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Full text of "Histoire littéraire de la France"

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Date  Due 

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fOHM  109 

HISTOIRE 


LITTÉRAIRE 


DE  LA  FRANCE. 


HISTOIRE 

LITTÉRAIRE 

DE  LA  FRANCE, 

OUVRAGE 

COMMENCÉ    PAU    DES    RELIGIEUX    BÉNÉDICTINS 
DE    EA    CONGRÉGATION    DE    SAINT-MAUR, 

ET     COXTIWDÉ 

Par  des  Membres  de    l'Institut  (Académie  royale  des 
Inscriptions   et  Belles -Lettres). 

TOME   XVIII. 

SUITE  DU  TKElZlÈMt  SIÈCLE, 
ji)SQii'\  l'an    ia55. 


PARIS  1835 

KRAUS  REPRINT 

Nendeln/Liechtenstein 

1971 


IDI 


Réimpression  avec  L'  accord  de 
L'  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  Paris 

KRAUS  REPRINT 

A  Division  of 

KRAUS-THOMSON  ORGANIZATION  LIMITED 

Nendcln/Licdifenstein 

1971 

Printed  in  Germany 
Lessingdruckerei  Wicsbadcn 


AVERTISSEMENT. 


L/ES  tomes  XVI  et  XVII  de  cette  Histoire  littéraire 
contiennent  i°un  tableau  général  de  l'état  des  lettres, 
des  sciences  et  des  arts  au  xiii^  siècle  ;  2°  des  notices 
historiques  et  critiques  sur  igo  auteurs  qui  ont 
achevé  leur  carrière  entre  l'an  1200  et  l'avènement 
de  Louis  IX  en  1226.  Le  volume  que  nous  publions 
aujourd  liui  correspond  aux  3o  premières  années  du 
règne  de  ce  monarque",  et  doit  faire  connaître  la  vie 
et  les  ouvrages  d'environ  200  auteurs  décédés  après 
1225  et  avant  i256.  Ces  200  notices  sont  distribuées 
en  quatre  séries  chronologiques,  dont  la  plus  étendue 
comprend  y 7  auteurs  qui  ont  écrit  en  langue  latine 
ou  en  prose  française  sur  des  sujets  quelconques,  théo- 
logiques, philosophiques,  historifjues  ou  littéraires. 

Parmi  les  théologiens,  auteurs  de  Sommes,  de  trai- 
tés dogmatiques  ou  moraux,  de  manuels,  _de  sermons, 
de  commentaires  sur  la  Bible  ou  sur  les  quatre  livres 
des  sentences,  on  distinguera  Hugues  de  Miramors; 
Guillaume  d'Auxerre,  archidiacre  de  Beauvais;  le 
cardinal  Jean  Halgrin,  St.  Edmond  de  Cantorbéry, 
Alexandre  de  Halès ,  Guillaume  d'Auvergne ,  aux- 
quels se  peuvent  joindre  Etienne  Langton  et  Robert 
Grosse-Téte,  théologiens  de  profession,  quoiqu'ils  se 
soient  exercés  en  d  autres  genres  et  qu'ils  aient  même, 
fun  et  l'autre,  composé  des  vers  français. 

Hélinand,  que  ses  stances  sur  la  mort  placeraient 
aussi  dans  les  rangs  des  Trouvères,   est  plus  géné- 
ralement   connu    comme    sermonnaire    et    surtout 
comme  chroniqueur.  L'article  qui  le  concerne  est,     t.  xvii,  p. 
ainsi  que  nous  l'avons  annoncé  en  i832,  un  écrit  " 
1  •  ■ 


vj  AVERTISSEMENT. 

posthume  de  notre  ancien  collaborateur  Brial ,  et 
malheureusement  le  dernier  de  sa  composition  que 
nous  aurons  à  publier.  Avec  Héhnand ,  beaucoup 
d'autres  auteurs  de  chroniques,  d'histoires,  de  rela- 
tions, de  légendes,  figureront  dans  ce  volume  ;  par 
exemple,  Guillaume  d'Andres  ,  Albéric  de  Trois-Fon- 
taincs,  Césaire  d'Heisterbach ,  Gautier  Cornut,  Gilles 
Moine  d'Orval;  outre  ceux  dont  les  récits  concernent 
particulièrement  les  croisades,  tels  que  l'écolâtre  de 
Coloi^ne,  Olivier;  Jacques  de  Vitry,  Gilles  de  Lewes, 
et  en  langue  française,  Bernard  le  Trésorier,  traduc- 
teur et  continuateur  de  Guillaume  de  Tyr. 

Nicolas  de  Braia,  qui  a  écrit  en  vers  latins  une 
histoire  de  Louis  VIII,  n'est  pas  le  seul  poète  latin  a 
reniar(pier  dans  ce  même  âge  :  ses  émules  les  plus 
renommés  étaient  Alexandre  de  Villedieu  et  (ieof- 
froy  de  Vinisauf  En  d'autres  genres  de  littérature  ou 
d'études,  on  pourra  distinguer  entre  les  épistolaires , 
Gervais  de  Chicester;  entre  les  mathématiciens,  Jor- 
(lanus  Nemorarius;  entre  les  jurisconsultes,  Guillaume 
dv  llenues;  et  Philippe  de  Grèves,  chancelier  de  l'é- 
olise  de  Paris,  à  cause  de  l'éclat  de  ses  démêlés  avec 
i  Université.  La  77*  notice  est  consacrée  à  Vincent  de 
Beauvais,  ([ui  n'est  mort  qu'en  1264,  mais  qui  avait 
terminé  en  i-îSô  Vimmense  ouvrage  qui  a  mérité  le 
nom  d  Encyclopédie  du  xiii*  siècle.  Nous  avons  cru 
devoir  en  placer  fanalyse  au  milieu  même  des  Annales 
littéraires  de  ce  siècle,  à  raison  du  jour  qu'un  telex- 
i)osé  des  connaissances  alors  acquises  pouvait  jeter 
sur  la  j>lupart  des  productions  qui  l'ont  immédiate- 
ment précédé  ou  suivi. 

Une  seconde  série  se  compose  de  18  auteurs  dont 
les  écrits  ont  peu  d'importance  et  ne  donnent  lieu 
(lu'à  de  très-courtes  notices  ou  même  qu'à  de  simples 
notes.  L'un  d'eux  cependant,  l'anglais  Alexandre 
Neckam,  mériterait  plus  d'attention,  si  l'histoire  de 
ses  ouvrages  et  de  ses  démêlés  n'était  presque  entiè- 


AVERTISSEMENT.  vij 

rement  étrangère  à  la  France.  Le  28^  est  un  évêque  de 
Meaux,  dont  les  actes  authentiques  sont  nombreux, 
mais  tiennent  beaucoup  plus  aux  intérêts  de  son 
église  qu'aux  annales  des  lettres.  Les  faits  que  nous 
avions  à  recueillir  étaient  ceux  qui  pouvaient  entrer 
dans  le  tableau  des  divers  genres  d'études  cultivés  en 
France  ;  et  les  personnages  nés  hors  du  royaume  n'ont 
dû  attirer  nos  regards,  que  lorsqu'ils  y  avaient  par- 
couru une  partie  notable  de  leur  carrière  studieuse. 

La  3*  et  la  4^  série  sont  purement  françaises,  puis- 
qu'elles n'admettent  que  des  poèmes  écrits  dans  l'une 
ou  1  autre  des  deux  langues  vulgaires  qui  se  parta- 
geaient le  territoire.  La  poésie  provençale,  quoique 
menacée  de  j)roscriptions,  et  quelquefois  même  exilée 
hors  de  nos  frontières,  ne  consentait  point  à  inter- 
'  rompre  ses  progrès;  les  guerres  religieuses  l'entra- 
vaient sans  l'éteindre,  la  troublaient  sans  la  décon- 
certer; et  au  milieu  de  tant  de  désastres,  ses  chants 
n'avaient  pas  cessé.  Cinquante  troubadours  ont  figuré 
dans  notre  tome  XVII  comme  ayant  brillé  ou  paru 
dans  les  ^5  premières  années  du  xiii*  siècle  :  le  tome 
XVIII  continue  cette  liste  jusqu'à  l'an  i255,  par 
soixante  noms,  dont  quelques-uns  ont  conservé  de 
l'éclat;  Pierre  Bergerac,  Guillaume  de  Beziers,  Blacas, 
Bergédan,  Perdigon ,  Folquet  de  Marseille,  Guillaume 
Figuières,  Savaric  deMauléon,  Aiméric  de  Péguilain... 

La  poésie  des  Trouvères  n'avait  pas  atteint  le  même 
degré  d'élégance;  mais  elle  tendait  à  s'y  élever  :  elle 
annonçait  même  plus  de  hardiesse  et  plus  d'énergie;  et 
s'exerçant  sur  des  sujets  plus  variés,  quelquefois  plus 
périlleux,  elle  promettait,  mais  dans  un  avenir  loin- 
tain, des  progrès,  des  succès  et  des  chefs-d'œuvre.  Si 
elle  n'offre  avant  1255  qu'un  bien  petit  nombre  de 
noms  véritablement  célèbres,  du  moins  ceux  de  Guyot 
de  Provins,  de  Hugues  de  Bersil ,  d'Adam  de  Suel ,  de 
Marie  de  France,  etc.,  sont  déjà  recommandables;  et 
l'on  devra  aussi  des  éloges  aux  auteurs  inconnus  ou 


viij  AVERTISSEMENT. 

incertains  de  l'Ordene  de  chevalerie,  de  la  Cour  de 
Paradis ,  de  Parthenopex  de  Blois ,  d'Aucassin  et  Nico- 
lette,  du  châtelain  de  Goucy  et  de  la  dame  de  Fayel  ; 
de  quelques  jeux-partis  et  de  beaucoup  de  chansons. 
Cet  aperçu  des  articles  contenus  dans  le  volume 
que  nous  publions,  fait  prévoir  que  les  deux  suivants 
suffiront  pour  achever  l'histoire  des  lettres  en  France 
durant  le  xiii'  siècle.  Le  tome  XIX  la  conduira  de  l'an 
1-256  à  1280,  dixième  année  du  règne  de  Philippe 
III,  et  peut-être  jusqu'à  l'avénemcnt  de  Philippe- 
le-Bel  en  laSS  :  les  i5  ou  rio  dernières  années  du  siè- 
cle fourniront  la  matière  du  tome  XX. 

L'état  présent  des  études  relatives  à  la  littérature 
du  moyen  âge,  le  nombre  et  l'importance  des  publi- 
cations récentes  qui  la  concernent,  le  besoin  de  la  sou- 
mettre à  un  examen  impartial ,  afin  que  ce  genre ,  en- 
core nouveau,  d'instruction  philologique  et  historique, 
étende  la  science  sans  égarer  les  talents  et  sans  ramener 
les  arts  à  l'enfance ,  tout  nous  fait  un  devoir  de  don- 
ner à  notre  travail  autant  d'activité  que  d'exactitude. 
Le  tome XVIII  se  termine,  comme  les  précédents, 
par  une  table  alphabétique  des  matières;  et  le  présent 
Avertissement  va  être  immédiatement  suivi  d'un  ca- 
talo"^ue  bibliographique  auquel  nous  avons  laissé 
prendre  l'étendue  dont  il  avait  besoin  pour  rectifier 
plusieurs  détails  restés  inexacts  dans  celui  du  tome 
XVII,  et  pour  indiquer  plus  complètement  toutes  les 
sources  et  toutes  les  branches  de  l'Histoire  littéraire 
de  la  France  au  moyen  âge. 

Les  auteurs  de  ce  XVIIP  volume  (ainsi  que  du 
XVIP)  sont  quatre  membres  de  l'Académie  des  in- 
scriptions et  belles-lettres,  désignés  à  la  fin  des  arti- 
cles par  les  lettres  initiales  de  leurs  noms  : 

I).  —  M.  Daiinou; 

A.  D-  — M.  Amaury  Duval; 

p    R  — ]V|.  Petït-Radel; 

J7.  J).  _  M.  Eméric-David. 


TABLE 


DES    LIVRES    CITES     DANS     LES     TOMES     XVU    ET    XVUI    DE 
l'histoire    LITTÉRAIRE    DE    LA    FRANCE. 


Abolant  (Rob. )  Voyez  Chronicon  altissiodoieiisp.  Ai>oUiu  (Rob.) 

Histoire  et    Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles -Lettres.    Acad.desinscilpi. 

Paris,  1709-1809.  5o  vol.  in-4°.  —  i8i5-i833.  10  vol.  in-4°. 
Gesta  pontificum  Leodiensium,  abiKgidio  Aureae  vallis  nionaclio,  post  He-   a:gid.  Anr.  Vall. 

rigerum,  descripta,  ab  anno  1048  ad  laSi:  in  tomo  a"  in-4'',  sylloges 

Cliapeavillianœ.  Voyez  Chapeauville. 
jîîgidii  (^orbuliensis  carmina  medica(de  Urinis,de  Pidsibus,deMedicamentis)   «gid.  d«  Corbol. 

ad  fideni  codicum  et  veterum  editionum  recensuit,  notis  etindicibus  il- 

lustravit  Lud.  Choulant.  Lipsiae,  Voss,  1826,  in-8".  —  Priiis,  in  Historià 

poematum  medii  a;vi,  à  Polycarpo  Leysero  édita, 
ytgidii  de  Lèvres  Epistola ,  in  Tliesauro  Anecd.  t.  I,  p.  874.  .«gid.  de  U». 

/tlgidii  parisiensis  Carolinus.  Fragments  des  livres  IV  et  V  de  son  poénie   ^Egid.l'arit. 

sur  Charlemagne,  dans  le  tome  V,   pag.  323,  324  de  la  Collection  de 

Ducbesne  ;  le  livre  V  entier  dans  le  t.  XVII  du  grand  Recueil  des  His- 
toriens de  Fiance,  pag.  288-3oi. 
Alberici,  Trium-Fontium  monacbi,  Chronicon  ab  O.  G.  adann.  Christi  i23o,    Albtrici  ci.ion. 

in  tonio  2°  Accessionum  historicarum  ,  à  Leibnitzio    editarum.  Lipsiae , 

1700,   in-4''. 
Istorie  di  Bologna,  di  F.  Leandro  degli  Alberti,  dell'  ordine  de'  F.  Predi-   Albcn.  j  F.i,  i.t, 

catori.  Bologna.  i543,  in-4°.  di  Bol. 

Leandri  Alberti,  libii  VI  de  viris  illustribus  ordinis  Praedicatorum.  Bodo-   Albeii.  (  L.)  Ord. 

niœ,  Plnto  ,  iSig,  in-fol.  l'rad 

Alberti  Magni,   ord.    Praed. ,   Opéra  omnia,   curante  Petro  Jammy  édita.    Albert.  Magn. 

Lugiluni,  i63i  ,  3i  vol  in-fol. 
Alexandri   llalensis  Summa  Theologica.  Coloniae,  i522,  in-fol.,  etc.  (Voy.    Aleiand«  Hdl 

p.  3 12-328,  ci-dessous  (. 
Natalis  Alexandri ,  ord.  Prœd.,  Historià  ecclesiastica  veteris  et  novi  Testa-    a'  xnnd.i     Nju- 

menti.  Parisiis.  1699,  8  vol.  in-fol.  — Ejusdem  Selecta  Historiae  eccle-       ''• 

siasticœ  capita,  cum  observationibus  historicis,  chronol.  crit.  dogmaticis. 

Parisiis,  De  Sallier,  1679-1686,  26  vol.  in-8°. 
Alexandri  de  Villa  Dei  Doctrinale puerorum.Venetiis(i473),  in-fol.  Basileae,    Ai,x«nii   ,ir  \;iii 

i486,  in-fol.  Lipsiae,  i5o6,  in-4",  etc.  Dti. 

Micbaelis  Alford,  Annales  ecclesiastici  Britannorum,  Saxonum  et  Anglo-    Aifotd,  Amui. 

rum.  Leodii,  Hovius,  i663,  4  vol.  in-fol. 
Algrim.  Voyez  Haigrin.  Algriui. 

Tome  XVlll.  h 


TABLE 


Allaid,   uiM.  lia    Iliitoire   généalogique  des   maisons  du  Uauphiné,   par  Guy-Allard.  Gre- 
D«npb.  noble,  1672,  1682,  4  vol.  in-4''. 

Le  Nobiliaire  du  Dauphiné,  par  Guy-Allard.  Grenoble,  1671,  in-12  . 
Bibliolheca    Doniinicana,  sive    Catalogus  scriptorum    ordinis   Pr.-vdicdfo- 

runi ,  auctore  Ambrosio  de  Altaniura.  Roniw,  Tinassi,  1677,  in-l'ol. 
Pétri  de  Alvti  et  Astorga  Sol,  veritatis  pro  Maria  in   suc  conceplionis  ortu 

sanctâ.  Matriti ,  i663  ,  in-fol.  —  Ejusdeni  Uadii  solis  veritatis pro 

sanctissimae  Virginis   Mariae   elettione,  etc.    Lovanii ,    i663,  in-fol.  — 
Pleito  de  los  libros  y  sentencia  del  Juez,  etc.  Uertusœ,  i66"4  ,  in-8". 
Lettre  d'André  de  Longjnniean  à  Louis  IX,  dans  le  Recueil  de  Voyage» 

de  Bergeron  ,  1. 1 ,  p.  1 52 ,  1 53. 
Dell'  origine,  de' progressi  e  dello  stato  attuale  d'ogni  Letteratura,  da  Giov. 

Andres.  Parma,  Bodoni,  1783-1797,  7  vol.  in-4". 
Voyez  Scriptores. 

Annales  bertiniani.  Chronique  de  S.-Bertin,  dans  les  Scriptores  rerum  itali- 
carum  ,  de  Muratori;  dans   le  tome  III   du  Thésaurus  Anecdotorum  de 
Blartène;  dans  la  Collection  des  Historiens  de  France. 
S.  Anselmi  opéra  omnia,  à   Gabriele  Gerberon  recensita.  Parisiis  ,   1721, 

in-foL 

Histoire  généalogique  et  chronologique  de  la  maison  de  France,  des  pairs, 

grands  officiers,   etc.,  par  le  P.  Anseln)e  de  Sainte-Marie  de  Guibours, 

continuée  par  Caille,  augmentée  par  Ange  et  Simplicien.  Paris,  1726- 

173,1,9  vol.  in-fol. 

Sancti  Antonini  Summa  historialis  sive  Chronicon  ab  O.  C.  ad  ann.i459,  3 

vol    in-fol.  Venetiis,  1480. —  Nuremberg,  1484.  —  Lugduni ,  i58f). 
Bibiiotheca  hispana  vêtus  usqne  ad  ann.    i5oo,  et  nova  ad  1684;  auctore 

Nicolao  Antonio.  Matriti,  Ibarra,    1783,    1788,4  vol.  in-fol. 
Chronicon  Iratrum  Pra;dicatorum,  et  Bibliolheca  ejusdem  orilinis  ,  virorum 
quos  luiit  doctrinâ  illustrium  nomina,  etc.,  complectens,  auctore  Antonio 
Seneiise.    Parisiis,    i585,  2   part.  in-S".  —  Antonii  Senensis  Traclatu» 
(manuscriptus)  de  principiis  et  constitutionibus  ordinis  S.  Dominici. 
Antion,  Chapelle   Histoire  ecclésiastique  de  la  Chapelle  des  Rois  de  France,  sous  les  trois 
du  R.  races,  jusqu'à  Louis  XIV,  par  L.  Archon  de  Riom,  chapelain  de  S.  M. 

et  sacri^taIn  de  Versailles.  Paris,  1704  et  171 1  ,  2  vol.  in-4°. 
Ai'Dïad  ,    Statou   Statuts  du    Diocèse  d'Angers,  depuis  l'an   1240  jusqu'en    1679,    publiéi 

d'Ansfu.  par  Tordre   de   l'évèque  Henri  Arnaud.  Angers,  1680,  in-4''. 

Alt  de  viiif.  lesd.   L'Art  <le  vérifier  les  dates  des  chroniques  et  autres   monuments;  par  des 

religieux  bénéilictins.  Paris,  Jond)ert,  1783-1792,  3  vol.  in-f. 

Aiceliii,  Voyage.     Voyage  du  F.  Ascelin  en  Orient  au  1 3° siècle,  dans  le  Recueil  de  Bergeron. 

Asseiujui,  Bibiiot.   Bibliotheca  orientalis   Clenu-niino-Vaiicana  ,  recensons  nianuscriptos  co- 

orieiit.  dices  syriacos,  arabicos,  etc.  ,  studio  Josephi  Simonis  Assemani.  Romae, 

1715-1728,  4  vol.  in-fol. —  Bibliothecae  Mediceo-Laureniianoe  et  Palatin» 

MSS.   codicum  orientalium   Catalogus  ,   studio  Jos.   Evodii   Assemani. 

Florentise,  174'-'»  2  vol.  in-fol. 

Aiiinc,  Méd.  de   Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Montpel- 

Moiiip.  lier,  par  Astruc.  Paris,  1767,  in-4";  édition  donnée  par  Lorry. 

Auhriy,  nist.  de»   Histoire  générale  des  cardinaux ,  p.u'  Ant.  Aubery.  Paris,  i6'42-i645  ,  5  toI. 

card.  in-4"- 

Aatouc.  Decii  Ausonii  burdigalensis  poelae  opéra,  cum  commentariisEIiœ  Vineti  et 

J.  C.   Scaligeri.    Burdigalas,   i6o4,  in-4"-  —  Achery,  Attichi ,   Auteuil , 
Auvitnji  voy.  d' Achery ,  d'Alticki,  d^ Auteuil ,  dAuvigny. 


Aliamura,  Bibliot. 
t)oiDiii. 

Alvj  y  Asiorga. 


André  de  Lonpj. 

André»,   H.  délia 
Leiler. 

Anglic.  reium. 
Annal    berlin. 

Anselmi  (S.)  Op. 
.Inoclnjc  ;_  te  P.) 

AntnnlDi(S.)Hist. 

Autnnio  ,  Bibliot. 
llisp. 

Anton.  Sen.  Cbr. 
Praed. 


DES  CITATIONS.  xi 


IJALE.  Scriptorum  illustriuni  majoris  Britanniae  Catalogus  à  Japheto  usque   Baie  Scripi.  Ancl 

ad  aniiiiin  iSS^,  ex  Deroso,  Gennadio,  Bedà;.  .  .  auctore  Joanne  Baleo. 

Biisilfœ,  Oporin,   i55y,  2  toni.,  i  vol.  in-f'ol. 
Jugements  des  savants   sur  les  ouvrages  des  auteurs,  par   Adrien   Baillet,    Bailler , Jug«iB. 

avei-  tles  remarques  de  la  Monnoye  et  l'Aïui-Bailiet  de  Ménage.  Paris  , 
1^9.2-1730,  8  vol.  iti-4''. 
Vies  des  S.iints  ,  pai-  Adr.  Baillet.  Paris,  1701,  etc.,  17  vol.  in-8°,  ou  lo   Baillti,  v.  de»SS. 

vol.  iii-4"i  ou  4  V'J-  in-fol. 
Balduini  prreinonstratensis  Ch^nicon  à  Chiisto  nato  ad  ann.   i294-  Inter   Balduin,  Chron. 

Saciœ   Antiquiiatis   Mouumenta  à   C.  L.  Hugone  collecta.  S.  Deodati , 

173 1 ,  in  fol.,  t.  2,  p.  53. 
Histoire  de  la  Maison  d'Auvergne, par  Etienne  Baluze.  Paris,  1708,  2  vol.   Bjin^.  Auv. 

in-folio, 
(loneilioium  Coll«i<'lio  (incepia)  à  Stephano  Baluze.  Parisiis,   i683.  in-fol.   B^'"'- Conc. 
Miscellanea,  édita  à  Siepli.  Baluze.  Parisiis,  1678-1715,  7  vol.  in-S".  Luc*,  lijim.  Mi.cell. 

1761  ,  4  vol.  in-folio.  — Voyez  Innocent  III. 
Libelliis   recollectioiiis   authoritatuin    de  veriiate  conceptionis  B.  Mariae,   Bandello  (Vinc.) 

auctore  Viiuentio  Baiidello.  Mediolani,  i475,  in-4°.  Ejusdeni  Tractatus 

de  puritate  conceptionis  Jesu-Cluisti.  Bonoiiiae,  i48i,in-4°. 
Fabliaux  pid)lies>n'  Barbazan.  Voyez  Méon.  Ba.l.aznn,  lal.l. 

Caesaris    Baronii    Cardiiialis  Annales   ecclesiaslici   à   C.    N.  ad  ann.    1198.    Baionii  AnnaK 

Roiu.x',  i588-i593,  12  vol.  in-folio.  Cum  Odor.  Raynaldi  continuatione, 

Ant.  Pagii  criticà  ,  indice,  etc.  Uomae,  1 740-1 757,  39  vol.  in-fol. 
Caspaiis  Barthii  Adveisarioruni  conuiientaiioruni  libii  60,  quibus  ex  uni-    Banbii  Adven 

versa  antiquitatis  série,  omiiis  geneiis  loci  tain  gentilium  quam  Christia- 

norum  scriptorum  illustrantui- et  emendaiitur,  cum  undecim  indicibus. 

Francofurti  ,   1624  vel  1648,  in-fol. 
Bartbolomoei    monachi    (  abbatis  )  cluniacensis  Sermones    io5.    Mss    4295  BaitLolom.ClaD. 

Bibliotli.  reg. 
Crusca  piovenzale  ovvero  le  voci ,  frasi,  e  manière  di  dire  che    la  lingua    Bastero,  Cr.  prov. 

toscan.)  ba  preso  dalla  provenzale;  di  Antonio  Bastero.  Roma,  Antonio 

de'  Rossi,  1724,  in-fol. 
Histoire  de  IMiilippe-Auguste ,  par  Baudot  de  Juilly.  Paris,  Brunet,  1702,   B.iudoide  Jaiin. 

a  vol.  in-i2.  ^^  Phil.-Aug. 

Dictionnaire  bistorique  et  critique  de  P.  Bayle.  Amsterdam,  1720  ou  1740,   Bayle,  Dlci. 

4  vol.  in-fol. 
Recheiches  sur  les  Théâtres  de  France,  par  Beauchamps,  Paris.    1735,    Beaurhamps ,  Me 

in-zj".  th.  sur  les  Th. 

La  Coutume  de  Beauvoisis  (selon  que  il  couroit  en  l'an  de  l'Incarnation    Beaumanoir.Cont- 

Nostre  Seigneur  ia83  ),    par  Beiuiuanoir,  avec  les  notes  delà  Thau-       de  lieauv. 

inassière.  Bourges  et  Paris,  i63o,  in-fol. 
Venerabilis   Bedae  Historia  ecclesiastica  Anglorum.  —  Et  Cbronica  de  6    B«da. 

aetatibus  mundi. —  Liter  ejiis  Opéra  omnia.  Colonise  Agrippiiioe,  sunip- 

tibus  Anton.  Hierali,  et  S.  Gyuiniei.  1612,  8  tom.  (4  vol.)  in-fol. 
Roberti  Bellarmini,  cardinalis,  liber  de  .scnptoribus  ecclesiasticis,  cum  ap-   Bcllaniiin,  De  Sci. 

pendice  Pliilippi  Labbe.  Parisiis,  i()58,  in-S".  —  Rob.  Bellarmini  Opéra       <^«l". 

varia.  Coloniae,  i6n,  3  vol.  in-fol. 
Annales  générales  de  l'Histoire  de  France,  par  Fr.  de  Belleforest.  Paris,    BeUrforest  .    An- 

Buon  ,  1579,  2  vol.  in-ful.  «"'•  ''<■  ^'' 


Xll 


TABLE 


r.einho  ,  Pl()^L■ 

Benev.  Hi>t.  Mon- 

tis  K. 
Keuoist,    Hisi.   île 

Toul. 

Btrgeron,  Voyag. 


Bernaul  '  S-)- 

Beioat  d  (îtiiduois. 
Bernard  le  Tiesor, 


Bcsse  .  H.  de  Car- 
cassonne  et  de 
Narbonne. 


Bessin ,  Coacil. 


Bcnghein,  Bibliog. 


BJancjni ,    Chl'On. 


Bibliographie. 
Bibliothèques. 


B;i>i;r.  imiv. 


Blaïunin.      C.hron 

Vicon. 
Boeder.  Bibliogr. 


Boetii  CoDsol. 
Bolland.  AcIt.S.S 


Le  IVose  (lel  Bembo.  Napoli,  1714-  2  vol.  in-4°,  et  dans  le  I.  II  fies  OEii- 
vrt'sdu  cartl.  Bembo.  Venise,  17291  in-t'ol. 

Bcnevennti  de  S.  Georgio  Historia  Montis  Ferrati  iisque  ad  ann.  1490.  In 
tomo  XXUI  Rer.  Italie.  Lud.  Muratorii.  Col.  38o. 

Histoire  ecclésiastique  et  politique  de  la  ville  de  Toul,  par  le  P.  Benoist 
(Picard),  capucin.  Toul,  1707,  in-4''. 

Voyages  laits  principalement  en  Asie  dans  lesxii,  xiii,  xiv  et  xv*  siècles, 
(par  André  de  Longjumeau,  Ascelin  ,  Plancarpin,  Rubruquis,  etc.), avec 
une  Introduction  par  Bergeron.  La  Haye,  1729  ou  1735  ,  2  tomes  in-4°. 

S.  Bernardi ,  abbatis  Clarevallensis,  opéra  omnia,  cura  Joannis  Mabillon. 
Parisiis,  1690,  2  vol.  in-fol. 

Catalogus  fratrum  Praedic.  aliaque  Bernardi  Guidonis  opuscula  (  manuscr.). 

Traduction  française  et  continuation  de  l'Histoire  des  Croisades  de  Guil- 
laume de  Tyr,  par  Bernard  dit  le  Trésorier.  Mss.  674^,  etc.,  de  la  Biblioth. 
du  Iloi.  Version  latine  de  l'ouvrage  de  Bernaril,  par  Pipino,  dans  le 
tome  VII  des  Scfiptores  Reriim  italic.  de  Muratori. 

Histoire  des  comtes  de  Carcassonne,  par  Guill.  Besse.  Beziers,  Estradiers, 
1643,  in-4". —  Histoire  des  comtes  de  Narbonne,  autrement  appelés 
princes  des  Goths,  ducs  de  Septimanie  et  marquis  de  Gotbie,  par  Guill. 
Besse.  Paris,  Sommaville,  1660,  in-fol. 

Concilia  Ecclesioe  Rothomagensis  ,  editio  auctior,  cura  Guillelmi  Bessin, 
benedictini.  Rotlioniagi,  1717  ,  in-fol.  La  première  édition  avait  été 
donnée  par  Pommeraye  ,  à  Rouen,  en  1677.  in-4". 

Cornelii  à  Beugliem  Bibliographia  juridica,  niedica,  niathematica,  historica, 
etc.  Amslelodami,  1678-1696,  5  vol.  in-12. — Incunabula  Typographiœ, 
ibidem  ,   i  688.  in-i2. 

Clarorum  mathematicorum  Chronologia  ab  O. 'C.  ad  ann.  i6i4,  studio 
Jos.  Biancani  ;  cum  ejusdem  Dissertatione  de  mathcmaticarum  naturà, 
ad  calcem  voluniinis  cui  titulus  :  Aristotelis  locamathematica;  Bononiae, 
Cocchi,    1625,    in-4''. 

Voyez  Beughein  ,  Boeder,  Braun,  Brunet,  de  Fortia,  Freyttig ,  Laire , 
Maittaire ,  Naui/é ,   Panzer. 

Notices  de  livres  ou  d'auteurs.  \ oyez  jiltainura ,  Antonio,  Àssemani, 
Baie,  Boucher  de  la  Richnrderie ,  Brunet,  Dav.  Clément,  De  Vich, 
Draudius  ,  Ellies  Dtipin  ,  Du  Ferdier,  Fabricius ,  Fontanini ,  Foppens , 
Gesner,  Hamberger,  Hartzheim ,  Hayin  ,  Intbonaii ,  Konig,  Lahbe ,  La- 
croix du  Maine,  Lelong ,  Le  Paige,  Le  prince ,  Leyser,  Lipenius  ,  Liroii , 
Marracci ,  Manier,  Meusel ,Michaud ,  Montfaucon  ,  Papillon,  Reinaud, 
Reiser,  Sander,  Siinler ,  Si.rte  de  Sienne,  Tanner,  Tissier,  Thomassin  , 
Valère  Andrc,Vosiius.  Voyez  aussi  Catalogue,  Recueil,  Scriptores. 
Biographie  universelle,  ancienne  et  motlerne,  ou  Histoire  alphabétique 
de  tous  les  hommes  qui  se  sont  fait  remarquer,  etc.;  par  une  Société  de 
gens  de  lettres.  Paris,  Michaud  ,  181 1-1828  ;  52  vol.  in-8°. 
Blainpini  notae  ad  Chronicon  viconiense.  Mss. 

S.  H.  Boecleri  Bibliographia  critica.  Lipsiae,  1715.  in-4".  —  Ejusdern  Dis- 
sertalio  de  scriptonbus  graecis  et  latinis  usque  ad  ann.  i5oo.  Argento- 
rati ,   1676,  in-8''. 
An.  Man.   Severini   Boetii   liber   de  Consolatione   philosophiae.   Glasguae  , 

Foulis,  1751,  in-4". 
Acta  sanctonim  omnium  collecta  et  illustrata,  cura  Joannis  Bollandietalio- 
rum.  Antuerpiae,  1643-1794,  ^'2  vol.  in-fol. 


DES  CITATIONS.  xiij 

Joannis  Bonaecardinalis  Opéra.  Parisiis  ,  1677,3  vol.  in-8".  Augustae  Tau-  Bonn. 

rinoruni,   17471  4  ^<'l-  in-fol. 

Mémoire  de  lîonamy  sur  le  Trésor  des  Chartes,  dans  le  t.  XXX  de  l'Aca-  Konamy,  Tr.  a» 

demie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  '' 

Traité  sur  la  mesure  musicale  et  poétique,  par  Bonesi.  Paris,  i8o4,  in-8".  **""•"■•'•  Mei.  mn 
Gesta    D<'i  per  Francos  ,  sive  de  oiientalibiis  expeditionibus  et  de  reguo 

Francoruin  Hierosoiymitano  Scriptores  varii,collecti  à  Jacobo  Bongais.  ™"i;^".Gest.Dci. 

Hanoviœ,  i6'i  i,  2  tom.  in-fol. 

Trésor  des  Recherch.  et  Antiq.  gaul.  et  fr.  par  P.  Borei.  Paris,  i6j5,  in-4°.  ^""^^  >  Antuj. 

Olai  Borrichii  de  Poetis  graccis  et  latinis  Dissertationes  7.  Hafniœ,  1677  et  Bouicb.  de  Pou. 

seqq.  in-4°.  Francofurti,  i683,  in-4". 

Histoire  des  variations  des  églises  protestantes,  par  Bossuet.  Paris,  1776,  Itos^mt,   h.    dfs 

f)  vol.  in-i2,  et  t.  III  des  OEuvres  de  Bossuet.  Paris,  1743,  in-4°.  Vj.iai. 

Histoire  dés  Mathématiques,  par  Bossut.  Paris,   Louis,  1810,  2  vol.  in-8".  '•<'-■-'"•"■''"""" 

Histoire  de  Provence  ,  par  Honoré  Bouche.  Aix,  1664,  2  vol.  in-fol.  liomhe    Hit    1- 

Bibliothèque  universelle  des  Voyages,  par  Boucher  de  la  Richarderie.  Paris,  l'iDvence. 

Treuttel,  i8o6,  6  vol.  in-S".  Bc".  hoi,  liiuiioiii. 

Scriptores  rerum  Gallicarum  et  Francicarum. —  Recueil  des  Historiens  de  'l^s  voyages. 

France,  publié  par  Doni  Bouquet,  et  d'autres  bénédictins;  depuis  le  t.  !,;(,,  J^  ,"' 

XIII,   par  Brial;  le  t.  XIX  achevé  par  MM.  Daunou  et  Naudet.  Paris, 

Impr.  roy. ,  1736-1832,  19  vol  in-fol.  (le  XX^  est  sous  presse). 

La  Somme  rurale,  compilée  par  Jehan  Bouteiller.  Bruges,  Colard  Mansioi',  lUiui.iiiei,    Sum. 

'479)  gr-  in-fol.  Abbeville,  Gérard,   i486,  in-fol.  Paris,    1488,  in-ful.  ii]r..ic. 

Paris,  avec  les  commentaires  et  les  annotations  de   L.  Charondas   I,c 

Caron.  Paris,  i6o3,  in-4°;  'bid.  1611,  1612,  in-4". 

Historyof  the  Popes,  froin  llie  foundation  of  the  see  of  Rome,  by  Arclii-  Bower. 

bald  ISower.  London,  1748-1766,  7  vol.  in-4". 

Placidi   Braun   Notitia  historico-litteraria  de  libris  ab  artis  typograpliira?  Bnimi,  Noiit.  iN- 

inventione  usque  ad  ann.  i5oo  impressis,  Augustae  extantibus.  Auguste  '''•r. 

Vindelicorum,  1788  et  1789,  a  part.  in-4°. 

BuUarium  Ordinis  Fratrum  Praedicatorum,  studio  fratris  Bremond.  Ronue,  Biemond,  Buli.n. 

1739-1740,  8  vol.  in-fol.  l'i.uJ. 

Chronique  dite  de  Brompton,  de  588  à  1198,  dans  la  collection  de  Twis-  B.cnipton    (  .s.  ) , 

den.  Lond.,  1632,  in-fol.  Cluon. 

Antiquitatum  et  Annalium  Trevirensium  libri  25,  à  Ch.  Browero  et  Jac.  Biown.      Aniici 

Mazenio.  Leodii,  Hovius,  1670,  2  vol.  in-fol.  'i'cv. 

Fasciculus    rerum   expetendarum    et   fugiendarum,   editus    ab    Edwardo  Bruvn  (Ed.)Fai. 

Brown.  Londiiii,  1690,  2  vol.  in-fol.         ♦  ciculus. 

Hisloria    critica    Philosophiœ,    auctore  Jacobo   Bruckero.  Lipsiae ,  1742-  Bu.ciiei.H. Ph;io». 

1765,  6  vol.  in-4°;  1766  et  1767,  6  vol  in-4°. 

Manuel  du  libraire  et    de  l'amateur   de  livres,  par  Jacq.   Ch.    Brunet.   3'  l'mnet,  Mao.  ,iu 

édition.  Paris,  1820.  4  vol.  in-8°.  ''^'■• 

Caspar  Bruschius,  de  Episcopatibus  Germaniae.  Norinibergae ,  1549,  '"-8"-  '""'"^^'''U'.'leKin» 

Nouvel  examen  de  l'usage  général  des  Fiefs  en  France,  pendant  les  xi,  xii,  '"•'■  '^""^ 

XIII  et  XIV*  siècles,  par  Brussel.  Paris,  1717  et  1750,  2  vol.  in-4".  ''"isscl,  isag.  .1,» 

Dissertations  sur  différents  sujets  de  l'Histoire  de  France,  par  J.  B.  BuUet.  ]„,'i'ierij;„e,,  ^ 

Besançon ,  1 739  ,  in-8°.  "Vu,;,  ',1'/?.."" 

Biovii  Annales  ecclesiastici  ab  anno  1108  usque  atl  i57U.  Cnloniae  A-Mip-  «,       .      ■ 

pma;,  lOio,  etc.  Konue ,  167a,  9  vol.  in-fol. 


xiv  TABLE 

CicsaiiuiHeisieib.    Vj  ESARii  Heisterbacencis   libri   3   de  Vità  S.  Engelberti.  Coloniae  ,  i633  , 

in-S",  et  dans  les  F'itœ  Sanctorum  de  Surius. 
Cslmrt ,  Hist.  de   Histoire  ecclésiastique  et  civile  de  Lorraine,  par  dom    Augustin  Calmet. 

^'■'"'-  Nancy,  1728,  3  vol.  in-tbi.   i-j^^-i"]^-]  ^  7  vol.  in-fol. 

Cauibddi.  Siilpt.   Anglicariim  ,  Hibernicanim,  etc.,  rerum  Scriptores,  à  Guill.  Camdeno  col- 

rciiiniangl.  ]ecù.  Francofurti ,  1602,  in-f'oi. 

Caiiisii,Anii(|.lcct.    Aiitiquaî  Lectionis  tomi  6  sive  vetera  Monumenta  primùm  édita  et  illus- 

trata  notis  ab  llenrico  Canisio.  Ingoistadii ,  Eber,  i6ui  ,  etc.,  6  vol.  in-4°. 

—  H.  Caiiisii  Tliesaurus  Monunientoruni.  Antuerpice,  1735,  7  vol. in-fol. 
c.auo  (  Mrli  h.   de   Melchioris  Cani ,  ord.    Praedic. ,  de   Locis   Thcologicis   libri    12.   Coloniae 

Locis  ibrai.  Agrippina;,  idoSjin-S";  Patavii ,  i7i5,in-4''. 

Catal.  niss.  Ang).     Catalogns  librorum  manuscriptoriim   Àngliae  et  Hiberniae.  Oxonii ,  è  Tbea- 

tro  Sheldoniano  ,  1697.  1  vol.  in-fol. 
r*iiil.  Ribliot.  reg.   Catalogns  Manuscriptoriim   BibliothecB   regiae  parisiensis  (studio  Aniceti 

JMellot).  Parisiis  ,  è  Typogr.  reg.,  1739-1744;  4  ^ol-  in-fol.  — Catalogue 

des   livres  imprimes  de   la  Bibliothèque  du   Roi  (par  Sallier,  IJoudot, 

Capperonnier).  Paris,  Inipr.  royale,  1739-1750;  6  vol.  in-fol. 
Caialog.  de  li\res.   Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque  de  Charost.  Paris,  Barrois,  1742, 

in-8".  —    Du    maréchal    d'Estrées.    Paris,   Guerin,     1740    et     1760, 

2  vol.  in-8".  —   De    Rotlielin.   Paris,   Gabr.   Martin,    1746,    in-S".  — 

Bibliotheca  baluziana.  Paris,  Martin,   1719,  2  vol.   in-12.  — Bigotiana. 

Paris,  Boudot,    1706,  2  vol.  in-12.  — Heinsiana.  Lugduni  Batavoruni, 

1682, in- 12. 
Otrl. Hlsf.de Tou-   Histoire  des  comtes  de  Tolose,  par  Guill.  Catel.  Tolose,  1623  ,  in-fol.  — 
louse-  Mémoires  de  Iflistoire  de  Languedoc  ,  par  G.  Catel.  Tolose  ,  Bosc,  i633, 

in-fol. 
C«Te,  Scripf.eccl.   Scriptorum  ecclesiasticorum  Historia  litcraria  à  C.  N. ,  usque  ad  seculum 

XIV,  auctore   Guillelmo  Cave.  Oxonii,  è  Theatro   Sheldoniano,  1740, 

1743  ,  2  vol.  in-fol. 
rhaijeaiMiiip,  Ec-    Historia  sacra  et  profana,  nec  non  politica,  in  quâ  non  solùm  reperiuntur 
des.  I  eod.  Gesta  Pontificum  Tuiigrensium  ,  Trajectensiiim  ac  Leotliensium,  verùm 

etiani  Pontificum   romanoriim  atque  Imperatorum,  ac  regum  Franciae  j 

nunc  primùm  studio  Joannis  Cliapeauvillii  (è  veteribus  libris  ac  monu- 

miTitis)  édita  et  annotationibus  illustrata.  Augustae  Eburonum ,  1612, 

1616,  1618,    3  vol.   in-4°. 
(.hénier,  Fabliaux    OEii  vies  de  :NL-J.  Chcnier ,  (et  de  son  frère  André),  revues,  corrigées  ,  etc. 
K,om;,n,f,Hnc.        p^,,.;^^  GuiUaume,   i825,    lo  vol.   in -8°;  p.   88-167  du   t.  IV,  in-8<'. 
(.Tiifflci.^csoniio.    J.  J.ic.  ('.Iliftietii ,  Vesontio  civitas  imperialis  libéra,  Sequariorum  nietropolis, 

pluribus...   luonumentis  illustrata.  Lugduni,  i65o,  2  part,  in-4",  edit  2° . 
rjior]ii.  I.  fis.  Rilg.   Sancii  Belgii,  ordiiiis  Praeilicatorum,  studio  Francisci  Hyac.  Choquet.  Duaci, 

'•"■''•  Bélier,   1618,  in-8  .,  tig. 

Chion.  piov.  dei   Chronique  île  la  guerre  des  Albigeois,  écrite  en  langue  provençale,  par  un 
*""ï-  anonyme;  dans  le  tome  111  de  IHist.  de  Languedoc  de  Vaissette,  et  dans 

le  tome  XIX  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 
Chron  Aliisiiod.     Chronicon  Autissiodorense  scriptimi  à  Roberto  (Abolant)  praemonstratensi 

ad  S.  Marianimi  canoniro  ,  editum  à  Nicolao  Camusœo.  Trecis  ,  1606, 

in-fol.,  et  tom.  X,  XI,  XII,  XVIII  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 
(.Iirou.  lie  S.  ))en.    Grandes  chr(miqMes  ik*  France  (  dites  Chroniques  de  Saint-Denis),  depuis 

les  Troycns  jusqu'à  la  mort  de  Charles  VII,  en  1461.  Paris,  Bonhomme, 

1476';  3  vol.  in-fol.  P.  Vérard,  i493  ,  3  vol.  in-fol.  Paris,  Eustiice,  i5i4) 


DES  CITATIONS.  xv 

3  vol.  in-fol.,  et  clans  plusieurs  volumes  ilu  Rec.  des  Historiens  de  France. 

Chronicon  Kivcannense,  Chronique  de  Fécanip ,  dans  le  t.  1"  de  la  Bihlio-   chron.  Fiscann 
theca  jKwa  de  Labbe. 

Chronicon  Episcoporuni  Metensinm,  dans  le  t.  II  du  Spicilège  de  d'Acheri.    Cliron.  Mei«D»e 

Chronicon  Viconiense  ab  anno  iii5ad  laSo  circiter,  t.  XIi,Spicil.  d'Acli.    Chron.  vicon 
—  Cliion.  Hictaviense;  Turon.  Waverlei.  dans  le  t.  XVllI  du  Recueil  des 
Hisl.  de  Fi. 

Chroniques;  voyez  Alheiic ,  Annales  Bertiniani ,  S.  Antonin,  Antonius  Se-  CbroDK|uci. 
nensis,  B/ildtdn,  Bedci,  DorianJ,  Foresli,  GenebranI,  Gislebeit^Gresoritis 
Tuniti.,  GuUvlinui- Andrensis  ,  helinand,  Higden ,  Jonnnes  de  Columna 
Kny-gtlion  ,  Krnntz  ,  Lanfranc ,  Martin.  Pol ,  Matthœus  fVestinonaste- 
riensts  ,  MattUias  de  Michovia  ,  Mencon,  Mej'er,  Otideghcrst ,  Panvini  , 
Mntih.  Paris  ,  Pignon,  Ptolomœus  Liicensis ,  Badulplius  de  Coggeshalv, 
Radii/fjhns  de  Diceto,  Ricobaldus ,  Sc/iaten  ,  Schedel ,  Thomas  de  Wal- 
sint^hmn ,   Trivet 

Alplinn>i  (^iaconii,  Vit.ne  et   Res  Gestse  romanorum  Pontificum  et  Cardi-   ciacim  v    i' 
nairuni.  Uonia',  de  llubeis,   1677,4  vol.  in-fol. 

Angeli  de  Clavasio  Suninia  angelica  de  casibus  conscienliae.  Norimber<'ae,   «-k     ■  ,,       ,  ■ 

o  _  D  &     '     v>i.lVdhio(Ang.  (le). 

i/joS,  in-4". 
Bibliothèiiue  curieuse,  ou  Catalogue  raisonné  des  livres  difficiles  à  trou-    n\  ,r,    •>> 

'„.,,.,.  /-.         ■  T     •       ■  r-  z  1'.  Clément  (Djyitl.) 

ver,  par  D.ivitl  Clément,  (jottingue,  Leipsic,  1730-1700,  y  vol.  in-4'*. 
Jodoci   (;iiciova;i  Elucidatorium  ecclesiasticum,  ad  officiiim  ecclesiasticuin   /-i-  .       r,    •■ 

1       .,  n      ■    •■  r~o      ■        ,0  Chcluv.  Elucid. 

pertineniia  planius  exponeiis.   Pansus,  i&.to,  in-4  . 

Collections;  \oyvz  Baluze ,  Bol/and,  Bongars ,  Bouquet,  Bron-n,  Cnnibden,  ,■  n 
Caniiius,  d\i chéri ,  Despont,  Diplomata  ,DodiWortli,Ducheinc,  Durand, 
Eckhail,  Fell,  Gale,  Go/dstat,  Guizot,  Honiniey,  Hugo,  Labbe,  Lcibnitz, 
Lunig ,  iMabillon,  Martenc,Ant.  Matthieu,  Aub.  Mirœus ,  Muratori , 
Ordonnances  ,  Parker ,  Petitot ,  Pez  ,  P it hou  ,  Recueil ,  Saint-}  on  ,  Sa- 
vil ,  Scriptores,  Surius  ,  Tn'isden  ,  tVarthon. 

Mémoires  pour  servira  l'Histoire  ecclésiastique ,  civile  et  militaire  du  Ver-   ,-  i,- 

I    •  '  ,^11-  ^         I        •         r.      •  o         1     •        ,  Lollielle,  Hist.  du 

mandois,  par  Colhette.  Cambrai  et  Pans  ,1771  et  suiv. ,  ,-J  vol.  in-4°.  Vimund 

Joannis  Coliinibi,  è  Societate  Jesu,  libri  4  de  Rébus  Valetiiinorum  et  Dieu-   r,  1 .    i-      i-  ■ 

.  '  '       ^^  _  V..01UI11U1   ,     tniso. 

sium  episcoporum.  Lugduni,  io38  vel  i652,  in-8°.  Ejusdem  libri  4  de  Valem. 

Rebiis   gestis  episcoporum  Vivarensium;  Lugduni,   i65i  ,  in-4". 

Conciles  ;  voy.  Baluze  ,  Btisin  ,  Harduin,  Liibhe,  Maan,  Spe.'inan  ,  Jf  ilkiiis.  Concilei. 

Histoire  moderne,  par  Condillac,  t.  XVI  et  XYII  de  ses  œuvres  complètes.  Condillac.H  mod. 

Paiis,  1798,  23  vol.  in -8°. 

Cornelii  à  Lapide  commentaria  in  libros  veteris  Testament!.   Antuerpiœ  ,  Comel    à  Lanid» 

Nutius,  if)3o-i647,  10  vol.  in-fol.  Commpnt. 

Pauli  Cortesii  de  hominibus  doctis  Dialogus.  Florentiae,  1734,  in-4°.  Coiies.  (Paul.) 

Les  Antiquités,  Chroniques  et  Singularités  de   Paris,  par  Gilles  Corrozet.  Conozct,  Amiq 

Paris,   i565,  in-ia. 

Chansons  du  châtelain  de  Coucy,  revues  sur  les  mss.  par  M.  Francisque  <  ouc»  Chanaom 

Michel,  Paris,  Crapelet,  i83o,  gr.  in-S". 

Crantz;  voyez  Krantz.  Cranta  (Alh.). 

Istoria  délia  volgar  Poesia,  diGiov.Mar.  Crescimbeni.  Roma ,  1698,  in-4".  Crescimbeni. 

Venezia,   17301731  ,  7  vol.    in-4°.  Dans  le  t.  Il,  File  de'  Poiti pri>ven- 

zali,  traduites  du  français  de  J.  Nostradamus,  et  augmentées  de  notes. 

Histoire  de  l'Université  de  Paris,   depuis  son  origine  jusqu'à  1600;  par  Cievi^r,  Hist.  de 

Crevier.  Paris,  Desaint  et  Saillant,  1761,  7  vol.  in-ia.  l'Univ. 

Joannis  Growaei  Elenchus  scriptorurain  sacraïuscripturam.  Londini,  1672,  Cron»n»,  Scripi- 


xvi  TABLE 

iii-ia.  —  Ejusdein  Catalogus  Scriptorum  angliconim  qui  aliquid  in  sa- 
crain  scripturam  coninieiitati  sunt.  Londini,  1668,  in-8°. 
Cuvlcr,  Hisi.  Jes   Histoire  naturelle  des  Poissons,  par  MM.    Cuvier  et  Valenciennes.  Paris, 
,,oi.,un5.  Levrault,   1828,  6  vol.  in-S". 

D'Acbeiy,  Si.icll.     U'AcHEBY.    Spicilegium  sive   CoUectio    veteniin   scriptorum,  cura  Lucae 
d'Achery.  Parisiis,    i635-i6-y  ,  i4  vol.    in-4°.  —  Parisiis,  Montalant , 
1723,  3  vol.  iii-fol. 
DAiRiripuiile,  H.    Histoire  civile  et  ecclésiastique  de  la  ville   de  Montpellier,  par  Ch.  D'Ai- 

(le  Muiirp.  grefeuille.  Montpellier,  i-)~  et  17^9,  a  vol.  in-iol. 

naire.il.dAii.ifns.   Histoire  de  la  ville  fl'Auiiens  clepuis  son  origine  ,  par  le  P.  Daire,  Paris, 

ijSj,  2  vol.  in-4°. 
l).,iii.l.  II.  Je  i"r.    Histoire  de  France,  par  le  P.  Gabriel  Daniel,  jésuite.  Edition  de  Griffet. 

Paris,  1706,  17  vol.  in-4".  Amsterdam,  1755,  24  vol.  in-12. 
Dante, C(. mm. Div.    H  Paradiso,  parte  délia  Diviiia  Conimedia  del  Dante.  Parma,  Bodoni,  1796, 
Pjiad.  in-4".  —  La   Divine   Comédie  du  Dante,  en  italien   et  en  français,    tra- 

duction de  M.  Artaud.  Paris,  Firm.  Didot,  1828  6129.9  '*'*''•  '"-18. 
"""4"'"'''''"'    Histoire  de  Bretagne ,  par  Daru.  Paris,  Firmin  Didot,  1826,  3  vol.  in-8°. 
nai.r.H.le  Venise.   Histoire  de  la  république  de  Venise,  par  Daru,  2^  édition,  revue  et  cor- 
rigée. Paris,  Firmin  Didot,   1821,  8  vol.  in-8". 
DAiiieuii .    11:5t.  Histoire  des  Ministres  d'Etat,  par  Charles  de  Combault,   baron  d'Auteuit. 

des  MiiiistLs.  Paris,  1642,  in-fol.  Pans,  1667,  1680,  2  vol.  in-12. 

Der.iosses,  Foiiii.   Traité   tle    la   Formation   mécanique    des   langues,   par    le    président    de 

'^*' '■'"!<■  Brosses.  Paris,  1801,  2  vol.  in-12. 

n^ikiieir.  Sciii)t.   Joannis  Deckherr,  de  scriptis  adespotis  ,  pseudepigraphis  et  supposititiis 

^'''"'P-  conjectiirae.  i63i,  in-12. 

Defouiaiiie,  Clins,    ("onseil  que  Pierre  Desluntaines  1  ou  Défontaine")  donne  à  son  ami,  ou 
Traité  de  l'ancienne  jurisprudence,  en  français;  à  la  suite  de  Joinville, 
édition  de  Ducange.  P.iris,  1668,  in-fol. 
Dclambre, liist.de    Histoire    de    l'Astronomi,.'    du    moyen  Age,  par   Delambre.    Paris,   veuve 

l'asiron.  Courcier  ,   18 18,  in-4". 

Delandinc  ,  Diri.   Nouveau  Dictionnaire  historique  (de  Chaudon\  augmenté  par  Delandine. 

'''"'■■■■  Lyon,  Muysset,  1804  ,  i3  vol. 'in-8°. 

Oelandine  ,   .Aisj     Man uscrits de  la  Bibliothèque  de  Lyon  ,  ou  Notices  sur  leur  ancienneté, etc., 

^'^  Lyon  p,„  fr.    \„t.  Dclandine.   I.yon  et  Paris,  181 2,  3  vol.  in-8°. 

De  h  Rue,  K.ii-    Essais  historiques  sur  les  B.iriles,  les  Jongleurs  et  les  Trouvères,  par  M.  de 

''".  •■"•  la  Rue.  Caen  ,    i834,  3  vol.  in-8°. 

Hepplnj:,  iii>i  lie»    lliiioire  des  expéditions  maiitimesdes  Normands,  par  M.  Depping;  onvrage 
.N.MiiKMids.  couronné  par  l'Acadénue  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Paris,  1826, 

2  vol.  in-8". 
l)esl.lll(!.■.,l|l^l..le    Histoire  critique  de  la  Philosophie,  par  Deslandes.  Amsterdam, Ghanguyon, 

la  philos.  _<-  /  I     ■ 

'  *7'7  )  4  ^"l-  in-12. 

Desaioieis.'Meii,.  Continuation  des  !\Iémoires   de  littérature  et  d'histoire  de  Sallengre,  par 

le  l'.  Desniolels  ,  de  l'Oratoire.  Paris,  1-26-1731,   11   vol.  in-12. 

iv«pr.iit,  nihiici  Biblintlieca  maxiuia  veternm   patrum,  cura  Philippi   Despont.    Lugduni, 

""''•  '677,  ao  vol.  in-fol. 

lieviii,-,  chiiean-  flistoiic  du  Cliàteaii-Gaillai  d  et  du  siège  qu'il  soutint  en  i2o3  et  iao4,  par 

'•"'"■  M.  Achille  Devdie.  Houen,   1829,  in-8",  fig. 

Hciil'e  lombeaui  Toinbeaux  (le  la  cathédrale  de  Rouen,  par  M.  ,Ach.  Deville.  Rouen,  i833, 
•''■«""«"•  u,8°,  fig. 


DES  CITATIONS.  xvij 

Bibliotheca  scriptorum.  ordinis  cisterciensis ,  auctore  Carolo  De  Vich.  Co-  i)eVi»ch,  Bibliot. 

loniae  Agrippinae,  i656,in-4°.  cisierc. 

Diploiuata ,  Cliartae  et  alla  docuiiienta  ad  res  francicas  spectantia.  Edide-  Diplomaïa.ch.etc. 
runt  et  notis  illustrarunt  G.  O.  de  Brequigny  et  J.  G.  la  Porte  du  Theil. 
Parisiis,  Typogr.  Reg.  1791  ,  3  vol.  in-f'ol. — Les  tomes  II  et  111  ne  con- 
tiennent que  des  lettres  d  Innocent  111. 

Pétri  Dorlandi  Chronicon  carlhiisiense.  Coloniae,  1608,  in-S".  Dori.  (P.),  Chron. 

Histoire  des  Révolutions  d'Angleterre,  par  le  P.  d'Orléans,  jésuite.  Paris,  ,  "f*""  „  .    , 

1744,  4  vol.  in-i2.  d-Ang, 

Histoire  de  la  ville  de  Soissons,  et  de  ses  rois  et  ducs  ,  etc. ,  par  Cl.  Dormay.  Dormay,  Hist.  d« 

Soissons,  1693,  2  vol.  in-4°.  Soiss.ms. 

Draudii  Bibliotheca  classica.  Francofurli,  161 1  ,  in-4°.  ^^"J^^^    Biblioih. 

Historia  ecclesiae  parisiensis,  auctore  Gerardo  Dubois.  Parisiis,  Muguet,  i,ui,„is'  HUt.  ec- 

1690  et   I71O,  2  vol.  in-fol.  des.  Paris. 

Historia  Universitatis  parisiensis,  auctore  Caesare  Egassio  Bula:o.  Parisiis  ,   ],„  Boui;,y   nist. 

1665-1673,   6  vol.  in-fol.  Dair.  Paris. 

Caroli   Dut'resne  du  Cange,  Glossariutn  niediae  et  infiniœ  latinitatis,  cum   Dn  Caogt ,  GIom. 

Indice  auctorum.  Parisiis,  Osmont,  1733-1736,  6  vol.  in  fol. — Supple- 

mentuni,  auctore  D.  F.  Carpeatier.  Parisiis,  1766,  4  vol.  in-fol. 
Histoire  de  l'empire  de  Consiantinople  sous  les   empereurs  français,  par   i)n  c^nge,  H.  d« 

Dufresne  Du  Gange.  Eloge  et  texte  (rajeuni)  de  Vilîe-Hardouin,  avec  des       C.  P. 

notes.  Paris,  1657,  in-fol.  Du  Cange  a  donné  aussi  une  édition  de  Join- 

ville,  i668,  in-fol. 
Histoires  généalogiques  des  Maisons  de  Chastillon,  Montmorency,...  Coucy,  .Dachnne  (A),  H. 

Dreux,...  Bétliune;  par  André  Duchesne  .  Paris,  162 1-1639,  7  vol.  in-fol.       g^neai. 
Hisloriae  Frgncorum  Scriptores,  à  gentis  origine  ad  Philippi  IV  tempora,    UuchesDe(.\.),9cr. 

editi  ab  Andraeâ  Duchesne  ,  et  posl  illuni  à  Francisco  ejus  filio.  Parisiis,       ■«■"•  e^U- 

1 636- 1649,  5  vol  in-fol. 
Duchesne  (A.)  ,  Bibliotheca  cluniacensis.  \ oyez  Mnrrier.  Tr'ih'   i 

Histoire  des  cardinaux  français,  par  François  Duchesne.  Paris,  1660-1666,  Dochesne  (Kr.)  H. 

2  vol.   in-fol.  des  card. 

Histoire  des  chanceliers  et  gardes  des  sceaux  de  France,  par  Fr.    Du-  Dacbe5ne(Fr.)H. 

chesne.  Paris,  1680,  in-fol.  de»  ehanc. 

Histoire  de  Paris,  par  Diilaure.  Paris,  1821  ,  etc.  ,  7  vol.  in-S"  —  iSaS,  Dubore.  Hist.  d« 

10  vol.  in-12  ,  avec  atlas  et  fig.  Piris. 

Histoire  de  l'église  de  Meaux,  par  dom  Martin  Du  Plessis.  Paris,  Gandouin,  Du  Plessûi,  H.  d« 

n3l  ,  2  vol.  in-4°.  Meaux. 

Bibliothèque  ecclésiastique,  par  L.  Ellies  Du  pin,  xiii*  et  xiv*  siècles.  Paris,  Uupin(EU!es)Bibl. 

Pralard,   1697,  ^  ^*''-  '"-8°.  ecclé». 

Traité  de  la  majorité  des  Rois,  et  des  Régences  du  Royaume,  par  P.  Du  Puy.  Dapnj  ,  Majorité 

Paris  ,  i655  ,  in-4°.  —  Avec  un  Traité  des  pinséminences  du  parlement  des  H.,  «ic. 

de  Paris.  Amsterdam,  172a,  2  vol.    in-8°. 

Durand.  Voyez  Martene.  Doraod  Béi.éd. 

Recueil  des  Rois  de  France,  leur  couronne  et  maison,  par  Jean  DuTillet.  Do  TUlet ,  Rois  de 

Paris,  1618,  in-4°.  ^' 

Traité»  de  paix,  de  trêves,  d'alliance  entre  les  rois  de  France   et  d'An-  Du  Tillrt ,  Traita* 

gleterre,  par  J.  Du  Tillet.  Paris,  Dupuis,  1688,  in-fol.  de  Paix. 

Bibliothèque  française  de  La  Croix  du  Maine  et  de  Du  Verdier  de  Vau  On  Teroier,  Bi- 

Privas,  avec  des  rem.  de  la  Monnoye,  etc.  ;  nouvelle  édition,  donnée  par       ^lioi.  fr. 

Rigoley  de  Juvigny.  Paris,  Saillant  et  Nyon ,  1772,  6  vol.  in-4°. 

Tome  XV m.  ,  c 

2 


XVII 


J 


TABLE 


Da  Yipnay,  Trad. 
de  Vinc.  de  B. 


Eidmer,IIist.  oov. 


Ecclûiasle. 


Erbard  ,  Scrîptor. 
ord.  Praed. 

Ëckbart  ,    Corpus 
historic. 

Eggs,  Pontif.  do»:ï- 


Kggs,  Porp.  docta. 


Eisengrein  ,C^Ial. 

Fest. 
Éloy  ,    Dlct.   hlsl. 

de  médec. 

£mon.  Cbron.  Ili- 
ner. 


Eipîlly,Dicl.  péo- 
grapb. 


F«bric.Cod.Pseod. 

Fabric.     liiblioUi. 
écries. 

Fabrir.  Bibl.  gr. 


Fabric.  Bibl.  ined. 
et  inf.  lat. 


Facciolati      l*e»ic, 
lat. 


F«achet(Cl.),  An- 

(iq.  fr. 
Félibien,S.'Deni> 

K«ll.    Script,    rer. 
•ogi. 


Le  Miroir  historial  de  Vincent  de  Beauvai.'î,  traduit  en  français  par  Fr.  Du 
Vit;.iay.  Paris,  Véiard,  1495,  1496,  5  vol.  in-lol.;  Paris,  JSic.  Couteau, 
i535 ,  5  vol.  p.  in-fol. 

EADMERi,canluariensis  monaclii,  Historia  novorum ,  sive  rerum  sui  seculi, 
al)  anrio  1066  ad  1122.  Londini,  1623,  in-fol.  —  Et  ad  calcem  Ope- 
nini  S.  Anselmi.  Parisiis,  lôyS,  in-fol.;  1721,  in-fol. 

L'Ecclesiaste,  l'un  des  livres  sapientiaux  compris  dans  l'Ancien  Testament; 
éditions  de  la  Bilile. 

Scriptores  ordinis  Praedicatorum,  opus  inchoatum  à  Jacobo  Quetif ,  abso- 
lutumà  Jacobo  Echard.  Parisiis,  1717,  1721,  2  vol.  in-fol. 

Corpus  historicuni  medii  aevi,  à  tempore  Caroli  Magni,  ad  finem  seculi  xt, 
studio  J.  Georg.  Eccardi  (Eckhart).  Lipsiae,  1723,  2  vol.  in-fol. 

Georgii  Jos.  Eggs  Pontificium  docluui,  seu  vitœ,  res  geslae,  obitus,  aba- 
que scltu  et  niemoratu  digna  pontificum  romanorum.  Colonise,  1718, 
in-fol. 

Georgii  Jos.  Eggs  Purpura  docta,  seu  vitre,  legationcs  et  res  gestœ  cardina- 
lium  qui  docirinâ  et  scriplis  inclaruêre.  Moiiacbii ,  1714-  3  vol.  in-fol. — 
Siipplementum  Purpurae  doctae.  Augustae  Vindelicorum,  1729,  in-tol. 

Guillelnii  Eisengrein  Catalogus  Tesiiuni  veritalis.  Dilingen,  i685,  in-4". 

Diciionnaire  historique  de  la  Médecine,  par  N.  F.  G.  Éloy.  Mons  ,  Hoyoi»  , 
1778,  4  vol.  in-4". 

Euionis  Clironicon  (in  quo  Itinerarium  TernE  sanctae  includitur).  In  tonio 
secundo  Analectorum  veteris  aevi  ab  Antonio  Matthœo  editonim  ;  dein  in 
tomo  primo  Monumentorum  sacrae  Antiquiiatis ,  p.  429-5o3. 

Diciionnaire  géographique,  historique  et  politique  des  Gaules  et  de  la 
France,  par  l'abbé  Expilly.  Avignon,  Paris,  1762-1770,  6  vol.  in-fol. 

V  ABT.iAOx.  Voyez  Méon. 

Codex  Pseudepigraphus  veteris  Testamenti  collectus  et  illustratus  àJoanne 
Alberto  Fabricio.  Hamburgi,  1722-1741,  2  vol.  in-8". 

J.  Alb.  Fabricii  Bibliotheca  ecclesiastica  in  quà  continentur  de  scriptoribut 
ecdcsiasticis  libri  plurinioriim.  Hamburgi,  1718,  in-fol. 

J.  Alb.  Fabricii  Bibliotlieca  Grœca,  sive  nolitia  scriptorum  veterum  Graeco- 
rum.  Hamburgi,  1718-1728,  i4  vol.  in-4".  —  Ibidem,  1790-181 1  ,  l '^ 
vol.  in-4°. 

J.  Alb.  Fabricii  Bibliotheca  mediae  et  infmiae  latinilatis.  Hamburgi,  1734, 
6  vol.  in-8".  —  Cum  notis  Douiinici  Mansi ,  Patavii,  Mambré,  1754,  ^> 
vol.  in-4°. 

Totius  latinilatis  Lexicon  ,  consilio  et  cura  Jacobi  Facciolati,  operà  et  stu- 
dio yEgidii  Forcellini  lucubratum,  editio  altéra  locupletior.  Patavii, 
typis  seminarii,  i8o5,  apud  Thomam  Bettinelli,  4  vol.  in-fol.  — Idem 
in  tertiâ  editione  auctum  et  emendatum  à  Josepho  Furlanetto.  Patavii, 
typ.  sem.,  i83o,  4  vol.  in-4°. 

Les  OEuvres  de  Claude  Faucbet,  président  en  la  cour  des  monnoies  (Anti- 
quités gauloises  et  françoises,  etc.).  Paris,  iSgo,  in-4°. 

Histoire  de  l'Abbaye  de  Saint-Denis  en  France,  par  Dom  Michel  Félibien. 
Paris,  1706,  iu-l'ol.  ,  fig. 

Rerum  Anglicarum  scriptores  editi  studio  Joannis  Fell.  Oxonii,  è  Tbeatro 
Sheldoniano,  1684,  iu-fol. 


DKS  CITATIONS. 


XIX 


Historia  gênerai  de  sanf o  Domingo,  de  su  Orden  de  Predicadores,  por  Ferdi- 

nando  de  Casiillo.  Madrid,  Sanchez,  i  584,  iSga,  2  vol.  in-fol. 
Trattado  di'  los  servicios  de  la  Orden  de  Predicadores,  por  Alph.  Fernandez. 

Piiitia  ,  i6i5  ,  in-fol. 
Histoire  de  S.  Louis  ,  divisée  en    i5  livres,   par  J.  Filleau  de  la  Chaise. 

Paris,   1688,  2  vol.  in-4°  ou  in-12. 
Histoire  ecclésiastique ,  par  Claude  Fleury.  Paris  ,  1691-1737,  36  vol.  in-4° 

ou  in-12  (y  conipiis  la  continuation  par  le  P.  Barre  <le  l'Oratoire). 
Traité   du  chr)ix   et   de  la   méthode  des  Etudes,  par  Ci.   Fleury.    Paris, 

Auhoin  ,  168'),  in-12. 
Bihlioieca  délia  eloquenza  italiana,  da  Giiisto  Fontanini,  colle  Annotazioni 

di  .Aposlolo  Zeno.  Venezia,  ijSS,  2  vol.  in-4". 
Jos.  F.  Foppens  Bihliothera  Belgica,  seu  virorum  in  Belgio  scriptis  illus- 

trium  Caialogus.  Bruxellis,  1739,  2  vol.  in-4°,  fig. 
Jacohi     Philippi    (Foresti)    hergomensis,   Supplementum   Chronicorum. 

Veneiiis,  i5S3,  in-fol.,  iSSi,  in-4°. 
Nouveau  sistème  de  Bildiografie  alfahétique  ,  par  M.  le  Marquis  de  Fortia 

d'LJrlian  ,  2"  édition.  Paris  ,  1822  ,  in-12.  — Voyez  Jacq.  de  Guise. 
Venanlii  Honorii  Clementiani  Fortunati  Carminum  ,  Epistolarum,  F.xposi- 

tionuin  lihri  12,  cuni  noiis  Christophori  Broveri.  Moguntiae,  1617,  iii-12. 
Traité  historique  et  critique  sur  l'origine  et  les  progrès  de  i'Ilnprinierie,  par 

P.  S.  Fonrnier  le  jeune.  Paris,  Barbou  (1764),  in-S". 
La  FraiiC(r  ecclésiasti(|ue  pour  1789',  Paris,  in-i8. 
Germaiii<  ariMu  rerum  scriptores  aliquot   insignes ,  operâ  Marquardi  Fre- 

heri  collecti    Francofurli,   1602-1611,   3  vol.   in-fol.  —  Curante  Burch. 

Golth.  Slruvio.  Argentorati ,  1717,   3  vol.  in-fol. 
Histoire  (le  la  Médecine  depuis  Galien  ,  par  Freind  ,  traduite  de  l'anglais  en 

français  par  Noguez.  Paris,  1728,  in-4°. 
Friderii  i  Golth.  Freytag,  Analecta  literaria  de  libris  rarioribus.  Lipsiae,  1750, 

p.  iii-S" ,  2  tom. 
Fritl.   G.    Freytag,   Adparatus   literarius  iibi  lihri,  partiu  antiqui,  partim 

rari  recensentur.  Lipsiae,  1752-1755,  3  vol.  p.  in-8". 
Vita   et  Gfsta  Gualre  Bicchieii,  cardinalis,  collecta  à   Philadelpho    Lihyco 

(  Jose[)lin  Frova  ).  Mediolaiii,  1767,  in-S". 
The  Hi-tory  of  the  Worthies  of  England ,  by  Thomas  Fuller.  London  , 

1662  ,  in  loi.  ;  London  ,  Nichols,  1810,  iSi  i ,  1  vol.  io-4". 


Kcritin.  drCaatiUo. 

Fem.ind.    ord.  d« 
l'red. 

Killeaa  de  la    Cfa. 
H.  lie  S.  Louis. 

Flenry,  H.  ecclés. 

t-Ieui-y ,     Tr.    de» 
élades. 

FoniauÏDÎfBibliot. 
Foppens ,  Bîbliol. 

r.eig. 

F'oresiifJac.Phil.), 
r»rrguro.  Cbr. 

Foriij    (de),   Bi- 
bliugr.  alfab. 

ForloDSti  CanD. 


Foamîer,  Orig.  de 
l'Jmprim. 

France   e<'clMÎast. 

Freh.(Marq.)Scr. 
Gcrni. 


FVeind.  Hist.  delà 
niêtiec. 

Freytag,  Anal. 

Freyiag ,     Adpar. 

Frova,  Viia   Gil. 
card. 

Foller,  Worih.  ot 
Engl. 


(jAiixABD.  Histoire  de  François  1".  Paris,  1819,  5  voL  in-8".  '"FranVr'"  ' 

Historiae  Britannica;,  Saxonicae,  Anglo-Danicae  scriptores  i5,  necnon  His-    Cale,  Scr.  angL 

toriae  angli<ae  scriptores  5,  editi  et  in  unum  collecti  operà  Thoniae  Gale. 

Oxonii,  1^)91  ,  2  vol.  in-fol. 
Galfridi   de   Vinosalvo  Poetiia,  Mss.  reg.    8171,  8246.  Apud  Leyserum,    Galfrid.  de   VIb« 

Hist.  Poematuin  medii  aevi.  —  Carmen  Apologeticum  in  Analectis  Ma-       .Salvo. 

bilioiiii,  p.  369.  —  Historia  hierosolyinitana.  Apud  Bongarsium,  G.  Dei 

per  Fr.  t.  1 ,  p.  i  i5o-i  172. 
Du  Franc  Alleu  et  origine  des  Droits  seigneuriaux,  par  Galland;  avec  les   Oalland (Angoai.), 

lois  données  au  pays  di-s  Albigeois  en  1212,  par  Simon  comte  «le  Mont-       '"''• 

fort.  Paris,  1637,  in-4".    ' 
Gallia  chiistiana  (vêtus) ,  operâ  fratrum  gemellorum  Scsevolae  et  Francisci    Oall.  clir.  t. 

Sammarthanoruni.  Parisiis  ,  i656 ,  4  vol,  in-fol. 


C. 


XX 


TABLE 


Gall.  chr.  a. 

Galt.Comol.Sosc. 
Cor. 

ËiDeiid. 


Gallia  chrisUana  nova,  opeiâ  Dionysii Sammarthani  et  aliorum  bencdicli- 

norum.  Parisiis,  1715-1795,  i3  vol.  in-fol. 
Historia  susceptionis  coronae  spineae  Jesu  Chnsti ,  auctore  Galtero  Lot- 


Garcia 
errai. 

Gariel ,  Praes.  Ma- 
galon. 

Garin  le  Lob. 
Genebrard,  Chr. 
Gtrbert.  de  S.Blas. 


n„to;  —dans  le  t.  V  des  Scriptores  Historiée  Francorum  de  Duchesne. 
mendatio  erratonirn  in  Sunimà  divi  Thomae,  curà  etdiligentià  Francise! 
Garcia,  dominicani.  Tanacona-,  1678,  in-4°. 


Séries  Prœsulum  Magalonensium  et  Monspeliensium,  auctore  P.  Gariel. 

Tolosœ,  i562  ,  in  fol.  ll>id.  i665  ,  in-fol. 
Le  Roman  de  Garin  le  Loherain.  Voyez  P.  Paris. 
Gilberti  Genebrardi  Chronographiae  libri  4-  Parisiis,  i58o,  in-fol. 
Gerberti  de  Sancto  Blasio  liber  de  Cantu  et  Musicà  sacra.  Typis  san  Bla- 

sianis,  1774,  2  vol.  in-4".  

Gervasii    cicestriensis  ,    abbatis     prseraonstratensis  ,    episcopi     sagiensis  , 
Epistolae,  in  Tomo  1°  Monuinentonnn  sacrae  Antiquiutis,  ab  Hugone 
editorum. 
Gervasii    tilburiensis    Otia    iniperiaiia,  inter   Scriptores   brunswicenses   à 
Leibnitzio  édites,   t.  I,  p.  881-1004. 
"^'hr^h^""'^*'    Conradi  Gesneri  Bibliotheca  generaiis.  Tiguri,  i545  et  i548,  2  vol.  infol. 
GibboL,  Hbi.  of  History  of  the  décline  and  fall  of  the  Roman  empire,  by  Edw.  Gibbon, 
Loiulon,  1777-1788,  6  vol.  in-4°. 
Histoire  littéraire  d'Italie,  par  L.  Ginguené.  Paris,  Michaiid,   1811-1819, 

g  vol.  in-8°.  —  a'  édition,  ibid.,  1824,  10  vol.  in-8°. 
Gerardi  de  Fracbeto  Chronicon  lemovicense  fratrum  Praedicatorum.  Mss. 
Girardi  Cambrensis  de  Instructione  principis  libri  3  (inediti).   Brial  en  a 
inséré  des  extraits  dans  le  t.  XVIII  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 

Ilinerarium  Cambria;.  Londini,  i585,  in-8".  —  Descriptio  Canibris 

in  collectione  Cambdenianà  et  in  Anglià  sacra  Whartoni. 
Vies  des  Saints   pour  tous  les  jours  de  l'année,  avec  le  Martyrologe  ro- 
main, par  Fr.  Giry,  minime.  Paris,   I7i5,   2  vol.  in-fol. 
Cbronicon  Gisleberti  montensis.  Dans  le  Recueil  des  Historiens  de  France, 

t.  XVIII,  p.  363. 
Langue  et  Littérature  des  anciens  Francs,  par  G.  Gley.  Paris,  Michaud, 

i8i4,in-8°. 
Godefridi,  monaclii  S.  Pantaleonis,  Annales  ab  anno  1162  ad  1237.  Dan» 

le  t.  I*""^  de  la  Collection  d  Historiens  d'Allemagne,  de  Freher. 
Le  Cérémonial    françois,  par  Théodore    Godelroy,  mis    en    lumière   par 
Denis  Godefroy.  Paris,  1649,  2  voL  in-fol. 
Pra»nl.   prancisci  Godwini  de  Pra-sulibus  Anglia;  commentarius,  omnium  episco- 
poruni  necnoncardinaliuni  ejusdem  gentis nomma,  tempora,  seriem  at- 
que  actiones,...  exhibens,  cum  additionibus  GuillelmiRichardson.  Can- 
tabrigise,  1743,  in-fol. 
Reruni  Alaniannicarum  Scriptores  vetusti ,  à  Melcbiore  Goldasto  collecti, 

terliaeditio  curàC.  Senkenbergii,  Francofurti ,  1730,  3  t.  in-fol. 
S.  Valeriani  sermo  de  bono  Disciplinae,  et  Isidori  hispalensis  de  Praelatis 
fragmenlum,  studio  et  cum  notis  Melcbioris  Goldasti.  Genevaj,  i6oi  , 


Gerrai.       cicestr. 
prîeni 

Gervasii       tiJbar. 
Olia  iiDp. 


roui.  ctup. 
Ginguené  ,     llîst. 

liller.  d'Italie. 
Ger.  de  Fracbelo. 
Girard.  Carobr. 


Giry,  Vie»  des  SS. 
Gùleberli  Cfaroo. 

Gley,  Lang.  frju'i- 
Godcfr.  Annal. 
Codefioi,  (^éiéin. 


OodKin. 
Angl. 


C.oldasi.Abm.Sci 


Goldasr.  Fragui. 


Guldast.Monarcb. 


Gotnin  de  Bow. 


auctore  Melcbiore   Goldasto.  Hanovise  , 


in-8°. 
Monarchia  S.   Romani  imperii, 

161 1 .  3  vol.  in-fol. 
De  Viia  b.  Aiiiiilpbi  de  Cornibutio,  libri  2,  auctore  Goswino  de  Bossuto. 

Atrebati,  i6oo,  in-ia.  — Et  in  Actis  SS.  Rolland.  Jun.  t.  V.  6o8-63i. 


DES  CITATIONS. 


XXI 


J.  Ernesti  Grabe,  praefatio  et  nolae  ad  Testamentum  la  patriarcharum. 
Oxonii ,  1698,  in-8°. 

Critique  abrégée  des  ouvrages  des  auteurs  ecclésiastiques,  par  J.  Granco- 
las.  Paris,  1716,  2  vol.  in-12. 

Histoire  du  comté  de  Bourgogne  et  de  ses  souverains  (par  P.  Phil.  Grappin.) 
Besançon,   1787,10-8°. 

Graiiani  Decretum.  Argentinae,  i4yi,  in-fol.  —  Cum  notis  ;  Venetiis  , 
1777  ,  4  vol.  in-4°. 

Essai  sur  la  Littérature  néerlandaise,  par  M.  de  S'Gravenwert.  Amster- 
dam ,  i83o, in-8°. 

Vincentii  Gravinae  libri  3  de  ortu  et  progressa  juris  civilis.  Neapoli,  lyiS. 

Georgii  Florentii  Gregorii,  episcopi  turonensis ,  Opéra  omnia,  studio 
Theodorici  Ruinart.  Parisiis,  1699,  in-fol. 

Trias  Scriptorum  adversus  Waldensium  sectam  :  Ebrardus  bituniensis , 
Bernardus  abbasFontis  Calidi,  Elmengardus;  cura  Jacobi  Gretseri.  Iii- 
golstadii,  i6i4,  in-4". — Gretseri  Opéra  omnia.  Ratisbona;,  1784  et  seqq., 
17  vol  in-fol. 

Guiilelmi  altissiodorensis  Summaaurea.  Parisiis,  i5oo, in-f«I.;  i5i8, in-fol. 

Guillelmi  andrensis  Chronicon  ab  anno  1082  ad  ia34,  dans  le  Spicil.  do 
d'Ach. ,  t.  XV. 

Guillelmi  arverni,  parisiensis  episcopi,  Opéra  omnia  collecta  studio  Fer- 
ronii.  Aureiiani,  1674,  2  vol.  in-fol. 

Gesta  Philippi  Augusti  descripta  à  Guillelmo  britone.  —  Ejusdem  Guil- 
lelmi Philippidos  libri  12,  dans  le  t.  V  du  Recueil  de  Duchesne,  et 
dans  le  t.  XVII  de  la  grande  collection  des  Historiens  de  France.  — 
Philippidos  Hbri  12  cum  commentario  Casp.  Barthii.  Lipsiae,  i6g3, 
in-4°. —  Traduction  française  de  la  Philippide,  dans  le  t.  XII  de  la  col- 
lection de  M.  Guizot. 

Guillelmi  de  Nangiaco  liber  de  Gestis  Ludovici  IX;  dans  les  Recueils  de 
Pithou  et  de  Duchesne,  et  en  français  à  la  suite  de  Joinville,  édition  de 
1761.  Traduction  en  français  moderne,  dans  le  t.  XIII  de  la  Collection 
de  M.  Guizot 

Guillelmi  de  Podio  Laurentii  Historia  bcllorum  adversus  Albigenses.  Dans 
le  t.  V  du  Recueil  de  Duchesne;  XIX  de  la  grande  collection  des  His- 
toriens de  France.  Traduction  française  dans  le  t.  XV  de  la  collection 
de  M.  Guizot. 

Guillelmi  rhedonensis  Adparatus  in  sumraam  Rajmundi  de  Penna  Forti. 
Voyez  Raimond. 

Guillelmi,  tornacensis  monachi,  libri  19  Flonim  ex  S.  Bernardi  operibus. 
Lubecae,  1482  ,  in-fol.  Norimbergae  in-fol.  Parisiis,  i499>  in-4°;  i5o3  , 
in-S".  Lugd. ,  j566,in-8°;  1570,  in-12. 

Guillelmi  tyrii ,  Historia  rerum  in  partibus  transmarinis  gestarum.  Dans 
le  Recueil  deBongars. —  Editions  particulières,  à  Bàle,  i549,  i564)'r'-'ol- 

Collection  de  Mémoires  relatifs  à  l'Histoire  de  France,  depuis  le  commen- 
cement de  la  monarchie  (traduits  en  français),  publiée  par  M.  Guizot, 
Paris,  1823-1826,  29  vol.  in-8°. 


Grabe,  Tc9tuB.  13 
patr. 

Granculas  ,    Crit. 
ecclés. 

Grappin  ,  Hist.  de 
la  Fr.  C. 

Gratiaiii  Décret. 


Gravenncrl,  IJtt. 
Deerl, 

Gravina,  J.  Civ. 
Gregor.  raron. 

Gretur.adT.Wild. 


Gnillel.  altùaod. 
Giiillelm.  andrens 

Guillclm.  arvein. 

Gaîllelmi  brilonis 
Pbilipp. 


Goillelm.  d«  Nan- 
giaco. 


Guillelm.  dt  Pod. 
LaDr. 


Guilleltii.  rhedoD. 

Gaillrliu.  toro.  Kl. 
S.  Itcrli- 

Guillelni.  tjr. 

Guizur  .  CoUoet. 


Halgrin.  Joannis  Halgrin  de  Abbatis  villa ,  cardinalis ,  sermones,  manu-    Halgnu,  carJ. 

scripù.  —  Comment,  in  Gant,  cantic.  Parisiis,  iSai ,  in-fol. 
Notices  sur  les  écrivains  de  tous  les  siècles  jusqu'à  l'an  i5oo,  par  J.  Chr.    Hambcrget. 

Hamberger.  Lemgo,  1756-1764,  4  part.  in-S"  (en  allemand). 

2    « 


XX1J 


TABLE 


Hardain,  Cône. 

Hirpsfel(l,H.eccl. 
angl. 

Harliheim    ,      Bi- 
bliolh.    col. 

Havelok. 

Haym  ,    BIblIolh. 
ital. 

Hearne  (Th  ),  Scr. 
Hisl.  augl. 

Helloand.  Cbron. 

Hélyol,  Hisl.   des 
ordr.  iD'inast. 

Héméré ,  de  Schol. 


Héraéré,    Atigast. 
Viioin. 

HcDaull,  Abr.  chr. 

Henri  de  Valenc. 

Uenric.  gandav. 

Henriquez,  Fascic. 

HeDri(|uer  ,     Me- 
nolog. 

Henriqoez,  Phœn. 

Hickes.  Lilt.  srpï. 

HigdeD  ,  Polychr. 

Uiu.  lin.  delà  Kr. 


Hoins  ,    Vita    Ja- 
cobi  de  Vilr. 

MominPT ,   Supp]. 
Kil.1.  l'I". 

Horaiius. 


UubrrI,  Aniiqnit. 
dOrl. 


Collectio  regiamaxima  Conciliorum,  studio  Joannis  Harduini,  jes.  Parisiis. 
t3'pis  regiis,  I7i5,  12  vol.  in-fol. 

NicoLii  Harpsfeldii  Historia  anglicana  ecclesiastica ,  cum  ejusdem  Historiâ 
Wicklefianà,  etc.  Duaci ,  1622,  in-lol. 

Josephi  Haitzheim  Bibliotlieca  coloniensis,  in  quâ  vitœ  et  libri  recensen- 
tiir  omnium  iiidigenarum ,  etc.  Culoniae,  1747,  in-fol. 

I.e  Roman  dHavelok.   Voyez  Modden  et  Fr.  Michel. 

Birilioteca  italiana  o  sia  notizia  de'  libri  rari  ilaliani;  da  Nie.  Fr.  Haym  , 
corretta  ed  ampliata  (da  Giatidoiiati).  ftlilano,  i8o3,  4  *"'•  in-8°. 

Sciiptores  varii  de  Historiâ  anglicana,  editi  à  Thuniâ  H«aine.  Oxonii , 
1709-1735,64  vol.  in-8". 

Helinaiidi  opus  Chronicorum  et  Sermones  28,  in  tomo  VII°  Bii>liothecse 
Patrum  cisterciensium ,  à  Bertrando  Tissier  editœ. 

Histoire  des  ordres  monastiques,  religieux  et  militaires,  etc.  (par  le 
P.  Hi'lyot,  continuée  par  Bullot  ).  Paris,  1714-1719,  8  vol.  in-4". 

De  Seholis  pnblicis  earunique  magisleriis  Uisseriatio  (.laiidii  Hemernei.  Pa- 
risiis, la  Périère,  i633,in-8".  —  l'jusdeiu  Diss.  de  Academià  paiisiensi, 
qualis  piiuiô  fuit  in  Insulà,  et  de  sclinlis  episcoporum.  Parisiis,  Cra- 
moisy,  i637,in-4°- — t!'-  Hemertei  ,\ugusta  \ironianduoriim  vindi- 
cata  et  illustrata.   Parisiis,   i634,  in-H". 

Abrégé  cbronologique  de  IHistoire  de  France,  par  le  président  Hénault. 
Paris,  1768,3  vol.  p.  in-8°. 

Continuation  de  Villehardouin  ,  par  Henri  de  Valenciennes,  dans  le  tome 
XVlll  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 

Henricus  gandavensis  «le  sciiptoribus  ecclesiasticis,  in  Bibliolliecà  eccle- 
siastica Joannis  Alb.  Fabricii. 

Fasciculus  sanctorum  ordinis  cisterciensis,  cura  Chrysostomi  Henriquez. 
Colonia",  i63i  ,  2  vol.  in-4". 

Menologium  cisterciense,  notalionibus  illustratum,  cum  constilutionibus  et 
privilcgiis  ejusdem  ordinis,  cura  Clirys.  Hentiquez.  Antucipite,  Moret, 
i(i3o,  in-fol. 

Clir.  Heiiiiquez  Phœnix  reviviscens ,  seii  scriptores  ord.  cisterciensis  Ah- 
gliae  et  Hiberuiae.  Bruxeilis ,  i6'j6,  in-4°. 

Hickesii  (Georgii)  Antiquse  litteraturae  seplentrionalis  libri  duo.  Oxonii, 
ijoli,  1  vol.  gr.  in-fol. 

R.  Higdeni  Polyclininicon,  libris7  comprehensum.  Dans  le  Recueil  d'His- 
toriens aiij;lais  de  Tbomas  Gale. 

Histoire  littéraire  de  la  France  ,  commencée  par  des  bénédictins  (  Dom 
Rivet  ,  etc.  ),  continuée  par  des  membres  de  rin.>iitut  (MM.  Brial, 
Giiigiicné,  Pasioret,  D.mnoii ,  Amaiiry  Oiival ,  Pnit  Radel,  Eiiiéric 
Davi<i).  Paris,  i733-i835  ,  in-4°.  C'est  l'ouvrage  tlont  nous  publions  le 
XVlir  tome. 

Jacob)  de  Vitriaco  vita  ,  ejus  orienlali  Historiae  prxGxa  ab  Andréa  Hoio. 
Duaci  ,  i5g7,  in-8". 

Supplemeiituni  Bibliothecae  Patrum,  editum  à  Jacobo  Hommey,  Parisiis, 

iM-8°. 

Q.   Hoiatii  Flacci  Opéra   (odœ ,  satirœ ,   epistolae ,   arspoetica).  Biponti, 

1783 ,  in-8",  etc. 
Aiiiiipiitcs  historiques  de  l'église  de  Saint-Aignan  d  Orléans,  par  R.  Hubert, 

chanoine.  Orléans,  Hotot,  i66l  ,  in-4". 


DES  CITATIONS. 


XXllJ 


Annales  Praemonstratenses,  auctore  Car.  Ludovico  Hugone.  Nanceii,  Cus-  Hogo  ,    Amulet 

son,  1734  et  1736,  2"vol.  in-fol.  Piaem. 

Monunienta  sacrœaniiquitatis,  studio  Car.  Ludov.  Hugonis.  Stigavii,  1725,  Hugo  ,   Monoi». 

2    vol.    in-fol.  MC.  aotiq. 

Hugonis  de  FlorefHa,  vitae  tritim  sanctimonialium ,  inActis  SS.  BoUand.,  Hugon.  de  Floreff. 

i3janv.  t.  I,  p.  863-887. 

Hislory  of  England  from  the  invasion  of  Jiilius  Cœsar,  to  the  Révolution  Hame ,  Hisiory  of 

in   1688,  by   David  Hnnie.  London ,  1770,  8  vol.  gr.  in-4°.  ^"S'- 
Romans  de  Hnon  de  Villeneuve  (les  éditions  en  Sont  indiquées  p.  73i 

du  présent  vol.  ). 


Ignace  de  Jesus-Maria  (Jacq.  Sanson),  carme  déchaussé.  Histoire  ecclé-   ig"»"  ^*.'!',  ** 

siastiqiie  d'Abbeville.  Paris,  1746)  in-4''. 
Josephi  Inibonati  Bibliothe'ca  latino-hebraïca ,  sive  de  auctoribus  latinis  qui 

contra  judaeos  scripsêre.  Romae,  16941  in-l'ol. 
Innocenti  111   Epistolae  cum  libro  de  gestis  ejus  anonyme;  cura  Stephani 

Baluzii.  Parisiis,  1682,  2  vol.  in -foi.  — Dans  les  tomes  II  et  III  du 

Recueil  de  Bréquigny  et  du  Theil,  Diplomata,  CAartœ;  dans  le  tome 

XIX  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 


Iiiibonati,BibUotb. 
hebr. 

Innocent.  ITI  EpUt. 


J  ACuBi  de  Vitriaco ,  Historiae  orientalis  et  occidentalis  libri  3.  Duaci,  1697, 

in-8",  et  dans  Gesla  Dei per  Francos,  de  Bongars. 
Histoire  du  Hainaut  par  Jacques  de  Guise,  texte  latin  et  version  française. 

Paris,  1826-1834.  i5  vol.  in-S"  ;  édit.  donnée  par  M.  de  Fortia  d'Urban. 
Histoire  de  Méhisine,   par  Jehan   d'Arras.    Paris,  Nie.   Bonfons ,    in -4°- 

Paris,  le  Caron  et  le  Petit,  in-fol. 
Joannis  de  Columna  Chronicon  sive  flores  Historiamm  ab  O.  C.  ad  ann. 

C.  i25o  ,  libris  10.  Mss. —  (In  Summà  hist.  S.  Antonini.) 
Joannis    Iperii    Liber  de   vitâ    Bernardi   pœnitentis,    etc.,  in    Actis     SS. 

Bolland.,  19  et  i3  april.,  p.  674-697,  p.  93. 
Pharaonis  et  Josephi  epistolae  20,  auctore  Joanne  lemovicensi,  in  codice 

Pseudepigrapho  veteris  Testanienti  fabriciano. 
Vie  de  S.  Louis  par  Joinville,  édition  de  Ducange.  Paris,  1668,  in-fol. — 

Edition  de  Capperonnier.  Paris,  imprimerie  royale,  1761,  in-fol. 
Purpura  divi  Bernardi  sive  Elogia  pontificum,  cardinalium,  archiep.,  epis- 

coporum,    ex   ordine    cisterciensi;   auctore  Gasp.  Jongelino.    Coloniae 

Agrippinae,  Kalcov.   i6"44>  in-fol. 
L'Historial  du  Jongleur;  chroniques  et  légendes  françaises,  publiées  par 

Ferd.  Langle  et  Emile  Morice,  ornées  d^initiales ,  vignettes  et  fleurons, 

imités  des  Mss.  Paris,  Firmin  Didot,  Lami  Denozan,  1829,  gr.  in-8°. 
Jordani   Nemorarii  de   Arithmeticâ  libri   10.  Parisiis,  149^1    in-fol. — De 

Ponderibus  propositiones   i3.  Norimbergae,    i533,in-4°. 
Lettre  de  Jourdain  sur  les  Assassins,  dans  le  tome  II  de  l'Histoire  des 

Croisades  de  M.  Michaud. 
Journal  des  Savants.  Paris,    1665-1792,  I2i  vol.  in-4".  —  P-  Baudouin  , 

an  V,  I  vol.  in-4°.  Imprimerie  royale,  i8i6-i835,  19  ▼cl.  in-4''. 


Jac.  de  Vilr. 

Jacq.  de  Guù*. 

Jean  d'Ami. 

Joann.  de  ColoBi- 
Da,  Cbron. 

Joann.  Iper. 

Joann.      lemovic. 
Epist.  Josephi. 

Joinville,  Hist.  d* 
S.  Louis. 

Jongelin. ,     Parp. 
Bern. 


Jongleur    (  HUlo- 
riat  du  ). 


Jord.  Nemor.    A- 
ritbm.  de  Pond. 

Jourdain  ,    Croi*. 
Jonra.  des  Sav. 


JVntgthoh  (  Henrici  de)  libri  5  de  Ëventibus  Anghae  ab  anno  958  ad  i  SgS.   ^nyg'l'o 
—  Dans  la  collection  de  Twisden.  ^"s'- 


E». 


Konig,  Biblioth. 


Kraniz,  Cbron.  — 
Uist. 


LaBastie,Pétraiq. 

Labbe  ,    Bibifuib. 
mss. 

Labbe ,  CoDcil. 

La  Caille,  Hist.de 
rimpr. 

La  Cbaosiée, 
La  Cniix   du  Mai- 
ne, Kibiioth   fr. 
Lairc,  Ind.  libr. 


La  Monnoye. 

La   Moilléie,  An- 

tiq.  d'Amiens. 
Lanfianr.  Cbron. 

Tangton,  cjrrf. 


LiunoT    ,     Venei . 
trad. 

Lcbeaa,  H.  du  W. 
cmp. 

Lcbeuf,  Dissert, 


Lebeaf  ,     Histoire 

d'Auicrre. 
Lebeuf,   Hist.    dr 

Pari.. 

Lebeuf,  Tradact. 


Le  Dachat,  sur  Rii- 
belaik. 

Le  Gendre  ,  Uist. 
da  Fr. 


xxiv  TABLE 

Bibliotheca  vêtus  et  nova  in  quà  Hebraeorum,  Chaldaeorum,  Syroruni,  Ara- 
bum,  iïgyptioruni,  Graecorum  et  Latinoruni,theologoruni  ,jurisconsul- 
toruni  ,  niedicorum  ,  philosophoium,  bistoricorum  ,  geographorum , 
philologoium,  oratoriim  et  poetarum,  patria,  setijs ,  nomina,  libri,  etc. 
à  prima  muiidi  origine  usqiie  ad  ann.  1678,  ordine  alphabetico  recen- 
seiitur  à  Georgio  Konig.  Altdorfi,  1678,  in-fol. 

Albert!  Krantzii  Chronica.  Francofurti,  Wechel,  i575,in-foI.  — Ejus- 
deni  Hisloria  ecclesiastica,  sive  Metropolis  Saxoniae,  ibid. ,  1576,  in-fol. 
—  Wandalia,  ibid.  1675,  in-fol. 

La  Bastie.  Mémoire  sur  la  vie  de  Pétrarque,  toni.  XV  et  XVII  du  Re- 
cueil de  l'Académie  des  Insciiptions. 

Nova  Bibliotbeca  manuscriptorum  codicum  ,  cura  Philippi  Labbe,  è  socie- 
tate  Jesu.  Parisiis  ,  1667  ,  in-fol. 

Sacro-sancta  Concilia,  édita  studio  Philippi  Labbe  et  Gabrielis  Cossart. 
Parisiis,  1671,  171,,  16  vol.  in-fol. 

Histoire  de  l'Imprimerie  et  de  la  librairie  (de  Paris),  où  l'on  voit  son  ori- 
gine et  son  progrès;  par  J.  de  la  Caille.  Paris, i68g,  in-4°. 

OEiivres  de  Nivelle  de  la  Chaussée.  Paris,  1777.  5  vol.  in- 12. 

Bibliothèque  française  de  la  Croix  du  Maine.  Voyez  Du   Ferdier. 

Index  librorum  (cardinalis  de  Brienne)  ab  inventa  Typographià,  ad  annum 
i5oo  itnpressorum  ,  chronologicè  dispositus  cuni'notis  P.  ir.  Xaverii 
Laire.  Senonis,   1791  ,  a  vol.  in-S". 

Voyez  liaillet ,  Du  t^erdier.  Menasse. 

Les  Antiquités,  Histoires  et  choses  plus  remarquables  de  la  ville  d'Amiens, 
p.ir  Adrien  delà  Morlière.  Paris,  i542,  in-fol. 

Chronicon  beccense,  iuterLanfranci  Opéra,  à  Lucà  d'Achery  édita.  Parisiis, 
1648,  in-fol. 

Stephani  LangtonSermonesMSS. — Epistolae,  t.  III.  Spiril.  Lucae  d'.\chery, 
et  inter  Concilia  Anglia;  à  Davide  Wilkins  collecta,  etc.  (voyez  ci- 
dessous,  p.  61-66). 

Veneranda  romanse  ecclesiae  circà  simoniam  traditio,  autore  Joanne  de 
Launoy.  Parisiis,  1676,  in-8°. 

Histoire  du  Bas-Empire,  par  Le  Beau,  continuée  par  Ameilhon.  Paris, 
i7.')7-i8i  I  ,  27  vol.  in- 12. 

Dissertations  sur  l'Histoire  ecclésiastique  et  civile  du  diocèse  de  Paris, 
suivies  de  plusieurs  éclaircissements  sur  l'Histoire  de  France,  par  Lebeuf. 
Paris,  Lambert,  1739,  3  vol.  in-12. —  Dans  le  tome  II  se  trouvent  les 
]\I<'nioires  de  Lebeuf  sur  l'état  des  lettres  en  France  depuis  le  roi  Robert 
jnxju'a  Philippe-le-Bel. 

Mcrii.  concernant  l'Hist.  d'Aiixerre,  par  Lebeuf   Paris,  1743,  2  vol.  in-4''. 

Histoire  (.e  la  ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris,  par  Lebeuf.  Paris,  1754, 
I  5  vol.  in-12. 

Recherclics  sur  les  anciennes  traductions  en  langue  française  ,  par  Lebeuf. 
Dans  le  t.  XVII  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

Remarques  de  Jacques  le  Duchat  sur  Rabelais  ,  dans  les  oeuvres  de  Rabelais. 
Amsterdam,  171 1,  5  vol.  in-8°.  Amsterdam,  Bernard,  1743,3  vol.  in-4''. 

Nouvelle  Histoire  de  France  ji:squ'à  la  mort  de  Louis  XIII,  avec  les  mœurs 
et  coutumes  <le  la  nation,  par  Le  Gendre.  Paris,  1718,  a  vol.  in-fol, 
1719,  8  vol.  in-.i2. 


DES  CITATIOiNS.  xxv 

Fabliaux  ou  contes  du  xu'  et  du  xiii*  siècle;  Contes  dévots,  etc.  (extraits  Le  Grand  d'Anssj, 

par  Le  Grand  d'Aussy  ).  Paris,  Onfroy ,  1779  1781 ,  4  vol.  in-S".  Fabliaoï. 

GodofrediGuillelnii  Leibnitzii,  Accessiones  historicae,  quibus  Scriptores  re-   '-'^'  ""^'   Acmss. 

rum  Gernianicanim  continentur.  Hanoverae,  1700,  2  vol.  in-4°. 
Scriptores,  reruin  brunswicensium  illustrationi  inservientes,  coUecti  à  God.     '^'  ""'  >     •^■''P'- 

Guill.  Leibnitzio.  Hanovera;,  1707-1711,  3  vol.  in-fol. 
Joannis  Lelandi  londinatis  Commentarii  descriptoribus  britannicis.Oxonii,   Lcbnd.Scr.  Km. 

Sbeldon.    1709,  in-8". 
Bibliothèque  historique  de  la  Fiance,  par  Jacques  Lelong,de  lOratoire  ;   ''*',°"j;.'   ^''''""'' 

nouvelle  édition,  augmentée  par  Fevret  de  Fontette.  l'aris ,  Hérissant, 

1768-1778,  5  vol.  in-l'ol. 
Bibliotheca  sacra,  in  binos  syllabes  digesta,  cura  Jacobi  Leiong.  Parisiis,   Lelon-»,  Bibhuih 

Coustelier.  1723,  2  vol.  in-fol.  —  Eadem ,  post  iteratas  G.  F.  Boerneri 

curas,  emendata  et  aucta  ab  Angolo  Gottl.  Masch.  Halae,  1778-90,  4 

Toi.  in-4".  —  Le  Mire.  Voyez  Mirœus. 
Méthode  pour  étudier  l'Histoire,  avec  un  catalogue  des  principaux  histo-   '-''"K''''  '""'  Fruo. 

liens,  des  remarques,  etc.,  par  Lenglet  du  Fresnoy;  nouvelle  édition  , 

revue,  corrigée,  augmentée,  par  Drouet.  Paris,  1772,  i5  vol    in-12.  „  .     „., ,.    . 

"^  .  '  '  '  Le  Paice  Bibltoth 

Joannis  Le  Paige,  Bibliotheca  Praemonslratensis.  Parisiis,  i633,  in-fol.  Pracm! 

Essai  historique  sur  la  Bibliothèque  du  Roi ,  par  Th.  Nie.  Leprince.  Paris,   LePrince,  Bibliot. 

Belin  ,  1782,  in-12.  daK. 

Annales  de  l'église  cathédrale  de  Noyon  ,    avec  une  description    et  notice   Le  Aasseuc,  catb. 

de  la  ville,  et  des  recherches  tant  des  vies  des  évêques ,   que  d'autres 

monuments  du  diocèse,  par  Jacques  Le  Vasseur.  Paris,  i633,  2  vol.  10-4°. 
Polycarpi  Leyseri ,  Historia  poematum  medii  a;vi.  Magdeburgi,  1725,  in-8".    i  ^  ^„   poem  m 
Davidis  Lindani,  de  Teneramundà  libri  3.  Antuerpia;,  1612,  in-4°.  n^^i. 

Ilistory  of  England  from  the  first  invasion  bythe  Romans,  by  John  Lingard,   i.ind.m.    Tenem- 

fourth  édition.  Paris,  Baudry,  i82J-i83o,  14  vol.  in-S"  ■ — Traduction       '"""''a- 

française  par MM.Roujoux  et  Pichot.  Paris,  i825-i83i,  14  vol. in-8".         ''"^'"  ' 
M.  Martini  Làpenii  Bibliotheca  realis  theologica.  Francofurti  ad  Ma;num,   Lipen.     Biblioih. 

i685  ,  2  vol.  in-fol.  —  Juridica.  Lipsiœ,  1757,  i77;'>,  1789,4vol.  in-fol.       tUeid. 

—  Philosophica.  Francof.  ad  Ma-num  ,  1682,  2  vol.  in-fol. 
Bibliothèque  chartraine  ,  ou  Traité  des  auteurs  et    hommes  illustres   du    Limn  ,    liiblioili. 

diocèse  de  Chartres,  par  dom  Liron.  Paris,  1778,  in-4''.  Cbam. 

Histoire  générale  de  Bretagne,  par  dom  Lobineau.  Paris,  1707,  2  vol.  in-fol.    Lol.iiie.tu,  iiisi.  il.- 
Ferreoli  Locrii,  Chronicum  belgicum  ab  anno  Chr.  258  ad  1600.  Atrcbati,       "'•■'• 

1616,  in-4". — Hist.  chronographique  des  comtes  ,  villes  et  pays  de  Saint-   ^°^"'  ('«"«o''  ,• 

l'ol-en-lernois  ,  par  rerri  de  Locres.  Douai,   1010,  in-4  . 
Mémoires  du  pays,  villes,  comté  et  comtes,  évèché  et  évêques  de  Beau-   Loisel,  iwauvais. 

voisis,  par  Ant.  Loisel ,  avec  les  chartres  et  pièces  justificatives.  Paris, 

1617  ,  in-4".  —  Lorry.  Voyez  Âstriic. 
Histoire  et  Antiquités  du  pays  de  Beauvoisis,  par  P.  Louvet.  Paris,  1609,    Lomet,  Bcjav»ii. 

in-8".  — Histoire  de  la  ville  et  cité  de  Beauvais,  par  le  même.  Rouen, 

i6i4,  in-8''.  Beauvais,  i635,  in-8".  —  Pétri  Louvet,  Nomenclatura  et 

Chronologia    reruni    ecclesiasticarum    diœcesis    bellovacensis.    Parisiis, 

i6i8,  in-8°. 
Novum  volumen  Scriptorum  rerum  germanicarum,  studio  Joannis  Petii  LoJew    Sd.   >rr 

Ludewig.  Francofurti,   1718  ,  2  t.  1  vol.  in-fol.  Oem.. 

Reliquia-  manuscriptorum  omnis  aevi ,  diplomatum  et  monumentorum  ine-   Ludew.Kcllq.1u44 

ditoruni;  ex  Miisseo  J.  Pétri   Ludewig.   Francof.  et    Lips.  1720-1740, 

in-8"  :  12  vol. 

Tome  Xf  III.  d 


XXVI 


TABLE 


di- 


'ariç     Ca4 
plow. 

Lupi  (  B.)  EpMt 


I.oscin.  Allegor. 


toMan(M''«de), 
AnecJ.  de  l'bi- 
lippe-Aogusle. 

Maan.  CoBc.  Tu- 
ron. 

MabilUn,   Anal. 
Mabillon ,  Anoal. 


MarhioveJ ,   Islor. 
riur. 

Uaddcn,  Haveluk. 


Madui ,  Exch. 

Maffei(R.iph  Vo- 
luteiT, 

MailtairCi   Annal, 
typog. 

Mtilingre  ,  Âotiq. 
de  Paris. 


M*lT«i<da,  Annal. 
Prxdic. 

Manriqiie,  Annal. 
Cisierc. 

Mnnsi  ,    Hibliotll. 
med. 

Marc»  (P.  de)  M. 
Hisp. 

Mariana ,  De  aAv. 
Jic. 

Mariana,  H.  Hisp. 

>Itrlot,Melropol. 
Rem. 

Marracci  Biblioth. 
mar. 


Uarrier    llibliolh. 
duniac. 


Codes  Italiœ  diplomatieui,  stuilio  JoannisCbr.  Lunig.  Francof.,  1755-173», 
4  vol.  in-f(»l. 

Beati  Liipi,  al>l>aUs  Ferrari«'n»i.s ,  Epistolarum  liber,  ex  eilitinne  Papiril 
Massoii.  Paiisiis,  Oriy,  ifiSS,  iii-8";  et  inter  S.  Lupi  Opéra,  ex emen- 
datione  et  cuin  noiis  liaUizii.  Anliieipiœ,  1710,  in-8". 

Otliomani  Luscinii  (Naclitgail.  Rossijjnol)  Ailc;,'C)iiaB  sinnd  et  Tropologire 
in  locos  utiiusqiie  Te>tiiiiienii  SfU'ciiiiies  è  iiionunicnlis  iiniiis  l't  Iriginta 
auctonim  deprompia;  et  in  onlincni  digeslse.  Parisiis ,  i55o,iii-8". 

Anec(h)tes  de  la  cour  de  Pliilippe-Aiigiisie  ,  par  uiadenioiselle  de  Lussan. 
Paris  ,  Pissot,  1733-1738,6  vol.  iii-ij. 

IVIaai».  Snncla  et  nietropolitana  eccle.si.i  Tiirononsi.';,  «ive  séries  nrchiepi- 

scopoiiiiii    tui'iinfii.siuiii  rt    sialiita  coni'ilii)riiiii   et  syiiodoriiin,  stiulio 

Joaiiiiis  Maan.  Angiisi;e  Tnnuuini,  in  a'diliiis  aui't(>i'i.s,  1MM7,  iii-tul. 
Veteta  Analecla  ,  .studio  Joair.iis  MabiWon.    Paii.siis,  1723  ,  in-f'ol. 
Annales  ordinis  S.  Beneilicii  de.scripii  a  Joanno  Mabiiluii  et  Ueiiato  Massuct. 

Paii.siis,  1703-1739,  6  vol.  in-Col. 
Délie  isiorie  Fion-ntine  libii  8  di  Nicrolo  Marbiavelli,  i5.'mi,  in-4",  et  T.  1 

des  œuvres  de  Marbiavil,  édition  tic  Florence,   178a,  6  vol.  in-4". 
The  ancient  englisli  lloniance  of  [laveluk  tfie  Dane,  ac<-onipanied  by  tbe 

frencli  text,  wiili  an  Introdui  lion  ,  Noies  and  a  Glossary,  by  Fred.  Mad- 

den.  Londoti  ,  Nicol,  1828,  in-4". 
Tbe  bistory  and  Aniiiniities  oï  tbe  Excbequer,  by  Tbonias  Madox.    Lon- 

don ,  1711,  in-lol. 
Raph.ielis  (  Mall'ei)  Volaterrani,  libri  38  qui  inscribuntnrCommentarii  re- 

nim  nrbanaruni.  Ronix,  i5o6",  in-fol.  ;  Franeoinrii,  i(io3,  in-fol. 
Micbaelis    Mail  t. lire  Annales    lypograpbici   ab  artis  origine.   Hagae-Coin. 

Anislel.  et  Londini ,  1719- 1741  ,  9  vol.  in-4". 
LeTliéàtie  tles  aniiqnitt'S  de  Paris,  par  iloni   Un  Brenl ,  augmenté  par  Cl. 

Malingre.  Paris,   1609,  in-4".  —  Les  Annales  de  la  ville  <le  Paris;  par 

Cl.  Malingre.  Paris,  i<i4o,  in-l'ol. 
Annales  sacri  oi'diuis  PrajJicatoruni ,  auctore  Tbonià  Malvenda.  Neapoli, 

1627 ,  in-fol. 
Annales  ciste" cienses,  auctore  Angelo  Maiiiiquc.  Lugduui,  Anisson,  164*- 

iti.Vi ,  4  Vol.  in-fo|. 
Joannis  DoininiLi  Mansi,  AdditaineiUa  ad  Dibliolbccam  mediic  et  infima 

latiiiilalis.  Voyez  h'iibruius. 
Peiri  de  Marc.i,  Marca  iiis|)anica  seu  Limes  bispanicus,  id  est  geograpbica 

el  bistorica  desciiptioailjacenliuni  populoruni  abanno  714  ad  J2j8,etc., 

editio  n.iluziinia.  Paiisiis,  i()'85,  in-tol. 
Tiact.itiis  7  de  Advenlu  Jacobi,  auctore  J.  Mariana.  Colonise  Agrippina, 

1609,  in-i". 
Historiie  de  rébus  Hispani*  libri  3o,  auctore  J.    Mariana.   Hagas-Com. 

1733,  4  t.,  2  vt)l.  in-l«d. 
Metiopolis  Remensis  Hi»turia,  auctore  Guillelnio  Marlot.  Insubs,  De  Roche, 

166M ,  2  vol.  in-lol. 
Hippolyli    MaiTiicei    Dibliotbeea   Mariana   (  scriptorum   de   Maria   catalo- 

gns  ).  Ronia;,  2    vol.  iii-8".  —  Ejusilem   Purpura  Mariana;  ibidem, 

if)54,  in-8". 
Martini  Marrier  Dibliutbcca  cluniacensis ,  complectens  pati'uxu  cluniacen- 


DtS  CITATIONS. 


Xxvij 


fium  Titns,  mirarnla,  RCripla  ,    staUila,  privilégia;  cund  noti«  AnJri-se 
Du  (>hi'Siic.  I';iii.siis,    i6i4,  in-fol- 

Thésaurus  Aiifcdotoiuin  novus,  compli-rtens  episiolas,  Hiplomata ,  elc. ; 
stiulii)  Eilniiintli  Maiieiie  tt  IJisini  Uur.ind.  Parisiis,  Uclaulne,  1717, 
5  vol.  iii-lol. 
Veteriini  scriptorum  et  moniimentorum  Amplissim.i  Collectio,  SliuiioEiI- 
muiidi  Marlciie  et  lirsini  DuianJ.  Paiiïits,  Muniulaiit,  1724-1733,  g 
toi.  in-t'oi. 

Voyjge  littéraire  (le  <leux  bénédictins  de  la  congrégation  de  S.-Maur  (Mar- 
tèiie  «t  DuriUKJ).  l'aiis,  17 17  et  1724,  ■>■  vol.  in-4". 

S,  Alartinus  de  Triiiilate.  Kpilapliia  ahhiitiini  S.  Victoiis  parisiensis.  Ano" 
nyniiii'uni  nieliica  opuscul.i.  Codex  Mss.  anno  i3io  exaratus,  olim 
Vicloiitiiis  ,  mine  Mazarinreiis  ,  in-4". 

Martini  Poloni  clironicon  à  C  N.  ad  ann.  i.^io.  Colonise,  1616,  in  fol. 

Veteris  a-vi  Analin-ta  seii  vêlera  nli(|uot  nionunienta,  curn  observationibns 
Antonii  iMattlix'i.  Lngduni  Batavornni  ,  1697-1710,  in-8".  10  vol.  — 
Nova  edilio,cnni  noiis  Faidi  Hovyiick  vanl'apentlrecbt.  Hagae-Coniitum, 
17^8,  f)  v(d.  in-4".  —  Mattli.  Paris.  Voyi /.  Pans. 

MatilL-Bi  WestnicmasierienNisFIoies  liistoriaruin  de  rebns  britannicisabanno 
1066  ad  1^07,  cditi  à  Maltlineo  Parkero,  Londini,  1570,  in-fbl. 

Matlliia;  de  Micliovia  Ciiioiiica  Polonoruni.  (àacoviae,  1  52i,  iii-lol.;  et  dans 
le  t.  Il  du  Corpus  Hisr.  i'olon.de  IMstorius. 

De  verà  Senoiuini  oiigine  clirislianà,  ....  ciim  Catalogo  arcliiepisco- 
poruni  senoneusiuin  ;  auctore  Hiigone  Malluiu,  bénédictine.  Parisiis, 
i6'87,in-4". 

Renini  gernianicarnin  Scriptores,  studio  Hcnrici  Meiboinii.  Helmaestadii, 
168S,  3  vol.  in-lol. 

Anti-Bailli'l  de  Ménage.  Voyez  Bnillct,  Jugements  des  Savants. 

Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  irançaise,  par  Gilles  Ménage. 
Paris,   17J0  ,  in-lol. 

Menagiana,  ou  les  bons  mots,  remarques,  critiques,  etc.,  <le  Ménage,  troi- 
sième édition  (donnée  par  La  Moiuioye).  Paiis,  Delaulnes ,  I7i5, 
4  vol.  in- 1  2. 

Hugnnis  Menard  Martyrologitmi  sanctoriiin  ordinis  S.  Benedicti,  duobus 
Obervationuin  libris  illusiratuni.  Parisiis,  102g,  in-S". 

Menconis,  abbalis  tertii  Horti  Kloridi,  (>bronicon. —  A  la  suite  <le  la  chro- 
nique d'Eiiion  ,  dans  le  t.  I  du  llecueil  de  Hugo,  Monumenta  sacrae 
Aniiquilalis. 

Fabliaux  et  contes  des  poètes  français  des  xi-xv*  siècles,  publiés  par 
Uai'bazan,  nouvelle  édition  augmentée  par  M.  Méon.  l'aris,  inqirimeric 
de  Crapelet,  libiairie  de  Warée,  1808,  4  vol.  in-8°. —  Nouveau  Recueil 
de  F'abliaux  et  contes  inédits,  publié  par  M.  Méon.  Paris,  imprim.  de 
Crapelet,  libr.  de  Cliasseriau,  1823,  2  vol.  in  8".  —  M.  Méon  a  publié 
aussi  le  Roninn  du  Renard.  Paris,  1826,  4  vol.  in-8";  et  donne  une 
nouvelle  édition  du  Roman  de  la  Rose,  i'aris ,  i8i3,  4  vol.  in-8". -^ 
Barbazan  avait  pour  la  première  fois  mis  au  jour  le»  Fabbaux  «n  17S6, 
3  vol.  in-12. 

Mercure  de  France.  Décembre  1754. 

Nouveau  Répertoire  universel  et  raisonné  de  Jurisprudence,  par  M.  Merlin, 
4'  éiliiiun.  Parii,  iSia,  etc.,  lâ  vul.  in-4". 


M«ricne,  Tb«Mi. 
Anccd- 


Marirne,  Aaipfi*». 
coll. 


Marténe  ,  Toyaga 
liilér. 

Maninas,  de  Tri- 
nitale. 


MartÏD.  Pol.  Chr. 
Maitb.  Aot.  AiMi- 


Maiib.     Westmo- 
nast. 

Mauli.  dcMicliOT. 


Maihna  ,  arcbiep. 
Senon. 


Alfiboni.  8rr.  rtr. 
ri«*rm. 

Slénape,  Anli  Bail- 
ler. 

M^aag«,Di<lt«Ui. 

Mciiagiana. 


Rlfoard  ,    Martyr. 

ord.    a.    Iteoed 

()b^cl■v. 
Mrncd  ,     Cbrvu. 

fraem. 

Méon ,  I''abliaft&. 


M»r«.  At  ft. 

MeiIin.Ri'pMT.  <h 
Jarùpt. 


d. 


xxviij  TABLE 

Menris  <■,  lii^i. de  Histoire  de  l'église  de  Metz,  par  Meurisse,  de  l'ordre  des  Frères  mineurs. 
Metz.  Metz,   i6:')4,  in-fol. 

Meuse),  TïiKioib.  Biblioiheca  historica,  instmcta  à  Struvio,  aiicta  à  Budero,  ampHHcala  à  J.  IL 
•"'S'-  Meiiselio.  Lipsiae,  1782,  et  sqq.,  1 1  t.  ;  22  vol.  in-S". 

Meyrr ,  f;hronic.  Clironicoii  Flamiriœ  ab  anno  44-"'  ad  1476,  per  Jacobuni  Meyerum.  Antuer- 
''""'•'■•  piae,  i56i,  in-fol.;  Franrof.,  i58i  ,  in-tol. 

Meyer,  Pliilipp.  Jacq.  Meyef  a  publié  la  i""  édition  d'une  partie  de  la  Pliilippide  de  Guil- 
laume le  Breton,  sous  ce  titre  :  Bclluin  quod  Pliilippus,  rex  Francoruni, 
cum  Otiione,  Anglis,  Flandrisque  gessit ,  conscriptuin  cuniiiie  beroico. 
Antuerpire,  i6,54,  in-8". 

Mcr.erai,  H.  de  l'r.  Histoiic  de  PVauce  par  Mezerai.  Paris,  i634-i6">',  3  vol.  in-fol. — Abrégé 
chronologique  de  1  Histoire  de  France,  par  Mezerai.  Edition  in-12  de 
1775 ,  14  vol. 

Micii.iud.Hist.dfs  Histoire  des  Croisades  ,  par  M.  Michaud ,  4'  édition.  Paris,  iSaS-iSag, 
""'-  6  vol.  in-8°. 

lll<l.au,i,iiiblioil..  Bibliothèque  des  Croisades,  par  M.  Michaud  (et  pour  les  auteurs  orien- 
■'«'■'"'5  taux,  par  M.  Heinaud  ).  Paris,   1829,  4  vol.  in-8". 

i'i.iii.-  Michil.  M.  Francisque  Michel,  éditeur  du  Uoinan  du  comte  de  Poitiers.  Paris, 
imprini.  de  Pinard,  libr.  de  Silvcslre,  i83i,  in-S".  —  Du  Roman  de 
Mahomet,  par  Alex.  Du  Pont.  Paris,  ibid.  i83i,  in-8". —  Du  Lai  d'I- 
gnaurès,  par  Renaut,  elc,  ibid.  i832,  iii-8°.  —  Du  Lai  d'Havelok  le 
Danois,  ibid.  i833,  in-8°  max. —  Du  Roman  de  la  Violette  ou  de  Gérard 
de  Nevers,  par  Gibert  de  Montreuii;  ibid.  i834,  in-8".  —  Du  Roman 
d'Eustache  le  Moine.  Paris,  imprim.  de  Firmin  Didot,  libr.  de  Silveslre, 
1834,  in-S". 

•Ilot,  ii;»!.  dis  Histoire  littéraire  des  Troubadours,  contenant  leurs  vies,  des  extraits  de 
''"'''■  leurs  pièces,  etc.,  par  Miilot,  d'iiprès  les  manuscrits  de  Sainte-Palaye. 

Paris  ,  1774  ,  3  vol.  in-12. 

Mfr»mois(H.  de).  Hugonis  de  Miramors,  Flores  Jurrs  canonici;  — De  mysterio  nuineri  qua- 
tuor;—  de  Miseriis  hominis.  Mss. 

Ji.i  (  Aub.)  Kact.  Aubeiti  Mini  (Le  Mire  ),  Auctarium  de  scriptoribus  ecclesiasticis. —  Dan» 
la  Biblioiheca  ecclesiastica  de  Fabricius. 

^;ir;Aiib.)CbroD.    Auberti  Miiaei,  Chronicon  cisterciense.  Coloniii",  i6i4,  iu-f<>I. 

r.'"V.  1  ,,  ■  ,  Auberti  Mira-i,  Collcctio  operum  diploiuaticorum  et  historicorum ,  édita 
[lis,       •  cura  l'rancisci  hoppcns.  Lovanu,  1723-1748  ,  4  ^ol.  in-tol. 

".'.Ud-is.ss  Bel».  Indiculus  sanctorum  Belgii  à  Joanne  Molano  digestns.  .\ntuerpiae,  i583, 
in-8.  —  Natales  sanctorum  Belgii,  et  eorum  chroniia  recapituiatio. 
Lovanii  ,  iSpo,  in-8°. 

^'  ''"'''  OEuvres  de  Molière,  avec  des  remarques  par  Bret;  etc.  Paris,  1786;  8  vol. 

—  p.  iii-i2. —  1804  ,  G  vol.  in-8°. 

M.rKisii.-.  Aiigi.  Monasticon.\nglicanuui  seu  Pandectœ  caenobiorum  bencdictinorum ,  clu- 
niacensium  ,  etc. ,  à  primordiis  eorum  usque  ad  dissoUitioneni,  cura 
Rogeri  Dodsworth  et  Guillelmi  Dugdale.  Londini,  i655,  i60'i,i(j73;  3 
vol.  in-fol. ,  (ig. 

'^''esblîf"'*^'''''    f^^-'P'''^  '•'*,'•  l'ois-P'-T  Montesquieu.  Genève,   1755,  2  vol.  in-4".  —   Et 
•'ans  les  éditions  de  ses  OEuvres.  Paris,  Plassan,  1796,  5  vol.  in-4'';  Pans, 
Didot,  179;"),  12  vol.  in-12,  etc. 
^■.>nll«,■^.,u.  );ll,l.    Ribliotluca    Bibliotlierarum    inanuscriptorum  nova  ,    studio    Bernardi    de 

**'"'''""'•  Motitfaiicon  benediclltii.  Parisiis,  Briasson,  1739,  2  vol    in-fol. 

r.;...nlinm  ,  iiiit  Histoire  (!.■  la  ville  .le  Lille  depuis  sa  fondation  justpi'en  i434,  par  le  Clerc 
•       "^  de  Moutlinot.  Pari;,,  1764,  in-ia. 


DES  CITATIONS.  xxix 

Histoire  des  Mathématiques,  par  Montucla.  Nouvelle  édition  donnée  par  ModipcI»,  h.  de. 

Laiande.  Paris,  1799-1803,  4  vol.  111-4°.  maihém. 

Dictionnaire  historique  de  Moréri ,  avec  les  suppléments  de  Goujet,   édit.  Moréri,  Uict. 

de  Drouet.  Paris,  lySg,  10  vol.  in-fol. 

Dan.  Georg.  Morhofii  Polyhistor  litterarins  ,   philosophicus  et  practicus;  Morbof.  Polyh. 

cum  accessionibus  J.  Frickii  et  J.  Mulleri,  edit.  J.  Alb.  Fabricii.  Lubecae, 

1732,  vel  17471  2  vol.  in-4°. 

Histoire  de  la  Bretagne,  par  dom  Morice  et   doni  Taillandier,   avec  les  Morice,  Hisi.  jc 

preuves.  Paris  ;  i74a-i756,  5  vol.  in-fol.  ^"f- 

J.  Laur.  Mosheniii  Instilutionuni  Historia;  ecclesiasticœ  lihri  4-  Helmaestadii,  Mosheim.     Hi«t. 

1751  vel  1764,  10-4°    —  Traduction  française,  par  Eidous.  Yverdun;  "«l- 

■1776,  G  vol.  in-S". 

Vie,  miracles  et  translation  de  Marie  d'Oignies  (parBern.  Mouchet).  Lou-  Mourhct  .    Uiur 

vain,  Rivius,  1670,  in-8°.  d'Oignies. 

Rerum   italicarum  Scriptores  à  Ludovico  Muratorio  collecti.   Mediolani ,  Muratoh  Rer.  iiai 

1723-1751 ,  aS  t.,  29  vol.  in-fol.  •<^■■• 

INacdé.  Gabrielis  Naudaci  Bibliographia  polilica.  Venetiis,  i633,in-i2.        Naude,    Bibliop. 
Nicolai    Anibianensis   liber  dictus  Aristides ,  codex  nianusciiptus   liiblio-       Polit. 

thecaeregiœ  656(),in-4".  Nlcohs  d'Aïui-u,. 

Gesta  liudovici  VIII ,  heroico  carminé,  auctore  Nict)lao  de  Braia  ,  —  dans   Nicolas  Je  lîraia. 

le  t.  V  du  Recueil  de  Duchesne  et  dans  le  t.  XVII  de  la  grande  Collection 

des  Historiens  de  France. 
Nicolai  de  Lyra  Postilla  perpétua  in  universa  Biblia,  libros  85  coniplectens.   Kicol.s  de  i.yr,i. 

Romoe,  147I)  5  vol.  in-fol.  Parisiis,   iSpo,  6  vol.  in-fol. 
Essais  de   morale  et  autres  œuvres  de  Nicole.  Paris,    1741  ou   1745  »   24    Nicole  ,   Ess.    de 

vol.  p.  in-i2.  ""or. 

Les  Vies  des  plus    célèbres  et  anciens  ptiites  provençaux  qui  ont  fleuri  du  Nostradamas,poe- 

temps  des  comtes  de  Provence,  par  J.  Nostradamus.  Lyon,  i595,  in-8°.       tespio». 

■ —  Traduction  italiefine  :  voyea  Crescitnbeiii. 
Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi ,  et  de  quelques   Notice  d»  mit. 

autres  dépôts;  publiés  par  l'Académie  des  Inscriptions.  Paris,  Imprimerie 

royale,  1787-1^31,  la  vol.  in-4°. 

(Jbservationes  (  Hallenses  )  selectae  ad  rem   litterariam  spectantes  ,   col-   observât.  luilea*. 

lectœ  à  Tiioinasio  et  à  Franc.  Buddaeo.   Halae-Magdeb.    Renger ,    1700- 

1705,  12  vol.  in-8°.  min. 
Augustini    Oldoini  Athenoeum    romanum  ,    in    quo    romanorum   Pontifi-   Oldoln.      Aibeo. 

cum,  et  pseudo-pontilicum,  necnon  Cardinalium  et  pseudo-cardinalium       '"'°- 

scripta  expouunlur.  Perusiae,  apud  Haeredes  Sebastiani  Zecchini ,  i66"4, 

in-4°. 
Oliverii,  scholastici  coloniensis,  Historia  reguniTerrâe  sanctae;  Historia  Da-  01i»friunchoU>i. 

miatae,  etc. ,  in  tomo  2"  Coiporis  hist.  niedii  œvi,  cura  Eccardi. 
Ordene  de  Chevalerie ,  poème  attribué  à  Hues  de  Tabarie,  publié  par  Bar-   Ordène  de  cbe». 

bazan,  1759,  in-8°;  et  depuis  dans  le  Recueil  de  Fabliaux  de  Méon. 
Ordonnances   des  rois  de  France  de  la  3*  race,  recueillies  par  Laurières,   Ordonn.  des  iui« 

de  Bréquigny,   M.   de  Pastoret.   Paris,  imprimerie  royale,  1728-1828,       <•' t"f 

18  vol.  i  II -fol. 
Les  Chroniques  et  Annales  de  Flandre,  de  620  à  1476,  par  d'Oudeghersl.    Oodcgher.t,  cbr 


XXX 


TABLE 


Anvers,  TÎÎ71,  in-4*>  Nouvelle  étliiion,  avec  dej  notes,  par  Lcsbroussart. 

G. 111(1 ,  ijf^;),  2  vol.  in-S". 
OoJin  (  r:i>i;m.  )   Casimiri  Oiuliiii   C<iniin«'niaiitis  de  scriptoriinjs   ecclesiae  antiqiiis,  cum 

iiitiliis  disbci  t;iti()iiibus.  Francot'urti  et  Lipsioe,  Weidinan  ,  1723,  3  vol. 

iii-lol. 
Histoire  de  la  ville  et  comté  de  Valenciennes ,  «livisée  en   quinze   parlies , 

par  fcii   fleuri  (J'Ouliieinafi ,  estiiier,  seigneur  de  Roinliies ,  pi'évosl  de 

Valeneit-nnes  ,  ilhistiée  et  augmentée  par  le  P.  Pierre  d'Oultreinan,  de 

I.i  coiiip.igiiie  de  Jésus.  Douai,  Marc  Wyon ,   i(>,59,  in-('ol. 
Petit  ilOidiroman  ,  Constaiilinopolis  helgiea,  sive   «le  rébus  geslis  à   Cal- 

duiiio  et  Hctirieo  imperatoril)«is  Constantinopolitanis  ,  ortu  valenlianen- 

sd>us   ndgis,   libri    5.    Accessit    de   excidio  Grxcuruiil  liber   tillgularis. 

Tornaci,  lypis  Adriuiii  Quinque,  164^,  in-4''. 


de  scr.  cccic.t. 


Ooltrcinao,  11,  di 

Vjileoc. 


OolirrniaD,  C 

Bel;;. 


Palmfr  ,    Ilîlt.  of 
Piint. 

Pjnvrni,  rliron. 
Panvini.Vil.cl'on- 
lif. 

PaDzer.  Annal,  ly- 
pogr. 

Paprbruik.    Diss. 

Koll. 
Pi.|Mllon,  nilil.  de 

Uoui'g. 
Papun ,     ilUt.    de 

Prov . 

PaquoI,  Mémoire». 

ParN  (Matlh.),  H. 
njaj, 

P.  ParU. 


PjrVrr,    nV<l.    II. 
Angl. 

P.irievul,  riillipi>. 


raaqaier,  Recb. 

Paul  D;ac. 

Pennoii,  Cler.   ca- 
non. 

porcin  de   Muni;;. 
AlouDia.  Pix'l. 


1   Ai.MF.n.  Tlie  gênerai  History  of  Printing,  from  thc  firsl  invention;  Lon- 

ditu,  t~.\9. ,  iu-4". 
Onuplirii  Panviriii  Clironicon  ecclesiasticiim.  Lovanii,   iSja,  infol. 
On.  P.iiiviuii  lil)er  de  viiis  ruinanurum  Ponlificum.  Lovanii,  15^2,  in-fol. 

(^oloiii.Te,  16.1G ,  iu-4". 
WdH'g.  P.uizeri  Annales  lypograpliici,  à  priinordiis  ad  ann.  i536.  Norim- 

berg.-e  ,  i-;;i{-i8o3,  II   vol.  in-4°. 
Papobriicliii  Disseitalione»,  iu  Actis  Sanctoriim.  Voyez  Bnifana. 
Uiblioilièque  de-;  auteurs  de  Bourgogne,  par  Philibert  Papillon  (publiée  par 

Joly).  IJijdii,  M.irieret,  1742,  2  parlies  iti-l'ol. 
Histoiie  gfuérale  de  l'iovence ,  par  J.  P.  Pa[)ou,  de  rOratoire,  Paris,  1778- 

i78(),  4  v<.l.  in-4". 
Mémoires  ponrscrvii-à  l'Histoire  littéraire  des  Pays-Bas  et  du  pays  de  Liège, 

par  J.  Nie.  Pa(piot.  Louvain,  1770,  3  vol.  in-fol.,  ou  18  vol.  in-ia. 
Matllu-ei   P.iris,  monaclii    Alb.iiiensis,  Hisloria  major,  sive  reiiim  anglîca- 

l'um  llisioi'ia  ,1  Guilleluii  .idventu  ad  ann.  1273.  Londini  ,   1640,  a  vol. 

iu'-lol.  i'arisiis,  171  j,  in-fol. 
M.  Paulin   P.nis,  éditeur  du  Romans  de  Berte  an.s  grans  pies;  Paris,  îm- 

prini.de  Casimir,  libr.de  T<'clien<r,  l83a,gr.  in-12.  —  Du  Romande 

(îaiin  li  Lolieiaiiis  (par  Jean   de  Flagy  ).    Paris,  Téclieiier,   i833,  gr. 

in-i  2. 
F.diii    a    Malili.-eo   Parkero ,   Watfli.Teus    Westmonasteiiensis  anno    iSjo, 

Thomas  W.dsinghani,  anno  «574,  in-fo|. 
La  PInlippiile,  poème  en  12  (liants,  par  Parscval  de  Grandmaison,  pré- 

(l'cli-  d  un    Avertissement  et  suivi   de  notes,  2*  éilition.  Paris,  iniprim. 

de  Fournier,  libr.  de  A.André,  180.6,  2vol.  in-12. 
Re(lnnliis  de  la   France,   par  Estienue   Pasquier,   t.  I  de  ses  Œuvres. 

Anisienlam,  i7,>3  ,  2  vol.  in-fol.  —  Ses  Lettres  dans  le  t.  IL 
P.Hili  Di.icoiii  (^VV.irnelridi)  tie  rébus  gestis  Longobardorum,  libri  seX.  Dam 

li's  t.  1  et  11  du  Recueil  de  Muratoii  :  Scr.  r.  ital. 
Toiins  ordiiiis  clericorum  canonicoitim  Hisloria  tripartita,  auctoré  Gabriel* 

Pennoto.  Romx,   i6"o4,  in-fol.  Coloni.ne,  l73o,  in-fol. 
Moriiinicnt.i  fonventùs  toiosaiii  ordinis  Fratrum  Prx'dicatorum  ,  ex  vetus- 

lissimis  .Mss.  «triginalibus  transcripta  ,...  in  quihiis  alini  linjus  conventAf 

liistori.i  pcr  annos  distribuitur ,  etc.,  auctoit!   J.   Jac.  Percin  (de  Mont- 

gaillanl  ),ejusdeni  ordinis  alumno.  Tolosa;,  Pech,  i6'g3,  in-fol. 


DES  CITATIONS.  xxxi 

Recherches  sur  les  Bibliothèques  anciennes  et  modernes  jusqu'à  h  fonda-   Pfiit-nii,ifi ,  ac- 
tion  de  la  Uihliotlièqiie   Maz;irine,ct  sur  les   causes   qui  ont  t'uvorisé       clieïtb. 

l'accroissement  successif  du   nombre  des  livres ,  par  W.  Louis-Ch.-Fr. 

Petit-Railel.  Paris,  1819,  in-8°. 
Collection  de  Ménioires  relatifs  à  l'Histoire  de  France  ,  depuis  le  règne  de    Peiiiot  ,    Collert. 

Philippe-Auguste,    publiée  par  Petitot.  Première  série.   Paris,    1824,       de  Mém. 

i8a5  ,  a4  vol.  in-8". 
Le  Rime  del  Pctrarca.  Parma,  Bodoni,  1799,  in-8°niin.  Peir.irca,  Triomf 

rheodori  Petreii  Bibliotheca  cartusiana.  t^oloniœ,  1609,  in-ia.  tii'' ^'"  ni 

Pétri   Blesensis  oper.i ,  edila  studio  Pétri  de  Gussanviïle.   Parisiis,  i63y ,       cnus 

in-f(d.  Pelr.  BIm. 

Uistoria  Albigensium  et  sacri  belli  adversùs  eos  susccpti,  anclore  Petro   Pfi,-.  sarn.  Hi»i 

Vallis    Sarnensis    nionacho.    Trecis  ,    Grif.ut,     i6i5,    in-8".   —    Dans       Albig. 

le  t.  V  de  la  Colleccion  de  Duchesne;  dans  le  t.  XIX  du  grand  Recueil 

des   Historiens  de   France.  Traduction   française,  dans  le  t.  XIV  de  la 

Colleciion  de  M.  Guizot. 
D.  Bernardi  Pezii  Thésaurus  Anecdotorum  iiovissimus.  Augustœ  Vindeli-   Pn , Tlirs.  Amcd 

coruui,  1721  ,  y  t.,  5  vol  in-fol. 
Phacdri  Fabnlae.  Bipouti,  1784,  in-8°.  Parisiis,  i83o,  in-8°.  Phidii  fub. 

Philippi  de  Harveng  sive  Boii.-e  Spei  Opeia,  Epistolœ   21,  Vitœ  sancto-  Pbilii.p.iionaspei. 

ruui,  etc.  Dnaci,  1621  ,  in-fol. 
Philippi  de  Grèves ,  cancellarii  parisiensis,  Scrmoncs  in  Psalmos.  Parisiis,    Philippi  de  Gre- 

i533,  in-8°.  Brixioe,  1600,  in-8".  ves  Strm. 

Joannis  Picardi  nola;  in  très  libros  priores  Epistolarum  S.   Anselmi,  cum   Pi.ard  in  Ansclm. 

huj us-ce  operibus.   Coloniae,  1612,  in-fol.  Parisiis,  1676,  in-fol.,   ijai, 

in  fol. 
Acla  Concilii  primo  apud  Nicaeam,  tiim  apud  Nymphae.nmhaljiti. —  Et  Re-   Pierre  de Séianne 

lation  de  la  mission  de  Pierre  de  Sezanne  et  de  trois  antres  religieux,       Acia  oioc. 

et  de  leur  conférence  avec  les  Grecs  scliismati(|ues  ,   dans   le  tome  II 

de  la  Collection  des  Conciles  de  Labbe,  et  dans  Script,  ord.  Pitrd.  f. 

911-927. 
Laureniii  Pignon,  Chronicon  ord.  Praetlicatorum  ,  cum  catalogis^  etc.,  Mss.    Pignon  ,    Cbron. 
Beinardus  riiesaurarius  de  Bellis  iu  Oriente  sacris,  à  Pipino  latine  redditus    „.  'I'^*''"'- 

1711    c  •.    I'  ripjn  ,    Trad.    de 

m  tomo  Vil.  Scr.  rer.  Italie.  V  \.  -x  j. 

,,,  .  ■  f>  Kern.  1res. 

Jllustrmm  veterum  scriptorum  qui  rerum  a  Germanis  per  multas  œtatcs   VUkm.    .Sci.    rer 
geslarum    histoiias   vel  annales   posleris   reiiqueruiit  tomi   très;  studio       Oeruian. 
Joannis  Pistorii.   Francof.   i583,  i584-ifio7,   3    vol.   in-fol.  Hano\i;c, 
i6i3.   Francofurti ,    i653,  3  vol.  in-lol.   —  Cum  notis  Struvii.  Ratis- 
bonae,   1726,  3  vol.  in-fol.  Voyez  Stnu'iiis. 

Traité  des  droits  et  libertés  de  l'Eglise  gallicane,  par  P.  Pithou  ,  avec  les  Piilwn.Lib. piiic. 
preuves,  1731  ,  /(  vol.  in-fol. — Commentaire  de  1'.  Dnpuy  sur  le  traité 
des  libertés  de  l'Eglise  gallicane.  Paris,  171.5,  2  vol.  iii-4''.  —  Les  libertés 
de  l'Eglise  gallicane,  édition  et  commentaire  de  Durand  de  Maillane.  Lyon, 
1 771- 1776,  5  vol.  in-4°. 

Scriptores   Annaliitm   et  Historiae  Francornm  aL  anno  708  ad  ann.  1285   Piibon, Scripi. rer. 
coœtanei    12,  è  Bibliolhecà  Pétri  Piibaei.  Parisiis,  i588,  in-fol.  Franco-       «^"Uic. 
furti,  1394,  in-fol.  —  Historiae  Francorum  ab  anno  900  (verii'is  1000) 
ad  1285,  scriptores  Veteres  undecim  ,  è  Bibliotheca  P.  Piihaei.  Franco- 
furti ,  1596,  in-fol. 

JoaDois  Pitsei  liber  de  scriptoribus  Angliae  illustrîbus.  Parisiis,  i6ig,  in-4».  P»t»,SCTipi.  Angl. 


xxxij  TABLE 

riancarpin.  Voyage  de  Plancarpin  en  Orient  au  xiii*  siècle,  dans  le  Recueil  de  Ber- 

geron. 
Piaoti  Pœnalus.       Inter  M.  Accii  Plauti  oomœdias:  Biponti,  1788,  3  vol.   in-fol.  —  Cura 

Commentario  Josephi  Naudet.  Parisiis,  iSSo-iS^a,  3  vol.  in-8°. 
Pluqaet,  Dict.  des   Mémoires  pour  servira  l'Histoire  des  égarements  de  l'esprit  humain, ou  Dic- 

''""•  tionnaire  des  Hérésies  par  Pluquet.  Paris,  1762,  2  vol.  p.  in-S". 

Polyd.  Vergil.H.   Polydori  Vergilii  Historia  anglica ,  libl-os  26  complectens.  Basileae,  Bebel, 

Angl.  i534,  in-fol. 

l'olyd.  Vcrg.   De   Polydori  Vergilii  de  Inventoribus   rerum  libri  très.  Parisiis,  Rob.    Steph. 

'"»«"'■  1537  ,  in-4°. 

Pope-BIouni,  Cen-   Censura 'celebriorum  autorum ,  sive  Tractatus  in  quo  varia  doctorum  de 
*""•  clarissimis  scriptoribus  cujusque  seculi  judicia  traduntur;  studio  Thom» 

Pope    Blount.  Londini,  Chiswul,   1690,  in-fol. 
Portai,  Mist.    de   Histoire  de  l'Anatomie  et  de  la  Chirurgie,    par  Ant.  Portai.  Paris,  H.  Di- 

'""■^"  dot  le  jeune,  1770,  7  vol.  p.  in-8°. 

rosscvin.Appar.».    Antonii  Possevini  Apparatus  sacer,  cum  appendicibus.  Venetiis,  1606,  in-fol. 

3  vol.  —  Colonise,  1608  ,  2  vol.  in-fol. 
ptolem.liu-.  Ann.    Pfolomaei  Lucensis  Annales  ab  anno  io6o  ad  i3o3.  Lugduni,  i6ig,  in-S". — 
Et  in  tomo  XH  Bibliotliecœ  maximae  Patrum;  XI  Scriptorum  rer.  ital. 
à  Muratorio  coUectorum. 
Pioiem.  Luc.  Hijt.   Ptolemaei  Lucensis  Historia  ecclesiastica  usque  ad  i3i2;  in  eodem  MuratO' 
•«'"  rii  tomo. 


Ouatremairc. 


v^uATREMAiRE.  Rccensio  naradoxorum  Joannis  Launoii  et  Joannis  Baptist» 
Duhamel,  auctore  Roberto  Quatremaire,  monacho  benedictino.  Parisiis, 
1668,  in-4°.  —  Traduction  française.  Paris,  Billaine,  1668,  in-12. 
()uatrenière  (Et.),  Mémoire  SUT  les  Assassins,  par  M.  Etienne  Quatremère.  Dans  le  t.  IV  des 

Mém.  Mines  de  l'Orient. 

tjaensted.DeVlris  Joannis  Andreae  Quensted  Dialogus  de  patriis  illustrium  doctrinâ  et  scripti» 
'lia»"'-  -  viroriim  omnium  ordinum  et  facultatum  ,  ab  initio  miindi  ad  ann.  i6oo  , 

exhiberjs  plerorumque  doctorum  praecipua  scripta  et  aetatem.  Wittebergje, 
1654  vel   1691,  in-4°. 
(^.letlf,  Sci.  ord.   Scriptores  ord.  Praedicatorum.  Voyez  Echard. 

Prœd.  ^ 

Ribelais.  IiABELAis.  OEuvres  de  Rabelais,  avec  des  remarques  historiques  et  criti- 

ques (par  le  Duchat,  etc.).  Amsterdam,  1641,  3  vol,  in-4°. — Paris,  iSaS, 
9  v(}).  gr.  in-8°. 

iiadalph.Coggesb.  Radulphi  Coggeslialensis  monachi  Chronicon  ,  inter  notas  Picardi  in  Chro- 
nicon  Guillelmi  Neubrigensis.  Oxonii,  è  tbeatro  Sheldoniano  ,  1719, 
3  vol.  in-8. 

jiiJulphe  de  Di-  Radulphi  de  Diceto  Historia  compendiosa  de  Regibus  Britonum.  —  Abbre- 
'"'•°-  viationes  Chronicorum.  Indiculus  de  successione  archiepiscoporum  can- 

tuariensium.  Dans  les  Recueils  de  Gale,  de  Twysden  ;  dans  l'Anglia  sacra 
de  W.  etc. 

RjonldeHoudan.   La  Voye  d'Enfer,  poëme  de  Raoul  de  Houdan  ;  manuscrit  du  R.  7218. 

K.iiiliD(J.  )  Joannis  Raulin  Oratio  ad  laudem  divi  Ludovici;  dans  le  t.  V  du  Recueil 

de  Duchesne. 

.>'.4»ai!ère(la),Poé-  Poésics  du  roi  de  Navarre  (Thibaut),  avec  des  notes  et  un  glossaire  par 
sirs  de  Tbili.  LévCsque  de  la  Ravalière.  Paris,  1742,  2  vol.  in-S". 


DES  CITATIONS.  xxxiij 

Rayinundi  de  Pennafcrti,  Summa  in  4  liHros  divisa,  ciim  apparalu  Guil-  RaironniJ.  lU p»n- 

lelmi  Rliedonensis,  etc.  Ludguni,  1718,  in-fol.  naforti. 

Fragment  d'un  poème  en  vers  romans,  pnl>lié  avec  des  notes,  par  M.  Ray-   Raynoaard,  Fr»g- 

nouard.  Paris,  Firm.  Didot,  i8i5,  in-S".  ■»""• 

Eléments  delà  grammaire  de  la  langue  romane  avant  l'an  1000,  précédés  de    Raynoaard,Or»n.. 

Recherches  sur  l'origine  et  la  formation  de  celte  langue ,  par  M.  Ray-       ■"""■• 

nouard.  Paris,  Firm.  Didot,  1816,  in-8°. 
Observations  philologiques  et  gramnialicales  sur  le  Roman  du  Bou,  par   R-iynouaid  ,  Ob- 

M.  Raynouard.  Paris,  Crapelet,   1829,  in-8°.  ""• 

Choix  des  Poésies  originales  des  Trouhadours,  par  M.  Raynouard.  Paris  ,    Raynouard,  Trou- 

Firm.  Didot,  1816-1821,  6  vol.  in-S».  ""^ 

Recueil  général  des  anciennes   lois   françaises   depuis    l'an  42"  jusqu'en    Recoril  des   an. . 

1719,  par  MM.  Jourdan,  de  Crusy,  Isaniberl,  Taillandier.  Paris,  BeVm       '"'»  f' 

le  Prieur,  etc.  i822-i83i ,  3o  vol.  in-8°.  —  Voyez  Ordonnunces  et   Col- 
lections. 
IJacco  in  Toscana,  Diiirambo  di  Franc.  Redi,  con  annotazioni.  Fircnze,   u>Ji ,   Bacco   ûi 

Martini,  i685,  in-4°.  — Sonetti  del  medesinio.  Firenze,  1702,  in-fol. —       "•'"»<=. 

Tutte  le  sue  opère.  Napoli  ,   i74'5  174^,  6  vol.  in-4". 
Extraits  des  Historiens  orientaux  des  Croisades,  par  M.  Rcinaud.  — Voyez   Rtinaod.Bibi  di-» 

Michnud.  ""'" 

Rcineri  Chronicon  leodiense  ab  arino  1194  ad  ia3o,  in  Ampliss.  coUect.    Rriaer,  Chron. 

Edm.  Martène,  V.   1-67. 
liai  d'Ignaurcs,  par  Renaut,  publié  par  MM.  Montmerqué  et  Francisque   Renant,  lai   d'i- 

Micliel.  Paris,  impr.  de  Pinard,  libr.  de  Silvestre,  i832,  in-8".  gnaurà. 

Index  libroruni  manuscriptorum  Dibliolhecaî  augustanae,  studio    Antonii    Rïysrr,   Ribhoili. 

Reyseri.  1675,  in-4".  Angiui. 

Histoire  des  Dominicains  de  Lille,  par  Richard.  Liège,  1781,  in-8°.  Ridiard.MiEt. d» 

Gcrvasii  Ricobaldi  FerrariensîsP«miarium.  Conipilatio  chronologica  ab  O.G.       Domin.  de  L. 

ad  ann.   i3ia;  pnesertim  à  Carolo  mngno  ad  Oitonem  IV  ;  in  Corpore   Il"^'»'»'d' . Ch'«» 

historicorum  nied.  aevi ,  studio  Eccardi;  cl  in  tonu>  IX  Sciijit.  rer.  ital. 
Gesla  Phitippi  Augusti,  Francorum  régis,  desciipta  à  Rigordo.  Dans  le  t.  V   Rigord,  H.  PbU.- 

du  Recueil  de  Duchesne,  et  dans   le  t.  XVHI  de  la  gr.  coUeclion  des       *"?• 

Historiens  de  ÏVarice. 
Roberti  Afiolant  Chronicon.  Voyez  Chronicon  nhissiodorense.  ^°^-  (Abolani}. 

Roberti  (Grosse-tête),  Lincolniensis  episcopi ,  versio  laiina  Testamenti  12    Rolirri.  LiDcul». 

Patriarcharum.  In  Codice  Pseudepigrapho  veleris  lestamcniiFabriciano. 

, —  Epistolae  et  alia  opuscula  in  Fasciculo  rerum  expelend.  et  fugiend. 

Edw.  Brown. 
Le  Parnasse  occitanien  ,  ou  choix  de  Poésies  originales  des  Troubailours ,   Rocbrgnde , Pa». 

tirées  des  manuscrits  nationaux , par  M.  de  Rochegude.  Toulouse,  1819,       okùx. 

1  vol.  in-S". 
Romans  {le  Garin  le  Loherain,  de  Gérard  de  Nevers  ou  de  la  Violette,  de   Romai». 

Havelok,    d'Ignaurès,  de  la   châtelaine  de   Vergy,  etc.  Voyez    Gnrin, 

M'idilen,  Fr.  Michel,  P.  Paris,  Ueitaut.  —  Dissertation  de  M.  Monin  sur 

le  Roman  de  Roncevaux.  Paris,  Imprim.  royale,  i83?,  in-8". — Roman 

deBeuvesde  Hanslone  et  de  la  belle  Josienne.  Paris,  Midi.  Lenoii',  i5o2, 

in-4°.   Paris,  J.  Bonfims,  in-4°,  golh.  —  Bibliothèque   universelle  des 

Romans,  Paris,  1775-1789;  224  parties,  112  vol.  in-i2. 
Glossaire    de    la  langue  romane,  par  M.  de  Roquefort.    Paris,    1808,    a    RoqncfoM,  Ch>M. 

vol.  in-8". 

Tome  XVII L 

3 


%Tk%iW 


TABJ.E 


kotipefuri ,  Toa.  Éut  Ue  h  Poe^le  française  .au  ia'  et  »«  nui'  lùècLe ,  far  M-  de  Bsgweforf. 

f"°^-  Paris,  i8i5,  in -8°. 

noueoel,  HJ9t.  de   Histoire  ecdésiiistique  et  civile  il^  \erdu»,  par  Roussd,  j-evue  et  publiée 

Verdon.  par  Lebeuf.  Paris,  1745,  in-4». 

KaUntfùi^  vpy.  Yoyage  de  Uubruquis  en  Orient,  au  xw*  sièple.  Dans  Ja  Coilection  de 

Bergerofl. 
Kntù.H.  de  Mar-  Histoire  de  la  ville  de  Marseille,  par  Ant  Puffi,  2*  ëditi»n ,  publiée jetaug. 

««Ile.  par  son  fils.  Marseille,  j6p6,  in-fol. 

R^mer.  FcÊdera ,    conventiones,  littiTîE  et  ciijusciinmaf    gencris  Acta    pubHca , 

inter    reges    Angliae  et  aUos  quosvis  imperatores,  reges,  e«C-,   siudio 
Tbomae  Rymer.  Hagae-Com.  ly^^t-iy^^j  \o  \ol.  jn-Xol. 


S«inct-Ton. 


5>alaDhac,  De  «rd. 
Prîcdic. 

S*nder,    fiibliolh. 
belg. 

Sandius    in    Yoss. 
de  Hist.  lit. 

Saril.  Hist.  Angl. 
Saxii  OnoDust. 


!>bKaiea,SDppleiD. 
Wadd. 

St'siigerana. 


*icbaleo.  Aon.  Pa- 

deborn. 
Scbedel.  Chrooic. 

Schiller,  de  l>ud. 


\.  Sehull.     Ilisp. 
illuilr. 


iicriptore*  Collecl. 


OAincT-YoN.  Recueil  des  édits  et  ordonnanres  concernant  les   Eaux   et 
Forêts,  avec  des  observations,  parSainct-Yon.  Paris,  Abel  Langelier, 

i6io  ,  in-ful. 
Stephani  de  Salanbac  Tractatus  de  Ordine  Fratrum  Praedicatorum  manu- 

scriptus. 
Bibliotlit-ca  Belgica  manuscripta  sive  elencbus  universalis  codiciim  manu- 

scriptnriim  iii  celebrioribiis  bibliotbecis  asservaturuni ,  digestus  ab  Ant. 

Sandero.  Iiisulis,  164 1 ,  in-4°. 
Christopliori  Sandii  Notae  et  Animadversiones  in  Ger.  J.  Vossii  libros  3  de 

Hisioi'icis  latinis.  Amstelodanii,  Waesberg,  1677,  p.  in-ia. 
Anglicanim  rerum  scriptores  post  ncdaiii  pra.'cipui ,  «liti  ab  Henr.  Savilio. 

Liigdiini,  I :")(:)(),  Francof.  1601  in-fol. 
CbristoplioM  Saxii  (Saclis)  Ononiasticon  litterarium  seu  Nomenclator  his- 

torico-criticiis  praestanlissiinoruni  oninis  aetalis,  populi,.  .  .  scripîoruni. 

Trajecii  ad  Rliennm,  1775-1803,  8  vol.  in-S". 
Suppleinentiini  et  castigatio  ad  Sniptoies  triiini  ordinum  S.  Francisci ,  à 

Waddingd  dcscriptos;  Opus  J.  Hyaiinllii  Sbaialea;.  Roiiia;,  1806",  in-fol. 
Scaligeiana,  Tiiuana,  Perron ia na ,  Piiluxana  ,  et   Coloinesi.iiia  j  avec  des 

noies.  Anislerdani,  1740,  2  vol.  in-12. — Scaligeraua,  édition  de  1667, 

in-i2. 
Nicolai  Scbatenii,  soc.  Jesu,  Annales  Paderbornenses.  Neulinsii,  i6g3,  in-fol. 
Clironicariini  liber,  opus  Hartmanni  Schedcl.  Norimbergœ,   Koburger  , 

1493 ,  in-fol. 
De  l'aragio.  Apanagio  et  Feudis  jiiris   Francici,  auctore  Joanne  Scbilter. 

ArgcDioiati ,  1701 ,  in-4''. 
Hispania  illustrata  seu  rernni  urbiuniqne  Hispanix,  Lusitanirc,  jEtbiopi» 

et  Indiae  sciiptores  varii,  operâ  et  studio  docloi uni  virornm  (Andréa 

et  Francisci  Scliolt,  J.  Pistorii,  etc.  ).   Francolurti,   i6o3-i6o6-x6o8  ,  4 

vol.  in-fol. 
Colle<-lions  d"<'crivains  divers,  principalement  ecclésiastiques:  voyez  Baluze, 

Bollanil  ,  Brown,  Ciinisius ,    Dct/wiits ,  D'Achery^  Durand,  Nommer, 

Hugo,  Labbc,MabiUon,  Marrier,  iMai  l'eue,  Ptz,  lissier,.  .  ..d'Historiens 

de  France:  Buiigars ,  Bouquet,  Duc/icsiie,   Gnizot ,  Petitol ,  Pithou... — 

d'Angleterre:  (ambilen,  Doilsworth,  FeU,  Gale,  Heanie,  Paiker,  Sai'il , 

Se/deii,  Ta'/si/eii  ,  If'harton... — d'Alleiiiai;ne  :  lickhart,  Freher,  Goldast, 

teibnitz,  Ludcwig,  Meibomius,  Piitoriui,  Se/uirdius,Strui>iiis... — (l'Italie  : 

Muralori.  —  d'Espagne  :  SclioU ,  etc. 


DES  CITATIONS.  iixv 

Volices  Mi«  les  Vi«s  et  If  s  Ouvrages  de  divers  écrivains  :  vojez  Alberti^  ScriptoresNoiirc^. 
Akamitr»,  Antonio,  Raie ,.  Batllet,.  Bayle,  Beflarmin,  BiograpHie  univ. , 
Borrichiu^,  Cave,  Corles,  Croivœus,  Delandine,de  la  Bue,  Denina,DeP^isch, 
Dupin  (  Elites  ) ,  Dit  f^crdier,  F.chard,  ^êë^i  ^^°Xi  Faùric/iits ,  Fonlanifii, 
FoppenSf  Fuller,  Grancolas,  Hamderger,  Henri  de  Gand,  Hist.  Utl.de  ta 
France,  La  Croix  du  Maine,  Leland,Le  Paige,  Liron,  Mansi,  Meusel , 
Michaud,  M  il  lot ,  Mirœus  ,  Moréri,  Nostradamus ,  Oldoini,  OiiiUn,  Pa- 
pillon ,  Paquot ,  Pits,  Portai,  Quensted ,  Quèlif,  Reinaud ,  Saitdius , 
Saxius ,  Sbaralea,  Sixte  de  Sienne,  Tanner,  Tiraboschi ,  Towon ,  Tri^ 
thème,  f^al'erc  André,  Valleoleti,  G.  J.  f^osiius,  IVadding,  Vf^ood,  etc. 

Cuillelnii    Shirwood ,    Distincliones    theologicae;    Tractalus    theologici ,    Shirwood. 
«rc.  Mss. 

M6RK>ire  de  M.  Silveslre  de  Sacy  sur  la  dynastie  des  Assassins ,  dans  le  Siïvejir»  Je  Sicy, 
t.  IV  des  Mémoires  do  la  classe  d'Histoire  et  de  Littérature  de  l'Institut.       ***"• 

Efutome  BiLIiothecae  Conradi  G«sneri,  per  Simlerutn  ,  etc.  Tiguri,,  »585  ,  Simler.  Bibliotb. 
i»-fol. 

Supplément  à  l'Hisloire  de  Beauvais,  par  Denis  Simon.  Beauvais,  i^oo,ou  Simon,  Hist.  de 
Paris,  J705,  in-i2.  B«a«U. 

Voyage  de  Sinum  de  Saint -Quentin,  en  Orient ,  au  xiii*  siècle,  dans  Te  Sîmon  de  ^wat- 
«etueil  des  Voyages  de  Bergeron.  Qaeiitiii.Voj«fe- 

Ilistoire  des  Français,  par  M.  Sinionde  de  Sismondii  Paris,  i.82i-i835,  Sismondi.Hïii.de» 
20  vol»  in-S".  —  Histoire  des  Républiq.ues  italiennes  ,  par  le  même.  _'''■»»<;•  RepoU. 
Paris,  1809-1818,  16  vol.  in-8".  *"' 

ËoUraiM  d'anr.  poésies  franc. ,  publiés  par  Sinner.  Lausanne,  i^Sg,  in-S.".  Sinner  E»ir. 

Siiiii  Senensis,  Bihliolheca  sancta.  Neapoli,  174^,  2  vol.  in-ful.  SixiiSen.Bililioib. 

C«nrcilia  raagnse  Britannix  et  Hiberni.ne,  collecta  ab  Henrico  Spelmanno,  Spdnun,  (>»ci). 
dein  à  Davide  Wilkins.  Voyez  ff^dkins. —  Spiciieg,  Voyez  Ù  Achery.  Aogl. 

Annules  ecclosiastici  caidinalis  Baronii  in  epitomen  redacti  et  continuati  H.  Speod.  Auut. 
ab  Henrico  Spondano.  Parisiis,  t6i2  et  163^,  3  voL  in-fol. 

Fandaniiiia   et   régulas    omnium    ordinura   monasticoruiH  et   militarium.,   StdUru 0(d.B*n. 
<|^iLus  ascetinae  religionis  status,  à  Christoinstitutus,  ad  quartum  usque 
seculum  producitur,  et  omnes  ordinum  regulae  postmodutn  conscriplae 
proouilgantur,  studio  Prosperi  Siellartii.  Duaci,  1626,  in-4". 

Stepha-ni  Cornacensis  epistola;,,  notis  illustratsC'  à  Claudio  Du  Slolinet.  Faiv  StepluD.  loraac. 
siis-,  i^ai^,  in-S". 

llUustrium  vetérumi  scriptbrum  de  rcliu»  Germanicis  ,  tomi  très,  post  Pis-   StniT.  Scr.  r.*nu. 
torium  à  Burch.  Gotth.  Struvio  recensiti ,  et  annota tionibus  lilustratL 
Bati&lM^)n;B,  i-^:»6,.  3'vol.  in-foli 
.&iidae  Lexicon  gfseciim ,,  cum  laiinà  interpretatione  et  cum  notis  Ludovici  SUdJp£«tUf. 
Rusteri.  Caniabrigia: ,  i70.'>,  3  vol.  in-ft>l. 

Vit*)  sanctoruui  à  Laurentio  Surio  post  Liyomanum  conscriptse,  Cblbniae,  Soriu»,  Vii»^. 
1770  et  seqq. ,  6  vol.  in-fol. 

1  ANNKRi  (IPb.),  episcopi  asaphensis ,  BiHTotïieca  britànnito-HibertiMsr,  sive  Tannef,  d«r«!»ipi . 

de  scriptoribus  qui  in  AngliA,  Scotjâ,  Hibemiâ  nsqu^ad  s«culi  rvirini-  *"6'- 

tium  floruerunt,  commentarius  alphabeticus,  cum  praefatione  Davidis 

Wilkins.  Londini ,  Bowyer,  1748,  in-fol. 

CoAsid«ra2iont<  dd^  Tassoiii  sof>ra  il  P«trai;c«.  Afedena.,,  v&ogi,  in-S".  Tauoni. 

SmonensitiiB  Anchiepiscoporunr  vkat- actusqp»  vanis- è  locis  collectià^Ta-  T»»el.areh»«p.  V- 

cobo  Tavello,  senoaetMi  ju<ri*c»esiilSe>  Senonis^  i<)o8f,,iw8".  ■""• 


XXXVl 


TABLE 


T«Teaii3na<  Mau- 
Tas. 


Teirasson  ,    Hist. 

de  la  jarispr, 
rhtrodoric.    V.   S, 

Dumioîci. 
Theodori       Pœnî- 

lent. 
Thomas       Aquin. 


'rlionias  Cao  t  imp  r. 


Tbnfn    Cîs'err.  iD 
(il  t. 

Tlioiii.Wald.Doc- 
trÎD. 

'Iliomasius  de  Pla- 
gio. 

l'iilenionl  ,     Hist. 
eccléa. 

1  lra1>oscbi,Lelier. 

rissier ,    Ribliolh. 
cîslerc. 

l'oiumasiui  ,      Ri- 
bliulb.  pauv. 


l'osiat. 
l'ourun. 


Trilhcia.      Script, 
rccles. 

Irivel.  Ann. 


'I  wy&ilro  ,  Sciipt. 
11.  AuJ. 


Terentianiis  Maunis  de  litteris,  syllabis,  pedibus  et  metris,  èrecensione  et 
cil  m  notis  LaurentiiSantenii,  et  Jacubi  Tan  Lennep.  Trajecii  aJ  lUienum. 
1823  ,  in-4''. 

Histoire  île  la  Juiisprudencc romaine,  par  Ant.  Terrasson.Paris,  i7D0,in-foi. 

Vita  sancti  Doniiniri  aiictore  Theoderico  de  Apoldia,in  Actis  SS.  Bulland. 
Auif.  t.  1 ,  col.  562  et  scqq. 

Theodori,  caiiliiarieiisis  episcopi,  Pœnitentiale ,  curâ  Jacobi  Petit.  Parisiis, 

if>77  ,  in-4''. 

Sancti  Tlioniœ  Aquinatis  Opéra oninia,  iByo.  iSji,  18  vol.  in-foi. — Siimnia, 
recOp'iiit.i.  Peiusiae,  i66'3,  in-f'ol.  Cuin  coinmentariis.  Bassano ,  1773, 
lo  vol.  in-foI. 

Vita  B.  Joidani.  —  Beatoe  Liitgardae  monialis  de  Aqiiiria.  —  Beatae  Mariar 

Ogiiiacensis. —  Bealae  Clirisliiiae  dici.ne  niiral)ilis  ;  aiictore  Tlioniâ  Ganiim- 

pniteiisi  ;  dans  les  Actn  saiiclniuni  des  Boilandisles,  février,  t.  II  ;  juin  , 

t.  m  et  IV  ;  juillet,  t.  V,  etc. — Ejiisdem  Tliotnae  Cantimpr.  Boniini  nni- 

vorsule   de  Apibus,  editum   ciirà  G.  Colvenerii.   Dtiaci  ,   1627,  in-8°. — 

Mir.iruloruni  et  exeniploruni  iiliri  1.  Diiaci ,  i6o5,  in-S". 

Thonice  Cislerciensis  Commentarii  in  Cantica  canticurnu.  Parisiis  et  Lu"- 

o 

diini,  i52i ,  iii-fol. 

Thonioe  (  Nctteri  )  Waldensis  Doctriiiale  antiquitatum  Cdei  catbolica;.  Pa- 
risiis, i522,  iii-fnl.  Viiietiis,  i5ji,  in-l'ol. 

Jacobi  Thoinasii  Dissortatio  pliilosopliica  de  Plagio  litterario.  Lipsiae,  1629 
vel  i(>g2,in-4o.  —  Voyez  Ohsen<atioue<i  llallemes. 

Mémoires  pour  servir  à  I  Histoire  ecclésiastique,  par  Le  Nain  de  Til'.emont. 
Paris,  ifiy.i,  16  vol.  in-4  ■ 

^to'ia  ijeneiale  délia  letteratiira  italiana,  del  cavalière  abbate  Girolamo 
Tir;il)()schi.  Modetta  ,  178"-! 7945   '^  ^"'-  g*".  in-4°. 

Biblioilieca  patriun  cisterciensium  ,  operà  Berlrandi  Tissier.  Bono-Fonti , 
ififio,  8  tom.  Mi-l'ol. 

Jacobi  Pliilippi  T oiiiniasini  Bibliotlieca  patavina  mannscripta.  Pafavii,  lôSp, 
iii-4°.  — Ejtisdem  Elogia  virorum  litteris  illustrium.  Patavii,  i63o  ei 
1644  I  2  vol.  in-4". 

Altonsi  Tosiali  commentarii  et  opuscula.  Venetiis,  ifipg,  i3  vol.  in-fol. 

Vie  lie  S.  Dominique  de  Giisnian  ,  fondateur  de  l'ordre  des  Frères  Prê- 
cheurs, parle  P.  Toiiron,  dominicain.  Paiis,  1739,  in-4°. — Vie  de  S.  Tho- 
mas, par-  le  même.  Paris,  i737,in-4°.  —  Histoire  des  Hommes  illustres  de 
l'orilre  de  Saint-Dominitjue ,  par  le  même.  Paris,  1743  ,  6  vol   in-4°. 

OEuvres   choisies  du  comte  tle  Tressan.  Paris,   1^87-1791.    12  vol.  in-8°. 

Joannis  Tritliemii  liber  de  script<)ribus  ecclesiasiicis  ,  dans  la  Bibliotlieca 
ecclesi'istica  de  Fabricius. 

Nicolai  Tiivei  Annales  usque  ad  sua  tempera  (xiiis.  ),  dans  le  t.  VHI  du 
SpiciK'ge  de  D'Acbery. 

Histori.x-  anglic.iiiae  .«criptores  10,  ex  variis  mannscripiis  niinc  primùm  in 
lucem  edili,  ailjeeli.s  variis  li-clionibiis,  glossario,  indiceque  copioso; 
operà  Rogerii  Twysden.  Londini,  i65:i,  a  vol.  in-fol. 


n^lielli,  lut.  s.  Ughei.1,1  (Fcrdinandi)  Italia  sacra.  Romae,  1644-'''''*  »  9  *ol.  in-fol.  — 
Seeunda  eililio,  studio  Nicolai  Coleli.  Venetiis,  1717-1722,9  t., 10  vol. 
in-lol.  —  Tertia  ,  Florentiae  ,  1765 ,10  vol.  ia-foL 


DES  CITATIONS.  xxxvij 


Usber,    De    ^wt. 
eccles. 


Gravissimœ  qiiœstinnis  île  chiisiiananim  ecrlesiarum  successione  et  statu, 
historien  explicalio,  aiiclore  Jac.  Usserio  (  Usher).  Lonilini,  t6i'i,  in-4.. 

Ejusdem  ,  Amples  veleiis  cl  iiovi  tesianieiiti.  Genevœ,  1622  ,  in-fol.  Dsher,  Ann.l. 

Usuariii  Mariy.ologiiim.  Rnnia;,  i48(i,  in-4".  Cuii.  ;.ililitionil)us  J.  Molan,. 
Lovanii,  i5y3,  iii-8°.— Editio  Joannis  Solerii.  Aniuerpiae,  1714,  in-fol. 


Osuard.  Marti;.!. 


Vaissète.  Histoire  générale  de  la  province  de  Languedoc,  avec  les  pièces   ^''^'^l'  "»'    '' 

juslifieativcs  .  p^ir  (i!oni  Claude  de  Vie  et  )  doin  Vaissète.  Patis ,  Vincent,  "«• 

1730 ,  5  vol.  in-lol. 
Valerii  Andnre  Cibliotheca  nd^ica.  Lovanii,  j6ii,  în-8";  i643,  in-4»,  et   Vaicru  Andr.  K,- 

(lans  toppeiit. 
Tabula    doctoruni    ordinis    Praîdicatorum ,    à    Ludovico    Vallcoleti    de-   Valleolni,  T.L.ia 
„ ,  Pradic. 

scnpta.  r.lss. 
LErcolaiio  di  nonedettoVarrhi;dialogo  ncl  qnale  si  raggiona  dcUe  lingue,   Tarel.i,  FErco! - 

colli  correzione  Kitta   da  C.astelvelro  e  colla  Varchina  di  Muzio.  Padova,  "• 

Coniinu,  ly^-i,  2  vol.  in-8".  —  Lezzioiii  di  M.  Bened.  Varclii  sopra  ina- 

terie  pnetiilie  e  filosofiilie.  Fiorenza .  Giimti,  i-'igo,  in- '4".  —  Sonetti  di 

B.  Van  iii   F^ioriiiza,  Torreiiiini» ,  iTiSS-iS^t  ,  2  vol.  in-8". 
Histoire  de  France  par  Vclly,  Villaret  et  Gar.iier.   Paris,  1770-1789,  16   vdl,  ,    H,..    ..v 

\  ol.  111-4  .  —  1  ans  ,  1 7  j5  ,  etc. ,  02  vol.  in-i  2. 
Mélanges  de  Liticralure  et  d'Histoire,  par  Vigneul-Marvillc  (  Bonavenlure   Vigncnl-Mir,:!:», 

d'Argonne,  cli^irtrcux),  édition  augmentée  (par  Banier).  Pans,  i7a5  ou 

1740  ,  3  vol.  in- 12. 
Histoire  de  b  ci)n(|uèle  de  Constantinople  par  les  Français  et    les  Véni-   ville  iiaroonm. 

tiens,  par  Geoffroy  de  Ville-Hardouin ,  édition  de  Dueange;  Ini[)rinierie 

royale,  i6jy,  in  loi.  —  Et  avec  continuation  ,  dans  le  t.  XVHI  du  Re- 
cueil <les  IlistDi'iens  de  France. 
Vincenlii  Beiiovaceiisis  Spéculum  Majiis.  Dunci,  1626,  in-fol. — Autres  édi-   ▼!•«:•  Bellovac. 

tions  iiiiii(jiiccs  ci-dessous,  p.  469  »  47"- — Ejusdem  Vincentii   opuseula 

septeiii,  Ba^ilcT,  Ameibacli,   1/181  ,  in-fol. 
Pauli  Viiidinj^ii,  ilescriplis  noniiullis  adespotis,pspudepigiapliis...  ad  Dec-   vinding.    Scripi. 

kerimi  Epistola.  Anistelodanii,  1686,  in-12.  Cuni  libro  Uecki;ii  de  argu-       *  "P- 

niento  eodcin.  Voyez  Dccklicrr. 
La  Violette   ou  Gérard  de  Nevers ,  roman  composé  par  Gibert  de  Mon-   La   'Violciie,   ro- 

treuil ,  puiillé  par  ]\L  Francisque  Michel.  Paris,  i834,  in-8°.  ""»■ 

P.  Virgilii  I\l..i>iiis  op(  r.i  (  lUicolica,  Georgica,  iEneidos  lihri  12,  etc.).  Ci-   virgilios. 

ponii,  1785,  2  vol.  in-8',  etc. 
Recueil  de  la  vie,  mort  et  invention  «le  S.  Jean-Baptiste,  par  Viseur.  Amiens,   Vùcar.SL-j.Rapi. 

i6i8  ou  l'i.iy,  iii-8„.  —  Viiry.  \ oyez  Jacoùui  de  Vitriaco.     -Volatterr. 

Voyez  Miiffei  de  Vollerra. 
Essai  sur  les  luœurs  des  Nations  (on  Histoire  générale),  par  Voltaiie.  Dans   Voltaire,  E».  «r 

les  éditions  (lèses  OEuvre.-::  t.  XVI-XXI  de  l'édition  de  Kelil,   1785,  9a       le»  iMœur. 

vol.  in-12. —  Avec  <les  remarques  de  M.  Daunou  ,  dans  les  t.  XlX-XXlV 

de  Tt-ditioii  de  i8.!5-i832 ,  in  8". 
GerarJi  Joannis  Vossii  de  Historicis  latinis  lihrl  3.  Lngdnni -Batavorum ,    voa»iiM  airr.  j.', 

i63  I,  in -4°,  et  t.  iV  de  la  collection  des  œuvres  de  Vossius.  Amsterdam  ,       De  Hisi.  lai. 

Biaeu,  6  vol.  in-fol. 
Voyage  littéraire  <le  deux  bénédictins  (Martène  et  Durand).  Paris  1717,   voyage lïttér. 

et  1724»  2  vol.  10-4". 

3    . 


xxxviij  TABLE  DES  OTATIOxNS. 

Uadding ,  Annil.    Wa»!»»*.  AnDodes  Minâmm  s«u  Historia  trium  ordiniim  à  sancto  Fran 

>«"^  ciscainstitutorun»,  auctoreLucà  Wadding,  edilio  secunda,  1731-1745, 

17  toQiM  in-fol. 
Wadding,  Script.   Scriptores  ordiftis  Mmorum ,  studio  Luc»  Wadding.  Romat,  i65o,  m-fol. 

*•'"■  Altéra  edilio,  Roniae ,  i8o5  ;  in-fol.  Voyez  Sbaralea. 

Wigcnsfil.  Joannis  Christ.  Wagenseil  de  Hydraspide  epistola.  Altorfii,  1698,  in-4„. 

WïJsin^M  (Th.    Historia  brevis  Majoris  Britanniae  ,  auctore  Th.  de  Walsingham.  Londini , 

<•«)  1^74  t  in-foL,  et  dans  les  collections  d'Historiens  anglais. 

WMjfboarg,  An-    Les  Antiquités  de   la  Gaule  belgique ,  royaume  de  France,   Australie  et 

tiq.  bdg.  Lorraine,  par  Richard  de  Wassebourg.  Paris  ,  i  549  »  >n-'ol- 

Whu-ioa.Angl.  s.    Anglia  sacra  sive  collectio  historiarum  deepiscopiset  archiepiscopi»  Anglisr, 

cura  Henrici  Wbarton.  Londini,  1691',  1692  ,  a  vol.  in-fol. 
Wil'mï,    Concil.    Concilia  Magna;  BritanniîB  et  Hiberniae  ab  ainno  ^^6  zà  1717.   Aceedunt 

•''■'""-  constitutiones  et  alia  ad  historiara  anglicam  spectantia>.  Edidit  postSpcl- 

BiannuiD  David  Wilkins.  Londini ,  1737,  4  ^o'-  in-fol. 
Wuod ,  Aniiq.         Historia  et  Antiquita^es  Universitatis  oxoniensis ,  auctore  Antonio  à  WooiL 

Oxon.  O'xonii,  ètheatro  siieldoniano,  16741  ^6"]^  ^  vol.  in-fol. 

\,mtn.  ^  Ro.ifr.  ,    AiMTNii  (  Rocferici  )  Historia  (lotTifca.  Granat»,  r5f5»  iiwfôh  ,  el  dan*  le 
Hùt.  goib.  t.  II  (ic  i'Hicpania  illustracr  d'André  ScfiotT. 


TABLE 

DES    ARTICIBS   COWTEWOS   DANS   CE  DlS-HUm*»!*   VOCaMB. 


A*«a»t6«EMEI»T T-^vl'i 

TmUe  des   Citations ist-XMvnj 

TtMe  des  Articles «rxix-xlij 


OuNiaz  (le  Nemours,  évêque  de  Noyon,  mort  on  1222 i — -4 

EJBSlache  de  Lens  ,  abbc  de  Prémontré  ,  mort  après  i  aa6. 4 6 

Conrad  de  Zareiiglieiii,  religieux  cistercien,  cardinal-évèque  de 

Porto,  m.  en  1227 6 — 13 

Olivier,  écolàtre  de  Cologne,  cardinal-évèque  de  Sabine,  m.  en 

1227 «4— »9 

Galon,  cardinal,  in.  en  1227 29—33 

(S4>énn,  évèque  de  Senlis,  chancelier  de  Fi-ance,  m.  en  1327. . .  33 — 4' 
Servais  de   Cliicester,  abbé  de  Prémontré,   évêque  de  Séez,  m. 

en  1228 • 4« — ^« 

Rtienne  Langton,  canlinal,  archevêque    de  Canlorbéry,   m.  en 

1228 5o — 66 

J«^o,  abbé  de  Saint-Victor  de  Paris,  ra.  en    iaî<) 67,-68 

Gotvin  de  Bossut,  moine  de  Vitliers,  m.  après  1229 68, --69 

Hugues  de  Miiamors ,  archidiacre  de  Maguelone ,  puis  chartreux , 

n.  vers  i23o ^q— 79 

Nicolas  de  Biaia  ,  poète  latin  ,  m.  vers  i23o go gg 

Hug<ies,  chanoine  de  l'ordre  de  Prémontré  a  Floreffes,  v.  1280.      86 89 

Hélinand,  moine  de  Froidmont,  chroniqueur  latin,  poète  fran- 
çais,  m.  vers  1280 ;     89-103 

Gérold  ,  abbé  de  Molesme,  puis  de  Cluny,  évêque  de  Valence, 

patriarche  de  Jérusalem,  m.  en  laSo io3-io6 

Guillaume  (fils  de  Pierre),  évèque  d'Alby,  m.  en  1280 106-108 

Jean  dipres  ,  abbé  de  Saint-Bertin ,  m.  en  1  280 108- 1 1 a 

Reiner  ,  moine  de  Saint-Jacques  de  Liège  ,  m.  vers  i  23o i  i3-ii5 

Guillaume  d'Auxerre,  archidiacre  de  Beauvais,  m.  en  laSo ii5-iaa 

Barthélémy ,  xx'  abbé  de  Cluny,  m.  en   i  280 1 23- 1  3o 

Guillaume  ,  abbé  dAndres,  m.  en  i  284 i3i-i34 

(iautier  d  Ochies  ,  abbé  de  Cîteaux  ,  m.  en  i  234  ou  i  235 i34-i36 

tWrnard  Dorna  ,  archidiacre  de  Bourges ,  jurisconsulte ,  m.  vers 

'^35 137- i4o 


xl  TABLE 

Jourdain   le  Forestier  (Jordanus  Nemorarius),  mathe'maticien , 

ni.  vers  1235 •  •    M» -'4' 

Maurice,  évèqiie  du  Mans,  archevêque  de  Rouen  ,  mort  en  i  235.    I4T-I45 

Geolfroy  d'Eu  ,  évéque  d'Amiens,  m.  en  1235 i45-i  4; 

Élieime  de  Braia  ion  ,  xxil'  abbe  de  Cluny.  m.  en  i  236 1 4;-  i  49 

Guillaume,  abbé  de  Cîteaux ,  ni.  vers  i  a3(i 149-1  5a 

Gilles  de  Lèwes  ,  piéniontré,  surnommé  le  Ulanc-Gendarr.u,  m. 

en  I  23; •  •  •' 1 5a-i  6a 

Jean  Hdgriii  d'Abbeville,  doyen  d'.\niiens,  arclievèque  de  Besan- 
çon ,   cardinal ,  ni.  en  i  237 1 62-  1 77 

Éiiion  ,  abbé  de  Vérum  ,  ni.  en  1237 1-7 -184 

Philippe  de  Grèves,  chancelier  de  l'église  de  Paris,  m.  en  i  237.    184-191 

Philippe,   frère  prêcheur,  vers  1238 191,  192 

Slbrjiid,  abbé  de  Maiie-Garden  ,  m.  en  i  238 192,193 

Césaire    d'Heistcibach  ,   m.   en    i  240 i()3-2oi 

Alexandre  de  Villcdieu  ,  gianiniairien-poéte ,  m.  vers  1240....    202-209 

Jacques  de  Vitry  ,  cardinal  ,   historien  ,    m.   en    i  240 209-246 

Henri  de  Dreux,  archevêiine  de    Beims,  m.  en    1  a^o 246-249 

Guillaume  de  Dcaiiinont  ,  e\ê!|tie  d'Angers,  m.  en  1240 25o-252 

Sainl-Edmond  on  Ednie,  archevêque  de Can toi beiy,  m.  vers  i34o.   a53-269 

Élienne  de  Gual ,  après  i  24" 269,  270 

Gautier  de  Cornut,  archevêque  de  Sens,  m.  en  i  24  ' 270-279 

Albéric  de    Trois-Fontaines,  auteur   d'une   Chronique   qui    finit 

en  I  24  1 279-292 

Guiil.Hime  de  Uonililberg,  abbé  de  Clairvaux  ,  m.  vcis  1242.  .  .    293-295 

Pierre  de  Reims,  évêque  «l'Agio  ,  111.  en  1  242 295,  296 

Amanien  de  Gresiuhac,  arc!ie\êque  d  Auch,  m.  vers  1242 297,  298 

Pierre  de  Sczaune,  religii-ux  douiiiiic-ain ,  m.  d-.-  1240  à  i  245.    .    299-3o5 

Geoffroy  de  Viiusauf,  pucle  ialin  ,  vers  1  24> 3o5-3(2 

Alexandre  de  liâtes,  théiilogicn  ,  m.  «n  i  v4  » 3l  2-328 

RerniH'd  de  Sidly,  évêque  d'Auxciie  ,  m.  m  i245 ...    328,  32^ 

Rodolphe  (le  Torole  ,  cvêquf  de  V  erduii  ,  m.  iii  i  245 32g-33  i 

Pii-rie,  (ils  (rAniiliiis,  arclii'vê(jiie  de  Naiboune,  m.  en  1245..    33i-338 

Guillaume  <le  iMoiilaigu,  xx.*"  ablié  de  Ciie;uix  ,  m.  en  1245 338-346 

Robert  de  Torule,  l'vêqiu!  de  I>jngres,  puis  lie  Liège,  m.  en  1246.   347-35o 

Pierre,  moine  de  Fc'ianip,  (broiiiqueiir,  m.  après  1246 35o,  35  i 

Rodcric  Xinieiiès  ,  archevêque  (U-  'l'o'ède ,  m.  en  1  247 352-354 

Guiard  de  Laoïi ,  cvê(|ne  de  ('and)iai  ,  m.  en  i  247 354-355" 

Jean  de  Mmiilaiir,  évêqiu-  de  Magiielone  ,  m.  eu  1  247 356,  35>- 

Guiliaume  d'Aiiveigne,  evêqtie  ilc  Paris,  m.  en  i'>49 3i7-385 

Robert  de  neihnue  ,  avoué  d'Arras ,  m.  eu  l  248 385-388 

Raimond  vil ,  comte   de   Toulouse,  m.  eu   1248 38j)-39i 

Guillamne  Sliirvood  ,  ni.  en  i  249 39 1-393 

Jean  de  Limoges,  vers  1  25o 393-395 

Guillaume  de  Sainl-.Mailin  de  Tournay,  vers  i25o 395-39-' 

Siger  (le  Lille,  frère  pr(''c!ienr,  vers  laâo 297,  398 

Jiuqm-s  de  Toidouse  ,  fieie  prêcheur,  vers  i  25o -^995  4<'0 

Simon  de  S;iiiil  Quentin  ,  frère  prêcheur,  vers  i  25o /^^ii-j^oi 

Guillaume  de  Reunes,  (rère  prêcheur,  vers  i25o 4o3-4o6 

Robert  de  France,  comte  d'Artois,  ei  Gui  de  Melun  ,  chevalier, 

1  230 407-4  «  I 


DES  ARTICLES.  xli 

Julifl ,  archevêque  de  Reims  ,  m.  eo    i  a5o 4  •  '-4  "4 

Bernard  le  Trést)rier,   traducteur  et  continuateur  de  Guillaume 

de  Ty I 4  »  4-4-^<> 

Gilles  de  Liège,  moine  d'Orval,  m.  vers  i  25  i 43 1-4-^5 

Jean  de  Wildesliuseii ,  dit  le  Teutonique,  général  des  frères  prè- 

clieurs ,  m.  en  I  252 435, 436 

Robert  Grosse-tête,  évêque  de  Lincoln  ,  ra.  en  i  253 437-444 

Jean  de  S.iint-Gilles ,  médecin  et  théologien  ,  m.  après  i  253 ....    444-447 

André  de  Longjumeau,  frère  prêcheur,  m.  après  i  253 447»  44^ 

Vincent  de  Beauvais 449-^1 9 

Notices  succinctes  sur  divers  auteurs, 

Jean  de  Louvain,  dit  le  précurseur ,  5ig,  Sao 

Martin  de  Laon  ,  chartreux 320 

Ida  ,  abbesse  d  Argensole,  morte  en  i  226 5a  i 

Alexandre  Neckam,  m.  en  i  227 521-523 

Eudes  de  Sorcy,  m.  en  1 228 5^3, 5a4 

Pierre  de  Roissy ,  m.  vers  i  23o 624 

Gérard  de  Horaigny,  m.  en  i  a36 524 

Guillaume   Rurell ,  m.   en  i  236 524-520 

Pierre  de  Reims,  évêque  d'Agen,  m.  en  1242 Saô,  527 

Bertrand  de   Pontigny,  m.  après  1241 627 

Odon  Clément,  m.  en  i  a47 ^27,  5a8 

Arnoul,  evêque  d'Amiens  ,  m.  en  i  247 528 

Rainier,  le   Lombard  ,   m.  en  i  249 528,  Sao 

Raoul  le  Jîreton  ,  vers  i  25o 529 

Michel   de  RIaunpayn  et  Henri   d'Avranches,  vers  laSo 529,53o 

Nicolas  Hv.ird,  vers  i25o 53o,  53 1 

Jean  de  Mailly ,  vers  1 25o 532,  533 

Etienne  d  Auxerre,  vers  i25o 533 

GeotfVoy  île  BIèves  ,  m.  en  i  aSo 533,  534 

Pierre  d  Aubenas  ,  m.  en  1  25o 534 

Adam  ,  évêque  de  Térouane,  m.  en  i  aDo 534,535 

Gaultier  de  Marvis,  m.  en  i  .«.r)  i 535,  536 

Anselme  Rigaud  ,  doyen  du  chapitre  de  Lyon,  m.  après  i25a.  536 

Herbert  d'Auxerre  ,  m.  après  laSa 536, 537 

Pierre  de  Colmieu  ,  cardinal ,  m.  en  ia55 537,538 

Yves  Breton,  dominicain,  vers  laâS 539 

Jean  de  Saint-Évroul ,  m.  en  1 255 53^ 

Pierre  de  Cuisy ,  évêque  de  Meaux,  m.  en  1 25 5 539-54 1 

Troubadours 54a,  543 

Deux  dames  anonymes  ,  auteurs  de  poésies  provençales 543-547 

Pierre  de  Bergerac 547-55o 

Guillaume  de  Beziers 55o-553 

Guillaume  Anélier,  vers  1 228 553-557 

Arnaud  de  Comminges 557 

Deudes  de  Prades,  m.  vers  laaS  ou  laag 558-56i 

Blacas,  mort  en  i  22g 56i-568 

Arnaud   d'Entrevènesi^Bonnef'oi 568,  56q 

La  dame  Tiberge 570 

7 orne  XFIII.  f 


xlij  TABLE 

Hugues  de  Mataplana  ,  m.  en  i  229 07  i-âjS 

Guillaume  de  Bergédan  ,  vers  i  2^0 676-579 

Pistoletta  ,  m.  vers  i  2^50 379'  -^^^ 

La  dame  Casielioze 58o-583 

Bernard  ,  m.  vers  i  23o d8o- j86' 

Azémar  le  Noir  ,  m.  vers  i  23o 586-588 

Folquet  de  Marseille  ,  m.  en  i  23 1 588-6o3 

l'erdigon  ,  m.  vers  i23i 603-607 

Robert ,  dauphin  d  Auvergne;  et  Robert,  évèque  de  Ciermont, 

m.  en   i  232 607-615 

Bertrand  de  la  Tour  ,  et   Pierre  Pelissier  ,  vers  i  246 61  5-6i  8 

Pierre  de  Maensac ,  vers  i  246 61 8-62  i 

Folquet  de  Romans;  et  Baudoin  ix ,  comte  de  Flandre,  1240- 

I  25o 62  1-625 

Jean  d'Aubusson  ,  et  Mcolet  de  Turin  ,  vers  12 5o 626-63o 

Guillaume  de  la  Tour,  et  Pierre  Imbert,  1240-1260 63o-63a 

Raimond  Vid.il  de  Besaudun 633-635 

Arnaud   Plaguès 635-637 

Guillaume  de  Saint-Grégori 637,  638 

Raimond  de  Salas 639,  640 

Hugues   de  Bersie 640,641 

Bertrand  de  Gordon,  et  Pierre  Raimond 641,642 

Ralmenz  Bistors,  d'Arles 642,  64i 

l>ujols ''43 

Ebles  de  Signe  et  Guillaume  Gasmar 643,  644 

Pons  Barba 644,  645 

Rambaud  de  Ikaujeu 645 

Bertrand  de  Paris,  en  Rouergue 645,646 

Jean  d  .\guila 646 

Montant  S.u  tre 647 

Pierre  de  la  Caravane 648,  649 

Guillaume  Figuières,  Bertrand  d  Aurel,  Lambert  Pavés 649-662 

La  dame  Germonde 66:>.-665 

Durand   de    Pernes 665, 666 

Bernard    de   Rovenac 667-670 

Rambaud   d  Hières 670,671 

Savarir  de  M:iuleon  ,  prévôt  de  Limoges 671-682 

Bertrand   d.    Saint-Félix 682, 683 

Aimérir  de   Peguilain 684-698 

Trocvehes.  Considérations  généiales 699-703 

Auteurs  de  Romans  historiques ,  de  Lais ,  etc. 

Anonyme,  auteur  du  Voyage  de  Ctiarlemagne  à  Jérusalem  etàC.  P.  704-714 

Turold  ,  auteur  du  poème  de  la  Bataille  de  Roncevaux 714-720 

Huou  lie  Villeneuve,  auteur  de  Regnault  de  Montauban  ,  des  4 

iils  Avmon  ,  etc 721-730 

Anonyme,  auteur  du  Roman  ou  Lai  d'Havelok  le  Danois 731-738 

Jean  de  FKii;v,  auteur  du  Roman  de  Garin  le  Loberains 738-748 

Anonviue,  auteiu"  du  Roman  de  Beuves  de  Hanstone 748-751 


DES  ARTICLES.  xliij 

Anonyme,  auteur  de  l'Ordène  de  Chevalerie 752-760 

Gibert   (le   Montreuil ,  auteur  du   Roman  de   la  \  iolette  ou  de 

Gérard  de  Nevers 760-771 

Cali'ndre,  auteur  d'une  histoire  en  vers  des  Empereurs  de  Rome.  771-773 

Jehan  Renax  ou  Renault,  auteur  du  Lai  d'Ignaurès,  etc 773-779 

Anonyme,  auteur  du  Roman  de    la  Châtelaine  de  Vergy 779-786 

Auteurs  de  Romans  allégoriques  ,  de  Satires ,  de  Poésies  religieuses. 

Raoul  de  Houdan  ,  auteur  du  Songe  d'enfer 786-790 

Anonyme  ,  auteur  de  la  Voye  de  Parailis 790-792 

Anonyme,  auteur  de  la  Cour  de  Paradis 793-800 

Huon  de  Méri,  auteur  du  Tournoiement  du  Christ 800-806 

Guiot  de  Provins  et  Hugues  de  Bersil,  auteurs  de  poèmes  satiri- 
ques ,  intitulés  Bibles 806-82 1 

Simon  de  Fresne,  auteur  d'une  imitation  de   la  Consolation  de 

Itoece 833-824 

Thibaud  de  Mailly,  auteur  d'un  poenie  moral  et  satirique 814-826 

Adam  de  Suel  ;  Adam  de  Guienci;  et  autres  traducteurs   des  Dis- 
tiques de  D.  Caton 826-83o 

Le   prêtre    Herman  ,    traducteur  de    morceaux  de  la  Bible,  de 

Légendes ,  etc 83o-837 

Bérengiers  ,  autre  traducteur  de  la  Bible 838,  839 

Auteurs  de  Chansons,  Sirventes  et  autres  opuscules. 

Considérations  générales 839-841 

Luc  de  la  Barre 841-844 

Maurice  de  Craon  et  Pierre  de  Craon ,  son  fils 844,84^ 

Quesnes  de  Béthune  et  Hues  d'Oisy 84:">-848 

Audetfoy  le  Bâtard 848-85 1 


■  v%>^«^^v 


ADDITIONS   ET  CORRECTIONS- 


Dans  la  Table  des  citations,  on  a  omis  les  8  articles  suivants  : 
1*.  XI,   Banilt'llo.  Le  (|unlio  parti  de  le  Novelle  del   Bandt-llo.   Londra,  Harding, 

I T  /)0  ,  4  loin .  ,  3  vol.  p.  in-A". 
P.  xii,  Boccace.  Il  Decaincrone.  Londra  (Livorno),  1789,  1790,  l,  vol.  in-8°. 
)'.  XT,  Coutumier  geniral ,  avec  les  notes  de  Chauvelin,  de  Brodeau,  de  Hicard 

et  de  l'éditeur  Bonrdot  de   Richebourt;.  Paris,  Rohustel ,  1724,  8  tum 

4  vol.  in-fol. 
Couliiniier  de  Verinandois,  avec  les  commentaires  de  J.  Buridan,et  les 

observations  de  L.  d'Héricoiirt.  Paris,  1728,  %  vol.  in-fol. 
P.  XVI,  De  la  Rue.  Recherches  sur  la  taj>isserie  deBayeux,  Caen,  Poisson ,  1824, 

gr.  in-4'',  fig. 
P.  xviii,  Duchesne  (.\ndr.  ).  Historiae  Pîormanorum  Scriptores  antiqui.  Parisiis, 

1619 ,  in-fol. 
P.  XXVI,  Mary;iierite    de   Valois,  reine  de   Navarre.   Ses  Nouvelles  (Hollande), 

1698,  a  vol.  p.  in-  la. 
P.  xxvii,  Massieu.  Histoire  de  la  poésie  française.  Paris,  Prault,  17^9,  in-ta. 

Dans  la  Table  des  arti<  les  que  ce  volume  contient, 
P.  XL ,  I.  26 ,  au  lieu  de  Pierre  de  Reiras ,  Usez  Enguerrand  III ,  sire  de  Couct 

Dans  le  corps  du  volume. 
P.  3 1  ,  effacez  te  mot  cent  à  la  fin  de  ta  ligne  38. 
P.  36  ,1.  17,  Beauvais,  li.\ez  Senlis. 
P.  4*  >  I.  22  ,  ait,  lisez  n'ait. 
P.  68,  I.  29,  du,  lisez  de  ce, 

P.  i65,  1.  34  ,  exemplaire  de  la  Bibliothèques,  /ùez  exemplaires  de  la  Bibliulbèque. 
P.  1 66,  à  /a  note  marfiinale ,  Gaudes,  lisez  Gaodav. 
P.  192,  1.  23  ,  mensongère,  /ùez  mensongères. 
P.  260,  I.  40,  pasage,  lisez  passage. 
P.   273,  1.  25,  epicopus,  lisez  episcopus. 
P.  347,  1.  42,  quels,  lisez  quel. 
P.  377.  1.  32,  Sahanac,  lisez  .Salanliac. 
P.  482, 1.  36,  ambiguïtés,  li\ez  ambiguitès. 

