  ingénieux ,  plein  de  feu  ,  d'imagination ,  et  d'élé- 
gance. 

Henri  de  Pise  était  alors ,  comme  nous  l'avons  dit  ,  légat  EpUi.  23. 
en  France  avec  le  cardinal  Guillaume  de  Pavie.  Le  roi  Louis- 
Ic-Jeune  avait  conçn  d'abord  une  haute  idée  de  leur  mérite  ; 
n)ais  il  rabattit  bientôt  de  cette  estime  à  l'occasion  d'une 
dispense  qu'ils  accordèrent  trop  facilement,  selon  lui,  au 
roi  d'Angleterre ,  pour  célébrer  le  mariage  de  son  fils  avec 
la  fille  du  roi  de  France,  mariage  qu'on  était  convenu  de 
différer  encore  de  trois  ans.  Le  Vexin  français  était  la  dot 
promise  à  la  princesse  ;  mais  le  roi  d'Angleterre ,  impatient 
de  jouir  ,  n'attendit  pas  ce  terme  ;  il  fit  célébrer  le  mariage , 
l'an  1160,  avec  l'autorisation  des  légats.  Le  roi  de  France 
s'en  plaignit  hautement  comme  d'une  perfidie,  et  l'évêque 
de  Lisieux  se  chargea  de  prévenir  l'impression  que  le  mé- 
contentement du  roi  pourrait  produire  à  Rome  sur  les 
esprits.     Il  écrivit   au   collège   des    cardinaux  la    lettre  23, 

Kr  2 


26 


316  ARNOUL,   ÉVÊQUE  DE  LISIEUX. 

xil  SIECLE,     dans  laquelle  il  déduit  les  motifs  de  la  conduite  des  légats, 

et  fait  leur  apologie. 
Epist.  24,  2»,  Lgg  lettres  24,  25,  26,  au  pape  Alexandre ,  ont  trait  aux 
atteintes  que  Froger,  évêque  de  Séez ,  portait  à  l'état  de  régu- 
larité de  son  chapitre,  en  nommant  à  un  archidiaconé  un  de 
ses  neveux  appelé  Jean.  Arnoul  se  crut  obligé  de  prendre  la 
défense  du  chapitre ,  parce  qu'il  avait  travaillé  avec  son  frère 
à  y  établir  la  régularité ,  et  avait  obtenu  contre  Froger  une 
sentence;  mais  celui-ci  s'était  pourvu  par  appel  en  cour  de 
Rome.  Arnoul  ne  pouvant  pas  faire  le  voyage  ,  malgré  le  désir 
qu'il  avait  de  conférer  avec  le  pape  ,  écrivit  les  deux  premières 
lettres  pour  le  prémunir  contre  les  sollicitations  de  l'oncle  et 
du  neveu  ;  et  la  troisième  pour  se  plaindre  qu'il  leur  eût  donné 
gain  de  cause. 
Episi.  27.  La  lettre  27   au   pape  Alexandre  n'est  qu'une  recomman- 

dation  en   faveur  d'un   archidiacre  de  Poitiers ,   qui   allait   à 
Rome  défendre   le   droit    qu'il    avait    de  nommer    les  archi- 
prètres. 
Epist.  28.  L'an  1166,  Henri  II  ,  roi  d'Angleterre  ,  avait  envoyé  à  Rome 

des  commissaires  chargés  de  poursuivre  l'appel  qu'il  avait  inter- 
jeté ,  pour  se  mettre  à  l'abri  de  l'interdit  dont  il  était  me- 
nacé par  l'archevêque  de  Cantorbéry.  Arnoul  devait  être  de  la 
députation  ,  et  il  s'en  félicitait,  parce  que  depuis  long-temps 
il  desirait  de  baiser  les  pieds  de  Sa  Saintelé.  Mais  le  roi  l'avait 
retenu  par  celte  considération,  dit-il,  lettre  28,  qu'il  aurait 
exposé  sa  vie  aux  traits  des  ennemis  du  pape  Alexandre ,  qui 
infestaient  les  chemins.  Ego  enim  homo  sum  cui  celebrem 
multœ  causée  contulère  noHtiam ,  et  cui  apud  hostes  eccle- 
sise  plurimam  zelus  justitiae  contraxit  invidiam  ,  sibique  cre- 
dunt  successisse  si  in  personà  meà  et  malignitati  suae  satisfa- 
cere ,  et  vesiram  passent  offendere  majestatem .  Retinuit  ita- 
que  me  rex  noster,  etc. 
Episi.  29.  Le  chantre  de  Saint- Agnan  d'Orléans  ,  nommé  Remiba  ,  avait 

perdu   sa   place   pour  quelque   manquement    envers  le  pape. 
Louis-le-Jeune  avait  intercédé  pour  lui  ,  et  n'avait  pu  obtenir 
t.  iv'ïu'r  ^Iw  son  rétablissement.  Arnoul  écrivit  aussi  en  sa  faveur  au  pape 
p.  %u.  la  lettre  29,  qui  doit  être  de  l'an  1165,  à  en  juger  par  la  lettre 

d'Alexandre  au  roi  de  France. 
Epist.  30.  Pour   ]3i^.ij    comprendre  la   lettre    30  ,    également   adressée 

au  pape  Alexandre ,  il  faut  la  comparer  avec  une  autre  du 
XVI,  «""âse!"  '    roi  d'Angleterre   au  même  pontife,  imprimée  parmi  celles  de 
saint    Thomas   de  Cantorbéry ,    d'après    un    manuscrit    de  la 


Epist.  32. 


ARNOUL,  ÉVÈQUE  DE  LISIEUX!  317 

Bibliothèque  royale.   La   lettre   d'Arnoul  contient  les  mêmes     xii  siècle. 
reproches  que  le  roi  faisait  à  la  cour  de  Rome,  qu'elle  était  pleine 
d'émissaires  tout  occupés  à  le  décrier,  et  qu'ils  étaient  mieux 
accueillis  que  les  personnes  respectables  qu'il  envoyait  en  son 
nom,  etc. 

La  lettre  31  à  Gilbert,  évêque  de  Londres,  ne  mérite  pas  que        F.pisi.  3i. 
nous  nous  y  arrêtions.   Elle  a  pour  objet  de  recommander  au 
prélat  l'affaire  d'un  particulier  dont  la  connaissance  lui  était 
déléguée  par  le  pape. 

La  trente-deuxième  n'est  pas  plus  importante.  C'est  un  ordre 
à  l'abbé  de  Grestain,  qui,  depuis  quinze  mois,  était  eu  Angle- 
terre occupé  de  procès,  de  retourner  dans  sa  maison,  à  un  temps 
marqué. 

Nous  avons  rapporté  plus  haut  ce  que  nous  avions  à  dire  sur        Epist.35. 
la  lettre  33  au  cardinal  légat  Henri  de  Pise. 

La  lettre  34,  en  faveur  d'un  de  ses  anciens  condisciples,  nom-  Episi.  u. 
mé  maître  Meschin,  est  adressée  à  Ernald,  archidiacre  de  Poi- 
tiers. C'est  sans  doute  Arnaud,  surnommé  qui  non  ridet, 
le  dénonciateur  des  erreurs  de  son  évêque  Gilbert  de  la  Porée. 
Meschin  avait  encouru  la  disgrâce  de  l'archidiacre;  mais  il  allait 
se  présenter  à  lui  avec  des  lettres  de  recommandation  de  la 
part  du  pape,  auxquelles  l'évêque  de  Lisieux  joignit  la 
sienne. 

Arnoul  étant  allé  visiter  à  Bénévent  le  pape  Adrien  IV,  j.  j^,  55 
fut  chargé  à  son  retour  de  la  conduite  d'un  jeune  homme 
qui  devait  recevoir  à  Lacques  la  ceinture  militaire.  Ce  jeune 
homme  étant  tombé  malade  dans  la  route,  Arnoul,  dans  la 
lettre  35,  rend  compte  au  pape  des  soins  qu'il  a  pris  de  sa 
santé  jusqu'à  Lucques;  mais  ne  pouvant  pas  s'arrêter  plus 
long-temps,  il  l'instruit  qu'il  a  chargé  quelqu'un  de  pourvoir 
aux  frais  de  la  cérémonie,  lorsque  le  jeune  homme  serait 
rétabli. 

Gautier,  évêque  d'Albano,  avait  écrit  à  celui  de  Lisieux  Epist.  36, 
une  lettre  pleine  d'estime  et  en  même  temps  de  reproches, 
sur  ce  qu'il  n'avait  pas  répondu  à  plusieurs  de  ses  lettres,  ou 
ne  lui  avait  envoyé  que  des  complimens,  in  globo,  avec  les 
autres  cardinaux.  Arnoul,  dans  sa  lettre  36,  emploie  toute  sa 
rhétorique  pour  répondre  dignement  à  une  prévenance  si  flat- 
teuse. 

La   lettre   37,   à  l'évêque  d'Angoulême,    contient    un   fait        j,  j^^  ^^ 
assez  extraordinaire.    Un  diocésain   de   Lisieux    avait  envoyé 
son  fils  à  un  de  ses  parens  établi  dans  l'Angoumois,  avec  une 


318  ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX. 

XII  SIECLE,  somme  considérable  d'argent  pour  le  faire  élever.  Celui-c 
ayant  dissipé  les  fonds  de  son  pupille,  l'avait  mis  entre  les  mains 
d'un  clerc,  à  titre  de  gage,  pour  une  somme  qu'il  avait  emprun- 
tée delui.  Le  clerc,  en  conséquence,  retenait  l'enfant,  et  exigeait, 
pour  le  rendre,  qu'on  lui  remboursât  non  seulement  le  capital 
de  son  prêt,  mais  encore  les  intérêts.  Arnoul  se  plaint  au 
prélat  d'une  conduite  si  révoltante  à  tous  égards.  «Car  1°, 
dit-il,  le  contrat  est  nul,  attendu  que  l'enfant  n'était  point  en 
âge  de  s'obliger  ;  2o  c'est  une  violation  manifeste  des  canons 
qu'un  clerc  exerce  l'usure,  odie'ise  même  parmi  les  laïcs  ; 
3°  un  enfant  de  condition  libre  ne  peut  pas  être  réduit  en  ser- 
vitude sans  le  consentement  de  ses  parens  » .  L'évêque  de 
Lisieux  demande  justice  là-dessus  à  son  confrère,  avec  menace 
de  l'entreprendre  lui-même,  s'il  ne  lui  donne  une  prompte 
satisfaction. 

Episi.  ô8.  Nous  avons  vu,  dans  la  lettre  17,  qu'Arnaud,  abbé  de  Bonne- 

val,  avait  fait  un  voyage  à  Rome  vers  l'an  I  l5o.  Avant  que  de 
partir,  il  avait  prévenu  de  son  prochain  départ  l'évêque  de 
Lisieux  ;  mais,  par  la  négligence  du  commissionnaire,  la  lettre 
lui  ayant  été  remise  trop  tard  pour  pouvoir  lui  donner  des 
instructions,  Arnoul,  dans  la  lettre  38,  antérieure  par  conséquent 
à  la  lettre  17,  lui  mande  qu'il  a  offert,  et  qu'il  continuera 
d'offrir,  pour  le  succès  de  son  voyage,  le  saint  sacrifice  de  la 
messe,  dont  il  parle  en  vrai  théologien. 

EpUi.  ri9.  Le  pape  Alexandre  III   ayant  assemblé  un  concile  à  Tours, 

l'an  1163,  pour  traiter  de  l'affaire  du  schisme  qui  l'avait 
contraint  de  se  réfugier  en  France,  Arnoul  prononça  un 
discours  sur  l'unité  et  la  liberté  de  l'église  contre  les  préten- 
tions de  l'empereur  d'Allemagne,  qu'on  regardait  comme 
tyranniques.  On  l'avait  prié  de  mettre  par  écrit  son  sermon, 
parce  que,  dans  le  tumulte  d'une  grande  assemblée,  il  n'avait 
pu  être  entendu  de  tout  le  monde,  ('/est  ce  qu'il  fit,  en  pla- 
çant à  la  tête  la  lettre  39  à  Gilles,  archidiacre  de  Rouen, 
le  même  à  la  prière  duquel  il  fit  depuis  la  collection  de  ses 
lettres. 

Epist.  40.  Nous  ne  dirons  rien  de  la  lettre  40  au  grand  chantre  de  Lin- 
coln, parce  qu'elle  n'a  pour  objet  (jue  ile  recommander  un  parti- 
culier qui  n'est  pas  même  nommé. 

Episi.  41.  Nous  avons  vu  qu'Arnoul,  sur  la  fin  de  ses  jours,  s'était 
retiré  dans  l'abbaye  de  Saint- Victor  à  Paris.  Il  avait  eu  aupa- 
ravant l'intention  de  renoncer  entièrement  aux  affaires,  et 
de  se  fixer  tout  auprès  de  l'abbaye  de  Morleraer.   11  écrivit, 


ARNOUL,   ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  319 

pour  avoir  l'agrément  de  l'abbé  de  Cîteaux  et  de  son  ordre,  la     xii  siècle 
lettre  41 . 

Dans  la  lettre  42  au  pape  Alexandre,  après  l'énumération  des      Epist.  i2 
désordres  qui  régnaient  dans  l'abbaye  de  Grestain.  Arnoul  pro- 
pose au  pape  de  disperser  les  religieux ,  et  de  mettre  à  leur  place 
des  chanoines  réguliers. 

Obligé,  malgré  son  grand  âge,  de  voyager  soit  pour  ses  Epjsj  ^^ 
propres  afifaires,  soit  pour 'celles  des  autres,  Arnoul  avait  prié 
Richard,  archidiacre  de  Poitiers,  homme  tout  puissant  à  la  cour 
du  roi  d'Angleterre,  de  lui  procurer  deux  bons  chevaux.  Les 
ayant  reçus,  il  lui  écrit  la  lettre  43  pour  le  remercier,  et  fait 
en  même  temps  l'éloge  des  chevaux,  qu'il  a  trouvés  doux  et 
Iraitables,  tels  qu'il  les  desirait.  Cet  archidiacre  fut  élu  évoque 
de  Winchester,  l'an  1172.  La  lettre,  par  conséquent,  est  anté- 
rieure à  cette  époque. 

Laurent,   abbé   de   Westminster   avait,   à    la   recommanda-       Episi.  u. 
tion   d'Arnoul,  conféré  un   bénéfice  à    un   nommé  Simon.  La 
lettre  44  est    écrite  pour   l'en   remercier,  et   n'a  pas   d'autre 
objet. 

Les  lettres  45,  46,  47,  sont  relatives  au  meurtre  de  saint 
Thomas  de  Cantorbéry,  et  ont  pour  objet  de  justifier  la 
conduite  des  évêques  d'Angleterre,  qui  s'étaient  montrés  les 
plus  opposés  au  saint  archevêque.  La  première  est  en  faveur 
de  Roger,  archevêque  d'York  ;  les  deux  suivantes  à  la  dé- 
charge de  Jocelin,  évêque  de  Sarisbéry,  et  de  Gilbert,  évêque 
de  Londres. 

Gilles,  archidiacre  de  Rouen,  ayant  été  promu,  l'an  1170,  à       Epist.  të. 
l'évêché  d'Évreux,  Arnoul,  qui  avait  pour  lui  une  amitié  toute 
particulière,  lui  écrit  la  lettre  48  pour  le   féliciter. 

Des  prêtres  du  diocèse  de  Noyon  étant  venus  dans  le  sien,  g  j^^  ^j, 
sous  prétexte  de  recueillir  des  aumônes  pour  rebâtir  l'église 
de  Noyon,  et  se  disant  habiles  en  architecture,  Arnoul  voulut  les 
retenir,  dans  le  dessein  de  rebâtir  la  sienne,  et  se  rendit  caution 
pour  eux  d'une  somme  qu'ils  avaient  empruntée.  Ces  prêtres 
s'étant  évadés  furtivement,  il  en  porta  ses  plaintes  à  l'évêque  de 
Noyon  parla  lettre  49. 

Gilles,  évùque   d'Évreux,   devait  connaître   d'un  procès  qui      £„jjj    ,^ 
s'était  élevé  entre  lévêque   de   Lisieux  et  l'abbé  d'un  monas- 
tère qui  n'est  pas  nommé  ;  mais  il  était  retenu   par  la  crainte 
d'indisposer   contre    lui  le  prince    régnant.    Arnoul,    pour  le 
tirer   d'embarras,  lui  mande,  dans  la   lettre  50,  qu'il  a  résolu 


p.  D 


320  ARNOUL,    ÉVÉQUE     DE    LISIEUX. 

XII  SIECLE.      Je  demander  un  autre  juge,  qui,  par  sa  position,  soit  à  l'abri 
d'une  pareille  crainte. 
Epist.  »l.  Le  patronage  de  la  cure  de  Marines,  dans  le  Vexin  français, 

était  l'objet  d'un  procès  entre  l'abbé  de  Saint-Vincent  de  Senlis 
et  un  prêtre  séculier.  Arnoul,  comme  délégué  du  saint  siège, 
conjointement  avec  l'évoque  de  Senlis,  avait  prononcé  en  der- 
nier ressort  en  faveur  de  l'abbé  ,  mais  la  partie  adverse 
voulait  se  pourvoir  contre  ce  jugement.  Arnoul ,  dans  la 
lettre  !i1  au  pape  Alexandre  111,  lui  rend  compte  de  l'affaire,  et 
des  motifs  qui  ont  déterminé  le  jugement.  Cette  lettre  est  posté- 
rieure à  l'an  1171,  car  il  est  dit  que  Richard,  qui  avait  assisté  au 
jugement  en  sa  qualité  d'archidiacre  de  Coûtance,  était  alors 
évêqued'Âvranches. 
Epist.  K2.  La  lettre  52,  au  même  pape,  fut  écrite  au  nom  des  évêques  de 

Ep.  s.  Thom.  Normandie,  et  se  trouve  parmi  celles  de  saint  Thomas  de  Can- 
lib.^  m.  ep.  23.  ^Qj.jj^^y     gng  ggj  relative  à  la  conférence  que  les  envoyés  du 
pape,  Gralien  et  Vivien,  avaient  eue  à  Bayeux,  l'an  1 169,  avec 
le  roi   d'Angleterre,    sur  les  moyens  de  réconcilier  ce  prince 
avec  l'archevêque  de  Cantorbéry. 
Episi.  53.  L'objet  de  la  lettre  53  est  le   même  que  celui  de  la  trente- 

deuxième.  C'est  une  nouvelle  injonction  à  l'abbé  de  Grestain  de 
quitter  l'Angleterre,  et  de  se  rendre  à  son  abbaye. 

On  voit,  par  la  lettre  54,  qu' Arnoul  savait  maintenir  les  préro- 
*"'  gatives  de  son  siège.  Les  moines  de  Bernay  ayant  élu  un  nouvel 

abbé,  avaient  manqué  à  son  égard  aux  formalités  usitées  en  pa- 
reil cas;  il  s'en  plaint,  et  néanmoins  il  est  disposé  de  son  côté  à 
remplir  les  devoirs  de  sa  charge. 
Episi  st.  La  lettre  55  au    pape  Alexandre  est  mutilée,  et  ce  n'est  pas 

une  grande  perte.  Il  s'agissait  d'un  procès  dont  la  connaissance 
lui  avait  été  déléguée  par  le  pape, 
g  ij,    ge  Dans  la  suivante    à    Henri    de  Sully,    abbé     de  Fécamp, 

*"*  Arnoul    prend   une    tournure   ingénieuse  pour  lui   demander 

un  cheval.  Il  se  plaint  agréablement  que  ses  amis,  partis 
depuis  peu  pour  la  Terre-Sainte,  ayant  enlevé  ses  chevaux, 
l'on  réduit  à  aller  à  pied.  Voulant  redevenir  cavalier,  et  ne 
croyant  pas  qu'il  fût  décent  qu'un  homme  de  son  importance 
fût  armé  chevalier  par  des  mains  vulgaires,  c'est  de  lui  qu'il 
veut  recevoir  cet  honneur,  comme  appartenant  éminemment 
à  l'ordre  de  la  chevalerie,  étant  issu  du  sang  royal.  Et  quia 
indignum  est  hominem  ôpinionis  mex  per  manus  humiliutn 
in  equitem  reformari,  in  vestram  id  duxi  gloriam  conferen- 


ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  321 

dum  ,  quem  non  solùm  equestris  ordinis  dignilas ,  sed  etiani      xii  siècle. 

regii  sanguinis  excellentia  sublimavit.   En    effet ,    l'abbé  de 

Fécamp  était  de  la  maison  de  Blois ,   propre  uevcu  d'Etienne  ,  ,^ 

roi  d'Angleterre.  Quant  à  la  circonstance  du  départ  pour  la 

Terre-Sainte,  cela  ne  peut  s'entendre  de  la  croisade  de  1147, 

puisque  Arnoul  fut  un  des  partans.  Mais  nous  avons  un  long  ^^  s'j,"'^*'  ^79 

catalogue   de    gentils-hommes    d'Anjou    et   du   Maine ,    qui , 

vers    H 60,    reçurent    la    croix    des    mains    de   Guillaume, 

évêque  du  Mans;  c'est  apparemment  de  ceux-là  qu'il  s'agit  en 

cet  endroit. 

Richard,  archidiacre  de  Poitiers,  était,  comme  nous  l'avons  ^^p-  ^'^■ 
dit  en  rendant  compte  de  la  lettre  43 ,  un  des  ministres  que 
le  roi  d'Angleterre  employait  dans  les  affaires  les  plus  impor- 
tantes du  gouvernement.  Arnoul ,  en  lui  envoyant  le  livre 
des  Obligations  des  clercs  ,  de  ecclesiasticis  Officiis,  lui 
témoigne ,  dans  la  lettre  57  ,  le  désir  qu'il  aurait  de  le  voir 
déchargé  du  maniement  des  affaires  temporelles  ,  et  lui  recom- 
mande sur-tout  de  ne  prendre  aucune  part  aux  jugemens  em- 
portant peine  afflictive  corporelle,  qu'il  appellejugemensdesang, 
si  contraires  à  l'esprit  de  douceur  qui  doit  animer  les  ecclé- 
siastiques. 

Un  particulier  avait  obtenu  des  légats  du  pape,  Albert  et  ^'^'  ''^ 
Théoduin,  des  lettres  qui  renvoyaient  à  l'évèque  de  Lisieux  le 
jugement  de  son  affaire.  Arnoul ,  imaginant  que  ces  lettres 
étaient  supposées  ,  parce  qu'il  y  avait  remarqué  un  solécisme, 
et  que  renfermant  une  injonction  ,  elles  blessaient  l'usage 
reçu  en  pareil  cas,  Arnoul ,  dis-je ,  renvoie  la  lettre  et  le 
plaideur  aux  légats  ,  en  les  priant  de  lui  faire  connaître,  d'une 
manière  moins  équivoque  ,  leurs  intentions,  et  même  de  choisir 
un  autre  juge ,  parce  que  d'autres  affaires  devaient  le  tenir 
éloigné  de  son  diocèse.  Tel  est  lobjet  de  la  lettre  58. 

Le  fameux  Nicolas,  moine  de  Moùtier-Ramei ,  s'étant  plaint  Ep.  su. 
à  Arnoul  d'un  jeune  homme  qu'il  s'était  associé  au  service  du 
comte  de  Champagne,  et  qui,  pour  de  l'argent,  avait  contrefait 
le  sceau  du  comte  et  forgé  do  fausses  lettres,  voulait  de  plus 
rendre  l'évèque  de  Lisieux  responsable  de  la  mauvaise  con- 
duite du  jeune  homme ,  comme  lui  ayant  été  recommandé 
de  sa  part.  Arnoul  lui  repond  ,  dans  la  lettre  59,  que  ce  jeune 
homme  ne  le  touche  en  rien  ,  et  qu'il  n'a  jamais  écrit  en  sa 
faveur;  qu'au  contraire  il  a  en  main  deux  lettres  du  comte, 
qui  prouvent  l'intérêt  que  ce  prince  prenait  au  jeune  homme , 
qu'il  avait  pourvu   d'uu  canonicat  ,   el   qu'à    en   juger   par   le 

Tome  XIV.  Sa 


322  ARNOUL,    ÉVÉQUE    DE    LISIEUX. 

XII  SIECLE  style,  c'était  lui  ,  Nicolas,  qui  les  avait  rédigées;  qu'au  surplus 
ce  jeune  homme  n'était  pas, son  justiciable  ,  qu'il  pouvait  l'at- 
taquer, s'il  le  jugeait  à  propos,  au  tribunal  du  comte,  au 
risque  de  ne  pouvoir  le  convaincre  en  justice  réglée;  mais  qu'en 
le  supposant  même  coupable,  il  y  aurait  de  l'inhumanité  à 
perdre  ,  pour  une  première  faute  ,  un  jeune  homme  bien  né  , 
auquel  il  avait  des  obligations.  On  voit  par  celte  lettre  que 
Nicolas  ,  convaincu  jadis  d'avoir  falsifié  le  cachet  de  saint 
Bernard  ,  était  parvenu  à  regagner  la  confiance  du  comte  de 
Champagne  ,  et ,  quoique  nous  ignorions  le  dénouement  de 
cette  affaire  ,  il  est  fâcheux  pour  sa  mémoire  qu'il  se  soit 
trouvé  encore  impliqué,  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  dans  un 
cas  semblable. 

f-i>    fio.  La  lettre  60  à  Barlhéiémi ,  évêque  d'Excester,  est  en  faveur 

d'un  jeune  Anglais ,  qui  ,  ayant  reçu  en  France  les  ordres 
sacrés  sans  la  permission  de  son  évoque,  avait  encouru  sa 
disgrâce. 

Ep  Cl,  C2,       Les  lettres  61    à  l'abbé  de  Saint-Évroul  ,   62  à  celui  de  la 
Ud,  Ci.  Cour-Dieu,   63  à  celui  de  Cîtoaux,   et  64  à  celui  de  Fécamp, 

ne  traitent  que  d'affaires  monastiques  ,  et  ne  présentent  pas 
un  grand  intérêt. 

Ep.  C5,  67.  La  lettre  65  au  pape  Alexandre  ,  et  la  67°  aux  légats  du 
pape  ,  Albert  et  Théoduin  ,  peuvent  servir  à  faire  connaître 
de  quelle  manière  on  procédait  au  jugement  des  affaires 
ecclésiastiques.  Arnoul  y  rend  compte  de  ce  qui  s'était  passé 
dans  la  décision  de  deux  procès  ,  dont  la  connaissance  lui  avait 
été  délégué. 

Ep.  «8,  C9  Arnoul  était  en  procès  depuis  trente  ans  avec  les  abbés  de 
Saint-Évroul,  lorsqu'il  écrivit,  l'an  1172,  au  même  pontife 
les  lettres  68  et  69  ,  au  sujet  des  dîmes  que  les  moines  étaient 
en  possession  de  percevoir  dans  les  paroisses  dont  ils  étaient 
les  curés  primitifs.  Il  se  plaint  qu'il  n'avait  jamais  pu  obtenir 
un  jugement  ,  quoique  le  pape  eût  déjà  nommé  trois  fois  des 
juges  pour  terminer  ce  procès.  Il  forme  encore  d'autres  plain- 
tes contre  l'abbé  ,   qui,   depuis  cinq  ans,  n'avait  aucun  égard 

Ep.  66.  aux  censures  dont  il  l'avait  frappé.  La  lettre  66  ,  au  cardinal 
Guillaume  de  Pavie,  a  pour  objet  de  lui  recommander  celte 
affaire,  et  l'agent  qu'il  envoyait  pour  cela  en  cour  de 
Rome, 
t  ifi'''"' B09 '"'  ^"  ^°'''  P^T  une  autre  lettre,  publiée  dans  le.  Spicilége  de 
Dacheri,  qu'Arnoul  ne  fut  pas  content  des  juges  que  le  pape 
lui   nomma   encore   cette    fois.    C'était   l'évéque  d'Avranches, 


ARNOUL,   ÉVÊQUE    DE   LrSIEUX.  323 

avec  les  doyens  de  Bayeux  et  d'Évreux.   II  se  plaint  qu'un     xii  siècle. 
évêque  soit  obligé  de  comparaître  devant  des  clercs  d'un  ordre 
inférieur,  et  attendu  que  les  moines  ont  encore  décliné  le  juge- 
ment auquel  il  avait  bien  voulu  se  soumettre,  il  demande  un 
nouveau  règlement  de  juges. 

Henri  de  France,  archevêque  de  Reims,  avait  un  neveu  ^p.  70. 
nommé  Philippe  de  Chaumont.  C'était  le  fils  ou  le  petit-fils 
d'une  fille  naturelle  de  Louis-le-Gros  ,  qui  l'avait  mariée  à 
Guillaume  de  Chaumont  dans  le  Vexin  français.  Son  oncle 
voulut  l'avoir  auprès  de  lui,  et  le  fit  venir  à  Reims  ;  mais 
bientôt  après  le  jeune  homme  encourut  la  disgrâce  du  prélat. 
Se  voyant  frustré  d'une  si  haute  protection,  il  eut  recours  à 
l'évêque  de  Lisieux,  qui  écrivit  en  sa  faveur  la  lettre  70,  très- 
importante  pour  établir  l'existence  de  cette  fille  de  Louis-le- 
Gros,  et  sa  postérité. 

La   71*  et  dernière  lettre  du  recueil,  à  Henri,  évoque  de        Ep.  7i. 
Bayeux,  n'est  qu'une  recommandation  eu  faveur  de  celui  qui  en 
était  le  porteur,  et  qui  n'est  pas  nommé.    Arnoul  ayant  déjà 
obtenu  pour  lui  un  adoucissement  au  châtiment  qu'il  méritait, 
supplie  le  prélat  de  lui  pardonner  entièrement. 

Ce  sont  là  toutes  les  lettres  d'Arnoul,  publiées  à  Paris  l'an 
1585,  par  Claude  Miguaut  (en  latin  Minos),  sur  l'exemplaire 
manuscrit  d'Odon  Turnèbe,  chez  Jean  Richer  ,  en  un  vol. 
in  8°,  réimprimées  depuis  dans  les  grandes  bibliothèques  des 
pères,  mais  sans  aucune  nouvelle  correction.  Elles  en  avaient 
toutefois  grand  besoin  ,  car  toutes  ces  éditions  fourmillent 
de  fautes.  De  plus ,  on  a  négligé  d'insérer  dans  la  dernière 
édition  de  la  Bibliothèque  des  pères,  faite  à  Lyon,  beaucoup 
plus  ample  que  les  autres,  treize  nouvelles  lettres  d'Arnoul, 
que  Dacheri  avait  publiées  vingt  ans  auparavant  dans  son 
Spicilége.  Aussi  l'infatigable  Baluze  s'était-il  proposé  de  donner 
une  nouvelle  édition  des  œuvres  d'Arnoul.  Il  avait  fait  pour 
cela  des  recherches  que  nous  avons  trouvées  parmi  ses  papiers 
à  la  Bibliothèque  royale  ;  mais,  à  l'exception  de  quelques 
chartes  qui  n'ont  pas  encore  vu  le  jour  ,  nous  n'y  avons 
trouvé  aucune  pièce  nouvelle.  Il  nous  reste  à  parler  de  celles 
qui  ont  été  publiées  dans  différentes  collections,  et  que  Baluze 
n'aurait  pas  manqué  d'insérer  dans  la  sienne.  Nous  allons  les 
parcourir  en  suivant  l'ordre  chronologique,  qui,  comme  nous 
l'avons  démontré,  n'a  pas  été  observé  dans  l'arrangement  des 
premières. 

Nous  avons  deux  lettres  d'Arnoul  au  pape  Célestin  II,  qui       spicii.  in-foi. 

Ss^  t.  m,  p.  817. 


32*  ARNOUL,   ÉVÉQUE  DE  LISjEUX. 

XM  SIECLE,     ne  sont  pas  dans  la  collection.  La  première  a  pour  objet  de 

"""  le  féliciter  sur  son  avènement  au  trône  pontifical,  l'an  1143; 

dans  la  seconde,  il  se  porte  pour  dénonciateur  de  l'irrégu- 
larité de  l'élection  qui  avait  été  faite  de  Girard,  chanoine  de 
Séez,  pour  remplir  le  siège  épiscopal  de  cette  église.  En 
effet,  les  chanoines  réguliers  de  Saint-Victor  de  Paris  avaient 
été  introduits  dans  le  chapitre,  l'an  1131,  et  dès-lors  toutes 
les  places  de  cette  église  devaient  être  remplies  par  des  régu- 
liers à  mesure  qu'elles  vaqueraient.  L'évêque  Jean,  frère 
d'Arnoul,  étant  mort  l'an  1143,  quelques  particuliers  caba- 
lèrent  pour  faire  tomber  l'élection  d'un  successeur  sur  un 
chanoine  qui  n'eût  pas  embrassé  la  réforme  ,  et  ils  élurent 
Girard;  mais  il  éprouva  de  grandes  oppositions  qui  ne  se 
bornèrent  pas  à  de  simples  protestations.  On  en  vint  aux 
voies  de  fait;  on  attenta  sur  sa  personne,  et  on  lui  fit  subir, 
selon  quelques  historiens  (1)  ,  une  honteuse  mutilation.  On 
voit  même  que  le  comte  d'Anjou,  alors  maître  de  la  Nor- 
mandie ,  élait  soupçonné  d'avoir  favorisé  cette  atrocité. 
L'affaire  ayant  été  portée  à  Rome,  Arnoul  écrivit  au  pape 
Célestin,  non  pour  insulter  au  malheur  de  Girard  ,  mais 
pour  demander  que  ses  assassins  fussent  punis,  et  qu'en  même 
temps  son  élection  ,  dont  il  prouve  la  nullité,  fût  cassée. 
Célestin  nomma  des  commissaires  pour  juger  sur  les  lieux; 
mais  Girard  ayant  trouvé  moyen  de  décliner  le  jugement, 
s'enfuit  à  Rome,  où  il  arriva  sous  le  pontificat  d'Eugène  III. 
.  Bern.  cp  65.  Arnoul  l'y  suivit  de  près,  muni  de  lettres  de  saint  Bernard, 
qui  peignaient  l'évêque  élu  de  Séez  sous  les  traits  d'un  hypo- 
crite et  d'un  fourbe,  et  comblaient  d'éloges  celui  de  Lisieux. 
Eugène  cependant  confirma  l'élection  ,  à  condition  que  le 
nouvel  évoque  embrasserait  la  réforme ,  c'est-à-dire ,  la  vie 
commune.  Cette  lettre  existe  toute  entière  dans  le  nouveau 
(Jaii.  chrisi.  GalUa  Christianu,  et  on  partie  parmi  les  lettres  d'Arnoul,  à  la 

162    '  ""^    "^^    suite  d'un  sermon,  où  elle  n'a  pas  de  commencement,  parce  que 
l'éditeur  ne  s'est  pas  aperçu  qu'il   y  avait  une  lacune  dans  le 
manuscrit. 
Mart.  Anccd.       L'an    1150,    Amoul    fut    chargé    par    le    comte    d'Anjou, 

t.  I,  col.  <I8. 

(I)  Cette  mutilation  est  une  fable,  selon  l'abbé  des  Tailleries,  dans  ea  Disser- 
tation sur  quelques  points  de  l'histoire  de  Normandie,  p.  173-175.  Mais  ses 
preuves  ne  sont  nullement  convaincantes.  Girard  disait  lui-même,  suivant  Raoul 
de  I)iceto(arf  an.  1 145),(iu'il  avait  été  sacré  dans  son  sang,  quod  in  volutabro  s%i 
snnfjuidis/ueral  consecratus. 


ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  32;i 

Geofroi  Planlagenet,  de  négocier  avec  l'abbé  Siiger,  pour  faire     xii  sieclk. 
passer  sur  la  léle  de  son  fils  Henri,  depuis  roi  d'Angleterre,  le 
duché  de  Normandie,  il  reste  de  cette  négociation  une  lettre  à 
l'abbé  Suger,  dont  il  a  été  |);irlé  plus  iiaul. 

Le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale,  n"  5320,  fol.    151,         Hisi.  de  Fr. 
en  contient  une  autre  qui  a  ete  nouvellement  imprimée,  bile  est 
adressée  à  saint  Thomas,  archevêque  de  Cantorbéry,  pour  le 
féliciter  sur  sa  nouvelle  dignité,  l'an  11G2. 

Tout  le  monde  connaît  le  grand  différend  qui  séleva  bien- 
tôt après  entre  le  roi  d'Angleterre  et  l'archevêque  de  Can- 
torbéry, qui  fut  contraint  de  se  réfugier  en  France.  On  voit, 
par  plusieurs  lettres  imprimées  parmi  celles  de  saint  Thomas, 
qu'en  1164,  le  pape  et  1  impératrice  Mathilde,  mère  de 
Henri  il,  travaillaient  à  réconcilier  le  saint  archevêque  avec  le 
roi.  Il  paraît  que  Thomas  lui-même  désirait  un  accomodemenl, 
el  qu'il  avait  réclamé  pour  cela  les  bons  offices  de  1  evêque  de 
Lisieux.  Celui-ci  écrivit  une  longue  lettre,  qui  a  été  imprimée  Spuii.  ih,d. 
dans  le  Spicilége  de  Dachcri,  et  parmi  celles  de  saint  Thomas.   ■'■  ^'*^",    ^, 

t  ^  '  l  Ep.  s.    Thom. 

Elle  est  curieuse   :  Arnoul  y   montre    au    naturel    son    esprit  i,i,.  i,  cp.  8». 
délié. 

Elle  débute  par  un  éloge  du  saint  archevêque,  où  l'auteur 
relève  la  ferveur  de  son  zèle,  tempéré  par  une  humilité  sin- 
cère, el  fortifié  par  un  courage  à  toute  épreuve,  et  aussitôt 
il  rapporte  les  mauvais  bruits  qui  couraient  sur  son  compte  ; 
qu'affectant  de  conserver  dans  la  prélature  les  mœurs  de  la 
chancellerie,  il  voulait  que  tout  pliât  sous  sa  puissance,  et 
que  personne  n'osât  résister  à  ses  volontés;  qu'élevé  comme 
il  était,  el  porté  par  la  providence  à  un  plus  haut  degré  d'hon- 
neur, il  ne  lui  convenait  plus  de  s'asseoir  aux  pieds  du  maître 
ni  même  à  ses  côtés,  mais  que  sa  place  était  en  quelque  sorte 
au-dessus  du  diadème;  que  par  ces  motifs  il  avait  jugé  devoir, 
au  commencement  de  son  pontificat,  s'opposer  aux  volontés  du 
monarque,  afin  que,  par  sa  défaite,  tout  le  monde  se  crût 
terrassé. 

Arnoul,  loin  d'adopter  ces  faux  bruits,  témoigne  que  le 
temps  les  avait  déjà  entièrement  dissipés ,  et  que  tout  le 
monde  était  convaincu  de  la  pureté  des  motifs  qui  le  fai- 
saient agir,  ainsi  que  de  la  justice  de  sa  cause.  Mais  il  l'avertit 
en  même  temps  que,  s'il  veut  rentrer  en  grâce  avec  le  roi, 
il  doit  beaucoup  se  relâcher  de  ses  prétentions,  sans  quoi  il 
rencontrera  de  grandes  oppositions;  1"  de  la  part  du  roi, 
dont  il  lui  retrace  le  caractère.   «  C'est  un  prince,  dit-il,  dont 

2   i 


326  ARNOUL,   ÉVÉQUE  DE  LISIEUX 

,  les  intrigues  sont  redoutées  dans  les  pays  éloignés,  dont  la  puis- 
sance inspire  la  crainte  à  ses  voisins,  et  dont  la  sévérité  fait 
trembler  ses  sujets.  Ses  nombreux  succès,  et  la  faveur  non 
interrompue  de  la  furtunc,  lonl  rendu  si  jaloux  de  son  autorité, 
que,  ne  pas  lui  obéir,  cest,  à  son  avis,  l'outrager.  Autant  il  est 
aisé  de  1  irriter,  autant  il  est  diflicile  de  1  apaiser.  Cependant 
la  soumission  et  la  patience  le  rendent  quelquefois  traitable  ; 
mais  il  ne  se  laisse  jamais  vaincre  par  la  roideur  •  il  veut  que 
ce  qu'il  fait  paraisse  venir  de  son  choix,  et  non  d'aucune  loi 
qu'il  serait  contraint  de  subir.  » 

2"  De  la  part  des  évèques  d'Angleterre,  il  les  représente 
comme  des  lâches  et  des  traîtres,  qui,  loin  de  prendre  la 
défense  de  leur  primat,  dont  la  cause  était  celle  de  Jésus- 
Christ  et  de  son  église,  non  seulement  1  ont  abandonné 
comme  de  concert,  mais  ont  cru  ne  devoir  épargner  à  son 
égard  ni  fourberies,  ni  mauvais  propos,  et  semblent  s'être 
disputé  les  uns  aux  autres  à  qui  passerait  pour  le  haïr  davan- 
tage, et  le  traiter  avec  moins  de  ménagement.  Il  convient 
que,  dans  le  clergé  du  second  ordre,  l'archevêque  avait  plu- 
sieurs partisans  sincères,  qui  soupiraient  en  secret  pour  son 
retour,  et  demandaient  ii  Dieu  qu'il  lui  accordât  la  victoire. 
Mais  aucun  n'avait  le  courage  de  se  dire  ouvertement  son 
ami. 

3"  Quant  aux  grands,  c  étaient  les  ennemis-nés  du  clergé. 
Ils  avaient  formé  de  tout  temps  entre  eux  une  espèce  de 
ligue  contre  les  gens  d'église,  pour  traverser  leurs  projets, 
comptant  au  nombre  de  leurs  pertes  tout  ce  qui  pourrait 
leur  arriver  d'avantageux  :  ils  redoublaient  leurs  efforts  à  la 
faveur  des  conjonctures  présentes,  parce  qu'elles  leur  four- 
nissaient un  [)rétexte  de  se  porter  pour  les  défenseurs  de 
lautorité  royale  :  non  qu'ils  eussent  lintention  de  la  servir, 
mais  pour  se  procurer  l'impunité  dans  leurs  déprédations 
par  un  zèle  aÛeclé.  Or,  dit-il,  ces  gens-là  sont  d'autant  plus 
à  craindre  qu'ils  ont  l'oreille  du  prince,  et  qu'ils  sont  plus  à 
portée  de  nuire. 

De  toutes  ces  considérations  Arnoul  conclut  qu'il  faut  se 
prêter  aux  tempéramens  qui  peuvent  se  concilier  avec  la 
droiture  et  la  religion;  qu'il  est  à  propos  de  dissimuler  bien 
des  choses  jiisiju'à  ce  (jue  des  conjonctures  plus  favorables 
nous  mettent  en  état  de  mieux  faire  «  Si  donc,  ajoute-t-il, 
on  vous  propose  quelque  projet  d'accommodement,  n'allez 
pas  discuter  scrupuleusement  chacjue  article,  parce  que   cela 


ARNOUL,    ÉVÈQUE    DE    LISIEUX.  327 

ne  produirait  qiio  dos  contestations  propres  à  faire  revivre  xii  siècle 
les  anciennes  inimitiés.  Car  si  on  nexice  de  nous  que  la  pro- 
messe de  garder  fidèlement  les  anciennes  coutumes,  autant 
qu'elles  n'ont  rien  de  contraire  à  la  loi  de  Dieu,  il  n'y  a  rien 
en  cela  qui  blesse  la  conscience.  Si  donc  la  bonté  divine  permet 
qu'on  vous  offre  la  paix  sous  la  condition  d'une  pareille  formule, 
ne  la  rejetez  pas,  et  réservez  à  un  autre  temps  l'interprétation 
des  termes  de  votre  engagement.  »  Enfin  il  lui  promet  d'agiren 
sa  faveur  auprès  du  roi  ;  mais  il  le  prévient  que,  pour  le 
mieux  servir  et  pour  être  écouté,  il  fera  semblant  de  lui 
être  opposé,  et  (ju  il  blâmera  sa  conduite.  Proinde  sic  agen- 
(him  niihi  erit,  ut  me  vobis  prima  facie  profilear  inimicum, 
quia  amicuin  profitenti  neque  fides  haberelur,  nec  aliquis 
piwstarelur  accessus.  Il  est  clair  qu'Arnoul  eût  été  de  bien 
plus  facile  ccm[)osition,  mais  non  pas  d'aussi  bonne  foi  que 
saint  Thomas,  s'il  eût  eu  le  même  différend  que  ce  prélat  avec 
le  roi  d'Angleterre. 

Arnoul,  quoique  sujet  immédiat   du   roi   d'Angleterre  n'était       ciicsn.  t.  iv, 
pas  moins    attentif  à  se  ménager  la  faveur  du   roi  de    France.  P- " '•■ 

...  1  I  •!•  Uouiiuet, 

A  la  naissance   de  Philippe-Auguste,   il    fut  un    des  plus  em-  i.  xvi,  p.  lis. 
pressés   à   le   féliciter  sur  cet  heureux  événement,    par  une 
lettre  qui    a  été  publiée  dans   le  Kecueil  des  historiens  de 
France. 

Après  le  liiourlre  de  saint  Thomas  de  ("aniorbéry,  il  eut  lieu 
d'exercer  son  zèle  pour  dissiper  forage  qui  se  formait  sur  la 
tête  du  monar([ue  anglais.  Le  roi  de  France,  et  des  évêques 
français  avaient  dénoncé  au  pape  cet  attentat,  et  voulaient  en 
faire  retomber  l'odieux  sur  celui  d  Angleterre.  Arnoul,  au  nom  Ep.  s.  Thom 
des  évêques  de  Normandie,  écrivit  de  son  côté  au  pape,  à  la  ''*••  v,  rp.  79. 
décharge  du  roi  d'Angleterre,  une  lettre  qui  a  été  conservée 
parmi  celles  de  saint:  Thomas,  et  contribua  plus  que  tout  autre 
à  négocier  sa  réconciliation  avec  les  légats  du  pape,  Albert  et 
Théoduin. 

L'an  1173,  les  enfants  du  roi  d'Aglelerre.  excités  par  leur 
mère,  ayant  levé  lelendard  de  la  révolte  contre  leur  père, 
s'étaient  mis  sous  la  protection  du  roi  de  France,  qui  leur 
avait  procuré  de  nombreux  partisans.  Henri,  consterné, 
envoya  au  monarque  français  l'évêque  de  Lisieux  et  l'arche- 
vêque de  Rouen,  pour  le  fléchir,  et  savoir  de  lui  les  sujets 
de  mécontentement  qu'il  pouvait  avoir.  La  lettre  dans 
laquelle   ils  rendent  compte   de  leur   mission  au  roi  d'Angle-  p^,    gi^, 

terfe,  a  été  imprimée  parmi  celles  de  Pierre  de  Blois,  et  dans  ep.  163. 


328  ARNOUL,  ÉVÉQUE  DE   LISIEUX. 

XII  SIECLE.      |g  Recueil  des  liisloriens  de  France.  On   y  voit  les  nombreux 
ciiesii  1.   IV  griefs  dont  se  plaignait  le    monarque  français,    et  jusqu'à  quel 
lier    F'»"-     !'•  pointce  prince,  d'ailleurs  humain  el  religieux,  était  irrité  contre 
(|tift,     I.    XVI,  celui  d'Angleterre. 

I'.  «i28.  Ce  prince,   pour  être  absous  du    meurtre  de  saint  Thomas, 

avait  promis  qu  il  ne  s'entremettrait  plus  des  élections  aux 
prélatures,  laissant  à  toutes  les  églises  la  liberté  des  su CTrages. 
Il  était  temps  de  remplir  les  sièges  qui  depuis  long-temps 
étaient  vacans  :  on  y  procéda  lan  1173.  Raoul,  prieur  de 
Douvres,  fut  nomnjé  à  l'archevêché  de  Cantorbéry  ;  mais  le 
jeune  roi  d'Angleterre  se  porlant  pour  uni(|ue  roi,  s'opposait  à 
ce  qu'il  fût  sacré  sans  sa  pernii.ssion.  Il  fallut  recourir  à  Rome: 
ili'" ",  'il'; "^  '  l3'"chevêque  élu  partit  avec  une  lettre  d'Arnoul  pour  le  pape. 
C'est  la  huitième  [tarmi  celles  cpii  ont  été  publiées  dans  le 
Spicilége. 

Un  archidiacre  de   Sarisbéry,  nommé  Reginaldiis,   avait  été 

pareillement  élu  pour   remplir   le  .siège,  de  Bath,  et  éprouvait 

de  la  part  du  jeune;  roi  les  mêmes  difllcullés.  L'évêque  de  Li- 

sieux  écrivit  en  sa  faveur  deux  lettres  consécutives  aux  légats 

K.,,."     '  Albert  et  Théoduin,  qui  étaient  encore  en  France.  Ce  senties 

et  tilii.  '  ^ 

lettres  2  et  H)  du  Spicilége. 

L'année  d'après,  les  chanoines  de  Tours  ayant  élu  un 
archevêcjue  sans  avoir  appelé  Us  èvêcpies  de  la  province, 
Ariioul  écrivit  à  celui  du  ÎSIans.  qui,  comme  premier  suf- 
'  fraganl,  devait  avoir  la  première  voix  dans  l'élection,  pour  le 
prier  (hî  trouver  bon  ce  qui  avait  été  fait,  e.xcnsanl  Firrégu- 
larilè  d(;  cvXW,  conduilc  sur  les  dangers  aux(|uels  était  exposée 
la  ville  de  Tours,  au  |)lus  fort  de  la  guerre  (pie  se  faisaient  alors 
(  en  1l7i;  les  rois  de  France  et  d'Anglelerre,  pendant 
laquelle  il  eût  élé  dangereux  aux  évêijues  de  quitter  leurs 
diocèses 
ii,d  1».  HIC.  On  voit,   par  la  lelln;    9  du  Spicilége,  que   des  malveillans 

avaient  desser\i  Arnoul  au|»rès  clu  roi  d'Angleterre,  et  loi 
avaient  fait  perdre  ses  bonnes  grâces.  Il  n'explique  pas  les 
motifs  dont  on  s'était  servi  pour  lèloigner  du  conseil  du  ror  ; 
mais  il  paraît  qu  on  accusait  de  rigidité  .ses  avis.  Sur  quoi  il 
représente  au  roi  tous  les  avantages  dont  il  a  joui,  depuis 
le  commencement  de  son  règne,  en  suivant  ses  constMis,  el 
les  dangers  auxcpiels  il  s'expose  en  écoutant  des  adulateurs, 
au  mépris  de  la  raison,  de  la  justice,  et  de  la  vérité.  Nous 
dirions  à  quelle  occasion  cette  lettre  fut  écrite,  s'il  n'y  avait 
dans  l(>    texte  une    petite  lacune  à    l'endroit  essentiel.  M.iis    i 


:il7. 


AftNOUL,   ÉVÉQUE  DE  LISIEUX.  ;529 

est  certain  qu'Arnoul  clait  alors  dans  l'exlrcnie  vieillesse  qui  lu;     xii  sikclh. 
lui  permellait  pas  do  se  transporter  chez  le  roi. 

Ce  fut  vers  le  môme  temps  (juc  ses  chanoines  lui  inlenlèrenl  /j.j  ^p.  6, 
le  procès  dont  il  est  parlé  dans  la  lettre  au  pape  Lucius  III,  par  p-  !*li- 
conséquent  l'an  1181 ,  au  p*lus  tôt.  On  y  voit  que,  sur  les  plaintes 
des  chanoines,  le  pape  l'avait  suspendu  de  ses  fonctions,  et  quil 
l'avait  renvoyé  devant  l'évéquc  d'Avranches  et  les  abbés 
du  Bec  et  de  Savigni,  pour  être  jugé  sur  l'administration  des 
biens  de  son  église,  (|u'on  l'accusait  d'avoir  dissipés.  Arnoul 
se  plaint  de  la  partialité  de  ces  commissaires,  qui  ne  lui 
doftnèrent  pas  le  loisir  de  se  défendre,  et  de  leur  ignorance 
des  règles  du  droit  et  des  formalités  de  la  procédure,  ignorance 
dont  ils  convenaient  eux-mêmes.  «  A  cela  se  joignaient,  dit-il, 
l'indisposition  du  roi  contre  moi,  et  les  efforts  continuels  de 
Gautier  de  Coulances,  que  mes  parties  avaient  mis  à  la  télé 
de  leur  faction,  sous  la  promesse  do  lui  faire  avoir  mon  évêché. 
Cet  homme  les  appuyait  en  tout,  et  leur  ménageait  la  faveur 
du  roi;  établi  garde  des  sceaux,  il  scellait  tout  ce  quon  voulait 
à  mon  désavantage,  môme  à  l'insu  du  roi,  afin  que  les 
actes  munis  de  cette  empreinte  parussent  émanés  de  sa 
volonté.  » 

Quant  au  fond  de  l'affaire,  il  se  justifie  pleinement,  et 
nous  instruit  de  quelques  circonstances  de  sa  vie  relative- 
ment à  son  entrée  dans  l'épiscopat,  quarante  ans  aupara- 
vant «  Ils  m'accusent,  dit-il,  d'avoir  dilapidé  mon  église, 
moi  qui  lui  ai  acquis  plus  de  douze  cents  livres  de  revenu  à 
perpétuité;  qui  en  ai  porté  cinq  cents  dans  le  trésor,  qui  en 
ai  employé  dix  mille  en  bàtimcns  qui  subsistent;  moi  qui  ai 
fait  rebâtir  la  cathédrale,  en  grande  partie  à  mes  frais;  qui  ai 
augmenté  de  six  cents  livres  de  revenu  la  mense  commune 
des  chanoines,  qui  en  ai  ajouté  cinq  cents  à  celle  de  l'évêque. 
Il  est  vrai  qu'au  commencement  de  mon  épiscopat,  je  pris 
dans  le  trésor  dix-sept  marcs  ;  mais  ce  fut  pour  retirer  des 
mains  du  comte  d'Anjou  les  biens  de  ma  mense,  qu'il  rete- 
nait depuis  deux  ans  et  demi,  sous  prétexte  que  je  m'étais 
fait  sacrer  sans  son  consentement  :  et  en  cela  je  n'ai  a-i 
qu'avec  l'agrément  du  pape  Innocent.  .ïai  encore  vendu  un 
calice  d'or,  pesant  34  onces,  pour  la  croisade,  dans  laquelle 
je  fus  engagé,  bien  malgré  moi,  par  le  pape  Eugène,  qui 
m'avait  môme  permis  de  faire  d'autres  ventes,  s'il  en  était 
besoin,  pour  cet  objet.  Je  passe  sous  silence,  pour  éviter 
tout  soupçon  de  jactance,  la  rnaiiirro  libérale  avec  laciuello 
Tome  XIV.  Tt 


330  ARNOUL,  ÉVEQUE  DE  LISIEUX. 

JUl  SIECLE,  j'ai  toujours  exercé  l'hospitalité,  le  grand  nombre  de  charités 
que  j'ai  faites,  et  qui,  de  l'aveu  de  ceux  qui  les  ont  reçues, 
et  de  ceux  qui  en  ont  été  témoins,  surpassent  ce  qu'on  pou- 
vait attendre  d'un  homme  dont  la  fortune  était  aussi  mé- 
diocre que  la  mienne.  J'ai  demandé  à  mes  juges  que  l'on  fit 
une  compensation  de  ce  que  j'avais  pris  et  de  ce  que  j'avais 
donné:  on  ne  m*a  pas  écouté;  on  m'a  condamné  à  payer 
aux  chanoines  cent  livres  pour  être  employées  au  profit  de 
l'église,  et  de  plus  on  a  retenu  ma  chapelle.  C'est  ainsi  qu'ils 
m'ont  laissé  sans  argent  et  sans  vêtemens  sacerdotaux.  Ces  pro- 
cédés indignes  vous  étant  revenus, vous  avez  cassé  leur  sentence, 
et,  comme  vos  lettres  le  font  entendre,  vous  m'avez  tiré  des 
mains  de  ces  juges  iniques.  Je  vous  supplie  donc  de  maintenir 
votre  jugement,  et  de  me  faire  rendre  ce  qui  m'a  été 
injustement  enlevé,  afin  qu'il  puisse  revenir  aux  frères  chez 
lesquels  je  me  suis  retiré,  suivant  la  destination  que  j'en  avais 
faite.  » 
ma.  cp.  5,       La   dernière    lettre    d'Arnoul,    suivant    Tordre    chronolo- 

î^'o.  gique,  est  adressée  à  Henri  II,  roi  d'Angleterre.   L'auteur  s'y 

plaint  amèrement  à  ce  prince  de  la  conduite  ingrate  de  son 
neveu,  Hugues  de  Nonant,  à  son  égard.  Il  l'avait  élevé  dès 
son  enfance,  l'avait  fait  instruire  avec  soin,  et  après  l'avoir 
initié  dans  le  clergé,  il  l'avait  comblé  de  bénéfices,  en  par- 
ticulier d'une  prébende  dans  la  paroisse  de  Gacé  ou  Gassey, 
au  diocèse  de  Lisieux.  Le  prélat  ayant  donné  ladite  paroisse 
aux  chanoines  de  Saint-Victor,  peu  avant  sa  retraite,  pour  les 
dédommager  en  partie  de  la  dépense  qu'il  devait  leur 
causer,  Hugues  leur  contesta  celte  donation,  et  vint  à  bout 
de  les  en  dépouiller.  Arnoul  supplie  le  roi  de  réprimer  l'en- 
treprise de  ce  neveu  si  peu  reconnaissant,  et,  comme  celui-ci 
occupait  vraisemblablement  un  emploi  à  la  cour,  il  avertit 
Henri  de  se  défier  de  lui  comme  d'un  sujet  dangereux.  II 
rappelle  au  monarque  les  magnifiques  promesses  qu'il  lui 
avait  faites  dans  une  entrevue  qu'ils  avaient  eue  ensemble  à 
Gisors.  «  Lorsque  je  pris  congé  de  vous,  dit-il,  vous  me 
donnâtes  votre  parole  royale  que  vous  m'aideriez  désormais 
dans  tous  mes  besoins  avec  plus  de  libéralité  que  vous  »'aviez 
encore  fait,  et  que  vous  feriez  en  sorte  d'écarter  de  moi  tout 
sujet  de  mécontentement.  Or  rien  n'est  plus  chagrinant 
pour  moi  que  de  voir  celui  qui  aurait  dû  me  seconder  en 
toutes  choses,  s'opposer  à  mes  volontés  ;  que  de  voir  le  repos 
que  je  m'étais  promis  en  quittant  le  monde,   troublé  et  ira- 


ARNOUL,   ÉVÉQUK   DE  LISIEUX.  331 

versé   par   l'insatiable  cupidité  de  mon  ingrat  neveu,  qui  ne     xii  siècle. 
cesse  de  me  persécuter  jusqu'au  tombeau  ».  Cette  lettre  ne 
fit  point  perdre  au  neveu  les  bonnes  grâces  du  roi.  Ce  monarque 
le  fit  dans  la  suite  évêque  de  Coventri  et  Lichfield. 

Dacheri  a  encore   publié    deux  lettres  dont  nous  n'avons 
pas  parlé;  elles  sont  peu  intéressantes    L'une  est  adressée  à        /'"<*    cp   s. 
Rotrou ,  archevêque    de    Rouen ,   mal    nommé   Robert    dans  p-  ^'"' 
l'édition,   au  sujet  d'un  mauvais  religieux  chassé  de  l'abbaye 
de  Comeilles,  qui   s'était  pourvu  à  Rome  pour  être  réintégré. 
L'autre  est  plutôt  une  charte  en   forme  de  jugement  arbitral         ibiJ.  ep.  4 
sur  un  procès  auquel  avait  donné  lieu  le  testament  de  Hugues 
du  Pin,  c?e  PiwM,  entre  l'abbé  de   Saint-André   de   Gouffern  et 
les  frères  de  l'hôpital  de  Jérusalem 

Nous  terminerons  ici  le  détail  des  lettres  d'Arnoul.  Elles 
sont  écrites  avec  une  certaine  élégance  ,  quelquefois  avec 
esprit,  et  toujours  recommandables  par  un  grand  amour  de 
la  justice  et  de  la  religion  On  y  voit  de  quelle  considération 
il  jouissait  à  la  cour  des  papes  et  des  rois,  et  combien  il  eut 
de  pari  aux  grandes  affaires  soit  politiques ,  soit  ecclésias- 
tiques de  son  temps.  Si,  dans  quelques-unes,  le  préjugé  ou 
l'influence  des  cours  semble  se  montrer,  c'est  qu'il  est  bien 
difficile  qu'un  homme  en  place  soit  assez  indépendant  pour 
ne  voir  en  tout  que  le  vrai,  et  pour  le  suivre  sans  se  laisser  en- 
traîner par  des  affections  particulières. 

.  Pour  ne  rien  omettre  sur  les  éditions  de  quelques-unes  de  ces 
lettres,  nous  dirons  qu'on  en  trouve  trois  adressées  à  Ërnaud, 
abbé  de  Bonneval,  à  la  fin  des  œuvres  de  saint  Cyprien,  édition 
d'Oxford  1682,  ce  sont  les  3,  17,  38,  de  la  collection  ;  et  que         t.  xvi.  p. 
les  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France  en  ont  eso-e?». 
inséré  trente  dans  la  leur. 

Il  faut  parler  maintenant  des  autres  écrits  d'Arnoul,  qui  ne 
sont  pas  considérables. 

2°  Dans  les  premières  années  du  pontificat  d'Innocent  II, 
Arnoul  fit   les   premiers  essais  de  sa  plume  ,   comme  on   l'a 
déjà  dit,  pour  la  défense  de  ce  pape.  L'ouvrage  divisé  en   huit       Spicii.  in  foi. 
chapitres  est  dédié  à  Geofroi  de  Lèves,  évêque  de  Chartres,   \']'  P    *'^  ~ 
légat   du  Saint  -  Siège.   C'est    une  invective    sanglante,  dans 
le  goût   des  Catilinaires,  contre  Pierre  de  Léon,  et  sur-tout 
contre  Gérard ,  évêque  d'Angoulême  ,    le  plus  zélé  partisan 
de  cet  anti-pape.    Il  les  peint  l'un  et  l'autre  sous  les   couleurs 
les  plus   noires.    On  a  dit  sur  le  second  ce  qu'on  pensait  du  j    xil"  p  'lig? 
portrait  quArnoul  en  a  tracé.  Voici  les   principaux  traits  de  et  «uir! 

Ttiî 


332  ARNOUL,   ÉVÈQUE   DE   LISIEUX. 

XII  siKCLii  celui  du  premier.  Romain  de  naissance,  et  pelil-fils  d'un 
juif  qui  s'était  prodigieusement  enrichi  par  l'usure,  il  se 
trouvait  allié  aux  plus  illustres  maisons  de  Rome.  Dans  sa 
jeunesse,  il  fréquenta  les  écoles,  oîi  il  apprit  plus  de  vices 
(juil  n'amassa  de  savoir.  L'impudence  ne  lui  permit  i)as  de 
voiler  ses  débauches.  Elles  étaient  si  manifestes  et  si  ou- 
trées, qu'on  le  regardait  assez  universellement  comme  l'ante- 
christ.  Cependant  étant  venu  en  France,  il  embrassa  la  vie 
monastique  dans  l'abbaye  de  Cluni  ,  afin  d'effacer  par-là, 
dans  lesprit  du  public,  la  honte  de  sa  vie  passée.  Son  am- 
bition, qui  dès-lors  aspirait  au  souverain  pontificat,  secondée 
des  intrigues  de  ses  parens,  le  lira  bientôt  de  cette  retraite  : 
il  trouva  moyen  de  se  faire  appeler  à  Rome  pour  y  recevoir 
les  honneurs  du  cardinalat,  et  bientôt  après  il  obtint  des 
légations  en  diverses  parties  de  l'Europe.  Dans  ces  emplois, 
il  pensa  bien  moins  à  remplir  ses  devoirs  qu'à  satisfaire  son 
orgueil  et  sa  cupidité.  Les  affaires  qui  passaient  par  ses 
mains  n'avaient  jamais  ,  à  son  gré ,  une  bonne  issue  que 
lors(]u'elles  avaient  rempli  sa  bourse.  Il  faisait  chaque  jour 
deux  repas,  et  sa  gourmandise  était  telle,  qu'il  avait  imaginé 
de  nouveaux  ragoûts  et  des  vaisseaux  particuliers  pour  les 
apprêter  (1).  On  parlait  d'une  singulière  marmite  qui  était 
de  son  invention.  C'était  une  espèce  d'amphore  ou  large 
cruche,  partagée  en  deux  par  le  milieu  en  forme  de  trône. 
La  partie  supérieure  contenait  les  viandes,  et  l'inférieure,  en 
forme  de  réchaud,  communiquait  avec  l'autre  par  un  col 
fort  étroit.  Tandis  que  les  viandes  cuisaient,  on  y  faisait  brû- 
ler de  l'encens,  jusqu'à  ce  qu'elles  fussent  imprégnées  de 
l'odeur  de  cet  aromate.  Sa  luxure,  telle  qu'Arnoul  la  décrit, 
allait  à  un  excès  qui  fait  rougir  l'humanité.  Suit  le  portrait  du 
pape  Innocent  II,  qui  est  tout  l'opposé  de  celui  qu'il  vient  de 
tracer. 

Nous  ne  garantissons  pas  la  fidélité  de  ces  portraits.  La 
passion  que  l'auteur  fait  paraître  dans  tout  lo  cours  de  cet 
ouvrage,   donne  lieu  de  soupçonner  qu'il  les  a  presque  éga- 


(1  )  Docehatur  Jigulus  amphoras  Jigmenlo  plasmare  mirabili,  quibus  ad  simili- 
tudinem  solii  pcr  Iransccrsam.  Médium  discrimen  inesset,  statusf/ue  superior 
repositis  cscis  fumum  per  modiC'  oris  respimrel  anguslias  ;  inj'erior  terh  pars 
caucellalis  arcubiis  undique  pcrj'orala  jmmas  claudcret,  quibus  thuris  copiam 
lamdiii  sûllicitus  miiiistcr  infunderel,  donec  cor  lis  cihis  odorem  ipsum  transferret 
cocus  arli/ex  in  saporem . 


■123. 


Hil.l.     Pair. 

1 

XXII,        p. 

13-23 

-  1326. 

ARNOUL,    ÉVÉQUE  DE  LISFEUX.  333 

lement  surchargés.  Cela  n'a  pas  empêché  le  célèbre  Muratori  '^'"  siècle 
de  réimprimer  cet  ouvrage  loi  qu'il  avait  été  publié  par  D  Murât,  lu 
Dacheri.  "±  P"'  '■  '' 

3°  Notre  prélat,  doué  cr.niinc  il  I  était  du  talent  de  la  parole, 
et  chargé  d'annoncer  au  peuple  celle  ^lo  Jésus-Chrisl,  composa 
sans  doute  beaucoup  de  soi  in.jii.-.  ;  in.us  il  n'en  reste  que  trois, 
dont  le  premier  est  un  discours  prononcé  à  l'ouverture  du  concile 
de  Tours,  tenu  l'an  1  163  sous  la  présidence  du  pape  Alexandre 
III.  Comme  le  schisme  suscité  par  l'empereur  d'Allemagne 
était  alors  dans  sa  plus  grande  force,  il  prit  pour  sujet  l'unité  et 
la  liberté  de  l'église.  Mais  il  prouve  trop  ;  car  apostrophant 
l'empereur,  il  fait  des  vœux  pour  qu'il  soit  humilié,  et  qu'il 
reconnaisse  que  la  principauté  de  l'église  est  au-dessus 
de  la  sienne.  «  Ce  prince,  ajoule-t-il,  a  une  raison  spéciale 
de  reconnaître  l'église  romaine  pour  sa  maîtresse  ,  à 
moins  de  vouloir  passer  aux  yeux  de  l'univers  pour  coupable 
d'une  noire  ingratitude  :  car  si  nous  consultons  les  an- 
ciennes histoires  ,  il  est  certain  que  ses  ancêtres  n'ont  pas 
eu  d'autre  titre  à  l'empire  q^jc  la  faveur  de  l'église  de  Rome.  » 
Cette  doctrine  ultramonlaine  était  alors  très-répandue,  même 
en  France. 

Ce  discours,  qu'on  trouve  aussi  dans  la  collection  des  con-       Lai>ijc,  Conc. 
ciles  est  suivi  d'un  autre   discours  prononcé  dans  un  synode.   ''  ''''  "''  '*" 
Celui-ci  est    imparfait  à   la  lin,  parce  que  le   premier  éditeur 
y  a  cousu  une  lettre  d'Arnoul,  qui  n'a  aucun  rapport  avec  le 
commencement,  ne  s'élant  pas  aperçu  qu'il  manquait  un  feuillet 
à  son  manuscrit.  Cette  lacune  a  été  remplie  par  Dacheri,  d'après 
un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Foucarmont.  Il  a  encore  publié  un       Spicii,  iii-f..i. 
troisième  sermon  pour  l'Annonciation  de  la  sainte  Vierce,  dans  ''  !,"',  ^'^  K,^-, 
lequel  on  trouve  de  fort  beaux  sentimens  sur  le  mystère  de 
l'Incarnation. 

4°  Arnoul  se  mêlait  aussi  de  poésie.  On  trouve  parmi  ses  BiLi.  Pair.  * 
lettres  un  recueil  d'épigrammes  ,  d'épitaphes  et  de  vers  de  p-  '334-1336. 
sa  façon,  au  nombre  de  seize  en  tout,  sur  des  sujets  pieux 
dont  voici  les  titres  :  De  Nativilate  Domini.  Ad  Henricum 
Wintoniensem  episcopwn.  De  Innovatione  vernali.  De  al- 
terna temporum  successione.  Ad  Poétam  mendicum.  Ad 
Scaevam,  de  anu  non  reformandâ.  Ad  juvenem  et  puellam 
se  invicem  intuentes.  Ad  lascivos  sodales.  Quomodo  pauperi 
vel  diviti  sit  dandiim.  Ad  nepotem  siium  cùm  esset  ado- 
lescens.  Dans  cette  dernière,  l'auteur  résigne  à  son  neveu, 
qui  commençait  à  versifier  heureusement,  la  place  qu'il  oc- 


334  BARTHÉLEMI,  ÉVÈQUE  DEXCESTER. 

xii  !>!F';le.  cupait  sur  le  Parnasse.  Il  témoigne  que  sa  patrie  le  comptait 
autrefois  parmi  les  poètes  célèbres,  et  qu'il  avait  à  peine  son  égal 
dans  toute  la  France. 

Olivi  me  celebrem  Normannia  totapoetam 
Suxit,  vixque  dabat  Gallia  tota  parem. 

Ce  jugement  n'a  pas  .été  désavoué  par  la  postérité.  Les  vers 
Duprii.  12'  s.  de  notre  prélat,  sans  être  aussi  parfaits  que  le  docteur  Dupin 
|.sii.  '-'  i    sti.'.  le  suppose,  sont  élégans,  harmonieux,  semés  de  pensées  fines, 
tels,  en  un  mot,  qu'ils  peuvent  aller  de  pair  avec  ceux  des  meil- 
leurs poêles  du  Xll°  siècle.  Les  épitaphes  qu'on  y  trouve  sont 
celles  de  Henri  I^"",  roi  d'Angleterre,   de  sa  fille  l'impératrice 
Mathilde,  d'Algar,    évêque   de  Coulances,  et  de  Hugues,   ar- 
chevêque de  Rouen.  Les  vers  de  notre  auteur,   tous  élégiaques, 
su)°i"     72o'''   °°'  ^'^  encore  imprimés  à  Léipsick,   l'an    1652,    par   André 
Rivinius,en  un  volume  in-S",  qui  comprend  les  poésies  de  Fulbert 
de   Chartres,  de  Jean   de  Sarisbéry ,   et   d'autres  au  nombre 
de  dix. 
Cal.  mss.  Ang.       50  Qn  voil  à  la  bibliothèque  du  colléce  de  Merton,    à  Ox- 

l.  I.    I  an    2,    p.    ,      j  .  .         ^  .  ° 

22,  n*  -'^s  tord,  un   manuscrit  qui   a  pour  litre  :   Arnulfus  de  divtstone 

scientiarum  Nous  ne  saurions  dire  si  c'est  l'ouvrage  d'Ar- 
noul  de  Lisieux,  ou  dErnulfe,  évêque  de  Rochester,  ou  de 
tout  autre.  B. 


BARTHÉLEMI, 

Évêque   d'Exckstee. 

SA    VIE. 

¥  ES  bibliographes  anglais,  et  après  eux  Oudin  et  Fabricius, 

^"lC9  ''""''        font  cet  évêque  Anglais  de  naissance.  Jean  de  Sarisbéry  nous 

apprend  qu'il  était  né  en  France.   En   lui  recommandant   un 

sujet  se  disant  originaire  du  Dcvonshire,  qui  de  Reims  pas- 


BARTHÉLEMI ,    ÉVÉQUE    DEXCESTER.  335 

sail  en  Angleterre,  Jean  de  Sarisbéry  ajoute  qu'il  était  plus  Xli  siècle. 
croyable  que  cet  homme  était  compatriote  du  prélat ,  né 
comme  lui  dans  l'Armorique ,  près  du  mont  Sainl-Michel. 
Voici  le  texte  ;  Me  causa  duplex  impresentiarum  impulit  ad 
scribendum,  tum  ne  preeler  consuetudinem  sine  litteris  abire 
patiar  aliquem  ad  vos  de  mea  conscientia  proficiscentem, 
tum  ut  amicis ,  quorum  voluntati  satisfacere  par  est ,  moretn 
geram.  Voluerunt  enim  latorem  praesentium  à  Devonia  oriun- 
dum ,  ut  assent,  etsi  credi  possit  eum  ah  uUerioribus  convica- 
neis  vestris  ,  circa  monteni  beati  archangeli,  in  sitiu  Armorico 
traxisse  originem ,  paternitati  vestrse  mex  parvitatis  officia 
commendari ,  etc.  il  est  donc  prouvé  que  Barthélemi  était 
Français. 

Casimir  Oudin  se  trompe  en  le  nommant  év^îque  d'Oxford  ,      ^^  Script,  ecci. 
évêché  qui  n'a  été  érigé  qu'au  XV1°  siècle.  Il  n'est  pas  mieux  '     '*"'     ^  ' 
fondé    lorsqu'il    le  donne    pour  le   fondateur    de   l'université 
d'Oxford.  Ce  qui  est  plus  certain,   c'est  que  Barthélemi   était 
archidiacre  d'Excesler    lorsqu'il    fut   choisi,  l'an    11  GO,  pour 
remplir  le  siège  épiscopal  de  cette  ville.   Sa  promotion  souf- 
frit des  difficultés  de  la  part  du  roi  d'Angleterre  ,   qui  portait 
à   ce    poste  un  autre  sujet  :  sur  quoi   on   peut  consulter  les 
lettres   70 ,    71  ,  78.    et  90  de  Jean  de  Sarisbéry.   Thibaud  , 
archevêque  de  Cantorbéri ,   ayant  aplani  toutes  les  difficultés  , 
Barthélemi    passa  en    France    pour   faire  au    roi  serment   de        Rai.  ,ie  Di_ 
fidélité  ;  mais  il  ne  put  être  sacré  qu'en     l'an  1161   par   les  «fio,    p.    (m2; 
mains  de  l'évoque  de  Rochester  ,  parce  que  dans  l'intervalle  p*7g",    '^"'"''* 
Thibaud  était  mort. 

Barthélemi  fut  un  des    prélats  d'Angleterre   en    qui    saint 
Thomas,  successeur  de  Thibaud  dans  le  siège  de  Cantorbéri , 
et  Jean  de  Sarisbéry  avaient  le  plus  de  confiance ,  et  auquel       Joan    Saresk 
ils  envoyoient    leurs  instructions  pendant   la  longue   alterca-  ?{!g  !l'^\fl^^' 
tion  qu'ils  eurent  avec  le  roi  d'Angleterre.   Nous  ne  voyons 
pas    cependant    qu'il  ait   pris    ouvertement  leur    défense  ,  ni 
qu'il  ait  compromis   sa  tranquillité;   au  contraire,   les  histo- 
riens  lui    reprochent  d'avoir,  au  commencement  de  la   dis-        Ccivas.  .i«j. 
pute  ,  incliné  du  côté  du  roi.   Après  la  catastrophe  de  l'arche-  cot.  i.î'mi. 
vêque,  c'est  à  lui  que  le  roi  donna  sa  confiance  pour  la  direc- 
tion des  affaires  ecclésiastiques  du  royaume,  comme  on  voit 
par  deux   lettres  que  ce  monarque  lui  écrivit  ,   l'an  1172,  pour        .loan.  Sarcsh. 
mettre  à  exécution  les  conditions  auxquelles   il  avait  obtenu  *P'  ^"*'''  ^'*'' 
des  légats  du  pape  l'absolution  du  crime  d'avoir  participé  au 
meurtre  de  saint  Thomas.  Ce   fut  lui  qui ,   faisant  la  réconci- 


336  BARTHÉLEMI,  EVÉQUE   D'EXCESTRR. 

XII  SIECLE,      liation  de  l'église  de  Canlorbéri  un  an  après  le  meurtre  ,   pro- 
Ra.i.  !<•   iiice-  nonça  ce  beau  discours  dont  l'histoire  a  conservé  le  début  : 
10,  toi.  bii>.        Secundum  multitudinem  dolorum  meorum  consolationes  tuae 
Isetificaverunt  aniniam  meam. 

Ce   prélat  mourut    l'an    1184,    selon   Roger  de    Hoveden  ; 

Angi    sacra,  cependant  les  annales  de  Winchester  placent  sa  mort  en  H  86. 

t.  I,  p.  .^02.         Q^  p^^i^  ^^j^^  j^^g  X'Anglia  sacra,   l'éloge  que  fait  de  Barlhé- 

lemi,  Gerald  le  Gallois  ,  en  latin  Cambrensis  ,  l'homme  le  moins 

ibi'd.  t.  Il,  p.  adulateur  de  son  siècle.    11  le   représente  ,    lui  et  1  évêque    de 

*'*•  Worchester,   Roger,   fils  du  comte  de  Glocester,  comme  deux 

grandes  lumières  de  la  Grande-Bretagne;  l'un  par   sa  science, 

l'autre  par  l'éclat  de  sa  naissance. 

SES  ÉCRITS. 

Les  historiens  anglais  sont  d'accord  sur  le  mérite  littéraire 
de  notre  prélat  ,  auquel  ils  allribuonl  beaucoup  plus  de  pro- 
ductions que  nous  ne  pouvons  lui  en  garantir.  Voici  celles  qu'on 
ne  peut  lui  contester. 

]"  Parmi  les  lettres  de  Jean  de  Sarisbéry,  il  y  en  a  quaire  de 

joi,n.  Saicsb.  Barihélemi  au  pape  Alexandre  111.  Ayant  été  chargé  par  lui  de 

•P'  vérifier  les  plaintes  que  les   moines  de  Saint-Augustin  de  Can- 

torbéri  avaient  portées  contre  leur  abbé  nommé  Clarenbaud , 

il  rend  compte  au  pape,   dans  la  première  du   résultat  de  la 

procédure  ,  et  de  l'usage  qu'il  avait  fait  de  son  autorité  pour 

"'"'  ""P  2!);i.  destituer  l'abbé.  —  Dans  la  seconde  ,  il  recommande  avec 
éloge  au  pape  la  personne  de  Richard  ,  archidiacre  de  Poi- 
tiers ,    élu    canoniquement    et    avec    l'agrément    du   roi   pour 

ibui.  cp  297.  remplir  le  siège  épiscopal  de  Winchester.  —  Li  troisième  a 
pour  objet  de  demander  au  pape  la  confirmation  de  l'évê- 
que    pour    l'église    d'Herford  ,    vacante    depuis   plusieurs  an- 

ibid  cp.  2!i?.  nées.  —  L'église  de  Cantorbéri  avait  aussi  élu  un  archevê- 
que dans  la  personne  de  Richard  ,  prieur  à  Douvres  ;  on  était 
sur  le  point  de  le  sacrer  ,  lorsque  le  fils  aîné  du  roi  d'Angle- 
terre ,  se  disant  le  seul  roi  légitime  en  vertu  de  son  couronne- 
ment ,  vint  en  opposition  ,  fit  signifier  des  lettres  d'appel  au 
pape  ,  et  arrêta  la  cérémonie.  L'archevêque  élu  se  rendant  à 
Rome,  Barthélemi  le  chargea  d'une  lettre  dans  laquelle  il 
instruit  le  pape  de  ce  qui  s'était  passé  ,  et  le  prie  de  venir  au 
secours  de  cette  église  désolée.  C'est  le  sujet  de  la  quatrième 
lettre, 
riieod.  Pœiiii.        ^^   Barthéicmi    f^l    auteur    d  un     pcniienti'l  .    don!    Jacques 


GEOFROl,    PRIEUR   DR  LAB.    DU   VIGEOIS.         337 
Pclil  n'a  piihlié,  à  la  snilodu  pùnilcnliel  de  Tliéodoro,  arclievriine      xii  sifcik. 
de   Canlorhéry,  daprès  un    maniiscril    de    l'abltayc  de  Saint-  i.   i,   p.  r>5i  — 
Victor,  que  les   chapitres  29,  30,   37,  34;j,  340,  393   cl  394.  '^^^ 
Oudin,  qui    cite   un  grand  nond)re    de  manuscrits  de  ce  péni- 
tenliel,   comme   existons   dans   les  bibliothèques  d'Angleterre, 
regrette  de  n'avoir   pu  retrouver  dans  la  bibliothèque  de  Saint- 
Victor  celui  dont  s'est  servi  .lactpies  Petit.  Au  défaut  de  celui-là, 
on  en  trouvera  un  scnd)lalile  parmi  K-s  manuscrits  latins  de    la 
Bibliothèque  royale,  ïous  le  n"  2(iO(). 

3"  Baléc  et  Pits  attribuent  à  notre  auteur  dautres  ou- 
vrages ;  un  dialogue  contre  les  Juifs  ;  des  traités  de  Pnedes- 
tinalione,  de  Libero  Arbitrio,  de  Pœnitentiù,  contra  Falsilatis 
Errorem,  de  Miindo  et  Corpotibiis  caiestibits,  des  sermons,  etc. 
Nous  ne  sommes  pas  à  portée  de  vérilicr  si  elTcclivement 
ces  ouvages  sont  de  Barthélemi,  et  s'ils  existent.  Quant  au 
dialogue  contre  les  Juifs,  c'est  peul-éirc  celui  qui  a  été  im- 
primé à  la  suite  des  rouvres  de  Saint-Anselme,  et  par  extrait  s.  Anseimi  op. 
dans  la    grande  bibliothèque  des  Pères.    Mais  alors  ce  serait  f,  ,    7  vv  '   ' 

.       .  l'air.    I.  AA,     p. 

Gilbert  Crispin,  abbe   de    ^V(•.slmin^l(!r,    qui  en  serait    le  vrai  i«8t. 
auteur,   comme  cela  a  été   prouvé  dans   notre    histoire,  t.  X, 
I).  198.  B. 


G  E  0  V  1!  0  [. 


PuiKtJlt      1)  K      1.' A  li  It  A  ï  E      nu       VlOEOL-j. 


S  A      \  1  iv 

i^  E  0  F  n  o  1    naquit    à    Sainte-Marie   de  Clermonl,     au-dessus        Labbe,  Bibl. 
^d'Exideuil,  aux  confins  du    l'érigord  et   du   Limosin,    d'une  ^|'|'    '    "'    •"■ 
des  plus   nobles   familles  du   pays.    Son  père,  appelé  pareille- 
ment  Geofroi,  était    fils   d  Adémar  do   Bieuil    et   d'Euphémie, 
sœur   de    Peys  Bernard    Ramnolfï,    surnommé  Lopix,  d'Exi- 
deuil.    Sa  mère,  nommée    Lucie,  était   fille  <le   Bernard   Mar-      «j.  p.  sm. 
elles   et    nièce    de    Gui    et    Alduiu,     .seigneurs    d(^    Noailles, 
Tome  XIV.  '  V  v 


338         GEOFROI,  PRIEUR  DE  LAB.   DU  VIGEOIS. 
XII  SIECLE.      seniorian  de  nobiliaco,     losqiu'ls    avaient    eux-mêmes    pour 

/iic<.  |i.  313  oncles  Gui,  Gc'iald  cl  GoufTior  de  Lastoiiis.  Il  avait  un  frère, 
vraisemblablement  son  aîné,  dont  le  nom  était  Aiineri, 
honmie    de  guerre   et   chevalier,    miles,  i\\\\.  mourut  en   1173. 

rtid.  p.  307.  L'an  lir»0,  Geofroi  était  encore  aux  éludes  dans  l'abbaye  de 
Saint-Martial  de  Limoges,  oîi  il  avail  été  placé  dès  son  en- 
fance, ego    (iaufredus   e7'am    tune    parvulus  in  svholâ.  L'an 

/''i<i.  p.  511  1151)  ou  11  GO,  il  lit  profession  entre  les  mains  de  l'abbé 
Pierre,  el  lui  ordonné  prêtre  en  1108,  par  (iéraud,  évêquc 
de  Caliors,  dans  réi;lise  de   Rc'névenl,  à    deux  lieues  de    Li- 

thid.  p.  290.  moges.  Dix  ans  après,  il  fui  nommé  |)rieur  de  l'abbaye  de 
-Saint-Pierre  du  Vigeois,  près  de  Brives,  alors  soumise  à  celle 
de  Sainl-Marlial.  Cesi  lui-même  (pii  nous  apprend  (ouïes 
ces  circonstances  (le  sa  vie.  On  ignoie  le  temps  de  sa  mort  ; 
ïnais  il  est  certain  (|u  il  cessa  d'écrire  en  118i.  Ce  fui  en 
effet  celle  année  (piil  mil    la  diMnière    main  à  sa    chronique, 

lUd.  p.  280.  ^jngi  q„j|  Iq  tôiiioignecii  ces  termes  :  «  Comme  je  venais  d'ache- 
ver ce  livre,  il  ariiva  (pie  Goufïier  de  Lasloiirs  mourut  au  'Vi- 
geois, le  5  des  ides  d'avril,  un  lundi  à  six  heures,  neuf  jours 
après  Pàque,  dans  la  trente-  troisième  année  de  son  âge  et  la 
douzième  depuis  (lu'ileiil  reçu  la  ceinture  militaire.»  Notes 
chronologiques  qui  touli's  désignent  le  9  avril  de  1  annexe  1184. 
En  elTel,  nous  allons  \o\v  (piil  ne  rapporte  aucun  événement  qui 
soit  postérieur  à  cette  année,  el  s  il  s'en  trouve  dans  sa  chro- 
nique qui  soient  [ilus  récciis,  on  a  rcmaKpié  avant  nous  que  ce 
sont  des  additions  élrangères. 

SES  ECRllS. 


1"  Chronica  Gaufredi  ccenobit.T  monasterii  D.  Martialis 
Lemovicensis  ac  prioris  Vosicnsis  ca">iobii,  à  Roberlo  rege  ad 
annum  I  l<S4. 

(ieofroi    lait   hommage  de    sa  cliioniqiic  à    la   communauté 

Ibiii.  p.  2i)0.   <!''  Saint-Martial  et  au  clergé    de  Limoges.  Dans  cette  préface, 

il    annonce   (]ue,     voulant  recueillir    les    événcmens    de   l'his- 

loirc,  il  a  commencé    au    règne    du    roi   Robert,  époijue  oîi  se 

termine    la    chronique    dAdémar   de     Chabanois,    et   qu'il    l'a 

finie  à  l'année  où  l'empereur   Frédéric  Barberoussc  subjugua 

la  Lombardie,  c'est-à-dire  en  1107.    Cependant  dans  le  corps 

c.np.  22  p.  de,  louvrag(\  il  déclare    tpi'il  écrivait  le  chapitre  22  en  1183: 

iiS"-  Ego  siquideni   Gaufredus  isla  divtari  anno  incarnalionis  Do- 


GEOFROI,  PRIEUR  DE  LAB.    OU  VIGEOIS.         339 
minier  MCLXXXIII,  Philippi  qui  fuit  filius  Ludovici  anno      -Xii  siècle. 
tertio. 

Pour  expliquer  celle  espèce  de  contradiclioa,  il  faut  dire 
qu'il  composa  sa  chroniijue  à  difl'érenles  reprises,  el  distin- 
guer deux  parties  bien  distinctes,  dont  la  première  se  ter- 
mine au  chapitre  62,  ou  il  est  parlé  de  l'expédition  de  l'om- 
pefeur  Frédéric  dans  la  Lombardie  cl  contre  la  ville  de 
Rome.  On  voit  efTeclivemont  à  cet  endroit  comme  un  repos 
et  un  vide  qui  a  été  rempli  par  des  faits  que  l'auteur  avait 
oubliés,  ou  qui  ont  élé  ajoulés  depuis.  11  reprend  sa  chro- 
nique au  chapitre  63,  et  linit  au  cliapilre  74  avec  l'année 
1182.  Cette  partie  n'est  pas  la  moins  intéressante  de  l'ou- 
vrage. Vient  ensuite  un  appendix,  qui,  dans  limprimé,  forme 
la  seconde  partie.  Elle  roule  entièrement  sur  les  guerres  que 
suscitèrent  dans  le  Limosin  les  enfans  de  Henri  11,  roi  d'An- 
gleterre, pendant  les  années  1182  et  1183.  Le  père  Labbe,  /ii-/.  p.  330 
éditeur  de  celle  chronique,  a  divisé  cet  appendice  en  vingt- 
huit  paragraphes,  pour  la  commodité,  dit  il  des  lectew^s  : 
sans  doute  pour  se  conformer  au  corps  de  l'ouvrage,  qui  est 
divisé  par  chapitres.  Mais  cette  division  nullement  motivée, 
par  chapitres  et  par  paragraphes,  ne  remédie  pas  à  la  con- 
fusion qui  règne  dans  tout  louvragc  ;  il  n'y  a  ni  ordre  ni 
méthode  dans  l'arrangement  des  faits  ,  el  l'auleur  n'est  pas 
plus  jaloux  de  les  mettre  à  leur  place  que  de  les  dire  en  bons 
termes . 

Cependant  son  ouvrage  n  est  pas  moins  précieux  ;  tel 
(ju'il  est,  il  jette  beaucoup  de  lumières  sur  la  province  du 
Limosin.  S'il  n'a  pas  mieux  fait,  el  si  ijuclcju'un  l'accuse  de 
présomption,  il  espère  ({u'on  lexcusera  par  l'inlenlion  qu'il 
a  eue  d'honorer  Dieu  et  de  servir  sa  patrie.  En  elfet,  il  /6W.  p.  280. 
donne  les  généalogies  des  meilleures  maisons  de  la  province  ; 
il  indique  les  fondations  des  églises  avec  les  noms  cl  les 
qualités  de  leurs  fondateurs  :  il  décrit  les  révolutions  arrivées 
dans  le  pays,  les  guerres  dont  il  a  élé  le  théâtre,  les  assem- 
blées ecclésiastiques  qu'on  y  a  tenues,  la  succession  des  évèques, 
des  abbés,  et  sur-tout  des  vicomtes  de  Limoges  ;  les  mœurs  du 
temps,  les  modes,  el  beaucoup  d'autres  parlicularilés  qui  peu- 
vent élre  d'une  grande  utilité  pour  Ihi-sloire.  Il  serait  seulement 
à  désirer  que  l'auteur  eût  éié  plus  attentif  à  ûxer  la  date  des 
événemens. 

Après  ces  indications  générales,    on    nous   dispensera  sans 
doute  de  faire  l'analyse  du   contenu  dans  celle  chronique,  et 

Vv2 


3iO         GEOFROI,  PRIKUU  DE  LAB.   DU  VIGEOIS. 

XII  SIECLE,  ,1g  rclover  (iiiclques  erreurs  que  nous  y  avons  remarquées. 
~  En  fait  do  clironi([ues,  s'il  fallait  se  livrer  à  ce  travail,  l'ana- 
Iv^c  sciait  plus  longue  (|no  le  texte  Nous  nous  contenterons 
(jcn  l'xliiiire  ce  (|iii  se  rencontre  rarement  dans  les  autres 
clirc)in(|ues,  les  mœurs  du  temps  et  les  usages  les  plus  dignes 
d  être  remarqués  Voiei  des  anecdotes  qui  ont  rap[)ort  à  la  che- 
valerie et  aux  troubadours,  ces  premiers  nourrissons  des  muses 
françaises. 

ibid  p  aOG  "    Grégoire,      surnommé     Héchade  ,     natif    de     I,aslours  , 

lionmie  de  guerre,  professione  miles,  d'un  esprit  pénétrant  , 
(|iioi((ue  peu  lettré,  composa  sur  la  prise  de  Jérusalem  et 
sur  les  guerres  des  croisés  un  gros  volume  en  langue  pour 
ainsi  dire  maternelle,  et  en  rimes  vulgaires  pour  être  en- 
tendu du  peuple  (1).  il  employa  douze  années  à  ce  travail 
pour  lui  donner  l'exactitude  et  l'agrément  dont  il  était  sus- 
ceptible, lit  vera  et  faceta  ve7-ba  proferret.  Mais  dans  la 
crainte  ([ue  le  langage  vulgaire  dont  il  se  servait  ne  jetûl 
de  la  défaveur  sur  sou  écrit,  il  ne  fallut  pas  moins  qu'un 
ordre  exprès  de  l'évèque  Eustorge  et  les  conseils  de  Gau- 
bert  le  Normand,  pour  le  déterminer  à  l'entreprendre.  » 
Ce  qui  faisait  alors  sa  crainte  serait  aujounl'hui  le  princi- 
pal mérite  de  son  écrit  ,  s  il  était  jjarvenu  jusqu'à  nous. 
Mais  il  n'en  reste  que  le  soutenir  que  Gcofroi  nous  a  con- 
servé. 

Veut-on  savoir  jusqu'oii  la  noblesse  portail  alors  la  magni- 
ficence, ou  pour  mieux  dire  la  prodigalité  ?  Voici  des  traits  qui 
nous  le  feront  connaître. 

ibid.  |>.  321.  «    I.e  roi  d'Angleterre  ayant   marqué  jour  au    château    de 

Beaucaire  pour  la  réconciliation  du  duc  de  Narbonne  (Rai- 
mond  V  ,  comte  de  Toulouse)  et  d  Alphonse,  roi  d'Aragon , 
plusimirs  princes  et  seigneurs  s'y  rendirent  ;  mais  les  rois  qui 
devaient  y  venir  jugèrent  à  propos,  pour  certaines  raisons, 
de  s'absenter.  Les  petits  tyrans,  dit  notre  auteur,  se  signa- 
lèrent au  rendez-vous  par  quantité  de  folles  dépenses  Le 
comtiî  de  Toulouse  lit  présent  à  liaimond  d'Agout,  chevalier 
fort  généreux  ,  d  une  somme  de  cent  mille  sous.  Celui-ci 
au.ssilôt,  divisant  le  tout  en  cent  parties  égales,  les  distribua 
à  cent  autres  chevaliers  [i).   Bertrand   Raiuibaul  fit  labourer 

(1)  M.  (leFoncemafrne  a  fait  .sur  ce  texte  (Ie.«  observations  qu'on  peut  lire  dans 
l'avoitissement  à  la  t<">te  du  t.  XI  de  cette  histoire,  p.  xxxiv. 

(•2)   D.  Vaisselle    dit  qu'il  les   distribua  à  dix  mille  chevaliers.   Cela   n'est 


GEOFROI,  PRIEUR  DE  LAB.  DU  VIGEOIS.  341 
les  cours  du  château  par  douze  paires  de  bœufs,  et  y  fit  xii  siècle. 
semer  jusqu'à  trente  mille  sous.  Guillaume  Gros  de  Martel, 
qui  avait  à  sa  suite  trois  cents  chevaliers  (car  il  y  en  avait 
bien  dix  mille  à  cette  fête)  fit  cuire  toutes  les  viandes  à  la 
flamme  des  bougies  et  des  torches.  La  comtesse  d'Urgel  avait 
envoyé  à  l'assemblée  une  couronne  estimée  quarante  raille 
sous,  pour  celui  qui  devait  être  élu  roi  des  Histrions.  C'était 
Guillaume  Mita  sur  lequel  on  avait  jeté  les  yeux  pour  faire 
ce  personnage  ;  mais  quelques  raisons  l'empêchèrent  de  se 
trouver  à  cette  cour.  Autre  folie:  Ramnous  de  Venoul  fit 
brûler,  par  ostentation,  trente  chevaux  en  présence  de  tout  le 
monde. 

«  Puisque  je  suis,  continue  Geofroi,  sur  le  compte  des 
nobles  de  Provence,  je  vais  raconter  quelque  chose  d'assez 
plaisant  d'un  de  nos  vicomtes.  Guillaume,  gendre  de  Guil- 
launae,  comte  de  Toulouse  (c'est  Guillaume  IX,  comte  de 
Poitiers  et  duc  d'Aquitaine),  étant  venu  à  Limoges,  Adémar, 
qui  depuis  se  fil  moine  à  Cluni,  le  reçut  et  le  défraya,  sui- 
vant la  coutume.  Or  il  arriva  que  le  maître-d'hôtel  du  comte 
ayant  demandé  du  poivre  à  Constantin  de  la  Sana,  celui-ci 
le  naena  dans  une  chambre  où  il  y  en  avait  des  monceaux 
répandus  par  terre,  comme  des  tas  de  glands  destinés  aux 
pourceaux.  Voilà,  lui  dit-il,  du  poivre;  prenesen  tant  qu'il 
vous  plaira  pour  les  sauces  de  votre  maître  -.  et  en  disant 
cela,  il  jetait  le  poivre  à  grandes  pelletées.  Cette  profusion  d'une 
denrée  alors  assez  rare  ayant  été  connue  à  la  cour,  donna  une 
hau4e  idée  de  l'opulence  du  vicomte.  Le  duc,  piqué  de 
jalousie,  voulut  avoir  sa  revanche  d'une  autre  manière.  Le 
vicomte  Adémar  étant  venu  à  Poitiers,  il  y  eut  défenses  de 
lui  vendre  du  bois.  Alors  les  gens  du  vicomte  s'avisèrent  d'un 
expédient;  ils  amassèrent  une  quantité  prodigieuse  de  noix, 
dont  ils  allumèrent  un  grand  feu  (1):  ce  que  le  comte  ayant 
appris,  il  ne  put  s'empêcher  de  louer  le  savoir  faire  des 
Limosina,  sur  la  grossièreté  desquels  il  avait  coutume  de 
s'égayer. 

«  Ebles  de    Ventadour   (c'est   toujours    Geofroi   qui  parle) 


pa« exact.  Ily  a  dans  l'original  :  Qui statim  milUnas  per  centmas  iitiitns  sin- 
giUit  si^fuim  mlltMM  tribuit. 

(1)  Le  roman  de  Rou  raconte  la  même  chose  de  Robert  I,  duc  de  Nor- 
mandie, lequel  passant  par  Constantinople,  eut  recours  au  même  expédient,  à 
cause  que  l'empereur  avait  défendu  qu'on  lui  fournît  du  bois. 

;  ; 


342         GEOFROI,   PRIEUR  DE  LAB.    DU  VIGEOIS. 
XII  SIECLE,     fji  dans  ce  genre  quelque  chose  d'aussi  remarquable.  Il  faisait 
de  jolis  vers  et  composait  des  chansons  fort  agréables  :  Erat 
valdè  gratiosus  in  cantilenis  (1).  Ce    talent  lui  avait  concilié 
un  grande   faveur    auprès    de    Guillaume,    fils    de  Gui   (c'est 
encore  le  même  Guillaume  IX,  duc  d'Aquitaine)  ;   mais  ils  se 
jalousaient  mutuellement,  et   cherchaient    à   se    surpasser   en 
somptuosité.  Un  jour  Ebles  étant  venu  à  Poitiers,  se  présenta 
à  la  cour  pendant  que  le  comte  dînait.    On    lui  prépara  un 
bon  repas,    mais  qui  se  fil   allendre  long-temps.  Lorsque  le 
comte   eut   dîné,    Ebles   lui   dit  :   Il  me  semble  qu'un   grand 
seigneur  comme  vous  ne  devrait  pas  être  dans  le  cas  de  corn- 
jnander  un  nouveau  dîner  pour  un  petit  vicojnte  comme  moi. 
Quelques  jours  après,   Ebles  étant  retourné  chez  lui,  le  comte 
vint  le  surprendre  à  son  tour.    Comme  il  était  à  table,  Guil- 
laume tomba  au  château  de  Ventadour,  accompagné  de  cent 
chevaliers.   Ebles  s'apercevant  flu'on  cherchait   à  le  mystifier, 
se  philosophari   animadvertens,   leur   Ut  donner  promptement 
à  laver.   En  même  temps,  ses  domestiques  sciant  mis  à  par- 
courir   les   maisons  du   bourg,    enlèvent    toutes    les    viandes 
qu'ils  y  trouvent   et    les  apportent  à  la   cuisine  du   château. 
C'était  heureusement   un  jour  solemnel,  oii   chacun  se  réga- 
lait de  poules,  d'oies,  et  d  autres  volailles  ;   ils  en  amassèrent 
tant  (ju'ils  eurent  de  quoi  faire  un  repas  qu'on  eût  pris  pour 
le   festin  des  noces  d'un  grand  prince.    Ce  ne  fut   pas   tout. 
Vers   le    soir,    arrive    un   paysan    conduisant    une   charrette 
traînée  par  des  bœufs,  sans  que  le  vicomte  l'eût  mandé,   et 
se  met  à  crier  :  Que  les  gens  du  comle  de  Poitiers  apprennent 
comment  on  dclivt^e  la  cire  dans  la  cour  de  monseigneur  de 
Ventadour!  En  disant  ces  mois,  il  prend  une  coignée,  coupe 
les   cercles  d'une  grosse  tonne,  et   fait   tomber  à    terre   une 
(juantilé  prodigieuse  de  formes  de  cire,   la   plus  belle  et    la 
plus  pure  qu'on  pût  voir.   Cela  fait,  le  villageois,  sans  mettre 
beaucoup   d  importance  à   ce  qu'il    venait  de    faire,    reprend 
son  char,  et  retourne  à  la   métairie  de  Malmont,  d'oîi  il  était 
venu.  Celte   magnificence  étonna  beaucoup  le  comle   de  Poi- 
tiers, qui,   depuis,   faisait   par-tout   l'éloge  du    bon  ordre  qui 
régnait  dans  la  maison  du  vicomte.   Ebles   ne  laissa    pas  sans 
récompense  laclion  du  villageois;   il  lui  fit  don  de  la  métairie 
de    Malmont   pour   lui   el   pour   sa   postérité.    Ses  enfans   ac- 
quirent depuis  l'honneur  de  la  chevalerie,  et  sont  aujourd'hui, 

(1)  On  n'a  plus  aucune  des  poésies  d'Ebles. 


GEOFROI,  PRIEUR  DE  L'AB.  DU  VIGEOIS.         343 
dit  Geofroi,  les  neveux  d'Archambaud  de  Solignac  et  d'Audouin,      xii  siècle. 
archidiacre  de  Limoges.  » 

Nous  concluons  (le  cette  dernière  anecdote,  1°  que  la  che- 
valerie n'était  pas  le  partage  des  seuls  nobles,  ou  que,  du 
moins,  la  noblesse  pouvait  dès-lors  s'acquérir;  2°  que  la  cire 
était  en  ce  temps-là  fort  commune  dans  le  Limosin.  Le 
beurre,  en  revanche,  y  était  rare,  ainsi  que  dans  presque 
toute  la  France  (1).  On  en  peut  juger  par  ce  que  dit  notre 
auteur,  qu'on  faisait  usage  de  la  graisse  les  jours  d'abstinence 
comme  les  autres  jours.  Les  moines  mômes  ne  se  l'interdisaient 
pas.  Albert,  abbé  de  Saint-.Marlial,  qui  tint  celle  place  l'année  ;/.,-/  j..  r.()!). 
1145  jusqu'en  1156,  défendit  néanmoins  qu'on  en  usât  dans 
sa  maison  les  vendredis,  excepté  à  certains  Jours  de  grande 
solemnité.  Il  n'est  pas  parlé  du  samedi,  parce  que  l'abstinence 
n'était  pas  encore  générale  ce  jour-là.  Geofroi  remarque  '*"'  p  ^2ii. 
cependant  que,  de  son  temps,  clic  gagnait  beaucoup  parmi  le 
peuple. 

En  terminant  sa  chronique,  l'auteur  fait  une  description 
curieuse  des  mœurs  et  des  modes  de  son  temps.  Tous  les  lud  \>  r^ax 
états,  selon  lui,  avaient  beaucoup  dégénéré.  Les  moines  por- 
taient de  petites  couronnes,  des  souliers  étroits,  des  coules 
fermées  au  lieu  de  frocs,  des  bottes  au  lieu  de  guêtres,  des 
chaperons  de  poil  de  chameau  bordés  de  pelleteries,  pour 
tenir  lieu  de  scapulaire.  Ils  ne  se  faisaient  pas  scrupule  de 
porter  du  linge  et  de  manger  de  la  viande.  S'il  vaquait  parmi 
eux  une  place,  ils  se  livraient  aux  brigues,  d'où  naissaient  les 
schismes  ;  si  bien  que  ,  dans  une  seule  abbaye  ,  on  voyait 
quatre  abbés  à-la-fois.  —  Les  évéques  faisaient  des  e.xactions 
tyranniques  dans  les  paroisses  :  ils  parcouraient  leurs  dio- 
cèses, non  pour  y  rétablir  l'ordre,  mais  dans  la  vue  do  faire 
bonne  chère  et  de  senrichir.  Ils  donnaient  les  églises  à  des 
hommes  sans  mœurs  et  sans  science,  et  ne  les  donnaient  pas 
gratuitement.  —  Les  chevaliers  et  les  princes  étaient  aussi 
ardens  à  détruire  les  églises  que  leurs  ancêtres  l'avaient  été 
à   les   bâtir.    Quand    leurs  hommes  étaient   faits  prisonniers, 


(\)  On  peut  conclure  d'un  pas.sage  d'Ordenc  N'ital  (lib.  VllI,  p.  712), 
que,  même  en  Normandie,  le  beurre  était  fort  rare  alors.  Nous  usons,  dit- 
il,  de  graisse,  parce  que  nous  n'avons  pas  d'huile,  comme  en  Italie  et  en 
Palestine.  Ce  raisonnement  suppose  qu'on  n'avait  pas  de  beurre;  car  au- 
trement, on  aurait  pu  leur  diro  ,  pourquoi  n'en  usez-vous  pas  au  lieu  de 
grais.se  ? 


■  344  GEOFROl ,  PRIEUR  DE  L'AB.  DU  VIGEOIS, 
XII  SIECLE,  s'ils  leur  étaient  rendas  d'une  manière  ou  d'autre,  ils  leur  im- 
posaient de  fortes  rançons,  comme  auraient  pu  faire  leurs  enne- 
mis —  L'usure  était  si  commune,  que  ceux  qui  l'exerçaient  n'en 
rougissaient  plus.  Le  profit  sordide  qu'elle  leur  procurait,  ils  lui 
donnaient  l'honnête  dénomination  de  cens,  comme  aurait  été 
celui  d'un  champ  qu'ils  auraient  cultivé.  Dans  les  mariages, 
non-seulement  les  grands,  mais  encore  les  personnes  d'un  rang 
peu  élevé .  n'avaient  aucun  égard  aux  degrés  de  parenté. 
«C'est  pour  cela,  ajoute  Geofroi,  que  Dieu  a  envoyé  dans  l'Aqui- 
taine de  cruels  ennemis,  tels  que  nos  pères  n'en  avaient  point 
vu  depuis  les  Normands;  premièrement  des  Basques,  ensuite 
des  Teutons,  des  Flamands,  et,  pour  parler  le  langage  du 
peuple,  des  Brabançons,  Hannuyers,  Asperes,  Pailler,  Na- 
vars ,  Turlaus  ,  Valcs ,  Romas ,  Cotarels ,  Catalans  ,  Arago- 
nés,  dont  les  dents  et  les  armes  ont  consumé  presque  toute 
l'Aquitaine.  » 

Sur  les  modes,  il  dit  :  «  Au  temps  passé,  nos  barons,  qui 
se  piquaient  de  générosité,  se  revétissaient  d'étoffes  gros- 
sières, jusques-là  qu'Eustorgc ,  évoque  de  Limoges  (il  fut 
évêque  depuis  l'année  1106  jusqu'en  1137),  et  le  vicomte  de 
Comborn,  portaient  des  peaux  de  bélier  et  de  renard,  dont  les 
petites  gens  d'aujourd'hui  auraient  honte  de  se  couvrir.  On  a 
depuis  inventé  des  habits  précieux  et  bigarrés,  que  plusieurs 
découpent  par  languettes,  réunies  par  des  boutons  impercep- 
tibles, in  spherulis  et  lingulis  minutissimè  frepantes  ;  ce  qui 
leur  donne  la  forme  de  diables  en  peinture  :  et  ils  appellent 
ces  sortes  de  chlamydes  ou  chappes  ainsi  découpées  des  aiots. 
Ensuite,  ils  ont  fait  à  ces  chappes  de  larges  manches,  comme 
celles  des  frocs  des  moines  Enfin,  ils  ont  inventé  nouvellement 
une  sorte  d'habit  fort  ample,  sembla'ble  à  celui  du  commun  du 
peuple,  excepté  qu'il  n'a  point  de  manches  :  c'est  ce  que  les 
Français  appellent  gamache. 

«  Les  jeunes  gens  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  portaient  autre- 
fois sur  la  tète  des  Jiiîlres  qu'on  appelait  bonnets  ;  puis  est 
viînuc  la  mode  des  chaperons  ou  coiffes  de  lin,  à  quoi  ont 
succédé  d'autres  chaperons  de  poil  de  chameau.  Toute  la  jeu- 
nesse laisse  croître  aujourd'hui  ses  cheveux  :  autrefois  on  les 
coupait,  et  on  portait  de  longues  barbes;  maintenant,  jus- 
qu'aux paysans  et  aux  plus  bas  valets,  garciones,  tout  le 
monde  se  fait  raser.  Qno  dirai-je  de  la  chaussure?  On  voit  à 
l'extrémité  des  ImjIIcs  et  des  souliers  de  longs  becs  recourbés 
(ce  sont  les  souliers  à  la  poulaine,  dont  on  a  déjà   parlé  sur 


GEOFROI,   PRIEUR  DE  LAB.   DU  VIGEOIS.  345 

Orderic  Vital  )  Tout  le  monde  porte  aujoiirdhui  dos  bottes  o;i  xii  siècle. 
bollines ,  ocreas,  au  lieu  qu'auparavant  il  n'y  avait  que  les  T.  xu,  i».  199. 
personnes  de  la  première  qualité  qui  eussent  droit  d'en  porter. 
Je  pourrais  encore  parler  des  longues  queues  que  portent 
les  femmes  à  leurs  habits,  qui,  selon  Merlin,  leur  donnent  la 
démarclie  des  serpens,  et  de  la  diversité  des  vêtemens  des 
gens  de  la  campagne,  si  je  ne  craignais  d'ennuyer  les  lecteurs 
par  un  trop  long  détail  de  la  bizarrerie  des  liabilicmens.  CejK'n- 
danl  le  luxe  a  fait  doubler  le  prix,  de  nos  étoll'es  et  de  nos  pellL-- 
teries.  » 

Nous  pourrions  encore  citer  plusieurs  autres  endroits  re- 
marquables de  la  même  chronique  ;  mais  ce  que  nous  en 
avons  rapporté  doit  suffire  pour  en  donner  une  idée  avanta- 
geuse. C'est  dommage  qu'elle  n'ait  pas  été  imprimée  avec 
toute  la  correction  qu'elle  mérite.  Le  P.  Lablie,  qui  se  porte 
pour  en  avoir  revu  le  texte  sur  cinq  manuscrits  ou  copies  , 
convient  qu'en  plusieurs  endroits  il  n'a  pu  le  rétablir  dans  sa 
pureté  originale  Les  continuateurs  du  Recued  des  historiens  t.  xu,  p.  <2i 
de  France  l'ont  réimprimée  presque  toute  entière  jusqu  à  —  ''•'5'- 
l'année  1182;  ils  ont  rétabli  quelques  endroits  à  laide  du 
manuscrit  5452  de  la  bibliothèque  royale,  qui  n'en  contient 
qu'un  fragment  :  mais  ils  ont  éclairci  les  endroits  défectueux 
par  des  notes,  et  fixé,  ce  que  n'avait  pas  fait  le  P.  Labbe,  la 
chronologie. 

2°  Geofroi  avait  fait,  sur  le  fanieux  roman  de  Roland  et  île 
Charlemagne  ,  faussement  attribué  à  1  arclievêque  Tiirpin 
un  travail  qui  n'est  pas  parvenu  jus(|u'à  nous.  Il  faut  l'en- 
tendre lui-même  dans  la  préface  qu'd  avait  mise  à  la  tète  de 
cet  ouvrage,  publiée  par  Oienhart  ;  elle  est  adressée,  comme  Notiiia  Vas- 
celle  de  sa  chronique,  aux  religieux  de  Saint-Martial  et  au  '^"°"  ^  ^^"• 
clergé  de  Limoges.  «  J'ai  reçu  dernièrement  de  l'Hcspérie , 
dit-il,  avec  une  grande  satisfaction,  l'histoire  des  triomphes 
éclatans  de  Charlemagne,  et  des  hauts  faits  d'armes  par  les- 
quels l'illustre  comte  Roland  s'est  distingué  dans  ces  expé- 
ditions. Je  l'ai  fait  copier  avec  grand  soin,  attendu  que  nous 
ne  savions  de  ce  qu'elle  renferme  que  ce  que  les  jongleurs  en 
racontaient  dans  leurs  chansons.  Mais  comme  le  texte,  par 
la  négligence  des  copistes,  en  était  corrompu,  et  le  carac- 
tère presque  effacé  en  plusieurs  endroits,  je  me  suis  appliqué 
à  le  corriger,  non  en  retranchant  les  choses  qui  m'ont  paru 
superflues,  mais  en  ajoutant  des  choses  essentielles  qu'on  y 
avait  omises.  Mais  de  peur  que  quelqu'un  ne  s'imagine  que 
Tome  XIV.  Xx 


34j6  OnON  DE  S. -PÈRE,  ET  ODON  DR  S-GEN  . 

XII  SIECLE.  j(3  veux  par-là  déroger  aux  louanges  si  bien  méritées  du  cé- 
lèbre Turpin,  je  déclare  que  j'implore  le  suffrage  de  ce  grand 
prélat  pour  obtenir  grâce  au  tribunal  du  souverain  juge.  » 

Oienhart  conclut  de  là  que  ce  roman  ne  devait  pas  être 
fort  ancien  alors,  puisqu'on  n'en  avait  point  de  connaissance 
en  France  avant  Geofroi  du  Vigeois.  D.  Rivet  (  tome  IV  , 
page^,  207  )  prouve,  au  contraire,  que  le  faux  Turpin  fut 
composé  en  laliii  dans  le  X''  siôclc  :  mais  il  est  plus  vraisem- 
blable que  Goofroi  du  Vigeois  veut  parler  de  la  traduction 
qui  ^ful  faite  au  XII''  siècle  par  Michel  de  liâmes  ,  selon 
II.  de  l'Acad.  jyj     Ducaugo  ;  par  maître  Jehans,  selon   le    président    Fauchel. 

lios   Inscr.  l.  VII,    r\-       \       ,  i  i  ■  l'f  i-    -■ 

297.  Oienhart    pense  avec    plus  de    raison  que  I  Espagne,  dou    ce 

roman  lui  était  venu,  élail,  comme  elle  le  fut  de  tant  d'autres, 
son  pays  nalal.  Au  reste,  la  perte  de  ce  manuscrit  n'est  à 
regretter  qu'autant  qu'il  nous  aurait  fait  connaître  les  amé- 
liorations que  Geofroi  aurait  faites  à  un  écrit  devenu  fa- 
meux. 
Cap.  6i,  p.  3„  Dans  un  endroit  de  sa  chronique,  Geofroi  annonce  qu'il 
se  proposait  de  recueillir  dans  un  livre  les  miracles  opérés  de 
son  temps  par  l'intercession  de  saint  Pardon,  S.  Pardulft,  abbé 
de  Guéret  dans  le  VIIT  siècle,  et  dans  lequel  il  devait  traiter 
delà  vérité  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- Christ  Nous  ignorons 
s'il  a  exécuté  ce  projet. 
•'•''  "'*'•  ^"e'-       Il  existe  parmi   les   manuscrits  du   collège  de  Saint-Benoît  , 

....I       T      n       \K-7I\  '  ~ 

à  Cambridge,  un  ouvrage  (|ui  a  [lour  titre  :  Gaiifredus,  de  cor- 
pore  Chrisli,  sive  de  sacramento  altaris.  C'est  pi^ut-étre  1  oii- 
vrai'e  de  noire  auteur.  B. 


316. 


p»i't.  ô,  n.  1570. 


0 1)  0  N, 

A  li  m-,    DE  S  A  IN  T- 1' K  II  !•;,    riiv.s  n' .\  i  x  i;  iiii  e, 

ET  ODON. 

P  It  E  si  1  E  lî     A  li  B  É      I)  K    !S  ,\  I  N  T  E-  G  E  N  E  V  1  j")  VE. 


ilildcb.  op.    «la  suite  des  lettres  d"Hildebcrl,1  dom   Bcaugendre  en  a   im- 
p.  i9.>-in8.        /«primé  deux  d'Odon,  chanoine  régulier,  lesquelles  se  retrou- 


ODON  DE  "S. -PÈRE,   ET  ODON  DE  S'-GEN  347 

venl,   avec  cinq  autres  du   même  auteur,  dans  le  Spicilége  de  _xii^|Et^_ 
dom  Dachéry.  mg'    '  P"'  "* 

La  première  de  ces  sept  épîtres  expose  les  obligations  des 
chanoines  réguliers.  L'un  d'eux  est  consolé  dans  la  seconde, 
et  vivement  exhorté  à  ne  pas  quitter  son  monastère.  Le  lieu 
appelé  ici  Apponi  Villa,  n'est  point  Appoigny,  près  d'Auxerre, 
(labbé  Lcbeuf  en  convient) ,  mais  Amponville  ,  prieuré  dé-  ^,,.,„  ^.^ux. 
pendant  de  labbaye  de  Saint-Victor  de  Paris,  et  situé  au  i.  ii,  p.  issi. 
diocèse  de  Sens.  L'obéissance  monastique  est  le  sujet  de  la 
troisième  lettre.  La  quatrième  traite  des  précautions  à  prendre 
par  les  religieux  hors  de  leurs  couvons.  Lagleur  enseigne, 
dans  la  cinquième,  à  bien  user  de  la  science  ;  dans  la  sixième, 
à  mépriser  le  siècle  ou  le  monde  ;  et,  dans  la  dernière  ,  à 
chérir  les  pratiques  de  la  vie  religieuse.  La  plus  importante 
de  ces  lettres  est  la  sixième,  parce  qu'elle  est  adressée  à  un 
ministre  ou  homme  d'état  disgracié.  «  Voilà  ,  dit  l'auteur, 
voilà  donc  que  le  roi  vous  persécute  comme  son  ennemi,  vous 
qui  viviez  [)rès  de  lui  dans  la  familiarité  la  plus  honorable  Tout 
ce  que  vous  avez  établi  à  Paris,  par  tant  de  travaux,  la  reine 
ordonne  de  le  détruire  (I).  » 

Entre  plusieurs  personnages  qui,  au   XII*"  siècle,  ont  porté 
le  nom  dOdon,   il  n'est  pas   très-aisé  de  distinguer  celui  qui 
a  composé  ces  sept  épîtres  ascétiques.    Ce|iendant    Oudin    et       De  Scr.  i'..ci. 
les    auteurs    du    nouveau    Gallia  Christiana    ont    assez    bien  '^^"7'  '''  ''^^ ' 
prouvé    quelles   ne  |)euveut    être  ni    d'un   (.)Jon,     bénédictin,     t.  vu,  p    7l!i. 
auquel   les  attribuait  Cave;   ni  d'un  autre  Odon,  désigné  par 
Pagi,  mais  (jui   fut   évêque  de  Cambrai,  et  ne  fut  jamais  cha-       in  ami.  1109, 
noine  régulier,    qualité  que  prend  expressément  celui  par  qui  "•  ^'• 
ces  lettres  sont  écrites.   Nos  prédécesseurs  se    sont   abstenus,   ^^  ^^''^f^-  J^'^^^'j- 
par  cette   même  raison,  de  les  comprendre  parmi  les  opus-  p.  010. 
cules  d'Odon  ,   abbé   de   Morimoud  ,  opuscules    dont    ils    ont 
donné  une    liste  fort   complète,   ou  de    laquelle  du    moins  ils 
n'ont   écarté  qu'un  traité  sur  les  mystères  des  nombres  ,  cité 
par    labbé  Lebeuf.    Ain.si,    pour    indi(]uer    I  auteur    des    sept       ['T'!"  yi  "' 
lettres    ascétiques,    on    ne    peut    plus    guère   hésiter  qu'entre 


(1)  Ecce  elemm  rex  de  cujus  dilectione  flurimùm  conjidebas  et  juxlà  quem 
J'amiliarilatis  causa  et  honoris  gradti  residere  sotebas,  le  velul  hostem  persequitur . 
et  quidquid  Parisivs  tam  magno  labore  construTeras,  pracepto  reginm  totum, 
destruitur. 

Xx2 


;r(8         ODON  DE  s  -PÈRE,   ET  ODON  DE  Se-GEN. 
XII  siECLK.      ojon,    abbé  de   Sainle-Geneviève,    et  Odon,  abbé  de  Saint- 
Pierre  ou    Saint-Père,    près  d'Auxerre.    Nous   allons   d'abord 
(lonnor  une  notice  fort  succincte  de  la  vie  de  ces  deux  per- 
sonn;iges. 

Otlon,  chanoine  régulier  de  l'ordre  de  saint  Augustin  dans 
l'iibbaye  de  Sainl-Viclor  à  Paris,  s'y  distingua  tellement  par 
sa  science  et  sa  |)iélé,  qu'en  1140,  après  la  mort  du  célèbre 
Hugues  de  Sainl-Viclor,  il  lui  succéda  dans  la  fonction  de 
piieur,  sous  l'abbé  Gilduin  M  a  rempli  ce  poste  jusqu'en  1148, 
c'est-à-dire  jusqu'à  l'époque  où,  appelé  par  Suger  à  réformer 
le  monastère  de  Sainte-Geneviève  ,  il  en  devint  le  premier 
abbé  régulier.  En  celte  qualité,  et  comme  administrateur  des 
biens  de  cette  communauté  ,  il  fit  des  transactions  ,  des 
concessions,  des  échanges,  dont  les  auteurs  du  nouveau 
.|.  y,|  ^  Giillia  christiana  rendent  compte,  mais  qui  n'appartiennent 
712-71E).  aiHuiiiement    à    I  liisloire    de    la   litlératiire.   Le   dernier  de  ces 

acies  est  (le  1lo2,    et  l'on   en  conclut   qu'Odon  ab(ii(iiia,    peu 
(le   leiups    après,    la    Ibiicliou    d'abbé  pour  se    retirer  à  Sainl- 
Viclor;   mais   ou   ne  le,  voit  rem|)lacé,  par    Aubert   ou    Albert, 
à  Sainte-(j(>nevièvc,  (|u'en    1IG3,   ou  lldl   au  plus  tôt.   Odon 
n'en  fut   pas  moins,  en  11()"),  l'un  des  p.:rrains   de  Philippe- 
iiisi.  1,'iiiv    Auguste    !l  mourut  à  Sainl-'Viclor  dès  IKiii,  selon  du  Boulay  ; 
Par.  sec.  IV,    p.  i.,,    1 1 CG  ,   seloo    Oiidiu  ;    en    1107,    selon    l'ancienne     Gaule 
"^'•'^    ,       ^       clin'iii'nncî;   en   117-'},   selon    la   nouvelle!.    Nous  ne    trouvons 

De  Scr.    Efil.  .         ,       ,    .  ^ 

i.  II.  p.  \%n.       'l'U   dans  les  manuscrits  de  Sainle-Genevicve  qui   puisse  nous 

T.  iv,  p.  i70,  (Jcicrminer    entre   ces    dates.     Le     nécroloee    dit    seulement 
171  .    ^         r 

(prodon   termina  sa  carrière  le    troisième  jour  avant   les  ca- 

Vics    (1rs  lcn(I(^s  de  mai.  Le  père  Dumolinet,  qui   a   écrit  sa  vie,  et  qui 

iiomm.  iii.  (iian.   |',i  remplit;  de  longs  détails  sur  les  désordres  monastiques  que 

"^^  /rc>  '"  /'-u"  repiiina   ce    premier   abbé  de    Sainte-Geneviève,    et   sur  les 

p.       4liz  —  -i/o;  '  1 

inss  lit-  la  BiM.  oli.-^tacles  (pii  le  découragèrent,    ainsi   que    l'atteste  saint   Ber- 

<!.•  S' (.oiio.v.        iund.   le    père    Duiiioliiiet    ne   nous   apprend    ni    quels   écrits 

O  Lin  compijsa,  ni  combien    d'années  il  vécut  après  sa  retraite 

à  S  tint  Victor.   .Mercier,  abbé  de  Saint-Léger,  qui  a  joint  un 

G.iisM,.  -x  la  fil— ,,iand    numiiri!   de   noti^s  manuscrites  à  un  exem|)laire  de 

itii)i.  lie  S-Ucii.   |i\  lUbliotliecn  mcdix  et  infimœ   lalinilalis  de   Fal)riciiis  ,    n'a 

rie.i  ;ijouté  à  l'arlieh;  lrès-suc(;incl    (|ui  concerne  cet  Odon.  En 

un  mol,    nous  ignorons  ce  (jui  autorise   les   auteurs  du    nou- 

\e;iu    Gallia    chrisliana  à   fixer   sa    mort    à  l'année  1173.   Ils 

.\iiii.i.  de  Pa     t':ii»>crivent  d'ailleurs  son  épilaplie,  qui  était  déjà  dans  Oudin 

ri«.  p  478.  oi   (liiiis   Malingre.    Nous  n'en    reproduirons   ici  (jue  les  deux 


ODON    DE  S. -PÈRE,   ET  ODON  DE  S^-GEN.       349 
derniers  vers  ,  qui  égalent  ou  même  surpassent  un  peu  en  mau-      xii  siècle. 
vais  goût  les  huit  vers  qui  les  précèdent  : 

Ne pereas  ,  per  eum  ie  ,  Parisius  ,    Paradiso  , 
Orbe  parode  ,  para  .  non  parUiira  parem. 

Voilà  ce  qui  concerne  Odon  ,  abbé  de  Sainte-Geneviève  : 
à  l'égard  de   celui  qui  fut  abbé  de  Sainl-Père  ou  Saint-Pierre  , 
près  d'Auxerre,  il   faut  d'abord  observer  qu'il  avait,  ainsi  que       U'htyx\,   iiisi. 
le  précédent ,  commencé  par  être  chanoine  régulier  de  Saint-  dAux.ire.  t.    i, 
Victor  de  Paris.  11  fut  tiré  de  celle  abbaye  ,  ou  d'une  de  ses  dé-  }','     '"''^g,/  '  [[ 
pendances,  pour  devenir  ,  vers  1  1G7,  premier  abbé  de  la  com-  Pjpiiion,     Bibi. 
munauté  de  Saint-Père  ,  qui  jusqu'alors  n'avait  été  gouvernée  '''■  '''""^'  '•  "- 
que  |)ar  des  doyens.  Odon  obtint  en  1174  une  bulle  d'Alexan-  '' 
dre  III  en  faveur  des  chanoines  de  Sainl-Père  ;    mais  dès  1 178 
il  avait  abdiqué  la  dignité  dabbé   On   lui  trouve,   dès  celte 
époque ,  un  successeur.  Uedevenu  simple  chanoine   régulier,    il 
continua  de  jouir  d  une  grande   considération  :    il  esl   nommé 
comme    témoin ,   et  (juaiitié    magisler   Odo    canonicus  sancti 
Pétri,  en  des  chartes  de  Gudlauniede  Toucy,  évèque  d'Auxerre, 
datées  de  1180  et  1181.  On   sait  ainsi  qu'il  vécut  au  moins 
jusques-là  ,   et  l'on  ignore  en  laquelle  des  années  suivantes  il 
termina  sa  carrière 

H  a  sans  doute  été  bien  facile  de  confondre  quelquefois  ces 
deux  Odon  ,  contemporains  ,  enlre  lesquels  les  traits  de  ressem- 
blance sont  si  nombreux.  Tous  deux  chanoines  réguliers,  sortent 
de  l'abbaye  de  Saint- Victor  de  Pans,  pour  devenir  les  premiers 
abbés  de  deux  communautés  nouvellement  transformées  en 
abbayes.  Ils  abdiquent  l'un  comme  l'autre  la  dignité  abbatiale , 
et  conservent  également ,  après  leur  retraite ,  du  crédit,  de 
l'ascendant ,  des  honneurs.  Mais  enfin  ,  l'un  fui  abbé  de  Sainte- 
Geneviève ,  à  Paris;  l'autre  de  Saint-Pierre  ,  près  d'Auxerre; 
et  ce  dernier  survécut  dix  ans ,  et  peut-être  plus,  au  pre- 
mier. 

Pour  distinguer  auquel  des  deux  appartiennent  les  huit 
lettres  ascétiques  que  nous  avons  d'abord  indiquées ,  il 
n'existe,  ni  hors  de  ces  épîlres  ,  ni  dans  leur  texte  même  , 
point  d'autre  indice  que  celui  que  présente  la  seconde  de  ces 
lettres ,  adressée  à  un  ministre  disgracié  ,  et  qui  voit  tous  ses 
travaux  anéantis  par  les  ordres  de  la  reine.  Il  nous  paraît , 
comme  à  l'abbé  Lebeuf ,  que  ce  ministre  ne  saurait  être  que 
Gilles  Cléraenl ,  qui ,  après  avoir  joui  quelque  temps  de  la 
confiance  de  Philippe-Auguste ,  déplut  à  la  rdae-mère  Alix  , 


Ouil 

m.   l.     11. 

12S4.    ■ 

—    Mont- 

faucon 

Bil>l. 

Bil.I.     < 

••     2,     p. 

iin.-i  , 

2l5:i. 

15!i3. 

Bilil 

.      Uilllinl. 

t.  1,  p. 

(i7. 

350  ODON  DE  S. -PÈRE,  ET  ODON  DE  S'-GEN. 
XII  SIECLE,  gf  f^j  éloigné  de  la  cour  en  1182,  ou  seulement  en  1184, 
selon  la  chronique  de  saint  Marien  d'Auxerre.  L'épîlre  0  ne 
serait  donc  pas  d'Odon  de  Sainte-Geneviève  ,  dont  personne  n'a 
prolongé  la  carrière  au-delà  de  1 173.  Oudin,  et  les  auteurs  du 
nouveau  Gallia  Christiana,  qui  lui  allribuenl  cette  lettre  et 
les  six  autres,  n'appuient  cette  opinion  d'aucune  preuve  solide, 
et  ne  préviennent  point  du  tout  l'objection  qui  résulte  du  texte 
applicable  à  la  disgrâce  de  Gilles  Clément.  Odon  de  Sainl- 
Père  signait  encore  des  chartes  en  1181,  et  l'on  est  en  droit 
de  supposer  (|u'il  vécut  jusqu'en  1184,  ou  même  au-delà. 
C'est  donc  lui  qu'il  convient  de  prendre  pour  lauleur  de  ces 
lettres,  puisqu'elles  sont  duu  Odon,  chanoine  régulier  au  dou- 
zième siècle. 

Des  manuscrits  de  l'abbaye  de  Saint-Germain  et  de  l'ab- 
baye du  Bec  renfermaient  ,  avec  ces  sept  épîtres,  huit  sermons 
du  même  auteur,  un  sur  la  parole  de  Dieu  ,  un  sur  1  Epiphanie  , 
deux  sur  la  Pa.-sion  ,  trois  sur  l'Ascension  ;  ils  n'ont  jamais  été 
imprimés  ,  non  [)liis  qu'une  lettre  de  consolation  au  pape 
Alexandre  III  ,    citée  par  dom  Monifaucon. 

Il  existe  à  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève  un  petit  manu- 
scrit in  8°  sur  vélin  ,  dont  l'écriture  paraît  être  du  XlV°  siècle  , 
et  qui  est  inlitulé  :  Oddo  abbas ,  sentcntiœ  ex  sanctis  palribus 
excerptœ.  On  lit  à  la  fin  de  l'ouvrage  :  Explicit  à  sanclas  mémo- 
riœ  domno  Odone  excerptus. 

Diujni'ile  cœlexfi  pnidens  huac  Oddo  liljtVum  , 
Fioridu  conipiixi'il  dodorum  iiViiUt  piTa^rans. 

Ce  sont  trois  livres  d'extraits  de  pères  de  lEglise  sur  des  ma- 
tières dogmatiques  et  morales  Peut-èlre  ce  manuscrit  ne  diffère- 
t-il  point  de  ceux  (jui  sont  in(ii(piés  ailleurs,  sous  les  titres  do 
Magistri  Oddonis  sententiœ,  ou  Summa,  ou  Philosophia  moralis. 
Cette  somme,  celte  compilation  dexlrails  ou  de  sentences  est- 
clle  d'Odon,  abbé  de  Sainte-Geneviève  ,  ou  dOdon  de  Saint- 
Père  ?  Les  catalogues  des  manu.scrits  de  Sainte-Geneviève 
attribuent  au  [)remier  les  trois  livres  d'extraits  :  mais  ces  cata- 
Idgucs  ne  sont  punit  ancuiis  ;  il  n'y  a  rien  dans  louvrage  qui 
puis.se  désigner  l'un  des  Odou  plutôt  que  I  autre.  Le  P.  Dumo- 
linet,  en  écrivant  la  vie  d'Odon  de  Sainte-Geneviève,  ne  dit 
point  que  cet  abbé  ait lais.sé  aucune  proiUiclion  littéraire;  et  c'est 
cnûn  Odon  de  Saint-Père  que  les  bililiogiaplies  indi(iiienl  le 
plus  souvent  comme  auteur  d'une  summe  ou  d'un  livre  des 
sentences.  D.    ^ 


351 

XII  SIEiXE. 


B 


BAlIDnillN   IV, 

Dit    I. e   m  i': s  v. l    ou    i.  f.    L k  preux, 
Il 0  I   DE  Jérusalem. 


aidoiinIV,    fils   d'Amaiiri    I"   cl    d'Agnès  de    Courlenai, 
fille  de  Joscclin,  comte  d  Kdcsse,  naijuit  en  1160.  Ainauri  1" 
ne    régnail   pas  encore;  cétail  Baudouin   111,  son   frère  aîné, 
qui  régnail.  Celui-ci    fui  le  parrain  de  son  neveu  ;  el  comme 
on   lui  demandait   ce  qu'il    voulait  donner  à  l'enfant  tenu  sur      r.mi.  .le   Tyr. 
les   fonts  baptismaux,    il    répondit,  en    rianl;  Le  royaume  de  '8,5.29. 
Jérusalem.  Celle  plaisanl(Mie  se  réalisa  treize  ans  après.  Bau- 
douin III  étant  mort  sans  postérité  à  l'âge  de  trente-un  ans,      r.uii.  .le  Tvr, 
Amauri  lui  succéda,  el  Auianri  lui-même  étant  mort  à  trente-  '^'    ^     '■    '^'' 
huit  ans,  en  1173    le  trône  pas.^^a  à  Baudouin  IV,    qui  n'élail 
encore  Agé  que  de  treize  ans   Ce  jeune  prince  avait  eu  pour 
maître  Guillaume  de  Tyr,  (pii   en  a  Iracé   le  portrait  au  com- 
mencement   du   vingt-unième  livre  de  son  lii>toire  ;   il  y  loue 
son  amour  pour  l'étude  et  son  goût  pour  les  lettres.    Baudouin 
n'avait    encore   que    neuf  ans    quand   Guillaume   de    Tyr    fut 
chargé  de   l'instruire.   Il    fut  sacré  à  Jérusalem,    dans   léglise 
du   Saint-Sépulcre,   par  le    patriarche   Amauri,    le   15    juillet 
1173. 

Son  âge  ne   lui   permettait  pas  de  gouverner.    La  régence     (j^j,    ,|^  -y^,.^ 
fut  d'abord  confiée  à  Milon  de  Plancy,  sénéchal  du  royaume;  21,  \.  n,  i  et  :i. 
mais  celui-ci    étant    mort  peu  après,  on   la  donna   au  comte 
de   Tripoli,    le   plus  proche  parent  du  roi,  et  descendant  des 
comtes   de   Toulouse.     Baudouin    gouverna    bientôt    par   lui- 
même  ;    mais    les   infirmités    qui   le   vinrent    assaillir,    et  qui 
menaçaient  sa  vie,  l'engagèrent  à  donner  de  nouveau  un  ré- 
gent à  l'état.   Il  avait  jeté  les  yeux  sur  Gui  de  Lusignan,  qu'il     iW\\.  «le  Tyr, 
maria,   dans  cette  idée,  à  Sibylle,  sa  sœur:  mais,  jugé  inca-  ^2'  ^    '  ^"  '^''• 
pable  d'une  si   haute    fonction,    Gui    de    Lusignan    la    perdit  j^     ii^^i,  '  ,4' 
presque  aussitôt,   à  la  demande  dos  principaux  de  la  cour  et  <=■  '•  5.  iHet-20. 
de  l'armée.    C'était  en    1183.    Baudouin    mourut    au    mois   de  ç  g;;'  27  «  29' 
mars  1185,  âgé  à  peine  de  vingt-cinq  ans,  laissant  le  trône        Oubois,    li. 


35-2  BAUDOUIN  IV,  ROI  DE  JÉRUSALEM. 

XII  SIECLE.      ^  ujj  neveu  qui  n'en  avait  que  neuf,  selon  les  uns,  que  cinq  même, 


c.   1,  j.  20.-   suivant  les  autres,  et  qui  mourut  l'année  suivante. 

Flan"  an  "ils/  L'abbé  d'Ursperg,  dans  sa  chronique,  appelle  Baudouin 
An.  1187.  vir  strenuus,  et  sapiens,  et  justus.  Regnum  strenuè  rexit, 
fiesia  Dei  per  avait  déjà  dit  Marin  Sanuto  dans  le  vingt-quatrième  chapitre 

^MDc.    .    .   p-  jg  ja  sixième  partie  du  troisième  livre  de  son  Liber  secretorum 
fidelium  crucis  super  terrœ  sanctae  recuperatione  et  conser- 
vatione. 
Hist.  Angi.       Raoul  de  Diceto  a   inséré  une  lettre  de  ce  prince  dans  ses 

^cnpt.  t.  ,  p.  Imagines  historiarum.  Baudouin  écrit  au  patriarche  de  Jéru- 
salem, et  aux  grands  maîtres  des  Templiers  et  des  Hospi- 
taliers, pour  leur  rendre  compte  de  quelques  événemens 
passés  dans  la  Terre-Sainte.  Le  patriarche  et  les  deux  grands- 
maîtres  étaient  allés  en  Europe  solliciter  les  secours  des  rois 
pour  les  chrétiens  d'Orient.  En  débarquant  à  Brindes,  ils 
avaient  écrit  au  roi  pour  l'instruire  de  leur  heureux  voyage. 
Le  roi  les  en  félicite,  et  leur  apprend  les  nouveaux  succès 
obtenus,  depuis  leur  départ  de  Jérusalem,  par  Saladin.  C'est 
une  suite  de  faits  particnliers  d'une  guerre  active  et  perpé- 
tuelle, de  dévastations,  de  pillages,  de  sièges,  de  combats, 
où  la  victoire  se  déclare  toujours  en  faveur  des  ennemis  des 
chrétiens. 
Voir  ce  ser-       Daus  le  Serment  que  les  nouveaux   rois  de  Jérusalem  prô- 

nient     dans      les         .  ,  ■         i  ■    i  c   ■      ■ 

As9  de    Jc'rusai.  laisnt  entre  les  mains  du  patriarche,  qui  leur  laisait  promettre, 
c  287.  avant  tout,  de  lui   conserver  toutes  ses  possessions  et  tousses 

privilèges,  on  trouve  aussi  la  promesse  d'accorder  quelque  appui 
aux  veuves,  aux  orphelins,  et  de  garder  ou  conserver  à  tous  les 
anciennes  assises  et  coutumes  du  royaume  de  Jérusalem,  parmi 
lesquelles  on  nomme  expressément  les  assises  du  roi  Amauri  et 
du  roi  Baudouin,  son  tils.  C  est  Baudouin  IV,  et  Amauri  I""",  son 
père.  P. 


353 


XII  SIECLE 


HACKET, 


Abbk    dk.s     Dunes. 


HACKET,  né  en  Flandres,  vint  étudiera  Paris,  oîi  il  acquit 
bientôt  la  réputation  d'un  théologien  savant  et  d'un  habile 
prédicateur.  Attiré  à  Senlis  par  l'évéque  de  celte  ville,  il  y 
prêcha  aussi  avec  beaucoup  de  succès.  Il  quitta  néanmoins 
Senlis  pour  retourner  en  Flandres,  où  il  fut  fait  doyen  de 
l'église  de  Saint-Donatien,  à  Bruges.  Il  souscrivit,  en  cette 
qualité,  des  chartes  qui  portent  les  dates  de  1164,  11  Go, 
1166,  1171,  et  qui  sont  citées  dans  le  nouveau  Gallia  chris-  t.  v,  p.  25(i, 
tiana  Peu  après  1171,  et  peut-être  dès  celte  année  même,  26i,  asfi. 
Hacket  prit  l'habit  monastique  dans  l'abbaye  des  Dunes  :  son 
humilité  profonde  et  son  goût  pour  la  solitude  l'entraînaient 
à  cette  profession  :  mais  les  honneurs  qu'il  fuyait  l'atten- 
daient au  sein  du  cloître.  Son  abbé,  Valher,  le  força,  en  1174 
ou  1175,   d'aller  gouverner  l'abbaye   de   Thosan    ou    Doest,  AEgid.  de 

près  de  Bruges,  et  lui  résigna,   en  1179,    l'abbaye  même  des  ^"y  chron.  a.i 
Dunes.  Hacket  a  souscrit,  cjmme  abbé  de  ce  dernier  monas-  mej^r,  ad   aniT 
tère,  des  chartes  qui  portent   les  dates  de  1180  et  1183.  Il  l'/S. 
ne   mourut  donc  pas  en   1181,  quoiqu'on  le  lise  ainsi  dans  le 
nouveau  Gallia  Christiana,  mais  en   1185,   comme  il  est  dit     t.  v,  p    ^ai;. 
en  deux  autres  articles  qui  le  concernent  dans  ce  même  ou-     '*•  261,  286. 
vrage ,   ou  bien  en  1184,    comme   le   rapporte    Manrique  ,      Ad  ami.  1175, 
d'après  Gilles  de  Roya.  Le  nécrologe  de  Thosan  place  la  mort  v.  s.  U79.  vu, 
du  bienheureux   Hacke*  au   1"  novembre,  et  le  ménologe  de  .  .  »• 

Henriquez  au    4  du  même  mois.  Gilles  de  Roya  dit  que  l'on      , 

-     .  1  .  1   .  •       I       Tr-      L  *  """•    Fascic. 

conservait  les  sermons  de  ce  pieux  abbe  ;   mais  de  Viscn,  au  ss.    ord.    cisi. 

XVII'  siècle,  ne  les  retrouvait  plus  parmi  les  manuscrits  de  "'»•  '-  Ji»»-    s, 

l'abbave  des  Dunes  :   seulement   il  v  existait  beaucoup  d'an-  "'*„.,','' ..?** 

ciens  sermons   sans  noms  d  auteurs,  entre  lesquels   ceux  de  p  ^^y^  14(1 
Hacket  pouvaient   être   confondus,  sans  que  rien  aidât  à  les 
distinguer.   -                                                               D. 


Tome  XIV  Yy 


i.islerc. 


3oi 


XII    SIECLE. 


ALAIN, 

ÉVÊQUE       d'AdXERRE 


F= 


HISTOIRE   DE  SA   VIE 

lAiT-iL  admettre  deux  Alain,  surnomniés  de  Lille,  qui 
'auraient  vécu  l'un  et  l'autre  dans  le  XII"  siècle?  ou  bien 
faut-il  n'en  admettre  qu'un  seul,  auquel  on  puisse  attribuer 
tous  les  écrits  qui  portent  ce  nom  ?  Celte  question  a  déjà  été 
agitée  plusieurs  fois  parmi  les  savans  :  les  uns  en  font  deux 
personnages  distincts  ;  d'autres  n'en  font  (pi'un  ,  auquel  ils 
attribuent  tous  les  ouvrages  que  les  premiers  partagent, 
d'après  les  bonnes  règles  de  la  critique,  entre  Alain ,  qui  fut 
évoque  d'Auxerre,  et  maître  Alain,  surnommé  le  docteur  uni- 
versel, heaacoap  [i\as  cé\èhrc  quo  Vawlre,  comme  lui  religieux 
cistercien,  mais  un  peu  plus  jeune.  Telle  est  la  question  que 
nous  (levons  examiner,  avant  (pic  d'entreprendre  la  notice  des 
écrits  de  l'év^-que  d'Auxerre. 

Casimir  Oudin  avait  adopté,   dans  un   premier   écrit,  l'opi- 

Dc  Script,  nion    de     ceux    qui    distinguent    ces  deux   écrivains   l'un    de 

Eecics.  t.  i\.  col    laiiipp    pi  pn    font  .(Jeux   personnages   différens    :  mais   dans 

158^     - 1^'8.  i  ^ 

son  grand  ouvrage  sur  les  auteurs  ecclésiasliques,  il  a  fait 
une  longue  dissertation  [)onr  établir  l'opinion  contraire.  Il 
est  peu  d'articles  que  ce  bibhographe  ail  Irailés  plus  mélho- 
diqucmenl  que  celui  de  maître  Alain  :  il  délniil  forl  bien 
les  fables  qu'on  a  débitées  sur  son  compte  ;  mais,  quant  à  la 
question  principale  ,  lous  ses  raisonnemens  ont  pour  objet 
de  prouver  que  maître  Alain,  appelé  le  docteur  universel, 
n'est  autre  que  l'évt'que  d'Auxerre,  ou  du  moins  qu'il  n'est 
point  impossible  que  ce  dernier  ail  v(''cu  jusqu'à  l'année  1203, 
qui  est  l'époque  de  la  mort  du  docteur  Alain.  Oudin  a  si 
bien  persuadé  le  docle  Fabricius,  qu  il  l'a  entraîné  dans  son 
opinion. 
Dissert,  jiir       |;abijé    Lebeuf    a    combattu     I  opinion    d'Oudin    dans    un 

I  liist.  lie  Fai  i«,  ' 


ALAIN,   ÉVÊQUE  D'AUXERRE.  355 

supplément  à  la  dissertation  sur  l'état  des  sciences  en  France,  xii  siècle. 
depuis  la  mort  du  roi  Robert  jusqu'à  celle  de  Philippe-le-Bel.  irii~^;iTir2~|r 
Il  est  d'accord  avec  Oudin,  pour  rejeter  l'opinion  de  ceux  293—313. 
qui  font  vivre  le  docteur  universel  jusqu'à  l'année  1294,  et 
même  jusqu'à  I  300  ;  mais  il  nie  que  ces  deux  écrivains  soient 
un  seul  et  m<*^me  personnage  :  tel  est  l'objet  de  sa  disserta- 
tion. Nous  ne  répéterons  ni  les  argumens  ni  les  conjectures 
que  ce  savant  accumule  contre  son  adversaire  ;  nous  y  re- 
viendrons à  l'article  du  Docteur  universel  :  mais  nous  adop- 
terons en  partie  ses  conclusions.  Nous  distinguerons  comme 
lui  deux.  Alain  ;  nous  prouverons  que  l'évêque  d'Auxerre 
étant  mort  réellement  peu  après  l'an  11  82,  et  enterré  à  Clair- 
vaux,  ne  peut  pas  être  le  docteur  Alain,  mort  en  1203,  qui 
avait  sa  sépulture  à  Cîteaux.  C'est  ce  qui  résultera  de  l'exa- 
men que  nous  allons  faire  des  circonstances  de  la  viede  l'évoque 
d'Auxerre. 

Alain  naquit  en  Flandres  au  commencement  du  douzième 
siècle.  La  preuve  en  est  certaine  par  le  témoignage  de  l'ano- 
nyme contemporain  qui  a  écrit  sa  vie  parmi  les  actes  des 
évêques  d'Auxerre;  il  l'appelle  Alanus  Flandrensis  :  ce  qui  Lahbc,  Bii.i. 
est  décisif.  Mais  il  n'est  pas  aussi  bien  prouvé  qu'il  soit  né  à  mss.  i.  il,  p.  iOK. 
Lille.  Le  livre  des  sépultures  des  moines  de  Clairvaux,  ou 
plutôt  l'inscription  qui,   au    rapport  de  Camusat,    était    sus-  famusai 

pendue  sur  le  tombeau  d'Alain,   dit  bien  qu'il  avait  été  élevé  l'iomi».  foi.  522' 
à  Lille  en  Flandres,  mais  ne  dit  pas  qu'il  y  eût  pris  naissance. 
In  quâdam   ecclesià  oppidi  famosi  in  Flandriâ,   quœ  Insida 
nuncupatur ,   à   puero   educatus.  D.    Mabillon,    pour  donner       «lai).  noi.   in 
un  sens  à  la  lettre  280  de  saint  Bernard,  qui,   pour   faire  un  ^p.  280  s.  Ucrn. 
jeu  de  mots  (1),  paraît  le  désigner  par  le  mot  de  Regniacensis, 
pense  qu'Alain  pourrait  bien  être  né  à  Renenghe,  près  de  la 
ville  d'Ypres,  parce    qu'il  ne  fut  jamais  abbé  de  Regni,  dans 
le  diocèse  d'Auxerre. 

S'il  était  prouvé,  comme  le  prétend  l'abbé  Lebeuf,  que 
l'évoque  Alain  fût  l'auteur  du  commentaire  sur  les  prophé- 
ties de  Merlin,  qui  porte  le  nom  d'Alain  de  Lille,  il  ne  res- 
terait aucun  doute  sur  le  lieu  de  sa  naissance  ;  car  l'auteur  dit 
positivement  qu'il  élait  né  à  Lille,  et  qu'il  élait  encore  enfant, 
puerulus,  lorsque  Thierri  d'Alsace  prit  possession  du  comté 
de  Flandres  :    ce  qui  arriva  l'an  1128    Vidi  eleqo  in  Flandriâ,         .,       ,. 

ç,  '  a  f  Alain     Loni- 

cùm  puerulus  adhuc  essem ,  apud  Insulam  undè  natus   fui,  mcm.  hb.  v,  foi. 

198,      éd.     An- 
tucrp, 
(l)  Regniacensis  regnare  nuUatetiùs  permittaiur. 

Yy   2 


356  ALAIN,    ÉVÉQUR    D'AUXERRE. 

xri  SIECLE,  feeminam  quamdam  maleficam,  etc.  Tempus  illud  fuit  quo 
cornes  Theodoricus  ah  Insulanis  hominibus,  Gandensibus  quoque 
atque  Bjnigensibus,  advocatus  erat  è  terra  sua  in  Flandriam, 
tamquam  legitimus  FlandricV  liserés. 

Ce  lexle,  loin  de  nous  persuader  qu'Alain,  qui  fut  dans  la 
suite  évèque  d'Auxerre,  soit  l'auteur  du  Commentaire,  semble 
prouver  tout  le  contraire,  si  Ion  fait  attention  que,  douze 
ans  après,  l'an  1140,  Alain  était  déjà  abbé  de  Larivour,  Art 
patorii,  à  deux  lieues  de  Troyes  en  Champagne  (  ce  qui  sup- 
pose un  âge  assez  avancé  ),  et  que  l'auteur  du  Commentaire 
n'était  qu'un  petit  enfant  l'an  1128.  D'ailleurs,  ce  Commen- 
taire est  certainement  l'ouvrage  d'un  homme  d'une  vaste  lit- 
térature ;  il  est  plein  do  citations  des  historiens  d'Angleterre 
et  de  Normandie,  de  connaissances  physiques  et  naturelles, 
et  même  des  anciens  poètes  latins,  qui  lui  étaient  familiers. 
Tant  d'érudition  n'a  rien  d'étonnant,  si  on  l'attribue  au  Doc- 
teur universel  ;  mais  il  est  difficile  d'en  faire  honneur  à  un 
homme  qui  serait  entré  fort  jeune  à  Clairvaux,  oîi  l'on  s'oc- 
cupait d'études  d'un  autre  genre,  et  sur-tout  à  l'évêque 
d'Auxerre,  que  l'auteur  de  sa  vie  nous  représente  non  comme 
un  grand  littérateur,  mais  comme  un  saint  religieux  qui 
soupirait  après  les  exercices  du  cloître,  et  s'ennuyait  beaucoup 
dans  le  monde. 

Nous  avons  insisté  sur  le  lieu  de  sa  naissance,  parce  que 

de  ce  point   de  critique   dépend  en  parlie   la  distinction  des 

deux  Alain.    Celui  qui  fait  le  sujet  de  cet  article,  après   avoir 

gouverné  pendant  douze   ans  le   monastère  de  Larivour,  fut 

élu,  l'an  1152,  évêque  d'Auxerre,    par  le  crédit  de  saint  Ber- 

F.1SC.  ss.  .ml.  nard   Le  livre  des  sépultures  des   moines  de  Clairvaux  dit  que 

^'«3"^''  cette  élection  se  ^{unanimement,   mais  on  voit  parles  lettres 

H.in.  rp  275.  Je  saint  Bernard  qu'elle  ne  fut  rien    moins  que  paisible.  Deux 

fois  l'intrigue  s'était  agitée,    deux  fois  on  était  allé  aux  voix 

pour  donner  au  comte  de  Nevers  et  d'Auxerre  une  personne 

qui  lui  fût  agréable  ;  ce  ne  fut  qu'après  un  an  de  vacance  que 

le  pape  chargea  trois  commissaires  de  procéder  à   l'élection, 

et  du  nombre   de  ces  couimissaires  était  saint   Bernard.    Deux 

furent  pour  Alain  ,  mais  ce  ne  fut  pas  sans  éprouver  de  grandes 

contradictions  de  la  part  du  comte  de  Nevers  et  du  roi  Louis- 

Bern.  ep.  280    le-Jeune  quc  saint    Bernard  parvint  à  le  faire    reconnaître.  11 

se  plaint  au  pape  Eugène  des  mortihcalions  qu'il  &utà  essuyer 

dans  cette   affaire,  jusqu'à  être  accusé  d'avoir  menti  ;  et   puis- 

qu  il  manquait  à  l'élu  une  voix,  il  prie  le  pape  de  lui  donner 


ALAIN,  ÉVÉQUE  DAUXERRE.  357 

la  sienne.  Tvibus  commissum  erat  ;  uno  conlemnente,  duobus     xii  siècle. 
consentientibus,  quid  restât  nisi  ut  vox  vestra  suppléât  quod 
minus  est  ? 

Le  pape  confirma  l'élection  :  mais  il  fallait  encore  le  con- 
sentement de  Louis-le-Jeune,  qu'on  avait  indisposé  contre  Alain  ; 
il  se  plaignait  qu'on  eût  procédé  à  une  nouvelle  élection  sans 
une  permission  expresse  de  sa  part.  Saint  Bernard,  qui  avait  pem  «p.  282. 
fort  à  coeur  la  réussite  de  cette  affaire,  lui  représente  que, 
dans  cette  élection,  tout  s'était  passé  dans  les  règles  ;  qu'on 
avait  regardé  bonnement  la  permission  une  fois  donnée  comme 
suffisante  ;  qu'il  n'avait  rien  à  craindre  de  la  part  de  l'élu,  qui 
serait  affectionné  à  son  service,  et  de  la  fidélité  duquel  il  répon- 
dait. Il  finit  en  disant  que,  si  le  roi  persistait  dans  son  refus,  ce 
serait  pour  lui  le  coup  le  [)lus  sensible  qu'il  eût  éprouvé  de  sa 
vie.  Ce  prince  sans  doute  n'insista  pas  davantage  et  approuva 
ce  qui  avait  été  fait. 

Alain  gouverna  sagement  l'église  d'Auxerre  pendant  treize 
ans  ;  il  fut  chargé,  soit  par  le  roi,  soit  par  le  pape,  de  com- 
missions importantes,  comme  on  peut  le  voir  dans  le  Gallia 
Christiana  et  dans  les  Mémoires  de  l'abbé  Lebeuf,  pour  l'his- 
toire d'Auxerre.  Notre  objet  n'est  pas  de  recueillir  en  détail 
toutes  les  actions  de  sa  vie  ;  nous  dirons  seulement  que,  s'étant 
démis  de  son  évêché  l'an    1167,  selon  la  chronique  de  saint  Bouquet 

Marien  d'Auxerre,  il  se  relira  à  son  ancienne  abbaye  de  Lari-  '•  x'".  p-  296. 
vour,  d'autres  disent  à  Clairvaux,  ou  il  finit  ses  jours  vers  l'an 
1182.  Nous  avons  promis  d'établir  sur  de  bonnes  preuves  la 
véritable  époque  de  sa  mort,  comme  essentielle  pour  distinguer 
l'évêque  d'Auxerre  de  maître  Alain,  le  docteur  universel,  sur 
la  mort  duquel,  arrivée  en  1203,  il  n'y  a  point  de  contestation. 
Or,  voici  nos  preuves. 

Si  Alain  était  mort  sur  le  siège  d'Auxerre,  les  chroniqueurs 
n'auraient  pas  manqué  de  marquer  l'année  de  son  décès  ; 
mais,  étant  mort  simple  particulier  dans  un  cloître,  nous  ne 
trouvons  que  dans  la  chronique  de  Clairvaux  l'époque  de 
son  décès,  et  encore  d'une  manière  indécise,  sous  l'année 
4178,  en  ces  termes  :  Anno  1178,  mortuus  est  apud  Cla-  itid.  ,,.  312. 
ramvaUem  venerabilis  Gaufridus  episcoptis  Soranus  in  Sardi- 
niâ,  in  dedicatione  Clarœvallis,  et  juxtà  Godefridum  epis- 
copum  (Lingonensem)  est  sepultus  :  cum  quibus  paulo  post 
adjunctus  est  episcopus  Alanus  Autisiodorensis .  Ce  texte, 
comme  l'on  voit,  n'est  pas  bien  précis  pour  déterminer  l'année 
de  la  mort  d'Alain  ;  mais  il  prouve  au  moins  qu'il  n'est  guère 


358  ALAIN,  ÉVÉQUE  D'AUXERRE. 

XII  SIECLE,     possible  de  la  différer  jusqu'à   l'année   1203.    L'abbé   Lebeuf, 
Disscri.  sur  qui  la  place  en  1182,  ajoute  :  «Je  dis  qu'il  est  sûr  que  cet 

riiist.  de  Paris,  évèquc  d'Auxcrre  était  mort  dès  1182,  parce  que  ce  fut  dans 

p  297  '""^'  '  '^^  premières  années  de  répisco|)al  de  Hugues  de  Noyers, 
fait  évoque  d'Auxerre  en  1 181 ,  que  sa  vie  fut  écrite,  avec  celle 
de  Guillaume  de  Touci,  son  successeur,  |)ar  un  clianoine 
d'Auxerre,  ainsi  qu'on  en  juge  par  le  manuscrit  original  de  ce 
temps-là,  conserve  dans  les  archives  du  chapitre.  Cette  cir- 
constance de  la  mort  de  l'évèque  Alain,  (jui  se  tire  d  un  manu- 
scrit authentique  ,  détruit  la  pensée  que  Casimir  Oudin  a  eue 
de  faire  vivre  cet  évê(jue  jusipi'à  I  an  1203,  c'est-à-dire  trente- 
six  ans  depuis  son  abdication  ,  sur  le  fondement  que  c'est 
jusqu'oïl  la  vie  de  maître  Alain  a  été  conduite  par  quelques 
écrivains,  entre  autres  par  Albéric,  auteur  du  milieu  du  X\IV 
siècle.  Il  eût  été  plus  naturel,  dit-il,  de  distinguer  ces  deux 
écrivains  ;  de  convenir  que,  coamie  le  docteur  Alain  était  né 
plus  lard,  aussi  avail-il  survécu  de  beaucoup  à  l'évèque 
d  Auxerre;  et  de  ne  |)asse  laisser  tromper  par  certaines  ressem- 
blances de  dénominations.  » 
c.miisat,       Nicolas    Camusal    rapporte   le    testament    d'Alain,    qui    fut 

l'romp.  K.i    .'ji.  j.gçy  jpjjj,  Yixhhé  de  Larivour  et  certifié  par  lui  véritable  l'an 

1182;   mais   il   a   tort   de   conclure,   comme    1  abbé    Lebeuf, 

(ju'Alain  soit  mort  cette  mémo  année.  Les  autours  du   Gallia 

caii   ciinsi.  christiana   citent  de  lui  une  charte  de  1183,  et  ils  ont  trouvé 

I.  xn,  col.  ■£)'.;.  sa  signature  dans  une  autre  de  118o;  d  oîi  Ion  peut  conclure 

que  la  date  précise  de  sa  mort  est  incertaine  .  mais  ce  n'est  pas 

une  raison  de  le  faire  vivre  jusquà  l'an  1203,  et  d(î  le  confondre 

avec  le  Docteur  universel. 

uikIim,  ,iwi.       Oudin    sin.^i:ril    en    faux    contre    ce   testament,   parce  qu'il 

'^^"'-  '''^"*'  dérange  son  système.  Un  moine,   dit-il,  n'ayant  rien  à  léguer, 

ne  peut  pas  faire  de  testament.  Mais  saint  Bernard,  mais 
labbé  Suger,  et  tant  d'autres,  ont  fait  des  testamens  que  per- 
sonne ne  révoque  on  doute.  Hugues  de  Màcon,  prédécesseur 
immédiat  d'Alain  sur  le  siège  d.Vuxerre,  moine  cistercien 
li.in.  ri.  -j:»;  t:ommo  lui,  avait  fait  un  leslanienl  dont  parh?  saint  Bernard. 
Pounjuoi  Alain,  (pu  lui  avait  succédé,  n'aurait-il  pas  pu  en 
faire  un  aussi?  Daillours  qui;  légue-l-il?  une  lerme,  grangiam, 
qu'il  avait  achetée  de  ses  deniers,  pour  fonder  un  service 
anniversaire  après  .sa  mort,  des  calices,  des  livres,  et  pas  autre 
chose. 

Ce  qui  prouve  encore  (jue  maître  Alain  et  lévèijuc  d'Auxerre 
ne  sont  pas  une  même  personne,  cest  que  celui-ci  a  toujours 


ALAIN,  ÉVÉQUE  D  AUXERRE.  359 

pris  la  qualité  d'évêque,  iiu'ruc  depuis  qu'il  avait  renoncé  à  xii  siècle. 
l'épiscopat  ;  tandis  que  l'autre  n'a  jamais  pris  celle  qualité 
dans  plusieurs  épîtres  dédicatoires  de  ses  ouvrages  oii  il  se 
nomme  :  enfin,  ce  qui  décide  la  question  sans  ré[)lique,  c'est 
(}ue  I  un  fut  enterré  à  Clairvaux  et  l'autre  à  Cîteaux,  où  l'on 
voyait  jusqu'à  ces  dcrni'ers  temps  leurs  tombeaux.  «  Il  est 
impossible,  dit  fort  bien  l'abbé  Lebeuf  ,  qu'un  seul  homme 
soil  inhumé  dans  deux  endroits  différens.  Ainsi  la  double  sé- 
pulture prouve  de  surcroît  que  ces  deux  personnages  ont  été 
différens. » 

SES  ÉCRITS 

Après  ce  que  nous  venons  de  dire  pour  établir  qu'on  no. 
doit  pas  confondre  l'évêque  il'Auxcrre  avec  Alain,  le  docteur 
universel,  il  nous  reste  à  démêler  les  écrits  qui  appartiennent 
inconlestablemcnl  au  premier,  qui  fait  le  sujet  de  cet  ar- 
ticle. 

1"  Nous  avons  de  lui  cin((  lettres  adressées  au   roi   Louis-le- 
Jeune,  qui  ont  été  inq)rimées  par    Diichesne,    au   tome   IV  du        ciios.  t.  iv. 
Recueil  des  Historiens  de  France.    Elles  sont  relatives  aux  con-  "''''      ''"'■"'     '"■ 
testations  qu'il  eut,  vers  l'an  I  KJi,  avec  Guillaume  IV,  comte  de  ^^'^   ^^^'' 
Nevers,  au  sujet   de  certains  droits  seigneuriaux  que  chacun 
revendiquait  dans  la  ville  d'Auxerre.  Alain  eut  besoin  de  toute 
la  protection  du  pape  Alexandre  III,  qui  demeurait  alors  à  Sens, 
et  de  l'ascendant  du   roi   sur  son    vassal,    pour    terminer  cette 
affaire  à   l'avantage  de  son   église     La  décision  en  fut  confiée 
d'abord  à  l'archevèipu»  de  Sens,  Hugues  de  Touci  ;   n)ais  on  ne      "'"'■  i'-  ''"^* 
gagna  rien  par  les   voies  judiciaires,    parce   que    le   comte  de 
Nevers  interjetait  appel  sur  aj)pel  pour  esquiver  le  jugement. 
Enfin   il  voulut  bien  consentir  (|ue  l'affaire  fût  soumise  à  l'arbi- 
trage de  Godefroi,  ancien  évêque  de  Langres,  assisté  des  abbés 
de  Pontigni  et  de  Clairvaux,  dont  la  décision,  qui   porte  l'année 
MG4,     a     été     imprimée    parmi     les    pièces  justificatives  du 
Gallia  chrisliana     Ces   lettres,  en  même  temps  qu'elles  prou-  ,  x^li'l'uist'r."*' 
vent  le  zèle  d'Alain  pour  les  intérêts  de  son  église,   nous  don- 
nent   des   lumières   sur    les   droits  ou    coutumes   féodales,     et 
sur  la  manière  de  terminer  les  contestations  qui    s'élevaient  en 
cette  matière.  Alain,  comme  suzerain,  exigeait  du  comte  de  Ne- 
vers, outre  les  droits  utiles  du  fief,  le  serment  de  fidélité;  mais 
on  voit,  par  la  sentence  arbitrale,  que  ce  point  ne  lui  fut   pas 
accordé. 


360  ALAIN,  ÉVÉQUE  D'AUXERRE. 

XII  SIECLE.  2°  Alain  est  auteur  d'une  vie  de  saint  Bernard,  qui  est   la 

'  Bern.  op.  t.  secondc  parmi  celles  que  D.  Mabillon  a  publiées  à  la  suite 
II,  col.  123S.  jjgg  oeuvres  du  saint  docteur.  Elle  est  divisée  en  trente-un 
chapitres,  ayant  en  tôte  une  épîlre  dédicaloire  à  Ponce,  abbé 
de  Ciairvaux,  dans  laquelle  il  prend  la  qualité  d'ancien  évê- 
que  d'Auxerre  :  Frater  Alanus,  Autisiodorensis  ecclesise  hutni- 
lis  quondam  sacerdos.  Ponce,  cinquième  abbé  de  Ciairvaux, 
succéda,  l'an  1168,  à  Geofroi  d'Auxerre,  auteur  des  trois  der- 
niers livres  de  la  première  vie  de  S.  Bernard,  et  fut  promu,  qua- 
tre ans  après,  à  l'évèché  de  Clermont.  C'est  par  conséquent 
dans  l'intervalle  de  ces  quatre  années  qu'Alain  composa  son 
ouvrage.  Cette  époque  résulte  encore  des  expressions  de  l'au- 
teur, qui  ne  donne  à  son  héros  que  la  qualité  de  bienheureux, 
beatae  recordationis,  et  non  le  titre  de  saint ,  qui  ne  lui 
fut  donné  qu'en  1174,  époque  de  sa  canonisation  ;  et  il  est  vrai- 
semblable qu'il  n'entreprit  ce  travail  que  pour  parvenir  à 
cette  canonisation,  à  laquelle  on  travaillait  depuis  long-temps. 
Alain  ne  le  dit  pas  expressément,  mais  il  le  donne  assez  à  en- 
tendre. 