.  12  ,  aurels,  lisez  auzels. 

.  1 2  ,  ce  qui  prouve  que,  lisez  ce  qui  le  prouve,  c'est  que. 

.10,  qu'eus,  lisez  <|ue  us. 
27,  ferai,  lisez  ferais. 

.  29,  celui,  lisez  celle. 

.  ig,  Miri'baud,  lisez  Mirebeau. 
P.  691  ,  1.  42,  prouvi,  lisez  prouve. 
P.  696,  I.  41 ,  .Sympainisaient ,  lisez  sympathisaient. 
P.  698,  I.  I,  Trointo  riprovenznli ,  lise/.  Tinvatori  provenzati. 

1.  6  ,  Inghitelterra  ,  lisez  I/ighilterrn. 
P.  853,  a*  col.,  1.  3i,  conimissaises,  lisez  commissaires. 
P.  862,  i"  col.,  1.  48,  816  821,  toez  816-81 1. 

On    a  imprimé  en  diverses   pa^es,    Wharton,   Warthon,  Wartoc ,    il   fuit  lire 
partout  Wharton  (  auteur  de  1  Anglia  sacra  ). 


p 

56i, 

p. 
p. 

5-9, 
583, 

p. 
1". 
p. 

587, 
609, 

672, 

HISTOIRE  LITTÉRAIRE 
DE  LA  FRANCE. 


■jioaa  i — ■ 


SUITE  DU  TREIZIEME  SIECLE 


ETIENNE  DE  NEMOURS, 

ÉVÊQUE  DE  NOYON.  „o„^„  „,,, 


(jAUTHiER  DE  ViLLE-BéoN,  chambellan  de  France,   plus 
illustre  par  ses  actions  que  par  sa  naissance,  dit  la  chronique 
d'AIbéric,  eut  de  sa  femme,  Aveline  de  Nemours,  sept  nls, 
dont  quatre,   entrés  dans   la  clëricature,   devinrent  ëvê-  deF7.,t'xvî'n, 
ques,  et  trois  suivirent  la  carrière   des  armes.  Ces  quatre  p  769. 
prélats  furent  Etienne,  évêque  de  Noyon  ;  Pierre,  évêque 
de  Paris;  Guillaume,  évêque  de  Meaux;  et  Philippe,  évêque 
de  Châlons.  La  même  chronique,  à  l'an  i2o4,  en  parlant  de      ibid. ,  p. -gr, 
Tome  XFIII.  A 


Rec.  des  HIst. 


ri   1  ■l.lH. 


2  ETIENNE  DE  NEMOURS, 

Mil  SlKCr.E.     ,  ,      ,  ^  •  •  '         j- 

la  mort  de  leur  père,  qui  arriva  en  cette  année,  dit  encore 

que  le  plus  jeune  de  ces  sept  fils,  Philippe,  avait  pris  le  parti 

des  armes;  mais  à  l'an  122S,  elle  le  désigne,  de  manière  à 

ne  laisser  aucun  doute,  comme  ayant  été  nommé  à  l'évêché 

cnii.  on.,  I.  j^j^  Chàlons,  et  elle  est  en  cela  d'accord  avec  les  historiens 

\  11,  p.  880.  ,         ,    ,  ,  ... 

des  eveques  de  cette  ville. 

Etienne,  qui  l'ait  le  sujet  de  cet  article,  est  nommé  avant 
\iiaiiii.  1204  ses  frères  dans  Rigord  et  dans  Albéric,  ce  qui  prouverait 
qu'il  lut  leur  aîné.  A  l'appui  de  cet  indice,  on  peut  remar- 
quer que  le  premier  acte  de  l'épiscopat  d'Etienne  est  de  l'an 
oaii.ciir ,  I.    I  iH8,  tandis  que  le  premier  de  celui  de  Pierre  est  de  l'an 

IX,  p.  io(>'>;  I.   i-2oS;  enfin  (jue  l'épiscopat  de  Guillaume  est  de  l'an  I2i4, 

vu    p.  87  ;  t.  ^^1^1  j^  Philippe  n'est  que  de  l'an  iaa8. 

i.ix,p.  88(i.  ],e  premier  acte  de  la  vie  publique  d  Etienne  lut  d  assister 

comme  témoin,  et  antérieurement  à  son  épiscopat,  au  sacre 

de  Henri  de  Sully,  archevêque  de  Bourges,  qui  eut  lieu  vers 

l'an  I  i83.  Etienne  en  fait  mention  dans  la  lettre  de  recom- 

Levass., Ami.  maudation  qu'il  écrivit  au  pape  Honorius  III  en  faveur  de 

'iiaie!il  No'on    ^^^  archevèquc,  pour  défendre  ses  droits  de  primatie  contre 

p.  yi3.  farchevêque  de  Bordeaux. 

Gaii. christ, I.       Fait  évè(|ue  de  Noyon  en   1188,  il  fonda  dans  cette  ville 

i\',P  i(io5.       une  chapellenie  à  l'hospice  des  lépreux;  après  quoi,  d'année 
en  année,  son  é|)iscopat  fut  marqué  par  divers  actes  de  po- 
litique ou  d  administration  publique  dont  on  a  cru  ne  devoir 
relever  ici  que  les  principaux. 
;hid  En  I  igi,  il  fut  chargé  par  Philippe-Auguste  d'aller  négo- 

cier auprès  du  roi  de  Danemark,  Canut  II,  le  mariage 
d'ingerburge,  fille  de  ce  roi,  avec  celui  de  France.  Néan- 
moins il  fut  au  nombre  des  évêques  qui  déclarèrent  légitimes 
les  fils  d'Agnès  de  Méranie.  11  n'a  laissé  d'ailleurs  de  lui  aucun 
souvenir  purement  littéraire;  mais  il  en  a  laissé  plusieurs  de 
sa  bonne  administraticui.  Attentif  à  faciliter  les  transactions 
commerciales  dans  le  ressort  de  sa  ville  épiscopale,  après  y 
avoir  permis  le  libre  cours  de  la  monnaieyt?am/.y,  pour  obvier 
aux  inconvénients  qui  pouvaient  résulter  de  cette  liberté 
même,  il  rendit  en  1 197  un  édit  par  lequel  il  ordonna  que 
tout  paiement  serait  effectué  en  monnaie  évaluée  d'après  le 
tarit  public,  qu'il  régla  sur   la  valeur  exacte  du  sou  parisis  : 

comj>utatis  duodccini  parisiensibus pro  deccm  et octo  nigris 

Ainsi  le  porte  littéralement  cet  édit,  qui  fait  par  là  connaître 
la  proportion  qui  existait  à  cette  époque  entre  la  valeur  de  la 
Ducange .  in  monnaie  parisis  et  celle  de  l'évêché  de  Noyon,  qui  était  en 
billoii ,  niions. 


(llobs.    ad  ^erl 
AJi'Ht'ln  nitiiii. 


ÉVÊQUE  DE  NOYON. 


XIII  S!i;CI  K. 


C.all     .hi. , 
I  \  ,  p.    1014 


L'ëvêque  Etienne  a   montré  qu'il  savait  allier  à  l'esprit 
d'administration  celui  des  institutions  municipales,  lorsqu'en 
1200,  il  fit  bâtir  dans  son  diocèse  le  château  de  Carlepont,  p,o ■  lie làv'i ,,.1 
qui  est  devenu  de  notre  temps  un  bourg  de  227  feux.  Jl  en  c-  " 
rédigea  lui-même  les  statuts  municipaux,  qui  furent  confir- 
més par  Philippe- Auguste  en   1222,  dans  l'année  même  de 
ia  mort  de  cet  évêque,et  peut-être  afin  d'honorer  sa  mémoire. 
Zélé  pour  la  discipline  ecclésiastique ,  il  ordonna  que  chaque 
chanoine  accomplirait  son  stage  durant  l'année  qui  suivrait 
sa  prise  de  possession;  mais  ce  règlement  fut  aboli  quinze 
ans  après  par  l'évêque  Foucauld,  sans  doute  comme  trop 
assujettissant  pour  un  temps  de  croisade.  L'Hôtel-Dieu  de 
Noyon  ayant  été  presque  entièrement  rebâti  par  son  prédé- 
cesseur Renaud,  l'évêque  Etienne  rédigea  en  121 8  le  règle-     jIjj.i.o  .....(i 
ment  de  cette  maison  en  5o  articles,  qui  furent  adoptés 
mot  à  mot  par  Geoffroi,  évêque  d'Amiens,  l'an  i233,  et  pour 
l'Hôtel-Dieu  de  Beauvais  en    1246,  par  Otton,   évêque  de 
Tusculum    et  légat  en  France.  Le  préambule   de   ce   règle-      SpiciRg.  aA- 
ment,  et  la  transcription  du  règlement  même,    tel  qu'il  a  ',''"5'.,'   ^'/i' 
été  adopté  dans  les  deux  diocèses,  nous  ont  conservé  des  y.  335. 
exemples  du  style  latin  d'Etienne;  et  la  lettre  qui  lui  a  été 
adressée  à  ce  sujet  par  le  pape  Honorius  III,  contient  des 
éloges  bien  mérités  de  la  sagesse  du  règlement  approuvé 
pour  diriger  cet  Hôtel-Dieu. 

Il  est  une  particularité  de  la  vie  de  cet  évêque  que  les  histo- 
riens de  son  évêché  n'ont  pasfait  remarquer,  et  que  l'on  trouve 
dans  les  lettres  de  Gervais  ;  c'est  qu'Etienne  de  Nemours  fut,  ii"s'i,s„i.,m 
pendant  son  épiscopat,  en  lutte  presque  continuelle  avec  les  """"""  '  'i'  ^' 
religieux  prémontrés  qui  se  trouvaient  dans  son  diocèse.  En 
effet  il  est  dit  dans  ces  lettres,  que  l'évêque  de  Noyon  voulant 
obliger  ces  religieux  à  le  défrayer  dans  ses  voyages,  et  à  lui 

Eayer  un  tribut  atmuel,  faisait  saisir  leurs  récoltes,  leurs 
êtes  de  somme  et  leur  bétail.  La  conduite  de  l'évêque  envers 
les  prémontrés  était  imitée  par  les  doyens  des  églises  : 
celui  de  Ham  avait  fait  saisir  jusqu'à  la  farine  nécessaire  à  la 
subsistance  d'un  monastère  de  ces  religieux,  situé  dans 
son  voisinage.  Les  plaitites  de  Gervais  adressées  au  pape 
avaient  été  souvent  sans  effet;  mais  elles  devenaient  plus 
fréquentes  et  plus  vives,  et  enfin  Honorius  Ili  contraignit  ibid.,i.  i,p 
Etienne  à  rendre  compte  de  sa  conduite  devant  les  notables  43, 44.  etc. 
du  cliapitre  de  Reiras,  désignés  pour  mettre  fin  à  ces 
démêlés.  En  cette  circonstanoe,  Etienne,  pressé  de  campa- 

A2 


4  EUSTACHE  DE  LENS, 

XIII  SIÈCLE.  ,  ,  -1  1       '    •.  »»  '         J'U         T    »• 

raître  devant  ce  tribunal ,  évita  cette  espèce  d  humiliation, 

en  reconnaissant  les  droits  et  privilèges  des  prémontrés  ; 

cVst  ce  qui  fait    le  sujet  d'une  lettre  qu'il  adressa  à  l'abbé 

Hngo,Sacr.aiit.  général  de  cet  ordre.  Il  la  commence  en  ces  termes  :  JSon 

mon,  t.  i,p  .46.  ignorât  discretio  vestra ,  quod  divites  et  patentes  sœculi  aut 
seducti  consilio  alieno ,  aut  errore  decepti,  à  via  plerumque 
déviant  œquitalis,  et  milita  faciunt,  quœ  postniodum  pœnitet 
eos  fecisse ,  quandb  reversi  sunt  ad  cor  et  ad  notitiam  veri- 
tatis.  Il  dit  ensuite  qu'on  lui  avait  suggéré  que  les  prémontrés 
devaient  et  avaient  payé  un  tribut  annuel  à  ses  prédécesseurs, 
et  que  lui-même,  croyant  ce  droit  bien  fondé,  reconnaissait 
avoir  causé,  pour  le  défendre,  quelques  dommages  à  ces  re- 
ligieux, lesquels  auraient  été  bien  plus  grands,  si  la  crainte 
du  scandale  ne  l'avait  pas  retenu  ;  mais  que  la  volonté  du 
souverain  pontife  se  faisant  connaître  d'une  manière  expresse, 
il  est  résolu  à  se  désister  des  droits  qu'il  croyait  avoir,  et  à 
payer  le?  dommages  qu'il  leur  avait  causés  ;  enfin  il  leur 
demande  pour  cela  de  fixer  le  temps  et  le  lieu  où  ils  pour- 
ront ensemble  traiter  de  ces  arrangements. 
GtU.  ihr.,  t.       La  mort  d'Etienne  est  fixée  à  l'an  1222,  d'abord  parce  que 

II, p.  1006.  c'est  en  cette  année  que  lui  fut  adressée  la  bulle  du  pape  Ho- 
norius  III ,  pour  décider  le  différend  qui  s'était  élevé  entre 
l'église  de  Noyon  et  le  chapitre  de  St.-Quentin ,  ensuite  parce 
que  Gérard  de  Bazoche,  son  sucesseur,  reçut  le  serment  du  cha- 
pitre collégial  en  cette  même  année,  au  mois  de  juillet.  P.  R. 


EUSTACHE  DE  LENS, 

MORTapr.  1226.  ABBÉ  DE  L'ORDRE  DE  PRÉMONTRÉ. 

(^ET  Eustache  prit  son  surnom  de  De  Lens  (en  latin  Lensius\ 
delà  petite  ville  où  il  était  né,  et  qui  se  trouve  dans  l'Artois. 
Son  nom  de  famille  est  inconnu,  ainsi  que  la  date  précise 
de  sa  naissance;  mais  i!  florissait  dans  les  vingt  premières 
,  ,  u  , ,  années  du  xiii*  siècle. 
Mr.,(.Ji,p.8a5.  Nous  ne  savons  sur  quelle  autorité  1  auteur  de  la  Biblio- 
thèque sacrée ,  en  citant  une  partie  de  ses  ouvrages,  l'appelle 


XIII  SIÈCLE. 


ABBE  DE  L'ORDRE  DE  PREIMONTRE.  5 

Mathieu  de  Lens ,  et  le  fait  naître  en  Flandre.  Son  surnom 
aura  pu  occasioner  l'erreur  du  P.  Lelong  sur  sa  véritable 
patrie  :  en  effet,  il  existe  une  autre  ville  de  Lens  à  quelques 
lieues  de  Mons ,  que  l'on  peut  regarder  comme  flamande. 

Ildébuta  par  être  religieux  et  ensuite  chanoine  dans  l'ab-      Le  Paige,  Bi- 
baye  de  Vicoigne,  au  diocèse  d'Arras.  Quelques  auteurs  le  i»''"'*».  pr*iuon- 
font  aussi  chanoine  de  Valenciennes,  et  de  plus  docteur  en  "^^^l^x^oT^' 
théologie  et  professeur  dans  l'école  de  Paris  :    Theologiœ      caiiia  chris- 
doctor  et  projessor  apud  Parisios.  Mais  si  véritablement  il  liananova.t.iii, 
a  eu  le  titre  de  professeur  à  Paris,  nous  ne  croyons  pas  qu'il  **  46î,n°  su. 
en   ait  jamais  exercé  les  fonctions  dans  cette  ville.  On  ne 
trouve  point  son  nom  cité  parmi  les  célèbres  professeurs  de 
ce  temps.  D'ailleurs  il  parait  qu'il  s'est  peu  éloigné,  dans  toute 
sa  vie,  du  lieu  de  sa  naissance. 

En  effet,  de  son  monastère  de  Vicoigne,  ubi  mentis  et  doc- 
trind  inclitus  micabat,  il  fut  appelé  en  qualité  d'abbé  dans  prj'monstm'"' 
celui  de  Val-Chrétien,  au  diocèse  de  Soissons.  Il  régit  si  bien,  n.coi.  lonjo** 
adeo  féliciter,  cette  abbaye,  qu'on  voulut  l'avoir  pour  abbé  à  ^"• 
Val-Sery,  monastère  voisin.  Il  parait  qu'il  conserva  à  la  fois 
le  gouvernement  de  ces  deux  abbayes,  mais  qu'il  se  démit 
de  celle  de  Val-Sery  en  laao.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
qu'il  était  encore  abbé  de  Val-Chrétien  en    1226,  puisque      Gaiiu  christ, 
cette  année-là,  il  conBrma,  en  qualité  d'abbé,  une  donation  °°*^'  '^°'-  5°<>' 
faite  à  l'abbaye  d'Igny.  ""  ''"' 

Ce  fut  sans  doute  à  cette  même  époque  qu'Eustache  de 
Lens  se  démit  encore  de  cette  seconde  abbaye  pour  se  retirer 
à  Vicoigne,  dans  le  premier  monastère  qu'il  avait  habité  et 
que  gouvernait  alors  ff^alterus  Qiiercetanus  (Gauthier  Du- 
quesnoy).  Il  y  vécut  quelques  années;  mais  il  avait  déjà 
atteint  une  extrême  vieillesse.  Il  travaillait  cependant  à  un 
ouvrage  sur  la  Trinité ,  lorsque  la  mort  le  surprit.  C'est  sur 
son  pupitre  même  qu'il  expira,  «  afin  d'aller  voir  de  ses 
fi  propres  yeux ,  suivant  l'expression  d'un  auteur  du  temps, 
«  la  Trinité  qu'il  n'avait  encore  vue  que  comme  dans  un  « 
«  miroir  et  en  des  énigmes.  » //^.ye -ve/w  magisler  midto  con-  tiq.,i.ii,p.în 
fectiis  jam  senio ,  tractatum  de  Trinitate  cogitans ,  super 
pulpitum  suum  visants  Trinitatem  oculo  ad  oculurn ,  quam 
viderat  per  spéculum  et  in  œnîgm,ate ,  ibidem  expiravit. 

Nous  ne  connaissons  aucune  autre  particularité  de  la  vie 
d'Eustache  de  \jen%.  On  voit  seulement  qu'il  fut  ami  de  Jac- 
ques de  Laude  Firginis ,  autre  docteur  en  théologie  et  cha-      id.ib.d. 
noine  piémontré  du  mont  St.-Martin.  Il  entretint  avec  lui 


4 


CONRAD  DE  ZARENGEN, 


XIII  SIECLE. 


une  longTie  correspondance  dont  on  ignore  l'objet,  mais 
dont  parle  le  dernier  continuateur  des  chroniques  de  l'abbaye 
de  Vicoigne. 

Voici  les  ouvrages  qu'on  lui  attribue  : 
i"  (et  c'est  son  principal    ouvrage  )  Une  cosmographie 
d'après  les  livres  de  Moïse,  Cosmographia  Moysis. 

2°  Seminarium  VerbiDei,  en  un  très-gros  volume, et  que 

l'on  pourrait  appeler  un  lexique  de  la  Bible.  —  Seminarium 

Verhi  Dei ,   quod  ingenti  volumine  comprehensum ,   atque 

Le  Paige,  Bi-  alphabetico  ordiiic  digestum,  recrè  Lexicon  h\h\\cvim  a ppella- 

bliotli.  Praemon-    i>pf^c 

strat.,  col.  3o5.        ^^  j^  Hymîios  ah  ordine  prœmonstratensi  receptos. 

4°  In  Régulant  S.  Augustini  ad  Gervasium,,  prœmonstra- 
tensium  priuiatem. 

5°  De  Ai  et  ris,  lib.  I. 

6°  De  Significationibus  nominum  et  Qualitatibus  rerum , 
ex  D.  Gregorio. 

7"  Le  Traité  sur  la  Trinité,  que  la  mort  l'empêcha  de 
terminer. 

Devons-nous  regarder  comme  un  éloge  ce  que  dit  Hugo 
de  son  style  :  Fulvo  scrmone  conscripsit.? 

Tous  les  écrits  d'Eustache  de  Lens  étaient  conservés 
dans  l'abbaye  de  Vicoigne,  avant  nos  troubles  civils.  Ont-ils 
échappé  à  la  destruction  de  cette  abbaye?  C'est  ce  que  nous 
ignorons.  La  Bibliothèque  royale  n'en    possède  aucun. 

A.  D. 


CONRAD  DE  ZARENGEN. 


MORT  en  1227-    RELIGIEUX  CISTERCIEN,  CARDINAL-ÉVEQUE  DE  R)RTO. 


E'auteur  de  l'article  de  Barthélémy,  évêque  albigeois,  dans 

Hist.iiit.de la  le  précédent  volume  de  notre  histoire  littéraire,  rapporte 

France, t XVII,  ^^g    lettre   écritc   relativement   à   ce  faux   évêque,  par  le 

p.  a85.  *  * 


RELIGIEUX  CISTERCIEN.  7 

f  XXII  SIFCLE 

légat  du  pape  Conrad  de  Zarengen ,  fils  d'Éginon  d'Urach ,  

comte  de  Sègoe  ou  de  Cérenges.  et  neveu  de  Berthold,  duc     Martèn.  xhes. 
de  Zarengen  ou  de  Thuringe.  Ce  Conrad  fut  d'abord  cha-  ^°««=d.,t.  iii.p. 
noine  de  l'église  de  St.-Lambert  à  Leyde  ;  et  le  moine  ^Egidius,      Rec.  des  Hist. 
dans  l'histoire  des  évêques  de  cette  ville,  donne  à  entendre  deFr.,i.xviii, 
qu'il  fut  élevé  près  de  cette  église  dès  sa  plus  tendre  enfance,  ^\^  y.^^j^  ^:^, 
qui penè  a  cunahulis  heati Lamherti educatus  erat  stipendiis,  cisi.,p.  75. 
Devenu  par  la  suite  doyen  du  chapitre  de  cette  église,  ce  fut 
pendant  qu'il  occupait  cette  dignité,  qu'il  prit  la  résolution 
d'embrasser  la  vie  monastique,  et  que,  pour  remplir  ce  vœu, 
il  se  retira  dans  la  célèbre  abbaye  de  Villiers  en  Belgique. 
Césaired'lleisterbach  raconte  comment,  durant  son  noviciat,     Cœs.Heisi.iib. 
un  de  ses  frères  lui  avait  annoncé  sa  grandeur  future;  et  il  ïH.ca^- 
ajoute  que  l'évêché  de  Leyde  étant  venu  à  vaquer,  on  parla 
de  l'élever  à  ce  siège,  quoiqu'il  ne  fût  encore  que  novice,  étant 
déjà  assez  avancé  en  âge.  Cette  élection  capitulaire  qui,  selon 
la  chronique  d'Albéric.  eut  lieu  en  l'an  1200,  ne  fut  pas  fa-     Aib.chioD.ad 
vorable  à  Conrad,  à  raison  du  petit  nombre  de  suffrages  qui  »""•  '2"" 
se  réunirent  en  sa    faveur; -mais  il  devint  successivement 
prieur  et  abbé  du  monastère  de  Villiers ,  et  fut  élu  en  1 209  à 
cette  dernière  dignité,  qu'il  remplit  jusqu'en  r  2 14- L'historien      Mait.  Anecd. 
de  cette  abbaye  parle  avec  éloge  de  la  noblesse  de  son  ori-  'oc- 1'« 
gine,  plus  encore   de  ses  vertus  et  des   regrets  unanimes 
qu'excita  son  départ,  quand,  en  celte  même  année,  il  quitta 
Villiers,  pour  aller  à  Clairvaux  ,  dont  il  fut  abbé  jusqu'en      caii.  cLi. ,  t. 
1217,  année  de  son  élévation  au  gouvernement  général  dç  iv,  p.  80/,. 
son  ordre,  en  qualité  d'abbé  de  Cîteaux. 

L'année  même  de  cette  promotion ,  il  se  trouva  en  rapporf 
avec  le  comte  Simon  de  Montfort  pour  un  échange  de  caii.chr.ibid., 
maison  à  Carcassonne,  et,  l'année  suivante,  il  obtint  du  pape  p  99'- 
HonoriusIII,  pour  tout  l'ordre  de  Cîteaux ,  l'exemption  de 
payer  aux  évêques  et  aux  seigneurs  les  dîmes  pour  les  terres 
que  les  Cisterciens  avaient  défrichées  avant  l'époque  du 
concile  de  Latran,  et  celles  qu'ils  avaient  entrepris  de  défricher 
depuis.  Le  même  pape,  en  cette  circonstance,  lui  adressa      Anuai.  cisier- 

I  "^  .  •      •  /  I  »         1  ..»  cicDses,  ad  aiin. 

plusieurs  actes  pour  protéger  son  ordre  contre  les  attaques  ^^jg 
de  ses  rivaux  et  de  ses  envieux.  L'annaliste  de  Cîteaux  re- 
marque ici  que  c'est  depuis  cet  abbé,  et  à  dater  de  cette 
même  année  que  les  Cisterciens,  en  commençant  le  chant 
du  Sah>e,  Regina,  se  prosternent  et  restent  dans  cette 
posture  jusqu'aux- mots  mater  misericordiœ ;  enïin  que  c'est 
le  même  abbé  qui  ordonna,  que  pour  conserver  l'humilité  et 


8  CONRAD  DE  ZARENGEN, 

'-  la  modestie,  même  dans  la  célébration  du  culte  divin,  per- 
sonne ,  quelque  rang  qu'il  eût  dans  l'ordre  ,  n'aurait  de 
tapis  sous  les  pieds  pendant  qu'il  dirait  la  messe. 

Aonai. cister.  Les  mérites  de  Conrad  et  son  habileté  dans  l'administra- 
loc.  cit.  tion  de  son  ordre  s'étant  manifestés  de  plus  en  plus,  disent 

les  annales,  l'Eglise  romaine  voulut  s'attacher  plus  particuliè- 
rement celui  que  sa  propre  famille  avait  élevé  sucessivement 
du  rang  le  plus  humble  jusqu'à  la  plus  haute  dignité 
qu'elle  pût  conférer.  En  effet,  Conrad  étant  allé  à  Rome  en 
1-21  g,  avec  quelques  autres  abbés  pour  les  affaires  de  son 

Aib.chron.ad  ordre,  le  pape    Honorius   III  le   créa  cardinal   évêque  de 

an.  laiQ,  hïo.    n  ^ 

Porto. 

L'année  suivante,  ayant  été  envoyé  en  qualité  de  légat  vers 
les  Albigeois,  il  se  trouvait  sur  le  théâtre  des  désordres 
causés  par  ces  sectaires,  quand  mourut  Raimond ,  comte  de 
Toulouse.  La  mort  de  leur  plus  puissant  défenseur  non  seu- 
lement ne  mit  pas  fin  aux  fureurs  des  Albigeois ,  mais  elle 
semble,  au  contraire,  les  avoir  excités  à  commettre  les  dés- 
ordres les  plus  révoltants.  Le  légat  Conrad,  écrivant  à  se.s 
Aon.  eut. ,  t.  anciens  frères  de  Citeaux,  leur  en  parle  en  ces  termes  : 
'  ^     "  Quidam  ex  potentibus  Tolosanœ  civitatis,  quidam  tam  hor- 

rendum  inodium  Christi,  et  ad  confusionemnostrœ  fideiegit, 
ut  etiam  ipsos  Christi  inimicos  movere  mérita  debeat.  Juxtà 
altare  majorisecclesiœ  ventrem  suumpurgavit,  etpalld  altaris 
ipsas  immuuditias  detersil.  Cœteri  verb  furori  furorem  adji- 
cientes ,  scortum  super  sacrum  altare  posuerunt  in  aspectu 
crucifixi ,  eo  ihi  adeuntes.  Posteà  ipsam  sacrant  imaginent 
detrakentes,  hracchia  ei  prœsciderunt,  multo  militibus  He- 
rodis  détériores,  qui  mortuo,  ne  ejus  crura  J rangèrent ,  peper- 
cemnt. 

Conrnd  s'étant  mis  à  la  tête  des  défenseurs  de  la  foi ,  et 
ayant  à  lutter  contre  les  efforts  du  jeune  Raimond,  fils  de 
celui  qui  venait  de  mourir,  tint  un  concile  à  Toulouse,  afin 
de  trouver  un  remède  aux  maux  qui  avaient  motivé  sa  léga- 
tion. Mais  le  mal  allant  en  croissant,  il  ne  se  conienta  pas 
de  l'assemblée  des  évèques  de  la  province  de  Toulouse,  il 
convoqua  tous  les  prélats  français,  afin  de  chercher  avec  eux 
des  moyens  d'empêcher  que  les  erreurs  ne  se  répandissent 
généralement.  C'est  dans  cette  circonstance  qu'il  écrivit  la 
Matt  Pans  p.  circulaire  adressée  aux  évêques  de  France,  qui  se  trouve 
*'9  dans  ^lalhieu  Paris  et  dans  les  lettres  de  Gervais,  abbé  de 

Prémontré,  avec  l'inscription  de  l'archevêque   de  Rouen, 


RELIGIEUX  CISTERCIEN.  9 


Xni  SIliCLE. 


laquelle  ayant  été  rapportée  dans  cette  histoire,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit  en  commençant  cet  article,  nous  croyons 
pouvoir  nous  dispenser  de  la  transcrire  ici,  où  cependant 
elle  serait  à  sa  place  naturelle;  mais  il  suffit  d'y  recourir. 

Le    concile   devait  se  tenir  à  Sens;  mais  Philippe -Au- 
guste  ayant  voulu  y  assister,  afin  de  donner  plus  de  poids 
aux  délibérations  des  prélats,  Paris  fut  désigné  pour  le  lieu 
de  la  réunion.  Cependant  ce  roi,  qui  était,  en  ce  moment, 
malade  et  éloigné   de  la  ville,  fut  prévenu    par  la   mort. 
Guillaume  le  Breton,  dans  son  poëme  de  la  Philippide,  en      r.uili.  Biito. , 
parlant  de  ce  concile  et  du  désir  que  le  roi  avait  d'y  assister,  Phiiippïdos,  lib. 
dit  que  les  médecins  s'étant  opposés  à  ce  qu'il  voyageât,  il  """"'• 
n'avait  pas  adhéré  à    leur  avis,  et  que  le  mal  empirant,  il 
mourut  le  i4  de  juillet  avanf  d'arriver  à  Paris. 

Conrad  ,  en   sa  qualité  de  cardinal-légat,  fut  choisi  pour 

{)résider  et  officier  à  la  pompe  funèbre.  Guillaume  le  Breton  ,.  rv,  p.  144.   ' 
e  désigne  dans  ses  vers  par  cette  qualité,  et  tout  en  se  trom- 
pant sur  son  nom,  c'est  ainsi  qu'il  en  parle: 

Ampliat  exeqiiias,  tnultoque  insignit  honore 
Bertrandus,  siinimi  qui  pontificis  vice  fiingcns, 
Se  praenestinam  decorabat  praîsule  plebem  : 
lîasilicà  regione  satiis,  vir  nobilis  ortu, 


Ileligioue  sacer,  babitu  cistercius. 


La  qualification  d'évêquede  Prénesteou  de  Porto, et  celle 
de  cistercien,  n'appartenaient  qu'à  Conrad,  au  temps  dont  il 
s'agit.  L'historien  Rigord  ajoute  une  particularité  à  ces  cir- 
constances :  il  dit  (et  nous  l'avons  rapporté  à  l'article  de  uigordus 
Philippe- Auguste)  que  la  messe  funèbre  fut  célébrée  en  même  viià  Phïiippi. 
temps  à  deux  autels  dans  l'église  de  St.-Denis,  à  l'un  par 
l'évéque- légat,  à  l'autre  par  l'archevêque  de  Reims,  qui 
chantaient  ensemble,  unâ  voce  ad  duo  altaria propinqua. 

Pendant  que  les  prélats  assemblés  à  Paris  pour  les  affaires 
albigeoises  s'occupaient  des  funérailles  de  Philippe-Auguste, 
ils  apprirent  la  mort  de  celui  que  les  Albigeois  avaient  choisi 
pour  leur  pape.  Avec  lui  avait,  il  est  vrai,  disparu  le  prin-  A.nn. cisi , loo. 
cipal  motif  delà  convocation  du  concile;  cependant,  comme 
un  peuple  nombreux  s'était  trouvé  entraîné  dans  ses  erreurs, 
le  légat  fit  quelques  règlements  pour  réparer  les  maux  qu'elles 
avaient  causés. 

Le  cardinal  Conrad  était  à  Paris  quand   les  frères  prê- 
cheurs venaient  d'y  établir  leur  première  maison  ;  et  dans  le 

Tome  XV m.  B 


cil. 


XHI  SIECLE. 


lo  CONRAD  DE  ZARENGEN, 

doute  où  il  se  trouvait  sur  l'utilité  de  cet  ordre  nou- 
veau, et  sur  le  but  que  l'on  avait  eu  en  l'instituant,  il  se 
rendit  à  leur  couvent,  comme  pour  les  visiter  :  là,  après 
avoir  demandé  à  Dieu  de  l'éclairer  et  de  lui  faire  connaître 
à  quoi  était  destinée  cette  nouvelle  société,  à  l'ouverture 
d'un  livre  qui  lui  tomba  par  hasard  sous  la  main,  ses  yeux 
s'étant  arrêtés  sur  les  mots,  laudare  scilicet,  benedicere  et 
prœdicare ,  il  regarda  ces  paroles  comme  une  réponse  laite 
;i  ses  doutes,  il  en  remercia  Dieu,  et  il  dit  aux  nouveaux 
religieux  :  «  Bien  que  je  sois  sous  la  règle  d'une  profession 
«  différente  de  la  vôtre,  je  serai  cependant  votre  frère  tant 
«  q«e  je  vivrai,  et  nulle  adversité  ne  pourra  me  séparer  de 
ih  (ani.,  p.  „  vous.  »  Thomas  dcCantimpré  rapporte  ce  fait  comme  étant 
^  arrivé  à  Paris,  et  Théodoric  de  Apoldiâ^  dans  sa  vie  de  saint 

1  (un.i. vita  s    Dominique,  le  cite  avec  plus  de  détails  comme  s'étant  passé 

Dnmiii,  cap.  --.      >    „     ,  '  ■>  -i     i  i' 

a  iiologne,  parce  que  peut-être  il  s  y  est  renouvelé. 
^  ^  Vers  ce  même  temps,  au  mois  de  décembre  1 2^4 ^  Conrad 

prrrmnnsirai.,  I.  termina  uu  différend  qui  s'était  élevé  entre  l'abbé  de  l'ordre 
I,  ail  piohaiio-  de  Prémontré  et  quelques  abbés  de  rang  inférieur  dans  cet 
nés  p.  XXIII        ordre,  dont  les  maisons  étaient  en  Saxe.  Le  légat,  en  vertu 
de  sa  primauté ,  obligea  les  abbés  saxons  à  se  rendre  chaque 
année  au  chapitre  général  qui  se  tenait  au  monastère  abba- 
tial. La  pièce  qu'il  écrivit  en  cette  circonstance  est  datée  de 
Metz,  et  elle  est  intitulée  :  Diploma   Conradi,  Portuensis 
ejnscopi,   sanctœ  sedis  legati,   amicabilem  compositionem 
inter  abbatem  prœmonstratensem ,  ejusque  ordinem  et  prœ- 
positos  Saxoniœ  sancientis. 

Au  commencement  de  l'an  1 226  ,  Conrad  reçut  un  succes- 
seur dans  sa  légation-  de  France,  et  il  fut  envoyé  en  Alle- 
magne pour  y  travailler  à  réformer  les  mœurs  des  clercs,  et 
à  exciter  les  princes  de  ce  pays  à  s'armer  pour  la  croisade 
de  la  Terre-Sainte.  Après  avoir  prêché  la  croisade,  soit  par 
lui-même,  soit  par  les  religieux  de  son  ordre,  afin  de  retn- 
plir  une  de  ses  obligations,  il  assembla  à  Mayenceen  concile 
les  évê(|ues  de  sa  légation   pour  s'acquitter  de  l'autre.  Les 
(aiihe.ronrii ,   Constitutions  qu'il  a  faites  en  ce  concile  se  trouvent  dans  les 
r  2;/,        recueils  de  Surius,  de  Vinius,  de  Labbe,  dans  Maniique, 
'V,  p  isT'    '    ^*  n'excèdent  guère  quatre  pages  in-folio.  L'incontinence  du 
(lergé  fut  le  premier  objet  qui  occupa  son  lèle,  et  contre 
lequel  il  porta  les  peines  les  plus  sévère >.  Le  mépris  dps  cen- 
sures  ecclésiastiques   fut  reconnu  provenir  de  ce  qu'elles 
étaient  trop  fréquentes  et  trop  sévères;  mais  oéanmoins  les 


'  (r 


RFJJGIKUX   CISTKIICIEN.  ii 


XIII  srf.cr.E. 


pasteurs  des  églises  turent  réprimandés  comme  négligeant 
leur  ministère,  et  le  faisant  rem|)lir  par  des  mercenaires; 
enfin  les  cloîtres  furent  soumis  à  une  clôture  plus  stricte. 

Pendant  (jue  l«'s  prélats  assemblés  en  synode  s'occupaient 
des  affaires  de  l'Kglise,  des  religieux  cisterciens  a[)portèient      Ami.  iist.    i 
au  mdieu  tl'eux  le  cadavre  dEngelbert,  archevêtiue  de  Co-  l^.  p-27*^ 
logne ,  qui  venait  d'être  assassiné  sur  un  grand  chemin, 
comme  il  allait  faire  la  dédicace  d'une  église.  Oh  accusait 
de  ce  meurtre  trois   frères ,   proches  parents  du  prélat ,  et 
surtout  l'un  deux  ,  Frédéric,  comte  d'issembourg.  Ce  dernier  j[,^'*""  ^^^  '  ' 
avait  été  nomme  par  l'archevêque  de  Cologne,  avocat  ou 
défenseur  d'un  monastère  de  femmes  appelé  Essen:  au  lieu     0"tanj;e,Gios 

di  1  'r         1  II  '  -1  •-      i<i        •  1  '     I  saiiiim  ,      veihii 

e  le  détendre   et  de   le  protéger,  u  en  avait  duapidc  les   ^idmcatus. 

biens,  et  accablé  les  religieuses  de  vexations.  Celles-ci  firent 
parvenir  leurs  plaintes  au  prélat,  i\u\  n'eut  pas  le  crédit 
d'obtenir  de  son  parent  une  administration  moins  injuste; 
elles  eurent  alors  recours  à  l'empereur  d'Allemagile  et  au 
pape,  qui  à  leur  tour  pressèrent  Engelbert  de  protéger  ces 
religieuses  contre  l'in  j  ustice  de  Frédéric.  Les  réprimandes  que 
le|)rélatfitalorsà  son  |)arent,  quoique  modérées,  lui  coûtèrent 
la  vie,  car  celui-ci  aposta  des  nommes  qui  l'assassinèrent. 

Conrad  ayant  prêché  la  croisade  en  Allemagne ,  et  tenu    ' 
un  concile  à  Mayence,  revint  à  Cologne,  poury  présider  aux 
funérailles  de  l'archevêque  Engelbert. Bientôt  après,  au  rap- 
port de  Thomas  de  Cantimpré,  il  convoqua  un  Synode  pro- 
vincial à  Cologne,  dont  il  ne  sub.^iste  aucun  acte,  et  qui      Tiiom.  câm., 
pourrait  bien  avoir  été  confondu  avec  celui  qu'il  venait  de  '"cc'i- 
tenir  à  Mayence.  Les  frères  prêcheurs  nouvellement  institués,      Labbo,  Couc, 
ui  se  multipliaient  et  s'étendaient  avec  beaucoup  de  rapi-  '-^^'P-  ^'"*- 
ité,  étant  arrivés  à  Cologne,  y  excitèrerit  lés  plaintes  et  lés 
murmures  du  clergé  séculier;  Conrad,  dit  le  même  historien, 
fit  en  cette  occasion  une  réponse  mémorable  à  un  prêtre  de      Thom.  Cant. , 
cette  ville.  Ce  prêtre,  (jui  était  à  la  tête  d'une  paroisse,  venait  ''*'■  ^'  *^' ^" 
se  plaindre  à  lui  dans  les  termes  suivants  :  o  Voilà  les  frères 
«   de  l'ordre  des  prêcheurs  qui  se  sont  établis  à  Cologne  a 
«   notre  préjudice;  ils  viennent  moissonner  dans  le  champ 
a  d'autrui,  et ,  en  écoutant  les  confessions,  ils  s'insinuent 
«  dans  la  faveur  de  nos  paroissiens.  A  quoi  le  légat  répliqua  : 
«   Quel  est  donc  le  nombre  de   ceux  qui  composent  votre 
«  paroisse.''  —  Il  est  de  neuf  mille,  dit  le  plaignant.  —  Et  le 
«  légat,  se  signant  de  la  croix,  reprit  avec  sévérité:  Quel 
«   homme   êtes -vous  donc,  malheureux,  pour  suffire  aux 

Ba 


3 


12  CONRAD   DE  ZARENGEN , 


XIII  SIECl£. 


«  soins  que  demande  tant  de  monde?  Nescis ,  hominum  per- 
«  (iitissime,  quia  in  illo  dehes  tremendo  judicio  antè  tribunal 
«  Christi  de  his  omnibus  respondere?  El  lorsqu'il  vous  arrive 
«  des  vicaires  qui  vous  soulagent  d'une  partie  du  fardeau 
«  sous  lequel  vos  épaules  plient,  vous  vous  plaignez!  C'est 
«  poiirauoi ,  puisque,  par  cette  plainte,  vous  vous  êtes  mon- 
«  tré  indigne  de  conduire  les  autres,  je  vous  ])rive  dès  ce 
«  moment  de  votre  charge  pastorale.  »  Dans  cette  sentence, 
Conrad  se  montrait  conséquent  à  ce  qu'il  avait  dit  quelque 
temps  auparavant  dans  le  couvent  des  frères  prêcheurs  à 
Paris.  Mais  ahn  de  faire  de  cette  sentence  une  règle  générale 
pour  les  paysde  l'y^llemagne  où  s'étendait  sa  légation,  il  pu- 
blia que,  de  l'autorité  dusaint-siége,  les  religieux  prêcheurs 
pourraient  se  livrer  partout  à  la  prédication  et  à  l'administra- 
tion du  sacrement  de  pénitence;  mais  que  le  pasteur  devant 
connaître  le  visage  de  son  troupeau,  ils  reluseraient  leur 
ministère  à  ceux  qui  tenteraient  de  se  soustraire  à  l'autorité 
pastorale. 

Vers  ce  même  temps,  Conrad  obtint  de  son  père  Rodol- 
phe, comte  d'Urach,  un  fonds  de  terre  près  de  Constance 
pour  y  établir  un  nouveau  monastère  de  Cisterciens  ;  il  en 
jeta  les  fondements,  et  la  mort  l'ayant  enijiêelié  de  l'achever, 
l'homme  qui  |)i  it  ce  soin  lut  ce  même  Rodolphe  qui,  dans 
la  suite,  se  retira  du  monde  et  se  Ht  religieux. 

Ce|)endant  la  mort  d'Engelbert  n'avait  pas  encore  été 
vengée,  et  ceux  qui  avaient  commis  ce  crime  avaient  été  ren- 
voyés devant  un  synode  (jui  devait  se  tenir  à  Leyde.  Conrad 
s'y  rendit  vers  les  lètes  de  la  Pentecôte  de  l'an  \ixiS  Frédéric 
avait  pris  la  fuite;  mais  ses  deux  frères  Théodoric,  évêque 
de  Monestiers,  et  Engelbert,  évêque  nommé  d'0-.naljruck, 
furent  mandés  devant  ce  tribunal  ecclésiastique.  Ils  y  com- 
parurent, et,  comme  les  accusations  portées  contre  eux 
étaient  telles  qu'ils  ne  pouvaient  pas  s'en  laver,  Conrad  ne 
voulant  ni  les  absoudre  ni  les  condamner,  les  envoya  au 
pape,  auquel  il  adressa  une  lettre  où,  entre  autres  choses,  il 
disait:  Exandnivestro  diriginius  hos duosepiscopos,  graviter 
Os.  Heist. ,  de  dondni  Engelberli  nece  infduiatos.  \  ce  tribunal  suprême 
lib.li.c.  17.  ils  furent  dégradés  de  leur  dignité,  et  leurs  évêchés  donnés 
IV  "°;{^'^''  '■  à  d'autres.  Mais,  à  Cologne,  des  gens  armés  se  saisirent  des 
satellites  que  les  trois  frères  avaient  apostés  pour  consommer 
le  crime,  et  les  firent  périr  dans  les  touruients  Frédéric  lui- 
même  qui,  après  avoir  été  long-temps  en  fuite,  était  rentré 


RELIGIEUX    CISTERCIEN.  i3 

,_,.,,  ,  ,  ,  .  Xllt  SIÈCLE. 

secrètement  a  Leyde ,  y  tut  découvert  et  condamne  au  dernier  

supplice  par  la  justice  séculière. 

Conrad  ayant  mis  fin  au  synode  de  Leyde,  dont  aucun  acte 
ne  fut  publié,  reprit  le  chemin  de  Rome.  On  apprend,  par  la 
relation  de  son  voyage,  que  de  son  temps  la  ville  de  Porto, 
autrefois  si  florissante,  était  abandonnée  et  ensevelie  sous 

,  I       11        I   !•      1  Aiin.   tisl.,   I. 

ses  rumes;  car,  a  son  passage,   pour  sauver  de  1  oubli  dans  iv,  32;. 
lequel   on  avait  laissé  les  tombeaux  des  martyrs  Eutrope ,       Fascii.     .ss. 
SosimeetBonose, il  lesfit  ouvrir,  etfit  transporter  à  Clairvaux   fi'^',   iii»    n. 
les  reliques  de  ces  saints.  '''*'•  '' 

Conrad  était  à  peine  arrivé  à  Rome,  que  le  pape  Hono- 
rius  III  mourut.  Les  cardinaux  s'étant  réunis  pour  lui  donner 
un  successeur,  convinrent,  afin  que  l'élection  ne  trait  ..H  pas  en 
longueur,  de  désigner  trois  d'entre  eux,  les  plus  recomman- 
dables  par  leur  vertu,  leur  savoii-  el  leur  illustration  ,  et  de 
s'en  rapporter  à  leur  choix.  Conrad  fut  un  de  ces  trois  com- 
missaires, et  aussitôt  ses  deux  collègues  s'accordèrent  pour 
le  proposer  au  sacré  collège.  Voici  en  (juels  termes  il  s'opposa 
à  leur  désir:  ^hsit  ut  dicatur  quod  ego  me  ij)surn  clcgerirn 
in  papani!  Par  ses  conseils,  les  suffrages  se  réunirent  sur  le 
cardinal  Hugolin  (jui  fut  Grégoire  IX.  Telle  est  la  dernière 
action  mémorable  de  Conrad  ;  il  ne  survécut  (pie  six  mois  à 
l'élection  de  Grégoire,  et  il  mourut  le  2C)  sej)tembre  de  l'an 
I22y,  comblé  de  la  vénération  que  ses  contemporains  ren- 
daient à  ses  vertus,  à  ses  travaux  et  à  sa  sagesse.  Dans  ses 
derniers  moments,  il  regrettait  de  n  être  pas  resté  dans  l'hu- 
milité de  son  premier  état,  et  on  a  recueilli  de  lui  ces  der- 
nières paroles  :  Utinain  iisqiie  in  hanc horani  in  l^illarin  sub 
disciplina  vixisseni  regulari ,  et  cum  ciilinœ  hchdobadanis 
semper  ibidem  scutellas  abluissem  ! 

Il  fut  enseveli  à  Clairvaux  ,  et  on  écrivit  sur  sa  tombe  une 
épitaphe  énigmatique  qui  se  trouve  dans  plusieurs  recueils, 
o  Je  lis  dans  la  chronique  de  Villiers,  dit  l'annaliste  de  Cîteaux, 
«  une  éjjitaphe  écrite  en  vers  héroïques  ou  léonins,  qui  n'est 
«  point  à  dédaigner,  vu  le  temps  où  elle  fut  composée.  On  y 
«  trouve  des  réflexions  sur  la  mort  en  général,  puis  sur  Conrad. 
«  Voici  les  vers  qui  le  concernent,  car  les  autres  sont  durs  et 
«  peut-être  supposés.  »  Ainsi  s'explique  l'annaliste  sur  cette 
épitaphe,  et  il  la  cite  en  retranchant  les  quatre  premiers  vers. 
Nous  ne  la  transcrivons  point  ici,  parce  que  la  plupartdesvers 
en  sont  barbares,  inintelligibles,  et  (jue,  d'ailleurs,  elle  ne  nous 
paraît  offrir  aucun  intérêt  ni  sous  le  rapport  historique  ni 
sous  le  rajiport  littéraire.  P.  R. 


i.^  OIJVIKR, 


Mil  >II  <'TI 


()[J\  IKIl  Ol   OLIVAKIUS. 

■uRTcnj227.    ECOLATilE  DE  COLOGNE,  CARDINAL-EVÈQUE  DE  SABIlNE. 

L(  AUTEUR  de  l'histoire  des  Croisades  donne  au  personnage 
dont  nous  allons  parler  le  titre  de  sciiolasticjue;  mais  pour 
justiHer  celui  d'écolàtre  que  nous  croyons  devoir  substituer, 


RIitliaud,Bili 


iiesf  .ois  ,t  ii[  nous  ferons  remarquer  que ,  généralement  parlant,  le  titre 
de  scholastique  se  prend  dans  deux  sens  différents  de  celui 
qu  il  devrait  avoir,  en  le  joignant  au  nom  d  Olivier  de  Colo- 
gne. Dans  le  premier  sens,  il  siginHe  élo(juent,  disert,  savant 
dans  les  études  littéraires,  et,  en  général,  il  se  dit  du  tout 
horn'ne  lettré.  Ainsi  l'ont  entendu  Végè(  e  ,  l*apias.  saint  Au- 
gustin, Salvien,  saint  Jérôme,  au  rapport  de  Ducange.  Comme 
Ducingp  Gios    j^^  hommes  lettrés  étaient  réputés  seuls  capahlcs  de  porter 

lU-us.  la  parole  devant  les  tribunaux ,  cette  quaiiluation  tut  donnée 

aux  avocats  par  lecode  Théodosien,  et  par  la  plupart  des  au- 

Heury,  Choix  tcurs  dc  la  moycnnc  latinité.  Au  douzième  siècle  et  depuis, 

iiesetud., ch.ia.  ^^^  ^  gj^^j  qualifié  ceux  qui  enseignaient  ou  étudiaient  la 
théologie  scholastique:  c'est  pourquoi  Fleury  dit:  Les  pre- 
miers scholastiques  étaient  de  grands  hommes.  Le  livre  du 
maître  des  sentences  était  regardé  comme  le  corps  de 
théologie  scholastique.  Or,  dans  ces  deux  cas,  ce  mot,  pris 
adjectivement,  ne  peut  appartenir  à  noire  Olivier,  qui  fut 
placé  à  la  tête  de  l'école  de  Cologne,  comme  Alcuin  l'avait 
été  à  Tours ,  Hincmar  et  dans  la  suite  saint  Bruno  à  Reims; 
mais  ces  personnages  portaient  If  titre  d'écolàtre  et  non 
celui  de  scholastique.  Ajoutons  fju'avant  l'établissement  des 
...        ,,,,.      universités,  on  avait   établi   auprès   des  sièges  éijisionaux 

ririnv, }    Disc.  /       i  i  -  '.      .       .  v-         ■  i 

Mil  iin'^i.eccl.     des  écoles,  dont  les  maîtres,  qui  étaient  ordinairement  les 

hommes  les  plus  savants  de  leur  temps,  j)ortaient  It;  titie 

d'écolàtre,    et  plus  tard,  en  quelques  églises  du  midi  de  la 

France,  celui  de  capiscol,  et  de  théologal  en  d'autres. 

. .  ,  ,  Oli\ier  était  né  Saxon,  au  duché  de  Westphalie.  Nous  le 

Anii.li.  s  pader-  considéfons  comme  ccri vaui  français,  autant  a  cause  des  deux 

hoinriises.  Xpu-  ouvraiics  qu'il  a  laissés  sur  l'histoire  des  croisades,  et  dans 

P  gnC  '^  '"  "    lesquels  les  actions  des  Français  tiennent  une  assez  grande 


ÉCOLATRE  DE   COLOGNE.  i5 

,              "       •         j           »         '1                 I         ♦            1        I      ^"'  sif-.(;i.E. 
place,  qu  a  raison  du  poste  qu  il  occupa  long-temps  dans  la 

ville  de  Cologne,  laquelle  appartenait  à  la  France  à  l'époque      '^'■'H  sac.  i 

dont  nous  écrivons  l'histoire  littéraire.  in,p  6îo 

On  ne  sait  rien  de  positit  sur  ses  parents.  Selon  l'annaliste  ^^ 
dePaderborn,  il  appartenait  probablement  à  une  des  familles  ion  ,  ,r 
nobles  de  la  Westphalie,  qui  depuis  long-temps  étaient  en 
possession  du  siège  épiscopal  de  (-ette  ville.  I^a  date  de  sa 
naissance  est  aussi  incertaine.  Olivier  fit  ses  études  à  Pader- 
born ,  entra  dans  les  ordres  sacrés,  et  devint  (hanoine  de 
l'église  de  la  même  ville.  Son  savoir  l'ayant  fait  distinguer  de 
bonne  heure,  il  fut  a|)pelé  à  Cologne  pour  y  être  maître  des 
écoles  ou  écolâtre.  Inaè  ad  coloniensein  cccles'uun  ,  dit  l'an- 
naliste, ob  eniinenteni  doctrinatn  ,  et  sacrarun/  litterdnini 
scientiani ,  ejus  ecclesiœ  scholasticus  est  expetit  us,  quales 
turn  in  majoribiis  ecclesiis  erant  viri  (jiii  theologiaiti  et  sacras 
litteras  piihlicè  profitehantur,  et  docehant  clevum.  Il  paraît 
qu'il  est  reste  long-temps  dans  l'exercice  de  cette  fonction, 
puisque  les  trois  emplois  qu'il  occupa  dans  la  suite  n'ont 
point  fait  oublier  le  titre  de  scholasticus  coloniensis  qui  lui 
est  resté. 

Une  lettre  du  pape  Innocent  III  à  l'evêque  de  Genève  et  à       innorent.  m 
l'abbé  de  Bonneval  au  diocèse  de  Vienne,  dans  latpielle  ce  ^'"^,' '  ''''    *' 
pape  leur  enjoint  de  représenter  à  l'évèque  de  Grenoble  l'in- 
jixstice  de  sa  conduite  envers  Olivier,  nous  apprend  que  ce 
dernier  gouvernait   pastoralement  une   petite    [)aroisse   du 
diocèse  de  Grenoble,  désignée  par  le  nom  d'Ecciesia  y/sper-      E>^P'iiy.  Din 

,.  -.A  l,  ..      '        '      1      seog.  delaFr 

madi ,  que  nous  croyons  être  Aspres ,  bourg  situe  sur  le 
Drac  à  neuf  lieues  de  Grenoble.  Cette  lettre  est  datée  de  la 
dixième  année  du  pontificat  d'Innocent,  laquelle  correspond 
à  l'an  1209.  Le  pape,  dans  sa  lettre,  dit  (pi'Olivier,  quoicjue 
digne  d'occuper  un  rang  plus  élevé,  s'était  contenté  d'un 
poste  modeste  qui  le  mettait  à  l'abri  de  la  pauvreté  comme 
de  l'opulence;  mais  que  ce  poste  qui  lui  avait  été  assigné  en 
récompense  de  ses  services,  lui  ayant  été  ôté  par  l'évèrpie  de 
Grenoble,  Olivier  avait  porté  sa  plainte  au  souverain  j)ontife, 
et  que  celui-ci  s'occupait  à  réparer  l'injustice. 

L'annaliste  de  Paderborn  pense,  d'après  cette  lettre, 
qu'Olivier  fut  un  de  ceux  qui  se  rendirent  à  Toulouse  et 
dans  les  villes  voisines  pour  combattre,  par  la  parole,  l'hé- 
résie  naissante  des  Albigeois.  En  effet,  en   l'an    laoy,  des      ^""^  Beiu.v , 

abbés  de  l'ordre  de  Cîteaux,  et  quelques  autres  per.sormaires  ''f'"'^"''""  '''''° 
,    ,  ,  ^         T        T  r  b        i];ilo,lii)    XXX, 

avaient  ete  envoyé»  par  le  pape  pour  extirper  cette  hérésie,  cjp  yi 


G  OIJVIER, 


XIII  SIÈCLE,    et  en  détruire  la  doctrine  nouvelle,  en  prêchant  la  doctrine 
Hartzeim,  Bi-  Vraie  et  pure.  D'autre  p;irt,  on  voit  que  saint  Dominique  leve- 
bliot.coionieiisis  nant  d'Kspngne  avec  l'évèque  d'Osma,  s'arrêta  à  Toulouse 
Coi.mia;,  i;^:,  ^j^  j|  prècda  pour  ramener  les  Albigeois,  et  qu'Olivier,  qui  y 
''  ^^^'  était  venu  pour  le  même  motif,  se  lia  dans  cette  circonstance 

avtc  le  fondateur  de  l'ordre  des  frères  prêcheurs;  d'où  l'on 
conclut  qu'après  ces  premiers  travaux,  Olivier  aurait  de- 
mande à  l'évèque  de  Grenoble,  ou  au  pape,  un  poste  où  il 
put  vivre  modestement;  et  en  cela  la  date  de  sa  prédication 
aux  Albigeois,  et  celle  de  la  lettre  d'Innocent  III  s'accor- 
deraient assez  l)ien.  Quoi  qu'd  en  soit  de  cette  lettre,  que 
l'annaliste  dit  concerner  Olivier,  ce  que  Baluze  ne  veut  pas 
Baluz.  innoc  assurer,nous  ne  pouvons  rien  en  décider,  vu  qu'il  semble 
^j,  •  '"^  '  '"  étrange  qu'un  homme  f[ui  avait  joui  a  Cologne  d'un  rang 
assez  distingué,  allât  se  confiner  dans  une  petite  paroisse  si 
éloignée  de  son  pays. 

L'an  suivant,  laro,  Olivier  devint  un  des  prédicateurs  de 
^Bii).coon.,p.  ^^  croisade  contre  les  Albigeois,  après  avoir  rempli   auprès 
d'eux  les  fonctions  de  conciliateur.  Il  s'acquitta  de  ce  nou- 
veau ministère  pendant  plusieurs  années,  et  il  y  acquit  beau- 
coup   de    réputation ,   mnlthmque    exindè    ceiebrari    cœpit 
Ann.padeib.,  ^/^,,^,.,„^^  disent  Ics  annales  citées. 


Cette  réputation   attira  sur  lui  l'attention  du  souverain 
pontile  qui  le  chargea  par  lettres  d'aller  prêcher  la  croisade 


p.  957. 

Bililiot, colon. 

^'^'  î)our  la  Terre-Sainte,  dans  la  Westphalie,  la  Frise,  le  Brabant, 

Bec.  des  Hist     }      ,,.         ,  1       i-        •  l'ri..         \  ^      ^\  •  ^        t^ 

de  Fiance,  toni.  'il  Mandrc,  le  (iioccse  d  Utrecht  et  les  pays  enviroiniants.  lin 
XVIII, p.  63o,  parcourant  ces  contrées,  il  excitait  les  chrétiens  à  se  croiser, 
fiia .  (j3i ,  785.  'fQus  ,,e  s'y  décidaient  pas ,  mais  le  plus  grand  nombre  amen- 
d.iit  ses  mœurs  dépravées,  s'imposait  des  pénitences,  faisait 
des  .sacrifices  en  compensation  des  peines  du  voyage  dont 
il   voulait  s'exempter.  Cliacun  donnait  dans  cette  vue  une 
somme  d'argent  selon  son  pouvoir;  les  riches  étaient  taxés 
à  cinq  marcs  d'argent,  et  cet  argent,  remis  entre  les  mains 
dOlivier,  était  employé  à  préparer  l'expédition,  à  j)ourvoir 
aux  besoins  de  ceux  qui  se  croisaient.  Quand  il  avait  com- 
mencé son  œuvre  dans  une  ville  par  quelques  jours  de  pré- 
dication,  il  y  laissait  des  coopérateurs  pour  la  continuer,  et 
allctit  dans  une  autre. 
iiupo,    San         Après  avoir  achevé  ses  prédications  et  ses  préparatifs, entre 
anti.).  mon.,i.i,  jcs  aiiiiees   I2i4  ct   1217,  il  s'embarqua  avec  ceux  que  ses 
''^'"  discours  avaient  g  Ignés,  comme  s'exprime  l'annaliste:  Classi 

Ann.  padiii.,  /^j^/^.  (Ji^'enus  se  juiixit,  totius  hujus  expeditionis  auctor,  ac 


ECOLATRE  DE  COLOGNE.  17 

.  XIII  SIÈCLE. 

tuba  sacra  hujus  belli.  C'est  pour  cela  que  les  chroniqueurs  

contemporains   disent   qu'il    passait    pour   l'orateur  le  plus      Ca?s.  HeiMer, 

ardent  et  le  plus  éloquent  de  son  temps.  ''^  n,cap.  10. 

L'ècolàtre  de  Cologne,  devenu  conducteur  en  Orient  des      Bruschius,Ca- 

Frisons  et  des  Brabançons  de  la  CV  croisade,  dans  le  trajet  "•'       episcopa- 

^1  1)  'I-  '  1        i  »  •  "1         tuuin  Gcrro.,  p. 

et  dans  1  expédition,  renouvelant  ces  temps  anciens   ou  les  ^^^ 
chefs  des  peuples  en  étaient  aussi  les  pontifes,  se  montrait  tout      ^^^^  padeih 
ensemble  capitaine  vaillant  et  prêtre  zélé.  L'argent  qui  lui  loc.  cit. 
restait  entre  les  mains  après  les  frais  de  [expédition  ,  était 
fidèlement  employé  à  adoucir  le  sort  de  ses  compagnons,  et 
son  ministère  spirituel  leur  était  consacré  à  toute  heure  du 
jour  et  de  la  nuit.  Son  courage  et  son  élutpietice  étaient  encore 
rehaussés  par  deux  belles  qualités  que  l'annaliste  fait  remar- 
quer en  lui,  l'intégrité  dans  la  conduite  et  la  modestie  dans 
les  actions;  et  comme  ces  qualités  seront  examinées  dans 
l'analyse    de  son    ouvrage,   nous  passons  à  son    retour  en 
Europe,  qui  eut  lieu  en   122:2.  Il  se  retira  à  Paderborn ,  sa 
patrie,  où  le  siège  éj)iscopal  étant  venu  à  vaquer  l'année  sui- 
vante, le  chapitre  résolut  de  ly  élever.  Son  élection  donna 
lieu  à  quelques  débats  entre  les  chanoines,  les   nobles,  les 
moines  et  le  peuple  ;  on  en  appela  à  la  décision  d'Honorius  III, 
qui  désigna  des  commissaires  par  l'autorité  desquels  cette 
élection  se  fit  canoniquement.  A  cette  occasion,  Honorius  III 
adressa  aux  notables,  au  clergé  de  Paderborn  et  à  Olivier      Ann.  paderb., 
lui-même  les    lettres  par  lesquelles  il  approuvait  ce  choix.        'o*;- en. 

En  1225,  Olivier  lit  un  voyage  à  Rome  avec  Engelbert, 
archevêque  de  Cologne,  avec  qui  il  était  étroitement  lié.  Le 
pape  voulut  lui  donner  lui-même  la  consécration  épiscopale; 
et  en  récompense  de  ses  belles  actions,  il  le  nomma  cardinal- 
évêque  de  Sabine.  Lan  suivant,  il  tut  envoyé  en   légation 
avec  l'évêque  de  Tusculuni  auprès  de  l'empereur  Frédéric;      Ughelii.iiaiia 
mais  étant  ensuite  revenu  dans  son  évèché,  il  y  mourut  en  "5^"'  '    '•  l' 
122-,  la  même  année  que  le  pape  Honorius,  et  il  eut  j)our      ' 
successeur   un  Français  nommé  Jean  Alegrin,  d'Abbeville, 
dont  il  sera  parlé  en  cette  Histoire  à  l'an   1237. 

Le  premier  écrit  d'Olivier  qui  ait  été  mis  au  jour  est  la 
lettre  qu'il  adressa  de  la  Palestine  à  Engelbert  de  Cologne, 
et  qui  porte  cette  inscription  :  Honorahiiibus  dominis  suis , 
Engelberto  Coluniensi  archiepiscopu ,  mnjoii pnvposito,  ma- 
jori  decano ,  cœterisque  prioiibas ,  totiquc  clero ,  Olivarius 
peccatov,  sen'us  emptitius  crucis ,  sic  dictus  colonieiisis  scho- 
lasticus, per  viani  salutis  ad  œternœ  beatitudiuis  consortium 

Tome  XV III  C 


i8  OLIVIER, 

XIII  sùr.Li..  .       ^ ,.  ,0         ,  ,  •  .  1 
pen-enire  féliciter.  Lctte  lettre  tait  connaître  avec  assez  de 

détail ,  que  pendant  les  quatre  ans  qu'il  demeura  dans  la  Pa- 
lestine, Olivier  employa  son  temps  à  diriger  les  entreprises 
des  croisés,  à  leur  faire  pratiquer  les  exercices  de  la  religion, 
et  que  les  heures  qui  lui  restaient  après  ces  travaux,  il  les 
consacrait  à  écrire  les  événements  dont  il  entendait  le  récit, 
ou  qu'il  voyait  de  ses  propres  yeux;  c'est  ainsi  qu'après  la 
prise  de  Damictte,  à  laquelle  il  avait  assisté,  il  écrivait  ce 
Eccardus,   t.  qu'il  avait  VU  à  l'archevêque  «t  au  clergé  de  Cologne.  Cette 
II,  io  Proœmio.  lettre,  recueillie  d'abord  par  Gretser  et  par  Paul  Petau,  fut 
Bongal^,Ges-  im|)rimée  claus  Ic recucil  de  Bongars,  où  elle  occupe  dix  pages 
u^  ei  pei    lan-  i,,.to|JQ  j£||g  gg  trou\  c  aussi  (huis  le  recueil  de  Thomas  Gale 
„,,         ^  ,     sans  nom  d'auteur;  et  Jatciues  de  Vitry,  qui  paraît  avoir  eu 

1  homas  Gale,  .  ,  '  1  i,^-^i-     .       •'      ^  '  .     . 

Aiiglicaium  le-  connaissancc  des  manuscrits  d  Olivier,  en  a  reproduit  une 
mm  Scripiorcs  partie  mot  à  mot  dans  son  Histoire  de  Jérusalem,  sans  nom- 
Oxomae,  iG85,  jj^^.^  Cependant  celui  qu'il  co[)iait. 

'n-folio.  c^         ^  -,  '  'il  1 

Ces  compilateurs,  en  recueillant  cette  lettre  ,  ne  savaient 
projjahlement  pas  qu'elle  n'était  qu'une  partie  des  écrits 
d'Olivier  sur  les  événements  de  la  Terre-Sainte.  En  effet, 
l'écolàtre  de  Cologne,  pendant  son  séjour  en  Orient,  avait 
composé  deux  ouvrages  qui  sont  :  i"  \ IJistoire  des  rois  de  la 
Terre  -  Sainte ,  a°  \  Histoire  de  Damiette ,  dont  la  lettre  à 
l'archevêfjue  de  Cologne  fait  partie. 

A  l'époque  où  parut  le  recueil  de  Bongars,  en  1619,  ces 
deux    ouvrages  étaient  encore   manuscrits  ,  et  ils  apparte- 
naient à  la  hihliothècjue  de  l'évêque  de  Parlerborn.  En  i6g3, 
Schaten.Ann.  Schatcu   OU  Schatciiius,  Cil  faisant  paraître  les  annales  de 
padeiboinenses.  ccttc  ville,  témoignait  le  regret  de  ce  que  les  monuments  de 
la  pieuse  érudition  d'Olivier  n'eussent  pas  encore  été  rendus 
Eccardus.Cor-  publics ;  et  enfin   Eccard,  dans  son  Recueil  historique  du 
ïW  'rin-roho    "^'^y^"  âp^i  ^^^  parut  en   1723,  les  a  imprimés  parmi  plu- 
Lipsii,  1723.      sieurs  ouvrages  dus  à  des  auteurs  allemands.  Ils  le  furent 
alors  pour  la  première  fois,  et  ils  ne  l'ont  plus  été  depuis. 

Le  premier  ouvrage  d'Olivier  que  nous  avons  à  examiner 
est  celui  qui  porte  pour  titre  :  Incipit  historia  regiim  Terrœ 
11  ^"7355  '  *  ■^'^"^(^tœ ,  quain  magister  Oliverius  Coloitiensis  scholasticus  in 
'^'^  ^'  obsidione  Damiatœ  apud  /Egjptios  compilavit.  Cette  histoire 
est  distribuée  en  soixante-six  chapitres,  qui  remplissent  qua- 
rante-deux colonnes  in-folio.  Elle  commence  au  concile  de 
Clermont  en  io85,  et  va  jusqu'en  1216.  Les  faits  qui  s'y 
lisent  sont  les  mêmes  que  ceux  qui  sont  racontés  dans  toutes 
les   histoires  des  croisades.  C'est  à  proprement  parler  une 


XIII  SIKCLE. 


f. 


ECOLATRE  DE  COLOGNE.  19 

chronique  qui  rend  compte  à  peu  près,  anne'e  par  année, 
des  succès  et  des  revers  que  les  chrétiens  ont  éprouvés  dans 
la  Terre-Sainte.  Une  analyse  détaillée  nous  mènerait  trop 
loin,  une  analyse  succincte  ne  serait  qu'une  table  chrono- 
logique, nous  ne  nous  occuperons  donc  ni  de  l'une  ni  de 
l'autre.  Mais  quel  a  été  l'esprit  de  l'historien  ?  sur  quoi  por- 
tent ses  réflexions.'^  quelles  connaissances  diverses  peut -on 
trouver  dans  sou  ouvrage  ?  Voilà  ce  qui  doit  nous  occuper  en 
ce  moment. 

Cet  historien  est  d'abord  essentiellement  religieux,  il  re- 
arde  la  croisade  comme  une  guerre  sainte  et  inspirée  par 
e  Seigneur  :  dans  les  succès  et  dans  les  revers ,  il  ne  voit  que     iiisioiiaiegum 
la  volonté  divine.  Si  les  chrétiens  font  d'immenses  préparatifs  !>"*    s-mna' 

Eour  aller  en  Orient,  ce  sont  les  crimes  des  Sarrasins  que  i'"""" 
ieu  se  prépare  à  punir.  Arrivés  devant  Antioche,  si  les 
croisés  sont  accablés  de  maux  ,  de  misère  et  de  famine,  c'est 
Dieu  qui  les  châtie  de  leur  conduite  dissolue.  Si  Antioche, 
après  oien  des  souffrances,  tombe  en  leur  pouvoir,  c'est  Dieu 
qui  a  éprouvé  ses  fidèles  et  qui  les  récompense.  Si  bientôt 
après ,  soixante  mille  Turcs  vietment  surprendre  les  vain- 
queurs au  milieu  de  leur  conquête,  c'est  Dieu  qui  le  permet 
pour  les  punir  de  s'être  abandonnés  à  un  criminel  commerce 
avec  les  femmes  étrangères.  Si  ces  infidèles,  quoique  bien 
supérieurs  en  nombre,  sont  mis  en  déroute  dans  la  plaine 
par  les  croisés,  c'est  qu'il  a  plu  au  Seigneur  de  disposer  ainsi 
de  la  victoire  pour  rémunérer  la  pénitence  de  ses  serviteurs. 
Enfin  si  Saladin  accable  sous  ses  coups  les  malheureux  chré- 
tiens, c'est  que  Dieu,  qui  les  avait  mis  en  possession  de  la 
Terre -Sainte,  considérant  leur  luxure,  leur  arrogance  et 
leur  avarice,  leur  a  suscité  un  adversaire  auquel  ils  ne  pou- 
vaient pas  résister,  dépourvus  qu'ils  étaient  du  secours  divin. 
Olivier  se  montre  sévère  envers  les  fuyards,  les  traîtres, 
les  barbares.  Ainsi  il  note  d'une  infamie  ineffaçable  Etienne, 
comte  de  Beauvais,  qui ,  voyant  les  maux  que  l'on  souffrait 
devant  Antioche,  prit  la  fuite  et  revint  en  France;  ceux  des 
croisés  qui,  étant  maîtres  de  Damas,  se  laissèrent  corrompre 
par  l'argent  des  ennemis  ;  le  roi  de  Jérusalem  qui ,  mécontent  Cap  xx  \  1 
de  sa  pauvreté,  viola  la  trêve  qu'il  avait  faite  avec  les  infidèles; 
enfin  Renaud,  comte  d' Antioche,  qui  fit  torturer  par  la  pi-  ibid. 
qûre  des  mouches  un  patriarche  dont  il  avait  fait  couvrir  le 
corps  de  miel. 

S'il  s'indigne  contre  ceux  qui  déshonorent  le  nom  chrétien, 

C2 


20  OLIVIER , 


XIII  SIECLE. 


Cai.    MX. 


il  fait  l  éloge  de  ceux  qui  montrent  de  la  grandeur  d'aine  et 
du  courage.  Près  de  Racha  ,  dit-il ,  il  y  eut  un  grand  combat 
entre  les  Parthes  et  les  Mèdes  d'un  coté,  et  les  chrétiens  de 
l'autre;  ceux-ci  furent  vaincus,  des  chefs  furent  faits  prison- 
niers; Rohémond  et  Tancrède  ne  conservèrent  la  vie  qu'en 
se  sauvant  dans  des  lieux  déserts;  plusieurs  autres  s'exposè- 
rent honorablement  à  une  mort  certaine  à  l'exemple  d'un 
des  guerriers  d'Antioche  :  Multi  alii ,  fine  beato  migraverunt 
ad  Domitiiini ,  exemplo  illius,  qui  apud  Antiochiam  non  sus- 
tinens  audirc  blasphemiam  contra  nonien  Jesii-Christi ,  vir- 
tute  Sancti-Spiritiis  arniatus ,  dicta  contradixit  etjacto;  nam 
enuiini  calcaribus  pungens ,  astantibiis  dixit:  Si  quis  vestnlm 
in paradiso  cœnare desiderat ,  mecum  veniat,  et  mecum pran- 
deat!  Max  Inncea  vibrata  inter  hostiuni  niillia  se  mergens, 
priniuni  obviantem  sibi ,  interfecit ,  et  statim  interremptus 
occubuit. 

Cette  histoire  est^  remplie  de  détails  sur  les  principales 
villes  de  Syrie  et  d'Egypte.  Son  auteur,  à  l'exemple  des  an- 
ciens,  ne  passe  pas  un  nom  géographique  sans  en  rappeler 
en  peu  de  mots  l'histoire.  Tynis  est  civitas  valdè  Jamosa , 

Cap  VIII.  Ij^  corde  maris  sita ,  olini  insula ,  postmodum  per  obsi- 
dionem  Alexandri  magni  continuata ,  in  cinerem  ab  eo  est 
redacta.  Hcec  civitas  quondani  à  mercatoribits  frequenta- 
batur,  opibuj  ditabatur  inimcnsis.  Hujus  civitatis  opulentia 
peperit  luxuni ,  luxus  peccata  midtiplicavit ,  undè  sœpiiis 
puniri  meruit.  Ensuite  il  tait  la  description  de  son  port,  dans 
lequel  les  vaisseaux  vénitiens  vinrent  se  mettre  à  l'abri.  On 
trouve  des  détails  de  ce  genre  sur  Jérusalem,  sur  le  Caire, 
sur  les  restes  de  INIemphis,  sur  Antioche.  Il  fait  mention 
d'une  ville  appelée  d'abord  Antarados,  puis  Tortose,  où 
s'est  conservée  la  vieille  tradition  que  saint  Pierre  y  con- 
struisit une  église  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge.  Il 
ajoute  des  particularités  sur  les  califes  et  sur  les  diftérents 
chefs  de  la  religion  mahométane;  sur  Saladin,  ses  émirs,  ses 
mamelouks  et  le  reste  de  sa  milice;  sur  la  tribu  ou  l'ordre  des 
Assassins,  et  leur  chef,  le  Vieux-des-Montagnes,  c?/i  crp^en' 
in  omnibus,  etiam  in  atfvcioribus,  obediunt.  Isti  meritorium 

Cap.  XLlIl  sii)i  Jore  reputant,  quendibet  ad  quem  mittuntur  a  Vetulo, 
cultellis  interf.cere.  A  pueritia  loqui  variis  linguis  didicerunt ; 
in  utn)que  sex.i  sicarii  destinantur,  m  habita  clericali ,  mo- 
nachali,  peregrino ,  seculari ,  etc. 

(:..|..  M.  Olivier  dans  ses  récits  est  essentiellement  véridique.  et  la 


ÉCOLATRE  DE  COLOGNE.   .  21 


Xlll*  SIÈCLE. 


vérité  se  trouve  fidèle,  même  quand  elle  est  peu  favorable  à 
ceux  qu'il  aime.  Nulle  puissance,  dit- il,  n'est  de  longue 
durée,  et  souvent  ce  qu'on  a  acquis  par  de  longs  efforts  est 
ébranlé  ou  renversé  par  la  ruse  ou  la  folie.  Réflexion  que  lui 
suggère  la  conduite  du  roi  de  Jérusalem,  qui  se  perdit  en 
voulant  envahir  Péluse.  Ceux  qui  écrivent  des  annales ,  dit-il 
encore ,  ne  mettent  pas  dans  leurs  récits  ce  qui  leur  serait 
agréable ,  mais  ce  que  les  événements  des  temps  leur  fournis- 
sent. Cette  réflexion  précède  ce  qu'il  va  dire  des  revers  des 
croisés. 

Le  second  ouvraere  d'Olivier  a  pour  titre  :  Oliverii  Scholas-      „      , 

■    ■    Tf  •        I-.  •       •  ¥1  1     '       •  Il       J       1'  Eccardus  ,    t. 

tici  Historia  Damiatina.  Il  est  la  suite  naturelle  de  1  ouvrage  n.p.  iSgS. 
précédent,  qu'il  surpasse  d'un  tiers  en  étendue,  quoique 
les  événements  qu'il  retrace  soient  compris  dans  l'espace 
de  quatre  ans.  Le  titre  à! Histoire  de  Damiette  semblerait 
donner  à  entendre  que  c'est  l'histoire  de  cette  ville  depuis 
sa  fondation ,  tandis  que  ce  n'est  que  la  relation  des  événe- 
ments auxquels  ont  donné  lieu  les  guerres  des  chrétiens 
auprès  de  cette  ville.  L'historien  en  commence  le  récit  à  la 
date  qui  a  terminé  son  premier  ouvrage,  et  il  le  poursuit 
jusqu'au  moment  où  il  quitta  l'Orient  pour  retourner  dans 
ses  foyers,  c'est-à-dire  depuis  le  milieu  de  l'an  1217  jusqu'en 
1222. 

Ce  livre  est  une  narration  faite  par  un  témoin  oculaire , 
par  un  homme  qui  était  plus  que  témoin,  puisqu'au  rapport 

AU..-  -1  '»'  J^  •        •  ^J       .  J  Eccardus  ,  iiV 

des  historiens,  il  a  ete  un  des  principaux  conducteurs  des  proœmio. 
croisés  du  Brabant  et  des  pays  voisins,  Voici  ce  qu'il  dit  lui- 
même  de  son  ouvrage  :  Sanè ,  quœ  vidimus  et  audivimus  et 
intelleximus ,  scribimus  omnibus  orlhodoxis  absque  falsitatis 
ammixtione ,  ut  quidquid  est  mrtutis  usquam ,  assurgat  in 
laudem  Dei  et gratiarum  actionem.  Cependant,  quelque  im- 
portant qu'ait  été  le  rôle  d'Olivier  dans  cette  croisade,  quel- 
ques services  qu'il  ait  rendus  à  la  cause  qu'il  défendait,  il  ne 
fait  aucune  mention  spéciale  de  sa  personne  dans  son  ouvrage. 
Il  n'y  parle  ni  de  ses  prédications  dans  plusieurs  provinces, 
qui  durèrent  trois  ou  quatre  ans,  ni  des  nombreux  croisés 
qu'elles  réunirent,  ni  des  préparatifs  qu'il  fit  pour  leur  trajet 
en  Orient,  ni  enfin  de  ce  trajet  même  dont  il  fut  le  capitaine. 
Il  garde  également  le  silence  surtout  ce  qu'il  fit  en  ces  con- 
trées, pendant  le«  quatre  ans  qu'il  y  demeura,  bien  qu'il  y 
eût  mené  une  vie  très-active,  qu'il  eût  toujours  été  auprès 
des  combattants,  ou  pour  les  encourager  par  ses  discours  , 
5 


aa  OLIVIER , 

ïiil  SIÈCLE,  ou  pour  les  consoler  dans  leurs  revers,  ou  pour  les  aider  de 
ses  moyens  et  de  ses  talents.  Quelle  que  soit  la  manière  dont 
on  envisage  les  croisades,  soit  que,  suivant  le  sentiment  de 
quelques-uns,  on  les  trouve  justes,  ou  que,  suivant  d'autres, 
on  les  taxe  d'injustice,  on  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître 
et  d'admirer  dans  Olivier  et  dans  plusieurs  autres  chefs  de 
ces  expéditions,  de  grandes  qualités,  telles  que  le  désinté- 
ressement, l'abnégation  de  soi-même  et  la  modestie  la  plus 
humble;  quand,  au  contraire,  en  général,  ceux  qui  président 
à  de  grandes  choses,  ne  s'oublient  dans  aucun  temps,  ni 
pour  la  fortune,  ni  pour  la  renommée,  ni  pour  les  hon- 
neurs. 

U Histoire   de  Damiette  est  une  suite  non  interrompue 
de  maux ,  de  désastres  de   tout  genre  qui   accablent  tantôt 
les   croisés,   tantôt   leurs  ennemis,   mais  plus  souvent  les 
premiers.  La  lecture  que  nous  en   avons   faite  ne  nous  a 
pas  donné  une  idée  bien  favorable  du  plus  grand  nombre 
Cap.  IX.         de  ceux  qui  faisaient  cette  guerre.  Les  uns  perdent  courage 
Op.  xu.        après  quelques  efforts;  les  autres,  effrayés ,  reprennent  le  che- 
Cap.  XV.        min  de  l'Europe;  ceux-ci  ne  peuvent  s'entendre  avec  les 
Cap.  XVI.       chefs,  ceux-là  se  rembarquent  quand  ils  pensent  que  leur 
^3    ïxrx     ^"^^  ^^^  accompli,  sans  s'inquiéter  si  leur  départ  sera  préju- 
diciable à  ceux  qui  restent;  plusieurs  enfin  abusent  des  succès 
passagers  qu'ils  ont,  et  excitent  les  plaintes  de  l'historien. 
Au   milieu  de  cette  multitude  d'actions   diverses,  dont  le 
détail  serait  peu  agréable    au  lecteur,  nous    ne   considé- 
rerons que  quelques  points  principaux  qui  feront  connaître 
l'esprit  de  l'historien,  et  qui  donneront  une  juste  idée  de 
son  livre. 

Ainsi  nous  nous  arrêterons  sur  la  prise  de  Jérusalem  par 
les  Sarrasins,  sur  la  prise  de  Damiette  par  les  croisés,  sur 
la  reprise  de  cette  ville  par  les  Sarrasins,  et  sur  deux  lettres 
assez  longues  qui  font  partie  de  cette  histoire,  et  dont  Oli- 
vier adressa  l'une  à  Saladin  et  l'autre  aux  lettrés  d'Egypte. 

Pendant  que  les  croisés,  parmi  lesquels  se  trouvait  l'éco- 
lâtre  de  Cologne,  étaient  occupés  auprès  de  Damiette,  les 
Sarrasins  redoublaient  d'efforts  pour  reprendre  Jérusalem; 
ils  y  réussirent,  et  Olivier  raconte  ainsi  cet  événement  : 
Eccardus  H,       «  L' uTi  dc  gracc  laip,  la  reine  des  cités,  Jérusalem,  qui 
'''"S"  a  semblait  imprenable,  fut  saccagée  au  dehors  et  au  dedans 

c  par  Coradin,  fils  de  Saphadin;ses  murs  et  ses  tours  furent 
«  changés  en  monceaux  de  pierres,  à  l'exception  du  temple 


ÉCOLATRE  DE  COLOGNE.  a3 

XUl  SIECLE 

a  du  Seigneur  et  de  la  tour  de  David.  Les  Sarrasins  délibé- - 

«  rërent  sur  la  destruction  du  Sépulcre;  ils  annoncèrent 
«  même  à  leurs  frères  de  Damiette,  pour  les  consoler,  qu'ils 
(c  allaient  le  détruire;  mais  personne  n'osa  porteries  mains 
«  sur  ce  monument,  à  cause  du  respect  qu'ils  lui  portaient 
a  eux-mêmes.  Car,  selon  qu'il  est  écrit  dans  l'alcoran,  qui  . 
«  est  le  livre  de  leur  loi,  ils  croient  que  Jésus-Christ  a  été 
(c  conçu    et  est  né   d'une  vierge,  qu'il  a  été  yn  prophète 

a  sans  péché,  plus  même  qu'un  prophète ;  mais 

«  ils  ne  croient  pas  que  sa  passion  et  sa  mort  aient  été 
«  divines,  que  la  nature  divine  et  la  nature  humaine  aient 
«  été  unies  en  lui,  et  qu'il  y  ait  en  Dieu  trois  personnes.  Ils 
«seraient  donc  mieux  nommés  hérétiques  que  Sarrasins; 
«  mais  l'usage  a  fait  prévaloir  cette  fausse  dénomination. 
«  Durant  les  trêves,  leurs  sages  montaient. à  Jérusalem,  se 
«  faisaient  montrer  les  recueils  des  évangiles,  les  baisaient 
«  et  les  vénéraient  à  cause  de  la  pureté  de  la  loi  que  le  Christ 
«  enseigna;  surtout  aussi,  parce  que  l'ange  Gabriel  fut  en- 
«  voyé  pour  annoncer  la  lumière  évangélique,  ce  que  leurs 
«  lettrés  répètent  souvent.  Quant  à  leur  loi,  qui  a  été  com- 
«  posée  en  arabe  par  le  moine  apostat  Sergius,  sous  la  dictée 
«  du  diable,  et  que  Mahomet  donna  aux  Sarrasins,  elle  a 
«  commencé  par  le  glaive,  elle  se  maintient  par  le  glaive,  et 
«  elle  finira  par  le  glaive.  Ce  Mahomet  fut  un  homme  illettré, 
«  ainsi  qu'il  est  attesté  dans  l'alcoran  ;  il  se  chargea  de  la  promul- 
«  guer  et  de  la  faire  adopter  par  la  force.  Il  fut  luxurieux  et 
«  belliqueux,  et  il  porta  une  loi  sur  la  luxure  et  sur  la  bra- 
«  voure,  que  ses  sectateurs  observent  surtout  dans  sa  pre- 
«  raière  partie.  Et  de  même  que  la  vérité  et  la  pureté  font  la 
«  force  de  notre  loi ,  ainsi  leur  erreur  trouve  ses  appuis  dans 
«  la  crainte  et  la  volupté.  » 

Telles  sont  les  réflexions  que  faisait  nôtre  historien  sur  „ 
Jérusalem,  et  sur  ceux  en  la  puissance  desquels  elle  tomba,  h, p.  140°*' 
Voici  comment  il  s'exprime  en  parlant  de  Damiette.  Les 
croisés  avaient  équipé  leur  flotte  et  se  préparaient  à  remonter 
le  Nil  pour  arriver  auprès  de  Damiette;  mais  ils  furent  arrêtés 
dan^  leur  marche  par  une  tour,  Tiirris  in  medio  fluminis 
sita  capienda  Juit  ante  transitum  ipsius  :  Frisones  tamen 
impatientes  morce ,  transeuntes  ISilum ,  junienta  Sarrace- 
norum  tulerunt,  et  cupientes  in  ulterion  ripa  castra-metari , 
stabant  peignantes  contra  Sarracenos ,  qui  obviàm  de  civitate 
processerunt.  Revocati  suntpçr  obedientiani ,  quia  non  vide^ 


24 


i  OLIVIER 


XIII  SIECLE. 


hatiir  prlncipihus  expedire ,  quod  turris  paganis  rcpleta  post 
terguni  relinqueretur  christlanoram.  On  s'occupa  donc  de 
l'attaque  de  cette  tour;  mais  ce  fut  en  vain,  les  échelles,  les 
pierres,  les  flèches  tout  fut  inutile;  ils  y  perdirent  pendant 
plusieurs  jours  un  bon  nombre  d'hommes;  et  ils  avaient  à 
essuyer  les  railleries  des  Sarrasins.  Nos  verb  considérantes 
turrini  capl  non  possc  petrnriorum  et  trahuculonun  ictibus , 
hoc  eniin  multis  diebus  fuit  attemptatum,  nec  applicatione 
castri  propter fluminis  profunditatem ,  neque  famé  propter 
cii'itatis  vicinitatem ,  neque  suffossione  propter  circiunfluentis 
aquœ  iniportunitatem  ;  Domino  demonstrante  et  architectum 
proK'idcnte,  sumptibus  Teutonicorum  et  Frisonum,  eorumque 
labore,  duos cogones  (i)  conjunximus,  trabibus  et  funibus  for- 
tissimè coliœrentes ,  sociâ  compaginationcvacillandi periculum 
prohibentes,  quatuor  maloset  totidem  aniennasin  eis  ereximus. 
In  summitaîe  castellulum  firmuni  asseribus  et  opère  reticulato 
contectuni  coUocantes  contrit  machinaruni  iniportunitatem 
coriis  vestivimus  illud  et  per  circuitum  et  per  tectum  contra 
ignein  grœcuni.  Sub  castellulo  fabricata  fuit  scala  funibus 
fortissiniis  suspensa ,  et  triginta  cubitis  ultra proram  protensa, 
opère  brevi  tempore  féliciter  consummato. 

Quand  cet  ouvrage  fut  préparé ,  continue  l'historien ,  ceux 
qui  l'avaient  achevé  demandèrent  l'approbation  des  chefs. 
^„  Tout  le  monde  le  considérait  avec  étonnement.  On  invoqua 

1  assistance  divine  par  des  processions  et  des  pénitences,  puis 
on  traîna  cette  machine  dans  le  Nil,  on  s'approcha  delà  tour, 
et  après  un  combat  terrible  qui  dura  un  jour  et  une  nuit, 
la  tour  fut  envahie  par  son  sommet  :  Miles  quidam  jui>enis 
Leodiensis primus  turrim  ascendit,  Friso  quidam  juvenculus, 
teuens flagelluni ,  quo  granwn  excuti  solet,  sed  ad  pugnan- 
duin  connexione  catenarum  prœparatum ,  ad  dextram  et 
sinistranifortissimèpercussit,  et  quemdam  tcnenteni  signum 
croceuni  Soldani  strai-it ,  vcxillum  ei  abstulit  :  alii  post  alios 
successerunt  superatis  hostibus,  quos  resistentes  duros  sense- 
rant  et  crudeles. 

Nous  nous  sommes  arrêtés  sur  ce  fait,  parce  qu'il  fut 

essentiellement  l'œuvre  de  notre  Olivier,  bien   qu  il  garde 

scrupuleusement   le  silence  sur  lui-même.  <.i  Le  Seigneur^ 

Aim.  paii.iii.  dit -il,    donna    cette    pensée   à    un    architecte    qu'il    avait 

!'•  <.):8.  préparé.  »   L'annaliste  de  Paderborn    lui  attribue   toute  la 

(i  ;  i'etits  navires  anciennement  appelés  coquets. 


ÉCOLATRE    DE  COLOGNE.  aS 

XUi  SHCIE. 

gloiredecefait,  soit  pour  l'invention,  soit  pour  les  frais  qu  elle  ■ 

exigea;  et  il  est  d'accord  en  cela  avec  Mathieu  Paris,  qui  ne      M.-.ih.  Paris, 
désigne,  en  général,  que  les  Frisons,  lesquels  étaient  dirigés  p  *"" 
par  Olivier  (i). 

Ce  fait  eut  lieu  au  mois  d'août  1218.  Les  croisés  s'appro- 
chèrent de  Damiette,  en  formèrent  le  siège,  qui  dura  jusqu'au 
mois  de  novembre  de  l'année  suivante,  dans  lequel  la  ville, 
réduite  à  la  dernière  extrémité,  tomba  au  pouvoir  des  assail- 
lants. «  Elle  fut  prise,  dit  Olivier,  sans  se  rendre  et  sans  se 
«  défendre,  sans  tumulte  et  sans  pillage  violent,  afin  que  la 
«  victoire  ne  pût  en  être  attribuée  qu'au  Fils  de  Dieu.  Le.s 
«  soldats  chrétiens  entrés  dans  Damiette  trouvèrent  les  pla- 
te ces  couvertes  des  cadavres  de  ceux  que  la  peste  ou  la  faim 
a  avaient  tués.  Les  maisons,  les  chambres,  les  lits,  tout  en 
a  était  encombré.  Une  odeur  empestée  les  frappait  tous,  et 
«  l'aspect  de  l'intérieur  de  cette  ville  inspirait  la  pitié  ;  les 
«  morts  y  avaient  tué  les  vivants.  » 

Olivier  adresse  alors  ces  paroles  à  cette  ville  :  Daniiata 
inclila  in  regnis ,  famosa  multiim  in  superbiâ  Bahylonis ,  in 
mari  doininatrix ,  in  ascensu  persecutorum  tuorum  per  pCiu- 
cas  et  modicas  scalas  comprehensa ,  nunc  humiliata  es  siib 
potenti  manu  Dei ,  et  adultéra  queni  diù  tenuisti  projecto , 
ad  priorem  viruni  tuum  reversa  es 

Après  la  prise  de  Damiette,  les  croisés  virent  fondre  sur  c  xxxviii. 
eux  toutes  les  forces  de  leurs  ennemis;  ils  avaient  gardé  cette 
ville  jusqu'en  août  la-îi,  au  milieu  des-attaques  continuelles 
qui  leur  étaient  faites.  Enfin,  soit  par  le  désordre  qui  .s'était 
mis  parmi  eux,  soit  par  la  famine  dans  laquelle  leurs  enne- 
mis les  tenaient  resserrés  ,  soit  par  le  départ  d'un  grand 
nombre  de  ceux  dont  la  peur  s'était  emparée,  soit  surtout 
parla  trahison  de  quelques  uns  de  leurs  chefs, principalement 
par  celle  d'un  nommé  Imbert,  qui  se  rendit  au  soudaii  avec 
sa  troupe,  et  qui  lui  fit  connaitre  le  malheureux  état  des 
possesseurs  de  la  ville;  soit  aussi  à  cause  des  maux  c|ue  leur 
causait  l'inondation  du  Nil,  les  croi.sés  se  retirèrent  après 
avoir  fait  un  traité  avec  le  Soudan  de  Babylone.  c.  xx?.ix. 

Les  chefs  des  deux  partis  jurèrent  d'observer  le  traité, 
qui  consistait  principaleujent  à   rendre  les  captifs  faits  de 


(i)  On  comparera  ce  passage  de  notre  historien  avec  le  récit  du  nit'me 
fait,  qu'on  lira  dans  l'article  qui  concernera  Gilles  de  Lewes. 

Tome  XV m .  D 

s  * 


26  .  OLIVIER, 

XIU  SIÈCLE.  ,,  ,        r.  ■  •       <  I     l_     •      J      1 

part  et  d  autre  ;  les  Sarrasins  restituèrent  le  bois  de  la  croix  et 

les  croisés  Daraiette.  Olivier  félicite  les  chrétiens  de  ce  traité, 
à  cause  de  l'impossibilité  qu'il  y  avait  de  conserver  la  posses- 
sion de  cette  ville,  et  de  l'avantage  d'avoir  retiré  du  pouvoir 
des  Sarrasins  le  bois  de  la  vraie  croix;  et,  à  cette  occasion  , 
il  raconte  comment  cette  relique,  après  sa  découverte,  était 
tombée  en  leurs  mains.  Ensuite  il  parle  ainsi  de  la  perte  que 
les  chrétiens  firent  de  Dainiette.  Régressa  est  igitur  hestia  in 
latihulum  suum  ,   in  antro  suo  nioratur.  Si  quœritur  quare 
Damiatta  redierit  tam  citb  ad  incredulos ,  in promptu  causa 
est  :  luxuriosa  fuit ,  ambitiosa  fuit ,  sedituisa  fuit.  Deo  prce- 
terea  et  hominibtis  nimis  ins;rata  extitit  ;  nam  ut  alia prœter- 
mittani    in   distrihutlone   divitiarum    quœ   in  ipsà  fuerunt 
repertœ ,  nec  vetulafuit  exclusa ,  nec  puer  decem  annorum 
et  supra  ,  soli  Christo  largitori  bonoruin ,  portio  fuit  negata , 
décima  non  soluta.  «  Les  Romains  qui  étaient  des  païens, 
«  dit-il  encore,  dédièrent  à  Apollon  un  cratère  d'or,  comme 
«  le  dixième  du  butin  que  leur  avait  procuré  la  victoire.  Les 
«  Israélites,  vaintjueurs  des  Madianites,  voulurent  que  Moïse 
«  fît  don  au  Seigneur  des  objets  précieux  en  or  et  en  pierre- 
«  ries  qu'ils  avaient  pris  sur  l'ennemi.  JMais  à  l'égard  de  cette 
«  nation  valeureuse,  soumise  et  vraiment  digne  d'éloge  ,  qui, 
«  dès  son  arrivée,  se  porta  sur  Dauiiette;  qui  nourrit  des 
«  provisions  quelle  apporta,  unfe  partie  de  l'armée;  qui  prit 
«  seule  la  tour  du  fleuve;  qui  jeta  des  ponts  sur  ce  même 
«  fleuve,  la  part  qu'on  lui  fit  fut  nulle,  ou  de  peu  de  valeur, 
«  ou  la  dernière.  »  On  sent  que  l'historien  parle  ici  de  quel- 
que chose  qui  le  touche  personnellement.  Ses  Frisons  avaient 
montré  de  l'ardeur,  de  la  générosité  et  de  la  vaillance,  et 
c'était  lui  qui  les  commandait.  Ni  le  chef,  ni  les  soldats  n'eu- 
rent à  se  louer  de  la  justice  des  chefs  de  la  croisade,  dans  le 
partage  des  dépouilles.  Ce  qui  semblerait  montrer  que  la 
généralité  de  ceux  qui  s'enrôlaient  dans  cette  milice,  cher- 
chaient peut-être  autant  le  butin  que  la  gloire  de  Dieu,  et 
qu'un    grand   nombre   de  mécontents    en    Europe    allaient 
peut-être  en  Orient  pour  y  acquérir  les  moyens  de  se  pro- 
curer dans  leur  patrie  une  existence  meilleure. 

Quand  le  traité  entre  les  chrétiens  et  les  Sarrasins  eut  été 

mis  à  exécution,  Olivier  écrivit  à  Méchi-Kémel,  soudan  de 

l'iVo*^'  "*      '  B''bylone,ur)e  lettre  qui  fait  partie  de  l'histoirecomposée  |)ar 

notre  écolâtre.  Cette  lettre,  qui  a  pour  titre  Epistola  salu- 

taris  régi  Babylonis  ab  auctore  hujus  operis  conscripta ,  en 


ÉCOLATRE  DE  COLOGNE.  27 


XIII  sim:le. 


occupe  six  colonnes  in-folio.  Olivier  s'y  propose  de  solliciter 
le  Soudan  à  rendre  Jérusalem  aux  chrétiens,  ou  à  exiger  de 
son  frère  qu'il  leur  cède  cette  ville;  car  elle  avait  été  prise  par 
Coradin.  lllui  en  expose  l'histoire,  lui  explique  lesdroitsque 
les  chrétiens  ont  sur  elle,  lui  montre  que  les  croyances  et  les 
pratiques  chrétiennes  sont  fondées  sur  la  vérité  et  la  piirole 
de  Dieu;  il  le  conjure  de  mettre  le  comble  au  bien  qu'il  a 
déjà  fait  aux  chrétiens,  et  il  en  prend  occasion  de  lui  témoi- 
gner sa  reconnaissance  personnelle,  en  donnant  au  Soudan 
les  .éloges  que  ses  grandes  qualités  méritaient  :  «  Moi ,  dit-il,      Locodiat.,  p. 
«  qui  suis  un  esclave  racheté  par  la  croix  ,  et  votre  affranchi,   14/1*- 
«  je  ne  serai  jamais  ingrat  envers  vos  bienfaits.  On  n'a  jamais 
«  oui  dire  que  des  prisonniers,   au  milieu  d'une  multitude 
«  d'ennemis,  aient  été  traités  avec  tant  de  bonté.  Car  lorsque 
«  le  Seigneur  eut  permis  que  nous  tombassions  entre  vos 
«  mains,  nous  n'avons  trouvé  en  vous  ni  un  tyran,  ni  même 
«  un   maître;  mais   vous  avez  été  pour  nous  un  père  par 
«  vos  bienfaits,  un  soutien  dans  nos  périls,  un  ami  de  nos 
«  généraux,  et   d'une  patience   admirable    dans   nos  inso- 
«  leuces.  Les  principaux  d'entre  nous,  en  otages  dans  votre 
«  camp,  y  ont  goûté  les  délices  qu'offre  l'Egypte,  vous  les 
(c  avez  enrichis  de  vos  présents,  et  vous  les  avez  honorés  de 
a  vos  visites  avec  vos  frères.  Nous  qui  étions  leurs  suhor- 
«  donnés,  vous  avez  adouci   notre    captivité;  chaque  jour 
a  vingt  et  trente  mille  pains  nous  arrivaient  par  vos  ordres, 
«  ainsi   que   le   fourrage    nécessaire   à   nos   chevaux.   Vous 
«  avez   voulu   nous   faire  jouir    de   la   faculté  d'acheter  les 
«  autres  mets,  en   nous  construisant  un  pont,  et  en  faisant 
«  réparer  les  routes  que  les  pluies  avaient  dégradées;  vous 
«  aviez  soin  de  nous  et  de  nos  biens  comme  de  la  prunelle 
tt  de  votre  œil.  Si  une  de  nos  bètes  de  somme  s  égarait ,  vous 
«  ordonniez  qu'elle   fût  ramenée  dans  notre  camp,  et  elle 
«  retrouvait  son  maître.  Nos  malades  et  nos  convalescents 
«  étaient  portés  à  vos  frais,  par  terre  et  par  eau  dans    le 
(c  port  de  Damietle;  et,  ce  qui  est  plus  étonnant,    par  un 
«  édit  redoutable  vous  aviez  défendu  à  vos  sujets  de  nous 
«  molester,  soit  par  leurs  reproches,  soit  par  leurs  injures, 

«  soit    par    leurs    moqueries C'est   à    juste   droit 

«  que  vous  portez  le  nom  de  Kémel ,  qui  veut  dire 
«  accompli ,  parce  que  vous  avez  toutes  les  vertus  qui  font 
a  les  rois  et  les  princes;  et  vous  êtes  d'autant  plus  digne 
«  d'éloge,   que    vos    mœurs    ne    ressemblent    en  rien   aux 

Da 


Xm  SIKCLK. 


28  OLIVIER, 

«  mœurs  dissolues  de  votre  nation.  Achevez  donc,  je  vous 
«  en  supplie,  ce  que  vous  avez  commence.  Après  la  déli- 
te vrance  des  captifs,  rendez-nous  la  terre  sanctifiée,  l'héritage 
«  (!u  Seigneur,  la  cité  sainte  avec  tous  ses  droits.  Votre  frère, 
«  qui  l'a  en  son  pouvoir,  est  votre  vassal ,  il  n'osera  pas  vous 
K  la  refuser(i).  »  Olivier,  qui  a  eu  la  franchise  de  reconnaître 
tant  de  bonnes  qualités  dans  ce  Sarrasin ,  aurait  peut-être 
rcgrettéd'avoireuàcombattrecontreunennemi  aussi  humain, 
et  surtout  si  différent  de  plusieurs  chefs  des  croisés,  si  la 
ville  sainte  n'avait  pas  été  le  premier  objet  de  ses  pensées. 
Nous  nous  sommes  arrêtés  sur  cette  lettre  qui  nous  pré- 
sente le  portrait  fidèle  de  IMECHI-KEMEL,  avec  d'autant 
plus  de  raison  que  son  article  ne  se  trouve  pas  dans  la 
Biographie  universelle. 

pans  la  seconde  épître  écrite  aux  lettrés  ou  aux  prêtres 
d'Egypte,  Olivier  se  propose  de  leur  prouver  la  vérité  de  la 
religion  chrétienne  par  les  livres  saints  des  Hébreux ,  (ju'un 
monarque  égyptien  fit  traduire  en  grec  par  ya  interprètes, 
et  lesquels  sont  depuis  ce  temps  en  leur  pouvoir.  En  effet , 
il  leur  donne  le  détail  des  actes  et  de  la  vie  tout  entière  du 
Christ,  dans  les  différents  textes  qu'il  extrait  avec  beaucoup 
de  justesse  de  l'Ancien  Testament.  Il  leur  montre  l'établis- 
sement de  la  religion  chrétienne,  opéré  selon  les  paroles 
prophétiques  des  hommes  inspirés  dont  les  ouvrages  étaient 
dans  leurs  bibliothèques  avant  cet  établissement.  Enfin,  s'il 
ne  nous  dit  pas  comment  ces  lettres  furent  accueillies,  elles 
nous  donnent  du  moins  une  idée  favorable  de  la  dialectique 
et  de  la  modération  de  leur  auteur,  autant  que  de  la  clarté 
et  du  naturel  de  son  style. 

(i)  Cùm  enim  nos  in  mis  manibus  conclusisset  Dominiis ,  non  te  sen- 
siniiis  tyrannum  vel  dominuni,  sed  patrem  inbeneBciis,  adjutorem  in 
periculis ,  sociuin  in  capitaneis,  patieiitem  in  nostri.s  insolentiis.  Majores 
nostios  in  castris  tuis  obsides,  deliciis  quibus  iKgyptus  abumlat,  insuper 
largis  muneribus,  etiani  cuni  fratribus  tuis,  corporali  visione  plurimùm  ho- 
norastij  nobis  minoribus  in  libéra  custodià  positis,  quotidie  vicena  vel 
tricena  niiliia  paniim  cum  pabiilo  jumenturum  gratis  niisisti.  Induxisti 
victiialium  commercia,  praeparans  pontem  et  siccari  faciens  vias,  quas 
aqua  fecerat  invias;  nos  et  nostra  custodiri  jussisti  sicut  pupillani  oculi. 
Si  al)enaverit  junientiun  ,  reduetuni  ad  castra,  requisito  domino,  locum 
simui  recepit.  Infirmos  nostros  cum  debilibus  ad  portum  Damiatae  per 
tcnarn  et  aquani  tuis  sumptibus  def'erri  procurasti  ;  idque  quod  his  om- 
nibus majus  est,  iniproperari  nobis,  moveri  supersubsannantium  capita 
vel  aliquo  signo  derisionis  niolestari  edicto  terribili  prohibuisti ,  etc. ,  etc. 


ECOLATRE  DE  COLOGNE.  29 

,,        .  .  „  ,  "       Xni  SIÈCLE. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'a  faire  mention  a  une  lettre  assez — - 

courte  qu'Olivier  écrivit ,  en  i225,  à  l'abbé  et  au  chapitre  de      Hugo,  Sacr. 
l'ordre  de   Prémontré.  Il  s'y  qualifie  de  cancellarius  colo-  ""i^p-Tts'" 
niensis.  Il  y  signale  à  la  justice  du  chapitre,  Heldric,  prieur 
d'un  de  leurs  couvents  dans  la  Frise,  qui,  par  sa  cupidité  et 
la  dureté  de  son  autorité,  excitait  contre  lui  les  plaintes  de 
tout  le  peuple  voisin  du  monastère. 

M.  Michaud  ,  dans  sa  Bibliothètjue  des  croisades,  a  donné 
une  analyse  des  deux  histoires  d'Olivier,  à  laquelle  notre      Mithaud,  Bi- 
article  ne  dispense  pas  de  recourir;  mais  on  a  lieu  de  re-  biioih.desCrois., 
gretler  que  l'académicien  nous  ait  laissé  le  soin  d'analyser  les  '''    '  " 
deux  lettres  d'Olivier,  avec  plus  d'étendue  et  de  précision 
qu'il  n'a  fait;  car  ces  lettres  ne  sont  pas,  comme  il  est  dit, 
écrites  toutes  deux  pour  démontrer  la  divinité  du  Christ: 
c'est  la  matière  de  la  seule  lettre  adressée  aux  docteurs  de 
l'Egypte;  mais  la  première  adressée  à  Kémel  a  pour  sujet  les      l^^^,  ç,,,, 
témoignages  de  reconnaissance  les  plus  touchants,  et  pour  159. 
but  définitif,  la  restitution  de  la  Terre -Sainte,  ce  qui  ne 
permettait  pas  de  dire  qu'Olivier  n'a  point  dit  à  quelle  occa- 
sion ces  lettres  fui  ent  écrites ,  mais  seulement  qu'on  ignore 
comment  ces  lettres  furent  reçues.  P.  R. 


G  A  LON  ,    CARDINAL. 


MORT  en  m: 


i^l  OS  prédécesseurs  ont  placé  au  nombre  des  auteurs  du  xii*^  Hisi.iinér.  de 
siècle,  un  professeur  de  Paris,  nommé  Galon  ou  Walo,  engagé  '*  l'  -  '■  ^^  '  i'- 
vers  l'an  i  loSdans  des  controverses  scholastiques.  Un  autre  tI^^d 
Walo,  Guala  ou  Gallo,  a  occupé  le  siège  épiscopal  de  cette  ville  Hist.  Univ.  pa- 
depuis  iio4  jusqu'en  11 16.  On  a  quelquefois  confondu  avec  risiens.,  t.  il,p. 
ces  deux  personnages  français,  le  cardinal  italien  Galon,  "*'''■ 
dont,  par  cette  raison  même,  il  peut  importer  de  faire  ici  Gali.ciir.no 
mention,  ne  fût-ce  que  pour  le  distinguer  des  deux  autres  jg '"  '*"' 
qui  n'ont  jamais  été  cardinaux.  Il  a  rempli  la  fonction  de 
légat  en  France,  en  Angleterre,  en  AUe^magne,  et  pris  part  à 


no- 


3o  GALON, 

xni  siKCtE.    j'ifn portantes  affaires,  qui  tiennent  à  nos  annales  littéraires 

et  politiques.  Toutefois,  puisqu'il  s'agit  d'un  étranger,  que 

d'ailleurs  on  ne  saurait  prendre  pour  un  écrivain  propre- 

,, ,     .       ,     ment  dit,  nous  abrégerons  beaucoup  les  détails  de  sa  vie 

Vila  et  gcs(a  .      ,  ii  ti  •  i     '  i  i-  • 

Gualo;    Medio-  privec  et  puDlique.  11  en  existe  une  longue  histoire,  publiée 
iani,in-8.  en    1 767 ,  SOUS  le  nom  de  Philadelpho  Libyco,  par  Joseph 

Piemoutcsi ili.  prova ,  clianoine  régulier  de  Verceil:  Denina  et  Tiraboschi 
**  Sioria  «Jeiia  ^"  ^"^  cxtiait  cc  qu'ils  oiit  (lit  de  ce  cardinal,  sur  lequel  on 
ictter.iial.t.iv,  lisait  auparavant  des  notices  succinctes  dans  les  recueils 
86-88,^25-327.  cl'Alph.  Ciaconius  et  d'Alb.  Fabricius. 

euard!,i''nV|)^       Jacqucs  Guallo,  Gualla  ou  Qualo  de  Bicheriis  ou  de  Bec- 
25.      '  caria,  naquit  à  Verceil  un  peu  avant  n5o.  Après  avoir  été 

Bibl.  med.  et  chauoine  régulier  à  Pavie,  il  devint  évéque  de  sa  ville  natale, 
m  '*","""'  '  *it  gouverna  cette  église  dqiuis  i  lyS  jusqu'en  1 185,  Il  passait 
pour  habile  en  droit  civil  et  plus  encore  en  droit  canon.  Il 
fonda  le  monastère  de  St. -André  de  Verceil ,  en  fit  construire 
à  ses  trais  les  cellules,  l'église  et  l'école.  Parmi  les  maîtres 
qu'il  y  attira,  on  cite  un  Français  nommé  Thomas  Gallo  ou 
Gallus.  Cette  abbaye  dut  à  sa  biefifaisauce  et  à  ses  soins  de 
riches  revenus,  des  ornements  d'or  et  d'argent,  de  précieuses 
reliques,  entre  lesquelles  on  distinguait  le  glaive  teint  du 
sang  de  saint  Thomas  Becket.  Elle  hérita  de  lui  une  biblio- 
thèque ilont  Frova  a  publié  le  catalogue,  et  qui  contenait, 
avec  les  livres  sacrés,  quelques  commentaires  ou  traités  com- 
posés par  les  saints  Pères,  spécialement  par  Grégoire-le- 
Grand.  Informé  du  mérite  de  Galon,  Innocent  III  le  créa 
cardinal  -  diacre  du  titre  de  Ste.  -  Marie-au-Portique,  puis 
cardinal -prêtre  de  St. -Silvestre.  Il  avait  le  premier  de  ces 
titres  en  1208,  quand  il  vint  en  France  en  qualité  de  légat 
apostolique.  Il  lit  en  laveur  des  maîtres  et  des  écoliers  de 
iiisi.deruiiiv.  l'Université  de  Paris  un  statut  qui  exigeait,  dit  Crevier, 
<l.Paiis,  1. 1,  p.  a  des  admonitions  réitérées  avant  qu'on  pût  procéder  con- 
^^"  «  tre  eux  à  l'excommunication,  et  qui  voulait  que  les  seuls 

«  contumaces  et  rebelles  pussent  y  être  soumis.  ;>  Telle  est,  • 
e!i  effet,  la  substance  de  trois  articles  restrictifs  qui  font 
partie  d'un  règlement  général  de  discipline  ecclésiastique,  où 
le  légat  prescrivait  aux  clercs,  sous  peine  d  excommunication, 
la  continence,  la  modestie  des  habits  et  le  désintéressement. 

Historia  Univ.    /-,         .      ■  •  i.    •  •        >     j  i         i   -i   i-       i   ^  i 

paris    I.  ui,p.  ^^  règlement,  qui  se  ht  imprime  dans  les  bibliollieques  des 

4i, ',4,45-         Pères,  dans  les  collections  de  conciles,  et  en  partie  dans 

l'ouvrage  de  Duboulay ,  est  celui  qu'on  a  quelquefois  attribué 

à  l'évêque  de  Paris,  Galon  ,  antérieur  d'environ  un  siècle  à 


CARDINAL.  3t 


XIII  SIECLE. 


cette  légation  du  cardinal.   Les  dispositions    relatives  aux 

étudiants  et  aux  professeurs  sont,  aux  yeux  «le  Fleury,  des      Hist.ecclés.,i. 

preuves  de  la  considération  qu'obtenait  l'école  parisienne.  i.xxvi,n.  î8. 

En  parlant  de  la  mission  de  Galon  en  Languedoc,  saint  n^^^""  '  ^"^' 
Antonin  expose  comment  ses  prédications  contribuèrent  au 
succès  de  la  croisade  contre  les  Albigeois  et  à  l'extermination      „ 

I        ,  'Il        I  I     '     -    •  A'  1  "'S'-   liller.  t. 

de  douze  mule  de  ces  hérétiques.  INous  ne  reviendrons  pas  x\ii,  p.  2^4 , 
sur  les  détails  de  cette  guerre  sanglante,  dont  nous  avons  eu  ^^5,  375,  etc. 
trop  d'occasions  de  retracer  le  tableau.  Le  nom  de  Galon 
s'est  déjà  mêlé  aussi  aux  mentions  que  nous  avons  faites  de 
l'entreprise  du  prince  Louis  sur  le  royaume  d'Angleterre.  Ce 
fut  Galon  qu'Innocent  III  chargea,  en  i2i5,  d'y  mettre  ob- 
stacle. Après  d'inutiles  conférences  avec  Philippe-Auguste, 
le  légat  résolut  de  passer  dans  la  Grande-Bretagne,  et  de- 
manda au  roi  de  France  un  sauf-conduit:  Philippe-Auguste 
le  promit  sur  ses  propres  terres,  non  sur  celles  de  son  fils 
Louis.  Cette  réponse  mécontenta  le  cardinal,  sans  l'empêcher 
de  se  rendre  à  Glocester,  auprès  du  roi  Jean  :  il  assembla 
des  clercs,  des  abbés,  des  évêques,  et  prononça  contie  Louis 
contre  ses  complices,  une  excommunication  solennelle.  Jean 
et  Innocent  III  étant  morts  sur  ces  entrefaites,  le  nouveau 
pape,  Ilonorius  III,  content  des  services  de  Galon,  lui  pre- 
scrivit de   les  continuer,  de  soutenir  les  droits  du  jeune 
Henri  III,  d'annuler  les  serments  prêtés  à  Louis,  de  publier 
toutes  les  censures  que  les  circonstances  pourraient  exiger 
ou  conseiller.  Louis  repassa  en  France,  revint  en  Angleterre, 
livra  la  bataille  de  Lincoln,  et  prit  la  fuite,  vaincu  par  l'ar- 
mée de  Henri,  à  laquelle  les  exhortations  du  légat  avaient 
in'spiré  un  invincible  courage.  La  défaite  et  la  retraite  des 
Français  ne  laissaientplusàGalon  d'autre  tâche  à  remplir  (jue 
la  punition  de  leurs  principaux  adhérents,  clercs,  prieurs, 
abbés  et  autres  prélats  qui  venaient  de  se  montrer  rebelles  à 
l'autorité  pontiKcale  :  il  les  dépouilla  tous  de  leuis  bénéfices, 
leur  enjoignit  d'aller  à  Rome,  et  chargea  des  commissaires 
de  rechercher  et  de  trouver  des  coupables  dans  toutes  les 
provinces  anglaises.  Par  tant  de  spoliations,  il  acquit  de  quoi 
enrichir  ses  propres  agents,  sans  s'oublier  lui-même.  L'evê- 
que   de   Lincoln  paya,  pour  remonter  sur  son   siège,  cent 
mille  marcs  d'argent  au  pape,  et  cent  au  légat,  dont  bien 
d'autres  ne  rachetèrent  qu'au  même  prix  les  bonnes  grâces. 
Tous  les  historiens  l'accusent  de  rapacité;  et  le  P.  d'Orléans      „j;^^,    j^^_ 
trouve  leurs  témoignages  si  nombreux  et  si  unanimes,  qu'il  g'ei-.ti,  453. 


IIII  SIECLE. 


32  GALON, 


n'ose  pas  les  contredire.  Il  avoue  que  le  cardinal  vendait  les 
absolutions,  et  qu'il  faisait  son  profit  des  bénéfices  ravis  aux 
clercs  qu'il  n'absolvait  pas.  «  la  honte  en  rejaillit,  dit  le 
.(  P.  d'Orléans,  sur  le  saint-siége,  auquel  les  maltnten- 
«  tionnés  attribuent  toujours  volontiers  les  désordres  de  ses 
«  ministres;  mais  quelcjue  temps  après,  ce  prélat  en  ayant 
«  fait  autant  en  Ecosse,  à  l'occasion  d'un  interdit,  le  pape, 
«  à  qui  l'on  s'en  plaignit,  montra  par  le  châtiment  qu'il  en 
«  fit,  que  si  le  siège  apostolique  ne  peut  empêcher  les  abus 
«  qu'on  fait  de  son  autorité,  il  ne  les  laisse  pas  au  moins 
«  impunis.  « 

Nous  ne  voyons  pourtant  point  que  Galon  ait  été  si  sévè- 
rement puni  de  ses  malversations:  il  est  trop  vrai  qu'il  en 
continua  le  cours  en  Ecosse;  il  maltraita  particulièrement  les 
religieux  cisterciens;  les  abbés  de  Cîteaux  et  de  Clairvaux 
s'en  plaignirent  et  ne  furent  point  écoutés,  le  légat  n'ayant 
fait  qu'user  (les  pleins  pouvoirs    jusqu'alors  inouïs,  dont  le 
Apud  Joann.  pape  l'avait  revêtu.  C'est  ce  que  la  chronique  de  Mailros, 
Feii.  Rpi,  Angi ,  ècritc  au  xiii^  siècle,  expose   en   ces  termes:  Contra  ipsum 
1.1,188-195.—     ^  ' ^^^^^  crudeliter  adi'ershs  ordinem   Cistercii  se  ircren- 

acnpl.rerumgal-        i'  ,  .  .         .  ,  77-1  11 

lie  ,  I.  XIX,  p.  tem  (abbates  cisterciensis  et  clarevaLlensisJ  appeilaverunt ; 

>6i.  sed  eâ  via  gratiam  non  obtinucrunt.  Inauditain  enim  et  in- 

usitatam  dominas  papa  eidem  legato  conccsserat  auctorita- 
tem  ,faciendividelicet,  ut  ita  dicarn,  quidquid  animo  ipsius 
cederet ,  in  clero  et  populo  per  y^ngliani,  Scotiam  et  J féales 
constituto ,  transponendi  et  deponendi ,  et  alios  ponendi , 
suspendendi ,  et  exconununicandi  et  absoh'endi  episcopos  et 
abbates  et  alios  ecclesiarum  prœlatos  et  clericos ,  nec  non, 
et  quod  inajus  fuit,  pm'andi  etiam  monachos  cistercensis  or- 
dinis  privilegiis  suis. 

Galon  ne  revint  à  Rome  que  lorsque,  ayant  achevé  sa 
mission  dans  la  Grande-Bretagne,  et  en  ayant  recueilli  tous 
les  fruits,  il  pouvait  bien  trouver  convenable  de  n'y  plus 
rester.  Nous  avons  donc  peine  à  considérer  comme  une  dis- 
grâce, son  rappel  et  son  remplacement  par  Panlolphe.  Il 
était  encore  tellement  en  faveur  à  la  fin  de  1226,  qu'fiono- 
rius  III  le  députa  en  Allemagne  pour  presser  l'empereur 
Frédéric  de  porter  des  secours  à  la  Terre- Sainte.  Galon 
mourut  en  I2ay,  au  commencement  du  pontifi<at  de  Gré- 
goire IX,  et  fut  enterré  dans  le  monastère  de  St. -André,  à 
Verceil  sa  patrie.  Il  n'existe  de  lui  d'autre  écrit  que  le  règle- 
ment de  i2oy  dont  nous  avons  parlé,  et  une  lettre  d'envoi 


XIII  SIECLE. 


CARDINAL.  33 

au  pape,  du  traité  conclu  en  1217,  entre  Henri  III  et  le  prince 

Louis.  Les  lif^nes  qui   suivent   la  transcription  de  cet  acte      s^,,.   ,.,.,.   „,|. 

n'ont  probablement  pas  été  rédigées  par  le  légat;  car  il  y  i'"^-<  t-  Xl\,i). 

est  cité  avec  éloge  :  Dominas  vero  Ies^nt//s ,'  vir  pvoK'idiis  et  ^'''^■ 

discretus.  Il  avait  été  plus  magnifiquement  loué  dans  1  epître      lUiii  ,    l'oA  , 

que  le  pape  lui  adressait  le  17  janvier  de  la  même  année,  ''*'' 

pour  l'investir  d'une  puissance  illimitée. 

On  peut  s'étotuici-  davantage  qu'un  cardinal,  ennemi  dé- 
claré des  princes  français,  ait  été  préconisé  par  un  de  nos 
historiens,  son  contemporain;  mais  Rigord  était  moine  de 
St. -Denis,  et  il  paraît  que  Galon  avait  témoigné  de  la  bien- 
veillance et  du  dévouement  à  cette  abbaye  :  Iligord  le  qua- 
lifie donc ,  y«7v.s/?enV«m  ,  bonis  inonbiis-  oniatinn,  ornniiiiii 
ccclesiarum  visitatoreni  diligentissinaini ,  ecdesiœ  beati  Dio-  Sh.\\a.  m mn 
nysii  benevoluni  et  devotuin.  D.  saliic.,  r.  xvn. 


GUbTJN, 

EVÊQLE  DE  SENLIS,  ClIANCELIEU  DE  FRANCE. 


MORT  en  1227 


jNlou.s  n'inscrivons  ici  le  nom  de  Guérin  ,  évèque  de  Senlis, 
qu'à  raison  du  soin  qu'il  a  pris  tles  archives  royales,  de  la 
part  qu'il  a  eue  îi  leur  rf'tablissement  après  WÇ)^-,  à  leur 
conservation  jusqu'en  1227,  et  à  la  fondation  du  Trésor  des 
chartes.  Il  n'existe  de  lui  aucun  ouvrage  ,  même  uucune 
épître,pas  d'autres  écrits  que  les  actes  cju'il  a  signés,  et  qui 
sont  tout-à-fait  étrangers  à  I  histoire  des  lettres. 

Guérin  ou  Guarin,  que  les  livres  latins  du  xiii"^  siècle  ap-  iiist.ecclesia*. 
pellent  Garinus  et  plus  souvent  Guarinus ,  ne  commence  à  <ii  ia<iia|Hlkiks 
paraître  dans  les  annales  ecclésiastiques  et  civiles  que  sous  ""^  ''"^^  Fiance, 

1         »  I       m     1-  i  .         /»  1  •    Il  .   '  par  L. Al  (lion. — 

le  règne  de  rhilippe-Auguste.  (Jn  ne  connaît  ni  I  epoiiue  ni 


cm. , 


règne  de  l'nilippe-Auguste.  (.Jn  ne  connaît  ni  I  époque  ni  haii    ti 
le  lieu  de  sa  naissance;  et  lorsqu'on  dit  qu'il  appartenait  à  vu,  229. 
la  famille  des  seigneurs  de  Montaigu  en  Auverirne,  c'est  une      ^■'"  '^^''^  •  '' 

I  •  *  l'A  -,  .|  P         ,  ,  y  .  X      ,        Pa£  I     ',1') 

simple  conjecture.  Avant  detre  eveque,  il  aviit  ete  chanoine   ,/,,4 

de  St. -Quentin  et  frère  hospitalier  de  St. -Jean  de  Jérusalem.     iiist.desCi 

Duchesne  le  fait  conseiller  d'I.-.tat  dès  iioo:  on  sait  mieux  '•'  ^^ .  P 

•'  210. 

Tome  XJ  III.  E 


l?n( 


s- 


34  GUÉRIN, 

XIII  SIKCLE.  ,  1        .  II      •       '.       »  »        /-      '   • 

qu  en  isioi  ou   1202,  la  chancellerie  étant  vacante,  {>uerin 

a  été  créé  vice-chancelier  ou  garde  des  sceaux  :  il  a  souscrit 
en  cette  qualité,  et  avec  la  formule  vacante  cancellarid , 
plusieurs  chaites  en  1202  et  pendant  les  7  années  suivantes. 
Les  chroniques  donnent  à  Guérin  le  titre  de  conseiller  du 
roi,  sous  Tannée  i20(:),  lorsqu'il  contiibuait  avec  l'évèque  de 
Script,  reium  Pjjpjg  _;,  \^  condamnation  des  disciples  d'Amaury  de  Chartres. 

îallic,  t.  XVn ,    /-If-  '  /-iiiir»  I  1  •• 

p.  85.  Le  tait  e^t  rapporte  par  (juillauine  le  nreton,  dont  le  récit 

jijid  ,  (..  39^;.  est  traduit  presque  littéralement  dans  la  chronique  de  St- 
Denis,en  ces  termes  :  «  Quant  li  évesque  Pierre  de  Paris  et 
«  frères  Guérins,  conseiller  le  Roi  Phelippe,  oirent  la  re- 
a.  nommée  de  ces  énormités,  il  firent  souliment  enquerre 
«  par  mcstre  Raoul  de  Namur  les  compileors  de  ceste  error 
a  et  cens  qui  estoient  de  leur  secte.  Cil  mestre  Roous  estoit 
<;  bons  clers  et  bons  crestiens,  et  sages  et  arlilleux.  Quant 
«  il  venoit  à  eux,  il  savoit  faindre  en  merveilleuse  manière 
«  que  il  tetioit  leur  doctrine,  et  il  li  reveloient  leur  seciez 
«  come  à  parcovier  (partisan)  de  leur  secte,  si  com  il  cui- 
'<  doient  et  en  te!  manière  si  com  il  plut  à  Notre  Seigneur, 
«  furent  trovéeset  descovertes  pluscurs  j)ersones  de  celé  er- 
«  ror.  .  .  .,  qui  longuement  s'estoient  celé  et  tapi  souz  tel 
«  mésaventure.  Tuit  furent  amené  à  Paris,  convaincu  et 
«  dampné  en  plein  concile ....  ;  puis  furent  livré  au  roi  Plie- 
«  lippe.  .  .,  et  li  bons  roi  les  fit  tozardoirau  defors  de  Paris 
«  de  lez  la  [lorte  de  Champiaus,  com  bons  justicier  et  vrais 
«  fius  de  Suiiicte  Eglise.  » 

De  1209  à  121 3,  Guérin  continue,  la  chancellerie  restant 

vacante,  à  signer  les  ordonnances  royales.  Innocent  III  lui 

Siiipt.  leium  écfivit  le  f^  juin  1212,  pour  lui  recommander  la  cause  de  la 

g.iiiir.,  r  xi\,   ,.ei,^g  Ingelburge.  En    i2i3,   Geoffroy,  évêque  de  Senlis , 

Ibid.'t.  XVII  ,  ayant  abdiqué  cette  prélature,  «  fu  esleuz,  disent  les  chroni- 

p  't02  «  ques,  frères  Guérinz  qui  estoit  frères  profès  del'ospital, 

«  especiaux  conseilliers  le  roi  Phelippe,  pour  le  grantsens  de 

«  li  et  pour  la  noiant  comparable  vertu  de  conseil  qui  estoit 

«  en  son  cuer  hei  bergie ,  et  pour  les  autres  grâces  qui  en  li 

((  habitoient.  Il  governoit  merveilleusement  bien  les  besoi- 

«  gnes  du  roiaume  secunz  après  le  roi;  les  nécessités  des 

«  églises  procuroit  par  grant  diligence,  et  gartioit  leur  fran- 

ibitl,  p.  91.     «  chises  et  leur  privilèges  entièrement  et  sainement  soz  son 

Hist   rrcie's  ,   ,^  mantel.  »  Cet  éloge,  qui  se  retrouve  dans  Guillaume  le 

.^^     Breton,  a  ete  aussi  traduit  par  I^leury. 

En  la  même  année,  Guérin  fut  employé  à  reprendre  la 


I.  i.xxvi  ,  11.  59; 

I.  I  XWII,  I 


EVÊQUE  DE  SENLIS.  35 

Vtl¥     Clff^T  V 

ville  (le  Tournai  sur  les  Flamands,  et  à  détruire  un  château  . '- 

voisin:  expédition   célébrée  par  Guillaume  le  Breton,  en      scripi.mimi 

V        '  '  ^  gall.<-.  ,  l    Wll, 

prose  et  en  vers.  ^  ^ 

il)id. ,  |>.  2/(0, 

Rex  sancti  Pauli  comitem  ,  f'ratremque  Gariniim  Fniipp. ,  i  ■  ix, 

,„  .  ■  ■  ^  V.  7  lo  -26. 

lornacum  misit ,  pugriatncesqiie  catervas 

Associavit  eis,  fortissiiiia  corpora  bello, 

Qualia  secjuaniis  proilucit  Francia  ripis. 

Qui  licet  lio^tili  numéro  minor  esset  eoruin 

In  duplo  numerus,  tamcn  au\iliantil>iis  urbe 

Civihus  expellunt,  regique  viriliter  uiLem 

Restituunt;  et 

Nobile castrum 

Funditùs  à  fiindo  excisuin  et  ciini  plèbe  sepultum. 

Après  avoir  raconté  le  même  événement ,  la  chronique  de 
St. -Denis  ajoute  :  «  Frères  Guerinz  li  esleuz  de  Senlis  (frère  ii.i<i  .p  '^ofi. 
«  Guérin  l'apelons,  pour  ce  que  il  estoit  frères  profez  de  l'os- 
«  pital,  et  en  portoit  tozjors  l'abit),  sages  homs  et  de  par- 
«  font  conseil  et  merveilleus  porvoières  des  choses  qui  es- 
a  toient  à  avenir.  » 

Il  avait  été  chargé   d'aller  trouver  Regnauld,  comte  de 
Boulogne,  qui,  à  la  suite  d'une  querelle  avec  le  comte  de 
saint  Pol,  venait  de  quitter  la  cour  et  laissait  éclater  de  vifs 
ressentiments.  Guérin  ne  parvint  pas  à  le  ramener; Regnauld      ctiron    citée 
s'engagea  plus  que  jamais  dans  le  parti  du  comte  de  Flan-  par   Duchesoe, 
dre,  et  y  entraîna  le  comte  de  Guînes,  l'avoué  de  Béthune  H.si.desChanc, 
et  le  châtelain  de  St-Omer.  Plus  heureux  dans  une  mission  '' 
d'un  autre  genre,  l'évêque  de  Senlis  sut  observer  en  homme 
de  guerre,  les  mouvements  des  trou|)es  de  l'etnpereur  Othon 
et  de  ses  alliés,  reconnaître  leurs  positions,  mesurer  leurs 
forces,  en  informer  Philippe-Auguste ,  et  lui  faire  sentir  la 
nécessité  de  livrer  sans  délai  une  bataille  décisive  :  ce  fut      c„.;. , 

t      -i-k  •  r~s      '    *         î  '^cript .  I  cru  m 

celle  de  Bouvines.  Guerm  s  y  trouva,  non  pour  combattre,  gaii.,i.  wii,  p. 

dit  Guillaume  le  Breton,  mais  pour  exhorter  et  animer  les  94^254en55, 

guerriers.  Il  fit  plus  :  il  disposa  leurs  rangs,  régla  leurs  mou-    '°^  ^'  "*"  ' 

vements,  et  donna  le  signal  à  i5o  cavaliers  qui  engagèrent 

l'action.  Erat  ihi  electus ,  non  lit  quidem  pugnaret ,  sed  ar-      ii,id.,  ofi. 

maîos  hortahatur  et  animahat  ad  honoreni  Dei ,  et  regni  et 

régis,  et  ad  defensionem  salutis proptiœ .  .  .  Omnes  isti  erant 

in  una  acie ,  electo  sic  disponente  ,  qui  quosdani  alios  prœ- 

cedentes  retroposuit ,    quos  forinidolosos  et  tcpidos  noverat. 

Istos  autem  de  quorum  probitate  et  fervore  certus  erat ,  in 

Es 


36  GUERIN , 


MM   SIKCIE. 


iina  el  prima  acie posuit ,  et  dixit  ilUs  :  Campus  amplus  est, 
exteiidite    vos  pcr  ccuiipian  directe ,  ne  hostes   vos  interclu- 
dant.  iSon  decet  ut  uiius  miles  scutum  sibi  de  alio  milite 
faciat ;  sed  sic  stetis   ut   omnes    quasi   uiid  fronte  possitis 
piignarc.    His  dictis  prœmisit  idem   electus .  .  .  .  centum  et 
quiriquaginta   satellites  in   equis    ad  inchoandum   hélium  , 
cà   intcntione   ut  prœdicli  milites  egrcgii   invenirent  hostes 
aliquantuliim  motos  et  turbatos.    Dans  la  Philippide,  (luil- 
h.  XI,  V.  r, ,.  laiiine    le   Breton    attriijue  à   l'évêque  une  part   plus  active 
118.   ii)iii  ,  i>    eniore  à    la   victoire   des    Français.    Il  est    possible   que   la 
"  ''■"^-  poésie    ajoute    ici   aux    tableaux    de    l'Iustoire  ;    cependant 

Vies  des  rioMi.  d'Auvigny  a  cru  devoir  insérer  ces  détails  dans  sa  notice 
iii.deiahi  ,  I  I,  iiJQgiapliique  sur  ce  jjrelat.  Jl  lui  donne  la  qualité  de  géné- 
ralissime des  armées  de  France,  le  place  à  la  tête  de  l'aile 
droite  dans  les  champs  de  Bouvines,  et  le  représente  aidant 
les  princes  de  Dreux  et  de  Courtenay  i\  enfoncer  les  batail- 
lons anglais.  «  L'évêque  de  Beauvais,  dit-il, doué  d'une  ame 
«  martialeetd'uneforce  prodigieuse,  avaitdonné  des  marques 
«  d'un  courage  supérieur  dans  plusieurs  combats  où  il  s'était 
«  trouvé;  on  lui  reprochait  même  d'aimer  trop  le  carnage; 
«  et  c'était  pour  s'opposer  à  une  inclination  si  peu  conve- 
«  nable  à  un  évêque,  que  le  pape  lui  avait  détendu  de  se 
«  servir  jamais  de  traits  ni  de  glaive.  L'évêque  se  soumit  à 
«  cet  ordre  du  pape,  il  ne  ceignit  plus  lépée;  mais  il  se 
«trouva  à  la  jjataille  de  Bouvines,  armé  d'une  pesante 
«  massue  dont  il  se  servait  avec  tant  de  force  et  d'adresse, 
((  qu'aucun  guerrier  ne  renversa,  cette  journée  -  là  ,  autant 
«  d'ennemis  que  lui  :  quand  avec  sa  massue  il  les  avait  étour- 
«  dis  et  terrassés,  le  prélat  ordonnait  aux  gens  de  sa  suite 
«  de  les  égorger,  ne  voulant  pas,  disait-il,  contrevenir  à 
«  l'ordre  du  pape  qui  lui  défendait  de  tremper  ses  mains 
«  dans  le  sang.  .  .  .  Armé  de  toutes  pièces  et  lépée  à  la  main, 
a  il  se  contentait  d'animer  les  autres  au  carnage,  sans  voû- 
te loir  combattre  lui-même.  » 

Les  historiens  originaux  n'en  disent  pas  tant;  et  l'on  doit 
remarquer  aussi  que  dans  leurs  récits  de  la  bataille  de  Bou- 
vines, ils  ne  doinientà  Guérin  que  la  qualification  d'élu;  il  n'a 
été  sacré  que  vers  la  fin  de  121.4;  il  ne  l'était  pas  encore  quand 
Philipp'-Auguste  lui  avait  cédé  le  patronage  de  l'église  de 
St-  1  lionias  de  Crespv,  en  échange  de  l'hommage  que  le  nio- 
narcjue  dev.iit  au  prélat  à  raison  de  certains  fiefs.  La  chan- 
cellerie vaquait  tt»ujours  :  Guérin  continue  d'avoir  le  titre  de 


ÉVÊQUE  DE  SENLIS.  87 


XIII  SIECLE. 


vice-chancelier  ou  garde  des  sceaux ,  sigillonim  ciistos ,  dans 
les  chartes  royales  de  1214  et  des  trois  années  suivantes  II 
est  membre  de  la  cour  des  pairs  qui ,  en  121  G,  prononce  à 
Melun  un  jugement  relatif"  aux  comtés  de  Champagne  et  de 
Brie;  il  est  arbitre,  en  1217,  entre  les  chanoines  de  Notre- 
Dame  de  Paris  et  les  moines  de  St.-Denis.  De  1218  à  1228, 
l'évèque  de  Senlis  souscrit  en  cette  qualité  des  chartes  et  des 
transactions.  Les  Bénédictins  en  ont  publié  six  qui  concer-  Gaii.  chr.,  n. 
nent  des  prébendes,  des  démêlés  ou  des  intérêts  locaux.  En  ^^g'^fj"*''^'*'"'' 
I2i(),  il  consacre  l'église  de  Chaaiis ,  et  accompagne  le 
prince  Louis  à  la  guerre  contre  les  Albigeois.  L'année  sui- 
vante, il  termine  le  différend  élevé  entre  le  roi  et  l'évèque  de 
Paris,  relativement  au  clos  Bruneau;  et  c'est  à  cette  même 
année  1220  qu'on  rapporte  principalement  les  mesures 
qu'il  a  jjrises  pour  la  conservation  des  archives  royales, 
article  sur  lequel  nous  ne  tarderons  pas  à  revenir. 

Son  arbitrage  entre  le  connétable  de  Montmorency  et  les  Preuv.dei'bist. 
religieux  de  St -Denis,  touchant  la  voirie  et  la  justice  du  de  la  maison  de 
bourg  de  St. -Marcel,  est  du  mois  de  septendjre  1221.  On  a  °"""o'  .P- 
vu,  dans  notre  volume  précédent,  Guérin  désigné  comme 
l'un  des  exécuteurs  du  testament  de  Philippe-Auguste  :  il 
ligure  aussi  en  I223,  au  nombre  des  prélats  qui  assistent  Hisi.  luiér.  de 
aux  funérailles  de  ce  monarque.  Jusqu'alors  il  n'avait  été  que  "  ^g^  '  -  ' 
vice-chancelier;  il  dut  la  dignité  de  chancelier  à  Louis  VIIL 
Quand  ce  roi  confirme  l'institution  de  l'abbaye  de  la  Victoire, 
et  les  statuts  de  la  commune  de  Senlis;  quand  il  établit  la 
commune  de  Grespy ,  ces  chartes  sont  délivrées  per  rnanum 
Guarini,  silvanectensis episcopi,  cancellarii. ijes  mème^  mots 
se  lisent  à  la  fin  de  plusieurs  actes  de  1224,  par  exemple  de 
celui  par  lequel  Louis  confirme  les  privilèges  de  la  ville  de 
Bourges,  et  abolit  quelques-unes  de  ses  coutumes.  C'est  l'é- 
poque d'un  jugement  rendu  par  les  pairs  contre  le  comte  de 
Flandre ,  dans  une  assemblée  qui  se  tint  à  Paris ,  et  à  laquelle 
Guerin  assista.  Nommé,  en  1226,  l'un  des  exécuteurs  du 
testament  de  Louis  VIII,  il  suivit  ce  prince  dans  le  midi  de 
la  France,  où  se  continuait  une  guerre  déplorable.  Les  der- 
nières chartes  du  même  roi,  entre  autres  les  lettres  en  faveur 
de  la  ville  de  Corbie,  sont  toujours  souscrites  par  le  chan- 
celier Guérin,  qui  remplit  encore  cet  office  au  commence- 
ment du  règne  de  saint  Louis.  Mais  l'évèque  de  Senlis,  après 
avoir  fait  la  dédicace  de  l'église  de  Ste.-Marie-de-la-Victoire, 
dont  il  avait  jeté  les  fondements,  mourut  en  1227,  et  fut 

6 


Xin  SIECLE. 


38  GUÉRIN , 

enterré  à  Chaalis,  où  son  épitaphe  se  lisait  conçue  en  ces 
termes  :  Hic  quiescit  ciijiis  vita  perpétuas  lahor,  Guarinus 
qitem  ad  Sih'anectensem  episcopatum  sua  in  Deum  religio , 
ad  cancellariatum  sua  in  Pldlippum  Augustumfides  evexit. 
Ternplum  hoc  anno   1219  dedicavit.  Abbatiœ  de  J'ictoria 
prima  posait  fundamenta.  Anno  episcopatûs   i3  ,    Christi 
1227,  ad  Deum  abiit.  Ci«q  nécrologes  placent  la  mort  de 
Guérin  au  i3  avant  les  calendes  de  mai  (  iq  avril),  et  un  autre 
au  jour  précédent.  Dans  le  martyrologe  de  Noyon,  c'est  le 
2  avant  les  ides  de  mai  (8  mai  ),  et  dans  celui  de  St. -Victor 
de  Paris,   le  6  avant  les  ides  de  décembre  (8  décembre). 
Mais  ils  font  tous  mention  de  ses  donations  et  fondations 
pieuses,  des  services  qu'il  a  rendus  aux  églises.  Aucun  mo- 
nument authentique  n'a  fourni  à  d'Auvigny  les  détails  par 
Les  vies  des  lesquels  il  termiuesa  notice  sur  Guérin:  il  dit  «qu'après  la 
Fr°Ti',p.  /13'  «  mort  de  Louis  VIII,  l'évêque  de  Senlis  remit  la  dignité  de 
114.    '  '   «  chancelier  à  Blanche,  régente  du  royaume,  abdiqua  son 

«  évêché,  prit  l'habit  de  religieux  dans  le  monastère  de  Chaa- 
«  lis,  V  vécut  deux  années,  et  mourut  le  ig  d'avril  md  deux 
«  cent  trente,  âgé  de  70  ans.  »  Il  y  avait  alors  trois  ans  que 
Guérin  était  mort,  encore  évêque  et  chancelier,  ayant  atteint 
un  âge  assez  avancé  sans  doute,  mais  qui  n'est  déterminé 
avec  précision  nulle  part.  C'est  son  prédécesseur  Geoffroi 
qui,  renonçant  à  l'épiscopat,  est  allé  finir  ses  jours  au  sein 
d'un  cloître.  Une  méprise  plus  étrange  est  celle  de  Dapin  et 
Hist.  ccclés.,  des  derniers  éditeurs  de  Moréri,  qui  font  Guérin  conseiller 
Xlirs.,p.552.  ^|g  philippe-le-Bel  au  lieu  de  Philippe  IL 

Parmi  les  affaires  de  tout  genre  dans  lesquelles  il  est  inter- 
venu, comme  chevalier  ou  comme  évêque,  comme  arbitre 
ou  commissaire,  comme  garde-des-sceaux  ou  chancelier, 
nous  avons  indiqué  celles  qui  nous  ont  paru  les  plus  impor- 
tantes, celles  qui  peuvent  donner  le  mieux  la  mesure  de  son 
crédit  à  la  cour,  dans  l'église,  et  même  à  l'armée.  André 
„  ,    .  Durhesne,  d'Auteuil,  d'Auvignv  et  les  auteurs  de  la  Gallia 

Hist.  des  mi-  '  ii-    i  i''        j       j  '      -i 

fiisires    d'État,  christiana  ont  recuedh  bien  plus  de  détails  :  peut-être  en 
379-439-  avotis-nous  trop  parcouru  nous-mêmes;  car  enKn,  si  ce 

prélat  doit  occuper  une  place  dans  f histoire  littéraire,  c'est 
seulement  pournous  avoir  conservé  quelques-uns  des  monu- 
ments de  notre  histoire  politique. 

Les  expressions  in  sctiptis  palatinis ,  in  archivo  palatii 
nostri,  qui  se  rencontrent  dans  les  capitulaires  de  Louis-le- 
Débonnaire,  montrent  que,  dès  le  ix«  siècle,  les  rois  de 


ÉVÊQUE  DE  SENLIS.  5g 

.  Xra  SIÈCLE. 

France  avaient  des  archives.  On  y  conservait  les  titres  de  — _ 

leurs  domaines,  les  comptes  de  leurs  revenus  et  de  leurs  dé- 
penses ,  les  registres  de  leurs  traités  ou  transactions,  de  leurs  , 
ordonnances,  des  grâces  et  des  faveurs  qu'ils  accordaient. 
Les  scribes  ou  notaires  employés  dans  ce  dépôt  étaient  sous 
les  ordres  du  chancelier  ou  grand-chancelier  [cancellanus , 
archicancellarius ,  summus  cancellarius).  Il  ne  subsiste  au- 
cune description,  ni  aucun  débris  de  ces  premières  archives 
royales,  qui  sans  doute  n'étaient  pas  considérables.  Ce  qui 
nous  reste  d'actes  émanés  des  princes  de  la  2^  dynastie  et 
de  la  1""%  a  été  recueilli  dans  les  monastères,  où  l'on  savait 
mieux  conserver  les  titres  authentiques,  et  quelquefois  en 
fabriquer  de  faux.  Les  chartes  même  et  les  ordonnances  des 
premiers  rois  capétiens  ne  nous  sont  guère  parvenues  qu'en 
vidimus ,  dans  les  lettres  de  leurs  successeurs.  On  sait  d'ail- 
leurs que  ces  rois  avaient  pris  l'habitude  de  traîner  à  leur 
suite,  dans  les  camps,  la  partie  la  plus  précieuse  de  leurs 
archives,  et  que  celles  de  Philippe-Auguste  hii  furent  enle- 
vées par  Richard,  roi  d'Angleterre,  à  la  bataille  de  Bellefoge  Hist.iitter.de 
ou  Fretteval  en  ii94-  H  fallut,  dit  Guillaume  le  Breton,  la  Fr.,t. xvii, 
beaucoup  de  peines  et  de  recherches  pour  retrouver  les  P=»fio- 
titres  des  droits  et  des  revenus  de  la  couronne  de  France.     Phiiipp.j.iv, 

V.  563-570.  Scr. 
ror.  gallic. ,  tom. 

Scripta  quibus  praenosse  dabatur  '*'  P-  *7"- 

Quid  deberetur  fisco,  quse,  quanta  tributa, 
Nomine  quidcensûs,  quot  vectigaiia,  quantum 
Quisque  teneretur  feodali  solvere  jure  , 
Qui  sint  vel  glebae  servi,  vel  conditionis, 
Quove  manumissus  patrono  jure  ligetur , 
Non  nisi  cum  summo  poterit  rescire  labore. 

Ce  travail  difBcile  fut  entrepris  et  achevé  avec  un  plein 
succès,  si  nous  en  croyons  les  historiens,  par  Gauthier  de 
Yillebéon  le  jeune,  successeur  de  son  père  dans  la  charge 
de  grand  chambellan  : 

Praefuit  huic  operi  Gahenis  junior;  ille 

Hoc  grave  sumpsit  onus  in  se ,  qui  cuncta  reduxtt 

Ingenio  naturaÛ  sensûsque  vigore 

In  solitum  rectumque  statuai.  jbij    ,   5-,. 

On  n'a  plus  ce  travail  de  Gauthier;  mais  Guérin  s'en  est 


4o  GUÉRIN, 

Xni  SIÈCLE. 

sans  doute  servi  quand  il  a  fait  copier  les  registres  de  Phi- 
lippe-Auguste, qui  nous  ont  été  conservés,  surtout  ceux  qui 
ont  pour  titre  :  Feoda  Régis  et  Inqiicstœ.  On  doit  aussi  atta- 
cher un  grand  prix  à  ceux  qui  renferment  des  transcriptions 
de  phisieurs  actes  des  prédécesseurs  de  Phih'ppe,  non  pas 
à  la  vérité  de  Hugues  Capet,  ni  de  Robert,  ni  de  Henri  t^"", 
mais  (le  Philippe  i'^'",  de  Louis  \\  et  de  Louis  VH  ;  ainsi 
qu'au  registre  particulier  des  lettres  de  Philippe-Auguste  : 
Litterœ  Régis. 

Ce  prince  voulant  qu'à  l'avenir  ses  archives  fussent  plus 
ibid,  V.  j6o.  hoigneuseraent  conservées  (impcrat  cura  majore  tueri),  char- 
Nou\.    traité  rrpa  fjg  ^c  soiu  Ic  vice-chancclier  Guérin,  qu'on  en  voit  par- 

de  diploin. ,  I.  I,    V-        i<  ^  -  |>  '  Tl  l  "^       I  i 

-i-t  II  p    ticulierement  occupe  en  I  année    1220.  11  achevait  alors  de 

/,ri;'t.'v,p.8o5.  mettre  ces  archives  en  ordre,  et  les  déposait  en  un  lieu  fixe 

qui  leur  devenait  exclusivement  consacré.  C'est  aussi  la  date 

du  Registriim  Philippi  Augusti ,  que  l'évêque  de  Senlis  avait 

lait  écrire  par  un  clerc  nommé  Etienne  de  Gual,  ainsi  que 

lannonce  l'intitulé  :  Incipiunt  capitula  registri  compilati.  .  . 

anno    Doinini  millesirno  ducentesirno  vicesimo....    Scripti 

de   mandata   rwerendi  patris    Gariui ,    Sih'anectensis  epis- 

copi ,  per  inanuin  Stephani  de  Gual,  clcrici.   Ce  registre, 

au(|uel  on  a  fait  dans  la  suite  plusieurs  additions,  a  passé  du 

Trésor  des  chartes,  auquel  il  appartient,  à  la  Bibliothèque 

du  roi,  ainsi  que  celui  qui  porte  le  titre  de  Registrum  Gua- 

rini.  Ces  deux  registres  et  ceux  qui  sont  restés  ou  rentrés  au 

Mém.  sur  le  Tiésor  dcs cliartcs,  ont  été  décrits  par  Bonamy,  qui  attribue 

Tris,  des  cil  Ac.  _^|[,gi  .'^  Queriu  la  fondation  du  plus  ancien  corps  d'archives 

•lesInscr.,XXX.  ,  '  I 

royales. 

Quant  à  une  chronique  de  France  depuis  Pharamond 
juscju'en  1220,  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  tenir  compte  comme 
d'un  ouvrage  de  Guérin,  d'abord,  parce  qu'elle  ne  consiste 
qu'en  une  pure  et  simple  série  de  dates  de  l'avènement  et 
(le  la  mort  des  rois;  en  second  lieu,  parce  qu'elle  a  été  ré- 
digée par  son  clerc  ou  secrétaire  du  Gual  ou  de  Gualt,  dont 
il  sera  parlé  dans  l'un  de  nos  articles  suivants.  Nous  termi- 
nerons celui-ci  en  faisant  mention  de  quelques-uns  des 
hommages  rendus  à  la  mémoire  de  l'évêque  de  Senlis,  vice- 
chancelier  de  Philippe-Auguste,  chancelier  de  Louis  VIII  et 
de  Louis  IX. 
Misi.  lie  M  Ducange  cite  un  ancien  sermon  ,  ou  discours   en  vers , 

Louis,  pan.  I,  composé    par    liobert    de    Sainceriaux  ,    oii    il    est    dit    de 

p.  i65.  Gueriii  : 


ÉVÊQUE  DE  SENLIS. 

Moult  fu  de  haut  conseil  et  de  tous  bien  fu  plains. 
Puis  le  tens  Oiarlemaine,  que  fu  un  archevesques 

Qu'on  apela  Turpin ,  ne  fu  si  bon  évesques 

Volentiers  essauçoit  l'onor  de  sainte  Eglise 

Moult  l'ama  li  bons  rois  qui  Felipes  ot  non 


4i 


XIII  SIÈCLE. 


Aiinotal.      ad 


Budé  le  déclare  un  homme  d'un  grand  nom  (  vir  masni  „    j 

.     .       .,,  ,     X  j  1       I'  '  V       1      1        -  1  *'  Pandect.  ,  ut.  de 

nominis  ilLo  seculo),  et  date  de  I  époque  ou  il  devint  chan-  of6c.  prxfecii 
celier,  le  premier  éclat  de  cette  haute  magistrature.  Belle-  pr3Ptorii,p.  73. 
forest  révère  en  lui  un  homme  saee  et  de  tirande  conduite      Annal.de  Fr, 

ï-iMi  I       1      /-"i      •  j-  •         r  •  1-  an.  iai4,   t.   I, 

en  guerre.  l<illeau  de  la  Chaise  dit  que  saint  Louis  perdit ,  en  p.  fin. 
laay,  «non  seulement  un  ministre  de  grand  mérite,  mais  ^'"^  ^^  **■"' 
a  encore  un  homme  qui  avait  pour  lui  une  amitié  de  père,  ^'°"'^'  ••*>?■ 
«  et  qui  tâchait  de  reconnaître,  par  son  zèle  pour  le  petit- 
«  fils,  la  considération  dont  le  père  et  l'aïeul  l'avaient  tou- 
«  jours  honoré.  »  C'était,  selon  Velly ,  «  un  vieillard  respec- 
«  table,  mais  d'une  sagesse  austère,  et  dont  les  conseils 
«  avaient  plus  l'air  de  réprimandes  que  d'avis  ;  vertueux 
ff  ministre;  génie  universel,  d'une  prudence  et  d'une  fermeté 
«  sans  exemple;  grand  homme  de  guerre,  avant  qu'il  par- 
te vînt  à  l'épiscopat  ;  évêque  digne  des  premiers  siècles  de 
«  l'Eglise ,  quand  il  cessa  d'être  homme  de  guerre  :  ce  fut 
Œ  lui  qui  éleva  la  dignité  de  chancelier  au  plus  haut  degré 
«  d'honneur,  et  lui  assura  le  rang  au-dessus  des  pairs  de 
«  France.  »  Il  y  a  bien  quelque  exagération  dans  tous  ces 
éloges  ;  maisils  pourront  sembler  justifiés,  en  certains  points, 
par  les  faits  que  nous  venons  d'exposer.  D. 


GERVAIS  DE  CHICESTER 


ABBÉ  DE  PRÉMONTRÉ,  PUIS  ÉVÊQUE  DE  SÉEZ. 


HOBT  en  laaS. 


(jERVAis  DE  Chicester,  né  en  Angleterre,  sans  doute  au  sein 
de  la  ville  dont  il  porte  le  nom,  fit  ses  études  en  France, 
entra  dans  l'ordre  de  Prémontré,  devint  prieur  et  au  com- 
Tome  XVIII.  F 


XIII  SIECLE. 


IX,  p.  633. 


42  GERVAIS  DE  CHICESTER, 

mencement  du  xiii^  siècle,  abbé  de  St.-Just,  au  diocèse  de 
Beauvais.  Levêque  Philippe  le  chargea,  en  i2o3,  de  l'admi- 
nistration d'un  hôpital;  et  l'on  dit  qu'en  1207,  Gervais  fut 
pris  pour  arbitre  d'un  différend  entre  ce  prélat  et  les  cha- 
cun, chr,  n.  noines  de  la  cathédrale.  Cependant  ailleurs  on  le  fait,  dès 
'  *^""  i2o5,  abbé  de  Thenailles,  Thcnolium,  près  de  Vervins,  dans 

le  diocèse  de  Laon;  et  l'on  assure  qu'en  cette  année,  il  acquit 
pour  ce  second  monastère,  des  biens  provenant  d'Enguerrand 
'^n'fi^^'^  '  "  Coucy  et  de  son  frère  Thomas,  seigneur  de  Vervins.  Il 

doit  y  avoir  là  quelque  erreur  de  date  qu'il  ne  serait  pas  aisé, 
mais  qu'il  importe  fort  peu  d'éclaircir.  En  1208,  le  cardinal 
légat  Galon  ou  Guala  commit  l'abbé  de  Thenailles  pour  pré- 
sider à  l'élection  d'un  abbé  de  Gorbie,  successeur  de  celui 
qu'on  venait  de  déposséder.  Le  5  février  1209,  ou  plutôt  1210, 
Gervais  de  Chicester  fut  promu  à  la  dignité  d'abbé  général 
de  Prémontré.  Il  assista,  en  cette  qualité,  au  concile  de  La- 
tran  en  (2i5:  il  y  gagna  les  bonnes  grâces  d'Innocent  III, 
qui  réunit  à  l'ordre  de  Prémontré  un  monastère  de  Riéti. 
Employé  à  prêcher  la  croisade ,  à  terminer  des  affaires 
contentieuses,  à  rétablir  la  discipline  ecclésiastique,  Gervais 
devint  l'un  des  correspondants  du  pape,  l'un  des  commis- 
saires de  la  cour  de  Rome  en  France.  Il  fit,  pour  les  intérêts 
de  son  ordre,  un  second  voyage  à  Rome  sous  le  pontificat 
d'Honorius  III,  qui  le  créa  son  pénitencier,  et  accorda  aux 
Prémontrés  plusieurs  privilèges.  Gervais  était  encore  abbé 
n.'p.'fi^q'  '  "  ^^  Prémontré  en  1219.  Mais  l'évèché  tle  Séez  vaqua  en  1220; 
il  lui  fut  conféré  de  l'aveu  du  roi  d'Angleterre  Henri  III,  et 
au  gré  du  pnue  qui  le  sacra  lui-même  à  Rome  le  18  juillet. 
Le  noln  de  i-^vêque  Gervais  se  lit  sur  des  chartes  de  cette 
année  et  de  la  suivante,  ainsi  qu'en  des  actes  de  1226.  Ho- 
norius  lui  délégua,  en  1222,  l'examen  de  l'élection  de  l'arche- 
vêque de  Rouen, Thibauld.  Nous  retrouvons  Gervais  à  Rome 
en  1228;  il  y  est  un  des  prélats  consécrateurs  d'Etienne, 
nouvel  évêque  de  Mende.  Peu  après,  il  admet  les  frères 
mineurs  dans  sa  ville  épiscopale,  et  préside  à  la  dédicace  de 
leur  église.  En  septembre  1226,  il  reçoit  pour  ses  chanoines, 
le  patronage  et  la  dîme  de  Ste. -Marie  de  Mesnil-Jean,  cédés 
par  Guillaume  Pichener.  Le  12  juin  1226,  il  consacre  une 
chapelle  de  saint  Jean-Baptiste.  Il  mourut  le  10  février  1228, 
selon  la  chronique  de  St.-Evi'oul;  le  20,  selon  le  nécrologe 
Gaii.  .hi.,  .1.  (Je  Mont-Dieu,  et  fut  enterré  dans  l'église  de  l'abbiyede. 
""'''  '^  ■         Silly.  Il  avait  composé  son  épitaphe  : 


Clall.  chr 


ABBÉ  DE  PRÉMONTRÉ.  43 

Xra  SIÈCLE. 
Anglia  me  genuit,  nutrivit  Gallia;  sanctus  .  

Justiis,  Thenolium  ,  Praemonstratumque  dedêre 

Ahbaiis  nonien;  sed  mitram  Sagia:  tumbam 

Hic  locus;  oretur  ut  detur  spiritus  astris. 

LePaigédatela  mort  de  Gervais  de  1227  au  lieu  de  1228,  et  Bibiiot. pram., 
on  l'a  quelquefois  liansportéedu  10  ou  20  février  au  28  sep-  p.  924.  y^S. 
teuîbre  :  il  peut  rester  surces  dates  quelquelégère incertitude; 
nous  avons  suivi  l'opinion  des  auteurs  de  la  Gallia  christiana. 
Il  nous  reste  à  parier  des  écrits  de  Gervais,  qui  ne  sont  pas 
d'une  très-haute  importance,  mais  qu'il  a  tous  composés  en 
France,  où  il  a  été  successivement,  comme  on  vient  de  le 
voir,  à  la  tête  de  3  abbayes  et  d'un  diocèse.  Ils  se  divisent 
en  3  classes  :  commentaires  sur  la  Bible,  sermons  ou  homé- 
lies, et  lettres  missives. 

Le  Long  lui  attribue  des  commentaires  succincts  sur  les      Bibiiot. sacra, 
psaumes ,  sur  Isaïe ,  sur  les  petits  prophètes  ;  un  commentaire  p-  tA'î- 
plus  étendu  sur  Malachie,  ouvragé  dont  Leiand  vante  l'élé-      Commeni.  de 
gance  et  l'érudition,  opus  tersum ,   luculentum,   eruditum.  Srripior.  briian. 
Aucun  de  ces  commentaires  n'est  imprimé;  et  l'on  ne  cite  de  "^^  '*^" 
manuscrit  que  de  l'explication  de  Malachie,  qu'on  dit  com-      Momfaucon  , 
posée  en  1160.  Gervais  devait  être  alors  bien  jeune,  à  moins  Bibi. Bibi. ,  1. 1, 
qu'il  ait  été,  ce  qui  n'est  dit  nulle  part,  presque  nonagénaire  à  ''"   ^' 
1  époque  de  sa  mort  en  1228.  D'ailleurs  les  biographes  ne  le 
{ont  fleurir  qu'en    I2i3;  et,  quelque  vague  que  soit  cette 
expression,  toujours  serait-il  étrangeque  la  célébrité  de  cet 
auteur  fîit  postérieure  de  53  ans  à  la  composition  de  celui 
de  ses  ouvrages  qu'on  a  le  plus  loué.  Il  se  pourrait  que  ce 
livre  fut  d'un  autre  personnage  du  même  nom,  d'un  Gervais 
de  Chester,  contemporain  et  ami  de  Thomas  Bekket. 

Gervais  de  Chicester  passe  aussi,  dans  les  notices  moder- 
nes, pour  avoir  été  attaché  à  ce  même  Thomas,  Thornœ 
cantuariensis  faniiliaris ;  ce  qui  n'est  conciliable  ni  avec  son 
éducation  en  France,  attestée  par  lui-même  dans  son  épita- 
phe,  nutrivit  Gallia ,  ni  avec  les  autres  données  historiques 
et  chronologiques  :  il  faudrait  que  de  1162  a  1170,  Gervais 
eût  vécu  en  Angleterre,  âgé  de  20  à  a3  ans.  Quoi  qu'il  en 

soit,  le  commentaire'sur  Malachie  contient  beaucoup  de  ré-      r._  „   .   , 
a     ■  1'      I  II  '  '  T\  iiiust.  An- 

nexions sur  1  ordre  sacerdotal,  ce  qui  a  entraîne  Pits  a  prêter  gii»  Script.,  p. 

à  Gervais  un  traité  De  sacerdotalis  ordinis  institutione.  »9^- 

Les  sermons,  les  livres  d'homélies  de  Gervais  de  Chicester  SacrseantHpiii. 

ne  sont  pas  tnieux  connus  .le  prémontré  Hugo  avoue  qu'ils  Monumenia,  1.1, 

F  2  P-  •  ■  '9 


44  GERVAIS  DE  CHICESTER, 

ÏIIÎ  SIKCLE  ....  I  ,       ,  .  1.1 

ne  se  retrouvent  point.  Ainsi,  quand  les  biographes  le  donnent 


Bule,ii,p.96.  pour  un  très-habile  prédicateur,  cgregius  ecclesiastes ,  nous 
n'avons  d'autre  moyen  de  justifier  cet  éloge,  qu'en  rappelant 
que  les  papes  l'avaient  chargé  de  prêcher  la  croisade. 

Ses  lettres  ont  été  imprimées  deux  fois.  La  première  édi- 
tion fut  donnée  par  Norbert  Cailleu,  prieur  de  l'abbaye  de 
Prémontré,  d'après  un  manuscrit  qu'il  avait  trouvé  dans  le 
monastère  de  Vicoigne,  au  diocèse  d'Arras.  Les  épîtres  qu'il 
en  tira  formèrent  un  volume  in-4°  qui  parut  à  Mons,  en 
Hainaut,en  i66y,  ;  quelques  exemplaires  sont  datés  de  i663, 
et  de  Valenciennes  :  Fabricius  dit  par  erreur,  que  ce  livre  a 

Bibiiot.  med.  ^tppQ[,[jé  à  Paris.  L'édition  de  iVlons,  qui  ne  contient  que -o 

et  idI.  lalinit ,  t.  1  ,  ,  ,         ,,  i  ■  ii  • 

lV(in-4°j,p. 53.  epîtres,  n  est  a  peu  près  d  aucun  usage,  depuis  celle  qui  est 
due  à  Charles- Louis  Hugo,  et  qui  occupe  les  124  premières 
pages  in-folio  du  tome  P'  des  Monumenta  sacrœ  antiqui- 
taiis ,  imprimé  à  Estival  en  i^aj.  Les  lettres  y  sont  au  nom- 
bre de  13^,  y  compris  26  qui  ne  sont  point  de  Gervais;  et 
non  pas  seulement  de  i3o,  comme  le  suppose  Fabricius. 
L'éditeur  Hugo  s'est  servi  d'un  manuscrit  de  Steinfels,  plus 
comjjlet  et  plus  exact  que  celui  de  Vicoigne.  Des  1 12  épîtres 
der.d)bede  Prémontré,  3  sont  adresséesà  Innocent  HI,  iS 
à  Honorius  Hl;  le  surplus  à  des  princes,  à  des  cardinaux,  des 
archevêques  ou  évèques,  des  abbés,  des  religieux.  Pour  don- 
ner une  idée  <les  sujets  et  des  formes  de  ces  lettres,  nous  en 
traduirons  trois  qui  sont  écrites,  l'une  à  la  reine  Ingelburge, 
les  deux  autres  à  Innocent  111  et  à  Honorius  III.  C'est  au 
nom  (lu  chapitre  général  de  l'ordre  de  Prémontré  que  Ger- 
vais dit  à  Ingelburge  (vers  l'an  121 3):  «  Votre  cœur  a  voué 
«  à  toutes  les  personnes  religieuses  une  affection  sincère; 
«  mais  vous  avez,  n'en  doutons  pas,  pour  l'ordre  de  Pré- 
«  montié  une  prédilection  qu'il  doit  à  votre  zèle  plutôt  qu'à 
«  ses  projnes  mérites.  Aussi  les  sentiments  de  reconnais- 
«  sari(  e  (jui  nous  attachent  à  tous  ceux  qui  nous  sont  propi- 
«  ces,  seront-ils  toujours  pour  vous  (c'est  notre  volonté,  c'est 
«  notre  devoir  )  d'autant  plus  profonds  et  plus  vils  que  votre 
«  amitié  pciurra  nous  être  plus  prolitable.  Vous  nous  avez 
«  demandé  de  nouvelles  assurances  de  la  participation  à  nos 
«  prières,  (|ui  vous  est  depuis  long-temps  accordée;  f)€Ut- 
<f  être  nos  |)i écédentes  lettres  ne  vous  ont-elles  pas  été  re- 
«  mi.->os  avfc  l'exactitude  convenable.  Toujours  prêts  à  vous 
«  ol)e!i,  à  faire  non  seulement  ce  que  vous  nous  demandez, 
«  mais,  autant  qu'il  est  en  notre  pouvoir,  tout  ce  qui  vous 


ABBE  DE  PREMONTRÉ.  45 


XIII  SIECLE. 


«  serait  agréable,  nous  nous  empressons  de  renouveler  par 

«  ces  présentes,  l'engagement  que  nous  avons  piis,  il  y  a 

a  plusieurs  années,  de  vous  conserver  une  part  dans  les 

«  prières  et  dans  tous  les  biens  spirituels  de  notre  ordre.  Et 

Œ  nous  ajoutons  qu'aussitôt  que  le  jour  de  votre  décès  sera 

«  connu  de  notre   chapitre  général ,  on   accomplira    pour 

«  vous,  en  vertu  de  nos  lettres  actuelles,  tous  les  devoirs 

«  dont  on  s'acquitte  envers  chaque  piémontré    défunt,  en 

«  messes,  en  prières  et  en    psalmodies.  »   yiddeiites  qiiod 

ciim  obitùs  vestri  dies  innotuerit  nostro  capituto  gencrali , 

sub  prœsent'mm  tcstimonio  litterarum  ,  tantum  jlet  pro  vohis, 

quantum  pro  quolibet  uno  nostrùni  fieri  consucvit ,  in  missis,      ^^"'^  ^"''i- 

omtiombm  et  psalmis.  ^  J'^"""'"  '  '^'  •*• 

En  1216,  l'abbé  de  Prémontré  écrit  à  Innocent  III  en  ces 
termes  :  «  Le  zèle  que  j'ai  voué  aux  intérêts  de  la  Terre- 
«  Sainte  et  à  ceux  de  votre  Sainteté,  me  dévore  à  tel  point, 
«  que,  bien  que  je  sois  aux  portes  de  la  mort,  je  ne  puis 
«  pourtant  pas  me  taire.  Vous  avez  depuis  peu  envoyé  en 
«  France  le  révérend  père  en  J.-C,  Simon,  archevêque  de 
«  Tyr,  à  qui  vous  avez  dornié  le  pouvoir  d'exciter  les  fidèles 
«  à  prendre  la  croix,  et  en  même  temps  de  commuer  lés 
«  engagements  des  personnes  de  basse  condition  ,  que  leurs 
«  infirmités  ou  leur  pénurie  excessive  rend  inhabiles  à  se- 
«  courir  la  Terre-Sainte.  Plusieurs  ont  demandé  à  ce  prélat 
«  si  vous  aviez  accordé  aux  seigneurs  français  croisés  la 
«  liberté  de  retarder  leur  départ  jusquà  fan  |)rotliain  :  il  a 
«  répondu  que  vous  n'aviez  rien  changé,  pour  les  grands , 
«  ni  pour  les  petits,  aux  dispositions  du  concile  général. 
«  On  lui  a  aussi  adressé  la  question  de  savoir  s'il  fallait 
«  forcer  tous  les  croisés  à  partir  dans  le  cours  de  la  présente 
«  année:  il  a  déclaré  que  ni  lui-même,  ni  personne,  à  sa 
«  connaissance,  n'avait  reçu  de  vous  le  pouvoir  d'exercer 
«  cette  contrainte.  Il  m'a  dit  particulièrement,  quaussitôt 
«  après  le  concile  de  Melun,  tenu  à  son  arrivée,  il  vous 
«  avait  rendu  compte  de  ses  négociations  avec  le  seigneur  roi 
«  etavec  d'autres  personnages, relativementaux  affaires  dont 
«  vous  l'avez  chargé.  Je  me  suis  abstenu  de  lui  demander 
«  ce  qu'il  vous  avait  écrit:  persuadé  que  vous  étiez  par  lui 
«  suffisamment  instruit  de  toutes  choses,  je  ne  devais  dé- 
«  sirer  rien  de  plus.  Cependant,  comme  il  est  survenu  depuis 
«  des  incidents  qu'il  ignorait  alors,  et  à  l'égard  desquels  il 
a  n'a  pu  prémunir  votre  mansuétude  [de  quibus ves- 


XITI  SIÈCLE. 


46  GERVAIS  DE  CHICESTER, 

«  tram  non  potuit  mansuetudinem  prœmunire  )  ,  j'ai  cru 
«  devoir  vous  en  informer  en  peu  de  mots.  Les  docteurs 
«  parisiefis  déclarent  coupables  de  péché  mortel  tous  ceux 
«  qui,  maintenant  que  vous  ne  relâchez  rien  des  dispositions 
<t  du  concile  général,  ne  partiront  pas  dès  cette  année 
«  même;  de  telle  sorte  que,  privés  de  tous  les  privilèges 
«  des  croisés,  ils  n'auront  à  espérer  ni  rémission  de  péchés, 
«  ni  indulgence,  quand  bien  même  à  l'avenir  ils  voudraient 
«  accomplir  l'obligation  qu'ils  ont  contractée.  Mais  les  grands 
«  du  royaume,  déterminés  pour  la  plupart  à  ne  point  partir, 
'(  s'inquiètent  fort  peu  de  cettedéclaration  des  théologiensde 
«  Paris:  ils  ne  craignent  ni  peines  spirituelles  de  votre  part, 
«  ni  peines  temporelles  de  la  part  du  pouvoir  séculier; 
«  tandis  que  les  croisés  de  condition  inférieure, bourgeois  et 
«  paysans,  dont  le  nombre  est  considérable,  se  voient  immé- 
«  diatemer)t  exposés  par  ces  décisions,  à  des  dommages 
«  temporels.  En  effet,  les  nobles,  les  hommes  puissants,  et 
«  même  les  communes  des  cités,  communiœ  civilatum ,  leur 
«  signifient  qu'après  la  Saint-Jean-Baptiste,  ils  les  soumet- 
«  tront  aux  mêmes  exactions,  aux  mêmes  tailles  qu'aupara- 
«  vi>nt.  Voilà  donc  la  multitude  de  ces  petits  croisés  réduite 
«  aux  plus  amères  extrémités,  in  multâ  amaritudine  et  an- 
«  gustiâ  constituti  :  ils  répondent  qu'ils  sont  prêts  à  obéir  aux 
«  ordres  apostoliques,  dès  qu'ils  leur  seront  expressément 
«  annoncés;  qu'ils  se  sont  préparés  à  toutes  les  dépenses 
<t  nécessaires  ;  que  leur  plus  ardent  désir  est  d'accomplir  leur 
«  vœu  ;  mais  ils  ajoutent  qu'ils  ne  savent  ni  où  aller,  ni  com- 
«  ment  se  mettre  en  marche,  et  qu'autant  qu'on  en  peut 
«  humainement  juger,  leurs  efforts  ne  seront  d'aucun  secours 
a  à  la  Terre-Sainte,  tant  qu'ils  n'auront  pas  des  chefs  sortis 
«  de  leur  pays  et  parlant  leur  langue.  Ce  considéré,  très- 
«  saint  et  très-tendre  Père^  mansiietissime  Pater,  hâtez-vous, 
«  s'il  vous  plaît,  de  prendre  une  résolution  qui  console  et 
«  soulage  ces  opprimés;  de  peur  que  tant  de  chrétiens  fidèles 
«  que  j'ai  va  prendre  le  signe  de  la  croix  avec  une  dévotion 
«  si  fervente,  et  qui  sont  prêts  encore  à  remplir  leurs  enga- 
«■  gernents  avec  la  plus  religieuse  loyauté,  ne  tombent  dans 
«  l'abîme  du  désespoir,  en  se  croyant  obligés  à  partir  sans 
<i  délai,  et  privés  de  tout  privilège,  de  toute  indulgence,  par 
<t  un  retard  qui  a  pour  cause  la  nécessité,  et  non  certes  leur 
«  volonté.  Je  vous  le  disconfidemment  :  je  pense  et  bien  des 
«  gens  sont  persuadés  comme  moi,  qu'il  est  de  la  plus  haute 


ABBÉ   DE   PRÉ  MONTRE.  4? 

«  importance  que  les  Allemands  et  les  Français  ne  marchent 
«  point  ensemble;  car  on  ne  voit  pas  que  la  concorde. ait 
«  jamai.s  pu  s'établir  entre  eux  dans  de  si  grandes  entreprises. 
«  Il  serait,  je  crois,  et  c'est  encore  l'avis  de  plusieurs  personnes, 
oc  il  serait  tort  à  propos  que  le  duc  de  Bourgogne  et  le  duc  de 
«  Lorraine,  pour  lesquels  vous  avez  jusqu'à  ce  jour  usé  de 
«  ménagements.,  fussent  un  peu  plus  rigoureusement  tenus 
«  de  se  mettre  en  route  l'année  prochaine;  et  qu'en  consé- 
«  quencetous  les  croisés,  tant  de  haut  parageque  de  condition 
n  inférieure,  reçussent  l'ordre  exprès  de  partir,  sous  les  pei- 
«  nés  de  droit.  Sur  tous  ces  points,  votre  Sainteté,  si  tel  est 
«  son  bon  plaisir,  pourra  écrire  aux  archevêques  de  Bourges, 
«  de  Reims,  de  Rouen,  de  Tours  et  de  Sens,  ainsi  qu'à  leurs  suf- 
a  fragants,à  plusieurs  autres  prélats,  hclon  votre  volonté  et  les 
«  inspirations  qu'enverra  le  Tout-Puissant  à  votre  béatitude. 
«  Je  désire  qu'il  vous  plaise  de  ne  pas  exiger  des  Français 
a  qu'ils  se  dirigent  vers  les  ports  de  l'Apulie  et  de  ta  Sicile; 
«  laissez-leur  la  faculté  de  s'embarquer  où  ils  voudront,  et 
«  où  ils  trouveront  plus  commodément  des  navires.  Vous 
o  ne  devez  pas  ignorer  qu'il  y  a  chez  nous  un  évêque  qui, 
«   laissant  en  repos  les  nobles,  presse  par  des  menaces  d  ex- 
«  communication  le  départ  des  roturiers,  bien  moins,  à  ce 
«  qu'on  croit,  pour  assurer  le  succès  de  l'expédition,  que 
«  pour  puiser  dans  leurs  bourses;  non  tam ,  ut  créditur,  ad 
«  negocium  promovendiini  quam  ut  eniungat  bursas  eoruni. 
«  Cependant  comme  on  sait  que  toutes  les  affaires  dépen- 
«  dent  principalement  de  votre  Sainteté,  personne  ne  s'en 
«  mêlera,  sinon  l'envoyé,  le  notaire  ou  tout  autre  commis- 
«  saire  que  vous  en  aurez  expressément  chargé.  Du  reste, 
«  nous  avons  en  France  beaucoup  d'hommes  excommuniés 
«  pour  avoir  suivi  le  prince  Louis  en  Angleterre;  et,  comme 
a  hien  d'autres,  j'ai  avec  eux  des  relations  qui  ne  sont  pas 
«  sans  péril.  Je  me  suis  chargé  de  présenter  a  votre  Sainteté 
«  une  proposition  que  je  la  supplie  d'agréer;  c'est  de  déclarer 
«  que  ces  excommuniés  obtiendront  la  grâce  de  l'absolutipn, 
'<■  quand  ils  auront  passé,  à  combattre  les   Albigeois,  un 
«  temps  égal  à  celui  qu'ils  ont  empUyé  en  Angleterre  au 
«  service  du  prince  Louis.  Il  est  bon  que  vous  sachiez  que, 
«  si   plusieurs  d'entre  eux  s'abstiennent  d'entrer  dans  les 
a  églises,  c'est  par  la  crainte  de  Dieu  et  par  respect  pour 
e  ses  commandements,  plutôt  que  par  la  surveillance  et  les 
«  soins  des  prélats.  Salut  dans  (e  Seigneur  à  votre  Sainteté  : 


XllI   SIECLE. 


XIII  SIECLE. 


p.  3. 


48  GERVAIS   DE  CHICESTER, 

«  que  Dieu  la  conserve  saine  et  sauve  à  l'Eglise.  »  Ce  souhait 
ne  fut  pas  exaucé  ;  Innocent  III  mourut  le  i6oule  ly  juillet 
tai6,  et  cette  lettre,  écrite  avant  le  24  juin,  est  une  des 
Sacra;  antiq.  dernières  qu'il  ait  reçues. 
Mo^Dum.,  t.  I,  C'est  à  son  successeur,  Honorius  III  ,  qu'est  adressée  celle 
dont  il  nous  reste  à  donner  connaissance  au  lecteur.  «  Si  je 
a  n'étais,  dit  Gervais,  dévoré  du  zèle  de  la  sainte  Eglise 
«  romaine,  si  les  injures  de  ses  détracteurs  (oy;/?roèn«  expro- 
«  hantium  ei)  ne  retombaient  pas  sur  moi,  comme  sur  un 
«  fils  qtii  chérit  tendrement  sa  mère,  peut-être  me  serait-il 
«  facile  de  dissimuler,  et  d'imiter  ainsi  ceux  qui  supportent 
«  avec  indifférence  les  dommages  qui  lui  adviennent,  comme 
<c  si  tous  ses  enfants  ne  devaient  pas  s'appliquera  conserver 
a  son  honneur,  autant  qu'ils  désirent  d'être  abreuvés  de  son 
«  lait  !  Aussi  long-temps  que  j'ai  craint  d'être  accusé  de  pré- 
«  somption,  j'ai  différé  d'écrire  à  votre  Sainteté,  attendant 
«  de  jour  en  jour,  que,  selon  les  dispositions  arrêtées  au 
<t  concile  général,  un  légat,  un  nonce  envoyé  par  vous, 
«  après  le  décès  de  votre  prédécesseur,  Innocent,  de  véné- 
oc  rable  mémoire,  arrivât  en  Erance  pour  accorder,  s'il  y 
«  avait  lieu,  des  dispenses  à  ceux  dont  les  services  lui  sem- 
«  bleraient  inutiles  à  la  Terre-Sainte;  et  pour  régler,  en 
«  prenant  les  conseils  des  hommes  éclairés,  le  départ  des 
«  croisés  de  toute  condition,  haute  ou  basse.  J'espérais  par- 
te ticulièrement  que  cette  mission  serait  remplie  par  Jacques 
«  de  Vitry,  vénérable  clerc,  dont  le  retour  en  Erance  était 
«  chaque  jour  attendu.  Mais  ayant  appris  qu'il  venait  de 
«  passer  au-delà  des  mers ,  et  que  vous  n'aviez  écrit  sur  les 
«  affaires  de  la  croisade  qu'à  des  personnes  du  plus  haut 
«  rang;  ne  sachant  jjas  si  vos  lettres  faisaient  mention  du 
«  petit  troupeau  de  Dieu  [pusUlus  grex),  qui  porte  la  croix 
«  avec  une  dévotion  au  moins  égale  à  celle  des  nobles,  j'ai 
«  cru  à  propos  de  vous  présenter  ses  plaintes,  qui  sont  nom- 
«  breuses  et  fréquentes.  Il  s'agit  d'obscurs  et  pauvres  sol- 
o  (Jats  qui ,  ayant  pris  la  croix  au  premier  signal  donné  par 
«  les  chefs  de  l'Eglise,  et  fait  abnégation  de  tous  leurs  inté- 
«  rets  personnels  pour  se  vouera  ceux  de  la  Terre-Sainte, 
«  ne  trouvent  aujourd'hui,  ni  dans  les  grands  du  siècle,  ni 
«  dans  les  prélats  qui  leur  avaient  tout  promis,  argent, 
«  conseils  et  direction,  pas  un  seul  homme  dispose  à  les 
a  consoler,  à  les  instruire  ,  à  leur  rendre  justice;  ils  se  plai- 
«  gnent  de  ce  délaissement  et  de  l'oppression  qu'ils  subis- 


ABBE  DE  PRÉMONTRE.  49 

«  sent,  au  mépris  des  privilèges  qu'on  semblait  leur  avoir 
«  garantis.  Ils  demandent  aussi  quel  usage  on  lait  de  l'argent 
«  déposé  dans  le  tronc  des  églises,  et  du  tribut  payé  par  les 

«  clercs N'avait -on  pas  promis,  au  nom  de  la  sainte 

«  Eglise  romaine,  que  tout  cet  argent  serait  employé  à  |)ayer 
«  les  dépenses  des  plus  pauvres  croisés?  Ce  n'est  pas  tout: 
«  vous  avez,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  écrit  à  quelques  nobles, 
«  par  exemple  au  duc  de  Bourgogne  et  à  Gautier,  seigneur 
«  d'Avesne,  qu'ils  devaient  se  tenir  prêts  à  partir  à  la  pro- 
«  chaine  tête  de  Pâques  :  ils  vous  ont  répondu  en  vous  sup- 
«  pliant  de  leuraccorder  un  répit,  ou,  comme  ils  disent,  une 
«  trêve  d'un  an;  et,  tant  qu'on  ne  saura  pas  si  vous  devez 
«  exaucer  leur  prière,  cette  incertitude  jettera  partout  le  trou- 
«  ble  et  la  confusion.  Vous  avez  à  prendre,  sur  tous  ces 
a  points,  des  mesures  salutaires  :  la  nécessité  m'enhardit  à 
«  vous  les  demander;  et  ,  après  en  avoir  délibéré  avec  les 
«  hommes  qui  passent  pour  savoir  ce  qu'il  y  a  de  plus  expé- 
«  client,  j'ose  vous  proposer  humblement,  respectueuse- 
«  ment,  et  sauf  meilleur  avis,  d'accorder  aux  susdits  nobles 
«  la  trêve  qu'ils  réclament.  Si,  en  attendant,  vous  vous  ab- 
«  stenez,  pour  ne  pas  grever  les  églises,  d'envoyer  en  France 
«  un  nonce  ou  un  légat,  daignez  au  moins,  par  des  lettres 
«  expédiées  en  temps  opportun,  établir  en  «haque  piovince 
«  ou  diocèse  des  commissaires  qui  auront  quatre  devoirs  à 
«  remplir  :  premièrement,  garantir  le  privilège  des  croisés; 
«  secondement,  dispenser  de  service  ceux  qui  n  en  rendraient 
«  que  d'inutiles;  en  troisième  lieu,  recueillir  toutes  les  som- 
«  mes  provenant  soit  de  la  comirmtation  des  vœux,  soit  des 
«  troncs,  soit  du  vingtième  denier,  s'il  a  été  perçu;  enfin, 
«  pour  prévenir  ou  éteindre  tout  scandale,  distribuer  cet 
«  argent  aux  croisés,  à  ceux  qui  se  croiseront,  à  ceux  même 
«  qui  se  rendront  utiles  de  quelque  autre  manière  à  l'eiitre- 
«  prise  commune.  Toutefois  je  sais  que  le  paiement  du  ving- 
«  tièmedenier,sans  déduction  des  ta  xesord  inaires  et  généra  les, 
<c  est  impossible  aux  religieux  et  à  d'autres  ecclésiasticjues, 
«  à  l'exception  de  ceux  qui  cnt  pour  vivre  des  revenus 
«  assurés.  Maintenant,  quelles  sont  les  personnes  les  plus 
«  propres  à  s'acquitter  de  ces  fonctions  avec  prudence  et 
«  fidélité,  soit  j)ar  eux-mêmes,  soit  par  leurs  associés?  Je  vais 
«  les  indic|uer:  dans  la  province  de  Reims,  le  doyen  et  l'éco- 
«  lâtre  de  Noyon,  l'archidiacre  de  Chàlons  -  sur-Marne,  le 
«  doyen  de  saint  Pierre  de  Laon  (Adam  de  Courlandoil);  dans 

Tome  XV m.  G 


XIII  SIECLE. 


XIII  SIÈCLE. 


5o  ETIENNE   F^^NGTON, 

«  la  province  de  Sens,  l'archevêque  (  Pierre  de  Ckjrbeii  )  et 
«  l'évêque  d'Auxerre  ((juilhiume  de  Seignelay);  dans  celle 
«  de  Rouen,  le  métropolitain  (  Robert  Pullus),  les  évêques 
«  fie  Baveux  ft  de  Lisieux;  dans  la  province  de  Tours, 
or  l'évêque  du  Mans;  dans  celle  de  Bourges,  le  doyen  (  Ar- 
K  chambauld  )  et  le  chanoine  maître  Pierre;  dans  celle  de 
«  Bprdeaux,  l'archevèfjue  (  Guillaume  Amanevi  )  et  l'évêque 
«  de  Poitiers.  A  l'égard  des  autres  provinces,  et  surtout  de 
«  celles  que  le  voisinage  des  Albigeois  occupe  d'un  autre 
«  intérêt,  je  ne  connais  personne  que  je  puisse  recommander 
«  sans  témérité.  Si  ces  propositions  paraissent  présomp- 
«  tueuses  à  quelqu'un  qui  ne  prendrait  en  considération  ni 
«  le  besoin  qui  les  provoque,  ni  le  sentiment  qui  me  les 
«  suggère,  j'ai  recours,  bienheureux  père,  à  votre  indul- 
«  gence,  et  j'attends  de  vous  le  pardon  que  je  vous  demande 
«  humblement.  Ma  conscience  me  dit  que  tout  ce  que  je 
«  viens  d'écrire  m'a  été  diclé  par  mon  dévouement  à  votre 
a  autorité  paternelle,  comme  par  l'affection  fraternelle  et 
«  charitable  que  je  dois  à  ceux  qui  sont  avec  moi  vos  ser- 
«  viteurs.  Salut  à  votre  sainte  paternité  :  que  Diou  la  conserve 
«  toujours  à  son  Eglise.  ». 

Les  trois  lettres  que  nous  venons  de  traduire  sont  celles, 
qui,  dans  la  correspondance  de  Gervai»  de  Chicester,  tien- 
nent de  plus  près  aux  annales  de  la  France;  il  nous  semble 
qu'elles  peuvent  inspirer  une  idée  avantageuse  de  l'intérêt 
historique  et  même  aussi  du  mérite  littéraire  des  épîtresde 
ibid,  p.  6.      ce  prélat.  D. 


ETIENNE  LANGTON, 

CARDINAL,  ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY. 


MORT  en  1228. 


Un  archevêque  de  Canlorbéry  qui  naquit  et  niourut  en 
Angleterre,  ne  semble  point  appartenir  à  l'histoire  littéraire 
de  la  France;  mais  Etienne  Langton  a  coiaposé  une  grande 
partie  de  ses  ouvrages  à  Paris  et  à,  Pontigny.  La  date  de  sa 
naissance  n'est  point  connue  :si  l'on  peut  conjecturer  qu'il 


CARDINAL.  5i 


XUl  Sit'CLE. 


était  né  vers  le  milieu  du  douzième  siècle,  c'est  parce  qu'on 
sait  qu'il  mourut  fort  â^é  en  1228.  Nous  n'avons  aucun  ren- 
seignement sur  sa  famille  :  son  nom  se  rencontre  écrit  de 
diverses  manières  dans  les  livres  soit  du  moyen  âge,  soit 
des  temps  modernes  :  Langton ,  Langtlion  ,  de  Langetoun ,  de 
Longatona  ,  de  Linguatona,  Lnngtonus,  Longodunus,  etc.; 
et  il  n'est  quelquefois  appelé  qu'Etienne  l'Anglais,  Ste- 
phanus  yinglicus  ou  Angliis  :  le  prénom  Etienne  est  seul 
invariable. 

Il  passa  fort  jeune  en  France,  fît  ses  études  à  Paris,  y 
devint  professeur  d'humanités,  puis  de  théologie,  acquit  le 
titre  de  docteur,  fut  fait  chanoine  de  l'église  cathédrale  et 
vliancelier  de  l'Université.  Il  jouissait  au  commencement  du 
treizième  siècle  d'une  brillante  réputation  littéraire,  qu'il  a 
conservée  même  après  sa  mort.  Long-temps  on  l'a  célébré 
comme  l'honneur  et  le  chef  des  écoles  parisiennes,  eynuiasii      ,     „. .,  „ 

...  ,  ,  ,     •  ,,,     ^  f  ■<    ,,  Jac.  Phil.  Ber- 

pansiensis  quondam  decus  et  rector.  Innocent  111,  qui  lavait  gomas.Suppiem. 

di.stingué,  s'empressa  de  l'attirer  à  Rome,  et  li-  nomma  car-  <i"on.  ad  ann., 

dinal-prétre  du  titre  de  St.-Chi  Ysocone  Cette  promotion  est  P'^î'S- 

datée  de  l  an   1212  par  Alphonse  Liaconius,  de   1210   par  .ard,  t.ii,p.3i, 

Panvini  ;  mais  Ughelli  et  Aubery   la  rapprochent  avec  plus  i^.  Kpii.  pomif. 

de  vraisemblance  de.  l'année   1206,011  vaquait,  par  le  décès  'om.  liai,  sacin. 

djfii  I  •-  «.,.  Il/"»  i'i»'i  liisl.  des  caïu. 

fiubert,  le  siège  arciiiepiscopal  de  Lantorbery.  Lelection 

du  successeur  d'Hubert  doinia  lieu  à  de  longs  et  violents 
débats.  Les  moines  de  Cantorbéry  s'étaient  mis  en  posses- 
sion de  nommer  à  cette  éminente  préiature  :  le  saint-siége,  ^f"''-  ^J^"'^"'- 

I .       .  .Il  1  •     I  '  •     ■  1  '  Cnron.  a<l  ann. , 

disaient-ils,  leur  avait  depuis  long-temps  octroyé  ce  privilège.  1207.Mai1h.Pa- 
Quelques-uns  de  ces  religieux,  et  particulièrement  les  j)lus  ris, p.  148,  149, 
"eunes,  élurent  secrètement  et  à   l'insu  du   roi  Jean-sans-  ,V,?' '^^' '^'^' 

,  ;  ,    .  r.   <     •        1   I  1  1  ....  Wharton  ,     An- 

L  erre,  leur  supérieur  Reginald,  qui  devait  devenir  ainsi  primat  giiasana ,  lom. 

de  l'Eglise  d'Angleterre.  Reginald  et  plusieurs  de  ceux  qui  i,  pag.  n/i;  1. 

l'avaient  élu  partirent  aussitôt  pour  Rome,  afin  d'obtenir  du  l^ ''•^Î7'.''''^ 

pape  la  confirmation  du  choix  qu  us  venaient  de  taire.   Il  ciës.,  l.  ixwi, 

importait  que  le  roi  n'en  sût  rien;  mais  Reginald,  en  tra-  n. 21,23. Hume. 

versant  la  Flandre,  eut  l'indiscrétion    de  se  (lualifier  par-  P'^"'^?'*^   "'• 

,         ^  '  /•         I   -  A   '  •  .  ann.  1 207,1 2on, 

tout  archevêque.  Le  monarque  en  tut  bientôt  instruit;  et,    ,209. 
croyant  que  tous  les  moines  deCantorbéry  avaient  participé     Hapsfeid,  list. 
à  cetBe  manœuvre,  il  se  disposait  à   les  en  punir  :  ceux  ciui  **=''''L'-  ,^'''^ ''' ' 
n  avaient  pas  quitte  leur  monastère  rejetèrent  la  faute  sur 
les  absents,  Au  ressentiment  du  roi  se  joignaient  les  plaintes 
des  évêques  suffragants  de  l'archevêque  de  Cantorbéry,  qui 
revendiquaient  le  droit  d'intervenir,  au  moins  par  l'assis- 

G  2 


if 


XIII  SIKCI.E. 


52  ETIENNE  LANGTON, 

tance  de  trois  d'entre  eux,  dans  l'élection  de  leur  métro- 
politain. Effrayés  de  tant  de  réclamations,  les  moines  qui 
avaient  élu  Réi^inald  l'abandonnèrent  d'autant  plus  volon- 
tiers qu'ils  étaient  fort  mécontents  de  sa  conduite.  Tout  le 
monastère  se  hâta  d'obéir  au  roi,  qui  enjoignait  île  procéder 
à  une  élection  nouvelle,  et  qui  désignait  un  homme  attaché 
à  son  service,  Jean  de  Gray,  alors  évêque  de  Norwich.  Ce 
personnage  obtint  tous  les  suffrages,  s'installa  et  se  mit  en 
possession  du  temporel.  Quatorze  moines  se  rendirent  à 
Rome  pour  informer  le  pape  de  ce  qui  s'était  passé,  et  le 
prier  de  r.itiher  l'élection  de  Jean  de  Gray.  Mais  on  même 
temps  les  evèques  suffragants,  dont  on  avait  méconim  le 
droit,  chargèrent  des  députés  de  porter  leurs  plaintes  au 
très-saint  père.  Innocent  III,  après  avoir  entendu  à  Viterbe 
les  plaidoyers  des  deux  députations,  cassa  les  deux  élections 
de  Réginald  et  de  Jean  de  Gray,  et  ordonna  aux  i4  moines 
de  Caiilorbéry  qui  se  trouvaient  là  d'en  faire  à  Rome  une 
troisième.  Ils  s'en  défendirent  le  plus  qu'ils  purent,  disant, 
non  sans  quelque  apparence  de  raison  ,  qu'un  tel  acte,  con- 
sommé hors  de  leur  communauté  et  sans  le  consentement 
de  leur  roi,  serait  par  trop  irrégulier,  et  jusqu'alors  sans 
exemple.  Le  pape  répondit  qu'ils  étaient  les  repré.sentants 
légitimes  de  la  communauté  qui  les  avait  députés,  et  qu'une 
élection  faite  en  présence  du  souverain  pontife  n'avait  aucun 
besoin  de  l'aveu  ou  du  concours  d'un. monarque.  11  ne  tint 
pas  plus  décompte  de  la  réclamation  des  evèques  suffragants; 
il  leur  déclara  que  le  privilège  accordé  aux  moines  |)ar  le 
saint-siége  anéantissait  tout  autre  droit,  et  leur  déferidit  ex- 
pressément de  se  mêler  désormais,  en  aucune  manière,  du 
clioix  de  leur  métropolitain.  Quant  au  personnage  qui  devait 
succéder  à  Hubert,  le  pape  indiquait,  comme  le  plus  digne, 
Etienne  Langton,  Anglais  de  naissance,  qui  était  alors  à  Rome, 
et  probablement  déjà  cardinal.  Langton  fut  élu  par  treize 
moines;  le  i4^,  que  Matthieu  Paris  appelle  maître  Hélie  de 
Brantefeld  ,  persista  dans  le  refus  de  coopérer  à  un  acte  qu'il 
croyait  illégal.  Le  saint  père  sacra  de  ses  propres  mains  le 
Kouvel  archevêque  de  Cantorbéry,  à  Viterbe,  le  17  juin 
1207. 
Innocpni  iil,  H  était  aisé  de  prévoir  que  ces  procédés  déplairaient  au 
)  |)ist.  I,.  X  ,  roi  d'Angleterre.  Pour  prévenir  ou  tempérer  son  courroux, 
Hvmei'  ?'i^"  Irmocent  commença  par  lui  envoyer  quatre  anneaux  montés 
li).  l'v''.         de  pierres  précieuses  ,  et  accompagnésd'une  lettre  où  étaient 


CARDINAL.  53 

expliquées  les  prétendues  significations  mystérieuses  ou  mo- 
rales de  ces  joyaux.  Une  seconde  épître  pontificale,  beaucoup 
plus  claire^  qui  suivit  de  près  ce  cadeau,  exhortait  le  roi  à 
bien  accueillir  le  nouveau  primat,  cardinal  de  l'Eglise  ro- 
maine, savant  prélatanglais,  (]ui  allait  rapporterdans  sa  patrie 
des  vertus  chrétiennes  et  des  talents  politiques,  utiles  à  la 
religion  et  à  l'état.  Loin  de  soumettre  l'élection  d'Etienne  à 
l'examen  du  monarque,  le  pape,  dans  un  autre  bref,  enjoi- 
gnait aux  moines  de  (jantorbéry  et  aux  suftragants  de  cette 
métropole  de  recevoir  et  d'installer  l'archevêque.  Le  cour- 
roux de  Jean-sans-Terre  ne  tarda  point  d'éclater  :  deux  che- 
valiers, envoyés  par  lui,  entrèrent  l'épée  à  la  main  dans  le 
monastère  de  Cantorbéry,  ordonnèrent  aux  moines  de  vider 
les  lieux  et  de  sortir  du  royaume.  Ils  passèrent  en  Flandre,  et 
furent  accueillis  au  sein  de  l'abbaye  de  Saint-Bertin.  Dans  une 
lettre  au  pape,  le  roi  traite  d'attentats  l'acte  qui  annule  l'é- 
lection canonique  de  Jean  de  Gray  et  celui  qui  tend  à  l'in- 
trusion fie  Langton.  Non,  il  ne  souffrira  pas  qu'on  lui  impose 
un  primat  qu'il  ne  connaît  point ,  qui ,  élevé  en  France,  n'a 
eu  de  relations  qu'avec  les  ennemis  de  l'Angleterre.  Il  rompra 
plutôt  toute  communication  avec  cette  cour  de  Rome,  qui 
tire  pl'is  d'argent  de  la  Grande-Bretagne  que  d'aucun  autre 
état  chrétien.  II  a  dans  son  royaume  bien  assez  de  prélats 
capables  de  gouverner  les  églises,  pour  qu'il  ne  soit  pas  né- 
cessaire de  recourir  à  des  pontifes  qui  abusent  si  scandaleu- 
sement de  leur  autorité.  Innocent  III  répliqua  par  une  épître 
encore  paternelle  et  affectueuse,  mais  pourtant  impérieuse  et 
menaçante.  Elle  contient  un  nouvel  éloge  d'Etienne  Langton, 
qui  s'est  acquis  dans  la  plus  célèbre  des  universités  une 
éclatante  renommée;  qui  d'ailleurs  a  possédé  à  York  une 
prébende  plus  riche  qu'un  canonicat  de  Paris;  qui  depuis 
qu'il  est  cardinal  a  reçu  trois  lettres  du  roi  Jean,  et  par 
conséquent  n'est  pas  inconnu  à  ce  prince  On  n'avait  point  à 
demander,  pour  une  élection  consommée  à  Rome,  le  consen- 
tement du  roi;  et  cependant  on  a  porté  la  condescendance 
jusqu'à  lui  envoyer,  pour  l'informer  de  celle  de  Langton, 
deux  moines,  que  les  vents  contraires  ont  retenus  à  Boulogne- 
sur-mer.  Il  recevra  donc  avec  reconnaissance  le  prélat  si 
recommandable  qu'on  lui  donne,  ou  plutôt  qu'on  lui  rerjd; 
il  se  souviendra  de  ce  qui  s'est  passé  du  temps  de  saint 
Thomas  Bekliet,  et  ne  voudra  pas  se  jeter  dans  de  nouveaux 
embarras,  d'où  il  aurait  peine  à  sortir.  Le  pape  écrit  en 

7 


XIII  SIKCLE. 


54  ETIENNE   LANGTON, 

même  temps  aux  trois  évêques  de  Londres ,  d'Ely  et  de  Wor- 


cester;  il  les  charge  de  porter  au  roi  les  ordres  de  l'Église, 
de  le  presser  d'y  obéir,  et,  s'il  s'obstine  à  les  mépriser,  de 
mettre  le  royaume  en  interdit.  Jean  protesta  que,  si  l'on  avait 
cette  audace,  si  l'on  tentait  de  renouveler  les  scènes  du  siècle 
précédent,  il  bannirait  tous  les  évèques  et  se  mettrait  en 
possession  de  tous  les  biens  ecclésiastiques.  Il  jura  p^r  les 
dents  de  Dieu ,  per  dentés  Dei ,  dit  Matthieu  Paris,  qu'il  fe- 
rait Jirracher  les  yeux,  couper  le  nez  et  les  oreilles  à  tous 
les  prêtres  romains  qu'il  trouverait  dans  ses  états,  et  qu'il 
les  renverrait  ainsi  mutilés  à  leur  souverain  pontife.  Il  com- 
manda aux  évêques  de  sortir  de  sa  présence,  et  déclara  qu'il 
ne  souffrirait  jamais  qu'Etienne  Langton  mît  le  pied  dans 
la  Grande-Bretagne.  Le  cardinal  avait  un  frère,  Simon 
Langton,  qui,  parles  remontrances  peu  mesurées  qu'il  vint 
adresser  à  Jean-sans-Terre,  acheva  de  porter  lu  colère  de  ce 
prince  au  plus  haut  degré  de  violence. 

Les  trois  évêques,  après  de  longs  délais  et  d'inutiles  ten- 
tatives de  conciliation,  publièrent  enfin  la  sentence  d'interdit, 
et  se  hâtèrent  de  passer  le  détroit.  Henri  de  Knigton  écrit 
que  l'interdit  général  commença  le  dimanche  de  la  Passion, 
Ue  evenb'bus   i*'^  avril  i2o8,  et  dura  six  ans  et  un  mois;  qu'à  l'exception 
Angiiœ.i.ii.coi.  jj^  baptême  des  enfants,  toutes  les  cérémonies  cessèrent  dans 
3430'  '  '^*  églises,  qu'on  n'enterrait  plus  les  morts  dans  les  cime- 

tières. Plus  s'aggravaient  ces  rigueurs,  plus  le  roi  étendait 
ses  vengeances.  Il  confisqua  les  biens  de  tous  les  clercs  qui 
obéissaient  à  l'interdit,  et  ordonna  aux  shérifs  de  les  expulser 
du  territoire  anglais.  (]et  ordre  ne  s'exécuta  qu'avec  quelque 
ménagement;  mais  ceux  qui  avaient  embrassé  trop  arrlem- 
ment  le  parti  du  pape  s'exilèrent  d'eux-mêmes;  et  ceux  qui 
ne  sortirent  pas  du  royaume  n'y  vécurent  qu'exposés  à  de 
fréquentes  et  dures  vexations.  Innocent  III,  voyant  que  les 
mesures  qu'il  avait  prises  ne  produisaient  pas  les  effets 
qu'il  en  attendait,  finit  par  prononcer  en  1^09  l'excom, 
ujunication  nominative  du  roi  Jean,  et  chargea  les  trois 
mêmes  évêques  d'Ely,  de  Worcester  et  de  Londres,  de  pu- 
blier cette  sentence.  Une  telle  publication  n'était  pas  facile 
à  exécuter,  et  devait  souffrir  de  longs  délais.  Mais  la  nouvellç 
de  l'anathème  se  répandait  dans  toutes  les  provinces,  et 
affaiblissait  de  plus  en  plus  la  puissance  du  moniwque. 
L'archidiacre  de  Norwich  quitta  son  emploi  de  directeur  de 
l'échiquier,  disant  que  sa  conscience  ne  lui  permettait  pas 


CARDINAL.  55 

XIÎI  SiÈCLÈf. 
de  servir  urt  prince  excommunié:  on  le  jfta  dans  un  cachot  • 

où  il  mourut  de  faim,  emboîté,  dit-on  ,  dans  une  chappe  de 
plomb.  Hugues,  élu  évéque  de  Lincoln  ,  obtint  la  perinissiorr 
d'uller  se  taire  sacrer  par  l'archevêque  de  Rouen,  et  prit,tiu 
Heu  du  chemin  de  la  Normandie, celui  de  Rome,  où  Etientïe 
Ijangfon  le  sacra  :  le  roi  ne  put  J»e  venger  de  cet  évèque  qu'e>< 
saisissant  ses  revenus.  Tous  les  sujets  de  Jean  étaient  déliés 
par  le  pape  de  leurs  serments  de  fidélité,  el  le  roi  de  France, 
Philippe  Auguste,  invité  à  Je  traiter  en  ennemi  déclaré  de 
la  sainte  Eglise. 

Les  six  années  que  ces  troubles  durèrent,  Etienne  Lang- 
ton  les  passa  en  très-grande  partie  en  France,  surtout  dans      Manriq.,  An. 
le  monastère  de  Pontigny ,   où  de  prenx  exercices  el  des  «al.  cisterc.  ann. 
travaux  littéraires  occupaient  ses  loisirs.  Ce  long  séjour  à  |^°7' <=•■"•  "• 
Pontigny  a  autorisé  les  CisterciMis  à  l'inscrire  au  nombre  des 
religieux  de  leur  ordre,  auquel  il  ne  paraît  pa»  avoir  autre- 
ment appartenu.  De  Visch,  dans  sa  Bibliothèque  cistercienne,      P.  3oa,  3o3, 
lui  refuse  cette  qualité,  fiae  lui  donnent  HenriqueZ  et  Jon-  ^°i; 

I-        IV-  I     •         ..     •^.     i       '  I      i'       J  Pnœnix  revi- 

geun.  J\ous  croyons  que  ceux  qui  lui  ont  attribue  la  tonda-  vit,  ».  i,  p  ni 
tion  du  collège  des  Bernardins  à  Paris  l'ont  confondu  avec  aSapr.Menolog. 
Etienne  de  Lexinston,  véritable  cistercien,  qui  fut  abbé  de  "^■'  '*  "^i"- 

C       •  j      rVi    ■  /  ^        '  .  •  Purpura  D.Ber- 

aavignyei»  1229,  de  Clairvaux  en  1242,  et  ne  mourut  qu  a-  nanti,  pag.  26 
près  i25y.  106. 

Cepwndamt  le  roi  de  la  Granïle-Bretarffne  revenait  à  rési-  „.^-  ï^"*»""'ay. 

•  ■  xiist  un IV    p3i"i*î 

pisicence;  il  y  était  rainenié  par  rinifluence,alorssi  formidable,  t.  m,  p^  ,3^' 
des  foudres  poQtiticales,  et  par  les^craintes  que  lui  inspiraient  *"».  ^97,  336. 
les  entreprises  et  les  projets  de  Philippe.  Dès  taii,  denx  ^';;='"*'">  "'»<  Je 

»  41  -1  iTi  lUniv.  ,I,4qo. 

nonces,  envoyés  en  Ar)gleterre,  avaient  obtenu  de  Jean  plu-      caii  chr 


il.  chr.  no- 


sieurs  concessioMâ;  il  s'étaiit  montré  même  assez  disposé  à -*a,xi,  548,1V, 

permettre  l'installation  du.  cardinal  Laneton  sur  le  siège  de  ^«^f '«"•"y.Hisi. 

Ca^ntorbery;  mais  les  nonee.s.  exigeaient  davantage,  et  sur  le  n.  67. 

refus  qu'il  fit  d'accéder  à  toutes  leurs  propositions,  il*  par-  Maiih.  Paris, 

tirent  après  avoir  solennellement  publié  la  sentence  d'excom-  ^^/^  ^^\'  '^^' 

'._.,.                          1  ■        '      I               .         .  100,  173. 

munication.  Les  Anglais  se  crurent  dégages  plus  que  jamais  Maiib.  Wesi- 

d«  leurs  obligations  envers  un  roi  fra-ppédetantd'anathèmes,  monasi.     Fior» 

et  les  barons  ourdirent  des  complots  qui  temiaient  à  le  dé-  *"*"""    •'•"6''^-. 

trôner.  Innocentse  fit  adresser  par  Langton  et  par  le8auti*es  nai.  Wavéri.,  p. 

pmUits   exilés   une  humble  supplique   où  il  était    prié   de  '7»-  '79-    Ry- 

remédier  efficacement  aux    maux   qui   alQigeaient   l'Église  """  '  Vs'h' 

d'Angleterre.  Le  collège  des  cardinaux  assemblé  pour  enten-  me,'ai!n.  iaia* 

dre  la  lecture  de  cette  requête,, et  consulté  sur  le  parti  qu'il  >*'3.    Fieury, 

fallait  prendre,  déclara  que  Jean,  convaincu  de  révolte  contre  "'*'"  ^'^'='**  >  '• 

~                   '                         '                      '  i.xxYii ,  n.  16. 


XIII  SIECLE. 


56  ETIENNE  LANGTON, 

le  saint-siége,  devait  être  déposé  et  remplacé  par  un  roi  que 
choisirait  le  souverain  pontife.  Cet  avis  amena  une  bulle  de 
déposition  qu'on  chargea  Philippe-Auguste d'exécuter,en  lui 
promettant  pour  récompense  la  rémission  de  ses  péchés  et 
la  couronne  de  la  Grande-Bretagne.  Tous  les  princes  chré- 
tiens étaient  invités  à  seconder  l'entreprise,  et  l'on  assurait 
à  toutes  les  personiîes  qui  voudraient  y  prendre  part  les 
mêmes  indulgences  qu'à  ceux  qui  visitaient  le  saint  Sépulcre; 
c'était  pres(jue  une  nouvelle  croisade.  Philippe  ne  perdit 
point  de  temps:  ses  rapides  et  vastes  préparatifs  effrayèrent 
le  prince  anglais,  qui  avait  bien  encore  des  moyens  de  dé- 
fense, mais  qui  ne  pouvait  plus  compter  sur  l'affection  et 
la  fidélité  de  son  armée.  Au  moment  de  ses  plus  vives  alar- 
mes, il  fut  visité  à  Douvres  par  l'un  des  deux  nonces  avec 
lesquels  il  avait  eu  des  conférences  quelques  mois  aupa- 
ravant. Cet  envoyé,  nommé  Pandolphe,  qui,  maintenant 
revêtu  du  titre  de  légat,  venait  de  traverser  Ja  France  et 
d'applaudir  au  zèle  de  Philippe,  invita  Jean  à  considérer  le 
péril  de  sa  position,  et  à  le  détourner  par  une  plus  sage  po- 
litique. Il  l'instiuisit  non  seulement  de  l'activité,  des  forces 
et  du  formidable  armement  du  roi  de  France,  mais  aussi  de 
l'assistance  promise  à  ce  prince  ennemi  par  les  principaux 
seigneurs  anglais.  Il  en  concluait  qu'il  ne  restait  plus  à  Jean 
d'autre  ressource,  que  de  se  placer  sous  la  protection  du 
souverain  pontife,  miséricordieux  et  tendre  père,  qui  dai- 
gnait encore  lui  tendre  les  bras.  Il  ne  s'agi.ssait,  pour  mériter 
une  aussi  haute  faveur,  que  de  redeveinr  un  fils  obéissant, 
que  de  s'engager  à  exécuter  tous  les  ordres, qui  lui  seraient 
donnés  par  le  chef  de  l'Eglise.  Après  quelque  hésitation,  le 
monarque  anglais  jura  qu'il  restituerait  les  biens  ecclésias- 
tiques, qu'il  réparerait  tous  les  dommages  causés  par  sa  dés- 
obéissance; qu'il  paierait  à  compte  8,000  livres  sterling;  qu'il 
livrerait  les  otages  qui  lui  seraient  demandés  par  le  pape  ou 
par  le  légat  ;  qu'il  enverrait  des  lettres  de  sûreté  au  cardmal 
Langton  et  aux  autres  proscrits,  afin  qu'ils  pussent  rentrer 
en  Angleterre,  et  se  rétablir  dans  leurs  tbnctions;  qu'il  ne 
poursuivrait  personne  pour  des  actes  relatifs  à  ces  démêlés. 
Ce  pacte  est  du  i3  mai  121 3.  Jean  y  reconnaît  que,  s  il  vient 
jamais  à  le  violer,  il  perdra  ses  droits  sur  les  bénéfices  va- 
cants, et  que  les  prélats  et  barons  seront  autorisés  à  défendre 
contre  lui  la  cause  de  l'Eglise.  Le  légat  exigeait  de  plus  la 
promesse  absolue  d'obéir  à  toute  volonté  du  pape  :  Jean 


xin  srÈCLE. 


CARDINAL.  Ô7 

demanda  l'explication  d'un  engagement  si  vague  :  Pandolphe 
ne  lui  dissimula  plus  que  tant  de  crimes,  commis  depuis 
laof),  ne  pourraient  être  expiés  que  par  la  résignation  de  sa 
couronne  entre  les  mains  du  saint  père.  Cette  proposition 
l'indigna  ;  mais  la  cour  de  Rome  avait  prévu  qu'il  serait  aussi 
pusillanime  qu'il  s'était  montré  violent;  car  ces  deux  excès 
sont  toujours  le  symptôme  et  la  mesure  l'un  de  l'autre.  Le 
i4  mai,  Jean  se  rendit  à  l'église  de  Douvres,  avec  le  légat, 
les  seigneurs  et  les  officiers  de  l'armée;  là,  en  présence  du 
peuple,  il  déposa  sa  couronne  aux  pieds  de  Pandolphe,  et 
signa  une  charte  où  il  déclarait  que  volontairement,  sans 
crainte  ni  contrainte,  il  résignait,  de  l'aveu  des  barons,  le 
royaume  d'Angleterre  et  la  seigneurie  d'Irlande  à  l'Église 
romaine.  Il  se  reconnaissait  le  vassal  du  saint-siége,  auquel 
il  s'obligeait  à  payer  une  redevance  de  mille  marcs  d'argent. 
Le  légat  garda  pendant  5  jours  la  couronne  et  le  sceptre, 
les  rendit  ensuite  au  prince  qu'il  avait  achevé  de  déshonorer; 
et,  sans  lever  encore  l'interdit  général,  sans  prononcer  l'ab- 
solution de  Jean ,  il  repassa  en  France  où  il  défendit  à 
Philippe-Auguste  de  poursuivre  l'expédition  projetée  contre 
la  Grande-Bretagne.  Nous  avons  exposé  ailleurs  les  suites 
de  cette  défense.  _  xyT.' "'aSci^ 

Etienne  Langton  ,  après  738  ans  d'exil,  rentra  en  Angle^  de  Phn.-Aug.  et 
terre  avec  les  autres  prélats  bannis.  Ils  .se  présentèrent  tous  de  Louis  viii. 
à  Winchester  devant  le  roi,  qui,  se  prosternant  à  leurs  pieds»  *"<:'  *"»' 
implora  leur  pitie  pour  iui-meme  et  pour  son  royaume.  Le  iH'i,  187,  189, 
cardinal  le  releva,  le  conduisit  à  l'église,  et  lui  fit  prêter  «90.  «9*. '9^. 
publiquement  le  serment  de  protéger  leclereé,  de  rétablir  ô^''  '^.  '/^^ 

Il  1    •         J'     1      ■        ..  '       I'  1      •  I      "y™er,  t.  l,p. 

les  bonnes  lois,  d  aummistrer  régulièrement  la  justice,  de  184,196,197, 
rendre  aux  communautés  et  aux  personnes  leurs  libertés  et  200,201,103, 
leurs  privilèges.  Aces  conditions,  Langton  prononça  l'abso-  ^°J'***  ' '°  ' 
lution  de  Jean-sans-Terre,  qui,  pour  se  montrer  exempt  de 
tout  reste  d'inimitié,  admit  le  cardinal  à  sa  table.  Il  ne  pa- 
raît  pas   que  les   ressentiments  de  Langton  fussent   aussi 
[)leinement  éteints;  car  il  est  l'homme  qui  depuis  a  suscité 
e  plus  de   nouveaux  embarras  au  monarque.  Les  barons 
ayant  refusé  les  services  militaires  qui   leur  étaient  com- 
mandés ,   Jean  prenait  les  armes  pour   les  contraindre   à 
l'obéissance:  l'archevêque  de  Cantorbéry  alla  le  voir  à  Nor- 
thampton  ,  et  l'avertit  que  ce  serait  violer  .ses  serments  que 
de  faire  la  guerre  à  des  seigneurs  qui  n'étaient  pas  juridi- 
quement condamnés.  Jean  ne  tint  aucun  compte  de  cet  avis,  il 
Tome  XVIII.  H 


58  ETIENNE  LANGTON, 


XIII  SIECU,. 


marcha  vers  Nottingham  :  le  prélat  le  suivit ,  et  se  déclara 
résolu  à  excommunier  tous  ceux  qui  oseraient  s'armer  avant 
la  levée  de  l'interdit  général.  Cette  menace  eut  un  plein  effet, 
l'entreprise  fut  abandonnée.  Peu  de  jours  après,  il  se  tint  à 
Londres  une  as.semblée  de  seigneurs  ecclésiastiques  et  sécu- 
liers :  Langton  s'y  plaignit  amèrement  du  roi,  qui,  loin  de 
rétablir,  comme  il  l'avait  juré,  les  privilèges  des  clercs,  des 
nobles  et  du  peuple,  avait  pris  les  armes  contre  des  barons 
non  jugés.  Mais  quel  moyen  emploierait -on  pour  obtenir 
l'accomplissement  des  promesses  royales.^  Le  cardinal  avait 
retrouvé  dans  un  monastère  une  copie,  peut-être  unique, 
de  la  charte  émanée  de  Henri  i",  en  l'année  iico;  il  en 
donna  Itnture:  on  vit  qu'elle  renouvelait  les  privilèges  dont 
les  Anglais  avaient  joui  sous  les  rois  saxons,  et  abolissait 
les  dispositions  contraires  introduites  par  Guillaume- le- 
Conquétantet  par  Guillaume-le-Roux.  Cet  acte  servit  de  base 
aux  résolutions  des  seigneurs  confédérés  à  la  fin  de  12 13, 
pour  le  soutien  des  intérêts  nationaux  contre  la  cour. 

En  121 4,  arrive  le  légat  Nicolas,  cardinal-évêque  de  Tuscu- 
lum  :  il  met  pour  condition  à  la  levée  de  l'interdit  une  seconde 
résignation  du  royaume,  à  laquelle  Jean  consent  encore,  et 
une  nouvelle  charte,  contre  laquelle  Langton  proteste,  parce 
qu'elle  modifie  celle  de  121 3  en  ce  qui  concerne  les  libtrtés 
publiques.  Innocent  III,  quoique  très-offensé  de  cette  oppo- 
sition d'un  membre  du  sacré  collège  aux  résolutions  de 
l'Eglise  romaine,  ne  laissa  point  d'abord  éclater  le  courroux 
qu'il  en  ressentait  :  il  lui  suffit  de  mortifier  Langton,  en 
donnant  à  Nicolas  le  pouvoir  de  disposer  de  tous  les  béné- 
fices vacants  dans  les  îles  britanniques.  Nicolas  en  conféra 
un  grand  nombre  à  des  Italiens,  à  ses  amis,  à  ses  parents  : 
Fieurj,  nist.  l'archevêque  de  Cantorbéry  dénonça  cet  abus  au  pape,  et 
i'ccies.,i.Lxxvii,  envoya  son  frère  Simon  à  Rome,  afin  de  poursuivre  l'appel. 

11.  3o,n.  38.         m    •    *  I  ^       1    •      •      1-  '  T  .  I 

31ais  Innocent,  deja  indispose  contre  Langton  par  les  rap- 
ports de  Pandolphe,  approuva  les  mouvements  du  légat,  rédui- 
Annai.  Wa-  sit  à  4oi00o  marcs  les  sommes  à  payer  par  le  roi  pour  toute 
Ma'ih  West'mô-  réparation  de  dommages,  et  ordonna  de  leverenfin  l'interdit. 
nast.,  p.  274,  Le  cardinal  Langton  prit  part  à  tous  les  actes  des  sei- 
375,277. Hume,  gneurs  anglais,  et  put  être  considéré  comme  leur  chef, 
an."ilfi  ',2^5'  quoiqu'il  affectât  quelquefois  de  remplir  la  fonction  de 
Gervasii  '  Epist.  médiateur  entre  eux  et  le  roi.  Il  est,  en  sa  qualitéde  primat 
apuii  Hus.  nin-  d'Anglelcrrc ,  nommé  daus  le  préambule  de  la  grande  charte, 
I  "p.  1819."'  '  ''  <^o™™^  '^  premier  de  ceux  en  présence  desquels  Jean  signa  cet 


xni  SIÈCLE. 


CARDINAL.  5g 

acte  mémorable  en  iai5.  Nul  n'avait  plus  que  Langton  con- 
tribué à  l'obtenir.  Le  pape,  à  la  prière  du  faible  et  infidèle 
monarque,  condamna,  cassa  la  grande  charte  et  la  charte 
des  forêts,  excommunia  les  barons,  et  fit  ordonner  au  primat 
de  fulminer  ces  anathèraes.  Sur  son  refus  d'obéir,  les  com- 
missaires du  pape  publièrent  les  bulles,  suspendirent  le  prélat      ^!<'"7'  "'"' 

,  „  .rli....  ,'  j'T»  eccles.,1.  Lnvii, 

de  ses  fonctions,  et  lui  enjoignirent  de  se  rendre  a  nome.  ^  ^3 
11  s'y  présenta,  et  faillit  être  déposé:  Innocent  se  contenta  de 
confirmer  sa  suspension,  et  d'annuler  l'élection  de  son  frère 
Simon  à  l'archevêché  d'York.  Etienne  n'obtint  son  propre 
rétablissement  qu'à  la  condition  de  ne  retourner  en  Angle- 
terre qu'après  la  fin  des  troubles.   Il  n'y  était  pas  rentré,  en 
1216,  quand  Louis,  fils  de  Philippe-Auguste,  recevait  à  Lon- 
dres les  serments  des  barons  et  des  bourgeois.  Mais,  au  mépris 
des  ordres,  des  menaces,  des  anathèmes  de  la  cour  de  Rome, 
Simon  Langton,  frère  du  primat,  se  déclara  en  faveur  du 
prince  français ,  qui  lui  conféra  la  charge  de  grand-chancelier. 
Etienne  revint  sous  le  règne  de  Henri  III.  Il  fit,  en  1219,  la 
translation   du   corps   de   Thomas   Bekket ,   et    n'épargna 
rien  pour  donner  ne  l'éclat  à  cette  solennité,  qui  attira  de 
Londres  à  Cantorbéry  une  foule  de  spectateurs.  Des  vivres 
furent  fournis,  dans  ce  trajet,  à  tous  ceux  qui  en  demandè- 
rent; le  vin,  pendant  tout  le  jour  de  la  cérémonie,  coula 
dans  des  canaux  qui  le  distribuaient  aux  différents  quartiers 
de  la  ville.  La  dépense^  s'éleva  si  haat,  que  Boniface,  qua- 
trième   successeur   d'Etienne  ,  put  à  peine   achever  de  la 
payer.  C'est  de  Henri  KnigthonqUe  nous  tenons  ces  détails:     DeEventibAn- 
Facta  est  translatio  beati  Thomœ  martyris  per  Stephanum  6'3f.<^o-^4  o. 
archiepiscopum  ,  qui  durante  solemnitate  exhibuit  cuiqûe 
petenti  J'œnum  et  prœbendam  à  Londonid  usque  ad  Can~ 
tunriam  itineranti.  Fecit  etiam,  per  totum  diem  translationis, 
vinum  jugiter  in  canalibus  per  varia  urbis  loca  distillare  ; 
undè  et  expensas  quas  Stephanus  in  hdc  solemnitate  exhi- 
buit,  quartus  ejus  successor  Bonifaciu4  vix  exsolvit. 

Le  premier  couronnement  du  jeune  Henri  III  avait  été 
trop  peu  solennel,  un  petit  nombre  de  grands  du  royaume 
y  avait  assisté:  on  jugea  convenable  de  le  renouveler,  et  ce      Maiih.  Paiis, 
fut  Etienne  langton  qui  fit  cette  cérémonie  en  1220.  Ce  Pfs  ''^ J'^''' 

.,  .  "      ^        •  1    .  1  •  '    •  I  'I"         leans ,    nevolul. 

prélat  avait  restaure  son  palais  archiépiscopal  et  son  eguse  d'Angiet.,  i.i.p. 
métropolitaine;  il  avait  remeublé  et  enrichi  l'un  et  l'autre  459-463. 
édifice;   on  parle   surtout  de  l'horloge, qui  lui  coula  une      '"*','''  7,™' 

1.  '  •  1  -       1  1       i»j     •  •        •        I  1  •»    «nonast.  «d  ann. 

somme  d  argent  considérable.  Mais  son  principal  soin  devait  ,,j,,n.  i«. 

H  2 


6o  ETIENNE  LANGTON, 

'- 1  être  de  rétablir  la  discipline  ecclésiastique,  fort  affaiblie  ou 

1222,11.19,20.  plutôt  même  abolie  depuis  1207.  Il  tint  en  J2'.22,  à  Oxford, 
?222'"n'Aitî"h'  ""  concile  provincial  dont  les  statuts  peuvent  être  regardés 
Fiorc5Hisi.cai<f.  commc  SOU  ouvragc.  Cette  assemblée  condamna  pour  crime 
II,  p.  255.  Ou-  d'hérésie  un  imposteur  qui  séduisait  les  peuples  en  mon- 
dé" ScJTe'ccT  trant  sur  ses  pieds,  sur  ses  mains,  sur  son  côté  des  stigmates 
t.  II,  p.  1698.'  pareils  aux  plaies  de  Jésus-Christ.  Oo  lui  fit  subir,  pour 
SjKiinaii,Con-  p|i,s  Je  ressemblaiicc,  le  supplice  de  la  croix;  et  l'on  brûla 
1V5  "fs'i''  wii-  ""  diacre ,  anathématisé  par  le  même  synode  :  tant  on  était 
kiDs,'concii.Bii.  loin  de  sortir  encore  de  l'âge  des  superstitions  et  de  la  bar- 

UiiD.,  t.  II,  ann.    I^gi^Jg  { 

Maith  West-  Langton  reparaît  en  1228  ,  à  la  tête  des  grands  du  royaume, 
mon.Fioiii.Eccl.  qui  réclamaient  la  confirmation  et  l'exécution  de  la  grande 
*°6'  charte.  Un  conseiller  d'état,  que  Matthieu  Paris  nomme  Guil- 

21*0  ^"*'  laume  Briwez,  leur  répondit  qu'il  était  déraisonnable  de 
solliciter  l'accomplissement  d'une  charte  extorquée  par  la 
violence.  Indigné  de  ce  propos,  l'archevêque  répliqua  qu'un 
conseiller  qui  aimerait  véritablement  le  roi  ne  chercherait 
point  à  le  rendre  infidèle  et  à  replonger  le  royaume  dans  des 
troubles  à  peine  apaisés.  Henri  III,  qui  n'avait  alors  que  16 
ans,  s'empressa  d'adopter  l'avis  du  prélat,  et  déclara  aux 
députés  que  son  intention  était  d'observer  les  deux  chartes 
de  son  père  avec  la  plus  scrupuleuse  exactitude.  Mais  il  avait 
déjà   mal  tenu  cette    promesse,   lorsque    Etienne   Langton 

Maiih.Weît.,  mourut  le  9  juillet  1228,  à  Slindon,  dans  la  province  de  Sus- 

Bzovius,  dAiti-  g^^   Le  corps  du  primat  fut  rapporté  à  Cantorbéry,  et  inhumé 

dans  la  chapelle  de  saint'Michel,  où  son  tombeau  se  voit 

Bzov.,adanii.  ejjcoic.  En  12^1  ,  Henri  Stanford,  évêque  de  Rochester,  et 
un  prêtre  qui  avait  été  aumônier  ou  sacristain  d'Etienne, 
assurèrent  publiquement  qu'après  l'entière  expiation  de  ses 
fautes,  il  venait  d'entrer  en  paradis  avec  le  roi  Richard.  Les 
faits  dont  sa  vie  se  compose  tiennent  si  étroitement  aux 
annales  de  l'Anerleterre  et  à  celles  de  l'Eglise,  que  la  plupart 

R.ioldeDicelo,      ,  ,  ^  •   .        ,  ■  -  \  ■ 

clnoii.,  ad  ann.  "cs  clirouiqueurs  occiûcntaux  du  moyen  âge  ont  eu  occasion 
1207. -Bibiioi.  de  parier  de  lui.  Nous  nommerons  seulement,  au  xiii'"  siècle, 
pp.  Cisitri,  II,  j^aoul  de  Diceto  qui  lui  a  dédié  l'histoire  des  archevêques 
His".*'  ma^'',  ^  tie  Cantorbéry,  Robert  Abolant,Césaire  d'Heisterbach,  Mat- 
i55-2i3.— Fio-  thieu  Paris,  Matthieu  de  Westminster,  Henri  de  Gand  ;  au 
— i/'rlnd""''e  '"^'"^  Higden,  Henri  de  Knigthon  ;  au  xv%  Thomas  Netter 
.Scripi  écdts.,c^  "U  V\  aldensis,  Thomas  de  Walsingham ,  J;ic(jues  de  Bergame. 
27 — Poivihro-  Les  hi.storiens  modernes,  ou  postérieurs  à  la  n  i5oo,  seraient 
iii.on,  I  vu.—  jçj  IjJ^.jj     |yg  nombreux  :  on  peut  citer  comme  les  plus  in- 

Vuclnnakaoliq..  '  *  * 


CARDINAL.  6i 

.„     „    ,      ,  ^r-       M  .,    ,  r^-  ■  XIII  SIÈCLE. 

structus  Polydore  \  irgile  et  Alphonse  Liaconius,  au  xvi^ 

siècle;  Oldoini,  François  Godvvin,  Bzovius,  Spondaniis,  Us-  fiJ— Hypodig- 

serius,d'Attichy,Ughelli,  Rinaldi ,  duBoulay,  VVharton  et  AlfamimPor 

Aubéry,au  xvii*^;  et  depuis  i7oo,Fleury,  Rapin  Tlioyras  ,  chionici— sup- 

Mosheim ,  D'Orlëans,  David  Hume,  M.  Lingard.  .  . .;  outre  pi  tiiionic.ann. 

les  biblioL^raphes  que  nous  indiquerons  à  la  fin  de  cet  article.    "■'^,„  „. 
„       .    "     r;  .      T      ,  1  ^  1.  .  Pol-V,  Hisior. 

Quoique  htienne  Langton  appartienne  en  propre  a  1  An-  Angiiœ,!.  xv  et 

gleterre,et  qu'il  soit,  à  beaucoup  d'égards,  étranger  à  la  "m  — DePiœsu- 

France,  nous  donnerions  quelque  étendue  à  la  notice  de  ses  ■''' ^ngi.— Oac. 

écrits  s  lis  avaient  conserve  assez  d  intérêt  ou  a  utilité  pour  caidin.,  ii,  3i, 

être  encore  dignes  d'une  longue  attention.  Mais  il  s'en  faut  Sa,  33 — oïd. 

qu'ils  aient  l'éclat  de  ses  actions  et  de  ses  dignités;  et  nous  f''''"n~^rf^'^" 

devons  avouer  que,  depuis  deux  siècles,  ils  ne  sont  a  peu  Angiia- commen- 

près  d'aucun  usage  en  littérature  sacrée  ou  profane.  La  plu-  ««''"s.   —  Bz. 

part  consistent  en  commentaires  de  la  Bible:  il  a  expliqué  "'"'  ^'='='^^»»^ 

tous  les  livres  de  1  Ancien-lestament ,  a  1  exception  de  celui  tiC  — Sp.  An- 

qui  est  intitulé  la  Sagesse,  sur  lequel  aucun  écrit  de  sa  com-  ""'  >  1207,  n.  4; 

position  n'est  indiqué  nulle  part.  Les  gloses  qu'il  a  jointes  à   '^",  '.^' Tu^" 

I  '.  '  .  y  1  1    •!    I-        1  sei  .Aiitiquil.  bri- 

tous  les  autres  subsistent  manuscrites  dans  les  bibliothèques  laim.,  p.  154.— 
d'Angleterre,  dans  les  débris  de  quelques  bibliothèques  u'Aniciiy ,  fio- 
cisterciennes  de  France,  et  dans  la  Bibliothèque  royale  de  T  'Jw-îSe''' 
Paris,  .\ucune  partie  de  ce  volumineux  commentaire  n'a  été  lyi.  iiai.  sacia. 
imprimée;  du  moins  nous  n'en  voyons  pas  une  seule  édition  '';'>"  Annal.,  t. 
citée  par  les  bibliographes  :  seulement  Etienne  Langton  est  uû'!  Pan"s'  "l'n 
un  des  3o  auteurs  qu'Othoman  Luscinius,  de  Strasbourg,  710,711.— '^vh! 
bénédictin  du  xvi^  siècle,  a  mis  à  contribution,  pour  com-  ^'igiia  sacra,  i, 
poser  un  volu.me  in-8',  imprimé  deux  fois  à  Paris,  en  i5'Jo  1'?' W'"*^!" 

r  1  •  I  yï7  ■  -1  ,        .        Aul).    liisl.     des 

et  en  \0']q^  sous  le  titre  de  AUegonœ  nniui  et  tropologuv  cardinaux.— fi. 
in  locos  utriusque  lestamenti  selectlores ,  deproinptœ  et  in  or-  "'^'-  l'cit^».,  1 
dinem  disestœ  è  monumentis  tripinta  auctorum.  '"'^V';";?^"^^ 

II  est  a  propos  d  observer  que  le  trere  du  prélat  de  <Us,  §.  xm,  t. 
Cantorbéry,  ce  Simon  Langton  dont  nous  avons  déjà  parlé,  n.  c. 2,11.  8,— 
vécut  jusqu'en  19.48  ,  devint  archevêque  d'York  ,  et  laissa  un  ?r?''   ^' Ji^s- 

•>        ^.  ,  , ,  .  j         /"  •  1  ■        ^  '^-     —   Hum. 

commentaire  du  Cantique  des  Cantiques ,  dont  une  copie  Piimtag. ,  c.  xi 
manuscrite  s'est  conservée  dans  la  Bibliothèque  Bodléienne.  — i  i"oai*i.iii;iH 
Il  se  pourrait  que  ce  commentaire  fût  le  môme  que  celui  ''"^^ ,','"' .^  !' 
quLtienne  Langton  a  passe  pour  avoir  tait  sur  le  même  tai  ,p.  i,n /o...,, 
livre  sacré;  c'est  un  point  qui  ne  pourrait  être  éclairci  qu'en  ^"'»T'  '^"t^;  P- 
Angleterre,  par  la  comparaison  des  manuscrits.  On  a  lieu  de  i'^  "  ^io,  838, 
croire  qu'Etienne  n'a  commenté,  de  tout  le  Nouveau-Testa-  i,/-i,  i.,7j;  p! 
ment ,  que  les  épîtres  de  saint  Paul ,  et  quelques  autres,  appe-  i"-  "  ■"^.  ^  ^''. 
lées  canoniques  :  il  n'est  dit ,  dans  aucune  des  relations  ou  '' ':)• 't:"'^'iJ. 

T  lay»  ,      1422  , 


Gu  ETIENNE  LAxNGTON, 

•  nu  SIECLE.  .  ,  ,.,..,.  , 

. notices  qui  le  concernent,  quil  ait  rien  écrit  sur  les  quatre 

1427  ,    1428  ,  Evangiles,  ni  sur  les  Actes  des  apôtres,  ni  sur  l'Apocalynse. 
.\^'''*'<:é^°^c  a'       Pour  apprécier  son  travail  sur  les  autres  livres  de  la  Bible, 

IV,n. 560,1578,    .,  c      ^        '^^  r    U      ^         '1  1  1  1 

7107  ,  7109  ,  il  raut  remarquer  u  abord  qu  il  le  commença  en  remplissant 
7169,8057.—  la  fonction  de  professeur  de  théoloeie.  Ce  fut  lui,  à  ce 
820— Ges-  qu'assure  Tritheme,  qui  introduisit  l'usage  d'expliquer  l'E- 
Der,Bibiioth.,i).  criture  sainte  dans  les  cours  publics,  et  d'y  puiser  la  matière 
764,  col.  2.—  d'mi  enseignement  moral  et  moelleux  :  Primas  Scripturam. 
th'eol"  i'n°V  ^<^^^^^^  meduUitùs  et  moraliter  exponere  cœpit ,  et  hinc  mos 
647.  inolevit  ut  magistri  theologiœ  divinos  lihros  suis  lecturis  in 

Tiiih.DeScrip.  ^choUs  discipuUs  lucidUis  aperirent.  Des  leçons  de  ce  genre 
ec:es.,n.  422.  J^y^y.^\^y^^  ^{^^  gjips  contredit,  fort  profitables,  si,  après  une 
explication  littérale  et  positive  des  textes  sacrés,  les  profes- 
seurs s'étaient  appliqués  à  en  déduire  les  conséquences  mo- 
rales les  plus  directe.s  et  les  plus  pratiques.  Mais  telle  n'a 
été  la  méthode  ni  d'Etienne  Langton,  ni  de  ses  contempo- 
rains, ni  de  ses  successeurs.  C'était  à  de  mystiques  allégories, 
à  des  tropologies  imaginaires,  qu'ils  donnaient  le  nom  de 
commentaires  moraux.  Dédaignant  surtout  le  sens  immédiat, 
comme  trop  matériel,  ils  s'étudiaient  à  découvrir  sous  les 
mots,  sous  les  syllabes,  sous  chaque  détail  grammatical  ou 
numérique,  sous  les  moindres  particularités,  des  intentions 
mystérieuses  que  personne  avant  eux  n'avait  aperçues  ni 
soupçonnées.  Voilà  ce  qu'ils  appelaient  la  moralisation  de  la 
Bible  :  il  s'agissait  non  de  recueillir  l'instruction  que  les 
livres  saints  présentent,  mais  de  deviner  celle  qu'ils  devaient, 
disait-on,  receler.  Etienne  Langton  excellait  dans  cet  art;  il 
passait  pour  ne  le  céder  à  personne  en  philosophie  aristo- 
Script.iU. mjj,  télicienne,  c'est-à-dire  en  subtilités  scholastiques.  Jean  Baie 
lui  reproche  d'avoir  répandu  le  goût  des  interprétations 
arbitraires  et  superstitieuses.  C'est,  ajoute-t-il,  un  usage 
diabolique,  qui  a  fait  trop  de  progrès,  au  préjudice  de  la 

vraie  doctrine  chrétienne.  Stephanus  Langton in  philo- 

sophid  aristotelicd  nulli  habebatur  secundus.  Utramque  theo- 
logiam,  et  scholasticam,  et  interpretativam,  ingenio  callidus, 
novo  prœlegeiidi génère ,  per  subtilitates  docuit;  scripturasque 
sacras  niultis  annis  quàm  superstitiosè  per  allegorisationes 
et  moralisationes  exposuit ,  qui  mos  diabolicus,  unoquoque 
ferè  pro  suo  ipsius  interprétante  commodo ,  in  maximum  rei 
christianœ  nocumentum ,  ad  hanc  nostram  œtatem  semper 
in  deterius  accrerit. 

On  a  long-temps  attribué  au  cardinal  Langton  une  concor- 


BriiaDQ 


XIII  SIECLE. 


CARDINAL.  63 

dance  de  la  Bible,  Concordia  utriusque  Testamend ,  ou  du 
moins  la  division  des  livres  saints  en  chapitres,  sinon  encore 
en  versets.  Ce  serait  là  le  plus  recommandable  de  ses  tra- 
vaux; mais  l'opinion  la  mieux  établie  est  que  ces  moyens  de     Quenstedi,Aii- 
trouveret  de  rapprocher  des  textes  semblables  ou  parallèles,  "q  '"'>''i*  «-i  ec- 

.1         «    fj  j     o    -     •.   /^L  •        •  1'  des.,  p.  02.  Le 

sontdusa  Hugues  de  aamt-Cher,  ainsi  que  nous  1  exposerons  BeuLDissert.sm 
dans  l'article  concernant  ce  dominicain,  qui  a  été  aussi  car-  l'Hist.  de  Paris, 
dinal.  Il  est  peu -croyable  qu'Etienne  Laneton  se  soit  livré  à  '    ''-  P-   '''^' 

di  1  -11-  .       •  '    •  ■>  .      1'  i'i4-— Le.Lonjr, 

es  recherches  si  laborieuses  et  si  précises:  ses  goûts  len-  Bibiiot.,s.n./,57. 

traînaient  à  de  tout  autres  genres  d'études.  Peut-être  l'aura-      Fabiic. ,  Bi- 

t-on  confondu  encore  avec  un  Clément  Langton,  chanoine  ^''"î''-  ""'''   ""^ 

...  J        j  inf.  laliDil.,l.lV, 

anglais  qui,  vers   1170,  composa  une  concorde  des  quatre  p.  242^ 
Evangiles.  L'archevêque  de  Canlorbéry  étant  resté  le  plus 
célèbre  de  tous  ceux  qui  ont  porté  le  nom  de  Langton ,  les 
bibliographes  ont  été  facilement  induits  à  lui  attribuer  les 

Productions  de  ses  homonymes.  Les  siennes  étaient  déjà  nom- 
reuses;  mais,  comme  nous  l'avons  dit,  peu  importantes. 
On  a  conservé  manuscrits  ses  sermons  de  Tempore  et  de 
Sanctis ,  c'est-à-dire  sur  le  cours  de  l'année  ecclésiastique  et 
sur  les  fêtes  de  saints;  d'autres  instructions  adressées  aux      oudin  ,     d« 
prêtres,  et  contenant  une  explication  mystique  des  dix  plaies  ii"^!^^!  '^"o'^'  ' 
d'Egypte,  ad  sacerdotes  de  dccem  plagis ;  un  discours  sur 
l'assomption  de  la  Vierge  Marie,  et  quelques  autres  haran- 
gues ou  homélies.  Nous  ignorons  si  deux  écrits,  dont  on  le 
dit  l'auteur,  et  qui  sont  intitulés  l'un  ,  de  Benedictionibus  in 
morte  Ebal,  l'autre   de  Maledictionihus ,   ont   la  forme  de 
prédications.  Baie  ne  leur  donne  que  le  nom  de  livres,  et  ne     Srripi.iii.maj. 
dit  point  en  quels  dépôts  ils  se  peuvent  retrouver.  II  cite  Bmann. 
aussi,   et  comme  l'ayant  vu,  l'Hexémeron,  poème  en  vers 
hexamètres  sur  l'ouvraee  des  six  jours,  dont  Leyser  a  depuis      *?"'■  .  P,°*°' 

J  ,  ,  ."  J  '  J  V  med.   aevi  ,1.1, 

donne  quelques  extraits.  p.  gg^^  g^j 

Des  vers  français  intercalés  dans  des  sermons  manuscrits 
qui  portent,  dit-on,  le  nom  d'Etienne  Langton,  l'ont  fait 
compter  au  nombre  des  poètes  anglo -normands  du  xui* 
siècle.  Par  exemple,  on  lui  attribue  cette  stance  :  m.  Deuiiui, 

Arcl.aoloBia,  l. 

Bêle  Aliz  matin  leva,  XUI,p.  iji 

Sun  cors  vesti  et  para  ,  M.Ro{|uefort,D<- 

Enz  un  vergier  s'en  entra ,  la  poésie  franc. , 

Cink  flurettes  y'truva  :  P-    ^45,    24/1, 

Un  chapelet  fet  en  a  ^^7  .  *68. 

De  bel  rose  flurie. 

Pur  Deu  trahez  vus  en  là 

Vus  ki  ne  amez  mie. 


64  ETIENNE  LANGTON, 

XIII  SIÈCLE     j^g  sermon  applique  chacun  de  ces  vers  à  la  Sainte  Vierge: 

Geste  est  la  hele  Aliz. 

Geste  est  la  flur,  ceste  est  le  liz. 

Le  cardinal  était  doue  d'une  imagination  assez  vive  et  de 
talents  assez  variés  pour  qu'il  ait  pu  composer  de  pareils 
vers.  Mais  aucun  de  ses  contemporains,  aucun  bibliographe 
avant  l'an  i  800  ,  ne  l'avait  soupçonné  d'avoir  parsemé  ses 
sermons  de  poésies  en  langue  vulgaire.  Peut-être  aurait-on 
besoin  de  renseignements  plus  précis  et  plus  détaillés,  pour 
s'assurer  de  l'authenticité  cie  celles  dont  il  a  été  depuis  si  peu 
de  temps  déclaré  l'auteur. 

Oudin  a   le  premier  indiqué  le  manuscrit  d'une  somme 

théologique  compilée    par  Etienne    Langton  ;  et   Mansi   y 

ajoute,  dans  l'édition  in-4°  de  la  Bihliotheca  niediœ  latini- 

T.iv.p.  2',2,  tatis  \\q  Fabricius,  une  somme  de  Diversis ;  mais,  de  toutes 

*4^*  les  sommes  rédigées  au  xiii^  siècle,  celle  de  saint  Thomas 

est  la  seule  qui  ait  conservé  du  renom  et  de  l'importance. 

Plusieurs  autres  livres  ou   traités  théologiques  du  cardinal 

archevêque  de  Cantorbéry  ont  été  cités  sous  les  titres  sui- 

Baie,  deVisch,  vauts  ".  Repettùones  îectionum  ;  Documenta  clericorum;  de 

Ouiiin,  Fabnc,  ^acerdotihiis  Deum  nescientibus ;   de  verd  Pœnitentid ;  de 

Mansi.ubi  supra.  .,.,..,  ,    ,  ;  •  t  ri  '       •         i> 

Mss.  Boid   (a-  Siinuitudinibus  ;  Adam,  ubi  esP  H  se  peut  que  ces  ecrits-la, 
tai   Mss.  anj;!  ,  qu  du  moins  quclqucs-uns ,  ne  soient  que, des  extraits  du 
pirt.  I, n  200,.  commentaire  sur  la  Bible  ou  des  sermons  d'Etienne.  On  con- 
naît mieux  ses  4^  constitutions   ecclésiastiques;  elles  font 
partie  des  actes  du  synode  d'Oxford ,  de  1 222 ,  dans  la  collec- 
tion des  conciles  d'Angleterre  de  Wilkins,  et  elles  avaient 
T.    I,    ann.  gté  im|)rimées,  dès  i55(),  à  Londres,  in-8°  :  rien  n'y  est  fort 
'tr^  ~~oo^T''    remarquable.  Elles  tendent  au  rétablissement  de  la  discipline 

i5i9,in  o",Oio-  T  I  '        1       •     '     1         '    •   I  1  • 

nii  1603,10-8°.  canonique,  recommandent  la  régulante,  la  résidence,  le  cé- 
libat, et  règlent  divers  détails  du  régime  des  églises.  Jean 

Annotât.       in     ,^.         \  o  .  D  ^  D 

Anseimi  epist.  Picurd  a  recueilli  plusicurs dccrets  du  même  prélat  ;  VV  harton 
6j,p.572,coi.i.  rapporte  celui  qui  concerne  les  immunités  de  Westminster. 

Ansi.sacia,p.  j^j^eppe  ^  laissc  dc  lilus  dcs  statuts  relatifs  au  droit  de  patro- 
147-n,.  »  •■  1 

Bii>l.  m.ii.  et  nage  et  aux  causes  matrimoniales. 

inf.  iat.,t.  iv,p.  Sa  lettre  au  roi  Jean,  et  la  réponse  de  ce  prince  sur  les 
**^'  démêlés  dont  nous  avons  parlé,  se  lisent  dans  le  Spicilége 

T.ui,p.i7o.  de  Dachery.  Toutes  deux  sont  fort  courtes  :  le  cardinal  se 
dit  promu  à  la  chaire  de  Cantorbéry  par  une  élection  géné- 
rale :  Personam  nostram  fratrum  electio  generalis  cantua- 


CARDINAL.  65 

,      ,  7  •  -,  I    •  1  1  ,  ^I"  SIKCLF. 

nensi  cathedrœ  suhrogavit ;  et  il  se  plaint  des  obstacles  ap 

portes  à  son  installation.  11  avertit  le  roi  des  périls  auxquels 
il  s'expose,  en  demeurant  sous  l'interdit,  et  de  la  ruine 
prochaine  de  tout  royaume  que  la  clémence  du  prince  n'af- 
fermit pas  :  Regnum  diii  stare  non  poterit ,  cujus  statuni 
vera  régis  clenientia  non  cornniunit.  Jean  répond  qu'une 
élection  est  nulle  quand  elle  n'est  pas  l'ouvrage  de  la  plus 
grande  et  de  la  plus  saine  partie  des  électeurs  :  Re\>ocan 
débet  in  irrituni  oninis  electio  quani  pars  major  et  sanior 
consensus  siii  non  rohoratfulcitnento.  En  conséquence,  il  ne 
saurait  tenir  compte  des  anathèmes  d'un  liomme  qui  n'est 
légalement  revêtu  d'aucun  pouvoir  en  Angleterre.  D'autres 
épîtres  du  prélat  sur  le  même  sujet  ont  été  annexées  par 
Wilkins  aux  actes  du  concile  d'Oxford,  et  n'ajoutent  rien  à 
ce  que  nous  avons  dit  de  ces  démêlés.  Mais  il  nous  reste  à 
parler  de  certains  écrits  d'Etienne  Langton  qui  appartien- 
draient en  effet  au  genre  historique ,  si  leur  authenticité  était 
bien  constante.  ^    „      , 

Vossius ,  sans  citer  aucun  manuscrit  m  aucun  témoignage,  ^  \\  ^  f,(j 
le  déclare  auteur  d'un  livre  de  Factis  Mahumedis.  Ce  serait 
apparemment  une  sorte  d'histoire  de  Mahomet.  Nous  avons 
un  peu  plus  de  renseignements  sur  une  vie  du  roi  d'Angle- 
terre, Richard,  que  Langton  paraît  avoir  réellement  écrite; 
car  Higden  en  fait   une  mention  expresse  dans  son   Poly- 
chronicon;  et  Henri  de  Knigthon  en  a  inséré  un  abrégé  dans      Poivdnon. 
son  ouvrage  de  Eventibus  Angliœ,  ainsi  qu'il  le  déclare  en      lyLii.c.'^, 
termes  formels  :  Mortuo  rege  Henrico...  successif  Jilius  suus 
Richardus per  deceni  annos  regnaturus ,  cujus  mores  et  actus 
Stepkanus  cantuariensis  luculenter  descripsit  :  et  ne  prœsens 
historia  careat  insigniis  tanti  ducis ,  libruin  illum  Stepliani 
curàni  studui  declarare.   Une    copie    manuscrite  du    livre 
d'Etienne  (  si  ce  n'est  pas  de  l'abrégé  de  Knigthon  )  existe  à  ^^^^^   '"'hiIT 
la  Bibliothèque  du  Vatican.  i,i.,  ùi, <•  56. 

D'Attichy  raconte,  d'après  Hugues  Ménard,  que  le  car-      Mhks,  Hi't 
dinal  Etienne  composa  une  vie  de  saint  Thomas  de  Cantor-  '  l'r'  '  '    ''  "^ 
béry,  et  la  nomma  Quadrilogus ,  parce  qu'il  l'avait  recueillie     ohserx  inMar- 
des   relations   de    quatre    disciples    du    vénérable  martyr,   t\roi  iimcd. ,  i 
lesquels  étaient  Héribert  de  Boséham  ,  depuis  cardinal  ;  Jean  "'  ^'^  ^^   **^ 
de  Salisbury;  Guillaume  Sléphanides,  et  Adam,  abbé  de 
Tékelbury;  mais  il  est  certain  que  Ménard  et  d'Attichy  se 
sont  trompés.  En  effet,  le  Quadrilogus  est  imprimé,  et  nous 
y  lisons  qu'il  a  été  rédigé,  compilatus  et  compositus ,  sous  le  i^^o      ' 

Tome  XVllI.  I 


66  ETIENNE  LANGTON,   CARDINAL. 


Xin  SIECLE. 


pontificat  de  Grégoire  XI,  vers  iSji ,  plus  de  i43  ans  après 
la  mort  d'Etienne  Langton.  Ajoutons  qu'il  difïerc  essentielle- 
ment du  manuscrit  annoncé  comme  l'ouvrage  de  ce  cardinal  : 
car  on  nous  dit  que  ce  manuscrit,  qui  se  conserve  à  Cam- 
bridi^e,  traite  en  cinq  livres  de  la  vie,  de  la  passion  et  de  la 
translation  de  Thomas  Bekket,  et  que  le  premier  livre  com- 
mence par  ces  mots  :  Prof  essores  artium  seculi  proprios.  Or, 
le  Quadrilogus  ne  contient  ni  ces  mots,  ni  rien  de  relatif  à 
la  translation  du  cor[)s  de  Thomas.  II  faudrait,  comme 
Lbisuprà.  l'observe  Fabricius,  avoir  vu  le  manuscrit  de  Cambridge 
pour  se  former  une  opinion  sur  sa  matière,  son  orisjine  et 
son  authenticité.  iSiirn  vitam  et  passionem  hujus  Thomœ 
( Stephanus J  scripserit,  illi  viderint  qui  codicem  manuscrip- 
tum  yS  in  collegio  sancti  Denedicti  cantahrigiensi  inspexerint. 
Le  seul  point  assez  bien  établi  est  qu'Etienne  a  composé  sur 
p  885-qo5  '^  translation  des  restes  de  Bekket  un  sermon  ou  opuscule 
De  Episcopis  qui  remplit  20  pages,  imprimées  à  la  suite  des  épitres  de  ce 

Londin.,etc.,  t.  personnage. 

H,  p.  677-693.       £„fi,i    d'après  un  intitulé  moderne  et  fautif  d'un  autre  ma- 

— Comment.  "Je  ^  I  .  \i         • 

.Script,  hiiiann.,  uuscrlt  de  Cambridge,  Pitz  et  Vossius  avaient  pris  pour  un 
.  22Z,.— Script,  ouvrage  de  Langton  les  annales  des  archevêques  de  Can- 
'"  '^^"J  "^'''''"'  torbérv,  queWharton  a  revendiquées  pour  Raoul  de  Diceto, 

iiiEE,  ceiït.lV,  p.  J  ^     \  iii>i- 

2,5.  —  sixt.  s.  en  les  insérant  dans  \Anglia  sacra. 

I  IV.— Voss.de       Quoiqu'il  y  ait  lieu  d'écarter  ainsi  plusieurs  articles  des 

56*'_Î!'De  Aca-  ''^tes  qu'ou    a   données   des   écrits   d'Etienne   Langton,  il 

demiisetiiiusir.  n'en  consepve  pas  moins  une  place  très-distinguée  dans  les 

Angiiae  Script.,  apuaies  littéraires,  ecclésiastiques  et  politiques,  de  son  pays 

— CeTs'^'ce^ebr  ^^  ^^  ^^"  sièclc.  Nous  avotis  nommé  les  principaux  histo- 

auctor.,  p.  284.  riens  de  sa  vie  publique:  les   bibliographes  modernes  qui 

—Script,  écoles,  ont  rédigé  dcs  notices,  plus  ou  moins  exactes,  de  ses  ouvrages 

"?!;.  îî/.Ti^:  sont  Leland,  Baie  (ou  Baleus),  Sixte  de  Sienne,  Vossius, 

—Comment,  de  Pitz ,  Pope  Blouut,  Cave,  Oudiu,  Lelong,  Tanner,  Albert 

Script.  eccies.,t.  pabricius  et  Mansi.  Après  avoir,  dans  sa  jeunesse  et  durant 

.-'.,!°' n  M^^"  sa  retraite  à  Pontigny,  cultivé  plusieurs  genres  d'études  sa- 

1702.— Bilil.sa-  ,  -1    "^         !  !•  ■  j  c 

cra,  p.820,  821.  crées  et  protanes,  il  a,  dans  [exercice  de  ses  fonctions  pu- 
— Bibiioth.  bri-  bliques,  appliqué  à  des  affaires  d'une  très-haute  importance 
'^"n'iT.Ù  "^"^"j  des  talents  distingués  et  une  instruction  fort  étendue  pour 
et  inf.  lat.,  t  IV,  le  tcmps  OU  il  vivait.'Son  influence  pendant  les  vingt-huit 
p  242,  245  premières  années  du  treizième  siècle  est  un  fait  qui  tient  à 
l'histoire  générale  des  lettres,  presque  autant  qu'à  celle  des 
troubles  civils  de  l'Angleterre.  D. 


XIII  SIÈCLE. 


JEAN. 

ABBÉ  DE  SAINT-VICTOR  DE  PARIS. 


MOBT  en  1229. 


1  RENTE-SEPT  sermons  de  Jean,  abbé  de  Saint- Victor,  à  Paris, 
conservés  manuscrits  dans  la  bibliothèque  de  cette  abbaye, 
nous  donnent  lieu  de  l'inscrire  ici  au  nombre  des  auteurs 
du  treizième  siècle.   Neuf  de  ces  discours  avaient  été  pro- 
noncés aux  chapitres  généraux  des  Victorins  ,  et  Jacques  de 
Vitry  en   préconise  l'élégance  et  la  suavité  :  Dn'inœ  predica-  ^  ^'*''  °'^'^"'- > 
tionis  epulas  de/icatas  et  suni'es.Cesneufdiscourstnùiaieutdes 
institutions  de  cet  ordre  religieux.  I^es  vingt-huit  autres  em- 
brassaient les  plus  importants  détails  de  la  morale  ascétique. 
«  Ils  étoient ,  dit  Malingre,  remplis  de  diverses  conceptions 
«  et  moralités  affectives,  procédantes  d'un  esprit  vrayement  i,    "'"!"""'*« 
«  éclaire  de  la  lumière  du  ciel.  »  Aussi  l  abbe  Lesaire  d  Heis-  453. 
terbach  parle -t -il  de  Jean  comme  d'un  personnage  d'une      Hisior.    me- 
éminente  piété;  il  le  qualifie  homme  intérieur  et  spirituel.  ^^°"  '  •       ''^■ 
Quelques-uns  l'ont  cru  auteur  d'un  traité  contre  la  pluralité 
des  bénéfices,  plus  ordinairement  attribué  à  son  contempo- 
rain Jean  de  Tours,  abbé  de  Sainte-Geneviève,  auquel  il  ne 
parait  pas  mieux  appartenir. 

L'abbé  de  Saint-Victor  était  né  en  Allemagne,  dans  le  dio- 
cèse de  Trêves  :  de  là  vient  qu'il  a  été  surnommé  quelquefois 
le  Teutonique  ;  mais  ce  surnom  s'applique  à  d'autres  person- 
nages nommés  Jean  comme  lui ,  et  avec  lesquels  il  ne  faut 
pas  le  confondre.  On  compte  jusqu'à  trois  dominicains  qui 
sont  appelés  Jean  le  Teutonique.  Lun  mourut  en  1262,  après 
avoir  été  général  des   frères  prêcheurs,  et  quelque  temps 
évêque  de  Bosnie  :  Quétif  ne  lui  attribue  que  des  lettres  en- 
cycliques. Le  second  était  de  Fribourg;  il  a,  vers  i32o,  rédigé      Script.    ord. 
une  chronique,  une  somme  à  l'usage  des  confesseurs,  et  P^dic.,  1. 1,  p. 
d'autres  écrits.  Le  troisième,  connu  sous  le  nom  de  Jean  de  "îtij'^ 
Tambaco,  a  professé  à  Prague  :  il  achevait  en  i366  wnSpe-  523-526.     '^ 
culurn,  ouvrage  mystique  en  i5  livres,  qui  a  eu  long-temps 
de  la  célébrité.  Plus  ancien  qu'eux,  Jean  de  Saint-Victor  n'a 
jamais  été  dominicain.  Sa  mère  s'appelait  Helvigée  :  c'est  ce  667-670.     '  '' 

aue  nous  apprend  un  ancien  nécrologe  de  saint  Guenauld 
e  Corbeil  (26  juin).  Il  était  fort  jeune  quand  il  vint  de 
Trêves  étudier  à  Paris.  H  se  fit  chanoine  régulier  à  Saint- 

la 


68      JEAN,  ABBÉ  DE  SAINT-VICTOR  DE  PARIS. 

Xlll  SIÈCLE.  1.   1  1    .   ^  •  '1  o   -    1.    I  1    '       I 

Victor,  sous  labne  Guarin,  et  succéda  en  laoo  a  1  anue  Ab- 

salou.  Les  papes  Innocent  III  etHonoiiusFII  lui  adressèrent 

lnnor.ni,cp    dcs  épîlies,  et  le  chargèrent  de  auelques  commissions.  On 

ifiS.Honoi.  m,  l'a  choisi  pour  arbitre  de  plusieurs  différends,  soit  entre  des 

'^"^'""^'^V   communautés   ecclésiastiques,  soit  entre  des   particuliers. 

ie«.ciiptis.  I-es  detads  de  ces  affaires  seraient  tout-a-fait  étrangers   a 

l'histoire  des  letti-es  :  ils  sont  plus  convenablement  recueillis 

dans  la  Gallia  christiana ,  où  ion  voit  aussi  que  Jean  permit 

T.vii,p.675-  aux  Victorins  de  manger  de  la  viande  trois  fois  par  semaine. 

'  ■  Philippe-Auguste,  en  fondant  l'abbaye   de  la  Victoire,  près 

de  Senlis,  en  action  de  grâces  du  triomphe  qu'il  avait  obtenu 

à  Bouvines  en  1214,  donna  cet  établissement  aux  chanoines 

réguliers  de  Saint- Victor  ;  et  l'abbé  Jean  y  envoya  d'abord 

Ménandus,  lun  d'entre  eux,  et  pénitencier  de  l'Université, 

puis  douze  religieux  qui  en  prirent  possession  le  mercredi 

des  Cendres  de  l'année  1224.  Louis  VIII,  en  I225  ,  adjoignit 

aux  exécuteurs  de  son  testament,  l'abbé  de  Saint- Victor, 

ainsi  que  nous  l'avons  rapporté  dans  notre  volume  précé- 

Hist.  lin.  (le  dent.  Cinq  ans  après,  Jean,  se  voyant  avancé  en  âge,  abdiqua 

'"ioi:'  'oqV^''  '3  dignité  abbatiale,  et  mourut  en  la  même  aimée  1220,  le 

|).    585,386.  o        "  ,  .r-K  1.  I  l>  •     I-  1         o     ■  -ir- 

20  novembre.  On  l  enterra  dans  1  église  de  Saint- Victor, 
près  de  l'autel  de  Saint-Jean;  l'inscription  suivante  se  lisait 
sur  sa  tombe  : 

Indicat  liic  titulus  quod  continet  ossa  Johannis 
Iste  brevis  tuniulus,  qui  niultis  extitit  annis 
Sancii  Victoris  abbas,  sed  culmen  honoris 
Spernens,  ut  pacatam  posset  dticere  vitam, 
Ofticio  cessit,  qui  cum  Christo  requiescit.  Amen. 

Henri  de  Gand  et  Trithème  ne  font  aucune  mention  du 
Jean  de  Saint-Victor,  non  plus  que  les  bibliographes  moder- 
nes, Aubert  le  Mire,  Oudin,  Fabricius,  etc.  Ses  écrits  n'ont 
acquisen  effet  aucune  importance;  et,s'ilafal!u  lui  acccorder 
une  place  dans  X Histoire  littéraire,  nous  avons  dû  en  res- 
serrer les  limites.  D. 


G  OS  WIN  DE  BOSSUT, 


MOET     après  MOINE    DE  VILLIERS. 

1 229. 

i^ES  bibliographes  belges  sont  les  seuls  qui  fassent  mention 
de  Goswin  de  Bossut;  encore  n'a-t-il  point  d'article  dans 


GOSWIN  DE  BOSSUT,  MOINE  DE  VILLIERS.    69 

lîTi  sii*'n  p 
les  Mémoires  de  Paquot,  recueil  le  plus  ample  que  nous  : :. 

ayons  sur  l'histoire  littéraire  des  Pays-Bas.  Goswin   était      poppens,  Bi- 

Brabançon  ;  il  a  pris  l'habit  religieux  dans  le  monastère  cis-  biioih.  beig., i.i, 

tcrcien  de  Viiiiers  en  Brabant;  il  y  a  rempli  la  fonction  de  •*■    ''" 

chantre.  Le  bienheureux  Arnulphe  de  Cornibout  était  alors 

attaché  à  cette  communauté  en  qualité  de  frère  convers. 

Témoin  de  sa  vie  édifiante,  Goswin  en  a  écrit  l'histoire  en 

deux  livres  qui  ont  été  imprimés  à  Arras  en  1600,  et  insérés 

f)lus  complètement,  d'après  un  manuscrit  de  Viiiiers,  dans 
a  collection  des  Bollandistes,  au  3o  juin,  jour  anniversaire 
de  la  mort  d'Arnulphe  en  1228.  Le  premier  livre  contient      Acu    sancio> 
dix  chapitres  qui  présentent  le  tableau  des  austérités  du  """"î- '""''•  ^' 
frère  convers,  des  tourments  et,  a  vrai  dire,  des  supplices 
auxquels  il  se  condamnait;  car  il  porta  ces  rigueurs  à  uu 
tel  point,  pour  ne  pas  dire  à  un  tel  excès,  que  son  historien 
lui  décerne  le  titre  de  martyr.  Le  deuxième  livre  est  plus 
étendu;  il  a  ai  chapitres,  où  sont  célébrés  les  miracles  du 
bienheureux.  Il  opérait  des  guérisons  subites  et  surnatu- 
relles; il  prédisait  à  jour  fixe  la  mort  de  ceux  qu'il  ne  devait 
pas  guérir,  et  faisait  d'autres  prophéties  non  moins  merveil- 
leuses :  il  repoussait  les  démons  qui  le  venaient  obséder,  et 
Jésus-Christ  lui  apparaissait.  Cependant,  quels  que  soient 
ces  prodiges,  nous  n'en  distinguons  presque  aucun  qui  ne 
se  rencontre,  avec  des  détails  à  peu  près  semblables,  dans 
la  plupart  des  légendes  du  même  genre  et  du  même  âge. 
Selon  Foppens,  Goswin  de  Bossut  a  composé  une  vie  de 
saint  Abund  ou  Abundus,  autre  moine  de  Viiiiers  :  elle  ne 
nous  est  pas  connue,  à  moins  que  ce  ne  soit  celle  dont 
Manrique  a  donné  d'assez  longs  extraits.  Saint  Abund  était 
pareillement  favorisé  de  visions   miraculeuses ,   et  surtout     ^- .    ■     . 
d  entretiens  avec  la  sainte  Vierge,  qui  lui  apprenait  de  nou-  Annales  adano. 
velles  oraisons,  plus  efficaces  que.  les  prières  communes.  Il  "»9»  =■  s»  "• 
vivait  en  1229;  et,  s'il  a  eu  pour  historien  son  confrère  Gos-  ''^' 
win ,  celui-ci  a  dû  prolonger  sa  carrière  au-delà  de  ce  terme. 
Du  reste,  nous  ne  savons  sur  la  vie  et  les  écrits  du  chantre 
de  l'abbaye  de  Viiiiers  que  ce  que  nous  venons  d'en  rap- 
porter. D. 


XIII  smcLE. 

HUGUES  DE  MIUAMORS, 

MoaTversuîo.         ARCHIDIACRE  DE  MAGUELONE,  PUIS  CHARTREUX. 

Oodin  t.  m  v^AsiMiR  OoDiN  ct  Du  Cangc  sont  les  seuls  qui  aient  parlé 
p.  5o;Ducange,  de cc  personnage,  ilsen  ont  dit  très-peu  de  chose;  et  il  n'est 
In  indice  aucto-  f.[i^  qyg  brièvement,  comme  il  convenait,  dans  le  Discours  sur 
Hist.  littér.  de  lètat  dcs  Icttrcsau  xiii^  sièclc.  Lc  lieu  et  la  date  de  sa  naissance 
la  Fr.,  t.  XVI,  noussont  inconnus,  et  l'annéede  sa  mort  est  incertaine.  Il  fut 
P-"^-  professeur  en  droit  canon,  puis  archidiacre  de  l'ëglisedc  Ma- 

guelone,  et  enKn  chartreux  dans  le  monastère  de  IVIont-Rive, 
au  diocèse  de  Marseille.  Ces  trois  circonstances  de  sa  viesdnt 
indiquées  par  quelques  mots  que  l'on  rencontre  dans  ses 
ouvrages;  on  y  voit  qu'il  s'est  d'abord  long-temps  appliqué 
à  l'étude  et  à  l'enseignement  du  droit,  qu'ensuite  il  fut  élevé 
à  une  dignité  ecclésiastique,  et  qu'enfin  dégoûté  du  monde, 
de  ses  honneurs  et  de  ses  biens,  il  s'est  retiré  à  la  Chartreuse, 
où  il  a  terminé  sa  carrière.  Oudin  fixe  sa  mort  vers  laSo, 
parceque  le  chartreux  dit  quelque  part  qu'il  fut  ordonné  sous- 
diacre  par  Guidon,  archevêque  d'Aix,  et  qu'il  rappelle  ce 
fait  comme  très-ancien.  Or  ce  Guidon  fut  élevé  sur  le  siéere 

Gall.  chr —  ■  ° 


P- 


^■^2  ""•' *•  d'Aix  en  1 1 88  ,  et  mourut  en  1 211  ;  en  supposant  donc  que 
Hugues  ait  eu  vingt  ans  environ  quand  il  fut  fait  sous-diacre, 
et  que  cette  ordination  ait  eu  lieu  vers  le  commencement  de 
la  prélature  de  Guidon,  notre  religieux  aurait  eu  de  soixante 
à  soixante-cinq  ans  environ  en  i23o,date  approximative  que 
Oudin  donneàsa  mort.  Il  nous  semble  qu'on  pourrait  encore 
la  reculer  de  dix  ans,  attendu  l'âge  peu  avancé  que  Hugues 
avait  en  laSo,  vu  aussi  qu'il  parle  de  son  sous-diaconat  et 
de  celui  qui  le  lui  conféra,  comme  d'un  fait  très-ancien  pour 
lui;  cependant  nous  laissons  la  date  fixée  par  Oudin,  fiaute 
de  raisons  plus  concluantes  que  les  siennes.  Du  Gange  conjec- 
ture qu'il  a  dû  écrire  vers  l'an  1220. 

On  connaît  à  la  Bibliothèque  royale  trois  manuscrits  qui 

portent  le  nom  de  ce  religieux,  et  les  ouvrages  qu'ils  ren- 

Bibf  "b'br"""  '  f^"'"'"^"'^  '"'  sont  aussi  attribués  par  les  deux  auteurs  que 

75i^A.      '  ^    nous  avons  cités,  et  par  Dom  Montfaucon.  Nous  allons  en 

parler  suivant  l'ordre  dans  lequel  nous  pensons  qu'ils  auront 

été  composés. 


HUGUES  DE  MIRAMORS.  71 

L'un  de  ces  manuscrits,  sous  le  n°  4'48i  porte  ce  titre: 
Incipiunt  flores  nosci  dignijurds  canonici ,  in  prœsenti  opère 
compilati  per  magistrum  Hugonem  de  Miramori ,  sub  suis 
tum  locis ,  capitulis  et  auctorihiis  conservnti.  Incipit protogus. 
Dans  ce  prologue,  l'auteur  déclare  quelle  a  été  son  intention 
en  composant  cet  ouvrage.  «Le  droit  canonique,  dit -il, 
«  semblable  à  une  vaste  mer  ou  à  une  grande  forêt,  présen- 
«  tait  à  ceux  qui  en  voulaient  faire  l'étude,  des  difficultés 
«  inextricables,  ils  ne  pouvaient  atteindre  leur  but  qu'avec 
a  bien  des  fatigues.  La  pensée  m'est  venue  de  recueillir  dans 
*  un  cadre  peu  étendu  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  et 
«  de  plus  essentiel  dans  cette  science,  afin  que  ceux  qui  se 
«  proposent  d'en  acquérir  la  connaissance,  puissent  en  re- 
<t  tenir  avec  facilité  les  règles  et  les  décisions.  » 

Cet  ouvrage  est  distribué  en  six  parties,  dans  chacune 
desquelles  l'auteur  expose  par  manière  de  sentences,  les 
décisions  des  plus  célèbres  docteurs  en  droit  canon,  les 
faisant  suivre  chacune  du  nom  du  docteur  auquel  elle  appar- 
tient. Ces  décisions  sont  généralement  présentées  en  peu  de 
mots  et  d'une  manière  claire  et  précise.  La  i*"*  partie  expose 
les  plus  importantes  sentences  sur  le  droit  naturel,  sur  la 
simonie,  sur  l'ordre  judiciaire,  sur  la  conduite  à  tenir  dans 
l'accusation  des  prélats,  sur  les  actions  imputables  aux  alié- 
nés, sur  les  pouvoirs  spirituels  des  clercs  réguliers,  sur  les 
vœux  illicites,  sur  les  communications  qu'on  peut  avoir  avec 
les  hérétiques,  sur  le  sortilège  et  la  magie,  sur  les  mariages 
prohibés,  sur  l'ordination  des  clprcs.  Les  cinq  parties  sui- 
vantes sont  tirées  du  corps  des  décrétales.  La  i""*  traite  des 
actes,  la  2«  des  jugements  ,  la  3*  de  la  vie  et  de  l'honneur  des 
clercs,  la  4^  des  fiançailles,  la  5*  des  accusations. 

Un  second  manuscrit , sous  le  n"  3589,  est  intitulé:  Incipit 
tractatus  fratris  Hugonis  de  Miramori  super  ^nlonomasiâ 
et  mysterio  hujus  numeri  quatuor.  Dans  le  prologue  de  cet 
ouvrage  tout  systématique  et  original,  l'auteur  fait  remar- 

3uer  que  la  science  des  nombres  a  été,  dans  l'antiquité,  l'objet 
e  l'étude  des  hommes  les  plus  célèbres,  tels  qu'Orphée  et 
Pythagore,  qu'ils  y  ont  trouvé  la  clef  de  toutes  les  connais- 
sances. Ne  se  proposant  pas  d'embrasser  toute  la  science,  ii 
choisit  le  nombre  quatre,  comme  étant  celui  qui  a  les  pro- 
priétés les  plus  merveilleuses.  Il  parcourt  rapidement  quel- 
ques-uns des  grands  objets  auxquels  ce  nombre  mystérieux  < 
est  appliqué.  Les  éléments  du  monde,  les  points  cardinaux, 


Xin  SIECLE. 


Xm  SIECLE. 


72  HUGUES  DE  MIRAMORS, 

les  fleuves  qui  sortaient  du  paradis  terrestre,  les  grands  pro- 
phètes, les  ëvangélistes,  les  saisons  de  l'année,  les  Ages  de 
l'homme,  les  humeurs  qui  conservent  sa  vie,  les  colonnes 
qui  soutenaient  le  tabernacle,  la  forme  de  l'autel  des  sacri- 
fices, et  par-dessus  tout,  la  céleste  cité  qui,  selon  l'Apoca- 
lypse, est  construite  sur  un  plan  carré.  Après  ce  préambule 
en  l'honneur  des  nombres,  et  surtout  du  nombre  quatre, 
Hugues  de  Miramors  se  trace  une  vaste  matière,  au  moyen 
de  laquelle  il  va  montrer  que  ce  nombre  sert  d'explication 
générale  à  toute  chose.  En  effet,  avant  de  commencer  son 
traité  du  quat^ernaire ,  il  fait  l'énumération  des  sujets  aux- 
quels il  va  l'appliquer.  Dieu,  la  matière  primordiale,  le 
monde,  les  créatures,  le  temps,  le  paradis,  l'homme,  sa 
chute;  l'incarnation  ,  la  vie,  les  miracles  de  Jésus- Christ  ;  sa 
résurrection ,  son  ascension;  l'Église  de  Dieu,  les  évangiles, 
la  messe,  les  prières,  les  sciences,  le  mariage,  les  persécu- 
teurs de  l'Église,  la  pénitence,  la  confession  ,  la  fragilité  de 
l'homme,  la  mort,  les  suffrages  pour  les  morts  :  tout  cela 
s'explique  dans  son  livre  par  quatre  raisons,  ou  bien  a  été 
établi  pour  quatre  fins,  ou  doit  s'entendre  dans  quatre  sens 
différents.  Il  est  vrai  que  ce  même  livre  porte  le  titre  d'An- 
tonomase, et  que  les  noms  propres  de  la  Bible,  que  l'auteur 
interprète  à  sa  manière,  contribuent  aussi  à  son  explication 
universelle;  mais  l'objet  principal  est  de  tout  trouver  dans  le 
nombre  et  par  le  nombre  quatre;  aussi  l'antonomase  ou  pré- 
nomination ne  l'occupent-elle  que  rarement. 

Cet  ouvrage  est  contenu  dans  les  cinquante-un  premiers 
feuillets  d'un  manuscrit  dont  la  seconde  partie  est  une 
paraphrase  de  l'Apocalypse,  par  Anselme  de  Laon  (ou  de 
Loudun  ). 

Un  troisième  ouvrage  de  Hugues  de  Miramors  se  trouve 
dans  deux  manuscrits,  d'abord  dans  le  premier,  dont  nous 
avons  parlé,  qui  est  le  n°  4^48 ,  où  il  se  lit  à  la  suite  du 
droit  canon,  puis  dans  le  n°  33oy,  oii  il  est  accompagné  de 
plusieurs  opuscules.  C'est  de  ce  dernier  que  nous  allons  faire 
usage  dans  cette  notice. 

Ce  livre  porte  le  titre  suivant  :  Incipit  liber  magùtri  de 
Miramori  de  miseriis  hominùs ,  mundi  et  inferni ,  de  prœro- 
galivd  cœlestis  patriœ,  etc.  Oudin,  en  parlant  de  cet  ouvrage, 
l'appelle  Spéculum  spirituale.  Son  auteur  ne  lui  a  pas  donné 
d'autre  titre  que  celui  que  nous  avons  transcrit  ;  mais  celui-ci 
lui  conviendrait  fort  bien,  ainsi  qu'on  pourra  en  juger  par 


ARCHIDIACRE  DE  MAGUELONE,  CHARTREUX.  78 

les  titres  des  divers  traités  qu'il  renferme,  et  que  nous 
allons  passer  en  revue,  en  les  accompagnant  de  quelques  ré- 
flexions. 

Dans  son  prologue,  l'auteur  s'adresse  à  tous  les  chrétiens 
que  la  vanité  du  monde,  l'amour  des  plaisirs  et  les  ruses  du 
démon  font  dévier  de  la  voie  de  la  justice.  Il  les  prie,  si  ja- 
mais ce  livre  tombe  sous  leurs  yeux,  de  le  recevoir  sans  répu- 
gnance, vu  qu'il  n'a  été  écrit  que  pour  leur  bonheur.  Mais 
s'il  venait  à  leur  déplaire,  il  les  prie  encore  de  ne  pas  le 
calomnier,  de  ne  pas  s'opposer  à  ce  que  d'autres  le  lisent; 
car  chacun  a  sa  manière  de  voir  les  choses ,  et  ce  qui  déplaît 
à  l'un,  peut  plaire  à  l'autre. 

Le  P""  traité  de  ce  recueil  est  :  De  Multimoda  hominis  mi- 
seria.  L'auteur  veut  inspirer  à  l'homme  un  profond  sentiment 
d'humilité,  afin  de  le  forcer  à  se  tourner  vers  Dieu,  source 
de  toute  grandeur.  Il  lui  fait  le  tableau  de  sa  misère,  il  passe 
en  revue  les  maux  qui,  dès  son  apparition  sur  la  terre,  ont 
assailli  l'espèce  humaine.  Il  lui  montre  combien  grand  est  le 
néant  de  ce  qui  s'appelle  bien  en  ce  monde,  surtout  par  la 
nécessité  où  est  l'homme  de  tout  perdre  à  la  mort.  Ce  traité, 
où  l'auteur  a  accumulé  tous  les  textes  de  l'Ecriture  sainte 
qui  décrivent  les  misères  et  l'orgueil  de  l'homme ,  est  terminé 
par  une  pièce  de  quatre-vingt-quatre  vers,  où  il  a  peint  le 
néant  de  l'homme  et  de  ses  biens.  Nous  en  citons  quelques- 
uns  pour  donner  une  idée  de  la  tournure  de  son  esprit. 

Die,  misero,  si  nobilitas  mea  magna,  quid  indè? 
Si  mihi  sit  rerum  possessio  larga,  quid  indè.'' 
Si  domus  est  et  opes  et  si  sint  régna,  quid  indè? 
Si  sit  sponsa  decens,  fecunda,  piidica,  quid  indè? 
Si  caste  vivat  mea  cara  propago,  quid  indè.'' 
Si  cautè  doceo  socios  in  qualibet  arte,  quid  indè? 
Tanato  pnetereunt  héec  omnia.  Sic  nibil  indè. 


XIII  SIÈCLE. 


Vado  mori,  mors  certa  quidem,  nil  certiùs  illâ, 


Vado  mori,  misero  sententia  dura,  beato 
Grata,  mori  sequitur  vivere,  vado  mori. 

Yado  mori ,  Papa ,  quia  me  papare  diù  mors 
Non  sinit,  os  cogit  claudere,  vado  mori. 

Vado  mori ,  Rex  sum  ,  quid  honor,  quid  gloria  regiun  ? 
Est  via  mors  hominis  regia,  vado  mori. 

Vado  mori,  prxsul,  baculum,  sandalia,  mitram, 

Tome  XV m,  K 

8    • 


XIII  SIÈCLE. 


rj^  HUGUES  DE  MIRAMORS, 

Nolens  sive  volens  desino,  vado  mori. 
Vado  mori,  miles  helli  certamine  viclor 

Morlem  non  didici  vincere,  vado  mori. 
Vado  mori,  pugiles  doctus  superare  diiello, 

Sed  mortem  nequeo  vincere,  Tado  mori. 
Vado  mon,  mediciis  medicamine  non  rediniendus, 

Quicquid  agat  raedici  potio,  vado  mon.  etc.,  etc. 

Dans  le  11^  traité,  qui  est  intitulé  De  pericuUs  humanœfra- 
gilitaLis,  Hugues  de  Miramors  continue  sa  inéditntion  soli- 
taire. Il  s'est  convaincu  dans  le  premier  traité  que  l'Iiomme 
est  accalilé  de  misères;  dans  celui-ci ,  il  médite  sur  les  périls 
auxquels  est  exposé  le  peu  de  Lien  qu'il  y  a  en  lui.  Comme 
Ézéchiel ,  il  a  des  visions ,  il  en  demande  l'explication  ;  et  une 
voix  qui  frappe  ses  oreilles  comme  un  souille  léger,  lui  tait 
comprendre  ce  qu'elles  ont  d'obscur.  Tel  est  le  sujet  de 
celle  que  nous  allons  traduire. 

«  Pendant  que  tout  était  plongé  dans  le  silence  de  la  nuit, 
c  et  que  j'étais  moi-même  livré  à  un  profond  sommeil ,  il 
a  me  sembla  que  je  tombais  d'en  haut  dans  une  fosse,  et 
c  que  je  m'écriais  :  Ah,  tout  pour  l'homme  est  suspendu  par 
c  un  fil,  et  ce  que  l'cm  croyait  solide,  s'écroule  au  premier 
e  instant.  Mais  dans  nta  chute,  il  me  semblait  que  je  m'étais 
«  retenu  par  les  mains  à  un  arbre  qui  se  trouvait  dans  le 
«  milieu  de  la  pente,  afin  de  ne  pas  tomber  jusqu'au  fond, 
a  Deux  rats,  l'un  blanc  et  l'autre  noir,  ne  cessaient  de  ronger 
«  les  racines  de  cet  arbre.  Au  milieu  de  la  fosse,  et  perpen- 
a  diculairement  sous  mes  pieds,  était  une  pierre  sous  laquelle 
a  quatre  serpents  se  cachaient.  Tout  au  fond,  je  voyais  un 
«  énorme  diagon  qui  tenait  sa  gueule  ouverte,  prête  à  me 
«  dévorer,  si  je  tombais;  mais  à  l'ouverture  de  la  fosse  était 
«  un  animal  qui  n'avait  qu'une  corne ,  et  qui  semblait  faire 
c  la  garde  pour  m'empêcher  de  sortir.  De  l'arbre  auquel  je 
a  me  tenais  serré,  il  me  semblait  qu'un  rayon  de  miel  décou- 
■  lait  dans  ma  bouche,  et  que  trompé  par  la  douceur  de  ce 
<  miel,  je  perdais  le  souvenir  de  tous  les  préceptes  qui  de- 
«  valent  diriger  ma  conduite.  »  Telle  est  la  vision,  et  voici 
comment  elle  est  expliquée  par  la  sainte  Ecriture.  La  fosse 
est  le  monde,  l'arbre  est  la  vie,  les  deux  rats  sont  le  jour  et 
la  nuit,  la  pierre  est  le  corps,  les  serpents  sont  les  quatre 
humeurs  de  l'homm*,  le  dragon  est  le  diable,  la  bête  a  une 
corne  est  la  inort ,  la  goutte  de  miel  est  la  volupté  qui  trompe 
et  perd  les  hommes. 


ARCHIDIACRE  DE  MAGUELONE,  CHARTREUX.  75 

.      ,,«!••  1      1./.    1-  XIII  SIÈCLE. 

Le  nie  traite  est  un   tableau  de  I  affliction  de  1  Eglise.  

e  Les  réflexions  que  je  venais  de  faire,  dit  notre  chartreux, 
a  avaient  prolongé  mon  sommeil  :  j'étais  plongé  dans  de  som- 
«  bres  méditations,  et  je  demandais  si  Dieu  avait  oublié  d'a- 
«  voir  pitié  de  nous,  lorsque  tout-à-coup  mon  esprit  fut 
«  frappé  d'une  vision  nouvelle.  Je  vis  des  choses  encore  plus 
«  tristes  que  celles  que  j'avais  vues  jusque-là;  je  vis  la  cithare 
«  changée  en  instrument  de  deuil ,  et  Vorganum  en  une  voix 
«  qui  se  lamente.  »  Le  sujet  de  la  tristesse  de  notre  auteur 
c'est  l'alfliction  de  l'Église  du  Christ.  «Les  mondains  la  pil- 
«  lent,  la  ravagent,  la  désolent  de  toutes  parts.  Les  hé- 
«  rétiques  la  déchirent  et  la  morcellent,  ils  présentent  aux 
«  imprévoyants  le  fiel  du  dragon  dans  la  coupe  d'or  de  Ba- 
«  bylone.  Les  clercs  eux-mêmes  sont  un  sujet  de  désolation 
«  pour  cette  Eglise,  par  leur  peu  de  conibrmité  avec  leur 
«  maître.  »  On  voit  dans  ce  traité  que  notre  Hugues,  plein 
d'enthousiasme  pour  la  vie  monacale,  ne  juge  la  conduite 
du  clergé  séculier  qu'avec  un  esprit  trop  prévenu  en  faveur 
du  cloître.  Retiré  dans  sa  Chartreuse,  il  prononce  avec 
sévérité  sur  les  actions  de  ceux  qui  sont  restés  dans  le 
monde.  Mais  tout  le  monde  ne  pouvait  pas  et  ne  devait  pas 
l'imiter. 

Dans  le  IV«  traité,  le  monde  est  représenté  sous  l'image 
de  la  mer.  Les  vents  impétueux  qui  causent  la  tourmente 
sont  les  vices  déchaînés;  les  vagues  agitées  sont  les  doctrines 
d'hérésie ,  les  flots  qui  se  heurtent  sont  les  mauvais  princes  ; 
la  malice  et  la  dépravation  du  peuple  sont  représentées  pat 
le  bouleversement  général  des  eaux.  Mais  le  monde  est  en- 
core déchiré  et  troublé  par  l'envie  que  les  hommes  se  portent 
mutuellement  :  Se  ipsos  invicem  accusant ,  detrahunt  etafjii- 
gunt ,  persequuntur ,  defraudantur ,  fidem  ad  invicem  non 
servant,  mochinanturdolum,falluntetfalluntur,  supplantant 
et  supplantantur,  etc.  Il  compare  enfin  l'avarice  du  monde 
à  l'amertume  de  la  mer,  et  la  luxure  à  l'écume  qu'elle  jette 
sur  ses  bords. 

Le  V^  traité,  qui  montre  comment  les  vertus  se  sont  reti- 
rées du  monde,  n'est  pas  dénué  de  grâces.  Il  commence  par 
une  vision.  «  Comme  ce  que  je  venais  de  voir  avait  porté  le 
a  trouble  jusqu'au  fond  de  mon  ame,  je  méditais  de  fuir  ce 
«  monde  et  ses  fourberies,  quand  je  vis  devant  moi  quel- 
«  qu'un  dont  le  visage  m'était  inconnu,  et  qui  me  dit  :  Que 
»fais-tu  là  dans  l'oisiveté.'  car  les.travaux  du  monde  méri- 

K  2 


XIII  SIECLE. 


76  HUGUES  DE  MIRAMORS, 

«  tent-ils  un  autre  nom?  lève-toi,  prends  tes  tablettes  et 
«  écris,  et  ce  que  tu  auras  écrit,  lis-le  souvent  pour  ne  pas 
o  l'oublier. —  Qu'écrirai-je,  dis-je  à  la  voix  qui  me  parlait  ?  — 
«  J'ai  ouvert  tes  yeux,  regarde.  —  Je  regardai,  et  je  vis  des 
«  chœurs  de  vierges  qui  marchaient  selon  l'ordre  de  leur 
«  dignité  et  de  leur  fonction;  leur  marche  était  tranquille, 
«  leur  visage  était  angélique,  elles  ne  penchaient  ni  à  droite 
«  ni  à  gauche,  elles  louaient  Dieu  dans  leurs  hymnes.  Je 
«  demandai  à  la  voix  qui  m'avait  parlé ,  quelles  étaient  ce» 
«  créatures  qui  s'avançaient  comme  des  nuages,  plus  blan- 
«  ches  que  la  neige,  plus  brillantes  que  l'ivoire  antique. — 
«  Ce  sont,  me  dit -elle,  les  vierges  appelées  Vertus,  les 
a  épouses  de  Dieu;  chacune  d'elles  a  son  nom.  Le  Seigneur 
«  les  avait  envoyées  à  Jéricho,  afin  de  guérir  un  homme  pour 
«  lequel  il  avait  fait  lui-même  les  plus  grands  sacrifices,  et 
a  qu  il  avait  sauvé  de  la  mort.  Mais  cet  homme  est  tombé  de 
«  nouveau  sous  les  coups  des  voleurs  et  des  méchants ,  qui 
«  l'ont  tout  couvert  de  plaies.  Ces  vierges  étaient  accourues 
«  pour  guérir  la  plaie  de  l'orgueil  par  l'humilité,  celle  de 
a  l'envie  par  la  bienveillance,  celle  de  la  colère  par  la  man- 
«  suétude,  celle  de  la  tristesse  par  le  contentement,  celle 
«  de  la  gloutonnerie  par  la  tempérance,  celle  de  la  luxure 
«par  la  continence,  celle  de  1  avarice  par  la  générosité, 
«  toutes  pour  remplacer  le  feu  de  la  cupidité  par  le  feu  de  la 
a  charité.  Comme  elles  approchaient  de  cet  homme  pour 
«  lui  pré.senter  leurs  remèdes ,  le  malade ,  semblable  à  un 
a  frénétique,  les  repoussant  et  se  détournant  d'elles,  répondit 
«  à  leur  empressement  par  des  paroles  de  mépris  et  d'in- 
<f  suite.  Lesviergesvoyantalorsque  ces  dispositions  rendaient 
«  son  mal  incurable,  l'ont  abandonné;  enhn  elles  se  retirent  et 
«  vont  chercher  un  asile  à  la  Chartreuse  pour  y  attendre  le 
«  jour  où  chacun  rendra  compte  de  ses  actions  et  de  ses  pa- 
a  rôles.  » 

Après  cette  vision,  Hugues  de  Miraitiors  prenant  chaque 
vertu  séparément,  en  fait  la  description;  ces  tableaux  ne 
sont  pas  uniquement  le  fruit  son  imagination,  ils  sonttiacés 
sur  les  paroles  de  l'Ecriture,  et  ne  sont  pas  dépourvus  d'a- 
gréments. La  charité,  la  miséricorde,  la  vérité,  la  justice, 
la  paix,  la  prudence,  la  tempérance,  la  force,  l'humilité,  la 
piété,  la  foi,  etc.,  sont  tour  à  tour  l'objet  de  ses  méditations.Ce 
traité  est  terminé  par unecourte description  delà  Chartreuse. 

Le  VI*  traité  est  intitulé  :   De  l'abominable  vision  des 


ARCHIDIACRE  DE  MAGUELONE,  CHARTREUX.  77 

bêtes.  «  Accablé  de  cette  extase,  j'ouvrais  les  yeux  sans  rien 
a  voir,  pensant  que  Dieu  avait  voulu  me  montrer  tout  cela 
«  pour  des  fins  qui  ne  m'étaient  pas  connues  en  ce  moment. 
«  Au  lieu  d'élever  mon  esprit  vers  lui ,  je  retombai  comme 
«  les  animaux  sur  les  jouissances  terrestres;  je  méditais  de 
«  vivre  au  gré  de  mes  désirs,  dans  l'orgueil,  l'avarice,  la 
«  luxure  et  la  gourmandise.  Pendant  que  je  me  faisais  ainsi 
«  semblable  aux, animaux,  une  main  me  toucha  la  tète,  en 
«  me  disant:  Lève-toi,  toi  qui  dors,  et  regarde  du  côté  d'où 
«  vient  l'Aquilon.  — Je  me  lève,  je  tourne  les  yeux  de  ce  côté, 
«  et  je  vois  comme  des  animaux  qui  se  livraient  à  divers  jeux 
«  entre  eux  ,  et  qui  sautaient  devant  Adonis  ,  l'amant  de 
«  Vénus.  Le  premier  de  ces  animaux  était  un  lion  qui  por- 
a  tait  l'Orgueil,  que  l'on  reconnaissait  à  une  plume  ae  paon, 
o  Le  second  était  un  loup  avec  l'Avarice, décorée  d'une  plume 
c  de  corbeau.  Le  troisième  était  un  sanglier  portant  la  Colère, 
«  qui  avait  une  plume  de  corneille,  etc.,  etc.  Celui  qui  me 
«  parlait  me  dit  :  La  race  de  Juda  fait  les  abominations  que 
a  tu  viens  de  voir.  Sors  d'ici ,  et  entre  dans  la  ville  de  Jéricho. 
Œ  J'obéis  ,  et  dès  les  premiers  pas  que  je  fais,  j'entends  une 
«  voix  puissante  qui  convoquait  les  habitants  à  une  assem- 
a  blée.  Alors  je  remarquai  ce  qui  suit  : 

a  La  reine  de  cette  ville  est  ^'Impiété,  et  son  empire  est 
«  le  Monde;  son  héraut  convoquait,  par  ses  ordres,  les  prin- 
«  ces  de  son  empire  pour  se  rendre  à  Jéricho  avec  tous  leurs 
«  suffragants  ,  afin  d'y  tenir  une  assemblée  générale.  Ces 
«  princes  sont  les  vices  que  l'on  nomme  cardinaux  ou  capi- 
«  taux,  et  (|ui  sont  au  nombre  de  sept,  leurs  suîfragants  sont 
«  la  foule  immense  des  autres  vices  qu'ils  engendrent.  Je  vis 
a  donc  paraître  la -Superbe,  l'Avarice,  la  Colère,  l'Envie,  la 
«  Tristesse,  la  Gloutonnerie  (Culositas)  et  la  Luxure,  avec 
«  leur  nombreux  cortège. 

«  Tous  viennent  en  cercle  devant  leur  reine,  qui  les  ha- 
«  rangue.  Elle  leur  fait  connaître  quelle  a  été  sa  crainte  de 
«  voir  son  empire'détruit  pendant  que  son  ennemie  capitale, 
«  la  Charité,  y  demeurait.  Elle  s'est  réjouie  quand  elle  a  vu  que 
«  toutes  les  vertus  s'étaient  enfuies  à  la  Chartreuse.  Elle  fait 
«  part  desa  Joie  à  ses  princes;  mais  cette  joie  n'est  point  pure, 
«  car  de  la  Chartreuse  les  vertus  peuvent  encore  la  chagriner 
«  dans  l'exercice  de  son  autorité.  Que  les  vices  ne  s'endor- 
€  ment  donc  pas,  mais  qu'ils  redoublent  d'efforts  et  dé  vigi- 
«  lance  pour  maintenir  les  droits  de  leur  souveraine. 


XIllSIECLF. 


Xni  SIECLE. 


78  HUGUES  DE  MIRAMORS, 

«  Ce  discours  excite  l'ardeur  et  le  dévouement  des  sept 
«  princes,  qui  se  levant  tour  à  tour,  font  l'histoire  de  ce  r|u'ils 
«  ont  déjà  fait  pour  détruire  l'influence  des  vertus.  Chacun 
«  fait  valoir  sa  puissance,  et  se  fait  foi  t  de  détruire  seul  toute 
«  trace  de  vertu,  tout  vestige  de  hien  sur  la  terre.  L'Orgueil 
«  surtout  vante  sa  céleste  origine,  il  parle  de  s;i  niissance 
«  qui  précéda  celle  des  créatures,  et  des  coups  qu'il  frappa 
«  quand  Lucifer,  son  père,  leva  une  armée  contre  Dieu.  Les 
«  autres  vices  parlent  après  lui.  L'Impiété,  satisfaite  do  leur 
«  dévouement,  les  invite  encore  à  grandir  en  audace  et  en 
n  courage,  et  les  envoie  mettre  la  main  à  l'œuvre,  w 

LeVII*  traité  commence  par  une  vision  nouvelle.  Hugues, 
incertain  de  ce  qu'il  avait  à  faire  après  le  spectacle  qui  s'était 
offert  à  ses  yeux,  s'abandonnait  à  ses  méditations,  quand 
deux  jeunes  hommes  apparurent  à  ses  côtés.  Il  s'adresse  à 
l'un  des  deux,  qui  était  ceint  comme  un  voyageur  :«  Qui 
«  es-tu,  lui  dil-il,  et  d'oii  viens-tu  en  ce  lieu.''  —  Je  suis  et 
«  je  m'appelle  la  Crainte  de  la  mort.  Je  reviens  de  l'enfer 
a  en  grande  hâte,  pour  l'annoncer  ce  que  j'ai  vu.  Lève-toi 
«  donc  promptement;  car  il  y  a  du  péril  à  uifférer.  Fuis  au 
«  plus  tôt,  et  retire-toi  dans  les  fentes  des  pierres  et  dans  les 
«  cavernes  pour  y  opérer  ton  salut;  car  la  mort  atteint  déjà 
«  tes  talons,  pour  ôter  la  vi»à  ton  corps;  le  diable  épie  pour 
a  perdre  ton  ame ,  l'enfer  s'ouvre  pour  la  recevoir,  et  As- 
«  modée  l'attend  pour  la  torturer. —  Parle,  lui  dis-je,  et  dis- 
«  moi  tout  ce  que  tu  sais,  apprends- moi  ce  que  c'est  que 
«  la  mort,  le  diable,  l'enfer,  Asmodée.  »  Le  messager  lui 
explique  alors  tout  ce  qu'il  sait  du  sort  des  âmes  dans  le 
séjour  des  peines  éternelles  et  dans  celui  des  peines  du  pur- 
gatoire. 

Dans  le  VIII*  traité,  Hugues  de  Miramors,  après  avoir 
entendu  le  récit  de  l'un  des  deux  jeunes  hommes,  se  tourne 
vers  l'autre,  et  lui  demande  qui  il  est.  «  Je  m'appelle  l'Amour 
«  de  Dieu.  Je  suis  descendu  du  ciel,  je  te  ferai  connaître  de 
«  bien  douces  nouvelles.  Je  te  décrirai  la  sainte  cité  d'où  je 
«  viens.  »  Le  céleste  messager  commence  son  récit,  et  l'on 
voit  tour  à  tour  ce  que  c'est  que  la  Jérusalem  céleste,  quels 
en  sont  les  habitants  et  les  diverses  demeures;  ce  que  le  roi 
sert  sur  sa  table  à, ses  conviés  ;  les  plaisirs  qu'ils  goiitent ,  etc. 
Après  son  récit,  le  jeune  homme  presse  Hugues  de  le  suivre, 
et  d'abandonner  tout  pour  se  préparer  à  entrer  dans  ce  lieu 
de  bonheur. 


ARCHIDIACRE  DE  MAGUELONE,  CHARTREUX.  79 

Le  IX^  et  dernier  traité  expose  le  tableau  du  combat  de 
l'esprit  et  de  la  rliair  qu'éprouva  notre  auteur,  après  son  entrée 
à  la  Chartreuse.  «  Je  me  reposais,  dit-il ,  en  la  considération 
a  de  la  miséricorde  de  Dieu,  et  je  commençais  en  paix  mon 
«  noviciat,  quand  un  conflit  extraordinaire  s'éleva  en  moi 
«  entre  mon  esprit  et  ma  chair.  Les  pointes  du  cilice ,  la  du- 
ce reté  du  lit,  le  séjour  désert,  la  grossièreté  des  aliments, 
«  les  jeûnes  fréquents,  l'absence  de  consolation,  tout  cela 
«  m'ajritait  avec  violence.  Ah,  malheureux!  qu'ai-je  entre- 
«  pris,  et  [lourquoi  suis-je  venu  me  soumettre  à  des  travaux 
«  que  jamais  je  n'endurerai.^  O  esprit  pervers,  c'est  toi  qui 
«  as  voulu  me  faire  tomber  dans  ce  piège!  N'étais-je  pas 
«  mieux  à  ma  place,  dans  le  monde,  où  ceux  qui  m'enten- 
«  daient  ou  me  voyaient,  parlaient  avec  éloge  de  ma  per- 
ce sonne,  quand  je  haranguais  le  peuple,  et  que  j'écoutais 
«  les  plaintes  des  opprimés .►*  Ne  valait-il  pas  mieux  sacrifier 
«  mes  goûts  particuliers  à  l'utilité  publique.''  »  Heu  me!  Ecce 
qui  vescebatar  'voluptuosè ,  moritur  in  solitudine  et  arescit , 
qui  nutriehatur  in  croceis ,  amplexatus  est  stercora ,  et  qui 
quondam  marchas  aigenti  numérotât  nunc  fabas  numerat. 
Meo  igitur  acquiesce  consilio,  tniser  spiritus,  et  ad  priora  re- 
deamus.  Telles  étaient  les  plaintes  de  la  chair;  mais  l'esprit 
lui  répond  avec  l'Ecriture,  «  Que  ce  qui  est  né  de  la  chair 
«  parle  selon  la  chair,  que  la  chair  est  terre,  et  qu'elle  ne 
«  sait  que  les  choses  de  la  terre.  L'esprit  est  venu  d'en  haut, 
«  et  n'aspire  qu'aux  choses  d'en  haut.  Tais -toi  donc,  ô  ma 
«  chair,  console -toi  dans  ton  espérance  au  Seigneur,  tu  te 
o  reposeras  en  lui  !  La  chair  et  l'esprit  conviennent  de  pren- 
«  dre  la  conscience  pour  juge,  et  de  se  soumettre  à  sa  sen- 
«  tence.  Mais  ce  juge,  connaissant  combien  grande  est  la 
a  faiblesse  de  la  chair  pour  résister  aux  attaques  du  monde 
«  et  du  démon,  lui  ôte  tout  empire,  et  la  condamne  à  obéir 
«  à  l'e.sprit.  »  Le  livre  se  termine  par  l'éloge  de  la  Chartreuse, 
par  une  courte  description  du  bonheur  de  ceux  qui  y  ser- 
vent Dieu,  et  par  ces  deux  sentences,  dictées  par  la  sagesse 
païenne  et  par  la  sagesse  divine  : 

Virtus  est  vitium  fugere.  Hor.  Epis  t.  /,  v.  4i- 
Omnia  praetereunt  prseter  amare  Deum.  Ecoles. 

P.  R. 


XIII  siECU;. 


XIII  SIECLE. 


NICOLAS  DE  BRAI  OU  DE  RRAIA, 

MOKTv.ni»3o.  POÈTE  Héroïque. 

On  ne  sait,  concernant  la  personne  fie  ce  poète,  rien  de  plus 
positif  que  ce  que  Dom  Brial  en  a  dit  dans  l'avant- propos, 
placé  en  tète  des  Gesta  Ludovici  VIII,  qu'il  a  fait  réimpri- 
mer en  1818  ,  dans  le  XVIl*^  volume  du  Recueil  des  historiens 
des  Gaules  et  de  la  France.  Il  lui  a  paru  que  ce  poète  est  le 
même  personnage  que  le  Nicolas  de  Braia,  doyen  du  chapitre 
collégial  de  ce  nom  en  Champagne,  dont  le  P.  Montfaucon  a 
cité  une  lettre  existant  sous  la  date  de  l'an  1202,  dans  le 
cartulaire  des  comtes  de  Champagne, 

En  dédiant  son  poème  à  Guillaume  d'Auvergne,  arche- 
vêque de  Paris  ,  dont  la  prélature  est  marquée  entre  les 
années  1228  et  1248,  le  poète  fait  connaître  que  c'est  dans 
cet  espace  de  temps  que  les  copies  de  son  poème  ont  dû  se 
répandre.  Or,  cela  marquerait  une  époque  postérieure  à  celle 
de  la  mort  de  Louis  VIII  ;  et  ce  n'est  pas  Dom  Brial  qui  nous 
a  suggéré  cette  observation ,  mais  seulement  la  lecture  du  5* 
vers  du  poème,  où,  parlant  de  cette  mort,  le  poète  s'exprime 
ainsi  : 

Cui ,  ni  fatales  Kla  sorores 

Tarn  cito  rupissent  vitae,  florente  juventà,  etc. 

Louis  VIII  étant  mort  dans  sa  quarante -unième  année, 
le  3  novembre  1226,  il  paraîtra  sans  doute  probable  qu'à  la 
date  de  la  composition  de  son  poème,  Nicolas  devait  avoir 
environ  soixante  ans  et  même  plus,  car  il  faut  bien  supposer 
au  poète  cet  âge  avancé,  pour  qu'il  ait  pu  traiter  de  jeunesse 
florissante,  l'âge  mûr  d'un  homme  de  4o  ans.  Un  poète  âgé 
de  3o  ans  se  serait  exprimé  sans  doute  différemment.  Si  l'on 
admet  ces  conjectures,  Nicolas  serait  né  vers  l'an  1160;  il 
aurait  atteint  l'âge  de  l^i  ans  à  la  date  de  l'an  1202,  qui  est 
celle  de  la  charte  de  Nicolas  de  Braia  dont  on  cite  l'existence 
au  cartulaire  de  Champagne,  et  l'on  voit  qu'à  cette  date,  le 
poète  aurait  eu  l'âge  compétent  pour  stipuler  des  intérêts 
an  nom  de  son  chapitre.  Il  suivrait  encore  de  ces  diverses 
combinaisons,  que  le  chantre  de  Louis  VIII  aurait  été  con- 
temporain d'Adam,  chanoine  de  Saint-Victor. 


NICOLAS  DE  BRAIA.  POETE  HEROÏQUE,.        8i 


X 


André  Duchesn  ..•■'..t  déjà  depuis  lonir-temps  donne  une 
éditi;^  '■'-■'-  "■  :  .  acrcccueuse  et  peu  ce  m  ■  ■  '  •=  t  •=  .  de  ce  •tm'  '■  :'JS 
reste    .  .  :.-   des  G^'s"-^  .    d'snrès  i.-    :v    •  ..^   :  :  :i 

Besly .  lorsque  Dom  Br:  ..  —        r- 

pose  de  iS~o  ver> .   '    :*r  ;.-!.'.-  quc  :-  ^    Li  :.i:.n 

rowle  est  d'ailIe.::-  -        .         Je  chiffres  r:    :_■.:..- ..\  qui 

manquent  a  celic  ce  D.;;:  •-:  v.  -.  t  :  .  r.  '  :  :  '.—commodes 
pour  faciliter  les  citations  et  les  uti.i>cr.  i  cu  ni.:'  .  '  re 
a  joint  de  plus  à  la  sienne  qiselqi'^^  t  t^^f  ><::;.;„...;  ^.-  d 
quelques  cori'ections  du  texte.  O;.  -  :     quelles  fas- 

sent plus  noraL  r-, '..?-> ,  >..r:o'-.'.  :  ci.-. ;.■-,::..  :.:  ..mx  per.-on- 
nages  cités  dam  le  p-rme. 

Ije  sacni'  du  roi  Louis  \'III.  et  le  siège  d'Avignon  précède 
de  celui  de  la  Rocbelle,  font  le  sujet  continuel  de  tout  ce  qui 
nous  restr  .'-  '';v.-.r  j-  J-  N  ':-\i>  de  Br3'.î.  11  en'.re  en  ma- 
tière en  c-  :.:::,-  . 

Magnanimi  re;-  ?  L  .;  :.  ?rici  fonia  ecsta 

Quam  prabui  : .  quz  be. 

Hoc  dooe  «Çr  -  :  Taaxits  r  5 

Qoot  bndiUB  Qtu    -  r      ,i.    - 

Musa  refer. 

Le  poète  raconte  success-v  n^nt  le  sacre  et  les  fêtes  qui 
furent  données  en  cette  cir  ':.:<ce  dans  h<  ville  de  Rrims. 
dont  Nicolas  ne  manque  p. >  .:  raire  remonter  ron_.:_  r  :- 
minale  au  frère  de  Roraulus. 

Haj3c  diiêre  Rejuis  veî^re?  '      " ": ^"^sitore. 

Celui  qui  entremêle  si  biz.ni:t:i.c:it  les  noms  de  Remus 
et  de  la  ville  de  Reims,  sest  montre  moins  ditficile  encore. 
en  faisant  syrapathiser  le  ciel  des  chrétiens  avec  le  ciel  de  la 
Grèce,  pour  exprimer  l'envoi  de  la  sainte  Ampoulle  a  !a 
prière  de  saint  Rerai. 

Cujus  prece  rorem 
Miiit  in  a.npnUam  codestetn  Reclor  OljmpL 

Il  continue  l'usage  du  même  stvie  dans  la  description  qu'il 
donne  des  fctes  que  la  ville  de  Paris  prépare  au  roi  pour  son 
retour,  et  dans  lesquelles  les  Parisiens  déploient  toute  leur 
mag^nificence  publique. 

Genat  cum  lumine  Pbœbi 
Fulf-.-  .'   -    :  aruin;  lux  luce  nova  superari 
Se  >--:::  .  r:  terris  aliura  dare  luoûna  soloa 
5   '.  p  uu: .  e:  qaeritur  soliuUB  juhar  cxhebetari 
^  es-tibus  aunTonais. 

Tome  .17  '/II.  L 


xm  siEaF. 


XIII  si:,(;i  r 


8a  N  [COLAS  DE  BRAIA, 

On  remarquera  que  lavant-dernier  vers  eût  pu  se  com- 
poser peut-être  ainsi  d'un  autre  synonyme  : 

Sol  putrtt  ;  assuetum  queritur  jubar  exhebetari. 

Mais  telle  était  la  manie  des  poètes  du  xm*  siècle,  pour 
qui  c'était  alors  une  perfeclion  harmonique  de  reproduire, 
le  plus  qu'ils  pouvaient,  le  mécanisme  syllahique  des  mots 
qui  jîrécédaient  ,  |>our  exprimer  des  idées  toutes  diffé- 
rentes. Notre  poète  nous  fournira  encore  d'autres  exemples 
du  même  abus. 

C'est  au  moyen  d'épithètes  aussi  disproportionnées  avec 
leur  mot  substantif,  que  le  poète  prélutle  à  la  description 
d'un  cratère  d'or  (pie  la  ville  de  Paris  offre  en  présent  au 
roi.  Ici  du  moins  la  verve  poétique  se  trouve  soutenue  par 
des  modèles  de  l'antiquité,  qu'il  imite  assez  bien  dans  les  65 
vers  qui  commencent  ainsi  : 

Ott'ertiir  Crater  (  qiiem  si  sit  credere  dignum), 
Pertiilus  ingenio  tal)ricavit  Mulciber  auro. 
Margine  Crateris  totus  depingitur  orbis, 
Et  séries  leruiii  bievilius  distiiicta  tiguris. 
Illic  poiitus  erat,  tellus  et  pendulus  aer; 
Ignis  ad  alta  volans  cœli  supeieminet  illis. 
Quatuor  in  partes  orbis  distinguitur  ;  ingens 
Circuit  Oceanus  itninensis  lluctibus  orbem. 
Ingenio  natura  suo  duo  luiuina  fecil 
Fixa  tenore  poU  ,  niunili  tainuiantia  rébus. 
* Pioiiielheus.  Hic  Pytho*  piasniavit  boniineni  tellure  recenti, 

Japelho  natus  ,  niixtâ  cuni  fluminis  undis. 
Aureus  orbis  erat  Saturno  régna  regenti: 
Sed,  Jove  regnanti,  species  pervertitur  auri. 
Jura,  filles,  pietas,  fugiunt;  Fraus  proditioque 
Pidiulat,  et  f'acinus.  Astrea  locatur  in  astris  , 
Obsessas  vitiis  terras  extrenia  relinquens. 

Le  poète  poursuit  les  développements  mythologiques  qu'il 
suppose  représentés  sur  le  cratère  d'or,  et  lorsqu'il  en  vient 
à  parler  des  sept  chefs  de  la  Thébaide ,  on  est  tout  étonné 
de  l'expression  purement  hébraïque,  dont  la  latinité  ne  pré- 
sente aucun  exemple,  et  qu'il  emploie  dans  le  vers  qui  suit  : 

Frater  et  .i  furiis  fiaternis  se  phariseat. 

Ce  n'est  point  ici  un  barbarisme  échappé  à  la  distraction; 
c'est  nécessairement  par  un  effet  de  la  singulière  prétention 
de  faire  jouir  celte  expression  du  droit  de  latinité,  qu'il  la 
reproduit  encore  plus  loin  pour  rendre  la  surprise  du  comte 


POÈTE  HEROÏQUE.  83 

de  Saint-Paul ,  lorsqu'il  se  vit  intercepté  par  les  Avignon- 
nais,  du  corps  de  l'armée  qu'il  commandait.  Ici  l'emploi  du 
terme  est  encore  plus  ridicule,  en  ce  qu'il  fait  de  ce  comte 
un  Pharisien  proprement  dit  : 

Cumque  Cornes  Régis  à  castris  se  phariseum 
Cerneret 

On  conviendra  que  nous  ne  serions  pas  loin  de  tomber 
nous-mêmes  dans  de  pareils  abus,  en  écrivant  dans  notre 
propre  langue,  si  le  goût  des  barbares  qui  la  pervertissent 
de  nos  jours  pouvait  jamais  prévaloir  sur  les  modèles  de  la 
littérature  française. 

Après  les  fêtes  données  pour  son  sacre,  le  roi  fait  une 
tournée  dans  ses  états.  L'auteur  alors  saisit  l'occasion  de 
susciter  contre  ce  prince  les  génies  infernaux.  Les  lieux 
communs  de  la  versification  font  les  frais  de  ce  long  préam- 
bule au  récit  du  siège  de  la  Rochelle,  préparé  par  une  allo- 
cution du  roi  aux  grands  de  son  royaume.  Après  quoi, 
passant  en  revue  les  ducs  et  les  comtes,  le  poète  trouve  ici 
l'occasion  de  caractériser  diversement  les  peuples  qui  leur 
sont  soumis.  Voici  ce  qu'il  dit  des  Flamands  et  de  ses  com- 
patriotes les  Champenois. 

Flandria  Flandrenses  quorum  fomenta  butyrum 
Caseiis  et  lac  sunt,  quorum  cerevisia  potus. .  . 
Audaces  et  Marie  probes  Cumpania  niisit.  .  . 

Le  comte  de  Flandre  était  alors  retenu  en  captivité,  ce 
que  le  poète  exprime  aussi  singulièrement  qu'ailleurs  dans  le 
vers  suivant  : 

Comitem  sed  Flandria  luget 
Nam  Ferrandus  erat  ferratus  compede  ferri. 

La  bizarrerie  de  ce  vers  fait  ressortir  d'autant  les  deux 
vers  plus  heureux  qui  ouvrent  l'allocution  du  roi  au  pied 
des  murs  de  la  Rochelle,  le  septième  jour  de  son  entrée  en 
campagne. 

Jam  caput  ignivomum  Nabathœis  Lucifer  oris 
Septimus  extulerat,  cum  jam  pernicior  aura, 
Imperiosa  phalanx,  hostiles  cernere  muros 
Et  turres  poterat.  . . 

Il  faut  passer  sous  silence  ce  qui  concerne  ici  la  croisade 
projetée  contre  les  Albigeois  par  le  légat  Romain,  cardinal 
de  Saint- Ange,  dont  il  sera  plusieurs  fois  parlé  en  prose  dans 

L2 


XMI  S  II- CLE. 


XIII  SIECLE. 


84  NICOLAS  DE  BRAIA, 

la  suite.  Les  5o  vers,  qui  peuvent  intéresser  la  partie  diplo- 
matique de  ce  point  historique,  n'y  présentent  rien  de  re- 
marquable pour  la  critique  littéraire,  si  ce  n'est  la  bizarrerie 
encore  de  la  composition  des  trois  vers  dans  lesquels  le  poète 
conjure  la  Parque  d'épargner  la  vie  de  Louis  VIII,  qui, 
comme  on  sait,  était  très-près  de  sa  fin,  à  l'époque  du  siège 
de  la  Rochelle. 

Cum  regem  lateat  sibi  quod  fera  parca  minatur, 
Parca,  per  anti-phrasim,  niinc  incipe  parcere!  Parca, 
Parce,  nec  aetatis  florentia  staniina  rumpe; 
Naturamjam  vince  tuani,  nomenque  sequaris.' 

N'aurait-il  pas,  en  effet,  été  bien  étrange  que,  du  vivant 
encore  de  Louis  VIII,  un  doyen  de  la  collégiale  de  Brai  eût 
osé,  même  dans  une  composition  poétique,  faire  un  pacte 
avec  la  Parque  pour  lui  abandonner  les  jours  du  roi,  moyen- 
nant qu'elle  le  fît  périr  à  la  bataille;  ou,  du  moins,  que  si 
elle  en  décidait  autrement,  elle  fit  découvrir  l'auteur  du  for- 
fait de  son  lâche  empoisonnement. ••  Dom  Brial  nous  avertit 
ici,  en  note,  qu'il  n'avait  lu  nulle  part,  si  ce  n'est  dans  Je 
poème  des  Gesta ,  que  Richard,  roi  d'Angleterre,  eût  tenté 
de  faire  empoisonner  Louis  VIII.  Voici  les  vers  : 

Vel  detege  proditionis 
Actorem ,  ciijus  débet  miscere  venena 
Ausa  manus  facinus,  et  sic  te  crimine  solvam. 

Le  poète  continue  par  la  description  de  la  ville  d'Avignon, 
dans  l'état  où  elle  était  encore  avant  que  ses  anciennes  et 
doubles  fortifications  eussent  été  rasées  après  le  siège.  Suc- 
cède à  ce  morceau  une  longue  narration ,  toujours  mêlée 
de  discours,  sur  la  trahison  trompée  des  Avignonnais,  qui 
croyaient  avoir  fait  prisonnier  le  roi  même  ,  quand  ils  n  a- 
vaient  saisi  que  le  comte  de  Saint-Paul,  ce  que  le  poète 
exprime  encore  par  l'emploi  du  même  barbarisme  que  nous 
avons  déjà  fait  remarquer.  Mais  le  comte  exhorte  sa  troupe 
au  courage,  et  s'il  le  faut,  à  mourir  surtout  en  chrétiens. 
Mais,  dans  une  aussi  grave  circonstance,  croirait-on  que  le 
poète  n'ait  pas  senti  le  ridicule  des  jeux  de  mots  qu'il  mêle 
au  discours  de  son  héros.'' 

Quod  pro  Christo  moriemur; 

Sed  genus  lioc  niortis  est  vivere ,  mors  ea  felix 
Cujiis  dat  inorsus  oeternae  praemia  vitae. 

Sept  jours  après,  les  bourgeois  d'Avignon  se  rendent  à 


POÈTE  héroïque.  85 

discrétion;  les  fauteurs  de  la  trahison  sont  pendus;  mais  la 
citadelle  continue  à  résister.  Le  roi  en  ordonne  l'assaut,  et  le 
comte  de  Saint-Paul  y  succombe  au  moment  même  où  la 
victoire  lui  était  assurée;  c'est  ce  que  le  poète  expose  dans 
le  morceau  suivant,  qui  termine  ce  que  nous  avons  conservé 
de  toute  sa  composition,  qui  ne  doit  pas  avoir  été  beaucoup 
plus  étendue,  quand  on  la  possédait  entière. 

Janique  propinquabant  acies  indagine  valli 
Prostratà  peiiitùs,  et  fossis  aggere  plenis 
Lignorum  lapidunique  gravi,  scalasque  parabant 
Jam  mûris  aptare  suas;  et  tune  timor  hostes 
Invasit  tantus,  quôd  desperare  coacti 
Effugiunt,  murumque  sinunt.  Sed  dùm,  super  omne» 
Miiitiae  fervore  calens  et  laudis  honore, 
Dictus  saepè  Cornes  muros  ascendere  tentât, 
Proh  dolor!  excutitur  ingenti  mole  peremptus, 
Quod  Rex  ut  vidit,  animi  vix  sustinet  irani , 
Et  cordis  gravis  astringit  dolor  intima ,  vixque 
Spiritus  ofticium  poterat  complere  loquelae; 
Nec  flebat,  lacrymas  etenim  siccaverat  ardor. 
'     Ergô  suis  jubet  ille  viris  vexilla  referre; 

Corpus  et  attolli:  paretur,  et  omne  reliquunt 
Propositum.  Redeunt  hostes,  eedentibus  illis; 
Et  quos  ante  timor  fugisse  coegerat,  illos 
Consolidât  redditque  viros  audacia  major; 
Et  rursùni  lapides  et  spicula ,  mente  resumptâ, 
Conjiciunt,  valuitque  parùm  fuga  dévia  gentis. 
Me  quoque,  jam  memini,  volitans  per  inane  sagitta: 
[rruit;  at  gentes  egi,  non  corpore  laeso. 

Ces  derniers  vers ,  et  surtout  l'expression  ampoulée  de 
gentes  egi,  constatent  bien  que  le  poète  avait  payé  de  sa 

f)ersonne  dans  cette  action,  et  qu'il  en  écrivit  le  récit  assez 
ong-temps  après,  pour  avoir  pu  convenablement  employer 
l'expression  jam  memini,  qui  fait  connaître  le  risque  qu'il 
avait  couru  d'être  blessé. 

En  joignant  cet  indice  à  ceux  qui  ne  permettent  guère  de 
supposer  qu'il  ait  fait  plusieurs  allusions  à  la  mort  du  roi, 
avant  qu'elle  fût  arrivée,  il  est  naturel  d'en  conclure  que  le 

Poème  de  Nicolas  de  Braia  n'aura  été  divulgué  qu'à  la  fin  de 
an  1226,  si  ce  n'est  plus  tard  encore. 
On  ne  connaît  d'ailleurs  d'autre  pièce  relative  à  notre  " 
poète  qu'un  acte,  en  vertu  duquel  le  chapitre  collégial  de 
Brai ,  en  Champagne ,  cède  à  la  comtesse  de  Flandre  la  nomi- 
nation de  deux  Personnats;  en  voici  la  copie. 

Ego  Nicholaus,  decanus,  et  universum,  capitulum  ecclesiœ 
9 


Xni   SIKCLE. 


ÏIU  SIECLE. 


Vers  laBo. 


86      NICOLAS  DE  BRAIA,  POETE  HEROÏQUE. 

Braiacensis  notum  facimus  omnibus  tam  presentibus  qiiatn 

futuris  quod  inter  nos  et  venerabileni  coniitissain   Trccen- 

sem  palatinam ,  de  donatione  personatuum  ecclesiœ  nostrœ, 

videlicet  thesaurafiœ  et  cantorùe  verleretur  querela,  tandem 

pacificata  est  in  hune  modiim,  quod  nos  honori  etamori  ejus 

cupientes déferre,  volumjxset  tant  patienter  quam  unani miter 

sustiiieinus,  quod  ipsa  comitissa  et  hœredes  sui  in  perpetuum 

prœdiclorum  habeant  donationem  personatuum.  Quod  ut  ra- 

tum  sit  et  firmum  sigilli  nostri  munimine  roboramus.  Aclum 

anno ab  incarnatione DominiM.  CCy secundo  mensejanuario. 

Cette  comtesse  est  la  même  c|ui  s'intitule:  Eg:o  Blancha , 

Campaniœ  palatina ,  dans  une  charte  clitee  de  l'an  1227, 

qui  est  citée  dans  la  Gallia  christiana ,  tom.  IX,  pag.  168. 

P.  R. 


HUGUES  DE  FLOREFFES 


lluGCES,  chanoine  de   l'ordre  de  Prémontré  à   Floreffes, 

dans  le  diocèse  de  Namur,  est  auteur,  non  d'une  vie  de  saint 

Norbert,  mais  de  celles  de  trois  religieuses  ou  recluses,  Ida 

Ducange.ind.  de  Nivclle,  Ida  de  Leuves ,  Jutta  ou  Ivetta  de  Huy,  au  ter- 

coi.  ii5.  Aub.  ritoire  de  Liège.  De  ces  trois  histoires  qu'il  avait  rédigées 

aaa'i.T'"'  'n"    V^^  Ordre  de  son  abbé,  Jean,  lesdeux  premières  n'ont  jamais 

388.1'abric.,  Bi-    1,     ,    .  .        ,  ,,      '       ,.      \.  ',         ,.  '        ■  i  •' 

biiot.  med.  lat.,  ete  im|)rnnees,  et  Ion  n  indique  pas  les  lieux  ou  elles  peu- 
t.  m,  p.  a;>3.  vent  exister  manuscrites.  La  perte  n'en  est  pas  fort  regret- 
deVilrù  ec"'i'p"'  '^•''''^i  ^i  l'ou  cu  juge  par  la  troisième  que  les  Bollandistes 
t.  III,  p.  IO-.  ont  publiée.  Les  57  chapitres  qui  la  composent  sont  précédés 
Foppens,  Hibi.  d'uiit'  préface  et  d'un  prologue  où  l'auteur  prie  ses  lecteurs 
Agf '402  ' ''^^  de  ne  |)as  exiger  de  lui,  qu'il  orne  ses  récits  des  fleurs  de 
Actass.  i"}]:!-  l'éloquiMice  profane,  adulterinos  ethnicorum  flosculos ,  aut 
Duar.,  loni.  I,  p.  spleiididimi  eloquii  venustatem.  Il  n'écrit  pourtant  pas  sans 
'■  soin  ni  sans  art;  il  n'est  point  illettré;  car  il  cite  Lucain  et 

Boèce.  On  apprenil,  dans  son  livre,  qu'Ivette  ou  Jutta  avait 
été  mariée  par  force  et  malgré  sa  résolution  de  vivre  dans 
le  célibat;  que,  devenue  veuve  et  mère  de  plusieurs  enfants, 
elle  faillit  être  contrainte  encore  à  prendre  un  second  é|)Oux; 
mais  que  la  Sainte  Vierge  intervint  pour  la  préserver  de  ce 
péril  et  de  quelques  autres.  Ivette  se  mit  au  service  des  lé- 
preux, et  désira  vivement  être  lépreuse  elle-même  :  il  n'est 


HUGUES  OE  FLOREFFES.  87 

pas  dit  que  ce  vœu  ait  ete  exauce.  JNous  lisons  en  revanche  — , 

qu'elle  fut  douée  du  don  de  prophétie,  et,  ce  qui  n'est  pas 

moins  remarquable,  qu'elle  saviiit  lire  dans  le  passé  le  plus 

secret  aussi  bien  que  dans  l'avenir  le  plus  obscur:  ses  regards 

pénétraient  au  fond  des  consciences.  Elle  prévit  sa  propre 

mort,  et,  après  que  la  Madeleine  lui  eut  apparu,  elle  expira, 

l'an  1^227  ou  plutôt  1228,  avant  Pâques,  le  jour  de  l'octave 

de  l'Epiphanie,  ayant  atteint  l'âge  de  70  ans.  Le  chapitre  IV 

de  son   histoire  est  intitulé  :  de  motione  elementorum  in 

obitu  ejas  et  mirabili  cii'inm  concentu.  Son  dernier  soupir 

ébranla  l'univers,  et  son  entrée  au  séjour  des  bienheureux 

fut  annoncé  par  les  ravissants  concerts  des  oiseaux.  Après 

de  si  éclatants  miracles,  il  serait  superflu  d'en  retracer  ici 

plusieurs  autres  qui  précédèrent  ou  suivirent  la  mort  de  la 

recluse  Ivetta.  Quant  à  l'historien  Hugues  qui  les  a  soigneu- 

cement  racontés,  nous  ne  connaissons  de  lui  que  son  livre, 

son  nom  et  celui  du  monastère  où  il  a  vécu  :  il  a  dû  écrire 

cette  relation  assez  peu  de  temps  après  le  mois  de  janvier 

1228  :  c'est  l'unique  indice  qui  nous  autorise  à  le  placer  sous 

l'année  1 280  ;  nous  devons  le  prendre  pour  un  contemporain 

de  la  sainte.  Il  n'y  a  pas  moyen  de  le  confondre  avec  l'abbé 

Hugues,  mort  en  1  174,  qui  avait  été  le  premier  disciple  et 

le  successeur  de  saint  JNorbeit.   Le  Paige,  dans  sa  Bihlio- 

theca  pi'œmonstralensis ,  ne  fait  pas  mention  de  Hugues  de 

Floreffes;  mais  il  parle  de  la  célébrité  de  cette  abbaye,  mère 

de  neuf  autres  monastères  de  l'ordre  de  Prémontré,  et  si 

florissante  qu'on  a ,  selon  lui,  de  justes  raisons  de  dire  d'elle  :      Bibhoth.  Pi*- 

^  •"  monsl.,  I.  H,  ]). 

Florida  florenti  floret  Floreffia  flore.  D.  5ai. 


HÉLINAND, 


MOINE   DE   FROIDMONT.  mort  vers  .2 3o. 

SA    VIE. 


Hélinand  naquit,  suivant  Loisel ,  à  Pruneroi  ou  Pront-le- 

Roi ,  dans  le  Beauvaisis.  Il  nous  apprend   lui-même  qu'il 

tirait  son  origine  d'une  famille  noble  de   Flandre,  que  la      Heiin.chion., 

recherche  trop  rigoureuse  des  complices  de  l'assassinat  du  •*■  '**• 

comte  Charles-le-Bon  obligea,  quoique  innocente,  de  s'ex- 


Loisel,  ùltiii., 
p.  30 1 


Xni  SIECLE. 


Helin.  Flores, 
tap.  XII,  p.  3ii. 


Helin.   cliion. 


88  HELINAND, 

pa trier,  vers  l'an  1 127.  Herman,  son  père,  était  alors  en  bas 
âge,  et  avait  un  frère  nommé  Ellebaude,  qui  devint  par  la 
suite  chambellan,  cubicularius ,  de  Henri  de  France,  ar- 
chevêque de  Reims.  Hélinand  fut  envoyé  à  Beauvais  pour 
y  étudier  dans  l'école  de  Raoul,  le  grammairien,  qui  lui- 
même  s'était  formé  à  celle  d'Abélard.  Héritier  du  savoir  de 
.  ,  ces  deux   habiles  professeurs ,   Hélinand   les  ée.ila    par    la 

ad  an.   iiV-s.P-  ■     '     \  *^ ■  \      c'  J-^'     I  •  •        ..• 

j8j.  sagacité  de  son  esprit,  par  la  lecondite  de  son  wnagination  , 

par  l'étendue  et  la  variété  de  ses  connaissances. 

Après  ses  études,  il  débuta  dans  le  monde  par  des  chan- 
sons, dont  il  relevait  le  prix  par  les  accents  de  sa  voix,  qu'il 
avait  très-belle.  Ce  talent  le  fit  rechercher  des  grands,  qu'il 
flattait  dans  ses  vers,  et  redouter  de  ses  rivaux,  qui  n'y  étaient 
pas  épargnés.  Le  roi  Philippe-Auguste  le  faisait  souvent  ap- 
peler à  sa  cour,  pour  avoir  le  plaisir  de  l'entendre  chanter. 
C'est  l'auteur  du  roman  d'Alexandre  qui  nous  instruit  de  ce 
fait  : 

DuBoul   Hisi  Quant  H  rois  ot  mangié,  s'apella  Hélinand, 

uaiv.  Pai'is'i.  Il  Pour  li  esbanoyer  commanda  que  il  chant, 

p.  -^(i.  Cil  commence  à  noter  ainsi  com  li  jayant  (i) 

Monter  voldrent  au  ciel,  comme  gent  mescréant. 

.Véritable  trouverre,  il  parcourait  ainsi  les  châteaux,  se- 
mant la  gaieté  partout  où  il  se  trouvait,  et  portant  même 
l'enjouement  quelquefois  jusqu'à  la  licence.  Il  ne  se  donnait, 
dit-il,  de  son  temps,  ni  spectacle,  ni  divertissement  dans  les 
places  publiques,  dans  les  écoles  ou  les  tournois,  auxquels 
Helin.,  de  Re-  \\  f,e  f^f  appelé.  Ipse  quideni  spectaculum  factus  est  angelis 
r.  apsi,p.  ji  .  ^^  horninibus  le^ntate  miracuU ,  qui  prias  eis  spectaculum 
Juerat  miraculo  levitalis ,  dîiin  non  scena ,  non  circus ,  non. 
theatrum,  non  amphitheatrum ,  non  forum ,  non  platea ,  non 
gyninasium ,  non  arena,  sine  eo  resonabat. 

Hélinand  coulait  ainsi  ses  jours  dans  les  plaisirs  et  la  dissi- 
pation, lorsqu'un  rayon  subit  de  la  grâce  lui  découvrit  le 
vide  de  la  félicité  qui  le  charmait.  Les  réflexions  qu'il  fit  sur 
sa  cxjiiduite  passée  ne  furent  point  stériles;  elles  produisirent 
utie  résolution  ferme  de  renoncer  au  monde,  et  l'abbaye  de 
Froidmont,  ordre  de  Cîteaux,  en  Beauvaisis,  fut  le  lieu  où  il 
alla  l'exécuter.  Dès  qu'il  eut  embrassé  ce  nouveau  genre  de 
vie,  il  devint  un  homme  tout  différent  de  ce  qu'il  avait  été. 
li)ia*ni.  «  Vous  avez  sans  doute  ouï  parler  d'Hélinand,  dit-il  au  mêinfi 

(i)  Lesgéans. 


par 


MOINE  DE  FROIDMONT.  89 

«  endroit;  car  qui  n'a  pas  connu  cet  homme,  si  toutefois  on 
«  peut  l'appeler  un  homme?  Il  n'était  paç  plus  fait  pour  le 
«  travail  que  l'oiseau  qui  ne  sait  que  voler;  il  n'avait  d'autre 
«  occupation  que  de  courir  le  monde,  cherchant  à  perdre  les 
«  hommes,  soit  en  les  flattant,  soit  en  les  déchirant.  Le  voilà 
«  maintenant  renfermé  dans  un  cloître,  lui  à  qui  le  monde 
«  entier  semblait  un  cloître  ou  même  une  étroite  prison.  Il 
«  était  si  connu  par  son  inconstance,  que  plusieurs  attri- 
«  huaient  à  sa  légèreté  le  changement  qui  venait  de  s'opérer 
«  en  lui  ;  et  plus  il  avait  donné  de  preuves  de  son  inconstance, 
«  moins  on  était  disposé  à  croire  qu'il  pût  persévérer  dans 
«  un  ordre  aussi  austère  et  si  opposé  au  genre  de  vie  qu'il 
«  avait  mené  jusque-là.  » 

Il  persévéra  cependant,  et  il  y  avait  cinq  ans  qu'il  portait 
l'habit  religieux,  lorsqu'il  se  dépeignait  ainsi,  dans  sa  lettre 
à  Gautier;  mais  il  serait  difficile  d'assigner  l'année  précise 
de  sa.  conversion.  Essayons  de  la  découvrir  à  peu  près. 

Hélinand  était  déjà  moine  lorsqu'il  composa  ses  stances 
sur  Ja  mort,  car  il  dit  dans  la  première  : 

Mors,  qui  m'as  mis  muer  en  mue, 
En  tel  estuve  où  li  cors  sue 
Che  qu'il  fist  au  siècle  d'outraige. 


XIII  SIECLE. 


Por  ce  ai-je  cangié  mon  coraige, 
Et  ai  laissié  et  giu  et  raige: 
Mal  se  mouille  qui  ne  s'essue. 


Or  ces  vers  ont  été  composés  avant  l'an  1200.  La  preuve 
en  est  que  les  stances  d'Hélinand,  sur  la  mort,  se  trouvent 
dans  un  manuscrit  de  la  maison  de  Sorbonne,  aujourd'hui 
dans  la  Bibliothèque  royale,  portant,  à  la  dernière  page,  en 
caractères  du  même  temps  et  de  la  même  main  que  le  corps 
entier  du  livre,  ces  mots  qui  en  donnent  l'époque,  expUcit 
iste  liber  anno  M.  CC.  D'ailleurs  la  stance  18  est  adressée  à 
des  seigneurs  décédés  avant  ou  peu  après  l'an  1200.  En  voici 
le  commencement. 

Mors,  qui  as  contes  et  as  rois 
Acorches  lor  ans  et  lor  mois, 
Conques  hom  alongier  ne  pout, 
Chartres  et  Chaalons  et  Blois 
Salue  pour  les  Tibaudois , 
Loeis ,  Renaut,  et  Retrout. 

Louis,  comte  de  Chartres  et  de  Blois,  succéda  à  son  père 
Tome  XVllL  M 


Xllt  SIECLE. 


Helin.  Flores, 
cap.  IX ,  p.  3 1  o. 


go  HELIN  AND, 

l'ail  iiqi  ,  partit  pour  la  Terre-Sainte  l'an  1202,  et  mourut 
en  i2o5.  Renaut  doit  être  l'évêque  de  Chartres  de  ce  nom, 
fils  de  Renaut  II,  comte  de  Bar  et  de  Monçon  ,  petit-fils  de 
Thibaud-le-Grand  par  sa  mère,  dont  l'épiscopat  commencé 
l'an  II 83  finit  en  1217.  Le  Rotrou ,  dont  il  est  parlé,  ne 
peut  être  que  Rotrou  III,  comte  du  Perche,  mort  l'an  1191 
au  siéjje  de  Saint- Jean-d'Acre;  ou  Rotrou  son  fils,  évêque  de 
Chàloiis-sur-Marne  ,  depuis  l'an  1190  jusqu'en  1201,  prélat 
également  issu  de  Thibaud-le-Grand  par  sa  mère.  Voilà 
pourquoi  l'auteur  les  appelle  les  Thihaudois.  Tout  cela 
prouve  qu'Héliiiand  ,  s'il  est  vrai,  comme  on  n'en  peut  dou- 
ter, qu'il  soit  l'auteur  des  4^  stances  sur  la  mort,  était  déjà 
religieux  avant  1200.  Mais  l'année  où  il  entra  en  religion 
nous  est  inconnue. 

Hélinand,  après  sa  conversion,  vécut  dans  une  piété  con- 
stante, sans  abandonner  la  culture  des  lettres.  Son  mérite 
lui  concilia  l'estime  et  l'amitié  de  plusieurs  prélats  <le  son 
temps,  qu'il  ne  nomme  pourtant  pas;  mais  voici  comment  il 
les  désigne  dans  les  stances  16  et  17. 

Mors ,  va  à  Biauvais  tôt  corant 
A  l'évesque  qui  m'aime  tant, 
Et  qui  toz  jors  m'a  tenu  chier; 
Di  li  qu'il  ert  sans  contrement 
Un  jour  à  toi,  mais  ne  sai  quant. 
Or  se  paint  dont  d'espeluchier 
Sa  vie ,  et  sa  nef  espuisier, 
Et  de  bones  muers  alucbier,  etc. 

D'après  la  date  que  nous  venons  d'assigner  à  ces  vers ,  cet 
évêque  ne  peut  être  que  Philippe  de  Dreux,  prélat  guerrier, 
qui  tint  le  siège  de  Beauvais  depuis  l'an  1 176  jusqu'en  1217. 
Hélinand  rapporte  une  anecdote  plaisante,  qui  prouve  que 
leur  amitié  dégénérait  quelquefois  en  une  grossière  familia- 
rité. Qu'il  nous  soit  permis  de  la  rapporter,  quelque  ignoble 
qu'elle  soit,  puisqu'elle  dépeint  les  mœurs  du  temps.  Il  dit 
donc  que  Philippe  de  Dreux  ,  évêque  de  Beauvais,  étant  allë 
à  Froidmont,  lavait  prié  de  lui  procurer  le  lendemain,  de 
grand  matin,  une  basse  messe.  Il  était  déjà  jour,  et  le  prélat 
dormait  encore,  sans  qu'aucun  de  ses  domestiques  osât  le 
réveiller.  Hélinand  entre  dans  sa  chambre,  et  lui  crie  d'un 
ton  badin:  «  Il  y  a  long-temps',  seigneur,  que  les  oiseaux 
Œ  sont  levés  pour  louer  leur  créateur,  et  vous  restez  au  lit!  » 
Le  prélat  prenant  cela  pour  un  reproche,  lui  répond  avec 


XIII  SIECLE. 


MOINE  DE  FPiOIDMONT.  91 

émotion:  «Tais-toi,  misérable!  va  tuer  tes  poux.»  Fade 
hinc ,  miser!  et  interjlce  pedicuîos  tuos.  Hélinand,  sans  se 
déconcerter,  lui  riposte  toujours  sur  le  même  ton  :  o  Prenez 
(c  garde,  mon  père,  que  les  vers  ne  vous  tuent;  car  pour  moi 
«  j'ai  déjà  tué  les  miens.  Il  y  a  cette  différence  entre  la  ver- 
«  mine  du  riche  et  celle  du  pauvre,  que  les  pauvres  s'en 
(c  débarrassent  en  la  tuant,  au  lieu  que  les  riches  en  sont 
«  souvent  les  victimes  :  témoin  les  rois  puissants  Antiocbus 
«  et  Hérode-Agrippa  qui,  au  rapport  de  la  sainte  Ecriture, 
«  en  fuient  dévorés.  » 

Les  évêques  de  Noyon  et  d'Orléans  n'étaient  pas  moins  ses 
amis,  comme  on  le  voit  par  la  ly*  stance,  ainsi  conçue  : 

Mors ,  qui  les  haus  en  prison  tiens , 
Aussi  comme  uns  povres  rliiens, 
Ke  li  siècles  a  en  despit, 
Salue  deus  évesqiies  miens, 
Celi  de  Noyon  et  d'Orliens; 
Di  leur  qu'ils  ont  mainz  de  respit 
Ke  en  lor  faces  n'est  escrit  : 
Tu  fais  de  lonc  telme  un  petit. 
Or  se  gardent  de  tes  engiens. 
Tu  prens  le  dormant  en  son  lit, 
Tu  touls  au  riche  son  délit. 
Tu  fais  biaulé  devenir  fiens. 

L'évêque  de  Noyon  était  sans  doute  Etienne  de  Nemours, 
qui  gouverna  cette  église  depuis  l'an  1188  jusqu'à  1221. 
Quant  à  celui  d'Orléans,  ce  ne  peut  être  que  Henri  de  Dreux, 
frère  de  l'évêque  de  Beauvais,  et  mort  lan  1199.  II  est  vrai 
que,  dans  d'autres  manuscrits,  au  Heu  de  Noyon  et  d'Orliens, 
on  lit  de  Noyon  tX.  A' Amiens.  Dans  ce  cas,  ce  serait  Thibaud 
de  Heilly,  qui  fut  évêque  d'Amiens  depuis  l'an  1 169  jusqu'en 
1204.  Tels  sont  les  évêques  dont  Hélinand  s'était  concilié 
l'amitié. 

L'année  de  sa  mort  est  fort  incertaine.  Du  Boulay  la  place 
en  121 2.  Cette  opinion  est  inconciliable  avec  ce  que  rap- 
porte Vincent  de  Beauvais.  Pour  rendre  raison  de  la  perte 
•de  la  chronique  de  notre  auteur,  il  dit  qu'Hélinand  en  avait  xxîx, V.  cVi'i 
confié  quelques  cahiers  à  Guérin,  évêque  de  Senlis.  Or, 
Guérin  n'ayant  été  fait  évêque  de  Senlis  qu'en  iai5,  il  faut 

3u'Hélinand  ait  vécu  au-delà  de  ce  terme.  Casimir  Oudin  ne 
it  pas  sur  quel  fondement  il  le  fait  vivre  jusqu'en  1327.  Nous 
croyons  quon  peut  retarder  encore  sa  mort  de  quelques 
années.  En  effet,  parmi  ses  sermons,  il  y  en  a  un  qui  fut 

M  2 


Spec.  bist.,  I. 
II. 


92  HÉI.INAND, 

— ! prêché  à  Toulouse  dans  un  synode.  C'est  ce  que  portait  le 

Bii.i.p.cisie..,  manuscrit  original  «le  Froidmond.  Or,  nous  ne  trouvons  pas 

i.  VII,  p.  »<)',.     qu'il  ait  été  tenu  à  Toulouse,  dans  les  premières  anjiées  du 

xiH^  siècle,  un  autre  concile  que  celui  (jui  s'assembla,  l'an 

1129,  sous  la  présidence  du  légat  Romain  ,  cardinal  de  Saint- 

Maii.iiL,Ampi.  Ange.  Il  est  vrai  que  D.  Martène  rapporte  des  actes  d'un 

loilcct. ,  t.  VII,  JJ^^p^.  concile  de  Toulouse  de  l'année  121Q,  toujours  sous  la 

col       I OD  -1  •    " 

présidence  du  cardinal  Romain;  mais  il  faut  qu'il  y  ait  erreur 
dans  la  date,  et  qu'on  ait  lu  1219  pour  1229,  parce  que  le 
cardinal  Romain  ne  fut  légat  en  France  qu'en  1225.  Cela 
posé,  les  actes  publiés  par  iVIartène  ne  sont  qu'un  Inigment 
de  ceux  qu'on  trouve  dans  les  collections  des  conciles,  comme 
appartenant  à  celui  de  Toulouse  de  l'an  1229. 

Hélinand  vivait  donc  encore  en  cette  année,  et  n'était  pas 
si  décrépit,  qu'il  ne  pîit  aller  porter  la  parole  de  Dieu  dans 
des  régions  éloignées,  ou  du  moins  en  Languedoc.  Loisel , 
à  la  fin  du  poème  d'Hélinand  sur  la  mort,  donne  son  épita- 
phe,  qu'il  a  tirée,  dit-il,  d'un  ancien  manuscrit  de  Froidmont. 
Elle  consiste  dans  les  cinq  vers  suivants,  dont  les  quatre 
,,,  ,  .,  premiers  se  retrouvent  dans  l'épitaphe  d'Abélard  ,  attribuée 
sp.i  <),..,.  801.   a  Philippe  Harveing,  abbe  de  bonne-tsperance. 

Lucifer  occul)uit  :  stelloe  radiale  minores  ; 
Nanique  hujus  radius  (i)  hebetabat  ut  inferiores. 
Illius  occasu  tandem  venistis  ad  ortum  , 
Naufragioque  teiiet  vestrae  ratis  anchora  portum. 
Claruit  ingenio,  moril)us  alque  stylo. 


SES   ECRITS. 

Le  tome  VU  de  la  Bibliothèque  des  pères  de  l'ordre  de 
(liteaux  ,  par  D.  Tissier,  contient  les  principaux  ouvrages  de 
notre  auteur.  On  y  trouve  sa  chronique  universelle,  ses  ser- 
mons et  quelques  opuscules. 

I.  Sa  Chronique.  Elle  remontait  à  la  création  du  monde, 
et  comprenait  49  livres;  mais  il  n'en  reste  qu'un  assez  long 
fragment,  commençant  à  l'année  G34  de  l'ère  chrétienne,  et 
finissant  à  la  prise  de  Constantinople  par  les  Français  l'an 
i2o4;  fragment  qui  correspond  au  livre  45  et  aux  suivants 
jusqu'au  ^cf  inclusivement.  La  perte  des  autres  livres  est 
ancit^nne,  puisque  Albéric  de  Trois-Fontaines  n'emploie  que 
les  cinq  derniers  dans  les  extraits  d'Hélinand,  qu'il  a  insérés 

(i)  ^l.  Cujus  vos  radius. 


XIII   SIKCM,. 


MOINE  DE  FROIDMONT.  93 

dans  sa  propre  chronique.  Incipit  liber  Helinandi ,  dil-il ,  sur 
l'année  633,  et  le  morceau  qu'il  cite  à  cette  occasion,  est  le 
commencement  du  45*  livre  de  notre  auteur.  S  il  faut  s'en 
ra|)portt'r  à  Vincent  de  Beauvais  ,  cette  perte  eut  pour  cause      S|.c..  hist. ,  1. 
la  néelii^ence  de  Guéiin,  évêque  de  Senlis,  qui  ayant  em-   ^xix,  c.  cvm. 

^'1  i   •  <     p       1  I  '  1 1        '1  ^    •  Oudin.deScri. 

prunte  quelques  cahiers  a  lautcur,  les  ej^ara.  Il  est  certaui  ^^^1^  t.  m,  p. 
que  dans  le  manuscrit  original,  que  Casimir  Oudin  dit  avoir  12. 
eu  entre  les  mains,  tout  ce  qui  est  antérieur  à  l'année  634, 
ne  consiste  quen  une  nomenclature  sèche  des  princes  qui, 
depuis  la  création,  ont  gouverné  le  monde,  tableaux  qui 
aujourd'hui  ne  peuvent  étie  d'aucune  utilité,  et  qu'on  a  bien 
fait  de  ne  pas  imprimer.  Cependant  Oudin  ajoute  qu'il  existe 
en  Angleterre,  dans  la  bibliothèque  Cottonnienne,  un  ma- 
nuscrit ainsi  désigné  par  le  catalogue  :  Chronicon  Helinandi 
monachi,  ordinis  cisterciensis,  pars  prima  à  creatione  niitndi 
ad  tenipora  Dorii  Nothi  et  Ârchelai ,  libris  sexdecim  ;  d'où 
il  conjecture  que  la  seconde  partie,  finissant  à  la  naissance 
de  J.  C,  pouvait  aussi  contenir  seize  livres,  avec  un  peu 
de  détail,  et  la  troisième  douze,  depuis  l'incarnation  jusqu'à 
l'an  (133. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  perte,  si  elle  est  réelle,  n'est  pas 
beaucoup  ;i  regretter,  à  en  juger  par  le  fragment  qui  nous 
reste,  dans  lequ^'l  notre  auteur  n'a  fait  que  compiler  ce  qu'il 
a  trouvé  écrit  avant  lui.  Ses  guides  ordinaires  sont  lu  véné- 
rable Bède,  Sigebert  de  Gemblou,  Hugues  de  Saint-Victor 
et  Guillaume  de  IMalmesburi.  Arrivé  à  l'an  1 1 1  3  :  «  Ici  finit, 
«  dit-il  en  terminant  le  livre  47  1  '^  chronicjue  de  Sigebert. 
«  Après  lui ,  je  ne  vois  ni  chroniqueur,  ni  historien  qui  nous 
u  ait  donné  une  suite  non  interrompue  d'événements  mémo- 
«  râbles.  Je  trouve  seulement  qu'on  a  ajouté  à  la  chronique 
«  de  Sigebert  (  il  veut  parler  de  ses  continuateurs)  quelques 
«  annotations  très-courtes,  quasdani  notulas  hrei'issimas, 
«  unius  tantimi  lineœ  capaces,  qui,  dans  la  chronologie, 
«  laissent,  dit-il,  plus  d'années  vides  qu'elles  n'en  remplis- 
«  sent.  »  Il  annonce  donc  qu'il  amassera  de  tout  côte,  de 
quoi  remplir  son  plan  jusqu'à  la  2()*'  année  du  règne  de 
Philij)pe- Auguste,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'an  1  y.o4.  On  s'atten- 
drait à  trouver,  à  cette  époque,  qui  est  celle  de  son  âge  mûr 
et  de  sa  célébrité,  une  histoire  instructive,  nourrie  de  faits 
et  d'aperçus  politiques  :  point  du  tout,  il  n'a  recueilli  siir  le 
XII*  siècle  que  des  niaiseries;  ses  livres  4^  *^^  49  ne  sont 
remplis  que  de  prodiges,  de  visions,  de  songes,  d'appari- 


94  HÉLINAND, 

XIII  SIKCLE.       .  ,  ,,  .    ...    ,       ,  „,., 

. tions,  de  revenants  et  d  autres  puérilités  de  ce  genre,  h  il 

touche,  en  passant,  quelques  ëvéïieinents  publics,  il  n'en  dit 
qu'un  mot,  sans  en  marquer  les  dates;  et  si  celles  qu'on  lit 
à  la  marge  sont  de  lui ,  et  non  de  l'éditeur,  elles  siotn  presque 
toutes  fausses.  Le  même  désordre  règne  dans  toute  an  chro- 
nique. 

Concluons  qu'Hélinand  n'était  pas  né  pour  écrire  l'histoire; 
qu'en  abandonnant  le  métier  de  trouverre,  il  en  conserva  le 
génie;  il  se  mit  à  raconter  sérieusement  ses  pieuses  rêveries 
ou  celles  des  autres,  avec  autant  d'assurance  qu'il  débitait 
•autrefois  ses  chansons.  Cependant  Albéric  de  Trois-Fontai- 
nes  et  Vincent  de  Beauvais,  autres  compilateurs,   lui  em- 
pruntent souvent  des  morceaux  qu'ils  ont  insérés  dans  leurs 
chroniques:  tant  ou  était  dépourvu  de  critique  dans  les  xu* 
et  xiii«  sièc  les! 
Tis5ier,t.vn,       j[    ^f,^  Serinons.  Les  sermons  d'Hélinand  sont  solides  et 
'*  *°  d'un  mérite  supérieur  à  sa  chronique.  Ils  sont  au  nombre  de 

28,  et  roulent  sur  les  principales  fêtes  de  l'année.  Dans  le 
premier  sermon  sur  l'Avent,  nous  remarquons  cette  pensée. 
«  La  foi  de  l'incarnatiou  a  d'abord  été  annoncée  par  la  sim- 
«  pie  prédication,  ensuite  prouvée  par  la  raison,  enfin  dé- 
«  tendue  par  l'etfusion  du  sang.  De  pauvres  pêcheurs  l'ont 
«  annoncée,  des  philosophes  et  des  orateurs  convertis  l'ont 
«  prouvée,  des  martyrs  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  et  de  tout 
«  âge  l'ont  défendue.  Klle  a  été  annoncée  à  ceux  qui  se  trom- 
«  paient  par  ignorance,  elle  a  été  prouvée  contre  ceux  qui 
«  lui  opposaient  le  raisonnement,  elle  a  été  défendue  contre 
«  ceux  qui  abusaient  de  leur  autorité  pour  la  persécuter. 
«  Dans  le  premier  degré,  on  peut  la  comparer  au  lever  de 
o  l'aurore;  dans  le  second,  à  la  splendeur  du  matin;  dans  le 
«  troisième,  à  la  chaleur  du  midi.  » 

Imbu,  comme  ses  plus  habiles  contemporains,  de  notions 

fausses  ou  mal  éclaircies,  le  prédicateur  tombe  dans  plus 

ibid.  p.  227     d'une  erreur  de  fait.  Il  cite,  comme  de  Virgile,  l'épitaphe  de 

Jules-César,  qu'on  attribue  avec  plus  de  fondement  à  Mar- 

bode,  évêque  de  Rennes. 

Caesar,  tantus  eras  quantus  et  orbis, 
At  nunc  exiguà  clauderis  urnâ. 
Post  hune  qiiisque  sciât  se  ruiturum, 
Et  jam  nullâ  niori  gloria  toUat. 

Ibid.  p.  iiij        Ailleurs ,  il  fait  honneur  à  saint  Ambroise  -de  l'hymne 


MOIiNE  DE  FROIDMONT.  96 

Vcxilla  Régis,  qu'on  sait  être  de  Fortunat,  évèque  de  Poi 1 

tiers. 

Le  premier  des  cinq  sermons,  pour  le  dimanche  des  Ra- 
meaux ,  avait  été  prêché  en  français,  et  ce  serait  le  dernier 

qu'Héliiiand  eût  débité,  si  l'on  s'en  rapportait  à  une  note  que      „  • ,       ,, 
,7,,.  .,  ,'  .         ■'•       I     T         AU-         •'  IIjiJ.  p.  234. 

1  éditeur  a  copiée  sur  le  manuscrit  original.  J^cs  Albigeois  y 

sont  traités  de  chiens,  qu'on  doit  non  seuhmeiit  chas.ser  à 
coups  de  |)ierre  et  de  bâton  ,  mais  égorger  et  livrer  aux  flam- 
mes comme  des  chiens  enragés.  Erubescnnt  igitur  canes  Al- 
higenscs ,  dit  l'édition  latine,....  qui  non  soluni  taniquam 
canes  improhi  lapidibus  et  haculis  ahigendi  sunt,  sed  ctiani 
tamquam  canes  rabidl  confodiendi  gladiis  vel  ignibus  com- 
burendi. 

Dans  le  discours  suivant,  l'entrée  de  J.-C.  à  Jérusalem,  sur 
un  âne,  donne  lieu  à  une  vigoureuse  sortie  contre  le  luxe 
des  prélats  de  ce  temps.  «  Ce  n'est  pas  assez  pour  eux  d'être 
«  montés  sur  des  palefrois,  il  leur  faut  un  Bucéphale  tout  ibid.p.  237. 
«  resplendissant  d'or,  afin  de  rivaliser  avec  Alexandre,  et 
«  qu'on  ne  puisse  révoquer  en  doute  la  haute  illustration  de 
«  leur  origine  :  Ostentantes  videlicet  nubilitatem  gcneris ,  ut 
«  quasi  Alexandrino  sanguine  respersi  videantur.  » 

A  la  tête  du  second  sermon,  pour  la  fête  de  l'Ascension, 
le  lecteur  est  averti  que  ce  discours  fut  prononcé  à  Toulouse, 
dans  l'église  de  Saint- Jacques,  en  présence  des  étudiants,  ad 
clericos  scholares ,  apparemment  pendant  le  voyage  que  fit 
Hélinand  dans  ces  contrées,  l'an  1229,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut.  Ce  discours  roule  principalement  sur  la  vanité 
des  sciences  humaines,  en  comparaison  de  la  science  des 
saints.  «  On  va,  dit-il,  à  Paris  pour  s'instruire  dans  les  arts  ibid.p. 2^)-. 
«  libéraux,  à  Orléans  pour  étudier  les  auteurs  classiques,  à 
«  Bologne  pour  apprendre  la  jurisprudence,  à  Salerne  la 
«  médecine,  à  Tolède  la  magie;  et  nulle  part,  on  n'a  ouvert 
a  des  écoles  pour  former  les  mœurs  :  Ecce  querunt  clerici 
«  Parisiis  artes  libérales ,  Aurelianis  auctores ,  Bononiœ  co- 
ït dices ,  Salerni  pyxides ,  Toleti  dœmones,  et  nusquani  nio- 
«  res  ,  etc.  » 

Dans  le  dernier  des  trois  sermons  sur  la  Pentecôte,  on  re- 
marque une  vive  sortie  contre  la  mondanité  des  clercs  en 
général.  «Vous  verrez  ces  hommes,  dit  Hélinand,  obligés  ,,  , 
«  par  état  de  donner  des  exemples  de  pudeur  et  de  modestie, 
«  se  parer  avec  plus  de  soin  que  des  femmes.  Vous  les  verrez 
«  se  montrer  en  public,  les  cheveux  élégamment  frisés,  la 


XIU  SIECLE. 


96  HEUNAND, 

«  barbe  proprement  rasée,  le  visage  ÏM-àé  { pumicata  cute\ 
a  la  tête  découverte,  les  épaules  nues,  les  bra'^  flottants ,  les 
ce  mains  gantées,  les  pieds  légèrement  chaussés,  la  robe  l'un- 
ie due  jusqu'aux  aines  ;  et  pour  qu'il  ne  manque  rien  à  la 
«  symétrie  de  leur  ajustement ,  consulter  sans  cesse  le  miroir 
(c  sur  ce  point.  C'est  ainsi  qu'on  les  voit  en  public  ,  vêtus  d'un 
«t  vert  éclatant ,  les  doigts  garnis  d'anneaux  brillants  ,  et 
«  l'œil  exprimant  la  satisfaction  de  lame  par  des  regards  de 
«  complaisance,  jetés  de  temps  en  temps  sur  cette  parure 
«  élégante.  J'oubliais  de  dire  que  cette  couronne  qu'ils  sont 
«  obligés  de  porter  sur  le  sommet  de  la  tète,  ils  la  diminuent 
«  tellement,  pour  ne  pas  gâter  l'économie  de  leur  chevelure, 
«  que  vous  la  prendriez  plutôt  |)oiir  la  marque  d'un  esclave  à 
«  vendre,  que  pour  le  sceau  de  Tordre  clérical.  » 

ii.id  p  2-(         '-'^  premier  sermon  pour  la   tête  de   l'Assomption  de  la 

Sainte  Vierge  est  dirigé  contre  Pierre  Lombard,  le  maître  des 

sentences,  qui,  au  gré  de  notre  auteur,  s'était  mal  expliqué 

au  sujet  de  l'immaculée  conception  de  la  mère  de  Dieu. 

Héliuand  ne  se  montrait  pas  plus  indulgent  pour  les  abus 

ibki.p.  288  de  son  ordre  que  pour  ceux  du  clergé.  Dans  le  premier 
sermon  pour  la  fête  de  tous  les  Saints,  après  avoir  gour- 
mande la  folie  des  hommes  qui  élèvent  de  grands  édifices, 
comme  s'ils  ne  devaient  jamais  mourir,  il  condamne  avec 
non  moins  de  foice  la  somptuosité  des  édifices  qu'on  éle- 
vait dans  quelques  maisons  de  l'ordre  de  Cîteaux.  Il  réfute 
solidement  les  prétextes  qu'on  alléguait  pour  excuser  ces 
entreprises,  si  contraires  à  la  simplicité  et  à  la  pauvreté  mo- 
nastiques. 

Nous  trouvons,  dans  le  troisième  sermon  sur  la  fête  de 
tous  les  Saints,  le  serment  qu'on  exigeait  des  nouveaux  che- 
valiers, et  les  cérémonies  qui  s'observaient  à  leur  réception. 

ibid.  p.  292.  a  Le  jour  où  le  nouveau  chevalier  devait  recevoir  la  ceinture 
oc  militaire,  il  se  rendait  à  l'église  en  cérémonie;  après  la 
«  messe,  on  prenait  sur  l'autel  le  glaive  qu'on  lui  présentait, 
«  et  il  faisait  une  espèce  de  profession  solennelle,  par  la- 
ce quelle  il  se  dévouait  au  service  de  l'Eglise,  promettant  de 
«  n'employer  son  glaive  que  pour  la  gloire  de  Dieu.  Eo  diequo 
«  qiiis  militans  cingulo  decoratur,  ecclesiani  solcinniter  adit, 
«  missani  audit;  gladioque  superposito  et  allato ,  quasi  ceîe- 
((  briprofessionefactà,  seipswn  altaris  ohsequio  devovet ,  et 
K  gladii ,  id  est ,  ojjicii  sui  jugem  Deo  spondet faniulaturn.  » 
L'auteur  conclut  de  là,  que  le  nouveau  chevalier  contracte 


XIII  SIECLE. 


MOINE  DE  FROIDMONT.  •     97 

de  grandes  obligations  envers  l'Eglise ,  et  qu'il  s'interdit 
tout  ce  qai  pourrait  lui  être  préjudiciable.  De  telles  obli- 
gations ne  diffèrent  pas  beaucoup,  selon  lui,  de  celles  des 
moines,  des  abbés  et  des  évêques  en  vertu  de  leur  profes- 
sion. Par  conséquent  tout  chevalier,  pour  reiiiplir  ses  en- 
gagements, doit  prendre  la  défense  de  l'Eglise,  s'armer, 
contre  toute  perfidie,  respecter  le  sacerdoce,  redresser  les 
torts  qu'on  fait  aux  pauvres,  maintenir  partout  la  tranquil- 
lité publique,  en  un  mot ,  sacrifier  sa  vie  pour  accomplir  son 
serment. 

Les  trois  sermons  de  la  Toussaint  sont  suivis  d'un  dis- 
cours prêché  dans  la  ville  de  Toulouse,  à  l'ouverture  d'un 
synode;  et  l'on  sait  que,  dans  les  premières  aimées  du  xiii*^ 
siècle,  il  ne  s'est  tenu,  en  cette  ville,  qu'un  seul  concile,  celui 
de  i22(),  contre  les  Albigeois,  sous  la  présidence  du  légat 
Romain,  cardinal  de  Saint-Ange,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
plus  haut  pour  prouver  qu'Hélinand  a  dû  vivre  jusqu'à  cette 
époque.  Ce  discours  roule  sur  l'excellence  et  les  devoirs  du  iimi.  p.  i,jH, 
sacerdoce,  et,  à  cette  occasion,  le  prédicateur  fait  une  ex-  '^9'- 
cursion  contre  les  ministres  de  la  secte  albigeoise,  qui  affec- 
taient, dit-il,  un  extérieur  mortifié  et  des  pruuipes  austères, 
en  quoi  il  les  compare  aux  prêtres  des  idoles,  qui,  d'après 
saint  Jérôme,  ne  leur  cédaient  en  rien  sous  ce  rapport. 

Le  dernier  des  sermons  d'Hélinand  a  pour  objet  la  puis- 
sance et  la  sainteté  de  l'J'glise.  On  y  lit  un  long  commentaire 
de  ces  paroles  de  Jéi émie  :  Ecce  constitui  te  hodie  super  iientes  ii.id.  p.  \>\. 
et  rei^na ,  ut  evellas  et  dcstnuis ,  et  disperdas ,  et  œdijices  et 
plantes.  «  Tout  prélat  ecclésiastique,  dit  notre  auteur,  est 
«  établi,  par  le  Seigneur,  sur  toutes  les  nations  et  sur  tous  tes 
«  royaumes,  parce  (ju'il  est  placé  au-dessus  de  la  multitude 
«  des  séculiers,  et  même  au-dessus  des  rois  et  des  princes, 
«  Car  Dieu  a  réglé,  dès  le  coujuiencement,  que  toute  dignité 
«  séculière  et  mondaine  serait  soumise  à  la  puissance  ecclé- 
«  siastique,  et  régie  par  elle,  comme  l'inférieur  par  son  supé- 
i(  rieur,  le  moins  noble  par  le  plus  noble.  Or  celui  qui  bénit 
«  est,  sans  contredit,  plus  grand  que  celui  qui  est  béni, 
et  puiscjue  le  |)remier  représente  le  Créateur  qui  doiwia  sa 
«  bénédiction  à  tous  les  animaux,  après  les  avoir  tirés  du 
«  néant.  »  Nous  lai.ssons  au  lecteur  éclairé  le  soin  d'apprécier 
ce  raisonnement.  Cependant  l'auteur  n'en  tire  aucune  coa-' 
clusion  pour  soumettre  le  temporel  des  rois  à  1  autorité  ecclé- 
siastique, ni  pour  permettre  à  celle-ci  de  disposer  à  son  gré      ibid.  p  3o6. 

Tome  XFllL  N 


Xllt  SIECLE. 


98 


MÉLINAND , 


« 
« 

« 
« 

« 
« 


des  couronnes.  Tout  son  but  est  de  prouver  qu'elle  a  le  droit 
de  punir  par  des  peines  canoniques,  les  princes,  comme  les 
autres  fidèles,  lorsqu'ils  s'écartent  de  leur  devoir.  Encore 
faut-il  distinguer  leur  conduite  personnelle  de  celle  qu'ils 
tiennent  comme  administrateurs  publics. 

Ce  discours  fut  prononcé  à  l'occasion  de  l'arrivée  d'un 
nouveau  légat,  et  en  sa  présence,  a  Voilà,  dit  Hélinand,  un 
envoyé  du  souverain-pontife,  un  nouveay  légat  qui  nous 
a  apporté  plusieurs  beaux  renflements  de  discipline;  mais 
quiconque  voudra  permettre  qu'on  arrache  les  épines  sans 
nombre  dont  la  surface  de  son  ame  est  couverte,  ne  se 
plaindra  pas  de  la  multitude  de  ces  lois. .  .  Recevons-les 
donc   avec  docilité;   recevons  pareillement   avec  respect 
celui  qui  nous  les  apporte.  Sa  modestie  doit  nous  engager 
à  lui  rendre  l'honneur  qu'exige  le  caractère  dont  il  est  re- 
«  vêtu,  et  aux  ordres  dont  il  est  ))orteur,  l'obéissance  qu'ils 
«  méritent.  Il  ne  paraît  point  avec  faste,  il  n'est  point  dominé 
«  par  l'avarice,  il  ne  court  point  après  les  présents;  c'est 
«  nous  qu'il  cherche  et  non  pas  nos  bieiis.  Bref,  il  nest  pas 
<i  comme  beaucoup  d'autres.  »  Il  est  fâcheux  qu'Ilélinand 
n'ait  pas  nommé  ce  légat;  cela  aurait  pu  nous  donner  une 
époque  certaine  sur  la  durée  de  sa  vie.  Peut-être  a-t-il  voulu 
parler  du  cardinal  Robert  de  Corçon,  qui  vint  à  Paris,  l'an 
1212,  et  y  publia,  dans  un  concile,  plusieurs  constitutions  du 
saint-siége  pour  la  réforme  des  mœurs.  Peut-être  aussi  faut-il 
entendre  ce  qu'il  dit,  du  légat  Romain,  cardinal  de  Saint- 
Ange,  que  notre  orateur  paraît  avoir  accompagné  au  concile 
de  Toulouse  de  l'an  1229^  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  où 
ib11i.coi.42j-  fy^gj^t  promulguées  d'autres  constitutions. 

On  ne  peut  disconvenir  que  ces  sermons  ne  soient  graves, 
pieux,  solides,  pleins  de  science  ecclésiastique  et  d'érudition 
profane  très -bien  appliquée;  le  style  en  est  clair,  vif  et 
serré,  la  morale  en  est  saine  (quand  l'intolérance  ne  la  cor- 
rompt pas).  L'auteur  y  décrit  les  vices  dominants  du  siècle,  et 
les  combat  avec  avantage.  On  y  reconnaît  aussi  le  génie  d'Hé- 
liiiand,en  ce  qu'il  y  mêle  assez  souvent  des  récits  fabuleux, 
comme  il  a  fait  dans  sa  chronique. 

III.  Les  Fleurs  d' Hélinand.  Ce  sont  deux  ou  trois  opus- 
cules qu'Hélinand  dit  avoir  composés,  que  Vincent  de  Beau- 
vais  nous  a  conservés,  que  D.  Tissier  a  reproduits  à  la  suite 
des  sermons  de  notre  auteur. 

Le  premier  est  un  traité  de  la  connaissance  de  soi-même, 


Labbe ,  Con- 
il.,  t.  XI,  col. 
">7-8i( 


Bibl.PP.  cist 
(.  VII,  p.  3oG. 


MOINE  DE  FROIDMONT. 


9.9 


XIII  SIECLE. 


composé  de  deux  parties.  Dans  la  première ,  Hélinand  donne 
un  extrait  d'un  sermon  qu'il  avait  prêché  autrefois  devant 
sa  communauté,  pour  prouver  que  Macrobe  et  les  anciens 
philosophes  avaient  très- mal  entendu  le  fameux  oracle  de 
Delphes  yvùôi  ceau-rôv;  oracle  sur  lequel  notre  auteur  ,  exami- 
nant l'homme  dans  toutes  ses  parties,  établit  un  fort  bon 
traité  de  morale.  La  seconde  partie  consiste  en  une  lettre  qu'il 
dit  avoir  écrite -autrefois  sur  le  même  sujet,  à  un  nommé 
Drogon,  chanoine  de  Noyon.  Ces  deux  morceaux  remplis- 
sent les  i3  premiers  chapitres  de  cette  compilation  ,  qui  en  ibij.  cap.  u, 
contient  25.  Hélinand,  toujours  entraîné  par  ses  premières  \<-  12,  i^ 
habitudes ,  termine  cet  opuscule  par  des  contes  de  revenants 
qui  gâtent  toutes  les  bonnes  choses  qu'il  avait  dites. 

Le  deuxième  opuscule  traite  de  l'institution  d'un  prince, 
De  instituendo  Rege,  et  remplit  les  12  derniers  chapitres  ,^. 
du  recueil  des  Fleurs.  C'est  un  commentaire  sur  le  chapitre  et  se(|q 
17  du  Deutéronome.  Après  avoir  détaillé  les  qualités  que  doit 
avoir  un  prince  pour  bien  remplir  les  devoirs  de  sa  place, 
Hélinand  passe  aux  obligations  des  officiers  publics,  aux- 
quels il  donne  aussi  des  leçons,  sans  oublier  de  leur  repro- 
cher les  abus  d'autorité  qu'ils  se  permettaient,  de  son  temps, 
dans  l'exercice  de  leurs  fonctions.  Nous  remarquons  dans 
cette  partie  plusieurs  passages  que  nous  avons  déjà  observés 
dans  ses  sermons  ;  ce  qui  prouve  que  ces  deux  écrits  sont 
d'un  même  auteur. 

Qu'Hélinand  ait  composé  un  traité  de  l'institution  d'un      Naneis  ad  an 
prince,  c'est  ce  qu'atteste  Guillaume  de  Nangis,  qui  fut  près-  1220. 
que  son  contemporain.  Casimir  Oudin  indique  cet  ouvrage      neScri  t  ec 
comme  ex'istant  manuscrit,  mais  anonyme,  dans  la  Biblio-  ries,  t.  m,  oui. 
thèque  royale,  sous  l'ancien  n"  G608,  qui  est  aujourd'hui  ^^ 
le  n°  6779;  ''  ^"  rapporte  même  le   début  ainsi  conçu  : 
Postqiiam  regale  sceptrum  regniquc gubernacula  rector  chris- 
tianus  suscepit ,  etc.  Nous  avons  examiné  ce  manuscrit,  et 
nous  pouvons  attester  que  l'ouvrage  qu'il  contient  est  tout 
différent  de  celui  d'Hélinand,  que  Vincent  de  Beauvais  nous 
a  conservé  en  tout  ou  en  partie.  Ce  n'est   qu'en  hésitant 
qu'une  main  moderne  a  écrit  à  la  tête  du  manuscrit,  Forte 
Hehnandi  Frigidiinoidis  nionachi. 

Le  troisième  opuscule,  qui  nous  a  été  conservé,  paraît 
entier,  et  porte  dilférents  titres.  De  reparatione  lapsi ,  La- 
mentationes  et  vœ ,  parce  que  l'ouvrage  commence  par  ces      3|fi'*''  '  "*' 
mots  :  Planctus  monachi  lapsi,  ou  De  laude  vitœ  claustralis  ; 

Na 


XIII  SIECLE. 


roo  HÉTJNAND, 

l'auteur  y  fait  voir  que ,  si  quelquefois  les  observances 
du  cloître  sont  au-dessus  des  forces  de  certains  tempéra- 
ments, on  ne  refuse  jamais  aux  infirmes  les  soulagements 
que  la  raison  et  la  charité  prescrivent.  C'est  une  longue 
lettre  d'f  lelinand  ,  écrite  au  nom  de  Guillaume,  son  confrère, 
à  Gauthier,  frère  de  ce  dernier,  pour  le  rappeler  dans  le 
cloître,  qu'il  avait  quitté  après  y  avoir  fait  profession.  Gauthier 
venait  de  consommer  son  apostasie  par  le  mariage;  il  colo- 
rait cette  conduite  de  divers,  prétextes  qu'Hélinand  réfute. 
C'est  dans  cet  écrit  qu'il  a  tracé  le  tableau  des  égarements 
de  sa  propre  vie,  avant  son  entrée  en  religion.  On  y  trouve 
comme  dans  ses  autres  écrits,  la  même  abondance  d'érudition 
sacrée  et  profane. 

IV.  L'ouvrage  le  plus  célèbre  d'Hélinand,  celui  qui  lui  a 
fait  la  plus  belle  réputation  parmi  les  gens  de  goût  et  les 
amateurs  de  notre  vieux  langage ,  ce  sont  ses  stances  en-  vers 
français  sur  la  mort ,  dont  il  existe  beaucoup  de  manuscrits, 
et  qu'Ant.  Loisel ,  avocat  à  Beauvais,  a  mises  au  jour  l'an 
i5q4,  sur  une  copie  délectueuse  qui  lui  avait  été  envoyée 
par  le  président  Fauchet.  Nous  disons  défectueuse,  parce 
que  plusieurs  stances  ne  renferment  que  neuf,  dix  ou  onze 
vers,  au  lieu  de  douze  qu'elles  devraient  avoir,  et  qu'il  n'en 
a  donné  que  89,  au  lieu  de  4<)  ?  tlont  la  pièce  est  composée 
dans  le  manuscrit  de  Saint-Victor. 

C'est  un  poème  moral,  dans  lequel  l'auteur  envoie  la  mort 
saluer  ses  amis  et  ses  protecteurs,  afin  qu'elle  ne  les  enlève 
pas  de  ce  monde  inopinément.  Nous  en  avons  déjà  cité 
quelques  strophes,  pour  com[)oser  sa  vie.  Nous  en  citerons 
encore  deux  ou  trois  de  celles  qui  nous  ont  paru  plus  remar- 
quables. La  4^  indique  le  but  que  se  proposait  l'auteur  : 

Mors  ,  je  t'envoi  à  mes  amis  , 

Ne  mie  comme  à  anemis , 

Ne  comme  à  gent  que  je  point  hace; 

Ains  proi  Dieu  qui  el  cuer  ma  mis, 

Ke  ce  lor  soille  k'ai  pramis, 

Qu'il  lor  doinst  longe  vie,  et  grâce 

De  bien  vivre  tôt  lor  espace. 

Mais  tu  qui  joes  à  la  cache 

De  chiaus  où  Dex  paor  n'a  mis, 

Moult  fais  grans  biens  par  ta  manache  ; 

Car  ta  paors  purge  et  saache 

Lame,  aussi  com  par  un  tamis. 

Les  stances  i3  et  i4  sont  dirigées  contre  la  cour  de  Rome. 


MOINE  DE  FROÏDMONT.  loi 

.  XIII  SIÈCLE. 

Hélii)and  y  envoie  aussi  la  mort,  pour  avertir  de  mettre  un    

terme  aux  exactions  qui  s'exerçaient  au  nom  du  saint-siëge. 
Nous  aimons  mieux  transcrire  la  i5^  qui  est  moins  sati- 
rique : 

Mors ,  crie  à  Rome ,  crie  à  Rains , 
Seigneur,  tôt  estes  en  mes  mains, 
Aussi  li  haut  comme  li  bas; 
Ouvrez  vos  yex ,  chaingniez  vos  rains , 
Anchois  que  je  vos  tiegne  as  frains, 
Ke  je  vos  face  crier,  las! 
Certes  j'akeur  phis  que  le  pas, 
Et  j'aport  dez  de  deus  et  d'as , 
Por  vos  faire  jeter  del  mains. 
Laissiez  vos  chilTlois  et  vos  gas, 
Tex  me  cuevre  dessous  ses  dras 
Qui  cuide  estre  tous  fors  et  sains. 

Le  poëme,  au  jugement  de  Loisel,  est  de  toute  beauté. 
(t  Car  outre  la  naïveté,  dit-il,  de  l'ancien  roman  François, 
«  que  nous  y  devons  reconnoître  et  apprendre  avec  plaisir, 
«  je  trouve  son  style  bien  orné  et  grandement  figuré,  son 
«  oraison  pleine,  sentencieuse  et  morale;  et  sa  rime  si  riche: 
«  et  si  coulante,  qu'il  ne  se  trouve  en  chaque  douzain,  dont 
«  cest  œuvre  est  principalement  composé,  que  deux  lisières. 
«  Et,  pour  le  dire  en  un  mot,  j'estime  cest  eschantillon  se  pou- 
«  voir  parangonner,  non  seulement  à  beaucoup  d'escrits  de 
«  nos  modernes ,  mais  aussi  surpasser  plusieurs  ouvrages 
«  anciens  que  nous  prenons  la  peine  d'apprendre  et  lisons 
«  avec  admiration.  » 

Adrien  Baillet,  parlant  du  poëme  d'Hélinand  sur  la  mort,  ^  ^^6-  •'**^'^*^' 
estime  «  qu'il  avait  l'esprit  fort  beau;  qu'il  n'était  pas  un  ip./ro' 
«  simple  versificateur,  comme  la  plupart  des  autres  poètes 
«  du  moyen  âge;  qu'il  avait  du  feu,  de  l'imagination  et  de 
«  l'invention,  qu'il  ne  lui  manquait  que  l'usage  d'une  langue 
a  plus  parfaite  que  n'était  alors  la  nôtre.  . . .  Mais  on  ne  peut 
«  pas  nier,  ajoute-t-il,  qu'il  n'ait  été  un  peu  satirique  et  hardi 
«  pour  un  moine;  que  son  sel  ne  fût  un  peu  acre  et  piquant, 
«  surtout  lorsqu'il  voulait  reprendre  les  désordres  de  son 
«  temps,  et  particulièrement  ceux  de  la  cour  de  Rome  :  té- 
«  moin  ces  vers  delà  i3^stance, 

Rome  est  le  mail  qui  tôt  assorae,  etc.  • 

Hélinand  avait  composé  beaucoup  d'autres  poésies  fran- 
çaises, puisque  ce  fut  sa  principale  étude  avant  d'entrer  en 

1    0 


I02         HÉLINAND,  MOINE  DE  FROIDMONT. 
Xm  SIECLE.        ,.    .        ^ 
religion.  Les  productions  de  sa  verve,  qui  apparemment  se 

ressentaient  de  la  vie  licencieuse  qu'il  menait  dans  le  monde, 
n'existent  plus  par  l'attention  qu'il  aura  eue  lui-même  de  les 
supprimer. 

V.  Sur  la  foi  de  Vincent  de  Beauvais,  Surius  et  IcjS  Bollan- 

distes  ont  imprimé,  au  dix  octobre,  sous  le  nom  d'Hélinand, 

les  actes  de  saint  Géréon  et  autres  martyrs  de  Cologne,  qui 

faisaient  partie  de  la  légion  thébéenne.  Voici  le  jugement 

Till.  Mém.,  t.  qu'cn  portc  le  judicieux  Tillemont.  On  voit  aisément  par 

IV,  p.  429.  le  long -temps  qu'il  y  a  entre  Hélinand  et  le  martyre  des 
saints  dont  il  écrit  l'histoire,  qu'il  ne  mérite  nulle  auto- 
rité. Ainsi ,  on  ne  doit  pas  trouver  étrange  qu'il  tombe 
dans  des  anachronismes  grossiers;  qu'il  fasse  descendre 
les  Français  des  Troyens,et  qu'il  admette  le  baptême  de 
Constantin  par  le  pape  saint  Silvestre.  Il  veut  que  tous 
les  saints  dont  il  fait  l'histoire  aient  été  de  la  légion 
thébéenne,  excepté  les  soldats  maures,  qu'il  met  les  der- 
niers. On  juge  que  toute  son  histoire  n'est  qu'un  sermon 
prononcé,  ce  semble,  à  Cologne  même.  En  effet,  cette 
pièce,  par  l'élégance  du  style,  se  distingue  des  autres  légen- 
des, et  peut  passer  pour  un  discours  apprêté, 
iter  iiai. ,  p.       VI.  D.  Martin  Gerbert,  abbé  de  Saint-Biaise  dans  la  forêt 

*^'^-  Noire ,  témoigne  avoir  vu  dans  la  bibliothèque  de  Saint- 

George,  à  Venise,  un  manuscrit  ayant  pour  titre  :  B.  Heîi- 
nandi  Galli ,  monachi  cœnohii  Fontis  -  Frigidi  (  Montis- 
Frigidi  ),  ord.  S.  Benedicti ,  cong.  cisterciensis ,  liber  de 
commendatione  S.  Bernardi,  abhatis  clarevallensis ,  ejusque 
dictis  et  floribus. 

Vil.  Casimir  Oudin  dit  aussi  avoir  vu  dans  l'abbaye  de 
Longpont,  diocèse  de  Soissons,  deux  manuscrits  contenant 
un  commentaire  sur  l'Apocalypse,  avec  le  nom  d'Hélinand. 
Il  ajoute  qu'il  a  retrouvé  le  même  ouvrage  à  la  Bibliothèque 
royale.  Charles  de  Visch  et  Fabricius  l'attribuent  à  un  Héli- 
nand, moine  de  Pcrseigne,  auteur  inconnu  d'ailleurs.  Il  est 
certain  que  les  copistes  et  les  faiseurs  de  catalogues  donnent 
souvent  aux  ouvrages  des  titres  arbitraires,  et  il  serait  pos- 
sible que  celui-ci  ne  fût  ni  de  l'un  ni  de  l'autre.  Nous  disons 
la  même  chose  des  Gloses  sur  l'Exode,  qui  existaient  autre- 
fois à  Morimond,  sous  le  nom  d'Hélinand  de  Perseigne, 
comme  on  l'avait  mandé  de  France  à  l'auteur  de  la  Biblio- 
thèque des  Pères  de  l'ordre  de  Citeaux. 

VIII.  Ignace  Firmin  de  Hibéro,  abbé  de  Fitère  au  royaume 


GÉROLD  OU  GIRALD,  ABBÉ  DE  MOLESME.    io3 

de  Navarre,  fait  Hëlinand  auteur  du  Grand Exorde  de  Ci- 
teaux.  Nous  avons  réfute  cette  opinion  autre  part,  en  ren- 
dant compte  de  cet  ouvrage  comme  d'un  auteur  anonyme. 

(  Anicle  de  feu  M.  BRIAL.  ) 


xiu  siècxE. 


^^^^^^fc*»*»»^»^».^»*^»^^ 


GÉROLD   OU    GIRALD, 

ABBÉ  DE  MOLESME,  PUIS   DE   CLUNY,  ENSUITE  ÉVÈQUE 

DE  VALENCE,  ENFIN  PATRIARCHE  DE   JÉRUSALEM,.  MoaTemaîo. 

LjEs  premières  années  de  la  vie  de  ce  religieux  sont  reste'es 

inconnues;  on  ne  le  trouve  ci  té,  pour  la  première  fois,  qu'à  l'an     jg"  '^  '■''^' 

1 208 ,  où  il  fut  élu  vingtième  abbé  du  monastère  de  Molesme, 

au  diocèse  de  Langres.  Il  gouverna  ce  monastère  cinq  ans, 

et  il  n'est  question  de  lui  dans  les  chroniques  de  Molesme 

que   pour  les  actes  de  son  administration  temporelle.  En 

I2i4i  il  fut  élu  abbé  de  Cluny  par  le  suffrage  unanime  des 

religieux  de  cette  abtaye.  Dans  cette  élection,  on  remarque 

que  les  religieux  obligèrent  leur  candidat  à  jurer  qu'il  obser-      Qan  ^i,,.  jy 

verait  les  constitutions  de  Pierre-le- Vénérable,  et  cependant,  n^S. 

l'année  qui  suivit  celle  de  son  élection,  le  pape  Innocent  III      Hist. Utt. de u 

1      J  -I-       I  »       ^I     ■         •     •         »   J'-  '     •      Fr-,<-   XIII,  p. 

le  délia  de  son  serment,  et  lui  enjoignit  d  imposer  une  peni-  j,,  *^ 

tence  à  ses  moines  pour  l'avoir  exigé  de  lui.  Cet  abbé,  qui  fut  le 
dix-neuvième  de  Cluny,  gouverna  son  abbaye  jusqu'en  1220, 
durant  six  ans,  ou  durant  cinq  ans  seulement,  selon  ceux 
qui  placent  son  élection  en  121 5.  Son  administration  fut  Bibi.cluniac, 
tellement  réglée,  qu'il  délivra  sa  communauté  des  dettes  dont  P-  '664. 
les  intérêts  dévoraient  la  substance,  et  qu'il  la  laissa,  dit  la 
chronique,  aussi  riche  des  biens  spirituels  que  des  temporels. 

En  1220,  Gérold  fut  élu  évêque  de  Valence  en  Dauphiné  ;     Aibeiicichion. 
et  ce  qui  détermina  les  chanoines  de  cette  ville  à  faire  choix  »<<  a""-  is»»- 
de  ce  religieux,  dit  un  historien  de  cette  éfflise,  c'est  qu'à  , . ''.°^"  .*^'''""' 

."..,.,..  .  iL-i        '         ".'  ,        il  bi.de  Rebusepis- 

sa  grande  piete  il  joignait  une  habileté  aussi  graijde  dans  copor.Vaiemino- 
les  affaires.  Mais,  dit  le  même  historien,  son  prédécesseur  ruiii,in-4",i638, 
Humbert  avait  mis  tant  d'ordre  dans  le  diocèse,  que  Gé-  i-"g<''"".P- ^6. 
rold  n'eut  qu'à  jouir  d'un  épiscopat  paisible.  L'an  1222,  le 
pape   le  chargea,  conjointement  avec  Hugues,  évêque  de 
Langres ,  de  faire  des  recherches  sur  la  vie  et  la  sainteté  du 
bienheureux  Robert,  premier  abbé  de  Molesme.  Ses  précé- 


XIII  SIECLE. 


Albcric.  chroii. 
ad  an.  i  si 5. 

Gall.chr.,IV, 
1145. 

Bibl.  cluoiac, 
p.   1664. 

.MâHh.  Pari5, 
P-  «47- 


Maltb.  Pn\i  , 
P-  an:. 


104  GEROLD, 

(lents  rapports  avec  cette  al)baye  l'avaient  fait  choisir  pour 
ce  travail.  Après  avoir  enrichi  son  éghse  de  quelques  pro- 
priétés nouvelles  qu'il  lui  avait  acquises,  Gerolii  la  quitta 
pour  aller  à  Jérusalem,  dont  le  pape  venait  de  le  nommer 
patriarche  eo  lan  122.5.  Il  demeura  dans  cette  nouvelle  pré- 
l-iture  jusqu'en  ia3o,  et  il  y  mourut  dans  le  mois  de  sep- 
tembre de  cette  année.  Son  corps  fut  enseveli  tout  près  du 
saint  Sépulcre. 

Matthieu  Paris  nous  a  conservé  une  lettre  de  ce  prélat; 
c'est  le  seul  monument  littéraire  qui  nous  soit  re>té  de  lui . 
et  le  seul  acte  (iiie  nous  connaissions  de  son  administration 
épiscopale  à  Jérusalem.  Avant  d'en  parler,  il  convient  de 
ra[)peler  que  l'empereur  Frédéric  II,  après  avoir  été  long- 
temps pour  le  pape  Honorius  un  sujet  de  discorde,  avait 
promis  de  s'embarcpier  pour  la  croisade.  Grégoire  l.\.  son 
successeur,  pour  éloigner  de  lui  un  prince  qui  lui  avait  déjà 
suscité  plus  d'un  démêlé,  le  somma  de  remplir  sa  ()romesse, 
et  même  l'cvcommuina  pour  vaincre  son  ol)>tination.  Fré- 
déric était  partisans  s'être  fait  absoudre  de  cette  peine.  Le 
pape,  mécontent  ties  dispositions  dans  lesquelles  ce  prince 
persévérait,  enjoignit  au  patriarche  de  Jérusalem  île  ne  pas 
le  reconnaîtie  con)me  empereur.  Frédéric, arrivé  en  Orient. 
ayant  traité  avec  le  Soudan  de  Babylone,  s'était  fait  rendre 
Jérusalem  sans  combattre,  et  y  avait  fait  son  entrée  Mais, 
selon  Matthieu  Paris,  (|ue  nous  suivons  ici ,  les  Templierset 
les  Hospitaliers,  prenant  en  aversion  les  actes  île  [empereur, 
qui  avait  mépn.sé  leur  assistance,  se  proposèrent  lie  le  perdre 
p.ir  le  mo\eii  du  Soudan.  Ils  écrivirent  donc  à  ce  dernier  que 
iempereur  avait  le  dessein  d'aller,  un  jour  fixé  par  lui,  sur  les 
rives  du  Jourdain  pour  adorer  le  Seigneur  dans  les  lieux 
mèiiies  où  il  avait  minil'esté  sa  présence;  et  qu'il  lui  serait 
facile,  s'il  voul.iit,  de  s'emparer  de  sa  j)ersoinie,  et  de  le  mettre 
à  moi  t.  Le  Soudan,  après  la  lecture  decette  lettre.  I.i  lit  porter 
aussitôt  à  l'empereur,  (pii,  content  d'un  côtéd  .ivoir  évite  un 
piège,  et  d'un  autre  touihede  la  grandeur  il'ame  du  Soudan, 
lui  jur.i  une  araitie  éternelle,  lis  s'envoyèrent  mutuelhinent 
des  présents,  et  l'empereur  excita  par  là  de  plus  en  plus 
contre  lui  la  haine  des  Templiers  et  des  Hospitalieis  Crai- 
gn.uit  de  ne  pouvoir  avec  certitude  se  venger  de  ces  lieux 
ordres,  il  difléra  sa  vengeance  à  un  autre  temps,  et  se  pré- 
p  ira  à  retourner  dans  ses  états. 

Le  patriarche  de  Jérusalem,  excité  d  une  part  par  lesplain- 


ABBE   DE  MOLESME.  id5 

les  du  pape,  de  l'autre  par  les  accusations  des  Templiers  et 
des  Hospitaliers  contre  Frédéric,  peut-être  aussi  mécontent 
lui-même  de  sa  conduite,  écrivit  aux  chrétiens  d'Occident 
la  lettre  dont  nous  avons  parlé  et  qui  commence  ainsi  : 

«  Gérold .  patriarche  de  Jérusalem,  à  tous  les  fidèles  du 
a  Christ,  salut  dans  le  Seigneur.  —  Si  la  conduite  qu'a  tenue 
a  l'empereur  dans  les  pays  d'outre-mer,  au  grave  préjudice 
a  de  l'affaire  du  Christ,  et  au  mépris  de  la  foi  chrétienne, 
<t  était  bien  connue  depuis  le  commencement  jusqu'à  la 
a  fin, on  ne  trouverait  en  lui  rien  de  sain  de  la  plante  des 
a  pieds  jusqu'à  la  tête.  II  est  arrivé  ici  sous  le  poids  de  l'ex- 
«  communication,  ayant  à  peine  avec  lui  (juarante  soldats, 
«  entièrement  dépourvu  d'argent,  comptant  probablement 
«  pouvoir  sustenter  son  indigence  avec  les  dépouilles  des 
ft  habitants  de  la  Syrie.  » 

Après  ce  préambule,  le  patriarche  continue  l'histoire  des 
griets  qu'il  croyait  devoir  reprocher  à  Frédéric.  Il  l'accu- 
sait particulièrement  d'avoir  pris  Chypre  par  trahison,  en 
faisant  prisonniers  le  roi  et  ses  fils,  qu'il  avait  invités  à 
un  repas;  d'avoir  promis  ,  en  arrivant  en  Orient ,  de  faire 
des  choses  merveilleuses,  et,  au  contraire,  de  s'être  rendu 
méprisable  au  Soudan  même,  en  lui  demandant  la  paix; 
d'avoir  fait  avec  l'ennemi  un  traité  si  déshonorant,  qu'il 
n'a  voulu  le  faire  connaître  à  personne;  d'être  entré  à 
Jérusalem,  et  d'être  allé  se  couronner  dans  l'église,  en 
proclamant  la  délivrance  des  saints  lieux,  pendant  que  l'en- 
nemi en  possédait  encore  la  plus  grande  partie;  d'avoir 
quitté  clandestinement  la  ville,  sans  avoir  rien  fait  pour  sa 
sûreté  et  sa  défense;  d'avoir  méprisé  les  offres  que  lui  avaient 
faites  les  frères  Templiers  et  Hospitaliers  de  travailler  avec 
lui  à  l'affermissement  du  royaume  de  Jérusalem;  d'avoir, 
par  sa  retraite  de  Jérusalem  à  Joppé,  effrayé  tellement  les 
pèlerins  qui  étaient  dans  la  capitale,  qu'à  la  nouvelle  de  son 
départ  ils  voulurent  aussi  quitter  cette  ville,  ce  qu'ils  firent 
en  grand  nombre;  de  s'être  opposé  à  ce  que  quelques  soldats 
français  fussent  retenus  pour  la  protection  de  \a  ville,  en  allé- 
guant qu'il  n'y  avait  |)lus  rien  à  craindre,  puisqu'ilavait  faitun 
traité  avec  le  Soudan  de  Babylone ,  feignant  d'ignorer  que 
nous  étions  en  guerre  ouverte  avec  celui  de  Damas. 

Le  patriarche  poursuit  ses  plaintes  contre  lenipereur,  et 
lui  reproche,  à  la  face  de  toute  l'Église,  sa  conduite  pleine  de 
fourberies  et  de  cruauté.  En  voici  un  nouvel  exemple  que 
Tome  XV m.  G 

1  0  * 


Xin  SIECE. 


loG  GÉPxOLD,  ABBÉ  DE  MOLESME. 

XllI  SIÈCLE.  .  .  •  I  ,  ,       j 

nous  Citons  en  latin  pour  donner  quelque  idée  du  style  de 

notre  abhé  :  Et  ut  excogitatani  nialitiam  adimpleret ,  fva- 
tres  prœdicatores  et  quosdain  minores  qui  in  ramis  pal- 
mnruni  locis  statiitis  convenerant  ad  prœdicandum  verba 
Doniini  ,  per  satellites  suos  rapi  fecit  de  pidpitis ,  et  in 
terrant  prosterni,  extrahi,  et  quasi  latrones  per  cii'itatcni 
fustigari. 

Cette  lettre,  qui  remplit  deux  colonnes  in-folio,  n'est  qu'un 
tissu  (le  plaintes  contre   Frédéric.   Matthieu  Paris  prétend 
qu'elle  ne  fut  écrite  que  pour  diffamer  l'empereur;  il  ajoute 
que,  quand   elle  arriva    en    Occident,   elle    ne    ternit    pas 
peu  sa  réputation  ,  et  qu'elle  lui  fit  perdre  beaucoup  de  la 
faveur  générale.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'opinion  du  moine  de 
Hist.  lies  croi-  Saiut-Alban ,  le  traité  de  l'empereur  avec  le  Soudan  fut  géné- 
sades,  I.  ill,p.  ralemcut   r,i:ardé  comme  ignominieux   par   les  chrétiens, 
'"'    '  même  commi  impie  et  sacrilège;  enfin  les  reproches  dont  le 

patriarche  l"  charge  ne  sont  pas  démentis  par  l'histoire. 
Nous  nous  sommes  arrêtés  sur  cette  lettre,  dont  l'auteur 
Biogiaphieiini-  de  l'articlc  de  Frédéric  II,  dans  la  Biographie  universelle , 
lie,  article  j,'j,  pjjg  jVjjf  mentioii.  Elle  est  une  peinture  vive  et  vraie  du 
temps  et  des  personnes.  On  y  voit  combien  était  alors  agitée 
cette  société  du  moyen  âge  par  l'ambition  et  la  violence, 
puisque  ceux  même  qui  y  dominaient  étaient  saisis  et  frap- 
pés sur  les  chaires  chrétiennes.  P.  R. 


GUILLAUME  PÉTRI, 

MORTen.23o.  ÉVÊQUE  D'ALBY. 