Ce  qui   le  détermina  à  composer  celle  nouvelle  vie  après 
celle  qu'avaient  publiée  Guillaume   de   Saint-Thierri,    Arnoul 
""''•  de  Bonneval,  el  Geofroi  d'Auxerre,  c'est,  dil-il,  qu'il  se  trou- 

vait dans  leur  composition  beaucoup  de  redites,  des  choses 
peu  conformes  à  la  vérité  ,  et  quelques  expressions  trop 
dures,  queedam  aspera  ,  contre  les  puissances  ecclésiastique 
et  séculière  :  ce  qui  élait,  dit-il,  fort  éloigné  du  caractère 
du  saint,  qu'il  compare  à  une  olive  sans  amertume,  lequel 
s'élait  toujours  distingué  par  un  grand  fonds  de  douceur  et 
d'amabilité  envers  tous  les  hommes.  Ces  inconvéniens  étaient 
graves,  et  auraient  pu  relarder  sa  canonisation  :  c'est  pourquoi 
Godefroi,  évèque  de  Langres,  qui  dès  lenfance  avait  été  élevé 
avec  l'abbé  de  Ciairvaux,  qui  élait  son  parent  selon  la  chair,  el 
son  ami  le  plus  intime,  avait,  pour  faire  disparaître  ces  taches, 
conçu  le  dessein  de  publier  une  nouvelle  vie  ;  mais  la  mort 
l'ayant  empêché  de  terminer  cet  ouvrage,  qu'il  avait  fort  à 
cœur,  Alain  fut  chargé  de  le  mettre  au  jour.  Aussi  promet-il 
de  ne  rien  avancer  que  de  certain,  qu'il  n'ail  appris  de  la  bouche 
même  de  Godefroi,  ou  d'autres  religieux  doni  la  sincérité  lui 
était  connue,  en  abrégeant  seulement  les  écrits  de  ceax  qai 
l'avaient  précédé. 

En  effet,  l'ouvrage  d'Alain  n'est  qu'an  abrégé  des  cinq  pre- 
miers livres  de  la  vie  de  S.   Bernard,  d'où,   par  conséquent. 


ALAIN,  ÉVÈOL'I-    D'AUXERRE.  301 

il  a  retranché  beaucoup  de  choses,  et  iiolaniiuent  le  qualiièiiie  xii  sir.cf.K. 
livre,  qui  conlient  ses  révélalions  el  ses  miracles,  pri'8t|ue 
tout  entier.  Il  a  aussi  abréi^é  le  style  de  ces  auteurs,  c'est-à- 
dire  qu'il  a  réduit  à  de  moindres  termes  ce  qui  lui  paraissait 
trop  diffus.  Mais  il  a  donné  tout  ce  qu  il  y  avait  d'essentiel  à 
dire  pour  la  vérité  de  l'histoire  el  pour  l'édiiicalion  des  lecleuis, 
en  conservant  néanmoins  les  propres  expressions  dont  ils 
s'étaient  servis  :  il  n'y  a  de  lui  proprement  que  l'ordre  de  l'ar- 
rangement. 

Geofroi  d'Auxerre,  qui  est  celui  qui  a  le  plus  écrit  sur  saint  ii,d.  mi  iiits. 
Bernard,  avait  déclaré  quil  ne  suivrait  pas  dans  ses  narrés 
l'ordre  chronoloi^ique,  parce  qu'il  espérait  produire  un  plus 
grand  etTel  en  réunissant  dans  un  même  chapitre  les  événe- 
mens  et  les  exemples  d'un  même  genre  (I).  Alain  a  fait  tout  le 
contraire  ;  il  a  rétabli  l'ordre  chronologique  en  plaçant  K's 
événemens  dans  leur  ordre  naturel  ,  et  il  a  réussi  à  donner 
une  vie  complète  du  saint  docteur,  dégagée  des  longues  et  fré- 
quentes  réflexions  qui  existaient  auparavant,  et  d'une  multi- 
tude de  miracles  qui  trouvaient  apparemment  des  incrédules  : 
non  qu'il  révoque  en  doute  la  véracité  de  ceux  qui  les  ont 
recueillis,  mais  pour  ne  pas  rebuter  les  lecteurs  par  une  trop 
grande  prolixité. 

3°  L'abbé  Lebeuf  ne  doute  pas  qu'Alain,    évêque  d'Auxerre,         Di.sscri.  sur 
ne  soit  le  véritable  auteur  du  commentaire  qui  porte  le  nom  ^ '"j,     "î,,,  ""g 
d'Alain  de  Lille,  sur  les  prophéties  de  Merlin,   et  il  lire  di;  ce  p.  2!i;j. 
livre  son  plus  fort  argument,  pour  établir  que  l'évèque  d'Au- 
xerre était  né  dans  celte  ville  ou   aux  environs.  Nous  avons 
donné  plus  haut  les  raisons  qui,  sans  être  décisives,  nous  empê- 
chent d'être  de  son  sentiment. 

4«  Bernard  Pez  parle  d'un  homiliaire  manuscrit,  sous  le  nom       Ancci.  i,  m, 
d  Alain,  abbé  de  Sainte  Marie.   Il  est  possible  qu'Alain,    n'étant 
encore  qu'abbé  de  Notre-Dame-de-Larivour,    ait  composé  ces 
sermons  :  mais  ce  n'est  qu'une  conjecture. 

S^Anloine  Augustin  soupçonne  qu'Alain,   évêque  d'Auxerre, 


(1)  Illud  etiam  ad'monendum,inrerum.narratione  gestarum  coharentiam  simili- 
tudinis  '•naffis  quàm  temporis  observari  ;  siguidem  nec  signa  ipsa,  nec  opéra  qv,œ- 
dam  eo  ordine  scripla  guo/aclasuut,  scd  interdùm  aliqua,  prout  occurrere  locis 
opporluniorib-us  ridebaniur,  inserta.  Firmior  enim  zidetur  et  haberi  acceplior 
solel  oratio  qua  suis  innilitur  et  illustratur  exemplis,  velut  fabrica  quadam 
idoueis  fulta  columnis.  Nonunlla  quoque  transposita  sunt,  ut  similibus  alia  jun- 
gerentur,  et  qua  erant  ejusdem  gcneris  sibi  apiiùs  coharerent.  Gaufiidus  in  pro- 
logo ad  vitam  S.  Bernardi. 

Tome  XIV.  Zz 

2  5   * 


|iail.  .">,  |>.  CjU. 


;<C:>  ROBERT   DU  MONT. 

XII  SIECLE,     gj,^  aulcur  oie  la  colleclion  des  conslitulions  ou  décrets  qui  se 

Irouve  à  la  suilo  du  troisième  concile  de  Lalran,  sous  le  pape 

Alexandre  111,  dans  toutes  les  éditions  des  conciles.  Mais  c'est 

un  fait  encore  plus  incertain. 

Camusai.       (jo  ^i  Alain  nélail    pas  un  savant  du  i)renii(;r  ordre,  il  aimait 

Promp.  fol.  021.  ....  ,, ',  ,  v         ,      .       •  ,  •■  ,• 

au  moins  les  livres.  Il  le.i;ua  au  monastère  de  Larivour  sa  biblio- 
Vovas*-  l'iti.  llièque.  F),  ftlarlène  dit  avoir  vu  à  Clairvaux,    parmi  les  manu- 
part.  I,  p.  94.      scrits,  un  beau  décret  de  Gratien,  légué  par  Alain,  avec  défense 
Lciriif  ihni    ''"  '*^  dé[)lacer  pour  quelque  raison  que  ce  pût  être.  «  Mais,  dit 
p.  2U.  '<  l'abbé  Lebeuf,   dès    l'année  1188,    le  chapitre    général    de 

'(  CîU'aux  regarda  apparemment  ce  livre  comme  dangereux  , 
i<  puisqu'il  ordonna  qu'il  ne  fui  point  mis  dans  la  biblioliuMjue 
«  commune,  à  causi^  du  mauvais  u.sage  (pion  pouvait  en  faire, 
«  et  qu'il  serait  enfermé  séparément  pour  y  avoir  seulement 
«  recours  dans  le  bi'soin.  »  Voyez  ce  statut  dans  D.  Martène, 
Anecd.,  tom.  IV,  cl.  MVùi.     ■  B. 


«OÏÎKIIT  DE  TORIGNI, 

A  V-  V.  I    i>  II  Mont  Sain  tM  i  c.  w  k  l. 


Gall.   Clinsl. 


SA    VIK. 

ROBERT  de  Torigni,    ainsi  nommé  du   nom  de  sa   famille  ou 
.._  (lu    lieu    de  sa  naissance,  surnommé  du  Mont,   du    litre  de 

son  iilibaye,  se  (lc\oua,    lan    112(S,  ;i    la  vie  religieuse  dans 
liiliba\<!   du    ncc-llcrliiin.    (iclle   maison,    sous    le   gouverne- 
,|.   y^i    ^  ,j,,,    liHut  (lu  sage  Hoson,    doiil   ou  a  donné  ci-devani  larliclc,    se 
.soulenait  dans  le   liant  point  de   réputation  oîi  l'avaient  élevée 
Lanfranc  et  S.  Anselme.  Robert  s'y   forma  aux  lettres  et  à  la 
vertu  .sur  les  modèles  (ju'il  avait  devant  les  yeux.  Ses  progrès 
dans  l(\s  lettres  furent  si  ra|ii(les,  qu'en  1139   I  historien    an- 
glais Henri,    archidiacre  dllunlinglon,   [)assant    au    Bec,    ad- 
mira lélcndiie   de  ses  (toiinaissanccs  ,  et  le  rc[)résenle   comme 
Apppnd.  »<l   iin   ardent  chercheur  de  livres ,  dont  il  avait   fait    une   bonne 
^M.iii  opp.    p.    j,,.y^  j^j,,^^   riru'iu  (am  dirinotnim  qiiiim  secutarùim  librorum 


ROBERT  DU  MONT.  363 

inquisitorem  et  conservatorem  studiosissimum.  Sa  régularitô  ■^"  sieoie. 
ol  sesverlus  monastiques  lui  mcritcrent  bientôt  d'être  él(;vé  au- 
dessus  des  autres  dans  l'emploi  de  prieur  claustral,  qu'il  exerça 
jusqu'à  l'an  1  loi.  Cette  année  il  fut  choisi  pour  remplir  le  siège 
abbatial  du  mont  Saint-Michel,  qui,  depuis  cin(j  ans,  était 
vacant  par  le  refus  qu'avait  fait  le  duc  de  Normandie  d'agréer 
ceux  qu'on  y  avait  nommés  sans  sa  participation.  L'élection  de 
Robert,    faite  à  l'unanimité,    confirmée   par   le   métropolitain,  noi,  j^  m 

et  hautement  approuvée  du  prince,  rétablit  le  calme  dans  cette  aJ  an.  lisf 
maison.  Robert,  dans  ce  poste,  ajouta  beaucoup  à  l'idée  qu'on 
avait  de  sa  capacité  ;  en  peu  de  temps  il  donna  une  nouvelle 
face  à  son  abbaye,  dont  le  temporel  et  le  spirituel  avaient 
également  soulTert  des  derniers  troubles.  Sa  réforme  se 
ressentit  de  son  amour  pour  les  lettres.  Persuadé  tpi'une  des 
plus  utiles  occupations  des  moines  était  celle  de  copier  des 
livres  dans  un  temps  ou  ils  étaient  si  rares,  il  appliqua  ses 
frères  à  ce  travail,  et  enrichit  par-là  sa  bibliothèque  d'un  grand 
nombre  de  volumes,  dont  plusieurs  se  sont  conservés  jusqu'à  nos 

.llnntfaucoii  . 
J^"*"^  Uib.  Bibl.    t.    Il, 

Notre  abbé,  dès  la  seconde  année  de  son  élection,  s'était  p  i2:i9. 
acquis  une  telle  considération  dans  la  province,  que  quatre 
prélats  de  Normandie,  le  métropolitain  à  la  tète,  vinrent 
exprès  au  mont  Saint-3Iichel  pour  le  voir,  orationis  ne  nos  ""''•  ''''  '*'""'<'• 
visitandi  gratià,  et  passèrent  quatre  jours  avec  lui,  tant  ils 
furent  enchantés  de  sa  conversation  Deux  ans  apiès,  en 
1138,  le  roi  de  France  et  le  roi  d'Angleterre,  r|iii  viii;uent  de 
cimenter  leur  bonne  intelligence  par  le  mariage  de  leurs  en- 
fans,  lui  firent  le  mèm(>  honneur.  La  rerne  d'Angleterre  ne 
céda  point  à  son  épou.x  en  estime  pour  l'abbé  du  mont  Saint- 
Michel.  Elle  lui  en  donna  un  gage  bien  marqué,  lorsqu'élant 
accouchée,  l'an  1102,  à  Domfront,  d'une  fille  nommée 
comme  elle,  Éléonore,  elle  voulut  (ju'il  la  tînt  sur  les  fonts 
de  baptême  avec  l'èvècpie  d'Avranches.  L'an  MOI,  le  roi 
d'Angleterre  ayant  dcsiilué,  sur  les  plaintes  di's  halùlans  du 
pays,  le  gouverneur  du  château  de  l'ont-Orson,  en  CDulia  la 
garde  à  noire  abbé.  Tels  sont  les  traits  les  plus  renianiuîibles 
de  sa  vie,  qu'il  a  consignés  dans  sa  chroniqu(V  (lliéri  au- 
dedans,  respecté  au-dehors,  il  mourut  le  23  juin  d(î  l'an 
1186. 

SES   ÉCRITS. 

Il   y  a  peu  de  plumes   qui,  au  Xifc  siècle,   aient  été  plus 

Zz2 


301  ROBERT    DU    MONT. 

■\[i  SIECLE,     fécondes  que  celle  de  Robert  du  Mont,  s'il  est  vrai,  comme  l'as- 

Lntifian   cp.  g,,,-,,  (me  liistoirc  manuscriic  (lu  mont  Saint-Michel,  qu'on  voyait 

l'hrist  <iiii  "  "  '"'■'"efois  dans  son  abbaye  jusqu'à  cent  quarante  volumes  de  sa 

coiiiposilion,  que  la  ruine  d'une  tour  oîi  ils  étaient  renfermés, 

minée  par  les  pluies,  a  fait  presque  tous  périr,  sans  que  les  titres 

même  en  soient  venus  jusqu'à  nous.  Ceux  qui  nous  restent  sont 

presque  tous  historiques. 

\"  Gesta  Henrici  I  t'egis  Anglorum.  C'est  la  continuation 
de  l'histoire  des  ducs  de  Normandie,  par  Guillaume  de  Ju- 
niiègo,  dont  on  a  rendu  compte  au  tome  VII  de  cette  his- 
toire, page  169-172.  D.  Rivet  a  démontré,  par  des  preuves 
tnullipliées  tirées  de  l'ouvrage  même,  que  cette  continuation 
(pii  forme  le  iiuitiéme  livre  de  Ihistoire  des  ducs  de  Nor- 
mandie, ainsi  que  plusieurs  chapitres  intercalés  parmi  les 
livres  précédens,  étaient  l'ouvrage  d'un  moine  du  Bec,  et 
non  de  Guillaume  de  Jumiège.  L'abbé  Claude  du  Moulinet, 
sieur  des  Thuileries,  avait  déjà  prouvé  la  même  chose  à  la 
suile  de  la  défense  de  la  dissertation  du  même  auteur,  et  du 
Ir.'.ilé  de  l'abbé  de  Verlot,  sur  la  mouvance  de  la  Bretagne 
comme  fief  immédiat  de  la  Normandie,  qui  fut  imprimée  à 
Paris,  chez  Guignard,  1714,  in-1 2  L'abbé  des  Thuileries  n'a 
pas  cherché  à  découvrir  qui  pouvait  être  cet  anonyme  moine 
(lu  l'icc.  I).  Rivet  n'a  pas  non  plus  poussé  jusque-là  ses  recher- 
iinii,|n.i,  i.  ,.].,,;.   ,„a[g  igg  continuateurs    du    Recueil    des    historiens   de 

-Ml,       pii(.        p. 

xr.vi.  I  Kiiirc  qui,  dans  le  tome  XII,  ont  réin)|)rimé  ce  S"  livre,  qui 

complète  I  histoire  d(!  Guillaume  de  Jumiège,  ont  établi  par 
(l(!  bonnes  preuves  que  cet  anonynie  n'est  autre  que  le  cé- 
Irbic  Robert  de  Torigni,  qui  fut  depuis  abbé  du  mont  Sainl- 
Mi(;liel. 

Vax  ell'el,  dans  la  préface  qui  précède  VAppendix  à  la  chro- 
nii|iii'  de  Sigoberl,  dont  nous  parlerons  ci-après,  Robert  avertit 
lu  même  (pi'il  fera  grand  usage  d'une  histoire  qu'il  avait  déjà 
App  :iii  op.  coii'po.sé!!  de  Henri  l«'',  roi  d'Angleterre:  Ad  quod  opus, 
c.iiii.  p.  ;:■:;.  (|,i-il,  me  adjuvahil  et  historia  quant  de  ipso  rege  noviler 
(Ic/imclo  edidi,  et  geslis  Normanniœ  diicwn  adjeci.  (x's  gestes 
(h  s  ducs  de  Normandie  ne  sont  autre  chose  (jue  l'ouvrage  de 
Guillaume  de  Jumiège,  qui  a  |)Our  titre;  de  Normannorum 
diicinn  gestis. 

Luc  preuve  que  Robert  de  Torigni  est  auteur  de  la  con- 
liuiiulion  de  ces  gestes,  c'est  ce  qu'il  dit  dans  sa  chronique, 
en  parlant,  sous  l'année  113"»,  de  Henri  1er,  roi  d  Angleterre. 
Il  il  (ail,  dit-il,  bien  d'autres  œuvres  de  piété  dont    nous  avons 


ROBERT     DU    MONT.  365 

donné  le  dénombrement  dans  sa  vie,  fecit  etiam  alia  mulla  x»  siècle. 
pietatis  opéra  quse  in  libro  de  vita  ejus  pleniùs  enumeravi-  ihd.  y.  757. 
mus.  C'est  précisément  ce  dénombrement  qu'on  trouve  au 
chapitre  32  du  huitième  livre  de  l'histoire  de  Guillaume  de 
Jumiège.  Robert  avait  donc  fait  une  histoire  de  Henri  1" 
lorsqu'il  travaillait  à  sa  chronique,  et  ce  fruit  de  sa  plume 
n'est  pas  un  ouvrage  isolé,  mais  le  supplément  d'un  autre, 
savoir,  des  gestes  des  ducs  de  Normandie,  et  gestis  Norman- 
noruni  ducum  adjeci. 

Robert ,  lorsqu'il  composait  cet  ouvrage,  qui  vraisembla- 
blement est  le  premier  qui  soit  sorti  de  sa  plume  ,  n'était 
encore  que  moine  du  Bec.  On  le  voit  par  l'attention  qu'il  a 
de  faire  entrer  à  tout  propos  les  affaires  du  Bec  dans  son  his- 
toire; et  ce  n'est  pas  seulement  dans  le  huitième  livre  dont 
il  s'agit  qu'il  fait  de  ces  sortes  do  digressions,  les  livres  pré- 
cédens,  comme  on  l'a  remarqué  avant  nous,  en  renferment 
de  semblables  :  ce  qui  prouve  que  c'est  lui  qui  s'est  permis 
d'interpoler  Guillaume  de  Jumiège,  comme  il  a  interpolé 
depuis  la  chronique  de  Sigebert,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
supposer  d'autres  interpolateurs,  comme  ont  fait  D.  Rivet  et 
l'abbé  des  Thuileries.  Nous  allons  indiquer  ces  interpolations, 
afin  qu'à  l'avenir  chacun  soit  en  état  de  distinguer  ce  qui  appar- 
tient au  premier  rédacteur  des  gestes,  cl  ce  que  Robert  y  a  ajouté 
du  sien. 

D'abord  il  faut  convenir  que  le  premier  livre  et  les  huit 
premiers  chapitres  du  second  ne  doivent  être  attribués  ni  à 
Guillaume  de  Jumiège,  ni  peut-être  à  Robert  de  Torigni.  La 
raison  en  est  qu'ils  ne  se  trouvent  pas  dans  les  plus  anciens 
manuscrits  de  Guillaume,  et  que  Robert  ne  compte  le  hui- 
tième livre,  qui  est  de  sa  façon,  que  pour  le  septième  :  Hic  liber 
qui  septimus  cuditur  in  Normannorum  ducum  gesta,  dit-il  ,  p.  2»2. 
au  chapitre  \".  Il  ne  paraît  pas  non  plus  avoir  touché  aux 
livres  trois,  quatre  et  cinq,  à  peu  de  chose  près  11  a  ajouté  au 
sixième  livre  le  chapitre  9,  qui  est  tout  à  la  gloire  de  l'ab- 
baye du  Bec.  Le  livre  sept  lui  appartient  presque  tout  en- 
tier; les  chapitres  3,  4,  12,  13,  14,  15,  16,  19,  20,  22,  23, 
25,  26,  29,  30,  32,  43  et  4  4,  sont  incontestablement  de  lui, 
et  il  a  augmenté  de  moitié  les  chapitres  2,  9,  10,  11,  38.  Il 
a  fait  aussi  disparaître  entièrement  la  conclusion  que  Guil- 
laume de  Juibiège  avait  placée  à  la  (in  de  son  livre.  Pour  ce 
qui  regarde  d'autres  changemens  moins  considérables,  on 
peut  consulter  les  notes  qu'a  recueillies  l'abbé  des  Thuileries, 


366  ROBERT  DU  MONT. 

XII  SIECLE,     gur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Saint-Victor,  qui  ne  con- 
tenait ni  les  interpolations  ni  le  huilièmc  livre. 

Ce  huitième  livre,  comme  nous  l'avons  dit,  est  entière- 
ment consacré  à  retracer  l'histoire  do  Henri  I",  roi  d'Angle- 
terre et  duc  de  Normandie,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1135. 
Il  est  divisé  en  42  chapitres  ;  mais  il  s  y  trouve  une  lacune 
considérable  depuis  le  chapitre  17  juscjuau  chapitre  21. 
Nous  avons  consulté  aulrclois  tous  les  manuscrits  qui  exis- 
tent en  grand  nombre  dans  la  capitale  ;  aucun  n'a  pu  nous 
fournir  de  quoi  la  remplir.  Elle  existe  dans  tous,  ce  qui 
prouve  quils  ont  été  copiés  sur  un  premier  qui  avait  été 
mutilé,  nous  ne  savons  pounjiioi  ;  car  l'endroit  oit  se  trouve 
la  lacune  est  le  plus  hv]  endroit  et  le  plus  glorieux  de  la  vie 
de  Henri  l"',  roi  d'Angleterre;  C'est  là  que  l'historien  parlait 
de  la  guerre  que  Henri  eut  à  soutenir,  en  1  I  18  et  1119,  contre 
le  roi  de  France,  et  de  la  victoire  éclatante  qu'il  remporta 
sur  les  Français,  à  Brenneville.  Si  la  sup[)ression  de  ces  cha- 
pitres a  été  faite  à  dessem,  ce  ne  p'nil  être  cpie  par  des  Français 
qui,  à  répo(pie  de  la  coïKpiète  de  la  Noiinandiiî  par  Philippe- 
Auguste,  auraient  voulu  abolir  la  mémoire  d(;  cette  journée  ; 
et  ils  y  auraient  réussi,  si  cet  événement  n'était  raconté  par 
d'autres  historiens  ,  et  parliculièretueiil  par  Orderic  Vital  , 
(jui  n'a  rien  oublié  de  tout  ce  (|u"((ii  pouvait  dire  à  la  louange  du 
roi  d'Angleterre. 

2"  Robcrti  de  Moule  c/tronifon,  sire  Appendi.v  ad  Sigeber- 
tnm  La  chronifpie  de  Sigei)eit,  uKune  de  (ieinblours,  dont 
on  a  rendu  compte  au  tonn;  l.\  ih'  cette  histoire,  page  .•i3y, 
avait  acquis  tant  de  eeléluiie  an  Ml'  et  au  XIII'  siècles, 
([u'elle  a  été  conliunée  par  un  gr;ind  nombre  d'écrivains. 
i*lusieurs  de  ces  continuations  on!  été  imprimées,  soit  à  la 
suite  de  la  chronicpic  de  Sig(d)erl,  soit  séparément.  La  mé- 
thode (]u  il  avait  adoptée  parut  si  commode,  que  par-tout  on 
s'enq)res.sa  de  rimil<'r  ;  mais  aussi  elle  éprouva  lu^aucoup  d'al- 
térations. Dans  presipie  tous  le^  monastères,  on  trouve  cette 
chn»ni(pie  avec  des  additions  ou  iiilerpolations  coiieernanl 
les  événemcns  locaux  dont  (ni  xoiihul  perpétuer  le  .souvenir, 
(lest  C(;  (pii  a  produit  celle  (piiinliU-  d'articles  nouveaux 
(jMoii  reiiiai(|iie  dans  lediiKui  diinnee  par  Auberl  Lemire  , 
et  (|iiil  distingue  par  des  li-tties  italicpies,  en  indiqiia?il  Ijs 
manuscrits  d'oii  il  les  a  tirés.  Il  aurait  [tu  en  ajouter  encore 
davantage,  s'il  eiU  consulté  un  plus  grand  noudire  de  ma- 
nuscrits. 


ROREUT    1)1!    MONT.  367 

Robert  du  Moiil  adopta  cette  iiK^lhode  de  classer  les  événe-  ^n  siècle 
mens.  Sigebert  avait  placé  à  la  tête  de  sa  chronique  celles 
d'Eiisèbe  et  de  saint  Jérôme,  qui  vont  depuis  la  création  jusqu'à 
l'année  38'0.  Après  cela,  il  commence  la  sienne  à  l'année  3cS1  el 
finit  en  1 113.  Robert  du  Mont  se  proposa,  comme  tant  d'autres, 
de  la  continuer;  mais  voyant  que  Sigebert  avait  traité  trop 
superficiellement  lliistoire  dos  ducs  de  Normandie,  il  entreprit 
de  suppléer  à  son  silence,  en  insérant  aux  lieux  convenables  les 
noms,  la  succession,  el  (]uelquefois  les  faits  les  plus  mémorables 
des  ducs  de  Normandie,  des  arclievèques  et  évèques  de  la  pro- 
vince, etc.  C'est  ce  qui  cumpose  les  Accessions  à  la  chronique  de 
Sigebert,  que  D.  Uachéri  on  a  déiacliées  pour  les  imprimer  sépa- 
rément. 

Sigebert  n'avait  presque  rien  dit  des  rois  de  la  Grande- 
Bretagne,  soit  bretons,  soit  anglais.  Robert  aurait  bien  voulu 
suppléer  à  son  silence;  mais  il  aurait  lallu  pour  cela  inter- 
poler les  chroniques  d'Knsèbe  el  do  saint  Jérôme  :  il  cul 
scrupule  de  le  faire.  Pour  satisfaire  en  quelque  sorte  sur  cela 
la  curiosité  du  lecteur,  il  prit  le  parti  d(^  transcrire,  comme  un 
hors  d'œuvre,  à  la  suite  de  sa  préface,  la  lettre  de  Henri, 
arcliidiacre  d'Huntington,  à  Varin,  dans  laquelle  il  fait  le  dénom- 
brement de  tous  les  rois  bretons  depuis  Brulus,  arrière  petit- 
fils  d'Énce,  et  fondateur  de  ce  royawne,  jusqu'à  Cad\vallon, 
dernier  roi  des  Bretons,  qui  fut  pure  de  Cawaladre,  nommé 
Cedwalde  par  le  vénérable  Bède.  C'est  moi  ,  conlinue-l-il,  r.,.ii>^'!!!7*35.''''" 
qui  lui  ai  fourni  la  matière  de  celle  lettre,  en  lui  commu- 
niquant un  exemplaire  de  l'ancienne  histoire  des  Bretons,  qui 
se  conserve  au  Bec  :  Quant  episiolam,  sicut  in  eâ  reperitur, 
ciim  Roniam  idem  Uenricus  pergeret,  me  ei  prœbente  co- 
piam  exemplaris  totius  hislOiHœ  B7Htonum,  apud  Beccum  ex- 
scripsit.  C'était  l'histoire  fabuleuse  que  (Jeofroi  de  Monmoulh  a 
mise  en  latin. 

Après  ce  premier  travail  sur  la  chroni(iue  de  Sigebert, 
Robert  entreprit  de  la  continuer,  comme  il  avait  déjà  fait  à 
l'égard  de  lliistoire  de  (iuiiiautuc  de  Jumiège  ,  qu'il  avait 
interpolée  cl  puis  continuée.  Le  motif  de  ce  second  ouvrage 
fut  le  même  qui  lui  avait  fait  entreprendre  le  premier,  celui 
de  célébrer,  comme  il  le  dit  lui-même,  le  règne  du  roi  d'An- 
gleterre Henri  f'-.  Ce  n'est  pas  qu'il  borne  à  cela  son  tra- 
vail ;  il  recueille  les  événemens  de  tous  les  pays  qui  parve- 
naient à  sa  connaissance ,  mais  plus  particulièrement  ceux 
qui  se  passaient  en  Angleterre  et  en  Normandie  :  Ea  quœ  in 


Guil>.  p.  735. 


368  ROBERT    DU    MONT. 

XII  SIECLE,  diversis  provinciis,  et  maxime  in  Normannià  et  Angliâ  evene- 
runt,  et  ad  meam  notitiam  pervenerunt,  sub  annis  Dominicée 
incarnationis  colligere  aggrediar.  Et  hoc  ideô  libentius,  quia 
volo  gesta  pritni  Henrici,  strenuissim  régis  Angloriim  et  ducis 
Normannoriim,  summalim  per  singulos  annos  annotare.  Ad 
quod  opus  me  adjuvabit  et  hisioria  quani  de  ipso  rege  noviter 
defuncto  edidi,  et  gestis  ducum  Normanniae  adjeci,  et  historia 
prsedicti  Henrici  archidiaconi  quain  composiiit  de  rébus 
Anglias  Cette  histoire  de  Henri  d'Hunlinglon,  (|tii  va  jusqu'à 
l'avènement  de  Henri  H  à  la  couronne  d'Angleterre,  fait  partie 
de  la  collection  de  Henri  Savile,  qui  a  pour  litre:  jRe7'um  Angli- 
carum  scriptores  post  Bedamprsecipui. 

C'est  sur  ce  plan  que  Robert  a  composé  sa  chronique  Après 
avoir  rapporté  la  mort  de  Henri  1""',  son  héros,  il  donne  son 
épitaphe  en  vers  de  sa  façon,  dans  laquelle  il  épuise  toutes  les 
louanges  que  l'admiration  la  plus  grande  peut  ins[)irer.  Il  n'en 
demeura  pourtant  pas  là,  comme  dans  son  premier  ouvrage; 
nous  lui  avons  encore  l'obligation  d'avoir  continué  en  différens 
temps  sa  chronique  :  delà  vient  que.  dans  quelques  manuscrits, 
elle  ne  s  étend  que  jusqu'à  l'année  1 1.iO  Mais  il  est  certain  qu'il 
l'a  continuée  année  par  année  jusciuà  sa  mort  ,  et  qu'en 
1182  ou  1184(1),  il  la  présenta  à  Henri  11,  roi  d'Angleterre, 
comme  on  le  voit  par  celte  note,  qu'on  lisait  à  la  télé  du 
manuscrit  du  Mont  Saint-Michel  :  Ab  anno  MC.  Robertus  abbas 
Sancti  Michaelis  de  periculo  maris  fecit  historiam  continentem 
res  gestas  Romanorum  ,  Francorum  ,  Anglorum  ,  usque  ad 
pressens  tempus,  continenteyn  annos  usque  ad  an.  llSi:  quem 
librum.  prœsentavit  carissimo  domino  suo  Henrico  régi  An- 
glorum, continentem  istam  liisloriam  et  alias  in  hâc  pagina 
notatas. 

On  voit  par  celle  note,  et  encore  mieux  par  l'inspection 
du  livre,  qu'il  y  a  à  profiter  pour  loul  le  monde  dans  la 
chronique  de  Robert,  et  sur-tout  pour  les  amateurs  de  l'his- 
toire de  France.  C'est  depuis  la  mort  d'Orderic  Vital,  le  seul 
historien  français  que  nous  puissions  opposer  au  grand 
nombre  d'historiens  anglais  qui,    à    la    même  époque  ,   écri- 


(1)  Nous  dison.s  !  182  ou  1 18),  parce  (jue,  dans  le  prologue  de  Robert  duMont, 
on  lit  la  première  de  ces  dates,  et  dans  la  note  ci-jointe  l'année  1 184.  M.  1  abbé 
de  Larue,  professeur  d'histoire  à  la  nouvelle  académie  de  Caen,  correspon- 
dant de  l'Institut  de  France  ,  nous  a  communiqué  une  lettre  inédite  de 
Robert,  dans  laquelle  il  dit  avoii'  continué  sa  chronique  jusqu'à  l'année 
1182. 


Ibid.  p.  711$. 


ROBBRT     DU    MONT.  369 

valent  leurs  chroniques.  Ce  n'est  pas  que  Robert ,  vivant  sous  x"  siècle. 
la  même  domination  ,  soit  animé  d'un  autre  esprit  ;  mais  il  était 
plus  à  portée  de  connaître  ce  qui  se  passait  en  France.  Il  n'a 
pas  seulement  recueilli  les  événemens  politiques ,  il  est  encore 
attentif  à  marquer  les  phénomènes  delà  nature  arrivés  chaque 
année,  lels  que  les  éclipses,  les  apparitions  des  comètes,  les 
famines,  les  inondations,  les  trenihlemens  de  terre,  etc.  Écri- 
vant l'histoire  littéraire  de  la  France  ,  nous  croyons  faire  plai- 
sir au  lecteur  de  lui  présenter  ici  les  traits  épars  qui  peuvent 
servir  à  l'histoire  littéraire  de  cet  âge. 

Sous  l'année  1128  .  il  rapporte  qu'un  clerc  de  Venise ,  nommé      ii>i<i.  p.  753. 
Jacques,  traduisit  en  latin  les  Topiques  al  quelques  autres  livres 
philosophiques  d'Aristote,  quoiquil  y  en  eût,  dit-il,  une  an- 
cienne traduction. 

Il  place  à  l'année  H  30  la  compilation  du  décret  de  ^ra-  '*"'•  p  75S. 
tien  ,  qu'il  fait  mal-à-propos  évoque  de  Chiusi ,  dans  la  Tos- 
cane ,  episcopus  clusinus.  Peut-être  faut-il  lire  monachus 
clusinus,  c'est-à-dire  de  Saint-Michel  de  Cluse  au  marquisat 
de  Saluées,  quoique  d'autres  le  disent  moine  de  Saint-Félix, 
à  Bologne.  Celle  utile  compilation  ,  dil-il  ,  composée  de  dé- 
crets et  canons  de  conciles  ,  de  passages  de  saints  docteurs 
et  des  lois  romaines  ,  est  d'un  grand  u.sage  pour  décider  toutes 
les  contestations  en  matière  ecclésiastique  ,  soit  à  la  cour  de 
Rome ,  soit  dans  les  autres  cours  ecclé.siasliques.  Il  ajoute 
que  de  son  temps,  maître  Omnebonum,  évêque  de  Vérone, 
qui  avait  été  disciple  de  Gratien  ,  avait  déjà  fait  un  abrégé  de 
son  livre. 

«  Maître  Vacaire  ,  dit-il  à  l'année  1 1  49  ,  lombard  d'origine ,  ii>'à.  p.  766. 
honnête  homme  et  habile  jurisconsulte ,  tenait  cette  année 
parmi  les  Anglais  une  école  de  droit ,  à  laquelle  une  foule  in- 
nombrable de  riches  et  de  pauvres  accourait  de  toutes  parts.  En 
faveur  des  derniers,  il  ûl  un  abrégé  du  Code  et  du  Digeste  en 
neuf  livres,  qui  ,  bien  médités  ,  peuvent  suffire  pour  la  dé- 
cision de  toutes  les  questions  de  droit  qu'on  a  coutume  d'agi- 
ter dans  les  écoles.  »  Le  travail  de  Vacarius  n'est  pas  parvenu 
jusqu'à  nous,  et  nous  ne  connaissons  aucun  bibliographe  ancien 
qui  en  ait  fait  mention. 

L'an  1 1 52,  le  pape  Eugène  fil  traduire  de  grec  en  latin  un  livre     ftw.  p.  770. 
de  Pierre  de  Damas  ,  Pétri  Damasceni. 

En  parlant  du  grand  concile  de  Lalran  ,   tenu  sous  Âlexan-     ibid.  p.  soB. 
dre  111  ,  en  1179  (Robert  le  met  en  1180),  il  raconte  qu'un 
Pisan  ,  nommé  Burgundio ,  homme  savant  en  grec  et  en  iatin  , 
Tome  XIV.  Aaa 


370  ROBERT    DU    MONT, 

XII  SIECLE,  y  apporta  une  noii\c'lle  traduction  latine  (lu'il  avait  faite  de 
lévani^ilc!  selon  saint  Jean.  11  déclara  de  plus  qu  il  avait  déjà 
traduit  une  grande  partie  de  la  (k-nèse  ,  et  assura  que  saint 
.lean-Cluysoslôrae  avait  expliqué  ,  en  grec,  tout  lancien  et  le 
nouveau  Testainent. 

La  chronique  de  labbé  Robert  a  été  long-temps  confon- 
due avec  la  cluoni(pie  d'un  autre  Robert,  préniontré ,  qui 
vivait  au  coniiucm cini'iil  du  Mil'  siècle.  Celle-ci  a  été  im- 
primée sons  le  nom  de  l'abbé  du  Mont  ,  à  la  suite  de  toutes 
les  éditions  de  Sigcbut  antérieures;!  celle  dAubcit  Leniirc  , 
Antuerpi.v ,  lOO.S.  l'en  l.")!."),  par  Guillaume  V\\v\\  ,  Paris  , 
H.  Etienne,  w-4' ;  t"  en  1i')cS2,  par  l'istonus  ,  sur  I  édition 
(le  (unlluume  l'arvi ,  au  tome  1  de  son  rccued  des  liisloriens 
d'Allemagne,  Franco/urti,  in-foL;  .T'en  l."><S;{  ,  par  Laurent 
(le  la  Barre,  dans  un  recueil  inlilulc  ,  Hisloria  christiana , 
Paris,  in  fol.  Cette  clironiipie  dill'ne  entièrement  de  celle 
de  Robert  du  .Mon!  depuis  Tannée  Mit  jnsipien  1  1  ;')i  :  mais 
depuis  cclti;  dernière  année  ,  elle  est  en  tout  conforme  à  celle 
de  Robert  du  Mont,  jusqu'à  Tannée  I  I  .S  l  oii  celle-ci  se  ter- 
mine, et  le  faux  RobeM  du  Mont  Ta  (imlinuée  jusipTà  Tannée 
1210.  Noyez  la  pn-faco  du  tome  XIII  du  nouveau  recueil 
des  historiens  de  Tianci  ,  pugc  :i2;  voyez  aussi  \a  IHsqiiisilion 
(pie  le  iV  Conrad  .laiiiimg  jiour  piiiu\er  la  distinction  des 
(l(Mi\  liobert  ,  a  imprimée  dans  le  Becueil  des  Actes  des 
S;iiiils  de  Bollandiis  ,  au  tome  VI  du  mois  de  juin  ,  part.  2, 
page  171 

La  vraie  clironupie  de  Robert  du  Mont  est  donc  celle  que 
I).  Luc  l)acli(>ri  a  dnnnc(î  au  public  en  l(j.')I,  à  la  suite  des 
u'iivres  de  (iuiberl.,  abbé  de  iNogenl  ,  sur  un  manu.scril  du 
mont  Samt-Miclii'l  ,  (|u'il  croit  être  Taulograiihe  ,  ;i  cause,  des 
ratures  l'ré(pientes  et  des  surcharges  (pii  s  y  troinenl  Ce 
.«ont  peut-être  C(.'s  changemens  (pii  ont  occasionné  le  dé- 
sordre et  la  confusion  des  dates  (juon  y  lemanpie  en  plu- 
sieurs endroits,  notamment  depuis  Tann(''C  1110  jusipien 
1K')i,  oii  tous  les  événemens  sont  jilacés  une  année  troj)  l<')t. 
Mais  toutes  ces  def(cluo>ilés  ont  disparu  ,  à  Taidc  des  ma- 
nuscrits de  la  Bibliollièipie  Royale  ,  par  les  soins  des  conli- 
niiateiirs  de  I)  Bouipiet ,  qui  Tont  ins(}r(''e  prcs(|He  tout  en- 
lirr(!  au  treizième  volume  du  Recueil  des  historiens  de  France. 
La  chronologie  de  Robert  du  Mont  est  encore  [dus  vici(;c 
dans  un  long  fragment  de  cette  clironi(|uc  ,  depuis  l'année 
tl.{9    jusqu'(;n    1108,    donne   .•-iii    un   mauvais   manuscrit   de 


XII  SIKCLE. 


ROBERT    DU     MONT.  371 

Sainl-Victor  par  André  Duchesne,  sous  le  litre  de  Chronica 
Normanniœ,  parmi  les  historiens  de  Normandie,  pape  0~7- 
1003. 

3"  Epistbla  Roberti  nionaclii  Beccensis  ad  Gervasium  prio- 
y^em  Sancti- Serenici .  Non  content  de  sexercer  sur  riiisloire, 
Robert  exhortait  et  encourageait  ceux  qui  avaient  du  talent  pour 
ce  genre  d'écrire  à  s'y  livrer  comme  lui  ;  c'est  ce  que  témoigne 
sa  lettre  à  Gervais,  prieur  de  Saint-Cénéré,  au  Maine.  Elle  a 
pour  objet  de  l'engager  à  décrire  les  événeniens  qui  sont  arrivés 
dans  la  Normandie  depuis  la  mort  de  Henri  1*^' ,  roi  d'Angleterre 
(en  1135),  jusquà  celle  du  comte  Gcofroi-le-lk'l  ou  Planta- 
genet,  comte  d  Anjou,  qui  en  fil  alors  la  conquête  sur  Etienne 
de  Blois,  lecpiel  sélait  emparé  du  trône  d'Angleterre,  c'esl- 
<^-dire  jusquen  11,")!,  temps  auquel  celle  lettre  paraît  avoir 
été  écrite.  Cetravail,  dil-il,  vous  fera  honneur  ;  en  mon  parti- 
culier, je  vous  en  aurai  obligation,  et,  qui  |)lus  est,  il  vous 
conciliera  peut  être  la  laveur  du  nouveau  duc  ;  c'est-à-dire 
du  fds  du  comte  Geofroi,  Henri,  (pii  devint  bientôt  après  roi 
d'Angleterre. 

Voici  le  |)lan  qu'il  lui  Irace  :  «  Je  voudrais,  dit-il,  cpic  vouj  "•'•  p-  715. 
nous  donnassiez  sommairement  l'histoire  des  comtes  d'An- 
jou depuis  Ingelger,  le  premier  d'entre  eux,  jusqu'audit 
Geofroi,  en  indiquant  seulement  les  noms,  les  généalogies, 
la  durée  de  leur  gouviMucmenl,  et  ce  qu  ils  ont  fait  de  plus 
mémorable,  soit  au  spiriluel,  soit  au  temporel.  Je  voudrais 
sur-tout  que  vous  lixas.siez  à  quelle  époque  et  sous  quel 
règne  de  la  monarchie  française  vivait  le  comte  Ingelger.  El 
lorsque  vous  serez  arrivé  à  Foul(]ues,  père  de  Geofroi-le- 
Rel,  comme  il  avait  épousé  la  lille  d  Hélie,  comte  du  Maine, 
il  serait  à-propos  que  vous  fissiez  sur  les  comtes  du  Maine 
ce  que  vous  aurez  fait  sur  les  comtes  d'Anjou,  selon  le  plan 
que  je  vous  ai  tracé.  Je  me  chargerais  volontiers  de  ce  tra- 
vail, si  j'en  avais  le  loisir  et  le  secours  des  chroniques  que 
vous  êtes  à  poriéc  de  consul  le  r.  J'ai  déjà  fait  une  histoire 
abrégée  de  la  vie  de  Henri  b',  roi  d'Angleterre,  que  j  ai  ajou- 
tée aux  gesles  des  autres  ducs  de  Normandie,  pour  que  son 
exemple  ne  fût  pas  moins  utile  après  sa  mort  que  son  règne 
l'avait  élé  de  son  vivant.  C'est  pour  la  même  raison  que  je 
désire  que  quelqu'un  transmetle  à  la  poslérilé  ce  qui  s'est 
passe  depuis  sa  mort  sous  nos  yeux  et  dans  notre  province.» 

Nous   ne    pouvons    pas   assurer  si  Gervais  exécuta  ce  des-    .  "'""i"*'''  '• 
sein;    mais  les  continuateurs  du     Recueil  des    Historiens    de  Juv.'"^    '" 

A  a  a  :2 


372  ROBERT    DU    MONT. 

XII  SIECLE.  France  croient  avoir  trouvé  son  écrit  dans  un  manuscrit  de 
l'abbaye  Saint-Victor,  qu'ils  ont  publié  en  partie  au  t.  XII,  p. 
534-539.  C'est  ce  que  nous  examinerons  dans  la  suite  en  ren- 
dant compte  des  écrits  de  Gcrvais. 

i"   Tractatus    de    immulatione    ordinis    monachorum.    De 
abbatibus  et  abbatiis  normannorum  et   asdificatoribus  eav.m. 

Cp  g  Robert    de   Torigni    composa    ce  traité,    comme    il     le  dit 

lui-même,  l'an  115i,  la  même  année  qu'il  fui  fait  abbé  du 
mont  Saint-Michel.  Il  l'a  divisé  en  deux  parties  bien  dis- 
tinctes, quoique  dans  l'imprimé  on  ne  voie  qu'une  seule 
série  de  chapitres  au  nombre  de  trente-quatre.  Dans  la  pre- 
mière, qui  renferme  les  sept  premiers  chapitres,  l'auteur  décrit 
l'origine  des  nouveaux  ordres  religieux  qui  furent  établis  de 
son  temps  ;  des  cisterciens,  qui  dans  l'espace  de  cinquante  ans 
avaient  déjà  fondé  cinq  cents  abbayes  ;  des  chartreux,  qui  ne 
devaient  être  que  treize  dans  chaque  maison  ;  de  Chczal-Benoît, 
de  Fontevrault,  de  Tyron,  de  Savigni,  ainsi  que  des  chanoines 
réguliers  de  Saint-Viclor,  d'Aroaise  et  de  Prémontré.  Il  ne 
parle  pas  des  grandmontains  ni  de  plusieurs  autres  congré- 
gations qui,  à  l'époque  où  il  écrivait,  étaient  déjà  établies. 
Il  est  remarquable  que  toutes  ces  congrégations  ont  pris  nais- 
sance en  France,  et  (|ue  de  là  elles  se  sont  propagées  chez 
tontes  les  nations  voisines.  L'auleiir  observe  que  celte  nouvelle 
création  d'ordres  religieux  produisit  un  renouvellement  de  fer- 
veur parmi  les  anciens  moines,  qui  eurent  honte  de  se  voir 
surpassés  dans  la  pratique  de  leur  règle  par  des  nouveaux 
venus  ;  que  les  autorités  ecclésiastique  et  civile  s'en  mêlèrent 
aussi,  pour  les  forcer  d'embrasser  les  réformes  de  Cluni, 
de  Marmoutier,  du  Bec,  ou  d'autres  monastères  qui  étaient 
alors,  parmi  les  anciens  moines,  les  plus  réguliers  qu'il  y  eût 
en  France. 

Dans  la  seconde  partie,  il  ne  parle  que  des  monastères  de 
Normandie  de  l'ordre  de  saint  Benoît  ,  qui,  avant  les  nou- 
velles créations,  était  le  seul  connu  en  France.  Ce  n'est  pas 
que  les  nouveaux  ordres  monastiques  eussent  embrassé  une 
autre  règle  que  la  sienne  ;  mais  ils  y  avaient  apporté  des  mo- 
difications, et  ils  s'étaient  formé  un  gouvernement  particulier. 
Robert  du  Mont  est  fort  succinct  dans  cette  seconde  partie  ; 
il  se  contente  de  nommer  les  fondateurs  de  chacun  de  ces 
monastères  et  les  abbés  qui,  juscju'à  cette  époque,  en  avaient 
_  .,  eu  le  gouvernement.    Cet  ouvrage  a  été   publié  par  D.     Luc 

Guib.  op.  p.  •-'  o  I  r 

811.  Dacheri,  à   la  suite  de  la  chronique  de  Robert  du  Mont.    Les 


Cip.  7. 


ROBERT    DU   MONT.  373 

continuateurs  du  Recueil  des  Historiens  de  France  l'ont  donné  de     xii  siècle. 
nouveau  au  tome  XIV,  p    381-387. 

5°  Historia  Monasterii  Sancti-Michaelis  de  Monte. 

Quelques  bibliographes  attribuent  à  Robert  des  ouvrages 
historiques  autres  que  ceux  dont  nous  venons  de  parler  : 
1°  une  Histoire  de  la  première  croisade,  qui  n'est  pas  de  lui, 
mais  d'un  autre  Robert  qui  fut  abbé  de  Saint-Remi  de  Reims, 
dont  on  a  parlé  au  tome  X  de  cette  Histoire,  p.  326  ;  2"  une 
Histoire  de  labbaye  du  Bec,  imprimée  à  la  suite  des  œuvres 
du  B  Lanfranc,  p.  i,  qu'on  ne  peut  lui  attribuer  sur  aucun 
fondement;  3°  une  Histoire  de  l'abbaye  du  Mont-St-Michel. 
Avec  le  goût  qu'avait  l'abbé  Robert  pour  les  recherches  his- 
toriques, on  ne  peut  guère  douter  qu'il  n'ait  composé  une 
histoire  de  son  monastère.  Il  en  existe  plusieurs  sans  nom  t  '.  p  347 
d'auteur  dans  la  bibliothèque  des  manuscrits  du  P.  Labbe  :  ce  ~  ^^^' 
sont  deux  petites  chroniques  qui  ont  été  composées  dans  ce 
monastère,  et  qu'on  peut  attribuer  à  Robert,  parce  qu'elles 
finissent  précisément  à  l'année  1154,  où  il  commença  d'être 
abbé.  On  trouve  à  la  suite  une  Histoire  des  abbés  du  Mont- 
Saint-Michel  :  celle-ci  est  plus  vraisemblablement  son  ou- 
vrage, parce  qu'elle  finit  aussi  à  l'année  1154,  quoiqu'elle  ait 
été  continuée  par  une  autre  main  ;  mais  Robert  du  Mont  n'a 
pas  jugé  à  propos  d'y  mettre  son  nom,  ni  d'y  parler  de  lui- 
même. 

On   trouve    encore,   dans  le  catalogue   des    manuscrits   du        Momfaucon , 
Mont-Saint-Michel,   plusieurs  ouvrages  qu'on  pourrait  lui  at-  ^'^-  ""*•  '■  "> 
tribuer,  entre  autres  une  Histoire  de  ce   monastère  en  vers  '*'     "" 
latins  ;  Versus  de  angelis  et  duobus  montibus  ;  Commendatio 
hujus  venerabilis  loci  qui  dicitur  unum  de  mirabilibus  mundi. 
Si  ces  ouvrages  ne  sont  pas  de  lui,  ils  paraissent  avoir  été  faits 
pendant  son  gouvernement,  et  vraisemblablement  sous  sa  direc- 
tion. Mais  voici  d'autres  écrits  d'un  autre  genre,  qu'on  ne  peut 
lui  contester. 

6°  Prologus  Roberti  de  Torinneio  in  abbreviationem  exposi- 
tionis  epistolarum  Apostoli,  secundùm  Augustinum. 

Robert,  dans  cet  écrit,  a  donné  une  preuve  qu'il  n'était 
pas  dépourvu  de  critique.  Il  avait  un  gros  volume  contenant 
un  commentaire  sur  les  épîtres  de  saint  Paul,  composé  des 
seuls  textes  de  saint  Augustin,  qui  y  sont  relatifs,  qu'on  ap- 
pelait pour  cela  Florus,  comme  contenant  la  fleur  des  œuvres 
du  saint  docteur.  Cet  ouvrage  était  attribué  par  quelques  sa- 
vans  au  vénérable  Bède,  parce  qu'à  la  fin  de  son  histoire  il 

2  6 


374  GUILLAUME  DE  GAP,  ABBÉ  DE  S. -DENIS. 
XII  SIECLE,  dit  avoir  composé  une  chaîne  ou  un  commentaire  sur  saint  Paul, 
tiré  des  écrits  de  saint  Augustin.  La  preuve  était  assez  con- 
cluante :  mais  Robert,  qui  avait  les  deux  commentaires  sous  les 
yeux,  observe  que  l'écrit  de  Bède  était  si  succinct,  qu'il  n'éga- 
lait pas,  pour  la  grosseur,  la  moitié  de  son  manuscrit  sur  la 
seule  épître  aux  Romains.  Il  fallut  chercher  quel  était  le  vrai 
,,    ..    ,   .    auteur  de  son  grand  commentaire  ;  il  trouva  dans  Cassiodore 

De  div.  Iccl.  ~ 

cap.  8.  que,   long-temps  avant  Bède,  un  abbé  de  la  province  Tripoli- 

taine,  nommé  Pierre,  avait  fait  un  pareil  ouvrage.  Il  ne  douta 
plus  que  ce  ne  fût  celui  qu'il  possédait.  11  en  fil  des  extraits, 
comme  vraisemblablement  Bède  en  avait  fait  avant  lui,  aux- 
quels il  ajouta  d'autres  sentences  tirées  des  écrits  de  saint 
Guib.  op.  p.  Augustin.  D.  Luc  Dacheri  s'est  contenté  d'imprimer  le  prologue 
de  cet  ouvrage. 

7°  Le  même  éditeur  témoigne  avoir  vu  un  exemplaire  ma- 
nuscrit de  l'Histoire  Naturelle  de  Pline  ,  qui  lui  avait  été 
apporté  du  Mont-Saint-Michel,  à  la  trie  duquel  il  y  avait  une 
préface  de  la  façon  de  notre  auteur  :  Prologus  Roberti  abbatis 
in  Plinium  :  qui  et  ipsum  librum  in  Nonnminiam  advexit, 
'*"'•  et  corruptum  correxil.  Telle  était  l'occupation  des  savans  de 

ces  temps-là  pour  se  procurer  des  copies  fidèles  des  anciens 
auteurs.  B. 


71(5 


GUILLAUME  DE  GAP, 


AuBÉ  DE  Saint -Déni  S. 


Doublet,  II.   /^ui  1. 1,  AVME,  né  à  Gap  en  Danphiné,  est  quelquefois  qualifié 
PAiiiiayc   «le  " Pvovençal.   Après  avoir  étudié  et  pcîul-être  exercé  la  méde- 
ue,  il  se  lit  moine  ;  et  il  n'est  pas  le  seul  qui,   on  ce  siècle, 


de     PAI)! 

2S7.  -  b.   Fcii-  ,  -,  "p       ■  ■    ,.  1.     .  -      ■ 

bien,    llist.     <ic  ait  (]uille  la  première  de  ces  |)rofessi')ns  pour  I  autre.  Il  s  était 

la    m.'mc    Abb    aussi  ap[)liqué  à  l'élude  de   la   langue  grec(|ue,  genre  de  con- 

*'■  naissance  alors  peu  commun  dans  lEurope  occidentale.  Nous 

ne  saurions  fixer  la  date  de  son  entrée  à  l'abbaye  de  Saint- 

Dans  les  Pi.  Dcuis  ;   mais  la  petite  chronique  de  ce  monastère  parle,  sous 

juslif.    d.-    l'Abb.     „  ,        ,,^m        l  ,,       ,,  -1       ■  .1      n 

dcS-Dcu  par      l  année  11G7,  d  un  Guillaume  médecin  qui  apporta  de  Go n s- 


GUILLAUME  DE  GAP,  ABBÉ  DE  S.-  DENIS.  31:\ 

tantinople  des  livres  grecs.  Ne  s'est-il  fait  religieux  qu'après  ce  ^"  siècle. 

voyage,   ou  l'élail-il  déjà  avant  de  partir  ?  Nous  ne  déciderons  ^-  Féiibicn.  — 

point  celte  question,  fort  peu  importante.    D'un  côté,    Jean  de  J,;  ""'*'  ^^^^"^' 

'       .  '  '  '  '  Uiss.    sur    1  Hisl. 

Sarisbéry  ne  l'appelle,    au  nionicnl  même  de  son  retour,  que  le  de  Paris,  t.  ii, 
médecin  Guillaume  (I  )  ;  et,  de  plus,  nous  lisons  à  la  fin  du  manu-  f •  ^^^- 
scrit  n"  2495  de  laBIbliotTièque  du  Roi  ;  Explicit  vila  Secundi  Bibi.  Reg.  t.  iv- 
philosophide  grœco  in  latiniaJi  translata  à  }7iagistro  Willelmo,  appcnd.  p    ko6. 
medico ,   riatione    provinciali  :  hanc  secum  à  Constantinopoli 
detulit  :  l'osT  factus  monadiiis  in   cœnobio  Sancti-Dionysii  ac 
postremô  piwficitiir  abbas   ejusdem  loci.  Voilà  Gudlaume  mé- 
decin qui  rapporte  un  livre,  et  qui  ensuite  se  fait  moine.  Mais, 
d'un  autre    côté,    .lean   Sarasin,   dans  le  prologue  de  sa    tra- 
duction dos  œuvres  de  saint  Denis  l'aréopagite,  dit  que  l'abbé 
Odon  avait  envoyé  le  moine  Guillaume  en  Grèce  pour  y  cher-         v.  Mabiiion, 
cher  des  livres.  ■""■•  ''3'"^-  '  '. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Guillaume  de  Gap  fut  élu  abbé  de  Saint-  ^""^  '    '  P"  '  • 
Denis  en  1172,  ouphilôl  1 173,  avant  Pâques.  Il  a  signé  en  celle 
qualité  plusieurs  actes  datés  de  1173,  de  1174,  et  des   années 
suivantes,   et  qui  sont  indiqués   dans  le  nouveau  Gallia  Chris-  r.  vu,  p. 

tiana  :  ils  concernent  les  intérêts  de  I  abbaye  que  gouvernait  38()-ô8-2. 
Guillaume.  Il  obtint,  en  1174,  de  l'archevêque  de  Sens ,  la 
confirmation  du  droit  de  présentation  à  certaines  cures.  Peu  de 
temps  après,  il  fit  des  réglemens  fort  sages,  qui  réformaient 
quelques  abus,  et  qui  même  en  garantissant  les  droits  de  la 
communauté,  limitaienl  les  pouvoirs  de  l'abbé.  Ils  déterminaient 
particulièrement  le  sceau  de  l'abbaye  et  la  manière  de  le  con- 
server. Des  réformes  à -peu-près  pareilles  sont  ordonnées  par 
une  bulle  d'Alexandre  III  ,  lequel  aida  aussi  Guillaume  à 
défendre  les  biens  et  les  privilèges  de  ce  monastère  contre  Ma- 
thieu, comle  de  Beaumont.  Suger  s'était  passé  des  ornemens 
épiscopaux  :  Guillaume  demanda,  pour  lui  et  les  abbés  ses  suc- 
cesseurs, le  droit  de  les  porter,  et  l'obtint  du  même  pape,  au 
concile  de  Lalran,  tenu  en  1179.  Albéric  de  Trois-Fontaines  , 
rapporte  ce  fait  en  des  termes  qui  donnent  lieu  de  croire  que  chron.  ann. 
Guillaume  assistait  à  ce  concile.  "'^" 

Malgré  tant  de  zèle  pour  les  intérêts  de  son  monastère,  et 
quoiqu'il  pai  ùt  gouverner  avec  sagesse,   administrer  avec  éco- 


(i)  Cùm  de  restris  plurimi  revertantur,  iiemo  p-œter  Willeîmum  medi- 
cvm,  tva:  salniationis  rel  alloquiiim  reportarit.  Le  manuscrit  de  Colbert, 
cité  par  Félibien ,  porte  allc(/l<iwn  au  lieu  de  nvntium  qu'on  lit  dan.s  les 
imprimé.s. 


376  GUILLAUME   DE  GAP,   ABBÉ  DE  S.-DENIS 

XII  SIECLE,      nomie,  il  déplul  à  Philippe-Auguste,    qui   l'accusa   de  relâche- 

Uuchesne,  ment  et  de  négligence.  Rigord  (  qui  fut,  comme  Guillaume,  raé- 

'■  ^'  P'  ^^'        decin  et  moine),  ne  donne  aucun  autre  détail  sur  cette  disgrâce  ; 

mais   elle  entraîna  l'abdication   de  l'abbé,  le  samedi,    sixième 

Hisi.de  l'Égi.  (jgg  jdes  de  mai  1186.  Dubois  et  quelques  autres  disent  1185  ; 

xni  c'e  n«  12.  ^«"is  c'est  à  l'année  1 1 86  que  convient  la  coïncidence  du  samedi 

et  du  sixième  jour  avant  les  ides  do  mai,  énoncée  par  Rigord. 

P-  ^i*  Mabillon,    dans   son  Voyage  d'Italie,  confond  Guillaume  de  Gap 

avec  un  autre  Guillaume  qui    fut  aussi   abbé  de  Saint-Denis  , 

mais  soixante  ans   plus  tard,  et  qui  envoya  des  présens  à  saint 

Louis,  en  1252. 

Du  reste,  ses  ouvrages  se  réduisent,  ou  peu  s'en  faut,  à  deux 

traductions  qui  sont  restées  manuscrites.  Il  a  traduit  du  grec 

en  latin,  d'une  part,  l'éloge   de  saint  Denis   l'aréopagite,  par 

Michel    Syncelle,  potriarche  de  Jérusalem  ,  de  l'autre,   une  vie 

du   philosophe   Sccundus,    qui  vivait  au  second  siècle  de  l'ère 

vulgaire.  L'auteur  de  celte  vie  n'est  pas  connu  ;  Roger  de  Hove- 

den  en  a  inséré  un  extrait,  on  ne  sait   trop  pourquoi,    dans   sa 

p  SIS  ei  816  Chronique  d'Angleterre.  Guillaume  de  Gap  a  dédié  la  première 

Scr.   lier.  An;;!,  de  CCS  vcrsions  à  Yves  11,  abbé  de  Saint-Denis;  ce   qui  montre 

(rancof.       itiol,  q„'elle  a  été  rédigée  entre  11 69  et  1172.   Leiong  cite,  d'après 

B.hi.    ihiiiz    Wion,    un   commentaire  sur   quelques   livres  de  la  Bible,  par 

part.  3,  p.    !i2,   Guillaume,  moinc  (le  Saint-Denis,  vers  l'année  1200.  Ce  com- 

"*^'**.'..r  .î""''  menlateur  scrail-il  l'abbé  Guillame  de  Gap,  ou  quelque   autre 

mss.     Bilil      Hrs.  ^  i  i  i 

i.    III.   p.  'i.yi,   religieux  du  mr'me  monastère  et  à-peu- près  du  même  temps? 
"■  ^**^-  C'est   ce  que  nous  n'avons  aucun  moyen  ni  aucun  intérêt  d'é- 

Bibl.    Sacra,       ,..*..,  -^  ,,,,,,- 

p  758,  claircir;  mais  il  y  a  toute  apparence  que  le  même  helléniste 

Usnum  Tiu!  Jont  uous  vonons  dc  parler  est  celui  aux  lumières  duquel  Jean 

^2,'    '  '^'     '  '"'  Sarasin  soumit  sa  traduction  du  \\\\a  de  Divinis  Noyninibus,   et 

V    uiicnf,  dont  il  fait  aussi  mention  dans  la   préface  du  traité   de  Mysticâ 

Theologiâ. 

Nous  ne  pouvons  fixer  l'époque  de  la  mort  de  Guillaume 
de  Gap  :  il  n'est  plus  question  de  lui  après  son  abdication  , 
en  1186.  D. 


Diss.  p.  32,  33. 


377 

==       XII  SIECLE 


0 


RECUEIL 


DE   Formules   E pi st glaires. 


N  conservait,  dans  la  bibliothèque  de  la  calhédralo  de  Beau- 
vais,  un  manuscnl  inhli}]é  Siimma  dictaminis per  magistrum     j.    "^^j"*^"",' 
dominicanum  hispanwn.  Quel  est  ce  maîlre  dominicain  cspa-  1-202.  B. 
gnol?  Nous  n'en  savons  rien  du  tout,  et  nous  ne  pouvons  guère 
le  considérer  que  comme  un   auteur  anonyme.   Seulement,    il 
parle  si  souvent  de  l'évêque  d  Orléans  et  des  privilèges  de  l'église 
de  Meun,  qu'il  serait  permis  de  conjecturer  qu'il  était  chanoine 
de  cette  église.    11  est  moins  difficile  de   fixer  l'époque  oii   il 
rédigeait  son  recueil  •  car,  lorsqu'il  donne  des  modèles  d'épîlrcs 
du  pape,  de  l'empereur,  et  du  roi  de  France,  les  noms  propres 
qu'il  emploie  sont  toujours  ceux  d'Urbain,   de  Frédéric  et  de 
Philippe.    Il  est  donc  extrêmement  probable   que  ce   manuel  a 
été  composé  sous  le  pontifical  d  Urbain  III,  cest-à-dire  de  1183 
à  1187  :  nous  le  plaçons  ici  sous  l'année  1186,  n'ayant  aucun 
moyen  de  connaître  la  date  de  la  mort   de  l'auteur.    L'écriture 
du   manuscrit  est   de   la   fin  du   X\\^  siècle  ou  du  commen- 
cement du  XIll",  et  les  fautesqu'on  y  remarque  donnent  lieu  de 
croire  qu'il    n'est    qu'une    seconde    ou    une    troisième    copie. 
On   peut   considérer   comme    un   peu   moins    ancienne  encore 
celle  qui  existe  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  n°  994  des  manuscrits 
latins. 

Nos  prédécesseurs  ont  fait  connaître  un  ouvrage  du  même  pe»*t*  ii"p' 78 
genre,  composé  au  XI"  siècle,  et  intitulé  Syntagma  diclandi.  Hist.  Litiér. 
Mabillon   en  avait   inséré  plusieurs  morceaux  dans  sa   Diplo-  de '»  F"",  i.  viii, 

,  "^  p.  t)93. 

matique.  L  auteur  de  la  Summa  dictaminis,  après  avoir  di- 
visé toutes  les  compositions  en  deux  classes,  la  prose  et  les  ^^  ■"*  '''f' 
vers,  distingue  sept  genres  en  prose,  savoir,  le  décret,  le  pre-  vi  n.  207. 
ceple,  le  privilège,  l'homélie  ou  harangue  ecclésiastique,  la 
harangue  séculière,  1  histoire,  et  l'épîtie.  Il  est  question  du 
privilège  dans  le  second  livre  de  l'ouvrage;  mais  le  premier 
et  la  moitié  du  second  ne  concernent  que  le  genre  épislo- 
laire. 

La    salutation,   le  début,   la    narration,  la   demande,   et    la 
conclusion,    sont,    dit   l'auteur,   les    cinq   parties    intégrantes 

Tome  XIV.  B  b  b 

2  5    • 


378  RECUEIL  DE  FORMULES  EPISTOLAIRES. 

XII  SIECLE,  d'une  épître.  Il  avoue  qu'une  ou  plusieurs  de  ces  parties  peuvent 
manquer  quelquefois,  non  pas  pourtant  la  salutation,  à  moins 
qu'un  vif  mouvement  d'indignation  n'ait  porté  à  la  retrancher. 
Jl  ajoute  que,  dans  cette  première  ligne  de  la  lettre,  celui  qui 
écrit  ne  doit  placer  son  propre  nom  qu'après  celui  de  la  personne 
à  laquelle  il  l'adresse,  excepté  lorsque  celle-ci  lui  est  inférieure 
en  dignité. 

Le  pape  met  toujours  son  nom  le  premier,  et  au  mot 
saluiem  i\  d.]on\.Q  :  et  benedictionem,  apostolicam .  Il  donne  aux 
archevêques  et  aux  évéques  laqualificaliun  de  vénérables  frères  ; 
tous  les  autres,  quels  qu'ils  soient,  il  ne  les  appelle  que  ses 
chers  fils  :  encore  a-l-il  coutume,  s'il  écrit  à  un  ex  com- 
munié, de  substituer  au  mol  de  fils  celui  d'homine,  sauf  à  y 
joindre  ladjectif  cher,  quand  il  conserve  quelque  espoir  de  la 
résipiscence  de  cet  homme-là.  S'agit-il,  par  exemple,  d'un 
prévôt  ou  doyen  dégradé,  mais  non  encore  dépossédé,  le  pape 
écrira:  Urbanus...  dilecto  viro  N.  prseposito  de  lali  loco, 
bene  sapere  et  errori  suo  finem  imponere.  L  empereur  étant 
le  seul  qui  doive  hommage  au  pape,  il  est  le  seul  aussi  pour  qui 
le  pape  j  )igne  le  moi  fideli  à  dilecto  filio.  Mais  d  qualifie 
viros  catholicos  les  rois  de  Jérusalem  et  de  France,  à  cause 
des  services  particuliers  qu'ils  rendent  à  la  religion  et  à  l'église 
romaine.  Si  le  Saint-l'ère  écrit  à-la*fois  à  un  séculier  et  à  un 
ecclésiastique,  il  donne  à  celui-ci  le  premier  rang,  à  moins 
que  l'autre  ne  soit  roi,  ou  qu'il  n'exerce  sur  l'ecclésiastique 
une  autorité  civile,  comme  un  comte  de  Flandres  sur  un 
évêque  flamand  Telle  est  l'humilité  du  Saint-Père,  qu'il  ne 
prend  pour  lui-même  que  la  qualité  de  serviteur  des  serviteurs 
de  Dieu,  celle  d'évôque  par  la  grâce  divine  étant  par  trop 
fastueuse. 

En  écrivant  au  pape,  les  archevêques  et  évêques  ne  s'inti- 
tulent ni  ses  vénérables  frères,  ni  ses  dévols  fils;  mais  cette 
dernière  qualification  doit  être  prise  par  toute  autre  per- 
sonne, soit  ecclésiastique,  soit  séculière.  Tous,  sans  distinction, 
doivent  donner  au  pape  les  titres  de  Saint-Père,  de  Seigneur, 
et  de  Souverain  Pontife  Les  séculiers  lui  disent  :  salutem 
et  reverentiam  ;  les  ecclésiastiques,  salutem  et  débitant  obedien- 
tiam,  à  l'exce[)tion  toutefois  des  moines  et  des  religieu- 
ses, qui  ne  doivent  l'obéissance  qu'à  leurs  abbés  ou  abbesses  : 
Non  dicent  débitant  obedientiam,  quia  debetur  solis  abbatibus  et 
abbatissis. 

L'empereur    écrira  .     Sanctissimo   patri    nostro   et  domino 


RECUEIL    DE    FORMULES   ÉPISTOLAIRES.         379 

Urbano  Dei  gratiâ  summo  pontifici ,  Fredericus  eâdem  gratiâ  xii  siècle. 
Romanoruin  imperator,  semper  augusttis ,  salutem  et  debitum 
servituiis  obsequium  ;  mais  le  roi  de  France  remplacera  ces 
trois  derniers  mots  par  reverentiam.  Les  ducs  ,  comtes  ,  mar- 
quis ,  prévôts,  ne  se  diront  point  tels  par  la  grâce  de  Dieu  ; 
il  n'appartient  qu'aux  rois  et  à  l'empereur  de  s'appliquer  cette 
formule.  Un  prince  infidèle  ne  se  dit  point  le  dévot  fils  du 
Saint-Père ,  et  n'ajoute  rien  au  mol  salutem.  Les  Juifs  de 
Paris  écrivent  au  pape  :  Benè  valere  et  mandata  Dei  fideliter 
adimplere . 

On  écrit  à  un  primat  ou  à  un  archevêque ,  Reverendo  patri 
ac  domino;  à  un  évéque  ,  Venerabili  patri  ac  domino.  Les 
prélats  emploient,  à  l'égard  de  leurs  inférieurs,  la  formule 
dilectis  in  Christo  filiis  ,  et  entre  eux  de  venerabili  fratri 
salutem,  et  reverentiam  ;  mais  un  simple  évêque  dit  à  l'arche- 
vêque, ou  au  primai,  son  supérieur,  salutem  et  debitam 
obedientiam  ;  et  ce  supérieur  lui  répond,  salutem  et  episcopa- 
lem  benedictionem. 

Les  prélats,  en  écrivant  à  l'empereur  ou  à  un  roi  dont  ils 
sont  les  sujets,  doivent  commencer  par  celle  formule  :  Sere- 
nissimo  domino  nostro.  .  .  .  N.  fidelis  suus  salutem  et  cunc- 
torum,  suorum  successuum  ubertatem ,  ou  bien  votivam,  pe- 
rennitatem.  Les  religieux  disent  seulement  salutem  et  orationes. 
L'auteur  fait  connaître  beaucoup  d'autres  formules  ou  étiquet- 
tes applicables  à  diverses  relations  entre  parens  ,  entre  ecclé- 
siastiques et  laïcs  ,  entre  seigneurs  et  vassaux.  Les  treize  pre- 
miers chapitres  du  premier  livre  de  son  ouvrage  n'ont  pas  d'au- 
tre matière;  ils  ne  traitent  que  de  la  salutation.  Les  quatre 
autres  parties  de  l'épîlre,  préambule,  narration  ,  demande  et 
conclusion  ,  sont  expliquées  beaucoup  plus  succinctement  dans 
les  quatre  derniers  chapitres  du  même  livre ,  où  nous  ne  remar- 
quons aucun  détail  bien  instructif. 

Au  commencement  du  second  livre  ,  le  privilège  est  défini 
une  sanction  apostolique  ou  impériale  où  sont  accordés  à 
quelqu'un  de  nouveaux^  droits  qui  font  exception  aux  lois 
reçues.  La  salutation  y  est  suivie  d'une  sentence  générale ,  et 
le  pape  fait  entrer  dans  la  conclusion  une  menace  d'anathéme 
contre  ceux  qui  oseront  porter  atteinte  à  ce  qu'il  vient  d'éta- 
blir. Au  bas  d'un  privilège  émané  du  pape  doivent  se  trouver, 
du  côté  droit ,  deux  cercles  concentriques  entre  lesquels  sont 
une  croix  et  un  verset  de  psaume  ;  par  exemple  ,  Domtmts 
illuminatio  mea.  Dans  le  cercle  intérieur  ,  le  nom  du  pape  et 

Bbb2 


XII  SIECLE. 


Thés.    Aoecd. 
Il,  p.  182. 


380  RECUEIL   DE   FORMULES  ÉPISTOLAIRES. 

le  nombre  ordinal  à  joindre  à  ce  nom  se  lisent  entre  les  bran- 
ches d'une  grande  croix,  composée  de  deux  diamètres  perpen- 
diculaires l'un  sur  l'autre.  A  gauche  de  ces  cercles  s'inscrivent 
les  noms  des  cardinaux  et  autres  souscripteurs. 

L'auteur  présente  ensuite  des  modèles  de  privilèges  impé- 
riaux et  de  décrets  épiscopaux  ,  des  exemples  de  chirographes 
d'évêques ,  de  chanoines  et  de  laïcs;  après  quoi  il  explique  à 
sa  manière,  et  comme  il  suit,  l'origine  de  l'indiclion  ;  «Au- 
guste ayant  ordonné  la  description  et  le  dénombrement  de 
tout  l'empire,  ainsi  que  l'Évangile  nous  l'atteste,  des  com- 
missaires, envoyés  dans  toutes  les  provinces  ,  lui  rapportèrent 
des  états  de  population  et  des  tableaux  statistiques  convena- 
blement détaillés.  En  conséquence,  un  édit  impérial  soumit 
chaque  arrondissement  à  un  tribut  proportionné  à  sa  popu- 
lation et  à  la  richesse  de  ses  produits  ;  tribut  qui  devait  se 
payer  la  première  année  en  or,  la  seconde  en  argent ,  la  troi- 
sième et  les  douze  suivantes  en  produits  particuliers  à  chaque 
pays;  par  exemple ,  dans  la  Saxe ,  en  épées  et  en  couteaux. 
Au  bout  de  quinze  ans,  les  paiemens  devaient  recommencer 
dans  le  même  ordre  :  les  prêtres  étaient  chargés  d'annoncer 
dans  les  temples,  tant  le  retour  de  chaque  période ,  que  le 
numéro  de  chacune  des  quinze  années  ,  et  le  genre  de  paie- 
mens à  effectuer.  »  De  là,  selon  l'auteur  ,  le  cycle  appelé  in- 
diction ;  et  comme  on  sait  que  son  commencement  remonte  à 
la  troisième  année  avant  Jésus-Christ  ,  un  calcul  fort  simple 
suffît  pour  trouver  le  rang  que  lient  dans  l'indiction  chaque 
année  courante.  Une  charte  qui  ne  marque  point  l'année  de 
l'indiction  ,  manque  d'authenticité  ;  sur  ce  point ,  l'auteur  cite 
Hciperic ,  moine  de  Saint-Gai  au  Xi"  siècle ,  qui  a  laissé  ef- 
fectivement un  traité  de  comput  ecclésiastique  ,  publié  par 
dom  Bernard  Pez. 

Vient  ensuite  une  assez  longue  série  de  chartes  et  de  tes- 
lamcns  :  dt-s  malades  ,  ou  des  pèlerins  qui  partent  pour  la 
Tcrnî-Sainle  ,  font  des  donations  ou  des  legs  aux  églises;  et 
il  csi  à  noter  que  lorsque  le  testateur  n'a  pas  de  sceau ,  on  y 
S'.ippièi' |)ar  le  sceau  de  l'église  que  Id  charte  ou  le  testament 
eniK  lui.  L'aiileur  interrompt  assez  brusquement  celte  suite 
d'cIcU's  ,  pour  parler  de  Iharmoiiie  qu'il  convient  de  donner 
à  la  pro*e  ,  parle  mélange  des  dactyles,  des  spondées  et  des 
Irucliées.  Ce  sont  là  les  seuls  pieds  qu  il  dislingue  ,  et  il  veut 
qu'on  évite  avec  soin  d'en  mettre  plusieurs  de  suite  de  la 
même  espèce.  Il  suit  assez   fidèlement  lui-même  cet  excellent 


ROGER    DES    MOULINS.  381 

conseil  dans  les  modèles  de  lettres  qu'il  compose,  et  dont  il 
prend  les  sujets  dans  le  cours  le  plus  commun  des  affaires 
ecclésiastiques  et  civiles.  Ainsi,  c'est  un  pape  qui  rappelle  un 
légal  convaincu  de  rapines,  ou  bien  qui  exhorte  un  arche- 
vêque à  tenir  tête  à  l'empereur.  C'est  la  réponse  du  légat  , 
qui  s'excuse  de  son  mieux,  ou  de  l'archevêque,  qui  promet 
de  ne  pas  mollir.  On  remarque  une  plainte  d'un  curé  contre 
les  Templiers,  qui  enterraient  dans  leur  cimetière  des  bri- 
gands alors  appelés  cottereaux.  Plus  loin,  des  moines  supplient 
le  pape  de  leur  permettre  d'exhumer  un  de  leurs  frères  dont  la 
sainteté  est  prouvée  par  de  fréquens  miracles.  Différens  chapitres 
demandent  la  déposition  de  leurs  évêques  ,  parce  qu'ils  sont 
simoniaques,  ou  déréglés,  ou  oppresseurs,  ou  qu'ils  introduisent 
des  bâtards  dans  le  clergé.  Voilà  pour  les  matières  ecclésias- 
tiques. L'auteur  traite  aussi  des  sujets  profanes  :  il  fait  des  let- 
tres d'amans  et  d'amantes,  d'épouses  qui  se  plaignent  de  leurs 
maris,  de  prisonniers  qui  demandent  de  l'argent  à  leurs  amis 
et  à  leurs  femmes,  de  comtes  qui  appellent  à  la  guerre  leurs 
vassaux  ou  leurs  alliés,  de  rois  enfin  qui  donnent  des  ordres  à 
des  seigneurs  et  à  des  oITiciers  publics.  En  général,  ce  recueil 
peut  contribuer  à  faire  connaître  et  les  mœurs  et  les  études  lit- 
téraires, et  sur-tout  le  cérémonial  épistolaire  de  la  fin  du  XIl" 
siècle.  D- 


ROGER  DES  MOULINS. 


GeAND   maître    des  HOSPITALIEKS    DE    SaINT-JeAN-DE-JÉEUSALEM. 


JouBBRT,  grand-maître  de  l'ordre  de  Saint-Jean-de-Jérusalem, 
venait  de  périr  par  la  faim,  dans  un  cachot  ou  les  Musul-  Ven.t.  i,  p.ios. 
mans  vainqueurs  l'avaient  jeté.  Roger  des  iMoulins  fut  choisi 
pour  le  remplacer  ,  à  une  époque  où  les  succès  toujours 
croissans  de  Saladin  allaient  bienlôl  amener  la  prise  de  Jé- 
rusalem et  la  renonciation  forcée  de  Lusignan  au  titre  de 
roi.  Quelques  écrivains  ont  commis,  à  son  sujet,  une  double 


38è  ROGER  DES  MOULINS. 

xir  SIECLE,     erreur;  ils  le  font  grand-matlre  des  Templiers,  et  le  font  suc- 
céder à  Gérard  de  Rochefort,  fait  prisonnier  à  la  bataille  de 
Tibériade,  que  Saladin  gagna  sur  les  chrétiens  le  2  juillet  1187. 
Roger  des  Moulins  fui  grand- maître  des  Hospitaliers  et  non  pas 
des  Templiers  ;  il   était  mort  quand  Tibériade  fut  assiégée   et 
.,       .    prise  :  il  n'y  a  pas  eu  de  Gérard  de  Rocbefort  grand-maître  du 
vénf.  les  daies,  Temple  ;  Seulement  un  Gérard  de  Bédefort  ou  de  Riderfori.,   et 
t.  I,  p.   SI6    ei  encore  il  ne  le  devint  qu'en  1188. 

Art  de  vérif  Roger  était  normand.  Sa  famille,  illostre  dans  la  province 
les  dates,  t  I,  qui  le  vit  naître ,  tira  son  nom  des  moulins  d'une  terre 
P-  *'"■  qu'elle  y  possédait.  ■Ses  lalens  le  firent  élever,  autant  que  son 

de  celte  liist    p    cotjrage,  à  la  dignité  de  grand-maître.  Raymond  du  Puy  avait 
585  et  suiv.         donné,  au  milieu  de  ce  siècle,   des  statuts  à  l'ordre  de  Sainl- 
,    ,    Jean  de  Jérusalem  :  Roeer  des  Moulins    les    fil   confirmer   par 

Monasl      Angl  °  ' 

t.  Il,  p.  S02.  le  pape  Lucius  III,  et  y  en  ajouta  de  nouveaux.  Il  fut  employé 
aussi,  pendant  son  magistère,  à  une  négociation  importante 
et  d'où  pouvait  dépendre  le  sort  des  chrétiens  en  Orient. 
Boêmond  lll,  prince  d'Antioche,  avait  abandonné  Théotlora, 
sa  femme  légitime,  de  la  maison  de  Comnène,  et  nièce  de 
l'empereur  ,  pour  épouser  une  de  ses  concubines.  Le  pa- 
triarche excomnaunia  le  prince  ;  le  prince  chassa,  poursuivit, 
dépouilla  le  patriarche  et  tous  les  évêques  qui  partageaient 
son  opinion.  On  s'arma  pour  le  prince  ;  on  s'arma  pour  le 
pontife.  Roger  des  Moulins  fut  envoyé  de  Jérusalem,  avec  le 
patriarche  de  cette  ville  et  le  erand-maîlre  des  Tem[)liers,  pour 
appaiser  des  troubles  dont  leflet  pouvait  être  de  faire  allier 
Boëmond,  prince  irascible  et  inconsidéré,  avec  les  ennemis  des 
chrétiens,  et  d'achever  ainsi  de  ruiner  toutes  les  espérances  des 
croisés,  déjà  si  afrai|;)lies  par  les  succès  des  Musulmans.  Guil- 

.  6  cl  suiv.     '  laume  de  Tyr  nous  a  conservé  quelques  détails  sur  celte  né- 
gociation. 

L'auteur  anonyme  d'une  histoire  de  Jérusalem,  que  Bongars 
T.  t,  p.  iisi.  a  insérée  dans  sa  collection,  dit  que  Roger  des  Moulins  fut  tué 
à  la  bataille  de.Tibériade. 
Art  de  vérif.       I^  ^st  Ic  premier  qui  soit  qualifié  de  grand-maître  dans  les 

les  datej,   t.  I,  chartes  que  nous  avons.  P 

p    S16. 


383 


XII  SIECLE 


AIMERIC, 


Troisième  Patriarche  latin  d'Antioche. 


/^  un  L  AUME  de  Tyr,  qui  parle  de  ce  prélat  dans  plusieurs  en-      Voy  liv.  xv, 
"droils  de  son  histoire,  ne  1  appelle  jamais  qu'Aimeric,  sans  y  ^^y,    V  _.'  ||];' 
ajouter  aucun  surnom.   Celui  de  Malefaida  ou  Malafaida  lui  est  xvii,     5      lO; 
cependant  donné    par  quelques  écrivains ,  et   notamment   par    '^     i^.^"''viy 
l'auteur  d'une  lettre  attribuée  à  Cyrille,  troisième  prieur  général  5.  1. 
de  l'ordre  du  Mont-Carmel,  en  Orient    Un  des  continuateurs  de 
BoUandus,  le  P.  Papebroëck,  le  lui  reproche,  et  affirnie  que  les      Boiian<l.  8a»r 
surnoms  n'élaienl  pas  d'usage  dans  ce  siècle;  mais  la  seule  bis-  ''  ''''  "    ''* 
toire  de  Guillaume  de  Tyr  en  fournil,  à  cette  époque,  plusieurs 
exemples,  et  nous  allons  bientôt  en  trouver  un  dans  la  famille 
même  d'Aimeric. 

Ce  patriarche  était  né  au  bourg  de  Salamiac,  en  Limousin,       Boiiund.  ib,d. 
de  villa  appellatâ  Salamiacum.  On  croit  que  c'est  le  lieu  appelé       Bibiimh 
aujourd'hui  Solignac,  à  deux  lieues  de  Limoges.  moin.  i    i.  aiss. 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  Tordre  des  Carmes,  comme  r"^^'>»-  p  ■^o. 
Trithème  ,  Casanale  ,  Lemire  ,  Jean  de  Carlhagène,  Cogme 
de  Villiers  qui  a  fait  imprimer  au  milieu  du  dernier  siècle 
une  bibliotheca  carmelitana  en  deux  volumes  in-folio  ,  ont 
publié  beaucoup  de  fables  sur  la  jeunesse  d'Aimeric.  Le  père 
Marc-Antoine  Alègre-Casanate,  en  particulier,  dans  l'ouvrage 
intitulé,  Paradisus  Carmelilici  decoris,  raconte  que  le  pre-  P.  2{9,  coi.2. 
mier  général  de  cet  ordre,  en  Asie,  fut  Berthold  de  Male- 
faida,  français  et  limousin,  issu  de  la  sérénissime  famille  du 
roi  de  Hongrie  Salomon,  qui,  parti  pour  la  première  croi- 
sade, embrassa  la  vie  religieuse,  et  choisit,  pour  s'y  consa- 
crer, l'ordre  des  Carmes,  dont  il  devint  ensuite  le  chef,  par 
la  nomination  d'Aimeric ,  Adamàr  ou  Aymer ,  patriarche 
d'Antioche,  son  cousin- germain  ;  narration  qui  renferme  trop 
d'anachronismes  et  de  faussetés  palpables  pour  que  nous  pre- 
nions la  peine  de  les  relever.  Un  père  Pierre-Thomas  Sarazin, 
va  aussi  loin  en  anachronisme,  et  plus  loin  encore  en  absur- 
dité. A  l'en  croire,  un  jeune  seigneur,  appelé  Guy  de  Maie-  Mcnniog.Car- 
faida,  d'une   noble  famille  de  Limousin,   étant  à  la   cour  du  ^/g"  ^  ^^  *" 


384  AIMERIC,  TR.  PATR.  LAT.   D'ANTIOCHE. 

XII  SIECLE,  roi  de  Hongrie,  la  Sainte-Vierge  lui  apparut,  et  lui  ordonna 
de  retourner  dans  sou  pays  et  de  s'y  marier,  parce  que,  de 
son  mariage,  naîtraient  deux  enfans,  qui,  comme  deux 
astres  lumineux,  illustreraient  l'église  d'Orient;  prédiction, 
ajoute  Sarazin,  que  l'événement  justifia  ;  car  de  ce  mariage 
vinrent  Berthold ,  premier  supérieur  général  des  religieux 
durit  latin  au  Mont-Carmcl,  et  Aimeric,  son  frère  utérin,  qui 
devint  patriarche  d  Anlioche.  Aimeric  n'était  pas  frère  de 
Berthold  ;  Berthold  n'était  pas  français,  mais  caiabrois  :  tous 
les  faits  avancés  par  cet  écrivain  sont  contredits  par  des 
faits  connus  et  par  l'histoire  des  temps.  Nous  trouverons  un 
guide  plus  sûr  et  plus  vrai  dans  Guillaume  de  Tyr,  auteur 
contemporain. 
i.iv  XV.  S-  Ki-  Guillaume  nous  dit  qu'il  y  avait  auprès  du  roi  Foulques-le- 
Jeune  un  homme  qui  exerçait  sur  lui  beaucoup  dempire,  et 
qu'il  désigne  par  Pelrus  Armoinus,  prtesidii  civitatis  custos.  Il 
en  fait  ici  le  gouverneur  de  la  citadelle  d'Aniioche;  et  sans 
doute  c'est  la  même  chose  qu'il  veut  exprimer,  lorsqu'il  dit  un 
'.  is-  peu  plus  bas,  Petrus  quidam  cognomine  Armoinus,  civitatis 

castellanus.    Il   l'appelle,  dans  le   premier  passage,  vir  mali- 
tiosus  suprà  moduin,   et   dans  le  second,  il    ne  le  traite   pas 
beaucoup   plus    favorablement.    L'oncle    fit   venir   son    neveu 
auprès  de  lui,    et    celui-ci    fut  doyen   de  l'église    d'Aniioche 
pendant  que  Raoul  la  gouvernait  ;  doyen  choisi  par  ce  patriarche 
Giiii.  (ip  r>r,  lui-même,  qui  avait  cru   se   l'allacher  ainsi  par  la   reconnais- 
liv.    XV,  %.  1(5  sance.    Cependant   la   hauteur  et  les  vexations   de  Raoul  l'a- 
'''     ■  valent  rendu  insupportable  au   prince,  aux  seigneurs,  aux  mi- 

nistres de  la  religion.    Il  dominait  sur  le  clergé  plus  en  tyran 
qu'en    évoque,   et  jouissait    avec   insolence    de    ses    grandes 
Giiii.  (le  Tyr.  richesses.  Des  plaintes  et   des  réclamations  furent  portées  à  la 
liv.   XV.   \.   15  cour  de  Rome  (Innocent    II   était  alors  le  chef  de  l'éi^lise);  un 
ilir"\iiM      lie  'égal  fut  envoyé  sur  les  lieux  même  par  ce  pontife  ;  un  concile 
Tii-i     iir-    P;.iis.  y   fut  réuni  au  mois  de  novembre    1141,  et  ce  concile  déposa 
iiv.   XIII,  (•    2,  paQui^    qu'un  ordre  du    prince  fit  ensuite  renfermer  dans  un 
monastère. 

Raoul  ne  croyait  pas  sans  doute,  quand  il  nomma  Aimeric 
doyen  de  l'église  d'.Anlioche,   que  l'homme  qu'il  élevait   ainsi 
par  des  motifs  de  complaisance    pour  un  oncle   puissant,    de- 
viendrait  bientôt  son    successeur  à  lui-même.    Il  paraît  néan- 
i.iv  XV.  5.  moins,  par  ce  que  dit  Guillaume  de  Tyr,  que  Pierre   Armoin 
'6  oi  18.  n'oublia  rien   pour  favoriser,  autant  qii  il  était  en  lui,  les  pro- 

grès de  1  orage  suscité   contre  Raoul.    A    peine  la  déposition 


AIMERIC,    TR     PATR     LAT.    DANTfOCHE.         38o 
eut-elle  été    prononcée,    qu'il   employa    tous  les    moyens  de     x.i  siècle 

crainte,  d'espérance,   de  séduction,  qui  étaient   en    son    pou-  

voir,    pour  faire   porter  sur   Aimeric    le  choix  des  électeurs 
qui  devaient  donner  un  patriarche  à  Antioche.  Le  légal,  ayant 
terminé   les  affaires   qui  l'avaient  appelé  dans  cette   ville,  se 
rendit   à    Jérusalem,  où  il  séjourna  jusqu'après  les    fêtes  de 
Pâques,  qu'il  y   tint  .aussi  un  concile.  Ce   n'est  qu'après  avoir 
parlé  de  ce  dernier    fait,  que  Guillaume  de  Tyr   rapporte   l'é- 
lection  d'Aimeric,    sourdement   sollicitée   par  le  prince  d'Aii- 
tioche,   et  procurée,  comme   nous  l'avons  dit,  par    les   intri- 
gues, les  artifices  et  les  libéralités  de  Pierre  Armoin    Elle  doit 
être  du  mois   de  mai  ou  du    mois  de  juin    1 1  i2,  Pâques  ayant 
été,  celte  année-là,    le    19   avril.     Fleury   la  met  à  la  fin  de     "i^i  Ecd.  li,. 
1140  ;  mais   celte  opinion  paraît  difficile  à  concilier  avec  les  ^^''"''  ^' ^*- 
faits   certains    que   nous   venons    d'exposer,    et  auxquels   on 
peut  joindre  ce   que    rapporte  encore  le  même  Guillaume   de     i.iv.  xix,  5 1. 
Tyr,    en    parlant  du  couronnement  d'Amaury,  successeur  de 
Baudouin    III  au  royaume  de  Jérusalem,  en  M 62,  qu'Aimeric, 
troisième  patriarche  latin  d'Anlioche,   était  alors  dans  la  ving- 
tième année  de  son  pontificat.   Le  père    Labbe,    de  son  colé,       Acta  Conc.  t. 
retarde  un   peu    le  concile  d'Anlioche,  quand  il   le   place   en  ^''-  ''•    '^^^  «' 
1142.  C'est  en    1141,  cinq  à  six  mois  avant  l'élection  d'Aimé-  '""' 
ne,  qu'd  avait  été   tenu.    Du  reste,    on  peut  remarquer  dans  p.  nos  et  suiv 
le  même  tome  une  erreur  plus  grande  encore  ;  le  même  cou-        Ann 
cileyest  inséré  sous  la  date  de  1136  :   Baronius    l'avait  aussi  ""   "•'"' 
placé  en  1136  ou  1137. 

Guillaume  de  Tyr  trace  un  portrait  assez  peu  favorable  du 
nouveau  patriarche;  il  l'appelle  homme  sans  lettres  et  dune  con- 
duite peu  édifiante,  homo  absque  lùteris  et  conversationis  non 
satts  honestas.  Ce  second  re,.iochc  peut  être  entièrement  vrai  • 
mais  II  semblerait,  d'après  quelques  actions  de  la  vie  d'Aimeric' 
que  ce  patriarche  n'était  pas  aussi  ignorant  que  Guillaume  de 
lyr  le  suppose. 

Raymond,  prince  d'Anlioche,  ayant  été  tué  avec  un  i>rand 
nombre  de  chevaliers,  dans  un  combat  qu'il  livra  imprudem- 
ment en  1149,  et  non  en  1148,  comme  le  dit  notre  historien,  l.v.  xvm  s  9 
(Louis  VII  avait  quitté  l'Orient,  et  ce  ne  fut  qu'en  1149  qu'il 
revint  en  France  )  contre  Noradin  ,  sultan  d'Alep  depuis 
quelques  années,  et  déjà  le  prince  le  plus  puissant  que  10- 
rieni  connût  alors  ;  celle  perle  causa  une  consternation  d'au- 
tant plus  grande  ,  qu'il  ne  se  présentait  aucune  espérance 
aucun  moyen  de  résister,  après  un  tel  malheur  et  l'envaliisl 

Tome  XIV.  C^.^ 


Ann.  Ecclcs. 


Liv.  XV,  i.  18. 


^.,  ccr.r.      38G         AIMERIC,    TR.  PAIR.    LAT.    D'ANTIOCHE. 


sèment  d'une  partie  de  la  contrée.  Le  peuple  d'Anlioche 
croyait  voir,  chaque  jour,  arriver  l'armée  à  ses  portes,  et  il 
manquait    d'un   chef  capable  de  le  commander   et  de  relever 

L.  XVII,  ç.  10.  son  courage  abbaltu.  Dans  celle  terrible  situation,  le  patriarche 
Aimeric,  c'est  Guillaume  de  Tyr  lui-même  qui  nous  l'apprend, 
homme  à  ressources,  adroit,  solers,  et  très-riche,  touché  de 
compassion  pour  son  peuple  désolé,  se^  mit  courageusement 
à  la  tète  des  affaires,  et  donna  libéralement,  contre  son  naturel, 
de  quoi  lever  des  troupes  et  les  payer.  Baudouin  III,  roi  de 
Jérusalem,  vint  à  Antioche,  dans  la  pensée  de  remédier  aux 
maux  qu'elle  souffrait  et  aux  dangers  dont  elle  était  menacée  ; 
mais  rappelé  bienlôl  dans  ses  étais  parles  soins  dus  à  son  propre 
royaume,  il  voulut  engager  Constance,  veuve  de  Raymond, 
qui  n'était  âgée  que  de  vingt-deux  ans,  et  qui  n'avait  que 
des  enfaus  en  bas  Age,  à  se  choisir  un  époux  capable  de 
gouverner  et  de  défendre  sou  pays  Constance,  redoutant 
le  lieu  conjugal,  préférant  une  vie  libre  et  indépendante,  peu 
touehéo  de  linlérêt  du  peuple,  s'y  refusa.  Le  patriarche  avait 
sur-loul  la  cotdiance  de  la  princesse,  et  la  dirigeait  par  ses 
conseils  ,  on  l'accusa  d'avoir  aussi  cherché  à  la  détourner  du 
mariage  pour  pouvoir  satisfaire  plus  librement  cette  passion 
extrême  de  domination  dont  il  était  lournienlé.  Guillaume  de 
L.  XVII  \.  17  ^y''  'appelle,  à  ce  sujet,  vir  argutus  et  versipellis,  domina- 
tionis  cupidus  nimis. 

Constance  finit  (■e[)endant  par  se  délerminer  au  mariage  ; 
mais  elle  ne  crut  pas  devoir  le  contracter  publiquement.  Elle 
avait  choisi  un  guerrier  appelé  Ramaud,  (pie  l'archevêque 
L.  XVII,  i.  2fl.  (le  Tyr  place,  je  ne  sais  pourquoi,  dans  les  derniers  rangs 
de  l'armée,  dont  il  semble  faire  un  simple  soldai,  gregariiis, 
stipendiarius ,  miles  Ce  guerrier  était  de  1  illu.-tre  famille  de 
Cliàtillon  ;  il  avait  suivi  Loiiis-le-Jeiine  à  la  Terre-Sainte,  en 
Alt  (!.•  vi'iif    1147,    avec  un   de    ses  frères  ,  qui   y  mourut    les  armes  à  la 

'*'■  .'i!''"'  '■    ''  main,    et   nui  avait  épousé   Adélaïde    de    Rouci,  d'une  des  fa- 

p.   ♦48.  'Il 

milles  aussi  les  plus  illustres  de  ce  temps-la.  On  pense  bien 
fpi'Aimeric  n'approuva  pas  un  mariage  qui  menaçait  son  in- 
Gnii  <ic  Tyr,  flucuce.  Il  scxpliquait  fort  librement,  tant  en  public  qu'en 
liv.  xviti,  5.  I  particulier,  sur  la  personne  et  les  actions  du  nouveau  prince  : 
celui-ci  fut  bientôt  instruit  de  tout  ce  qu'en  disait  le  patriarche  ; 
et,  dans  son  indignation,  il  le  fit  arrêter  et  conduire  ignomi- 
nieusement dans  un  châleau  cpii  dominait  la  ville.  La,  ce 
(jui  est  horrible,  il  contraignit  ce  prélat,  déjà  vieux  et  d'une 
santé  débile,  à  s'asseoir,    la   tête  nue   et  enduite   de  miel,   un 


AIMERIC,  TR.   PAIR.  LAT.   DANTIOCHE.  387 

jour  d'été  aux  plus  grandes  ardeurs  du  soleil,  sans  qu'il  y  eût     xii  siècle. 

personne  qui  lui  offrît  quelque  soulagement  dans  cette  situation  

douloureuse,  et  qui  chassât  au  moins,  par  humanité,  les  mou- 
ches qui  fatiguaient  son  visage. 

Jean   Cinnaraus,   dans  son  histoire  de  l'empereur   Manuel      Liv  iv  c    ii 
attribue  a   une  autre  cause  ce  barbare   traitement.    Rainaud 
de   Châlillon,    cniignant   la  colère  de  ce  monarque,   qui  vou- 
lait se  venger  d'incursions  faites  et  de  ravages  exercés  dans 
1  île  de  Chypre,  et   pour  cela  menaçait  d'envahir  les  étals  de 
Rainaud,    offrit   à    Manuel    Comnène,    pour   l'apaiser      de    lui 
livrer  la  citadelle  d'Anl.oche.    Le   patriarche  s'était    vivement 
opposé  à  cette  résolution  :  ,1  |„i  avait  de  plus  refusé  une  somme 
d  argent  dont   Rainaud  disait  avoir  le  plus  pressant  besoin   Ce 
prince  irrité  le  Qt  dépouiller,    fouetter    cruellement,    du    Cin- 
namus,   et   l'ayant   fait   frotter  de  miel  de  la   léle  aux  pieds 
pour  sécher  ses  plaies,  il  le  fit  exposer,  en  cet  étal,  à  toute 
I  ardeur  d'un  soU-il   brûlant,   livré  aux  mouches,  aux  guf^pes 
aux    abeilles,    dont    il    f.,i    cruellement    tourmenté.    Aimeric  ' 
pour  se  délivrer  de  cet   horrible   supplice,  abandonna    toutes 
ses  richesses.    Rainaud,  ayant  alors  ce  qu'il   souhaitait,  il  bi 
fil  rendre  ses  habits,   le  fit  monter  sur  un   cheval,  et  le  con- 
duisit à  pied,  dans  la  ville,  tenant   d'une  main  une  des  cour- 
roies qui  pendait  de  la  selle  ou  on  avait  assis  le  patriarche 
Ces  honneurs    insultans    furent    peu    capables   d'eflacer   dans 
lespritd'Aimeric  le  sentiment  de  l'injure  qiûl   venait  de  re- 
cevoir. H  chercha  tous  les  moyens  de  s'en  venger;  il  alla  jusqu'à 
envoyer  plusieurs  fois  des  émissaires  à  l'empereur  de  Constanti- 
nople  pour  lui  offrir  de  lui  livrer  Rainaud;  mais  Manuel  refusa 
constamment  de  profiter  d'une  perfidie. 

Jean  Cinnamus  lie  cet  événement  avec  l'entrée  do  l'empc-       cuii  de  T 
reur  a  Antioche,   laquelle   n'eut  lieu  qu'en   1158.   Guillaume  xviii'j  îeia. 
de  Tyr  le  place  en  1154;  car  il  parle,  immédiatement  après 
de  la  mort  du  pape  Anastase  et  de   l'élection  d'Adrien  IV   il 
venait   de  dire  que  le  roi  de  Jérusalem,   apprenant  la  con- 
duite du  prince  d'Antioche,  étonné  de   tant  d'extravagance 
lui  envoya  l'évêque  d'Acre  et  Raoul,  son  chancelier,  pour  lui 
en  faire  des  reproches,  et  lui  enjoindre  do  revenir  enfin  d'un 
SI  horrible  délire  ;  et  l'historien  ajoute  que  ce  fut  d'après  les 
eltres  de  Baudouin,  q^e  Rainaud  mit  Aimeric  en  liberté     et 
lui  rendit  tous  ses  biens.   Celui-ci,  abandonnant  son  diocèse 
suivit  les  envoyés  du  roi  à  Jérusalem,   où  il  demeura   quel- 
ques années,  y  ayant  été  reçu  avec  une  égale  bienveillance 

Ccc3 


388  AFMERIC,  TR.   PATR.   LAT.   DANTIOCHE. 

XII  SIECLE.  par  le  monarque,  la  reine  sa  mère,  le  patriarche,  tous  les 
Gvéques.  11  y  était  encore  à  l'époque  du  mariage  de  Bau- 
douin 111  avec  Théodore,  fille  du  prince  Isaac,  fils  aîné  de  l'em- 
pereur Jean  Comnéne,  au  préjudice  duquel  celui-ci  avait  désigné 
pour  successeur  iManuel,  son  second  rils,  et  c'est  lui,  Aimeric, 
qui  fit,  au  mois  de  septembre  I  158  (1),  la  cérémonie  des  épou- 
V.  ci  dessus,  sailles  :  Foucher,  patriarche  de  Jérusalem,  était  mort  le  20  no- 
p.    16-2;   et  G.  yoiiibre  1 1  o7 ,  et  Amaury,  choisi  pour  le  remplacer,  n'était  pas 

de    Tyr,    18,     5  i 

22.  encore  sacré. 

Cuil.  (le  Tyr,       L'empereur  Manuel  Comnéne  étant  venu  de  Constantinople 

1  ,  5.  -2  —  '.j.  ^^^  Syrie  pour  y  châtier  le  prince  d'Antioche,  il  y  séjourna 
jii'^cju'après  les  fêtes  de  Pâques  de  I  année  suivante,  et  lui  ayant 
alors  pardonné,  à  la  recommandation  du  roi  de  Jérusalem, 
il  fit  son  entrée  à  Antioche,  où  il  fut  reçu  comme  en  triomphe. 
Aimeric  alla  au-devant  de  lui  processionellement  à  la  tête 
de  son  clergé,  et  le  conduisit  à  l'église  de  Saint-Pierre.  Il 
était  sans  doute  venu  à  Antioche  avec  Baudouin,  qui  vou- 
lait vraisemblablement  le  réconcilier  avec  Rainaud.  C'est  là 
du  moins  l'époque  la  plus  vraisemblable  du  retour  d'Aimeric 
dans  son  église  ;  et,  ce  qui  nous  le  fait  croire  encore  davan- 

L  xviii.  5.  20.  jj,gg^  cesl  que  Guillaume  de  Tyr,  après  avoir  fait  le  détail 
de  ces  événeraens,  passe  immédiatement  à  un  autre  qu'on  sait 
ôlre  du  même  temps,  la  mort  du  pape  Adrien  IV,  arrivée  le 
l*^"^  septembre  11  o9. 

Les  écrivains  qui   ont   recherché  rorigine  de  l'ordre  des 

(larmes  assurent  tous  que  notre  patriarche  est  le  premier  qui 

ail  rassemblé  en  corps   de  communauté  les  ermites  répandus 

Bibi.  Csrnie-  ^j.jjjg    différeus  eudroits  de  la   Terre-Sainte.   Un   auteur    du 

lil.    p.    (108.     —  .,    ,  •     ,    ■         A  -  11   1        • 

Spec.  Carmciii.  Xlll^  sieclc,  qui  lui-memc  avait  voyage  en  Palestme,  sup- 
pose qu'il  y  avait  autrefois  sur  le  Mont-Carmel  une  com- 
niunaulé  si  nombreuse,  que  l'espace  étant  devenu  trop  étroit 
pour  la  contenir,  ceux  qui  la  composaient  se  répandirent 
(l;i'i.s  loules  les  .solitudes  de  la  contrée  que  leurs  prédéces- 
S'  Ms  avaient  habilées  anciennement  ;  qu'Aimeric  en  amena 
qi'i'|(|ues-ims  avec  lui,  qu'il  étai)lit  sur  la  .Montagne-Noire, 
oii  ils  vivaient  dans  des  cavernes;  que,  quoique  séparés  les 
uns  des  autres ,   ils  lâchaient   tous   néanmoins  d'observer    le 


(1)  Et  non  en  11.57,  comme  on  le  dit  dans  l'Art  de  vérifier  les  dates, 
t.  1,  p.  291,  col.  1.  On  dit,  au  reste,  1158,  p.  441  du  même  vol.  col.  2. 
On  appelle  aussi  par  erreur,  p.  291,  Marie,  la  princesse  appelée  TlUo- 
dvra,  p.  441. 


I,  part.  I,    p 
96.    -     V     Du 

bois.  Il  de  l'r^l 
de  Paris.  Iili 
XYI,  c.  3,  S.    1 


AIMERIC,  TR    PATR.   LAT.   D'ANTIOCHE.  389 

même  genre  de  vie  que  les  ermites  du  Mont-Carmel.  On  voit  xrr  siècle. 
qu'il  ignorait  ce  que  dit  le  prétendu  Cyrille,  que,  au  temps  Spcc  Carmc 
des  premières  croisades,  il  y  avait  à  Aniioche  un  patriarche  '"  '  ''  P'  '^ 
légat  du  Saint  Siège  en  Palestine,  aimé  de  Dieu  et  des  hommes, 
appelé  Aimeric  Maiafaida,  qui,  édifié  de  la  sainte  vie  des 
frères  de  la  bienheureuse  Marie,  leur  accorda  une  protection 
particulière  ;  mais  ayant  remarqué  que  quiques-uns  de  ceux 
qui  étaient  venus  d'occident,  méprisant  les  averiisseruens  des 
anciens,  ne  marchaient  pas  selon  la  vérité  de  la  vie  religieuse 
érémitique  décrite  dans  le  livre  de  Jean ,  faisant  attention 
que  ce  dérangement  avait  sa  source  dans  l'ignorance  oii  ils 
étaient  de  la  langue  grecque,  ignorance  qui  ne  leur  permet- 
tait pas  de  s'instruire  dans  le  texte  même,  il  fit  traduire  l'ou- 
vrage en  latin,  et  pour  assurer  la  paix  des  ermites ,  les  lia 
tous  par  un  voeu  commun  d'obéissance,  sous  un  chef  qui 
porterait  le  nom  de  prieur,  et  que  Berthold,  son  frère,  fut 
nommé  le  premier,  d'un  consentement  unanime,  en  1121. 
L'annotateur  corrige  1121  par  1141  ;  mais  l'un  n'est  pas  plus 
vrai  que  l'autre,  et  nous  avons  déjà  dit  combien  était  desti- 
tuée de  tout  fondement  la  fraternité  de  Berlhold  et  d'Aimeric. 
Du  moins  il  ne  fait  pas  de  celui-ci  un  religieux  de  son  ordre  : 
le  père  Marc-Antoine   Alègre  de  Casenale  s'était  pareillement  p^^,-^  ^^ 

contenté  de  s'en  faire  le  protecteur  et  l'ami.  Rien  n'empêche  Carm.  .lecoris, 
de  croire  qu'Aimeric  n'ait  favorisé  de  son  crédit  et  de  ses  p  ^*■^• 
libéralités  l'établissement  de  Berthold  sur  le  Mont-Carmel  , 
qui  n'était  pas,  au  reste,  de  son  diocèse  et  de  son  patriarchal, 
mais  du  diocèse  d'Acre  :  cela  même  néanmoins  est  peu  cer- 
tain ,  et  il  règne  beaucoup  de  confusion  et  de  contradiction 
dans  tout  ce  que  l'on  a  publié  à  cet  égard.  C'est  encore  une 
assertion  fausse  que  de  supposer ,  comme  Wastel ,  à  la 
tête  de  l'édition  des  ouvrages  de  Jean  ,  évêque  de  Jé- 
rusalem, et  comme  le  supposent  en  général  tous  les  écri- 
vains de  l'ordre  des  Carmes ,  qu'Aimeric  fit  traduire  ou 
traduisit  lui-môme  le  livre  de  cet  évoque   sur   l'institution  des  ^J^' ?J'  ~ 

,  '  V.   aussi    Gesiier, 

premiers  moines  ;    le    père   Fapebroëch  la   tres-bien    prouvé  p.  97,  coi.  i. 
dans  sa  dissertation  sur  le   bienheureux    Albert ,    patriarche  Boiiand.  8 

de  Jérusalem  11  croit  l'ouvrage  fort  postérieur  même  au  732'"  ''"  ^**" 
temps  d'Aimeric,  et  d'un  Français  ou  d'un  Wallon  nommé 
Jean  INeveu  ,  né  vraisemblablement  dans  une  des  villes  qui 
portent  le  nom  de  bois,  Joannis  nepotis  sylvani ,  ainsi  que 
l'appelle  Wastel  lui-même  dans  l'édilion  qu'd  publie.  On 
peut  ajouter  ,  en  faveur  de  cette  opinion  ,  que  le  pape  Eu- 
:  7 


390  AIMERIC,  PR.  PATR    LAT.  D'ANTIOCHE. 

xi[  siErxE.     gène  III  ayanl  écrit,  vers  1130,  au  patriarche  Aimeric  pour 

"^  l'engager  à  faire  traduire  du  grec  en  latin,   ce  qui  manquait 

dans  les  exemplaires  qu'on  avait  en  occident  des  homélies 
de  saint  Jean-Chrysoslôme  sur  saint  Matthieu,  dont  il  sou- 
haitait avoir  une  traduction  complète  ;  Aimeric  ne  put  faire 
ui  par  lui  même  ni  par  d  autres  ce  que  le  pape  désirait,  et  se 
contenta  de  lui  envoyer  un  excrnpidire  grec  de  ces  homélies  : 
Martine,  ce   ful   alors  qu'Eugène  en  chargea    Burgondion  de  Pise,  qui 

Ampi.      "''''■'^'    dit    dans  sa  préface,  avoir  terminé  son  travail  le   1«='  décem- 

l.    I,    (1.     017  —  t^ 

820.  bre  1151. 

Les  dernières  années  de  la  vie  d'Aimeric  furent  agitées  et 
troublées  par  les  chagrins  et  les  traverses  auxquels  l'exposa 
un  zèle  ardent  ,  mais  peu  rélléclii.  Boëiuond  III  ,  prince 
d'Anlioche.  avait  épousé,  en  premières  noces ,  Orgueilleuse  , 
fille  du  seigneur  de  Harenc,  dont  il  eut  entre  autres  Boë- 
mond  IV,  qui  lui  succéda.  Il-  lépudia  celle  princesse  pour 
V.   l'An  (le  épouser  Irène  ou   Tliéodora  Comnène,    nommée    par  d'aulres 

vi^iif.  Ics^  (laïcs  Esine  ou  hlsline,  nièce  de  l'empiMeur  .Manuel,  qu'd  répudia 
' ''  ^'  aussi  hienlôl  après,  el  qu'il  rélégua  en  Romaiiie,  pour  épouser 
une  troisième  femme  appelée  Sibylle.  Le  patriarche  ne  crut 
pas  pouvoir  dissimuler  un  si  grand  scandale.  Après  avoir 
fait  au  prince  deux  monilions  inutiles,  il  porta  contre  lui 
une  sentence  d'excommunication.  Boëmond  en  fut  vivement 
irrité.  La  discorde  et  la  guerre  même  éclatèrent  entre  Aimeric 
el  lui  ;  il  assiégea  le  patriarche'  dans  un  château,  poursuivit 
les  autres  évêques,  pilla  les  églises,  et  commit  divers  actes 
de  violence.  Quelques  seigneurs  du  pays,  ne  pouvant  sup- 
porter ses  emportemcns  ,  quittèrent  son  service  Toute  la 
principauté  d  Antioche  était  en  proie  à  des  divisions  dont  il 
était  à  craindre  que  les  ennemis  dos  chrétiens  ne  profilassent, 
r.dii.  de  Tvr,  Le   roi  de  Jérusalem,   le  patriarche,   les  prélats,  les  seigneurs 

'^'  ^  '■  se  réunirent    pour   délibérer  sur   cette  affaire  ;    ils    pensèrent 

qu'il  y  aurait  du  danger  à  vouloir  réduire  par  la  force  un 
prince  imprudent  el  débauché,  qui  peut-être  appellerait  les 
infidèles  à  son  secours  ;  ils  jugèrent  aussi  que  les  exhorta- 
tions et  les  conseils  .seraient  sans  clfel  auprès  d'un  homme  que 
la  passion  égarait  ;  ils  conclurent  donc  qu'il  fallait  soulfrir  un 
mai  pour  ne  pas  en  attirer  un  plus  grand,  et  attendre  qu  il  plût 
à  Dieu  de  toucher  le  cœur  du  prince. 

Mais  Aimeric  ne  s'élait  pas  contenté  d'excommunier  Boë- 
mond ;  il  avait  jelé  l'interdit  sur  tout  le  pays  :  on  n'y  admi- 
nistrait plus  de   sacrement  au   peuple,  si  ce  n'est  le  baptême 


AIMERIC,  TR.   PATR     LAT.  DANTIOCIIE.  391 

aux  enfans.  Les   personnes  réunies  pour  délibérer  convinrent     xii  sifxle. 
donc  d'envoyer  sur  les  lieux,  afin  de   voir  s'ils  ne   pourraient 
pas    apporter  quelque   remède   à  ces  maux,  le   palriarche  de 
Jérusalem  ,    le  grand-maître    des   Templiers,    le    grand  maître 
des   Hospitaliers ,   cl   Rainaud   de   Chàlillon,   ci-devant   prince 
d  Antioche,   et  beau-pèrd  du  jeune  Boëmond.  Ils  se  rendirent 
d'abord  à  Laodicée;  ils  y  eurent  des  conférences  avec  le  pa- 
triarche et  avec   le  prince,  chacun  en  particulier  ;   ils  en  indi- 
(pièrenl  une  ensuite  à  Anlioclie  ,  dans  laquelle  ,    après    bien 
des   discussions,   on   ronchil  la  paix    pour  (|uel(|ue  temps.    Les       •"■'"'  <■«  Ty"' 
conditions  eu  furent,  que  Ion  rendrait  au  palriarche,  aux  évè-  ""' 
ques,  aux  églises,   tout  ce  ipiils  avaient  perdu,   et  (p.ie  linter- 
dil  serait  levé,  le  prince  ce[)eudanl  restant  excommunié  jusqu'à 
ce  qu'il   eût  abandonné  sa    nouvelle  épouse    :    Boëmond    n'en 
continua  pas  moins  de  vivre   avec  elle    Flenry  |)lace  cet  événe-      iiisi.  Kcd.  liv. 

ment   en    1181;  mais  il  doit   être   de   1180, puisque  Guillaume  7-^  5- *•'>. 

'         ^       .  5.  *  et   7. 

de  Tyr  parle  en  même- temps  de  la  mort  de  Louis-le-Jeune 
et  de  celle  do  rem|)ereir  .M;m;iel,  arrivées  la  première  le 
18  si'plembre  I  181),  el  la  seconde  le  ii  du  même  muis  de  la 
môme  année. 

Guillaume  de    Tyr  rapporte    immédiatement   après    un    fait  i   ^• 

honorable  pour  Aimeric.  Une  peiqilade  de  Syriiius,  habitant 
le  long  du  Liban,  ijne  l'ou  di-iail  com|)osi!c  de  plus  de  rpiaranle 
mille  hiimmos,  bravos  ,  aguerris  et  toujours  prêts  à  com- 
battre les  inlidèles,  mais  attachée  depuis  cinq  cents  ans  à 
l'hérésie  de  Maron ,  qui  n'est  que  celle  des  Monothélites  , 
abjura  cette  erreur  entre  ses  mains  ,  et  se  réunit  à  la  doctrine 
générale  de  l'église  Je  rappelle  ce  fait  d  après  (îuillaume  de 
Tyr  el  Jacques  de  Vitry  ,  oîi  l'on  pris  plusieurs  hiatoriens 
modernes  ,  el  Flenry  en  particulier  :  mais  il  donnerait  lieu 
à  quelques  observations  sur  k's(jiieli(>s  nous  croyons  traiilant 
moins  devoir  insister,  (luolles  ont  élé  failes  [)ar  le  P.  l'agi, 
qui  les  avait  même  publiées  ()lusieurs  années  avant  (pie  parut 
le  volume  de  l'Hi-loire  ecclésiasliijue  oii  {"leur y  raconte  cet 
événement.  On  a  de  la  pi'ine  à  croire  aussi  que,  si  les  Maronites  «"'v-  oi  ii!>7- 
tiraienl  leur  nom  d'un  hérésiarque,  ils  1  eussent  conservé 
après  leur  retour  au  catholicisme.  Quoi  ()u  il  en  soil ,  on  at- 
tribue à  Aimeric  Ihonneur  de  les  avoir  ainsi  ramenés,  ceux 
du  moins  qui  étaient  dans  terreur,  s'il  est  vrai  qu'ils  n'y 
fussent    pas    tous,   de    les  avoir  ramenés  au   centre  de  i'éalise  _   . 

roraame.    11   alla  chez  eux,    reçut   leur  nouvelle  profession  de  nsi,  n.  u. 


p.  Kinr. 

<lu 

t. 

I  (le   lioHK^ 

ir-. 

l-il..  73, 

V  ■'• 

Ki. 

A.l    ll8-.>. 

11. 

10.    -   V 

.      RU 

-ssi 

Onciis 

Chri 

.si. 

i.  ni,  p 

34 

et 

Marif  ne  , 

1.  I, 

p.    870  - 

872 

-    Ilisl.    de 

Kr. 

1.    XVI,    p. 

61. 

392  AIMERIC,  TR.   PAIR.   LAT.  D'ANTIOCHE. 

XII  SIECLE.      fQJ^  Qi  jgyp  gi  é]ipg  ujj    nouveau   patriarche  d'une  saine  doc- 
trine. 

Ce  fait  doit  être  de  1183.  Aimeric  mourut  quelques  années 
après,  vraisemblablement  au  mois  de  novembre  ou  de  décembre 
de  l'an  1 187  :  cette  date  deviendra  presque  certaine  par  une  des 
lettres  dont  nous  allons  parler. 

SES  ÉCRITS. 

Les  écrits  du  patriarche  Aimeric  se  réduisent  à  des  lettres  ; 
mais  elles  ne  sont  pas  sans  quelque  intérêt  pour  l'histoire  de  ce 
temps-là. 

La  première  est  adressée  à  Louis-le-Jeune,  et  a  été  publiée 
dans  l'amplissime  collection  de  Marlenne  et  de  Durand,  d'après 
un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Marchiennes  en  Flandre,  et  dans 
la  nouvelle  collection  des  historiens  de  France  On  lit  en  tête 
de  celte  lettre,  qu'elle  fut  envoyée  l'an  11G4.  Elle  est  en  effei 
bien  certainement,  ou  de  celle  année-là,  ou  de  l'année  précé- 
dente. Le  patriarche  l'écrivit  après  la  perle  d'une  bataille  dans 
laquelle  Boëmond,  prince  d'Anlioclie,  avait  été  fait  prisonnier, 
cl  dans  le  temps  que  les  Turcs  pressaient  de  toutes  parts 
celte  ville,  lellenier.L  dégarnie  de  troupes,  que  les  clercs,  les 
piètres  et  le  patriarche  lui-même  étaient  obligés  de  faire  la 
garde.  11  su|)plie  le  roi  d'avoir  compassion  d'eux  ;  sans  un 
prompt  secours,  la  captivité  les  menace  tous,  et  le  christia- 
nisme périra  dans  1  Orient.  Il  s'excuse  de  ne  jamais  parler  au 
prince  que  de  douleurs  et  de  gémissemens  :  mais  quand  on 
en  e.st  oppressé,  comment  lenir  un  autre  langage?  La  vie 
qu'il  supporte  est  plus  affreuse  que  ne  le  serait  la  mort.  Il 
entre  dans  quelques  détails  sur  l'état  du  peuple,  de  la  guerre, 
de  l'armée  ennemie,  sur  les  progrès  des  infidèles.  Sa  lettre 
est  assez  bien  écrite,  et  assez  intéressante  pour  l'histoire  des 
croisades.  Elle  ne  se  trouve  point  dans  le  recueil  de  lettres 
de  Louis  VII  ou  à  Louis  VII,  donné  par  Duchesne  dans  le 
quatrième  tome  de  sa  collection. 
Mari.   Anicd.       Une  autre  Ictire  d'Aimeric  est  sa  réponse  à  Hugues  Élhé- 

t.  I,  p.  i/it.         gjj^j^    Celui-ci,    né  en   Italie,    à    Pise,  mais  qui  résidait  alors  à 

Constanlinople,  y  avait  composé  un  ouvrage  contre  la  doctrine 

de  l'église  grecque,  pour  prouver  que  le  St. -Esprit  procède  da 

Bibi    Pair,  fils,  ot  l'avait  adressé  au  pape  Alexandre  III,  qui  l'en   remercia 

i.  VIII,  p.  863.    pgp  yjjg   lettre  que  nous  avons  encore,  datée  du  13  novenabre 


AIMERIC,  TR.   PATR,   LAT.   D'ANTIOCHE.  393 

1177.    Bugues   adressa    également   son    traité    au    patriarche      ^"  siècle 
d'Antioche,    et,    dans    sa   missive,    il   l'appelle  amantissimus     Anecd.  ..  i,  p. 
domtnus   suus.   Le  patriarche,  dans  sa  réponse,    où    il  l'ap-  ^'^-    ~  ''''"'>■• 
pelle  dilectus  filins   in    Christo,   après    l'avoir' remercié   de  Ts: '"'"  ""^ ''' 
l'envoi  de  son  livre,    loue  beaucoup    son  esprit,    son  savoir 
la  beauté   de  son  style,  éloge  que  justifie  mal,   sous  le  rap- 
port du    style,  la  lettre  que  nous  venons  de  rappeler;   car  il 
y  est  plein  d'affectation,  et  renferme  cependant  des  mots  vrai- 
ment barbares.  Aimeric  n'hésite  pas  à  déclarer  Hugues  Élhé- 
sien   supérieur   aux    philosophes  de   lanliquilé,   et   égal  aux 
pères  de  l'église.  Il  ne  loue  pas  moins  l'objet  de  cet  ouvrage  : 
ce  n'est  pas  pour  vous  seul  que  vous  vivez,  leur  dit-il,  c'est 
pour   l'église    toute  entière;    vous  avez  opposé  aux  attaques 
des  Grecs  un    rempart  inexpugnable.  Il  lui  recommande  en- 
suite trois  choses,  qu'il  regarde  comme  très-utiles  aux  Latins 
d'Orient,   et  qu'il   affirme  devoir  procurer  à  leur   auteur  une 
gloire   plus  durable  que  le  bronze  ;    la  première,   de  chercher 
le  commentaire   de  saint  Jean-Chrysoslôme   sur  les  épîlres  de 
saint    Paul,  et   de   le   publier   pour  faire  connaître  à  tout  le 
monde   les  soustractions  et   les  falsifications  de  ceux  qui  en 
avaient  retranché   ou    changé    les    passages  qu'ils  jugeaient 
leur  être  contraires  ;    la  seconde,  de  lui  envoyer  les  chroni- 
ques qui  contiennent  ce  qui  s'est  fait  depuis  le  temps  que  les 
empereurs  grecs  se  sont  séparés  de  l'empire  romain  ;   la  troi- 
sième, de  lui  envoyer  pareillement  les   canons  du   concile  de 
Nicée,   qu'on  dit  être  chez  l'empereur  de  Constantinople.  Si  je 
puis,    ajoute- t-il,   les   obtenir  toutes    trois   de   vous,   je  vous 
devrai  d'infinies  actions  de  grâce,  et  je  vous  rendrai  avec  usure 
les  dépenses  que  vous  aurez  été  obligé  de  faire.   En  attendant, 
il  lui  envoie  une  coupe  d'argent,  m  quâ,  dit-il,  pro  nostro 
amore  pariter  et  honore  volumus  ut  bibatis.  D.    Martène   et 
D.  Durand  ont  publié  ces  deux  lettres  dans  le  premier  volume     P-  ■*79-i«o. 
de   leur  Trésor  d'anecdotes,  sur  un  manuscrit  de  l'abbaye  de 
Clairvaux.    Celle    du   patriarche   d'Antioche   n'est    point  d'un 
homme  ignorant  et  sans  lettres,  comme  le  caractérise  Guillaume 
de  Tyr. 

Roger  de  Hoveden  nous  a  conservé  une  autre  lettre  d'Ai-         Ann.  Angi 
mène.   Elle  est  adressée  à  Henri  II,  roi  d'Angleterre    Le  pa-  p  *'"• 
tnarche  y  décrit    en   peu   de  mots    l'état   malheureux   où  se 
trouvaient  la   Terre-Sainte  et  tous    les  pays  conquis  par  les 
croisés,  depuis  la  perte  de  la  bataille,    livrée  le  4  juillet  11 87 
.dans  laquelle  le  roi  de  Jérusalem,  Gui  de  Lusignan,  fut  fait 


Tome  XIV  j^^^ 


301  AIMERIC,  TR.  PATR.   LAT.  D'ANTIOCHIi:. 

XII  SIECLE,  prisonnier  par  Saladin,  ainsi  que  le  prince  tlAntioche,  et  le 
grand-maître  du  Temple  et  celui  des  Hospitaliers.  Aimeric  y 
fait  lenuniération  de  toutes  les  villes  dont  s'empara  le  vainqueur. 
Il  s'exprime  de  la  manière  la  plus  palhélique  pour  exciter  la 
compassion  du  roi,  qu'il  prie  de  venir  en  personne  secourir  la 
Palestine,  et  la  délivrer  des  mains  des  ennemis  de  Jésus-Christ. 
Saladin  assiégeait  Jéi  usalcm,  lorsqu  Aiméric  écrivit  cette  lettre, 
que  les  évoques  de  Ciiàlons-sur-Saône  et  de  Valence  devaient 
présenter  à  ce  roi  ;  ce  qu'ils  tirent  conjmc  on  le  voit  par  la 
réponse  de  Henri  H.  Baronius   a  donné  la  lettre  du  patriarche 

An.  1187,  II.  ti  dans  ses  annales;  elle  se  trouve  aussi  dans  le  quatrième  tome 
des  annales  ecclésiastiques  d  Angleterre  du  père  Michel  Alford. 

An      11»7,    n.    ^  ,,  ,      ■  ,  ,  i  -  i       ,  -  i 

7  ,.f  j5  Comme  elle  est  écrite  dans  le  temps   du  siego  de  Jérusalem, 

jai-q.  deViiiy,  elle  doit  ("'trc  dc  la  fin  de  septembre  de  cette  année,  Jérusalem 
Dci'^er  Franc*  s'élant  rendue,  après  quatorze  jours  de  défense,  le  2  octobre 
i.'i,  Tus.  '       1187. 

Aimeric  y  dit  encore  que  Saladin  sélail  vanté  de  venir  à 

Aatioche  après   la  prise  dc  Jérusalem.  Profilant  en  effet  de  sa 

bonne    fortune,    le   vainqueur  soumit  bientôt   tout  le    pays  à 

jacq.  de  \ iiry,  ^^    puissance:   il  épargna    cependant,   et  la  ville  d'Antioche, 

/Aid.  |).   119.  '^  1      /-.  -  1 

et  le  château  de  Cursal,  appartenant  a  notre  patriarche,  moyen- 
nant une  somme  considérable  dargent  que  celui-ci  lui 
donna. 

Aimeric  survécut  peu  vraisemblablement  à  l'envoi  de  cette 
lettre  ;  mais  les  objets  même  dont  il  y  parle,  le  siège  de  Jé- 
rusalenj  qui  se  faisait  alors,  et  dont  la  durée  fut  si  courte, 
la  négociation  qu'il  fit  ensuite  avec  Saladin  pour  la  ville 
d  Anlioche  et  le  château  de  (àirsat,  prouvent  ipie  les  auteurs 
T.  I.  p.  '-'!i5.  de  lArt  de  vérifier  les  dates  ont  trop  avancé  sa  mort,  quand 
ils  l'ont  placée  au  mois  do  septembre  H  87:  elle  doit  être 
pourtant  d(!  la  fin  de  celle  même  année.  Dans  sa  lettre  à 
Henri  H,  le  |)alriarrhe  se  plaint  d'une  maladie  de  langueur  qui 
l'aU'ectait  depuis  loiig-lemps,  et  sous  laquelle  il  est  près  dc  suc- 
Ci  iirss.  p.  r.8(i  comber.  Il  est  même  surpirnanl  (pi'élant  déjà  vieux  et  d'une 
ei  387.  santé  débile,  en  1  \  ii  i,  il  ait  pu  prolonger  jusqu'en  1 1 87  une  vie 

traversée  par  tant  de  malheurs.  La  situation  où  était  alors  son 
diocèse,  cl  la  Terre-Sainte  en  général,  devait  encore  aggraver 
ses  maux  :  Saladin  y  portait  par-tout  le  ravage  et  le  joug  des 
ennemis  des  chrétiens 

On  lit,  dans  (juchpies  biographes,  que  le  patriarche  Aime- 
ric avait  écrit  une  histoire  de  la  conquêle  du  royaume  de 
Jérusalem  sur  les  chrétiens  par  Saladin.  Celte    histoire  n'existe 


V.  i^->.  loi.  2. 


TRAIMOND,    MOINE   DE  CLAIRVAUX.  39o 

nulle  part,  et  aucun  auteur  n'en  fait  mention.  Il  est  plus  que     mi  sikci  k 
vraisemblable  qu'on  aura  pris  la  lettre  à  Henri  II,  ou  l'auteur 
parle  en  effet  des  malheurs  des  chrétiens  et  des  progrès  de  leurs 
ennemis,  pour  un  ouvragi;  particulier  destiné  à  les  retracer,  et  à 
raconter  le  siège  et  la  prise  de  Jérusalem . 

Simier,  dans  l'abrégé  qu'il  a  donné  de  la  bibliothèque  de 
Conrad  Gesner,  attribue  à  Aimeric  une  traduction  du  grec  en 
latin  de  l'ouvrage  sur  l'institution  des  premiers  moines,  par 
Jean,  évèque  de  Jérusalem.  Nous  avons  déjà  fait  connaître  l'er- 
reur de  cette  opinion 

Les    continuateurs   de   Magdebourg    disent    quelques   mots       ^i'  '^--  \  2 
d'Aimcric  d'après  (iérard  de  Nazareth,  et  ne  lui  donnent  que 
douze  ans  de  pontificat.  Ils  citent  GuiHaume  de  Tyr  :  mais  sans 
doute  ils  ne  1  avaient  pas  lu  :  ils  n'auraient  pas  commis  une  faute 
si  grossière. 

Quelques  autres,  et  notamment  Vignier.  dans  sa  bibliothèque 
hislorialc,  en  répétant  des  erreurs  que  nous  avons  signalées,  y 
ajoutent  qu'Aimeric  fut  légat  du  saint  siège  outre-mer.  Aimeric 
n'eut  jamais  cette  qualité ,  c'est  Alberic  qui  l'eut:  la  ressemblance 
de  leurs  noms  aura  probablement  occasionné  cette  confusion. 
Alberic  était  cardinal  :  ce  fut  lui  qui  présida  le  concile 
dans  lequel  le  prédécesseur  d'Aimeric,  le  patriarche  Raoul,  fut 
déposé.  P. 


De  coiivcrs.    sor 
Dci.   c.    33. 


l'uil.  5,   an. 
tl4l,  n.   95. 


TKAIMOND  00  TUASIMOINU 


M  0  I  :<  K    I)  K    G  I,  A  I  R  V  A  U  X. 


"Il  N  moine  de  Clairvaux,    nommé  Traimond  ou  Trasimond,  a 
'^rédigé,  au  nom  de  son  abbé  Henri,  au  nom  de  Louis  VII,  et 
de  quelques  autres  personnages,  plusieurs  lettres  que  Duchesne 
et  dom  Tissier  ont  insérées  dans  leurs  collections,  et  dont  voici         nisi.  Franc 
une  notice  succincte  ;  s.ripi.     t.    iv, 

1.  Lettre  de  Louis  VII  au  pape  Alexandre  III.  Le  monarque  ''' ^%ibi.  '  kir. 
s'y  plaint  amèrement  du  luxe  des  prélats,  du  faste  somp-  Cisi.  i.  m,  i. 
tueux  de  leurs  équipages  et  de  leurs  festins,   /n  laulas  epu-  '^^-'^^"• 

DdcU 


396  TRAIMOND,  MOINE  DE   CLAIRVAUX. 

XII  siKCLE.  lantium  cœnas  tennis  ecclesias  victus  expirât,  et  alimonia  pau- 
perum  migrât  in  delicias  convivantum.  Mais  le  pontife  et  le 
concile  vont  guérir  l'église  de  Dieu  de  cette  maladie,  qui  s'est 
invétérée  durant  le  schisme.  11  s'agit  sans  doute  du  troisième 
concile  de  Latran,  tenu  en  1179,  et  l'on  peut  par  conséquent 
assigner  cette  date  à  l'épître  de  Louis  Vil,  ou  plutôt  de  Trasi- 
mond  ;  car  on  s'aperçoit  trop  que  le  prince  ne  l'a  point  dictée, 

Hcc.  des  hist.  .  /  ,         .  .,      i    ..  v  i 

de  Fr.  t.  XV,  p.  lorsqu'on  observe  a  quel  pomt  cette  lettre  exagère  la  puissance 
p.  96(,  !)Gîi.  pontificale.  C'est  un  moine,  et  non  un  roi  de  France,  qui  repré- 
sente l'évêque  de  Rome  comme  établi  pour  punir  les  nations  et 
pour  enchaîner  les  souverains.  Ad  faciendam  vindictam  in 
nationibus;  ad  alligandos  reges  in  compedibus  et  no  biles  in 
manicis  ferreis. 

2.  Lettre  d'Alexandre  111  aux  religieux  de  Cîteaux,  réunis 
en  chapitre.  Us  sont  loués  de  leur  zèle  contre  l'anti-pape,  et 
vivement  exhortés  à  persévérer  dans  les  mêmes  sentimens.  M. 
Rcc.  des  iiisi.  Brial,  qui  a  réimprimé  cette  lettre,  en  a  fixé  la  date  à  l'année 
dnFi.  t.  XV,  p.  ;n(39  ein'en  a  point  désigné  le  rédacteur.  On  peut  douter,  en 
effet,  qu'elle  soit  de  Trasimond  ;  car  il  n'aurait  écrit  que  celle-là 
au  nom  d'Alexandre. 

3  et  4.  Lettres  de  Pierre  Monocule,   abbé  de  Clairvaux,  à 

l'abbé  de  Cîteaux  et  au  roi  de  Portugal.  L'une  contient  le  récit 

i  de  la  mort  de  l'abbé  des  Trois-Fontaincs,  assassiné  par  un  moine; 

l'autre  est  plus  courte,  et  ne  consiste  qu'en  compiimens  etremer- 

ciemcns. 

5  et  6.  Lettres  des  religieux  de  Clairvaux  au  pape  et  au  roi 
de  France.  On  venait  d'élire  leur  abbé  à  l'archevêché  de  Tou- 
louse :  mais  ils  seront  inconsolables,  s'il  ne  leur  est  conservé. 
Pour  déterminer  le  pontife  et  le  monarque  à  ne  pas  permettre 
qu'il  leur  soit  ravi,  ils  comparent  les  Toulousains  aux  Égyptiens, 
qui  s'enrichiraient  de  la  dépouille  des  Israélites,  tandis  que  Dieu 
veut  précisément  tout  le  contraire. 

7,  S  et  9.  Trois  lettres  de  i'abbé  Henri  au  pape  Alexandre. 
La  plus  longue  et  la  plus  importante  concerne  ce  même  ar- 
chevêché de  Toulouse  ,  que  n'accepte  point  Henri.  Faut-il 
donc,  dit-il,  tout  négliger,  tout  abandonner  pour  celle  lie 
de  la  Gascogne?  Nwnquid  tanii  est  ad  tribus  Tolosanas  et 
fœces  Vasconiœ  convertendas  iniendere,  ut  negligantur  alla  t 
Ainsi  c'était,  non  Pierre  Monocule  en  1179,  mais  Henri  en 
1178,  qui  refusait  l'archevêché  de  Toulouse,  alors  vacant  par 
(..nii    chrisi.  |g  j^g^g  jjj,   Gosselin,  dont  le  successeur  fut,  en  1179,  Ful- 

Bov.    l.  XIII,    p.  '        .  ' 

18,  19.  crand. 


TRAIMOND,  MOINE  DE  CLAIRVAUX.  397 

10  et  11.   Deux  lettres ,   au  nom  du  même   Henri ,   au  roi     xii  siècle. 
d'Angleterre.    La    première   concerne  encore  Toulouse,  qui, 
cette  fois  ,  est  appelée  noble  ville  ,   nobilis  urbs  ;  et  la  .".econde 
est  un  récit  de  la  fête   célébrée  à  Clairvaux   en   l'honneur  de 
saint  Bernard. 

12,  13  et  14.  Trois  lettres  de  Tabbé  Henri  à  l'évêque  de 
Châlons-sur-Saône.  Les  deux  premières  ne  contiennent  que 
des  complimens  et  des  recommandations  particulières.  Dans 
la  troisième  ,  Henri ,  appelé  à  la  dignité  d'abbé  de  Cîteaux, 
ne  voit  dans  cette  élection  qu'un  nouveau  péril.  Échappés  , 
dit-il,  aux  flots  toulousains,  faut-il  que  nous  fassions  nau- 
frage dans  le  port  ?  Qui  Tholosani  turbinis  fluctus  intégra 
nave  enavigasse  putavimus ,  in  poriûs  nostri  finibus  naufra- 
gemur  ? 

15.  Lettre  du  même  abbé  au  roi  de  France  Louis  VH.  Elle 
annonce  que    le    comte    Henri  s'est  croisé    contre    les   Albi- 


16.  Épître  à  tous  les  fidèles  ,  encore  au  nom  de  l'abbé  Henri. 
C'est  une  bien  longue  déclamation  contre  les  hérétiques  du 
Languedoc. 

n.  Lettre  de  Guillaume,  cardinal-prêtre  du  titre  de  Saint- 
Pierre-aux-Liens,  à  Manuel,  empereur  de  Constantinople  , 
pour  l'inviter  à  s'unir, 'par  une  sainte  et  utile  alliance,  au 
roi  Louis  Vil  et  au  pape  Alexandre  \\\.  On  ne  connaît,  à 
celte  époque,  d'autre  cardinal  Guillaume  que  celui  qui  l'était 
du  titre  de  Sainte-Sabine  ,  et  qui  occupait  le  siège  archiépis- 
copal de  Reims.  A-t-il  écrit  celte  épître  ?  l'a-t-il  fait  rédiger 
par  Trasimond?  Tout  ce  que  nous  en  pouvons  dire  ,  c'est 
qu'elle  termine  dans  Duchesne  le  recueil  des  lettres  dont  la 
rédaction  est  attribuée  à  ce  religieux. 

Duchesne  a  tiré  ces  dix-sept  pièces  de  deux  manuscrits  qui 
lui  avaient  été  communiqués  ,  l'un  par  Nicolas  Camusat ,  cha- 
noine de  Troyes  ,  l'autre  par  Claude  de  Lafons  ,  avocat  de 
Saint-Quentin. 

Ni  la  lettre  à  l'empereur  Manuel  ,  ni  celle  d'Alexandre  III 
aux  cisterciens ,  ne  se  trouvent  dans  le  recueil ,  d'ailleurs  plus 
considérable ,  des  épîlres  de  Trasimond ,  publié  par  dom 
Tissier  au  tome  111  de  la  Bibliothèque  des  pères  de  Cîteaux. 
Ce  recueil  peut  se  diviser  en  trois  parties  :  1°  douze  lettres 
de  l'abbé  Henri ,  ou  quatorze  ,  si  l'on  y  comprend  celles  des 
religieux  de  Clairvaux  à  Louis  VII  et  au  pape  ;  2»  dix-neuf 
lettres  de  Pierre  Monocule  ,  dool  nous  rendons  compte  dans 


308  TRAFMOND,    MOINE  DE  CLAIRVAUX. 

xti  SIECLE,      l'article  qui  le  concerne  ;   S»  enfin ,  seize  autres  lettres  (juc 
nous  allons  brièvement  indiquer. 

Lettre  d'Alexandre  ,  abbé  de  Cîteaux  ,  qui  annonce  à  ses 
religieux  qu'il  abdique  cette  dignité  ,  et  qu'il  faut  lui  choisir 
un  successeur. 

Lettre  écrite  ,  on  ne  sait  en  quel  nom  ,  à  la  communauté 
de  Foigny ,  pour  lui  otl'rir  des  services  spirituels  et  tem- 
porels. 

Lettre ,  pareillement  anonyme  ,  au  nouimé  Baudoin ,  pour 
le  presser  d'accomplir  le  vœu  ([u'il  a  fait  d'embrasser  la  pro- 
fession monastique. 

Lettre  de  félicitation  au  nouvel  abbé  do  Coulombs  ,  au  nom 
d'un  prieur  nommé  Roger. 

Lettre  du  même  Roger  à  l'abbé  d'Aube-Pierre  ,  sur  la  con- 
duite à  tenir  pour  rétablir  le  bon  ordre  dans  celle  abbaye. 

Lettre  de  Guillaume,  moine  de  Clairvaux  ,  à  son  père, 
qu'il  invite  à  venir  endjrasser  la  vie  religieuse  dans  ce  mo- 
nastère. 

Trois  lettres  morales  ou  ascélirpies  du  prieur  Jean  à  deux 
clercs  et  à  un  chanoine. 

Enfin ,    sept    lettres    que  Trasimond    écrit  ,   en  son    propre 

nom  ,  à  des  abbés  ,   à  d<îs  moines  ,  à  des  clercs  ,    à  l'évêque  de 

Langres,   et    à    un    bourgeois  de    Sainl-Omer.    Deux   de  ces 

épîlres  peuvent  donner   li(;u  d(>  conjecturer  que  l'auteur   était 

né  en    Es[)agne  ;  car   il   y    traite  d'anciens  amis  el    même  de 

compatriotes    des    correspondaiis   qui    semblent    être    de    ce 

iiiiii     l'air,  pays-là.  On  y  voit  aussi  qu  il  sciait  l'ail  moine  dès   son    jeune 

Cisi  Ml,  2(i(i.       ^-,J,^J  j£u  une  autre  de  ces  lettres  ,  il   répond   avec  beaucoup  de 

modestie  aux  compliraens  (pion  lui  a  faits   sur  ses  talens  lit- 

ihid.  2;i!i,  2(10.  téraires. 

Il   était  sur-tout  fort   renommé  comme    rédacteur  d'épîtres 

et  de  chartes  ;   il  avait  même  composé  sur   cet  art  un   livre 

Cal.  manusc.  jonl   Buntlcrius   a   vu    des    exemplaires   manuscrits  dans   les 

Bcig    M'  8i.  -    j)j[,ii()|hL!(iues   du   n\onaslèrc   de  Saint-Sauveur  à    Utrecht ,  de 

Ucviscli.         HiIpI.  ^  ..  1         I..    V  ,.  ■       t.. 

r,i>i.  1.  3n.  I.     labbaye  de  Sept-rons  ,  et  des  rreres  iMineurs  de   lournay. 

En  1218,  Hugues,   secrétaire  de  Gervais  ,   abbé  de  Prétnontré, 

parlait  de   cet  ouvrage  :  Summam    quae    intUulatur  magistri 

ii„"o,.    ani    Traimundi  de  arte  diclandi.  Bundcîrius  dit   :   Authore    Trasi- 

saci.  i"!,  !>  I.  mundo  abbale  Claravallensi  ;  mais  aucun  abbé  de  Clairvaux 
na  porté  ce  nom,  cl  il  faut  bien  qu'il  s'agisse  du  moine  Trai- 
mond,  qui  avait  rédigé,  ou  p<'ul-èlre  seulement  recueilli  les 
lettres  des  abbés  Henri  cl  Pierre. 


|>.  277. 


GAUCELiN,  ËVÉQUE,  ET  HUGUES,  MOINE.  .399 
Les  auteurs  du  Nouveau  Traité  de  diplomatique  disent  X"  siècle 
que  le  chancelier  Albert  ne  se  réservant  pas  l'expédition  de  ' 
toutes  les  bulles  d  Urbain  111,  Transmond  ou  Tratisimond, 
notaire  dé  la  chancellerie  romaine,  en  data  plusieurs,  il  se 
pourrait  que  ce  notaire  lui  le  même  personnage  que  le  reli- 
gieux dont  nous  venons  de  parler  :  en  ce  cas,  il  faudrait  le 
faire  vivre  au  moins  jusqu'en  1185  ou  1187,  années  du  pon- 
tificat d'Urbain  111.  Au  surplus,  voilà  tout  ce  que  nous  savons 
de  sa  vie.  ia 


GAICKLIN, 


E  V  f;  Q  U  E        DE        L  0  D  È  v 


ET  HUGUES 


Moine       de      Sai.vanez. 


Q  AicELi.N  DE  MoNTPEïuoix  (  de  Motite-Petroso  )  était  abbé 
d  Anianc  lorsqu'il  fut  élu  évêque  de  Lodève  pour  succéder  à 
Pierre  dUsez,  décédé  le  f.  juillet  11  GO.  Il  remplit  ce  siège 
l'espace  do  vingt-sept  ans,  étant  mort  le  9  juillet  1  187.  C'élàil 
un  homme  si  recommaiulable  par  sa  capacité  et  son  intelli- 
gence dans  les  affaires,  qu'on  le  trouve  choisi  pour  arbitre 
dans  presque  toutes  les  contestations  cpii ,  de  son  temps 
s'élevèrent  entre  les  prélats  et  les  seigneurs  de  la  province* 
Il  en  donna  sur-tout  des  preuves  au  concile  de  Lombers,  dans 
l'Albigeois,  assemblé  l'an  1165  contre  les  hérétiques  du  pays, 
qui  se  faisaient  appeler  bons-ho7nmes,  et  qu'on  nomma  de- 
puis Albigeois.  L évêque  de  Lodève  fut  comme  lame  de  ce 
concile  ;  il  fut  chargé  de  les  interroger  sur  leur  croyance  au 
nom  de  l'évêque  d'AIbi,  qui,  comme  diocésain,  avait  la  prin- 
cipale-autorité  sur  eux.  Il  soutint  dignement  la  controverse 
avec  tout  l'avantage  que   donne   la   vérité  sur  l'erreur.  Après 


400         GAUCELIN,  ÉVEQUE,  ET  HUGUES,  MOINE. 
XII  SIECLE,      une  longue  discussion  sur   divers  points   de  doctrine,   il  pro- 

'  ~     '   nonça,  au   nom  de  l'évi^que  d'Albi  et  des  assesseurs  qu'on  lui 

avait  donnés,   un  jugement  par   lequel  il  les   déclarait  héré- 

Lahbe,  Conc.  liquos  en   ces  termes  :    «  Je  condamne  la   secte  d'Olivier  et 

t.  X,  col.  1472.  jg  ggg  associés,  qui  tiennent  le  sentiment  des  hérétiques  de 
Lombers,  quelque  part  qu'ils  soient,  suivant  l'autorité  des 
écritures.  » 

T.  XIII.  p.  r.9(i        Nous  ne  répéterons  pas   ici  ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  en 

rendant  compte  du    procès-verbal   de  cette  assemblée.   Nous 

observerons  seulement  que   les  sectaires  s'étant    beaucoup  ré- 

Lahho,  ifiid.  criés  sur  ce  jugement,  et   ayant   pour  ainsi  dire  pris  à  partie 

col.  U77.  le  rapporteur  :  «  Ma  sentence  est  juridique,   répliqua  le  pré- 

lat ;  je  suis  prêt  de  la  soutenir  en  la  cour  du  pape  Alexandre, 
en  celle  de  Louis,  roi  de  France,  en  celle  de  Raimond,  comte 
de  Toulouse,  ou  de  sa  femme,  qui  est  ici  présente,  ou  enfin 
en  celle  de  Trencavel  (vicomte  d'Albi),  qui  est  aussi  pré- 
sent. »  Cependant  les  sectaires  se  radoucirent,  et,  se  tour- 
nant vers  le  peuple,  qu'ils  craignaient  peut-être  plus  que  les 
évêques  :  «  Ecoutez,  dirent -ils,  bonnes  gens;  voici  notre 
profession  de  foi,  que  nous  voulons  bien  faire  en  votre  con- 
sidération :  Propter  dilectionem  et  gratiam  vestri.  »  Et  ils 
parlèrent  sur  les  points  contestés  à-peu-près  comme  les  ca- 
tholiques. Mais  ayant  refusé  d'affirmer  par  serment  qu'ils 
croyaient  de  cœur  ce  qu'ils  venaient  de  confesser  de  bouche, 
sous  prétexte  qu'il  n'est  pas  permis  de  jurer,  l'évêque  de  Lo- 
dève  leur  prouva,  par  des  passages  du  Nouveau  Testament, 
qu'il  était  quelquefois  permis  et  même  nécessaire  de  jurer, 
et  qu'étant  notés  d  hérésie,  ils  devaient  s'en  purger  par  ser- 
ment. Sur  leur  refus  persévérant,  qui  rendait  leur  croyance 
Irès-suspecte,  le  jugement  prononcé  contre  eux  fut  souscrit  par 
toute   l'assemblée. 

Il  n'est  pas  hors  de  vraisemblance  que  le  procès-verbal  de 
celle  conférence  soit  l'ouvrage  de  l'évêque  Gaucelin  ;  mais  en 
supposant  qu'il  ait  été  rédigé  par  le  secrétaire  de  l'assemblée, 
il  n'est  pas  moins  certain  que  la  substance,  c'est-à-dire  le 
fonds  de  la  doctrine,  les  citations,  les  raisonnemens  sont  à 
lui  :  d'où  l'on  peut  conclure  qu'il  avait  des  connaissances 
très-variées  sur  les  matières  théologiques,  comme  on  le  voit 
encore  par  une  autre  de  ses  productions,  qui  est  une  lettre 
adressée  à  Hugues,  moine  de  Salvanez,  aujourd'hui  de  l'an- 
cien diocèse  de  Vabres.  Ce  bon  religieux  l'avait  consulté  sur 
quelques    endroits    de  l'Ecriture  sainte    qui  paraissaient    se 


GAUCELIN,  ÉVÉQUE,  ET  HUGUES,  MOINE.         401 
contredire  ,   et  qu'il  ne   pouvait  concilier  ;    il   s'adresse   avec     xii  siècle. 
confiance  à  l'évêque,  dont  il   avait  admiré  la  pénétration  dans 
un  court  séjour  que  le  prélat  avait  fait  à  Salvanez,   et  l'évêque 
lui  fait  une  réponse  qui  prouve  et  l'étendue  de   ses  lumières  et 
la  bonté  de  son  cœur,  par  la  manière  obligeante  avec  laquelle 
il  accueille  la  demande  du  religieux  et  résout  ses   diflicultés. 
Dom  Martene  n'a  imprimé  qu'une  seule  lettre  de  l'évêque,  quoi-        Mart.  Anec. 
qu'il  y  en  ail  deux  du  religieux,  dont  la  dernière  méritait  une  '•  '.  «"'•  ^^^  — 
réponse  comme  la  première  ;    mais  c'est  tout  ce  qu'on  nous  a 
conservé  de  cette  correspondance,   et  nous  ne  connaissons  au- 
cune autre  production  de  la  plume  de  Gaucelin. 

2.  Outre  les  deux  lettres  de  Hugues  de  Salvanez,  dont  nous 
venons  de  parler,  dom  Martene  est  persuadé  qu'il  est  auteur 
de  l'Histoire  de  la  Conversion  de  Pons  de  Larazio,  publiée 
par  Baluze ,  dans  la(iuelle  sont  décrits  d'une  manière  très-  Biiuz.  Mise, 
édifiante  et  assez  intéressante  pour  la  contrée  l'origine  et  les  '  '"'  P'  ^^  ~ 
commencemens  du  monastère  de  Salvanez.  Dans  le  titre  de 
cet  ouvrage,  l'auteur  est  surnommé  Hugo  Francigena  ;  mais 
il  ne  prend  lui-même  dautrc  qualité  que  celle  du  dernier 
des  moines  ,  omnium  minimus  monachorum  ,  qui  est  celle 
qu'il  se  donne  aussi  dans  ses  lettres  à  Gaucelin  ,  évêque  de 
Lodève.   Quant  au  temps  où  il  écrivait  cette  histoire,    il  dé-        "'"'  i'-  2<)C 

et  225 

clare  qu'il  l'entreprit  pour  obéir  à  l'abbé  Ponce,  qui  gouverna 
ce  monastère  depuis  le  mois  d'octobre  1161  jusqu'à  1172, 
et  qui  lui  fournit  les  mémoires  dont  il  avait  besoin.  C'était  le 
quatrième  abbé  depuis  que  le  monastère  s'était  donné  à  l'ordre 
de  Cîteaux  par  son  union  à  celui  de  Mansiade  ou  Mazan,  dans  le 
Vivarais,  l'an  1136. 

S'il  est  vrai  que  Hugues,  moine  de  Salvanez,  ait  été  sur- 
nommé Francigena,  on  pourrait  lui  attribuer  encore  un  ou- 
vrage cité  dans  le  nouveau  glossaire  de  Ducangc  ,  comme  Verb.  Dùia. 
existant  dans  la  bibliothèque  de  Wolfenbutel,  sous  ce  titre 
Henrici  Francigenas  libellus  de  arte  dictandi.  Il  est  vrai  que 
Henri  n'est  pas  la  même  chose  que  Hugues  ;  mais  comme  ce 
Henri  n'est  pas  connu  d'ailleurs,  on  peut  supposer  que  ce  n'est 
qu'une  erreur  de  copiste,  qui,  ne  trouvant  que  la  lettre  initiale 
H,  l'aura  rendue  par  Henri.  B. 


Tome  XIV.  Eee 


m«n. 


l 


i02 


LAMBERT-lE-RKdl'E, 

PkIÎTHK       11  K      LiKCK,       INSTlTlTElll       I>  K  S     B  Ê  G  U  I  N  E  S. 

iiisroii!!';    i) !•;    sa    vik. 

AMnF.Ri,    |)uMro    do    I-iégo  ,    ost    siiriioninn'   dans  I  liistoiro 
^Uiiilùl    licggh  ou  le  Pt-^iic,    sans    donlo   a  caiisf   de    (|ii('l(nio 
('ini)rclicnieiil  de.   la    langue  ;    lanlùl,  mais   [)lus  rarement,    de 
Sainl-Clirisloplie,   du   lilre    d'une   éij;lise  (|n  il   avait   lait   hàlir. 
r.csia  l'ont,  (".était  ,    dit    (iilles  ^.l'Orval,   un   homme  d  une;  littérature  mé- 
l.mi.  t.  Il,  cap.  lijocre,  mais  d'une  grande   innocence  de  nidnirs  et  d'un  zèle 
■*  '  ''■    ■  '  ardent  pour  le  salut  {\cr~  anies.   De  son   lemi)S,  e'cst-à-dirc  sous 

répiscopal  de  Kaoïil  di;  Zeringlieni,  (|ui  gouverna  ré'glise  do 
Liège  depuis  l'an  II  (i.S  jus(pieu  ll'.U,  cetle  église,  aupara- 
vant si  florissante,  Ion. lia  dans  un  aH'nnix  dépérissement.  Cx\ 
lirélal  ,  f)uliliant  jusipiaiix  biensi'ances  ,  ne  rougit  point  de 
mcllrcï  pul)li(iuenicnl  en  \enle  les  hénéfices  de  son  diocèse  , 
comme!  avaient  l'ail  (|uelipn'.s-uns  de  sis  prédécesseurs.  Vn 
inl.imr  1)oik1,i  r,  nommé  l'delin,  elail  son  courtier  pour  ccl 
aliomiiiable  cummeri  e  :  !'■  nirmc  cUil  m\v  Ici|ucI  d  e\|iii<,iil 
-^a  viande  lui  .^civail  df  coiuiiloir  pour  dcli\  ii'i  les  prebende.i 
au  plu>  oifrant  lui'  .simonie  aus>i  luanilesle  et  aussi  révol- 
larilr  ou\nl  la  porte  a  tous  les  \ires;  ell'i'Cli\cment,  on  les 
\il  régmr  daii^  le  (.liocese  de  l.iege  au  poml  (pion  n  y  aper 
Ihid.  p.  !Ki.  cevail  jiresipie  plus  aucun  ve-.ligt^  de  reli-ioc,  I,es  chanoines 
et  les  aulri'S  cIriL-  ih'  t.ii-aicnt  nulle  dillicidle  de  >e  marier  , 
et  les  bourgeois  .  lant  1  ignorance  et  la  corruption  étaient  pro- 
('(jiides)  leur  dounaieni  par  prcréictnc.'  leurs  tilles,  a.ssiirés  qu  elles 
vivraient  plus  commodemcnl  avec  de  tels  é|)0ux. 

Pénétré  de  douleur  à  la  vue  de  ces  scandales,  Lambert  crut 
devoir  élever  la  \oix  pour  les  faire  cesser.  Ses  prédications 
véhémentes  firent  des  impressions  Irès-opposées  sur  le  peuple 
cl  sur  le  clergé.  Quantité  d<'  laïcs,  sur-tout  <le  femmes,  re- 
connaissant les  erreurs  ou  leurs  pasteurs  les  avaient  engagés, 
vinnmt  trouver  l'homme  de  Dieu  el  se  mirent  sous  sa  (H- 
reclion.  Lambert  h-ur  donnait  à  tous  des  conseils  assortis  à 
leur  condition  :  il  choisit  parmi   h-s  plus  fervens  de  l'un  et  de 


LAMBERT-LE-BÈGIE ,  PRÈTUIi  DE  LIÈGE  403 

l'aulrc  sexe  ceux  dont  l'élal  élail  libre,  cl  en  forma  deux  '^"  siècle 
congrégations  religieuses,  l'une  de  filles  ou  femmes,  connue 
sous  le  nom  de  Béguines,  l'autre  d'hommes,  qu'on  nomma 
Béguards  {à).  Les  clercs,  au  contraire,  furent  opiniâtrement 
sourds  à  sa  voix.  D'abord  ils  n'accueillirent  ses  censures 
qu'avec  mépris;  voyant  ensuite  (jui»  [)lus  ils  se  montraient 
incorrigibles,  plus  il  haussait  le  Ion,  leur  indifférence  se  um.  p.  127. 
tourna  en  fureur.  «  Quelle  est  donc  la  témérité  de  cet  homme 
rustique,  disaient-ils,  doser  usurper,  ignorant  comme  il  est, 
le  ministère!  de  la  prédication?  Et  ils  frémissaient  de  colère 
contre  lui,  no  faisant  pas  allenlion,  dit  Gilles  d'Orval,  que 
l'esprit  de  Dieu  sou'llli^  oii  il  veul  :  car  il  y  a  des  personnes  que 
l'Esprit  saint  éclaire  et  iiisiruil  secii-lement,  de  manière  (|ue, 
quoique  privées  du  secours  de  renseignement  humain,  elles 
n'en  ont  j)as  moins  prolilé  sous  la  discipline  du  maître  intérieur 
qui  les  a  seul  dirigées.  Mais  ces  exemples,  ajoute-t-il  fort-à- 
propos,  sont  plutôt  des  objets  tie  vénération  pour  his  simjiles 
que  des  modèles  à  imiter  •  do  peur  ijuc  chacun,  se  crovant 
rempli  pareillement  de  l'esprit  de  Dieu,  ne  dédaigne,  sous  ce 
prétexte,  de  se  rendre  le  disciple  des  hommes,  et  par-là  no 
devienne  un  maître  d'erreur.   » 

Les  principaux  du  clergé  s'élaut  donc  concerl(';s  entre  eux,  ak^mI.  /m. 
vinrent  trouver  l'évéque  et  l'engagèrent  à  se  .-saisir  de  la  in-r-  ~  ""•''"•''■'"■ 
sonne  de  Lamberl.  On  1  arrêta  dans  1  église  même  de  Sainte- 
Marie,  oii  il  prêchait  :  on  ne  lui  épargna  pas  les  mauvais 
traitements,  et  l'évêijue  l'envoya  prisonnier  dans  le  château 
de  Rivognc.  Lambert  ne  fut  point  oisif  dans  sa  prison  ;  il  y 
traduisit  en  français  les  Actes  des  Apôtres,  comme  nous  le 
dirons  au  paragraphe  suivant.  Le  peuple  cependant  murmu- 
rait de  sa  détention,  d'autant  plus  injuste,  disait-on,  qud 
ne  réclamait  sa  liberté  (juc  [)oiir  aller  .se  justifier  à  Home.  Ses 
ennemis,  intimidés  par  ces  plaintes,  se  déterminèrent  à  sol- 
liciter eux-mêmes  son  élargi.ssemeiil.  Ils  lirent  entendre  au 
prélat  que  le  pape  liouveiuit  fort  mauvais  (pion  retînt  en 
prison  un  homme  qui  demandait  à  se  rendre  à  ses  pieds  ; 
qu  il  n'y    avait  dailleurs   rien  à  craindre   de   ce   vovagc,   oii 


(1)  On  nu  s'ari'iîtera  pas  à  l'éfutt-r  rnjjinion  .le  iiii.\  ^m  rapportent  à  sainte 
Bcgghe,  (illo  Uo  Pépin  de  Landen,  laipifllo  vivail  à  la  lin  du  \'1I"  siècle,  l'institu- 
tion dos  liéjjuines.  C'est  ime  imaf^ination  (pii  n'a  pour  l'ondemeiit  (ju  un«  équi- 
roipie  de  nom,  comme  l'ont  l'ait  voir  Coens  (Disq.  de  Orig.  Begh.),  et  le  P.  Pagi, 
ad  au.  1177,  num.  l'J. 

Eee  a 


404         LAMBERT-LE-BEGUE,  PRETRE  DE  LIEGE. 

XII  SIECLE.  Lambert  ne  ferait  qu'étaler  sa  folie  aux  yeux  du  souverain  pon- 
tife, et  d'où  par  conséquent  il  ne  remporterait  que  des  reproches 
avec  défense  de  récidiver. 