Gail.  tiuisi.,  (jiuii.r.AUME  Petri  était,  en  1 176,  prévôt  de  l'église  d'Alby; 
I  i,pi5.  depuis  ce  temps  jusqu'en  1 185,  année  deson  élection  au  siège 

I.  i,p.  43.  é|)iscopal  de  cette  ville,  il  conserva  la  rnènie  dignité  de  pré- 
vôt, ou  peut-être  ne  fut  il  seulement  (jue  clianoine  de  cette 
église  et  de  l'abbaye  de  Saint-Salvien.  La  sixième  année  de 
ii,ui..i(irnsiiu-  sa  prélature,  en  1191,  il  fit  un  traité  avecllaymond ,  comte 
i.i.iii;i ,  |).  r,.  j^.  Toulouse,  dont  l'acte,  conservé  par  les  auteurs  de  la 
Gallici  christiana ,  a  été  tiré  des  archives  de  la  ville  d'Alby. 
On  voitparcet  acte  que  le  comte  etl'évêque,  voulanlétablir 
la  paix  dans  leurs  territoires,  assemblèrent  les  principaux 


verse 
Fréiler 


GUILLAUME  PETRI,  ÉVÊQUE  D'ALBY.        107 


Xm  SIÈCLE. 


seigneurs  de  leurs  terres,  et  qu'ensemble  ils  convinrent  de 
prendre  des  mesures  pour  que  les  églises,  les  clercs,  les  mar- 
chands, les  pêcheurs,  les  chasseurs,  les  soldats,  les  bour- 
geois et  les  paysans  jouissent  en  paix  de  leurs  propriétés.  Le 
comte  de  Toulouse  garantit  de  sa  part  sûreté  pour  les  bœufs 
et  les  bêtes  de  somme  de  tous  ceux  qui  porteraicntsureux  un 
signal  de  paix.  Les  autres  seigneurs  s'obligèrent  à  fiaire  ob- 
server cette  paix  par  leurs  vassaux.  Elle  concernait  non-seu- 
lement les  hommes  du  territoire d'Alby,  dans  leurs  relations 
avec  ceux  de  Toulouse  et  réciproquement,  mais  encore  les 
hommes  de  toute  condition  dans  l'un  et  l'autre  pays.  Les  traî- 
tres, les  perturbateurs  du  repos  public  ne  furent  pas  compris 
dans  le  traité;  il  fut  arrêté,  au  contraire,  que  rien  ne  pour- 
rait les  protéger  contre  les  rigueurs  de  la  justice,  ni  la  consi- 
dération des  personnes,  ni  la  sainteté,  soit  du  jour,  soit  du 
lieu  auxquels  on  s'emparerait  d'eux.  Les  recteurs  des  églises 
furent  tenus  de  prêcher  cette  paix  à  leurs  paroissiens,  et  de 
leur  en  faire  jurer  l'observation  sur  le  livre  des  évangiles. 
Mais  pour  contribuer  au  maintien  du  traité,  chacun  était 
tenu  de  payer  au  comte  ou  à  l'évêque  un  setier  de  fro- 
ment pour  chaque  bête  de  labour,  douze  deniers,  monnaie 
d'Alby,  pour  un  cheval  de  bât,  et  six  pour  un  âne.  Enfin  il 
fut  statué  qu'aucune  bête  de  somme,  qui  porterait  le  signal 
de  la  paix,  ne  pourrait  être  saisie  ni  pour  dettes,  ni  pour 
aucun  autre  motif. 

Guillaume  Pétri  continua  d'administrer  son  diocèse  jus- 
qu'en 1227,  année  à  laquelle  il  se  démit  volontairement  de 
sa  prélature,  après  en  avoir  exercé  les  fonctions  pendant 
quarante-deux  ans.  Un  des  derniers  actes  qu'il  fit,  avant  cette 
retraite,  fut  celui  par  lequel  il  accorda  aux  consuls  et  aux 
bourgeois  d'Alby  la  faculté  de  disposer  de  leur  avoir  par 
testament,  à  condition  cependant  que  les  biens  de  ceux  qui 
mourraient  sans  avoir  testé  appartiendraient  à  l'évêque.  En 
cette  même  année,  il  avait  donné  plusieurs  privilèges  à  l'é- 
glise de  Saint-Salvien,  dont  il  avait  été  chanoine,  et  l'acte  qui 
en  a  été  conservé  n'a  rien  d'ailleurs  de  remarquable.il  avait, 
durant  sa  prélature,  fait,  pour  ce  même  monastère,  des 
statuts  dont  la  date  est  incertaine,  et  que  quelques-uns  veu- 
lent faire  remonter  à  l'année  même  de  son  élection.  Le  prélat  '^ù'','  \  i  . 
y  ordonne  aux  rehgieux  de  vivre  tous  a  la  même  table  et  p.  7. 
des  mêmes  mets;  de  choisir  un  frère  hospitalier,  actif  et 
craignant  Dieu,  pour  avoir  soin  des  pauvres,  lequel  ne  de- 

O2 


Gall.    christ. 


XIU  SIECLE. 


Ducange,\erb. 
Donatus. 


Mail. ,    l|,es. 
a'ietd. ,  I.   I,   p. 


Guillflm.  de 
PodioLaur.,cap. 
3  et  4. 

Pclrus,  .le  V. 
•S.    c.  25. 


Gall. 
I  luït., 


christ., 
I.I,p.7. 


108       GUILL.ALJME  Ï^ETRf,  ÉVÊQUE  D'ALBY. 

vrnit  toutefois  être  dispensé  d'aucun  des  devoirs  de  la  com- 
munauté. La  peine  ordinaire  qu'il  y  infligea  ceux  qui  auraient 
transgressé  ses  statuts,  était  !a  privation  des  reveims  de  leurs 
bénéKces  pour  plus  ou  moins  de  temps,  au  profit  des  lépro- 
series. Dans  le  cas  où  un  de  ces  religieux ,  qu'on  appelait 
donati ,  se  serait  séparé  de  la  communauté  pour  se  marier, 
il  ne  pouvait  rien  réclamer  de  cequ'il  avait  donné  au  monas- 
tère. On  désignait  parce  nom  de  donati,  des  hommes  qui, 
tout  en  restant  laïques,  se  donnaient  ou  se  consacraient  eux 
et  leurs  biens  à  un  monastère,  afin  de  jouir  de  la  protection 
de  l'Église.  Il  ne  devait  pas  être  rare,  dans  ces  temjys  où  l'au- 
torité des  lois  était  nulle,  que  des  hommes  consentissent  à 
abandonner  une  partie  de  leur  patrimoine,  jiour  jouir  du 
reste  avec  assurance.  Ils  s'appelaient  aussi  oblnti ,  faisant 
partie  des  moines,  et  ils  étaient  sous  l'obéissance  de  l'abbé, 
dont  ils  recevaient  le  vivre  et  le  vêtement. 

Le  nom  de  Guillaume  Pétri  se  trouve  dans  vme  adresse 
que  les  habitants  de  Castres  écrivirent,  en  x-xi^-j  ,  au  roi  saint 
Louis,  lors  de  son  avènement  au  irône,  relativement  à  leur 
serment  de  fidélité.  Guillaume  de  Puy-Laurent  dans  sa  chro- 
nique, et  Pierre  de  Vaux-Cernay  dans  son  histoire  de  la 
guerre  albigeoise,  citent  aussi  plusieurs  fois  le  nom  de  ce 
prélat;  le  dernier  surtout  à  l'occasion  de  l'entrée  de  Simon 
de  Montfort  dans  la  ville  d'Alby. 

Ce  prélat,  après  avoir  passé  trois  ans  dans  la  retraite, 
mourut  pieusement  au  mois  de  mai  de  l'an  x-ïio.  Il  avait 
demandé  d'avoir  sa  sépulture  dans  l'église  de  Sainte-Cécile; 
les  religieux  de  Saint-Salvien,  après  sa  mort,  alléguèrent  que 
les  restes  du  prélat  leur  appartenaient.  L'official  prononça 
en  faveur  de  Sainte-Cécile,  et  son  acte  est  à  la  suite  de  ceux 
de  Guillaume  Pétri.  P.  R. 


MOBT  en  i'23o. 


JEAN    D'IPRES, 

TROISIÈME    DU    NOM, 

ABBÉ  DE  SAINT-BERTIN. 


Jean  surnommé  d'Ipres ,  sans  doute  parce  qu'il   était   né 
dans  cette  ville,  fut  d'abord  moine  de  Lobes,  au  diocèse  de 


JEAN  DIPRES,  ABBE  DE  SAINT-BERTIN.      109 


Xiir  siè;cLK. 


Cambrai.  Il  passa  de  ce  monastère  clans  celui  de  Sithieu  ou 
de  Saiiit-Bertin,  pour  y  succéder,  en  qualité  d'abbé,  à  Simon 

3^1  abdiquait  cdte  dignité  en  1187.  L'extérieur  vénérable 
e  Jean,  sa  taille  avantageuse,  ce  qu'il  joignait  de  fermeté 
à  la  douceur,  d'habileté  à  la  dévotion,  de  science  à  la  piété, 
de  talents  flexibles  aux  vertus  sévères,  en  un  mot  un  rare  et 
vrai  m('rite  lui  ac(juit  l'estime  et  l'amitié  de  ses  contempo- 
rains. Il  obtint  des  papes  Clément  III,  Célestin  III,  Inno- 
cent III,  Honorius  III  et  Grégoire  IX;  de  Philippe,  comte 
deFlaidrc,  et  du  roi  de  France  Philippe-Auguste,  plusieurs 
privilèges  ou  concessions  pour  son  monastère.  Il  y  reçut,  en 
laoy,  des  religieux  de  la  catliédrale  de  Cantorbéry,  bannis  Voyezci-dts- 
d'Angleterre  pour  avoir,  contre  la  volonté  du  roi,  élu  Etienne  "^"^'  ■'' 
Langtoii  à  la  dignité  d'archevêque.  Jean  d'Ipres  les  accueillit 
avec  une  bienveillance  dont  Innocent  III  ilaigna  le  remer- 
cier. Quehjue  temps  après,  il  fit  le  voyage  de  Rome  pour  y 
défeiidielcs  droits  de  son  abbaye  contre  les  moines  deSaint- 
Silvin  d'Auchi,  qui  perdirent  leur  cause.  Il  signa,  en  1210, 
une  transaction  avec  ceux  de  Clairmarets,  et  fit  ensuite,  pour 
les  va.ssaux  qu'il  avait  à  Poperingues,  une  loi  qui  ne  nous  a 
point  été  conservée.  Un  an  avant  sa  mort,  il  s'engagea  à 
payer  aux  Flamajids  'j'oo  livres,  à  condition  qu'ils  n'incen- 
dieraient point  le  port  de  VVitlisand  (  VVissant,  l'ancien 
Poi  tus-Iccius  }.  Il  mourut  vers  la  fin  du  carême  de  l'année 
12^0  :  il  gouvernait  depuis  43  ans  l'abbaye  de  Saint-Beitin  , 
laquelle,  entre  les  45  abbés  qui  l'avaient  précédé,  en  comp- 
tait déjà  deux  du  nom  de  Jean  d'Ipres.  On  doit  se  garder 
de  le  confondre  avec  eux,  et  il  faut  le  distinguer  aussi  du 
Jean  tl'Ipres  qui  a  rédigé  une  chronique  de  Saint-Bertin  ,  et 
qui  n'est  mort  qu'en  i383.  Aubert-le-INIire,  Henschenius  et  Auci.iieScri|)i. 
le  P.  Leiong  s'y  sont  trompés.   Le   chroniqueur  est  ordi-  e"i«.,  r. 'îfii. 

.    j  '    •  '  I  j>T  •  "Il         I       T  Fit  Boll.ind.  I  2  el 

naircment  désigne  par  le  nom  d  Iperius  :  il  parle  de  Jean  111  ^ 

et  transcrit  l'épitaphe,  fort  richement  rimée,  qui  ornait  la      jsiijI.  hist.  a 
tombe  de  cet  abbé.  lairance,  2<=ed. 

t.  i,p.  18G,  268, 

Omnibus  annis,  vita  Joannis,  laude  nitescit;  "•977''t'  i^j»88. 

Et  nicritorum  mole  suorum,  nocte  tlitscit.  Chron.  Berlin., 

Pastor  herilis,  corde  senilis,  ore  pudicus,  ^'  ^    '  '"     }'"' 

Fronte  benignus  ,  culmine  dignus,  pacis  amicuS,  '  ^^' '.' "''  .  .,  " 

T.  ^.  .  .      .    ^  712'   in  'Snicil 

Juris  amator,  fit  mediator  seditiosis;  .'o    •' 

Jiirgia  calcans,  scliismata  falcans  ex  animosis. 

Jam  tener  œvo,  fit  sine  najvo,  dos  lobiensis,  etc. ,  etc. 

Les  écrits  qu'on  pourrait  attribuer  à  Jean  d'Ipres,  '3*  abbé 


(le 


XIII  SIÈCLE. 


MO  JEAN  DIPRES, 

de   ce  nom  à  Sitliieu,    consisteniient  en  une  vie  de  saint 
Bernard  le  pénitt'iitT  et  en  une  le'gendc  de  saint  Eikeniho- 
don.  A  la  vérité,  Iperius,  qui  parle  de  ces  deux  productions, 
ne  dit  pas  que  Jean  Ilf  en   soit  l'auteur;  mais  on  aj)prend  , 
dans  le  proloji[ue  de  la  première,  qu'elle  est  d'un  moine  de 
Saint-Bertiii,  jeune  encore,  qui  s'appelle  Jean  et  qui  écrit 
par  ordre  de  l'abbé  Simon.  Or  cet  abbé  Simon  est  le  prédé- 
cesseur de  Jean  III,  qui  ne  devait  pas  être  fort  âgé  quand  il 
lui  succéda  en    1187,  puisqu'il  vécut  jusqu'en   i23o.   Quoi 
qu'il  en  si)it,  l'ouvrage  est  divisé  en  deux  livres,  dont  le  pre- 
mier raconte  la  naissance,  les  voyages  et  la  mort  du  pénitent 
Bernard  ;  et  le  second  ses  miracles.  Bernard  narpiit  au  dio- 
cèse de  Maguelone,  que  Jean  d'Ipres  place  en  Provence;  il 
veut  dire  dans  la  Gaule  Narbonnaise.  L'historien  ne  sait  pas 
quels  étaient  les  crimes  horribles  que  Bernard  voulut  expiei', 
en  s'expatriant  et  en  se  condamnant  aux  |>lus  dures  austé- 
rités :  peut-être  n'étaient-ils  si  horribles  qu'aux  yeux  du 
saint  pénitent,  qui  se  plaisait  à  les  qualifier  ainsi.  Il  marcha 
sept  ans  sans  souliers,  fit  le  voyage  de  Jérusalem  ,  erra  dans 
l'Inde,  puis  dans  tous  les  pays  chrétiens.  S'etant  enfin  fixé  à 
Sithieu  ou  Saint-Omer,  il  couchait  sur  la  dure,  portait  le  ciliée, 
faisait  fondre  la  neige  entre  ses  habits,  mendiait  son  pain, 
et  distribuait  lui-même  des  aumônes  à  mesure  qu'il  en  rece- 
vait. Quoique  les  miracles  soient  réservés  au  second  livre, 
l'un  des  chapitres  du  premier  en  célèbre  déjà  plusieurs.  Ber- 
nard, par  exemple,  éteignit  un  incendie  en  tai.sant  le  signe 
de  la  croix;  et  voici  comment  il  s'y  prit  pour  guérir  une  jeune 
femme  des  vertiges  qui  la  tourmentaient:  Per  focum,  puel- 
lani  intrà  bracchia  arripuit ,  et  ainplexuuniiis  brachii  caput 
vertiginosum  aliquantiilîini  firmiks  adstrinxit,  utjoculationis 
gestu  hjpocrisini  dcclinaret  et  henedictionis  effecta  sanitatem 
restitueret.  Cet  homme  de  Dieu  mourut  le  19  avril  1 182.  Jean 
d'Ipres,  son  contemporain,  n'a  écrit  ici  que  ce  qu'il  a  vu  de 
ses   yeux,   ou  appris   de  bojine  part;  et  cette  observation 
que  l'auteur  ne  manque  pas  de  faire  lui-même,  s'applique 
surtout  aux  miracles  dont  le  second  livre  est  rempli.  Il  y  en 
a  3o  au  \^^  chapitre,  20  au  2«,  20  au  3^,  i3  au  4*^,  3o  au  5'' 
et  12  au  6^;  total  i25.  Il  s'en  faut  bien  pourtant  que  l'auteur 

Euisseénumérer  tous  ceux  qui  ne  cessent  de  s'opérer  au  tom- 
eau  du  saint;  ils  ne  lui  laisseraient  pas,  dit-il,  le  temps  de 
respirer,  s'il  n'en  voulait  omettre  aucun.  La  plupart  de  ces 
miracles  sont  des  guérisons  surnaturelles  :  quelques  autres 


ABBE  DE   SAINT-BERTIN.  m 


XIII  SIKCLK. 


consistent  à  faire  retrouver  des  choses  perdues.  Tous  sont 
d'une  telle  force  que  nous  n'en  saurions  distinguer  aucun 
comme  plus  mémorable  que  les  autres.  Cette  vie  se  trouve 
avec  les  notes  d'Henschenius,  dans  le  recueil  des  Bollan- 
distes,  au  19  avril.  p.  674-697. 

Au  12  du  même  mois,  la  même  collection  pre'sente  une  P- g"* 
légende  relative  à  saint  Erkembodon  ,  et  beaucoup  moins 
étendue ,  si  courte  même ,  qu'on  l'a  insérée  presque  en  entier 
dans  le  bréviaire  de  Saint-Omer,  en  la  divisant  en  leçons. 
Hens(benius  observe  que  le  nom  d'Erkembodon  ressemble 
fort  à  Erglien -Bode,  mot  teutonique  composé  qui  signifie 
adroit  valet,  industrieux  serviteur.  Le  saint  dont  il  s'agit  fut 
élu  en  ^17  abbé  de  Sitliieu,  et  joignit  à  cette  dignité  celle 
d'évêque  de  Tliérouane,  qui  lui  fut  déférée  en  yao  ou  yai  ; 
unissant  ainsi  la  vie  de  Marthe  à  la  vie  de  Marie,  et  gardant 
à  la  fois,  dit  son  historien,  Lia  et  Rachel.  Sic  utrobiqiie  ad 
pulchnv  llachclis  aiu plexus  anhelahat ,  ut  de  Jecuiiditate 
Liœ  multipliceni  procreare  solwlem  non  desisteret.  Il  continua 
de  gouverner  et  l'abbaye  et  le  diocèse  jusqu'en  74^  ,  époque 
de  sa  mort.  Le  légendaire  se  plaint  de  ne  trouver  aucun  écrit 
où  les  n)iracles  d'Erkembodon  soient  rapportés;  c'est  l'effet 
de  l'humilité  de  ce  prélat,  qui  .s'appliquait  à  les  cacher,  et 
s'efforçait  d'en  abolir  la  mémoire.  Mais  la  tradition  s'en  est 
conservée  parmi  les  fidèles;  et  d'ailleurs  les  prodiges  qui, 
depuis  quatre  siècles,  se  sont  accomplis  sans  interruption 
près  de  sa  tombe,  et  qui,  suivant  la  légende,  enrichissent 
encore  chaque  jour  l'église  de  Sithieu,  doivent  sembler  des 
garants  assez  sûrs  des  vertus  et  de  la  sainteté  d'Erkem- 
bodon. 

Il  ne  nous  paraît  pas  aussi  certain  que  cette  légende  soit 
réellement  l'ouvrage  de  Jean  d'Ipres  3*"  du  nom.  A  la  vérité, 
l'auteur  déclare  qu'il  écrit  plus  de  4oo  ans  après  la  mort  du 
bieidicureux  qu'il  célèbre,  et  par  conséquent  vers  la  fin  du 
xn*"  siècle.  Il  nous  apprend  aussi  qu'il  habite  le  monastère 
de  Saint-Bertin ,  canobii  hujus  (  sithivensis  )  ministerhunnlis; 
et  Ion  pourrait  penser  que  c'est  là  une  expression  modeste 
de  la  dignité  abbatiale,  qu'il  se  dit  le  serviteur  de  son  cou- 
vent ,  comme  le  pape  se  déclare  celui  des  serviteurs  de  Dieu, 
servus  servoruni  Dci.  Mais  Henschenius  ne  fait  pas  ce  com- 
mentaire; il  suppose,  au  contraire,  que  Jean  d'Ipres  a  com- 
1)osé  cet  opuscule  avant  d'être  abbé.  Or  avait-il  auparavant 
labité  Sitliieu  comme  simple  moine?  Cela  est  incertain  :  on 


XHI  SIECLE. 


lia      JEAN  D'IPRES,  ABBE  DE  SAINT-BERTIN. 

serait  plutôt  fondé  à  croire  qu'il  fut  immédiatement  tiré  de 
l'abbaye  de  Eobes ,  pour  venir  dans  celle  de  Saint-Bertin 
succéder  à  Simon. 

Cette  dernière  considération  tendrait  à  faire  aussi  regar- 
der comme  douteuse  l'opinion  qui  attribue  au  même  Jean 
d'Jpres  l'histoire  de  saint  Bernard  le  pénitent;  car  cette 
histoire  est  également  l'ouvrage  d'un  religieux  qui  obéit,  en 
la  rédigeant,  à  son  abbé  Simon,  et  qui,  selon  toute  appa- 
rence, habitait  déjà  l'abbaye  de  Saint-Bertin,  quand  Bern.ird 
y  mourut  en  1182.  Or,  à  cette  époque,  et  même  jusqu'en 
1187,  Jean  d'Ipres,  à  ce  qu'il  semble,  demeurait  à  Lobes, 
sous  l'abbé  Guérin.  Il  est  vrai  que  les  vers  qui  terminent  le 
second  livre  de  cette  longue  relation  nous  apprennent  (jue 
l'auteur  s'appelait  Jean,  ou  du  moins  que  la  première  et  la 
dernière  lettre  de  son  nom  étaient  celle  qui  commence  et 
celle  qui  finit  le  mot  lohannes  : 

Hoc  niodicum  qui  fecit  opus 

Noniinis  illius  finis  S.  Ique  caput. 

Nous  n'avons  pas  voulu  dissimuler  ces  difficultés  qui  peu- 
vent sembler  assez  graves;  cependant  rien  ne  prouve,  à 
la  rigueur,  que  l'auteur  de  la  légende  de  saint  Erkenibodon 
ne  fût  point  abbé  de  Saint-Bertin  :  Henschenius  qui  le  dé- 
clare un  simple  moine,  n'appuie  cette  assertion  d'aucune 
preuve,  d'aucun  témoignage,  et  ne  songe  point  à  réfuter 
l'objection  qui  résulte  de  l'expression  rninisler  humilis.  Et 
quanta  la  vie  de  saint  Bernard  le  pénitent,  Jean  d'Ipres, 
s  il  ne  l'a  point  composée  à  Sithieu  ,  a  fort  bien  pu  s'en 
occuper  à  Lobes,  pour  complaire  à  l'abbé  Simon,  et  après 
en  avoir  recueilli  les  matériaux  à  Sithieu  même,  oia  sans 
doute  il  avait  fait  au  moins  quelques  voyages.  Nous  ne  pensons 
donc  pas  que  1  hypothèse  qui  attribue  ces  deux  productions 
à  Jean  III  soit  inadmissible,  quoiqu'on  puisse  assurément  la 
contester,  et  que  les  auteurs  de  la  nouvelle  Gallia  christiana 
se  soient  abstenus  de  la  faire  entrer  dans  l'article  qu'ils  ont 
consacré  à  cet  abbé.  D. 


^  ^  %  «/«^^■^«'«r^^v-^  V^ 


XIII  SIECLE. 


REINER, 

MOINE  DE  SAINT-JACQUES    DE    LIÈGE.  mort  ver»  ia3o. 

IlEiNER,  religieux  du  monastère  de  Saint-Jacques  à  Liège, 
était  né  en  Ii55.  Sa  mère,  nommée  Judith,  ayant  quitté  le 
monde  pour  se  faire  sœur  converse,  il  embrassa  lui-même 
l'état  monastique  en  1176,  et  reçut  peu  de  mois  après  le 
sous-diaconat.  Il  fut  fait  diacre  en  11 79,  et  Raoul,  évêque 
de  Liège,  l'ordonna  prêtre  en  1 181.  Au  commencement  de 
l'année  1 1 84,  Reiner  se  rend  à  Rome,  en  revient  en  avril ,  y 
retourne  à  la  fin  d'août,  et  de  nouveau  en  t  186  :  on  ignore 
les  motifs  et  les  circonstances  de  ces  trois  voyages.  L'an 
1 197,  il  devient  prieur  de  son  monastère  de  Saint- Jacques, 
puis  prévôt  de  Wota  et  de  Passérige.  Le  concile  de  Latran, 
tenu  en  12 15,  fut  l'occasion  d'un  quatrième  voyage  de  Rei- 
ner. Revenu  de  Rome  à  Liège,  il  s'occupa  de  la  continuation 
d'une  chronique  ou  histoire  de  cette  ville,  qu'il  conduisit 
jusqu'à  l'année  i23o,  qu'on  suppose  être  aussi  celle  de  sa 
mort.  Tous  ces  détails  sont  pris  de  cette  chronique  même, 
tant  de  la  partie  rédigée  par  Reiner,  que  des  pages  qui  pré- 
cèdent les  siermes. 

Depuis  l'année  988  où  elle  commence,  jusqu'en  1194  où 
Reiner  en  devient  le  rédacteur,  cette  chronique  est  l'ouvrage 
d'un  moine  de  Liège  appelé  Lambert;  mais  ce  nom  convient 
à  jilusieurs  religieux  qu'il  a  été  facile  de  confondre.  On  en  vossius,  13p 
peut  distii 
moine  de 


inguer  trois  (i).  Le  plus  ancien,  natif  de  Liège  et  "'^j  i^i-,  '  n. 
Tuy,  a  composé,  dans  le  cours  du  xi'^  siècle,  des  '  ,^|(,|j„,h  ,„pj 


(i)  Un  autre  Lambert  de  Liège,  moine  de  Saint-Laurent  à  Tuy,  est 
désigne  comme  ayant  composé,  vers  1220,  des  hymnes,  des  épigrammes, 
et  deux  livres  sur  la  vie  de  saint  Iléribert,  archevêque  de  Cologne,  im- 
primés dans  la  collection  des  Bollandistes,  au  16  mars.  Ce  Lambert  aurait 
été  contemporain  de  Reiner,  et  devrait  être  placé  ici ,  si  l'on  s'en  rapportait  à 
l'article  qui  le  concerne  dans  la  BibUotheca  belgica  de  Foppcns  ,  toni.  II, 
p.  800.  Mais  la  vie  de  saint  Héribert  a  été  attribuée  avec  plus  de  vraisem- 
blance, par  nos  prédécesseurs,  à  l'abbé  Lambert  qui  mourut  en  1069, 
après  avoir  gouverné  le  monastère  de  Saint- Laurent  de  Liège,  et  qui  avait 
aussi  composé  des  hymnes  et  d'autres  vers.  Voyez  Hist.  littér.  delà  l'r., 
t.  VIII ,  p.  G-i  1.  Le  grand  nombre  de  moines  belges  qui  ont  porté  le  nom 
de  Landiert  a  <;ausé  beaucoup  d'embarras  et  d'erreurs.  ^ 

Tome  XVUl. 


cl  lui.  latin. t   IV, 


D. 


la  Fr. , 

2^ 

t.  I.p. 

V    1 

ir4  REINER, 

XIII    SikCI.E.  ,  .  I  •  r  I 

hymnes  et  des  vies  de  saints.  Le  second  appartenait  au  cou- 
vent de  Saint-Christophe  :  Alberic  de  Trois-Fontaines  fait 
mention  de  lui,  sous  l'année  i  l'j'j,  comme  d'un  zélé  prédi- 
cateur et  d'un  traducteur  laborieux.  Le  troisième,  surnommé 
le  Petit,  et  moine  de  Saint-Jacques  à  Liège,  est  celui  qui  a 
laissé   une  chronique  dont   la  continuation  commence  par 
ces  mots  :  Hoc  aniio ,   i  '94»  moiitur  Lanihertus  prifvus,  ec- 
clcsice  sacerdos  et  monachus ,  et  hucus  que  opus  ejus  :  abhinc 
Reinerus  ,  similiter  hujus  ecclesiœ  sacerdos  et  monachus. 
Un  manuscrit  de  cette  histoire  des  évêques  et  de  la  ville 
Saiidir,  uiiii.  de  Liéi^e  se  conservait  dans  le  monastère  de  Saint- Jacques. 
mss.  Be|g. ,  1. 1 ,  j^o^i  ^l;,i-tène  l'a  imprimée  au  tome  V  de  \ Amplissinia  col- 
Bibi.  histoi.  <îe  Icctio ,  avcc  Une  suite  qui  s'étend  de  laSoà  i46(,  et  dont 
<iii  ,  l'auteur  est  Corneille  Zanfliet.  La  partie  que  nous  devons  à 
'•  "    Ileiner  ne  présente,  en  général,  que  de  petits  faits,  que  des 
détails  d'une  mince  importance.  On  peut  néanmoins  lui  sa- 
voir gré  de  son  attention  à  marquer  le  prix  des  denrées  dans 
chaque  année  bonne  on  mauvaise.  Il  nous  apprend  qu'il  y 
eut  famine  dans  toute  la  Belgique  en  1197,  et  que  l'Iiiver  de 
1206  tut  un  véritable  printemps,  ou  même  un  été,  à  l'ex- 
ception des  i5  premiers  jours  de  janvier.  La  ville  de  Liège 
fut  prise  en    \i\q.  par  les  Brabançons  :  pour  mieux  signaler 
ce  désasti'e ,  l'auteur  insère  dans  sa  chronique  les  trois  vers 
suivants,  après  avoir  pris  soin  d'avertir  qu'ils  sont  de  sa  com- 
position : 

Anilo  milleno  bis  centeno  diiodeno, 
Leodiuni  capitur  et  t'rangitur  et  spoliatur 
A  lîraljantinis,  Vulcani  fulmine  dignis. 

En  I2i3,  les  Brabançons  sorti  vaincus  par  les  Liégeois  : 
c'est  le  récit  le  plus  étendu  et  le  plus  détaillé  qu'ait  fait 
Reiner,  mais  il  n'y  mêle  point  de  vers;  il  réserve  son  talent 
j>oétique  pour  exalter  le  pape  Innocent  III,  pour  célébrer  les 
triomphes  de  a  pontife  sur  les  monarques  indociles.  Les 
dates  de  mois  et  de  jours  ne  sont  indiquées,  dans  cette  chro- 
nique, que  par  les  noms  de  saints,  mis  au  génitif,  en  sous- 
l'ioii  ..'jiiiai  entendant  die,  par  exemple  :  Ronifacii  martyris ,  abieiunt 
nostrates  peregrini ,  inter  quos  abiit  filius  sororis  meœ  Rei- 
nerus cujus  ahsenûafacit  me  dolerc fréquenter.  On  peut  juger 
par  ces  lignes  de  l'extrême  simplicité  de  la  prose  de  Reiner. 
Sa  diction  n'est  pas  élégante;  mais  elle  n'a  aucun  des  défauts 
que  plusieurs  de  ses  contemporains  recherchaient  comme 
«les  ornements. 


MOINE  DE  SAINT-JACQUES  DE  LIÈGE.       ii5 

Il  a  été  quelqueCois  confondu  avec  un  autre  Reiner,  re- 
ligieux du  monastère  de  Saint-Laurent  à  Liège,  sur  lequel 
on  a  pu  lire  une  notice  dans  notre  XIV«  volume.  D.       \iss\ 


XIIT   SIECLE, 
sous       Tannée 


GUILLAUME  D'AUXERRE, 

ARCHIDIACRE  DE  BEAUVAIS.  mort  en  .23o. 


99- 


v_/N  a  long-temps  confondu  Guillaume  d'Auxerre,  auteur  riiiiipp.  iiei 
d'une  Somme  de  théologie,  avec  Guillaume  de  Seienelav,  R"'" '"'•^"  H9 
eveque  fl  Auxeire  ,  puis  de  Pans.  Le  prélat  est  mort  en  1220,  /, ,,.  posscv.  Ap- 
et  n'a  laissé  aucune  production  littéraire:  l'écrivain  a  vécu  pu. Sac.i.l.p 
jusqu'en  1280,  et  n'a  jacnais  eu  d'évèché;  l';irchidiaconat  de  C;,8.]Maiinq., ad 
Beauvais  a  été  sa  plus  haute  dignité  dans  l'Eglise.  Nous  avons  n'.s.Laijb.-  nVbi., 
eu  et  nous  aurons  encore  plusieurs  occasions  de  parler  de  "  mss.,  c.  59 
Guillaume  de  Seiernelav,  à  cause  des  relations  qu'il  a  eues  ^'a'^i  -^if"  Hist. 
Il  j     I  ...  .  ■   I  .  l'TT    •  <ccl.,  t.  vu,  p 

avec  des  hommes  de  lettres,  et  spécialement  avec  I  Univer-   i^soiandcoLi» 

site  de  Paris.  Mais  une  notice  particulière  de  sa  vie  serait  Aur.  .cd.,  i.  11, 
déplacée  dans  f  histoire  de  la  littérature.  Il  doit  nous  suffire  ■'  ^''^  Ondm, 
de  renvoyer  aux  articles  qui  le  concernent  dan.s  la  Ciallia  T.viî.p.go-V?. 
christlana  nova,  dans  l'Histoire  de  Paris  par  Félibien  ,  t.  i,  i.  vi,  p 
et  surtout  dans  les  Mémoires  de  Lebeuf  sur  la  ville  et  le  '^'-271. 
locese  d  Auxerre.  355 

La  Somme  théologique  expressément  attribuée  à  l'archi- 
diacre (le  Beauvais,  dans  un  manuscrit  de  Clairvaux,  avait 
été,  dès  le  xm*  siècle,  désignée  comme  son  ouvrage  par 
Albéric  deTrois-Fontaines,  dont  la  chronique  contient,  sous 
l'année  i23o,  un  article  conçu  en  ces  termes  :  Milo  BeU'a-     Ltihn.  A^ccess 
censis  episcopus . .  .   ad  papam  abiit.  . .  Mortuus  est  lîoniœ  iii^'o'  ,  '  n.  i' 
moqister  Guillelnius  autissiodorensis ,   theoïogus  Jioniinatis-  "*  '' 
siinns   et   in   guœstionibus  projundissinius  :   liujus  habetur 
magna  Sumnia  tlicologica ,  et  ejus  abbreviatio  fjuam  fecit 
episcopus  Florentiœ ,   ma  gis  1er  Avdingus  papiensis.   Cepen- 
dant, par  une  confusion  dont  il  y  a  bien  d'autres  exemples, 
la  qualilication  d'èvêcjue  se  joignit,  dans  le  cours  des  deux 
siècles  suivants,  au  nom  de  ce  (iuillaume  d'Auxerre.  Vers 
l'an  iftoo,  Trithème,  en  parlant  du  théologien  auteur  de  la 
^omme,  écrit  :  Guillelnius  a utissiodorcnsis ,  ut  ferunt,  épis-      '•'•Sc'.cdi-s , 
copus.  On  peut  remarquer  ici  les  mots  ut  ferunt ,  qui  sem-  |j^;',"  '"^^'j  "' 

P2 


iiG  GUILLAUME  D'AUXERRE, 

XIII  Sli-CLE.     .  ,  .      ,.  .     .  r,.    ■    ,  . 

bleiit  indiquer  une  opinion  commune,  que  1  ritneme  croit 

devoir  rap[)orter,  mais  qu'il  n'entend  p:is  garantir.  Au  xvii* 
Hist.univ.Pa-  siècle,  Du  Boulay  s'aperçut  que,  dans  les  comptes  des  procu- 
ris.t.  III,  p.  68^.  reurs  de  l'Université  de  Paris  et  dans  le  calendrier  du  recteur, 
l'obit  de  Guillaume  d'Auxerre  était  placé  au  3  novembre  : 
In  crastino  aniniarum  fit  anniversariuin  inagistri  Guillelnii 
autissiodarensis,  et  ilen  conclutque  ce  théologien  ne  pouvait 
être  Guillaume  de  Seignelay,  qui  mourut  à  Saint-Cloud  le 
23  novembre.  Du  Boulay  fit  plus,  il   prolongea    la    vie  de 
l'auteur  de  la  Somme  jusqu'au  pontificat  d'Innocent  IV,  c'est- 
à-dire  au-delà  de  i342.  C'était  une  erreur  sans  doute,  mais 
qui  tendait  à  distinguer  encore  plus  le  docteur,  de  l'évêque 
de  Paris,  qui  avait  terminé  sa  carrière  en    1223.  Cette  dis- 
tinction a  été  depuis  parfaitement  établie  par  l'abbé  Lebeuf 
qui,  en  1726,  inséra  dans  les  Mémoires  de  littérature  du  P. 
T.iii,p.3i7-  Desmolets,  de  l'Oratoire,  une  «  Dissertation  Louchant  le  ré- 
'47-  „  ritable  auteur  de  la  Somme  théologique  appelée  de  Guil- 

«  laume  d'Auxerre,  avec  des  remarques  sur  quelques  en- 
«  droits  des  ouvrages  de  l'écrivain  connu  sous  ce  nom.  »  Aux 
arguments  que  fournissent,  comme  on  vient  de  le  voir,  le 
texte  d'Albéric,  les  paroles  de  Trithème  et  l'opinion  de  Du 
Boulay,  Lebeufajoute  quelques  autres  observations.  Durand 
de  Mende,  théologien  et  jurisconsulte  célèbre  du  xiii*  siècle, 
cite  la  Somme    Magistri  H^'illelmi  autissiodorensis ,  sans  la 
qualification  d'évêque.  Dans  une  vie  de  Guillaume  de  Sei- 
Bibi.nov.mss.  gnelay ,  écrite  vers  les  mêmes  temps  et  publiée  par  Labbe, 
1. 1,  p. /,8o.         \\  esf  ^\[l  positivement  que  ce  prélat  n'a  jamais  donné  de  le- 
çons publiques  :  In  scholis  cathedram  nunquam  ascendit 
mdgistralem  ;  tandis  que  l'auteur  de  la  Somme  était  un  pro- 
L  lll,ir.vfn,  fesseur  fort  renommé.  Enfin  cette  Somme  fait  mention  d'un 
..  3,.iuaest.  i.',.    archevêque  de  Sens,  qu'elle  désigne  comme  ne  vivant  plus, 
et  ce  doit  être  Pierre  deCofbeil,  qui  n'est  mort  qu'en  122a, 
Hisi.  liiki.  (le  trop  jieu  de  temps  avant  Guillaume  de  Seignelay  pour  que 
''  *'•'  '  ^^^''  celui-ci  ait  pu  faire  de  lui  une  telle  mention. 

Il  ne  s'agit  donc  plus  d'un  évèque  d'Auxerre  ni  de  Paris, 

mais  d'un  simple  théologien  qui  n'est  guère  connu  que  par 

ses  ouvrages.  Ce  qu'on  sait  de  sa  vie  se  réduit  à  un  très-petit 

i.<j.cur, Mr.n.  nombre  de  faits.  Il  était  né  à  Auxerre,  puisqu'il  est  partout 

pdinriust.i  Au-  appelé  autissiodorensis.  Sa  naissance  doit  être  postérieure  à 

ViVi-i^        '     '•'""^'^   liDo,  ou  même  1160;  car  il  n'est  pas  dit  qu'il  fàt 

très-àgé,  lorsqu'il  mourut  en  i23o  à  Rome,  où  il  venait  de 

suivre  l'évêque  de  Beauvais  Milon.  On  a  lieu  de  croire  qu'a- 


ARCHIDIACRE  DE  BEAU  VAIS.  117 

XIII  SIÈCLF 

vant  de  se  fixer  à  Beaiivais,  comme  archidiacre,  il  avait  "  ' 

professé  la  théologie  à  Paris,  assez  long-temps  pour  y  ac- 

3uérir  une  réputation  brillante.  C'est  probablement  pen- 
ant  l'exercice  de  cette  fonction  qu'il  a  écrit  sa  grande 
Somme,  dont  quelques  passages,  que  nous  citerons  bientôt, 
indiquent  le  commencement  du  xiii^  siècle  comme  l'époque 
de  sa  composition.  La  qualité  d'archidiacre  de  Beauvais,  at- 
testée, comme  nous  l'avons  déjà  dit,  par  un  ancien  manu- 
scrit de  cet  ouvrage,  l'est  aussi  par  un  cartulaire  de  l'église 
d'Auxerre  :  on  y  lit  un  acte  de  février  1229,  oii  Guillaume, 
archidiacre  de  Beauvais,  avant  de  partir  pour  Rome,  fonde 
le  service  anniversaire  qui  sera  fait  pour  lui  après  sa  mort 
dans  l'église  d'Auxerre,  sa  patrie.  De  ces  divers  renseigne-  Lebeuf,  dû- 
ments,  ficbeuf  conclut,  non  sans  raison,  que  «  Guillaume,  *'"",'*'•  ***"*  '" 
«  après  avoir  professé  la  théologie  à  Paris,  avait  été  attiré  à  leu"  ,''^^7'°° 
«  Beauvais  par  l'évêque  Milon  de  Châlillon,  autrement  dit  Sis'. 
«  de  JNanleuil ,  pour  y  être  l'un  des  ornements  de  son  clergé, 
«  et  que  ce  prélat,  ayant  besoin  d'une  bonne  tête  dans  l'af- 
«  faire  qui  le  conduisit  à  Rome,  après  avoir  jeté  un  interdit 
<f  sur  sa  ville  épiscopale,  choisit  son  archidiacre  pour  lui  tenir 
a  compagnie  et  l'assister  de  ses  lumières.  »  Le  jour  du  décès 
de  Guillaume  n'est  pas  indiqué  dans  les  obituaires  de  Beau- 
vais et  d'Auxerre;  mais  les  registres  cités  par  Du  Boulay 
marquent,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  3  novembre,  et  b 
chronique  d'Albéric  l'année  ia3o. 

L'abbé  Lebeuf  n'a  pas  fait  mention  et  peut-être  n'a  pas 
eu  connaissance  d'un  récit  qui  fournirait,  si  l'on  pouvait  y 
ajouter  foi ,  une  objection  assez  grave  contre  ce  qui  vient   , 
d'être  dit  des  époques  où  vivait  et  enseignait  Guillaume 
d'Auxerre.  Nous  lisons  dans  une  vie  de  sainte  Hildegarde,      Boiiand.,  17 
que  cette  pieuse  abbesse,  en  allantvisiter  le  tombeau  de  saint  s«p'-,p- S7'J.p 
Martin  à  Tours,  passa  par  Paris,  et  laissa  trois  de  ses  ouvrages  '^' 
entre  les  mains  des  docteurs  qui  les  devaient  examiner;  qu'ils 
les  gardèrent  depuis  l'octave  de  la  Saint-Martin  jusqu'à  l'oc- 
tave de  l'Epiphanie;  que  maître  Guillaume  d'Auxerre  les  lui 
rendit,  en  lui  disant,  au  nom  de  tout  le  collège  doctoral, 
qu'ils  étaient  plus  divins  qu'humains.  Comme  Hddegardeest 
morte  en  11 78,  plus  de  20  ans  après  son  voyage  à  Paris,  il 
faudrait  que  ce  Guillaume  d'Auxerre,  qui  serait  sans  doute 
celui  dont  nous  parlons,  eût  occupé,  dès  le  milieu  du  xii* 
siècle,  une  place  distinguée  parmi  les  grands  maîtres,  ce  qai 
dérangerait  tout  le  système  chronologique  de  sa  vie.  Mais 
1  1 


XIII  SIECLE. 


ii8  GUILLAUME  D'AUXERRE, 


l'histoire  de  sainte  Hildegarde  peut  bien  ne  pas  mériter  tant 
de  confiance. 

Le  principal  ouvrage  de  Guillaume  est  sa  Somme  de  théo- 
logie, Sumnia  aurea  super  quatuor  lihros  sentcntiarum ; 
c'est  une  longue  explication  des  4  livres  des  sentences;  la 
distribution  des  matières  y  est  la  même  que  dans  l'ouvrage 
de  Pierre  Lombard.  I^e  livre  premier  traite  des  attiibuts  de 
la  divinité;  le  second,  des  créatures,  des  anges  et  des  dé- 
mons, de  la  grâce,  du  libre  arbitre  et  du  péché  originel;  le 
troisième,  de  l'incarnation,  des  vertus  théologales  et  cardi- 
nales, des  dix  commandements,  des  deux  testaments  ou 
alliances;  le  quatrième,  des  sacrements,  du  jugement  der- 
nier, du  paradis  et  de  l'enter. 

Le  texte  cjui  se  lit  à  la  tête  du  premier  livre  :  Fides  est 
suhstantia  reruni  sj)erandarum ,  argumentuni  non  appa- 
rcntiuni ,  annonce  que  l'auteur  a  considéré  la  toi  comme  la 
base  de  tout  l'édilice  theologique,  et  comme  le  caractère 
es.sentiel  de  la  perfection  chrétienne.  En  ettét,  cette  idée 
domine  à  tel  point  tout  le  système  de  son  ouvrage,  qu'elle 
l'entraîne  jusqu'à  dire  que  la  toi  est  le  prir<cipal  mérite  du 
chrétien;  que  l'orthodoxie  est  une  vertu  supérieure  à  la  cha- 
rité; que  le  salut  est  mieux  garanti  par  les  croyances  que  ])ar 
L.  llI.Tr.xii,  les  œuvres.  Bellarmin  s  est  vivement  récrié  contre  cette  doc- 
c.  i,q.  2;c.  3.  trine;  il  l'a  combattue  par  des  textes  sacrés,  avec  d'autant 

"^ DeJusiificatio-  P'"^  ''^  ''•'^^^  l"*-'  *'^'''  héretiques  modernes  venaient  de  la 
ne,i.v, c.  i5.  reproduire  plus  exj)licite  et  plus  pernicieuse.  Cette  erreur 
paraît  être  l'iirticle  le  plus  remarquable  dans  la  Somme  de 
Guillaume  d'Auxerre  :  presque  tous  les  autres  se  retrouvent 
en  substance,  et  souvent  dans  les  mêmes  formes,  chez  la 
plupart  des  théologiens  scliolastiques  du  xui'' siècle.  Il  con- 
vient néanmoins  d'observer  encore  que  Guillaume  passe 
pour  avoir  introduit  le  premier,  dans  les  traités  des  sacre- 
ments, la  distinction  entre  la  matière  et  la  forme.  Elle  n'avait 
été  employée  ])ar  aucun  de  ses  prédécesseurs,  de  ceux  du 
moins  dont  les  livres  sont  imprimés.  11  ne  l'appliquait  lui- 
même  qu'à  quel(jues-uns  des  sacrements,  par  exemple,  à  la 
pénitence  et  à  Tordre;  ses  successeurs,  Alexandre  de  Halès 
et  Albert-le-Grand  l'ont  étendue  à  tous  les  autres,  y  compris 
le  mariage  :  ils  ont  fait  partout  consister  la  forme  dans  les 
paroles  sacramentelles,  et  la  matière  dans  les  substances  ou 
dans  les  actes  auxquels  les  paroles  correspondent. 

Après  ces  points  de  doctrine,  il  ue  resterait  guère  à  re- 


XIII  SIECLE. 


ARCHIDIACRE  D'AUXERRE.  iig 

marquer,  dans  la  compilation  de  Guillaume,  que  certains 

faits  du  XII*  et  du  xiii*^  siècle  dont  elle  retrace  le  souvenir. 

Il  y  est  parle  de  la  dispute  des  nominaux  et  des  réalistes  ;  et     l  n  Tr  xmx 

c'est  l)ien  à  tort  qu'on  a  voulu  conclure  de  là,  que  cette  c.  3,q.  3. 

Somme  n'avait  été  composée  qu'au  temps  de  Scot;  car  les 

nominaux    remontent  à    Roscelin  ,  maître   d'Abailard  ,    ou 

même  à  Rainbert,  dialecticien  de  l'âge  précédent. 

Guillaume  dit  qu'il  écrit  dans  une  ville  où  il  y  a  une  église 
de  Saint-Etienne.  Il  en  existait  une  telle  à  Auxerre  et  une 
aussi  à  Beauvais;  mais  il  veut  probablement  indiquer  Paris 
où  il  professait,  et  où  deux  églises  étaient  dédiées  à  ce  saint 
dans  le  quartier  des  écoles.  Ce  qui  surtout  nous  donne  le 
droit  d'en  juger  ainsi,  c'est  qu'il  parle  ailleurs  du  grand 
nombre  d'hérétiques  brûlés  près  du  lieu  où  il  compose  son 
ouvrage.  On  sait  trop  combien  ces  exécutions  furent  nom-  L.lii,Tr.xxxv, 
breuses  à  Paris,  sous  les  règnes  de  Philippe-Auguste  et  de 
Louis  VIII. 

Il  cite  Othon  comme  exemple  du  pouvoir  que  possède  le 
pape  d'excommunier  les  souverains,  et  de  délier  les  sujets 
du  serment  de  fidélité:  c'est  un  fait  dont  il  n'a  pu  faire  men-     l.  Iii.Tr.xu, 
tion  qu'après  1210.  Ajoutons  que  les  expressions  dont  il  se  i->5- 
sert,  en  citant  Pierre  le  Chantre  et  Prœpositivus,  concedebat 
cantor  parisiensis  et  omnes  sequaces  ejns ,  dicebat  Prœposi-     ^  iII.Tr.xxj, 
tiviis,  autorisent  à  penser  qu'il  écrivait  après  la  mort  de  l'un  *'   ' 
et  de  l'autre  :  or  le  second  n'est  décédé  que  vers  1209.  On      Hist.  liiiér.  de 
peut  noter  ici   que  Prcepositivus  et  Guillaume  d'Auxerre      ïl,'  ^l^^' 

•^      •  ,.  ^       '    1         -    1-    '     1  •         I  I  1       P-  ^°U,  585. 

croient  fermement  a  la  reaiite  des  miracles  et  des  visions  de 
saint  Brandan. 

L'auteur  de  la  Somme,  en  traitant  les  questions  relatives 
aux  vœux  ,  s'exprime  en  ces  termes  :  llte  qui  primo  voiàt  se 
iturum  ad  ^Ibigenses  et  postmodum  se  iturum  ad  mare.  Ce  L.lll,Tr.  xwi, 
sont  là  les  paroles  d'un  contemporain  de  la  guerre  entreprise  •>•*• 
vers  1209  contre  les  Albigeois,  et  des  croisades  qui  se  conti- 
nuaient en  Orient.  A  la  vérité,  il  fait  au  même  endroit  men- 
tion d'un  roi  de  France,  nommé  Louis,  qui,  ayant  promis 
déjeuner  tous  les  vendredis,  fut  relevé  de  ce  vœu  par  un 

f)ape  Alexandre;  et  l'on  devra  retarder  de  plus  de  24  ans 
a  mort  de  Guillaume  d'Auxerre,  si  l'on  suppose  qu'il  s'agis- 
sait là  d'Alexandre  IV  et  de  Louis  IX.  Mais  Lebeuf  observe 
3ue  saint  Louis  n'était  pas  homme  à  demander  de  pareilles 
ispenses  :  ce  passage  concernerait  bien  plutôt  Louis  VII  et 
Alexandre  III. 


XIII  SIECLE, 
Tract.ult.,c.  2. 


I20  GUILLAUME  D'AUXERRE, 

Vers  la  fin  du  livre  111,  s'ëlève  la  question  de  savoir  si 
l'on  doit  donner  la  communion  à  celui  que,  par  la  voie  de 
la  confession  auriculaire,  l'on  sait  être  eh  état  de  péché  mor- 
tel. L'auteur  répond  que  l'Eglise  ayant  ordonné  à  tous  les 
fidèles  de  recevoir  la  communion  au  temps  de  Pâques,  il  ne 
la  faut  refuser  à  aucun  de  ceux  qui  la  demandent  à  cette 
époque  de  l'année,  quelque  connaissance  que  l'on  ait  de  leur 
indignité.  Cet  article  est  sans  doute  écrit  après  le  concile  de 
Latran  de  I2i5  ,  qui  a  imposé  l'obligation  de  la  communion 
pascale. 

Telles  sont  les  observations  qui  nous  ont  paru  les  plus 
propresà  indiquer  le  temps  où  Guillaume  d'Auxerrea  com- 
posé sa  Somme  ihéologique,  et  à  donner  une  idée  des  doc- 
trines qu'il  y  professe. 

Les  copies  manuscrites  ,  complètes  ou  partielles  ,  de  cette 
compilation  sont  très-nombreuses.  On  en  compte  quatre  à  la 
N  3o563o57,  Bibliothèque  du  Roi.  «  Si  vous  êtes  curieux  ,  dit  Lebeuf  (  en 
^A2- (Co^ber'o'   ï726),de  voir  un  grand  nombre  d'exemplaires  manuscrits 
in-4°.  Catai.  de  «  de  la  Somme  thcologique  de  Guillaume  d'Auxerre,  vous 
la  B^R.,t.  III,  a  pouvcz  VOUS   Satisfaire  dans   la  Bibliothètjue  de  la  Sor- 
''  Diss'ert'  dans  "  bounc.  »   Lebcuf  fait  une  mention  plus  spéciale  de  celui 
les.vém.  deDes-  qu'il  a  découvert  à  Clairvaux,  et  dont  l'intitulé  donne  à  Guil- 
'"''''^'*''- ïit'P-  laume  d'Auxerre  le  titre  d'archidiacre  de  Beauvais  :  lacipit 
Mémoires  sur  ^^'^'-"^^    GiiUlelnii   autissiodorensis ,   archidiaconi   hellova- 
Auxeire,  t.  II, p.  censù.  Moiitfaucon  indique  ceux  qui  se  conservaient  à  Saint- 
*i^T  ^  ^°'"^"''  ^'^''™3'"-Jes-Prés,  à  Saint-Victor,  dans  les  cathédrales  de 
'i73j,p°"i''ôj^!'  Beauvais,  de  Tours  et  de  Carcassonne,  à  Vendôme,  à  Lyre, 
Bibi.Bibi.mss.  à  Saiut-Aubiu  d'Angers,  à  Saint-Bénigne  de  Dijon,  à  Jumié- 
pait.ii.p.  n35,  ges  et  chez  les  dominicains  de  Clermont  en  Auvergne,  lien 
Î226',    iiSq!  ^'^^  ^^  P'"^  dtvi\  de  Rome  et  un  de  la  bibliothèque  Am- 
1275,     1285)  brosienne  à  Milan.  Sander  en  fait  connaître  quatre  en  Bel- 
Î355  '  ^-^^^  '  S'^"^'  savoir  :  un  à  l'abbaye  de  Caraberon,  un  à  l'abbaye 
ibid.,part  I    <J'Âulne;et  à  Saint-Martin  de  Tournay,  deux,  dont  l'un  ne 
I'.  i35,   iSg,'  contenait  que  le  livre  IV,  ou  des  sacrements,  commençant 
■^'^;.  par  ces  mots  :  Dicto  de  prœceptis  et  judiciis ,  conscquenter 

Bibl.mss.Bele .    *»•  /  ,  '        •      t.  .         i"'  >^      i       ■ 

p-7.  121,  246    "^<^^'*"«/"  est  de  sacramentis.  L  Angleterre  en  possède  huit 
356.  '  dans  les  bibliothèques  Bodiéienne  et  Jacobéenne,  dans  celles 

CaLinss.Ang?.,  Jes  colléffcs  d'Oxford  et  de  Cambridge ,  et  de  la  cathédrale 
.Cù.Vl^e-   deWorcester. 
pan.  m,  pag.       Nous  n'avons  pas  compris  ,  dans  ces  listes,  les  extraits  ou 


2094 
21 

p 


94 ,    2095  ,  abrégés  manuscrits  de  la  Somme  de  Guillaume,  rédigés  par 
8049,8229.'  un  évêque  de  Florence,  natif  de  Pavie  ;  par  Hébert  ou  Au- 


XUl  SIECLE. 


ARCHIDIACRE  DE  BEAUVAIS.  121 

bert  d'Auxerre  et  par  Denis  le  Chartreux.  Ils  ont  pour  titres  : 
le  i^"",  Extracdones  Summœ  magistri  Guillelmi  autissio- 
dorensis ,  à  rnngistro  ^rdenco  papiensi  compilatœ  ;  le  2* , 
Summa.  .  .  PVUlelmi  abbreviata  à  magistro  Heberto,  ouma- 
gistri  Auherd  altissiodorensis ,  summa  libris  qualuor;  le  3®, 
Exhelcosis  ex  summa  D.  GuUlelmi  autissiodorensis.  Denis  le 
Chartreux  nomme  de  plus  Guillaume  au  nombre  des  treize 
auteurs  qu'il  a  mis  à  contribution  dans  son  propre  travail, 
sur  les  quatre  livres  des  sentences.  Il  existe  ou  a  existe  des 
copies  manuscrites  de  ces  divers  abrégés  dans  les  bibliothè- 
ques de  Colbert,  n"  3()3i,  deClairvaux,  de  Saint-Martin  de 
Tournay,  de  quelques  Chartreuses  et  de  l'Angleterre.  Lebenf ,  dans 

La  Somme  théoloeique  de  Guillaume  d'Auxerre  a  été  im-  •esMém.deDes- 

,  n   •       tT    ■    ■   i  I        J  •'  '  !•       molets,  t.  III,  p. 

primée  quatre  lois.  Voici  les  titres  des  deux  premières  edi-  3^6^  3,^;  dans 
tions.   I.  Sum,ma  aurea  in  quatuor  libros  sententiarum,  à  lesiWém.surAu- 
subtilissimo  auctore  magistro  Guillelmo  autissiodorensi  édita,   "^"J*'  ••  ^'  P- 
quam    nuper   à    m,endis    quamplurimis  doctissimus   sacrœ  Bîbi.'mss.  Belg.' 
theologiœ professor  magister  de   Quercu  diligenti  admodiim,  t.  i,p.  a4;  Fa- 
castigatione  emendavit ,  ac   tabulam  huic  pernecessariam.  hrîc- ,  Bibi.  med. 
addidit.  Parisiis,   Philipp.  Pigouchet  pro  Nicolao  f  ciultier^  ^^    ' 
et  Dur.  Gerlier,  i5oo,  in-fol.  niin.  II.  Âurea  doctoris  acutis- 
simi  sacrique  prœsulis  domini  Guillelmi  altissiodorensis  in 
quatuor  sententiarum   libros  perlucida  explanatio ,   denub 
mendis  purgata.  Pdrisiis ,  Franc.  Regnault ,  in-fol.  On  voit 
que  l'éditeur  croit  publier  l'ouvrage  d'un  évêque.  On  peut 
remarquer  aussi  le  mot  denub  qui  semble  annoncer  une  se- 
conde édition.  La  troisième  est  encore  de  Paris,  en   i5i8, 
in-fol.  Konig  en  cite  une  quatrième,  publiée  à  Venise  en      Bibiioib.  Bi- 

"  ,  j,  .  Kon.,Bibl.,p. 

Un  deuxième  ouvrage  de  Guillaume  d  Auxerre  a  pour  34. 
titre  :  Summa  de  divinis  officiis.  Le  prologue  commence  par 
ces  mots  :  Jérusalem  quœ  sursiim  est  mater  nostra  dicitur,  et 
le  i*"^  chapitre  par  ceux-ci  :  Dicturi  ergb  de  officiis  ecclesias- 
ticis  in  generali. . .  .  On  reconnaît  dans  ce  traité  des  offices 
divins  les  rites  de  l'église  de  Paris  au  moyen  âge.  Les  ma- 
tines se  chantaient  au  milieu  de  la  nuit  :  Media  nocte  can- 
tatur  ojficium  matutinum.  En  parlant  de  la  fête  des  Fous, 
qui  se  célébrait  au  i*""  janvier,  Guillaume  la  prend  pour  une 
imitation  des  antiques  Parentales.  C'était  plutôt  avec  les  Sa- 
turnales qu'elle  avait  quelque  ressemblance  :  les  Parentales 
ou  Férales  étaient,  chez  les  Romains,  de  tristes  solennités, 
transférées  de  mai  en  février.  Mais  si  Guillaume  n'est  pas 

Tome  XV m.  Q 

1  1  * 


XIII  SIÈCLE. 


122     GUILLAUME  D'AUXERRE,  ARCHIDIACRE. 


très  au  fait  des  fêtes  païennes,  il  nous  donne  une  parfaite 
connaissance  des  usages  liturgiques  de  son  temps.  Il  nous 
apprend  que,  dans  l'église  de  Paris,  au  deuxième  dimanche 
de  carême,  et  à  l'occasion  du  répons  J^idi  Dominum  facie 
adfaciem,  on  lisait  l'évangile  de  la  Transfiguration,  et  que 
le  lavement  des  autels  se  faisait  le  jeudi -saint  et  non  le 
samedi.  Durand  de  jAlende  cite  Je  traité  de  Guillaume,  et  dé- 
clare qu'il  s'en  est  servi  pour  composer  son  Rationale  divi- 
norum  qfficiorum ,  qui  est  resté  beaucoup  plus  célèbre.  Dom 
Martène  en  a  fait  aussi  quelque  usage  dans  son  savant  ouvrage 
De  antiquis  Ecclesiœ  ritibus.  Toutefois  cette  Somme  de  Offi- 
^  j-     .  .1    dis  de  Guillaume  n'a  jamais  été  imprimée.  On  en  connaissait 

Oodin,  t.Il,  J.  ,  <   c         »  Tr-    »  '   c    •     .. 

1725.   Lebeuf,  quatre  copics  manuscntcs  :  deux  a  baint-Victor,une  a  aaint- 

dans  Desm. ,  I.  Germain-dcs-Prés  et  une  à  Saint-Martin  de  Tournay. 

" Saod^e^^  Biiîi        ^u  manuscrit  du  Vatican  a  été  annoncé  comme  renfer- 

mss.Bcig.'p.ae!  maut  deux  ouvrages  :  Gaiifridi  autissiodorensis  in  Apoca- 

Monifaucon  ,  lypsin  ;  ejusdem  Summa;  et  comme  il  n'y  a  point  de  Geoffroy 

Bibi.  Bibi.  mss     j'y^yxerre ,  on  a  conjecturé  que  c'était  Guillaume ,  qui  de- 
part.  1,  p.  lio.      .,.'..,,         J      ,,       ^  .  i>  *  1 

viendrait  amsi  1  auteur  d  un  commentaire  sur  1  Apocalypse. 

Pour  éclaircir  ce  point,  pour  discerner  où  est  l'erreur,  dans 
le  mot  Gaufridi,  ou  dans  autissiodorensis,  ou  dans  ejusdem, 
il  faudrait  un  examen  attentif  ou  une  description  plus  dé- 
taillée de  ce  volume.  Nous  en  dirons  autant  d'un  manuscrit 
Bibiioih.  Diss.  d'Oxford,   intitulé  :  Altissiodorensis  sermones.  Un  titre  si 
Angi.,part.  II,  incomplct,  si  vague,  suffit-il  pour  prouver  qu'il  existe  des 
•"■*''"  sermons  de  Guillaume  dAuxerre.*^ 

Ses  deux  Sommes  sont  les  seuls  ouvrages  qu'on  soit  bien 
fondé  à  lui  attribuer.  Le  surplus  peut  appartenir  à  d'autres 
théologiens  du  xiii^  siècle  qui  ont  porté,  comme  lui,  le  nom 
de  Guillaume  d'Auxerre.  Ce  nom  a  désigné  dans  cet  âge, 
non-seulement  l'évêque  Scignelay,  mais  encore  des  person- 
nages moins  connus;  entre  autres,  un  chanoine  régulier  et 
un  frère  prêcheur:  le  premier,  religieux  à  Saint-Victor  vers 
la^o,  curé  d'Athies  en  laôg,  abbé  de  Sainte -Geneviève  en 
Gaiiia  chr.,  n.   128a,  ct  mort  en  1284;  le  second  surnommé  de  Montiaco , 
vii,p  745,746;  ou  plutôt  de  Malliaco,  né  probablement  à  Mailly,  domini- 
"ie"  i'Àgî.    '  cain  en  1272  et  provincial  de  son  ordre  en  1294-  Us  seront 
Sciipi.  ordin.  compHs  l'uu  ct  l'autic,  dans  l'un  de  nos  volumes  suivants, 
^^'*"^|  '  ^i"'   parmi  les  auteurs  qui  ont  terminé  leur  carrière  sous  Philippe- 
beuf,  Meifi.  sur  Ic-Hardi  OU  sous  Philippe-le-Bcl.  D. 

Auxerre,  t.  II  , 
p.  496. 


Xm  SIÈCLE. 


BARTHÉLÉMY  T  DU  NOM, 

XX'   ABBÉ   DÉ    CLUNY.  ■o»Teni»3o. 

L  ABB^  qui  fournit  la  matière   de  cet  article,  après  avoir 
rempli  l'offîce  d'archidiacre  de  l'abbaye  de  Cluny,  en  fut 
élu  abbé  général ,  le  jour  même  auquel  son  prédécesseur 
Roland    résigna    cette   prclature,   en  l'année    1228,  et   son 
élection   fut    confirmée   par   Grégoire   IX,    l'an    -2^  de  son 
pontificat,   le   21  novembre  de  la  même  année    1228.  On 
ne  cite   qu'un  seul  acte  passé  durant  son   administration, 
et  daté  de  l'an    1229.  Son  successeur  Etienne  II  de  Bran- 
cion  (  de  Berziaco),  ayant  été  élu  au  mois  d'août  i23o,  on 
conçoit  que  l'exercice  d'une  prélature  qui  n'a  duré  que  16 
mois,  n'a  pu  devenir  remarquable  à  raison  de  faits  multipliés. 
Néanmoins  on  remarquera  que  les  deux  abdications  de  1  abbé 
Roland ,  prédécesseur  de  Barthélémy,  et  celle  d'Etienne  de 
Brancion ,  son  successeur,   se  trouvent  circonscrites  dans 
l'espace  de  huit  ans ,  et  que,  la  date  de  la  bulle  de  réforme 
de  1  ordre  correspondant  à  la  deuxième  année  de  la  préla- 
ture de  cet  Etienne,  on  devrait  être  porté  à  croire  que  les 
relâchements  qui  s'étaient  introduits  dans  cet  ordre  célèbre, 
auraient  dû  être  de  nature  beaucoup  plus  grave  que  ceux 
qu  on  trouve  indiqués  dans  la  bulle  de  réforme.  Nous  en 
citerons  quelques  traits  pour  faire  connaître  plusieurs  usages 
du  xiii^  siècle. 

On  défendait,  par  exemple,  à  ces  moines  de  porter  des 
chapeaux  de  feutre,  des  souliers  sans  courroies,  des  che- 
mises de  lin,  de  ces  habits  fendus  sur  l'estomac,  qui  sont     onstiiutjoEe- 
désignés  par   le  mot  bottonatas  au  xiv^  siècle.  L'abbé  de  nedicUaor.BeDe- 
Cluny  ne  devait  entretenir  que  16  chevaux  pour  son  usage;  d'ciij^i'  «="P- 
les  autres  abbés  du  même  ordre  huit,  et  les  prieurs  conven- 
tuels six ,  quatre  ou  deux ,  selon  l'importance  de  chaque 
prieuré.  En  général,  la  lecture  de  la  bulle  de  Grégoire  IX 
donne  à  connaître,  d'après  les  nouvelles  règles  qui  s'y  trou- 
vent prescritas,  de  quelle  nature  devaient  être  les  relâche- 
ments qui  s'étaient  introduits  dans  l'ordre  de  Saitit-Benoît, 
au  temps  du  gouvernement  de  l'abbé  Barthélémy.  Il  paraît 


XIII  SIECLE. 


124  BARTHELEMY  I"  DU  NOM, 

assez  probable  que  l'abbé  de  Cîteaux  avait  dû  influer  beau- 
coup sur  cette  réforme,  ce  que  paraît  indiquer  la  formule 
more  cisterciensis  ordinis ,  qu'on  trouve  six  fois  reproduite 
presque  en  mêmes  termes  dans  la  bulle.  Nous  verrons 
bientôt  qu'il  est  assez  probable  que  les  Cisterciens  sont 
désignés  sous  des  traits  peu  favorables,  dans  le  prologue 
même  de  l'abbé  Barthélémy,  dont  nous  donnerons  bientôt 
la  traduction,  et  qui  précède  le  seul  ouvrage  qui  nous  soit 
resté  de  lui. 

Il  consiste  en  un  recueil  de  sermons  qui  existe  manuscrit 
à  la  Bibliothèque  du  Roi,  sous  les  numéros  4296  et  327g, 
in-4°,  sur  peau  de  vélin,  bonne  écriture  du  xiii«  siècle.  Il  a 
été  considéré  par  Oudin  comme  une  copie  du  temps  même 
de  notre  abbé.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  la  date  de  l'an  laao, 
que  ce  bibliographe  fixe  à  cette  composition  ,  elle  aura  été  de 
huit  ans  antérieure  à  la  prélature  de  notre  abbé,  et  par  con- 
séquent elle  appartient  au  temps  où  il  n'était  encore  qu'ar- 
chidiacre de  son  abbaye;  et  cette  conjecture  sera  confirmée 
plus  loin.  Oudin  dit  avoir  trouvé  presque  toujours  les  ma- 
nuscrits de  ces  sermons  sans  nom  d'auteur  dans  les  biblio- 
thèques, mais  con.stamment  sous  le  même  titre.  Ils  sont 
Sandcri, Bibi.  d'ailleurs  cités  par  Sander,mais  non  pas  à  la  page  35 1  , 
beig.,  p.  180.      comme  l'a  dit  Oudin. 

Le  manuscrit  numéroté  4^95  de  la  Bibliothèque  du  Roi 
porte  en  tête,  pour  première  rubrique,  cette  ligne  :  Intitula- 
tiones  sermonuni  Bartholomei  monachi  cluniacensis,  centum 
numéro  folioruni. 

Il  commence  par  la  table  des  io5  discours  qui  en  occupent 
les  100  premiers  feuillets.  A  la  suite  de  cette  table,  on  lit 
une  rubrique  conçue  en  ces  termes  : 

Spéculum  claustralium  quod  vcnerabilis  pater  et  sacerdos 
BartholoTueus  Cluniacensis  monachus  ex  dictis  sanctorum 
patium  Grcgorii,  ^ugustini ,  Ambrosii ,  Hieronymi ,  Orige- 
nis  et  aliorum  sanctorum  Dei  précédente  gratiâ  composuit 
et  fratribus  suis  claustralibus  custodiendum  reliquit.  In  hoc 
enim,  tamquam  in  speculo,  mentium  faciès  videri  passant . 
Sunt  in  hoc  volumine  homeliœ  evangeliorum ,  dominicarum 
dierum  et  solcmnitatum  Domini  septuaginta.  Sunt  etiam  in 
hoc  volumine  sermones  de  solernnitatibus  sanctorum,  secun- 
dùm  alios  doctores  :  Stephanus  Dei ,  scilicet ,  cum  aliis  se- 
quentibus. 

Ces  dernières  lignes  font  assez  connaître  que  les  18  dis- 


ABBE  DE  CLUx\Y.  laS 

cours,  qui  terminent  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  Roi , 
sont  dus  à  Etienne  de  Brancion ,  successeur  de  l'abbé  Bar- 
thélémy; et  c'est  ce  que  Casimir  Oudin  n'a  fait  remarquer 
sur  aucun  des  manuscrits  nombreux  qu'il  a  rencontrés 
dans  les  bibliothèques. 

Dans  cet  ouvrage,  l'auteur  débute  par  le  prologue  sui- 
vant, que  nous  allons  traduire  le  plus  littéralement  qu'il  se 
pourra,  afin  de  faciliter  continuellement  l'intelligence  du 
sens ,  qu'il  n'est  pas  toujours  aisé  de  saisir;  et  nous  joindrons 
en  note  le  texte  latin,  autant  pour  fournir  le  moyen  de  rec- 
tifier la  traduction  de  ce  morceau,  que  pour  donner  un 
exemple  du  style  de  son  auteur. 

Intitulés  des  discours  de  Barthélémy,  moine  de  Cluny. 

«  De  quelle  joie  ne  sera  pas  un  jour  comblé,  dans  les 
éternels  tabernacles  du  Seigneur,  celui  qui  aura  le  bonheur 
d'y  retrouver  quelque  chose  du  sien ,  et  qui  pourra  dire  : 
Voilà  l'or,  l'argent,  la  monnaie  dont  j'ai  tant  désiré  l'acqui- 
sition; voilà  les  piliers  qui  soutenaient  ma  tente,  et  les 
pelleteries  qui  en  composaient  la  meilleure  partie! 

«  Dans  le  dessein  d'imiter  le  père  de  famille  de  l'Évangile, 
qui  tirait  de  son  trésor  des  richesses  anciennes  et  nouvelles, 
ou  bien  encore,  l'Epouse  du  Cantique  des  Cantiques,  la- 
quelle dit  qu'elle  mêle  l'ancien  et  le  nouveau,  je  me  suis 
occupé  du  soin  d'adapter  à  chaque  circonstance  occurrente 
des  principales  fêtes  de  l'année  ces  tropologies  morales, 
et  d'en  puiser  les  motifs  dans  les  saintes  écritures,  afin  de 
ne  pas  fonder  mon  œuvre  sur  le  sable,  mais  sur  la  pierre 
vive. 

«  Si  quelqu'un  trouve  qu'il  était  inutile  de  traiter  de  nouveau 
ce  qui  a  été  déjà  traité  par  les  saints  Pères,  saint  Augustin 
lui  apprendra,  dans  son  livre  F""  de  la  Trinité,  qu'il  est 
toujours  utile  que  plusieurs  traités  sur  les  mêmes  matières 
soient  écrits  par  diverses  personnes,  afin  que  l'instruction 
parvienne  à  un  plus  grand  nombre  de  lecteurs,  aux  uns 
de  telle  manière,  aux  autres  différemment.  Car,  suivant  l'a- 
pôtre, chacun  a  reçu  du  Seigneur  le  don  particulier  qui  le 
fait  abonder  dans  le  sens  qui  lui  est  propre. 

«Je  me  trouve  porté  à  juger  ainsi  de  cette  utilité,  quand  je 
vois  les  pasteurs  de  Gérara  guerroyer  chaque  jour  contre 
ceux  d'Isaac  :  par  les  eftbrts  qu'ils  font  pour  combler  les 
puits  de  leurs  voisins,  ils  nous  figurent  les  esprits  de  mali- 


XIII  SIECLE. 


XIH  SIÈCLE. 


126  BARTHELEMY  I"  DU  NOM, 

gnité  qu'offense  notre  application  à  fouiller  dans  le  secret 
des  cœurs,  pour  en  extraire  les  résidus  de  la  dépravation, 
et  qui  ne  cessent  d'aiguiser  contre  nous  leurs  langues  comme 
les  serpents,  ne  pouvant  patiemment  tolérer  que  d'autres 
qu'eux  trouvent  dans  les  saintes  écritures  ce  qu'ils  n'y  trou- 
vent pas  par  eux-mêmes.  Mais,  à  l'exemple  d'isaac,  nous  ne 
nous  laisserons  pas  effrayer  par  l'animosité  des  Allophiles 
(des  Philistins),  et,  loin  de  céder  à  leur  envie,  notre  main 
ne  se  ralentira  pas  dans  l'action  de  fouiller  les  cœurs,  jusqu'à 
ce  que  les  eaux  de  la  véritable  intelligence  aient  acquis  toute 
leur  limpidité.  C'est  ce  que  voulait  le  Sei-gneur  quand  il  di- 
sait à  Ézéchiel  :  Fils  de  l'homme,  fouille  la  muraille;  car 
c'est  uniquement  par  les  coups  redoublés  de  l'activité  scruta- 
trice que  tu  parviendras  à  vaincre  l'endurcissement  des  âmes. 
L'oisiveté  qui  fomente  le  vice  est  aussi  la  rouille  de  l'esprit; 
et  voilà  pourquoi  Salomon  nous  exhorte  à  saisir  le  temps  du 
loisir,  pour  écrire  les  axiomes  de  la  sagesse,  afin  que  celui 
qui  n'est  pas  préoccupé  par  le  travail  puisse  les  bien  com- 
prendre; et  qu'ailleurs,  il  nous  dit:  Pique  l'œil,  et  il  pro- 
duira des  larmes;  pique  le  cœur,  et  tu  ranimeras  en  lui  le 
sentiment. 

«Cet  ouvrage  ne  sera  donc  pas  inutile  sous  tous  les  points 
de  vue;  bien  au  contraire,  il  en  est  quatre  qui  recomman- 
deront son  utilité.  D'abord  sa  lecture  remédiera  à  l'oisiveté; 
ensuite  il  aiguisera  l'intellect;  il  tracera  les  préceptes  de  la 
discipline  morale;  enfin  il  remplira  un  devoir  encore  plus 
élevé  ,  celui  de  l'obéissance  spirituelle. 

«Je  n'ignore  pas  néanmoins  qu'il  existe  des  demi-savants 
qui,  voulant  faire  montre  de  leur  habileté,  ne  manqueront 
pas  de  nous  taxer  d'incapacité.  Mais  saint  Jérôme  répond 
pour  nous  .-  Lise  ces  pages  qui  voudra;  que  celui  qui  refusera 
de  les  lire  les  disperse,  s'il  veut,  au  gré  aes  vents,  et  calomnie 
notre  genre  de  littérature.  Quant  à  moi,  j'en  serai  de  plus 
en  plus  encouragé  à  poursuivre  des  études  vers  lesquelles  je 
me  sens  attiré,  soit  par  les  douceurs  que  j'en  recueille, 
soit  par  les  instances  de  mes  frères,  et  dont  les  attaques  de 
l'animosité  ou  de  la  détraction  ne  me  pourront  jamais  dé- 
tourner. 

«  Placé,  comme  vous  l'êtes,  au  sommet  des  dignités  de  notre 
ordre,  père  et  maître  illustre,  source  de  tout  succès  dans 
mes  recherches,  et  lumière  de  mon  jugement;  qui  faites  le 
charme  de  notre  vie  morale,  c'est  à  vous  que  j'offre  les  essais 


ABBÉ  DE  CLUNY.  127 

démon  faible  génie.  Je  les  soumets  à  votre  critiaue,  en  vous 
priant  de  bien  examiner  s'ils  ne  contiennent  rien  de  contraire 
a  la  rectitude,  et  qui  ait  besoin  d'être  corrigé  de  suite;  car 
j'appréhenderais  surtout  que,  si  je  les  divulguais  avant  qu'ils 
eussent  été  soigneusement  discutés,  le  cours  n'en  fût  arrêté 
par  des  erreurs  qui  fourniraient  aux  langues  malveillantes 
une  occasion  d'insulte.  Car  il  en  est  qui  semblent  ne  faire 
usage  de  la  parole  que  pour  satisfaire  le  besoin  de  leur  mé- 
disance effrontée. 

«  Dans  le  cours  de  ces  compositions  ,  j'ai  procédé  sous  les 
formes  ilu  style  le  plus  simple,  évitant  surtout  la  prétention 
de  m'élever  à  l'aide  d'un  cothurne  gallican,  qui  me  ferait 
dépasser  la  portée  convenable  à  la  simplicité  de  nos  frères, 
à  qui  la  lecture  de  ces  pages  est  destinée. 

«  J'esj)ère ,  en  terminant ,  que  vous  ne  me  reprocherez  pas  - 
de  n'avoir  pas  commencé  ma  dédicace  par  le  salut  d'usage; 
mais  j'aurais  craint  d'être  taxé  d'orgueil,  si  mon  nom  s'était 
produit  au  jour  par  ce  salut  (i).  » 

(*)  Prologcs.  Quam  jucundè  videbit  aeternuin  Domini  tabernaculum  qui 
aliquidibi  de  suo  recognoverit,  ut  possit  ilict-re  :  lUudestmeuniauruni,  illud 
meum  argentuni,  illud  meum  œs,  vel  mci  pili  (*),  vcl  meœ  pelles  sunt,  ille 
de  quibus  in  parle  illa  optimum  est  tabernaculum!  Cupiens  igitur  imitari 
patremfamilias  de  Evangelio,  qui  profert  de  tliesauro  suo  nova  et  vetera,  et 
sponsam  de  Canticis  caiiticorum,  cuni  dicit  nova  cum  veteribus,  fratruelis 
meus ,  servavi  tibi;  tropologiam  moraleni  assignare  studui  proprielatibus 
precipuorum  solemnium  totius  aiini  dierum  ex  canonica  scriptura 
assimiptam,  ut  suprà  petram  non  super  arenam  edificarem.  Quod  si  quis 
supertluum  estimet  ea  tcntare,  quum  à  sanctis  patribus^praelibata  sunt, 
discat,  docente  beato  Augustino  in  libro  primo  de  Trinitate,  necesse  ideô 
esse  plures  à  pluribus,  de  capitulis  etiani  eisdem  componi  tractatus  ,  ut  ad 
plurimos  res  perveniat;  ad  alios  sic  ,  ad  alios  verô  sic.  Nam  et  juxtà  apos- 
tolum,  unusquisque  proprium  habet  donimi  ex  Domino  et  unusquisque 
in  suo  sensu  abundat.  Hoc  idcircô  dixerim  quum  pastores  Geiarœ,  quod 
interpretatur  maceria  ^  quotidie  rixantur  contra  pastores  Isaac  et  intrà 
oppilant  puteos  eoruni ,  id  est  duri  ingenii  et  maligni  bomines,  cùm  nos 
studiosè  cor  fodere  conspiciunt,  congestas  depravalionum  immergunt, 
acuunt  linguas  suas  sicut  serpentes  et  quod  ipsi  in  sanctis  scripturis  non 
possunt,  alios  posseequo  aninio  ferre  non  possunt.  Si  nosexemplo  Isaac  non 
deterreamur  zelo  allophilorum  ,  nec  ccdamus  invidiae;  immô  quousque 
ver»intelligentia;nobisaqua  respondeatuti  resplendeat;  nunquàm  adexbau- 
rienda  corda  contra  manum  inquisitionis  torpescat.  Undè  ad  Ezechielem 
dicitur  :  Fili  bominis,  fode  parietem,  id  est  crebris  perscrutationum  ictibus 
runipe  mentis  duritiam.  Ocium  enim  fomes  est  vitii  et  rubigo  ingenii. 

(*)  Vide  verbi  Pilum  sextam  iDlerprelationem  apud  Forcellini  Lexicon. 


XIII  SIECLE. 


128  BARTHELEMY  V'  DU  NOM, 


XIII  SIKCLE. 


D'après  les  circonstances  qui  ont  été  tracées  au  commen- 
cement de  cet  article,  on  voit  que  dans  plusieurs  lignes  de 
son  prologue,  l'abbé  Barthélémy  faisait  vivement  allusion 
aux  critiques  qui,  de  son  temps,  s'exerçaient  contre  son 
ordre;  mais  il  paraît  aussi  que  Grégoire  IK  avait  pris  un 
soin  particulier  de  témoigner  l'estime  qu'il  avait  de  la  per- 
sonne de  cet  abbé,  et  l'opinion  avantageuse  qu'il  avait 
conçue  de  la  réputation  qu'il  avait  acquise  par  son  zèle,  sa 
charité  et  sa  science,  lorsqu'il  n'était  encore  qu'archidiacre 

Gallia  christ.,    ^6  Ciuuy.  ,  ,      , 

i.iv,p.  iiAfi.B.  Pour  donner  quelques  exemples  de  la  composition  et  du 
style  de  ses  sermons,  voici  comment  il  divise  ses  réflexions 
sur  la  justice,  considérée  comme  vertu. 

«  La  justice,  dit-il,  se  divise  en  trois  espèces,  savoir  :  i°  la 
«  justice  naturelle,  2."  celle  qui  est  acquise  par  l'instruction, 
«  3°  celle  qui  est  opérée  par  la  miséricorde.  La  première 
«  commence,  la  seconde  perfectionne,  la  troisième  est 
«  excellente;  la  première  est  bonne,  la  seconde  est  meil- 
«  leure,  la  troisième  est  parfaite.  F^a  justice  naturelle  con- 
<f  siste  à  rendre  à  la  nature  ce  qu'elle  a  droit  de  réclamer; 

Idcirco  Salomon  hortatur  :  Scribe  sapientiam  in  tenipore  otii  et  qui  mino- 
raturactu,  percipiet  eam.  Item  :  Punge  oculiim  et  proferetlacrymam,  punge 
cor  et  proférât  intellectuin.  Non  est  igitur  hoc  opus  inoperiosuni ,  quia 
utilitas  quailrifariam  spargitur.  Eo  quippe  otiuni  eliiuinatur,  elimatur  inge- 
nium,  niorum  disciplina  tractatur,  impletur  quod  liis  altius  est  palri  spiri- 
talis  obedientia.  Tamen  non  nescio  aliquos  sciolos  esse,  qui  suam  volenles 
ostentare  peritiani,  nostram  reprehcnsuri  sunt  inertiani.  Quaniobrem  non 
meis  sed  beati  Hieronynii  respondebo  sernionibus  :  legant  qui  vdlunt,  qui 
volunt  abjiciant  et  ventdent  apices;  litteras  cabimnientur;  niagis  dulcedine 
scripturaruni  et  iiatrum  precibus  provocabor  ad  studiuni,  quam  horum 
detractione  et  odio  detrahebor.  Tua;  benevcdentiae  erit.  pater  atque  niagister 
illustris,  fons  inventioiiis  et  lux  judicii,  reiigionis  apex  et  moralis  vitae  duU 
cedo,  cui  nostri  ingenii  priniitias  offero,  singula  diligenter  examinare,  et  si 
quid  rationi  obviuni  deprehenderis  ,  mox  mihi  corrigendum  insinuare. 
Nostrae  vero  erit  cautelae  opus  ipsum  non  exponere  indiscussum,  ne  cursus 
ejus  inipediatur  aliquo  errore  et  malivolis  justa  sit  occasio  insultandi,  qui 
ad  hoc  solnni  linguas  habere  se  pulant,  ut  duritiani  frontis  attrità  verbo- 
rum  rabie  consolentur.  In  que  opère  piano,  simplici  ac  pedestri  sermone 
sponte  incedo,  ne  si  gallicano  cothurno  attollerer ,  procul  essem  à  lectione 
fratrum  siniplicium.  Rogo  autem  ne  frontem  epistoiae  à  salutis  titulo  mu- 
tam  esse  causseris;  nani  ideo  salus  ex  more  prœtermittenda  tacetur,  ne 
titulus  arguatur  insolentiaî,  si  salutantis  nomen  indiceretur.  Vale  in  fine 
epistoiœ  in  eo  qui  est  principium  et  finis. 

Incipit  liber  tropologiae.  Dominica  prima  adventûs  Domini  ,  et  sic 
deinde. 


ABBÉ  DE  CLUNY.  129 

«  par  exemple,  d'affectionner  ses  parents,  de  chérir  sa  pa- 
«  trie,  et  autres  sentiments  qui  sont  réputés  parfaits  dans 
«  l'ordre  naturel.  La  justice,  considérée  comme  produite 
«  par  l'instruction ,  consiste  à  observer  les  préceptes  sanc- 
«  tionnés  par  nos  pères,  par  exemple,  ne  pas  se  refuser 
«  à  assister  ses  frères  dans  le  besoin';  ne  pas  retenir,  ne 
«  fût-ce  que  jusqu'au  lendemain,  le  salaire  du  mercenaire, 
«  et  autres  préceptes  semblables.  La  justice  de  la  miséri- 
«  corde  est  celle  que  n'impose  pas  un  devoir  rigoureux, 
«  mais  qui  est  inspirée  par  un  tendre  sentiment ,  comme  de 
«  compatir  aux  malheureux,  et  tout  ce  que  comprennent 
«  les  sentiments  habituels  de  la  pitié.  » 

Il  emploie  une  figure  .assez  ingénieuse  pour  faire  com- 
prendre à  ses  religieux  comment  la  jactance  peut  leur  faire 


XIII  SIF.CLE. 


Mss.  fol. 
verso. 


f)erdre  le  mérite  de  toutes  les  vertus  qu'ils  pratiquent  dans 
e  cloître.  «  Que  sert,  dit-il,  à  un  vaisseau  qui  est  en  pleine 
«  mer  d'être  construit  de  fortes  planches  bien  clouées,  si 


«  l'eau  parvient  à  y  pénétrer  par  un  seul  trou.**  Notre  ame  est 
«  le  vaisseau  qui  navigue  sur  la  mer;  les  vertus  en  sont  les 
(c  clous.  Celui  de  l'humilité  vient-il  à  manquer.^  la  jactance  y 
«  pénètre,  elle  profite  du  vide  qu'il  a  laissé,  et  le  vaisseau 
«  s'enfonce.  » 

Il  réfute  l'impiété  contenue  dans  ce  vers  de  Lucrèce:  Pri. 
mus  in  orbe  Deos  fecit  titnor,  en  lui  opposant  ces  paroles  de 
l'apôtre  :  Timor  enim  est  in  caritate,  et  celles  du  prophète- 
roi  :  Timor  Domini  manet  in  sœculuni  sœcnli. 

Notre  abbé  paie  d'ailleurs  abondamment  le  tribut  à  l'es- 
prit de  son  siècle  ,  par  la  comparaison  prolongée  qu'il  fait  de 
i'ame  humaine  avec  la  lune.  Il  faut  citer  ce  passage  dans  la  lan- 
gue même  i\u  manuscrit  pour  en  faire  excuser,  s'il  se  peut , les 
ridicules  comparaisons.  Luna  ,  dit  notre  a\)hé ,  ut scripserunt 
philosophi,  dicitur  quasi  Lucina,  id  est,  in  luce  nata.  Hujus 
corpus  est  globosum ,  naturâ  igneum,  sed  aqud  pernuxtum, 
undè  et  à  se  lucere  non  potest ,  juhar  à  sole  recipiens.  His 
proprietatibus  anima  Lunœ  conjœderatur.  Luna  namque  m 
luce  nata  ;  anima  in  ratione  creata.  Luna  corpus  habet  glo- 
bosum ,  igneum  quidem  naturâ,  sed  aquœ  permixtwne 
gravatum.  Anima  quasi  in  sphœricam ,  pro  sut perfectâ  sub- 
tilitate ,  cogitatur  imaginent .  .  .  Luna  non  lucet  nisi  recipiat 
jubar  h  sole  ;  anima  non  potest  fructum  ferre  à  semetipsâ.  .  . 
Latè  patet  ex  probatis  rectè  in  solefideni,  in  luna  animam 
design  ari. 

Tome  XV m.  R 


\I1I  SIECLE. 


i3o    BARTHELEMY  1"  DU  NOM,  ABBÉ  DE  CLl  NV. 

Il  cite,  mais  rarement,  les  auteurs  de  ranciemie  latinité; 
ce  sont  Lucrèce,  Platon  ,  mais  cité  par  Cicèron,  Virgile,  Ho- 
race, Boëce.  Il  est  d'ailleurs  fort  enclin  à  l'habitude  de  tirer 
des  raisonnements  de  la  considération  et  de  la  décomposition 
des  nombres;  en  voici  un  exemple  adapté  à  ces  paroles: 
Cum  factus  esset  J e  sus  puer  annorum  duodecim.  Pulchrè,  dit 
l'orateur  claustral,  duodecim  annorum  Jésus  essedescribitur, 
ut  totius  in  eo  scientiœ  perfectio  mysticè  signetur.  Duodecim 
enim  numerus ,  sii^nijlcat perfectionem  utriusque  testamenti, 
duplici  rations;  tum  quia  constat  ex  duobus  senariis ,  tuin 
quia  ex  diade  et  denario.  Il  poursuit  ces  parallèles  séparé- 
ment, en  employant  des  raisons  tirées  des  calculs  arithmé- 
tiques, qu'il  retourne  de  toutes  les  façons.  Ailleurs  il  s'étend 
longuement  sur  les  Go  stades  de  la  distance  qui  séparait 
Emmaûs  de  Jérusalem ,  et  sur  les  nombres  décomposés  que 
produit  celui  des  Go  stades. 

Nous  n'avons  pas  négligé  de  profiter  de  la  lecture  entière 
et  attentive  de  ce  manuscrit,  pour  y  remarquer  quelques  ex- 
pressions de  basse  latinité,  que  nos  plus  modernes  et  plus 
attentifs  lexicographes  ont  négligé  de  recueillir. 

Par  exemple,  dans  la  comparaison  qu'il  fait  de  la  culture 
de  l'ame  avec  celle  de  la  vigne,  voici  comment  il  s'exprime  : 
Primo  accedentcs  ad  vitem  ,  radicem  sive  truncuni  illius  cir- 
cumfuso  terrœ  aggere  niodicè  cavando  circumdant ,  quod 
vulgb  excolisare  dicitur  ut  noxii  ramusculi  appareant.  D'où 
l'on  pourrait  conclure  que  le  mol  latin  excolisare  serait  resté 
dans  le  langage  vulgaire  des  vignerons  du  Maçonnais.  Le  pro- 
logue du  livre  nous  a  déjà  fourni  le  mot  inoperiosuni  qu'on 
peut  aussi  considérer  comme  appartenant  à  la  basse  lati- 
jMss.  loi.  i58  ni  té,  ainsi  que  les  mots  irregressibilis ,  irregressibditer,  le 
verso,  fol.  l'iS  mot  excecutio  dans  ce  [iassage  :  Paulus  excecatione  illumi- 
natus  est;  et  enfin  X è^xûieie  fremitiva. 

On  peut  aussi  remarquer  que  toutes  les  fois  que  le  mot 
caput  se  rencontre  dans  la  lecture  du  manuscrit,  ce  mot  est 
constamment  terminé  par  un  D  bien  formé,  ce  qui  indique 
qjie  chaque  T  final  avait  alors  constamment,  dans  ce  mot,  la 
prononciation  de  la  quatrième  lettre  de  l'alphabet. 

P.  R. 


H'ilO. 


XIII  SIÈCLE 


GUILLAUME, 

ABBÉ   D'ANDRES. 


MORT  en  iii!,. 


J_j  ABBAYE  d'Andres  ou  d'Andernes ,  de  l'ordre  de  saint 
Benoît,  était  située  entre  Guines  et  Ardres,  au  diocèse  de 
Térouane,  depuis  de  Boulogne -sur- mer.  Itliier,  qui  la  Gaii.chr.n.x, 
gouvernait  en  qualité  d'abbé  en  120G,  la  quitta  pour  aller  p.  160?.- 1606. 
remplir  la  même  fonction  dans  celle  de  Hames.  Les  moines 
d'Andres  se  disposaient  à  lui  donner  un  successeur;  mais 
ils  dépendaient  de  l'abbaye  de  Cliaroux  en  Poitou,  qui  re- 
vendiquait le  droit  d'intervenir  dans  l'élection  de  leur  abbé. 
Cette  prétention  ayant  excité  un  assez  vif  démêlé,  un  reli- 
gieux d'Andres  nommé  Guillaume,  député  par  ses  confrères, 
se  rendit  d'abord  à  Charoux,  puis  à  Uome.  Il  nous  apprend 
lui-même  qu'il  avait  alors  3o  ans;  il  était  donc  né  vers  1 1^6; 
on  ne  sait  de  quels  parents,  ni  en  (]uel  lieu,  mais  proba- 
blement dans  le  diocèse  de  Térouane.  Il  résulte  aussi  de 
ses  récits  qu'il  avait  pris  l'habit  monastique  à  Andres,  vers 
iiq5,  à  l'âge  d'environ  19  ans. 

Guillaume  défendit  les  intérêts  de  sa  communauté  avec 
zèle,  et  même  avec  succès,  sinon  à  Charoux,  du  moins  à  • 
Rome  ou  plutôt  à  Viterbe,  où  il  trouva  le  pape  Innocent  III. 
Une  bulle  de  ce  pontife,  datée  du  2  juillet  1207,  attribue 
aux  religieux  d'Andres  le  droit  de  choisir  librement  leur 
abbé,  de  le  prendre  dans  leur  propre  sein,  ou  ailleurs,  sauf 
à  faire  confirmer  l'élection  par  l'abbaye  de  Chaioux.  Ils  usè- 
rent sans  délai  de  cette  faculté.  Ils  se  donnèrent  pour  abbé 
un  prieur  de  leur  ordre,  appelé  Simon.  Mais  Simon  ne  tarda 
point  d'abdiquer  sa  nouvelle  dignité;  et,  au  moment  où 
Guillaume  rentrait  à  Andres,  on  s'y  occupait  du  choix  d'un 
autre  abbé.  Il  fut  élu  lui-même  en  1208,  le  mardi,  veille  du 
jour  des  Cendres,  et  allait  entrer  en  fonctions,  quand  les  re- 
ligieux et  l'abbé  de  Charoux  refusèrent  expressément  de  le 
reconnaître.  Il  lui  fallut  retourner  à  Rome,  où  se  rendaient 
aussi  des  députés  de  Charoux.  Le  pape  était  à  Férentino  :  il 
y  entendit  les  plaidoyers  des  deux  parties,  accueillit  Guil- 
laume avec  bienveillance,  accorda,  sur  sa  demande,  des 
privilèges  et  des  faveurs  à  l'abbaye  d'Andres;  et  toutefois 

R2 


XIII  SIECLE. 


i32  GUILLAUME, 


ajourna  la  décision  de  la  principale  affaire,  la  confirmation 
de  l'élection.  Guillaume  revint  à  Andres,  et,  à  l'expiration 
du  délai  fixé  par  Innocent,  fit  un  troisième  voyage  à  Rome. 
Cette  fois  encore,  il  obtint  les  bonnes  grâces  du  souverain 
pontife;  mais  une  bulle  du  i3  mars  1211  ordonna  de  pro- 
céder à  une  élection  nouvelle,  en  déclarant  que  l'élu  et  ses 
successeurs  seraient  tenus  de  se  présenter  tous  les  trois  ans 
à  Charoux  ,  et  de  payer  à  cette  abbaya  une  redevance  an- 
nuelle de  ao  sous  sterling.  Réélu  aussitôt  par  ses  confrères 
d'Andres,  Guillaume  ne  rencontra  plus  d'obstacles;  l'évêque 
de  Térouane  le  bénit  et  l'installa  le  i5  août  lai  i.  Pendant 
les  23  ans  qu'il  gouverna  ce  monastère,  il  prit  un  très-grand 
soin  d'en  accroître  les  revenus  et  les  privilèges:  on  ne  voit 
pas  qu'il  se  soit  mêlé  d'aucune  autre  affaire  de  quelque  im- 
portance. En  i23i  ,  il  assistait  à  la  translation  des  reliques 
de  saint  Oswald  et  de  sainte  Idaberge  à  Saint- Vinox.  Il 
mourut  en  1 134  '•  c'est  le  terme  où  finit  la  chronique  dont  il 
est  l'auteur;  et,  si  l'on  veut  un  document  plus  décisif ,  c'est 
aussi  la  date  des  lettres  par  lesquelles  son  successeur  Tho- 
mas demande  la  confirmation  de  l'élection  qui  vient  de  l'é- 
lever à  la  dignité  d'abbé  d'Andres. 

Le  vif  intérêt  que  Guillaume  prenait  à  toutes  les  affaires  de 

sa  communauté  nous  est  attesté  par  son  ouvrage,  qui  n'est 

réellement  qu'une  histoire  particulière  de  cette  abbaye,  depuis 

l'an  1082  jusqu'en   1234  :  Chtonicon  Andrensis  monasterii 

ordinis  sancti  Benedicti ,  in  diœcesi   Tarravensi ,  ab  aano 

1082  ad  1234.  L'original  de  cette  chronique  s'était  conservé 

dans  le  monastère  d'Andres  :  on  l'y  a  trouvé,  au  xvi*'  siècle, 

portant   l'inscription  :   «  Che   libvre  appartient  à   l'abbaye 

d'Ardernes  à  Ardres.  »  Après  la  destruction  de  cette  abbaye 

en  i544i  le  manuscrit  qui  lui  avait  été  si  précieux,  passa 

dans  la  bibliothèque  du  collège  de  Bergues,  où  André  Du- 

chesne   en  prit,  en    162^,  une  copie  certifiée  conforme  à 

l'original,  par  deux  jésuites  de  ce  collège.  Il  paraît  qu'il  en 

existait  d'autres  copies  où  la  chronique  finissait  à  l'année 

1227;  et  c'est  sans  doute  ce  qui  a  fait  donner  quelquefois 

Aller,  n.  4o3.    cette  date  au  décès  de  Guillaume.  Aubert  le  Mire  a  cru  que 

la  chronique   d'Andres  ne  s'étendait  pas   plus  loin.  Pape- 

iioiiand.,mai,  brock   a    le    premier'  averti    qu'elle    atteignait    l'an    1234- 

I  in,p.  80.        Avant  qu'elle  fût  imprimée,  quelques  écrivains  en  avaient 

fait  usage  et  publié  des  extraits;  Aubert-le-Mire ,  dans  sa 

chronique  belgique;  André  Duchesne,  dans  son  histoire  gé- 


ABBÉ  D'ANPRES.  i33 


XIII  SIECLE. 


néalogique  des  comlesde  Guines  ;  Raphaël  de  Beauchamps, 
dans  ses  longues  additions  à  la  chronique  succincte  d'André 
Silvius.  Mais  en  1669,  dom  d'Achéry  inséra  dans  le  tome  JX 
(  in-4°  )  de  son  Spicilége  le  livre  entier  de  Guillaume  d'An-  Spicii.,  111-4°, 
dres  :  ce  livre  y  remplit  35j  pages,  imprimées  d'après  la  copie  ••  i^.  P-  338- 
manuscrite  d'André  Duchesne,  et  ne  s'y  termine  qu'en  i234,  y'*'  Tg^.g^i*' 
quoique  Casimir  Oudin  dise  encore  qu'elle  n'y  dépasse  point  Comment,  de 
1227.  Brial  en  a  réimprimé  plusieurs  articles  dans  le  tome  Script. eccies.,  t. 
XVIII  du  Recueil  des  historiens  de  France.  '"script.™ 

Guillaume  avertit  qu'en  ce  qui  concerne  les  temps  anté-  gaii.  et  n . ,  tom. 
rieurs  à  l'année  1 194»  il  transcrit  l'ouvrage  d'André  Sylvius,  ^viii,  p.  568- 
prieur  de  Marchiennes,  en  y  intercalant  les  faits  et  les  dé- 
tails relatifs  à  l'abbaye  d'Andres.  Ayant  fait  connaître,  dans 
notre  tome  XV,  cet  André  Sylvius  ou  Du  Bois  et  son  livre,      Hist.liiter.de 
nous  n'avons  à  considérer  ici  que  les  appendices  et  complé-  '^^'■•j'Xv,  p. 
ments,  d'ailleurs  assez  considérables,  que  Guillaume  y  a 
rattachés,  et  dans  lesquels  on  peut  distinguer  ttois  genres 
d'articles,  selon  qu'ils  appartiennent  ou  à  l'histoire  person- 
nelle de  l'auteur,  ou  aux  annales  de  son  abbaye ,  ou  à  celles 
de  la  France  et  de  la  chrétienté  entière. 

Déjà  l'on  a  pu  prendre  une  idée  des  articles  du  premier 
genre;  car  la  notice  que  nous  venons  de  donner  de  la  vie  de 
Guillaume,  nous  l'avons  tirée  de  ses  propres  récits.  Seule- 
ment il  raconte  avec  beaucoup  plus  de  détails  ses  voyages, 
ses  démêlés,  les  circonstances  de  sa  double  élection  à  la  di- 
gnité abbatiale;  il  insère  au  milieu  de  ses  narrations  les 
discours  qu'il  a  prononcés  à  Charoux,  à  Viterbe,  à  Féren- 
tino,  les  plaidoyers  de  ses  adversaires,  le  précis  des  entre- 
tiens qu'il  a  eus  avec  le  saint-père,  la  substance  et  souvent 
les  textes  des  sentences  et  des  bulles  pontificales.  Il  se  plait 
même  à  rapporter  et  à  interpréter  les  songes  qu'il  a  eus  au 
commencement  de  chacun  de  ses  trois  voyages,  et  qui  de- 
vaient ,  à  ce  qu'il  semble  croire  ,  lui  en  présager  les  suites. 

Toutes  ces  circonstances  de  sa  vie  tiennent  plus  ou  moins 
étroitement  à  l'histoire  de  son  monastère,  histoire  qu'il  faut 
considérer  comme  le  principal  et  le  plus  véritable  sujet  de 
ce  livre.  Elle  abonde  en  détails  biographiques,  en  notices 
relatives  à  la  succession  des  abbés,  à  leurs  actes,  à  leurs 
contestations,  soit  avec  d'autres  couvents,  soit  avec  des  sei- 
gneurs voisins,  aux  concessions  et  aux  largesses  des  bien- 
fiaiteurs  de  l'abbaye;  et  fort  souvent  ces  divers  récits  sont 
accompagnés  de  pièces  textuellement  transcrites.  Mais  ce 
1  2 


i34  GUILLAUME,  ABBE  D'ANDRES. 

XIII  SIÈCLE.  ,,    j  rr-  •  i         ■ 

sont  la  des  aiiaires  monastiques  et  locales,  qui  ne  sauraient 

aujourd'hui  conserver  ni  reprendre  assez  d'importance,  pour 
qu'il  nous  soit  permis  de  nous  y  arrêter  plus  long-temps. 
Nous  remarquerons  seulement  qu'un  abbé  d'Andres  n'admet- 
tait au  nombre  des  moines  que  ceux  qu'il  trouvait  exempts 
de  tout  défaut  corporel.  Petrus  III ,  ahhas  Andrensis ,  nuU 
lum  unquam  monachari  permisit ,  qui  in  aliqua  parte  cor- 
poris  aliquem  defecturn  hahuit. 

Les  articles  qui  offriraient  un  intérêt  général  et  réelle- 
ment historique  sont  malheureusement  ceux  qui  occupent  le 
moins  d'espace  :  ils  se  réduisent  presque  tous  à  des  mentions 
sommaires  d'événements  connus  par  des  récits  beaucoup 
plus  instructifs;  par  exemple,  en  1198,  l'élection  d'Othon  à 
l'empire  et  la  concurrence  de  Philippe  de  Souabe;  en  i2o3 
et  i2o4i  le  siège  et  la  prise  de  Constantinople,  et  le  couron- 
nement de  Baudouin;  en  1207,  les  troubles  excités  en  An- 
gleterre par  l'élection  d'un  archevêque  de  Cantorbéry;  en 
1210  ,  une  croisade  d'enfants  et  l'expédition  contre  les  Albi- 
geois;en  i2i4,  la  bataille  de  Bouvines;  en  I2i5 ,  le  concile 
de  Latran;  en  1216,  la  descente  du  prince  Louis  dans  la 
Grande-Bretagne;  en  1 218,  la  mort  de  Simon  de  Montfort; 
celle  de  Philippe-Auguste  en  i223,  de  Louis  VIII  en  1226. 
L'un  des  articles  les  plus  remarquables  serait,  à  notre  avis, 
celui  qui  présente,  sous  l'année  11 95,  une  généalogie  des 
comtes  de  Hainault.  En  général,  on  ne  saurait  dire  qu'il  y 
ait  à  recueillir  une  instruction  bien  précieuse  dans  cette  chro- 
nique, essentiellement  destinée  à  l'usage  et  aux  besoins  d'un 
seul  monastère.  Du  reste,  l'ordre  des  dates  y  est  assez  exac- 
tement établi  :  Brial  n'en  a  trouvé  aucune  à  réformer.  Les 
trois  classes  de  faits  que  nous  venons  de  distinguer  s'y  en- 
tremêlent et  ne  forment  qu'une  seule  série  chronologique, 
sauf  un  petit  nombre  d'interversions  dont  on  est  averti  par 
l'auteur  lui-même.  D. 


GAUTHIER  D'OCHIES, 

«oRTen.î34  ABBÉ   DE    CITEAUX. 

ou  1235. 

Vjauthier  d'Orchies  ou  plutôt  d'Ochies  était,  au  commen- 
cement du  xin«  siècle,  abbé  de  Long-Pont,  monastère  de 


GAUTHIER  D'OCHIES,  ABBÉ  DE  CITEAUX.    i35 

l'ordre  de  Cîteaux,  au  diocèse  de  Soissons.  On  le  voit  tran- [ 

siger,  en  1 201,  avec  l'abbé  du  mont  Saint-Martin;  reconnaître, 
en  i2o3,  ceux  des  biens  de  l'abbaye  de  Soissons  qui  dépen- 
daient de  celle  de  Sainte-Marthe.  Il  est  témoin,  en  I2IO,d'un  Gallia  chr., 
accord  entre  l'abbé  du  mont  Saint-Martin  et  le  seigneur  de  ^^'P  '♦'  «^'^ 
Guise;  il  est  arbitre,  en  121 1,  entre  la  comtesse  Aliénor  et  le 
curé  de  Saint-Quentin;  en  I2i3,  entre  les  bourgeoiset  les  cha- 
noines de  cette  ville.  En  ce  même  temps,  il  enrichissait  d'un 
vignoble  les  religieux  de  son  monastère.  Peu  auparavant  il  avait 
reçu  parmi  eux  Jean  de  Montmirail,  qui  mourut  en  odeur 
de  sainteté  en  1217,  et  fut  depuis  canonisé.  Une  vie  de  ce 
bienheureux,  où  sont  racontés  plus  de  cent  miracles  par  lui 
opérés,  est  le  principal  ou  même  le  seul  essai  littéraire  de 
Gauthier  d'Ocnies.  Cet  abbé  était  renommé  pour  son  savoir, 
ainsi  que  l'attgstent  ces  deux  vers  rapportés  parManrique: 

Annai.cisterc. 
Doctorum  splendor,  cunctos  superansque  coaevos  adann.  1219,0. 

Gualterus  veniens,  confestiin  transiit  annos.  in,n.  2,  t.  IV, 

p.  i5g. 

Si  Gauthier  cessa,  en  12191  de  gouverner  l'abbaye  de  Long- 
Pont,  c'est  qu'il  devint  alors  abbé  de  Cîteaux,  c'est-à-dire  géné- 
ral de  son  ordre.  Une  bulle  d'Honorius  III,  sous  cette  date, 
l'autorise  à  n'avoir  aucun  égard  aux  réclamations  des  curés, 
qui,  pour  ne  rien  perdre  de  leur  casuel,  exigeaient  de  qui- 
conque s'engageait  dans  une  communauté  religieuse,  des  frais 
d'enterrement.  Il  demanda,  en  1220,  à  ce  même  pape,  la  ca- 
nonisation de  saint  Robert,  abbé  de  Molesme;  et  ce  fut  aussi 
en  cette  année, selon  Manrique,  qu'il  tint  à  Cîteaux  un  cha-      Ann.  1220,0. 
pitre  général,  que  les  auteurs  de  la  GalUa  christiana  placent  1."'  °"  \  '"'  ' 
en  1222.  Ce  chapitre  prescrivit  de  célébrer  des  messes  de  la      GaiiL  ^ chr. , 
sainte  Vierge,  de  soumettre  les  frères  convers  à  des  épreuves  '•  JV,  p.  992- 
plus  rigoureuses,  de  les  laisser  durant  six  mois  en  habit  se-  9^'* 
culier,  et  de  mettre  un  terme  à  l'excessive  multiplication 
des  couvents  de  religieuses.  En  1221  ,  le  pape  écrivit  à  l'abbé 
de  Cîteaux  pour  lui  recommander  le  prince  Waldemar,  qui, 
en  expiation  de  sa  résistance  aux  ordres  du  saint-siége,  em- 
brassait la  vie  monastique.  Une  épître  pontificale,  datée  de 
1222,  charge  Gauthier  de  concilier  un  différend  qui  s'est 
élevé  entre  le  roi  de  France  et  l'évêque  de  Paris.  L'année 
suivante,  il  assiste  comme  témoin  à  une  transaction  entre  le 
chapitre  de  Langres  et  les  moines  de  Hauterive;  et,  à  cette 
même  époque,  Honorius  lui  adresse  le  recueil  de  ses  ser- 


XIII  SIECLE. 


i36  GAUTHIER  D'OCHIES, 

mons.  Mais  ce  dernier  fait  est  révoqué  en  doute  par  Man- 
*^*''"-  '•''•  rique,  qui  fixe  à  l'an  i223  la  mort  de  Gauthier. 
'   '  Dans  la   Gallia   christiana,    la   carrière   de  cet  abbé  se 

prolonge  jusqu'en  F  234  ou  35.11  obtient  d'Honorius,  en  i225, 
de  Grégoire  IX  en  i22y,  la  confirmation  des  privilèges  de 
l'abbaye  et  de  tout  l'ordre  de  Cîteaux.  Il  reçoit  du  pape  deux 
commissions  en  1225,  l'une  de  pacifier  les  rois  de  France 
et  d'Angleterre,  l'autre  déjuger  l'archevêque  de  Lyon,  alors 
déposé  et  incarcéré.  Il  acquiert  pour  son  monastère  un  droit 
sur  des  salines  de  Franche-Comté,  et,  en  12^2,  la  possession 
d'un  pré. 

Ce  qui    embarrasse  l'histoire    des   dernières   années  du 
généralatde  Gauthier  d'Ochies,  c'est  la  mention  faite  en  cer- 
tains actes  d'un  Guillaume  ou  d'un  G,  comme  étant  abbé 
de  Cîteaux  en   1228,    1229,    i233,  I235.  Entreprise  de  ce 
Guillaume  pour  s'attribuer  une  juridiction  sur  les  religieu- 
ses de  Port-  Royal  ;  contestation   à  ce  sujet  avec  l'abbé  de 
Vaux-Sernai,  en  faveur  duquel  le  chapitre  général  de  Cî- 
teaux et  Grégoire  IX  prononcent.  Lettre  de  G.  à  Thibaut, 
Martène  Thés    ^omtc  de  Champagne,  où  il  est  dit  que  jamais  les  sceaux 
Anecd. ,  t.'i,  p.  ne  portent  l'empreinte  du  nom  d'un  abbé  de  Cîteaux.  Épître 
946-  de   Guillaume  à   l'abbé  de   Font -Froide,  concernant  des 

T..''rl!\i.?'  distributions  d'hosties.  Autre  lettre  de  G.  au  comte  de  Cham- 
pagne ,  relative  à  un  anniversaire.  Mais  d'une  part,  l'initiale 
G.  est  aussi  applicable  à  Gauthier  qu'à  Guillaume,  et  de 
l'autre,  le  nom  entier  de  Guillaume  peut  n'être  qu'une  erreur 
des  copistes,  qui  auront  mal  interprété  cette  même  initiale. 
L'abbé  Jacques  est  indiqué  comme  ayant  immédiatement 
succédé,  en  i234,  à  Gauthier,  décédé  le  20  janvier  ou 
le  tc).  Il  s'agit  d'un  mois  antérieur  à  la  fête  de  Pâques,  et 
par  conséquent  l'année  pourrait  être  celle  que  nous  appe- 
lons 1235.  Ces  particularités  ne  nous  semblent  pas  très- 
parfaitement  éclaircies;  mais  elles  ne  tiennent  point  assez 
à  l'histoire  littéraire  pour  entraîner  ici  de  plus  longues 
recherches;  et  les  résultats  que  nous  avons  empruntés  de  la 
Gallia  christiana  nova  sont,  à  notre  avis,  les  plus  dignes 
de  confiance.  D. 


ibid,  p.  991. 


XUI  SIECLE. 


^^i-»-t-^-^-fc-^-v-^n~'*"  "  *  -^^  -  -»»*.«-»<^— 


BERNARD  DORNA, 

ARCHIDIACRE   DE   BOURGES,  JURISCONSULTE.  MOBTvers  ii35. 


Trithem.,  cap. 


IJERNARD  DoRN A,  Provençal  de  naissance,  étudia  la  juris- 
prudence sous  le  célèbre  Azon ,  lequel  avait  tellement  illus- 
tré l'école  de  Bologne,  que  toute  la  jeunesse  d'Italie,  et  '*  ^^^  „ed.  et 
celle  même  de  France  ,  allait  y  entendre  ses  leçons.  On  a  fait  inf.  lat.,  1. 1,  p. 
monter  jusqu'à  dix  mille  le  nombre  continuel  de  ses  auditeurs.  ^*f!,-  _, 

x-.li  I-  •  -'"T»!  T-v  'J-  Graïina ,    lie 

Ltlonnepeutdireau  juste  si  cesta  bologneque  Uorna  étudia  ortu  et  progressa 
sous  ce  maître,  ou  bien  si  c'est  à  Montpellier;  car  Azon  y  juris  ci¥ilis,pag. 
enseigna  quelque  temps,  ayant  été  obligé,  par  les  intrigues  ^'7. '°-'a. 
des  envieux  de  sa  gloire,  de  quitter  Bologne.  Mais  comm'e 
ce  célèbre  professeur  avait  attiré  à  Montpellier  presque  toute 
la  jeunesse  d'Italie,  les  Bolonais,  pour  repeupler  leur  école, 
le  rappelèrent  chez  eux.  Cet  Azon,  que  la  France  pourrait 
revendiquer,  soit  pour  avoir  été  pendant  quelque  temps  un  „. 

de  ses  plus  fameux  maîtres  en  droit,  soit  pour  avoir  formé  de  la  juris'pru- 
un  grand  nombre  de  jurisconsultes  français,  mourut  en  l'an  «lence  romaiDe, 
I200.  Alciat  et  l'auteur  d'une  histoire  de  Bologne,  Alberti,  '""["'''P;  *"?' 

,.  ,.,  ,  .    ,  .    .  "       , ,  ^        Alberti,    His- 

disent  qu  il  mourut  de  mort  violente,  en  punition  d  un  assas-  toriadiBoiogna, 

sinat  qu'il  aurait  commis;  mais  c'est  une  erreur  relevée  par  ""-4°.  i543-  ad 

Gravina  et  Terrasson ,  qui  attribuent  sa  fin  à  une  mort  na-  """•  "°°' 

turelle,  ajoutant  qu'elle  fut  accompagnée  de  tant  de  regrets 

de  la  part  des  habitants  de  Bologne,  qu'à  cette  occasion  les 

écoles  furent  fermées  pendant  long-temps,  afin  de  rendre 

plus  sensible  la  perte  que  l'on  avait  faite.  On  le  qualifiait 

par  les  épithètes  Aefons  legum ,  vas  electionis ,  et  il  a  laissé 

une  Somme  de  droit,  que  Terrasson  dit  être  un  excellent 

ouvrage. 

Quant  à  Bernard  Dorna,  qui  fut  un  de  ses  nombreux  dis-      Trithem, loc. 
ciples,  il  est  probable  qu'il  professa  à  Bourges,  dont  l'école,  •^" 
aussi    célèbre   dans  les  annales   de  la   jurisprudence   que  ^^^^"^"•''P'S- 
celle  de  Bologne,  a  été  regardée  par  Alciat  comme  le  séjour 
perpétuel  de  la  jurisprudence.  Les  hommes  les  plus  distin- 
gués de  tous  les  pays  s'y  rendaient  pour  y  enseigner  le  droit 
civil,  de  sorte    que   le  Forum  de  Rome  semblait  y   avoir 
été   transféré  ;  et  Cujas     a  dit   dans   la   suite,   que    nulle 
école   oe   lui    paraissait  comparable   à  celle  de  Bourges, 

Tome  XV m,  S 

1   2    » 


i38  BERNARD  DORNA, 

XIII  SIÈCLE.  ,  '  j      1  •  »  I  1  •      J 

pour  la  pureté  de  la  st-ience  et  le  grand  savoir  de  ceux  qui  y 

enseignaient.  Ou  peut  eonjeclurer,  d'après  Trithème,  que 
ce  fut  là  que  Bernard  Dorna  passa  eii  grande  partie  sa  vie, 
étant  tout  ensemble  archidiacre  d;'  l'église  de  Bourges  et 
jurisconsulte.  On  ne  sait  rien  de  positif  sur  la  date  de  sa 
naissance,  ni  sur  ses  premières  études;  l'année  de  sa  mort 
est  également  incertaine;  mais  comme  on  le  fait  disciple 
d'Azoïi  en  même  temps  qu'Accurseï  lequel  mourut  en  laar) 
à  l'âge  de  78  ans,  nous  pensons  que  Dorna,  condisciple 
d'Accurse,  sera  mort  entre  ia3o  et  1235,  et  (jue  même  en 
le  su  Imposant  moins  âgé  que  ce  dernier,  la  date  de  cette 
Tnihem, lot.  ,n^5rf  pç  jojt  pas  être  ret.udée  jusqu'en   i24o- 

Le  jugement  porté   sur  ce  jurisconsulte   par  Trithème, 
Moréii.Dic-  et  que   Moréri  répète,  donne  de  lui  une  assez  haute  idée. 

tiooii.  «  Encouragé,  dit-il,  par  son  célèbre  maître,  Dorna  s'appii- 

«  qu;i  tout  entier  aux  lettres  ;  il  composa  plusieurs  ouvrages 

«  qui  ont  fait  passer  son  nom  à  l'immortalité,  et  un  surtout, 

«  le  seul  qui  soit  venu  h  ma  connaissance,  et  qui  portait  ce 

Monif    Bibl    «  Mre  :  De  libclloruni  conception  il/us.  »  Doin   Montfaucon 

bibl.jp.  iii,B.,  dit  cpi'il  en  existe   deux  exemplaires  h  la  bibliothèque  du 

i35,A.  Vatican,   sons    le   titre  :  De  lH-elloriiDi  compositione.  Nous 

avons  sous  les  yeux  ce  même  ouvrage  en  un  manuscrit  delà 
Bibliothèque  royale,  sous  le  n°4^^'"^i  parmi  plusieurs  autres 
ouvrages  de  droit;  il  y  occu|)e  vingt -deux  cohuines  petit 
in-folio,  depuis  la  page  34  jusqu'à  45,  sous  le  titre  :  Suninia 
de  libellis. 

Il  ne  nous  a  pas  paru  répondre  à  l'idée  que  les  expres- 
sions de  Trithème  semblent  en  avoir  voulu  donner;  peut- 
être  qu'au  temps  où  il  a  été  composé,  il  aura  été  de 
(juehpie  utilité;  mais  parmi  le  grand  nombre  de  livies  sur 
la  même  matière,  qui  parurent  iWti,  lors,  cet  ouvrage  dut 
être  bientôt  oublié  à  cause  de  son  peu  d  importance. 

Un  court  prologue  de  l'auteur  expose  le  but  qu'il  s'est 
proposé  dans  cette  composition.  «  Comme  la  ruse,  dit-il,  et 
«  la  fourberie  des  hommes  se  snnt  accrues  à  tel  point,  qu'il 
«  n'y  a  plus  de  bonne  foi  sur  la  terre;  que  tous  les  jours  de 
«  nouveaux  sujets  de  discorde  prennent  naissance  parmi 
«  nous;  que  le  nombre  i^c?,  procès  se  multiplie  de  jour  en 
«  jour,  aussi  bien  que  celui  des  avocats;  et  que  les  actes, 
«  par  la  manière  dont  ils  sont  rédigés,  peuvent  donner  à  la 
a  mauvaise  foi  un  sujet  continuel  de  récrimination;  plu- 
c  sieurs  juriscousuUes  célèbres  ayant  déjà  essayé  en  vain  de 


ARCHIDIACRE  DE  BOURGES.  iSq 

Xin  SIÈCLE. 

«  porter  un  remède  à  ce  mal ,  j'ai,  moi  Bernard  Dorna,  en- 

«  trepris  cette  Somme  sur  la  manière  de  rédiger  les  actes , 
«  pour  complaire.!  la  demande  de  mes  amis  et  de  niessupé- 
tc  rieurs,  et  pour  qu'il  fasse  le  tourment  de  mes  envieux  : 
«  Sufficit  enim  eis  (  œmulis  )  ut  aculeis  invidiœ  continué  tor- 
«  queantur.  »  Dorna  demande  ensuite  qu'on  ne  soit  pas  trop 
sévère  dans  le  jugement  qu'on  portera  sur  son  livre,  soit  en 
considération  de  la  dilticulté  de  la  matière,  soit  à  cause  de 
l'imperfection  de  la  nature  humaine,  à  qui  il  n'est  donné 
d'atteindre  en  rien  à  la  perfection;  puis  il  entre  en  ma- 
tière. 

L'esprit  de  chicane  qui  paniît  avoir  été  général  à  l'époque 
à  laquelle  appartient  notre  jurisconsulte,  et  que  nous  atteste 
le  dessein  annonce  dans  son  livre,  a  été  souvent  relevé  par 
Fleury,  soit  dans  son  Histoire  du  droit ,  soit  ailleurs.  On  y  Fleurj-, 5*' dis- 
voit jus(|u'à  quel  excès  était  montée  la  subtilité  des  plaideurs  '"""'^s  sur  l'Hist. 
pour  éluder  les  lois,  et  les  rendre  complices  de  l'injustice.  ^'^'^' 
L'ouvrage  de  Bernard  aurait  donc  pu  nous  flonner  une  idée 
complète  de  cet  esprit  de  chicane  au  moyen  âge,  s'il  avait 
été  fait  avec  clarté,  méthode  et  précision.  Or,  ce  n'est  pas 
ainsi  qu'il  a  été  exécuté.  Les  titres  de  chaque  article  sont 
clairs,  mais  l'explication  ne  l'est  pas.  Qu'est-ce  qu'un  acte.'' 
—  En  combien  de  manières  peut-on  rédiger  les  actes.*'  —  A 
qui  faut-il  les  présenter.-' — -  Dans  quelles  circonstances  doit- 
on  les  présenter.^  —  Que  doivent-ils  renfermer,  etc.  Telles 
sont  les  questions  que  l'auteur  se  propose,  et  auxquelles  il 
ne  fait  pas  des  réponses  aussi  claires.  Ainsi  quand  il  se  de- 
mande :  Quid  sit  libellus ?  il  se  répond  :  Sciendum  est  quod 
libellus  est  quœdani  modica  scriptura  tenore  et  pondère, 
etiamsi  interdiim  in  longuin  et  latuni  non  minimum  sit  pro- 
tensa,  et  est  diminutivum  ah  hoc  nomine  dcrivatuin  :  liber.  Une 
définition  de  ce  genre  n'est  pas  faite  pour  produire  de  bien 
vives  lumières,  et  tout  l'ouvrage  est  a  peu  près  composé  de 
même.  L'intention  de  diminuer  les  prétextes  de  chicane, 
ainsi  que  le  nombre  de  ceux  qui  en  vivaient,  qui  troublaient 
la  paix  des  familles  et  favorisaient  la  mauvaise  foi,  était 
assurément  très-bonne;  mais  il  était  difficile  de  la  remplir 
par  un  livre  aussi  peu  satisfaisant,  quoique  laborieusement 
exécuté.  L'auteur  termine  son  travail  par  ces  réflexions  : 
«  J'ai  réuni  dans  cet  ouvrage  tout  ce  qui  regarde  la  rédaction 
«  des  actes,  et  tout  ce  que  j'ai  cru  utile  à  cette  rédaction; 
a  j'y  ai  résolu,  avec  le  secours  des-  lois,  bien  des  difficultés 

Sa 


Xin  SIÈCLE. 


i4o  JOURDAIN  LE  FORESTIER. 

«  inextricables;  je  l'ofTre  à  mes  amis  et  à  mes  confrères  avec 
«  un  vif  intérêt,  a6n  que  par  lui,  sinon  ma  vie,  du  moins 
«  ma  mémoire  se  perpétue  à  jamais.  Pour  ce  qui  est  de  mes 
«  rivaux,  je  leur  défends  de  le  regarder  de  mauvais  œil. 
«  jEmulis  inhiheo  ne  oblique  super  hoc  intueantur,  sed  tor- 
«  mentis invidiœ  incessanter qfflicti ,  etc. .  .  Porib  nec tarduni 
Horat.  «  opperior,  nec  prœcedentibus  msto.  » 

Les  désirs  de  Bernard  Dorna  n'ont  été  accomplis  que  jus- 
qu'à un  certain  point;  car  sa  mémoire  et  son  livre  ont  fait 
peu  de  bruit.  Son  livre  est  resté  manuscrit ,  et  est  extrê- 
mement rare;  ce  qui  montre  qu'on  n'en  a  pas  multiplié  les 
copies,  et  par  conséquent  qu'on  s'en  est  peu  servi.  Sa  mé- 
moire même  s'est  si  peu  conservée,  que  le  nom  de  Dorna  ne 
se  trouve  dans  aucun  des  historiens  qui  ont  été  ses  contem- 
porains, pas  même  dans  ceux  qui  n'ont  parlé  que  des  juriscon- 
sultes; en6n,  on  ne  trouve  quelques  détails  sur  sa  vie  que 
dans  le  peu  de  lignes  que  nous  a  lournies  Trithème.       P.  R. 


JOURDAIN  LE  FORESTIER 

JORDANUS  NEMORARIUS. 


Vers  I235i 


(.Quelque  attention  que  puissent  mériter  les  travaux  du  ma- 
thématicien Jourdain  le  Forestier  {Jordanus  Nemorarius)^ 
comme  il  y  a  peu  d'apparence  qu'il  soit  né  en  France,  ou 
qu'il  y  ait  vécu,  nous  ne  ferons  de  lui  qu'une  mention  fort 
succincte.  Tiraboschi  l'appelle  Giordano  Nemorario  ou  dal 
T.  IV  ub.  2    Bosco,  dans  l'Histoire  ae  la  littérature  italienne;  mais  en 
cap.  2,  n.  XI,  avouant  que  la  patrie  de  cet  écrivain  n'est  pas  bien  connue, 
ediz.2%Modeii.,  q^\\  p'a  été  fait  sur  ce  point  aucune  recherche,  et  qu'il  y 
>  P-  »79-     aurait  lieu  de  désigner  l  Allemagne  plutôt  qu'aucune  autre 
contrée.  Cette  opinion  de  Tiraboschi  se  fonde  sur  un  ma- 
nuscrit de  Venise,  dont  il  a  pris  connaissance,  et  qui  est  in- 
titulé :  Jordani  de  Nemore  de  Alemania  Arithnietica.  Ainsi, 
ajoute-t-il,  l'Italie  n'a  plus  aucun  droit  de  le  revendiquer; 
e  noi  percio  non  abbiani  piii  alcun  diritto  ad  annoi'erarlo 
tra  nostri.  La  France  n'en  a  pas  davantage;  car  il  n'y  a  rien 
à  conclure  de  ce  que  la  première  édition  de  celte  Arithmé- 


JOURDAIN  LE  FORESTIER.  i4i 

,,,,.,      V  .         ,  .     ,  ,     ,  .  IIII  SIÈCLE 

tique  a  été  publiée  à  Paris.  Il  en  est  arrive  autant  a  bien  ■— 

d'autres  livres  tout-à-fait  étrangers  à  notre  littérature. 

On  ne  s'est  pas  non  plus  toujours  accordé  sur  le  temps  où 
écrivait  Jordanus.  Il  a  été  quelquefois  placé  vers  l'an  io5o, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Henri  III;  c'est  une  époque  peu 
fertile  en  productions  ou  même  en  essais  d'un  pareil  genre; 
d'ailleurs  Biancani,  dans  sa  chronologie  des  mathématiciens,  Ad  cale,  libri 
fait  observer  que  Jordanus  Nemorarius  cite  Campanus  de  deNaiuràmathe- 

Ni^..!  ./|.A  •  '  t-i       malicar.  scienlia- 

ovare,  par  lequel  il  est  cite  lui-même;  ce  qui  montre  quils  ^y^,    Bononiae 

étaient  contemporains.  Or  Campanus,  quoique  inscrit  aussi  i6i5,in-4°. 
quelquefois  parmi  les  écrivains  du  xi*  siècle,  appartient  plus 
probablement  au  xiii*;  il  composait  ses  traités  du  comput 
et  du  cercle  sous  Frédéric  II.  Ce  qui  est  étrange,  c'est  que 
Biancani,  qui  rapproche  ainsi  ces  deux  géomètres,  laisse 
ailleurs  entre  eux  tout  un  siècle  d'intervalle;  qu'il  place  au 
XI*  siècle  Campanus,  et  au  xii*  Jordanus,  en  ajoutant,  pour 
surcroît  de  contradiction,  que,  vers  l'an  1200,  Campanus 
composait  son  grand  et  son  petit  comput.  Les  travaux  de 
l'un  et  de  l'autre  ont  pu  commencer  peu  après  1 185,  et  se 
prolonger  fort  au-delà  de  i2i5.  Nous  supposons  que  la  car- 
rière de,  Jordanus  ne  s'est  terminée  que  vers  laSo. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ses  ouvrages,  estimés  de  ses  contempo- 
rains ,ont  con.'jervé  quelque  réputation  dans  les  âges  suivants. 
Deux  sont  imprimés,  savoir:  Ses  Eléments  d'arithmétique 
en  10  livres,  et  ses  i3  propositions  sur  les  poids  :  De ponde- 
ribus ;  le  premier  avec  les  commentaires  de  Jacques  Lefebvre 
d'Etaples,  à  Paris,  chez  Higman  et  Hopil, en  1496, in-folio; 
le  second,  in-4°,  en  i533,  chez  Petreius  à  Nuremberg.  Bien 
que  le  titre  de  ce  deuxième  article  porte  :  Liber  Jordani 
Nemorarii,  viri  clarissimi.  .  .  multarum  rerum  rationes  sanè 
pulclierrimas  complectens,  ce  ne  sont,  selon  Clavius,que  des 
fragments  qui  n'éclaircissent  rien.  Jordanus  a  laissé  de  plus 
quelques  traités  inédits,  des  Z)<2ta  anV/iwc'?/c«,  trois  livres  de      r,        ^ 

T,      ^,      .  ,'  •        1     1     ni  1-      1  >  1      •  Voss.,  De  ar 

géométrie  qui  ontpasse  manuscrits  de  la  Bibiiothequepalatine  tium  et  scient. 
dans  celle  du  Vatican;  un  livre  sur  les  miroirs  :  De  naturâ  naturà,i.  iii(de 
Speculorum,;  d'autres  sur  l'astrolabe  et  le  planisphère.  On  ^'  "').  ç-  . 
\oit  qu  11  avait  cultive,  autant  qu  il  était  alors  possible,  1950.  5i,n,  5, 
toutes  les  branches  des  sciences  mathématiques.  Maurolyco,  c-6o,n.  2. 
qui  les  enrichissait  au  xvi«  siècle,  a  fait  mention  de  lui.  Gé-  dês"!!!!"!^/^"' t 
rard-Jean  Vossius  a  inséré  des  notices  de  ses  écrits  en  divers  i,  p.  SofJ,  é'dit. 
chapitres  d'une  histoire  chronologique  de  ces  mêmes  scien-  ^^  ''^"  ^i'- 
ces.  Bailly  ne  le  nomme  point,  mais  il  est  indiqué  par  Montucla  d^  l'aTuIn." Tti 


i42  MAURICE, 

Xm  SIÈCLE.  1^1,  n  1-  >i  1-     • 

et   par  Delainbre.  Bossut  dit  qu  il  «  se  distingua  pour  son 

moyen  âge,  I.  »,  ,(  tciiips  daiis  l'ai i thinetifjue  et  dans  la  géométrie,  comme 

Bossnt,  Hist.  «  on  cu  peut  jiiger  par  son  Traité  du  Planisphère  et  ses  dix 

(les  mutlRiii. ,  t.  «  livres  d'Arithinétifiue.  »  D. 


p.  2^1. 

Bossi 
(les  niul 
I,   p.  i!,2 


MAURICE, 

HORTkiojan-  ÊVÈQUE  DU  MANS,  PUIS  ARCFIEVÈQUE  DE  ROUEN. 

vier   1235.  ^ 

IMaurice,  né  en    Champagne   de   parents   pauvres,   était 

Gaii.chr.vct.,  archidiacre  de  Troycs,  lorsfpi'il  fut  élu  évéque  du  Mans  en 

'  •"  ^'''        12  ic);  ce  qui  doit  fixer  la  date  de  sa  naissance  entre  ii8o  et 

I  igo.  Sacré  à  Tours  par  Jean  de  Faya,  son  métropolitain  ,  il 

Thomas  Can-  rédigea  en   1229  des  statuts  pour  son  diocèse,  et  en  i23i,le 

iimp.,p.  0  et  7.  papy  Hrégoire  I\  l'éleva  au  siège  archiépiscopal  de  Rouen. 

Gali.(hi.nnv.,  La  mèmeaiinée,  il  tint  dans  cette  ville  un  concile  provincial 

t.xi,p.  G2.        pour  la  réforme  des  mœurs  et  le  maintien  de  la  discipline 

ecclésiastique.  En    laSa,  les  moines  de  Saint-Ouen  s'étant 

adressés  à  lui  pour  le  prier  de  leur  désigner  un  abbé,  il  ré- 

Fondit  qu'il  ne  voulait  s'arroger  aucun  droit  contraire  à 
entière  liberté  de  leurs  élections.  Cependant,  presque  vers 
le  même  temps,  il  excommuniait  les  religieuses  de  Monti- 
villiers,  parce  qu'elles  avaient  désapprouvé  le  choix  de  la 
nouvelle  abbesse  qu'il  leur  avait  donnée  ;  ce  qui  indique  assez 
que  cette  abbaye  n'était  pas  élective. 
fr A. hery-S|ii-       Le  jcuiie  loi  Louis  IX,  obligé  de  lutter  contre  tous  les 
Cl!  ,1. 11,  [.  Hm,  seigneurs  de  son  royaume  pour  la  défense  de  son  autorité 
*""'  royale,  avait,  de  l'avis  de  ses  barons,  fait  saisir  les  posses- 

sions temporelles  de  Théobald  ,  prédécesseur  de  Maurice  au 
siège  de  llouen  ,  pour  quelques  démêlés  qu'il  avait  eus  avec 
lui.  Théobald  étant  mort  avant  d'avoir  fait  la  paix  avec  son 
prince,  le  roi  avait  maintenu  la  saisie  des  biens  temporels 
de  l'archevêché  de  Rouen  sous  le  nouveau  prélat;  Maurice 
par  représailles  jeta  sur  son  diocèse  un  interdit,  dont  les 
circonstances  se  lisent  tians  les  lettres  qu'il  écrivit  à  cette  oc- 
ibùl.,  p.  :i2n  casion.  Ces  lettres  sont  au  nombre  de  cinq.  On  remarque 
'"^'^  dans  une  de  ces  lettres  l'ordre  doiméàtouslesdoyensdu  dio- 

cèse de  déposer  de  leurs  piédestaux  toutes  les  statues  des 
saints.  Dans  une  autre  lettre,  il  leur  expose  les  motifs  qui 


EVÊQUE  DU  MANS,  ARCHEVÊQUE  DE  ROUEN.  i43 


XIII  SIECLE. 


l'avaient  deterininc  à  mettre  son  diocèse  en  interdit;  c'était, 
entre  autres,  que  le  roi  refusait  de  rendre  la  liberté  aux 
prisonniers  qu'il  avait  faits,  de  rendre  les  biens  qu'il  avait 
saisis,  de  léparer  les  dommages  qu'il  avait  causés;  enlin 
que  le  mépris  du  roi  pour  ses  prières  et  pour  ses  moiiitions 
réitérées  l'avait  oblij;;é  à  interdire  les  églises  de  son  diocèse 
qui  étaient  du  domaine  royal ,  exceptant  néanmoins,  et  par 
ménagement,  celles  où  le  roi  et  la  reine  se  trouveraient 
passagèrement.  Enlin,  dans  une  autre  lettre  aux  mêmes 
doyens ,  le  jirélat  déclare  de  nouveau  la  nécessité  dans  la- 
quelle il  se  trouve  d'aggraver  les  peines  (pi'il  a  déjà  portées, 
vu  la  i)ersévérance  du  loi  tians  ses  résolutions.  Il  leur  enjoint 
d'exposer  au  [)euple  les  motits  des  mesures  rigoureuses  qu'il 
avait  j)rescrites. 

I /année  même  en  laquelle  il  j^rit  possession  de  son  siège 
arclii('j)iscopal  (en  i23i),  Maurice  tint  un  concile  provineialà      Conni.  Nor- 
Roueii ,  durant  lecpiel  il  s'occupa  de  la  réforme  de  son  clergé:  '"^Ji)l'»''  !>  v 
on  remarcjue  les  dis])ositions  suivantes:  défenses  sont  laites       ' 
aux  piètres,  sous  peine  dexcommunication,  de  laisser  con- 
duite des  cliœurs  de  danses  dans  les  cimetières  ou  les  églises; 
de  porter  de  grands  coutelas  ou  des  lances.  Voilà  les  seules 
partirulaiités  qui  nous  restent  de  la  vie  littéraire  de  ce  prélat. 
Il  mourut  au  prieuré  de  Sauceuse,.S(7//rr).çc/,  durant  l'octave 
de  l'Epiphanie,  le    lo  janvier  19,35,  selon  le   iiécrologe  de 
l'église  métropolitaine  de  Rouen,  et  il  icçut  la  sépulture  dans 
celte  église.  La  plus  grande  jxirtie  du  temps  de  sa  préiature 
à  Rouen  fut  occupée  par  les  dilférends  (juil  eut  avec  la  cour 
de  Erance,  différends  (ju'il  avait  lierites  de  son  i)rédécesseur, 
et  (pii  continuèrent,  parce  cpie  ÎNlaurice  voulait  soutenir  les 
droits  de  son  église.  Ce|)endant  Its  liistoiiens  nous  ont  con- 
servé un  trait  de  ce  prélat  qui  nous  fait  assez  connaître  son 
désintéressement  personnel ,  pour  Cju'on  ne  j)uisse  pas  flétrir 
sa  mémoire  par  le  moindre  soupçon  de  cupidité  pour  les  ri- 
chesses. Il  est  en  effet  rapporté  qu'un  jour  les  économes  de      .,, 
sa  maison  lui  ayant  mis  sous  les  yeux  le  détail  des  revenus  liiupr.,  p.  <r 
de  son  diocè.se,  cpii  s'élevaient  à  douze  mille  livres  :  «  Mettez- 
«  en  à  part,  leur  dit-il,  deux  ou  trois  mille  pour  l'entretien 
«  le  plus  strict  de  ma  maison;  je  n'ai  rien  à  prétendre  sur  le 
«  reste,  c'est  le  bien  xles  pauvres,  distribuez-le-leur.  Quant  à 
«  ce  que  je  conserve,  j'en  userai ,  non  comme  en  étant  le  pro- 
«  priétaire,mais  comme  le  d'ispensaicur.  Duo  aiit  /ria  millia 
«  ad  victum  faniiliœ  nustrœ  conservate ,  in  reliquis  omnibus 


i44  MAURICE, 

Xm  SIÈCLE.  .,  -,  ,     r  ■  4       ..  •  j- 
(c  nihil  habeo,  pauperum  enim  sunt ,  et  m  pauperes  aispen- 

«  sate.  Illis  auteni  quœ  mihi  manent  dispensatoris  utar  loco, 
a  non  domini.  »  Thomas  de  Cantimpré  rapporte  sur  ce  prélat 
Ibidem.  le  trait  suivant:  «  Aux  approches  de  l'hiver,  Robert,  chape- 

«  lain  de  l'archevêque,  donna  ordre  à  l'économe  de  la  maison 
(t  de  lui  acheter  une  pelisse.  On  l'acheta,  et  quand  elle  lui 
«  fut  apportée,  ce  chapelain  qui  était  avancé  en  âge,  et  d'une 
«  santé  faible,  ne  la  voulut  pas,  et  il  en  demanda  une  de 
«  peaux  plus  légères  et  plus  fines:  Archiepiscopus :  sine,  in- 
<i  quil ,  me  vidcre  pelUcium  quod  respuis  nimis  grossum.  Et 
a  quand  il  l'eut  vue  et  touchée,  il  ajouta:  Fade  et  domino 
«  Roberto  subtilius  emas,  istud  verb  mihi  loco  penrue  sub  scor- 
«  tocio  meo  ponas.  »  Le  mot  scortocio  qui  présente  quelque 
difficulté,  parce  qu'il  est  inusité,  se  trouve  expliqué  par  les 
paroles  qu'ajoute  Thomas  de  Cantimpré:  Hoc  autem  domi- 
nus  Robertus  audiens,  midtàm  erubuit,  quod  ipse  capellanus 
pro  pellicio  portare  noluerit,  quod  archiepiscopo  domino  sua 
pro  supertunicaliforratura  suffecit.  On  voit  par-là  que  les  mots 
supertunicali forratura  expliquent  ce  que  l'on  doit  entendre 
par  scortocium. 
ibdem  ^^  même  auteur  fait  encore  remarquer  que  Maurice  voyait 

avec  peine  que  ses  intendants  dépensassent  trois  ou  quatre 
livres  pour  l'entretien  journalier  de  sa  maison,  et  cependant 
son  aumônier  en  distribuait  chaque  jour  dix  ou  douze  aux 
pauvres. 
Deviiie,  Tom-      De  tous  Ics  tombeaux  dont  la  cathédrale  de  Rouen  était 
beauxdeiacaih.  oméc,  il  n'en  cxistc  plus  actuellement  que  six,  savoir:  celui 
deRouen.  i833,  j^  j^,  Rollon  ;  de  son  fils  Guillaume-longue-épée;  de  Mau- 
ouen,p.    ,.     j,j^.ç^  archevêque;  de  Pierre  de  Brézé,  grand -sénéchal  de 
Normandie;  de  George  d'Amboise;  de  Louis  de  Brézé,  mari 
de  Diane  de  Poitiers.  Celui  de  l'archevêque  Maurice  est  placé 
derrière  le  chœur.  Le  prélat  y  est  représenté  couché  sur  un 
linceul,  en  habits  pontificaux  dont  on  distingue -toutes  les 
pièces,  la  soutane  de  velours,  l'aube  garnie  d'une  riche  den- 
telle, la  dalmatique  d'origine  phénicienne,  et  à  la  forme  de 
piauius  ,    in  laquelle  un  vers  de  Plante  faisait  allusion. 

Pœnulo  ,  aci.  V,  ' 

tcea.  II,  vers  i5.  5gj  quaenam  illaec  avis  est  quae  hùc  cura  tunicis  atlTenit.** 

On  la  reconnaît  à  l'ampleur  d'une  manche  qui  dépasse  le 
bord  de  la  chasuble.  Cette  chasuble  n'est  pas  plate,  sans  plis, 
échancrée  sur  les  épaules,  comme  celles  de  notre  temps  ;  alors 


ÉVÊQUE  DU  MANS,  ARCHEVÊQUE  DE  ROUEN.  i45 

elle  couvrait  même  les  mains,  et  c'est  de  là  que  s'est  conservé 
l'usage  inutile  aujourd'hui  d'aider  le  prêtre,  en  la  soutenant 
au  moment  de  l'élévation.  Nous  nous  souvenons  d'avoir  vu 
encore  une  de  tes  chasubles  antiques  qui  était  conservée  aux 
Chartreux  (le  Paris,  he pa/liurnqne,  l'on  distingue  à  la  forme 
delà  lettre  T,  passant  transversalement  d'une  épaule  à  l'autre, 
retombe  par  deux  bandes  sur  le  dos  et  sur  la  poitrine.  Il 
est  terminé  par  une  riche  Irange  du  côté  qui  se  présente  au 
spectateur,  mais  ce  n'est  qu'un  embellissement  de  l'artiste; 
car  de  tout  temps,  les  archevêques,  et  le  pape  lui-même, 
n'ont  fait  usage  que  Au  pallium  de  simple  laine  blanche, 
semée  dans  un  seul  et  même  tissu  de  quelques  croix  de  laine 
noire.  Les  deux  extrémités  des  bandes  sont  garnies  d'une 
feuille  de  plomb  laminé,  hes pallium  que  le  pape  envoie  aux 
métropolitains  de  la  catholicité  sont  tissus  avec  de  la  laine 
des  agneaux  élevés  par  des  religieuses ,  et  qu'on  bénit  chaque 
année  sur  l'autel  de  Sainte-Agt)ès-liors-les-iriurs.  En  France, 
le  seul  évêque  du  Puy-en- Vêlai  est  décoré  de  droit  du  pal- 
lium des  métropolitains. 

Voici  l'épitaphe  qui  se  lit  gravée  sur  le  tombeau  de  Mau- 
rice :  D.  O.  M.  Hic  jncet  Mauritius  ex  episcop.  cenomanensi 
ad  Rothom.  archiep.  translatas  anno  i  aS  ( .  Vitœ  austeritate, 
liheralitate  in  pauperes  claras.  Obiit  anno  I235. 

Le  fanatisme  avec  lequel  on  a,  de  notre  temps,  fait  la 
guerre  aux  monuments  de  l'histoire  des  morts,  nous  impose 
l'obligation  de  recueillir  avec  soin  les  épitaphes  les  moins 
intéressantes  en  apparence,  mais  qui  contiennent  et  perpé- 
tuent les  dates  les  plus  certaines.  P.  R. 


GEOFFROY  D'EU. 

ÉVÊQUE    D'AMIENS. 


XUI  SIKCLE. 


MORT  le  a5  no- 
vembre   1236. 


l^E  prélat  naquit  dans  la  ville  d'Eu  vers  la  fin  du  xii*  siècle  ;      o-.^;,.,.  ,  u 
sa  famille  portait  le  nom  de  Waltcr,  que  l'historien  de  la  p.  39. 
ville  d'Amiens  dit  être  le  mêtne  que  Wallech,  le  Varlet  ou 
le  Valet,  If^allerius  de  Augo,  le  Valet  d'Eu.  Après  ses  pre-      ouBouiay,  t. 
mières  études,  il  vint  à  Paris  où  il  prit  le  grade  de  docteur  ï'".  P-  '^' 
en  théologie,  puis  celui  de  docteur  en  médecine,  s'étant 
Tome  XVlll.  T 


i46  GEOFFROY  D'EU, 

XIII  SIÈCLE.  .,,.,,  •  Il  -, 

rendu  habile  dans  cette  science  dont  la  pratique,  a  cette  épo- 
que, était  généralement  exercée  en  France  par  des  ecclésias- 
tiques. Il  avait  été  nommé  chanoine  de  l'église  d'Amiens,  et 
il  était  revêtu  de  cette  prébende  depuis  plusieurs  années, 
quand  le  siège  épiscopal  vaquant  en  1222,  il  y  fut  élevé  par 
le  choix  de  son  chapitre,  à  raison  de  son  mérite  extraordi- 
naire, ainsi  que  le  dit  le  même  auteur.  L'année  suivante,  il 
assista  à  l'assemblée  des  évêques  qui  se  tint  à  Paris  à  l'occa- 
sion de  l'hérésie  des  Albigeois,  et  fut  aussi  présent  aux  ob- 
sèques du  roi  Phili[)pe-Auguste.  Trois  ans  après,  en  i22(i, 
il  concourut  au  couronnement  du   roi  Louis  IX,  qui   fut 
célébré  à  Reims  par  l'évèque  de  Soissons,  Jacques  de  Bazo- 
ches,  et  il  y  remplit  les  fonctions  de  diacre.  Il  revint  à  Paris 
en  1228  pour  assister  à  l'assemblée  des  évêques,  dans  laquelle 
Gaii  chr     t    ''  combattit  l'abus  de  la  pluralité  des  bénéfices. 
X,  p.  ii83.'  Le  roi  se  disposant  à  marcher  contre  le  duc  de  Bretagne, 
convoqua  Geoffroy  d'Eu  avec  les  autres  évêques  pour  l'ac- 
compagner dans  cette  guerre;  mais  ce  prélat  s'en  exempta, 
u'Aire   «  II   Comme  la  plupart  de  ses  coiifrères ,  en  payant  au  loi  la  somme 
p.  92.     '       '  de  cent   livres  parisis.  Geoffroy  poursuivit  la  construction 
de  la  cathédrale  de  sa  ville  épiscopale,  dont  les  fondements 
avaient  été  jetés  en  i2s>opar  son  prédécesseur,  et  il  continua 
depuis  le  pavé  jusqu'aux  voîites  ce  grand  monument ,  qui  ne 
fut  achevé  qu'en  1288. 

Geoffroy  d'Eu  mourut  en  I236,  le  25  novembre,  plein  de 
vertus  et  de  mérites,  n'ayant  laissé  pour  titres  littéraires  que 
cinq  actes  relatifs  à  l'administration  de  son  diocèse  ,  et  un  rè- 
glement composé  pour  les  religieuses  qu'il  avait  chargées  de 
desservir  l'hôpital  de  la  ville  d'Amiens.  Ces  cinq  actes  se 
trouvent  dans  les  pièces  justificatives  de  l'histoire  de  cette 
UAch.  Spici-  ville,  et  le  règlement  se  trouve  dans  le  Spicilége  de  D'Achery. 
[%.,  I.  XII,  p.       ]V[ais  si  Geoffroy  d'Eu  n'a  laissé  après  lui  aucun  souvenir 
écrit  qui  puisse  faire  connaître  l'étendue  de  sa  science  litté- 
raire, on   est  fondé  à  conjecturer  qu'il  ne  devait  pas  être 
étranger  à  la  culture  des  beaux-arts;  ce  que  paraît  indiquer 
cette  ligne  de  son  épitaphe  :  Quo  sedes  Amhianensis  crevit  in 
cœlos  aucta.  En  effet,  on  voit  qu'il  aura,  durant  quatorze  ans, 
participé,  du  moins  par  son  approbation,  à  tous  les  projets 
de  Robert  de  Luzarches,  architecte  du  monument  célèbre 
de  la  cathédrale.  Le  moyen  employé  par  son  successeur  Ar- 
noul ,  pour  procurer  les  fonds  nécessaires  à  la  poursuite  de 
l'entreprise,  montre  assez  que  le  nouvel  évèque  savait  bien 


ÉVÊQUE  D'AMIENS.  14^ 

juger  (le  It-tret  que  devaient  produire  les  processions  de  la 

châsse  de  saint  Honoré,  qu'il  ordonna  de  porter  dans  toutes 
les  paroisses  de  son  diocèse,  pour  y  recueillir  même  les 
oboles  des  pauvres,  et  les  (aire  concourir  à  l'avancement  du 
grand  œuvre  de  la  cathédrale.  Ce  fait  honorable  pour  la 
mémoire  du  successeur  de  Geoffroy  d'Eu,  autant  que  pour 
celle  des  habitants  du  diocèse  d'Amiens ,  méritait  bien  d'être 
relevé.  P.  R. 


ETIENNE  DE  BRANCION, 

MORT      le     I^' 

XXII'   ABBÉ    DE   CLUNY.  novembre  nl6. 

rLxiENNE  DE  Brancion  OU  DE  Berzé  (  dc  Berziaco  ou  de  Ber- 
seio  )  succéda  à  Barthélémy  F'',  dans  le  gouvernement  de      Ribi-ciuniac, 
l'abbaye  de  Cluny,  après  avoir  été  d'abord  prieur  de  Savi- 
gny.  Il  fut  élu  au  mois  d'août  ia3o,  sur  la  démission  de  son 
devancier.  Il  est  nommé  dans  quatre  chartes  consenties  entre 
des  particuliers  et  le  monastère  de  Cluny.  La  première  est 
datée  de  l'an  laSo,  la  seconde  de  l'an  i233,  et  les  deux  au- 
tres de  l'an   i234    Ces  actes  qui  n'ont  rien  de  remarquable 
se  trouvent  dans   la  Bibliotheca  cluniacensis.  Etienne  gou-      1,1    ,,  ,5^,3 
verna  son  abbaye  pendant  six   ans,   puis  il  la  résigna,  et  «;«■• 
mourut  peu  de  temps  après,  le  i*^"^  novembre  ly.'SG.  ^'^■,v-  «626. 

Dans  l'article  de  Barthélémy,  prédécesseur  d'Iltienne,  ce 
dernier  se  trouve  cité  comme  auteur  de  quelques  serinons  ci-detsus,  p. 
qui  se  lisent  à  la  suite  de  ceux  de  Barthélémy,  et  quoique  124,125 
ces  productions  soient  peu  nombreuses  et  peu  considérables 
en  elles-mêmes,  nous  avons  cru  devoir  en  faire  mention, 
pour  justifier  la  place  accordée  à  leur  auteur  dans  cette  His- 
toire httéraire. 

D'après  la  note  qu'on  lit  au  manuscrit,  et  qui  fixe  à 
soixante-dix  le  nombre  des  sermons  de  l'abbé  Barthélémy, 
on  est  en  droit  de  conclure  que  les  vingt-six  pièces  qui  ter- 
minent le  volume  sont  de  la  composition  de  l'abbé  Etienne, 
et  de  quelques  autres  désignés  généralement  dans  le  prolo- 
gue. On  est  d'autant  plus  autorisé  à  maintenir  cette  division 
entre  les  productions  des  deux  abbés,  que  le  recueil  des  dis- 
cours de  l'abbé  Barthélémy  comprend  celui  du  26*  dimanche 

Ta 


XIII  SIECLE. 


i48  ETIENNE  DE  BRANCÏON, 

après  la  Pentecôte,  au  lieu  que  le  premier  discours  de  l'abbé 
Etienne  et  ceux  qui  suivent  ne  présentent  que  des  sujets  d'ho- 
mélies intercalaires  à  la  série  complète  du  cours  des  homélies 
qui  remplissaient  l'année.  C'est  donc  de  la  supputation  atten- 
tive de  toutes  les  pièces  du  manuscrit  que  doit  résulter  le 
témoignage  incontestable  du  sens  de  la  rubrique  placée  à  la 
fin  de  la  table  des  matières  qui  est  en  tête  du  volume;  et 
si  Casimir  Oudin  y  eût  donné  plus  d'attention,  il  n'aurait 
pas  privé,  comme  il  l'a  fait,  l'abbé  Etienne  du  droit  d'oc- 
cuper une  place  dans  son  recueil  des  écrivains  ecclésiastiques. 

Il  était  assez  naturel  que  le  premier  discours  de  notre 
abbé  fût  par  lui  consacré  à  son  patron  :  aussi  dans  l'ordre 
de  ceux  qui  doivent  lui  être  attribués ,  le  premier  qu'on  ren- 
contre a-t-il  été  prononcé  en  l'honneur  de  saint  Etienne;  le 
îi*  sur  la  Nativité  de  saint  Jean  l'évangéliste;  le  3^  sur  la  fête 
des  saints  Innocents;  le  4*^  sur  llntiocence;  le  5^  sur  la  Pu- 
rification de  Marie;  le  6«  sur  son  Annonciation;  le  7«,  De 
Sacramento ,  sur  le  symbole  des  trois  jours  saints;  le  8*  sur 
le  jour  de  la  Résurrection  de  Jésus-Christ  ;  le  9^  sur  la  céré- 
monie des  Rogations;  le  10''  sur  le  prophète  Elisée;  le  1 1« 
sur  la  fête  du  jour  de  la  Pentecôte;  le  12*  est  une  suite  du 
même  sujet;  le  i3«sur  l'octave  de  la  Pentecôte;  le  i4^  est 
un  discours  sur  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste  ,  ainsi  que 
le  i5*^;  le  16®  est  sur  la  fête  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul;  le  17^  sur  celle  de  saint  Pierre-ès-liens;  le  18*  sur  la 
Transfiguration  de  Jésus-Christ  à  la  montagne;  le  19^  sur 
l'Assomption  de  la  Vierge  ;  le  20*  est  une  suite  du  précédent  ; 
le  21*  est  sur  le  règne  du  Sauveur,  et  le  22*  en  est  une 
suite;  le  23*^  traite  des  vices  en. général,  sous  la  figure  des 
sept  nations;  le  24*^  est  destiné  aux  fêtes  du  commun  des 
confesseurs;  le  26*  traite  du  combat  de  Goliath;  le  26*^  et 
dernier,  de  l'onction  d'Elisée,  considérée  dans  son  allusion 
spirituelle. 

Tous  ces  discours  ont  été  faits  en  forme  d'homélies  fort 
courtes;  la  dernière,  par  exemple,  n'ayant  que  dix  lignes 
d'étendue,  paraît,  ainsi  que  quelques  autres  qui  sont  d'une 
dimension  également  abrégée,  n'avoir  été  que  le  thème  de 
quelques  discours  dont  les  développements  n'auront  point 
été  écrits.  Pour  donner  quelque  idée  du  style  et  de  la  com- 
j)Osition  de  notre  abbé ,  il  nous  suffira  de  transcrire  le 
commencement  de  son  discours  sur  la  Pentecôte,  et  de  re- 
produire sa  comparaison  des  sept  dons  de  l'Esprit-Saint  avec 


XXIIe  ABBÉ  DE  CLUNY.  i49 

XIII  SIÈCLE. 

les  sept  cordes  du  psaltërion  ,  dont  l'usage  était  très-commun  

au  xiii^  siècle.  Ce  discours  commence  ainsi  : 

Factus  est  de  ccclo  sonus ,  ex  cujus  consonantid ,  mira 
procedit  melodia-,  per  septem  discrimina.  Septem,  siint  enini 
chordœ  in  hâc  musicd,  in  quitus  tam.  recto  ascensu  etdescensu, 
quam  alternatione  consonaris  compago  repletur.  Rectum 
descensuni  habes  in  Isaid,  qui  à  spiritu  sapientiœ  inchoans, 
ad  spuitura  timoris  descendit.  In  Evangelio  ascensum  habes 
à  timoré  usque  ad  gapientiam.  In  Itbro  Sapientiœ  habes  al- 

ternationem Et  sic  cum  suavi  dulcedine  reddit  melo- 

diam Hœ  quatuor  chordœ  circa  actionem  versantur , 

très  reliquœ  circà  contemplationem.  Spiritus  consilii  circa, 
dilectionem  proximi  acutum  facit  ;  oui  superveniens  spiritus 
intellectûs  subtiliter  examinât  et  judicat  quid  meliiis  propo- 
natur.  Quod  ergb  adinvenit  illius  acuitas ,  examinât  hujus 
subtilitas.  Spiritus  sapientiœ  stahilis  est ,  versatur  enim  circà 
cognitionem  Dei ,  ubi  statio fit. 

On  remarquera  dans  ce  morceau  quelques  mots  employés 
dans  un  sens  peu  commun:  le  mot  acuitas  entre  autres,  qui 
ne  se  trouve  pas  dans  les  dictionnaires  ordinaires,  est  ex- 
pliqué par  Du  Gange  en  ces  termes  :  acumen  styli  vel  inge- 
nii ,  etc. 

En  lisant  le  discours  de  notre  abbé  sur  là  fête  de  la  Nativité 
de  saint  Jean -Baptiste  ,  on  trouve  une  expression  dont 
l'emploi  surprend  au  moyen  âge,  c'est  le  mot  république.  . 
Voici  le  passage:  Joannes  cœli perlustrat  rempublicam.  Res- 
publica  cœli  est  communis  sanctorum  cœtus.  Est  itaque  tan- 
quam  angélus  inter  angelos ;  Ecce,  inquit ,  mitto  angelum 
MEUM.  Est  propheta  inter  prophetas.  Est  apostolus ,  id  est 
missus  à  Deo ;  est  martyr,  est  conj'essor,  quia  confessus  est 
QUOD  NON  ESSET  Christus.  Est  vïrgo.  In  omni  ergb  ordine 
sanctorum  habet  aliquani  dignitatem  ;  perlustrat  itaque  rem- 
publicam. P.  R. 


GUILLAUME. 

ABBÉ  DE  CITE  AUX.  «o»t  vers  1237, 

Lje  religieux  dont  nous  faisons  ici  mention  fut  le  21''  abbé 
de  Cîteaux,  le  3*  du  nom  de  Guillaume.  Le  lieu  et  le  temps 

1  3 


i5o  GUILLAUME, 

XIII  SIÈCLE.      ,  .  •'      ^  •..,-..  , 

ne  sa  naissance  sont  ignores.  On  croit  quil  était  moine  de 


Manriq. ,  An-  Clairvaux,  quand  le  chapitre  général  des  Cisterciens  l'élut 

I.  cislerc,  .ir-  ■  •  -  .  -^ 

1227  ,  C.  VIII, 


na .  cisierc,  ann.  poQp  guccéder  à  l'abbé  Jacques ,  mort  le  28  avril  1227.  Guil 


3,  5,  t.  iv.'p!  laume  remit  en  vigueur  d'anciens  statuts -monastiques ,  et 

341.  342-  on  peut  lui  attribuer  ceux  qui  émanèrent  des  chapitres  gé- 

'  ■'    *""■  néraux  de  son  ordre,  présidés  par  lui  depuis  1227  jusqu'en 
1227,  ex,  n.  I.         oc  n  .r  '  X    .  '     -,       1       •      »  ■'       •      1 

— i228,c.  IX,  n.   1 2 JD.  Le  sont  la  ses  principaux  écrits  :  ils  n  ont  pas  une  grande 

».2.3.— 1233,  importance.  Il  ordonne  de  célébrer  solennellement  la  fête 
c  ^"n'i''i3V  —  ^^  sainte  Elisabeth,  la  fête  et  l'octave  de  l'Assomption  de  la 
i235,c.  n,n.  I.  sainte  Vierge,  d'ouvrir  les  chapitres  par  une  messe  du  Saint- 
— i236,c.  »iii,  Esprit;  de  prier  pour  le  pape,  pour  les  rois  de  France  et 
\',l'Vii~^-i^^'  d'Angleterre.  Il  recommande  de  n'élire  pour  abbés  que  des 
466,  490,  5i4,  nommes  sages,  lettres  et  a  un  âge  mur;  de  maintenir  plus 
532.  soigneusement  la  distinction  établie  entre  les  frères  convers 

et  les  autres  moines,  en  joignant  toujours  cette  dénomina- 
tion de  com'ers  a  celle  de  frère,  lorsqu'il  s'agit  d'un  religieux 
de  cette  classe.  Réformer  les  abus,  extirper  les  désordres  qui 
se  sont  introduits  dans  les  monastères  cisterciens  de  l'un  et 
de  l'autre  sexe,  voilà  le  but  de  ses  constants  efforts.  Il  veut 
qu'à  l'avenir,  les  religieuses  n'aient  d'entretien  avec  les  per- 
sonnes étrangères,  même  avec  leurs  confesseurs,  qu'à  travers 
des  grilles  ou  fenêtres  convenablement  préparées  pour  cet 
usage.  Nec  detur  licentia  loqiiendi  cuiquam ,  nisi  per  fe- 
ncstram  ad  hoc  decentiàs  prœparatam  ;  et  per  eamdem 
fenestram  loquatur  etiani  de  confessione.  Puisqu'elles  ont 
renoncé  aux  parures  mondaines ,  il  leur  prescrit  de  porter  la 
cuculle  ou  coulle  sans  manteau,  ou  le  manteau  sans  cuculle, 
et  de  se  servir  de  voiles  noirs:  Moniales  haheant  cucullam 
sine  mantello ,  vel  mantellum  sine  cuculld,  et  velaminibus 
nigris .  .  .  utanlur.  Un  autre  article  déclare  que  les  religieuses 
excommuniées  ne  pourront  être  absoutes  que  par  leur  pro- 
pre abbé,  ou  par  le  commissaire  qu'il  aura  délégué  à  cet 
effet. 

En   i22q,  l'abbé  Guillaume  reçut  du  pape  Grégoire  IX 

des  lettres  qui  le  chargeaient  de  travailler  à  la  réconciliation 

des  rois  de  France  -et  d'Angleterre.  Il  avait  des  titres  à  la 

ibid.  ,   ann.  vénératioii  (le  l'un  et  de  l'autre;  mais  sa  mission  était  plus 

1229,0. 11,11. 1,  facile  à  remplir  auprès  du  premier  :  la  récente  fondation  d'un 

V-' î'-e' '*' '^    monastère  cistercien  à  Royaumont  l'avait  mis  en  rapport 

'   '   '  avec  Louis  IX  et  la  reine  Blanche,  qui,  à  mesure  qu'ils  le 

connaissaient  mieux,  l'estimaient  et  l'aimaient  davantage. 

Quoiqu'il  n'eût  pas  les  mêmes  moyens  de  succès  auprès  de 


ABBÉ  DE  CITEAUX.  i5i 

XIII  SIÈCLE. 

l'autre  monarque,  il  jouissait  d'une  telle  autorité,  et  il  la  

savait  employer  avec  tant  de  prudence,  qu'il  parvint  à  déta- 
cher le  prince  anglais  du  parti  du  duc  de  Bretagne.  En  la 
même  année,  Guillaume  fut  un  des  trois  juges  commis  par 


ami. 


le  pape  pour  la  réparation  des  dommages  et  des  outrages      ibid. 

que  l'archevêque  de  I..yon  avait  soufferts.   Ce  fut  aussi  en   1229,  c.  vin,  n. 

1229   que  l'abbé  de  Cîteaux  fonda  l'abbaye  de  la  Pitié,  de  3'„o'3' ,''  '"'^' 

Pietate  Dei ,  au  diocèse  du  Mans.  lùd. ,n.  la, 

Grégoire  IX,  dans  une  lettre  qu'il  écrivait  en  laSi  à  l'abbé  P-  ^g*- 

de  Cîteaux ,  témoignait  une  grande  bienveillance  pour  cet 

ordre,  auquel  Guillaume  affiliait  alors  un  monastère  de  filles  ^  ^  n  lo'^paV 

qui  venait  d'être  établi   près  de  Troyes.  Trois  ans  après,  475'.— c.viii,n. 

quelques  évêques  ayant  entrepris  d'exercer  sur  les  élections  ï-7.p-43i,4^2. 

des  abbés  une  influence  illégitime,  Guillaume  s'en  plaignit  ,33^'^  ',  „""- 

au  pape,  qui  s'empressa  d'assurer  la  liberté  des  élections  10, p! 468,  469, 

claustrales ,  et  accorda  même,  à  cette  occasion ,  de  nouveaux  420.— c.  n,  n. 

privilèges  aux  Cisterciens.  En  1 286,  Guillaume,  par  ordre  de  La.— c'^viVô' 

Grégoire  IX,  se  rendit  à  Prémontré,  y  prononça  la  destitu-  9,  10, p.  487.'— 

tion  de  l'abbé  Hugues,  en  le  déclarant  intrus,  et  rétablit  c.  xi,n.  6,  n, 

celui  dont  Hugues  avait  usurjié  la  place.  C'est  le  dernier  ^^'gl*       ' ''^'''' 

acte  public  de  Guillaume  qui,  en  1 287,  abdiqua  les  fonctions      ibid.  ,   ano. 

d'abbé  de  Cîteaux,  qu'il  remplissait  depuis  10  ans,  et  se  re-  ''-'5^'  f'-^^>  °- 

tira  dans  son  premier  monastère  de  Clairvaux  ,  où  il  mourut  '"ibij.  *^  ann 

simple  moine.  On  lit  à  ce  sujet  dans  une  chronique  cister-   1227,  c.  vm, 

cienne,  écrite  en  vers  :  "•  ^'  '•  '^'  P- 

'  341. 

Guilielmus  sequitur,  sed  clara  valle  potitus, 
Ascendens  moritur  illic ,  intusque  sepultus. 


De  Visch  et  Fabricius  le  disent  auteur  de  quelques  ser-      BibUoih. 


CIS- 


mons,  particulièrement  d'un  discours  mystique  sur  l'Assomp-  'erc,  în.  Bibi. 
tion  de  la  sainte  Vierge.  Nous  n'avons  aucun  document  positif  l"^^,  *'  ■"'^^  '»'• 
sur  i  époque  précise  de  sa  mort.  Mais  1  histoire  ollre  peu 
d'exemples  de  personnages  qui  aient  survécu  long-temps  à 
l'abdication  d'une  éminente  dignité.  La  solitude  profonde  qui 
succède  subitement  à  des  relations  si  nombreuses,  à  une  ac- 
tivité si  continuelle ,  devient  presque  toujours  plus  difficile  à  . 
supporter  qu'on  ne  l'a  présumé  au  moment  où  l'on  s'y  con- 
damnait. Or  un  abbé  de  Cîteaux  était,  au  xiii^  siècle,  un  très- 
haut  et  puissant  prélat ,  gouvernant  les  5oo  religieux  de  sa 
propre  communauté,  et  supérieur-général    de  plus  de  25o 
autres  monastères  de  l'un  ou  de  .l'autre  sexe. 

Le  P.  Ange  Manrique,  à  qui  nous  avons  emprunté  les 


XIII  SIECLE. 


i52  GILLES  DE  LEWES, 

détails  biographiques  relatifs  à  l'abbé  Guillaume,  termine  ses 
Annales  cisterciennes  à  l'an  1 236,  et  par  conséquent  va  bien- 
tôt cesser  de  nous  fournir  de  pareilles  notices.  11  nous  a  été 
souvent  utile  dans  tout  le  cours  de  cette  Histoire  littéraire. 
A  la  vérité,  sa  critique  n'est  pas  très-sévère,  et  sa  crédulité 
peut  quelquefois  sembler  excessive.  Mais  on  doit  de  la  recon- 
naissance à  ses  recherches  laborieuses  :  il  a  rassemblé ,  dis- 
posé, mis  en  ordre  des  matériaux  sans  nomJjre.  Ce  moine 
espagnol ,  né  à  Burgos  vers  1677,  courut  évêque  de  Badajoz, 
en  1649,  ^  l'époque  où  l'on  achevait  à  Lyon  l'édition  de  son 
ouvrage  ,  en  4  volumes  in-folio.  D. 


MOBT  en  1237. 


GILLES  DE  LÈWES, 

PRÉMONTRÉ, 
SURNOMMÉ  LE  BLANC-GENDARME. 


(jii.LESDE  LÈWES,  Originaire  de  Zérieb-Zée  dans  l'île  de  Wal- 

chren ,  ayant  fait  profession  à  l'abbaye  de  Middelbourg  au 

interSacraan-  jj^^^j;^  d'Utrccht,  v  fut  Ordonné  prêtre,  et  reçut  la  mission 

liquilatis  Monu-  1        "^        I        |-    •  '     r'  '       J      13  II 

menia,  L  II,  p.  daller  prêcher  la  parole  divnie  a  I.ewes,  près  de  Bruxelles. 
ii^.Biampinius,  Lg  succès  de  sa  mission  le  fit  élire  pasteur  de  la  ville  où  il 
innotisadChro-         jj  f.jjj  ggg  prédications.  C'est  de  là  que,  connu  précédem- 

nicam  VicoDien-  i  ,  i         \  1  .^ 

sera.  ment  sous  le  surnom  de  Walckeren,  A^gidius  de  f  aiacria, 

il  ne  le  fut  plus  dans  la  suite  que  sous  celui  de  Lèwes  ou 
de  Lèvres,  jusqu'à  ce  que  ses  exploits  guerriers  lui  eussent 
valu  celui  de  Blanc-Gendarme,  surnom  qui  correspondait 
très-bien  à  sa  haute  stature,  à  la  couleur  de  son  costume 
de  Prémontré  et  à  sa  vaillance.  Il  s'était  d'abord  acquis  une 
grande  réputation  littéraire  par  son  érudition  en  divers  gén- 
ies, par  ses  connaissances  dans  les  lois,  et  il  avait  été  reçu 
docteur  en  droit  civil  et  canonique.  Cette  réputation  qu'il 
s'était  déjà  faite  avant  d'être  élu  pasteur  de  la  ville  de  Lèwes, 
fait  présumer  qu'il  avait  environ  quarante  ans,  à  la  date  de 
Annal,  orciin.  cette  dernière  circonstance.  On  peut  donc  conjecturer  qu'il 
prainonsirat    I.  paq^it  yg^s  l'an  II 74 ,  et  qu'il  avait  atteint  en  1287,  année 
|iinius,utsuprà.  de  sa  mort,  I  âge  approxunalii  de  oo  a  70  ans. 

La  première  chronique  où   paraît  le  nom  de  Gilles  de 
Lèwes,  est  celle  de  Baudouin,  chanoine-diacre  de  l'abbaye 


PREMONTRE.  i53 


XIII  SIECLE. 


de  Ninove,  ordre  de  Prëmontré.  Il  s'y  trouve  marque  sous 
l'an  i2[4i  que  Gilles  prêcha  la  croisade  d'outremerà  Bruxel- 
les, et  qu'il  enrôla  pour  cette  expédition  plusieurs  milliers 
d'hommes  :  Hoc  tempore  cœpit  prœdicare  JEgidius  de  Lewes        Baiduiaus 
plebanus  juxtà  BruxeUatn ,  qui  signavit  signo  crucis  multa  chronic.,p.  i8a. 
millia   hominum.   La    qualification    de  plebanus    nous    fait 
assez  connaître  qu'il  n'était  pas  d'extraction  noble,  quelque 
ennobli  qu'il  ait  été  d'ailleurs  par  sa  science,  son  courage  et 
les  autres  qualités,  qui  lui  méi itèrent  deux  fois  les  honneurs 
de  la   préiature  élective.  Le  même  chroniqueur  retarde  le      p.  184. 
départ  de  ce  croisé  pour  la  Terre-Sainte  jusqu'à  l'an  1227; 
mais  il  y  a  ici  nécessairement  quelque  transposition  de  fait, 
et  voici  les  raisons  qui  la  font  présumer. 

Il  paraît  d'abord  peu  probable  que  le  prédicateur  de  la 
croisade  à  Bruxelles,  en  1214,  ait  tardé  treize  ans  à  accom- 
plir son  propre  vœu.  Ensuite  la  date  de  122^,  assignée  au 
départ  de  Gilles  par  la  chronique  de  Baudouin,  est  précisé- 
ment celle  de  son  élection  comme  V«  abbé  de  Middelbourg, 
suivant  les  annales  de  l'ordre  de  Prémontré.  Ici  l'on  remar- 
quera avec  surprise  que  Blampigny,  annotateur  de  la  chro- 
nique précédente  et  de  celle  de  Vicogne,  n'ait  rien  dit  sur 
la  contradiction  qui  devait  exister  entre  la  date  de  cette 
élection  et  celle  du  départ  de  Gilles  pour  la  Terre-Sainte. 
Cependant  Blampigny,  qui  accompagne  la  page  de  notes 
beaucoup  moins  essentielles  à  la  critique  historique,  aurait  pu 
faire  observer,  pour  expliquercettecontradiction,  que  l'article 
de  la  chronique  qui  marque  ce  départ,  ne  commence  pas 
comme  les  autres  par  des  chiffres  ,  mais  par  ces  mots 
eodem  anno ,  expression  dont  le  rapport  avec  les  mots  qui 
la  précèdent  peut  faire  supposer  avec  raison  que  la  date 
1227  n'appartient  au  départ  de  Gilles  de  Lèwes  que  par 
l'effet  d'une  intercalation  peu  réfléchie  de  la  part  du  chro- 
niqueur. 

Les  particularités  qui  concernent  la  vie  de  Gilles  de  Lèw^es 
se  relèvent  de  divers  faits  dispersés  dans  la  chronique  du 
même  Baudouin,  qui  nous  a  fourni  les  dates  précédentes; 
ensuite  dans  celle  de  Godefroy,  et  enfin  dans  la  relation  du 
siège  de  Damiette  rédigée  par  Olivier,  écolâtre  de  Cologne. 
Ces  deux  derniers  chroniqueurs  ne  nomment,  il  est  vrai , 
nulle  part  Gilles  de  Lèwes;  mais  comme  ils  rapportent 
uniformément  divers  exploits  auxquels  le  cardinal- légat  Pe- 
lage tut  présent,  il  doit  s'ensuivre  qu  ayant  été  son  pénitencier, 

Tome  XV m.  V 

1    3    . 


i54  GILLES  DE  LEWES, 

Xm  SIÈCLE.     ^.,,         ,      _,  .  .„..,.., 

Gilles  de  Lewes  avait  eu  part  aux  mêmes  taits  militaires  dont 

Pelage  dirigeait  les  entreprises. 

Après  avoir   fixé  la   date   certaine   de   sa   prédication    à 
Bruxelles  en  I2i4»  et  ^^  sa  nomination  à  la  cure  pastorale 
de  Lèwes,  il  est  naturel  de  conjecturer  que  notre  chanoine 
régulier  dut  partir  pour  la  croisade  en  même  temps  qu'An- 
Rer"  Germanie!  ^ré ,  roi  de  Hongrie;  Léopold,  duc  d'Autriche;  Guillaume, 
Script. ,  t.  I ,  p.  comte  de  Hollande;  George,  comte  de  Wide;  et  le  grand 
^^^-  nombre  de  'croisés  d'Allemagne  qui  s'embarquèrent  sur  la 

Meuse  le  29  de  mai  1217,  ayant  leurs  vêtements  marqués 
de  cette  inscription  :  Rex  rcgum  et  Dominus  dominantnvn. 
Il  est  tout  aussi  naturel  de  supposer  que  la  division  conduite 
par  les  comtes  de  Hollande  et  Wide  était  celle  dont  leur 
compatriote  Gilles  de  Lèwes  a  àù  faire  partie,  avec  l'escouade 
des  Blavotins  et  des  frères  convers  prémontrés,  dont  il  sera 
bientôt  parlé  avec  détail.  En  conséquence,  partout  où  ces 
comtes  sont  nommés,  Gilles  de  Lèwes  remplissait  très-pro- 
bablement un  service  à  la  fois  apostolique  et  guerrier,  suivant 
l'usage  de  ces  temps-là.  Il  les  aura  donc  suivis  successivement 
en  Angleterre,  en  Bretagne,  et  arrivé  avec  eux  à  Lisbonne, 
il  aura  participé  en  Portugal  aux  exploits  de  ces  seigneurs 
oiiverii,  Hisi.  contrc  Ics  Sarrasius,  et  notamment  au  siège  du  château  d'Al- 
Damiatina,  pag.  cazar,  qui  fut  pris  le  21  octobre  121 7,  après   trois  mois  de 
'^Fi'eui-v    Hist    résistance,  par  les  Teutons  et  les  Frisons  que  commandaient 
eccles.,  li'b.  78,  cu  cbcf  Ics  comtcs  dc  Hollande  et  de  Wide.  Les  croisés  de 
p-  45i.  cette  expédition  ayant  hiverné  à  Lisbonne,  Gilles  de  Lèwes 

en  sera  reparti  avec  le  comte  de  Wide,  son  plus  proche  com- 
patriote, et  après  avoir  partagé  les  dangers  de  la  tempête 
Godefridi,An-  qui  dispcrsa  la  flotte  à  la  vue  de  Ceuta,  le  jour  de  Pâques, 
nai.,p.  387.  Gilles  de  Lèwes  aura  enfin  abordé  avec  ce  comte  au  rivage 
de  Damiette,  trois  jours  après  la  fête  de  l'Ascension,  l'an 
1218. 

Cependant  l'Espagnol  Pelage,  cardinal-évêque  d'Albano, 
qui  avait  déjà  rempli  les  fonctions  de  légat  auprès  de  Henri, 
empereur  de  Constantinople,  fut  envoyé  sous  le  même  titre 
vers  la  Palestine,  en  vertu  d'une  lettre  d'Honorius  datée  du 
18  mai  12 18.  Il  paraît  donc,  d'après  l'enchaînement  de  toutes 
Fleiirv  ,  pag.  CCS  datcs  consécutivcs ,  que  c'est  alors  que  le  légat  aura  atta- 
461.  ché  à  sa  mission  et  à  sa  personne  Gilles  de  Lèwes  en  qua- 

lité de  pénitencier,  et  que  ce  dernier  en  aura  commence  les 
fonctions  vers  le  mois  de  septembre  de  la  même  année,  à 
laquelle  ce  cardinal,  parti  de  Brindes,  aborda  en  Syrie  ;  car 


PREMONTRE. 


i55 


c'est  en  cette  qualité  de  pénitencier  que  notre  croisé  écrivit 
la  lettre  aux  Brabançons,  dont  il  sera  question  à  la  fin  de  cet 
article. 

On  ne  doit  point  s'étonner  que  la  chronique  de  Godefroy, 
et  surtout  que  l'histoire  de  Damiette,  écrite  par  l'écolâtre 
de  Cologne,  n'aient  cité  nulle  part  Gilles  de  Lèwes,  parmi 
les  nombreux  détails  qu'on  y  trouve  relativement  au  siège 
de  cette  ville;  car  il  est  à  remarquer  qu'Olivier  ne  nomme 
dans  sa  relation  aucun  croisé,  quelque  rang  qu'il  ait  occupé, 
et  quelque  illustration  qu'il  ait  acquise  par  ses  exploits.  Bien 
différent  en  cela  de  Ville-Hardoiiin  et  de  Henri  de  Valen- 
ciennes,  qui  nomment  presque  toujours  ceux  qui  s'étaient 
distingués  par  leurs  actions,  Olivier  a  omis  le  nom  même 
du  jeune  soldat  frison  qui  combattait  armé  d'un  fléau,  ei 
qui  s'en  servait  si  adroitement,  qu'il  abattit  à  ses  pieds  le 
porte-étendard  du  Soudan,  et  rapporta  au  camp  français  cet 
étendard  couleur  de  safran.  C'est  qu'en  effet,  dans  les  chro- 
niques qui  viennent  d'être  citées,  tous  les  succès  demeu- 
rant en  commun,  ne  sont '  rapportés  nommément  qu'au 
Seigneur,  Dieu  des  armées.  Telle  est  la  différence  de  l'esprit 
qui  dirigeait  la  croisade  politique  de  Constantinople,  et  celui 
qui  animait  la  croisade  positivement  religieuse  delà  Terre- 
Sainte.  Cette  différence  se  manifeste  par  le  style  même  de  leurs 
chroniques;  et  c'est  une  remarque  échappée  au  littérateur  qui 
a,  dans  ces  derniers  temps,  entrepris  de  caractériser  les  divers 
points  de  vue  des  expéditions  des  croisades  d'outremer.  Ce 
n'est  donc  que  par  incident  que  la  chronique  de  Vicogne ,  en 
relevant  nommément  les  hauts  faits  de  Gilles  de  Lèwes,  a 
suppléé  au  silence  des  deux  autres,  et  particulièrement  de 
celle  qu'Olivier  rédigea  sur  les  lieux  mêmes;  mais  il  faut  ici 
reprendre  les  récits  de  plus  haut. 

Nous  apprenons  dans  la  chronique  de  Vicogne  qu'un  des 
premiers  actes  de  la  vie  canoniale  du  Blanc-Gendarme  fut 
la  conversion  de  cinq  des  vingt  brigands  qui  infestaient  de 
meurtres  et  de  rapines  les  environs  de  l'abbaye  de  Middel- 
bourg  ,  dont  il  était  profes,  et  qu'après  être  parvenu  à  per- 
suader à  leur  chef  même,  qui  se  nommait  Ornand,  d'entrer 
dans  son  ordre  en  qualité  de  frère  convers,  ainsi  qu'aux 
quatre  autres,  il  employa  les  mêmes  dons  de  persuasion  et 
de  zèle  pour  éteindre  les  guerres  civiles  qui  s'allumaient 
alors  entre  les  Ysengriens,  c'est-à-dire  les  loups,  suivant 
Du  Cange,  et  les  Flaventins  ou   Blavotins,  populations  si- 

V  2 


XIII  SIECLE. 


Chronic.     Vi- 
con.,  p.  ai 4- 


VIII 

ann 


i56  GILLES  DE  LÈWES, 

1  tuées  sur  les  conBns  de  la  Hollande,  de  la  Zélande,  de  la  Flan- 
dre, et  dont  les  haines  mutuelles  étaient  exaltées  à  tel  point 
que,  dans  toute  rencontre,  le  père  et  le  fils  même  se  jetaient 
1  un  sur  l'autre  pour  s'étouflér  à  qui  mieux  mieux.  L'anna- 
Meyer,  Flan-  Hste  de  Flandre  rapporte  qu'en  l'année  i56i  ,  où  il  rédigeait 

drise Annal, lib.  ses  annales,  on  appelait  encore  lundi  rouge  l'anniversaire 
,  p.  64,  ad  jy  premier  de  ces  combats  qui  eut  lieu  en  laoG.  Gilles  de 
Lèwes ,  alors  probablement  âgé  de  trente-deux  ans  environ, 
ayant  réuni  les  principaux  instigateurs  de  ces  discordes  ci- 
viles, leur  représenta  dans  ses  prédications  combien  il  était 
horrible  de  verser  ainsi  le  sang  de  ses  parents  et  de  ses  pro- 
ches ,  mais  que  ce  serait  une  guerre  vraiment  glorieuse ,  s'ils 
tournaient  leurs  armes  contre  les  ennemis  des  chrétiens.  La 
chronique  n'offre  pas  le  développement  du  discours  dont 
nous  venons  de  donner  la  substance,  mais  elle  ajoute,  pour 
en  faire  connaître  l'issue,  qu'après  l'avoir  entendu,  les  chefs 
ysengriens  et  blavotins  s'embrassèrent  mutuellement,  et 
qu'ils  firent  aussitôt  leurs  préparatifs  pour  accompagner 
Gilles  de  Lèwes  à  la  croisade  de  la  Terre-Sainte.  C'est  donc 
ainsi  qu'à  l'aide  de  la  chronique  de  Vicogne,  on  peut  sup- 
pléer au  silence  des  autres  qui  ont  été  citées  ci-dessus,  et 
qu'on  peut  relever  spécialement  les  noms  de  ceux  qui  accom- 
pagnaient plus  immédiatement  notre  Blanc-Gendarme,  et 
qui  combattaient  fidèlement  à  ses  côtés.  Entre  autres  exem- 
ples, ce  sont  ces  Blavotins  avec  les  frères  convers  dont  il  est 
parlé  précédemment,  que,  sous  la  dénomination  générale 
de  Teutons  et  de  Frisons,  la  chronique  d'Olivier  et  celle  de 
Baudouin  font  combattre  à  la  prise  d'un  pont  de  bateaux 
qui  était  occupé  par  les  musulmans.  Il  faut  ici  se  borner  à 
traduire,  le  plus  littéralement  qu'il  se  pourra,  le  latin  de  la 
chronique  de  Viccgne. 

Gilles  de  Lèwes,  dit  le  chroniqueur,  armé  de  son  cas- 
que et  de  sa  cuirasse  recouverte  de  son  camail  à  capuchon, 
s'avança  vers  le  pont  à  la  tête  de  sa  brigade;  mais  voyant 
qu'il  n'était  suivi  de  personne,  il  se  retourne  vers  ses  com- 
patriotes, qu'il  trouve  effrayés  à  la  vue  de  la  multitude 
d'ennemis  dont  le  pont  était  couvert,  et  il  leur  adresse  ce 
discours:  «  Frères,  ce  n'est  pas  de  la  multitude  des  soldats 
„  que  dépend  le  succès  d'une  attaque,  c'est  par-dessus  tout 
(c  de  l'assistance  du  Dieu  qui  la  protège.  Marchez  hardiment 
«  à  ma  suite ,  et  s'il  en  doit  être  ainsi  ,  mourons  en- 
«  semble;  car  c'est  ici  la  guerre  du  Seigneur.  Quant  à  moi, 


XIII  SIECLE. 


PREMONTRE.  167 

«  après  avoir  rempli  auprès  de  vous  le  devoir  d'un  pas- 
«  teur,  je  vais  faire  le  sacrifice  de  ma  vie  pour  la  vôtre.  » 
Voyant,  après  avoir  ainsi  parlé,  que  sa  compagnie  n'e'tait 
point  encore  ébranlée  par  ce  premier  discours,  il  reprend, 
et  somme  nommément  le  chet  Ornand  et  les  quatre  autres 
convers  ,  autrefois  brigands  et  routiers,  de  le  suivre  à  l'atta- 
que. «  Mes  enfants,  leur  dit-il ,  ce  sera  donc  vous  qui  mar- 
«  cherez  sur  mes  pas;  vous,  du  moins,  qui  naguère  dirigiez 
«  les  vôtres  dans  la  voie  du  crime  et  des  remords;  vous  qui 
«  ne  connaissiez  j)as  alors  le  prix  d'une  seule  bonne  action, 
«  mourez  donc  aujourd'hui  pour  votre  salut.  La  mort  est 
«  courte,  mais  bien  longue  est  la  vie  qui  succède  à  un  acte 
«  si  court;  et  quelque  petit  que  soit  le  mérite  du  sacrifice, 
«  la  rémunération  en  est  immense.  Si  vous  êtes  de  vrais 
«  frères  convers,  convertissez- vous  donc  entièrement  ici 
«  avec  moi;  car  ce  n'est  pas  assez  d'avoir  commencé,  on 
«  n'obtient  rien  dans  aucune  affaire,  si  l'on  cesse  de  la  pour- 
«  suivre,  la  récompense  et  la  couronne  n'étant  destinées  qu'à 
«  la  seule  persévérance.  » 

Après  ces  paroles,  Gilles  de  Lèwes  se  recommande  à  Dieu, 
pique  son  cheval,  et  s'élance  sur  l'ennemi,  suivi  d'Ornand 
et  de    ses   quatre  autres  frères    convers.   Mais  les    Frisons 

3ui  restaient  encore  en  arrière,  rougissant  bientôt  d'être 
emeurés  témoins  oisifs  du  combat  engagé  par  six  moines 
seulement,  se  demandèrent  l'un  à  l'autre  ce  qu'était  devenu 
leur  courage  accoutumé,  et  se  joignant  aussitôt  aux  premiers 
combattants,  ils  remplirent  si  bien  leur  devoir,  qu'ils  tuè- 
rent ou  mirent  en  fuite  les  Sarrasins  jusqu'alors  maîtres  du 
pont.  C'est  en  cette  occasion  que  le  pénitencier  du  cardinal 
Pelage  s'est  acquis  le  titre  de  Miles ,  et  sans  doute  le  surnom 
de  Blanc-Gendarme  qu'on  lui  a  toujours  conservé,  ainsi  que 
le  portaient  d'autres  documents  cités  comme  ayant  été  re- 
cueillis à  l'abbaye  de  Vicogne,  par  Blainpigjiy,  éditeur  pré-  liiam 
montré  de  la  chronique.  H  est  ajouté  c|ue  c'est  à  l'abbaye  ''^'''  '^'"'-  l'^î 
même  de  Vicogne  que  la  relation  précédente  fut  faite  de  vive 
voix  par  l'écuyer  de  Gilles  de  Lèwes,  lequel  avait  combattu 
à  ses  côtés  dans  cette  action;  et  le  clironiqueur  Mcntégny, 
qui  nous  fournit  ces  détails,  assure  qu'il  avait  vécu  avec  des 
chanoines  (|ui  avaient  entendu  cette  relation  de  la  bouche 
même  de  l'écuyer,  lorsqu'il  était  venu  à  l'abbaye  pour  visiter 
Gilles  de  lèwes,  don»,  il  ignorait  la  mort  alors  toute  récente. 
Or,  Montégny  ayant  vécu  jusque   vers  l'an    i3o3,  auquel 


JIIIIIS  , 


pag 


i58  GILLES  DE  LEWES, 

XIII  SIÈCLE.  .  •  >•, 

sa  chronique  se  termine,  on  conçoit  quil  a  pu  converser 

avec  des  contemporains  de  Gilles  de  Lèwes  qui  mourut  en 
1237,  et  avec  recuyermême  qui  avait  rapporté  ces  faits  très- 
peu  de  temps,  sans  doute,  après  cette  année;  car  l'espace 
qui  sépare  les  deux  dates  de  la  mort  de  l'abbé  et  de  celle  du 
chroniqueur  n'est  que  de  soixante-six  ans. 

On  serait  tenté  de  traiter,  au  premier  abord  ,  ces  relations 
de  romancières,  mais  la  critique  judicieuse  remarquera  sans 
doute  que  rien  ici  ne  tient  du  merveilleux;  car  pour  peu 
qu'on  soit  familiarisé  avec  la  lecture  de  Ville -Hardouin  et 
des  autres  chroniqueurs  des  croisades,  on  n'ignore  pas  l'a- 
vantage qu'a  toujours  eu  un  moindre  nombre  de  chevaliers 
français  sur  une  nombreuse  armée  de  musulmans.  N'en 
avons- nous  pas  eu  dans  notre  histoire  contemporaine  des 
exemples  assez  marquants.''  Mais  ce  qui  prouve  plus  direc- 
tement qu'on  doit  avoir  toute  confiance  dans  les  détails  don- 
Godefridi.An-  nés  par  l'écuycr  (le  Gilles  de  Lèwes,  c'est  que  la  chronique 

nai.,  p.  389.  (Ju  bénédictin  Godefroy  et  celle  d'Olivier,  ecolâtre  de  Colo- 
gne qui,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  ne  citent 
jamais  nommément  les  auteurs  des  hauts  faits  d'armes  qui 
ont  eu  lieu  dans  cette  guerre,  s'accordent  uniformément  sur 
celui  de  la  prise  du  j)ont  par  des  Teutons  et  des  Frisons, 
au  nombre  de  dix  au  plus.  Voici  comment  ce  fait  est  rapporté 
dans  la  chronique  d'Olivier  : 
Oliver.,  Hist.       «  Lcs  Teutons  et  les  Frisons  indignés  envahirent  le  pont 

Daiiiiat.,p.i/,o7.  «  à  l'aide  de  Dieu  et  avec  un  grand  courage,  et  l'on  vit  alors 
tf  ceux  de  cette  nation,  réunis  au  nombre  de  dix  au  plus, 
«  combattre  contre  toutes  les  forces  des  Babyloniens,  mon- 
«  ter  sur  le  pont ,  s'en  emparer,  le  rompre  et  retourner  vers 
«  nous  triomphants,  avec  les  quatre  navires  sur  lesquels  le 
«  pont  avait  été  jeté,  nous  laissant  par-là  libre  la  navigation 
«  supérieure  du  fleuve.  Undè  Teutonici  et  Frisones  indig- 
a  nati ,  auxiliante  Deo ,  pontem  viriliter  invaserunt.  Pau- 
a  ciores  autem  viri  quam  decem  de  gente  prœdictâ ,  contra 
a  ûmnem  Jbrtitudinem  Dahyloniorum ,  pontem  ascendentes, 
ti  fregerunt  eunideni ,  et  sic  cuni  quatuor  navibus  super  quas 
n  pons  eFat  fundatus  reversi  sunt  cuni  triumpho ,  liherarn 
«  viani  et  apertam  surshm  velificantibus  relinquentes.  »  Ce 
fait  est  le  seul  de  ce  genre  qui  soit  rapporté  dans  les  chroni- 
ques depuis  l'arrivée  du  cardinal-légat  au  mois  de  septembre 
12 18,  et  il  est  fixé  au  3o  novembre  de  la  même  année.  L'effet 
en  fut  tellement  lié  au  dénoûment  du  siège,  que  dès  le  jour 


XIII  SIECLE. 


PRÉMONTRÉ.  i5g 

même  de  cette  victoire,  la  ville  de  Damiette  fut  investie  de 

tout  côté  par  l'armée  des  croisés.  id.,  ibid. 

On  doit  donc  naturellement  supposer  qir'il  y  avait  unifor- 
mité de  sentiments  entre  le  légat,  qui  était  le  général  en 
chef  de  cette  expédition  ,  et  Gilles  de  Lèwes,  son  pénitencier; 
et  ce  qui  est  rapporté  touchant  l'attaque  définitive  qui  rendit 
les  croisés  maîtres  de  Damiette,  en  fournit  une  nouvelle 
preuve.  Le  légat,  contre  l'avis  de  beaucoup  de  chefs,  avait 
résolu  secrètement,  avec  un  petit  nombre  de  ses  plus  intimes 
confidents,  de  faire  de  nuit  cette  attaque;  les  chroniques  de 
Godefroy  et  d'Olivier  disent  que  la  ville  se  rendit  sans  dé- 
fense, et  suivant  le  style  de  leur  rédaction  accoutumée,  ces 
chroniques  n'ont  point  spécifié  le  nom  du  chef  qui  se  pré- 
senta le  premier  à  ses  portes;  mais  d'après  la  relation  faite  à 
l'abbaye  de  Vicogne,  par  l'écuyer  témoin  oculaire  dont  il  a 
été  parlé  précédemment,  la  chronique  rapporte  que  ce  fut 
le  Blanc-Gendarme,  lequel,  après  une  courte  exhortation  à 
sa  compagnie,  ayant  poussé  son  cheval  en  avant,  et  mis  sa 
lance  en  arrêt,  avait  à  peine  touché  les  portes  de  la  ville, 
qu'elles  s'ouvrirent  pour  livrer  sans  défense  aux  croisés  une 
population  accablée  à  la  fois  par  la  famine  et  les  maladies 
contagieuses.  L'état  horrible  où  ils  trouvèrent  la  ville  de 
Damiette  a  été  décrit  à  l'article  d'Olivier  de  Cologne  ,  qui  en 
fut  aussi  témoin  ,  et  avec  les  paroles  mêmes  de  cet  historien, 
que  nous  ne  répéterons  pas  ici.  A|irès  le  long  siège  qu'il 
avait  soutenu  dans  ses  murs,  le  soudan  avait  pris  la  fuite, 
et  l'avait  abandonnée,  son  armée  ayant  été  détruite  en  partie 
dans  les  divers  combats  qu'il  avait  livrés. 

Ce  fut  à  cette  occasion  que  Gilles  de  Lèwes  écrivit  aux 
fidèles  du  Brabant  et  de  la  Flandre  une  lettre  qui  se  trouve 
dans  l'undes  recueils  de  Martène,  d'après  un  manuscrit  du 
monastère  d'Aulnes.  Cette  lettre,  dont  nous  allons  donner 
ici  en  partie  la  traduction,  peut  être  considérée  comme 
une  pièce  officielle  de  cette  époque,  et  l'original  peut  donner 
une  idée  du  style  latin  du  Blanc-Gendarme. 

«  A  tous  les  fidèles  chrétiens  du  Brabant  et  de  la  Flandre      Manène/riif- 
«  à  qui  ces  lettres  parviendront ,  frère  Gilles  de  Lèwes,  pé-  «ai"  Anecdot.,i. 
tt  nitencier  du  seigneur  légat  du  saint-siége  apostolique  dans     '  ^'    ' '' 
«  les  régions  orientales,  salut  et  prières  dans  le  Seigneur. 

«  Dieu  du  haut  de  son  sanctuaire  a  exaucé  les  supplica- 
«  lions  de  ses  serviteurs,  en  ne  permeltant  pas  que  tant  de 
«  dépenses  aient  été  inutilement  prodiguées  par  les  chré- 


i6o  GILLES  DE  LEWES, 


XIII  SIECLE. 