Raoul  se  laissa  persuader  et  relâcha  son  prisonnier  ;  mais  les 
choses  tournèrent  au  rebours  des  espérances  qu'on  lui  avait 
données.  Le  pape  reçut  très-favorablement  Lambert  ;  il  fut 
attendri  jusqu'aux  larmes  du  récit  que  ce  bon  prêtre  lui  fit  de  la 
situation  de  l'église  de  Liège  et  des  persécutions  que  lui  avait 
occasionnées  son  zèle  :  il  le  combla  d'éloges,  lui  confirma  sa 
mission,  et  approuva  le  double  institut  religieux  qu'il  avait 
établi.  Gilles  d'Orval  dit  que  Lambert  mourut  en  s'en  retour- 
nant :  Qui  dum  regrederetur,  viam  universee  carnis  ingressus 
est.  L'auteur  de  la  Grande  Chronique  Belgique  assure  au  con- 
Ajiud  Pisto-  traire,  et  plus  vraisemblablement,  qu'il  revint  dans  sa  patrie,  y 

num,  t.  Il,  p.  fgppjj  ggg  fonctions,  et  que  ce  fut  alors  qu'il  construisit,  pour  les 
deux  communautés  qu'il  avait  fondées,  cette  église  de  Saint- 
Christophe,  dont  il  porta  depuis  le  surnom,  et  oîi  il  eut  sa  sépul- 
ture l'an  1177,  la  septième  année  de  l'épiscopat  de  Raoul  (1). 
La  Chronique  est  d'accord  sur  la  date  avec  Albéric  de  Trois- 
Fontaines  ;  mais  il  faut  qu'il  y  ait  erreur  dans  les  chiffres,  car 
l'année  1177  était  la  neuvième,  et  non  la  septième  année  de 
l'épiscopat  de  Raoul. 
Mir.  chron.       Aubert  Lcmiro  prétend  qu'on  doit    reculer  cet  événement 

Cul.  p.  203.  jusqu'au  mois  d'octobre  de  l'an  1187.  Ainsi,  selon  lui,  ce  fut 
sous  le  pape  Urbain  111,  qui  remplit  le  Saint-Siège  depuis  le 
25  novembre  1185  jusqu'au  l'J  octobre  1187,  et  non  sous 
Alexandre  m,  décédé  le  30  août  1181,  (}ue  Lambert  vint  à 
Rome,  retourna  dans  sa  patrie,  et  y  mourut.  Cette  opinion 
AEgid.  ihid.  est  un  peu  contredite  par  les  historiens,   qui   rapportent  que 

-  iiisi.  monaji.  Lambert,  au  moment  de  son  arrestation  dans  l'église  cathé- 

S-Laur.     Leoii     jj,g|j,    s'(3tait  écrié,  en  levant  les  yeux  vers  l'autel  de  Notre- 

l.       IV,       Amp!.  '  '  •' 

Coll.  col.  1093.    Dame  :  Hélas!  le  temps  n'est  pas  éloigné  où  les  pourceaux 
fouilleront  sous  cet  autel,  aujourd'hui  consacré  au  culte  des 
choses  saintes.  Ce  qui  arriva,  disent-ils,   après   l'incendie  qui  • 
consuma  tous  les  édifices  l'an  1183,   selon  les  uns,  l'an  1185, 
selon  les  autres.    L'arrestation  de  Lambert  et  son   voyage  à 


(1)  Papa  verb  intentionem  cjus  piam  videns,  et  in  carcerem  conjectum  esse  per 
inridiam,  eum  inpace  dimisit,  data  Ucentvl  pradicandi  :  qui  reversus  ecclesiam. 
S.  Ckrislopkori  rotislruxil,  ubi  et  sepulluram  accepit,  anno  prasulat&s  Radul- 
phi  VU,  anno  scilicet  salutis  MCLXXVII.  Apud  Pistor.  t.  II,  Hev,  GormaQ. 
p.  211,  edit.  Katisponse  1726, 


LAMBERT-LE-BÈGUE,  PRÊTRE  DE  LIÈGE.  405 
Rome  étaient  donc  antérieurs  à  ces  années  ;  mais  on  ne  peut 
guère  les  placer  plutôt,  si  l'on  fait  attention  que  ce  ne  fut  que 
l'an  1 1 88  que  le  pape  se  détermina  à  envoyer  un  légat  à  Liège 
pour  remédier  aux  désordres  du  clergé.  Il  n'est  pas  croyable 
que  les  papes  auraient  tardé  dix  ans  à  porter  remède  à  des 
maux  qui  étaient  à  leur  comble. 

Ce  légat  fut  le  cardinal  Henri,  évoque  d'Albano,  aupara- 
vant abbé  de  Clairvaux,  qui,  l'an  1188,  vint  à  Liège,  et  fit 
tant  par  ses  exhortations,  accompagnées  de  menaces,  qu'une 
grande  partie  des  clercs  vint  remettre  les  bénéfices  entre  ses 
mains.  Il  se  contenta,  par  indulgence,  de  les  faire  passer 
d'une  église  dans  une  autre  ;  mais  plusieurs  ne  se  croyant  pas 
encore  en  sûreté  de  conscience,  prirent  la  croix  de  ses  mains, 
et  se  consacrèrent  au  service  de  la  Terre-Sainte.  L'évêque 
Raoul  fut  lui-môme  du  nombre  ;  il  partit  l'an  1 1 89  avec  l'em- 
pereur Frédéric,  et  mourut  en  retournant  dans  son  diocèse. 
Il  y  a  toute  apparence  que  Lambert  l'avait  précédé  au  tom- 
beau. 


XJI  SIECLE. 


Alberic.  ad 
1188. 


SES   ÉCRITS. 


Alberic    ad. 
1177. 


Tous  les  bibliographes  anciens  et  modernes  semblent  s'être 
accordés  à  supprimer  dans  leurs  catalogues  le  nom  de  Lam- 
bert-le-Bégue.  Il  méritait  toutefois  d'y  avoir  place,  autant  pour 
le  moins  que  beaucoup  d'autres,  par  un  assez  bon  nombre 
d'écrits  sortis  de  sa  plume.  Gilles  d'Orval  atteste  qu'il  s'oc- 
cupa dans  sa  prison  à  traduire  en  langue  vulgaire  les  Actes 
des  Apôtres.  Le  moine  Alberic,  outre  cette  traduction,  lui 
attribue  encore  celles  de  plusieurs  vies  de  saints,  un  ouvrage 
intitulé  Antigraphum,  une  table  ou  calendrier  qu'on  nom- 
mait la  Table  de  Lambert,  et  beaucoup  d'autres  livres  (1). 
Nous  ne  pouvons  garantir  l'existence  d'aucun  de  ces  ou- 
vrages, et  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  le  temps  les  a 
tous  consumés.  L'abbé  Lebeuf,  ce  critique  de  nos  jours  si 
fécond  en  conjectures  ,  présume  néanmoins  qu'on  pourrait  '"scr.  t.  xvii, 
mettre  sur  le  compte  de  notre  auteur  une  ancienne  traduc-  **■ 


Academ.   des 


(1)  Magister  Lamherttu  Leoiiensis  de  tancto  Ckristophoro  obiit,  nova  religio- 
nis  q%œ  fercet  in.  Leoiio  et  circa  partes  illat  ferveniissimns  prœdicator.  Iste 
Antigraphum  scripsit,  et  tabulant  qum  Lamberti  intitulatur,  edidit  ;  sed  et  multos 
libros,  et  maxime  vitas  sanctorum  et  Acttu  Apostolorvm,  de  latino  ver  lit  in  ro- 
manim.  Âlbericus  ad  an.  1 177. 
2  8 


406         LAMBERT-LE- BKGUE,   PRÊTRE  DE   LIÈGE 

-MI  SIECLE,  'ion  de  la  vie  de  sainte  Balliilde,  traduction  faite  sur  un  original 
latin  du  Vil"  siècle,  conservée  en  manuscrit  à  la  l)il)liothèque 
de  la  Sorbonne.  Le  langage  elleclivenient  convient  assez  au 
temps  de  Lambert  et  aux.  idiotismes  du  [)ays.  Mais  n'y  a-l-il 
eu  que  Lambert,  parmi  ses  contempurains  Flamands,  qui  se  soit 
adonné  à  ce  genre  de  travail '!*  Ouui  qu  il  en  soit,  voici  les  deux, 
échantillons  de  celte  traduction,  tels  que  M.  Lebeuf  les  a 
donnés. 

«  Beneois  soit  nostres  Sires,  qui  vouli  oit  que  cascuus  liom  fust 
sauf,  et  que  cascuns  venisl  à  la  connoissanche  de  la  vérité.  Sous 
nons  doit  estre  gloreliés  en  toutes  coses.  Car  il  fait  des  petits 
grans,  et  des  fous  saiges,  et  des  [)oures  riches,  si  comme  nous 
veons  qu  il  est  aempli  en  ceste  glorieuse  reine  inedame  saincle 
Balthalt  :  de  la  cui  vie  nous  volons  en  peu  parler  à  1  onnor  et  à 
la  gloire  Noslre  Seigneur. 

«  Cheste  dame  fu  née  de  Sessoigne  et  extraite  de  royale 
lignée,  et  fu  en  sa  joncce  ravie  des  mescreans ,  et  fu  par  la 
j)roveauche  Nostre  Seigneur  amenée  en  cest  pais,  et  vendue  à  un 
hom  qui  avoit  nom  Enlicnual-K,  et  esloil  à  chesl  tans  ujarechaux 
de  Trance    » 

U'i'iioih.  Rcg.  A  l'égard  de  \'  Anligrcqihum ,  (juAlbiiric  attribue  à  Lamberl- 
loilc»,  0785.  le-Bègue,  nous  avons  découvert,  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  un 
manuscrit  ipii  porle  ce  lilie,  mai.-  nuii  le  nom  de  Lambert. 
Au  reste,  il  pail  de  lu  main  d  un  liumiiie  (pii  se  désigne  par 
la  lellrt;  J',  vX  (pu  dans  le  coi|)s  de  louvrage,  est  appelé 
Pierre,  luais  ijui  est  dans  les  mêmes  principes  ([ue  Lamixîrl, 
relativement  au  clergé  de  Liège,  non  mcjins  véhément  ni 
moins  /cK'  que  lui,  cl  p(!ul-è|re  plus  c'lo(pient,  s'il  est  vrai, 
comme  le  dil  (iillcs  dOrval,  que  Lambert  était  peu  lettré. 
L  ouvrage  a  pour  tilii- A';i^i^rrt;;/ai/n  PeZ>7.  (iesl  une  réponse 
à  la  leltre  d  un  nommé  Lambert,  [Hêtre  ou  curé  de  Teux, 
de  Tcctis,  pies  de  l'ranchimonl  ,  au  diocè.se  de  Liège.  Ce 
cuiè  viiNanl  le  pttuple  soulevé  par  les  |)rèdicalions  de  Pierre, 
lui  eitiil  |i(jur  1  a\erlii  du  danger  aui|iiel  il  expose  son  salut  et 
(clui  des  personnes  (|ui  lècoulent.  (>e  sont  des  reproches 
(jue  iiienlail  plus  que  tout  autre  Lambert-le -Bègue.  Pouniuoi 
-oiit-il.i  adressés  au  |trètre  Pierre?  Est-ce  cpie  Lambert,  en 
bulle  à  ses  (îniiemis,  aurait  [iris  ce  nom-là  pour  se  déguiser? 
ou  bien  ce  Pierre  ètail-il  un  de  ses  parli.sans  qui  aurait  pris 
sa  défense?  Sans  décider  celte  question,  et  pour  donner  une 
idée  de  l'ouvrage,  (jui  na  pas  encore  vu  le  jour,  nous  tra- 
duirons  en   français    la   lellrc  du   curé  de    Teux  ,  à    laquelle 


LAMBERT-LE-BÈGUE,   PRÊTRE  DE  LIÈGE.         407 
l'Aniigraphum  sert  de  réponse,  et  ensuite  le  début  de  l'ou-     xii  sikixk 
vrage. 

«  A  son  très-cher  frère  et  ami  P.,  à  qui  fr.  L.  souhaite  la 
persévérance  dans  la  vraie  et  fraternelle  dilection  Quoique 
nous  soyons  de  senlimcns  contraires  sur  divers  points,  ce- 
pendant cetle  dilTérence  'd'opinions  ne  doit  pas,  à  mon  avis, 
altérer  en  nous  l'union  des  cœurs  et  la  charité  fraternelle. 
Parce  que  je  n'approuve  point  le  zèle  qui  vous  porte  à  dé- 
clarer une  guerre  ouvcric  aux  pri'-tres  et  à  condamner  hau- 
tement leur  conduite,  vous  prétendez  que  je  me  trompe,  et 
que  je  prends  on  main  la  défense  de  leurs  égaremens.  Mais, 
pour  vous  répondre  en  peu  de  mois,  je  pense  que  vous  fe- 
riez beaucoup  mieux  d  inviter  les  peuples,  suivant  le  salutaire 
précepte  de  la  vérité  même,  à  rendre  à  leurs  pasteurs  l'obéis- 
sance qu'ils  leur  doivent  :  car  il  est  évident  que  cette  vérité 
nous  recommande,  dans  l'Évangile,  une  extrême  déférence 
envers  ces  mêmes  jiersonnes,  contre  lesquelles  vous  vous 
élevez.  Obsercez,  dil-oWo,  et  /ai/es  ce  qu'ils  vous  disent,  mais  Matt.  xxm,  :>. 
ne  faites  pas  ce  qu'ils  font.  I.(i  souverain  maître  condamne 
aussi,  par  la  bouche  de  son  prophète,  Ma  témérité  de  vos 
censures,  lorscju'il  dit  :  Gardez-vous  bien  de  toucher  à  mes  c.  av.  i:;. 
oints,  et  de  faire  du  mal  à  mes  prophctes.  Ht  l'apôtre  .  (iui  '  '''"'■  '^■ 
êles-vous  pour  vous  ctablir  le  juge  des  autres?  De  même: 
Qu'arez-vous  que  vous  n'ayez  reçu  ?  Et  si  vous  l'avez  reçu, 
pourquoi  vous  en  glorifiez-vous,  comme  si  vous  ne  l'aviez  pas 
reçu?  Et  encore  :  Si  quelqu'un  est  tombe  par  fragilitr  dans 
quelque  péché,  vous  autres,  qui  cf.es  spirituels,  ayez  soin  de 
le  relever  dans  un  esprit  de  douceur,  chacun  de  vous  faisant 
réflexion  sur  soi-même,  et  craignant  d'être  tenté  toid  comme 
lui.  Ces  témoignages,  et  d'autres  semblables,  tant  de  notre 
Sauveur  (|uc  des  .saints  Pères,  renferment  la  condamnation 
manifesie  de  cetle  rigueur  indiscrète  f|ui  caractérise  votre 
nouvelle  façon  de  penser,  et  celle  de  tous  ceux  qui  sont  dans 
la  même  erreur  que  vou.s.  Voilà  quelle  est  la  croyance  de 
l'égli.sc  et  de  tous  les  hommes  spirituels.  En  suivant  de  tels 
guides  avec  une  docile  simplicité,  je  ne  crains  point  de  me 
tromper,  ni  de  donner  les  mains  à  ceux  qui  .se  trompent. 
Quand  un  ange  du  ciel  me  dirait  le  contraire,  je  ne  le  croi- 
rais point  :  car,  ne  serait-ce  pas  (m  moi  le  comble  de  la  pré- 
somption que  d'oser  juger  mon  frère  spirituel,  un  prêtre 
distingué,  un  excellent  ministre  du  grand  Roi,  flétrir  ses 
mœurs,     et    détourner    les    ouailles   confiées   à  ses    soins   de 


li.mi.   XIV,     4. 


C.l.    VI.     1. 


408         LAMBERT-LE-BÈGUE,   PRÊTRE    DE  LIÈGE. 
XII  SIECLE,      l'obéissance  qu'elles  lui  doivent  ;   d'oser,  dis-je,  faire  de  tels 

'  acles  d'hostilité   contre    lui,   tandis   qu'il    garde    paisiblement 

son  rang,  et  que  je  le  vois  exerçant  ses  fonctions  sans  en  être 
repris  par  ses  supérieurs?  Loin  de  moi,  par  la  grâce  du  Sei- 
gneur, loin  de  tous  les  fidèles  une  erreur  si  pernicieuse  ;  parce 
Ps.  txxi,  !)  que  ceux  qui  l'adoptent  ouvrent  leur  bouche  contre  le  ciel,  et 
que  leur  langue  n'épargne  personne  sur  la  terre.  Comment 
se  peut-il  faire,  en  effet,  qu'avec  tant  de  hauteur  et  d'él  i- 
gnement  de  la  façon  de  penser  des  humbles,  on  soit  exempt 
de  quelque  enflure  subtile  de  l'orgueil  et  de  cet  amour  exé- 
crable de  sa  propre  excellence?  Il  ne  m'appartient  pas,  mon 
très-cher  frère,  d'avertir  un  homme  prudent  comme  vous  du 
danger  auquel  il  s'expose  avec  de  semblables  dispositions  ; 
vous  savez  que  le  pharisien  attira  sa  condamnation  par  son 
orgueil,  et  que  le  publicain,  qu'il  condamnait,  mérita,  par 
sa   pénitence,    d'être  justifié.   Personne  n'ignore  la   raison    de 

Pi.  cxxxvil,  0.  cette  différence  :  c'est  que  le  Seigneur  est  grand,  qu'il  consi- 
dère de  près  les  humbles,  et  qu'il  regarde  de  loin  les  superbes. 
Si  donc  en  toutes  ces  choses  vous  n'avez  point  péché,  Dieu 
et  votre  conscience  le  savent.  Cependant  l'amitié  singulière 
et  sincère  que  je  vous  porte,  et  que  je  vous  dois,  m'engage 
à  vous  conseiller  de  faire  en  sorte  que  l'excellente  vertu 
d'humilité  préside  à  toutes  vos  pensées,  et  rende  le  fond  de 
votre  ame  agréable  à  celui  dont  l'œil  pénètre  dans  la  v'us 
épaisse  obscurité.  Que  s'il  vous  est  arrivé  d'avancer  des  maxmes 
qu'il  n'est  ni  nécessaire  ni  avantageux  de  suivre,  ayez  l'hum- 
ble et  sage  générosité  d'y  renoncer  ;  car  nous  sommes  témoins 
que  les  traits  par  vous  lancés  contre  les  prêtres  ont  été  l'oc- 
casion d'une  grande  erreur  parmi  le  peuple  ;  que  la  plupart 
des  fidèles  sont  tombés  par-là  dans  un  danger  éminent  de 
leur  salut,  en  ce  que,  après  avoir  secoué  le  joug  de  l'obéis- 
sance légitime  envers  leurs  pasteurs,  sous  la  conduite  desquels 
ils  pouvaient  se  sauver,  ils  n'ont  plus  de  guides  qui  leur 
montrent  la  voie  du  salut.  Mais  ce  n'est  pas  assez  dire  que 
cette  disposition  les  rend  coupables,  ajoutons  quelle  leur 
attire  la  malédiction  de  Cham,  ce  fils  de  Noe,  qui  osa  dé- 
couvrir la  nudité  de  son  père  :  car  en  s'ingérant  sur  vos 
traces,  et  d'après  vos  enseignemens,  de  juger  leurs  pères 
spirituels  pour  quelques  actions  à  la  vérité  illicites,  ils  pro- 
voquent manifestement  contre  eux  la  colère  divine,  à  l'exemple 
de  ce  fils  dénaturé.  Je  souhaite  ardemment  que  votre  con- 
science, purifiée  et  sans  tache,   vous  mette  à  l'abri  d'-.  n   tel 


LAMBERT-LE-BEGUE,  PRÊTRE  DE  LIÈGE  409 

malheur.  Ne   me  récrivez   point ,  mais  venez   vous-même  nie      xii  siècle. 
trouver.  » 

VAntigraphum  Pétri  n'est  autre  chose  que  la  réponse  à  cette 
lettre  ,  divisée  en  quatre  livres ,  dans  laquelle  l'auteur  reprend 
chacun  des  membres  qui  la  composent  ])Our  les  réfuter.  Cette 
réponse  est  vigoureuse ,  et  bien  nourrie  de  passages  de  l'Ecri- 
lure-sainte  :  nous  n'en  donnerons  que  la  préface ,  qui  est  assez 
courte.  En  voici  la  traduction  : 

«  Tandis  que,  d'une  part,  je  me  rappelle  avec  joie  qu'au- 
trefois Jésus-Clirist ,  la  sagesse  de  Dieu,  enseigna  par  une 
miséricorde  inetTable  la  voie  de  la  vie  aux  hommes  ,  et  que  , 
de  l'autre  ,  je  vois  ,  non  sans  gémir,  une  foule  de  faux  prêtres 
appliqués  ,  les  uns  à  obscurcir  celte  voie  ,  les  autres  à  faire  de 
leur  ministère  un  commerce  d'avarice ,  je  sens  que  nous 
sommes  venus  au  temps  marqué  par  ces  funestes  prédictions  : 
Alors  le  soleil  sera  changé  en  ténèbt^es  et  la  lune  en  sang.  Et  jod,  ii,  31. 
ailleurs  :  Les  prêtres  n'ont  point  dit:  Oh  est  le  Seigneur?  e^  jcrem.  II.  8. 
ceux  qui  avaient  e^i  main  la  loi  ne  m'ont  point  connu.  Et  en-  ..  ^g 
core  :  Alors  ceux  qui  appellent  ce  peuple  heureux  se  trou- 
veront être  des  séducteurs  ,  et  ceux  qu'on  flatte  de  ce  bonheur 
se  trouveront  avoir  été  conduits  dans  le  précipice.  Considérant 
d'ailleurs  que  peu  de  personnes  aperçoivent  ces  maux ,  et 
que  beaucoup  moins  encore  en  sont  touchés ,  il  m'est  souvent 
arrivé  de  répéter  en  soupirant  ces  paroles  du  psalmiste  :  .Tai  Ps.  cxviii,  158. 
vu  les  prévaricateu7^s,  et  je  séchais  de  doideur,  parce  qu'ils 
n'ont  pas  gardé  vos  commandemens.  Troublé  de  plus  en 
plus  par  ces  tristes  réflexions  ,  j  attendais  quelque  consolation 
de  celui  qui  voit  la  peine  et  l'affliction.  Mon  attente  n'a  pas 
été  frustrée  ;  car  tel  est  l'effet  des  larmes  que  la  véhémence 
de  la  douleur  excite  :  arrêtées  par  quelque  obstacle,  elles 
ajoutent  poids  sur  poids  ;  libres  dans  leur  cours  et  répandues 
avec  abondance ,  elles  épuisent  la  douleur  en  la  rassasiant , 
et  par-là  procurent  un  grand  soulagement  à  notre  ame.  C'est 
aussi  ce  que  j'ai  moi-même  éprouvé.  La  vue  de  ce  mal  uni- 
versel, que  je  déplore,  m'affligeait  d  autant  plus  que  je  ne 
trouvais  aucune  occasion  de  faire  éclater  ma  douleur.  Dans 
cet  abattement  ,  la  divine  Providence  ,  et  non  le  caprice 
aveugle  du  hasard,  ma  fait  tomber  entre  les  mains  une  lettre 
qui  m'était  adressée  comme  par  un  de  mes  amis.  Alors  j'ai 
commencé  de  respirer  à  la  faveur  de  l'ouvrage  que  j'ai  cru 
devoir  opposer  à  cette  lettre  ,  sous  le  titre  d'Antigraphum 
Pétri  ;  ouvrage  dans  lequel ,  après  l'avoir  représentée  toute 
Tome  XIV.  Fff 

2  8    • 


Pi.   LU,  G. 


410  ANON.  AUT.  DES  ACT.  DES  ÉV.  DU  MANS. 

entière  ,  je  la  reprends  en  détail  ,  cl  la  réfute  pied  à  pied.  » 
Suit  immédiatement  la  lettre  de  Lambert  ;  après  quoi  vient 
le  corps  de  la  réponse  ,  avec  celle  salutation  en  lète  ,  qui  an- 
nonce l'esprit  dans  lequel  elle  est  conçue  :  Lamberlo  près- 
bylero  de  Tectis  P.  Deo  et  non  hominibus  placere ,  quoniam 
dissipavit  Deus  ossa  eoiton  qui  kominibiis  placent,  etc. 

II. 


ANONYMliS 


A  U  T  K  I!  E  s      DES      A  C  T  F.  S     T)  K  S      K  V  K  Q  V  K  S      DU      M  A  N  S, 


iiisi.  Liiicr.  w»0MRivct,en  rendant  compte  de  la  première  partie  de  ces 
t.  V.  |).  iu  —  Uacles ,  a  fort  bien  dislini;ué  les  ditrérens  auteurs  qui  y  ont 
travaillé  successivement.  Il  fixe  au  IX*^  siècle  celui  qui  re- 
cueillit les  actes  des  premiers  évêcpies  depuis  saint  Julien 
jusqu  à  la  mort  d'Aldric ,  arrivée  vers  l'an  Siij.  Il  pense 
qu'on  ne  songea  à  continuer  ce  corps  d'hisloire  si  intéres- 
sant (|ue  vers  le  milieu  du  XI|c  siècle,  sous  l'épiscopal  de 
Gui  d  Êlampes ,  décédé  lan  M3G.  L'ouvrage  de  cet  anonyme 
remonlail  jiis(|ua  lépinopat  de  saint  Innocent  au  V"^  siècle; 
mais  I).  Mabillon  ne  l'a  imprimé  que  ile[)uis  saint  Aldric.  Il 
contient  l'iiisluire  de  treize  é\è(pies,  succes.<eurs  d  Aldric,  à 
l;u]U(lie  un  troi^ième  anonyme  a  ajouté  les  vies  de  Hugues  de 
Sainl-t^alais  il  de  (iuiliannie  de  Passavant,  décédé  l'an  1187. 
("est  de  ct\s  deux  anon\  mes  (|ue  nous  allons  rendre  complc  dans 
cet  article. 

On  se  lrom|>erail  si  on  regardait  ces  deux  morceaux 
comme  unci  liisloire  purement  ecclésiasiique ,  ou  il  ne  serait 
queslion  «pie  du  gouvernement  d'un  diocèse.  Les  auteurs,  el 
sur-tout  le  premier,  y  ont  fait  enlrer  (juanlilé  de  traits  con- 
cernant riiisloir(>  ]iubli(pi(;  ,  el  particuliérenienl  celle  d  An- 
jou, du  .Maine  ,  cl  de  la  Touraine.  Ils  a\aienl  à  décrire  les 
acies  d'un  grand  nombre  d  évèques  du  plus  giand  mérite  , 
tels  qu'Avesguud  de  llcliinie  ,  Gervais  de  Cliâlcau-du-Loir, 
Arnaud  ,    llcël  ,    ilildd.irl  ,    elc.    f|ui    ont    illustré  ce  siège 


ANON.  AUT.  DES  ACT.  DES  EV.  DU  MANS.  41 1 

dans  un  temps  ou  la  province  du  Maine  changeait  souvent  xii  sikclu. 
de  maître  ,  et  où  il  était  difficile  de  concilier  les  intérêts 
d'une  foule  de  prélendans.  Tantôt  c'étaient  les  comtes  d'An- 
jou qui  s'en  emparaient  au  préjudice  de  la  maison  d'Est, 
qui  descendait  par  les  femmes  des  anciens  comtes  du  Maine  ; 
tantôt  c'étaient  les  ducs  do  Normandie,  devenus  rois  d'An- 
gleterre, qui,  à  la  faveur  d'un  mariage  projeté  entre  l'unique 
héritière  du  dernier  comte  Elerbert  II,  et  Robert  fils  aîné  de 
Guillaume-le  Conquérant,  s'en  étaient  rendus  maîtres  mal- 
gré laversion  dos  Manseaux  pour  la  domination  normande. 
Que  d'événcmens  à  décrire  dans  cet  intervalle  de  temps  ? 
Quels  embarras  pour  des  prélats  qu'on  rendait  responsables 
des  soulèvemens  de  la  multitude,  lorsqu'elle  ciicrchait  à  se- 
couer le  joug  :•  Cet  état  violent  ne  cessa  que  lorsque  la  mai- 
son d'Anjou  monta  elle-même  sur  le  trône  d'Angleterre 
l'an  1154. 

Tel  est  l'intérêt  que  présente  l'ouvrage  qui  nous  occupe. 
Nous  ne  pouvons  indi(iuer  qu'en  général  tous  ces  objets  ; 
mais  nous  ne  devons  pas  passer  sous  silence  quelques  traits 
relatifs  à  l'histoire  littéraire  que  ces  écrivains  nous  four- 
nissent. 

Le    premier  nous  fait  connaître    plusieurs    hommes  de   let- 
tres qui,   sans  avoir  laissé   des   écrits    api^ès    eux,  rendirent 
néanmoins  des   services  importans  à   la   science    par   l'ensei- 
gnement dans   les  écoles.   De    ce   nombre  est  un  Robert,  sur-  Gpsi»  poni. 
nommé   le  grammairien,    (iin    fut   écolàtre   de   l'église    calhé-  '^«""'"n:'"-     "p- 

53, 

drale    vers    le  milieu  du  XI''    siècle,   et  eut  pour  successeurs 

dans  cet   emploi,  eiilre  aulres  de    ses    élèves,     Arnaud,   son 

neveu ,    homme     très-inslruit  ,     admoduni   eruditus,    qui    fui 

élu    évêque   du    Mans  l'an    1()()7.    Celui-ci  eut    |)Our    disciple        /^jj  „     5^ 

IIoCl,  qui    lui    succéda  aassi  dans  !  épis(0[)at    I  an  1(»<S4.    lloël 

confia  le   soin  de    lécole   au  célèbre    llil(lebi;rt,    (|ui   fut    son 

successeur    immédiat,  et    lun   des   plus   savans  prélats  de  son 

temps. 

Nous  ne  reviendrons  pas   sur   révètiiic    lliidebeil,    (lui   a   eu         „       ... 

'  ■  '       i  Uisl.     Liltcr. 

son  article    dans  c.'lle  liisioire,    et    sur  l(n[uel    noirt;    historien    1.  xi,  p  250  — 

s'étend   bcaucciup  ;    mais   il   faut   dire   (pielque    chose    de    son   '''- 

successeur  dans  re\ relié  du   Mans,  (jui   d'Elam|)('s,   (jue   Ihis- 

lorien   nous   représente    comme  un  savant  distingué,   quoique 

nous   ne   connaissions  de  lui  aucun  ouvrage.    Il    fut   disciple 

d'Hildebert    et  de  saint  Anselme  avant    que   celui-ci    montât        g^^,,      ^j^ 

sur  le  siège  de  Canlorbéri.    llddeberl,  à  la  demande  de  Roger,   caji.  3ti. 


412  ANON.  AUT.  DES  ACT.  DES  ÉV.  DU  IMANS. 

XII  SIECLE,  évêque  de  Salisburi  (I),  l'envoya  en  Angleterre  pour  diriger 
l'écolede  celte  église.  De  là  il  passa  à  Rouen,  oîi  il  fut  fait  cha- 
noine et  archidiacre.  11  se  Usa  ensuite  au  Mans,  oîi  il  exerça 
les  fonctions  decolàtre  sous  Ilildeberl,  son  premier  maître,  et 
rendit  cette  école  si  florissante,  (juclle  attirait  des  élèves  de 
l'Angleterre,  de  la  Normandie,  et  de  prcscjue  tous  les  endroits 
de  la  France  :  Cenonmnnis  Tplane  confluebant,  disciplinam  Gid- 
donis  atque  contubeynium  quasi  cœleste  scientes  oraculum. 
On  conçoit  qu'un  homme  de  ce  mérite,  devenu  prélat,  dut  favo- 
riser au  Mans  les  bennes  éludes. 

/éid.  ca|i.  56.  Un  autre  savant,  sorti  de  celle  école,  dont  il  est  parlé  dans 
celte  histoire,  fut  Guillaume  tfc  iiitWs;  mais  celui-ci  alla  por- 
ter la  science  dan.s  la  Palestine.  Il  revint  au  Mans  vers  l'an 
1128,  chargé  d'une  légation  auprès  de  Foulques-le-Roux, 
comte  d'Anjou,  delà  part  du  patriarche  et  du  roi  de  Jérusalem, 
qui  lui  déféraient  la  couronne  à  condition  qu'il  épouserait  la 
lillc  unique  du  roi  :  négociation  qui  réussit  au  gré  de  tout  le 
monde 

ihii.  rap.  57.  Dcs  dcux.  succcsseurs  de  révè([ue  Gui,  Hugues  de  Saint 
Calais  avait  une  connaissance  |)arliculière  des  lois  ecclésias- 
ti(pies  et  civiles  .  In  causis  tani  ecdesiaslicis  quùm  seculari- 
àus  dux    et  lampas   veritatis,    dit     notre    second    anonyme. 

ibii.  cap.  58.  Guillaume  de  Passavant  avait  du  goût  pour  la  poésie,  et  im- 
provisait fort  ingénieusement  dans  les  occasions.  Son  Histo- 
rien rapporte  de  lui  (puîhpies  vers,  un  entre  autres  plein  de 
sens,  (pi'il  (il  pendant  sa  dernière  maladie,  à  l'occasion  de  ses 
domesti(iues,  qu  il  voyait  plus  empressés  à  lui  demander  des 
récompenses  (ju'ii  le  servir. 

Nec  deftiéiclns  hnbcl,  uec  qui  loca  mnlal,  amicoa. 

Les  actes  des  évèques  du  Mans  ont  été  mis  au  jour  par  D.  Ma- 
bilion,  dans  ses  Ajiaiet'^a,  au  tome  111,  page  4G-397,  de  Tédi- 
lion  in  8",  cl  pages  23S-338  de  l'édition  in-folio.  Lescontinua- 
UHirs  du  Rcc.  d(!s  historiens  de  France  en  ont  donné  des  extraits 
au  lomeXI,  page  l3o  ;  tome  Xll,  p    iJ39-o57. 

B. 


(1)  Voici  la  lettre  d'HiMebert  i-apportée  par  l'historien  :  OMidonem  fra- 
trem  Jiliumquc  noslruni  eo  non  dcbeo  defraudare  leslimonio,  quhd  non  mxKut 
rit'l  qv,àm  lilteraturâ  promcruil.  l/nus  ex  nostrii  eccUsià  excepliu  est,  eut  ad 
fmr.lum  scieiilia,  ad  exeraplum  mores  exubérant  :  unus  ille  libi  pro  ntullis, 
quoniam  in  illo  uno  mullox  magislros  inrenies.  Porro  diutumior  ej'tu  apvd  te 
concersatiopauca  ne  super  eo  scripsisse  conclamaM. 


413 


XII  SIECLE. 


ANONYMES, 

Auteurs  b'IIisioiues   kt  CiiiiONiquES   d'Auxerre. 


C'ÉTOiT  à  Auxerre,  comme  dans  beaucoup  d'autres  églises 
de  France,  un  usa^'e  fort  louable,  qui  a  duré  pendant  plu- 
sieurs siècles,  de  mettre  par  écrit,  aussitôt  après  la  mort  de 
chaque  évoque ,  leurs  principaux  gestes  pour  transmettre  à 
la  postérité  le  bien  ou  le  mal  qu'ils  avaient  opéré,  et  perpé- 
tuer ainsi  leur  mémoire.  C'est  ce  qu'atteste  un  écrivain  du  Lai,ijc,  Bi  i. 
XI"  siècle,  qui  lui-même  fut  chargé  de  remplir  ce  devoir  mss.  t.  i,  p.  i54. 
après  la  mort  de  lévèquo  Robert  de  Nevers,  décédé  l'an  109i). 
De  la  réunion  de  toutes  ces  vies  particulières  est  résulté  un 
corps  dhistoire  fort  intéressant,  et  qui  mérite  d'autant  plus 
de  confiance,  (ju'il  est  louviage  d'autant,  pour  ainsi  dire  , 
d'auteurs  contemporains  qu'elle  contient  d'articles,  mais  qui 
tous  n'avaient  pas  le  môme  talent  d'écrire,  ni  un  égal  discer- 
nement pour  recueillir  les  faits  vraiment  inléressans  de  leur 
vie  et  de  leur  gouvtTuemenl.  On  ne  trouve,  dans  la  plupart 
de  ces  vies,  que  les  donations  faites  aux  églises,  et  sur-tout 
à  la  cathédrale  d'Auxerre,  par  ces  prélats,  soit  pour  la  déco- 
ration du  temple,  soit  pour  l'entretien  de  ses  ministres.  Cepen- 
dant il  y  a  encore  à  profiler  pour  l'histoire,  dans  ces  minutieux 
détails  :  on  peut  y  voir  quel  était,  aux  différentes  époques,  l'état 
des  beaux-arts  en  France,  et  en  quoi  consistait  le  luxe  des  édi- 
fices et  des  ameublemens. 

Ce  serait  un  travail  plus  long  que  ne  comporte  la  tâche  dont 
nous  sommes  chargés,  de  satisfaire  sur  tous  ces  objets  la  curio- 
sité des  lecteurs  ;  il  nous  sudit  de  les  avoir  indiqués  :  mais  nous 
ne  devons  pas  omettre  de  dire  quelque  chose  des  auteurs  connus 
ou  anonymes  qui  ont  contribué  à  cet  ouvrage. 

Les  premiers  évèques  de  cette  église  ,  presque  tous  émi- 
nens  en  sainteté  ou  couronnés  du  martyre,  avaient  eu  leurs 
bioi'raphes  ou  panégyristes,  dont  les  écrits  remplissent  l'im- 
mense collection  des  Bollandistes,  et  ont  fourni  des  maté- 
riaux à  tous  nos  agiographes  modernes  ;  on  a  les  actes  de 
saint  Pérégrin  ,  de  saint  Amateur  ,  de  saint  Germain  ,  de 
saint  Auaaire,  et  autres.   Ce  ne  fut   qu'au   IX°  siècle  qu'on 


4U  ANON.  AUT  DHIST.  ET  CHRON.  D'AUX. 

xri  SIECLE,     entreprit  de  réunir  dans  un  corps  d  histoire  tous    les   docu- 
mens  qu'on  put  recueillir  relativement   aux  évêques  honorés 

iiiid.  p.  43i.  du  titre  de  saint  et  à  ceux,  qui  ne  l'étaient  pas.  L'évêquc 
■Wala,  qui  mourut  l'an  879,  conçut  ce  dessein,  et  en  confia 
l'exécution  à  doux  chanoines  de  son  église,  nommés  Raino- 
gala  et  Alagus,  sous  la  diroclion  du  moine  Heric,  (|ui  élùit 
alors  en  grande  réputation  dans  labbayc  ilc  Saint-Germain 
d'Auxerrc,  dont  il  dirigeait  les  écoles  Depuis  cette  épofjue, 
l'usage  de  rédiger  par  écrit  les  gestes  des  évè(iues  aussitôt 
après  leur  décès,  sest  maintenu,  comme  nous  l'avons  dit, 
dans  l'église  d'Auxerrc,  et  a  produit  celte  suite  non  inter- 
rompue de  notices  ,  dont  les  autours  pour  la  plupart  sont 
inconnus.  Celles  des  cvèciues  Goufroi  do  Champaleman  ot 
de  son  successeur  Robert  de  iNevers,  mort  en  lOîi.i,  sont  at- 
tribuées ,  non  sans  fondement  ,  à  un  certain  Frodon  ,  tpii  , 
ii'si.  Liiu'r.  ;,  raison  de  cet  écrit,  a  eu  .son  article  dans  celle  histoire. 
527  '  ''  '  ~  Celle  de  Guillaume  de  Touci,  ([ui  a  gouverné  l'égliso  d  .\ux(!rre 
depuis  Tannée  1167  jiiscpi'en  1181,  a  ou  pour  auteur,  à  ce 
qu'on  croit,  le  chanoine  Fromond,  et  c'est  à  son  occasion  (jue 
nous  avons  cru  devoir  dire  un  mot  des  anonymes  qui  lont 
précédé. 

Fromond,  ou  l'anonyme  ([ui  a  écrit  la  vie  de  Guillaume 
de  Touci,  est  celui  de  Ions  los  an.)nymos  du  XIT  siècle  qui  a 
le  mieux  rempli  h;  devoir  d  hi-,l(irion  ;  son  écrit  est  |)lus 
nourri  de  faits  ou  d'anecdolos  qui  micressent  autant  Ihisluire 
civile  (^t  polili(|ue  que  Ihistoin;  oi  ilisiaslique.  On  y  voit  les 
alFaires  conlentuîuses  tpic  lévôque  (imliaume  eut  à  démêler, 
soit  avec  les  comtes  de  Nevers,  (pii  lélaient  aussi  d'Auxerrc , 
au  sujet  d(is  droits  syigneuriaux  dans  la  même  ville,  soit  avec 
le  roi  l,ouis-lo-Jeuno,  qui  voiilail  ('lablir  à  Auxerre  une  com- 
mune, comme  lui  ou  ses  prèilecessonrs  en  avaicMit  établi  dans 
plusieurs  autres  villes  l'-piscopales.  Lauleur  nous  donne  une 
idée  fort  juslo  de  la  p  ililique  de  ce  prine(î,  lorsquil  dit  que 
Lablic.  ii'i.1.  Louis  regardait  comme  à  lui  apparleiianl  louti^s  les  villes  dans 
les(|uelles  sélablissaieiil  des  eoniiminos  ,  et  (pi'il  regardait 
comme  ennemi  de  sa  couronne  ([UKuncpie  s'opposait  à  leur 
établissement  (I) 


(I)  /lent  romes  de  nssensu.  r^'iin  roriiriiHiiiau  .iiitissiodori  d';  nom  ituti- 
turre  Toiuil  :  fui  ifrm  pnrsuniplioni  prifsul  iHSijnis  se  conJidenUr  npponens. 
super  hoc  in  régi''  curii  rauxani  rci/il'titd'i'ii  SHSicpil,  hdh  tamcn  ahsijne 
pericul)   et  e.rnc'nv,rn,i  ,i"it"i'l''-    Fii''-  f-c  -(   malcculcHli(X"i  il/tus    pitsstm 


iiiC. 


S20. 


ANON.  AUT.  DlliST   ET  CHRON.  D'AUX.  41 ÎJ 

Le  P.  Lal)l)C  a  pultlié  ces  actes,  qui  sont  divisés  en  deux  par- 
ties: la  première  conlioiit  les  gestes  des  évêques  depuis  saint 
Pérégrin  jusqu'à  l'année  1277;  la  seconde  n'est  que  l'extrait 
d  un  manuscrit  d'Alexandre  Pétau,  qui  a  passé  depuis  dans  la 
Ijihliolhèqne  du  Vatican  avec  les  manuscrits  de  la  reine 
Christine  de  Suède.  Ces  extraits  s'étendent  depuis  l'an  1277 
jusqu'en  13G2,  et  on  y  a  ajouté  les  vies  des  deux  François 
de  Dinteville.  et  d(>  Jacques  \miot,  dont  les  auteurs  sont  con- 
nus. Les  continuateurs  du  Reciuil  des  liisloriens  de  France  ont 
donné  (juelques  extraits  de  ces  actes  aux  tome  IX,  page  132; 
tome  X,  page  170;  tome  XI,  page  113;  tome  XII,  pages 
3U0-30O. 

II.  Le  même  P.  Lalihe  a  aussi  publié  le  livre  des  miracles 
de  saint  Geniiaiu  il.Anxerre,  composé  au  IX''  siècle  par  le  moine 
Heric.  Les  continuateurs  de  Bollaiidus  lonl  réimprimé  dans  leur  "o"-  ^'  J""» 
collection,  et  y  ont  ajouté  trois  appendices  dont  les  auteurs  ^  '*" 
anonymes  vivaient  aux  XFet  Xll'^  siècles.  Le  dernier  est  un 
Anglais,  qui,  à  l'occasion  des  miracles  de  saint  (iermain,  fait 
l'histoire  du  monastère  de  Seleshy,  prèsdYoïk,  monastère  qui 
doit  son  origine  à  un  moine  de  Saint-Germain  d'Auxerre,  nom- 
mé Benoît,  lequel  ayant  enlevé  un  doigt  de  la  main  de  Saint 
Germain  s'était  enfui  en  Angleterre  du  temps  de  Guillaume- 
le-Conquérant,  et,  à  la  faveur  de  cette  relique,  était  par- 
venu à  fonder  un  monastère.  Cet  écrit,  qui  finit  à  l'année  1174. 
est  tissu  de  visions  et  de  miracles  qu'on  peut  voir  dans  le  P 
Labhe  ou  dans  les  Bollandisles;  il  est  aussi  dans  le  Monasticon 
anglicanum. 

III    Le  P.   LaLhe  a  encore  imprimé  deux  petites  chroniques  v.\\A>e^iUi. 

d'Auxerre;    la  première   commence  à   l'an    1003,   et  finit  en  ''• '^"'''■ 
1174;   la   seconde  commence  en  1032,    et  se  termine  à   l'an       "''''    v  '•^^■ 
1190.   L'éditeur   la  donne  comme  une  suite  delà   première; 
mais  on  voit  que  c'est  un  autre  ouvrage  qui  a  eu  d'autres  rédac- 
teurs 

D.  Martène  a  aussi  publié  une  chronique  qu'il  avait  trouvée       Ma>i    Anonl. 
écrite  à  la  marge  d'un  vieux  nécrologe  de  l'église  d'Auxerre.  ''  '"'  ''"'■  '"****" 
Elle  commence  à  l'an  1022  et  finit  en  1188.   Ces  chroniques 
ne  sont  'nullement  remplies,    les  mêmes  faits  y   sont  souvent 
répétés  ;     il   faudrait,    pour    en   avoir   une   entière,    ne   faire 


ludnrici  rcgis  iucurrit,  yui  ci  improperabat  ijuiid  Antissiodorensem.  ciritatem 
ipsi  et  hœredilus  suis  avfcrre  ronalatur,  reputans  civitales  omnes  suas  esse, 
in  quihus  communirr  cssent. 


416  THIBÂUD^    CARDINAL  KVÊQUE  D'OSTIE. 

XII  SIECLE,  qu'un  tout  de  ces  trois  morceaux  ;  c'est  ce  qu'ont  fait  les  conti- 
nuateurs du  Recueil  des  historiens  de  France,  aux  tomes  X,  page 
270;  XI,  page  292;  Xil,  page  299;  et,  malgré  cela,  plusieurs 
années  ne  sont  pas  remplies.  B. 


t: 


TIIIDAUD, 

Abbé  de  Cluni,  puis  Cardinal  Évêque  d'Ostie. 


^HiBAUD,  n'étant  encore  que  prieur  de  Sainl-Arnoiil,  à  Crépi 

eu  Valois,  jouissait  déjà  d'une  grande  considération  en  France. 

Btfuquri.  Ayant  été  envoyé,  l'an  11 G9,  à  Conslantinople  et  en  Syrie,  pour 

Hist.  de  Fr.    I.  |es  affaires  de  son  ordre,  il  fut  chargé  de  porter  au  roi  de  Sicile 

'  ^''  ■        et  à  l'empereur  de  Constanlinople,  deux  lettres  du  roi  Louis-le- 

Jeune,  dans  lesquelles  ce  prince  fait  un  bel  éloge  de  sa  vertu  et 

de  sa  capacité  :  «  C'est  un  homme,  dit-il,  plein  de  foi,   recora- 

niandable  par  sa  sainteté,   distingué  par  sa  science,    honoré  de 

mon  amitié  la  plus  intime,  nobis  admodum  familiaris ;  en  un 

mot,  chéri  et  considéré   dans  tout    le  royaume.  »    Saint  Thomas 

de  Cantorbéry,  qui    l'avait  aussi   chargé  de  deux   lettres,   l'une 

pour  la  reine  de  Sicile,  l'autre  pour  l'évèque  élu  de  Syracuse, 

répète    presque    dans    les    mêmes   termes   les  éloges  donnés 

à    Thibaud,    par    le    roi.  On   peut   voir   en    partie,    dans   la 

B,i)i.  ci.iii.     bibliothèque    de   Cluni,    quelles     furent     ses    opérations    en 

roi.  1411.  Orient. 

r.aii    Christ        "^  retour  en   France,  on  veut   qu'il    ail  été  successivement 

i  IV,  loi.  ti.'.-i    abbé  de  Sainl-Basle,  de  Fleuri  ou  Saint-Benoîl-sur-Loiro,  de 

Saint-Lucien    de    Beauvais,     de    Saint -Crépin     de    Soissons; 

mais   tout  cela   est    avancé  sans    preuves.     Ce   qui    est  bien 

prouvé,   c'est  qu'il   fut    fait  abbé  de  Cluni  lan  1180,  selon  la 

itii).  ciun.  chronique  de  Robert  du  Rlonl,   et  dans  une  charte  du  l*""  scp- 

coi.  1U1.  tembre    1180,   cette  année  est  comptée  pour  la  première  de 

sa    prélalure.   Thibaud,    ayant   témoigné  à    Pierre    de  Celles, 

„  .   r  11       abbé  de  Saint-Remi   de  Reims,   sa   frayeur  d'être  élevé  à  un 

lib.  IX,  fp.  3.     poste  si  éminent,   et,    à  son   avis,   si    fort   au-dessus   de  ses 

forces,  celui-ci   le  console,   et  l'encourage  en   méme-lemps  à 


i07. 


THIBAUD,  CARDINAL  ÉVÉQUE  D'OSTIR.  417 

porter  cet  honorable  fardeau,  dont  il  ne  dissimule  pas  la  pesan-     xii  sh;<:le. 
leur. 

François  de   Rivo,    auteur   d'une   chronique   de   Ciuni,    ne         Bibi.  cIuh. 
donnant  à  cet  abbé  qu'un  an  de  prélalure,  dit  qu'il  fut  fait  "'•  ^^''^• 
évêque  d'Oslie  l'an   H  80,   et   qu'il   mourut   la   mâme  année. 
Tout  cela  est   faux   :    nous  lisons,    dans  Geofroi  de  Vigeois,        Lai>be,  Bibi. 
que  Thibaud,   abbé  de  Cluni,  fut  chargé,   l'an   1183,   par  le  337  ci  seq.      ^ 
pape  Lucius   iil ,   de    travailler    conjointement   avec  l'évêque 
de   Nevers  à  rétablir  la   paix  entre  le  jeune  Henri,   roi   d'An- 
gleterre,   et   Henri    son    père,    qui    se   faisaient  une  guerre  à 
outrance  dans  le  Limousin,  et   que  le  jeune  Henri  étant  mort 
sur  ces   entre-faites,   Thibaud   assista  à  ses   funérailles,   qui 
furent  célébrées  à  Grandmont.  Ce  n'est  donc  que   sur  la  fin 
de  l'année  1183  au  plutôt,  ou  au   commencement  de  la  sui- 
vante, que  Thibaud  a  été  créé  cardinal  évéque  d'Oslie.  il  signa       Dibi.  <,im,iac. 
en  cette  qualité  une  bulle  du  pape  Urbain  IH,  de  l'an  1185,  '"'■  '**•'■ 
en  faveur  de  l'abbaye  de  Cluni.  Llghelli  dit  qu'il  fut  envoyé  td  â»  i'im  "  "' 
légat  en  Allemagne  l'an  1 186,  et  qu'il  mourut  à  Rome  l'an  1188. 
Pour  réfuter  ceux  qui  le  disent  enterré  à  Cluni,   il   rapporte 
l'épitaphe  qu'on  lisait  sur  son  tombeau  dans  l'église  de  Saint- 
Paul,  à  Rome  :  Hîc  requiescit  dominus  Theobaldus,  episcopus 
Ostiensis.  C'est  tout  ce  que  nous  avons  pu  découvrir  sur  sa 
personne  depuis  son  épiscopat  ;   mais  le  rang  éminent  auquel 
il  fut  élevé  prouve  qu'on  reconnaissait  en  lui  un  mérite  plus  que 
vulgaire. 

Il  existe  une  vie  de  saint  Guillaume,  prétendu  duc  d'Aqui- 
taine, composée  par  un  évf'que  nommé  Thibaud,  dont  on  boII.  die  10 
n'indique  pas  le  siège.  Hcnschcnius,  qui  a  fait  un  long  com-  feb.  p.  4«. 
mentaire  sur  celte  vie  pleine,  d'erreurs  et  d'anachronismes, 
n'a  pu  découvrir  qui  était  ce  Thibaud.  Un  des  anciens  colla- 
borateurs de  notre  Histoire  litlérairc  a  imaginé  que  ce  pour- 
rait être  l'évoque  d'Oslie,  qui,  à  la  prière  des  disciples  de  saint 
Guillaume  de  Malaval,  inslituleur  des  Guillelmiles,  aurait  com- 
posé celte  vie;  parce  qu'il  est  certain,  dit-il,  que  l'auteur  de 
cette  vie  était  Français,  qu'il  était  évêque,  et  qu'il  écrivait  en 
Italie.  Ces  raisons  ne  nous  paraissent  pas  suffisantes  pour  nous 
décider.  Il  est  plus  probable  que  le  mot  episcopi  est  le  nom  de 
famille  de  l'auteur;  et  d'ailleurs  l'ouvrage  est  si  mauvais,  que  ce 
serait  faire  injure  à  notre  cardinal  de  le  lui  attribuer  sans  de 
bonnes  preuves. 

On  peut  dire  la  même  chose  d'un  ouvrage  qui  a  pour  titre, 
Theobaldi  episcopi  philologus,  seu  de  naturis  duodecim  ant- 
TomeXIV.  Gg.^ 


118  MAINARD,  ABBÉ  DE  PONTIGNY. 

XII  SIECLE.      7nalium  ;   ouvrage  cité   par    Fabriciiis  comme    imprimé    in-4' 
Fahncius  vei-  ggns  indication    du  lieu  et  de   l'année   de  l'impression.    Nous 

Im    Tlieubiililiis.  ,  .     r-r     ■  ■        .  ■    ■  t      c         ii 

pensons  que  le  mot  Eptscopi  est  encore  ici  un  nom  cie  famille. 

B. 


Il  AIN  AU  I) 


n    129 

Dictis   Inc 


ÀBBl';    DK    PONTIONY,    CT   KNSCITE   C.\KI1IXAT„ 


Mail.  Anecii.  1)  1  ERRE  ,  second  du  uom,  septième  ahbé  de  Pontii^ny,  ordre  de 
t  111,1).  1-240.  A  Cfieau-K,  ayant  été  fait  évètpie  d'Arras  en  M.S4,  Mainard  fut 
"j^ii"  ^  ^,^^'  '  élu  à  sa  place,  et  gouverna  1  abbaye  pendant  (piatrc  ans.  (^lé- 
Maii.-iie.  |.  ment  III  le  nomma,  en  1188,  cardinal  et  évèque  de  Palestrine. 
1242.  ~  liai.  Il  j^p  jouit  pas  long-temps  de  ces  dignités.  Il  mourut,  cette 
am"  -  j,.ii"i'!  finnée-là  même,  le  16  octobre.  .Martène,  du  moins,  .longelin 
Purp.  liivi  Uin.  et  \  Ilalia  Sacra  l'afTirment,  (|uoi((iie  le  Gallia  christiana  le 
nomme  encore,  pour  divers  actes,  jusquen  l!0'2;  on  y  dit, 
T.Mi.  |i!  entre  autres,  que  ce  fut  lui  qui  ,ju;.^ea,  eu  ll'.H),  comme  délé- 
2l«  cl  tu.  gué  de  Clément  III,  avec   (uiy,  abbé   de   l'itilly,   les  contesta- 

tions  éknées    entre    l'évrijue   di'    Pans    et    les    clianoines    de 
,^]l^^    ,'.'"!!    Corbeil.  Nous  le  voyons,  dès  les  premiers  mois  de  son  goii- 

p.    1240.   -  (jall.  ■'  ' 

Christ.    I.    XII,  vernemenl,  en    118i-,   obtenir  d  .Agnes,   comtesse  de    Nevers, 

P  Wi'-  lapprobation    d'un  don   de  cpiarante   arpens    de   bois,    fait  à 

.son    monastère   par.  '»uy,    comie,   et    .Malliilde,    comtes.se    de 

Nevers,  don  qu'il  fU  confimcr,  la  mr-nic  anni'i-,   par    Pierre  d(> 

Courlenay,  comte  d'Auxerre. 

Lordre  de  Calatrava  venait  di'ire  elabli  par  des  religieux 
de  lordre  de  Cîleaux,  ([ui,  .sous  Saiulu'.  III,  roi  dt^  Caslille, 
avaient  défendu  celle  ville  avec  succès  contre  les  .Maures  ; 
mais,  animé  dès  sa  naissance  par  un  esprit  guerrier,  cet 
ordre  préféra  les  litres  de  chevalier  pour  ses  membres,  et 
de  grand-maître  pour  son  chef,  aux  titres  de  moine  ou 
d'abbé,  el  les  exercices  militaires  aux  paisibles  devoirs  du 
cloître,  sans  vouloir  néanmoins  >orlir  de  la  dépendance  de 
C.îleaux,  (pii  l'avait  fondé.  Mainard  lut  chargé,  en  1187,  de 
composer  des  statuts  pour  les  chevaliers  de  (Calatrava;  il  le 
lui  conjoinlemenl  avec  labbe  de  Cîteaux,  (iuillaume,  et  non 


MAINARD,    AHHE    DE    PONTIGNY.  4i.j 

Guy,    couHueonra  dit    par   erreur,    car  Guillaume,    second      xii  siicci.f.. 

<  u  nom  dans  la  l.ste  des  cliefs  de  ce  monastère,  le  qouverna  " 

dc,Hus   11 84  jusqu'en   1192:   amsi   laffirraent  du    moins  dom 
Maitene  et   le    Gallia  chrisliana.    Manrique       au    contraire  ^'    Ma,i;„c, 

dans    ses  Annales  de    Cîleauv,    avait  placé  la  mort  de  Guil-'  !',. ',f  ;  ".v"""' 
laume  en    118G;    léleclion  de   Pierre    II,    son  successeur,    en  m  C  ,     xil; 
118G   encore,    et   sa   mort  à   la   fin  de   1187-    l'élection   de  •'  **' 
Guy  le-,   son  successeur,  en    -Il  87,   et  sa  mort  en   1  I  90  •    et  il      ''  ''  '''  "'*' 
allnhue  formellement  au  temps  du  so'.vernement  de  Giiv   les 
slatuts   donnés  a   l'ordre  de  Calalrava    On    croit  que  Mamard 
en  lut  le  véritable  auteur  .   quoique  les  quatre  chefs  de  fdia- 
lions  en   eussent  été  chargés,  conjointement  et  sous  la  pré- 
sidence de  l'abbé  de  Cîteaux,  et  qu'il  fît  seulement  examiner 
cl  approuver  le  travail  par  ses  trois  collègues  et  par   leur  aé- 
néral.  '  ° 

Le    successeur  de  Mainard,  dans  l'abbaye  de  Ponligny    Gc- 
ranl,  étant  également   devenu    cardinal    et  évêque   de  "p'ales- 
inne  ,    on   a    .pi,"l(|uefoi8   confondu    leurs    personnes     et    leurs 
actes    Le   Gallia  Puvpurata   ne  fait    même  pas  mention    du 
premier,  et   le  Gallia  chrisliana    en  parle  sans  dire  qu'il  de- 
vint cardinal;    ces  auteurs    placent   même   pendant  quelques  T.  xii,  ,,     iu 
mois  un  abbé  entre  lui  et   Gérard,    quoiqu'ils    citent  le    né-cro- 
loge  de  Ponligny,  qui  fait  de  ce  dernier  le  huitième  chef  de  celte 
abbaye.    Le  Gallia  Purpurata  el  le  Purpura  divi  Bemardi  en  Mv    ii  „    197 
lont  également  le  neuvième.  l!ghelli  a  le  premier,  dans  son  Ilalia         ^-  '  1^2. 
Sacra,  replacé  parmi  les  cardinaux   Mainard,  qui  jusqu'alors      r  ,       ,„. 
avait  été  oublié    11  dit  cependant  :  Mainardus  quem  nonnulli  -   v.'  l „g  ,i„ 
Gherardum  appellant.   Manriipie,   qui   venait  de  faire  donner  °   '2"- 
par   Mainard,  en    1  187,  des  statuts    pour  l'ordre  de  Calalrava,      '^  ''  ''•  '"*^- 
en   fait  donner  encore   pour  le    même  ordre   en    1189     par 
Gérard.  ' 

L'année  de  la  mort  de  Mainard  était  rappelée  dans  ces  vers 
que  cite  Jongelin  ;  '  n        . 

'-'  Purp.  (livi 


Bciicd.  n.  121). 


Anna  mllleno  ccii/eno  cum  ocfuageno 
Octavd,  moritiir  Mahnnrdns  Fonlhuicennis  ; 
Mortales  iinquens,  super'u Icelus .social iir. 

P. 


Ggg2 


420 


XII  SIECLE. 


REINER, 


Religieux    du    Monastère   de  Saint-Laurbnt, 

A    Ll  ÉO  E. 


"IlKiNER,  religieux  de  Saint-Laurent,  monastère  de  l'ordre 
•^''de  Saint-Benoît  dans  l'un  des  faubourgs  de  Liège,  nous  ap- 
prend lui-même  qu'il  avait  été  disciple  du  moine  Jean,  et 
qu'il  était  ami  de  Guillaume,  écolâlre  de  l'église  de  la  môme 
ville.  Voilà  tout  ce  que  nous  savons  de  sa  vie  :  mais  nous 
verrons  qu'on  peut  conclure  encore  de  ses  ouvrages  qu'il  a 
vécu  jusqu'en  1188  au  moins,  et  peut-être  jusqu'en  1206, 
quoique  Chappeauville,  Baillot,  Oudin ,  et  les  auteurs  de  la 
nouvelle  Gaule  Chrétienne  aient  placé  sa  mort  sous  l'année 
1130. 

Il  nous  a  laissé  lui  même  une  liste  de  ses  écrits  ;  mais  elle  con- 
tient plusieurs  articles  que  nous  n'avons  plus,  et  n'embrasse 
point  tous  ceux  qui  subsistent  sous  le  nom  de  ce  religieux. 
Voici  d'abord  ceux  qui  ne  sont  connus  que  par  les  titres  qu'il  en 
donne  : 

Des  lamentations  en  vers  sur  les  malheurs  de  l'église. 
Tarent  de  ecclesiae  pressuris. 

Deux  livres  sur  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament,  mélange 
de  vers  et  de  prose,  que  l'auteur  \r\i\{n\d\\  la  Panthère,  à  cause 
de  cette  bigarrure,  quod  prosâ  esset  et  metris  velut  multicolo- 
riter  distinctum. 

Des  vers  sur  le  martyre  des  Machabées. 

Une  paraphrase  en  vers  a.sclépiades  de  ces  mots  de  l'apôlre  : 
Omnes  quidèm  currunt,  sed  unus  accipit  bravium. 

Premiers  essais  de  lauleur,  ces  |)oésie3  et  quelques  autres 
lui  ont  été  dérobées,  et  il  regrette  de  n'en  avoir  point  con- 
servé de  copie.  Mais  il  possédait  encore  des  poëmes  lyriques, 
composés  par  lui  lorsqu'il  étudiait  la  musique,  et  dans  les- 
quels étaient  célébrés  saint  Sixte  ,  saint  Félicissime  ,  saint 
Agapll,  saint  Antoine,  saint  Jérôme,  saint  Servais,  sainte 
Begge,  les  saints  martyrs  Évermare  et  Urbain,  les  triomphes 
de  l'archange  Michel,  et  les  dons  du  Saint-Esprit.  Il  avait  fait 
aussi  des  épitaphes,   une   élégie  sur  la   mort   d'un    ami,    un 


REINER,   RELIGIEUX    DE  S.-LAURENT.  421 

poëme  sur  le  rétablissement  de  sa  propre  santé,  et  deux  livres  X"  sif-CLe. 
en  vers,  versificè,  sur  la  Sardaigne  et  sur  la  Sicile.  Toutes  ces 
poésies  nous  manquent,  ainsi  que  plusieurs  ouvrages  en  prose  • 
savoir  :  une  exhortation  à  la  piété  ;  un  livre  sur  le  respect  dû 
aux  lieux  saints  ;  quatorze  livres  composant  une  histoire  de 
l'expédition  des  chrétiens  dans  la  Palestine  ;  une  réponse  à  un 
sophiste  qui  avait  critiqué  les  productions  de  l'auteur  ;  des 
oraisons  ou  prières  à  saint  Laurent  et  à  d'autres  saints:  enfin 
des  épîtres .  ' 

De  tous  les  ouvrages  que  Reiner  a  compris  dans  son  cata- 
logue, il  n'en  subsiste  que  huit  ,  y  compris  celui  dont  ce  ca- 
talogue même    fait    partie,   et    qui   consiste    en  trois     livres, 
intitulés  :  De claris  scriptorihus  monasierii  sut.  Ces  écrivains! 
dont   s'honorait    le  monastère  de   Saint-Laurent,    sont  ici  aii 
nombre  de  dix-sept  ;  le  plus  célèbre  est  Robert     ou  Rupert 
qui  devint  abbé  de  Tuy.    Des  notices  sur  ces  dix-sept  auteurs        «is.    Liu.r 
composent   le  premier   livre  de  l'ouvrage  dont  nous  parlons    de  i^  Fr  i.  xi. 
Le   second   est    consacré  à    Reiner    lui-même  ;   c'est    là  qu'il 
donne  la  liste  de  ses   propres  écrits.  Le  troisième  ne  contient 
que  des    considérations  mystiques   sur   les   antiennes   qui   se 
chantent     avant   Noël,   et    qui  commencent    par    l'exclama- 
tion 0  ! 

On  peut  envisager  ce  troisième  livre  comme  une  sorte 
d'abrégé  d'une  seconde  production  de  Reiner,  laquelle  n'est  en 
effet  qu'un  plus  long  commentaire  de  ces  mêmes  antiennes.  On 
rencontre  ensuite  le  miroir  de  pénitence  :  c'est  une  vie  de  sainte 
Pélagie  en  deux  livres,  contenant  plus  d'amplifications  que  de 
récits  :  puis  un  Palmarium  virginale,  ou  une  vie  de  sainte 
Marie  de  Cappadoce,  aussi  en  deux  livres.  Cette  sainte  fut  mar- 
tyrisée vers  le  commencement  du  Ile  siècle  ;  deux  anges,  sur  des 
chevaux  blancs,  apparurent  à  son  supplice,  et  trois  mille  hom- 
mes se  convertirent  au  christianisme. 

Reiner  déclare  qu'il  n'est  pas  le  premier  auteur  d»  la  vie  de 
sainte  Pélagie  :  il  n'a  fait  qu'orner,  corriger,  compléter  celle 
qu'avait  rédigée  un  plus  ancien  historien,  mais  qui  ofl^raili  des 
lacunes,  et  fourmillait  de  solécismes  et  de  barbarismes.  Quant  au 
Palmarium  virginale,  il  est  tout-à-fait  de  Reiner;  il  l'a  com- 
posé pour  effacer  de  son  esprit  les  impressions  qu'y  avait  lais- 
sées la  lecture  des  comédies  de  Térence. 

Le  cinquième  ouvrage,  intitulé  Flos  eremi,  est  une  vie  de 
l'ermite  saint  Thiébaut,  en  deux  livres  encore  :  Thiébaut 
était  né  près  de  Son-  ;  il   fut  élevé  à  Provins.  Le  démon  ne 


422  REINER,    RELIGIEUX    DE    S.-LAURENT. 

XH  SIECLE.  ^  cessa  jamais  de  le  tenter  ;  mais  le  pieux  solitaire  sortit  victo- 
rieux de  toutes  ces  épreuves.  Triumphale  Bidonicum  est  le 
titre  d'un  sixième  article  :  Godefroi,  duc  de  Lorraine,  en  par- 
lant pour  la  croisade  de  1095,  avait  vendu  à  l'évoque  de  Liège 
le  château  de  Bouillon,  qui,  ayant  été  pris  en  1 1 35  par  Renaud, 
comte  de  Bar,  fut  recouvré  par  l'église  de  Liège  en  1 1  42.  Reiner, 
auteur  de  cinq  livres  oii  sont  exposés  ces  événemens,  n'est  donc 
pas  mort  en  1 150,  quoi  qu'en  aient  dit  la  plupart  de  ceux  qui 
ont  parlé  de  lui. 

Voilà  six  ouvrages  en  prose  .  le  septième  et  le  huitième  sont 
en  vers  hexamètres.  L'un  chante  l'arrivée  des  reliques  de  saint 
Laurent,  envoyées  de  Rome  à  Liège,  et  il  est  suivi  d'oraisons  et 
d'hymnes  en  vers  lyriques  en  l'honneur  du  saint  martyr.  Le 
sujet  de  l'autre  poëme  est  plus  compliqué,  ainsi  qu'on  en  peut 
juger  par  le  litre  :  De  conflictu  duorum  ducum  et  animarum 
revelatione  ac  de  milite  captivo  per  salutarem  hostiam  liberato 
libelli  duo.  La,  un  soldat  ou  chevalier  se  voit  miraculeusement 
délivré  d'une  captivité  durant  laquelle  il  avait  souvent  éprouvé 
des  soulagemens  inefl'ables  :  à  certaines  heures,  il  ne  sentait 
plus  le  poids  de  ses  fers.  De  retour  dans  ses  foyers,  il  vérifia  que 
les  jours,  les  momens  de  ses  consolations  et  de  sa  délivrance 
étaient  précisément  ceux  ou  sa  femme  avait  fait  dire  des  messes 
pour  lui  : 

Ad  7ia(aie  solum  qui  posl  quaniloqnc  regrensus 
Pleniùs  nxori  qtunî  coni'ujeral  palefeclt, 
Quœ  proiedata  est  liora'<que  fahse  d'iesqnc 
Jpnui  ob'ati  tolieus  rdcvamine  mcri. 

.     j        Dom  Bernard    Pez  a  publié  ces   huit  ouvrages,  et  en  a  fait 

rhcs.    Anecd.  '  •  ■        j 

i.  IV,  |>8ii.  III,  en  même  temps  paraître  sept  autres,  qui  ne  sont  point  dans 
p.  -  272.  le  catalogue  de  Reiner,  mais  qui  portent  son  nom  dans  les 
manuscrits.  Nous  avons  donc  à  indiquer  ici,  comme  neu- 
vième article,  une  vie  de  saint  Evracle,  quarante-cinquième 
évêque  de  Liège,  né  d'une  noble  famille  saxone,  et  décédé 
en  971,  après  avoir  eu  beaucoup  d'extases,  et  fait  encore 
plus  de  bonnes  œuvres  ;  comme  dixième  article,  une  vie  de 
Règinard,  cinquantième  évéque  de  la  même  ville,  né  à  Co- 
logne, et  mort  en  1036,  treizième  année  de  son  épiscopat. 
Suit  un  livre  de  Casu  fulminis  :  il  .s'agit  d'un  événement  ar- 
rivé en  1182,  le  onzième  jour  avant  les  calendes  d avril.  Au 
moment  ou  l'on  s'apprêtait  à  enterrer  un  chanoine,  le  ton- 
nerre tomba  sur  l'église    du    monastère  de   Saint-Laurent  : 


REINER,  RELIGIEUX  DE  S  -LAURENT.  423 

mais  les  hosties  renfermées  dans  le  ciboire  demeurèrent  in-  xii  siècle 
tactes  ,  ainsi  que  les  reliques  du  saint  martyr  ,  malgré  les 
efforts  que  faisait  le  diable  pour  diriger  sur  elles  les  flammes 
dont  elles  étaient  environnées.  Nous  rencontrons  ensuite  un 
livre  d'actions  de  grâces  à  saint  Laurent,  à  l'occasion  de  la 
dédicace  de  sa  nouvelle  église  ;  puis  un  opuscule  sur  l'incendie 
de  l'église  de  Saint-Lambert  de  Liège,  le  quatrième  jour  avant 
les  calendes  de  mai  1 1 88  :  c'est  cette  date  qui  sert  de  motif 
à  l'opinion  que  nous  avons  énoncée  relativement  à  la  durée  de 
la  vie  de  Reiner. 

Le  quatorzième  ouvrage  de  cet  auteur  est  intitulé,  dans  le 
recueil  de  dom  Pez  ;  Lacrymarum  libri  III.  Ce  sont  des  com- 
plaintes en  prose,  accompagnées  de  récits  qui  ont  pour  objet  des 
conversions,  des  guérisons  miraculeuses,  des  visions,  des  songes. 
Viennent  en  quinzième  et  dernier  lieu  deux  livres  de  Profectu 
mortis  :  des  histoires  édiBantes  nous  y  montrent  comment  la 
pensée  de  la  mort  peut  et  doit  amender  la  vie.  Dans  toutes  ces 
productions,  Ueiner  cite  souvent  les  poètes  latins,  particulière- 
ment Horace  et  Virgile. 

A  l'exception  des  deux  premiers  livres  de  claris  Scripto- 
ribus ,  et  du  Triumphale  Bulonium  ,  lesquels  tiennent  en 
effet  à  l'histoire ,  soit  littéraire,  soit  politique ,  nous  avoue- 
rons que  la  publication  de  tant  d'écrits  de  Reiner  n'était  pas 
d'une  extrême  utilité.  Dom  iMartènc  cependant  avait  imprimé  Ampliss.  Coll. 
avant  dom  Poz  et  l'épître  adres.sée  par  Reiner  à  Frédéric  , 
moine  de  Stavelo,  pour  lui  dédier  le  livre  rfe  Casu  fulminis , 
et  ce  livre  même,  et  les  prologues  des  vies  de  sainte  Pélagie  , 
de  saint  Thiébaut,  et  de  Réginard. 

Mais  il  existe  une  production  de  Reiner  plus  connue  que 
toutes  celles  que  nous  venons  de  parcourir,  quoique  dom  Pez 
l'ait  omise  :  c'est  une  vie  de  saint  Wolbodon.  Qu'elle  soit  en 
effet  de  Reiner,  on  n'en  peut  douter,  puisque  les  manuscrits 
la  lui  attribuent,  et  sur-tout  puisqu'il  la  cite  lui-même  dans 
sa  vie  d'Evracle,  ainsi  que  dans  celle  de  Réginard.  Chappeau-  j  i  j  q  ^,- 
ville,  Mabillon,  et  les  Bollandisles,  l'ont  imprimée.  Reiner,  episc.  Leod. 
dans  le  prologue  ,  annonce  que  ,  pour  complaire  à  ses  con-  **'•  '""'^'• 

,   V  ,  •„•     .       .  !  •     ^  •  .    ,  Ord.       s.      Ben. 

frères,    il  a  recueilli   tout  ce  quon  avait  écrit  jusqu  alors  sur  sec.  6  part,  i,  p. 

saint  Wolbodon,  et  en  a  composé  l'opuscule  qu'il   leur  offre.  I7i-l9i. 

On   y   apprend   que  Wolbodon,   issu  d'une   noble   famille   de  om^^l  *^^'  *'' 

Flandres,    devint,    après  ses  études,  chanoine  d'Utrecht ,  et 

fut  élu  évêque  de  Liège  en  1018  ;  qu'après  quelques  démêlés 

avec  le  saint  empereur  Henri  II,  il  obtint  la  bienveillance  de 


424  REINER,  RELIGIEUX  DE  S.-LAURENT. 

XII  SIECLE,     ce  prince  ;  qu'il  mourut  en  102'!  ;  et  que  tant  de  miracles  s'opé- 
raient à  son    tombeau,   qu'Etienne  1"^  abbé  du  monastère  de 
Saint-Laurent,  le  conjura  de  n'en  plus  faire,  attendu  que   laf- 
fluence  des  peuples  attirés  par  ces  prodiges  troublait  la  solitude 
des  religieux  et  compromettait  la  régularité, 
chapcauv.  de       Qn  attribue  aussi  à  Reiner  une  vie  de  saint  Lambert,  évoque 
Leod"    t  'i'""!   "^^  martyr.  Mais  Suysken,  l'un   des  continuateurs   de  Bollan- 
iii  —  i^i    —  dus,    nous  paraît  avoir  assez  bien  prouvé  que   celte   vie  est 
Mahiii.   Aci  ss    l'mjg  (jgg  j^,ux  que  Sigebert  de  Gemblours  avait  composées, 

Ord.     S.     Ilened.  ,,,.■■■«  i-«./      ■       .  ,  ■■ 

I.  m.  p.  68.        3'DSi  quil   le  dit  lui-mcme,    et  qui   ne  dîneraient  entre  elles 
17  sept.  p.  t)20.    que  parce  que  l'une  était  écrite  avec  plus   de  simplicité,  l'autre 
avec  plus  d'ornemens.   Cette  dernière  nous  est  restée  sous  le 
nom  de  Sigebert  ;  et  si  nous  en   rapprochons  celle  qui  porte 
le  nom  de  Reiner,  nous  y  retrouvons  un  récit  plus  simple  de 
tous  les  mêmes  faits,   dans  le  même  ordre,  à  un  seul  miracle 
près,  qui  ne  sera  parvenu  que  plus  lard  à  la  connaissance  du 
légendaire.  Suysken  ajoute  que  Reiner  ne  place  point  une  vie 
de  saint  Lambert  dans  le  catalogue  de  ses  propres  écrits  :  mais 
ce  silence  ne  prouve  rien  ;  nous  avons  assez  vu  combien  ce 
catalogue  est  loin  d'être  complet.   Au  surplus,  la  vie  de  saint 
—  v'uibi  ^Wisi  Lambert  a  été  écrite  par  beaucoup  d'auteurs,  qui  tous  ensemble 
de  la  Fr.  i.  I,  \<.  ne  Valent  pas,  selon  Rlabillon,  un  seul  historien  qui  aurait  été 
887,  n.  «7i8.       jjjgjj  g^gct  et  judicieux. 
^2  Vossius  prétend  que   Reiner  ,    moine  de  Saint-Laurent ,   à 

Liège,  contemporain  d'Aimoin  de  Fleuri,  s'est  illustré  par 
ses  écrits,  qui  consistent  en  une  vie  de  saint  Laurent,  évoque 
et  martyr,  et  une  vie  de  saint  Wolbodon.  ftlais  Aimoin  de 
Fleuri  vivait  au  commencement  du  XI"  siècle  ,  ot  l'on  ne 
connaît  point  de  saint  Laurent  tAÈQiE  et  martyr.  Le  martyr 
Laurent  était  diacre.  On  peut  donc  présumer  ([uc  Vossius  a  mis 
ici  Laurent  pour  Lambert,  et  qu'il  avait  peu  éclairci  ce  qui  con- 
cerne l'époque  ol  les  travaux  de  Reiner.  il  y  a  beaucoup  d'in- 
exactitudes pareilles  dans  les  notices  de  Vossius  sur  les  historiens 
du  moyen  âge. 

Gilles  d'Orval,    qui   écrivait  au  milieu   du    Xlll"  siècle,   dit 
11  ^"""w*—  M"^   Reiner,  moine  de  Saint-Laurent,    homme  d'une  grande 
V.  aussi  p.  60  science,  et  dont  on   a  plusieurs  autres  opuscules,  a  composé 
*'  224.  ung   très-belle  vie  du  bienheureux  Frédéric,  évoque  de  Liège. 

Ce  prélat  mourut  en  1121  ou  1122,  et  son  historien  était 
ù -peu-près  son  contemporain,  ainsi  qu'il  y  a  lieu  de  le  con- 
clure de  ces  paroles  :  Quse  fada  sunt  his  diedus....  dtiximtis 
stylo  memoriseque  mandare.    D'un    autre   côté,  cet  historien 


REINER,  RELIGIEUX  DE  S -LAURENT.  425 

n'écrit   qu'après   la  mort  de  l'évoque  Alexandre,  c'est-à-dire     ^"  s'ecle 
qu'après  l'année  1135;  et,  sur  le  témoignage  de  Gilles  d'Orval, 
Chappeauville,   les  Bollandistes,    Pagi,   dora  Martène,    croient    ^^  """'•  p  '^2*. 
devoir  attribuer  cette  légende  a  Reiner.quoiqu  elle  soit  anonyme  n.  ii. 
dans  les  manuscrits.  Elle  est  fort  courte,  ne  remplit  que  trois        Amplis,  coll. 
colonnes  dans  le  Recueil  des  Bollandistes,  et  ne  raconte  guère  <032éi'j08J  — 
que  des  guérisons  miraculeuses.  Voy.  Liu.  p.  185. 

A  l'égard   d'une  vie   d'Alberon,  que  Martène  dit  composée 
par  Reiner ,   et  empruntée  de  lui  par  Gilles    d'Orval  ,   celte  t.  iv,  p"''io8!j'. 
indication  ne  peut  s'appliquer   qu'à  des  extraits  du    Trium- 
phale  Bullonium,  employés  en  effet  par  Gilles  dans  ce  qu'il  a 
écrit  sur  Alberon  H,  évêque  de  Liège. 

L'Amplissima    Collectio   contient   encore    une    histoire    du  t.  iv,  p.  1033. 
monastère   de  Saint-Laurent,    à    laquelle   ont   successivement  "~  "^^• 
coopéré   Rupert,  Reiner  et  Lambert,  religieux  de  cette  com- 
munauté :    mais,  dans   l'état  défectueux  oii  l'on  a  trouvé  le 
manuscrit  de   celte  histoire,  il  est  fort  difficile  d'assigner  les 
morceaux   qui  appartiennent  à   Reiner.     Il   a  dû   commencer 
à  l'année  1135,   époque  de  la  mort  de  Rupert,  et  dom  Mar- 
tène dit  qu'il  a  conduit  l'ouvrage  jusqu'en  1206.  Nous  avons 
recherché  en  vain    les  motifs  de  cette   assertion  de  Martène, 
et  nous  nous  bornerons  à  ne  point  la  contredire,  bien  qu'elle 
nous  paraisse  prolonger    beaucoup  la  carrière    de  Reiner,  à 
qui  ce  savant  bénédictin  attribue  de    plus  un    abrégé   manu-      7^,^  „   1034. 
scrit  des  sermons  de  saint  Bernard  sur  le  Cantique  des  Can- 
tiques 

Enfin,  parmi  les  Scriptores  succedanei  contra  Waldenses, 
imprimés   à    Ingolstadt  en   1613,  in-4°,  se  trouve  un  opuscule         ^''''-    ">»»• 
de  Reiner,  mais  sans  la  qualification  de  moine  de  Saint-Laurent  :  „'  202.  ' 

il  est  de  Reinier,  dominicain  du  Xlll"  siècle. 

Les  autres  productions  que  nous  venons  d'indiquer  sont  si 
nombreuses  et  si  variées,  qu'on  serait  tenté  de  les  partager 
entre  deux  auteurs  du  même  nom,  tous  deux  Liégeois  et  reli- 
gieux du  même  monastère,  dont  l'un  aurait  écrit  dans  le  cours 
des  cinquante  premières  années  du  XII°  siècle,  et  l'autre  de- 
puis 1180  jusqu'en  1206.  Mais,  à  la  rigueur,  elles  peuvent 
toutes  appartenir  à  un  seul  écrivain,  laborieux  ou  fécond,  qui, 
né  vers  1116,  sera  mort  nonagénaire;  et  si  l'on  écartait  ce  que 
dit  dom  Martène  relativement  à  l'année  1206,  il  suffirait  qu'un 
Reiner,  moine  de  Saint-Laurent,  eût  vécu  depuis  l'une  des 
premières  années  du  XII'  siècle  jusqu'en  88  ou  89. 

D- 

Tome  XIV.  Hhh 

2  s  * 


420 


XII  SIECLE. 


GEOFROI  DR  PÉHO^NE, 

1'  H  I  {■:  l'i!    i)v:    (!i.  A  1 1!  \  A  r  \. 

SA    VI  !•: 

s.  iV'rii.  viia  fy  EoFuoi  (l(>  IVioniic  l'il  iiiic  tlcs  vin^l-Iunl^  porsonncs 
lil).  IV,  lap,  •>■  "|-econini;n)(lal)les  par  leur  iiiiiss.inrc,  leur  iiMinosse  cl  leur  in- 
struclioii,  qiiesainl  ncriiaid,  dans  un  voxaui'  qii  il  lit  en  Flandre, 
(lôlcnnina  à  (Mnbrasscr  la  \  ic  icii^ii-nso  à  (Ilairvanx.  C'est  à 
lui,  comiiic  au  plus  ilislini^uc  de  la  Irnupc;,  (|uc  saiiil  H(>rnar(l 
adressa  la  lotlre  10!)  pour  les  idlcrniir  Ions  dans  la  irsolulion 
qu'ils  avaiiînl  prise.  Il  paraît  aussi  ipie  lic^ofroi ,  possédant 
(.le  glands  biens  dans  li'  siècle,  cl  pourvu  d(''ja  de  la 
trésorerie  de  rép;lise  Sainl-(Jnenlin,  éprouvait  (pielque  regret 
de  quitter  le  monde,  et  de  l'(i|>position  de  la  part  de  ses 
parons  à  l'exécution  de  son  dessein  :  c'est  et-  ipi  un  |)eiit 
inl'énM'  de  la  lettre  110  du  même  saint  Hernard  au  père  do 
tîeofroi. 

Manri(piès   place  cet  é\('nemenl   à   ranné(>  li;{l,   et    la   mort 

Spini    in-i(ii.  de    (jeol'roi   en    1  1 'i(i      11    \    a    la   deux  erreurs.    Ilciimanne  de, 

'  '"'  ■    '■        Tournai    dit    |K)siliveir,enl   ipic    la    conversion     de    cette,  luul- 

lilude  di'  clercs    ariiva    \eis     l,i     vingl-ipiatrième    année    de 

1  épiscopat   (I(!  Simon   de   Vcrmamlois,    évéïpie  de  iXoyon.    Or, 

comme    I  épiscopat   de;   Simon    commence   à    lannée    1122,    la 

vingt-ipiali  lèaie   année  indi(pie   nécessairement   l'année    1140. 

Ainsi,   1)1(11    loin  ipie  (iedlroi   soi!    mort    celli;   année-là,    c  est 

l'i'poipie  a    l.iipielle    il  l'aul    rappoilei    .--on    enlri'c   en   religion. 

Cei;i   c^t    d  autant    plus   ceilaiii.    (pie   saint    lieinard,    dans    la 

lellK!  (pi  il    lui  eciiMi,  -e   donne   |ioiir   un    lioinnie  déjà   alFai- 

bli    par  làge   ;   Dciolus   mippono    Inancios ,  ctsi  jam  f'essos  , 

safcincV  huù-,   si    'mihi  crlili/s    iinponatw- ;  ce   (pi'il    n'aurait 

pu   dire    laii    I  1  .'5 1        lor>ipi  il    (  lail     encoie  dans    la    luice    de 

làge 

r-hi  lil.s.  ,.p.        Pierre    i\r.    lilois    nous    appK  ad    (pie    lù'otroi     de    l'eronne 

^^^'l'jj  ''         '  '  étant    prieur    de     l".lair\au\  ,    lut  appelé  ,     par  le    cierge    de 

Tournav  ,    a    k  m|)lir  le  siège  épiscopal    de  cette  ville,  et  (ju'il 

le   relusa.    Il    laiil    donc,    pour    (''claircir   son    liistoire,    reclier- 


GEOFROI  DE   l'É  BONNE.  427 

cher  en  quel  Icmps  il  commença  à  exercer  la  cliar^e  de  prieur     ^'"  sirole. 
à  Clalrvaux.  ,  et  à  (luellc  éprxnie  il  a  |)ii  être  nommé  à  lévêché  de 
Tournay. 

L'an  1146,  celail  Riialen  (|iii  occupait  la  place  de  prieur  ■''  "oin.  cp. 258. 
à  Clairvaux.  A  crKc  épo(iuc ,  le  pape  Eu;.;ène  III  le  de- 
manda pour  remplir  à  Rome  celle  d'aljhc  de  Saint-Ana- 
stase  aux  Irois-Foiilaincs ,  cpi'il  venait  de  quitter.  A  la  vérité, 
saint  Bernard  ,  dan.s  sa  li.'llre  au  pape  ,  ne  donne  pas  à  Rualen 
la  (jualité  de  prieur,  parce  ([ue  celui-ci  était  déjà  installé  à 
Rome    lor.sipi  il    1  écrivit;     mais     Nicolas    de     Moulier-Ramey  Hii.i    l'air. 

la    lui  donne  dans  deux  lettres  (  la  23   et  la  25  )  (lu'il   écrivit  ''  .^"^''   ''•  ^'^" 

....  ft  boO. 

en  son  nom  pendant  qu  d  était  encore  à  Clairvaux  J'observe 
seulement  que  dans  ces  deux  endroits  le  nom  du  prieur  est 
estropié  ;  c'est  Rualenus  (ju'il  faut  lire ,  et  non  Rievallis. 
Geofroi  de  i'éronnt!  nélait  donc  pas  encore  prieur  l'an 
1146. 

Une  charte  de  saint  Bernard  ,  de  lan  1153,  rapportée  par  *"""'  ^'"'• 
D.  Mabillon ,  prouve  qu'à  cette  époque  le  prieur  de  Clair-  '  '*■•"•'• 
vaux  s'appelait  Philippe.  Dans  la  même  charte ,  sont  cités 
comme  témoins  Gérard  et  Geofroi  ,  religieux  de  la  maison. 
Ces  deux  religieux,  ;i  notre  avis,  ne  sont  autres  que  Gérard 
et  Geofioi ,  lun  et  laulre  surnommés  de  Péronne ,  lesquels 
tenaient  un  rang  distingué  à  Clairvaux  ;  et  le  prieur  Philippe  , 
mentionné  aussi  par  Césaire  d'Fleisterbach  ,  est  le  même  qui, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut ,  devint  abbé  de  l'Aumône 
au  diocèse  de  Charlres  \ers  lan  1156.  Ainsi  ce  n'est  qu'à 
cette  année  que  Geofroi  de  l'éronne  peut  avoir  été  fait  prieur 
de  Clairvaux. 

Il  l'était,  selon  Pierre  de  Rlois  ,  ior  sipi  il  fut  nommé  à  révèchc 
de  Tournay.  Or,  cet  évéché  ne  fut  vacant  (pie  l'an  1166,  par 
la  mort  de  l'évêque  Gérard ,  ou  l'an  1171,  par  celle  de  Gautier. 
C'est  à  l'une  de  ces  deux  époijucs  qu'on  peut  rapporter  sa  no- 
mination à  l'épiscopat. 

Celle  circonstance  de  la  vie  de  Geofroi  semble  noi's  avertir 
que  c'est  à  lui  qu'il  faut  appliquer  les  quatre  vers  suivans  en 
forme  d'épitaphe,  rapportés  dans  le  ménologe  cistercien  au 
8  novembre  ,  dont  Casimir  Oudin  fait  l'application  à  Geofroi 
d'Auxerre. 

Ijmaci  iwilor  ,    Gaiifredns  lefjis  amator  , 
Q/ia/ror  Iiïc  anuis  darutt  atqi/e  fiiil  ; 
Prœxiil  /■<!  drcliia ,    rirt.ii/iim  noni.'iiu;  clants  , 
Noin'it  /incjli-ri  ,   'l il/ nus   amore    Del. 

llhhS 


IM.I. 

P.ilr. 

105. 

.     !'• 

428  GEOFROI   DE  PÉRONNE. 

XII  SIECLE.         Oudin  trouve  dans  ces  vers  un  gros  mensonge,  parce  que,  dit- 


De  Scr.  ecci.  i\ ,  Geoffoi  d'Auxerre,  bien  loin  de  refuser  les  prélatures,  en  a 
I.  Il,  col  ii98.  pgfppii  plusieurs ,  ayant  été  successivement  abbé  d'Igni  ,  de 
Ciairvaux ,  de  Fosse-Neuve  et  de  Haute-Combe  ;  mais  ce 
mensonge  disparaît ,  si  l'on  fait  l'application  des  vers  à  Geo- 
froi  de  Péronne.  Reste  donc  à  savoir  si  Geofroi  de  Péronne  a 
été,  comme  Geofroi  d'Auxerre  ,  abbé  d'Igni. 
Gaii.  Christ.  Lcs  autcurs  du  Gallia  christiana  placent  dans  le  catalogue 
t.  IX,  col,  301.  jgg  abbés  d'Igni  au  diocèse  de  Reims  ,  un  Geofroi  II,  men- 
tionné dans  un  titre  de  l'an  1177,  sur  lequel  ils  ne  donnent 
aucune  lumière,  et  se  plaignent,  au  contraire,  qu'à  cette  époque 
la  chronologie  des  abbés  d'Igni  est  hérissée  de  difficultés  inex- 
tricables. Rien  n'empêche  de  supposer  que  ce  Geofroi  soit  celui 
de  Péronne  ,  qui  ,  après  avoir  gouverné  ce  monastère  l'espace 
de  quatre  ans  ,  serait  retourné  à  Ciairvaux.  On  sait  que,  dans 
l'ordre  de  Cîleaux  ,  les  supériorités  étaient  moins  des  pré- 
latures que  des  commissions  révocables  à  la  volonté  du  chapitre 
général  de  l'ordre.  Voilà  pourquoi  l'on  voit  tant  d'abbés  passer 
successivement  d'un  monastère  à  d'autres  ,  et  qu'on  rencontre 
tant  de  difficultés  à  fixer  la  chronologie  des  abbés  de  la  plupart 
de  ces  maisons  S'il  y  avait  des  preuves  que  Geofroi  eut  con- 
servé l'abbaye  d'Igni  jusqu'à  sa  mort ,  nous  dirions  qu'il  vé- 
cut jusqu'à  l'année  1190  ,  parce  que  ce  n'est  qu'à  cette  année 
qu'on  trouve  le  nom  de  celui  qu'on  lui  donne  pour  successeur. 
Le  plus  sûr  est  d'avouer  qu'on  ignore  l'année  de  sa 
mort. 

SES    ÉCRITS. 

Quoique  Geofroi  de   Péronne  ait  mérité  à   plusieurs  titres 
une  place   parmi  les  écrivains  ecclésiastiques ,  aucun  biblio- 
graphe n'en  a  fait  mention  ,   parce  qu'on  a  attribué  ses  écrits  à 
Geofroi  d'Auxerre,  moine  de  Ciairvaux  comme  lui,  et  secrétaire 
de  saint  Bernard,   beaucoup  plus  connu  que  le  premier  par  le 
grand  nombre  de  ses  productions.  En  revendiquant  pour  lui  les 
ouvrages  qui    lui   appartiennent  ,    nous    combattrons  les  opi- 
nions de  Charles  de  Visch,  historien  de  l'ordre  de  Cîleaux,  et 
celles  de  Casimir  Oudin,  qui  le  réfute. 
Bii.i    Cisicr.       1°  Un    commentaire    sur  le    Cantique    des  Cantiques  ,  di- 
p.  120  cl  scq.     .yjg^  çjj  gj^  livres.   De   Visch  l'attribue  à  Geofroi ,   abbé  de 
i.  Il,  col.  li!)!).    Haule-Combc,    qu'il    distingue  de  Geofroi  d'Auxerre.    Oudin 
prouve   très-bien    qu'il    ne    fdul  pas    les  distinguer  ,  et  que 


GEOFROI    DE   PÉRONNE.  429 

c'est  le  même  personnage  qui,  après  la  mort  de  saint  Ber-  xii  siècle. 
nard,  fut  successivement  abbé  d'igni,  de  Clairvaux,  de  Fosse- 
Neuve,  et  en  dernier  liei  de  Haute-Combe.  Mais  il  se  trompe 
aussi  lorsqu  il  attribue  ce  commentaire  tout  entier  à  Geofroi 
d'Auxerre.  Parmi  les  manuscrits  de  Colbert  qu'il  cite,  il  en 
est  un  qui  aujourd'hui  est  le  o59«  des  manuscrits  latins  de  la 
bibliothèque  royale,  écriture  du  Xlll^  siècle,  ayant  pour 
titre  en  lettres  rouges  :  Prologus  domini  Gaufridi  prioris  cla- 
revallis  super  Cantica  Canticorum.  Geofroi  d'Auxerre  ne  fut 
jamais  prieur  de  Clairvaux.  C'est  donc  à  tort  qu'on  lui  a  attri- 
bué, au  moins  dans  son  entier,  ce  commentaire,  et  nousaommes 
fondés  à  le  réclamer  pour  Geofroi  de  Péronne,  qui  occupa 
long-temps  la  place  de  prieur.  En  comparant  ce  manuscrit 
avec  le  n°  476  de  la  même  bibliothèque,  ou  peut  dire  que 
Geofroi  d'Auxerre  n'a  fait  que  continuer,  ou,  pour  mieux 
dire,  interpoler  le  même  ouvrage.  Cela  résulte  de  trois  lettres 
insérées  au  cinquième  livre,  dans  lesquelles  il  se  nomme 
Frater  Gaufridus  de  AUacumba.  La  première  est  adressée  à 
Henri,  abbé  de  Clairvaux,  auquel  il  succéda  l'an  11 76  dans 
l'abbaye  de  Haute-Combe  ;  la  seconde,  au  prieur  des  chartreux 
de  l'Alviére,  qu'il  ne  nomme  pas  ;  et  la  troisième,  à  Hugues, 
abbé  de  Bonnevaux  au  diocèse  de  Vienne,  qui  tous  avaient 
demandé  à  l'auteur  l'explication  de  quelque  verset  particulier  du 
cantique.  La  manière  dont  les  cinquième  et  sixième  livres  sont 
rédigés,  ne  ressemble  pas  à  celle  des  quatre  premiers  livres  que 
nous  attribuons  à  Geofroi  de  Péronne.  Indépendamment  des 
courtes  notes  qui  constituent  le  commentaire,  ^on  y  a  intercallé 
une  vingtaine  de  sermons,  dont  il  sera  parlé  à  l'article  de  Geofroi 
d'Auxerre. 

Disons  maintenant  en  quoi  consiste  ce  commentaire.  Il 
est  divisé  en  six  parties  ou  six  livres,  à  la  tête  desquels  est 
un  prologue  commençant  par  ces  mots  :  Plura  quidem 
audivimus.  On  avait  suggéré  à  l'auteur  de  continuer  l'ou- 
vrage de  saint  Bernard  sur  ce  divin  cantique,  en  compo- 
sant, à  son  exemple,  une  suite  de  sermons,  ainsi  que  l'a  fait 
Gilbert,  abbé  de  Hoiland  en  Angleterre.  Mais,  ne  se  croyant  Bcm.  opp.  i. 
pas  capable  d'une  telle  entreprise,  il  s'est  contenté  de  faire  "■  «"'•  *-i9S. 
de  courtes  notes  sur  tous  les  versets  ,  non  depuis  l'endroit 
du  livre  où  saint  Bernard  s'était  arrêté,  mais  depuis  le  com- 
mencement jusqu'à  la  fin,  en  employant  les  explications 
des  commentateurs  anciens  et  de  saint  Bernard  lui-même,  y 
ajoutant  quelquefois  les   siennes.    L'ouvrage    commence  par 


430  GEOFROI     D  A  LI  X  K  H  1!  E 

XII  SIECLE,  ceg  niots  :  Ad  singidos  profectus  tnrtiUum,  elc.  Mais  lo  ma- 
nuscrit ne  contient  que  trois  parties,  ce  (jui  suppose  qu'il  y 
avait  un  second  volume,  lequel  n'existe  pas.  Nous  croyons  cepen- 
dant qu'on  le  retrouve  tout  entier  dans  le  manuscrit  170  indiciué 
ci-dessus. 

2»  A  la  tcHc  du  même  manuscrit  i').'i9,  est  un  opuscule; 
sans  nom  d'auteur,  attribué  aussi  par  une  écriture  récente 
à  Ticofroi,  prieur  de  Clairvaux,  cl  il  paraît  que  ce  n'est  pas 
sans  fondement.  Ce  sont  de  courtes  noies  sur  le  dernier  cha- 
pitre de  l'Ëcclésiasle,  commen(;ant  par  ces  mots  •  Mémento 
creatoris  lui.  C'est  encore  une  explication  que  les  confrères 
de  l'auteur  lui  avaient  demandée,  ipi  il  a  arrangée  dans  le 
môme  goût  quo  celle  qu'il  a  donnée  du  Cantique  des  Can- 
tiques. 
Wnu.  opp.  1.  3"  D.  Mabillon  attribue  à  Geofiui  d'Auxerrc  une  cxplica- 
,  col.  ir>sii.  lion  de  l'Oraison  dominicale,  ;i  la  trie  de  huiuclle  lauleur 
se  nomme  Geofroi,  sans  prendre  aucune  cpialité.  Nous  se- 
rions portés  à  en  faire  honneur  à  (ieofroi  de  l'éronne,  par 
la  raison  qu'elle  e.-.l  composée  dans  le  ,:;'iùl  des  autres  écrits 
du  prieur  de  Clairvaux,  consi.->laul  en  de  simples  notes  très 
courtes  sur  celte  divine  prière,  et  parce  ipi  il  esl  plus  naturel 
de  croire  (juc  le  leiigieux  qui  avait  (h'maiuli' ces  explicalions 
se  soit  ailressé  au  prieur  de  la  maison,  cliargr'  du  soin  de.s 
aines,  cpi'à  Geofroi  d  Auxerre,  <]ui,  a\anl  et  a[)!es  la  mort 
de  saint  Bernard,  fui  toujours  emplove  dans  les  grandes  allaires 
de  l'ordre.  "• 


mmm  daumîuiiiî, 

M  I)  1   N  K     1)  E    C  I,  A  I  IL  V  A  i:  X,     s  K  V  II  l-,  T   \  I  U  i:     I'  1'.     s.    H  K  R  .N  A  Iv  D 
KT     S  U(;CK.SS  I  V  EM  10  NT       A  U  Hl,      I)'  1  (;  N  1  ,    DE      Cl,  Al  UVAUX, 
DE      !•'  O  S  S  E  -  .N  E  C  V  i;,       f.  T       D  E      U  A  C  T  E     C  O  M  H  1'.. 


G 


IIISTCIRI':  l)K  S.\  Vllv 

(.  F  u  0  1  a  été  surnommé  d' Auxerre,  parce  qu'il  était   né 
dans  celte    ville,  et  pour  le  dislin^-uer  de   doux  autres  Geo- 


GKUI'ROI     DAUXEHUE.  431 

t'roi,  également  religieux  de  Clairvaux,  qui  vivaient  dans  le  ^"  s'eci^e. 
inêiue  temps.  Cela  n  a  pas  empêché  qu'on  ne  l'ail  quelquefois 
confondu  avec  Geofroi  de  Péronne,  qui  fut  prieur  de  Clairvaux, 
Il  avec  Geofroi  ou  Godefroi,  parent  de  saint  Bernard,  qui  fut 
évoque  de  Langres  depuis  l'année  M  38  jusqu'en  I1G2.  Casimir  i.  iî!'c^!.' ,/Ji!)' 
Oudin,  qui  a  fait  sur  Geofroi  d  Auxerre  un  assez  long  article, 
observe  que  Charles  de  '\'isch,  aulem-  d'une  bibliothèque  de 
l'ordre  de  Cîloaux,  trompé  par  la  multiplicité  d'abbayes,  dont  le 
secrétaire  de  saint  15(rn;ud  porta  les  litres,  d'une  seule  personne 
en  a  l'ail  quatre. 

(icoiroi  avait  éle  (lisci|ile  dAbailaril,  comme  nous   l'apprc-       g^,,,,  ^,,    , 
nous  du   moine    lielinan    (1;;    d   \\    étudiait  encore    à   Paris,  ".  coi.   ii,-.i  ei 
lorsque  saint    Bernard,   sur    I  invitation   de    l'évéquc  Etienne,  '^^**- 
ayant   prêché  dans   les  écoles  le  sermon  célèbre  qui   nous    a 
été    conservé   louchant    I  obligation    de  se  convertir  ,    de  con- 
rersione  adclericos,    il  en   fut  si    touché,    ([u'à  rinstanl  même 
il   se    détermina   à   le    -iii\r<"  cl    a    ctnbrasser    la    réforme    de 
Clairvaux.   Cela  arriva    la    même    année  qu'Abailard   fut   con- 
damné au  concile  de  Sens,  c'(>st-à-dirc,   l'an  1140.  C'est  Geo-      /',,(  ,„i  m:; 
froi   lui-même  qui   l'allesle  dans  la  préface  du  troisième  livre 
de   la    vie   de  saint    Bernard  ,    oii    déplorant    la   perte   de  ce 
grand   homme,    il    dil    (pi'i!   avait  l'u  l'avantage   de  converser 
avec    lui     pendant    treize    ans  :    Quem  ub  ejus  uberibus  post 
annos    treda  nn     (qiiod   sine    singidlu  nec   nie»nnisse  debeo, 
nec  proferre    queo'i    sola    tandem,    quœ  sola  potuit  ,    mors 
nvulsit.  Or,  saint    Bernard  étant   mort  au  mois  d'août    1153, 
il  s'ensuit  que   lépocpie  de  la   conversion    de  Geofroi,  et  son 
entrée  à  Clairvaux,  doit  être  rapportée  à  l'année  1140,  ou  du 
moins  que  c'est  1(>   temps  oii   saint  Bernard   le  prit  pour  son 
secrétaire. 

Il     fallait    que    (ieofioi   tînt    déjà    alors    un  rang    dans   le 
monde,   el  (pi  d  fît  (|uelque  figure  ou  dans  le  clergé  ou  dans 
l'école  de   Paris,   car    il    dit    ipiun    changement    si   subit     de      /^„j  (.,,,  |27j( 
sa    pari  fut   un  sujet  délonnemcnt   pour   [)lusieurs   personnes. 


(I)  llii|ii.v  l'(.'ii  (.Mielanli)  .Tli(|uan(lo  luerat  discipulus  (jaufridus  Antisiodo- 
rcii.'^is,  (|iii  niiiKi)  (.•iii|>i.ic  liiil  iioluriu.s  S.  HeriKiidi  ;  qui  iiiter  cit'tera  de  eodem 
l'utro  dixit  :  Er/o  mihi  atiquando  renlo  riiagistrum  fuisse  illurn  qui  prelium 
redemplionis  nostrcf  evacuaim,  ni/ni  aliudin  sacrificio  dominira  patsionis  com- 
mendabat,  uisi  rirlulis  e.rcuiplum  et  amoris  inceiUiruM,  etc.  Et  quidcm  magna 
sunl  hue  et  vera,  sed  nuit  sola.  Beiicduius  Deus ,  qui  mihi  simul  cl  robis 
waf/is/fum  drdii  melinrcrn ,  fcr  iiucm  prinris  redarguit  ignoraiitiani  et  insolen- 
liaiii  cmifutaril.   • 


Tom 
B98. 


432  GEOFROI    D'AUXERRE 

XII  SIECLE.  Oudin  suppose  malignement  que  ce  qui  le  détermina  fut 
•il.  col.  U94  de  voir  la  déroute  de  son  maître  Abailard  ,  et  l'avantage 
qu'il  trouverait  à  se  ranger  du  côté  de  saint  Bernard.  Mais 
si,  comme  nous  venons  de  le  dire,  le  passage  cité  peut  s'en- 
tendre aussi  bien  du  temps  où  il  fut  attaché  au  saint  abbé  comme 
secrétaire,  que  devient  le  sarcasme  de  ce  transfuge  de  son 
ordre? 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  grands  progrès  que  Geofroi  fit  dans  la 
vertu,  lui  méritèrent  bientôt  l'affection  et  la  confiance  du  saint 
abbé;  et  sa  capacité  ,  aussi  bien  que  le  talent  qu'il  avait 
pour  écrire,  le  firent  choisir  pour  être  son  principal  secrétaire 
et  le  compagnon  de  ses  voyages.  De  son  côté,  Geofroi  avait 
pour  ce  grand  saint  une  tendresse  et  un  respect  tout  ex- 
traordinaire, comme  on  le  voit  par  un  discours  très-pieux 
et  fort  éloquent,  qu'il  prononça  en  son  honneur  et  avec  une 
ibid  col. 2.'ïio.  grande  eflFusion  de  cœur,  au  jour  anniversaire  de  sa  mort, 
en  1 163. 

Dès  l'année  1 1  45,  et  non  1 1  47,  comme  l'ont  prouvé  les  conti- 
nuateurs du  recueil  des  historiens  de  France,  il  accompagna 
saint  Rernard  dans  le  voyage  qu'il  fit  avec  le  légat  Alberic, 
'''^'  évoque  d'Oslie,  à  Toulouse  et  aux  environs,  pour  combattre  les 
erreurs  d'un  certain  Henri  qui  avait  perverti  presque  tous  les 
habitans  de  ces  contrées.  Geofroi  a  dressé  de  ce  voyage,  comme 
témoin  oculaire,  une  relation  dont  nous  parlerons  en  rendant 
compte  de  ses  écrits. 

Sur  la  fin  de  l'an  11  4G,  il  fut  du  voyage  que   saint  Bernard 
entreprit  pour  aller  prêcher  la  croisade  en  Allemagne,  et  nous 
avons  de  lui  une  relation  des  merveilles  que  l'homme  de  Dieu 
Bern  o      t   ^P^""^  P^"'"  prouvcr  sa  mission. 

col  •n>'2  I^'an  il  48,  il  assista  au  concile  de  Reims,  qui  fut  présidé  par 

le  oape  Eugène  III.  Gilbert  de  la  Porrée,  évoque  de  Poitiers, 
était  accusé  de  quelques  erreurs  qui  devaient  ôlre  examinées 
dans  ce  concile.  Saint  Bernard  y  joua  un  grand  rôle,  et  Geofroi 
fit,  long-temps  après,  une  relation  de  ce  qui  s'y  était  passé.  On  y 
oi  i"i9  ^'^'^  '*"  P'"^^  4"  ''  P'^'''  ^  '^  dispute  pour  convaincre  d'erreur  le 
prélat. 

Il  n'est  pas  certain,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  p.  428, 
que  notre  Geofroi  ait  été  abbé  d'Igni.  Mais  bientôt  après,  en 
1161  ou  1162,  les  religieux  de  Clairvaux  le  choisirent  pour 
leur  abbé  à  la  place  de  Fastrede,  qui  avait  été  tranféré  à 
labbaye  de  Cîleaux.  L'année  suivante,  ayaut  appris  que  le 
pape  Alexandre  111  était  arrivé  à  Paris,  il  alla  le  trouver  avec 


GEOFROl  DAUXERRE.  433 

le  B.  Fastrede,  pour  demander  la  canonisation  de  saint  Bernard    ^"  sieclk 
au  concile  de  Tours,  que  le  pape  devait  tenir  au  mois  de  juin  de   ~~cùn:i::^ 
la  môme  année  ;   mais  la  cliose  lut  remise  à  un  autre  temps         ^"^d-  Mag'. 
pour  les  raisons  qui  sont  indiquées   dans  la  bulle  de  canoni-  .     ^'f  **'"•  '^ 
sation.  p-  ^*- 

L'an   H"64,   Geofroi    termina    comme    arbitre,    conjointe-        Caii.  ci,rist 
ment  avec  Godefroi,  qui   avait    été  évêque   de  Langres  ,    et  ''  ^"'  »"••  wi- 
qui  était  retourné  à  Clairvaux,  un  différend  qui  s'était  élevé  ^^' 
entre  Alain,  évoque  d'Auxerre,  et  le  comte  deNevers,  relative- 
ment à  des  droits  que  chacun  prétendait  exercer  dans  la  ville 
d'Auxerre. 

L'année  suivante,   H  65,   plusieurs   religieux  de  Clairvaux,        Mar..  An,p. 
taéeontens  de  son  gouvernement ,   parce  qu'à   leur  gré  il  ne    <^°"-  '•  ".  coi' 
faisait  pas   assez  la  cour  aux  princes  et  aux  grands,  agirent  Z,:lTxv 
auprès  du  pape  Alexandre,   qui  était  à  Sens,  pour   le   faire  p-  »^-  ' 
déposer.  Le  pape  écrivit  sur  cela  à  Gilbert,   abbé  de  Cîteaux 
dans    la   persuasion   que    sur    ses    remontrances,     l'abbé    de 
Clairvaux  se  démettrait  de  sa  place.   Mais  Gilbert   n'approuva 
pas  cette  mesure,  et  prit  au  contraire   la  défense  de  Geofroi 
Le  pape  avait  aussi  délégué  cette  affaire  à  Henri,   archevêque 
de  Reims,  et  à  Alain,  évéque  d'Auxerre,  pour  être  terminée 
à   I amiable  et  non   par  voie   de  jugement;   mais  voyant   la 
résistance   de    l'abbé  de  Cîleaux,  et  dans  la    crainte    d'au- 
menter  les  troubles  qu'il  voulait  appaiser,   il  écrivit  aux  com- 
missaires de  ne  rien  statuer  jusqu'à   nouvel    ordre.    Il   paraît 
cependant  que  bientôt  après  Geofroi  se  démit  volontairement  ; 
car,  cette  même  année.   Ponce,  qui  fut  ensuite  évéque  de  Cler-       *^^'-  <^'""»l- 
mont,  lui  avait  succédé. 

Geofroi  s'était  retiré  à  Cîleaux,  et  il  n'était  plus  abbé  lors- 
quen  1 167  il  fut  envoyé  par  l'abbé  iJilbert  en  Italie,  pour  tra- 
vailler à  la  réconciliation  de  l'empereur  Frédéric  avec  le  pape 
Frédéric  n'accepta  pas  la  médiation.  Jean  de  Sarisbéri,  qui  ra-        inter  ep.  s. 
conte  ce  fait,  dit  positivement  que  Geofroi  n'était  plus  alors  abbé  '^^""'^^   '"'■  "' 
de  Clairvaux  :  Vice  suâ  misit  dominum  Gaufridum  Autissio-  "'  "''  '^  *"• 
dorensem,  qui  Clarasvallis  fuerat  abbas .  L'année  suivante   on 
le  voit  en  Normandie,  occupé  à   rétablir  la  paix  entre  Henri  II        „ 
roi  d'Angleterre,  et  l'archevêque  de  Cantorberi.  Le  roi  d'An-  677        "•  '"' 
gleterre  fut  si  content  de  ses  services,   qu'il  pria  les  abbés  de 
J  ordre  de  le  laisser  auprès  de  lui,  voulant  profiter  de  ses  con- 
seils (1).  mu.  p.  «28. 

il)Praterea  dikctioni  vestra  grates  nheres  exsolvo,   quod  ad  petitionem 
Tome  XIV.  ,  . . 

lu 


434  GEOFROI    D'AUXERRE. 

XII  SIECLE.  Lg„  1170,  Gérard  d'Auvergne,  abbé  de  Fosse-Neuve  dans 
Cbr.  cisrevai.  la  campagne  de  Rome,  ayant  été  rappelé  pour  gouverner 
l'église  de  Clair  vaux,  Geofroi  fut  envoyé  à  Fosse-Neuve  pour 
être  abbé  à  sa  place.  Mais  en  1176,  Henri,  abbé  de  Haute- 
Combe  dans  le  diocèse  de  Genève,  ayant  été  fait  abbé  de 
Clairvaux,  fit  nommer,  pour  lui  succéder,  l'abbé  Geofroi. 
Nous  ignorons  combien  de  temps  il  gouverna  ce  monastère. 
11  ne  prenait  plus  la  qualité  d'abbé  en  1188,  lorsqu'il  écrivit 
au  même  Henri,  devenu  cardinal-évêque  d'Albano,  la  rela- 
tion de  ce  qui  s'était  passé ,  quarante  ans  auparavant ,  au 
concile  de  Reims, 'louchant  les  erreurs  de  Gilbert  de  la 
Porrée. 
De  Scr.  Er.i.       Casimir  Oudin  prolonge  la  vie   de   Geofroi  jusqu'à   l'année 

t.  Il,  col.  U96.  ^215,   après  le  concile  de  Lalran,   parce  que,  dans  ses  ser- 
mons,  il  réfute  le  célèbre  Joachim,  abbé  de  Flore,    dans   la 
Calabre,  dont  les  erreurs  furent  condamnées  dans  ce  concile. 
Nous  ne  trouvons  pas  celte  raison  convaincante,  parce  que  , 
Annal,  ad  an.  long-temps  auparavant,   de  l'aveu  de  Manriquez,   les  Cister- 

1188,  cap.  i,  ciens  s'étaient  déclarés  contre  Joachim  ,  ti  l'avaient  accusé 
d'erreur  dans  son  livre  de  la  Trinité,  qu'il  avait  composé  pour 
réfuter  le  sentiment  de  Pierre  Lombard,  dit  le  Maître  des 
sentences.  Pour  ne  rien  donner  aux  conjectures,  nous  dirons 
que  nous  ignorons  l'année  de  sa  mort.  Voyez  ce  que  nous 
avons  dit  plus  haut  sur  l'épitaphe  qu'on  croit  avoir  été  faite 
pour  lui. 

SES    ÉCRITS    IMPRIMÉS. 

Bertrand  Tissier,^  prieur  de  l'abbaye  de  Bonne-Fontaine  , 
au  diocèse  de  Reims,  qui  a  publié  la  Bibliothèque  des  pères 
Oud  ibid  U98-  ^^  l'ordre  de  Cîteaux,  avait  préparé  une  édition  complète  des 
œuvres  de  Geofroi  d'Auxerre ,  qui  n'a  jamais  été  publiée. 
Nous  allons  faire  connaître  les  ouvrages  qui  auraient  dû  y  en- 
trer, tant  ceux  qui  ont  été  imprimés  que  ceux  qui  sont  restés 
manuscrits. 

1°  Le  premier  et  le  meilleur  service  qu'ait  rendu  Geofroi 


meam  fralrem  Gaufredum  mihi  misistis.  El  nunc  UerUm  diligenler  peld  , 
quatenus  eumdem  quàm  cilivs  mihi  remittalts.  Kecessariatn  enim  mihi  ejut 
intelligo  discretionem  et  prudentiam,  ut  mihi  preeseni  adsit  et  aliquandiù 
propinqua  mihi  ejut  conversalio.  Inter  epiat.  S.  Thomee,  lib.  III,  epist.  29, 
p.  528. 


GEOFROI    D'AUXERRE.  435 

à  la  littérature  ,  c'est  d'avoir  recueilli  et  mis  en  ordre,  soit  du     xii  siècle. 
vivant  du  saint,  soit  après  sa  mort,  les  lettres  de  saint  Bernard  , 
dont  il  était  le  secrétaire.  Quand  nous  n'aurions  pas  d'autorité 
positive  pour  lui  faire  honneur  de  ce  travail  ,  nous  pourrions 
le   supposer ,    puisque   c'était   le   devoir  de  sa  charge  :   mais 
nous  avons  sur  cela  son  propre  témoignage.   Parlant  de  la  lettre 
que  saint  Bernard  écrivit  en   plein  air  à  Robert ,  son  neveu , 
et  qui  ne  fut  pas  mouillée  quoiqu  il   plût  beaucoup,  c'est  moi, 
dit-il,   qui,  à  cause  de  cette  circonstance  extraordinaire,  que       Bem.  opp.  t. 
j'ai  apprise  de  la  bouche  du  saint ,  l'ai  placée  à   la  tête  des  ">  «^o'-  '^'• 
autres  lettres. 

2"  Geofroi  est  auteur  d'une  relation  en  forme  de  lettre  du 
voyage  de  saint  Bernard  dans  le  Languedoc ,  et  des  miracles 
qu'il  opéra  pour  prouver  qu'il  était  l'envoyé  de  Dieu  contre 
les  hérétiques  qui  désolaient  alors  ces  contrées ,  et  qui  furent 
les  précurseurs  des  Albigeois.  Cette  lettre  est  adressée  à  Ar-  w.d.  coi.  1192 
chenfred,  son  trèi-cher  maître,  et  à  l'un  et  à  l'autre  chapitre, 
ses  frères  utérins.  Il  entend  sans  doute  par-là  toute  la  commu- 
nauté de  Clairvaux ,  composée  des  religieux  de  chœur  et  des 
frères  convers.  Mais,  qui  était  cet  Archenfred  qu'il  appelle 
son  maître?  Dom  Mabillon  n'a  donné  sur  cela  aucune  explica- 
tion. Ne  serait-ce  pas  ce  maître  Alfred  dont  parle  Landulphe 

de  Saint-Paul ,   historien    du  Milanais ,   lequel  Alfred   ensei-      ,  '*'""'•   ""• 
•     ^    ^     •  .     ^7..        v   .  »         iul  t.  v,  p.  *85. 

gnait  a  Pans  au   commencement   du   Air  siècle ,  en   même 

temps  que  Guillaume  de  Champeaux  (1).  Si,  malgré  la  non- 
identité  de  nom,  on  peut  y  reconnaître  la  même  personne, 
nous  connaîtrons  un  peu  mieux  ce  professeur  qui  est  très-peu 
connu ,  et  nous  saurons  qu'il  s'était  retiré  à  Clairvaux  ,  ou 
qu'il  était  attaché  à  quelque  église  du  voisinage ,  peut-être  à 
Langres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  lettre  fut  écrite,  non  en  1  i  47,  comme 
l'a  cru  dom  Mabillon  ,  et  après  lui ,  tous  ceux  qui  en  ont 
parlé,  maison  1145;  sur  quoi  il  faut  voir  les  preuves  qu'ont 
alléguées  les  continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France  t.  xv,  p.  îS98. 
pour  s'éloigner  de  l'opinion  commune ,  et  pour  rétablir  la 
vraie  date.  11  n'est  pas  douteux  que  celte  production  ne  soit  de 
Geofroi  d'Auxerre  et  qu'il  ne  fût  du  voyage;  toute  la  lettre 
en  est  la  preuve. 


(1)  Cv,mAnselmonamque  (àBVasierXa.)  per  annum  et  dimldium  Turoni,  et 
parisinis  in  scholis  magistri  Al/redi  et  Gulielmi  legi,  et  legendo,  scribendo , 
multisque  aliis  modis  Amelmo  miillam  commoditatem  dedi. 


436  GEOFROI   D'AUXERRE. 

XII  SIECLE  30  Sur  la  fin  de  l'anoée  1 146  ,  saint  Bernard  fut  envoyé  en 

■  Allemagne  pour  y  prêcher  la  croisade.  11  était  accompagné  de 

plusieurs  religieux  de  son  ordre ,  qui  ont  mis   par  écrit  les 
miracles  qu'il  opérait  dans  tous  les  endroits  où  il  passait ,  et 
notre  Geofroi  était  du  nombre.  Ils  en  ont  dressé  trois  relations, 
dont   la  première  est    adressée,    par    un  nommé  Philippe,   à 
Samson  ,   archevêque   de  Reims;    la   seconde  porte  les  noms 
d'Everhard ,   de  Gérard  et  de   Geofroi ,  qui  se  disent  moines 
tels  quels  ,  ainsi  que  de  Philippe  de  Liège  et  de  Volmare  de 
Constance  ,  qui  vraisemblablement  nétaienl  que  des  clercs  sé- 
culiers ,  et  est  adressée  au  clergé  de  Cologne  ;  la  troisième  est 
écrite  au  nom  du  seul  Geofroi ,  moine  de  Clairvaux  ,  qui  l'a 
adressée  à  Herman ,   évêque  de  Constance.  C'est  ce  qui  com- 
pose le  sixième  livre  de  la  vie  de  saint  Bernard ,  intitulé  le  livre 
des  miracles, 
Bern.  opp.  t.      ^g  première  partie  contient  la  relation  des  miracles  que  le 
II,  Ml.  ma.       ^^.^^  homme  opéra  ,  sur  la  fin  de  11 46,  en  allant  à  la  diète  de 
Spire ,  et  nous  retrace  la  route  qu'il  suivit  pour  y  arriver.  On 
le  voit  d'abord  à  Francfort  sur  le  Mein  ;  de  là  ,  il  passe  à  Fri- 
bourg  en  Brisgaw ,  ensuite  à  Constance  ,   et  de  Constance  à 
Bâle.  Enfin  ,   il  arrive  la  veille  de  Noël  à  Spire ,   et  par-toul 
oU  il  passe  il  guérit  des  malades ,  redresse  des  boiteux  ,  rend 
la  lumière  aux  aveugles,  etc.  Cette  relation  est  écrite  en  forme 
de  dialogue  ou  de  conférence  ,  dans  laquelle  chacun  des  in- 
terlocuteurs rapporte  ce  qu'il  a  vu.   L'un  des  interlocuteurs  est 
l'évêque  de  Constance ,  appelé  Herman  ;  mais  on  n'y  aperçoit 
aucun  moine  cistercien. 
ibid.  col.  2178.       La  seconde  relation  traite  des  miracles  qui  eurent  lieu  au 
retour  de  Spire  ,  en  passant  par  Worms ,  Coblenlï ,  Cologne , 
Juliers  ,  Aix-la-Chapelle  ,  Maëstricht,  jusqu'à  Liège.  Les  inter- 
locuteurs ,  dans  cette   partie ,  sont  les  religieux  qui  accon»pa- 
gnaient    saint   Bernard  ,    parmi    lesquels    Geofroi    se    trouve 
nommé.  L'évoque  de  Constance  ayant  quitté    la   compagnie   à 
Spire ,  leur  donna ,  pour   les  accompagner ,   un  de  ses  clercs 
appelé    Wuolkemare,  le    même    apparemment    qui,    dans  la 
première  relation  ,   est    nommé   Volmare.  Celui-ci  est  un  des 
interlocuteurs.    Ils    citent    encore   en    témoignage    les   abbés 
Thierri  de   Kempten   et  Herwin   de  Steinfelden  ,   qui  étaient 
des  chanoines  réguliers  :  mais  ceux- ci  n'eurent  point  de  part  à 
la   rédaction.   Les  rédacteurs  rappellent  ,  dans  celle  seconde 
partie  ,  la  première  relation  ,  que  nous  acons  envoyée  ,  disent- 
ils  ,  à  l'illustre  Henri,  printc  r:n/al  /"iti  par  l'esprit  qui  l'anime 


GEOFROI    D  AUXËRRE.  437 

qitê  par  sa  naissance.  (C'est  Henri,  fils  de  Louii-J©-Gfos,  qui  x»  sncLt. 
faisait  alors  son  noviciat  à  Clairvaux.  )  D'où  l'on  pourrait 
coDclure  qu'ils  sont  également  auteurs  de  la  première  partie  : 
mais,  à  la  rigueur,  cela  peut  s'entendre  du  simple  envoi  d'une 
pièce  qui  leur  était  étrangère  Au  reste,  ils  déclarent  que  cet  ou- 
vrage n'est  pas  fait  pour  rester  tel  qu'il  est,  mais  pour  servir  de 
mémoire  à  ceux  qui  voudront  entreprendre  d'écrire  la  vie 
du  Saint. 

Quant  à  la  troisième  partie,  elle  est  l'ouvrage  de  Geofroi  ibid.co\M$i. 
seul,  qui  a  mis  son  nom  à  la  lêle.  Dans  l'épîlre  dédicaloire 
à  Herman,  évéque  de  Constance,  il  semble  se  dire  l'auteur 
ou  le  rédacteur  de  la  seconde  partie.  «  Nous  avons  envoyé, 
dil-il,  au  clergé  de  Cologne,  la  relation  des  miracles  dont 
nous  avons  été  témoins  depuis  la  ville  de  Spire  jusqu'à  Liège, 
rédigée  en  forme  de  conférence,  comme  était  la  première.  Je 
ne  doute  point  que  cet  écrit  q6  soit  parvenu  à  la  conoais- 
sance  de  votre  béatitude  ;  c'est  pourquoi  j  ai  eu  graod  soin 
de  recueillir  les  miracles  qui  ont  suivi,  afin  de  vous  en  en- 
voyer aussi  la  relation.  »  Il  commence  par  ceux  qui  arrivèrent 
à  Liège,  oii  en  était  restée  la  seconde  relation.  De  là,  repre- 
nant le  chemin  de  Clairvaux,  ils  passèrent  par  Huy,  Gem- 
blours,  Villiers,  Mons  en  Hainaut,  Valenciennes,  Cambrai, 
Vauxelles ,  Humblières  ,  Laon  ,  Reims  ,  Châlons,  Rosnay  , 
Brienne,  Bar-sur-Aube,  et  arrivèrent  à  Clairvaux,  laissant 
par-tout,  en  témoignage  de  leur  passage,  quelque  guérison 
miraculeuse. 

Après  un  court  séjour  à  Clairvaux,  il  fallut  repartir  pour  le  ib<d.  coi.  lise. 
concile  dÉtampes,  qui  devait  se  tenir  au  moistle  février  1147, 
pour  régler  le  départ  des  croisés  L'auteur  continue  à  décrire  les 
miracles  qui,  dans  ce  voyage,  se  succédèrent  sans  interruption  à 
Bar-sur-Seine,  à  Troyes,  à  Trainel,  à  Brai-sur-Seioe,  à  Mon- 
tereau -faut- Yonne,  à  Moret,  et  dans  presque  tous  les  endroits 
sur  la  roule,  jusqu'à  Etampes.  —  Au  retour  du  concile, 
pareilles  merveilles  à  Milly,  à  Moret,  à  Sens,  à  Joigny,  à 
Auxerre,  à  Chablis,  à  Tonnerre,  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  arri- 
vés àClairvaux. 

Il  est  à  remarquer  que  tous  ces  miracles  accompagnaient 
la  prédication  de  la  croisade,   et  étaient  donnés   en  preuve 
que  «elle  expédition  était  agréable  à  Dieu.  Aussi  saint  Ber-     Bem.  de  Cons. 
nard,  lorsqu'on  lui  reprochait  le  mauvais  succès  de  la  croi-  ''*'  "•  "P-  '• 
sade,  les  alléguait-il  en  témoignage,  pour  prouver  qu'il  n'avait 
pas  agi  incooâidérémeat,  par  enthousiasme,  et  en  suivant  son 

1  0 


438  GEOFROI    D  AUX  ERRE. 

XII  SIECLE,  espril  particulier.  Toutes  ces  relations  sont  écrites  avec  tant 
de  candeur  et  de  simplicité,  qu'il  n'est  guère  possible  de  se 
refuser  à  les  croire.  Ceux  qui  les  ont  publiées  dans  le  temps 
même  ne  craignaient  pas  d'être  démentis,  et  ne  l'ont  pas  été. 
Ceux  à  qui  ces  relations  sont  adressées,  l'évoque  de  Con- 
stance, larchevêque  de  Reims,  le  clergé  de  Cologne,  et  une 
infinité  d'autres  personnes  dont  on  invoque  le  témoignage, 
ne  les  ayant  pas  désavouées,  sont  censés  les  avoir  approuvées. 
Est-il  croyable  que  des  gens  de  probité,  des  religieux  qui 
faisaient  profession  de  la  vertu  la  plus  austère,  auraient  accu- 
mulé tant  de  mensonges,  et  qu'il  ne  se  soit  trouvé  personne 
pour  les  démentir  ?  A  la  vérité,  on  est  étonné  du  nombre 
prodigieux  de  ces  merveilles  ;  mais  le  nombre  n'y  fait  rien. 
Si  l'on  peut  eu  admettre  une  seule,  toutes  les  autres  sont 
prouvées.  Il  n'est  pas  plus  difficile  à  Dieu  de  faire  mille  mi- 
racles que  d'en  faire  un.  Rejeter  indistinctement  tous  ceux 
qui  sont  rapportés  dans  ces  relations,  c'est  donner  un  dé- 
menti à  une  génération  entière,  c'est  introduire  sur  des  faits 
bien  attestés  un  pyrrhonisme  gratuit.  Aussi  le  judicieux  abbé 
iiisi.  «ni.  t  Fleuri,  bien  loin  d'élever  des  doutes  sur  leur  authenticité, 
XIV,  hb.  tii»,  n.  jj'g  pgg  fjjj^  dilHculté  de   les   insérer  dans   son    histoire  et  d'en 

ib.  * 

prendre  la  défense.  «  En  ce  voyage,  dit-il,  Bernard  fit  un 
grand  nombre  de  miracles,  dont  nous  avons  une  relation 
exacte,  écrite,  à  la  prière  de  Samson,  archevêque  de  Reims, 
par  Philippe,  qui  accompagnait  le  saint  abbé  dans  ce  voyage, 
étant  archidiacre  de  Liège  .  mais  il  se  convertit  alors,  et, 
au  retour,  se  rendit  moine  à  Clairvaux...  Philippe  fait  parler 
tous  ceux  qui  avaient  été  avec  lui  témoins  de  ces  miracles, 
savoir,  Herman,  évêque  de  Constance,  et  Everard,  son  cha- 
pelain ;  deux  abbés,  Baudouin  et  Frouin  ;  deux  moines,  Gé- 
rard et  Geofroi  ;  trois  clercs,  Philippe,  qui  est  l'auteur, 
Ollon,  et  Francon;  enfin,  Alexandre  de  Cologne,  qui  se  joig- 
nit à  eux  dans  le  voyage.  Ce  sont,  dit  l'historien,  dix  témoins  de 
ces  miracles.  » 
n  ,        Geofroi,    en    terminant    sa    relation,     ajoute    quelques-uns 

Bcrn.  0[i|).     ib.  '         J  T         n 

col.  1190.  des  miracles   que  le  saint  a\ait  obtenus  de   Dieu,  à  Rolelen, 

à  Trêves,  à  Francfort,  à  Toul,  (\m,  sans  doute,  avaient  été 
publiés  dans  les  deux  premières  relations.  Il  avait  déjà  dit, 
dans  l'épître  dédicatoire  à  l'évoque  de  Constance,  qu'à  raison 
du  peu  de  séjour  qu'ils  faisaient  dans  chaque  endroit,  in 
Iransilu,  il  leur  était  échappé  beaucoup  de  choses  qu'ils  au- 
raient  pu  recueillir    dans  leurs  mémoires.    H  ajoute  que,  de- 


GEOFROI  DAUXERRE  4^9 

puis  leur  sorlie  d'Allemagne,  ils  en  ont  ignoré  un  bien  plus  xii  siècle 
grand  nombre,  parce  qu'en  France,  le  peuple  de  la  langue  ro- 
mance n'avail  pas,  pour  les  avertir  du  miracle,  certaines  excla- 
mations communes  chez  les  Allemands,  qui,  à  chaque  guérison, 
s'écriaient:  Christ  uns  genade  !  Christ,  ayez  p<tié  de  nous!  Au 
reste,  il  proteste,  en  finissant  celte  dédicace,  qu'il  n'a  rien 
écrit  qu'il  n'ait  vu  de  ses  yeux,  ou  qu'il  n'ait  appris  de  ses  con- 
frères qui  étaient  sur  les  lieux. 

4°  Avant  de  parler  de  l'écrit  que  notre  Geofroi  composa  contre 
les  erreurs  de  Gilbert  de  la  Porrée,  évêquede  Poitiers,  qui  furent 
condamnées  au  concile  de  Reims  de  1  an  1 1  48,  il  est  à  propos 
de  faire  connaître  la  lettre  qu'il  écrivit,  quarante  ans  plus  lard, 
à  Henri  (1),  cardinal,  évoque  d'Albano,  légat  en  France,  moine 
cistercien  comme  lui,  auquel  il  avait  succédé,  l'an  1176,  dans 
l'abbaye  de  Hiiule-Combe,  lorsque  Henri  fut  transféré  à  l'abbaye 
de  Clairvaux. 

Ce  prélat,  qu'il  qualifie  vicaire  du  pape,  c'est-à-dire  légat, 
l'avait  fait  prier  par  un  nommé  Augustin  ,  que  Geofroi  ap- 
pelle son  vénérable  frère,  de  lui  faire  un  récit  exact  de  ce 
qui  s'était  passé  au  concile  de  Reims,  présidé  par  le  pape 
Eugène  III,  louchant  la  condamnation  des  erreurs  de  l'évèque 
de  Poitiers.  Henri  ne  pouvait  mieux  s'adresser  qu'à  lui  ;  car 
on  voit,  par  la  lellre  de  Geofroi.  qu'il  avait  eu  beaucoup  de 
part  à  l'examen  des  propositions  de  Gilbert  ;  que  celait  lui 
qui  avait  recherché,  dans  les  ouvrages  des  Pères,  les  pas- 
sages qui  furent  allégués  contre  sa  doctrine,  et  qu'il  fut  pré- 
sent à  tout  ce  qui  fut  fait  louchant  cette  affaire,  tant  à  Paris 
qu'au  concile  de  Reims.  11  commence  sa  relation  par  1  accu-  /m.  coi.  1319. 
salion  qui  fut  portée,  dès  l'année  U4C>,  contre  ce  prélat,  en 
plein  synode  ,  par  son  archidiacre  Arnaud  ,  surnommé  qui 
non  ridet.    La  conleslalion  ,    en    effet ,  devint  sérieuse,  puis- 


(1)  Dans  toutes  les  éditions,  le  nom  de  ce  cardinal  éveque  d'Albano 
est  désigné  par  la  lettre  A.  Ughelli,  et  après  lui  Claude  du  Molinet,  sur 
l'épitre^  106  d'Etienne  de  Tournay,  p.  151  ,  l'appellent  AlUn.  Il  est  bien 
Trai  qu'un  Albin,  chanoine  régulier  milanais,  a  été  évêque  d'Albano  après 
Henri  ,  moine  de  Clairvau.x  ;  mais  rien  ne  prouve  que  cet  Albin  ait  été 
légat  en  France,  au  lieu  que  Henri  l'était  certainement  à  l'époque  de  la 
lettre,  et  de  plus  était  en  correspondance  active  avec  Geofroi.  11  est  donc 
vraisemblable  qu'on  aura  lu  A.  au  lieu  de  E.,  comme  l'ont  pensé  le.<( 
continuateurs  du  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  XIV,  p.  327,  méprise 
assez  facile,  en  supposaut  que  cette  dernière  lettre  était  un  peu  fermée  par 
le  haut. 


Baroa.  ad  an 
(lis 


-    1127 
T.  XII,  p.   469 


UO  GEOFROI    D'AUXERRE. 

xu  SIECLE,  qu'elle  fut  portée  à  Rome,  et  donna  matière  à  deux  conciles  en 
France.  Elle  roulait  sur  l'essence  de  la  Divinité  :  savoir  si  les 
attributs  de  Dieu,  la  bonté,  la  sagesse,  etc.,  sont  Dieu  lui-même, 
ou  ne  sont  qu'une  manière  d'être,  forma  quâ  Deus  est  ;  et  sur 
d'autres  assertioiK  que  Gilbert  avait  avancées  dans  un  commen- 
taire sur  le  livre  de  Boece  de  Trinitate. 

Cette  lettre  est  bien  écrite,  et  jette  beaucoup  de  jour  sur 
des  questions  fort  subtiles;  elle  est  toute  historique,  et,  sous 
ce  rapport,  elle  a  mérité  une  place  dans  les  Annales  de  Ba- 
Laiibe.  Conc.  ronjus  et  dans  les  collections  des  conciles.  Nous  aurions  du 
X,  col.  1121  plaisir  à  en  donner  un  précis,  s'il  n'avait  déjà  été  fait  deux 
fois  dans  cette  histoire,  aux  articles  de  saint  Bernard  et  de 
Gilbert  de  la  Porrée.  Nous  ajouterons  seulement  à  ce  qui  a 
été  dit  une  circonstance  qui,  étant  personnelle  à  notre  au- 
teur, rappelle  une  maxime  proverbiale  qui  avait  cours  de 
son  temps.  Gilbert  soutenait  au  concile  de  Reims  des  pro- 
positions qu'il  avait  dés-axouées  devant  le  pape  à  la  conférence 
de  Paris  Geofroi  lui  reprochait  une  variation  si  étonnante 
dans  ses  opinions  «  Qu'importe,  répondit  Gilbert,  ce  que 
je  disais  alors;  voilà  ce  que  je  dis  maintenant.  »  A  cela  répli- 
qua Geofroi  :  «  Vous  faites  donc  comme  le  roi,  qui  a  le  droit 
de  revenir  sur  ce  qu  il  a  dit.  Ergo,  sicut  rex,  vestrum  dictum 
et  dedictum  hahetis  '^  Maxime  commode  et  nécessaire  dans  l'ad- 
ministration d'un  état. 

Geofroi,  en  terminant  sa  lettre,  avertit  le  légat  que,  s'il 
désire  de  plus  grands  éclaireissemens,  il  lui  enverra  copie 
des  sermons  de  saint  Bernard  sur  le  Cantique  des  Cantiques, 
oîi  le  saint  réfute  les  opinions  de  Gilbert  ,  ainsi  que  d^s 
lettres  qu'il  écrivit  en  grand  nombre  sur  cette  affaire.  El,  en 
attendant,  il  lui  envoie  un  autre  écrit  de  sa  composition,  qu'il 
avait  publié  environ  quarante  ans  auparavant,  qu'il  croyait 
perdu,  qu'il  venait  de  retrouver,  et  dont  nous  allons  rendre 
compte. 

5''  A  la  suite  de  cette  lettre,  dom  Mabillon  a  publié  un 
Il  co'"  1336  —  Irailé  purement  théologique  de  notre  auteur  contre  les  .;r- 
1358.  reurs  de  Gilbert.  Il  est  précédé  d'une  préface  historique  qui, 

quant  au  fonds,  ne  dit  rien  de  plus  que  la  lettre  dont  nous 
venons  de  parler.  Cet  ouvrage  fut  composé  peu  de  lemp" 
après  le  concile  de  Reims  ;  car  il  dit  qu'il  n'y  avait  pas  long- 
temps que  ces  erreurs  avaient  été  condamnées,  ■  nuper.  Ce- 
pendant il  crut  nécessaire  de  les  réfuter,  parce  que,  maigre 
la  défense  que  ie  pape  avait  faite,  sons  peine  d'excommnni- 


GEOFROI    D'AUXERRE.  ill 

calion,  de  lire  ou  de  transcrire  l'écril  de  Gilbert,  à  moins  Ml  sikcle. 
que  l'église  romaine  ne  le  publiât  après  l'avoir  purgé  et  cor- 
rigé (ce  qui,  dit  Geofroi,  n'a  pas  été  fait  et  ne  le  sera  jamais, 
comme  nous  l'espérons),  néanmoins  plusieurs  de  ses  disci- 
ples conservaient  encore  dans  leur  cœur  les  sentimens  dont 
ilti  avaient  été  une  fois  initus,  et  continuaient  à  lire  et  à  re- 
tenir cet  ouvrage  d'une  manière  d'autant  plus  dangereuse, 
qu'ds  le  faisaient  plus  secrètement.  C'est  ce  qu'il  exécuta  dans 
le  traité  dont  nous  rendons  compte.  11  y  réfute  un  à  un  les 
quatre  principaux  articles  qui  avaient  été  proscrits,  il  expose 
sur  chacun  la  doctrine  et  les  sentimens  de  Gilbert,  rapporte 
ses  propres  termes,  et  prouve  que  ces  articles  sont  contraires 
à  la  doctrine  de  l'égiise,  d'une  conséquence  très-dangereuse 
pour  la  foi  de  la  Trinité,  et  même  hérétiques,  il  lui  prouve 
qu'il  n'a  pas  entendu  Boëce,  qu'il  en  a  fort  mal  pris  le  sens, 
et  qu'en  tout,  son  commentaire  est  encore  plus  obscur  que  le 
texte.  Cette  matière  est  sans  doute  fort  abstraite;  mais  Geofroi 
la  traite  en  hon)me  très-versé  dans  la  lecture  des  écrits  des 
Pères,  dont  son  ouvrage  n'est  proprement  qu'un  tissu.  11  est  à 
remarquer  que,  dans  cet  écrit,  il  donne  toujours  à  l'abbé  de 
Clairvaux  le  titre  de  saint,  quoiqu'il  fût  peut-être  encore  en 
vie,  et,  supposé  qu'il  fût  mort  lorsque  Geofroi  écrivait,  avant 
qu'il  eût  été  canonisé. 

Ce  traité  est  suivi  d'un  symbole  de  foi  opposé  aux  articles  ««/.  col.  1339. 
de  Gilbert,  composé,  au  nom  des  évêques  de  dix  provinces, 
des  abbés  et  autres  théologiens  qui,  après  le  concile,  se  trou- 
vaient encore  à  Reims,  par  saint  Bernard,  lequel  craignait  qu'il 
ne  fût  rien  statué  sur  cette  affaire,  parce  que  plusieurs  cardi- 
naux avaient  paru  favorables  à  l'évêque  de  Poitiers,  ou  du 
moins  vouloir  excuser  et  interpréter  bénignement  ses  opinions. 
Geofroi  rapporte  ce  symbole  comme  un  témoignage  qui  dépose 
contre  Gilbert,  et  à  l'appui  des  accusations  qu'il  porte  lui-même 
contre  sa  doctrine.  Nous  ne  dirons  rien  de  cet  écrit,  parce  qu'il 
en  a  été  assez  parlé  à  l'article  de  saint  Bernard,  son  véritable 
auteur. 

6"  Personne  n'était  plus  en  état  d'écrire  la  vie  de  saint 
Bernard  que  Geofroi,  qui  avait  été  son  secrétaire,  le  com- 
pagnon de  ses  voyages  et  le  confident  de  ses  pensées.  Deux 
auteurs  célèbres  avaient  commencé  ce  travail  du  vivant  même 
du  saint,  Guillaume,  abbé  de  Saint-Thierri,  près  de  Reims, 
Tome  XJV.  K  k  k 

3  0   ♦ 


ÏM  GEOFROI    D'AUXERRE. 

xu  SIECLE,     et  Arnaud,  abbé  de  Bonneval,  au  pays  Charlrain  (1),  l'un  et 
l'aulrc  bénédictins,  qui  sans  doute  avaient  été  choisis  comme 
moins  suspects  d'adulation  que  n'auraient  été  des  cisterciens. 
Mais  le  premier  étant   mort  avant   saint  Bernard,    et   l'autre 
ayant   laissé  son   ouvrage    imparfait,    Geofroi   entreprit   de    le 
continuer,  et,   sans  loucher  aux  deux  livres  qui   étaient  com- 
posés, il  on  ajouta  trois  autres,  savoir,   le  troisième,   le  qua- 
trième et  le  cinquième.   C'est  un  travail  quon  avait  exigé  de 
lui,  ot  il  était   assez  porté  par  inclination   et  par  reconnais- 
sance  pour   tant  de  bienfaits  qu'il   avait  reçus  du  saint  abbé, 
(i    Plusieurs   j)er?onnes ,    dit-il,    ont    pensé    qu'il     n'était    pas 
convenable  à   un  de  ses  plus  cher.s  onfans,   qu'il   avait   élevé 
avec  tant  de  bonté  et  chéri  si  tendrement,  de  garder  le  silence 
après  sa  mort,  qui  seule  avait   pu  le  séparer  de   lui.  »  Il  ex- 
pose ensuite  le  plan    qu  d  a  adopté  pour  exécuter  ce  travail. 
Dans  le  premier  livre,  il  traitera,  dil-il,  principalement  de  ce 
qui  a  rapport  à  l'extérieur,   aux  mœurs,  et  à  la  doctrine  du 
saint  abbé  ,  dans  le  second,  des  miracles  que  Uieu  opéra  par  son 
ministère;   et,   dans   le  troisième,   de  sa    mort    bienheureuse 
Il   avertit   qu'il    ne   s'est  point  astreint  à   suivre  scrupuleuse- 
ment   l'oulre  des  temps,   mais  qud  sest  attaché   plutôt  à  lier 
ensemble  les  faits  qui  ont  du  rapport  les   uns  avec  li's  autres, 
parce  que   les  choses  d'une  même  nature,  ainsi    rapprochées, 
forment  un  tableau  plus  agréable  à  voir,  tel  qu'un  édilice  porté 
sur  des  colonnes  symétriquement  arrangées  en  acquiert  plus 
de  grâce, 
iidii.  opp.  I.       Geofroi  a  fort  bien  exécuté  ce  plan  :  il  fait  bien  connaître  les 
"■  '^"'    i"S  —  vertus  et   le  caractère  du  saint,  son  extérieur,  son  maintien, 
sa  figure  ;  et  si,  pour  être  éloquent,  il  faut  être  passionné  pour 
son  sujet,  on  peut  dire  qu'il  fut  éloquent,  sur-tout  au  cinquième 
livre,  qui  est  plein  de  figures  de  rhétorique,  parce  qu'il  décri- 
vait   la   mort    d'un  grand  homme,   perle   irréparable  pour  la 
communauté  dont  il  était  membre,  el  que  la  vive  douleur  dont 
il  était  pénétré  ne  trouvait  de  soulagement  que  dans  une  admi- 
ration sans  bornes. 

L'ouvrage  de  Geofroi,  qui,   avec  le   premier   et  le  second 

livres,   composés  avant  lui,  forment  1  histoire  complète  de  la 

vie  de   saint  Bernard,  a  été  imprimé  dans  toutes  les  éditions 

Alt  dicni  20  de  ses  œuvres  et  dans  le  Recueil  des  Bollandisles.  Celle  vie 

(1)  Voyez,  pour  le  travail  de  Ouiltautne,  l'Histoire  littéraire,  t.  XII,  p.  .'340; 
et,  pour  le  travail  d'Arnaud,  iind.  p.  539. 


GEOFROI    DAUXERRE.  443 

a  été   traduite  par  Philippe-le-Bel,    curé  de  Luzarches,  à  la     x„  s.ecle. 

tele  de  sa  traduction  en  notre   langue   des  œuvres  de   saint    ' 

Bernard,  imprimée  à  Paris,  chez  Michel  Joly  16^2  in  fol 
Le  sieur  Lamy  qui  n'est  autre  quAntoine  Lemaislre,'  avocat 
au  parement  de  Pans,  a  donné  une  nouvelle  traduction  de 
la  vie  de  saint  Bernard  en  six  livres,  dans  laquelle  les  trois 
hvres  de  Geotroi,  réduits  en  un.  forment  le  troisième,  parce 
que,  d.t-il,  ses  aniis  lui  firent  entendre  que  la  mullùude  des 
miracles  rapportés  dans  louvrage  de  Geofroi  pourrait  dégoûter 
es  ec.eurs.  Les  trois  derniers  livres  de  celle  traduction  sont 
I extrait  des  ouvrages  de  saint  Bernard,  et  représentent  son 
esprit.  Cette  traduction  a  été  imprimée  plusieurs  fois  in-i"  el 
in— 8°. 

70  Geofroi  s'était   préparé  de   longue  main  à  la  composition       opnsc.ia   iv 
de  cet  ouvrage.    Le   père  ChdQet,  jésuite,    publia  en    1679  ^^->^',v  ml 


quelques  extraits  dune  vie  de  saint  Bernard  presque  entiè-  ^"• 

rement  conforme  à  celle  dont  nous  venons  de  rendre  compte  • 

mais   II    y  remarqua  quelques  articles   qui   ne   se   trouvaient 

pas   dans   l'ouvrage  imprimé.    Il   les    publia   sous  le   titre  de 

fragmens  .  Fragmenta  ex   vita  et  rébus  gestis  S.  Bemardi 

auctore  Gaufrido,    monacho  Clarevallensi.    Ce   savant  jésuite 

croit  que  ce  sont  des  matériaux  que  Geofroi  avait  préparés  pour 

composer  la   vie  de  saint  Bernard,  et  dont  il  a  employé  une 

Ires-grande    partie    dans  son     histoire.    Dom    Mabillon       qui 

les  a  reproduits  comme  une  troisième  vie  de  saint   Bernard 

est  dans  la  même  opinion  que  le  père   Chifflet.  Ayani  retrouvé  11  iTn^l  '• 

quelques  autres  fragmens  que  le  père  jésuite  n'avait  pas  extraits 
il  a  cru  devoir  les  publier.  ' 

8°  A  peine    Geofroi   avait-il    terminé   la  vie  de  saint  Ber       '"''  "'  '^*- 
nard     qu'il   s'empressa   de   l'envoyer  à  Eskil,   archevêque  de 
Lunden  en  Daneiuarck.    Nous  avons  la   lettre  qu'il  lui  écrivit 
a   cette  occasion,  dans  laquelle  il  rappelle  à    ce  prélat  qu'il       "''"'•  """'• 
était    venu  du   bout  du   monde  à  Clairvaux  ,    pour  entendre    ''      '''  '''' 
comme  autrefois  la  reine  de  Saba   était  allée  à  Jérusalem    la 
sagesse  du  nouveau   Salomon,  la  dernière  année  de  sa   vie 
c'est-à-dire,    l'an    Wéi   ou  même  1133.    Cette  lettre  respire 
les  senlimens  d'admiration  et    de   reconnaissance   dont   Geo- 
froi était  pénétré  pour  son    cher  maître.    C'est  une    applica- 
tion allégorique   de  plusieurs  versets  du    Cantique   des   can- 
tiques,  a    I  explication   duquel  saint   Bernard   avait   consacré 
les  dernières  années   de  sa  vie.   Il  espère  dit-il,  en  finissant 
que  1  envoi  qu'il  lui  fait  de  son  livre,    de  quelque   manière 

KkJi.2 


II.    col    1309 
1318. 


444  GEOFROI    D'AUXERRE 

XII  SIECLE,  qu'il  soit  écrit,  lui  sera  agréable  ,  parce  que  ce  n'est  que 
~  ~  ~  dans  le  souvenir  des  vertus  du  saint  qu'ils  peuvent  trouver, 
lui  et  eux,  quelque  consolation.  11  ne  dissimule  pas  que  sa 
composition  pèche  par  trop  do  prolixité  ;  mais  on  l'excusera, 
dit-il,  de  s'être  laissé  entraîner  par  ses  affections.  Quant  au 
style,  il  a  fait  de  son  mieux  et  selon  le  degré  de  capacité  qui  lui 
était  départi.  Tel  est  le  jugement  que  l'auteur  porte  lui-même  de 
son  livre. 

9°  Gcofroi  était  inépuisable  lorsqu'il  s'agissait  de  célébrer 
les  louanges  de  saint  Bernard.  Étant  abbé  de  Clairvaux,  il 
Hcrn.  opp.  i  fit,  en  1163,  devant  sa  communauté,  un  long  panégyrique  du 
saint,  pour  célébrer  le  jour  anniversaire  de  la  dixième  année 
de  sa  mort.  Son  but,  dans  cet  éloge,  est  de  le  proposer  pour 
modèle  à  ses  religieux,  dont  plusieurs  avaient  long-temps 
vécu  avec  le  saint.  11  ne  parle  ni  de  ses  travaux  pour  l'extin- 
ction du  schisme  et  des  hérésies,  ni  des  négociations  aux- 
quelles il  avait  été  employé  pour  la  paix  de  l'église  et  des  états  ; 
il  se  borne  à  leur  retracer  ses  vertus  religieuses,  son  amour 
de  la  solitude,  sa  sollicitude  pastorale,  et  le  zèle  qu'il  avait  pour 
le  salut  des  âmes.  L'auteur  reconnaît  les  bontés  singulières 
que  le  saint  avait  eues  pour  lui ,  et  les  soins  infinis  qu'il 
s'était  donnés  pour  lui  rendre  le  joug  du  Seigneur  doux  et 
agréable, 
«id.  col.  283  10»  D.  Mabillon  a  restitué  à  Geofroi  un  écrit  que  les  édi- 
—  '*'■  teurs  des  oeuvres  de  saint  Bernard  avaient  attribué  avant   lui 

à  l'abbé  de  Clairvaux.  Il  a  pour  titre  (1)  dans  l'imprimé  : 
Gaufridi  abbalis  declamationes  de  coUoquio  Simonis  cum  Jesu, 
ex  S.  Bernafdi  sermonibus  collecix.  Ad  Henricum  S.  R.  E. 
vardinalem.  Petits  discours  de  l'abbé  Geofroi  sur  la  conversation 
do  Simon-Pierre  avec  .lésus,  adressés  à  Henri,  cardinal  de 
l'église  romaine. 

Ce  cardinal  n'est  autre  que  Henri  de   Pise,  qui,  en  1148, 


(1)  Le  titi'e  de  cet  écrit  varie  beaucoup  dans  les  manuscrits.  Celui  du  monas- 
tère de  Cheininon  porte  :  /ncipil  opusculum  domini  Gauf'ridt  de  diclis  B.  Ber- 
nardi  ad  Henricum  !>'.  E.  tune  subdiaconwii,  poslea  monachum  Clarœvallix, 
deinde  cardinalem ,  super  u\\\t  Simon  l'ururs  ad  Jksi  m  ;  celui  d'Anchin  :  Liber 
de  lectione  evangelicâ,  kick  nos  kki  h^iimi  .s  omm  v  ;  celui  de  Vauluisant  :  Inci- 
pivnt  capitula  in  opusciito  quodfecit  Abbas  Igniaceiuis  ad  Henricum,  etc.  ;  celui 
du  Vatican,  que  le  pape  Nicola-s  V  avait  fait  transcrire  pour  son  usage  ;  De  Collo- 
quio  Simonis  et  Jesu  ad  Henricum  R.  E.  subdittconum,  etc.  Dans  d'autres,  cet 
écrit  a  pour  titre  :  De  eontewtplu  mundi. 


GEOFROl    DAUXSRRE.  445 

au  rapport  do  notre  Geofroi ,  n'était  encore  que  soudiacre  de  xii  siècle. 
l'église  romaine,  lorsqu'il  assista  au  concile  de  Reims.  Il  em-  wid.  coi.  1320. 
brassa  ensuite  la  réforme  de  Clairvaux  ,  et  fut  abbé  de 
Saint-Anasiase  à  Rome.  Bientôt  après  il  fut  décoré  de  la  pourpre 
romaine  ,  et  fait  cardinal  du  tilre  des  SS.  Nérée  et  Acbillée. 
L'an  1160,  il  fut  envoyé  légat  en  France.  Geofroi  était 
abbé  d'Igni,  selon  le  manascril  de  Vauluisant,  lorsqu'il  adressa 
son  écrit  à  Henri  ;  ce  fut  par  conséquent  dans  l'intervalle  de 
l'année  1155  à  1161,  et  vraisemblablement  lorsque  ce  car- 
dinal vint  en  France. 

C'est  ajuste  litre  que  l'auteur  a  donné  à  son  ouvrage  celui 
de  Déclamations.  Il  consiste  en  plusieurs  petits  discours  ou  para- 
graphes au  nombre  de  soixante,  dans  lesquels  il  déclame  beau- 
coup contre  les  vices  en  général  ,  et  sur-tout  contre  les  désor- 
dres des  clercs  de  son  temps  ,  qu'il  critique  sans  ménagement  ; 
et  néanmoins  il  dit  qu'ils  doivent  lui  savoir  gré  de  sa  retenue, 
qu'il  les  épargne  beaucoup  ;  que  personne  n'ignore  les  choses 
qu'il  avance  ;  qu'il  peut  bien  les  révéler ,  puisque  personne 
n'en  rougit.  D'ailleurs  ,  dit-il  ,  nous  avons  aussi  été  clerc  : 
qu'il  nous  soit  au  moins  permis  d'examiner  notre  conduite 
passée,  liceat  vel  nostra  scrutari.  Il  leur  applique,  d'une  ma- 
nière ingénieuse,  ce  verset  du  pseaume  72  :  Ils  ne  participent 
point  aux  travaux  des  hommes  ;  ils  n'éprouvent  point  les 
fléaux  auxquels  sont  exposés  les  autres  hommes.  Cependant 
tout  n'est  pas  déclamation  dans  son  écrit  ;  il  y  prend  souvent 
le  ton  d'exhortation  et  d'insinuation,  pour  mieux  faire  goûter  sa 
morale. 

Ce  livre  a  été  imprimé  à  Spire,  en  1501  (1),  sous  le  titre 
de  Declamatorium,  et  avec  le  nom  de  saint  Bernard  ,  d'où 
il  était  passé  dans  les  éditions  des  œuvres  du  saint  docteur. 
il  est  bien  vrai  que  le  fond  de  l'ouvrage  lui  appartient  , 
comme  le  dit  l'auteur  dans  son  épîlre  au  cardinal  Henri  ; 
mais  Geofroi  en  fut  le  compilateur  et  le  rédacteur,  soit  qu'il 
l'ait  extrait  des  sermons  écrits  de  saint  Bernard  ,  soit  qu'il 
ait  recueilli  de  ses  sermons,  à  mesure  qu'il  les  prononçait, 
les  différents  traits  qui  composent  son  ouvrage  ,  qui,  à  cause 
de  cela  ,  porte  .  dans  quelques  manuscrits  ,  le  titre  de  Sen- 
tences. 

11°  A  la  demande  du  pape  Lucius  III,  les  abbés  de  l'ordre 

(1)  11  fat  réimprima  en    1518,  avec  les  fleurs  tirées  des  écrite   de    saint 
Bernard,  Bemardifiora.  Daventri»,  in-4». 


U6  GEOFROI    DAUXERRE. 

xit  SIECLE,  de  Cîteaux,  qui  sollicitaient  la  canonisation  du  B.  Pierre,  ar- 
chevêque de  Tarentaise,  cistercien  célèbre  par  ses  vertus  et 
ses  miracles,  mort  le  8  mai  1175,  jetèrent  les  yeux  sur 
Geofroi  d'Auxerre ,  qui  était  alors  abbé  de  Haute-Combe, 
Boiiand.  Arta  pour  composcr  la  vie  du  saint  archevêque.  Nous  avons  la 
ss.  8  maii,  p.  lettre  que  le  pape  écrivit  au  chapitre  de  Cîteaux,  ainsi  que 
celle  des  abbés  de  Cîteaux  et  de  Clairvaux  à  Geofroi,  et  la 
réponse  de  celui-ci,  par  laquelle  il  se  charge  de  ce  travail 
avec  sa  modestie  ordinaire.  L'ouvrage  était  prêt  à  être  pré- 
senté au  pape,  lorsque  Lucius  mourut  en  1 1 8o,  Geofroi  l'a 
exécuté  à  sa  manière  ;  il  représente  le  saint  archevêque  comme 
un  autre  thaumaturge,  non  moins  fécond  en  miracles  que 
saint  Bernard.  Il  y  a  cependant  beaucoup  à  gagner  pour  l'his- 
toire, lors  même  que,  dans  ses  narrations,  l'auteur  est  tout  oc- 
cupé  de  prodiges. 

12°  Peu  de  temps  après,  vers  1188,  Geofroi  écrivit  au  cardi- 
nal Henri,  évoque  d'Albano,  qui  l'avait  consulté  ,  comme  nous 
Supià  p.  459.  l'avons  dit  plus  haut,  sur  l'affaire  de  Gilbert  de  la  Porrée  , 
pour  le  consulter  à  son  tour  sur  une  question  théologique  qui 
s'était  élevée  en  France,  savoir  si  leau  qu'on  mêle  avec  le  vin 
au  sacriBce  de  la  messe  se  change  immédiatement  au  sang  du 
Seigneur,  ou  si,  en  vertu  des  paroles  de  la  consécration  ,  elle 
est  changée  en  vin,  pour  ensuite  être  transformée  en  sang. 
Geofroi  expose  les  raisons  des  partisans  des  deux  opinions, 
mais  il  ne  donne  pas  la  sienne  ;  il  désire  seulement  que  le  sacré 
collège  veuille  bien  oxaiuiner  cette  question,  et  la  décider, 
pour  fixer  sur  cela  la  croyance  commune.  Nous  n'avons  pas 
la  réponse  du  cardinal  d  Albano,  ni  la  décision  du  sacré  collège; 
AH  an.  1188.  inais  le  Cardinal  Baronius,  qui  a  imprimé  la  lettre  de  Geo- 
froi, en  a  donné  une  qui  n'a  pas  été  du  goût  de  tout  le 
monde. 

13"  Geofroi   avait  composé  beaucoup  de  sermons.  Oudin  en 
avait  vu,  entre  les  mains  de  D.    Bernard  Tissier,   une  collec- 
tion en  deux  volumes  in-fol  ,  que  ce  savant  cistercien  se  pro- 
T   vil,  p.  i{7  posait  de  publier.  Le  P.  Combetis  eu  a  imprimé  trois  dans  la 
-  15:».  Bibliothèque  des  pères  préilicaleurs;  deux  sur  la  naissance  de 

'  '  •*    ***"    saint  Jean-Baptiste,  et   un   pour  la  fêle  de  saint   Martin.  Ils 
portent    le  nom    de  Gal/'ridus  ;  mais    rien   ne    prouve  qu'ils 
bibi.   Pair,  soient  de  Geofroi  d'Auxerre.  D.   Tissier  a  donné  un  fragment 
uster.  i.  IV,  p.  j.^^^  ^^j^^  sermon  sur   la  résurrection   de  Jésus-Christ,  dans 
lequel    l'auleur    déclame  un   peu   contre   son    ancien    maître 
Abailard. 


H.  .ul.  n39. 


GEOFROI    D  AUXERRE.  447 

1  4°  D.  Mabillon  a  publié  une  lettre  de  Geofroi  à  un  religieux  xii  siècle. 
nommé  Josbert,  qui  lui  avait  demandé  une  explication  de  l'orai-  Bem.  o|i|.. 
son  dominicale,  laquelle  ne  fut  ni  trop  longue,  ni  trop  courte. 
Geofroi,  a()rés  quelques  instructions  sur  la  bonne  manière  de 
prier,  satisfait  aux  désirs  de  son  confrère  en  expliquant  briève- 
ment les  demandes  contenues  dans  cette  divine  prière.  Nous 
avons  déjà  averti  que  cet  écrit  pourrait  bien  être  de  Geofroi  de 
Péronne. 


SES  ÉCRITS  INÉDITS,  SUPPOSÉS- OU  DOUTEUX 

On  trouve  dans  les  catalogues  des  grandes  bibliothèques,  plu- 
sieurs écrits  de  noire  auteur,  qui  n'ont  pas  encore  vu  le  jour,  ou 
qu'on  lui  attribue  faussement. 

15°  Un  commentaire  sur  le  Cantique  des  cantiques  en  six 
livres,  sur  lequel  Casimir  Oudin  a  fait  de  grandes  recherches,  i»-' Script.  ord. 
Il  en  cite  plusieurs  manuscrits  qu'il  avait  vus  à  Foucarmont,  '  "'  '^°''  '*^' 
à  Viiliers  en  Brabanl,  à  Bonne-Fontaine,  à  Igni,  à  Orval, 
sans  compter  ceux  qui  élaienl  à  la  bililiolhèque  de  Colbcrl, 
et  qui  sont  aujourd'hui  à  la  biLliothcque  du  roi,  sous  les 
numéros  71,470,559  D  Marlùne  dit  en  avoir  vu  un  exem-  Vovagc  liu 
plaire  à  labbaye  de  Longpont,  dédié  à  Henri,  abbé  de  •'"'•  "'  •'  "^ 
Clairvaux.  Voici  l'idée  que  Casimir  Oudin  donne  de  cet  ou- 
vrage. «  Le  prologue  commence  par  ces  mois,  Plurima  qui- 
dem  audivimus,  et  le  corps  de  l'ouvrage  par  ceux-ci.  Ad 
singulos  profectus  virtutum  canenda  sunt  cantica  graduum,  etc. 
C'est  un  commentaire  moral  très-prolixe,  à  l'imitation  des 
sermons  que  saint  Bernard  avait  composés  sur  la  même 
matière,  mais  non  avec  la  même  élégance  de  style.  Au  com- 
mencement de  l'ouvrage,  l'auteur  explique,  verset  par  verset, 
ce  divin  cantique,  mais  bientôt  après  il  change  de  méthode, 
et  au  lieu  d'un  commentaire,  il  a  cousu  des  sermons  entiers 
qu'il  avait  prêches  dans  différentes  solennités  de  l'année.  » 
Tel  est  le  jugement  que  porte  de  cet  écrit  Casimir  Oudin. 
Nous  en  avons  parlé  plus  haut  à  l'article  de  Geofroi  de 
Péronne. 

16"  Un  commentaire  sur  l'Apocalypse,  composé  de  dix- 
neuf  sermons.  Il  existe  manuscrit  à  la  bibliothèque  royale, 
sous  le  n"  476.  Il  commence  par  ces  mots.  Liber  Apoca- 
lypsis,  ut  comperit  vestra  fraternitas,  etc.  On  en  trouve  dans 
la  chronique  d'Hélinand,  sous  l'année  1119,  et  dans  le  Miroir 


448  GEOFROI   D'AUXERRE. 

XII  SIECLE      historial  de  Vincent  de  Beau  vais,  un  fragment  qui  a  été  rapporté 
Lit).  XXVII,  pjip  Manriquez  dans  ses  Annales. 

"''aj  an    iiu        ^^°  Casimir  Oudin  dit  avoir  vu  entre  les  mains  de  D.  Ber- 

rap  I,  n  nne.  nard  Tissier,  un  livre  de  Geofroi  contre  Abailard.  C'est  dom- 
mage que,  contre  son  ordinaire,  cet  habile  bibliographe 
n'ait  pas  fait  connaître  l'ouvrage  par  les  premiers  mots  du 
texte.  On  aurait  pu  alors  le  comparer  avec  l'écrit  d  un  abbé 
anonyme,  que  le  même  cistercien  a  publié  dans  la  Bibliothèque 
Bibi.   Pair,  des  pèrcs  de  l'ordre  de  Cîteaux.  Celui-ci  est   une  réponse  à 

238*-  259^  **  '''Po'og''^  qu'Abailard  avait  publiée  contre  saint  Bernard. 
L'auteur  entreprend  de  prouver  que  ce  saint  s'est  élevé  avec 
justice  contre  Abailard,  on  plutôt  contre  ses  erreurs,  et  qu'il 
a  dû  le  faire.  Mais  qui  était  cet  anonyme?  était-ce  Geofroi 
d'Auxerre,   secrétaire  de   saint   Bernard?   Ce  qui   pourrait  le 

iiiid.  p.  2i-2,  2.  faire  croire,  c'estqu'il  dit  avoirvécu  familièrement  avec  Abailard, 
verumtamen  ne  videur  invehi  vehemens  in  Petrum,  oui 
strictissimâ     familiaritate     conjunctus     fui;     et     dans      un 

Vil.  p    238,  2.  autre  endroit,  adressant  la    parole  aux  disciples    d'Abai'ard, 

ô  nostrates  philosophi  !  (\\l~\\  :  ce  qui   conviendrait  assez   bien 

à    Geofroi    d'Auxerre.  Mais,  d'un   autre  côté,   il   nous  apprend 

lui-même,    dans  sa    lettre    au    cardinal    d'Albano,    qu'il  n'est 

Bern  npp.  I.  pas  l'auleur  dc  cet  ouvragc.    «Je  me   souviens,  dit-il,    d'avoir 

II,  col.  i.i2i.  yy  autrefois  à  Clairvaux  un  petit  traité  composé  par  un  abbé 
de  moines  noirs,  dans  lequel  sont  combattues  les  erreurs 
d'Abailard,  mais,  depuis  plusieurs  années,  le  premier  cahier 
y  manque,  et  les  bibliothécaires  assurent  que,  malgré  les 
recherches  les  plus  exactes,  ils  n'ont  pu  le  retrouver.  Ce  qui 
me  fait  prendre  le  parti  d'envoyer  en  France,  au  monastère 
dont  a  été  abbé  I  auteur  de  ce  livre  ;  et  si  je  puis  le  recou- 
vrer, je  le  ferai  copier  en  entier  pour  vous  l'envoyer.  »  Tel 
est  l'étal  actuel  dans  lequel  cet  écrit  a  été  imprimé,  c'est-à- 
dire,  mutilé  au  commencement.  Si  c'est  de  celui-là  que  Oudin 
a  voulu  parler,  il  est  évident  qu'on  ne  peut  l'attribuer  à 
Geofroi,  qui  ne  dit  pas  non  plus  qu'il  en  eût  composé  un 
semblable,  quoique  ce  fut  là  le  lieu  d'en  parler.  Il  nous 
semble  qu'il  serait  plus  naturel  de  donner  cet  écrit,  anonyme 
parce  qu'il  est  mutilé,  à  Guillaume  de  Saint-Thierri,  qui, 
ayant  provoqué  la  condamnation  d'Abailard,  à  dû  répondre 
plutôt  qu'un  autre  à  son  apologie,  prendre  la  défense  de 
saint  Bernard,  et  repousser  les  calomnies  et  les  subterfuges 
de  son  adversaire.  Mais,  sans  prétendre  décider  cette  quee- 
ibii.  t.  I,  col.  lion  que  D.    Mabillon  a   laissée  indécise,  il  eâl  de   notre  devoir 

636. 


XII  SIECLE. 


GEOFROI    D'AUXERRE.  449 

de  faire  connaître  cet  écrit,    puisque  l'occasion  s'en  présente. 

II  est  divisé  en  trois  livres.  Dans  le  premier,   l'auteur  réfute 
les  erreurs  d'Abailard  sur  la  Trinité  ;   dans  le  second,   celles 
qu'il  a  avancées  sur  l'incarnation  du  Verbe  ;    et,  dans  le  troi- 
sième,   ses  opinions  pélagiennes  sur   la  grâce.   II  y  rapporte 
les  propres  termes  d'Abailard,  tirés  sur-tout  de   son  Apologie, 
de  sa  Théologie,  et   de  quelques   autres  de  ses   écrits,   qu'il 
réfute  par  des  passages  bien  choisis   d-B  l'écriture  sainte  et  des 
pères  de  l'église.   11  s'élève  avec  feu  contre  les  mauvais  théo-         b.li.  Pair, 
logiens    de  son  temps,  qui   traitaient   les  choses  divines  par  ^^^"'^  ''  '^'  P" 
la  seule  force  du  raisonnement.  Pour  lui,    il  ne  fait  pas  grand 
cas  de  la  science  de  Platon  et  d'Aristote.  Mon  Aristote,  dit-    ma.  p.  240,  i 
il,  est  saint  Augustin.  Il  dit  avoir  composé   un  traité    intitulé    ibid.  p.  258.  2 
de  Rébus  universalibus,(\VL'\\    a    adressée  maître  Thierri  (c'est 
sans  doute  le  fameux  Thierri  l'Armorique,  professeur  de  Paris), 
dans  lequel  il  prouvait,  entre  autres  choses,  que  la  providence 
de  Dieu  n'imposait  point  de  nécessité  aux  événements.  L'auteur 
avait  dédié  son  écrit  à  Hugues  d'Amiens,  archevêque  de  Rouen, 
mort  en  1164,  comme  on  le  voit  par  plusieurs   endroits  de  son 
livre,     où     il    l'appelle    ô    clarissima   Rotomagensium  lucer-    /ftirf.  p.  ski,   i. 
na,  et   ailleurs    optime   Hugo  ;    mais  l'épîlre    dédicatoire  est 
perdue. 

18"  Quelques   bibliographes  attribuent  à  Geofroi  un  volume 
de    lettres,   qui    n  existe  dans   aucune  bibliothèque  qui  soit   à 
notre  connaissance.  Outre  les  lettres  qu'il  a  placées  à  la  tête  de 
ses  ouvrages,  Lt  dont  nous  avons  rendu  compte,  il  s'en  trouve 
dans  des  recueils  imprimés,   deux  qu'on  pourrait  peut-être  lui 
attribuer.    L'une    est  adressée  à  un   abbé  d'un   monastère  qui       Mart.  Anecd. 
n'est  pas  nommé,   et  qui  lui-même   n'est  désigné  que   parla  *''«"»'• '74. 
lettre  N.    L'auteur  ne  se  fait  connaître  que  par  la  lettre  G,  avec 
la  qualité  d'abbé  de  Clairvaux  :  mais  cela  ne  suffît  pas  pour 
attribuer  avec  certitude  la  lettre  en  question  à  Geofroi.  Au  reste 
il  s'agissait  de  jusliBer  un  religieux  qui  avait  quitté  son  monas- 
tère pour  se  fixer  à  Ourcamp,    dans   la  Bliation  de  Clairvaux. 
L'autre   lettre  est  adressée  au  roi  Louis  le-Jeune,  pour  recom-        Chcsn.  i.  iv 
mander  à  sa  charité  un  nécessiteux  qui  allait  implorer  son  assis-  ^"'    ^"""^     P- 
tance.  L'auteur,  qui  se  dit  abbé  de  Clairvaux,  n'est  désigné  que 
par  la  lettre  G,  qui  peut  s'appliquer  à  Garnier  aussi  bien  qu'à 
Geofroi. 

19°  Dans  le   manuscrit  du   roi,   cotté   2583,  ci-devant   de 
Colbert,  on  indique  deux   ouvrages  de  Geofroi  sous  ce  litre, 
Gaufridi  abbatis  de  AUacumba  tractatus  de  saeramentis  nu- 
Tome  XIV.  L 1 1 


i;-0  CEOFROI    IVAl'XKRRE. 

XII  SIECLE,      merorum  à  tricenario  ad  vicenariimi  ;  et  ensuite!,  Ejusdem  liber 
de  creatione  perf'ectoriini  iiumerortim   et  eorum  sacramento. 
C  est  une  laiilc   dans  cv  ealaloiiiie.    Ces  ouvrages    appartien- 
nent à   (Inillaunic,   ablié  d'Aubeiive,  comme   nous  lavons  dit 
T.  XII,  p.  61.).   ailleurs,  et  ils  sont  rapportés  sous  son  nom  dans  le  manuscrit 

Suprà,  p.  202.         „„.  .'  ,  '  ' 

3011    du  même  catalogue. 
De  Scr.  Ecci.       20"  Casimir  Oudin,  sur   le  litre    du   manuscrit    ")")9   de   la 

t.  Il,  (ol.  \VM  l)il)lioliiè(pie  royale,  lr(|u<!l  fiait  it^  i77iS  dans  colle  de  Col- 
lj<'rt,  attribue  à  CeoCroi  loiiviagc  suivant,  Gauft'idi  piioris 
clarevallensis  explùatio  illorum  Ecdesinstae  verbofiim,  mkmemo 
ciU'ATiiiiis  Tii.  (jeoiVoi  d  Auxerre  ne  lui  jamais  prieur  de  Clair- 
vaux,  (letle  ([ualilé  ne  pi'ul  ciuaciiii-  ipià  CcolVoi  d(!  Fe- 
ronne,  ou  à  Godel'roi,  (pion  noniiiie  (picl(]uet'ois  CeoJ'roi, 
|)arent  de  saint  Bernard,  si  toutduis  louvrage  est  de  ce, 
temps-là. 

2l„Le  même  dudin  nie  comnic  iiin'  protluclinn  dcdco- 
Iroi  une  homélie  sur  \v,  Canlique  dis  cauliipies,  commeuyaul 
par  ces  mots,  Vobis  fralres  alia  quipu  aliis  de  secido,  aiU 
verte  aliter  dicenda  sunl.  KNi'  l'xi.-lail,  sridii  lui,  dans  la 
bibliolliè(|ue  de  i-'Ieuri  ou  -^aml  liennît-^ur-Loue.  Ce  dibul 
est  celui  des  sermons  de  sain!  Jîcriuud  sur  le  Canli(iut'  des 
canlii|ues. 

'it"  Il  cite  encore,  comme  a[)parlenanl  à  Geofroi,  un  opuscule 

qu  il    avait  vu  entre   les  mains  de  Bernard    Tissit;r,  ayant  [)our 

titre,  De  Vestibus  sao-is  seu  sacerdotalibus.  Nous  ne  pouvons  ni 

garantir,  ni  nier  que  cet  ouvrage  soit  de  lui. 

Iiist.   cccUs.        ^liuM.    Du[)in  l'ait  Geofroi  auteur  dune  description  de  Clair- 

2,  p  !ii(i  vaux.  C'est  sans  doute  celle  qui  se  trouve  p.    I.'IOO-ISOO  de 

rA[ipendicc  aux  œuvres  do  sain!  [Jernard  II  faut  ((ue  M.  Dupiu 
n'ait  |)as  seulement  jeté  les  yeux  sur  ces  vers,  lis  sont  certaine- 
ment d'un  auteur  (jui  écrivait  ile[)uis  le  renouvellement  des 
lellies. 

2in  D'autres  lui  allribuent  un  écrit  (|ui  a  |)Our  titre.  Liber 
sepulcroruni  Clarsevallis,  an  bien,  De  personis  illustribus  in 
Claravalle  septdtis.  Cet  écrit  est  imprimé  dans  le  Fasciculus 
Sanctorum  de  llenriquès,  dislincl.  41.  Il  est  rare  que  ces 
sortes  d  ouvrages  aient  été  compo:-és  par  une  même  per- 
.sonne. 
iii.si.  fcic'!.        2-")o  Dempslerus  ,  par  une  ni(''|)rise    inconcevable,  fait  Geofroi 

ijriiiis  .Sioi    1,1,    j,„i,,„r  (I  une  vu-  de    saint    Wiron,   évi'que   Irlandais.   Vovez  ce 

quen  dit    liollaudus   au   8  de  mai,    luim.   7,  p.    310. 

itii.i.  CMcr.       ^'*"   '^-   ^''<irl<^'S'   lie  Viscli  attribue,   lunlôt    à    notre   auteur, 
1).  l'.ii. 


HENRI,  ÉVÈQUE  DALHANO.  451 

tanlôl  à  un  nommé  Gin,  tantôt  à  Odon   de   Schirstone  ,   an-      mi  siecu: 

glais.  un  Parabolariwn    seu    liber   proverbiorum    et  parabo- 

larum,    qui     existe    manuscrit    dans   plusieurs    hibliotlièques 
(.asimir   Oridin    observe  (,ue  cet    ouvrai,'e  est    dédié   à    saint 
Bernard,  Parabolx  ad  S.   Bernardum  ;   el    d  prouve    par  le 
texte    même  de    lépîlre    dédicatoire ,   qu'il    ne    peut  'ôlro  de 
(.eoiro.  d'Auxerre.  L'abbé  Lebeuf,  qui  avait  examiné  ce  ma-        „.      ,, 
nuscnt  a    Clairvaux,  s'exprune  ainsi  :  «  D.   Martène   donnant  u  ..,%8 
connaissance   de   quelques  manuscrits  de  Clairvaux      marque 
entre  autres   expositio  in  proverbia  ,    et  ajoute  qu'on    lit  au 
commencement    de    cet    ouvra^-r,    :   Hoc  apusculum  pr^sens 
non  Richardi,  sed  domni  Gaufridi  nbbalis   Fontisniensium 
qnod  Regniaci  pro  certo  constat  esse,  et  sepidtus  est  ibi  juxta 
abbates.  >>  Voila,  d.l-,1,  un  Geofro.,  abbé  de  Re^-oi  au  dioecse 
dAuxerre,  parmi  les  écrivains  ;  le    titre  qui   le  dit  est   dune 
écriture   du   XIII»  siècle,  ai nsj  ,,uil   ma    paru    en    examinant 
ce   manuscrit  a  Clairvaux,  l'an  17;J0.    Ce  nesl    point    un   corn- 
menla.re  sur   les     Proverbes    de   Salomon  ,    quo,.|ue    le   titre 
semble   I  insinuer.    Laute.ir   dit   .lans  sa   préface   .p,  ayant    re- 
cueilli autrelois  un  bvre  .le  proverbes  ou  paraboles,  Etienne 
sonabbe,    la  exhorté  à  les  orn.-r  duue  paraphrase    spirituelle' 
Au    reste  ,     si    Geoiroi    a    ét(-    ...oine    de    Regni  sous  labbé 
Etienne,  qui  vivait  en   I  I  iO,  elquil  ait  été   un    de  ses    suc- 
csseurs,  il  faut  avouer   (pul  n'est  connu  par  aucun  autre   mo- 
nument. „ 

D. 


Ahbk    m:  llAUTK-CoMnio,  i-eis  „k  C.viuvArx,    kt  kxhn  Caulix^m. 
KvÉQiJK  p'Alh.ano. 


SA  VIE. 


|ltNKi  un  des  grands  personnages  qu'ait  produits  l'ordre  Fasc.  ss.  Or,i 
"(le  C.leaux,  naquit,  dit-on,  d'une  famille  noble  au  château  '^'"'"-  ''''■  "' 
de  Marcy,  castro  Marsiaco,  près  l'abbaye  de  Cluni  Quel-  ""''  "'  '"'''  '' 
ques-uns  lonl  cru  de  Loaibardie,    le  confondant  mal-à-pro- 

Lli2 


452         HENRI,  ÉVÊQUE  DALBANO. 

XII  SIECLE      pos,  d'après  Arnold  Wion ,    avec  un  autre   Henri  surnommé 

de  Pise,  qui,  de  moine  de  Clairvaux,   fut  fait  cardinal  du  titre 

Hisi.  des  card.  jgg  gainis  Nérée  et  Achillée   (1).    François  Duchesne  dit   que 

""■  ''■       ■       l'évêque   d'Albano  était  de  la  famille  des  Monocules,   frère  de 

Pierre  Monocule,   qui   fut   son   successeur    dans    l'abbaye  de 

Clairvaux.  Si  cela  était,   il  faudrait  dire  qu'ils  étaient  l'un   et 

Fascic.  l'.id.  l'autre  du  sang  des   rois  de   France  ;    car  Henriquez  dit  posi- 

Disi.  22.  cap.  2.    i[vement  que   Pierre   Monocule  était  issu  du  sang  royal.   Mais 

ni  Henriquez,  ni  Duchesne  ,    ne  donnent   aucune   preuve  de 

Enord.  Map.  l^ur  asscrtion.  L'auteur  du  grand  Exorde  de  Cîteaux  se  con- 

Diïi.  2,  cap.  29.  lente  de  dire  que  Henri  était  né  d  un  père  noble,   mais  qu'il 

était  beaucoup  plus  noble  par  ses  vertus  que  par  sa  naissance  ; 

qu'il  entra  fort  jeune  à  Clairvaux,  et  qu'il  y  passa  les  premières 

années  de  sa  profession   avec  tant  de   ferveur  et  d'ionocence, 

qu'on  lui  trouvait  déjà  la  maturité  des  vieillards. 

Fisc.  ibtd.       S'il    est    vrai,    comme    le   dit  Henriquez  ,   que   Henri   prit 

dist.  il,  csp.  3.  l'habit  monastique  sous  l'abbé   Robert  de  Bruges,   successeur 

de  saint  Bernard,   ce  fut   par  conséquent  après  le  mois  d'aoilkt 

1153,  oii  commence   la   prélature  de  Robert,  et  avant  le  29 

avril  1157,  époque  de  sa  mort  ;  ce  fut  probablement  l'an  1 156, 

puisqu'il  n'y  avait,  dit-on,  que  quatre  ans  qu'il   était    profès, 

lorsqu'il  fut  nommé,  extrêmement  jeune,   l'an   1160,   abbé 

Gaii.  Christ,  de  Haule-Combe  dans  la   Savoie  ;    car  on   le  voit  signer  eu 

vei.  t.  IV,  p.  3f.  cette  qualité   un  acte   de  l'an  1161.  Tout  le  monde  fut  surpris 

d'un  pareil   choix,   qui  néanmoins  est  à-la-fois  une  preuve  et 

du   rare   mérite  de  Henri,  et  du  sage  discernement  de  l'abbé 

Faslrède.  On  eut  lieu  de  le  reconnaître  quand  on  vit  le  nouvel 

abbé  remplir  les  devoirs  de  sa  charge  à  la  satisfaction  de  tout  le 

monde. 

La  proximité  des  lieux  le  mit  en  relation  avec  saint  Pierre, 

archevêque  de  Tarenlaise,   religieux  comme  lui  de  l'ordre  de 

Boli.  die  8  Cîteaux.   Ce  bon   prélat  lui  ayant  communiqué  le  dessein  où 

miii,    p.     533,  il  était  de  vendre  son  modeste  équipage,   pour  en  donner   le 

""""^  ■  '  prix  aux  pauvres,   résolu    de    faire  dans   la   suite  à   pied  la 


(1)  Geofroi  d'Auxerre,  secrétaire  de  saint  Bernard,  parlant  de  Henri  de 
Pise  (S.  Bernarii  op.  t.  II,  col.  1320),  nous  apprend  ce  qu'il  était  Tan 
1148,  et  ce  qu'il  devint  depuis.  Domnus  Henricus  Pisanus,  dit-il,  tune 
Romana:  ecclesia  subdiaconus ,  futurus  posteà  daretallensit  monacknt,  et 
ex  abbate  S.  Anastasii  sanctorum  Kerei  el  Achillei  presbyter  cardinalis.  Or 
il  est  prouvé  qu'il  était  déjà  cardinal  l'an  1153.  N'^  ez  Baronius  sur  cette 
année,  q<>  5. 


HENRI,  ÉVÉQUE  DALBANO.  453 

visite  de  son  diocèse,  notre  abbé,  tout  en  louaat  son  dessein,  xii  siècle. 
lui  représentait  qu'il  lui  serait  impossible  de  se  passer  de  voi- 
ture, si  à  son  âge  il  était  obligé  de  voyager  au  loin.  La  chose 
était  encore  en  délibération,  dit  l'auteur  de  la  vie  du  prélat, 
lorsque  !e  saint  archevêque  reçut  l'ordre  du  pape  de  se  trans- 
porter en  Normandie,  pour  travailler  à  rétablir  la  paix  entre 
les  rois  de  France  et  d'Angleterre.  Ceci  arriva  en  1174,  et  l'an 
1176  Henri  fut  fait  abbé  de  Clairvaux. 

A  cette  époque,  une  espèce  de  manichéens  auxquels  on  a  HoTcd.  «d  >n. 
donné  plusieurs  noms,  et  enfin  celui  d'Albigeois,  sous  lequel  "'*'  ■*■  ^^'' 
ils  sont  plus  connus,  faisait  des  progrès  effrayans  dans  le 
Languedoc,  et  principalement  dans  les  environs  de  Tou- 
louse. Le  comte  Raimond-le-Vieux,  prince  zélé  pour  la  foi, 
voulant  arrêter  les  progrès  du  mal,  s'était  adressé  d'abord 
au  roi  de  France,  persuadé  que  sa  présence  déconcerterait 
l'hérésie.  C'était  l'an  1177,  dans  le  temps  que  ce  prince  avait 
pris  des  engagements  avec  le  roi  d'Angleterre,  pour  faire  en 
commun  le  voyage  de  la  Terre-Sainte.  Pour  préluder  à  celte 
expédition,  il  fut  résolu  que  les  deux  monarques  iraient  en 
personne  exterminer  les  hérétiques  du  Languedoc.  Cependant, 
mieux  avisés,  ils  convinrent  qu'il  serait  plus  à-propos  d'em- 
ployer contre  eux  d'autres  armes  :  des  missionnaires  furent 
désignés  comme  plus  propres  à  dissiper  l'erreur  par  la  force 
de  la  parole  et  de  l'instruction.  On  voit  en  effet  que  de  ces 
missionnaires  les  uns  étaient  sujets  du  roi  de  France,  les  autres 
du  roi  d'Angleterre  :  c'étaient  le  légat  du  pape,  Pierre,  cardinal 
du  titre  de  Saint-Chrysogone,  les  archevêques  de  Bourges  et 
de  Narbonne,  les  évêques  de  Bath  et  de  Poitiers.  Quant  au 
comte  de  Toulouse,  sachant  quels  services  saint  Bernard  avait  Gênas.  Do- 
rendus,  en  pareille  occasion,  au  comte  Alphonse,  son  père,  '"^  ''°''  '"'' 
il  s'adressa  au  chapitre  général  de  l'ordre  de  Cîteaux,  qui  lui 
accorda  les  secours  qu'il  demandait,  et  chargea  de  celte  mission 
l'abbé  de  Clairvaux. 

Henri  se  joignit,  l'an  1178,  aux  autres  missionnaires,  qui,  Hovcd.  p.  578. 
arrivés  à  Toulouse,  ne  furent  accueillis  que  par  des  huées. 
Après  quelques  jours  de  repos,  l'un  d'eux  se  hasarda  à  prê- 
cher publiquement;  il  établit  si  solidement,  dans  son  dis- 
cours, les  articles  de  la  foi  catholique,  que  les  hérétiques 
dissimulant  leurs  sentiments,  dirent  qu'ils  croyaient  tout  ce 
qu'on  venait  de  leur  e.\poser  11  y  a  toute  apparence  que  ce 
fut  l'abbé  de  Clairvaux  qui  prononça  ce  discours,  car  c'est 
de  lui  que  nous    tenons   ces    particularités   :  et  puisque  ce 


454  HENRF,  ÉVÈQUE  D'ALBANO. 

XII  SIECLE,      discours  produisit  un  si  grand  effet,  il  n'aurait  pas  manqué  d'en 
faire  honneur  à  celui  qui  l'avait  prononcé,  s  il  l'eût  été  par  quel- 
qu'un de  ses  collègues.  Nous  savons  d'ailleurs  qu'il  avait  émi- 
nemment le  don  de  la  parole  ;  le  chroniqueur  de  Saint- Marien 
d'Auxerre  l'appelle  vir  lingue  diserte. 
Movpd  ji  B80.       Le    principal  chef  des  sectaires   s'élant  converti ,   et   ayant 
été  réconcilié  à  l'église,  après  avoir  subi   une   pénitence  pu- 
blique, notre  abbé,    qui  voulait  se  rendre  au  chapitre  général 
de  son  ordre,  demanda  au  légat  la   permission   de  se  retirer. 
Elle  lui  fut  accordée,   mais  à  condition  qu'en  s'en   retournant, 
il   irait  avec   l'évèque  de   Balli    dans    I  Albigeois,    trouver    le 
vicomte  Uogor,  seigneur  du  pays,   pour  l'e-Khorler  à  remettre 
en  liberté  I  évoque  d  Albi,  (ju  il   avait    mis    en  prison  sous  la 
garde    des    hérétiques.     Henri    sacquilta    de    la    commission  ; 
mais,   à  son  approche,   Uoger  se  retira  dans  des  lieux  inac- 
cessibles,   ne   voulant    point   cfitrer  en    conférence    avec    lui. 
Cependant   l'abbé    de   Clairvaux   s'avanya    avec    l'évèque    de 
Bath  jusqu'à  Castres,    une   des  plus   fortes  places  du  pays,  oLi 
se   trouvait    la   famille   du    vicomte.    Ils    y    prrt^hèienl    la    foi 
catholique,    sans   se   laisser    iiUimider    par    le   grand   nombre 
des  héiéliques  qui  peuplait  celle  ville.  Voyant  (juils  ne   pou- 
vaient  retirer  des   mains   du    vicomte   lévi'que    d'.Mbi,    ils  le 
déclarèrent  traître,    hérétique,   et    parjure;    et    après    l'avoir 
excommunié  au   nom  de  Jésus-Chrisl,  ils  le  dèUèrent  au  nom 
du  pape,  des  rois  de  France  el  d' .Angleterre,  en  présence  de  sa 
femme  et  de  ses  \as.saux,  cesl-à-dire,  qu'ils  lui  déclarèrent  la 
guerre,  à  laquelle  Ihuiri  exhorte  tous  les  princes  chrétiens  en 
Unissant  sa  relation, 
ciir.  oiaic%ui.       De  reloui-  à  Clairvaux,  il   lit  faire  la  translation  du  corps  de 
saint   Bernard,  qui  fut  placé  dans  un  beau  tombeau  de  marbre, 
Aii.riic.  a.i.  tleniere   l'autel  de  la  Sainle-Vierge.    Il  obtint,  dans  le  même 
un.  1178.  temps,  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  les  fonds  nécessaires  pour 

couvrir  en  plomb  I  église  du  monastère  ,  qui  ne  l'était  (ju'en 
brupie  (;e  fut  aussi  par  ses  soins  et  à  sa  persuasion  que  Henri- 
la-Libéral,  comte  de  Cham[)agnc,  prit  la  croix,  celle  m(*'rae 
année,  avec  plusieurs  aulres  seigneurs. 

Henri,   pendaul  sa   mission   à    Toulouse,  s'était  acipiis  une 

si  grande  estime,  que  le  siège  épiscopal   de  celle  ville  étant 

venu  à  vaquer,  il  fut  unanimement  élu  pour  le  remplir:  mais 

Bibi.   l'air.  '•   le  refusa  constamment.    Pour   motiver  son    refus,  non  seu- 

Cist.    i.   III,  p.  Icmenl  il  écrivit  au  pape  et  au  roi  Lo.iis-lc-Jeunc,  il  engagea 

^'"pei.  Ccli.  i.b.  encore    Pierre  de   Celle,    abbé  de   Saint- Ilcmi   de   Reims,    à 

VIII,  cp.  8. 


HENRI,  ÉVKQUE   D'ALBANO.  ioo 

joindre  ses  instances  aux  siennes,  ci  la  conimunanté  deClairvaux      xii  siècle. 
lui  lénioigna  aussi  son  altachement,  et  la  douleur  qu'elle  aurait 
de  le  perdre,  par  deux  lettres  qu'elle   écrivit,  l'une  au  pape, 
l'autre   au    roi.    IMais,    l'année    d'après,    il    fallut   bien  qu'il  se 
séparât  bon  gré  mai  gré  de  sa  communauté. 

S'étant  rendu   au    concile  de  l.utran,   Henri  y  fut  créé  car- 
dinal   évèqu(!    d  Albaiio    {lar    le    papi^    Alexandre    111  ,   (\m   le 
jugeant   [)lus  propre   ([iie   personne    à  mettre    à  exécution  les 
décrets  du    concile   contre  les  liéréli(|iies,  le  nomma    légat  en 
France,  l/évécpie  d.Mbano  ne  larda  pas  à  rem|)lir  sa  mission.         Vaissciic,  t. 
On  le  voit,  dès  l'an    1  180,   dans  le  bas  Languedoc,  ou   il  signa  '"'  '"'•  '"'•  *^'- 
comme   témoin  une   charte  datée    de    cette    année,    avec  les 
qualités  d  évèque  d'x\ll)aiio  et  de  légal.   Ayant  persuadé  à  un       p'^"f-  Vosic». 
grand    niwnbre  de   catholiques  do   prendre  les  armes  et  de  le  '*' 
suivre,  il  entreprit,    au  mois  de  juin    IINI,  le  siège  du  châ- 
teau   de    '  uvaur,    cpii,    après   ipielque   résistance,  lui    fut   livré 
par    Adelaïile    de    Tcmlousc!  ,    é[)Ouse    de   Roger  ,    vicomte   de 
Bésiers.    Alors   celui-ci  se   soumit,  et  promit  avec  les  princi- 
paux  du    pays    de   renoncer  à    riierésie.    Geofroi    de     Vigeois 
ajoute    qu  après  celte   expédilion  .    lis   croisés   se   retirèrent  , 
mais  (pic   les   mécréanis   ne    fuient    pas  pour  cela   convertis  : 
Reverioitibiis  eatholicis,   sues  illi  ■tepclimt  antiqua  volutabra 
luti. 

Après  avoir    terminé  cette  expédition  ,    le  cardinal    Henri         *'^|'    Ampi. 
prit    la    route  du    Vellai,  et    lint  au  Pny,  U\   \'o  septembre  de  ^'oi  "j.j7  ^i  sp,,    ' 
la   même  année,    im  concile  auquel  assistèrent  les  évécpics  de 
Poitiers,    du  l'uy,    de    iMaguclonne,    et  de   Lodève.    Nous   le 
retrouvons  à  Rasas,  au  mois  de  décembre.  Il  y  tint  le  concile  de 
la  province   d'y\uch.    H  passa  ensuite  à   Saintes,    où  il  était  le 
9  janvier  de  tannée  suivante.  Au  troisième  dimanche  du  carême 
(28  février),  il  présidait  à  Limoges  au  concile  des  deux  [>ro- 
vinces  de  Bourges  et  de   Bordeaux.    Geofroi  de  Vigeois  place       c.mi.  Vnsi.n 
ce    concile  au  commencement  du  carême,    et   dit  qu'il    était  P-  "'^* 
composé  des  abbés  et  des  {)rélals  d  Aquitaine.   Les  pères  Labbe 
et   Cossart   ne   l'ont  mcnlion  d'aucun  de  ces  conciles  dans  leur 
collection,    et  il    y   a    toute  apparence  qu'il   nen   reste  aucun 
statut,   ni  règlement.  Le  légat  se  trouvait  le  1"  avril  à  Poitiers. 
C'est  de  cette  ville  qu  est  datée  la  pièce  d'où  nous  avons  tiré  ces 
détails. 

De  Poitiers  Henri  se  rendit  a  Paris,    ou  il    fut  un  des  mé-         Anct.  Aqiiil. 
diateurs  de   la   paix  ijui  fut  conclue  l'an  1182,  après  Pâques,  *''""•  "*^' 


456  HENRI,    ÉVÉQUE   D'ALBANO. 

XII  SIECLE,      entre  le  roi  de  France  el  le  comte  de  Flandre.  Le  chroniqueur  qui 
Gauf.  Vo>icn.  rapporte  cet  événement,  dit  qu'on  n'avait  jamais  vu  une  guerre 

f  ^^-  si  vive  éteinte  si  promptement.    A    la  prière  de  Tévôque  de 

Paris,   Henri  fit  ensuite  la  dédicace  de  l'église  cathédrale,  le 

mercredi  après  la  fête  de  la  penlecôle.  Ce  fut  sans  doute  pendant 

le  séjour  du  cardinal  à  Paris,  que  le  po^te  Léonins  lui  offrit  la 

iiisi.  des  card.  pièce  de  vers   rapportée  par  Franc.    Duchesne,  dans  laquelle 

Fran.  pr.  p.  loi.  Léonius  remercie  le   légat   Henri   du  présent  qu'il   lui    avait 
fait  d'un  anneau  précieux. 

Il   paraît   que  Henri,  après  avoir   présidé  celte   année   au 

chapitre  général  de  Cîleaux,   retourna  en  cour  de  Rome  sur 

Pagi,  ad  ..n    '^  ^'"  *^^  1182    11  était  à  Velietri  au  commencement  de  février 

1 183,  n.  3  ri  i.  1183,  oh  il  souscrivit  à  la  constitution  du  pape  Lucius  III, 
portant  érection  en  métropole  de  l'évCché  de  Montréal  en 
Sicile.  Il  était  encore  en  Italie  l'an  1185,  car  il  fut  présenta 
la  mort  de  ce  pape,  arrivée  à  Véronne  le  24  novembre  de 
cette  année.  Il  assista  pareillement  à  la  mort  du  pape 
Urbain  III,  décédé  à  Ferrare  le  1!)  octobre  1187,  du  chagrin 
que  lui  causait  la  prise  de  Jérusalem  par  Us  Turcs,  qui  fut 
Aibcric.    ad  pour  lui    comuic   un   coup  de  foudre.    Lorsqu'il    fut  question 

'"  ''****•  de   lui  donner  un   successeur  ,    plusieurs  cardinaux  jetèrent 

les  yeux  sur  l'évéque  d'Albano;  mais  lui  se  jeta  au  milieu 
de  l'assemblée,  disant  qu'd  était  serviteur  de  la  croix,  et 
qu'il  préférait  au  souverain  [jonlifical  l'honneur  d'aller  la 
\)rC(\u:r  aux  peuples  el  aux  princes.  Alors  les  suffrages  se 
portèrent  sur  le  cardinal  Albert,  (hancelier  de  l'église  ro- 
maine, qui  prit  le  nom  do  (îrégnire  Vill.  Aussitôt  le  nou- 
veau pape  nomma  le  cardinal  Henri  son  légHt  en  France  et 
en  Allemagne,  avec  des  pouvoirs  très-élendus.  Mais  ce  pape  ne 
survécut  qu'un  mois  el  dix-sept  jours,  étant  mort  à  Pise,  le  <7 
décembre  1 187. 
Allier  ibiii.  L'év<^que  d'Albano  ,  suivant  les  instructions  qu'il  avait 
reçues  du  pape  ,  commença  sa  légation  par  ordonner  un 
jeûne  extraordinaire,  qui  consistait  à  jeûner  pendant  cinq 
ans  tous  les  vendredis  comme  en  carême  ,  et  à  s'abstenir 
d'alimens  gras  les  mercredis  el  les  samedis,  à  l'exemple  de 
la  cour  papale  ,  qui  s'était  imposé  une  pareille  pénitence, 
Anon.    <pud  en   y  ajontant   labstinence  du    lundi.    Il    paraît  que   le  légat 

Pag.    an.    1188,  alla  d'abord   trouver  l'empereur    dAIIemagne,   avec   lequel   il 

"  "'      *  '"*■    se  concerta   pour   le   voyage  de  la  Terre-Sainte.  Il  trouva  ce 
prince  dans  les  meilleures  dispositions  ;  mais  il   ne  voulait  se 


HENRI,    ÉVÉQUE    D'ALBANO.  4o7 

déclarer  qu'après  que  la  majeure  partie  des  princes  chrétiens  au-     xn  siècle. 
rait  pris  la  croix. 

Henri  passa  donc  en  France,  et  agit  si  efficacement  auprès  Aibénc.  ibid. 
des  rois  de  France  et  d'Angleterre,  qu'oubliant  leurs  que- 
relles, ils  reçurent  de  ses  mains  la  croix,  dans  une  confé- 
rence qu'ils  eurent  au  mois  de  janvier  sur  les  confins  de  la 
Normandie.  Il  alla  ensuite  avec  Guillaume,  archevêque  de 
Tyr,  solliciter  l'empereur  de  prendre  la  croix,  et  fut  présent 
à  la  conférence  que  ce  prince  eut  à  Yvoi  avec  le  roi  de 
France.  L'empereur,  après  cette  conférence,  indiqua  une 
diète  à  Mayence  pour  le  27  mars,  et  le  légat  parcourut 
l'Allemagne  pour  disposer  les  esprits  à  ce  pèlerinage.  A  la 
diète  de  Mayence,  il  donna  la  croix  à  l'empereur  et  à 
soixante-huit  princes  de  l'empire.  De  là  s'élaut  rendu  à 
Liège,  il  prêcha  si  fortement  contre  les  vices  du  clergé,  et 
particulièrement  contre  la  simonie,  que  soixante-six  clercs 
résignèrent  leurs  prébendes  entre  ses  mains.  Il  fut  touché 
de  leur  repentir,  et,  par  un  sage  tempérament  qui  adoucis- 
sait la  rigueur  de  la  règle  sans  la  détruire,  il  les  fit  changer 
de  bénéfice,  et  rendit,  par  ce  moyen,  leur  institution  cano- 
nique. 

La   guerre    ayant    recommencé  plus   fortement  que  jamais 
entre  les   rois  de  France  et  d'Angleterre,   donna  d'autant  plus 
d'exercice   au   légat,  qu'elle   pouvait  anéantir  tout  le  fruit  de 
sa    légation.  Sa  position  était  vraiment  difficile;   il  fallait  con- 
cilier   les    parties    belligérantes    sans    se    rendre   suspect,    et 
sans  blesser   les  intérêts  ni  de   l'une   ni  de  l'autre.  Benoît  de     vu»  Hcnr.  ii, 
Péterboroug  observe  que,  dans  toutes  les  occasions   où   il  fut  P"  ''''"• 
question  de  paix  et  de  conciliation,  le  légat  avait  l'attention 
de  ne  parler  à  aucune  des  parties  avant  les  conférences,   fai- 
sant toujours  sa  résidence  en  Flandre  pour  éviter  tout  soup- 
çon. Cependant,  après  celle  qui  eut  lieu  près  de  Bonsmoulin ,      Hoved.  p.  649. 
au  diocèse  de  Seez,  le   18  novembre  1188,  il  lança  l'excom- 
munication   contre   Richard,    fils    du    roi    d'Angleterre,    qui, 
s'étant  ligué  avec  le  roi  de  France  contre  son  père  ,  mettait 
au    voyage    de  la  Terre-Sainte    un    obstacle    insurmontable. 
Étant  retourné  en  Flandre,  il   mourut  bientôt  après  à  Arras,  Chron.  cia- 

le  premier  janvier   1189,   selon   la   chronique  de   Clairvaux,  ■**•'•  P- 8'*- 
et  n'eut  pas  la  consolation   de  voir   cette   guerre   terminée. 
Son  corps  fut   transporté  à  Clairvaux,   comme  il  l'avait  désiré, 
et  l'on  grava  sur  sa  tombe  les  vers  suivants,  qui  ne  répondent 
Tome XIV.  Mm  m 

3    t    ♦ 


XII  SIECLE. 


438  HENRI,    ÉVÉQUE   D'ALBANO. 

guère  à  la  haute  idée  que  l'histoire  nous  donne  de  ses  vertus 

et  de  ses  travaux  apostoliques. 


Siiljacet  Jniic  lapidi,  qiwnâavi  notïssimm  orbi, 
Abbaf  Ilenriea.i,  romano  cardine  dignua  : 
I/ubrica  qui  vani  contemnens  gaudlu  mundi. 
Terrm  membra  lUdit^  aelii  anhnamque  remisit. 


SES   ÉCRITS. 


Cliesn.  t 
Rer.  Fran 
»6U. 


Bil<l 
Cistcr.  I 
p.  2S2-i 


Pair. 
III, 


IV,  Dans  une  lettre  du  cardinal  Pierre  de  Saint-Chrysogone , 
•'■  légat  en  France,  écrite  l'an  1177  au  pape  Alexandre  III, 
l'abbé  de  Clairvaux  est  représenté  comme  un  homme  qui 
joignait  à  une  grande  science  des  mœurs  irréprochables  ,  et 
un  grand  fond  de  religion.  C'est  sans  doute  sur  un  témoignage 
si  avantageux  que  Henri  fut  créé  cardinal  deux  ans  après. 
Ses  titres  littéraires  ne  sont  pourtant  pas  en  grand  nombre  ; 
ils  consistent  en  (jnelques  lettres  éparses  dans  plusieurs  collec- 
tions, et  dans  un  traité  qui  a  pour  litre  :  De  peregrinante 
civilaie  Dei. 

Nous   n'avons  de    Henri  aucune    lettre    écrite   pendant  les 

seize     années    qu'il    lui    allé  de  Haute-Combe.    D.   Bertrand 

Tissier  en  a   publié  (juatorze  de  celles  qu'd  écrivit  étant  abbé 

de  Clairvaux,  et  (pion   relrouvi;   en  partie  dans   la   collection 

de  Duchesne. 

Kpisi.  1.  1"  Six  de  ces  lettres  sont  adressées  au  pape  Alexandre  1(1. 

Dans  la  première,  il   annonce  au  pape  que  Henri,   comte  de 

('hauipagne,  avait  reçu  la  croix  de  la  main  du  légat   Pierre, 

cardinal  de  Sainl-Chrysogonc,  et  le   prie  de  prendre  sous   la 

protection  du    Sainl-Siége  les  domaines  de  ce  prince  pendant 

E|)i>i.  r>.        (juil  fera  le  voyage  de  la  Terre-Sainte.  —  Il  prie  instamment, 

dans   la  troisième,    quon   ne  le   force  pas  d'accepter  l'évèché 

Episi.  t.        (le  Toulouse,  auquel   il  avait  été  nommé   —  Dans  la  suivante, 

il  expose  le  cas  d'un    évèque  d'Irlande,   qui,  se  sentant  près 

de  sa   fin,   voulait    se   donner    un   successeur.   Henri   prie  le 

pape  d'accorder  cette  grâce ,   s'il   n'y   trouve   point   d'inconvé- 

Episi.  il  cl  10.  ment.  —  Deux   autres  lettres  contiennent  des   plaintes  contre 

les  moines  de  Déols  et   de  Saint-Bénigne  de  Dijon,    relative- 

Episi.  11.        ment   à  des    intérêts  temporels.    —   Dans    la    sixième,    pour 

détourner  le   pape  de  ra|)pcler  le   légat  Pierre  de  Sainl-Chry- 

sogone,  il    Un  fait  un  portrait  allligeant  des  vices  qui  régnaient 


HENRI,    ÉVÊQUE   D'ALBANO.  439 

en  France,  à  l'extirpation  desquels  le  cardinal  légat  travaillait     xn  siècle. 
efficacement. 

2"  Deux  lettres  à  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  pour  le  renier-  Episi.  s  ei  6. 
cier,  au  nom  du  chapitre  de  son  ordre,  de  ses  libéralités  envers 
l'église  de  Clairvaux,  que  ce  prince  voulait  faire  couvrir  en 
plomb.  Il  lui  envoie  pour  cela  les  dimensions  de  l'église;  et, 
comme  il  venait  de  faire  la  translation  du  corps  de  saint  Ber- 
nard, il  lui  destine  un  doigt  qu'il  avait  retiré  de  la  main  droite 
du  saint.  On  trouve  encore  ces  deux  lettres  au  second  tome  des 
œuvres  de  saint  Bernard,  parmi  les  pièces  relatives  à  sa  canoni- 
sation, col.  1345. 

3"  Les  autres  lettres  sont  adressées,  la  deuxième  à  son  EpUt.  2.  8, 
ancien  ami  l'abbé  de  Boscodun  en  Dauphiné  ;  la  huitième  '"'  '"''  '*• 
aux  religieux  de  Savigni  en  Normandie,  pour  les  exhorter  à 
supporter  patiemment  les  privations  auxquelles  les  avait 
réduits  la  mauvaise  administration  de  leur  monastère;  la 
douzième  à  des  abbés  bénédictins  de  Flandre,  qui  trouvaient 
mauvais  que  l'abbé  de  Ham  eût  livré  son  monastère  aux 
cisterciens  ;  la  treizième  à  l'évoque  de  Chûlons-sur-Saône, 
nouvellement  installé,  ce  qui  ne  peut  s'entendre  que  de 
l'évéque  Engelbert  ;  enfin,  dans  la  quatorzième  au  cardinal 
Hiacinthe,  il  prie  cette  érainence  d'employer  son  crédit  au- 
près du  pape,  pour  le  dispenser  d'accepter  l'évéché  de  Tou- 
louse. 

4o  De  ces  quatorze   lettres,  six  sont  encore  imprimées  dans        ^'■^<^^"-  <•  'V 
le   Recueil    des   historiens    de    France    de    Duchesne,    parmi  /go.Aar"'     "'' 
celles  de  Trasimond,  moine  de  Clairvaux.  Ce  sont  les   1,3, 
4,  5,  6,  et  13.   On  trouve  déplus,   dans  cette  dernière  col- 
lection,  deux   lettres  à    l'évèque    de   Chàlons-sur-Saône,    et 
deux  autres  relatives  aux  hérétiques  de  la  province  de  Tou- 
louse. Dans  l'une  de  ces  dernières,  adressée  au  roi  Louis- le-     loid.  p.  im. 
Jeune,   il  loue  la  résolution  que  ce  prince,  de  concert  avec  le 
roi   d'Angleterre,    avait    prise    d'exterminer    ces    hérétiques; 
dans  l'autre  à  tous  les  fidèles   catholiques,    après  avoir    fait  la 
relation   de  la   mission  du    légal   Pierre,   cardinal   de   Saint- 
Chrysogone,     dont    lui-même    faisait   partie,    il    conclut  que 
c'en  est   fait   de  la  religion  dans  ces   contrées,   si  les  princes 
chrétiens  ne  prennent  les   armes,   tant  l'hérésie  avait  fait  de 
progrès.    Cette    pièce    d'éloquence  ayant  été    conservée  à   la 
postérité   par  l'historien   Roger   de  Hoveden,   a    passé  de  là      Hoved.  p  S75, 
dans  les  Annales  de  Baronius  [ad  an.   1178);  dans  la  biblio- 
thèque des  pères  de  l'ordre  de  Cîteaux  (t.  III,  p.  70),  sous 

M  m  m  2 


Ampl. 
t.  VII, 

Marlôiic  , 
lollccl. 
col.  87. 

Rr 
end.      1 
437. 

liq       mss. 
L       II,      !'• 

460  HENRI,  ÉVÊQUE  D'ALBANO. 

XII  SIECLE,  le  liiie  de  Declamatio  ;  dans  le  Recueil  des  historiens  de  France 
de  Duchesne(t.  IV,  p.  486),  et  dans  celui  de  D.  Bouquet,  (t.  XIV, 
p.  479),  et  dans  beaucoup  d'autres  livres. 
Mari.  Aiiocd.  5"  D.  Martcne  a  aussi  publié  onze  lettres  de  Henri,  abbé  de 
I.  I,  col  S76  —  ciairvaux,  fort  courtes,  et  assez  peu  intéressantes.  La  plupart  ne 
portant  point  le  nom  de  ceux  à  qui  elles  sont  adressées,  et 
toutes  ne  traitant  que  d'afifaires  relatives  à  l'administration  des 
abbayes  de  la  filiation  de  Clairvaux,  il  est  inutile  de  s'y 
arrêter. 

6«  Nous  avons  déjà  parlé  d'un  jugement  prononcé  par  notre 
prélat,  évoque  d'Albano,  l'an  H8î{,  dans  lequel  il  fait  connaître 
plusieurs  conciles  qu'il  avait  assemblés  en  France,  en  sa  qualité 
de  légat.  Cet  acte  a  été  publié  par  D.  Martène,  et  se  trouve  par 
extrait  parmi  les  preuves  de  l'histoire  de  Languedoc,  t.  III, 
p.  155. 

7°  Jean-Pierre  Ludewig  a  recueilli  deux  pièces  de  l'évéque 
d'Albano,  relatives  à  sa  légation  en  Allemagne,  l'an  1 1 88.  Chargé 
de  prêcher  la  croisade,   et  de  préparer  les  esprits    au  voyage 
d'outre-mer,  il  s'élève  fortement,  dans  la  première,   contre  les 
mœurs  du  temps;  il  passe  en  revue  le  luxe  des  habits,  des  équi- 
pages, et  de  la  table,  les  jeux  et  les  divertissements  qui,  selon 
lui,  n'étaient  plus  de  saison  dans  des  jours  de  calamité,  et  pres- 
crit, au  contraire,  des  jeûnes  extraordinaires.  Celte  pièce  est 
aussi  imprimée  dans  la  grande  collection  de  D.  Martène,  t.  I, 
col   n7o.  La  seconde  pièce  est  une  lettre  circulaire  adressée  aux 
prélats  et  aux  princes  de  l'empire,  portant  convocation  d'une 
assemblée  à  Mayence,  pour  concerter  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte. 
Chron.  cia-       8"  L'autcur    de   la   chronique    de    Clairvaux,   après    avoir 
rcvai.  p.  89.        rapporté  en  peu  de  mots   les  gestes  du  cardinal   Henri   pen- 
dant sa  dernière  légation,  dit  que.  vers  ce  temps-là,   il  com- 
posa un   traité  pour  l'instruction  des  religieux  de  Clairvaux. 
Bibl.   Pair.  Cet  ouvrage,    qui   a  pour  litre  De  peregrinanle  civitcte  Dei, 
cui.  i.   III,    p.  a  été  publié  par    D.    Bertrand    lissier.    C'est    une   espèce  de 
traité  de   l'église,    divisé  en    dix-huit  chapitres  ou  discours, 
que  l'éditeur  a   intitulés   Traités,  craignant,   dit-il,   qu'on    ne 
le  prît  pour  ce  que  nous   appelons    ordinairement   des  ser- 
mons. En  léte  est   une  préface   dans  laquelle  Henri  ne  prend 
d'autre  litre  que  ceux  de  pécheur  et  de  moine.  On  voit  pour- 
tant qu'il  était    alors  évêque,   car,    quelques  lignes,  après,   il 
forme  dos  vœux   pour   être    délivré  du    poids    accablant   de 
l'épiscopat.   il   ne  veut  pas,    comme  saint  Augustin,  faire  un 


md.   p.   ii'J. 


70 


XII  SIECLE. 


HENRI,  ÉVÉQUE  DALBANO.  461 

traité  de  la  cité  de  Dieu,  qui  embrasse  et  la  cité  du  ciel,  et 
celle  qui  voyage  sur  la  terre  ;  il  se  borne  à  parler  de  celle-ci , 
et  il  expose  son  plan  dans  le  premier  discours,  mais  d'une  ma- 
nière assez  confuse.  11  promet  de  traiter  bien  de  matières  qu'il 
n'a  pas  même  touchées  :  c'est  que  l'ouvrage  est  resté  imparfait, 
comme  on  en  peut  juger  par  les  derniers  mots  de  l'ouvrage  im- 
primé, primum  igilur  de  primo  prosequimur ,  qui  supposent 
une  continuation. 

L'auteur  en  était  au  treizième  discours,  lorsqu'arriva  la  nou- 
velle de  la  prise  de  Jérusalem  par  Saladin ,  par  conséquent  l'an 

1187.  Là  il  interrompt  sa  matière  pour  se  livrer  sur  ce  triste 
événement  à  de  longs  gémissements,  qui  remplissent  ce  treizième 
discours  ;  et  comme  il  y  fait  mention  du  résultat  de  sa  légation 
en  Allemagne,  il  s'en  suit  qu'il  ne  composa  ce  discours  que  l'an 

1188.  Dans  les  suivants,  qui  sont  comme  un  hors-dœuvre,  il 
traite  des  offices  de  l'église  depuis  le  dimanche  de  la  seplua- 
gésime  jusqu'au  premier  dimanche  du  carême,  cherchant  par-tout 
des  sens  allégoriques.  Aussi  trouve-t-on  dans  son  écrit  des 
opinions  assez  singulières. 

Dans  un  endroit ,  l'auteur  distingue  des  autres  apôtres  wid.  p.  33. 
Pierre,  Jacques,  et  Jean,  appelés  par  saint  Paul  les  colonnes 
de  l'église.  C'est  à  eux,  selon  lui,  qu'ont  succédé  les  primats 
et  les  archevêques  ;  les  évêques  sont  les  successeurs  des  autres 
apôtres,  et  les  clercs  inférieurs  le  sont  des  soixante-douze  disci- 
ples. Dans  les  discours  8  et  9,  il  relève  beaucoup  la  chaire  de 
saint  Pierre,  et  il  ne  dit  rien  de  trop. 

Le  temple  de  Jérusalem  ayant  été  ruiné  trois  fois  en  diffé-  /6,a.  p  5 
rens  temps ,  par  les  Chaldéens ,  par  les  Grecs ,  et  par  les 
Romains,  il  dit  qu'il  en  sera  de  même  de  la  Jérusalem  spi- 
rituelle ,  qui  est  l'église.  Elle  sera  humiliée  dans  la  dignité 
sacerdotale  ;  elle  déchoira  de  son  antique  simplicité,  et  n'ayant 
plus  que  l'apparence  de  la  piété,  elle  ne  conservera  pas  même 
la  forme  extérieure  de  sa  constitution.  Tout  cela  lui  paraît  figuré 
dans  les  cérémonies  des  trois  derniers  jours  de  la  semaine 
sainte,  pendant  lesquels  l'église  se  couvre  de  deuil.  On  voit  que 
l'auteur  n'était  pas  difficile  en  fait  d'allégories,  et  qu'il  en  trou- 
vait par-lout.  Le  style  de  cet  écrit  est  moins  bon  que  celui 
de  ses  lettres,  parce  que,  dans  celles-ci,  il  avait  pour  secrétaire 
le  moine  Trasimond  ,  excellent  latiniste  dont  il  sera  parlé 
ailleurs. 

9»  C'est  encore  vers  le  temps  de  sa  dernière  légation  qu'il 
faut  rapporter  la  lettre  que  Henri  écrivit  à  Geofroi  d'Auxerre, 


XII  SIECLE. 


462  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE, 

jadis  secrétaire  (le  saint  Bernard.   Nous  n'avons  pas  sa  lettre; 
mais  on  voit,   par  la  réponse  de  ce  dernier,  qu'il    lui   avait 
demandé   des  renseignements  sur  la  manière  dont  les  erreurs 
de  Gilbert  de  la  Porrée  avaient  été   condamnées  ,   quarante 
Baron  ad   nn    ^°^  auparavant  ,   dans   le  concile   de  Reiras    Cette   lettre  de 
1148,  num.  i3.     Geofroi  a    pour   inscription,    dans  tous  les  imprimés  ;  Aman- 
—  Laiii.p.  coiic    iissimo   patri    et  domino   A.   Dei  gratià  Albanensi  episcopo , 
t.  .  ,  ec.i.  I12Î.     ^Qniini  papas  vicario ,  frater  Gauf'ridus  de  Claravalle    mini- 
mum id  quod  est.  Cet    évêquc  d'Albano  était  ,   selon   D.  Ma- 
s  Bern.  op.  billon,  Albin,  qui  fut  le  successeur  de  Henri.  11  est  plus  vrai- 
i.  Il,  col.  i:>iy.    semblable,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  que  la  lettre  A  a 
été  mise  par  les  copistes  à  la  place  de  la  lettre  H;  car  nous  ne 
lisons  nulle  part  qu'Albin  ait  été  légat  en  France. 
Baron  ad  an.       ^  ^^  Le  même  Geofroi  avait  consulté  l'évrque  d'Albano  sur 
1188,  num    .14.     une  question  qui  sélail  élevée  entre  les  théologiens  de  ce  temps- 
là,  savoir  si,  dans  le  sacrifice  de  la  messe,  l'eau  mêlée  avec  le 
vin  est  changée   immédiatement   au  sang  du  seigneur,   ou    si 
auparavant  elle  est  changée  en  vin   Nous  n'avons  pas  la  réponse 
du  prélat 

11"  Ciaconius  et  d'autres  écrivains  disent  que  Henri   avait 

Biiii    Pair    prêché  en    présence  du   pape.     L'éditeur   de  la   bibliothèque 

Cistcr.  I.  III.  p    des    pères    de  Cîteaux  regrette  de  n'avoir  pu  retrouver   ces 

^^-  sermons,    non  plus    que   ceux  que    Henri   avait  prononcés  à 

Clairvaux  ,   devant   sa    communauté  ,    et  auxquels  il   semble 

faire  allusion  au  commencement  de  son   traité  de  la  cité  de 

Dieu.  B. 


HENRI   II, 


Duc  DE  Normandie  et  d'Aquitaine,  et  ensuite  Hoi   d'Anuletekke, 
CosiTE  d'An.tou,  etc. 


H 


!5      I". 

HISTOIRE   DE  SA  VI  E. 

BNRi  II  naquit  en    France,    il  mourut  en   France,  il  y  fut 
enseveli  ;  il  passa  une  grande  partie  de  sa  vie  en  Normandie 


HENRI   II,    ROI    D'ANGLETERRE.  463 

et  en  Anjou.  Plusieurs  de  nos  autres  provinces  étaient  encore  de     xn  siècle. 
sa  souveraineté.   Il  était  difficile  de  ne   pas  lui   donner  place 
dans  cette  histoire  littéraire,  où  en  ont  une  tant  de  princes  moins 
illustres.    ^ 

Henri  naquit  au  Mans,  le  Ij  mars  1133  ;  il   était  le  fils  aîné       «  Angi-  Scr. 
de  Geofroi  Plantagenet,  treizième  comte  d'Anjou,  et  de  Malilde.  ^m''  -!-**'  «!« 
tille  du  roi  d  Angleterre  Henri  F%  veuve  de  l'empereur  Henri  1020  ,      223i  , 
IV,  et  petite-fille  de  Guillaume-le-Conquérant.  Il  descendait  en  ^"'^^'g^^, 
outre,  par  les  femmes  aussi,  d'Edmond,  Côte-de-Fer,  le  pénul-  liv.  i,  c!V*""^' 
tièrae  roi  de  la  race  saxone.  Geofroi,  son  père,  était  fils  de  Foul- 
ques,  roi  de   Jérusalem.   Henri  se   trouvait   ainsi  petit-fils  de 
deux  rois. 

Un  seul  historien  me  fournit  la  date   précise  du   jour  de  sa  Rcnouar.i, 

naissance.  Roger  de  Hoveden,  Raoul  de  Diceto,  Robert  Dumont,   ^^^'\  '"*'    '"' 
Litlleton,  dans  l'histoire  de  la  vie  de  ce  prince  et  du  temps  où  il  „".  25^""^'  '     ' 
vécut,  disent  seulement  qu'il  naquit  au  mois  de   mars.  D'autres, 
comme  l'auleur  d'une  chronique  de  Saint-Florent  de  Saumur      „    *'*"•"'?• 

-^  .      ,     ^  ,    ,  .^        ,  „  coll.    l.     V,      p. 

Gervais  de  Cantorbery,  Smolelt,  Hume,  se  contentent  d'indiquer  nu 
l'année  ;  et  sur  cette  année  Alfordse  trompe,  quand  il  place,  en  Geiv.  de  c. 

1132,  dans  ses  annales  de  l'église  d'Angleterre,  la  naissance  de  '^^'■'-    ~   **■""'• 
Henri.  ',;  "'  ':  ^    - 

llunie,     t.     I,     p. 

Henri  II  fut  un  trop  grand   homme  pour  que  les  historiens  de  3<i9.  -  au,  t. 
ce  temps-là  n'aient  pas  placé,  autour  de  son  jeune  âge,  quelque  '^'  ''"  "^^^ 
anachorette  juédisant  sa  grandeur.  Gervais  parle,  dans  sa  chro-   ir,ei."        '   '' 
nique,   d'une  conversation  de  l'enfant,  avec  un  saint  prêtre,  qui 
lui  avait   annoncé    qu'un  jour  il  monterait  sur  le  trône  d'An- 
gleterre. 

Matilde,  mère  de  Henri,  avait  un  frère,  Robert,    comte  de       Gciv.  de  Cani 
Glocesler,  qui  habitait    l'Angleterre,    et   qui  était    digne    par  {'   '"^^'^  '''  '•"'■'** 
ses  connaissances  de  diriger  et  de  surveiller  l'éducation    du  3U.*^  •        ,  p- 
jeune    prince.    Elle  le    confia    à  ses    soins.    Un    instituteur, 
nommé  Mathieu,   fut  chargé  de  l'instruire  dans  les   lettres,  et 
de  l'élever  dans  les  bonnes  mœurs,  comme  on  devait  le  faire 
pour  un  tel  enfant,  dit   Gervais.   Henri  n'avait  alors  que  neuf 
ans.  Il  en  passa  quatre  en  Angleterre   avec  le  comte  de  Glo- 
cesler,   faisant   des  progrès  rapides,  et  ne  se  distinguant   pas 
moins  dans  les  exercices  du  corps  que  dans   les  exercices   de 
l'esprit.  Au  bout  de  ce  temps,    le  comte  d'Anjou,    souhaitant 
ardemment  de  revoir    son   fils,   Robert  le  fit  embarquer  pour 
la    France,    en    regrettant   toutefois  qu'on   éloignât  ce  jeune 
prince  d'un  pays  auquel  sa  présence  était  d'autant  plus  chère, 
qu'on  supportait   avec  plus  d'impatience  le   règne  d'Etienne, 


464  HENRI    II,    ROI     DANGLETERRE. 

XII  SIECLE,      regardé     comme    usurpateur.    Henri   était    animé   du    même 

sentiment.   Deux    ans    s'étaient    à   peine    écoulés  depuis  son 

Guiiiaum.   de  retour  dans   sa  famille,  qu'il  repassa  en    Angleterre  avec  un 

^*"^  GcVv'  de  Srand  nombre  de  seigneurs  qui  lui   étaient   dévoués,  et  y  fut 

c»ni.    p.    1366.  reçu    chevalier,    avec   la   plus   grande  solemnité,  par   David, 

—  J.  de  Hexam,  ^qJ   (j'ÉcQsse,  SOU    oucle.    Dans   les    deux    années   que  Henri 

p.  277.  —  Uicel  _,  ,  1    •  1,11,,. 

p.    810,     525,  avait  passées  en  France,  son  père  lui  avait  cédé  le  duché  de 

aie.    -  Bromi.  Normandie. 

du  M  anli'ig  ^^  ''^'  ^^"^  '^  colleclion  intitulée  Historias  Anglicans» 
scriptores  deceni  ,  une  lettre  dAilred,  abbé  de  Rival,  qui  peut 
P.  347.  servira  nous  faire  connaître  les  sentimens  inspirés  par  Henri, 
dés  sa  première  jeunesse  :  il  est  vrai  que  la  lettre  est  adressée 
à  ce  prince  lui-même,  et,  il  est  alors  permis  de  croire,  que 
l'éloge  y  est  plutôt  exagéré  qu'afaibli  ;  mais  en  en  retranchant 
ce  que  peut  y  avoir  ajouté  la  complaisance  ou  la  flatterie,  on  y 
retrouve  le  fond  de  ce  caractère,  de  cette  conduite,  annoncés 
par  les  auteurs  contemporains,  et  que  loue  encore  la 
postérité. 

Ailred  parle  d'abord  au  jeune  duc  de  Normandie  de  la 
réputation  que  lui  ont  déjà  faite  ses  vertus,  de  l'admiration 
universelle  qu'on  a  pour  lui  :  In  tali  asiate  tanla  sapientia, 
in  tantis  deliciis  tanta  continentia,  in  tantts  negotiis  lanla 
providenlia,  in  tali  sublimitale  laits  severitas,  in  lali  severi- 
tate  talis  benignitas.  Quis  non  obslupeat,  continue-t-il  , 
juvenem  pro  regno  certantem  àbstinere  rapinis ,  caedibus 
parcere,  cavere  incendia,  nullum  gravamen  inferre  paupe- 
ribus,  pacem  et  reverentiam  ecclesiis  et  sacerdotibus  conser- 
vare  !  Unde,  non  immeritù,  Andegavensium  gloria,  Norma- 
norum  lutela,  spes  Anglorum,  Aquitano7~um  decus,  ab  omnibus 
praedicatus. 

On  a  pu  remarquer  dans   ce   passage   les   mots  pro  regno 

certantem  et   Aquitanorum  decus.     Henri,    en    effet,   devenu 

duc  de  Normandie,  en  1 1ÎS0,  à  l'âge  de  dix-sept   ans,   épousa, 

deux   ans  après,     Eléonore   d'Aquitaine,    qui    elle-môoie    lui  ' 

Dic»io,  p- ^26.  g^,3jf    fgjf    témoigner    le  désir  de  ce  mariage  qui  fit  perdre 

—  Gcrv.  p.  1371.    .     ,       _  t        ft    ■  1       r»    •  !•  *   >t 

—  Bronii.    p.  à  la   France    la    Guienne  et  le   Poitou;   et,   d  un  autre  coté, 
•045.  Henri    avait  commencé  à    manifester    l'intention   que    devait 

lui  donner  sa  naissance,  et  que  les  Anglais  étaient  si 
portés  à  seconder,  de  remonter  sur  un  trône  où  sa  mère 
aurait  dû  être  assise,  et  dont  le  roi  Etienne  l'avait  dô- 
pouilh'k;. 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  4C;j 

Élienne  avait  alors  un  61s  nommé  Euslaclie,  à  qui  il  complait     mi  siëclk. 
laisser  ses  états  ;  mais  Euslache  étant   mort  avant  son  père, 
cet  événement  ramena  ce  monarque  vers  le  duc  de  Norman-  .        Diccto,  p. 

,.         ^  .  ,.     ,  ,  ^  .  327.  —  Maili.   de 

die.   Etienne    1  adopta ,  et  le  reconnut    pour   son  successeur,   wesim.   p.    i2. 

Les  deux   princes  étaient  encore  en  guerre,  quand  Eustache  -Ccrv.  p.  i37i 

mourut.    L'accord    fait   entre    eux  prit   ainsi  la    forme  d'un  ''"•      ''■ 

traité.    Ce   traité  ,    imprimé    dans    le   Codex    leguni   veterum 

de  Spelmann    et  dans  la  grande  collection  de  Rymer,  a  pour 

disposilitions  principales,  la  transmission  du  royaume  à  Henri 

et   à  ses  enfans  ;   l'hommage  et  le  serment  de  fidélité  du  duc 

de  Normandie  au   roi  ;    des   promesses  mutuelles  d'amitié    et 

d'appui  ;    des  ôlages    donnés   à    Henri  pour  les  châteaux    de 

la  couronne  qui    lui    ap[)arliondraicnt    quand    il    deviendrait 

roi;  la  détermination  des  terres  et  domaines  accordés  ou  laissés 

à  Guillaume,    fils    d'Etienne,    et  l'assurance  qu'il    en    jouirait 

paisiblement,    sous    l'obligalion    néanmoins   de    reconnaître   le 

nouveau  roi  ,   de   lui   prêter   hommage  ,    de  lui  donner    des 

gages  de  fidélité  ;    l'hommage  à  prêter  aussi  par  les  seigneurs 

qui    n'avaient   pas  été    jusqu'alors   vassaux   du   duc,    et    par 

les  habitans  des  villes  du  domaine  du  roi  :  la  justice  continua 

d'être    administrée    au    nom   d'Etienne,    qui    se    soumit  à   ne 

rien    faire  d'important,  pour  le   gouvernement    du   royaume, 

sans  consulter  Henri.  Les  évêques   devaient   contraindre,  par 

des  censures   ecclésiastiques,   celui   des  deux   qui  violerait   ce 

traité. 

Guillaume  dont  il  est  ici  parlé  était  un  bâtard  du  roi.  *^erv.  p.  1370. 
Plusieurs  historiens  le  font  conspirer  à  celte  époque  contre 
Henri.  Si  la  conspiration  eut  lieu,  elle  effraya  peu  le  jeune 
prince  ;  car,  au  lieu  de  rester  dans  les  états  qu'il  venait  d'ac- 
quérir, et  où  il  pouvait  craindre  les  intrigues  et  les  efforts  de 
son  compétiteur,  il  passa  presque  aussitôt  en  Normandie.  Dans 
le  temps  qu'il  était  en  Angleterre,  ayant  à  peine  seize  ans,  c'est- 
à-dire  en  11  49,  il  y  avait  fait  quelques  actes  d'une  véritable 
souveraineté. 

Les  espérances  que  l'Angleterre  fondait  sur  le  caractère  et  les 
talons  de  ce  prince,  le  désir  qu'elle  nourrissait  de  le  voir  monter 
sur  un  trône  qu'il  illustrerait  par  des  actions  et  des  vertus 
consacrées  au  bonheur  et  à  la  gloire  de  son  peuple,  sont  encore     

y         ,  .  ,    ,  llcnn  (le  Hun- 

exprimésdans  une  pièce  de  vers  faite  en  1153,  au  moment  ou  le  liugi.  ,,.  591;. 
duc  de  Normandie  arriva  dans  un  royaume  que  le  roi   Etienne 
livrait  à  tant  de  malheurs.   C'est  l'Angleterre  qui  s'adresse  au 
jeune  Henri  ; 

Tome  XIV.  N  n  n 


40C  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE.  ])ux  Henrice,  nepos  Hennci  maxime  mngni 


—  .\ngli(t  celxaruo,  nec  jatii  ruo  iota  ruina. 
Dicere  vix possmn,  fueram  ;  sum  namque  recessit. 
Si  miki,  (lute  miseris  supcrest ,  vel  xpes  superesstf, 
Chimarem  miserfre,  veni,  succurre,  résiste. 
Nam  sumjvre  fui  juris,  potex,  érige  lap»am  : 
Sedniinc  ora  rigeni  ;  nnnc  vox.fiunc  vita,  recedunt. 
Ai  quia  clamor  ailest.,  Vunit  !  ingeminant  qnoque,  Venit. 
Qitis  di'x  ille  diicum.  puer  (ninis,  mente  senilii  ! 
Gemma  virûm.  vir  ave,  mea  "pe-i,  dum  .^pe-^  miki,  salve, 
Sera  renis; pcrii  :  clames  tamen.  Anglia  surge, 
Immo  resurge  :  t/iam  refera  fiii,  morfiia,  vifam. 
Ad  voceit'  redivivatuam.  po!^t  fata  resiirgam. 


Le  poëte  retrace  ensuite  les  maux  faits  par  Etienne  à  l'Angle- 
terre, et  il  finit  par  ces  vers,  toujours  adressés  au  jeune  duc  de 
Normandie  : 


Placei  pax  sol  a  milii,  discordia  régi. 
Pacem  sero  lero.  pacem  tiùi  -iiniguine  /juaro 
Dvlcis  alumna  mci,  cui  tanta  pericula  si/mpti. 
Tepodar,  si  pace  tamen  per  me  p'diare ; 
Si  aecus,  etnoriar,  ne  te  vid^am  morienfetn. 


Etienne  mourut  l'année  suivante,  et  lavènement  du  duc  Henri 
au  trAne  d'Anglelorro  fui   un  grand  sujet  de  joie  pour  tous  les 
Anglais.    Le  senlimenl  qu'ils  éprouvèrent  est  encore  exprimé 
H.  de  iiun.  dans  CCS  vcrs  d'un  auteur  contemporain  : 

p.  399. 

Bex  obiit.  nec  reye  carcn/i  caret  anglia  pace  : 
Hac,  Henrice,  créai  miraculaprimus  in  orbe. 


Per  le.  ned.  .sine  te.frnitur  tamen  anglia  pace. 
Hac  auroru  tues  pravetsit,  l'/iceLe,  nitoret. 
JScce  feni.s  radium,  radii  lunl  advenient ia 
Certajides,  kilaris  clemenlia.  caula  pote.slas. 
Lenejiigum,  vindicla  decens.  co'rectio  dnlcin, 
Cadia  amor.  libratus  kvnor,  franata  volvptai. 
Hii  igitur  radiis  dum.  sceplra  décora  décoras. 
Tu  diadema  magis  (juam  tediadema  perornat. 
Anglia.  lethall  jamdiidum  frigore  tnrpen.s, 
Nunc  .solis  ferrore  m/ri  rediviva  calescejis, 
Erigi.s  impressum  ttrrie  caput.  et  vacualix 


Liill.  l.  Il, 
2  et  SUIT. 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE  467 

Mœstitia  lacrymi»,  pro  lœtUid  lacrymaris,  XII   SIECLE. 

Citm  lacrymu  htrc  verba  (uoprofundh  alumno  : 
Spirilus  et,  caro  sum,  te  mine  Intrante,  revixi. 


Les  premiers  vers  font  allusion  au  temps  qui  s'écoula  entre  la 
mort  d'Etienne  et  l'arrivée  du  nouveau  roi  en  Angleterre. 
Etienne  mourut  en  effet  le  25  octobre  1154,  et  Henri  n'arriva 
à  Londres  que  dans  les  premiers  jours  de  décembre.  II  avait 
voulu,  avant  de  quitter  la  Normandie,  en  assurer  et  en  régler 
l'administration  de  manière  qu'elle  n'eût  pas  à  souflrir  de  son 
absence. 

Les  guerres  nées  entre  le  roi  Etienne  et  le  jeune  Henri, 
les  succès  qu'obtint  souvent  le  duc  de  Normandie,  le  traité 
qu'il  conclut  avec  le  roi  d'Angleterre,  les  causes  et  les  cir- 
constances de  son  mariage  avec  Éléonore,  les  malheurs  qui 
le  suivirent,  tous  ces  objets,  qui  appartiennent  si  bien  à 
l'histoire  générale,  appartiennent  peu  à  une  histoire  litté- 
raire en  particulier.  Nous  croyons  donc  devoir  les  passer  sous 
silence  :  nous  ne  parlerons  du  moins  de  quelques-uns  d'entre 
eux  qu'autant  qu'Us  seront  le  sujet  des  actes  ou  des  lettres 
de  Henri,  quand  nous  les  analyserons.  Nous  passerons  de  même 
sous  silence  toutes  les  actions  de  son  règne  qui  sont  purement 
guerrières,  comme  linvasion  du  pays  de  Galles,  ses  combats 
en  Aquitaine,  etc.,  etc.,  toutes  les  fois  qu'elles  ne  seront  pas 
aussi  l'objet  d'une  lettre  de  Henri  II  ou  d'un  des  actes  de  son 
administration. 

On  sait  comment  ce  grand  roi   termina  sa  vie.  Vaincu  par 
Philippe-Auguste,  obligé  de  signer  avec  lui    un  traité  auquel 
quarante  ans  de  gloire  l'avaient  mal  préparé,   trahi  et   com- 
battu   par    l'aîné    de    ses    enfants  (  Richard-Cœur-de-Lion), 
abandonné   par   le  second   (  Jean-sans-Terre  ) ,   sur   l'affection 
duquel  il  avait  le  plus  compté,   Henri  ne  put  supporter  tant 
d'infortunes.    Il   mourut  après    quelques  jours  d'une  maladie 
violente,  au  mois  de  juillet  1189;  le  8  de  ce  mois,  selon  la       "="■'•  ^J'"*^- 
chronique  d'Anjou;  le  7,  ou  le  premier  des  nones  de  juillet ,         ■?■■>• 
suivant  la  chronique  de  Saint-Florent  de  Saumur,  imprimée 
dans   le  cinquième  tome  de   l'amplissime  collection  de  Mar-       P.  1U5. 
tène,    et   suivant    quelques    autres    écrivains  ;    le    6    ou    le 
deuxième  jour    des  nones  du  même  mois,   suivant   d'autres, 
dont  l'opinion  est  plus  générale  et  plus  vraie,  et   parmi  les- 
quels nous   pouvons    citer  la    chronique    de    Gervais,    celle        p  j^g. 
de  Raoul,  abbé  de  Coggeshale,  imprimée  aussi  dans  le  cin- 

Nnnà 


168  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     qiiième  tome  de  l'amplissime  collection  de  Marlène,  l'Art  de 

p.  814.    _     vériQer  les  dates,    Rapin-Thoyras,   Hume   et  Tyrrell     Alford, 

■  ''■     ■*     Guillaume  de  Nangis,  Lilllelon,   et   plusieurs   autres,  se  sont 

contentés  d'indiquer  le  mois,  ou  môme  l'année  de  sa  mort,  sans 

en  indiquer  le  jour. 

Ce  n'est  pas  au  Mans  qu'il  mourut,  comme  le  dit  la  chro- 
nique d'Hélinand,  imprimée   dans   le   septième    tome    de    la 
p.  20:-).         bibliothèque  des  Pères  de  Cîteaux.,  mais  à  Chinon  ;  à  Chinon 
en  Touraine,  et  non  en  Normandie,   comme  le  dit,   par  une 
T.  I,  p.   lOîi.    singulière  erreur,  le  traducteur  de  l'histoire  d'Angleterre  par 
Lillleton,  erreur  au  demeurant  qui  n'était  pas  dans  le  texte. 
Hume  dit  à  Chinon,  près  de  Saumur  ;  il  aurait  pu  désigner   un 
autre  voisinage;   car,  quoique  ces  deux  villes  ne  soient  qu'à 
cincj  à  six  lieues  l'une  de  l'autre,  elles  ne  faisaient  pas  partie 
de  la  même  province;   la   première  est   en    Touraine,   et    la 
seconde  en  Anjou, 
sianfurd    II.       "    ^"^^  enterré  à   Fontevrault  ;   et   plusieurs   siècles    après , 
gencaiog.       .les  une  fille   naturelle  d Henri    IV,    Jeanne-Baptiste  de  Bourbon, 
■  ois   d  Angi.    p.  abbesse  de  ce  monastère  sous  Louis  XIII  et  sous  Louis  XIV, 

64.     —      Tindal,  •  .^     iSi, 

sur     Rap.    Th.  lui  fit  ériger  dans  le  chœur  un   monument,  ainsi  qua  hléo- 

p  G''-  nore    d'Aquitaine,   à   Richard-Cœur-de-Lion,   leur   fils,    et    à 

l'épouse  de  ce  prince  :  on  y  réunit  les  statues  des  deux  rois 

et  des  deux  reines,  qui  étaient  placées  dans  difTérenles  parties 

de  l'église. 

Die  p.  643.       Raoul  de  Diceto,  Alford,  Duboulay,  Duchesne,  etc.,  nous  onl 

-  Aif.  an^  Hi*».  conservé,  dans  leurs  écrits,  l'inscription  qui  fut  mise  sur  son 

e    7.   Duboiil-    "I  'Il 

L  II,  p  475.  -  tombeau  : 

Duchesne,     Hisl. 

d'Angl.  liv.   XII,  Siifficil  Me  lumulu»  ciii  twn  iiiffecerat  urdu  ; 

y-  ♦'8.  Jlg^  brevis est  ampla  cur  fn'it  ampla  brevis. 

Rex  Henricus  crain,  mi/ii  plurima  'e[ina  mibegi, 

MultipUcique  mcilo,  duxquc  comt:!<qiie  fui. 
Ciii  .salis  ad  votnm  non  istent  omiiii  lerrœ 
Climala    terra  modo  sttjic//  vdo  pednm 
Qui  legis  liac,  pcnxa  discrimina  ynortii,  et  in  me 

llumaniB  specttli'm  condilionis  liabe 
Qiiod  p'iles  inilunlernperarc  bonum,  quia  mundut 
Transit,  et  iiicanloi  mors  inopina  rajiit. 

L'idée  principale  de  ces  vers  est  une  allusion  à  celte  phrase 
ambitieuse  que  les  hislcjnens  attribuent  à  Hinri  II,  que  le 
monde  entier  était  bien  peu  de  chose  pour  un  grand  homme, 

p   ,„jj        tolum  mundum  uni  potenti  viro  parvum  esse,  disent  Bromton 

p.  2392.        et  Knyghton. 


HENRI  II,  ROI  D ANGLETERRE.  469 

Plusieurs    écrivains  nous    ont   aussi   conservé   le  testament      xii  siècle. 
d'Henri  11    II  est  en  français,  et  peut-être  n'avons-nous,  dans   """""""" 
noire  laneue ,    aucun    monument  de   ce  genre ,   plus  ancien. 
Harpsfeld"( siècle  XII,  c.  5)  et  Alford  (an  1189,  n.   8  )  en  font 
mention    sans  le  donner.   Gervais  et    Rymer  l'ont  publié  en     ^,  ',       ,,, 
latin. 


De    quelquesLois    et   Institutions    de   HenriII, 
dans    les    premières    années    de    son    règne. 

Les  troubles  dont  l'Angleterre  fut  agitée   pendant  le  règne  Bromt.  p. 

d'Élienne    avaient    nécessairement    affaibli  une  puissance  qui  "^*'-  ""    ^"^■ 

I  •  iT  I  u         j  P-  1377.  -  Guil. 

n  avait  pas  su  les  réprimer.    Un  grand   nombre  de  seigneurs  JJ^  pieubi.    liv. 

s'étaient  comme  soustraits  à  l'obéissance   du   roi;  et  pour  être  ii.  c.  i.  -  Fiu- 

plus   sûrs    de    leur    indépendance   et   de    leur    impunité ,   ils  ?!'"'!''•  J?'  '''  ~ 

r  r  I  '  Malli.     Pans,     p. 

avaient  fait   de   leurs    châteaux    autant    de   forteresses  :   Tôt  es.  —  Hovcd.  p. 

regei  erant,  vel  potius  tyranni,  dit  Guillaume  de  Neubridge,  *'"•  —  *"• 


quot  domini  castelloy^um.  Etienne,  d'un  autre  côté,  avait  u^^^  "',  \^  ~ 
appelé  à  son  aide  des  troupes  d'étrangers ,  et  il  ne  les  payait  402.  —  Liuiei. 
qu'en  leur  permettant   d'exercer   beaucoup  de  vexations.   Ce  '  "'  P'  ^  "'  ^ 

«  ,  .  .  ,,  „     .      ■    •  — Spelm.  eod.   p. 

furent  les  premiers  objets  qui  signalèrent  1  administration  319  _  Tyrrell, 
du  nouveau  roi.  Cet  édit  renvoya  les  troupes  étrangères  ,  et  t  ".  p  298  ci 
Guillaume  d'Ypres,  leur  chef,  qui  avait  été  l'ami  particulier  ^^' 
et  le  confident  d'Etienne.  Un  autre  édit  ordonna  de  démolir 
les  châteaux  fortifiés.  Ces  châteaux  se  montaient  à  plus  de 
1,100,  suivant  Math.  Paris,  Edouard  Coxe  et  Blackstone.  Biack.  hv.  1. 1  7 
Quant  aux  troupes,  elles  étaient  principalement  composées 
de  Brabançons  et  de  Flamands,  se  répandant  au  hasard, 
sans  discipline  et  sans  règle  ;  c'étaient  moins  des  corps  de 
soldats  que  des  bandes  de  vagabonds  armés,  lour-à-tour  aux 
ordres  de  différens  princes,  de  différens  seigneurs,  soute- 
nant aujourd'hui  ceux  qu'ils  avaient  combattus  hier,  pour 
les  recomballre  demain  encore ,  si  on  payait  mieux  leur 
bravoure  ou  leur  audace  :  souvent  même  c'était  à  leur 
profit  qu'ils  s'armaient,  sous  le  commandement  de  quelques- 
uns  d'entre  eux  qu'ils  avaient  choisis  pour  chefs.  L'édit  du 
roi  leur  fixait  un  terme  précis  pour  sortir  d'Angleterre  ;  ils 
y  obéirent  avec  tant  dépouvante  et  une  si  grande  ponctua- 
lité, que  le  pays  entier  fut  à  linslant  même ,  par  un  seul 
acte  de  la  volonté  courageuse  du  prince,  purgé  de  tous  ces 
hommes   qui    l'infestaient   depuis  tant   d'années  :   Quo  edicto 


XII  SIECLE. 


Brotnl.  |) 
lOiB.  -  S(.cliu 
cod.  p.  519.  — 
Hume,  t.  I,  |i 
402.  —  .Ml.  an. 
IISS,  n.  7. 
Kob  du  M  ai 
1164.  -  Lilll.  -2, 
f>.  9  —  Tyiicll, 
t.  Il,  p.  298. 


II»T.  p.  491. 
—  .S|iclni.  cod. 
p.  ril8  -  Hume, 
p.  402. 


Speliu.  cod. 
p  207,  i>()8  cl 
31S.  --  llUcksl. 
Iiv  4,  c.  35.  — 
T\rrcll,  t.  H,  p. 
299. 


470  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

pamfacti,  dit  encore  Giiill.  de  Neubridge  ,  ita  in  brevi  di- 
lapsisunt,  ut  quasi  fantasmata  in  momento  disparuisse  vide- 
rentur ,  siupentibus  plurimis  quomodo  repente  evanuissent. 

Henri  H  fit  en  même  temps  rentrer  dans  le  domaine  de  la 
couronne  un  grand  nombre  de  villes,  de  châteaux,  de  terres,  que 
son  prédécesseur  avait  aliénées  ;  il  révoqua  même  les  dons 
que  la  nécessité  avait  arrachés  à  Malhilde,  sa  mère,  et  celle- 
ci  napporla  aucune  opposition  à  une  mesure  si  nécessaire 
au  soulagement  du  peuple  et  à  la  dignité  du  trône.  Tout 
cela  n'eut  lieu  pourtant  qu'après  un  examen  attentif ,  fait  par 
des  commissaires  royaux,  de  tous  les  actes  en  vertu  des- 
quels ces  biens  avaient  été  aliénés  au  préjudice  de  l'état. 
Ce  ne  fut  pas  sans  beaucoup  de  réclamations  et  de  murmures 
que  les  détenteurs  se  résignèrent  à  les  abandonner.  Plusieurs 
montraient  la  donation  d'Etienne  ;  mais  Henri  leur  répondait 
que  les  dons  faits  par  un  usurpajeur  ne  pouvaient  nuire  au  roi 
légitime.  Indignés  d'abord  ,  dit  Bromlou  ,  mais  ensuite  épou- 
vantés et  consternés  ,  ils  rendirent  avec  peine,  mais  eu  en- 
tier, les  domaines  envahis.  Henri  11  reprit  également  à  des 
personnes  qu  Etienne  avait  nommées  comtes,  sans  leur  as- 
signer un  comté  ,  le  titre  dont  elles  avaient  été  revêtues, 
et  le  domaine  qui  devait  les  aider  à  soutenir  ce  titre  nou- 
veau. 

Tous  ces  édils  sont  de  Tannée  ll^o.  Ce  fut  en  1150,  peut- 
être  même  à  la.  fin  de  115o,  que  parut  celte  déclaration  de 
Henri  H,  relative  aux  lois  de  ses  prédécesseurs,  un  des  actes 
les  plus  mémorables  de  sa  législation.  Les  différentes  peu- 
plades qui  étaient  venues  successivement  se  fixer  en  Angle- 
terre y  avaient  apporté  leurs  lois.  La  plupart  des  coutumes 
anciennes  avaient  néanmoins  subsisté.  Le  code  national  était 
ainsi  formé  de  principes  divers,  et  souvent  peu  conformes 
entre  eux  Frappé  des  maux  qui  en  résultaient,  Edgard  eut 
le  premier  la  pensée  de  ramener  dans  la  législation  l'ordre 
et  l'unité;  mais  laclièvement  de  cet  ulil^;  projet  était  réservé 
à  Edouard,  son  petit-fils,  (jue  l'on  désigne  ordinairement 
i»ar  Edouard-le-Simple  ou  le  Confesseur.  Henri  l*""  modifia 
ensuite  (pielques-unes  de  ces  lois ,  en  supprima  ou  en  ajouta 
quelques  autres ,  et  publia  un  nouveau  code  qui  régis.sail 
lAngleliirre  quand  Henri  11  monta  sur  le  trône.  Ce  prince 
ne  larda  point  à  le  confirmer  :  nous  avons  l'acte  de  celte 
confirmation  sous  le  titre  de  Charla  libertalum  Anglise 
régis   Uenrici   II.   Les   lois  allnbuées    à  Édouard-le  Confes- 


Ir.   I.     Il,   |.. 
cl  s'iiv. 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  471 

seur,  et  que  d'autres  attribuent  à  Guillaume-le-Conqucrant,      xii  siècle. 
qui  ,  suivant    eux,     les    mit    lui- môme   sous   le   nom   de   ce 
prince,   mort  peu    d'années  avant  la  conquête  de  l'Angleterre 
par  les   Normands,    ces  lois  sont   parvenues  jusqu'à    nous; 
elles  portent  ce  titre  :  Ce  sont  les  leis    et   les  coustumes  que 
Il  rets    Villiam  grantut  (accorda)  à  tut  le  peuple  de  Engle- 
terre,  après  le  conquest  de  la  terre  ;  ice  les  nieismes  que  les 
reis  Edward  sun  cosin  tint  devant  lui.    Ducange  en  a  donné       '^"<^-  i"'"  ''<••* 
une   nouvelle   traduction    latine  :   celle-ci,    la    traduction  plus 
ancienne,   le    texte   en  vieux    français,  ont  été  conservés  par 
Houard,   qui  y  a  joint  une  traduction  dans   notre  langue  ac- 
tuelle. Le  même  auteur  a  aussi  imprimé,  d'après  Spelmann,   les     •'.2ii  nsuiv. 
lois  données  par  Henri   I<=^    Elles  n'étaient  en   grande  partie 
que  celles   d'Kdouard-le-Confesseur.    Elles  eurent  cependant, 
sur    queUjues    objets  ,     des    dispositions    entièrement    diffé- 
rentes ;    et  ,     parmi  ces  dispositions  ,    nous    pouvons    remar- 
quer, comme  servant  à  mieux  faire   connaître    plusieurs  lois 
de  Henri    II,   celle   qui   rendit  au   clergé  le  droit    d'élire   les       mark.  liv.  4, 
prélats,  en    laissant  néanmoins    subsister   le   droit  de    palro-  '^'  ""' 
nage  :  celle  qui  laissait  au  roi  la  garde  du  temporel  des  églises, 
en  cas  de  vacance  ;  celle  qui  réunissait  les  juridictions  ecclésias- 
tiques aux  juridictions  civiles,  union,  au  reste,  dont  le  clergé  ne 
tarda  pas  à  obtenir  la  révocation. 

La  loi  qui  confirme  les  libertés  de  la  ville  de  Londres,  ou  _  Speim.  co.i. 
qui  lui  en  accorde  de  nouvelles,  fut  encore  un  des  pre-  ''  '  ' 
miers  actes  du  gouvernement  de  Henri  II.  Cette  loi,  adres- 
sée aux  évêques,  aux  barons,  aux  juges,  à  tous  les  fidèles 
du  roi,  assure  aux  liabitans  qu'ils  ne  pourront  jamais  être 
distraits  de  leurs  juges  naturels,  qu'ils  n'auront  à  supporter 
l'exercice  d'aucun  droit  de  logement  ;  qu'ils  jouiront  ,  sous 
les  rapports  de  l'impôt  et  du  service  envers  le  roi ,  de  plu- 
sieurs autres  privilèges,  que  nous  aurons  occasion  de  faire 
connaître  quand  nous  rappellerons  les  actes  de  son  règne 
concernant  les  revenus  publics  et  la  féodalité.  Des  Chartres 
semblables  furent  octroyées  à  d'autres  villes  ,  et  concou- 
rurent à  diminuer  cet  étal  d'humiliation  et  de  dépendance 
où  les  barons    avaient    tenu   jusqu'alors    le   peuple   d'Angle-  Liui.   iiist. 

terre.  •'"'^"e'-  '•  ''   i'- 

L'année  1 1 56  fut  marquée  par  un  autre  acte  important  de  lé-  uenri  11    [^  \\i 
gislation  et  d'administration  publique  p.  281. 

Le  litre  de  l'argent  monnayé  avait  été  fort   altéré  pendant 
le  règne  d'Etienne,  Henri  ordonna    de    fabriquer  une  mon- 


^  472  HENRI  II,  ROI  D  ANGLETERRE. 

^11  SIECLE,      jjajg  nouvelle,    et    désormais    elle  eut    seule  cours    dans    le 

royaume.  Nous  disons  en   115G,   d'après  Roger  de   Hoveden 

(page    491),    qui  a  été  suivi  par   Hume  et  d'autres  historiens. 

Mat.  (le  Wpst.  Mathieu     de    Westminster  ,     Raoul     de    Diceto  ',     Littleton  , 

1».  44.  -  Diccto,  placent  en   1158   une    fabrication    de    monnaies;    mais  c'est 

p.  811  et  »3o.  —    "^      ,     ,  ,  ,  ,  ,.,.,.  -,       ,         , 

Littiei.  i.  Il,  i>.  probablement  la  même  qu  ils  mdiquent  ,  ils  la  placent  seu- 
84  lement  deux  années  après.    Henri,    né  ant    encore    que  duc 

Hove  .  p.  ..  .  j^  Normandie,  avait  ôlé  leur   cours   à  des  monnaies  que  la 
plupart  des  évoques  ou   des   barons  avaient   mises   en  circu- 
lation, et  il  en  avait  fait  faire  une  nouvelle  qu'on   appelait  la 
monnaie  du   duc.    Dans  la   suite  ,   et    bien    longtemps   après 
Hovcdeii.  p    qu'il  fut   monté  sur  le  trône  d'Angleterre,  en  UNO  (la   vingt- 
a97.  —  Guiii.  lie  septième  année   de  son    règne),     Henri  donna    une  nouvelle 

Neubr.     l.v.     III,         .'  ,  ,  u-    .        r.  r  •  •       .  1 

c  3.  —  Maiii.  loi  sur  le  même  objet.  Des  faussaires  avaient  corrompu  la 
Paris,  an.  u»\ .  monnaie  publique;  il  la  6t  refondre,  et  condamna  les  cou- 
-    Spcim    Co     pailles  à  de  très-fortes  amendes.    Seize   ans  auparavant,   en 

p.  33.).   —  Tyir.    r  i 

i.  Il,  p.  84.         1164,     parmi     les     accusations     proposées     contre     Thomas 

Becket,    il   y  avait    eu,    suivant    le    traducteur    de   Littleton, 

celle    d'avoir    altéré  les    monnaies  lorsqu'il    était   chancelier  ; 

Hisi  iiAiij;!    mais  le    texte   a   clé  mal  entendu,  et  Liltlelon  dit  que   Recket 

t.  I,  p.  100.        j.^^  accusé  d'avoir   diverti   l'argent  de    l'étal,     les     fonds   qui 

étaient  dans  le    trésor  du   roi    :    Accused  him  of  embezzling 

the  public   money ,    While  chancellor    -.    je  ne  crois  pas    du 

moins   (\\\embezzle  doive   avoir    ici    une   autre     signiBcation. 

Gprv.  p  1389    Gervais  de    Canlorbéry    nous    apprend   effectivement    que    le 

_  Voir  !.•  Quai-  ,.qj  p,^  demander   compte  à  Thomas  Becket  de  plusieurs  évé- 

tiloR.    I,    s.    20     ,  ,  ,  ,  ,1  ■        ,   ■  1     ,    , 

çi  27.  chés  et    abbayes    iju  il    avait    régies     pendant    leur  vacance  , 

dans  le  temps  qu'il  était  chancelier,  revenu  qu'on  faisait 
monter  à  deux  cent  trente  mille  marcs  d'argent,  et  que 
Thomas  répondit  qu'en  devenant  archevêque,  il  avait  été 
libéré  de  tous  les  cngagemens  auxquels  il  avait  pu  être 
soumis  comme  chancelier.  C'est  pousser  loin  les  privilèges 
ecclésiastiques  Le  roi  lui  avait  aussi  redemandé  cinq  cents 
livres  d'argent  qu'il  lui  avait  prêtées,  et  Thomas  avait  ré- 
Ridcvic.  liv.  pondu  aussi  qu'on  ne  les   lui   avait  pas   prêtées,    mais  don- 

I,  c.  7.  i.  VI.  -  nées. 

74T"-LiurT.       Une  lettre  de   Henri  H  à  Frédéric   Barberousse ,    parvenu 

II,  p  187.  depuis  peu  de   temps  à  l'empire,    doit  être   également    citée, 

par  le  désir  qu'elle  exprime  dune  alliance  entre  les  deux 
peuples,  alliance  qui  aura,  entre  autres,  l'objet  el  l'effel 
d'établir  un  commerce  sûr  el  libre  dans  les  duminatioa' 
respectives.    Le  roi   d' Angleterre  y  offre  d'ailleurs  à   Tempe- 


HENRI    II,    ROI    D'ANGLETERRE.  473 

reur  Frédéric  les  assurances  les  plus  vives  d'amilié,  de  déférence     xii  siècle. 
et  de  fidélité.  La  lettre  est  de  1 1 57. 

Littlelon  développe  très-bien  les  premiers  efforts  de  Henri 
IF,  et  le  succès  qu'ils  obtinrent.  Grâce  à  la  magnanimité  de  t.  ii,  p.  16  et  17. 
cet  excellent  prince,  dit-il,  l'Angleterre,  qui  avait  tant  souffert 
de  la  tyrannie  et  de  l'esprit  de  faction,  fut  entièrement  rétablie 
dans  ces  droits  légaux  dont  l'exercice  devait  lui  offrir  une 
garantie  contre  ce  double  malheur.  Henri  ne  se  contenta  pas 
d'avoir  rendu  au  peuple  de  bonnes  lois;  il  en  assura  l'exé- 
cution. Ce  n'était  pas  une  entreprise  facile  ;  elle  exigeait 
toute  l'activité  de  Henri  II,  son  esprit,  son  caractère,  son 
amour  ardent  du  bien  public  Sous  le  règne  de  son  prédé- 
cesseur, la  loi  était  un  vain  nom.  Lors  même  qu'elle  n'était 
pas  suspendue  par  la  violence,  l'esprit  de  parti  et  liniquité  des 
temps  corrompaient  entièrement  l'administration  de  la  justice. 
Les  appels  à  la  couronne,  celle  ressource  constitutionnelle 
et  nécessaire  du  peuple  contre  les  trop  fréquentes  injustices 
des  nobles,  avaient  perdu  toute  leur  force  ;  le  roi  n'avait 
pas  la  puissance  d'accorder  aux  plaideurs  un  recours  qu'ils 
lui  demandaient  :  ses  sujets  n'étaient  sûrs  ni  de  leurs 
propriétés,  ni  de  leur  vie  ;  le  glaive  des  méchans  avait  plus  de 
force  que  celui  des  magistrats  ;  et  les  crimes  les  plus  mani- 
festes étaient  non-seulement  protégés,  mais  récompensés, 
s'ils   étaient  l'eiret  de  cette  ardeur   téméraire  et  sans  remords 

qui  précipite  dans  les   horreurs  des   guerres  civiles Aucun 

effort  ne  coûta  au  roi  pour  enchaîner  les  factions,  pour  rendre 
à  la  justice  toute  sa  vigueur  et  toute  sa  pureté,  pour 
rétablir  dans  son  royaume  le  bon  ordre  et  les  bonnes 
moeurs. 


Actes  et  lettres  de  Henri  II,  sur  les  matières  ecclésiastiques 
en  général,  et  sur  Thomas  Becket  en  particulier,  avant 
l'assemblée  de   Clarendon  :   statuts   faits  dans  cette  assem- 

.    Née. 


L'appui  qu'Etienne  avait  imploré  et  reçu  du  clergé  pour 
parvenir  au  trône,  les  efforts  malheureux  qu'il  fit  ensuite 
pour  se  soustraire  à  la  dépendance  où  les  évêques  cher- 
chaient à  le  tenir,  les  dissentions  civiles  qui  marquèrent 
son  règne,  avaient  également  favorisé  les  entreprises  ambi- 
Tome  XIV.  O  o  o 

:-  2  ♦ 


474  HENRI    II,    ROI    D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  lieuses  des  ecclésiastiques  (lu  royaume.  Une  circonstance  parti- 
culière y  introdiiisil  aussi  sans  résistance  des  lois  canoniques 
nouvelles;  ces  lois,  que  Gratien  venait  de  recueillir,  que  le  pape 
Eui,'ùne  reconnut  et  sanctionna,  dont  la  connaissance  devint 
un  objet  d'étude  en  Angleterre  comme  en  Italie;  car  déjà  on 
les  invoquait  dans  les  querelles  ecclésiastiques,  et,  par  cela 
miiiie,  on  eut  bientôt  des  professeurs  chargés  de  les 
enseigner. 

Etienne   avait   voulu   faire  exclure  Henri    du   trône  dAn- 
gloterre.      Tliibaut,     archevêque    de     Cantorbéry,     résista    à 
Etienne.     Rocket,    alors    son     chapelain,     écrivit    au     pape, 
DuboQiay,  ^yec  unc  grande  véhémence,    pour  Henri.    Thibaut  fut  exilé, 
ail  ii5j~. 'Jt>.    R^'nlré  ensuite   dans   les   bonnes  grâces  du  roi,   il   contribua 
beaucoup  à  assurer  le  trône  à  Henri,  après  la  mort  d'Etienne, 
qui,     dans    l'intervalle,     avait     perdu     Eustache ,    son    fils 
unique. 
Diccio,   p.       Hcckel    était     archidiacre    de     Canlorbérv,     quand     Henri 
V.  x?,n.  monta   sur  le  Irône.    Henri  le  6t  chancelier.  Gervais  dit   que 

ce  fut  sur  la    proposition  de  Thibaut,  qui  voulut   donner  au 
jeune  roi    un  des  hommes    les   plus    capabic.-î  de  lier  ferme- 
ment   ensemble   le  trône  et  l'autel.    On   ne   pouvait  se   m-eux 
tromper  dans  ses  espérances.  A  la   mort  de  ce  prélat,   Becket 
fut   nommé   archevêque    de    Cantorbéry.    Il   eût   ainsi,    pen- 
dant quelque    temps,    la   première    place  ecclésiastique  et   la 
promièrn  place  civile    du   royaume.    Il  devait  l'une  et  l'autre 
à   la   bienveillance  de   Henri  ;    mais    il    ambitionna  bientôt  la 
faveur  du  pape  avec   aulant   d'ardeur   qu  il    en   avait   mise   à 
ambitionner   celle  du    roi,    et    devint    le    plus   irréconciliable 
ennemi  du   prince  iuupiel  il  devait   tant  de  bienfaits.   Un    de 
ses   plus  glands    panégyristes,   Gervais  de  Cantorbéry,   avoue 
néanmoins  que    Thomas    Becket    fut,   dès    sa    première  jeu- 
nesse,   supra    modum    caplator    auras  popularis.    Le  même 
défaut  le  rendit   turbulent  et  factieux  d'une  autre  manière  ;  le 
parli    du    clergé,     sa    défense,    était    encore  aura  popularis 
Diccio,  j).  pour    lui.    Ses    mœurs  changèrent    dès    qu'il    eut    conçu    ce , 
5ôi.  -  r.eiv.  |i.  projet.     Il    alTecla    autant   de     recueillement     et     d'austérité, 
Maih   Vai'is    7  *'"  ''    ''^'^'^    '  "    jusqu'alors    de    faste,    de    magnificence,    de 
«y.  —  Giiiii.   de  sensualité.    On     prétend     que   le    roi    lui    ayant    annoncé    le 
Nc.ii)r    p     39.1.  dessein    qu'il    avait   de     lélire,     Thomas    lui    avait    répondu 

Quadril.    lir.      I,  .    '  j  i     .c      • 

c.  f.  cl  siiiv.  -  en  souriant  et  en  montrant  les  habits  de  cour  dont  il  était 
Tyireii.  i.  Il,  revêtu  :  «  Voyez  donc  quel  est  le  saint  homme  que  vous 
''  '  voulez  placer  sur  ce  saint  siège;  »   et  qu'il  avait  ajouté  :  «  Si 


HENRI   II,  ROI  DANGLETKRRE.  475 

cela  arrive  ,  je  perdrai  bientôl  voire  amitié  ;  elle  se  convertira     x"  sikcle. 
en  haine  pour  moi.  » 

Bientôt,  en  effet,  la  conduite  de  l'archevêque  de  Cantor- 
béry  lui  fil  perdre  toute  la  bienveillance  du  roi.  Prélat 
hautain  et  sujet  indocile,  il  annonça  ou  favorisa  des  préten- 
tions exorbitantes  ,  et  sembla  constamment  oublier  (jue  le 
respect  pour  les  lois  et  la  soumission  envers  le  prince  est 
un  des  devoirs  que  commande  le  plus  cette  religion  chré- 
tienne, dont  il  était  devenu  un  des  premiers  ministres.  Un 
des  maux  (ju'avait  produits  l'oubli  de  ce  principe,  était  l'im- 
possibilité fréquente  de  réprimer  et  de  punir  des  crimes. 
Le  clergé  cherchait  à  se  soustraire,  par  tous  les  moyens,  à 
la  juridiction  des  tribunaux  :  mais  devenus  plus  nombreux 
par  l'effet  môme  des  privilèges  qu'ils  s'attribuaieni  ,  ses 
membres  n'étaient  pas  toujours  bien  choisis  ,  et  de  graves 
délits  étaient  quelquefois  commis  par  eux  avec  impunité. 
Des  recherches  faites  avec  soin  prouvèrent,  dit  un  historien 
connu  par  sa  modération  et  son  impartialité.  Hume,  que  t.  i,  \>.  ti8 
des  hommes  de  cette  profession  s'étaient  rendus  coupables 
de  plus  de  cent  meurtres  ,  depuis  l'avènement  du  roi  à  la 
couronne;  et  aucun  deux  n avait  été  traduit,  pour  son  crime, 
devant  les  tribunaux.  Un  prêtre  enfin  du  digcèse  de  Salis-  Qiinci.ii.  liv. 
burv,   avant  assassiné   un  gentilhomme  du    comté   de    Wor-    "  *„    '  '^i,, 

J  '       -  ^  "  ^  —    Ua|>.    Tlioyr. 

chester,  après  en  avoir  corrompu  la  fille,  le  roi  voulut  que  t.  i,  ,,  iss.  - 
les  magistrats  infligeassent  à  ce  misérable  le  châtiment  qu'il  ^i'.î-  '■  "•  ''• 
méritait.  Becket  le  Ut  enfermer  dans  la  prison  de  l'évèque, 
et  soutint  que  la  dégradation  était  la  seule  peine  à  lui  faire 
subir.  Henri  demanda  que,  quand  la  dégradation  aurait  été 
prononcée  ,  les  tribunaux  ordinaires  prononçassent  à  leur 
tour  la  punition  due  à  de  tels  crimes.  Becket  prétendit  (pi'un 
ecclésiastique  ne  pouvait  jamais  être  condamné  à  mort  Le 
roi  déclara,  au  contraire,  qu  établi  pour  rendre  la  justice  à 
tous,  il  ne  souffrirait  pas  que  des  coupables,  quels  ([n'ils 
fussent,  pussent  l'être  impunément  ;  loin  de  croire  que  Dieu 
autorisât  de  pareilles  exemptions,  il  croyait  ([ue  la  saiiilelé 
même  de  leur  ministère  devait  plutôt  ajouter  a  la  peine  que 
la  faire  abolir.  L'archevêque  de  Cantorbery  insista  en  disant 
qu'une  punition  avait  élé  prononcée ,  et  que  ce  serait  une 
chose  inique  de  faire  deux  fois  le  procès  à  la  même  personne 
sur  une  seule  et  même  accusation.  Le  roi  ne  put  supporter 
plus  long-temps  l'idée  d'une  aussi  révoltante  impunité.  Les 
privilèges    sur   lesquels    on   la    fondait    lui    parurent    mériter 

Ooo;J 


476  HENRI  I[,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  d'être  soumis  à  un  examen  approfondi  ;  et,  pour  y  apporter 
enfin  de  justes  bornes,  pour  rendre  à  la  juridiction  civile  les 
droits  qu'elle  avait  long-temps  exercés,  que  toutes  les  an- 
ciennes lois  lui  assuraient  ,  et  dont  cependant  elle  était  , 
chaque  jour,  dépouillée  de  plus  en  plus  par  les  entreprises 
du  clergé,  il  résolut  de  convoquer  une  assemblée  générale  des 
prélats  et  des  premiers  personnage?  de  l'empire.  Il  était  devenu 
nécessaire,  dit  encore  le  sage  historien  que  j'ai  cité,  de  déter- 
miner lequel  devait  être  le  souverain  du  royaume,  si  ce  serait 
le  roi  ou  les  prêtres,  et  l'archevêque  de  Cantorbéry  en  parti- 
culier. 

Plusieurs  fois  auparavant,  il  avait  essayé  de  ramener  Thomas 
Becket  à  l'obéissance  et  d  la  modération.  «  Plusieurs  des  grands 
du  royaume  avaient  secondé  ses  désirs,  en  représentant  au 
prélat,  dit  Fleury,  les  maux  qu'une  division  produirait,  et  l'im- 
prudence qu'il  y  avait  de  tout  perdre  pour  un  petit  mot  ;  car  il 
ne  s'agissait  que  de  cette  clause,  sauf  notre  ordre.  »  Ces  der- 
niers mots  seront  bientôt  expliqués.  Roger  de  Hoveden  parle 
des  efforts  tentés  par  quelques  évèques,  et  du  succès  qu'eut  enfin 
sur  l'archevêque  de  Cantorbéry  un  religieux  de  l'ordre  de 
(liteaux,  qui  avait  toute  la  confiance  du  pape,  Philippe,  abbé  de 
l'aumône,  que  le  traducteur  de  Hume  appelle  assez  mal-à-propos 
abbé  d'Eleemosyne. 

L'assemblée  des  seigneurs  et  des  prélats,  convoquée  par 
Henri  H,  se  réunit  à  Clarendon,  au  mois  de  janvier  1164.  Les 
résolutions  qu'elle  prit  sont  célèbres  encore  sous  le  nom  de  la 
ville  oîi  elles  furent  proposées  et  adoptées. 

Seize  articles  composent  les  statuts  ou  constitutions  de 
Clarendon.  Plusieurs  écrivains  les  ont  recueillis  ,  et  entre 
autres  Gervais  ,  dans  sa  chronique  ;  Mathieu  Paris,  dans  sa 
grande  histoire  ;  Tyrrell,  dans  son  histoire  ecclésiastique  et 
civile  d'Angleterre,  Baronius  et  Alford,  dans  leurs  annales; 
Spelinann,  dans  ses  conciles  d'Angleterre  et  dans  son  Codex 
legum  velerum  statulorum  regni  Angliœ  ;  Duboulay  ,  dans 
son  histoire  de  l'université  de  Paris  ;  Rymer,  qui  les  analyse 
plutôt  (ju'il  ne  les  donne,  dans  le  dixième  tome  de  son  im- 
portante collection  ;  et  Lillleton  dans  le  second  volume  de 
son  histoire  de  la  vie  de  Henri  11  et  du  siècle  où  il  vécut. 
Quoique  les  seize  articles  ne  soient  pas  tous  précisément 
l'ouvrage  de  Henri,  quoiqu'il  ne  fasse  souvent  que  renou- 
veler ou  confirmer  ce  que  ses  prédécesseurs  avaient  déjà 
ordonné,  nous  devons    d'autant  plus  en   rappeler   les  dispo- 


HENRI    il.    ROI     D'ANGLETERRE.  477 

sillons, qu'elles  furent  un  des  objets  les  plus  actife  et  les  plas  con-  x"  siècle. 
stans  des  méditations  du  roi,  un  des  principaux  actes  de  son 
gouvernement  et  de  sa  législation,  et  que  plusieurs  des  lettres  on 
des  autres  écrits  dont  nous  aurons  à  parler  dans  la  suite  de  cet 
article  se  rapportent  avec  plus  ou  moins  détendue  aux  consti- 
tutions de  Clarendon. 

Le  premier  article  porte  que,  s'il  s'élevait  quelque  diffé- 
rend ou  entre  des  laïques,  ou  entre  des  clercs,  ou  entre 
clercs  et  laïques,  il  serait  discuté  el  ja^é  dans  la  cour  du  roi  ; 
In  cunâ  domini  régis  teyminelur.  Le  texte  est  formel,  et  ce- 
pendant Hume  parle  des  tnhunaux  civils  en  général  ;  Shouid 
he  determined  in  the  civil  courts-  Dans  plusieurs  de»  écri- 
vains que  nous  avons  indiqués  comme  ayant  recueilli  les 
constitutions  de  Clarendon,  1  article  ne  caractérise  pas  la 
nature,  l'objet  du  différend  qui  pourrait  sélever  ;  mais  on 
voit,  par  le  contexte  même,  qu'on  a  voulu  parler  du  droit 
de  présenter  aux  bénétices  ecclésiastiques,  du  droit  de  pa- 
tronage. Cela  est  même  exprimé,  dans  l'article  rapporté  en 
latin  par  Spelmann,  et  dans  celui  que  donne  en  anglais  lord 
Litllelon.  Gervais  et  d'autres  s'étaient  bornés  à  dire  :  5i  contro- 
versia  emerserit. 

Les  églises  du  fief  du  roi,  dépendantes  de  son  domaine,  porte 
le  second  article,  ne  jHjurront,  sans  son  consentement,  être 
aliénées  à  perpétuité. 

Le  troisième  article  veut  que  les  ecclésiastiques  accusés 
d'un  crime  quelconque,  sommés  de  comparaître  devant  une 
cour  de  justice  du  roi,  soient  tenus  de  s'y  rendre  et  d'y  ré- 
pondre sur  tout  ce  qui  leur  sera  demandé  ;  les  juges  séc^j- 
liers  se  concerteront,  à  cet  égard,  avec  les  juges  ecclésias- 
liques  ;  si  les  accusés  avouent  leur  faute,  ou  s'ils  eu  sont 
convaincus,  léglise  ne  pourra  plus  leur  accorder  aucun  appui. 
Jamais  une  loi  n'avait  éié  plus  à  propos  rappelée  ou  établie, 
puisque,  tout  récemment,  Becket  avait  affecté  de  croire 
qu'un  ecclésiastique  coupable  de  séduction  et  de  meurtre 
était  assez  puni  par  la  privation  de  son  bénéfice  et  l'empri- 
sonnement. Une  indulgence  si  reprébensible  pouvait  d'autant 
moins  être  approuvée  j.>ar  un  monarque  ami  de  la  justice, 
que  les  lois  anglaises  pronontjaient  la  peine  de  mort  contre 
l'homicide.  Mais  une  chose  plus  difficile  encore  qu'une  telle 
approbation  par  un  tel  roi.  c'était  d'obtenir  qu'un  tel  prélat 
n'excédât  pas  toutes  les  bornes,  ne  réclamât  pas,  sous  le  nom 
de  privilège,  une  véritable  impunité,  quand  il  s'agissait  duo 
ecclésiastique. 


478  HENRI    II,    ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE.  L'article  4  défend  aux  archevêques,  aux  évêques,  à  toutes 
les  personnes  constituées  en  dignité  (  personis  7'egni,  dit  le 
texte,  et  je  crois  que  c'est  ainsi  qu'il  faut  l'entendre;  Little- 
ton,  néanmoins,  n'applique  le  mot  persona  qu'aux  ecclésias- 
tiques ;  il  traduit  and  any  dignifîed  clergymeti  ofthe  realm  : 
Tyrrell  dit  généralement,  or  any  other  peraons  ofthe  kingdom), 
il  leur  défend  de  sortir  du  royaume  sans  la  permission  du 
roi.  S'ils  en  sortent,  on  pourra  prendre  d'eux  assurance  ou 
caution  qu'ils  ne  feront  rien,  en  allant,  en  séjournant,  en  reve- 
nant, qui  apporte  quelque  malheur,  quelque  dommage  au  roi  ou 
à  l'étal. 

On  n'obligera  pas  les   excommuniés,   dit  l'art.    5,  à  donner 

caution  qu  ils  ne  s'absenteront  pas,    ni  à  faire  aucun  serment  : 

ils    la    donneront    seulement    de    comparaître    pour     obtenir 

l'absolution   de    l'église.    Il  y  a  dans   le  latin  non  debent  dure 

iiist  Ecri        ^o,dinm  ad    remanens  ;  et    Fleury  rend   ces  derniers   mots  par 

XV,  p.  ii.8.        caution  pour  le  surplus-  Je  doute  que   ce  soil  là  le  sens,  et  je 

pense  que  ad  remanens  exprime  ici  l'action  de   demeurer,  de 

rester  dans  so-i   'omicile.  Du  reste,  il  y  a  dans  le   texte  donné 

par  Spelmanu,   ad  remanentiam,  ce  qui  est   plus  formel  en- 

T  II  11  387.  core.  Littlelon  traduit  la  give  any  securily  by    way  of  depo- 

sit  ;  il   laisse  ainsi  de  côté  le   mot  cpii   pourrait  offrir  quelque 

dillicullé.   La     traduction  de  Tyrrell     peut  expliquer    ce    que 

Litllcton  a  dit    pourianl,  assez  long-temps  après  lui  :   Money 

or  some other  l'U'ige deposited  in  Ihe  bishop's  court. 

L'art.  G  détermine  comment  des  laïques  pourront  être  ac- 
cusés devant  le  tribunal  de  l'évèque,  le  caractère  que  devront 
avoir  les  accusateurs  cl  les  témoins,  la  nécessité  de  conserver, 
en  recourant  à  ce  tribunal,  tous  les  droits  de  l'archidiacre.  Si  les 
prévenus  sont  tels,  ajoule-t-il,  que  personne  ne  veuille  ou  n'ose 
les  accuser,  le  vicomte  re([uis  par  levèque  appellera,  en  pré- 
sence de  celui-ci,  douze  hubitants  ou  voisins  ayant  les  qualités 
prescrites  par  la  loi,  et  leur  fera  promettre  avec  serment  de  dire 
la  vérilé,  suivant  leur  conscience. 

Le  lexle  désigne  par  légales  homines  les  habilans  qui  de- 
vront être  choisis.  11  avait  dit  [)lus  haut  légales  accusatores 
et  testes,  en  parlant  do  ceux  (pu  |)Ouriaienl  former  l'accu- 
sation ou  la  i;aranlir.  By  légal  and  reputable  [  ii^i  bonne 
réputation  )  promoters  and  witnesses  (  témoins  )  ,  traduit 
Hume,  t  i,  p.  420.  Légales  veut  dire  ici  des  hommes  qui 
peuvent  ester  en  droit,  qui  ont  la  capacité  légale  ou  les 
caractères    reconnus    par    la   loi,  pour    quelle   admette    leur 


HENRI  II,  ROI  D ANGLETERRE.  479 

accusation,  leur  témoignage,  pour  que  foi  soit  accordée  à  xii  siècle. 
leur  déclaration,  à  leur  opinion  ;  et  non  certains  et  légitimes, 
comme  le  traduit  Flcury  (t.  15,  p.  108),  ni  loyaux,  comme 
d'autres  le^  traduisent.  Ce  n'est  pas  précisément  une  qualité 
morale  que  ce  mol  doit  indiquer,  c'est  une  qualité  civile  ou 
légale,  une  manière  d'(Mre  devant  la  loi  et  d'après  les  règles 
qu'elle  établit.  Pour  ester  en  droit,  pour  être  legalis  homo, 
il  fallait  avoir  un  revenu  délorniiné,  cl  qui  n'élait  pas  égal 
quand  l'objet  des  discussions  ou  des  poursuites  était  diffé- 
rent ;  on  I  exigeait  bien  moins  considérable  pour  prononcer 
sur  une  dette,  sur  un  léger  dommage,  que  sur  une  propriété 
foncière  ou  sur  un  crime.  Du  reste,  celte  ideo  de  confier  la 
décision  à  douze  personnes  recommandables  dont  on  reçoit 
le  serment,  fut  encore  empruntée  des  lois  françaises  par  la 
législation  anglaise  :  elle  se  trouve  dans  nos  Capitulaires,  et 
même  dans  la  loi  salique.  (Loi  saliq.,  c.  G1;  Capitul.,  lib.  3, 
c    9  et  64.) 

Art.  7.  Aucun  vassal  immédiat  du  roi,  nullus  qui  de  rege 
teneat  incapite,  aucun  officier  de  sa  maison,  ne  pourront  être 
excommuniés,  aucune  de  leurs  terres  ne  pourra  être  mise  en 
interdit,  qu  on  ne  se  soit  d  abord  adressé  au  prince,  s'il  est  dans 
le  royaume,  et,  s  il  est  absent,  au  grand  justicier,  afin  que 
justice  soit  rendue  :  tout  ce  qui  sera  du  ressort  de  la  cour  du 
roi  y  sera  terminé,  et  ce  qui  pourrait  concerner  la  cour  ecclé- 
siastique y  sera  renvoyé 

Art.  8  Les  appels  seront  portés  de  l'archidiacre  à  l'évêque 
diocésain,  de  l'évêque  à  l'archevêque;  si  l'archevêque  man- 
que à  faire  justice,  on  s'adressera  au  roi,  afin  que,  par  son 
ordre,  la  contestation  soit  jugée  dans  la  cour  archiépiscopale, 
de  sorte  qu'on  ne  puisse  aller  plus  loin  sans  l'assentiment 
du  roi. 

Art.  9.  S'il  s'élève  quelque  différend  entre  un  laïc  et  un 
ecclésiastique,  touchant  des  tcnures  que  celui-là  prétendrait 
fiefs  et  celui-ci  aumônes,  le  grand  justicier  décidera,  après 
avoir  entendu  douze  notables;  et,  s'il  est  reconnu  que  la 
lenure  est  en  franche  aumône,  la  cause  sera  portée  devant 
la  cour  ecclésiastique  ;  elle  sera  portée  à  la  cour  du  roi,  s'il 
est  reconnu  que  la  lenure  est  féodale.  Si  les  deux  parties 
relèvent  ou  du  même  évêque  ou  du  même  baron,  elles  plai- 
deront en  sa  justice,  sans  que,  pour  cela,  le  possesseur  ac- 
tuel puisse  être  dépouillé  de  l'héritage  dont  il  sérail  saisi, 
(jusqu'au  jugement  définitif  sans  doute);  le  sens  de  l'article 


480  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE       l'annonce  assez  clairement;  mais   il  n'y  aurait  eu,  je  pense, 

Ane.  lois  (les  Fr.  aiicun  inconvénient  à  l'exprimer.  Quant  à  la  tenure  en  fran- 

iiv.ii. c. 6.  ^jjg  aumône,  en  frank  almoigne,  comme  disent  les  anciennes 

lois,    c'était  le    fond    baillé    à    un    ecclésiastique    quelconque, 

séculier   ou    régulier,    sans  aucune   charge,   in  liberam  elee- 

mosynam. 

Art.  10.  Tout  habitant  d'une  ville,  d'un  château,  d'un 
bourg,  d'un  domaine  appartenant  au  roi,  cité  par  l'archi- 
diacre ou  par  l'évêque  pour  répondre  sur  une  accusation, 
pourra  être  mis  en  interdit  sil  ne  comparaît  pas,  mais  non 
être  excommunié  jusqu'à  ce  (pi'il  ait  reçu  du  premier  offi- 
cier royal  du  lieu  l'injonction  de  se  présenter  :  si  cet  officier 
manque  à  faire  celte  injonction,  il  sera  mis  à  l'amende  du  roi, 
et  l'évêque  pourra  dès-lors  contraindre  l'accusé  par  la  voie 
ecclésiastique. 

Le  texte  dit  capitulis  minister  régis.   Un  écrivain   français, 

Lair.  1. 1,  p.  qui   a  publié  une   histoire   d'Angleterre,    en    citant    l'article, 

""'^  traduit   ces  mots   par    le  juge  criminel.    Capitalis  n'a    aucun 

rapport  ici  avec  les  peines  à  prononcer  ;  c'est  principal  qu'il 

iiisi.  de  lien-  veut  dire,   le  principal  officier  du  roi.  Littleton   l'a   entendu 

■'  "•  '•  "•    I'    ainsi  :  King's  chief-officer  ofthe  toion. 

n  y  a  aussi  dans  le  texte  :  Ipse  erit  in  misericordia  Domini 
T.  x\,  |.  \m    régis.  Fleury  traduit  il  se  rend  à  la  miséricorde  du  roi;  et   les 
autres  écrivains  qui  ont  rappelé  ou  traduit  en  français,  en  tota- 
lité ou  en  partie,  les  Constitutions  de   Clarendon,  donnent  la 
même  interprétation.   C'est  un  conire-sens  grave.  Misericordia 
veut  dire  ici  amende;  il  paiera  une  amende  au  roi,  et  l'évêque 
pourra  le  contraindre  par  les  voies  ecclésiastiques.  Je  ne  crois 
pas  qu'il  puisse  y   avoir  de  doute  sur  le  sens  que  j'indique. 
L'amende  tirait  ce  nom  de  ce  qu'elle  était  à  la  volonté  du  roi, 
ou  du  juge  en  son  nom  ;    qu'il  dépendait  de  sa  clémence,  de 
sa  miséricorde,  de  la  réduire  autant  qu'il  le  voulait.  Edouard  I" 
la  remet  lui-même  dans  des  lettres-patentes  du  XIII"  siècle, 
T.  I,  part.   2,  recueillies    par    Rymer    ;    Misericordiam    ad  nos   spectantem- 
^■'-•'-  perdonavimus ;  et  dans  les  lois  même  publiées  par  Glanville, 

Liv.  IX,  an.  10.  sur  le  règne  de  Henri  II  ,  on  trouve  :  Misericordiam  quas  indè 

provenit  vice  comiti. 
Diccio,  p.  53G.  Un  fait  qui  s'était  passé  l'année  précédente  avait  prouvé 
combien  l'article  que  nous  venons  de  rapporter  était  néces- 
saire. La  cure  d'Ainesford  ayant  vaqué,  Thomas  Becket  y 
avait  nommé  un  prêtre  appelé  Laurent.  Guillaume,  seigneur 
du   lieu ,    réclama  son   droit   de    patronage ,    et  s'opposa  ,   en 


HENRI   II,   ROI  D'ANGLETERRE.  481 

conséquence,  à  ce  que  Laurent  prît  possession.  Becket  excom-     xii  siècle 

raunia  Guillaume   Le  roi  fut  indigné  de  cette  conduite,  et  d'au- 

tant  plus  que,  depuis  Gnillaume-le-Conquérant,  c'étail'un  prin- 
cipe invariablement  reconnu  et  suivi,  qu'un  vassal  immédiat  de 
la  couronne  ne  pouvait  être  excommunié  sans  le  consentement 
du  prince. 

Art.  11  Les  archevêques,  évêques,  et  autres,  relevant  immé- 
diatement du  roi,  01  ayant  leurs  possessions  à  titre  de  baronies, 
ils  sont  tenus  de  répondre  sur  col  objet  à  ses  juges  et  officiers,  et 
de  garder  et  observer  toutes  les  coutumes  royales  et  tous  'les 
droits  du  prince  ;  ils  doivent  assister,  comme  les  autres  barons, 
aux  jugemens  de  la  cour  du  roi,  jusqu'à  sentence  de  mort  ou  de 
mutilation  des  membres. 

Art.  12.  Le  roi  percevra,  comme  siens,  les  revenus  d'un 
archevêché,  d'un  évêché,  d'une  abbaye,  d'un  prieuré  de  son 
domaine,  pendant  la  vacance  L'élection,  quand  on  y  procédera, 
se  fera  dans  sa  chapelle,  de  son  consentement,  par  l'avis  des 
personnes  les  plus  distinguées  de  l'église  vacante,  réunies  autour 
de  lui,  et  par  ses  ordres.  L'élu  y  fora  hommage-ligeau  roi,  avant 
d'être  sacré,  de  sa  vie,  de  son  corps,  de  sa'dignité  temporelle, 
salvo  online  suo. 

Art.    13.    Tout    seigneur    qui    s'opposerait    aux  jugemens 
rendus  par  un  archevêque,   un   évêque,  un  archidiacre,  sera 
forcé  par  le  roi  de  s'y  soumelire;  les  archevêques,  les  évêques, 
les  archidiacres,  doivent  contraindre  de  même  ceux  qui  mé- 
connaitraient    les  droits   du  monarque,  à  y  satisfaire.    Il  y  a 
dans  le  texte  si  aliquis  disfortiaret  régi  rectitudinem  suam  ; 
il  y  avait  auparavant  si  quisquam  de  proceribus  defortiaverit 
justitiamexhibere.  Les  deux   parties  de  l'article  sembleraient 
devoir  correspondre  encore    davantage,  et   c'est  dans  ce  sens 
que  Lilllelon   l'entend  et  le  traduit:  If  any  nobleman  of  the     T.  il,  p.  429. 
realm  shall  forcibly  resist  the   archbishop,  bishop,  or  arch- 
deacon,  in  doing  justice  upon  him  or  his,  the  king  ought  to 
bring  them  to  justice;  and  if  any  shall  forcibly  resist  the  king 
in  his  judicature,   the  archbishops,  bishops,  and  archdeacons, 
ought  to  bring  him  to  justice,  that  he  may  make  satisfaction 
to  our  lord  the  king.  Les  archevêques,  évêques,  archidiacres 
doivent   ici    poursuivre  ceux  qui   refuseraient  d'obéir  à  une 
décision  des  tribunaux  du  roi,  les  obliger  à  y  satisfaire.  La 
phrase  latine  est  moins  précise.   Le  savant  auteur  de  l'His- 
loirc   Ecclésiastique    s'est    encore   trompé    en    traduisant    le 
conooiencement  de  cet  article  par  ces  mots  ;  Si  ouelou'ttn  des 
TomeXIV.  Ppp 


482  HENRI   n,    ROI  D'ANGLETERRE 

XII  siFXLE.     grands  du  royaume   refuse   de  rendre   justice  à  un  évêqiie, 
-  '  de,  le  roi  la  doit  fair^e  lui-même.  Il  ne  s'agit  pas  du  refus  de 

rendre  justice,  mais  du   refus  dose  soumettre  à  un  jugement 
rendu. 

Art.  1  4.  Les  biens-meubles  de  ceux  qui  ont  encouru  la  con- 
fiscation au  profil  du  roi,  qui  sunt  in  forisfaclo  régis  (mots 
Firury,  i-  XV,  insuffisamment  traduits  par  ceux-ci:    qui  ont  forfait  au  roi), 
•  170.  ne  pourront  être  détenus  par  une  église   contre  les  droits  du 

prince  ;  ils  lui  appartiennent,  qu'on  les  trouve  dans  l'église  môme 
ou  hors  de  son  enceinte. 

Le  mot  que  je  rends  par  biens-meubles  est  catalla.  Le  traduc- 
teur de  Hume,  ici  et  dans  une  occasion  seniblublc,  en  parlant  do 
ce  qui  suivit  l'assemblée  de  Clarendon,  Initerprète  \Mxr  biens  et 
châteaux.  11  n'y  a  qu'un  mol  dans  le  texte  ;  mais,  indépendam- 
ment de  cette  observation,  l'auteur  avait  dit  chattels,  expression 
qui  peut  correspondre  à  catalla;  ce  sont  les  effets  mobiliers,  les 
biens-meubles,  et  non  les  cliâtcaux  :  chattels,  même  en  anglais, 
ne  signifie  pas  châteaux  ;  on  se  sert  du  mot  castle  pour  l'ex- 
primer. 

Art.  1 3 .  La  poursuite  des  dettes,  qu'elles  aient  ou  non  été  con- 
tractées avec  serment,  se  fera  devant  les  cours  royales. 

Art.  1 6.  Les  fils  des  paysans  ne  pourront  être  ordonnés  qu'avec 
le  consentement  du  seigneur  dans  la  terre  duquel  ils  seront  nés. 
11  y  a  dans  le  texte  rusticorum,  qu'on  pourrait  traduire  j)ar  serfs 
ou  vassaux. 

Rymcr,  ou  plutôt  Leclerc,  qui  est  auteur  de  l'extrait  des  actes 
publiés  dans  le  dixième  volume  de  celte  grande  collection,  nous 
donne  (t.  10,  p.  Il),  comme  faisant  partie  des  Constitutions 
de  Clarendon,  un  article  qui  porte  :  «  Les  affaires  de  l'église, 
qui  ne  regardent  pas  directement  la  religion,  comme  celles 
qui  concernent  les  dîmes,  les  réparations  des  églises,  et  autres 
choses  de  celle  nature,  seront  d'abord  portées  aux  cours 
royales.  »  Rapin-ïhoyras  l'a  in,séré  de  même  dans  son  Histoire 
d'Angleterre  (t.  2,  p.  190).  Cet  article  pourtant  ne  s'y  trouve 
pas;  il  n'est  ni  dans  le  texte,  que  Gervais  et  Spelmann 
nous  ont  conservé,  ni  dans  la  traduction  française  qu'en 
donne  l'abbé  Fleury,  ni  dans  la  traduction  anglaise  de  Litllelon, 
ni  dans  Alford,  ni  dans  aucun  autre  des  écrivains  que  j'ai  con- 
sultés. 

Si  on  peut  aujourd'hui  reprocher  (|uek|ue  cho.se  aux  Con- 
stitutions de  Clarendon,  c'est  de  n'être  pas  assez  favorables 
aux  droits  du  prince  et  de  l'état,  de  les  balancer  |»erpéluel- 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  483 

lemenl  avec  un  pouvoir  nécessairement  subordonné,  dont  ^"  siècle. 
on  fait  ici  comme  une  puissance  égale.  Mais  il  est  juste  de 
se  reporter  au  temps  ou  ces  Constitutions  furent  établies. 
Par  le  plus  étrange  renversement  des  bases  sur  lesquelles 
reposent  exclusivement  l'ordre  et  la  paix,  des  empires,  les 
rois  avaient  souffert  que  des  lois  leur  fussent  dictées  par  une 
cour  étrangère  ;  et  le  nom  le  plus  sacré  que  les  hommes  con- 
naissent, celui  de  Dieu,  était  devenu  le  prétexte  de  ces  éton- 
nantes usurpations ,  également  protégées  par  la  superstition 
des  peuples  et  la  faiblesse,  l'ambition  même  des  souverains  : 
et  lorsque  (juclques-uns  d'entre  eux,  plus  courageux  et  plus 
éclairés,  voulurent  essayer  d'affrancliir  le  trône,  ils  ne  firent 
que  d'inutiles  efforts,  el  se  virent  contraints  de  plier  eux- 
mêmes  avec  plus  d'humiliation  encore  parce  qu'ils  avaient 
plus  long-temps  résisté,  sous  le  joug  qu'on  leur  voulait  im- 
poser. A  de  telles  époques,  comme  dans  toutes  les  circon- 
stances difficiles  des  empires  ,  quelques  pas  faits  ,  quelques 
efforts  tentés,  sup[)oscnl  plus  de  courage  et  do  fermeté  que 
n'en  supposent  ,  dans  d'autres  temps  ,  les  attaques  les  plus 
illimitées,  les  plus  universelles.  Henri  II  mérita  donc  la  re- 
connaissance de  ses  contemporains  et  de  la  postérité,  pour 
avoir  au  moins  voulu  mettre  quelques  bornes  aux  envahis- 
semens  toujours  croissans  du  clergé  ,  et  raffermir  un  peu 
contre  lui  ce  pouvoir  civil  et  politique  que  chaque  siècle 
voyait  s'ébranler  davantage.  On  pense  bien  que  les  nobles 
et  généreuses  pensées  du  roi  trouvèrent  des  ennemis  et  des 
censeurs.  Parmi  eux  se  distingua  l'archevêque  de  Cantor- 
béry.  Tous  les  seigneurs,  réunis  à  Clarendon,  approuvèrent 
el  signèrent   les  Constitutions  présentées  ;  les   évoques  aussi  """''•  P" 

les   signèrent,  après  avoir    inutilement   proposé   une  restric-  k^'  ~  Y»™"  - 
tion  dont   Henri  II  ne  voulut  pas,  sauf  les  droits  de  l'église,  i^'i'i*'-     >■     ". 
Becket  les  signa,   comme  eux,   rontjnranl  aussi  à  la  restriction  ^  ^,.^,*  "'"'J: 
proposée.    11  apposa  lui-même  son   sceau,   dit  Hume  d'après  ceci.  t.  xv,  p. 
Fitz-Stcphens  (p.  35),  promettant   de  les  observer  loyalement,   ''"  "^  '"'"•  " 
de   bonne   foi,    sans  fraude  ni  réserve  ;   ce  sont   les  mots  du  i\  eTsuiv.'^^' 
serment  qu'il  prêta.    Il  ne  s'en  rétracta  pas  moins,  (juand  il        P-  *23. 
apprit  que    le  pape,   inspiré  par   lui   peut-être,    ne   donnerait 
pas    une    bulle  confirmalive  de  ces  Constitutions  ;   il  alla  jus- 
qu'à se  suspendre  lui-même  de  ses  fonctions  archiépiscopales , 
s'en  reconnaissant  indigne  pour  avoir  signé.  Bientôt  cepen- 
dant, il   rétracta  sa  rétractation,  puis  se  repentit  de  nouveau 

Ppp2 


484  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     d'avoir  cédé,   n'oublia  rien   enfin  pour  produire  et  accroître  la 
désobéissance  et  la  discorde. 

Les  constitutions   de   Clarendon    n'offraient    pas   seulement 
l'avantage  d'unir  en  un  seul   corps  des  articles  isolés  ;  mais, 
en  les  présentant  à   une  assemblée  oii  les  seigneurs  laïcs  as- 
sistaient, le  roi  leur  donnait  encore  le  caractère  d'une  loi  de 
l'état ,     d'une     loi     plus   solennelle.    Il  ne  fesait  ,    en  même 
temps  ,  que  consacrer  par  son  autorité    et    la    sanction  des 
principaux,   du   royaume  ,    les  coutumes  invariables  de   leurs 
ancêtres.   Mais  il  commit  une  véritable  faute  en  voulant  les 
soumettre  à    l'approbation   du    pape.     Henri    II  avait    pensé 
qu'un    pontife    qui    lui    devait  tant,  puisqu'il  l'avait   reconnu 
malgré  la  préférence  donnée   par   lempereur   Frédéric  à  son 
compétiteur  ,   s'empresserait   de    remplir   un  vœu    si    juste  : 
Alexandre,  néanmoins,  refusa  de  sanctionner  dix  des  seize  ar- 
ticles dont  ces  statuts  se  composaient  ;  le  premier,  le  troisième, 
le  quatrième,  le  cinquième,   le  septième,   le  huitième,  le  neu- 
vième,  le  dixième,   le  douzième,  et  le  quinzième.  Cependant, 
nous     venons    de    le    dire,    les    Constitutions    de    Clarendon 
n'étaient   pas  des   coutumes    nouvelles.   Les  historiens  et    les 
jurisconsultes  de  celte  époque  et  des   règnes    suivans  expri- 
ment   toujours  l'action  du  roi  et  la  décision  prise   dans  cette 
assemblée ,    par    consuetudines    avilas    confirmare.    Thomas 
Becket  léfe   avait  connues  dès  son  entrée  dans   l'ordre  ecclé- 
siastique ;   il   les  avait  observées  comme  archidiacre  de  Can- 
lorbéry  ;    il   les    avait    fait    observer    comme   chancelier    du 
royaume  ;   il  savait  mieux   que  personne    quels  droits    elles 
laissaient  au  prince,   quelles   obligations   elles   imposaient   au 
clergé,    quand  il  fut   promu  à    l  épiscopat  ;  et  on    le    voyait 
alors  anathématiser   ceux  qui  pensaient  encore  ce  qu'il   avait 
long-temps  pensé   Le  clergé  d'Angleterre   reconnaît  lui-même 
Aci.  Conc.  t.  l'ancienneté  et  l'utilité   des   Constitutions  de  Clarendon,  dans 
Fi'p'u/'y,*  1.  XV,  une  lettre   au  pape  sur  la  discusion  qui  avait   éclaté  entre  le 
p.  225.  —  Ep.  roi  et   l'archevêque  de  Cantorbéry.    Tous  les  vœux  du  prince, 
Trde"c"nL  -  Y  ^''■'''    "^   tendent  qu'à   faire  régner  la  justice      quelques 
Aif.    an.    1167,  clcrcs  s'étaient  livrés  à  des  excès  condamnables;  en  respec- 
\.  35  ei  36.  jg^i^   jgg  droits  de  l'église,    il  a  voulu  rendre  certaine  la  puni- 

lion  du  crime.  Le  désir  seul  d'établir  solidement  l'ordre  et 
la  paix  l'ont  conduit  à  renouveler  des  lois  faites  par  ses  pré- 
décesseurs,  et  toujours  observées  par  les  ecclésiastiques  du 
royaume,  afin  qu'étant   mieux  connues  de   tous,   on    ne  dis- 


HEiNRl    II,    ROI  D'ANGLETERRE.  485 

putât  plus  sur  elles  à  l'avenir;  il  les  a  présentées  à  une  réu-     ^"  siècle 
nion  d'évéques  et  de  grands  du  royaume  ,  et  voilà  ce  qu'on 
proclame   une    mauvaise  action,  une  méchanceté  du  roi,   un 
attentat  contre  l'église  de  Dieu.  Les  évéques  écrivirent  en  même 
temps  à  Thomas  Becket,  et,  dans  cette  lettre,  ils  ne  dissimulent  vi,  p    ii'o'^  — 
pas  que  si  Henri  avait  mérité  quelques  reproches,  c'était  par  Ec  126  .lu  nec. 
la  faveur  et  la  confiance  sans  bornes  qu'il  lui  avait  long-temps  "^^  ^^'  ^'^  ^'"'' 
accordées  ,  contre  l'avis  de  sa  mère  ,  malgré  les  murmures  du  p.  228."^^—  Dicet'. 
royaume  et  les  gémissemens  de  l'église  :  Dissuadente  7}iatre,  v    5*^    -  Air. 
regno  reclamante,  ecclesiâ  Dei  quoad  licuit  suspirante  et  inge-  °"'         ' 
miscenfe. 

Le  pape  ayant  continué  de  protéger  l'archevêque  de  Can- 
torbéry,  Henri  défendit  de  lui  payer  le  denier  de  S.  Pierre, 
dont  le  pontife  desirait  d'autant  plus  la  perception ,  qu'il 
voulait  retourner  à  Rome.  Si  l'on  en  croit  Pierre  de  Blois,  ce      ^?!,l  ^^V,'  °^' 

'  p.  ioi.  —  Baroii. 

fut  lui  qui  obtint  du  roi  la  permission  de  lever  ce  tribut.  11  an.  ii64,  s  u. 
le  dit  dans  un  pamphlet  consacré  à  se  justifier  contre  un  dé- 
prédateur de  ses  œuvres,  contre  un  homme  qui  l'accusait  d'être 
le  flatteur  des  rois  et  le  délateur  du  clergé,  moins  pour  se  louer  , 
ajoute-t-il,  que  pour  rabaisser  tant  d'impudence  :  Ul  un- 
pudentiam  tuam  retundam,  frons  enhn  meretricis  facta  est 
tibi. 


Actes  et  Lettres  concernant  Thomas  Becket  et  la  cour  de  Rome , 
depuis  les  constitutions  de  Clarendon  "jusqu'à  la  mort  de 
ce  prélat. 


Le   maréchal    de   l'échiquier    s'élant    plaint   de   n'avoir   pu  ""^e**-  p  ^9*- 

obtenir    justice  de  la    cour   archiépiscopale    pour   des  terres  557  "!"ù"erv  *"' 

qu'il  réclamait ,   et  que  détenait  l'église  de  Cantorbéry,  Tho-  1389.   -   suih. 

mas  Becket  fut  sommé  de  comparaître  à  la  cour  du   roi,  pour  ''"'*■  P-  '-■   ~ 

j  ^i  i-.f  -  .  ^1-  »^i.  Hume,     t.    I,     p. 

repondre  a   la  plam te  formée  contre  cette  église.  Becket  de-  424   -  luu.  i. 
manda    quinze  jours     pour    présenter    quelques    irrégularités  "•    p-   396.    - 
sur  l'appel  du   maréchal  de  l'échiquier  ;  d'autres  disent  qu'il  ^"23'et  Jly  i' 
annonça ,    pour   toute    réponse ,    qu'il    ne    voulait  pas    obéir.  Tyrre:!,  i.  11,   p 
Le  roi ,  ayant   alors  assemblé  tous  les  prélats  à  Northampthon,  ^'*- 
il  se  plaignit  à  eux  ,  avec  beaucoup   de  modération  pourtant , 
du  mépris   fait  par  l'archevêque  de  la  sommation  de  compa- 
raître à  la  cour  du  roi.  Appelé  dans  cette  assemblée  ,   Becket 
y  vint,   avoua   la   non-comparution,   et   s'excusa    en    disant 

?   3 


486  HENRI    II,    ROI    D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     que  \q  maréchal  de  l'échiquier,   en    formant    son    appel  ,   ne 
l'avait  pas  fait ,   suivant  la  couluine ,  en  touchant  l'évangile  , 
mais  en  touchant  seulement  un  livre  d'hymnes.    Une  pareille 
défense  n'a  pas  besoin  d'être  caractérisée.  La  cour  du  roi  pro- 
nonça la  confiscation  des  biens  de  Becket,  comme  s'étanl  rendu 
coupable  de  désobéissance  envers  le  roi .  sans  qu'il   put   allé- 
guer aucun  motif  légitime  d'excuse  ,  et  les  évoques  adoptèrent 
unanimement  la  sentence  prononcée.  Henri  n'autorisa  que  trop  , 
il  sembla  exciter  même   une  telle  sévérité;   et  malheureuse- 
ment ce  ne  fut  pas  la  seule  qu'on  exerça  envers   l'archevêque 
de  Cantorbéry.  Des  plaintes  ,   justes  en  elles-mêmes  ,    prirent 
ainsi ,   par  leur  objet  et  leur  direction ,   un  caractère  de  tra- 
casserie et  de  vengeance   lout-à-fait    mdigne  d'un   tel  prince. 
Il  est  vrai  que  tout  ce  qu'on  peut  réunir  de  bravades ,   de  lé- 
iiovod.  i>.  i!U.  mérité,   de  haine,  d'orgueil,   Thomas   Becket  le  réunit.    Un 
—   Gcrvais,    p.  jour  ,  par  exemple  ,  il  affecta  de  se  montrer  dans   le  palais  du 
U6i  ^23    ""    ''°'  '  ^^  '  suivant  Liltleton  ,    dans  la  salle  même  oii  on  était 
i.iitci.  iiist.  réuni  pour  le  juger;  il  affecta  de  s'y  montrer  la  chape  sur  le 
dAnyi.  i.  I,  |«.  jQg  j,j  ]g   croix  à  la  main ,  se  plaignant   toujours  et  mena- 

86;       llisl.       lie  .  •  ■      I         ^         . 

iicnii,  II,  t.  II,  Ç^nl    toujours.    Les    evêcjues    eux-mêmes    s  en     mdignercnt. 
|).  402.  Gervais  ,  si  partial  en  faveur  de  Thomas  Becket ,   répôle  lui- 

même   ce    (|ue    l'évêque    de   Londres    dit  à   ce   sujet    à   l'ar- 
chevêque de  (Cantorbéry    :    ShiUiis   hactenus  fuisli ,  et  ab  liàc 
stuUitiâ,    ut  video  ,    non  recedis  ;   hodie ,  in  te ,  tua  fatuitas 
apparcbil.    Thomas    Becket   sortit   en  disant ,    à   ceux    qu'il 
rencontrait  sur    ses    pas,    des    injures    dilliciles  à    concilier 
avec  la  piété  ;  il  appela   impudent  bâtard   un  des  frères  na- 
turels du  roi  ,    reprocha  à  un  autre  seigneur  d'avoir  eu  son 
père  pendu   pour  félonie ,  s'abandonna  enfin  à   tous  les  em- 
porleiiicns  qui  pouvaient  prouver  combien   il  était  peu  maître 
de  lui  (juand  sa   colère  cnllammait  son  orgueil.  Cependant,    la 
nuit  même  cpii  suivit  ,    il  se  déroba  par  la  fuite  à  la  condam- 
nation qu  il   méritait.    Il  s'échappa    déguisé  ,    et   parvint  à  se 
réfugier  en  France, 
iii.vpd.  p  l'.Mi.       Henri   II    avait   dé|)ulé   vers  Alexandre,   qui   était   alors  à 
-  _Spciin.   ...j.  gj,„g_    plusieurs   évêqucs  et   seigneurs,    pour   lui    porter  ses 
.'lui!  l'v  7i,  c'"«  plaintes   contre    I  archevêque    de    Cantorbéry;    mais    ils    n'a- 
<i  '■uiv.  vaicnt  rien   obtenu.    Le  pape  s'était  même  refusé  à  envoyer 

deux  légats  en  Angleterre ,  comme  le  roi  le  lui  proposait  ; 
et,  peu  de  jours  après  ce  refus,  il  avait  donné  audience  à 
Thomas  Becket,  avait  partagé  tous  ses  senlimens ,  l'avait 
même    autorisé    à    excommunier    tous    ceux    qui    n'approu- 


HENRI    W,    ROI   D'ANGLETERRE.  487 

valent  pas  ses  principes  ou  sa  conduite,  le  roi  seul  excepté,  xii  siècle. 
Becket  n'épargna  personne  ;  tous  ses  adversaires  ,  quels 
qu'ils  pussent  être,  furent  excommuniés,  comme  fauteurs,  ou 
comme  défenseurs,  ou  comme  approbateurs,  ou  comme  observa- 
teurs, ou  comme  propagateurs  des  constitutions  de  Clarendon. 
Ces  constitutions  ,  qui  Étaient  une  loi  du  royaume  ,  et  les 
anciennes  coutumes  qui  leur  servaient  de  fondement,  il  les  dé- 
clara vaines  et  nulles,  de  sa  propre  autorité;  et  délia  les  évêques 
du  serment  fait  de  leur  obéir.  Justement  irrité  de  tant  d'audace, 
le  roi  s'oublia  au  point  de  bannir  de  ses  états  tous  les  parens 
de  Thomas  Becket  ,  les  enfans  même  ,  de  punir  ainsi  des 
fautes  du  prélat  plusieurs  personnes  qui  ne  pouvaient  en  être 
complices. 

La  conduite  de  Becket,  depuis  son  départ  d'Angleterre,  porta 
le  roi  à  prendre  des  mesures  plus  générales,  des  mesures  qu'il 
crut  nécessaires  pour  arrêter  ou  réprimer  cet  esprit  d'insubordi- 
nation que    fomentait  l'arclievêcjue,  et  ([uo  favorisait  la  conni-      novd.  ii.  4%. 
vence  du  pape.   Un  édit  porté  en  II 05  a  les  dispositions  sui-  —    Bamn.     an. 
vantes.  Henri  était  alors  en  Normandie.  .'r'''^'  ^"  ■*■*.. »T 

Ail.       :iri       nui, 

1°  Si  quelqu'un  est  trouvé  portant  en  Angleterre  des  lettres  ;;.  lis.   _    Spei. 
d'interdit,  soit  de  l'archevêque,  soit  du  pape,  qu'on  l'arrête,  et  '^'"'    '*'  ^^''-  " 

wi    •  .      ;  ,  -,       Dubmil,      I.      H, 

quon  le  poursuive  sans  délai,  comme  traître  envers  le  roi  et  le  p.  332.  _  q„j,. 

royaume.  'i''i-  i>-  it)7.    - 

2"  Il  est  défendu  à  tout    clerc  ou    religieux  de  passer   en  ^r  •'«  *• '''''^"n- 

'^  \  liV.    I,    cp.      1.)    cl 

Angleterre  sans   une  permission  du   haut-justicier;   il  faudra,  suiv.  —  Tyrrell. 

pour  en  revenir,  des  lettres  émanées  du  roi   même  :  l'empri-  '•  ">  P-  ^■'^*- 

sonnement  est   prononcé  contre  celui  qui    ferait  le  contraire. 

La  première  disposition  de  cet  article  est  exprimée    dans   le 

texte  par  nisi  de  iransfreiaiione  habèat  litteras  justitiarum. 

Justifiée   pourrait   signifier  les   juges  en  général  ;  mais  Little- 

lon  le  rend   par    king's  jusliciary,   et    peut-être  est-ce  là    le 

véritable  sens  du    mot    latin.    Tyrrel    traduit    cependant  par 

the  justices. 

3°  et  4"  Il  est  défendu  d'appeler  au  pape  ou  à  l'arche- 
vêque ,  ainsi  que  de  porter  ,  recevoir ,  exécuter  aucun  de 
leurs  commandemens  :  celui  qui  le  ferait  sera  mis  et  détenu 
en  prison . 

5"  Les  évêques,  abbés,  prêtres,  moines,  clercs,  laïques, 
qui  reconnaîtraient  l'interdit  seront  chassés  du  royaume,  sans 
délai,  eux  et  tous  leurs  parens.  Les  personnes  ainsi  exilées 
ne  pourront  emporter  aucun  de  leurs  effets  mobiliers  :  ces 
effets  et  tout  ce  qu'elles  posséderont  .seront  mis  sous  la  main 
du  roi. 


488  HENRI  II,    ROI   D'ANGLETERRE. 

XII  siEi-LE.  go  Les  ecclésiastiques  qui  ont  des  revenus  en  Angleterre 

seront  sommés  d'y  rentrer  dans  trois  mois  ;  s'ils  n'obéissent  pas, 
tous  leurs  biens  seront  mis  sous  la  main  du  roi. 

7°  Les  évoques  de  Londres  et  de  Norwick  seront  sommés  de 
comparaître  devant  les  juges  royaux,  pour  avoir,  contre  les  lois, 
jeté  l'interdit  sur  la  terre  du  comte  Hugues.  (Ils  avaient  aussi 
fait  publier,  dans  leurs  paroisses  respectives,  sans  l'autorisation 
des  juges,  une  excommunication  lancée  par  le  pape  contre  ce 
seigneur). 

8"  Le  denier  de  Saint  Pierre  sera  levé  et  gardé  (gardé  dans  le 
trésor  du  roi)  jusqu'à  ce  que  le  roi  ait  fait  connaître  sa  volonté  : 
ce  développement  est  en  termes  précis  dans  d'autres  copies  de  la 
loi,  et  dans  la  traduction  anglaise  de  Litllelon,  qui  dit  :  Let 
Peter-pence  be  no  longer  said  to  the  Pope,  but  carefulUj  collectcd 
and  kept  in  tke  hing's  treasury,  and  laid  ont  according  to  his 
orders. 
Spcim.  cod.       Une  lettre  adressée  par  Henri  II  à  ses  vicomtes  ou  sheritTs 

\n^uu~\  t%  ''enferme  les  principales  de  ces  dispositions.  On  voudrait  n'y 
pas  trouver  l'article  qui  met  sous  la  main  du  roi  les  biens  des 
parens  des  ecclésiastiques  qui  n'obéiraient  pas  à  ses  ordres  ; 
article  d'une  évid(!nte  injustice,  et  qui  infecte  la  loi  que  nous 
venons  de  transcrire.  Litllelon  le  rapporte  même  d'une  manière 
qui  rend  cette  injustice  plus  sensible  encore,  s'il  est  possible  : 
And  the  possessions  of  ail  who  belong  to  them,  of  ichatsoever 
degree,  order ,  sex  or  condition  they  may  be.  L'article,  tel 
qu'il  est  dans  Alford  ,  porte  en  effet  ;  Et  possessiones  om- 
nium eis  pertinentium,  cujuscumgue  gradûs  sint  aut  sescûs  vel 
conditionis. 

Un  mandement,  encore  adressé  à  tous  les  juges  du  royaume, 
n'est  que  l'édil  même,  et  presque  sans  changement  dans  les 
termes  :  seulement  l'article  six,  au  lieu  de  prononcer  la  conûs- 
calion  des  biens,  ne  la  prononce  que  pour  les  revenus. 

Une  autre  lettre,  adressée  par  Henri  II  à  l'évéque  de  Londres, 
s'exprime  ainsi  :  «  Vous  savez  combien  l'archevêque  de 
Cantorbéry  s'est  mal  conduit  envers  moi  et  mon  royaume, 
de  quelle  manière  il  s'est  éloigné.  Je  vous  ordonne  en  consé- 
quence d'empêcher  qu'aucun  de  ceux  qui  l'ont  accompagné 
dans  sa  fuite,  et  qui  auraient  quelque  revenu  à  percevoir 
dans  votre  diocèse  ,  puissent  le  toucher  sans  ma  permis- 
Spcim.  f(«i.  sion  ;  je  voux  aussi  qu'ils  ne  reçoivent  de  vous  ni  conseil  ni 

p-  32ti.  secours.  » 

B»ron.  i.  XIX,       Nous  plaçons  l'édil  du  roi  sous   l'année    1165.    Baronius. 

p.  2»  cl  836.  - 


HENRI     II,    ROI     D'ANGLETERRE.  iSQ 

Alfonl  ol  Diihoulay    lo  placent  sons   l'année    1IG4  ;  mais  celle     xii  siècle. 


dale  paraît  Irop    avancée.    Thomas  Rcckiîl  ne    sortit  d'Angle-  Aif.  an.   1I64.— 
terre  ([n'aii    mois   d'octoljre  ;  il   traversa   la    Flandre,  et  s'ar-  D"!")"'-  p-  332. 
rêta   (juclques  jours    dans    plusieurs     monastères  ;    il    ne  dut 
guère  arriver  auprès    du    pape    avant  le  mois  de  décembre. 
L'année,    il   est    vrai,    ne    finissait  qu'à  Pûcpies  ;  mais   on  peut     5.  59,  p.   13g. 
croire,   avec    Alford,    (|u  une     lettre  dont   nous  allons    parler 
est  anléiiiMiri'  à  la  loi  de    Henri   II.  ,1e  ne  penserais  pas   ce- 
pendant (|ue  celle    loi    lui  de   beaucoup   postérieure,    et   moins 
encore  qu'elle   n'ait  été    lendue,     pour  la    première   fois  du 
moins  (car  elle  fut    renouvelée)   (|uc   plusieurs   années  après, 
en  M09,  comme  le  supposent    Gervais   et    Lillleton.    L'encliaî-      r.crv.  p.  itoo- 
nement  des  fails  semble   déduire  celle  supposition.    D'autres  -  Lmi'i-  '■    n, 

Il     ÎJ7I .— Tvrrcl. 

écrivains,  au  reste,  indiqueiii  à  deux  époques  dilférenles  t.  11,  n.  300  et 
deux  lois  cpii,  portant  les  mêmes  défenses  et  dirigées  éga-  3'j2. 
Icment  contre  les  sectateurs  de  Becket  et  du  pape,  n'assujé- 
tisscnl  pas  à  des  peines  send)lables  les  actions  qu'elles  pros- 
crivent ;  dans  une  d'elles  du  moins,  on  Ironve  expressément 
ordonnées  la  castration  et  la  perte  des  yeux  si  c'est  un 
ecclésiastique  séculier,  l'amputation  des  pieds  si  c'est  un 
ieligieux,  la  mort  si  c'est  un  laïque.  Cela  même  nous  porte 
à  croire,  comme  nous  le  disions,  que  les  prohibitions  et  les 
menaces  de  la  loi  sur  cet  objet  furent,  plus  d'une  fois,  re- 
nouvelées :  la  peine  eut  plus  ou  moins  d'intensité,  suivant  que 
le  danger  d'élre  désobéi  et  les  cfTels  de  la  désobéissance  paru- 
rent devoir  inspirer  plus  de  crainte  au  roi. 

La   lettre  que  j'ai    annoncée    comme  antérieure  à  ledit  de        liist.  de  Fr. 
Henri  II  est  de  l'évèque  de  Londres  (  Gilbert  Folioth).  Par  nne  '•  ^^■'  P  J*38  et 

.  .  ^  .  .,  839.    —    Ep.    de 

autre  qu'Alexandre  III  lui  écrivait    le  10  juillet  1165,  ce  pon-  §.  Thom.  liv.   i, 
tife  accusait  le   roi  d'Angleterre  de   s'être  écarté  des  senti-  p-  37  et  38.  — 

■  •1  •.  ly    ,.  1        .A,  •  1    ,-  Baron,  an.    1160, 

mens  qu  il  avait  pour  I  église,  de  s  être  mis  en  relation  avec  .  24  ci  suiv. 
des  schismatiques  et  des  excommuniés,  d'avoir  forcé  Tho- 
mas de  Canlorbéry  à  sortir  du  royaume.  Il  engageait  l'é- 
vèque de  Londres  à  se  réunir  à  celui  d'Hereford,  Robert  de 
Melun,  pour  faire  changer  de  conduilf!  à  Henri,  elle  rame- 
ner à  la  vénération  qu'il  portait  jadis  au  Saint-Siège,  pour 
obtenir  de  lui  qu'il  ne  s'opposât  plus  aux  appels  portés  à 
Rome,  qu'il  fît  revenir  Becket  dans  son  diocèse,  qu'il  n'e- 
xerçât et  ne  laissât  exercer  aucune  vexation  envers  l'église. 
Alexandre  mandait  en  même-temps  à  Gilbert  de  recueillir 
en  Angleterre  le  plus  tôt  possible  et  de  lui  envoyer  le 
denier  annuel  de  saint  Pierre,  de  lui  en  faire  môme  l'avance 
Tome  XIV.  Q  1  <1 


490  illCNRI    11,    ROI  DANGLETERHE. 

XII  SIECLE,  sur  son  propre  argeni  ou  sur  ce  qu'il  pourrait  se  procurer  de 
toule  autre  manière.  Gilbert  répondit  qu'il  avait  vu  le  roi, 
que  ce  prince  aimait  le  pape  comme  un  père,  respectait 
l'église  romaine  comme  une  mère,  et  qu'il  leur  obéirait  tou- 
jours, sauf  la  dignité  du  trône  et  de  l'empire.  Mais  il  se 
plaint,  ajoutait  révoque  de;  Londres,  de  co  qu'après  vous 
avoir  servi  de  cœur  et  dame  quand  son  appui  vous  était  si 
nécessaire,  il  n'a  éprouvé  que  des  refus  toutes  les  fois  qu'il 
s'est  adressé  à  vous.  Quant  aux  appels,  il  pense  (}ue,  d'après 
l'ancienne  constitution  du  royaume,  aucun  clerc  ne  doit  en 
sortir  pour  une  cause  civile,  s'il  ne  s'est  d'abord  présenté  de- 
vant les  tribunaux  pour  s'y  faire  rendre  justice  :  il  ne  s'oppose 
pas  à  ce  que  ceux  qui  n'auraient  pu  l'obtenir  recourent  à  votre 
excellence  {  c'est  le  litre  que  Gilbert  donne  au  pontife,  qu'il 
appelle  aussi,  dans  la  même  lettre,  votre  sainteté,  et  votre 
a\les&e,  sublmiitas  vestra  ),  et,  promet  de  réparer  tout  ce  qui 
pourrait  attenter  à  vos  droits,  après  avoir  loulofois  assemblé 
cl  consulté  l'église  d'Angleterre.  Pour  l'empereur ,  le  roi 
ignorait  que  vous  l'eussiez  excommnnié  :  et  quant  à  I  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  on  ne  l'a  point  exilé  ;  c'est  lui  quia 
volontairement  quitté  le  royaume  ;  il  est  maître  d'y  rentrer 
quand  il  voudra,  pourvu  qu'il  se  soumette  à  respecter  des 
coutumes  dont  il  a  lui-mêiue  juré  l'observation.  Gilbert 
invitait  ensuite  le  pa|)o  à  rentrer  dans  les  bornes  de  la  mo- 
dération, à  ne  pas  se  permellre  des  déniarclies  qui  pour- 
raient éloigner  à  jamais  l'Angleterre  de  son  obédience,  à  atten- 
iiisi.  .1.-  Fr.  dre  tout  de  la  douceur,  de  la  patience,  et  du  temps.  Alexandre 
1.  XV,  (>.  siô.-  avait  répondu  qu  il  adoptait  le  sage  parti  que  lévéque  de  Lon- 
^"iiKo"'  -  E  !'  ^'•''^^  '"'  conseillait,  et  avait  écrit  en  même-temps  à  l'archevêque 
lie  s.  Th.  liv.  I,  de  Cantorbéry  de  se  tenir  tranquille,  au  moins  jusqu'à 
'I'  ^*'-  l'Aques. 

Hist.  de  Fr.  Ôaus  unc  lettre  de  la  même  époque,  adressée  au  collège 
i.  XV,  p.  mn.  des  cardinaux,  Henri  11  répète  ce  qu'avait  dit  pour  lui 
...Z  /''-?."  '"■  levêque   de  Londres.    Sans    parler  de    tant     d'autres    choses, 

IKili,   j    1!l.    rie.  '  ,    , 

— Aif.  an.  1160.  lour  dit-il,  quand  le  |)onlilicat  d  Alexandre  a  ete  conteste, 
$.  7.  ne.  -  Ep.  ne  me  suis-ie  pas  décidé  en  sa  faveur  ?  n'ai  je  pas  engagé  les 
/,f  '  '  autres  à  le  reconnaître  ?  Il  .s(!  plaint  vivement  de  co  (|ue  des 
calomniateurs  le  présentent  comme  le  persécuteur  de  1  église  ; 
il  proteste  de  son  alVection  cl  de  son  obéissance  pour  le  pape, 
mais  il  veut  qu'on  lui  laisse  (;l  lui  reconnaisse  les  droits  que 
les  pontifes  antérieurs  à  Alexandre  n'ont  jamais  contesté 
aux    rois  ses  prédécesseurs.   Ce  qu'il    demande,   relativement 


HENRI  II,  ROI  D  ANGLETERRE  491 

aux  appellations,  n'est  que  ce  qui  a  toujours  été  fait,  ce  que  xii  .sifxle. 
veulent  les  coutumes  antiques  du  royaume.  Le  pape  me 
reproche,  ajoute  le  roi,  une  alliance  avec  des  excommuniés  ; 
mais  lui-même  m'a  dit  qu'il  ne  regardait  pas  comme  excom- 
munié l'empereur  Frédéric  ,  et  je  ne  crois  pas  que ,  depuis 
le  temps  qu'il  m'a  tenu* ce  langage,  aucune  excommunica- 
tion ait  été  lancée  contre  ce  prince.  En  accordant  ma  fille 
en  mariage  au  fils  de  l'empereur,  je  n'ai  rien  fait  que  de 
licite  et  d'autorisé  par  des  exemples  ,  par  l'exemple  de  mon 
aïeul  en  particulier,  du  roi  Henri ,  qui  maria  sa  fille  à  un 
prédécesseur  de  Frédéric  (  il  veut  parler  de  Mathilde  qui 
avait  épousé  l'empereur  Henri  V).  Je  ne  la  lui  ai  même  ac- 
cordée qu'après  en  avoir  délibéré  avec  de  sages  conseillers. 
(  La  princesse  dont  il  est  (juestion  ici  s'appelait  Mathilde 
également  .  le  mariage  convenu  avec  le  fils  de  l'empereur 
n'eut  pas  lieu,  et  elle  épousa  ,  dans  la  suite  ,  un  duc  de 
Saxe.) 

Le  pape  me  reproche  enfin,  dit  Henri  H  ,  d'avoir  chassé 
Thomas  de  Cantorbéry  ;  il  demande  que  je  le  rappelle  et  lui 
rende  son  siège  :  mais  il  est  faux  que  j'aie  forcé  ce  prélat  à 
sortir  du  royaume,-  il  en  est  sorti  de  lui-même,  par  légèreté, 
par  méchanceté,  par  le  désir  de  me  nuire  et  de  soulever  contre 
moi  une  opinion  injuste  ,  intentione  et  proposilo  adversùm 
nos  malignandi,  et  nobis  et  famœ  nostrœ  maligne  derogandi. 
S'il  veut  revenir  et  faire  ce  qu'il  doit  à  son  prince,  je  ferai 
pour  lui  ce  qui  lui  est  dû  ,  d'après  l'avis  du  clergé  et  des 
seigneurs  de  mon  royaume ,  conformément  à  nos  anciennes 
coutumes.  Celui  qui  voudrait  les  détruire  ,  ces  coutumes  , 
sera  toujours  à  nos  yeux  un  ennemi  public.  Je  ne  souffrirai 
pas  qu'on  altère  ou  diminue  des  droits  que  les  rois  d'Angle- 
terre ont  toujours  exercés,  et  que  de  saints  pontifes  ont 
toujours  reconnus.  Quant  à  ce  qu'il  a  voulu  me  faire  insinuer 
par  vous,  de  ne  grever  ni  les  personnes  ni  les  terres  ecclé- 
siastiques ,  Dieu  m'est  témoin  (jue  jamais  je  ne  l'ai  fait  ni 
permis. 

Henri  parle  dans  cette  lettre  de  tout  ce  qu'il  avait  fait 
pour  le  pape  ,  quand  le  pontificat  lui  était  contesté.  1!  est 
certain  qu'en  se  décidant  pour  lui  contre  Victor  (jue  l'em- 
pereur protégeait  ,  le  roi  d'Angleterre  avait  assuré  la  victoire 
d'Alexandre  sur  son  compétiteur.  La  lettre  du  monarque  a 
été  imprimée  dans  le  quinzième  volume  de  la  nouvelle  col-  p.  762. 
leclion  des  historiens  île  France;  elle  est  datée  de  Rouen,  et 

Qqq2 


492  HENRI    lï,    ROI   DANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  écrite  en  1160  :  le  roi  y  dit  que  croyant  ])onne  son  éloclion, 
et  voulant  assurer  laiiilc  de  l'éj-'lise  catholique,  il  le  reconnaît 
pour  père  spirituel  et  pontife  suprême,  (jue  son  peuple;  et  son 
cleri^é  le  reconnaissent.  Le  parti  (jue  pril  i<  cette  occasion 
-01  ^^'^"''i  "  lui  a  été  viveinenl  reproché  par  Litileion.  Lu  cun- 
■  '  '"'  '  duite  qu'Alexandre  avait  tenue  ('tant  cardinal  ,  et  qu.  l'avait 
mené  à  la  papautr  ,  aurait  dû  .  .suivant  cet  historien  ,  pré- 
sager assez  combien  il  serait  ardent  a  (K'fiMidre  k;  syst-Vue  du 
pouvoir  ecclésiasti  jue  ;  tandis  qiien  -e  réuniscanî  à  Vie  o  • 
soutenu  par  l'emperetir,  Henri  n  avait  pas  à  craindre  un  [)apc 
ennemi  des  rois.  L'auteur  develo|)[)('  cette  opinion  que  je  ni!  fais 
quindi(juer. 