«  tiens  pour  le  siège  de  Damiette,  et  que  le  carnage  qu'ils 
(c  ont  souffert  demeurât  impuni;  mais  sa  providence  pleine 
«  de  clémence  et  de  miséricorde  a  rempli  en  grande  partie 
a  les  vœux  de  son  armée.  Cette  ville  était  si  bien  fortifiée, 
«  qu'elle  ne  pouvait  être  attaquée  avec  succès,  ni  par  eau, 
«  ni  par  terre,  et  l'armée  chrétienne  désespérait  presque  de 
«  .jamais  la  réduire  par  lemploi  seul  du  courage  et  de  la 
«  force  humaine.  La  réduction  de  cette  place  était  donc  ré- 
«  servée  au  seul  bras  du  Seigneur  qui  combattait  pour  nous. 
«  C'est  ce  que  personne  de  l'armée  ne  connaissait,  excepté 
«  le  légat,  et  ce  qu'ont  exécuté  quelques-uns  de  sa  maison, 
«  ainsi  que  de  ceux  qu'il  tenait  à  sa  solde,  et  auxquels  il 
«  avait  secrètement  confié  son  dessein.  C'est  ainsi  qu'aux 
«  nones  de  novembre,  et  durant  le  silence  de  la  nuit,  la 
«  ville  a  été  prise  par  ruse,  sans  violer  cependant  la  justice, 
a  ou  plutôt  par  l'aide  miraculeuse  de  Dieu,  et  surtout  si 
«  merveilleusement,  que  dans  cet  exploit  nous  n'avons  pas 
«  eu  un  seul  homme  de  tué,  pas  même  de  blessé,  excepté 
«  celui  qui  reçut  une  flèche  au  pied,  et  dont  la  blessure  n'é- 
«  tait  pas  plus  grave  que  celle  d'une  saignée,  prœter  iinum 
«  qultanquainjlehotomiœ,  ictum sagittœ recepit inpede.  Mais 
«  du  coté  des  Sarrasins,  il  en  est  tombé  sous  le  tranchant  du 
«  glaive  un  si  grand  nombre  ,  que  nous  en  avons  conçu  nous- 
«  mêmes  du  regret,  tôt  ceciderunt  ed  die  in  are  gladii quod 
«  etiam  nobis  displicuit ,  etc.  »  Cette  dernière  expression, 
bien  différente  de  celle  qu'employait  Pierre  de  Vaux-Cernai 
en  pareille  circonstance,  nous  fait  connaître  les  sentiments 
d'humanité  qui  tempéraient  le  caractère  guerrier  de  notre 
Blanc-Gendarme. 

La  suite  de  sa  lettre  donne  des  détails  sur  la  quantité  d'or 
et  d'argent,  de  soieries,  de  pierres  précieuses  et  de  muni- 
tions de  tout  genre  dont,  suivant  l'expression  de  Gilles  de 
Lèwes,  les  Egyptiens  furent  dépouilles  en  cette  circonstance. 
Oliver.,  Hist.  Il  est  dit  dans  la  chronique  d'Olivier,  que  le  clergé  de  l'ar- 
Damiai.  p.  1/119.  xiïée  cut  part  à  la  distribution  de  l'or  et  des  pierres  pré- 
cieuses qui  furent  prises  dans  Damiette;  et  comme,  à  cette 
occasion,  l'écolàtre  de  Cologne  se  plaint  que  la  part  que  l'on 
fit  à  Dieu,  dans  la  personne  de  ses  ministres,  fut  la  plus  pe- 
tite, celle  que  le  Blanc-Gendarme  rapporta,  et  dont  nous 
verrons  bientôt  l'emploi,  ferait  penser  qu'il  sut,  en  qualité 
sans  doute  de  commensal  du  légat,  obtenir  une  meilleure 
part  du  butin  que  ne  le  put  l'écolàtre  de  Cologne. 


PREMONTRE.  i6i 


XIII  SIÈCLK. 


Si,  comme  il  paraît  assez  probable,  le  Blanc-Gendarme  a 
continué  de  rester  attaché  à  la  personne  du  cardinal  Pelage, 
il  aura  passé  avec  lui  à  Rome,  après  que  les  Sarrasins  eurent 
repris  Damiette,  le  vingt-huit  septembre  1221 ,  et  sans  doute 
il  aura  accompagné  ce  cardinal  au  congrès  tenu  à  Vérone 
pour  les  affaires  de  la  croisade,  vers  la  Saint-Martin  de  l'an 
1222.  On  ne  sait  aucune  autre  particularité  de  sa  vie  publi- 
que, si  ce  n'est  qu'ayant  été  admis  à  l'audience  du  pape,  il  y 
fut  accueilli  si  honorablemetit,  que  le  pontife  ne  voulut  pas 
qu'il  s'agenouillât  en  l'abordant;  mais  il  lui  dit  en  l'embras- 
sant, qu'un  homme  qui  faisait  tant  d'honneur  à  l'Eglise  ne 
devait  pas  être  assujéti  à  l'étiquette  commune.  Blampigny 
note  en  marge  que  ce  pape  était  Grégoire  IX;  mais  comme  \.lpag.  ai';, 
ce  pontife  ne  fut  proclamé  qu'au  20  mars  122^,  et  que  Gilles  de 
Lèwes  dévint  abbé  de  Middelbourg  en  1226,  il  paraît  plus 
que  probable  que  le  pape  qui  le  reçut  à  Rome  fut  Hono- 
rius  III,  qui  ne  mourut  que  le  18  mars   1227. 

Elu  ensuite  abbé  de  Vicogne  vers  la  fin  de  l'an  i22p,  après 
avoir  gouverné  près  de  trois  ans  sa  première  abbaye,  il  em- 
ploya une  partie  du  butin  qu'il  avait  fait  à  Damiette,  à  aug- 
menter le  vestiaire  et  la  pitance  de  ses  prémontrés;  et  comme 
les  abbés  généraux  de  son  ordre  s'o[)posaient  à  ce  qu'il  fît 
distribuer  par  tête,  chaque  jour,  une  pinte  de  vin,  semilotum,  voit  Du  Can 
Gilles  de  Lèwes  leur  répondit  ainsi:  «  Gouvernez -vous  à  fie,Gioss  smcf 
«  votre  gré  dans  l'usage  du  produit  de  vos  vignes  ;  car  si  vous 
a  possédez  des  vignobles,  j'ai  acquis,  moi,  d'assez  grandes 
«  sommes  d'argent  pour  en  user  suivant  ma  volonté.  «Néan- 
moins, d'après  la  remarque  du  chroniqueur,  quel  qu'ait  été 
le  bien  dont  le  Blanc-Gendarme  avait  comblé  ses  chanoines, 
ils  ne  !e  payèrent  qued'ingratitude;  saisissant,  par  exemple, 
l'occasion  de  l'accuser  auprès  des  généraux  de  l'ordre,  parce 
que,  dans  une  circonstance  où  un  évéque,  son  ancien  com- 
pagnon de  croisade,  était  venu  le  visiter,  il  avait  décidé  que 
tout  le  chapitre  irait  à  sa  rencontre  jusqu'à  la  porte  de  l'ab- 
baye, les  chanoines  avaient  prétendu  dans  leur  plainte,  que 
cet  honneur  était  indu  pour  la  réception  d'un  évêque  étranger 
au  diocèse. 

Les  dernières  particularités  de  la  vie  de  cet  abbé,  rappor- 
tées dans  la  chronique  de  l'abbaye  de  Vicogne,  sont  les 
prédications  éloquentes  qu'il  faisait  à  Gand  contre  la  rapacité 
des  usuriers  dont  cette  vili'e  était  remplie.  Enfin  après  avoir 
gouverné  cette  abbaye  pendant  l'espace  de  huit  années,  il 

Tome  A  Vin.  \ 


mot.      Cliionic. 
Vicoii. ,  p.  ii'\. 


i62  JEAN  HALGRIN, 

XIII  SIÈCLE.  o       1  1  1  1-1 

mourut  en  12J7,  le  f)  de  mars,  regrette  de  ses  chanoines,  la 

Anoai.pia;m.,  clironinue  Ic  uit  du  moins;  mais  est-elle  véridique  sur  ce 

t     II      l>     lO""  • 

"      point,  comme  elle  paraît  l'être  sur  tout  le  reste  ? 

Gilles  de  Lèwes  eut  pour  successeur  Gérard  de  Cirvia,  qui 
avait  partagé  avec  lui  le  gouvernement  de  l'abbaye  comme 
prieur.  Il  parait  que  c'était  un  homme  beaucoup  trop  tolé- 
rant, si   l'on  en  juge  d'après  une  anecdote  que  le  chroni- 
chionic.  Vi-  queur  Montégny  raconte  dès  le  commencement  àe  l'article 
Lon.,  p.  216.      qui  concerne  cet  abbé. 

Autant  qu'on  en  peut  juger  d'après  le  seul  monument  qui 
nous  soit  resté  du  style  latin  de  Gilles  de  Lèwes,  on  y  re- 
connaît une  composition  sage  et  sans  enflure  ;  partout  le  sens 
en  est  clair,  nonobstant  l'enjambement  de  quelques  phrases. 
Tous  les  termes  en  sont  d'une  latinité  pure,  excepté  celui  de 
\oiri)uCan-  rckabere ,  qui  paraît  être  un  gallicisme  tiré  de  notre  ancien 
vei'b  *  °*^  niot  rehavoir.  I /orthographe  même  du  vnot  flebotomia  n'est 
point  barbare,  suivant  les  exemples  reproduits  dans  nos 
meilleurs  lexiques.  Sa  lettre  ne  contient  rien  d'ailleurs  qui 
soit  rédigé  dans  l'intention  de  relever  son  propre  mérite,  et 
il  a  fallu  réunir  et  comparer  beaucoup  de  détails épars  et  de 
rencontres  fortuites,  qui  ont  été  consignés  de  son  temps, 
pour  avoir  pu  donner  une  idée  assez  étendue  d'un  person- 
nage justement  historique,  courageux  et  éloquent,  dont  le 
portrait  n'était  complet  dans  aucune  de  nos  anciennes 
chroniques,  et  dont  le  nom  même  ne  se  trouve  pas  dans  la 
Biographie  universelle.  P.  R. 


JEAN  HALGRIN  D'ABBEVILLE, 

,     ,         DOYEN    DE    L'ÉGLISE    D'AMIENS,  PUIS   ARCHEVÊQUE    DE 

MORT  le  2  3  sep- 

lembre  123-.  BESANÇON,  ET  DEPUIS  GARDINAL-ÉVÈQUE  DE  SABINE. 

,,.        ,,.       V^E  prélat,  plus  connu  sous  le  nom  de  Jean  d'Abbeville  que 

.lAi.beviiie.pa"^!  sous  cclui   d'Halgriu  ou  d'Alegrin,  naquit  à  Abbeville  en 

520.  Picardie.  Il  appartenait  à  la  famille  desHalgrins,  qui  jouissait 

d'une  assez  grande  illustration,  puisque  l'un  des  frères  de 

notre  prélat  était  revêtu  de  la  charge  de  chancelier  de  France 

en  laijo,  sous  le   règne  de   Louis  IX,  et  que  Nicolas  Haï- 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.  i63 

,      .        .       ,  r  '^"^  SrtCLE. 

grin,  autre  membre  de  cette  famille,  était  titré  en  1268  de  

mayeur  d'Abbeville.  On  ne  connaît  pas  la  datede  la  naissance 
de  Jean;  et  tout  ce  que  l'on  peut  dire  de  ses  premières  an- 
nées, c'est  que  ses  parents  trouvant  en  lui  d'heureuses  dis- 
positions, le  destinèrent  aux  études,  et  l'envoyèrent  à  Paris      Hist.  univ.Pa- 
où  il  fit  des  progrès  si  rapides,  qu'il  y  reçut  bientôt  le  titre  "^  ''     '^'^  ^ 
de  docteur,  et  que  par  suite  il  obtint  une  chaire  de  théologie      q^j^;„  ,  m 
dans  l'Université.  Oudin  assigne  à  l'année  de  son  doctorat  la  p.  43. 
date  de  1220. 

Les  supérieurs  de  l'ordre  de  Cluny,  dans  le  collège  des-      i^'^i-  ciuniac 
quels  il  avait  fait  ses  études  et  acquis  sa  célébrité  à  Paris,  le  i""*'P- 
mirent  à  la  tête  du  prieuré  de  Saint- Pierre  d'Abbeville, 
poste  qu'il  ne  garda  pas  lotig-temps;  car  il  devint  bientôt  après 
chanoine    et  chantre  de  l'église  de  Saint-WIfrand  dans  la 
même  ville.  Sa  réputation  ayant  fait  désirera  Evrard,  évê- 
que  d'Amiens,  de  le  rapprocher  de  lui,  il  le  nomma  doyen      ç.^^^  ^^^    , 
de  son  chapitre,  dignité  qu'il  occupa  jusqu'à  l'année  1225,  x,col.2i8.' 
en  laquelle  il  fut  appelé  à  l'archevêché  de  Besançon. 

Oudin  ayant  assigné  l'année  1220  pour  celle  de  son  doc- 
torat, il  faudrait  de  là  conclure  que  de  1220  à    1226,  Jean 
Halgrin  aurait  été  professeur  de  théologie,  aurait  eu  le  temps 
d'acquérir  sa  réputation  de  prédicateur,  aurait  été  prieur  de 
Saint-Pierre,  chanoine  et  chantre  de  Saint-WIfrand,  et  enfin 
doyen  de  l'église  d'Amiens.  Ces  emplois  successifs  semble- 
raient exiger  un  plus  grand  espace  de  temps,  et  montreraient 
déjà  qu'Oudin  a  commis  ici  une  erreur,  si    du   reste   nous 
ne  la  trouvions  ailleurs  relevée.  En  effet,  les  rédacteurs  de 
la    Gallia  christiana  disent  que  notre  prélat  fut  doyen  de      loco  cit. 
l'église  d'Amiens  de  l'an  1218  a  l'an  i225.  Or  si,  comme  cela 
paraît  probable,  il  y  a  une  faute  d'impression  dans  le  texte 
d'Oudin,  et  que  ce  soit  l'an    1210  qu'il  faille  entendre,  au 
lieu  de   1220,  l'espace  qui  s'écoula  de  la  première  de  ces 
dates  à  l'année  1218,  sera  suffisant  pour  justifier  l'exercice 
des  différentes  fonctions  qu'on  fait  remplira  Jean  Halgrin; 
et  alors,  en  supposant  qu'il  eiît  vingt-cinq  ou  trente  ans  en- 
viron quand  il  fut  reçu  docteur,  on  aura  pour  date  approxi- 
mative de  sa  naissance  les  années  1 180  ou  1 185. 

En   1225,  le  légat  du  saint -siège,  Romain,  cardinal  de 
Saint-Ange,  le  sacra  à  Reims  archevêque  de  Besançon,  non  ^  [^""^./g' ' 
par  l'ordre  de  Grégoire  IX,  comme  le  dit  Ciaconius,  mais 
par  celui  d'Honorius  III ,  puisque  Grégoire  ne  fut  élu  qu'en      ,'?"'''Vî?.7r" 
1 227.  En  cette  dernière  année ,  Honorius  l  avait  désigne  pour  p  -g^ 

X2 


Hisl.  ercl.a'A- 
heville,  p.  5>o. 


i64  JEAN  HALGRIN, 

XIII  SIÈCLE.     ,  .  ,       ^  .  ,  . 

• le  patriarcat  de  Constantinople;  mais  ce  pape    étant  mort 

Ciacon.,1.  II,  (Jans  la  même  conjoncture,  Grégoire  IX  qui  lui  succéda,  et 

'  '  fjui,  selon  l'Iiistoiien  d'Abbeville,  faisait  le  plus  grand  cas 

des  conseils  de  ce  personnage,  parce  que,  dit  du  Boulay,  il 

l'avait  connu  dans  les  écoles  de  Paris,  ne  consentit  point  à 

son  départ;  mais  il  l'éleva  à  la  dignité  de  cardinal-évêque 

Hisi.univ.Pa-  du  titre  de  Sabine,  en  septembre   laay,  dans  I  intention  de 

lis.t.  lil.pag.  l'employer  aux  affaires  du  saint-siége.  Ce  prélat  n'occupa 

^!^''  ainsi  que  deux  ans  le  siège  de  Besançon. 

•  V  En  laaS,  Grégoire  IX,  sollicité  par  Jacques,  roi  d'Aragon, 

.soniio,  p.  261.    ayant  ordonné  une  croisade  contre  les  Sarrasins,  le  cardinal- 
évêque  de  Sabine  fut   envoyé  en  Espagne  pour  la  prêcher. 
Ciacon.'  t.  II    Cette  mission,  qui  l'occupa  trois  ans,  lut  couronnée  du  plus 
p.  79.  grand  sucres,  dit  Ciaconius.  A  son  retour  en  Italie  et  à  son 

passage  à  Barcelone,  il  fit  la  connaissance  du  célèbre  Ray- 
•  .  mond  de  Pennafort,  qui  dans  la  suite  devint  prieur-général 

des  Frères-prêcheurs,  et  qui  recueillit  en  cinq  livres  les  dé- 
crétales  des  papes.  Halgrin  l'attacha  à  sa  personne  en  qualité 
de  pénitencier,  et  l'emmena  en  Italie.  Il  était  à  peine  rentré 
à  Rome,  que  le  pape  le  choisit  pour  son  légat  en  Allemagne, 
OudiD,  t.  III,  avec  mission  d'engager  l'empereur  Frédéric   II  à  se  récon- 
cilier avec  l'Eglise,  plutôt  par  zèle  et  par,  conviction,  que 
contraint  par  les  armes  des  confédérés.  Halgrin  s'acquitta  de 
cette  légation  avec  tant  de  succès,  que  Frédéric,  renonçant  à 
Eli.  du  Pin  ,  ses  projets  de  désordre  et  de  schisme,  fit  sa  paix  avec  le  saint- 
xiirs.,  chap.j.  siège,  vint  à  Anagni  recevoir  l'absolution  de  son  excommu- 
nication ,  et  conclut  avec  le  pape  un  accommodement,  lequel 
n'eut  qu'une  bien  courte  durée. 

Les  affaires  de  sa  légation  en  Allemagne  étant  finies ,  notre 
prélat  revint  à  Rome,  et  il  y  mourut  le  aS  septembre  1287, 
et  non  1240  comme  le  disent  Ciaconius  et  avec  lui  quelques 
Moieri,  Veib.  historieus   français.  En  effet,  sa  mort  est  fixée  en    lai^, 
Aiegrin.  d'abord  par  Ughelli ,  qui  assigne  à  la  même  année  la  no- 

mination du  successeur  de  Jean  Halgrin  au  titre  de  cardinal- 
Ugheiii,  liai,  évêque   de    Sabine  ;  en    second   lieu,  par  le    cartulaire  de 
.Sacr.,  r.  x,p.  l'église   d'Amiens,  où    cette  mort    est  marquée   à  la  même 
'^9-  date;  enfin  par  une  lettre  que  Jean  de  Columna ,  cardinal, 

x.c'oi  l'îi'o  '    écrivait  à  Ottoboni ,   légat  en  Angleterre,  et  dans  laquelle, 
après  lui   avoir  fait    part    du  chagrin   que   lui   donnait   la 
Oudin  ,  loco  scission  des  Grecs,  qui  avaient  paru  pendant  quelque  temps 
«^'i-  vouloir    rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise,   et    de    la   confu- 

sion qui  régnait  en  ce  moment  à  la  cour  de  Rome,  proba- 


Xni  SIECLE. 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.         i65 

blement  à  cause  des  démêlés  qui  avaient  lieu  entre  le  pape 
et  l'empereur,  il  lui  parle  ensuite  de  notre  prélat  en  ces  ter- 
mes :  «  Ce  qui  met  le  comble  à  notre  douleur,  c'est  que  cette 
«  colonne  illustre  qui  soutenait  avec  tant  de  gloire  l'édifice 
«  de  l'Église,  je  veux  dire  le  vénérable  cardinal  de  Sabine, 
«  a  été  enlevé  subitement  du  milieu  de  nous.  En  proie  d'a- 
«  bord  à  un  mal  violent  qui  se  changea  en  une  lente  agonie, 
«  il  nous  a  quittés  pour  se  rendre  dans  le  royaume  du  Sei- 
«  gneur,  laissant  à  l'Eglise,  sa  mère,  la  douleur  de  sa  perte, 
«  qui  est  pour  elle  un  sujet  de  gémissements  et  de  deuil.  » 

Après  avoir  fait  remarquer  l'erreur  de  Ciaconius  et  de 
ceux  qui  placent  la  date  de  la  mort  de  Jean  Halgrin  en  1240,  |^  p."4q4  *'^*'" 
il  convient  de  faire  remarquer  de  même,  que  Guill.  Cave  la     Triihèm., cap. 
place  en  1 286  et  Trithème  en  1 233.  coxm. 

Ce  personnage,  distingué  d'abord  par  sa  naissance  et  par 
le  rang  que  sa  famille  occupait  dans  le  monde,  parait  cepen- 
dant n'avoir  dû  son  illustration  particulière  et  son  élévation 
qu'à  ses  qualités  et  à  ses  talents.  Deux  de  ses  frères,  qui      Gali. chr.,T. 
comme  lui  entrèrent  dans  la  carrière  de  l'Eglise,  restèrent,  x.col.  laig. 
l'un  chanoine  et  l'autre  doyen  de  l'église  d'Amiens. 

On  attribue  communément  à  Jean  Halgrin  quatre  ouvrages 
qui  doivent  à  présent  faire  le  sujet  de  noire  examen.  Le  pre- 
mier a  pour  titre  :  Magistii  Joannis  de  Abbevilla  Summa 
sermonum.  Le  deuxième  est  intitulé  :  Ejusdem  semiones  per      ^„    ,   ... 

^         ,  ^  •',  .  '  EH.   dn  PiD . 

annum.  «  Les  deux  ouvrages  sont  restes  manuscrits,  parce  loc 
«  que,  dit  EUies  Dupin,  on  ne  les  a  pas  crus  dignes  d'être 
«  donnés  au  public.  »  Mais  si  ces  sermons  n'ont  pas  été  im- 
primés, il  en  a  été  fait  du  moins  de  nombreuses  copies;  car 
la  Bibliothèque  royale  de  Paris  possède  vingt-cinq  manu- 
scrits de  Jean  d'Abbeville,  dont  vingt-trois  reproduisent  ses 
sermons,  et  les  deux  autres  contiennent  des  commentaires 
sur  le  livre  des  psaumes,  et  enfin  une  exposition  sur  le 
cantique  des  cantiques.  Outre  ces  manuscrits,  il  s'en  trouve 
encore  quel(|ues  exemplaire  à  la  Bibliothèques  de  l'Arsenal, 
à  la  Mazarine  et  ailleurs. 

L'ordre  que  nous  avons  adopté  pour  parler  de  ces  ouvra- 
ges nous  fait  placer  les  sermons  en  premier  lieu;  ensuite  les 
homélies,  puis  les  commentaires,  et  enfin  l'exposition  du 
cantique.  Nous  nous  croyons  quant  à  cela  fondés  sur  la  remar- 
que suivante.  Un  manuscrit  du  recueil  des  sermons  porte  en 
quelques  endroits,  à  côté  du  titre,  les  noms  des  églises 
de  Paris  oii  ils  ont  été  prononcés.  Ce  sont  celles  de  Saint- 

1  4 


ciL 


i66  JEAN  HALGRIN, 


XUI  SIECLE. 


Gervais ,  de  Saint-Victor,  de  Notre-Dame,  de  Saint-Jacques 
pro  scholaribus ,  de  Saint-(iermain-des-Prés,  de  Saint-Denis, 
de  Saint- Julien ,  et  le  plus  souvent  de  i'abbaye  des  reli- 
gieuses de  Saint- Antoine,  rt^  moniales  apud  Sanctum  An- 
tonium.  Quelques-uns  de  ces  sermons  étaient  prononcés  en 
langue  vulgaire,  in  vulgari ,  comme  porte  le  titre,  surtout 
quand  ils  étaient  destinés  au  public  de  Saint- Gervais,  de 
Notre-Dame,  etc.;  mais  l'auteur,  après  les  avoir  prononcés 
en  français,  les  écrivait  en  latin.  Ceux  qui  étaient  prêches  à 
Saint-Jacques,  à  Saint-Victor  et  à  l'abbaye  de  Saint-Antoine, 
l'étaient  en  latin,  ce  qui  montre  que  les  religieuses  de  ce 
dernier  monastère  n'étaient  pas  étrangères  à  cette  langue. 
On  peut  conclure  de  cette  remarque  que  Jean  Halgrin 
commença  à  se  faire  connaître  à  Paris  comme  prédicateur, 
pendant  qu'il  y  professait  la  théologie,  ainsi  qu'il  a  été  dit 
plus  haut.  Le  troisième  ouvrage,  qui  est  le  commentaire  sur 
les  psaumes,  et  probablement  le  second,  qui  est  le  recueil 
des  homélies,  auront  été  composés  pendant  que  leur  auteur 
était  doyen  de  l'église  d'Amiens ,  ce  qui  dura  sept  ans.  Le 
loisir  que  cette  fonction  lui  laissait,  le  ton  qu'il  prend  ordi- 
nairement dans  les  homélies  en  s'adressant  à  ses  auditeurs, 
qui  paraissent  avoir  été  des  prêtres  et  des  religieux ,  aux- 
quels il  parle  avec  autorité;  enfin  une  note  écrite  sur  un 
manuscrit  qu'il  a  légué  à  la  maison  de  Sorbonne,  voilà 
les  motifs  qui  nous  ont  engagés  à  en  fixer  la  date  à  cette 
époque.  Enhn  le  dernier  ouvrage,  qui  est  l'exposition  sur 
le  cantique,  a  été  composé  en  i233,  comme  le  porte  le 
manuscrit;  et  alors  l'auteur  était  devenu  cardinal-évêque 
de  Sabine. 

Tous  ces  ouvrages  peuvent  être  considérés  sous  le  même 
point  de  vue,  c'est-à-dire  qu'ils  ne  sont  à  proprement 
parler  que  des  commentaires  de  l'Ecriture- Sainte.  Dans 
ses  sermons ,  l'auteur  ne  s'élève  guère  au-dessus  de  l'ex- 
plicalion  et  de  la  glose  sur  les  nombreux  passages  du  texte 
sacré  qu'il  cite.  Dans  les  homélies,  il  suit  encore  pas  à  pas 
l'Écriture,  dont  il  explique  presque  chaque  parole,  et  dont  il 
cherche  à  faire  connaître  le  sens  à  l'aide  des  citations  tirées 
Hcmic.Gauiies.  dcs  uutrcs  parties  des  livres  sacrés.  Henri  de  Gand,  archi- 
cap.xxxviii.  diacre  de  Tournay,  qui  vécut  dans  le  même  siècle  que  Jean 
Halgrin,  mais  un  peu  plus  taixl  que  lui,  en  porte  le  jugement 
suivant:  «  Il  a  écrit,  dit-il,  des  sermons  tant  pour  les  di- 
«  manches  que  pour  les  fêtes ,  dans  lesquels  il  expose  d'abord 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.         167 

«  les  paroles  evahgéliques  et  apostoliques  ;  puis  il  y  ajoute 
«  des  explications  si  prolixes,  si  remplies  des  témoignages 
«  de  l'Écriture-Sainte,  qu'ils  ne  peuvent  qu'avec  beaucoup 
«  de  peine  être  appris  par  cœur.»  En  faudrait- il  conclure 
qu'il  était  alors  reçu  de  prêcher  les  sermons  des  prédicateurs 
qui  étaient  devenus  célèbres.'^  Jean  Trithème  dit  à  son  tour  : 
«  Ce  fut  un  homme  d'une  très -grande  érudition  dans  les 
«  divines  écritures,  un  interprète  très -célèbre  des  lettres 
«  sacrées ,  qui  enseigna  plusieurs  années  avec  gloire  dans 
«  l'Université  de  Paris,  et  qui  avait  un  talent  extraordinaire 
«  pour  annoncer  la  parole  divine  au  peuple.  »  Mais  après  cet 
éloge  pompeux,  Trithème  répète  les  paroles  de  Henri  de 
Gand ,  et  il  ajoute  que  ses  sermons  sont  tombés  dans  l'oubli 
à  mesure  qu'il  en  a  paru  de  meilleurs. 

On  remarquera  qu'après  avoir  loué  l'auteur  des  sermons 
sur  son  savoir  et  sur  son  éloquence,  après  avoir  dit  même 
que  ce  fut  son  grand  talent  oratoire  qui  le  fit  élever  sur  le 
siège  de  Besançon,  Trithème  détruit  lui-même  cet  éloge, 
au  point  de  trouver  que  ces  sermons  ont  été  condam- 
nés justement  à  l'oubli.  Jean  Halgrin  ne  méritait  peut-être 
ni  les  grands  éloges  qu'il  lui  donne,  ni  le  jugement  sévère 
qui  les  suit.  J^a  lecture  que  nous  avons  faite  des  sermons, 
des  homélies,  et  des  commentaires  sur  le  psautier,  nous  a 
fait  reconnaître  dans  leur  auteur  un  homme  d'un  jugement 
sain  ,  d'un  raisonnement  juste,  d'une  morale  éclairée  qui  ne 
va  jamais  au-delà  des  justes  limites  de  la  sévérité  évangé- 
lique.  On  y  trouve,  il  est  vrai,  comme  dans  presque  tous  les 
orateurs  de  ce  siècle ,  des  interprétations  sophistiques ,  dé- 
tournées du  vrai  sens,  quelquefois  des  puérilités  et  des  ex- 
pressions dont  saint  Bernard  même  n'était  pas  exempt  ; 
mais  Jean  Halgrin  n'est  sujet  à  ces  défauts  que  rarement, 
et  moins  souvent  qu'on  ne  l'était  encore  au  temps  de  Tri- 
thème; car  la  chaire  chrétienne  n'a  vu  disparaître  tous  ces 
défauts  qu'aux  approches  du  grand  siècle  de  la  littérature 
française. 

S'il  est  vrai  que  l'orateur  chrétien  ne  doive  faire  entendre 
dans  la  tribune  sacrée  que  les  paroles  de  l'Evangile,  qu'il  doive 
endévelopperauxpeupleslesensorthodoxe,  leurfaireconnaî- 
tre  les  obligations  qu'elles  leur  imposent,  les  secours  qu'elles 
leur  fournissent,  et  les  promesses  qu'elles  leur  font,  notre 
orateur  a  rempli  assurément  le  ministère  dont  il  était  chargé; 
car  il  ne  prêche  que  l'Evangile  et- les  leçons  apostoliques. 


Xni  SIÈCLE. 


Loco  cit.  " 


XIU  SIÈCLE. 


Dante,  Parad. 
XXII,  st.  3g. 


i68  JEAN  HALGRIN, 

qu'il  appuie  constamment  des  passages  de  l'Ancien  Testa- 
ment. Il  est  vrai,  et  c'est  le  reproche  qu'on  lui  fait,  que  les 
citations  en  sont  si  fréquentes  que  son  discours  n'en  est  pres- 
que qu'un  tissu  continuel,  dont  les  parties  ne  sont  pas  toujours 
adaptées  avec  choix;  mais  ce  défaut  montre,  au  moins,  qu'il 
possédait  et  savait,  pour  ainsi  dire,  par  cœur  toute  la  Bible. 
Ce  qui  lui  a  manqué,  c'est  d'avoir  su  s'approprier  les  paroles 
sacrées  pour  les  fondre  dans  ses  discours,  au  lieu  de  les 
citer  continuellement  et  de  les  développer  tour  à  leur;  ce 
qui  rend  la  lecture  de  ses  sermons  aride,  fatigante,  et  ce 
qui  prive  son  style  de  toute  espèce  de  vigueur.  Nonobstant 
ces  défauts,  desquels  l'auteur  convient  dans  son  prologue, 
les  homélies  et  les  sermons  de  Jean  Halgrin .  par  le  ton 
décent  et  religieux  qui  règne  dans  leur  composition  ,  sur- 
tout par  l'absence  de  toute  réflexion  étrangère  à  la  religion  , 
méritent  d'être  remarqués-  à  une  époque  où  les  discours 
prononcés  dans  la  chaire  n'étaient  souvent  que  des  disserta- 
tions subtiles  et  sans  utilité,  sur  des  matières  scholastiques  ; 
souvent  aussi  sur  des  sujets  plus  faits  pour  amuser  que  pour 
édifier,  ainsi  que  l'exprime  ce  passage  du  grand  poète  du 
moyen  âge,  qui  avait  été  témoin  de  la  continuation  de  cette 
éloquence  de  mauvais  goût  : 

Ora  si  va  con  motti  e  con  iscede 
A  predicare ,  e  pur  che  ben  si  rida, 
Gonfia  1  cappuccio ,  e  più  non  si  richiede. 

On  est  assez  surpris  quand  on  compare  le  style  traînant, 
sans  liaison,  sans  intérêt,  des  sermons  de  notre  prélat,  avec 
quelques  ouvrages  des  hommes  de  son  temps,  par  exemple, 
avec  les  lettres  de  Gervais  le  prémontré,  ou  bien  avec  les 
histoires  des  rois  de  Jérusalem  et  de  Damiette,  que  nous  de- 
vons à  la  plume  de  l'écolâtre  de  Cologne.  Ces  deux  écrivains 
contemporains  d'Halgrin,et  dontles  articles  sont  réunis  dans 
ce  volume ,  écrivaient  d'une  manière  simple ,  naturelle  et  qui 
n'est  pas  dénuée  d'agréments.  Or,  si  rien  ne  s'y  ressent  du 
mauvais  goût,  ni  du  style  de  l'école,  c'est  apparemment  parce 
que  ceux  qui  péroraient  en  chaire  se  croyaient  obligés  de 
suivre  l'exemple  commun,  et  qu'ils  étaient  retenus  par  des 
entraves  auxquelles  n'étaient  pas  assujétis  ceux  qui  écri- 
vaient l'histoire  positive  en  style  le  plus  souvent  épisto- 
laire  ? 

Les  homélies  de  notre  prélat  sur  les  épîtres  et  les  évangiles 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.         169 

sont  de  deux  sortes.  La  première  est  une  explication  litté- 
rale de  l'epître  et  de  l'ëvangile,  où  se  trouvent  interprétés 
les  noms  d'hommes  et  de  lieux,  les  usages,  les  cérémonies;  et 
cette  homélie  est  très -courte.  La  seconde  est  une  explica- 
tion morale  dans  laquelle  l'orateur  développe  les  préceptes 
qui,  dans  l'epître  ou  l'évangile,  sont  prescrits  pour  vivre  chré- 
tiennement. Cette  dernière  homélie  est  d'une  demi -heure 
de  lecture  environ.  Les  sermons  ont  à  peu  près  la  même 
étendue.  Mais  l'explication  des  psaumes  est  plus  diffuse,  et 
le  manuscrit  qui  la  contient  est  d'un  volume  égal  à  celui 
des  homélies  et  des  sermons  réunis.  Ce  dernier  ouvrage 
n'a  rien  de  plus  remarquable  que  ce  que  nous  en  avons 
dit  plus  haut.  Nous  traduisons  ici  deux  morceaux  des  ho- 
mélies, afin  que  le  lecteur  puisse  se  faire  une  idée  posi- 
tive du  style  de  notre  auteur.  La  première  composition, 
qui  est  le  prologue  de  l'ouvrage,  commence  en  ces  ter- 
mes : 

«  Comme  l'Eglise,  notre  sainte  mère,  éclairée  par  le  Saint- 
«  Esprit,  a  voulu,  non  sans  quelque  raison,  que  certaines 
«  parties  de  l'Ecriture-Sainte,  diverses^ selon  les  temps,  fus- 
«  sent  lues  au  milieu  des  prières  qui  composent  la  liturgie 
<t  de  la  messe,  soit  qu'en  les  adaptant  à  chaque  époque,  elle 
«  ait  voulu  les  faire  servir  à  régler  les  mœurs,  ou  à  fortifier 
«  la  foi ,  nous  avons  entrepris  d'en  rechercher  les  motifs,  et 
«  de  mettre  sous  les  yeux  de  la  jeunesse  ce  que  le  Saint- 
«  Esprit  daignera  nous  inspirer.  C'est  une  entreprise  à  la- 
ce quelle  nous  ne  nous  livrons  qu'avec  appréhension ,  et  après 
«  avoir  long-temps  hésité,  nous  rendant  aux  instantes  solli- 
«  citations  qui  nous  ont  été  faites,  et  à  celles  surtout  de  celui 
«  à  qui  nous  ne  pouvons  rien  refuser.  Nous  ne  promettons 
«  donc  pas  ici  un  ouvrage  en  style  travaillé,  et  tel  qu'il  puisse 
«  charmer  les  oreilles  délicates  des  savants;  ce  ne  sont  que 
(t  des  homélies  simples,  et  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi, 
a  offertes  à  des  auditeurs  simples,  en  style  simple.  Nous 
<c  commencerons  ainsi  par  le  temps  de  l'Avent  du  Seigneur, 
«  comme  étant  le  crépuscule  de  la  grâce  qui  va  bientôt  appa- 
«  raître. 

«  On  saura  donc  que  le  temps  de  l'Avent  du  Seigneur,  que 
«  l'Eglise  célèbre,  est  distribué  en  quatre  semaines  à  cause 
«  des  quatre  apparitions  du  Christ.  L'une,  l'apparition  d'hu- 
«  milité,  est  celle  qu'il  a  faite  comme  homme;  l'autre,  l'ap- 
«  parition  de  majesté,  est  celle  qui  sera  accompagnée  d'effroi  ; 

Tome  XVUl.  Y 

1  <,  * 


XIII  SifeCLE. 


Xm  SIÈCLE. 


170  JEAN  HALGRIN, 

a  la  troisième,  il  la  fait  quand  il  nous  apparaît  par  sa  grâce 
«  qui  éclaire  les  aines;  et  enfin  il  fait  la  quatrième  quand  il 
«  vient  frapper  aux  portes  de  la  chair,  scruter  la  maison  du 
«  père  de  famille,  comme  le  ferait  un  voleur.  C'est  pourquoi 
«  dans  les    lectures  qui   composent  l'office  de  ce  premier 
«  dimanche  de  l'apparition  du  Christ  dans  la  chair,  nous 
«  voyons  exprimés  les  désirs  des  anciens  prophètes,  surtout 
a  dans  ces  paroles  d'Isaïe  :  Utinam  dirumperes  cœlos  et  des- 
«  cenderes !  c.  lxiv,  comme  s'il  disait:  Si  vous  descendiez, 
«  le  monde  jouirait  de  trois   avantages ,  et  les  montagnes 
«c  qui  s'abaisseraient  à  votre  aspect,  comme  un  incendie, 
«  s'enflammeraient  et  se  détruiraient  par  le  feu  qui  sortirait 
a  de  vous.  En  effet,  c'est  ce  qui  s'est  opéré  à  l'arrivée  du  Fils 
«  de  Dieu  dans  la  chair;  quand  l'orgueil  humain  s'est  abaissé 
«  par  l'humilité;  quand  ce  qui  était  compacte  et  endurci  par 
«  l'obstination  ,  s'est  fondu  en  présence  du  feu  de  la  charité; 
«  quand  ce  qui  élait  froid  par  la  malice,  s'est  enflammé  de 
(c  pénitence  devant  le  feu  du  Saint,-Esprit.  C'est  donc  de  la 
«  première  apparition  du  Seigneur  qu'il  est  question  dans 
a  l'évangile   de  ce   jour,   c'est-à-dire  de   l'incarnation    du 
or  Christ.  Mais  dans  son  épître,   l'apôtre  nous  excite  à  sor- 
a  tir   de  notre  inertie;  il   nous   presse   de    nous   parer   de 
«  vertus ,  afin  d'aller  au  devant  du  Christ  qui  arrive  et  qui 
«  frappe  à  la  porte ,   et  il  nous  dit  :  Hora   est  jam  nos  de 
a  soinno  surgere.yi  Après  ces  paroles  commence  l'homélie  sur 
l'épître. 

Voici  comment  Halgrin  termine  l'exposition  littérale  de 
l'évangile  du  jour  de  Pâques  :  «  Mais  de  même  que  la  mort 


«  avait  été  annoncée  au  monde  par  une  femme ,  afin  que  ce 

"         e  que  la  v 
«  annoncée.  Allez,  leur  dit  l'ange,  annoncez  cela  a  ses  dis- 


«  fût  encore  par  la  femme  que  la  vie  de  la  résurrection  fût 


«  ciples  et  à  Pierre.  Pierre  est  nommé  par  son  nom ,  de 
a  crainte  que  son  reniement  ne  le  porte  au  désespoir.  Car, 
ce  si  l'ange  n'avait  pas  désigné  nommément  celui  qui  avait 
«  renié  son  maître,  il  n'aurait  pas  osé  reparaître  avec  les 
«  autres  disciples.  Il  ne  faut  pas  passer  sous  silence  le  motif 
«  que  le  Seigneur  semble  avoir  eu  de  permettre  que  celui 
«  qu'il  devait  donner  pour  chef  à  son  Eglise,  le  reniât  à  la 
«  voix  d'une  servante.  Ce  fut  donc  par  une  disposition  ad- 
«  mirable  de  sa  charité,  pour  que  celui  qui  devait  être  le 
«  pasteur  de  toute  l'Eglise,  apprît  de  sa  propre  faute,  corn- 
er ment  il  devrait  se  conduire  relativement  aux  fautes  des 


DOYEN  DE  L'EGLISE  D'AMIENS,  etc.  171 

y-.     7-7'  Xni  SIÈCLE. 

«  autres.  Dites-leur  :  H  vous  précédera  en  Galilée  ;  cela,  se   

a  dit  avec  vérité  de  notre  Rédempteur,  Galilée  signifiant 
«  transmigration.  En  effet,  il  venait  de  passer  de  la  passion 
«  à  la  résurrection,  de  la  mort  à  la  vie,  de  la  souffrance  à 
«  la  gloire.  De  même  qu'après  sa  résurrection  ce  fut  en  Ga- 
ie lilée  qu'il  apparut  à  ses  disciples,  de  même  il  nous  sera 
«  donne  de  voir  la  gloire  de  sa  résurrection,  si  de  la  bassesse 
«  de  nos  vices,  nous  passons  à  la  grandeur  des  vertus.  Mais 
n  que  nous  est -il  montré  dans  le  sépulcre  qui  aide  à  ce 
«  passage.''  Que  celui  qui  a  été  vu  dans  la  mortification  de 
«  la  chair,  sera  vu  aussi  dans  la  transmigration  des  es- 
«  prits.  » 

Il  ne  nous  reste  plus  maintenant  à  parler  que  de  l'ouvrage 
intitulé  :  Exposilio  in  Cantica  Canticorani ,  dont  le  manu- 
scrit ne  se  trouve  plus  guère  que  dans  un  recueil  oh  hont 
rassemblées  plusieurs  autres  compositions  qui  ne  sont  pas 
de  notre  Halgrin,  et  parmi  lesquelles  la  sienne  n'occupe  que 
quarante -deux  pages  de  format  in-4°.  C'est  la  seule  de  cet 
auteur  qui  ait  été  publiée  par  la  voie  de  l'impression,  mais 
morcelée   en   fragments   intercalés  au    commentaire,   bien 
plus  étendu,  que  Thomas  le  cistercien  avait  laissé  du  même 
cantique.  On  ne  distingue  les  deux  différents  commeittaires,      Captica   can- 
dans  l'édition  qu'en  donna  Badius  Ascensius  en  lôai  ,  que  "^0^"™  ,    cum 
par  les  mitiales  CAR.  pour  cardmalis,  et  IHO.  pour   1  ho-  tar.,  Fr.  Thoma- 
mns;  ce  qui  est  d'autant  moins  clair  au  premier  coup  d'œil,  cisterc. et  j.  Hai- 

que,  dans  l'état  d'imperfection  où  se  trouvait  encore  à  Paris  gr">',  •jp'sJo<^<>- 
l*    .  1  •      \  /  1  1      '    ■      •  1        '        ciBadii  Ascensii, 

la  typographie  a  cette  époque,  les  abréviations  sont  placées  ,5^2,  in-foi. 
de  telle  sorte  qu'on  les  prendrait  pour  la  signature  de  l'article 
qui  les  précède,  quand  elles  ne  sont  que  l'indication  de  l'au- 
teur de  l'article  qui  les  suit. 

Les  deux  commentaires  que  réunit  l'édition  aujourd'hui 
très-  rare  qu'en  a  donnée  Josse  Badius  Ascensius,  ayant  été 
jugés  fort  sévèrement  dans  l'article  de  Thomas  le  cistercien, 
au  tome  XV  de  notre  Histoire  littéraire,  nous  userons  du  .^^ 

droit  de  mitiger  cette  censure  dans  l'article  de  Jean  Halgrin, 
que  nous  publions  quinze  ans  plus  tard ,  après  un  nouvel 
examen  de  son  ouvrage. 

Or,  pour  s'assurer  les  moyens  de  juger  sainement  du  vrai 
sens  dans  lequel  il  faut  prendre  l'un  et  l'autre  commentaire 
du  Cantique,  il  suffit  de  lire  d'abord,  dans  l'article  de  saint 
Bernard  de  notre  tome  XIII,  l'analyse  des  quatre-vingt  six      p  is^.iyi 
sermons  tjue  i'abbé  de  Clairvaux  a  composés  sur  ce  livre 

Y2 


XIII  SIECLE. 


172  JEAN  HALGRIN, 


sacre.  Alors  on  ne  sera  plus  tenté  de  supposer  que  des  ex- 
pressions, qui  doivent  surprendre  au  premier  coup-d'œil, 
quiconque  n'est  pas  familiarisé  avec  la  naïveté  du  style  orien- 
tal, n'aient  eu  qu'une  signification  en  apparence  beaucoup 
trop  naturelle.  Le  philosophe  de  Ferney   avait  précédé  de 
plus  d'un  demi-siècle  le  rédacteur  de  l'article  desaint  Bernard, 
dans  le  jugement  semblable  qu'il  a  porté  sur  le  vrai  sens  des 
passages  du  cantique  sacré;  et  il  suffit  pour  se  convaincre 
de  l'unanimité  de  la  saine  critique  à  ce  sujet,  de  relire  la 
Voiiaire'Txir^  lettre  du  poète  traducteur.  Mais  afin  d'effacer  entièrement 
p.  272,'cdit.  de  l'impression  que  laisserait  le  passage  cité  dans  l'article  Tlio- 
1785.  mas,  et  qui  commence  par  ces  mots  :  Tria  in  osculis  no- 

tant ur ,  et  qui  se  termine  par  ceux-ci,  comparticipatio  fit 
passionum ,  il  faut  lire  la  suite  immédiate  du  commentaire 
de  Thomas,  qui  est  ainsi  conçue  :  Naturaruni,  scilicct  ho- 
minis  et  Verhi ;  Spirituuni  diviiii  et  huniani ;  Passionum , 
Christi  et  christiani.  Les  quatre  lignes  qui  suivent  dans  le 
commentaire  conduiront  alors  naturellement  à  l'interpréta- 
tion circonspecte  que  Thomas  le  cistercien  donne  des  fonc- 
tions des  lèvres  dans  le  baiser  du  cantique,  car  c'est  ainsi 
qu'il  s'exprime  :  Moraliter  lubia  si/nt  instrumentuni  sernio- 
num  ;  ideb  designatur  in  eorum  conjunctione  rnutua  vicissi- 
tudo  Jraternarum  orationum  ;  in  conspirations  anheîitûs , 
unaniniitas  voluntatum  ;  in  conjunctione  corporum ,  suppor- 
tatio  onerum. 

Le  Cantique  des  Cantiques  est  l'expression  d'une  ame 
remplie  d'un  céleste  enthousiasme;  les  pensées  n'y  sont  pas 
coordonnées  les  unes  aux  autres;  l'auteur  inspiré  paraît  les 
avoir  écrites  avec  l'intention  d'en  conserver  le  sens  complet 
pour  lui  seul;  aussi  peut -on  les  interpréter  de  plusieurs 
manières  ,  qui  seront  plus  ou  moins  vraies  ou  vraisem- 
blables. Saint  Bernard  y  a  vu  le  mystérieux  tableau  de 
l'alliance  de  Jésus -Christ  avec  l'Eglise  entière;  Thomas  le 
cistercien  y  a  aperçu  un  colloque  entre  Dieu  et  lame  fidèle; 
avant  eux ,  le  vénérable  Bède,  saint  Grégoire,  Origène ,  y 
avaient  trouvé  un  de  ces  sens  ou  tous  les  deux  ensemble;  et 
différent  d'eux  tous,  le  cardinal-évèque  de  Sabine  y  a  vu  un 
chant  d'amour  filial  de  Jésus  pour  Marie,  et  d'amour  mater- 
nel de  Marie  pour  Jésus,  caché  sous  le  voile  transparent 
du  chant  d'amour  de  deux  amants.  C'est  en  suivant  conti- 
nuellement cette  première  idée,  qu'Halgrin  met  tour  à  tour 
les  paroles  du  Cantique  dans  la  bouche  du  fils  ou  de  la  mère, 


XIII  SIECLE. 


DOYEN  DE  L'ÉGLtSE  D'AMIENS,  etc.  178 

selon  que  l'exige  le  but  qu'il  s'est  proposé.  Et  ce  qui  est  aussi 
remarquable  qu'ingénieux ,  c'est  que  le  commentateur  ne 
s'écarte  jamais  du  sentier  qu'il  s'est  tracé,  et  que  ,  s'aidant 
des  divers  passages  des  autres  écrivains  sacrés  qui  peuvent 
contribuer  à  son  explication  ,  il  trouve  moyen  d'appliquer 
toutes  les  paroles  <iu  Cantique  au  Christ  et  à  la  sainte 
Vierge,  et  de  donner  à  toutes  les  expressions  du  texte  un 
sens  conforme  à  cette  première  idée.  C'est  ainsi  que  'le  roi 
dont  parle  le  cantique  est  le  même  que  l'amant,  et  l'amant 
est  le  Christ;  l'amante  est  la  Vierge;  (es  jeunes  gens  sont  les 
anges  qui  composent  la  suite  de  l'amant,  les  jeunes  (illes 
sont  lésâmes  fidèles  qui  accompagnent  la  Vierge  comme 
leur  dame. 

Dans  un  court  prologue,  le  commentateur  fait  avant  tout 
l'aveu  de  son  insuffisance  pour  s'acquitter  dignement  de  la 
tâche  qu'il  s'impose.  Il  invoque  la  Mère,  afin  qu'elle  lui  ob- 
tienne des  expressions  dignes  du  Verbe  éternel.  Il  supplie  le 
Fils  de  lui  accorder  le  don  de  parler  convenablement  de 
celle  dans  le  sein  de  qui  il  a  reçu  sa  vie  mortelle.  Puis  il 
exprime  ainsi  l'objet  de  son  explication  :  Continet  hoc  can- 
ticuni  matris  et  Jilii,  heatœ  scilicet  Virginis  et  Doinini 
Jesu-Christi  applausuni  jucundum  et  mutuutn.  Hic  enini 
applaudit  mater  fdio ,  hic  fdius  jucundat  in  niatrc.  Hic  ma- 
tris prii'ilegia  describit  filius ,  h'ic  excellentiam  Jilii  describit 
mater. 

Après  ce  court  préambule,  commence  le  commentaire  qui, 
dans  le  manuscrit,  forme  un  morceau  d'un  seul  trait,  oii  la 
séparation  des  chapitres  du  Cantique  n'est  pas  marquée. 
Les  passages  du  texte,  placés  au  commencement  de  chaque 
alinéa,  en  font  seuls  distinguer  les  divisions.  Nous  n'entre- 
prendrons pas  de  reproduire  ici  ce  commentaire  depuis  son 
début  jusqu'à  sa  fin;  mais  quelques  morceaux  que  nous 
en  analysons,  en  donneront,  nous  le  pensons,  une  idée 
suffisante. 

«  Osculetur  me  oscnlo  oris  sui.  C'est  la  Vierge  qui  com-      Camic.  (an- 
«  menée;  elle  invoque  l'Esprit  de  Dieu,  et  lui  demande  de  '"^'  Saiomoms , 
a  s'unir  à  la  nature  humaine  pour  la  réconcilier  avec  son 
o  divin  auteur.  Les  âmes  fidèles  viennent  se  joindre  à  elle, 
«  elles  l'accompagnent  de  leurs  saints  empressements;  elles 
«  louent  ses  vertus  el  ses  grâces,  figurées  par  ses  mamelles      v>rs.  2. 
«  plus  enivrantes  que  le  vin,  plus  suaves  que  les  parfums, 
«  par  son  nom,  qui  est  de  l'huile  répandue. 


XIII  SIFXLE. 


Vers.  3. 


174  JEAN  HALGRIN, 

«  Trahe  me;  post  te  curremus  in  odorem  unguentorum 
a  tuorum.  Déjà  la  Vierge  entrevoit  de  loin  son  assomption 
a.  glorieuse;  elle  veut  être  délivrée  de  ses  entraves,  et  s'élever 
a  avec  ses  compagnes  vers  celui  qu'elle  contemple  assis  à 
«  la  droite  de  son  Père.  Mais  elle  entrevoit  aussi  les  tribu- 
ce  lalions  qu'elle  doit  éprouver  avant  d'obtenir  l'accomplisse- 

Vers.  4  ei  S.  «  ment  de  ses  vœux.  I\igra  siini ,  je  suis  décolorée  et  tombée 
«  dans  le  mépris.  Elle  gémit  sur  la  mort  de  sou  fils,  elle  est 
«  la  mère  de  douleurs;  mais  elle  n'a  pas  cessé  d'être  l'élue 
tt  du  Seigneur. 

a  Filii  tnatris  rneœ  pugnaverunt  contra  me.  La  synagogue 
<c  n'a  reconnu  ni  elle,  ni  son  fils;  c'est  pourquoi  voyant  qu'ils 
a  avaient  renié  les  maîtres  de  la  vigne,  elle  n'a  plus  voulu 
«  en  être  la  gardienne.  ()  mon  fils!  s'écrie-t-elle ,  montre- 
«  moi  où  est  ton  véritable  héritage,  afin  que  j'en  fasse  l'objet 

Vers.  6.  „  de  mcs  soins  empressés  :  Indica  mihi ,  quem  diligit  anima 

ff  mea ,  ubi  pascasP 

Vers.  7.  "  Si  ignoras  te,  u  pulcherrima   inter  mulieres!  Vous  ne 

«  savez  pas  quelle  est  votre  puissance,  ô  ma  mère;  vous 
«  jiouvez  tout  obtenir  de  votre  fils,  vous  êtes  l'étoile  des 
ce  mers  accordée  aux  navigateurs  pour  les  conduire  au 
«  port. 

«  Egrcdere  et  abi  post  vestigia  gregwn.  S'il  en  est  ainsi, 
«  ô  mon  fils,  sors  donc  du  sanctuaire  de  ta  justice,  étends 
«  au  loin  ta  miséricorde,  et  appelle  tous  les  hommes  à  ton 
«  bercail. 

Vers.  8.  (c  Equitatui   meo    in   curribus   Pharaonis  assimilavi   te, 

ce  arnica  mea.  Je  vous    ai   choisie    pour  vous  opposer  à  la 

ce  malice   de   l'esprit    de   ténèbres.  La   pudeur    orne  votre 

'"  '^  a  visage,  la  modestie  est  dans  vos   paroles.  Nous  vous  en- 

\.rs.  10.  tt  ricliirons  de  toutes  les  vertus,  murœnulas  aureas  facie- 
ce  mus  t.ibi. 
j  j  «T»-  n ,  12,  ^^  Diim  esset  rex  in  accubitu  siio.  Mon  fils  était  encore  dans 
«  sa  gloire  céleste,  quand  mon  humilité  seule  a  attiré  ses 
ce  regards  sur  moi.  Mon  bien-aimé  sera  abreuvé  d'amertume, 
a.  et  ce  qu'il  souffrira,  je  le  souffrirai  avec  lui,  parce  qu'il 
ce  m'est  impossible  de  ne  pas  compatir  à  ses  maux.  Mais  il 
ce  redeviendra  glorieux ,  et  je  serai  glorifiée  en  lui ,  et  ma 
ce  douleur  sera  changée  en  joie. 

ce  Ecce  tu  pulchra  es,  arnica  mea.  Votre  humilité  fait  toute 
<c  votre  beauté,  ô  mère  chérie;  vous  êtes  pleine  de  simplicité 
R  et  d'innocence ,  oculi  tui  columbarum. 


\cr. 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.         176 


XIII  SIECLE. 


Cap.  II,  vers  i . 


Vers.  2. 


Vers.  i. 


«  Ecce  tu  pulcher  es,  dilecte  mi,  et  decorus.  Et  toi, 
«  mon  fils,  tu  es  admirable  dans  ta  divinité  et  dans  ton  Vers.  1 5 
«  humanité;  lame  qui  t'aime,  m'aime  aussi,  et  nous  trou- 
«  vons  en  elle  nos  délices,  lectulus  noster  Jloridus.hà  aont 
«  toutes  les  grâces  et  toutes  les  vertus  qui  grandissent  Vers,  iti 
«  comme  le  cèdre,  parce  qu'elles  sont  protégées  par  l'hu- 
a  milité,  qui,  semblable  au  bois  de  cèdre,  demeure  incor- 
a  niptible. 

«  Egojlos  canipi  et  liliuni  com'alliiim.  Je  n'étais  qu'une 
«  simple  fille  de  la  Judée,  et  j'habitais  inconnue  la  vallée  de 
«  mes  pères. 

«  Sicut  lilium  inter  spinas,  sic  arnica  mea  interfilias.  Mais, 
«  ô  ma  mère,  ainsi  que  le  lis  diffère  des  ronces,  telle  je  vous 
«  vis  au  milieu  de  vos  compagnes,  les  éclipsant  par  votre 
«  éclat. 

«  Sicut  malus  inter  ligna  syharum.  Mon  bien-aimé  parmi 
«  les  autres  hommes  est  semblable  à  un  arbre  chargé  de  fruits, 
«  placé  au  milieu  d'une  forêt  d'arbres  sauvages.  I!  a  comblé 
«  mes  désirs;  il  a  rempli  mon  ame  de  délices;  il  m'a  intro-      Vers.  4. 
«  duite  dans  la  plénitude  de  ses  grâces  et  de  son  amour.  O 
«  mes  compagnes!  venez  à  ma  suite,  devenez-moi  semblables 
«  par  vos  bons  désirs  et  par  vos  bonnes  œuvres;  car  ma  ten-      vers  5 
«  dresse  pour  vous  est  pleine  de  sollicitude  ,ya/«Ve  nie  Jlo- 
«  ribus ,  stipate  me  malis ,  quia  amore  langueo.  Mon  fils  m'a 
a  donné  les  biens,  les  vertus  et  les  grâces,  et  une  place  m'est      vers.  6. 
«  réservée  à  sa  droite. 

«  Adjuro  vos,  filiœ  Jérusalem,  percapreas  cen'osque  cam-  vers  -. 
«  porum.  Ames  fidèles ,  si  ma  mère  n'a  pas  encore  exaucé  vos 
«  prières,  si  elle  ne  vous  a  pas  encore  donné  des  marques  de 
o  sa  puissance,  je  vous  en  conjure  par  vos  vertus,  ne  vous 
«  troublez  pas,  ne  vous  plaignez  pas;  attendez  dans  la  pa- 
«  tience  les  effets  de  sa  protection. 

«  Vox  dilecti  mei,  ecce  iste  venit  salions  in  montibus.  O 
«  mes  compagnes!  écoulez  la  voix  de  mon  bien-aimé,  le  voilà 
a  qui  vient  à  votre  secours,  foulant  sous  ses  pieds  les  puis- 
a  sances  de  l'enfer.  Il  découvre  leurs  pièges,  il  déjoue  leurs 
a  complots.  Le  voilà ,  il  est  près  de  vous,  il  vous  regarde,  il      ^*'* 
«  vous  protège.  Mais  j'entends  sa  voix,  il  me  parle,  il  m'ap- 
«  pelle  :  Levez-vous ,  ô  mère  chérie  !  Vierge  sans  tache ,  venez      ^'^" 
«  dans  mon  séjour  éternel.  Jam  hiems  transiit ,  imber  abiit      \ 
«  et  recessit.  Le  temps  des  humiliations  est  passé,  les  souf- 
«  frat)ces  sont  finies;  le  ciel  vous  montre  déjà  ses  joies  ra- 


V'ers.  8 


■  ers    [  1 . 


XIII  SIECLE. 


\>I*.  12  ,  i3, 


176  JEAN  HALGRIN, 

«  vissantes;  le  moment  de  la  récompense  est  arrivé  ;  les  sons 
«  de  l'harmonie  céleste  se  font  entendre,  et  les  approches  du 
«  séjour  glorieux  exhalent  des  parfums.  Levez-vous,  ô  ma 
«  mère!  ma  bien-aimée,  et  venez  avec  moi.  Columba  rnea 
«  in  foraniinihus  peine ,  in  caverna  niaceriœ ,  ostcnde  inihi 
V.  faciem  titain.  Je  verrai  votre  visage  éclatant  de  vertus; 
«  j'entendrai  votre  voix  à  travers  les  plaies  de  mes  rtiem- 
<c  bres  et  la  blessure  de  mon  côté,  et  cette  voix  sera  toute 
«  puissante  à  mes  oreilles  pour  obtenir  miséricorde  pour  le 
<f  monde. 

\ns.  i5  «  Capite  riobis  vidpes  paivulas  qiiœ  demoliuntiir  vineas. 

«  O  vous  qui  nous  êtes  fidèles!  veillez  sur  notre  Eglise;  op- 
«  posez-vous  aux  elforts  de  ceux  qui  cherchent  cà  en  renverser 
«  les  fondements.  Que  cette  vigne,  plantée  par  nos  mains, 
«  fleurisse  et  porte  son  fruit. 

Vers.  16.  «  Dilectus meus  niihi,  et egoilliqui pasciturintcrlilia.^Xou 

«  bien  aimé  est  à  moi  pour  toujours,  et  je  suis  toute  à  celui 
«  qui  trouve  ses  délices  dans  les  âmes  vertueuses  qui  défen- 
'c  aent  sa  vérité  jusqu'à  ce  que  le  jour  baisse  ,  et  que  les  om- 
«  bres  de  la  nuit  surviennent.  < 

^^,^  «  Recertere  ;  similis  esto ,  dilecte  m,i ,  capreœ.  Mais,  ô  mon 

«  fils!  le  jeune  cerf  n'abandonne  pas  pour  toujours  les  lieux 
«  qu'il  a  quittés  une  fois:  jette  encore  un  regard  sur  les  ha- 
«  bitants  de  la  Judée,  qui  dans  leur  orgueil  ont  refusé  de  te 
«  connaître,  revertere  siij)er  montes  Bether.  » 

Telle  est  la  manière  dont  notre  auteur  a  envisagé  et  ex- 
pliqué l'esprit  de  ce  canti(|ue  sacré.  Nous  nous  arrêtons  à  la 
fin  du  second  chapitre  du  texte,  pensant  avoir  assez  fait 
connaître  le  style  du  commentateur. 

Nous  avons  dit  qu  il  se  trouvait  à  la  Bibliothèque  royale 
vingt-cinq  manuscrits  des  œuvres  de  Jean  Halgrin  d'Abbe- 
ville.  Dans  ce  nombre,  quatorze  appartenaient  au  fonds  de 
cette  bibliothèque,  ce  sont  les  numéros  25i4)  25i5,  ajifi  A  , 
20 1 7,  25 1 8  A ,  26 1 8  B ,  2618  0,2619,  2909,  29 1  o ,  29  r  I , 
291 1  A  ,  3577 ,  3733.  Cinq  y  sont  venus  de  l'ancienne  Biblio- 
thèque de  Sorbonne,  les  numéros  81 1 ,  812,  8i3,  i655,  1662; 
quatre  de  celle  de  Saint-Germain-des-Prés,  les  numéros  5i  i, 
733,  889,  1337;  un  de  celle  de  Saint-Martin-des-Champs , 
le  numéro  42;  un  de  celle  de  Saint-Victor,  le  numéro  749. 
Quatre  manuscrits  des  mêmes  ouvrages  se  trouvent  à  la  Bi- 
bliothèque Mazarine,  entre  autres  une  copie  faite  au  xvi^ 
siècle,  dont  l'écriture  est  belle  et  d'une  lecture  facile. 


DOYEN  DE  L'ÉGLISE  D'AMIENS,  etc.         177 

L'historien  d'Abbevi lie,  cité  au  commencement  de  cet  arti- 
cle, rapporte  qu'il  avait  entendu  dire  au  P.  Jean  de  la  Haye, 
savant  cordelier,  que  ce  dernier  préparait  une  édition  com- 
plète des  œuvres  du  cardinal  d'Abbeville,  et  il  ajoute  que  la 
mort  de  ce  religieux,  arrivée  en  16G1 ,  l'empêcha  de  mettre 
son  projet  à  exécution.  P.  R. 


XUI  SIÈCLE. 


ÉMON, 

ABBÉ  DE   VERUM. 


MORT   le    lî  dé- 
cembre 1287. 


JCjMon,  né  en  Frise,  y  fit  ses  premières  études,  et  se  montra 
de  bonne  heure  avide  d'instruction.  Le  temps  que  ses  con- 
disciples perdaient  à  jouer  et  à  courir,  il  l'employait,  nous 
dit  un  de  ses  contemporains,  à  lire  Ovide,  Virgile,  Arator       Menco,  ApuJ 

Sedulius,  les  grammaires  de  Priscien  et  de  Pierre  Hélie.et  '^''sS  Ant.Mo- 

d'       1       i*    i        ■  ¥  -vil  r  ■!     **   num.,  I.  I,  pap 

es  traites  de  dialectique.  Le  goût  des  lettres  sacrées  et  pro-  5o5.  —  Hug^ 

fanes  l'attira  bientôt  en  France.  Il  suivit  à  Paris  les  leçons  Pr^f.xxn-xxiv'. 
des  théologiens,  à  Orléans  celles  des  jurisconsultes,  et  passa  ~0"^'"'.Coii»- 
ensuite  en  Angleterre,  où  il  fréquenta  l'école  d'Oxford,  dès  ^d.',  t.^ii, éoL 
lors  renommée.  Rentré  dans  sa  patrie,  il  embrassa  l'état  «61,162. 
ecclésiastique;  et  l'évêque  de  Munster,  Otto,  lui  confia  la 
direction  de  la  paroisse  de  Husdeiige,  dans  le  territoire  par- 
ticulier qui  portait  le  nom  d'Omelande.  Emon  se  distingua 
par  son  zèle  à  remplir  tous  les  devoirs  d'un  curé;  mais  il 
s'appliquait  surtout  à  inspirer  l'amour  de  l'étude  à  la  jeu- 
nesse, et  même  à  tous  ceux  de  ses  paroissiens  qui  pouvaient 
encore  s'y  livrer.  Cependant  il  aspirait  à  vivre  solitaire  et 
il  ne  tarda  point  à  saisir  l'occasion  de  cédera  ce  penchant. 
Un  de  ses  parents,  appelé  comme  lui  Emon,  et  surnommé 
de  Romeswers,  venait  de  se  retirer  du  monde  et  de  consa- 
crer un  riche  patrimoine  à  la  fondation  d'un  monastère. 
L'exerrtple  et  les  sollicitations  de  ce  pieux  personnage  dé- 
terminèrent le  curé  de  Husdenge  à  quitter  ses  fonctions 
pastorales,  pour  embrasser  la  vie  cénobitique.  Ils  entrèrent 
d'abord  l'un  et  l'autre  dans  l'ordre  de  Saint-Benoît,  à  Fild- 
wert;  mais  pendant  leur  noviciat,  ils  résolurent  de  se  vouer 
Tome  XV m.  Z 


xm  SIÈCLE. 


178  ÉMON, 

à  celui  de  Prémontré.  C'était  à  cet  ofûre  que  devait  se  ratta- 
cher le  couvent  qu'Emon  de  Romeswerf  ou  Rheomers-werf 
avait  doté,  et  qne  désignaient  les  noms  de  Nouveau  cloître, 
de  Jardin  de  la  sainte  Vierge  :  ISovitm  claustrum ,  Hortus 
Beatœ  Firginis.  Cet  établissement ,  quoique  approuvé  par 
Otto,  évêque  de  Munster,  donna  lieu  à  des  contestations 
qui  obligèrent  Émon  à  faire,  en  1211 ,  un  voyage  à  Rome. 
Il  partit  accompagné  d'un  ami ,  nommé  Henri ,  et  passa  par 
Voyez  ci-des-  Prémontré ,  oii  l'abbé  Gervais  l'accueillit  avec  bienveillance. 

sus.p.  Ai-So.  Il  continua  sa  route  par  Troyes,  Bar-sur-Seine,  Lyon,  la 
Maurienne,  Suze,  Plaisance,  Lucques  et  Viterbe;  il  obtint,  à 
ce  qu'il  semble,  pour  son  monastère  la  protection  du  saint- 
siége,  et  revint  de  Rome  par  Bologne,  Milan,  Côme,  Bàle, 
Mayence,  Strasbourg  et  Cologne.  De  retour  d'un  si  long 
voyage  qu'il  avait  fait  à  pied,  il  acheva  d'établir  dans  son 
Noi'iini  claustrum  la  règle  monastique  de  Prémontré.  Le 
nombre  de  ses  religieux  s'accrut,  et  bientôt  même  des  vierges 
et  des  veuves  formèrent,  sous  sa  direction,  une  communauté 
de  femmes  qui  resta,  jusqu'en  i-2i5,  adhérente  à  celle  des 
hommes.  A  cette  époque,  Emon  les  transféra  l'une  et  l'autre 
à  Verum,  et  mit  entre  elles  assez  de  distance  pour  prévenir 
les  inconvénients  que  trop  de  voisinage  entraînait  ailleurs. 
Verum  ou  VVerum  était  situé  dans  le  diocèse  de  Groningue, 
entre  cette  ville  et  Damm  :  le  monastère  d'hommes  y  reçut 
le  nom  de  Jardin  Fleuri,  Hortus  floridus ,  et  le  couvent  de 
femmes  celui  de  Champ  des  Roses ,  Campus  rosarum. 

Il  se  tint  en  cette  même  année  un  chapitre  général  à 
Prémontré;  Émon  yassista,  et  soit  alors, soit  dès  121 1,  à  son 
passage  en  ce  lieu  en  allant  à  Rome,  il  prit  des  notes  ou  des  co- 
pies de  tous  les  statuts  et  de  tous  les  livres  de  l'ordre,  afin  d'y 
conformer  exactement  les  pratiques  claustrales  et  liturgiques 
des  religieux  et  religieuses  de  Verum.  Mais  il  eut  à  soutenir,  en 
i^af),  d'assez  violents  démèlésavecHçrdric,  prieur  deSkhil- 
wold  ou  Skeldwald,  qui,  protégé  par  l'évèque  de  Munster, 
Thierry,  commettait,  dit-on,  d'énormes  iniquités,  inultas 

Menco,)).  J08  coiumittehat  cnormitates.  Il  fallut  que  l'abbé  de  Prémontré, 
que  le  légat  du  saint-siége,  Conrad,  évêque  de  Porto,  et  le 
pape  Honorius  III  intervinssent  dans  cette  affaire;  elle  se 
termina  par  l'excommunication  d'Herdric  et  par  un  accord 
auquel  Thierry  souscrivit.  Emon  n'avait  eu  jusqu'alors  que 
le  titre  de  prieur  de  Verum;  Thierry  lui  conféra  solennelle- 
ment la  dignité  d'abbé,  le  23  mai  laaS,  ainsi  que  le  rapporte 


ABBE  DE  VERUM.  179 

XIII  SIÈCLE. 

Emon  lui-même,  en  ces  termes  :  Theodoricus  tertius  nionas ^ 

teriensis  episcopus .  . .  decinio  kalcndas  junii ,  in  hebdomadà  ^  aTu  M^on  "^t 
Pentecostes ,  apud  Floridum  Hortum  sicut  aniicus ,  honoii-  \,y,.l^%l^. 
ficè  susceptus .  . .  Eodem  die  Enio,  prœpositus  Floridi  Horti, 
per  nianus  impositionem  prœlati  venerabilis  antistitis ,  ex 
miseratione  divind ,  astaniihus  fratribus  suis ,  nomen  et  offi- 
ciumabbatis  suscepit.  Ubbo  Emmius,  en  faisant  mention  de  Hist m. Fiii. 
cette  cérémonie,  la  date,  sans  doute  par  erreur,  du  21  fé-  »<*"""  '*»5 
vrier,  ad  ix  halcndas  mardi.  L'humble  modestie  d'Emon  ne 
l'empêchait  pas  de  défendre  avec  énergie  les  droits  ou  les 
intérêts  de  son  monastère;  il  sut  le  maintenir  en  possession 
des  paroisses  d'Emetha  et  de  Schiramme  ou  Skirame,  qu'on 
voulait  enlever  à  l'ordre  de  Prémontré.  Les  réclamations 
adressées  par  lui  à  la  cour  de  Rome,  au  légat  apostolique, 
au  synode  de  Cologne,  obtinrent  en  plus  d'une  occasion, 
un  plein  succès.  Sa  prudence  et  son  habileté  déconcertaient 
la  malveillance.  Il  prévoyait  l'avenir  avec  une  telle  sagacité, 
qu'on  ne  manqua  point  de  lui  attribuer  des  visions  et  des 
révélations  nocturnes.  Il  n'excellait  pas  moins  à  exhorter 
les  faibles,  à  consoler  les  affligés,  à  encourager  tous  les  efforts 
honorables;  et  ses  discours  avaient  d'autant  plus  d'ascendant, 
qu'il  donnait  l'exemple  de  la  plus  laborieuse  activité. 

Nous  devons  surtout  remarquer  ici  les  soins  qu'il  pre- 
nait de  l'instruction  de  ses  jeunes  confrères,  et  les  progrès 
que  lui  durent  les  études  au  sein  de  sa  communauté.  Sa 
santé  s'élant  fort  affaiblie  durant  l'automne  de  laJj,  quoiqu'il 
ne  fût  point,  à  ce  qu'il  semble,  très -avancé  en  âge,  et  la 
fièvre  l'ayant  saisi  vers  la  Toussaint,  il  pressentit  sa  fin  pro- 
chaine, et  l'on  assure  qu'il  désira  vivement  de  mourir  le  jour 
de  Sainte-Luce,  pour  laquelle  il  avait  eu  une  dévotion  par- 
ticulière. Il  expira  en  effet  le  i3  décembre,  et  fut  enterré, 
comme  il  l'avait  demandé,  dans  le  chapitre  de  son  abbaye. 
Corpore  ejiis  sacerdotalibus  indumentis ,  ut  deciiit  et  mos  est 
de  prœlatis ,  i/wo/uto ,  et  in  ecclesiam proccssionaliler  delato, 
post  lecta  psalteria  et  missas  celebratas ,  sororibus  extiii 
portas  cum  cantu  exequiali prosequentibus ,  et  fratribus  qui 
aderant,  coniitantibus ,  in  navi  corpus  est  collocatum  et  ad 
abbatiam  dedu^tum ,  ubi  complètes  psalteriis  post  nocturnas 
vigilias,  et  ojficio  divino,  et  mis  sis,  in  capitula  claustri ,  ubi  Mtnco.p.  5i( 
ipse  sibi  sepulturani  clegerat ,  est  sepultus.  L'iiistorien  con- 
temporain qui  s'exprime  ainsi,  ajoute  que  des  miracles  s'o- 
pérèrent sur  le  tombeau  du  saint  abbé,  qu'une  femme  aveugle 

Z2 


iSo  ÉMON, 

XUI  SIÈCLE.  ,  ,  ,  , 

y  recouvra  la  vue,  une  muette  la  parole,  une  pauvre  paraly- 
tique l'usage  de  ses  membres.  Emon  n'a  pourtant  pas  été 
canonisé;  mais  les  Bataves  et  les  Belges  lui  ont  décerné  le 
Foppens  Bibi.  titre  de  bienheureux.  Il  eut  pour  successeur,  comme  abbé 

Beig.,  1.  I,  p.  de  Verum,un  religieux  nommé  Paul,  qui  mourut  en  1242, 

*'^'-  et  qui  Fut  remplacé  par  Mencon,  dont  la  carrière  se  prolongea 

jusqu'en  1276. 

Nous  n'avons  pas  encore  indiqué  le  principal  fait  de  la 
vie  d'Emon  ,  celui  qui  a  pu  nous  autoriser  à  retracer  les 
autres;  la  composition  d'une  chronique  de  son  temps,  et 
surtout  de  son  monastère,  depuis  l'an  i2o4  jusqu'en  I234; 
ouvrage  continué  jusqu'en  1276  par  Mencon,  et  jusqu'en 
1297  par  un  anonyme.  Cette  troisième  partie  a  peu  de  va- 
Hug.s.Aoïiq.  leur;  elle  n'occupe  que  16  pages  à  la  suite  des  précédentes, 

Monum.,t.l,p.  et  la  rédactiou  Cil  est  peu  méthodique.  Elle  est,  au  surplus, 

552-566.  ^Q^j.  étrangère  au   sujet  que  nous    traitons  ;  et   la  seconde 

ibid.,p.  5o4-  même,  quoiqu'elle  ait  trois  fois  plus  d'étendue,  n'aurait  point 

^^'-  attiré  notre  attention,  sans  les  i4  premières  pages  où  la  vie 

et  la  mort  d'Emon  sont  racontées.  Nous  en  avons  extrait  la 
plupart  des  détails  biographiques  qu'on  vient  de  lire.  La 
chronique' d'Emon  lui-même  nous  en  a  immédiatement 
fourni  plusieurs;  car  il  s'y  nomme  assez  fréquemment  en 
tierce  personne,  et  il  y  expose  avec  soin  les  iaits  auxquels  il 
a  pris  part.  Son  livre,  qui  n'embrasse  que  trente  années,  rem- 
Ibid.,p.4i9-  plit  76  pages  in-folio.  Nous  avons  déjà  donné  un  précis  des 

5'>3-  dix  premières  qui  aboutissent  à  l'année  12 14-  L'auteur  insère, 

sous  cette  date,  des  lettres  de  Gervais,  abbé  de  Prémontré, 
qui  prescrivent  de  suivre  à  Verum  toutes  les  observances  de 
l'ordre.  Il  fait  mention  d'Olivier,  l'écolâtre  de  Cologne,  qui 
prêchait  la  croisade  aux  Frisons  ;  des  anathèmes  prononcés  par 
Innocent  III  contre  l'empereur  Othon,  et  contre  le  roi  de 
France  Philippe-Auguste;  de  l'introduction  du  christianisme 
en  certains  pays  du  Nord  ;  de  la  prise  de  Constantinople  par 
les  croisés;  de  la  défaite  du  comte  de  Toulouse,  Raymond, 
protecteur  des  hérétiques;  de  la  victoire  remportée  en  Es- 
pagne sur  les  Sarrasins  et  leur  chef  Rliraroolin.  L'an  i2i5 
amène  quelques  détails  relatifs  au  4*  concile  de  Latran  ; 
à  la  mort  d'Emon  de  Romeswers,  le  cousin  de  l'auteur;  aux 
actes  et  aux  usages  des  chapitres  généraux  de  Prémontré. 
En  1 2 1 7,  l'armée  chrétienne  arrive  devant  Saint-Jean-d'Acre  : 
à  cette  occasion ,  Emon  transcrit  un  itinéraire  qu'un  croisé 
de  ses  amis  lui  a  communiqué,  et  ou  sont  marqués  les  lieux 


ABBÉ  DE  VERUM.  18 1 


XUI  SIÈCLE. 


par  lesquels  les  Frisons  viennent  de  passer,  depuis  leur 
pays  jusqu'à  la  Terre-Sainte.  Comme  ils  ont  parcouru  péni- 
blement diverses  côtes  de  la  Batavje,  de  l'Angleterre,  de 
la  France,  de  l'Espagne,  de  l'Italie,  de  l'Afrique,  cette 
notice  contient  les  noms  et  indique  la  situation  d'un  assez  ibid.,  p.  445- 
grand  nombre  de  ports, ,  d'îles  et  de  promontoires  :  on  *^*- 
la  compte  au  nombre  des  documents  qui  peuvent  jeter 
quelque  lumière  sur  la  géographie  du  moyen  âge.  Il  y  est 
dit  que  Lisbonne  ,  frontière  des  nations  et  de  l'Église  , 
terminus  gentium  et  Ecclesiœ ,  a  été  bâtie  par  Ulysse  et 
par  Achille,  ainsi  que  le  prouvent  d'anciens  édifices,  et 
un  village  voisin  aui  a  retenu  le  nom  ai  Achelç.  Mais  ces 
descriptions  topographiques ,  fort  incomplètes  en  elles- 
mêmes  ,  sont  d'ailleurs  interrompues  par  le  récit  des 
combats  dans  lesquels  une  partie  des  croisés  frisons  se  laissa 
engager  en  Espagne  contre  les  Sarrasins.  L'accueil  bien- 
veillant que  la  protection  du  pape  leur  valut  dans  les  villes 
d'Italie,  occupe  aussi  un  bien  long  espace.  Après  avoir  trans- 
crit cette  relation  qui  pouvaiç  être  plus  instructive,  et  qui 
n'est  pourtant  pas  dénuée  d'intérêt,  Emon  se  prescrit  de  re- 
venir à  des  affaires  claustrales  qui  en  ont  moins  conservé. 
Et  hcec  ad  gentis  Frisonum  gloriam  dixisse  sufficiet  ;  nunc 
ad  intermissa  revertamur. 

Les  pages  suivantes  sont  remplies  de  réflexions  purement 
morales  ou  ascétiques,  tout-à-fait  étrangères  à  l'histoire.  La 
chronique  ne  recommence  réellement  que  parle  tableau  de 
l'inondation  désastreuse  qu'essuya  la  Frise  au  commence- 
ment de  1220.  Mais  l'auteur,  toujours  enclin  à  sortir  des  su- 
jets qu'il  traite,  se  met  à  disserter  ici  sur  les  noms  et  l'ordre 
des  jours  de  la  semaine,  sur  les  limites  des  connaissances 
humaines,  sur  les  rapports  des  positions  célestes  avec  les 
destinées  des  mortels,  sur  les  possessions  et  les  immunités 
ecclésiastiques,  sur  les  limites  de  la  puissance  séculière.  Il 
cite  Virgile  et  saint  Augustin ,  la  Bible  et  les  décrétâtes.  De 
nouvelles  inondations  en  1221  et  aux  deux  années  suivantes 
le  rengagent  en  des  digressions  du  même  genre.  Il  arrive 
enfin  à  l'année  1225,  l'une  des  plus  mémorables  dans  l'his- 
toire de  sa  propre  vie.  C'est  l'époque  de  sa  querelle  avec 
Herdric.  Emon  en  fait  un  fort  long  récit,  dans  lequel  il  insère 
des  lettres  de  l'abbé  de  Prémontré,  du  chapitre  de  Colo- 
gne, d'Olivier  l'écolâtre;  de  l'évêque  de  Munster,  Thierry} 
du  légat  Conrad  et  du  pape  Honorias.  L'abbé  de  Yerum  y 
1  5 


i82  EMON, 

Xm  SIÈCLE.     ,    .  „  1  '  •        , 

joint  ses  plaintes  personnelles,  et  il  ne  ménage  point  les  ter- 
mes, en  parlant  de  son  adversaire.  Cette  année  laaS  occupe 
ibid.,p.  471.  ainsi  environ  quinze  pages,  un  cinquième  de  toute  la  chro- 
nique,  y  compris  toutefois  quelques  articles  étrangers  aux 
affaires  d'Herdric  et  d'Emon.  liCS  voyages  et  les  succès  d'Oli- 
vier, prédicateur  de  la  croisade,  y  sont  succinctement  retraces. 
Il  est  y  aussi  question  des  accidents  atmosphériques,  des 
mauvaises  récoltes,  de  la  cherté  des  vivres,  de  la  mortalité 
des  bestiaux;  et  le  tableau  de  ces  calamités,  quoique  trop 
resserré ,  et  malgré  les  idées  superstitieuses  que  le  chroni- 
queur y  entremêle,  peut  avoir  encore  quelque  valeur. 

Un  concile  tenu  à  Cologne  par  le  légat  du  saint-siége,  la 
mort  de  saint  François,  et  celle  du  roi  Louis  VIII,  sont  les 
événements  qu'Emon  nous  fait  remarquer  en  1226;  il  dit  que 
Louis  mourut  empoisonné  chez  les  Albigeois,  obiit  veneno 
apnd  Alhigenses ;  deux  erreurs  dont  il  n'avait  pas  les  moyens 
de  se  préserver.  Il  fait  mention  ,  sous  l'année  i22'7,  du  retour 
des  croisés  bataves,  de  la  mort  d'Honorius  III,  de  l'installa- 
tion de  Grégoire  IX;  et  soiis  les  trois  années  suivantes,  de 
queUjues  faits  d'une  très-mince  importance,  même  dans  l'his- 
toire monastique  à  laquelle  ils  appartiennent.  Ce  que  nous 
y  voyons  de  plus  digne  d'être  observé,  c'est  l'usage  que 
l'auteur  fait,  comme  en  plusieurs  autres  endroits,  de  cer- 
taines ères  spéciales  :  1280  est  l'an  4  du  jiontificat  de  Gré- 
goire IX,  821  de  la  conversion  de  saint  Augustin,  ^o4  de 
celle  de  saint  Benoît,  610  de  l'avènement  du  pape  Grégoire- 
le- Grand,  5o5  de  la  passion  de  saint  Boniface,  4o  de  la 
prise  de  Jérusalem  par  Saladin  ,  Œ  de  la  translation  des  rois 
mages  à  Cologne,  i4o  de  l'établissement  des  Chartreux,  i32 
des  Cisterciens,  1  iode  Prémontré,  etc.  Ces  dates  accumulées 
ne  sont  pas  toujours  exemptes  d'erreurs,  et  peuvent  néan- 
moins éclairer  quelques  détails  de  la  science  chronologique. 
L'église  de  Skirame  reçoit  une  donation  en  i23i,  en  même 
temps  que  des  troubles  civils  et  religieux  s'élèvent  dans  le 
territoire  dq  Groningue.  Ils  se  prolongent  en  I232,  et  l'inon- 
dation de  1233  achève  de  désoler  cette  contrée.  Par  surcroît, 
deux  moirtesde  Brème  viennent,  en  1234,  prêcher  une  croi- 
sade contre  les  Stadingues,  demi -sauvages  qu'on  déclarait 
les  ennemis  de  Dieu  et  .des  hommes.  Ces  deux  premiers 
missionnaires  obtinrent  peu  de  succès;  mais  on  en  vit  arri- 
ver bientôt  plusieurs  autres  qui  volaient ,  dit  l'auteur,  comme 
des  nuées,  quaû  nubes  ■volabant ,  sur  les  rives  du  Rhin,  suf 


ABBE  DE  VERUM.  i83 


Xni  SIÈCLE. 


la  Westphalie,  la  Hollande,  la  Flandre  et  le  Brabant.  A  leur 
voix  ,  les  peuples  s'armèrent,  et  sous  la  conduite  du  duc  de 
Brabant,  du  comte  de  Hollande,  du  comte  d'Oldenburgh 
et  de  bien  d'autres  princes,  exterminèrent  la  tribu  proscrite. 
Ce  fut,  ajoute  Emon,  la  troisième  guerre  de'clarée  aux  infi- 
dèles ;Ja  première  avait  été  dirigée  contre  les  Sarrasins,  la 
seconde  contre  les  Albigeois  ;  on  prit  la  troisième  croix  contre 
les  Stadingues. 

Les  dernières  pages  du  livre  ne  présentent  que  des  consi- 
dérations morales,  et  des  dissertations  philosophiques  ou 
théologiques  sur  l'ame  et  le  corps,  sur  la  résurrection ,  l'enfer      Ibid. ,  p.  496- 
et  le  purgatoire.  Ces  sujets  ont  été  mieux  traités  par  d'au-  ^°^' 
très  écrivains;  mais  nous  avons  distingué,  dans  les  parties 
réellement  historiques  de  l'ouvrage   d'Ëmon,  des  articles 
originaux  plus  ou  moins  instructifs.  C'est  encore  parmi  les 
chroniques  rédigées  dans  la  première  moitié  du  xiii«  siècle, 
l'une  de  celles  ou  il  est  possible  de  recueillir  çà  et  là  d'utiles 
documents,  au  milieu  de  beaucoup  de  récits  arides,  stériles 
ou  fabuleux.  Elle  aurait  pu  hous  arrêter  un  peu  plus  long- 
temps, si  elle  avait  mieux  appartenu  à  l'histoire  littéraire 
de  la  France.  Nous  n'avons  pas  cru  devoir  la  passer  tout-à- 
fait  sous  silence,  les  écoles  de  Paris  et  d'Orléans  étant  du 
nombre  de  celles  que  l'abbé  de  Verum  a  fréquentées  dans 
sa  jeunesse,  et  les  Pays-Bas  tenant  d'ailleurs  de  fort  près  à 
nos  provinces.  Cette  chronique  a  été,  d'après  les  manuscrits 
conservés  en  Frise,  imprimée  pour  la  première  fois  dans  le 
tome  troisième  des  Analectes  d'Antoine  Matthieu.  Le  pré- 
montré Hugo  en  a  donné,  après  de  nouvelles  recherches,  leciaT^B^'eqq 
une  autre  édition  en  172.5  ,  dans  le  premier  tome  de  ses  Mo-  in  8°'.Hagaecoin! 
numents  d'antiquité  sacrée.  L'ouvrage  est  suivi,  dans  l'ua  et   '7io,  10  tom., 
l'autre  recueil,  de  ses  deux  continuations,  celle  de  Mcncon  et      sac^aDiinoi- 
celle  de  l'anonyme.  ^  tatis  Monumen., 

Fabricius  demande  si  Emon ,  abbé  de  Verum,  est  le  même  ^'"'«g''»  'v^S , 
qu'Emmo,  auteur  d'un  livre  sur  la  vie  future  :  De  qualitate  i^^ZioZ      '  '' 
vitœfutune,  cité  par  Sander  parmi  les  manuscrits  conservés      Bibiioih.med. 
en  Belgique.**  Il  y  a  peu  d'apparence,  à  moins  pourtant  que  <=' '"f- 'a'- , «•  H, 
cet  opuscule  ne  soit  une  copie  des  dernières  pages  de  la  **  BaiiioiJi  rass' 
chronique,  qui  traitent  principalement  de  l'immortalité  de  Beig.p.  271. 
l'ante.  C'était  peut-être  cet  Emmo  ou  un  troisième  Emon 
qui  avait  rédigé  trois  livres  d'extraits  de  la  Bible  et  des  saints 
Pères  :  Lihri  très  expratis  SS.  Scripturanim  et  Patruni  sen- 
tentiis  excerpti.  On  n'en  connaît  que  la  préface,  qui  a  été  pu- 


i84  PHILIPPE  DE  GREVE, 

bliee  par  Dom  Martene,  d  après  un  manuscrit  du  xiii   siècle. 

Thesaur.  nov.  Elle  est  adrcssée  au  très-révërend  père  en  J.  C.  Guillaume 

^^"^c«a  ^'*^'''"  (  If^illelmo  ),  qui  n'est  pas  autrement  désigné.  On  voit  seu- 
lementquilsagitd  un  personnage  qu>  avait  renonce  aux  biens 
et  aux  honneurs  de  ce  monde  pour  se  vouer  à  la  piété,  et  que 
c'était  afin  de  lui  obéir  ou  de  lui  complaire,  que  ces  extraits 
avaient  été  entrepris.  Cette  préface  est  d'ailleurs  fort  courte; 
elle  annonce  trois  livres  dont  le  premier  concernera  la  patrie 
céleste:  Qualitatem  cœlestis  patriœ  ;  le  second,  les  saintes  œu- 
vres par  lesquelles  s'acquiert  l'éternelle  félicité; et  le  troisième, 
les  supplices  des  damnés  :  De  qualitate  suppUcii.  C'est  bien  le 
même  sujet  que  celui  qu'indique  d'une  manière  plus  générale, 
le  titre  transcrit  par  Sander  :  De  qualitate  vitœ  Juturœ ;  c'est 
même  à  peu  près  l'objet  des  réflexions  qui  terminent  les  récits 
d'Emon  de  Verum.  Mais  il  est  ici  question  de  trois  livres  com- 
posés de  sentences  ou  pensées,  extraites  des  docteurs  de  l'Eglise 
et  des  Saintes  Ecritures;  par  conséquentd'un  recueil  qui  devait 
avoir  plus  d'étendue  et  d'autres  formes  que  les  ouvrages  ou 
opuscules  précédents.  D. 


PHILIPPE  DE  GREVE, 

CHANCELIER  DE  L'ÉGLISE  DE  PARIS. 


noRT  en  1237. 


Chron. 


Lj'annÉe  où  naquit  Philippe  de  Grève  n'est  indiquée  nulle 
part  ;  mais  Albéric  de  Trois-Fontaines  dit  qu'il  était  de  Paris 
iiaî*^""     "'"    t't  neveu  de  Gauthier  l'Ancien,  qui  avait  rempli  l'office  de 
camérier.  Philippe  devint,  en    1218,  chancelier  de  l'église 
de  Paris,  après  maître  Etienne,  successeur  immédiat  de  Jean 
de  Candelis.  Nous  avons  parlé  des  démêlés  de  Jean  avec 
la  Fi'*' t'xvii^  l'Université   parisienne  :  ils  se  rallumèrent  sous  Philippe, 
p.  uoï.  '  qui ,  s'autorisant  d'un  règlement  du  légat  Octavien  ,  et  ne 

tenant  aucun  compte  de  celui  de  Robert  de  Courçon ,  me- 
naçait d'excommunier  les  étudiants  et  les  maîtres ,  s'ils 
osaient  former  des  associations  et  contracter  des  obligations 
communes,  sans  son  consentement  ou  celui  de  l'evêque. 
L'Université  demandait  communication  du  statut  d'Octa- 
vien,  et,  n'obtenant  rien  du  chancelier,  elle  eut  recours  au 
pape.  Philippe  méprisa  cet  appel  :  soutenu  par  les  vicaires  de 


CHANCELIER  DE  L'ÉGLISE  DE  PARIS.        i85 

„  ,    ,  .,  •  «•  ^™  SIÈCLE. 

levêque,  alors  absent,  il  excommunia  en  effet  les  maîtres 

des  arts  libéraux  et  leurs  écoliers,  suspendit  les  professeurs 
de  leurs  fonctions,  et  fit  emprisonner  plusieurs  étudiants. 
L'évêque  de  Senlis ,  Guérin  ;  le  doyen  et  plusieurs  chanoines 
de  Paris  s'employèrent  en   vain  pour  le  fléchir:  il   fallut 
qu'Honorius  III  intervînt.  Une  bulle  pontificale  réprima  en 
1219  l'entreprise,  ou,  comme  il  est  dit,  Xinsolence  du  chan- 
celier et  de  ses  complices,  cancellarii  ipsius  ac sociorum  inso- 
/e«fi(3m.  Personnellement  offensé  de  ce  qu'on  avait  témoigné 
si  peu  d'égards  pour  un  appel  au   saiiit-siége,  le  pape  se 
déclarait  le  protecteur  de  cette  Université  parisienne',  qui, 
disait-il ,  répandait  les  eaux  salutaires  de  la  doctrine,  arrosait 
et  fécondait  les  terres  de  l'Eglise  catholique  :  Studium  pari" 
siense  quod  doctrinœ  suœfiuenta  usquequaquam  diffundens, 
universalis  Ecclesiœ  terrant  irrigat  et  fœcundat.  Il  chargeait 
l'évêque,  le  doyen  et  le  chantre  de  Troyes,  de  proclamer 
l'aniiulation  de  la  sentence  prononcée  par  le  chancelier,  et 
de  toute  excommunication  qu'on  oserait  lancer  à  l'avenir 
contre  l'Université,  sans  un  mandat  spécial  du  siège  aposto- 
lique. Il  était  enjoint  à  Phihppe  de  Grève  et  à  ses  consorts 
de  comparaître,  le  premier  en  personne,  les  autres  par  pro- 
cureurs, devant  la  cour  de  Rome,  au  jour  de  l'octave  de 
saint  Michel ,  pour  se  justifier  ou  pour  subir  les  peines  qu'ils 
avaient  méritées.  Injungatis  cancellario  et  sociis  ejus,  ut  ipse 
cancellarius-  personaliter ,  complices  verb  ejus  per  procura- 
tores  idoneos ,  in  octavis  beati  Michaelis  proximis,  quas  eis 
diem  peremptorium  assignavius ,  apostolicœ  sedis  conspectui 
se  reprœientent ,  ut  super  prœdictœ  temeritatis  excessu ,  si 
potuerint ,  se  excusent,  aut  meritam  sentiant  ultionem.  Nous      Du   BouUy  , 
ne  voyons  cependant  pas  que  Philippe  ait  été  si  sévèrement  HistUniv. Paris, 
iueé.  Peut-être  dut-il  les  ménagements  qu'on  eut  pour  lui  à  '"  l^  '"'."^  „^^." 
1  intercession  de  labbe  de  Premontre,  Gervais,  qui  écrivit  del'Univ.,  1. 1, 
en  sa  faveur  à  Honorius  et  à  un  cardinal.  Ces  deux  lettres  p- 287-291. 
supposent  que  le  chancelier  part  pour  Rome,  et  sont  les  ,j     Monùm  "' 
seuls  indices  que  nous  ayons  de  la  réalité  de  ce  voyage  :  Ger-  i,  p.  14, 1 5,  78. 
vais  à'étonne  qu'un  théologien  si  savant,  si  dévoué  à  l'E- 
glise, si  digne  de  la  bienveillance  du  souverain  pontife,  soit 
obligé  de  l'entreprendre  pour  répondre  aux  calomnies  de 
quelques  pervers.  Ce  qui  est  surtout  à  remarquer,  c'est  que 
l'évêque  et  le  chancelier  de  Paris  continuèrent  de  s'attribuer 
les  mêmes  pouvoirs  sur  les  maîtres  et  sur  les  écoliers  de  l'U- 
niversité. 

Tome  XFIII.  A  a 

1  5  * 


i86  PHILIPPE  DE  GREVE, 

XJII  SIÈCLEi  ^,  .,•  ,        .        ,  .         A       ,,  •       Tr  r      •• 

Philippe  s  attira  bientôt  d  autres  ennemis.  Vers   1224,  11 

déclara  la  guerre  aux  moines  mendiants  qui  avaient  ouvert 
des  écoles  publiques  :  il  entreprit  de  les  exclure  du  corps 
enseignant,  et  de  ne  leur  laisser  d'autres  disciples  que  leurs 
jeunes  confrères  au  sein  de  leurs  communautés.  Ces  nou- 
veaux ordres  religieux  jouissaient  alors  d'une  grande  faveur: 
la  cour  de  Rome  les  protégeait;  Grégoire  IX,  en  1227,  première 
année  de  son  pontificat,  recommanda  par  une  bulle  spéciale 
Oudin,  Corn.  Ics  prédicatious  et  les  leçons  des  dominicains.  A  cette  même 
.k- scr.  cccies. ,  époquc ,  ce  papc  accueillit  une  réclamation  des  chanoines 
1  iii.p.  '2"^—  réiiuliers  de  Sainte-Geneviève,  que  Philippe  de  Grève  avait 

l>iiBoulay,t.III,  o    _  ,  ,  ^    T  rr  , 

p.  123,  114.  aussi  mécontentes,  en  ordonnant  aux  proiesseurs  en  théo- 
logie et  en  droit  canon  de  s'obliger  par  serment  à  n'enseigner 
qu'entre  les  deux  Ponts,  et  non  sur  la  Montagne  ni  en  d'autres 
lieux.  Grégoire  IX  chargea  l'abbé  de  Saint-Jean  des  Vignes 
et  l'archidiacre  de  Soissons  d'examiner  cette  affaire,  et  an- 
nonça, tant  à  ces  deux  commissaires  qu'au  chancelier  de  la 
cathédrale  de  Paris,  l'intention  de  maintenir  les  genovéfains 
en  possession  de  tous  les  droits  que  réclamaient  l'honneur 
et  les  intérêts  de  leur  monastère.  On  voit  par  le  détail  de  ce 
nu  Boulay ,  démêlé,  qu'il  y  avait   dès  lors  deux  chanceliers,  celui  de 

■b'd.,  pag.  124-  Sainte-Geneviève  qui  donnait  la  permission  d'enseigner  sur 
la  Montagne,  et  celui  de  la  Cathédrale  qui  entendait  se  réser- 
ver à  lui  seul  le  droit  d'instituer  ou  d'autoriser  les  professeurs 
de  droit  canon  et  de  théologie,  et  qui  d'ailleurs  ne  voulait 
permettre  ces  deux  enseignements  qu'errtre  les  deux  Pont*. 
Ces  restrictions  n'avaient  pas  lieu  à  l'égard  des  deux  facultés 
de  la  médecine  et  des  arts.  Nous  ignorons  s'il  intervint  un 
jugement  pour  affranchir  les  théologiens  et  les  décrétistes 
des  entraves  que  prétendait  leur  imposer  Philippe;  mais  les 
Hist.  de  lu-  f^its  prouvent,  ainsi  que  Crevier  l'observe,  que  cette  entre- 

lliv.,  t.  I,p.  2f,3.  '        ^  1     •  '  ^ 

'     ■'     prise  n  eut  pas  un  plein  succès. 

On  sait  quels  troubles  éclatèrent  en  1229  au  sein  de  l'Uni- 
chioii. deFé-  vcrsité  de  Paris.  Les  étudiants  avaient  comtois,  durant  les 
delvimufort^d"  i^^^^  g^'^s,  d'impardounablcs  délits;  mais  la  reine  Blanche 
Bern.  Guido'nis,  prit  coutre  CCS  jcuncs  gens  des  mesures  si  sévères ,  que  plu- 
ann.  nîfj— M.  sicurs  d'cutrc  eux  ayant  été  emprisonnés,  blessés,  noyés, 
massacrés,  presque  tous  les  auti'es  s'enfuirent  et  se  dispersè- 
rent en  diverses  parties  du  royaume,  quelques-uns  même 
en  des  pays  étrangers.  Les  maîtres  épousèrent  la  cause  des 
disciples,  interrompirent  leurs  leçons, et  pour  la  plupart  dé- 
sertèrent aussi  la  capitale.  Ce  fut  1  occasion  de  l'établisfiemetit 


Paris,  etc. 


CHANCELIER  DE  L'ÉGIJSË  DE  PARIS.        187 

ou  de  l'accroissement  des  Universités  d'Orléans,  d'Angers, 

de  Poitiers,  de  Reims  et  d'Oxford.  Les  dominicains  profitè- 
rent de  ces  conjonctures  pour  se  créer  à  Paris  des  chaires  de 
théologie;  une  première,  en  i23o,en  l'absence  du  chancelier 
Phiiippequi  lui-même  avait  pris  la  fuite;  une  seconde,  en  is3i, 
après  que  la  pacification  générale  des  écoles  eut  amené  un 
accord  particulier  entre  ces  religieux  et  lui.  Il  ne  tarda  point 
à  se  repentir  decette  réconciliation;  il  redevint  plus  que  jamais 
leur  ennemi,  et  resta  exposé,  ])endant  les  six  dernières  années 
de  sa  vie,  à  leurs  implacables  ressentiments. 

L'Université  parisienne,  après  deux  ans  d'exil,  reparaît 
et  refleurit  en  i23i  :  elle  obtient  de  Grégoire  IX  une  bulle 
de  réformation  et  des  garanties  nouvelles  contre  les  entre- 
prises  soit  du   chancelier  soit   de  l'évêque.  Le  pape  écrit 
au  roi  Louis  et  à  la  reine  Blanche,  pour  leur  recommander 
les  intérêts  des  maîtres  et  des  étudiants.  Ces  pièces  et  quel- 
ques autres  actes  pontificaux  relatifs  aux  écoles  de  Paris, 
contiennent  des  détails,  desquels  Du  Boulay  crqit  pouvoir     Hisi.Univ.Pa- 
conclure  qu'on  distinguait  des  lors  les  grades  de  bachelier,  ','/3.'_  cre?ier' 
de  licencié  et  de  docteur;  qu'il  était  défendu  d'exiger  des  hIsi.  de  runiv. | 
candidats  ou  postulants  aucune  sorte  de  rétribution;  que  la  •  ii  p- 345-Î49- 
division  en  nations  s'appliquait  aux  facultés  de  droit  canon 
et  de  théologie  comme  aux  deux  autres;  qu'entre  les  statuts 
de  l'Université,  les  uns  concernaient  le  régime  intérieur  de 
l'enseignement,  les  autres  la  conduite  des  étudiants  hors  des 
écoles. 

Cependant  Philippe  de  Grève   [)ersistait  à  défendre   ses 
droits  de  chancelier  et  ceux  de  son  évèque  contre  l'Université, 
contre  les  genovéfains,  surtout  contre  les  moines  mendiants, 
auxquels  le  pape  octroyait  de  nouveaux  privilèges,  en  laSa;  „.^^",'[  "°"'^^  ' 
et,  quoique  ces  querelles  dussent  occuper  assez  son  activité,  p  1/,7-14'g' 
il  lui  restait  du  zèle  encore  pour  combattre  et  poursuivre  les 
hérétiques.  Lorsqu'on  en  brûla  quelques-uns  à  Châlons-sur- 
Marne,  en  i235,  il  assistait  à  leur  supplice  avec  le  frère  Ro- 
bert; l'un  et  l'autre  peut-être  en  qualité  de  commissaires.     Aiber., chron. 
Mais  cette  année   i235  est  encore  plus  remarquable  dans  ^^^- '*^-* '?=•?• 
l'histoire  de  sa  vie,  par  la  vivacité  qu'il  mit  à  défendre  la 
pluralité  des  bénéfices.  Cette  question,  qui  s'agitait  depuis 
quelques  mois,  fut  solennellement  décidée  dans  une  assem- 
blée de  docteurs  séculier^  et  réguliers,  qui  se  tint  à  Paris, 
et  au  sein  de  laquelle  la  pluralité  des  bénéfices  ecclésiasti- 
ques ne  trouva  que  deux  partisans,  le  chancelier  et  Arnold, 

A  a  11 


i88  PHILIPPE  DE  GREVE, 

xni  siÈcu..    ,       .     ,  »         1. .     •         T^i  •!• 

depuis  eveque  d  Amiens.  Philippe  est  a  ce  sujet  amèrement 


DeÂpibus,!.  ccnsuré ,  non  seulement  par  Thomas  de  Cantimpre,  mais 

I,c.i9,  D.  5.      aussi  par  Albert-le-Grand  ,  et  d'après  celui-ci  par  Jean 

mentis   * ""*'  Raulin.  Un  chapitre  de  dominicains ,  tenu  en  1 238,  réprouva 

Doctrinale Mor-  pareillement,  et  avec  encore  plus  de  sévérité,  l'opinion  du 

tis.,trac. 3,c.  3.  chancelier  de  Paris;  mais  il  était  mort  le  aS  décembre  1287, 

ia38*"n  ^is"—  ^^  ^'^^  ^^  pourrait  placer  son  décès  en  laSS,  qu'en  faisant 

FUI. de  la  Chaise,  Commencer  l'année  à  Noël.  On  raconte  que,  malgré  la  sen- 

viedeSt.-Louis,  tcncc  dcs   doctcurs ,  Philippe  garda  obstinément  tous  ses 

aiq 's5o'  '  ''    bénéfices;  et  qu'à  sa  dernière  heure,  lorsque  son  évêque 

l'exhortait  à  n'en  conserver  qu'un  seul  pour  ne  pas  com- 

'  promettre  son  salut  éternel,  il  répondit  qu'il  était  bien  aise 

Thomas  Can-  d'en  faire  l'expérience,  experiri  se  velle.  Sa  damnation  est 

timp.,  loc.  cit.  affli-m^e,  racontée  même  par  Thomas  de  Cantimpre.  «  Peu 

— Meyer.Ajinal.  .      .       ^  ,,  ri'i  j-  ,..« 

Fiand.,1.  VIII.  "  de  jours  après  le  2D  décembre,  dit  cet  ecrivam,  une  om- 
«  bre  noire  apparut  à  l'évêque  de  Paris,  Guillaume,  qui  lui 
«  demanda  qui  elle  était.  «Je  suis,  répondit-elle ,  votre  mi- 
«  sérable  chancelier,  damné  pour  trois  causes,  ma  dureté 
«  envers  les  pauvres,  le  grand  nombre  de  mes  bénéfices  et 
«  le  dérèglement  scandaleux  de  ma  conduite.  Tertia  est  et 
«  illa  gravissima  omnium  ,  quod  abominabiU  carnis  vitio  in 
«  multorum  scandatum  miilto  tempore  laboravi.  »  Nous  de- 
vons dire  qu'il  ne  subsiste  aucun  autre  témoignage ,  aucun 
autre  indice  de  ce  dernier  fait,  qui  sans  doute  serait  le  plus 
grave;  et  nous  pensons  que  la  vraie  cause  pour  laquelle  Phi- 
lippe est  damné  par  Thomas,  est  celle  dont  Thomas  s'ab- 
stient de  parler  ici;  l'inimitié  mortelle  qui  avait  éclaté  entre 
le  chancelier  et  l'ordre  des  frères  prêcheurs.  Les  contes  que 
nous  venons  de  rapporter,  et  qui  conviennent  tropà  l'esprit  du 
moyen  âgepourqu'il  nous  ait  été  permis  de  les  omettre,  peu- 
vent sembler  démentis  parle  soin  que  prit  l'évêque  Guillaume 
de  faire  inscrire  une  épitaphe  sur  le  tombeau  ae  Philippe  de 
Aiber.  chron.  Grève,  enterré,  dit- on,  chez  des  franciscains.  Toutefois  il 
n'est  question, dans  les  six  vers  rimes  de  l'épitaphe,  que  des 
richesses,  des  dignités,  des  honneurs  du  défunt,  et  nulle- 
ment de  ses  vertus  : 


ann.  \-i!\- ,  pa 
S61 


Census  ,  divitiae  vivent!  quid  profuêre.*' 
Si  caream  requie,  nil  possunt  ilia  valere. 
Me  modo  terra  tegit,  leget  et  te,  te  precor,  ora 
Ut  mihi  sit  requies  ;  sit  et  haec  tibi  raortis  in  horà.- 
Gran  e      ron.  q^j  ^^^  novisfi ,  nunc  hîc  sois  membra  recondi  ^ 

^j',  Dicere  qui  potens  ,  sic  transit  gloria  mundi. 


XIII  SIKCLE. 


CHANCELIER  DE  L'ÉGLISE  DE  PARIS.       189 

Ses  ouvrages  n'ont  pas  joui,  même  de  son  temps,  d'une 
réputation  fort  brillante;  ils  sont  aujourd'hui  presque  ignorés. 
C'étaient  principalement  des  sermonset  descommentairessur 
des  livres  de  la  Bible.  Quelques  manuscrits  de  ses  sermons  ont 
été  vus  par  Montfaucon  au  Vatican  et  au  Mont-Saint-Michel.     Bibi.biiji.mss., 
Il  s'en  conservait  de  pareils  en  plusieurs  abbayes  cistercien-  '-''P;  'oj.i  h. 
nés.  La  Bibliothèque  de  Saint-Germain-des-Prés  en  possédait  "'  '  ''^' 
un  sous  lenuméro  677.  Il  en  existe  à  la  Bibliothèque  du  Roi,     Oodin.Comm. 
avec  le  titre  de  Sumrna  sermonum ,  sous  les  numéros  2843,  «'«Smpi.eccies., 
3282,  3543,  354'J.  Une  grande  partie  de  ces  discours  corres-  •?■'*' 

pond  à  la  série  des  dimanches  et  des  fêtes  de  l'année  ecclé- 
siastique :  Sermones  dominicales  et  festivi ;  c'était  le  titre 
d'un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Jumièges,  ainsi  que  de  celui      Montf.,Bibl , 
qui  à  Saint-Victor  était  coté  QQ.  21,  et  auquel  un  biblio-  ijibi.  mss.,  1. 11, 
tnécaire  avait  attaché  fort  mal  à  propos  le  nom  de  l'évêque  "'  '^'*' 
Guillaume,  qui  n'a  jamais  été  chancelier,  et  dont  on  a  les 
sermons  très- différents  de  ceux-là.  Un  manuscrit  in-folio,      ^      „   .. 
sur  vélin,  du  monastère  de  Vauluisant,  contenait,  aprèsune  comm.    s'èripi.' 
longue  table  alphabétique  des  matières,  les  sermons  de  Phi-  eccies.,t.  m,  p. 
lippe  de  Grève,  depuis  le  premier  dimanche  de  l'A  vent  jus-  'M;,.',*^'  ... 

.  !•  1         1       r»  1  •         •  »  /p    f  ••  •  telibien.Hist. 

qu  au  dimanche  des  Hameaux  :  la  suite,  jusqu  au  a4  dimanche  de  Paris,  t.  i,p. 
après  la  Pentecôte,  remplissait  un  autre  volume  qui  se  ter-  »9a- 
minait  par  la  formule  :  Explicit  secunda  pars  Omeliarum 
cancellarii.  Ces  prédications  portent  aussi  le  nom  d'homélies 
dans  quelques  manuscrits  de  la  Belgique,  indiqués  par  San-     Bibi  mss.Beig., 
der ,  et  dans  un  manuscrit  de  la  cathédrale  d'York.  Celui  qui  part,  i ,  p.  1 1 1 , 
est  numéroté  3544,  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  a  pour  titre  :  part.  11,  p.  238. 
ctermones Jestivales.  il  y  a  souvent  deux  ou  trois  sermons  Angi.,partiv 
pour  un  seul  dimanche  ou  pour  une  seule  fête  de  saint  ;  nous  p-  3? 
n'en  déterminons  pas  le  nombre  total  qui  ne  paraît  pas  être 
le  même  dans  toutes  les  copies.  Sander  en  cite  une  particulière 
du  discours  sur  saint  Jean-Baptiste. 

Le  chancelier  Philippe  a  laissé  de  plus  336  sermons  sur 
le  psautier,  deux  ou  trois  sur  chaque  psaume.  On  en  con- 
naissait des  copies  manuscrites  à  Saint-Martin  de  Tournav, 
à  Camberon, à  Vauluisant,  à  Saint-Évroul,  à  Saint-Germain-      sander   ti 
des-Prés,  chez  les  dominicains  de  Clermont  en  Auvergne;  p.  92, 134, 36a! 
mais  ils  ont  été  imprimés  deux  fois,  d'abord  à  Paris,  chez      FéUbien,  lo.. 
Bade,en  i533,in-8°;«puisàBre8cia,chezMarchetti,en  1600,  "^"^lonif    uji,! 
dans  le  même  format.  Ils  consistent  en  explications  mysti-  bibi  msi.',  1. 11! 
ques,  qui  n'éclaircissent  jamais  les  textes;  et  quoique  Henri  p  «333,  1354. 
de  Gand  les  ait  autrefois  déclarés  fort  utiles  aux  prédicateurs,  ^^^^  ^"^^  "' 


illl  SIECLE. 


190  PHILIPPE  DE  GRÈVE, 


la  vérité  est  qu'on  ne  saurait  y  puiser  aujourd'hui  aucune 
instruction  réelle.  On  leur  pourrait  donner  presque  indiffé- 
remment le  nom  de  sermons  ou  le  nom  de  commentaires;  et 
il  en  est  de  même  à  l'égard  de  ce  que  Philippe  a  écrit  sur  les 
évangiles,  manuscrit  du  Roi,  fonds  de  Colbert;  manuscrit 
Cataiog.  inss.  de  Cambridge,  numéro  io3. 
Angi    part.  III,       Philippe  de  Grèvc  a  aussi  commenté  les  lamentations  de 

1).  1703.  ,.rr,  .  .,,         .....  , 

Sand.'.p.  I,  p.  Jeremie;  c  est  du  moins  ce  qui  resuite  des  indications  don- 

r)î,(jî,i  11,362.  nées  par  Sander,  de  certains  manuscrits  conservés  en  Bel- 

Appar.  sac. ,  giqug.  Posscvin  et  Leiong  lui  attribuaient  une  explication  du 

Jîibl.  saci.,  p  livre  de  Job,  déposée  dans  la  Bibliothèque  de  la  cathédrale 

753.  de  Cambrai;  mais  M.  Le  Glay  en  examinant  ce  manuscrit, 

Calai. des mss.  ^  rccounu  i'ouvra£îa  du  prêtre  Philippe,  disciple  de  saint 

lie   Cambrai,    p.     .^  m     .  7  •    •       1  •  •  r    ?         f?     ■ 

H,,  Jérôme  :  Philippi  presbyteri  m  nistonani  Job  ^  lion  trcs ;  ou- 

Fabrio.,  Bibi.  vrage  imprimé  à  Baie,  en  iSaj,  in-folio;  inséré  depuis  dans 

med^tt  in  .  al.,  |    ^,,pyçji  j^g  œuvrcs  de  saint  Jérôme,  et  avec  des  variantes, 

111-4  ,  I.   >  ,  pag.  1  '  L  1  > 

■xij-,  198.  parmi  celles  de  Béda  :  le  véritable  texte  n  en  est  peut-être  pas 

Bibl.n.ss.Beig,  eucorc  bien  établi. 

pait.  ,p.  iM  Sander  est,  à  notre  connaissance,  le  seul  qui  ait  cité  un 
traité  du  chancelier  Philippe  sur  la  manière  d'exhorter  et  de 
traiter  les  moribonds  :  Libellas  de  modo  exhortandi  et  fa- 
ciendi  de  Ulis  qui  in  agone  et  articido  mortis  laborant.  Mais 
on  a  indiqué  plusieurs  copies  d  une  Somme  de  théologie 
composée  par  cet  auteur  :  il  s'en  trouvait  dans  les  bibliothè- 
ques de  l'abbaye  des  Dunes,  de  Saint- Antoine  de  Padoue,  de 
Sander  t. i,p.  j^   Sorboiuic,  ct  du  Collège  de  la   Madelaine  à  Cambridge. 

.Suppi~  p."^^"'  Cette  compilation  scholastique  est  du  grand  nombre  de  celles 

'\T,-  qui  n'ont  pas  été  jugées  dignes  de  voir  le  jour, 

chion    ann.       Albéric  dc  Trois-Fontaiiics  nous  apprend  qu'en  i233,  le 

r,^3  '  ''■  '  ''■  chancelier  Philippe  écrivait  l'histoire  du  saint  clou  que 
possédait  l'abbaye  de  Saint-Denis,  et  des  prodiges  qui  s'ac- 
complirent lorsque ,  ayant  été  perdu,  il  fut  miraculeusement 
retrouvé.  Dom  Félibien  dit  (|ue  Tillemont,  dans  sesMémoires 
manuscrits. sur  la  vie  de  saint  Louis,  parle  avec  éloge  de 
cette  relation  dont  il  existait  des  copies  en  quelques  biblio- 
Hisi.  de  l'ab-  thèqucs;  mais  Félibien  avoue  qu'il  n'a  pu  fa  découvrir  nulle 

baye  de  St.-De-  p,irt,  quoiqu'il  l'ait  soigneusement  recherchée. 

OIS, p.  2  2, note.       jj  jjçjyg  reste  à  faire  mention  d'un  livre  que,  sur  la  foi  de 
caiaiog.  mss.  dcux  manuscrit»  d'Angleterre,  on  a  voulu  attribuer  à  Phi- 

.4n^i ,  p.iii.  I,  p.  ijppg  jg  Grève;  c'est  celui  qui  dans  les  œuvres  d'Albert-le- 
Grand  a  pour  titre  :  Spéculum  astronomicum  in  quo  de  libris 
licitis  et  illicitis.  Ce  traité  porte  le  nom  d'Albert  dans  un  bien 


CHANCELIER  DE  L'ÉGLISE  DE  PARIS.        191 


XIII  SIÈCLE. 


plus  grand  nombre  de  manuscrits,  et  nous  n'hésitons  point 

à   dire  qu'il   appartient  en  effet  à  ce  théologien  célèbre, 

comme  l  ont  cru  Pignon,  Valleoleti,  Gerson,  et  d'après  eux 

les  auteurs  de  l'histoire  des  écrivains  de  l'ordre  des  frères      script.  ordin. 

prêcheurs.  Prœd.,  1.  i,  p. 

On  vient  de  voir  que  le  seul  ouvrage  imprimé  de  Philippe  '^''  ''"' 
de  Grève  est  le  recueil  de  ses  discours  sur  les  psaumes.  Ce 
n'est  pas  un  titre  littéraire  d'une  haute  valeur.  Cependant  le 
chancelier  a  passé,  durant  sa  vie,  pour  un  personnage  très- 
savant.  Ses  sermons  surtout  avaient  de  la  vogue;  il  figure 
dans  la  liste  des  prédicateurs  de  cet  âge,  avec  l'évêque  Guil- 
laume, Hugues  de  Saint-Cher,  Nicolas  Byart,  Guilbert  de 
Tournay,  Robert  Sorbon  et  Guiard  de  Laon  qui,  en  laSr», 
devint,  après  Philippe,  chancelier  de  l'église  de  Paris,  et  fut 
depuis  évêque  de  Cambrai.  Philippe  de  Grève  ne  saurait  être 
confondu  avec  Philippe,  archidiacre  de  Bourges,  l'un  des 
■docteurs  qui  signèrent  la  condamnation  du  Thalmud;  car  ce 
décret  est  de  l'an  1248,  et  le  chancelier  Philippe  était  mort 
en  laSy.  D. 


PHILIPPE, 

FRÈRE  PRÊCHEUR. 

Lje  frère  prêcheur  Philippe  est  l'un  des  premiers  qui  ait  fait 
profession  dans  cet  ordre  religieux.  On  ne  sait  ni  en  quel 
temps  ni  en  quel  lieu  il  était  né.  On  peut  le  supposer  Ita- 
lien ;  car  il  est  probablement  le  Philippe  que  les  dominicains 
de  Bologne  et  leur  prieur  Ventura  chargèrent,  en  i233,  de 
faire  comparaître  devant  les  commissaires  délégués   par  le 

f>ape  Grégoire  IX,  les  témoins  de  la  vie  et  des  miracles  de 
eur  fondateur  Dominique  qu'il  s'agissait  de  canoniser.  Phi- 
lippe s'acquitta  parfaitement  de  cette  commission  :  les  dépo- 
sitions des  9  témoins  qu'il  produisit  ont  été  recueillies  par 
Bernard  Guidonis ,  et  publiées  par  Quétif  et  Échard  ,  d'anrès      c 

■         ■   l     ,.  ^    r<  r  0/  "H»c3        Script,  ordin. 

un  manuscrit  qui  existait  a  Larcassonne.  En  i234,  «n  cha-  Fr.  pridic.  1. 1, 
pilre  général  tenu  à  Paris  nomma  Philippe  provincial  des  P-  't4-56- 
maisons  que  l'ordre  commençait  à  posséder  dans  la  Terre- 
Sainte.  Il  a  exercé  cette  fonction  jusqu'en  1288,  époque  où 


Vers  u38. 


iqa  PHILIPPE,  FRÈRE  PRÊCHEUR. 

XHl   SIÈCLE. 

il  vint  l'abdiquer  au  sein  d'un  chapitre  à  Bologne.  C'est  ce 

qui  fait  que  nous  le  plaçons  ici  sous  cette  année;  et  la  men- 
tion que  nous  faisons  de  lui,  n'a  d'autre  motif  ou  d'autre 
excuse  qu'une  épître  qu'il  adressait  en  laSy  à  Grégoire  IX; 
elle  nous  a  été  conservée  par  Albéric  de  Trois -Fontaines, 
et  avec  des  variantes  et  une  addition  par  3Iatthieu  Paris, 
ibid.  ,p.  io3-  Quétif  et  Echard  l'ont  reproduite  avec  son  intitulé  :  Litterœ 

''^^-  Tïiirabiles  fratris  Philippi,  prions  transmarini,  de  fide  Ja- 

cobitanorum ,  et  niultis  aliis ,  et  de  septuaginta  provinciis 
patriarchœ  Jacobitanorurn  subjectis.  C'était  ^  aux  yeux  des 
dominicains,  un  monument  précieux  des  rapides  progrès  de 
leur  ordre,  dès  son  premier  âge,  du  zèle  et  du  succès  avec 
lesquels  leurs  plus  anciens  confrères  accomplissaient  des 
missions  lointaines.  Mais  cette  épître  concerne  aussi  l'état 
des  églises  d'Orient;  seulement  on  ne  sait  trop  quelles 
sont  les  70  provinces  que  Philippe  place  sous  la  juridiction 
du  patriarche  des  Jacobites,  à  moins  qu'il  n'applique  ce  mot 
de  provinces  à  des  diocèses  ou  même  a  de  grandes  paroisses. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  annonce  la  conversion  de  ce  patriarche, 
qui  va,  selon  lui,  entraîner  celle  de  tous  les  schismatiques 
auxquels  il  est  préposé.  Ces  félicitations  étaient  prématurées  : 
soit  que  le  patriarche  n'ait  pas  vécu  assez  long-temps  pour 
tenir  toutes  ses  promesses,  soit  qu'elles  fussent  mensongère 
ou  dictées  seulement  par  le  besoin  d'être  défendu  contre  les 
Sarrasins;  il  est  trop  sûr  que  les  Jacobites  persévérèrent, 
après  123^,  dans  leurs  erreurs  et  dans  leur  schisme.       D. 


SIBRAND, 

HORT.i.  n38.  ABBÉ  DE  MARIE-GARDEN. 

Lje  monastère   dont  Sibrand   fut  abbé  s'appelait  Hortus~ 

«ii!i  Bef"^       Sanctœ-Marice ,  ou  en  langue  ordinaire  Marie-Garden ,  selon 

808.  '      Valère  André;  il  appartenait  à  l'ordre  des  prémontrés.  Saint 

Boiiand.mart,,  Frédéric  Hallem  le  fonda  en  1 163,  dans  la  Frise  occidentale, 

<  i,p  289.        ^  ^^  mille  et  demi  de  la  ville  de  Leuwardes,  dans  le  diocèse 

d'Utrecht,  et,  après  l'avoir  administré  treize  ans,  il  mourut. 

Sibrand,  qui  fut  le  sixième  abbé  de  ce  monastère,  était  un 

homme  très-savant  et  d'une  grande  piété.  La  Bibliothèque 


SIBRAND,  ABBÉ  DE  MARIE-GARDEN.         igS 

j       -.     ,  ,  ,,.,..,.  XIII  SIECLE. 

desPremontres  nous  apprend  qu  il  avait  attire  dans  son  mo- 

nastère  un  autre  Frédéric  qui  s'était  acquis  une  grande  repu-      Lepaige.Libi. 

-,,!,..  ^  "  '     .,    ord.  pia-m.,  Iib 

tation  par  sa  profonde  érudition  ,  et  que  par  son  moyen  il  j^  p.3,,6. 
avaitétabli  dans  sa  maison  unesorted'académie,  dans  laquelle 
on  étudiait,  le  matin  ,  les  poètes,  les  historiens  et  les  autres 
auteurs  profanes,  et  l'après-midi  les  livres  saints  et  les  écri- 
vains ecclésiastiques.  Cette  petite  académie  devint  très-floris- 
sante, et  elle  attira  à  Marie-Garden  une  nombreuse  jeunesse, 
qui  venait  y  puiser  l'érudition.  Sibrand,  après  avoir  ainsi 
partagé  sa  vie  entre  les  exercices  de  piété  et  l'étude  des  lettres, 
mourut  en  1288. 

Cet  abbé  a  laissé  deux  opuscules,  savoir:  la  vie  de  saint      Oudin,i.  m, 
Frédéric  Hallem,  dont  nous  avons  parlé,  et  celle  de  saint  p- «06. 
Siard,  cinquième  abbé  de  Marie-Garden  et  prédécesseur  de 
Sibrand.  Siard  était  mort  en  laSo;  ce  qui  nous  apprend  que 
Sibrand  gouverna  huit  ans  son  abbaye. 

La  vie  de  saint  Frédéric  Hallem,  qui  se  trouve  dans  le      Boiiand.,  lor. 
Recueil  des  Bollandistes,  et  qui  y  remplit  huit  pages,  est  f" 
divisée  en  trois  chapitres.  Dans  le  premier,  l'historien  fait 
connaître  la  jeunesse  du  saint,  son  sacerdoce,  son  zèle  pas- 
toral, ses  miracles;  dans  le  second,  il  dit  ce  qui  donna  lieu 
à  son  entrée  en  religion  ,  les  monastères  qu'il  fonda  ,  celui  de 
Marie-Garden  pour  les  hommes,  et  celui  de  Bethléem  pourles 
femmes.  Le  troisième  expose  l'histoire  de  sa  mort,  de  sa  sépul- 
ture et  de  ses  miracles  posthumes.  Cette  petite  biographie, 
écrite  avec  clarté  et  simplicité,  pourrait  être  renfermée  en  ce 
peu  de  mots:  «  Le  bienheureux  Frédéric,  premier  abbé  et  fon- 
«  dateur  du  monastère  de  Marie-Garden, de  l'ordre  des  pré- 
ce  montrés,  après  s'être  fait  remarquer  par  ses  vertus  et  par 
«  ses  miracles,  après  avoir  attiré  et  affermi  bien  des  âmes  dans 
«  la  religion ,  rendit  avec  joie  sa  belle  aine  à  Dieu  au  milieu 
«  du  chant  des  hymnes  et  des  psaumes;  et  son  intercession 
«  auprès  de  Dieu  opéra  plusieurs  miracles.  »  ^.^  "  ■'^*'g-.'o<^ 

La  vie  de  saint  Siard,  que  Sibrand  a  écrite,  et  que  lui  at-  oudin  ,  ,d( 
tribuent  Valère-André  ,  Oudin,  Vossius,  le  P.  Lepaige,  etc.,  Script.,  loc.  cit. 
n'a  pas  pu  venir  à  notre  connaissance,  parce  qu'elle  était  ,,  y°ri"^'  P^ 
destineea  taire  partie  du  recueil  des  Bollandistes  que  cesecri-  Bibi.  pra.m. , 
vains  ont  laissé  incomplet.  Elle  devait  être  placée  au  treize  '"^'  cit. 
de  novembre,  mais  leur  ouvrage  s'arrête  à  la  fin  d'octobre.     .   "''"'■'  J"" 

/".  •  /  •        "1  1  1    M   1-        1    >  i        f>i''s,t.  I,  p.967. 

Cette  vie  est  restée  manuscrite  dans  quelque  bibliothèque  de  c. 
la  Belgique;  lesBollandistes  l'ont  promise  en  deuxendroitsde      «oiiand.,  lu 
leur  recueil.  P.  R.  S  f  ''"''' 

Tome  XV m.  B  b 


XIII  SIECLE. 


MORT  vers  ii4o. 


CÉSAIRE  D'HE[STERBACH. 


Heisterbach  est  le  nom  du  monastère  cistercien  où  Cësaire 

Oudin,  Com.  a  cmbrassé   la  vie  religieuse.  Il  avait  étudié  à  Cologne,  et 

de  Script,  ecci. ,  peut-être  y  était-il  né;  on  manque  de  renseignements  précis 

t  III,  p.  80.—  j    jjgjj  g^     ]yg  encore  sur  l'époque  de  sa  naissance.  Mais 

Manriq. ,  Annal.  11     ■         -  "I     »    •»  1  •         •  o 

tisterc.,«D.ii99,  il  uous  apprend  lui-meme  qu  il  était  bien  jeune  encorecu  1102, 

r  V,  n.  I.  lorsqu'il  entendit  le  cardinal  Henri  prêcher  la  croisade,  et 

Dialog.,  1.  IV,  j^  ^j^  distribuer  des  croix  dans  l'église  de  Saint- Pierre  de 

Cologne  :  Tandem  in  ecclesiâ  S.  Pétri  Coloniœ ,  adhuc  puer 

audivi  crucetn  prœdicantem  et  plurinios  ibidem  vidi  signan- 

ibid.,  I.  x,c.  tcm.  Il  raconte  ailleurs  comment,  en  11 99,  étant  encore  éco- 

44-  lier,  adhuc  scholaris  parvulus ,  il  fut  subitement  guéri  d'une 

maladie  grave.  «  Ma  tante  maternelle ,  dit-il ,  avait  acheté  une 
«  petite  paysanne  que  l'on  baptisa,  parce  qu'elle  était  âgée 
«  d'environ  dix  ans;  et  ma  mère  m'ayant  enveloppé  dans  le 
«  linge  encore  mouillé  qui  venait  de  servir  à  ce  baptême,  dès 
«  le  premier  contact,  une  sueur  abondante  me  rendit  la 
«  santé.  »  Contigit  ut  quœdam  puella  quam  matertera  mea 
pecunià  comparaverat ,  haptisaretur  :  habebat  enim  circà 
deceni  annos  œtatis.  Suasum  est  matri  meœ  ut  eodem  lintea- 
mine  guo  illa  de  baptismo  exierat ,  me  invoh'eret.  .  .  Attacta 
illius  mox  in  sudorem  erupi  et  convalui.  INous  citons  ces  pa- 
roles, moins  comme  un  exemple  de  la  pieuse  crédulité  de  ce 
temps,  qu'à  raison  des  notions  qu'elles  peuvent  fournir  sur 
l'état  des  personnes  et  sur  la  manière  dont  le  baptême  s'ad- 
ministrait. En  cette  même  année  1199,  Césaire,  en  allant  à 
Cologne  avec  Gérard,  abbé  du  Mont  Saint- Valburge,  apprit 
de  ce  religieux  la  vision  dont  la  sainte  Vierge ,  sainte  Anne 
et  sainte  Marie-Madeleine,  avaient  favorisé  des  moines  oc- 
cupés aux  travaux  de  la  moisson.  Elles  étaient  venues  dans 
la  vallée  essuyer  leurs  sueurs,  et  agiter  l'air  autour  d'eux, 
monachorum  sudorcs  terserunt  ,JlabelUs  manicarum  suarum 
Ibid.,  1. 1  f.  ventum  admoverunt.  Il  ne  fallut  que  ce  récit  pour  opérer  ou 

17.  '  '  achever  la  conversion  du  jeune  Césaire,  c'est-à-dire  (car  tel 
est  le  plus  souvent  le  sens  de  ce  mot  dans  ses  écrits)  la  réso- 
lution d'embrasser  l'état  monastique.  Il  renonça  donc  au 
monde  et  à  un  canonicat  qu'il  possédait,  et  entra  comme 
novice  à  l'abbaye  d'Heisterbach  dans  le  diocèse  de  Cologne. 


CESAIRE  D'HEISTERBACH.  ig5 

1  ,  n  .  ,  •  ,0      I    r  X"I  SIÈCLE. 

il  nomme  deux  de  ses  confrères  de  noviciat,  Godeiroy  et 


Bénécon,  loue  la  persévérance  d<i  premier,  et  déplore  l'in-      ibid.,1.  iv , 
constance  du  second,  qui  mourut  abandonné  de  ses  proches,  c.  49. 
parce  qu'un  vent  violent  et  une  nuée  de  corbeaux  avaient      J'^''^-.'- 1.  ' 
effrayé  et  dispersé  tous  les  autres  assistants.  Selon  Manrique,      Àdann.  1 199, 
Césaire  devait  être  âgé  de  ao  à  aS  ans  en  1 199 ,  puisque  ap-  <=.  v,  n.  3. 
paremment  il  en  avait  dix  à  douze  en  1 188,  lorsqu'il  assistait 
aux  prédications  du  cardinal  Henri.  Cependant  il  ne  s'est 
donné  que  pour  un  petit  écolier,  scholaris  pan'ulus,  au  mo- 
ment de  sa  maladie;  et  c'est  laisser  bien  assez  de  latitude  à 
cette  qualification,  que  de  l'étendre  jusqu'à   18  ou  jg  ans 
Dans  cette  hypothèse,  il  serait  né  vers  1  180. 

Il  paraît  qu'il  ne  tarda  point  à  passer  du  monastère  d'Heis- 
terbach  dans  celui  de  Villiers  en  Brabant,  et  même  à  y  rem- 
plir la  fonction  de  prieur.  11  l'exerçait  en  1201  ,  suivant  une 
chronique  de  Villiers  citée  par  Aubert-le-Mire.  C  est  iiar  ce       Auciar.    ccc 
séjour  en  lielgique  qu  u  peut  avoir  quelque  droit  a  une  men-  j^i3„,.\„  ^ ,  m 
tion  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France  ou  tie  la  Gaule.  Il  ann.  1201,  t.  t, 
appartient  davantage  à  celle  de  l'Allematrne,  et  doit  peut-être  "•  6— Voss.,  de 

'  '  111  -l  'il-  His»    lat.  Opei.  , 

y  occuper  plus  de  place  qu  il  ne  nous  sera  permis  de  lui  en  ,  jj       5. 

donner  ici   II  avait  composé  à  Villiers,  pour  l'instruction  des 

religieux,  quelques  sermons  et  deux  livres  sur  ces  mots  de 

l'Apocalypse  :  iV?^«i/m  niagnuTn  appariât  in  cœlo ,  lorsqu'il 

obtint,  en  1210,  la  permission  de  retourner  à  Heisterbach , 

où  on  le  chargea  de  la  direction  des  novices  et  des  frères 

convers.  U  fit  pour  eux  des  homélies  et  d'autres  opuscules 

qu'il  refusait   de  mettre  au  jour,  persuadé,  écrivait-il  à  son 

abbé,  qu'ils  n'en  étaient  pas  dignes,  et  qu'il  ne  convenait 

point  à  un  jeune  homme  tel  que  lui  d'aspirer  à  instruire  des 

religieux  d'un  âge  plus  avancé.  Mais  il  se  soumit  aux  ordres      Mam.,  t.  i\, 

de  labbé  qui  exigea  la  publication  de  ces  écrits.  On  a  remar-  "^  ^^^'^  ■^'^•' 

que  un  grand  éloge  du  nouvel  ordre  des  frères  prêcheurs, 

dans  un  sermon  prononcé  par  Césaire  vers  I2i5.  Il  entre-      Diaiog,  1.  u, 

•^  , .     ,  '  .     .  I  ,  1  ^       1  C.     I  o  et   I  1  . 

prit,  en  1221  ,  ses  dialogues  ou  récits  de  miracles  :  des  lors,  Manr.t.  m, ad 
ou  du  moins  en  1222,  il  n'était  plus  maître  des  novices;  car  ann.  nS^,  r.  u, 
il  dit  que  Geoffroy  occupait  cette  place  ,  Godefridus  mafrister  "    ^'  '   '^  '  "* 

.   r^  ■'  .r  '  .      ,     ^      p       •^  ,   ,    o  ann.  laai.c.  t, 

noi'itiorum  nostrorum.  Ayant  termine  ou  tort  avance  la  com-  n.  i. 
position  des  dialogues  en  122^,  il  reprit  le  travail  des  ho-      Diaiog.,i.  x, 
mélies,  et  le  continua  durant  les   deux  années   suivantes.  '^'  ^f"' 

/-,      ,.  r  /•  '1  1.        j  n  •         ,  .        ,  Manr.,  t.  IV, 

Ce  tut  en  122,1  ou  1^20  quil  reçut  1  ordre  décrire  la  vie  de  ad  ann.  i22  5,c. 
saint  Engelbert.  Fleury  préfère  la  seconde  de  ces  dates,  et  il  3,n.  i-5. 
raconte  que  le  nouvel  archevêque  de  Cologne,  Henri,  fut  ,  "'**'  *'^'^'"' 

T  T  o        1  '         "•    I  nxix,  n.  20. 

Bb2 


XIII  SIECLE. 


sac 


na 


196  CÉSAIRE  D'HEISTERBACH. 

sacré  dans  son  église  métropolitaine  le  vingtième  jour  de 
septembre  1226;  qu'étant  devant  l'autel,  il  ordonna  à  Césaire, 
moine  d'Heisterbach,  d'écrire  la  vie  de  l'archevêque  Engel- 
bert;  que  Césaire  s'en  défendant,  Henri  commanda  à  son 
prieur,  qui  était  présent,  de  le  faire  obéir;  que  Césaire  la 
rédigea,  dès  la  même  année  1226.  Elle  était  achevée  en  i22y, 
Sandius.Not.     j^^gj  „yp  les.dialogues  sur  les  miracles,  l^'auteur  les  retou- 

n  yoss..p.  157.       ,      .     T  o  -1  •  •  r  ■ 

chait  en  1207,  et,  quoique  les  années  suivantes  ne  fournissent 
aucun  fait  à  placer  dans  sa  vie,  on  peut  supposer  qu'elle  s'est 
prolongée  jusque  vers  1240. 

Plusieurs  de  ses  écrits  n'ont  jamais  vu  le  jour.  On  ne  con- 
naît que  par  des  témoignages  ou  par  de  simples  mentions 
^*'°"/'?''''    son  livre  sur  les  i5  psaumes  appelés  graduels,  parce  qu'ils 

:ra,  660,  661.  ,  .  i  r-    i  -     j    ^.  i  ■^ 

Trithem.,An-  sc  chantaient  sur  les  iD  degrés  du  temple;  ses  22  sermons  sur 
1.  Hirsaug.t.i,  le  psaume  118,  Deati  immaculati  in  via;  ses  huit  ou  neuf 
p.  53o,  53t.De  ijypg^  sjyp  l'Ecclésiastique;  ses  deux  livres  sur  un  texte  de 
43o.  '         '  '  V t>ii^ocA\yi^se\ses  Quœstionesquodlibeticœ.\]n  m^xwiscTÏX.  des, 
Psai.     cxx-  jésuites  de  Cologne  contenait  dix  pièces  dont  la  seconde, 
cxxxiv.  intitulée  Nomina  et  actus  pontificum  coloniensinm  ,  finissait 

hist.  de  la  Fr.,  t.  3  Hcnri  de  Molenark,  mort  en  1 207  :  si  Lesaire  en  est  1  auteur, 
I,  pag.  582,  D.  comme  il  est  permis  de  le  croire,  on  voit  (ju'il  a  pu  vivre 
8653.  2.  jusqu'en  1240,  ou  même  au-delà.  Une  vie  de  sainte  Elisabeth 

de  Schonauge  lui  a  été  quelquefois  attribuée,  ainsi  qu'une  ré- 
futation des  hérésies  de  son  temps,  et  un  dialogue  sur  la  station 
du  soleil,  Dialogus  modicus philosophicè  scriptus  de  statione 
solis  sub  Josue,  et  de  régressa  solis  siib  Ezecinâ,  et  de  ob- 
scuratione  solis  in  passione  Christi.  On  a  de  lui  trois  ouvrages 
imprimés,  savoir:  un  Recueil  de  sermons ,  des  Dialogues  ou 
récits  de  miracles ,  et  la  vie  de  saint  Engelbert. 

L'éditeur  des  sermons  est  le  dominicain  Jean  André 
Coppenstein  ,  qui  leur  a  donné  pour  titre  :  Homiliœ  super 
dominicis  acfestis  totius  anni,  sive  fasciculus  moralitatis.  Ils 
ont  paru  à  Cologne ,  chez  Henning ,  en  1 6 1 5 ,  en  trois  parties 
in-4°i  précédés  d'une  épître  oii  Césaire  présente  lui-même 
une  notice  de  ses  propres  écrits.  Les  homélies  ne  sont  remar- 
quables que  par  les  faits  miraculeux  qu'elles  retracent  à 
1  appui  des  dogmes  et  des  leçons  de  morale  religieuse. 

Entraîné  par  un  goût  presque  exclusif  pour  ce  genre  de 

récits,  l'auteur  s'est  donné  une  bien  plus  libre  carrière  dans 

les  douze  livres  qui  portent  le  nom  de  Dialogues.  Cette  forme 

de  rédaction  n'y  est  pas  réellement  employée;  mais,  ainsi 

Ue  Script. ec-  qyg  \q  remarque  Trithème,  Césaire,  en  leur  imposant  ce 


XIII  SIECLE. 


CÉSAIRE  D'HEISTERBACH.  197 

titre,  imitait  le  pape  saint  Grégoire  qui  a  nommé  Dialogues 
ses  4  livres  sur  les  prodiges  opérés  par  les  saints.  La  critique 
moderne,  qui  s'est  fort  exercée  sur  cet  ouvrage  de  Grégoire, 
et  qui  n'a  pas  craint  d'accuser  ce  pontife  ou  d'artifice 
ou  de  superstition  ,  avait  assurément  plus  de  prise  en- 
core sur  les  prétendus  dialogues  du  moine  d'Heisterbach. 
Oudin  n'y  voit  qu'un  fatras  de  fables  puériles  et  ridicules  :  Comm.deScr. 
Quàm  siinplex  fuerit  Cœsarius  incredendo  ,  quam  Jacilis  in  «ccles. ,  t.  m ,  p. 
Jabidis  scripto  consignandis ,  nullus  negabit  qui' ejusmodi 
monachalem  farraginem  legerit  ;  nullus  leget  qui  non  im- 
pense ad  tantas  fabulas  riserit.  Les  12  livres  sont  précédés 
d'un  prologue  qui  commence  par  le  texte  évangélique  :  Col- 
ligite  quœ  superaverunt  fragmenta.  Ce  nom  de  livres  est 
remplacé  dans  l'édition  de  Tissier  par  celui  de  distinetions , 
qu4  au  xiii^  siècle  a  été  souvent  appliqué  aux  sections  d'un 
ouvrage. 

Chaque  division  est  partagée  en  chapitres  dont  le  nombre 
total  est  de  ^35  :  c'est  à  peu  près  le  nombre  des  prodiges 
racontés  par  Césaire,  comme  accomplis  de  son  temps  en 
Allemagne,  principalement  dans  les  monastères  cisterciens 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe.  Nous  en  avons  déjà  cité  des' exem- 
ples ,  et  inséré  des  extraits  dans  le  précis  historique  de  la  vie 
de  l'auteur.  La  première  distinction  traite  de  la  conversion , 
ou,  comme  nous  l'avons  dit,  des  vocations  soudaines  et  mi- 
raculeuses à  la  vie  monastique.  La  contrition  et  la  confession 
sont  les  sujets  du  second  et  du  3«  livre:  on  y  lit,  entre 
autres  histoires,  celle  d'une  femme  dont  l'intercession  obtint 
le  don  des  larmes  pour  Walter,  abbé  de  Villiers;  et  celle 
d'une  autre  femme  qui  fit  en  mourant  l'aveu  des  relations 
qu'elle  avait  eues  avec  un  démon ,  se  cum  dœmone  incuba 
peccasse.  Césaire  y  parle  des  hérétiques  brilles  à  Spire,  et 
trouve  que  c'était  leur  rendre  bonne  ']\xsl\ce ,  juste  actutn  est 
cum  mis. 

Il  s'agit  des  tentations  et  des  de'mons  dans  les  livres  IV 
et  V  :  les  possessions,  les  obsessions  et  toutes  les  œuvres 
de  la  sorcellerie  s'y  présentent  comme  des  faits  positifs  et 
parfaitement  avérés.  L'auteur  y  saisit  aussi  l'occasion  d'ap- 
plaudir au  supplice  que  des  mécréants  subirent  à  Paris. 
La  sixième  distinction  est  intitulée  De  simplicitate ,  et  ren- 
ferme, au  milieu  de  beaucoup  de  contes,  un  article  qui 
pourrait  à  toute  force  passer  pour  historique  ;  c'est  celui  qui 
concerne  Maurice  de  Sully  s'élisant  lui-même  évêque  de 

1    6 


igS  CÉSAIRE  D'HEISTERBACH. 

XIII  SIÈCLE. 

Paris.  Nous  avons  traduit  ce  récit  de  Césaire  dans  la  notice 


1  c     .TV       relative  a  Maurice,  mais  en  exposant  les  motifs  que  1  on  a  de 

la  Fr. ,  t.  XV,  p.  ,  j^        t  .•'  r  .     ^  '    -    i 

149,  i5o.  le  révoquer  en  doute.  Le  septième  livre  est  consacre  a  la 

J^ierge  Marie,  et  raconte  ses  apparitions.  Visions  diverses  est 
le  titre  du  livre  huitième;  et  le  suivant  a  pour  objet  X Eucha- 
ristie,  ou  plutôt  les  prodiges  auxquels  la  célébration  des 
saints  mystères  a  donné  lieu  :  on  y  voit,  par  exemple,  com- 
ment, par  un  mouvement  miraculeux  de  l'hostie,  Jésus-Christ 
détourna  sa  face  des  yeux  d'un  prêtre.  La  dixième  distinction 
ne  s'annonce  que  comme  un  recueil  de  miracles,  de  mira- 
ciilis;  c'est  le  nom  qui  convient  à  l'ouvrage  tout  entier:  l'un 
de  ces  miracles  est  le  brisement  du  soleil,  qui  un  jour  se 
partagea  en  trois  morceaux.  Les  deux  derniers  livres  portent 
l'un  et  l'autre  le  titre  :  De  morientibus ;  ils  comprennent  plu- 
sieurs histoires  de  revenants  et  d'accidents  merveilleux  arri- 
vés à  (les  cadavres  dans  le  sein  de  la  terre.  Nous  n'avons  pas 
besoin  d'ajouter  qu'il  ne  règne  aucune  méthode  dans  cet 
amas  de  narrations  :  la  seule  succession  des  titres  a  suffi  pour 
le  montrer.  On  a  pu  juger  aussi  du  fond,  des  caractères  et 
Montf.,  Bibl.  du  •'tyle  de  l'ouvrage.  Les  bibliographes  en  citent  quelques 

bibl.,  1177  A.  copies  manuscrites;  mais  elles  méritent  peu  d'être   recner- 

'^°  ^'  chées  depuis  qu'il  en  existe  d'imprimées.  La  première  édition 

a  été  publiée   en    i48i  ,  à  Cologne,  chez  Jean   Koelhoff, 

Panzer,  Ann.  in-folio.  Fabricius  en  cite  une  non  datée,  dont  l'existence 

typogr.,t.  I,  p.  jjQus  paraît  fort  douteuse ,  et  deux  in -8°  données  à  Cologne 

288,  n.  92.  ^1  r  1  I  I       I  -  II      " 

Bihiioiii.mc.i.  en  I  )(^i  et  1099-  La  plus  connue  et  la  dernière,  est  celle  que 
ri  iiif.  lat,  1. 1,  Bertrand  Tissier  a  fait  entrer,  en  167a,  dans  la  Bibliothèque 
^' ^\^,'   .    T^      (les  Pères  de  Cîteaux  :  le  tome  second  de  ce  recueil  est  rempli 

nihliolll.  Pa-  ....  i       r^  ■  '     • 

hum  cisicrc,  I.  l>ar  ks   i-j.  dialogues,  livres  ou  distinctions  de  Lesaire,  qui 
II-  occupent  358  pages,  suivies  de  six  pages  de  notes  et  appen- 

dices. 

Les  trois  livres  du  moine  d'Heisterbach  sur  la  vie,  la  pas- 
sion et  les  miracles  de  saint  Engelbert,  se  lisent  imprimés 
dans  les  Vies  des  Saints ,  de  Surius,  au  7  novembre.  Gilles 

Devitissancto    .r-.    i        •        i  i     ■..  J  •.        j  i  i  ■       /^ 

ruin  Col.  1618.  Gelenms  lésa  reproduits  avec  des  notes  dans  le  volume  in^", 

qu'il  a  mis  au  jour,  à  Cologne,  sous  ce  titre  :  P index  liber- 

tatis  ecclesiasticœ  et  martyr  sanclus  Engelbertus ,  cuin  an- 

nalibus  suœ  œtatis  ex  archivis  depromptis.  Baillet  en  a  extrait 

Les  vies  des  cc  qu'il  a  écHt  Concernant  ce  saint  personnage.  Né  au  sein 

sainis,  in-s",  t.  ci'unc  famille  noble  et  opulente,  Engelbert,  tils  du  comte  de 

xi>p-  i97-'-»o4-  Beppy^  annonça  dès  l'enfance  les  plus  heureuses  dispositions. 

Ses  parents  le  destinèrent  à  l'état  ecclésiastique  ,  et  lui  prO' 


CESAIRE  D'HEISTERBACH.  199 

curèrent,  dès  qu'il  eut  commencé  d'étudier,  un  bénéfice  dont 
il  ne  faisait  pas,  de  l'aveu  de  son  historien,  un  très -bon 
usage;  il  se  laissait  prendre,  dit  Césaire,  aux  filets  du  démon, 
et  celait  l'effet  nécessaire  de  la  mauvaise  éducation  qu'on 
lui  donnait.  Cependant  il  eut  la  sagesse  de  refuser  l'évêché 
de  Munster,  s'excusant  sur  sa  jeunesse  et  sur  son  incapacité. 
L'archevêque  Adolphe,  qui  gouvernait  en  i2o5  l'église  de  Co- 
logne, ayant  abandonné  le  parti  d'Othon  de  Saxe,  pour 
s'attacher  à  celui  de  Philippe  de  Souabe,  Innocent  III  ex- 
communia et  fit  déposer  ce  prélat,  qui  fut  remplacé  par 
Brunon  et  peu  après  par  Thierry.  Celui-ci  tenait  pour  Othon, 
même  après  que  cet  empereur  eut  encouru  la  disgrâce  et 
les  anathèmes- du  souverain  pontife.  On  essaya  de  rétablir 
Adolphe,  mais  Engelbert  qui  s'était  déclaré  contre  Othon, 
et  pour  le  jeune  Frédéric  II,  convint  mieux  à  la  cour  de 
Rome,  et  de  prévôt  du  chapitre  de  Cologne,  devint  arche- 
vêque en  121 5. 

Le  comte  de  Clèves  et  le  duc  de  Limbourg  prirent  les 
armes  contre  lui  :  il  sut  se  défendre  à  la  fois  par  les  armes, 
selon  les  habitudes  allemandes  de  ce  siècle  ,  et  par  une 
prudence  peu  commune*  En  même  temps  qu'on  le  repré- 
sentait comme  un  autre  Machabée,  employant  le  glaive 
séculier  au  soutien  des  droits  spirituels,  on  rendait  hommage 
à  sa  piété,  à  l'intégrité  de  ses  mœurs,  à  ses  vertus  religieuses, 
remarquables  encore  dans  l'appareil  magnifique  et  fastueux 
de  sa  prélature.  Frédéric  II,  qui,  en  1220,  avait  fait  procla- 
mer roi  des  Romains  son  fils  aîné  Henri,  passa  peu  de  temps 
après  en  Italie,  et  confia  la  tutelle  du  jeune  prince  et  la 
régence  de  l'empire  à  Engelbert.  Césaire  nous  dépeint  l'ar- 
chevêque de  Cologne  armé  des  deux  glaives,  excommuniant 
ou  exterminant  les  rebelles,  assurant  ainsi  le  règne  de  la 
justice,  recouvrant  les  domaines  et  les  fiefs  dérobés  à  sa 
métropole,  l'enrichissant  de  plusieurs  autres  biens,  con- 
struisant des  routes ,  des  châteaux ,  de  grands  édifices  ;  levant 
des  impôts  sur  le  peuple,  parce  qu'il  n'était  possible  de 
maintenir  la  paix  qu'avec  de  l'argent;  achetant  pendant  la 
famine  de  1224,  des  blés  qu'il  distribuait  aux  pauvres  et  sur- 
tout aux  monastères  ;  favorisant  les  deux  nouveaux  ordres 
des  frères  prêcheurs  et  mineurs,  et  les  protégeant  au  besoin 
contre  les  résistances  et  les  plaintes  du  clergé  séculier. 

Engelbert  avait  un  cousin  nommé  Frédéric,  comte  d'Issem- 
bourg,  qui,  abandonnant  son  canonicat  de  Cologne  etrepre- 


Xni  SIÈCLE. 


XIII  SIECLE. 


200  CÉSAIRE  D'HEISTERBACFL 

nantl'épée,  s  était  (ail  a\oué(adi'ocatus)  d'une  abbaye  de  fem- 
mes. Au  lieu  d'être  le  défenseur  de  ces  religieuses,  Frédéric 
exerça  contre  elles  des  violences  que  l'archevêque  eut  la  fai- 
blesse de  tolérer.  Obligé  enfin  de  les  réprimer  pour  obéir 
aux  ordres  de  l'empereur  et  du  pape  Honorius  III,  Engelhert 
exhorta  vivement  son  cousin  de  mettre  fin  à  de  si  révoltants 
désordres,  et  promit  de  lui  payer  de  ses  propres  deniers 
une  forte  pension,  s'il  consentait  à  se  conduire  avec  plus 
de  sagesse.  Le  comte  d'Issembourg  ne  tenant  aucun  compte 
de  ses  conseils  ni  de  ses  offres ,  l'archevêque  le  menaça  d'une 
répressio.n  rigoureuse,  en  lui  donnant  toutefois  un  rendez- 
vous  à  Zoest  en  Westphalic.  Le  comte  s'y  rendit  au  com- 
mencement de  novembre  laaô,  et  feignit  d'entrer  dans  des 
voies  d'accommodement.  Quoique  averti  de  se  défier  de  cette 
prétendue  résipiscence,  Engelbert  voulut  rester  à  Zoest; 
seulement  il  lit,  à  tout  événement,  aux  pieds  de  l'évèque  de 
jMinden ,  sa  confession  générale,  comme  à  l'article  de  la  mort. 
A  peine  était- elle  aclievée,  qu'il  reçut  la  visite  des  évè- 
(jues  de  Munster  et  d'Osnabruck,  frères  et  complices  du 
comte  d'Issembourg.  Ils  devaient  l'un  et  l'autrcà  l'archevêque 
tous  les  avantages  dont  ils  jouissaient  dans  l'Eglise  et  dans 
le  monde;  mais  ils  venaient,  sous  des  formes  de  civilité,  se 
mettre  au  fait  des  démarches  qu'il  avait  projetées  pour  les 
journées  suivantes.  Il  alla  d'abord  conférer  avec  le  comte 
Frédéiic,  et  leur  entrelien  fut  si  pacifique  et,  en  apparence, 
si  cordial ,  qu'ils  promirent  de  se  revoir  comme  de  bons  pa- 
rents et  d'excellents  amis,  à  la  diète  de  Nuremberg.  Engel- 
bert (.levait  le  lendemain  aller  à  Swelme  dédier  une  église: 
le  comte  qui  le  savait,  posta  sur  la  route  une  embuscade. 
L'archevêque  reçut  en  chemin  une  lettre  qui  l'avertissait  de 
cet  imminent  péril,  et  n'en  persista  pas  moins  dans  la  réso- 
lution de  gagner  Swelme:  bientôt  enveloppé  d'une  troupe 
d'assassins,  il  expira  sous  47  coups  d'épée  et  de  baïonnette, 
le  vendredi  7  novembre  1226.  Son  corps  fut  porté  au  mo- 
nastère de  Berg,  et  de  là  dans  l'église  métropolitaine  de 
Cologne. 

Chargé,  comme  nous  l'avons  dit,  d'écrire  l'histoire  de  la 
vie  et  de  la  mort  de  ce  prélat,  Césaire  d'Heisterbach  en  a 
composé  trois  livres,  dont  les  deux  premiers  sont  à  nos  yeux 
ses  plus  recommandables  productions.  Ils  contiennent  les 
détails  des  faits  que  nous  venons  de  retracer  sommairement, 
et  offrent  une  instruction  véritablement  historique.  On  doit 


CÉSAIRE  D'HEISTERBACH.  201 


Xni  SIÈCLE. 


savoir  gré  à  l'auteur  de  n'avoir,  en  général,  ni  exagéré  les 
mérites  de  l'archevêque,  ni  trop  dissimulé  les  fautes  qui  peu- 
vent lui  être  reprochées.  C'est  même,  selon  l'historien,  parce 
que  la  sainteté  d'Engelbert  n'avait  pas  été  très -éclatante 
pendant  sa  vie,  qu'il  a  fallu  qu'elle  fût  manifestée  par  des 
miracles  après  sa  mort.  Ces  procliges  fournissent  la  matière 
du  troisième  livre,  auquel  nous  ne  sauriens  étendre  l'éloge 
dû  aux  deux  premiers,  et  qu'on  pourrait  plutôt  considérer 
comme  le  treizième  de  l'ouvrage  De  MiracuUs.  Dans  ce  long 
récit  des  merveilles  opérées  par  l'intercession  d'Engelbert, 
Fleury  ne  trouve  que  deux  faits  remarquables,  l'un  que  les  Hisi.  ecdcs., 
laïcs  ignorants  croyaient  leurs  vœux  plus  stricts  quand  ils  '  »i"x,n.  ao. 
les  faisaient  en  plein  air,  que  sous  un  toit;  l'autre,  que  dès 
lors  c'était  l'usage  d'offrir  aux  tombeaux  des  saints  des  figu- 
res en  cire,  représentant  les  parties  du  corps  guéries  par 
leur  entremise.  Césaire  n'hésite  point  à  décerner  à  Engelbert 
le  titre  de  martyr;  il  l'égale  à  Thomas  Becket;  il  le  préfère 
à  deux  saints  évêques  de  Cologne,  Evergille  et  Agilolphe, 
tués  par  des  brigands.  On  doit  observer  néanmoins  qu'En- 
gelbert,  malgré  son  dévouement  au  saint-siége,  n'a  jamais 
été  solennellement  canonisé.  Mais  sa  mémoire  obtenait  à 
Cologne  quelques  honneurs  religieux;  et  les  réviseurs  du 
martyrologe  y  ont  inséré  son  nom ,  en  ajoutant  qu'il  n'a  pas 
fait  difficulté  de  souffrir  le  martyre  pour  défendre  la  liberté 
ecclésiastique,  et  pour  obéira  l'Eglise  romaine.  Tout  ce  qui 
résulte  du  récit  de  sa  mort,  c'est  qu'il  a  été  la  victime  des 
aveugles  fureurs  de  son  cousin  Frédéric,  et  de  la  perfidie  de 
deux  prélats,  ses  parents  au  même  degré. 

Son  historien ,  Césaire  d'Heisterbach ,  n'en  mérite  pas 
moins  une  place  dans  l'Histoire  littéraire  du  xiii*  siècle.  A  la 
vérité,  il  a  été  peu  distingué  par  ses  contemporains;  Henri 
deCand  n'a  pas  fait  mention  de  lui;  mais  Trithème,  au  xv^, 
a  loué  ses  mœurs  et  ses  écrits  en  des  termes  par  lesquels      ^^^"'P'  *=* 

.    ,  .  1.1  des.,  n.  4j"- 

uous  terminerons  cet  article.  Cœsanus ,  monachus  in  Heis- 
terbach ,  ordinis  cisterciensis ,  natione  Teutoniciis ,  colo- 
niensis  Agrippinœ  diœcesis ,  vir  devotus  et  in  disciplina 
regidari  prœcipuus ,  atque  in  divinis  scripturis  longd  exerci- 
tatione  stndiosus ,  composait  ad  instructionem  novitioriini 
quorum  institutor  erat ,  simplici  et  aperto  sermone  nonnuUa 
opuscula ,  quorum  lectio  devotis  et  siniplicioribus  fratribus 
non  est  spernenda.  D. 

Tome  XVIII.  Ce 

1    6    « 


ÏIIISIÈOLE. 

ALEXANDRE  DE  VILLEDIEU, 

.o.„.„,.4«.  GRAMMAIRIEN  ET  POÈTE. 

De  tous  les  écrivains  qui  ont  fleuri  dans  le  xiii^  siècle,  il  en 
est  peu  dont  le  nom  ait  été  si  long-temps  répété  dans  les 
écoles.  Nous  dirons  bientôt  ce  qui  lui  a  mérité  une  si  longue 
renommée. 

On  ne  connaît  l'année,  ni  le  lieu  où  il  naquit,  ni  l'époque 
précise  de  sa  mort;  mais  diverses  circonstances  rapportées 
Heorii.  Gan-  par  d'aucieus  biographes ,  qui  citent  les  dates  de  la  publica- 
dav    de  Script.  ^-^^^^  ^^  g^g  ouvragcs ,  nous  autorisent  à  croire  qu'il  avait  vu 
deStript.eccies!  le  ]Our  dans  les  trente  dernières  années  du  xii    siècle,  et 
—  Cas.  Oudin,  qu'il  ccssa  de  vivre  vers  l'an  i24o.  Plusieurs  auteurs  qui  lui 
Comm.deScrip.  Jo^nent  le  surnom  de  Dolensis,  d'après  quelques  manuscrits, 
vin, Apparat. sac.  lui  assignent  pour  patrie  la  petite  ville  de  Dol  en  Bretagne; 
— Wadding,  An-  d'autrcs,  d'après  le  nom  de  Villa  Dei,  sous  lequel  il  est  bien 
nai.  minor.         pj^g  souvcut  cité ,  ct  quc  portent  un  plus  grand  nombre  de 
manuscrits,  pensent  qu'il  était  de  Ville-Dieu  ,  dans  la  Basse- 
Normandie. 

La  même  incertitude  existe  sur  les  titres  qu'il  conviendrait 
d'ajouter  à  son  nom.  Les  uns  le  font  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-François,  d'autres  de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  d'au- 
tres enfin  de  l'ordre  de  Saint-Benoit ,  et  de  plus  docteur  en 
théologie. 

Mais  qu'il  ait  été  Breton  ou  Normand,  cordelierou  béné- 
dictin ,  toujours  est-il ,  et  c'est  ce  qu'on  ne  peut  révoquer  en 
doute,  qu'il  professa,  pendant  la  plus  grande  partie  de  sa 
vie,  les  belles-lettres  à  Paris,  et  qu'il  y  composa  la  plupart 
Poiycarp.  Ley-  de  SCS  ouvragcs.  Polycarpc  Leyser ,  dans  son  Histoire  des 
seri,  Hist.  poe-  poètcs  et  dcs  poèmcs  du  moyen  âge ,  répète  une  note  qui  se 
mar  medii  aev. ,  (.j-^^yg  ^jgj^g  j^  bibUothèquc  d'Hclmsladt  ;  note  importante 
en  ce  qu'elle  contient  à  peu  près  tout  ce  que  l'on  sait  de  la 
vie  d'Alexandre  de  Villedieu. 

D'après  ce  document,  il  y  aurait  eu  à  Paris,  au  commen- 
cement du  XIII*  siècle,  trois  maîtres  fort  instruits  dans  les  sept 
arts  libéraux  ,  in  septem  artibus  liberalibus  subtiliter  instructi 
et  promoti.  La  misère  les  força  d'établir  des  écoles  particu- 
lières;  mais  ils  n'avaient  qu'une  même  demeure,  vivaient 


Idem.  Ibid. 


ALEXANDRE  DE  VILLEDIEU ,  GRAMMAIRIEN.  2o3 

•       n      J    7     7  T^  .      '^ï  SlfîCtE. 

ensemble.  Lun  se  nommait  liodolplie,  un  autre  rson,  et  il  

était  Anglais;  le  troisième  était  Alexandre  de  Villedieu.  Il 
paraît  que  ce  ne  furent  point  \e&sept  arts  libéraux  dans  les- 
quels pourtant,  suivant  la  note  qui  nous  sert  de  guide,  ils 
étaient  sigrands  maîtres,  qu'ils  professèrent  en  commun,  mais 
seulement  la  grammaire,  et  encore  en  avaient-ils  divisé  entre 
eux  les  diverses  parties.  Rodolphe  enseignait  les  étymolôgies; 
l'Anglais  Yson,  la  diasynthétique  ou  syntaxe;  Alexandre  de 
Villedieu,  l'orthographe  et  la  prosodie.  L'un  d'eux ,  Rodol- 
phe, devint  évèque,  Yson  mourut,  et  Alexandre  resta  le 
seul  maître  de  l'école,  et  hérita  des  manuscrits,  de  tous  les 
matériaux  de  leçons  qu'avaient  rassemblés  ses  deux  collègues. 
Alors  il  imagina  de  mettre  en  vers  ces  trois  différents  cours, 
d'en  faire  un  seul  poème  qu'il  divisa  en  trois  livres,  et  auquel 
il  donna  le  titre  de  Doctrinale.  Telle  est  l'origine  du  plus 
grand  ouvrage  qu'ait  composé  Alexandre  de  Villedieu;  et 
l'époque  où  il  le  publia  est  parfaitement  connue  par  ces  trois 
vers  qu'on  lit  dans  le  manuscrit  d'Helmstadt  : 

Anno  milleno  ducentenoque  noveno, 
Doclor  Alexander  egregius  atque  magister. 
Doctrinale  suum  dédit  in  commane  lêgendum. 

Ainsi  ce  fut  bien  en  1209  que  parut  le  poème  d'Alexandre 
de  Villedieu;  et  depuis  ce  temps,  nous  ne  trouvons  plus  rien 
de  relatif  à  la  vie  de  l'auteur.  On  peut  supposer  qu'il  conti- 
nua  de  professer  à  Paris,  où  son  poème  eut,  dès  qu'il  parut, 
une  grande  réputation;  que  même  il  y  composa  d autres  ou- 
vrages dont  nous  allons  bientôt  nous  occu{>er. 

Arrêtons-nous  d'abord  sur  le  Doctrinale  puerorum ,  qui 
ne  porte  pas  ce  titre  dans  les  nombreuses  copies  manuscrites 

3ui  en  existent,  mais  le  titre  qui  nous  parait  plus  explicite 
e  Grammatica  versibus  descripta. 
C'est,  en  effet,  une  grammaire  en  vers  que  ce  prétendu 
doctrinal;  et  l'auteur  y  a  suivi  dans  la  dispoation  de  ses 
matériaux,  l'ordre  qu'avaient  adopté,  pour  leurs  leçons,  ses, 
deux  anciens  collègues  et  lui-même.  Au  reste,  comme  nous 
l'avons  remarqué  dans  notre  discx)urs  préliminaire  Sur  l'état  ,^  Franc"*^rôm^ 
des  lettres  au  xm^  siècle,  la  base  de  la  grammaire  d'Alexandre  xvi.'p.  143. 
de  Villedieu ,  et  aussi  de.  toutes  celles  qui  parurent  en  ce 
temps,  soit  en  vers,  soit  en  prose,  se  trcruve  dans  les  écrits  de 
Priscien,  grammairien  de  Gésarée  au  vi* siècle.  Elles  en  sont 
tantôt  une  copie,  tantôt  une  paraphrase. 

Cca 


Xllt  SIECLE. 


2o4  ALEXANDRE  DE  VILLEDIEU, 

Voici  le  début  aussi  modeste  que  pieux   du  Doctrinal 
d'Alexandre  de  Villedieu: 

Scribere  clericulis  paro  Doctrinale  novellis , 
Pluraque  doctoruni  sociabo  scripta  meorum. 


Praesens  huic  operi  sit  gratia  pneumatis  almi  ! 
Me  jiivet  el  faciat  coniplere  quod  utile  fiat! 
Si  piieri  primo  nequeant  attendere  plenè 
Hic  tameii  attende!  qui  doctoris  vice  fungens, 
Atque  legens  pueris  îaicâ  linguà  reserabit; 
Et  pueris  etiam  pars  raaxima  plana  patebit. 

On  voit  qu'Alexandre  de  Villedieu  sentait,  par  avance,  que 
des  préceptes  généraux,  resserrés  dans  des  vers  que  la  con- 
trainte imposée  par  le  mètre  rend  souvent  obscurs,  presque 
inintelligibles,  avaient  besoin  de  l'interprétation,  du  com- 
mentaire d'un  maître  habile.  On  en  pourrait  dire  autant  de 
tous  les  poèmes  didactiques,  en  quelque  langue  qu'ils  soient 
écrits,  et  qu'ils  soient  anciens  ou  modernes. 

Il  serait  aussi  superflu  que  fastidieux  de  suivre  l'auteur  du 
Doctrinal  dans  les  leçons  en  vers  qu'il  donne,  sur  l'emploi 
des  lettres  de  l'alphabet,  sur  les  déclinaisons  dans  la  langue 
latine,  les  accents,  la  quantité ,  etc. ,  etc.  Dans  les  trois  livres 
de  son  poème  (  si  l'on  peut  donner  ce  nom  à  un  ouvrage  de 
cette  espèce),  il  est  toujours  froid,  sec,  ne  réveille  jamais 
l'imagination  par  quelque  métaphore,  par  quelque  brillante 
comparaison.  Il  est  vrai  que  la  plupart  de  ses  vers  sont  du 
genre  de  ceux  que  l'on  appelle  léonins.  C'est  une  inutile  dif- 
ficulté de  plus  que  l'auteur  s'était  imposée,  et  que  s'impo- 
saient assez  généralement  les  auteurs  de  ce  siècle. 

Par  un  passage  du  Doctrinal ,  on  voit  que  dès  lors  on  avait 
établi  en  système  que  l'on  pouvait  ne  pas  accentuer  les  mots, 
à  la  manière  des  anciens;  et  il  ne  faut  plus  être  étonné  que 
les  poètes  latins  du  moyen  âge  violent  si  souvent  les  règles 
de  la  prosodie. 

Accenti'is  nornias  legitur  posuisse  vetustas  : 
Non  tamen  bas  credo  serrandas  tempore  nostro. 
Si  sit  naturà  monosyllaba  dictio  longa , 
Circumflectatur,  sibrevisest,  acuatur; 
Si  teneat  primam  dissyllaba  diciio  longam 
Sitque  suprema  brevis,  veterum  si  jussa  sequaris , 
Circumflectatur,  prior  in  reliquis  acuatur. 
Servabit  legem  polisyllaba  dictio  talem  , 
Si  sit  correpta  penultima  quœpreeit  illi,  etc. 


XIII  SIECLE. 


Henr.  Gan(Ja\ 


GRAMMAIRIEN  ET  POETE.  2o5 

Alexandre  de  ViUedieu  termine  son  poème  aussi  pieuse- 
ment qu'il  l'avait  commencé,  par  des  actions  de  grâces  à  la 
Divinité.  C'était  alors  un  usage  dont  on  retrouve  des  traces 
dans  la  plupart  des  productions  de  ce  temps. 

Doctrinale,  Dei  virtute  juvante,  peiegi. 
dates  reddo  tibi,  Genitor  Deus,  et  tibi,  Cliriste, 
Nate  Dei  Deus,  atque  tibi,  Deus  alitusalnie, 
Quos  très  personas  in  idem  credo  deitatis. 

Il  paraît  que  le  succès  du  Doctrinal ,  à  l'époque  même  de 
sa  première  publication,  fut  prodigieux;  que  tous  les  éta- 
blissements scholastiques  s'empressèrent  de  l'adopter;  et  que 
bientôt  aussi  on  y  ajouta  des  notes,  des  commentaires,  et 
même  des  suppléments  en  vers  et  en  prose.  Henri  de  Gand, 
qui  fut  contemporain  de  l'auteur,  puisqu'il  est  mort  en  lagS, 
à  l'âge  de  n6  ans,  a  écrit,  que  de  son  temps,  on  faisait  dans 
les  écoles  un  usage  continuel  du  Doctrinal  d'Alexandre,  à  dê'scripT'éfci 
qui  il  donne  le  surnom  de  Doleiisis ,  et  non  celui  de  Villa  '^  ^g. 
Dei.  Alexander  Dolensis ,  dit-il ,  scripsit  metrice  lihruni  quem 
Doctrinale  vacant.  Cujus  libri  in  scholis  grammaticoriim 
niagnus  usus  est  temporihus  hodiernis. 

Et  ce  n'était  pas  seulement  en  France  que  le  Doctrinal      Suppiem.    n 
était  accueilli  avec  tant  de  faveur;  les  écrivains  d'Italie  et  Twèfu^mlZl 
d'Allemagne  le  citent  sans  cesse  avec  éloges,  comme  un  livre  nurnSFrandsci, 
nécessaire  dans  les  écoles.  Il  en  est  fait  une  mention  très-  °P"*  posth.  Fr. 
honorable  dans  la  pièce  de  vers  que  Beccari,  poète  ferrarais,  ^aie»^^  Rom!^* 
ami  de  Pétrarque,  composa  sur  le  bruit  de  la  mort  de  ce   iSos'p.n,  22! 
prince  des  poètes  italiens  (1).  Possevin,  Trithème,  et  une 
foule  d'autres  auteurs  de  biographies  et  de  catalogues  d'ou- 
vrages anciens,  non  seulement  n'ont  point  oublié  l'auteur 
du  Doctrinal,  mais  lui  attribuent  plusieurs  autres  poèmes  et 
même  des  écrits  en  prose.  Nous  verrons  plus  tard  quels  sont 
de  tous  ces  ouvrages,  ceux  qui  sont  véritablement  de  lui. 

De  cette  vogue  qu'eut  dès  l'origine  le  Doctrinal  d'Alexan- 
dre de  Villedieu ,  de  l'emploi  que  l'on  fit  de  ce  livre  dans 
toutes  les  écoles ,  il  est  résulté  qu'il  s'en  trouve  aujourd'hui 

(i)  Dans  un  Mémoire  compris  dans  le  Recueil  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  on  trouve  une  singulière  méprise.  M.  de  La  Bastie, 
auteur  de  ce  Mémoire,  cite  la  pièce  du  poète  ferrarais  qui  mentionne  le 
Doctrinal,  et,  trompé  par  ce  mot,  il  pense  que  c'est  Vincent  de  Beauvais 
que  Beccari  a  voulu  désigner.  Voyez  Mém.  de  l'Acad.  des  inscript.,  tom. 
XVII,  p.  460,  note. 


ao6  ALEXANDRE  DE  VILLEDIEU, 

XHI  SIÈCLE.      ,  ,  •         .       ,    L .       1 

des  manuscrits  en  nombre  presque  incalculable  dans  toutes 

lès  bibliothèques  de  l'Europe;  que  presque  tous  sont  sur- 
chargés de  notes  et  d'additions.  Dans  la  seule  Bibliothèque 
Bibiioth  roy.,  royale  de  Paris,  on  possède  ce  poème  dans  neuf  à  dix  ma- 
mss.7/iio,7477,  nuscrlts  au  moins,  et  toujours  avec  des  gloses  et  des  notes. 
l^V  o,'^  *.  '       A  l'époque  de  l'invention  de  l'imprimerie,  ce  fut  aussi  un 
des  premiers  ouvrages  dont  on  multiplia  les  copies  par  ce 
moyen  alors  nouveau.  Il  serait  difficile  de  compter  toutes  les 
éditions  qui  en  parurent,  presque  à  la  fois,  en  Italie,  en 
Allemagne  et  en  France.  On  en  cite  une  de  1470 1  comme 
Brunei    Ma-  ^^^^'i  Celle  de  Veuisc  (  1473,  in-folio),  indiquée  par  quelques 
nuei  du  libraire    bibliographes,  estdouteuse;  mais  on  en  compte  deux  autres 
qui  sont  recherchées  des  amateurs,  l'une  de  Baie,  i486,  l'autre 
Panier  Annal    ^^  NuTcmbcrg,  1 490.  De  toutes  ces  éditions  et  de  plusieurs 
tvpograp!,  I.  v!  autres  qui  les  ont  suivies,  et  que  nous  négligeons  de  nien- 
p.  83.  — Braun.  (jonncr,  il  en  est  deux  qui  nous  paraissent  mériter  plus  par- 
part  II  p  125-  ticulierement  de  nxer  1  attention.  La  première  est  celle  que 
1 58 ,  etc  donna  ,  en  1 5o4  à  Paris ,  Josse  Badius  ,  en  y  joignant  un  grand 

nombre  d'explications  et  d'autres  écrits  relatifs  à  la  gram- 
maire; mais  la  plus  intéressante  est  celle  que  publia,  tant  à 
T'.oyes  qu'à  Rouen,  Foucaud-Monier  qui  paraît  avoir  été 
enthousiaste  du  talent  de  l'auteur,  si  l'on  en  juge  par  la  pièce 
de  vers  qui  remplit  le  premier  feuillet.  Il  y  compare  Alexan- 
dre de  Villedieu  à  Alexandre-le-Grand;  et  voici  comme  il 
s'exprime  : 

Major  Alexandre  debetur  gloria  nostro 

Quam  stbi  qui  cunctas  subdidit  orbis  opes  : 

Ille  aliéna  vorans  antris  exciyit  Erynnim 
Tartareis,  mundo  quae  horrida  bella  daret. 

lUe  airtem  scabrani  nostris  de  iinibus  arcet 
Barbariem  ;  tenebras  luce  mirante  ftigat. 

Ille  quidem  innumeros  infesta  clade  peremit  : 
'  Hic  adolescentes  instruit,  omat,  alit,  etc. 

Cette  espèce  d'engouement  des  professeurs  de  grammaire 
et  belles-lettres  pour  le  Doctrinal  d'Alexandre  de  Villedieu, 
dura  jusqu'en  i5i4i  année  où  des  docteurs  assemblés  à  Ma- 
lines,  ayant  décidé  que  l'on  expliquerait  désormais  dans  les 
écoles,  les  Rudiments  de  Despautère,  le  Doctrinal  perdit 
toute  prééminence  dans  les  établissements  scholastiques. 
Et  cependant  il  en  parut  encore  plusieurs  éditions  posté- 
rieures à  cette  date;  et  l'on  en  trouve  même  qui  contiennent 
réunis ,   et   les   rudiments  du   grammairien   flamand    et  la 


XIII  SIÈCLE. 


GRAMMAIRIEN  ET  POÈTE.  207 

grammaire  versiBée  du  Breton  ou  Normand  Alexandre  de 
Villedieu. 

Si  l'on  en  juge  d'après  les  autres  ouvrages  qui  nous  restent 
de  l'auteur  du  Doctrinal ,  sa  manie  fut  toujours  de  choisir 
pour  sujet  de  ses  vers,  des  matières  auxquelles  répugne 
ordinairement  la  poésie.  C'est  ainsi  qu'il  s'avisa  de  res- 
treindre les  sujets  de  chacun  des  chapitres  de  la  Bible  en 
212  vers  hexamètres,  qui  seraient  inintelligibles,  si  l'on  ne 
plaçait  au-dessous  de  chaque  mot  du  vers,  le  véritable  som- 
maire en  prose  dont  ce  mot  ne  donne  qu'une  indication 
imparfaite.  Dans  le  Discours  sur  l'état  des  lettres  au  xiii* 
siècle,  nous  avons  donné  un  exemple  de  ce  travail  ingrat 
autant  qu'inutile ,  ce  qui  nous  dispense  de  nous  arrêter  plus  "'"  ''""  -  " 
long-temps  sur  l'ouvrage.    .      .  .  p  '  9- 

Cette  espèce  de  poème  n'en  fut  pas  moins  très-vanté  dans 
son  temps;  et  Jean  de  La  Haye  crut  devoir  en  enrichir  l'édi- 
tion qu'il  donna  de  la  Bible,  en  1660.  C'est  là  qu'on  peut  le 
trouver  sous  le  titre  de  Dà'inœ  Scripturœ  compendiuni  21a 
versihus  hexametris  comprehensum. 

Un  troisième  poème  d'Alexandre  de  Villedieu,  qui  a  pour 
ùtre:  Massa  conipoti{i\  a  dû  être  d'un  travail  moins  difficile; 
mais  il  n'offre  guère  plus  d'intérêt  que  le  précédent.  L'auteur 
y  traite  des  douze  mois  de  l'année ,  et  commence  ainsi  : 

Prima  diesjani  qui  janua  dicitur  anni 
Ternarium  retinet ,  etc. 

Suivent  dans  leur  ordre,  les  fêtes  mobiles  et  autres  de  toute 
l'année.  Dans  cette  description  froide  et  aride  de  nos  fêtes 
religieuses,  on  ne  découvrira  rien  qui  rappelle  les  Fastes  du 
poète  de  Sulmone. 

Le  poème  d'Alexandre  de  Villedieu  n'a  qu'un  livre  qui 
finit  par  ce  vers  : 

'  Libro  finito  reddatur  gratia  Christo. 

La  Bibliothèque  royale  de  Paris  en  possède  trois  copies  Mss'^'r'io  "a  ! 
au  moins  qui  paraissent  être  du  xiii*  siècle.  74aoB,  7177. 


(i)  On  voit  par  l'explication  que  donne  Ducange  du  mot  compotus,  de 
quelle  importance  était  alors  le  comput  ecclésiastique.  C'était  une  vraie 
science  qui,  avec  la  musique  et  la  grammaire,  entrait  dans  la  catégorie 
des  études  prescrite»  aux  clercs.  Il  en  était  ainsi  dès  le  temps  de  Charle- 
tnagne,  comme  le  prouvent  divers  capituiaires  cités  par  Ducange.  Voy.  le 
Glostarium  nted.  et  infim.  latinit. ,  t.  II,  p.  904. 


XIII  SIECLE. 


208  ALEXANDRE  DE  VILLEDIEU, 

Deux  autres  ouvrages,  toujours  en  vers,  méritèrent  à 
Alexandre  de  Villedieu  les  qualifications  de  philosophe,  d'as- 
tronome, de  mathématicien,  que  lui  prodiguent  d'anciens 
biographes.  Ce  sont  ses  poèmes  De  Sphœra  et  De  yirte  riu- 
vierandi.  Dans  l'un  ni  dans  l'autre,  il  ne  se  montre  plus 
habile  en  astronomie  et  en  arithmétique  qu'on  ne  l'était  de 
son  temps;  et  il  n'a  d'autre  mérite  que  de  surmonter  quel- 
(jucfois  assez  heureusement  les  difficultés  d'un  tel  travail. 
Nous  ne  croyons  pas  que  ces  deux  poèmes  aient  jamais  été 
publiés  |)ar  la  voie  de  l'impression. 

C'est  en  considéra  tionde  ces  trois  derniers  ouvrages  d'Alexan- 
dre de  Villedieu  ,  que  Vossius  a  cru  devoir  lui  donner  place 
parmi  \esniat/icifiaticiens ;  mais,  ajoute-t-il  :  Nullo  œquè  cla- 
riiit  qiuiDi  Doctiiuali  puerorum,  sivè  arte  grarnniaticd ,  qiue 
ante  sesqid  secuhim  rcgnare  in  scholis  solet.  —  Gérard.  Joan. 
Vossii,  De  qudluor  artibus popularibus,  \\h.  de  scientus  ma- 
theinaticis,  §  8,  p.  l^o. 

Enfin,  on  lui  attribue  une  traduction  en  vers  des  Actes 
des  apôtres ,  qui  commence  ainsi  : 

Si  vis  transacta  apostolica  noscere  facta, 
Hœc  tibi  postilla  tractabit  versibus  iila. 

Casimir  Oudin  prétend  que  cette  traduction  n'est  point 
d'Alexandre  de  Villedieu,  mais  bien  de  Pierre  de  Riga. 
On  lui  a  répondu  que  la  traduction  de  Riga  est  entièrement 
ilif'férente,  et  on  a  cité  le  premier  vers  que  voici  : 

Tiberii  nono  clecimo  regnantis  in  anno. 

Cette  remarque  ne  résout  pas  entièrement  la  question.  Une 
foule  de  poètes,  autres  que  Pierre  de  Riga,  ont  mis  en  vers 
au  xiu*^  siècle  les  Actes  des  apôtres,  et  il  se  pourrait  que  la  tra- 
duction que  l'onattribueà  Alexandre  fût  de  l'un  de  ces  poètes. 
Ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  dans  cet  ouvrage  nous 
n'avons  point  retrouvé  la  manière  ordinaire,  \e faire  de  l'au- 
teur du  Doctrinal  ;  et,  d'accord  avec  Casimir  Oudin ,  nous  le 
retrancherons  du  nombre  de  ses  poèmes. 

Sans  doute  Alexandre  de  Villedieu,  par  tant  de  travaux, 
tant  de  vers  péniblement  fabriqués,  méritait  la  célébrité  dont 
ses  ouvrages  ont  joui  pendant  plusieurs  siècles  (  depuis  le 
commencement  du  xiu^  jusqu'au  xvi^).  C'était  une  raison 
pour  qu'il  ne  fût  pas  oublié  par  les  auteurs  de  nos  biographies 
modernes;  et  cependant  nous  croyons  que  Moréri  est  à  peu 


JACQUES  DE  VITRY,  HISTORIEN. 


209 


près  le  seul  qui  lui  ait  consacré  quelques  lignes  dans  son 
grand  Dictionnaire  liistoricjue.  On  ne  trouve  point  son  nom, 
même  dans  la  Biographie  universelle.  A.  D. 


Xni  SIECLE 


JACQUES  DE  VITRY , 


HISTORIEN. 


MORT     !e      3o 
avril  12^0. 


01  Jacques  de  Vitry  tient  son  surnom  du  lieu  de  sa  nais- 
sance, comme  on  a  le  droit  de  le  supposer,  il  faut  qu'il  soit 
né  à  Vitry-sur-Seine,  près  de  Paris,  ou  à  Vitry-sur-Marne, 
en  Champagne;  et  lorsqu'on  reconnaît  qu'il  n'a  eu  aucune 
relation  avec  cette  dernière  province,  dans  tout  le  cours  de 
sa  vie,  la  première  hypothèse  paraît  de  beaucoup  la  plus 
probal)le.  Cependant  plusieurs  biographes  le  disent  natit 
d'Argenteuil ,  opinion  qui  a  au  moins  contre  elle  le  surnom 
qu  il  |)orte;  car,  à  partir  (\\\  xiii^  siècle,  il  est  constamment 
appelé  Jacohus  de  Vitryaco  ou  de  1  itreyo.A  la  vérité,  ce  der- 
nier nom  pourrait  convenir  à  ^itré  en  Bretagne;  mais  le  per- 
sonnage dont  il  s'agit  n'ayant  jamais  passé  pour  Armoricain, 
pas  plus  que  pour  Champenois ,  tout  nous  invite  à  croire  que 
c'est  à  Vitry,  dans  le  diocèse  de  l'aris,  qu'il  a  vu  le  jour.  Du 
reste  nous  manquons  de  tout  renseignemetit  sur  sa  famille  : 
aucun  témoignage  authentique  ne  confirme  ni  ne  dément 
l'assertion  des  auteurs  modernes,  qui  lui  donnent  pour  père 
un  pauvre  paysan,  et  s'ils  ajoutent  qu'il  na(|uit  entre  les 
années  1160  et  1170,  c'est  encore  une  simple  conjecture, 
uniquement  fondée  sur  ce  que,  selon  les  apparences,  il  fré- 
quentait les  écoles  de  Paris  dans  les  premières  années  du 
règne  de  Philippe-Auguste,  c'est-à-dire  de  i  180  à  1 190,  ainsi 
que  le  croit  Du  Boulay.  Il  faut  avouer  pourtant  que  jusqu'en 
12 10,  époque  où  il  aurait  eu  4o  à  5o  ans,  on*a  bien  peu  de 
faits  à  placer  dans  l'histoire  de  sa  vie.  Son  contemporain 
Vincent  de  Beauvais  se  borne  à  dire  qu'avant  de  passer  en 
Belgique,  Jacques  de  Vitry  avait  été  prêtre  paroissial  à  Ar- 
genteuil  près  de  Paris  :  Ante  fuerat  in  villa  propc  Parisios , 
quœ  dicitur  Argentoliuni,  preshyter purochialis.  On  a  conclu 
de  ces  paroles  que  Jacques  a  été  curé  d'Argenteuil  ;  d'autres 
ajoutent,  et  de  Vitry-sur-Seine.  Mais  il  va  bientôt  nous  être 

Tome  XV m.  D  d 


l.   s*    ME. 


Fi'.  Duchcsiie, 
Hisl.  des  taidin. 
franc,  t.  I ,  p 
2o3. 


Hiït.  Univ.  Pa- 
risiens, t.  Il ,  |i. 
5io. 

Spccul.  Hisld- 
riale,  1.  xxx  ,  c. 
lo. 

Nat.  Alcxan. 
Hist.cccl.,t.XX, 
p.  53i.  Omiin  , 
Comni.  (le  Scr. 
eccl.  I.  IH,  p. 
46.1,e|)riif,  Hist. 
de  la  ville  et    du 


210  JACQUES  DE  VITRY, 

xiiisiECï.E.    ^jj  ^^jg  l'ordre  de  la  prêtrise  ne  lui  fut  conféré  qu'après  sa 


dioc.de Paris, t.  retraite  dans  Un  monastère  du  Brabant;et  il  s'ensuivra  que 

iv,p.  i7.Biogr.  la  fonction  indiquée  par  les  termes  de  preshyter  parochialis 

uni»,  t.  XLix,  jjg  pouvait  être  tout-à-fait  celle  qu'exprime   aujourd'hui 

le  mot   de   curé;  il  la  faudra  réduire  à  une  simple  cléri- 

cature. 
Félibien.Hisi.       Q    j-yj.  ygj,g  j.^j^  J2JQ       g  Jacques  de  Vitry  s'exila  subite- 

de  Pans,  t.I,  I.  ,       ,         j    ^r«      •        ^      l  ..  ■      J 

VII,  p.  320.        ment,  loin  des  écoles  de  Pans,  ou  il  avait  acquis  du  renom, 
et  des  paroisses  voisines  au  service  desquelles  il  s'était  atta- 
ché. Les  récits  qu'on  lui  avait  faits  des  éminentes  vertus  de 
Marie  d'Oignies  lui  inspirèrent  la  résolution  d'aller  se  sanc- 
ciacon   viiae  t'^cr  auprès  d'elle.   Docile  aux  conseils  de  cette  bienheu- 
poni.  etcaid.  i.  Tcuse ,  il   embrassa  l'état  de  chanoine  réjjulier,  d'abord  à 
II,  p.  8^  Villebrouck  en  Brabant,  puis  à  Oignies  sur  la  Sambre.  Marie 

bant'Ti'iëe^^p"  l'ayant  aussi  pres.sé  de  recevoir  l'ordre  de  la  prêtri5e,  il  fit 
Vossius.deHisi.  un  court  voyagc  à  Paris,  où  son  évèque  diocésain  le  lui  con- 
lat.  t.  II,  p.  5?.  fera.  Quand  il  rentra  sur  le  territoire  d'Oignies,  la  sainte 
— Manuscr.  eue  gc^o^rut  à  Sa  rcncoutre,  baisa  les  traces  de  ses  pas,  et  se» 

par  Possev.  Ap-  .  ■         c-  i    .    •  i  "^ 

par.  S.  in  calai    maiiis  nouvellement  consacrées,  ai  ces  détails  sont  exacts, 

mss.  p.  ia3.       ce  n'était  donc  pas  un  sacerdoce  proprement  dit  qu'il  avait 

Spond.    ann.  auparavant  excrcé  à  Vitry  ou  à  Argeiiteuil  :  il  n'a  pu  devenir 

liii.n.v.Man-        .'.      ,,  ^  ,  -<  "^ix;      •  '     c\         ■  «  •       • 

riq. ,  Annal. cis-  Véritablement  cure  qua  Wasiers  ou  a  (Jignies  même,  ainsi 

terc. ann.  nii,  que  le  dlscnt  certaines  chroniques. 

I.  i,t.  III,  p.  i;  Cependant  son  principal  ministère  depuis  laio  iusqu'à  la 
iai7,  t.  III,  p.  r  .  ri  r  J      i      , 

(i.  mort  de  Marie,  en  121J,  et  dans  le  cours  des  quatre  années 

Hist.  belli  Al-  suivantes,  a  été  de  prêcher  la  croisade  contre  les  Albigeois  : 
big.c.  58  Scrip    jj  ^j.^jj.  alors  un  de  leurs  plus  ardents  ennemis,  et  son  zèle 

reium  gallic.  et  .  ^,  .     ,  pl-  •  u-  i 

iranc.  XIX.  exterminateur  est  tort  préconise  par  I  historien  Pierre  de 

Aib.    chron.  Vaux-SeMiay.  Jacques  finit  par  se  croiser  lui-même,  et  suivit 

iai6,  P.  II,  p.  Languedoc  les  cohortes  qu'il  avait  armées.  La  réputation 

viia  B.  Lui-  que  lui  acquirent  son  éloquence  et  son  activité  ayant  retenti 

gardis  apudBoi-  jusqu'eu  Orient,  le  clergé  de  Ptolémais  ou  Saint-Jean-d'Acre 

Jand_  16   jiin.,  j-i^^  évêquc  de  Cette  ville,  dès  1216  selon  Albéric  de  Trois- 

p.  217.  .  T  ,  ,  ■  .  , 

Lepaige.Bibl.  rontiiiiies ,  Cil  121^  seloii  les  autres  cnroniqueurs;  et  le  pape 
pracmonsir.  t.  I,  Hoiiorius  III  lui  doiiua,  pour  la  Palestine,  une  mission  à 
^'ix^'r-    j   r>    laquelle  le  prémontré  Hélin  était  associé.  Le  nouveau  prélat 

H.  Gand.   De         ^  V  .  J-       <  -a 

Scripi.  eccies.  i.  sc  prcssa  daller  prendre  possession  de  son  diocèse  d  Acre 

3;.  et  non  d'Aricône;  car  c'est  j)ar  erreur  que  Henri  de  Gand  et 

Nonsouma  -  ,j'.m(^,.^jj  après  lui  écrivent  episcopus  Anconitanus,  au  lieu 

luil    sed     cliam  .   r  .  '         o  •  '  i       ta         • 

piaeruii ,  dit  le  f\  /i cconilunus.  Il  assista  en  1210  au  siège  de  Damielte,  et 

Mire,Auciai  62.  coritiiiua  depuis  de 'prendre  part  aux  affaires  de  l'Orient, 

Dut.  hisi.ciii.       |j  ecclésiastiques,  soit  militaires.  En  louant  son  habileté, 

l.   II,  p.  OIÏ.  T  '  ' 


HISTORIEN. 


211 


Xril  SIÈCLE. 


on  se  plaignait  quelquefois  de  son  humeur  impérieuse:  il  se 
plaisait  à  dominer  les  conseils  de  guerre;  et  les  seigneurs 
croisés,  qu'il  prétendait  soumettre  à  ses  avis  ou  à  ses  volontés, 
attribuaient  à  son  entêtement  une  partie  des  revers  que  les 
chrétiens  essuyaient  en  ces  contrées.  C'est  l'année   1220  qui     ciaruitabanno 
est  indiquée  par  les  biographes  comme  l'époque  de  sa  célé-  circHer    uio  : 
brité.  Mais  la  vérité  est  que  de  i2iQà  1227,  on  connaît  assez     "'''"'' ".P- 
peu  les  détails  de  sa  conduite.  Un  sait  du  moins  qu  il  recom-      Hipp  Maracc. 
mandait  particulièrement  la  dévotion  à  la  sainte  Vierge;  et  '"   P"''P-   Mar. 
l'on  a  lieu  de  penser  qu'il  a  composé  plusieurs  de  ses  écrits  ^nt '*e*t°cird"* 
dans  cet  intervalle.   Au  commencement  de  l'année    1227,  11,  p.  83. 
avant  la   fin   du  pontificat  d'Honorius  III,  il   se  rendit  à      Aiberici ,  chr. 
Rome,  y  séjourna  peu,  et  en  partit  pour  son  ancien  mo-  5""' l!^c' '''^' 
nastère  d'Oigiiies,  chargé,  à   ce  qu'on   croit,  de  réprimer  t.  il,  p.  84. 
en  Belgique   la  secte  albigeoise   qui    semblait  y    faire  des 
progrès. 

Honorius  eut    pour  successeur   Hugolin   d'Anagni  ,  nui      d  ■,     . 
prit  le  nom  de  Grégoire  lA.  Jacques  de  Vitry  le  connaissait  xxil,  col.  671. 
depuis  long-temps,  et  l'avait,  dit-on  ,  délivré  d'une  tentation  '^'«^"'"y ,  Hist.  ec- 
périlleuse,  par  le  moyen  d'une  relique  de  la  bienheureuse  ^?  ',''  ^^"' 

»«         •  1'/^-  •  l^  '  -  "'2)  llV.  LXXXI, 

Marie  d  Oignies.  Pouvant,  a  ce  titre  ou  a  tout  autre,  compter  u.  40. 
sur  la  bienveillance  du  nouveau  pontife,  l'évèque  d'Acre  re-      pciih     ^,5, 
vint  à  Rome  en    122g  au  plus  tard,  et  ne  dissimula  point  de  Paiis,i. i,  p. 
l'intention  d'abdiquer  une  prélature,  que  lui  rendait  fort  ^*°- 
peu  regrettable  le  mauvais  état  où  il  avait  laissé  les  alfaires 
et  les  mœurs  des  chrétiens  d'Orient.  Grégoire  consentit  à 
le  décharger  de  ce  fardeau ,  et  ne  tarda  point  à  l'appeler  à  de 
plus   hautes  et  de  moins  pénibles   dignités.    Un   historien 
contemporain,  qui  a  continué  en  français  les  récits  de  Guil- 
laume de  Tyr,  résume  en  peu  de  lignes  l'histoire  de  l'épis- 
copat  de  Jacques  à  Ptolémaïs.  «  il  ot  en  France  un  clerc  qui 
«  prêcha  de  la  crois  ,  qui  avoit  nom   maistre  Jacques    de 
«  Vitrv;  cil  en  croisa  mult.  Là  où  il  estoiten  la  prédication,     „      ...     , 

,,,,•'',  ,  .  ,,  .  ^  ,v  ',     ,,  ,  DanslAmpI.ss 

«  leluient  les  chanoines  d  Acre ,  et  mandèrent  a  I  apostole  coii.deMaitène, 
a  qui  lor envoia  pourestreévêque  d'Acre;  et  sachiezs'il  n'en  '  ^.I'  C81. 
«  eust  eu  le  commandement  l'apostole,  il  ne  l'eust  mie  reçu. 
«  Mes  toutesvoies  passa  il  outre  mer  et  fust  évêcjue  grant 
«  pièce,  et  iist  mult  de  biens  en  la  terre;  mes  puis  résigna 
«  il  et  retorna  en  France  et  puis  fu  il  cardinal  de  Rome.  »      ^''*  '"""'  " 
Sa  promotion  au  cardinalat  et  à  l'évêché  de  l'usculum  ou  sî"^      '       '  ** 
Frascati  e.st  de  l'an    1228  selon   Ciaconius,  de    i23o  selon 
Panvini.    Diverses  missions   ou    légations   apostoli(|ues  en      '\"'*""-  ^*"^"" 

*  '  p    5 10  ,  5  1 1 

Dda 


2(2  JACQUES  DE  MTR  Y, 

XIII  SIÈCLE. 