Henri  parle  également,  dans  sa  lettre  aux  cardinaux.,  comme 
Alexandre  l'avait  fait  dans  celle  à  l'évêque  de  Londres,  de  rela- 
tions et  d'alliance  avec  des  scliismatitiues  el  des  excommuniés. 
Le  reproche  du  pape  portait  sur  une  assemblée  tenue  à  Wurtz- 
Cuii  -le  Noni>r.  bourg,  en  Fraiicoiiie,  au  mois  de  mai  IIG.'),  oîi  des  envoyés 
i.  Il,  c.  16.  du  roi  d  Anglelerreavaienl  paru  dis[)Osésà  reconnaître  le  succes- 
seur de  Victor,  l'ascal  111,  si  Alexandre  ne  consentait  enfin  à 
abandonner  l'archevcupie  de  Cantorbéry,  el  à  faire  respecter 
les  coutumes  d'Argleterre. 

Nous  avons  une  autre  lettre  du  roi,  adressée,  en  liGG,  à 
liv.T.'cp.  où.  —  l'aii-hevtNiuc  de  Cologne,  celui  de  tous  les  prélats  favorables 
Baioii.  pt  Aif  ^,  Victor,  el  ensuite  à  l'ascal,  (pii  paraissait  avoir  le  [tlus 
-"^Muia  i  II  dinllueiicesur  1  empereur.  «  J  ai  longtemps  désiré,  lui  écril- 
|..  -ity.  il,  (lavoir   un  ju.-te   motif  de  méloigner  d'Alexandre  el  de   ses 

perlides  carilina  ix,  qui  osent  mamtenir  contre  moi  le  Iraîlro 
Thomas,  aulrtlois  archevêque!  de  Cantorbéry.  J'envoie  donc 
à  Rome,  de  I  avis  île  mes  barons  el  avec  le  consentement  du 
clergt'  ,  plusieurs  personnes  considérabh's  .  pour  demander 
au  pape  el  aux  cardinaux  de  im;  délivrer  enlin  d  un  homme 
qui  ma  Iiahi,  danniiller  tout  ce  (pi  il  a  fait,  de  promeltrc 
par  seriiieiil,  peur  eux  et  leurs  succe.^.si'urs ,  d  observer  in- 
violablem 'lit  -t  i(»'ij')urs  nos  («.utunies.  S  ils  .se  refusent  à 
qui'lqu  ,ni(!  di^  ne  s  deiiainie-;,  ni  moi,  ni  mes  ])arons  ,  ni 
mon  cleigé  ne  ic.  onnaîtrons  plus  .son  obédience  ;  nous  com- 
battrons même,  lui  el  les  siens  ,  oiiveitemenl  ;  et  tous  ceux 
de  mes  sujets  (pii  voadraieiil  continuer  à  le  reconnaître 
seront  chassés  ilu  rojaunuv  Nous  vous  prions  en  consé- 
quence de  nous  envoy(>r  sur-Uï-chanip  ,  ou  Ernold  ,  ou  un 
iiospilalier  nommé  Raoul,  pour  lacililer  à  mes  députés  leur 
passage  dans  les  étals   de  lempiMCur,  en    allant   à    R')mc  el 


HENRI  II,  ROI  D  ANGLETERRE.  493 

en  en  revenant.  »  Ce  prince  lui  envoya  en  effet  Raoul.  Celle      xii  siècle. 
lettre,  que  Liltleton  place  sous  l'année  11 60,  lui  a  fourni  quel- 
ques réflexions  aussi  justes  qii  importantes. 

Le  pape  ne  s  était    pas  contenté  de  tout  refuser  au  roi  ;  il       iJ'çcio,  p.  539 
avait  nommé  l'arclievt'que   Tliomas  son   légat   en    Angleterre.   ,7,,   j*,'  1039°'— 
Colle  nomination,  au  moins  imprudente,    avait   achevé   d'ai-  I0(i3    -    Gciv. 
grir  lesprit  de  Henri   11.   L'évècpu;  de   Londres,   l'ayant  reçue  '^'''u**  ^  *^'.f' 
vers  la  fin  du   mois  de  janvier    HGG,   s'empressa   d'en   écrire  it(j7, 5. 19. 
au  monarque.    Une   assemblée   générale  des  prélats  fui  con- 
voquée a    Londres.    Elle    écrivit   au    |)ape   contre    Becket ,    et 
appela  de  toutes   les   excommunications     qu'il    avait    lancées. 
(Guillaume  de  Pavie   et   Otlun   furent   envoyés  comme   légats  ; 
mais    leur  pouvoir   ne  s'étendait   que  sur  les  élats  que  Henri 
avait  en-deçà  de  la  mer.  Ils  voyagèrent  lentement  ;  car,  partis 
de  Rome  le  l*^'  janvier  1107,  ils  n'arrivèrent   en  Normandie 
que  vers    le   mois   de   septembre.    Ce   défenseur  passionné  de 
la  cour  de  Rome,   Reckel,  voulut   refuser  de   les  reconnaître 
dès  qu'il  put  craindre  cpi  ils  ne  lui  fussent  pas  favorables  ;  il 
y  consentit   cependant,   par   les  conseils  de  Jean  de  Sarisbéry, 
comme   nous    l'avons  remarqué    dans    l'article    de   ce  savant  ci-dess  p.  133. 
prélat  ,    qui    ne    négligea    rien   poui    modérer    la    fougue  et 
l'obstination   de   l'archevêque   de    Canlorbéry.    Plusieurs  con- 
férences eurent  lieu  sans  succès;    c'était  en  1  108.   En   1109, 
de    nouveaux   amba.ssadcMirs  furent  envoyés  par  Alexandre  à 
Henri.   Ils  ouvrirent   des   conférences   nouvelles,   qui    n'eurent 
encore    aucun    résultat.      C'est    ici    que    Gervais   et    Liltleton 
placent  ledit  dont  nous  avons   parlé,    sous  l'année  1165  ;  et, 
dans  le  fail,   il  est  probable  que  cet  édil  fut   alors   renouvelé. 
Les  dispositions  en  sont  pareilles  :  seulement,   on  trouve  ici, 
à  la  fin  de  la   loi,  un  ordre  donné  aux  vicomtes  d'en  faire     ^'^"-  ''■  ^^*^''' 
jurer  l'observation   à   tous  les  Anglais  au-dessus  de    l'âge  de  ,,.  57a 
quinze  ans. 

Parmi  les  évi-nemens  dont  nous  venons  de  présenter  un  rapide 
sommaire,  qucl(jucs-uns  furent  l'objet  particulier  de  quelques 
lettres  de  Henri  H 

La  première  est    celle    qu'il   écrivit  à  Gilbert ,  évoque  de       Voir    Aifoni, 
Londres,  quand  Thomas  Rocket  eut  excommunié  ce  prélat  :   ""•  "*'^J  ^!'' 

,       .  .  I  _  Ep.  de  S.   Th. 

«On   ma  instruit,   lui  dil-il,   de  ce  que  vient  de  faire  contre  liv.  m,  cp.  ^7. 
vous  ce  traître  de  Thomas;  je  n'en  suis  pas  moins  affligé  que 
s'il  eût  vomi  •  son   poison   contre   moi-même.  Soyez  bien   sûr 
que  je    ferai   tout  ce  qui   dépendra  de  moi  auprès  du  pape, 
auprès  du  roi  de  France,  auprès  de  tous  mes   amis,  cl  que 


liv.     III, 

cil 

..    '/!». 

—     Alford, 

,     ;iii. 

1169  , 

5 

•i  . 

Dul.oul. 

i. 

Il   . 

|).  353. 

- 

Uiiih. 

l.     IV, 

I' 

73t. 

T.  Il, 

p- 

im. 

494  HENRI  If,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XH  SIECLE,  cela  n'aura  aucun  effel  nuisible  pour  mon  royaume,  ni  pour 
vous.  N'ayez  donc  aucune  inquiétude,  et  tenez  pour  certain 
que,  si  vous  voulez  aller  à  Rome,  vous  aurez  de  moi  tout 
ce  qui  vous  sera  nécessaire  pour  faire  convenablement  le 
voyage.  » 
Grrv  |)  U07.  La  socondo  est  une  lettre  au  roi  de  France,  pour  se  plain- 
Ep.  (ics.  Th.  dre  de  la  protection  qu'il  accordait  à  Thomas,  et  demander  à  ce 
prince  de  ne  plus  le  souffrir  dans  son  royaume,  lettre  à  la- 
quelle Louis-le-,Ieune  lit  cette  réponse  connue,  que  c'était  la 
coutume  ancienne  des  Français,  le  droit  héréditaire  de  leurs  rois, 
d'offrir  un  asyle  et  le  soulagement  de  leurs  maux  à  ceu.K  (|ui  se 
trouvaient  bannis  pour  avoir  été  justes,  p7^o  justitiâ  exiilan- 
tibus  ;  nobles  sentimens  ,  dit  FJttleton  ,  mais  qui  ne  furent 
jamais  plus  mal  appliqués,  puisqu'au  lieu  d'avoir  été  banni 
pour  aimer  la  justice.  Rocket  avait  fui  pour  se  dérober  ù  ses 
poursuites. 
Ep.  dcS  Th.  La  troisième  fut  écrite  par  Henri  au  pape  Alexandre.  «Je 
liv.  III,  cp.  2(1.  YQyg  a[  souvent  prié,  lui  dit-il,  de  mettre  un  terme  aux  dis- 
—  Uyiiior,  i.  ,  gçj^gJQj^g  q„Q  f^it  naître  l'archevêque  de  (^antorbéry.  Vous 
m'aviez  envoyé  des  légats  avec  l'autorité  nécessaire  pour  y 
parvenir.  Cependant,  quoifjue  je  me  fusse  soumis  à  leur  dé- 
cision ,  l'archevêque  refusa  de  s'y  soumettre.  Nous  vous  en 
instruisîmes  ;  et  vous  mîtes  également  la  terre  et  les  personnes 
hors  de  son  autorité,  juscju'à  ce  qu  il  fût  rentré  en  grâce  au- 
près de  moi.  D'où  est  donc  venu  le  changement  (jui  s'est 
opéré?»  Le  roi  se  plaint  ensuite  des  excommunications  lan- 
cées envers  un  si  grand  nombre  de  personnes ,  envers  des 
gens  attachés  à  sa  maison,  ayant  auprès  de  lui  un  service 
journalier.  \\  se  plaint  de  ce  que  les  nouveaux  nonces  du 
pape,  Vivien  et  Gratien,  avaient  plutôt  favorisé  ,  étendu  les 
excommunications  ,  qu  ils  ne  les  avaient  arrêtées  ou  annul- 
Ices  ;  il  se  plaint  de  ce  qu'ils  ont  manqué  à  la  parole  donnée 
(jue  l'un  d'eux,  Vivien,  passerait  en  Angleterre  avec  le  roi, 
tandis  ({ue  l'autre,  Gratien,  irait  annoncer  à  l'archevêque  de 
Canlorbéry  son  rélabii.s.>3ement  ;  qu'ils  y  ont  manqué  subitc- 
mi'Ut,  et  sans  (ju'on  put  savoir  [)Oui(pioi.  C'est  sur  toutes  ces 
actions  que;  Henri  s'était  décidé  à  écrire  au  pape,  et  à  lui 
envoyer  sa  lettre  par  deux  ecclésiastiques,  lesquels  pourraient 
l'instruire  avec  plus  de  détail  di-  ce  (pii  en  faisait  l'objet,  et 
de  toutes  les  circonstances  qui  lavaient  porté  à  l'écrire.  Ces 
deux  ecclésiaslicjues,  l'un  et  lautre  de  la  chapelle  du  roi, 
étaient  Richard  Barre  et  l'archidiacre  de  Cantorbéry,  nomnaé 


HENRI  H,  ROI  DANGLETERRR  495 

Richard  aussi  par  Rymcr,  et  Réginakl  dans  la  collection  des  épî-     xii  siècle 
très  do  saint  Thomas. 

La  quatrième  commence   encore    par    des  plaintes    graves     Ep.  <ie  s.  Th. 
contre    Thbnias    de    Canlorbcry,    et    de   vifs   regrets  sur  ce  ''^-  '"■  ''n-  ***• 
qu'Alexandre   le  protège   au  lieu   de    le   punir,  sur  ce   qu'il  n  ,,. '301"/' 
souffre  qu'un  prince  dévoué  à   l'église  romaine  soit  sans  cesse 
exposé  aux  affronts  et  aux  outrages  d'un  tel  ennemi.    «   Il  vient 
de  vous    faire,    ajoute-t-il  ,  une  injure  nouvelle,  en  excom- 
muniant de    nouveau  ,  sans  jugement,  et  malgré  leur  appel , 
deux  évoques  fidèles ,   l'évèque  de  Londres  et  celui  de    Saris- 
béry.    L'offense  me    serait    personnelle  que  je    n'y  serais  pas 
plus  sensible.  Punissez  donc  sans  délai    une  conduite  si  repré- 
hensible;    vengez  un  fils  qui  vous  aime;   vengez  vos  propres 
droits,    car  c'est   au    préjudice    d'un   appel   dont   vous  étiez 
juge,  que  Thomas  a  lancé  encore  ses  anathêmes.   »  Les  deux 
évêques  furent  en   effet  absou.^  par  le  pape ,    ce  qui  irrita  fort 
l'archevêque  de  Cantorbéry,  qui  disait  avec  peu  de  modéra-      ^i'-  ''<"  ^    Tii. 
tion  ,  écrivant  à  ce  sujet  à  l'archovèque  de  Rouen  :  «  Toujours    ""    '   '^''" 
à  la  cour  de  Rome  liarrabas  est  délivré ,  et  Jésus-Christ  mis  à 
mort.  » 

Dans  une    lettre  plus  ancienne ,   et  de  l'année  liGG,  Henri      n.   Cnii.    >ics 
s'était  plaint  au  pape  ,  avec  quelque  vivacité ,  de  la  protection  '""'"'      ''^"    •■"' 
que   la   cour    de    Rome   accordait  à   ceux  qui  se  montraient  ''  '     '  ''      "'*'" 
rebelles  et    perfides  envers  lui,  et  du  refus  constant  qu'elle  lui 
faisait  de  la  justice  qu'il  lui  en  demandait. 

Deux  autres  lettres  sont  adressées  à  Guillaume-aux-Rlanches-  ljv.  m,  cp.  8 
Mains,  beau-frère  de  Louis  VII,  et  archevêque  de  Sens.  Henri  II  *' ^c. 
s'y  plaint  encore  de  l'impossibilité  que  l'obstination  de  Thomas 
met  à  une  réconciliation  sincère  et  durable  ,  de  la  faveur  que 
le  roi  de  France  accorde  à  ce  prélat,  des  excommunications 
lancées,  de  1  oubli  des  droits  du  trône  ,  de  toutes  les  actions 
enfin  qui  ne  cessaient  d'être  l'objet  de  sa  correspondance  et  de 
ses  plaintes. 

L'époque   oii    ces    diverses  lettres   furent   écrites  avait   été 
marquée    cependant   par  de  nouveaux  efforts  pour    rétablir  la 
paix  entre  Thomas  Recket  et  Henri    II.   Une  conférence  avait     Ccn.  p.  iior>. 
eu  lieu ,   dès  le   mois  do   janvier  IGG'J,  à  Montmirail,  dans  le  ^TiVJ'"".  ''  "' 

'  j  >  'p.   24h    cl     siirv. 

Maine,  entre  les  rois  de  France  et  d'Angleterre.  Thomas, 
vaincu  enfin  ou  paraissant  l'êlrc  par  les  conseils  de  ses  amis 
même,  s'y  présenta,  s'accusa  des  troubles  et  de  l'affliction 
que  l'église  anglicane  avait  eus  à  souffrir  ,  et  sollicita  pour 
elle  la  clémence  du   roi.    «  Je  m'en  rapporte  à  sa  décision  , 


4110  HENRI    II,    ROI    D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE  ajoiila-l-il,  pour  les  difïcrends  (|ui  ont  éclaté  entro  nous , 
sauf  l'honneur  de  Dieu.  »  (les  derniors  mots,  comme  l'ob- 
serva Henri,  détruisirent  l'cfrel  do  tout  lo  reste  :  ce  ([ui  lui 
déplaira  ,  disait-il  avec  raison ,  il  lo  déclarera  contraire  à 
l'honneur  de  Dieu,  et  s'attribuera  ainsi  mes  droits  comme 
les  siens.  Pour  prouver  néanmoins  que  je  ne  veux  a|)porter 
aucun  obstacle  à  la  paix,  contiuua-t-il,  voici  ce  (jue  je  lui 
olTrc.  L'Angleterre  a  eu  avant  nmi  beaucoup  de  princes  (|ui 
ont  eu  plus  ou  moins  de  puissance  ;  1(î  siège  de  Ganlorbéry  a 
eu  avant  lui  plusieurs  grands  et  saints  personnages  :  ipi'il 
m'accorde  ce  (|ue  le  plus  grand  de  ses  préiléeesseurs  a  accordé 
au  moindre  des  miens,  et  je  suis  satisfait.  »  Thomas  ne  ré- 
pondit à  ce  sage  discours  (pia\ec  une  arrogante  opiniâtreté, 
que  ses  partisans  même  lui  reprochèrent.  Nous  pouvons 
remarquer  aussi  que  ce  [irélat  (|ui  voidait  toujours  se  retran- 
iinmc.  t.  I,  cher  derrière  les  mots  sauf  l'honneur  de  Dieu  ou  de  l'église, 
p.   .iji).  -   Voir  y^ç.  iiianquait    jamais  de   s'emporter  (iiiand    Henri    ne  donnait 

Diriln,     p.     !;yi  1  J  II 

cl  !i52.  son  consentement  que  sauf  la  dignité  royale,  sauf  les  droits 

de  la  royauté. 

Après  plusieurs  hésitations  encore  et  plusieurs  traverses  ,    la 
paix  sembla  être  conclue.  On  la  dut  bien  à  l'extrèrae  conde- 
scendance du  roi  ;  car,  à  l'instant  même  qu'elle  s'achevait  avec 
Aif.  an    1170,  yma  sanction  universelle,  Thomas  écrivait  encore  aux  commis- 
Le»,  de  s    Tii    saires  du   pape,   auxquels  le   roi  s  elait  adresse ,  de  se   méuer 
liv.  v.  cp.  12  cl  des  pièges  (pion  leur  tendait ,   de  ne  voir  par-tout  que  dissi- 

li.  —    Lie.i.  t.   niulation   et  fourberie:  d'èlre  prêts  à  rejeter  toutes  les  proposi- 
II,  p.    QOÔ    (iUÎ).     .  ,  .-,  ,,  ,  ,  ,,       - 

tions  du  monar(|uc ,  qu  il  appelle  un  Pharaon,  un  Protee ,   un 

monstre.  Henri  II  ex|)rimait  plus  de  confiance  et  des  scntimens 
plus  pacifiques  dans  une  lettre  à  l'archevêque  de  Rouen, 
chargé  avec  révê(|ue  de  Nevers  de  terminer  enfin  une  ré- 
conciliation si  difïjcile.  H  les  avait  déjà  montrés  dans  une  autre 
Ep.  lie  s.  iii.  adressée  à  tous  les  abbés  de   l'ordre  de  Cîteaux ,  ou  ,   après 

liv     m,   pp.     2!! 

avoir  imploré  leurs  prières  ,  il  les  entretient  des  conférences 
eues  avec  Graticn  et  Vivien  ,  légats  du  pape,  et  de  tout  ce  qu'il 
a  fait  pour  ramener  l'archevêfpie  Thomas  à  des  senlimens  plus 
pacifiques. 
Diccio  ,  p.  La  paix  est  annoncée  dans  une  autre  lettre  du  roi,  adros- 
t'32  —  Gcrv,  p.  g(iQ  pgp  lyj   ^   J.QJJ  fjig  aîn,5    11  y  (lit  quen   conséquence   il   a 

an.   1170,  5  2!t.  Ordonné  de  restituera  l'archevêciuc  de  Canlorbéry,  et  à  ceux 

—    Epii.   (le  s.  qui   avaient  partagé  son    exil,    tous  leurs  biens,    tous    leurs 

'"T,    ''*"     ^'  honneurs,    tels    qu'ils    en    jouissaient    trois    mois    avant    de 

cp.  »3.  >  1  j 

quitter  l'Angleterre.    Le  roi  charge   le  jeuno  prince  de  faire 


HENRI  H.  ROI  D ANGLETERRE.  497 

venir  devant  lui  quelques-uns  des  meilleurs  et  des  plus  xii  siècle. 
anciens  chevaliers  de  l'arrondissement  de  Salliunde,  de  leur 
faire  reconnaître  avec  serment  ce  qui  peut  appartenir  là  au 
fief  archiépiscopal  de  Cantorbéry,  et  de  restituer  au  prélat 
ce  qui  aura  été  ainsi  reconnu.  Cette  lettre  est  datée  de 
Chinon,  et  contre-signée  par  l'archevêque  de  Rouen.  H  y  a 
dans  Alford,  legalioribus  et  antiquioribus  minisbns,  au  lieu 
de  melioribus  et  antiquioribus  militibus,  que  nous  lisons  dans 
Raoul  de  Diceto  ;  Gervais  dit,  antiquioribus  et  legalioribus 
militibus  ;  le  recueil  des  lettres  de  saint  Thomas  dit  de 
même,  legalioribus  et  antiquioribus  militibus. 

Henri  écrivit  en  même  temps  à  tous  ses   juges  pour  leur 
ordonner  de  faire  rétablir  dans  la  jouissance  de  leurs  droits 
et  de  leurs  biens  Thomas  Beckct,   et   tous  ceux  qui  avaient 
partagé   son   sort.   Cette  lettre,  ou  plutôt  ce  mandement,  est 
sommairement  rappelée  dans  le  premier  chapitre  du  troisième 
livre  du  Quadrilogue,  et,  d'après  cet  ouvrage,  dans  les  Annales  An.  H7(i,  \.  20. 
de  l'église  d'Angleterre,   par  Alford.  Une  autre  lettre  du  roi  à 
l'archevêque  de  Cantorbéry  annonce  qu'il  a  donné  les  ordres     Ep    s.  Thom. 
nécessaires  pour  que  tous  les  biens  du  prélat  lui  soient  ren-  •'*•  v,  cp.  u. 
dus,  pour  que  le  jeune  roi  le   reçoive  et  le  traite  dignement  ; 
il  regrette  qu'une  attaque  dont   l'Auvergne   est   menacée   ne 
lui  permette  pas  d'aller  voir  à  Rouen  Thomas  Becket  avant  son 
départ. 

La  modération  et  la  bonté  du  roi  n'avaient  pas  fléchi 
Thomas.  A  peine  abordé  en  Angleterre,  malgré  la  paix  jurée, 
il  agita  de  nouveau  le  flambeau  de  la  discorde.  Plusieurs 
évêques  furent  excommuniés  :  deux  des  principaux  seigneurs 
du  royaume  le  furent  aussi  ;  et  l'un  d'eux,  pour  avoir  coupé 
la  queue  d'un  cheval  qui  portait  des  provisions  au  palais  de 
l'archevêque.  Ces  seigneurs  étaient  pourtant  vassaux  immé- 
diats de  la  couronne,  de  ceux,  par  conséquent,  dont  l'ex- 
communication ne  pouvait  être  prononcée  sans  le  consente- 
ment du  roi,  d'après  les  coutumes  anciennes  d'Angleterre, 
et  les  nouveaux  statuts  qui  les  avaient  confirmées.  Guillaume  Liv.  11,  c.  23. 
de  Neubridge  ne  peut  s'empêcher  de  déplorer  lui-même 
l'emportement  d'un  tel  zèle  ;  il  se  demande  si  ce  fut  agir  selon 
la  science  de  Dieu,  si  le  pape  Grégoire  n'eût  pas  été  animé 
d'un  autre  esprit,  si  l'amour  de  la  paix  n'eût  pas  engagé  ce 
saint  pontife  à  tolérer  des  choses  qui  n'avaient  rien  de  contraire 
à  la  foi. 

Les  évêques  et  les  seigneurs  frappés  d'anathêmes  passèrent 
Tome  XIV.  Rrr 


108  HENRI  11,  ROI  D'ANGLETERRE 

XII  SIECLE,  la  jncr,  et  vinrent  en  rendre  compte  au  roi.  L'indignation 
du  prince  ne  put  se  contenir  ;  elle  s'exhala  niênac  en  des 
termes  trop  connus,  cl  qui  devinrent  bientôt  la  cause  d'un 
grand  crime. 

Actes  et  Lettres  concernant  les  matières  ecclésiastiques, 
postilrieurs  à  la  mort  de  Thomas  Becket. 

L'histoire  a  dit  tous  les  regrets  que  fit  éprouver  à  Henri  II 
l'attentat  commis  sur  la  personne  de  Thomas  Becket.  Elle  aurait 
gardé  le  silence  à  cet  égard,  que  nous  retrouverions  dos 
témoignages  indirects  mais  certains  de  son  repentir  et  de  sa 
douleur,  dans  la  |)lupart  dos  actes  de  .son  adinini.siralion,  p(Mi- 
dant  les  années  qui  suivirent.  D'abord  il  s'empresse  d'envoyer 
,-^^     ?,'!^f '"l .'!'  au  pape  des  aud)assadeurs,  pour  désavouer  ce  crime;  il  fait  des 

!>so,      sIhI.     DhS,  '      '  ,  ' 

S72,  \ïii.  -  dons  ensuite  à  1  église  de  Canlorbéiy  ;  il  se  soumet  à  la  plu-; 
Cromi.  (..  losi  étoiuiaute  des  pénitences  publiques  :  il  abandonne  ou  modifie 
vais  p  u-w  et  '^^  principes  qu  u  avait  soutenus  avec  tant  d  ardeur;  les 
urj.  —  Qua-  électioins  ecclésiastiques  deviennent  indépendantes  de  lui  ; 
Jiii.  p.    I»  cl  les  appels  au  pape  seront  permis;  leur  patrie  et  leurs  biens 

SUIV.  —    Dulinu-  '  '  ,      ',  '       ,  ^         .    ,      ,    ,, 

lay.  t  II,  p.  i()7(i  seront  rendus  a  tous  ceux  quon  en  avait  privés,  a  I  occasion 

408  -   Tyircii,  dcs  troiiblcs  suscités  dans  léglise  anglicane  ;  on  le  voit  enfin 

.    ,    p.  o)    <i  ,.(,,j(j^(,Q|.  :,  ces  constitutions   d(!  Clarcîiidon,  pour  le   maintien 

SUIV.  '    r 

desquelles  il  avait  lutté  si  longtemps,  avec  tant  de  raison, 
de  force,  et  de  courage.  Rassemblons  encore  ici  quelques- 
uns  des  actes  publics  ou  privée,  émanés  de  lui  à  celte  époque 
de  son  règne. 

Un  des  premiers  est  sa  K^llrc  au  pape  sur  la  mort  de 
Thomas  Becket,  lettre  recueillie  par  1).  Martène,  d  après  les 
manuscrits  de  l'abbaye  du  monl  Saint-Michel.  «  Par  égard 
pour  l'église  romaine  et  par  alVeclion  pour  vous,  dit  le  roi, 
je  lui  avais  permis  de  revenir  en  Angleterre  ;  je  lui  en  avais 
fourni  tous  les  moyens;  je  lui  avais  restitué  tous  ses  biens: 
mais  à  peine  arrivé,  au  lieu  de  celle  heureuse  paix  que  nous 
devions  attendre,  il  n'a  apporté  parmi  nous  que  le  glaive  et 
l'incendie.  Suscitant  contre  moi-même  l'esprit  de  faction,  il 
a  excommunié  au  hasard  cl  sans  mol  if  tous  mes  serviteurs. 
Tant  de  méchanceté  n'a  pu  être  souiïerle  par  ceux  qui  en 
étaient  l'objet;  cl,  ce  que  je  ne  puis  dire  sans  douleur,  ils  lui 
ont  donné  la  mort.  Quehiue  mécontentement  <iue  j'eusse 
depuis   long-temps  envers  lui,    cet  allcntal,    Dieu    m'en    est 


.Mari.    Anccil 
t.  I.  p     t^KO. 


HENRI  11,   ROI   D'ANGLETERRE.  400 

témoin,  m'a   affligé.   Je  crains   bien  plus  pour  ma  lépulalion      xn  siècle. 
que  pour   ma  conscience,  plus  famée  meae  quam  conscientise 
ivneo.   Donnez-moi  donc,  je  vous  en   prie,  vos   salutaires  con- 
seils. » 

Le  pape  ne  laissa  pas  échapper  une  occasion  qu'il  crut  si  favo- 
rable d'obtenir  ce  que  Becket  et  lui  avaient  si  long-temps 
demandé,  j)Our  assurer  à  l'église  indépendance  et  suprématie. 
Henri  accorda  tout  avec  un  étonnant  oubli  de  ses  principes 
et  de  SCS  droits.  Le  serment  (ju  il  consentit  à  prêter  fut 
une  des  grandes  fautes  de  sou  règne.  On  peut  le  lire  dans  les 
annales  de  Baronius  et  dans  celles  d'Alford,  sur  l'an  1172, 
et  dans  l'histoire  de  l'université  de  Pans,  par  Duboulay.  t  ".  p-  590- 
11  était  déjà  dans  Roger  de  lloveden,  et  dans  quelques  autres  ''•  ^^9 
écrivains.  Le  triomphe  qu'eut  alors  le  clergé,  l'abus  qu'il  • '''"'P'"  i'  -^ 
en  fit,  les  humiliations  auxquelles  le  roi  fut  obligé  de  se  sou- 
mettre, restèrent  dans  le  souvenir  de  tous  les  Anglais,  et 
préparèrent  cet  affranchissement  de  l'autorité  papale,  pronon- 
cée sous  Henri  Vlll.  Pas  d'abus  de  pouvoir  qui  nait  eu  ce 
résultat  dans  l'histoire  ;  et  le  désir  d'abuser  remporta  tou- 
jours ! 

Henri  pourtant  ne  se  soumit   pas  sans  conserver   le  senti- 
ment intérieur  que  ce  qu'il  avait  d'abord  voulu  à   Clarendon 
lui   était  prescrit   par    les   devoirs   du    trône   et    l'intérêt   du 
peuple.   11  revint,  autant  qu'il    le  put,   sur   une   renonciation 
inconsidérée.    «Je  puis  chaiiue  jour  prendre   une  forteresse,      Aif.  an.   ueii. 
disait-il,   et  je  ne  pourrais  prendre  un  clerc!  »   En  1177,  d 
fit  demander  au  légat   du  pape,   le  cardinal  Vivien,   comment     iiovcd.  p.  555. 
il  avait  osé  venir  en  Angleterre  sans  sa  permission.  En  1175, 
un   autre  légat,    le    cardinal    Hugues,    y  ayant  été   envoyé,      iiovcd.  p.  U7. 
Henri  avait  demandé  et  obtenu  que  les  ecclésiastiques  accu-  7  mZu    ivis 
ses  d'avoir  chassé  dans   ses    bois,   fussent  poursuivis   devant  p.  127. 
les   tribunaux  séculiers.   Gervais  s'emporte  à  ce  sujet  contre 
le  roi,   contre    le    légat,    contre    la    cour    de   Rome,  contre 
l'amour  de  l'or  et  la  cupidité  générale  des  hommes.   Il  y  avait 
une  observation   plus  juste  à   faire,   mais  qui   était   loin   de  sa 
pensée  et  de  sa  doctrine  ;  c'était  (juc  le  retour  du  prince  vers 
le    sentiment  de  ses  droits   aurait  pu  être   marqué  par    une 
demande  plus  importante,  plus  utile  à  ses  sujets  :  et  ce  (jui 
afflige  davantage,  c'est  d'entendre  le  roi  lui-même,   dans   une 
lettre  au  pape,  se  féliciter  d'avoir  obtenu  cette  exception,  et     uiccio,  p.  î>!M. 
consentir  de  nouveau,  sur  tout   le  reste,  à  ce  que   les  ecclé- 
siastiques ne  fussent  pas  soumis  aux  tribunaux  séculiers  pour 

]i  r  r  2 


500  HENRI  II,   ROI  D'ANGLETERRE 

xil  SIECLE,  les  crimes  dont  ils  se  sei aient  rendus  coupables.  Gervais  ne 
s'irrite  que  de  la  concession  faite  par  le  légat  sur  les  délits  com- 
mis dans  les  forêts  :  la  lettre  de  Henri  H  annonce  pourtant  qu'on 
lui  avait  accordé  une  exception  semblable  pour  ce  qui  serait 
relatif  à  la  féodalité. 

Ce  ne  sont  pas  les  seuls  articles  dont  fait  mention  la  lettre  du 
V.  Speim.  cod.  Foi.  Il  veut  que  l'assassinat  prémédité  d'un  ecclésiastique  soit 
•  331.  jugé  en  présence  de  l'évêque  et  de  son  officiai,  et  qu'indépen- 

damment de  la  peine  que  les  juges  laïcs  prononceront,  les  biens 
du  coupable  soient  confisqués,  ses  biens  à  venir  comme  ses 
biens  présens  ;  il  veut  encore  que  les  clercs  ne  puissent 
être  forcés  à  des  combats  judiciaires  ;  il  veut  enfin  que  la 
régale  ne  lui  appartienne  jamais  au-delà  d'une  année.  Nous 
reviendrons  sur  ces  deux  objets  dans  un  des  paragraphes 
suivans. 
GerT.  p.  im.  Un  autre  acte  du  roi,  daté  do  1177,  est  celui  qui  fait  les 
plus  grandes  concessions  à  l'église  de  Cantorbéry.  «  Sachez, 
y  dit  Henri  H  aux  évoques,  aux  comtes,  aux  baillis,  à  ses 
autres  fidèles  d'Angleterre  et  de  France,  que,  pour  l'honneur 
de  Dieu  et  de  la  Trinité,  le  rachat  de  mon  ame  et  de  telle  de 
mes  pères  et  prédécesseurs,  j'accorde  et  confirme  les  pos- 
sessions, franchises,  immunités,  que  mon  bisaïeul  Guillaume 
et  mon  aïeul  Henri  avaient  données  à  l'église  de  Cantorbéry.  » 
(Ici  est  l'énumération  de  ces  immunités.)  Le  roi  finit  par 
développer  toute  l'étendue  qu'il  entend  leur  donner,  quoique 
les  expressions  générales  dont  il  s'était  servi,  communes  au 
reste  dans  les  chartes  semblables,  l'indiquassent  assez  :  Has 
onines  libertates  teneat  cum  terris  et  omnibus  suis  bene  et  in 
pace,  libère  et  quiète,  intègre  et  plenarie,  et  honorifice,  in 
bosco  et  piano,  in  pratis  et  pasturis,  in  aquis  et  tnolendinis, 
in  vivariis  et  stagnis,  piscariis  et  mariscis,  in  viis  et  semitis, 
et  in  omnibus  aliis  locis  et  aliis  rébus  ad  eas  pertinentibus, 
cum  omnibus  libertatibus  et  liberis  consuetudinibus ,  sicut 
eidem  ecclesiœ  concessi  et  hâc  chartâ  meâ  eonfirmavi.  Henri 
donna  encore,  douze  ans  après,  l'année  môme  de  sa  mort, 
d'autres  lettres  relatives  à  l'église  de  Cantorbéry  ;  mais  ces 
lettres  sont  plutôt  une  exhortation  aux  religieux  d'attendre 
une  décision  nécessaire,  qu'un  acte  public,  accordant  ou 
refusant  des  droits,  ou  bien  exprimant  des  faits  qui  appar- 
tiennent à  l'histoire.  L'année  d'auparavant,  il  avait  nommé, 
par  des  lettres  adressées  à  ces  religieux,  cinq  conpmissaires, 
dont  trois  évoques,  pour  régler  les  différends  élevés  entre  l'ar- 


HENRI    II,    ROI  D'ANGLETERRE.  501 

chevêque  et  les  moines.  Il  leur  en  avait  adressé  encore,  quel-      ^  n  siècle 
ques  mois  après,  toujours  pour  la  môme  contestation.  Les  trois 
lettres  de  Henri  sont  sous  les  années  11  h8  et  1189,  dans  la 
chronique  de  Gervais,  auteur  contemporain,  et  qui  fut  moine  de      ''•  '^^''   '^^^ 
cette  abbaye  célèbre. 

Raoul  de  Diceto  en  donne  une  autre  de  Henri  II,  adressée,  en      Wccto,  p.  Ui 
1 1 89,  aux  doyen  et  chapitre  de  l'église  de  Londres,  concernant 
l'élection  d'un  évéque  pour  celte  église  ,  dont  le  siège  était 
vacant   par   la  mort  de  Gilbert.   Ce  doyen,  à  qui  la  lettre  fut 
écrite,  était  Raoul  de  Diceto  lui-même. 

Jean  de  Sarisbéry  avait  écrit  au  nom  du  roi,  en  1172,  deux 
autres  lettres,  qui  sont  imprimées  dans  la  collection  de  ce  Ep.  289  et  290. 
savant  écrivain.  La  première,  fort  courte,  adressée  à  l'évèque 
d'Excester,  n'est  presque  qu'un  ordre  d'exécuter  et  de  faire 
exécuter  ledit  qui  rétablissait  dans  leurs  honneurs  et  dans 
leurs  biens  les  compagnons  d'exil  de  l'archevêque  de  Cantor- 
béry.  La  seconde,  plus  étendue,  et  adressée  encore  à  l'évèque 
d'Excester,  a  pour  but  de  lui  faire  part  de  la  réconciliation 
du  roi  avec  le  pape,  concernant  la  mort  de  Thomas  Becket, 
réconciliation  dont  avaient  été  les  ministres  ,  au  nom 
d'Alexandre,  deux  légats  envoyés  par  ce  pontife  en  Nor- 
mandie. Henri  avait  quitté  llrlande  qu'il  venait  de  conque-  Qujjrii„„ 
rir,  pour  se  rendre  auprès  d'eux.  Peu  content  d'abord  des  U7  et  u°8."  - 
propositions  qu'on  lui  fit,  il  refusa  de  prêter  le  serment  ^"^-  p-  '*^^- 
qu'on  lui  demandait,  rompit  môme  l'assemblée  avec  quelque  ^.^^s^""' 
indignation,  et  annonça  qu'il  allait  retourner  en  Irlande.  Les 
deux  légats  s'étant  réunis  et  concertés  avec  plusieurs  évoques, 
de  nouvelles  propositions  furent  faites,  et  le  roi  les  adopta. 
Il  dit  lui-même  dans  sa  lettre  en  quoi  elles  consistaient;  et 
certes  on  doit  avouer  que  ,  modifiées  ainsi  ,  elles  offraient 
encore  des  concessions  bien  inespérées.  Il  se  soumet ,  en 
premier  lieu,  à  fournir  et  entretenir  pendant  un  an  deux 
cents  chevaliers  ,  qui  seront  incessamment  envoyés  en  Asie 
pour  la  défense  de  la  Terre-Sainte.  2°  Il  autorise  les  appels 
au  pape,  sous  la  seule  condition  que  si  les  appelans  lui  sont 
suspects,  il  leur  fera  prêter,  avant  qu'ils  s'éloignent,  le  ser- 
ment que  dans  ce  voyage  ils  ne  feront  rien  de  contraire  au 
bien  et  à  l'honneur  du  royaume.  3°  Il  renonce  aux  cou- 
tumes qu'il  avait  rétablies  et  introduites,  concernant  les  ma- 
tières ecclésiastiques.  4»  11  promet  de  rendre  à  l'église  de 
Cantorbéry  tous  ses  biens,  comme  elle  les  possédait  un  an 
avant  que  Thomas  Becket  sortît  d'Angleterre.  Il  finit  par  dé- 


811.  1181.  -    Ho- 
vcd.  p.   613 


502  HENRI    II,    ROI    DANGLETERRE. 

xn  SIECLE,  clarer  que  c'est  pour  la  remission  de  ses  péchés  qu'il  accepte 
toutes  ces  conditions  que  le  pape  lui  a  imposées. 
Math.  Paris,  L'archevôque  d'Yorck,  Roger,  étant  mort  en  1181,  laissant 
onze  mille  marcs  d'argent  et  trois  cents  marcs  d'or,  Henri,  sans 
être  retenu  par  les  dispositions  testamentaires  que  le  prélat  avait 
faites,  se  mit  en  possession  de  tous  les  biens,  comme  devant  ap- 
partenir au  prince  :  le  testament  avait  été  fait  pendant  la 
maladie  de  l'archevêque,  et  celui-ci  avait  lui-même  reconnu  et 
jugé  que  de  pareils  actes,  faits  dans  un  tel  état,  par  un  ecclé- 
siastique, devaient  être  annuités, 
iinvod.  p.  600  Henri  avait  fait  en  1 1 80  un  acte  que  le  clergé  loua  davantage, 
et  siiiv.  -  Aif.  C'était  moins  un  édit  nouveau  que  le  rétablissement  d'une  loi 
an.  1180,  5.  .)  générale  faite  autrefois  par  Guillaume-le-Conquéranl,  ou  peut- 
être  par  Édouard-le-Confesseur.  On  y  statue  sur  les  personnes 
des  ecclésiastiques  et  sur  leurs  biens,  sur  la  paix,  ou  la  sûreté 
pour  les  chrétiens  qui  vont  darts  les  églises,  sur  les  époques  et 
l'étendue  de  celte  paix,  sur  la  juridiction  îles  évoques,  sur  ceux 
qui  ont  des  possessions  tributaires  ou  dépenilantes  d'une  église, 
sur  les  coupables  qui  s'y  réfugient,  sur  les  redtn'ances  qu'on 
doit  leur  payer,  et  sur  quelques  autres  objets  (pie  nous  retrou- 
verons en  analysant  les  lois  de  Henri  11  dans  les  paragraphes 
suivans. 


Actes  et  Lettres  relatifs  à  un  voyage  et  à  des 
secours  pour  la  Terre-Sainte. 

il  serait  diflicilc  de  n(!  pas  trouver  des  actes  relatifs  à  la  Terre- 
Sainte,  dans  l'histoire  d'un  prince  chrétien  qui  vivait  au  dou- 
zième siècle.  Henri  annonça  plusieurs  fois  h^  projet  de  faire  ce 
voyage  ;  il  demanda  plusieurs  fois  des  subsides  pour  contribuer 
à  l'entretien  des  pieux,  guerriers  qui  allaient,  ;iu-delà  des  mers, 
combattre  les  infidèles 

En  116(),  ayant  rassemblé  au  Mans  ses  évê(jues  cl  ses  ba- 
-  u.iii."  (lu  M.  roDs,  il  ordonna,  de  leur  consentement  et  d'après  leur  avis, 
p  78îi,  -  Kini  qu'on  ferait  dans  tous  ses  étals  une  levée  d argent  pour  la 
'sm'  Bai«ii.  ^^!'  "Terre-Sainte.  Ledit  du  roi  porte  que  chacun  paiera  deux 
i>45,  un  iiut,  deniers  par  livre  de  loul  ce  qu'il  aura  ,  immeubles  ,  elTels 
^-  '^-  mobiliers,    revenus,   pour   la  première   année  ,   et   un   denier 

pour  les  quatre  années  suivantes  Les  {avances  pour  la  cul- 
ture de  la  terre  ne  devaient  i)as  être  prélevées  en  réglant 
la  valeur    totale    sur    laquelle    1  impôt   serait    demandé  ;    les 


r.nv.  p.  ir.iin. 


Ilisl.   (le    Kr 
t     XIII,  i>.    îiiiO. 


HENRI    II,     noi    DANGLETERRE.  503 

délies  donl  on  avait  lassurance  d'obtenir  le  remboursement  de-  x'i  sinrLE 
vaienl  entrer  dans  ce  total.  Les  prélats  et  autres  ecclésiastiques, 
les  comtes  et  autres  seigneurs,  les  habilans  des  villes  et  des 
campagnes  y  sont  également  soumis  ;  la  loi  réduit  à  un  denier  la 
contribution  à  payer  par  ceux  qui  posséderaient  moins  d'une 
livre.  Elle  ordonne  de  '  placer  dans  les  églises  un  tronc  à 
plusieurs  clefs,  où  chacun  versera  la  somme  due,  après  avoir 
juré  de  le  faire  avec  loyauté  et  fidélité,  et  sous  peine  d'excom- 
munication. 

Des  envoyés  de  la  Terre-Sainte  étant  venus  trois  ans  après 
implorer  les  secours  de  quelques  princes  de  l'Europe,  et  in- 
viter sur-tout  à  une  croisade  Henri  II  et  Louis-le-Jeune, 
Henri  ne  crut  pas  devoir  quitter  l'Angleterre.  Celte  idée  d'un 
voyage  à  la  Terre-Sainte  lui  fut  présentée  encore  après  le 
meurtre  de  Thomas  Reckot,  et  il  le  promit  alors  comme  un 
témoignage  de  son  repentir.  Henri,  son  fds  aîné,  le  promit 
comme  lui.  Le  serment  qu'ils  prêtèrent,  et  qui  a  d'autres  ob- 
jets, est  rappelé  dans  un  des  paragraphes  précédens  de  cette 
notice. 

En  1177,  il  sembla  que    le  projet  de  ce  voyage  allait  enfin 
être  réalisé.  Le  roi  de  France  et  le  roi  d  Angleterre  en  prirent      '^"■'''"  p-  ^'"i'- 
[engagement    mutuel  par    un   acte  qui  porte  en  même  temps  1154    _    g^^, 
la    promesse  de  se   secourir  en  tout  cl  contre  tous.    Ils  s'obli-  p   u<2.  -  M;ii. 
sent  à   ne  pas    souffrir   dans   leurs    terres    les  ennemis    l'un  î!"'^''*',  ^^'  '"*^..  " 
de  l'autre  ;    cl  pour  éviter  toute    discorde,    à  ne  se  rien  de-   ^  Rym.  1.  i,  ,.. 
mander    de    leurs    possessions     réciproques,     sauf    quelques  ""•   ~    ^'f-  ""• 
lieux   déjà  réclamés,  et   au    sujet  desquels    ils  nomment  des  suiv.  -  rvnpi'î, 
commissaires-arbitres,  dans  le  cas  où  ils    ne  pourraient  sac-  '    ".  p-  ■J'^  p> 
corder  entre  eux.    Malgré   ce  pacte,   fondé  sur  un  départ    pro- 
chain, les  deux  monarques    ne  s  éloignèrent  pas    de   leur  em- 
pire. Henri   envoya   cependant   une  somme  assez  considérable    nnmit.  |..  1127. 

en  Orient,  pour  y  subvenir  aux  dépenses  de  la  guerre  sacrée  ;   "  jt!,'.''''  '■  '"' 
-,   ,  ,  A  -  •  ,,  1'   ">00. 

u  donna  aussi,  la    même  année,    cinq  cents  marcs  d  argent  au 

comte  de  Flandre,  pour  l'aider  à  faire  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte. 

En  1181,  des  chevaliers  du  Temple  et  de  Saint-Jean  de  ii..vca  p.  en 
Jérusalem  ayant  apporté  à  Henri  des  lettres  du  pape  Alexan-  •■'  "'^  ~  '*'"''• 
dre,  qui  demandaient  un  subside  pour  la  Terre-Sainte,  le  roi 
promit  de  l'accorder,  et  ce  subside  fut  sans  doute  celui  que 
nous  voyons  ordonner  par  un  statut  de  1182,  après  une  con- 
vocation des  grands  du  royaume  et  de  leur  consentement  ; 
la  levée  en  produisit  cinq  cents  marcs  d'or  et   quarante-deux 


504  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     mille  marcs  d'argent,  suivant  Mathieu  de  Westminster  et  Raoul 


Li»  II  p   'j<'   ^^  Diceto . 

p.  èis!  Le  premier  dimanche  de  carême  de  l'an   1185,  Henri  tint 

iioved.  p.  C29  ^  Londres  une  grande  assemblée  à  laquelle  assistèrent  avec 
tm.-BrZ[:  lui  le  patriarche  de  Jérusalem,  les  évêques  et  abbés,  les 
p.  11*4.  -  Ger-  comtes  et  barons,  Guillaume,  roi  d'Ecosse,  et  son  frère,  avec 
''-  Lyght:  p.  les  comtes  et  barons  de  ce  royaume.  On  y  délibéra  sur  des 
2398.  -  Giraidi,  subsidcs  encore  pour  la  Terre-Sainte.  Henri  fut  invité,  selon 
S'il  c'se""-  quelques  autours,  à  s'entendre  sur  cet  objet  avec  le  roi  de 
Pierre'  de  Diois,  France,  Philippe-Auguste.  Selon  d'autres,  l'assemblée  décida 
cp.  08  -  Baron.  ^^^^  quoiqu'il  cûl  promis  d'aller  en  Palestine,  il  n'était  pas 
-Liuier  i.^'nt,  obligé  de  le  faire  présentement  ;  qu'il  était  plus  convenable 
p.  422  cl  suiv  (]g  rester  en  Angleterre  pour  la  gouverner,  que  d'aller  ex- 
-  S'ei"  .130  "'  poser  sa  personne  royale  dans  une  terre  étrangère  ;  que  le 
'"'  gouvernement  de   ses    états    était   une  obligation  non    moins 

sacrée.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  le  roi  ne  partit  pas  : 
il  autorisa  cependant  tous  ceux  qui  voudraient  prendre  la  croix, 
à  le  faire  ;  un  grand  nombre  de  personnes  considérables,  tant 
ecclésiastiques  que  laïcs,  la  prirent  en  effet  sur-le-champ.  II 
ordonna  de  plus  une  collecte  générale  dans  les  paroisses  de  son 
royaume,  offrit  de  son  propre  trésor  cinquante  mille  marcs 
d'argent,  et  s'obligea  d'entretenir  au-delà  des  mers  ses  sujets 
enrôlés  pour  la  croisade. 

La  résolution  de  Henri  II  inspira  au  patriarche  de  Jéru- 
salem, lléraclius,  un  des  discours  les  moins  mesurés  qu'un 
prince  ait  jamais  entendus.  «  Ce  n'est  pas  l'argent  qui  nous 
est  nécessaire,  dit-il  au  roi,  c'est  vous  ;  de  par-tout  on  nous 
envoie  des  subsides,  de  nulle  part  un  prince  :  nous  deman- 
dons un  homme  qui  ait  besoin  d'argent,  et  non  de  l'argent 
qui  ail  besoin  d'un  homme.  Vous  avez  régné  jusqu'à  pré- 
sent avec  gloire,  ajoute  Héraclius  :  mais  Dieu,  dont  vous 
abandonnez  la  cause,  va  vous  abandonner.  Comparez  aux 
biens  qu'il  vous  prodigua,  l'ingratitude  dont  vous  l'avez 
payé  ;  vous  avez  violé  la  foi  duc  au  roi  de  France  ,  vous  avez 
fait  massacrer  l'archevêque  de  Cantorbéry,  et  maintenant 
vous  refusez  de  défendre  les  chrétiens  » .  Le  roi  s'endammait 
à  ces  mots.  «  Voilà  ma  tôle,  continua  Héraclius  ;  traitez-moi 
comme  saint  Thomas;  j'aime  autant  périr  de  vos  mains  en 
Angleterre,  que  de  celles  des  Sarrasins  en  Syrie  ;  aussi-bien 
ne  valez-vous  guère  mieux  qu'un  Sarrasin  ».  Henri  ayant  té- 
moigné  la  crainte  que  ses  lils  ne  se  révoltassent    s'il  s'ab- 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  iiOo 

sentait  :    «Cela  n'est  pas  étonnant,  répliqua  le  patriarche  ;  ils     xii  siècle. 
sont  venus  du  diable,  ils  retourneront  au  diable» .  Heraclius  fai- 
sait allusion  à  une  comtesse  d'Anjou,  trisaïeule  du  roi,  qui  passa    Bromi.  p.  104S. 
pour  sorcière  ;  elle  s'envola,  disait-on,  par  une  fenêtre,  pendant 
la  messe,  et  ne  reparut  jamais. 

Deux  ou  trois  ans  après,  les  erands  succès  de  Saladin  et  les     Hoved.  p.  614. 

,         ,     ,  .   ^  ^  ,  ,    .        ,  ,    .    —  Alf.  an.    1187. 

malheurs  des  chrétiens  ayant  engage  un  autre  patriarche,  celui  ^t  jjgg  p.  7,53 
d'Antioche,  à  écrire  au  roi  d'Angleterre  pour  demander  un  -i  338. 
prompt  secours  :  Nos  péchés,  lui  répondit  Henri,  ayant  excité 
la  colère  de  Dieu,  il  a  permis  que  les  infidèles  devinssent  maîtres 
d'un  pays  où  son  sang  a  coulé  pour  la  rédemption  des  hommes; 
c'est  donc  un  devoir  pour  nous  et  pour  tous  ceux  qui  professent 
la  religion  chrétienne,  de  concourir  par  tous  leurs  moyens  à  sou- 
lager les  maux  de  ce  pays.  Agissez  avec  force  et  courage  :  beau- 
coup de  personnes  s'arment  et  se  préparent  à  aller  aussi  en  Pa- 
lestine combattre  pour  la  foi  ;  bientôt  elles  seront  près  de  vous  ; 
bientôt  la  terre  et  la  mer  vous  amèneront  une  multitude  de 
guerriers  telle  que  l'œil  n'en  vit  jamais»  .  (La  lettre  ajoute  même: 
Nec  auris  audivit ,  nec  in  cor  hominis  ascendit.)  Moi-même 
et  mes  fils,  laissant  là  les  douceurs  et  les  vaines  gloires  du 
monde,  nous  irons  bientôt  visiter  les  saints  lieux  et  les  dé- 
fendre. 

Henri  prit  eCTeclivement  la  croix  en  1 188,   et  il  rendit  à  ce     Gerv  p.  1522, 
sujet,  dans  une  assemblée  où  assistèrent  les  évêques  et  les  ba-  —  ^'^  p    ''^" 

'  ^  —    Spelm..    cou. 

rons,  une  ordonnance  qui  renferme  un  grand  nombre  de  dispo-  p  336   _  Tyr. 
sitions.  «•  1'.  p-  ■**3. 

On  y  soumet  tous  ceux  qui  ne  feront  pas  le  voyage  de  la 
Terre-Sainte,  ecclésiastiques  ou  laïcs,  à  payer  le  dixième  de 
leur  revenu  d'une  année,  et  de  tout  ce  qu'ils  posséderont  en 
or,  argent  et  autres  effets  mobiliers,  sauf  les  livres,  les  cha- 
pelles et  les  habits  des  clercs ,  les  chevaux,  les  armes  et  les 
habits  des  militaires,  les  pierres  précieuses  des  uns  et  des 
autres. 

Les  ecclésiastiques  et  les  militaires  qui  feront  ce  voyage  pren- 
dront la  dîme  sur  leurs  hommes  ou  vassaux,  et  ne  donneront  rien 
eux-mêmes. 

Les  bourgeois  qui  se  croiseraient  sans  permission  n'en  paieront 
pas  moins  la  dîme. 

Les  gros  juremens  et  les  jeux  de   hasard  sont  prohibés.    A 

compter  des  fêtes  de  Pâques,   il  ne  sera  plus  permis  d'avoir  à 

sa  table  au-delà  de  deux  mets  achetés ,    ni  de  faire  usage  de 

quelques  vêtemens  de  luxe  déterminés.   On  ne  pourra  mener, 

Tome  XIV.  Sss 


506  HENRI  II,  1101  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     dans  le  voyage,  aucune  femme,  si  on  en  excepte  des  lavandières 
à  pied,  hors  de  soupçon. 

Les  ecclésiastiques  ou  laïcs  qui  avant  de  prendre  la  croix 
auraient  engagé  leur  revenu,  ne  l'en  percevront  pas  moins 
en  entier,  pendant  celle  année  ;  et  pour  les  années  suivantes, 
le  créancier  en  jouira,  de  manière  cependant  que  le  revenu 
soit  imputé  sur  le  capital,  et  qu'il  n'y  ait  pas  d'intérêt  à  payer 
tant  que  durera  le  voyage  du  débiteur  à  la  Terre-Sainte. 
Tous  ceux  qui  partiront  pourront  engager  leur  revenu  , 
des  fêtes  de  Pâques  de  l'année  de  leur  départ  à  trois  ans  ; 
et  le  créancier,  quoiqu  il  arrive  du  débiteur,  touchera,  pen- 
dant ces  trois  ans,  en  entier,  le  revonu  engagé.  L'argent  de 
celui  qui  mourroit  pendant  le  voyage  sera  partagé  entre 
ses  serviteurs,  les  pauvres  et  le  secours  de  la  Terre-Sainte, 
d'après  une  répartition  faite  par  des  personnes  sages,  choisies 
pour  cela. 

Le  roi  nomma  ensuite  des  commissaires  pour  recueillir  la  dîme 

Ccrv.  p.  1529,  imposée.  Leurs  vexations  lurent  si  grandes,  qu'il  se  vit  obligé, 

l'année  suivante,  de  les  révoquer. 

Diceio,  p.       Henri  H   écrivit  aussi   à  l'empereur  Frédéric  et  à  quelques 

*"'■'''  •''  '"'"•  —  autres  princes,   pour   leur  demander  la  permission   de  passer 

'  sur  leurs  terres  en  allant  à  la  Terre-Sainte.    Ces  lettres  ont  été 

recueillies  dans  les  imagines  historiarum  de  Raoul  de  Diceto  et 

dans  la  vie  de  Frédéric  Barberousse  par  Radevic,   insérée  au 

premier  tome  de  la  collection  des  historiens  d'Allemagne  par 

Wrslisius.    Une  d'elles  est  adressée  à  Isaac  Lange,  empereur 

d'Orient,  et  l'autre  à  Bêla  III,  roi  de  Hongrie. 

Actes  et  lettres  relatifs  a%t.x  conquêtes  de  Henri  II,  et  à 
l'accroissement  de  ses  états. 


Henri  était,  par  la  cession  et  les  droits  de  Malhilde,  sa  mère, 
duc  de  Normandie.  Son  mariage  le  rendit  maître  des  états 
d'Éléonore,  qui  n'étaient  pas  seulement  la  Guienne  et  le  Poitou, 
mais  encore  le  Limousin,  le  Périgord,  la  Sainlonge,  le  pays 
d'Aunis,  le  Rouergue,  l'Auvergne.  Il  devint,  après  la  mort  de 
son  pore,  souverain  de  lAnjou,  du  Maine,  de  la  Touraine,  d'une 
partie  dujBerry.  Il  s'empara,  quelque  temps  après,  du  duché  de 
Bretagne.  Jamais  un  roi  d'Angleterre  n'avait  eu  au-delà  des  mers 

Puboui»),  ^^  pl"^  vastes  étals. 
Il,  p.  iT.;.  Nc'ustria,  piclone.i,   andix,    vtuconia,   sanlo. 


\,.  il\)  cl  480. 


HENRI  H,  ROI   D'ANGLETERRE.  507 

Armortci,  hifures,  alvernicus,  Atiglia  lola,  XII  SIECLE. 

MiiUi  prœlercà  populi  quos  enquore  lato  "  ~ 

Cireuil    Oceanns  cnm  regibus  atqiie  lyrannis 
Subjiciebanlur,  illi  servir e  coacfi, 

dit   Guillaumo-le-  Breton,   poète  contemporain ,   vers  la  fin  du 
troisième  livre  de  sa  Phillippido. 

Nous  venons  de  dire  que  l'Anjou  et   les  autres  parties  des 
états   du  comte   Gcofroi  passèrent   après   sa  mort  à  Henri  II  , 
son  fils  aîné.  Beaucoup  d'historiens  assurent  que  Geofroi   n'en 
avait  pourtant  pas  disposé  ainsi     Ils  citent  ou   rapportent   un 
testament   de  ce  prince ,   dans  lequel  il  déclarait  que   Henri      cuii  Je  Nh'I'- 
devant,    par  l'effet  de  ses  droits  maternels,    posséder  la  Nor-  l!'^^"  '.''  '^    '',"  ,~ 
mandie   et  lAnglelerre,  il  voulait  que  le  second   de  ses  fils  ,  _    iiemingfurd, 
nommé  Geofroi   aussi,  recueillît  alors  les  états  qui  formeront  i'  *^''^.  —   ^'f 
l'héritage  paternel  ;  il  exigeait  même  des  seigneurs  et  des  évê-  ^' Liuiei't.  i,  p. 
ques  présens,  le  serment  de  ne  pas  lais.ser  inhumer  son   corps  ^'6. 
avant  que  Henri  eût  juré  de  se  soumettre  à  sa  volonté.  Celui-ci 
hésita  long-temps.  Néanmoins,  comme,  par  l'effet  de  son  hési- 
tation, le  corps  de  Geofroi  se  trouvait  privé   de  sépulture,  il 
céda  aux  instances  générales,  et  prêta  le  serment  exigé.  Hume  , 
d'après  l'autorité  du  moine  de  Marmoutiers,  rejette  cette   nar-     t.  i,  p.  403. 
ration,  sans  motifs  suflisans  peut-être.  Bromton  y  croit,  et  la      p.  lOts. 
répète,  ainsi  que  Guillaume  de  Newbridge    Ilcmingford  l'a  co-      ^"-  ";  '^-  ^• 
piée  dans  ces  deux  écrivains.  Rapin  Thoyras  la  rapporte  toute     t.  ii,  p.  178. 
entière,  et  Litllcton  la  rapporte  aussi,   dans  son  histoire  de  la       ^'  '•  p  ^"'; 
vie   de  Henri  II  et  du  temps,  où  il  vécut.  Rvmer   avait  eu  la  ^'    ' ''„  '''' 

,  .    .  1.  X,  p.  10. 

même  opinion. 

Devenu   roi  d'Angleterre,    Henri     ne    voulut  pas    renoncer  Bromt.  p.   io4«. 
aux   états  laissés  il  son   frère   Geofroi.  H   ne  crut    pas  qu'un  -A'f- »"    '""J. 

1  1  -        •    .      ,  ,  S-  3.    —    Liitict. 

serment  aussi  peu  volontaire  détruisit  les  droits  qu'il  avait  i.  n,  p.  i-jg. 
comme  aîné  et  successeur  naturel.  Il  s'adressa  au  pape,  qui 
le  releva  de  son  serment.  En  implorant  ainsi  l'autorité  du 
pontife  romain  sur  des  actes  qui  transmettaient  des  états  , 
Henri  se  présentait  de  lui-môme  à  ces  liens  dont  la  cour  de 
Rome  enveloppait  tous  les  rois,  et  qui  se  serrèrent  ensuite 
si  fortement  pour  lui,  malgré  tous  les  efforts  qu'il  fit  pour  les 
briser. 

Un  Anglais,  Adrien  IV,  était  alors  assis  sur  la  chaire  de 
saint  Pierre.  Henri  avait  été  un  des  premiers  à  le  féliciter 
sur  son  avènement  au  pontificat.  La  lettre  qu'il  lui  écrivit  à 
cette  occasion  nous  est  parvenue.  Après  avoir  dit  au  pape 
combien   l'église    romaine  est   heureuse    de    son  élection ,   le 

Sss2 


508  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

xu  SIECLE.  pQi  ajoute  que  cette  élection  est  principalement  un  sujet  de 
joie  pour  l'Angleterre,  puisque,  par  un  eifel  de  la  protection 
divine,  l'occident  a  rendu  toul-à-coup  au  monde  chrétien  ce 
soleil  qui  venait  de  disparaître  vers  l'orient,  puisque  Dieu 
a  choisi  dans  cette  contrée  même  ce  bois  vivant  qui  devait 
être  planté  au  milieu  de  son  paradis.  Il  l'invite  à  nommer 
des  cardinaux  dignes  de  l'aider  à  porter  le  fardeau  de  la 
papauté  ,  s'occupant  moins  du  pays  oii  ils  seront  nés ,  de 
l'illustration  de  leur  naissance  ,  du  crédit  qu'ils  pourront 
avoir,  que  de  leur  incorruptibilité,  leur  crainte  de  Dieu,  leur 
amour  ardent  de  la  justice.  Il  lui  demande  la  même  sollici- 
tude à  l'égard  des  autres  ministres  de  l'église,  pour  que  les 
bénéfices  soient  accordés  à  ceux  qui  les  méritent,  et  que  le 
patrimoine  de  Jésus-Christ  ne  soit  pas  livré  à  des  personnes 
indignes  de  le  posséder.  H  exprime  le  vœu  que  le  pape  n'ou- 
blie rien  pour  assurer  la  délivrance  de  cette  terre  consacrée 
par  le  sang  du  rédempteur  du  monde,  souillée  maintenant 
«  par  la  présence  des  infidèles  et  tant  d'abominations.  Nous 
sommes  pleins  de  confiance  dans  le  Soigneur,  dit  le  roi  en 
finissant ,  qu'élevé  au  faîte  des  dignités  ecclésiastiques,  vous 
chercherez  à  répandre  la  lumière  sur  toutes  les  églises  qui 
vous  sont  soumises,  et  que  la  terre  qui  se  félicite  aujourd'hui  de 
vous  avoir  donné  la  naissance,  pourra  se  féliciter  à  jamais  de 
votre  sainteté.  » 

Cette  lettre  est  imprimée  toute  entière  parmi  les  épîlres  de 
Pierre  de  Blois  ;  elle  est  la  cent  soixante-huitième  de  la  col- 
lection qui  en  a  été  publiée  par  Gussanville,  en  1667,  in- 
folio. Elle  y  a  pour  litre  :  Ad  N.  pontificem  romanum ,  et 
pour  sommaire  :  Rex  quidam  sibi  totique  occidenti  gratu- 
latur  quod  N.  ex  ipsius  terra  ad  summum  pontifîcatum  per- 
veneril,  eumque  hortatur  ut  dignos  tantum  ad  dignitates 
I'.  Gtti.  ecclesiasticas  promoveat.  Busée,  dans  ses  observations  sur 
Pierre  de  Blois,  soupçonne  que  celte  Icllrc  fut  adressée  par 
Henri  II  à  Adrien  IV,  Anglais  de  nation,  et  élevé  à  la  pa- 
pauté peu  de  temps  après  l'avènement  de  ce  monarque  au 
trône.  Gussanville  n'en  dit  rien  dans  ses  noies.  Baronius  , 
^  '''*'■  "■  sur  l'an  1154,  aflirmc  l'idenlilé  ;  le  P.  Pagi  l'a  entendu  de 
.  ,,,,  /  même.  Alford,  dans  ses  annales  de  l'église  d'Angleterre,  n'ose 
le  faire  aussi,  cl  rapporte  cependant  les  raisons  de  croire 
et  les  raisons  de  douter  ,  que  Buscc  avait  déjà  oDfertes.  Il  est 
certain  que  Pierre  de  Blois  était,  quelques  années  après,  en 
Sicile,    chargé   de  l'éducation  du  jeune  roi  Guillaume    II,   el 


HENRI  II,   ROI  D'ANGLETERRE.  509 

qu'il  ne  revint  en  Angleterre  qu'en  1 1 60  ;  mais  ne  pouvait-il     xii  siècle. 
pas  avoir   été  attaché   au  roi  d'Angleterre  avant  de  devenir 
le  précepteur  de  Guillaume  ?  Quant  au  style,  je  ne   vois  pas 
qu'il  soit  bien  différent  du  style  ordinaire  de  Pierre  de  Blois, 
et  il  n'y  a  encore  là  aucun   motif   de   méconnaître    un  objet 
aussi  clairement  exprimé    que   l'objet   de    cette    épître  ;   elle 
s'adresse   nécessairement   à    un  pape,   à   un    pape  contempo- 
rain, à  un  pape  né  loin  de  Rome  et  de  lllalie  ;  caractères  qui 
s'appliquent  tous  à  Adrien,  et  ne  s'appliquent  qu'à  lui.  L'au- 
teur de  l'article  consacré  à  ce  pontife   dans  notre   histoire  lit-  t.  xiii,  p.  288. 
léraire,  M.  Daunou,  n'élève  aucun  doute  à  cet  égard.  Fleury, 
dans  son  histoire    ecclésiastique,    partageait    tellement    cette       t.  xv,  |>.  6. 
opinion,  qu'il  dit  de  Pierre  de  Blois  abandonnant  la  Sicile  et  '•  •''"'•^• 
revenant  en  Angleterre  :  «  H  y  revint  auprès  du  roi,  son  ancien 
maître  » . 

Ce    fut  au  môme  pape  Adrien  que  Henri  s'adressa  dès  la 
première    année  de   son   règne    pour  réaliser   le  projet  qu'il 
avait  formé  d'unir  l'Irlande  à  son  royaume  d'Angleterre.    Le     pj^^^,  ^   ^v 
roi  crut  avoir  besoin  de   demander   cette  île  au   pape,  et  le  p.  29.    ' 
pape  crut  avoir  le  droit  de  la  lui  accorder.  Jean  de  Sarisbérv  .       j 

„  ,  ,        ,.  ,  ...  •'  Voir    Cl  dcss. 

fut  charge,   dit-on,   de  cette  négociation     Dans  le  bref  où  le  p.  9^. 

pontife  la   donne,    il  loue  d'abord   Henri   de  vouloir  étendre 

les  bornes  de  l'église,   faire  connaître  la  vérité  à  des  peuples 

ignorans  et  grossiers,  extirper  du  champ  du  Seigneur  des  pé-  .      '^'""''  •'• 

pinières   de    vices,   vitiorum  plantaria.   Après    avoir   ensuite  an.  1159,  s^Ti 

déclarés    incontestables    les   droits    de    l'église    romaine    sur  ti  22  -Aif.  an 

toutes  les  îles  pour  qui  luit  le  soleil  de  justice,  et  qui  ont  été  ^'^'''  "    ^'   ~ 

.       .       •.  1  1  1     •    ,•       •  1  ,,  Act.  Conc.   t.  VI, 

instruites   dans  le    christianisme,    il   approuve    avec   dautant  p.  1334.  _  du- 
plus  de  plaisir  la  pieuse  demande  du  roi,  que  l'Irlande  sera  l'miiaj,  t.  11,   p. 
purifiée  des   vices   qui   l'obsèdent,   et  que  Henri   promet  d'y  "'^   ~  Hymci, 
conserver  dans  toute  leur  intégrité  les  droits  des  églises,  et  s,icimann,     an. 
d'y  payer   au   Sainl-Siége  le   tribut  annuel   d'un    denier   par  "^^-  —  Spicii. 
maison.    Nous  n'observerons  pas  que   cette   Irlande,    dont   le   ^  p^^'  ''  ' '' 
pape  autorisait  le  roi  d'Angleterre  à  s'emparer  pour  y  plan- 
ter la  foi,  était  devenue   chrétienne  depuis   plusieurs  siècles, 
et  que  saint  Patrice  y  avait  porté  sept  à  huit  cents  ans  aupara- 
vant   la   religion   de    Jésus-Christ.    Nous  ne    ferons   pas   plus 
d'observations  sur  le  droit  que  s'arrogèrent  les   papes  de  dis- 
poser des  îles,  que  sur  le  fait  particulier  du  christianisme  de 
l'Irlande.   Nous  nous  contenterons  de  rappeler  ici  quel  fut  le 
prétexte  de  l'invasion,  et  la  reconnaissance  que  Henri  sembla 
faire  d'un  droit  qu'il  ne  pouvait  croire  réel  et  légitime,  re- 


510  HENRI  11,  ROI  D  ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  connaissance  que  le  pape  ne  manque  pas  de  signaler  dans 
'  le  bref  sur  ce  pays,  Quod  tua  etiam  nolnlitas  recognoscit. 
Du  reste,  il  est  échappé  encore  au  traducteur  de  l'histoire 
abrégée  d'Angleterre  par  Littleton,  une  erreur  que  son  au- 
teur n'avait  pas  commise;  il  lui  fait  dire  que  Henri  s'étant 
purgé  par  serment  du  meurtre  de  Becket,  et  ayant  fait  vœu 
d'aller  pieds  nus  sur  son  tombeau  et  d'y  recevoir  la  disci- 
pline, le  pape  Adrien,  satisfait  de  ces  soumissions,  lui  ac- 
corda, par  une  bulle,  le  royaume  d'Irlande.  La  conquête  de 
ce  royaume  est  de  1171  ;  le  voyage  du  roi  au  tombeau  de 
Becket,  de  1173;  et  il  y  avait  alors  qualorze  ans  cpi'Adrien 
était  mort,    et  dix-neuf  ans   que  la  bulle  sur   l'Irlande  avait 

Ci-dcs-!.  p.  !)i.  été  publiée.   Le  pape,  en  l'envoyant  i\  Henri  II,    y   avait  joint 

-  Liiii.   1.  III,  yjj  anneau  d'or,   signe  de  l'investiture   (lu'il  faisait  du  pays  au 

p.  47.  '        o  i  r    j 

roi. 

Bromi    p.       Rymer  et  Bromton  ont  encore  recueilli  un  traité  fait,  quelques 

1106.  —  Kjm.  t.  années  après,  entre  Henri  H  et  le  roi  de  Conawght,  le  plus  puis- 
I,    p.  13  Cl   u.  ,     '     .  ,       ,  ,     ,     •.  .      '      I      1       •      .  1 

sant  des  prmces  entre  lesquels  était  partagée  la  dommation  de 

l'Irlande.  Le  roi  de  Conawght,   Rodéric  0'  Conor,   s'y  soumet 

à  rendre  hommage  au  roi   d'Angleterre  qui,  au  prix  de  cette 

vassalité,  et  des  obligations  (ju'elle  impose,  lui  laisse  ses  états. 

Parmi  ces  obligations,  on   peut   remarquer  la   redevance  d'une 

peau  d'animal,  de  bon  débit,  sur  dix  animaux  qui  seront  tués 

dans   le  royaume,    et   un  service  de  chiens  et  d'oiseaux  qui 

sera  dû  au   roi  d'Angleterre    par    des    personnes    désignées. 

Les  terres   possédées    par    Henri,    ou  données  par  lui,    sont 

itciioii  lie  Pc-  déclarées  e.xemptes  de  la  redevance  prescrite.  Ces  dons  avaient 

icri).  ri    >in'<"'_    ^^»  nombfeux  de  la  part  du  roi;   ils  n'avaient  pas  été  moins 

sur     I  an      117/.  '  ' 

-  Spcim.  loii.  considérables  ;  des  terres,  des  villes,  des  provinces  même,  furent 
p.  332.  -  Liui.  distribuées   à  des  seigneurs  anglais,   sous    la    suzeraineté   du 

t.  m.  p.    308  cl        • 

.  roi. 

SUIV. 

Le  séjour  que  Henri  H  ût   en  Irlande,   après  la   conquête, 
fut   marqué  par    de  nouvelles  lois,    ou  par    des   changemcns 
faits  à  celles  qui  existaient,   tant  en  elles-mêmes,   que   pour 
Dromt.  p.  la   manière  dont  elles  étaient  ob.servées  ou  exécutées.    Ainsi, 
p  !J28.^LiMici.  "J^"^  ""'^  assemblée   générale  oîi  avaient    été  convoqués    les 
i.  III,  p.  8!t  cl  évoques  et  d'autres  personnes  distinguées  du  clergé,    on  s'oc- 
""■  cupa  du  mariage,  des  mariages  illicites  et  incestueux   en  par- 

ticulier, de  la  manière  de  faire  son  testament  et  de  la  trans- 
mission de  ses  biens,  du  baptême  des  enfans,  de  la  sépulture 
des  morts,  du  paiement  des  dîmes,  des  exemptions  ecclé- 
siastiques, de   la   poursuite   et  de  la  peine    de   l'homicide,   et 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  511  ': 

do  plusieurs  aulres  objets  d'une  haute  importance.  Le  roi  crut     xii  siècle. 
devoir  encore  soumettre  ces  résolutions  au  pape.  11  alla  môme,      "^^     p-    sut; 
en  H77,  jusqu'à  demander  la  permission  du  pontife  romain,        «1-7 T   .,9 
quand  il  céda  I  Irlande  à  un  de  ses  fds,  Jean,  connu  depuis  sous 
le  nom  de  Jean  Sans-Terre ,  et  en  1 1 83,  la  permission  de  le  faire 
couronner, 

L'Irlande  ne  fui  pas  la  seule  conquête  d'Henri  II  ;  mais  les 
autres  n'ayant   donné  lieu  à   aucune  correspondance ,  à  au- 
cune loi ,    que  le  temps  du   moins  nous  ait   conservées ,   elles 
ne    peuvent  appartenir   à  notre   sujet.    Les    plus   mémorables 
sont  celles  de  l'Ecosse  et  du  pays  de  Galles.   On  peut  voir, 
pour   ces   dernières,    les  Chroniques  de  Bromton  et  de  Gcr-      P-  'Oi7,  loiii, 
vais  ,  les  chapitres  0  et  suivans  du  second  livre  de  Guillaume  ijij^  '       ^  *  ' 
de  Newbridge  ,  les  Annales  de  l'église  anglicane  ,  par  Alford , 
et  presque  tous  les  historiens.  Le   roi  d'Ecosse,  par  un  traité        Diceio  ,   p. 
de  l'année  1150,  se  reconnut  le  vassal  du  roi  d'Angleterre,  ''^*„,r  î"'"'^''- 

1    •         A       ,  .     ,  -,  ,  ,  •  '    p.  4!)!  -  Broml. 

lui  prêta  nommage,  et  se  soumit  a  un  tribut  dont  le  paiement  p.  iioi.  —  Litii. 
devint  même ,  dans  la  suite,  une  occasion  de  querelle  entre  '  "•  P-  8--  — 
les  deux  états.  Par  un  traité  postérieur  de  treize  ans,  Guillaume  !;""^'\.''  ''  l' 

...  '  .  13;  t.   X,  p.  13. 

le-Lion ,   qui   avait  succédé  à  Macolm  sur  le   trône  d'Ecosse,  _  Aifmd  ,    an. 
qui  avait  d'abord  lutté   avec    Henri,    qui    était  devenu    son  'p^  -  5-  '!•  «i 
prisonnier,   qui  s'était  obligé  pendant  la  guerre  même  à  payer  T  ,'^""[  ^^j,,  ! 
une   rançon   de    cent    mille    livres   sterling    pour    obtenir  sa  an  1175,  5.  18 
liberté ,  et   à   restituer  tout  ce  que  les  hasards  de  la  guerre  '''  ^""" 
avaient  mis  dans  ses  mains,   Guillaume  se  reconnut  pareille- 
ment l'homme-lige  du  roi  d'Angleterre,   lui  fit  hommage  de 
son   royaume,  soumit    tous    ses   barons    au    même   hommage 
pour  leurs  possessions,  y  soumit  les  évêques  et  tout  le  clergé, 
reconnut  à  l'église  d'Angleterre  quelque  suprématie  et  quel- 
ques droits  sur  l'église  d'Ecosse ,   promit  de  n'accorder  asylo 
dans  ses  états  à  aucun  Anglais  fugitif  pour  cause  de  félonie, 
donna  cinq   châteaux    en  garantie    de   l'exécution  du  traité, 
son  frère  et  plusieurs  seigneurs  en  otages.  Thierry,  comte  de 
Flandre,  et  son  fils,  avaient  fait,  en  1163,  un  pacte  assez  long 
avec  Henri  II  et  son  fils   aîné  ,    pacte  qu'on  peut  lire  en  entier 
dans  le  premier  volume  de  la  collection  de  Rymer,  et  qui  y     i>.  s  ei  it. 
est  suivi  de  la  reconnaissance  faite  par  les  barons  et  châtelains, 
du  service  qu'ils  doivent  au  roi  pour  les  fiefs  qu'ils  tiennent  de 
lui. 

L'histoire    nous    otî're    quelques   autres    actes    publics    du 
règne  de  Henri  H,  qui  se  rapportent  également  à  l'agrandis-  i,"^^ ,''  ,''  ■'" 

11.  p.  9U. 


512  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     sèment  de  ses  états.   L'un   de  ces  actes  est  une   convention 
faite  entre  le  roi  d'Angleterre  et  Conan  IV  ou  le  Petit,  duc 
de  Bretagne.  Les  Nantais  ayant   choisi  pour  leur  souverain , 
Geofroi,  frère  de  Henri,  quand  ce  dernier  eut  réclamé  et  pris 
le  comté    d'Anjou    que  leur  père    avait  laissé  à  Geofroi,  et 
celui-ci  étant    mort   peu  de    temps   après,    Conan   se  mit  en 
possession  du  comté  de  Nantes.  Henri  marcha,    les  armes  à 
la  main  pour  reprendre  un  pays  auquel  il  prétendait,   comme 
héritier  naturel  de  son  frère.   Le  duc  de  Bretagne  fut  vaincu, 
obligé  de  céder  le  comté  de  Nantes  ,  et  de  promettre  en  ma- 
riage sa   fille  unique  à  Geofroi,  troisième  fils  du  roi,  encore 
Brnmt.    wv>\-  auberceau.    Par  un  traité  antérieur,   il  s'était  allié,  en  1158, 
au  roi   d'Aragon  et  au  comte  de   Barcelone,  pour  pouvoir  plus 
aisément  s'emparer  de  Toulouse ,  à  laquelle  il   se  croyait  des 
droits,   par  sa    femme ,    comme  héritière    de   la    maison    de 
Poitiers;   mais  Louis  VII    le    prévint,   défendit    Toulouse,   et 
Bromi.  |).   iir>c.  força  le  roi  d'Angleterre  à  y  renoncer.  Dix-neuf  ans  après,   en 
~  islr-'^'AÎl'.  ^'^'^'^'   '1  acquit  par  un  traité  avec   Aldebert  V,   comte  do  la 
an.   iibi),  V  17  Marche,  ce  pays  même  qui  se  trouvait  placé  entre  plusieurs 
«"  ^8.  —_''"'•  provinces  dont    il    était  le  souverain,    il   l'acquit   moyennant 
■''■''    '       quinze   mille    livres  ,   vingt  palefrois  ou  chevaux  ,   et  vingt 
mulets.  Ces  quinze  raille  livres,   monnaie  d'Anjou  ,  s'élevaient 
à  peine  à  deux  cent  soixante-dix   mille  francs  de  notre  mon- 
naie   actuelle.     Le  texte   de    Bromton ,    porte    même   quinze 
livres  ,    au   lieu  de  quinze  mille  ,    co  qui  est  une  faute  assez 
évidente. 

Henri  II  refusa  cependant  en  1 184,  une  royauté  de  plus  qu'on 
lui  offrait,  celle  de  Jérusalem.  Mathieu  Paris  l'assure  du  moins. 
Je  ne  trouve  ce  fait  dans  aucun  autre  historien. 


V.  Roger  de  iio-  Actes    et    Lettres    concernant   la    rébellion    des   enfants  de 
Tcdcn,  j).  628.  Henri  II  envers  lui. 


Henri  II  avait  fait  couronner  roi ,  en  1170,  Henri  son  fils 
aîné,  que  plusieurs  écrivains,  et  Pierre  de  Blois  ,  en  parti- 
K52.  —  Bromi,  p.  culior,  désignent  toujours  sous  le  nom  de  Henri  III,  quoiqu'il 
KHîO.  —  Gcrv.  n'git  jamais  régné ,  qu'il  soit  mort  avant  son  père ,  et  qu'un 
autre  prince  du  même  nom  ait  été  désigné  ainsi  dans  le 
siècle  suivant.  Guillaume  de  Neubridge  le  lui  reproche 
(liv.   Il,  chap.  27),  comme  une  action   inconsidérée,   insensée 


Diceto  ,      p. 
2. - 
CO. 
ji.  U12 


HENRI   II,    ROI    D'ANGLETERRE  r,l3 

même  :  inconsulte,  imo  stulle  egit,  py^eemature  creando  sihi  Xil  sieci.e._ 
successorem,  minus  attendens ,  ajoule-t-il ,  quod  novarum 
rerum  occupatores  regem  proclivius  sequerentur  juniorem. 
Il  était  facile  de  prévoir  ce  que  ferait  le  jeune  prince,  quand 
on  l'entendit  répondre  à  l'arcliev^'quc  d'York,  qui  le  félicitait 
sur  ce  que  son  père  avait  voulu  le  servir  lui-même  le  jour 
de  son  couronnement  :  «  Est-il  donc  si  extraordinaire  que 
mon  père  me  serve?  il  n'est  fils  que  d'un  comte  ;  je  le  suis  d'un 
roi.  » 

Deux  des  autres  fils  du  monarque  s'unirent  à   leur   frère 
aîné  contre  leur  père,  lis  prirent  tous  pour  prétexte  de  leur 
soulèvement  les  dons  que  Henri  II  venait  de  faire  à  Jean,  son      ^-  Aifor.i,  an. 
quatrième   fils,  en  le  fiançant,  car  le  mariage  ne  s'accomplit  ^  .^'g^  „    ^j 
pas,  avec  Adélaïde,  fille  de  Humbcrl  III,  dit  le  Saint,  comte 
de  Maurienne.  Le   roi   d'Ecosse  (c'était  alors   Guillaume,    dit 
le  Lion),   le  comte   de   Flandre  (Philippe   d'Alsace),   le  comte 
de   Champagne   (Henri    le    Libérai),    le    comte    de    Boulogne 
(Matthieu   d'Alsace,   frère  du  comte  de  Flandre),  favorisaient 
la  rébellion  des  enfans  de  Henri.  Attaqué  de  toutes  parts,  cl 
par  tant  d'ennemis  à-la-fois,   il   triompha  de   tous.   Mais  ces 
succès  ne   pouvaient  affaiblir   la   profonde  douleur  qu'il  res- 
sentait, comme  père,  de  la  révolte  de  ses  trois  fils.  C'est  sous 
l'accablement  de  cette  douleur,  qu'il  écrit  au  pape  Alexandre        P-  Je  Bioi», 
pour  le  consulter  :  le  bonheur  dont  il  a  long-temps  joui  ne  '^'''  l'!~~,  l'i' 
la  rend  que  plus  amère  ;  et  ce  que  je  ne  puis  dire  sans  verser  _  uach.'  SpiciL 
des  larmes,   ajoute  le  roi,  c'est  envers  mon  propre  sang,  mes  '  '"'  p-  '"**  — 
entrailles,  que   je  suis  contraint  d'éprouver   une  haine  mor-  „ "4.00"—  Rym! 
telle.  Je  me  vois  forcé  de  choisir  mes  successeurs  parmi  des  t.  1,  p  12 
étrangers.    Mes    amis,    mes    serviteurs    m'abandonnent    eux- 
mêmes  pour  s'unir  à  ceux  qui  conspirent  ;  ils  aiment  mieux 
servir  des  fils  fngrats,  que  d'exercer   auprès  de   moi  d'émi- 
nentes  dignités.  Je  me  jette  à  vos  pieds  ;  éclairez-moi  de  vos 
conseils.   L'Angleterre  est  de  votre  juridiction  ;  je  suis  votre 
feudataire;  c'est  de  vous  seul  que  je  relève:  à  ce  titre,  puisque 
les  pontifes  romains  ne  font  pas  usage  d'armes  matérielles, 
défendez  par  le  glaive  spirituel  le  patrimoine  de  saint  Pierre.        Maih.  Pari», 
Je   pourrais  repousser  par  la  force  l'injure  que  me  font  des  P  j"^^^'  "^gg'^'l!. 
enfans  rebelles  ;  mais   l'affection    paternelle  l'emporte    encore  Hume,   t  11,  p. 
dans  mon  cœur  sur  les  sentimens  que  m'inspire  leur  conduite.  ^'^- -  Tyrrell, 

n  '      .     1      r  u-  .    /->  .  1  ,         l-  II,  p.  357. 

vjue  ne  peuvent-ils  I  abjurer  !  Que  votre  sagesse  les  ramené 
à  moi  ;  ils  retrouveront  le  cœur  d'un  père  ;  je  vous  promets  de 
leur  tout  pardonner. 

Tome  XIV.  Ttt 


;,I4  flENRriI  ,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE.  i^a  lettre  de  Henri  II  est  attribuée  à  Pierre  de  Blois.    Les 

'  ~    principes  qu'elle  renferme,    sous  le  rapport  du  Saint-Siège  et 

de  la  vassalité  de  l'Angleterre,  étaient  assez  peu  conformes 
à  ceux  que  le  roi  avait  long-temps  professés,  quoiqu'ils  fussent 
alors  très-communs  parmi  les  princes  catholiques  :  aussi 
T.  III,  p.  119.  Littleton  croit-il  raisonnable  de  sup[)0scr  que  la  lettre  fut 
envoyée  par  Pierre  de  Blois,  sans  avoir  été  montrée  au 
monarque  qui  l'avait  chargé  de  l'écrire.  Celle  supposition 
n'est  pas  plus  vraisemblable  .  et  tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est 
que  Henri,  frappé  dans  les  endroits  les  plus  sensibles  de  son 
coeur,  ût  tout  céder  au  désir  d'obtenir  une  paix,  qui  était 
celle  de  sa  famille  en  même  temps  que  celle  de  l'empire,  et 
que  l'espérance  de  l'acquérir  par  l'intercession  du  pape  fit 
taire  ses  droits  et  sa  fierté  devant  sa  tendresse  paternelle. 
Henri  avait  également  envoyé  des  ambassadeurs  à  Louis-le- 
Jeune,  pour  lui  demander  aussi  d'être  le  médiateur  entre  le 
père  et  les  enfans;  et  ce  qui  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur 
les  sentimens  dont  il  était  animé,  c'est  que,  dans  cette  mal- 
heureuse lutte,  il  ne  cessa  de  remporter  d'éclatantes  victoires, 
quoique  plusieurs  princes  se  fussent  armés  en  faveur  de  ses 
enfans  Ainsi,  c'était  le  roi  victorieux,  le  père  outragé,  qui 
offrait  la  paix,  qui  la  sollicitait,  ([ui  sacrifiait  tout  à  l'espé- 
rance de  ramener  à  lui  des  vaincus  si  coupables  comme  fils 
et  comme  sujets.  Croirait-on  qu'après  une  conduite  si  tendre 
et  si  généreuse,  Henri  vil  ses  enfans  se  soulever  encore 
contre  lui,  (ju  il  eut  encore  besoin  de  les  vaincre  et  de  leur 
pardonner  ! 

Celte  paix  si    désirée  par   Henri,    malgré    les   torts  de  ses 

enfans,  cette  paix  c^u  ils  avaient  d  abord  refusée,  et  que  Henri 

ne  leur  en  offrait  pas  moins  à  chacjue  victoire  (ju  il  remportait, 

avait  eu   lieu,  pour   la  première   fois,    bientôt  après   la    lettre 

au  pape;  la  lettre  doit  avoir  été  écrite  vers  la  fin  de  1173,  et 

le  traité  de  paix  est  du  30  se|)t()mbre  1174.  Par  ce  traité,  les 

-  iioo""-  Mo    enfans  rebelles  .se  déclarent  mutuellement  libres  des  sermens 

Tcii.   |..  5i<).  —  (puis  avaient    |)U  faire;  ils  en  déchargent  toutes  les  personnes 

Uiceto.  p.    585.  ^^^^j  ^^  j|j.^,||^   ^^^^^  ^.^1^^     recounais.senl    le  roi  pour   leur  sei- 

p.  12;  i.  X.  p.  gneur,  lui  renouvellent  hommage  et  fidélité;  les  terres  et 
U.  -  Aif.  »fi.  forteresses  seront  rendues  à  ceux  (|ui  les  possédaient  avant 
zo^'J'  LUii"?  '»  guerre.  Une  amnistie  générale  est  accordée  par  Henri  H  ; 
I.  III,  p.  1(17  et  lo  roi  Henri,  son  fils,  l'accorde  également  à  tous  ceux  à  qui 
suiv.  -  Tyrrell,  ^.||g  ^^^  ^j^g  néccssaire.  Henri  11  |)romel  à  ce  prince  deux 
391.'  ''    ^     '    châteaux  forts  en  Normandie,   el   quinze  mille  livres  de  re- 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  515 

venus,  monnaie  d'Anjou  ;  il  fait  d  autres  dons  à  Richard  et  à  x»  siècle. 
Geofroi,  deux  autres  de  ses  enfans  :  le  jeune  roi  Henri  promet 
de  reconnaître  et  de  respecter  quelques  dons  aussi  faits  par 
son  père.  Les  prisonniers  seront  rendus  de  part  et  d'autre  ; 
subsisteront  néanmoins  les  conventions  qui  avaient  été  faites 
avant  le  présent  acte,  pour  la  rançon  d'une  liberté  demandée 
et  obtenue.  Richard  et  Geofroi  prêtent  hommage  à  Henri  II, 
qui  en  dispense  son  fils  aîné,  attendu  que  ce  fils  était  déjà 
roi.  Ce  traité  fut  conclu  à  Falaise  ;  un  grand  nombre  de  sei- 
gneurs et  d'évôques  le  signèrent,  comme  témoins.  On  y  joignit, 
comme  un  nouveau  témoignage  de  réconciliation,  la  conclusion 
d'un  mariage  entre  le  prince  Ricliard  et  Alix,  fille  de  Louis-le- 
Jeune 

Louis-le-Jeune  avait  eu  le  maiiieur  de  protéger  long-temps  la 
révolte  des  trois  fils  contre  leur  père,  comme,  plus  ancienne- 
ment il  s'était  montré  le  protecteur  constant  de  ce  prélat  fou- 
gueux, opiniâtre  ennemi  des  droits  des  peuples  et  de  l'autorité 
des  rois.  Mais  la  révolte  avait  surtout  été  excitée  par  Eléonore  dimio,  p, 

d'Aquitaine  elle-même,  que  sa  haine  entraîna  dans  le  crime,  et  ^     ^  ij°„'  j" 
qui  ne  rougit  pas  d'y  précipiter  ses  enfans,  de  les  y  animer  du  Peterb.  sur  fan 
moins,  et  de  trahir  ainsi  tout-à-la- fois  les  obligations  les  plus  "'''■ 
fortes  et  les  plus  sacrées  que  puissent  inspirer   la  société  et 
la  nature. 

Une  lettre  de  Pierre  de  Blois  est  relative  à  la  défection  des    Ep.  69,  p.  loi. 
peuples  d'Anjou,  qui  avaient  abandonne  Henri  pour  se  ranger 
sous  les  drapeaux  de  ses  enfans.  Deux  autres  du  même  écri-     P.  'Ji  ci  m. 
vain,  sous   le  nom,   l'une  de   Rotrou,  archevêque  de   Rouen, 
l'autre   de  Richard  ,  archevêque  de  Cantorbéry  ,   ont   toutes 
deux  pour  objet  de   détourner  ces   princes  de  leur  révolte. 
Une   autre  encore  est  adressée  à  Eléonore,  et  lui  demande  de  Ep.  vm,  p.  240. 
les  ramener  à  l'obéissance  et  au  respect  dus  à  leur  père.  Les 
deux  traités  entre  le  monarque  et  ses  enfans,  et  les  principales 
dispositions   que   nous    venons    d'exprimer,   sont     mentionnés 
pareillement  dans    une  lettre    de    Henri   H  à    ses  fidèles,   du      Diceio,  p.  U82. 
mois  d'octobre  1174.   On  y  retrouve  le  don  des  quinze  mille 
livres  angevines  de    revenu,  et  de  deux  châteaux  en    Nor- 
mandie   pour    l'aîné   de   ses    fils;   l'assignation   d'un   revenu 
pour  Geofroi  et  pour  Richard,  et  pour  celui-ci,    de   plus,   le 
don   aussi  de   deux  châteaux,  la  restitution   des  terres   con- 
fisquées   sur    ceux  qui    l'avaient   abandonné   pour  suivre  ses 
enfans,    la    réserve    de    l'accomplissement    des    conventions 
antérieures,  et  à  cela  près,   le  retour  des  choses  dans  l'étal 

Ttt3 


516  HENRI    II,    ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE  où  elles  étaient  avant  la  guerre  qui  avait  éclaté  entre  le  père  et 
les  enfans. 

Diccio,  p.  t:86.  Dans  une  autre  lettre  à  ses  fidèles,  Henri  leur  annonce  que 
son  fils  est  venu  le  voir,  qu'il  s'est  jeté  à  ses  pieds  en  pleurant, 
qu'il  l'a  prié  de  lui  pardonner  tout  ce  qu'il  avait  fait  avant  la 
guerre,  pendant  la  guerre,  depuis  la  guerre.  11  m'a  prié  encore, 
ajoute  le  monarque,  de  recevoir,  comme  son  seigneur  et  son 
père,  son  hommage  et  sa  foi,  déclarant  qu'il  ne  se  croirait 
jamais  entièrement  réconcilié  si  je  ne  faisais  pour  lui  ce  que 
j'avais  fait  pour  ses  frères.  Ma  tendresse  et  la  persuasion  oiijesuis 
de  ses  regrets  et  de  son  repentir  ont  fait  tomber  mon  courroux, 
et  je  lui  ai  rouvert  mon  cœur,  sous  le  serment  de  mètre  fidèle 
contre  tous,  de  déférer  à  mes  conseils,  de  ne  jamais  faire 
aucun  mal  à  ceux  qui  m'ont  secondé  dans  la  guerre,  de  les 
honorer  au  contraire  comme  mes  fidèles  et  les  siens.  Le 
jeune  prince  avait  donné  pour  cautions  plusieurs  évoques  et 
seigneurs  ;  ils  devaient  tous  l'abandonner  s'il  violait  les  pro- 
messes qu'il  venait  de  faire.  Ce  prince  mourut  avant  son  père, 
en   1183.    Le  roi  pleura  sa   mort  amèrement.  Il  s'abandonna 

En.  2,  1.  J.  même  à  une  douleur  sans  bornes,  si  nous  nous  en  rapportons  à 
Pierre  de  Blois.  Quâclam  mollilie  muliebri  degenerans  magna- 
niniitas  vestra,  lui  dil-il,  gemilibus  indulget  ac  lacrijmis,  aique 
revere^itià  majestatis  abjeclà,  supervacuis  dolotnbus  puerililer 
inlabescit. 

Dans  les  premiers  momens  de  la  révolte  de  ses  enfans  contre 
lui,  Henri  II  avait  adressé  à  quelques  souverains  cl  à  Guillaume, 
roi  de  Sicile,  en  particulier,  des  lettres  où  il  leur  faisait  part 
lie  ce  funeste  événement.  Nous  n'avons  pas  ces  lettres,  mais 
nous  en  connaissons  l'existence  par  une  réponse  de  ce  roi 
Guillaume,  qu'on  lit  dans  les  annales  de  Roger  de  Hoveden,  el 
1'.  bôi.  publiées  d'après  lui  par  Alford,  dans  ses  Annales  de  l'église 
am.  1173,  V  30.  (l'Angleterre. 

Actes  et  Lettres  sur  divers  objets. 

La  plus  ancienne  de  ces  lettres  ,  parmi  celles  qui  nous 
restent,  est  datée  de  1138,  et  imprimée  dans  le  Recueil  de 
Duchesne  (tom.  IV,  p.  •)84),  et  dans  la  nouvelle  collection 
des  Historiens  de  France  (tom.  XVI,  p.  16);  et  même, 
quoiqu'on  l'ail  placée  parmi  les  épîtres  ,  elle  a  moins  ce 
caractère  que  celui  d'une  promesse,  d'une  obligation,  d'un 
engagement    reconnu  et   pris.   Louis-le -Jeune   s'était    emparé 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  517 

de  quelques  villes  du  duché  de  Normandie  ;  Henri  les  avait  xii  siècle. 
redemandées  :  il  prorael,  si  on  les  lui  restitue,  de  renouveler  et 
de  garder  au  roi  hommage  et  fidélité,  et  par  déférence  et  amour 
pour  lui,  il  consent  à  faire  la  paii  avec  le  comte  de  Blois,  con- 
formément à  ce  qui  sera  décidé  par  deux  seigneurs  et  deux  pré- 
lats qu'il  désigne,  et  quatre  autres  personnes  que  le  roi  de  France 
choisira. 

Une  lettre  de  11 58  ou  H  59  concerne  la  garde  de  l'abbaye     Baïuse,    mïm. 
Saint-Julien  de  Tours.   Henri  l'avait  réclamée   comme  comte  '  '^'  p-  ***•  — 
d'Anjou  et  grand-sénéchal  du  royaume.   Louis-le-Jeune  avait  de  Fr.  i.'"xvij 
reconnu  ce  droit.  La  lettre,  fort  courte,  n'a  pas  d'autre  objet  que  P-  ^'6. 
d'annoncer  la  décision  du  roi  de  France. 

Une  autre  lettre,  de  1160  ou  1161,  est  adressée  à  l'abbé  ""'■  A"»»»^- 
général  de  Grandmont  (ce  général  ne  portait  alors  que  le  '  '  '' 
titre  de  prieur).  Henri  le  félicite  sur  son  élection  ;  il  se  re- 
commande à  ses  prières,  et  lui  promet  en  échange  des  secours 
et  des  bienfaits  ;  il  n'a  pas  oublié  qu'on  devait  à  Dieu  la  tête 
et  la  queue  des  victimes.  La  tunique  de  l'église,  ajoute-t-il  , 
est  déjà  bien  ornée  ;  je  veux  qu'elle  s'allonge  encore  ,  et 
descende  jusqu'aux  pieds  :  tuni^am  ecclesiae,  jam  polymitam, 
curamus  facere  et  talarem.  Cette  lettre,  datée  de  Londres  , 
du  mois  de  mars,  et  de  la  septième  année  du  règne  de  Henri  II, 
est  souscrite  par  le  chancelier  Thomas.  Ce  chancelier  est 
Thomas  Becket,  si  célèbre  ensuite  comme  archevêque  de  Can- 
torbéry. 

En  1 177,  à  la  demande  des  religieux  de  la  même  abbaye  de     Bisi.  deBret. 
Grandmont,  Henri  II,  alors  à  Verneuil,  fit  une  ordonnance  qui  Benôirde  Peier^ 
défendait  de  saisir,  pour  les  dettes  d'un  seigneur,  les  biens  de  bor.   a™.    1177. 
ses  sujets,   à  moins  qu'ils  ne  se  fussent  rendus  ses  cautions  ; 
il  voulut    que    l'on   pût  seulement  saisir  les   rentes   que  les 
sujets  devraient   à  leurs  seigneurs.    On  voit  par-là  comment 
ceux-ci  se  conduisaient,  puisque  c'était  parce  qu'ils  manquaient 
à  leurs    engagemens,    que   leurs    sujets   étaient  inquiétés  et 
saisis. 

On  a  publié,  sous  le  nom  de  Henri  II,  une  lettre  qui  n'est  voir  Ajf.  an. 
pas  de  lui,  mais,  évidemment,  de  son  fils  aîné.  Elle  est  *'"*'  i  ^  *' 
adressée  à  l'archevêque  de  Cantorbéry,  et  porte  sur  le  cou- 
ronnement du  prince,  que  devait  faire  l'archevêque  d'York. 
Le  nom  du  premier  de  ces  prélats  n'étant  désigné  que  par 
la  lettre  initiale  T,  on  a  cru  que  c'était  Thibaut ,  prédéces- 
seur de  Becket,  et  le  roi  en  efiFet  n'aurait  pu  être  alors  que 
Henri  II  ;  mais  au  lieu  d'indiquer  Thibaut,  n'est-ce  pas  Thomas 

3  S 


518  HENRI  II,     ROI    D'ANGLETERRE. 

xn  SIECLE,  qmj  cette  lettre  initiale  exprime  ?  Le  couronnement  du  jeune 
Henri  par  l'archevôque  d'York  devint  l'occasion  de  beaucoup  de 
troubles  que  l'histoire  a  racontés,  et  auxquels  se  rapportent  quel- 
ques-uns des  passages  des  lettres  ou  dos  actes  que  nous  avons 
cités  dans  les  paragraphes  précédons . 
Aiford,  an.  La  guerre  sétant  allumée,  vers  1 1 67,  entre  les  souverains  qui 
111)8,  5.  60.  g^  partageaient  l'Irlande,  plusieurs  d  entre  eux  se  réunirent  con- 
tre le  roi  de  Leinster  [Lagénia],  Dermilius,  qui,  non  content 
d'exercer  envers  ses  sujets  une  grande  tyrannie,  avait  séduit  et 
enlevé  la  femme  d'un  autre  roi  de  cette  contrée,  Maurice  qui  gou- 
vernait le  Mealh  (en  latin  Media.)  Dermitiusse  réfugia  en  France 
où  était  alors  Henri  11,  et  implora  son  appui.  Henri  lui  accorda 
des  lettres  patentes,  adressées  à  tous  ses  fiilèlcs  d  .Angleterre, 
de  Normandie,  d'Ecosse,  du  pays  de  Galles,  pour  qu'ils  concou- 
russent à  secourir  le  roi  de  Leinster,  et  le  rétablir  dans  ses 
états  qu'on  l'avait  forcé  de  quit'ter.  Plusieurs  autres  faits  rela- 
tifs aux  elTorts  de  £)ermitius  pour  reconquérir  le  royaume 
qu'il  avait  perdu,  sont  rappelés  encore  dans  les  lettres  de 
Henri. 

"Voici  l'objet  ou  le  sommaire  de  quelques  autres  lettres  de  ce 

prince. 

E|..  .ir  s.  Tii.       L'une  est  écrite  à  l'abbé  de   Cîteaux.   Quelques   religieux 

lii.  Il,  c|..  84.      de    cet    ordre    s'étaient    chargés    d'apporter    au    prince    des 

lettres    peu    mesurées  de    Thomas   Rocket.    Le  prince  en  fut 

Irès-irrité;   il  mande  à  l'abbé  do  réprimer  ses  moines,  comme 

ils  méritent  de  l'être,   et  annonce  qu'il  se  vengera  lui-même 

de  cet  outrage,   si    leur  supérieur  ne  s'empresse   de    les  en 

punir. 

Vir  il.-  s  Th.       Une  autre  encore  avait  été  adressée  au  chapitre  général  de 

liv.  n,  V.  17  <t  Cîteaux.  Le  roi  s'y  j)laint  de  lasyle  donné  à  l'archevêque  de 

'!ii  ll'in^'^'^    Ganlorbéry,  dans  un  des  monaslères  de  cet  ordre,  à  Pontigny; 

S|.i(  il.  t.  III,  p.   il  demande  qu'on  l'en  éloigne,  et  menace,    si  on   lui  désobéit , 

'"''•  de  s'emparer  de  tout  ce  que  les  cisterciens  possèdent  dans  ses 

états. 

Duciicsnc ,       Deux  autrcs  sont  écrites  à  Louis-lc-Jcune.  Il  avait  fait  arrê- 

i.  IV,  |..  731  cl  1er,  en  1164,  des   comtes  d'Auvergne,  sujets  et  vassaux   de 

7..2.  —  N.  Coll.  jjgnri,  sans  s'être  adressé  à  ce  monaniue  et  avoir  imploré  con- 

iles  liist.    (le    Fr.  ...  ■    •  ■  i  j 

i.   .\vi,  p.  110  tre  eux   sa  justice;   Henri  sen   plamt  vivement,  et  demande 

cl  Ml.  qu'ils  lui  soient  rendus.    Ils  le  furent  en  cITet,  cl  la  seconde  des 

deux  lettres  a  pour  obj(H  d'en  remercier  Louis-le-Jmine,  et  de 

lui  renouveller  1  a.ssurance   de  l'amitié  et  de  la  lidélité  du  roi 

d'Angleterre. 


HENRI   II,     ROI  D'ANGLETERRE.  519 

Une  lettre  antérieure,  elle  est  de  1 1 59,  annonce  à  l'évêque  de     xii  sïecle. 


Nantes  la  confirmation  que  le  roi  vient  de  faire  d(!s  privilèges  de       iiisi.  .le  Bict 
l'abbaye  Saint-Sauveur  à  Redon,  en  Bretagne.  '  '■  P-  657.  — 

On  a  inséré  à  la  suite  des  œuvres  de  Pierre  de  Blois  plu-  xvi.  i/es?^  ' 
sieurs  chartes  de  Henri  H.  11  y  en  a  trois  (jui  conûnucnt  des  !'•  771  et  suiv. 
dons  faits  et  des  privilèges  octroyés  à  1  abbaye  appelée  le 
Vœu  {  Sancta-Maria  de  Voto  ),  de  l'ordre  de  Saint-Augustin. 
La  première  des  trois  est  du  mois  de  septembre  1178  ;  les 
deux  autres  sont  postérieures.  Il  y  en  a  une  ensuite  pour 
l'abbaye  de  Rangerais  (  Baugeseium  ),  en  Touraine,  de  l'ordre 
de  Cîteaux,  et  une  autre  pour  celle  du  Loroux  (  Oratoriwn  ), 
du  même  ordre,  diocèse  d'Angers,  une  pour  l'abbaye  do 
Fontevraull,  trois  pour  l'abbaye  de  Savigny  en  Normandie, 
de  l'ordre  de  Cîleawx  encore,  une  pour  l'abbayi^  de  Blanche- 
lande,  en  Normandie  aussi,  de  l'ordre  de  l'rèinontrè.  Alford 
a  imprimé  dans  ses  annales  de  l'église  d'Angleterre  une  .  ..„„  , 
charte  du  même  roi,  en  faveur  de  l'abbaye  de  Glaston  ou  12  et  suiv. 
Glastonbury,  une  des  plus  célèbres  et  des  plus  anciennes 
de  ce  royaume  ;  elle  était  devenue  la  proie  des  flammes  ; 
Henri  ordonne  de  la  reconstruire,  et  il  lui  a.ssure  de  nouveau 
toutes  les  po.'^scpsions  et  tons  les  privilèges  qu'elle  avait. 
Parmi  ces  privilèges,  on  remarque  celui  de  [)unir  et  de  par- 
donner les  délits  commis  dans  les  lieux  dépcndans  de 
l'abbaye. 

Nous    n'analyserons    pas,     nous    nous    contenterons   din- 
diquer  les    actes  de   Henri  II,   qui  èlabli.^.sent,    maintiennent, 
changent,  modifient   les   rapports  entre  ce  prince  et  les  autres 
rois.  Tels  sont    le  traité   fait  avec    Louis-le-Joune,  après   l'ex-      djccIo,  p.  5.">5, 
pédilion   de  Toulou.sc,    en    IKiO,    oii  il  est  sur-tout  ((ueslion  "HJ  <i  <'►*■   - 
du  mariage  de  Marguerite,   fille  de  Louis  VII,  avec  un  fils    de  h {'2 l'i  nr>o '*- 
Henri  11  (  N.    Coll    des  Ilist.   de  Fr.   T.  XVI,  p.  È\  )  •  le    traité  ii»vc.i.    ,..    '.m 
fait  en  1 1 80  avec  Philippe-Auguste,  pour  renouveler  l'alliance  •■' *'^"'    —    '^'f- 
et  1  amitié  qui   unissaient   les   deux   peuples,   et  un  autre,   de  a„     n.sn  5    .-;. 
1189,  avec  les  mêmes  souverains,  traité  qui  fut,  pour  Henri  H,  -    iiymer,  t  1, 
une  grande  cause  d  humiliation   et  de  douleur.  Tels  sont   en-  '''     " 
core  quelques  traités  avec  le  roi  dKcos.se  et  des  rois  d'Irlande, 
et   un  accord  assez    important  entre  Henri  H  et  le    comte  de 
Flandre.    Cette   dernière  convention  fut   faite  à    Douvres,    au         „  , 

'  Itvmer,   t.  I, 

mois  de  mars   11 03,    entre  Henri  II,  et  son  fils  d'une  part,  et  p.  8. 
de    l'autre,   Thierry  d'Alsace,     comte  de  Flandre,   et  son  fils 
aîné.  Par  cet  acte,   le  comte  de   Flandre   recevait   en  fief  cinq 
cents   marcs  d  urgent,    à   condition   d'envoyer  mille  chevaux 


XII  SIEr.LE. 


613. 
1459 


Diccto, 
-    Gcrv. 


De  III.  Aiigl. 
Scr.  p.  2H3. 


520  HENRI   ir,  ROI  D'ANGLETERRE, 

au  roi  d'Angleterre,  quand  celui-ci  en  aurait  besoin.  Henri 
I*""  avait  déjà  fait,  au  commencement  du  même  siècle,  une 
convention  avec  Robert,  comte  de  Flandre,  par  laquelle  il 
s'obligeait  à  lui  payer,  chaque  année,  en  fief,  400  marcs 
d'argent,  sous  la  condition  que  Robert  fournirait  cinq  cents 
cavaliers,  quand  le  service  du  roi  l'exigerait.  Robert  s'obligea 
ensuite  à  fournir  mille  chevaux  à  Henri  aux  mêmes  con- 
ditions. 11  y  eut  encore  entre  ces  deux  princes  quelques  dis- 
cussions et  une  convention  faite  en  1181  ouH82.  Raoul  de 
Diceto  rapporte  une  lettre  de  Henri  à  l'évêque  de  Win- 
cester,  qui  renferme  plusieurs  détails  sur  les  demandes  du 
comte  de  Flandre  et  les  concessions  du  roi.  Cet  évêque 
s'appelait  Richard,  et  peut-être  est-ce  à  lui  que  fut  écrite 
cette  lettre  que  Pitseus  indique  comme  l'ayant  été  à  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéry,  nommé  Richard  également  :  du 
moins,  je  n'ai  trouvé  aucune  épître  de  Henri  H  à  ce  dernier  prélat, 
et  Pilseus  ne  fait  pas  mention  de  la  lettre  du  monarque  à  l'évêque 
de  Wincesler  ;  la  similitude  des  noms  a  pu  produire  la  con- 
fusion. Les  traités  avec  le  roi  d'Ecosse  sont  des  années  1 156  et 
1174;  nous  en  avons  fait  connaître  les  principales  dispositions 
dans  le  paragraphe  relatif  aux  conquêtes  de  Henri  II  et  à 
l'accroissement  de  ses  états  ;  nous  y  avons  fait  connaître  éga- 
lement les  principales  dispositions  du  traité  conclu  avec  les  sou- 
verains qui  gouvernaient  l'Irlande,  quand  elle  fut  soumise  par 
les  Anglais. 

L'acte  dont  nous  allons  parler  est  un  des  plus  mémorables 
de  la  vie  du  roi.  La  guerre  divisait,  depuis  plusieurs  années, 
Sancbe  V,  roi  de  Navarre,  et  Alphonse  VIII,  roi  de  Castille. 
Au  lieu  de  chercher  à  la  prolonger,  ils  convinrent  de  s'en 
rapporter,  pour  les  différends  qui  avaient  éclaté  entre  eux, 
au  roi  d'Angleterre.  Henri  accepta  cet  honorable  témoignage 
de  leur  confiance,  et  la  justifia  par  la  manière  dont  il  rendit 
le  jugement  demandé.  Le  roi  de  Castille  et  le  roi  de  Navarre 
s'y  soumirent  également.  La  décision  de  Henri  II  est  con- 
T.  I,  |..  u.  —  servée  dans  les  actes  de  Rymer.  Elle  l'avait  déjà  été  par  Roger 
iioTed.   p    565.  jjg  Hoveden  et  Raoul  de  Dicelo.  «  Vos  lettres  et  vos  ambassa- 

—      Oiccio,       P-     , 

597.  -  V.  Tytr  dcurs,  y  dit  le  roi,  m'ayant  fait  connaître  vos  plaintes  mu- 
t.  Il,  p.  407  cl  tuelles  et  le  désir  que  je  les  terminasse  par  un  jugement, 
persuadé  que  le  rétablissement  de  la  paix  entre  vous  sera 
utile  à  la  chrétienté  toute  entière,  après  avoir  entendu  les 
défenseurs  que  vous  avez  chargés  de  faire  valoir  auprès  do 
noos  vos  réclamations,  après  en    avoir   aussi    délibéré  avec 


HENRI  II  ,    ROI    D'ANGLETERRE.  521 

mes  évêques,   mes  comtes  et  barons,  j'ai  rendu  la   décision      xii  siëcle. 
suivante  ....  »  Nous  ne  rapporterons  pas  celle  décision,  qui 
consiste  principalement  dans   des    réparations  et    dédomma- 
gemens  demandés  ,   dans  des  restitutions  de   terres  prises  par 
un    des  monarques   sur  l'autre,   dans  une   somme  à  payer  , 
pendant  un    certain  temps  ,   à    Sanche  ,    par  Alphonse  ,   etc. 
Le  jugement  du  roi  d'Angleterre  a  été  pareillement  conservé,         p.  1120  ci 
avec  des  détails  historiques  assez  étendus,  dans  la  Chronique  s"'"-  —  v.  aussi 
de   Bromion.   Rymer  ne  donne  pas  seulement  cet  acte,   il  y  ,  53  e"suiv*.    ' 
joint  tous  ceux  qui  le  précédèrent.  Pierre  de  Blois,  dans  une 
de    ses  lettres  ,   félicite    Henri  d'avoir    été   ainsi  choisi   pour        Epit.  n. 
prononcer  entre  des  rois,   entre  des  peuples;   il  le   compare 
à  Salomon,  dont  une   reine  éloignée  venait  consulter  et  admi- 
rer la  sagesse. 

Pilséus,  dans  ses  illustres  écrivains  d'Angleterre,  cite  d'autres        P.  2t54. 
lettres  de  Henri,  que  je  n'ai  pas  retrouvées.  Telles  sont  celles 
qu'il  indique,  comme  adressées  à  Bernard,  abbé  de  Clairvaux. 
Aurait-il  été  trompé  par  la  ressemblance  du  nom  de  ce  saint 
avec  le  nom  de  l'abbé  général  de  l'ordre  de  Grandmont,  Pierre 
Bernard  ou  Bernardi  ?  Ce  religieux   écrivit  à   Henri  II,   pour      voir  la  Nouv. 
lui   faire  part  de  sa   nomination  au  généralat,  et  Henri  II  lui  <^""-    ''*■«    "'s'- 
répondit  par  la  lettre  dont  nous  avons  offert  l'analyse,   quel-    "  33J  ^^  332] 
ques  pages  plus  haut.  aux     notes,     p. 

Pitséus  annonce  encore  plusieurs  lettres  à  Jean  de  Sarisbéry  l^Jl'   "^^J,    ^i!f' 

^  .  .  •'    o'Jb,     dO(),     u3o 

et  a  Pierre  de  Blois,  que  je  nai  pas  retrouvées,   non  plus  que  ei  «39. 
celle  dont  il  parle,  comme  ayant  été   écrite  par  ce  prince  au 
roi  Etienne,  son  prédécesseur.   La  Collection  de  Pierre  de  Blois 
en  offre  six,  adressées  par  cet  écrivain  à  Henri;  la  1'%  la  2", 
la  41%  la  47%  la  95«  et  la  153«. 


Actes  concernant  l'administration  de  la  justice ,  la  policé 
et  r administration  intérieures ,  la  législation  civile  et  cri- 
minelle. 

11  n'y  avait  eu  long-temps  qu'une  seule  cour  pour  les  Biack.  liv.  iif, 
affaires  civiles  et  les  affaires  ecclésiastiques,  celle  du  comté  '^-  ^■ 
County-Court.  L'évéque  et  le  comte  y  siégeaient  également, 
avaient  l'un  pour  l'autre  une  déférence  réciproque  dans  les 
objets  qui  les  concernaient  davantage ,  et  se  prêtaient,  par 
la  différence  même  de  leur  caractère,  un  mutuel  appui,  qui 
tournait  au  profit  de  l'ordre-  public  et  de  la  justice.  Mais 
Tome  XIV.  Yvv 


"yn  HENRI    II,    ROI    D'ANGLRTËRRK 

XII  siECLK.  insensiblement  prévalut  la  maxime  que  les  ecclésiastiques 
ne  pouvaient  être  jugés  que  par  eux-mêmes.  Ce  fut  sous  le 
règne  de  Guillaume-le-Conquéranl  qu'elle  acheva  de  s'éta- 
blir. Henri  I  essaya  de  rappeler  l'ordre  ancien  ;  mais  les 
ecclésiastiques  firent  presque  aussitôt  échouer  ses  efforts  par 
la  déclaration  faite  dans  un  synode  tenu  à  Westminster  , 
qu'ils  n'assisteraient  pas  au  jugement  des  causes  tempo- 
relles. L'obligation  de  laisser  au  clergé  ses  tribunaux  par- 
ticuliers, fut  une  de  celles  que  les  évêques  imposèrent  à 
Etienne  quand  il  se  plaça  sur  le  trône.  Sous  son  règne  aussi 
furent  introduits  les  appels  en  cour  de  Rome  Henri  II  fit  or- 
Ci-dcss.  p.  i7!t.  donner,  dans  les  constitutions  de  Clarendon  ,  que  dans  les 
causes  ecclésiastiques  l'appel  serait  porté  de  la  cour  de  l'ar- 
chidiacre à  celle  de  révoque  diocésain  ,  de  celle  de  révè(jue 
à  celle  de  l'archevêque  ((ui  l'avait  pour  suffragant,  de  la  cour 
de  l'archevêque  au  roi,  et  qu'on  ne  pourrait  étendre  plus  loin 
son  appel  sans  une  permission  de  lui.  Il  voulut  en  même 
temps  réprimer  l'énorme  abus  qu'on  faisait  des  immunités 
Cuil.  Je  Nouh.  jje  l'église.  Guillaume  de  Newbridge  et  Pierre  de  Blois  louent 
1'.  de  Biois,  en.  Henri  II  pour  avoir  cherché  à  y  mettre  des  bornes.  Pierre 
5  cl  75.  de  Blois  parle   au   nom   de    Richard,  successeur  de  Thomas 

Becket  dans   l'archevêché  de  Canlorbéry.    Le  roi  s'était  plaint 
de  la  faiblesse  et  de  l'insouciance  du  prélat;  le  prélat  écrit  ou 
fait  écrire  une  lettre  assez   longue,  oii  la  question  est  exami- 
née   et  discutée;   avcîc   cpielquc    étendue.    Les    principes  qu'il 
y    développe  sont    peu  conformes  à  ceux  que  Thomas    Becket 
n'avait  cessé  de  défendre      Longtemps  avant  ce  dernier,    le 
Cl  .icss.  p.  475.  clergé   avait  soutenu  qu'il  ne  pouvait,  en    matière  criminelle, 
être  soumis  aux  tribunaux  ordinaires  ;    prétention  qu'il  éten- 
dit enfin  jus(]u'aux    matières  civiles    L'assemblée   de    Claren- 
don    discuta   également     ces    deux    objets.    Nous    avons    dit 
quelles    résolutions   y   furent  |)rises,  et   combien  il  en    naquit 
de    dissensions   nouvelles.    Nous    avons   dit    pareillement  (jue 
I  abandon    fait    de  ses  droits    par  Henri  ,    après    la    mort  de 
Thomas  Becket,  n'avait  pas  éteint   en  lui  le  .s(>nliment  de  leur 
justice    et    quelque   regret  d'en  avoir  lui-même    dépouillé   le 
trône,    après  avoir    fait  tant  cl  de  si  longs  efforts  pour  le  lui 
rendre. 
Spcim  rtpj.       Je  trouve,   en  1170,   une  assemblée    tenue  à  Norlhamplon, 
p.  331.     -   Dio.  sous   la    présidence    d'un     légal  du   |ia|)e  ,    dans    la(}ueile   on 
de  ^Hov  7   s*!>    ''"'S'e  f|i'G    les  ccclét-iastiqucs   seront    justiciables   des    Iribu- 
—  Tyrrell,  1.  Il,   naux    Ordinaires  comme  tous   les   autres  sujets,  i>our  les    dé- 
p.  *M. 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  533 

lits  concernant  la   chasse   et   les   forêts.    Un    des   principaux     ■""  sïeclr 
changemens    apportés   à    la    législation    britannique    par    la 
conquête    de    Guillaume,     avait    été    l'introduction    des    lois 
normandes,    relatives  à  la  chasse  et  aux  forêts.   Le  droit  de 
chasse  fut  réservé  au  prince;  on  ne  put  du   moins  l'exercer  ,,.  <8  cl'tui!! - 
désormais    sans  une   permission    particulière  de  lui  ;    la  morl  "'="''•    ■'»     'V, 
fut  prononcée    contre   ceux    qui    violeraient    la   défense  faite.  *^   "'^ 
On  regardait  les  animaux  comme  des  épaves,  et,  à  ce  titre 
comme  la    propriété   du  souverain.    Reaucoup    de    seigneurs 
puissans    s'arrogèrent   cette   portion  des   droits  de  la  souve- 
raineté.   Etienne,    pour    acquérir   cette    popularité    dont    les 
usurpateurs  ont  besoin,  avait  promis  aux  Anglais  la  réforme 
de  ces  lois  ;  il  ne  tint  pas  sa  promesse.    Henri  II    vint   encore      Bi»ck.  liv.  m, 
ici  au  secours  du   peuple.   Il  soumit  à  des  règles  et  à  des  for-  *■•  **'  ''''•  'V-   «• 
malilés   la  conduite  des  ofTiciers  chargés  de   leur  exécution  ;   m'  "  l,'? '"^'^  '' 
il    prit  des   moyens   j)our    réprimer   les  vexations  dont   ils  se 
rendaient  coupables  ;  il  établit  des  grands  maîtres  des  forêts 
juges  et  punisseurs  des  oppressions  comme  des  délits.    Mal- 
heureusement,  peu  d'années  après,    Richard,   son   fils  et  son 
successeur,   rendit   aux   lois   forestières   toute    leur   force;    il 
ajouta  même  à  leur  sévérité.   Nous   n'entrerons   dans   aucun 
détail   sur  l'ordonnance  de  ce  prince  ;  elle  est  étrangère  à  la 
vie  de  Henri   II   et  à  ses  travaux.    Ceux   qui   voudraient  la 
connaître   la    trouveront   imprimée,   dans    toute    son  étendue, 
parmi   les  [)reuves  et  pièces  juslilicatives  de    l'ouvrage    inti- 
tulé :  Anciennes  lois  des  Français,  conservées  dans  les  cou-       T  ".  p  •  J« 
tûmes  anglaises,  recueillies  par  Lillleton.   Le    savant  auteur  "^^  *""' 
de  cet  ouvrage ,   Houard ,    les  a    publiées   d'après   le   Codex 
legum  veterum  regni  Angliae  de  Spclmann  ,    qui    fait    partie 
du    recueil    des    lois    anglo-saxonnes    de    Wilkins.    L'ordon- 
nance   de    Richard   porte    le   titre  suivant    •    Hcec  est  assisa 
domini  régis,  et  haec  sunt  prsecepta  de  forestis  suis  in  Angliâ, 
fada  per  assensum  et  consilium  archiepiscoporioji  et  episco- 
porum,  abbatwn,    comitum  et    baronum,   et    militum    totiits 
regni  sui.  L  esprit  de   la  loi  peut  aisément  se  reconnaître  en 
voyant  quels  furent  ceux  qui  y  concoururent,  qui  la  conseil- 
lèrent, qui  l'avaient  sans  doute  provoquée. 

Blackstone  fixe  à  Tannée  1184  l'institution  des  grands  maî-       Liv.  m.  c.  «. 
ires  des  eaux  et  forêts  par  Henri  II  ,   mais    un   passage   de 
Roger  de  Hoveden  annonce  qu'ils  existaient   auparavant,  et     Sur  lan  asi. 
que  l'année  1184  fut  seulement  l'époque  d'une  nouvelle  di-  —  V"»-  gioss. 
vision  établie  dans  l'administration  générale,  et  sur-tout  dans  ''■  l^'  '°''"  ^'^^ 

V  vv  2 


524  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  l'organisation  judiciaire  de  ce  qai  concernait  les  bois.  Celte  année 
même,  dit-il,  mourut  Thomas,  fils  de  Bernard,  qui,  après  le 
décès  d'Alain  de  Neuville,  avait  été  grand  maître  des  forêts 
d'Angleterre.  Le  roi  divisa  alors  ses  forêts  en  plusieurs  parties, 
et  proposa  quatre  maîtres  ou  justiciers  pour  chacune  d'elles, 
deux  nobles  et  deux  ecclésiastiques.  11  nomma  aussi  des  gardiens 
et  conservateurs  généraux,  tant  pour  les  forêts  royales,  que  pour 
celles  des  seigneurs. 

Si  l'on  avait  besoin  de  mieux  connaître  encore  la  sagesse 
des  mesures  prescrites  par  Henri  II,  il  suffirait  de  lire  ce 
qu'ont  écrit  plusieurs  auteurs  contemporains  sur  tout  ce 
que  le  peuple  avait  à  souffrir,  d'après  les  lois  même,  avant 
les  nouvelles  ordonnances  du  roi.  Pedicas  ponere  avibus , 
dit  Jean  de  Sarisbéry  dans  le  premier  livre  du  policratique, 
laqueis  texere,  allicere  nodis  vel  fistidâ,  aut  quibuscumque 
insidiis  supplantare,  ex  edicto  saspè  fit  criminis,  et  vel  praes- 
criptïone  bonorum  mulctatur,  vel  membrorum  punitur,  sc- 
lutisque  dispendio.  A  novalibus  arcentur  agricole,  dum  fer  se 
habeant  vagandi  libertalem  ;  illis  ut  pasciia  augeantur, 
praedia  subtrahuntur  agricolis  -.  sationalia  insitiva  colonis , 
cùm  pascua  arnientariis  et  gregariis,  tiim  alvearia  à  flora- 
libus  excludunt  ;  ipsis  quoque  apibus  vix  naturali  libertate 
g^.  gg  uli  permissum  est.  Pierre  de  Blois,  écrivant  à  Henri  II,  ne 
s'exprime  pas  avec  moins  de  force  sur  les  vexations  et  les 
déprédations  commises  par  les  officiers  des  forêts. 

Des  vexations  aussi,  des  injustices  étaient  reprochées  aux 
juges  ordinaires.  Pierre  de  Blois,  dans  la  même  épître,  les 
accuse  avec  véhémence  auprès  du  roi,  à  qui  sa  lettre  est 
adressée.  11  attaque  même  ceux  qui  formaient  les  assises 
nouvellement  établies.  Ipsos  justiciarios ,  dit-il,  quos  vulga. 
riter  errantes  vel  itinérantes  dicimus,  dum  errata  hominum 
diligenter  explorant,  fréquenter  errare  contingit.  H  se  plaint 
bien  plus  encore  des  juges  inférieurs,  qui  mettaient  à  prix 
les  jugemens  qu'ils  devaient  rendre.  Il  regrette  que  le  mo- 
narque ne  puisse  soumettre  toutes  les  causes  à  sa  décision, 
cl  appelle  son  attention  la  plus  sévère  sur  des  hommes  qui 
trompent  ainsi  sa  confiance  et  qui  oppriment  son  peuple. 
Pierre  de  Blois  indique  d'autres  poursuites  faites  envers  des 
malheureux  qui  n'avaient  pas  même  de  quoi  fournir  à  la 
subsistance  de  leurs  femmes  et  de  leurs  enfants.  Accusaiur 
quod  jura  coronse  tacuerit,  quod  publicœ  functionis  tribu- 
tum  non  solverit,   quod  undredo  et  alimoto   defuerit,  quod 


HENRI  II,   ROI   D'ANGLETERRE.  525 

regios  ministeriales  honorifice   non  exhibuerit.  Ces.  derniers     xii  siècle. 
ujots  annoncent  un  droit  de  gîte  exercé  par  les  officiers  du 
roi  ;    ceux    qui    précèdent   se    rapportent    à    l'obligation    de 
se  rendre,  à  des   jours    marqués,    aux  assemblées  qui   doi- 
vent se   tenir  pour  régler  les  travaux  à  faire  ou    la   taxe  à 
payer  par  l'hundred ,  c'est-à-dire ,   par  une   réunion  de  cent 
fam'lles  ;  les  deux  premiers  chefs  d'accusation  n'ont  pas  be- 
soin d'être  expliqués.   Les  chefs  de  grandes  familles  de  cul- 
tivateurs ,  qui  formaient  l'hundred ,    en   étaient  les  adminis- 
trateurs et  les  juges,  et  aujourd'hui  encore  les  francs  tenanciers     BUck.  liv.  m, 
forment  une  cour  semblable  ,   quoique  le  temps  et  les  chan-  '•  *•• 
gemèns    politiques  en    aient    modifié  les    attributions  et    le 
pouvoir. 

Le  séjour  de    Henri  11  en    France   pendant  plusieurs  an- 
nées ayant   relâché   les   ressorts   du    gouvernement  intérieur 
de    l'Angleterre ,    et   beaucoup    de    magistrats  étant  devenus 
moins   dignes  de  la  confiance   du   prince  et  des   peuples,   la 
conduite  des  shérifs  et  de  leurs  oflîciers  avait  été  l'objet ,  en 
1170,  d'une  enquête   dont  Tyrrell   nous  a  conservé  les  ar-       r.  ii.  p.  463. 
ticles  souvent  relatifs  à    l'administration   de  la    justice.   Lit- 
tleton  parle  aussi  de  l'état  de  désordre  et  de  malversation  où       Vie  de  Henri 
les   tribunaux  étaient  tombés ,  la  cour  suprême  exceptée.   La  "•  '•  "'  P    ^'•"• 
commission  d'enquête  fut  composée  de  comtes  ,  barons,   che- 
valiers ,   et  de  personnes  considérables  dans  le  clergé ,   les- 
quels se    partagèrent    le   royaume   en    arrondissemens.    Les 
lettres   données  par  Henri   II   ne  bornent  pas  aux  juges  l'in- 
formation  prescrite,   mais  elles  les  concernent  plus   particu-  Hoved.   p!    sis. 
lièrement.    Elles    commandent    un    examen   attentif  sur    des  —     Diceio.    p 

605 

prévarications  auxquelles  ils  ont  pu  se  livrer  ;  le  résultat  de 
cet  examen  ne  montra  que  trop  combien  ce  mal  était  cer- 
tain et  universel.  Le  roi  déposa  presque  tous  ses  juges  ,  et 
les  força  de  restituer  les  fruits  des  exactions  dont  ils  s'étaient  ren- 
dus coupables. 

La  juste  animadversion  du  roi,  et  les  mesures  qu'elle  lui 
inspira ,  n'eurent  pas  tout  l'effet  qu'il  aurait  dû  en  attendre , 
si  nous  en  jugeons  par  ce  que  dit  Pierre  de  Blois  dans  la  lettre 
que  nous  venons  de  citer.  Les  membres  même  des  assises  mé- 
ritèrent bientôt  d'assez  graves  reproches.  Henri  H  les  avait  à  peine 
établies.  L'érection  de  ces  tribunaux  est  un  des  principaux  actes 
du  règne  de  ce  prince.  Essayons  de  faire  bien  connaître  les  mo- 
tifs qui  l'y  déterminèrent. 

Lesjugemens  appelés  jugemens  de  Dieu  étaient  alors  corn- 


526  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     muns    eu    Angleterre.    On   y  recherchait  de  deux   manières 
cette    décision    que   faisait   attribuer  à    l'être  suprême   l'idée 
qu'il  intervenait  nécessairement  dans  chaque  accusation   pour 
indiquer  le  crime  et  protéger  linnocLiicc .  par   l'eau  et  par  le 
feu.    Blackstone  dit  que  la   dernière  était   réservée  aux   per- 
sonnes d  un  rang  plus  élevé,  et  que  ré[)reuve  par   l'eau  était 
pour   le  commun  du  peuple     Cependant,   sous  le  règne  même 
de  Henri  11,  un  riche  et  noble  vicUlard  ayant  été  accusé  d'un 
meurtre  commis  pendant  l'assemblée  qui   se  tenait  à  Londres 
en  1176,  il   fut  soumis  à  l'épreuve  de  l'eau  ,   et  y  succomba  ; 
et  l'historien  qui   nous  le  raconte  obscrvi'  que  ce  fut   à  l'exa- 
men par   l'eau   chaude    ({u'on  eut    recours  ;  car,   dit-il ,    c'est 
[lar  elle    que    Dieu  était  consulté  sur   les   inculpations   faites 
aux  nobles  ;   on  n  examinait    par    l'eau   froi  le    que   les   per- 
sonnes  d'un   rang    inférieur  ;  Intelligendum   autem    est   exa- 
men  hoc    faclicm   fuisse    aquà    calidà,    non    frigidà,    quod 
Joannes  (le  coupable)  nobilis   esset  ;  nain  aquà   frigidà  rus- 
tici    solummodo    examinabanlur.   Or,    cet   historien  ,    Itadul- 
phus  Niger,    était    contemporain   de    Henri    H.   Le    fait   qu'il 
rapporte  est  aussi   rai)porté  par  Mathieu  Paris,  sur  l'an  1177. 
T.  lu,  |..  2S8.  Litlleton  dit  seulement  que  l'accusé   subit  ré[)reuve  de  l'eau. 
Tous   expriment   par  ordalie  cette  manière  de   rechercher  le 
jugement  de    Dieu ,    mol     (jui    ne  s  applique   pas    aux    seules 
épreuves   par  l'eau  ;  il    désigne  également  celles  par   le  feu  : 
la  jurisprudence  anglaise  l'avait  pris  à  la  langue  des  Saxons; 
or  est  un  primitif  semblable  à  l'a  des  Grecs  et  à  \'in  des  La- 
lins,  et  ordael  est  lécpiivalenl  d'aSAaonç  ou   iXinnoxius.   Wil- 
UiLs  sax.   i>.  kins  entre  dans   les    plus  grands  détails  sur    I  ordalie  ,    et  il 
27  cl  S'î.      Voir  n,éiiie  d'autant   pli;s  d  être  consulté  par   ceux  (jui  voudraient 
pr  .'cl  le  (iioss.  approfondir  ce  sujet,  qu'il   n'annonce   pas  toujours  les  mêmes 
p.  421  cl  sujv.     formes,  les  mêmes   cérémonies   que   Pithou  et  Haluse  avaient 
indiquées   dans    leurs    observations    sur    les   capilulaires    de 
I'  135  cl  siiiv    "'^^  ''°'^-   ^"  P^"^  ^^'"^  encore    le  glossaire  de  Spelmann   et 
T.  Il,  p.  ai»,  les  notes  de  M.  Houard   snr  l'ouvrage  qu'il  a  intitulé      An- 
i'i<o  cl  *!•?.         ciennes   lois   des   Français  ,   consen'ées    dans    les   coutumes 
anglaises. 

Les  épreuves  par  leau  et  par  le  leu  n'empêchaient  pas  ,  au 

reste  ,  qu'on  ne  tentât  aussi ,  en  m'^-me  temps  ,   de  décider  par 

un  combat  entre  l'accusateur  et  l'accusé     Celte  manière  d'in- 

Biack  liv.  III,  lerroger  Dieu    s'était   pareillement  introduite  en    Angleterre; 

c.  22  cl  i!5.         cIIq    y    avait    été    apportée    par    Guillaume- le -Conquérant. 

Blackstone  nous  dil  comment  et  dans  quel  cas  on  en  faisait 


XII  SIECLE. 


HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  o27 

usage.  Un  prince  tel  que  Henri  H  ne  pouvait  approuver  une 
coutume  si  stupide  et  si  barbare.  Elle  était  néanmoins  lelie- 
menl  dans  les  mœurs  de  sa  nation  comme  de  toutes  les  nations 
de  l'Eurofie,  qu'on  ne  devait  guères  espérer  de  l'abattre  d'un 
seul  coup.  Sans  recourir  désormais  aux  combats  judiciaires, 
Henri  offrit  à  ses  sujets  un  moyen  plus  sûr  d'atteindre  la  vérité  : 
des  assises  furent  établies,  et  la  décision  y  fut  confiée  à  des 
jurés,  lis  étaient  nommés  par  des  juges,  chargés  par  eux  de 
l'examen  des  faits ,  et  prononçaient  avec  serment  ce  qu'ils 
croyaient  équitable.  Une  semblable  institution  avait  existé  en 
France  dès  la  première  race  îles  causes  importantes,  et  sur- 
tout les  causes  criminelles,  y  étaient  décidées  par  l'avis  et 
le  serment  de  douze  personnes.  Les  épreuves  et  les  combats 
avaient  ensuite  prévalu.  Henri  essaya  d'en  détourner  par  le 
renouvellement  de  1  institution  de  la  jurée  ou  de  la  grande 
assise,  que  la  loi  même  qui  l'établit  appelle  regale  quoddam  cia°viiif.  iiv. 
be7ieficiuin  ,  rlementia  principis  ,  de  consilio  procertim  ,  po- 
pulis  induUum ,  quo  vilce  hommum  et  status  integritati  tant 
salubriter  consulitu?'  ....  Ex  equilate  maximà  prodituni  ; 
jus  enini  quod  post  multas  et  longas  dilations  s ,  vix  evinci- 
tur  per  duellum  ;  per  bene/icinm  isliiis  constitutionis  commo- 
diiis  et  acceleratiiis  expedilur  ....  Prœtereà  ,  quanto  magis 
pondérât  in  judiciis  plurium  idoneorwn  testium  fides,  quàm 
unius  tantwn  ,  tanto  majore  aequitate  nititur  ista  consti- 
tutio  quam  duellum  :  ciini  ex  unius  jurati  testimonio  prO' 
cedat  duellum,  duodecim,  ad  minus,  legalium  hominum  exigit 
isla  constitutio  juramenta. 

Le  mol   assise  a    plusieurs  sens  dans  la  jurisprudence  des  m   ^^l^^\.  ''ei 
Anglais.   On  s'en  est  servi  pour  exprimer    une     ordonnance  Speim.  Gioss.  p. 
du   prince,  des  résolutions   prises  dans  une  assemblée   gêné-  *^  "^^  *^' 
raie    du    royaume,    des   assemblées  judiciaires   dans  chaque 
comté,   et  l'acte  aussi   par  lequel  on  réclamait  auprès  d'elles 
une  propriété  qu'on  avait  perdue  :  il  a  d'autres  significations 
encore,  que  ce  n'est   point  ici  le  lieu  d'examiner  ou  de  faire 
connaître.    Dans  un   ouvrage  du  treizième  siècle,    publié  sous 
le  titre  de   Miroir    de    justices  ,    spéculum   justitiaf^iorium , 
comme  l'appellent  les  auteurs  qui  ont    écrit   en  latin   (on  di-    Ch.  a,  seci.  2Ji. 
sait   alors  justices   pour  dire  juges),  nous   lisons   :  Assise  est 
donnée  pur  (pour)  action  en  quatre   manièrs    de  pleas    (pro- 
cès) possessories  ;  novel  disseisins  (dépossession  récente),  mort 
d'auncester  (d'ancélres),   darrein  presenlment    (dernière   no- 
mination,   présentation),    juris  utrum   (mots  qui  s'appliquent 


528  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  ay  caractère  du  tenement  disputé).  Mes  tiels  assises  sont  ap- 
pelés petits  à  le  différence  des  grandes,  car  la  ley  (loi)  de 
fiefs  est  toute  fondée  sur  deux  droits,  de  possession  et  de 
propriété.  Le  miroir  de  justice  fait  assez  bien  connaître  , 
dans  ce  chapitre,  les  assises  établies,  dans  le  siècle  précédent, 
par  Henri  II,  d'après  le  travail  et  les  conseils  de  Ranulfe  de 
Glanville,  grand  justicier  d'Angleterre.  On  peut  voir  aussi 
ce  qu'en  dit  Biackslone  dans  les  dixième  et  seizième  cha- 
pitres du  troisième  livre  de  son  commentaire  sur  les  lois 
anglaises  ;  il  faut  voir  sur-tout  le  traité  dû  à  Ranulfe  de 
Glanville  lui-même,  sur  les  lois  el  les  coutumes  de  sa  patrie , 
pendant  qu'il  en  était  le  premier  magistrat  et  que  Henri  la 
gouvernait,  et  principalement  le  second  livre,  le  dixième  et  le 
treizième. 

L'assise  établie  par  ce  prince  se  composa  de  juges  que  nomma 
une  assemblée  générale  du  royaume,  en  1176,  et  qu'elle  choisit 
dans  la  grande  cour  du  roi.  Ils  furent  ambulans,  Jtwiictam  in 
Ci  dess.  p.  !î2*.  itiïiere,  errantes  vel  itinérantes  justiciarii,  comme  disait  Pierre 
de  Blois,  et  devaient  faire,  à  des  époques  déterminées,  le  tour 
successif  des  différentes  provinces,  pour  y  juger  les  causes  sou- 
mises à  leurs  tribunaux,  et  des  causes  civiles  comme  des  causes 
criminelles.  La  question  de  la  saisine,  de  la  possession,  fut  laissée 
à  de  petites  assises  ;  les  grandes  prononcèrent  seules  sur  la 
question  définitive  de  la  conservation  du  domaine ,  de  la 
propriété. 

Plus  de  six  siècles  n'ont  pas  détruit  l'institution  de  Henri  II. 
Les  assises,  les  assises  ambulantes  sont  encore  une  des  lois 
de  l'Angleterre,  une  de  celles  qu'un  assentiment  général  n'a 
pas  moins  consacrées  que  le  temps.  Seulement  de  fausses 
idées  religieuses  persuadèrent  assez  long-temps  qu'on  ne 
devait  les  tenir  ni  pendant  l'avent ,  ni  pendant  le  carôme , 
ni  depuis  l'Ascension  jusqu'à  l'octave  de  la  Pentecôte,  ni  à 
quelques  autres  époques  de  l'année  ;  comme  si  c'était  offenser 
Dieu  que  de  juger  des  procès  ou  de  punir  des  crimes.  Henri  II  " 
ne  l'avait  pas  ordonné  ainsi  ;  et  l'on  se  vit  même  souvent 
obligé  d'accorder  une  dispense  ecclésiastique  pour  que  la 
justice  ne  fut  pas  retardée,  pour  qu'elle  pût  être  rendue  en 
ces  temps  même  où  on  avait  paru  croire  qu'elle  ne  pouvait 
l'être  sans  déplaire  à  celui  qui  est  pourtant  la  justice  éter- 
nelle et  suprême.  Douze  grands  juges  vont  aujourd'hui  de 
deux  en  deux  tenir  les  assises  dans  des  arrondissemens  et 
T.  Il,  p.  22*.  à  des  termes  indiqués.    Rapin  Thoyras  l'avait,  dit  ,    comme 


XII  SIECLE. 


HENRI   H,  ROI  D'ANGLETERRE.  529 

plusieurs  autres  historiens,    et  Tindal  lui  fait  à   ce   sujet  un 

reproche  assez  puéril,   et  qui  porte  moins  sur  la  chose   elle-        obstr».  t.  i, 

même  que  sur  l'emploi  du   mol  par  lequel   les   époques  sont      Liv.  m,  c.  18. 

assignées.  Blackstone  explique  très-bien  encore  quel  fut  et  quel 

est  aujourd'hui  l'état  de  la  législation  sur  ces  tribunaux.  Spel-     Cod.  p.  329. 

mann  donne  le  détail  des  circuits  formés  par  la  loi  de  Henri  H  ;  p,  g^g  ' 

ils  furent  au  nombre  de  six,  et  il  y  eut  trois  juges  pour  chacun. 

Spelmann  donne   aussi  le  nom  de  toutes  les  personnes  que  le 

monarque  y  préposa  à  l'adminislralion  de  la  justice.  Henri  leur 

fit  jurer  sur  l'évangile  d'observer  fidèlement  les  réglemens  qu'il 

venait  d'établir,    et  de   les    faire  observer  inviolablement  par 

tous  les  sujets  de  l'empire.  La  loi  prononça  des  peines  sévères         spcim.  cod. 

contre  ceux  qui  se  rendraient  coupables  de  parjure  dans  les  P-  ^-^^ 

assises  ;  l'infamie  y  est  jointe  à  l'emprisonnement  de  la  personne 

et  à  la  confiscation  des  biens  mobiliers.  11  s'agit  ici  des  douze 

jurés    qui   devaient  concourir  à  reconnaître  et  déterminer  le 

crime  et  le  coupable. 

La  confiscation  n'est  là  que  partielle.  Quelquefois  elle  était 
générale.    Les  condamnations    prononcées   sous   le    règne  de 
Henri    11  offrent  plusieurs  exemples  de  cette  universalité.  Les 
biens  de  Thomas  Becket  furent  confisqués  en  entier.  En  1157,    Ci-dess.  p.  ise. 
pendant  la  guerre  faite  dans   le  pays  de  Galles,  Henri,  comte 
d'Essex,  qui,   par  un    droit  héréditaire,  portait   la    bannière  ,j^  *jj  ^^  ^«"'"■• 
du  roi,  l'ayant  laissé  prendre  aux  ennemis,  et  s'étant  sauvé 
en   répandant  la  fausse  nouvelle  de  la  mort  du  prince,   Ro- 
bert de  Montfort  l'appela  en  duel,  le  vainquit  ;  et  cependant 
le  roi  consentit  à  lui  lai.sser  la  vie,   mais  en  l'enfermant  dans 
un   monastère   et  confisquant  l'immense    héritage    qu'il    pos- 
sédait. Un  peu  auparavant,    Henri  II  avait  aussi  dépouillé  de     Diceto,  p.  B31. 
tous  ses  biens  un  seigneur  accusé  d'empoisonnement,   Guil-  ^^  ^377  _  p^,, 
laume  Peverel  (Peverel  même  s'était  d'abord  fait  moine  pour  du  m.  p.  773. 
échapper  au  supplice;  mais  bientôt  il  prit  la  fuite,  ne  croyant 
plus  que  cet  habit  suffirait  pour  lui  assurer  l'impunité).  A  une 
anire  époque,   en  1177  ,  on  voit  Henri  H   rendre  au  comte 
de  Leicester  et  au  comte  de  Chesler,   les  terres  qu'on  leur     ooved.  p.  660. 
avait  prises  ;  mais  il  s'agit  moins  ici  de  domaines  confisqués  par 
l'effet  d'un  jugement  que  par  l'effet  de  la  guerre  et  de  la 
victoire. 

L'année  précédente,  le  roi  Henri,  fils  aîné  de  Henri  H,  avait     Ho?cd.  p.  55t. 
fait  fouetter  publiquement  un  homme  accusé  d'avoir  découvert 
an  père  des  secrets  que  le  fils  lui  avait  confiés. 
Quelques  autres  actes  de  Henri  H  s'appliquent  à  des  dé' 
TomeXir.  Xxx 


530  HENRI    II,    ROI   DANGLETËRRK. 

XII  SIECLE,  liis  contre  les  propriétés  publiques  ou  privées.  La  levée  des 
décimes  pour  la  Terre-Sainte  fut  l'occasion  de  plusieurs  vols 
faits  à  l'état  par   ceux   même  qui   étaient  chargés  de  les  re- 

P.  64'J.  cueillir.  Iloveden  nomme  un  templier,  Gilbert  de  Ogcrstan, 
qui  s'en  rendit  coupable,  et  il  observe  que,  (pioique  Henri 
pût,  d'après  la  nature  du  crime,  le  punir  lui-même  ,  ce  prince 
le  renvoya  au  maître  des  templiers  à  Londres,  (jui  se 
chargea  de  la  punilion  Spelmann,  (pii  le  rappelle,  y  joint 
dautres  accusations  faites  pour  d'autres  délits  du  même 
genre,  des  vols  de  blé,  des  vols  de  drap,  et  il  dit  comment 
ces  crimes  furent  poursuivis  ,  comment  on  en  établit  la 
preuve,  par  quel  magistral  ils  furent  jugés.  Ils  le  furent  par 
le  coroner  ,  coronarins ,  ou  juge  de  tout  ce  cpii  regarde  la 
couronne  ;  et  on  n'entend  pas  sculenienl  par-là  les  droits  ou 
la  ilignilé  du  prince,  mais  le  premier  de  ses  tlevoirs,  la  Iran- 
(piillilé  et   la   sûreté    pidtlitpie     Iloveden    parle   encore  ,   sur 

r.  B67.  1  an  H  77,  du  vol  fait  par  un  chanoine,  du  corps  d'un  saint, 
[)our  le  porter,  d'Angleterre  oii  il  était,  dans  un  monastère 
de  Bretagne.  Henri  ordonna  au  justicier  tie  cette  province 
de  le  redemander  aux  religieux  du  conveni  oîi  on  l'avait 
porté,  cl  en  cas  de;  relus,  de  le  leur  enlever  de  vive  force.  On 
n'eut  pas  besoin  diMecourir  à  ce  di  rnier  moyen;  le  corps 
„  ,,„        lut  bientôt  rendu     Diccio  i)arle,    sur  lannée    M7!>,  d'une  con- 

r.  007.  —  '  ... 

Liulct.  I.  III,  damnation  à  la  poleiic(î  contre  les  meurIruTs  d  un  petil 
•'•  '^-  prince    du    pays   de  (j;illes,   a.s.-;assiné   eu   retournant  dans  sa 

piiiicipauté,  (pioi(pi  il  eût  un  sauf-conduit  du  roi  à  la  cour 
dutjuel  il  était  \enu  l.a  même  peine  avait  été  prononcée 
contre  quatre  chevaliers  prévenus  d  avoir  assassiné  un  fo- 
restier. 

Le  bannissement   est   aussi  ordonne  dans  (pielipies  lois  de 

S|.rim.  cod.    Henri   H.    Les  assi.ses  (h;  (llareiidon    el  de    Northamplon   in- 

p.  ...)0  cl  ..31.  -   ,|j,.„çpi  ,|(;g   p.,j;  (,j,  il  (Jev;iil  être  prononcé.  Elles  délerminenl 

LiUlcl.       t.       III,  '  1  I  1    V-  Il 

p.  218  ctsciiv.-  plusieurs  autres  peines  applicables  a  dillerens  crimes,  (le 
Tyiirii,  t.  Il,  p.  meiirlie,  le  vol,  le  lecélement  des  coupables,  le  faux,  l'in- 
*^^' '^''"'  eendie,    la   Irahi.son,  etc  \  comme   les  jioings  coupés  et   l'am- 

piitalion  des  pieds  ou  des  mains.  Les  jiigemens  par  l'eau,  les 
cautions  offertes,  les  douze  jurés  y  sont  souvent  rappelés.  Quel- 
(pies  articles  ne  sont  que  des  réglemens  de  police,  celui,  par 
exemple,  (|ui  détermine  comi)ien  de  temps  on  pourra  loger 
im  étranger  dans  sa  maison  :  d'autres  peuvent  s'appliquer 
aux  lois  féodales,  comme  ceux  qui  règlent  la  saisine  des  biens 
à  la  mort   du   franc  tenancier,  l'hommage  et   le   serment  dus 


HENRF  II,  ROI  D'ANGLETERRE.  531 

au  seigneur    ou  au  roi,    la  décision  des  difl'érends  que  les  hé-     xii  siècle 
rilages  laissés     peuvent  faire    naître,    et   quelques    droits  de 
la  couronne  :  d'autres    concernent   1  administration  de   la  jus- 
tice,  prescrivent  aux  juges  quelques  obligations  particulières 
qui    tendent  à    la    conservation    de     l'ordre    public,   des  do- 
maines et  revenus   du  roi.    Un    des   articles   invile  à   rentrer 
dans  le  royaume  ceux   qui    l'ont  (juitté,   et  les    déclare  pro- 
scrits à  jamais,  s'ils   ne    reviennent   dans  un  tenq)s  déterminé, 
peine  à  laquelle   était  jointe  celle  de  la  confiscation  univer- 
selle des  biens.    Le    bannissement    pour    deux    années   avait  Diccio,  p. 
été  prononcé,   en  11G4,    envers   un  chanoine  de  Bedford,  Phi-  ^'2.   —    Spcim. 
lippe  de  Broc,  qui,  appelé  en  justice  pour  un  assassinat  donton  "^^    *"■ 
l'accusait,  s'était    permis  des  paroles  outrageantes  contre  le  jus- 
ticier du  roi  ;   il  avait  été  privé  en  nit''mc!  temps  des  revenus  de 
son  canonicat. 

Le    rachat    pécuniaire   du    crime    n'était    pas    inconnu    en 
Angleterre,   quand  Henri  II    monta   sur  le    trône  ;    une  loi  de  Spcim.  rod. 

Henri    P  avait    même   déterminé  les   actions  pour  lesquelles  llv.  iv^as? 
il  serait  permis  de  composer  avec  la    l'amiUe  de  1  oflensé,   les 
actions  pour  lesquelles  il  ne   le  serait  pas,   et   le  prix  de  cette 
composition,  cpiand   elle    aurait    lieu,   l'n    autre    u.sage,    peu 
favorable  au   maintien  des   lois  et  du   l.i   justices,  dont  on  re- 
trouve des  exemples  sous   le  règni!   de  Henri    II,  est  celui  qui 
reconnaissait  à  des    évêques  le  droit  de  suspendre  l'exécution 
d'un  jugement    prononcé;    ainsi,   en    11N4,    un   gentilhomme       Ho»,  p.  024. 
ayant  été  condamné  il  être  pendu  pour  crime  de  rapt,   l'évêque  ~   ^i'^'""-  ="'!• 
se  présenta  au   moment  oii  le  cou|)ablo  allait  subir  la  mort, 
et  défendit,  sous  peine  d'excommunication,  au  bourreau,  d'exé- 
cuter  le  jugement,  sur  le  prétexte  que  c'était    un  jour  de  di- 
manche et  de  fêle. 

Le  droit  dasyle  avait  été  aussi  consacré  par  les  lois.  Tout  cout  Ancio- 
coupable  qui  se  réfugiait  dans  la  maison  d'un  prêtre,  qui  nnrm.  i.  1,  p. 
arrivait  jusqu'au  porche  d'une  église,  était  à  l'abri  des  pour-  ^*'*"  T  *"'^"  '"'' 
suites.   Henri  11  ne     voulut   pas   reconnaître   celle    immunité,   p.  76  ' 

Les    coupables  furent   arrachés   du    lieu  oii   ils  se  cachaient, 
pour  être  remis  aux   tribunaux   et  subir   la  j)eine  que  les  lois  Knyghion, 

prononçaient.  p.  uoo. 

S'il   réforma  ainsi     un  des   plus    grands  abus  que  les    lois 
puissent  autoriser,    il   en   laissa   subsister  un  autre  que  la  lé- 
gislation d'Angleterre   a    conservé,  celui  de  laisser  aux   cours  cig,,^  ^■^ 
ecclésiastiques  le  jugement  de  ce  qui  concerne  les  teslamens  vit,   c.   8.     - 
et    les   successions.    Henri   le  sanctionna  même  par  une  loi  ex-  ^^'"^^'    ''^'    '"' 

X.XX2  '■'' 


532  HENRI  II,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,     presse.  La  plupart  des  questions  concernant  le  mariage  furent 

GisDT.  liv.  également  soumises    à   la  décision  de  ces  cours.   Radulphus 

^"'sJm.  Cod.  Niger  attribue  à  Henri  II   la  permission  donnée  aux  évêques  de 

p.  337  ei  538.     disposer  de  leurs  biens,  et  ensuite  l'autorisation  des  mariages 

au  troisième  degré  de  parenté. 

Sons  les  rapports  de  l'administration  intérieure,  l'histoire  nous 
a  conservé  plusieurs  actions,  dont  elle  exprime  le  but  et  le  résul- 
Diceio  !..  589.  ^^^'  ^^°^  °°"^  ^°  conserver  les  actes  écrits  et  publiés.  On  doit 
citer  ce  qu'il  fit  en  1176:  la  disette  frappant  le  Maine  et  l'An- 
jou, Henri,  du  1er  avril  à  la  récolte  du  blé,  nourrit,  chaque 
jour,  dix  mille  hommes  ;  tout  ce  qui  se  trouvait  dans  les  gre- 
niers publics  fut  distribué  aux  pauvres,  qui  reçurent  encore 
d'autres  secours. 

Dès  le  commencement    de  son  règne,  le  monarque  avait 
assuré  aux  peuples   une  administration   plus   douce,  en  répri- 
mant la  tyrannie  des  seigneurs,  en   accordant   aux  villes  des 
privilèges,  ou  plutôt  en   rétablissant   des  droits  que  l'oppres- 
T.  III,  p.  281.  sion  seule   avait  pu   détruire.    Lillleton  nous  rappelle   ce  qui 
fut  fait  pour  les  villes  de  Bristol  et  de  Dublin.  Le  roi  leur  as- 
sura de  plus,  par  la  même  charte,    un  commerce  libre  avec 
tous  les  états  de   sa  domination.   Nous   avons    parlé,  dans  un 
Ci-Jcss.  p.  472.    des  paragraphes  qui  précèdent,  d'une  alliance  qui  devait  avoir 
pour  but  de  procurer  le  môme  avantage  aux  sujets  de  Henri  H 
qu'à  ceux  de  l'empereur  Frédéric  Barberousse.  Par  un  article  de 
„.  ,  „„,     la  convention  de  1177,   au  sujet  du  voyagea  la  Terre-Sainte 

Ci-iless.  p    503.  •*  •>    '^  1.  i       1 

que  devaient  faire  ensemble  les  rois  de  France  et  d  Angleterre, 
Henri  avait  assuré  dans  ses  états,  comme  Louis  dans  les  siens, 
paix  et  protection  au  commerce, 
iioved.  p.  615.       Quant  à  la  transmission   des    biens  ,    Roger  ,    archevêque 
—    Mal.    Pans,  d'Yorck,  avait  obtenu  du  pape  Alexandre  le  privilège  de  s'ap- 
»n.  M8I    '  15.  proprierceux  des  ecclésiastiques  de  sa  juridiction,  morts  sans 
les  avoir  distribués  eux-mêmes,  quoiqu'ils  en  eussent  disposé 
par  un  testament.  Roger  mourut,   laissant  à  diverses  personnes 
son  argent    et  son   mobilier,    lesquels  s'élevaient  à  onze  mille 
marcs  de  ce  mêlai  et  à  trois  cents  marcs  d'or.  Henri  s'empara  de 
tout,  appliquant  à  l'archevêque  d'Yorck  la  décision  que  ce  prélat 
avait  obtenue  du  pape   relativement  aux  biens  des  clercs  sou- 
mis à  son  autorité. 


HENRI    II,   ROI   D'ANGLETERRE.  533 


XII  SIECLK. 


Lois  concernant  les  revenus  publics  et  la  féodalité. 

Guiilaume-Ie-Conquérant  introduisit   en  Angleterre  la  plu- 
part  des  institutions  et   des   coutumes  adoptées  en  Norman- 
die, et  parmi  elles  se  remarquent  les  lois   qui  concernent  la 
féodalité.   Après  avoir  annexé   une  partie    des  terres  au  do-  nv  ix.^p.  15?! 
maine  de  la  couronne,  le  vainqueur  laissa   la  possession   du     —Chopin,  du 
reste  aux  propriétaires,    sous  des  conditions  de    dépendance  ^""'^'""^       '"'• 
et  d'hommage,  moyennant  des   redevances  aussi  et  quelques  p.  21. 
obligations  personnelles.    Des  fiefs   furent    par-là    même   éta- 
blis.    Guillaume   ordonna    en    même    temps    pour    tout     le 
royaume  un  cadastre  général,  et  le  rôle  ou  l'état  des  terres 
qui  fut  alors  dressé  subsiste  encore  aujourd'hui  ;  il  est  connu 
dans  la  législation  anglaise  sous  un  nom  qui  n'a  aucune   re- 
lation avec  ce  qu'il  exprime,  domesday,  c'est-à-dire,  jour  du 
jugement  ;  Sententia  hujus  libri  inficiari  nonpotest,  vel  impune 
declinari  ;  ob  hoc  nos  ewndem  librum  judiciarium  nominamus, 
dit  Coke,  qui  ne  fait  que  répéter  ce  qu'en  disait  dans  le  livre       '"''•  ''*'•  '"• 
noir  de  l'échiquier  (ainsi  appelé,  parce  qu'il  est  couvert  de  noir)  igg  '     '' 

un  neveu  de  Guillaume-le-Conquérant,  Henri ,  évoque  de 
Winchester,  et  que  redit  Spelmann  dans  son  glossaire,  vou- 
lant en  expliquer  aussi  l'étymologie.  Le  livre  noir  contenait  ''■  *'*' 
aussi  l'état  des  soldats  que  devaient  au  roi  les  possesseurs  d'un 
fief  mouvant  immédiatement  de  lui,  et  des  soldats  dus  parles 
vassaux  de  chacun  d'eux  pour  les  fiefs  qui  en  relevaient.  Les 
Anglais  n'ont  aucun  monument  plus  ancien.  Spelmann  en- 
core dans  le  même  ouvrage  en  a  donné  une  description  assez 
étendue. 

Parmi  les  redevances  pécuniaires  dont  ce  livre  môme  de- 
vait servir  à   régler  la  mesure  ou   la  quotité,   une  des  plus 
considérables  était  le  droit  de  relief,  ou  le  droit  à  payer  pour 
conserver  une  terre  qu'on  supposait  tombée  dans  le  domaine 
du  seigneur  par  la   mort  de  celui  qui   la  possédait,   et  que 
l'héritier  devait  relever,  s'il  voulait  continuer  à  en  jouir.  Une 
loi  de    Henri   I«'  avait    modéré    ce    droit  ,   perçu  auparavant        "*'*!:  ^"'^ 
d'une  manière  arbitraire  et  oppressive.    Une   loi  de  Henri  II  Biàck.  liv.  11,  c 
détermina  que  l'héritier  ou  possesseur  d'un  fief  entier  de  che-  ^-  "  *''"'•  '• .'' 
Valérie  paierait,   quand  il  serait  de  plein  âge  (à  vingt-un  ans),  5"' 112.  '_  coke 
cent  sous  pour  relief  au  seigneur ,  deux  livres  dix  sous,  s'il  et  Houard,    sur 
n'en  avait  que  la  moitié,  et  ainsi    toujours  proportionnelle-  " 
;<  8 


534  HENRI  II,  ROI  D  ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  menl.  (Le  relief  fut  du  quart  de  la  valeur  du  service  :  on 
évaluai!  à  vingt  livres  le  service  d'un  fief  de  chevalier  ,  à 
quatre  cents  livres  celui  d'une  baronnie  ou  d'un  comté,  ce 
qui  faisait  par  conséquent  cent  livres  pour  le  relief.)  Ce 
droit,  établi  quand  les  fiefs  n'étaient  pas  encore  héréditaires, 
avait  subsisté  quand  ils  le  furent  devenus  ;  Guillaume-le-Con- 
quérant  le  faisait  payer  en  armes,  en  habillemens  de  guerre, 
et  pour  de  l'argent,  dans  le  cas  uniquement  où  celui  qui  le 
devrait  n'aurait  pas  d'armes  à  fournir  :  mais  Henri  11  ayant 
décidé  que  les  armures  passeraient  à  l'héritier,  la  redevance 
pécuniaire  devint  la  seule  manière  de  payer  le  relief  au  sei- 
gneur. Nous  avons  dit  qu'on  ne  le  devait  qu'à  vingt-un  ans; 
iiiMii.  (le  Liui.  si  la  tenure  néanmoins  était  à  la  charge  de  rente,  le  seigneur 
i-  *^-  avait  relief  dès  l'instant  du  décès  de  son  vassal ,  quel  que  fût  l'âge 

du  mineur. 

Les  terres  anglaises,  en  devenant  féodales,  ne  le  devinrent 
pas  toutes  aux  mêmes  conditions  ,  avec  les  mêmes  carac- 
tères. Les  tenures  laïques  que  Blackstone  réduit  à  quatre  es- 
pèces principales,  diffèrent  entre  elles  par  la  nature  et  la 
durée  du  service  imposé  ;  prendre  les  armes  pour  la  défense 
du  seigneur,  labourer  sa  terre,  lui  payer  une  redevance  en 
argent  ou  en  fruits,  etc.  La  plus  honorable  était  celle  qui 
concernait  le  service  militaire,  ou  la  tenure  de  chevalerie. 
La  dernière  de  toutes  était  le  villenagium  socagium  ,  qui 
imposait  de  moins  nobles  obligations;  celait  un  service  bas 
cl  entièrement  dépendant  de  la  volonté  du  seigneur.  Le  ser- 
vice était-il  incertain  pour  le  temps  et  pour  la  quantité  :  la 
tenure  se  désignait  alors  par  villenagium  purum.  Au-dessus 
d'elle,  et  immédiatement  après  la  première,  fut  le  service 
libre,  déterminé,  qui  ne  consistait  que  dans  les  foi  et  hom- 
mage et  dans  des  redevances,  liberum  socagium,  ou  roture 
libre. 