France,  en  Allemagne,  mais  dont  les  objets  ne  sont  pas  dis- 

Fieuiy.Hist    tinctement   indiqués,    lui  furent    confiées    jusqu'en    i23q, 

eccles.   t.  XVII,     ,  >     ,  /  ..    l    »•        I       I  '  l  ^  -     ^ 

p.  289,  200,1.  époque  ou  le  patriarcat  latin  de  Jérusalem,  vacant  après  la 
Lxxxi ,  n.  40.  mort  de  Gérold,  lui  (ut  déféré  par  les  suffrages  du  clergé  de 
Script. orti.  pra-  ^^  pays.  Il  v  a  des  auteurs  (lui  avancent  de  plusieurs  années 

<lic,  t.  I,  p.  257,  '^    -^'i       .•  •  Il  '  r- ..    I         I    i        I'    cr  .  I 

col.  2.  cette  élection  ;  mais  quelle  qu  en  lut  la  date,leilet  en  de- 

Ciacon.,  viiae  mcura  nul ,  soit  parce  qu'il  ne  la  voulut  point  accepter,  soit 

',?"'   o',*^''^'^  '    parce  que  Gréproire  IX  avait  résolu  de    le   retenir  auprès 

II,  p.    83.  'l         1        •    r,',  ri  I        T7-.  /-•.  O  /  ^ 

Chron. S. Me-  de  lui.  1  outciois  Jacques lie  \  itry  lit ,  en  i2jf)ou  iy.40,  avant 
dardi  suession.  Pàques,un  dcmicr  voyagc  en  France,  en  qualité  de  légat  du 
"'  '*''"]^''^°'    '■  saint-siége  :  il  y  arriva  vers  l'Epiphanie  et  en  repartit  à  la 

Âiber.'^Chron.  Chandeleur;  l'affaire  qui  l'y  appelait ,  et  qui  n'est  pas  connue, 
ann.  i2/,o,part.  n'cxigcait  apparemment  qu'un  court  examen.  La  qualité 
ii,p.  575.  Bol-  (j'évèque  de  Préneste  lui  est  donnée  dans  Id  chronique  qui 

land.jnn.  l.  III,    ,.  .        ^        .  ,  n  .  l       -  .  i  '      •■  * 

die  23,  p.  258.  lait  mention  de  ce  voyage,  il  touchait  au  terme  de  sa  carrière; 
Heiiiy, I.  Lxxxi,  il  mourut  à  Rome  le  3o  avril  1:^40;  c'est  par  erreur  que  cer- 
"  ,^°'  -^     ,       tains  auteurs  ont  dit  1244,  et  Vossius  1260.  Par  son  testament, 

Henri  Gandav.    ,  i.        i  •        ■       i  ^  i  -  n  n     > 

de  Script,  ecci.  !«  Cardinal  prescrivait  de  transporter  sa  dépouille  mortellea 
c.  37.  Triiiiem.  Oignics:  il  y  fut,  en  effet,  reconduit  en  1241,  et  inhumédans 
c.  43i.  Oudin,  l'^^iis^.  Jq  monastère  qu'il  avait  autrefois  habité.  Dom  Mar- 

t.    m,    p.    Aq.       ,   «->  •    •     '  1-    ^  I-.  I       ..  i  I       T  1 

Biogr.   univ.  t.  tcue ,  qui  a  visite  ce  heu,  dit  que  le  tombeau  de  Jacques  de 

XLix,p.  319.    Vitry,  en  marbre  noir,  se  voit  encore  d.ins  le  sanctuaire  du 

Voss.DeHist.  ^^^  j     l'épître ,  ct  quc  son  missel,  son  pontifical,  sa  crosse 

lat.    1.  II,  c.  57.      ,,.  ,'  j  »        .  p  I'-       •  p       ^  1 

Alber.  ann.  oivoirc,  dcux  dc  SCS  mitrcs  ,  1  uue  d  ivoire,  1  autre  plus  pre- 
la.'ii,  p.  579.  cieuse,  se  conservent  dans  le  trésor  de  cette  même  église. 
Moianus,  Natal,  francois  Duchcsue  transcrit  dcux  vers  qui,  dit-il,  s'y  lisent 

ss.     Belgu  ,23  "        '     •  L  ^       ^  T      J 

jun.  folio.  127  comme  epitaphe  : 


verso. 


.,  '..      ,,  Vitriacus  iacet  liîc,  romanacolunina,  Jacobus: 

Martene.Vova-  .    J  ,    •  i-        ,  •  i 

gelittér.  t  II   n  Queiii  vivumcoluit,  colitorbis  uterque  sepultum. 

Duch.  Hist.  Ce  prélat  avait  eu,  en  Belgique,  en  Orient,  à  Rome,  des 
des  card.  franc,  ilisciplcs  dont  le  plus  famcux ,  Thomas  de  Cantimpré,  nous 
'  Script  ordtn  foumirait  d'assez  longs  suppléments  à  sa  vie,  s'ils  n'étaient 
pr*dic.  t.  I,  p!  trop  peu  dignes  de  confiance  et  même  d'attention.  Par  exem- 
a5o-254.  pie,  on  y  verrait  comment,  au  moyen  des  ferventes  prières 

vit^'s^LuTar-  *'<^  Sainte  Lutgarde,  Jacques  fut  miraculeusement  guéri  d'un 
dis,i.ir,c.  I,  n.  attachement  qui  n'était  pas  encore  criminel,  mais  qui  pou- 
3,p.a44.— Bol-  yait  le  devenir;  et  comment  il  apparut,  le  quatrième  jour 
iT^'-iSs^""  '  ^    après  sa  mort,  à  cette  même  bienheureuse  pour  lui  annoncer 

Hoiiis  ,  vita  qu'il  venait  de  passer  deux  jours  et  trois  nuits  dans  le  pur- 

Jacobi de'vitr.    gatoire.  Lutgardc  en  fit  part  aussitôt  à  sa  communauté;  et 

c'était  sans  doute  un  prodige,  qu'à  une  distance  de  3oo  lieues, 


HISTORIEN.  2i: 


XIII  SIKCLE. 


elle  put  savoir,  le  3  mai ,  que  le  cardinal  avait, le  3o  avril, 
rendu  à  Rome  le  dernier  soupir  ;  prodige  qui,  selon  Thomas 
de  Cantimpré,  doit  confondre  l'impiété  nés  gentils  et  des 
juifs.  On  apprend  ailleurs  que,  depuis  iai3,  Jacques  portait      Duchesne.H. 
un  anneau  de  Marie  d'Oignies,  auquel  de  très-hautes  vertus  'if^  coi <i.  franc. 
demeuraient  attachées;  que  saint  Saturnin  lui  apparut  on  '  i- P^" '• 
songe,  et  lui  enjoignit  de  prêcher  contre  le  peuple  toulou- 
sain; qu'en  1227,  dans  sa  navigation  d'Acre  à  Rome,  il  s'en- 
dormit au  plus  fort  d'une  horrible  tempête,  et  qu'il  eut,   . 
pendant  son  paisible  sommeil,  une  vision  céleste  qui  l'aver- 
tissait d'aller  consacrer  les  cinq  autels  de  la  nouvelle  église 
d'Oignies.  Mais  la  critique  moderne  écarte  de  pareils  récits, 
ou  ne  les  conserve  que  comme  des  monuments  de  la  crédulité 
de  cet  âge. 

Sans  recourir  à  ces  dons  surnaturels,  et  fi  ne  considérer 
dans  Jacques  de  Vitry  que  le  prédicateur,  le  prélat  et  l'écri- 
vain, il  est  encore  l'un  des  personnages  les  plus  distingués 
de  son  temps,  digne,  à  beaucoup  d'égards,  des  hommages 
que  les  auteurs  des  siècles  suivants  s'accordent  à  lui  rendre. 
Son  éloquence   est  magnifiquement  louée   dans  un   traité      Scripi.  oïdin. 
manuscrit  des  Sept  dons  du  Saint-Esprit,  ouvrage  d'Etienne  ''^'^'*"^njj  ''  •*■ 
de  Borbon,  l'un  des  plus  anciens  docteurs  de  Sorbonne. 
On  y  lit  même  que  jamais  orateur,  ni  avant  lui,  ni  après  lui, 
n'a  ému  si  puissamment  la  multitude:  Vir  sanctns  et  littera- 
tus. . .  prœdicando  per  regnwn  Franciœ  et  utens  exemplis  in     chr.  Belg.  — 
sermonibiis  suis ,  adeo  totam  commovit  Franciam  ,  quod  non  Oudin,  t.  m,  i». 
putat  memoria  aliquem,  ante  vel  post  sic  movisse.  Des  chro-   ' 
niques  de  Brabant  le  qualifient  Egregius  sermonuni  decla- 
mator,  esrresiœ  doctrinœ  et  famœ  cardinalis.  Trithème  parle      r.  c      . 
de  lui  en  termes  non  moms  honorables  :  yirin  divmis  scrip-  des.  c.  432. 
turis  eruditus  et  secularium  litterarum  non  ignarus ,  moribus 
et  vitd  spectabilis ,  in  declamandis  sermonibus  ad  populum 
excellentis  ingeniifuit ,  et  crucem  cQntra  Alhienses  hereticos 
gloriosè prœdicans,  multos fidèles  in  eos  apostolicâ  auctoritate     Bongars,Pr3ef 
firmavit.  Scripsit  non  spernendœ  lectionis  opuscula.  D'autres  n.  xn. 

ajoutent  qu'il  savait  parfaitement  le  latin,  le  grec  et  l'arabe,      '^^"^  ^'^^°°- 
r  .■    y         *      »  7-v    j     ,        c      »  I      »       ..  ..  M.  H,  p.  85.  Du 

latine,  grœce,  arabice  doctus.  bes  talents  et  ses  vertus  ont  Bouiay,t.  m  n 

été  célébrés  en  vers  par  Moschus,  curé  d'Armentière,  et  par  690,  691 

Hoius,  professeur  à  Douai.  Le  premier  lui  a  composé  une 

épitaphe  en  4^  vers,  dont  nous  ne  transcrirons  que  les  neuf 

premiers  : 


1  7 


XIII  srtCLE. 


UansDu  Bou- 
lay,  ibid.  p.  691, 
691  ;  et  dans  les 
Prélim.  des  2  li- 
tres de  Jacq.  de 
Vilnr ,  Douai  , 
1597. 

II.SESOUVKACES. 


H.  GandaT.  c. 
1t. —  Jacq.Ber- 
goin.  ad  ann. 
1240.  —  Trilh. 
«le  Scr.   eccl.    c. 


Thesaur.  nov. 
A^nerdol.  I.  III, 
p  a8«-1o5.  — 
MichauJ  ,  Bibl. 
des  dois.  I.  I , 
p.  427-430. 


2i4  JACQUES  DE  VITRY, 

Doctrinâ  et  pietate  cluens  hâcconditur  urnâ 
Vitriacus,  mystes  quondam  hîc  columenque  popelli. 
Siib  modio  liaud  latuit  tanlum  jubar  :  exerit  ille 
Egregias  animi  dotes  ,  linguâque  disertà  , 
Summo  pontifice  isthaec  inunia  demandante, 
Pugnat  in  Albigeos  ,  cruce  in  illos  plunma  signans 
Millia,  queis  Cbristi  causain  victricibus  armis 
Ingens  ardorerat  mentis  studiiimque  tueri. 
Tantum  ilexanimae  potiiit  facundia  vocis. 

Hoius,  vers  la  fin  du  xvi*  siècle,  retraçait  l'histoire  de  la 
vie  de  Jacques  de  Vitry ,  en  adoptant  l'opinion  qui  lui  donne 
pour  patrie  Argenteuil. 

Vitriaci  ô  magni  mânes  et  nobilis  umbra  ! 

Ne  grave  sit  decics  septem  post  lustra  moveri. 

Natales  Argentolei  puer  editiis  auras, 

Seqnana  quam  liquidis  argenteus  alluit  undis, 

.Hausisti;  etMariae  Nivigellidis  iiiclyta  famà 

Gloria,  et  egregii  vitœ  cœlestis  amores 

Parisiis  movêre  scholis.  .  . . 

Hugo  olim  tibi  longo  conjunctissimus  usu , 

Osiia  oui  nomen  dédit  et  decus  ordinis  ingens 

Cardinei ,  summâ  Ronise  jani  sede  potitus, 

Te  quoque  purpurea;  veslis  donavit  amictu, 

Telegonique  urbem  patri  commisit  babendam.  .  . . 

Nous  n'aurons  plus  à  nous  occuper  maintenant  que  des 
ouvrages  de  Jacques  de  Vitry,  et,  avant  d'examiner  le  plus 
important,  qui  consiste  en  trois  livres  d'Histoire  orientale 
et  occidentale,  nous  commencerons  par  prendre  tineidée  de 
ceux  qui  ont  moins  d'étendue,  mais  qui  sont  en  assez  grand 
nombre.  On  peut  les  distribuer  en  quatre  classes:  épîtres, 
sermons,  traités  théologiques,  livres  historiques. 

Henri  de  Gand  et  Philippe  de  Bergame  disent  qu'il  a  écrit 
à  plusieurs  personnes  des  lettres  diverses,  mais  principa- 
lement relatives  aux  afliiires  de  l'Orient,  et  Trithème  les 
désigne  comme  recueillies  en  un  livre  ou  volume  :  Episto- 
laruiii  ad  diversos ,  l.  I.  Ce  livre  n'a  point  été  publié,  et  s'il 
subsiste  manuscrit,  on  ignore  en  quels  lieux  il  est  déposé. 
Il  demeure  donc  inconnu,  à  moins  que  les  épîtres  dont  il  se 
compose  ne  soient  les  mêmes  que  celles  qui  vont  être  indi- 
quées. 

Dom  Martène  a  imprimé  quatre  lettres  adressées  ,  en  iai8 
et  i2ig,  par  Jacques  de  Vitry, au  pape  Honorius  III,  sur  le 
siège  et  la  prisede  Damiette.  La  première  commente  par  une 


HISTORIEN.  ai5 

1  .       .  1     n  /  ,        .     ,  ,  ^^^^  SIÈCLE. 

description  de  1  armée  chrétienne,  reunie  à  Ptole'maïs  sous  les  

ordres  des  roisde  Jérusalem,  deChypre, de  Hongrieet  du  duc 
d'Autriche:  jamais  encore  on  n'avait  vu,  en  un  même  Heu,  tant 
de  guerriers,  d'armes  et  de  chevaux.  Les  croisés  se  dirigèrent 
vers  Damas,  en  causant  aux  Sarrasins  de  grands  dommages, 
et  néanmoins  en  perdant  plus  de  monde  qu'ils  ne  faisaient  de 
prisonniers.  La  multitude  soupçonnait  quelque  trahison  se- 
crète: il  fallut  retourner  à  Ptolémaïs;  les  rois  de  Hongrie  et 
de  Chypre  et  le  comte  de  Tripoli  se  retirèrent.  Mais  les 
Templiers  élevèrent  une  forteresse,  et  Olivier,  chanoine  de 
Cologne ,  survint  à  la  tête  d'une  flotte.  On  résolut  de  se  porter 
sur  l'Egypte;  on  arriva  devant  Damiette,  et  l'on  s'empara 
d'une  tour  bâtie  sur  les  eaux  du  Nil.  Jacques,  dans  la  seconde 
lettre,  revient  sur  la  prise  de  cette  tour,  expose  les  détails 
d'un  si  heureux  événement  et  en  fait  valoir  l'importance. 
Mais  avant  de  traiter  ce  sujet,  il  s'est  plaint  amèrement  de  la 
désertion  de  plusieurs  croisés,  et  il  s'est  efforcé  de  justifier 
le  parti  qu'on  a  pris  d'attaquer  l'Egypte,  au  lieu  de  marcher 
vers  Jérusalem.  L'Egypte  est  une  contrée  fertile:  beaucoup 
de  chrétiens  l'habitent;  c'est  aussi  une  terre  sainte,  la  seule 
où  se  trouve  la  vigne  du  baume  qui  sert  à  faire  le  saint 
chrême.  D'ailleurs  ceux  qui  sont  partis  pour  Damielte  avec 
l'évêque  d'Acre,  avaient  eu  soin  d'emporter  un  morceau  de 
la  vraie  croix  :  aussi  leur  voyage  a-t-il  été  heureux  et 
rapide.  Toutefois  en  décrivant  l'Egypte,  le  prélat  ne  dissi- 
mule point  la  mauvaise  qualité  des  eaux,  et  avoue  que  des 
milliers  de  croisés  sont  morts  de  la  dyssenterie  pour  en 
avoir  bu. 

Les  cruels  ravages  de  l'épidémie  sont  racontés  plus  au  long 
dans  la  troisième  épître,  qui  offre  en  termes  allégoriques,  un 
tableau  de  l'état  déplorable  de  l'Ej^lise  d'Orient  La  retraite 
soudaine  des  musulmans,  miraculeuse  aux  yeux  de  plusieurs 
historiens ,  est  expliquée  plus  naturellement  par  Jacqut^s  de 
Vitry  :  elle  avait  pour  cause  la  nécessité  où  se  voyait  le  sultan 
d'aller  défendre  son  royaume  contre  le  roi  d'Arménie  et 
d'autres  princes  ennemis  qui  1  inondaient  de  leurs  iimom- 
brables  soldats.  La  quatrième  épître  annonce  la  prise  de  Da- 
miette. Il  y  est  dit  que,  de  l'aveu  des  musulmans,  Dieu  avait 
combattu  pour  les  chrétiens,  quoiqu'il  y  eût  parmi  ceux-ci 
bon  nombre  d'orgueilleux,  d  hommes  avides  et  même  de 
voleurs  (  multifures  et  raptorcs  ). 

Dachery  a  inséré  dans  le  Spicilége  une  autre  lettre  de  373-383.  '^'* 


2i6  JACQUES  DE  VITRY, 

IIII    SIÈCLE.      „,      ,  ,,^  ,     „  ■  TTT        '        •  cil 

1  eveque  d  Acre  a  Honorius  111,  ecnte  en  12 19.  Elle  contient 

aussi  des  détails  sur  la  conquête  de  Damiette  et  de  la  forte- 
resse de  Thanis,  ainsi  que  sur  les  crimes  dont  plusieurs 
croisés  s'étaient  rendus  coupables,  et  que  Dieu  leur  faisait 
expier  pardes  malheurs  personnels.  Multiex  nostris ,tantorum 
beneficioruni  ininietnores  etingrati,  Dominum  ad  iracundiam 
provocaverunt ,  variis  crirninibus  animas  suas  ohligantcs ,  et 
maxime  spoliis  paganorum  et  thesauris  civitatis  f'urto  et  ra- 
piiid  communitatem  exercitûs  defraudando.  Quibus  iratus 
Dominas.  .  .  ultione  manifesta  in  mari  et  in  terra  eos  peri- 
clitariperniisit.  Le  pape  apprend  ici  à  combien  d'angoisses  les 
défections,  les  trahisons,  l'indiscipline  ont  condamné  l'armée 
chrétienne.  En  général,  il  y  a  plus  à  puiser,  pour  l'histoire 
détaillée  du  siège,  dans  cette  épître  que  dans  les  quatre  pré- 
cédentes. Nous  excepterions  pourtant  ce  qui  concerne  un 
astrologue  sarrasin  dont  les  prophéties,  toujours,  dit- on, 
justifiées  par  les  événements,  obtiennent  pleinement  la  con- 
fiance ou  même  le  respect  de  Jacques  de  Vitry.  La  lettre  est 
terminée  par  la  mention,  non  moins  étrange,  d'un  livre  en 
langue  sarrasine,  contenant  les  révélations  de  l'apôtre  saint 
Piene,  recueillies  par  son  disciple  Clément.  I -à  sont  prédites 
toutes  les  choses  arrivées  jusqu'à  la  prise  de  Damiette  inclu- 
sivement, et  toutes  celles  qui  doivent  s'accomplir  jusqu'à  la 
Bihi     oiieoi    venue  de  l'Antéchrist  et  à  la  fin  du  monde.  Assemani  indique, 

I  I,  'iS'i  en  effet,  un  volume  arabe  de  ce  genre,  qui  se  conserve  ma- 

„,,  ,    nuscrit  à  la  Bibliothèque  du  A'^atican,  et  un  autre  manuscrit 

I  III,  jint  I,  p    sur  |)apier  de  soie,  intitulé  les  Secrets ,  dans  le  même  dépôt  : 

"•"^■»  c'est  un  recueil  qui  s'annonce  comme  rédigé  par  le  pape  saint 

Clément,  et  qui  est  divisé  en  8  livres,  dont  les  quatre  pre- 
miers retracent  l'histoire  du  monde  depuis  la  création  jusqu'à 
Jésus-Christ,  et  les  suivants  contiennent  les  révélations  de 
saint  Pierre.  Ce  volume  a  été  fourni  à  la  Bibliothèque  du 
Vatican  par  un  maronite,  sous  le  pontificat  d'Innocent  XIIL 
Le  siège  et  la  prise  de  Damiette  sont  encore  le  sujet  d'une 
lettre  adressée  par  l'évêque  d'Acre  à  Jean  de  Nivelle  et  à 
d'autres  religieux  belges,  après  la  Chandeleur  de  1220.  Elle 
i'  114G  ii/jg.  se  lit  dans  la  collection  de  Bongars,et  ajoute  quelques  par- 
ticularités à  l'histoire  de  ces  événements.  Nous  y  apprenons 
quelles  manœuvres  les  musulmans  avaient  employées  pour 
séduire  les  chrétiens,  et  les  disposer  à  lever  le  siège;  com- 
ment, desoixante  mille  Sarrasins  enfermés  dans  la  place  en 
février  1219,  il  en  restait  à  peine  trois  mille  en  novembre; 


HISTORIEN.  217 

combien  de  malheurs  cependant,  et  combien  de  désordres 

avaient  affaibli,  durant  ces  neuf  mois,  l'arme'e  des  croisés; 
quels  guerriers  et  quels  autres  persormages  éminents  elle 
avait  perdus.  Jacques  de  Vitry  la  recommande  instamment 
aux  prières  de  ses  anciens  confrères. 

Une  épître  adressée  par  lui  à  Foulques ,  évêque  de 
Toulouse,  est  d'un  autre  temps  et  diffère  des  précédentes 
par  la  matière  :  c'est  la  préface  ou  la  dédicace  de  la  vie  de 
Marie  d'Oignies.  Nous   la  rattacherons  à  l'ouvrage  qu'elle  „  vmc^  Beiiov 

b  1       '        ■  Spec.    Hislor.    t. 

annonce.  Au  rond,  toutes  les  lettres  de  Jacques,  ou  du  moins  xxx.p.io,  n. 
toutes  celles  qui  nous  sont  connues,  ont  un  caractère  histo-  —  Boiiaud.  ^■^ 
rique,  et  les  six  sur  lesquelles  nous  venons  de  jeter  les  yeux,  Ju^P  6^0^77 
pourraient  être  rapprochées  de  ses  trois  livres  sur  les  affaires 
de  l'Occident  et  de  l'Orient:  elles  en  sont  des  appendices; 
mais  nous  avons  cru  à  propos  de  le  considérer  comme  au- 
teur épistolaire,  avant  de  parcourir  ses  productions  dans  les 
autres  genres. 

Prédicateur  fort  renommé  de  son  temps,  il  a  laissé  beau-  ,  t°rf p.  4*10" 

coup  de  sermons;  et  l'on  en  peut  lire,  au  moins  une  partie, 

dans  un  volume  in-folio  de  93 1   pages,  imprimé  en  iSyS,  à 

Anvers ,  par  Théodore  Lyngam ,  pour  la  veuve  et  les  héritiers 

de  Jean  Stelsius.  Le  titre  en  est  conçu  en  ces  termes:  Reve- 

rendissimi D.  Jacobide  Vitiiaco  S.  R.  E.  cardinalis,  episcopi 

Tuscidani,   theologi  et  concionatoris  eruditissimi  et   diser- 

tissimi,  sermones  in  epistolas  et  evangelia  dominicalia  totius 

anni ,  ab  ipso  authore  à  trecentis  quinquaginta  et  ampUiis 

annis  conscripti ,  nunc  autem  prinihm  surnmâ  diîigentiâ  in 

lucem  editi.  Quoique  ce  titre  n'annonce  que  des  sermons  sur 

les  épîtres  et  les  évangiles,  il  y  a  trois  discours  pour  chaque 

dimanche  :  le  troisième  sur  l'évangile,  le  second  sur  l'épître 

et  le  premier  sur  l'introït.  Dans  la  préface  de  ce  recueil, 

Jacques  de  Vitry  rend  compte  de  son  propre  travail  :  il  a 

étudié,  médité  assidûment  l'Écriture  sainte,  les  écrits  des 

saints  pères  et  des  interprètes  :  c'est  dans  ces  sources  qu'il  a 

puisé  les  documents  et  les  détails  qui  lui  ont  paru  convenir 

à  chaque  sujet;  il  les  a  fidèlement  recherchés,  il  les  expose 

avec  la  même  sincérité:  son  but,  en  les  rassemblant,  a  été 

de  se  rendre  utile  aux  ministres  de  la  parole  de  Dieu,  de 

les  dispenser  de  recourir  à  beaucoup  de  livres ,  qui  le  plus 

souvent  leur  manquent.  Afin  de  leur  faciliter  l'exercice  de 

leurs  fonctions,  il  a  écrit  d'un  style  simple  et  familier;  car  il 

s'agit  ,  non  de  satisfaire   la  curiosité  des  savants,  mais  de 

Tome  XV m.  E  e 

17. 


Xin  SIÈCLE. 


2i8  JACQUES  DE  VITRY, 

préparer  une  instruction  qui  soit  à  la  portée  des  auditeurs 
vulgaires.  Les  prédicateurs  qui  feront  usage  de  son  travail, 
y  choisiront  avec  discernement  ce  qui  conviendra  le  mieux 
aux  circonstances  de  temps  et  de  lieux,  aux  personnes  devant 
lesquelles  ils  auront  à  parler;  ils  réserveront  le  surplus  pour 
des  occasions  moins  communes.  Dans  tous  les  cas,  ils  se 
garderont  de  provoquer,  par  de  trop  longs  discours,  les  dé- 
goûts de  leur  auditoire.  Quanta  lui,  il  n'a  pas  dû  craindre 
de  s'étendre  sur  chaque  sujet,  son  dessein  étant  de  fournir 
tous  les  matériaux  susceptibles  d'être  employés,  de  n'omet- 
tre aucun  des  détails  vulgaires  auxquels  on  a  souvent  besoin 
de  recourir  lorsqu'on  instruit  des  laïcs,  et  qui  ne  sont  su- 
perflus que  dans  les  sermons  adressés  en  langue  latine  à 
des  clercs  ou  à  des  religieux.  Voilà  pourquoi  il  a  extrait  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  des  docteurs  de  l'Eglise, 
des  commentaires  et  des  histoires,  toutes  les  leçons,  tous 
les  exemples  dont  il  est  possible  de  profiter  ;  il  n'a  pas  négligé 
de  joindre  aux  sentences  divines  les  raisonnements  et  les 
similitudes  qu'il  y  a  lieu  de  tirer,  soit  de  la  nature  des  ani- 
maux, soit  aussi  des  propriétés  de  plusieurs  choses  inanimées. 
JacquesdeVitry  ne  dit  pas  expressément  qu'on  prêchait  le 
peuple  en  langue  vulgaire;  mais  c'est  la  conséquence  presque 
nécessaire  de  plusieurs  endroits  de  cette  préface ,  et  surtout 
de  celui  où  il  est  dit  que  les  prédications  se  font  en  latin 
dans  les  assemblées  monastiques  ou  cléricales:  In  com'entu 
et  congregatione  latino  idiomate  loqiàmur.  Il  annonce  que 
son  ouvrage  est  divisé  en  5  parties  qui  correspondent  à 
celles  de  l'année  ecclésiastique:  la  i'*^  à  l'A  vent,  la  2*  aux 
semaines  comprises  entre  la  Septuagésime  et  Pâques,  la  3* 
de  Pâques  à  la  Pentecôte,  la  4*  au  temps  du  pèlerinage  ou 
du  combat,  c'est-à-dire  de  la  Pentecôte  à  l'A  vent.  L'intervalle 
de  Noël  à  la  Septuagésime  est  omis  dans  cette  énumération. 
La  cinquième  partie  se  rapporte  aux  fêtes  des  saints.  Les 
quatre  premières  renferment  la  série  presque  complète  des 
prédications  ordinairement  intitulées  Sermones  de  tempore  : 
il  n'y  manque  que  le  dimanche  qui  précède  immédiatement 
l'Epiphanie  et  ceux  qui  la  suivent.  La  préface  fait  mention 
des  trois  discours  composés  pour  chaque  messe  dominicale, 
et  avertit  que  le  troisième,  destiné  à  l'explication  de  l'Evan- 
gile, est  celui  où  le  sujet  sera  traité  avec  le  plus  d'étendue 
et  de  soin.  L'auteur  ajoute  qu'il  complétera  son  recueil  par 
une  sixième  partie,  contenant  des  instructions  spécialement 


XIII  SifecLË. 


HISTORIEN.  219 

appropriées  aux  états  on  conditions  de  certaines  personnes, 
telles  que  les  prélats  et  les  prêtres  réunis  en  synodes,  les 
moines  et  les  religieuses ,  les  écoliers  ,  les  pèlerins ,  les 
croisés,  les  gens  de  guerre,  les  marchands,  les  laboureurs, 
les  mercenaires,  les  serviteurs,  les  servantes,  les  vierges,  les 
veuves,  les  femmes  mariées  et  leurs  époux;  car  il  faudra, 
dit-il,  varier  seloa  les  diverses  conditions  le  fond  et  les 
formes  de  l'enseignement  apostolique. 

Cette  sixième  partie  n'est  point  comprise  dans  l'édition 
de  1575;  mais  on  en  possédait  des  copies  manuscrites,  et 
le  lecteur  est  averti  que  l'imprimeur  Bélier  se  propose  de 
mettre  bientôt  sous  presse  ces  sermons  spéciaux  :  Sermones 
spéciales  secundàm  diversitatem  personarum  à  se  invicem 
officiis ,  gradibus  et  moiibus  discrepantium.  Un  manuscrit  Sander,  Mss. 
de  Louvain  en  contenait  quatre  pour  les  infirmeset  les  affli-  Be^>P»''U'P- 
gés,  ad  infirmas  et  affiictos.  L'éditeur  de  15^5,  qui  n'a  pu- 
blié que  les  sermons  des  dimanches,  était  un  dominicain 
d'Anvers,  nommé  Damianus  à  Ligno,  apparemment  Damien 
Dubois.  Il  a  misa  la  tête  du  volume  une  épître  dédicaloire 
à  l'évêque  de  Liège,  Girard  de  Groesbeeck,  et  un  avis  au 
lecteur,  où  il  fait  observer,  que  personne,  avant  Jacques  de 
Vitry,  n'avait  songé  à  expliquer  les  introïts  des  messes  domi- 
nicales. Du  reste,  il  avoue  que  ces  discours  et  Ceux  qui  con- 
cernent lesépîtres  et  les  évangiles  sont  un  peu  diffus,  qu'ils 
contiennent  des  interprétations  plus  ou  moins  forcées,  qu'ils 
ne  sont  pas  toujours  conçus,  disposés,  écrits  avec  tout  le 
soin  désirable.  Le  lecteur  est  prié  d'excuser  les  défauts  de 
l'édition  qu'il  a  fallu  entreprendre  d'après  une  seule  copie 
écrite  sur  papier  vers  i445,  si  pleine  d'incorrections  et 
d'abréviations  indécises,  que  le  texte  n'a  pu  être  quelquefois 
établi  que  par  conjecture.  Cependant  Damien  Dubois  a  eu 
communication  et  a  fait  usage,  dès  qu'il  l'a  pu,  d'un  autre 
manuscrit,  en  deux  tomes  et  sur  parchemin,  conservé  dans 
ta  bibliothèque  des  chanoines  réguliers  de  Rougeval.  Les 
deux  copies  comparées  offraient  des  variantes,  dont  on  se 
promettait  de  tirer  un  meilleur  parti  dans  une  seconde  édi- 
tion; mais  ce  recueil  n'a  jamais  été  réimprimé,  et,  à  vrai  dire, 
il  n'est  pas  d'un  assez  haut  intérêt  pour  l'être.  Si  les  sermons 
de  Jacques  de  Vitry  étaient  à  distinguer  dans  la  foule  de  ceux 
du  même  âge,  ce  serait  parce  qu'on  y  trouve  un  peu  moins 
d'argumentations  scolastiques,  et  un  peu  plus  d'exemples 
empruntés  des  chroniqueurs  et  des  légendaires.  Du  reste,  les 

E  e  2 


220  JACQUES  DE  VITRY, 

XIII  SIÈCLE.  ,.        .  II  '         •  Il  1. 

explications  mystiques  et  allegonques  y  abondent,  et  Ion 

y  remarque  bien  peu  de  ces  traits  des  mœurs  contempo- 
raines ,  qui  se  rencontrent  chez  les  sermonaires  du  xiv«  siècle 
et  surtout  du  xv*. 

Tous  les  autres  sermons  de  l'évêque  d'Acre  et  de  Tusculum 

Voy.    Liiiér.  gont  icstés  manuscrits.  Martène  en  a  vu  chez  les  chartreux 

i*'  de  Liège  quatre  ou  cinq  tomes,  échappés  seuls  à  l'incendie 

qui  avait  consumé  la  bibliothèque  de  ce  monastère.  Sander 

indique  les  couvents  et  les  églises  de  la  Belgique  où  se  con- 

Saudei ,  Mss.  servaient  des  copies  de  ces  diverses  prédications,  de  celles 

Beig.  part  1,1».        j  concernaient  les  saints,  les  différentes  professions  ou 

/,5,  359.  Part,  conditions,  I  œuvre  des  six  jours,  et  d autres  sujets  plus  va- 

11,  p.  2.',4.         guement  désignés.  Montfaucon  en  cite  aussi  des  manuscrits. 

'^l!f' ?.'''';.'!?■  Mais  de  tous  ces  serinons,  ceux  dont  on  avait  le  plus  de 

1280,  ohm  Colb.  .  ,.',.,  .  '  ,     . 

V28/,,oiimCoib.  copies  de  ce  genre  ,  étaient  précisément  ceux  qui  ont  ele  pu- 

—  Calai,  m,  p.  liliés  en  iSjSiCtce  sont  les  seuls  qui  soient  bien  connus;  ils 
^î^y.  77  ^'"py"  n'invitent  truère  à  rechercher  ceux  que  l'on  ne  connaît  pas. 

aussi    .Monllauc.  .    1         1  •    •  '  01  1        •  i>  1  ■>    i 

ijiiil.  Bii.l.  mss.  Lin  article  désigne  pnr  aander,  sous  le  titre  d  Art  de  prêcher, 
t.  II,  p.  928,  Jacohi  de  J'itrlaco  dearte  predicandl ,  n'est  peut-être  que  la 
'^^"■~^",'"'  préface  des  sermons  sur  lesintroïts,  les  épîtres  et  les  évan- 

ile  îjcript  eccles.    •    ,  , ,  .  ,  '  r 

I.  ili.p.  46-5o.  gues.  11  se  pourrait  aussi  qu  un  commentaire  manuscrit  sur 

—  Sciipi.  ord.  les  quatre  évangiles,  attribué  à  ce  prélat  par  Lelong  daprès 
^ss^'isè  ^'''    '-'''"'S  Jacob,  et  inconnu  aux  autres  bibliographes,  ne  dif- 

.sànder ,  Bibi.  fcriit  poiut  de  ccs  mêmcs  sermons. 

inss.  Beig.  part.       Pgs  écrits  théologiqucs  forment  une  troisième  classe  dans 

"ici  'Biblioth    '''  ''^'^^  ^^^  productions  de  Jacques  de  Vitry.  C'est  probable- 

sana.i.  II,  p.  mcnl  à  la  théologie  polémique  qu'appartient  le  livre  contre 

ioo5.  II.  2.        les  Sarrasins,  que  lui   attribuent  'Trithème  et  Jacques  de 

■iiitb.DeSci.  ]}ertrame,  et  qui  paraît  bien  ne  pas  différer  de  celui  que 

lacq.Bcrg.Ad  Hciiri  de  Gaiid  avait  indique  en  ces  termes  :  hxposuit  ctiam 

itnn.  i2',o.  ddii^enter  {Jacobus  de  Fitreyo)  crrorem  dliim  qiiein  induxit 

genti  Arahwn  perditus  ille  Mahomas ,  in  quo  errore  infelix 

lUagens  usque  hodiè pertinaciter persévérât.  «Réfutation  des 

erreurs  dont  le  perfide  Mahomet  a  imbu  la  nation  arabe  qui 

a  jusqu'à  présent  le  malheur  d'y  persévérer  avec  opiniâtreté  u 

On  aurait  lieu  de  prendre  aussi  pour  un  livre  de  controverse 

Appar.  s.  I ,  le  dialogue  entre  un  chrétien  et  un  juif,  sur  les  sacrements 

p.  123,  iiicatai.  QU  sup  je  sacrcmcnt  de  l'autel,  qui.  selon  Possevin,  existait 

manuscrit  dans  une  bibliothèque  de  Cambrai.  On  ne  sait  trop 

cependant  si  Possevin  veut  dire  que  ce  livre  a  été  composé 

par  l'évêque  d'Acre ,  ou  seulement  qu'il  lui  a  jadis  appartenu, 

quand  il  était  curé  de  Wasiers,  qui  fait  Jacohi  de  Vitriaco 


HISTORIEN.  2^1 


XIII  SIKCI-K. 


P.  45,  11.  2  >i. 


cuvati  de  JVasiers.  Mais  M.  Le  Glay,  dans  le  catalogue  des 
manuscrits  de  Cambrai ,  qu'il  a  publié  en  i8'Ji  ,  énumère  les 
articles  que  comprend  le  volume  numéroté  abi  ;  et  l'un  de 
ces  articles  a  pour  titre  :  Sermo  Jacohi  de  f  itriaco  de  Sa- 
crainento  Altaris.  Ce  sermon  est-il  le  môme  opuscule  que 
Possevin  a  qualifié  dialogue?  C'est  un  point  que  nous  n'avons 
pas  le  moyen  d'édaircir. 

Plusieurs  autres  écrits  théologiques  de  Jacques  de  ^  itry 
ne  nous  sont  connus  que  par  la  mention  qu'en  fait  Possevin,  ApiMi  ■..  1.. 
comme  de  manuscrits  conservés  en  diverses  bibliothèques  "^"'' 
des  provinces  belgiques  :  Moralizationes ,  à  l'abbaye  de  Rou- 
geval  ;  De  confessione ,  chez  les  guillelmites  de  Nivelle; 
Sumnid  de  com-ersione pcccatoris ,  à  Saint-Martin  de  Tour- 
nay  ;  De  ^ratià  speciali  qidbiisdarn  data ,  à  Sept-Fontaines 
près  de  Bruxelles;  Des  pro\'erbes  ou  maximes  religieuses, 
chez  les  Chartreux  de  Liège. 

Restent  les  conqjositions  historiques  de  notre  auteur,  au 
nombre  desquelles  nous  aurions  à  compter  celle  qui  est  in- 
titulée: Exeinpla^  si  c'était  réellement  un  recueil  d'exeniples 
ou  de  récits   instructifs,  qu'il   eût  disposé  lui-même.   Des     Catal  iii3o.,Vii- 
manuscrits  de  Kenelme  Di^bv  et  de  Jean  Hobv,  en  Aimie-  '^,    •""'"  J\,'' 
terre;  de  Notre-Dame  d'Anvers  et  de  labbaye  de  Hasiion  en  p.  3794.  10. 
Belgique,  sont  annoncés  sous  ce  titre  iX Kxempla  ;  et  le  frère      SamUi ,  ai,s. 
prêcheur  Etieime  de  Belleville  dit  que  [)our  composer  son   ^|i''  •'"'"''  i' 
ouvrage  De dii>ersis  materiis prcedicabi/iùus,  il  s'est  servi  de  ce      .Sciipi.  „,,],„. 
livre,  <Ye  libro  quodam  ejcemplorumvulgdiiunietalioriun  i)ia~  l'i^fii'^.  t.  1,  p. 
fristvi  Jacobi de  J  itriaco ,  Tusculani ei)isiopi,  cardinalis.  IMais  '"' ,'.  "'  ,',' 
u  autres  manuscrits  intitules  Cierrnones  et  ea:emj)la ,  et  surtout  "iiMHoii.M  Coii,. 
les  mots  qui  se  lisent  à  la  tête  de  celui  de  Saint-Martin  de  —  <^"'^'    ^''l'i 
Tournay,  Exempta  qiiœ  narrât  Jacobus  de  Vitriaco  iii  sa-    "t  '"''''•'•'''' 
monibussuis,  permettraient  de  penser  que  ce  livre  d  exemples      Sinnin  ,  ak,. 
ne  consiste  qu'en  extraits  des  sermons  de  Jac(jues  de  Vitry.  'i^'g  ,  pan  1,  p 

On  aurait  à  peu  près  les  mêmes  raisons  de  soupçonner  (lue   '  ',','  ",  V' 
c  est  un  fragment  ou  une  partie  de  son   Histoire  orientale,  1.  i. 

Îui  a  été  quelquefois  indiquée  comme  un  ouvrage  particulier,  -^  !)6(^j,oiini 
)e  reruni  naturd  et  notabilibus  rébus  nuœ  in  Oriente  sunt:  '■'"'„ 7/ ,'!""''■ 
et  Ion  est  pleinement  autorise  a  en  dire  autant  des  vrag-  t.  iv,  p.  14.^,  .!. 
menta  de  moribns  et  viribus  y/garenorum  ,  compris  dans  un  K^g.  1.  ! .  p. 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  Roi.  ^J^:  —\f'''- 

CI»  '  11'  •      '  1.'     I-  1         X  Bibl.  iiied.  Liliu. 

ai  Ion  écartait,  de  plus,  un  traite  sur  l  église  de  3otre-   t.  iv,  p.  ■!>,.— 
Dame-de-Lorette,  trop  vaguement  désigné  par  deux  ou  trois  ciac<,ii    11 
bibliographes,  comme  un  ouvrage  particulier  de   l'évêque  ly'coVs/ " 


iblor. 
I.  t. 


222  JACQUES  DE  VITRY, 

XIII  SIÈCLE.       ,,  ,     _  ,  j     •      •     1  1         •  1  . 

(1  Acre  et  de  Tusculum,  on  réduirait  les  productions  histo- 
riques de  cet  écrivain  à  trois  articles  :  ÏEloge  de  quelques 
Liégeoises,  la  Vie  de  Marie  d'Oignies ,  X Histoire  de  l'Orient 
et  de  l'Occident.  Le  livre  de  Mulieribus  Leodiensihus  est 
adressé  à  Foulques,  évêque  de  Toulouse,  qui,  chassé  de  son 
siège  par  les  Albigeois,  s'était  réfugié  au  pays  de  Liège.  Le 
récit  ou  le  tableau  des  actions  et  des  pratiques  par  lesquelles 
ces  femmes  se  sont  sanctifiées,  a  été  inséré  par  Vincent  de 
viiic.  Bciiov.  Beauvais  dans  le  3o*  livre  du  Miroir  historial,  à  la  suite  de 
Spec.  histor.  1.  [g  notice  sur  Jacques  de  Vitry,  que  nous  avons  citée  au  com- 
iis''  li  '!s  —  mencement  de  cet  article   Sans  doute  les  Liégeoises  qui  re- 
SaiîticManusc.  çoiveut  ici  des  hommages ,  accomplissaient  tous  leurs  devoirs 
Beig    part.  II,  j^>  fiHes,  d'épouses  et  de  mères;  mais  ce  mérite  n'est  pas 
^  '^'  celui  qui  leur  vaut  ces  éloges;  leurs  vertus  domestiques  n'y 
sont  qu'accessoirement  recommandées  :  il  s'agit  surtout  de 
leur  piété  fervente,  de  leurs  austérités,  de  leurs  extases,  de 
leurs  ravissements  mystiques,  nous  dirions  presque  de  leur 
quiétisme  :  Extra  se  tanta  spiritus  ebrietate  capiehantur  qubd 
in  ipso  beato  silentio  fere  per  totum  diem  quiescentes ,  dum 
ernt  rex  in  accubitu  suo ,  non  erat  eis  vox  neque  sensus  ad 
alitna  exteriora,  etc.  Ce  que  peuvent  nous  apprendre  ces 
))ages  de  Jacques  de  Vitry  et  oe  Vincent  de  Beauvais,  c'est 
qu'au  xiii^  siècle,  comme  en  bien  d'autres,  la  dévotion  des 
femmes  prenait  aisément  un  caractère  contemplatif,  et  des 
teintes  affectueuses  qui  avoisinaient  quelquefois  ou  la  non- 
chalance ou  le  délire.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  ait  lieu  de 
s'arrêter  plus  long-temps  à  ces  merveilleux  récits,  où  l'on  ne 
rencontre  aucun  autre  détail  biographique,  ni  même  aucun 
nom  propre. 
De  Script,  ec-       La  vic  de  Marie  d'Oignies  est  beaucoup  plus  étendue  :  elle 
des.  II.  43i.       ggj.  fjjyjg^jj  en  deux  livres,  et  même  en  trois  ,  selon  Trithème; 
loppeiis.Bibi.  mais  le  3«  est  de  Thomas  de  Cantimpre.  Vincent  de  Beauvais 
543.             ^    en    a   lait   aussi  des  extraits   qui  remplissent  36  chapitres 
c.  i6-5i.       du  livre  xxx  du  Spéculum  historiale.  L'ouvrage  entier  se  lit 
.Suiius ,  Act.  dans  Surius ,  et  plus  complètement  dans  le  recueil  des  Bollan- 
^s.  23  jun.,  p.  distes  au  ^3  juin,  jour  de  la  mort  de  Marie  d'Oignies,  en 
''•'•„     .       ,    i2i3.  François  Moschus  en  a  donné  une  édition  particulière, 

Bolhnil.      23    .         ^  ,?,.     .,  ..  1-1  •»  IL 

jiin.,p.63o-677.  in-8°,  en  ibooa  Arras,  en  y  joignant  la  vie  de  saint  Arnulpne 
Leion},',  Bibl.  de  Villiers:  yita  beatœ  Mariœ  Oigniacensis  beghinœ ,  auc- 
hisi. de  u  Fi.  t.  ^^^^  Jacobo  de  Vitriaco ,  cardinali, .  .  .  unà  cum  vitd  sancti 
i472o.^^'  "    Arnulphi  f'illariensis.he  cordelier  David  Herrera  en  a  pu- 
blié une  version  flamande,  à  Louvain,  chez  Masius,  in-8®. 


HISTORIEN.  223 

,  .      ,..      iM  1     •  ■  c  ■  XIIISIKCLE 

Arnauld   ciAndilly,  en  traduisant  cette  vie  en   français,  a 


retranché  les  articles  qui  prêtaient  le  plus  à  la  critique.  Baillet  Recueil  de» 
l'a  réduite  à  huit  pages,  où  sont  contenus  les  faits  les  plus  vies  des saimsii. 
admissibles,  les  notions  les  plus  positives.  Bernard  Mouchet  "^g'  ^' 
et  François  Giry  ont  reproduit  aussi  l'histoire  de  cette  bien-  viesdessaims, 
heureuse.  En  général,  les  auteurs  modernes  se  sont  permis  t.  \i,in-8%23 
d'y  faire  beaucoup  de  retranchements.  Jacques  de  Vitry  """'vies/muadcs 
prévoyait  bien  que  ses  récits  n'obtiendraient  pas  une  pleine  et  translation  de 
confiance.  «  Vous  m'avez  demandé,  écrit-il  à  Foulques,  une  *'*  ^^^"'^  '"^'" 

dm       .         ii/^-w-  .,    .        ,       ,         j  u  '■        •'       ..  snies  (par  Bcrn. 

e  Marie  d  Oignies  :  j  ai  résolu  de  vous  obéir;  j  entre-  Mouchet) ,  Lou- 

«  prendrai  cet  ouvrage,  bien  que  je  m'attende  aux  censures  vain  ,    Rivius  , 

«  des  langues  médisantes.  Non,  la  malveillance  de  ces  hom-   '^7".  in-S". 

I  •  ^     •  U  I     rv-  Fr.  GiiY,Rec. 

«  mes  sensuels  qui  ne  comprennent  rien  aux  choses  de  Uieu,  j^  ^i^^  de  saims. 
«  ne  m'empêchera  pasd'olfrir  aux  fidèles  une  instruction  qui  i^  juin. 
B  doit  leur  être  profitable.  Je  le  sais  trop,  il  est  des  hommes 
«  charnels  qui  s'estiment  sages,  parce  qu'ils  n'admettent  que 
«  ce  qui  est  intelligible  à  la  raison  humaine.  Ils  méprisent  ce 
«  qu'ils  n'entendent  pas;  et,  selon  le  langage  de  l'Ecriture, 
«  ils  éteignent ,  autant  qu'il  est  en  leur  pouvoir,  l'esprit  divin 
«  et  rejettent  les  prophéties.  Ils  traitent  de  fous  et  d'insensés 
«  les  hommes  spirituels,  de  songes  ou  de  chimères  les  révé- 
«  lations  des  saints.  Mais  la  main  de  Dieu  n'est  pas  raccourcie, 
«  et  depuis  la  création  ,  il  n'y  a  eu  aucun  temps  où  le  Saint- 
ce  Esprit  n'ait  opéré,  en  public  ou  en  secret,  des  choses  ad- 
«  mirables  dans  ses  élus.  » 

Le   P.    Touron   applaudit  à    ce»    sentiments    du    pieux      viede.s.  uo- 
cardinal  qui,  éclairé  par  des  lumières  supérieures  et  par  sa  niiniq.  Piei.  p. 
tendre  piété,  se  mettait  au-dessus  de  la  critique  vulgaire.  ^''^ 
Mais  Nicole,  l'auteur  des  Essais  de  morale,  n'en  a  pas  tout-      Kss.  de  mo.. 
à-fait  jugé  de  même.  «Le  cardinal  Jacques  de  Vilry,  dit-il,  '^ii,ietire/,5. 
«  homme  de  poids  et  de  mérite,  fait,  dans  la  vie  de  Marie  ^'  ''^  '  '^' 
«  Dogni  (  d'Oignies  ),  le  récit  des  choses  extraordinaires  ar- 
«  rivées  à  une  sainte  fille  encore  vivante  de  son  temps,  que 
«  l'on  appelait  Christine  l'admirable.  Il  était  confesseur  d'un 
«  monastère  où  elle  était,  et  apparemment  le  sien;  et,  sur 
«  cela,  il  s'est  imaginé  que  l'on  l'en  croirait.  Cependant  de 
«  quelque  poids  que  soit  son  autorité,  ce  qu'il  en  dit  est  si 
«  extraordinaire,  que  l'on  s'en  moque  quand  on  le  rapporte; 
n  et  M.  d'Andilly  s  est  cru  obligé  de  le  retrancher  de  la  vie  de 
a  Marie  Dogni ,  qu'il  a  donnée  en  français.  Si  ce  cardinal  eût 
«  fait  autrement,  et  qu'au  lieu  de  nous  payer  de  son  témoi- 
«  gnage,  il  eût  pris  la  peine  de  bien  vérifier  les  faits  par  de 


XIII  SIKCLE. 


224  JACQUES  DE  VITRY, 

«  bons  témoins  et  de  bien  circonstancier  les  choses,  on  en 
«  jugerait  tout  autrement,  et  ses  histoires  ne  seraient  pas 
«  iimtiles  à  FK^lise,  comme  elles  le  sont  présentement.  » 

Marie  de  VV  illenbroeck  était  née  en  1177,  à  Nivelle,  de 
parents  assez  riches,  quoique  d'une  classe  moyenne.  A  i4 
ans,  on  lui  fit  épouser  un  jeune  homme  estimable,  qu'elle 
entraîna  p.ir  ses  conseils  et  par  ses  exemples  à  ne  plus  vivre 
que  pour  Jésus -Christ.  Ils  donnèrent  tous  leurs  biens  aux 
pauvres,  et  se  vouèrent  au  service  des  lépreux.  Les  railleries 
des  f^ens  du  monde  n'ébranlèrent  point  leurs  résolutions 
pieuses  La  jeunesse  de  Marie  fut  un  long  cours  de  pénitences, 
d'abstinences,  de  mortifications,  toutes,  à  vrai  dire,  exces- 
sives. Elle  savait  pourtant  joindre  l'activité  à  la  contempla- 
tion, le  travail  fies  mains  à  la  prière.  Chaque  année,  elle 
faisait  un  pèlerinage  à  Notre-Dame  d'Oignies,  église  située 
à  une  petite  lieue  de  Nivelle.  Mais  elle  ne  tarda  point  à  se 
confiner  dans  ce  village,  afin  d'échapper  à  la  multitude  qui 
venait  la  visiter  et  l'admirer  à  Willenbroeck.  Oignies,  lieu 
écarté  des  routes  publiques,  lui  offrait  une  retraite  plus  pro- 
fonde. Nous  avons  dit  comment  y  fut  attiré  Jacques  de  Vitry. 
Il  y  était  établi,  quand  une  maladie  longue  et  douloureuse 
termina  les  jours  de  la  sainte  recluse.  Elle  n'a  point  été  cano- 
nisée; mais  son  corps  fut  levé  de  terre  en  160Q,  par  ordre  du 
pape  Paul  V,  et  renfermé  dans  une  châsse  d  argent  qu'on  a 
élevée  sur  l'autel  de  l'église  d'Oignies.  On  a  composé  en  son 
honneur  un  office  qui  a  été  approuvé  par  l'évêquede  Namur, 
en  HM9.  Ce  sont,  en  général,  des  faits  naturels  et  croyables 
comme  ceux-là,  que  Baillet  a  recueillis  pour  rédiger  une  vie 
abrégée  de  Marie  d'Oignies:  il  a  laissé  les  visions,  les  pro- 
phéties, les  miracles  dans  les  livres  de  Jacques  de  Vitry,  de 
Vincent  de  Beauvais  et  de  Thomas  de  Cantimpré.  Nous  nous 
abstiendrons  de  les  en  extraire,  persuadés  avec  Nicole  que  le 
récit  en  est  devenu  inutile,  ou  du  moins  qu'il  ne  servirait 
qu'à  faire  déplorer  l'extrême  crédulité  du  moyen  Age,  assez 
attestée  par  d'autres  exemples. 

Il  ne  nous  reste  donc  à  examiner  qu'un  seul  ouvrage  de 
Jacques  de  Vitry,  son  histoire  d'Orient  et  d'Occident  ;  nous 
croyons  avoir  parcouru  tous  les  autres,  quoique  nous  n'y 
ayons  compris  aucune  production  en  vers.  A  la  vérité,  Pos- 
sevin,en  parlant  du  volume  manuscrit  qui ,  selon  lui,  ren- 
ferme le  Dialogus  christiani  et  judœi  de  Sacramento  Altaris, 
dit  qu'on  y  trouve  aussi  multa  carniina  de  diversis  ;  mais 


XIII  SIECLE 


HISTORIEN.  225 

une  indication  si  vague,  si  suspecte  d'inexactitude,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  remarqué,  ne  nous  semble  pas  suffire  pour 
attribuer  à  l'évêque  d'Acre  des  poésies  diverses,  dont  il  n'est 
fait  ailleurs  aucune  sorte  de  mention. 

L'ouvrage  historique ,  généralement  considéré  comme  le 
principal  ou  même  l'unique  titre  littéraire  de  Jacques  de 
Vitry,  se  compose  d'une  préface  et  de  trois  livres.  La  préface 
a  été  imprimée  pour  la  première  fois  en  1608  ,  dans  les --^n- 
tiquœ  lectiones  de  Canisius.  Elle  ne  précédait  point  les  livres  ,  ,3^';',"*^  ' 
I  et  II  qui  avaient  paru  a  Douai,  en   1097,  sous  ce  titre:  liasnag.  p.  27  ei 
Jacohi  de  f  itriaco  primiim  ylcconensis ,    deinde  Tusculani  28. 
episcopi ,  et  Sanctœ  Ecclesiœ  romance  cardinaUs  sedisque 
apostolicœ  in   Terra  Sanctd,   in  Imperio ,   in  Francid  olini 
legati ,   libri  duo,   quorum  prior  orientalis  sive  hierosolynii- 
tanus  :  altcr  occidentalis  historiœ  noniine  inscribitur.  Omnia 
nunc  primiim  studio  et  opéra  D.   Francisci   Moschi  Nii'i- 
gellatis  jurisc^nsulti ,  .  .  .  .  è  tenebris  et  situ  in  lucem  édita. 
Duaci,  ex  ofjicind  typographicd  Balthazaris  Belleri.  C'est 
un  volume  petit  in-8°  de  479  pages,  outre  24  feuillets  de 
préliminaires.  L'éditeur  Moschus  n'y  a  compris  ni  la  préface 
ni   le  3*^  livre ,  qui  apparemment  ne  se  trouvaient    point 
dans    les    manuscrits    dont   il    pouvait   faire   usasre.    Il   est  ,  ^ ''**•.''«  Hisi 
même  douteux,  selon  certams  auteurs,  quil  existe  aucune  Michaud ,  Lii>i 
coj)ie  authentique  du  3*^  livre.  Cependant  Grctser  l'a  mis  au  des  crois.  1.  i, 
jour  en  1608,  et  Bongars  l'a  reproduit  en  161 1  ,  à  la  suite  V}^°- 
du  livre  \^^  :  Jacobi  de  V itriaco  Historiœ  orientalis  liber  ter-  lO 
tius ,  qui potissindim  de  capta  à  cruce  signatis  Damiatd  agit. 
Les  livres  I  et  III  occupent  ainsi  les  pages  1047  à   114^  du 
tome  i^'  de  la  collection  connue  sous  le  nom  de  Gesta  Dei 
per  Francos.  Bongars  n'y  a  point  admis  le  livre  second,  le 
jugeant  étranger  à  l'histoire  des  croisades;  il  renvoyait  ceux 
qui  le  voudraient  lire  à  l'édition  de  Douai  :  Librum  secundum 
petat  qui  volet  ex  cditione  Duacensi ;  neque  enim  hîic  facit. 
Le  livre  III  se  lit  aussi,  mais  fort  différemment,  dans  le  tome 
troisième  du  Thésaurus  noi'us  Anecdotorum  de  Martène  et      Coi. 267-287. 
Durand;  il  y  a  pour  titre:  Narratio patriarchœ hierosolymi- 
tani  coram  summo  pontifice  de  statu  Terrœ  Sanctœ,  sive 
Jacobi  de  V itriaco ,  episcopi  Acconensis  et  posteà  S.  R.  E. 
cardinaUs  episcopi  Tusculani ,  Historiœ  orientalis  liber  Hl 
ab  editis  diversus ,  ex  mss.  codice  bigotiano,  nunc  Bibliothecœ 
regiœ.  Ce  livre,  qui  a  21   pages  in-folio  dans  le  recueil  de 
Bongars,  n'en  remplit  guère  que  neuf  dans  celui  de  Mar- 

Tome  XVHI.  F  f 


ILiH. 


22G  JACQUES  DE  VITRY, 

XIII  SIÈCLE.  .,  ...  ,  ,    „  .         „T 

tene:  li  y  est  suivi  des  quatre  lettres  a  Hononus  III,  que 

nous  avons  dëja  lait  connaître.  Telles  sont  les  éditions  du 
principal  ouvrage  de  l'évèque  d'Acre  :  on  voit  qu'il  n'y  en 
a  point  de  complète. 

On  n'a  point  de  description  assez  précise  de  deux  manu- 
scrits de  cet  ouvrage  qui  se  conservent  au  Vatican  et  qui  pro- 
Sa.n^^p'aUye,  i.  viennent  de  la  reine  Christine.  A  Paris,  la  Bibliothique  du 
X,  Il    zaa'î  ,  Roi  en  possède  trois,  numérotés  22()3,  3284,  55  lo  (  fonds  de 
^*4^  Colbert).  Le  i^"^  est  conforme  à  l'édition  de  Bongars,  les  deux 

3uqVi  iv,  p    autres  offrent  des  variantes.  Oudin  en  cite  un  qu'il  a  vu  entre 
,26.  les  mains  de  Homniey,  qui  l'avait  emprunté  à  la  Bibliothèque 

Commrnt.  de  ^^  Sorbonuc.  Le  même  Oudin  assure  qu'il  existe  deux  copies 
m'^p  v-'/iQ'    manuscrites  de  l'Histoire  orientale  à  Saint -Victor,  et  deux 
autres  à  Oxford.  Chronicon  vel  descriptio  Terrœ  Sanctœ  est 
„  , ,  ,  , ,  le  titré  d'un  manuscrit  de  Naples,  indiqué  par  Montt'aucon, 

B:bl.hibl.  rass.  ....  .  i  i     •  •  '  '^  >      t-'i 

t.  i,p.  23o.  B.,  qui  tait  aussi  mention  de  celui  qui  se  conserve  a  r  lorence 
37»  A.  et  qui  renferme  la  préface,  ailleurs  omise.  L'une  des  copies 

les  plus  remarquables  est  celle  qu'Isaac  Vossius  a  possédée  : 
ibid*.T*^['rpag!  ell'^  présente,  a-t-on  dit,  beaucoup  de  leçons  nouvelles.  Il 
678.  Cal.'  msl  s'en  faut  que  les  éditeurs  de  Jacques  de  Vitry  aient  pu  faire 
Angiii,  part.  d.  gsscz  d'usagc  de  ces  manuscrits  divers  qui  peut-être  ne  sont 
*  **  ■  pas  les  seuls  qu'on  puisse  découvrir. 

La  préface  de  l'ouvrage  n'occupe  que  deux  pages  dans 
p  2  ei  28  l'édition  de  Canisius,  non  plus  que  dans  celle  de  Bongars; 
P.io47,io/j8.  et  de  part  et  d'autre  c'est  le  même  texte,  sauf  quelques  va- 
riantes légères.  L'auteur  dit  qu'après  la  prise  de  Damiette,  il 
s'est  appliqué,  afin  d'éviter  l'oisiveté,  à  l'étude  des  livres 
latins,  grecs  et  arabes  ;  et  que,  voyant  avec  quel  soin  y  étaient 
recueillis  tous  les  souvenirs  des  faits  mémorables,  il  a  résolu 
de  travailler  aussi  à  conserver  la  mémoire  des  entreprises  et 
des  triomphes  du  peuple  chrétien.  Encourage  dans  ce  des- 
sein par  l'exemple  des  apôtres  et  des  plus  anciens  docteurs 
de  l'Eglise ,  il  va  payer  son  tribut  à  la  cause  commune.  Quand 
on  construisait  le  temple,  les  uns  apportaient  de  l'argent  ou 
de  l'or,  les  autres  des  peaux  ou  des  poils  d'animaux.  Il  n'a 
que  le  denier  de  la  veuve  à  offrir;  mais  il  espère  que  sa  bonne 
volonté  lui  obtiendra  le  pardon  de  son  insuffisance,  insuffi- 
cientiœ  rnece  veniam.  Son  ouvrage  sera  divisé  en  trois  livres. 
Le  i"^  retracera  sommairement  l'histoire  de  Jérusalem, 
décrira  les  lieux  et  les  mœurs,  racontera  les  événements 
récemment  accomplis  en  ces  contrées  orientales.  Le  second 
traitera  de  l'Occident,  des  ordres  séculiers  et  réguliers,  enfin 


HISTORIEN.  227 

de  la  religion  des  croisés  et  de  l'utilité  de  leurs  expéditions  : 
De  ordine  et  religione  cruce  signatorum  et  utilitate  pcregri- 
nationis  pleniiis  in  fine  disserens.  On  voit  déjà  que  ce 
deuxième  livre  ne  doit  pas  être  aussi  étranger  a  l'histoire 
des  croisades  que  l'a  pensé  Rongars.  Dans  le  3^,  l'auteur 
retournera  en  Orient,  et  dira  ce  qu'il  y  a  vu  de  ses  propres 
yeux,  depuis  la  clôture  du  concile  de  Latran  jusqu'à  la  prise  de 
Da miette  :  In  tertio  libro ,  ah  Occidente  in  Oriente  regredicns, 
de  his  quœ  post  générale  conciliuni  lateranense  Dominus  in 
populo  suo  et  in  exercitu  christianorum  usque  ad  captioneni 
Damiatœ  operari  dignatus  est,  sicut  propriis  oculis  vidi , 
tradere  ccepi.  Il  est  donc  certain  que  Jacques  de  Vitry  a  écrit 
un  3*^  livre,  et  la  seule  question  qui  peut  rester  à  discuter 
est  de  savoir  si  c'est  bien  celui  qui  se  lit  aujourd'hui ,  soit 
dans  les  manuscrits  ,  soit  dans  les  éditions  de  Bongars  ou  de 
Martène. 

Le  nombre  des  chapitres  du  1*"'^  livre  est  de  210  dans  l'é- 
dition de  Moschus,  de  cent  dans  celle  de  Bongars,  qui  est 
néanmoins  complète  et,  à  quelques  variantes  près,  conforme 
à  la  précédente.  Les  deux  premiers  chapitres  concernent 
l'ancien  élat  de  la  Terre-Sainte  et  les  peuples  qui  l'avaient 
habitée  avant  l'époque  de  Mahomet.  Les  i3  suivants  retra- 
cent les  destinées  de  ce  pays,  depuis  le  septième  siècle  de 
l'ère  vulgaire  jusau'au  temps  de  Pierre  l'Hermite.  Le  surplus 
correspond  aux  dernières  années  du  onzième  siècle,  au  dou- 
zième et  aux  premières  années  du  treizième;  mais  cette 
partie,  qui  forme  le  principal  corps  du  livre,  contient  beau- 
coup plus  de  descriptions  que  de  récits  proprement  dits. 
L'auteur  parle  avec  assez  d'exactitude  de  l'entreprise  de 
Mahomet,  de  sa  doctrine,  des  progrès  de  l'islamisme,  et  de 
quelques  peuples  orientaux  qui  ne  s'étaient  point  soumis  à 
la  loi  du  prophète  de  la  Mecque.  Les  uns  conservaient  leurs 
anciennes  idoles;  les  autres  adoraient  des  animaux,  des 
plantes,  le  premier  objet  que  le  hasard  leur  offrait  chaque 
matin.  Quelques-uns  jetaient  en  l'air  du  pain,  des  viandes 
ou  toute  autre  offrande  en  l'honneur  du  véritable  Dieu  qu'ils 
avouaient  ne  pas  connaître.  Jacques  de  Vitry  distingue  entre 
ces  peuples,  lesTurcomans,  les  Bédouins,  les  Assassins.  On 
lit  au  chapitre  la  que  les  Bédouins,  Arabes  d'origine  comme 
Mahomet,  persuadés  que  rien  ne  peut  avancer  ni  retarder 
l'instant  fatal  où  chaque  être  animé  doit  mourir,  ne  se  cou- 
vrent jamais  d'armes  défensives.  Ils  font  usage  d'épées  et  de 

Ff2 


XIII  SIECLE 


228  JACQUES  DE  VITRY, 

XIII  SIECLE,  lances,  mais  non  d'arcs  et  de  flèches.  C'est  à  leurs  yeux  une 
lâcheté  que  de  tirer  de  loin  des  traits  et  des  javelots.  Du  reste, 
ils  prennent  volontiers  la  fuite,  quand  le  combat  devient 
périlleux,  et  s'attachent  au  parti  le  plus  fort.  Menteurs,  dis- 
simules, inconstants,  avides,  ils  manquent  de  foi  aux  mu- 
sulmans comme  aux  chrétiens.  Ils  portent  sur  la  tète  des 
voiles  et  des  bonnets  rouges,  se  revêtent  de  peaux  de  chèvre 
et  de  mouton,  et  couchent  sur  d'autres  peaux  dans  leurs 
tentes.  N'ayant  pas  d'habitations  fixes,  ils  marchent  par 
tribus,  et  s'arrêtent  çà  et  là  dans  les  plaines,  dans  les  pâtu- 
rages, avec  les  troupeaux  qu'ils  traînent  à  leur  suite.  Le  lait 
est  leur  principale  nourriture,  et  l'oisiveté  leur  plus  douce 
jouissance:  ils  chargent  leurs  femmes  du  soin  de  leurs  brebis, 
de  leurs  bœufs,  même  de  leurs  chevaux. 

Au  chapitre  i4 ,  l'évêque  d'Acre  porte  à  4o  mille  le  nombre 
des  Assassins  qui,  près  de  la  Phénicie,  occupent  un  territoire 
entouré  de  montagnes  et  de  rocs  inaccessibles.  Dix  villes, 
que  la  nature  et  1  art  ont  fortifiées,  leur  servent  d'asiles,  et 
sont  environnées  de  belles  campagnes  fertiles  en  toute  espèce 
de  fruits.  Leur  chef,  qui  tient  son  pouvoir  de  l'élection  et  non 
d'un  droit  héréditaire,  porte  le  nom  de  Vieux  ou  Seigneur, 
moins  à  cause  de  son  âge  qu'à  raison  de  sa  prudence  et  de 
son  mérite,  Prœjîciunt  auteni  sibi capitaneuni  non  successione 
hœveditarid ,  sed  meritorid  prerogativd ,  quem  ipsi  fêtèrent 
seu  senem  appellant  non  tàni  provectce  œtatis  ratione  quàm 
Mémoire  sur  prudeuticc  et  dignitatis prœeminentid.\^e  Vieux  de  la  Monta- 
la  dynastie  des  g^ic  prend  un  soiu  particulier  de  l'éducation  des  enfants  : 
siKeTt'"de^Sacî   qu^ud  ils  Ont  appris  différentes  langues,  ils  vont,  armés  de 
Classe  d'hist.  et  poiguards,  assussiucr  des  princes  chrétiens  ou  musulmans, 
de  litiér.  anc.  de  gelou  les  passious ,  Ics  capriccs  ou  les  intérêts  de  leur  maitre. 
p  "Ig"  '        '  Pour  remplir  ces  missions,  ils  savent  au  besoin  se  déguiser 
Mém.  de  M.  en  marchands,  en  clercs,  en  religieux.  Jacques  de  Vitry  est 
F.t.  Quatremère  (jy    nombrc    dcs    hisloricnS    orientaux   qui  ont  éclairé   les 
ruin^es*^  de  l'o*-  rcchcrches  des  savants  modernes  sur  les  Assassins,  parti- 
rieot.  culièrement  celles  de  MM.  Silvestre  de  Sacy,  Etienne  Qua- 

Lettiedejou..  tremèrc  et  Jourdain. 

(lain    a   M.    Mi-  m  ■  .         i  pr  i*  .  i»  J**. 

chaud, t.  II  de  Tout  Ic  Tcstc  du  I  livrc  cst ,  commc  nous  lavons  dit, 
l'hist. des  Croisa-  consacré  à  l'histoirc  des  croisades.  L'auteur  la  commence  en 
des, p. 549-577.  racontant  le  voyage  de  Pierre  l'Hermite  en  Palestine,  son 
lêsNo'tfœse^tex*-  TCtour  et  SCS  prédications  en  Euroj)e.  Les  récits  sont  rapides, 
traits  des  mss.  souvcnt  incomplcts ,  quclqucfois  uu  peu  confus;  les  descrip- 
t.  IX,  p.  143-  tiens,  au  contraire,  presque  toujours  attachantes  et  instruc- 


Xni  SIÈCLE. 


Adversar.  I.  V, 
c.  i4- 


HISTORIEN.  339 

tives.  Après  avoir  retracé  le  départ  et  les  mouvements  des 
croisés,  le  siège  et  la  prise  d'Antioche,  de  Jérusalem  et  de 
plusieurs  autres  places,  l'établissement  et  les  exploits  des  rois 
chrétiens  de  la  Terre-Sainte,  l'évêque  d'Acre  distingue  quatre 
grandes  principautés  dans  lesquelles  s'étaient  distribuées  les 
colonies  européennes  :  le  comté  d'Edesse,  la  province  d'An- 
tioche, celle  de  Tripoli,  et  le  royaume  de  Jérusalem  qui 
comprenait  avec  cette  cité,  Naplouse,  Acre,  Tyr,  d'autres 
villes,  bourgs  et  villages.  Ces  détails  sont  suivis  d'une  vive 
peinture  des  progrès  de  l'Eglise  d'Orient,  de  ce  nouveau 
peuple  de  Dieu  rétabli  dans  les  contrées  saintes.  Barthius  a 
particulièrement  recommandé  ce  qui  est  dit  du  cours  du 
Jourdain,  au  chapitre  63:  Qui  Jordani fluvii  cursum  utili- 
tatemque  nosse  cupit,  légat  historiam  orientalem  Jacohi  de 
Vitriaco ,  capite  53 ,  qui  scriptor  ante  annos  4oo  midta  no- 
tahilia  consignavit.  On  a  aussi  remarqué  dans  ce  même  cha- 
pitre la  mention  d'un  miel  fort  semblable  au  sucre  de  cannes. 
Mellis  autem  ex  calamellis  maximam  in partibus  illis  vidimus 
abundantiam.  Sunt  autem  calamelli  calami  pleni  melle ,  id 
est  succo  dulcissimo,  ex  quo  quasi  in  torculari  compressa  et  ad 
ignem  condensato,  priits  quasi  mel,  post  hœc  quasi  zuccura 
efficitur.  Vocantur  autem.  alio  nomine ,  cana-melles ,  quod 
nomen  ex  canna  et  melle  componitur ,  eo  quod  cannis  siue 
arundinibus  huj'us  modi  calami  sunt  similes.  Nous  citerons 
dès  ce  moment  deux  lignes  du  3^  livre  sur  le  même  sujet  : 
Sunt  ibi  cannœ  ex  quibus  jluit  fructus  dulcissimus ,  et  vocan-    Manène,  xhes 
tur  cana-melli  zachariœ.  A.necd.,i.iii,  c 

Le  premier  livre  se  continue  par  des  descriptions  du 
Mont-Thabor,  des  villes  de  Sébaste,  Tibériade,  Béthanie, 
Nazareth  ,  Hébron  ,  Lydda  ,  Bethléem ,  et  Jérusalem  sur  la- 
quelle l'auteur  reporte  souvent  ses  regards.  Il  visite  le  saint 
sépulcre,  le  Calvaire,  la  montagne  de  Sion,  celle  des  Oliviers, 
le  temple  de  Salomon,  la  vallée  de  Josaphat.  Il  rencontre 
dans  ces  lieux  vénérables  les  nouveaux  ordres  militaires  et 
religieux ,  les  frères  hospitaliers  de  Saint-Jean ,  les  Templiers, 
les  chevaliers  Teutoniques.  Il  remonte  aux  origines  de  ces 
institutions  et  en  esquisse  l'histoire.  La  Terre -Sainte  lui 
apparaît  comme  un  paradis  de  volupté,  velut  paradisus  vo- 
luptatis Jlorehat  ;  elle  exhale  les  parfums  des  roses  et  des  lis. 
Les  déserts  viennent  de  s'y  transformer  en  riches  campagnes; 
les  repaires  des  dragons  et  des  serpents  se  sont  couverts  de 
moissons.  L'Italie,  l'Allemagne  et  la  France  y  ont  versé  une 


279- 


Xra  SIECLE. 


23o  JACQUES  DE  VITRY, 

population  nouvelle.  L'historien  fait  un  grand  ëloge  des  Gé- 
nois, des  Vénitiens,  des  Pisans  :  il  loue  la  politesse  de  leur 
langage,  la  maturité  de  leurs  résolutions  et  l'activité  avec 
laquelle  ils  les  exécutent,  leur  industrie  commerciale,  les 
services  qu'on  obtient  d'eux  pour  le  transport  des  personnes 
et  des  marchandises,  leur  habileté  et  leur  bravoure  dans  les 
expéditions  maritimes,  leur  sobriété  à  laquelle  ils  doivent 
de  vivre  en  Orient  plus  long-temps  que  les  autres  Occiden- 
taux. L'esprit  de  liberté  qui  anime  les  Italiens  reçoit  aussi 
les  hommages  de  l'évêque  d'Acre:  ils  défendent  leur  indé- 
pendance, n'abandonnent  à  personne  le  droit  de  leur  im- 
poser des  lois;  ils  les  font  eux-mêmes,  et  ils  n'en  confient 
l'exécution  qu'aux  chefs  qu'ils  ont  choisis.  In  re  sud  publicâ 
procurandâ  diligentes  et  studiosi ; .  .  .  aliis  subjici  renuentes, 
anteomnia  libertatem  sihi  defendentes ,  suh  uno  aueni  eligunt 
capitaneo ,  conimunitati  suœ  jura  et  instituta  dictantes.  Les 
Allemands,  les  Français,  les  Bretons,  les  Anglais  sont  moins 
circonspects  et  plus  impétueux,  moins  sobres  et  plus  prodi- 
gues, moins  prévoyants,  mais  plus  dévots,  plus  charitables, 
plus  courageux  dans  les  combats  sur  terre,  plus  adroits  à 
manier  l'épée,  la  lance  et  les  chevaux.  Aussi  passent-ils,  les 
Bretons  surtout,  pour  le  peuple  d'Occident  le  plus  utile  à  la 
défensedes  lieux  saints,  quoique  l'intempérance  et  la  légèreté 
de  plusieurs  d'entre  eux  aient  mérité  de  graves  reproches. 
Au  milieu  des  nouveaux  habitiiiits  de  la  Palestine,  le  nom  de 
VovAams,  Pollani  ovL  Pullani ,  distinguait  ceux  qui  étaient  nés 
dans  ce  pays  depuis  la  conquête,  et  dont  la  plupart  avaient  pour 
mères  des  femmes  qu'on  avait  fait  venir  de  la  Pouille  :  il  reste 
incertain  si  ce  mot  de  Pullani  vient  de  Pullus  ou  (X ylpulia. 
L'auteur  discerne  aussi  dans  ces  colonies  des  Syriens,  des 
Grecs,  des  Jacobites,  des  Maronites,  des  Nestoriens,  des 
Arméniens,  des  Géorgiens,  différentes  sectes  religieuses, 
diverses  classes  d'agriculteurs,  de  vignerons  et  d'artisans. 

Il  expose  ensuite  comment  le  démon  et  avec  lui  les  sept 
péchés  capitaux  se  sont  introduits  dans  l'Église  orientale, 
comment  l'enfer  y  a  préparé  des  logements  pour  tous  les 
vices,  pour  tous  les  crimes  :  Injemus .  .  .  singulis  criniinihus 
et  vitiis  singula  prœparavit  hospitia.  La  corruption  a  com- 
mencé par  les  pasteurs  :  négligeant  le  soin  des  âmes  de  leurs 
brebis,  ils  n'ont  songé  qu'à  s'approprier  leur  lait  et  leur 
laine  :  &  Ah  !  pourtant  le  Seigneur  leur  avait  recommandé  de 
les  nourrir,  et  nous  ne  trouvons  nulle  part  qu'il  eut  prescrit 


HISTORIEN.  23 1 


XUl  SIÈCLE. 


de  les  tondre.»  Lanam  et  lac  ex  ovibus  quœrentes ,  de  ani- 
mabus  autem  non  curantes; .  .  .  càm  tamen  dixerit  Dominiis 
Petro ,  Pasceoves  meas,  nunquhm  Tonde  oves  vc^GA?,^ipsuni 
dixisse  reperimus.  La  contagion  a  gagné  les  ordres  monasti- 
ques :  scandaleux  par  leur  opulence,  ils  le  sont  devenus  plus 
encore  par  leurs  dissentions  violentes,  et  par  l'usurpation 
des  droits  du  clergé  séculier.  Chez  les  laïcs,  la  dépravation 
a  suivi  les  progrès  de  la  puissance  :  une  génération  perverse 
est  sortie  de  ces  premiers  croisés  si  recoinmandables  par 
leurs  sentiments  religieux  et  par  leur  bravoure.  Héritiers  de 
leurs  conquêtes  et  non  de  leurs  vertus,  les  Pollani  ou  Pou- 
lains ne  sont  plus  qu'une  race  impure  et  lâche,  méprisée  de 
ces  Sarrasins  qui  tremblaient  devant  ses  aïeux  :  elle  traite 
avec  les  Turcs,  compromet  les  intérêts  des  chrétiens,  et  ne 
sait  soutenir  de  querelles  que  celles  qui  la  divisent  et  la 
déchirent  elle-même. 

Ici  les  censures  de  l'évêque  d'Acre  s'étendent  aux  Véni- 
tiens, aux  Pisans,  aux  Génois,  aux  Syriens  surtout,  anciens 
habitants  de  la  Palestine.  Il  s'arrête  long-temps  à  combattre 
les  hérésies  de  ces  Syriens,  puis  celles  des  Jacobites,  des 
Nestoriens,  des  3Iaronites ,  des  Arméniens  :  les  chapitres 
76-79,  qui  concernent  ces  différentes  sectes,  appartien- 
nent plus  à  la  théologie  polémique  qu'à  l'histoire.  On 
aurait  à  recueillir  un  peu  plus  de  faits  dans  les  3  suivants 
qui  sont  relatifs  aux  Géorgiens,  aux  Mosarabes,  aux  Esséens, 
aux  Saducéens  ,  aux  Samaritains  et  aux  autres  Juifs.  La 
conclusion  de  ces  détails  est  que  tous  les  vices  de  l'Europe, 
que  des  générations  impies  et  monstrueuses  ont  envahi  la 
Terre  -  Sainte  :  Flagitiosi  et  pestiferi  homines ,  scelerati  et 
inipii,  sacrilegi,  fares  et  raptores ,  homicidœ  ,  parricidœ , 
perjuri,  adulteri  et  proditores, .  .  .  monstruosi  homines.  Ce 
tableau  est  si  horrible  que  M.  Michaud.  le  déclare  exagéré,  Bîbiioth.  des 
tracé  par  un  écrivain  passionné.  Jacques  de  Vitrv  demeure  Croisades,  1. 1, 
cependant  un  zèle  partisan  des  croisades,  et  son  enthou- 
siasme pour  ces  expéditions  donne  malheureusement  trop 
de  poids  à  son  témoignage,  quand  il  en  expose  les  déplo- 
rables effets.  On  est  bien  tenté  de  croire  que  la  vérité  seule 
a  pu  lui  arracher  de  si  pénibles  aveux. 

Les  chapitres  84-93  décrivent  l'état  physique  de  la  Judée 
et  des  contrées  voisines  ;  les  pluies ,  les  neiges  et  les  autres 
accidents  atmosphériques;  les  fontaines,  les  rivières,  la  mer 
Rouge,  les  quatre  fleuves  qui  ont  leurs  sources  au  paradis 


p.  177-179. 


lUI  SIECLE. 


232  '  JACQUES  DE  VITRY, 

terrestre;  les  arbres  et  leurs  fruits,  les  herbes  et  les  parfums, 
les  animaux  féroces  ou  venimeux,  le  phénix  et  d'autres  oi- 
seaux rares,  les  poissons  peu  connus,  enfin  les  pierres  pré- 
cieuses. Sur  ces  divers  objets,  l'auteur  joint  à  ses  propres 
observations,  qui  ne  sont  pas  considérables,  ce  que  les 
traditions  et  les  croyances  populaires  peuvent  lui  fournir  de 
plus  merveilleux.  Il  croit  fermement  que  la  vigne  du  Baume 
demeure  stérile  lorsqu'elle  est  cultivée  par  des  Sarrasins;  il 
parle  d'un  peuple  oriental  qui  ne  s'alimente  que  de  l'odeur 
de  certains  fruits.  L'article  le  plus  digne  d'attention  est  celui 
oi>  il  s'agit  de  l'aiguille  aimantée  :  c'est  l'un  des  témoignages 
qui  nous  apprennent  que  la  boussole  était  inventée  et  em- 
ployée avant  \^io.  Acusferrca,  postquamadamantem  conti- 
gerit,  adstellani  septentrionalem  quœ  velut  axis  firmcnnenti, 
aliis  vergentibus,  non  movetur,  semper  convertitur ^  undè  valdè 
necessariuni  est  navigantibus  in  mari.  Mais  Jacques  de  Vitry 
retombe  dans  les  fables,  quand  il  nous  entretient  des  Ama- 
zones, de  quelques  peuples  barbares  et  monstrueux,  des 
vertus  miraculeuses  de  plusieurs  substances. 

Dans  les  sept  derniers  chapitres  de  son  premier  livre,  il 
reprend  l'histoire  des  croisés,  il  raconte,  mais  toujours  som- 
mairement, les  révolutions  du  comté  d'Edesse,  qui  finit  par 
tomber  au  pouvoir  de  Saladin;  les  exploits  guerriers  et  les 
querelles  domestiques  des  princes  latins  de  Jérusalem  ,  de- 
puis Godefroy  de  Bouillon  jusqu'à  Guy  de  Lusignan;  le 
formidable  armement  de  Saladin ,  sa  victoire  éclatante  sur  les 
chrétiens  affaiblis  et  presque  vaincus  par  leurs  dissentions, 
sa  marche  rapide  à  travers  le  royaume  de  Jérusalem  où  il 
s'empare  de  aS  villes;  les  succès  qui  le  rendent  maître  de  la 
Palestine,  de  l'Arabie,  de  toutes  les  parties  de  la  Syrie;  la 
désolation  des  Occidentaux  à  la  nouvelle  de  la  prise  de  Jéru- 
salem; l'expédition  qu'entreprennent  l'empereur  Frédéric,  le 
roi  de  France  Philippe-Auguste,  le  roi  d'Angleterre  Ricl>ard , 
avec  eux  une  multitude  de  seigneurs  et  de  prélats;  le  siège 
d'Acre  par  les  croisés  sous  la  conduite  de  Guy  de  Lusignan 
et  de  son  frère  Geoffroi,  puis  par  les  Français  et  les  Anglais 
qui  s'en  font  ouvrir  les  portes  et  dont  les  triomphes  ne  sont 
ralentis  que  par  la  discorde  qui  éclate  entre  leurs  rois; 
le  brusque  retour  de  Richard  en  Europe  et  sa  détention  en 
Allemagne ,  la  retraite  de  Saladin  et  sa  mort  en  1 1 93,  l'atTai- 
blissement  presque  égal  des  chrétiens  et  des  Sarrasins,  les 
divisions  intestines  des  uns  et  des  autres. 


HISTORIEN.  233 

XIII  SifeCLE. 

Ce  premier  livre  de  l'histoire  orientale  de  Jacques  de  Vitry  

est  quelquefois  designé  sous  les  noms  d'histoire  de  Jérusalem, 

d'histoire ahrésée,  ( Historia  hierosolvmitana,  ahhreviata)^  de  „.,^°°'*^*"'j?.'î,,' 

,  1         I  ^      ■       •  Il      m  o    •     ^        ¥1  V  '  Bibhoth.       Bibl. 

chronique,  de  description  de  la  lerre-oainte.  Il  a  ete  con-  .^ss, ,.i,p.a3o- 

sulté,  mis  à  contribution  par  tous  les  auteurs  modernes  qui  3';î — Bongars, 

ont  publié  des  tableaux  de  cette  contrée,  particulièrement  ^"'^  p|î^^f  •"" 

par  Adrichomius  dans  son  Theatrum  Terrœ  sanctœ ;  e\. ,  à  ^^^' 

vrai  dire,  le  moyen  âge  ne  nous  a  laissé  aucun  livre  où  l'on 

puisse  recueillir  autant  de  notions  vraies  ou  fausses,  autant 

de  détails  exacts  ou  chimériques,  sur  la  topographie  et  la 

statistique  de  la  Palestine,  sur  les  habitudes  et  les  opinions 

des  habitants  indigènes  ou  européens.  Nous  souscrivons  sans 

réserve  au  jugement  qu'en  a  porté  M.  Guizot.  «  Quant  aux      Coll.  des  Mé- 

«  faits,  la  narration  de  Jacques  de  Vitry  est  très-rapide,  et  moires  relatifs  à 

«  incomplète  pour  les  temps  antérieurs  à  son  arrivée  dans  ^'^^    jacq    de 

«  la  Terre -Sainte;  et  d'autres  historiens  offrent,  sur  cette  viiry,  Piéf. ,  x. 

«  première  époque,  beaucoup  plus  de  détails  et  d'intérêt. 

«  Mais  en  revanche  aucun  d'eux  ne  nous  a  transmis  sur  les 

«  divers  peuples  de  l'Orient,  chrétiens  ou  infidèles,  sur  leurs 

«  mœurs,  leurs  croyances,  sur  l'état  matériel  et  l'histoire 

«  naturelle  du  pays,  tant  et  de  si  curieux  renseignements.  Il 

«  est  même  évident  que  Jacques  de  Vitry  se  proposa  bien 

«  moins  de  raconter  les  croisades,  que  de  faire  connaître 

«  l'Orient  et  tout  ce  qu'il  en  avait  vu  ou  appris.  C'est  là  le 

«  caractère.particulier  du  livre  i*""  de  son  ouvrage;  l'historien 

a  y  tient  bien  moins  de  place  que  le  voyageur;  et  malgré 

«  l'ignorante  crédulité  de  celui-ci,  malgré  les  fables  qu'il 

o  répète,  le  nombre  et  la  variété  des  récits  et  des  faits  qu'il 

<f  a  recueillis,  son  exactitude  aies  rapporter,  tels  du  moins 

«  qu'ils  sont  parvenus  à  ses  oreilles,  donnent  à  son  travail 

«  une  haute  importance.  L'idée  seule  d'étudier  et  de  décrire 

«  une  contrée,  non  dans  un  but  spécial  et  borné,  mais  sous 

«  tous  les  rapports  et  dans  un  intérêt  scientifique,  est,  au 

«  xiii^  siècle,  un  mérite  très-peu  commun.  » 

Le  second  livre,  ou  l'histoire  occidentale,  n'a  que  38  cha- 
pitres ,  et  ne  contient  guère  que  la  censure  des  mœurs  euro- 
péennes. Le  premier  chapitre  est  un  aperçu  général  de  la 
dépravation  des  peuples.  Leurs  dérèglements  ont  provoqué 
les  fléaux  qui  affligent  le  monde  entier:  Dieu,  pour  punir 
tant  de  péchés,  a  permis  les  progrès  des  Maures  en  Espagne, 
de  l'hérésie  en  Provence  et  en  Lombardie,  du  schisme  en 
Grèce,  de  la  trahison  partout,  et  la  prise  de  Jérusalem  en 

Tome  XV m.  G  g 


XUI  SIECLE. 


234  JACQUES  DE  VITRY, 

Orient,  catastrophe  depuis  laquelle  les  enfants  ont  en  Europe 
deux  ou  trois  dents  de  moins  qu'auparavant  -.Ita  ad  nume- 
rum  confregit  Dominus  dentés  nostros  quod. . .  .  quotquot 
piieri  in  mundo  nati  sunt ,  duos  vel  très  dentés  minus  aliis 
qui  jàm  procreati fuerant ,  habuerunt.  Les  chapitres  suivants 
signaient  les  divers  genres  de  crimes  et  d'iniquités  :  l'avarice 
et  l'usure,  les  rapines  et  les  exactions  des  hommes  puissants , 
les  mensonges  des  médecins,  les  fourberies  des  avocats,  les 
artifices  des  femmes,  la  négligence  et  l'inconduite  des  pas- 
teurs :  Non  pastores ,  sed  dissipatores  ;  non  prœlati ,  sed 
Pilati.  .  .  Nocte  in  lupanari,  manè  in  altari;  filiam  Veneris 
nocte  tangentes ,  filium  f  irginis  Mariœ  manè  contrectantes. 
L'auteur  oppose  à  ces  scandales  lesbonsexemplesde  quelques 
saintes  filles,  mais  en  mêlant  des  prodiges  au  tableau  de  leur 
piété.  L'une  d'elles  a  passé  plusieurs  années  sans  prendre 
a'autre  nourriture  que  le  corps  du  Seigneur,  qu'un  pigeon 
lui  apportait  tous  les  vendredis  dans  son  bec,  en  lui  disant  : 
Recois  la  vie  éternelle. 

Pour  guérir  les  plaies  de  l'Eglise  d  Occident,  Dieu  suscita 
le  prédicateur  Foulques  qui,  afin  de  mieux  remplir  sa  mis- 
sion,  voulut  acquérir  l'instruction  qui  lui  manquait  encore, 
et  se  mit  à  fréquenter  les  écoles  de  Paris  :  il  y  recueillait  sur 
ses  tablettes  des  autorités  et  des  documents  :  Erubescens 
quod  idiota  et  iiliteratus  esset  et  divinas  scripturas  ignoraret, 
profectus  est  Parisiis  ut  in  scholis  theologorum  aliquas  auc- 
toritales  et  moratia  documenta  in  tabulis  suis. . .  scribendo 
colligeret.  Paris,  en  ces  jours  mauvais  et  nébuleux,  était  en 
proie,  comme  les  autres  villes,  aux  plus  impurs  dérègle- 
ments. Quand  les  clercs  résistaient  aux  séductions  et  aux 
violences  des  courtisanes,  elles  les  accusaient  d'un  vice  plus 
odieux,   alors  si  commun,  selon  Jacques  de  Vitry,  qu'on 
n'en  évitait  le  soupçon  qu'en  se  livrant  a  une  moins  horrible 
licence.  Les  mêmes  maisons  renfermaient  à  la  fois,  des  écoles 
et  des  lieux  de  débauche.  On  donnait  en  haut  des  leçons 
de  théologie,  en  bas  de  prostitution;  et  des  disputes  de  na- 
ture  fort    diverse  s'agitaient  en    même  temps    aux   deux 
étages  :  In  und  autem  et  eddem  domo  scholœ  erant  superiiis, 
prostibula  inferiiis  :  in  parte  superiori  niagistri  legebant ,  in 
inferiori  meretrices  officia  turpitudinis  exercebant ;  ex  und 
parte  meretrices  inter  se  et  cum  lenonibus  Utigabant ,   ex 
aliâ  parte  disputantes  et  contentiosè  agentes  cierici  procla- 
mabant. 


HISTORIEN.  a35 

Xni  SIÈCLE. 


L'historien,  après  une  mention  honorable  de  Pierre  le 
Chantre,  revient  à  Foulques,  et  décrit  les  merveilleux  effets      Voy.  Histoire 
des  sermons  qu'il  débitait  dans  la  place  des  Champeaux.  On  ''|«éraire,  ci-de$- 
se  pressait  autour  de  lui  pour  arracher  des  portions  de  ses  283-3o3    '  '' 
rêtements.  Il  lui  en  fallait  de  neufs  presque  chaque  jour,  et 
quelquefois  il  courait  le  risque  d'être  étouffé  par  la  foule. 
Ne  venant  pointa  bout  d'éloigner  ces  importuns,  en  les 
frappant  de  son  bâton,  il  s'avisa  de  s'écrier  que  son  habit 
n'était  point  bénit,  mais  qu'il  allait  bénir  celui  de  l'un  d'eux. 
Il  le  fit;  et,  à  l'instant,  l'habit  de  cet  homme  fut  déchiré  en 
mille  pièces  par  ses  pieux  voisins.  Foulques ,  dont  les  paroles 
opéraient  d'éclatantes  conversions,  finit  par  entraîner  les 
princes,  les  chevaliers,  les  personnes  de  toute  condition,  à 
secourir  la  Terre-Sainte.  On  le  chargea  de  recueillir  les  au- 
mônes qui  devaient  être  distribuées  aux  pauvres  croisés.  Cet 
argent  lui  porta  malheur;  son  autorité  décrut,  la  fièvre  le 
prit,  il  mourut  à  Neuilly,  et  fut  inhumé  dans  l'église  parois- 
siale qu'il  régissait.  Apres  lui  s'élevèrent  dans  la  chrétienté 
d'autres  prédicateurs  qui  continuèrent  dignement  son  œuvre, 
et  parmi  lesquels  Jacques  de  Vitry  nomme  Etienne  Langton ,      Ci-dessu»,  t. 
Robert  de  Courçon,  surtout  Jean  de  Nivelle,  apôtre  humble  Xviii,p.5o-66, 
et  timoré,  orné  de  toutes  les  vertus  comme  de  pierres  pré-  **        »P-  9  • 
cieuses,  omnium  virtutum  niargaritis  ornatus;  et  quoiqu'il 
y  eût  encore  plus  de  faux  prophètes,  rusés  renards,  loups'   • 
déguisés,  ministres  et  cabaretiers  de  satan,  satkanœ  caupo- 
nes ,  d'heureuses  réformes  commençaient  à  s'introduire  dîans 
l'Église  occidentale. 

Le  chapitre  la  et  les  yingt  suivants  concernent  les  diffé- 
rents ordres  monastiques  établis  en  Eufope  ;  les  ermites  qui 
se  condamnent  à  la  solitude,  les  cénobites  qui  vivent  eu 
commun ,  les  cisterciens  qui  ont  changé  l'habit  noir  en  gris, 
nigrum  habitum  in  griseum  commutantes ,  et  qui  se  sont 
interdit  l'usage  des  viandes  :  saint  Bernard,  l'ornement  et 
l'honneur  de  cet  ordre,  reçoit  ici  de  grands  hommages.  En 
Espagne,  les  frères  de  Calatrava  se  dévouent  à  combattre  les 
Sarrasins  et  à  défendre  les  chrétiens.  A  l'extrémité  méridio- 
nale de  la  Bourgogne,  les  chartreux  observent  des  lois  aus- 
tères, etfont  profession  du  plus  pacifique  désintéressement  : 
ils  consentent  à  souffrir  des  dommages  et  des  injures,  plutôt 
que  dç  soutenir  des  procès  et  d'employer  des  avocats.  Les 
moines  de  Grandmont,  au  contraire,  ont  de  fréc^uents  dé- 
mêlé avec  les  frères  laïcs  attachés  à  leur  institut.  Les  cha- 


236  JACQUES  DE  VITRY, 

XIII  SIÈCLE.  .  I        «    1       1  •    *    A 

nomes  réguliers  qui  vivent  sous  la  règle  de  saint  Augustin , 

ne  la  suivent  pas  tous  avec  une  égale  fidélité  :  quelques-uns 
d'entre  eux  ressemblent  aux  sépulcres  blanchis  qui  recèlent 
des  immondices  et  des  cadavres.  Toutefois  la  ferveur  reli- 
gieuse s'est  maintenue  dans  plusieurs  communautés  de  cet 
ordre;  par  exemple,  dans  celles  de  Saint-Jean-des-Vignes  à 
Soissons,  de  Saint-Obert  à  Cambrai ,  de  Sainte-Marie  à  Blois, 
de  Saint-Nicolas  à  Oignies.  Les  prémontrés,  fondés  par  saint 
Norbert,  ont  acquis  de  riches  possessions,  et  n'en  demeurent 
pas  moins  recommandables,  surtout  depuis  qu'un  de  leurs 
chapitres  généraux  leur  a  défendu,  quoique  un  peu  tard,  de 
recevoir  des  femmes  dans  leur  ordre. 

Un   rang  éminent  est  décerné  aux   chanoines   de  Saint- 
\ictor,  à  cause  de  la  science  profonde  cju'ils  joignent  à  des 
mœurs  irréprochal)les  :  de  leur  sein  s'est  élevé  Huguesi  l  in- 
strument par  lequel  l'Esprit  Saint  a  fait  entendre  ses  accents  : 
Voy.  iiisioiie  Iutcv  qiios  nominallssUmis  et  prœcipuus  extitit ,   citli(û'ist(^ 
litiéi,  i.Xli,  p.  Domini,  organuniSpiritiîs  Sancti,  magister  Hugo. hc&  frères 
'"^  de  la  Trinité,  clercs  et  laïcs,  font  trois  parts  de  leurs  l)ieiis, 

dont  la  dernière  seule  est  destinée  à  leur  s  propres  besoins;  les 
deux  autres  sont  employées  à  la  rédem])tion  deS  captifs  déte- 
nus chez  les  Sarrasins,  et  au  soulagement  des  pauvres  inaU- 
Voï  Histoire  ^^^^-   U'historicn  no  nomme  point  leur  instituteur  Jean  de 
litiir.,'t.  XVII,  Matlia;  mais  il  fait  mention  de  trois  congrégations  moins 
P  1/, ■,-  jUu-        connues,  les  frères  de  Spatha  en  Espaj^ne,  les  chanoines  ré- 
guliers de  Bologne,  et  les  humiliés  de  l^ombardie.  Ces  derniers 
vivent  du  travail  de  leurs  mains,  et  demeurent  pauvres:  ils  ont 
des  sœurs  converses,  dont  les  habitations  sont  séparées  de 
celles  des  hommes.  Leshos])italiers  de  l'un  et  de  lautresexe  se 
sont  voués  au  soin  des  malades  et  particulièrement  des  lépreux  : 
Jaccpies  de  Vitry  les  accuse  d'avoir  dégénéré  de  leur  sainteté 
j)rimitive,  et  d'abuser  scandaleusement  des  aumônes  déposées 
entre  leurs  mains;  il  désigne' néanmoins  dix  communautés 
(]ui  n'ont  pas  mérité  ces  reproches.  Il  ne  dit  rien  du  tout  des 
frères  prêcheurs  ou   dominicains;  omission   d'autant  plus 
étrange,  que  ce  nouvel   ordre  était  alors  celui  qui  jetait  le 
plus  vif  éclat.  Au  contraire,  il  consacre  aux  franciscains  ou 
frères  mineurs  un  chapitre  dont  Fleury  donne  un  extrait  et 
I.    Lxxviii     1)    presque  une  traduction,  en  ces  termes  :  «  Ils  s'efforcent  de 
28.  «  ramener  la  pauvreté  et  Ihumilité  de  la  primitive  Eglise, 

«  en  accomplissant  non  seulement  les  préceptes,  mais  les 
«  conseils  de  l'Evangile.  Le  pape  a  confirmé  leur  règle,  et 


HISTORIEN.  a37 

«  leur  a  donné  l'autorité  de  prêcher  partout ,  mais  du  consen- 
«  tement  des  prélats.  On  les  envoie  deux  à  deux  :  ils  ne  por- 
«  tent  ni  sac,  ni  pain,  ni  argent,  ni  souliers;  car  il  ne  leur 
«  est  permis  de  rien  posséder.  Ils  n'ont  ni  monastères,  ni 
«  églises,  ni  maisons,  ni  terres,  ni  bestiaux.  Ils  n'usent  ni 
«  de  fourrures  ni  de  linge,  mais  seulement  de  tuniques  de 
a  laine  où  tient  le  capuce,  sans  chapes  ou  manteaux,  ni 
«  aucun  autre  habillement.  Si  on  les  invite  à  manger,  ils 
<r  mangent  ce  qu'ils  trouvent;  si  on  leur  donne  quelque 
«  chose,  ils  n'en  gardent  rien  pour  le  lendemain.  Ils  s'assem- 
«  blent  une  fois  ou  deux  Tannée  pour  leur  chapitre  général, 
«  après  lequel  le  su|)érieur  les  renvoie  deux  ensemble,  ou 
«  j)lus,en  différentes  provinces.  Leur  prédication  ,  et  encore 
«  plus  leur  exemple,  attirent  au  mépris  du  monde  non  seu- 
«  lement  des  gens  du  commun,  mais  des  nobles,  qui,  laissant 
a  les  villes,  leurs  terres  et  leurs  grands  biens,  se  réduisent 
«  à  l'habit  des  frères  mineurs,  c'est-à-dire  à  une  pauvre  tu- 
«  nique  et  à  une  corde  pour  ceinture.  Ils  se  sont  tellement 
«  multipliés  en  peu  temps,  qu'il  n'y  a  point  de  province  en 
tt  la  chrétienté  où  ils  n'aient  de  leurs  frères;  car  ils  nt;  refu- 
«  sent  personne,  s'il  n'est  engagé  dans  le  mariage  ou  en 
o  quelque  autre  ordre  religieux  ;  et  ils  les  reçoivent  d'autant 
«  plus  facilement,  qu'ils  laissent  à  la  providence  divine  le 
«  soin  de  leur  subsistance.  Aussi  ceux-là  s'estiment  heureux 
«  dont  ils  veulent  bien  recevoir  Ihosjjitalité  ou  les  aumônes. 
«  Les  Sarrasins  mêmes,  admirant  leur  humilité  et  leur  per- 
«  feçtion ,  It^s  reçoivent  volontiers  quand  ils  vont  prêcher 
a  l'Evangile.  rSous  avons  vu  le  fondateur  et  supérieur  général 
«  de  cet  ordre,  homme  simple  et  sans  lettres,  aimé  de  Dieu 
«  et  des  hommes,  nommé  frère  François,  tellement  enivré  de 
«  la  ferveur  de  l'esprit,  qu'étant  arrivé  à  l'armée  des  chrétiens 
«  devant  l^amiette,  il  alla  au  camp  du  sultan.  .  .  .  Tous  les 
a  Sarrasins  écoutent  volontiers  les  frères  mineurs  parler  de 
«  Jésus-Christ  et  de  sa  doctrine,  jusqu'à  ce  qu'ils  attaquent 
tt  Mahomet,  le  traitant  de  menteur  et  d'inhdèle;  car  alors 
«  ils  les  frappent  et  chassent  de  leurs  villes,  et  les  tueraient 
«  si  Dieu  ne  les  protégeait.  » 

Ce  long  exposé  de  l'état  des  divers  ordres  monastiques  au 
commencement  du  xiii*  siècle  est  terminé  par  des  réflexions 
pieuses  sur  les  bons  usages  et  les  abus  que  l'on  fait  de  ces 
institutions.  L'auteur  jette  aussi  quelques  regards  sur  le  clergé 
séculier;  et  d'abord  il  trouve  fort  mauvais  que  les  chanoines 


XIII  SIÈCLE. 


XUa  SIÈCLE. 


a38  JACQUES  DE  VITRY, 

de  plusieurs  cathédrales  aient  cessé  de  virre  en  commun ,  et 
borné  leurs  devoirs  religieux  à  la  récitation  des  prières  de 
l'office  divin,  distribuées  par  heures  :  leur  nom  même  de 
chanoines,  canonici,  devrait  les  rappeler  à  la  règle  fondamen- 
tale de  leur  institution.  Il  se  plaint  non  moins  amèrement 
de  l'établissement  des  chanoinesses,  nobles  demoiselles  qui 
ne  veulent  pas  être  appelées  moinesses,  moniales ,  comme 
les  chanoines  rejiousscnt  le  nom  de  moines.  Il  décrit  l'élégant 
costume  de  ces  demi-religieuses  :  Purpura  et  bysso  et  peÙibus 
griseis  et  aliis  jucunditatis  suce  vestihus  induuntur,  circum.' 
aatœ  varietatibus  cum  tords  crinibus,  et  ornatu  pretioso  cir- 
cumamictœ,  ut  similitudo  teinpli.  Nous  apprenons  ici  qu'en 
certaines  églises  un  côté  du  chœur  était  occupé  par  les 
chanoines  séculiers,  et  l'autre  par  les  susdites  demoiselles, 
à  voix  de  sirènes  :  Sunt  auteni  in  eisdem  ecclesiis  pariter 
canonici  seculares, .  . .  ex  altéra  parte  chori  cum  prœdictis 
domicellis  canentes  et  earum  modulationibus  œquipollenter 
respondere  studentes.  Ipsœ  verv  velut  sirènes . . . .  On  voyait 
pareillement  dans  les  processions  un  rang  de  chanoines 
correspondre  à  un  rang  de  dames:  Similiter  in processionibus, 
canonici  ex  unâ  parte  et  dominœ  ex  alid  parte  concinentes 
procédant. 

Le  chapitre  34  traite  assez  au  long  des  fonctions  sacerdo- 
tales', de  la  prière,  des  heures  canoniales  et  de  la  messe  ;  mais 
il  tient  plus  à  la  morale  et  aux  doctrines  religieuses  qu'à 
l'histoire;  et  quelque  nombreux  que  soient  les  détails  litur- 
giques qu'il  renferme,  nous  n'en  remarquons  aucun  qui 
ne  soit  généralement  connu.  Le  principal  usage  de  ces  do- 
cuments serait  de  faire  retrouver  dans  la  liturgie  du  xiii* 
siècle  tout  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  dans  les  ritra  actuels  de 
l'Église.  IjCS  quatre  derniers  chapitres  ont  pour  objet  les 
évêques,  les  archevêques,  l'administration  des  sept  sacre- 
ments, et  en  particulier  du  baptême,  de  la  confirmation  et 
de  l'eucharistie  :  ce  n'est  pas  non  plus  une  instruction  histo- 
rique qu'on  y  peut  recueillir.  II  s'y  rencontre  beaucoup 
d'explications  mystiques  des  ornements  pontificaux  et  des 
cérémonies  sacrées.  On  peut  s'en  servir  pour  établir  la  tra- 
dition des  pratiques  et  des  croyances.  Malgré  de  légères 
inexactitudes,  que  l'éditeur  Moschus  fait  remarquer,  les 
dogmes  sont  énoncés  avec  toute  la  précision  et  toute  la  clarté 
que  la  matière  comporte.  De  sacramento  altaris  sive  euchu'- 
risticB  subtilis  et  scholastica  tractatio ,  est  l'intitulé  du  38*  et 


HISTORIEN.  a39 

dernier  chapitre,  aui  est  le  plus  long  de  tous  et  forme  à  lui L 

seul  un  quart  du  livre.  Serait-ce  l'opuscule  que  des  biblio- 
graphes nous  ont  indiqué  sous  le  titre  de  Dialogus  judœi  et      Ci-dessm  p. 
christlani  de   sacramentis?  On   pourrait  être  tenté   de  le  **° 
présumer;  mais  la  forme  du  dialogue  y  manque,  et  il  n'y 
intervient  point  de  juif.  Du  reste,  ce  chapitre  et  les  quatre 

[jrécédents  sont  en  effet  étrangers  à  l'histoire.  Nous  sommes 
oin  de  porter  le  même  jugement  de  ceux  qui  concernent 
les  communautés  religieuses.  C'est  un  tableau  fort  instructif 
et  presque  complet  des  institutions  monastiques  qui,  au 
xin*  siècle,  occupaient  une  si  grande  place  dans  le  système  . 
général  de  la  société,  et  qui  exerçaient  une  si  grande  in- 
fluence sur  les  affaires  de  l'Occident,  et  même  de  l'Orient, 
sur  les  mœurs  et  sur  les  lettres.  Les  hospitaliers  de  Saint- 
Jean  ,  les  chevaliers  teutoniques ,  les  templiers  ,  ordres 
militaires  dont  l'auteur  a  parlé  dans  son  premier  livre,  sont 
par  cette  raison  omis  dans  le  deuxième,  qui  tient  néan- 
moins encore  à  l'histoire  des  croisades  par  les  articles  relatifs 
à  quelques  autres  religieux  et  aux  prédications  de  Foulques 
de  Neuilly. 

On  a  révoqué  en  doute  l'authenticité  du  3«  livre  :  avant      cestaDei 
d'examiner  cette  question,  nous  prendrons  une  idée  de  ce  Francos.t.  i,  p. 

Su'il  contient,  dans  l'édition  la  plus  ample,  qui  est  celle  de  "*^  et  seqq. 
ongars.  Il  y  est  intitulé  :  Jacobi  de  Vitriaco  Histonœ  orien- 
talis  liber  tertius  qui  potissimiim  de  capta  à  cruce  signatis 
Damiatâ  agit.  Les  premières  lignes  annoncent  que  le  pape 
Innocent  III  ayant  demandé  au  patriarche  de  Jérusalem  des 
renseignements  positifs  sur  l'état  des  Turcs,  sur  les  forces 
des  Sarrasins,  on  s'empresse  d'obéir  aux  ordres  de  sa  sain- 
teté. L'auteur,  quel  qu'il  soit,  commence  par  exposer  qu'après 
la  mort  de  Saladin,  qui  laissait  onze  fils,  son  frère  Saphadin 
régna,  fit  mourir  tous  ses  neveux,  excepté  le  seul  Noradin, 
eut  lui-même  1 5  fils,  dont  sept  furent  institués  par  lui  héritiers 
de  ses  états,  qui  consistaient  en  plus  de  deux  cents  villes, 
domaines  ruraux ,  châteaux  et  places  fortes.  Au  milieu  des 
détails  relatifs  à  ces  princes,  il  est  parlé  du  cabat  ou  calife 
qui  habite  Bagdad,  et  qui  occupe  chez  les  Sarrasins  la  même 
place  que  chez  nous  l'évêque  de  Rome.  Bagdad  est  la  capitale 
de  la  race  et  de  la  loi  des  Sarrasins,  comme  l'est  Rome  pour 
le  peuple  chrétien.  Baudas  ubi  est  papa  Saracenoruni  qui 
vocatur  Cabatus sive  Caliphas,  qui  colitur,  adoratur  ettenetur 
in  lege  eorum  tanquam  romanus  episcopus  apud  nos .... 


XIII  SIÈCLE. 


240  JACQUES  DE  VITRY, 

Bandas  civitas  est  caput  totius  gentis  et  legis  Saracenorum, 
ut  Roma  est  in  populo  christiano. 

Une  seconde  section  du  livre  se  compose  de  notions  topo- 
graphiques sur  Jérusalem  ,  sur  le  territoire  qu'habitent  entre 
Damas  et  Antioche,  les  Assassins,  ici  tous  appelés  Vieux  de 
la  montagne,  Veteres  montani ;  sur  la  cité  de  Damas,  située 
oîi  fut  jadis  Edom ,  non  loin  du  lieu  où  Caïn  tua  son  frère; 
sur  les  villes  de  Sidon,  patrie  de  Didon  ;  de  Tyr,  métro- 
pole de  la  Phénicie;  d'Antioche,  où  siégea  pendant  sept  ans 
lapôtre  saint  Pierre;  sur  les  monts  Liban,  Thabor,  Carmel, 
Sion,  Sinai;  sur  les  eaux  du  Jourdain  et  les  sables  du  désert; 
sur  Nazareth,  Joppé ,  Ascalon ,  Acre,.  Césarée;  enfin  sur 
l'Egypte,  son  fleuve  et  ses  villes,  particulièrement  Alexandrie 
et  Damiette. 

On  peut  considérer  comme  une  3^  section,  la  partie  his- 
torique, qui  s'ouvre  par  ces  mots  :  «  L'an  de  grâce  1:217,  ^ 
«  l'expiration  de  la  trêve  entre  les  chrétiens  et  les  Agariens 
«  (  ou  Agaréniens  ),  et  à  la  suite  de  l'expédition  générale  qui 
«  eut  lieu  après  le  concile  de  Latran,  l'armée  du  Seigneur 
«  se  rassembla  dans  la  ville  d'Acre,  armée  commandée  par 
«  les  trois  rois  de  Jérusalem,  de  Hongrie  et  de  Chypre,  qu'ac- 
«  compagnaient  les  ducs  d'Autriche  et  de  Bavière,  beaucoup 
«  de  seigneurs  et  de  prélats,  et  les  quarante  chevaliers  laissés 
«  par  Gautier  d'Avesnes,  qui  continuait  de  les  entretenir.  » 
Dans  une  seconde  expédition,  les  croisés  se  rendirent  au  pied 
du  mont  Thabor.  L'évèque  d'Acre,  qui  est  toujours  nommé 
ainsi  en  troisième  personne  dans  ce  livre,  baptisa  plusieurs  en- 
fants de  Sarrasins.  L'armée  se  divisa  en  quatre  corps  :  le  récit 
de  leurs  mouvements  est  un  peu  confus,  et  entremêlé  de 
détails  merveilleux,  surtout  d'apparitions  de  croix  dans  le 
ciel.  On  en  vit  une  près  d'Anvers  le  jour  anniversaire  du 
martyre  de  saint  Boniface:  Nous  Vavons  contemplée  nous- 
mémc ,  dit  l'auteur;  elle  allait  s'avançant  lentement  du  nord 
au  midi. 

L'année  12 18  fournit  la  matière  d'une  quatrième  section, 
où  sont  exposés,  non  sans  quelques  embarras,  les  prépa- 
ratifs, les  progrès  et  les  vicissitudes  du  siège  de  Damiette. 
On  voudrait,  dans  une  relation  de  cette  importance,  moins 
de  miracles  et  plus  de  méthode.  Toujours  voit-on  que  les 
assiégeants  essuyaient  des  revers  souvent  attirés  par  leurs 
propres  iautes.  «  La  nonchalance  et  la  lâcheté  de  certains 
«  personnages,  dont  le  Seigneur  connaît  les  noms,  dit  l'his- 


HISTORIEN.  a4i 

ÎIII  SIÈCLE, 
torien  ,  firent  que  les  ennemis ,   reprenant  leurs  forces  et  

leur  courajTe,  et  secondés  par  Noradin,  qui  survint  avec 
les  gens  d'Alep  et  une  suite  innombrable  ,  s'emparèrent 
du  point  par  lequel  nous  avions  traversé  le  Nil.  Ainsi, 
tandis  que  nous  investissions  la  ville,  enveloppés  nous- 
mêmes,  nous  étions  livrés  à  d'imminents  périls;  et  si  la 
sagesse  divine  ne  nous  eût  inspiré  d'avance  la  resolution 
de  faire  garder  notre  camp,  entre  la  mer  et  le  fleuve,  par 
les  Teutons  et  les  Frisons ,  notre  entreprise  se  trouvait 
sérieusement  compromise. 

Une  5*^  section  correspond  à  l'an  1219,  et  décrit  avec  plus 
ou  moins  d'exactitude  les  combats  qui  amenèrent  la  prise 
de  Damiette  par  les  croisés  ;  succès  qui  se  lit  attendre  jusqu'au 
5   novembre.    Olivier,   clianoine  de    Cologne,   n'est    point 
nommé  en  ce  livre;  mais  les  services  des  guerriers  qu'il  avait 
conduits  en  Orient  sont  célébrés  en  ces  termes  :  Lœtare , 
provincia  coloniensis ,  etc.  «Réjouis-toi,  province  de  Colo- 
gne, les  cantiques  et   les  transports  de  l'allégresse  te  sont 
permis  ,   puisque ,  par   les  bras  de   tes   citoyens  ,  par   tes 
guerriers  et  tes  armes,  par  tes  convois  et  tes  trésors,  seule 
tu  as  plus   secondé   cette   expédition   que  tous   les  autres 
Teutons  enseitdjle.  Cologne,  ville  des  saints,  pépinière  oii 
croissent  les  lis  des  vierges,  les  roses  des  martyrs,  les  vio- 
lettes des    confesseurs ,  prosterne  -  toi   devant   le  Seigneur 
pour   lui   rendre   grâces  de  la  piété   de  tes  iilles  et   de  la 
vaillance  de  tes  soldats.  »  Cette  a|iostrophe  est  suivie  de  la 
mention  d'un  livre  arabe  où  ces  événements  étaient  prédits, 
de  plusieurs  autres  observations  qui  tendent  à  les  présenter 
comme   miraculeux,  de  (juelques  détails  topogiaphiques, 
enlin  du  récit  de  la  prise  de  la  ville  et  de  la  citadelle  de  Thanis, 
en  novembre  i:^  19. 

Il  serait  possible  de  compter  pour  une  sixième,  mais  très- 
courte  section  du  livre,  les  articles  relatifs  à  l'année  1220, 
par  lesquels  il  est  terminé  :  destruction  du  château  de  Japhet, 
par  ordre  de  Conradin;  départ  de  Jean,  roi  de  Jérusalem, 
qui  abandonne  le  camp  des  fidèles;  arrivée  de  nouveaux 
croisés,  des  archevêques  de  jVlilan  et  de  Crète,  des  évêques 
de  Gênes ,  de  Reggio  et  de  Brescia ,  de  beaucoup  de  chevaliers 
italiens;  des  députés  de  Frédéric,  apportant  des  lettres  de 
ce  prince;  du  comte  Mathieu  de  la  Pouille,  amenant  huit 
galères,  y  compris  les  deux  qu'il  venait  d'enlever  à  des  pi- 
rates ennemis  des  chrétiens. 

Tome  XV ni.  H  h 


242  JACQUES  DE  VITRY, 

-_^       rp^^l  ^gj.  j^  y  livre  (le  Jacques  de  Vitry  dans  l'édition  de 

Thcsnur  nov.  Boni;ars.  Bien  moins  long  dans  celle  de  Martène,  il  y  est  di- 
Ancc.i  I.  II,  |).  visé  en  af)  petits  chapitres,  dont  les  8  premiers  reproduisent, 
1G8-287.  saufd'assez  légères  dillérences,  la  première  et  la  deuxième 

section  rpie  ce  livre  vient  de  nous  otCrir;  mais  pour  tout  le 
surplus,  les  deux  textes  sont  essentiellement  dissembables. 
Celui  (pie  donne  iMartène  ne  contient  rien  (jui  corresponde 
aux  années  laiy,  1218,  laïf),  1  220  :  il  se  compose,  à  |)artir 
du  chapitre  ou  iiombre  c),  d'un  mélange  de  notions  topo- 
graphicpies  et  histori(pies,  donL(juel(pus-unes  seulement  se 
retrouvent,  mais  moins  étendues ,  et  tout  autrement  dispo- 
sées et  exprimées,  dans  le  texte  publié  par  Bongars.  Les  faits 
que  retrace  ou  (pie  rappelle  celui  de  Martène,  sont  en  général 
antérieurs  à  l'ouverture  du  xiii^  siècle.  Le  chapitre  24  ou. 
avant -dernier  commence  par  ces  mots  :  y-lnjio  dominicœ 
incarnatioiiis  \/C  \C  f  //,  Henrico  itupcnitore  prociLvante. 
Le  seul  chapitre  2")  arrive  à  un  temps  ])ostéri(ur  au  concile 
de  Latran,  et  voici  l'idée  très-sommaire  (ju'il  donne  dans 
ses  derinères  lignes,  des  exploits  des  croisés  après  cette 
assemblée  :  Facto  concilia  applicuerunt  multi  /îleintinni  in 
tend  promissionis ,  et  itx  Unua;ariœ  et  rex  Cypri  et  dux 
y^ustriœ  et  cornes  (icorgiiis  et  infiniti  Frisones  et  Latini  cœpe- 
runt  equitare per  ternira,  et Jractœ  treuc^œ  quas  rex  Johannes 
hahehat  curn  Saraceni.i ,  et  chriatiani  depopulaverunt  tnulta 
casalia^  usque  ad  mare  Galileœ  et  mare  Tyberiadis  pro- 
fecerunt. 

Bongars  n'affirmait  point  l'authenticité  du  livre  qu'il  pu- 

i)e    iiisioiicis  bliait;  Gérard-Jean  Vossius  l'a  niée;  Maitène  l'avait  d'abord 

laiinis,  1.  n,c.  trouvée  tort  suspecte;  et  J\L  JNIichaud  la  juge  insoutenable. 

'fiiblioth.  des  ^"  *?lf*"l^i  dit-on,  cet  écrit  s'annoncte  comme  une  réponse  du 

CroisaiJes,'i    I,  patriarche  de  Jérusalem  à  Innocent  111;  révê(jue  d'Acre  n'y 

p.  180,  181.       figure  que  comme  acteur,  à  la  troisième  personne.  11  était  en 

Palestine  en   121 7,  quand   l'auteur  de  ce  livre  voyait  près 

d'Anvers  une  croix  miraculeuse  apparaître  dans  les  cieux. 

On  ajoute  que  les  véritables  ouvrages  de  Jacques  de  Vitry, 

ses  lettres  à  Honorius  III  et  à  ses  amis  en  Belgique,  sur  ces 

mêmes  affaires  d'Orient,  sont  d'un  tout  autre  style.  On  veut 

que  la  production  dont  il  s'agit  appartienne  à  Olivier  le 

Corpus  hisio-  scholastique,  chanoine  de  Colngne,  puis  évêque  de  Pader- 

lic.  medii  <c\i  ,   bofti  ;  car  elle  est,  poursuit-on,  presque  littéralement  con- 

°'r"^   t   II    '^~  ^'^' '"G,  du  moins  en  plusieurs  articles,  <à  celle  qui  existe  dans 

,355.'        '       les  collections  d'Eccard  et  de  Thomas  Gale,  sous  le  nom  de 


HISTORIEN.  243 

11  •  1       T>w  ^"'  SIFCLE. 

cet  Olivirr,  et  sous  le  titre  d  Histoire  de  la  prise  de  l)a- 

miette,  (^e'st   Olivier  qui    adresse  à  sa  patrie   ra])Ostroi)l]e      Historia- angl. 
La:tare,j)rovincia  coloriiensis,  ete.  Il  s'abstient  par  modestie  pa'xh°'GJirî'r 
de  se  nommer  lui-même,    quoiqu'il  eût  assisté  au  siège  et  ir. 
contribué    au  succis   tant    i)ar    les   guerriers   qu'il  y    avait 
conduits  que  par  les  machines  qu'il  avait  inventées  ou  per- 
fcetioiiriées. 

Ces  observations  ne  sont  pas  toutes  d'un  égal  poids.  Celle 
qui  concerne  le  style  est  si  ])eu  fondée,  que  l)om  .Martène, 
au  contraire,  en  imprimant  les  lettres  de  Jacfjucs  de  Vitry  à 
Honorius,  à  la  suite  de  ce  ^  livre,  n'Iiésite  point  à  recoiuiaître 
de  part  et  d'autre  la  même  manière  d'écrire  et  de  raconter: 
Propteieà  qiiod  qiKitiior  ejnsdein  Jacoln  V itrincensis  epis- 
tolœ  qnœ  huic  luirriitioni .  .  .  suhjici'uitur ,  cjusdcm   riaira- 
tioitis  styluni  ad  vivum  n'jn-trscnterit.  ()uc  l'évéepie  d'Acre  ne 
se  soit  nommé  qu'à   la   troisième  personne,   bien   d'autres 
historiens  en  ont  usé  de  même.  Qu'Innocent  III  ait  demandé 
des  renseignements  sur  la  Terre -Sainte  au  patriarche  de 
Jérusalem  ,  apparemment  à  Pivrre  de  Palu,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  la  réponse  soit  faite  |)ar  un  patriarche  ;  car  elle  est  écrite 
après  les  années  12 17,   laiS,   \->.i(),  1220,  dont  elle  retrace 
les  événements.  Innocent ,  mort  en  i2i(),  y  est  qualifié  pon- 
tife de  bonne  mémoire,  bonœ  memoricr  ;  et  ce  n'est  qu'à  son 
successeur  que  l'auteur  de  cette  narration  la  peut  adresser.    ^  Commpm.  lU 
Par  ces  motifs,  Oudiii,  Papebrock,  Dominique  Mansi  sou-  i'Ji'i'"','  T''*^' 
tiennent  contre  Vossius  l'authenticité  de  ce  livre.  Cependant      a<i    s.nntior. 
nous  devons  avouer  que  l'apparition  d'une  croix  céleste  près  J""-  '    1^',  i> 
d'Anvers,  que  l'exclamation  en  l'honneur  de  la  province  de    '',,,,        ,    , 
Cologne,  (ju'un  grand  nombre  d'autres  articles  se  retrouvent  inf.  ht.  t.  iv, 
dans  le  récit  d'Olivier  l'écoiàtre.  11  est  certain  que  des  deux  v  ^^ 
auteurs,   l'un   a  copié    l'autre,   et  tout   porte  à  croire  (jue 
Jacques  de  Vitry ,  qui  a  survécu  environ  i3ans  à  Olivier,  est 
l'emprunteur  ou  ,  si  l'on  veut,  le  plagiaire.  Les  écrivains  du 
xiu^  siècle  ne  se  font  pas  scrupule  de  ces  emprunts,  et  le  plus 
souvent  n'en  avertis.sent  point  le  lecteur.  Plusieurs  de  leurs 
ouvrages  ne  sont  que  des  compilations,  des  tissus  d'aiticles 
extraits  ou  transcrits  de  plus  anciens  livres,  tantôt  littérale- 
ment, tantôt  avec  des  modilieations  quelconques.  Nous  ver- 
rons que  Vincent  de  lieauvais  a  laigement  usé  de  cette  licence; 
et  dès  ce  moment,  nous  pouvons  remarquer  que  les  ciiapitres 
i.xxi-xcM  du  trentième  livre  de  son  Miroir  liistorial  ne  sont 
qu'une  nouvelle  copie  d'une  grande  partie  du  troisième  livre 

H  h  2 


XIII  SlàCLE. 


244  JACQUES  DE  VITRY. 

de  l'évêque  d'Acre,  ou  bien  de  la  relation  du  s\ég;e  et  de  la 
prise  de  D.imiette,  par  Olivier  de  Cologne,  à  l'exception 
Edit.    Duac.  seulement  du  chapitre  lxxxv,  où  Vincent,  par  une  sorte  de 

liCs'.  ^  "  "  digi'ession,  parle  de  la  mort  de  Simon  de  Montfort  et  delà 
guerre  des  Albigeois. 

Jacques  de  Vitry,  dans  la  préface  de  son  ouvrage  liisto- 
ri(|ue,  l'a  lui-même  divisé  en  trois  livres,  et  nous  croyons 
pouvoir  prendre  pour  le  troisième  celui  que  Bongars  a  im- 
primé, quoi(jue  des  six  sections  que  nous  avons  distin- 
guées, les  quatre  dernières  appartiennent  plus  réellement 
à  Olivier.  L'évêque  d'Acre  s'est  permis  de  se  les  appro- 
prier. Ce  qui  remplace  ces  quatre  sections  dans  l'édition  de 
Martèiie  et  Durand  ne  nous  paraît  pas  correspondre  aussi 
bien  au  plan  tracé  dans  le  préambule  des  trois  livres. 
Quant  à  un  prétendu  abrégé  de  toute  cette  histoire  par  un 
anonyme,  il  est  tort  probable  que  c'est  une  indication  fausse, 
à  laquelle  auront  donné  lieu  les  manuscrits  oii  l'ouvrage 
même  de  Jacques  de  Vitry  est  intitulé  :  Historia  jerosoly- 
mitana  ahhreviata. 

Il  n'existait  point  de  traduction  française  de  ces  3  livres: 
Coll.  de  Mé-  M.  Guizot  en  a  publié  une  en  iSaS.  Elle  comprend  la  préface, 

moires  relatifs  à  jg  jCr  |iy{.g  entier,  Ics  ouze  premiers  chapitres  du  second, 

t'xxu '^^"""'  le  y  d'après  le  texte  donné  par  Bongars,  et  la  lettre  à  des 
religieux  belges.  Les  27  derniers  chapitres  du  deuxième  livre 
ont  été  omis  comme  étrangers  à  l'histoire;  ce  que  nous 
n'avons  reconnu  qu'à  l'égard  du  chapitre  34  et  des  4,suivants. 
Nous  regrettons  d'autant  plus  que  la  traduction  ne  soit  pas 
complète,  qu'elle  est  fidèle  et  bien  écrite.  H  nous  semble 
aussi  qu'il  n'eût  pas  été  inutile  de  joindre  à  l'épitre  aux 
Belges,  les  5  lettres  adressées  au  pape  Honorius  par  Jacques 
de  Vitry. 

Tout  en  recommandant  les  productions  de  cet  écrivain , 

et  spécialement  celles  qui   tiennent  au  genre  historique, 

Advers.  I.  V.  Barthius  avoue  qu'elles  décèlent  une  profonde  ignorance  : 

i-  i4-  Apud  Vitriacuin  fatendum  non  pauca  bonœ  frugis  legi, 

multa  verb  alla  quœ  profundam  ignorantiam  antiquitatis 
in  eo  argnunt.  La  crédulité  y  est  portée  à  un  excès  remar- 
quable même  au  xiii®  siècle,  et  ne  laisse  apercevoir  aucune 
trace  des  études  sérieuses  et  des  méthodes  sévères  auxquelles 
nous  donnons  le  nom  de  critique.  On  a  dit  que  Jacques  de 
Vitry  était  savant  en  latin,  en  grec,  en  arabe.  Ses  écrits  ne 
supposent  nulle  part  la  connaissance  des  deux  dernières  de 


HISTORIEN.  245 

ces  langues,  mais  ne  montrent  pas  non  plus  qu'il  les  ignorât. 
Il  écrit  en  latin  avec  facilité,  même  avec  assez  de  correction ,j 
sauf  quelques-unes  des  altérations  que  le  vociibulaire  et  la 
syntaxe  avaient  depuis  long-temps  .subies,  comme  l'emploi 
de  quod  au  lieu  de  ut.  Il  a  lu  des  livres  classiques:  il  en  em- 
prunte au  besoin,  sans  les  citer,  des  expressions  qu'il  sait 
fondre  dans  sa  propre  diction.  Il  faiî  beaucoup  plus  fre(juem- 
ment  le  même  usage  des  textes  bibliques,  et  l'on  rencontre 
chez  lui  des  pages  qui  n'offrent  qu'une  suite  de  centons  des 
livres  saints.  L'étude  des  écrits  de  quelques  docteurs  de 
l'Eglise  latine  ne  lui  est  pas  restée  étrangèie,  et  il  n'a  point 
négligé  d'acquérir  des  notions  d'histoire  sacrée  et  profane; 
mais  son  instruction  en  ce  dernier  genre  est,  comme  chez 
presque  tous  ses  contemporains,  superficielle  et  inexacte.  II 
est  mieux  au  fait  des  affaires  de  son  temps,  et  n'était  son 
goût  pour  les  récits  merveilleux,  il  nous  en  donnerait  Oifts 
idées  assez  justes. 

On  s'est  fort  récrié  contre  l'amertume  de  ses  censures; 
on  les  a  taxées  d'exagération  ;  et  il  est  bien  vrai  que  le 
tableau  qu'il  trace  des  mœurs  du  moyen  âge  doit  déplaire 
à  ceux  des  auteurs  modernes  qui  paraissent  avoir  résolu 
de  les  admirer,  et  de  nous  les  offrir  pour  modèles.'  Son 
témoignage  a  cependant  quelque  valeur;  car  il  a  vu  de 
près,  dans  toutes  les  conditions  de  la  société,  les  hommes 
qu'il  accuse,  et  ce  qu'il  dit  de  leurs  vices  peut  sembler  d'au- 
tant plus  croyable,  qu'il  partage  tous  leurs  préjugés.  Ce  n'est 
point  dans  l'intérêt  d'un  système  ou  d'une  secte  qu'il  dévoile 
cette  dé[jravation  générale.  Au  fond,  les  habitudes  perverses 
qu'il  décrit,  loin  d'être  incompatibles  avec  l'ignorance  gros- 
sière et  crédule  de  cet  âge,  en  étaient  les  effets  naturels  ou 
même  nécessaires  :  les  mœurs  des  peuples  ne  se  sont  nulle 
part  amendées  que  par  les  progrès  de  l'instruction  ;  et  l'on 
a  partout  une  mesure  assez  exacte  des  vices ,  en  prenant  celle 
des  erreurs  et  des  mensonges.  Jacques  de  Vitry  a  rempli  ho- 
norablement de  hautes  fonctions  :  il  a  joui  de  son  vivant  d'une 
renommée  brillante,  qu'il  n'a  pas  encore  tout-à-Iait  perdue. 
Sa  célébrité  n'est  point  celle  qu'on  obtient  quelquefois  en 
éclairant  ses  contemporains,  en  dissipant  leurs  préjugés,  en 
étendant  leurs  connaissances;  c'est,  au  contraire,  celle  qui 
s'acquiert,  plus  facilement,  parle  talent  d'exprimer  et  de 
propager  les  opinions  dominantes.  Jacques  de  Vitry  a  été 
l'un  des  organes  de  celles  de  son  siècle  :  il  les  a  servies  par 

•1   9 


XIII  SIECLE. 


Xni  SIÈCLE. 


246 


JACQUES  DE  VITRY, 


ses  travaux,  et  honorées  par  ses  qnalite's  morales.  Voilà 
comment  il  nous  a  paru  digne  d'occuper,  entre  les  années 
121  o  et  iil^o,  une  assez  grande  place  dans  l'histoire  des 
lettres.  D. 


HOBTle  6  juil- 
let 1240. 


HENRI  DE  DREUX 

ou  DE  BRENNE, 
ARCHEVÊQUE  DE  REIMS. 


Gallia    chris 
liana,  t.  IX 
1118. 


Rec. 


ann.  1227. 


(jruiLLAUME  DE  JoiNviLLE ,  archevêque  de  Reims,  qui  avait 
P-  pris  parti  dans  la  guerre  contre  les  Albigeois,  étant  mort  à 
Saint-Flour,  en  Auvergne,  pendant  que  se  faisaient  les  pre'- 
paratiis  du  sacre  du  roi  Louis  IX,  et  le  siège  métiopolitain 
étant  vacant,  la  cérémonie  fut  faite  à  Reims  par  levèque  de 
Soissons,  Jacques  de  Bazoche,  vers  la  fin  du  mois  de  novem- 
bre 1 226.  Au  mois  de  février  de  l'année  suivante,  on  élut  pour 
_  des  hist  archevêque  de  Reims,  Henri,  fils  de  Robert  II,  comte  de 
de  France,  lom!  Drcux  ct  de  Brcnne,  lequel  ayant  été  d'abord  trésorier  de 
xvm,  p.  58o-  l'église  deBeauvais,  avait  été  sacré  évêque  de  Châlons  l'année 
^°Aiberic  ad  précédente.  Ce  nouveau  métropolitain,  d'un  caractère  ferme 
et  actif,  voyant  que  les  droits  de  son  église  étaient  de  moins 
en  moins  respectés,  tint  à  ce  sujet  successivement  trois 
conciles  provinciaux,  dans  lesquels  il  fut  décidé  que  quel- 
ques-uns de  ses  suffragants  seraient  députés  à  Rome,  pour 
défendre  auprès  du  souverain  pontife  les  droits  de  leur  église 
métropolitaine. 

C'est  à  cette  occasion  qu'Henri  de  Dreux  adressa  au  pape 
Grégoire  IX  la  lettre  qui  motive  la  mention  que  son  auteur 
obtient  dans  notre  Histoire  littéraire.  Elle  fera  connaître, 
d'après  le  témoignage  des  pièces  originales,  les  effets  mal- 
heureux de  la  réunion,  fréquente  alors,  des  droits  féodaux  et 
des  droits  épiscopaux  sur  une  seule  et  même  personne. 

L'objet  de  cette  lettre  était  d'exposer  au  souverain  pontife 
que,  dans  un  concile  tenu  depuis  peu  à  Noyon,  l'évêque  de 
lîeauvais  s'était  plaint  de  l'injustice  qu'il  avait  éprouvée  de 
la  part  du  roi  Louis  IX,  lorsque,  au  mépris  dune  charte 
accordée  par  un  de  ses  prédécesseurs,  et  en  vertu  de  laquelle 


Mari.  Anecd 
f.  I,  col.  975. 


ARCHEVÊQUE  DE  REIMS.  M? 

.       ....  ,  .       XIII  SIÈCLE. 

revenue  de  Beauvais  exerçait   toute  juridiction  sur  les  ci-  

tovens  de  cette  ville,  le  roi,  néanmoins,  à  l'occasion  d'un  Ourange.Gios- 
mèfait  commis  par  quelques  habitants,  s'était  approché  de  ^nf'"^aiir*verto 
la  ville  à  la  tête  d'un  corps  d'année,  auquel  se  joignirent  Communè,com- 
plusieurs  communes,  quoique  l'évêque  se  fût  montré  tout  """"a, coi. 863. 
disposé  à   faire   juKer  les   coupables   par  ses   baillis.  Mais  j ,}? ,^}"^  *• 

r,  ,'".  «'.  ..'  I  .£.  .  L.ua.  régis ,  aon. 

toutes  les  représentations  turent  mutiles;  le  roi  tit  prison-  laiS.pro  epU- 
niers  plus  de  quinze  cents  citoyens  de  Beauvais,  en  bannit  <=°P°  RemeDsi. 
beaucoup  d'autres,  abattit  leurs  maisons,  mit  à  l'encan  qûod^dveTR" 
les  biens  {catalla)  des  serviteurs  de  l'évêque,  le  dépouilla  mensesjnonde- 
lui-même  de  tous  ses  droits   seigneuriaux,  et  après  avoir  •'^ban'baberesi- 


gillum,  cumnon 
...  ...  ••i~i'.  habeant  com 

frais  de  ce  séjour,  quatre-vingts  livres  pansis  des  deniers  niam.intert 


avec  sa  troupe  passé  cinq  jours  à  Beauvais,  il  exigea  pour  habeTiit  commu 


rcom- 


de  l'évoque,  quoique  celui-ci  eût  prié  le  roi  de  lui  accorder  muoi^juraprae. 
seulement  un  jour  pour  consulter  son  chapitre  sur  celte  de-  "n^s<lh\ll^ 
mande  :  Et  licet  episcopus  brevcni  diem  peter  et  tanquam  de  Coiiegium,  Ma- 
re gravi  et  penitiis  inauditd ,  ut  super  hoc  cuni  suo  capitulç  Jora'us.S'giiium, 
pertractaret ,  idem  tamen  Dominus  rex  hoc  facere  dene-  iT^^\[jmw- 
gans ,  etc.  diciio. 

Le  roi  ayant  donc  refusé  de  consentir  à  ce  délai,  et  fait      Exarresioseu 

sortir  l'évêque  de  sa  ville  épiscopale,  le  dépouilla  de  tous  pu|"hri  da^P»! 

ses  biens,  à  l'exception  de  ses  meubles,  et  s'empara  des  re-  ruiUaDD.  i3aa. 

venus  de  l'église.  L'évêque  Milon  de  Châtillon  étant  venu 

demander  à  son  métropolitain  ce  qu'il  devait  faire  en  cette 

circonstance,  l'archevêque  avait,  de  l'avis  de  son  synode, 

envoyé  les  évêques  de  Soissons,  de  Laon  et  deChâlons,  vers 

le  roi,  et  à  Beauvais,  pour  prendre  toutes  les  informations, 

bien  que  tous  ces  faits  fussent  assez  publiquement  connus. 

Les  témoignages  de  ceux  mêmes  qui  administraient  tant 

au  nom  du  roi  qu'en  celui  de  la  ville,  ayant  été  présentés 

au   synode,  revêtus  de   leurs  sceaux,  «nous  vîmes  alors 

Œ  (continue  dans  sa  lettre  l'archevêque  de  Reims  )  que  le 

a  roi  avait ,   contre  toute    justice  ,    dépouillé    l'évêque   et 

«  l'église  de  Beauvais.  Nous  le  fîmes  supplier  et  nous  le 

«  suppliâmes  nous  -  mêmes   plusieurs   fois  de  réparer    de 

s  tels  torts.  C'est  sur  son  relus  que  nous  convînmes,  mes 

«  suffragants  et  moi,  de  jeter  un  interdit  sur  toute  la  pro- 

«  viiice,  si  de  là  à  l'époque  des  vendanges,  le  roi  n'avait  pas 

«  tout  rétabli.  Nous  nous  rendîmes  encore  auprès  de  lui 

«  pour  le  prier  de  réparer  le  mal  qu'il  avait  fait;  mais  il  ne 

«  voulut  rien  entendre.  Réduits  à  cette  extrémité,  nous  ré- 

«  solûmes  d'attendre  encore  la  fête  de  la  Toussaint  pour 


XIII  SIECLE. 


1008 


248  HENRY  DE  DREUX, 

«  lancer  l'intenJit,  si  le  roi  persistait  à  ne  pas  se  laisser  flé- 
«  eliir.  »  (Mais  les  droits  de  l'évêque  n'ayant  pas  été  rétablis, 
le  métropolitain,  usant  alors  de  l'autorité  (jue  lui  avaient 
donnée  les  prélats  du  synode,  interdit  en  leurs  noms  et  au 
sien  tous  les  sujets  du  roi  qui  habitaient  l'arrondissement 
de  Reims.  «  Tous  nos  frères,  les  évèques  de  notre  province 
«  (  continue  la  lettre  de  l'archevêque  )  ont  fait  mettre  à  exé- 
Gail.  christ,  i.  "  cutiou  celtc  seiiteuce,  cxcepté  l'évècjue  de  Noyon  fde  Laon) 

IX,  p.  109,537,  «  qui  refusa  de  se  soumettre  au  décret,  auquel  il  avait  cepen- 
M  dantconsenti.Alorsplusieurschapitres  d'églises  cathédrales 
«  en  ayant  appelé  à  votre  siège  apostolique,  nous  avons  de 
«  nouveau  convoqué  un  synode  pour  y  traiter  et  du  refus 
a  de  l'évêque  de  Noyon  et  des  représentations  des  chapitres. 
«  Quelques-uns  de  nos  confrères,  malgré  les  lettres  qu'ils 
«  avaient  reçucsde  votre  sainteté,  et  qui  auraient  du  soutenir 
«  leur  courage,  nous  parurent  désirer  de  voir  la  lin  de  la 
«  mesure  rigoureuse  que  nous  avions  prise,  l'évêcpie  de 
«  Beauvais  lui-même  |)ressentant  que  tôt  ou  tard  l'interdit 
«  sciait  levé  sans  que  les  maux  qu'il  a  soufferts  eussent  été 
ce  réparés;  sur  les  instances  des  uns  et  des  autres,  nous  nous 
«  sommes  relâchés  de  notre  sentence.  »  Unde  sanctitati 
vestrœ,  IminilUcr  suppUcamus  quatenus  desolationi  Belva- 
censis  ccclcsiœ,  (/uœ  in  partibus  nostris  manifesta  est,  paterno 
conipiiticnte  ajjcctu ,  céleri  reniedio  salubritcr  digneinini pro- 
vidcre ,  scientes  pro  certo  quod  non  potest  oppressioni  dictœ 
ecrlcsicc ,  nisi  per  suprcnium -vestrœ  sanctiLatis  re médium  , 
sidn'eniri.  yJctuni  apiid  sanctiun  Quintinuni  Doininicà  ante 
Natale  Domini,  ann.  Doni.  1233. 
Gaii.  christ.,       I-'^  rcfus  qu'avait  fait  l'évêfjue  de  Laon  de  soumettre  son 

t.  IX,  p.  109,  diocèse  à  l'interdit,  lui  mérita  la  faveur  du  roi  ou  plutôt  de 
la  reine-mère,  car  elle  îe  choisit  pour  célébrer  le  mariage 
du  jeune  prince  et  couronner  la  reine  Marguerite  de  Pro- 
vence; mais  les  conséquences  de  la  lettre  adressée  au  pape 
furent  funestes  à  l'archevêque  de  Reims, en  ce  qu'elle  fournit 
prétexte  à  la  révolte  des  habitants  contre  ce  prélat  et  contre 
les  chanoines,  qu'ils  chassèrent  aussi  de  la  ville,  et  dont  ils 
pillèrent  les  maisons. 

Dans  une  autre  lettre,  Henri  de  Dreux  se  plaignait  au 
pape  des  injures  qu'il  avait  reçues  des  Rémois,  ses  diocé- 
sains et  ses  sujets  tem[)orels;  mais  cette  lettre  ne   nous  est 

X  ^^TiiisiT  toi    P''^  parvenue.  On  en  peut  cependant  conjecturer  la  teneur, 

60  d'après  celle  que  le  pape  écrivit  à  l'archidiacre  de  Paris  et  à 


lit.  B 


Gall.   chr.,  I. 


ARCHEVÊQUE  DE  REIMS.  249 


XIII  SIECLE. 


maître  Ferrie,  chanoine  de  Langres,  qu'il  nomma  commis- 
saires, à  l'effet  de  ramener  les  révoltés  à  l'obéissance. 

De  son  côté,  le  roi  craignant  que  les  troubles  de  Reims  ne 
prissent  de  l'extension,  rendit  une  ordonnance  par  laquelle      ibui.ioi. 'îi. 
il  enjoignit  aux   Rémois  d'indemniser  leur  archevêque  de 
tontes  les  pertes  que  leur  révolte  lui  avait  causées,  d'abattre 
les  fortifications  derrière  lesquelles  ils  s'étaient  retranchés,  de      .     ,     „. . 

,       ,  I        li' 1        1       ■  Il  'I      II-  J  Anselmc,Hisl. 

se  soumettre  a  demander  I  absolution  de  leur  rébellion,  de  généai. et chion. 
faire  rentrer  l'archevêque  dans  l'exercice  de  ses  droits;  enfin,  •■  ii>  p-  6 

f)0ur  réconcilier  les  partis  et  faire  exécuter  son  ordonnance, 
e  roi  nomma  Odon  ,  abbé  de  Saint- Denis,  et  Pierre  de  Col- 
lemieu ,  prévôt  de  Saint-Omer.  Ces  deux  commissaires  s'étant 
rendus  à  Reims  rétablirent  l'ordre,  et  par  un  acte  public 
réglèrent  tout  ce  qui  avait  jusque-là  servi  de  prétexte  à  la 
révolte.  Cet  acte  est  daté  de  février  12.35. 

Il  n'est  plus  question  d'Henri  de  Dreux  dans  l'histoire  de      Aiberic.aiian. 
son  siècle,  si  ce  n'est  dans  la  chronique  d'Albéric,  qui  le  fait  '^^9- 
assister  avec  ses  suflVagants  au  supplice  de  cent  quatre-vingts 
Bulgares  qui  furent  brûlésvifs,  en  présence  du  roi  de  Navarre 
et  des  barons  de  la  Champagne.  Mais  ce  qui  pourrait  faire 
douter  de  la  réalité  du  fait ,  indépendamment  du  nombre  des 
victimes  qui  paraît  bien  exagéré,  c'est  que  les  historiens  qui 
le  rapportent  en  placent  le  théâtre  en  trois  lieux  différents, 
savoir  :  montent   Cornutuni ,  montent  ff^odemari ,   montent      Gall.  chi.  t. 
Hismeriint.  IX ,  col .  1  il. 

Il  est  assez  remarquable ,  au  sujet  des  faits  principaux  qui 
sont  cités  dans  cet  article,  qu'à  leur  date,  Louis  IX  n'était 
âgé  que  de  18  ans  et  que  la  reine  Blanche  en  avait  46-  Ces 
considérations  jointes  à  ce  que  ce  fut  le  roi  qui  pacifia  les 
troubles  que  les  habitants  de  Beauvais  avaient  excités,  et  qui 
fit  réparer  tous  les  dommages  que  la  guerre  avait  fait  souffrir 
au  clergé  de  Reims,  montrent  assez  que  le  principe  de  ces 
dissensions  tenait  à  celui  de  l'affaiblissement  désiré  de  la 
puissance  des  vassaux  de  la  couronne  ,  dont  le  clergé  ne 
défendait  les  "droits  temporels  qu'à  raison  des  concessions 

3ui  lui  avaient  été  faites  par  les  rois  mêmes.  Ainsi ,  comme 
ans  beaucoup  d'autres  discussions  du  même  genre,  les  deux 
partis  avaient  raison. 

Henri  de  Dreux  mourut  le  6  juillet  de  l'an  1240,  et  reçut  la      oaii.chi.ibiJ. 
sépulture  dans  l'église  de  l'abbaye  de  Vaucelles.  Aiberadami. 

P.  R.  '««o. 

Tome  XVIIL  I  i 

1  9  « 


XIII  SIECLE. 


GUILLAUME  DE  BEAUMONT, 

MORT  le  ï  sep-  ÉVÊQUE  D'ANGERS. 

leinbre  1240. 

Gaiiia  christ    ^^  prélat  était  de  l'illustre  famille  des  vicomtes  de  ce  nom, 
Tet.  i.ii.p.  i36.  qui  s'étaient  déjà  lait  remarquer  au  xi*^  siècle,  dont  quelques- 
uns  figurèrent  aux  croisades  de  la  Terre-Sainte  ;  et  elle  fournit 
presque  consécutivement  deux   prélats  au  siège   épiscopal 
id    ibid        d'Angers  entre  les  années  1 178  et  1202.  Celui  dont  nous  ré- 
i35.  digeons  ici  la  notice  était  neveu  de  Raoul ,  lequel  était  fils  de 

Richard  et  d'une  fille  naturelle  d'Henri  P'^,  roi  d'Angleterre. 
Il  fut  élevé  en  1202  sur  le  siège  qu'avait  occupé  son  oncle,  et 
n'étaitalors  âgé  quede  vingt-cinq  ans,  comme  nous  l'apprend 
le  huitième  vers  de  l'épitaphe  latine  que  nous  lirons  bientôt. 
Les  annales  de  son  église  le  présentent  comme  un  prélat 
magnifiquement  libéral  envers  sa  cathédrale,  dont  il  fit  con- 
struire le  chœur  et  le  maître -autel  ,  ayant  même  voulu 
que  la  table  en  fiJt  d'argent,  ce  qui  ne  lui  assurait  pas  sans 
doute  une  perpétuité  très-durable.  Après  avoir  gouverné  son 
diocèse  durant  l'espace  de  trente- huit  ans,  il  mourut  le  a 
septembre  de  l'an  1240. 

L'histoire  ne  nous  ayant  transmis  rien  de  plus  sur  la  vie 
de  ce  personnage,  il  est  à  croire  qu'il  ne  s'immisça  que  très- 
peu  dans  les  affaires  du  siècle.  Ses  titres  littéraires  ne  sont 
point  importants;  car  il  ne  nous  en  reste  guère  qu'un  acte 
par  lequel  il  publia  f  hommage  qu'il  rendit  au  roi  de  France, 
et  qui  spécifie  que,  tout  en  se  reconnaissant  pour  vassal  de 
Louis  VJII,il  déclarait  à  ses  diocésains  qu'il  se  tenait  pour 
exempt  de  suivre  le  roi  à  l'armée ,  et  même  de  s'y  faire  repré- 
senter. A  cette  restriction  il  ajoute  qu'aucune  charge  ne 
devait  lui  être  imposée,  ni  à  son  église,  soit  dans  les  cir- 
constances de  guerre,  soit  à  raison  du  serment  de  fidélité; 
qu'ainsi  lui  et  son  église  devaient  conserver  toutes  les  libertés 
dont  ils  jouissaient  sous  les  rois  d'Angleterre  Henri  et  Ri- 
chard. Guillaume  stipulait  dans  le  même  acte  que  ses  suc- 
cesseurs seraient  tenus  de  jurer  fidélité  au  roi  de  France, 
sous  peine  de  voir  saisir  leurs  régales;  mais  que  si  le  comté 
d'Angers  venait  à  être  séparé  de  la  France ,  l'évêque  serait 


GUILL.  DE  BEAUMONT,  ÉVÊQUE  D'ANGERS.  aSi 

XIII  Sli^'CLE 

exempt  de  ce  serment  envers  le  comte  qui  succe'derait  au  — -■ - 

droit  du  roi.  Dans   cette   même  circonstance,  Louis  VIII      ManèneThe- 
souscrivit  aussi  un  acte  qui  recevait  et  proclamait  le  serment  saur.  Anecdot.  t. 
de  fidélité  de  Guillaume,  avec  les  conditions  dont  il  était  ^«P-S'^- 
modifié  ;  cet  acte  nous  a  été  transcrit  par  Dom  Martène. 

Les  statuts  réglementaires  de  Guillaume  de  Beaumont 
sont  les  plus  anciens  de  ceux  qti'a  conservés  le  diocèse  d'An-      c.  .  .  j  j- 

-,     r  A  1       r»  1  II'  /-n  Statntsdudio- 

gers.  Ils  se  lisent  en  tête  du  Recueil  publie  en  looo  par  un  cèsed'Angersre- 
des  successeurs  de  cet  ancien  prélat,  et  ils  occupent  trente  cueiiiu  par  Hen- 
pages  du  volume  qui  les  comprend.  Il  y  est  traité  des  ma-  bii^^eT'i'eSo 
tières  concernant  l'administration  des  sacrements,  le  gou-  in-4°. 
vernement  des  églises,  la  prédication,  les  péchés,  les  vertus. 
Les  pénitences  qui  s'y  trouvent  imposées  aux  pécheurs  tien- 
nent encore  quelque  chose  de  l'ancienne  discipline,  qu'avait 
beaucoup  affaiblie  la  vie  errante  des  croisades.  Dans  ces 
statuts,  Guillaume  décide   que  les  pénitences  peuvent  se 
compenser  ou  se  racheter  par  la  prière,  l'aumône,  la  disci- 
pline, l'abstinence,  et  sans  doute  il  n'y  joint  les  pèlerinages 
que  pour  obtempérer  à  l'esptit  du  siècle  où  il  vivait. 

Dans  rénumération  qu'il  fait  des  sept  péchés  capitaux  ,  on 
peut  remarquer  qu'il  les  dispose  suivant  un  ordre  différent 
de  celui  qui  est  usité  de  nos  jours.  La  gourmandise  y  est 
nommée  la  première,  ensuite  la  luxure,  l'avarice, la  paresse,  la 
colère,  l'orgueil,  et  en  dernier  lieu  l'envie.  Il  descend  jusqu'aux 
détails  les  plus  minutieux  quand  il  prescrit  d'attacher  au 
livre  du  missel  un  mouchoir  pour  l'usage  du  prêtre  célébrant. 
Ces  statuts  ont  été  sans  doute  composés  peu  de  temps  après 
le  concile  de  Latran,  car  on  y  trouve  cités  plusieurs  articles 
de  ce  concile.  Dans  la  recommandation  que  Guillaume  fait 
aux  prêtres  de  son  diocèse  de  prêcher  la  fuite  des  occasions 
de  pécher,  on  remarque,  parmi  les  pages  latines  de  ce  prélat, 
les  mots  aise Jait  larron,  que  notre  langue  aretnpiacés  dans 
la  suite  par  ce  proverbe  :  {'occasion  fait  le  larron. 

On  croit  devoir  encore  ne  pas  négliger  de  remarquer  que 
Christophe  de  Beaumont,  qui  fut  archevêque  de  Paris  sous 
les  règnes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI ,  était  de  la  même 
famille   que  Raoul  et  Guillaume  de  Beaumont  qui   furent      Gaiiu  chmi. 
presque  successivement   évêques   d'Angers;  ce   qui   paraît  »««•«  ï>  P- '^5. 
confirmé  par  l'analoeie  de  leurs  armoirie»  comparées.  Celles      ^  .   .„   ^ 

,        „     ...    r  .     o  '      j         f  »■  .,  Gui    Allard  , 

de  Guillaume  étaient  un  semé  de  trance  au  lion  a  or.  Nobiiiaiie  de 
Celles  de  Christophe,  qui  fut  notre  contemporain,  étaient  Dauphiné.  Gre- 
de  gueules  à  une  fasce  d'argent  oliargée  de  trois  fleurs  de  "°^'*  '^'''  '"' 

lia  "''' 


XIU  SIKCLE. 


aSa  GUILLAUME  DE  BEAUMONT. 

lis  d'azur.  Cette  différence  a  dû  s'introduire  au  temps  de 
Charles  VI,  lorsqu'il  réduisit  le  semé  de  France  au  nombre 
lixe  de  trois  fleurs  de  lis;  et  c'est  ainsi  qu'on  les  voit  alignées 
sur  la  fasce  d'argent  de  l'écusson  des  Beaumont  de  cette 
branche. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  transcrire  ici  l'épitaphe  de  Guil- 
laume. La  voici  dans  tout  le  négligé  de  sa  versification 
latine: 

Belliniontensis  Guillelmus  et  AnJegavensis 
Praesul  in  !»ac  tiiinbà  tuinulatiir,  vera  columba  , 
Cujus  erat  pietas  sibi  nescia  ponere  nietas. 
Si  numeres  numeris  quaterX  cum  mille  dticentis, 
Scire  obituin  poteris  tumulo  praesente  jacentis. 
Si  septem  luslris  annum  des  ter  replicatuin  , 
Tôt  pater  illustris  bunc  rexit  poniificatuni , 
Queiii  cum  viceno  quinloquecœperat  anno. 


Dat  se  divinis  per  lustra  quater  duo  rébus, 
Sublatis  binis  annis  tredecimque  diebus. 


Gallia  chn'sl. 


On  est  porté  à  conjecturer  que  cette  épitaphe  aura  été 
probablement  composée  par  le  chapelain  de  Guillaume  de 
Beaumont,  Nicolas  (ieslent,  qui  fut  élu  évêque  d'Angers  l'an 
1260,  et  qui,  mort  en  1290,  fut  inhumé  aux  pieds  de  son 
maître.  Cet  évèque  eut  aussi  pour  successeur  son  chapelain, 
Guillaume  Lemaire ,  qui  n'était  pas  non  plus  d'extraction 
noble,  mais  qui  était  très-renommé  pour  sa  science.  Or,  de  ce 
que  cesdeux  noms,  presque  seuls,  interrompent,  du  xii*^  au 
XYii*^  siècle,  la  série  des  autres  évêques  d'Angers  qui  furent 
tous  d'une  haute  naissance, on  en  conclura,  sans  doute,  que 
vei*^!.  1% "i38.  Guillaume  de  Beaumont,  ainsi  que  Nicolas  Geslent,  ont  su 
judicieusement  discerner  et  employer  les  hommes  de  mérite 
quelle  que  fût  leur  naissance,  puisque,  après  la  mort  de  l'un 
et  de  l'autre,  ceux  qu'ils  avaient  attachés  au  service  de  leurs 
personnes  ont  obtenu  les  suffrages  qui  les  ont  portés  au  siège 
épiscopal.  Christophe  de  Beaumont  suivait  de  notre  temps 
le  sentiment  de  ces  exemples,  lorsqu'il  ne  déterminait  jamais 
le  nombre  des  bourses  qu'il  payait  dans  les  maisons  d'édu- 
cation cléricale ,  pour  quiconque  obtenait  au  concours  une 
note  d'examen  satisfaisante.  Ce  trait  méritait  d'être  ajouté 
dans  la  Biographie  universelle.  P.  R. 


MU  SlKCU.. 


SAINT  EDMOND  OU  EDME, 

ARCHEVÈQLE  DE  CAINTORBÉRY.  „ ,nbre  IV/o"" 

Ee  personnage  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  appartient  à 
l'Angleterre  par  sa  naissance  et  par  le  haut  rang  qu'il  y  oc- 
cupa; mais  la  France  a  le  droit  de  le  comprendre  dans  l'iiis- 
toire  des  hommes  qui  l'ont  illustrée  par  leurs  écrits,  puisque 
après  y  avoir  passe  la  plus  belle  partie  de  sa  jeunesse,  soit  à 
s'instruire,  soit  à  enseigner  dans  l'Université  de  Paris,  il  y 
revint  vers  la  fin  de  sa  vie,  et  y  composa  deux  des  ouvrages 
qui  nous  sont  restés  de  lui. 

Edmond  Rich  ou  Richius  naquit  à  Abrington  ,  bourg  tlu  Mamn.  Aii*< 
comté  de  Barks  en  Angleterre,  d'une  famille  peu  distinguée  'i":"-.. viiu. BeU 
par  son  rang  et  par  sa  fortune.  Son  père,  Edouard  Rich  ,  qui  io\.  S|ic  iiisi. 
exerçait  le  négoce,  et  sa  mère  Mabilia,  relevèrent  dans  la  i''»  xxxi,  cap. 
plus  grande  piete.  Il  eut  un  trere  plus  jeune  que  lui,  qui  ,  xxv,  p.  :',i(,. 
s'appelait  Robert.  Pendant  qu'ils  faisaient  l'un  et  l'autre  leurs  lialaus,  p.  281. 
premières  études  à  l'Université  d'Oxford  ,  leur  père  quitta  le  i>'^^wis(h,p.8^. 
monde,  et  se  retira  dans  le  monastère  d'Eivesham.  Leur  mère,  u"  ^î"H■^g  su- 
qui  restait  seule  pour  gérer  leur  tutelle,  les  envoya  achever  liusad  .wi  nov. 
leurs  études  dans  l'Université  de  Paris,  de  crainte,  disait-  '    ^\'  P-    ''''* 

Il  ..  I        .,.       .  .•  •  1-1  t.|       Annal.      tisUTr. 

elle,  que  par  suite  de  hnstruction  moins  solide  qu  ils  ,  jy^  .,  ^yy 
auraient  reçue  à  Oxford,  ils  ne  fussent  exposés  à  tomber  wiiaiion  Auj;!. 
un  jour  dans  l'erreur.  Edmond  conserva  fidèlement  à  Paris  *'"•  '  •'  P  '" 
toutes  les  habitudes  pieuses  que  sa  mère  lui  avait  fait 
contracter,  entre  autres  celle  de  lire  le  dimanche  et  les  fêtes 
tout  le  psautier,  avant  son  repas.  Il  s'était  fait  faire,  très-jeune 
encore,  un  anneau  sur  lequel  il  avait  fait  graver  la  Salutation 
angélique,  et  il  le  porta  à  son  doigt  jusqu'à  sa  mort.  Après 
quelques  années  de  séjour  à  Paris,  il  repartit  pour  Abrington, 
afin  d'assister  aux  derniers  moments  de  sa  mère.  Cette  pieuse 
femme  lui  recommanda ,  comme  à  l'aîné  de  la  famille ,  d'exer- 
cer une  vigilance  paternelle  sur  son  frère  et  ses  sœurs;  ses 
sœurs  principalement,  qui,  selon  ses  biographes,  étant  fort 
belles,  se  trouvaient  exposées  à  bien  des  dangers  au  milieu  du 
monde.  Edmond,  de  leur  consentement,  s'occupa  du  soin 
de  les  placer  dans  un  monastère;  mais  ne  trouvant  partout 


i54  SAINT  EDMOND, 


XIII  SIKCLE. 


que  des  maisons  dont  l'entrée  ne  pouvait  leur  être  ouverte 
fine  par  une  dot,  il  renonça  à  ce  projet  par  la  cr.iinte  de 
tomber  dans  la  simonie,  et  désirant  que  ses  sœurs  pussent 
entrer  en  religion  ,  sans  acheter  cette  faculté  à  prix  d  argent. 
Queî(jue  temps  après,  comme  il  visitait  par  hnsard  le  mo- 
nastère de  Kètehy,  il  y  apprit  qu'elles  pourraient  y  faire 
profession  sans  apporter  de  dot,  et  aussitôt  il  les  y  plaça. 
Elles  Y  devinrent  tour  à  tour  prieures  du  monastère,  et 
après  s'être  fait  remarquer  par  leurs  grandes  vertus,  elles 
Maiih.   Paris  mourureiit  en  l'iSj,  selon  Alatthieu  Paris;  l'une  s'appelait 

ad  an.  la";-        Marguerite  et  l'autre  Aclitie. 

Après  avoir  terminé  tout  ce  que  demandait  de  lui  le  soin 
Anecd.loc.cit.  de  SU  famille,  Edmond  revint  à  Paris,  et  reprenant  ses  études, 
il  s'y  adonna  avec  tant  de  zèle  et  de  succès,  qu'il  étonna 
bientôt  ses  condisciples  et  ses  maîtres,  et  que  reçu  maître- 
ès-arts,  il  se  livra  à  l'instruction  publique.  On  a  remarqué 
qu'il  fut  un  des  premiers  à  faire  contracter  à  ses  disciples 
l'habitude  d'entendre  la  messe  chaque  jour  avant  de  s'appli- 
quer à  l'étude.  Les  attaques  que  ses  premiers  historiens  disent 
qu'il  eut  à  repousser  de  la  part  de  quelques  femmes,  sem- 
blent indi(]uer  qu'il  avait  reçu  de  la  nature,  comme  le  reste 
de  sa  famille,  les  grâces  extérieures  de  la  beauté. 

En  laiy,  dit  Vincent  de  Beauvais,  étant  sorti  des  années 

xxriicap'-4.  de  la  jeunesse,  et  parvenu  à  l'âge  viril,  il  y  avait  six  ans 
'  '  qu'il  enseignait  dans  l'Université  de  Paris  les  sciences  hu- 
maines, entre  autres  l'arithmétique  et  la  géométrie.  Une 
nuit,  il  crut  voir  en  songe  sa  mère  qui  lui  demandait  ce  que 
siirniHaient  les  diverses  Kgures  qu'il  traçait;  Edmond  lui  en 
ayant  donné  l'explication  ,  sa  mère  traça  aussitôt  trois 
cercles,  dans  chacun  desquels  elle  écrivit  ces  mots,  le  Père, 
le  Fils,  le  Saint-Esprit,  lui  disant  que  c'était  à  ces  figures  qu'il 
devait  désormais  s'occuper.  Edmond  ,  qui  avait  toujours  eu 
pour  cette  mère  l'amour  le  plus  tendre,  pensant  quelle  n'é- 
tait venue  que  pour  l'avertir  directement  de  se  livrer  aux 
choses  de  Dieu,  s'adonna  aussitôt  à  l'étude  de  la  théologie, 
et  dè.s  lors  il  porta  le  mépris  de  l'argent  que  ses  leçons  lui 
avaient  valu,  justju'au  point  de  le  laisser  dispersé  dans  sa 
chambre,  en  disant  :  Terra  terrœ  et  puh'is  puh'eri  meritb 
débet  commendari. 

Il  demeurait  à  Paris  dans  le  voisinage  de  l'église  de  Saint- 
Méderic ,  oii  il  assistait  toutes  les  nuits  aux  offices  que  les 
chanoines  de  cette  église  célébraient,  après  quoi,   il  mé- 


.Spec.  Iii»l.  lof 
cil. 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY. 


255 


XIII  SIECLE. 


Anccd.  loc.rit 


ditait  et  priait  devant  l'autel  de  la  Sainte-Vierge  jusqu'au 
moment  oii  il  se  mettait  à  l'étude  dès  l'aube  du  jour.  VValter, 
archevècjue  d'York,  avant  appris  qu'il  s'était  livré  aux  études 
théolof^iques,  lui  olfrit  de  lui  faire  écrire  une  Bible  à  ses  irais; 
mais  Edmond  la  refusa,  de  crainte  de  surcharger  les  moines 
qu'on  aurait  employés  à  ce  travail;  bien  plus,  il  vendit 
même  le  peu  de  manuscrits  qu'il  avait,  pour  en  donner  la 
valeur  à  de  pauvres  écoliers. 

Après  quelques  années  d'application  dans  cette  nouvelle 
carrière,  il  fut  reçu  docteur  en  théologie,  et  dès  ce  moment 
il  se  dévoua  à  l'instruction  publique  avec  le  plus  entier  aban- 
don. Habile  dans  la  controverse,  éloquent  dans  la  chaire,  édi- 
fiant dans  ses  leçons  de  théologie,  il  était  partout  écouté  avec 
le  plus  grand  intérêt;  et  de  son  école  sortirent  des  hommes 
qui  s'illustrèrent  dans  le  monde.  Quand  approcha  le  temps 
où  il  devait  être  j)romu  au  sacerdoce,  il  redoubla  ses  austérités 
et  ses  travaux,  et  hors  les  moments  inrlispensables  aux  be- 
soins de  son  corps,  sa  vie  était  un  exercice  continuel.  Ses 
biographes,  dans  les  détails  de  sa  vie  particulière  et  de  ses 
habitudes  privées,  nous  apprennent  qu'après  comme  avant 
son  élévation  au  sacerdoce,  il  portait  ordinairement  des  habits 
de  couleur  grise  ou  cendrée,  Pestes  ut plurimhrii  habuit  co- 
lore cineiitio,  nec  tihjectas  valdc ,  nec  valdc  pretiosas  ;  ce 
qui  montre  qu'à  cette  épo'que,  le  clergé  n'avait  pas  encore 
cru  devoir,  hors  des  églises,  se  distinguer  du  reste  des 
citoyens  par  un  costume  particulier. 

Edmond  quitta  Paris  après  s'y  être  fait  remarquer  par  ses  i.ingard  Hisi. 
vertus  autant  que  par  son  savoir,  et  retourna  en  Angleterre,  «l'Angi.  t.  m, 
dit  l'historien  Lingard,  pour  enseigner  publiquement  à  ()x-  P^"" 
iord.  Plusieurs  bénéfices  lui  furent  offerts;  mais  il  ne  consentit 
jamais  à  en  posséder  plus  d'un,  et  cela  dans  le  lieu  même  où  il 
résidait  ;  ce  qui  ne  dut  pas  lui  concilier  l'affection  de  plusieurs 
de  ses  confrères,  qui  alors  même  n'en  refusaient  aucun. 
Cependant,  afin  de  pouvoir  exercer  son  ministère  sans  être  à 
charge  à  ceux  qu'il  instruisait ,  il  accepta  le  titre  de  chanoine 
trésorier  de  l'église  de  Sarum  ou  Salisburv.  Sa  réputation 
s'étant  répandue  jusqu'à  Rome,  le  pape  le  choisit  pour  prê- 
cher la  croisade,  non  pas  en  France,  comme  le  dit  Baleus, 
mais  en  Angleterre,  selon  plusieurs  autres  historiens  ;  il  s'ac- 
quitta de  ctîtte  mission  avec  un  très-grand  succès. 

Dans  ces  circonstances,  le  siège  archiépiscopal  de  Cantor-      Annal,  cisici. 
béry  vaquait,  et  ce  siège  étant  le  plus  important  de  l'église  '  i^' p  ^"^i 


■Suri  us  ,    lor. 


Anecd.  loc<  it. 


Anetd.  t.  III, 
179''- 


Baient 


cil. 


256  SAINT  FDMOND, 


XIII  SIKCLK. 


jinglaise,  on  cherch.iit  avec  soin  l'homme  le  plus  capable  de 

l'occuper.  Ce  fut  sur  Edmond  que  tomba  l'élection  du  clergé 

Wariiioii.ioc.  (le  Cantorbcry,  faite  en  i233.  Le  pape  y  donna  son  appro- 

nt.pt|..    o'..      })ation,  et  l'année  suivante,  le  prélat  élu  fut  sacré  à  Can- 

torbéry   ])ar  Roger,  évêque    de  Londres,  assisté  de  treize 

autres  évècjues.  Baléus  dit  que  le  pa])e  l'avait  choisi  comme  le 

sujet  qui  lui  paraissait  devoirétre  le  plus  soumis  àses  volontés, 

et  le  plus  complaisant  à  remplir  ses  vues  intéressées;  mais 

l'erreur  dans  laquelle   l'esprit  de  parti  entraîne  cet  auteur, 

est  rectifiée  par  Warthon  ,  qui  dit  dans  ses  annales  :  Anno 

1*233,  ludgister  Edniundus ,  thesaurar'ms  Saruni ,  electus  est 

in  archiepiscopurn  cantiiarienseni ,  et  à  domino  papa  confir- 

inatus ;  et  |)ar  ce  passage  du  manuscrit  cité  par  Martène  : 

,      ,,,    Celebnità  de  eo  electione  communiter ,   canonicè  et  concor- 

Aiiccd   I.   III,  /-w        I  '    •  '     '    1  I  1       ■ 

cul,  i8o^  diter,  etc.  Quels  qu  aient  ete  les  auteurs  de  ce  choix,  ceux 

cjui  le  firent,  élevèrent  à  une  grande  prélature  un  de  ces 
vrais  chrétiens,  un  de  ces  hommes  éminents  en  mérite  qui 
font  honneur  à  leur  dignité.  Loin  de  ressembler  à  ces  ambi- 
tieux qui  s'empressent  de  s'ingérer  dans  la  vigne  du  Seigneur, 
disent  ses  biographes,  per  fas  et  nefas ,  per  lites  et  jurgia , 
per pronnssa  vcl  mimera  ,  per  conspirationes  et  siniulationes, 
per  quoscunique  serpentines  anfractus ,  il  répondit  aux  en- 
voyés du  chapitre  qui  l'avait  élu,  «  qu'il  était  incapable  de 
«  remplir  une  aussi  haute  charge:  Ego  siini  vermis  et  non 
«  homo ,  non  suni  tanti  meriti ,  nec  tantœ  litteraturœ  ut 
«  vos  creditis ,  vos  fallimini  et  erratis.  »  Refusant  de  con- 
sentir à  cette  élection ,  tous  les  efforts  des  envoyés  furent 
inutiles;  et  quand,  quelques  jours  après,  l'ordre  de  son 
évèque  vint  lui  arracher  son  consentement,  il  dit  :  iSovit 
ille  qui  nihil  ignorât  quod  nisi  me  mortaliter peccare  crede- 
rem  ,  electioni  de  mefactœ  nullateniis  consentirem. 

Une  particularité  qui  nous  a  été  conservée,  peint  bien  son 
humilité  et  combien  il  était  loin  d'avoir  jamais  eu  aucune 
vue  ambitieuse.  Quand  les  envoyés  du  chapitre  de  Cantor- 
bérv  furent  arrivés  à  Salisbury,  la  nouvelle  de  l'élection 
d'Eclmond  se  répandit  bientôt  dans  sa  maison  :  tout  le  monde 
y  était  au  comble  de  la  joie,  et  le  domestique  chargé  d'aller 
lui  annoncer  l'arrivée  des  envoyés,  entra  dans  sa  chambre 
et  lui  dit  :  Ecce,  domine ,  Cantuarienses  venerunt  monachi , 
déférentes  vobis  electionem  de  persona  vcstra  in  archiepis- 
copurn ejusdem  ecclesiœ ,  factani  voluntate  consond  et  com- 
miini.  Ce  serviteur  fut  regardé  par  son  maître  comme  un 


XIII  SIFXIE 


ARCHEVEQUE  DE  CANTORBERY.  257 

homme  qui  voulait  se  jouer  de  lui  ;  il  en  fut  si  mal  accueilli 

et  il  sortit  de  sa  présence  si  confus,  que  les  clercs  n'osèrent      Anecd.  t  m, 

pas  entrer,  et  que  restés  immobiles  près  de   la   porte  de  sa  '^^°i  'î*"^, 

*i  1  -1         1  1-  i<i  -     1    '         ,,      ..  r  Suriusjoc.cit 

chambre,  ils  attendirent  I  heure  a  laquelle  il  avait  coutume 
d'en  sortir. 

Devenu  prélat  métropolitain  île  l'Angleterre,  il  ne  changea 
rien  à  ses  premières  coutumes.  Il  ne  se  couvrait  point  comme 
les  autres  évêques  d'habits  de  soie  et  de  pourpre,  mais  un 
habit  blanc  ou  cendré  de  peu  de  prix  lui  suflisait;  et  si  dans 
quelques  circonstances,  il  était  vêtu  comme  les  autres,  c'était, 
disait-il,  pour  ne  pas  heurter  de  front  les  usages.  Il  se  faisait 
tout  à  tous  et  recevait  avec  affabilité  tout  homme  qui  réclamait 
son  ministère.  Ses  gens  visitaient  les  maisons  des  malheu- 
reux ,  et  leur  portaient  des  secours.  Il  employait  à  marier  les 
filles  pauvres  les  amendes  qui  étaient  payées  à  son  tribunal, 
et  son  propre  argent,  quand  ces  amendes  étaient  moindres. 
Ces  amendes  étaient  alors  désignées  par  le  mot  anierciamenta. 
Piiellas  nubiles ,  dit  un  de  ses  biographes,  prœsertini  paii-     -wiilelm  Wasii 
pères  de  suis  adjuvitjacultatihiis  ut  traderentur  matrimonio,  i"  Glossar.  v«rl) 
bonuni  esse  arbilrans  juniores  nubere ,  proîein  procrcare  sub    '^'"^'''^""'e- 
coiijtigii  sacramento. 

De  son  temps,  il  existait  en  Angleterre  un  usage  suivant 
lequel,  quand  un  père  de  famille  mourait,  le  seigneur  avait 
droit  de  s'adjuger  la  meilleure  de  ses  bètes  de  somme,  en 
signe  de  droit  seigneurial  pour  l'un  ,  et  de  soumission  comme 
vassal  pour  l'autre.  Dans  ces  occasions ,  les  veuves,  connais- 
sant la  bonté  de  son  cœur,  venaient  le  prier  d'ordonner  à  ses 
baillis  de  leur  rendre  leurs  bestiaux,  et  le  prélat  avait  cou- 
tume de  leur  répondre  dans  la  langue  du  pays  :  «  Bonne 
a  femme,  telle  est  la  loi  du  pays,  où  la  coutume  veut  que 
n  le  seigneur  choisisse  et  prenne  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans 
<(  le  mobilier  du  défunt.  »  S'adressant  ensuite  à  ses  officiers, 
il  leur  disait  dans  une  langue  inconnue  à  la  plaignante,  en 
latin  ou  en  français  :  Veraciter  hœcinstitiitio  legis  est  diabo- 
licce ,  non  dii'inœ  ;  postquam  captiva  virant  su  uni  perdidit , 
aufertur  ab  eâ  id  niclius  quod  ei  vir  ntorièns  dereliquit;  non 
bona  consuetudo  hœc.  Puis  il  disait  à  la  suppliante:  «Bonne 
o  femme,  si  je  vous  laisse  votre  bète,  vous  me  la  garderez 
«  bien.^»  Et  la  femme  ré[)ondant  :  «  Elle  sera,  seigneur,  gardée 
«  comme  votre  propre  bien  »,  alors  Edmond  ordonnait  à  son 
bailli  de  lui  rendre  aussitôt  ce  qu'elle  réclamait. 

Il  avait  en  horreur  toute  action  faite  par  faveur  ou  par 

Tome  XVlll.  K  k 


258  SAINT  EDMOND, 

'■ —   intérêt,  et  ces  paroles,  qu'il  redisait  souvent  en  gémissant, 

conviennent  à  tous  les  temps:  Muneribus  prœter  jus  etfas 
datis  et  acceptis ,  hodie  corruptus  est  orbis  christianus ,  peri- 
bitqiie  etiam  prias  quant  id  percipiant  christiani,  nisi  hanc 
pestem  à  se  extirpare  et  projligare  conentur.  Il  ne  cessait 
en  conséquence  de  recommander  aux  hommes  chargés  de 
rendre  la  justice  de  repousser  loin  d'eux  les  présents,  et  il 
blâmait  avec  la  plus  grande  sévérité  ceux  qui  en  recevaient, 
leur  redisant  toujours  ce  proverbe  qu'il  avait  appris  en  France.- 
«  Prendre  et  pendre  non  différant  nisi  unâ  litterâ.  » 

Le  saint  archevêque  ne  resta  que  huit  ans  dans  l'exercice 
d  e  sa  prélature ,  car  il  quitta  son  siège  avant  la  fin  de  sa  vie. 
Sa  vertu  et  son  amour  du  devoir  lui  attirèrent  toute  sorte 
d'ennemis.  D'un  côté,  voulant  s'opposer  aux  envahissements 
du  roi  et  des  seigneurs  sur  les  droits  de  son  église  ,  il  s'attira 
leur  haine  et  les  coups  de  leur  vengeance;  d'un  autre  côté, 
Anf.d  I  111,  le  clergé  de  son  église,  dont  il  voulait  réprimer  les  désordres, 

p.  1809.  tout  en  s'efforçant  d'assurer  ses  privilèges,  l'accusa  de  ren- 

verser les  droits  du  chapitre.  Magnâtes  terrce  illi  injariaban- 
Matih    Paris  ^^^^,  undique ,  nec  non  et  Jratres  ecclesiœ  suce  lites  ei  inferebant 

ï.iann  la  alias  ùidiscretè.  Il  fut  même  accusé  par  ses  prêtres  devant  le 

souverain  pontife.  V.e  saint  prélat  se  rendit  alors  à  Rome, 
où  le  prieur  de  son  chapitre  l'avait  précédé  pour  être  son 
accusateur.  Les  faits  et  les  plaintes  furent  de  part  et  d'autre 
exposés,  et  les  clercs  ayant  été  trouvés  coupables  sur  plusieurs 
points,  le  prieur  confus  se  retira  dans  un  monastère  de 
chartreux,  et  le  prélat,  revenu  dans  sa  ville  épiscopale,  re- 
trouva son  clergé  plus  mal  disposé  qu'avant  son  départ.  Mais 
Anecd  loc.cii  j|  ^'efforça  d'adoucir  ces  prêtres,  allant  au  devant  d'eux,  et 
traitant  avec  bonté  ceux  qu'il  connaissait  pour  être  le  plus 
acharnés  contre  lui.  Ses  amis  lui  disaient  :  «  Ou  nous  nous 
«  trompons  bien ,  ou  cette  trop  grande  douceur  en  excitera 
c  d'autres  à  se  révolter  contre  vous.  —  Laissez  faire,  leur 
a  répondait-il,  vous  ne  savez  ce  que  vous  dites;  ignorez-vous 
«  queleSeigneur  ne  s'est  pas  opposé  à  ceux  qui  lui  donnaient 
«  la  mort;  mais  que  l'acceptant,  il  a  supplié  et  intercédé 
«  pour  eux  .*'  La  vengeance  doit  être  réservée  à  Dieu  et 
«  non  à  l'homme.  Loin  de  moi  la  pensée,  quelque  mal  qu'ils 
I  paraissent  me  faire,  de  tourner  contre  eux  soit  la  poutre, 
c  soit  le  brin  de  paille  qu'ils  me  supposent  dans  l'œil. 
«  S'ils  m'arrachaient  les  yeux  de  la  tête,  s'ils  me  coupaient 
«  les  deux  bras,  je  n'en  garderais  pas  moins  pour  eux  le  cœur 


xiii  siècLï. 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBERY.  269 

a  et  le  regard  de  quelqu'un  qui  les  aime.  Car  je  ne  veux  pas 
<t  faire  un  péché,  ni  me  nuire  à  moi-même  à  cause  des  dë- 
1  fauts  des  autres.  » 

Enfin  convaincu  que  rien  ne  pouvait  faire  fléchir  ces  es- 
prits rebelles,  accable  par  les  vexations,  affligé  de  la  plus 
grande  tristesse,  à  la  vue  des  coups  que  le  roi  et  les  grands 
portaient  à  l'église;  considérant  que  le  pape  ne  le  soutenait 
que  faiblement,  et  qu'il  souffrait  que  la  noblesse  romaine 
vînt  s'emparer  des  bénéfices  de  l'église  anglaise,  le  dégoût  de 
sa  patrie  le  prit  au  milieu  de  tant  de  maux  :  craignant  enfin 
de  paraître  approuver  tant  d'abus  ou  les  tolérer,  s'il  restait 
à  son  poste,  il  aima  mieux  s'en  éloigner;  et  s'exilant  vo-  Guili.  Cav« 
lontairement  d'Angleterre,  il  vint  chercher  un  asile  en  '  ••  p  ^s^ 
France. 

«  L'intégrité  d'Edmond,  dit  Guillaume  Cave,  et  son  grand 
c  amour  de  la  justice,  lui  attirèrent  d'abord  l'inimitié  de 
«  Henri  HI  et  d  Othon,  légat  du  pape  en  Angleterre;  ensuite 
c  étant  allé  à  Rome,  il  déplut  au  pape  en  disant  librement 
c  son  avis  sur  les  mœurs  corrompues  de  sa  cour;  et  ce  pape 
«  lé  renvoya  en  Angleterre,  après  l'avoir  condamné  à  une 
«  amende.  » 

L'élection  et  la  fuite  de  ce  prélat  sont  jugées  dans  les  termes 
suivants  par  l'historien  Lingard  :  «  Il  n'accepta  cette  haute 
«  dignité  qu'avec  une  répugnance  qui  ne  parut  pas  feinte;  il 
€  sentait  que  sa  conscience  timorée  ne  lui  permettrait  pas 
«  de  consentir  aux  désordres  du  siècle,  et  que  la  douceur 
a  de  son  caractère  ne  le  rendait  pas  propre  aux  fonctions 
«  de  réformateur.  L'expérience  justifia  ses  craintes;  plusieurs 
«  désapprouvèrent  son  zèle  ;  et  les  moines  de  sa  propre 
«  église,  les  ministres  de  la  couronne,  les  pontifes  eux- 
«  mêmes,  s'opposèrent  souvent,  et  nuisirent  quelquefois  à 
«  ses  sages  efforts.  Il  lutta  plusieurs  années  contre  ces  diffi- 
c  cultes,  et  à  la  fin  il  y  succomba.  Craignant  de  paraître 
«  approuver  par  sa  présence  les  abus  que  son  autorité  ne 
o  pouvait  combattre,  il  s'exila  volontairement  d'Angleterre, 
«  et  choisit  pour  sa  résidence  le  monastère  de  Pontigny.  » 

Cette  abbaye,  située  dans  le  diocèse  d'Auxerre,  avait  été 
précédemment  l'asile  oii  deux  prélats  de  Cantorbéry,  Thomas  Anecd.ioc.cit 
Becket  et  Etienne  Langton ,  forcés  de  quitter  leur  pairie, 
étaient  venus  terminer  leur  carrière.  Noire  saint  archevêque 
y  vint  aussi  avec  quelques-uns  de  ses  clercs  qui  lui  étaient 
restés  fidèles,  et  durant  deux  ans  environ,  il  s'y  livra  aux  exer- 

Kka 


Lingard,  t.  III, 
p.  a70. 


■26o  SAINT  EDMOND, 

XIII  SIÈCLE. 

cices  de  piétë ,  prêchant  dans  les  villages  d  alentour,  et  y  com- 
posant les  deux  petits  ouvrages  dont  nous  avons  à  parier.  Il 
éprouva  bientôt  à  Pontigny  l'influence  d'un  climat  trop  chaud 
Maiih,  Paris,  pouF  lui;  et  parti  de  là  pour  aller  chercher  une  température 

H  ^^^-  |)lus  favorable  à  sa  santé  dans  le  monastère  de  Soisy,  prieuré  du 

même  diocèse,  il  y  mourut  après  quelques  mois  de  séjour,  ré- 
pétant souvent  dans  les  derniers  jours  de  sa  vie:  O quàinmeliùs 
esset  mori ,  quàni  videre  mata  gentls  sikv  et  sanctorum  super 
terrain!  Pour  consoler  les  religieux  de  Pontigny  qui  l'avaient 
vu  avec  peine  se  séparer  d'eux,  il  leur  avait  dit  en  partant  : 
Ad proximas  beati  Edinundi  régis  et  martyrisferias  revertnr 
ad  vos,  tiunenini  sol  à  nobis  tongiàs  recédons ,  hiemis  frigoiu 
adducet.  Sa  promesse  s'accomplit  au  jour  marqué;  mais  ces 
religieux  ne  reçurent  de  lui  que  sa  dépouille  qui,  selon  les 
dernières  volontés  du  saint  prélat,  devait  être  enterrée  chez 
eux.  L'abbé  de  Pontigny  était  allé  à  Soisy  pour  y  recevoir 
ses  restes, mais  voyant  le  grand  concours  de  fidèles  qui  étaient 
venus  les  visiter  avec  un  zèle  extraordinaire  de  dévotion  ,  et 
craignant  de  ne  pouvoir  les  taire  transporter  en  siireté  dans 
son  monastère,  il  s'approcha  du  cercueil  et  signifia  au  défunt 
ses  ordres  en  ces  termes:  Pater  bone , pro  eo  quod  frater es 
Pontiniacensis  ecclesiœ ,  mihidebes,  sidignaris,  hiiniUiterobe- 
dire  :  volo  igitur  et  rogo  ut  nullum  facias  niiraculwn ,  donec 
(id  locumpervenias  sepeliendo  tuo  corporl  destinatum.  Les  mi- 
racles nombreux  que  les  biographes  disent  qu'il  avait  opérés, 
avaient  attiré  ce  concours  de  peuple  qui  voulut  accompagner 
ses  restes  à  Pontigny. 

Les  historiens  fixent  d'un  commun  accord  le  jour  de  la 
mort  d'Edmond  au  i6  novembre,  mais  ils  ne  s  accordent 
pas  de  même  sur  l'année  où  elle  arriva  ;  Nicolas  Trivet, 
Matthieu  Paris,  Surms,  Baléus,  Fabricius,  l'historien  Lin- 
gard,  la  mettent  en  1240;  Wharton  en  1241  ;  Guillaume  Cave 
et  de  Wisch,  suivis  en  cela  par  la  Biographie  universelle , 
la  placent  en  1242;  Baronius,  la  Bibliotheca  Patrum,  EUies 
Dupin  en  1246;  Du  Boulay  en  1247;  et  Molatms,  dans  ses 
notes  sur  le  martyrologe  d'Usuard,  en  1248.  Nous  croyons 
devoir  la  fixer  en  i24o,  avec  le  plus  grand  nombre  de  ceux 
Mar(.  Anecd.  qui  ont  fait  mcutiou  du  saint  prélat,  et  dont  quelques-uns 
I  IV,  col.  1575.  ont  été  ses  contemporains.  Cette  date  se  trouve  encore  ap- 
puyée par  un  pasagede  la  vie  de  Gaultier  de  Cornut,  arche- 
vêque de  Sens,  ou  il  est  dit  que  ce  prélat  alla  à  Pontigny, 
vers  la  tin  de  i24o,  pour  y  visiter  les  restes  du  saint  prélat 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY.     261 

,       ,  ,,      „  ,       Xm  SIÈCLE. 

avant  qu'on  leur  donnât  la  sépulture;  elle  1  est  encore  par  la  

date  du  chapitre  général  de  Cîteaux  tenu  en  1 24'  1  où  l'on 
décida  que  vu  les  fréquents  miracles  opérés  au  tombeau  du 
prélat,  on  demanderait  sa  canonisation.  Elle  fut  en  effet  pro- 
posée au  concile  de  I^yon  en  124^  ,  et  le  pape  Innocent  IV  la 
publia  en  1247- Or,  cette  dernière  date  est  peut-être  celle  que 
quelques  historiens  ont  prise  pour  l'époque  de  sa  mort.  Ne  ç^i  ,\_'^  " 
trouvant  rien  de  précis  sur  l'âge  auquel  il  parvint,  nous  ne      Malth.  Paris , 
pouvons  le  fixer  qu'approximativement.  Il  a  été  dit  qu'eu  adaun.  1147. 
12 19,  où  il  prit  la  résolution  de  se  livrera  l'étude  de  la  théo- 
logie, il  était  sorti  des  années  de  la  jeunesse  et  avait  atteint 
l'âge  viril.  En  fixant  à  quarante  ans  environ  l'âge  indiqué  ici 
vaguement,  il  aura  eu  cinquante-quatre  ans  en  i233,  quand  il 
fut  élevé  sur  le  siège  de  Cantorbéry,  et  soixante  à  soixante- 
cinq  ans  au  moment  de   sa  mort.  Ce  calcul  approximatif  torer,^p'Vo/,"'' 
se  trouve  appuyé  par  ce  que  dit  Baléus  de  Robert  Bacon,      Spiciiegium  ; 
qu'il  cite  comme  compagnon  d'Edmond  dans  ses  premières  ••vm.p-îS?. 
études  à  Oxford,  ce  qu'attestent  aussi  Trivet  et  le  moine  t. iii,coi.  1^-4 
de  Pontigny  copié  par  Martène;  or  ce  Robert  Bacon  mourut      Eccardus,'  t. 
en  12/18,  à  l'âge  de  soixante-dix  ans,  et  par  conséquent  plus  *'?•  "*• 

.      ,  -i^j-  ^  DeWisch.p. 

âge  que  notre  prélat  de  six  ou  sept  ans.  85  "^ 

La  vie  de  saint  Edmond  a  été  écrite  par  son  frère  Robert      Usaardi  Mar- 
Richius;  par  le  même  Robert  Bacon,  de  l'ordre  des  prédica-  'y- "•*  '^  ""- 

'      T»  1  •  J      T-»        .  •  -1  '  I  •  vemb. 

teurs;  par  Bertrand,  prieur  de  Pontigny,  qui  la  rédigea  en      xhes.  Anecd. 
1247,  et  c'est  celle  que  Martène  a  transcrite  dans  son  The-  iiii.coi.  1753. 
sauras  ^ necdotorum ;  par  Vincent  de  Beauvais;  en  partie  ,..^£^"l!,  '^'*' 
par  Matthieu  Pans  ;  et,  d  après  eux,  par  burius  qui  n  a  fait  que  67. 
copier  celle  de  Robert  Richius.  Martène  donne,  à  la  suite 
de  la  vie  de  saint  Edmond ,  l'histoire  de  sa  canonisation  et 
de  la  translation  de  ses  reliques  :  tout  ce  qu'il  a  d'ailleurs 
recueilli  sur  ce  saint  prélat  se  trouve  dans  le  tome  3^  de  son 
Thésaurus^  de  la  page  lyôS  à  la  page  1874. 

Ayant  maintenant  à  parler  des  ouvrages  qui  nous  sont 
restés  de  saint  Edmond  ,  nous  devons  placer  ici  le  récit  d'une 
démarche  mémorable  qu'il  fit  l'année  même  de  son  élection, 
avant  d'avoir  été  sacré.  Le  ministère  de  Pierre  des  Roches  et 
de  Pierre  de  Rivalles  avait  suscité  un  mécontentement  général 
dans  tout  le  royaume  d'Angleterre.  «  Un  ministère  aussi  Hume  ,  Hi»t. 
«  violent  que  celui  de  l'évêque  de  Winchester  ne  pouvait  •*''*"6i-  '  u.  p- 
«  pas  être  de  longue  durée,  dit  Hume;  il  tomba  enfin,  non 
«  par  les  efforts  de  la  noblesse,  mais  par  ceux  du  clergé. 
«  Edmond,  qui  était  alors  primat,  se  rendit  à  la  cour,  accom- 
2  3 


a62  SAINT  EDMOND, 

XIIISièCLE.  ',    »         1  '        » 

«  pagne  de  beaucoup  d autres  prélats;  il  représenta  au  roi 

«  les  mesures  désastreuses  qu'avait  prises  Pierre  des  Roches, 
«  le  mécontentement  du  peuple,  la  ruine  des  affaires,  etc.  » 
Le  discours  que  les  prélats  tinrept  au  roi  dans  cette  circon- 
stance avait  pour  but  de  rétablir  entre  le  monarque  et  son 
peuple  la  concorde  qu'avaient  détruite  des  ministres  qui  ne 
travaillaient  qu'à  s'agrandir  et  à  se  fortifier  aux  dépens  de 
Maiiii.  Paris,  l'u"  ct  dc  l'autre.  Ce  discours,  rapporté  par  Matthieu  Paris, 
p.  »7i  et  171.  ne  paraîtra  sans  doute  pas  déplacé  dans  la  vie  du  président 
de  ces  prélats,  qui  viennent  plaider  les  droits  des  peuples ,  et 
menacer  le  monarque  des  châtiments  de  l'Eglise,  s'il  manque 
à  ses  obligations.  Ces  évêques,  qui  ne  devaient  pas  leur  élé- 
vation au  choix  intéressé  du  pouvoir  royal,  mais  qui  étaient 
sortis  de  l'élection  libre,  sinon  du  peuple,  du  moins  du 
clergé,  conservaient  la  faculté  de  résister  aux  ministres  de 
cette  puissance,  quand  l'égoïsme  et  l'ambition  les  égaraient. 
Le  discours  suivant  est  donc  un  acte  d'accusation  en  forme 
contre  les  ministres  de  Henri  IIL 

«  Seigneur  roi ,  dit  l'orateur,  nous  qui  sommes  vos  sujets 
«  fidèles,  nous  venons  vous  dire  au  nom  de  Dieu  que  les 
«  hommes  qui  forment  votre  conseil,  Pierre,  évêque  de  Win- 
«  chester,  Pierre  de  Rivalles,  et  leurs  consorts,  ne  promettent 
a  ni  salul  ni  sécurité;  mais  que,  tout  au  contraire,  leur  pré- 
«  sence  annonce  des  maux  etdes  périls  pour  vous  et  pour  votre 
«  royaume,  d'abord  à  cause  de  la  haine  et  du  mépris  qu'ils 
«  montrent  envers  le  peuple  anglais,  qu'ils  appellent  et  font 
a  appeler  traître;  enlevant  parce  moyen  à  votre  peuple  l'af- 
«  fection  de  votre  cœur,  et  à  nous ,  comme  au  reste  de  vos 
«  sujets,  l'amour  que  nous  avions  pour  vous.  Le  maréchal  (1) 
«  en  est  un  exemple;  lui,  l'homme  le  plus  précieux  pour  ce 
«  royaume,  perdu  parleurs  calomnies,  dans  votre  esprit  et 
«  éloigné  de  votre  personne.  C'est  en  se  laissant  conduire  par 
a  ces  ministres,  que  le  roi  Jean,  votre  f>ère,  perdit  d'abord 
«  les  cœurs  de  ses  sujets,  puis  se  vit  enlever  la  Normandie  et 
a  plusieurs  autres  provinces;  que  son  trésor  fut  entièrement 
c  épuisé ,  qu'il  se  trouva  au  moment  de  perdre  même  l'An- 
Π gleterre ,  et  que  depuis  il  n'a  jamais  plus  joui  de  la  paix.  Ce 
«  sont  ces  mêmes  ministres  qui,  dans  des  temps  plus  voisins 
«  de  nous ,  ont  mis  le  trouble  dans  ce  royaume ,  lui  ont  attiré 

(ij  Le  comte  Richard  de  Strangbowe  était  alors  grand-maréchal  du 
royaume. 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY.  a63 

«  un  interdit,  et  enfin  l'ont  rendu  trihutaire  ^  et princeps pro- 
«  vinciarum  factaesi , proh dolor!  ignohilihus  (sic)  sub  trihuto. 
«  La  guerre  commença,  elle  dura  long-temps,  votre  père  mou- 
«  rut  presque  en  exil,  dans  un  état  aussi  malheureux  que  1  était 
o  son  royaume,  et  c'est  à  eux  qu'il  dut  cette  mort  déplorable. 
a  C'est  par  la  faute  de  ces  mêmes  ministres,  que  le  château 
a  de  Bedfort  vous  a  été  enlevé,  et  avec  lui  les  trésors  et  les 
«  hommes  valeureux  qu'il  renfermait,  et  qu'enfin  vous  avez 
«  perdu  la  Rochelle  :  ce  qui  seul  fera  le  déshonneur  de  votre 
a  règne.  Ce  sont  leurs  conseils  iniques  qui  ont  excité  les 
«  troubles  qui  tourmentent  maintenant  ce  pays,  et  causent 
«  sa  ruine;  car  si  vos  sujets  avaient  été  traités  avec  justice 
<t  et  équité,  ces  troubles  n'auraient  pas  eu  lieu,  vous  possé- 
«  deriez  encore  les  terres  que  vous  avez  perdues,  et  votre 
«  trésor  n'aurait  pas  été  épuisé. 

«  Item  la  fidélité  que  nous  vous  devons  nous  force  à  vous 
«  dire  que  votre  conseil ,  loin  d'être  jamais  un  moyen  de 
«  paix  pour  ce  pays,  n'y  suscitera  que  la  discorde;  car  vos 
a  ministres  voulant  accroître  leur  fortune,  et  ne  le  pouvant 
a  pas  pendant  que  la  paix  règne,  comptent  y  parvenir  en 
«  troublant  ce  royaume,  et  en  pillant  ceux  qui  s'opposent  à 
<t  leurs  desseins.  Item  ils  tiennent  en  leur  puissance  vos 
«  châteaux  forts  et  vos  troupes,  comme  si  vous  deviez  vous 
«  tenir  sur  vos  gardes  à  l'égard  de  votre  peuple.  Item  ils  se 
(  sont  emparés  de  votre  échiquier,  de  toutes  vos  réserves 
«  et  de  Vos  plus  grands  revenus  seigneuriaux,  et  vous  verrez 
«  comment  ils  vous  répondront  de  tout  cela ,  s'il  vous  plaît 
«  d'attendre  la  fin.  Itetn  rien  d'important  ne  peut  s'exécuter 
4  dans  ce  royaume,  sous  votre  sceau  ou  votre  ordre,  sans 
«  le  sceau  de  Pierre  de  Rivalles,  comme  s'ils  ne  vous  te- 
«  naient  pas  aussi  pour  leur  roi.  Item,  ces  mêmes  ministres 
«  ont  éloigné  de  votre  cour  des  hommes  que  leur  naissance 
«  attachait  à  ce  pays;  ce  qui  nous  inspire  des  craintes  autant 
«  sur  vous  que  sur  votre  royaume,  puisque  ces  ministres 
«  semblent  être  moins  sous  votre  puissance,  que 'vous  sous 
«  la  leur,  ainsi  que  plusieurs  exemples  l'ont  montré.  Item, 
a  ils  se  sont  rendus  maîtres  de  la  princesse  de  Bretagne , 
«  de  votre  sœur,  de  plusieurs  autres  filles  nobles  et  nubiles, 
«  qu'ils  ont  prises  cum  vuardis  et  m.aritagiis ,  lesquelles  ils 
a  marient  ensuite  avec  leurs  parents,  les  faisant  ainsi  dis- 
«  parager  (  mésallier).  Item,  ils  foulent  aux  pieds  fa  loi  de  ce 
it  pays,  loi  jurée,  confirmée,  affermie  par  l'excommunica- 


Xm  SIÈCLE. 


264  SAINT  EDMOND, 

IIII  SIÈCLE.  ....  ,  I       1       •         • 

«  tion  ;  ils  ne  tiennent  pas  plus  compte  de  la  justice,  ce 

«  qui  fait  craindre  qu'ils  ne  soient  excommuniés,  et  que 
«  vous  ne  le  soyez  aussi  en  communiquant  avec  eux.  Jtem 
«  ils  violent  leurs  promesses,  leur  foi ,  leurs  serments;  ils 
«  nient  même  ce  qu'ils  ont  certifié  par  leur  signature;  ils 
«  méprisent  l'excommunication  ;  et  s'étant  éloignés  de  la 
«  vérité,  ils  vivent  en  désespérés  dans  la  méfiance  et  dans 
«  la  crainte. 

«  iSotre  fidélité  seule  nous  inspire  ces  paroles,  et  ici,  en 
«  présence  de  Dieu  et  des  hommes,  nous  vous  conseil- 
«  Ions,  nous  vous  prions,  nous  vous  avertissons  d'éloigner 
«  de  vous  de  pareils  conseillers,  et,  comme  c'est  l'usage 
«  dans  les  autres  royaumes,  de  vous  aider,  dans  l'adminis- 
«  tration  du  vôtre,  des  lumières  de  vos  fidèles  sujets  et  des 
«  jurés  de  l'Angleterre.  Du  reste,  la  vérité  nous  oblige  à  vous 
«  faire  savoir  que,  si  d'ici  à  peu  de  temps  vous  n'avez  pas 
«  apporté  un  remède  à  ces  maux  ,  nous  procéderons  contre 
«  vous  et  contre  les  autres  adversaires  du  bien  public  par 
«  les  censures  de  l'Eglise ,  n'attendant  pour  cela  que  la  consé- 
«  cration  de  notre  vénérable  père  l'archevêque  élu  de  Can- 
«  torbéry.  » 
P  272  Le  roi  ayant  entendu  ce  discours,  dit  Matthieu  Paris, 

demanda  humblement  qu'on  lui  accordât  un  court  délai, 
disant  qu'il  ne  pouvait  pas  renvoyer  si  promptement  son 
conseil,  ayant  à  lui  faire  rendre  compte  du  trésor  confié  à  sa 
garde.  Sur  cela  l'assemblée  fut  dissoute,  et  chacun  se  retira 
avec  la  confiance  de  voir  bientôt  renaître  la  concorde. 

Au  mois  d'avril  de  l'an  I234,  flit  le  même  historien,  Ed- 
mond, après  sa  consécration,  réunit  tous  ses  suffragants  et 
plusieurs  autres  prélats,  et  s'étant  rendu  avec  eux  auprès  du 
roi,  il  lui  renouvela  ses  représentations,  et  il  lui  dit  expres- 
sément que  s'il  ne  mettait  pas  fin  à  la  désolation  de  son 
DrWisch.ioc.  royaumc,  el  s'il  ne  rentrait  pas  en  union  avec  ses  fidèles  su- 
Acia  conriiior   j^'t*  >  il  prononcerait  SUT  lui  la  sentence  d'excommunication. 

I.  l,p  a66.        lie  roi  écouta  avec  docilité  ces  paroles,  reconnut  les  injustices 
de  ses  ministres,  les  renvoya  ,  et  rappela  des  conseillers  plus 
favorables  au  bien  de  la  nation. 
Libbe.Sacroi.        L'archcvêque  de  Cantorbéry,  avait  pendant  sa  prélature 

eonc.  ,  p.  j.gfjjggj^sj>Q,,jjtitQ^iQP5  provinciales;  et  quoique  les  ouvrages 
de  ce  genre  fussent  pour  la  plupart  discutés  dans  les  synodes 
provinciaux,  qui  dans  ce  siècle  furent  si  nombreux,  ils  sont 
toujours  attribués  à  celui  sous  le  nom  duquel  ils  ont  paru. 


cil 


Xni  SIECLE. 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY.     ^65 

Ces  constitutions  portent  la  date  de  l'an  ia36  ;  elles  sont  di-  

visées  en  quarante-un  chapitres,  tous  assez  courts,  et  sont 
renfermées  en  cinq  pages  in-folio.  Elles  roulent  en  général 
sur  le  rituel,  la  discipline,  l'incontinence  des  clercs,  les 
maisons  religieuses,  le  gouvernement  des  biens  ecclésiasti- 
ques. Les  deux  morceaux  qu'on  va  lire  feront  connaître  l'es- 
prit de  ces  constitutions. 

Le  premier  traite  de  l'obligation  qui  est  imposée  aux  pas- 
teurs de  maintenir  la  paix  entre  leurs  paroissiens.  «Un  grand 
a  devoir  nous  est  imposé,  très-chers  fils,  celui  de  maintenir 
«  la  paix,  puisque  Dieu  lui-même  a  établi  et  aime  la  paix, 
<r  lui  qui  non  seulement  a  pacifié  le  ciel,  mais  qui  est  venu 
«  tout  pacifier  sur  la  terre.  Or,  comme  l'on  ne  peut  parvenir 
a  à  la  paix  de  l'éternité  que  par  la  paix  du  temps  et  par  celle 
«  du  cœur,  nous  vous  recommandons,  et  nous  vous  ordon- 
a  nons  expressément  de  garder  la  paix  avec  tout  le  monde, 
«  autant  que  cela  vous  sera  possible;  d'avertir  vos  paroissiens 
«  de  ne  faire  qu'un  corps  en  J.-C. ,  dans  l'unité  de  la  foi  et 
a  le  lien  de  la  paix;  apaisez  avec  zèle  les  inimitiés,  s'il  s'en 
«  élève  dans  votre  paroisse;  faites  naître  les  liaisons;  détour- 
«  nez  de  la  discorde  ceux  qui  y  sont  tombés, et,  autant  qu'il 
«  est  en  vous,  ne  permettez  pas  que  le  soleil  se  couche  sur 
«  la  colère  de  vos  paroissiens.  » 

Le  second  traite  de  la  garde  des  enfants  nouveau -nés  : 
«  Qu'on  avertisse  les  femmes,  dit-il,  d'allaiter  leurs  enfants 
a  avec  précaution ,  de  ne  pas  les  coucher  près  d'elles  pendant 
a  la  nuit,  quand  ils  sont  encore  dans  l'âge  tendre,  de  peur 
o  de  les  étouffer;  qu'elles  ne  les  laissent  jamais  seuls  dans 
«  une  chambre  où  il  y  a  du  feu,  et  auprès  de  l'eau,  sans  une 
«  garde.  Et  que  ceci  leur  soit  recommandé  tous  les  diman-  pa.r'i'"xxv  7. 
a  ches.  »  3i6.  ' 

Saint  Edmond,  durant  son  exil  volontaire  à  Pontigny, 
composa  deux  petits  ouvrages;  le  premier,  qui  se  trouve 
dans  la  Bibliotlièque  des  Pères,  remplit  onze  pages  de  ce 
recueil ,  et  y  est  distribué  en  trente  chapitres.  Il  porte  en 
titre:  Sancd  Edmundi,  theologi parisiensis ,  et  cantuariensis 
archiepiscopi ,  ad  Cistercienses  Pontiniacensis  mqnasterii  mo- 
nachos,  libellus ,  qui  dicitur  SPECULUM  ECCLE SIM , 
christianis  omnibus  utilis  apprimè  et  necessarius.  A  ce  titre 
donné  par  l'éditeur,  il  faut  ajouter  celui  que  l'auteur  lui- 
même  a  mis  à  la  tête  de  son  ouvrage:  In  nomine  dulcissimi 
Domini  noslri  Jesu  Christi,  incipiunt  capitula  librisequentis. 
Tome  XV III  L  1 

2  0   • 


.XIII  siixLr.. 


266  SAINT  EDMOND, 

simplici  stylo  dictati  ad  evitandam  curiositatem ,  et  ne  qnis 
dimittat  interiorein  snnctitalem. 

Les  relifjieux  de  Pontigiiy  désirant  que  le  saint  prélat, 
qui  était  venu  chercher  un  asile  parmi  eux,  leur  donnât 
quelques-unes  de  ces  leçons  que  lui-même  avait  mises  en 
pratique  dans  sa  sainte  carrière,  il  composa  pour  eux  ce 
petit  traité,  doiit  le  titre,  Spcculum  Ecclesiœ ,  indique  le 
sujet,  et  dont  l'inscription,  telle  que  l'a  rédigée  l'auteur,  fait 
connaître  dans  quelle  intention  il  fut  composé.  En  effet,  cet 
ouvrage  renferme  tout  ce  qui  concerne  les  ri'gles  par  les- 
quelles l'Eglise  conduit  les  chrétiens  à  la  perfection  évangé- 
lique.  La  simplicité  y  règne  dans  le  style,  ainsi  que  dans  les 
pensées  et  les  préceptes.  Dans  le  prologue,  l'auteur  recher- 
che à  quoi  l'homme  est  appelé  :  il  est  appelé  à  être  parfait; 
mais  qu'est-ce  que  la  perfection?  Laissons- le  parler  lui- 
même  :  Perfectè  vwere,  sicut  sanctus  Bemardus  nos  docet , 
est  Divere  nmicahiliter,  htiniiliter,  honorahiliter.  Humiliter 
quantiini  sit ad  te  ipsuni ,  amicabiliter quantum  adproximum, 
honorahiliter  quantiini  ad  Deiini,  sic  ut  ponas  totam  inten- 
tionem  tuani  ad  facicndam  voluntatem  divinani ,  hoc  est 
dictii,  in  omnibus  quœ  dehes  cogitare  corde,  vel  loqui  ore, 

vel  facere  opère  per  aliqucm  quinque  sensuum  tuorum 

Cogita  sempcr  in  principio  si  illa  sit  voluntas  Dei  vel  non. 
Si  sit  voluntas  sua ,  foc  tune  secundàni  potentiam  tuam , 
et  si  non  ,  nefeceris  illiid  pi  opter  mortem  tolerandam.  Sed 
modo  quirreret  aliquis  à  me  ^  quœ  est  voluntas  Dei?  Dico 
quod  voluntas  sua  non  est  aliud  quant  nostra  sanctificatio  ; 
nam  ita  dicit  apostolus  :  Flœc  est  -voluntas  Dei  sanctificatio 
vestra  ;  quod  est  die  ère ,  voluntas  Dei  est  quod  vos  sancti 
sitis. 

Recherchant  ensuite  les  moyens  par  lesquels  l'homme  peut 
parvenir  à  la  sainteté,  le  sage  prélat,  d'accord  en  cela  avec 
tous  les  grands  maîtres  de  la  vie  spirituelle ,  place  la  per- 
fection dans  les  actes  les  plus  communs  et  les  plus  simples 
de  la  vie.  «Deux  choses,  dit- il,  et  rien  de  plus,  font  un 
«  homme  saint;  ces  choses  sont  la  connaissance  et  l'amour  : 
«  la  connaissance  de  ce  qui  est  vrai,  l'amour  de  ce  qui  est 
«  bon  » 

Il  lait  connaître  Dieu  par  ses  bienfaits,  afin  de  le  faire  aimer; 
il  le  montre  agissant  dans  les  créatures;  il  fait  ressortir  la 
grandeur  de  Dieu  par  les  Eci  itures.  Il  parle  successivement 
de  l'emploi  du  temps,  des  péchés  mortels,  des  vertus  chré- 


ARCHEVÊQUE  DE  CANTORBÉRY.  267 


XIII  SIÈCLE. 


tiennes,  des  donstlu  Saint-Esprit,  du  décalogue,  du  symbole, 

des  sacrements,  des  quatre  vertus  cardinales,  des  œuvres 

de  miséricorde,  de  l'oraison  dominicale.  Cette  prière  lui 

fournit  plus  de  réflexions  que  les  autres  articles;  il  montre 

comment  on  y  trouve  la  source  et  l'idée  de  tous  les  biens, 

et  le  remède  de  tous  les  maux;  elle  surpasse  en  dignité  et 

en  utilité  toute  autre  prière.  «  Celui  qui  la   néglige  pour  se 

«  compo.ser  des  prières  rhythiniques  et  curieuses,  commet 

«  une  irrévérence  envers  Jésus-Christ.  »  Igitur  centum  millia 

hoininum  decipiuntur  per  m ultipUcationein  orationum.  Chm 

enini  putant  se  habere  dcvotioneui,  hahent  unam  vilem  et 

carnalein  affectionem ,  quia  omnis  carnatis  aninnis  delec- 

tatur  in  tati  loqueld  curiosd.  Ideb  sis  providus  et  discretus^ 

nain  certissimè  tibi  dico  qiiod  est  una  turpis  luxuria  ità  de-      Bibi.Miei.Pa- 

lectariin  tali modo  guliardiœ.  «  Je  ne  blâme  pas,  continue-  ''^-  '   ^^^'  f- 

«  t-il ,  saint  Augustin  et  saint  Grégoire,  ni  les  autres  saints 

«  qui  faisaient  des  prières  selon  les  afflictions  diverses  qui 

«  les  accablaient;  mais  je  blâme  ceux  qui  négligent  la  prière 

<i  que  Dieu  a  faite,  pour  le  prier  avec  celle  de  tel  ou  tel  saint.» 

Cette  divine  pYière  semble  retenir  le  pieux  auteur  par  les 

cliarmes  qu'il  y  trouve;  il  termine  ses  réflexions  par  ces  mots  : 

Nec  cures  multiplicare  sœpius  Pater  Noster.  Melius  est  se/nel 

dicere  Pater  Noster  cum  intellectu  bono  et  attentione ,  quàm 

millesies  sine  intellectu  et  dei'Otione. 

Dans  les  chapitres  suivants,  le  saint  prélat  expose  ses  ré- 
flexions sur  les  mystères  de  la  vie  et  de  la  mort  du  Sauveur. 
II  montre  comment  on  peut  contempler  Dieu  dans  sa  divinité; 
comment  Dieu  est  une  substance  et  trois  personnes;  comment 
il  y  a  pour  l'ame  trois  degrés  de  contemplation.  Et,  bien  que  ces 
matières  soient  peu  susceptibles  d'explications  précises,  elles 
satisfotiten  quelque  sorte  l'esprit  par  la  manière  simple  dont 
elles  sont  exposées,  et  par  l'attention  que  l'auteur  a  de  tout  rap- 
porter à  la  pratique.  Il  y  a  quelque  chose  d'ingénieux  dans  son 
explication  du  mystère  de  la  sainte  Trinité  :  «Aucun  bien, 
«  dit-il,  ne  peut  manquer  à  Dieu;  mais  comme  la  société  est 
«  une  chose  agréable  et  bonne,  Dieu  n'a  pas  pu  être  sans  ce 
a  bien;  il  faut  donc  qu'il  y  ait  eu  pluralité  de  personnes  en 
«  Dieu  qui  est  le  souverain  bien;  et  comme  une  société  ne 
«  peut  passe  composer  de  moins  de  deux  personnes,  il  faut 
«  qu'il  y  ait  en  Dieu  au  moins  deux  personnes;  et  comme  une 
«  société  mériterait  peu  ce  nom,  s'il  n'y  avait  ni  union,  ni 
«  amour,  il  faut  qu'il  y  ait  en  Dieu  -une  troisième  personne, 

1. 1  -1 


XIII  SIKCI.E. 


268  SAINT  EDMOND,  ARCHEVÊQUE. 

«  qui  soit  l'union  et  l'amour  des  deux  autres.  Ainsi  l'unité 
«  étant  un  bien  ,  et  la  pluralité  en  étant  un  aussi ,  il  faut  né- 
a  cessairement  qu'ils  soient  l'un  et  l'autre  en  Dieu.  » 

A  la  suite  du  Miroir  de  l'Eglise  se  trouve  le  petit  traité  de 
la  contemplation.  De  variis  modis  content plandi ,  et  ailleurs 
De  contcmplanda  Deitate.  Cet  opuscule,  qui  n'est  pas  com- 
pris dans  la  Bibliothèque  des  Pères  ,^  oii  se  trouve  le  premier 
ouvrage  ,  a  été  imprimé  par  Henri  Etienne  avec  le  Spéculum 
Eccle.siœ^  dans  un  petit  volume  qui  renferme  un  ouvrage  de 
Humbertde  Romans.  Le  rédacteur  de  la  Bibliotlièque  cister- 
cienne dit  qu'il  fut  composé  en  français,  et  que  c'est  un  reli- 
gieux carmélite,  Guillaume  Beuféu,  qui  l'a  traduit  en  latin. 
De  VViscli  a  copié  en  cela  Baléus  ;  mais  l'un  et  l'autre  disent  que 
cet  opuscule  commence  par  ces  mots  :  I  idete  ad  quid ,  etc., 
qui  sont  les  premiers  mots  du  Spéculum  Ecclesiœ  ;  tandis  que 
l'autre  commence  par  ceux-ci:  indiens  et  legens  quantus 
.î/V,etc.Lesaint  prélat  y  expose  les  moyens  qu'il  employait  pour 
méditer  ou  contempler  avec  fruit.  Comme  toutes  ses  idées  se 
rapportaient  essentiellement  à  la  pratique,  et  qu'il  ne  se  li- 
vrait que  rarement  à  des  pensées  hors  de  l'ordre  des  choses 
simples  et  profitables,  c'est  par  des  comparaisons  prises  dans 
les  objets  sensibles,  qu'il  s'élève  vers  les  objets  spirituels  et 
divins.  Il  se  parle  à  lui-même  en  ces  termes  :  «Quand  j'ap- 
a  prends  ou  je  lis  combien  est  grand  le  fruit  que  l'on  retire 
o  de  la  méditation  des  choses  divines;  voulant  par  mes  efforts 
«  parvenir  à  considérer  ce  que  c'est  que  Dieu  ,  je  me  forme 
«  pour  cela  une  échelle,  dont  je  me  figure  ainsi  le  premier 
«  échelon  ;  je  pense  à  la  vertu  d'une  certaine  pierre  qu'on 
tt  appelle  aimant,  qui  attire  le  fer.  Je  pense  ensuite  à  une 
«  autre  pierre  qui  aurait  la  vertu  d'attirer  non  seulement  le 
«  fer,  mais  qui  soulèverait  les  montagnes  les  plus  pesantes; 
a  puis  je  m'en  figure  une  autre  qui  les  écraserait,  les  détrui- 
Œ  rait,  les  anéantirait;  enfin  une  autre  qui  de  rien  produirait 
«  quelque  chose,  de  la  terre,  une  pierre,  etc.  ..  .  Cette  vertu 
<c  que  mon  esprit  peut  comprendre,  n'est  autre  que  la  puis- 
«  sance  divine  et  Dieu  lui-même.  » 

Ainsi  commence  cet  opuscule  dans  lequel  l'auteur  continue, 

par  des  comparaisons  simples,  mais  non  toujours  claires,  à 

s'aider  dans  la  méditation  des  mystères  de  la  religion. 

Mari.  KntvA.       Martène  a  recueilli  dans  ses  Anecdotes  un  acte  portant  la 

t.lll,col.  laSo.  Jate  de  ia38,  par  lequel  Edmond  léguait  aux  religieux  de 

Pontigny  un  revenu  annuel  de  dix  marcs  d'argent,  pour 


xin  siEci.F. 


ETIENNE  DU  GUAf..  269 

reconnaître  leurs  bons  offices  envers  lui,  ainsi  que  l'avaient 
fait  Thomas  et  Etienne,  ses  prédécesseurs,  qui  avaient  payé 
l'asile  qu'ils  avaient  reçu  à  Pontigny,  par  une  rente  de  cin- 
quante marcs  d'argent. 

La  Bibliothèque  cistercienne  dit  que  saint  Edmond  avait      DcWischio.-. 
encore  écrit:  Commentaria  in  12  prophetas  minores^  et  Spé- 
culum religiosorum.  Ces  ouvrages,  si  jamais  ils  ont  existé, 
se  sont  perdus.  P.  R. 


eu. 


ETIENNE  DU  GUAL. 


APBES    1240. 


Ci-dessui     {I. 


A.  l'article  de  Guérin,  évêque  de  Senlis,  chancelier  de  France,      ^ 
nous  avons  fait  mention  cle  son  clerc  ou  chapelain,  Etienne  4o. 
de  Gual  ou  duGual,  qu'il  associait  quelquefois  à  ses  travaux, 
particulièrement  à  ceux  qui  avaient  pour  objet  le  rétablisse- 
ment des  archives  du  royaume,  la  conservation  des  monu- 
ments de  notre  histoire.  Ce  clerc  rédigea  en  l'année  1200,  par 
ordre  de  notre  prélat,  une  chronique  sommaire,  indiquée  en 
ces  termes  dans  la  Bibliothèque  historique  de  la  France  :  Brève      '^'}\"r''  '  ''^' 
Chronicon  à  Pharamundoaaannuni  1200  quoscriptum  est  hoc 
registrwn  per  mandatuni  R.  P.  Guarini,  SiU'ancctensis  cpis- 
copi,  à  Stephano  Du  Gual,  clerico  suo.  Dom  Estiennot  a  inséré 
cet  opuscule  dans  le  second  volume  (  page  89  )  des  fragments 
manuscrits  d'histoire  qu'il  a  recueillis  dans  la  Bibliothèque 
de  Saint-Germain-des-Prés.  Mais  ce  n'est  qu'une  liste  des 
rois  de  France,  avec  indication  des  années  où  commence  et 
finit  chaque  règne:  ce  tableau,  qui  peut  avoir  servi  à  mettre 
en  ordre  ce  qui  restait  de  leurs  archives,  ne  saurait  être 
aujourd'hui  d  aucun  usage.  Un  travail  plus  précieux  d'E- 
tienne Du  Gual  est  un  registre  écrit  de  sa  main  en  1220, 
encore  par  ordre  de  Guérin ,  et  contenant  les  actes  de  Phi- 
lippe-Auguste :  c'est  celui  qui  a  passé,  comme  nous  l'avons 
dit,  du  Trésor  des  chartes  à  la  Bibliothèque  du  Roi.  Il  est 
remarquable  par  la  beauté  de  l'écriture,  et  par  l'intitulé  ou 
prologue  en  prose  et  en  vers  que  l'habile  copiste  y  a  joint  :      jyj^^  j^  b^. 
Incipiunt  capitula  registri  compilati  de  feodis ,  eleemosinis ,  narr,y  sur  le  Tré- 
coTicessionibus ,  munificentiis  ,  et  aliis  negotiis  excellentissimi  *°'"  d^scharfes; 
viri  Philippi ,  Dei  gratiâ  Francorum  régis  illustrissimi ,  anno  ,  xxx^'  '"s^r., 
Domini  millesimo  ducentesimo  uicesimo ,  regni  verb  ejusdem 


XIII  SIECLK. 


370  ETIENNE  DU  GUAL. 

domini  régis  qundragcsi/no  primo  ,  scripti  de  mandata  reve- 
rendi  patris  Guarini,  Si/vanectensis  episcopi ,  per  manum 
Stephani  Du  Gual,  clerici  sui ,  sic  in  sui  lahoris  initia,  illius 
gui  totius  creaturœ  initiuni  sit  et  finis ,  à  cujus  nomine^  ut 
quidam  vir  sanctus  asserit.  operis  est  expeclanda  félicitas  ^ 
auxilium  huniiliter  invocantis. 

Scribere,  Rex  qui  cuncta  régis,  regale  registrum 

Me  (loceas,  liiijitos  articiilosqiu'  ic^'ens. 
Et  tu,  Virgo  païens,  qurt,  fons  pietatis,  egenis 

Succurris,  Stepliaiio  pracsidiare  tuo. 
Qui  de  te  fisus ,  niittens  ad  fortia  dextrani, 

Aggreditur  praesens ,  indigns  artis,  opus. 
Régis  prœclari  cujus  de  noniine  liber 

Dicitur,  etc. 

Lëpoque  de  la  mort  d'F.tienne  Du  Gual  n'est  fixée  par 
aucun  flocuinent.  Nous  supposons  qu'il  a  pu  survivre  treize 
ans  à  Guérin  ,  décédé  en  iy.27.  D. 


MORT      |p 

ivnl   IIJ^  I . 


Oallici   rlirist 
I    XII,    col.  60 


GAUTIER  DE  CORNUT, 

ARCHEVÊQUE  DE  SENS. 

Gautier  de  Cornut  (i)  appartenait  à  une  famille  qui  avait 
acquis  une  grande  illustration,  du  côté  surtout  de  sa  pa- 
renté maternelle.   Sa   mère,  Marguerite  d'Aubusson,  était 
Sc"rVpi'"ienim  petitc-fiHe  de  Robert  Clément,  à  qui  les  oncles  maternels  du 
gaii.  I.  xviii,  jeune  roi  Philippe- Auguste  confièrent  la  tutelle  de  ce  prince, 
**D^Auieuii,Hist.  n'ayant  pu  s'entendre  entre  eux  pour  en  remplir  la  fonction, 
des  Minis.' pag.  Robcit  Clément,  déjà  avancé  en  âge,  fut  donc  tuteur  ou 
303,3^5,  3/,9.  gouverneur  du  jeune  roi;  et  comme  il  eut  en  mcme  temps 
l'administration  du  royaume,  il  prit  aussi  le  titre  de  régent. 
Quelques   historiens  prétendent  que  Louis-le-Jeune  ayant 
déjà  confié  à  ce  seigneur  l'éducation  de  son  fils,  ce  motif 
engagea  les  princes  à  lui  en  confier  de  plus  la   tutelle.   Il 
mourut  en  1182,  et  Philippe-Auguste,  qui  n'avait  que  dix- 
sept  ans,  éprouvant   encore  le  besoin  d'un  tuteur,  voulut 
que  Gilles  Clément  remplaçât  son  frère  auprès  de  sa  per- 
sonne, et  dirigeât  comme  lui  les  affaires  de  l'état.  Robert 

(1)  Gntterus  Cornuti ,  ainsi  nommé  par  les  auteur»  contemporains. 


GAUTIER  DE  CORNUT,  ARCHEVÊQUE.       271 

avait  laissé  en  mourant  deux  iils  et  une  nlle.  Lame  de  ses  

fils,  Albéric  Clément,  fut  maréchal  de  France,  et  sa  grande 
valeur  a  été  célébrée  par  Guillaume  le  Breton  dans  la  Plii- 
lip|)ide,et  par  Rigord  dans  sa  Chronique.  H  mourut  au  siège 
d'Acre  en  1  ipc).  Le  roi  voulut  alors  que  son  frère,  Henri 
Clément,  occupât  la  même  dignité,  non  à  titre  de  succession, 
dit  l'historien,  mais  par  la  seule  considération  de  sa  vertu. 
On  l'appelait  le  petit  maréchal,  à  cause  de  la  médiocrité  de 
sa  taille.  Les  deux  auteurs  contemporains  que  nous  avons 
cités,  exaltent  aussi  beaucoup  ses  grandes  actions.  Il  mourut 
de  maladie  l'an  lai/f,  en  Anjou,  au  milieu  des  exercices  mi- 
litaires ;  et  le  roi  transféra  son  titre  et  sa  dignité  à  son  fils 
Jean  Clément,  qui ,  étant  encore  en  bas  âge,  remplissait  les 
fonctions  de  sa  charge  par  l'intermédiaire  d'un  tuteur.  A 
cette  époque,  dit  d'Auteuil,  il  n'y  avait  en  France  qu'un  di- 
gnitaiie  qui  portât  le  titre  de  maréchal  militaire  ou  de  ma- 
réchal de  France,  et  Albéric  Clément  fut  le  [)remier  qui  en 
fut  honoré,  tant  à  cause  de  sa  valeur  personnelle,  cjue  des 
grands  services  que  .ses  parents  avaient  rendus  à  l'état.  La 
fille  de  Robert  Clément,  sœur  de  ces  deux  maréchaux,  fut 
Marguerite  d'Aubusson ,  mère  de  notre  prélat. 

La  famille  paternelle  de  Gautier  est  moins  connue.  Son  Ta"Tpiius,Vii;r 
père,  Simon  de  Cornut,  était  seigneur  de  Villeneuve  des  ^''"""-  anhirp. 
Cornuts,  près  de  Montereau  sur  l'Yonne,  et  non  près  de  ''h^'^  Maihoud. 
Montreuil,  comme  le  dit  Moréri.  ciaL  p.  ri: 

Gautier  eut  deux  frères,  qui,  comme  lui,  occupèrent  des     MorénadMib. 
sièges  épiscopaux;   Albéric  de  Cornut  ,  qui   fut  évèque  de     °["^l\   ^hr    i. 
Beauvais  de  laSG  à    1243;  Gilles  ou  Gilon  de  Cornut,  qui  viii,coi.  uStj 
succéda  à  son  frère  aîné,  et  fut  archevêque  de  Sens  jusqu'en 
1254-  Après  la  mort  de  ce  dernier,  Henri  de  Cornut,  neveu 
de  ces  trois  prélats,  promu  comme  eux  par  l'élection  ,  occupa 
le  siège  de  Sens,  jusqu'en    1267,   où  il  mourut  de  mort 
violente,  à  la  fleur  de  son  âge,  ayant  été  empoisonné  par 
son  cuisinier. 

A  une  grande  naissance  notre  prélat  joignit  des  talents  qui      ii<iieus   u>y\ 
n'avaient  i)as  moins  d'éclat  :  il  avait  acquis  de  bonne  heure  ^"1"   'a"'^' 
dans  l  Université  de  Pans  la  réputation  de  docteur  distingue      eu.  du  via . 
dans  le  droit  civil  et  canonique;  il  fut  chapelain  des  rois  xm*  sièc  ciup. 
Philippe-Auguste  et  Louis  VIII,  et  fut  élevé,  soit  durant  le  '^ 
même  temps,  soit  après,  à  la  dignité  de  doyen  de  l'église  de 
P;iiis. 

Vers  le  commencemetit  de  l'an   i2'.iO,  le  clergé  de  Paris      t;aii.  thr    t. 

VII,  roi.  90, 


Xin  SIECLE. 


i72  GAUTIER  DE  CORNUT, 


s'ëtant  réuni  pour  élire  un  évêque  à  la  place  de  Pierre  de 
Nemours,  qui  venait  de  mourir  sous  les  murs  de  Damiette, 
on  convint  de  nommer  le  doyen  de  l'église,  Gautier  de 
Cornut.  Philippe-Auguste,  à  qui  ce  choix  fut  très-agréable, 
s'empressa  d'écrire  à  Honorius  III  pour  lui  en  demander  la 
confirmation;  mais  ce  pape  refusa  de  donner  son  consente- 
ment à  cette  demande,  et  dans  sa  réponse  ,  qui  est  datée  du 
ay  avril  1220,  voici  comme  il  s'exprime  : 

«  La  modestie  de  votre   circonspection  royale  nous   est 

«  assez  connue  pour  penser  que  vous  supporterez  avec  éga- 

«  lité  dame,  que  nous  ne  condescendions  pas  à  vos  prières, 

Script  rerum  ^^  qQ^nd  la  iusticc  s'v  oppose.  Vous  savez  que  dans  toute 

sali.  I.  XIX, p.        M  J.  .     \  ia'  '  r  j    -^       ^    •  1 - 

695.  «  aitaire  litigieuse  c  est  Uieu  que  l  on  doit  considérer  et  non 

«  les  hommes  ;  car  on  ferme  toute  voie  à  la  grâce  quand 
«  on  exige  un  devoir  de  justice.  Disposés,  autant  que  notre 
«  conscience  nous  le  permet,  à  faire  pour  vous  tout  ce  qui 
«  est  en  notre  puissance,  en  considération  de  la  mansuétude 
«  de  votre  grandeur,  cependant,  pour  ce  qui  concerne  notre 
«  fils  bien-aimé,  maître  Gautier,  auquel  nous  ne  pouvons 
«  accorder  la  grâce  que  vous  nous  demandez  pour  lui  à  titre 
«  de  justice;  car  tout  en  convenant  que  ce  même  maître  se 
«  fait  remarquer  par  l'éininence  de  son  savoir  et  par  d'autres 
«  qualités,  le  procédé  de  son  élection  et  de  sa  confirmation 
a  a  été  vicié  de  plusieurs  manières.  » 

Après  cette  sentence  souveraine,  le  pape  mettant  de  côté 
le  droit  qu'avait  le  chapitre  de  Paris  d'élire  et  de  s'imposer 
lui-même  celui  qui  devait  être  son  chef,  selon  les  anciens 
usages  de  l'Eglise,  s'arrogeant  à  lui-même  un  droit  qui  ne 
lui  appartenait  pas,  nomma  à  l'évêché  de  Paris  Guillaume  de 
Seignelay,  alors  évêque  d'Auxerre. 

L'irrégularité  de  l'élection  de  Gautier  fut  le  prétexte  dont 

le  pape  se  servit  pour  refuser  son  approbation  au  choix  du 

clergé  de  Paris  et  à  la   demande  du  roi  de  France;  mais 

Hug.Mathoud    d'autrcs  disent  que  le  motif  secret  qui  le  faisait  agir,  était 

Cataiog.  p.  i37.  que,  quelques  années  auparavant,  Gautier  avait  pris  parti 
Sciipf.  reium  pour   le   roi  ,  dans  le  démêlé  qu'il  avait  eu  avec  le  pape. 

774.  '^'  Cette  conduite  d'Honorius  III  déplut  à  Philippe-Auguste, 

comme  on  le  voit  dans  le  poème  de  Guillaume  le  Breton, 
et  il  eut  pour  l'élu  rejeté  d'autant  plus  d'estime,  qu'il  soup- 
çonnait la  raison  cachée  du  refus  qu'il  avait  éprouvé. 

La  même  année  selon  quelques-uns,  en  1221  ou  en  1222, 
ou  même  en  1223  selon  d'autres,  Gautier  de  Cornut  fut  élu 


ARCHEVÊQUE  DE  SEi\S. 


273 


XIII  SIECLE. 


par  le  clergé  de  Sens,  pour  occuper  le  siège  de  cette  ville. 
Cette  nouvelle  élection,  dont  la  Gallia  christiana  assiene      c 

,        ,  .    ,,  o  1-1  1-        ■  b  ^         Script,  ii'iuiu 

la  date  a  I  an  i2i<o,  est  placée  plus  orcirnafrement  en  1221,  gall.  t.  XMIl, 
par  les  chroniqueurs  contemporains  :  cependant  Albéric  la  P  7>'*>72.'i 
met  en  laa'i.  En  apprenant  son  élection.  Gautier  crut  de- 
voir aller  se  iirésenter  à  Rome,  et  le  pape  llonorius,  satisfait 
de  sa  première  résistance,  lui  dit,  en  lui  confirmant  la  di- 
gnité à  laquelle  on  venait  de  l'élever  :  Per  nos  ecclesiam  Beatœ 
Mariœ  lunisisti^  sed  beat  us  Stephanus  te  suscepit  ^  et  nos  te 
confirniamus  ;  virilité?-  a  lie. 

Le  refus  du  pa|)e  relativement  à,  levéché  de  Paris,  et  son 
consentement  à  l'élévation  de  Gautier  au  siège  métropolitain 
de  Sens,  ont  donné  lieu  aux  vers  suivants  de  Guillaume  le 
Breton,  dans  sa  Plnlij)|jide. 


At ,  (jaltere,  tihi  cum  tonfiiiiiala  f'iiisstt 

Paiisiari  apicis  flctlid,  ni()x  Scnonenseni 

Ad  catliedrani  lapciis ,  lit,  tliim  te  linsjua  lualoriiiii 

lnsec[iutur,  prosit  tilii  nescia,  quà  iiiediaiite, 

riiiiilms  ut  pifpsis,  ratliodrà  privatiis  es  iinà; 

Oiiique  tii)i  fieri  non  eiuljiière  rebelles, 

Kunc  tiL)i  subjectos  prcinit  indii,'natio  major, 

Afiirit  et  gravior  eoiifusio,  cimi  videaiit  le 

Sic  sublimatiim,  sic  Chrislo  adore  poteiitem  , 

lllos  ut  majore  queas  distrinneie  (reuo, 

Quàm  si  Parisius  specialis  epicopus  esses. 

A  son  retour  de  Rome,  l'archevêque  de  Sens  se  rendit  a 
Paris  pour  |)rendre  paît  au  synode  qui  y  avait  été  indique 
contre  les  Albigeois.  Le  roi  Phi  lippe- Auguste,  qu'on  v  atten- 
dait, mourut  en  revenant  vers  cette  ville;  et  dans  les  céré- 
monies de  sa  pompe  funèbre,  Gautier  de  Cornut  tenait  le 
premier  rang  avec  l'archevêque  de  Reims,  et  Conrad,  arche- 
vêque de  Porto ,  légat  en  France.  Guillaume  le  Breton  en 
fait  ainsi  mention  dans  ces  vers  : 

Nec  minus  arcliipater  Remorum  cum  Senonensi 
Galtero  Guillelnius  adest ,  qui  régis  in  aidâ 
Praecipui,  clarum  genus  alto  à  sanguine  durnni. 

En  la  même  année  laaS,  Gautier  reçut  une  lettre  d'Mo- 
norius  III,  par  laquelle  «'e  pape  lui  dit  quAmaury  de  Montfort 
se  trouvait  dans  une  situation  malheureuse,  et  que  si  l'on  ne 
venait  pas  à  son  secours,  il  se  verrait  forcé  d'abandonner  la 
guerre  qu'il  soutenait  contre  les  Albigeois;  le  pontife  recom- 
mande à  l'archevêque  d'emprunter  sans  délai  la  somme  de 

Tome  XV m.  M  m 


r.uill.  Biilo 
l'hilippidos,  lil) 
XII,  ^ers   ^%k- 


lier  (les  lin; 
de  France ,  liiin 
XIX,  X<.')\) 


274  GAUTIER  DE  CORNUT, 

XIII  SIÈCLE.  ...      ,.  ,      ,, 

Cinq  mille  livres,  et  de  l envoyer  au  même  comte  de  Mont- 

lort.  Honorius  n'exigeant  pas  que  Gautier  fasse  cet  emprunt 
à  ses  dépens,  l'autorise  à  se  rembourser  sur  le  produit  du 
vingtième  que  doit  payer  le  clergé  de  sa  province ,  mais  à  con- 
dition qu'après  le  remboursement,  la  partie  de  ce  vingtième 
qui  n'aura  pas  été  employée,  sera  envoyée  au  comte ,  si  celui-ci 
se  trouve  encore  à  cette  époque  dans  la  terre  des  Albigeois. 
Cette  lettre  est  du  1 1  décembre  laaS.  L'impôt  du  vingtième 
dont  il  est  ici  question  avait  été  rais  sur  toutes  les   per- 
sonnes de  profession  religieuse,  par  le  pape  Innocent  ÏII, 
pour  fournir  aux  frais  de  la  croisade  dans  la  Terre-Sainte, 
ainsi  qu'on  le  voit  dans  la  CXVI^  lettre  de  Gervais,  abbé  de 
Hugo.Sac  an-  Prémontré. 
ûq.  mon   i.  I,       Gauticr  de  Cornut  souscrivit,  vers  la  fin  de  juin    1224, 
^  '°^'  avec  plusieurs  autres  prélats  et  grands  seigneurs  de  France, 

à  un  acte  par  lequel  il  était  déclaré  que  trois  évêques  de 

Marlène,  Col-    i  •  i       ivi  j-  •  •       ..  •..,.  '    p  '         i 

lec  ampi   t   I     '^  provincc  de  ÎNormandie,  qui  avaient  quitte  1  armée  de 
c.  1188.  '  Louis  VIII,  se  regardaient  comme  libérés  envers  le  roi,  s'il 

reconnaissait  que  ces  prélats  ne  lui  devaient  pas  le  service  en 
personne;  mais  que  s'il  se  croyait  en  droit  de  les  réclamer, 
eux  et  leur  contingent  d'hommes,  ils  se  soumettraient  à  lui 
envoyer  des  hommes ,  et  à  payer  une  amende  pour  s'être 
dispensés  eux-mêmes  d'aller  guerroyer. 
Labbe,  Sacros        Le  même  prélat  fit  partie  d'une  assemblée  de  prélats  et  de 
àqo'^   '  '^'  ^    barons  que  Louis  VIII  convoqua  à  Tours,  afin  de'se  con- 
certer avec  eux  sur  les  moyens  à  prendre  pour  réformer  le 
traité  de  paix  qu'il  avait  fait  avec  le  roi  d'Angleterre.  On  n'y 
décida  rien  sur  l'objet  qui  avait  donné  lieu  à  la  convocation, 
ni  sur  l'affaire  albigeoise  dont  on  parla  ;  mais  les  évêques 
demandèrent  d'un  commun  accord  au  roi  et  à  ses  barons, 
d'être  investis  de  la  juridiction  sur  les  biens  meubles,  au 
sujet  desquels  les  hommes  de  leurs  églises  en  appelleraient 
à  leurs  tribunaux.  Le  roi  résista  à  leurs  prétentions,  en  disant 
que  cet  objet  n'avait  jamais  appartenu  au  for  ecclésiastique, 
mais  qu'il  était  de  la  compétence  des  tribunaux  séculiers. 
On  se  sépara  donc  sans  avoir  rien  arrêté.  Cette  assemblée  eut 
lieu  au  commencement  de  novembre  1226. 
Gaii    cbr    t        j     mort  de  Louis  VIII  étant  survenue,  l'archevêque  de 

XII,  col.  Qi.  ,       .     .      ,  ,        .  '  ,,  '■ 

Sens  écrivit  de  concert  avec  plusieurs  autres  prélats  et  comtes 

une  lettre  circulaire  pour  faire  connaître  que  ce  roi,  mort 

inopinément  à  Montpensier ,  avait  à  ses  derniers  moments 

^  -Maiiene.Anec   déctaré,  cu  Icur  préscncc ,  et  ordonné  que  son  fils,  pendant 


XIII  SIECLE. 


ARCHEVÊQUE  DE  SENS.  276 

sa  minorité,  resterait  sous  la  tutelle  de  sa  mère.  L'usage 
étant,  dans  la  monarchie  française,  que  la  reine-mère  fût 
tutrice  du  roi  mineur,  cette  expression  de  la  volonté  royale 
n'était  pas  nécessaire.  La  lettre  convoquait  en  outre  les  sei- 
gneurs auxquels  elle  était  adressée,  à  Reims  pour  assister  au 
sacre  du  jeune  roi,  fixé  au«dimanche  qui  précédait  la  fête  de 
saint  André. 

Au  mois  d'août  de  l'année  1227,  Gautier  et  Albéric  son 
trère,  évèque  de  Chartres,  voulant  coopérer  aux  desseins  du 
roi  Louis  IX  et  de  la  reine-mère,  relativement  à  la  guerre      Martènc, Coi- 
albigeoise,  leur  promirent,  par  un  acte  public,  de  leur  four-  le^'-  ampiiss.  t. 
nir ,  comme  subsides,  la  somme  annuelle  de  quinze  cents  ''«^  '^'^ 
livres  parijis  pendant  quatre  ans,  en  supposant  que  cette 
guerre  se  prolongeât  jusque-là.   Entre   les  motifs  que  les 

f)rélats  allèguent  pour  lever  cet  impôt  sur  les  chapitres  de 
eurs  églises,  on  trouve  spécifiés  les  suivants  : /"ro  ulilitate 
ecclesiarum  uostrarum ,  pro  consen>anda  pace  et  indemnitate 
ipsarum ,  et  ne  impediatur  succursus  negotii  pacis  etfidei  in 
terra  alhigensi. 

Dans  le,  courant  de  l'an  1228,  l'archevêque  de  Sens  reçut  Gaii.chr  inc 
une  lettre  du  roi  d'Angleterre,  dans  laquelle  ce  prince  le  "^"" 
pressait  de  travailler,  conformément  aux  ordres  qu'il  en 
avait  reçus  de  Grégoire  IX,  à  faire  consentir  le  roi  de  France 
à  une  trêve.  Gautier  s'occupa  efficacement  de  cet  objet,  et 
fit  connaître  à  Henri  III,  par  une  lettre,  le  résultat  de  ses 
démarches.  Cette  trêve  entre  les  deux  rois,  que  la  Gallia 
christiana  fait  ici  demander  par  le  roi  d'Angleterre,  était 
reçue  avec  peine  par  ce  même  roi,  selon  l'annaliste  de 
Cîteaux,  comme  il  sera  dit  à  l'article  de  Guillaume  de  Don- 
delberg.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  lettres  que  s'adressèrent  le  roi 
et  le  prélat  ne  nous  ont  pas  été  conservées. 

Le  dessein  qu'avait  conçu  Gautier  d'établir  quatre  cano-      j>ia'i«-i'e,  Coi 
nicats  nouveaux  dans  son  église  métropolitaine,  et  d'y  affec-  j*^*^,,  ^^d*  '  ' 
ter  les  revenus  de  quelques  paroisses,  donna  occasion  à  un 
acte  de  Louis  IX,  daté  du  9  août  laap,  par  lequel  ce  roi 
approuve  les  vues   du   prélat.   Ayant   été  admis,   dans    le 
courant  de  la  même  année,  à  la  table  du   monarque,  lors 
de  son  passage  à  Villeneuve -Saint- George,  Gaultier  crut 
devoir  déclarer  publiquement  que  cette  faveur  ne  lui  donnait      oaii.    .h    t. 
aucun  privilège,  ni  aucun  droit  différent  de  ceux  qu'il  devait  '^"'  "^  ''' 
à  son  rang.  Il  tint  en  cette  année  urt  synode  provincial  à  Sens, 
dans  lequel  les  maîtres  et  les  écoliers  de  l'Université  de  Paris, 

M  m  2 


27^  GAUTIER  DE  CORN  UT, 

XIII  SIÈCLE.  .  ...  .      ,  •         j         1  '      M  '      I 

qui  avaient  tui  de  cette  capitale  au  sujet  des  démêles  dont  on 

a  lu  ailleurs  le  détail,  turent  privés,  les  uns  de  leurs  béné- 

BuUus.Hisi.  fices,  et  les  autres  excommuniés. 

iiiiiv. ,1.  III,  p        Bientôt  après,  notre  prélat,  taisant  partie  de  l'assemblée 

'  Martène  Coii    ^^^  évéques  et  (les  comtes  qui  se  tint  près  d'Ancenis  pour 

im|ji  ,  t.  I,  col.  examiner  la  conduite  politicjue  de  Pierre  Maiiclerc ,  comte 

■2î'j.  de  Bretagne,  signa   l'acte  par  lequel  ce  comte  était  déclaré 

avoir  perdu  ses  ilroits  à  la  Bretagne,  et  ses  barons  jléliés  de 

leur  serment  de  fidélité.  Cet  acte  est  du  mois  de  juin  i23o. 

Les  religieux  de  Saint-Dominicjue  et  de  Saint-François 

d'Assise,  qui  ,  peu  d'années  après  leur  institution  ,  s'étaient 

déjà  assez  multipliés  pour  se  répandre  dans  toute  l'Europe, 

furent  reçus  à  Sens  par  Gautier  de  Cornut  en  i23o  et  laSi, 

à    peu  près  dans   le    temps    ou  on  les  voyait  s'introduire 

dans  toutes  les  villes  épiscopales.  En  ces  mêmes  années,  et 

iiiig.Maiiioud,  durant  les  deux  suivantes,  ce  prélat  agrandit  et  embellit 

"  ^  ""    P  '  9-  son  palais,  dans  l'enceinte  duquel  il  lit  construire  une  prison. 

Il  s'occupa  aussi  de  quelques  actes  d'administration  relatifs 

à  des  monastères. 

Le  mariage  du  jeune  roi  de  France  avec  Marguerite,  tille 
aînée  de  Raymond  Bérenger,  comte  de  Provence  et  de  Tou- 
louse, qui  venait  d'être  décidé,  donna  occasion  à  la  régente 
d'envoyer  une  députation  à  la   cour  du  comte  Raymond. 
Gautier  de  Cornut  et  Jean  de  Nesle  en  turent  nommés  les 
Hi»i.  lie  saint  chefs.  «Ils  allèrent  chercher  la  princesse,  comme  le  dit  La 
rh'xx'n'*        '  Chaise,  et  l'amenèrent  à  Sens,  suivie  fie  Guillaume  de  Savoie, 
évêque  commendataire  de  Valence,  son  oncle  maternel,  et 
d'une  foule  de  Provençaux,  la  phipart  poètes;  car  le  pays  en 
abondait.»  Le  roi  de  son  côté  .s'étant  rendu  en  cette  ville  avec 
sa  mère,  ses  frères  et  plusieurs  grands  seigneurs,  l'arche- 
vêque Gautier  maria  les   deux  époux  le  27   mai   i234-   Le 
Heuiv    Hist.  lendemain,  qui  était  un  dimanche,  le  même  prélat  couronna 
eici.  I.  Lxxx,  I3  reine  en  présence  de  toute  la  cour  et  du  roi  revêtu  de  ses 
'  ''"'■  ornements  royaux.  Ce  mariage  avait  été  préparé  par  Romée , 

pèlerin,  qui  allant  fi  Rome,  et  se  trouvant  à  la  cour  du  comte 
Bérenger,  fut  employé  comme  ministre  parce  prince,  rétablit 
ses  affaires  délabrées,  et  travailla  à  établir  ses  quatre  tilles. 
M.  Artaud .  dans  une  de  ses  remarques  sur  le  Paradis  du 
I  „  .  ,  ,  Dante,  donne  des  détails  très -intéressants  sur  ce  Romée; 
Uanre,  1. 1 ,  |..  nous  y  rcuvoyous  le  lecteur. 

'9*-»96,  édii.       Vers  ce  temps,  Gautier,à  la  prière  du  roi  d'Angleterre, 
I    o,in-i8.       travailla  à  consolider  la  paix,  et  à  proroger  les  trêves   qui 


ARCHEVÊQUE  DE  SENS.  277 

,    ,c  ■  I     ■    1     T-  1-v  '^"ï  SIÈCLE. 

avaient  ete  faites  entre  ce  roi  et  celui  de  v  rance.  Uevons-nous  

faire  mention  ici   de  deux   actes   que  notre    prélat    sous- 
crivit en  1237?  Ces  deux  pièces,  qui  n'ont  rien  de  littéraire, 
concernent,  l'une,  la  translation  d'un  chapitre  de  chanoi- 
nes de  l'église  de  Saint-Quiriac  à  celle  de  Saint- Jacques,  -xJ?*"/*'.'^'  '' 
et  l'autre  la  fondation  de  l'abbaye  de  Sainte -Marie  près  de  col.  es!     "^^ 
Provins. 

En  laSg,  Gautier  se  trouve  au  nombre  des  grands  per- 
sonnages qui  composent  le  cortège  du  roi  allant  à  la  ren-  j,^^,,  ^^^  , 
contre  de  la  couronne  d'épines,  à  Villeneuve-l' Archevêque,  xii.col.  6a. 
Quand  cette  relique  eut  été  apportée  et  déposée  dans  la 
chapelle  royale  de  Saint-Nicolas,  qui  dans  la  suite  fut  appelée 
la  Sainte -Chapelle,  le  roi  donna  ordre  au  prélat  de  Sens 
d'écrire  l'histoire  de  cette  cérémonie.  L'opuscule  que  Gau- 
tier composa  à  cette  occasion  se  trouve  datis  le  Recueil  des 
historiens  de  France  de  Du  Chesne,  et  y  occupe  cinq  pages.  H'st-  francor. 
Du  Chesne  l'a  tiré  d'un  manuscrit  du  couvent  de  Saint-Pierre  ^"'P''  '■  ^'  P' 
de  Sens,  ainsi  intitulé  :  Histqria  susceptionis  Càronœ  spineœ 
Jesu  Chrlsti,  quant  Ludovicus  rexa  Balduino  imperii  Con- 
stantinopolitani  hœrede  obtinuit ,  ac  Parisiis  reportavit , 
anno  MCCXXXIX.  L'auteur  commence  cette  histoire  par 
une  allocution  aux  fidèles;  il  leur  fait  connaître  le  prix  du 
trésor  dont  il  va  les  entretenir,  puis  il  raconte  avec  simpli- 
cité par  quels  motifs  l'empereur  de  Constantinople  se  vit 
forcé  de  céder  cette  précieuse  relique,  comment  elle  tomba 
entre  les  mains  des  Vénitiens,  comment  le  roi  de  France 
obtint  de  l'empereur  la  permission  de  la  racheter,  et  enfin 
avec  quelle  pompe  le  pieux  monarque  et  son  frère  le  comte 
Robert  la  transportèrentde  Villeneuve-l'Archevêqueà  Paris, 
au  milieu  du  concours  de  toutes  les  populations  des  lieux 
environnants. 

La  même  année  que  cette  cérémonie  fut  célébrée,  Gautier  Manène,  Coi- 
tint  un  synode  provincial  à  Sens,  dont  les  statuts  sont  di-  y^  £""^3!''  *' 
visés  en  quartorze  articles.  On  y  porte  des  peines  contre  les 
abbés  et  les  prieurs  qui  ne  se  rendent  pas  aux  synodes;  on 
y  ordonne  des  précautions  pour  prévenir  les  scandales  fré- 
quents qui  avaient  lieu  dans  les  monastères  de  femmes  ;  on 
y  recommande  de  ne  pas  abuser  de  l'excommunication ,  afin 
de  ne  pas  la  faire  mépriser  ;  on  y  excite  le  zèle  pour  la  célébra- 
ti;on  des  offices;  on  y  prescrit  des  règles  sur  l'administration 
des  abbayes;  on  y  enjoint  aux  ordinaires  de  faire  tondre  et 
raser  totalement  les  clercs  ribauds ,  surtout  ceux  qui  se  di- 
a  1 


XJU  SIECLE. 


278  GAUTIER  DE  CORNUT. 


iaient  de  la  famille  de  Golia.  Statuimus  quod  clerici  ribaldi, 
maxime  qui  vulgb  dicuntur  de  familia  Goliœ ,  londeri  vel 
etiam  radi,  ita  quod  eis  non  remaneat  tonsura  clericalis , 
ita  iamen  quod  sine  periculo  et  scandalo  ista  fiant. 
Maith.   Paris       Un  historien  contemporain  dit  qu'on  donnait  en  France 

cité  par  Du  Can-  le  nom  de  Ribauds  à  des  hommes  qui,  à  cause  de  leurs  crimes 

VaU'  '*'*'  ^^  ^*  ^^  leurs  larcins,  fuyaient  d'un  pays  dans  un  autre,  frap- 
pés partout  des  peines  de  l'excommunication.  Cette  classe 
d'hommes  désignés  sous  le  nom  de  Rihaldi  ou  Ribaudi 
paraît  avoir  été  très-nombreuse  dans  les  temps  dont  nous 
parlons  :  ils  sont  aussi  nommés  Trutanni,  Truands,  par  la 
MabiiloD,  Ana-  Chronique  de  Geoffroy  de  Loudun,  qui  raconte  à  quelle 

ecta.p.     4-      occasion  ils  se  réunirent  en  une  espèce  de  société  qui  se  don- 
nait des  lois. 
DuCange.Glos.       Le  prélat  de  Sens  nous  fait  distinguer  entre  les  clercs- 

nov. ad ïerb.  Go-  ribauds ,  ceux  qui  se  disaient  de  la  famille  de  Golia.  Golia 
ou  Goliardia  signifie  le  métier  d'histrion,  de  bouffon,  de 
charlatan,  qu'allaient  exerçant  partout  les  ribauds  clercs  ou 
laies  qui  se  disaient  de  cette  famille. 

L'ordre  donné  aux  ordinaires,  dans  ce  synode,  de  faire 
disparaître  la  tonsure  cléricale  de  la  tête  de  ces  clercs-ri- 
bauds,  ne  l'était  sans  doute  qu'afin  que  ces  derniers  ne 
pussent  jouir  des  privilèges  attachés  à  ce  signe. 

Vers  la  fin  de  l'an  1240,  notre  prélat  alla  au  monastère 
de  Pontigny,  pour  y  visiter  le  corps  de  saint  Edmond,  ar- 
chevêque de  Cantorbéry,  qui  venait  d'y  être  transféré  du 
Gaii.  ciii.   I.  monastère  de  Soisy.  Il  voulut  voir  les  restes  de  ce  person- 

XII,  c.  62.  nage,  dont  le  haut  rang  et  la  sainteté  avaient  fait  beaucoup 
de  bruit,  avant  qu'on  en  eiit  fait  la  sépulture;  et  la  date  de 
cette  démarche  de  Gautier  confirme  celle  que  nous  avons 
assignée  à  la  mort  d'Edmond. 

Gautier  de  Cornut  mourut  à  Sens  en  i24i ,  le  xu  des 
calendes  de  mai  (  le  20  avril  ) ,  et  fut  enseveli  dans  le  chœur 
de  son  église  métropolitaine.  Sur  sa  tombe  de  cuivre  on  grava 
l'épitaphe  suivante  : 

Praesul  Galterus  jacet  hic  in  pulvere ,  verus 

Cultor  justitiae,  clen  pater,  arca  sophiae. 

Non  parcunt  generi,  nec  honori  fata ,  nec  aeri. 

Traditur  hic  cineri  fax  moiio,  praesul  heri. 

M  scribe  ad  bis  C,  quater  X  addens,  quoque  scribe  I, 

)n  summa  apposita  ,  sic  finitur  sacra  vita. 


ALBÉRIC,  MOINE  DE  TROIS-FONTAINES.     279 

/-»•*'  I       J  •         .  '  1        Xm  SIÈCLE. 

On  ajoute  a  ces  vers  les  deux  suivants  graves  aussi  sur  la 

pierre  au  chœur  :  .  Matiiond,ioc. 

Dum  viguit  tua,  dum  valuit,  Galtere,  potestas, 
Fraus  latuit,  pas  magna  fuit,  regnavit  honestas. 

P.  R. 


ALBÉKIC, 

MOINE  DE  TROIS-FONTAINES,  ORDRE  DE  CITE  AUX, 

AUTEUR    d'une    CHRONIQUE    QUI    FINIT   EN    I24>- 

Ljeibnitz  est  le  premier  qui  ait  fait  imprimer  la  Chronique     ^  ,. 


attribuée  par  l'opinion  commune  à  Albëric  de  Trois-Fon-  1.  ii,p.  agq 

ion  qu'il  en  donna  à  Leipzig,  en  i6q8,  remplit      *"."' 
le  tome  secon 


taines.  L'édition  qu'il  en  donna  à  Leipzig,  en  1698,  remplit      fabric.  Bibi. 
second  de  ses  Accessiones  historicœ.  Il  ne  trouva  dans  "„■  *•.''•*■  ^' 


la  bibliothèque  d'Auguste ,  <iuc  de  Wolfenbiittel ,  et  ne  livra  pan.  rv.p^jSi- 
d'abord  à  l'impression  que  la  seconde  partie  de  la  Chroni-  5*4. 

3ue,  commençant  à  l'an  960  après  Jésus-Christ ,  et  finissant,      ^"'^'rt    Mi- 
après  1  indication  du  livre,  a  ian  1241.  o étant  plus  tard      Bibi.    cister. 
{)rocuré  un  manuscrit  de  la  chronique  entière,  il  publia  P- »fi- 
a  première  partie,  commençant  à  la  création  du  monde  et  .  ^"'"*  O"»"- 
s  arrêtant  a  Ian  959.  Dans  sa  pretace,  Leibnitz  annonce  la     ' 
succession  de  ses  deux  découvertes;  et  il  sullit  d'ouvrir  son 
édition,  pour  se  convaincre  que  les  deux  parties,  replacées 
du  reste  dans  leur  ordre  chronologique,  ont  été  imprimées 
séparément.  La  première,  s'arrêtant  à  l'an  969,  occupe  292 
pages.  Au-delà  de  cette  année  et  de  cette  page,  commence 
pour  la  seconde  partie  une  nouvelle  pagination.  Chacune  des 
deux  parties  porte  un  titre  différent.  Voici  le  titre  de  la 
première  :  Incipit  Cronica  (  sic  )  Alherici  monachi  Trium 
Fontium    Leoaiensis  dijocesis.   La   seconde    partie   a    pour 
titre  :  Chronicon  Alherici  monachi  Trium  Fontium.  Leibnitz 
n'a  pas  respecté  la  première  loi  imposée  à  tout  éditeur  :  il 
s'est  permis  des  interpolations  et  des  corrections  quelquefois 
erronées.  Par  exemple,  dans  le  corps  du  texte,  qui  s'arrête  au 
milieu  du  treizième  siècle ,  il  cite  Aubert-le-Mire,  historien 
du  seizième.  Sous  les  années  i2o5  et  1289,  où  la  chronique 


XIII  SIEC1£. 


280  ALBÉRIC, 

.  mentionne  Nargoldo  de  Tocccio  et  de  Toceia ,  il  corrige  le 
premier  en  Torceio  et  le  second  en  Corceio.  D'abord  la  cor- 
rection est  extrêmement  malheureuse  ;  car  il  s'agit  bien 
réellement  dans  le  texte  de  Narjaud  de  'Touci  ou  Toci ,  per- 
sonnage appartenant  à  une  maison  de  bannière  et  de  croi- 
sade; et  non  pas  d'un  Narjaud  de  Torcy  et  de  Courcy  :  le  corps 
de  l'histoire  de  l'empire  franc  ou  latin  de  Constantinople  ne 
laisse  aucun  doute  à  cet  égard  (1).  Ensuite  les  parenthèses 
dont  Leibnitz  a  entouré  les  deux  mots  nouveaux  de  Torceio 
et  Corceio,  n'avertissant  pas  suflisamment  le  lecteur  qu'il 
s'agit  de  corrections  et  de  conjectures  de  l'éditeur,  l'on  est 
tenté  de  croire  que  ce  sont  des  variantes  fournies  par  l'un 
des  manuscrits  qu'il  consultait.  Cette  observation  s'applique 
à  son  édition  tout  entière.  Après  les  manuscrits,  les  éditions 
premières  faisant  le  plus  de  foi,  nous  avons  dii  signaler,  dans 
celle  de  Leibnitz,  les  défauts,  qui,  sans  porter  atteinte  au 
mérite  de  ce  grand  liomme,  pourraient  induire  en  erreur, 
et  amener  plusieurs  méprises. 

Nous  allons  donc  examiner  successivement,  1"  le  contenu 
général  de  la  chronique;  2°  la  méthode  suivant  laquelle  elle 
fut  originairement  composée ,  les  auteurs  qui  eu  ont  fourni 
les  matériaux,  la  manière  dont  ils  ont  été  mis  en  œuvre, 
l'esprit  qui  a  présidé  à  sa  rédaction ,  sou  mérite  et  son  uti- 
lité; 3°  nous  rechercherons  en  dernier  lieu  quelles  additions 
ou  interpolations  elle  a  reçues  postérieurement  à  l'époque 
où  elle  a  été  composée  et  publiée  pour  la  première  fois;  quel 
est  l'auteur  véritable  de  l'ouvrage;  enfin  quelle  part  y  a  prise 
AlbéricdeTrois-Fontaines,  sous  le  nom  duquel'elle  nous  est 
restée. 

Entre  la  création  du  monde  et  l'année  6'74  après  Jésus- 
Christ  ,  la  chronique  ne  contient  presque  autre  chose  qu  un 
petit  nombre  de  dissertations  chronologiques,  et  des  indi- 
cations sur  la  naissance,  la  mort,  la  famille  de  quelques-uns 
des  personnages  de  l'antiquité;  sur  la  succession  et  la  durée 
de  leurs  règnes,  de  leurs  magistratures  ou  de  leurs  pontificats. 

(i)  Narjaud,  frère  d'Ithier  de  Toucy,  était  à  Constantinople  en  1214, 
comme  on  le  voit  par  une  sentence  arbitrale  que  rendit  eo  cette  année 
Manassès,  évêque  d'Orléans,  concernant  les  intérêts  de  cette  famille  (  Gali. 
christ.).  L'an  larjS,  après  la  mort  de  Robert  de  Cîourlenay ,  Narjaud  fut 
créé  bailli  ou  tuteur  de  l'empire,  et  mourut  en  11^1  (Hist.  des  emper.  de 
C.  P.).  La  cbronique  le  qualifie  àe  même:  NargoUlus,  balivds.... 
hoc  anno  (  1241  )  decessit. 


MOINE  DE  TROFS-FONT AINES.  281 

Dans  les  temps  les  plus  reculés,  ces  indications  sont  souvent 
séparées  entre  elles  par  d'assez  longs  intervalles.  Elles  de- 
viennent plus  précises  et  plqs  suivies  depuis  la  seconde  guerre 
punique,  et  surtout  depuis  la  naissance  de  Jésus-Christ  jus- 
qu'à l'an  674-  A  partir  de  cette  année,  et  y  compris  lan 
1241 ,  la  méthode  du  chroniqueur  change.  Aux  indications  il 
substitue  un  récit  succinct  des  événements  arrivés  chaque 
année  dans  les  diverses  parties  de  l'Europe.  Rarement  il 
déroge  à  cet  ordre  chronologique  :  on  pourrait  cependant 
citer  quelques  passages  dans  lesquels  l'analogie  et  l'étroite 
connexilé  des  faits  l'ont  amené  à  les  grouper  (i).  Son  récit  se 
termine  réellement  à  l'année  i24i-  A  la  vérité,  il  fournit  sur 
quelques  hommes  et  quelques  ouvrages  des  documents  qui 
se  rapportent  à  des  temps  un  peu  postérieurs.  C'est  ainsi  que, 
sous  l'an  1239,  il  renvoie  à  une  histoire  des  Tartares,  com- 
posée par  Jean,  de  l'ordre  des  frères  mineurs,  dont  la  publi- 
cation n'a  pu  avoir  lieu  avant  l'année  1249  i  ce  religieux 
n'ayant  été  envoyé  par  le  saint-siége  chez  les  Tartares  qu'a- 
près Pâques  I245,  vieux  style.  Mais  des  indications  partielles 
ne  constituent,  en  aucune  manière,  un  récit  continu  et  régu- 
lier; et  ce  récit  s'arrête  à  l'année  i24'- 

Dans  'Son  ensemble,  et  sauf  un  petit  nombre  d'interpo- 
lations dont  nous  nous  occuperons  plus  tard ,  la  chronique 
est  l'ouvrage  d'un  seul  auteur  et  non  de  plusieurs  :  un 
chronographe  n'a  point  succédé  à  un  autre;  un  continuateur 
n'a  pas  repris  à  l'endroit  où  son  prédécesseur  avait  (juitté 
la  plume.  Avec  un  peu  d'attention,  on  reconnaît  d'abord, 
dans  la  rédaction,  un  plan  arrêté  d'avance,  une  méthode 
suivie.  L'auteur  Ht  d'abord  des  extraits  de  56  écrivains,  qui 
avaient  raconté  les  événements  dont  il  voulait  présenter  le 
résumé.  Il  consigna  ces  extraits  sur  des  feuilles  séparées , 
s'attachant,  autant  que  possible,  à  reproduire  les  expressions 
mêmes  des  historiens  qu'il  soumettait  à  ce  dépouillement.  Il 
classa  ensuite  et  coordonna  ces  extraits,  forma  son  cadre, 
puis  en  dernier  lieu  s'occupa  de  la  rédaction.  La  communi- 
cation confidentielle,  ou  la  publication  de  son  travail,  donna 
lieu, de  la  part  de  quelques  critiques,  à  des  observations  et  à 
des  objections  qu'il  réfute,  et  amena  la  révision  et  la  cor- 
rection de  son  ouvrage. 

(i)  On  trouve  quelques  exemples  de  ces  accumulations  :  nous  n'en  ci- 
terons qu'un  seul  qui  se  rapporte  à  la  Pologne,  sous  l'an  iiij.  L'auteur 
ajoute  :  "  Haec  oninia  infrà  sex  annos  causa  continuationis  explevimus.  •> 

Tome  XVUI.  N  n 

2   1* 


Xni  SIECLE. 


Xm  SIÈCLE. 


282  ALBÉRIC, 

Nous  allons  prouver  maintenant  par  quelques  citations  la 
vérité  de  chacune  des  précédentes  assertions.  Et  d'abord, 
lorsque  dans  un  livre  on  trouve,  pour  des  événements  arrivés 
l'an  86(),  des  renvois  à  l'année  1096;  et  pour  des  faits  qui 
commencent  à  l'an  8y8,  des  renvois  à  l'an  1 223  où  ils  finis- 
sent, etc  ,  etc.,  i!  est  bien  évident,  d'abord,  que  le  chroniqueur 
a  vécu  jusqu'en   laaD;  ensuite  ,  que  c'était  le  même  chroni- 
queur qui  racontait  les  événements  de  ces  diverses  années; 
enfin,  (jue  l'auteur,  par  une  longue  étude,  par  une  connais- 
sance approfondie  des  sujets  qu'il  avait  à  traiter,  indiquait 
par  anticipation  les  destinées  diverses,  tantôt  d'un  livre, 
tantôt  d'un  établissement  religieux  ,  dans  un  espace  de  deux, 
et  de  trois  siècles  et  demi.  Or,  tous  ces  caractères  d'identité 
dans  la  personne  du  rédacteur,  de  réflexion  et  de  suite  dans 
la  composition,  d'ordre  et  de  classification  dans  les  maté- 
riaux, se  trouvent  précisément  dans  la  Chronique  qui  nous 
occupe.  Par  exemple,  sous  l'an  858,  après  avoir  raconté  que 
Charles  (le  Chauve)  créa  Robert  (le  Fort)  comte  d'Anjou 
et  tics  pays  environnants,  l'auteur  ajoute:  «  Yves,  évoque  de 
«  Chartres,  témoigne  dans  une  lettre  que  ce  Robert  était  de 
«  la  noble  race  des  Saxons  (i).  »  Or  Yves  ayant  été  élu  évê- 
que  de  Chartres  en  logi ,  le  chroniqueur,  pour  éclaircir  la, 
généalogie,  pour  constater  la  noblesse  de  Robert -le -Fort, 
invoque  donc  un  témoignage  postérieur  de  233  ans.  Sous 
l'année  Sficj,  il  s'exprime  de  la  sorte  :  «  Glanfeuil  (  Saint- 
a  Maur-sur-Loire  )  resta  près  de  trois  cents  ans  sous  la  juri- 
a  diction  du  monastère  de  Saint-Pierre-des-Fossés,  depuis  le 
<r  temps  de  Louis-le-Débonnaire  jusqu'à  l'an  logS,  comme 
a  on  le  voit  dans  le  privilège  (2).  »  Ce  fait  remonte  évidem- 
ment à  l'époque  où  Louis-le-Débonnaire  avait  été  chargé  par 
Charlemagne  du  gouvernement  de  l'Aquitaine  :  le  complé- 
mtMit  du  fait  a  lieu  en  lOfp:  ainsi,  par  la  mention  qu'il  en 
fait  sous  l'an  8O9,  l'annaliste  porte  ses  regards  en  arrière  de 
70  ans  environ,  et  en  avant  de  226  ans.  Sous  l'an  878,  il 
parle  de  la  célébrité  de  Jean  Scot,  et  il  annonce,  par  une 
anticipation  de  plus  de  3oo  années,  que  son  livre,  après  avoir 
fait  autorité  pendant  un  si  long  espace  de  temps,  fut  ana- 

(i)  HuncRobertum  fuisse  de  nobili  génère  Saxonuin,  Yvo  Carnotensis 
episcopus  iii  quâdani  epistolà  testatur. 

(3)  Glanafoiium  à  tenipore  Ludovici  Pii  par  annos  fere  CGC  fuit  sub 
jure  Fossatensis  cœnobii  usque  ad  MXCV,  sicut  liabetur  in  privilégia. 


MOINE  DE  TROIS-FONTAINES.  283 

XIII  SIÈCLE. 

thématisé  et  brûlé.  Parvenu  à  l'année  laaô,  il  fait  mention  

de  la  lettre  du  pape  Honorius,  de  la  censure  des  opinions  de 
Scot,  et  revient  ainsi  après  3^y  ans  à  la  condamnation  du 
livre  qui  les  contient.  Si  l'identité  d'auteur  perce  dans  les 
détails  que  nous  venons  de  rapporter,  elle  se  montre  évidem- 
ment dans  le  fait  suivant.  Entre  674  et  i2o3,  on  trouve 
120  années  sous  lesquelles  le  compilateur  cite  Gui  de  Bazo- 
ches.  Parvenu  à  l'an  i2o3,  époque  de  la  mort  de  ce  Gui,  il 
parle  une  dernière  fois  de  cetécrivain,et  dit  quil  a  transporté 
ses  paroles  dans  son  propre  ouvrage,  aussi  souvent  que  l'oc- 
casion s'en  est  présentée  (i).  11  est  évident,  parce  passage, 
que  la  narration  des  faits  compris  entre  G74  et  i2o3,  durant 
un  espace  de  629  ans,  a  été  composée  par  le  même  homme, 
lequel  a  pris  très-souvent  pour  guide,  et  cité  sans  cesse  (jui 
de  Bazoches. 

On  peut  donc  conjecturer  avec  vraisemblance  que  l'auteur, 
avant  de  mettre  la  dernière  main  à  sa  Chronique,  en  aura  donné 
communication  pourconsulter  des  juges  capables  de  l'éclairer 
de  leurs  conseils.  Mais  ce  qui  est  surtout  hors  de  doute,  c'est 
que,  sur  certains  points  de  chronologie,  il  se  trouva  en  dis- 
sentiment avec  plusieurs  de  ses  amis,  et  qu'après  avoir  publié 
son  ouvrage,  il  se  vit  en  butte  aux  critiques  et  même  aux 
sarcasmes  de  quelques-uns  de  ses  contemporains.  Il  fixe  à  sa 
manière  les  temps  écoulés  entre  la  construction  et  le  renver- 
sement du  temple,  entre  la  création  du  monde  et  l'incarna- 
tion de  Jésus- Christ,  et  il  ajoute  immédiatement  après  : 
«  Nos  amis  ont  voulu  se  former  une  opinion  sur  ces  points  ; 
«  nous  sommes  prêts  à  répondre,  selon  notre  pouvoir,  à 
«  quiconque  voudra  nous  contredire  (2).»  Sous  l'an  4oo,  à 
propos  de  la  date  de  la  mort  de  saint  Martin  de  Tours ,  il  dit 
«  qu'il  est  prêt  à  défendre  contre  tous  les  chroupgraphes 
«  1  opinion  à  laquelle  il  s'arrête»,  et  il  nous  apprend  que 
ses  détracteurs  affectaient  de  ne  considérer  son  livre  que 
«  comme  une  paille  et  un  chaume  méprisable  (3).  »  Ces 
contradictions  et  ces  injures  l'engagèrent  à  se  livrer  à  de 
nouvelles  recherches ,  à  vérifier  et  à  fortifier  ses  preuves.  Son 

(i)  Anno  i2o3. . . .  Guido  frater  Nicolai  viri  nobilis  de  Bazochiis. . . . 
cujus  dicta,  suis  ia  locis,  in  hoc  opère  annotavimus. 

(a)  Première  partie,  pages  2,  3. 

(3)  Cum  ergo  liber  iste  computetur  à  talibus  inter  paleas ,  vel  reputetur 
pro  paleis. 

Nna 


XI ir  siK.f:i,i,. 


284  ALBERIC, 

travail  fut  donc  retouché  à  plusieurs  reprises,  et  son  livre 
corrige  et  augmenté  dans  quelques  parties  (i). 

Nous  allons  nous  occuper  maintenant  des  éléments  dont 
la  Ciironique  se  compose,  de  son  contenu,  de  sa  valeur,  de 
l'esprit  et  des  principes  qui  ont  présidé  à  sa  rédaction. 

La  Clironique  atteint  l'année  ia4i-  Jusqu'à  l'an  i2'>,o  en- 
viron ,  lauteur  n'a  pas  vu  les  événements  qu'il  raconte.  Il  ne 
publie  j)as  non  plus  des  faits  vus  et  observés  par  d'autres, 
mais  encore  inconnus  de  son  temps,  et  pour  lesquels  il  aurait 
recueilli  ,  comparé,  laborieusement  discuté  des  témoignages 
contemporains.  Il  ne  les  présente  pas  non  plus  sous  un  point 
de  vue  nouveau,  et  n  en  tire  aucune  conséquence  jusqu'alors 
inaperçue.  En  un  mot,  dans  l'ensemble,  il  n'a  rien  de  neuf, 
rien  d'original.  Son  travail  n'est  qu'une  compilation.  Il  em- 
prunte à  5G  auteurs  qu'il  nomme  souvent,  que  souvent  aussi 
il  meta  contribution  sans  les  citer,  la  presque  totalité  de  sa 
narration.  A  partirdel'an  Gy4i  il  cherche  à  rendre  l'histoire 
de  chatjue  année  pleine  et  complète,  autant  que  possible, 
en  puisant  les  divers  faits  ou  les  diverses  circonstances  d'un 
même  fait  dans  les  chroniqueurs  qui  l'ont  précédé.  C'est  à 
cela  qu'il  se  borne,  et  ce  n'est  que  rarement  et  à  de  longs 
intervalles,  qu'entre  les  années  647  et  1 1 1 1 ,  il  ajoute  quelque 
chose  à  ses  garants,  d'après  des  documents  ou  des  traditions 
dont  il  a  eu  le  premier  connaissance.  Dans  ce  cas,  il  indique 
orciinaireincnt  au  lecteur  ce  qui  lui  appartient  en  propre, 
par  le  mot  Aiictor  placé  au  commencement  du  passage  (2). 
Dans  les  vingt  dernières  années  seulement,  c'est-.à-dire  de 
1220  à  124'  1  l'i  Chroni(jue  peut  passer  pour  originale,  et 
elle  peut  être  considérée  ciinme  une  autorité  nouvelle  pour 
cette  période,  l-à,  les  citations,  partout  ailleurs  continuelles, 
cessent  presque  entièrement.  L'auteur  semble  parler  de  lui- 
même  ,  raconter  des  faits  dont  il  a  eu  une  connaissance  per- 
sonnelle, soit  parla  commune  renommée,  soit  par  des  actes 
publics  non  encore  enregistrés  dans  d'autres  annales. 

Le  com|)ilateur  ne  manque  pas  de  discernement  et  de  cri- 
tique. Ainsi  l'an  770,  après  avoir  indiqué  les  fables  dont  les 
romanciers  avaient  déjà  ,  de  son  temps,  chargé  l'histoire  de 

(  i)  La  citation  précédente  appartient  à  un  passage  qui  évidemment  a  été 
ajouté  après  la  première  composition  de  l'ouvrage. 

(2)  Voyez  les  années  647,  678,717,748,750,755,1095,1097-1100, 
1106,  1 1 1  i.A  cette  dernière  année  s'arrêtent  les  additions  peu  nombreuses 
du  compilateur. 


MOINE  DE  TROIS-FONTAIINKS.  "M 

Charlemagne,  il  ajoute  :  «  Ces  détails  amusent  et  provoquent 
«  tantôt  le  rire,  tantôt  les  larmes  du  lecteur;  mais  il  est 
«  prouvé  qu'ils  s'éloignent  de  la  vérité  de  l'histoire  (i).  »  Ail- 
leurs il  traite  de  contes  {caiitilriiœ)  les  récits  incroyables 
des  auteurs  qu'il  a  sous  les  yeux.  Dans  certaines  périodes,  il 
emploie  sagement  les  écrivains  contemporains.  Par  exemple, 
il  fait  usage  pour  le  règne  de  Philippe-Auguste,  de  lligoici 
et  de  Guillaume  le  Breton  {'2)\  mais  le  choix  des  matériaux 
qu'il  emploie  n'est  pas  toujours  aussi  judicieux.  Souvent 
encore  sa  critique  n'est  ni  assez  éclairée  ni  assez  sévère.  Ayant 
à  choisir,  pour  le  règne  de  Charlemagne,  entre  des  biogra- 
phes et  des  historiefis,  dont  les  uns  sont  contemporains,  les 
autres  postérieurs  de  plusieurs  siècles,  non  seulement  il  m- 
forme  pas  son  récit  principal  sur  les  témoignages  rassemblés 
et  coordonnés  des  premiers,  mais  il  accorde  presfjue  partout 
la  préférence  aux  plus  récents.  Il  consulte  à  peine  l'.ginhard; 
il  n'emploie  pa5  du  tout  le  poète  .saxon,  ni  d'autres  chroni- 
queurs qui  écrivirent,  soit  du  vivant  de  l'empereur,  soit  peu 
de  temps  après  sa  mort.  Il  s'en  réfère  |)resque  exclusivement  a 
Sigebert,  Othon  de  Frisingue,  Gui  de  B.izoches ,  Hélinand, 
dont  les  ouvrages  datent  du  douzième  siècle  et  du  commence- 
ment du  treizième.  11  a  commis  une  faute  plus  grave  en  ne 
comprenant  pas,  parmi  les  écrits  apocryphes  et  mensongers 
qu'il  rejette  comme  indignes  de  croyance,  le  récit  du  pseudo- 
nyme Turpin;  et,  en  prenant  ce  roman  pour  une  chronitjue 
positive,  il  a,  sur  un  tel  témoignage,  étendu  bien  au-delà 
de  la  vérité  les  guerres  et  les  conquêtes  de  Charlemagne  en 
Espagne  (3). 

D'une  autre  part,  il  se  montre  d'une  excessive  crédulité 
dans  ce  qui  touche,  soit  à  des  miracles  évidemment  suppo- 
.sés,  soit  à  l'astrologie  et  ii  la  magie.  Il  raconte  sérieusement 
que  Gerbert  avait  appris  des  Aiabes  d'Espagne  à  connaître 


(i)  Prem.  part. ,  pages  io5  ,  io6  :  «  Qiiae  oninia,  quanivis  délectent ,  et 
"  ad  risiim  moveant  audientes,  vel  ad  lacrymas ,  tanien  à  vcritate  liistoriae 
«  comprobantur  nimis  recedere.  >■ 

(2)  Seconde  partie,  page  36o  :  "  Itaque  quœ  de  eo  (  Philippe  )  lialjcntur 
«  in  chronica  sancti  Dionysii  annolata  ,  secundiim  niagistriiin  Iligordum 
«  et  Giiillelmum  britannicuni  presbyteruni ,  vitam  ipsius  régis  et  oninia 
«  praeclarè  gesta  in  hoc  opuscuîo  nostro  annotare  decreviiims.  • 

(3)  An.  778,  prem.  part.,  pag.  i  i4  :  "  Seqnitiir  TurpiniKS.  .  .  .  Karolus 
■■  Galicianos  qui  baptizati  non  eiaiit  per  nianus  Turpini  arcliiepiscopi  rege- 
«  neravit.  deinde  ivit  per  totam  Hispaniam.  • 


Xni  Sil  (  11. 


XIII  SIECLE. 


286  ALBÉRIC, 

tout  ce  que  la  curiosité  humaine  poursuit  d'utile  et  de  nuisi- 
ble tout  ensemble,  à  deviner  l'avenir  par  le  vol  et  le  chant  des 
oiseaux,  à  évoquer  les  âmes  de  l'enfer  ;  qu'après  avoir  dérobe 
le  grimoire  de  son  maître,  il  se  sauva;  que  pressé  danssa  fuite 
par  l'Arabe  dépouillé  et  furieux,  il  arriva  sur  le  bord  de  la 
mer;  que  là  il  appela  le  diable  |)ar  une  conjuration  magique,  et 
lui  proposa  de  se  donner  à  lui  pour  toujours,  s'il  voulait  le 
dérober  au  danger,  en  le  transportant  au-delà  de  la  mer;  que 
le  marché  fut  accepté  et  exécuté  de  part  et  d'autre;  qu'enfin, 
Cjerbert ,  devenu  téal  de  satan,  mourut  frappé  de  sa  main 
dix  ans  |)lus  tard  (1).  Outre  ce  manque  de  jugement  et  de 
raison  sur  certains  sujets,  on  peut  reprocher  au  chroni- 
queur un  défaut  d'attention  et  d'examen  dans  quelques  par- 
ties. Sa  chronologie  n'est  pas  toujours  irréprochable  :  il  lui 
arrive  de  placer  des  faits  sous  des  dates  qui  ne  leur  appar- 
tiennent pas. 

Ces  défauts  ne  doivent  pas  nous  autoriser  à  méconnaître  les 
qualités  du  compilateur,  non  plus  que  le  mérite  et  l'utilité  de 
son  ouvrage,  l^e  livre  est  unique  par  sa  forme  et  par  l'abon- 
dance des  matières  qu'il  contient.  11  présente  année  par  année 
l'histoire  svnchronique  des  prin«'ipaux  états  de  l'Kurope:  de 
l'Italie,  de  l'Espagne,  de  la  Fiance,  de  l'Allemagne,  de  la 
Hongrie,  de  la  Pologne,  de  l'empire  grec,  de  l'Angleterre. 
Il  y  ajoute,  dans  leur  temps,  le  tableau  des  croisades  et  les 
révolutions  des  états  fondés  en  Orient  par  les  croisés.  Il  y 
joint  la  succession  des  papes,  des  évêques  des  villes  les  plus 
importantes,  des  seigneurs  des  grands  fiefs;  dételle  sorte 
que  l'histoire  ecclésiastique  et  féodale  marche  sans  cesse  de 
iront  avec  l'histoire  politique.  On  trouve,  à  chaque  page, 
sur  la  généalogie  des  familles  alors  placées  au  premier  rang 
dans  Tordre  social,  des  documents  tout  ensemble  clairs  et 
précis,  qu'on  chercherait  vainement  ailleurs.  Non  moins  utile 
pour  Ihistoiie  littéraire,  la  Chronique  fournit,  sur  beaucoup 
d'anciens  historiens  parvenus  jusqu'à  nous,  des  éclaircisse- 
ments qu'eux-mêmes  ne  donnent  pas.  De  plus  ,  elle  constate 
l'existence  d'autres  écrits  qui,  sans  ses  indications,  seraient 
demeurés  inconnus.  Ce  que  l'ouvrage  a  coûté  de  temps,  d'ef- 
forts pénibles  et  persévérants,  excite  à  la  fois  l'étonnement 
et  la  reconnaissance  ;  surtout  quand  on  considère  que  l'auteur 
n'a  travaillé  que  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  dans  le  but  d'être 

fi'    .\n.  988  et  998,  seconde  part.,  p.  29,  3o,  36. 


MOINE  DE  TROIS-FONTAINES  -iH- 


/ 


utile,  sans  être  soutenu  par  l'espoir  de  se  faire  un  nom  et 
d'acquérir  de  la  gloire.  En  effet,  comme  nous  le  verrons 
bientôt,  le  rédacteur  de  l'ensemiile,  de  la  pres(juc  totalité  de 
cette  instructive  compilation ,  a  voulu  i^^ardcr  un  anonyme 
impénétrable;  et  l'on  ne  (-«iinaît  (jue  l'interpolateur,  auquel 
on  est  à  peine  redeval)le  d'une  viiii^taiiie  d'additions  qui  uv 
sont  que  d'une  imi)ortance  très-médiocre. 

Le  chroniqueur  se  recommaiide  par  un  autre  mérite  bien 
plus  précieux,  que  l'on  était  à  peine  en  droit  d'attendre  de 
lui.  Au  milieu  de  l'ignorance  du  moyen  ài;e,  au  milieu  du 
grand  conflit  entre  le  pouvoir  politicjue  et  le  pouvoir  reli- 
gieux, qui  ébranla  tous  les  i)rincipes  et  toutes  les  convictions, 
en  même  temps  qu'il  agita  rEuro|)e  sur  ses  fondements;  mal- 
gré les  préjugés  de  son  état;  malgré  l'apjirobation  qu'il  de- 
vait, en  qualité  de  moine,  à  la  conduite  des  papes,  il  conserve 
une  liberté  d'esprit,  une  droiture  et  une  générosité  de  sen- 
timents qui  lui  font  le  plus  grand  lionneur.  Il  juge  la  querelle 
du  sacerdoce  et  de  l'empire,  non  d'après  lus  règles  nouvelles 

aue  l'emportement  aveugle  et  l'ambition  de  Gre-goire  VII  et 
'Innocent  III  ont  tracées,  mais  d'api  es  les  lois  divines  et 
humaines,  que  sa  conscience  et  sa  raison  lui  ont  appris  à 
respecter  et  à  maintenir,  ]>arce  qu'il  n'a^laissé  fausser  ni  l'une 
ni  l'autre.  Il  suit  Othon  de  Frisinguc  de  préférence  aux  his- 
toriens qui  ont  embrassé  sans  examen  la  cause  du  saint-siége. 
Il  signale  avec  lui,  comme  un  acte  inouï,  l'excommunication 
et  la  déposition  de  l'empereur  d'Allemagne  par  Grégoire  VII. 
A  ses  yeux,  le  prince  Henri  révolté  contre  son  père,  les 
seigneurs  armés  contre  leur  souverain,  ne  sont  pas  les  pieux 
exécuteurs  d'ordres  sacrés:  le  premier  est  un  fils  parricide; 
les  autres,  des  sujets  coupables  qui  trafiquent  de  la  religion 
pour  satisfaire  leur  ambition  et  leurs  vengeances.  «Par  le 
«  conseil  du  marquis  Thibault  et  du  comte  Bérenger,  le 
a  prince  Henri  se  révolte  contre  son  père  (Henri  IV).  II 
«  couvre  son  entreprise  du  prétexte  de  la  religion,  parce  que 
«  l'empereur  avait  été  excommunié  par  les  pontifes  romains... 
«  Funestes,  déplorables  pré[)aratits!  Contre  les  lois  de  la 
tt  nature,  un  fils  s'en  prend  à  son  père;  contre  la  règle  de 
«  la  justice,  un  soldat  attaque  son  roi,  un  sujet  son  sei- 
«  gneur  (i).  »  Enfin  le  chroniqueub  excite  au  plus  haut  degré 

(i)   Anti.  lo^j",  p.  121  .  seconde  part.  —  Aiin.  i  lo:'  ,  p.   ig?> ,  194  '■  •  ^ulj 
•  specie  leligionis,  eo  quod  pater  c-jus  à  runiariis  pontiticibus  excuiumuni- 


XIIl  SIECLE. 


XKI  SIKCLF 


288  ALBERIC, 

l'intérêt  pour  l'excommunie  Henri  IV,  en  rapportant  textuel- 
lement la  Ic'ttre  déchirante  clans  laquelle  ce  prince  apprend 
au  roi  de  France,  Philippe,  comment  les  menées  hypocrites 
et  les  violences  de  son  propre  fils  et  du  légat  l'ont  dépouillé 
de  l'autoiité  (i). 

Nous  nous  sommes  occupés  d'abord  de  la  composition,  du 
méiite,  de  l'esprit  de  la  Chronique,  et  parce  que  ces  points 
sont  les  plus  importants  pour  l'histoire,  la  littérature,  la 
criti(|uc,  et  parce  qu'on  peut  établir  sur  chacun  d'eux  une 
opinion  certaine,  la  Chronique  entière  se  trouvant  dans 
toutes  les  graniles  bibliothèques,  et  pouvant  être  soumise  à 
l'examen  et  au  jugement  de  quiconf]ue  voudra  la  consulter. 
Nous  allons  maintenant  porter  nos  recherches  sur  la  per- 
sonne, l'état,  la  patrie  et  la  résidence,  l'âge  enfin  de  l'auteur 
principal  et  de  l'interpolateur.  Ces  questions,  plusieurs  fois 
controversées  avant  nous,  pourraient  bien  l'être  encore  après, 
malgré  le  soin  (jue  nous  apporterons  à  les  résoudre. 

L'auteur  ne  paraît  pas  Français,  et,  en  effet,  sous  l'an 
8^2,  ayant  à  rendre  compte  de  la  bataille  de  Fontenai  entre 
les  (ils  de  Louis-le-Débonnaire ,  après  avoir  cité  plusieurs 
autorités,  étant  arrivé  au  témoignage  de  Gui  de  Bazoches, 
il  l'accuse  d'emphase  et  d'exa;:ération,  et  il  lui  reproche  de 
chausser,  selon  sa  coutume,  le  cothurne  français.  Guido  au- 
teni  more  siio  gai.licano  cotiil'RNO  incedit.  On  trouve  déjà 
dans  ces  paroles,  sinon  une  preuve  irrécusable,  du  moins 
une  indication  qui  autorise  à  présumer  que  l'auteur  de  la 
Chronique  n'est  pas  compatriote  de  Gui,  et  qu'il  n'appar- 
tient pas  comme  lui  à  la  France.  D'autres  passages  établissent, 
d'une  manière  plus  précise  et  [)Ius  claire,  que  le  compilateur 
suivait  la  règle  de  saint  .\ugustin,  qu'il  était  chanoine  régu- 
lier de  Neumoutier  près  la  ville  de  Huy ,  diocèse  de  Liège, 
et  qu'il  résidait  dans  cette  abbaye  sous  l'année  ii3o.  Il  se 
reconnaît  disciple  de  saint  Augustin.  «  Hugues  de  Saint- 
a  Victor,  dit-il ,  a  exposé  dans  un  excellent  ouvrage  la  règle 
«  de  saint  Augustin  notre  père  (2).  »  Il  s'occupe  de  Huy  jus- 

•.  catus  essei.  .  .  .  Videres  lacryinabiles  ac  miserabiles  apparatus,  .  .  .  qiiod 
•<  scilicet  contra  legein  naturœ  ï\\\\xs  in  patrem  assurgeret ,  contra  normam 
.  justitiœ  miles  regem  ,  servus  doniinum  impugnaret.  • 

(1^1   Ann.  1106,  pag.  200-204. 

(2}  Édition  de  Leibnitz,  seconde  partie,  pages  263,  264  :  »  Hue  usquc 
•  niagister  Hugo  de  sancto  Victore  chronicam  suani  digessit.  .  .  Exponit 
«  etiam  hiculento  sermone  Régulant  beati  pnlris  nosln  A ugustini.  » 


MOINE  DE  TROIS  FONTAINES.  289 

qu'à  dix -neuf  fois,  depuis  l'an  62.6  jusqu'à  l'an  i^io,  et 
souvent  avec  un  intérêt  et  des  désignations  que  l'habitation 
et  la  connaissance  parfaite  des  lieux  peuvent  seules  four- 
nir (i).  Mais  voici  qui  est  plus  précis  encore.  Sous  l'an  1287, 
il  raconte  un  débordement  de  la  Meuse,  qui  lit  refluer  les 
eaux  de  l'Hoiole  vers  la  ville  que  baigne  cette  rivière,  et  il 
s'exprime  en  ces  termes  :  Dominicd die ,  in  conversione  Pauli, 
Mosa  mapius  adeb  extitit  quodnuUa  œtas  recordari  poterat 
unquam  à  priscis  temporibiis  tam  magnum  ex ti tisse  ;fuitcnini 
APUD  Nos/ere  œqualis planitiei  claustri  nostki  novi  monaste- 
Rii  (  JNeumoutier  )  (■2).  Dans  cette  phr;ise,  les  mots  chez  nous 
et  notre  cloître  de  Neumoutier  indiquent  clairement  et  posi- 
tivement que  celui  qui  tient  la  plume  est  l'un  des  religieux 
de  l'abbaye  de  Neumoutier.  II  résulte  une  preuve  non  moins 
forte  du  rapprochement  des  deux  passages  suivants.  L'an 
1208,  il  dit  que  Neumoutier  de  Huy ,  fondé  cent  sept  ans 
auparavant,  est  resté  sous  le  titre  de  simple  prieuré  pendant 
tout  ce  temps,  et  il  nomme  les  prieurs  ou  prévôts  qui  l'ont 
gouverné.  Il  ajoute  qu'en  cette  année  1208,  Neumoutier,  de 
prieuré  fut  changé  en  abbaye  par  Hugues,  évèque  de  Liège, 
et  que  le  premier  abbé  fut  Alexandre.  Arrivé  à  l'an  1236,  il 
mentionne  en  ces  mots  la  mort  d'Alexandre  :  Quarto  ca- 
lendas  aprilis....  ohiit  doniinus  Alexander,  primus  abbas 
NOSTR^  ecclesi.ï:novi  MONASTERii  Leodiensis  (3).  Or,  puisque 
Alexandre  était  abbé  de  Neumoutier  de  Huy  dans  le  diocèse 
de  Liège,  et  que  le  compilateur  l'appelle  sonahhé,  le  chro- 
niqueur était  donc  lui-même  chanoine  de  Neumoutier.  Il  ne 
se  nomme  pas  une  seule  fois  dans  tout  le  cours  de  son  travail, 
et  il  ne  se  désigne  de  loin  en  loin  que  par  le  terme  général 
de  Auctor. 

Passons  maintenant  au  temps  où  il  vécut.  Sous  Tan  998, 
il  dit  :  «  Je  n'ai  vu,  ni  entendu,  j'ai  luseulement  les  faits  que  je 
o  transcris  (4).  »  Ainsi  sa  naissance  est  postérieure  à  l'an  998. 
Sous  l'an  II 06,  on  trouve  ces  paroles  :  «  L'évêque  Othon 
«  (de  Frisingue  )  va  jusqu'ici.  .  ,  .  Les  faits  qui  suivent  sont 
«  d'une  mémoire  récente:  ils  nous  ont  été  transmis  par  des 

(i)  Voyez  les  années  626,  899,  io35 ,  1047,  1066 ,  loyS ,  1091 ,  1 101, 
ii3o,  iau8,  1329,  laSo,  i235,  1240.  Dans  l'année  i23o,  ilest  trois  fois 
question  de  Huy. 

(a)  Seconde  partie,  page  56 1. 

(3)  Seconde  partie,  pages  448,  567. 

(4)  Seconde  partie,  page  37. 

Tome  XVI IL  0  o 


Mil  .SIECLK. 


XIII  SIECLE 


2f)o  ALBÉRIC, 

«  hommes  dignes  de  foi ,  ou  bien  ont  e'té  vus  et  entendus  par 
«  nous-mêmes  (i).  »  On  est  tenté  de  croire,  à  la  lecture  de 
ce  passage,  que  le  compilateur  parle  de  lui ,  et  qu'il  écrivait 
par  conséquent  au  commencement  du  xii*  siècle:  mais  en 
ouvrant  Othon  de  Frisingue,  on  voit  que  la  phrase  citée 
appartient  à  cet  auteur,  non  pas  au  compilateur,  et  que  c'est 
Othon  qui  vivait  en  1 106.  A  l'an  1 1 16,  l'auteur  de  la  Chro- 
nique se  manifeste  comme  non  contemporain,  dans  ce  pas- 
sage :  «  Sur  quoi  nous  parlerons  dans  notre  temps  (2).  »  Il 
s'annonce,  au  contraire,  comme  contemporain ,  Van  lîSa, 
quand  il  s'exprime  ainsi  :  «  On  rapporte  que  le  roi  d'Angle- 
«  terre  est  fort  attaché  à  la  religion,  que  dernièrement  à 
«  Londres,  il  a  ordonné  de  transformer  en  église  dédiée  à  la 
a  bienheureuse  Vierge  Marie ,  une  belle  maison  que  de  riches 
«  juifs  avaient  élevée  dans  l'intention  d'en  faire  une  syna- 
«  gogue ...  Il  se  montre  aussi  bienveillant  et  généreux  envers 
«  les  pauvres.  Il  recommande  de  subvenir  avec  les  deniers 
«  royaux  aux  besoins  des  juifs  qui  ont  reçu  le  baptême,  et, 
«  par  sa  bienveillance,  il  engage  les  autres  à  se  faire  baptiser. 
«  Sa  charité  reçoit  de  jour  en  jour  un  nouvel  accroisse- 
«  ment  (3).  » 

On  peut  élever  contre  ce  passage  une  difficulté  :  l'emploi 
du  verbe  au  présent,  dira-t-on,  ne  prouve  qu'une  chose, 
c'est  que  la  dernière  partie  de  la  Chronique,  la  partie  où  se 
trouvent  les  phrases  citées,  est  l'ouvrage  aun  contemporain; 
mais  si  le  contemporain  fut  un  continuateur,  il  en  résulte 
que  le  corps  de  la  Chronique  a  pu  être  composé  par  un  ou 
plusieurs  compilateurs,  antérieurs  d'un  ou  de  plusieurs  siè- 
cles :  or,  la  lecture  suivie  de  l'ensemble  de  la  Chronique 
détruit  cette  objection.  Avant  le  treizième  siècle,  l'auteur 
cite  sans  cesse  les  chroniqueurs  auxquels  il  emprunte  les 
faits  qu'il  raconte,  les  jugements  sur  les  personnages  dont  il 
parle.  Ce  n'est  qu'à  partir  de  i232  qu'il  invoque  comme  ga- 
rants, les  bruits  de  la  commune  renontmée,  les  rapports  des 
voyageurs.  Cette  différence  tout-à-fait  remarquable  prouve, 
selon  nous,  d'un  côté,  que  le  même  auteur  a  rédigé  l'ensemble 
delà  compilation;  d'un  autre  côté,  qu'il  n'était  pas  contem- 

(i)  Seconde  partie,  page.  199. 

(2)  De  quo  nostris  tenipoiibus  dicemus. 

(3)  Seconde  partie,  page  543  :  •  De  rege  Anglise  dicitur.  . . .  nuper  in 
«  Londoniis. .  .  se  beiievolum  exhibet .  .  .  praecipit.  .  .  provocat.  .  .  ista 
•  humanius  de  die  in  diem  accipit  increoientum.  • 


MOINE  DE  TROIS-FONTAINES.  291 

porain  avant  le  treizième  siècle,  et  qu'il  est  contemporain 
au  treizième  siècle. 

II  ne  reste  plus  qu'à  rechercher  quelle  part  Albéric  a  prise 
à  l'ouvrage  dont  nous  nous  occupons.  Il  aura  été  possesseur 
de  la  Chronique  du  chanoine  anonyme  deNeumoutier,  et, soit 
pour  son  usage  particulier,  soit  pour  en  préparer  une  copie 
plus  complète,  il  aura  inscrit  en  marge  de  son  exemplaire 
des  éclaircissements  sur  certains  événements,  des  observa- 
tions sur  certains  passages,  des  objections  contre  quelques 
assertions  dont  il  n'admettait  pas  la  certitude.  Ainsi,  comme 
le  chanoine  avait  signalé  ce  qu'il  ajoutait  au.\  historiens  dont 
il  faisait  l'extrait,  en  plaçant  le  mot  ^uctoren  tête  des  pas- 
sages qui  lui  appartenaient,  de  même  Albéric  aura  indiqué 
ses  interpolations  par  le  mot  Albericus.  Les  notes  de  celui-ci 
ne  s'élèvent  pas,  d'ailleurs,  au-delà  de  vingt-une,  entre  les 
années  1 163  et  laaa.  Voici  quelques  exemples  par  lesquels  on 
connaîtra  la  nature  de  ses  additions. 

Sous  l'année  ii63,  le  chanoine  deNeumoutier  insère  dans 
sa  Chronique  un  magnifique  éloge  des  vertus  et  des  actions  de 
Henri ,  comte  de  Champagne  :  Albéric  s'inscrit  en  faux  contre 
ce  panégyrique.  Albericus  monachus  :  sed  ô  exclamatio  prœ 
dolore!  quid  nos  ad  hœc  dicemus?  quod  lantam  in  dicta  prin- 
cipe laudeni  perfamam  publicam  denigra^'it ,  quœ  adhuc  re- 
sonat  quœdam  lues  importuna ,  lues  pestijera ,  et  licet  ipse 
pœnituerit,  ut posteà  dicemus,  tamen  multi ex  iis  non pœnitue- 
runt  qui  per  ejus  exemplum  et  opus  à  via  deviarunt  (  i  ).  L'an 
I  2 13,  l'auteur  de  la  Chronique  parle  de  la  pénitence  du  comte 
de  Namur.  Il  appuieses  assertions  du  témoignage  d'un  certain 
frère  Césaire,  contemporain  du  fait  raconté.  Albéric  inter- 
rompt le  témoignage  du  frère  Césaire  pour  y  ajouter  un  dé- 
tail a  lui  personnellement  connu.  Quand  sa  digression  est 
finie,  il  avertit  que  le  frère  Césaire  reprend  la  parole,  par  ces 
mots  Sequitur frater  Cœsarius.  Enfin,  plus  bas,  il  indique 
l'endroit  où  recommence  la  narration  du  chanoine  de  Neu- 
moutier  par  ces  autres  mots  :  Sequitur  in  eddem  C  hronicâ  (2). 
Les  deux  Sequitur  frater  Cœsarius,  Sequitur  in  eddem  Chro- 
nj'mseraient  complètement  inutiles, si  Albéric  n'avait  rompu 
la  suite  de  la  citation  et  de  la  narration  par  son  intercalation. 
Ce  passage  est  l'un  de  ceux  où  l'on  aperçoit  le  plus  claire- 

(i)  Seconde  partie,  page  341  ■ 

(a)  Seconde  partie,  pages  468  ,  469- 

Ooa 


XIII  SIECLE. 


2c)i  ALBÉRIC ,  etc. 

Xlll  SIECLE  ,.,,..  ,.  ,..  , 

ment  quAlberic  n  est  que  l  annotateur,  1  interpolateur,  et 

non  l'auteur  de  la  Chronique.  Cependant  l'opinion  erronée 
qui  la  lui  attribue  a  tellement  prévalu,  qu'on  ne  peut  plus 
songera  le  déposséder  de  cette  propriété  usurpée.  Albéric  de 
Trois- Fontaines  était,  selon  toute  apparence,  religieux  du 
Val  de  Saint-Lambert,  ordre  deCîteaux,à  un  mille  de  Liège, 
et  à  six  ou  sept  lieues  de  Huy. 

On  lit,  sous  l'an  i  loo  :  llrbanus papa  moritur.  —  Sigeher- 
tus  —  Guihertus  et  llrbanus  de papatu  roniano  contendcntes, 
morieridn  iiterque  fincni  facinnt.  suœ  contcntionis.  —  Âuctor 
—  Indiscrète  ioqidtnr  et  confuse  (  Sigehcrtus  )  .•  Guihertus 
niortuus  est  schisniaticus,  et,  ut  dicit  episcopus  Otto,  horribili 
schismati ,  tanquani  densissiniis  /Egypti  tenebris  finem  mo- 
riendo  iinposuit.  Dico  auteni  quod  Llrbanus  mortuus  est  catho- 
licus  et  in  niultis  laudandus ,  cui  tantuni  honorem  contulerit 
Dominus  ut  ejns  dicbus  recuperarcntur  .^ntiochui  et  Hieroso- 
lynid  et  fièrent  illa  oninia  quœ  supra  memoravinius.     Insuper 
et  de  PRiNciPio  nostri  cisterciknsis  ordinis  idem  Llrbanus 
mémo rabile per pet uuni  seniper  habebit.  Ce  surcroît  inattendu 
d'éloge,  précédé  de  l'adverlje  insuper,  et  dicté  par  un  motif 
auquel  on  n'était  pas  préparé  ;  la  répétition  du  nom  d'Urbain, 
quoique  encore  présenta  la  pensée  du  lecteur,  décèlent  dans 
la  dernière  phrase  une  autre  plume,  et  une  reconnaissance 
personnellement  sentie.  Le  blanc  qui  sépare  les  mots  suprci 
memoravimus  du  mot  insuper  indique  encore  que  la  dernière 
phrase  n'a  point  été  composée  par  l'autrur  du  reste  du  pas- 
sage. Enfin,  sous  l'an   i  i3o,  l'auteur  de  la  Chronique  nous 
avertit  qu'il  vit  sous  la  règle  de  saint  Augustin  (  regulam  beati 
patiis  .^ugustini),  et  dans  la   phrase  en  question,  l'auteur 
parle  de  son  ordre  de  Cîteaux;  d'où  il  résulte  que  la  phrase 
commençant  par  Insuper  est  nécessairement  une  interpola- 
tion. Et  comme,  selon  toute  apparence,  elle  appartient  à  Al- 
béiic,  on  est  en  droit  d'en  conclure  qu'Albéric  était  cistercien. 
Cette  opposition  entre  les  deux  ordres  de  saint  Augustin  et 
de  Citeaux   établit  d'une  manière  palpable  une   différence 
marquée  entre  le  chanoine  anonyme  de  Neumoutier,  auteur 
de  la  Chroinque,et  Albéric  de  Trois  -  Fontaines  ,  interpo- 
lateur. P-  ^- 


XllI  SIECLE. 


GUILLAUME  DE  DONDELBERG, 

XI'    ABBÉ   DE    VILLIEKS,    PUIS   XVIir   ABBÉ   DE 

CLAIRVAUX.  »ioiiT*er5im. 

(^ET   abbé   était  de  la  noble   famille  des  Dondelberg  de 
Bruxelles,  dont  un  des  membres,  lui-même  peut-être,  signa,  m/p/sse!* 
en   1194»  avec  d'autres  seigneurs  de  ce  pays,  un  traité  fait      Reo.  des  hist. 
entre  Henri ,  duc  de  Lorraine,  et  Baudouin  ,  comte  de  Flan-  ^^  ^'  '•  ^^m, 
dre.  Ce  traité  est  rapporté  dans  la  chronique  de  Gislebert        '^' 
de  Mons.  Ce  qui  peut  faire  penser  que  Guillaume  fut  au 
nombre  des  signataires,  c'est  qu'en  supposant  qu'il  ait  eu 
vingt -cinq   ans    à    l'année  précédente,  il  n'aurait  été  âgé 
que  de  soixante-treize  ans  lorsqu'il  mourut  vers  1242.  Entré 
dans  l'ordre  de  Cîteaux,  il  fut  élu  en  i22r   abbé  du  mo- 
nastère (le  Villiers,  au  diocèse  de  Namur,  qu'il  gouverna 
pendant  treize  ou  quatorze  ans.  Durant  cette  prélature,  il 
fonda  trois  nouveaux  monastères,  celui  de  Grandpré  auprès 
de  Namur,  en  i23i  ;  un  autre  sur  l'Escaut  et  près  d'Anvers, 
en  1233,  sous  le  nom  de  Saint-Bernard;  et  la  même  année 
celui  de  Vaudieu,  près  de  Louvain,  à  l'établissement  duquel 
Henri  de  Brabant  participa  le  plus. 

En  1236  ou  I23'7,  Guillaume  ayant  été  élu  abbé  de  Clair- 
vaux,  un  des  premiers  actes  de  son  administration  dans  cette  ^-  cbrisi.  i. 
abbaye  eut  lieu  à  l'occasion  suivante:  Thomas,  comte  de  ' '"'  **''■ 
Flandre,  voyant  avec  peine  que  les  moines  de  Clairvaux , 
qui  faisaient  valoir  les  domaines  que  l'abbaye  possédait 
dans  sa  province,  s'abstenaient  de  dire  la  messe  au  temps 
de  la  moisson  pour  aller  de  meilleure  heure  travailler  aux 
champs,  lit  demander  à  leur  abbé  qu'il  leur  imposât  l'obli- 
gation de  célébrer  la  messe  dans  ce  temps  comme  dans  les 
autres,  et  à  ceux  qui  n'étaient  pas  prêtres,  d'y  assister  avant 
de  commencer  leurs  travaux.  L'abbé  de  Clairvaux  y  consentit; 
et  le  comte,  afin  que  cette  demande,  en  diminuant  le  temps 
que  l'on  donnait  à  la  récolte  des  blés,  ne  fùl  en  rien  préju- 
diciable à  l'abbaye,  offrit  de  payer  une  somme  annuelle  et 
perpétuelle  de  trente  livres  de  monnaie  de  Flandre. 

Guillaume,  appelé  en   1239  par  le  pape  Grégoire  IX  au 

2  2 


2(j4  GUILLAUME  DE  DONDELBERG, 

Xra  SIÈCLE.  .,         ...        •  j         ..        »      •     '  T>  1, 

concile  gênerai  qui  devait  se  tenir  a  Koine  1  année  suivante, 


Caii.cbr.ibid.  s'étaiit  mis  en  route  avec  Guillaume,  abbé  de  Citeaux,  et 
plusieurs  autres  prélats,  fût  arrêté  et  saisi  avec  eux  sur  les 
confins  de  la  Lombardie  par  les  émissaires  de  l'empereur 
Frédéric,  en  baine  du  pape,  contre  lequel  ce  monarque  était 
alors  en  guerre  ouverte.  Ces  prélats,  enfermés  dans  des  pri- 
sons, ne  recouvrèrent  leur  liberté  que  long-temps  après,  et 
par  l'intercession  du  roi  saint  Louis  auprès  de  l'empereur. 
Guillaume  ne  survécut  pas  long-temps  à  sa  délivrance;  car 
il  mourut  en  124^,  durant  la  cinquième  année  de  sa  préla- 
ture ,  et  il  fut  inhumé  à  Clairvaux.  On  lit  dans  le  GalUa  chris- 
tiana  ^  que  pendant  sa  captivité  il  avait  reçu  du  pape  une 
lettre  de  consolation. 

Thomas  de  Cantimpré ,  écrivain  contemporain  de  cet  abbé, 

Thom.  Can-  ^^^  cousacrc  dcux  pagcs.  Il  en  célèbre  la  bonne  administra- 
limp.iib.ii.cap.  tion,  laquelle,  en  augmentant  les  revenus  de  son  monastère, 
•5-  lui  fournit  plus  de  moyens  que  n'en  avaient  ses  prédécesseurs 

pour  améliorer  l'entretien  de  ses  religieux,  et  pour  répandre 
de  plus  abondantes  aumônes.  Selon  le  même  auteur,  ce 
serait  par  la  connaissance  que  l'empereur  Frédéric  avait 
acquise  des  mérites  de  Guillaume,  qu'il  l'aurait  rendu  à  la 
liberté,  et  non  à  la  prière  de  saint  Louis.  Cantimpré  parle 
de  lui  comme  l'ayant  connu  personnellement:  «  Nous  l'avons 
«  vu,  dit-il,  répandre  des  larmes  abondantes  au  milieu  de 
a  ses  pieux  entretiens  avec  Dieu;  et  ceux  qui  l'ont  connu 
«  particulièrement  rendent  de  lui  ce  témoignage,  que  le 
«  Seigneur  opéra  par  lui  des  merveilles  qui  ont  été  écrites 
«  et  bien  constatées,  b 

„     ,    . .  Le  Meiiolosrium  de  Cîteaux  loue  les  mœurs  douces  et  pures 

Menol.  ciiter.  i   i    «  i  •      i  -       i  •         i 

p.  ,,4.  de  cet  abbe,  parle  aussi  de  sa  sainteté,  de  ses  miracles,  et 

rapporte  qu'il  mourut  dans  la  prison  où  Frédéric  le  retenait. 
Sa  vie,  selon  ce  recueil,  était  restée  manuscrite  dans  le  mo- 
nastère de  Villiers,  et  elle  n'est  pas  parvenue  à  notre  con- 
„  ,    naissance.  Cependant  l'historien  de  celte  dernière  abbaye, 

Mari,   aoecd.  i      i  i  i-      ■     i  •  »  ■  • 

i.lli, p.  1278.  qui  probablement  lisait  le  manuscrit  même,  en  a  copie  un 
assez  long  morceau  qui  forme  le  chapitre  vi*  du  Y^  livre 
de  son  histoire.  Dans  les  sept  pages  qu'il  en  a  rapportées, 
on  lit  un  grand  détail  des  vertus  et  des  merveilles  qui  écla- 
tèrent dans  Guillaume.  Sa  chasteté  surtout  excite  les  éloge» 
de  son  panégyriste  ;  il  en  raconte  les  marques  singulières  qui 
en  apparurent  même  après  sa  mort;  et  l'épitaphe  qui  fut 
gravée  sur  son  tombeau  est  presque  entièrement  consacrée 


XIIÏ  SIÈCLE. 


2ia. 


XI"  ABBÉ  DE  VILLIERS.  296 

à  les  célébrer  : 

Pullulât  insignis  Victoria  virginitatis , 
Yillelnio  signis  post  fata  micnnte  beatis; 
Inquinet  ut  niiila  corpus  p(>llulio ,  sexus 
In  dul)io  ilexiis,  stabili  stat  iii  inguine  bulla , 
Felicis  Eunuchi  pia  consolatio;  etc. 

La  Bibliothèque  de  Cîteaux  attribue  à  cet  abbë  un  petit 
ouvrage  sous  le  titre  de  Quelques  pieuses  méditations.  Cet      B'Wioth.  cis- 

"1  '    »  -11-  iT  ■  I  r-.         -1  tare.  p.  353. 

opuscule  a  ete  recueilli  par  Henriquez  dans  son  tasciculus,  Heiiriqucz,Fai- 
ou  il  n'occupe  que  trois  colonnes  in-folio.  On  est  surpris,  ««c  p«ri  11,  p. 
en  le  lisant,  de  trouver  que  c'est  le  même  ouvrage  que  nous 
avons  rencontré  parmi  les  écrits  de  saint  Edmond,  sous  le 
titre  De  variis  modis  conteinplandi.  Ce  n'est  pas  une  imita- 
tion,  mais  une  copie  exacte;  et  assurément  des  deux  per- 
sonnages auxquels  il  est  attribué,  l'un  ou  l'autre  n'en  est  que 
le  copiste."  On  ne  saurait  dire  d'une  manière  bien  positive 
lequel  des  deux  en  est  l'auteur;  mais  il  semble  qu'il  y  aurait 
plus  de  raisons  de  l'adjuger  à  saint  Edmond,  sous  le  nom 
duquel  il  a  été  cité  par  Biile,  par  de  Wisch  lui-même,  par 
Henri  Estienne,  qui  explique  en  quelle  occasion  l'archevêque 
de  Cantorbéry  le  composa.  Et  d  ailleurs  la  Bibliothèque  de 
Citeaux,  en  l'attribuant  à  Guillaume,  semble  exprimer  un 
doute  par  ces  mots  :  Scripto  reliquit  quasdam  pias  medita- 
tiones  :  le  mot  scripto  pourrait  bien  signifier  qu'il  n'a  fait  que 
copier  de  sa  main  ces  méditations,  peut-être  pour  son  usage 
particulier.  Ce  qui  a  été  dit  de  cet  opuscule  à  l'article  de  saint 
Edmond  nous  dispense  d'en  pmler  ici  plus  au  long.     P.  R. 


««I»  i'^^  «**«  4^  ^  «t*^«^ 


ENGUERRAND    III, 

DIT  LE  GR/VND,  SIRE  DE  COUCI. 

Fameux  dans  les  annales  |iôtitiqués  et  militaires  du  xiii*  ■""•"'*  *■ 
siècle,  le'rtom  d'Enguerratid  III  n'appartient  tant  soit  peu 
à  l'hiàtoine  des  lettres  et  dés  arts,  qu'à  raiéon  de  la  part 
que  ce  seigneur  a  pri.He  à  la  promulgation  dé  la  Coutume  de 
Couci  et  à  la  construction  du  thâteaU  et'  de  la  Tour  de  cette 
yille.  La  baronnie  de  Couci,  quoique  indépendante  du  V'er- 
mandois  ,  n'était  guère  régie  que  par  les  statuts  et  les  usagés 
dece  comté  :  Knf^ucrriind  III  les  modifia  parquelques  dispo- 
sitions particulières;  de  là,  une  cmjtume  locale  de  Couci, 
qui  a  été  recueillie  dans  le  Coutumier  général  en   17241  et 

Oo» 


296  ENGUERRAND  III,  SIRE  DE  COUCI. 

XIII  SIÈCLE.       I  I     r-       »         •       J     ^r  1    •  Q  1 

dans  le  Loutumier  de  Vermandois  en  1720 ,  avec  le  commen- 

Couiumiergé-  taire  de  J.  B.  Buridan.  Elle  est  divisée  en  3  titres  :  1°  droits 
nérai,  par  Bour-  ^^j^j,  crgns  mariés:  2°  fiefs  et  droits  casuels:  3°  successions  et 

dot    de    Ricae-  "  .     ,  ,  ,     ,  .    ,  ,  1       i- 

bour»,  3  lom. ,  testaments:  mais  le  nombre  total  des  articles  n  est  que  de  dix. 
4  vol.  in-foi.;  t.  L'uii  attribue  au  mari  le  droit  de  vendre  et  donner,  sans  le 
II, p.  537,538.  consentement  de  la  femme,  tous  les  biens  acquis  durant  le 

Coutumier  de  .  ..  , .  ,  ,  A .  , . 

Vermandois,  2  mariage.  Un  autre  dit  que  «entre  nobles  en  ligne  directe, 
\oi.  in-fol.;  1. 1,  «  l'aisné  emporte  tous  les  fiefs,  réservé  que  les  puînés  em- 
8a5-83a.  ^^  portent  un  quint  à  vie;  et  ont  deux  filles  autant  qu'un  fils, 

a  et  prend  un  fils  autant  que  deux  filles.  »  En  ligne  collaté- 
rale, le  droit  d'aînesse  est  établi  entre  nobles  et  n'est  point 
admis  entre  roturiers. 

Le  même  Engueriand   a,  dit-on,  relevé  les  châteaux  de 

Marie  et  de  la  Fère ,  agrandi  et  fortifié  la  ville  de  Couci,  fait 

bâtir  ou  rebâtir  le  château,  y  compris  la  Tour  qui  subsiste 

encore,  et  qui  a  172  pieds  de  hauteur,  3o5  de  circonférence. 

On  a  deux  chartes  fort  peu  importantes  d'Enguerrand  III. 

L'une  est  un  accord  avec  son  frère  au  sujet  du  village  de 

.  Landousies.  Par  l'autre,  le  sire  de  Couci  ne  réclame  sur  le 

Sainî-Médardde  vicomté  de  Morsain  que  uS  sous  de  rente.  A  l'égard  des  hauts 

Soissons.f.  64.    faits  qui  lui  ont  valu  le  surnom  de  Grand,  nous  devons  en 

ibid.foi.  104.  laisser  le  récit  dans  l'histoire  civile.  Il  a  contribué  en  I2i4  à 

la  victoire  de  Bouvines,  et  s'est  distingué  dans  presque  toutes 

les  guerres  qui  ont  éclaté  de  son  temps.  Du  reste,  il  s'en  faut 

Mémoires  his-  quc  SCS  luœurs  et  sa  conduite  aient  été  irréprochables.  Après 

toriques  par  de  s'être  attaché,  cu  1227,  à  la  reine  Blanche,  régente  du  royaume, 

Belloy    ,      Paris    •■  ,    •  '  ^        '  o      j  111  ■ 

1--0  in  8°  "  ^^  laissa  entraîner,  en  1220,  dans  la  ligue  des  seigneurs 
armés  contre  elle;  il  a  été  même  accusé  d'aspirer  au  trône,  ce 
qui  est  peu  vraisemblable;  car  on  ne  tarde  point  à  le  retrou- 
ver dans  les  rangs  des  plus  fidèles  serviteurs  du  roi  Louis.IX. 
En  1242  ou  43  ,  il  passait  à  gué  une  petite  rivitre  à  une  lieue 
de  Vervins  :  son  cheval  le  renverse,  son  épée  sort  du  fourreau, 
il  tombe  sur  la  pointe,  et  le  fer  lui  traverse  le  corps.  Voilà  du 
moins  comment  sa  mort  est  racontée.  Il  expira  à  Gersi  et  fut 
inhumé  dans  l'abbaye  de  Foigny.  Quoique  le  titre  de  comte  lui 
soit  donné  par  quelques  historiens,  on  lui  attribue  cette  devise  : 

Je  ne  suis  roi  ne  duc,  prince  ne  comte  aussi; 

Je  suis  le  sire  de  Couci  (i).  D. 

(i)  D'autres  citent  quatre  vers  au  lieu  de  deux  : 

Roi  ne  pais- je  cstre. 
Duc  De  veux  être, 
Me  comte  aussi: 
Si  suis  li  sires  de  Couci. 


XUI  SIHCLE. 


«^^««^■««'•^^ 


AMANIEN  OU  AMANEVE 

DE 

GRESINHAC, 

ARCHEVÊQUE  D'AUCH. 

Les  tables  de  l'évêché  de  Tarbes  font  mention  du  nom 
d'Amanien  de  Grésinhac,  aux  années  1224  et  I225,  et  elles 
ne  donnent  d'autre  connaissance  de  son  administration  que  ¥°"  """»  »*4». 
celle  de  deux  ou  trois  actes  de  peu  d'importance.  Ce  prélat, 
natif  de  Rions  sur  Garonne ,  au  diocèse  de  Bordeaux ,  appar- 
tenait à  une  famille  noble.  Il  fut  docteur  en  droit  et  doyen      caii.  chr.  1. 1, 
du  chapitre  d'Angoulême;  on  dit  aussi  qu'ayant  été  honoré  p-  's^a. 
de  l'amitié  particulière  de  Grégoire  IX,  il  fut  élevé  successi- 
vement au  siège  de  Tarbes  et  à  l'archevêché  d'Auch.  L'année 
suivante,  1226,  il  fit  plusieurs  donations  à  l'abbaye  de  la      ^-  ^'  p-99*- 
Sauve-Majeure,  monastère  de  Saint-Benoît  dans  le  diocèse 
de  Bordeaux ,  afin  de  s'assurer,  à  lui  et  aux  membres  de  sa 
famille,  la  participation  aux  prières  des  religieux  de  ce  mo- 
nastère. En    1227,  Grégoire  IX  accorda  à  notre  prélat   le 
privilège  de  faire  porter  la  croix  devant  lui.  Dans  la  lettre 
écrite  à  cette  occasion,  le  pape  dit  «  que  la  croix  ayant  été 
«sanctifiée  par  le  corps  de  Jésus-Christ,  et  étant  devenue  pg-V^"^'    ' 
«  un  mystère  de  foi,  le  salut  des  vivants  et  la  rédemption 
«  des  pécheurs,  c'est  à  juste  titre  que  les  chrétiens  la  vénè- 
a  rent  comme  un  étendard,  qui  non  seulement  est  destiné  à 
«  servir  de  protection  contre  les  puissances  aériennes,  contra 
a  potestates  aereas  ad  munimen ,  mais  encore  d'ornement  à     .  •  ^.'    '^'\k^ 

V,'.    ,.  ,  .    I  .  .„     ,      p  .  adinstr.  p.  i65. 

«  lliglise;  c  est  pourquoi  le  souverain  pontite  la  tait  porter 
«  devant  lui,  ainsi  que  lés  prélats  auxqueU  le  saint -siège 
a  accorde  ce  privilège.  »  Cette  lettre  paraît  fixer  au  moins 
une  époque  à  laquelle  les  évêques  firent  porter  la  croix  de- 
vant eux,  quand  ils  célébraient  pontificalement,  et  de  nos 
jours  encore,  quand  unévêque  officie  dans  quelque  église, 
le  clergé  du  lieu  est  précédé  de  la  croix  paroissiale,  et  l'é- 
▼êque  otliciant  l'est  de  la  croix  pontificale. 

Tome  XyilL  P  p 

22. 


XJII  SIECLE. 


298  AMANIEN,  ARCHEVÊQUE  DAUCII. 

L'ordre  militaire  et  religieux  de  Saint-Jacques  fut  institué 
sur  la  demande  d'Amanien ,  pour  la  défense  de  la  foi ,  et  le 
maintien  de  la  paix  dans  la  province  de  Gascogne.  A  ce  sujet, 
un  acte  fut  dressé  à  la  chancellerie  romaine,  dans  lequel 
il  est  dit  que  «  condescendant  aux  saints  désirs  de  l'arche- 
«  vêque  d'Auch,  le  pape  institue  cette  milice  nouvelle  pour 
«  arrêter  l'iniquité  des  superbes  qui  s'accroît  de  jour  en  jour, 
a  l'orgueil  des  méchants  qui  confond  la  vérité  avec  audace, 
«  qui  détruit  la  paix,  en  foulant  aux  pieds  la  justice.  »  Cet 
acte  est  du  20  avril  i23c. 

La  vie  de  ce  prélat  n'est  remarquable  jusqu'en  1239,  que 
par  des  faits  relatifs  à  l'administration  de  son  évêché  ou  des 
monastères  de  son  diocèse.  En  1289,  il  partit  pour  se  rendre 
à  Rome  au  concile  convoqué  par  Grégoire  IX,  durant  ses 
débats  avec  l'empereur  Frédéric  IL  Mais  il  fut  arrêté  dans 
son  voyage,  comme  beaucoup  d'autres  prélats,  par  les  troupes 
de  l'empereur,  qui  voulait  ainsi  empêcher  la  convocation 
du  concile  où  il  devait  être  déposé.  Amanien,  exilé  de  sa 
patrie  et  privé  de  sa  liberté,  mourut  captif  à  Capoue.  On  ne 
fixe  pas  d'une  manière  précise  l'année  de  sa  mort;  mais  un 
acte  du  monastère  de  Saint-Orient  de  Reulle,  au  diocèse  de 
Tarbes,  fait  connaître  au  moins  que  le  siège  d'Auch  était 
vacant  au  mois  de  juin  1242. 

Le  corps  d'Amanien  fut  rapporté  à  l'abbaye  de  la  Sauve- 
Majeure,  et  il  fut  enterré  dans  le  chœur  de  l'église,  avec  cette 
épitaphe  gravée  sur  son  tombeau  : 

Félix  praelatus  Amaiievus  qui  tuniulatus 

Hîcjacet,  egregius  estitit  atque  pius. 
Indolis  ipse  piae  de  Burdigalae  regione 

Editus  cnituit,  jura  docensque  fuit. 
Sede  decanatns  Engolismense  locatus, 

Ad  Tarbam  trahitur,  pnesul  et  efficitur, 
Hîc  subliniatur ,  et  in  Auxi  sede  locatur, 

Suprà  pontifices  patris  agendo  vices. 
Cum  clero  reliquo  Ciiptus  fuit  à  Frederico, 

Tractatusque  malè  cum  pâtre  Burdigalae. 
Octavis  Agatliae  sub  carceris  asperitate 

Traditur,  innocuè  captus ,  obit  Gapus 
Burdigalaequc  pater  Geraldus  hic. . . . 

. corpus  et  hic 

Les  deux  derniers  vers  de  cette  épitaphe  sont  restés  in- 
complets. P.  R. 


XIII  sir  CLE. 


PIERRE  DE  SEZANE, 

RELIGIEUX  DOMINICAIN. 


Ueux  religieux  dominicains^  Pierre  de  Sézane  et  Hugues; 
deux  religieux  franciscains,  Aymond  et  Rodolphe,  furent  .  "«"démo 
envoyés  en  qualité  de  nonces  par  le  pape  Grégoire  IX  à  Jean 
Vatace  ou  Batatze,  empereur  d'Orient,  et  à  Germain,  pa- 
triarche de  Constantinople ,  afin  de  traiter  des  moyens  à 
prendre  pour  opérer  la  réunion  des  deux  églises.  Ces  reli-      Sfnpt.  ordm- 

'.  p     ^  1      •    •  -1  !•      •     1         11  1-    .•  '       min.l.I,  p.  102. 

gieux  furent  choisis  parmi  les  disciples  les  plus  distingues     wadding,  An, 
de  Dominique  et  de  François:  nouvelle  milice  qui  devait  nai.  min.  i.i,  p. 
remplacer  les  anciens  ordres  dans  les  missions  des  souverains  ''''• 
pontifes  vers  toutes  les  parties  du  inonde.  Les  travaux  de 
ces  quatre  religieux,  et  l'écrit  qui  les  constate,  leur  furent 
communs;  mais  les  détails  s'en  trouvant  réunis  à  l'article  du 
frère  Pierre  de  Sézane,  dans  la  bibliothèque  des  écrivains  de 
son  ordre,  on  se  croit  fondé  à  parler  des  travaux  des  quatre 
nonces  sous  le  nom  de  ce  dernier. 

Ce  qui  donna  lieu  à  cette  entreprise  est  ainsi  raconté  par 
Fleury.  «  Cinq  frères  mineurs,  qui  étaient  allés  en  Natolie 
«  travailler  à  la  conversion  des  âmes,  furent  pris  par  les 
<r  Turcs  et  retenus  en  prison;  d'où  étant  sortis,  ils  vinrent 
«  à  Nicée,  où  Germain  faisait  sa  résidence  aussi  bien  que  Hisi.  ecciés.  i. 
«  l'empereur  Jean  Vatace.  Les  cinq  frères  vinrent  trouver  l'X^x.r.  -%.%. 
«  le  patriarche,  qui  les  reçut  humainement  et  fut  édifié  de 
«  leur  pauvreté  et  de  leur  zèle.  Etant  entrés  «i  conver- 
«  sation,  ils  parlèrent  de  diverses  choses,  et  s'arrêtèrent 
a  principalement  sur  le  schisme  qui  divisait  l'Eglise  depuis 
«  long- temps.  Ils  lui  proposèrent  de  travailler  à  l'union 
«  entre  les  Grecs  et  les  Latins ,  et  ils  furent  favorahle- 
«  ment  écoutés. 

a  Le  patriarche  Germain  rendit  compte  de  la  proposition 
«  des  frères  mineurs  à  l'empereur  Jean  Vatace,  son  maître, 
0  qui  avait  alors  intérêt  de  se  concilier  le  pape,  pour  détour- 
ci  ner  l'orage  qui  le  menaçait  de  la  part  de  Jean  de  Briénne, 
«  empereur  latin  de  Constantinople.  Vatace  permit  donc  au 

Pp2 


3oo  PIERRE  DE  SEZANE, 


ilU  SIKCLE. 


Id.  |).  3ii. 


a  patriarche  d'écrire  au  pape  pour  la  réunion,  et  il  lui  écrivit 
«  lui-même.  » 

Matthieu  Paris  nous  a  conservé  la  lettre  que  Germain 

adressa  au  pape,  et  celle  qu'il  adressa  aux  cardinaux.  Dans 

la  première,  le  patriarche  manifeste  son  désir  de  réunion; 

Maiih.  Paris,  mais  il  dit  aussi  que  ce  qui  éloigne  plusieurs  peuples  de 

I'  iog.  |g  soumission  au  pape ,  c'est  qu'ils  craignent  l'oppression , 

les  exactions  insolentes  et  les  redevances  indues  qu'il  extor- 
quait de  ceux  qui  lui  étaient  soumis.  Dans  sa  lettre  aux  car- 
dinaux, il  les  exhorte  à  procurer  la  paix,  comme  étant  le 
conseil  du  pape;  puis  il  leur  dit  que  la  division  est  venue  de 
l'oppression  tyrannique  qu'ils  exerçaient,  et  des  exactions  de 
l'Eglise  romaine,  qui  de  mère  était  devenue  une  marâtre,  et 
foulait  d'autant  plus  les  fidèles,  qu'ils  s'abaissaient  davantage 
devant  elle. 

Le  pape  répondit  au  patriarche   par  une   longue  lettre 

datée  de  Riéti,  le  a6  juillet  1282,  oii  il  promet  de  lui  envoyer 

des  religieux  pour  lui  expliquer  plus  amplement  son  inten- 

iieuiy,ubi sup.  tiou  ct  ccllc dcs  cardiuaux.  L'année  suivante,  il  envoya  donc 

Maiih.  Pans,  gj^  Natolic  Ics  quatre  religieux  ci-dessus  nommés,  avec  une 

^  "*    ■  nouvelle  lettre  où  il  expose  au  patriarche  les  arguments  qui 

établissent  les  deux  puissances  dans  la  personne  du  pontife 
romain.  Cette  lettre  est  datée  de  Latran,  le  18  mai  i233. 

Ces  religieux,   partis   de   Rome,   arrivèrent  à  Constanti- 

nople,  d'où,  au  mois  de  janvier  suivant,  ils  vinrent  à  Nicée 

en  Bithynie,  et  là,  pendant  quatre  jours,  ils  soutinrent  de 

FtiiarJ  t   I    gt'ands  débats  avec  le  patriarche  grec  sur  la  procession  du 

p.  io3  '  '  Saint-Esprit,  et  sur  le  pain  azyme  et  fermenté.  Après  ces 
disputes,  qui  furent  sans  fruit  pour  les  deux  partis,  le  pa- 
triarche grec  prétexta  que  ces  questions  étant  ardues,  il 
ne  pouvait  rien  décider  sans  le  consentement  de  ses  frères 
d'Alexandrie ,  d'Antioche  et  de  Jérusalem  ;  il  convoqua  donc 
un  synode  pour  le  milieu  de  mars  suivant,  où  il  devait  écouter 
les  nonces  et  répondre  au  pape.  Les  quatre  religieux  étant 
retournés  à  Constantinople ,  y  reçurent  quelque  temps  après 
la  lettre  du  patriarche  qui  les  convoquait  au  synode,  en  un 
lieu  nommé  AeV/epa.  Ils  firent  d'abord  difficulté  de  s'y  rendre; 
mais  pressés  plus  vivement  et  par  le  patriarche  et  par  l'em- 
pereur Vatace,  ayant  pris  conseil  du  clergé  de  Sainte-Sophie, 
ils  s'y  décidèrent.  Chemin  faisant,  ils  furent  avertis  par  un 
message  de  l'empereur  grec,  de  venir  jusqu'à  Nymphée  en 
Bithynie.  Ils  y  arrivèrent  au  commencement  d'avril;  mai» 


RELIGIEUX  DOMINICAIN.  3oi 

les  prélats  grecs  alléguant  que  leur  présence  était  nécessaire 
dans  leurs  églises  durant  les  fêtes  de  Pâques,  le  synode  lut 
lixéà  la  seconde  férié  après  cette  fête,  qui  était  le  24  avril. 

On  y  tint  cinq  séances.  Dans  la  première,  il  fallut  recom- 
mencer les  disputes  sur  la  procession  du  Saint-Esprit,  pour 
les  évêques  nouvellement  venus,  et  cette  séance  se  passa  en 
altercations.  Dans  la  seconde,  qui  eut  lieu  le  jour  suivant, 
les  Grecs  trouvèrent  quelques  expressions  à  reprendre  dans 
la  lettre  de  Grégoire  IX,  dont  on  fit  lecture;  et  la  dis- 
pute ayant  amené  des  paroles  d'aigreur  et  de  mépris,  les 
religieux  demandèrent  à  l'empereur  la  permission  de  se  re- 
tirer; celui-ci,  au  contraire,  témoigna  le  désir  de  les  retenir, 
et  ils  se  rendirent  à  ses  instances.  La  troisième  séance  eut 
lieu  dans  le  palais  impérial;  et  comme  on  ne  s'accordait 
encore  sur  rien  ,  on  convint  que  de  chaque  côté  on  mettrait 
par  écrit  sa  profession  de  foi  sur  les  articles  proposés.  Dans 
la  quatrième  séance,  on  fit  lecture  des  professions  de  foi, 
on  s'en  donna  mutuellement  des  copies;  puis,  après  quel- 
ques discussions,  chacun  se  retira.  Le  mercredi  de  la  se- 
maine de  Quasimodo,  l'empereur  ayant  invité  les  nonces 
à  venir  dans  son  palais,  il  les  engagea  en  particulier  à  se 
relâcher  sur  un  des  deux  articles,  promettant  d'obtenir  de 
son  clergé  une  pleine  adjiésion  à  l'autre,  et  leur  disant  que 
c'était  le  seul  moyen  d'en  finir;  ils  répondirent  avec  énergie 
que  le  pontife  romain  ne  céderait  pas  un  iota  sur  des  articles 
de  foi.  La  cinquième  séance  ayant  eu  lieu,  les  évêques  grecs 
s'y  firent  accompagner  de  leur  clergé  et  d'un  peuple  nom- 
breux. On  y  fit  lecture  de  la  profession  de  foi  romaine  :  la 
dispute  s'éleva  aussitôt  et  s'enflamma;  on  se  renvoya  tour 
à  tour  les  épithètes  de  schismatiques  et  d'hérétiques,  et  tout 
espoir  de  réunion  s'évanouit. 

Les  religieux  obtinrent  de  l'empereur  la  faculté  de  s'en 
retourner,  et  ils  partirent  de  Nymphée;  mais  les  prélats 
grecs  les  firent  poursuivre  pour  se  faire  rendre  la  profession 
de  foi  que  leur  patriarche  avait  faite  et  leur  avait  remise, 
et,  d'après  le  refus  qu'ils  firent  de  s'en  dessaisir,  on  s'em- 
para d'eux,  et  on  leur  enleva  de  force  l'écrit  ;  après  quoi, 
ayant  recouvré  leur  liberté,  ils  se  dirigèrent  vers  Constan- 
tinople,  et  de  là  vers  Rome.  Ainsi  ces  nonces  apostoliques 
qui,  à  leur  arrivée  à  Nicée,  avaient  vu  des  commissaires 
impériaux  venir  au-devant  d'eux  ,  leur  témoigner  par  avance 
la  joie  de  leur  maître  et  de  sa  cour;  qui  ensuite  avaient 


nu  SIÈCLE. 


XUl  SIÈCLE. 


3o2  PIERRE  DE  SEZANE, 

été  introduits  dans  la  ville  par  tout  le  clergé,  accouru  pour 
les  recevoir;  qui  avaient  été  promenés  dans  les  rues,  au 
milieu  du  concours  de  la  population,  et  conduits  avec 
pompe  dans  la  maison  préparée  pour  eux,  se  virent  obligés, 
aux  derniers  jours  de  leur  séjour  en  ce  pays,  de  se  sauver 
à  pied  ,  à  travers  des  chemins  déserts  et  impraticables  , 
portant  sur  leur  dos  les  livres  qu'ils  avaient  apportés  pour 
soutenir  leurs  disputes,  attendu  que  les  prélats  avaient 
excommunié  d'avance  ceux  qui  leur  rendraient  ce  service. 
Engagés  par  un  cavalier  envoyé  à  leur  poursuite  à  se  détour- 
ner dans  un  village  voisin ,  avec  promesse  de  faire  lever 
l'excommunication  lancée  sur  les  hommes  qui  les  serviraient, 
ils  y  furent  rejoints  parle  chartophylax  qui  les  fit  saisir  eux, 
leurs  livres  et  leurs  hardes,  les  fouilla,  et  ayant  enfin  trouvé 
l'écrit  du  patriarche  que  les  frères  voulaient  porter  à  Rome, 
s  en  saisit,  en  s'écriant  :  J'ai  ce  que  je  cherchais,  et  laissa  les 
religieux  en  pleine  liberté.  Ceux-ci  ne  furent  privés  que  de 
l'original  de  cette  pièce,  en  ayant  fait  une  copie  qui  leur 
restait;  ou  peut-être  était-ce  la  traduction  de  ce  que  le  pa- 
triarche avait  écrit  en  grec.  Nous  en  dirons  quelques  mots, 
après  avoir  rendu  compte  de  l'ouvrage  que  les  religieux 
composèrent. 

Cet  ouvrage,  intitulé  Acta  concilii primo  apud  Nicœam 
t.uni  apud  Nympheam  habiti,  n'est  autre  chose  que  le  récit 
historique  de  tout  ce  qui  arriva  aux  quatre  envoyés  du 
pape,  depuis  leur  arrivée  en  Grèce  jusqu'au  moment  qu'ils 
en  repartirent.  On  y  trouve  racontés  en  détail  tous  les 
débats  qu'ils  eurent  à  soutenir  avec  ceux  qu'ils  avaient  in- 
tention de  réconcilier  avec  Rome.  En  lisant  les  disputes  qui 
eurent  lieu  à  cette  occasion  ,  on  croit  se  trouver  dans  le  pays 
natal  de  l'argutie  scholastique. 

Les  Grecs  demandent  à  disputer,  ils  offrent  à  leurs  adver- 
saires de  prendre  à  leur  choix  l'offensive  ou  la  défensive;  ils 
ne  veulent  pas  d'abord  heurter  les  nonces,  auxquels  ils  sem- 
blent avoir  intention  de  ne  pas  donner  raison,  mais  ils  ne 
peuvent  se  décider  à  faire  des  concessions  qui  les  feraient 
passer  à  la  même  foi  que  les  Occidentaux  ,  et  de  la  même  foi 
à  la  même  soumission.  Aussi,  dans  leurs  arguments,  sont- 
ils  rusés,  artificieux,  féconds  en  prétextes  et  en  détours. 
a  On  découvre  dans  ce  récit,  dit  l'historien  des  frères  pré- 
a  cheurs,  et  avec  évidence,  d'un  coté,  les  artifices,  les 
«  subterfuges,  l'opiniâtreté  des  prélats  grecs  et  la  fourberie 


RELIGIEUX  DOMINICAIN.  3o3 


Xlll  SlKCLi;. 


«  de  leur  empereur  Vatace;  de  l'autre,  l'érudition,  l'habi- 
o  leté,  la  présence  d'esprit,  la  constance  et  la  fermeté  des 
«  nonces.  » 

L'ouvracre  que  ces  derniers  écrivirent  après  leur  entre-  ^^•"l''|"r,All- 
prise,  rapporte  en  partie  dans  les  annales  des  treres  mi-  /|f,a 
iieurs,  et  en  partie  aussi  dans  le  recueil  des  conciles  du 
P.  Labbe,  a  été  transcrit  en  entier  dans  la  Bibliothèque  des 
écrivains  de  l'ordre  des  frères  prêcheurs,  d'après  un  ma- 
nuscrit tiré  du  collège  de  Navarre,  et  il  y  est  contenu  en 
trente-deux  colonnes  in-folio.  Nous  en  traduisons  ici  quel- 
ques passages. 

A  la  première  séance,  à  laquelle  étaient  présents  l'empe-  Kciuid.Scnp- 
reur,  le  patriarche  et  son  clergé,  «on  nous  demanda,  disent  '""'^'  '  ''  '' 
«  les  religieux ,  quels  étaient  nos  pouvoirs  ;  nous  répondîmes  : 
«  La  teneur  des  lettres  du  seigneur  pape  vous  les  a  assez  fait 
«  connaître;  nous  pouvons  y  ajouter,  que  tout  ce  que  nous 
«  ferons  dans  cette  affaire,  sera  trouvé  bon  et  ratifié  par 
«  l'Eglise  romaine.  Ils  nous  dirent:  Eh  bien!  procédons  à  cette 
«  affaire.  Et  comme  on  faisait  de  part  et  d'autre  des  diffi- 
«  cultes  pour  savoir  qui  devait  commencer,  nous  leur  dîmes  : 
«  Nous  n  avons  pas  été  envoyés  pour  disputer  avec  vous  sur 
«  quelque  article  de  foi  dont  l'Eglise  romaine,  ou  nous, 
<r  soyons  peu  sûrs,  mais  pour  avoir  une  conférence  amicale 
«  avec  vous  sur  vos  doutes;  c'est  donc  à  vous  de  nous  les 
a  faire  connaître.  A  cela,  ils  nous  répondirent  :  Dites-nous 
a  vous-mêmes  quels  ils  sont.^  Nous  apercevant  alors  qu'ils 
<r  étaient  très-disposés  à  alonger  l'affaire,  nous  leur  dîmes  : 
4  Quoique  ce  ne  soit  pas  à  nous  à  proposer  vos  ques- 
«  tions,  cependant,  pour  ne  pas  perdre  le  temps  en  vain, 
o;  nous  vous  dirons  que  l'Eglise  romaine  voit  avec  étonne- 
«  ment  que  l'Eglise  grecque,  qui  lui  était  autrefois  soumise 
«  comme  les  autres  qui  sont  répandues  sur  la  surface  du 
«  monde,  se  soit  séparée  d'elle;  quelle  a  été  la  raison  ou  la 
«  cause  de  cette  séparation.-^  Ils  ne  voulurent  pas  répondre 
a  à  cette  question ,  et  ils  nous  invitaient  à  y  répondre  nous- 
«  mêmes.  » 

Mais  la  dispute  s'envenimant,  les  difficultés  allaient  crois- 
sant sur  les  deux  sujets  de  la  discussion,  à  savoir  :  la  pro- 
cession du  Saint-Esprit  et  le  pain  azyme.  Dans  une  des 
séances,  les  nonces,  fatigués  des  arguties  des  (Irecs,  leur 
dirent:  «  Nous  voyons  que  vous  ne  voulez  que  prolonger  l'af- 
«  faire  et  éviter  la  question ,  et  que  vous  n'osez  pas  confesser 


XIII  SIKCLE. 


3o4  PIERRE  DE  SÉZANE, 

«  votre  foi.  Nous  vous  dirons  donc  franchement  ce  que  nous 
«  pensons  de  vous.  Déjà  nous  nous  sommes  aperçus  de  votre 
a  aversion  pour  notre  sacrement  en  azyme,  d'abord  par  vos 
«  écrits  où  l'on  voit  vos  sentiments  hérétiques  à  ce  sujet; 
a  en  second  Heu,  parce  que  vous  n'osez  pas  répondre  à  la 
a  question  du  sacrement,  de  peur  de  montrer  votre  hérésie. 
«  Troisièmement,  vos  actions  le  prouvent,  car  vous  lavez 
«  vos  autels  quand  un  Latin  y  a  célébré.  Quatrièmement,  si 
(t  quelque  Latin  veut  s'approcher  de  vos  sacrements,  vous 
a  le  forcez  d'apostasier  auparavant,  et  d'abjurer  les  sacre- 
(c  ments  de  l'Eglise  romaine.  Cinquièmement,  vous  avez 
«  retranché  le  nom  du  pape  de  vos  diptyques:  nous  savons 
a  que  vous  n'en  agissez  ainsi  qu'à  l'égard  des  excommuniés 
«  et  des  hérétiques  ;  vous  le  regardez  donc  comme  un  héré- 
(c  tique  ou  excommunié.  Enfin,  vous  l'excommuniez  une  fois 
«  tous  les  ans,  ainsi  qu'on  nous  l'a  raconté.  » 

A  ces  mots,  le  chartophylax  se  leva  et  dit  :  Vous  dites 
a  que  noiis  excommunions  le  pape,  nous  déclarons  cela 
«  faux,  et  si  quelqu'un  le  dit,  nous  le  chassons  ou  nous  le 
«  punissons.  Quant  au  reste  de  notre  conduite,  n'en  soyez 
(f  pas  surpris:  car  lorsque  vos  Latins  eurent  pris  Constan- 
ce tinople,  ils  dévastèrent  les  églises ,  renversèrent  les  autels, 
«  pillèrent  les  châsses  d'or  et  d'argent,  en  jetèrent  les  reli- 
<c  ques  dans  la  mer,  foulèrent  aux  pieds  les  saintes  images, 
(c  et  firent  des  églises  les  étables  de  leurs  chevaux,  de  telle 
(c  sorte  que  l'on  vit  l'accomplissement  de  ces  paroles  :  Deus^ 
«  vencrunt  gentes  in  hœreditatem  tunm ,  polluerunt  teniplum 
«  sanctum  tuum,  etc. —  Après  cela,  le  patriarche  dit:  Si 
«  vous  êtes  surpris  que  nous  ayons  effacé  le  pape  de  nos 
«  diptyques,  pourquoi ,  je  vous  le  demande,  m'a-t-il  effacé 
«  des  siens .3  —  Et  nous,  répondant  à  cette  dernière  ob- 
«  jection,  nous  dîmes  :  Le  seigneur  pape  ne  vous  a  jamais 
a  effacé  de  ses  diptyques ,  parce  que  vous  n'y  avez  jamais 
«  été.  Mais  si  vous  parcouriez  la  vie  de  vos  prédécesseurs , 
<£  vous  verriez  si  ce  n'est  pas  vous  qui ,  les  premiers ,  avez 
«  rejeté  le  pape  avant  qu'il  vous  rejetât.  —  Ils  ne  répon- 
«  dirent  rien  à  cela.  -;-  Quant  aux  autres  accusationà  que 
«  vous  faites  contre  l'Eglise  romaine,  elles  ne  la  regardent 
«  pas,  parce  que  tout  cela  s'est  fait  sans  son  consentement 
«  et  sans  son  ordre.  Tout  ce  que  vous  venez  de  rapporter,  si 
«  cela  a  été  commis,  ce  fut  l'œuvre  des  laïques ,  des  pécheurs, 
<i  dea  excommuniés,  qui  se  portèrent  deux -mêmes  à  ces 


RELIGIEUX  DOMINICAIN.  3o5 


XIII  SlICLF., 


.(  excès,  et  vous  ne  pouvez  pas  imputer  à  toute  l'Eglise  ce 
«  qui  a  été  fait  par  quelques  hommes  pervers;  au  lieu  que 
(c  ce  que  nous  vous  reprochons  se  fait  chaque  jour  par  vos 
<>  patriarches,  vos  archevêques,  vos  évêcjuc.s  et  le  reste  de 
a  vos  prélats;  c'est  vous  qui  le  faites  et  le  faites  faire;  vous 
«  n'avez  point  d'excuses.  Trouvant  chez  vous  tant  d'abomi- 
«  nations,  et  aucune  disposition  à  vous  en  corriger,  nous 
«  prenons  le  parti  de  retourner  vers  celui  qui  nous  a  en- 
«  voyés.  Et  nous  quittâmes  ainsi  rassemblée.  » 

Le  récit  des  nonces  est  suivi  de  la  lettre  du  patriarche, 
de  laquelle  il  a  été  question  dans  cet  article;  elle  a  pour 
titre  :  Hœc  est  epistola  patriarchœ  Nicœni  Grœcorimi ,  missa 
ad  sunimutn  pontifîcem  dominum  Gregoriuui  L\.  C'est  une 
j)rofession  de  foi  dressée  avec  des  passages  tirés  des  Pères 
de  l'Eglise  grecque  :  il  y  est  dit  que  le  Fils  procède  du  Père, 
mais  que  le  Saint-Esprit  ne  tient  l'être  que  de  Dieu  ,  et  qu'il 
est  venu  à  la  connaissance  des  hommes,  manifesté  par  le  Fils. 

On  ne  trouve  rien  de  fixé  sur  la  mort  de  Pierre  de  Sézane. 
Le  P.  Echard,  pour  en  établir  la  date  applroximative,citeun  r.ciiani,  Sn  ip 
passage  tiré  des  Vies  des  frères  prêcheurs,  duquel  il  résulte  '°'"'  '•  ^'  •' 
cjue  ce  religieux  racontait,  un  jour,  que  pendant  le  séjour 
qu'il  avait  fait  à  Constantinople ,  sous  le  règne  du  pieux 
empereur  Jean  ,  avec  les  autres  frères  qui  avaient  été  envoyés 
avec  lui  par  le  pape  Grégoire  IX,  pour  travailler  à  ramener 
les  Grecs,  il  avait  été  témoin  de  la  conversion  d'un  Sarra- 
sin. Ce  passage  faisant  entendre  que  Pierre  parlait  quelques 
années  après  sa  mission  en  Grèce,  on  a  cru  devoir  fixer  aj)- 
proximativement  la  date  de  sa  mort  de  1240  à  1245. 

P.  R. 


102. 


GEOFFROl  DE  VINESAUF  '". 

POETE   LATIN.  Vers  11,5. 

A.U  XIII®  siècle,  la  langue  latine  avait  cessé  d'être  la  langue         ?»  *ie. 
du  peuple.  Ceux  qui  la  cultivaient  encore  s'efforçaient  en 
▼ain  de  contre-balancer,  par  des  productions  multipliées,  la 
faveur  que  l'on  accordait  aux  innombrables  poèmes  en  langue 

(i)  D'antres  écrivent  Vinisauf. 

Tome  XVin.  Q  q 


îoG  GEOFFROI  DE  VINESAUF, 


XIII  SIKCI.K. 


romane,  fabriqués  par  d'ignorants  trouvères.  Ils  ne  voyaient 
pas  sans  regret  leur  langue  favorite  perdre,  chaque  jour,  de 
son  influence,  et  l'idiome  grossier,  presque  barbare,  auquel 
pourtant  elle  avait  donné  naissance ,  usurper  l'empire  qu'elle 
avait  seule  exercé  dans  les  Gaules,  durant  cinq  à  six  siècles. 
]Mais  déjà  le  mal  était  sans  remède  :  la  belle  langue  dans  la- 
quelle ils  écrivaient  n'était  plus  guère  en  usage  que  dans 
les  écoles,  ni  comprise  que  par  les  prêtres,  les  clercs,  les 
jurisconsultes,  les  médecins.  Dès  le  siècle  précédent,  les  pré- 
dicateurs, dans  les  églises,  avaient  été  obligés  de  parier  au 
jjcuple  la  seule  langue  qu'il  pût  entendre. 

Parmi  les  poètes  latins  qui  se  distinguèrent  au  xiii*^  siècle, 
et  par  leur  talent  et  par  leurs  nombreuses  productions,  il 
faut  placer  dans  les  premiers  rangs  Geoffroi  de  Vinesauf, 
dont  les  ouvrages  sont  bien  plus  coimus  que  la  personne.  On 
ne  sait  même  pas  précisément  son  nom,  qui  se  trouve  très- 
différemment  écrit  dans  la  plupart  des  manuscrits.  On  l'y 
appelle  tantôt  Galfridus ,  tantôt  Coffiedus ,  tantôt  Gualtcrus 
de  Viiio  Salvo;  et  ces  mots  de  Fino  Salvo  ne  semblent  être 
qu'un  sobriquet  qui  lui  fut  donné  parce  qu'il  était  auteur 
d'un  livre  sur  les  moyens  de  conserver  et  d'améliorer  les 

vins. 

^   .  Ouelciues  biographes  le  disent  Anglais,  d'autres  Normand; 

iVii^l  |..  261  la  plupart  (et  Pits  entre  autres)  le  tout  naître  en  Angle- 
terre de  parents  normands  :  c'est  l'opinion  que  nous  avons 
adoptée.  Était -il  moine.-'  Nous  n'avons  trouvé  qu'un  seul 
manuscrit  qui  lui  doime  le  titre  àefrater  :  un  autre  le  désigne 
parlaqualihcation  de  protonolarius ;  et  nous  admettrions  plus 
volontiers  qu'il  la  mérita,  car  on  ne  peut  douter,  d'après  l'é- 
loge pompeux  qu'il  fait  d'Innocent  III,  dans  un  de  ses  poèmes, 
qu'il  n'ait  reçu  des  faveurs  de  ce  pape,  de  cet  Innocent  III 
qui,  malgré  son  ambition  démesurée  et  la  tyrannie  qu'il 
exerça  dans  Rome,  aimait  et  cultivait  les  lettres. 

Que  Geoffroi  de  Vinesauf  ait  résidé  à  Rome,  c'est  ce  qui  ne 
paraît  pas  moins  certain  d'après  ces  vers  du  même  poème  : 

Me  transtulit  Anglia  Romam; 

T.inqiiam  de  terris  ai!  cœliim  transtulit  ail  vos. 
De  tenehris  velut  ad  luceni. 

Ce  fut  là  qu'il  composa  son  principal  ouvrage,  que  nous 
ferons  bientôt  connaître.  Mais  on  peut  douter  qu'il  ait  en- 
seigné Us  belles-lettres  à  Bologne,  comme  l'ont  pensé  Fat- 


POETE  LATIN.  807 

..—,.,,.  ,  ...  XIII  SlKCLi:. 

tonni  et  liraboschi,  sans  appuyer  leur  opinion  de  preuves  — 

bien  convaincantes. 

S'il  faut  en  croire  la  plupart  de  ceux  qui  ont  parlé  de  ce      Piiseu* ,  Fa- 
poète,  il  accompa{;jna  Richard  Cœur-de-Lion  dans  son  expë-  '"'m's,  Thom. 
dition  à  la  Terre-Sainte,  et  il  écrivit,  en  prose,  l'itinéraire  m'',' ,?'''' d^T'' 
de  Richard,  ou  plutôt  I  histoire  de  cette  expédition.  Let  ou-  Leyser,  et.. 
vrage  nous  est  resté,  et  nous  examinerons  plus  tard  s'il  est 
bien  prouvé  que  Geoffroi  en  soit  l'auteur.  Ce  qu'on  peut 
dire  à  ce  sujet,  c'est  qu'il  eut  toujours  une  grande  admiration 
pour  le  courage  et  les  talents  de  Richard  ;  (ju'il  l'a  célébré 
dans  plusieurs  poèmes ,  et,  entie  autres,  dans  un  chant  (u- 
nèbre  sur  sa  mort;  mais  il  est  plus  que  douteux,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  qu'il  l'ait  accompagné  à  la  Terre-Sainte. 

Tout  est  conjecture  dans  la  vie  de  Geoffroi  de  Vinesauf  :  • 
ses  titres,  les  fonctions  qu'il  a  pu  exercer,  ses  voyages.  On 
ne  trouve  son  nom  placé  dans  aucun  document  diploma- 
tique, ni  historique,  dans  aucune  affaire  importante.  11  n'eut 
de  célébrité  que  comme  poète  ;  et  c'était  sa  facilité  h  composer 
des  vers,  sa  fécondité,  que  l'on  dut  admirer  bien  j)lus  que 
son  génie,  quoique  Fus  ait  dit  de  lui  :  /  ir  ingcniijlorentis, 
styll  compti,  tersi ,  nilidi ,  sU'e  orationern  solutam  spectes ,  Pitscus,Siii|ii. 
sivè  constrictam.  '^"^i  i'  '^C'- 

Fabricius  attribue  à  Geoffroi  de  Vinesauf  onze  à  douze     sesoivuagis. 
ouvrages  tant  en  vers  qu'en  prose,  dont  il  cite  les  titres;  et 
à  cette  liste,  il  faudrait  en  ajouter  bien  d'autres,  si   l'on  y    Fabmins.Bii)!. 
faisait  entrer  tous  ceux  qui  portent  Son  nom  en  différents  T!'^'','!' '"'^- '"" 

^     ,  ...  .^  y.  ,    .  .  lib.    VII,    p.    in 

catalogues  et  dictionnaires  biographiques;  mais  ce  serait  et  35  ,347.',7Ô 
une  erreur  de  lui  accorder  une  si  prodigieuse  fécondité.  Nous 
démontrerons  que  le  même  ouvrage  a  reçu  dans  les  catalo- 
gues, jusqu'à  cinqet  même  six  titres  différents,  qui  en  ont  lait, 
en  apparence,  autant  d'ouvrages  distincts.  Nous  citerons  pour 
exemple  sa  Poetna  noi'o ,  le  plus  important  de  ses  poèmes. 

Cette  Poetria  (terme  assez  impropre,  puisque  l'on  pou-     Aiss.ddaiîihi. 
vait  disposer  de  celui  de  poetica  )  est  une  espèce  de  rhéto-  ''""oi»"  8171 

J         1         J  1711  J-  82/(6,  elt. 

rique  de  plus  de  2000  vers.  Elle  a  reçu  en  divers  manuscrits 
les  noms  de  Ars  dictandi.  —  Artificium  loquendi.  —  Enchi- 
ridion  cum  medulta  grammatica'.  —  Poetica  novclla ,  et 
peut-être  aussi  le  titre  De  Rébus  ethicis,  qui  s'éloigne  plus 
des  autres  titres  et  du  sujet  de  l'ouvrage.  Il  y  a  mieux  :  on 
trouve,  et  dans  les  manuscrits  et  dans  plusieurs  grands  re- 
cueils, sous  des  titres  différents,  et  comme  si  c'étaient  des 
poèmes  qui  n'eussent  aucun  rapport  avec  la  Poetria  nova, 

Qqa 


\ [H  SIECLE. 


3c8  GEOFFROI  DE  VINESAUF, 

de  longs  extraits  de  ce  grand  poème.  Par  exemple,  la  dédi- 
cace que  Geoffroi  faisait  de  la  Poctria  au  pape  Innocent,  et 
qui  ne  cotitient  qu'une  cinquantaine  de  vers,  s'est  mëtaraor- 
pliosëe  en  poème  important  dans  les  catalogues  des  biblio- 
graphes, ou  elle  est  mentionnée  sous  le  titre  de  Carmen  ad 
Innoicntiuni  lll paparn. 

Quelques  vers  de  cette  dédicace  feront  tout  d'abord  con- 
naître la  manière  de  l'auteur,  son  goût  pour  les  jeux  de  mots, 
les  antithèses.  Après  avoir  dit  qu'il  est  venu  de  l'Angleterre 
à  Rome,  comme  s'il  eût  été  lancé  de  la  terre  au  ciel,  des 
ténèbres  à  la  lumière  ,  il  ajoute ,  en  s'adressant  au  pape  : 

Lux  publica  mundi , 

Digneris  liicere  niilii ,  ilignissima  reruin. 

Dulce  tuuni  partire  tuo.  Dare  grandia  solus 

Et  potes  et  debes  et  vis  et  scis.  Quia  prudens 

Si'is;  quia  clemens  vis;  quia  niagnus  origine  debes; 

Et  quia  papa  potes,  etc. 

Comme  le  nom  à' Innocent  latinisé  ne  pouvait  se  placer, 
sans  blesser  la  prosodie,  dans  un  vers  hexamètre,  Geoffroi 
imagina  de  séparer  en  deux  ce  mot,  et  de  tirer  de  là  matière 
à  un  compliment  au  pape.  Nous  citerions  ici  ces  vers  bizarres, 
s'ils  ne  se  trouvaient  déjà  dans  notre  Discours  sur  l'état  des 
lettres  rtw  xiii*  siècle. 

A  la  fin  de  la  Poétique  de  Geoffroi,  on  trouve  un  épi- 
logue au  même  pape,  à  qui  il  fait  l'emphatique  et  singulier 
compliment  que  nous  croyons  devoir  répéter,  quoique  nous 
l'ayons  également  cité  dans  le  même  Discours. 

Nec  Deus  es  nec  bomo,  quasi  neuter  es  inter  utrumque, 
Queni  Deus  elegit  sociuni. 

iii»i.  liitei.  t.       C'est  dans  le  même  style,  et  en  leur  donnant  les  plus 
x\i,|..  i8'J.      magnifiques  éloges,  qu'il  adresse  encore  son  poème,  tant  à 
l'empereur,  qu'au  chancelier  Guillaume,  à  qui  il  dit  : 

Quod  Pap;c  scripsi  munus  spéciale  libelli 
Accipe,  tlos  regni.  Primo  potiaris  bonore 
Hujus  secreti.  Nec  if!  uniim  sume,  sed  unà 
Do  til)i  me  totum ,  Guiilerme,  vir  auiee,  totus 
Sum  tuus  ad  votum. 

Il  est  temps  d'examiner  au  fond  cet  ouvrage  capital  du 
poète  Geoffroi.  Il  y  passe  en  revue,  dans  un  style  facile  et 
souvent  élégant,  les  règles  qui  lui  semblent  les  plus  propres 


POÈTE  LATIN.  3o<) 

à  former  l'orateur  ou  le  bon  écrivain  clans  tous  les  genres. 
Mais  il  ne  se  contente  pas  d'exposer  les  principes  généra- 
lement admis,  il  y  joint  des  exemples,  et  c'est  là  ce  qu'on 
lit  avec  le  plus  d'intérêt.  En  effet,  ces  exemples  sont  quel- 
quefois tirés  d'événements  contemporains  :  tel  est  l'exemple 
qu'il  donne  du  style  que  l'on  doit  employer  dans  la  pein- 
ture des  grandes  douleurs  publiques  :  il  prend  pour  sujet 
la  mort  vraiment  déplorable  ou  plutôt  l'assassinat  du  roi 
Richard. 

Neustria  sub  dypeo  régis  defensa  Ricardi, 
Indefensa  modo,  gestu  testare  dolorem. 
Exiindent  oculi  lacrymas,  exterminel  ora 
Pallor;  connodet  digitos  tortura;  cruentet 
Interiora  dolor,  et  verberet  aetbera  clauior: 
Tota  péris  ex  morte  suà;  mors  non  fuit  ejus, 
Sed  tua;  non  una  sed  publica  mortis  origo. 

Peu  après ,  le  poète  s'adresse  à  l'archer  qui  fit  périr  Ri-» 
chard  ,  et  vomit,  en  ces  termes,  contre  lui  un  torrent  d'im- 
précations : 

Quid  ,  miles  ,  perfide  miles, 

Pcrfidiae  miles ,  pudor  orbis  et  unica  sordes 

Militia»;  miles  manuum  factura  suarum. 

Ausus  es  hoc  in  eum  scelus?  hoc  scelus?  istud  es  ausus? 

O  dolor!  o  plus  quam  dolor!  o  mors!  o  truculenta 

Mors!  esses  utinam  mors  mortua!  Quid meministi 

Ausa  nefas  tantum .''  Placuit  tibi  tollere  solem 

Et  tenebris  tenebrare  solum.  Scis  quem  rapuisti  ? 

Ipse  fuit  jubar  in  oculis,  et  ducor[i)  in  aure. 

Et  stupor  in  mente.  Scis  impia  quem  rapuisti.'* 

Ipse  fuit  dominas  armorum,  gloria  regum, 

Deliciae  mundi ,  etc. 

On  voit  là  une  amplification  de  collège,  du  genre  de  celles 
que  l'on  faisait  dans  les  écoles.  Cette  redondance  de  paroles, 
ce  cliquetis  de  mots  étaient  alors  de  mode  :  dans  tous  les 
poèmes  de  cette  époque,  on  trouve  le  même  défaut  de  goiit. 

Un  style  concis  n'est  certainement  point  une  des  qualités 
des  écrits  de  Geoffroi.  Il  n'en  donne  pas  moins,  dans  sa  Poé- 
tique, un  exemple  de  précision  fort  singulier.  C'est  en  deux 
vers  seulement  qu'il  répète  le  vieux  conte  de  la  femme  qui 
voulut  faire  accroire  à  son  mari  qu'un  enfant  dont  elle  était 

(i)   Ductor,  ou  plutôt  dulcor  in  aur*. 

2  3 


XIII  SIECLE. 


XIII  SIKCLE. 


3io  GEOFFROI  DE  VINESAUF, 

accouchée  pendant  son  absence  ,  était  provenu  d'un  peu  de 
neige  qu'elle  avait  imprudemment  avalée;  femme  qui  n'eut 
pas  droit  de  se  plaindre,  quand  le  mari,  de  retour  d'un 
voyage,  lui  dit  que  cet  enfant  t^u'il  avait  emmené  avec  lui. 
était  fondu  au  soleil. 

De  nive  conceptum  queni  mater  adultéra  fingit, 
Sponsus,  eum  veiidens,  liquefactuiii  sole  relingit. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  un  plus  long  examen  de  «e 
poème,  auquel  Geoffroi  dut  sa  réputation  d'orateur.  Il  nous 
semble  que  nous  l'avons  assez  fait  connaître.  Mais  nous  pas- 
serons à  un  autre  poème  d'un  tout  autre  genre ,  et  dans  lequel 
l'auteur  ne  montre  pas  moins  de  verve  et  de  facilité.  On  lui 
a  donné  comme  à  l'autre  plusieurs  titres  divers,  qui  ont  fait 
croire  que  c'étaient  autant  d'ouvrages  différents.  C'est  un 
tlialogue  entre  Geoffroi  et  yîvril ,  contre  les  détracteurs  de 
la  cour  de  Rome.  Quelques  auteurs  ont  cru  que  c'était  une 
satire;  mais  à  moins  que  l'on  ne  suppose  que  tout  ce  que 
Geoffroi  dit  à  l'avantage  de  cette  cour  et  de  la  bonne  admi- 
nistration de  la  ville  de  Rome,  soit  une  perpétuelle  ironie, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  convenir  que  c'est  une  véritable 
apologie.  Ainsi  l'a  bien  compris  Mabillon,  qui  l'a  admis  dans 
Ai;ii.iii.m,  Alla  scs  Analcctcs,  SOUS  Ic  titre  :  Carmen  apologeticuni  contni  de- 
(!.  j.  iGy.  tractores  curiœ  romance ,  tandis  que  d'autres  ne  lui  donnent 
que  ce  titre  :  De  statu  curiœ  romanœ. 

Geoffroi  commence  à  expliquer  à  quelle  occasion  il  a  eu 
un  entretien  avec  Avril,  qui  venait  d'Espagne,  quand  lui, 
Geoffroi,  quittait  Rome. 

Nuper  apostolicà  Gaufredus  sede  relictà 

In  patriani  rediit,  cuncta  peracta  tenens. 
Obviât  Aprilis,  Hispanà  gente  profectus. 


Iste  locuni  nonduiii  romanœ  viderai  urbis, 
Aller  eral  tolà  co<'nitus  urhc  diu. 

Postulat  Aprilis  lit  se  de  gente  locique 
Moribus  expédiât.  Postulat,  ille  favet. 


C'est  Avril  qui  d'abord  interpelle  ainsi  Geoffroi 

Tu  qui  uuper  cecinisti 

Elcciesiaj  lacrynias,  scribe,  résume  stylum, 

Cude  novos  versus,  fiic  carmina  ,  conde  libellos; 
Kani  gravis  in  vitio  pectora  torpor  alit. 


POÈTE  LATIN.  3ii 

XIII  SIKCLË. 

Plurimus  inipugnat  Romam  tietractor,  et  ipsa  

Curia  multoi'um  moisibus  aima  palet. 

On  sent  bien  qu'en  ce  temps,  les  reproches  que  l'on  fai- 
sait à  la  cour  de  Rome  portaient  presque  uniquement  sur 
son  ambition,  ses  exactions,  le  peu  de  soin  qu'elle  mettait  à 
empêcher  la  simonie.  Geoffroi  trouve  réponse  à  tout;  il  ne 
laisse  rien  sans  excuse;  et  l'interlocuteur  Avril  doit  rester 
convaincu  que  la  cour  de  Rome  est  sans  tache  et  sans  re- 
proclie. 

11  est  bon  de  faire  mieux  connaître  cet  Jvril,f\\x\  ne  paraît 
pas  avoir  été  un  personnage  idéal,  et  qui  mériterait  peut- 
être  un  article  dans  notre  Histoire  littéraire.  C'était  un 
Français  très-recommandable  par  sa  science,  sa  probité 
et  son  expérience  (Vans  les  affaires  tant  spirituelles  que  tem- 
porelles. 11  fut  d'abord  archidiacre  de  Salamanque  ,  et  se 
rendit  ensuite  à  Rome,  nous  ne  savons  pour  quelles  affai- 
res. Ce  fut  sans  doute  alors  que  Geoffroi  le  connut.  Plus 
tard  (car  il  paraît  avoir  passé  une  partie  de  sa  vie  à  Rome  ) , 
il  devint  chapelain  du  pape  Innocent;  IV,  qui,  en  125^,  le 
nomma  à  l'évêché  d'Urgel ,  vacant  par  la  mort  de  Ponce  de 
Villamure.  Il  mourut  en  laGç),  et  fut  enterré  dans  son  église  p^34*^e"ru3 
cathédrale.  Il  survécut  donc  plus  de  vingt  ans  à  Geoffroi  de  n.  521  ci  Saa.' 
Vinesauf. 

Il  nous  reste  à  parler  de  deux  ouvrages  en  prose  de  Geof- 
froi. De  l'un  des  deux ,  nous  ne  pouvons  donner  que  le  titre , 
parce  qu'il  n'y  en  a,  nous  le  croyons  du  moins,  aucun  ma- 
nuscrit dans  les  bibliothèques  de  Paris,  et  qu'il  n'a  point  été 
imprimé.  On  ne  le  trouve  cité  que  dans  les  catalogues  de 
manuscrits  anglais.  C'est  le  traité  sur  les  vins,  lequel  valut 
à  l'auteur,  comme  nous  l'avons  dit,  son  surnom  de  Fino 
Sah'o.  En  voici  le  titre  très-détaillé,  qui  explique  assez  bien 
quelles  matières  y  sont  contenues: 

Tractatus  magistri  Galfridi ,  continens  in  se  breviter  om- 
nem  rnodum  insercndi  arbores  aromaticas ,  fructus  conser- 
i'andi,  vîtes,  mna  cognoscendi ,  vinaque  universa  détériora  ta 
formandi,  acetumque  mutandi ,  et  conditiones  cuiusciwmue 

■     ■      .  .  ^  .-  j-  j       ■■'  '  Catal.mss.an- 

vini  et  cœterorum  pretiosorum  liquorum  Del  pigmentorum  <,|j,..  „.  |v    „ 
faciendi ,  tàm  pro  sanis  quàm  injirmis.  «883. 

L'autre  ouvrage  en  prose  attribué  à  Geoffroi  de  Vinesauf 
est  intitulé  tantôt  Ilinerarium  régis  Anglorum  Ricardi  et 
aliorum  in  terrant  Verosolynioruni ,  et  tantôt  Historia  hiero-      g^j^  j^^,  j 
solymitana.  C'est  sous  ce  dernier  t'itre  que  Rongars  a  publié  p.  ii5o-ii7a. 


XIII  SIKCLE 


Th.   OaU- 


3r2   GEOFFROI  DE  VINESAUF,  POÈTE  LATIN. 

l'ouvrage,  qu'il  n'a  point  attribué  à  Geoff'roi  de  Vinesauf, 
puisqu'il  ajoute  qu'il  est  auctoris  incerti.  Au  reste,  le  manu- 
scrit dont  Bongars  a  f;iit  usage  n'était  sans  doute  ni  exact, 
ni  complet.  Cette  histoire  a  été  publiée  avec  plus  de  soin  en 
ifiSy,  à  Oxford,  par  Thomas  Gale,  sous  le  titre  d'Itincrariuni 
régis,  etc.,  auctore  Gaufrido  Vinisauf.  Dans  les  deux  recueils 

-'iT-'t»»  '  que  nous  citons,  l'ouvrage  est  précédé  d'un  prologue,  qui 
semble  prouver  que  l'auteur  de  l'histoire  avait  participé  à 
une  partie  des  événements  qu'il  raconte,  puisqu'on  y  lit  : 
Nohis  historiam  hierosuljmitanam,  tractantibns  non  indigné 
fides  debetur  :  quia  quod  mdiinus  testamur,  et  res  gestas , 
adhuc  calente  memoriâ,  stylo  duximus  designandas. 

Cette  histoire  ne  rend  compte  que  des  événements  qui  se 

sont  passés  de  1177  à   1 180.  M.   Michaud  en  a  donné  une 

iiii)iioiii.   des  analyse  intéressante  dans  son  Histoire  des  Croisades.  C'est 

c.ûisacies  I.  II,  j^j  l'ouvragc  d'un  écrivain  qui,  de  même  que  notre  Geof- 
troi ,  employait  les  descriptions  brillantes,  aimait  le  style 
emphatique;  mais  si  Geoffroi  eût  réellement  fait  le  voyage  de 
la  'Terre-Sainte,  à  la  suite  de  Richard  Cœur-de-Lion ,  n'eùt-il 
pas,  dans  l'un  ou  l'autre  de  ses  ouvrages,  rappelé  ce  mémo- 
rable épisode  de  sa  vie?  Et  comment  se  serait-il  tout-<à-fait 
oublié  dans  les  milliers  devers  qu'il  a  composés,  en  différents 
temps  ,  à  la  gloire  de  Richard? 

Ce  qui  nous  détermine  à  attribuer,  comme  l'a  fait  Bongars, 
cette  histoire  de  Jérusalem  à  quelque  auteur  inconnu ,  c'est 
que  les  événements  qui  y  sont  rapportés  sont  d'une  époque 
antérieure  à  celle  oii  Geoffroi,  s'il  accompagnait  Richard,  a 
dû  arriver  à  la  Terre-Sainte,  et  qu'il  n'aurait  pu  conséquem- 
ment  affirmer  qu'il  en  avait  été  témoin.  En  effet ,  l'histoire 
linit  en  1 180,  et  cène  fut  qu'en  1 190  que  Richard  partit  pour 
la  croisade.  A.  D. 


ALEXANDRE  DE  HALES, 

THEOLOGIEN. 

Alexandre  de  Halès  est  un  des  plus  célèbres  théologiens 
du  treizième  siècle;  cependant  on  ne  connaît  ni  sa  famille, 
ni  l'époque  ni  même,  d'une  manière  précise,  leJieu  de  sa 


Ji'jîiT  Cil    I  ï.'|  J. 


AI.EX ANDRE  DE  HALES,  THEOLOGIEN.      3i3 

XiU  SIÈCLE. 

naissance.  Fleury  dit  que  son  nom  de  Halès  est  celui  du  

village  où  il  était  né,  dans  le  comté  de  Glocester,  et  où  de-      Hisi. ecdés.  i. 
puis,  en   1246,  Richard,  comte  de  Cornouailles,  fonda  un  xviî 'in-ia  p 
monastère  cistercien.   Mais  Wadding,   Oudin,  Brucker  et  141. 
(fuelques  autres  supposent  qu'il  existait  en  ce  lieu  un  cou-     Monasiiconan- 

^       I  •  'Al  I        C  •'  '.     J  glican.  I.  028. 

vent  plus  ancien,  ou  Alexandre  ht  ses  premières  études,  et      Annal,    min 
que  c'est  seulement  pour  y  avoir  séjourné  durant  son  enfance  1222, n.  36, 27, 
et  sa  jeunesse,  qu'il  conserva  le  surnom  de  Halès,  Halle,  '•  ^'  p- ^si. — 
Aies,  Halensis,  Alesius.  Ses  progrès  annoncèrent  des  dispo-  g"'''  "'  '"""' 
sitions  heureuses;  il  embrassa  l'étal  ecclésiastique,  et  devint      Comment,  tic 
bientôt  archidiacre  d'une  église  d'Angleterre,  qui  n'est  pas  ^•^'"'p'-  «ccies.  t. 
autrement  désignée.  Quelle  que  fût  cette  dignité  obtenue  de      Hisi.VMioso- 
si  bonne  heure,  elle  ne  le  fixa  point  dans  sa  patrie  :  le  désir  phia; ,  t.  m,  p. 
d'acquérir  une  instruction  plus  étendue  l'entraîna  en  France  ;  778jPer.ii,pait. 
il  vint,  comme  beaucoup  d'autres  Anglais  de  ce  temps,  fré-  sect.  iî''n.^i3!  ' 
quenter  les  écoles  de  Paris,  y  prit  le  titre  de  docteur,  y 
donna  lui-même  des  leçons  de  philosophie  et  de  théologie. 
Il  était  déjà  un  professeur  très-renommé  en  1222,  lorsqu'il  Hist."univ°.Paris'. 
entra  subitement  dans  l'ordre  des  frères  mineurs.  Pour  ex-  «-  ni,  p.  200, 
pliquer  cette  vocation,  Albert  Crants,  chroniqueur  du  xv*^  ^^'  '  ^'^• 
siècle ,  raconte  qu'Alexandre  de  Halès  avait  fait  vœu  de  ne 
rien  refuser  de  ce  qui  lui  serait  demandé  au  nom  de  la  Vierge      Henric.  Gan- 
Marie,  et  qu'une  femme  bien  informée  de  ce  vœu  secret,  en  ^"*l "■  ^!'' ■ — 
instruisit  d'abord  les  cisterciens,  puis  les  frères  prêcheurs  eccies.'n  458.— 
et  les  franciscains.  Les  cisterciens  n'en  tinrent  compte  :  les  Natal.  Alex.  sec. 
dominicains  se  rendirent  chez  Alexandre,  et  le  pressèrent  ^'|'  '^^'  '^' 
d'embrasser  leur  profession ^  mais  ils  prolongèrent  un  peu    Meii'opôiis,sive 
trop  leur  entretien,  réservant  pour  dernier  moyen  celui  qui  Hisi.  ecdes.  Sa- 
devait  être  irrésistible.  Ils  ne  l'avaient  pas  encore  employé,  ^°°'*^' '•*"'> *^- 
lorsqu'un  frère  mineur  qui  demandait  l'aumône  à  la  porte, 
fut  introduit,  se  jeta  aux  pieds  du  docteur,  le  conjura  de  se 
faire  franciscain  pour  l'amour  de  la  sainte  Vierge,  et  l'acquit  i22""V"^i3*T 
ainsi  à  l'ordre  seraphique.  Ce  récit,  que  Manrique  traite  de  3.     ' 
fable,  a  été  reproduit  par  Wadding,  par  Du  Boulay,  même      Annal,    min. 
par  Gaillard,  dans  l'histoire  de  François  i**",  où  l'on  ne  s'at-  '^h^^',  "^„^^  p^. 
tend  guère  à  le  rencontrer.  Wadding  permet  de  le  regarder  ris, t. m, p.  200. 
comme  fabuleux,  quoique  accepté  déjà  par  Jean   Pits  et     G»'""d,i.viii, 
d'autres  biographes;  mais  il  réclame  des  égards  pour  les  re-  s/^dù^'eî'sio' 
lations  de  ce  genre,  et  lui-même  il  rapporte  qu'Alexandre  de    Deiiiust.Script. 
Halès,  fatigué  des  rigueurs  du  noviciat,  songeait  à  rentrer  Angiix.ad  ann. 
dans  la  vie  séculière,  quand  saint  François  lui  apparut  en  ^*^  >  P-    ■  ■ 
esprit,  chargé  du  poids  énorme  d'une  croix  massive.  Le  doc- 

Tome  XFIII.  Rr 

2  3  « 


XIll  SIECLE. 


3i4  ALEXANDRE  DE  HALÈS, 


teur  s'étant  précipité  pour  en  partager  le  fardeau  ,  le  saint  le 
repoussa,  en  lui  adressant  ces  paroles  :  Quoi!  misérable, 
tu  ne  peux  soutenir  la  croix  légère  que  tu  as  voulu  t'impo- 
ser,  et  tu  porterais  celle  qui  m'accable!  Il  n'en  fallut  pas 
plus  pour  raffermir  le  novice  dans  sa  vocation,  et  pour  le 
prémunir  à  jamais  contre  les  tentations  d'inconstance. 

Nous  rentrerons  dans  sa  véritable  histoire,  en  disant  que 
Jean  de  Florence ,  deuxième  général  des  franciscains ,  leur 
avait  strictement  interdit  le  titre  et  les  honneurs  du  doc- 
torat, comme  incompatibles  avec  la  profonde  humilité  dont 
Ou   Bouiiiv     ''^  faisaient  une  profession  particulière.  Alexandre  de  Halès 
l'icuiy  I.  II,  p.  ne  consentit  pointa  perdre  dans  le  monde  son  titre  de  doc- 
^•.  —  Creviei  ,  ^gm- .  ji  ggj  ]g  premier  frère  mineur  qui  en  ait  porté  le  nom; 

Hist.   de    rUniv.       ii.  '.  i-i  "r' 

t.  i,p.  3go.        "  donnait  un  exempieque  plusieursde  ses  conireres  se  sont 
empressés  de  suivre,  malgré  les  avis  des  rigoristes  de  leur 
ordre  et  les  vives  réclamations  des  professeurs  séculiers  de 
l'Université.  Les  démêlés  de  ce  corps  avec  les  moines  men- 
diants tiendront  une  assez  grande  place  dans  les  annales  lit- 
téraires de  ce  siècle;  mais  le  franciscain  dont  nous  parlons 
ici   jouissait  d'une  telle  renommée,   il  acquérait  dans  les 
écoles  une  telle  prééminence,  qu'il  ne  pouvait  trouver  d'ad- 
versaires assez  redoutables  pour  interrompre  ses  leçons  et 
lui  contester  son  titre.  Sa  plus  grande  célébrité  correspond 
Dcsiamics  ,  gy^  anuécs  i23o  à  i24o,  SOUS  Ics  règnes  de  Frédéric  II  en 
phL.t.nî,p.  Allemagne,  de  Henri  III  en  Angleterre,  de  Louis  IX   en 
3i2,  3i3.   '      France.  Alexandre  de  Halès  devait  ses  éclatants  succès  à  des 
Baia-us,Sciipi.  travaux  assidus,  autant  qu'à  ses  talents  naturels  :  il  ne  sor- 
ôeiitur^3  "^^"   tait  jamais  de  son  couvent;  il  menait,  plus  qu'aucun  autre 
Tiiiheni.    n.  frèrc  mincur,  une  vie  solitaire  et  studieuse.  Parmi  ses  nom- 
458.  — voss.de  breux  disciples  on  a  nommé  Guillaume  Guarron,  saint  Bo- 
38^'L_^'u„  bÔu-  naventure,  saint  Thomas  d'Aquin,etDuns  Scot.  Avant  d'exa- 
iayt.iii,p.673.  miners'il  a  réellement  donné  des  leçons  à  ces  personnages, il 
—Waaj. Script,  importe  de  reconnaître  l'époque  où  il  a  cessé  d'enseigner. 
sbaiTic",Supp[  Or  c'est,  selon  Wadding,  en  1288,  qu'il  cède  sa  chaire  à  son 
p.i/i.  — Créïiei,  confrère  Jean  de  La  Rochelle,  qui  avait  été  l'un  de  ses  au- 
Hist.  de  riiniv.  fjiteurs  Ics  plus  distingués.  Lorsqu'on  ajoute  que  le  choix  de 
Gan'iard.Hiri.d^  cc  succcsseur  était  déterminé  par  une  vision  où  Jean  avait 
Fi.  1",  t.  V.  p.  apparu  environné  d'une  éclatante  lumière,  aux  yeux  ou  à 
^"^^    .  .      .,     l'imagination  d'Alexandre,  cela  signifie  apparemment  que 

Fabricius.Bibl.  ,     ."  .  ,  .  >-i       ii    ••.    '«^         U  II  ,.  I         ' 

med.  ei  iiii.  lai.  cclui-ci  prcvoyait  qu  il  allait  être  honorablement  remplace, 
t.  j,  p.  C4  Notre  attention  ne  se  porte  en  ce  moment  que  sur  la  date 

Annal    min.  j^  la^S.  Lc  iaboricux  Alexandre,  qui  tenait  beaucoup  à  sa 


iiaa ,  II.  29. 


THÉOLOGIEN.  .  3i5 

fonction  de  professeur,  ne  la  quittait  sans  doute  qu'à  un  âge  as 

sez  avancé.  Si  c'était  entre 5o et 60  ans, il  serait  ne  de  iinS  a. 
1 1 88  ;  mais  on  est  réduit  sur  ce  point  à  de  simples  conjectures. 
Guillaume  Guarron,  ou  Varron,  ou  Verus,  théologien  an- 
glais, qui  ne  s'est  fait  connaître  dans  les  écoles  de  Paris  que 
vers  c  270 ,  et  dont  la  carrière  a  pu  se  prolonger  jusque  vers 
i3oo,  devait  être  assez  jeune  avant  I238  :  il  est  possible  qu'il 
ait  entendu  les  dernières  leçons  d'Alexandre  de  Halès;  on 
manque  des  renseignements  nécessaires  soit  pour  le  nier,  soit 
pour  l'affirmer.  Quant  à  Jean  Fidanza ,  célèore  sous  le  nom 
de  Bonaventure,  on  sait  que,  né  en  1221,  il  ne  prit  qu'en 
1243  l'habit  des  frères  mineurs,  qui  l'envoyèrent  d'Italie  à 
leur  école  de  Paris  :  Oudin  remarque  avec  raison,  qu'ayant  Com.deScripi. 
dû  faire  son  noviciat  avant  de  venir  en  France,  il  n'a  pu  y  ^'^•^'**-  p-  *''°- 
arriver  qu'après  la  retraite  ou  même  qu'après  la  mort  d'A- 
lexandre. Nous  avons  encore  plus  le  droit  d'en  dire  autant.de 
Thomas  d'Aquin;  car  il  naquit  en  1227,  se  fit  dominicain 
en  1243,  alla  étudier  à  Cologne  sous  Albert-le-Grand ,  qu'il 
suivit  à  Paris  en  i245,  l'année  même  ou,  comme  nous  le 
verrons  bientôt ,  Alexandre  de  Halès  rendit  le  dernier  soupir. 
Noël-Alexandre,  Quétif,  Oudin,  Fabricius,  ont  fait  ces  hisi  eccies 
rapprochements,  dont  la  conséquence  est  tellement  évidente,  t.  xx,in-8",  p! 

2ue  nous  ne- concevons  pas  comment  on  a  si  long-temps  55i,  SSa.  Secr. 
isputé  sur  un  pareil  sujet.  Mais  les  frères  mineurs  et  les  2  „  'j^' "''"'■ 
frères  prêcheurs  se  croyaient  intéressés  à  soutenir,  les  pre-      Script,  ordin. 
miers,  qu'un  franciscain  avait  été,  les  seconds,  qu'il  n'avait  ^'^'^"=-  '•  ^'  P- 
pu  être  le  maître  de  l'ange  de  l'école;  et  ils  débattaient  un  2,8^'  '  '''* 
point  d'honneur  plutôt  qu'ils  ne  discutaient  une  question      Comment,  de 
historique.  Il  y  a  bien  des  difficultés  encore  par  rapport  à  Script,  eccies.  p. 
Duns  Scot,  décédé  en  i3o8  à  63  ans,  par  conséquent  né  en  '  Bibi.  med.  et 
1245  ,  selon  Fabricius,  qui  néanmoins  le  déclare  ailleurs  dis-  inf.  lat.  1. 1,  p. 
ciple  du  professeur  mort  en  cette  année-là  même.  C'est  une  65.— ibid.i.  iv, 
assez  forte  inadvertance,  à  moins  qu'on  ne  dise  que  Scot, 
élève  de  Jean  de  La  Rochelle,  doit  passer  aussi  pour  l'être 
du  docteur  dont  Jean  de  La  Rochelle  avait'  reçu  les  leçons. 
Il  résulte  de  ces  détails,  que  de  tous  les  auditeurs  d'Alexan- 
dre de  Halès ,  le  seul  bien  connu  est  celui  qui  lui  a  succédé 
en  1238. 

Alexandre,  et  Jean,  et  deux  autres  franciscains , nommés 
Richard  et  Robert  de  Bastia,  composèrent,  en  ia4a,  une 
commission  chargée  de  rédiger  une  déclaration  ou  expli-      w«dd.Ano«i 
cation  de  la  règle  de  saint  François.  Ce  travail,  auquel  min.  1241,11. a, 

Rra  p.  608, 609. 


3i6  ALEXANDRE  DE  HALES, 

Xm  SIKCLE.  .,..,  r.'i- 

Alexandre  avait  eu  la  principale  part,  tut  adresse  au  chapitre 

général  qui  se  tenait  à  Bologne.  Innocent  IV,  qui,  élu  pape  en 
Tiiiiiem.    n.   1243,  avait  couçu  uue  haute  idée  des  leçons  du  théologien 
,',^58.— Schetiei.  Je  Halès ,  lui  ordonna  d'eu  former  un  corps  de  doctrine  à 
*l™e  Mire 'ad  '  "^age  des  professeurs  et  des  étudiants.  L'auteur  n'avait  plus 
Hem.  Gami.iv.,  qu'ù  mettre  cu  ordre  les  éléments  de  ce  grand  ouvrage, qui  prit 
^G.  _  wadd.  le  nom  de  Somme,  et  fut  soumis  à  l'examen  de  70  docteurs.  Il 
scripi.  01.  .111.11.  qJj^jp^  leur  approbation  ,  et  Alexandre  IV,  dont  le  pontificat 
ne  commence  qu'en  1264,  le  recommanda  ou  l'imposa  même 
à  toutes  les  écoles  de  la  chrétienté.  Alexandre  de  Halès  était 
mort  le  ui  ou  le  27  août  19.45  :  DuBoulay  dit  le  xii«  jour  avant 
Hisi.iiiiiv.Pa-  les  calendes  de  septembre,  et  en  un  autre  endroit  le  vi«,  qui 
ris,  t. m, [1. 202.  n'est  probablement  que  la  date  des  funérailles.  Thomas  de 
iiii.i.  j).  37/,.    Cantimpré  nous  conte  qu'au  milieu  d'une  prédication,  Alexan- 
dre perdit  tout-à-coup  la  parole,  resta  une  heure  entière  sans 
mouvement  et  sans  voix,  reprit  ses  sens  et  son  visage  serein, 
dit  adieu  à  ses  auditeurs  et  expira.  Il  est  superflu  de  dire  que 
ce  récit  est  indigne  de  tout  examen.  L'illustre  professeur  fut 
enterré  dans  l'église  du  couvent  des  cordeliers  de  Paris,  où 
Wadd. Annal,  il  avalt  passé  les  23  dernières  années  de  sa  vie;  on  lisait  sur 
min.i2/i5,n.içj-  soii  tombcau  ,  Rvaut  1790,  ces  mauvais  vers  : 

2ii ,  p.  G5i-G55. 

Clauditur  hoc  saso  ,  famani  sortitiis  abundè, 
Gloria  doctorum,  decus  et  flos  pliilosoplioruiu, 
Auctor  scriptoruni,  vir  Alcxander,  variorum, 
Norma  modernorum,  fonsveri,  lux  alioruni  ; 
Inclytus  Anglorum  fuit  arcliilevita,  scd  horum 
Scriptor  clerorum  ,  frater  coUega  minorutn 
Factus  egenorum ,  sed  doctor  priinus  eorum. 
Si  iiuis  lionos  iiieritis,  si  qui  virtute  colantur, 

Hune  aiiimo  pra;fer,  liunc  venerare  patrem. 
Nec  solde  et  culpà  pigritêre  per  otia  deses, 

Nancisci  studio  quae  miner  iste  refert. 

Près  de  l'entrée  du  chœur,  une  plus  simple  et  plus  vérita- 
ble épitaphe  était  conçue  en  ces  termes  :  Hic  jacet  frater 
Alexander  de  Haies  qui  ohiit  anno  Domini  MCCXLV,  xii 
kalendas  septembris.  Nous  ne  transcrirons  pas  soixante  vers 
Pntdîc't.'iVp.  du  mètre  élégiaque,  qu'offi^ait  aux  regards  du  public  un  ta- 
277.  bleau  appendu  au  mur  voisin  de  la  tombe.  On  les  peut  lire 

Annal,  minor.  daus  Wadding  et  dans  Du  Boulay  :  les  fautes  de  diction  et 
u45,n.  24,  t.  de  prosodie  y  fourmillent;  le  seul  distique  à  remarquer  ici 
i,P  654,655.  jyj       •  ^jajj-  destiné  à  faire  croire  que  saint  Thomas 

Hist. Univ. Par.  .,,/!,..     i       j       r  •  • 

i.ui,2oi,202.  avait  ete  le  disciple  du  tranciscam  : 


THÉOLOGIEN.  3i7 


/ 


\in  SIKCLH. 


Ouo  (lucc  prrerHonitus  in  prwlia  tlivus  Aquinas, 
Quotquot  et  usque  legis  fortiùs  arma  gerunt. 

Ces  deux  mauvais  vers  et  les  58  autres,  qui  leur  ressem- 
lilent,  n'avaient  ete  fabriques  ou  mis  en  lumière  qu'en  i6u8,      iNaïai.    aIcx. 
et  ne  pouvaient  assurément  être  considérés  comme  un  témoi-  *.>"e''f,  oudm  , 
jçnage.  Ils  n'en  ont  pas  moins  été  souvent  allégués  dans  la 
controverse  dont  nous  avons  fait  mention. 

Le  principal  fait  de  la  vie  d'Alexandre  de  Halès,  et,  à  sEstcairs. 
vrai  dire  ,  le  seul  mémorable  ,  est  la  composition  de  ses 
ouvrages.  Nous  les  diviserons  en  4  classes:  i"  Commentai- 
res sur  les  livres  saints  ;  2"  Traités  généraux  de  théologie 
scholastif|uc  ;  3°  Ecrits  divers  sur  des  matières  théologiques 
ou  philosophiques;  4°  Livres  ou  opuscules  historiques. 

I    Trithème  dit  tiu  il  a  commenté  toute  la  Bible,  vêtus  et    ,  i'eScn|.i.  k- 

„,  J  .,,.,,,,  ^  .  (les.  11.  .', 58. 

jiovuni  lestamentuin  postiilavit.  En  répétant  cette  assertion, 
Wadding,  DuBoulay,  Lelong,J''leury,Fabricius, Gaillard  lui      '^'''  *"pr«- 

|.  ^V  '\,  ■>-.         171  1^1  Bibi.  satra,  1). 

laissent  a  peu  près  la  même  étendue.  11  y  a  cependant  des  ç^^^  ' 

livres  saints,  par  exemple,  les  Proverbes,  la  Sagesse,  l'Ec- 
clésiastique, Esther,  Judith,  Esdras,    les  Machabées,  sur 
lesquels  ces  auteurs  ne  citent  aucun  commentaire  particulier 
d'Alexandre.  Wadding  nomme  le  Pentateuque,  Josué,  les 
Juges,  Samuel,  les   Rois,  Job  et  les  quatre  Evangiles;   et 
Lelong  fait  à  peu  près  la  même  énumération  ;  mais  nous       suppi.  p.  i5. 
n'apprenons  ni  de  l'un  ni  de  l'autre  où  se  trouvent  les  ma-  iC. 
nuscrits  de  tant  de  gloses  du  théologien  de  Halès  :  Sbaraglia 
seul  en  cite  quelques-uns.  L'explication  des  Psaumes  qui  lui 
est  attribuée,  a  été  imprimée  à  Venise  en  149^),  à  Leipzig 
en    i554,à  Venise  en   15^5,  à  Cologne  en    1621.  La   pre- 
mière de  ces  éditions  et  quelques  manuscrits    portent   le 
nom  d'Alexandre,  et  Wadding  ne  manque  pas  de  s'en  au- 
toriser pour  le  déclarer  auteur  de  ce  volumineux  ouvrage, 
qui  appartient  plus  probablement  à  Hugues  de  Saint-Chcr,      ç,^^.  ^  ,„^|„, 
ainsi  que  nous  l'exposerons  dans  la  notice  qui  concernera  Prad.  1.  1 ,  |.. 
ce  dominicain.  Un  commentaire  d'Alexandre  de  Halès  sur  'O'*-»"" 
l'Ecclésiaste  se  conservait  manusci  it  chez  les  franciscains  de 
Mirepoix,  si  nous  en  croyons  Wadding;  on  a  parlé  aussi  de 
notes  sur  Isaie,qui  existent,  dit-on,  manuscrites  à  Leipzig, 
et  qui  pourraient  bien  n'être  encore  que  celles  de  Hugues 
de  Saint-Cher.  C'est  l'opinion  de  Casimir  Oudin,  qui  en  même 
temps  revendique  pour  Guillaume  de  Méliton,  une  inter-  .cci'""'"!!!    p 
prétation  inédite  des  4  grands  et  des  12  petits  prophètes,  i3o. 