Les  fiefs   dont   nous  avons  d'abord   parlé  devaient   le  ser- 
vi(;e  militaire,  et   c'est  d'après  ce  motif  que  la   loi   n'exigail 
quune  partie  du  revenu.  Il  était  dû  tout  entier  pour  les  te- 
nures qui    ne  devaient    pas  ce  servioe.   L'obligation    imposée 
aux    vassaux  de   prendre  les  armes  pour    leur  seigneur  était 
Hume,  I.  I.  aussi  ancienne  que   la   féodalité    Mais  les  troupes  qu'ils  four- 
I  iule!  "\  Ti'' 7  nissaienl  avaient  dans   leur  composition    même   des   élémens 
ilo.*^  '  ''    d'indépendance  (jui  ne   rendaient   pas  toujours  certain  le  se- 

cours qu'on  en   pouvait  espérer.    Henri  substitua  en  Norman- 
die et  dans  plusieurs  autres  provinces,   une  contribution    en 


HENRI,  I!   ROI  D'ANGLETRRRR.  535 

argent  au  service  personnel.  La  contribution  fut  de  trois  xii  siècle. 
livres  par  fief  de  chevalier.  Les  tenanciers  militaires  adop- 
tèrent avec  plaisir  le  changement  proposé,  cl  le  roi,  de  son 
côté,  eut,  par  le  moyen  de  cet  argent,  un  service  plus  sûr 
et  des  troupes  plus  obéissantes.  C'est  la  rcd-^vance  désignée 
ordinairement  dans  les*  anciennes  lois  féodales,  par  scuta- 
giutn,  servitiian  senti,  ou  bien,  escuage ,  essuage ,  soulage. 
On  entendait  par  (ief  de  chevalier,  celui  qui  ne  relevait  que  du 
prince. 

Henri  avait  fixé  le  droit  d'cscuage  en  l'établissant.  La  taxe      insi.  ,ie  Liui. 
en  devint  par    la  suite  tellement  arbitraire,  (lue  lorsqu'un   des  5  9^  '^  "'•  — 
nls  du  roi,   Jean-sans-terrc,  donna  la  grande  charte  ou  lac-  c.  s. 
cepta,    un  de  ses  articles   décida  formellement  qu'on  ne  pour- 
rait en    imposer   une  semblable  sans  le  consentement  du  par- 
lement, et   sa   valeur  fut  a^sez  souvent  de  quarante  sous  pour 
le  plein  fief,    et  de  vingt    pour  le  demi-fief     Blackslone  re- 
garde l'escuage  ou  le  scutage  comme  le    principe  et    l'origine 
de  la   taxe    mise  sur   les    terres     La  subslilulion    des  troupes 
soudoyées  à  une  milice  composée   de  barons,  de  chevaliers, 
de  gentilshommes,   tous  vassaux  du  roi,  est  un  des  plus  grands 
changemens   faits  dans   les  institutions   britanniques.   Il  est  de 
la  cin(]uième  année  du   règne  de  Henri   II.   Gervais    dit   que      p    ijgi       v. 
la  somme    produite   celle  année  même,   Ho'J,  par  le  droit  de  Tvi.eii,  i.  ii,  p. 
scutage,  fut   de   180   mille   livres  d'argent  pour  l'Angleterre; 
Henri   préleva  pareillement  une  somme  assez  considérable  en 
Aquitaine  et  dans  ses  autres  provinces  de  France.    Tyrrell   fait 
mention  d'autres  scutages  encore,  mis  par  ce  prince  à  d'autres 
époques  de  son  règne. 

11  y  a  plusieurs  dispositions  féodales  dans  une  autre  loi  du 
même  prince,  de  l'année  117G,  lesquelles  concernent  les 
biens  laissés  par  le  franc  tenancier  mourant,  la  saisine  de 
l'héritage,  le  relief  et  l'hommage  dus  au  seigneur  du  fief,  la 
dot  de  la  veuve  et  ses  droits  sur  les  biens  meubles.  Une 
autre    loi  encore  de  Henri  H,   mais  de  1181,  rècle  la  manière        „  ,.,, 

"^  UOV.    p.   I)l4. 

de  s'armer  pour  tous  ceux  qui   avaient   le  droit  ou   l'obliga-  —  Liiti.-t.  t    m, 
lion    du    service    militaire.     Quiconque    possédait   un    fief  de  ^'  ''^''  '^'  ■'""^' 
chevalier  (ou  ne  relevant  que  du  prince)   devait  avoir  une  p.  is»  et   i^*.!. 
cuirasse,    un  casque,    un  bouclier,   une  lance.    En  possédait-  -  Tvricii.  i  ii, 
on  plusieurs  :    il    fallait  avoir   de  chacune  de  ces  armures  au-  ^'  **'*  *'  *^^* 
tant  qu'on   avait  de  fiefs  ;   la  lance,   le  bouclier,  le  casque,  la 
cuirasse,  furent   aussi  exigés  de  tout   laïque  libre  ayant  des 
biens   mobiliers  ou  un  revenu    nîontant  à   seize  marcs  ;  au- 


536  HENRI   IF  ,    ROI    D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE  dessous,  mais  avec  une  valeur  de  dix  marcs  au  moins,  un 
haubergeon,  un  chappel  de  fer  [capelet  ferri,  dit  le  texte  ; 
et  Hoveden,  trois  pages  plus  haut,  avait  dit  capellum  fer- 
reum  ;  Lillleton  dit  scull-cap  of  iron),  étaient  demandés  ;  et 
pour  tous  les  autres  bourgeois,  le  chappel  de  fer  et  la  lance 
aussi,  et  un  gamboison  (plastron  ou  corselet,  qui  descendait 
jusqu'aux  cuisses)  Le  roi  fixe  ensuite  le  temps  où  il  veut  que 
chacun  soit  armé  et  vienne  prêter  serment  de  lui  être 
fidèle,  et  d'employer  ces  armes  pour  son  service,  comme  il  le 
prescrira. 

Cette  loi  fut  faite  pour  l'Angleterre  ;  mais  peu  de  temps 
auparavant,  Henri  11  en  avait  fait  une  semblable  pour  toutes 
Hoved.  p.  611.  ses  provinces  de  France.  La  manière  de  s'armer  recevait  aussi 
quelque  différence,  assez  légère,  de  la  différence  de  la  for- 
tune ou  du  revenu.  Henri  prohiba  de  vendre  ses  armes  ou  de 
les  mettre  en  gage,  interdiction  qu'on  trouve  dans  la  loi  con- 
cernant l'Angleterre.  Cette  dernière  loi  a  plusieurs  autres 
dispositions  qui  règlent  ce  qui  arrivera,  quand  le  maître  de 
ces  armes  mourra  ,  quand  un  bourgeois  en  aura  un  plus 
grand  nombre  qu'on  ne  lui  en  laisse  ici,  quand  il  n'aura  pas 
obéi  à  l'ordre  de  s'armer  ;  et  dans  quelques  circonstances  en- 
core, le  seigneur  ne  peut,  sous  aucun  prétexte,  s'approprier 
les  armes  de  son  vassal  ou  en  disposer.  Le  droit  de  les  porter 
fut  exclusivement  réservé  aux  hommes  libres.  Les  ecclésias- 
tiques en  furent  long-temps  exempts  ;  ils  avaient  eu  ce  pri- 
vilège en  Normandie.  Des  évoques  accompagnèrent  Guil- 
laume quand  il  vint  conquérir  l'Angleterre  ;  mais  ils  ne  le 
servirent  que  de  leurs  conseils,  comme  le  dit  un  historien  , 
precibus  pugnabant  et  consiliis.  Dans  la  suite,  néanmoins  , 
Maiii.  Palis,  Igs  lerrcs  des  évéques  qui  furent  déclarées  baronnies  se  trou- 
an.  1070,  p.  s.  vèrent  soumises  aux  mômes  obligations  militaires  que  les 
~  l'tjie'  '  ''  terres  des  laïques  qui  avaient  le  même  titre  et  le  môme 
caractère. 

Le  neuvième  livre  de  Glanville ,  rédigé  par  ce  magistrat 
sous  le  règne  et  de  l'ordre  de  Henri  II  ,  contient  beaucoup 
d'autres  lois  féodales.  Les  hommages  et  les  services  imposés, 
les  secours  de  différente  nature  dus  au  seigneur,  les  peines 
encourues  si  l'on  manque  à  ces  obligations ,  y  deviennent 
successivement  l'objet  des  régicmens  présentés  par  le  grand 
justicier  d  Angleterre.  I!  avait  rappelé,  entre  autres,  dans  le 
premier  livre  de  son  ouvrage,  un  impôt  territorial  qu'on  le- 
vait quelquefois  sur  ses  vassaux  à  l'occasion  d'un   événemcnl 


HKNRI   !l,    ROI   D'ANGLETERRE.  537 

important  pour  le  seigneur,   le   mariage  de  ses  enfans ,   par     •'^"  ''"^'•''^    _ 
exemple.   Quand  la  mère  de  Henri  II,   Mathilde,  épousa  l'em- 
pereur, Henri  1"  perçut  une  contribution  semblable  ;  Henri  II , 
en  1166,  en  fit  payer  une  aussi  pour  les  besoins  de  la  Terre- 
Sainte  :  quatre  deniers,  suivant  Math.   Paris;  deux  seulement ,  „   , 

,  .  _  ,  .  Spcltn.    y 

suivant  Gervais ,  furent   levés  a  cet  effet  sur   chaque   portion  crua   et   nua, 
de  terre   occupant  annuellement    une  charrue  ;   aussi   l'impôt  <■'  «od-    '«'g-  p- 

..,,,.,  ,  327.     —      Math. 

est-il  désigne  par  cartiagium  ou  carucagium,  comme  la  por-  ^,^^  et  Gcrv  sur 
tion  de  terre  l'est  par  caruca  ou  carucata;  hidagium,  hida  l'an  1166. 
ont  encore  le  même  sens ,  ils  indiquent  le  môme  espace  de 
terrain.  Les  maisons  furent  soumises  à  une  taxe  aussi;  on 
y  soumit  toutes  les  possessions  mobiliaires  ;  on  en  préleva 
une  jusque  sur  ceux  qui  n'avaient  qu'une  seule  possession , 
mais  qui  exerçaient  quelque  fonction.  Cette  loi  prescrit 
d'ailleurs  plusieurs  autres  mesures ,  qui  sont  les  moyens 
d'exécution  des  ordres  généraux  qu'elle  venait  de  don- 
ner. 

Un  contemporain  de  Henri  II  ,  qui  ,  accusé  auprès  de  lui  ,         Spcim.  cod. 
et  banni  du  royaume ,  s'en  vengea  par  un  écrit ,   qui  est  un  p-  338. 
véritable  libelle  contre  ce  grand  roi ,   Radulphus  Niger  dit  que 
le  danegeld  fut  renouvelé  sous  le  même  règne.  Le  danegeld  est 
une  contribution  territoriale  qu'on  prélevait  par  hide ,   et  qui 

.,  ,  ir»  Chron    sax. 

avait  été  mise  autrefois  en  Angleterre  pour  combattre  les  Ua-  p.  i26  et  ibi. 

nois,  ou  pour  satisfaire  à  un   tribut  qu'ils  avaient  imposé.    Le  —     Humiodon , 

peuple  qui  s'y  soumit  éprouva  bientôt  ce  qu'éprouveront  lou-  ^^^^^  *'     ^ 

jours  les  peuples  assez  effrayés  pour  accepter  des  conditions  -  Spcim.v.  Do- 

humiliantes  et  les  regarder  comme  un  moyen  de  salut;  ils  sont ,  '"?'"'''""'• 

pour  long-temps ,   découragés  ,    asservis ,    et  le  joug  ,  chaque 

année  ,  pèse  davantage  sur  eux  :  le  danegeld  ,  qui  n'était  que 

de  dix   mille  livres  en  991  ,  était  de  24  mille  en   1002,   de 

36  mille  en  1007,  de  48  mille  en  1012,  de  71    mille  en  1018. 

Le  tribut  cessa  enfin  d'être  payé  aux  Danois,  quand  la  dynastie 

de  Guillaume  régna  sur  l'Angleterre  ;  mais  le  peuple  n'en  fut 

pas     soulagé;    ce    qu'il    payait    comme    tribut  ,    on   l'exigea 

comme  impôt.  Je  vois  qu'on  le  percevait  sous  cette  forme ,  par 

des  lois  qui  en  affranchissent  les  membres  de  l'échiquier,  les 

vicomtes,  les  bourgeois  de  Londres.  Du  reste ,  on   appliquait 

plus  ordinairement  cet  impôt  à  la  défense  de  l'Angleterre  contre 

ses  ennemis. 

Le  danegeld  fut  aboli  sous  le  règne  d'Étienqe  ;  il  l'avait  Bromton,  p. 
promis  par  le  serment  prêté  à  son  couronnement.  Nous  ^^^-  ~  Hoved. 
n'avons    aucune    preuve    positive  que    Henri  H  l'ait   rétabli,  jéni      a7iiecu" 

Tome  XIV.  Yyy  liv.  2,  c.  6. 

3  6* 


538  HENRI  II,    ROI   D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE  Peut-être  le  fiil-il  par  Etienne  lui-même;  peut-être  subsis- 
tait-il en  se  modiflanl ,  malgré  la  promesse  du  roi  ;  peut-être 
aussi  son  rétablissement  fut-ill'ouvrage  de  Henri  II,  quoique 
le  silence  des  historiens  à  cet  égard  puisse  avoir  d'autant  plus 
de  force ,  qu'ils  nous  ont  conservé  les  autres  lois  de  ce 
monarque  sur  l'impôt.  11  y  a  cependant,  au  milieu  de  ces 
doutes ,  une  chose  certaine  ;  c'est  que  des  lettres  patentes  de 
Henri,   données  en    M  77  en  faveur  de   légiise  de  Cantorbéry, 

Ccr».  p.  1435    supposent  qu'il  existe   encore  une  contribution  ap|)elée  dane- 
geld,  puisque  le  roi  veut  que  cette  église  continue  à  en  être  af- 
franchie. 
Speim.  ood.       D'autres  lettres  d'exemption,  accordées  à  la  ville  de  Londres 
p.  319.  par  le   même    prince  ,  dès   les  premiers  jours  de  son   règne , 

nous  avaient  fait  connaître  la  plupart  des  impôts  levés  alors  en 
Angleteire.  La  loi  les  désigne  par  tkelonum  ou  Iheloneiim,  les- 
tagiwn,  consueiudo,  impôls  coimus  au.ssi  dans  notre  ancienne 
jurisprudence  Oscale ,  et  sur  les(|uels  nous  avons  essayé  d'of- 
frir quelques  développemons  dans  le  discours  préliminaire  du 
seizième  volume  des  ordonnances  de  nos  rois  ;  mais  Henri  II 
parle  ensuite  de  brudloll,  childwyle,  yaresgive,  scolale,  con- 
tributions dont  il  affranchit  également  les  bourgeois  de  Lon- 
dres. Ces  mots  ne  sont  pas  expliqués,  ils  ont  besoin  de  l'être 
pour  nous  :  le  premier  est  un  droit  sur  la  vente  des  marchan- 
dises ;  le  second  une  rétribution  pécuniaire  pour  quelques 
délits  :  beaucoup  de  crimes  s'expiaient  alors  avec  de  l'argent; 
le  troisième  indi(|ue  un  droit  sur  le  mesuragc  ;  le  quatrième 
une  contribution  qu  on  payait  par  tête,  et  qui  était  levée  par 
les  vicomtes  et  les  baillis  ;  l'artic  le  même  que  nous  citons  leur 
défend  de  l'exiger  à  Londres.  Henri  II ,  par  celle  loi ,  accorda 
également  aux  bourgeois  de  sa  capitale  fugationes  sicas , 
c'pst-à-dire ,  les  droits  dédiasse,  tels  qu'ils  les  avaient  eus 
sous  le  règne  de  Henri   I*" . 

Les   lettres  patentes  qui   concernent   l'église  de  Cantorbéry 

noniuienl    jilusieurs    autres     impôls  dont    elles    accordent    ou 

toniirment  limmunilé.  Do7xo   eis    et    concedo ,  discnl-elles,  ^^ 

hàc  car/à  meà  confirmo  has    libellâtes  ,    scilicel  geld  et    de- 

S>clni    r.Us.  negel  (  dancgeld),    hidagium,  pecuniam    pro  murthro,  opus 

»"•    (iriiiuiii    il  pontium,    custellorum ,    pa^corum ,    dausularwn  ,    auxilium 

Hundrcdus.  pecunix   pro    exercilu  ,  wardpennij,   blodrcile ,  childv:ite   per 

ûmnia  dominia  archiepiscopi  et  monachorwn ,  et  villanagia. 
Geld  ou  gild  est  un  mol  générique  pour  exprimer  (juelque 
chose  à  payer,  une   contribution  ,   une  redevance,  un   tribut  : 


XII  SIECLE. 


HENRI  II  ,    ROI    D'ANGLETERRE.  ;J39 

la  langue  de  l'impôt  s'en  est  souvent  servi  en  l'unissanl  à 
un  autre  mot  qui  en  resserre  l'étendue,  mais  qui  le  carac- 
térise; dancgeld,  hornegeld,  vodegeld,  ou  l'injpôt  danois,  l'im- 
[)ôt  sur  les  bi'lcs  à  corne,  l'impôl  des  forêts.  Hidagium  ai 
childwile  viennent  d'être  expliqués;  les  mots  qui  suivent 
n'ont  pas  besoin  de  l'être  jusqu'à  viardpenny ,  qui  veut  dire 
une  taxe  payée  pour  la  garde  du  lieu,  du  chûleau,  et  Modicité, 
qui  est  une  amende  pour  le  sang  versé.  La  loi  de  Henri  II 
affranchi!  également  les  possessions  de  l'église  de  Cantorbéry 
à  siris  et  hundredis,  et  leslis  hundredortim  :  ce  sont  des  taxes 
encore  qu  on  devait  payer  pour  subvenir  aux  dépenses  occa- 
sionnées par  la  tenue  des  assemblées  judiciaires  d'un  district, 
lequel  lirait  son  nom  des  cent  personnes  même  qui  devaient  les 
composer. 

Les  autres  revenus  publics  dont  il  est  fait  mention  ilans  les 
lois  de  Henri  II,  sont  le  droit  de  régale,  le  droit  sur  les  effets 
trouvés  ou  vacans,  le  droit  sur  les  naufrages. 

Le  droit  de  régale  n'était   pas  moins  ancien  en  France  que 
le  christianisme  ;  il  remontait   à  Clovis.    Les  ducs  de  Norman- 
die   l'exercèrent    comme    nos    rois  ;    lliisloire    en    olFre    des 
exemples   avant    le   règne  de  Guillaumc-le-Conquéranf,  sous 
son    règne   et  sous  ses  successeurs.    Henri    I"  en  avait    joui 
pendant  cinq  années  que  vaqua   I  archevêché  de  Cantorbéry,   V,  p.  lOîtè 
après  la  mort  d'Anselme,    Un    acte    inséré   par  Marlène   dans 
son  amplissime  collection,   atteste  que    Henri  II  l'exerça  pour 
l'archevêché  de  Rouen,  devenu  vacant  par  la  mort  de  Rotrou  ; 
U  en  avait  même  fait  l'objet  d'une  de  ses  lois,  en    1 1  o").  Il  y 
rappelle   les  gardes  des  évêchés  vacans  au  véritable  esprit  de 
leur  institution  primitive,    dit     Ilouard,   en   enjoignant    d'ob-        .      ,  . 
server  a  I  égard  de  cette  garde   les    nu-mes   règles    que    l'on    Fr.  i.  i,  p.  157. 
suivait  pour  celle  des   fiefs;  disposition   d'autant  plus  sensée, 
que ,   quoique    l'administration  royale  des    églises,    durant  la 
vacance,  eût  précédé  la   garde  royale  et  seigneuriale  des  fonds 
inféodés  et  lui  eût  servi  de  modèle,  les   feudataires  n'avaient 
point    essayé,  comme  le  clergé  l'avait  tenté  en   quelques   cir- 
constances à  l'égard  de  la  régale,  d'obscurcir   les   droits    que 
le  roi  ou  leurs  seigneurs  avaient  sur  leurs  fiefs  durant  la  mi- 
norité; et  que  d'ailleurs,  ajoute  ce  savant  jurisconsulte,  mal- 
gré les   efforts  des  ecclésiastiques,  au  premier  coup-dœil,   il 
y   avait  toujours  eu  entre  la  gardn  féodale  et  celle  des  églises 
les   rapports  les  plus   frappans.  Eu  effet,  l'une  et  l'autre   por-      ,4,^   ,  ,^3 
talent  sur  tous  les  biens  :  il  n'y  avait  de  compte  à  rendre  ni 


Ednicr,     liv. 


T.  I.  p.   H)8t. 


540  HENRI    II,    ROI   D'ANGLETERRE. 

XII  SIECLE,  pour  l'une  ni  pour  l'autre  :  l'une  et  l'autre  unissaient  quand 
le  vassal  ou  le  nouveau  prélat  nommé  avaient  prêté  l'hom- 
mage ou  le  serment  que  les  lois  exigeaient.  Mais  la  vacance 
des  bénéfices  ecclésiastiques  pouvait  âtre  plus  ou  moins  pro- 
longée par  le  défaut  de  nomination  ou  par  le  retard  du  ser- 
ment. Henri  lise  soumit,  en  11 76,  à  ne  pouvoir  jouir  plus 
Speim.  cod.  (j'une  année,  du  revenu  d'un  archevêché ,  d'un   évêché,  d'une 

Pans.  p.~i27^      abbaye,  si  ce  n'était  par  des  motifs  évidens  ou  dans  le  cas  d'une 
urgente  nécessité. 
Rym.  i.  I.  p        Venons    au   droit  sur  les   effets  naufragés.    Par   l'ancienne 

12.  —  Litiiei.  t.  législation  ,  quand  un  navire  échouait  ou   périssait    sur     les 

ni.  p!  232.  côtes  d'Angleterre,  tout  ce  qu'il  contenait  appartenait  au  roi. 

Il  est  difficile  de   trouver   une  loi  plus  injuste,  moins  conforme 
à  cette  garantie  dos  personnes  et  des  propriétés,  un   des  pre- 
miers objets  de  tous  les   gouvernemens,   sous  quelque  forme 
Spcim.  cod.  qu'ils  s'établissent.    Henri  I"  avait  déjà  repoussé   la  maxime 

p.  30S.  barbare  qui  voulait  que  le   propriétaire  cessât  de  l'être,  dès 

qu'il  éprouverait  le  malheur  d'un  naufrage,  et  que  le  prince 
en  confisquât  les  biens,  au  lieu  de  l'aider  à  les  sauver.  Henri  H 
reconnut  le  droit  naturel  et  sacré  des  maîtres  du  navire  et 
des  marchandises  ;  il  régla  cependant  que  dans  le  cas  oii  ils 
ne  se  présenteraient  pas  dans  un  espace  de  temps  déterminé  , 
dans  les  trois  mois  après  le  naufrage ,  ces  biens  ,  comme 
tous  les  biens  vacans,  appartiendraient  à  l'état.  La  loi  de 
Henri  II  s'applique  aux  vaisseaux  échoués  sur  les  rivages  des 
pays  qu'il  possédait  en  France,  comme  sur  ceux  d'Angle- 
terre in  quatuor  costeris,  videlicet  Angliae,  Pictaviae,  Vas- 
coviœ,  vel  in  insulâ  Oleronis.  Il  suffit  qu'un  seul  homme  ait 
échappe  au  naufrage,  pour  que  les  biens  soient  rendus  : 
Quoties  de  navi  taliter  periditatà,  aliquis  honio  vivus  eva- 
serit  et  ad  terram  venerit,  omnia  bona  et  catalla  in  navi 
illa  contenta  remaneant  et  sint  eorum  quorum  prius  fuerunt. 
P.  482.  Nous  avons  dit  plus  haut  que  ce  mot  catalla  ,  dont  on  se 
sert  ici,  est  ordinairement  employé  dans  les  anciennes  lois 
de  France  et  d'Angleterre,  pour  exprimer  des  biens  meubles  , 
des  marchandises  ;  et  on  trouve  également  chatel  employé 
dans  le  sens  d'objet  mobilier,  au  chapitre  quatre-vingt-onzième 
du  premier  livre  des  établissemeas  de  saint  Louis.  La  loi  de 
Henri  II  est  du  26  mai  1174.  Constantin,  huit  siècles  aupara- 
vant, avait  abrogé,  d'une  manière  plus  formelle  encore  et 
plus  absolue,  une  loi  romaine  semblable  à  celle  qu-i  existait 
en  Angleterre  avant  le  règne  des  deux  premiers  Henri  :  Quod 


XII  SIECLE. 


P.  529. 


HENRI  II,  ROI  DANGLETERRE.  541 

jris  habet  fiscus  in  aliéna  ealamitate,  ut  de  re  lam  luctuosâ 
compendium  sectetur,  disail-il,  avec  autant  de  raison  que 
d'humanité. 

En  attribuant  celte  loi  à  Henri  II,  j'ai  suivi  Rynier.  Je  crains 
bien  cependant  que  Rymer  ne  se  soit  trompé.  On  lit  au  bas  de 
l'acte  le  nom  de  Radulphe,  évêque  de  Chester.  Or,  Radulphe 
n'eut  cet  évêché  qu'en  1224.  La  loi  devrait  être  alors  du  règne 
de  Henri  III. 

Nous  avons  parlé  des  confiscations  ;  elles  étaient  l'effet  d'une 
condamnation  judiciaire.  Mais  le  passage  des  biens  privés  au 
domaine  public  n'avait  pas  toujours  une  si  funeste  origine.  La 
mort  d'un  vassal  sans  postérité,  faisait  réunir  au  domaine  de  la 
couronne  les  terres  qu  il  laissait.  C'étaient  des  biens  qui,  n'ayant 
plus  u'j  maître  particulier,  devaient  appartenir  à  la  société  toute 
entière,  et,  en  son  nom,  au  chef  de  l'état.  Robert  Dumont  cite  le 
fait  de  Gautier  Giffart,  comte  de  Buckingham,  mort  en  1164: 
n'ayant  point  laissé  d'héritiers,  toutes  les  terres  qu'il  avait 
tant  en  Angleterre  qu'en  Normandie,  passèrent  au  domaine  du 
roi. 

Les  impôts,  les  redevances,  les  droits  exigés  étaient  au  profit 
di'  monarque  ou  de  l'état.  On  en  percevait  aussi  pour  le  pontife 
romain.  Quelques  lois  de  Henri  II  parlent  du  denier  de  saint       Speim.  Gioss. 
Pierre,  tribut  si  commun  alors  des  peuples  chrétiens  envers  le  ^-  R"™"^»»'  p- 
chef  de  l'église  :  ce  fut  cependant  de  tous  les   rois  de  celte  p.  n/6.  —  Bromt. 
époque,  celui  dans  les  états  duquel  le  denier  de  saint  Pierre  fut  p-  '76-  -  P-  '*'= 
le  plus  mal  payé  ;  la  perception  en  fut  même  quelquefois  inter-  ^u^*'  ''■ 
dite. 

Les  Romains,  en  1183,  s'élanl  soulevés  contre  Lucius  III, 
et  ce  pape,  qui  avait  été  obligé  de  quitter  Rome,  ayant  de- 
mandé un  subside  aux  princes  chrétiens,  Henri  le  lui  ac- 
corda :  les  ecclésiastiques  prièrent  le  roi  de  l'octroyer  de  lui- 
môme,  sauf  à  le  lever  ensuite  sur  eux,  pour  ne  pas  donner  aux 
nonces  du  pape  une  occasion  d'entrer  en  Angleterre,  dont  ils 
redoutaient  les  suites. 


Ilovcd.  p  652 
Littlet.  l  III, 
«07. 


Henri  II  est  le  plus  illustre  des  rois  français  qui  ont  régné 
en  Angleterre,  un  des  plus  illustres  de  l'histoire  britannique 
tout  entière.  Des  écrivains  ecclésiastiques,  des  orateurs  chré- 
tiens, ne  le  jugeant  que  d'après  son  opposition  à  Thomas 
Becket,  archevêque  de  Cantorbéry,  et  protégeant  une  doc- 


r)i2  HENRI  II  ,   ROI  D'ANGLETERRE 

XII  SIECLE.      irine  vraiment  subversive  de  rindépendaiice  des  élats  et  des 

droits  des  trônes,  se  sont  montrés  envers  le  monarque   dune 

sévérité   qu'on  doit   appeler  injustice.    Aucun   n'a   jamais  été 

plus   loin,    sous     ce     rapport,     qu'un     auteur     contemporain, 

Radulphus  Niger,  banni  du  royaume  sous  Henri  II,  comme  nous 

l'avons  déjà  dit,    et   dont    louvragc  respire  les  seiitimens  les 

De  isug.  eu-  P'"^  continuels  de  malveillance  et  de  haine.   Dautres,   comme 

riaiib.,  liv.    VI,  Jean  de  Sarisbéry,  qui,  du  reste,  fut  l'ami  et  le   conseil   de 

c.  18;  iiv.   vni,  xhomas  Beckel,  passant  tour-à-tour  du  blâme  à  l'éloge,  et  de 

l'éloge  au  blûme,  en  font,  suivant  les  circonstances  et   1  intérêt 

de  leurs  passions,  tantôt  un  grand  homme  et  tantôt  un  tyran. 

Voir  Tcp.  77.  Pierre    de    Blois     fut    constamment    plus    juste    eflvers    lui. 

Il  en  avait  fait  l'histoire  dans  un   livre  intitulé  ;    De  prsestigiis 

p.  4(17  cl  w;.).  fortunœ,  dont  il  ne  nous  reste  qu'un  frairment  qui   n'a  aucun 

—  Voir  les  p.    2  ,  ii     i    •  i  . 

cl  i  de  la  picf.    rapport  a  ce    prince.   11  un  a  adresse  son  ouvrage   sur  .lob, 

le  traité   intitulé,  Quales  sunt,   et   d'autres  ouvrages  encore. 

Bibi.  ht.  liv.  11   y  en  a  un  de  Guillaume  de  (Jonches,    Dragmaticon  philo- 

III,  p.  Uih.        sophiœ,  que  Fabricius  suppose  un  dialogue  entre  l'auteur  et 

Henri    H,    duc   de   Normandie   et    comte  d  Anjou  ;    mais  c'est 

iiist.  LitK^r.  Geofroi,  père  de  Henri,  Geofroi  dit    le  Bel,  que  Guillaume  de 

i.   XII,   p.    4^)6  (;Qm.}jes  fait  parler  avec  lui;  cet  écrivain  mourut  en  1 154. 

cl   tbi.  '     .  , 

C'est  à  Henri  II  qu  est  adressée  la  première  épîtrc  de  Pierre 
de  Blois,  épître  qui  sert  de  préface  à  sa  collection.  On  y  voit 
que  le  conseil  de  recueillir  toutes  les  lettres  écrites  en  différens 
temps  à  différentes  personnes,  avait  été  donné  à  l'auteur  lui- 
même  ;  et  la  manière  dont  Pierre  de  Blois  s'exprime  sur  son 
ouvrage,  annonce  assez  combien  il  trouve  le  prince  à  qui  il 
l'offre,  capable  d'en  apercevoir  toutes  les  négligences,  tous  les 
défauts. 
Ep.  67,  p.  Plus  loin,  Pierre  de  Blois  écrivant  ii  Henri  II,  au  nom  de 
lep.  *c.  *"^'  I archevêque  de  Rouen,  linvite  à  donnera  son  fils  la  con- 
naissance et  l'amour  des  lettres,  et  il  remarque  très -bien 
tous  les  avantages  que  le  roi  en  a  tirés  pour  son  propre  gou- 
vernement. Cum  aliis  regibus,  dit  l'archevêque,  rude  sit  et 
informe  ingenium,  vestrum  qiiod  exercitatum  est  in  litleris, 
in  magnarum  rerum  administralione  est  prooidwn,  subtile 
in  juditiis,  cautum  iii  prœceplis,  in  consilio  circumspeclum . 
11  n'est  rien  que  les  lettres  n'apprennent,  ajoute  le  prélat  : 
gouverner  un  état,  lui  assurer  des  moyens  di;  défense,  gagner 
des  batailles,  faire  et  maintenir  la  paix,  assurer  le   règne  des 


HENRI    II,  ROI  D'ANGLETERRE.  543 

lois  et  de  la  justice,  toutes  ces  choses,  ce  sont  les  livres  qui  en  xii  siècle. 
instruisent  ;  un  roi  sans  lettres  est  un  vaisseau  sans  rames,  un 
oiseau  sans  ailes.  L'archevêque  rappelle  ensuite  tout  ce 
qu'avaient ti  instruction  César,  Salomon  et  d'autres  princes,  tout 
l'avantage  qu'ils  en  ont  tiré  pour  leur  conduite  et  pour  leur 
gloire. 

Cotte  lettre  est  la  67"  de  la  Collection  de  Pierre  de  Blois. 
La  66e  est  écrite  à  (îuiilaunic,  archevêque  de  Palerme,  qui 
desirait  de  bien  connaître  Henri  H,  sous  les  rapports  exté- 
rieurs et  moraux.  Pierre  de  Blois,  à  qui  il  s'était  adressé,  lui 
donne  les  rcnseignemens  demandés.  Après  avoir  observé  que  p.  «7  ou 
ce  qu'on  exige  de  lui  est  au-dessus  de  ses  forces,  que  le  génie 
de  Virgile  y  suflirail  ii  peine,  il  commence  néanmoins  à  tracer 
le  portrait  du  monarque.  Le  livre  des  Rois,  dit-il,  annonce 
que  David  était  roux,  pour  louer  sa  beauté  ;  Henri  était 
à-peu-prcs  de  cette  couleur  avant  qu'elle  fût  altérée  parla 
blancheur  de  la  vieillesse.  Sa  taille  est  médiocre  ;  il  paraît 
grand  parmi  les  petits,  sans  paraître  trop  petit  parmi  ceux 
qui  sont  grands.  Sa  tête  est  ronde,  sphérique  (  sphericum  ), 
comme  le  siège  d'une  haute  sagesse,  le  sanctuaire  d'une  rare 
prudence,  tanquam  sapiaitia;  magnas  sedes  et  alli  consilii 
spéciale  sacrarium.  Ses  yeux  sont  ronds,  doux  et  modestes 
quand  il  est  tranquille,  pleins  de  force  ,  foudroyans  , 
quand  il  est  on  colère.  L'auteur  décrit  également  son  nez,  ses 
cheveux,  son  visage,  ses  pieds,  ses  jambes,  ses  bras,  ses 
mains,  sa  large  poitrine.  11  ajoute  que  ce  prince,  du  matin 
au  soir,  à  la  messe,  au  conseil,  dans  tous  les  autres  actes  de 
son  gouvernement,  était  perpétuellement  debout,  qu'il  ne 
s'asseyait  jamais  quà  cheval  ou  pour  manger.  Il  parle  ensuite 
de  sa  sobriété,  de  la  simplicité  de  ses  habits,  de  l'exercice 
auquel  il  se  livrait  chaque  jour,  de  celui  de  la  chasse  en 
particulier,  de  ses  voyages  dans  les  provinces  de  son  em- 
pire, de  sa  vigilance  publique.  Il  loue  sa  sagacité  dans  les 
délibérations,  la  force  entraînante  de  son  éloquence,  sa 
tranquillité  dans  le  péril,  sa  fermeté  dans  le  malheur,  sou 
peu  d'audace  dans  la  prospérité.  Celui  qu'il  a  une  fois  aimé, 
il  cesse  rarement  de  le  faire  ;  celui  qu'il  a  une  fois  haï  rentre 
difficilement  dans  son  amitié.  Des  arcs,  des  flèches,  des  épées, 
des  instrumens  de  chasse  sont  en  ses  mains,  toutes  les  fois 
qu'il  n'est  pas  dans  ses  conseils  ou  avec  ses  livres  ;  car  dès 
qu'il  a  quelques  momens  dont  il  puisse  disposer,  il  les  con- 
sacre à  la  lecture.  "Votre  roi  aime  les  lettres  :  le  nôtre  est  plus 


544  HENRI  H,  ROI  D'ANGLETERRE. 

XH  SIECLE  instruit  encore  ;  je  connais  bien  leur  savoir  à  l'un  et  à  l'autre  ; 
le  roi  de  Sicile  (  Guillaume  II  )  a  été  mon  disciple  pendant 
une  année,  mais  dès  que  j'eus  quitté  ses  états,  il  abandonna 
ses  livres,  tandis  que  la  conversation  des  hommes  instruits 
et  les  questions  qu'il  discute  avec  eux  remplissent  tous  les 
loisirs  du  roi  d'Angleterre.  La  charité  de  Henri  pour  les 
pauvres,  sa  munificence  pour  les  églises  ,  son  désintéressement, 
l'étendue  et  l'affermissement  qu'il  avait  donnés  à  ses  états,  son 
amour  et  ses  soins  pour  la  paix,  et  l'avantage  que  lui  avait  offert 
un  trésor  abondant  pour  élever  des  édifices  utiles  et  magni- 
fiques, la  protection  qu'il  accordait  aux  malheureux,  ses  efforts 
constans  pour  abaisser  ou  réprimer  les  oppresseurs  et  les 
superbes,  devinrent  successivement  l'objet  des  éloges  de  Pierre 
deBlois  ;  il  répète  que  pour  célébrer  dignement  toutes  les  qua- 
lités du  roi,  il  faudrait  un  Cicéron  ou  un  Virgile,  et  s'excuse  de 
n'avoir  pu,  au  milieu  des  louanges  de  tant  d'hommes  distin- 
gués, de  n'avoir  pu,  comme  la  pauvre  veuve,  placer  dans  le 
trésor  que  la  plus  petite  monnaie.  Pierre  de  Blois  termine 
sa  lettre  par  l'examen  des  inculpations  faites  à  Henri  II,  au 
sujet  du  meurtre  de  Thomas  de  Cantorbéry.  Il  annonce,  comme 
bien  reconnu  par  les  légats  du  pape  eux-mêmes,  que  le 
prince  n'en  était  pas  coupable,  que  c'était  l'ouvrage  de 
quelques  seigneurs,  qui  devaient  seuls  en  supporter  la  honte. 
Il  ajoute  que  Henri  a  visité  le  tombeau  de  Thomas  Becket,  et 
semble  attribuer  à  l'invocation  du  saint  martyr  les  succès 
récemment  obtenus  par  le  roi  envers  ses  enfants  soulevés 
contre  lui. 

Le  savoir  de  Henri,  son  application  à  l'étude,  son  amour 
pour  les  lettres,  et  la  protection  qu'il  accorda  cons'amment 
à  ceux  qui  les  cultivaient,   sont  célébrés  par  tous  les  écrivains 

An.  1180,  p.  qui  parlent  de  ce  crand  roi,  et  entre  autres,  Pilseus  dans  son 
ouvrage  sur  les  illustres  écrivains  d'Angleterre  ;  Duboulay,  dans 
T.  ir,  p.  7m,  son  Histoire  de  l'Université  de  Paris,  et  le  Nécrologe  de  l'abbaye 
^^*  P.  *Ij2        de  Fontevrault. 

Duboulay  n'oublie  pas  de  dire  que  Henri  donna  des 
évdchés  ou  des  abbayes  importantes  à  plusieurs  professeurs 
et  littérateurs  distingués  de  France  et  d'Angleterre,  et  nomme 
entre  autres,  Achard   de    Saint-Viotor  et    Robert   de   Melun. 

M»rt.  Anecd.  Un  poète  lui  dédiant  son  ouvrage,  disait  .  Métro  castigatum 
elegiaco,  reçus  prgesentari  se  gaudet  (  opusculum  ),  sed  ttmet 
aspectibus  ....  curiam  adiré  curavit,  ut  ibidem  de  regià 
sententiâ  sumat  senteiiliajyi,   de   principali  judicio  judicivm, 


RANULFE  DE  GLANVILLE.  545 

an  cum  honore  prodire  deheat  in  médium,  an  sine  honore 
redire.  L'auteur  fait  dépendre  tout  le  mérite  de  son  poënie 
du  jugement  qu'en  portera  le  roi,  ce  qui  prouverait  que  l'art 
des  vers  était  bien  connu  de  Henri  II,  si  on  ne  savait  que  les 
éloges  des  dédicaces  ne  sont  pas  toujours  d'une  vérité  rigou- 
reuse. P. 


RANULFE  DE  GLANVILLE 

Grand  Jdsticieb,  d'Angleteree. 


¥l  était  normand,  quoiqu'il  ait  vécu  en  Angleterre  et  qu'il  y  ait 
rempli  une  si  haute  fonction.  Gabriel  Dumoulin  donnant,  à  la 
suite  de   son  Histoire  générale  de  Normandie ,   la    liste   des        p.  i5. 
familles  les  plus  renommées,  depuis  Guillaume  le  Conquérant 
jusqu'à   l'an    1212,    y  place  la  maison  de  Glanville.  Vers  le 
même  temps,  une  autre  personne  de  cette  maison,  dont  le  pré-         Aif.   amiai. 
nom  est  Gilbert,  était  archidiacre  de  Lisieux  ;  il  devint  ensuite  °"' 
évêque  de  Rochester.  Peut-être  était-ce  un   frère  de  Ranulfe; 
plus  vraisemblablement,  c'était  son  neveu,  puisqu'il  ne  devint 
évêque  qu'en  1185,  et  que  Ranulfe  mourut  en  1190.  L'auteur 
de  la  vie  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry  loue  Gilbert  comme     Epist.  et  viia 
également  versé  dans  la  science  du  droit  canonique  et  dans  ^""  ^.^u'"^'    '' 
celle  du  droit  civil. 

Guillaume-le-Conquérant,   devenu  maître   de  l'Angleterre,  Coutumes, 

y  avait  transporté  ces  cours  royales  connues  sous  le  nom  pàr^  "nouardr™ 
d'échiquiers,  et  principalement  destinées  à  veiller  sur  les  re-  i,  p.  ici. 
venus  publics  et  leurs  dépositaires.  Des  barons  composaient 
seuls  ce  tribunal,  qui  s'assemblait  ordinairement  deux  fois 
chaque  année,  à  Pâques  et  à  la  fin  de  septembre,  et  son  pré- 
sident portait  le  titre  de  grand-justicier.  Mais  le  grand-jus- 
ticier d'Angleterre  avait  des  attributions  plus  étendues  encore 
que  celles  des  finances.  On  connaissait  alors  dans  cette  île  des 
justiciers  des.  Francs-bourgeois  ou  pour  dix  familles,  des  jus- 
ticiers de  l'Hundred  ou  pour  cent  familles,  les  justiciers  des 
comtés,  et  enfin  ceux  du  roi.  Les  derniers  avaient  un  chef 
suprême  dont   la  dignité  ne  le  cédait    à   aucune    autre    du 

Tome  XIV.  Z  z  z 


.-.ir,  RANlir.FE  DK   f.LANVILLE 

XII  SIECLE,  royaume.  «  II  unissait  en  sa  personne,  dit  l'auteur  du  traité  sur 
iiouard.  t.  I,  lescoulumcsanf^Ionormandcs,  publiées  eu  Angleterre  du  onzièmo 
p.  û89;  i.  Il,  p.  siècle  au  quatorzième,  les  fonctions  des  quatre  principaux  justi- 
ciers actuels  ;  celles  du  premier  président  du  banc  royal  oîi  se 
tiennent  les  plaids  pour  les  aiïaires  criminelles  qui  intéressent 
la  couronne  ;  celles  du  président  du  commun  banc  oii  se  traitent 
les  affaires  civiles  qui  concernent  les  grands  vassaux  ;  celles  du 
premier  baron  de  1  échiquier,  oîi  l'on  discute  les  matières  du 
domaine  ;  et  celles  du  maître  des  gardes  des  pupilles  et  orphe- 
lins. Les  hauts  barons  et  autres  dignitaires  de  l'état  ne  répon- 
daient de  tout  ce  qui  touchait  leur  tlignilé  ou  leurs  (icfs,  qu'au 
roi  ou  au  premier  justicicT.  Ce  magistrat  donnait  ses  audiences 
dans  le  palais  du  roi;  on  ne  tirait  rien  du  trésor  royal,  (|ue 
par  son  ordre,  il  avait  1  inspection  des  forêts  ;  tous  les  brefs 
du  roi  s'expédiaient  sous  son  sceau  ;  et  en  l'absence  du  roi, 
il  gouvernait  l'état.  » 

L'auteur  ajoute  que  le  grand-justicier  commandait  souvent 

les  armées.   Ranulfe  de  Glanville   prouva,  dans  une  occasion 

importante,  qu'il  réunissait  les  talons  du  guerrier  à  la  science 

du  magistrat.  Plusieurs  lii>toriens  anglais,  et  Hume  en  parlicu- 

T.  I,  p.  476.  lier,  lui  attribuent    la  victoire  (]ue    Henri   II    remporta   contre 

-  V.  i>  Chroii.  Guillaume,   roi  d'Ecosse,  à  Alnwic,   le  13  juillet    I  174.  Hume 

de   Co^^csll.   II.  '^  nomme,  dans  ce  passage,  tlie  famous  Uncyei'  and  justiciary, 

de  Fr.  I.   XIII,  le  célèbre  jurisconsulte  et  justicier.   Ranulfe  y  fit   prisonnier 

P  ''^'■'  le  roi  d'Ecosse,  et  s'empressa  d  annoncer  à  Henri  II  la  défaite 

et  la  captivité  de  son  ennemi.  Nous  rapprenons  de   Guillaume 

de  Neubridge,  qui  avait  déjà  rendu  justice  à  son  courage  et  à  ses 

succès,  dans  le  34"  chapitre  du  second  livre  de  son    Histoire 

V.  aussi  Tyrr.  d'Angleterre.   Il  parJe  encore;  de  Raïuilfe  de  Glanville,  chap.  33 
i.  Il,  p.  383.       p^  3^;^  ^^  j.^^    ^^  ^l^^p    ,  ^1  ^ 

Ranulfe    de    Glanville  se  distingua  par  .ses  écrits,    comme 
par  lexercice  de  la   magistrature;  ciyzts  sapienliâ,  ilit  Roger 
v    ■'"v't"  Il  <^'^  ^'ovcden,  conditae   sunt   loges  subscriptœ,  quas  anglicanas 
sur  iiap.  Tiic.vr.  vocanius  ;  cl   il    nous    donne  ensuite    les    lois    d  Edouard    le 
!'•  ^T-  confesseur  et  de  Guillaume  I",  comme  §i  elles  n'avaient  ja- 

mais été  rédigées  en  une  forme  régulière.  L'ouvrage  de  Ra- 
nulfe de  Glanville  est  un  traité  ou  une  collection  des  lois  et 
coutumes  reconnues  et  observées  en  Angleterre  sous  le  règne 
d((  Henri  H;  en  voici  le  titre  latin  :  Traclatus  de  legibtis  et 
consuetiidinibus  regni  angliee,  teinpore  j-egis  Henrici  II  corn- 
posilus,  jiisticiœ  gubernacula  tenenle  illuslri  viro  Ranulpho 
de  Glanvillà   juris  regni    et    antiquarum    consuetudinum    eo 


RANULFE    DE    GLANVILLE.  547 

tempore  peritissimo .  E  t  illas  soluin  leges  continet  et  consuetudi-  xii  siE'l.K 
nés  secundum  qiias  placitatur  in  curiâ  régis  ad  scaccariuni 
et  coram  justiciis  ubicumque  fuerint.  Houard  l'a  placé  dans 
le  premier  lome  des  coutumes  anglo-normandes  :  on  l'avait 
imprimé  à  Londres,  in-12,  en  1673.  L'ouvrage  de  Ranulfe 
de  Glanvillo  nous  fait  connaître  aussi  les  différentes  formules 
des  sentences  et  jugemens  qui  étaient  alors  adoptées.  Le 
plus  grand  nombre  de  ces  formules  sont  encore  d'usage  au- 
jourd'hui. 

La  préface  du  traité  publié  par  Ranulfe  de  Glanville  est  fort 
courte  ;  elle  renferme  cependant  un  bel  éloge  d'Henri  II  sous  le 
double  rapport  de  la  guerre  ut  de  l'administration  publique, 
ainsi  que  des  tribunaux  qu'avait  alors  l'Angleterre,  de  leur  im- 
partialité, de  leur  respect  pour  la  justice  et  pour  la  loi.  L'auteur 
croit  utile  de  fixer  par  écrit,  sinon  tout  ce  qui  n'existe  que  par 
l'usage,  du  moins  les  principes  les  plus  généraux  et  les  règles  les 
plus  communes. 

L'ouvrage  est  divisé  en  quatorze  livres. 

Le  premier  a  pour  objet  principal  de  déterminer  quelles  ma- 
tières seront  jugées  par  les  cours  du  roi,  quelle  procédure  on  y 
suivra,  les  délais  qui  seront  accordés,  les  cautions  qui  seront 
données,  les  obligations  des  vicomtes  royaux  auxquels  on  défé- 
rait d'abord  les  crimes  commis  dans  leur  arrondissement,  et  qui 
prononçaient  aussi  sur  quelques  affaires  civiles,  les  excuses  de 
comparaître,  etc.,  etc. 

Le  second  livre  traite  des  actions  qui  suivent  immédiate- 
ment le  commencement  du  procès,  telles  que  la  nomination 
de  la  jurée,  la  visite  du  lieu  où  fut  commis  le  crime,  celle 
des  fonds  en  litige;  et  aussi,  des  duels,  des  champions,  des 
grandes  assises  :  le  duel  pouvait  avoir  lieu  en  matière  civile  ; 
il  était  adopté  toutes  les  fois  que  le  défendeur  préférait  ce 
moyen. 

Les  garans,  les  avoués  des  particuliers,  ceux  des  églises, 
leur  droit  de  patronage,  sont  l'objet  du  troisième  et  du  qua- 
trième livres. 

Dans  le  cinquième,  on  règle  ce  qui  doit  être  fait  lorsqu'il  se 
présente  une  question  d'état,  de  famille,  de  vasselage,  de  servi- 
tude ou  de  liberté. 

Le  sixième  livre  est  consacré  à  la  dot  ou  au  douaire,  aux 
moyens  d'assurer  les  droits  de  la  femme  contre  les  héri- 
tiers du  mari  ;  le  septième,  à  différentes  sortes  de  successions, 
aux  testamens,  aux  donations,  aux  tutèles,  aux  bâtards,  aux 

Zzz  2 


548  RANULFE    DE    GLANVILLE. 

XII  SIECLE,      mineurs;   le  huitième,  aux  compositions  amiables,  aux  tran- 

~  sactions,  à  ce  qu'il  faut  faire  dans  le  cas  ou  elles  sont  violées  par 

l'une  ou  l'autre  des  parties  ;  le  neuvième,  aux  hommages  et  à 
quelques  services  féodaux,  à  la  juridiction  des  seigneurs,  aux 
confiscations  qui  sont  la  peine  d'une  obligation  mal  remplie  ou 
de  la  foi  violée;  le  dixième,  aux  contrats,  aux  dettes,  aux 
garanties,  aux  divers  engageraens  civils;  le  onzième,  à  ces 
répondans  qui  existaient  dans  nos  anciennes  législations,  les- 
quels se  mettaient  à  la  place  des  véritables  contendans,  et 
gagnaient  ou  perdaient  le  procès  pour  eux-mêmes,  bien  difiFé- 
rens  en  cela  des  procureurs  ou  avoués  ordinaires  qui  agissaient 
toujours  au  nom  et  au  risque  de  celui  qui  leur  avait  donné  sa 
confiance. 

Il  est  question,  au  douzième  livre,  de  l'exercice  de  droits 
royaux  ou  féodaux  dans  quelques  cas  déterminés,  comme  un 
partage  de  fonds,  une  saisie  mobiliaire  injuste,  la  réclamation 
d'un  serf  fugitif  ;  et  au  treizième,  delà  procédure  qui  concerne 
l'action  d'être  mis  en  possession  d'une  chose  ou  d'en  être  privé, 
dépouillé. 

Enfin  le  quatorzième  et  dernier  livre  traite  de  la  poursuite 
des  crimes  envers  le  roi  et  sa  couronne,  des  crimes  dont  il 
peut  seul  connaître,  le  faux,  le  rapt,  l'incendie,  l'attentat  de 
lèse-majesté. 

On  attribue  à  ce  savant  jurisconsulte  le  fameux  acte  d'assise 

Ci  dess.  p.  !i27.  OU   de   novel  disseisin   dont  nous    avons  parlé  à   l'article  de 

Henri   II.   On  peut  voir  ce  que  dit  André  Hornes,   dans   the 

c.  2,  scct.  23.  Mù'ror  of  justice.  Blackstone  en  parle  aussi  dans   le  chapitre 

du  livre  troisième,  concernant  les  torts  faits  à   la   propriété 

individuelle. 

Ranulfe  de  Glanvillc  fut  grand-justicier  d'Angleterre  jusqu'à 
la  mort  du  roi,  en  1189.  Richard  I",  successeur  de  Henri  II,  ne 
lui  accorda  pas  les  mômes  témoignages  de  confiance.  Ranulfe 

Guii.  deNcubr.  Jonna  sa  démission,  et  partit,  en  M  1)0,  pour  la  Terre-Sainte. 

360  '  -  Ro".'  de  i^'^'s  bientôt  il   succomba  loin  du  pays  oîi  il  était  né  et  loin 

Hov.   an.  "iiDO,  de  cclui  OU  il  avait  acquis  tant  de  gloire.    Roger  de  Hoveden 

P-  ^^^-  nous  dit    que    ce    fut    au    siège    de  Saint-Jean-d'Acre   qu'il 

perdit  la  vie. 
Benoit  de  Pe-       Hcuri  II   l'avait  nommé  un   de  ses  commissaires  pour  aller 

icrbor    i.  XIII,  pg^gyQJp  \q  germent  promis  par  Philippe  comte  de  Flandres, 

des     II.     de    rr.  '  '  ,       n       i  •< 

p.  168.  de  ne  pas  marier  les  filles  du  comte  de  Boulogne  ses  nièces, 

sans  l'avis  et  le  consentement  du  roi  d'Angleterre.  Il  avait  été 

Hist.  de  Fr.  chargé,  quelques  années  auparavant,  d'une  négociation    plus 


GAUTIER  DE  SAINT-VICTOR.  549 

importante,  celle  d'une  paix  désirée  et  nécessaire.  Giraud  de     xii  siècle. 
Cambden,  qui  le  rapporte,  donne  à  cette  occasion  de  justes  élo- 
ges à  la  prudence,   aux   lumières,   à  la  fidélité  constante  de 
Ranulfe  de  Glanville. 

Nous  avons  deux  lettres  de  lui  dans  la  Chronique  de  Ger-  Hisi.  Angi. 

vais,  moine  de  Cantorbéry.  Elles  ont  peu  d'importance,  et  p"'|503.^'  ''  '' 
ne  sont  guères  que  des  ordres  donnés  à  un  abbé  ou  à  des  reli- 
gieux du  monastère  de  cette  ville,  de  venir  à  Londres  confé- 
rer avec  lui,  à  un  jour  indiqué,  et  de  ne  rien  se  permettre 
auparavant  contre  leur  archevêque  ;  mais  elles  servent  à  faire 
connaître,  et  la  conférence  qui  suivit  le  fait  mieux  connaître  ihid.  p.  iko*. 
encore     la  saeesse  de  Ranulfe,  son  attachement  aux  droits  du  ~  ,^:  '""'  ,'" 

'  ^  ,-,■..■  1-    •  P-  ISiC  01   1044. 

prince,  sa  fermeté  pour  réprimer  les  agitations  religieuses  et 
les  prétentions  des  monastères  ou  des  prélats.  Je  remarque  aussi 
ces  paroles  échappées  à  son  indignation  contre  des  moines  fac- 
tieux qui  se  servaient  du  nom  du  pape  pour  se  dispenser  de 
leurs  devoirs  ;  vous  ne  voulez  que  Rome  ;  eh  bien,  c'est  par 
Rome  que  vous  périrez  ;  solam  Rotnam  quœritis  ;  sola  Roma  ii><<i.  p.  lUi. 
destruet  vos. 

Parmi  les  erreurs  nombreuses  de  Balée,  on  peut  compter  Pan  i,  p. 

celle  qui  place  Ranulfe  de  Glanville  dans  le  treizième  siècle,  ^^'^l.  ^''"""""  '' 
sous  Henri  III,  dum  Henricus  iertius,  dit-il.  sub  antichrisH 
tyrannide,  in  Angliâ  regnaret.  Je  n'ai  pas  besoin  d'observer 
que  ce  qu'il  appelle  ici  l'antechrist,  c'est  le  pape.  Balée  s'ex- 
prime en  bon  calviniste,  et  il  se  montra  toujours  d'autant 
plus  ennemi  des  pontifes  romains  qu'il  était  transfuge  de  la 
religion  catholique  ;  il  avait  même  été  moine,  de  l'ordre  dès 
carmes.  P. 


GAUTIER, 

Prieur   de    S  ai  nt- Victo  r. 


NOËL -Alexandre,.  Fabricius,    et     Mabillon     lui-même,     ont        "■'••  «««'««• 

désigné  comme  abbé  de  Saint- Victor  le  théologien  dont  nous  dTss'i^ln  Ys' 
allons   parler  ;   et   les  auteurs  du  nouveau  Gallia  christiana       B'I»'-  med.  et 

l'ont  identifié  avec  Gauthier  qui  mourut  en  1162  après  avoir  '"^'  '"'  '"   '"' 

'     1  1  •  .  .  P-  '>9»  in-4*. 

gouverne  durant  quelques  mois  cette  abbaye,  entre  les  abbés 


550  GAUTIER   DE   SACNT-VICTOR. 

xn  SIECLE.     Richard  et  Ervise.  Mais   du   Boulay,  Fleuri,  Pagi,   ne  donnent 
Anal.  t.  III,  à  Gautier  que    la    qualité  de    prieur,    ce   qui   est  beaucoup 
"""    ^',.    /.        plus  exact.    II   n'avait  même  rempli  jusqu'en  1 173,  c'est-à-dire 

Gall.    Chiisl.    J  1       T.-    1        j 

i  VII,  |>.  6()(i.     jusqu  a   la  mort  de  Richard,  que   la   fonction  de  sous-prieur. 

Hist.  Univ.  Pour  ne  pas  le  confondre  avec  un  abbé  mort  en  1162,   il  suffit 

r."'*  ■5o-"'/''9  d'observer  qu'il  parle  dans  ses  livres  du  concile  général  tenu 

ei  7ii.     '  à  Rome  par  le  pape  Alexandre  III  on  1170    Comme  il  dit  que 

Hisi.  eccics.  cc  concilc  vionl  d'être  célébré  depuis  peu  de  temps,  nuper, 

hv.  Lxxiii,  n.  Q„  ne  peut  guère  relarder  au-delà  de  1180  ou  1181  l'époque 

l'agi,  ad  ami.  OÙ  il  écrivait.  C'est  là  d'ailleurs  tout  ce  qu'on  sait  de  sa  vie,  et 

1179,  n   11,  vi,  la  date  de  sa  mort  n'est  point  connue.  Supposer  qu'il  devint 

'■*■  prieur  des  chanoines  réguliers  de   l'église  de  Saint-André  en 

Ecosse,  et  qu'il  est  le  Gauthier  auquel  Adam  le  prémontré  dédia, 

en  1 190,  un  soliloque  publié  par  doin  Pez  ;  c'est  une  conjecture, 

Anrcd.  t.  I.  à  notro  avis,  trop  hazardée,  bien  qu'il  soit  vrai  que  l'abbaye  de 

pan.  2,  p  .>.>7.    Saint-Victor  fournissait  en  ce  temps-là  des  prieurs  à  beaucoup 

de  communautés  de  chanoines  réguliers,  tant  en  France  que  hors 

de  la  France. 

Gautier,  prieur  de  Saint-Victor,  est-il  l'auteur  d'un  dialogue 
manuscrit  que  Ion  conserve  en  Angleterre,  et  (jui  a  pour  titre  : 
Calai,  mss.  Magistri  Walteri  dialogus  quœrens  quid  sential  Hugo  de  ani- 
AukIii!  pan.  2,  ^^  Christi  ?  Il  est  fort  possiUle  que  les  écrits  de  Hugues  de 
Saint-Victor  aient  occupé  un  prieur  de  cette  même  abbaye  ;  et 
d'autre  part  nous  verrons  bientôt  que  le  théologien,  dont  nous 
entretenons  ici  nos  lecteurs,  a  beaucoup  disserté  sur  1  ame  de 
Jésus-Christ. 

On  lui  attribuerait,  avec  encore  plus  de  vraisemblance,   une 

lettre  à  sainte  llildegarde,  lettre  dont  l'auteur  n'est  désigné  que 

Mari.'nc,  par  l'initiale  V,  mais  dans  kuiuelle  la  sainte  est  interrogée  sur 

'^'"  n        "lO'ts    '**  doctrine  de  Gilbert  d»;  la  Porée,  et  de  ses  disciples.  Peut-être, 

t()<j!t.  '  en  effet,  Gautier,  avant  il  écrire  contre  cette  doctrine,  aura-t-il 

voulu  se  fortilier  des  lumières  d'une  théologienne  alors  consultée 

par  les  docteurs   Elle  répondit  qu'elle  avait  appris  de  Dieu  même 

qu'en  lui  la  paternité  et  la  divinité  étaient  véritablement  Dieu  ; 

et  qu'en  consé(iuence  le  système  de  Gilbert  devait  être  combattu 

comme  erroné. 

Le    principal   ouvrage  de  Gautier,  et  le  .seul  qui  soit   par- 
faitement   aiitiienlicpie  ,    est    celui    qu'il    a    composé     contre 
Abélard,  Gilbert  de  la    Porée,  Pierre   Lombard,  et  Pierre  de 
Mni.ifauroii ,   Poitiois.    Ce  traité    polémique  est    resté    manuscrit,  mais  du 
''''il    ,  "1371""'    R«"'ay    3    publié  de  longs   extraits  des   (pialre  livres  qui  le 
—  Lebcuf,  Uiss.  composent. 


GAUTIER  DE  SAINT-VICTOR.  551 
Les  lhéoIo2;iens  étaient  alors  divisés  eu  trois  écoles.  La  pre-  xii  smiE. 
mièrç  s'en  tenait  à  l'enseignement  et  au  langage  de  la  bible  et  sur  ruisi."~de 
des  saints  pères.  La  seconde  appliquait  à  la  théologie  la  dialec-  •*"'''  '.  "•  P- 
liquo  d'Aristote,  accumulait  les  syllogismes;  et  d'un  long  tissu  Laimoy"'dr  va" 
d'argumentations,  déduisait  quelques  résultais  suspects  au  ■■''  Arisim.  for- 
moins  par  leur  nouveauté-:  elle  jetait  les  fondemens  delathéo-  T\'   ":   '\  7 

I       •  II.-  t  .    .,  Mallioiid    ad     R. 

logie  scliolastique.  La  troisième  secte  tenait  le  milieu  entre  les  p.iii.   p.  327  - 
doux    autres,    et    s'efforçait   d'Ctrc  sage  ou    philosophe    avec  ^*-'^- 
sobriété;    elle  admettait  les  argumens,  les  formes  péripatéti-  p^^.  ""'n!^''',!.' 
ciennes,   pourvu  que    les   conclusions  se  rapprochassent   des  «-'o-etio. 
dogmes  reçus  dans  l'église. 

Les  (pialro  docteurs  réfutés  par  Gautier  appartenaient  à 
la  seconde  de  ces  écoles.  Gautier  les  appelle  les  quatre  laby-  ^'-  •>«i»"'i". 
rinthes  de  la  France;  il  leur  reproche  des  syllogismes  cajp-  ," Vit  c.  IÏ'T'- 
lieux,  des  sophismes,  et  la  perle  irréparable  du  temps  em-  3<'7. 
ployé  à  de  si  vaines  disputes.  «  Suivez-les,  dit-il,  dans  ces 
longues  controverses  où  ils  passent  les  jours  et  les  nuits, 
vous  verrez  comment  ils  tournent  la  même  proposition  de 
tant  de  façons  diverses  qu'on  ne  sait  plus  s'il  la  faut  ad- 
mettre ou  rejeter.  Ils  se  jouent  du  vrai  et  du  faux  avec  la  plus 
coupable  adresse  :  si  vous  prêtez  l'oreille  a  leurs  discours, 
bientôt  vous  ignorerez  s'il  y  a  un  Dieu,  ou  s'il  n'en  existe 
point  ;  si  Jésus  s'est  fait  homme,  ou  s'il  n'a  pris  qu'un  corps 
fantastique;  s'il  y  a  (jucique  chose  de  réel  dans  le  monde, 
ou  si  tout  n'est  qu  illusion  ou  que  prestige.  »  L'auteur  va 
plus  loin,  il  aflirme  que  ces  quatre  faux  docteurs,  égarés 
par  la  philosophie  d'Aristote,  ont  enseigné  beaucoup  d'hé- 
résies, altéré  la  foi  due  aux  mystères  ineffables  de  la  trinité 
et  de  l'inrarnalion.  Il  avoue  que  Pierre  Lombard  et  Pierre  de 
Poitiers  débitent  ces  erreurs  sous  des  noms  étrangers,  qu'ils 
ont  l'air  de  raconter  plutôt  que  de  les  .soutenir.  Mais,  au  soin 
qu'ils  prennent  d'aiguiser  et  d'orner  les  argumens  dont  elles 
sont  les  conséquences,  on  voit  trop,  selon  Gautier,  qu'ils 
en  veulent  être  les  propagateurs  autant  que  les  historiens. 
Quelle  est  en  effet  la  méthode  de  Pierre  Lombard?  Sur  chaque 
question,  il  expose  trois  sentimens,  et  représente  le  troisième 
comme  hérélifjue,  le  second  comme  catholique,  le  premier 
comme  n'étant  susceptible  ni  de  lune  ni  de  l'autre  de  ces 
qualifications.  El  quand  il  a  longuement  argumenté  en  faveur 
de  chacun  de  ces  trois  sentimens  ,  voici  comment  il  conclut  : 
Je  pense,  dit-il,  avoir  traité  la  question  présente  avec  assez 
de   soin  et  d'exactitude,  .-,ans  toutefois  rien  affirmer,  et  sans 


.'i52  GAUTIER  DE  SAINT-VICTOR. 

XII  SIECLE,     préjuger  contre  les  opinions  d'aulrui;   car   dans  une  matière 
si  grave  et  si  compliquée,  je  ne  prétends  point  que  le  lecteur 
décide  d'après  ce  que  j'ai  dit,  mais  je  l'exhorte  à  lire  ce  nue 
d'autres  que  moi  ont  écrit  sur  le  môme  sujet,  et  à  délier  en- 
suite lui-même,  s'il  en  est  capable,  le  nœud  de  la  difficulté. 
Étrange    méthode,    s'écrie    le    prieur    de    Saint-Victor,    par 
laquelle   disparaîtrait    toute    distinction    entre    le    dogme    et 
l'hérésie,  si  le   souverain   pontife   n'avait  déjà   réprouvé   une 
philosophie  si   pernicieuse.    A    ce    propos,    Gautier    raconte 
comment,  dans  le  concile  de  Latran ,   Alexandre   III   voulait 
condamner  les  sentences  de  Pierre  Lombard,  qui  tendaient  à 
faire  revivre  le  sabellianisme  et  l'arianisme;  comment  un  évo- 
que du  pays  de  Galles  répondit  :  Seigneur  pape,  j'ai  été  clerc 
de  Pierre  Lombard  et  le  prévôt  de  son  école  :  me  voici  prêt  à 
défendre   sa    doctrine  ;   comment    enfin    plusieurs   cardinaux, 
impatients  d'écarter  cette  discussion,  déclarèrent  qu'ils  avaitnt 
été  convoqués  pour  s'occuper  d'affaires  plus  sérieuses  :  comme 
si  l'on  pouvait,  observe  Gautier,   rien  imaginer  de  plus  essen- 
tiel que  la  foi  chrétienne!  mais  peu  importe  h  Gautier  le   si- 
lence du  concile  ;  le  Saint-Siège  a  tonné,  dit-il,  et  le  corsse- 
ment  des  grenouilles  doit  cesser.  11  cite,   en  preuve   de  cet 
anathême    apostolique,    une    lettre    d'Alexandre    III   à    Guil- 
laume,   archevêque    de    Reims    et   légat,     laquelle     ordonne 
d'assembler    les    docteurs   et   de  leur    défendre    d'enseigner 
désormais   la    proposition    que    plusieurs    d'entre  eux  énon- 
çaient en   ces  termes  :  «  Le  Christ  en  tant  qu'homme   n'est 
point  quelque  chose.  » 

C'est  sur-tout  à  la  réfutation  de  cette  proposition  que  sont 
consacrés  les  dix-huit  chapitres  du  premier  livre  de  l'ou- 
vrage de  Gautier.  Voici  un  exemple  de  la  méthode  et  du  style 
de  cet  auteur.  Jésus-Christ  dit  :  Pater  major  me  est,  mon 
père  est  plus  grand  que  moi.  Que  faut-il  entendre  par  ce 
mot  me?  est-ce  quelque  chose  qui  n'est  pas  le  Christ,  ou 
est-ce  le  Christ  lui-même?  Dans  le  premier  cas,  Jésus  dirait 
qu'il  est  ce  qu'il  n'est  pas  ;  hypothèse  trop  absurde.  D'ail- 
leurs si  ce  moi  n'est  pas  le  Christ,  il  faut  que  ce  soit  une 
substance  ou  incréée  ou  créée.  Incréée,  cette  substance  ne 
pourrait  pas  être  déclarée  inférieure  à  Dieu  le  père  ;  et  si 
vous  admettez,  comme  il  le  faut  bien,  qu'elle  est  créée,  vous 
avez  à  déterminer  si  elle  est  raisonnable  ou  non  raisonnable. 
Ce  dernier  système  ne  pouvant  être  soutenu,  cette  sub- 
stance,   déclarée    raisonnable,    devra    être    ou  angélique  ou 


GAUTIER  DE  SAINT-VICTOR.  553 

humaine.  Or  elle  n'est  point  angélique;  donc  ce  moi,  dont  parle     ^"  siEcm. 
Jésus-Christ ,  est  une  substance  créée  ,  raisonnable  ,  humaine  , 
c'est-à-dire  composée  d'un  corps  et  d'une  ame.   Donc  Jésus- 
Christ  en  tant  qu'homme  est  quelque  chose. 

Nous  aurions  à  extraire  beaucoup  d'argumentations  pareilles 
si  nous  entreprenions  l'analyse  des  huit  chapitres  du  second 
livre  de  Gautier ,  des  quinze  chapitres  du  troisième,  et  des  vingt- 
six  du  dernier.  C'est  principalement  Abélard  qui  est  attaqué 
dans  le  second  livre  où  il  s'agit  de  la  trinilé  de  Jésus-Christ , 
vrai  homme  et  vrai  Dieu.  Le  troisième  otTre  un  examen,  plus 
rigoureux  peut-être  que  fidèle,  des  opinions  de  Pierre  Lombard 
e:  de  Pierre  de  Poitiers  ,  sur  Jésus-Christ ,  sur  sa  mère  ,  sur 
l'eucharistie.  Dire  que  la  chair  du  Verbe  est  formée  de  sang 
de  sanguinibus  formata,  c'est ,  selon  Gautier ,  une  hérésie  des 
nouveaux  docteurs.  Le  dernier  livre  contient  beaucoup  d'invec- 
tives contre  les  philosophes,  contre  Aristote,  contre  les  dialecti- 
ciens et  contre  les  hérétiques,  au  nombre  desquels  est  placé  saint 
Jean  Damascène.  C.  10  de  hearesibus  Joannis  Damasceni  ;  C.  13 
de  hœresi  Joannis  Damasceni.  Nescio  quis  Joannes  Dama- 
scenus ,  dit  Gautier,  qui  no  connaissait  cet  écrivain  ecclé- 
siastique que  par  les  citations  des  théologiens  du  doozième 
siècle. 

En  général ,  cet  ouvrage  ne  donne  pas  une  très-haute  idée 
de  la  science  du  prieur  de  Saint-Victor,  ni  de  sa  modération,  ni 
même  de  son  équité  :  car,  ainsi  que  l'a  remarqaé  Noël  Alexan- 
dre ,  il  impute   fort   injustement  à  Pierre  Abélard  l'hérésie  de  inst.  ecdcs.  sacr. 

T,,  ,.        .      •    ■       ^  •    .  j  .        t.    XI    et     XII. 

Bérenger  sur   I  eucharistie.  On  aurait  aussi  beaucoup  de  peine  jj^^    ,    ^    ^5^ 
à  retrouver,  dans  les  livres  du  maître  des  sentences ,   les  er-  p.  2B0. 
reurs  qui  lai  sont   ici  attribuées  ;   et  ce  qu'on  voit  le  mieux 
dans  l'ouvrage  de  Gautier,  c'est  que  les  haines  ihéologiques 
de  ce  temps  étaient  alimentées  par  des  controverses  bre*  ob- 
scures et  bien  fastidieuses 

Il  n'y  a  nulle  apparence  qu'il  soit  l'auXeur  de  deux  opuscules 
intitulés  :  Galteri  veteris  liber  de  Trinitate.  —  Waltheri  veteris 
theologi  epistola  de  modo  prsedicandi  divina  de  Christo.   Dom 
Bernard  Pez  qui   a  imprimé  ces  deux  articles  ,  pense  qu'on        Thcs.  anecd. 
pourrait  attribuer  le  premier  à  Gautier  de  Châtillon  ,  prévôt  de  J' ',''  ^' ^^ -^^^ 
l'église  de  Tournay,  et  le  second  à  Gautier  ,   évêqne  de  Laon  :      v.  l'Hist.  uit. 
mais  ces  oonjeclures  sont  très-hazardées.  D.  ''^  '*  ^^-  '•  ^'"' 

p.  512  et  suiv. 


Tome  XIV.  A  a  a  a 

3   7    * 


Oui 


XII  SIECLE. 


HERBERT, 

Archevêque    de    Torées. 


nERBEni  ou  IlÉRiBERT,  abbé  de  Mores,  puis  archevêque 
,ua..,,i,.  ..^  de  Terres,  élait  né  en  Espagne  selon  le  père  Chifïlct.  11  y  a 
ann.  1153  ,  c.  fait  du  moins  quelque  séjour  :  c'est  ce  que  prouve  un  texte  de 
c  /  n  1  —  ''^^  écrits  ou  il  rapporte  ce  qu'il  a  vu  dans  le  monastère  de 
Henri.],  appar.  Carrazède  au  royaume  de  Léon.  Chilllel  se  presse  un  peu  trop 
ad  McnoK  Uvt.  de  conclure ,  de  ce  passage,  qu'Herbert  était  Espagnol  :  mais 
cl  âd  (lieiii  28  aussï ,  le  déclaror  Français  .  parce  qu'il  fut  novice  à  Clairvaux  , 
feiT.  c'est  raisonner  avec  bien  peu  de  rigueur;  car  il  entrait  à  Clair- 

.     cin   gcn.  Yaux  dcs  élôvcs  de   toute  contrée ,   de    toute  tribu ,   de  toute 

ni.  asscrium  ,  p.  '  ' 

1^8.  langue.  Au   surplus  ,   le  noviciat  d  Herbert  dans  cette  abbaye 

n'est  point  douteux  ;  on  sait  de  lui-même  celle  circonstance  de 

sa  vie  ,  il  l'énonce  positivement  en  parlant  de  son  maîlre  Achard, 

de  la  Vv.  t.  xiir,  ainsi  que  nous  1  avons  déjà  dit  dans  i  article  de  ce  directeur  des 

P-  *'0-  novices. 

Herbert  devint  abbé  de  Mores  au  diocèse  de  Langres  :  il  oc- 
cupait celle  place  lors(ju'il  écrivit  ses  trois  livres  sur  les  miracles 
Caii.  ciiii.'-i.  de  saint  Ik'rnard  et  des  cisterciens.  Oii  a  lieu  de  fixer  la  composi- 
iiov.    t.   IV,   p.   lion  de  cet  ouvrage  à  l'année  1178  ou  1179.   En  efTet ,  l'auteur 
Âii)cr.  (  iiron.    parlc  d  uH  |)rince  qui ,   aussitôt  après  la  mort  de  saint  Bernard 
p.  2(i(i,  27i.         (115.3),   s'élait  hàlc  { fesiinavii  )  do  se  confiner  à  Clairvaux  , 
et  qui  depuis  vingt-cinq  ans  (jam  annum  quinquiès  quinum) 
habitait  et  édifiait  ce  monastère. 
Dr  m.  «on.        (ihiinil    a   publié  ,   d  aj)rès   un    manuscrit    original   de   l'ab- 
s.  iiciM.  p.    i:.s   l,;iyo  de  Clairvaux  ,  ces  trois  livres  d  Herbert  dont  le  P.   Ma- 
billon    sest   contenté    d'insérer    quehpies    fragmens   dans    le 
p.  1223, 1224,  second  volume  des  œuvres  de  saint  Bernard.    Au   fond  ,    cet 
^22S.  ouvrage  ne  contient  (jue  de  menus  détails   d  histoire  monas- 

tique ,  cl  des  relations  monolones  ,  quoique  merveilleuses.  Ce 
qu'il  faut  dire  ici  en  l'honneur  d  Herbert ,  c'est  qu'il  n'invente 
aucun  des  prodiges  qu  il  raconte ,  à  moins  qu'il  n'invente 
aussi  les  noms  des  témoins  qu'il  cile.  Au  nombre  de  ces 
témoins,  on  remai(juc  le  roi  Louis-Ie-Jeunc ,  de  qui  l'au- 
Liv.  m,  c.  20  (p„r  lient  deux  miracles,  l'un  accompli  en  Artois,  en  1176, 
ci^^at.  p.  387  -  ,.j^n,.(j    récemment    arrivé,   en    1178,  dans    le   territoire  de 


HERBERT,   ARCHEVÊQUE  DE  TORRES.  5o:i 

Chartres.  Nous  rapportons  ces  dates  parce  qu'elles  confirment  ce      xii  siècle 
que  nous  avons  dit  du  temps  oîi  écrivait  Herbert  ;  mais  on  a  de    "  ' 

plus  à  conclure,  des  deux  chapitres  oii  les  miracles  sont  racon- 
tés, que  l'historien  était  connu  du  roi  de  France,  et  avait  eu  des 
entretiens  avec  lui. 

Outre  ces  trois  livres,  Herbert  a  écrit  le  récit  d'un  prodige 
dont  la  date  est  tixéc  à  l'année  1181  par  la  clironiiiue  de 
Long-Pont  d'Antoine  Muldrac.  Cette  narration,  insérée  dans  p  67  ot  seq. 
le  tome  H  des  œuvres  de  saint  Bernard,  nous  apprend  quller-  ^-  "6^  '='■  '"'<' 
berl  accompagnait  Pierre,  abbé  de  Clairvaux,  dans  un  voyage 
à  l'abbaye  de  Valroi;  qu'ils  trouvèrent  dans  ce  couvent  un 
gros  volume  contenant  l'histoire  véritable  des  miracles  que 
saint  Bernard  avait  opérés  ;  qu'ils  empruntèrent  et  emportèrent 
ce  manuscrit  avec  sept  autres  volumes  d'une  moindre  valeur  • 
qu'à  Long-Pont  la  valise  oli  les  huit  volumes  étaient 
déposés  tomba  dans  la  rivière,  et  que  les  livres  n'en  furent 
retirés  qu'en  lambeaux  mouillés,  pourris,  illisibles,  à  l'excep- 
tion du  seul  tome  des  miracles  de  saint  Bernard,  lequel  tome 
se  trouva  intact  et  sec,  tout  comme  s'il  sortait  d'une 
armoire. 

Quand  ce  prodige  s'opéra,   Herbert   était   encore  alibô  de 
Mores:   il  fut  élu,   fort  peu  de   temps  après,   archevêque  de 
Torres,   en  Sardaigne;   on  a  même   rapporté   cette  élection  à         Siogctians- 
l'année  1180;   mais  il  faut  ce  me  semble,  ou   rectifier  cette  "^''"^    '    ^-'^-^t^ 
date,  ou  placer  avant  1181    le  miracle  de  Long-Pont.  Quoi-  '^"  ''*'' 
qu'il  en  soit,   Herbert  occupa  le  siège  de  Torres  durant  quel- 
ques années,   aliquot  annis,    expression    qui    ne    permet    de        jcin-eim.  in 
donner  à  son  épiscopat  une  durée  ni  très-courte   ni  très-Ion-  ''"'i'    u    Ucm. 
gue.  C'est  seulement  d'après  cette  indication,  et  sans  aucune  ''*'''■ 
preuve  positive,   que   nous  supposons  qu'il  mourut  vers   l'an 
1190. 

On  a  d'un  moine  Herbert  une  lettre  contre  les  nouveaux 
hérétiques  de  Périgord,  insérée  dans  les  collections  de  Tis- 
sier,  de  Martène,  de  Mabiilon  ;  mais  nous  croyons  avec  Fabri- 
cius  que  ce  moine,  peu  connu  d'ailleurs,  doit  être  distinr.ié 
de  l'abbé  de  Mores  qui  était  trop  occupé  de  miracles  et  de  re- 
lations édifiantes,  pour  se  livrer  à  la  théologie  polémique.  Il 
règne  dans  cette  lettre  une  amertume  tout-à-fait  étrangère  «"i  '"i-  laiinit. 
au  style,  à  la  piété,  aux  habitudes  de  l'abbé  Herbert"  ou  ucZvL  ''''""' 
Héribert.  D. 


Aaaa  2 


ll.l.l 

iolh. 

pp. 

cisli'ic. 

l. 

VI, 

p.  157. 

Tl.cs.  M 

iccd. 

t.  I,  p. 

Analcc 

l.   p. 

4(i7. 

I!il>li> 

>ll>. 

mcil. 

556 


XII  SIECLE. 


ROBERT   PAULULUS. 


i 


,OBERT  Paululus  est  fort  peu  connu:  il  ne  le  serait  pas  du 
lloul,  si  l'on  n'eût  trouvé,  dans  l'abbaye  de  Corbie,  un  manus- 
crit et  quelques  diplômes  où  se  lisent  son  nom  et  sa  qualité 
de  ministre  de  l'évûque  d'Amiens  ;  Magister  Robertus  Paululus 
minister  episcopi  Ambianensis.  C'est  eu  ces  termes  qu'il  a 
souscrit  en  1174,  1179  et  1184,  certaines  chartes  indiquées 
par  D.  Mabillon.  Ce  mot  de  ministre  signifie  sans  doute  ici 
ou  la  dignité  d'archidiacre  ou  une  fonciion  pareille  à  celle 
qu'exercent  aujourd'hui  les  grands  vicaires.  Quoiqu'il  en 
soit,  un  traité  sur  les  cérémonies,  sacremens  et  offices  de 
T.  m,  p.  3aG  l'église,  inséré  parmi  les  œuvres  de  Hugues  de  S.  Victor,  est, 
-399.  selon   toute   apparence,    l'ouvrage   de   Robert  Paululus.    D'a- 

bord c'est  ce  dernier  nom  qui  s'olTre  à  la  tôle  du  plus  ancien 
et  du  meilleur  manuscrit  de  ce  livre,  savoir  de  celui  que 
Mabiu.  ann.  possédait  l'abbaye  de  Coibie.  En  second  lieu,  dans  tout  l'ou- 
DencJ.  t.  III,  vrage,  et  surtout  dans  la  préface,  l'auteur  s'annonce  comme 
prcf  i^^"''*J|'"|'  un  prêtre  séculier,  comme  un  chanoine  qui  ne  vit  point  dans 
bibiî!!!!..  t.  Il  p.  un  monastère:  pas  un  seul  mot  qui  retrace  des  habitudes 
1I3S    —    ouii.  claustrales,  qui  rappelle  des  institutions  ou  des  règles  cénobiti- 

Il     I  Kr'i     Du  '111  ^^ 

càn"c  il.  ind.  quos.  Ajoulons  que  Hugues  de  S.  Victor  a  composé,  sur  les 
aiicL  -  Ma-  iiiêmes  matières,  des  livres  qui  ne  ressemblent  à  celui-ci  ni  par 
^^°"'^'  J"  j^°'^"  le  style,  ni  par  la  méthode,  ni  quelquefois  même  par  la 
Puiium.  p    393,  doctrine. 

i2t.  -    Faillie.       pgjjg  ]g^   préface  de  ce  traité,   Robert  Paululus   s'adresse  à 

uiilir"!.  Vm'  l'un  de  ses  confrères  qui  en  avait  trouvé  la   première  esquisse, 

—   DûlIi.  spicii.  oubliée  par  l'auteur  hors  d'une  armoire  destinée  à  serrer  des 

t.  I,  pref.  II.  u.    |j^,,.çg .    quaterniioiculum    meum    extra  armarioli    dausulam 

incautè    derelictum.  Ce  n'était  alors   qu'un    cahier  de   quatre 

feuilles:    maintenant    c'est    un   traité  divisé  en   trois    parties, 

parce  que  l'auteur,  à  la  prière    de  son  confrère,  n'a  épargné 

ni  soins   ni  veilles  pour  compléter  ce  recueil.  Il   ne  dissimule 

point  qu'il   n'a  fait   que    transcrire,    abréger,    compiler  enfin 

ce  que  les  pères  de  l'église  avaient  écrit  sur   les   cérémonies 

sacrées.  Obligé  lui-même   d'assister  aux  offices  divins,  il  n'a 

pas  le  temps  de  les  expliquer  par  de  longs  discours.  Il  promet 

donc  d'être  concis,  d'être  simple,  de  ne  rien  dire  de  son  pro- 


XII  SIECLE. 


ROBERT     PAULULUS.  557 

pre  fonds,  de  ne  rien  embellir  par  les  profanes  ornemens  du 
style,  et,  afin  que  son  confrère  puisse  plus  commodément  se  ser- 
vir de  ce  manuel,  il  met  d'abord  sous  ses  yeux  les  titres  de 
chaque  partie  et  de  tous  les  chapitres. 

La  première  partie  traite  de  la  consécration  ou  dédicace 
de  l'église  et  de  l'administration  des  sacremens.  On  y  voit  que 
le  baptême  s'administrait  encore  par  immersion.  Dans  l'un  des 
chapitres  qui  concernent  la  pénitence,  l'auteur  examine  si  une 
excommunication  injuste  peut  avoir  quelque  efficacité,  et  se  dé- 
cide pour  la  négative.  Il  est  pourtant  d'avis  qu'il  faut  craindre 
tout  anathème  ecclésiastique,  même  injuste  ;  mais  il  n'élève 
point  la  question  de  savoir  si  cette  crainte  doit  empêcher  qui 
que  ce  soit  de  faire  son  devoir.  Les  discussions  théoiogiques  ne 
sont  jamais  qu'entamées  ou  effleurées  dans  ce  traité  :  c'est  prin- 
cipalementaux  détails  liturgiques  que  Robert  Paululus  s'attache. 
La  description  des  habits  sacerdotaux  ou  épiscopaux  occupe  les 
treize  derniers  chapitres  de  celte  première  partie,  qui  en  a 
cinquante-sept. 

La  seconde  en  contient  quarante-un  qui  traitent  des  heures 
canoniales,  et  plus  longuement  des  cérémonies  de  la  messe.  C'est 
un  tissu  d'explications  allégoriques. 

Dans  les  trente-sept  chapitres  du  troisième  livre,  l'auteur 
parcourt  le  calendrier  liturgique  depuis  lavent  jusqu'au-delà 
de  la  Pentecôte.  11  rend  compte  des  pratiques  diverses  pro- 
pres à  chaque  solennité  ;  et,  au  milieu  des  commentaires  mys- 
tiques dont  il  est  toujours  prodigue,  il  est  possible  néan- 
moins de  recueillir  un  petit  nombre  de  faits  ;  par  exemple, 
qu'en  certaines  églises  on  disait  deux  messes  le  jour  de  la 
nativité  de  saint  Jean-Baptiste  ;  que  durant  le  carême  la  messe  Liv.  m,  c.  6. 
commençait  le  dimanche  à  neuf  heures,  et  les  autres  jours  à  trois 
heures  après  midi  ;  qu'on  avait  peu-à-peu  abandonné  l'ancien  Liv.  m,  c.  2i. 
usage  de  ne  commencer  l'office  du  samedi-saint  qu'après  le  cou- 
cher du  soleil. 

Robert  Paululus  n'est  point  sans  instruction.  11  cite  l'histoire 
Tripartite,  saint  Jérôme,  saint  Ambroise,  saint  Augustin,  saint 
Hilaire  qu'il  croit  l'auteur  du  Gloria  m  excelsis,  sainl  Grégoire  Liv.  ii,  c.  il. 
pape,  Bède,  Isidore  de  Séville,  Hincmar  qu'il  appelle  Ymar, 
l'évêque  du  Mans,  sans  doute  Hildebert,  qu'il  qualifie  egregius 
persificator.  Mais  il  cite  aussi  le  décret  de  Gratien  et  donne  une 
pleine  confiance  aux  fausses  décrétales. 

L'ouvrage  dont  nous  venons  de  parler  est  suivi,  dans  la  col- 
lection des  œuvres  de  Hugues  deSainl-Viclor,  d'un  opuscule 


Liv.  I,  c.  30. 
Liv.  I,  c.  40. 


T.    III,  p.  399 
-  <06. 


558  ROBERT     PAULULUS. 

XII  SIECLE,     intitulé  :  De  canone  mystici  libaminis  ejusque  ordinibus.  Ce  sont 

dix   chapitres,   d'une  mysticité  transcendante,  qui  divisent  le 

canon  de  la  messe  en  sept  périodes,   et  rendent  sur-tout  raison 

des  divers  signes  de  croix  que  fait  le  prêtre  dans  le  cours  de 

T.  xir,  s.  p.  ces  prières.   Dupin  veut   que  Robert  l'aululus  soit  aussi  l'au- 

V    ci  dessus    ^^^'"    ^^  ^^^  opuscule,  (jui  est  attribué   par  Casimir  Oudin   à 

p.  i94-i!'5.  Jean  de  Cornouailles.  Aucun  motif,  aucun  indice  n'appuie  Ihy- 
pothèse  de  Dupin.  Les  deux  productions  <|u'il  réunit  diffèrent 
autant  que  possible,  par  la  diction,  par  le  style,  par  le  caractère 
des  idées,  par  le  genre  du  travail.  L'auteur  des  trois  livres  sur 
les  cérémonies,  sacremens  et  oOices,  n'est  qu'un  compilateur 
qui  recueille  de  toutes  parts  des  faits  et  des  explications  dont 
il  ne  cherche  point  à  composer  un  système.  L'opuscule  sur 
le  canon  de  la  messe  peut  sembler  beaucoup  plus  original. 
C'est  lojvrage  d'une  imagmalion  active,  qui  n'emprunte 
rien,  qui  crée  elle-même  des  rapports  entre  les  signes,  entre 
les  mots,  entre  les  nombres.  La  matière  est  de  part  et  d'autre 
à-peu-près  la  même,  mais  elle  est  traitée,  dans  la  première 
production,  par  un  simple  amateur  d'allégories,  qui  ne  veut 
ou  même  ne  peut  en  inventer  aucune  ;  dans  la  seconde, 
par  un  mystique  de  piofession,  trop  ca[)able  d'enrichir  le 
genre  auquel  il  s'est  voué.  Tous  deux  écrivent  mal,  mais  le 
premier  parce  que  ses  idées  ne  lui  appartiennent  jamais,  et  le 
second,  parce  (jue  les  siennes  sont  toujours  trop  bizarres  pour 
être  bien  exprin)ées  (I). 

Du  reste  nous  n'avons  rien  de  positif  ni  même  d'hypothé- 

ti(iueà  dire  ici  sur  la  vie  de  Robert   l*aululus,  ni  sur  lépoque 

de  sa  mort.  Aucun  de  ces  contemporains  n'a  fait  mention  de  lui. 

Nous  voyons  seulement  qu'il  vivait  encore  en    1184,  puisque 

Uayni   Ducii.  c'cst  la  date  de  l'une  des  chartes  ({u'il  a   souscrites.    11  y  a  fort 

miscei.  t.  I,  p.  pemi'apparence  qu'il  soit  le  même  qu'un  maître  Paul,  auteur 

d'une  somme  sur  la  pénitence  ;  m  que  le  Paulus  ou  Paululus, 

Jan.  I  3S'J  qui  a  <^crit  une  vie  de  saint  Erard,    évêiiue  de  Ratisbonne.  Les 

cl  se.].  Rollaiidistes  ([ui  ont  recueilli  celle   légende,  pensent  qu'elle  a  été 

com[»osée  vers  la  lin  du  Xk  siècle,  peul-êtrc  i)ar  l'aul  de  Bern- 
riod,  auteur  des  vies  de  Grégoire  Vil  et  de  la  bienheureuse 
Ilerluca.  "• 

(1)  Prima  quidem  cru:r  ex  ulrâque  2>arte  ullrà  caliccm  protenditur  ;  secunda 
calici  co'iquatur ,  tcrtia  infrh  calicem  coartatur...  In  prima  ergb  cruce  aternitas 
Jiiii  inUllijitw  cwn  pâtre  ;  in  secundâ,  œqualilas  ;  in  terlvï  unitas  interna  et 
ejusdcm  subslantitF....  In  co  verb  quod  dicitur  pcr  ipsum,  intelligitur  creatio  ; 
in  eo  quod  dicitur  cum  ipso,  operatio  ;  t-t  eo  quod  dicitur,  in  ipso,  consum- 
matio,  etc. 


5o9 

XII  SIECLE. 


GEOFFROI  RUDEL''', 

Poète  Pkovencal. 


SA  VIE  ET  SES  ÉCRITS. 

GBOFFRoi     Rudel     est     regardé    par    Noslradamus   et  par 
Crescinibeni,   comme  le  plus  ancien  des  troubadours  pro-      Vies  des  poêi. 
vençaux  dont   la  mémoire  soit  parvenue  iusquà  nous.    Ils  ne  P™^'" 

,'  J       T  Slot  ta   dellit 

placent  cependant   sa  mort  quen11G2;   encore  se  trompent-  «(,/jar    poeiio,  i. 
ils   sur  cette   date,  qui  doit  être  rejetée  beaucoup  plus  loin,   "■ 
comme  nous  Talions  voir,  si  Ion  veut  ajouter  foi  à   quelques 
circonstances   importantes  de  la  vie  de  ce  poète.   11  était  sei- 
gneur de  Blaïa  ou  de  Blaye  (2)  près  Bordeaux,  et  selon  toute 
apparence,    de    la   maison   d'Angoulême.    Né   avec  un  talent         MiIIoi,  i.  i, 
marqué   pour  la  poésie,   mais  vraisemblablement  peu  favorisé  P  ""• 
de  la  fortune,  il  se  relira  dans  sa  jeunesse  auprès  de  Guillaume 
d'Agoult,   seigneur  du  Sault,  qui  était  lui-même  fort  bon  poêle, 
et  qui  le  logea  chez  lui  et  fournit  quelque  temps  à  son  en- 
tretien. 

Rudel  embellit  ce  séjour  par  les  charmes  de  son  esprit. 
Geoffroi,  comte  de  Bretagne,  fils  de  Henri  H,  roi  d'Angle- 
terre, étant  allé,  à  son  passage  en  Provence,  visiter  le  sei- 
gneur du  Sault,  notre  poêle  acquit  son  estime  et  ses  bonnes 
grâces  par  les  chansons  agréables  qu'il  chanta  devant  ce 
prince,  à  la  louange  de  son  patron.  d'Agoult  profila  de  ces 
bonnes  dispositions  pour  prier  le  comte  de  prendre  Rudel  à 
sa  suite.  La  proposition  fut  acceptée  avec  joie.  Rudel  passa 
plusieurs  années  à  la  cour  de  ce  prince,  ne  s'occupant  qu'à 
chanter  la  générosité  de  ses  deux  prolecteurs.   Si  cette  anec- 

(1)  Son  nom  rst  écrit  très-diversement  dans  les  manuscrits  provençaux.  Il 
y  est  nommé  Gaufrés  Rudelo,  Jaufré  lîudelh.  Giaiifré  Hodel,  Ginfrê Rndello, 
et  même  Cufres  Rudel.  Nostradamus  l'appelle  Jaufred  Rudel,  et  Crescimbeni 
Giuffredo  Rudello. 

(2)  Nostradamus  dit  de  Blieux  en  Prorence.  Il  faut  donc  ajouter  à  toutes 
les  autres  incertitudes  au  sujet  de  ce  troubadour  ,  celle  de  savoir  si 
Blieux  en  Provence  peut  être  le  même  lieu  que  Blaïa  ou  Blaye  près  Bor- 
deaux. 


560  GEOFFROI  RUDEL,  POÈTE  PROVENÇAL. 

XII  SIECLE.     Joie  est  vraie,  et  il  n'y  a  aucune  raison  de  la  révoquer  en  doute, 

elle  peut  servir  à  rectifier  les  dates  sur  lesquelles  les  deux  histo- 

riens  de  sa  vie  et  des  poètes  provençaux  se  sont  trompés.   Le 

•uprà,    p.'  94,  comte  Geoffroi  était  né  en   1158.   Quelque  jeune  qu'il  pût  être 

noie.  quand  il  rencontra  Rudel  chez  le  seigneur  d'Agoult,  il  faut  bien 

lui  donner  au  moins  vingt  ans,  ce  qui  porte  à   H  78   au  plutôt 

l'époque  de  leur  liaison. 

Rudel  était  dans  celte  position  heureuse  et  paisible,  lors- 
qu'une circonstance  imprévue  et  la  passion  romanesque  et 
bisarre  qu'elle  fit  naître,  vinrent  troubler  son  repos  et  abré- 
ger sa  vie.  Des  pèlerins ,  au  retour  de  la  Terre-Sainte,  lui 
contèrent  tant  de  merveilles  d'une  comtesse  de  Tripoli  , 
alors  célèbre  dans  le  Levant  par  sa  beauté,  qu'il  en  devint 
éperduement  amoureux,  et  ne  voulut  plus  célébrer  qu'eUe 
dans  ses  vers.  Il  trouvait  le  moyen  de  les  lui  faire  tenir  ;  «  et 
il  est  grandement  vraisemblable,  dit  Pasquier,  que  ce  n'était 
Recherches  pas  sans  remcrcîmens  de  la  dame  par  lettres  » .  La  passion  du 
de    la    France,  troubadour  s'en  accrut  au   point  de  lui   faire  entreprendre  le 

Ht.     VII,    ci,  ,,      ,  -,        •       1  /     ,  .     A     œ     ■ 

g07.  voyage  d outre-mer  :  il  prit  donc  congé  du  comte  Geoffroi,  et 

quoique  ce  prince  fît  son  possible  pour  le  détourner  de  son  pro- 
jet, il  partit  en  habit  de  pèlerin,  voulant,  selon  le  même  Pas- 
""•'•  quier,  «  couvrir  son  voyage  d'une  dévotion  pour  ne  servir  de 

moquerie  aux  siens,  et  disant  qu'il  allait  visiter  les  saints  lienx 
de  Jérusalem  » . 

Bertrand  d'Alamanon,  poète  provençal  comme  lui,  voulut 
Ctre  le  compagnon  de  sa  folie.  Il  ne  comptait  pas,  en  mon- 
tant sur  le  vaisseau,  avoir  à  rendre  de  si  tristes  devoirs  à  son 
ami.  Rudel  fut  atteint  en  mer  d'une  maladie  si  violente,  que 
les  nautoniers  le  croyant  mort,  eurent  plusieurs  fois  la 
pensée  de  le  jeter  à  la  mer.  Il  arriva  dans  cet  état  au  port 
de  Tripoli.  Bertrand  d'Alamanon  alla  promptemont  avertir 
la  comtesse  de  la  venue  du  pèlerin  malade  et  du  sujet  de 
son  voyage.  La  force  et  la  constance  de  cette  passion,  ce 
que  les  talens  du  poète  et  l'état  fAcheux  où  il  était  réduit  y  " 
ajoutaient  d'intéressant  ,  touchèrent  la  princesse  ;  elle  con- 
sentit à  se  faire  porter  au  vaisseau.  En  abordant  le  malheu- 
reux Geoffroi,  elle  lui  prit  la  main  et  lui  fit  un  accueil  si 
obligeant,  qu'il  crut  avoir  recouvré  ses  forces  et  lui  adressa 
les  remercîmens  les  plus  respectueux  et  les  plus  tendres. 
Mais  il  ne  put  suffire  à  des  émotions  si  vives,  et  au  milieu 
des  expressions  de  sa  reconnaissance  et  de  sa  joie,  il  rendit 
l'esprit,  selon  l'expression  de  Noslradamus,  entre  les  mains 


GEOFFROI  RUniiL,  POKTl;;  PROVENÇAL  liGI 

de  la  comtesse  (1).  Une  mort  si  soudaine  troubla  tellement  xii  siècle. 
l'ame  de  cette  princesse ,  que  la  sérénité  disparut  de  son 
visags  le  reste  de  sa  vie.  On  ajoute  que  dès  le  même  jour  , 
soit  dévotion,  soit  chagrin,  elle  se  dévoua  au  cloître  (2).  Ce- 
pendant elle  prit  soin  des  obsèques  du  poëte,  et  le  fit  inhumer 
chez  les  templiers  de  Tripoli,  dans  un  tombeau  de  porphyre,  sur 
lequel  elle  fit  graver  quelques  vers  en  langue  arabe.  Bertrand 
d'Alamanon  lui  présenta  les  poésies  que  Rudel  avait  compo- 
sées pour  elle  ;  la  comtesse  en  fut  si  flattée,  qu'elle  les  fit  trans- 
crire en  lettres  d'or.  Elle  n'oublia  pas  de  récompenser  celui  qui 
lui  avait  remis  cet  intéressant  recueil,  elBertrand  revinten  France 
comblé  de  ses  présens. 

Comme  il  y  a  eu  plusieurs  Geoffroi  Rudel  de  la  maison 
d'Aiigoulême,  et  plusieurs  comtesses  de  Tripoli,  on  n"a  pas 
été  d'accord  sur  les  deux  personnages  qui  figurent  dans  celte 
anecdote  romanesque.  M.  de  Foncemagne  avait  fait ,  sur  ce 
point  d'histoire,  de  savantes  recherches  (3),  dont  le  résultat 
n'offre  rien  de  certain,  mais  peut  servir  cependant  à  corriger 
les  erreurs  de  Nostradamus  et  de  Crcscimbeni.  Selon  eux, 
cette  dame  avait  épousé  le  comte  de  Tripoli,  qui  fut  cause 
de  la  prise  de  Jérusalem,  lorsque  Saladin  enleva  celle  ville 
aux  chrétiens  en  il  88.  Tripoli  de  Syrie  avait  été  prise  par  les 
croisés  et  érigé  en  comté  en  1109.  Ce  comté  fut  réuni  une 
première  fois  à  la  principauté  d'Anlioche  en  11S7,  par  Rai- 
mond  II,  quatrième  comte  de  Tripoli,  qui  mourait.  Ce  fut 
Raimond  lui-môme  qui  fit  celle  réunion  en  se  voyant  mourir 
sans  enfans.  Il  le  fut  une  seconde  fois  en  1200,  et  n'en  fut  plus 
séparé  depuis.  Dans  tout  cet  espace  de  temps  l'histoire  ne 
parle  d'aucune  femme  des  comtes  de  Tripoli,  qui   soit   entrée 


(1)  Crescimbeni  traduit  ira  le  iraccia  délia  confessa,  ce  qui  n'est  pas  la  même 
chose. 

(2)  Vie  de  G.  Rudel,  ms.   du  Vatican  3204.  Crescimbeni,  Millot. 

(8)  Millot,  tti  sup.  p.  90.  Presque  tous  les  faits  suivans  se  trouvent  dans  cet 
auteur,  qui  avait  ici  pour  garant  non-seulement  M.  de  Sainte-Palaye,  mais  un 
travail  de  M.  de  Foncemagne,  et  un  autre  de  M.  de  Paulmy  ;  la  vie  de  Geoflroi 
Rudel  est  une  des  six  dont  il  avoue  dans  sa  préface  avoir  l'obligation  à  ce  der- 
nier académicien.  L'ouvrage  de  Millot  parut  en  1774.  M.  Papon  n'a  fait,  dans 
son  histoire  de  Provence,  imprimée  quatre  ans  après  (1778),  que  recopier  (t.  II, 
p.  444  )  ce  même  travail  de  M.  de  Paulmy,  dont  il  dit  avoir  eu  la  communication. 
Les  mêmes  faits  sont  présentés  dans  cet  article  sous  un  jourun  peu  différent,  et 
les  conséquences  qu'on  en  a  tirées,  ne  sont  pas  les  mêmes. 

Tome  XIV.  Bbbb 


;.02  GEOFFROI   RUDEL,  l'OÈTE  PROVENÇAL. 

XII  SIECLE.  dans  le  cloîlrc  ;  mais  elle  tlil  que  la  princesse  Mélisondc,  fillo 

de  Rainiond  I"^^' ,  niorl  en  1  1 48  ,  fui  accordée  avec  Manuel 
Coninène  ,  empereur  de  Constanlinople,  qui  ensuite  la 
refusa.  Elle  devait,  selon  l'usage,  porter  le  litre  de  comtesse. 
Guillaume  tle  Tyr  la  nomme  avec  éloge.  (1.  18,  c.  31.)  L'af- 
front (ju'elle  avait  reçu  dut  faire  beaucoup  parler  d'elle,  et 
donna  sans  doute  du  relief  à  ses  qualités.  Les  récils  des 
pèlerins,  qu'elle  avait  peul-<"'lre  captivés  par  ses  bienfaits  , 
étaient  capables  d'écliauirer  1  imagination  vive  du  trouba- 
dour. Enfin  il  est  |)r()l)abl(ï  (pie  cette  [)rincesse,  plutôt  cpi  aucune 
femme  des  cornlcs  de  Tripoli  ,  embrassa  la  vie  n;ligieuse. 
Telle  est  l'opinion  de  labbc  .Millol;mais  on  peut  croire  aussi 
que  cette  coiulcsse  île  Tri[K)li  était  la  veuve  do  ce  Rai- 
mond  il,  dont  on  vient  de  parler,  ce  qui  placerait  celle 
aventure  vers  l'an  11 90,  en  supposant  qu'il  se  fût  écoulé 
deux  ou  trois  ans  depuis  la  mort  de  son  mari.  Voyez  à  son 
sujet  la  nouvelle  histoire  du  Languedoc,  par  dom  Vaisselle , 
lom.    Il,    page    400. 

A  l'égard  de  Geoll'roi  Rude!  ou  Geoffred  Rwlelli^  on  en 
trouve  un  de  ce  nom  parmi  cin(j  fils  de  JolTred  ,  comte 
d'AngouIrnie,  mort  en  lOlS,  et  ce  fui  celui  (jni  eut  en  par- 
tage la  seigneurie  de  Blaye.  Mais  ce  ne  peut  être  notre  Irou- 
batlour,  ou  bien,  en  rapprochant  les  dates,  il  n'y  a  rien  de 
vrai  dans  ce  (jue  l'on  raconte  de  son  séjour  chez  le  seigneur 
d  Agoult  dans  sa  jeunesse,  île  ses  liaisons  avec  le  comte 
Geollroy  d  Angleterre,  et  di;  so»  amour  pour  une  comtesse 
d(  Tripoli.  D'ailleurs  linslitulion  des  Templiers  ne  remonte 
quàlan  1118  :  Grolfroi  le  troubadour  fui  enterré  à  Tripoli 
dans  leur  maison  :  il  s'était  alor>  écoule  soixante-dix  ans  depuis 
la  mort  de  son  père  :  comme  il  était  le  second  des  cinq  fils,  il 
était  né  |)lusieurs  années  a\anl  celte  mort  ;  et,  enfin,  comme  les 
templiers  ne  furent  pas  d  abord  établis  à  Tripoli,  et  qu'il  n'est 
pasdiliiu'ils  le  fussent  récemment  quand  le  troubadour  fulentcrré 
chez  eux,  il  aurait  ou  alors  au  moins  quatre-vingt  quelques 
années. 

D'un  autre  côté  ce  G(>oilroi  ■^Rudelii  mourut  sans  cnfans  , 
la  seigneurie  de  lilaye  fui  réunie  au  comté  d'Angoulèrae  . 
elle  en  fut  démembrée  de  nouveau  dans  la  suite  ;  mais  l'on 
ne  voit  plus  de  seigneurs  de  Blaye  qui  aient  porté  ce  nom, 
si  ce  nesl  dans  le  Xlllc  siècle,  le  fils  d'un  Gérard  de  Blaye, 
qui  sans  doute  succéda  à  son  père,  et  dont  on  trouve  dans 
le  Gallia  chrisLiana  un  sauf-conduit  signé,  G.  Rw.lelli  do- 
minas de  Bta'ia.  Mais  ce  sauf-conduit  est  de  lan  1^31,  et 


GEOFFROI  RUDEL,   POÈTE  PROVENÇAL.  o63 

celle  date   ne  convient   non   plus  dans   un  autre  sens  ni  aux      xii  siècle. 
dates,     ni    aux     aventures    atlribuées    au   troubadour.     Cotte 
nouvelle  difficulté    paraît    insurmontable  à   l'ablté   Millot ,  et  ^'**  >«r'à, 

elle  le  serait  en  effet,  s'il  n'était  pas  naturel  de  supposer  que 
pendant  le  temps  qui  s'écoula  depuis  la  dernière  fois  que  la 
seigneurie  de  Blaye  fut  démeml)rée  du  comté  d'Angoulème, 
jusqu'à  la  fin  du  Xll*^  siècle,  époque  oîi  nous  avons  vu  plus 
haut  que  le  comté  de  Tripoli  cessa  d'exister  ,  il  y  eut  plu- 
sieurs seigneurs  de  Blaye  ;  que  le  fils  de  quelqu'un  d'entre 
eux,  destiné  à  hériter  de  son  père,  put  se  nommer  Gcolfrcd 
ou  Geoifroi  Rudelli,  avoir  le  taleul  de  troubadour,  éprouver  les 
vicissitudes  auxquelles  le  nôtre  fut  exposé,  et  mourir  jeune  dans 
celte  aventure  lointaine,  sans  laisser  après  lui  aucun  acte  dont 
l'iiistoirc  puisse  s'emparer  comme  d'un  titre,  ni  aucune  trace  de 
son  existence  que  ses  vers. 

C'est  de  lui,  selon   les  commentateurs  de  Pétrarque,  que  ce  Vdluteiio, 

poète  a  voulu  parler  dans  son  triomphe  d  amour  : 


Gesucido. 


Gianfi'è  Rudel  che  uso  la  vola  <>(  il  remo  Tiionfo  d'A- 

Acercar  la  sua  morte.  more,  cap.  i. 

«  Geoffroi  Rudel,  qui  se  servit  de  la  voile  et  de  la  ran)e  pour 
aller  chercher  la  mort  »  ;  ce  (}ui  est  d'nntunl  plus  vraisendiiaiile, 
(jue  Pétrarque  passe  en  revue  dans  cet  endroit  les  liijubadours 
les  plus  célèbres  ;  Arnauld  Daniel,  Pierre  d  Auvergne,  Foulques 
ou  Folchetlo  de  Marseille,  etc. 

La  mort  funeste  de  Rudel  contribua  sans  doute  beaucoup  à 
sa  célébrité.  Au  rapport  de  Nostradanius,  le  moine  des  lles- 
d'Or,  premier  historien  des  poêles  provençaux,  faisait  mention 
d'un  dialogue  oii  l'on  niellait  en  question  de  savoir  si 
l'on  aime  mieux  sa  dame  ou  présente  ou  absente  ;  et  ce  qui 
engage  le  plus  à  aimer,  ou  les  yeux  ou  leconir.  On  citait, 
en  faveur  de  l'absence,  lexeujple  de  notre  Geoifroi.  a  Tout 
homme  sensé,  disait  un  des  couplets,  reconnaît  que  le  c(eur 
l'emporte  sur  les  yeux,  que  les  jeux  ne  servent  de  rien  en 
amour  si  le  cœur  n'en  éprouve  lo  sentiment  ;  et  i|ue  sans  les 
yeux  le  cœur  peut  franchemenl  aimer  chose  qu  il  n'a  jamais 
vue,  ainsi  que  fit  Geoifroi  Rudel.  »  La  question  parut  si  im- 
portante et  si  difficile  à  résoudre,  qu'elle  fut  renvoyée  par- 
devant  la  cour  d'amour,  siégeant  à  Pierrefeii  et  à  Signa,  et 
composée  des  dames  les  plus  illustres  et  des  plus  galaus 
chevaliers  du  pays.  Nostradamus,   qui  va  jusqu'à   nous  don- 

]5bbb  ^, 


564  GEOFFROI  RUDEL,  POETE  PROVENÇAL. 

XII  SIECLE,     jjgr  la  liste  de  ces  dames  (1),  ne  nous  dit  pas  quelle  fut  la  déci- 
sion de  la  cour. 

Mais,  comme  si   chacune  des  circonstances    sur     Geoffroi 
Rudel   devait  jeter  sur  lui  de  nouvelles  obscurités,  le  couplet 
que  cet  historien  rapporte  finit  par   ces  mots  :   «  Ainsi  que  fit 
Jaiifred   Rade\  de  Savoie  t  ;   et   qu'y  a-t-il  de   commun  entre 
un   Jaufrcd  de  Savoie  et   un  Geoffroi   seigneur  de  Blaye  près 
Bordeaux?    C'est    peut-être     uniquement    sur    cette   autorité 
(\n  Andréa  Rosolti,  dans  son    catalogue     des    écrivains     Pié- 
Syiiabus  Scr.  monlais,    cité  par    Crescimbeni,     mentionne     ce    poêle   qu'il 
Pcdemoni.  p.2i6.  nouime    Gotlofredus  Rudellus,  et    lui   donne   la   Savoie   pour 
patrie.    11  lui  attribue  aussi,   comme   Noslradamus  attribue   à 
notre  Geoffroi,  un  poëme   sur  la   guerre  de  Tressin   ou  Tersin, 
prince    des   Sarrasins    contre   les  rois  d'Arles.  C'est"  tout     ce 
qu'il   dit  de  lui  :  seulement  il  ajoute  que   Possevino  en  a  fait 
mention.    En   effet,  cet  auteur  parle,    dans    sa     Bibliothèque 
choisie,    d'un    Gaufrediis  Rudelius    que    les    Français,    dit-il, 
nomment  Gcufroy  Rudel,   (|ui   avait  écrit  sur  cette   guerre  de 
ïrossin  une  histoire  ou  un  |)ocme,  et  à  qui   il  donne  le   titre  de 
Possev.   miii.  "ol>''^  savoisien,  nobilis  sabaiidus. 
sciccia,  I.  xvi,       Quoi   qu'il  en  soit,    de  toutes  ces  incertitudes,  on  n'a  publié 
!'"*''*'■  des  poésies  de  Geoffroi  Rudel,  qu'une  des  chansons  qu'il  avait 

faites  en  France  pour  la  comtesse  de  Tripoli,  lorsque  son  dessein 
de  l'aller  trouver  n'était  pas  encore  entièrement  arrêté,  ou  lors- 
que, même  après  en  avoir  pris  la  résolution,  il  doutait  de  pou- 
voir arriver  jusqu'auprès  d'elle.  Nous  donnerons  ici  ces  quatre 
couplets  pour  mettre  le  lecteur  en  état  d'apprécier  le  style  de 
Geoffroi  Rudel  et  sa  manière  : 


Irat  et  dolent  m'en  partray 
S'yeu  non  vey  est'  amour  de  luench 
E    non  say  qu'  ouras  la  veyray; 
Car  son  trop  nostras  terras  luench. 


Dieu  qui  fes  tout  quant  ven  e  vay, 
E  forma  quest'  amour  do  luench, 


(1)  C'étaient,  selon  lui,  Stephanette,  dame  de  Baux,  fille  du  comte  de  Pro- 
vence, Adalasie,  vicomtesse  d'.\vi<rnon,  Atalete  ou  Allaëte,  dame  d'Ongles, 
Ecrmyssenie,  dame  de  Posquiores,  Bertrane,  dame  d'Urgon,  Mabille,  dame 
d'Véres,  la  comtesse  de  Die,  liostangue,  dame  de  Pierrefeu,  Bertrane,  dame  do 
Signa,  et  Jausserande  de  Claustral. 


GARIN  DAPCHIER,  POÈTE  PROVENÇAL.  565 

Mi  don  poder  al  cor,  car  hay  XH  SIECLE. 

Esper,  veïer  l'amour  de  laench. 

SeigBa«r,  ten«fl  my  psr  veray 
L'amour  qu'ay  per  ella  de  luench  ; 
Car  per  un  ben  que  m'en  esbay, 
Hay  mille  mais,  tant  soi  de  luench. 

Ja  d'autr'  amours  non  jauziray, 

S'  yeu  non  jau  degt'  amour  de  luench. 

Que'  na  plus  bella  pon  en  s»y 

En  Inech  que  si»,  oy  près  ni  luench  (1). 


L'imitation  de  la  poésie  et  de  la  manière  des  Arabes  se  fait 
sentir  dans  cette  pièce.  C'est  sans  doule  à  leur  exemple  que 
GteoflVoi  Rudel  fait  ainsi  revenir  le  même  mot  de  deux  en  deux 
vers.  On  y  voit  aussi  l'origine  de  notre  mol  loin,  qui  se  termi- 
nait autrefois  par  un  g.  Le  ch  de  luench  se  prononçait  du  gosier, 
prononciation  celtique,  qui  subsiste  encore  dans  l'allemand  et 
dans  le  bas-breton. 

Nostradamus  rapporte  que  le  moine  de  Montmaïour,  ce  trou- 
badour satirique,  qu'on  appela  le  fléau  des  troubadours,  traitait 
GeoflFroi  Rudel  d'homme  grossier  et  d'ennemi  des  dames.  Jamais, 
dit  avec  raison  l'abbé  Millot ,  satire  ne  fut  plus  injuste,  à  en  T.  i,  p.  M. 
juger  parce  que  nous  connaissons  de  la  vie  et  des  ouvrages  de 
ce  galant  troubadour.  G. 


GARIN  D'APCHIER, 

Poète  Pkovbnçal. 


1^' ET  A 11  un  ehevaliser  d'une  maison  très^noble  et  très* 
^ancienne  du  Gevaudao,  vaillant  et  bon  gtterrier,  dit^on; 
mais  il  ne  reste  aucune  mémoire  de  sœ  faits  d'armes  et  de 
chevalerie  ;  galant  et  très-habile  en  amour,  et  l'on  ne  trouve 

(I)  Ou  trouve  des  chansons  de  Geoffroi  Rudel  dans  les  manuscrits  3304  et 
3206  du  Vatican,  et  dans  les  recueils  des  poètes  provençaux  de  la  Biblioth. 
Saint-Laurent  à  Florence.  Crescimb. 


566         GARIN  DAPCHIER,  POETE  PROVENÇAL. 
xn  SIECLE,     aucune  trace  de  ses  tendres  aventures  ni  de  ses  galanteries  ; 
enBn,  de  quelque  célébrité  parmi  les  troubadours  du  XH'  siècle, 
sans  que  ce  qui  nous  reste  de  ses  poésies  donne  une  haute  idée 
de  son  talent. 

On  lui  attribue  l'invention  d'une  espèce  de  poésie  appelée 
descord,  ou  descors.  L'abbé  Millot  cite,  pour  expliquer  ce 
mot,  un  manuscrit  français  et  latin  de  la  bibliothèque  de 
Saint-Laurent,  à  Florence,  qui  l'interprète  d'une  certaine 
diversité  et  variation  dans  le  chant.  C'est  un  glossaire,  ma- 
nuscrit provençal  et  latin,  qu'il  fallait  dire,  et  voici  ce  que 
porte  ce  glossaire  :  Discors,  descordes.  Discordia.  V.  Can- 
tilena  habens  sonos  diversos  (1);  c'est-à-dire,  une  chanson  ou 
un  chant,  ayant  des  sons  divers;  ce  qui  ne  paraît  signifier 
rien  de  particulier,  attendu  que  les  sons  de  tous  les  chants 
possibles  sont  dififérens  les  uns  des  autres;  mais,  dans  la  plu- 
part des  chansons  provençales,  toutes  les  strophes  étaient 
sur  les  mêmes  rimes  que  la  première.  Dans  le  descors,  au  con- 
traire, chaque  couplet  ou  chaque  strophe  avait  ses  rimes  diffé- 
rentes de  celles  des  autres,  habens  sonos  diversos  :  cela  ne  veut 
pas  dire  autre  chose. 

On  en  peut  citer  pour  exemple  une  chanson  de  Raymbaut  de 
Vaquieyras,  qui  commence  ainsi  : 

Ar  as  quan  vey  verdeyar 
Pratz  e  vergiers  e  boscatges, 
Nuelh  un  descort  comensar,  etc. 

Les  cinq  strophes  suivantes  sont  chacune  sdr  deux  différentes 
rimes,  et  l'on  n'y  voit  aucun  autre  signe  qui  pût  caractériser  un 
descort. 

Garin  d'Apchier,  Me  troubadour,  car  il  y  eut  plusieurs  che- 
valiers de  cette  maison  nommés  Garin,  florissait  sous  le  comte 
Mort  en  1194.  Raimond  V  de  Toulouse,  mais  on  ignore  l'époque  précise  de  sa 
naissance  et  de  sa  mort. 

Les  cinq  pièces  de  lui  qui  se  sont  conservées  sont  toutes  adres- 
sées à  son  jongleur;  il  se  nommait  Communal,  était  vieux,  vou- 
lait faire  le  galant,  et  chantait  d'uue  manière  ridicule  les  vers 
de  Garin.  Celui-ci  en  fait  des  reproches  grossiers  et  qui  n'ont 
rien  de  piquant.  îtnjUiVf)!!;. 

(l)  Voyez  dans  les  additions  aux  vies  des  poètes  provençaux,  trsdnitea 
par    Crescimbeni,    vol.   2  de   son   HLst.  de   la  Poésie   vulg.    édit.  de    1730, 


la  Bibl.  du   roi. 


GUIL.  ADHÉMAR ,  POÈTE  PROVENÇAL.  567 
Dans  l'un  de  nos  manuscrits,  qui  contient  deux  de  ses  xii  siècle. 
pièces  et  une  courte  notice  de  sa  vie  ;  la  vignette  qui  orne  n.  71225  de 
cette  notice ,  le  représente  à  cheval ,  le  casque  en  tête ,  l'épée 
d'une  main  ,  et  tenant  de  l'autre  un  bouclier  chargé  d'un 
écu  d'azur,  à  la  bordure  et  à  trois  barres  d'or ,  celle  du  mi- 
lieu ondoyée.  { V.  Hist.  de  Languedoc,  par  D.  Vaissette,  t.  II , 
pag.  520.)  G.     ' 


GUILLAUME  ADHÉMAR  o. 


Poète    PRoys^ïÇAL. 


'  vïilAiVU*  Adhémamaquil  au  château  de  Marveys  ou  Mar- 


G 


veil  (2),  en  Gévaudan.  11  était  fils  d'un  chevalier  qui  n'était 
ni  riche  ni  puissant.  On  croit  que  ce  chevalier  se  nommait 
Géfard,  et  que  ce  fut  à  lui  que  l'empereur  Frédéric  I*^'  donna 
en  fief  le  château  de  Grésignan  ou  Grignan.  C'est  de  cette 
tiiaisoh  qu'était  le  toarquis  de  Grignan,  qui  épousa  mademoi- 
selle de  Sévigné.  On  sait  combien  madame  de  Sévigné  était  fière 
des  Adhémars. 

Guillaume  acquit  par  ses  lalens ,  par  la  délicatesse  et  l'en- 
Jouement  de  son  esprit ,  les  bonnes  grâces  de  Frédéric  ,  bien- 
feiteiir  dé  soti  père..  11  se  mit  ensuite  au  service  du  comte  de 
Provence  (3) ,  qui  l'arma  ehévalier.  11  fut  brave  soldat  et  bon 
poëte.  L'objfet  do  ses  amours  fut  une  comtQsse de  Die,  diffé- 
rente de  celle  qui  aima  Ratiabaud  d'Orange ,  mais  qui  joignait 
èbîùflië'  elle  à  ses  antres  belles  qualités  le  don  de  la  poésie. 
Elle  cènipbâàit  des  chansons  dont  son  amant  était  si  fiet, 
iq(Ù'iI'IfeS-pGrtîtit  ordinairement  avec  lui.  11  les  chantait ,  sans 
en  ndtïlm^'-l''àutetir,  d^ns:;  les  plus  èrillantes  réunions  de 
«dathës'  étuiè  dhQVaHePSu^npnj;  il  était  si  passionnément  amou^ 
•^nîi^-d-erllrf  jni^iq'aiyant:  appris ')^u'oû|  pijriail  de  la,  marier  au 
tfernlè  dlîfiilSPuài^îi^a  :;douleun.';<fU'ilfceï|;t  .cûnçuti  le xiotoduisjtaaûu 
^'(^nbeSasSfO'^oiq  'cinoaunaiu  sa^noan  ftof  :)97«  bioaas'b  uv«0'îJ 
ii-roa  iasib'i}p  iso'a   ^inmbdbk  O'nualluid   sb    "^nùèib    giiop  00 


568  GUIL.    ADHÉMAR,   POÈTE  PROVENÇAL. 

XII  SIECLE.  Étant  tombé  malade,  à  son  château  de  Grignan ,  la  com- 
tesse qui  l'aimait ,  l'alla  visiter  avec  sa  mère.  Le  troubadour 
violemment  ému  par  sa  présence ,  prit  sa  main ,  qu'elle  lui 
présenta,  la  baisa  en  soupirant  et  expira.  On  place  sa  mort 
en  H  90.  La  mère  eut  soin  de  lui  faire  élever  un  superbe 
mausolée,  sur  lequel  elle  fit  graver  des  vers  héroïques  à  sa 
louange.  La  fille  fut  tellement  frappée  de  cette  mort ,  qu'elle 
ne  voulut  point  se  marier.  Elle  se  fit  religieuse  à  Saint-Ho- 
norat  de  Tarascon ,  oii  elle  mourut  de  chagrin  peu  d'années 
après. 

L'abbé  Millot  est  tombé  dans  une  erreur  au  sujet  de  Guil- 
laume Adhémar,  en  voulant  en  redresser  une  de  Noslrada- 
mus.  «  Trompé  ,  dit-il ,  par  le  nom  d'Adhémar  ,  Noslradamus 
conjecture  que  ce  troubadour  était  fils  de  Gérard  Adhé- 
T.  Il,  p.  w.  mar ,  etc. ...  Il  était  certainement  contemporain  du  moine  de 
Montaudon,  qui  parle  de  lui,  dans  sa  satire,  comme  d'un 
homme  qu'il  a  connu  et  fréquenté;  ce  moine  florissait  à  la 
fin  du  XIII*  siècle;  ainsi  l'on  ne  peut  douter  de  la  méprise  de 
Nostradamus  » . 

Guillaume  Adhémar  était  sans  doute  contemporain  du 
moine  de  Montaudon  ;  mais  Guillaume  de  saint  Didier,  Pey- 
rols  d'Auvergne  ,  Gaucelm  Faidit,  Arnaud  Dainel ,  Arnaud  de 
Marveil ,  Pierre  Vidal ,  l'étaient  aussi ,  puisqu'il  parle  d'eux  dans 
cette  même  satire.  Or,  tous  ces  troubadours  fleurirent  dans  le 
XII"  siècle. 

Il  est  donc  faux  que  le  moine  de  Montaudon ,  qui  les  a 
satirisés  ,  ait  fleuri  à  la  fin  du  Xlll°.  De  cela  seul  qu'il  a  parlé 
d'eux  tous  ,  il  s'ensuit  donc  ,  au  contraire  ,  que  c'est  dans  le  XII° 
et  dans  le  commencement  du  XIII°  qu'il  a  fleuri. 

L'abbé  Millot,  dans  cette  occasion  comme  dans  beaucoup 
d'autres,  peut  être  accusé  d'irréflexion.  Elle  est  prouvée  par 
les  conséquences  mêmes  que  nous  venons  de  tirer  de  la  satire 
du  moine  de  Montaudon  ;  conséquences  qui ,  comme  on  le 
dit  vulgairement,  sautent  aux  yeux,  et  à  la  place  desquelles 
on  ne  peut  concevoir  qu'il  en  ait  tiré  de  toutes  contraires. 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  à  présumer  que  Nostradamus 
donne  ici  une  preuve  de  plus  de  son  penchant  pour  les  fables  et 
les  aventures  romanesques.  Rien  de  ce  qu'il  raconte  ne  se 
trouve  d'accord  avec  les  anciens  manuscrits  provençaux.  Tout 
ce  qu'ils  disent  de  Guillaume  Adhémar,  c'est  qu'étant  sorti 
secrètement  dans  sa  jeunesse  du  château  de  Marveil,  oh  il 
était  né ,  et  dont  le  seigneur  l'avait  fait  chevalier ,  sa  pauvreté 


XII  SIECLE. 


JEAN  DE  HANTVILLE,  POÈTE  LAThN.  5G9 

l'empôcha  de  soutenir  celle  noble  profession  ;  qu'il  pril  celle  de 
jongleur  ;  qu'ayant  composé  beaucoup  de  chansons,  il  eut  dans 
le  monde  de  très-grands  succès  ;  et  qu'enfin,  après  avoir  long- 
temps vécu  de  celte  sorte,  il  entra  dans  l'ordre  monastique  de 
Grammont,  oîi  il  mourut. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  dit  qu'oulre  ses  chansons,  il  avait  fait,  Lou  Cuihafog 
en  rimes  provençales,  le  catalogue  des  dames  illustres,  qu'il  ''«  '"»  '*"""'" 
dédia  à  l'impératrice  (1),  femme  de  Frédéric  \" .  11  avait  aussi 
inventé  un  jeu,  ou  l'on  se  parlait  à  l'oreille  «  pour  donner,  dit 
Noslradaraus  ,  commodité  aux  amoureux  de  découvrir  leur 
amour,  sans  soupçon  des  assislans  )>.  La  Croix  du  Maine  lui  at- 
tribue plusieurs  comédies  non  imprimées,  écrites  en  langage  pro- 
vençal :  mais  on  sait  ce  que  ce  pouvait  être  que  des  comédies  en 
ce  temps-là.  G. 


JEAN  DE  HANTVILLE, 


Poète    Latin. 


LE  nom  de  cet  auteur  d'un  poëme  latin,  intitulé  Archithrenius, 
a  été  défiguré  par  plusieurs  des  écrivains  qui  ont  parlé  de 
lui  (2),  la  plupart  aussi  l'ont  fait  naître  en  Angleterre  (3),  quoi- 
qu'il nous  apprenne  lui-même,  dans  le  prologue  de  son  poëme, 
qu'il  était  né  en  Normandie.  Bonamy.  Ou 

din,     Moreri,  loc 

(1)  Sans  doute  Béatrix    de    Bourgogne,   mariée  en    1156,     et  morte  en   *='i- 1  Bulseus 
iigr                                                                                                                                             Hist.  Univ.  Pa- 
ris   t  II    D    750 

(2)  11  est  nommé  Haufeville  (  Hauiivillensis,  seu  de  alla  villa  )    dans    la       •    •  >  F- 

Dissertation  de  Bonamy,  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript,  t.  XV,  p.  680;  dans 
le  Dictionnaire  de  Moréri,  éd.  de  1759,  t.  V,  p.  545;  et  dans  Oudin,  de  Scriptor, 
Ecclesiast.,  t.  II,  p.  1621.  Lilio  Gregorio  Giraldi,  Hist.  Poet.  dialog.  V,  et 
après  lui  Vossius,  de  Poet.  lat.  c.  IX,  p.  87,  l'ont  appelé  iVaM^w-W*  ;  ce  der- 
nier avait  oublié  que,  dans  son  livre  de  Historicis  latinis,  Leyde,  1651,  in-4", 
p.  783-784,  il  l'avait  nommé  Hauiivillensis  sive  Santwillensis.  Usserius  l'a 
appelé  Annavillanus,  Antiq.  Britann.  p.  269. 

(3)  Nicolaus  honœ  spei  Puteanus,  Compend.  de  Multipl.  Parisiens,  vniv. 
magnif  :  Giraldi,  ut  sup.  Joan.  Petr.  Pitseus,  de  Illustr.  Angl.  Script. 
p.  266.  Vossius,  de  Bist.  lat.  p.  783  ;  Du  Cange,  Qloss.  in  ind.  auct.  Bar- 
thius,  advers.  liv.  44,  c.  19,  p.  2027  ;  Baillet,  Jugem.  des  Sav.  t.  IV,  p.  256  ; 
Usserius,  ub.  sup. 

Tome  XIV  Cccc 

:<  3  « 


570  JEAN  DE  HANTYILLE,  POÈTE  LATIN. 

XII  SIECLE.  ])g  aulhoris  autem 

Nomine  si  qucsras,  liceat  diocisse  Joannes 
Est  ejm  novien,  cui  Nevstria  contulit  ortum. 

Il  y  a  en  Normandie,  à  trois  lieues  d'Evreux,  et  à  deux  lieues 
de  Conches,  un  bourg  dont  le  nom  est  Anville,  d'où  le  duc 
d'Anville,  tué  en  1746  dans  l'Amérique  septentrionale,  avait  pris 
son  nom;  l'on  pourrait  croire  que  c'est  de  ce  bourg  d'Anville 
que  notre  poète  était  originaire  ;  au  moins  n'y  en  a-t-il 
point  qui  ait  plus  de  rapport  avec  son  surnom  de  Hantvil- 
lensis  ou  de  Ann^ivillensis ,  comme  il  est  aussi  quelquefois 
nommé. 
vbi  tuprù  ad      On  ne  sait  sur  quelles  autorités  Pitseus,   copié  ensuite  par 

^"  '  ''■  d'autres  auteurs,  a  pu  avancer  que  Jean  de  Oantville,  après 
avoir  fait  ses  études  à  Oxford,  y  avait  pris  les  degrés  de 
maître  ès-arts  et  en  philosophie,  et  qu'il  s'était  fait  moine  à 
Urid.  p.  249.  l'abbaye  de  Saint-Alban.  Il  nous  apprend  que  Hantville, 
selon  la  coutume  de  son  temps,  étant  venu  terminer  et  per- 
fectionner ses  études  à  Paris,  s'adonna  à  la  poésie,  et  qu'il 
y  réussit.  Son  talent  particulier,  ajoute-t-il ,  était  de  savoir 
accommoder  son  esprit  et  son  style  aux  sujets  qu'il  avait  à 
traiter,  en  sorte  qu'il  imitait  la  gravité  de  Virgile  dans  les 
matières  importantes  et  élevées ,  la  douceur  et  la  facilité 
d'Ovide  dans  les  sujets  médiocres,  et  qu'il  avait  quelque 
chose  du  sel  d'Horace  dans  ses  poésies  satiriques  ;  selon  lui, 
en6n,  de  Hantville  écrivait  en  meilleur  latin  que  tous  les  autres 
auteurs  de  son  siècle,  et  avec  une  élégance  qui,  bien  que 
fort  inférieure  à  celle  des  bons  poètes  de  l'antiquité,   ne  lais- 

Jcï  SaT  T'iv"^  ^^^^  P^^  d'avoir  beaucoup  d'éclat  parmi  ceux  de  son  temps. 
Le  même  Pitseus  rapporte  qu'un  moine  bénédictin  de  Saint- 
Alban,  nommé  Hugues  Legalhe,  qui  florissail  en  1400,  ayant 
trouvé  dans  son  monastère  le  poëme  de  VArchithrenius,  en  fut 
si  charmé,  que  dès  ce  moment  il  renonça  à  tous  les  autres  livres, 
pour  faire  de  celui-ci  l'objet  de  ses  études  et  de  toutes  ses  mé- 
ditations. Cette  passion  l'engagea  à  composer  un  commentaire 
sur  le  poCme  de  Jean  de  Hantville,  et  Baillct  prétend  qu'en  cela, 
toute  irrégulière  qu'était  cette  passion,  elle  fut  utile  au  public  ; 
ibt  iupra.  ^gj^  Lamonnoye  observe  que  ces  commentaires  n'ont  jamais  été 
Ceni.  2,  01.    iiiiprimés,  non  plus  que  ceux  dont  parle  Furycius  Puteanus, 

38  et  84.  «Il-  ou  Henri  Dupuils. 

•uum  2.  Qp    ignore  les  détails  de  la  vie  de  Jean  de  Hantville  ;  il  fut, 

I  H.  selon  Oudm,  iort  attaché  au  roi  d  Angleterre  et  duc  de  Wor- 


JEAN  DE  HANTVILLE,   POÈTE  LATIN.  571 

mandie,  Henri  II,  dont  il  fait  l'éloge  dans  un  chapitre  de  xii  siècle. 
son  poëme.  Il  intitula  ce  poëme  Archithrenius,  mot  com- 
posé  de  mots  grecs,  qui  ne  signifient  pas,  comme  le  dit 
Baillet,  que  l'auteur  commence  par  déplorer  la  misère  de  uh  i,.prà 
l'homme,  car  il  ne  commence  pas  ainsi  son  ouvrage,  mais 
qui  le  représente,  déplorant  sans  cesse  les  vices  et  les  dé- 
fauts du  genre  humain  ;  Archithrenim,  dit  Badius  Ascensius, 
en  tête  de  l'édition  qu'il  en  a  faite,  quod  est  princeps  lamen- 
tationum . 

Cet  ouvrage,  divisé  en  neuf  livres,  qui  sont  subdivisés  en 
chapitres   d'inégale  grandeur,  est  dédié  à    Walter,   ou  Gau- 
tier de  Coutances,  surnommé  le  Magnifique,  d'abord  archevê- 
que de  Lincoln,  ensuite  de  Rouen,  et  qui  tint  ce  dernier  siège 
archiépiscopal  depuis  1184  jusqu'au   12  novembre  1209.    La 
dédicace,   qui  n'est   point  en  tète  du  poëme,  mais  au  cha-        Pommeraye, 
pitre  Vil   du   premier  livre,   indique   clairement  l'époque   de  iHsi.   des   »reh. 
la   composition,    ou   du  moins  de   la   publication  de  YArchù  "**    Rouen,    p. 
threnius;   c'est   celle   où    Gautier  venait  d'être   transféré   de  cait.  chr.   mv. 
Lincoln  à  Rouen,  lorsqu'il  n'avait  point  encore  quitté  le  pre-  '•  •'•  p-  si-s»- 
mier  siège  ,  et  qu'il    était    impatiemment    attendu  dans    le 
second.  Rouen  est  une  veuve  qui  attend  son  nouvel  époux, 

qui  aspire  au  moment  oii  elle  le  serrera  dans  ses  bras qui 

brûle  de  voir  un  nouveau  printemps  fleurir  pour  elle,  et  de 
monter  au  lit  conjugal,  oîi  la  vertu  présidera  sous  les  aus- 
pices du  Christ,  et  confirmera  l'union  de  l'époux,  et  de  l'épouse; 
sacrati  et  sacras  connubia  firmet.  Les  huit  vers  suivans  disent, 
dans  un  langage  Irès-mélapiiorique,  qui  était  sans  doute 
alors  regardé  comme  très-poétique,  que  Lincoln  n'a  pas  long- 
temps joui  de  celui  qu'elle  va  perdre  ,  mais  que  la  terre 
qui  l'a  produit  le  rappelle,  qu'elle  le  réclame  comme  un 
dépôt  confié,  qu'elle  attend  en  lui,  vierge  un  homme, 
nubile  le  lit  nuptial,  non  mariée  un  époux,  orpheline  un 
père,  décapitée  une  tête,  persécutée  un  détenseur,  aveugle 
un  guide,  entourée  de  ténèbres  une  lumière,  plongée  dans  la 
nuit  un  Qambeau. 

Virgo  virum,  matura  loroa,  innnpla  maritnm  ; 
Orba  palrem,  mutilala  capul,  jactata  miulcm  ; 
Cœca  ducem,  teaebrosajubar,  nocticrna  lucernam. 

Le  prologue  en  prose  qui  précède  le  premier  livre,  an- 
nonce le  dessein  et  le  plan  de  tout  l'ouvrage,  et  pourrait 
être  intitulé,  argument.   Archithrenius , -^  est-il  dit,  parvenu 

Ckîcc? 


572  JEAN  DE  HANTVILLE,  POÈTE  LATIN. 

XII  SIECLE,  à  l'âge  viril,  passe  en  revue  toutes  les  actions  de  sa  vie,  et 
trouve  qu'il  n'a  rien  fait  pour  la  vertu.  Il  se  plaint  de  la 
nature  qui  a  fait  l'homme  faible,  et  ne  lui  a  pas  donné  la 
force  de  résister  aux  attraits  du  vice  et  aux  mouvemens  dés- 
ordonnés du  crime.  Après  beaucoup  de  plaintes  et  de  larmes  : 
J'irai,  dit-il,  chercher  la  nature,  afin  qu'oubliant  tout  ressen- 
timent et  toute  haine  ,  elle  accorde  au  malheureux  Archi- 
ihrenins  le  secours  et  l'appui  qu'il  désire.  Parcourant  donc 
à  pied  tout  le  monde,  il  rencontre  Vénus  ou  la  Volupté,  l'am- 
bition, l'avarice,  la  gourmandise  et  les  autres  corruptrices, 
caeteras  meretrices,  qui  entraînent  et  pervertissent  l'homme. 
\Y  trouve  enfin  la  nature,  se  jette  à  ses  pieds,  expose  le  sujet 
qui  l'amène,  et,  ayant  obtenu  tout  ce  qu'il  demande,  reçoit 
pour  secours,  par  le  conseil  de  la  nature,  une  épouse  appelée 

la  modération Dans  le  cours  de  ses  voyages,  Architrenius 

compatit  au  genre  humain  qu'il  voit  submergé  par  les  flots  de 
tous  les  vices;  son  ame  est  oppressée  par  ses  gémissemens,  et 
ses  yeux  sont  noyés  de  larmes.  C'est  d'oii  il  a  pris  son  nom  et  le 
titre  de  son  poëme. 

Les  neuf  livres  dont  il  est  composé  offrent,  en  effet,  l'exécution 
de  ce  plan.  Après  douze  ou  treize  chapitres  assez  vagues,  et  entre 
lesquels  on  ne  voit  aucune  liaison,  tels  que  de  potentiâ  labo- 
ris,  de  impotentiâ  desidise,  de  sociis  desidiee,  de  remotione 
arrogantiœ,  contra  senes  prsssentia  damnantes,  etc.  ;  Archi- 
threnius  commence  enfin  le  récit  de  ses  voyages.  Il  rencontre 
d'abord  le  séjour  de  Vénus  ou  de  la  Volupté.  La  déesse  est 
entourée  de  jeunes  vierges  qu'elle  instruit,  et  dont  elle  en- 
flamme les  cœurs.  Il  en  est  une  qui  efface  en  beauté  toutes 
les  autres.  Le  dernier  chapitre  du  livre,  qui  est  le  plus  long, 
est  employé  tout  entier  à  en  tracer  le  portrait.  Ce  portrait 
même  est  loin  d'en  finir  avec  le  livre  :  il  ne  comprend  encore 
que  la  tête  et  le  cou.  Le  premier  chapitre  du  second  livre 
est  intitulé  :  de  residuo  descriptionis  puellas,  et,  en  effet,  la 
description  de  tout  le  reste,  depuis  le  cou  jusqu'au  bout  du 
pied,  y  est  faite  avec  le  même  détail.  Ce  n'est  pas  tout;  la 
description  de  la  toilette  suit  celle  de  la  personne  ;  et  le 
poète  en  reprend  toutes  les  parties  en  remontant  depuis  les 
^'  '"■  pieds  jusqu'aux    cheveux.    Archiihrenius,    après   avoir    con- 

templé à   loisir  ce  joli   spectacle,  suit  son  chemin   et   arrive 
„    „      .au  séjour   de  la  i:ourmandise.   La  gloutonnerie  de   ceux  qui 

Dt   Qvœiuo-  •'  ''  °  -11 

nibuf     vcitrico-  l'habitent,  qu'il  appelle  les  ventricoles;   les  questions  dont  la 
torum.  solution  fait   leur  occupation  ordinaire  sur  la  différente   na- 


JEAN     DE    HANTVILLE,    POÈTE    LATIN.  373 

lure,  la  nouveauté,  la  variété,  le  prix,   le  goût  des  mets,  et     xii  siècle. 
leur  sollicitude  sur    les  assaisonnements,  sont  le  sujet  de  trois 
chapitres.     La    passion    du    vin,    les    louanges    de    Bacchus        c.  iv,  v  e 
chantées  par  ceux  qui  s'y  livrent,    et  la  peinture  de  leurs  excès, 
en   occupent  trois  autres  ;  Archithrenius  se   mil  alors  à   dé- 
clamer contre  les  gourmands  ;   puis  il  oppose  à   ce  vice  hon- 
teux l'éloge   de  la   sobriété  ;  il  en  prend  d'abord  les  exemples 
dans  les  moines  blancs,    et  il  ne  dit  rien  de  tous  les   autres.        c.  xiv.   De 
La  sobriété  de  Fabricius  et   celle  de   Philémon  et  de  Baucis,  ^"'""""^    """'■ 
lui  servent  ensuite  de   modèle,  et  il  décrit  avec    une  comptai-  .i.m. 
sance  particulière  là  table  frugale  de  ces  deux  époux.    Après 
une  prière  fervente  à  Dieu,  pour  qu'il  corrige  les  gourmands, 
et  qu'il    remette   la  sobriété  en  honneur,  prière  qu'il  accom- 
pagne de  larmes  ;  il  reprend  sa   route,  et  arrive   à  Paris,  où 
sans  doute  il   ne  trouvera   rien  de  ce  qui  jusqu'  alors  lui  en  a  chuhrenius  '  pà- 
fait  tant  verser.   Il  termine  par  un  éloge   pompeux  de  cette  »<»'um  et  de  ejut 
ville,  qu'il  compare  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  grand   et  de  '""'''■ 
plus  beau: 

Parrhisius,  Cijrrhœa  viris,  Chrysœa  melallis, 

Graca  libris,  Inda  studiis,  Romana  poetis, 

Attica  terra  sophis,   mundi  rosa,  balsamus  orbis,  etc. 


Mais,  dans  ce  séjour  admirable,  il  trouve  de  nouveaux 
sujets  de  pleurer.  11  déplore  les  misères  ou  les  souffrances 
des  écoliers,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  se  livrent  à  l'étude  des 
sciences,  la  pauvreté  de  leurs  habits,  de  leur  logement,  de 
leur  nourriture,  de  leurs  lits,  la  bassesse  de  ceux  qui  les 
servent,  l'excès  de  travail  nécessaire  pour  apprendre  ies  sept 
arts  ;•  il  les  peint  accablés  de  sommeil,  troublés  et  réveillés 
avant  d'avoir  dormi,  pour  retourner  à  leurs  études.  Quelques- 
uns  cependant  sont  arrachés  du  lit  pour  une  autre  cause, 
qu'indique  suffisamment  le  litre  du  chapitre  Xll  :  De  ama- 
tore  amicam  expectante  et  ad  eam  noctu  accedente.  Mais  de 
quelque  manière  qu'ils  aient  passé  la  nuit,  il  leur  faut  se 
rendre  aux  écoles  dès  la  pointe  du  jour.  L'état  où  ils  sont 
en  présence  du  maître,  les  rudes  traitemens  qu'ils  éprouvent, 
enfin  tout  ce  qu'ont  à  souffrir  les  élèves  des  muses,  mériterait 
d'autres  encouragemens  que  ceux  qu'ils  reçoivent  dans  le 
monde  de  la  part  des  grands  et  des  riches.  L'aveugle  distri- 
bution des  grâces  est  exprimée  ici   par  un  vers,    applicable  à 


574  JEAN  DE  HANTVILLE,  POETE  LATIN. 

XII  SIECLE,     d'autres  temps  que  celui  de  l'auteur,  et  malheureusement  peut- 
être  à  tous  les  temps  : 

Liv.  III,  e.  XVI. 

Pramia  qua  Davus  recipit  memùiet  Uomerus. 

Après  avoir  blâmé  à  leur  tour  les  savans  et  les  philosophes 
qui  montrent  trop  d'orgueil,  et  les  philosophes  superficiels  qui 
discréditent  la  science,  il  revient  au  meilleur  emploi  que  les 
riches  et  les  grands  pourraient  faire  de  leurs  dons  ;  il  désap- 
prouve ceux  qu'ils  font  aux  histrions  aux  dépens  des  philo- 
sophes, el  termine  par  ces  deux  vers  son  troisième  livre,  qui  n'a 
pas  moins  de  vingt-trois  chapitres . 

Injima  laus  est 
Citttcla  dari  cum  niMa  bonis  ;  quai  norùei  in  kora 
Histrio  dantis  opes  ,  logicus  delihet  in  anno 

Le  voyageur  détourne  enfin  ses  yeux  toujours  baignés  de 
nouvelles  larmes,  et  cherche  des  objets  (jui  puissent  les  sécher. 

Igitur  mœroris  in  iiiida 
Liv.  IV,  c.  I,  Naufragui  indè  méat  alibi  giccandus  Oceliiu. 

i  la  6n. 

Un  mont  élevé,  qu'il  appelle  motis  ambilionis,  et  dont  le 
sommet  est  voisin  des  cieux,  sideribtis  vicinus  apex,  attire 
ses  regards.  Il  le  représente  environné  de  superbes  jardins, 
rempli  d'arbres  et  de  fleurs  de  toute  espèce,  et  arrosé  par  un 
ruisseau  qui  roule,  au  lieu  de  sable  et  de  cailloux,  de  l'or,  de 
l'argent,  et  des  pierres  précieuses.  Un  palais  est  bâti  au  sommet; 
c'est  la  cour,  la  demeure  des  rois,  dont  le  faîle  égale  en  hauteur 
le  séjour  des  dieux,  et  dont  les  fondcmens  pénètrent  jusqu'au 
fond  duTarlare.  Les  ailes  de  ce  palais  embrassent  le  tour  entier 
de  la  montagne,  et  forment  en  plusieurs  endroits  des  réduits 
favorables  aux  crimes  secrets,  et  aux  désordres  dont  gémit  la 
pudeur. 

Explicat  aula  sinus  montemqite  ampfectitur  alis, 
Midt'/ilici  laieôra  xcc/erum  lersura  rn/jorem, 
Ipsa  loco  factura  nef  as,   erroribm  umbram 
C<eca  parai,  iwclitqiie  vice»,  oculi>/iie  verendas 
Decipit  cxciibias,  perennlis  Sftpe pwluris 
Ce/iili/ras  notas,  Veneriiqne  accommoda  fur/is, 
Nam  lencbras  quipeccatamal,  laMritiiue  pudorem 
ExcMal,  noetcmqite  facit  vclamina  culpte. 


JEAN  DE  HANTVILLE,   POÈTE   LATIN  S75 

Le  poète  décrit  le  luxe,  les  habits  somptueux,  les  riches  ameu-     xii  sieclb. 

blements,  les  vases  précieux,  et  ensuite  les  mœurs,  l'avidité,  la  

corruption,  la  basse  adulation  des  courtisans. 

Bonamy,  de  l'académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
s'est  singulièrement  trompé  sur  toute  cette  description,  évi- 
demment allégorique.  Dans  un  mémoire  où  il  traite  de  la 
célébrité  et  de  l'étendue  de  Paris  avant  les  ravages  des  Nor- 
mands, il  dit  que  malgré  ces  ravages  qui  détruisirent  en  Académ.  des 
partie  le  palais  des  Thermes,  ancienne  demeure  de  nos  rois,  m,  6ii,  ia-i: 
ce  palais  en  servit  encore  à  plusieurs  rois  de  la  troisième 
race,  et  que  sous  Louis-le- Jeune  il  s'appelait  le  vieux  palais. 
«  Jean  de  Hantville,  ajoute-t-il,  qui  vivait  sous  le  règne  de 
Philippe-Auguste  en  fait  une  description  magnifique.  »  Il  cite 
le  passage  que  nous  venons  de  rapporter  pour  prouver  que 
l'ancien  palais  des  Thermes  avait  une  étendue  plus  grande 
que  celle  de  l'hôtel  de  Clugny  ;  il  en  conclut  aussi  que  dans 
les  beaux  jardins  de  ce  palais  il  se  commettait  des  désordres 
où  la  pudeur  n'était  guère  épargnée.  Tout  cela  est  un  malen- 
tendu. Notre  grand  pleureur  parcourt  le  monde  trouvant  par- 
tout des  sujets  de  larmes.  Arrivé  à  Paris,  dont  il  fait  d'abord 
un  grand  éloge,  il  s'afflige  de  l'état  de  misère  et  de  souffrance 
où  il  trouve  les  élèves  de  la  science,  et  il  dit  bien  clairement 
qu'il  va  porter  ses  yeux  ailleurs.  Il  n'est  plus  à  Paris  quand 
il  remonte  la  montagne  de  l'ambition.  Il  est  en  Grèce,  en  Macé- 
doine; et  cette  montagne  s  élève  au-dessus  de  la  ville  de  Pella, 
patrie  d'Alexandre.  11  le  dit  positivement,  en  commençant  la 
description  de  celte  montagne,  et  le  chapitre  H  de  son  quatrième 
livre. 

Mons  surgeniejiigo,  PeUœam  despicii  urbem 
Astra  svpercUio  libans,  etc. 

Il  s'exprime  à  la  fin  du  chapitre  V,  de  manière  à  Délaisser  au- 
cune équi  voque  ;  et  il  faut  que  l'académicien  qui  a  si  mal  enten- 
du tout  ce  passage  ne  l'ait  même  pas  lu.  »  C'est  là  dit  le  poète 
que  jouait  cet  enfant  avide  de  régner,  cet  élève  de  Mars,  Alexan- 
dre; c'est  là  que  l'ambition,  sa  nourrice,  l'enflamma  pour  les 
honneurs  du  sceptre  et  l'arma  contre  l'univers  entier,  etc. 

nie  puer  imper  ii  cupidus  ludebal,  ulumnuB 
Marlis,  Alexander  :  sceplrique  infudit  Iionorem 
Ambitio  uuirix,  totumque  armavit  in  orbem  : 
Prœcipites  animas  tenerisque  indurvii  annis 
Bella  pati,  votumque  duos  extendit  in  ortus. 


Liv.  V,  c.  I. 


576  JEAN   DE  HANTVILLE,   POÈTE   LATIN. 

XII  SIECLE.  Après  des  vers  aussi  positifs,  il  est  difficile  d'imaginer  com- 
ment Bonaray  a  pu  tomber  et  persister  dans  une  telle  mé- 
prise. Ce  qui  suit  aurait  pu  contribuer  à  l'en  garantir.  Archi- 
threnius,  affligé  de  plus  en  plus,  et  les  yeux  inondés  de 
larmes ,  poursuit  son  voyage  :  il  trouve  la  colline  de  la 
présomption,  de  colle  praesumptionis  ,  dont  il  fait  aussi 
une  description  poétique.  11  est  clair  que  ces  deux  rencontres 
sont  de  même  nature.  Si  l'on  entend  par  la  montagne  de  l'ambi- 
tion le  palais  des  Thermes,  à  Paris,  il  faut  dire  ce  que  l'on  en- 
tend par  la  colline  de  la  présomption,  et  si  celte  colline  est 
aussi  à  Paris,  ou  si  elle  est  ailleurs.  Si  au  contraire  la  colline 
n'est  qu'une  fiction,  une  vision,  une  peinture  purement  allégo- 
rique, il  n'y  a  pas  la  moindre  raison  pour  n'en  pas  dire  autant  de 
la  montagne. 

Cette  erreur  de  Bonamy  a  passé  dans  la  dernière  édition 
du  dictionnaire  de  Moiéri  ;  on  l'y  retrouve  avec  les  expres- 
sions même  de  Bonamy  à  l'article  Hauteville  (Jean  de)  édi- 
tion de  1759,  tome  V,  pag.  545.  Mais  elle  y  est  moins  éton- 
nante, les  compilateurs  de  ces  sortes  d  ouvrages  ne  faisant 
d'ordinaire  que  copier  les  écrits  des  savans,  sans  recourir  aux 
sources. 

Sur  cette  colline  de  la  présomption,  ce  ne  sont  ni  des  rois 
ni  des  grands,  mais  des  ecclésiastiques,  des  maîtres  ou  doc- 
teurs,   des    moines    avides  et  orgueilleux,  de  prœsumptiono 

c.  111.  ecclesiasticorum  et  magistrorum,  de    superbia,   de    monacho 

elato  ;  c'est  cet  orgueil  qui  perdit  Lucifer   el  le   précipita  du 

c.  VIII.  ciel  ;  de  là  un  chapitre  sur  sa  chiite,  de  casu  Luciferi,  puis 
une  invective  contre  l'orgueil,  invectio  m  superbiam.  Les 
chapitres  de  tous  ces  livres  ont  souvent  peu  de  liaison  entre 
eux  ;  celui  qui  en  a  peut-être  le  moins  ou  qui  a  le  rapport 
le  plus  singulier  avec  le  reste  est  le  4"  de  ce  livre.  I!  est  inti- 
tulé :  de  praesumptione  senectutis  quam  queritur  ad  regem 
Angliae  divertisse.  Le  poète,  après  s'être  plaint  de  la  présomp- 
tion des  docteurs,  se  plaint  aussi  de  la  présomption  de  la 
vieillesse,  qui  a  osé  blanchir  les  cheveux  et  rider  le  visage  de 
Henri  U,  que  l'Angleterre  est  fière  d'avoir  pour  roi,  et  la  Nor- 
mandie d'avoir  pour  duc.  Un  prince  si  grand  dans  la  paix  et 
si  infatigable  dans  les  travaux  de  la  guerre  et  le  bruit  des 
armes,  devait  voir  refleurir  sur  ses  joues  un  printemps  éter- 
nel ;  les  glaces  de  la  vieillesse  ne  devaient  jamais  les  flétrir. 

Quemjlava  Brilan»ia  regern 
Jadat,  eoque  duce  titulia  Normannia  ridet 


JEAN   DE  HANTVILLE,   POÈTE  LATIN.  577 

Et  belli  et  pacit,  fotumque  supemieat  orbem,  XII  SIECLE. 

Indole  quem  belli  nunqv.am  fregere  tutniiUns,  ~~~" 

Dedidicilque  virum  gladio  malurajuventus, 
Hiê  vernare  geni»  œternum  dehuit  œvi 
Flosciilus,  et  nuUâsenii  mareetcere  brumd. 

C'est  là  ce  que  Oudin  regarde  comme  une  preuve  que  Jean  de 
Hanlville  était  fort  attaché  à  ce  roi,  impensè  addictm.  Il  pj.  „p. 
fallait  en  effet  qu'il  eût  une  extrême  envie  de  parler  de 
Henri  II,  mais  il  fallait  aussi  qu'il  fût  très-embarrassé  com- 
ment en  faire  entrer  l'éloge  dans  son  poëme  pour  l'y  amener  si 
mal. 

Arehithrenius,  toujours  pleurant,  avait  recommencé  à  par- 
courir le  monde,  lorsqu'il  voit  paraître  un  monstre  qui  avait  la 
tête  dans  les  cieux  et  les  pieds  sur  la  terre  ;  c'est  la  cupidité. 
Il  moralise  pendant  quelques  chapitres  sur  ce  vice  monstrueux,      Liv.  V,  c.  X. 
et  s'emporte  contre   les   prélats,   qui  y  étaient  apparemment       ^-  .^'V-  ^»- 
sujets  de  son  temps.  11  est  interrompu  par  le  bruit  d'un  combat  'lato»!*"  '"  '""* 
horrible  entre  les  prodigues  et  les  avares  ;  il  regarde  long-       c.  xv. 
temps  ce  combat.  Un  guerrier  sort  de  la  mêlée,  vient  à  lui 
et  lui  fait   un  long  discours  sur  l'origine  fabuleuse  des  rois 
de   la  Grande-Bretagne.    Il  met  à  contribution  le  roman  de 
Geoffroy  de  Monmouth,  Brulus,  Corinée,  et  la  naissance  du  roi 
Artus. 

Par  une  brusque  transition,  le  triste  voyageur  se  trouve  trans- 
porté dans  une  terre  lointaine  et  idéale,  à  laquelle  il  donne  le 
nom  de  cette  Thule,  placée  par  les  anciens  aux  extrémités  de  la  Liv.  VI,  c.  II. 
terre  ;  il  y  trouve  rassemblés  les  philosophes  de  la  Grèce  et  de 
Rome,  qui  dissertent  ou  plutôt  déclament  contre  les  vices.  Ar- 
chitas  fait  un  discours  sur  la  colère  ,  Platon  sur  l'envie  , 
Caton  contre  l'amour  des  richesses,  Diogène  sur  le  mépris  du 
monde.  Socrale  fait  l'éloge  de  Diogène,  de  Cratès,  et  de  Démo- 
crite  ;  Démocrite  dit  qu'on  ne  doit  désirer  les  richesses  que  pour 
les  répandre  ;  Cicéron  parle  contre  la  prodigalité  ;  Pline  fait  voir 
les  suite  sfun  estes  du  luxe  ;  Cratès  tout  ce  qu'a  d'incommode  la 
vie  que  l'on  mène  à  la  cour  j  et  Sénèque  témoigne  un  profond 
mépris  pour  la  gloire. 

Ce  sujet,  commode  pour  le  but  moral  que  se  proposait  l'aatear, 

est  continué  dans  le  septième  livre  et  dans  une  partie   da 

hoitième.  Après  les  philosophes  viennent  les  sept  sages  de  la 

Grèce;  chacun  d'eux  fait  de  même  on  la  satire  d'an  vice  oa 

l'éloge  d'une  vertu.  Solon  parle  le  dernier. 

Archithrenirts  l'écoatatt  avec  recBeillemrat  et  les  yeux  bais-       'î'-  ^^»  «• 

T^meXlV.  Dddd  '^*^" 


5*78  JEAN  DE  HANTVILLE,  POÈTE  LATIN. 

xn  siiaB.     ses.  Tout-à-coup  il  les  lève,  et  il  voit  devant  lui  la  Nature, 

C.  VI.         au  milieu  d'une  plaine  fleurie,    et  entourée  d'un  nombreux 

cortège  ;  il  se  jette  à  ses  pieds.  Mais  avant  d'écouter  sa  prière, 

la  déesse  lui  fait  une  longue  explication  du  eysténle  dd  monde, 

des  étoiles,  des  planètes,   des  cercles  du  zodiaque,  des  signes, 

de  leur  lever    et  de  leur  coucher,  ôûBû  ûû  cooits  tottiplet 

d'astrottoUiiô,  qdi  n'est  terminé  qu'au  sixiènie    chapitre    da 

neuvième   et   dernier  livre.   Alors  seulement   Arùhithrênius 

omi»  Archi.  peut  adressera  la  nature  une  prière  plaintive;  il  expose  les 

'*"""  ",1  "•'""  misères  dont  il  à  été  témoin  et  les  siennes  :  il  implore  enfin 

am,  e.  IX.  ' 

les  secours  de  la  déesse,  et  lui  demande  un  remède  à  tant  de 
maux.  Le  remède  qu'elle  lui  conseille  pour  lui-même  et  le 
secours  qu'elle  lui  promet,  est,  comme  il  l'annonce  dans  son 
prologue,  le  mariage;  mais  il  ajoute  que  l'épouse  que  la  na- 
ture lui  coûseille  de  prendre  est  la  modération,  prosubUdii 

-s?.  .7ix  r.i       sttmma  de  nàturas  consilio  uosor  Archithretiio  Modwantia 

'   '  nominedesponsaiur.  On  ne  voit  rien  de  pareil  dans  le  poëmô  ; 

c'est  bien  de  véritable  mariage  et  d'une  épouse  réelle   que 

parle  la  nature.  C'est  elle  qui  donne  la  sanction  à  la  générd- 

c.  XI.         tion  des  choses  ;  de  sanctiùne  natures  in  rêrum   genituHs  i 

mais  ell«  prescril  à  celui  qui  l'implore  de  mépriser  les  em- 

brassemeos  d'une    servante,    de  ancillse  amplewibus  asper*- 

c.  XII.        nandis;  d'éviter  l'adultère,  enfin  d'épouser,    tandis  qu'il  est 

encore  dan»  la  force  de  l'âge,  une  aimable  et  jeune  vierge 

qu'elle  tient  auprès  d'elle,  et  qui  semble  faite  pour  le  rendre 

M  -^  ,r/  .y;a     .heureux  :  ;,_,  ^^i  i^q  oùj^iil^  ,ii.„iVï;  jj;;;:,  uù  iaua 

Primague  fani/eia  lexens  velamina  pubi ; '' . .   '        .■  ■»  '     .  j. 
;   .i.ii.>.  ffi^ifi^^c0fngg(Aalamt,  sapiaoqtteteneUutataetu. 
ub  anq'-u    ■'   ^  ■  ^.        .    .    ....    .'  ''-^  O'iinoo  noJcj 

-OCasCf     'pidtAra,pudiâa{a>iien,(iabUiirtibi\itàefèiUfaMi0od  .ohaoca 
C  XIV.       'lijoq  C-    PcBdef<t,^tt,ii«Uoi<iaveasr/iJibuleieiUu,:    ..hoocnàO  i  aJiio 

pf  .;r«nV:  .c^B  i»^  «*««»W?i  f 9iin5»«  oSWffi? M^m ^^w^a^ 

pureo^eot  idéal  appelé  la  modjérati^p.  Le  p<>èld  p^rle  ibôme  eo 
suite  du  ceste  ou  de  la  ceinture  de  Vénus;  du  cpliçr  de  I»,  jeune 
épouçe,  du  r€ste  de  sa  jP^fUJ^^iv^^Ç^n  «[lu Jaaflq^él  pnpU^^  ;,,dan3 
Jçguel  i^,  reç,9ipDç^aBWle, ,  ii,p?j!|  v,rai..^:li\,  sobiriél^^ct  ,%:^«ges8Qf  Jl 

Jjinit) '^çi^il^^.  ,y «jjxj  ^ai:de 

^R)^  5f>pç5q:3tjie«|reft^i,a,u§pjcg^^^  Jiùi'zuob    nno-'-uf-,    :S:y>!0 
L  Archilhre^iius  ài^,k\MS^\':Wàm\SM^ ^aW\hom 


I^AOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY.  579 

iq-i°.  Pau  d'ouvrages  on\  reçu  plue  d'élogeç  ;  mais  ii  p»raîl  que     i«  siècle. 
pariDi  lefi  critiqwçe  qui  l'on!,  loué,  plusieurs  se  so^it  diapep^  de 
le  lire, 

Seim  Pitseus  e^  J^alxuf,  de  Baotville  était  aocore  auteur 
d'iAnMvredf  R^àiis  ocmUis,d'm  livre  de  lelires,  d'un  autre 
d'épigraouyoes  et  de  poésies  diverses  ;  oiais  aucup  de  cea  ouvra-^ 
ge«  ne  uoMs  egt  couuu,  Oudin  lui  attribue  aussi  le  poëme 
de  BeUo  TrajoMQ,  que  l'Qp  sait  être  de  Joseph  de  OevQO  Dçpo- 

niWf    ou  JsçaflUf.  Q-  Vos»iu«,  de 

hiitor.        Iitiaif, 
Uv.  II,  p.  «0. 


RAOUL, 

CB14.TBLA.I»    DB   ConOT, 
POÈTE    FEANÇAIS. 


SA  VIE. 

LA  célébrité  de  ce  chevalier  poète  n'est  pas  due  tout  entière 
auK  chansons  qui  nous  restent  de  lui,  il  en  doit  une  partie  à 
une  aventure  tragique  et  romanesque  dont  oq  oroit  qu'il  fut 
le  hérois.  Celle  aventure  nous  a  été  transmise  par  Fauchet  dans 
l'eKtrait  d'une  vieille  chronique,  antérieure  de  deux  cents  ans 
au  temps  oii  il  écrivait,  et  qui  date  par  conséquent  de  l'an  4380 
ou  environ.  Le  fond  de  la  même  histoire  est  aussi  dans  un  1639—1601. 
roman  du  treizième  siècle,  conservé  à  la  bibliothèque  du  roi. 
On  la  retrouve  dans  \qs  Anecdotes  de  la  cour  de  Philippe-Auguste 
de  madeoioiselle  de  Lussan  ;  elle  a  été  le  sujet  d'une  romance 
simple  et  touchante  du  duc  de  la  Yallière  ;  enôn  elle  a  fourni 
à  de  Belloy  une  de  ses  tragédies  qui  fait  le  pins  d'eflfet  au 
théâtre. 

Voici  quel  est  en  abrégé  le  récit  de  l'ancienne  chronique 
citée  par  Fauchet.  On  remarquera  que  le  chevalier  y  est  appelé     Des  «ne  poit. 
Regnault  et  non  Raoul;  châtelain   et  non    sire  de  Couei.    Au  '■"•  '"'•  ^^'  '*• 
temps  que  le    roi  Philippe^Augusle  régnait  en  France,   et  le 
roi  Richard  en  Angleterre,  il  y  avait  en  Vermandois  un  galant 
et  preuj^  chevalier,  qui  s'appelait  Regnault  et  était  châtelain  de 

Dddd2 


580  RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY. 

xii  SIECLE.  Couci.  Ce  chevalier  fut  amoureux  d'une  dame  du  pays,  femme 
du  seigneur  de  Fayel.  Ils  éprouvèrent  beaucoup  de  peines 
et  de  traverses  dans  leurs  amours.  Quand  les  rois  de  France 
et  d'Angleterre  firent  le  voyage  d'outre-mer,  le  châtelain  de 
Couci  les  y  suivit  ;  à  son  départ,  la  dame  de  Fayel  lui  fit  pré- 
sent d'un  lacs  de  soie  fait  de  sa  main,  où  elle  avait  tissu  de 
ses  cheveux,  et  dont  il  se  servait  pour  attacher  un  bourlet 
très-riche  qu'il  portait  par-dessus  son  heaume.  Après  beau- 
coup de  faits  de  chevalerie,  et  les  actions  les  plus  brillantes, 
il  fut  blessé  mortellement  devant  une  place  qui  était  assiégée 
par  les  chrétiens.  Se  sentant  mourir,  il  appela  un  de  ses 
écuyers  et  lui  dit  :  «  Quand  je  serai  mort,  je  te  prie  de  pren- 
dre mon  coeur,  de  l'envelopper  de  ces  langes-ci  ,  et  de  le 
porter  en  France  à  madame  de  Fayel.  Alors  il  lui  donna  le  lacs 
que  la  dame  avait  fait  de  ses  cheveux,  et  un  petit  écrin  où 
étaient  plusieurs  anneaux  et  diamans  qu'elle  lui  avait  donnés,  et 
qu'il  portait  toujours  avec  lui,  pour  l'amour  et  souvenance  d'elle. 
Quand  le  chevalier  futmorl,  l'écuyer  lui  obéit  de  point  eu  point  ; 
il  lui  ouvrit  le  corps,  prit  le  cœur,  le  sala,  le  confit  en  bonnes 
épices,  et  le  mit  dans  l'écrin,  avec  le  lacs,  les  bijoux,  et  une 
lettre  plaintive  que  le  chevalier  avait  écrit  en  mourant  et  signée 
de  sa  main. 

L'écuyer  étant  retourné  en  France,  se  rendit  vers  le  lieu 
où  la  dame  demeurait ,  et  se  tint  caché  dans  un  bois  voisin. 
Malheureusement  le  seigneur  de  Fayel  le  vit  et  le  reconnut. 
Il  courut  à  lui,  accompagné  de  deux  de  ses  gens,  l'arrêta  et 
le  menaça  de  le  tuer  s'il  ne  lui  disait  où  était  le  châtelain 
son  maître,  qu'il  haïssait  mortellement.  L'écuyer  lui  cria 
merci,  lui  assura  que  son  maître  était  mort,  et  comme  Fayel 
refusait  de  le  croire  il  lui  montra  pour  preuve  l'écrin  qu'il 
portait.  Fayel  prit  l'écrin  et  chassa  l'écuyer.  11  alla  aussitôt 
trouver  son  maître-queux  ou  cuisinier  et  lui  ordonna  d'ac- 
commoder ce  cœur  de  si  bonne  manière  qu'on  en  pût  bien 
manger;  le  cuisinier  le  fit,  et  mit  dans  le  même  plat  d'autre 
viande  accommodée  de  même  ;  la  dame  en  fut  servie  au  dîner  ; 
leseigneur  mangea  de  l'autre  viande  et  elle  mangea  le  cœur  du 
châtelain  son  ami.  Après  le  repas,  quand  le  seigneur  lui  eut 
dit  ce  qu'elle  avait  mangé,  quand  il  lui  eut  montré  pour  preuve 
l'écrin  ouvert,  et  qu'il  lui  eut  fait  lire  la  lettre,  elle  changea 
de  couleur,  puis  commença  fortement  à  penser,  et  puis  dit 
à  son  seigneur  :  «  Oui  je  crois  qu'il  est  mort  dont  est  dom- 
mage, comme  du  plus  loyal  chevalier  du  monde.   Vous  m'a' 


RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY.  581 

vez  fait  manger  son  cœur,  et  c'est  la  dernière  viande  que  je     Xil  siècle. 
mangerai  ;  il  ne  serait  pas  juste  qu'après  une  viande  si  noble 
j'en  misse  une  autre  par-dessus.  »  Elle  se  leva,  s'en  alla  dans 
sa  chambre,  et  après  s'être  livrée  à  toute  sa  douleur,  finit  sa 
vie  et  mourut. 

On  croit  généralement  que  le  héros  de  cette  aventure  nom- 
mé ici  Regnault,  et  ailleurs  Raoul  de  Couci,  est  le  même  que 
lauteur  des  chansons.  11  y  eut  deux  Raoul  sires  de  Coucy  ; 
l'un  né  vers  1134,  tué  en  1191  devant  Saint-Jean-d'Acre  en 
Palestine;  l'autre,  qui  était  son  petit-fils,  tué  en  1249,  à  la 
Massoureen  Egypte,  avec  le  comte  d'Artois,  frère  de  St.-Louis. 
Doit-on  attribuer  à  l'un  ou  à  l'autre  les  chansons  et  les 
amours  avec  la  dame  de  Fayel,  et  leur  terrible  catastrophe  ? 
Trop  d'invraisemblances  et  d'anachronismes  défendent  de  les 
attribuer  à  Raoul  second  ;  mais,  en  s'arrêtanl  à  l'idée  de  Raoul 
premier,  comme  l'ont  fait  la  plupart  des  auteurs,  et  Fauchet 
lui-même,  et  de  Belloi  qui  reconnaît  en  lui  le  héros  de  sa  Foi.  567,  v 
tragédie,  on  tombe  dans  d'autres  invraisemblances  presque  Œuvres  de 
aussi  fortes.  Ce  Raoul,  que  les  historiens  appellent  tantôt  de  332.  '  '  '  ^' 
Marie,  tantôt  de  Lafère,  et  tantôt  de  Coucy,  parce  qu'il  était 
seigneur  de  ces  trois  châteaux,  marié  deux  fois,  et  deux  fois 
allié  à  la  famille  royale  de  France,  père  de  trois  filles,  nées 
de  son  premier  mariage,  et  de  trois  fils  nés  du  second,  avait 
environ  cinquante-sept  ans  lorsqu'il  fut  tué  devant  Acre. 
Ni  cet  âge,  ni  sa  position,  ne  s'accordent  avec  de  tels  évé- 
nemens. 

La  Borde,  dans  un  chapitre  de  son  Fssai  sur  la  musique,  Pari»,  178O, 
réimprimé  à  part  sous  le  titre  de  Mémoires  historiques  sur  '•>*'.  i-  "1  p- 
Raoul  de  Couci,  a  levé  ces  difficultés  en  rappelant  l'exis-  p^^.^  ^^^^ 
tence  d'un  Raoul  de  Couci  neveu  de  Raoul  I,  mort  comme  2  vol.  pet.  in-8« 
lui  en  Palestine;  et  que  de  Belloi,  malgré  l'attention  qu'il 
paraît  avoir  mise  dans  ses  recherches  sur  la  maison  de  Couci,  a 
oublié. 

Raoul  I,  fils  d'Enguerrand  II,  eut  un  frère,  aussi  nommé 
Enguerrand;  celui-ci,  mort  en  1174,  laissa  un  fils  et  une 
fille,  l'un  appelé  Raoul,  qui  prit  le  parti  de  l'église,  et  l'autre 
Marguerite,  qui  fut  mariée  à  Joubert,  seigneur  de  la  Ferlé- 
Béliard.  Voyez  là-dessus  D.  Toussaint  Duplessis  dans  son 
Histoire  de  la  ville  et  des  seigneurs  de  Couci.  Ces  deux  en-  p-  *^- 
fans,  dont  Duchesne  parle  dans  les  pièces  justificatives  de 
son  Histoire  de  la  maison  de  Couci,  existaient  en  1187,  p.  351. 
comme  le  prouve  un  acte  de  Raoul  I  leur  oncle,  passé  à 
3  9 


582  RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY. 

XII  SIECLE.     Laon  la  même  année,  dans  lequel  il  cite  pour  témoins  son 
neveu  Raoul,  auquel  il  donne  le  litre  de  Clericus,  et  sa  nièce 
Laborde,  ufci  Marguerite. 

'"'"^  ■  Raoul,  qui  était  clerc,  ou  si  l'on  veut  étudiant,  en  11 87,  ayant 

perdu  son  père  en  1 174,  avait  donc  alors  treize  ans  au  moins: 
il  pouvait  aussi  être  né  six  ou  sept  ans  avant  la  mort  de  son 
père,  et  par  conséquent  en  avoir  alors  à-peu-près  vingt.  Sur  ces 
faits  positifs  et  sur  cette  hypothèse  vraisemblable,  l'auteur  du 
Mémoire  historique  établit  les  conjectures  suivantes.  A  cet 
âge  qui  est  celui  des  passions,  le  jeune  Raoul  put  quitter  la 
carrière  à  laquelle  il  s'était  d'abord  destiné,  prendre  celle  des 
armes,  être  fait  par  son  oncle  Raoul  1,  châtelain  ou  gouverneur 
de  son  château  de  Couci,  connaître  et  aimer  la  dame  de  Fayel, 
dont  le  château  était  voisin  ;  la  célébrer  pendant  deux  ans  dans 
ses  poésies;  être  appelé  en  ll'JO  en  Orient,  où  se  rendaient 
alors  tous  les  braves,  et  où  son-  oncle  l'avait  précédé  la  môme 
année  ;  y  emporter  les  gages  d'amour  qu'il  tenait  de  la  dame  de 
Fayel  ;  y  périr  et  les  renvoyer  à  celle  qui  occupait  sa  dernière 
pensée. 

Ce  ne  sont  là  que  des  conjectures,  et  qu'il  est  impossible  d'ap- 
puyer sur  aucun  titre  positif,  mais  qui  ont  au  moins  quelque  pro- 
babilité, tandis  que  le  même  fait  attribué  à  un  vieux  chevalier, 
marié  avec  une  princesse  du  sang,  qu'il  aimait,  el  dont  il  avait 
trois  fils  vivans,  n'en  a  aucune. 

11  resterait  maintenant  à  examiner  le  fait  en  lui-même,  et  ses 

principales  circonstances  qui  ont  un  si  grand  rapport  avec  ce  que 

Cl  dfssus,  p.  nous  avons  vu   dans    larticle   du    troubadour   Guillaume    de 

210—214.  Cabeslaing  (1),  et  celles  qui  sont  relatives  au  lieu  de  la  scène  el 

au  sire  de  Fayel  autour  de  cette  action  atroce  et  à  la  dame  de 
Vergy  ou  Vergiès,  sa  malheureuse  épouse  et  sa  victime  ;  mais  ce 
sont  des  questions  où  il  nous  parait  inutile  d'entrer.  Le  fait  a  une 
telle  notoriété  qu  il  peut  être  regardé  comme  historique  ;  nous 
nous  abstenons  cependant  de  rien  adirmer,  et  nous  nous  bornons 
à  établir,  du  moins  d'une  manière  plausible,  que  le  châtelain 
•  de  Couci.  auteur  des  chansons  qui  se  sont  conservées  sous  son 
nom  est  le  même  que  laïuant  de  la  dame  de  Fayel,  que  cet 
amant  n'est  point  Raoul  !«'  sire  de  Coucy,  tué  à  cinquante- 
sept  ans  au  siège  de  S.-Jean-d'Acre,  mais  Raoul  son  neveu, 
mort  aussi  la  même  année  en  Palesline,  à  l'âge  d'environ  vingt- 
quatre  ans. 


RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY.  583 

XII  SIECLE. 

SES    POÉSIES. 

Nous  avons  de  ce  poète  vingt-trois  chansons  éparses  dans  dlf- 
férens  manuscrits  de  la  bibliothèque  du  Roi ,  de  celle  du  Vati- 
can ,  et  de  MM.  de  Paulmi ,  de  Clairambaiill  et  de  Sainte-Palaye. 
La  Borde  les  a  réunies  et  publiées.  Nous  n'en  citerons  ici  que  ^"'>  «"K"- 
quelques  couplets  qui  peuvent  donner  une  idée  du  talent  poé- 
tique de  l'auteur,  ou  qui  se  rapportent  à  quelques  circonstances 
de  sa  vie  et  de  ses  amours. 

La  première  est  une  des  plus  agréables.  Elle  est  composée  de 
cinq  couplets  de  huit  vers  cl  d'un  envoi  do  cinq ,  tous  sur  les 
deux  mêmes  rimes. 

Pour  verdure  ne  pour  prée, 

Ne  pour  feuille  ne  pour  flour, 

Nulle  chanson  ne  m'agrée 

S'il  ne  vient  de  fine  amoui'. 

Mes  li  feignant  priéour, 

Dontja  dame  n'iert  (  ne  sera)  aimée. 

Ne  chantent  fors  en  pascour; 

Lors  se  plaignent  sans  doulour. 

La  fin  du  cinquième  couplet  annonce  ([ue  les  soins  qu'il  ren- 
dait étaient  déjà  épiés  parla  jalousie  et  la  malveillance. 

Mes  li  faus  enquéréour 
Font  œuvre  raaléurée, 
Enging  de  mainte  coulour 
Four  changer  joie  en  tristour. 

C'est  dans  la  sixième  chanson  qu'il  parle  pour  la  première  fois 
de  son  voyage  d'outre-mer.  Les  senlimens  de  piété  qui  faisaient 
entreprendre  ces  saintes  expéditions  ,  ne  l'empêchent  pas  de  for- 
mer dans  le  premier  couplet  un  vœu  très-profane,  et  d'intéresser 
Dieu  à  l'accomplissement  de  ce  vœu. 

Ij  nouviau  temps,  et  mais ,  et  violete. 
Et  rossignol  mi  semont  (m'avertit)  de  chanter; 
Et  mes  fins  cuers  me  fait  d'une  amourete 
Si  dous  présent  que  ne  l'os  refuser. 
Or  me  dont  Dex  en  tele  honour  monter 
Que  celé  oùj'ai  mon  cuer  et  mon  penser 
Tienne  une  fois  entre  mes  bras  nuéte  (nue) 
Ainz  que  j'aille  outre  mer. 


584  RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY. 

XII  SIECLE.  Comme  la  plupart  des  poètes  français  et  des  poètes  proven- 
çaux de  ce  temps-là,  le  châtelain  de  Couci  commence  souvent 
ses  chansons  par  des  descriptions  du  printemps ,  de  la  ver- 
dure et  des  fleurs.  Tel  est  encore  le  premier  couplet  de  la 
douzième. 

Quant  li  rosignol  jolis 
Chante  seur  la  flor  d'estë 
Que  naist  la  rose  et  le  lis, 
Et  la  rousée  et  vert  pré  ; 
Plains  de  bonne  volonté 
Chanterai  com  fins  amis,  etc. 

Dans  la  treizième  il  met  en  opposition  ces  images  riantes  avec 
la  tristesse  où  il  est  plongé,  quoique  sans  sujet. 

Quant  li  estes  et  la  douce  saisons 
Fait  foille  et  flors  et  les  prés  raverdir 
Et  le  dois  chans  des  menus  oisillons 
Fait  à  pluisors  de  joie  sosvenir  ; 
Las!  chacun  cante,  et  je  plore  et  sospir, 
Et  si  n'est  pas  droiture  ne  raisons  ; 
Ains  c'est  adès  tote  m'entencions, 
Dame,  de  vos  honorer  et  servir. 


Dans  plusieurs  de  ses  chansons  il  se  plaint  ou  des  rigueurs  de 
sa  dame  ou  des  obstacles  qui  s'opposent  à  son  bonheur,  ou  des 
jaloux  et  des  envieux.  Les  trois  dernières  roulent  sur  le  même 
sujet,  son  départ  pour  la  Terre-Sainte  ,  d'oîi  il  semble  prévoir 
qu'il  ne  reviendra  pas.  Il  dit  au  second  couplet  de  la  vingt- 
unième  : 

Peau  sire  Des!  que  iert  (que  sera-ce)  donc,  et  cornent 
lert  tex  lafins  qu'il  m'estuet  (  me  faut)  congé  prendre? 
Oïl  par  Deu,  ne  puet  estre  autrement  : 
Âler  m'estuet  morir  en  terre  estrange. 

Le  couplet  suivant  prouve  qu'il  n'avait  pas  toujours  eu  à  se 
plaindre  de  celle  qu'il  regrette  de  quitter. 

Beau  sire  Dex  !  que  iert  (qne  sera-ce)  du  désirer, 

Du  doux  solaz  et  de  la  compaignie. 

Et  de  l'amor  que  me  soloit  mostrer 

Celé  qui  m'ert  et  Compaigne  et  amie? 

Et  quant  recort  sa  simple  cortbisie 

Et  les  douz  mos  dont  saet  k  moi  parler. 

Cornent  me  puet  li  cner  au  cors  dorer? 


RAOUL,    CHATELAIN  DE  COUCY.  585 

Dano  la  vingt-deuxième  ,  les  regrets  de  l'amant  forment 
d'abord  un  contraste  avec  les  sentimens  du  chevalier  dévoué 
à  cette  sainte  entreprise;  le  dévouement  l'emporte  ensuite, 
et  le  poète  s'exprime  avec  l'enthousiasme  d'un  pèlerin  et  d'un 
croisé. 


Ahi!  atnors,  com  dure  départie 

Me  convendra  faire  pour  la  meillor 

Qui  oDCques  fust  amée  ne  servie  ! 

Dex  me  ramâins  à  li,  par  sa  douçor. 

Si  voirement  corn  j'en  part  à  dolor. 

Dex!  qu'ai-je  dit?  Ja  ne  m'en  part-je  mie; 

Ainz  va  mes  cors  servir  nostre  seignor 

Mes  cuers  remains  du  tout  en  sa  baillie. 


Pour  li  m'en  vois  sospirant  en  Surie, 

Car  nus  ne  doit  faillir  son  criator. 

Qui  li  faudra  à  cest  besoin  d'aïe 

Sachiez  de  voir  qu'il  faudra  à  gregnor  (au  plus  grand  besoin), 

Et  sachiez  bien  li  grand  et  li  menor 

Que  là  doit-on  fere  chevalerie  ; 

C'on  i  conquiert  paradis  et  honor, 

Et  pris,  et  los,  et  l'amor  de  sa  mie. 


Qui  ci  He  veut  avoir  vie  honteuse 

S'aille  morir  por  Dieu  liez  et  joïeux  ; 

Car  ceste  mors  est  bone  et  glorieuse 

Qu'en  i  conquiert  le  règne  glorieux. 

Ne  jà  de  mors  n'en  i  morra  un  seus  (  un  seul)  ; 

Ainz  nestront  tuit  en  vie  glorieuse  ; 

Je  n'i  sai  plus  qui  ne  fust  amoreus. 

Trop  fust  la  voie  et  bone  et  deliteuse. 


Dex  est  assis  (  assiégé)  en  son  saint  héritage  , 

Or  i  parra  com  cil  le  secorront 

Que  il  geta  de  la  prison  honbrage 

Quand  il  fust  mis  en  la  croix  que  Turc  ont. 

Bien  sont  boni  tuit  cil  qui  remanront; 

Et  cil  qui  riche  et  sain  et  fort  seront 

N'i  pueat  pas  demorer  sans  hontage. 


Tuit  li  cliergé  et  tuit  li  home  d'âge 
Qui  en  aumosne  et  en  bienfet  mainront 

Tome  XIV.  E  e  e  e 

3  i  * 


58G  RAOUL,  CHATELAIN  DE  COUCY 

su  SIECLE.  Partiront  tuit  à  cest  pèlerinage, 


Et  les  dames  qui  chastée  (chasteté)  tenront, 
Se  loïauté  font  à  ceux  qui  i  vont  ; 
Et  s'eles  font  par  mal  conseil  folage, 
A  lasches  gens  mauveses  le  feront; 
Car  tuit  li  bon  s'en  vont  en  cest  voyage. 


Mais  les  regrets  l'emportent  à  leur  tour  dans  la  vingt-troisième 
et  dernière  chanson  qu'il  paraît  avoir  faite  à  l'instant  même  du 
départ  ,  et  il  va  jusqu'à  faire  entendre  que  s'il  ne  s'était  pas 
avancé  si  loin  ,  il  reviendrait  sur  ses  pas. 


S'onques  nus  lions  pour  dure  départie 
Ot  cuer  dolent,  je  l'aurai  par  réson  ; 
Onques  turtre  qui  peit  son  conipaignon 
Ne  remest  (ne  reste)  jor  de  moi  plus  esbahie. 
Chacun  pleui'e  sa  terre  et  son  pays, 
Quant  il  se  part  de  ses  coriax  amis  ; 
Mes  nul  partir  sachiez,  queque  nus  die, 
N'est  dolereuz  que  d'ami  et  d'amie. 


Un  confort  voi  en  vostre  désérance 

Que  je  n'aurai  à  Dieu  que  reprochier. 

Mes  quant  i)our  li  me  convient  vous  laissier, 

Onque  ne  vi  si  dure  désevrance. 

Car  cil  qui  voist  tel  amor  désevrer. 

Et  n'a  povoir  qu'il  puisse  recouvrer 

A  assez  plus  de  duel  et  de  pesance 

Que  n'oroit  ja  li  rois  s'il  perdait  France. 


Pardieu,  amors,  tout  sui  hors  de  balance; 

Partir  m'ei^tuet  de  vous  sans  demorer. 

Tant  en  fet  (jue  ne  puis  plus  durer. 

Et  s'il  ne  fustde  rcmonoir  viltance 

Et  reproche,  j'allasse  demander 

A  ma  dame  congié  do  retorner. 

Mes  elle  est,  voir,  de  si  très  grant  vaillance 

(.>u'à  son  ami  ne  doit  faire  faillance. 


Il  n'est  pas  étonnant  qu'un  jeune  chevalier  qui  part  dans 
de  semblables  dispositions,  se  voyant  mourir  un  an  après , 
loin  de  celle  qa\\  aime  ,  lui  envoie  du  fond  do  la  Syrie  les 
tristes  présens  que  le  châtelain  de  Couci  destinait  à  la  dame 


GUILLAUME    DE   TYR.  587 

de  Fayel  ;  mais  il  nous  paraît  de  plus  en  plus  invraisemblable  et      xii  srECLE. 
même    impossible    qu'un    pareil    trait  d'amour  et  d'imagina-  ~ 

tion  passionnée,  puisse  appartenir  à   l'oncle   de  ce  chevalier. 

G. 


GUILLAUME  DE  TYR. 


1 


SA   VIE. 

L  y  a  quelque  incertitude  sur  la  patrie  de  Guillaume  de  Tyr  : 
les  uns  le  font  allemand,  les  autres  anglais  ;  d'autres  syrien  ;  Tm'i.  Bihi. 

d'autres  français.  Les  deux  premières  opinions  ne  peuvent  être  !'[.',""""  '  '''''"  ^' 
soutenues.  Ceux  qui  le  supposent  anglais,  comme  les  cenluria-  apns,    p.     im. 
teurs  de  Magdebourg,  et  Jean  Balée,  dans  ses  hommes  illustres  „  ''•     '^7"'- 
de  la  Grande-Bretagne,  le  confondent  vraisemblablement  avec  ^q.  j^  voir  aussi 
un  autre  Guillaume,  le  premier  latin  devenu  archevêque  de  p-  i^o,  ccm  13, 
Tyr,  qui  mourut  en  1130,  et  à  qui  l'on  attribue  quelques  écrits  *^"  ^^' 
dont  nous  aurons  occasion  de  parler  à  la  fin  de  cet  article  :  le 
prélat  dont  nous  rappelons  en  ce  moment  la  vie  et  les  ouvrages, 
en  a  fait  mention  lui-même  dans  le  treizième  et  dans  le  qua-        tiv.  xiii.  §. 
torzième  livres  de  son  histoire.  23;    hv.    xiv, 

La  troisième  opinion  est  moins  éloignée  qu'elle  ne  le  pa- 
raît  de  la  dernière  ;   en  le  faisant  naître  à  Tyr  ou  à  Jérusa- 
lem,   elle   lui   donne  des  parens    français.    Flcury  adopte  ce        Hisi.  eccics. 
sentiment,   et  il  ajoute  que  Guillaume  avait   fait   ses  études  '•''  "  *•'  ~  ^ 
en    France.    Celui-ci   déclare    effectivement    lui-même  ,    dans  ,ic7â  Bihi.''  mi. 
son  histoire  composée  à  Tyr,   qu'il   avait  été  élevé,    instruit  •'e  l'aimcius. 
dans  les  arts  libéraux,  au-delà  des  mers  ;  transmare  ,   circa       U\.  i!>,  5  i. 
liberalium  artiuni   studia    detinebamur ,    passage  que    nous 
trouvons  favorable  à  l'opinion    de   ceux   qui    le  croient  né  en 
Orient,     mais   de  parens    français    alors    accidenlellemeni,   en 
Asie.    J'ignore  d'après  quoi    Fabricius  écrit  ,     que  Guillaume       Bihi.  mtd.  ei 

avait  fait  ses  études  en  Italie  ;  on  sait  que  les  Italiens,    même  '"'•  '"'•  '     '"• 

j         1      j        '  1  I  P-  ^""• 

dans  le   douzième  siècle ,    venaient   souvent   s  instruire   sous 

les  professeurs  célèbre.s  que  Paris  renfermait  en  grand   nom- 
bre. Jacques  de  Vitry  n'hésite  pas  même  à  dire,   en   parlant      p,éf.  de   Bon- 
de cette  époque  :  Tùm  civitas  parisiensis ,  velut  fons  horto-  S'"-  P-  '2. 
rum  et  puieus  aquarum  viventium  ,  irrigabat  universœ  terrée 
superficiem  ,  panem  delicatum  et  delicias  pt-asbetis  regibus , 

Eeee  2 


588  GUILLAUME    DE   TYR. 

x»  SIECLE  et  universas  dei  ecclesiœ  super  mel  et  favum  ubera  dulciora 
propinans.  Au  reste,  l'opinion  que  Guillaume  de  Tyr  naquit 
en  France,  a  été  constamment  adoptée  par  les  auteurs  de 
cette  histoire  littéraire  ;  ils  en  parlent  plusieurs  fois,  notam- 
p.  1K3, 1S6, 160.  nient  dans  le  savant  discours  placé  à  la  lôte  du  neuvième 
volume,  et  toujours  comme  d'un  Français.  11  est  certain  que 
Guillaume  se  montre  constamment  ,  dans  son  ouvrage ,  tel- 
lement instruit  de  ce  qui  regarde  notre  patrie,  non-seulement 
sous  le  rapport  des  événemens  généraux  ,  mais  sous  des 
rapports  plus  particuliers  et  qui  concernent  les  personnes  , 
qu'il  est  difficile  de  croire  que,  s'il  n'y  avait  pas  fait  un 
long  séjour,  il  n'eût  pas  du  moins  avec  elle  et  ceux  qui  y 
étaient  nés,  des  relations  habituelles  et  quelquefois  intimes 
d'amitié.  Etienne  de  Lusignan  ,  auteur  d'une  hisL»>ire  de 
Gcsi.  Dei  per  chvpre,     dit    même    très-positivement,     que    Guillaume   de 

Franc,     préf.     p.    „"'',.     ,.,  ,  •  • 

j2.  Tyr  était  hé  par  le  sang  aux  prmcipaux  seigneurs  du  royaume 

App.  sacer,  i.  (jy  Jérusalem.  Possevin,  Duboulay,  Nicolas  Vignier,   dans  son 

^' ^' ^.?^'       „    histoire  de  l'église  et  dans  sa  bibliothèque  historique,  et  Leau- 

T.  Il,  p.    4/2.  "-^  ...  , 

Hisi.  de  ivgi.  coup  d'autres,  assurent  tout  aussi  positivement,  que  cest 
p.  385.  —  Bibi.  ÇQ  France  qu'il  avait  reçu  le  jour.  Citons  de  préférence  le 
""  **■  ■  passage  de  Nicolas  Vignier  ;  il  présente  un  fait  nouveau,  qui 
ne  peut  que  nous  affermir  dans  notre  opinion  :  Linguarum 
latinas  ,  grsecae ,  arabicas,  persicas ,  germamcse ,  mater- 
naque  gnarus  ;  et  par  materna;,  il  indique  la  langue  fran- 
çaise, car  il  venait  de  dire  :  ex  gallicis  parentibus  oriundus 
et  in  comitatu  Raymundi  pictaviensis ,  unà  ierram  sanctam 
ingressus  anno  \\'à\.  llèrold,  dans  sa  préface  de  la  continuation 
de  l'histoire  de  Guillaume  de  Tyr,  dit  aussi  que  Guillaume 
était  venu  dans  l'Orient  en  H  31.  Celte  époque  paraît  néan- 
moins difficile  à  concilier  avec  ce  que  le  prélat  dit  lui-même 
Liv.  XIX,  5.  du  temps  de  ses  études  en  Europe,  puisqu'il  annonce  expres- 
d  r  ^'  '*  ^^tl  sèment  qu'il  y  étudiait  lorsque  le  divorce  fut  prononcé  avec 
Amaiiry  I",  roi  de  Jérusalem,  et  Agnès  de  Courlenay,  fille  du 
comte  d'Edesse,  mariée  au  mépris  de  l'opposition  du  patriarche 
Foucher;  (Amaury,  son  successeur  au  palnarchat,  à  l'avéne- 
ment  de  ce  prince  au  trône,  avait  refusé  de  le  couronner,  tant 
qu'il  n'aurait  pas  délaissé  Agnès,  et  le  roi  se  détermina  enfin 
à  l'abandonner  )  Or,  ce  divorce  est  indubitablement  de  1 1  6'2  : 
comment  Guillaume  de  Tyr  était-il  encore  au  temps  de  ses 
éludes,  quelque  avancées  qu'on  les  suppose  par  leur  carac- 
tère et  le  mérite  des  professeurs  ,  lui  supposa-t-on  à  lui- 
même  trente  ans,  comme  cela  est  possible  pour  l'instruction 


CUIS. 


GUILLAUME    DE    TYR  589 

la  plus  élevée,  s'il  était  venu  pour  la  première  fois  de  France  à     xii  siècle. 

Jérusalem  en  1 131  ?  Guillaume  dit  cncforc  dans  un  autre  endroit 

de  son  ouvrage  ,  qu'étant  enfant,    il  avait  vu  Raoul  palriarciie  Liv.  xv,  \.    17. 

d'Antioche  :  or  Raoul  fut  déposé  en  1141,  et  mourut  en  1142. 

L'année  1131   serait   tout  au   plutôt  l'année  de  la   naissance  de 

Guillaume  de  Tyr,  dont  je  ne  vois  pas,  au  reste,  que  l'époque  ail 

été  fixée  par  aucun  écrivain. 

Ce   qui    paraît   constant,    c'est    que    Guillaume    devint  en       ««'i-  «<«  'fy, 
1167,   archidiacre   de  Tyr,  à   la  demande  du  roi  de  Jérusa-     ^  Lemh'e,   p. 
lem  ,    Amaury    l",    qui     bientôt    le  chargea    d'une    mission  ei    <in   la  ëm. 
importante  auprès   de  l'empereur    de  (;onstantino|)lc.  Au    re-  *■"'     ''"   ^^^"' 
tour  de  cette  mission,    qui  était    relative  à  l'Kgypte,  et  qui  fui 
exécutée  avec    quelque   succès,     Guillaume  reprit    ses  fonc- 
tions d'archidiacre  ;  mais  des  discussions  qui  s'élevèrent  entre 
son  archevêque    et    lui,     et   aussi,    dit-il,    quelques  affaires         5.  18. 
particulières ,   l'engagèrent   peu    de  temps    après,  à   faire  le 
voyage  de  Rome.    La  faveur  d'Araaury    ne    l'abandonna  pas 
à  son  retour  d'Italie.  Ce   monarque    lui  confia    l'éducation   do 
son  (ils,    Agé    de  neuf    ans,     et  qui   régna    ensuite    sous   le 
nom    de    Baudoin    IV.  Guillaume   de  Tyr   retrace  avec  sensi- 
bilité les  espérances    que     donnait    cet   enfant,    et  les  maux    Liv.  xxi,  j.  1. 
physiques  dont    il  était   déjà  tourmenté    dans  un   Age     aussi 
tendre.  C'est    le  Baudoin  communément   appelé    le  mézel  ou  lo 
lépreux.    La   mort   de  son    père  le  plaça  bientôt  sur   le  trône,       r,m\.  <ic  Tyr, 
en  1173,   ayant  à  peine  treize   ans.    Guillaume   fut    nommé,   ^xi,  5  2. 
presque  aussitôt  chancelier  du   royaume  ,    ut   essel ,   dit-il  ,       tiv,  xxi.  %. 
qui  regiarum  epislolarum  curam  haberet  ;  et  au  mois  de  mai  de  "j  '■""'  »"«'*'  ''"• 
l'année  suivante,   1 174,  archevêque  do  Tyr;   au  mois  de  mai,   ,,^  xx\i  ^/'b'^ 
et  non    au    mois    d'octobre,  conmic    le   disent    les  ccnturia-        Cont,  12,  c. 
tours  de    Magdebourg  ,  auxquels  on  a  tant  d'erreurs  à  repro-  '"•  !'•  *^'*- 
cher,   et    qui  en  commeltert  une    plus   grande  dans  un    autre 
endroit,  oîi   se  retrouve  une  preuve  de  plus  du  peu   de  soin       /&,</.  p  1377. 
qu'ils  ont  apporté  à  la  composition    de  leur  ouvrage.  Frédéric, 
son    prédécesseur,  comme   archevêque   de  Tyr,  était  mort  au 
mois  de   novembre    précédent  ;    Gudlaiime    lui     accorde   un 
assez   faible    éloge  dans   son    histoire.     Frédéric     avait    suc-    Liv.  xxi,  5,  4. 
cédé  à  Pierre    de  Barcelonne  ;  Pierre,  à  Foucher  ;  et    Foucher 
au  premier  Guillaume  dont    nous    avons  parlé.    Je    n'en  fais 
l'observation  qu'à  cause  de   l'erreur  ou  de  la  confusion  que  la 
ressemblanoe  du    nom  des  deux  prélats  avait   fait  naître,   et 
que  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  remarquer  ;  ce   premier      y.  ci-dcss. 
Guillaume   était  mort  en   1130,   et   par   conséquent,    avant  W7. 


■iOO  GUILLAUME   DE   TYR 

XII  SIECLE,  qug  le  second  fût  même  arrivé  en  Orient,  dans  rhy|)Olhèsc  de 
ceux  qui  l'y  font  venir  de  France,  puisqu'ils  assignent  1 1 3 1 
pour  l'année  de  ce  voyage. 

Liv.  XXI,  s.  26.  Guillaume  assista  comme  archevêque  de  Tyr,  avec  plu- 
sieurs autres  prélats  d'Orient,  au  concile  qui  fut  tenu  à  Rome 
dans  l'église  de  S.  Jean  de  Lalran,  en  1179.  En  revenant  de 
ce  concile,  il  alla  passer  plusieurs  mois  auprès  de  l'empereur 
Manuel,  à  Constanlinople,    séjour  qui   ne   fut   inutile,    dit-il, 

Liv.  XXII,  5.  i.  ni  à  lui  ni  à  son  église.  Il  était  de  retour  à  Tyr  depuis  peu 
de  temps,  quand  la  mort  du  patriarche  Amaury  lit  vaquer 
le  siège  de  .lérusaleiu.  Héraclius,  archevêque  de  Césarée, 
aspirait  à  le  remplacer,  et  il  avait  dans  la  mère  du  roi  une 
puissante  protectrice.  Biau  clerc  était,  dit  le  traducteur- 
continuateur  de  Guillaume  de  Tyr,  dont  l'ouvrage  a  été  pu- 
I».  60{  Llié,  la  continuation  du  moins,  dans  le  cinquième  volume 
de  l'amplissimc  collection  de  Martène  et  Durand,  biau  clerc 
était,  et  par  sa  biauté  Vania  la  mère  le  roi.  Guillaume  com- 
battit avec  beaucoup  de  force  ce  projet,  dans  l'assemblée  de 
ceux  qui  devaieiil  élire  le  nouveau  patriarche.  «  J'ai  trové 
'''"'•  I'  '■"'■'■  escrit,  leur  disait-il,  que  Brades  coiiquist  la  saint  crois  en 
Parse,  si  la  porta  en  Jérusalem,  et  que  Eracles  l'en  getcrait 
hors,  et  (ju'a  son  tans  serait  perdue,  et  par  ce  vous  pri  par 
Dieu,  que  vous  ne  l'eslisiés  mie  à  patriarche.  »  Les  désirs  de 
la  reine  eurent  plus  de  succès  (jue  les  recommandations  de 
Guillaume  de  Tyr.  Celui-ci  cependant  fut  présenté  concur- 
remment avec  Héraclius,  pour  le  siège  de  Jérusalem  ;  mais 
Héraclius  tut  nomiiié.  Guillaume  appela  do  son  élection  ;  il 
fit  même,  pour  cela,  un  nouveau  voyage  à  Rome,  ou  il  re- 
cueillit beaucoup  de  témoignages  d'amitié,  d'estime,  de  con- 
ihid.  1).  (iOK.  sidération,  mais  oii  il  trouva  la  mort,  suivant  son  continua- 
iioiiK.  le  IV-  leur,  (jui    prétend    que   Guillaume  y  fut  empoisonné     par  les 

'""'■''"'■''  ''■  ordres  et  par  les  agens  dlléraclius.  L'empoisonneur,  suivant 
le  même  écrivain,  fut  un  médecin  que  le  nouveau  patriarche 
de  Jérusalem,  avait  envoyé  à  Rome  pour  y  exécuter  cet  hor- 
rible projet.  «  Quand  Eracle  sut  qu'aie  à  Rome,  disl  à  un  sien 
fisicien,  (]u'il  ;tlasl  après  et  qu'il  lempoi.sonast  ,  et  cil  si  fist,  si  fu 
mort.  » 
Cniiiii     \z.       Les   cenluriateurs    de    Magdebourg    l'ont    venir     Guillaume 

c  10.  p  I57f.  de  Tyr  en  Asie,  l'an  1131  ;  et  cependant  ils  ne  le  font  mourir 
qu'en  1219,  annonçant  alors  qu'il  mourut  octogénaire  ;  mais 
dans  celle  hypothèse,  il  y  avait  à  celte  époque  quatre-vingt 
huit  an.s    que  (juillaume  était    arrivé    dans    la    Terre-Sainte, 


G  U  I  L  L  A  U  M  E    D  E    T  Y  R.  591 

et    n'en  eût-il  eu  que  vingt  à  son  arrivée,  il  en  aurait  eu  cent     xii  siècle. 

huit.  Eux-ni6mes  disent  qu'il    fut  archidiacre  de  Jérusalem  à 

trente  ans  ;  ils  lui  font  remplir  ensuite  beaucoup   de  fonctions, 

lesquelles 'employèrent  beaucoup  d'années  avant  qu'il  devint  ar- 

clievéque  de  Tyr;    puis   ils  l'en  font  archevêque  en  1167.  De 

11C7  à  1219,  il  y  aurait  cinquante-deux  ans  de   prélature;  en 

1 1 G7,  il  y  avait  déjà  trente-six  ans  qu'il  était  en  Asie,  puisqu'il 

y   était  venu  en   1131;  Irente-six  et  cinquante-deux  feraient 

encore   quatre-vingt-huit  ;    et   il    faut  toujours  y  joindre  l'âge 

qu'il  avait  lorsqu'il  arriva  dans  la  Palestine,  ûge  qu'on   ne   peut 

mettre  au-dessous  de  vingt  ans. 

La  vérité    est   que   Giiiliaunie  de  Tyr  mourut  vers  1 1 90  ; 
il  est  même  impossible  d'admettre  ce  que   nous  disait  tout-à- 
l'heurc  le  continuateur  de  Guillaume  de  Tyr.    En  elTet,  d'après 
lui,  l'élection  d'Iléraclius  est  du  10   octobre  1180   :   à  peine 
élu,   ce  patriarche  mande  5   tous  les  archevêques  et  évèques 
de   venir  lui   prêter  serment  d'obéissance;    ils  le   font    tous, 
excepté  Guillaume,  dont  la  réponse  est  un  appel  et  un   voyage 
à  Rome  ;  Héraclius,  prévoyant  le  péril  où  cette   démarche   peut 
le  jeter,   envoie  à  Rome  aussi,   et   l'archevêque   de   Tyr   est 
empoisonné.    Mais  si  tout  cela   était   vrai,   Guillaume    serait 
donc  mort  en  1181  .or,  il  vivait   encore,  rien   déplus  cer- 
tain, en   1188.   La   preuve  en  est  dans  une  action  de  sa   vie, 
qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de   passer   sous  silence,  car   elle 
appartient  en   môme-temps   à  son   histoire    individuelle   et  à 
l'histoire  générale   du    temps    L'année    1187  fut  une  des  plus 
fatales  aux  chrétiens  d'Orient     Saladin  les  vainquit    plusieurs 
fois,   et  leur  enleva  successivement    leurs    plus    importantes 
cités,  Jérusalem  en   particulier.    Dans  cet     état    de    malheur 
et  de  désolation,  on   résolut  d'envoyer  en  Europe    solliciter 
de  nouveaux   secours    Guillaume  de  Tyr  fut  chargé  de  cette 
honorable    et  pieuse   mission  ;   il  vint  en   France  en   1 1 88  : 
il  paraît  même,   par   Roger  de  Iloveden,   dont  le  passage  est 
cité  dans  la  préface   du   Gesta  Dei per  Francos    de  Bongars  ,      p.  13.  -  voir 
qu'il   assista  aux  conférences  tenues  près   de    Gisors,     entre  '*^'""i'-    ".    v- 
Henri  II  et  Philippe  Auguste,  que  ce  fut  lui  qui  donna  la  croix  Lemirc,  m\.  1o 
à  ces    deux   princes  et  à  beaucoup  de  prélats  et  de   barons  f»'""-  i>-  62.  — 
des  deux  royaumes.  Le  pape  rappelle  lui-même  le  voyage  de  je"s"  g'''    "'" 
Guillaume   de  Tyr  et  son  objet   dans  deux  lettres  adressées,  Pr.   p  'i04;   et 
la  première   aux  grands,   aux  guerriers,   à  tous  les  fidèles,  et  *''>"!''i"e,      an 
la  seconde  à  Henri  de  France,  archevêque  de   Reims,  insé-  ^'^^'  ''  ^' 
rées  toutes  deux  dans    l'amplissime   collection   de    Martène.  ^j  y^'o"'  ^'  ''^ 


592  GUILLAUME      DE     T  Y  R. 

XII  SIECLE.     On  a  même  cru  que  Guillaume  fut  nommé,  pour  celte  croisade, 
légat  du  Saint-Siège.  On  peut  voir  ce  qui  est  dit  à  ce  sujet  dans 
P.  13.         la  préfacede  Bongars,  et  les  auteurs  qu'on  y  cite. 
Or.  ciirisi.       Ces  fails  détruisent  également  l'opinion  qui  tend  à  placer,  vers 
.  III,  p.  1316.     lan  ^  ^  84_  i^  j^o^t  de  Guillaume  de Tyr. 


SES  ÉCRITS. 

Tous  ceux  qui  ont  parlé  des  premiers  historiens  des  croi- 
sades se  sont  accordés   à  donner   de  grands  éloges  à  Guil- 
Vossius,  H.  laume  de  Tyr.  Vossius  et  Noël  Alexandre  l'appellent  modeste, 
îsV"—  Nil  Alex    savant,   exact,   ami  de  la   vérité,   élégant   pour  l'époque  oU  il 
Hist.  ecci.  i.  VI,  écrivait.  Aubert  Lemire  lui  assigne  le  premier  rang   parmi  ces 
P-  ^^  historiens,  et  l'appelle  aussi  auteur  d'un  savoir  peu  commun    et 

p.    Gl  de  la  'ri  r 

Bibi.    ecci.    de  d'uuc  élégance  au-dessus  de  son  siècle,  doctrinâ  non  vulgari  et 

Fabricius.  suprà  sœculum  illud  amœnâ.    Renaudot    le    loue    à-peu-près 

p.  477.        de  ja  mênic  manière  dans  son  histoire  des  patriarches  d'Ale- 
Pr<<f.  p.  II.  xandre,    ainsi   que   Bongars,   dans   son  Gesta  deiper  Francos, 

Liv  XIII,  .  19.  Fleury,  dans  son  histoire  ecclésiastique,  et  plusieurs  autres 
écrivains. 

Guillaume  a  fait  l'histoire  des  événemens  survenus  dans 
la  Terre-Sainte,  et  presque  dans  toute  la  Syrie,  sous  les  princes 
chrétiens  d'Occident,  depuis  1095,  époque  où  Philippe  I* 
régnait  en  France  et  oli  la  première  croisade  fut  résolue  au 
concile  de  Clermont,  présidé  par  Urbain  II,  jusqn'en  1184, 
c'est-à-dire,  jusqu  à  l'année  qui  précéda  la  mort  de  Baudoin  IV, 
roi  de  Jérusalem.  Longtemps  avant  de  le  commencer,  il 
avait  conçu  le  projet  de  ce  grand  ouvrage,  et  recueilli  peu- 
à-peu  et  avec  soin  les  matériaux  nécessaires  à  sa  composi- 
tion, soit  en  écrivant  les  faits  particuliers  dont  il  avait  été 
le  témoin,  en  consultant  pour  les  autres  ceux  de  ses  contem- 
porains qui  y  avaient  concouru  et  qui  en  étaient  le  mieux 
instruits,  soit  en  interrogeant,  sur  les  faits  antérieurs,  les  ■ 
personnes  dignes  de  foi  qui  en  avaient  conservé  la  mémoire, 
j.  n.  Lui-môme   nous  l'annonce  au  douzième  livre  de  son  histoire, 

p.  126.  —  V.  gm  commencement  du  seizième,   et  dans  sa  préface,  qui  est 

^rfine,' p.  998.  '  comme  une  lettre  adressée  à  ses  frères  en  Jésus-Christ  et  dans 
laquelle  il  s'intitule  :  Willermus,  dei  palientià  sanclx  tiren- 
sis  ecclesix  minister  indignics.  H  y  retrace  la  difficulté  d'une 
pareille  entreprise  :  veut-on  dire  la  vérité  :  on  s'expose  à  beau- 
coup de  haine,  veut-on  la  taire;  on  trahit. son  premier  de- 


XII   SIFXLE. 


GUILLAUME    DE   TYR.  593 

voir  :  et  qui  éprouva  plus  que  moi  ce  danger  ?  mais  l'amour 
de  la  patrie  l'emporte  sur  toutes  les  autres  considérations  ; 
il  ne  me  permet  pas  de  laisser  dans  l'oubli  tant  d'actions 
illustres  ;  ma  seule  crainte  est  de  rester  trop  au-dessous 
d'un  pareil  sujet.  J'obéis,  d'ailleurs,  en  écrivant  cet  ouvrage, 
aux  ordres  du  roi  Amaury,  si  digne  d'un  souvenir  éternel. 
C'est  également  par  ses  insinuations  et  par  ses  ordres 
que  nous  avons  écrit  l'histoire  du  temps  écoulé  depuis  Ma- 
homet jusqu'à  nous,  c'est-à-dire,  pendant  cinq-cent  soixante- 
dix  ans.  Celle-ci  renferme  un  espace  de  quatre-vingt-quatre 
ans,  ajoute  l'auteur;  il  aurait  pu  même  dire  d'environ  quatre- 
vingt-dix. 

Guillaume  de  Tyr  ajoute  qu'il  divise  son  ouvrage  en  vingt- 
trois  livres.  Il  n'eut  pas  le  temps  de  6nir  le  vingt- troisième, 
lequel  a  été  achevé  dans  la  suite  par  Hérold,  qui  y  en  a  joint 
six  autres.  L'histoire  entière  avait  été  traduite  en  français  , 
dès  le  treizième  siècle,  par  un  écrivain  qui  la  continua  aussi 
jusqu'en  1275,  et  cette  continuation  a  été  imprimée  dans  le 
cinquième  tome  de  l'amplissime  collection  de  dom  Martène 
qui  lui  suppose  un  auteur  anonyme.  Dom  Ceillier  fait  de 
même,  dans  l'histoire  des  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques,  t.  xxr,  p.  i7<. 
quoique  son  nom  soit  très-connu  et  que  Ducange,  qui  le  cite 
souvent,  l'appelle  toujours  Hugues  Plagon.  Elle  fut  traduite 
de  nouveau  dans  le  seizième  siècle  par  du  Préau,  et  imprimée 
à  Paris,  en  1574,  in-folio,  sous  ce  titre  :  Histoire  de  la  guerre 
sainte,  dite  proprement  la  Franciade  Orientale,  faite  latine  par 
Guillaume,  archevêque  de  Tyr,  chancelier  du  royaume  de  Jéru- 
salem, et  traduite  en  français  par  Gabriel  du  Préau. 

Ce  fut  aussi  dans  le  seizième  siècle  qu'on  imprima  pour 
la  première  fois  le  texte  latin  de  Guillaume  de  Tyr  ;  l'édition 
en  fut  donnée  à  Bâle ,  in-folio,  en  1549.  Le  titre  porte: 
Belli  sacri  historia,  libris  XXIII  comprehensa,  de  Hierosolymâ 
ac  terra  promissionis ,  adeoque  universâ  penè  Syriâ ,  per 
occidentales  principes  christianos  recuperatâ ,  narrationis 
série  usquè  ad  regnum  Balduini  quarti ,  per  annos 
LXXXIIII  continuata  ;  optes  mirabili  rerum,  scitu  dignis- 
simarum  varietate  refertum  ac  historiée  studiosis  ut  jucun- 
dissimum  ita  et  utilissimum  futurum ,  ante  annos  circiter 
quadringentos  conscriptum,  nuncgue  pritnùm  doctissimi  viri 
Philiberti  Poissenoti  opéra  in  îtœem  editum ,  GuUlelmo 
Tyrio  metropolitano  quondam  archiepiscopo  ac  regni  ejiis- 
dem  cancellario  autore:  Bâle,  par  Nicolas  Brylinger  et  Jean 
TwneXTV.  Ffff 


r.04  GUILLAUME  DE  TYR. 

xn  SIECLE.  Oporin,  1549.  Poissenot  dédie  l'ouvrage  à  Christophe  Co- 
quille, doclour  en  ihéologie  et  grand  prieur  de  Cluny,  par  une 
longue  épître,  écrite  du  collège  de  S.  Jérôme  de  Dôle,  ou  on 
voit  que  Coquille  avait  eu  d'abord  la  direction  de  ce  collège, 
fourni  de  bons  livres  par  Antoine  Laroche  son  fondateur,  du  ma- 
nuscrit entre  autres  de  Guillaume  de  Tyr,  que  Poissenot  impri- 
mait alors.  L'impression  étant  du  mois  de  mars,  et  1549  étant 
placé  là  d'après  l'ancienne  manière  de  compter,  c'est  pour 
nous  1o50. 

Il  en  parut  une  seconde  édition  à  Hille  encore  chez  Nicolas 
Hrylinger,  en  15G4,  in-folio  aussi.  Elle  a  pour  litre  :  Historia 
belli  sacri  verissima,  lectu  et  jucunda  et  tUilissima,  libris  vi- 
ginti  tribus  ordine  co^nprehensa,  in  qiià  Hierosolyma  ac  terra 
populo  dei  olim  promissa  et  data,  imà  cum  totà  fere  Syriâ, 
per  accidentes  principes  christianos  ,  anno  réparâtes  saliUis 
1099,  magnâ  pietate  et  fortitudine  recuperata  fuit ,  certà 
narrationis  série,  per  anno*  SI,  ad  regnuni  Balduini  quarti 
usque  continuata  et  descripta,  anthore  olim  Willelmo  Tyrio 
metropolitano  archiepiscopo,  ac  regni  hierosolymitani  fidelis- 
simo  cancellario  ;  mine  rero  midlo  castigatior  quàni  anteà  in 
lucem  édita  ;  unà  cum  continuatione  totius  de  bello  sacro  his- 
toricV,  quœ  libris  sex  ad  nostra  tempora  usque  extenditur 
et  hierosolymitani  rogni  cl  urbis  castes  et  varielates  fortunœ 
ordine  explicat,  cum  prœfatione  Ilenrici  Pantaleonis,  atque 
ipsius  aulhoris  rit'''  ,  multarumque  nobilissimarum  urbium 
depiclione.  C'est  Panlalèon  qui  a  donné  cette  édition,  comme 
le  titre  l'annonce  et  comme  on  le  voit  aussi  par  l'épître  dé- 
dicaloire  adressée  au  prince  George  de  llochenheim  Bombast, 
maître  des  chevaliers  de  Rhodes  en  Allemagne,  datée  de  Bâle, 
le  10  mars  1;i64.  Les  six  livres  ajoutés  à  ceux  de  Guillaume 
de  Tyr  sont ,  comme  nous  l'avons  dit ,  de  Jean  Hérold  ;  la 
continuation  n  a  [)as  été  imprimée  à  la  suite  de  l'ouvrage, 
dans  le  Gesta  dei  per  francos.  L  auteur  même  de  cette  collec- 
tion ,  Bongars  ,  ne  parait  pas  accorder  une  grande  estime 
aux  soins  du  nouvel  éditeur  ;  emendatam  pollicetur,  dit-il, 
corruptcm  dal,  cl  il  rappelle  ce  que  Panlalèon  raconte  lui- 
même  de  son  travail.  Panlalèon,  comme  on  le  voit  par  le 
litre,  y  a  joint  une  vie  de  Guillaume  de  Tyr.  C'est  là  qu'il 
le  fait  naître  dans  la  seconde  Germanie ,  la  plus  voisine  de 
la  France,  qu'il  lui  fail  suivre  en  Oricnl,  l'an  1031 ,  (sans  doute 
1131),  Raimond,  comte  de  Poitiers,  et  étend  sa  vie  jusqu'en 
1209,   en  observant  qu'il  mourut  oclogèuaire.  Ce  biographe 


GUILLAUME  DE   TYR.  595 

était  de  Bâle,  et  médecin  :  ces  deux  qualifications  sont  jointes  à      '"'  siècle. 
son  nom  dans  l'annonce  faite  au  titre  de  l'ouvrage. 

Dès  1 562,  il  en  avait  paru  une  traduction  italienne,  à  Venise, 
in-4°,  par  Joseph  Horologgi.  Thomas  Bagloni  en  publia  une 
seconde,  à  Venise  aussi,  et  in-4°,  en  1G10. 

On  peut  regarder  comme  une  nouvelle  édition  de  celte 
histoire,  l'insertion  que  Jacques  Bongars  en  a  faite  dans  le 
Gesta  dei-per  francos,  collection  qui  fut  imprimée  à  Hanovre, 
en  1619. 

Le  père  Lelong,  dans  sa  bibliothèque  historique  de  la  France,  Edii.  de  Fon- 
en  cite  un  manuscrit  indiqué  au  catalogue  de  la  biblothèque  '*""'  '  "'  '' 
d'Urfé,  n"  XXVU,  sous  ce  titre  :  Histoire  des  croisades,  par 
Guillaume  de  Tyr,  suivie  d'une  notice  du  patriarchat  d'Antioche 
et  de  ce  qui  s'est  passé  depuis  1 187,  jusqu'à  la  prise  de  Plolé- 
maïde,  in-folio,  sur  vélin,  il  croit  que  c'est  la  traduction  de 
Hugues  Plagon,  insérée  comme  anonyme  dans  le  cinquième  tome 
de  i'amplissime  collection  de  doni  Marlène  II  annonce  qu'on 
trouve  aussi,  parmi  les  manuscrits  do  Colberl,  n"  1  lOo,  1121, 
1409  et  1828,  une  histoire  des  guerres  d  outre-mer  par  Guil- 
laume de  ïyr,  qui  j)Ourrail  bieu  être  encore  cette  même  traduc- 
tion. Le  catalogue  des  livres  de  Rolheiin  renferme  une  histoire  !'•  *"!'.  "•  ■^326. 
des  croisades,  traduite  du  latin  de  Guillaume  de  Tyr,  manuscrit 
sur  vélin  du  quatorzième  siècle  ou  de  la  fin  du  treizième,  avec 
quelques  miniatures,  grand  in-folio.  Ce  manuscrit  est  différent 
de  celui  de  la  bibliolhècjue  du  Roi,  suivant  l'observation  d'un 
savant  qui  les  a  confrontés,  et  dont  le  jugement  est  à  la  tète  du 
livre. 

Guillaume    de    Tyr    avait    fait    plusieurs    autres    ouvrages 
qui  sont  malheureusement  perdus.   11  faut  mettre  au  premier 
rang  cette  histoire  des  princes  d'Orient  et  de  leurs  actions, 
de  principibus  orientalibus  et  eornin  actibiis,  depuis  l'an  014 
jusqu'en    1184,   pendant    570   années   par   conséquent,   dont 
il  parle  dans  la  préface  que   nous  avons  citée,  et  qu'il  com-     p  y  _  v  i» 
posa    pareillement  sur  les  instances   du   roi    Amaury,    d'après  i>-  i)2C  do  \'o». 
les   manuscrits   arabes   que   ce    prince     lui    procura  ,    d  après  V"^^'    *"",  ?"'i" 
1  histoire  sur-tout  du  vénérable  Seilh,    fils  d'un  patriarche  de  lu,  5.  is. 
Jérusalem.   Les  savans  regrettent  beaucoup  la  perle  de  celle 
histoire.    Elle  est    une   preuve   de   plus  que    Guillaume    était 
versé  dans  la  langue  arabe.  Plusieurs  endroits  de  son  ouvrage 
et  le  séjour  assez  long  qu'il  avait  fait  à  Conslantinople,  porte 
à   croire  que  la  langue  grecque  lui  était  aussi  Irès-familière. 
Nicolas  Vignier,  dans   deux  de  ses  ouvrages,    le   proclame, 

Ffff  2 


Ibid. 


596  LAMBERT   WATERLOS. 

XII  SIECLE,  comme  nous  l'avons  remarqué,  homme  bien  docte  égale- 
ment  es  langues  grecque  ,  latine,  arabesque,  persique  et 
germanique. 

Les  actes  du  treizième  concile  œcuménique  de  Latran,  sous 
le  pape  Alexandre  111,  concile  auquel  Guillaume  de  Tyr  assista, 
furent  dressés  par  lui  à  la  prière  des  pères  qui  composaient  cette 
assemblée-  il  nous  l'apprend  lui-même,  au  vingt-unième  livre  de 

S-  16,  p.    1013.  ,  ■       ■   ' 

son  histoire. 

Gesn.  p.  3U.       Gesner  et  Possevin  lui  attribuent  aussi  plusieurs  lettres  adres- 

-  Possev.  t.  I,  séesà  Bernard,  patriarche  d'Antioche  :  mais,  comme  on  l'a  déjà 

•"■  ^'!'  observé,  ce  n'est  pas  lui  qui  en  est  l'auteur,  mais  le  premier 

339,  p.^25a    *    Guillaume  archevêque  de  Tyr.  Celui-ci  élait  anglais.    11  mourut 

Oibi.  hisi.  jjgjjg  ]g  njême  temps  qu'Innocent  11  fui  élevé  sur  le  siège  ponti- 

m,  p^'to'."'    '    fical,  vers  le  mois  de  février  ou  de  mars  1 1 30,  et  non  en  1 127, 

p.  2bo.        comme  le  dit  Lemire.  Notre  archevêque  en  parle  lui-même  dans 

p    g^^"        le  quatorzième  livre  de  son  histoire  II  en  avait  déjà  parlé  dans 

Préf.  de  Bon-  le  treizième. 

sa",  p.  ii-  ]\  avait  composé,  suivant  Henri  Pantaléon,  un  éloge  funèbre 

de  l'empereur  Frédéric  Barberousse.  Le  même  auteur  suppose 

que  Guillaume  de  Tyr  avait  professé  à  Rome,  pendant  deux 

années,  avec  un  grand  succès. 


LAMBERT  WATERLOS, 

Chanoine  régulier  de  S.-Aubert  de   Cambrai, 

ET    AUTRES   HISTORIENS    DU    CaMBRÉSIS, 


T.  XIII,  p.  497  m  L  existe,  dans  la  continuation  di'    recueil  des  historiens  de 
—  î*32.  iFrance  par  D.  Bouquet,  un   long  fragment  d'une  chronique 

de  Cambrai,  qu'on  attribue  à  Lambert  Walerlos,  chanoine 
régulier  de  l'abbaye  de  S.  Aubert.  Cet  écrit  étant  mutilé  au 
commencement  et  à  la  fin,  le  nom  de  l'auteur  ne  se  trouve 
nulle  part;  et  quoiqu'il  parle  souvent  de  lui-même,  ce  n'est 
jamais  qu'en  première  personne.  Ainsi  nous  savons  qu'il  était 
né  en  1107;  qu'en  1139  il  fut  ordonné  prêtre;  qu'en  1153, 
étant  âgé  de  quarante-six  ans,  il  perdit  son  père,  qui  s'appelait 
Alulfe;  qu'en  1161  il  fut  envoyé  pour  exercer  les  fonctions 
curiales  à  Olviler,  et  en  1164  à   Borleries  ;  qu'en   1169,   il 


LAMBERT     WATERLOS.  597 

fut  affligé  d'une  maladie  sérieuse,  dont  il  ne  parle  que  pour     x»  siècle. 
remercier  Dieu  de  lui  avoir  rendu  la  santé.    Cependant  il   y 
a  toute  apparence  qu'il  avait  mis  son  nom   à   la  tête  de  son 
manuscrit,  puisque  les  écrivains  postérieurs  qui  citent  sa  chro- 
nique, le  nomment  Lambert  Waterlos. 

Sous  l'année  1 152,  il  raconte  comment  l'idée  lui  vint  de  com-  iHd.  p.  807. 
poser  sa  chronique.  11  s'était  recouché,  dit-il,  un  jour  après 
l'office  de  la  nuit,  et  ne  pouvant  dormir,  il  s'était  livré  à  de 
pieuses  méditations,  lorsque  Dieu  lui  inspira  le  dessein  de 
transmettre  à  la  postérité  les  principaux  évènemens  de  sa  vie, 
et  les  faits  dont  il  avait  connaissance,  tant  par  lui-même  que 
par  Ivi  témoignage  de  personnes  dignes  de  foi  ;  sans  oublier  ce 
qu'il  avait  trouvé  dans  les  livres  et  dans  des  mémoires  particu- 
liers ;  et  ce  dessein  il  l'exécuta,  dit-il,  en  vers,  carminé  dictavi. 
Nous  ne  voyons  cependant  guère  de  vers  dans  ce  qui  nous  reste 
de  son  écrit.  Excepté  ceux  qui  sont  rapportés  sous  l'année 
1149,  et  quelques  autres  que  les  éditeurs  n'ont  pas  jugé  à 
propos  de  publier,  tout  le  reste  n'est  que  de  la  prose  assez  mal 
écrite. 

Nous  avons  déjà  dit  que  cette  chronique,  dont  on   n'a  pu 
trouver  qu'un  seul  manuscrit,    était  imparfaite  au   commen- 
cement et  à  la  fin.  M.  Mutte,  doyen  de  l'église  de  Cambrai, 
qui    avait    rassemblé  dans   son   cabinet   tous  les    monumens 
historiques  du   Cambrésis  qu'il   avait    pu   se  procurer,    avait 
a    copie  d'un  fragment  faite   en  1664  sur  un  ancien  manu- 
scrit :  ce  qui  prouve  que  ce  manuscrit  existait  alors  ;   mais  ce 
savant  n'ayant  pu  le  recouvrer,  a  essayé  de  rétablir  la  partie 
qui   nous  manque,    en   recueillant    les    citations    prises    dans 
cette  chronique  par  différens  auteurs.  Il  en  a  trouvé  beau- 
coup dans  une  histoire   manuscrite  du  Câteau-Cambrésis,  par 
André  Potier,    et    dans   un    livre   de   mélanges  appelé  Pot- 
pourri,  que  Martin  Leleu,  chanoine  régulier  de  S.  Aubert, 
a  laissé  à  son  monastère.  Les  éditeurs  ont  imprimé  ces  cita- 
tions   qui    représentent    bien   plus  le   sens  ou  la   pensée  de 
l'auteur  que  ses  paroles,  mais  qui  ne  nous  empêcheront  pas 
de  regretter  ce  qui  est  perdu.  Elles  s'étendent  depuis  l'année 
1100,  qui  paraît  avoir  été  le  point  d'où  Waterlos   est  parti, 
jusqu'à  l'année  1149.   Vient  ensuite  le  fragment  original  qui 
se  termine  en  1170. 
//.  Gesta  Cameracensium  episcoporum. 
Il  nous  reste  de  cet  écrit,  qui,  vraisemblablement,  n'était 
qu'une   continuation  du  chronicon   Cameracense   et   Atreba- 

4  0 


598  LAMBERT     WATERLOS. 

Xii  siEPXE.  tense  de  Baudri,  dont  nous  avons  parlé  au  lonic  VIII  de  celte 
histoire,  pag.  404,  deux  fragmens,  dont  l'un  contient  les 
Gestes  de  Gérard  If,  successeur  et  neveu  de  S.  Liéberl,  mort  en 
1076;  et  l'autre  les  troubles  et  les  guerres  occasionnes  par 
le  schisme  qui  s  éleva  dans  cette  ville  après  la  mort  de  Gérard, 
arrivée  en  1092.  L'auteur  terminait  cet  écrit,  comme  il  le  dit 

luii.  |i.  479.  lui-même  on  1180  ;  Nos  autem  successiones  pontificuin  ab 
illo  tempore  usque  ad  prœsens  tempus  per  annos  fera  cen- 
tum,  hoc  est  ab  anno  incarnationis  verbi  MXV,  usque  ad 
annum  MCLXXX,  summatim  designare  inlendimus.  Mais 
ce  fragment  ne  va  (juc  jusqu'à  l'année  lOOo.  On  pourrait 
croire  que  cet  écrit  était  la  continuation  de  la  chronique  de 
Baudri,  ap[)elée  aussi  Gesta  cameracensium  episcoporum,  si 
lauteur  ne  nous  avertissait  qu'il  existait  d autres  Gestes  [)lus 
étendus  que  les  siens,  auxquels  il  renvoie  :  Qux  videlicet 
omnia,  muUaque  alia  mala,  si  quis  plenius  nosse  voluerit, 
Gesta  pontificum  7^equirat.  Ces  Gestes,  qui  sans  doute  fai- 
saient suite  à  la  chronique  de  Baudri,  sont  perdus,  à  moins 
qu'ils  n'aient  été  conservés  dans  un  fragment  de  chronique 
française,  (jue  les  continuateurs  du  recueil  des  historiens  de 
France  ont  imprimé  au  même  endroit.  Ce  fragment  pourrait 
bien  être  la  traduction  des  anciens  Gestes,  ipioiqu'il  ait  beau- 
coup de  ressemblance  avec  l'écrit  dont  il  nous  reste   des  frag- 

ibid   )  476      niens.   C'est  pour  mettre  le  lecteur  à  portée  de  faire  la  com- 
_  4!»o.  paraison  entre  les  deux  écrits,   que  les  éditeurs  ont  imprimé 

le  fragment  latin  sous  la  traduction  française,  (jui  va  jusqu'à 
l'année  1137,  cl  s'arrête  là,  quoiqu'elle  ait  été  faite  après 
le  milieu  du  Xlll"  siècle,  sous  l'épiscopat  d'Enguerrand  de 
Créijui,  comme  on  le  voit  par  le  catalogue  des  évêques  qui 
est  à  la  tête  du  manuscrit,  dont  le  dernier  nommé  est  l'évcquc 
Enguerrand. 

Si  ces  écrits  ne  sont  venus  jusqu'à  nous  cpie  mutilés,  ou  ne 
nous  sont  pas  parvenus  du  tout,  c'est  qu'ils  ont  été  composés 
dans  un  temps  de  trouble  et  de  dissention.  C'est  ce  qui  arrive 
toujours  ;  après  que;  ces  troubles  sont  appaisés  on  voudrait 
faire  disparaître  jusqu'aux  moindres  traces  de  ce;  qui  est 
arrivé,  et  les  descendant  des  acteurs  de  ces  scènes  tragiques 
n'épargnent  rien  pour  en  faire  perdre  le  souvenir.  Cela  est 
encore  plus  vrai,  lorsijue  la  religion,  comme  ici,  en  est  le 
motif.  A  la  mort  de  lévêque  Gérard  II,  il  s'était  formé  à 
Cambrai  un  schisme  déplorable  ;  le  clergé  n'avait  pu  s'accorder 
pour  lui  élire  un  successeur.  Un  an  s'était  passé  dans  ces  alter- 


LAMBERT     W  A  TER  LOS.  509 

cations.  Le  clergé  d'Arras  profitant  de  l'occasion  pour  se  sous- 
traire à  la  juridiction  de  rév<*"que  de  Cambrai ,  obtint  du 
pape  Urbain  H  que  la  ville  d'Arras  aurait  son  évêque  propre, 
indépendant  de  celui  de  Cambrai.  Alors  les  habitans  de 
Cambrai  voyant  que  les  clercs  ne  pouvaient  s'accorder  entre 
eux,  élurent  de  leur  chef  un  évéque  dans  la  personne  de 
Manasscs  de  Cbûtillon  :  le  clergé  de  son  côté  élut  le  prévôt 
de  l'église  nommé  Masselin,  et  la  guerre  fut  déclarée  entre 
le  clergé  et  le  peuple.  L'élection  de  ces  deux  prétendans  ayant 
été  rejetée  par  l'empereur  d'Allemagne,  qui  alors  était  le 
souverain  du  Cambrésis ,  le  clergé  procéda  à  une  seconde 
élection  qui  tomba  sur  l'archidiacre  Gaucher,  homme  d'esprit 
et  très-capable  de  maintenir  ses  droits.  11  eut  l'agrément  de 
l'empereur,  qui  lui  donna  l'investiture,  et  ce  qui  est  plus 
étonnant,  celui  du  pape,  dans  un  tenqjs  où  la  querelle  des 
investitures  élait  le  plus  animée.  Mais  il  faut  croire  qu'on 
avait  déguisé  au  pape  la  vérité  ;  car  bientôt  après  il  l'excom- 
munia au  concile  de  Clermont,  et  confirma  l'élection  de 
Menasses  qui  élait  antérieure  à  la  sienne  Cependant  Gaucher, 
avec  la  protection  de  l'empereur  et  au  mépris  de  1  excommu- 
nication, se  maintint  à  Cambrai  jus(iu'en  H(i.'),  et  Manasses 
ne  put  jamais  y  entrer. 

Tel  est  le  sujet  de  ces  deux  écrits  composés  par  deux  par- 
tisans de  l'évrque  Gaucher  ,  qui  exhalent  leur  ressentiment 
et  forment  les  accusations  les  plus  graves  contre  le  pape 
Urbain  II.  L'idée  qu'ils  nous  donnent  de  ce  pontife  n'est  pas 
celle  qu'on  peut  recueillir  de  ses  Gestes,  ni  des  écrivains  qui 
l'ont  mieux  connu.  On  voit  bien  qu'ils  ne  pouvaient  lui 
pardonner  ni  la  déposition  de  Gaucher,  ni  le  rétablissement 
de  lévéché  d'Arras.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  que  leurs 
écrits,  dans  la  suite  des  temps,  aient  été  peu  respectés  parles 
bons  catholiques. 

Ilf.  La  chronique  de  Baudri  était  si  estimée  de  son  temps,  que 
plusieurs  anonymes  ont  entrepris  de  la  continuer.  Outre  les 
deux  fragmens  français  et  latin  dont  nous  venons  de  parler, 
les  mêmes  éditeurs  ont  publié  trois  autres  continuations  dont 
nous  allons   rendre  compte. 

1  °  Brevis  anomjtni  appendix  ad  Baldetnci  chronicon  Came- 
racense  et  Atrebalense. 

Ce  n'est  qu'une  nomenclature  depuis  l'année  1070,  où  finit 
la  chronique  de  Baudri,  jusqu'à  l'année  1179.  Mais  cette 
no  menclature   peut  avoir  son   utilité  pour  fixer  la  succession 


Ibid.  p.  S33. 


600  LAMBERT  WATERLOS. 

XII  SIECLE,  .des  évêques,  qui,  depuis  la  mort  de  Baudri,  ont  gouverné  l'é- 
glise de  Cambrai.  Les  éditeurs  l'ont  trouvée  dans  le  manuscr-t 
5533,  A.  de  la  bibliothèque  Royale,  qui  autrefois  avait  appar- 
tenu à  Baluze. 

2°  Balderici  chronicon  Cameracense  continuatum  pt"^  ano- 
nymum  Atrebatensem. 

Comme  le  précédent  abrégé  ne  donne  la  suite  que  des  évêques 
de  Cambrai,  celui-ci  ne  traite  que  des  évêques  d'Arras  qui  gou- 
vernèrent cette  église,  depuis  qu'en  1093,  elle  fut  séparée  du 
diocèse  de  Cambrai,  et  eut  ses  évêques  propres.  Il  se  termine 
à  l'année  1174.  Les  éditeurs  l'ont  tiré  d'un  manuscrit  de  l'ab- 
baye du  S.  Sépulcre  à  Cambrai.  Il  en  existait  un  pareil  à  Arras, 
selon  le  témoignage  de  Grammaye,  dans  son  Cameracum.  Lib. 
1,  sect.  3,  p.  3. 
ihid.  p.  B3i  3o  Balderici  chronicon  abbreviaium  et  continuatum  pe.^  ano- 
nymum  Cameracensem. 

Cet  anonyme  ne  s'est  pas  contenté  de  continuer  la  chro- 
nique de  Baudri,  il  en  a  encore  fait  un  abrégé  dans  lequel, 
dit-on,  il  se  trouve  quelques  particularités  qui  ne  sont  pas 
dans  Baudri.  Les  éditeurs  n'ont  donné  que  la  continuation 
qui  s'étend  depuis  l'année  1076  jusqu'à  l'année  1191.  Ils  l'ap- 
pellent l'anonyme  de  Cambrai,  parce  qu'il  ne  parle  que  des 
évêques  de  cette  ville,  et  non  de  ceux  d'Arras,  qui,  comme 
nous  l'avons  dit,  avaient,  depuis  l'année  1093,  leur  diocèse  à 
part.  Il  en  parle  sans  passion,  avec  la  modération  et  l'impar- 
tialité qui  conviennent  à  un  historien  ;  on  n'y  voit  pas  les  em- 
porlemens  qui  défigurent  les  fragmens  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut  ;  mais  les  faits  y  sont.  Les  éditeurs  ont  tiré  ce  mor- 
ceau précieux  du  Cartulaire  manuscrit  de  l'église  de  Cambrai, 
coté  A,  B- 


-  M2. 


601 


XII  SIECLE. 


ANONYME 


AuTETJR  DE  l'Histoire  de  la   fondation  du  Prieuré 
DE  Sainte-Barbe  en   Auge. 


*RTus  DU  MousTiER  3  publié,  sur  un  manuscrit  du  prieuré  Nensiria  pia, 
'"de  Sainte-Barbe,  une  histoire  de  la  fondation  de  cette  église  '''  ~ 
dans  le  pays  d'Auge,  au  diocèse  de  Lisieux,  près  d'un  lieu 
appelé  anciennement  Scajols  ou  Escajols.  Elle  fut  fondée 
d'abord  pour  six  chanoines  séculiers,  sous  le  titre  de  Saint- 
Martin,  et  donnée  ensuite  à  des  chanoines  réguliers  qui  s'y 
sont  maintenus  jusqu'à  ces  derniers  temps.  La  première  fon- 
dation remonte  au  temps  de  Guillaume-le-Conquérant,  et  eut 
pour  auteur  un  seigneur  nommé  Odon  Stigand,  ou  Stigaud, 
assurément  bien  apparenté,  puisque  cet  écrivain  le  donne  pour 
cousin,  consanguineus  (n'importe  à  quel  degré)  des  empe- 
reurs de  Constantinople,  des  rois  d'Angleterre,  et  de  ceux  de 
France.  Ce  seigneur,  au  rapport  de  Ihistorien,  avait  été 
chambellan  des  empereurs  de  Constantinople,  Isaac  Comnène 
et  Constantin  Ducas,  qui,  comme  l'on  sait,  monta  sur  le 
trône  l'an  1059.  Odon  possédait  parfaitement  la  langue  grec- 
que, et  avait  apporté  de  Constantinople  plusieurs  autres  belles 
connaissances  en  médecine,  sur  la  manière  de  traiter  les 
maladies  des  hommes^  des  chevaux  et  des  oiseaux  :  science 
qui  lui  faisait  d'autant  plus  d'honneur-,  qu'elle  était  plus  rare 
parmi  les  gens  de  sa  qualité.  L'auteur  met  sa  mort  au  27 
novembre,  sans  dire  en  quelle  année;  mais  comme  il  annonce 
que  Maurile,  archevêque  de  Rouen,  assista  à  ses  funérailles 
dans  l'église  de  S.-Ouen,  et  qu'on  sait  d'ailleurs  que  ce  prélat 
mourut  au  mois  d'août  1067,  il  faut  qu'Odon  soit  mort  aupa- 
ravant. 

Il  laissa  en  mourant  deux  fils  et  une  fille.  L'aine,  appelé 
Robert,  ayant  fait  du  vivant  du  père  un  voyage  en  Grèce, 
en  avait  apporté  le  corps  de  sainte  Barbe,  dont  il  éprouva 
la  vertu  en  guérissant  d'une  grave  maladie  son  frère  Maurice. 
C'en  fut  assez  pour  propager  le  culte  de  la  sainte,  et  pour  lui 
ériger  un  temple  dans  l'endroit  même  où  était  le  château 
d'Odon    Stigand,    appelé     de    son    nom    Mesnil-Odon,    ou 

Tome  XIV.  Qgg  g 

4  0*- 


G02  ANON  IlIST.  DU  PRIEURÉ  DE  S  -BARBE. 
XII  SIECLE.  Mozidon,  Mansio-Odonis.  Les  deux  frères  élanl  morts  sans 
postérité,  leur  baronie  passa  à  Rabel  de  Tancarville,  qui  avait 
épousé  leur  sœur  Ai:;nès  ;  et  c'est  de  là  peut-être  qu'est  veuu  aux 
Tancarville  le  prénom  de  Camerarius,  qu'ils  ont  porté  con- 
stamment. 

Quoiqu'il  en  soit,  ce  fut  Rabel  de  Tancarville  qui,  à  l'occa- 
sion d'un  nouveau  miracle  de  guérison,  augmenta  et  enrichit 
beaucoup  la  maison  de  Sainte-Barbe,  dans  laquelle  il  intro- 
duisit, l'an  1128,  des  chanoines  réguliers  qu'il  fil  venir  de 
la  ville  d'Eu,  à  la  tête  desquels  il  plaça  un  nommé  Guillaume 
d'Evreux,  homme  de  mérite,  qui.  ayant  renoncé  aux  emplois 
qu'il  avait  à  la  cour  du  roi,  s'était  relire  dans  une  solitude 
près  de  Brclcuil-sur-Eure.  Le  reste  de  1  histoire  est  consacré  à 
décrire  la  vie  et  les  gestes  de  ce  premier  prieur  ou  prévôt,  qui 
mourut  l'an  1153.  L'auteur  le  représente  comme  un  homme 
d'un  grand  caractère  et  d'une -activité  infatigable  pour  la  con- 
servation des  biens  de  son  prieuré,  soit  en  Normandie,  soit 
ibid.  p.  îiitf.  en  Angleterre.  Guillaume  était  musicien  et  bon  chanire  ;  il  s'ap- 
pliqua à  embellir  de  ses  chants  l'oflice  de  l'église,  et  il  y  réus- 
sit si  bien,  que  les  évèques  et  les  autres  prélats  s'empressèrent 
d'adopter  ses  réformes  dans  leurs  églises.  Il  composa  des  hymnes 
et  des  sécpiences,  ou  proses  riniées,  sur  des  chants  délicieux,  et 
encore  un  abrégé  des  évangiles  (ju'on  lisait  tous  les  dimanches 
dans  le  chapitre  de  Sainte-Barbe.  Mais  tout  cela  est  perdu  pour 
noua. 

Il  eut  pour  successeur  un  nommé  Daniel,  auquel  il  avait 
confié  la  résidence  de  Bexfort,  en  Angleterre,  et  qu'il  avait 
liid.  p.  75i8.  désigné  poui  lui  surcédcr.  Nous  avons  la  lettre  que  l'évoque 
diocésain  Arnonl  dv.  Lisieux,  lui  écrivit  pour  le  contraindre 
d'accepter  la  j)Iace  qui  lui  était  destinée  par  la  volonté  du 
défunt  et  par  le  choix  de  ses  confrères.  Daniel  obéit;  mais 
l'historien  ne  dit  pas  combien  de  temps  ce  prieur  gouverna 
la  maison  de  Suinle-Barbe  Nous  pensons  que  c'est  à  lui  qu'il 
Ampl.  Coll.  faut  attribuer  la  It  lire  anonyme  d'un  prieur  de  Sainte-Barbe 
787  "'"  '"*  ~  ^  s'^s  religieux,  ipi'd  avait  quittés  pour  se  retirer  dans  une 
maison  de  prémontrés.  Cette  lettre  qui  a  été  publiée  par 
D.  Martène  est  belle,  et  le  serait  davantage  si  elle  était  im- 
primée plus  correctement  ;  elle  respire  les  sentimens  d'une 
arae  timorée  et  tl  une  piélé  tendre.  L'auteur  y  rend  compte 
des  molifs  (|ui  lavaient  delerininé  à  abdiquer  sa  charge,  et 
nous  fait  connaître  à  la  fin  (luilques  circonstances  de  sa  vie. 
11  était   Anglais;   mais  chassé,  dit-il,   dès   sa  jeunesse,  de  la 


ANON.  HIST.  DU  PR[EURÉ  DE  S. -BARBE.  603 
maison  paternelle  ,  il  s'était  réfugié  en  France,  et  se  trouvant  xii  siècle. 
sans  ressource,  mundo  mihi  novercante,  il  avait  été  recueilli 
par  les  chanoines  de  Sainte-Barbe.  11  était  déjà  vieux,  et  plus 
que  sexagénaire,  lorsqu'il  écrivit  celte  lettre,  mais  rien  n'indi- 
que en  quelle  année.  Elle  est  adressée  à  ses  cl-crs  confrères  de 
Sainte-Barbe  :  Dominis  ac  verè  dilectis  in  Christo  fratribus 
Gau,  lo,  et  7'eliquis  dilectoribus  suis  de  sancta  Barbara  con- 
servus  eorum  frater ...  Nous  ne  voyons  que  Daniel  à  qui 
celte  lettre  puisse  convenir,   lequel  aura  eu  autant  de  plaisir  .   , 

à  quitter  le  poste  de  prieur,  qu'il  avait  eu  de  répugnance  à  l'ac- 
cepter. Nous  ne  doutons  pas  non  plus  que  le  chanoine  de 
Sainte-Barbi.' ,  désigné  par  les  leltres  initiales  Gau.  ne  soit  le 
pieux  et  savant  Geofroi,  sous-prieur  de  Sainte-Barbe  ,  dont 
nous  avons  un  recueil  de  lettres,  et  qui  aura  son  article  dans  le 
volume  suivant. 

L'histoire  du  prieur  Daniel  est  inconqiiète  dans  le  manuscrit  Ncustria  pU, 
qui  a  été  imprimé;  mais  on  voit  par  les  circonstances  de  sa  vie,  •"' 
rapportées  dans  ce  qui  reste,  que  sa  démission  est  certainement 
postérieure  à  l'an  1170,  puis(iu'il  reçut  un  bénéfice  de  la  main 
de  Gilles,  évèque  d'Evreux,  qui  ne  commença  son  épiscopat  que 
celte  année.  Mais  la  lumière  nous  manque  pour  en  fixer  l'épo- 
que avec  plus  de  précision. 

Quant  à  l'anonyme  qui  a  écrit  celte  histoire,  il  vivait  au  plu- 
tôt à  la  fin  du  XIT  siècle ,  car  il  parle  de  Lisiard ,  évoque  de  ibn.  p.  720. 
Seez  ,  qui  ne  remplit  ce  siège  que  depuis  l'année  1188,  jus- 
qu'en 1201.  Mais  il  a  fait  usage  de  documens  qui  existaient 
de  son  temps  à  Sainte-Barbe,  et  particulièrement  d'une  vie  du 
prieur  Guillaume  ,  par  un  auteur  contemporain  ,  que  le  père 
Artus  du  Mouslier  avait  promis  de  publier  dans  le  Neustria 
sancta,  et  (jui  l'a  été  par  un  chanoine  régulier  de  l'abbaye  de 
Beaulieu,  dans  le  Maine,  dans  un  ouvrage  qui  a  pour  litre,  de 
Canonicorum  ordine  disquisiliones,  etc.  l'aris  1 G97,  in-4"  p.  537. 
Au  reste,  celle  histoire  de  la  fondation  de  Sainte-Barbe  n'est 
pas  mal  écrite  soit  pour  le  style  ,  soit  pour  l'ordre  de  la  nar- 
ration ,  dans  la(|uclle  on  ne  voit  ni  épisodes  ni  lieux  communs; 
mais  l'édileur  l'a  pour  ainsi  dire  gâtée  en  y  enlremèlanl  ses  pro- 
pres réflexions.  Les  conlinualcurs  du  recueil  des  historiens  de 
France,  en  la  réimprimant,  l'ont  dégagée  de  cette  espèce  de  ^iv  """S'- 
superfétation.  B.  boe.' 


Gggg% 


604 


XII    SIECLE. 


ANONYMES 

DE   l'Ordre    de  Prémontré. 


Spiii.  in  fol.  ]o  w|oM  LucDacheri  a  publié  ,  dans  son  Spicilége,  un  histoire 
in,  ;    in-i»,    i.  abrégée  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  Vicogne,  ordre  de 

XII.  |)    îi33  —   prémoniré,  dans  le  diocèse  d'Arras ,   à  deux    lieues  de  Valen- 
^^^'  ciennes  dans  le  Hainaut ,   laquelle  s'étend  depuis  l'an  1123, 

époque  de  la  fondation  ,  jusques  vers  l'an  1160.   L'anonyme  qui 
l'a  composée  vivait  sous  l'abbé  Gerald,  dont  la  prélature  com- 
mença l'an  1 1 53  ,  et  finit  par  une  sentence  de  déposition  l'an 
Gaii.  Christ.  1 1 68,  solon  Ics  auteups  du  Gallia  christiana.  Or,  notre  anonyme 
t.  III,  col    462.  J•gj^  l'éiQge  (Ju  gouvernement  de  cet  abbé  ,  et  ne  dit  rien  de  sa 
déposition  ;  il  ne  parle  pas  non  plus  de  son  successeur,  preuve 
certaine  qu'il  était  mort  ou  qu'il  cessa  d'écrire  avant  l'an  1168. 
Son  histoire  est  passablement  bien  écrite  ;   il  y  règne  un  ton 
de  candeur  et  de  piété  qui  en  relève  le  mérite.    On  y  voit  que 
les  prémontrés ,  sans  préjudice  des  travaux  delà   campagne, 
gagnaient  alors  leur  vie  à  copier  des  livres.   L'auteur  prrlant 
des  reliques  dont  son  monastère  avait  fait  l'acquisition  ,  insinue 
qu'il  avait   composé  un  livre    sur  la  translation   de  quelques 
"g",    se-  ossemens  des  onze  mille  vierges,  qu'on  avait  obtenus,  à  force 

antiq.        monuni.  oit  • 

t.  II.  |.  202,  in  de     prières,     de    l'église    de    Cologne     Le    P.    Hugo,    abbé 

"oi's  d'Estival,  dit  avoir  eu  ce  livre  entre  les  mains,  et  en  donne  une 

courte  notice. 

Mail.  Ampi.       La  même  histoire  a  été  reproduite,  presque  en  même-lemps 

coll.  i.   VI,  col.  par  deux  éditeurs:  l'an  1729,  par  D.   Martène  ;   et  l'an  1731, 

gao  —  21)  I 

par  l'abbé  d'Estival  ,  avec  quelques  additions  et  deux  continua- 
tions dont  l'une,  faite  au  commencement  du  treizième  siècle , 
par  un  prémontré  nommé  Nicolas ,  l'autre,  au  siècle  suivant , 
par  un  de  ses  confrères,  nommé  Nicolas  de  Montigni.  On 
parlera  de  leurs  écrits  dans  quelqu'un  de  nos  volumes 
suivans. 
Hu-o,  An.)  2"  Le  P.  Hugo  fait  mention  d'une  Chroniqiie  de  V abbaye 
prœm.  i.  Il,  col.  de  Tougerlo,  près  de  la  ville  de  Diesl ,  dans  le  Brabant,  com- 
posée  par  un  chanoine  de  la  maison  ,  vers  l'an  1170,  sous 
l'abbé  Wiperl,  dont  le  gouvernement  commença  l'an  1167  et 
finit  l'an  1178.  Nous  n'avons  pas  connaissance  qu'elle  ait  été 
imprimée. 


ANONYM.   DE  L'ORDRE   DE  PRÉMONTRÉ.         605 
3°  Les  continuateurs  de  Bollandus  nous  ont  fait  connaître     *"  siècle. 
un  livre  manuscrit  qui  leur  avait  été  envoyé  de  Ninove,  mai-         Boii.  t.  iv, 
son  de  prémontrés  ,  alors  du  diocèse  de  Cambrai  ;    à   deux  ^''  •*'  ^^  ~ 
lieues  d'Alost ,    contenant   l'histoire  de  la  fondation  de  cette 
abbaye.  Cet  ouvrage  est  divisé  comme  en  deux  parties,   dont        '">'•  P-770, 
la  première  donne  quelques  détails  sur  l'origine  et  les  fonda-  """^  ^" 
leurs  de  ce  monastère,  et  la  seconde  contient  une  relation  des 
miracles  obtenus  par  l'intercession   du  pape   saint   Corneille, 
patron  de  l'abbaye.  Les  bollandistes  se  sont  bornés  à  publier 
celte  seconde  partie,  qui  seule  convenait  à  leur  plan,  dans  un 
appendix  à  la  gloire  posthume  de  ce  saint,  qu'ils  ont  imprimé  à 
là  fin  du  quatrième  volume  du  mois  de  septembre.  Mais,  dans 
un  commentaire  qui  le  précède,  ils  donnent  une  notice  de  la 
première,  de  laquelle  il  résulte  que  l'auteur  était  déjà  religieux        /«,„/.  p.  769, 
profès  à  Ninove  du  temps  de  l'abbé  Gérard  ;  lequel  ayant  été  ""'°-  *• 
élu   l'an  1142,  gouverna  celte  maison,  suivant  notre  auteur, 
pendant  quarante-quatre  ans,  c'est-à-dire  jusqu'en  1186.  Mais 
nous  allons  voir  que  l'auteur  poussa    beaucoup    plus  loin  sa 
carrière. 

Les  auteurs  du  Gallia  christiana  ont  publié  une  histoire  c.ii.  christ, 
très-abrégée  de  la  fondation  de  Ninove,  sous  le  titre  d'Bxor-  i  v,  pr.  col.  293. 
dium  ecclesiee  Ninivensis.  En  comparant  cette  histoire  avec 
les  fragmens  que  donnent  de  l'autre  relation  les  bollandistes, 
on  voit  que  ce  sont  deux  ouvrages  diflférens.  En  la  comparant 
ensuite  avec  la  Chronique  de  Beaudouin  de  Ninove,  auteur  de 
la  fin  du  treizième   siècle,  publiée  par  le  P.  Hugo,  on  trouve  „„  „  ^^^ 

que  c'est  de  là  que  les  auteurs  du  Gallia  christiana  ont  tiré.  Ami.,,  monum! 
mot  pour  mot,  cette  pièce,  et  que  Beaudouin  de  Ninove  l'avait  '•  "'  p-  ^^  *' 
extraite  lui-même  de  la  relation  que  nous  n'avons  plus.  Comme 
cet  abrégé  finit  à  la  mort  de  l'abbé  Arnoul,  surnommé  Wala, 
décédé  l'an  1190,  il  s'ensuit  que  l'auteur  original  qui,  en 
parlant  de  lui  l'appelle  d'illustre  mémoire,  doit  être  mort  pos- 
térieurement à  celte  année.  Au  reste  il  fait  un  grand  éloge,  tant 
du  savoir  que  de  la  piété,  de  l'abbé  Arnoul,  ainsi  que  d'un  de  ses 
frères  nommé  Damien,  chanoine  comme  lui  de  Ninove,  dont  il 
parle  comme  d'un  habile  musicien  de  son  temps,  dont  les 
chants  avaient  alors  la  vogue  et  étaient  demandés  de  tous  les 
côtés.  g 


seq. 


606 


XII   SIECLE. 


AUTEURS  D'OPUSCULES. 


1170—  1190. 


I 


piERRB  II ,  évêqiie  de  Carpentras,  a  composé  des  régle- 
■*•  mens  ou  staliils  pour  les  monastères  de  Grèze  {de  Grezo] 
eldePerves  [do  Patervis.)  C'étaient  deux  communautés  de  cha- 
noines réguliers  de  l'ordre  de  saint  Augustin. 

Le  27  avril  1178  est  la  date  de  l'établissement  de  ces  régle- 

mens,  qui  ont  été  mitigés  en  1203  par  Raimond  ou  Raimbaud, 

évoque  de  Carpentras,  successeur  de  Pierre  II,  dès  1 178.    C'est 

T.  I,  p.  902,  dans  les   mémoires  de  Peyresc   que   les   auteurs  du  nouveau 

^^"  .       Gallia  chrtsliana  ont  pris  connaissance  de  ces  statuts. 

col.  1.  '       Il    Gesner,  Railey,  Vossius,  et  d'autres  auteurs,  parlent  d'un 

Bailcy  ,  apud  Robert  de  Fi'camp,  né  en  Normandie,  et  religieux  bénédictin, 

Cent.        Magdel).  ,  ,  on      -      ■    -,  i  •  ■  .  •       . 

cent.  XII  c   10.  'I"''  ^^""^  ^  '^  ''  t-'crivit  unc  chronique  ou  se  trouvaient  rassem- 
p.  1091.  blés  les    principaux  faits  de   l'histoire  universelle  jusqu'à  son 

Voss.  ''*"'*'•  temps.  Inclaruit,  dit  Vossius,  opère  chronico  quod  ad  sua  usque 
III,  c.  7,  p.  2iti.  tempora  perduxit. 

Zciiicr.  P.  I,       Cette  chronique  du  Moine  Robert  serait-elle  la  Chronique  de 
îiiK  p  6!i;>      "    tticamp  insérée  dans  la  bibliothèque  di;  Labbe  ?  11  n'y  pas  d'ap- 
T.  I,  p  3-Jo  parence  ;  car  le  Chronicon  fiscamnense ,  que  Labbe  a  publié,  ne 
~ '-*■  se   termine  qu'en   IrJKi;  et   si  les  derniers  articles  sont  d'une 

seconde  main,  on  a  (lu  moins  lieu  de  croire  que  le  premier  auteur 
a  conduit  jusiju'à  1220  cette  série  fort  aride  de  dates  souvent 
erronnées.  Nous  en  reparlerons  dans  l'Histoire  littéraire  du  trei- 
zième siècle. 

Quant  au  moine  Robert,  il  peut  très-bien  avoir  fait  une 
chronique,  mais  elle  n'est  point  indiquée  dans  la  Bibliotheca 
hibliothecarum  de  Mnnlfaucon  ,  ni  dans  les  catalogues  des 
manuscrits  d  Angleterre,  <iuoique  Ge-ner  dise  qu'elle  existait  à 

.Montfoncnn  ,    Norwick. 

Bibi.  i>ii.iinih.  t.       m    On  conservait   dans   les  bibliothèques  de  (juelques  ab- 
II,  p.  ii.>7.   —  jjaygg   igg  sermons    manuscrits  d'un   moine  nommé  Chrétien. 

Ducangc,  ma  J  i     i  i    /      i       c      n  • 

auior.  p.  lir»7.    Nous  n'ajoulons  poinl  à   ce  nom  la  (jualilé  dabbé  de  S. -Père 
D.  Liron.  q^,  S  -Pjerre  de  Chartres,  parce  (lu'aucun  abbé  nommé  Chré- 

Bibl.      chartrain.      .  ,  ,  .  .  .  i 

p.  70, 71.  ''"-'fi  "a  gouverne   ce     monastère.    Les  auteurs    du   nouveau 


AUTEURS   D'OPUSCULES.  607 

Gallia  christiana  soupçonnonl  que  ces  homélies   sonl   l'ouvrage      Xll  siècle. 


d'un  abbé  de  Bonneval  (au  diocèse  de  Chartres)  qui   s'appelait  tTviii,  p. 

Chrétien,  et  qui  vivait  en  1188.  ^254  oi  I2i3. 

Thrithème  attribue  à  un  Chrétien,   abbé  de  S.-Pantaléon,  à  sang.    t.    i,    p" 

Cologne,  en   961 ,   des  sermons  qui  paraissent   ne  pas  différer  '"*• 

du    tout  de  ceux  qui  nous  occupent.  Mais  il  est  fort  probable  Anaioci.  t. 

qu'ils  sont  du  douzième  siècle    D.   Mabillon  les  a   trouvés  re-  '  P-   ''  • 
liés  dans  un  même  volume  manuscrit,   avec  le  traité  de  frac- 
tionepanis,  par  Abbaudus,  contemporain  d  Abélard. 

Mabillon   a  parlé  de  ces  homélies  et  dans  les  Annales   de  Liv.  xxxiii, 

l'ordre  de  S.  Benoît,   et  dans   les   Vetera  analecta  sive  collée-  "  '^'^-  .,.,. 

,  111       1  »  I  '''^-   l'^X,     n. 

tio  velerwn  ahquot  scrtptorum.  Au  tom.  111  des  Annales,  n,) 
Mabillon  transcrit  l'intitulé,  à  piœ  Memorùr  Christiano  quon- 
dam  abbate  ecclesiae  S.-Peiri  Carnotensis,  et  paraît  en  con- 
clure qu'il  y  a  eu  un  abbé  de  S. -Père  nommé  Chrétien,  mais 
dont  lépoque  est  incertaine.  Dans  les  Anaicctes,  Mabillon 
permet  de  croire  que  ces  sermons  pourraient  CXre  l'ouvrage 
d'un  Chrétien,  évêque  de  Mayence,  mort  en  1183,  et  qui  a 
laissé  de  plus  une  histoire  de  l'empereur  Frédéric  Barberousse. 
Le  seul  prétexte  de  cette  conjecture  serait  que  le  prédicateur, 
en  parlant  de  la  simplicilé  de  son  style,  dit  qu'il  n  affecte 
point  l'éloquence  théâtrale  des  Français  ,  gallicanum  elo- 
quentise  cothumum.  On  pourrait  penser  en  efl'et  que  c'est  un 
étranger,  un  Mayençais,  qui  s'exprime  de  cette  manière,  si 
tous  les  manuscrits  de  ces  sermons  ne  s'accordaient  à  les 
attribuer  à  un  moine  ,  à  un  abbé  :  qualités  qui  n'ont  appar- 
tenu ni  au  Chrétien,  archevêque  de  Mayence,  décédé  en  1183, 
ni  à  un  autre  prélat  de  cette  même  ville,  également  nommé  comment,  de 
Chrétien.  En  conséquence  Casimir  Oudin  croit  qu'on  attribue-  Srript.  eccics.  t 
rail  avec  plus  de  probabilité  les  prédictions  dont  il  "s'agit  à  un 
Chrétien,  moine  de  Clairvaux  et  disciple  de  S.  Bernard.  On 
aurait  môme  ici  à  choisir  entre  deux  personnages  qui  ont  porté 
ce  nom,  et  réuni  à  ses  qualités  celles  d'abbés  et  de  prélats  en 
Irlande. 

Pour  nous,  plutôt  que  de  chercher  en  Irlande  l'auteur  de 
ces  homélies,  nous  aimerions  mieux,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
d'abord,  les  attribuer  à  Chrétien,  abbé  de  Bonneval,  près  de 
Chartres. 

IV.    Uimbert  ou  Humbert,  disciple   de  saint  Bernard,   fut        Manriq. 
envoyé,   en    1143,  avec  d'autres  moines  de  Clairvaux,   pour  *""•    ''*^' 
établir  la   règle  cistercienne   dans    le    monastère    de    Notre-  ^^'  "'  '' 
Dame-de-Sobrado,  au  diocèse  de  Compostelle.   Dans  la  suite, 


II,       p.       1695, 
IS9G. 


608  AUTEURS   D'OPUSCULES. 

XII  SIECLE.  Himbert  devint  abbé  de  Sobrado,  et  visita  en  cette  qualité,  le 
monastère  de  Moreruela  près  de  Zamora,  dans  la  Castille. 
Il  fut  témoin,  à  Moreruela,  de  la  guérison  ou  conversion  mi- 
raculeuse d'un  novice  qu'une  obsession  démoniaque  avait 
entraîné  dans  quelques  égaremens.  L'abbé  Himbert  a  écrit 
l'histoire  de  ces  prodiges  :  histoire  qu'on  a  depuis  mise  à  la 
suite  de  l'exorde  de  Cîteaux  ,  et  qui  a  été  d'ailleurs  publiée 
presque  en  entier  dans  les  Annales  de  Manrique,  sous  l'an- 
c.  2  et  3.  née  1180.  Manrique  la  trouve  si  bien  attestée  et  circon- 
stanciée, qu'il  ne  voit  pas  trop  qu'on  en  puisse  douter  : 
Cohaerentibus  tôt  ac  tantis  signis,  ac  tantis  externis  coni' 
probationibus ,  ut  non  liceat  de  illâ  dubitare.  Cependant 
Manrique  convient  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  de  recon- 
naître ce  qui  est  miracle,  ce  qui  est  prestige,  ce  qui  n'est 
qu'une  fable,  ce  qui  n'est  qu'un  rêve  d'une  imagination  ma- 
lade. Nec  facile  inter  miracula  et  praestigia ,  veros  eventus 
et . . .  fictos  discernit  ratio  . . .  nec  pauca  ex  vehementi  appre- 
hensione  seu  cerebri  defectu  facta  creduntur.  Au  fond,  il  suf- 
firait de  retrancher  ou  de  modifier  un  assez  petit  nombre  de 
circonstances  pour  réduire  toute  cette  histoire  du  novice 
castillan,  à  des  accès  de  délire  qui  n'auraient  rien  de  sur- 
naturel. 
Bibiioth  ms.  V.  Sanderus  indique  des  manuscrits  contenant  des  ques- 
iieig.  p.  I,  p.  lions  sur  les  livres  des  Sentences  et  d'autres  opuscules 
339.  3a.  dîEustache,    religieux  du  Mont  Saint-Eloy,   près  d'Arras.   Ce 

religieux,  qui  fut  professeur  de  théologie,  est-il  le   même   per- 
sonnage qu'Eustache  septième  abbé  du  Mont-Saint-Eloy?  Nous 
manquons  de  renseignemens  positifs  sur  cette  question.  Les  au- 
T.  m. p.  427.    leurs  du  nouveau  Gallia  christiana,  dans  l'article  qui  concerne 
l'abbé  Eustache,   décédé   le  7  novembre   1181,  ne  lui  attri- 
buent aucun  ouvrage. 
Cranii    Hisi        ^I.  Henri,  évêque  de  Lubec  depuis  1170  jusqu'en  1184,  était 
eccie»..  meirop.  né  daDS  le  Brabant,  et  avait  gouvcmé  l'abbaye  de  Brunswick, 
^"'  *„"T  V.'  ordre  de  Cîteaux.  Il  était  abbé  de  ce  monastère,  lorsqu'il  partit 

H0l()         ndmnldi  •    1       /x        1  •. 

coniinusi.      Ml,  pour  1  Orient  avec  Heun  Léon,  duc  de  Bruttsw^icK.  On  le  vit  en 

K ,  p.    2i7.  —  présence  de  ce  prince  et  de  l'empereur  grec,  Michel  Paléologue, 

incTck    chron  soutcnir,  à  Constantinople,  une   grande  dispute,   grandem  dis- 

Lubecens.  t.  II.  pw^a^toMem,  sur  la  procossion  du   Saint-Esprit.  Crantzius,    l'un 

-  Meib.  p^396.  des  historiens  qui  parlent  de  cette  dispute,  ajoute  que  Henri 

-  Cent.     Mapd.  •      ,    .      ,     .  ,  "^    .  •"  .      . 

cent  XII,  c.  10.  avait  laissé  des  monumens  de  son  savoir,  et  sur-tout  une 
p.  1B12,  isis.  homélie  sur  l'Évangile,  Stabat  juxtà  crucem,  dans  laquelle 
â  in*  u't  t!"ni   on  admirait  la  profondeur  des  pensées  et  la  politesse  du  lan- 


AUTEURS      D'  0  P  U  S  C  U  L  E  S  C09 

gage.  Mais  Cranlzius  avoue  que  c'était  principalement   par  sa     x'i  siècle. 
dévotion  sincère  que  Henri  méritait  d'être  admiré.  p.  224.  -Wioo, 

Vil.  Gérard,  Girald  ou  Gérauld,  évêqued'Alby,  fut  lame  d'un  '"''•  "'  ^  ''*• 
concile  tenu  en  1176  (et  non  en  11C5)à  Lombes,  ou  Lombers, 
bourgade  située  à  trois  lieues  d'Alby,  et  fort  distincte  de  la  ville 
de  Lombes,  autrefois   épiscopale    Ce  concile  condamna  les  Pé- 
trobusiens,  appelés  depuis  Albigeois  ;  et  l'évèque  d'Alby  s'y  dis- 
tingua tellement  par  son  zèle,    qu'on   lui  déféra  l'honneur  de 
prononcer  la  sentence.  La  collection  des  conciles,   disposée  par 
Labbe,   contient  les  actes  de  ce  synode  :  «  Je  ne  crois  pas,    dit      '•'  ^-  P-  '*7'^ 
Bossuet,  quon   puiese  voir  en  aucun  concile  ni  l'écriture  mieux       Hist.  de»  vi- 
employée,  ni  une  dispute  plus  précise  et  plus  convaincante.  ri«i.     liv.     xi, 

La  chronique  d'Alby,  publiée  par  d'Achery,  dit  que  Gérard  "  '^' 
gouvernait  encore  celte  église  en  1 1 90.  C'est  une  erreur  ;  il  avait       Spicii  t.  vi. 
dès  1183  un  successeur  nommé  Claude,  lequel  Claude  était  déjà 
remplacé  en  1185  par  Guillaume  VI.  ^*"-  ChrUt. 

VIII.  Une  note  manuscrite  de  D.  Coulomb,  nous  fait  connaître  ""  •  '  P 
Guillaume,  moine  et  bibliothécaire  en  11SG,  de  l'abbaye  de 
Marmoutiers.  Cette  date  se  trouvait  dans  un  manuscrit  copié  du 
temps  de  ce  bibliothécaire.  »  Faclus  estiste  liber  in  tempore 
Guillermi  armarii,  anno  nono  Hervaei  abbatis,  ab  incarnaiione 
Christi  1  lOG.  »  Le  volume  où  se  lisaient  ces  paroles  contenait, 
enlre  autres  écrits,  des  extraits  du  décret  de  Gratien,  recueillis  et 
choisis  par  Guillaume,  incipiunt  excerpta  qucedam  utilia  quée 
collegit  et  elegit  Guillermus  de  decreiis  Gt^aliani  On  a  lieu 
de  croire  que  ce  Guillaume  n'est  pas  distinct  du  bibliothé- 
caire. 

X.  Dans  l'appendix  du  livre  de   Jean  Pilz,  sur  les  écrivains 
illustres    d'Angleterre,     Guillaume  Templiers     ou     Tempers,        P.  858. 
abbé  de  Reading  est  indiquécomme  auteur  de  quelques  opus- 
cules.   Il  est  assez   probable   que   cet  abbé  avait  d'abord  été 
religieux  de  l'abbaye  de    Cluni,    de  laquelle  dépendait   celle 
de  Reading.  Hugues  d'Amiens,  qui  en   11 '28  quitta  le  gouver-       Htkiii.  Ano. 
nement  de  ce  monastère  anglais  pour  devenir  archevêque   de  °'^-   ^-   ^'"^'^• 
Rouen,   était  certainement  français.    Il   n'est  donc   pas  néces-  143 
saire   de    regarder   comme  Anglais  Guillaume  Tempers,  qui, 
d'abbé  de  Reading  devint,  en  1 173,  archevêque  de  Bordeaux. 
Nous  le   voyons  désigné  comme  évêque  de  Poitiers  dans   la 
Chronique  de  Gaufredus,  prieur  de  Voses  :  mais  il  paraît  que        c    •    n 
c'est  une  erreur.   Le  patriarchium  bituricense  le  fait  archevê-  Ubbe,        Bibi. 
que  de  Bordeaux,   et  le  représente  comme  soumis,   en  cette  ""•    ""^•'     P- 
qualité,  à  l'église  de  Bourges.  Sciatis  quodego  archiepiscopus 
Tome  XIV.  Hhhh 


f,  !  0  AUTEURS     DE     f.  E  T  T  R  E  S. 

XII  SIECLE.      Burdegalensis  subjectits  et   obediens  sum  ecclesias  Bituricensi, 
et  eideni   debeo  omnimodam  subjectionem  et    obedientiam,  et 
super  hoc,  temporibus  fuluris,  si  opiis  fuerit,  perhibete  testi- 
moniiim  veritati.  Toiles  sont  les  paroles  que  Guillaume  adresse 
C.  C7.  Dans  BU  peiipic   dc  Roiirgos,  dans  le  Patriarchium  Bituricense. 
LaLbe,  BiLi.  ni5.       Quoiqu'il  ait   été  mis  par  Jean   Pil/  au  nombre  des  écrivains 
''''*'  ecclésiastiques,  on  ne   connaît  de  cet  arclievê(|uc  de  Bordeaux 
d'autres  écrits  (|iie  des  cliarles  indi(|ui''es  dans  le  nouveau  Rallia 
^    "   f'' ^'      christiana.  Chmlti,  en    ll7i,   pour   terminer   un   différend  en- 
tre les  ciianoincîs  de  Saint-André   etlahhaye  de  Sainte-Croix. 
Sentences   en  favcMir  de   ces  mi^iies  moines    de   Sainte-Croix, 
qui  réclamaient  contr(>  les   exactions  d'.Mmavin  de  Riancafort. 
Charte  pour  confirmer  les  donations  faites  aux  clunistes  par  les 
précédons    archevéïpies  di^  Rordeaiix.  Enfin    excommunication 
de  Guillaume  de  Curlon  et  de  Richard  di;  Rioncio,  accusés  de 
rajiines  et  de  violences  militaires. 

Guillaume  Templier  vivait  encore  en  I  187,  et  avait  un  suc- 
cesseur   on  l1iS8.  Il    (Si  mort  le    dix-septième  jour  avant  les 
calendes  d'octobre,  sans  doule  I  1S7.    Il  avait  assisté,  en  1  I7'J, 
au  troisième  concile  de  Latran     II  ('liin  boiteux,  dit  l'auteur  du 
Lalibc,  iiiiii.   Patriarchium  Bituricense  :  nuls  ^es  \ertus  et  sa  science  avaient 
ms.  t.  II,  |>.  !ti    effacé  ce  défaut  naturel.  D. 


AUTEURS  DE  LETTRES. 


1 1  T.")  —  I  1  î)(). 


surnommé  de  Saint-Sauge  :  cest  le  nom  du  lieu  où  il  était 

(i3!),     670;     et  né,    dans   le  Nivernais.  En    IlOfJ,  il    assista    au    concile  de 

ai>i>  |..r,{-;,  ôit.  p^fauvais   oii  furent    condamnés    les   moines    de    Uebais,    qui 

selV()r(;airnt    de  se  soustraire  à  la   juridiction  de   l'évèquo   de 

Meaux.  Envoyé  par   I-ouis-lo-.leuni'  (ri    Angleterre  avec  Ber- 

trod,   archcvè(|ue    de  Rouen,    Bernard  a   contribué  au   retour 

Epi^i.  Tiiniivc  et  à  la  réintégration  de  Thomas  Bockct  on  1170.   L'épître   qu'il 

(.ani     iiv.    III,  l'.^.j.j^.j^  ç.„p  ci^wa  affaire,  an   pape  Alexandre  III,  se  fait  remar- 

rp.  ^I>.     |>.     slfl,  '      ' 

.Mit. 


A  UT  E  DUS   D  E  LETTRES.  01 1 

quer  par  des  senlimens  modérés  et  pacifiques  (1)  M.  Brial  a  pu-      xii  sikcli: 
blié  une   autre   lettre  de  Bernard  :   elle  est  écrite  à  Louis  VU   "1^^071^. 
au  nonades  évoques  deNevers  et  de  Bourges,  et  concerne  l'église  <ic  f..   t.    xv, 
de  S.  PorCien.  Voilà  tous  les  écrits    de  Bernard,  puisqu'on  ne  ^-  ^"®- 
peut   considérer   comme  des  productions  littéraires  les   chartes 
qu'il  a  souscrites  et  que  les  auteurs  du  nouveau  Gallia  chris-  T-  X".  p- 

tiana  ont  imjjriiuées  ou  indiquées.   11   était   encore  évèque  de  ^■''*'  ''''''■    ^*''' 
Nevers  en  1 170,  et  Théobalde  lui  avait  succédé  avant  la  6n  de 
l'année  suivante.    On  sait   que   Bernard  mourut    au   mois   de 
février,  el  il  faut  que  ce  soit  en  1 177. 

II  Ervise  ou  Ernise  ou  Ernest,  né  en  Angleterre,  était  abbé 
de  Saint-Viclor  à  Paris,  dès  Tannée  1-102.  C'est  la  date  de  la 
première  des  cliarlcs  (ju'il  a  souscrites  en  cette  qualité,  cl 
qui  sont  mdiquées  dans  le  nouveau  Ga/^m  t7irzs<mna.   QueKjiies  t    vu.  |., 

lettres  d'Alexandre    III,  prouvent  (pi'Ervise    ne   veillait  point  '"'''' '^''S- 
assez   au   maintien  de  la  discipline  iiiona.sliquo  ;  il  abdiqua    la 
dignité  abbatiale  en    1172.   L'année  1177  est  celle,   non  de  sa 
démission,  mais   de  son  décès  :  il  mourut  le  13  mai.   Quoique 
peu  zélé,  il  prêchait   néanmoins,  el  1  on  a    loiig-lcmps  conservé 
à    Saint-Victor  ses  sermons  manuscrits.    Sa  lettre  au  cardinal      v   n,,  ii,,.„ii 
Odon,  diacre  du  titre  de  Saint-Nicolas,    in   carcere  Tulliano,  '^"'"i-  ''''  ''^■'*' 
a  été  publiée  par  I)   Marlène.   Ervise  dit  (|u'il  a  sollicité  et  ob-  LbLr    ii^  d^ 
tenu  du  roi  de  France,  pour  ce  cardinal,  la  permission  de  retour-  i>i<)c.  do    i>:i,i,, 
ner  auprès  du  pape.  11  a  écrit,  de  plus,   conjointement  avec  Ri-  '   "'  ''•  ^^". 
chard,   |)riour  de  Saint-Viclor,  une  épîlrc  à  Robert    de  Melun,  i.   vi.'"'',,    ''■ïfl) 
évô(jue  dHerford  ,   en  laveur  de    l'archevêque  de  Cantorbéry,   -'!<■'  des  i„si. 
Thomas  Beckel.  M.  Brial,  en  réimprimant  cette   lettre,  a  rétabli  p^*^    '    ^''^'' 
le  nom  A' Ervisius,  que  les  copistes  avaient  changé  en  Hermus.  On       imci  cp  rii. 
peut  lire,  dans  le  recueil  de  Ducliesne  ,  [)lusieurs  épîlres  adres-  ^*""'i"'-  l'»'.  i, 
sées  à  Ervise,  ou  qui  le  concernent.  Par  exeuqile,    Eskd  arche-  '^''iioc'dés  hf* ' 
vôque  de  Lunden  en  Danemark,  écrivant  à  Louis-le-Jeune,  accuse  Je  Fr.,  i.  xvi^ 
l'abbé  de  Saint-Viclor  d'avoir  délourné,  à    son  profil,  un  dépôt  ^■^^*; 
de  400  marcs  d'argent  7Bo,  -yi).  7(jfi^ 

III    Gérard    ou    Girard,    d'abbé   de  Fosscneuve   devint,   en  ^'    ""'*'   '*'"'•»• 
1170,  abbé  de  Clairvaux.  On  croit  qu'il  était  né  en  Lombardie,   ?"v,'  ,,.  '2'^; 
et  l'on  sait  qu'il   pérità    Igny,   le  10  octobre   1177,    sous    les  ««^'l- 
coups  d'un  moine  dont  il  avail    essayé  de    téiirimtir   les  dés-  ii,.^"vi,|"f ''''' 

ordres.     Le    ménologe  de  Cîteaux.  raconte  toutes   les  circon Fx.  "cutcrc' 

II,    ï7,    2X.     _ 

Jlanjiijuo,      aiin. 

n\    n         -,  4      ,■  ...  ,  1172,  c.  /p;  1174, 

(ij  uormitet   aliquantulim  a-piii  vos  sereritas  discipliiKc  ut  magis  proflciat   c.  I;1I7C,  c.  5; 

benignitas  et  mansuetudo  gratiœ. 

Hhhh  2 


612  .  AUT  E  URS  DE   LETT  R  ES 

XII  SIECLE,  stances  du  crime  dont  cet  abbé  fui  la  victime  (1),  à  l'exception 
1177,  c.  2  ei  3.  pourtant  du  nom  de  l'assassin.  Les  confrères  de  Gérard  l'ont 
—  Mir.  m  chr.  hoDoré  comme  un  saint  martyr,   et  lui   ont  attribué  plusieurs 

eisterc   p.  319.  ,  v     rv-j-  ,    a  j      m.^ 

Uetir.  in  me-  ffliracles.    Il  est  auteur  dune  lettre  a   Didier,  éveque  de  Ihé- 
nol.    cisterc.    7  rouenne,    imprimée   dans    l'une   des  collections   de    Martène. 
***"'Thes.  anccd    Gérard   y   recommande    les  religieux  de  Clairmarets,  et  com- 
i.  I,  p.  599, 6,0.  munique  à  Didier   une  épîlre  d'Alexandre  III    à  l'archevêque 
d'Yorck,  épîlre  oîi  les  moines  sont   déclarés  exempts  de    payer 
la  dîme  sur  les  terres   qu'ils  cultivent   de   leurs  mains.   Dans 
la  lettre,   ou  plutôt   dans    le  simple   billet  d'envoi  qui    accom- 
pagne cette  épître   pontificale,  Gérard  dit  qu'il   a  vu  les  terres 
de  Clairmarets,  et  il   ajoute  :   Certum    est    qicod   in    profundo 
maris    sitœ,    nullam    aliquandà  habuemnt   culturam  prseter 
hoc  quod    in  praesenti  fratres   nostri....    contra   mare  magnis 
expensis  et  laboribus  instant  ut  appareat  arida.  On  voit   qu'au 
douzième  siècle  la    mer  venait  à  peine  de    quitter  les    terres 
de   Clairmarets,  qui  en  sont  aujourd'hui    distantes   d'environ 
De  Morinis,  huit  lieues,    quoique  toujours    marécageuses.  Malbrancq    pa.'-le 
»  '.  p-  !5*-  d'une  ancre  que  l'on  y  a  trouvée    de  son  temps.    Les   moines 

en    ont  été,   comme  le    dit  ici   Gérard  ,     les   premiers  culti- 
vateurs. 

IV.  Anthelme  ou  Nanthelme  (2),  quelquefois  appelé  Ancelin, 
était  issu  de  l'ancienne  famille  des  seigneurs  de  Chignin,  en 
Savoie.  Après  avoir  été  prévôt  de  la  cathédrale  de  Genève, 
il  fui  sacristain  de  celle  de  Belley,  et  ne  larda  point  à  se  re- 
tirer à  la  chartreuse  des  Portes,  oîi  il  embrassa  l'élal  monas- 
tique. Le  prieuré  de  la  grande  chartreuse  vint  à  vaquer  en 
1139:   Anlhelme  fut  contraint  de    l'accepter.  Sous  lui ,  se   tint 

Mibill.  ann.  .  ,     ,      ,      ,  i        .  j  i 

ord.  Benfd.  Ht.  BU  1140,  le  premier  chapitre  général  des  chartreux,  duquel 
Lxxvi,  n.  is«.  émanèrent  des  statuts  que  Martène  a  insérés  dans  le  plus 
ample  de  ses  recueils.  On  a  lieu  de  croire  que  les  deux  cha- 
I.  iv,7' I237ei  pitres  suivans  furent  aussi  tenus  du  temps  d'Anthelme.  Il  est 
"1-  probablement    le    prieur  de    la    grande  chartreuse,  auquel  est 

adressée  l'une  des  lettres  de  Pierre-le-Vénérable.  Mais,  en  11 51  ' 
il  abdiqua  dite  dignité,  et  revint  à   la  cliarlreuse    des  Portes, 
dont  on  le   força  dèlre  prieur.    Il  y  reçut   Eracle  exilé  du  siège 

(1)  Cultrum  acuminatum ,  lonijum  et  lalum,  risceribus  rjus  immergens,  cruii- 
liter  scindendo,  secando,fodiendousguè  ad   spinam  dorsi. 

(2)  Gall.  Christ,  vêtus,  t.  II.  p.  3G2.  —  Guichenon,  Hist.  de  Bresse,  contin.  de 
la  2'  partie,  p.  24.  —  Camill.  Tutin.  in  hist.  ord.  carlus.  p.  27-30.  —  Marot. 
Theatr.  onl.  cart.  p.  21.  —  P.  Sutor,  de  vità  cartus.  liv.  II,  tract.  3,  c.  5.  — 
Duboulay.  ann.  1161,  p.  298. 


Liv.  IV,  cp  r>8. 


Mabill.     noi. 
cp.  250  S.  Bcrn. 


AUTEURS     DE     LETTRES.  613 

épiscopal  de  Lyon.   Anlhelme  avait  encore  abdiqué  le  prieuré      xii  siècle. 
des  Portes,  lorsqu'en  1161   ou  plutôt  1163,  il  devint,  toujours    " 
malgré  lui,  évêque  de  Belley  :  il  fut  sacré  par  Alexandre  III, 
dont  il  avait  soutenu  la  cause  contre  les  partisans  de  l'anti- 
pape Octavien.  C'est  ici  l'époque  d'une  courte  épîlre  d'Anlhelme  ouchesne 
à  Louis  VII,   pour  l'informer   de   l'élection  faite  à  Belley  :  le  t.  iv,  p  eso  - 
nouvel  évèque  prie  Dieu  pour  la   stabilité   du  gouvernement 
et  recommande  un  de  ses  neveux  à  la  bienfaisance  du  sou- 
verain.  Cette  lettre  oîi  nous  apprenons  que  Louis   VII   avait 
visité  la  grande  chartreuse  et  y  avait  été  reçu  par  Anthelme, 
est  à-peu-près  le  seul   écrit  qui  nous  reste   de  ce  prélat  et 
qui   nous  autorise   à   parler   de  lui.    Nous   ne   nous  arrêtons      chifiici,  mon. 
point  à  une  charte  de  1164  oli  il  transige  avec  les  seigneurs  «"iKanoium,    p. 
de  Rougemont.   Mais   il  pourrait  bien  être  l'auteur  d'une  plus     Ti,p,     ^„g^^ 
longue  épître,  que  Marlène  a  publiée  eu  l'attribuant  à  S.  An-  ••  ',  p   210  - 
thelme    de    Lucques.    Il    faut    noter   que    l'inscription   porte  ^'*' 
A.  Bell.,  et  que   le   manuscrit  qui  contient  cette  lettre  a  été 
trouvé  dans  l'abbaye  de  Barselies,  fondée  vers  1150.  On  nous 
permettra  donc  de  supposer  ijue  ce  manuscrit  n'est  pas  d'une 
époque  antérieure  à  lépiscopal  d'Anthelme,  quoique  l'éditeur 
en  ait  regardé   l'écriture  comme  étant  du  commencement   du 
douzième  siècle.   Dans  un  intervalle  de  cinquante  années,   la 
différence    des    écritures    est-elle  assez   sensible   et   sur-tout 
assez  constante  pour  qu'elle  puisse  servir  à  fixer  avec  tant  de 
précision  l'âge  des  manuscrits?  11  est  vrai  que  la   lettre  n'est 
point  adressée  à  un  chartreux  :  mais  Anlhelme  n'a-t-il  pas  pu 
écrire  à  un  chanoine  régulier  ou  à  un  cistercien  ?  Au  surplus, 
celle  épître,  quel  qu'en  soit  l'auteur,  a  pour  objet  de  consoler 
celui  qui  doit  la  recevoir  et  de  le  détourner  du  projet  d'ab- 
diquer une  fonction  pastorale,  vraisemblablement  celle  d'abbé. 
II   nous  reste  à  dire  qu'illustre  par  sa  piété  et  même,    selon 
les  chroniques,  par  l'esprit  de  prophétie  et  par  le  don  des  mira- 
cles, Anthelme  fit  un  voyage  en  Normandie,  par  ordre  d  Alexan- 
dre III.  C'était  en   1169,  et  nous  voyons   par  une   charte  de 
l'empereur  Frédéric,  en  faveur  de  1  église  de    Belley,  que  dès 
1171,  le  saint  évêque  était  rentré  dans  cette  ville.  Il  y  mourut 
le    26  juin    1178     Guillaume  de    Nangis  et    Harœus   qui   ont 
placé  sa  morl,  l'un  en  1 176,   l'autre  en  1 177,  se* sont  trompés  ;      Cent,   xii,   c. 
et  les  centiirialeurs  de  Magdebourg  ont  commis  une   erreur  *°'  ''  *"**'■ 
plus  grave  en  prolongeant  sa  vie  jusqu'en  1190  :  mais  ils  sont 
si  peu   instruits  de  ce  qui  concerne  Anthelme,   qu'ils  le  font      Marot,  Theatr. 
évêque  de  Blois.  Voici  l'épitaphe  moderne  qu'on  lisait  sur  son  «="■""•  P-  *^  - 
tombeau.                                                                                       "^ 
*  1 


614  AUTEURS     DE     LETTRES. 

XII  SIECLE.  Beato  Anthelmo  Thaumaturgo,  libertatis  ecclesiastieae  strenuo 
vindici,  Cartusise  majoris  septimo  priori,  totiusque  ordinis  item 
seplitno  gênerait  praeposito,  sacri  tmperii  principi,  civitatis  Bel- 
licii  XLIII  prassuli,  primo  dynastas  et  tutelari  pientissimo, 
cives  bellioenses  illius  devotissimi  clientuli  D. 

Uactenus  illcBSum per  bella,  incenrlia,  pesleSy 
BeUicium  Aoc,  Anf//eh/ie,  tihi  debvre  falel nr  ; 
El  ne  nulla  tibi  referaiur  gratia,  posthac 
Urbs  tua  perp:iuos  foto  iibi  sacrât  /iimorei 

Nous  parlerons  ailleurs  d'une  ancienne  légende  de  S.    An- 
thelme  ;  et  nous  transcrirons  l'épilaphe  qui  la  termine,  il  a  été 
canonisé,  et  son  corps  transféré  en   1630,  dans  une  chapelle 
Boii.  26  juin,  coustruile  exprôs  à  Bolley . 

V.   Conon  fut  abbé  de  S. -Vannes  de  Verdun,  depuis  1 143  ou 
Caimei,  iiisi.  1144  jusqu'on  1178,  époque  de- sa  mort.  Gétait  un  homme  d'un 
de   Lorraine    i.  irôs-"ranci  mérite,  vir  multà  excellens  prœslantiâ,  qui  réparait 
et  agrandissait  les  bàtiniens    de  son  abbaye,   les   peuplait  de 
sujets  recommandables,  y  maintenait  la  régularité,  et  y  introdui- 
sait le  goût  des  livres.  Il  enrichit  ou  plutôt  il  fonda  la  biblio- 
thèque de  ce   monastère.    D'ailleurs,    il  aidait  de  ses   conseils 
l'évêque  de  Verdun,  Richard  de  Crissé,  et  il  avait  inspiré  au  pape 
Alexandre  ill,  une  estime  dont  nous  avons  la  preuve  dans  une 
Mirtèiie      Ï6ll''«  ^lue  00  pontifc  lui  adressait  en  1163.  Mais. il  ne  subsiste 
Thés,   aiiced.   i.  d'autro  écrit   de  ce   vénérable  abbé  qu'une   lettre    à  Berthe, 
'  ■    I'    V"*         duchesse  (h;   Lorraine,   pour  lui  recommander  le  monastère  de 

Collecl.    lies   Hk-  ,  '  ,      .  .  ,A 

lor.   de    Fr.    i.  l'^'i^vigny,   011  la    nlii;  de   celte  prmcesse   était   enterrée.    Dom 
XV.  11.796.  Calmel   a    insi-rc   cette  épîlre  de  dix-neuf  lignes,    parmi    les 

'  preuves  de  l'hisloiro  de  Lorraine. 

VL   Nicolas,   auteur  d'une   lettre   à   maître    Gereberl,    est 

probablement  le  sous-prieur  de   Saint-Victor,   qui   portait   ce 

Marièiie  ,  nièmc  noHi  do  Nicolas,  et  qui  mourut  en  1  liSO.  En  effet,  celle 

Ti.es.  »;"•«■''■'•  pièc(.  est  immédiatement  suivie,  dans  le  recueil  de  Duchesne, 

I,    |i.      .)4o,    B*H.     ' 

T.  IV,  p.  751.  de  plusieurs  aiilrtîs  k'tlres  tpii  sont  écrites  par  des  victorins,  ou 
qui  leur  sont  adressées.  Quoi  (ju'il  en  soit,  le  billet  dont  il  s'agit 
est  d'une  bien  faible  importance.  .Nicolas  allègue  ses  fonc- 
tions pour  s'excuser  de  n'avoir  point  écrit  à  Gereberl,  et  il 
se  plaint  de  ce  que  Gereberl,  moin.s  occupé,  ne  lui  écrit  pas 
davantage.  Cela  n'empêchera  point  leur  amitié  d'être  du- 
rable :  Idem  vilœ  et  amicitiie  terminus.  Nicolas  finit  celte 
lettre  comme  Cicéron  commence  (jueli}uefois  les  siennes.  Si 
iiiiii    sacre,  volcs,  1)6116  est,  eço  valeo.  Le  P.   Leiong  cite,  d'après  Feller, 

t.  Il,  p.  879. 


AUTEURS     DE    LETTRES.  Glo 

une  glose  sur  l'apocalypse,  par  Nicolas  de  Paris.  Nous  n'avons      xii  siècle. 
aucun- moyen  d'éclaircir  si  ce  Nicolas  est  celui  dont  nous  venons 
de  parler. 

VII.  G.  abbé  de  Barbeau,  au  diocèse  de  Sens,  a  écrit,  1»  aux 
abbés  de  Cîteaux,  de  Clairvaux,  et  de  Pontigny,  pour  leur  inspi- 
rer une  haute  idée  des  vertus  religieuses  de  l'évéque  de  Meaux  ; 
2"  à  labbé  de  Bonneval,  pour  lui  recommander  un  moine  qui 
voulait  passer  d'un  ordre  religieux  dans  un  autre;  3"  à  la  reine 
de  France  A.  en  faveur  du  porteur  lucme  de  cette  troisième 
épîlre  :  la  reine  y  est  suppliée  de  lui  faire  rendre  justice  comme  à 
son  homme  :  quatenus  et  ut  homini  vestro  facialis  justitiam 
exhiberi.  ('elle  reine  de  France  est  sans  doute  Alix,  troisième 
épou.se  de  Louis-le-.Ieune  ;  et  voilà  pourquoi  nous  plaçons 
l'auteur  de  ces  trois  lettres  vers  1 180  Martène,qui  lésa  publiées, 
les  considérait  comme  des  monumens  de  la  fin  du  douzième        Thcs.  nnecd 

siècle  i    •,,..773.774. 

\Ul.  Hugues  de  Mortagne,  prieur  de  l'abbaye  de  S.-Marlin- 
de-Seez,  avait  sans-doute  écrit  plusieurs  lettres,  et  peut-être 
composé  d'autres  écrils  :  mais  il  ne  nous  reste  de  lui  qu'une  seule 
épître,  adressée  à  Geoffroy  abbé  de  Sainte-Barbe,  communauté 
de  chanoines  réguliers  en  Normandie.  Invité  à  écrire  la  vie  du 
bienheureux  Waultier,  Hugues  répond  qu'elle  serait  infiniment 
mieux  rédigée  par  ceux  même  qui  veulent  bien  lencourager  à 
celle  entreprise.  La  lettre  annonce  beaucoup  de  modestie,  et  non 
moins  de  goiit  pour  les  exercices  de  pénitence.  Elle  est  terminée 
par  ces  deux  vers  : 

Cojijlicfii  tripUci  me  vexant  treu  inimici  : 
Serpens  aniiqims,  ca.ro  lulrica,  fratcr  iniijuui. 

Nous  ne  savons  quel  est  ce  frère  inique,  troisième  ennemi 
du  prieur  Hugues;  et  les  détails  de  la  vie  de  ce  prieur  ne 
nous  sont  pas  connus:  nous  le  plaçons  vers  Tannée  1180, 
parce  que  c'est  à-peu-près  l'époque  qui  convient  à  Geoffroy 
son  correspondant.  La  lettre  de  Hugues  à  Geoffroy,  et  cinq 
lettres  de  Geoffroy  à  Hugues,  ont  été  publiées  par  0  Mar- 
tène  Anecd.   t.  I, 

''*^"^-  p.  550-551. 

IX.  Hugues  de  Monceaux,  abbé  de  S.-Germain-des-Prés, 
mourut  le  27  mars  1181.  Il  a  écrit  deux  lettres  à  Louis-le-  ^^"'  '^'"''"• 
Jeune.  Dans  la  première,  il  apprend  à  ce  prince  que  le  nommé  ^^^  1"  7}l'  ^ 
Salon  vient  d'être  élu  abbé  de  Colombe:  mais  Hugues  diffère  Bouiiian,  Hist. 
de  confirmer  cette  élection,  et  ce  délai  a  deux  motifs,  l'un  ''"  ''''^''-  ''"  ^-^ 
qu'expliquera  le  porteur,    et  l'autre  qui   consiste  en    ce   que  92.""—"  bubof»  ' 


t.  IV,   p.  GS3. 


616  AUTEURS     DE     LETTRES. 

XII  SIECLE.      Salon  déjà  élu  une  première  fois  n'a  [)oint  été  agréable  au  souve- 

iiisi.  ceci.  Paris,   rain.    Les  formes  de  celte  épilre  sont  fort   peu  cérémonieuses  : 

Duchesne     répondcz-moi  donc,  dil  I  abbé  do  S. -Germain  au  roi  de  France  ; 

t  IV,  p.  737.       nolifiez-moi  votre  volonté    par   le  porteur   des   présentes  ;    e», 

Duchcnc,    portez-vous  bien.  (1)  Dans  la  seconde  lettre,  l'abbé  se  plaint  des 

barons  d'Auvergne  qui     l'ont    arrêté,    blessé,    emprisonné    et 

rançonné.    L'inscriplion    de  cette  lettre  porte,  dans  le  recueil 

de  Duchesne,  le  nom  de  Hébrard,  abbé  de  S -Germain  ;   c'est 

une  faute  de  copiste,  on  a  écrit  Hébrarù  pour  Hugues.  Le  même 

Duchesne,  abbé  8  composé  une  notice  ou  relation  succincte  de  la  consécra- 

Snciic'*  III  '  ~  lion  de  l'église  de  S -Germain-des-Prés,    parle  pape  Alexnr- 

Hisi.  Univ.  dre   III     Du  Boulay,  en  transcrivant   cette  pièce,    révrquu  en 

Pans    i.   II.  p.  (Joute  la  vérité  des  faits  qu'elle  expose  :    il  la  met    au  nombre 

311,    Zi'i      513.  ' 

des  artifices  qu'employaient  les  moines  du  douzième  siècle  pour 
secouer  le  joug  de  l'autorité  épiscopale  et  pour  obtenir  des 
privilèges. 

X.  Guillaume  dit  de  Narbonne,  où  il  était  né  [)eut-ôtre, 
et  quelquefois  de  Toucy,  oii  nous  savons  qu'il  mourut,  fut 
trésorier  de  l'église  d'Auxerre,  puis  archidiacre  de  celle  de 
Sens,  dont  Hugues  son  frère  était  archevêque.  Alain  évêque 
d'Auxerre,  ayant  donné  sa  démission  en  1107,  on  élut,  pour 
le  remplacer,  Guillaume  de  Narbonne,  qui  gouverna  cette 
église  jusqu'à   sa   mort,  c'est-à-dire  jusqu'au  27    février  1181, 

Rob  s  M.1-  ^"  Il 82  avant  pâques.  Il  avait  fait  réparer  le  toit  de  sa 
riani  ciiron  fol.  Cathédrale.  Unc  lettre  d'Alexandre  III  est  adressée  à  cet 
83-85.  -  Mart  évêquo  d'Auxerre  et  à  celui  de  Troyes  :  il  y  esl  question  de 
III,  p"  i38i  1  élection  d'un  abbé.  Mais  Guillaume  écrivit  lui-même  au 
138».  pape  Alexandre    en    faveur    de   Thomas   Becket,   et    c'est    à 

inier  ep.  Th  causG  de  celle  lettre,  qui  n'a  d'ailleurs  rien  de  remarquable, 
cp.  8!;,  p.  (i07  1"^  nous  faisons  ici  mention  de  Guillaume  de  loucy  ou  de 
«08.  Narbonne. 

XI.  Roger  du  Pont-l'Evêque,  né  apparemment  dans  la 
ville  de  Normandie  qui  porte  ce  nom,  était  archidiacre  de 
Canlorbéry,     lorsqu'en     11J>4    il    fut     promu    à    l'archevêché 

Angi.  sacra,  dYorck,  qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort,  c'est-à-dire  jusnu'en 
I.  I,    p.  8,  9,  /j-isi,  selon  plusieurs  historiens,  ou  jusqu'au   vingt  novembre 

72      ICI        309-  '  r  '  j      T  o 

i.  Il,  p.  iv,  '^82,  selon  la  chronique  de  Robert  Dumont.  Ce  prélat  nous 
«90,  692.  -  fournirait  aisément  la  matière  d'un  long  article;  car  il  a  élé 
mi*"  -^"s   T"  '^*^'  ''  **  ^^^'■•^  '^^''•'■'  au  Court  Mantel,  il  a  pris   part  dura  ni 

coDC.  «ngl.  (.   Il, 

lil    IIB—     ''       ^'^  Racrinte  igitvr  cl  fer  leclorem  prasenlium  nMs   valram  volmmiaUm 
'  notifieatt;  valcte. 


AUTRURS  DE  l.inTllES  ri7 

plus  de  trente  ans  à  de  grandes  affaires   politiques  et   ecclé-     xir  siècle. 
siastiques  ;  et  comme  i!  s'est  vivement   déclaré    contre  saint     Cuiii.  N^brig. 
Thomas  Becket,   il  est   fort   mal  noté  dans  les  écrits  de  plu-  •'«'■•  ""g'-  •''••  '» 

j       .      1  •.     1-  j       j  =■  32  ;    lib.    III, 

sieurs    auteurs   contemporams   dont  il  y   aurqit   lieu  de  dis-  ^   5  _  r^g„i„r 

cuter  les  témoignages.    Mais  ces  détails  appartiennent  à  l'his-  Magd.  cent,  xii, 

loire    ecclésiastique  de  la  Grande-Bretagne,    et  nous  n'aurions  "•  1^\  P' ,  *"'?• 

^  ,  Rob.    de    M. 

qu  un   bien    faible   prétexte   de  les    transporter  dans   1  histoire  gnn  .  1182,  p. 

littéraire  de    la   France     11  est  vrai  que  les  ennemis  mêmes  de  *"'6<  '"  appcnd. 
l'archevêque    d'Yorck    conviennent     qu'il    était     éloquent    et  y  '  xhom« 

savant.    Fleury    le    répète  après  eux  :  mais   il  ne  subsiste  de  Caniuar .    cpUt . 
Roger  aucun  écrit  étranger  à    laffaire    de  Becket,   sinon    une  i'|'7^".  "îf^    ly' 
lettre  assez  insignifiante,    adressée  à   Hugues,  évoque  de  Du-  ep   ^1.  a,  16-, 
rham,  et  que  le  jésuite  Alfnnl  a  insérée,    sous  l'année  1172,   ''i*'  Y'  *''■   ^^' 
dans  ses  annales  ecclésiasli(|ues   des  Bretons,  Saxons  et  An-      '  hisi    ecdé». 
glais.    Il  y  est  parlé  des  droits  du   siège  d'Yorck,   droits  dont  l'v.  lxxiii,    n. 
Roger  se   montra    toujours    fort  j;iloux.     Dans   un   concile  de 
Londres,   tenu   en    I17(>,   il  disputa    la    préséance  à   Richard, 
archevêque  de  Cantnrbéry  :   ce  fut  le  signal  d'une  scène  indé- 
cente qui    l(>rniina    le  synode,     et  que    David   Hume   a   rap-        iiisi.  dAngl. 
portée,    pour  montrer,  dit-il,   quel    était  le  génie    du    siècle  *'" '^" 
et  à  quelles  extrémités  se  portaient  les  évêques  eux-mêmes. 
Les  deux  métropolitains  se  plaignirent,  à  la  cour  de  Rome,   qui, 
selon  Rapin  Thoyras,  sut  faire  tourner  cette  querelle  à  son  pro-       iii,t    dAngl. 
pre  avantage.  '•  "'  i'  ''^O- 

XII.    Richard,    cet  archevêque  de   Canlorbéry,  antagoniste 
de   Roger,    archevêque    d'Yorck,  avait  été  moine    bénédictin.        "«■•pjfeid.  il. 

'-'  '  eccles.     aiigl.     p. 

11  était  prieur  à  Douvres  en  1173,   au  moment  de  son  élection  337,  338,  33'j. 
au    siège  de  Cantorbéry.    Son  installation  ayant  été  empêchée 
par  le  fils  du  roi,   il  se  réfugia   auprès  du   pape   Alexandre  III, 
qui  le  sacra  lui-même  à  Anagni.    En   1175,    Richard  remplis-       ^""    '*'«"'"'• 
sait  en  Angleterre   ses  fonctions  archiépiscopales  et  celles  de  m  ^  , 
légat  du  Saint-Siège  -  il  présidait  au  concile  de  Westminster, 
où   Roger,  archevêque   d'Yorck,    ne   voulut    pas   se   rendre, 
aimant  mieux   protester  contre  les   décrets  értianés  de  cette 
assemblée,    spécialement  en   ce  qui  concernait  les  droits  ou 
les  prétentions  de  son  église.  Nouveaux  débals  entre  les  deux 
archevêques  en   1176,  au  concile  de   Londres:   nous  venons 
d'en  parler  à  l'article  de  Roger.   Richard  mourut  d'une  coli- 
que, au  château   de  Halinges   près  de  Rochesler,  le  17  février 
1184,  selon  notre  manière  actuelle  de  compter.   Il  était,   dit-      P»gi,  td  tnn. 

.  .  1184 

on,  d'un  savoir  médiocre  et  d'une  innocence  louable  :  Medio- 
criter  litteratus,  laudabiliter  innoxius-  On  compte  au  nombre  ^^  jl||  ^  g*"  '" 
Tome  XIV.  I  i  i  i  ■     •  ■    • 


G1H  AUTEURS   DE    LETTRES. 

XII  SIECLE,     de  ses  écrits,  des  canons   qui   occupent    trois  pages  dans  la 
Concii.  angi    colIection  de  Spelnian,    et   qui    concernent   les    devoirs   des 
i    II,  p.  \0ô  —  ecclésiastiques.    Bailey    lui   attribue  ,   outre    plusieurs   lettres, 
Script.    Angi.    un   livrc  contre  ses  ennemis,  contra  suos   perlurbatores  ;  ce 
cent.  3,  c.  21.       livre  ne  se  retrouve  plus  ;    mais  sept   lettres  de  Richard   ont 
éié  publiées.  Deux  sont  adressées  aux  cisterciens  :  l'une,   écrite 
aussitôt  après   son  élection,    exprime   les  senlimens   d'amitié 
M:iiiiiqiic,    nd  i|u'il  lour  conscrvc  ;   l'aiilro,    beaucoup  plus   longue  et    com- 
ann.  il7i>,  cl.  |),,^,5g  ^;,j   1)79^  est   unc  vivc  cxliorlaliou  à  payer  exactement 
les  dîmes,    avec    menace  d  excommunication,   s  ils    persistent 
à    s'en    [)rél(-ndre    exempts.    Deux  autres    Icllrcs  de    Ricliard 
Chroiiic.    in  .s'adressciit  à  (les  évêqiics  d'Angleterre  ;    Nicoia.s  Triveth  Irans- 
Spicii.    Dociicry.  ^^jj  |g  première   et  la  rapporte  à  l'année   1176  :  on   y  voit  que 
i    VIII,   p.  47.1,   ,,  '    , ,     .     .  ,    .      ,  ,,  • 

47^/^7,:;  I  usage  selait   introduit  de  ne  punir  que  par  1  excommunica- 

tion l'as.sassin  d'un  évèqiie,  d'un  prêtre  ou  d'un  clerc  ;  Richard 
se  récrie  contre  cette  jurisprudence.  Dans  l'autre  lettre  aux 
j)rélats.  ses  confrères,  il  se  plaint  de  l'extrrme  facilité  avec 
Iai|uelle  ils  admellcnt  à  l'exercice  des  fonctions  é[)iscopales 
des  évê<pu's  étrangers  dont  l'ordination  est  incertaine.  Il  existe 
aussi  deux  Ici  lies  du  même  prélat  au  pape  Alexandre  ;  il  s'agit 
dans  l'une  de  l'abbé  de  Malmesbury,  (|ui  prétend  se  sous- 
Iraire  à  la  juridiction  épiscopale  ;  Richard  se  plaint  en  général, 
de  toutes  les  immunités  de  ce  genre  que  les  abbayes  obtien- 
nent ou  s'arrogent.  Dans  l'autre  lettre  au  pape,  il  excuse  par 
des  exemples,  tirés  de  l'ancien  testament,  les  évêques  qui 
fréquentent  la  cour.  La  septième  lettre  de  Richard  est  une 
remontrance  au  prince  Henri  ,  depuis  Henri  III,  qui  alors 
faisait  la  guerre  à  son  |)ère  Henri  II  :  il  va  être  excommunié 
s'il  ne  rentre  au  plutôt  dans  le  devoir.  Ces  épîtres  de  Richard 
Episi.  il.  ;j3,  se  trouvent    parmi  celles  de  F'ierre    de  Rlois  ,   qui    lui    en  a 

68,73,82,  8t.        /     •.    .      ■  !  •  ....  i  r  ■■  ,  V  ^ 

Ep.  y,  îi2,  107.  ^^''^^  trois,  et  qui  a  été  son  chancelier.  Il  nous  reste  a  dire 
pourquoi  nous  avons  parlé  ici  d'un  primat  d'Angleterre  : 
c'est  qu'il  était  normand  de  naissance,  et  avait  étudié  à 
Dniioni.iy  ,  Paris 
1.  Il,  "p  3118.'*  XIII.  Etienne  de  Baiigr,  ainsi  nommé,  peut-être,  à  cause 
du  lieu  de  sa  naissance,  fut  d'abord  archidiacre  de  l'église  de 
MAcon,  puis  évê(]ue  de  celte  même  église,  vers  l'an  11C7, 
et  mourut  le  onzième  jour  avant  les  calendes  de  décem- 
bre ;  on  ne  sait  pas  bien  en  quelle  année  ;  mais  il  avait  un 
successeur  en  1I8C.  Nous  faisons  ici  mention  d'Etienne  de 
Haugé,  parce  qu'il  écrivit  à  Louis  le-Jeune  une  lettre  qu'on 
peut  lin;   dans  Guichenon  et  dans  Duchesne  :    elle  contient  des 


G 

ail 

Cl.ri-I 

nov . 

l 

IV.      ,, 

1(175, 

1(1' 

U 

II 

de 

ItlfSSC 

AUTEURS    DE     LETTRES.  011) 

plaintes  contre  le  comte  Girard  de  Vienne ,   qui  nuisait  à   le-  xn  siècle. 

glise  de  Mâcon.   Le  roi  réprima  les  attentats  du  comte  ,  par  I'J'''-  '.  p    i», 

un  diplôme  daté  de  Vezelai ,   l'an  1172,  et  transcrit  dans  le  *'*' 

nouveau  Gallia  christiana-  rmnc.  i.  iv,  ù. 

XIV.  Guillaume  Pas sava7tt,  né  à  Saintes,  d'archidiacre  de  ♦*^'- 
Reims,  devint  en  1143  évêque  du  Mans  II  est  fort  loué  dans  ,.  iv*^"";  1073'' 
uneépîtrede  S.  Bernard  au  pape  Eugène  III.  Une  très-courte  Kf.isi.  -hh. 
lettre  d'Alexandre  111  est  adressée  au  même  Guillaume  dont  "'""■  *'"?'■ 
la  vie,  fort  édilianle,  peut  se  lire  au  chapitre  Irenie-huilième  731),  740  '  - 
des  actes  des  évoques  du  Mans,  insérés  dans  les  analecles  de  "'''^-  ''^'^  '""■  <*<= 
Mabillon.  8^^  '•  ^^'  l'- 
on connaît  une  charte  de  Guillaume,  datée  de  1 147,  et  par  Anai.  p.  327 
laquelle  il  permet  aux  religieux   de  Marmoutiers  d'accepter   le  ~  ''■"  '''^  '''''"• 

j  1  r    ■  1  ■  1      II  •  11  iii-fnl. 

don  qui  leur  est  tait  par  les  ermites  de  rontainc-Geliart,  Du-  Thiumuic  par 
ranl  quarante-deux  ans  d'cpiscopat,  Guillaume  a  fort  enri-  "  Mut  p:irmi 
chi  la  bibliothèque  de  son  église  :  le  décret  de  Gratien  est  cité  '"  '"^"  ''*'  *""'!■ 

'  '-'  iir.iiiii^fi  Ile         do 

parmi  les  livres  qu  il  y   rassembla.   Il  était  lui-même  auteur  de  Muimomiers 

quelques  écrits  qui  nous  sont  inconnus,  à  1  exception  de  cin(|  épi- 

tres  et  de  huit  vt-rs,  rapportés  au    chapitre  trenle-hiiitièau!  des 

actes  des  évoques  du  Mans    Les  quatre  premiers  se  lisaient  sur 

un  tissu  d'or  et  de  pierres  précieuses,  donné  par  lui  à  l'église 

de  S.  Julien  et  destiné  à  être  vendu  ,  en  cas  de  famine,  pour 

subvenir  à  la  nourriture  des  pauvres  : 

Gemma  ni/ens,  aurnm.  rntihnisjnnijunlnr,  ut  ex  hig 

Arlesimid  iunctin.  noùde  nurgut  opus. 
Nobilim  qnœciunqnc  lamen  (li^junda/iitiira, 

Vendila  cumfiterin/,  pauperibusqne  data. 

La  croix  de  Jésus-Christ  est  le  sujet  de  deux  autres  vers  de 
Guillaume  Passavant  . 

Sub  cruccqni  traiisls,  aevotd  mente  rétracta, 
Quoi t/bt  vila  datur,  C/irkti  cruce  morte  subacfd. 

EnBn  ce  prélat  avait  un  goût  si  décidé  pour  la  poésie  ,  que 
durant  son  agonie,  il  fit  les  deux  vers  suivants  ; 

Nec  defunclwi   /iabef,nec  qui  loca  mutât ,  amicos. 
Omii'ia  iunt  hominum  tenui  pnidentia  (  pendentia  )  filo. 

Duchesne  a  publié  deux  lettres  de  Guillaume  Passavant  à     t.  iv,  p.  6^8, 

Louis  Vil,  qui  n'ont  pour  objet  que   des  contestations  parti-  "^"• 

culières  ;  dans  la  seconde,   le  prince  est  remercié  de  ce  qu'il  ^^  /J^^\  xv'^ù 

a  bien  voulu  écrire  au  pape  en  faveur  de  l'église  du  Mans,  Cii2,  695, 

Iiii2 


620  AUTEURS     DE    LETTRES. 

XII  SIECLE,     lourmentée  parGuillaunaeGoeti,  pour  lequel  Louis  VII  s'était  d'a- 
~~         ~~   bord  déclaré. 

Un  différend  s'était  élevé  entre  les  moines  de  la  Roche-Beau- 
court  et  les  ecclésiastiques  de  Périgueux.  Chargé  par  Adrien  IV 
dexaminer  et  de  juger  celle  affaire,  Guillaume  Passavant 
prononça  en  faveur  des  moines,  et  leur  adjugea  l'église  dont  on 
leur  disputait  la  possession.  C'est  le  sujet  d'une  lettre  ou  [jIuIôI 
d'une  charte  adressée  à  Hélie,  prieur  de  la  Roche-Beaucourt , 
datée  de  1159,  et  d'une  épître  du  même  évêque  au  pape 
Adrien  IV.  Ces  deux  pièces  ont  été  mises  au  jour  par  M.  Brial. 
Elles  sont  tirées  d'un  recueil  manuscrit  de  Baluze  ,  où  l'on 
trouve  aussi  une  lettre  de  Guillaume  Passavant  et  de  i'évêque 
d'Avranches  au  souverain  ponlife ,  sur  une  contestation  dont 
il  leur  avait  conlié  l'examen  :  les  parties  étaient  Arnould 
évêque  de  Lizieux ,  et  son  trésorier  Silveslre  :  celui-ci  renonça 
pour  toujours  à  ses  prétentions,  aimant  mieux  conserver  les 
bonnes  grâces  de  son  prélat.  «  Maluit  enim  in  gratiam  domini 
sut  teneri  quam  uliquam  in  poslerum  contra  eum  conlrover- 

siani  retinere.  » 
p.pchr.  chr        Guillaume  Passavant  mourut  le '27  janvier  H  80. 

ml'nn"''"  n  ^^Ti  X\ .  Pierre  Monoculc  [\]   naquit  au  château  de  Marlac,  près 

.pud     Boii.    19  de  Cluni,   au  sem  d'une  famille  noble,    alliée,  dil-on,   à  celle 

jun.  p.  868.  jgg    ^Qjg    Je    France    :    mais    cette    parente  n'est  point  assez 
éclaircie.  11   n'est  pas  non  plus  Irès-conslant  que  Pierre  fût  le 

Hist.  rcT'cTrd'.  frère  de   Henri,  Cardinal-évéquc   d'Albano.    Il  est  surnommé 

fr»nr.    I.    I,   p.  Monoculo  ,    papco   qu'il  était   hor%\\Q  ,  Monocvlus  ob  infîrmita- 

'î"-  tem  ;  ce  n'est  point  là  un  nom  de   famille,   quoique  Duchesne 

lerb.   d*aV.   A\li  Ic  prenne  pour  tel.  Pierre  embrassa  la  profession  monastique 

6,  lib.  Il,  in  Bibi.  dans  l'abbaye  d'Igny,  dont  il  devint  prieur.  On  le  fit,   malgré 

cisterc.  i.  Il,  p.  Il       jjjj^  Je  Vairoi,  puis  d'Ignv,  enfin  de  Clairvaux  et  non 

17(1.  o    j  > 

Hist.  des c»rd.  dc   Cluni,   comme   Labbe    l'écrit   par    inadvertance.    Quelques 
fr.nc  i6.d.  monumens    attestent  qu'il  était  à    Vairoi    en    1164,    à    Igny 

•  "'' B^Wioih.  ^^  1169,  et  il  ne  paraît  point  qu'il  ait  abdiqué  cette  seconde 


norx 
libror.  ms 


(!)  S.  Antonin.  liist.  t.  II.  p.  17,  37,  1:5.  —  C<:ntiir  Magdeb.  cent.  XII, 
c.  10,  p.  1633.  —  tiall.  Christ,  nova,  t.  IV,  p.  803.  —  Pétri  monoculi  viU 
à  Th.  Kodelio,  apuil  Henriq.  in  fascicuîo  SS.  ord.  S.  Ben.  t.  II,  dist.  22. 
—  DeVisch,  Bibl.  Cisterc.  p.  270,  312.  —  Kob.  Alti's.  in  chronico.  — 
MiiKus,  in  Chron.  cisterc.  p.  181,  182.  —  Maniif).  ann.  1144,  1157, 
1179,  1180,  1182,  1183,  1185,  1186.  —  Exord.  cistei-c.  dist.  2,  c.  31. 
32.  In  Bibl.  pp  cisterc.  t.  I,  p.  76  et  seqq.  170,  190.  —  Heltoand,  ibid. 
t.  Vil,  p.  200-203. 


AUTEURS    DE     LETTRES.  62i 

abbaye  en    H 71  ;    car  il  était  encore  à  Igny  en  1179,   lors-     xii  siècle. 
qu'on  l'élut  abbé   de   Clairvaux.   Il  voulut,    sans  nul  doute  ,         chron.  ciar. 
renoncer  à  toute  dignité,    son  humilité  fut  profonde,  il   peut  *""•    ^''^'    p* 
même    avoir  refusé  l'évéché   de  Toulouse  ;  mais    on   ne    lui  j^„„    eist.  «nn' 
permit  jamais  do   renoncer  à  la  dignité  abbatiale  ;   le   roi  de  1179,  c  i,  n.  7. 
France,   auquel   il   communiqua  ce    projet    de    démission,  n'y 
consentit   point.  Tout  ce  que  Pierre   put   obtenir  ce  fut   de  se 
décharger   des    soins  temporels    sur    le   cellérier  et    sur  les 
autres     officiers    du    couvent.    Il    garda    l'autorité   spirituelle, 
et  il  l'exerça  non-seulement  à  Clairvaux,    mais  aussi  dans  les 
monastères  qui  dépendaient  de  celte  abbaye  ;   il  fit  en  1180, 
1183,  même  encore  en    1186,  des  tournées  en   France    et  en 
Allemagne.  Il  voyagea  en  Italie   par   ordre    du    pape    Lucius, 
qui  désirait  ardemment    de  connaître    un  si    vénérable  abbé. 
Ce  voyage   est  de   l'année  1185,   époque  ou  la  discorde  écla- 
tait dans  l'ordre  de  Grammont  :  Pierre  était  l'un    des  commis- 
saires chargés  par  le  pape  d'y  rétablir  l'harmonie;  mais  Pierre 
mourut  le    28  septembre  1186,   dans  le  monastère  de  Foigny,         Rob  s.  Ma- 
qu'il    visitait.    Son  corps  fut  rapporté  et  inhumé  à   Clairvaux  ;   '"""  ^'""''"    f"'- 
des  inscriptions  en   prose  et  en   vers  couvraient  sa  tombe  :  on 
y  lisait,  par  exemple  : 


88. 


Petrua  lux  leijig,  paslor  ijregis  Igniacensvs, 

Ilic  fuit,  et  merild,  sanctus  et  almiis homo. 

Octaviis  pa-stor  clartevaUis  qiiogue  reclor 

Hic  fuit  annis  xe.x,  pos!eà  mortiius  cit.  ,,         _ 

•^  '  lienr.    Fascic. 

dist.    ii.    c.     9, 

Pierre  a  fait  des  miracles,    le  Ménologe  de  Cîteaux  le  place  p-2s>- 
au  nombre  des  saints  :  mais  il  ne  nous  appartient  de  parler       "*"■"■  ""'""'" 
que   de   ses  productions  littéraires.    Or,   elles  se    réduisent  à  Miscd.     Cisierc. 
seize  épîtres  imprimées  dans  la  bibliothèque  des  pères  de  Cî-  ''  '^^''•. 
teaux  et  en  d'autres  collections   La  première,  adressée  au  pape  en.  \."'m,%. 
Alexandre  III,   invoque  la   protection   pontificale  contre  ceux  264-270. 
qui   oppriment    les  moines,   les  dépouillent   ou    leur  suscitent 
d'injustes  procès.    Par  la  seconde  lettre,   le   même    pape   est 
remercié  d'un    service  qu'il  a  rendu  à  l'abbaye   de  Balerne. 
La  troisième  est  écrite  au  chancelier  de  l'église   romaine,  pour 
lui    recommander    l'évoque    d'Aulun,     dont   une    ordonnance 
avait  excité  de  vives  réclamations.   Dans  la  quatrième  épîlre, 
l'évoque  de  Mayence  est  félicité  de    sa  réintégration   el  de  la 
fermeté  avec    laquelle  il  a  supporté  beaucoup  d'outrages  :  cet 
évoque  de  Mayence  est  apparemment   Conrad  de  Boche,  qui 
mourat  en  1183,    mais  que  l'on  trouvera  pea  digne  de  tant 


622  AUTEURS  DE    LETTRES 

XH  SIECLE,  d'éloges,  si  l'on  consuUe,  sur  ce  qui  le  concerne,  les  auteurs 
du  nouveau  Gallia  christiana.  Les  quatre  lettres  suivantes 
sont  relatives  à  des  affaires  particulières  du  plus  faible  inté- 
rêt, ou  contiennent  des  conseils  ascétiques  extrêmement 
communs  On  voit  par  la  neuvième,  que  le  roi  d'Angleterre 
était  indisposé  contre  Pierre  iMonocule  ,  qui  avait  mis  en 
pénitence  un  moine  protégé  par  ce  prince  ;  l'abbé  écrit  à 
ï'évêque  de  Winchester  et  le  prie  d'appaiser  le  monarque. 
La  dixième  est  adressée  à  l'abbé  du  Val,  à  qui  Pierre  avait 
prêté  deux  livres  :  on  a  rendu  le  premier,  mais  gâté,  mouillé 
et  mutilé  :  Pierre  redemande  le  second,  et  veut  qu'on  le  res- 
titue en  bon  état  :  cette  lettre ,  fort  détaillée,  atteste  le  prix 
qu'on  attachait  aux  livres.  La  onzième  et  la  douzième  sont 
des  réponses  à  la  reine  Tarasie,  princesse  d'une  piété  exem- 
„   .  nlaire,  et  au   roi  de    Portugal,    insigne   bienfaiteur  de  l'ordre 

Uiichcsnc ,    I  *  xj      '^  ^j 

t.  IV.  p  «0.  -  de  Cîteaux.    Nous  ne  disons   rien  de  trois   autres  lettres,  qui 
Mabiii     Mot    in  j,q  concernent    que    de     très-peliles    affaires:  mais  celle  qui 

op.  41!)  s.  «ern.    .  .        i  -  i  -     •  r  m 

les  suit,  et  qui  est  adressée  aux  cardinaux-eviqiies  d  Albano 
et  de  Palestrine,  montre  avec  quelle  légèreté  on  jetait  des 
interdits  généraux  sur  les  villes  et  sur  les  bourgs,  pour  des 
intérêts  purement  temporels.  Il  faut  observer  que  dans  la 
bibliolhc(|ue  des  pères  de  Cîteaux,  le  nombre  des  lettres  de 
Pierre  Monocule  est  de  dix-neuf,  parce  que  l'éditeur  y  a  com- 
pris trois  lettres  écrites  au  nom  de  la  communauté  de  Clair- 
vaux.  Pierre  a  bien  pu  rédiger  celle  (jui  sadresse  à  un  archi- 
diacre nommé  Cadorus,  et  (jiii  lui  ru{)pelK^  la  promesse  (juil 
a  faite  de  visiter  cette  abbaye  :  mais  les  deux  autres  ont  eu 
certainement  un  autre  rédacteur,  puisqu'elles  sont  d'un  temps 
oii  Pierre  était  encore  abbé  d'Igny.  En  effet,  dans  ces  deux 
lettres,  les  religieux  de  Clairvaux  font  un  magnifique  éloge 
de  leur  abbé,  ils  gémissent  de  ce  qu'on  vient  de  l'élire  évêque 
de  Toulouse,  et  supplient  Alexandre  III  et  Louis  VU  de  ne 
point  consentir  à  cette  élection  Si  l'abbé  dont  il  s'agit  est 
Pierre  lui-même,  il  est  évident  qu'il  n'a  point  composé  une 
épître  oii  il  est  si  pompeusement  loué.  S'il  s'agit  au  contraire  du 
prédécesseur  de  Pierre  à  Clairvaux  ,  c'est-à-dire  de  Henri, 
qui  depuis  fut  cardinal,  lélection  à  l'évêché  de  Toulouse  , 
contre  laquelle  les  religieux  réclament  ici,  devra  se  rapporter 
à  Tanné  1178,  lorsque  Pierre  n'était  point  encore  leur  abbé. 
Dire  qu'ils  sont  allés  le  trouver  à  Igny,  pour  le  prier  d'être 
leur  secrétaire,  ce  serait  supposer  que  personne,  dans  leur 
communauté     populeuse ,    n  était   capable    de    rédiger    deux 


AUTEURS  DE  LETTRES.  023 

courtes  suppliques.  Concluons  qu'il  ne  resle  que  seize  épîlres  de     xri  siècle. 
Pierre   Monocule,  ou  au  plus  dix-sept  ;  il  en  a  sans  doute  écrit 
bien  d  autres,  mais  il  n'en  subsiste  rien,  non  plus  que  des  ser- 
mons qu'il' a  du  prêcher  à  ses  moines. 

XVI.    Adelbcrl  de  Toufnel,  issu  dune  ancienne  famille  du 
Gévaudan,  est  surnommé  quelquefois  le   Vénérable,  à  cause  de 
ses  vertus;  quelquefois  de  Capione,   parce   qu'il   possédait  un 
château  de  ce  nom    Dabord  chanoine  régulier,  puis  prévôt  de 
régli.sc  de  Mende,  il  en  devint  évOqiie  en  1 1  -il .  11  fit  un  voyage  |,.^|     ^J"  ^     ' 
à   Rome,  sous  le   pontificat  d'Eugène   III,  qui  l'avait  chargé  de  i     ii,   p     -jst, 
terminer  un   démêlé  entre  lévêque  du    Puy  el    le  vicomte  de  ***** 
Polignac.   Adciberl  est  le  premier  évêque  de  Mende  qui  ait  re-         ^  ,,   ^^  . 

^  I  ^■''"     Christ. 

connu  que  son  évêché  relevait  de  la  couronne.  Duchesne  a  publié  p^v.  t.  i,  p.  9o, 
quatre  lettres  de  ce  prélat  au  roi  Louis-le- Jeune.  Dans  la  pre-  ^dJ'i-  p  24. 
mière,  lévêque  accuse  son  propre  frère,   qui  a  pris  les  armes  fra,,,  "^T'iv  "V 
contre  lui,  et  ravagé  ses  ilomaines  ;  bAlard  ingrat  dont  les  excès  6:ii.    650,   67o, 
doivent  être  réprimés  par  l'auloiilc  royale.   La   seconde  épître  ******* 
concerne  quelques  abus  dans  la  distribution  des  bénéfices  ;  et  la 
troisième,    le    démêlé  dont    le    pape    l'avait  établi    juge.     La 
quatrième  est  la  plus  courte  :  c'est  un  remercîment  au  prince  qui 
veut  bien   se  souvenir  de   son  serviteur,    habitant  au  milieu 
des  neiges.  Cependant  le  frère  d'Adclbert  parvint  à  s'emparer 
du  château  de  Capion  et  du  prélat  lui-même  qu'il  emprisonna. 
Adelbert  mourut  captif,  sans  doute  en  1 1 87.  Car  son  successeur, 
en  datant  de   1207   l'une  de    ses   chartes,   ajoute,    vingtième 
année  de  notre  épiscopat.   On  attribue  à  cet  évêque  de  Mende 
un  écrit   de  l'invention  el  de    la  translation   des  reliques  de 
saint   Privai  :    mais  cette    pièce    est   restée  manuscrite  entre 
les  mains   des  bollandisles,  qui   n'ont  pas  jugé  à   propos    de 

la     publier.  Aol.     Sanclor. 

Il  ne   faut  pas    confondre  cet    évêque    de  Mende  avec  un  ''^'  ""*'  ^  *^'^' 
évêque  de  Nîmes,    son  contemporain,   qui  portail   à-peu-près  " 
le  même  nom.    C'est    lévêque   de  Nîmes   Audebert,   Aldeberl 
ou  Adalbert,   qui  écrit   à  Louis  VII   la  lettre  que  Duchesne  a 
publiée   sous  le  n"  304  :    elle  contient  des  plaintes  contre  le        Soiipi.  hisi. 
comte  de   Molgueil,  que   le  pape  avait  excommunié  :  Audebert  ^!^^'^'  '  '^''  '*' 
voudrait  que   le   roi   engageât   le  souverain  pontife  à  étendre 
cette  excommunication  sur  tous  les  domaines  du  comte.  Sacré 
à    Rome,   par   Innocent    II,    en  1141,    Audebert  était   encore 
évêque  de  Nîmes  en  1 180  :  il  ne  l'était  plus  en  1 183.  On  trouve 
dans  le  nouveau    Gallia  christiana ,   la  notice   des  privilèges 
qu'il   a  obtenus  et  des  chartes  qu'il  a  souscrites  ;  et  dans  les  *i2,  i«.'' 


G24  AUTEURS  DE  LETTRES. 

XII  SIECLE.      Annales  de  Mabillon,  le  récit  d'un  démêlé  qu'il  eut  en  1 1  49  avec 
Liv.  LXXix,  Jourdain,  abbé  de  la  Chaise-Dieu,  au  sujet  du  prieuré  de  Saint- 
n.  69,  70  Baudile,  situé  non  loin  des  murs  de  Nîmes. 

XVli.    Roland  d'Avranches   n'est  point  assez  connu,  s'il  en 

jiist.  des  Card.  fayi  croire  François  Duchesne,  qui  se  plaint  de  ne  pas  trouver 

\lTe\  180      *"    dans  les  auteurs  contemporains  de  ce  prélat,  assez  de   rensei- 

gnemens  sur  sa  personne   François  Duchesne  sait  néanmoins  que 

Roland  fut  doyen  de  l'église  d  Avranches,  qu'il  devint  en  1177 

ad   anii.     1177,  archevêqup  de   Dol,  en   Bretagne,   puis  légal  de   Lucius  III,  en 

III   api-ciiii.    op.   Ecosse,  cardinal  en  1l8i;  deux  ans  après,  légal  d'Urbain  III, 

Cini.ciii,   |i    9'    en  Lombardic;  qu'enfin   il  mourut  la  veille  de  l'élection  du  pape 

Clément  III,   c'est-à-dire    le    5  janvier    1188.  On  a   conservé 

deux  lettres  de  ce  prélat,  l'une  au   pape  Lucius    III,    l'autre 

f     ,.    ,  à  Conrad,  abbé  de  Tegernse.    La  première  est  écrite  en  com- 

Hisi.   des   Casd.  muu  par  Roland  et  par  Silvain,   abbé  de  Rieval  :    ils  rendent 

liane    i.  II.  y.  pomple  d'une  contestation  fort  peu  importante  dont  il  paraît  que 

Knson,        Caii.  '^  papc  Icur   avait   ordonné  de   prendre   connaissance     L'abbé 

Futpur    p    iw.  auquel  la  seconde  lettre  est    adressée  est  prié  de  conférer  un 

i   V    ?  37" '^'     bénéfice  à  un  ecclésiasli(iue  dont  le  nom  n'esi  désigné  que  par 

l'initiale  E. 

XVIII.    Ponce,   gentilhomme  auvergnat  (1),  avait  gouverné 

durant  cinq  ans  l'abbaye  de  Grandselve,  lorsqu'en    1165  il  fut 

élu  abbé  de  Clairvaux.   Il  était  revêtu  de  cette  .seconde  dignité 

Mail.  Ainpi.  quand   il  écrivit   un   billet  do  félicilation  à  Henri,  qui  venait 

tol1.1i    i.  Il,  p.  jgjpg  promu  à  l'archevêché  de  Reims.   Ponce,  en  1170,  devint 

lui-même  évêque   de  Clermont     Nous   préférons  ces   dates  à 

Ann    iic«.  celles    qu  établit    Manrique,   selon   leciuel    Ponce    n'aurait    été 

fi'lllJHv, 

7.  'ii7„  '  ,'  nommé  abbé  de  Grandselve  quen  I  Hifi,  abbé  de  Clairvaux 
1172,  IV,  1,  2;  qu'en  H08,  évêque  de  Clermont  qu'en  1179.  Quoi  qu'il  en 
1176,  VI.  puisse  être,  tous   ceux  qui   ont  parlé  de   lui  s'accordent  à  cé- 

lébrer ses  vertus  religieuses,   et   la  haute  considération   dont 
il  jouissait.  Thomas  de  Cîleaux  lui   a  dédié   un  commentaire 
Wion,  liv.  I,  sur  le   Cantique  des   Cantiques.    Ponce  était  estimé  du   pape 
'^-  ***■  Alexandre    III    et   de   l'empereur  Frédéric   Barbcrousso;    il    a  " 

Mari.  Ampi.  travaillé  à  les  réconcilier.  On  a  imprimé  plusieurs  fois  sa  lettre 
coiicci.  p.  989.  à  Maurice,  évêque  de  Paris,  et  à  labbé  Etienne,  depuis  évê- 
iiist  iiinv.'"'F'a^  ^"6  dc  Toumai.  Elle  a  pour  objet  une  question  relative  à 
I.   ir,   p.    412,  l'administration  du  baptême.  On  altérait  en  Auvergne  et  en 

413.  —  Inlercp. 
Sleph.  Porna- 
censis,  etc. 

(1)  Oall.  Christ,    nova,  t.  II,  p.  2^1,  272.  et  t.  IV,  p.  801.  —  Heoiiq. 

Fascic.  lib.   II,  dist.  VI,   p.  86-91.  —  Chron.    ClaraT.    apud  Chifflet,  de  III. 

gen.  B«rn.   p.  83. 


AUTEURS    D  li     LETTRES.  (m 

d'autres   provinces  de  France,    la   forme  de  ce  sacrement,  en     xii  siècle 
supprimant  les   paroles  ego   te   baptisa ,    et  en    se   bornant  à 
prononcer  les  mois  qui  suivent  .   m  nomine  patris   et  filii  et 
spiritûssancti.  Ponce,  qui  trouve  cette  pratique  fort  mauvaise, 
pessima  consuetudo,  demande  si   le  bapt(}me  ainsi  conféré   est 
valide,  si    ceux  (jui  n'ont  été  baptisés  que    de  cette  manière 
doivent  l'être    une  seconde  fois,    et   s'ils  peuvent  être  mariés. 
Les  deux  docîeurs  consultés  par   lévèque   de  Clermont    n'ayant 
point  été  d'un  même  avis,  il  s'adressa  au  pape,  qui  répondit, 
comme  avait   répondu  Maurice,    que  sans  les  paroles   ego  te 
baptisa,   il   n'y  avait   point  de   baptême.    Ponce  vivait  encore 
en  11 85,  en  1 186  ;  des  chartes  nous  l'attestent  .  il  y  en  a  même      v  Caii  chrLst. 
une  de  1188,    oii  il  est   nommé  comme  témoin.    Aussi   la  plu-  "«*■•  i- "-p- 272. 
part  des  chroniques  le  font-elles  vivre   jusqu'au  2  avril  1189. 
Nous  nous  en  tiendrons  à  cette  date,  quoique    les  quatre   der- 
niers vers   de  son  épiiaphe  semblent  en  indiquer  une  autre 
voici  ces  quatre  vers  :  ^„„   ch„„. 

nov.      l.     Il,      p. 
Ilic  quinio  iiimos  dormivif  pace  sacerâos,  272. 

Cvm  crtix  ex  Hdenâ  hem  credilur  ense  reperta  : 
Et.  prima  fend  scandenu,  vl   credimus,  outra, 
Temj.ore pasc/iali  meruit  Christ o  sociarl. 

Auiieudenowas,  le  poète  écrit  nanos,  afin  de  rimer  avec 
sacerdos.  Mais  il  s'agit  du  3  mai,  jour  de  l'invention  de  la 
samle  croix,  cumcrux  ex  Helenà  benè  creditur  esse  reperta  ; 
et  ce  jour  est  une  première  férié,  prima  feria,  c'esl-à-dire 
un  dimanche,  puisque  c'esl  au  lundi  que  le  nom  de  seconde 
féneapparlient.  C'est  enfin  l'un  des  dimanches  entre  Pâque  et 
^^^{ecàm,  temporepaschali.  Or,  depuis  1185  jusqu'en  1200, 
d  n'y  a  que  l'année  11 87  qui  satisfasse  à  toutes  ces  conditions.' 
La  mort  de  Ponce  serait  donc  à  fixer  au  3  mai  11 87,  et  non 
au  deux  avril  1189,  si  une  épitaphe  écrite  en  vers  énigma- 
tiques  et  barbares  devait  prévaloir  sur  le  témoignage  positif  et 
unanime  des  chroniques. 

XIX.    Guy  m,    évêque  de  Châlons  sur-Marne.    II  y  a  eu        «n    ci.rist. 
successivement  sur    ce  siège  deux  évêqucs  du  nom  de  Guy    "°''-  '•    '^'  p- 
Le  premier,   élu  en  1 163,  mourut  en  cette  année  même,  ou  au  ^^.j 'pV 
commencement  de  la  suivante,    la  veille  du  jour  où  il  devait 
être  sacré.  C'est  à  lui  que  s'adresse  une  lettre  d'Alexandre  III,    Aib.  .„n  ii65 
écriieenH63.   Ma<^  nous  ne   parlons  ici  de  ce  premier  Guy 
que  pour    le   distinguer   du  second.   Celui-ci  est  indiqué  par 
Albéric,  comme  successeur  immédiat  da   premier,  et  comme      «««•  <•"  «>"«. 

Totne  XIV.  K  k  k  k  «»e  Fr.  t.  xv. 


020  AUTEURS     DK    LETTRES 

XII  SIECLE,  ayant  gouverné  durant  vingt-huit  ans  l'église  de  Châlons- 
snr-Marne.  Il  est  désigné  par  le  nom  de  Guy  III,  dans  le 
nouveau  Gallia  christiana,  oii  sa  mort  est  fixée  au  31  jan- 
vier 1180,  ou  plutôt  1190,  selon  notre  manière  actuelle  de 
compter.  Guy  III  encourut  la  disgrâce  du  pape  Alexandre, 
qui  finit  par  ordonner  qu'on  le  suspendît  de  ses  fonctions 
Mari  Ampi.  épiscopalcs.  Nous  avons  quatre  lettres  de  cet  évt^que  de  Châ- 
coUcct     I.     Il,  i^^g    toutes  quatre  adressées    au   roi  Louis-le-Jeune,  el   pu- 

p.  IHJ*.  .  ... 

Coiiect.  Scr.  blices  par  Duchesne.  Dans  la  première,  le  prmce  est  supplie 
hist.  Gaii.  t.  IV,  (jg  n'avoir  aucun  éeard  à  un  écrit  du  doyen  de  l'église  de 
670  6S0  '  f^li'''fins.   vieillard    dont    la   raison  s'affaiblit  de  jour  en  jour. 

La  seconde  est  relative  aux  démêlés  de  l'évéque  avec  le  sei- 
gneur Gérard,  qui  avait  osé  le  défier,  el  auquel  toutefois  il  a 
rendu  et  livré  un  brigand.  La  troisième  consiste  en  remer- 
cîmens  dont  l'objet  n'est  pas  bien  clairement  énoncé.  Non- 
veaux  reinercîmcns  dans  la  quatrième,  oïl  le  monarque  est 
daiileurs  prié  d'appaiscr  le  courroux  de  l'archevêque  de 
Reims,  Domini  mei  Remensis.  Ces  quatre  lettres  sont  fort 
courtes,  el  seraient  susceptibles  d'un  long  commentaire  que 
nous  nentreprenons  point,  car  il  néclaircirait  que  des  cir- 
constances fort  indifférentes,  si  même  il  réussissait  à  les 
ilémèler  en  effet.  Il  paraît  que  Guy  ne  manquait  point  d'en- 
nemis; il  a  essuyé  quelques  déplaisirs  qu'il  méritait  peut-être. 
Hermnnii  de  Toutefois  il  est  loué  dans  certaines  chroniques,  à  moins  qu'il 
""•"  "l'and  ï  '"'  '^^'"^  appliquer  ces  éloges  à  son  prédécesseur  Guy  II, 
î!",5  opcr.  Cilib.  (jn'.Mbéric  pourtant  en   déclare  indigne.    Ces  deux   Guy    .sont 

—  Caiaios.  Dn-  surnomiiiés  tanlùt  de  Dampierre,  tantôt  de  Joinville  Nous 
i/»-;.  !..  819  —  "■'■oyons  que  le  premier  de  ces  surnoms  appartient  a  Guy  II, 
ndoiic,     obscr-  et  |(>  socond  à  Guv  III,  frère  de  Gaufrid  et   fils  de  Roger  de 

vat.  ad  ri  lus  cr-   Jovevillâ. 

-iis"  "12^"'    '  -^^^    Jean  de  Montlaur    fut    fait  évèque   de    Maguelone    en 

D.    Vaisselle,  Mîi8.   L'éclat   de  ses  vertus     surpas.sail,   dit-on,  celui  de   sa 

iiisi    (le   LanR.  naissanco  illustre.    L'article  qui  le  concerne   dans  le  nouveau 

i»6    487     *!^8  Gallia  cfunstiana,  est   fort  étendu  :    on    y    peut  lire    la  notice 

—  r.;.rici,  de  de  toutes  les  chartes  qu'il  a  signées,  de  tous  les  démêlés  dont 
Pra-siiiii).      ma-  jj  ,,gj  ^Qrù   Vainqueur.  Il   nous  suffira  de   dire  ici  qu'il   obtint 

Rolon.   el  nionsp  ;       .  ,  .    •  c  i  i  i  ■  J      r 

P.  I,  p.  200  —  pour  son  église  plusieurs  décisions  favorables  du  roi  de  rrance, 
239.  -Gaii.  tlir.  Louis  le-Jcune,  et  du  pape  Alexandre  III  ;  qu'il  se  montra  fort 
752  -  -se"  '  zèle  pour  la  cause  de  ce  pontife  qui,  en  1162,  fut  reçu  par 
3|)prii,i.  p.  ^ï;i!)  lui  à  Maguelone,  el  qui  lui  adressa  cinq  épîlres  en  1161, 
~  ■'*'"•  1  1 67   et    1 1 68  ;  que  non  moins  fervent  contre    les  Albigeois, 

il  assista  on  11 66  à  l'un  des  conciles  oii  ils  furent  condamnés  ; 


VIES   DE   SAINTS.  627 

qu'il  siégea  en  H79  au  troisième  concile  de  Lalran  ;  qu'en  xii  siècle 
1182  il  fil  pour  les  affaires  de  I  église  de  Narbonne  un  second 
voyage  en  Italie,  et  se  rendit  à  Vellélri  auprès  du  saint-père  ; 
qu'enfin  il'  mourut  le  24  février  1190,  digne  de  tous  les  éloges 
dont  ses  contemporains  l'ont  comblé,  et  que  Gariel  et  dom 
Vaisselte  ont  recueillis.  A  l'égard  de  ses  productions  litté- 
raires, elles  consistent  en  deux  billets  adressés  en  1163  à 
Louis  VII.    Par   le  premier,   le  prince  est   remercié  du   bon  uuchcsnc 

accueil  qu'il  a  fait  aux  envoyés  de  l'évêque,  et  prié  de  Iraitei 
avec   la    même   bonté  les   nouveaux   messagers  qu'on  lui  dé-  \^■^[  ,';(j; 
pêche.  La  seconde  épître  n'est   pas  plus  longue;   elle  est   un 
peu  moins  charitable  :  car  cesl  une  dénonciation  très-acerbe 
contre  Bérenger  Du  Puy    Sorgier.    A   ces   deux   billets  nous 
pourrions   joindre    un   statut     par    lequel  Jean    de   Monllaur 
défend,  en    1169,  de   recevoir  des  chanoines  étrangers  dans  ,,.  561. 
la  communauté  de  Maguelone  ;   et  une  lettre  ou  charte  dans 
laquelle  il  recommande   à   la  charité  des   fidèles   le    nommé 
Bernard,   qu'il  vient  de  mettre  en  pénilence  pour  d'énormes 
péchés.  D. 


Sii'.     Ih>1.     fraii- 
IV,     |. 


r.M.  Clnisl. 


VIES  DE  SAINTS, 


Par  des  Anonymes. 


1176-1190. 


I.  "■T'E   de  saint   Désiré,  archevêque  de  Bourges.    Elle  se  lit 

■  dans  le  recueil  des  boilandisles  au  8  mai  ;  et  à  l'exception      8  mai,  p.  3113 
des   seuls  noms  propres,   elle   n'est  qu'une   copie  litlérale  de  "  '*'^- 
l'une  des  vies  de  saint  Ouen,  insérées  dans  la  même  colleclion, 
au  24  août.  Cette  identité  observée  par  le  P.   Le  (voinle,  n'est  24  au- 

remarquable  que  parce  qu'elle  est  toul-à-fait  complète  :   car  810-8I8. 
on  ne  manque  point  d'exemples  d'une  même  légende  adaptée        •^""    "■'' 
à  deux  bienheureux  avec  un  certain  nombre  de  variantes.  Il 
paraît  qu'on  avait  besoin  d'une  vie  de  saint  Désiré,  qu'on  en 
était  fort  pressé,  et  qu'on   ne  trouva  rien  de  plus  court  que 

Kkkk2 


<i9. 


70. 


628  VIES   DE   SAINTS. 

XII  SIECLE,     (le  lui  appliquer  celle  de  saint  Ouen,  son  contemporain    L'au- 
ÛiiIh,  Bibi    li^ur  di\  Patriarchiwn  Bituricense,  histoire  des  archevêques  de 
Hourges,    y  a  inséré  cette  prétendue  vie  de  saint  Désiré,   en 


i.  I, 


l'attribuant  à  un  abbé  du  monastère  de  Bœuf  ou  Beuil,  au  dio- 
T  II,  p    C3I,  ^^g^  j^  Lanières.  Or,   le  nouveau  Gallia  christiana  nous  fait 
connaître  quatre  abbés  du  Bœuf  ou  Beud  au  douzième  siècle. 
1"   Etienne;  2°  Bernard  jusqu'en   llol;  3"  Rainald,  en  1160; 
4°  Jean  qui  vivait  encore  en  1191 .  L'un  des  doux  derniers  pour- 
rait être  l'auteur  ou  plutôt  le  plagiaire  en  question. 
ReU.  li  jiii.       II.    Vie  de  saint  Basin.  Ce  samt  vivait  au  milieu  du  septième 
p.  69:)-702.        siècle  ;  mais  lauleur  de  sa  vie  n'écrivait  qu'après  1137,  époque 
d'un  fait  dont  il   parle,  savoir  de   l'introduction  des  prémonlrés 
dans  le  monastère  de  Drongcn,  qu'on  venait  de  rétablir  près  de 
la  vilJe  de  Gand.  Cet  écrit  de  deux  pages  est  un  tissu  d'anachro- 
nisnies,  de  solécismes  el  de  miracles.  Les  boUandistes  n'en  par- 
lent qu'avec  un  profond  mépris. 
Boii.  il  mai,       i||.   j)eux  légendes  de  suint  Domitieu,  évèquc  de  Maestrichl. 
p.  iiii-182.        C'est  un  saint  du  sixième  siècle,  mort  vers  560    Mais  les  deux 
légendaires  ne  nous  parlent  guères  que  de  la   translation  de 
SCS  reliques  faite  en  1172,  suivant  lun,  en  1173  suivant  l'autre. 
On    voit    qu'ils  ne   se  sont   point   concertés,    et   ils    racontent 
pourtant  à-peu-près    les   mêmes    prodiges;    le    premier    plus 
brièvement,  le  second  en  plus  de  paroles,  et  en  mêlant  à  sa 
prose  quelques  vers  rimes  comme  elle.  Ils  connaissent  fort  peu 
les  circonstances  de  la  vie  de  saint   Domitien  ,   plus  ancien 
qu'eux  de  six  siècles  ;  quand  les  miracles  leur  manquent,  ils 
sont  réduits  à  remplir  par  des  amplitications  les  lacunes  de  leurs 
récits, 
r.aii    CHiisi        IV.  Le  bienheureux  Roland,   abbé   de    Chéri,     Caherium, 
i„u  i.x,  !'■>(''•'    Cheriacum,   est  mort  après  le  milieu  du  douzième  siècle  :  car 
ce  monastère  n'a  été  fondé  qu'en   113.')   selon    l'ancien   Gallia 
T.  IV,  p  i'M   christiana,  qui  le  place  au  diocèse  de  Reims,  ou  môme  qu'en 
1 1 10,    selon   Manrique,   qui  le  fait  dépendre  du   diocèse   de 
Laon,   auquel    véritablement    il    appartenait.    Philippe   Seguin, 
BiM.  cisi  11.  jjj,   Visch,   et   Manrique,   disent  qu'un    moine  de   Chéri   avait 
ciu    oi  composé  une  vie  de  Roland,  ils  font  même  1  éloge  du  style  de 
onn.    iiio.     11    c^.(   anonyme,  mais  sans  indiquer  le  lieu  oîi   se  conserve  son 
-in  ^    '  '    '     ouvrage  qui  est   reslé  manuscrit    Les  bollandisles  qui  parlent 
p.  8.  de  Roland   parmi  les  saints  omis  au  16  janvier,  avouent  que 

ce  bienheureux  ne  leur  est  pas  fort  connu,  et  renvoient  au 
ménologe  de  Cîleaux,  qui  ne  dit  pas  même  que  sa  vie  ail  été 
écrite. 


23r. 

Ann 


VIES  DE  SAINTS.  629 

V.  Vie  de  saint  Frambalde  ou  Frambourg.  C'était  un  religieux  ^n  siècle. 
qui  vivait  dans  le  Maine  du  temps  de  saint  Innocent,  évêque  du  Labbe,  Bibi. 
Mans,  c'esl-à-dire  vers  le  milieu  du  sixième  siècle.  Sa  léirende  "'■  "'"'•  '•„'!; 
est  fort  courte  et  parait  provenir  de  quelque  bréviaire.  Nous  la  le  aug.  p.  300 
supposons  écrite  en  même-temps  que  la  relation  dont  elle  est  ~'°^ 
suivie,  et  qui  concerne  les  découvertes  des  reliques  du  saint  ^pi.  ?."n,  p^.îia.' 
personnage.  Le  corps  de  Frambourg  avait  été  transféré  du  Maine 

à  Senlis,  par  des  fidèles  quépouvantaienl,  au  dixième  siècle,  les 
ravages  des  Normands  Depuis,  Adélaïde,  épouse  de  Hugues 
Capel,  avait  fondé,  sous  l'invocation  de  ce  saint,  une  collégiale 
qui  a  subsisté  à  Senlis  tant  qu'il  y  a  eu  des  collégiales  en  France. 
Mais  l'église  bâtie  par  les  soins  d'Adélaïde,  tombait,  dit-on, 
en  ruines  dès  1177  ;  et  le  projet  d'en  construire  une  nouvelle 
amena  Louis  \\[  à  Senlis,  où  se  rendirent  plusieurs  prélats. 
Or,  ce  fut  en  leur  présence  et  sous  les  yeux  du  souverain  qu'on 
eut  le  bonheur  de  retrouver  le  corps  de  saint  Frambourg,  ou 
Frambalde. 

VI.  Vie  de  saint  Bénezet,  fondateur  du  pont  d'Avignon. 
Bénezet  est  en  langage  avignonais  la  traduction  de  Benedictus, 
et  c'est  du  nom  de  Benedictus  que  le  saint  est  appelé  dans 
cette  légende  latine.  Elle  est  moins  une  vie  de  Bénezet  qu'une 
histoire  du  pont  qu'il  fil  construire.  Ce  pont  fut  commencé  en 
1177,  et  il  paraît  que  celle  légende  fut  rédigée  en  1178  ou 
1179,  avant  la  mort  du  fondateur,  et  lorsqu'il  continuait  d'o- 
pérer des  miracles  à  l'appui  des  quêles  qui  se  faisaient  pour 
subvenir  aux  frais  de  l'entreprise.  La  légende  elle-même, 
lue  dans  les  églises,  a  contribué  à  prolonger  les  receltes  Le 
pont  d'Avignon  a  été  le  sujet  de  quelques  autres  ouvrages  ; 
par  exemple  de  celui  que  Théophile   Raynauld  a  publié  sous 

le  titre  de  sanctus  Joannes  Benedictus  pastor  et  pontifex,  titre       Thcoph.  Ray- 
où  le  mot  pontifex  est  pris  dans  son  sens  immédiat  faiseur  "'''^'   "p*"»    •• 
de  pont.   Mais  on   ne  sait  où  Raynauld   a  trouvé  le  prénom  Jg"'  ^'  '^^  ~ 
Jean  Johannes,  qu'il  donne  à  Bénezet,  et  c'est  une  des  fautes 
que  lui  reprochent  les    bollandisles.    Nous  avons   en  français 
trois  histoires  de  saint  Bénezet;   la  première  par  un  céleslin, 
Etienne  Seysîre,  qui  prend  le  nom  de  Despréaux  de  B.  A  ;  la 
seconde  par  d'Isambec,  anagramme  du  véritable  nom  de  l'au-  i67s,  itT7% 
leur,  de  Cambis  ;  là  troisième  par  Pierre  du  Haitze.  auquel  il  Avignon, 

a  plu  aussi  de  se  déguiser  sous  le  nom  de  Magne  Agricole.  *^^^'  '".~*^- 
Le  P.  Le  Long  cherche  en  vain  des  motifs  à  ces  trois  déguise-  in-i6.    '^' 
mens  :  les  trois  ouvrages  français  n'ont  d'autre   fonds  que  la       B'"»'-  •>'"•  ^^ 
légende  latine  et  quelques  pièces  accessoires;   il  n'y  avait  là  édjt''7"r'b°278' 


630  VIES  DK  SAINTS 

XII  SIECLE,     ni  de  quoi  se  cacher  ni  de  quoi   se  montrer.    Les  accessoires 

11.    i336,  4357,  dont   nous  venons  de  parler    sont  des    leçons   qui,   après   la 

^^■'^-  canonisation   de  Bénezel,    ont    fait    partie    de   l'office    de   sa 

2SS-289!'"     ''    f'^l6-    Les  bollandistes  les  ont  ajoutées  à   la  légende  du  pont 

d'Avignon. 

Vil.  Vie  du  bienheureux  Bertrand,  abbé  de  Grand-Selve,  par 

un  religieux  du  même  monastère.  Celle  vie,  restée  manuscrite, 

n'est  connue   que  par  la  mention   qu'en  fait  de  Viscli   dans  sa 

p.  i29.        Bibliothèque  Cistercienne.  Elle  n'est  citée  ni  par  Manrique  ni  par 

Cisi.    ^"   va^"    Vaisselte,  qui  tous  deux  néanmoins  parient  de  l'abbé  Bertrand. 

hist.   de    Long.  H  paraît   que  ce  bienheureux  s'appelait  aussi  Bernard,    et  qu'il 

'■■  '^  vivait  encore  en  1147    Nous  supposons  que  I  histoire  de  sa  vie 

a  été  rédigée  vers  1 1 80. 

VIII.  Vie  du  bienheureux  Ponce,    de    Balmey,     évêque  de 
Bclley,    publiée   par  Guichenou,    parmi    les    preuves  de   l'His- 
**■  ^~*''        toire  du  Bugey.  l'once   doit  élre  compris,  non-seulement  dans 
la   liste  des  bienheureux,  mais    aussi   dans  celle  des   auteurs 
du  douzième  siècle,  puisque,  selon  la  légende  que  nous  indi- 
quons ici,   il  avait  composé   des    traités    que    l'on    conservait 
dans  le  trésor   de  son  église  cathédrale.    Ils  étaient   intitulés  : 
De  œlernilale  et  de  vitandis  schismaticis  ;  de  pace  conciliandà 
et   de   contemptu   vanitatis   sœcidi.   Ce    saint    évoque   mourut 
le  13  décembre  1140:   Jean,  prévôt  de  la  même  église,   pro- 
nonça son  éloge  et  célébra  ses  miracles  ;   mais  ce  panégyrique 
ne  subsiste  plus  et  ne   nous   est  connu    que  par   la   mention 
qu'en  fait  lauteur  de  la    légende  mise  au  jour  par  Guichenon. 
Nous  avons  lieu  de  croire   que   celte   légende  elle-même  n'a 
été  composée  qu'environ  quarante  ans  plus    lard;    car    il    y 
est   parlé  de   saint  Nanlhelme,    en   des   termes  qui  semblent 
suppo.ser  que  ce  prélat,  l'un  des  successeurs  de  Ponce,  était 
déjà   décédé.  Or    Nanlhelme,  dont    nous     parlerons     toul-à- 
l'heure,  vécut  jusqu'en   117S.    Le   légendaire   du   bienheureux 
l'once  s'annonce  comme    un    chartreux    de  Meyria,    dans    le 
Bugey. 
«aiiand.    2(i       IX.    Vic  de  suint  Antelme,    évêque  de  Belley.    Antelme  ou 
jun.  p.  226    -   Anselme  ,  ou  Nanlhelme,  ou  Ancelin,    était,  comme   nous  la- 
^"'^'  vous  du,   moine   de    la  chartreuse   des  Portes,   lorsqu'il  con- 

tribua particulièremcnl  à  faire  reconnaître  Alexandre  III 
pour  pape  légitime  par  les  chartreux.  Il  eul  pour  compéti- 
teur, au  siège  épiscopal  de  Belley,  un  chanoine  de  celle  ville 
nommé  Sigibode,  rusé  personnage  sur  lequel  pourtant  il 
l'emporta.  La  vie  de  sainl  Anlhelme  esl  d'ailleurs  fort  éditiante, 


V  I  K  s    n  E    s  A  I  N  T  s  .  631 

el  riche  en  miracles  :  elle  est  terrainéeel  résumée  par  l'épitaphe     xii  siècle 
en  vers  que  voici  : 

Hic  locus  es/nrcius  quo  sunt  ontistitis  arUit 

Anthelwi,   cujiislau><  est  (tdli  décor  hvjus. 

Ihmc posf  claustralemvitiim,  Carinsia  falem 

Ex//iJivit  mundii  atque  dto,  quod  peclore  tnundo 

Bel/ici  (lielley) /VeiJ,    siimvii  luHramine  F/iœli, 

sa  tiatvs  inpatrefii,  cui  w  dédit  in  quasi  matrem. 

Officiiim.  Mart/ice  jnngenx  cum.  yiiiritiis  arte 

Docirinâ  paiit,  vildfurii.  prece  lavit . 

Innumcris  signis  fnlgel  pivs  hic  Jide  difinis 

In  quibui  ipue  jidn.t .  ro'/o,  pras^d,  "is  miki  .tir/us 

Per  mvndi  icnebrat,  vifiorum  pelle  saifebras  : 

Te  duce, poH  cvrgt(m,ferar  h inc  ad  sidéra  suisùm.  Ameti. 

Anselme  est  mort  le  26  juin  1178,  et  sa  vie  a  été  écrite 
vers  1180,  par  un  de  ses  anciens  confrères,  à  la  chartreuse 
des  Portes.  Contubernalis  .  .  .  qui  ejus  contubernio  sedificari 
meruimus.  Cet  historien  n'a  pourtant  point  vu  à  Belley  les 
miracles  accomplis  au  tombeau  du  saint  évéque  ;  il  se  plaint 
de  la  négligence  des  témoins,  qui  auraient  bien  dû  les  écrire,  et 
de  la  nécessité  où  il  se  voit  de  se  borner  à  n'en  rapporter  qu'une 
trop  faible  partie. 

X.  Vie  du  bienheureux  Pierre,  prieur  de  Jidly,  au  diocèse 
de  Langres.  Cliifilet  a  inséré  cette  légende  dans  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Sancti  Bernardi  genus  illustre  assertum.  Les  jésuites,  P.  1:^2-157. 
continuateurs  de  Bollandus,  disent,  en  la  réimprimant,  qu'elle  2."  jun.  p.  6O8 
n'a  été  composée  qu'au  treizième  siècle.  Ils  oublient  qu'elle  "~  '"^• 
se  trouve,  au  rapport  de  leur  confrère  Chifflet,  dans  un  re- 
cueil que  Jean,  prieur  de  Clairvaux,  fit  écrire  vers  1 185.  Pierre 
de  Jully  mourut  en  1136,  mais  un  passage  de  sa  vie  montre 
qu'elle  n'a  été  rédigée  que  lorsque  Louis  Vil  était  époux 
d'Alix,  par  conséquent  après  1160.  Au  surplus,  l'historien 
est  fort  peu  instruit  de  ce  qui  concerne  le  bienheureux  qu'il 
célèbre.  Il  se  plaint  des  moines  de  Molesme,  abbaye  dont  le 
monastère  dn  Jully  dépendait.  Ces  moines,  dit-il,  auraient  pu, 
auraient  dû  remplir  plusieurs  volumes  du  récit  des  actions 
et  des  vertus  du  prieur  Pierre  ;  ils  ont  négligé  ce  devoir  pour 
s'occuper  des  affaires  temporelles  de  leur  communauté.  Réduit 
aux  mémoires  que  lui  fournissent  des  religieuses  dirigées  au- 
trefois par  le  bienheureux,  l'anonyme  n'a  que  des  miracle.? 
el  des  visions  à  nous  raconter.  Mais  du  moins,   il  est  intimé- 


632  VIES     DE    SAINTS, 

xn  SIECLE  njent  convaincu  de  la  vérité  de  tous  ces  prodiges  ;  et  il  ne  doute 
pas  non  plus  que  le  monastère  de  Jully  ne  doive  son  nom  à 
Jules-César. 

XI.    Vie   de    saint    Arnould ,    évêque  de  Gap-   Mabillon  l'a 
T.  IX.  p.  237  tjpge  j'un   manuscrit  de  l'abbaye  de  Vendôme,  et  l'a   insérée 

■"     ■  dans  les  actes  des  saints  de  l'ordre  de  saint   Benoît.   Arnould 

avait  été  religieux  de  cet  ordre,  et  môme  de  celle  abb?ye  de 
Vendôme  ,  avant  d'occuper  le  siège  épiscopal  de  Gap.  Ce 
saint  prélat  est  mort  en  1070,  et  son  historien  n'écrivait  que 
plus  d'un  siècle  après,  puisqu'on  rapportant  un  des  miracles 
d'Arnould,  il  observe  qu'afin  de  conserver  la  mémoire  du 
manteau  dont  le  saint  s'était  servi  pour  l'opérer ,  l'antiqoité 
a  donné  le  nom  de  Chappe  au  lieu  où  s'est  accompli  ce  pro- 
dtge.  Ce  mot  d'andquité  autoriserait,  même  à  su|)poser  que 
l'historien  qui  l'emploie  ici  n'a  vécu  qu'après  le  douzième 
siècle,  si  le  manuscrit  ne  portait,  selon  Mubillon,  les  carac- 
tères d'une  époque  antérieure  au  treizième.  L'historien  était 
lui-même  un  moine  de  Vendôme,  et  il  écrivait  d'après  deux 
relations  ,  l'une  conservée  dans  son  monastère ,  et  l'autre 
envoyée  de  Gap.  C'est  sur-tout  de  Gap  que  viennent  les 
miracles  ;  la  relation  de  Vendôme  en  fournissait  beaucoup 
moins,  et  n'en  était  pas  d'ailleurs  plus  exacte.  Car  c'est  elle, 
par  exemple,  qui  induit  l'auteur  à  déclarer  Odéric  premier  abbé 
de  Vendôme,  et  à  placer  sous  le  ponlifical  de  Clément  II  la  fon- 
dation de  celte  abbaye,  tandis  que  Clément  II  n'a  été  élu  pape 
que  six  ans  après  la  dédicace  de  l'église  de  ce  monastère,  dont 
GbII.  Christ.  Odéric  ne  fut  que  le  second  abbé. 

nov.  t.  vni,  p.  j^ii  Translation  de  saint  Renobert  ou  Rambert.  Ce  fut 
du  temps  du  comte  Gillin,  c'est-à-dire  vers  1070  ou  1((80, 
que  ces  reliques  furent  transférées  à  l'abbaye  de  saint  André, 
aujourd'hui  saint  Rambert,  dans  le  Forez,  et  que  ce  transport 
donna  lieu,  comme  toutes  les  translations  du  même  genre, 
à  nombre  de  guérisons  miraculeuses.  Mais  la  relation  n'a  été 
rédigée  que  bien  après,  puisqu'il  y  est  dit  que  dans  le  laps  du 
temps  le  bourg  a  pris  le  nom  du  saint  qu'on  y  avait  trans- 
féré :  temporis  lapsu  à  sancto  Ragneberto  nomen  accvpit.  Cet 

T.  I,  p.  76-80.  écrit,  publié  par  Le  Laboureur  dans  ses  Mazures  de  l'ile-Barbe, 

est  en  contradiction  avec  des  pièces  plus  authentiques,  ainsi 

p.  97.         ({ue   la  exposé  Guichenon  dans  son    histoire  du   Bugey.    Les 

15  jun.  p  6!i*.  continuateurs  de   Bollandus   avaient  promis  d'examiner  celle 

"  *■  légende,  et  s'en  sont  dispensés  comme  d'un  travail  superflu. 

Rec.  de  div.       L'abbé  Le  Bœuf,   dans  une  dissertation  sur  saint  Renobert, 


VIKS     FM<]     SAINTS  CX\ 

parle  de  la  l('i;eiule  manuscrite  {l'iin  antn-  licnlicuroiix,  GcolTroi.     ■'^"   ''"''■'•''•• 
al)l)i'' (!(>  Savi.u;iii,  mort  on  1  liiO.    .Mais  (lii  rxisic  co  maniiscril.  et  f'''';"N    '     '^   !'• 
quel  on  esl  railleur?  C'est  ee  quo  Le  Heuf  ne  nous  apprend  point, 
on  sorte  quo  nous  sommes  forcés  do  nous  l)()rner  à  une;  simple 
mention  de  cette  légende. 

XIII.  Vie  de  saint  Fiacre.  L'écrit  aui|ui'l  nous  appliquons 
ce  litre  est  divisé  en  trois  parties.  La  première  est  un  pané- 
ij;\Ti(pie  de  saint  Fiacre,  prêché  le  jour  de  sa  fêle,  et  com- 
pose de  lieux,  communs  (lui  s'ajusteraient  à  tout  autre  saint 
anachorète.  Le  prédicateur  finit  par  ai.noncer  qu'il  a  rédigé 
des  leçons  en  stjle  laniilier  à  l'usage  de  ceux  qui  passent  la 
nuit  devant  les  relicpies  du  saint  Ces  leçons,  au  nond)re  de 
neuf,  forment  la  seconde  partie  et  paia  ssenl  renvoyer  à  une 
Ii'L'cnde  |)liis  ancienne  et  plus  étendue  ;  siciU  actuurn  suorum 
lectiv  sacra  déclarai.  La  troisième  est  la  plus  considérable  : 
c'est  une  relation  chronologique  des  miracles  opérés  par  lin- 
torcession  de  saint  Fiacre.  L'auteur  a  été  témoin  de  ipielques- 
uns  :  il  s'est  bien  a.-^suré  de  la  vérité  de  tous  les  autres.  Saint 
Fiacre  vivait  au  septième  siècle;  n)ais  la  jilupart  des  miracles 
dus  à  ses  reli(|ues  sont  du  douzième;  le  dernier  de  ceux  qui 
sont  ici  racontés  est  de  liScS  Prétendre  avec  les  bollandisles 
qu  i!  a  elé  ajouté  après  coup,  parce  (pie  le  récit  en  est  moins 
latin  et  moin.s  modeste,  cesl  y  regarder  de  bien  près.  Le  style 
de  ce  qui  |)récèdc  est  tout  aussi  afiirmatif,  la  latinité  tout 
aussi  digne  du  moyen  Age,  la  descrifilion  des  maladies  guéries 
par  le  saint  n'est  ni  plus  ni  moins  circonstanciée;  et  chaque 
article  est  terminé  par  la  même  doxologie  que  le  dernier. 
D'ailleurs,  elail-ce  la  peine  de  toucher  à  cet  ouvrage,  pour 
n\  ajouter  qu'un  seul  [irodige  ?  Les  reliques  de  saint  Fiacre 
ne  continuaient-elles  pas  d'en  opérer  en  1189?  Et  pouvons- 
nous  croire  (]ue  Uur  vertu  no  se  soit  manifestée  qu'une  seule 
for-  après  la  mort  de  leur  principal  historien  ?  Nous  attri- 
buerons donc  à  un  même  auteur  écrivant  en  118S  ou  peu 
après,  la  lolalili'  des  trois  parties  que  nous  venons  d'indi(|uer, 
ot  nous  non  distinguerons  que  certaines  pièces  que  les  bol- 
landisles y  joignent,  dcu.x  proses  rimées  ([non  chantait  à  rm  iw^.  p 
l'oflice  du  saint,  et  quelques  extraits  ÛC'  deux  autres  légendes  ^'**'-''"'- 
manuscriles.  Nous  apprenons  par  ces  extraits,  que  S.  Fiacre 
était  de  la  race  des  rois  d'Ecosse,  que  beaucoup  de  miracles 
se  sont  opérés  par  son  intercession  dans  la  chapelle  des  ducs 
de  Bourgogne,  à  Dijon,  et  que  les  médecins  avaient  fait  une 
étude  si  particulière  des  vertus  attaclu-es  à  ses  reliques,  qu  ils 
Tome  XI V.  LUI 

4  2    î 


O.Ti.  Vil':  S     ])\']     SAINTS 

XII  siKCLi:.      y  icnvoj aient  leurs  malades  scion  Icxisjçencc  dos  cas.  Coniino 

il    est  (luoslion  dans   l'une   de  c(>s   légend(;s  du  doyen   de    la 

chapelle  des  ducs  de  Rouisni>;n(^  on  en  doil  conclure  qu'elle 

n'a  élé  composée  qu'au   treizième  siècle;  :  car  lorsqu'en   1  17:2, 

Hugues,  troisième  diu;   de    ce    nom,    fonda  celte   chapelle,  il 

n'y   mit  point  de  doyen    :   ce  dignitaire  n'y    fut  établi   qu'en 

«ail.  ciirist.    1214  [)ar  le   duo  Odon.    Mais  ct;s  deux  légendes  manuscrites 

nrn.   i    IV.   |i    ^^^^^^  jj^,^.^.  1^  principale  vie;  de  saint  Tiacre,  uiu;  connexion  (|ui, 

ce  semble,  nous  autorise  à  les  citer  ici,  afin  de  n'y  plus  revenir. 

D'ailleurs  elles  prouvent  ce  (jue  nous  disions  toul-à-l'heure  de  la 

continuation  des  miracles  du  saint,  fort  au-delà  de  1 188. 

XIV.    Vie  de  saint   Etienne,  abbé  d'Obasine,    en    Limosin  , 

de   l'ordre   de  Cîteaux.  Haliize,  (pii  a   inséré  cette  longue   vie 

„    dans  ses  mélanges,  déclare  (ni'elle  est  écrite  fort  élégamment  : 

Baluz.  miscell.  ,       ^.  ,.    .    ,  ,  ,  ,  , 

t.  IV  in  8o,  |).  elegantîsstme  scripta.  UU\  est  divisée  en  trois  livres  dont  clia- 
m-'Mi  ;  i.  I,  cun  a  sa  préface.  Le  livre  [Memier  nous  entretient  de  l'en- 
'"""■  fance  de  saint  Etienne,    de  sa  jeunesse,   de  sa  retraite,  de  sa 

pénitence,  du  couvent  qu'il  établit  à  Obasine,  de  ses  disciples 
des  deux  sexes,  de  sa  manière  de  se  conduire  lui-même  et  do 
diriger  les  autres;  en  un  mot  de  ce  (]ui  précède  l'association 
de  sa  congrégation  à  l'ordre  de  Cîteaux,  association  opérée 
vers  la  lin  de  lan  1 1  42.  Le  second  livre  remonte  néanmoins 
un  peu  avant  cette  époipic  ;  car  on  y  voit  comment  les  dis- 
ciples d'Etienne  se  traiisfoimèienl  en  moines,  et  cojnment 
d  ermite,  il  dcîvinl  lui-mém(ï  abbé.  Mais  son  histoire  est  con- 
tinuée dans  ce  livre  ju.Miu'à  l'année  1  \l\\)  cii  il  mourut  ;  et  cette 
seconde  partie  est  dcja  IdiI  oiikc  de  miracles  Nous  en  admirons 
un  plus  grand  nomlire  dans  la  lioisième,  (pii  décrit  la  mort  du 
saint  abbé  et  ses  funérailles  L(>xhuma(i()n  de  son  corps  et  qu(ïl- 
(pies  faits  relatifs  au  monastère  dObasine,  achèvent  de  remplir 
(  e  troi.sième  livre  et  de  porter  I  ouvrage  à  (•cnl  lrenle-cin(]  pages 
dans  ICdition  de  Haln/.i' 

Li's   boliandistcs,   plus  Irappes  ■ipiiaii'inmcnl  de  la  longueur 
de  cette   histoire,  (pie  de  .--oii  élrgance,    .se  sont   contentés  do 
s  mnii     p  ,s(i(i  i"d)lier  l'abrég*';  (|ui   en   a  élé  lait  au  Irei/.iènie  siècle,    peut- 
—  809.  èlre  dès  la  lin  du  douzième,  par  nu  moine  d'Obasine  ;  abrégé 

destiné  sans  doute  à  èlic  lu  en  forme  de  leçons  à  l'oflico 
du  saint.  .Mais  les  bollaiidistes  n'ont  |(u  s'empêcher  de  joindre 
à  ce  sommaire  un  extiail  considérable  du  troisième  livre, 
savoir  ce  qui  concerne  le  décès  de  sami  lilieiine  el  les  pro- 
diges dus  à  ses  reliques.  IJien  que  les  fails  consignés  dans  ces 
trois  livres  soient  beaucoup  plus  miraculeux  que  le  talent  de 


VIES    DE    SAINTS.  63!i 

l'écrivain,  celui-ci  ne  doit  pas  rester  confondu  dans  la  foule      xir  siècle. 
des  légendaires.  Il  n'est  point  sans  instruction,  il  cite  dos  pas- 
sages de  saint  Ghrysoslôme,  de  saint  Grégoire-le-Grand,   de 
Snlpice  Sévère,  toutefois  sans  les  nommer  ;  et  parmi  les  détails        n,)  ^i^^_  ,. 
historiques  contenus  dans_  son  ouvrage,  ([iiehiMes-nns  peuvent  iv,  !"-»"-  p-  70, 
iDcri'.or  d'être  recueillis.   Nous  y    remarquerons  [uir  exemple,     ''    ^''' 
l'éiablissement   d'une   école  auprès   du    monastère  d'Obasine  , 
sur  la  rive  de  la  Dordogne  :  on   y   instruisait  les  enfants  du 
voisinage,   autres  que  ceux  ijui  étaient  en  prohation,  cest-à- 
dire  destinés  à  Ictat  monastique.  Saint  Etienne  avait  lui-même 
étudié  dans  une  école  du  même  genre,  et  y  avait  fait  de   si 
grands  progrès  que,  devenu  prêtre,  il  se  distingua  tout  aussitôt 
par  .son  éloquence.  Il  [)rêcliail  avet:  un  tel  succès  dans  le  bourg 
de  Ficus,  (ju'on  ne  voulait  j)lws  eiileudrc  (jue  lui.  Les  prédica- 
teurs qui  se  présentaient  pour   le   sup})léer   se   retiraient  dé- 
daignés et  honnis  par  les  lidèles.  Ouand  il  fut  abbé,   il  ins[)ira 
le  goût  de  l'élude  à  ses  religieux;  il  en  occupait  cpiclques-uns 
à   transcrire   des  livres.    Observons   qu  ils  avaient    l'habitude         tij>d.  p.   yo 
de   racler  les    parchemins;  et    quoicjue    I anonyme,    en   par-        ""''•  p   ''^"J 
lant  des  écrits  ell'acés  de  cette  manière  pour  être  remplacés 
par  (1  autres,  ne  désigne  que  des  livres  de  chant,  il  nous  laisse 
voir  au   moins  comment  des  ouvrages  plus  précieux  ont   pu 
disriaraUre.    Eu   avouant  que  lu  commerce  des  iudidgences  a 
contribué   à   la  construction  dune  église   que   fit    bàlir  saint 
Etienne,  son   historien  nous  assure   (]ue  ce  saint  personnage,         im^  ^,   150, 
malgré  son  goût   pour   la  décoration  des   ttîmples,    n'approu-   -S'- 
vail  pas  infiniment  ce  moyen  de  les  embellir.   Il  dirigeait  des 
religieuses  dans  le  Limosin ,  comme   Robert  d'Arbriselles,  en 
Anjou  ;  mais  cette  comparaison    que    fait  l'anonyme,   ne  doit 
pas  être  étendue  tro[)   loin,   puisqu'il  certifie  que  les  soins  que 
I  abbé  d'Obasine  prenait  de  ces   pieuses  filles  n'avaient  jamais 
fourni  la  moindre  occasion  de  médire  ni  de  lui  ni  d'elles.  Nous 
citerons    encore     une    distinction    (fu'élablil   l'historien    entre        /(„j.  ,..  iny 
trois  sortes  de  personnes  ipi'on  discernait  dans  les  tribunaux,  —  i'3- 
sapicnles,  Icgistas  et  causidicos  -.   les  sages  ou    prud'hommes,         wn.  p    i'2S 
les  légistes  et  les  avocats;  tous  gens,  ajoute-l-il,  largement  -   ^-''■ 
payés.  Ce  qui  nous  reste  à  recueillir  de  cet  écrit  concernera 
l'ouvrage  même  et  l'auteur. 

L'ouvrage  essuya  des  contradictions  avant  d'être  achevé.  Les      ib,i.  p.  71-72. 
envieux  disaient  (pl'il  y  avait  eu  de  l'orgueil  à  l'entreprendre; 
ils  voulaient  (pion  attendît  au  moins  qu'Etienne  fût  canonisé, 
et  (pie  jusiiues-là  l'on  s'en  tînt  aux  vieux  livres  et  aux  vieux 

LUia 


(;3(>  vil-:  s    DE    SAINTS. 

Ml  siLCLE.  saillis.  L'anonyme  lepond  qu'il  n'a  |)ris  la  plura(!  (jue  par 
l'ordre  exprès  de  .ses  supérieurs,  qu'il  sent  les  périls  (ju  il 
court  en  obéissant  ;  mais  qu'il  se  rendrait  ,  en  n'obéissant 
pas,  beaucoup  plis  coupable;  qu'il  travaille,  non  pour  sa 
propre  gloire,  mais  pour  celle  du  saint  abbé,  et  j)liis  enco-e 
pour  l'édilicalion  publique;  que  les  vies  de  [tlusieurs  bien- 
heureux ont  été  composées  avant  leur  canonisation,  ([uelque- 
fois  même  avant  leur  mort  ;  qu  il  espère  bien  (pie  son  livre 
deviendra  vieux  un  jour ,  mais  (pi  ii  faut  pour  cela  (pi  il 
commence  par  (Mie  nouveau;  (juau-surplus  si  Diiu  ne  veut 
pas  que  ce  livre  subsiste,  les  ellorts  de  1  écrivain  ne  le  ren- 
dront pas  durable ,  et  cjue  si  Dieu  au  contraire  a  i  é.solii  de 
le  conserver  à  la  postérité  la  plus  lointaine,  la  malveillance  des 
contemporains  ne  lenqx'cliera  pastly  parvenir. 

Il  paraît  cependant  que  lauteur  n'a  pas  toujours  eu  pour 
ces  vaines  critiques  le  mépris  qu'il  exprime  dans  sc;-  préfaces; 
car  il   avoue  qu'il   a   interrompu   son  travail  durant  quatorze 

ibiii.  f>  105.  ans,  depuis  11G0  jusqu'à  1 174.  Il  l'avait  commencé  aussitôt 
après  la  mort  de  saint  Etienne,  et  il  ne  l'a  terminé  qu'après 
(jue  Gérald  second  eut  remplacé  Uobert  dans  la  diynilè  d  abbé 
dObasine.  Or  Robert  nabdiijua  cvAh\  l'onction  qu'en  \\XH. 
Ce   monastère  avait  eu   ainsi  trois  abbés  depuis  Etienne,  sa- 

(;;iii.  Chiisi.  voir  :  Gérald  1",  Uobert,   et  Gérard  II.  Ce  lut  ce  dernier  qui 
iinv...   .  ji.  .)>.  yjj^jj^,gjj  ,jm,  l'autour  mît  la  dernière  main  à  son  ouvrage  et  ne 
laissât  point  à  tous    les  témoins   des  vertus  et  des   miracles 
d  Etienne,  le  temps  de  vieillir,  d'oublier  et  de  s'éteindre. 

Cita  particularités  disent  assez  que  l'anonyme  était  un  moine 
dObasine.  Né  dans  le  bas  Limosin,  il  avait  été  élevé  à  l'abbaye 
de  la  Cliaise-Dicu,  ou  dans  un  monastère  qui  en  dépendait. 
Il  n  en  sortit  (pe  pour  rencontrer  dans  le  monde  des  périls 
et  des  Iraversc's  qui  le  ramenèrent  à  la  vie  jwisible  du  cloître. 
Il»     ifpi.  gyj  1^  |.]iienn(!,    auciuel   il  sadressa,  l'envoya  laire  deux  années 

a|iiiil   lialUi.    1111-  '  •  '  J 

srcii.   i.   IV,  p   de  noviciat  à  Cîteaux,  et  l'en  rappela  pour  le  mettre  au  nombre 
"^■,,  .    ,   ....    d(;s   relia;ieux  proies  d'Obasine.    Il  est  parlé,  dans   cette  liis- 

Ihid.  d.  lui-  . 

103.  toire,   d'un  pèri!  de   famille   d'une  naissance   illustre  qui  vint 

avec  toute  sa  famille  et  tous  ses  biens  se  consacrer  à  Dieu  dans 
le  monastère  d'EUenne  ;  et  d  se  pourrait  que  ce  gentilhomme, 
qui  n'est  point  nommé,  fût  le  père  de  notre  écrivain  :  car 
celui-ci,  après  avoir  dit  dans  un  autre  endroit  de  son  livre, 
que  tous  ses  parens  étaient  sous  la  direction  du  saint,  ajoute  : 
comme  je  l'ai  rapporti:  plus  haut  ;  paroles  qui  ne  s'applique- 
raient à  quoi  que  ce  soit,  si  elles  ne  renvoyaient  le  lecteur  à 


VIKS    DE  SAINTS  f)37 

l'article  môino  do  ce  père  de  famille,  devenu  moine  et  ensuite     xii  siècle 
prêtre  à  Obasine 

XV.  Miracles  de  sainl  Bomerede.  D'ahbé  de  saint  Crépin-le- 
Grand  à  Soissons ,  Bernerede  l'ut  fait  cardinal   et  évèque  de 
Palestrine,  par  le  papi;  Alexandre  III  ;  reçut  plusieurs  lettres  de         l'j^iioiir  Uai. 
Pierre   de    Celles,  assista   au   concile  de   Lalran  de    1179,  et  "àsV^'i^s   -  ai- 
mourut,   selon  toute  apparence,  en   1  "î  81 .  Les  miracles  opérés  liriiy,  flores  cai- 
à  son   tombeau  ont  été   racontés  par  un  chanoine  régulier  de  '"'"   '  '' 
Saint-Ruf,  dont  le  nom  con)nience  par  la  lettre  P,  et  qui  n'est 
connu  d'aucune    autre   manière.    On    voit  seulement    par   sa 
relation  qu'il  avait  clé    témoin  à   Rome  du  principal  miracle 
de  Bernerede,  savoir  de  la  guérison  d'une  boiteuse    Cette  lé- 
gende,  ou  du  moins  ce  qui  en  reste,   est  adressé,  en  fo.me  de 
lettre,  à   tous   les   fidèles,  et  occu[h;  deux  colonnes  dans   l'une 
des  collections  de  Martène.  Il  v  a  lieu  de  croire  (luelle  a  été        ^'"''  ■'""""'• 

,.  ,  ,,  ,    '  11,     lol.     &2j 

composée  sous    i  un    des  successeurs    d'Alexandre    III,   entre  «at; 
1181  et  1190.  D. 


I"  I  N    D  IJ    'I'  U  M  E    Q  V  A  T  i)  K  Z  1  V.  M  E  . 


TABLE 


DES    AUTEURS 


ET   DES    MATIERES. 


KbaUard.  Sea  siiicr»  comme  professeur. 
"■Jean  de  Sarisliéiy  l'iuilic  sous  lui  page 
89,  IM). 

Adam  du  pelit-ponl.  Doù  lui  venait  ce 
suiiiuui,  1  tilt.  Sa  ci'Irliiitc  comme  profes- 
seur, !t"2el  IWil.  .Sun  ouvi:i;;e  ;sui'  l'art  de 
raisonner,  ISD,  19(1.  .Synod,',  ci  «oncilis 
auxquels  il  assista,  t'.M).  Quand  il  mnuiul, 
ifciii.  il  était  deveiiui\ôi|ue  en  AngU'leire, 
ibid.  Autre  suriiniM  par  liMpiil  mii  Io  désigne, 
ibiJ.  Scclaleur  d"Ari>l(ilr,  '.H  il  1!)(). 

AiitLiitnT  de  Toarml,  é\(i|ue  île  Sleiidc  ; 
dislmcl  d'un  c'vèi|ue  de  Mimes  du  iniine 
nom.  Charles  et  aiilies  éirils  de  l'un  et  de 
l'aulrc,  62."),  (i2t. 

Adtieit  /!'.  Sa  letlre  à  Louis  VII  sni  le 
lirojcl  d'aller  allanuer  les  Maures  en  l>pa- 
giie,  iiO.  Vo^e/  .It-aii  de  S'irts'-crif . 

AiHERic,troisii'Uie  patriarche  d  Aiilioclic. 
Failles  répandues  sur  sa  naissance  et  sur  son 
enfance.  SS.">,  ^Hi  II  devient duyeii  cl  en- 
suite patriarche  de  l'égli.se  d'Antioclie,58i. 
âW.i.  Ce  i|u'en  dil  (tuillaumc  de  'i'yr,  .'iHii. 
Vains  elTorls  d'Aimeric  pour  empêcher  la 
veuve  du  pi  inee  d  Anliochsde  se  remarier; 
mcamlcnleiiieiil  i|ii'il  annonce  eoutie  le 
nouveau  prince, 3ti(i.llorril>le  supplm-  au- 
quel Aimcric  cslcmidainui'-.r>S(i.3S7  Muaii.l 
et  comment  il  renlra  d.uis  son  rglise.  ."iSS. 
S'il  tilt  l'iMsliluleur  de  l'ordre  de-,  tianiies, 
3XS,58!*.  Trouilles  occasionnes  par  la  ir|iii- 
<liaiiiiii  que  lloéinond  III,  prince  d'Aii- 
tiiiche.  fuit  de  sa  femme,  3!)(l.  E.vcommu- 
niraliimel  interdit  primoncés  par  Aiineric. 
3'.HI,  5'.ll.  A  quelles  conditions  la  pais  e^l 
concloe,  ô'Jl.  Il  rcçoil  l'atijuralioii  il'iiii 
lri's-(;iand  iiomhrc  d'hérétiques,  ihid.  Sa 
mort  592,  Ses  lettres,  Ô!I2  et  suiv.  Ouvrage 
i|u'oii  lui  lUribue  sur  la  conqurle  de  Jérii 
salein  par  Saladin,  Ti'Ji  :  aiilrr,  sur  l'insli- 
liilion  des  premiers  m  unes,  38!)  et  ."ï'.lfi.On 
a  dit  faussement  ipi'il  a\ail  ili  légal  du 
Saint  Siège,  oulrc  mer,  "iHi. 


.,4i»ioin,  continuation  de  ses  annales  pa 
des  religieux  de  SaiiU-Gerraain-de»-Prés, 
IS'i  cl  SUIV. 

Ai.MN.  évèqiie  d',\uxerreélail  (lamand- 
Dissirlalion  dans  laipielle  en  prouve  qui' 
ne  doit  pus  èlrc  confondu  avic  Alain  de 
Lille,  surnommé  le  lliHleiir  universel.  7>^i 
—  r>ii(>.  L'ail  Wj'i..  Alain  fui  élahli  évoque 
d'Aiixene,  non  sans  éprouver  de  grandes 
iippiiMliuiis,  ntili  el  suiv.  Il  se  démit  de  son 
l'vèclié  r m  1 11)7, et  retourna  ;'i  son  ancienne 
alilia\e  de  l'Arrivour,  j;i7.  Discussion  sur 
l'année  de  sa  mort,  !)57  el  stiiv.  Ses  lettres 
au  I  II  Liiuis-le-Jeune  jIjil.Kst  auteur  d'une 
vie  d(' saint  lleruurd,  el  motifs  qui  la  lui 
lirenl  enlieprendre  après  celle  qui  avait  été 
composée  par  des  auteurs  fort  recommun- 
ildilrs.  ".()(».  Autres  écrits  qu'on  luiatui- 
liui-  TiUI  et  suiv. 

/l(/i/',it'-  professeur  célèlire  du  Xll«  siècle, 
un  des  niaiires  de  Jean  de  Sarishéry,  yi. 

AUieri  d  Alvolt,  et  Hugues,  sou  lils,!i.'>,!i{. 

Albigiiiif.   Voyez  Hcréêies. 

Alex'indre  III  Le  roi  el  l'église  de  France 
se  déclarent  pour  lui  contre  le  cardinal  Oc- 
lavien.  son  compétileur,  qui  avait  pris  le 
nom  de  Victor,  ;i7.  L'Angleterre  aussi  se 
déclare  pour  Alexandre,  123.  Lettres  di: 
Jean  de  Sarishéiy  à  ce  sujet,  123  et  suiv. 
Lcllres  de  LouisVII,'J7.  Alexandre  favorise 
la  lésisl.ince  de  'l'homas  ilei  Ici  à  lleuri  11, 
{.S3  et  SUIV.  Vojcz  t.'Olet. 

Ammiut  d'Aiijoi,  roi  de  Jérusalem,  suc- 
cède ■!  Itamloin  III,  son  frère  aiiié,  ti:i,  103. 
Ses  lellies  à  LouisVII,  sur  les  mallieuis  de 
la  Terre -Sainlc,I)5. Ses  assises,  VO)  .  Aêstta. 

Amaihv.  patriarche  ilc  Jérusalem,  ('om  - 
ment  il  acquit  celte  dignité, 102.  Opposition 
liirmée  à  sou  élection,  l'iiii  Le  pape  la  coii- 
liriiie,  i'iid.  Plusieurs  de  ses  actions,  163. 
<^- que  (Guillaume  de  Tyr  pensail-dc  lui, 
102,  103.  Sa  iniirt,  105.  Ses  lettres,  Ili5  et 

SUIV. 

.l'iac/ef.ou  Pierre  dr  icon.PorIrailde  cri 
aniipapctraec  par  Arnoul  de  Lisieux.  332. 


TABLE  IiKS  ATITICIKS  ET  DES  MATIERES. 


039 


/lnjcr».  Cplc'brilc  (le  son  école,  dans  le 
XII' siècle,  227. 

Anouymb,  niitoiir  crnndiisl.  de  Pologne. 
Ucchcrclics  sur  i'cpoquc  où  il  a  vécu,  3  et 
suiv.  ' 

Anonïmf.  auteur  (In  Formulaire  ilu  sacre 
(lu  roi  Pliilippr-Aumiste.  Illsscrlatiou  sur 
l'autheiiilcité  de  cet  écrit,  22  —  20. 

A^()^lMll,  auteur  des  Gestes  du  mi 
Kniiis   Vil.  Rcdcxions  sur  cet  éciit,  1><7  cl 

SUIV. 

Anonyme,  auteur  d'un  recueil  de  for- 
mules épistolaircs.  377  —  381. 

Anntiijmp.  auteur  d'une  Iiisl.  du  nioiiiis- 
ti're  de  Si'desliy  en  Anglctone.  pii's 
d'Vorck,  i\r,. 

A^o^l^.M«.  auteur  de  l'iiisl.  de  la  fiuida- 
tion  du  prieuré  de  Sainte- llarbc  en  Au^e, 
«01  —  (iU3. 

Anonvmks,  auteurs  d'nlnégés  de  l'Iii^l  de 
France  jusqu'à  l'année  11811;  183   —  1811. 

ANoNYMi-S(|ui  ont  écrit  lliisldes  évcqucs 
de  i'éiigucux,  223  cl  suiv. 

Anontmrs,  auteurs  des  actes  des  évc(|ues 
(lu  Mans,  pendant  le  XII'  sit'xle,  *10— '412. 

AivoNTMEs,  auteurs  dliistoire  s  cl  de  cliro- 
ni(]Ues  d'Aiixeric.  au  XII'sièclc,'{l3-  ■îl.'i. 

Anonymes,  auleiirs  de  cliioi)ii|ues  aliré- 
«ëes  des  cvcciucs  de  Cainbray  et  d  Arr:is, 
!>i)!t  et  suiv. 

Anonymes  de  l'ordre  de  Pi  éinonlré,  60i 
«05. 

Anonymes,  aut(nrsdc  vies  de  saints,  «27 
—  «37. 

Anihelme,  ou  >aiillicline,  ou  Aiicdin. 
prieur  de  lagiinidc  cliarlrcusc.piiis  é\c(pic 
de  lîelley;  auteiir  d'une  épilie.  «12  —  (i|.4. 
Sa  vie  par  un  anonyme,  «50.  «31. 

AroNiiJs,  auteur  du  VII'  sii'(  le.  Son  coiii- 
nienlaire  sur  le  (;nnli(|iie  des  caiiliquis, 
ahrégc  par  Luc  du  Moiil-Coniillon,   8  —  10. 

AiUI,fi.(-ii,/„r^  tics  cultivée  au  ,\ll' 
siècle.  202. 

ArilUiiiiKini    inyslénciiso.  200     ilOii. 

Abnoui..  évcipie  (le  Lizieux,  fut  pnuivii 
d'aliord  d'un  iiicIndiaïKiié  d:ins  l'é^iisc  de 
Scez  par  I  é\c(|iic  Jc;iii,s.,ii  (ii'ie.  ."lO.'i. Vcis 
1131,  étant  allé  étudier  le  droiL  en  Italie,  il 
composa  un  écrit  contre  l'anlipapc  Aiiarlet, 
ibid.  L'an  1  Ut,  il  succéda  à  Icvêipic  Jean, 
son  oncle,  sur  le  sirgc  de  Lizieux.  ibil.  Ses 
démêlés  avec  Ginfroi  Plaiitaf;ciiel,  comte 
d'.\iijou,  au  sujet  de  sa  piduiolioii  ;'i  l'cpis- 
copal,  l' iJ.L'aii  t  l/f7,il  part  pour  la  Tcric- 
S.iiiite  avec  le  roi  Louis  le- Jeune,  "Oli .Ser- 
vices impnilants  par  lui  rendus  au  nÉcnic 
comlc  Gcofroi  et  à  son  lils  llciin  II,  roi 
d'Anglelcrre.  307.  Ayant  encouru  la  dis- 
grâce de  ce  prince,  l'an  1181.  il  se  démet 
de  son  cvèclié,  et  se  relire  à  .Saint- Victor 
de  Paris,  où  il  mourut  l'an  1184,  308.  Ses 
letlrcs,  ."0!»—  331.  Son  .!crit  contre  l'anli- 
papc Anaclil  en  faveur  du  pape  Inimcciil  II, 


331  et  suiv.  S(  s  sermons,  333.  Ses  poésies, 
3^3  et  suiv.  l'ièt  (]u'il  fait  A  Louis  VII, 
(loiir  le  voyage  de  la  Terre  Sainte,  52. 
Ucconnaissance  du  roi,  52  et  53.  Ilaïue  de 
■iean  de  Sarisbéry  pour  lui  ;  sur  quoi  elle 
élall  fondée,  131  et  132. 

/1/M/m/ (Saint),  évcque  de  Gap.  nioit  en 
1070. Sa  vie  par  unanonymc  du  XII' siècle, 
et  autres  relations  sur  ce  prélat,  632. 

Atniifn.  Divers  .sens  de  ce  mol  dans  la 
juiispiudciice  anglaise,  527.  Henri  II  suli- 
slitiia  aux  comlials  judiciairesleslribunaux 
(|ui  pi>ilcient  ce  nom.  ibid.  Comment  il  les 
oigaiHMi.  527el528.L"insliliilion  de  ce  roi 
Milisisic  encore,  328  et  529.  Elle  avait 
existé  en  Fiance, avant  de  passercn  Angle- 
terre. 527. 

A-fiset  (leJêriii^itlrm.  Les  nouveaux  rois 
prêlaieiit  seiinenl  de  garder  les  assises  de 
ce  lovauine.  celles  d'Amauri  I"  et  de  Bau- 
doin î  V  en  particulier,  3.'i2. 

Aiiteuff  iiniii'"S.  cités  par  Jean  de  Saris- 
béry doiil  les  ouvrages  ne  sont  pas  venus 
jUMHi';i  nous,  l«i)  et  1«l. 

Aii.Tirie.  Kcole  de  jurisprudence  ro- 
maine, à  Auxeire.  118. 


B. 


l)iif/<(i/iiis,  auteur    d'un  ouvrage    sur  la 

(lamiialion  du  roi  Salomon,  284. 

Whii  (Ihiil).  Aliusdonl  il  élail  l'orcasioii  ; 
mesures  piisesparLouis-lc-Jeunc,71  cl 72. 

Rjmin  lÉMY.évèiiued'Excester.élailfran- 
cais.  né  d  iiis  la  province  de  Itrelagne.  33.(5, 
L'.tii  1 1«0.  il  fut  nommé év(">que  d'KxccsIer. 
ibij.  Kl  niouriil  l'an  tl«4',  33«.  Scslcltrcs, 
ibid.  Son  pénileiilirl.  337. 

Butin,  sailli  du  VII' siècle.  Sa  vie  par  un 
alioiiuiic,  «-28. 

IU(  iiiiiN  IV.  ou  le  Lépreux,  roi  de  Jéru- 
s;ileiii.l«3  (hiand  etcommenlil  le  devint. 
1«3  cl  351.  I';ir(|ni  la  régence  fui  exercée 
pendant  ({u'il  vécut.  351.  Éloges  laits  de  ce 
priiiic,  351  cl  352.  Lcllie  de  ce  prince  sur 
c|tii  Iqiics  événements  de  la  Tcrrc-Saiiilc, 
352.  .Ses  assises,  i'iid.  Vovez  Angin'H. 

Iliiu'luiii  r,  neveu  de  Baudoin  IV.  Voir 
la  p.  352. 

HiKiilii,  évcipie  deNoyon.  Conlinualcur 
de  sa  chroniipie  .51)8  et  suiv. 

llir  (Abbaye  du)  en  Normandie.  De 
(]uel(]ues-uiis  de  ses  abbés  p.  25  cl  27. 
Avec(|uel  succès  ony  cultiva  leslcllres.27. 

Ilécliiidr  (Grégoire).  Son  poème  sur  la 
prise  de  Jérusalem  par  les  croisés,  ZiO. 

Ile/lift  (Tbomas),  archevi'que  de  Can- 
loibéry.  De  l'accusation  portée  ctmire  lui 
d'avoir  diveili  l'argent  de  l'élal.  pendant 
(pi'il  élait  cliancelier  d'AnglcIerre,  472.  Il 
avait  cnniribué  à  faiic  reconnailrclesdinilii 
de  liciii  i  II  d  la  couronne,  i7i.  D'abord 
(léfcnsenr  ardent  du  trône,  ildevient  ensuite 
ilélcnscurplus  ardent  encore  des  privilèges 


(VU) 


TAIilK   DES  Al  TKI  H- 


n'clamt-'î  par  lc«  oci  lrsia--lliliirs  Vi  f\  smv . 
Jiisi|i:à  i|Ucl  |ii)iiil  il  -■'■•^i"',  ''"'■  i:irorts 
titl  riii  pniir  le  laiiicniT.  17:)  ri /»7li.  Sa 
coiuluitc  relative  :iin  iiin<liliiliniis  ilc  Cla- 
reiidon.  1^5  et  sniv.  M(  snris  (.ri'ies  par 
Henri  II.  ÎH7  et  W8.  Appui  que  larclic- 
vripic  «le  Canlorliéry  trouve  ilain  le  pap- 
Alexandre  Vovez.KïT'iii'/i''  Au  nimnentoù 
la  paix  seinlilail  rétablie  entre  le  pi  iiiee  et 
le  prélat.Tlinma--  lieokel  la  Irnulil.  <le  noii- 
vcau,i'j:ict  .4!)7.11  est  ;,s,assinf  :  actes  dnnt 
ce  crime  est  suivi, 498  cl  siiiv. 

BbLiiH  iJeaii).  On  ignore  la  date  cl  le 
lieu  lie  sj  naissance,  2tS.  219.  i-cs  écrits 
non-impriniés.  219, 2-20.  Son  traite  des  of- 
liccs  divins,  2^J)       2'.'-'. 

Bi'u('firet.  Premier  exem|)lc  du  droit  ac- 
cordé aux  professeurs  île  conlinncr  à  tim- 
clier  le  revenu  de  leurs  l)énérii'cs,i|iini(|u'ils 
ne  résiliassent  pa~.  :i02  Voyez  (iiruni-la- 
Pnrelle. 

Beiifze!  ;Sa!nli,t.iniliilcur  du  l'init d'Avi- 
gnon. Sa  léRcnde,  cl  autres  éerils  qui  le 
eonccrncnl.  (VW. 

nernnrd  (S.).  Il  excite  Louis  V(l  contre 
les  Rémois,  au  sujet  îles  priviléi^es  ecclé- 
siastiques. 4^.  C'  qu'il  pensait  de  linslitu- 
tiiiii  des  communes,  Oiiil  -S.i  vie.  pir  Jean 
l'Iierinile,  2t>>  -  '2U.  Trois  livres  sur  ses 
miracles,  elr  par  lleilieil.  aldié  de  Mores, 
puis  arclievêiinc  de  Torie-,  '.;:){,  b.i.i. 

Iltim.nii.  évi'<iue  de  Nevers  Ses  lettres 
p    nid.  lit  I. 

/(frii'icie.iSainlj.eaidinal  éiêqne  de  l'a- 
leslrine.  Kécil  île  ses  uiuarles  par  un  cha- 
noine régulier  de  Saint -Ituf.  tiô7. 

Herirand  (le  Itienlieuienx)  ,  ohlié  de 
firand-ScIte  Sa  vie  par  un  religieux  ilu 
même  monastère  resiée  manuscrite.   6fKK 

ItutMo.vD.  prince  d'Anlioche.  Son  cou- 
rage, sa  délaile.  ■.a  captivilé,  51  et  32.  Sa 
Icilre  à  l,iiiiis  VII  eu  faveur  des  du éticns 
lie  Syrie,  ."i5. 

Vont  gif.  Tioulilcs  nrcasionués  par  la  uo- 
niinatioii  d  un  de  ^es  aiclie\êi|ues.  Voyez 
Iniiorenl  ll.la  Cli.iii  f. cl  /,'miii  I  //.Aliolilmui 
di'S  mauvaises  cintiinus  de  rrltc  ville. 
Voyez  Cn-il»mrt  Faveur  accordée  à  ceux 
qui  vicnilroiil  vendre  à  ses  marcliés.  72 

flniyi'iM.près  de  Compiégnc.  Lettres  de 
J-ouls  VII  en  laTCur  ilc  citlc  ville,  S(l. 


CiKiliout.  Olistarlrs  mu,  :i  Bout  gesi  l'ex- 
ercice des  droits  qu'elles  devaieul  effiir 
aux  créanciers  ;  l.ouisVII  les  fait  (esser.7!. 
Chiuir.  Uéflcxinns   de  Jean  de  Sorishéry 
contre  la  cliasse,  UXUl  lUI. 

CHBÉiiii.N.  iiiniiie,  alilié  de  llonneval  pi  es 
de  Cluriies.  Ses  sermons,  HUli.  <ill7. 

CUrenioii.  Asseinlilcc   tenue  dans    cette 
ville  sous  llcnii  II,  VI6.  Statuts  ou  consti- 


luiinns    qui  y  furent  proposés  el    ailupléc. 
f  7(1  et  siiv  .  îi:.'!.  darart'  le  de  ci' s  lois,iSi    - 
(,e  que  lilTIiiMiias  Ueckel  '.  ce  sujet. li>5  et 
48(.. 

Clàmfiu  (llobeit  et  Gillo).  ministres  d'é- 
tat sou^  .l'lulippe-Au{;uste.  217.  Rolicrt 
prenait  la  quaiilé  djiégcntdu  royaume. 
iliid.  Il  elierelie  ik  ré(  rimer  l'iiérésic.  2IS. 
De  liens  <lr  leurs  neveux,  puissants  aussi  à 
lar.iur  .le    Philippe  Auguste,  ilnl. 

Cleif/  Appui  que  le  rUrgé  d'Ansleleire 
prèle  au  1.11  Klienne.  Vains  efl.irts  de  ce 
i.u  pour  se  soustraire  ;':  sa  dépi'iidanee,  475 
et  (7i.  Droits  que  lui  assuraient  des  lois 
antérieures  à  Henri  II  471 .  Jurididiclion 
.lu  elcrgé;  jujîcment  i"es  lonteslalions  ou 
des  aeciisalious  roncei'ianl  des  eeelésiasti- 
qiies.  477  el  siiiv.  Iininuiiites  el  préroga- 
tives nelamées  par  ie  lieri^é.  ou  d..iil  il 
jouissait,  ihid  el  'ri-i.  L'isposition»  favora- 
bles di  roi  à  son  èj;ard,  apiés  I  as^a^slnat 
de  Th  .mas  Ue,  ket,  499. 

Commutirt.  Vojez  taoïi,  el  /ifim<. 

Cnn/isculiun.  D.'  I.i  eonliscalion  en  Au- 
gletene,  sous  le  rè^iic  de  Henri  II.  j29. 
Voirh,  p!J4l. 

C.oMiN.  ablié  de  Sainl-Vaimes.  Sa  lellrc 
à  Rerllie.  dueli  sse  de  Lorraine,  (il  4. 

Coii'iancp,  lillc  d'Ahin  III,  roiiile  de 
Itiela^nc.  Letlie  de  cette  plllu■es^e  .i  Louis 

VII,  /,:;. 

Cour»  i'»iinoMj. Diverses  exemptions  ([u'on 
en  a<-.  ordi-.  70.  72,  7r>  el  suiv 

Cm  infirinii.  \  ipii  on  donnait  ce  nom. 
(i  cl  1 1.").  Alla.iués  avec  foi.c  par  plusieurs 
écrivains,  cl  par  Jean  de  S.iiiîliéiy  en 
particulier,  ihid. 

Couriisaiixf  Kdit  de  Louis  VII  qui  les 
eoucerne,  8(i. 

Cu'iriixun!.  C'est  contre  eux  priiicipale- 
inenl  qu'est  iliii(;é  le  l'olieralique  de  Jean 
de  Sarisbéry,  9!<  cl  suiv. 

Coilumei.  (juentend-on  par  mauvaises 
eoulnmes?  71.  On  eu  aholil  plusieurs  â 
lloiii-es.  i'ml.  Vinez  B.m  (l!ai:l),  On.'iim», 
DurI  liiti-.  Mfiliva,  Tenu-  Droit  de).  Prix 
uns  I  ar  le  roi  à  leur  abolition  72. Coutumes 
acroidcesà  plusieurs  villes.  72,73  Aboli- 
tion lie  mauvaises  coiilumes  à  Orléans,  T."). 
Coulumisde  Loriis.  H  el.sui. 

Ctoimdei.  Les  voyages  el  les  guerre» 
(loni  elles  furent  l'cdijelou  l'elTel  sont  sou- 
vent rappelés  dans  <e  volume.  Voir  entre 
aulics  les  pages  51,  5'i.  KO  el  uiT  .  ICI  cl 
105.  532,  592 et  suiv. 


D. 


LJitnrijiU.  Impôt.  Voir  la  p.  'j'û. 

Il-nyï  t'Art'np'igilr.  De  quelqn''r'  ouvra- 
ges qu'on  lui  allribue,  191  el  IS'J  Sa  vie. 
par  .Micbel-le-.Synrelle  ;  iia.luile  eti  Ijiin, 
par  (lUiUauinc  de  Gap.  57(i. 


ET  DES  MATIERES. 


641 


Detiié  (Saint),  archevêque  de  Bourges. 
Sa  vie,  e-27. 

Deamoulins,  grand-maîlrc  de  l'ordre  deS 
Hospitaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem' 
Voyez  Roger. 

Domaine.  Charles  relaùvcs  .lu  domaine. 
du  prince  et  à  ses  droits   domnniaux,  ()9. 

Domilien  (Saint),  évêtiue  de  Miestricht, 
au  VI'  siècle,  deux  légendes  qui  le  concer- 
nent; t)28. 

Dreux  {  Robert,  oomle  de  )  ,  frère  de 
Louis  VII.  Il  quitte  l'Orient  où  il  était  avec 
le  roi,  en  mcnaçint  de  se  venger  de  lui.  'ji. 
Lettre  écrite  par  le  roi,  à  ce  sujet,  au  eomle 
de  Champagne,  ibidem.  Tentatives  du  com- 
te de  Dreux,  à  son  retour  en  Frince,  16/- 
dem.  Lettre  du  roi  i  Sugcr,  et  de  Suger  au 
roi,  ibidum.  Dévoiiment  du  comte  de  Dreux 
au  roi  d'Angleterre,  152. 

Droit  Romain.  Voyez  Piindeclei  et  Iteli- 
gieux.  Ouvrages  sur  ce  droit,  50.  Quand  on 
commença  de  l'enseigner  eu  Franco.  iZ  cl 
ii.  Observé  en  Languedoc,  vers  ll(i3,  (JO. 

Duel.  Louis  VII  défend  d'y  recourir  pour 
la  non-comparution  du  justicjahle,  71.  Il 
le  remplace  par  un  serment,  ibid.  Défendu 
à  Orléans,  dans  les  conleslalions  qui  ne 
s'élèveront  pas  au-dessus  de  cinq  sous,  73. 

Dun-le-Hoi,  en  Bcrry.  Lettres  de  Louis 
VU  en  faveur  de  cette  ville,  79. 


E. 


T^cclé$ia$tiq<'es.  Désordres  que  Jean  de 
Sarisbéry  leur  reproche,  127,  128. 

Echiquier,  tribunal.  D'où  cette  dénomi- 
nation est  venue,  HO.  Voir  aussi,  sur  sa 
composition  el  sur  son  objet,  la  p.  54!>. 

Eiotei,  Voyez  Angers,  pmfegsenrt, 

Edoiiiird-le-Simple,  ou  le  Confesseur,  roi 
d'Angleterre.  Lois  qu'on  lui  attribue,  ^70, 
471. 

Eglitet.  Divers  actes  de  Louis  VII  sur 
leur  juridiction,  70.Conccssiondc  plusieurs 
privilèges,  ou  immunités,  08  et  suiv.  80, 
81.  Voyez  Monusièrei. 

Eleciiont.  Lettres  de  Louis  VU  sur  les 
élections  ecclésiastiques,  C9.  Discussions 
dont  elles  furent  la  cause  en  Angleterre, 
471,477. 

Etéonore  d'Aquitaine.  Louis  VII  la  repu- 
dic;sur  quel  prétexte,  cl  par  quels  conseils, 
44.  Maux  que  celte  répudiation  fit  à  la 
France,  38.  Elle  épouse  Henri  II,  duc  de 
Normandie,  etdcpuisroid'Anglelerre,  464. 
Cequece  mariage  ru  perdreà  la  France,  ibid. 

Li,iide6ar;a/i,poèleprovciiçal.  Différen- 
tes opinions  sur  sa  naissance  d'ans  le  Mss.  de 
la  Bibl.  Vatic.  et  dans  l'Histoire  de  Proven- 
ce, par  Nostradamus  Son  long  attachement 
pour  Oarsende,  fgmme  du  prince  de  Mar- 
seille, Raioier  de  Claustre.  Il  lui  dédie  tou- 
tes ses  chansons.  Meurt  en    1 180.  38—41, 

Tome  XIV 


Emmanuel  l"  Comnîne.  Sa  conduite  en- 
vers Louis  VII,  à  l'orcasion  du  voyage  de 
ce  roi  à  la  Terre-Sainlc,  ^2.  Lettre  que  le 
roi  lui  écrit,  plusieurs  années  après  son 
retour  en  France,  07. 

EniwHiiii,  évèque  de  Pavie;  jugement 
d'Arnoul  de  Lisieux  sur  ses  ouvragBs,  ôlS. 

Kpistolaires,  610- C29.  Voyez  Formula 
ipistatiiirc». 

Ermengaidc,  vicomtesse  de  Narbonne. 
Refus  de  reconnaître  sa  juridiction,  \  cause 
de  son  sexe:  Louis  VII  ordonne  de  le  faire, 
(iO.  Elle  Si-  justifie  du  reproche  que  ce  roi 
lui  faisaild'rlrc  favorable  à  ses  ennemis, i6i(i. 

Ervise,  ou  Ernise,  ou  Ernesl,  abbé  de 
Saint-Victor  à  Paris;  ses  lettres,  611. 
Eiampes.  Abolition  d'une  coutume  bizarre 
à  Etampcs.  73.  Autres  lettres  en  faveur  de 
celle  ville,  78.  Autres  en  faveur  de  son 
hôpital  des  lépreux,  tbid.  Autres  lettres 
encore  de  Louis  VII,  en  faveur  de  la  ville 
d'Étam[)es,  82  et  suiv. 

Eiieiine,  roi  d'Angleterre.  Sa  conduite 
envers  Henri  H,  464  et  465.  Il  le  reconnaît 
pour  son  successenr,  46S.  Traité  fait  entre 
les  deux  princes,  iftiJ.  Malheurs  de  l'Angle- 
teire  sous  le  règne  d'Etienne,  466.Samort, 
467.  Usage  qu'il  avaitfaitdestroupesétran- 
gères;  vexations  qu'il  leur  avait  permises, 
409.  Il  établit  en  Angleterre  l'enseignement 
du  droit  romain,  27. 

ETIHM^E  de  Bniiqv,  évoque  de  Mâcon.  Sa 
lettre  à  Louis  Vil,  618,  619. 

Etienne  de  Fougères,  évèque  de  Rennes, 
fuit  des  vers  profanes,  écrit  des  vies  de 
saints,  10,  11. 

Etienne  de  Tournny,  religieux,  et  ensuite 
abbé  deSaint-EuverIc  d'Orléans,  229.  Sa 
lettre  à  Pierre  deSaint-Chrysogone,  pour  le 
félicilersursa  promotion  au  cardinalat,  231 . 

Eliemie  (Saint),  abbé  dObasine,  en  Li- 
mosin.  Sa  vie  en  trois  livres,  par  un  moine 
d  Obasine,  634-6.57. 

Eiriuigert.  Collèges  qu'on  fonde  pour 
eux  ii  Paris,  42. 

£m(yian«  Leur  nombre  dans  le  XII°  siècle; 
disposition  des  lois  en  leur  faveur,  43. 

Ei)ST*ciiE,  religieux  du  mont  Saint-Eloi, 
près  d'Arras.  Ses  questions  sur  le  livre  des 
Sentences,  008. 

Evi'ques.  Fasteeldésordresdonl  Louis  Vil 
les  accuscdans  une  lettre  au  pape,  62ct63. 

EvERLiN  de  Faux,  abbé  de  Saint-Laurent 
de  Liège.  Auteur  de  l'épitaphe  en  six  ver» 
élégiaques,  d'un  évêqiic  de  Liège,  mort  en 
1036.  C'est  tout  ce  qu'on  sait  de  sa  vie  cl 
de  ses  écrits,  500. 


F. 


F 


emmtt.Loisquileui'dérendaienlde  ren- 
dre la  justice,  60.  En  conséquence  de  cm 

M  m  m  m 


()4? 


TAm.E  DES  AITF.ri'.s 


Inis,  les  liahilans  ilo  la  proviiiop  de  Nar-  j 
lionne  leftisenl  'le  se  sniniieUîT  nii\  jti^e- 
nieiis  lendiK  |iar  leur  ^niiM-rnliie,  i''i(i. 
Ordre  envdjé  par  Louis  VU.  ^l'i^l.  Voyez 
ioiii»  17/  et  liituenfiurde:  les  lemnics 
nvoienl  excrciî  ec  droit  aiipaiavnnl.  (iO. 

l'rodnli'r.  De  la  Kodalilé  en  Ani;lelerre, 
«vanl  cl  pendant  le  règne  de  llrnii  11. 
t>34  et  suiv. 

t'inoe  iSainI).  Sa  \ le  et  pièces  acces- 
soires, f)33,  634. 

flBilnir.  Knirrsipii.  cl  par  quel  motif 
Jean  de  S:irisliéry  la  eioit  iieinii-e.  1(12 

fin  mule  du  liaplènie,  allérée,  (!'2'i-,  (i2^>. 

Fiiriutilrs  riùtlnluit  et\i\a  fin  dn  XII' siècle 
357— ÔSI.  Traité  du  penre  épislolaire.  par 
un  anonyme,  iliid  ;  par  Trasniiond.  39n. 

l'imiihitlili  (SainI).  on  Kraniliour!».  moine 
du  VI'  siècle;  sa  légende  anonyme,  (i:^!). 

l-'tfji'iic  (le  hienlieureny],  évêciue  de 
LKge.Sa  vie,  allnhuée  à  Reiucr,  -424,  ^'2\). 

FrnnxjiiJ,  chanoine  d'Anxerre.  auteur, 
à  ce  qu'on  croit,  de  la  vie  de  Guillaume 
de  Toucy.  parmi  les  Gestes  des  c^vèqucs 
d'Auxcrre,  i\i, 

FLLiniFB  (fironioi),  ou  Fouclicr.  pioeu- 
rcur  lie  lonlie  des  Tem|p|iers  à  .Iciusaicm. 
Il  ne  fui  pas  ^rand  niailre  de  cet  ordre, 
ronime  on  l'a  supposé,  30  et  31.  l.ellies 
qu'il  adresse  ii  l.ouiç  VII,  concernant  la 
Terre-Sainte  et  les  croisades,  ril  et  Ti'i. 
Lettre  au  pape,  eu  faveur  du  chapitre  de 
Noyon.  .'13  II  fait  partie  il'nne  anihassade 
en  ti;)  pte,  l'.ir/.  Iiieeitilude  sur  Icpoque 
lie  sa  mort,  thiJ. 

G. 

(jaM  é  de  llail-eau    Ses  lellres.  (!i;i. 

(ÎAiiiN  ilApcliii-r.  piièle  pri.xrned  On  lui 
alliiliiie  riinrnlinn  d'une  lonne  de  poésie, 
appelée  <lr<njiil  on  ilesimt:  ce  que  céltiil. 
!ifi-. 

(;»iiri.iN  lie  .lfo)i';ifi/i(,tir,é\éi|UC  de  Ln- 
dève.  depuis  llCdjiisquS  M,H7  Aiédi^é  la 
ici  it ion  de  la  roui  inverse  qui  eut  lieu,  l'an 

I  lli'i.  au  eonrilf  de  I  omlieK,  m  AllM^elil^. 
avec  le^  hérétiques  ilii  Languedoc,  3!l!»  1  I  s. 

('.n,,!,.,-  ,lr  M,„i..,,nr,  pHdes-curdii  Ml- 
■  iérle.  et  un  des  ni;iities  de  .lean  de  Saris- 
\n\\.  !)l. 

«ivi  rim.  prieur  (  et  non  alilié  )  de  S.iiiil- 
Viclor.  :iiîl.  ri:,0  U^l-il  auteur  d'un  dia- 
lo^iii-  siii  lame  île  J.  C?  d'une  vie  de  sainle 

II  1  Illégal  de:'  ;..'ill  ,S.iii  liaili'  e.inlie  l'ierie 
Lninlwid  l'ierie  de  l'oilieis.  Ahélaidel 
(iill.eilde  la  l'„iée  [dits  les  (inatic  lai  v- 
liuihes).  !>!)()     îiHô. 

.  (IrflFBOi  i.'.\ixniiiK,  disciple  d'Aliélaid. 
Icpoque  lie  son  eiitiée  .1  Clairvaux.  i3l. 
Heveiiii  principal  seeiélaiie  de  saiiil  l!ci- 
Uaiil.  il  r,n,eoiiipagnc  dans  ses  dilféiens 
Voyages,  i3i.  L'an  I  Ifi2.  il  fut  ponivudc 
l'aliliiyc  (IcCInirvaox,  à  laquelle  il  renonça 


trois  ou  qnntie  ans  apiès.  43".  L'an  117(1. 
il  fui  cm  oxéenqiiaiiléiraldié  àFosse-Ncu- 
ve.  dans  lacaiii(iaKne  de  Itomc.  et  eu  117((, 
à  llanle-Conilie.  dans  le  diocèse  de  Genève, 
i^'i.  Il  était  encore  vivant  l'an  1I8S,  mais 
(111  isiioie  l'année  de  sa  mort,  ihid.  Ses 
écrits;  compilation  des  lettres  de  saint 
Hernard,  33^) pour  iTt'.i.  Uclation  du  voyage 
du  saint  alilié  à  Toulouse,  ilud.  lîdalioii 
des  miracles  du  même  eu  Allemagne  et  en 
l'rani  e.  qui  forme  le  sixième  livre  de  la 
\  ie  du  saint.  33fi  -  338  pour  {3(i.  etc.  Let- 
tre à  llenii,  cardinal,  évêiiuc  d'Alliano, 
contenant  la  lelalion  de  ce  qiiis'ctail  passé, 
l'an  1 1  {S,  au  concile  de  Reims,  contre  Gil- 
heit  de  11  l'orrée,  33!)  pour  r>!).  Traité 
théologiqne  eonlie  les  erreurs  de  Gilliert, 
410  cl -iiiv.  Vie  de  saint  Bernard,  ii'i  et 
suiv.  l'anégyricpic  à  l'honneur  de  saint 
liernaid,  iii.  l'Iusieurs  petilsdiscours  sous 
le  titre  de  déclainatious.  <  (<et  suiv.  Vie  de 
>aiiit  l'iiire,arclie\êi|ue  ileTnrenl'ii*e.  {{(!. 
I  (lire  à  Henri,  caidiiinl.  évéque  d'Ail. aiio, 
sur  la  iiursiiou.  si  dins  le  sacrifice  de  la 
messe  l'eau  est  elian^ée  en  vin,  avant  d'être 
changée  au  corps  du  Seigneur,  i'  iil.  .Ses 
sermons,  i'nil.  F.xplii  ation  de  l'Oraison  !>o- 
miuicale.  157.  (Commentaires  -ur  le  Can- 
tique des  ('antiques  et  sur  l' Apocalypse,  l'/iri. 
Traité  coiilre  les  erreurs  d'Ahélard,  ilS  cl 
suiv.  Ses  li'iires,  li!(.  Traité  sur  les  mvs- 
lères  des  uiiniliies,  et  autres  éeiils.  4.iO 
cl  suiv. 


(înM  uni  iiE  l'iRONXF..  priciir  de  Clairvaux. 
l.p(M|iie  de  son  entrée  eu  rclmion.  t2(>.  Il 
refiiH-  lévèihé  de  Tournai.  {27.  I'euta\nir 
clé  ildié  dlgiii  pendant  quatre  ans,  ^{28. 
Son  Commenlaiie  sur  le  (lanliqne  des 
('antiques,  l'ontiiiué  ou  interpolé  par  Geo- 
fi..i  d'AiiMiie.  dans  le  temps  qu'il  élail 
al. hé  de  Iliiute-Comlie.  {211  l'ci  ils  (pi'on 
peut  lui  atliil.ner  sur  ces  mots  de  llvclé- 
siasie  Vi  iiiciid,  (  >c,i(oM»(ni,  cl  sur  1  Orai- 
■.(III  linminicale,  430. 


(Iromoi  llri. tu,  poi'te  pro\en(al.  le  plus 
ancien  tii.uhadour  dont  la  ménioire  nous 
soit  paMciiiie.  >éinli:iS,  -ii-ncurdu 
cliliiiu  lie  lllaye  pi  es  lloideaiix,  il  élail  de 
la  maison  d' Vugoiiléinc,  mais  sans  fi.i  lune, 
cl  oliligé  lie  s'allaclier  dans  sa  jeunesse  i 
(iuillaumc  d'.Vgoul.  seigneur  du  Saull,  qui 
élail  aussi  foi  l  liun  poète,  et  qui  le  défraya 
de  tout  pendant  pliisicuis  .Minées,  l'assinn 
suliiie  II  liizaire  qu'il  comcil  sur  de  sim- 
pl  s  1  l'cils  de  croises  re\  ciiaiil  de  Jéi  nsalcni, 
il  qui  lui  (lépeigiienl  eoniiue  la  mei  veille 
.h  s  iiierveillcs  IicouiIcsm'  de  Tripoli.  Il 
pail  pour  la  'i'erre  Sainte,  dans  riiniquc 
dessi'iii  de  la  \oir,  et  meui  t  en  dcharquaut 
en  .^Mie  11  ne  priil  .|ni'  lui  faire  parvenir 
un  rei  mil  des  eliaiiMUis  ipiil  avait  f.iitcs 
pour  elle  en  Fiance,  'iîi'.)  — "iliS. 


(iLoiix.i,    prieur   de  l'ahhayc   du  Vigcois 


K'î'  DKS  MATIERES. 


643 


Sa  famille.  357.  .Sa  pinfcssinn  relii^iciisc  à 
Saiiil-M.iitial  (le  Limoges. 538  Ces^e  il'i'ci  i- 
re,  l'an  I  I8i,  idiii.SaCiironique,  330—345. 
Anecdotes  sur  les  pimligalilés  îles  nolilen  île 
son  temps,  3V0  — 3i"2  Sur  les  modes  et  les 
niipurs  du  peuple  à  la  même  cpoipic.StS  cl 
.■•uiv.Son  travaO  surune  traduction  frarn  aise 
(lu  roman  dcCtiarleinagiicetdcRolland.3iS. 
Iiviit  sur  les  miracles  de  saint  Pardon,  âtti. 
Ge>lfioi  (le  bienlieuicux),  alilié  de  Sa- 
vigny.  Sa  U'geiidc  manuscrite,  033. 

Gi.i\AnD,  (iirald  ou  Géiauld,  éM'{|ui' 
(l'Alliy,  piiMde  le  concile  de  I.omlieis 
contre  les  Alhigeois,  (509. 

fii':ii»ni>.  ou  Girard,  alilK*  de  Clairvnux, 
Salettreà  l'c'vique  dcTliéioueiine,tiH,Olii. 

Ciiyza  II.  nn  de  Hongrie,  57. 

Gitbnl  délit  Poiée.  Sa  r(ïputalion  connue 
professeur,  U2,  !)5.  Son  (élévation  à  Icpis 
copat,  93. 

Gilles,  évcque  d'Évicux.  lUait  neveu  de 
Hugues  d'Amiens,  mais  non  de  la  ramille 
des  comtes  du  Peu  lie,  lï<.  Pourvu  par  sou 
oncle,  dés  l'an  1I4">,  d'un  an  liidiaconé 
dans  l'église  de  Uoiien,  il  lui  lait  évêiiuc 
(riivrcnx  l'an  1170,  ibid.  1/ari  1171,  il  lait 
le  voyage  de  Itome  pour  jiistilier -on  sou- 
verain lleurill,  du  luenitre  de  saint  Tho- 
mas de  Oantorbëry,  et  réussit  à  le  léeon- 
(■ilicr  soit  avec  Kome,  soit  avec  le  roi  de 
France,  19.  Il  se  rendit,  seul  de  sa  provin- 
ce, au  concile  de  Lalraii  de  l'an  1 17!),  et  il 
mourut  la  même  aimée,  à  sou  retcnr,  ibid. 
Sa  lettre  au  pape  Alexandre  III,  peu  favo- 
ralile  à  rarclicvêi|ue  Thomas,  dont  il  n'ap- 
prouve pas  les  lessentimcns,  et  pour  dé- 
tromper lepapc  sur  les  rapporis  mensongers 
(]u'oii  lui  avait  faits  de  ce  qui  s'était  passé 
au  eouronneiiienl  du  jeune  roi  Henri,  I!), 
20.  Autre  lellreau  iiiènie  pape,  relative  au 
procès  qui  s'était  lenouvele  de  sou  temps 
cnticrarchevêqueileCaulorhéry  (  t  l'abliéde 
Sainl-Angu-tin.  au  sujet  i!e  la  proris>ion 
canonique  d'obéissance  dont  cet  abhé  se 
piétcniiait  exempt  [lai    privilège,  20  et  21. 

Girard,  la  pueelle,  professeur  céli'brc  du 
.\ H' siècle.  Sa  pallie.  301.  Des  sciences 
ipi'il  cultiva  et  (pi'il  enseigna.  301  et  303. 
Prévention  que  sa  eonduitc  fait  naître  sur 
son  orthodoxie,  ibid.  Il  consnllc  Ji^aii  de 
Sarisbéiy  ;  réponse  qu'il  eu  lecoit.  \ii. 
Autres  lettres  qui  i  e  ileriiier  lui  éii  il  sur  le 
nicnie  sujet,  145.  Uéelaiatioii  qu'on  exige 
dcGiiard,  301,  502.  Il  avait  Thomas  li.ekel 
pour  prolecteur,  302.  Il  lelioine  le  iiièiiie 
appui  dans  son  successeur,  qui  le  eliaige 
d'une  réclainalioii  aili'cssée  au  pafic  eonlie 
l'abbé  de  Caiiloihcry, 305.  Sa  iiiiininaliun  '.i 
uu  évèché,  ihitl.  Si  mort,  ibid.  1)  une  de 
ses  lettres  à  Thomas  Itecket,  503,  504.  Il 
obtient  du  papequc  les  professeurs  jouiront 
du  revenu  de  leurs  béiiéliees,  quoiqu  ilsiie 
résident  pas,  voyez  Uùno/iccs. 


Gisorf.  Détails  donnés  par  Jean  deSaris- 
liéry,  dans  ses  leltres,  sur  la  conférence 
tcnueàGisors.  en  1167,  cl  ensuite  à  Argen- 
tan, à  l'occasion  des  démêlés  de  Henri  II 
avec  rarchcvêque  dcCantorbéiy,l4Gcll47. 

Gtie  (droit  de)  Aboliliou  de  ce  droit 
pour  la  ville  du  Bourges,  71. 

Glawille  (lianulfe  de),  grand  justicier 
irAiigleterre  Sa  patrie  et  sa  famille,  iiiS. 
Sou  Traité  des  loisetcouluincs  d'Angleter- 
re, "ifO.  Analyse  de  cet  ouviage,  t)i7  cl 
5t!S.  Autrcouviage  qu'on  lui  attribue,  iiiS. 
Ses  talensaussi  comme  guerrier,  341).  Mis- 
sions d.iiit  il  fut  chargé,  ;i48  el  5l!l.  De 
quelques-unes  de  ses  lettres  Si'.t.  Sa  moil, 
E){8  Erreur  commise  à  l'égard  du  temps 
où  il  léciil,  !>4'.).  Voyez  Jusiiciets. 

Gnc;/  iif»  Piétcptcs  et  conseils  que  leur 
donne  Jean  Sarisbéiy,  104. 

Gui  III,  évcquc  de  Ch'ilons-sur-Manie, 
.1  distinguer  de  Gui  II.— Ses  quatre  Icltrci 
à  Louis-le-Jeuue,  020. 

Gui  d' Eiumpet,  évcque  du  Mans,  célèbre 
professeur  avant  son  cpiscopat,  412. 

GmeiiARD,  abbé  de  Pontigni,  puis  anlie- 
vèq.ie  de  Lyon  Suceéd.i,  a  Pontigny,  l'an 
1 15(),  Ji  Hugues  de  Mac. in.  (I.miiu  évoque 
d  .\uxerii',  170.  Étant  encore  dans  ce  pos- 
te, il  donna  l'an  Util,  l'hospitalité  à  Tho- 
mas lleckel,  archevêque  de  Canlorbéry,  el 
à  ses  com|iagiiuiis  (l'exil,  i'<m(.  L'an  lliiu, 
noiniiié  à  1  aiilievêché  de  l.yon.  Il  reiul  la 
coiiséei  ation  des  inaiiis  du  Pape  Aluxau- 
die  III,  ibid.  1/au  1171,  il  est  levètu  des 
pouvoirs  de  légat,  180.  Il  Iraiisige,  l'an 
1175,  avec  le  comte  de  Forés,  pour  la  pari 
des  ili  (lits  seigneuriaux  ([ue  celui-ci  exer- 
çait dans  Lyon.  ibid.  Sa  mort  vers  1 180  ; 
.ses  écrits,  181.  Ses  leltres.  182.  Des  statuts 
pour  régler  l'ordre  des  oflices  divins  dans 
l'i'glisc  de  Lyon,  ihtd. 

GciLLicMii  Adliéinur,  poêle  provençal, 
brave  soldai,  el  bon  poète.  Aniaiil  d'une 
comtesse  de  llie,  qui  ressemble  de  nom  à 
une  autre  qu'aima  Uamband  d  Orange,  et 
(|ul  eut,  comme  clic,  le  talent  de  la  puésicj 
Il  en  était  SI  passiounémcnl  amoureux, 
(|u'ayaiit  appris  qu'un  parlait  de  sou  ma- 
riage avec  un  autre,il  en  mourut, !)U7-Stj!l. 

GUILLAU.MS  d' Agonit,  poêle  provençal.  Se 
luonlra  toujours  attaché  à  la  pureté  des  an- 
ciennes micui's  et  des  anciennes  amours. 
La  (biiiie  de  ses  pensées,  et  l'objet  de  se, 
chansons  lut  Juiisserande  de  Liiiiel.  lien 
dédiale  recueil  ii  Alpliouse  1  ',i  uid'Aragou, 
doiuilétait  premier  geiitiUiumme  Uori  vers 
I  l8t.INostiadaiiius,  rbistorieudeProvcnce, 
recule  sa  moi  t  jusqu'en  llilO,  20!>,  210. 

Guillaume,  uhbv  d'Auheiivi\  Écrit  sur 
Icsprupriéles  clsignillcations  invstérieuses 
des  nombres,  200  -  20îi. 

Guillaume  de  Ca'iesliing,  poêle  provcii- 
(;al.  Dans  sa  jeunesse,   page  ou  varlet  de 

M  m  min  2 


644 


TABLE  DES  AUTEURS 


Raimond,  seigneur  de  Caslel-Koussiilon, 
210,  211.  Ensuite  écuycrde  madame  Mar- 
guerite, femme  de  Raimond,  est  bientôt 
amoureut  et  aimé  d'elle.  Raimond  averti 
de  leur  intelligence  ;  vengeance  i|a'il  en 
tire.  Trait  à  jamais  exécrable  du  cœur  de 
Guillaume  qu'il  fait  mangera  Slargucrile. 
C'est  le  même  qui  est  rapporté,  à  la  même 
époque,  sur  Raoul  de  Couci  et  Gabrielle  de 
Vcrgy.  L'auteur  de  la  vie  romanesque  de 
Cabestaing  y  aura  ajouté  cette  fiction  de 
plus.  Impossibilité  que  le  mcme  trait  se  soit 
répété  deux  fois,  même  dans  ces  siècles 
barbares,  210-21.4. 

Guillaume  de  Conihe$,{in  des  professeurs 
célèbres  du  XII'  siècle,  et  des  maîtres  de 
Jean  de  Sarisbéry,  31 . 

Guillaume,  lils  naturel  d'Utiennc,  roi 
d'Angleterre,  Mi. 

GuiLHUME  de  Gnp,  médecin,  abbé  de 
Saint-Denis.  Abdique  en  ll86;a  traduit  du 
grec  en  latin  l'éloge  de  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite.  par  Micbcl  le  Symelle,  et  une  vie 
du  philosophe  Sccundus,  374  —  376. 

GoiLLtcMi,  moine  et  bibliolhécaiie  de 
l'abbaye  de  Marmoutieis,  (iUD. 

Guillaume  de  S'ui bonne,  ou  de  Toucy .  .Sa 
lettre  à  Alexandre  III, pour  Thomas  Occket, 
616. 

GuiLLtUME  Pattnvant,tvè<\WR  du  Mans. Ses 
chartes,  ses  vers  et  ses  épîtres,  619,  62U 

Guillaume  de  Soiisoni.  Invention  qu'on 
lui  attribuait,  !)2.  Jelo  de  Sarisbéry  vient 
étudier  sous  lui  ;  détrompé  bientôt,  il  l'a- 
bandonne, iljid. 

Guillaume  TemiUiers,  ou  Tempeii.  abbé 
de  Reading.  puis  archevêque  de  Bordeaux. 
Ses  Charles,  609,610. 

Guillaume  de  Ti/r.  Sa  patrie,  587,  588. 
Gouverneur  du  lils  du  roi  de  Jérusalem, 
889.  Archevêque  de  Tyr.  ihid.  Époque  et 
cau.sedesa  mort,  S90,  591.  Son  Histoire 
d'Orient  depuis  la  première  croisade;  di- 
verses éditions  de  cet  ouvrage,  592  elsuiv. 
Autres  ouvrages  de  Guillaume  de  Tyr,  59S, 
596.  (C  est  par  erreur  qu'on  a  suppo.é.  p. 
B91,vers  la  fin,  que  les  deux  lettres  d'Ale- 
xandre III  étaient  adressées  à  Guillaume  ; 
elles  le  sont  à  un  autre  archevêque  de  Tyr, 
nommé  Frédéi  ic.) 

H. 

HACKBT,   abbé  des  Dunes.  Ses   chartes  et 
ses  sermons,  353 
Uétie  (Pierre),     professeur     célèbre   du 
XII'  siècle,  un  des  maîtres  de  Jean  de  Sa- 
risbéry, 91 . 

HiRtT  II,  roi  d'Angleterre.  Lieu  et  épo- 


que de  sa  naissance,  463.  Rois  dont  il  des- 
cendait, il/id.  Son  enfance,  son  éducation, 
iliid.  Devientduc  de  Normandie,  4-64.  Élo- 
ges donnés  à  sa  première  jeunesse  ,  ibid.  Il 
épouse  Éléonore  d'Aquitaine. Voir£Woiiore. 
Il  est  adopté  par  le  roi  Etienne,  405.  Accord 
fait  entre  ces  deux  princes, liid.  Conspira- 
tion tentée  contre  Henri,  ibiii.  Les  Anglais 
étaient  cependant  impatiens  de  le  voir  ré- 
gner, 468  et  466  Sa  mort,  407.  Oi  il  mou- 
rut;inscriplion  mise  sur  son  tombeau, 468. 
Du  testamentdc  Henri  11,469. De  quelques 
lois  et  institutions  qu'il  fit  dans  les  pre- 
mières années  de  son  règne,  469,  et  suiv. 
Actes  et  lettres  de  ce  prince  sur  les  matières 
ecclésiastiques  en  général,  cl  sur  Thomas 
Becket,  en  particulier.  473  et  suiv.  Voyez 
Alextndre,  Becket,  et  Clurendon.  Actes  et 
lettres  concernant  Thomas  Becketel  la  cour 
de  Rome,  depuis  les  constitutions  de  Cla- 
rcndon  jusqu  à  la  mort  de  ce  prélat,  485  et 
suiv. Voyez  fltcAef. Actes  et  lettre?  relatifs 
aux  conquêtes  de  Henri  II,  cl  à  l'accroisse- 
ment de  ses  étals,  5U6  cl  suiv.  Actes  et 
lettres  concernant  la  rébellion  des  cnfans 
de  Henri  II  envers  lui,  512  el  suiv.  Actes  et 
lettres  sur  divers  objets,  516  el  suiv.  Actes 
concernant  l'administration  de  la  justice, 
la  police,  cl  l'administration  intérieure,  la 
législation  civile  et  criminelle,  521  et  suiv. 
Lois  concernant  les  revenus  pubb'-s  el  la 
féodalité.  533  et  suiv.  Le  roi  de  Castillect 
le  roi  de  .Navarre  s'en  rapportent  à  son  ju- 
gem,dans  les  diflérends  élevés  entre  eux, 
520  et  521.  Il  rend  hommage  à  Louis  Vil, 
comme  i  son  suzerain.  Louis  VII  lui  rend 
les  fiefs  confisqués,  152.  Jugement  à  porter 
sur  Henri  II;ce  qu'en  disent  plusieurs  écri- 
vains 541  et  suiv.  Son  amour  pour  les  let- 
tres; proteclinn  qu'il  leur  BCCorde,542-544 
cl  suiv.  Voir  aussi  sur  ce  prince,  aux  mois 
Aleximiie,  Becket,  Ctarendon,  C/crçi', 
Etienne,  h  lande.  Loi;  Jean  de  Sjriibéry, 
Terre- Sainte. 

Henri,  abbé  de  Haute-Combe,  puis  de 
Clairvaux, enfin  cardinal-évcque  d'Albano. 
Sa  n:iissaiice,  452  Abbé  de  Ilaute-Cocnbe, 
l'an  1160,  il  est  transféré  à  l'abb.  de  Clair- 
vaux. l'an  1 176, i&iii.  L'an  1  t78|ilse  joint  oux 
missionnaires  envoyés  à  Toulouse,  pour 
combattre  cl  dissiper  les  erreurs  des  Albi- 
geois, 453.  Il  se  rend  &  Castres  pour  déli- 
vrer l'évèque  d'AIbi,  que  le  vicomte  Roger 
retenait  en  prison.  454  II  refuse  l'évêclié 
de  Toulouse,  ibid.  Il  assiste,  l'an  1179,  au 
concile  de  Latran,  est  créé  cardinal-évêqne 
d'Albano.  el  nommé  légat  en  France.  455. 
L'an  1181,  il  fait,  a  la  tête  des  croisés,  le 
siège  de  Lavaur  contre  le  vicomte  Roger. 
ibiJ.  Conciles  qu'il  célébra,  cette  année, 
dans  plusieurs  villes,  iii(i.  L'an  1182,  après 
avoir  cimenté  la  paix  entre  le  roi  de  Erance 
el  le  comte  de  Flandre,  il  fait  la  dédicace 
de  la  cathédrale  de  l'aris,  456.  Retourné  à 
Rome,  il  assista  aux  obsèques  des  papes 
Lucius  el  Uibain  ;  se  voyant  désigné  pour 
succéder  au  dernier,  il  préfère  d'aller, 
comme  auparavant,   prêcher  la  croisade. 


ET  DES  MATIÈRES. 


645 


ibid.  Arrivé  en  Allemagne,  l'an  1187,  il  a 
sur  rel  objet  une  conférence  avec  l'empc- 
rcurFiédéric,  puis  avec  les  rois  de  Fiance 
et  û'Anglclcrrc,  i57.  De  rclour  en  Alle- 
magne, l'an  1188,  il  assiste  à  la  diète  de 
Waycncc,  où  l'empereur  prit  la  croix  avec 
Is  noblesse  de  l'empire,  ibid.  La  même 
année,  il  travaille  à  la  réconcili;ition  des 
rois  de  France  et  d'Angleterre,  et  meurt  à 
Arras,  au  l"  janvier  de  l'année  suivante, 
ibid.  Ses  lettres,  4!I8—  460.  Son  traité  De 
Peregrinanle  Civilate  Oei,  ^^âO  —  462. 

fianrt,archidiacre  d'Hunlington;  sa  lettre 
4  Warij,surlespremiersrois  de  la  Grande- 
Bretagne,  367. 

ïltKK\-te-Libéral,  comte  de  Champagne. 
Son  application  it  l'étude,  et  la  protection 
qu'il  accordait  aux  gens-de-leltres,  205  et 
suiv.  Éloges  et  pièces  de  vcrsgravés  sursoa 
tombeau,  206  et  suiv.  Ses  lettres  ou  actes 
législatifs pourses  états,  208.  Questionslit- 
téraires  et  philosophiques^  qu'il  propose  à 
Jean  de  Sarisbéry;  lettre  de  Jean  de  Saris- 
béry,  en  réponse  aux  demandes  du  prince, 
142-208. 

Benri,  fils  de  Thibaut  IV,  comte  de 
Champagne,  Éloges  que  Louis  Vil  lui 
donne,  S4. 

Ubnri,  évcque  de  Lubec.  Soutient  une 
dispute  sur  la  procession  du  Saint-Esprit  ; 
auteur  d'une  homélie,  etc.,  608,  609. 

Béraclius,  patriarche  de  Jérusalem.  Inso- 
lent discours  qu'il  adresse  au  roi  Ucuri  II, 
804. 

IIekbirt,  ou  llcribert,  né  en  Espagne, 
abbédeMores,  au  diocèse  de Langres,  écrit 
trois  livres  sur  les  Miracles  de  saint  Bernard, 
devientarchevêquedeTorres  enSanlaignc; 
n'est  pas  l'auteur  d'une  épître  polémique 
contre  les  hérétiques  de  Périgord,  BSi, 
8S5. 

Bérésie.  Lettre  de  l'archevêque  de  Nar- 
bonne  au  roi.sursesprogrèsen  Languedoc, 
61 ,62. Mort  de  ses  plus  ardents  promoteurs, 
6t.  Albigeois,i6iii.  Autres  hérétiques, voyez 
Popficaini. Lettre  de  Louis  VII au  pape,  sur 
les  progrès  de  l'hérésie,  61,  62.  Mesures 
législatives  pour  la  réprimer,  85.  Punitions 
infligées  par  Pierre  de  Saint-Chrysogone, 
légat  dusaint-siége,  à  un  seigneur  langue- 
docien, qui  était  venu  abjurer  ses  erreurs, 
232,  233.  Lettre  de  ce  prélat  contre  l'hé- 
résie des  Albigeois,  234. 

Béric,  moine  de  Saint-Germain  à 
Auxerre.  Premier  compilateur  des  gestes 
des  évêques  de  celte  ville,  414. 

HiHBERT,  ou  Humbert:  auteur  d'une 
relation  des  miracles  d'un  novice  Castillan, 
607,  609. 

Hugues  ie  Afon(;eaux,abbéde  Saint-Ger- 
main des  Prés.  Ses  deux  lettres  &  Louis  VII, 
618,  616. 

HoeoES  (i«  Murdijiie,   prieur   de  Saint - 

<  3 


Martin  de  Seez.  Son  épître  à  Geoffroy, 
abbé  de  Sainte-Barbe,  618. 

ifujuosde  Nonaiil,  neveu  d'Ariioul,  évê- 
que  de  Lizieux.  Lettre  de  son  oncle,  écrite 
contre  lui  au  roi  d'Angleterre,  330. 

Hugues,  moine  à  Salvanez,  au  diocèse 
de  Vabres.  Ses  lettres  à  Gaucelin,  évêque 
de  Lodève,  400  et  suiv.Auteur  de  l'Histoire 
de  la  conversion  de  Pons  de  Lavazio,  fon- 
dateur de  son  monastère,  401. 

Humanité  de  J.  C.  Objet  de  controverse 
entre  lesthéologiens,196-199,et 882,883. 

I. 

Jndiclion.  Explication  singulière  de  l'ori- 
■'■gine  de  ce  cycle,  380. 

Innacint  11.  Sa  lettre  contre  Louis-Ie- 
Jeune,  au  sujet  de  l'élection  de  Pierre  delà 
Châtre  à  l'archevêché  de  Bourges,  80.  Il 
met  le  royaume  en  interdit. 

Iiuerdii.  Jeté  sur  le  royaume  par  Inno- 
cent, tiO.  Jeté  sur  tous  les  domaines  du 
comte  de  Toulouse,  par  Alexandre  ill,  68. 
Levé  à  la  demande  de  Louis- Ie-Jeune,i6t(l. 
Jeté  sur  un  évcque,  pour  avoir  aliéné  les 
fonds  de  son  église;  comment  il  le  fit  lever, 
121,  122.  Voyez  Becket. 

Irlande.  Permission  donnée  par  le  pape 
au  roi  d'Angleterre  de  s'en  emparer;  con- 
quête qu'en  fait  le  roi,94,b09,alO.Nouvel- 
lesloisque  Henri  lui  donne,  510,  511,  B18. 

Irneriu$,  fondateur  delà  première  école 
oiî  l'on  enseigne  les  Pandectes,  26,  27. 

J. 

JEAN  DE  CoKNouAiLLBs.  Le  licu  de  sa  nais- 
sance est  inconnu,  il  a  étudié  en  France; 
son  traité  du  S.  Sacrement  de  l'autel,  et  de 
l'humanité  de  J,  C;  son  Euloge  adressé  au 
pape  Alexandre  111,  194-199.  Un  opus- 
cule mystique  sur  le  canon  de  la  messe  lui 
a  été  attribué,  858. 

Jean  de  IIantvilli,  poète  latin,  dont 
le  nom  a  étédéfiguré  par  la  plupart  desau- 
teurs, et  que  plusieurs  ont  voulu  fairenaîlre 
en  Angleterre,  quoiqu'il  dise  lui-même 
qu'il  était  né  en  Normandie. On  ne  sait  rien 
d'à-peu-près certain  de  sa  vie,  sinon  qu'il 
fut  fort  attaché  au  roi,  duc  de  Normandie, 
Henri  II.  H  a  laissé  un  poème  triste  et  bi- 
zarre, intitulé.ArchithréniuSjCl  dont  Badius 
Ascensius,  qui  en  a  donné  une  édition,  a 
dit  qu'il  portait  justement  ce  titre,  comme 
le  chef  ou  le  prince  i/e»  tomenf'Kiojn.ldcede 
celouvrage;  erreuret  malentendu  extraor- 
dinaire de  M.  Bonamy,  de  l'académie  des 
Inscriptions  et  Belles-Lettres,  dans  un  mé- 
moire qui  fait  partie  du  recueil  de  cette 
académie, au  sujet  dece  poème. Cetteerreur 
de  Bonamy  a  passé  dans  la  dernière  édition 
de  Moréri,"et  voilà  comme   les  erreurs  se 


646 


TABLE  DES  AUTEURS 


propagent!  VArchiihreniui  a  été  imprimé 
iParis,par  JodocusBadiu8Àsccnsius,tS17, 
petit  in-**,  669-S79. 


Jean  l'Uibuitk.  Auteur  d'une  vie  de 
saint  Bernard,  222—122*. Plusieurs  person- 
nages nommés  par  Jean  l'ilermite,  22*. 


Jeam  de  MoNTLAca,  évèque  de  Uaguelo- 
ne.  Ses  deux  lettres  à  Louis  Vil,  62(j,  627. 

Jean,  prévôt  d'une  maison  de  Prcmon- 
Irés.  Ses  lettres  ù  Philippe,  abbé  de  Bonne- 
Espérance,  275  et  suiv. 


Jean  de  Sabisbéry,  ou  Salisbury.  Son 
nom  de  famille,  époque  et  lieu  de  sa  nais- 
sance, 89.  Désigné  quelquefois  sous  le  nom 
de  Sévériaous,pourquoi?ibid.Ses  premières 
études,  ses  premiers  mailres,  89  et  suiv.  Il 
devient  chapelain  de  Pierre  de  Celles,  93. 
Il  repasse  en  Anglelerre,  et  s'attache  &Tbi- 
bault,  archevêque  de Canlorbéry,  et  ensuite 
à  Thomas  Beckcl.  9*,  95.  Plusieurs  missions 
qu'on  lui  donne  pour  Komc,  i'iii.  Amitié 
qu'Adrien  IV  conçoit  pour  lui,  9*  et  10*. 
Leurs  entretiens  tamiiiers;  ce  que  Jean  de 
Sarisbéry  en  rapporte,  105,  10b.  Il  partage 
la  résistance  de  Thomas  Beckct,  et  il  est 
obligéde  quitter  l'Anglcterre.Ot).  Voir  aussi 
*32etsuiv.  Il  demande  à  y  revenir;  serment 
qu'on  eiige  de  lui;  le  pape  n'approuve  pas 
que  ce  serment  soit  prêté,  13*.  Jean  de  Sa- 
risbéry  revient  enfin  en  Angleterre,et  après 
l'assassinat  de  son  archevêque,  il  reste  at- 
taché i  son  successeur,  96.  Il  est  nommé 
évcquc  de  Chartres;  le  dévouaient  qu'il 
avait  montré  pour  Thomas  Beckct  contribua 
beaucoup  à  lui  faire  obtenir  l'cpiscopat, 
67  et  96.  Sa  mort,  son  successeur,  97. 
DilTérentes  opinions  sur  la  manière  dont  il 
gouverna  son  diocèse,  ibid.  Sa  haine  pour 
les  innovations,  97,98.  Ses  bienfaits  envers 
l'église  de  Chartres,  98.  De  deux  de  ses 
frères,  et  des  lettres  qui  leur  sont  adressées, 
98,  1*0.  1*1,  1*2.  Son  dévoiiment  à  lar- 
chevêque  de  Cantorbéry  n'empêchait  pas 
qu'il  ne  hlùmàt  quelquefois  sa  conduite, 
110,153,13*,  1*8. 

Sesouvragesimprimés,l°lePulicratique; 
objet  de  cet  ouvrage,  analyses  successives 
des  huit  livres  dont  il  se  compose,  198  et 
suiv.  Ses  différentes  éditions,  112.  C'est  à 
Thomas  Bccketqu'ilcsl  dédié, 100.  2»rEs- 
théiique,  112,  113.  3°  le  Métalogique;  ob- 
jet de  cet  ouvrage;  analyse  de  ce  qu'y  dit 
l'auteur  eu  l'honneur  des  lettres  et  de  la 
philosophie,  et  contre  leurs  ennemis,  113 
et  suiv.  Éditions  et  manuscrits  du  Métalo- 
gique,  1 17.  *"  les  Membres  qui  conspirent, 
petit  poëme,  117.5"  Vie  d'Anselme,  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  H7.  6»  Vie  de  Tho- 
mas de  Cantorbéry,  118,  119.7»  Commen- 
taire sur  les  cpîtres  de  Saint-Paul,  119. 
8»  Lettres  écrites  sur  un  grand  nombre  de 
suiets,  119  elsuiv.  Voir  Alexandie,  Beckel 
(  Tbomu  } ,    Girard-ta-P'ucelU,    Giiori  , 


Benri  II,  Henri,  comte  de  Champaani, 
Reinii,  rÂi6au(.  Des  différentes  collectio.is 
et  éditions  de  ces  lettres,  120, 157.  Ouvra- 
ges manuscrits  ou  perdus,  157,  158  Sur  la 
manière  d'écrire  de  lean  de  Sarisbéry,  son 
érudition  et  sa  doctrine,  158  et  suiv. 

Joùttf  et  Tournait.  Ordonnance  sur  cet 
objet,  attribuée  à  Louis  VU,  87. 

Jugemenê  de  Dieu.  Ce  qu'ils  étaient  en 
Angleterre  avant  Henri  11;  il  leur  substitua 
les  assises,  527.  Voir  ili»iie«. 

Juifâ.  Kcoleset  professeurscélèbresqu'ils 
eurent  en  France  dans  le  X1I°  siècle,  *4. 
Loi  de  Louis  VII,  concernant  les  Juifs, 
82,  83. 

Juêii'ieri  des  justices  d'Angleterre,  5*5  . 
Du  grand  ju8(i<  ter,  de  sa  dignité,  de  ses  at- 
tributions, 5*5  et  suiv. 


L. 


l"  ACBATRB  (Pierre dej.  Elu  et  sacré  arcbe- 
■'-'vèque  de  Bourges,  contre  la  volonté  du 
roi  ;  comment  l'opposition  du  roi  se  mani- 
feste; ce  que  fait  le  pape,  50.  Voyez  /nno- 
ce,>i  II. 

Laleu  (Martin),  chanoine  régulier  de 
Saint-Aubert  de  Cambrai.  Livre  manuscrit 
de  mélanges,  appelé  Po(-poui  ri,  597. 

Lo/.feer«(Sainl), évèque  de  Liège  et  mar- 
tyr. Sa  vie  par  Heiner,  *2*. 

Laubebt  le  Bègue,  prètredc  Liège,  insti- 
tuteur des  Béguines.  Mis  en  prison  à  cause 
de  ses  prédications  véhémentes  contre  le 
clergé  du  diocèse,  *02  et  suiv.  Son  voyage 
à  Rome,  et  sa  mort  arrivée  l'an  1187,  ou 
environ,  *0*.  Auteur  de  traductions  en 
langue  vulgaire,  soit  des  Actes  des  Apôtres, 
soit  des  vies  dejsaint3,405  etsuiv.Ce  qu'il 
faut  penser  d'un  ouvrage  qu'on  lui  attribue, 
ayant  pour  titre,  Aniigraplium  Pétri,  *06 
-*09. 

Lambert,  curé  de  Teux,  au  diocèse  de 
Liège.  Sa  lettre  à  Lambert  le  Bègue,  *07 
et  suiv. 

Lahbebt  Waterlos,  chanoine  régulier 
de  Saint-Auberl  de  Cambrai.  Quelques  cir- 
constances de  sa  vie,  596.  Un  long  fragment 
de  sa  Chronique,  597. 

Languedoc.  Diverses  lettres  sur  l'état  où 
se  trouvait  ce  pays  pendant  que  Raymond 
V  le  gouvernait,  59. 

Laon.  Droits  dont  ta  commune  jouissait, 
*8.  Droits  accordés  par  Louis  VII  è  son 
évcquc,  80  et  81. 

Légalei.  Erreurs  commises  sur  le  sens  de 
ce  mot;  sasignilication  véritable, *78  et  *79. 

Liturgie,  ou  offices  divins,  220  —  222, 
556  -  558. 

Lo'M.  Des  lois  d'Angleterre,  avant  Henri 
II,  *7U.  Changeincns  ou  modificalions  i|u'il 
y  apporte,  *70  et  471. Lois  de  ce  princesur 
divers  objets,  471  et  suit.  Voyez  Henri  II. 
Voyez  aussi  Loait  VU,  pourquelques-uncs 
de  ses  lois. 


ET  DES 

Lofidrei.  Loi  de  Henri  H,  qoi  Confirme 
SCS  libertés,  171. 

Lorrii,  en  Gâtinoi».  De  ses  cooliimes,  71 
et  suiv.  Réclamées  par  plusieurs  villes,  77. 
Voyez  Uarchéi. 

Loois  VII. Homme? célèbres  que  la  France 
eut,  pendant  son  règne,  sous  les  rapports 
littéraires,  12.  Écoles  et  professeurs  qui 
existaient  alors  à  Paris,  lî,  13,91.  Aca- 
démies juives  dans  plusieurs  villes,  11. 
Éducation  de  Lwiis  Vil,  ihid.  De  ses  diffé- 
rens  mariages,  11  et  15.  Ses  vertus  et  ses 
défauts,  13.  Sa  mort,  sa  sépulture,  épita- 
phes,  16  cl  17.  D'un  de  ses  frères,  17  et  18. 
Son  voyage  à  la  Terre-Sainle  ;  ce  qui  le 
lui  fit  entreprendre,  50.  Diverses  lettres 
écrites  par  lui,  pendant  ce  voyage,  bl  cl 
suiv.  Son  retour  en  France.  55.  Projet 
d'une  nouvelle  croisade,  ibid.  Comment 
on  parvint  à  l'un  détourner,  li6.  Son  projet 
d'aller  combattre  les  Maures  en  Espagne 
est  désapprouvé  par  le  pape,  ibid.  11  fait 
lever  l'interdit  jeté  sur  les  états  du  comte 
de  Toulouse,  5S.  Il  répudie  Éléonore  d'A- 
quitaine. Voir  Eléonore.  Il  défend  Toulou- 
se contre  Henri  11,  roi  d'Angleterre,  58  et 
59.  Ses  lettres  au  pape  contre  les  héréti- 
ques, 61  et  62.  Lettre  au  même,  sur  la 
convocation  du  grand  concile  <le  Latran, 
ihid.  11  s'y  plaint,  avec  beaucoup  de  force, 
delà  conduite  des  évèques,  62  et  63.  Lettres 
<\\i\  ont  pour  objet  les  dissensions  et  le  re- 
lâchement des  églises  et  des  monastères, 
63,  61,  65.  Lettres  concern.nnl  Thomas 
Bcckel,  S-ï.  66,  67,  70.  Voyez  Beckei  (Tho- 
mas). Lettre  au  pape  sur  les  jeûnes  pres- 
crits; réponse  du  pape,  68  Quelques  autres 
lettres  de  Louis  VII,  68.  Diverses  chartes 
de  ce  prince,  concédées  à  des  églises  ou  i 
des  villes,  ou  concernant  les  droits  royaux, 
la  police  et  l'administration  publiques,  68 
et  suiv.  De  quelques  JQgemens  rendus  par 
lui,  87  et  88. 

Loc,  ahhé  du  Uoni  Cornillon,  ordre  de 
Prémontré.  11  ne  reste  de  ses  écrits  qu'un 
Commentaire  sur  une  partie  du  Cantique 
des  Cantiques;  c'est  un  abrégé  du  commen- 
taire d'Aponius,  8  -10. 


M. 

ATajh4«ii,  abbé  de  Pontigny,  cl  ensuite 
J-*-cardiflal  et  évéque  de  Palestrine,  118. 
kpoque  il«  sa  m»n,ibid.  Chargé  de  compo- 
ser desstatuli  pour  le«  chevaliers  de  l'ordra 
de  Calatrava,  118  et  U9.  Oublié  quelque- 
fois dam  la  liste  des  cardinaux,  119.  On 
l'a  auiai  confondu  avec  son  successeur  dans 
l'abbaye  de  Pontigoy,  ibid. 

Wain  -  Motte.  Affranchissement  de  ce 
droit,  88. 

Manlet.  Letlresde Louis  VII  enfaveurde 
cette  ville,  72.   Avantages  assarés  à  ceux 


AtATlÉilËS.  647 

qui  Viendraient  vendre  &  ses  marchés,  ihid 

Uanutcrili  effacés  pour  écrire  d'autres 
livres  sur  les  mêmes  parchemins,  633. 

MrtrcA^». Voyez  Bovrga,  ilantei.  Orléant. 
Dispositions  relatives  aux  marchés  de  Lor- 
ris,  75. 

MtTBiED  d'Angkhs.  D'abord  profeiseiir 
de  jurisprudence,  227.  Consulté  souvent 
par  Alexandre  III,  228.  Fait  cardinal,  ibid. 
Sa  mort,  ibid. 

liatitde.  mère  de  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre. Voir  la  page  163. 

ildutei.  Louis  Vil  veut  se  croiser  contre 
les  Maures  d'Espagne,  56.  Réponse  que  lui 
fait  le  pape  à  qui  il  avait  envoyé  des  am- 
bassadeurs pour  l'en  instruire,  ibid. 

Uercier  de  Suint- Léger .  Ses  notes  ma- 
nuscrites sur  la  Uibliothèque  medix  et  infi- 
mat  latinitaiii  deFabricius,  318. 

Metiiva.  Quelle  contribution  c'était,  72. 
Son  abolition  à  Boiiiges,  71  et  72. 

Michel  te  Syncelle,  auteur  d'une  vie  de 
saint  Denys  l'Aréopagile,  traduite  en  latin 
[iarGuillaumedeGap,abbédeSaial-Denys, 
ô7Q. 

Misericordia.  Signification  que  ce  mot  a 
souvent  dans  les  anciennes  lois  de  France 
et  d'Angleterre,  180. 

Hona'tèiet.  Dissensions  et  relûchemenl 
dans  les  monastères;  mesures  et  lettres  de 
Louis  VII  à  ce  sujet,  63,  61,  65. 

UuUe,  doyen  de  l'église  de  Cambrai.  Ses 
collections  manuscrites  des  historiens  da 
Cambrésis,  597. 


N. 

AJaii/roje.  Droits  du  prince  sur  les  effets 
^^ naufragés,  d'après  les  anciennes  lois 
d'Angleterre,  510. 

Nicolat,  moine  de  Saint  Alban  en  Angle- 
terre; sa  controverse  avec  Pierre  de  Celle, 
touchant  l'immaculée  conception  de  la 
Sainte-Vierge,  261—261. 

NicoLis,  lous-prieur  de  Saint-Victor. 
Sa  lettre  i  Gérebert,  611,  615. 

NiAiliKiD.  lia  rejetaient  la  propoaition: 
JésDs-Christ  est  quelque  homme.  Jean  de 
Cornouailles  les  réfute  ;  Alexandre  III  les 
condamne  sans  les  déclarer  hérétiqoes, 
198,  199,  592,  853. 

Nomftre».. Leurs  propriétés  oa  significa- 
tions mystérieuses,  200— aoB. 

Noradin.  Victoire  qu'il  remporte  sur 
les  chrétiens;  lettres  k  ce  sujet,  31,  32. 

iVoyon.  Discussions  élevées  entre  cette  vil- 
leetsonchapitre,aurledonuula  vente  d'un 
domaine;  lettres  au  pape  à  ce  sujet,  33. 


0. 


0 


don,»hbé  de  Morimond  Se*  idées  sur  les 
significatioss  njslArieaBe*  des  nombres. 


648 


TABLE  DES  AUTEURS 


200—202.  N'est  pas  l'auteur  de  sept  épîlres 
ascétiques,  3i7. 

Odon,  abhé  de  Snim-Père  pt  h  d'Âiixerre, 
et  ODON,prcmier  abbé  de  Sainte-Geneviève. 
Leurs  vies,  leur  écrits  ;  il  est  diflicile  de 
savoir  lequel  des  deux  est  l'autour  de  sept 
épitres  ascétiques;  plusieurs  Odons  souvent 
confondus,  346 — 350. 

Odon  Stigand,  fondateur  du  prieuré  de 
Sainte- Barbe  en  Auge,  603  et  suiv. 

OrMan»,  Louis  VII  y  abolit  plusieurs 
mauvaises  coutumes,  75.  Dispositions  con- 
cernant les  marchandises  apporlées-  cHes 
ventes  faites  au  marché  d'Orléans,  73  et 
74.  Autres  lettres  en  faveur  de  la  ville 
d'Orléans,  78,  82. 


Paiidectej.Lcur  découverte;  effets  qu'elle 
produit;  Iciii'  enseignement  public,  27. 

Parti.  Avec  quel  succès  on  s'y  livrait, 
dans  le  XII»  siècle,  à-  l'étude  des  sciences 
et  des  lettres,  43.  Collèges  qu'on  y  fonde 
pour  les  étrangers,  ibid.  Confirmation  par" 
Louis  VU  des  privilèges  accoidcsaux  bour- 
geois de  Paris,  négociant  sur  la  Sciiio,  77, 
78.  Loi  de  ce  prince,  concernant  les  bou- 
chers de  la  même  ville,  79.  Louis  VU  dé- 
fend d'y  exercer  le  droit  de  prise,  81. 

Paulicient,  voyez  Popticaim. 

Pauluibs  (Roborl),  attaché  1  l'évêque 
d'Amiens,  n'élail  pas  moine.  Son  traité  de 
liturgie  on  des  cérémonies  sacrées;  il  n'est 
pas  l'auteur  d'un  opuscule  sur  le  canon  de 
la  messe,  ni  d'une  somme  sur  la  pénitence, 
ni  d'une  vie  de  saint  Kranl,  etc.  BoG— 538. 

Philippe,  père  de  Louis  VU,  47  et  48. 

Philippe,  abbé  de  l'Aumône.  Liant  ar- 
chidiacre de  l'église  de  Liège,  il  accom- 
pagna, l'an  114(i.  sailli  bcrnaid  allant  prê- 
cher là  croisade  en  Allemagne,  167 cl  suiv. 
Ayanicrabrassé  la  vie  religieuseàClairvaux, 
il  fut  fait  prieur  du  monastère  du  vivant 
même  desaiiil  Bernard. et  vers  l'année  lliiC, 
abbé  de  l'Aumône.  IC8.  L'an  1164,  il  fui 
envoyé  parle  pape  Alexandre  111  en  Angle- 
terre, pour  appaiser  le  différend  qui  s'était 
élevé  enlre  le  roi  lleiiri  M  et  l'arcbcvcijuc 
de  Cantorbérv,  au  sujet  de  la  prérogative 
royale,  iiid.  L'an  1171,  il  se  démit  de  son 
abbaye,  et  vécut  au-delà  de  l'année  1179, 
ibid. Si  relalion  dnvoyagc  desainlBernard 
en  Allemagne.  109.  Ses  lellrcs.  169-176. 
Auteur  des  vies  de  saint  Amand.évêquedc 
Maëslrichl,  et  de  l'Ilirtoire  du  martyre  de 
saint  Cyr  et  de  sainte  Julile,  imprimées 
parmi  les  œuvres  de  Philippe,  abbé  de 
Bonne-Espérance.  177  et  suiv. 

PniLirPE  DE  lUnvEsa.  Était  Flamand, 
268.  Llantcnlréilaiisl'ordrede  Prémoniré, 
il  fut  long-lcmps  prieur  de  l'abbaye  de 
Sonne-Espérance  au  diocèse  de   Cambrai, 


dont  il  devint  abbé  vers  l'an  11ÎÎ2;  271  et 
suiv.  Sa  mort  peut  être  rapportée  à  l'an- 
née 1182  ou  1183,  272.  Ses  lettres,  au 
nombre  de  vinsl-une,273  —282. Commen- 
taire sur  le  Cantique  des  Cantiques,  283. 
Moralités  sur  le  Cantique  des  Cantiques, 
ouvrage  qui  n'est  jias  de  lui,  ibid.  Traité 
dans  lequel  onexamine  si  Adam  est  ou  n'est 
pas  dans  le  ciel,  284.  Aulrc  question  rela- 
tive à  la  damnation  du  roi  Salomon,  ibi'd. 
Traité  de  la  dignité  des  clercs  et  de  leur 
préémineucc  au-dessus  des  moines,  285. — 
288.  Traité  du  silence  des  clercs,  288. 
Vies  des  Saints,  écrites  ou  retouchées  par 
Philippe,  289  et  suiv.  Ses  poésies,  presque 
toutes  faussement  atlribuécs,  291 — 293. 

Philippe,  archevêque  élu  de  Tours,  puis 
archevêque  de  Tarcnle,  dans  la  Pouille, 
mal-à-propos  confondu  avec  Philippe,  ab- 
bé de  l'Aumône.  166  et  suiv. 

Pieri  e  (le  Bienheureux),  prieur  de  Jully , 
au  diocèse  de  Langres.  Sa  Légende,  631  — 
652. 

Pierre  de  Z?(oi».  A  peut-être  rédigé  les 
lettres  de  Rotrou,  archevêque  de  Rouen, 
299. 

Pierre  II,  évoque  de  Carpentras,  auteur 
de  réglemens  monastiques,  605. 

Pierre  de  Celle.  Sa  famille  était  alliée  à 
celle  des  comles  de  Dreux  de  la  maison  de 
France,  237.  Ayant  embrassé  l'élal  monas- 
tique, il  fut  fait,  vers  l'an  1147,  abbé  de 
Mdûticr-la-Celle,  près  de  Troie  en  Cham- 
pagne, ilii't.  L'an  1162,  Il  fut  pourvu  de 
l'abbaye  de  Sainl-Remi  de  Reims,  238;  et 
l'an  1180  ou  1181,  de  l'évêché  de  Chartres, 
24U.  Sa  mort  pcul  èlre  fixée  à  l'annéel  183, 
l'iid  Ses  lettres  pendani  qu'il  était  abbé  ù 
Moùlier  la -Celle.  241 — 251.  Ses  lettres 
comme  abbé  de  Saint-lteini  de  Reims,  251 
— 264.  Ses  sermons.  265.  Traité  des  Pains, 
dont  il  est  parlé  dans  la  Sainle-Écrilure, 
266.  Exposition mysliquect  morale  du  ta- 
bernacle de  Moïse,  ibid.  Traité  de  la  con- 
science, ibid.  Traité  de  la  discipline  claus- 
Iralc,  267.  Commentaires  sur  le  livre  de 
Ruth,  iV)irJ  Pierre  de  Celle  donne  asyle  & 
.Iran  de  Sarisbéry.  cl  le  fail  son  chapelain, 
93. Lettres  que  Jean  dcSarisbéry  lui  adresse, 
reconuaissanccqu'illui  témoigne, 130, 151. 

Pierre  de  Saint- Ciirvsocone.  Faveur 
qu'il  cul  auprès  du  pape  Alexaiidres  III, 
2.^0,  231 .  Reproches  que  lui  fil  pourtant  ce 
ponlife,  231.  252  lldcvicnt  légalduSaint- 
Siége  et  cardinal.  232  Affaires  qu'il  eut  à 
Irailei  pendant  sa  légation,  ibid  Mesures 
qu'il  prend   pour  étouffer   l'hérésie.  232, 

235.  Voyci  Héréiiet.  Lettres  de  Pierre  de 
Sainl-Chrysogone,a53  et  suiv. De  quelques 
lellres  qui  lui  furent  adressées  par  le  pape, 
par  tlienne  de  Tonrnay,  par  Pierre  de 
Celle,  par  Thibaut,   comte  de   Blois,  235, 

236.  Il  fail  lonnaiire  à  Alexandre  III,  oui 
le  lui  demandait,  les  noms  des  hommes  les 


ET  DES  MATIERES. 


649 


plus  dislingués  que  la  France  eût  alors  sous 
le  rapport  du  talent,  du  savoir  et  de  la 
doctrine,  23i. 

Pierre  Lombard.  Rcfiiti^  en  ce  qui  con 
cerne  l'humaniti^  de  J.  C  ,  par  Jean  de 
Cornouailles,  194—199,  et  par  Gautier  de 
Saint-Victor,  850-533. 

PiEtiRE  LE  Mangbur,  doycu  de  l'église 
de  Troie,  l'an  lli7,  puis  chancelier  de 
celle  de  Paris,  l'an  1164,  p.  12.  L'an  1178, 
il  est  désigné  au  pape  Alexandre  III  com- 
me une  personne  digne  d'clrc  élevée  aux 
plus  émincntes  dignités, 11). Faveur  spéciale 
i  lui  accordée  par  le  même  pape  de  per- 
cevoir une  modique  rétribution  des  maîtres 
à  qui  il  accordait  la  licence  d'enseigner, 
ibii.  Retiré  à  Sainl-Victor,  il  y  termine 
ses  jours  vers  l'an  1179,14.  Son  Histoire 
scholastique  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  14  et  suiv.  Ses  sermons,  15  et 
suiv.  Autres  écrits  qu'on  lui  alribue,  17. 

PiERKE  MoNOcuLB,  abbé  de  Clairvaux. 
Ses  miracles  et  ses  seize  épîtres,  620—623. 

Ponce  (le  Bienheureux),  évêque  de  Bel- 
ley.  Ses  écrits  et  sa  vie,  par  un  chartreux, 
630. 

Po^cB,  gentilhomme  auvergnac,  abbé  de 
Graud-Selve,  puis  de  Clairvaux.  Sa  lettre 
à  Maurice,  archevêque  de  Paris,  et  à 
Élicnne  de  Tournay,  624,  625. 

Poplicains,  ou  Puliti'iiint,  (appelés  aussi 
Pauliciens).  Lettre  de  Louis  Vil  au  pape, 
contre  ces  hérétiques,  61.  Ils  offrent  de 
l'argent  à  l'archevêque  de  Reims,  pour  les 
tolérer,  ibid. 

Potier  (André).  Histoire  manuscrite  de 
Caleau-Cambrésis,  597. 

Prxcepior.  Fonction  que  ce  mot  désignai! 
dans  les  ordres  hospitaliers,  30. 

Profetteitrt.  Écoles  et  professeurs  célè- 
bres sous  le  règne  de  Louis  VII,  42,  43. 
Écoles  deg  Juifs  en  particulier,  44. 


Q. 


Qiiadriloffe.  De  celle  compilation,  de  son 
objet,  et  de  ses  différentes  éditions,  118. 
Quadrivium,  voyez  Trivium. 

R. 

"Daimonii  V,  comte  de  Toulouse.  Interdit 
■*-'jelë  par  Alexandre  III  sur  tous  ses  états, 
B8.  Par  quel  molif?  ibid.  L'interdit  est  levé 
d'après  les  observations  du  roi  de  France, 
ibid.  Alliance  de  Raimond  avec  Henri  II. 
roi  d'Angleterre  ;  mécontentement  qu'en 
éprouvent  Louis  VU  et  les  habitans  de  la 
province  de  Narbonnc,  60,  61. 

Itainaud,  prince  d'Antioche.  Sa  lettre  & 
Louis-le-Jeune,  sur  les  malheurs  de  ce 
pays,  55. 

Ruonl-Ardent  On  examine  s'il  fut  évèque 
de  Périgueux,  226  et  suiv. 

Tome  XIV 


RiOuL,  châtelain  de  Coucy,  poêle  français, 
dont  le  nom  lié  avec  celui  de  Gabriellè  de 
Vcr^y,  forme  l'épisode  le  plus  intéressant 
de  riiisloire  de  la  poésie  moderne  en  Fran- 
ce ;  on  retrouve  par-tout  celte  anecdote, 
sous  les  noms  de  ces  deux  amans,  et  aussi 
sous  d'autres  noms,  comme  dans  l'histoire 
de  Guillaume  de  Cabestaing.  Mais  de  gran- 
des diflicultés  historiques  et  chronologiques 
se  sont  élevées  en  France,  au  sujet  du  vé- 
ritable héros  de  ce  roman,  et  ce  n'a  été  que 
pardcs  recherches  Irès-élendues  et  très-ap- 
profoiidies  qu'on  est  parvenue  prouver  que 
de  lielloy  lui-même  s'y  est  trompé  ;  que  ce 
n'est  point  du  tout  au  seigneur  de  Coucy, 
plus  noble  sans  doute  que  son  neveu,  mais 
beaucoup  plus  âgé.  qu'appartient  le  triste 
honneur  de  cette  avenluie,  mais  bien  au 
jeune  cl  aimable  chCitelain  du  même  lieu, 
dont  les  chansons  pronvcnt  qu'il  était  parti 
avec  regret  pour  la  croisade;  ce  qui  rend 
croy-jble  tout  le  reste  du  roman,  quand  il 
se  vil  mourant  sur  une  terre  étrangère,  et 
privé,  par  celle  mort  lointaine,  des  der- 
nières consolations  de  l'amour,  579  —  587. 

R.\otL  (  Sire  ),  historien.  Auteur  d'un 
commentaire  ou  journal  des  diO'érentes  ex- 
péditions de  l'empereur  Frédéric  Barbe- 
rousse  en  Italie,  1.  On  examine  si  cet  écri- 
vain était  Français  ou  Italien,  2  et  suiv. 

Rbclus  (Le)  de  Moliens,  ou  de  MoUeiis, 
poèlc  français  On  ignore  le  nom  du  poète 
qui  s'est  cache  sous  ce  titre.  Il  florissait 
probablement  avant  1 180,  33,  34.  Idée  des 
deux  poèmes  qui  sonl  restes  de  lui;  le  ca- 
ractère en  est  satirique  et  moral,   34 — 38. 

Régale.  Du  droit  de  Régale  en  Angleterre, 
avant  cl  sous  le  règne  de  Henri  II,  539. 

Reinii.  Louis  VII  accorde  ii  celte  ville  les 
droits  de  commune  dont  Laon  jouissait  déjà, 
48.  Réclamation  de  l'archevêiiuc  et  des 
églises,  ibid.  Dissensions  que  le  roi  cherche 
à  appaiser,  49.  Comment  elles  sont  enfin 
terminées,  ibid.  Lettres  de  Jean  de  Saris- 
béry  sur  les  Rémois  et  leurs  dissensions, 
143,  144. 

ReiNER,  religieux  du  monastère  de  Saint- 
Laurent,  à  Liège.  A  donné  lui-même  un 
catalogue  de  ses  écrits  en  vers  et  en  prose, 
420 — 423.  Vies  de  saint  Wolbodou  et  de 
saint  Lambert,  évêque  et  martyr,  etc.,  par 
Reiuer,  423 — 425.  Plusieurs  Reiner,  diffi- 
ciles &  distinguer,  ibid. 

Religieux.  On  leur  défend  l'élude  cl  l'en-  , 
seigncmeiit  du  droit  romain,  29.  \ 

Renuberi  (Saint),  ou  RambcrI. Translation 
de  ses  reliques  en  1070  ou  1080:  légende 
rédigée  au  Xll°  siècle,  632. 

Reprf»eiHuiion»  dramatique».  Ce  qu'elles 
étaient  sous  le  règne  de  Louis  VII  ;  quelle 
en  avait  été  l'origine,  42. 

Brveiuia  publier,  en  Angleterre,  avant  et 
l'cadanl  le  règne  de  Henri  II,  533  et  suiv. 

RicKAno,  archevêque  de  Cantorbéry.  An. 

N  n  n  n 


650 


TABLE  DES  AUTEURS 


tagoniste  de  Roger,  archevêque   d'Yorck  ; 
décrets  et  lettres  de  Richard,  ()17,  618. 

Richard  l'Évèqi'ii,  professeur  célèbre 
du  XII"  iiccle,  un  des  maiires  de  Jean  de 
Sarisbéry.  91,  215.  Éloge  que  celui  ci  fait 
l'c  son  savoir  et  de  sa  manière  d'enseigner, 
ihid.  Il  change  elg'ile  sa  méthode  d'ensei- 
gnement, 21(3  Étude  particulière  qu'ilavait 
faite  de  la  philosophie  d'Arislote,  ilud.  Il 
mourut évi'que  d'Avranchcs.2IO, 217.  Est- 
ce  à  cet  évôchc  qu'il  a  dû  le  surnom  par 
lequel  on  le  désigne?  217. 

\\<\KEKT  lie  Fécwi'p,  auteur  d'iinc  chio- 
niquc,  <)0(i. 

Rubei  l  le  flxiiiDJiui»  ien,écol;'itrede  l'égli.-e 
duMans.  4il. 

Ifd'ieri  (le  Mehin.  professeur  célMire  du 
XII"  siècle,  et  thef  de  la  secte  des  Kcau\, 
ou  Koheilins,  91. 

Robert  du  Mont,  religieux  de  l'abbaj  c  du 
Bec  en  Normandie.  29.  Eslnommé  abbé  du 
mont  Saint-Mithel,  28. 

Itobcri  Piiiilulus,  Voyez  I'aulolcs. 

Riiberl  Pallni,  professeur  célèLredu  XII" 
siècle,  un  des  maitresde  Jean  de  Sarisbéry, 
03.  Cardinal  ensuite,  ibij. 

Robert  de  Toricni,  moine  et  prieur  du 
Bec.  puis  ahhé  du  mont  Saint-Micliel  en 
H3i,  mourut  l'an  1186,  le  2.3  juin,  363. 
Est  auleurd'iMie  vie  de  Henri  I"',  roi  d'An- 
gleterre, faisant  .suite  à  l'histoire  des  ducs 
de  Normandie,  par  Guillaume  de  Jiimiége, 
Z6i  —  3(i6.  Il  ajouta  k  la  chronique  de  Si- 
gebcrt  de  Gemblours  des  accessions  cl  une 
conlinuation  jusqu'à  l'année  1183.  567  — 
370.  Lettre  de  Robert  à  Gervais,  prieur 
de  Soint-Céiiévc  au  Maine,  pour  l'engager 
àécrirc  sommairement  Ihisloiredcs  comtes 
d'Anjou  et  du  Maine,  371.  Traité  des  chan- 
gemens  arrivés  de  son  temps  dana  l'ordre 
monastique,  par  l'établissement  de  nouvel  les 
congrégations,  371.  Histoire  du  monastère 
du  mont  Saint-Michel, 373. Deux  prologues 
placés,  l'an  à  la  tête  d'un  commentaire  sur 
les  épiires  de  saint  Paul,  l'autre  i  la  tète 
de  l'Histoire  naturelle  de  Pline,  373  etauiv. 

RoGBR,  septième  abbé  du  Bec.  Sa  patrie, 
26.  S'il  est  le  même  que  Roger  qui  professa 
la  jurisprudence  romaineen  Italie,  26.  27, 
29.  C«  qu'il  avait  failavant  dedevenir  abbë 
du  Bec,  27.  Quand  il  le  devint,  iHd.  Quels 
prédécesseurs  il  avait  eus  danicetle  abbaye, 
28.  Il  refuse  l'arcbeTJebé  de  Canlorbéry, 
ibid.  De  l'ouvrage  qu'on  lui  attribue,  3U. 
Comment  quelques  écrivaina  le  désignent, 
ibid.  Ce  qu'il  fit  pour  l'abbaye  qu'il  gou- 
vernait. z9.  Éloge  que  Robert  du  Hont  fait 
de  l'abbé  Roger,  28,  29. 

Roc>R,Deiinoi/(ii<,  grand  mailredeSaint- 
Jean  de  Jérusalem.  ErreHrseommisfs&son 
sujet,  381,  382.  Sa  famille,  d'où  lui  venait 
son  nom,  382.  Statuts  qu'il  ajoute  1  ceux 
qu'avaienCdéjales  chevaliers  de  Saint-Jean 


de  Jéiusalcm,  ibid.  Négociations  dont  il  fut 
chargé,  'bid.  Epoque  de  sa  mort,  ibid.  Il  est 
lo  premier  qui  soit  qualifié  grand-maître 
dans  les  chniios  relatives  à  l'ordre  dont  il 
élan  le  cluf,  ibid. 

Roger,  ahliéde  S.Tint-Eiiverlc,  à  Orléans. 
Ce  qu'il  avait  d'abiird  été,  228.  Changemcus 
qu'il  opéia  dansée  monaslèie.  i';i(/.  Il  quitte 
son  abliayc,  et  la  reprend  ensuite,  229. 
torils  qu'on  a  de  lui,  (lucl  eu  est  le  sujet, 
2i9,  250. 

RoGKR  1)0  Po^T  l'évèqoe,  archcvoi[uc 
dVorck,  légal,  etc.  Se  déclare  contre  Tho- 
mas Bciket;  dispute  la  préséaiueà  liirhard, 
archevêque  de  Cantorhiiy,  (il6,  617. 

Itois.  Travaux  des  rois  qui  peuvent  np- 
pîirUnir  à  l'histoire  lilléiaire,  ce  qu'ont 
iail.  à  cet  égard,  les  auleiiis  des  douze 
piemiers  \oluuies  de  celle  histoire,  41,  42. 
Bl  isphimes  de  Jean  de  Sarisliéiy  cmilre  h  s 
droits  et  l'auloiilé  des  rois,  103.  Conseils 
utiles  qu'il  leur  donne,  i6id. 

RclL^^D  d'ASinnibei,  archevêque  de  Dol, 
légal,  cardinal.  Ses  lettres,  62i. 

Hdliind  (le  Bienheureux),  aMié  de  Chery, 
au  Xll*  siècle.  Sa  vie  par  un  anonyme, 
restée  manuscrite,  628. 

RoTROi!,  archevêque  de  Rouen,  29")  et 
suiv.  Ses  chai  tes.  297.  Ses  épiires.  la  plu- 
part relatives  à  Thomas  Bcckct,  297—299. 
Pi  ni  être  rédigées  par  Pierre  de  Bois,  ibid. 


So 


Oncif.    Édit   de  Louis  VII   concernant  le 

sacre  et  le  couronnement  des  rois,  86. 

S'int-Jeai  de  Jérutalein  (Chevaliers  de). 
Emprunt  ipi  ils  funt  pour  Louis  VII,  venu 
à  la  Terre  Sjinte,  S5.  Additions  faites  à 
leurs  statuts.  Voyez  Koger  Deimoulmi. 

Siiini-Pier/e-le-iloiilitr.  Lettres  de  Louis 
VII  en  faveur  des  habilans  de  celte  ville  et 
de  son  nionaslère.  81. 

Samion,  archevêque  de  Reimi. Sa  résistance 
A  Louis  VII;  sa  lettre  pastorale  contre  ce 
prince,  i9  et  HO. 

Sar^izin  (Jean).  Estime  que  Jean  de  Sa- 
risbéry professe  pour  lui,  143  et  191.  Ses 
divers  ouvrages.  191  et  192  Quelques-unes 
de  ses  lettres,  193.  Abbé  de  Vcrceil,  192. 
Sa  mort,  193. 

Saittziu  (Philippe).  Cité  parmi  les  savans 
du  Xllo  siècle,  193. 

5<ciin<iuir,  philosophe.  Sa  vie,  traduite  du 
grec  en  latin,  par  Guillaume  de  Gap,  376. 

Shirion  (Eudea),  professeur  de  théologie 
dans  le  Xli<  aiècle,  93. 

Sicile.  Lettre  de  Louis  VII  i  Guillaume 
II,  roi  de  Sicile,  en  faveur  de  l'archevêque 
de  Palerme,  qu'on  avait  chassé  du  royau- 
me, 08.  Accueil  que  le  roi  de  France  avait 
reçu  en  Sicile,  à  son  retour  de  la  Terrc- 
Sainte,  SB. 
Siuon  Da  PuissY.    Dans  quel  temps  il  pro- 


ET  DES  MATIÈRES. 


fessa  ;  ce  qu'il  enseigna,  C  et  93.  Est-ce  le 
mcme  que  le  chancelier  Simon?  6  cl  7.  Est- 
ce  lui  que  désignent  quelques  écrivains,  en 
parlant  d'un  maitrc  Simon  ?  ibid. 

Siign:  Lellrcs  de  Louis  VU  à  ce  ministre, 
et  de  ce  minisire   au    roi,  SI,  52,  et  suiv. 

Sully  (Archambaud  de).  Accusé  d'avoir 
manqué  aux  devoirs  de  la  vassalité  envers 
Louis  VII  ;  il  s'en  justifie,  5i. 


T, 

^emplieis.     Services  qu'ils     rendcul     à 
Louis  VII  pendant    .son   expédition  à  la 
Terr,  -Sainte,  m  et   Ei3.  Argent  qu'ils  cm 
pruntcnt  pour  lui,  ibid. 

TeriH-Suiiite.  Levée  d'argent  ordonnée 
par  llcnii  II,  roi  d'Angleterre,  pour  venir 
aiiscioursde  la  Terre  Sainte,  Îi02.  Projet 
forme  plusieurs  fois  par  ce  prince,  d'en 
faire  In  voyage  ti03  Nouveaux  secours 
qu'il  accorde,  505  et  'oOi. 

jTes'pr  (Droit  de).  Concession  faite  à  ce 
sujet  à  rarchevcqiie  de  Bourges  et  6  ses 
nouveaux  liabltants70  et  72.  A  l'cvèiiuc  de 
Laon,  81.  ' 

Théodoric,  ou  Thierri,  professeur  du 
XI1=  siècle,  91. 

TuiBAUD,cordinal-évêque  d'Ostic.  N'élant 
encore  que  prieur  de  SarntArnoul  à  Cré- 
py,  en  Valois,  fit,  l'an  1169,  un  voyage  en 
Syrie,  muni  de  lettres  de  recommandation 
du  roi  Louis-le- Jeune;  l'an  1180,  il  fut 
fait  abbé  de  Cluni.  trois  ans  après  évêqiie 
d'Ostie,  cl  mourut  à  Rome,  l'an  1188,  il7. 
Écrit  qu'on  lui  «ttribue,  xbid. 

Tliiliaut  IV,  comte  de  Champagne.  Let- 
tre de  Louis  VII  à  ce  prince,  à  l'occasion 
du  comté  de  Dreux,  Si.  Voy.  D/CHa;  (Com- 
te dej.  ^ 

Thihiiui,  archevêque  de  Canlorbèi  y.  Let^ 
très  écrites  au  nom  de  ce  prélat  au  pape 
Adrien  IV,  par  Jean  de  Sarisbéry,  121  et 
suiv. 

Thibaut  de  Lnngreê.  Son  traité  sur  les 
signiGcatioDs  mystérieuses  des  nombres, 
204,  203. 

Thomna  Becket,  archevêque  de  Cantor- 
béry.    Epîtres  qui   le  concernent,   parmi 


651 


celles  de  Rotrou,  archevêque  de  Rouen 
297  -  299.  Voyez  Beckec. 

Titres  qu'on  donnait  alors  au  roi,  S9 
121.  Aux  papes,  122.  ' 

Toiiliinse.  Protection  eonstaute  accordée 
par  Louis  Vil  aux  habitans  du  comté  de 
Toulouse,  'M.  Hcnii  II,  devenu  mari  d'É- 
Icmiore  d'Aquitaine,  veut  s'emparer  de 
celte  ville;  secours  accordés  par  Louis  VII 
59.  Lcllre  des  habitans  au  roi  pour  lé 
remercier  et  l'implorer  de  nouveau,  ibid. 

TaiiMOND,  ou  Trasimond,  moine  de 
Clairvaux.A  rédige  plusieurs  lettres  au  nom 
de  Louis  VII,  cl  de  quelques  autres  per- 
sonnes, 395  —  398.  IJ  avait  composé  un 
Traité  du  genre  épistolaire,  398,  399. 

r/'^soc.  Réclamation  des  droits  royaux 
sur  un  trésor  découvert,  (iS. 

Tnvium.  qiiadiivium.  Ce  qu'on  enten- 
dait par-là,  91  et  115. 

rî/rnii».  Doctrine  de  Jean  de  Sarisbéry 
à  leur  égard,  102.  Jusqu'où  il  étend  celte 
qualificatiori,  105.  Nouvelles  réflexions 
qu'il  fait  sur  les  tyrans,  109  et  1 10. 


V. 


^erniandois  (le  comte    de),   régent    avec 
Suger  pendant  l'absence  de  Louis  VII. 
Lcllres  de  ce   roi    (lui   lui  sont  adressées. 
51,52,  51. 

Victor,  concurrent  d'Alexandre  III  pour 
la  papauté.  Lettres  qu'il  écrit  ou  qu'il  fait 
écrire  ii  Louis  VII,  afin  d'en  être  reconnu. 
57. 

Viguier».  Réduction  de  leur  nombre,  i 
Bourges,  71. 

ViWneiive,  prés  de  Compiegne.  Lettres 
de  Louis  VII  en  faveur  des  habitants  de 
cette  ville,  80. 

Viiry.  Son  incendie;  comment  le  roi 
cherche  à  l'expier,  50. 


w. 


w 


olbodon   (Saint),  évêque  de  Liège.  Sa 
vie  par  Reiner,  .i23,  i24. 


FIN  DE  LA  TABLE. 


ERRATA. 


P.  591.  Les  deux  lellres  citées  à  la  ùa  de  celte  page  ne  sont  pas  adressées 
à  Guillaume,  mais  à  Frédéric,  son  prédécesseur  comDie  archevêque  de  Tyr. 


FIN    DU    TOMK    XIV. 


Date  Due 

FORM    I08 

( 

il  0