Xm  SIKCLE. 


3i8  ALEXANDRE  DE  HALÈS, 


t 


Iui  serait,  selon  les  frères  mineurs,  une  autre  production 
e  leur  coryphée.  Elle  se  rencontre  manuscrite  à  Milan  dans 
la  Bibliothèque  Ambrosienne ,  et  à  Paris^,  dans  celle  du  Roi, 
n"  439,  fonds  de  Colbert.  L'Ambrosienne  possède  de  plus , 
sous  le  nom  d'Alexandre,  quatre  livres  inédits  sur  les  Evan- 
giles, et  un  commentaire  de  toutes  les  Epîtres  de  saint  Paul. 
Celui  de  l'Apocalypse  a  été  imprimé  à  Paris,  en  1647,  'n-folio, 
et  n'a  pas  donné  une  haute  idée  de  la  science  ni  même  de 
l'imagination  du  commentateur,  quel  qu'il  puisse  être.  On 
n'indique  aucune  édition  ni  aucune  copie  manuscrite  d'une 
concorde  des  deux.  Testaments,  qui  serait  à  compter  au  nom- 
bre des  travaux  bibliques  d'Alexandre  de  Halès.  Ils  se  rédui- 
sent à  bien  peu  d'articles,  si  l'on  écarte  ceux  dont  l'authenticité 
reste  suspecte,  ou  qui  appartiennent  à  d'autres  interprètes. 

II.  Ce  qu'il  a  conservé  de  réputation  s'attache  mieux  à  sa 
Somme  de  théologie,  entreprise,  comme  nous  l'avons  dit, 
par  ordre  d'un  pape,  approuvée  par  70  experts,  et  proclamée 
classique  par  un  autre  souverain  pontife.  Les  4  parties  qui 
la  composent  ont  été  imprimées,  pour  la  première  fois,  à 
Venise  en  i475i  in-folio;  puis  à  Nuremberg  en  i48i  et  82, 
dans  ce  même  format;  à  Pavie  en  i489,in-4°;  à  Venise  en 
1496,  in-fol.;  à  Râle  en  i5o2;  à  Lyon  en  i5i5  et  i5i6,  en 
1675  et  76,  4  vol.  in-4'';  à  Venise  en  1676,  4  vol.  in-fol.;  à 
Cologne  en  1622,  etc.  Il  est  bien  reconnu  qu'elle  est  l'œuvre 
d'Alexandre,  quoique  Guillaumede  Méliton  passe  pour  y  avoir 
Fahric.  Bibi.  mis  la  dernière  main,  en  laSa,  par  ordre  d'Innocent  IV,  et 
ineii.  rt  ini.  lat.  quoiqu'elle  comprenne  beaucoup  d'articles  dont  on  retrouve 
',5',''  '"'  'la  substance,  quelquefois  même  le  texte,  soit  dans  la  Somme 
de  saint  Thomas,  soit  dans  le  Spéculum  momie  qui  porte 
le  nom  de  Vincent  de  Beauvais.  Antérieur  de  plus  de  vingt 
ans  à  l'un  et  à  l'autre  de  c^s  écrivains,  Alexandre  n'a  pu  rien 
emprunter  de  leurs  livres,  qui  n'étaient  ni  mis  au  jour,  ni 
peut-être  même  entrepris  avant  sa  mort;  et  si  l'on  veut  qu'il 
y  ait  là  quelque  plagiat,  ce  n'est  pas  lui  qu'on  en  doit  soup- 
çonner. Il  en  sera  pleinement  disculpé  par  les  observations 
que  nous  aurons  à  faire  sur  les  ouvrages  de  ses  successeurs. 
Avant  d'entreprendre  l'examen  de  sa  Somme,  il  est  à  propos 
de  la  rapprocher  de  son  commentaire  sur  les  4  livres  des 
Sentences^,  afin  de  savoir  si  ce  sont  deux  compositions  dis- 
tinctes, ou,  sous  deux  titres  différents,  un  seul  et  même 
corps  de  doctrine  théologique. 
De  script  et-      Henri  de  Gand,  qui  fait  mention  du  commentaire  ou  des 

ries.  11.  /l'i.  * 


THEOLOGIEN.  3 19 

I        c       .  1  •    .    J      1      c  ^I"  SIÈCLE 

questions  sur  les  bentences ,  ne  parle  point  de  la  Somme; 


Trithème,  au  contraire,  ne  dit  rien  du  commentaire,  et  tient  Trith.  n  «58. 
note  de  la  Somme  tliëologique  en  quatre  livres.  Le  Mire  a.  Mir.schoi. 
nomme  l'un  et  l'autre  articles,  qui  sont  aussi  distingués  par  ^''^  "'^"'  '  ^'^" 
VVadding,  par  Fabricius  et  par  quelques  autres  écrivains  Stiipi  ordm. 
plus  modernes.  Du  Boulay,  Morhoff,  Ikucker,  Crévier,  font  min  |).  9. 
observer  qu'avant  Alexandre  de  Halès,  personne  encore  n'a-  /*','''  "";'•  '"' 
vait  commente  rierre  Lombard.  Lest  un  tait  généralement  g:,. 
reconnu  qu'il  a  donné  le  premier  exemple  de  ce  genre  d'en-  Oaiiiaiii,Hist. 
seignement  scholastique.  Mais  n'est-ce  pas  dans  les  quatre  33  J^bjo'J,^  ^ 
livres  mêmes  de  la  Somme  que  les  quatre  livres  des  Sentences  imiv.t.i,|.%yK 
sont  expliqués.**  C'est  l'opinion  de  Noél  Alexandre,  d'Oudin,  "'»>  ^"'^- 1- 
de  Brucker  et  du  petit  nombre  de  ceux  qui  ont  examine  "V,*^!^'^ 

■  ,  •         TT  c  -11  l'olyiiislor.   I. 

cette  question  avec  quelque  soin    un  moyen  tort  simple  de  n,  i,  14,   ,. 
la  résoudre,  était  de  comparer  entre  elles  les  copies  manu-      "ist-  ph''-  ' 
scrites  ou  imprimées  qui  portent  l'un  et  l'autre  titre.  Nous  "!;  •*,'?.?; 
avons  indique  plusieurs  éditions  de  la  Somme  :  le  titre  de  t  i,  j,.  389. 
Commentaire  est  attaché  à  des  manuscrits  d'Oxford  ,  n"  24 1 ,      Dissen.ansui. 
de  Cambridge,  n°  116,  de  Césène,  de  Saint- Victor  à  Paris,  ^'^    "''",  '*' 

j.  <"i"i-.-  ur  '      '     T  ;:     t      ^       r    /"  /     Thomas  sHulue- 

et,  dit-on,  a  1  édition  publiée  a  Lyon  en  iDib  et  i5io,  en  4  iii?p.  89. 
tomes  in-4°-  Mais  cette  édition  n'est  que  lune  de  celles  de  la      Comment,  de 
Somme  elle-même,  que  nous  avons  déjà  citées.  La  Biblio-  Sr"pt.  <^cies  1. 

,    <  1         o     •  /-.       ^         •  1  n      '  '   I      •  III,  p.  l3l,l32. 

theque  de  Saint-Uermain-des-Pres  en  possédait  un  exem- 
plaire, qu'Oudin  a  comparé  et  trouvé  parfaitement  conforme 
aux  éditions  de  Nuremberg ,  où  la  Somme  seule  est  annoncée 
et  contenue.  C'est  même  sous  ce  nom  de  Somme ,  Sumniœ 
theologicœ,  que  Panzer  indique  lédition  de  i5i5  et   i5i6.      Annal  lypog. 
Noël  Alexandre  assure  que  les  manuscrits  de  Cambridge  et  «vu,  p.  309(1. 
d'Oxford  ne  renferment  non  plus  que  la  Somme;  et  celui  de     "' 
Saint- Victor  l'identifiait  expressément  avec  l'explication  des 
Sentences,  par  les  intitulés  :  Primus liber  Sententiarum,  sive 
Summae  theologicœ  doniini  Alexandri  de  Hidis; .  .  .  .  Tertiiis 
liber  Sententiarum  ,  seu  Summae  theologica-,  queni  compostât 
rnagister  Alcxander  deHalis,  etc.  L'examen  de  six  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  du  Roi  conduit  au  même  résultat.  Caïai.desinss. 

Nous  n'avons  donc  à  considérer  ici  qu'un  seul  ouvrage,  «leiaRiijiioih.du 
divisé  en   4   parties.  La   première,  après  des  observations  f^'"''  i"-"'" 

'      '       \  11-1'  •  1  1  !..  ■       la(ins,  11.  365,  n. 

gênera li'.s  sur  la  théologie,  traite  des  attributs  divins  et  de  3o33-3o38. 
la  Sainte-Trinité.  Elle  offre  un  développement  de  la  doctrine 
de  Pierre  Lombard,  relativement  à  la  génération  du  Verbe, 
h  la  proce.ssion  du  Saint-Esprit,  à  la  prescience,  la  puissance 
et  la  volonté  de   Dieu.  Le  second  livre  commence  par  des 


Xtll  SIKCLE. 


3t40  ALEXANDRE  DE  HALÈS, 


notions  générales  sur  les  causes  et  les  effets.  Il  s'agit  ensuite 
de  la  création,  de  l'œuvre  des  six  jours,  des  diverses  classes 
de  créatures,  angéliques,  spirituelles,  corporelles.  L'auteur 
s'arrête  à  la  question  de  savoir  s'il  y  a  un  ciel  empyrée,  et, 
sans  avoir  recours  aux  autorités  ou  aux  traditions,  il  soutient 
l'affirmative  par  des  raisonnements  d'école.  Les  questions 
suivantes  concernent  la  nature  de  l'ame  raisonnable ,  le  pre- 
mier état  et  la  chute  d'Adam,  le  mal  physique  et  moral,  le 
péché,  les  moyens  d'assurer  et  d'étendre  l'empire  des  vertus 
religieuses.  Alexandre  ne  veut  pas  qu'on  laisse  les  chrétiens 
sous  la  domination  des  infidèles,  ni  qu'on  tolère  les  héréti- 
ques déclarés  ;  il  est  d'avis  qu'on  les  dépouille  de  leurs  biens  ; 
il  délie  de  tout  serment  de  fidélité  les  sujets  d'un  prince  in- 
docile aux  lois  de  l'Eglise;  et  si  on  lui  oppose  l'autorité  de 
saint  Ambroise,  il  répond  par  celle  de  Grégoire  VIL 

réincarnation  est  le  principal  sujet  de  latroisiemepartie.il 
y  est  dit  que  la  sainte  Vierge  a  été  sanctifiée  avant  sa  nais- 
sance, mais  non  au  moment  de  sa  conception  ni  auparavant. 
En  traitant  de  la  loi  mosaïque,  de  la  loi  évangélique,  de  la 
foi,  de  la  grâce,  l'auteur  enseigne  avec  Hugues  de  Saint- 
Victor,  que  la  puissance  spirituelle  qui  bénit  et  sacre  les  rois, 
serait  par  cela  même  supérieure  à  tous  les  pouvoirs  tempo- 
rels, si  elle  ne  l'était  pas  évidemment  par  la  dignité  de  sa 
nature  et  par  son  antériorité.  Elle  a  le  droit  de  les  instituer 
et  de  les  juger,  tandis  que  le  pape  n'a  que  Dieu  pour  juge. 
Ces  assertions  étranges  sont  remarquées  par  Fleury  qui ,  à 
XX  p  3/3-  Icg^fd  du  4  et  dernier  livre,  s  exprime  en  ces  termes  : 
l'in.'  «  Alexandre  de  Halès  traite  des  sacrements,  et,  en  parlant 

«  de  l'eucharistie,  il  dit  que  presque  partout  les  laies  com- 
«  munient  sous  la  seule  espèce  du  pain.  Parlant  des  indui- 
te gences,  à  l'occasion  de  la  pénitence,  il  dit  que  le  pape  peut 
«  remettre  toute  la  peine;  mais  qu'il  ne  le  doit  faire  que  pour 
«  grande  cause,  comme  pour  la  croisade  de  la  Terre-Sainte. 
«  Sur  le  jeune,  il  préfère  celui  des  Latins  qui  ne  faisaient 
'(  qu'un  seul  repas,  au  jeûne  des  Grecs  qui  en  faisaient  plu- 
«  sieurs  petits:  il  en  marque  l'heure  à  nones;  mais  il  pré- 
«  tend  que  l'heure  n'est  pas  de  précepte.  A  l'occasion  de 
<(  l'aumône,  il  traite  la  question  de  la  mendicité  volontaire 
"  des  nouveaux  religieux,  par  les  mêmes  raisons  qui  furent 
<(  employées  depuis;  ce  qui  montre  que  dès  long-temps  on 
cf  agitait  celte  question;  on  s'échauffa  encore  plus  après  sa 
«  mort.  Et  comme  on  disputait  aux  religieux  mendiants  la 


THEOLOGIEN.  821 


XllI  SIECLE 


«  fyculté  de  prêcher  et  d'ouïr  les  confessions,  même  par 
«  concession  du  pape,  il  insiste  particulièrement  sur  son  au- 
«  torité,  et  soutient  qu'elle  est  pleine,  absolue  et  supérieure 
«  à  toutes  les  lois  et  les  coutumes,  enfin  que  le  pouvoir  des 
«  prélats  ititérieurs  est  émané  du  pape,  comme  du  chef  qui 
«  influe  sur  les  membres,  non  seulement  suivant  l'ordre  de 
«  la  hiéiarcliie,  mais  selon  qu'il  juj^e  à  [)ropos  pour  l'utilité 
«  de  rili^lise  :  sur  quoi  l'auteur  allègue  plusieurs  chapitres 
«  de  Gratien,  la  plupart  tirés  des  fausses  décrétales.  » 

III.   Les  biographes  et  bibliographes  ont  cité  environ  aS 
traités  particuliers  ou  opuscules  d'Alexandre  de  Halès  sur  des 
sujets  de  théologie  ou  de  philosophie.  Mais  il  fiaut  d'abord 
retrancher  de  cette  liste  les  4  articles  intitulés  :  Lecturœ  Sen- 
tentiarum,  llepctitiones  lectionuin ,  Sunimula  rcsolutionum, 
Compeiidiuvi  sacrœ  theologiœ.   Les  deux   premiers  de  ces 
titres  ne  désignent  probablement  qu'un  même  recueil  d'ex- 
traits ,  et  les  deux  derniers  qu'un  même  abrégé  des  leçons  ou 
de  la  Somme  d'Alexandre  ;  on  n'a  rien  imprimé  d'aucun  des 
quatre,  du  moins  sous  le  nom  d'Alexandre.  VVadding,  qui 
possédait  un  exemplaire  manuscrit  du  Conipcndiuni,  dit  qu'il      ^<'"P<  <»•''" 
était  divisé  en  7  livres,  Fabricius  l'attribue  à  Prosperd'Urbin,      uibi.  meii.  ci 
frère  mineur  du  xvi*^  siècle  :  selon  Sbaraglia  ,  ce  serait  le  Com-  in'  'ai  1.  1,  \> 
pendiiini patiperis ,  composé  de  i3i  1  à  liiy  par  le  franciscain     ^^|a^,''''vi,| , 
Jean  Rigauld,  et  publié  par  François  Willer,  en  i'Joi,àBâIe,  ,,i,.ni.  jiag.  45:., 
in-4°.  La  Sunimula  resolutionuin ,  imprimée  à  Urbin,  in-4",  456 
en  i6o3,paiaît  appartenir  à  Prosper  On  peuttenir  pour  nuls      '^"'  ''  ^'*^ 
ou  pour  de  simples  extraits  delà  Soujme,  les  deux  articles  que 
Waddmg  intitule  :  Quesdo  de  theologià ,  Questio  de  charac- 
tere,  à  l'égard  desquels  il  ne  donne  aucune  sorte  d'éclaircis- 
sement. Il  ne  nous  instruit  pas  mieux  de  ce  que  pouvait  être 
un  traité  De  myste)us  ecclesiœ ,  dont  il  ne  fait  qu'une  citation 
vague.  Peut-être  mérite-t-il  encore  moins  de  confiance,  lors- 
qu'il parle  d'un  livre  oii  le  théologien  de  Halès  prouvait 
1  immaculée   conception  de  Marie;  car  l'existence,  ou   du 
moins  l'authenticité  d'un  tel  livre,  serait  difficile  à  concilier 
avec  une  opinion  que  nous  venons  de  remarquer  dans  la  3* 
partie  de  la  Somme.  Nos  doutes  s'étendraient  même  au  Ma- 
riale  magnum ,  en  six  livres  inédits,  quoique  Du  Boulay  en      HiM.Uuiv.i'» 
fasse  mention,  et  que  Sbaraglia  en  cite  des  copies  manuscrites,  iist.  iii,p  «74 
Nous  n'avons  pas  plus  de  renseignements  sur  les  trois  écrits      ''"PP  H  ':^ 
que  VVadding  nomme  De  Sacramento pœnitentiœ,  Interroga- 
tonum  pro  animabus  regendis ,  et  De  Negligentia ,  ni  sur  des 

Tome  XVllL  S  s 


322  AT.EX ANDRE  DE  HAEES, 

XIII  SIÈCLE.  ,  J  7  AI 

sermons  adresses  au  peuple  ,  .^ermones  an  populnm:  Alexan- 
dre de  Hal'S  II  étant  compté  nulle  part  au  nombredes  orateurs 
sacrés  de  son  temps,  il  serait  permis  de  croire  qu'il  ne  faisait 
pas  d'autres  prédications  que  ses  leçons  pul)liques. 

Aux  treize  articles  qui  viennent  d'être  écartés,  comme  in- 
certains ou  trop  pi'u  connus,  nous  croyons  devoir  en  joindre 
six  dont  on  a  cité  des  copies  portant  le  nom  d'Alcxaiidie  de 
Halès,  mais  qui   |)araissent  appartenir  à  d'autres  écrivains. 
Scripi.  oiilin    Waddinfij  attachait  une  haute  importance  à  une  Somme  des 

minor.  p.  g. —  vertus,  Suuinia  virtiiturn  ou  de  virtiitibus ,  qui,  selon  lui,  se 

Anna  i>',j,n.  ^j,jjyy.,j(.  maiiuscrite  dans  une  bihiiothèque  de  Toulouse,  et 
avait  été  imprimée  à  Paris  en  l'jofj,  in-folio.  Waddiii^  ajou- 
tait que  ce  grand  ouvrage  était  au  xiii*^  siècle,  sinon  connu 
ilu  commun  des  lecteurs,  du  moins  assez  apprécié  par  les 
théologiens  les  plus  habiles,  pour  être  mis  à  contribution 
par  Vincent  de  Beauvais  dans  son  Spéculum  morale,  par 
saint  Thomas  dans  sa  Seconde  Seconde.  Intéressés  à  réfuter 
Sciipt.  or,iin.  ce  système,  les  dominicaiiis  ont  d'abord  nié  l'existence  du 

l'r.T.iK.  I.  I,  p.   manuscrit  de  Toulouse,  (|ui  en  e((et  ne  .s'est  retrouvé  nulle 

'.is-iio.  part;  on  l'a  vainement  cherché  dans  la  Bibliothèque  de  Col- 

bert ,  où  néanmoins  a  passé  tout  entière  la  collection  tou- 
lousaine dont  il  aurait  fait  partie.  L'édition  de  1609  n'est 
pas  moit)S  chiméricjue;  elle  n'apparaît  dans  aucun  dépôt, 
dans  aucun  catalogue;  et  nous  pouvons  remarquer  de  plus 
que  Panzer  s'est  bien  gardé  de  l'admettre  dans  ses  Annales 
typographiques.  Il  n'y  a  donc  point  de  Summa  virtutum  par 
Alexandre  de  Halès;  ou  si  réellement  il  se  rencontre  des  ma- 
nuscrits ainsi  intitulés,  ils  ne  peuvent  consister  qu'en  extraits 
soit  de  sa  Somme  théologique  ,  soit  de  celle  de  saint  Thomas 
d'Aquin  II  serait  encore  possible  que  ce  livre  ne  fût,  sous 
un  autre  titre,  que  le  Destnictorium  vitiorum ,  attribué  pa- 
Sciipt    Angi.  reillement  par  Jean  Pits  au  théologien  qui  nous  occupe  ,  mais 

Apptnd.  qyg  |(.g  franciscains  eux-mêmes  ont  renoncé  à  revendiquer 

Wadd. Script,  pour  lui.  On  en  connaît  plus  de  dix  éditions,  sans  compter 

or.i.  min.  p.  9.  celle  dc  Nuremberg  en  1476,  qui  serait  la  première,  si  elle 
Siara.p  i|),  ,yjij,,jj.  imaginaire.  Les  autres  sont  de  Cologne  en  i48o  et 
i4^5;  de  Nuremberg  en  1491  et  i4d^;  <Je  Paris  en  i4.97i 
I  5 10,  i5i5  ,  1617,  i52i ,  toutes  in-folio;  de  Lyon  ,  in-4",  en 
i5ii  ,  etc.  La  souscription  de  celles  de  i485,  i49(ii  i497i<-'tc., 
porte  que  l'auteur  est  un  Anglais  nommé  Alexandre,  fils 
d'un  charpentier,  à  quodam  Alexandre  nationis  Angliœ , 
et  cujusdain  Fabri  lignarii  filio.  La  dernière  de  ces  qualifi- 


20. 


THEOLOGIRN.  323 

,.      ,  ,       ,  ,  .,,  .  .        Xni  SIECLE. 

cations  a  paru  inapplicable  a  un  docteur  illustre  qui  avait   

commencé  par  être  arcliidiacre;  mais  Oudin  ne  pense  pas      Coimneni.  de 

que  cette  ohsprvation  soit  cIcm  isive  :  il  dit  tiue  les  franciscains  n,"'"'  ''^j'^'"" '• 
«  .  ,  11(1111  '"'  P-  '^°- 

ne  trouvaient  de  novices  que  dans  les  lamilles  les  j)lus  pau- 
vres ou  les  plus  obscures;  et  clierchaiit  île  plus  surs  docu- 
nieiits,  il  lait  remarquer  dans  les  souscriptions  les  mots 
Conijnlaùo .  .  .  .  aiiiio  1429  collecta  ,  et,  dans  l'ouvrage,  des 
citations  d'auteurs  de  la  fin  du  xiii*"  siècle,  comme  Jean  Balbi 
(le  Gènes,  ou  du  xiv^,  comme  Robert  Holkot  II  en  conclut 
avec  toute  raison  que  le  Destiuctorium  vitioriim  n'a  pu  être 
eouiposé  |)ar  un  théologien  mort  en  ia/i!^-  Davitl  (élément,  cpii  liii'i'oii^  cm 
adopte  cette  opinion,  ajoute  que  ce  livre  est  e<rit  avec  nne  'i'  '-' 
liberté  qui  la  rendu  tort  rare,  malgic  le  grand  nombre  des 
éditions,  et  qu'Alexandre  de  Haies  n'aurait  probablement 
pas  prise.  (,es  prélats  y  sont  traité.->  d'ouvriers  iniques  qui 
trahissent  Jésus-Christ:  Seductores  ,  Jures,  mundani,  rapto- 
res ,  oj>pressores ,  voluptatwn  ainatoies ,  carnalcs  hypocritcv , 
tyranni maledicli,  exsccvnhiles anticht isti.  Ainsi, à  l'exception 
de  Jean  Pits,  et  de  Poffsevin  qui  trouve  la  question  douteuse,      Appar.     .s^u 

11-11  I  ^  '  'I'  I      ..      1"       „  l     T»  •    Ain.  .\iir1  .Alex 

les  bibliographes  sont  a  peu  près  d  accord  sur  1  impossu)ilite  jj^, 

d'imputer  celte  |)roduction  au  plus  ancien  commentateur  de 

Pierre  Lombard.  La  plupart  d'entre  eux  estiment,  et  Wad- 

diiigne  les  contredit  pas  non  j)Ius  trop  expressément  sur  ce 

i)oiiit,  qu'une  explication  de  la  metiphysique  d'Aristote  par     VeiieiiisiS;^, 

'  I       ,'  '1*1  1  .II-  ^      '    in-lol. 

un  scholaslique  ap|)ele  Alexandre,  est  de  celui  qui,  surnomme 
d'Alexandrie  ou  de  Lombardie,  était  général  des  frères  mi- 
neurs en  i3i3,  et  qui  a  laissé  des  commentaires  sur  plusieurs 
livres  sacrés  ;  il  a  pu  être  confondu  {juelqiiefois  avec  Alexan- 
dre de  Halès,-  par  ceux  qui  ont  rédigé  les  listes  des  écrits  de 
l'un  et  de  l'autre.  Poiyhisior.  t. 

Morhof  veut  que  le  plus  célèbre  des  deux  ait  fait  un  traité  "'.''J'  J/'  '' 
De  y1  uctoritate  verbi  Ùei ,  imprimé  à  l'aris  en  i542,  in-8°;et      Annal  l'ypog 
Panzerlui  donne  uneépître  contre  un  décret  desévêques  d'E-  1.  xi,  p  «2 
cosse,  et  une  réponse  à  Jean  Cochlée,  publiées  en  1  533  et  i534. 
Il  y  a  là  une  inadvertance  un  peu  forte;  car  Jean  Cochlée  est 
uncontroversiste  du  xvi^  siècle,  né  en  1479,  "^^'"'^  ^^  i552.  Ces 
trois  écrits  sont  d'Alexandre  de  A  les,  Alexander  Alesius,  né  à 
Edimbourg  en  i5oo.  théologien  delà  confession  d'Augsbourg, 
décédé  en  1 565;  celui  qui  a  un  article  dans  le  Dictionnaire  de  ,  ^''*' v^'^'^r  J' 

r>        1  I  1         •         '       •  T  rnl  I-     ^    1      <•         *'  P-    lJt)-lj8, 

Bayle,  et  dont  la  Vie,  écrite  par  Jacques  1  nomasius,  se  lit  a  latin  édit.  .le  1740. 
du  tome  VII  des  Obsetvationes  hallenses.  il  a  commenté  les      oiisirv.;elect. 
Psaumes,  les  Évangiles  et  les  Épîtres  de  saint  Paul.  Un  autre  t'I /'''", '"",,*■ 

'  D  r  VII,  p. /(ig-444- 

S  S  a 


324  ALEXANDRE  DE  HALÈS, 

XIII  SIF.CLE. 

Alexandre  d'Alessio  ,  domitiicain  ,  mort  en  iG53,  a  laissé  des 


mf. 

lat. 

t.    I, 

p- 

65. 

Com 

ment. 

lie 

Sori 

pt. 

eciles 

t. 

III, 

.  P 

l33. 

Bibi.  sacra,  p.  Hotes  SUT  la  Genèsc.  On  a  besoin  de  quelque  alU-ntioii ,  pour 

6oi ,  602.  bien  distinj^uer  leurs  écrits  de  ceux  du  docteur  du  xiii*^  siècle  : 

inf  lài  7^1    p!  ^-'*^  Lonp;,  Fabricius,  Brucker,  ont  averti  de  ne  pas  les  con- 

(io,f)i ,  6/, ,  G5.  fondre.  Eabricius  a  indiqué,  parmi   les  éciits  du   luthérien 

Hist.piiiios.  t.  d'Edimbourg  :  De  f^erbi aiictoritate ,  Epistola  ndvcrsus  dccre- 

'  P"  "''         tiini  episcoporuni  Scotiœ,  Responsio  ad  Cochlœi  ca/u/iinias^  ce 

qui  devait  préserver  Panzer  des  erreurs  où  il  est  tombé. 

Voilà  donc    if)  articles  que  nous  ne  croyons   pas  devoir 
comprendre  dans  la    liste  des    traités  ou   opuscules  divers 
d'Alexandre  de  llalès.  Il  n'en  reste  que  six  ou  sept  qui  n'ont 
Sci.  I  oniin    p^s  une  très-grandevaleur,etdesquelsencore  nous  n'oserions 
min.p  9.  guère  alïirmer  l'authenticité.  VVaddingen  cite  deux  intitulés: 

De  verbis  exoticis  ^  et  Dictionariitni  difjîcilium  vocabulorum, 
et  paraît  en  taire  deux  livres  distincts;  car  il  transcrit  les 
premiers  mots  de  l'un  et  de  l'autre  :  In  cxordio  hujus  Ubelli 
Bibi  me.i  et  istn  siuit ,  et  cc  qui  est  moins  intelligible,  Cespitai  in  Pha- 
laris  Apptis.  Eabricius  ne  tait  mention  que  du  traité  De 
verbis  exoticis ^  qu'il  dit  être  inédit  ;  Oudin  ne  cite  que  Y Exo- 
ticon,  manuscrit  rangé,  dans  une  bibliothèque  de  Cambridge, 
parmi   les  livres  de  mathématiques  et  de  chimie.  On  voit 

3u'il  nous  est  impossible  d'avoir  une  idée  précise  de  ces  pro- 
uctions;  mais  leur  existence  semble  assez  attestée  pour  (ju'il 
ne  nous  soit  pas  permis  de  les  omettre.  Il  y  aurait  lieu  aussi 
de  tenir  compte  de  trois  livres  de  Questions  sur  l'ame,  s'il 
était  vrai  qu'il  en  existât,  comme  Wadding  l'assure,  une  copie 
manuscrite  au  collège  de  Saint-Pierre  à  Cambridge ,  et  si  !  on 
y  reconnaissait  un  ouvrage  aussi  distinct  que  les  bibliogra- 
phes le  supposent,  du  commentaire  sur  la  jnétaphysique 
d'Aristote,   par  Alexandre  d'Alexandrie.  Mais  l'identité  de 
ces  deux  articles  nous  paraît  tort  présumable;  car  Eabricius 
Panz.  Ann.iyp.  tl't  1"e  les  trois  Uvrcs  sur  l'ame  ont  été  imprimés  à  Oxford, 
I.  H,  p.  2/i4        en  1481,  in-folio  :  or  cette  édition,  décrite  par  Panzer,  d'après 
Maiit.  Annal.   Maittaire  et  Wood,  ne  nous  offre  que  le  commentaire  des 
7^77.—  Append.  doctrines  du  philosophe  grec  :  y/lexandri  de  yilexandrid  in 
p.  564.  très  libros  j-1  ristotelis  de  /lnim,d.  Deux  marmsçrits  de  la  Bi- 

Woo.i,Antif|.  bliothèque  Bodiéienne,  avant  pour  titres:  De  Symbolo  sanc- 

0\an.  p   227  i\  r'  .    .  •'  r  .  ^,     , 

toiujn  Eatriim,  Lxpo.sitio preceplorum  legis,  ontete  annonces 

Gomineni  de  couime  dcs  iivrcs  d'Alexandre  de  Halès;  nous  n'en  pouvons 

.Scripi.  eccies.  i.  ricu  dire,  sinon  qu'Oudin  est  le  seul  qui  les  cite,  qu'il  ne  les 

ni,p.  n3.        fait  pas  autrement  connaître;  que  Wadding  lui-même  les 

Waadmg."!!.!^.  avait  ignorés,  que  Sbaraglia  ne  les  cite  que  d'après  Oudin, 


THEOLOGIEN.  SaS 

,       ,  ,,,..,  XIU  SIÈCLE. 

et  qn  aujourd  nui  tout  jugement  a  porter  pour  ou  contre  leur 

authenticité  serait  également  téméraire. 

Henri  de  Gand  fait  une  mention  expresse  du  Traité  de  la      DeSciipt.  »«•- 
concorde  du  droit  divin  et  du  droit  humain ,  composé  par  cics.  n.  46. 
notre  docteur.  Il  avoue,  à  la  vérité,  qu'il  ne  saurait  donner 
une  idée  de   ce  que  ce  traité  contient,  et  qu'il  n'en  parle 
que  sur  oui-dire.  Ignoscat  lector  si. . .  .  hujus  opusculi.  . . . 
non  propriè  exprinio   continentiam  :  quia    non   ex  propriœ 
leclionis  experientid ,  sed  aitditu  tantîiin   hic  loquor.  Tri- 
thème  ne  dit  rien  du  tout  de  ce  livre,  et  aucun  manuscrit 
n'en  a  été  retrouvé;  mais  l'ancienneté  de  Henri  de  Gand,  écri- 
vain du  xiii^  siècle,  donne  assez  d'autorité  à  cette  indication, 
pour  que  l'opuscule  inconnu  dont  il  s'agit  nous  paraisse  un 
de  ceux  auxquels  il  serait  le  plus  permis  d'attacher  le  nom 
d'Alexandre  de  Halès.  Cependant  on   est  bien  plus  certain 
que  ce  franciscain  célèbre  a  rédigé,  avec  trois  de  ses  confrères, 
en  1242,  une^léclaration  de  leur  règle  monastique.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  ce  travail  qui  fut  envoyé  au  général  de      ci-dessus,  p. 
l'ordre  et  aux  définiteurs  assemblés  en  chapitre.  Les  rédac-  3iîet3i6. 
teurs  soumettaient  à  l'examen  et  à  la  sagesse  de  leurs  chefs 
une  interprétation  entreprise  par  obéissance  aux  décisions 
qui   l'avaient  exigée.  Judicio  examinationis  et  discrcdonis 
vestrœ  referiinus  ea  quœ ,  domino  docente,  circà  intellectum 
regulœ,  juxtà  paupertatis  nostrœ  modiilum ,  percepimus,  se- 
cundiini  injwictam  nohis  obedientiani  in  provinciali  capitula^ 
juxtà  hoc  quod  in  prœcedenti  capitula  diffinitorum  fuerat 
ordinatum.  Ils  ne  prétendaient  pas  faire  une  glose  ou  expo-      Warfd.Annai. 
sition  nouvelle,  comme  ils  en  étaient  accusés  par  des  censeurs  '"''°-  la^a.  «.  a, 
plus  zélés  que  charitables,  mais  rechercher  dans  la  lettre  ^/' **■  f,?^  ~ 
même  de  la  régie  de  .saint  rrançois,  les  véritables  disposi-  des.i.xvu,  in- 
tions  qu'il  avait  entendu  prescrire.  Novam  autem  expositio-  •>!  p-  34». 
nem  vel  glosaturam  circà  régulant,  non  astruiinus ,  sicut  à 
quihusdani  intentionis  purœ  damnatoribus  et  zelum  suum ... 
pervertentihus  prœdicatur  ;  imo  simpliciter  et  pure  intellectum 
ipsius  tegulœ .  .  .  nonexnostro  sensu,  sed  ex  ipsd  litterd,  utpo- 
tuimus,  extrahentes, , .  .  judicio  vestro  dirigimus  judicandum. 

Les  autres  opuscules  théologiques  annoncés  en  certains 
catalogues,  sous  le  nom  d'Alexandre  de  Halès,  doivent  être 
considérés  comme  des  extraits  de  sa  Somme  ou  de  ses  com-  caïai.desmss. 
mentaires  siir  la  Bible.  ViOpitsculum  de peccatùs ^  manuscrit  àe  la  Bibi.  du 
de  la  Bibliothèque  du  Roi ,  est  tiré  du  l^""  livre  déjà  Somme;  ?^°.''  '•  "^' "*"• 
et  c'est  au  commentaire  sur  le  i"  chapitre  de  l'Évangile  de  iVio.  **  " 
2  t, 


3a6  ALEXANDRE  DE  HALÈS, 

XlII  SII^jCLK.  .         «■  ,  ,         ■■If        *i*'i'i  i-Tk'it- 

.   saint  Luc ,  qu  appartiendrait  i  article  intitule,  dans  la  Biblio- 

Catai.Bibiiot.  thèque  de  la  Minerve  à  Rome  :  Glossa  super  Missus  est,  et  Ma- 

casanat.  1. 1,  p.  g^ijif^^t.  Ce  fragmenta  été  inséré  par  le  franciscain  espagnol 
Bibiioth.  Tir-  Pedro  de  Alva  y  Astorga  dans  le  recueil  où  il  a  rassemblé  tous 

ginaiis.  Mairiii ,  les  écrits  relatifs  à  la  virginité  et  à  la  sainteté  de  Marie.  Nous 

I  148,  a  vo.  in-  remarquerons  ici  que  cette  collection  volumineuse  ne  con- 

fol.  t.  I,  p.    l66.        .  T  1  »  I         ^    ;  1  '    <       »  I  1  . 

tient  rien  du  Mariaie  magnum  attribue  a  Alexandre:  cest 
un  argument  de  plus  contre  la  réalité  de  celte  composition; 
car  Pierre  de  Alva  n'eût  certainement  pas  manqué  de  la  con- 
naître et  d'en  faire  usage. 

IV.  Nous  n'avons  plus  à  considérer  (pi'une  4*  classe  d'ou- 

Catal.Tesiium  vragcs,  ceux  qu' Alexaiulie  de  Halès  aurait  composés  dans  le 

veriiatis,|>.  ii3.  geufc  histori(iue.  Eysengrein  et  Vossius  en  indiquent  trois: 

II  ^c"  "  8*' '*'* ''  '^^  ^'***^  ^^  Mahomet,  la  vie  de  Thomas  de  Caiitorijéry  ,  la 

vie  de  Richard,  roi  d'Angleterre.  Les  deux  derniers  n'ont 
jamais  été  publiés,  et  s'il  en  existe  des  manuscrits,  il  n'est  dit 
nulle  part  en  quel  lieu  ils  se  conservent.  Né  jllusienrs  années 
après  la  mort  de  Thomas  Becket,  Alexandre  n'aurait  écrit  la 
vie  de  ce  prélat  que  pour  avoir  une  occasion  de  subordonner 
la  puissance  temporelle  à  la  spirituelle,  ainsi  qu'il  l'a  fait  dans 
sa  Somme.  Mais  cette  doctrine  lui  semblait  si  bien  établie  par 
les  arguments  des  écoles,  qu'on  peut  douter  qu'il  ait  daigné 
employer  l'histoire  à  la  soutenir.  Il  était  bien  jeune  quand  Ri- 
chard V^  mourut  en  1 199,  et  l'on  ne  voit  pas  d'ailleurs  qu'il 
se  soit  assez  occupé  des  affaires  politiques  et  militaires  de 
son  temps,  pour  se  mettre  en  devoir  de  les  raconter.  Quant 
au  livre  de  Factis  Machometi  ou  Muhammedi,  ou  plutôt 
de  Origine,  progressa  et  fine  Mahumetis  et  quadruplici  re- 
probatione prophetiœ  ejus,  il  a  été  imprimé  in-8°à  Strasbourg 
Oudin,deScr.  en  1 55o,  à  Cologne  en  iô5i;  mais  il  a  pour  auteur  Jean  de 

eccies.  t.  m,  p.  Guales  ou  de  Wales,  franciscain  anglais  du  xiii*  ou  du  xiv« 

Fabric'  Bibi-^  sièclc ,  dont  uous  pourrous  parler  un  jour,  parce  qu'il  a  été 

med.  et  inf.  lat.  professcur  de  théologie  à  Paris. 

t.  III, p.  iio.  I(  résulte  de  tous  les  détails  où  nous  venons  d'entrer,  que 

la  Somme  théologique  d'Alexandre  de  Halès  est  à  peu  près 
son  seul  ouvrage  bien  authentique  et  bien  connu.  Mais  il  a 
suffi  pour  lui  acquérir  dans  son  siècle  une  renommée  littéraire, 
N"  46  qui  s'est  prolongée  durant  les  quatre  suivants.  Henri  de  Gand 

le  déclare  très-habile  en  littérature  profane  et  sacrée,  lihe- 
ralium  litterarum  et  sacrœ  scripturœ peritissimus.  Ses  contem- 
porains l'appelaient  fontaine  de  vie,  docteur  des  docteurs, 
quelquefois   docteur  séraphique,  plus   souvent  le  docteur 


THÉOLOGIEN.  827 

irréfragable ,  celui  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  contredire.  Ce    .  L. 

titre  d'irréfragable  qui,  suivant  Baiîlet,  ne  conviendrait 
qu'à  un  évangeliste  ou  à  saint  Paul,  a  continué  de  désigner  jugements  dn 
Alexandre  de  Halès  et  de  le  distinguer  des  autres  docteurs  *"■  •  ï»  '"-4°, 
de  cet  âge,  surnommes  le  très-fondé,  l'angélique,  le  sera-  p- "*'• 
phique,  le  très-subtil,  l'admirable,  etc.  Trithème  répète  les  jcandeLaRo- 
éloges  donnes  à  la  sagacité  de  son  esprit,  à  la  profondeur  de  cheiie,  Thoma» 
sa  science,  à  l'éloquence  de  ses  discours,  à  la  sainteté  de  ses  «•'Aquin,  Bona- 

■  I  1       7  .     ,.  /    .  ,  '        J-»-  \enlure,    Duns- 

mœurs  ;  il  ne  le  trouve  intérieur  a  personne  en  érudition  »;,„„       ^^^^^ 
théologique  et  en  |)liilosopliie  séculière.  Virindivinis  scrip-  Bacon. 
turis  eriiditissiinus  et  in  secula  ri  philo  sophia  nullisuo  tempore      DeScr.eccles. 
secundus ,  ingenio  suhtilis  et  clarus  eloquio.  .  .  Ordinem  paii- 
perum  (  hristi intravit quem  sua  eruditione el  sanctitate  mira- 
biliterilliistrai-it.  Du  Boulay  transcrit  ce  jugement  deTrithème      Hisi.Univ.Pa- 
et  celui  de  J.  Baie  qui  n'en  diffère  presque  pas:  Ingenio  et  elo-  "s,  t.  m,  p.  673, 
quio peracntiis.à  niultisjactitabatur  in anstotelicis disciplinis     ''^^^^  jn  ^^ 
«m/Zj  rcr/c/e.  Waddinget  Sbaraglia  ne  pouvaient  manquer  de  Brit.cent3. 
placer  Alexandre  au  premier  rang  des  docteurs  de  l'ordre  de 
Saint- F  rat)  coi  s  :  Propter  solidissima  in  ornni  génère  doctrinœ      3^^  ^^  ^^^ 
fandainenta  ^  et  invincibileni  in  suis  sententiis  veritateni.  .  .    p.  8.  Suppl.  p. 
merito  qnideni  inter prœcipuos  nostri  ordinis  doctores  nume-   '3-2o. 
rari  solet;  nani  et  omnes  tempore  prœcucurrit  et  sapicntiâ 
supernvit.  Kleiiry,  qui  reconnaît  en  lui  une  des  grandes  lu-      Hist.  ecdes.  l. 
mières  de  l'ordre  cfes  frères  mineurs,  et,  dans  sa  Somme  lxxxh.u.  i5. 
théologique,  le  plus  grand  ouvrage  qui  eût  paru  sur  cette 
matière,  lui  reproche  cependant  d'avoir  traité  des  questions 
plus  curieuses  qu'utiles,  et  signale,  comme  nous  l'avons 
vu,  les  dangereuses  opinions  qu'il  professe  contre  la  supré- 
matie et   l'indépendance   des   pouvoirs  civils.  En   rendant 
hommage  à  la  force  de  son.  génie  métaphysique,  Mosheim  le      Hist.  ecdes.  l: 
compte  au  nombre  des  scholastiques  qui  employaient  les  ""„' j('^"  "','" 
subtilités  de  la  dialectique  et  de  l'ontologie  à  expliquer  les  4.' 
livres  saints.  Selon  Deslandes,  son  ouvrage  offre  beaucoup      Hist.deia phi- 
plus  de  ces  vaines  subtilités  que  de  vraie  science,  et  la  mé-  3°*^  3,3    '  •*■ 
thode  scholastique  du  moyen  âge  en  rend  la  lecture  insuppor- 
table aujourd'hui.  Andrès  en  critique  non  moins  sévèrement      Sioria  d'ogni 
le  fond  et  les  formes,  la  roétaphysi(|ue  argutieuse  et  le  style  'eiierat.«.vi,p. 
syllogistique  :  il  condamne  cette  application  continuelle  de  la      '' 
philosophie  naturelle  aux  dogmes  révélés;  il  pense  que  cet 
amalgame  a  dii  nuire  également  à  l'une  et  à  l'autre  étude. 

Il  s'en  faut  donc  que  les  doctrines  d'Alexandre  de  Halès 
aient  conservé  jusqu'à  nos  jours  l'autorité  dont  elles  jouis- 


328  BERNARD  DE  SULLY, 

Jz -  saient  encore  au  xv*  siècle,  quand  Louis  XI  la  proclamait 

irréfrHgable ,  dans  une  ordonnance  du  i^^mars  «473  (  i474 
Rec.  des  or-  avant  Pâques.  (Le  nom  de  ce  théologien  y  était  associé  à  ceux 
'*°"";  '  J^^"'  d'Averroès,desaint Thomas,  de  saint  Bonaventnre,de  Gilles 
L'ancien.  lois'  de  Romc  et  deScot;  ses  écrits  et  les  leurs  devaient  présider 
franc,  t.  X,  p.  à  l'enseignement  des  écoles.  Les  progrès  des  saines  études 
604-672— Cré-  npjjj.,r,t  les  trois  derniers  siècles  ont   moins  alfaibli  la  re- 

vier,  Hisl.  del  U-    r  ,       ,  ,  ^      •     ..  l'  i     i  |- 

»i».i.iv,p.363.  nommée  de  ces  docteurs  que  restreint  I  usage  de  leurs  livres  : 
la  Somme  d'Alexandre  de  Halès  demeure  un  des  grands  faits 
de  l'histoire  littéraire  de  son  temps.  D. 


BERNARD  DE  SULLY, 

ÉVÈQUE   D'AUXERRE. 


110B.T  Ie6  jao 
y  ier  n  4  5 . 


Dernard  appartenait  à  la  famille  des  Sully  en  Gatinais, 
Gaii.  clir.  t.  ou  à  Celle  des  Sully  en  Nivernais,  car  on  ne  trouve  rien 
lH,p.  3o4.  pour  déterminer  plutôt  l'une  que  l'autre,  si  ce  n'est  le 
titre  de  chanoine  d'Auxerre,  lequel  indiquerait  la  province 
qui  comprenait  cette  ville.  Ce  motif  n'a  pas  paru  suCHsant 
aux  auteurs  du  Gallia,  pour  se  prononcer  plus  positive- 
ment. Bernard,  lorsqu'il  était  chanoine,  fit  le  voyage  de 
Jérusalem,  et  durant  son  séjour  dans  la  Terre-Sainte,  les 
vertueuses  qualités  que  l'on  découvrit  en  lui  le  tirent  élire 
évêque  de  Nazareth  ;noni)eurqu'd  refusa.  Revenu  à  Auxerre, 
il  en  fut  fait  archidiacre,  et,  dans  cette  fonction,  il  in- 
struisit, édifia  et  secourut  de  sa  fortune  le  peuple  de  cette 
ville.  A  la  mort  de  son  évêque,  Henri  de  Villeneuve, 
Bernard  fut  élu  d'une  voix  unanime  par  les  Auxerrois  pour 
lui  succéder,  au  commencement  de  i234-  Après  son  élection, 
une  lettre  lui  fut  adressée  par  le  comte  deNevers,  qui  se  sou- 
mettait à  lui  payer  un  droit  de  vasselage.  En  1235,  Bernard 
souscrivit  un  acte  relatif  à  l'acquisition  d'un  nouveau  bien, 
dont  il  enrichit  son  évèché.  En  laSp,  il  fit  une  convention 
avec  le  chantre  et  le  chapitre  de  Gien  sur  la  collation  des 

Îilaces  de  vicaires  de  l'église  de  Saint-Etienne.  Un  autre  acte 
ait  connaître  l'arrivée  des  frères  prêcheurs  à  Auxerre,  les 
biens  qui  leur  furent  dotmés  pour  leur  établissement,  et  les 
noms  des  donateurs.  Cet  acte  est  de  l'an  i24i.  Enfin,  en  I243, 
cet  évêque  demanda,  par  une  lettre  à  Innocent  IV,  la  cano- 


ÉVÊQUE  D'AUXERRE.  829 


XIII  SIECLE. 


nisalion  d'Edmond,  archevêque  de  Cantorbéry,  dont  les 
restes  étaient  à  Pontigny  dans  le  diocèse  d'Auxerre.  Les 
quatre  premières  pièces  ici  mentionnées  ont  été  conservées 
dans  le  Gall'ia  christiana^  et  la  cinquième  dans  le  recueil 
des  Anecdotes  de  Martène.  Cet  évêque  fit  des  embellisse- 
ments à  son  église,  et  fonda  une  rétribution  manuelle  pour 
ceux  qui  assisteraient  à  l'olBce  de  la  nuit,  appelé  alors  les 
nocturnes  de  matines. 

Après  neuf  ans  de  prélature,  accablé  par  les  infirmités  de  Gaii.chr.ibid. 
la  vieillesse,  et  par  une  maladie  qui  le  rendait  incapable  de 
faire  usage  de  ses  jambes,  il  résigna  sa  dignité  vers  la  fin  de 
i2/î4iCtse  retira  dans  le  château  de  Pulchro-Reditu ,  où  il 
mourut  le  6  janvier  \-?.l\S.  Il  fut  inhumé  dans  le  chœur  de 
la  cathédrale  d'Auxerre,  où  son  tombeau  portait  l'épitaphe 
suivante  : 

Praesul  Bernardus  niala  semper  ad  omnia  tardus. 
Sic  vivens  domuit  cum  carne  et  daemone  munduni, 
Quod  moriens  iiieruil  Christo  se  reddere  mundum. 
Anno  niilleno  bis  centeno  quadrageno 
Quarto,  sanctorum  tnigravit  luce  Magorum. 

Les  auteurs  du  Gallia  font  remarquer  que  la  pierre  qui 
couvrait  le  tombeau  de  Bernard  ayant  été  enlevée,  pour 
servir  de  table  du  maître-autel,  on  abaissa  le  tombeau,  et  on 
le  couvrit  d'une  autre  pierre  qui  fut  placée  de  niveau  avec 
le  reste  du  pavé,  mais  qu'il  fut  statué  par  le  chapitre  que, 
par  révérence  pour  ce  prélat,  personne  ne  marcherait  sur 
cette  pierre.  P.  R. 


RADULFE  DE  TOROTE, 

ÉVÊQUE  DE  VERDUN. 


■OBT    le    ai 
avril  ia4S. 


r\  ADULPHEOuRAOULcut  plusieurs  frères; entreautresun  appelé 
Robert,  évêque  de  Langres,  et  Jean,  châtelain  de  Noyon,  qui 
fut  gouverneur  de  Champagne. Ils  étaientfilsde  Jean, sirede     AnsTimê*!. 
Toroteet  d'Odète  de  Dampierre,et  ils  portaient  comme  leur  gcn;  de  France, 
Tome  XV IH.  Tt  '".p'*» 


Gall.  christ,  t. 
aïo. 
Hist. 


2   i,    * 


33o  RADULFE, 


XUI  SIECLE. 


père  le  nom  du  château  deTorote  dont  ils  étaient  possesseurs. 
Roussel,  Hisi.  Ce  nom  seigneurial  s  est  écrit  postérieurement  à  l'époque  qui 

eccies.  et  ciï  de  JJQ^g  occupc  Tourotc,  et  c'cst  cc  dernier  nom  que  porte 
actuellement  un  village  de  Picardie;  mais  nous  avons  con- 
servé l'ancien  nom  ,  à  l'exemple  des  historiens  précédents. 

Radulfe  était  chanoine  et  chantre  de  l'église  de  Laon , 
lorsque  Jean  d'Apremont,  son  parent,  qui  fut  appelé  à  l'évè- 
ché  de  Metz,  le  choisit  pour  son  successeur  dans  celui  de 
Verdun  en  i224-  La  démission  qu'il  fit  en  sa  faveur  fut  agréée 
par  une  partie  des  chanoines;  les  autres  élurent  Henri ,  pré- 
vôt de  Montfaucon  et  archidiacre  d'Argonne.  Cette  division 
des  suffrages  causa  des  débats  et  des  procès,  auxquels  mit 
fin  le  pape  Honorius  111,  en  se  prononçant  pour  Radulphe, 
qui  alors  vint  avec  ses  troupes  reprendre  la  ville  sur  celles 
de  son  compétiteur.  Dès  qu'il  fut  paisible  possesseur  de 
cet  évèché,  il  le  gouverna  avec  beaucoup  de  douceur,  dit 
l'historien  de  Verdun.  Cependant  les  habitants  de  la  ville, 
excités  par  les  premières  familles,  se  révoltèrent  contre  les 
officiers  établis  par  l'évèque  et  contre  lui-même,  dès  Tannée 
1227.  Radulfe  alors  se  retira  dans  le  château  de  Charny, 
voisin  de  la  ville,  d'où  appelant  à  son  secours  ses  alliés  et  ses 
parents,  il  tint  la  ville  assiégée  pendant  quinze  jours,  et  la 
força  par  la  famine  à  faire  sa  soumission.  Mais  bientôt  après 
les  chefs  de  la  révolte  étant  sortis  de  Verdun,  se  rendirent  à 
Aix-la-Chapelle  auprès  de  Henri,  roi  des  Romains,  et  ob- 
tinrent de  lui  un  privilège  qui  les  soustrayait  à  l'autorité  de 
leur  évèque.  Radulfe  en  ayant  eu  connaissance,  partit  aussi 
pour  aller  représenter  à  ce  prince  que  le  privilège  qu'il  avait  ac- 
cordé aux  habitants  deVerdun  était  contraire  aux  droitsde  son 
église  établis  par  les  empereurs;  alors  Henri  rendit  à  l'évèque 
son  entière  juridiction.  Après  quelque  temps  de  calme,  les 
bourgeois  se  révoltèrent  de  nouveau ,  et  Henri  envoya  Théo- 
doric  de  Wéda,  archevêque  de  Trêves,  pour  les  ramener  à  la 
soumission  par  tous  les  moyens  qui  seraient  en  sa  puissance. 
]Mais  Radulfe  ne  voulant  pas  devoir  la  cessation  de  ces  désor- 
dres à  des  moyens  violents,  et  sacrifiant  ses  droits  seigneu- 
riaux à  l'amour  de  la  paix,  céda  aux  habitants  de  sa  ville 
les  droits  qu'il  avait  sur  eux  comme  comte,  moyennant  la 
somme  de  deux  mille  livres,  qui  furent  payées  par  les  trois 
principales  familles  dans  lesquelles  seules  le  peuple  pouvait 
choisir  ses  magistrats.  La  chronique  d'Albéric  nomme  ce 
Aibeiicadan.  prélat  parmi  ceux  qui  se  rendirent  à  Montaimé,  près  de 

1139. 


ÉVÊQUE  DE  VERDUN.  33 1 


XIU  SIEQ^E. 


Vertus  en  Ch:impagne,  en  1239,  lorsqu'on  y  examina  et 
condamna  au  supplice  les  hérétiques  appelés  Bulgares. 

Radulfe  mourut  le  21  avril  124^,  après  avoir  gouverné  son 
diocèse  pendant  vingt-un  ans  avec  beaucoup  de  douceur  et 
de  prudence,  dit  Roussel.  Son  frère,  l'évêque  de  Liège,  vint 
faire  ses  funérailles. 

Il  existe  de  ce  prélat  une  charte  de  janvier  1226,  relative  à      ^^,1  ^.|,risi.t. 
la  construction  de  l'église  et  du  monastère  de. Saint-Nicolas-  xii,adinstr.coi. 
des-Prés,  fondés  par  son  prédécesseur  et  continués  par  lui,  S?», 
où  furent  appelés  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Victor  de 
Paris.  L'historien  de  Verdun  donne  aussi  dans  ses  preuves      Roussel    au» 
deux  actes  passés  entre  ce  prélat  et  Thibaut,  comte  de  Bar,  P"*"'*"'?-  '*• 
relativement  à  des  terres  et  des  châteaux.  Ces  deux  derniers 
actes  sont  en  vieux  français,  et  de  l'an   i24o.  Le  premier 
commence  en  ces  termes  :  «  Je  Thiebaus,  cuens  de  Bar,  fait 
«  scavoir  à  tous  ce  que  tels  paix  est  faicte  entre  moi  d'une 
«  part  et  monsignor  lige  et  mon  cousin  Raol,  par  la  grâce 
«  de  Dieu  évesque  de  Verdun,  d'aultre,  en  celle  manière  que 
«  je  le  ai  recognu  et  faict  ligie  et  fauté  devant  tous  hommes 
«  par  tos  les  iiefs  que  mi  ancessours  tinrent  de  lui  et  de  ces 
ce  ancessours,  et  avec  ce  ai  je  repris  de  lui  ligement  le  chastel 
«  de  Trugnon  en  cressance  avec  les  aultres  fiefs  que  je  tiens 
«  de  lui,  etc.  »  P.  R. 


PIERRE,  FILS  dAMÉLÏ, 


ARCHEVEQUE  DE  NARBONNE.  moet  le   ao 

mai  124S- 

JriERRE,  fils  d'Améu,  Petrus  ■^melii,  que  l'historien  des 
évêques  de  Narbonne  qualifie  de  vir  eximius  et  eloquens ,      Caii. chr.  1. 1, 
d'abord  clerc  de  Saint-  Naxaire  de  Béziers  en  1201  ,  devint ,  P-  65. 
en    1216,  camérier  et   successivement  chanoine  et  archi- 
diacre de  l'église  de  Narbonne.  Elu  pour  occuper  le  siège  de 
cette  ville  le  dix-sept  des  calendes  d'avril  i225,  qui  est  pour 
nous  1226, depuis  que  l'année  commence  en  janvier, Pierre 
ne  tarda  point  à   recevoir,  au  nom  du  pape  et  du  roi  de 
France,  plusieurs  châteaux  dont  Raymond  de  Roquefeuilse      ibidiJinsir. 
dépossédait  en  témoignage  de  sa  soumission  à  ces  deux  sou-      vaisseite,   t. 
verains,  et  en  pénitence  de  l'excommunication  qu'il  avait  ni,p-35a. 
encourue,  en  prenant  parti  pour  les  Albigeois.  Peu  de  temps 

Tt2 


ïiii  sri:ci,F:. 


332  PIERRE  D'AMELI, 

après ,  il  fut  employé  comme  intermédiaire  clans  un  ac- 
cord fait  entre  Agnès,  vicomtesse  de  Béziers,  et  le  roi  de 
France.  Vers  ce  même  temps,  la  guerre  albigeoise  s'était 
éteinte,  et  comme  chacun  s'empressait  de  rentrer  sous  1  o- 
béissance,  Pierre  d'Améli  vint  en  dépulation  à  Paris  avec 
les  évêques  d'Alby  et  de  Castres,  pour  apporter  au  roi  les 
serments  de  fidélité  des  habitants  de  cette  dernière  ville, 
ainsi  que  la  soumission  des  vicomtes  de  Béziers.  Honorius  III, 
par  une  lettre  adressée  à  ce  prélat,  lui  fit  concession  des 
dîmes  acquises  par  son  prédécesseur;  en  même  temps,  le 
roi  Louis  VIII  lui  cédait,  moyennant  un  tribut,  tous  les 
biens  de  sa  province  dont  les  Albigeois  s'étaient  trouvés  dé- 
ibiii  ad instr.  pouillés  après  leur  défaite.  L'acte  par  lequel   le  prélat  fait 

!'■  ^9-  connaître  la  transaction  qu'il  avait  faite  avec  le  roi ,  est  daté 

Vaisselle,  I.  du  mois  d'octobrc   1226.  Durant  le  carême  de  l'année  sui- 

III,  p.  365.        vante,  Pierre  d'Améli  tint  un  synode  provincial  à  Narbonne, 
Lai.be,  Conr.  (Jaus  Icqucl  oti  rédigea  des  statuts  en  vingt  chapitres.  On  y 

I.  II  pari.  I ,  p.  j.gffjarqye  jgs  peines  portées  contre  les  juifs  à  cause  de  leurs 
usures  exorbitantes,  et  contre  les  chrétiens  qui  leur  em- 
pruntaient ou  qui  fraternisaient  avec  eux.  Chaque  famille 
juive  y  est  condamnée  à  payer,  aux  fêtes  de  Pâques,  six  de- 
niers, monnaie  de  Melgueil.Ily  estordonné  d'excommunier, 
tous  les  dimanches,  les  usuriers,  les  incestueux,  les  vo- 
leurs, ptc  On  y  défend  de  lever  des  tailles  sur  les  clercs.  On 
y  institue  des  hommes  qui  auront  à  rechercher  les  hérétiques 
et  les  criminels  publics.  On  y  recommande  aux  archiprê- 
tres,  aux  prévôts,  aux  abbés,  à  tous  ceux  enfin  qui  se  trou- 
vaient avoir  charge  d'ames,  de  se  faire  ordonner  pi  êtres.  Ce 
dernier  chapitre  est  remarquable  en  ce  qu'il  montre  com- 
ment la  ruseou  la  force  portaient  à  envahir  les  biens  de  l'Eglise, 
des  laïcs  qui ,  pour  s'en  assurer  la  possession,  se  faisaient  en- 
suite conférer  les  ordres  sacrés. 
(Wiiii.dePoJ.       Pierre  se  trouva,  en  1228,  aux  conférences  qui  se  tinrent 

'■»■"■■  «^-^P-  3»-     à  IMeaux,  puis  à  Paris,  au  sujet  de  la  paix  que  l'on  voulait  eta- 

IH.  cap.  .',0.     blir  entre  le  comte  de  Toulouse  et  le  roi  de  France.  11  est  placé 

aussi  au  nombre  des  chefs  qui  conduisirent  des  troupes  pour 

l'expédition  qu'allait  faire  en  Orient  l'empereur  Frédéric  IL 

i^b^e.conc.  j[  j,g  paraît  pas  cependant  qu'il  se  soit  embarqué,  puisqu'il 

426.'  ''  '    '''    assistait,  en  1229,  au  synode  que  le  légat  Romain  de  Saint- 
vaisseiie ,  i.  Augc  couvoqua  à  Toulousc,  pour  y  prendre  des  mesures 

m,  p.  38i.        contre  les  hérétiques;  mesures  qui  eurent  pour  résultat  l'éta- 
blissement de  l'inquisition  en  ce  pays. 


ARCHEVÊQUE  DE  NARBONNE.  333 

Au  sortir  de  ce  synode,  Pierre  rciteira  avec  le  jeune  roi 

Louis  IX,  par  l'entremise  du  maréchal  Gui  de  Lévis,  l'accord       Oaii.  chrisi.  t. 

qu'il  avait  fait  avec  Louis  VIII,  concernant  les   biens  des  ^i. ««iinsir. col. 

hérétiques  que  le  roi  lui  concédait;  et  toujours  occupé  d  eux,     " 

il  fit,  en   i23o,  un   nouvel  acte  par  lequel  les  citoyens  de 

Narbonne  juraient  au  pape,  en  la  personne  de  l'archevêque 

de  Vienne,  son  légat,  de  défendre  la  foi  catholique,  et  de      it>id.p.  i5i. 

faire  la  guerre  aux  hérétiques  et  à  leurs  adhérents. 

On  voit  dans  une  charte  recueillie  par  D.  IMartène ,  que  ce 
fut  ce  j)rélat  qui  introduisit  les  frères  prêcheurs,  en  i23i  ,      Manm.  (.<,ii. 
à  >iarbonne;  qu'il  leur  donna  un  établissement,  des  terres,  ^'"V^-  '  vi,  p. 
et  qu'il  leur  fit  présent  d'une  Bible  enrichie  de  gloses, Biblia    '''*■ 
glossata.  L'an  suivant,  il  exigea  d'Aimeric,  vicomte  de  Nar- 
bonne, un  acte  par  lequel  ce  dernier  fit  profession  d'être  son 
vassal.  Il  y  est  fait  mention  du  Capitale  de  Narbonne,  situé       Vaissciip  ,  t. 
dans  la  partie  de  la  ville  qui  était  soumise  au  vicomte;  et  dans  '"■  ^'   ^94 
l'assemblée  tenue  à  ce  sujet,  Pierre  confirma  les  coutumes  de 
cette  ville. 

Un  grand  débat  eut  lieu  entre  notre  prélat  et  les  religieux 
d'Aletli ,  touchant  les  revenus  de  quelques  abbayes  que  Pierre 
réclamait  pour  le  chapitre  de  son  église,  au  détriment  de 
celle  d'Aleth;  il  alla  a  Rome  pour  y  plaider  sa  cause  devant 
le  pape,  qui  la  fit  examiner  et  terminer  sur  les  lieux  par  son 
légat  Jean  de  Burnin,  archevêque  de  Vienne. 

Un  nouveau  serment  qu'il  voulut  exiger  des  habitants  va,..  i  m. 
de  Narbonne,  et  par  lequel  ils  devaient  se  soumettre  aux  i'  4"» 
statuts  du  concile  de  Béziers  qui  venait  de  se  tenir,  les  sou- 
leva contre  lui,  et  le  fit  chasser  de  la  ville,  où  les  révoltés 
commirent  de  grands  désordres,  en  i234.  Le  prélat  dans 
cette  occasion  usa  du  droit  d'excommunication  ,  et  rentra 
dans  la  ville  l'année  suivante.  Son  retour,  quoique  fait  avec 
le  consentement  public ,  n'empêcha  pas  les  habitants  de 
Narbonne  d'envahir  le  couvent  des  frères  inquisiteurs  à 
l'exemple  des  Toulousains ,  et  d'expulser  ces  religieux  de 
la  ville. 

Ce  prélat  dont  jusqu'à  présent  on  a  pu  remarquer  le  zèle 
contre  les  hérétiques,  et  l'empressement  à  défendre  ses  droits 
seigneuriaux  et  episcopaux,  signala  aussi  son  ardeur  guer- 
rière, lorsqu'il  porta  secours  à  Jacques,  roi  d'Aragon  qui 
combattait  contre  les  Maures.  Il  partit  en  1 238  pour  l'expé- 
dition de  Valence,  et  dans  l'incertitude  de  l'issue  qu'aurait 
cette  guerre,  il  fit  préalablement  son  testament.  Cette  pièce. 


334  PIERRE  D'AMÉEI, 

X!ll  .SlkCLK.  .  ,    ,  ,        ,  .  ,    .  , 

qui  nous  a  ete  conservée  clans  son  entier,  mente  quoique 

Gaii. christ.  I.  attention,  à  raison  du  détail  qu'elle  fournit  sur  la  fortune 

in-trr  (';/  "     moblliaipe  d'un  grand  [)relat  de  ce  temps ,  et  des  objets  qui 
la  composaient. 

L'acte  commence  ainsi  :  «  Au  nom  du  Seigneur,  l'an 
«  A1CCX.XXVIII  de  sa  nativité,  le  xiii  des  calendes  de  mai , 
«  nous  Pierre,  par  la  grâce  de  Dieu,  archevêque  de  Nar- 
i<  bonne,  jouissant  de  notre  saine  et  bonne  mémoire,  et 
<t  voulant  partirpour  l'expédition  contreune  nation  payenne, 
K  et  en  particulier  pour  le  siège  de  Valence ,  disposant  d'une 
(c  manière  pieuse  et  salutaire  pour  le  salut  de  notre  ame,  des 
«  biens  meubles  qui  nous  appartiennent  maintenant,  ou  qui 
«  pourront  nous  appartenir  dans  la  suite,  nous  réglons 
«  notre  volonté  dernière,  et  nous  faisons  le  partage  de  nos 
«  biens  ainsi  qu'il  suit.  »  Après  ce  préambule ,  le  prélat  offre 
son  ame  et  son  corps  au  Seigneur  Dieu  et  à  la  bienheureuse 
Marie.  Choisissant  pour  le  lieu  de  sa  sépulture  l'église  de 
Saint-Just,  il  lui  assigne  des  revenus,  il  y  institue  une  œuvre 
et  un  Maitre-de-l'œuvre,  à  qui  il  trace  des  obligations,  dont 
une  est  ainsi  mar(]uée  :  «  Nous  voulons  et  nous  ordonnons 
«  que  le  même  iMaître-de-l'œuvre  célèbre  chaque  année,  au 
«  jour  de  notre  décès,  un  anniversaire  général  dans  le  r^- 
«  fectoire,  où  des  viandes  préparées  aux  mêmes  broches 
«  soient  servies  aux  chanoines  de  Saint-Just ,  à  tous  les  clercs 
«  de  cette  église  et  des  autres  églises  de  la  ville;  que  l'on 
«  donne  en  aumône  aux  pauvres  en  ce  jour,  à  chacun  quatre 
«  setiers  de  blé  et  les  dessertes  des  tables.  Et  quand  on  chan- 
te tera  les  antiennes  O  sapientia ,  etc.,  que  vingt-cinq  cierges, 
«  de  deux  livres  chacun,  brillent  autour  de  l'autel  pendant 
«  les  vêpres,  et  qu'il  en  soit  fait  autant  durant  les  matines, 
«  la  messe  et  les  vêpres  de  notre  jour  anniversaire.  Nous  vou- 
«  Ions  aussi  que  ce  Maître  donne  aux  clercs  cloîtrés  du  bon 
«  vin  après  les  vêpres,  quand  ces  antiennes  se  chantent.  » 
Ce  prélat  institue  ensuite  des  chapelles  avec  leurs  chape- 
lains ,  des  offices  et  des  processions  pour  le  salut  de  son  ame. 
Il  lègue  cinq  sols  melgoriens  à  chacun  des  prêtres  de  Nar- 
bonne;  et  ses  legs,  plus  ou  moins  considérables,  s'étendent 
à  toutes  les  églises,  à  tous  les  monastères,  à  tous  les  corps 
religieux.  Ses  chapelles  et  ses  ornements  en  soie  sont  don- 
nés à  l'église  de  Saint-Just,  à  l'exception  d'une  chape  en 
samit  (i)  rouge,  réservée  à  l'église  d'Aix.  A  Saint-Just  est 

(i)  Ou  damas,  espèce  d'étofte  tissue  de  soie  et  d'or. 


-\III  SIFXXE. 


ARCHEVEQUE  DE  NAUBONNE.  335 

aussi  destinée  toute  l'argenterie,  pour  quil  en  soit  fait  des 
vases  nécessaires  à  l'autel.  Le  prélat  donne  encore  à  cette 
église  ses  anneaux, excepté  le  plusgrosfju  il  lègueà  son  succes- 
seur. Il  donne  aux  écoliers  qu'il  entretenait  à  Paris  tous  ses 
livres  de  théologie,  moins  sa  Bible;  mais  il  les  leur  donne 
avec  défense  de  les  aliéner  ou  de  les  mettre  en  gage.  Tous 
ses  lits  sont  légués  aux  hôpitaux.  On  remarque  dans  cet  acte 
testamentaire  le  silence  que  garde  le  prélat  sur  ses  parents, 
dont  aucun  n'est  nommé,  et  sur  ses  biens  immeubles,  dont 
il  n'est  aucunement  question. 

Après  avoir  ainsi  disposé  de  son  mobilier,  Pierre,  à  la 
tête  d'une  troupe  choisie  de  Français,  alla  se  joindre  au  roi  ^j  •'''^^^""'•' 
d'Aragon  occupé  au  siège  de  Valence,  et  déploya  un  grand       Mariana,  lib. 
courage  en  cette  circonstance  ,  et  archiepiscojms  Narhonensis  ^"  «  ^  '"''• 
strenuè  diniicavit ,  dit  la  chronique  d'Albéric.  Valence  ayant  adan'Ta^c""" 
été  prise  sur  les  Maures,  Pierre  revint  sain  et  sauf  à  Nar- 
bonne,  et  le  roi  d'Aragon  reconnut  ses  services,  en  lui  don- 
nant plusieurs  châteaux,  dont  il  confirma  treize  ans  après 
la  donation  à  Guillaume  de  la  Broiie,  son  successeur  au  siéee     , ,"   ','//' 

,   .  ,     .  ,  '  b       ad  Insli-  toi. 65. 

archiépiscopal. 

L'année  suivante,  notre  prélat  donna  une  nouvelle  preuve  Guiii..iePod 
de  son  courage,  au  service  du  roi  de  France,  lorsque  Ray-  T,.iiii.  cap.  45. 
mond  de  Trencavel,  fils  du  vicomte  de  Béziers,  Olivier  de 
Termes  et  plusieurs  autres  seigneurs,  ayant  envahi  Carcas- 
sonne,  il  accourut  vers  cette  ville  avec  l'évêque  de  Tou- 
louse, et  qu'à  la  tête  de  leurs  gens  armés,  ils  coml^attirent 
pour  soutenir  les  droits  du  roi,  sous  les  ordres  du  maréchal 
Gui  de  Lévis,  et  parvinrent  à  faire  rentrer  cette  ville  sous 
l'obéissance. 

Vers  ce  même  temps,  il  s'éleva  une  grande  contestation      (^.,||  ^,1,,;^,  , 
entre  Pierre  d'Améli  et  le  vicomte  Aimeric  sur  le  droit  de  vi.p.  69. 
faire  battre  monnaie,  et  ce  dernier  ayant  appelé  à  son  aide 
quelques  troupes  de  Catalogne,  força  son  adversaire  à  s'éloi- 
gner de  Narbonne. 

Peu  de  temps  avant  cette  contestation ,  le  prélat  s'était 
attiré  l'animadversion  de  son  chapitre,  en  privant  quelques 
chanoines  de  leurs  bénéfices,  et  en  voulant  contraindre  les 
autres  à  administrer  en  personne  leurs  églises.  La  volonté 
des  évêques  n'ayant  pas  alors  la  puissance  qu'elle  a  acquise 
depuis,  ce  débat  ne  pouvait  être  terminé  par  la  seule  auto- 
rité du  prélat;  les  deux  partis  s'en  rap()ortèrent  donc  à 
Pierre  de  Cotichis,  prieur  de  Saint-Firmin  de  Montpellier, 


336  PIERRE  D'AMELI. 


XIll  S1ECI,E. 


et  celui-ci  prononça  en  faveur  des  chanoines.  Ce  qui  avait 
indisposé  le  prélat,  dit  l'historien  des  évèques  de  Narhorine, 
c'étaient  deux  lettres  que  son  chapitre  lui  avait  écrites, 
dans  l'une  desquelles  on  lui  faisait  des  reproches  sur  sa  con- 
duite peu  cléricale;  dans  l'autre,  il  était  invité  à  ne  pas 
prendre  sur  lui  de  confirmer  lévèque  élu  de  Béliers,  sans 
avoir  pris  le  conseil  et  obtenu  le  consentement  de  son  cha- 
pitre. Depuis  ces  temps,  les  papes  et  ensuite  les  rois,  en 
privant  les  églises  du  droit  d'élire  leurs  évèques,  et  en  les 
nommant  eux-mêmes  par  un  acte  de  leur  volonté  ,  ont  rendu 
aussi  l'autorité  de  ces  pasteurs  indépendante  de  leur  clergé. 

,,        .    ,,,         La  lettre  que  le  chapitre  de  Narboiine  écrivit  à  son  prélat, 
Vaiss.  t.  m,  1  ...    I  ,   ,  r       ,  ' 

Preuves  |>.  !,ob.  <?n  tormc  de  monitiou ,  a  ete  transcrite  dans  1  Histoire  du 
Languedoc,  d'après  une  pièce  originale  conservée  par  Ba- 
luze.  Elle  porte  la  date  du  vingt-deux  octobre  I24i  ,  et  elle 
mérite  d'être  remarquée  en  ce  qu'elle  nous  a  conservé  un 
exemple  rared'un  chefcensuré  par. ses  inférieurs,  et,  selon  les 
apparences,  à  juste  titre.  «  Quoique  entre  le  prélat  et  son 
K  église,  dit  le  chapitre,  il  soit  établi  comme  une  espèce  de 
«  mariage  qui  les  unit  l'un  à  l'autre,  detellesorte  qu'ils  doivent 
«  s'aimer  et  se  servir  mutuellement,  cependant  les  institu- 
«  tions  canoniques  nous  avertissent  que  les  inférieurs  ne 
«  doivent  pas  porter  la  soumission  plus  loin  (ju'il  ne  faut, 
«  parce  que  l'obéi-ssance  muette  peut  devenir  préjudiciable 
«  quand  d  y  a  péril  pour  l'ame.  »  Entre  les  différents  griefs 
qui  sont  énumérés,  le  chapitre  dit  :  «  Nous  vous  avertissons 
«  que  très-souvent  les  bénéfices  ecclésiastiques  sont  donnés 
«  à  des  personnes  qui  en  sont  indignes,  et  ce  qui  est  indigne 
«  en  soi-même,  c'est  qu'ils  sont  donnés  à  des  idiots;  que 
«  très-souvent  vous  avez  refusé  de  rendre  la  justice  à  ceux 
«  qui  vous  l'ont  demandée  ;  que  vous  avez  porté  injustement 
«  des  sentences  d'excommunication  et  d'interdit,  sans  avoir 
«  fait  les  monitions  légales,  et.c. ,  etc.  »  La  lettre  finit  par  les 
paroles  suivantes  :  «  Nous  vous  invitons  donc  à  vous  amender 
a  d'une  manière  louable  surtout  ce  que  nous  venons  de  vous 
a  dire ,  de  telle  sorte  que  votre  changement  devienne  notoire 
a  et  pour  nous  et  pour  tout  le  monde;  vous  faisant  défense, 
«  au  nom  du  siège  apostolique  et  au  nom  de  tout  le  chapitre, 
«  d'entreprendre  de  pareilles  choses  à  l'avenir;  mais  que 
«  vivant  selon  la  justice,  la  piété  et  les  règles,  vous  tâchiez 
«  de  réformer  votre  conduite  et  votre  administration.  Du 
(c  reste,  nous  en  appelons  au  siège  apostolique  de  tout  ce 


ARCHEVÊQUE  DE  NARBONNE.  337 

Il  que  vous  oseriez  taire  contre  nos  personnes,  nos  bénéfices,   

«  nos  adhérents,  nos  défenseurs,  nos  aides,  nos  conseillers 
(T  et  nos  clercs.  » 

La  deuxième  lettre  que  le  chapitre  adressa  à  son  arche- 
vêque ,  et  qui  est  bien  moins  étendue  que  la  première ,  a  pour 
objet  (le  l'avertir  qu'il  ne  doit  pas  prendre  sur  lui  de  confir- 
mer l'évêque  élu  ou  à  élire  au  siège  de  Béziers,  sans  consulter 
son  chapitre.  «  Comme,  est-il  dit,  selon  les  institutions  ca- 
«  noniques,  vous  êtes  tenu  d'assembler  le  chapitre  de  Nar- 
«  bonne,  pour  la  confirmation  des  évêques  ,  et  de  demander 
«  son  conseil,  ainsi  qu'il  convient,  vous  ne  devez  jamais 
«  procéder  à  une  pareille  œuvre  au  mépris  des  droits  de  votre 
<c  cha])itre.  Or  l'église  de  Béziers  étant ,  comme  nous  l'appre- 
«  nous,  dépourvue  de  pasteur,  nous  supplions  votre  pater- 
«  nité  de  ne  pas  aller  jusqu'à  confirmer  celui  que  cette  église 
tt  aura  élu,  sans  notre  conseil  et  notre  consentement.  Si 
«  vous  en  agissiez  autrement,  ce  que  nous  ne  pensons  pas, 
«  nous  nous  y  opposons  au  nom  du  seigneur  pape,  autant 
a  que  nous  le  pouvons,  et  nous  faisons  appel  au  siège  apos- 
«  tolique  de  la  violation  que  vous  pourriez  faire  de  nos 
tt  droits.  » 

Pierre  eut  encore  occasion  en  I243  de  donner  des  preuves      daii.  christ,  t. 
de  sa  valeur  guerrière,  en  contribuant  de  sa  personne  et  de  ^''.  p  :"• 
ses  hommes  d'armes  à  faire   le  siège  du  château  de  Mont-      f^"i>i  'ipPod 
ségur  ,  lequel,  après  de  violents  combats,  fut  pris  sur  les  hé-     VaisTcuc ,  t. 
rétiques.  Peu  après,  il  adressa  une  lettre  circulaire  à   ses  in.p  '(47- 
suffragants  afin  d'exciter  leur  zèle  pour  l'établissement  de 
l'inquisition.  Il  écrivit  aussi,  conjointement  avec  les  autres 
autorités  de   Narbonne,   au    roi  Louis  IX  sur   l'irruption 
faite  par  les  gens  du  bourg  de  cette  ville  dans  la  maison  des 
frères  mineure,  qu'ils  en  avaient  chassés,  pour  la  convertir  en 
un  asile  d'hérétiques. 

Un  synode  des  trois  provinces  de  Narbonne,  d'Arles  et      r.aii  chr  loc 
d'Aix,  fut  convoqué  par  notre  prélat  et  se  composa  des  trois  ^'^' 

■.  r»    •  1  Cl-  ,.  1  •    •   1  1  Vaisselle  ,    t. 

métropolitains  avec  leurs  sutlragants,  sous  la  présidence  de  m,  p.  ^44,  et 
Pierre  d'Améli.  Les  historiens  ne  s'accordent  pas  sur  l'année  '"><«  "^x,  pag- 
de  sa  tenue.  Sponde,  et  après  lui  Labbe,  Fleurv  et  Dupin    ^^^" 

I  I  ..  ■} c  •       I  '  1       »  I         y-T      u.  .      .    '  Labbe,  Conc. 

le  placent   en    1  aJb  ;  mais  les   rédacteurs  du  Galha  chris-  1.  n,coi.487. 
tiana,  d'après  l'auteur  de  l'Histoire  du  Languedoc  qui  avait    rieùij.t.xvn, 
consulté  un  manuscrit  de  l'inquisition  à  Carcassonne,  le  P- "'• 
placent  en  \i[\(\.  L'objet  de  ce  synode  était  de  répondre  aux  ciiesdu'°ni'°il 
questions  qu'avaient  faites  les  frères  prêcheurs  que  le  saint-  ''« 
Tome  XVlll.  V  V 


338  GUILLAUME  Ilf  DE  MONTAIGU, 

'—  siège  avait  nommés  inquisiteurs  dans  cette  province,  tou- 
chant la  conduite  qu'ils  devaient  tenir  envers  les  hérétiques. 
Les  statuts  qui  résultèrent  de  ce  synode  se  trouvent  dans 
le  Recueil  des  conciles,  distribués  en  neuf  colonnes  et  par- 
tagés en  vingt-neuf  chapitres.  On  voit  par  les  peines  qu'on 
y  impose  à  ces  hérétiques,  par  les  précautions  que  l'on  prend 

[)our  les  découvrir,  par  les  soins  que  l'on  recommande  de 
es  séparer  des  fidèles,  de  les  mettre  en  prison  ou  de  les 
éloigner  de  leur  pays,  que  ce  n'était  que  par  la  rigueur  et 
non  par  la  persuasion  qu'on  voulait  les  ramener.  C'était 
plutôt  une  affaire  de  politique  qu'une  affaire  de  religion, 
et  le  parti  qui  voulait  se  séparer  du  reste  de  l  état  par  ses 
croyances,  était  forcé  d'y  rentrer,oudese  voir  anéantir.  Henri 
Spontianusad  de  Spoudc,  en  parlant  dcs  peines  imposées,  des  précautions 
mil.  ia35.  prises,  des  signes  auxquels  les  hérétiques  étaient  reconnus, 

dit  que  tout  cela  respirait  la  plus  grande  sévérité,  conforme 
du  reste  aux  mœurs  de  ce  temps  :  Suntque  valdè  severa , 
Fifiiry  ,    liv.  prout Jerebat praxis  ejus  temporis.  Fleury  cite  ces  statuts,  et 
Lxxx,  ch.  Li.    en  donne  une  analyse. 

Gaii. rhr.  loi.       ^'^H  suivaiit,  1245,  Pierre  fit  un  second  et  dernier  testa- 
tit.  ment,  dont  l'original,  disent  les  rédacteurs  du  GalUa  chris- 

tiana ,  se  conservait  dans  les  archives  de  l'église  de  Nar- 
bonne.  On  ne  nous  en  a  fait  connaître  qu'un  legs  fait  au 
pape  Innocent  IV,  et  par  lequel  le  prélat  lui  donne  son  blé, 
son  orge,  ses  porcs;  ce  pape  en  lit  demander  l'exécution 

3uelque  temps  après  à  Guillaume  de  La  Broiie ,  successeur 
e  Pierre,  par  son  prélat-domestique,  Matthieu  de  Naples. 
Gaii.ciii.ioc        Pierre  d'Améli  mourut  à  Narbonne  le  vingt  mai   1246, 
'if  selon  les  nécrologes  de  Narbonne,  de  Béziers  et  du  monas- 

tère deCassan,  comme  ilfaisait  ses  préparatifs  pour  se  rendre 
au  concile  convoqué  à  Lyon.  On  lui  donna  la  sépulture  dans 
l'église  du  monastère  de  Sainte-Marie  de  Cassan.         P.  R. 


GUILLAUME  III  DE  MONTAIGU, 

„„RT   le    19  XXir  ABBÉ  DE  CITEAUX. 

niai   1246. 

Manrique    t    ijuiLLAUME  DE  Mo^fTA^GU,  de  prieUT  de  Claïrvaux  devenu 
IV,  p  34a.  '      abbé  de  La  Ferté,  fut  élu  abbé  de  Cîteaux  en  1227.  Il  gou- 


XXir  ABBÉ  DE  CITEAUX.  339 

XIII  SIÈCLE. 

verna  cet  ordre  jusqu'en  laSG,  puis  rési^'nant  sa  prélature,  

il  retourna  à  Clairvaux,  où  il  vécut  en  simple  religieux  jus-      Hmriq.  iw. 
qu'à  sa morl^qui  arriva  en  1245,  selon  l'annaliste  de  Cîteaux.   J,^"f,'     '''■'' 
Mais  les  auteurs   du  Gallia  christiann  ne  lui  font  résigner      Hemiq    Me- 
son  abbaye  qu'en  l'année  qui   précéda  sa  mort.  Ils  citent  à  "<'i  p  '(jG 

i>  ■      \  ^    p   ■  •    1         1  1  -11     -       .•  11..  (..ill.  .brisl    I. 

1  appui  de  ce  fait  un   article  des  délibérations  du  chapitre  jy, ,,.  ,,9,. 
général  tenu  l'an  124^,  qui  montre  que  Guillaume,  autrefois       Man.  Anecd 
abbé  de  Citeaux,  demandait  qu'en  considération  de  ce  qu'il  '  iv,  coi.  iis»). 
avait  soulfért  pour  l'i-^glise,  quand  il  était  chargé  de  chaînes  et 
mis  ,en  prison,  il  lui  fût  fait  après  sa  mort  un  service  funè- 
bre dans  toutes  les  églises  de  l'ordre;  ce  qui  lui  fut  accordé. 
Ce  passage  prouve,  contre  l'annaliste,  c{ue  Guillaume  n'a  pas 
dû  quitter  sa  dignité  d'abbé  de  Cîteaux  en   laSd,  puisque 
l'époque  à  laquelle  la  j)rison  et  les  chaînes  se  rapportent, 
est  l'année  laSg,  quand  Guillaume  et  plusieurs  autres  prélats 
se  rendant  au  concile  qui  devait  se  tenir  à  Rome  l'année 
suivante,  furent  pris  parles  gens  d'armes  de  l'empereur  Fré- 
déric, et  mis  dans  les  fers.  Guillaume  n'aurait  pas  pu  être 
appelé  à  ce  concile,  s'il  n'avait  été  que  simple  moine.  Ce 
passage  prouve  de  plus,  contre   l'annaliste   et   les  auteurs 
du  Gallia  christiana ,  que  cet  abbé  n'a  pas  dû  mourir  en 
1245,  comme  ils  le  disent,  puisque  le  chapitre  général  se      Anecd.  t.  iv, 
tenait  dans  le  mois  de  septembre,  et  que  Guillaume  vivait  '^°AÙnarcist.  t. 
encore  en  ce  même  mois  i245,  quand  il  adressa  sa  demande  iv,p.6o6,n.32. 
au  chapitre;  il  en  résulte  donc  que  sa  mort  doit  être  placée 
le  ip  mai  1^46. 

Si  nous  admettons  cet  abbé  dans  notre  Histoire  littéraire, 
ce  n'est  pas  à  raison  de  l'importance  des  écrits  qu'il  a  laissés, 
puisqu'il  ne  nous  reste  de  lui  qu'une  lettre  très-courte,  et  ,„*""''"''• 

I         •  .  >  1  ^11  1  1-       •  1  NT  IV,  p.  4^ 'l'I-  2. 

relative  a  un  monastère  de  hlles,  les  religieuses  de  JNotre- 
Dame-des-Grèz  dans  le  diocèse  de  Langres,  qui  avaient  de- 
mandé à  entrer  dans  l'ordre  de  Cîteaux;  par  cette  lettre, 
adressée  aux  abbés  de  quelques  couvents  cisterciens,  Guil- 
laume les  charge  d'établir  leur  règle  dans  ce  monastère. 

Mais  les  lettres  que  le  pape  Grégoire  IX  lui  adressa  nous 
restent,  et  elles  suffisent  pour  nous  faire  connaître  de  quelle 
nature  étaient  les  affaires  traitées  dans  cette  correspon- 
dance. Guillaume  de  Montaigu  était  un  homme  distingué 
par  son  savoir  et  son  habileté  dans  les  affaires  du  monde 
autant  que  par  sa  piété;  ceux  qui  ont  parlé  de  lui  l'ont 
proclame  tour  à  tour  vénérable,  bienheureux,  et  même 
saint.  Sa  réputation,  jointe  à  l'éclat  qui  rejaillissait  sur  son 

V  va 


XllI  SIECLE. 


340  GUILLAUME  III  DE  MONTAIGU, 

ordre,  durant  sa  prélatun;,  déterminèrent  le  choix  du  sou- 
verain pontife,  pour  l'employer  aux  différentes  alfairesqui 
demandaient  un  homme  de  son  caractère. 

Les  lettres  de  Grégoire  IX  à  cet  abbé  ont  rapport,  soit  à 
ce  qui  concerne  son  ordre,  soit  aux  différends  qui  s'élevaient 
entre  les  souverains  et  d'autres  grands  personnages. 
Aiiiiai.  cisi.  t.  Guillaume  ayant  été  élevé  de  l'abbaye  de  la  Ferté  à  celle 
IV, p.  348,11.  I.  (Je  Cîteaux,  comprit  mieux,  par  expérience,  dans  ce  poste 
éminent,  cjuelles  étaient  les  vraies  sources  de  l'envie  qu'oa 
portait  généralement,  et  même  le  clergé  séculier,  aux  ri- 
chesses de  son  ordre.  «  Pourquoi ,  disaient  les  envieux,  et 
«  nous  citons  ici  les  propres  expressions  de  l'annaliste,  ceux 
«  qui  se  sont  voués  à  la  pauvreté  se  sont -ils  écartés  de 
«  leur  institution,  après  s'être  séparés  du  monde  dans  celte 
a  unique  tin.-'  Les  voilà  maintenant  plus  riches  que  ceux 
<f  dont  ils  ont  voulu  se  séparer.  Les  rois,  les  grands  les  com- 
«  blent  de  biens,  dans  le  but  de  s'attirer  la  bienveillance  de 
«  Dieu ,  peut-être  aussi  celle  des  hommes.  Car  ceux  que  cet 
a  ordre  favorise  ne  sont-ils  pas  partout  en  honneur,  et  ceux 
«  qu'il  ne  loue  pas  n'enPourent-ils  pas  la  censure  de  tout  le 
«  monde.''  Les  largesses  des  fidèles,  qui  autrefois  se  répan- 
«  daient  sur  les  églises,  les  entretenaient  toutes,  et  nulle 
«  n'avait  de  superflu:  à  présent,  au  contraire,  tout  afflue  à 
a  Citeaux,  et  les  autres  sont  dans  la  souffrance.  Bien  plus, 
«  les  cisterciens  ayant  donné  entrée  dans  leur  cloître  aux  dé- 
ce  pouilles  des  morts,  que  ne  se  font-ils  pas  léguer  par  les 
«.  mourants  qu'ils  assistent,  et  même  encore  par  des  per- 
«  sonnes  en  pleine  santé?  » 

Telles  étaient  les  accusations  que  reproduisaient  conti- 
nuellement les  adversaires  des  cisterciens;  ils  allaient  encore 
plus  loin,  en  leur  suscitant  mille  procès  dont  la  poursuite 
causait  beaucoup  de  désordre  parmi  ces  religieux.  Guillaume 
voyant  que  les  immunités  que  ses  prédécesseurs  avaient  ac- 
quises à  son  ordre  tombaient  en  désuétude,  eut  recours  au 
souverain  pontife,  et  voici,  selon  l'annaliste,  ce  qu'il  disait 
pour  sa  défense  :  «  C'est  à  tort,  écrit-il  à  Grégoire,  que  l'envie 
«  nous  fait  le  reproche  de  posséder  des  biens  que  nous  ne 
a  recevons  que  pour  les  pauvres,  et  desquels  nous  ne  gar- 
«  dons  pour  nous  que  la  charge  de  leur  distribution.  Cîteaux 
«.  était  content  de  ce  qu'il  possédait,  il  ne  demandait  rien, 
«  ne  désirait  rien.  Mais  si  les  fidèles  qui  veulent  donner 
€  leurs  biens  aux  pauvres,  choisissent  les  religieux  de  cet 


XXir  ABBÉ  DE  CITEAUX.  34 1 

,  -a         I  1  I  I  ^'"  SIÈCLE. 

«  ordre  pour  en. être  les  distributeurs,  a  quel  titre  pour- 

«  raient-ils  se  refuser  à  ce  ministère?  Parce  que  des  clercs 
«  sont  animes  d'envie,  faut-il  interdire  aux  laïques  ce  que 
<t  leur  pieté  leur  inspire?  Et  les  prêtres  du  Christ  peuvent- 
«  ils  s'opposera  ce  que  le  Christ  conseille?  Et  dans  cette 
«  conduite  des  fidèles,  que  condamne-t-on  ?  Est-ce  l'aumône? 
«  mais  c'est  une  œuvre  agréable  à  Dieu,  utile  à  la  patrie,  et 
«  que  les  infidèles  mêmes  ont  en  honneur.  Ou  bien  serait-ce. 
«  les  ministres  que  l'on  emploie  ?  assurément  ils  sont  lespre- 
c  miers  à  reconnaître  leur  peu  de  mérite.  Mais  si  un  servi- 
«  teur  peut  être  choisi  par  son  maître  pour  remplir  cette 
«  commission,  doivent-ils  demander  eux-mêmes  qu'on  ne 
a  les  en  charge  pas?  S'ils  abusent  de  la  confiance  qui  leur 
«  est  donnée,  qu'on  s'y  oppose,  à  la  bonne  heure;  mais  si 
«  c'est  parce  qu'ils  s'en  rendent  plus  dignes  que  d'autres, 
«  qu'on  la  leur  accorde,  il  ne  faut  pas  faire  un  crime  de 
c  cette  confiance  à  des  hommes  qui  ne  font  que  l'accepter 
«  par  obéissance.  Doivent -ils  résister  à  la  volonté  des  do- 
«  nateurs  ,  et  par  là  frustrer  les  pauvres  de  secours?  Du 
«  reste,  il  n'est  pas  vrai  qu'ils  se  soient  jamais  rendus  maî- 
«  très  de  la  volonté  des  mourants,  ni  qu'ils  les  aient  engagés 
«  à  choisir  leur  sépulture  chez  eux,  quoiqu'il  n'y  eût  pas  en 
«  cela  de  péché.  Mais  si  des  princes  de  qui  ils  ont  reçu  tant 
B  de  bienfaits,  la  leur  demandent,  à  quels  titres  peuvent-ils 
«  la  leur  refuser?  Peuvent-ils  repousser  de  leurs  églises  les 
«  corps  de  ceux  qui  les  ont  fondées ,  et  refuser  une  place , 
«  pour  leur  sépulture,  à  des  hommes  qui  leur  ont  donné  leurs 
«  terres?  Enfin ,  quels  que  soient  les  prétextes  qu'on  em- 
«  ploie,  pour  les  accuser,  pourquoi  les  procès  que  leur  cau- 
«  sent  ces  biens,  sont-ils  tellement  interminables  et  dispen- 
«  dieux,  qu'il  leur  en  coûterait  souvent  moins  de  perdre 
«  leur  cause  que  de  la  plaider?  » 

Ce  fut  au  commencement  de  l'an  1228  que  l'abbé  de  Ci-       .      1      . 

^^      '        •         TV/-    I         1  I  Annal,  cisl.  (. 

teaux  adressa  au  pape  Grégoire  IX  les  lettres  dans  lesquelles  iv,  p.  349. 
il  détaillait  ce  que  l'on  reprochait  à  son  ordre,  et  ce  qu'il 
répondait  pour  sa  justification.  Le  pape  lui  écrivit  à  ce  sujet 
quatre  lettres  qui  sont  rapportées  dans  les  annales  de^  cis- 
terciens. Dans  la  première,  le  pape  consent  à  ce  que  ces  reli- 
gieux ne  puissent  être  distraits  de  leurs  monastères  que  de  la 
distance  de  deux  jours  de  marche.  Dans  la  seconde,  il  accorde 
à  cet  ordre,  dont  il  se  plait  à  reconnaître  la  splendeur,  que 
ces  mêmes  religieux  ne  pourront  être  forcés  à  sortir  de  leurs 
2  5 


xm  .si^:crE. 


342  GUILLAUME  III  DE  MONTAIGU, 


cloîtres,  pour  aller  défenrlre  leurs  droits  devant  les  juges  des 
villes  voisines,  que  par  permission  de  lettres  apostoliques 
dans  lesquelles  leur  ordre  sera  expressément  désigné.  Dans  la 
troisième,  le  pape  s'exprime  ainsi  :  «  Comme  ce  que  la  piété 
«  des  fidèles  vous  offre,  vous  ne  le  recevez  que  pour  le  trans- 
ie mettre  aux  pauvres  ,  nous  trouvons  qu'il  est  impie  et  abusif 
a  (|iie  l'ava'rice  et  l'envie  veuillent  vous  en  priver,  et  nous 
a  défendons  aux  prélats  des  églises  ou  sont  vos  Lientaiteurs 
«  d'exiger  de  vous  une  portion  de  ce  que  vous  recevez  de 
«  ces  derniers.  »  Enfin,  dans  la  quatrième,  le  pape  considé- 
rant que  la  conduite  édifiante  des  cisterciens  ne  peut  qu'être 
agréable  à  Dieu  et  profitable  aux  hommes ,  à  raison  de 
l'exemple  continuel  de  leurs  vertus,  L-ur  accorde  la  faculté 
de  donner  la  sépulture  dans  leurs  cloîtres,  soit  à  leurs  bien- 
faiteurs, soit  aux  autres  fidèles  qui  en  feraient  choix  ,  pourvu 
que  les  églises  dans  la  juridiction  desquelles  seront  ces  morts, 
ne  soient  lésées  en  aucune  manière, 
iiiid.  p.  3ji.  Une  cinquième  lettre  de  Grégoire  IX  à  l'abbé  de  Cîteaux 
a  rapport  à  l'hérésie  des  Albigeois.  Louis  VIII  était  mort 
depuis  un  an  environ,  et  le  jeune  roi  saint  Louis,  ou  plutôt 
la  reine  Blanche,  régente  du  royaume,  voulant  terminer  la 
guerre  commencée  contre  cette  secte,  demandait  au  pape 
d'envoyer,  en  qualité  de  légat  en  France,  le  cardinal  Romain 
de  Saint- Ange,  comme  étant  l'homme  le  plus  capable  de 
mettre  fin  à  cette  grande  affaire.  Ce  prélat  vint  en  France, 
apportant  au  roi  une  lettre  que  le  pape  lui  adressait  sur  la 
conduire  qu'il  fallait  tenir  dans  ces  débats.  Mais  voulant 
joindre  à  son  zèle,  à  sa  prudence  et  à  son  habileté,  le  secours 
du  ciel,  le  légat  obtint  du  pape  une  lettre  par  laquelle  le  sou- 
verain pontife  enjoignait  à  l'abbé  et  aux  religieux  deCîteaux 
d'invoquer  l'assistance  de  Dieu  pour  conduire  à  terme  cette 
malheureuse  guerre  :  «  Bien  qu'il  soit  utile ,  disait  le  pape,  de 
a  s'aider  des  armes  matérielles  pour  l'établissement  et  la 
«  conservation  de  la  paix  et  de  la  foi,  cependant  il  faut  bien 
«  plus  compter  sur  les  armes  spirituelles,  c est-à-dire  sur 
«  les  suffrages  des  prières.  Ce  fut  par  le  secours  de  celles  de 
«  Moïse  que  Josué  vainquit  les  Amalécites;  ce  fut  la  prière 
«  faite  sans  interruption  par  l'Eglise  qui  brisa  les  chaînes 
«  de  saint  Pierre;  ce  fut  à  la  prière d'Elie  que  le  ciel  se  ferma; 
«  et  si, après  une  longue  sécheresse,  la  pluie  fut  de  nouveau 
»  accordée  à  la  terre,  ce  fut  la  prière  du  même  prophète  qui 
'  «  l'obtint.  • 


XXir  ABBÉ  DE  CITEAUX.  343 


XIII  SIECLt. 


Après  que  tous  les  préparatifs  d'une  nouvelle  croisade  fu- 
rent faits,  la  guerre  se  termina  d'elle-même,  sans  effusion 
de  sang,  de  telle  sorte  que  tout  le  monde  étonné,  dit  l'an- 
naliste (le  Cîteaux,  attribuait  à  la  sainteté  du  jetine  roi  la 
cessation  de  ce  fléau;  il  parut  que  Dieu  avait  été  touché  des 
prières  de  son  jeune  âge,  quand,  à  la  deuxième  année  de  son 
règne,  la  secte  des  Albigeois,  que  jusque-là  les  armes  n'a- 
vaient pu  détruire,  disparut  inopinément. 

En  cette  même  année  1228,  Guillaume  fit  plusieurs  statuts  ib;,i.  p.  3-0 
pour  le  bon  gouvernement  de  son  ordre.  Dans  l'un,  il  était  "3. 
établi  que  les  abbayes  qui  ne  pourraient  pas  fournir  à  la 
subsistance  de  douze  religieux  et  de  leur  abbé,  seraient  con- 
verties en  granges.  Cette  loi  salutaire,  dit  l'annaliste,  ne  put 
prévaloir  contre  l'habitude  ;  les  abus  continuèrent,  et  on  agit 
à  leur  égard,  ajoute-t-il,  comme  on  en  avait  agi  envers  les 
astrologues  dont  Tacite  disait  :  Sernper  vetantiir  et  semper 
retinentur 

Au  commencement  de  l'an  1229,  les  deux  jeunes  rois  de      ibid  p  3-5 
France  et  d'Angleterre  se  préparaient  à  se  faire  la  guerre.  "   t- 
Louis  se  plaignait  de  ce  que  le  roi  d'Angleterre  avait  pris 
la  défense  et  protégé  plusieurs  de  ses  sujets  rebelles,  sur- 
tout Pierre,  comte  de   Bretagne,  qui,  dès  l'année    précé- 
dente ,  troublait  la  paix  du  royaume  de  France.  Henri,  pour      Oenebr.adan. 
venger   la   défaite  qu'il   venait   d'essuyer  à  la   Rochelle   et 
dans   l'Aquitaine,  se   préparait  à   reprendre  ce   qu'il  avait 
perdu. 

Dans  ces  circonstances,  dit  l'annaliste,  Grégoire  IX  voyant 
les  maux  qui  allaient  de  nouveau  fondre  sur  le  peuple 
chrétien,  voulut  remplir  envers  les  deux  rois  les  fonctions 
médiatrices  d'un  père  commun,  et  plût  à  Dieu,  ajoute-t-il, 
que  jamais  les  successeurs  de  Pierre  ne  s'écartassent  de  cette 
règle!  Il  chercha  pour  cette  fin  un  homme  vénérable  qui, 
possédant  l'estime  des  deux  rois,  fût  capable  de  leur  faire 
entendre  que,  quelles  que  fussent  les  raisons  de  l'un  et  de 
l'autre ,  leurs  sujets  n'avaient  rien  fait  pour  endurer  les 
maux  d'une  guerre;  que  les  rois,  même  dans  leur  défaite, 
étaient  encore  protégés  par  leur  dignité,  tandis  que  les  peu- 
ples, même  vainqueurs,  étaient  accablés  de  maux;  qu'il  n'y 
avait  pas  de  victoire  sans  effusion  de  sang,  et  que  ce  sang, 
de  quelque  côté  qu'il  coulât,  était  le  sang  des  chrétiens  ;  que 
si  l'un  des  deux  rois  était  victorieux,  l'Eglise,  leur  mère  com- 
mune, ne  pourraitprendre  part  à  la  joie  de  l'un,  sans  verser  des 


1  11- 


XJII  SIECLE. 


344  GUILLAUME  III  DE  MONTAIGU, 

larmes  sur  le  sort  de  l'autre. —  Le  pape  trouva  dans  Guil- 
laume l'homme  qu'il  cherchait,  et  il  lui  confia  cette  charge 
importante,  par  une  lettre  qui  commence  en  ces  termes  : 
lipisi.  Grego-  «  Très  -  cher  lils  en  Jésus-  Christ,  établi,  quoique  indigne, 

III  IX,  hb.  II,  ^^  vicaire  de  ce  roi  qui,  pour  réconcilier  le  serviteur  avec  le 
<(  maitre,  a  daigné  se  faire  homme,  tout  Dieu  qu'il  était, 
«  nous  méditons  des  desseins  de  paix  sur  ceux  qui  sont  près, 
«  comme  sur  ceux  qui  sont  loin.  Avertis  par  l'Evangile  que 
(.  bienheureux  sont  les  pacifiques,  puisqu'ils  seront  appelés 
«  fils  de  Dieu,  nous  mesurons  la  grandeur  du  mérite  par  la 
«  grandeur  de  la  récompense;  'car  la  plus  grande  des  béa- 
'c  titudes  est  d'être  appelé  fils  de  Dieu.  »  Jje  pape  expose 
ensuite  quels  maux  la  guerre  ei>tre  les  deux  rois  causerait  au 
peuple  chrétien,  quels  désordres  dans  l'F'glise,  quels  périls 
pour  les  corps  et  pour  les  âmes.  «  En  conséquence,  ajoute  le 
«  pape ,  ayant  la  confiance  que  vous  pouvez  être  un  excellent 
«  médiateur  entre  de  si  grands  princes,  nous  vous  enjoi- 
«  gnons,  de  par  noire  autorité  apostolique,  de  vous  occuper 
«  avec  toute  l'afïection  et  l'efficacité  dont  vous  serez  capable, 
«  à  éloigner  de  ces  princes  tout  sujet  de  dissention  ,  et  à  ré- 
'<  tablir  entre  eux  la  concorde,  etc.  » 

L'abbé  de  Cîteaux ,  pour  exécuter  cet  ordre,  se  rendit 
d'abord  à  la  cour  du  roi  et  de  la  reine  Blanche.  Le  grand 
âge  du  prélat,  sa  piété,  sa  prudence,  son  expérience  étaient 
connus  du  roi  et  de  la  reine-mère,  attendu  que  l'un  et  l'autre 
avaient  déjà  eu  des  relations  avec  lui  au  sujet  de  l'abbaye  de 
Gïii  christ  t   Royaumont,  que  saint  Louis  faisait  construire  en  ce  temps- 

IX,  p.  849.  là  même,  et  qui  fut  le  premier  monument  qui  illustra  le  règne 
de  ce  pieux  monarque.  Et  comme  le  roi  destinait  cet  édifice 
à  des  religieux  de  Citeaux  ,  il  ne  pouvait  négliger  les  conseils 
du  chef  de  l'ordre,  qui  lui  en  avait  tracé  le  plan,  et  même 
d'avance  envoyé  des  religieux.  La  mission  de  Guillaume  n'é- 
prouva donc  aucune  difficulté  auprès  du  jeune  monarque; 
on  abandonna  tout  à  la  prudence  de  l'abbé,  dit  l'annaliste; 
on  lui  permitde  disposer  des  choses  ainsi  qu'il  l'entendrait; 
on  lui  dit  de  chercher,  de  discerner  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
expédient;  que  l'on  consentirait  à  tout  ce  qui  lui  aurait  paru 
bon,  pourvu  que  l'honneur  du  royaume  de  France  n'en  souf- 
frît en  nulle  manière. 

Guillaume  se  rendit  ensuite  auprès  du  roi  d'Angleterre,  qui 
lui  montra  d'abord  des  dispositions  peu  favorables.  Le  sou- 
venir de  sa  défaite,  les  pertes  qu'il  avait  éprouvées,  et  qui  le 


XX IP  ABBÉ  DE  CITEAUX.  345 


Xm  SIECLE. 


f)oussaientà  la  vengeance;  la  conduite  injuste  qu'il  avait  tenue 
ui-ménie  précédemment  envers  les  religieux  cisterciens  de 
ses  états ,  dont  il  avait  dévasté  les  monastères;  le  besoin  qu'il 
avait  de  remplir  son  trésor  épuisé,  tout  le  portait  à  refuser 
la  paix.  Cependant  les  considérations  pleines  de  sagesse  que 
l'envoyé  du  pape  lui  suj^géra ,  lui  firent  abandonner  ses  des- 
seins, et  il  renonça  aux  préparatifs  de  la  guerre. 

Une  nouvelle  lettre  fut  collectivement  adressée  par  Gré- 
goire à  notre  abbé,  à  l'évêque  de  Paris  et  à  l'abbé  de  La  Ferté: 
il  y  est  enjoint  à  ces  trois  personnages  de  se  rendre  à  Lyon, 
pour  jugei'  les  perturbateurs  du  repos  public  qui,  profitant 
du  désordre  qu'avait  fait  naître  la  révolte  de  quelques  sei- 
gneurs contre  la  régence  de  la  reine  Blanche,  s'étaient  portés 
à  des  extrémités  coupables  envers  la  personne  de  l'arche- 
vêque de  I^yon. 

À  la  fin  de  l'an  laSo,  Guillaume  fit  plusieurs  statuts  capi-  Aonal.  cisi.  i. 
tulaires,  parmi  lesquels  on  remarque  celui  qui  ordonnait  la  ^^'P-^ia.n-  i- 
célébration  de  la  Fête-Dieu  et  de  la  fête  de  la  Sainte-Trinité. 
Il  fut  ajouté  cependant  que  le  jour  de  cette  dernière  il  ne 
serait  point  fait  de  sermon  dans  les  monastères  de  l'ordre, 
parce  que  la  grandeur  et  la  sainteté  de  ce  mystère  se  célèbrent 
plus  convenablement  par  le  silence  que  par  les  plus  beaux 
discours  qu'on  pourrait  faire;  que  de  plus  il  est  difficile 
d'en  parler  convenablement,  à  cause  de  la  difficulté  d'en 
développer  la  matière.  Pendant  que  le  chapitre  de  Citeaux 
faisait  cette  défense,  les  écoles  retentissaient  néanmoins 
des  disputes  des  théologiens  sur  les  questions  du  maître  des 
sentences,  et  les  abbesses  mêmes,  ainsi  qu'on  le  verra  à  l'ar- 
ticle de  Ida,  agitaient  les  questions  les  plus  relevées  de  la 
théologie. 

En  1234,  l'abbé  de  Gîteaux  porta  de  nouvelles  plaintes  Ibid.  p.  469. 
devant  le  tribunal  du  souverain  pontife,  relativementà  ce  que 
les  évêques  dans  les  diocèses  desquels  étaient  les  monastères 
de  l'ordre,  contrariaient  l'élection  des  abbés,  ou  bien  re- 
fusaient de  les  consacrer,  quand  les  choix  ne  leur  convenaient 
pas.  Le  pape  ,  par  une  nouvelle  lettre,  délivre  les  cisterciens 
de  ces  entraves ,  annulle  tout  ce  que  pourraient  tenter  contre 
eux  les  évêques,  et  les  autorise,  en  cas  de  refus  de  l'ordinaire, 
à  recourir  à  d'autres  prélats.  La  bienveillance  de  Grégoire  IX 
envers  ces  religieux  se  montre  encore  dans  deux  lettres  :  par 
l'une,  ils  sont  mis  à  l'abri  du  pouvoir  arbitraire  des  légats  et 
des  autres  supérieurs,  qui  leur  imposaient  quelquefois  l'obli- 

Tome  Xyni.  X  x 


2  5  * 


X.UI  SIÈCI^. 


346  GUILLAUME  DE  MONTAIGU. 


gation  d'excommunier  les  lieux  et  les  personnes  clans  le  voi- 
sinage de  leurs  monastères  ;  l'autre  fait  droit  aux  rérlaniations 
ibid.  p.  471  ,  de  l'abbé  qui  se  plaignait  que  les  seigneurs,  sous  prétexte  de 

"■  •>■  '  patronage  ou  de  protection,  prétendaient  avoir  droit  d'entrer 

dans  les  cloîtres,  même  avec  leurs  femmes  et  leur  suite  ,  de 
telle  sorte  que  la  paix  de  ces  maisons  était  troublée  et  la  disci- 
pline souvent  enfreinte.  Le  pape  en  ferme  l'entrée  à  tous  les 
étrangers,  afin  que  les  instituts  des  fondateurs  se  conservent 
dans  leur  pureté.  Ici  l'annaliste  fait  observer  que  durant  tout 
le  temps  où  l'ordre  cistercien  resta  dans  la  pauvreté  de  son 
origine,  il  n'attira  l'envie  de  personne,  qu'il  ne  fut  pas  visité 
par  les  seigneurs,  et  qu'il  put  se  conserver  en  paix;  mais  que 
quand  une  fois  il  eut  accucnnlé  des  richesses,  soit  ])ai-  les  tra- 
vaux de  ses  membres,  soit  par  la  bonne  administration  et 
l'économie  de  ses  chefs ,  soit  par  les  dons  des  fidèles,  il  excita 
la  jalousie  des  uns,  la  rapacité  des  autres:  ces  richesses  éveil- 
lant partout  l'envie ,  devaient  causer  sa  perte  prochaine. 

Les  trois  dernières  lettres  de  Grégoire  IX  à  cet  abbé  ont 
pour  objet  des  affaires  d'administration:  dans  la  première, 
le  pape  finvite  à  recevoir  sous  sa  règle  les  religieuses  du 
monastère  de  Notre-Dame  au  diocèse  de  Troyes.  La  se- 
conde enjoint  de  rétablir  la  discipline  dans  le  rafonastère  de 
Ibid.  p.  491,  Saint  -  Sauveur  de  Montaigu,  au  diocèse  de  Pérouse,  et  de 

"■  ^-  le  soumettre  à   la  règle    de   Cîteaux.  Par  la  troisième,  le 

pape   lui  ordonne  d'envoyer  des  religieuses  dans  un    mo- 
nastère qu'un   riche  particulier  belge  venait  de  construire 
Ibid.  p.  ,92,  près  de  Bruxelles,  sur  lejmont  Sainte-Marie;  mais  le  pape 

n.  II  veut   qu'auparavant   Guillaume   examine    si  ce    séjour  est 

convenable,  et  qu'on  obtienne  le  consentement  de  l'évêque 
diocésain. 

Après  avoir  gouverné  pendant  l'espace  de  douze  à  seize  ans 
un  ordre  -qui  s'étendait  sur  toute  l'Europe,  avoir  secondé 
les  desseins  du  pape  pour  établir  la  paix  entre  les  rois  ,  avoir 
jugé  les  perturbateurs  publics,  discipliné,  enrichi  son  ordre, 
et  lui  avoir  obtenu  de  nombreux  privilèges,  Guillaume  alla 
passer  les  dernières  années  de  sa  vie  à  Clairvaux  ,  en  qualité 
de  simple  religieux,  ainsi  qu'il  a  été  dit  au  commencement 
de  cette  notice.  P.  R- 


XIU  SIÈCLE. 


ROBERT  DE  TOR(3TTE, 

OU  DE  TOUROTTE, 

.  .  MORT      le      16 

ÉVEQUE  DE  LANGUES,  PUIS  DE  LIEGE.  octobre  1246. 

R  Anselme,  Hist. 

OBERT,  fils  de  Je;in  ,  châtelain  de  Noyon  et  de  Torotte,  et  génëai.  t.  11,  p. 

d'Odette  de  Dampierre,  eut  huit  frères  ou  sœurs,  entre  autres  '^°" 
Rfidulphe   ou  Raoul  de  Torotte,  évêque  de  Verdun,  dont  il  xiii  col.  1 210! 
a  été  fait  mention  à  la  date  du  21  avril  12.^5,  dans  cette  His-      Ci-dessus   p. 
toire  littéraire.  Robert  fut  d'abord  chanoine  de  Beauvais;  en  ^*?^?^V 
1226,  une  partie  du  chapitre  de  Chartres  voulut  le  nommer  j^jg.      ' 
successeur  de  Guillaume  du  Perche;  mais  n'ayant  pas  réuni      Gaii. christ. t. 
cette  fois  un  assez  grand  nombre  de  suffrages,  il  eut  plus  de  ïV>'""'-6°^- 
succès  aux  élections  que  fit  six  ans  après  le  chapitre  de  Lan- 
gres,  qui  l'éleva  en  laSa  sur  le  siège  de  cette  ville.  Aiberic.adan. 

Ce  prélat ,  qui  donna  des  preuves  fréquentes  de  son  i^^i. 
énergie,  de  sa  vigilance  et  de  sa  bienfaisance,  suivant  un 
chroniqueur ,  ne  nous  est  guère  connu  que  par  la  lettre 
pastorale  qu'il  adressa  à  son  clergé  à  l'occasion  de  l'institu- 
tion de  la  fête  du  Saint -Sacrement,  et  parles  actes  admi- 
nistratifs que  nous  lisons  dans  quelques  chartes  qu'on  a 
conservées  de  lui.  Les  ordres  mendiants,  peu  d'années  après  ,y^*"|' g*""*'' '' 
leur  institution,  ayant  pris  un  accroissement  rapide,  Robert 
établit  les  franciscains  dans  la  ville  de  Châtillon  vu  1227, 
et  il  achetait  en  même  temps  à  Dijon  des  biens  d'Alix,  du- 
chesse  de  Bourgogne,  pour  ouvrir   un  établissement  aux 

dominicains.  Alberic.adan. 


L'évêque  de  Langres  ayant  été  envoyé  par  Louis  IX,  avec 
Adam,  chevalier  de  son  conseil,  vers  le  pape  et  vers  Fré- 
déric 11,  afin  de  travailler  à  calmer  les  animosités  de  l'em- 
pereur et  du  pontife;  Grégoire  avait  convoqué  les  évêques 
en  concile  pour  y  faire  déposer  l'empereur,  et  Frédéric  avait 
fait  arrêter  et  garder  prisonniers  ces  mêmes  évêques  qui 
arrivaient  de  toutes  parts  en  Italie  pour  y  prononcer  sa  dé- 
position. On  ne  trouve  rien  de  bien  détaillé  sur  ce  que  firent 
ces  deux  envoyés,  ni  quels  succès  obtinrent  leurs  efforts. 

X  X  2 


laîg. 


348  ROBERT  DE  TOROTTE, 

'  Guillaume  de  Nangis,  en  parlant  d'une  mission  toute  sem- 

Guiii.deNang.  blable    donnéc  par   Louis  IX,  la  fait  remplir  par  d'autres 
ad  an.  1239.       personHagcs. 

.    .  .  Robert  consentit  en  1240  au  choix  que  le  clergé  de  Liéee 

Gall.  christ.  I.  •      ,■   •       i      i     ■  .  ,  l        ,  .  *^  P, 

III ,  col.  886.  avait  tait  de  lui  pour  occuper  ce  siège,  après  avoir  repousse  le 
prévôt  du  chapitre  d'Utrecht,  qui  était  venu,  à  la  tête  d'hom- 
mes armés,  se  constituer  lui-même  évèque.  La  réputation  que 
Robert  avait  acquise  daiis  son  administration  précédente,  le 
fit  accueillir  avec  empressement;  mais  il  ne  tarda  pas  à  déplaire 
à  raison  de  son  ambition  et  de  son  avarice.  Ce  lut  principale- 
ment à  l'occasion  de  la  vacance  du  siège  métropolitain  de 
Reims,  qui  se  prolongea  durant  quelques  années,  après  la 
mort  de  Henri  de  Dreux.  Robert  deTorotte  s'était  mis  sur  les 
rangs,  ainsi  que  plusieurs  autres;  et  pour  arriver  à  son  but,  il 
répandait  de  grandes  largesses  parmi  ceux  qu'il  pensait  pouvoir 
lui  être  favorables;  mais  de  plus,  pour  y  suftîie,  il  accablait 

Hisi.    ecciés.  d'exactions  son  peuple,  son  clergé  et  les  moines;   car,  dit 
ann.  124/,.         Flcury,  OH  n'épargnait  point  l'argent  en  ces  occasions.  Un 

.Egidiiis,  Au-  (.|^^opim,eur  (lu  temps  semble  pourtant  indiquer  qu'il  se  i)or- 

reœvallis,c.  ii4  .     ,       T  ,  i        a      .     i  ij-    ■  ■  ,  -n  i 

tait  a  ces  excès  plutôt  a  la  sollicitation  de  sa  lainilli'  (jue  de 
lui-même.  Nonobstant  ses  largesses,  il  resta  simplement 
évêque  de  Liège  comme  auparavant. 

Ce  lut  ce  prélat  qui  appela  les  franciscains  et  les  domini- 
cains dans  cette  ville,  ainsi  qu'il  l'avait  fait  à  Langres;  il  les 
V  établit,  les  premiers  en  1242,  et  les  seconds  en  i244-  I^e 
ciiappeaiiviile,  rédactcur  dcs  Gesta  pontifïcum  leodiensium  ,  qui  écrivait  au 
I.  II,  i>.  266.  commencement  du  dix-septième  siècle  ,  tlit  que  de  son  temps 
les  frères  prêcheurs  de  Liège  conservaient  encore  l'acte  ori- 
ginal 'par  lequel  cet  évêque  les  avait  institués;  le  sceau  qui  y 
était  joint  représentait  d'un  côté  l'image  du  prélat  place  sur 
son  siège  avec  cette  inscription  circulaire  :  Rohertus  tingo- 
nensis ,  episcopus  leodiensis  ;  et  de  l'autre  côté  l'image  du 
même  évêque,  agenouillé  et  tenant  les  mains  jointes,  avec 
cette  inscription  :  Miserere  met ,  Deus. 

Robert  alla  à  Verdun,  en  1246,  pour  célébrer  les  funé- 
Gali  chrisi  I  railIcs  de  son  frère,  et  il  mourut  lui-même  à  Liège  l'an  suivant, 
111, col.  886.  le  i5  octobre.  Son  corps  fut  transporté  à  Clairvaux,  confor- 
mément à  ses  désirs. 

Robert  de  Torotte  s'est  fait  remarquer  dans  l'histoire  de 
notre  liturgie ,  par  l'institution  de  la  fête  du  Saint-Sacrement, 
appelée  dans  la  suite  la  Fête-Dieu.  Il  fit  le  premier  célébrer 
cette  fête,  dont  jusqu'alors  il  n'avait  été  question  en  aucun 


ÉVÈQUE  DE  LANGRES,  etc.  349 


XIII  SIECLE. 


temps,  ni  en  aucun  lieu.  Ce  qui  le  porta  à  faire  cette  innova- 
tion dans  les  cérémonies  de  l'Eglise,  ce  furent  les  sollicitations 
pressantes  de  la  bienheureuse  Julienne,  prieure  du  monas- 
tère de  Mont-Corneille  ou  Cornillon  ,  au  diocèse  de  Liège, 
appelée  ordinairement  JuUaiia  Corneliensis  du  nom  de  ce 
monastère.  Cette  pieuse  fille,  née  à  Liège  en  1  ifjS,  où  elle 
mourut  en  1268,  avait  donné  de  bonne  heure  des  marques 
d'une  grande  ferveur  religieuse.  Dieu,  disent  ses  biographes, 
lui  ayant  accordé  des  faveurs  singulières  par  le  sacrement      «  ,,     , 

,       i.ï-        ,         .      .  1    I     •        •       I  '    11        '      •         1      ■    ■  iiollaii<lus,Ac- 

cle  1  bucharistie,  il  lui  révéla  quelle  était  choisie  pour  tra-  la   Sanciorum  , 
vailler  à  l'institution  d'une  fête  en  l'honneur  de  ce  sacrement.  Aprilis,  i.  i,  p. 
Son   humilité   la  fit  résister  long-temps  à  cette  vocation:  ^  '' 
pendant  vingt  et  un  ans  elle  gard;î  le  secret  de  ce  dessein; 
mais  pressée  de  plus  en  plus ,  elle  se  rendit  enfin ,  et  découvrit 
la  conduite  de  Dieu  sur  elle,  d'abord  à  des  hommes  vénéra- 
bles, jiuis  à  l'évêque  de  Liège,  par  qui  fut  ordonnée  la  célé- 
bration de  cette  fête.  Un  religieux  du  monastère  de  Mont- 

C.,,  ,      ,  •-  J        T     I-  /•£_•  Annal  iisleii. 

orneille  composa,  a  la  prière  de  Julienne,  un  oince  pour  1. 1\,  p.  398. 

cette  fête,  lequel  fut  probablement  chanté  jusqu'à  ce  que     Chappeauviiie. 

saint  Thomas  d'A(|uin  eût  composé  celui  dont  l'Eglise  tait  'H'P-^'i^- 

usage  aujourd'hui.  L'évêque  Robert  fit  écrire  une  vingtaine 

d'exemplaires  de   cet  office  du  frère  Jean,  qu'il   distribua 

à  ses  églises.   La  vie  de  la  bienheureuse  Julienne,  qui  se 

trouve  en  partie  dans  les  annales  cisterciennei^,  a  été  rédigée 

avec  beaucoup  d'étendue  et  de  détails  par  les  Rollandistes, 

d'après  divers  manuscrits  contemporains,  et  elle  se  trouve 

dans  leur  recueil,  au  cinq  avril. 

L'établissement  de  cette  fête  ayant  été  résolu,  l'évêque  de 

Liège  adressa,  à  ce  sujet,  une  lettre  aux  abbés,  prieurs,  doyens, 

prêtres,  etc.,  de  son  diocèse.  Il  y  expose  avant  tout  la  cran-     ... 

\  •        rc  1   I        1  !•     •  «  r  D  Chappeamillc . 

deur  mettable  de  ce  divin  sacrement,  et  les  motifs  qui  I  ont  loc.iit. 
décidé  à  le  célébrer  par  une  fête  particulière  et  solennelle  ; 
il  en  fixe  le  jour  à  la  cinquième  férié  après  l'octave  de  la 
Trinité,  ordonnant  qu'on  s  y  prépare  par  le  jeûne,  la  prière 
et  l'aumône;  enfin  il  regarde  cette  institution  comme  un 
remède  aux  maux  qui  affligeaient  l'Eglise.  Nous  traduirons 
ici  le  morceau  suivant  de  cette  épître. 

«  Ce  qui  nous  a  porté  à  établir  cette  fête,  dit  le  prélat, 
«  c'est  aue  nous  avons  pensé  que,  puisque  les  saints  dont 
«  les  mémoires  sont  rappelées  dans  les  litanies  et  dans  les 
cf  oraisons  secrètes  de  l'Eglise,  ont  cependant  tous  leurs  fêtes 
«  annuelles,  dans  lesquelles  on  célèbre  plus  particulièrement 


35o  ROBERT  DE  TOROTTE,  ÉV.  DE  I. ANCRES. 


XIU  SlICLE. 


«  leurs  mérites,  il  était  juste,  digne,  équitable  et  salutaire  que 
«  le  Saint  t!es  Saints,  la  douceur  des  douceurs,  eût  sur  la 
«  terre  une  solennité  spéciale,  dans  laquelle  des  actions  de 
«  grâces,  des  louanges  toutes  particulières,  et  les  plus  grandes 
«  qu'il  est  possible,  fussent  rendues  au  Seigneur  notre  Dieu, 
«  dont  la  bonté  toute  desintéressée,  et  qui  ne  saurait  être  ni 
«  assez  bien  exprimée,  ni  assez  estimée,  la  porteuse  donnera 
«  nous  sur  l'autel  d  une  manière  admirable,  et  qui,  par  celte 
«  exhibition  surprenante,  ne  cesse  et  ne  cessera  pas  d'accom- 
«  plir  cette  douce  promesse  qu'il  nous  a  faite,  quand  il  nous 
G  a  dit  :  Ecce  DoJnscum  siiin  omnibus  diebus  iisque  ad  con- 
«  sumiitdtionem  sœculi ;  en  mémoire  de  ces  paroles  pronon- 
«  cées  autrefois:  Deliciœ  nieœ  esse  cunijîliis  honiiniini.  « 

<;aii.  du isi.i.  Six  chartes  rapportées  dans  les  Instrumenta  de  l'Histoire 
IV,  ail  mil.  col.  jjgg  évèques  de  Langres,  ont  été  écrites  par  ce  prélat,  ou  lui 
sont  relatives.  Par  la  première,  qui  est  datée  de  novembre 
la'ia,  il  établit  un  service  anniversaire  perpétuel  en  laveur 
de  son  prédécesseur.  La  seconde  est  une  sentence  d'arbitrage 
entre  Robert  de  Torottc  et  l'abbesse  du  monastère  de  Tliard, 
au  sujet  d'un  autre  monastère  dont  l'un  et  l'autre  réclamaient 
la  juridiction;  cette  sentence  fut  prononcée  par  l'archidiacre 
de  Bar,  Guillaume  de  Bourmont,  et  quelques  autres.  L'acte 
est  de  1233  Par  un  troisième  acte,  qui  est  de  l'an  I234, 
Robert  fait  connaître  qu'il  est  parvenu  à  obtenir  des  sei- 
gneurs de  Saux ,  qu'ils  renonceraient  en  faveur  de  l'abbe  de 
Saint-Bénigne  de  Dijon  aux  droits  qu'ils  prétendaient  avoir 
sur  les  terres  situées  entre  leurs  biens  et  ceux  de  cette  abbaye. 
La  quatrième  charte  est  de  l'arniée  suivante,  et  concerne 
encore  des  droits  attribués  à  cette  abbaye  sur  quelques  fo- 
rêts. Robert  déclare  dans  la  cinquième,  qu'il  renonce  à  toute 
juridiction  temporelle  sur  le  monastère  du  Val-des-Ecoliers, 
afin  que  les  religieux  puissent  se  livrer  avec  plus  de  liberté 
à  la  prière  et  au  service  de  Dieu.  Cet  acte  est  de  i'i3G.  Par 
le  sixième,  le  prélat  fait  connaître  que  le  long  séjour  qu'il 
a  fait  dans  une  des  maisons  de  l'abbaye  de  Saint-Bénigne  de 
Dijon  ne  lui  suppose  et  ne  lui  donne  aucun  droit  sur  cette 

,,,  .,,    maison.  Un  autre  acte  de  ce  ffenre,  daté  de   io.liO  et  fait  à 

t.nappcauMlle  i-'  i  ll' 

i.ii.p  i&\        Liège,  determme  le  rang  de  préséance  entre  deux  abbes. 

P.  R. 


^^ ^_^ ^  XIII  SIECLE. 

PIERRE, 

MOINE  DE  FÉCAMP,  AUTEUR   D'UNE  (.HRONIOUK. 


4  1-r. hs   iïV>- 


Ljv.  p.  Lal)l)(i  a  pulilië,  dans  sa  Nouvelle  Bibliothèque  dts      i  ihiic,  w» 
manuscrits,  un   fragment  d'une  clironique  qui  commence  "'j'i'oM"i;'"5ri 
avec  le  monde  et  Unit  en   1246.  Ce  fragment  a  pour  titre  :       ■''•  '   ' 
Chronicon  Jiscunense  cih  cinno  (hristi  primo  ad  1-22.0,  cnin 
appendice  Brennacensi  ad  \i!\^ ,  ex   veterihus  membrains 
quœ peni's  me  siint  I^abbe  s'exprime  ainsi  dans  le  titre,  parce 

3ue  les  temps  qui  précèdent  l'ère  vulgaire  ne  sont  indicjuës, 
ans  les  premières  lignes  de  cette  chionique,  que  par  ces 
mots:  «  Les  années  depuis  Adam,  le  premier  homme,  jus- 
«  qu'au  roi  Ninus,  (juand  Abraham  naquit,  sont  au  nombre 
«  de  3o84,  selon  tous  les  historiographes.  Depuis  Ninus  ou 
a  depuis  Abraham  jusqu'à  César- Auguste,  ou  jusqu'à  la  nais- 
«  sance  du  Christ,  qui  arriva  quand  ce  prince  eut  fait  la 
«  paix  avec  les  Parthes,  et  que  la  paix  régnait  partout  sur 
«  terre,  il  y  a  201  5  ans,  durant  lesquels  les  écrivains  placent 
«  tout  ce  qui  regarde  l'invention  des  arts  et  des  histoires.  Ce 
«  fut  l'an  y52deRome,  que  Notre-Dame  la  bieidieureuse 
a  Vierge  enfanta  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  l'an  42  d'Oc- 
«  tave-César.  »  «  Ce  qui  vient  ensuite,  dit  f^abbe,  consiste 
en  choses  vulgaires  placées  sans  beaucoup  d'ordre ,  et  par  un 
copiste  ignorant,  à  des  dates  chronologiques  qui  présentent 
des  anachronismes  de  dix  et  de  vingt  ans,  et  quelquefois 
plus.  On  n'en  extrairait  que  peu  de  chose,  et  l'on  ne  s'arrê- 
tera qu'à  ce  qui  concerne  les  abbés  de  Fécamp  et  l'histoire 
de  Normandie  qui,  du  reste,  se  trouve  plus  en  détail  dans 
la  chronique  de  Rouen.  » 

Cette  chronique  n'est  qu'une  simple  table  chronologique 
de  cent  cinq  faits  brièvement  indiqués.  I^e  premier  est  de  l'an 
4i5,  et  le  dernier  de  l'an  1246. 

On  ne  sait  rien  de  l'auteur  de  cette  chronique;  on  le  con- 
naît à  peine,  il  est  désigné  sous  le  nom  de  Pierre ,   moine 
de   Fécamp;  mais  Vossius  dit  qu'un  moine  du  même  mo-      vossn.i     df 
nastère  et  du  nom  de  Robert  composa  une  chronique  ar-  iiisi.  lai.  iii-/,°, 
rivant  à  l'an   1280,  et  qui  probablement  est  tout  autre  que   P  ''^• 

n,       T^     T^  1  1   1       •      J-  1  ..       ■  Bil)liolh.      «le 

e-ci ,  quoique  le  P.  Lelong  semble  indiquer  le  contraire.  France   t  i  p 

P.  R.  74..    ' 


XIII  SIECLt. 


RODERIC  XIMENÈS, 

"""e.i  1247  ARCHEVÊQUE  DE  TOLEDE. 

rVoDRiGUE  XiMENÈs  a  ffëquenté  les  écoles  de  Paris  durant 
quelques  années  de  sa  jeunesse  :  c'est  l'unique  raison  fl'in- 
scrire  son  nom  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France;  car  il 
est  tout  Espagnol  :  né  dans  le  royaume  de  Navarre,  il  a  été 
archevêque  de  Tolède  ;  ses  princi|iaux  écrits  concernent  l'Es- 
pagne, et  ses  cendres  reposent  à  Huerta.  Les  biographes 
l'appellent  Bodericus  Sinionis  (fils  de  Simon  ),  Rodericus 
Senienus  ou  Ximcnius.  Son  père  et  sa  mère  appartenaient 
aux  deux  nobles  familles  de  Rada  et  de  Tison.  Si  à  son  retour 
des  écoles  parisiennes,  il  ;i  été,  commeon  l'a  dit,  novicechez 
les  franciscains  de  Tolède,  on  a  lieu  de  croire  qu'il  ne  s'est 
point  engagé  dans  cet  ordre,  qui  n'a  jamais  paru  le  revendi- 
quer. De  bonne  heure  il  a  pris  part  aux  affaires  publiques. 
Il  avait  négocié  la  paix  entre  les  rois  de  Castille  et  de  Na- 
varre, lorsqu'on  l'installa,  en  1208,  sur  le  siège  métropoli- 
tain de  Tolède.  Un  ou  deux  ans  après,  il  fonda  l'université 
de  Palencia,  transférée  depuis  à  Salamanque  ;  il  y  attira  des 
professeurs  de  France  et  d'Italie  Son  zèle  éclata  surtout  dans 
la  prédication  d'une  croisade  contre  les  Maures  d'Espagne. 
Il  assista,  précédé  de  sa  croix,  à  la  bataille  qui  leur  fut  livrée 
et  qu'ils  perdirent  dans  la  plaine  de  Las  Navas,  le  16  juillet 
12 12.  Ce  prélat  fit  plusieurs  voyages  à  Rome.  Il  y  vint  sou- 
tenir, en  121  5,  devant  le  concile  de  Latran,  la  primatie  de 
son  siège,  contestée  par  l'archevêque  de  Tarragone  et  par 
d'autres  prélats  espagnols.  Ximenès  plaida  sa  cause  en  latin  et 
dans  toutes  les  langues  vulgaires,  italienne,  française,  basque, 
anglaise,  allemande.  On  admira  un  talent  si  rare;  mais  Inno- 
cent III  laissa  la  question  indécise,  et  s'en  réserva  l'examen 
ultérieur.  De  retour  en  Espagne,  avec  le  titre  de  légat,  l'ar- 
chevêque de  Tolède  s'occupa  de  constructions  d'églises, 
d'établissements  de  chanoines,  d'affaires  cléricales.  Les  trente 
années  de  121 5  à  I245  ne  fournissent  presque  aucun  fait  à 
l'histoiredesa  vie.  C'est  apparemment  le  temps  où  il  a  composé 
ses  livres.  On  ne  le  retrouve  guère  qu'au  concile  de  Lyon,  con- 
voqué par  Innocent  IV.  En  revenant  de  cette  assemblée,  il 


RODERIC  XIMENÈS,  ARCHEV.  DE  TOLÈDE.   353 


XIII  SIÈCLE. 


fit  naufrage  dans  le  Rhône,  et  y  périt  le  lo  juin,  ou,  selon 
quelques  relations,  le  9  août  1247,  et  non  i245,  quoique  cette 
autre  date  se  soit  introduite  en  plusieurs  noticts.  Son  corps 
lut  rajjporté  à  Huerta  et  inhumé  dans  un  monastère  cister- 
cien. L'inscription  qui  retrace  le  mieux  les  principales  circon- 
stances de  sa  vie  est  conçue  en  ces  termes  :  Mater  JS avaria, 
laitrix   C a  Stella  y   schola    Parisiiis ,  sedes    Toletuni ,    Hortus 
[  Huerta)  mamoleuin ,  rerjuics  cœliim.  Sa  tombe  est  chargée 
d'une  j^lus  longue  épitaplie,  que  nous  ne  transcrivons  point, 
craignant  d'en  avoir  déjà  trop  dit  sur  un  auteur  qui  n'ap- 
partient pas  réellement  à  la  France.  ^"y  Mariana, 
Ses  ouvrages,  quel   qu'en   soit   le  nombre,   quelle  qu'en  j'i^y^f^ul'  ,iè 
puisse  être  l'importance,  ne  seront  ici  (jue  .sommairement  nisior.  lat.  1.  h, 
indiques.  Il  en  est  dont  l'authenticité  a  [)aru  tort  douteuse,  i-    S?-  o^ei.  1. 
Telles  sont  une  histoire  du  roi  Ferdinand,  eu  langue  espa-  ^^j'^  mj,' 'aucT 
gnole;  une  chronii|U('  latine  de  tous  les  pontifes  et  empereurs  „.  ^y^.  _  An- 
romains,  et  une  com|)i!ation  sans  titre,  à  laquelle  Antonio  lonio,  BiUioili. 
donne  le  nom  de  Provinciale  cathedraliwn  ecclcsiarwn  totius     '"L'  ro"'^vi    ' 
oruis.   vu  article,  moins   apocryphe,  mais  non  puiJiie,  est  n,  hIsi.  <:tUs. 
intitule  :    Bvevinriutn  histonœ  catludicœ ,   en  C)  parties  qui  1.  t.xxvi.n.  10, 
embrassent  l'œuvre  des  six  iouis,  l'ancien  et  le  nouveau  Tes-   "•  ■•'^""'" 

•I  1-  1  •  •  1  ii'Li"  .')  i;i.i.xxMii,  Il 

tament;  u  en  subsiste  des  copies  nianusciites  dans  les  biblio-  ^^3;  1.  ixxxm, 
thèques  d'Alcala  f  Complutum  )  et  de  l'Escuiial.  Une  autre  n.  9.  —  Fahiii. 
production  que  l'on  croit  inédite,  quoique  citée  par  Mariana,  ['j^'^  ")[  Tl^' 
est  une  défense  des  droits  de  l'église  de  Tolède  :  De  prima-  —pope-nioum. 

tiâ  ecclesiœ    Tolctanœ.  Cens.celebr.aut. 

L'ouvrage  le  j)lus  considérable  de  Rodrigue  Ximenès  est  jj^^'^f^o",   ,"^. 
son  Historia  gothica ,  ou  Historia  rerum  in  Hispanid  gesta-  snipi.  iccics.  1. 
rum  nsque  ad  Ferdinandum  sanctwn  Castellœ  regeni.  Ce  lil.p.  i»/,,  18^ 
n'est    plus  assurément  la    meilleure   iiistoire  de   l'ancienne 
Espagiie;  mais  elle  a  conservé  ([uelque  réputation,  et  mérité 
d'être  traduite  dans  la   langue  du  pays,  l.es  ()  livres  qui  la 
composent  ont  été  achevés  en   1243;  l'auteur  y  travaillait 
depuis  I23G.  La  première  édition  du  texte  est  fort  incorrecte: 
elle  a  paru  à  Grenade  en  i545,  in-folio,  par  les  soins  du  lils 
d'Antoine  de  Lebrixa.  André  Schott  en  a  donné  une  meil- 
leure dans  le  tome  II  de  son  Hispania  illiistrata. 

Comme  appendices  à  son  Histoire  d'Espagne,  Rodrigue 
Ximenès  a  écrit  d'autres  abrégés  historiques,  dont  elle  est 
accompagnée  en  diverses  éditions  :  Annales  romaines  depuis 
Romulus  jusqu'à  l'an  de  Rome  708;  Annales  des  Ostrogoths, 
des  Huns,  des  Vandales,  des  Alains,  des  Suèves,  des  Arabes. 

Tome  XVIIL  Y  y 


XIII  SIÈCLE. 


354  GL'IARD  DE  LAON, 

Ce  dernier  article,  qui  embrasse  58o  ans,  de  S^o  à  ii5o,  a 
été  réuni  par  Golius  à  l'Histoire  des  Sarrasins,  d'Elmacin  : 
Leyde,  1626,  in  fol.  et  in-40. 

On  attribue  aussi  au  prélat  de  Tolède  une  relation,  en  es- 
pagnol, (if  la  victoire  remportée  sur  les  iMaures.  Ce  ne  serait 
qu'une  traduction  faite  j)ar  lui-même  de  plusieurs  chapitres 
du  VHP  livre  de  son  principal  ouvrage.  D. 


GUÎAUD  DE  LAON, 


MORT  en  1247 


EVEQUE  DE  CAMBRAI. 


Voy.  ci-dessus 
p.  184-19'- 


1:. 


L/E  nom  de  Guiard  de  Laon  est  fort  diversement  écrit  dans 
les  livres  qui  font  mention  de  lui:  VViard  ,  VVillard,  Gilo, 
(iuido  ,  (iodefridus,  Guiardinus,  Guardinus,  etc.  On  ne  sait 
trop  quelles  fonctions  il  avait  remplies  avant  la'd'j;  mais  à 
cette  epo(|ue  il  se  distingua  par  son  zèle  contre  la  pluralité 
des  bénéfices,  et,  l'année  suivante,  il  devint  chancelier  de 
l'église  et  de  l'Université  de  Paris,  après  Philippe  de  Grève 
qui  avait  si  vivement  soutenu  l'opinion  contraire.  Guiard 
défendit  de  nouveau  la  sienne  dans  une  assemblée  tenue  en 
1238;  et  si  nous  en  croyons  Thomas  de  Cantimpré,  il  s'ex- 
Bon.  univ.de  primait  en  ces  termes  :  «Je  ne  voudrais  pas  pour  tout  l'or 
«  de  l'Arabie ,  passer  une  seule  nuit  revêtu  de  deux  bénéfices, 
«  quand  même  je  saurais  que  le  lendemain  matin  l'un  des 
a  deux  serait  donné  à  un  sujet  capable;  et  cela  à  cause  de 
«  l'incertitude  de  la  vie  et  de  peur  de  mourir  en  état  de 
«  damnation.  »  Il  ne  tarda  point  à  être  promu  à  l'évêché  de 
Cambrai;  un  acte  souscrit  par  lui  en  cette  qualité,  prouve 
qu'elle  lui  fut  déférée  en  laSS.  On  ne  cite  aucun  fait  mémora- 
ble de  son  administration  épiscopale.  Il  mourut  à  Afflighem 
en  1247  :  e'est  la  date  que  les  auteurs  de  la  Gallia  christiana 
nova  ont  préférée.  Elle  est  en  effet  beaucoup  plus  probable 
que  celles  de  1248,  de  1260,  indiquées  par  d'autres  écrivains. 
Ceux  qui  ont  dit  1242  se  sont  certainement  trompés;  car 
Guiard  siégeait  au  concile  général  de  Lyon  en  i245.  Quant 
à  Possevin  qui  le  lait  vivre  jusqu'en  lÔyy,  l'erreur  est  par 
trop  grossière. 


Apibus,  c.  i<), 
paît.  8.  —  Cié- 
vier,Hist.  del'U- 
niv.  1. 1,  p.  38i. 


T.  III,  p.  36, 


Appar.  Sac. 


XIII  SIECLE 


ÉVÊQUE  DE  CAMBRAI.  355 

Maintenant,  si  l'on  nous  demande  comment  ces  détails 
tiennent  à  nos  annales  littéraires,  nous  répondrons  d'abord 
que  Du  Boulay  les  a  consignés,  ainsi  que  ceux  qui  vont 
suivre,  dans  son  Histoire  de  l'Université  de  Paris,  qu'il  les 
a  même  répétés  en  trois  endroits  de  son  troisième  tome,  et 
chaque  fois  presque  dans  les  mêmes  termes.  Nous  dirons 
en  second  lieu,  que  l'évèque  de  Cambrai,  Guiard,  a  laissé  des 
écrits  qui,  à  la  vérité,  n'ont  jamais  été  im|irimés,  mais  dont  P.  i69,2i7ei 
on  a  conservé  des  copies  manuscrites.  On  en  remarque  un  ''  * 
de  son  traité  De  dù'inis  officiis ,  dans  le  catalogue  de  la  Bi- 
bliothèque de  Leyde,  rédigé  par  Frédéric  Spanheim,  et  im- 
primé chez  les  Elzcvirsen  1674'.  in-4°- tle  traité  commence 
par  les  mots  :  Quoniani  scvpè  me  rogasti;  il  est  cité  par  Jean 
Garet,  dans  le  livre  De  verd  prœsciitid  corporis  Christi  in 
Eucharistia.  Mais  c'est  à  Godetroi  des  Fontaines,  prédéces- 
seur de  Guiard  sur  le  siège  de  Cambrai,  qu'un  historien 
des  prélats  de  cette  église,  Guillaume  Gazet,  attribue  lin-  Oidreet suite 
struction  sur  les  ofHces  divins,  quelquefois  citée  sous  le  titre    T  "'^'J,  ^A*"^" 

...  .  T  1  iheveq.  de  Cam- 

de  Summa  de  aanimistratione  sacrnmentorum.  brai,eic.  Airas, 

Secuiiduni  M.  Tullium  sont  les  premiers  mots  d'un  dia-   iSg?, '"-8°. 
logue  sur  la  création  du  monde,  que  Molanus ,  dans  sa 
Bibliothèque  belgique,  désigne  comme  une  production  de 
Guiard  de  Laon.  Ce  prélat  passe  aussi  pour  auteur  de  deux 
sermons  sur  la  Passion  de  Jésus- Christ.  Colvener  dit  en      NoiinThom. 
avoir  vu  et  copié  un  qui  appartenait  à  l'abbaye  de  Flines.  Canumpi.  1.  i, 
Le  premier  de   ces  discours,  prononcé  le  vendredi  saint, 
commençait  par  les  mots  :  Christus  passas  est  pro  nobis , 
et  le  second  par  Stabat  juxta  cvucem.  Oudin  cite,  comme      ^omm""  At 
déposé  sous  le  n°  194  dans  la  Bibliothèque  de  Saint-Béni-  in''",2-'!  "  ' 
gne  à  Dijon,  un  manuscrit  intitulé  :  Guiardi  de  Lauduno, 
episcopi  cameraccnsis  ,   Suniniula    ^ermonuui   qnœ  dicitur 
duplex  status  de  doniinlcis ,festis  et  aliis  rébus.  A  la  tète  de 
ces  prédications,  se  lisaient  ces  paroles:  Diffusa  est  gratia 
in  labiis  tuis. 

Ces  écrits ,  presque  inconnus  aujourd'hui ,  n'ont  eu  aucune 
vogue,  même  au  moyen  âge.  Ils  n'ont  attiré  l'attention  ni 
de  Henri  de  Gand ,  ni  de  Trithème.  L'auteur  du  xni*  siècle 
quia  le  plus  parlé  de  Guiard  est  Thomas  de  Cantimpré,  dont 
les  récits  ne  méritent  pas  une  très-haute  confiance.  Nous 
avons  déjà  rapporté  les  paroles  qu'il  lui  prête  au  sujet  de  la 
pluralité  des  bénéfices.  Ailleurs ,  Thomas  cite  une  réponse  l.  li,c.  3. 
assez  équivo(jue  de  Guiard,   à  la  question  de  savoir  si  le 

Yya 


XIII  SIÈCLE. 


356  JEAN  DE  MONTLAUR, 


péché  de  simonie  peut  quelquefois  être  commis  par  le  pape. 
L.  I.  c.  /,.  Mais  l'article  le  plus  merveilleux  est  l'apparition  du  prélat, 
après  sa  mort,  à  un  trëre  prêcheur,  pour  lui  apprendre  qu'il 
est  dans  le  purgatoire,  en  expiation  de  sa  trop  grande  sécu- 
rité :  Niniia  securitas  me  cnlpabilein  reddldit  et  purgandum; 
3ue  néanmoins  sa  peine  doit  ètrt-  adoucie  et  abrégée  ,  à  cause 
u  zèle  ardent  dont  d  a  été  constamment  animé  contre  les 
hérétiques.  D. 


JEAN  DE  jVKWTLAUR. 

MORTenn',7.  ÉVÉQUE  DE  MAGUELONE. 

Jean  de  Montlaub,  troisième  du  nom,  évêque  de  Mague- 

lone ,  second  évêque  de  cette  ville  de  la  famille  de  Montlaur, 

adroit  à  une  place  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France,  à 

Gariei  Séries  t^^usc  dcs  règlements  qu'il   donna  à  la  faculté  des  arts  de 

Praesui.    Maga-  l'Académie  de  Montpellier  en  124^-  Cet  évêque   fut  élu  en 

Ion.  p.  343.         1234-  La  faculté  des  arts  existait  déjà  dans  l'Académie  de 

i  vi*  col 'i 66     Montpellier  à  cette  époque,  et  il  est  à  remarquer  que  c'est 

après  avoir  consulté  les  professeurs  et  même  les  écoliers,  et 

avec  leur  assentiment,  que  l'évêque  composa  son  règlement. 

Ce  prélat  s'exprimait  ainsi  dans  son  préambule:  Dilectis  in 

Christo  jiliis ,  niagistris  et  scholaribus  in  gramniaticd  et  lo- 

gicd  apud  Montem  -  PessuLanum  sludentibus  saluteni .... 

De  coniniuni  ergo  consensu  et  consiliis  Ifnii'crsitatis  tani  doc- 

toruni  quàni  discipuloruni .  .  .  .  constitutione  perpétua  ordi- 

nanius ,  etc. 

Ce  règlement  se  composa  de  quatorze  articles.  Il  y  fut 
statué,  entre  autres,  que  personne  n'enseignerait  sans  avoir 
été  examiné  par  l'évêque  ou  par  ses  députés,  et  sans  avoir 
juré  foi  et  obéissance  à  l'évêcpie.  Les  maîtres  de  Paris  seuls 
furent  exemptés  de  l'examen.  Suivant  l'article  V,  nul  maître 
ne  devait  recevoir  les  écoliers  d'un  autre;  et  suivant  l'article 
IX,  nul  ne  devait  supplanter  son  confrère  dans  la  location 
de  la  maison  qu'il  aurait  prise,  ou  qu'il  voudrait  prendre, 
pour  y  donner  ses  leçons  ;  ce  qui  nous  montre  que  les  cours 
étaient  rétribués  au  profit  du  maître,  et  déplus,  qu'il  n'y 
avait  point  encore  à  INIontpellier,  à  cette  époque,  de  salles 


ÊVÊQUE  DE  MAGUELONE.  357 

XIII  SIÈCLE 

publiques  fournies  par  l'administration  municipale,  où  les  L 

professeurs  fissent  leurs  cours ,  du  moins  pour  la  faculté  des  D'Aigrefeaiiie, 
lettres.  On  sait  que  c'est  seulement  en  1289  que  le  pape  Hist.  de  la  ville 
Nicolas  IV  réunit  les  divers  enseignements  publics  de  cette  ''*'^ï""'p«"'"' 
ville  en  université. 

Jean  de  Montlaur  paraît  avoir  été  lié  d'une  amitié  parti- 
culière avec  Raimond  Bérenger  IV,  comte  de  Provence;  il 
l'assista  à  sa  mort,  arrivée  en  i245,  et  conduisit  la  pompe  Gaii. christ. t. 
funehre.funebn pompa parentavit.  Nous  pouvons  par  consé-  vi,coi.  vfifi. 
quent  supposer  que  ce  prélat  est  un  des  personnages  repré- 
sentés parmi  ceux  dont  se  compose  le  convoi ,  sur  le  tombeau 
de  Bérenger,  placé  à  Aix  dans  l'église  de  Saint -Jean  de 
Malte  (i). 

Jean  de  Montlaur  mourut  lui-même  à  Lyon,  dans  les  mois 
de  juin  ou  de  juillet  de  l'an  1247. 

Un  de  ses  oncles,  nommé  Jean  II,  de  Montlaur,  évêque     D'Aigrefeuiiie, 
de  Maguelone,  avait  été  élu  en  11 48,  et  mourut  en  1190.  p-^' 
C'est  ce  Jean  II  qui  construisit  la  façade  de  son  église.  La 
porte  était  en  marbre  blanc,  et  ornée  de  sculptures.  Ce  mo- 
nument fut  terminé  en  II 78.  E.  D. 


GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

ÉVÈQUE  DE  PARIS. 


HOBTCU  ia4<^- 


(jruiLLAUME,  né  à  Aurillac,  il  n'est  pas  dit  en  quelle  année, 

quitta  fort  jeune  sa  patrie,  et  conserva  pourtant  le  surnom 

d'Auvergne.  Il  vint  étudier  à  Paris,  où  ses  progrès  relevèrent 

bientôt  au  rang  des  maîtres.  On  vantait  son  habileté  en  théo-      Kieur»    Hist. 

logie,  en  philosophie,  et  même  en  mathématiques.  Il  avait  ecciés.  1.  îm», 

lu  des  traductions  de  quelques  livres  arabes,  et  il  passe  pour  °-  ^*'  ••  ^^*' 

le  premier  docteur  qui  ait  fait  usage  des  livres  grecs  ou  tra-  '"'"'  P-    9  • 

duits  du  grec,  qu'on  attribuait  à  Hermès  ou  Mercure  trismé- 

giste.  Il  paraît  même  en  avoir  connu  qui  ne  se  retrouvent 

plus,  particulièrement  le  Traité  du  Dieu  des  Dieux.   Ce 

(i)  Ce  tombeau,  démoli  en  1794,  a  été  rétabli  par  les  soins  du  marquis 
de  Villeneuve,  préfet  des  Bouches-du-Rhône,  et  exécuté  d'après  l'ancien 
modèle,  par  M.  Bastiani ,  sculpteur. 

2  6 


358  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 


XIU  SIECLE. 


n'était  qu'en  de  mauvaises  versions  qu'il  avait  pu  lire  les 
philosophes  grecs;  et  nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  com- 
bien il  était  difficile  qu'il  puisât  en  de  pareilles  sources  une 
instruction  saine,  une  véritable  science.  On  lui  a  reproché 
d'avoir  trop  néglif^é  les  Pères  de  l'Eglise;  mais  il  avait  du 
moins  étudié  fort  soigneusement  les  livres  sacrés,  et  apprécié 
avec  assez  de  sagacité  les  scolastiques  de  son  siècle  et  du 
précédent.  Du  reste,  ses  travaux  littéraires  ou  théologiques 
ne  remplissaient  pas  toutes  ses  journées  ,  il  en  consacrait 
une  partie  à  des  actes  religieux.  Albéric  de  Trois-Foiitaines 
raconte,  sous  l'année  i225,  qu'il  fonda  une  nouvelle  maison 
des  Filles-Dieu  à  Saint-Denis,  et  y  rassembla  plusieurs  pé- 
cheresses converties  par  ses  soins.  L'évêque  de  Paris,  Bar- 
thélémy, étant  mort  en   1228,  on  élut,  pour  le  remplacer, 
Guillaume  d'Auvergne  qui,  selon  les  apparences,  n'avait 
auparavant  exercé  d'autres  fonctions  que  celles  de  professeur. 
Chaque  année  de  son  épiscopat  est  marquée  par  des  fonda- 
tions ou  institutions  pieuses,  qui  sont  retracées  fort  au  long 
dans  la  Gallia  christiana ,  mais  dont  l'exposé  complet  ne 
Gaii.  ciii.  no-  peut  appartenir  qu'à  l'histoire  ecclésiastique.  Nous  remar- 
va,  t.  VII,  col.  querons  seulement   l'établissement  du  prieuré  de  Sainte -, 
fcois,HisL~ecci"  Catherine  en  1229,  les  concessions  obtenues  en  1280  par  les 
Paris,  I.  II,  p.  franciscains  et  par  les   trinitaires.  On  sait  quels  troubles 
Î12-372.  éclataient  alors  au  sein  de  l'Université  de  Paris.  Les  maîtres 

voyant  que  la  reine  Blanche  méprisait  leurs  remontrances, 
recoururent  à  l'évêque,  qui  ne  les  écouta  pas  plus  favorable- 
ment. Il  croyait  ses  droits  lésés  par  les  privilèges  que  récla- 
mait l'Université,  et  s'associait  contre  elle  aux  entreprises 
du  chancelier  Philippe  de  Grève.  «  La  reine  appuyait  sans 

V oy. ci-dessus  ,  .  i'..  /-•     '    •  p  ■    ■>  j      r>      •        /^     Ml 

p.  184-19..       «  doute  sous  main,  dit  Lrevier,  leveque  de  Pans,  Guillaume 
Hist  de  ru-  «  d'Auvergne,  qui  ne  se  montra  pas  en  cette  occasion  fort 

niv.  t.  i,p.  342.  «  reconnaissant  envers  l'école  dans  laquelle  il  s'était  formé 
«  et  avait  enseigné  comme  docteur.  Ce  prélat,  au  lieu  de 
«  calmer,  par  la  douceur,  des  esprits  blessés,  prit  le  ton 
«  de  hauteur,  et  il  les  aigrit  encore  davantage.  De  concert 
a  avec  le  légat,  il  fulmina  des  excommunications  contre  les 
«  maîtres  et  écoliers  qui  s'étaient  engagés  par  serment  à 
«  ne  point  retourner  à  Paris  qu'on  ne  leur  eût  donné  satis- 
«  faction.  » 

Envoyé  en  Bretagne  pour  déjouer  les  manœuvres  du  duc 
Pierre  qui,  s'étant allié  au  roi  d'Angleterre,  Henri  III,  s'effor- 
çait d'entraîner  ses  vassaux  dans  sa  défection,  Guillaume 


ÉVÊQUE  DE  PARIS.  35g 


Xni  SIÈCLE. 


sut  ramener  les  seigneurs  bretons  à  l'obéissance  ;  et  pour  les 
dégager  des  serments  qu'ils  avaient  prêtés  au  duc,  il  le  dé- 
clara déchu  de  sa  principauté,  par  un  acte  publié  au  mois 
de  juin  1280,  à  la  suite  d'une  assemblée  de  prélats  tenue 
dans  la  ville  d'Ancenis,  En  i234,  l'évêque  de  Paris  institua 
une  église  baptismale  à  Crène,  près  de  Villeneuve-Saint- 
Georges.  Dans  le  cours  des  4  années  suivantes,  il  prit  une 
part  très-active  aux  resolutions  qui  condamnèrent  la  pluralité 
des  bénéfices,  et  se  montra  sur  ce  point  l'un  des  plus  zélés 
adversaires  de  Philippe  de  Grève,  ainsi  que  nous  l'avons 
exposé  dans  l'article  qui  concerne  ce  chancelier.  Louis  IX 
ayant  racheté  en  i238  la  sainte  couronne  d'épines,  engagée      Uubois,  hjm. 

>      1         '.  j  •     ■     c  ■  Il      f    »  »  '  ecclés.   Paris,   I. 

a  des  étrangers  pai'  des  croises  français,  elle  rut  rapportée  en  n  •^t- Vsi 
France;  et  l'évêque  de  Paris  présida  aux  cérémonies  reli- 
gieuses qui  eurent  lieu,  le  1 1  août  laSg,  pour  la  recevoir  et 
la  déposer  dans  l'église  royale  de  Saint-Nicolas,  appelée  la 
Sainte -Chapelle  depuis  sa  reconstruction  sous  le  règne  de 
ce  même  prince.  Une  relation  de  la  translation  de  cette 
relique  a  été  composée  par  Gautier  de  Cornut,  alors  arche- 
vêque de  Sens. 

Deux  actes  assez  importants  de  Guillaume  d'Auvergne 
sant  datés  de  l'an  i243.  L'un  concerne  la  construction- de 
l'église  de  Saint-Nicolas-du-Chardonet,  et  les  droits  réservés 
à  l'abbaye  de  Saint-Victor  sur  ce  territoire.  L'autre  est  une 
censure  de  dix  propositions  théologiques  ou  métaphysiques. 
Nous  reviendrons  sur  cet  article,  quand  nous  parlerons  de 
ses  écrits,  il  baptisa  en  i244  le  fils  premier-né  de  Louis  IX; 
et  en.ia45,  il  se  trouvait  à  Cluny,  quand  ce  monarque  et  le 
pape  Innocent  IV  y  eurent  une  entrevue.  On  avait  conçu  le 

f)rojet  d'une  croisade:  Guillaume  eut  la  sagesse  de  détourner 
e  roi  de  cette  entreprise.  Mais,  en  1248,  il  souscrivit  à  la 
condamnation  solennelle  du  Talmud,  prononcée  par  le  légat 
Eudes,  sur  l'avis  de  43  docteurs  en  théologie  ou  en  droit 
canon.  Tels  sont  les  principaux  faits  de  l'épiscopat  de  Guil-  DeApibus.i. 
laume  d'Auvergne,  à  moins  que,  sur  la  foi  de  Guillaume  de  "»  •=•  ^^• 
Cantimpré,  nous  n'y  ajoutions  un  trait  honorable  de  désin- 
téressement, le  refus  de  profiter  de  la  loi  ou  de  l'usage  qui 
l'autorisait  à  revendiquer  la  riche  succession  d'un  chanoine 
décédé  sans  avoir  fait  de  testament. 

Nous  transcrirons  de  plus  le  récit  que  fait  Joinville  de  Hist.des.Loys. 
l'entretien  de  ce  prélat  avec  un  théologien.  Le  roi  saint  Louis  ^'*'',^*  j83o,p. 
dit  à  Jornville  «  que  l'évesque  Guillaume  de  Paris  li  avoit 


XUI  SIÈCLE. 


36o  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

«  conté  que  un  grant  mestre  de  divinité  estoit  venu  à  II  et 
«  li  avoit  dit  que  il  vouloit  parler  à  li,  et  il  li  dist  :  Mestre, 
«  dites  vostre  volenté;  et  quant  le  mestre  cuidoit  parler  à  l'é- 
«  vesque,  commença  à  plorer  trop  fort.  Et  l'évesque  li  dit  : 
a  Mestre,  ne  vous  décontortës  pas,  car  nuls  ne  peut  tant  pé- 
«  chier  que  Dieu  ne  peut  plus  pardonner.  Et  je  vous  di , 
"  sire,  dit  li  mestres,  je  n'en  |)uis  mais  si  je  pleure;  car  je 
«  cuide  estre  mescréant,  pour  ce  que  je  ne  puis  mon  cuer 
«  ahurter  (  forcer  )  à  ce  que  je  croie  ou  sacrement  de  l'autel, 
«  ainsi  comme  sainte  Esglise  l'enseigne,  et  si  sai  bien  que  ce 
«  est  des  temptacions  l'ennemi.  Mestre,  fist  li  évesque,  or 
«  me  dites  quant  l'ennemi  vous  envoie  cette  temptacion ,  se 
«  elle  vous  piet.  Et  le  mestre  dit  :  Sire,  mes  m'ennuie  tant 
«  comme  il  me  peut  ennuier.  Or  vous  demande-je,  fist  l'é- 
«  vesque,  se  vous  prenriés  or  ne  argent  par  quoy  vous  regeis- 
«  siez  (profériez)  de  votre  bouche  nulle  riens  qui  feust  contre 
«  le  sacrement  de  l'autel ,  ne  contre  les  autres  sains  sacremens 
«  de  l'Esglise.  Je,  sire,  fist  li  mestres,  sachiez  que  il  n'est 
«  nulle  riens  ou  monde  que  j'en  preisse,  ainçois  ameroie  miex 
«  que  en  m'arrachast  touz  les  membres  du  cors  que  je  le 
«  regeisse.  Or  vous  dirai-je  autre  chose,  fist  l'évesque;  vous 
«  savez  que  le  roy  de  France  guerroie  au  roy  d'Engleterre , 
«  et  savez  que  le  chastiau  qui  est  j)lus  en  la  marche  de  eulz  ij, 
«  c'est  la  Rochelle  en  Poitou.  Or  vous  weil  faire  une  demande, 
K  que  se  li  roys  vous  avoit  baillé  la  Rochelle  à  garder,  qui  est  en 
x«  la  marche,  et  il  m'eust  baillé  le  chastel  de  Monlaon  (  Mont- 
«  Ihéry  )  à, garder,  qui  est  ou  cuer  de  France  et  en  terre  de 
«  paix,  auquel  li  roys  devroit  savoir  meilleur  gré  en  la  fin  de 
«  sa  guerre,  ou  à  vous  qui  auriés  gardé  la  Rochelle  sanz  per- 
ce dre,  ou  à  moi  qui  li  auroie  gardé  le  chastel  de  Monlaon 
«  sanz  perdre?  En  non  Dieu,  sire,  fist  le  mestre,  à  moy  qui 
«  auroie  gardé  la  Rochelle  sanz  perdre.  Mestre,  dit  l'éves- 
ft  que,  je  vous  di  que  mon  cuer  est  semblable  au  chastel 
«  de  Montlehéri  ;  car  nulle  temptacion,  ne  nulle  doute  je 
«  n'ai  du  sacrement  de  l'autel  ;  pour  laquelle  chose  je  vous 
«  di  que  pour  un  gré  que  Dieu  me  scet  de  ce  ^ue  je  le  croy 
a  fermement  et  en  paix,  vous  en  scet  Dieu  quatre,  pour  ce 
«  que  vous  li  gardez  vostre  cuer  en  la  guerre  de  tribulacion , 
«  et  avez  si  bonne  volenté  envers  li,  que  vous  pour  nulle 
a  riens  terrienne  ne  pour  meschief  que  on  feist  du  cors,  ne 
«  le  relenquiriés ,  dont  je  vous  dis  que  soies  tous  aese,  que 
a  vostre  estât  plet  miex  à  nostre  Seigneur,  en  ce  cas-,  que  ne 


ÉVÊQUE  DE  PARIS.  36 1 


Xm  SIÈCLE. 


«  fait  le  mien.  Quant  le  mestre  oy  se ,  il  s'agenoilla  devant 
«  l'évesque,  et  se  tint  bien  pour  poiez  (payé  ).  » 

Aubert-le-lVlire  dit  que  Guillaume  d'Auvergne  mourut  en  Auciarium,n. 
1244-  C'est  évidemment  une  erreur,  puisqu'on  a  des  actes  ^°'>P-73- 
de  ce  prélat  datés  des  quatre  années  suivantes.  L'église  de 
Paris,  qu'il  avait  gouvernée  pendant  21  ans,  le  perdit  le  3o 
mars,  jour  du  mardi  saint  1249 1  ou,  selon  le  langage  usité 
quand  l'année  ne  recommençait  qu'à  Pâques,  1248.  Il  fut 
enterré  chez  les  Victorins,  dans  la  chapelle  de  Saint-Denis, 
où  sa  tombe  était  indiquée  par  quatre  vers  gravés  sur  l'airain  : 

Contlitiis  liic  recu]>at  fatali  sorte  Guilelmus, 

Parisii  pastor  qui  gregis  aptus  erat. 
Kepperit  illustrem  cœlesti  miinere  famam, 

Qiiani  neqiiit  in  tantu  mors  abolere  vire. 

Une  épitaphe  en  prose  se  lisait  sur  une  table  de  marbre, 
en  ces  tertnes  :  Hic  situs  est  Guillclnius  Paris,  episc.  AU'ernus 
patr.  scriptis  clarus ,  qui  episcopatu  se  abdicans  meliorem 
oppetiturus  mortem ,  hûc.  secessit-  Ohiit  pridiè  cal.  martii, 
anno  Doniini  MCCXLVIll.  11  y  a  dans  cette  courte  inscrip- 
tion plusieurs  inexactitudes  :  il  faut  écrire  l'avant-veille  des 
calendes  d'avril,  tertio  cal.  aprilis,  et  non  la  ve\\\e .,  pridiè , 
des  calendes  de  mars,  ce  qui  désignerait  le  dernier  jour  de 
février.  Le  mot  abdicans,  pris  à  la  lettre,  donnerait  lieu  à  une 
erreur  plus  grave.  Guillaume  n'a  point  abdiqué  l'épiscopat. 
On  peut  supposer  seulement  que,  dans  sa  dernière  maladie, 
il  s'était  retiré  à  l'abbaye  de  Saint-Victor,  j>our  finir  plus 
saintement  ses  jours.  L'article  qui  le  concerne  dans  le  mar- 
tyrologe de  l'église  de  Paris,  commence  par  ces  lignes  :  Ca- 
lendis  aprilis  A.  D.  MCCXLVIll ,  feriâ  lll  post  ramos 
palmaruni  obiit  bo/iœ  memorice  Guillelmus  Parisiensis  epis- 
copus  qui  dédit  nobis ,  etc.  Suit  l'énumératioq  des  dons  que 
la  cathédrale  et  le  chapitre  avaient  reçus  de  ce  prélat.  Le 
nécrologe  de  la  même  église  identifie  également  le  mardi 
saint  et  les  calendes  d'avril,  qui  en  1249  étaient  deux  jours 
bien  distincts  :  le  premier  correspondait  au  3o  tpars,  Pâques 
tombant  au  4  avril.  Le  nécrologe  de  Saint-Victor  est  moins 
inexact ,  il  fixe  l'anniversaire ,  non  du  décès  sans  doute ,  mais 
delà  sépulture,  au3i  mars. 

La  science,  les  vertus ,  les  talents  de  Guillaume  d'.4uvergne 
avaient  obtenu  de  son  vivant  des  hommages  publics  et  .du-      Script,  renmi 
râbles;  par  exemple,  ceux  de  Nicolas  deBraiaqui,  dans  son  ^vil*'  s'ia^ 

Tome  XVII I.  Z  z 

2  6    » 


XIII  SIEO.E. 


362       GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

poème  sur  le  règne  de  Louis  VIII ,  adressait  à  l'ëvêque  de 
Paris  ces  treize  vers  : 

Et  tu,  qiiem  decorat  virtutuni  schéma  sophiae, 
Gratis  quem  genitrix  et  virgo  pudica  pudiciim 
Esse  sibi  gaudet  famulum  ,  qiio  praeside  ridet 
Ârtibiis  ingenuis  vernans  urbs  Parisiensis, 
Qiio  festival  eum  Alvernia  fomite  felix , 
Gemma  sacerdotum,  cleri  deciis  :  liùc  ades,  aures 
Hùc  advertetuas  cœptis,  patiare  caiiiaenam, 
Praesidioque  tuî  Rraiae  Nicolaus  aliimnus 
Gaudeat,  et  robur  tua  gratia  conférât  ilb. 
Plusquam  Piérides,  pbisquam  fœcundus  Apoïlo, 
Conferet  ingenio  tua  gratia  sola  juvamen. 
Est  labor  iste  gravis,  sed  te  niediante,  Liboris 
Hujus  onus  leviter  mea  mens  perferre  valebit. 

Henri  de  Gand  ne  fait  pas  mention  de  Guillaume  d'Au- 
De  Script,  ec-  vergne  ;  mais  les  éloges  que  lui  décerne  Trithème  prouvent 
des.  a.  43o.  que  sa  renommée  n'avait  pas  encore  perdu  son  éclat  au  xv« 
siècle  :  yir  in  divinis  scripturis  eruditus ,  et  secularis  philoso- 
phiœ  non  ignarus ,  ingenio  subtihs  et  apertus  eloquio ,  nec 
minus  conversatione  quant  scientiâ  venerandus ,  composait 
non pauca  eruditionis  suce  opéra,  quitus  etdoctumse  osten- 
dens  magistrum  et  devotum,  nominis  sui  memoriani  reddidit 
imniortalem. 

Il  a  été  non  moins  magnifiquement  loué  par  quelques 
écrivains  du  xvi^  et  du  xvii*^  siècle,  mais  surtout  par  ses  édi- 
teurs, dont  les  recommandations  sont  trop  suspectes  pour 
être  ici  rapportées.  C'est  par,rexamen  du  recueil  volumineux 
de  ses  ouvrages  qu'il  convient  de  l'apprécier. 
SES  BCKiTs.  On  conservait  à  l'abbaye  de  Saint-Victor,  qui  avait  été  sa 

dernière  demeure,  des  copies  manuscrites  de  presque  toutes 
ses  œuvres.  Il  en  existe  de  son  Traité  de  l'univers  ,  à  Venise, 
sous  les  numéros  3o5  et  3o6  des  manuscrits  latins.  Le  monas- 
tère de  Long-Pont  dans  le  Soissonnais  possédait,  sous  cette 
même  forme,  ses  commentaires  sur  l'Ecclésiaste  et  sur  le 
Cantique  des  cantiques.  La  glose  sur  saint  Matthieu,  qui  lui 
a  été  attribuée,  est  le  n°  41^3  des  manuscrits  latins  de  la 
Bibliothèque  royale  de  Paris.  Des  sermons  déposés  dans  celle 
des  Célestins,  et  en  des  musées  d'Oxford  et  de  Cambridge, 
portaient  le  nom  de  Guillaume  d'Auvergne,  et  se  retrouvaient 
sous  celui  d'un  autre  Guillaume  chez  les  prémontrés  de 
Cuissy.  C'était  sous  le  premier  nom  que  se  lisait  un  livre 
contre  les  exemptions  ou  privilèges  des  réguliers,  dont  il 


Xm  SIECXE. 


EVEQUE  DE  PARIS.  363 

subsistait  d'anciennes  copies  dans  les  bibliothèques  de  deux 
collèges  d'Oxford.  Mais  ces  divers  manuscrits  ont  aujour- 
d'hui peu  d'importance,  IfS  uns  parce  qu'ils  ont  été  publiés; 
les  autres  parce  qu'il  est  fort  douteux  qu'ils  appartiennent 
à  l'auteur  qui  nous  occupe. 

Les  éditions  sont  ou  générales  ou  particulières,  c'est-à-dire 
restreintes  à  quelques-uns  des  livreâ  de  Guillaume.  On  a 
ainsi  imprimé  sa  lihetorica  divina,  à  Gand  en  1483,  à  Bâie  ^°y-  ^•'"«ri 
avant  i486,  in-fol.,  et  en  i494  in-4";  à  Paris  en  i5oo  et  i5i6,  v°p'»36'^i37 
in-8";  outre  plusieurs  éditions  sans  date  in-8°,  in-4°  et  in-fol.  :  t.  xi,  p.  389) 
— les  livres  De  fide ,  de  legibus ,  virtutibus ,  moribus,  etc.  ,à  390,571,  tu. 
Ulm  eu  i485,  à  Nuremberg  en  149G,  et  à  Augsbourg  sans 
date,  in  folio  :  — le  traité  De  sepleni  Sacramentis  Ecclesiœ, 
à  Paris  en  i48ç),  in-4°;  en  1492  et  en  i494i  in-8*;  à  Nurem- 
berg en  1496,  in-fol.;  à  Bâle  en  lôoy,  et  à  Leipzig  en  i5i2, 
in-4";  et  dans  les  trois  formats,  sans  indication  de  lieu  ni 
d'année  :  —  De  collatione  et  pluralitate  beneficiorum ,  à 
Paris  en  1490;  à  Strasbourg  en  i5oo,  in-4°: — De  universo , 
à  Nuremberg  en  1496,  et  sans  indication  d'année  ni  de 
iieu,  in-folio  :  — De passione  Domini,  à  Haguenau  en  1498, 
in-4°  :  —  De  Trinitate  et  atîributis  divinis ,  à  Strasbourg 
en  i5o7,  in-4°  : — De  claustro  animœ,  à  Paris,  in-4°,  en 
i5o7,  etc.  Les  éditions  de  la  glose  d'un  Guillaume  ou  d'un 
Guillerin  ,  sur  les  Epîtres  et  Evangiles,  sont  au  nombre  d'en- 
viron 78,  depuis  celles  d'Augsbourg  en  i475  et  1476,  in-fol., 
jusqu'à  celle  de  Bâle  en  1620,  in-4°.  Les  sermons  imprimés 
sous  le  nom  de  Guillaume  d'Auvergne,  évêque  de  Paris,  à 
Tubingeen  i499i  in-4°;  à  Paris  en  i638,  in-folio,  l'ont  été 
sous  un  autre  nom  à  Paris  en  1494»  in-8°;  à  Lyon  en  1667, 
in-8°;  à  Cologne  en  1629,  in-4°.  Il  faut  ajouter  que  la  con- 
damnation de  lo  propositions,  prononcée  par  notre  prélat 
en  1  ^43,  a  été  insérée  en  1677  dans  le  toraeXXVde  la  grande 
Bibliothèque  des  Pères,  publiée  à  Lyon,  in-fol. 

En  réunissant  les  3  volumes  in-folio  qui  ont  paru  chez 
Koburger  à  Nuremberg  en  1496,  et  qui  contiennent,  l'un, 
les  livres  De  fide,  legibus,  etc.;  l'autre,  le  traité  De  Sacra- 
mentis^ et  le  3*  l'ouvrage  intitulé  De  universo,  on  aurait  un 
recueil  presque  complet  des  œuvres  authentiques  de  Guil- 
laume d  Auvergne;  et  pour  avoir  à  peu  près  toutes  celles  qui 
lui  sont  attribuées,  il  suffirait  d'y  jomdre  deux  volumes 
sortis  des  mêmes  presses.,  eu  la  même  année,  savoir,  l'in-folio 
qui  a  pour  titre  :  Sermones  de  tempore  et  de  sanctis ,  et  l'in-4* 

Z  Z2 


364  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

■  intitulé  Guillerini postilla  in  Epistolas  et  Evangelia  ;  enfin  la 

seconde  partie  des  œuvres  de  Guillaume,  publiée  avec  un 

précis  de  sa  vie,  par  Antoine  Silvester,  à  Paris  en  iSi^iin-S", 

Bibliotb.ined.  si  toutcfois Cette  édition,  indiquée  par  Eabriciusetinconnueà 

ctinf.  lai.  t.  III,  Panzer,  existe  réellement.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  a  considéré 

*'  '^•^'  cotnme  la  première  édition  générale  des  ouvrages  de  notre 

Guillaume,  celle  que  Dominique  Trajani  donna  l'an  lôgi  , 
à  Venise,  in-folio.  Elle  comprend  21  articles,  parmi  lesquels 
toutefois  ne  se  rencontrent  ni  les  sermons,  ni  les  notes  sur 
les  évangiles  et  les  épîtres,  non  plus  que  sur  aucun  autre 
texte  sacré,  ni  la  censure  des  10  propositions,  ni  les  livres 
sur  les  privilèges  des  réguliers,  ni  les  traités  de  la  Trinité  et 
des  attributs  divins,  ni  le  traité  de  l'ame,  ni  le  supplément 
à  celui  de  la  pénitence.  L'édition  de  1G741  à  Orléans,  en  2 
tomes  in-folio,  due  aux  soins  de  Perron,  chanoine  de  Char- 
tres, laisse  beaucoup  moins  à  désirer,  quoiqu'on  n'y  ait 
admis  aucun  commentaire  de  livres  saints,  et  quon  en  ait 
encore  exclu  le  traité  de  la  passion  de  Jésus-Christ,  l'opus- 
cule contre  les  exemptions  ou  privilèges,  et  la  censure  pro- 
noncée en  1243. 

Guillaume  d'Auvergne  avait  fixé  lui-même  l'ordre  dans 
lequel  les  5g2  premières  pages  du  tome  \"  de  l'édition  de 
i6y4  nous  présentent  la  plupart  de  ses  écrits  authentiques. 
Ses  préambules  tendent  à  établir  entre  ces  divers  traités  un 
enchaînement,  qui  peut  bien  ne  pas  sembler  aussi  naturel 
ou  aussi  étroit  qu'il  le  supposait,  mais  que  ses  éditeurs 
ont  dii  respecter.  Nous  verrons  peut-être  qu'ils  s'en  sont 
écartés  à  l'égard  de  quelques  autres  articles  non  moins  im- 
portants, 
r.  ,-i.s  De  Ficie.  L'auteur  définit   la   foi ,  une  vertu  qui  fortifie 

l'entendement  humain,  et  le  protège  contre  les  tentations 
d'incrédulité.  L'existence  de  Dieu,  l'unité  de  sa  nature,  et  la 
trinité  des  personnes  divines,  sont  les  seuls  dogmes  exposés 
dans  ce  premier  opuscule, 
r.  18-102.  De  Legibus.  La  loi  est  le  devoir  écrit,  déclaré  par  les  pré- 

ceptes religieux  :  Lex  nihiL  aliudest  quani  honestas  legibdis, 
id  est  descripta  religionis  prœccptis.  C'est  principalement  aux 
lois  de  Moïse  que  celte  définition  est  ici  appliquée.  Mais  à 
l'éloge  des  croyances  et  des  observances  judaïques,  se  joint 
Lib.coniràasir.  unc  censurc  sévère  de  la  religion  de  Mahomet  et  de  celle  des 

iiiier  j.  r.fison.  idolâtres.  Pierre  d'Aillv  fl  fait  mention  de  ce  traité  et  du 

!P;';''   ''  f*   précédent. 


loa- 

KJl. 


EVEQUK  DE  PARIS.  363 

De  /  irlutibiis.  Guill.mme  su|)pose  que  Cicéron  a  défini  la  '. 1_ 

vertu  :  Habitas  mentis  benè  constitutœ  ;  et  après  s'être  long-  Guiii  arv.opt 
temps  arrêté  à  critiquer  cette  délinition,  à  disserter  sur  les  ""'^  '' > 
habitudes,  sur  la  volonté,  sur  les  passions,  il  divise  les  vertus 
en  naturelles  et  acquises  ou  coutumières  ;  il  compare  les 
premières  aux  pieds  et  en  général  aux  membres  du  corps 
humain,  les  secondes  à  des  béquilles,  à  des  jambes  de  bois, 
en  un  mot  aux  instruments  ou  adminicules  qui  suppléent  à 

I  iraperlection  ou  à  la  perte  de  nos  membres,  lu  tûtes  natu- 
ralcs ,  SIC  sti/it  m  atninabus  sicut pedes  in  hominibiis , .  .  .  et 
consuetiidinales  sicut  ligaci  pedcs  aut  gradiendi  adininicula. 

II  traite  ensuite  des  sept  dons  du  Saint-Esprit,  des  sept 
béatitudes ,  des  trois  vertus  théologales  et  des  quatre  cardi- 
nales, qu'il  assimile  aux  quatre  points  cardinaux  du  monde 
et  aux  quatre  fleuves  du  paradis. 

De  Moribus.  l'atigué  lui-même  des  argumentations  où  il  ic)i-a(io 
vient  de  s'engager,  l'auteur  annonce  qu'il  va  procéder  par 
voie  de  narration,  ou  même  employer  des  formes  drama- 
tiques, en  mettant  successivement  en  scène  chaque  vertu, 
rjui  viendra  produire  le  tableau  de  ses  a-uvres,  de  ses  com- 
bats, de  ses  triomphes.  Non  est  nobis  neccssarium  per  vias 
probationum  incedere ,  sedniagisperviatn  narrationis ,  qucc 
unicuique  legenti  vel  audienti  per  se  ipsa  manifesta  sint , 
scribcre.  Ut  auteni  ipsa'  narratiunes  lucidiores  et  jucundiores 
pariter  sint ,  introducennis  ipsas  virtutes  loquentes  magnifi- 
centiam  et  mirificentiam  operuni  suoruin  ,  prœlia  quoqnc  ac 
victorias.  La  Foi  prend  donc  la  parole;  après  elle,  la  Crainte, 
l'Espérance,  la  Charité,  la  Piété;  chacune  d'elles  fait  son 
propre  éloge.  Mais  c'est  ensuite  l'auteur  qui  parle  en  son 
nom  pour  louer  le  Zèle,  la  Pauvreté,  l'Hunnlité,  la  Patience. 
Ainsi  ce  livre  appelé,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  traité  des 
mœurs,  se  compose  de  i3  discours,  qui  offrent  un  mélange, 
souvent  fastidieux,  d'arguments  ou  de  distinctions  de  l'é- 
cole, de  figures  ou  d'amplifications  oratoires,  de  traits  histo- 
riques ou  fabuleux,  de  textes  sacrés,  de  textes  profanes, 
surtout  d'Aristote  ou  de  Gicéron ,  plus  ou  moins  inexacte- 
ment cités. 

De  Vitiis  et  Peccatis.  Guillaume  d'Auvergne,  après  avoir      ido-i^l. 
défini  le  vice  une  mauvaise  habitude,  et  le  péché  un  acte  qui 
procède  d'une  habitude  ou  d'une  disposition  perverse,  s'ef- 
force de  concilier  ces  notions  avec   l'expression  de  pécfié 
originel.  Il  s'engage  ù  ce  propos  en  de  ëi  longues  di»cussionSf 


36G  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

XIII  siKCLE.  qjjg  |g  pèche  originel  devient  l'unique  sujet  des  deux  tiers  de 
cet  opuscule, 

293-309.  De  Tenta tionibiis  et  Resistentiis.  Les  tentations  ne  sont, 

selon  l'auteur,  que  des  épreuves  ou  expériences,  utiles  en 
soi,  mais  que  notre  faiblesse  rend  dangereuses.  Il  n'enseigne 
que  d'une  manière  assez  vague  les  moyens  d'y  résister. 

Jio-îiS.  De  Meritis.  C'est  moins  un  livre  qu'un  chapitre  destiné  à 

expliquer  cette  définition  du  mérite  :  Obsequium  retribntionis 
obligatorium ,  hoc  est  quod  recipienteni  sive  illum  oui  inipen- 
ditur,  efjicit  retributionis  obligatum. 

'.ij-^îS  De  lietribiitionibus  Sanctoruni.  Chapitre  plus  étendu  qui 

se  rattache  au  |)récedent.  Pour  représenter  la  béatitude  céleste 
comme  un  grand  festin,  Guillaume  cite  des  textes  sacrés: 
Sntiabor  cuin  apparuerit  gloria  tua.  —  Homo  quidam  fecit 
cœnani  magnani.  —  Ego  disposai  vobis  sicut  disposait  mihi 
Pater  regnutn ,  ut  edatis  et  bibatis  supra  mensam  meam,  in 
regno  m,eo.  Mais  la  nourriture  des  âmes  saintes  est  la  vérité, 
qui  a  dix-sept  suavités  ;  leur  bonheur  suprême  est  de  jouir  de 
la  vue  de  Dieu,  et  leurs  joies  ineffables  sont  égales  en  nombre 
comme  en  intensité  aux  supplices  infinis  des  damnés;  en 
sorte  que  l'enfer  même  contribue  à  l'entretien  et  aux  délices 
de  la  table  des  bienheureux.  Quot  erunt  dam,nati  in  inferno, 
tôt  erunt  gaudia  unicuique  sanctorum, .  .  .  non  soliim  de  uno- 
quoque  damnato ,  scd  etiam  de  unoquoque  supplicio .  .  .  Illa 
innumerabilia  gaudia  et  inestimabilis  magnitudinis ,  tan- 
quam  fercula  lautissima  et  deliciosissima ,  apponit  infernus 
mensœ  huic. 

Î19-336.  De  Immortalitate  animœ.  Ce  n'est  encore  qu'un  chapitre 

qui,  tout  rempli  d'arguments  scholastiques ,  demeure  trop 
au-dessous  de  la  hauteur  et  de  l'importance  du  sujet. 

3Î6-406.  Rhetorica  divina.  Ce  n'est  point,  comme  on  pourrait  le 

croire,  un  traité  de  l'art  d'annoncer  la  parole  divine,  une 
rhétorique  des  prédicateurs;  c'est  un  traité  de  la  prière,  des 
oraisons  adressées  à  Dieu.  Les  réflexions  et  les  préceptes 
s'appliquent  successivement  à  l'exorde,  à  la  narration,  au 
corps  du  discours,  aux  divers  objets  et  aux  formes  des  de- 
mandes, aux  supplications,  aux  invocations  accessoires;  à 
l'intercession  de  Jésus -Christ,  de  la  sainte  Vierge  et  des 
saints;  aux  circonstances  physiques  de  la  prière,  telles  que 
la  situation  du  corps,  les  soupirs  ,  les  gémissements,  les  cris, 
les  chants ,  les  larmes  et  les  sanglots.  De  tous  les  ouvrages 
de  Guillaume  d'Auvergne,  c'est  le  premier  qu'on  ait  imprimé 


XIII  SIECLE. 


ÉVÊQUE  DE  PARIS.  367 

et  Tun  de  ceux  dont  on  a  donné  le  plus  d'éditions  au  xv*  et 
'  au  XVI*  siècles.  Mais  depuis  l'an  1600,  on  a  cessé  presque 
partout  d'en  faire  usage;  les  théologiens  mystiques  qui  ont 
écrit  sur  la  raême  matière,  l'ont  peu  cité.  Duguet  semble 
n'en  avoir  pas  eu  connaissance. 

De  Sacranientis  in  generali.  A  la  tête  de  ces  considérations  ,',07-416. 
générales  sur  les  sacrements,  l'auteur  rend  compte  de  l'ordre 
et  de  la  liaison  qu'il  prétend  établir  entre  ses  écrits  théolo- 
giques. Nous  transcrirons  les  premières  lignes  de  cet  exposé, 
afin  qu'on  prenne  une  idée  de  sa  manière  de  concevoir  et  de 
s'exprimer.  Cuni  inter  sapientiales  spiritalesque  scientias 
quœ  dU'inœ  seu  divinales  vocantur,  scienda  de  verd  religione 
etfide,  quœ  Jundamentuin  illius  est,  et  de  sinceritate  cultûs 
qui  solas  Deo  altissimo  acceptus  est ,  ac  de  legil)us  ne  ritibus 
et  sacris ,  quintum  locurn  obtincat ,  et  quinto  loco  sit  trac- 
tanda,  docenda,  atque  discenda ,  Jacdc  est  nianifesluni  tibi 
fteri  scientiarn  de  sacramentalibus  atquc  juslificationibus , 
inter  sublimes  istas  nobilesque  scientias,  consequenteni  lucuni , 
id  est  sextum ,  rectissirno  ordine  obtinere. 

De  Sacramento  Baptisnii.  Ce  court  traité  n'embrasse  pas,  4i6-42fi. 
à  beaucoup  près,  toutes  les  questions  relatives  au  baptême; 
mais  on  y  voit  que  l'administration  de  ce  sacrement  aux 
enfants  nouveau-nés,  et  l'intervention  des  parrains,  étaient 
des  usages  bien  établis  au  xiii«  siècle:  il  n'est  rien  dit  des 
marraines. 

De  Sacramento   Confirmationis .  Opuscule   plus  succinct      /,2(;-429. 
encore,  peu  capable  de  servir  à  l'histoire  soit  des  rites,  soit 
des  controverses,  concernant  le  sacrement  de  confirmation. 

De  Sacramento  Eucharistiœ.  Les  dogmes  de  la  présence 

■    '   Il  I      I  I  ■      •  '  4'Z9-43'- 

réelle  et  de  la  transsubstantiation   ont   paru   expressément 
consignés  dans  ce  traité.  En  effet,  nous  y  lisons  d'une  part, 

Sue  Jésus-Christ  y  est  présent  sous  la  forme  humaine,  afin 
e  remplir,  au  profit  du  peuple,  la  triple  fonction  de  prêtre, 
d'avocat  et  de  médecin  ;  de  l'autre,  que  la  substance  du  pain 
s'anéantit,  et  qu'il  n'en  reste  que  les  accidents  sensibles.  Le 
mot  même  Ae transsubstantiation  est  employé:  In  transsub- 
stantiatione  nihil  omnino  remanet  de paneprœter  novissimum 
vel  ultimum  quod  est  accidentium  sensibilium  varietas ,  sive 
sensibilis  forma. 

De  Sacramento  Pœnitentiœ.  L'auteur  commence  par  ré-      45,-5,1. 
futer  l'opinion  de  ceux  qui  soutenaient  qu'il  suffisait  de  se 
confesser  à  Dieu  ou  à  un  laïc;  qu'il  n'était  pas  nécessaire  de 


XIII  SIECLE. 


368  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

recourir  à  un  prêtre.  11  traite  ensuite  de  la  contrition  et  de 
l'attrition  ,  de  la  confession  qui  s'appelait  aussi  computation 
ou  compte  rendu,  de  la  satisfaction,  et  particulièrement  de 
la  restitution  ou  réparation  des  dommages.  11  finit  par  lenu- 
mération  des  devoirs  d'un  confesseur,  en  se  servant  du  mot 
latin  confessor  c^ui  n'a  point  cette  signification. 

5i2-j28  De  Sacramento  Matrimordi.  Ce  traité  parait  avoir  été  com- 

posé à  une  époque  oîi  les  mœurs  étaient  fort  déréglées. 

.  „  -.,  De  Sacrmnento  Ordinis.  Lesiiremiers  chaiiitresde  ce  livre 

5*0-5  )i.  ,.  ,  .  1  •      -1       <     i>i   •         •  1       I       1- 

peuvent  fournir  quelques  detaits  a  f  histoire  de  la  liturgie. 
Les  suivants  sont  principalement  destinés  à  soutenir  la  légi- 
timité et  lefficai'ité  des  excommunications  et  des  indul- 
gences. 

rf,  erg  De Sacrameuto  Extremœ  Unctionis  et  de  Socramentalibus. 

Le  dernier  mot  du  titre  de  ce  traité,  ou  |:»lutôt  de  ce  cha- 
pitre unique,  caput  unicuni ,  s'applique  aux  généralités  qui 
le  remplissent  presque  tout  entier.  Il  n'y  est  parlé  de  l'ex- 
trême-onction  que  dans  les  premières  lignes,  où  sont  cités 
les  textes  des  actes  des  apôtres  et  de  l'épître  de  saint  Jacques 
qui  concernent  ce  sacrement. 

555-570.  Tractatus  de  causis  car  Deiis  homo.  En  consiflérant  l'état 

actuel  de  la  nature  humaine,  les  dispositions  vicieuses  qui 
l'entraînent  au  mal,  qui  la  condamnent  à  la  mort,  l'auteur 
reconnaît  dans  ces  désordres  les  tristes  effets  du  péché 
d'Adam.  Les  principes  ou  éléments  de  ce  péché  et  de  tous 
ceux  qui  l'ont  suivi ,  sont  aux  yeux  de  Guillaume  d'Auver- 
gne, l'orgueil,  l'avarice  et  la  désobéissance.  Il  explique  fort 
au  long  comment  le  rétablissement  de  l'ordre  moral  a  exigé 
l'incarnation  de  l'une  des  personnes  divines,  et  pourquoi 
cette  personne  ne  pouvant  être  ni  le  Père,  ni  le  Saint-Esprit, 
il  fallait  que  ce  fût  le  Verbe  ou  le  Fils  de  Dieu.  Dans  le  9* 
et  dernier  chapitre ,  il  s'applique  à  réfuter  les  hérétiques  et 
les  Sarrasins,  qui  prétendaient  qu'après  la  passion  de  Jésus- 
Christ,  après  une  satisfaction  si  parfaite,  il  n'aurait  dû  sub- 
sister aucun  reste,  aucune  trace  du  péché  originel. 

570-591.  Tractatus  novus  de  Pœnitentid.  Ce  deuxième  traité  de  la 

pénitence  eût  été,  ce  semble,  mieux  placé  à  la  suite  du  pre- 
mier, qui  est  plus  étendu  :  celui-ci  n'en  est  qu'un  supplément, 
et  quelquefois  qu'une  sorte  d  abrégé  où  les  mêmes  questions 
sont  traitées  presque  dans  le  même  ordre. 

Les  482  dernières  pages  du  tome  \"  des  œuvres  de  Guil- 
laume d'Auvergne  sont  remplies  par  son  traité  De  Universo, 


XIII  SIECLE. 


EVÊQUE  DE  PARIS.  369 

le  plus  considérable  de  ses  ouvrages.  Il  est  divisé  en  deux 
parties  principales,  dont  chacune  a  trois  sections.  Pour  dis- 
tinguer ces  deux  parties,  on  pourrait  dire  Cjue  la  première 
traite  de  l'univers  matériel,  et  la  deuxième  de  l'univers  spi- 
rituel ;  mais  en  étudiant  la  première,  on  reconnaît  que  la 
totalité  des  êtres  y  est  envisagée  sous  les  aspects  les  plus 
généraux  ou  les  plus  absolus,  tandis  que  dans  la  seconde,  il 
s'agit  spécialement  des  créatures  intelligentes.  Les  3  sections 
de  la  première  ont  pour  objets  1°  l'auteur,  les  origines,  les 
principes  ou  la  nature  de  l'univers;  -i"  sa  durée  et  ses  divers 
états  passés,  présents  et  futurs;  3°  la  providence  qui  le  con- 
serve et  le  gouverne.  Dans  la  deuxième  partie,  l'auteur 
considère  1°  l  intelligence  pure,  dépouillée  de  la  matière, 
intelligentiœ  spoLiatœ  et  abstractissirnœ  à  mnteriâ ;  a"  les 
calodœmones  ou  les  bons  anges;  3"  les  cacodœmoites  ou  les 
diables. 

La  1'^  de  ces  six  sections  commence  par  ces  mots:  Scito  503-68». 
igitur  in  prirnis  quia  universum  non  intelligo  lue  nisi  univer- 
sitateni  creciturarum ,  et  sive  dicain  universum ,  sive  omne , 
sive  mundum  sinipliciter,  hoc  estabsque  dcterniinationis  ad- 
jectione ,  una  est  intentio  apud  me  trium  illorum.  Quare 
scicntia  de  universo  per  modum  istum  et  scientia  de  omni 
scientiaque  de  mundo  sinipliciter,  una  scientia  est,  et  est  pars 
secunda  prinii  sapientialis  et  divinalis  magisterii.  Hoc  autem 
est  propter  duas  causas ,  quarum  altéra  est  honor  et  gloria 
Creatoris  qui  est  finis  prœcipuus  et  ultimus  totius  sapientialis 
ac  divinalis  magisterii. . . .  Secunda  causa  est  destructio  er- 
roruni  qui  sunt  circa  universum  sive  de  universo  errorum 
quibus  declinatur  ii  viis  veritatis  et  semitis  rectitudinis ,  per 
■quas  ad  hune  finem  scilicet  verce  philosophationis  venitur. 
Nous  avons  transcrit  ces  lignes,  non  seulement  parce  qu'elles 
peuvent  donner  quelque  idée  de  la  philosophie  et  du  style 
de  Guillaume,  mais  aussi  parce  qu'il  y  déclare  que  tout  ce 
traité  de  l'univers,  composé  de  six  sections,  n'est  à  ses  yeux 
que  la  seconde  partie  de  l'enseignement  sapiential  et  divi- 
nal ,  c'est-à-dire,  sans  doute,  de  la  théologie.  On  pourrait 
être  induit  à  croire  que  la  première  partie  de  cette  science 
consiste  dans  les  19  traités  qui  ont  précédé;  mais  outre  qu'il 
serait  difficile  de  leur  donner  un  titre  général  qui  pût  les 
embrasser  tous ,  et  les  présenter  comme  un  système ,  ou 
comme  la  première  moitié  d'un  système,  nous  reconnaîtrons 
plus  tard  que  c'est  à  son  traité  de  la  Trinité  et  des  attributs 

Tome  XVlll,  Aaa 


IIIl  SIECLE. 


370  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

divins,  que  Guillaume  d'Auvergne  rattache,  comme  deuxième 
partie,  le  traite  de  l'Univers.  Celui-ci  commence  par  l'exposé 
des  preuves  de  l'unité  du  Créateur;  neuf  chapitres  sont  em- 
ployés à  la  réfutation  du  manichéisme.  I/auteur  établit  en- 
suite l'unité  de  l'univers  même ,  et  à  l'appui  de  cette  doctrine, 
il  soutient,  au  moins  inutilement,  l'impossibilité  du  vide.  11 
enseigne  comment  l'univers  émana  d'une  première  cause  qui 
est  l'intelligence  divme  ou  le  verbe  éternel;  et,  à  ce  propos, 
il  distingue  le  verbe  intelle(.'tuel  du  verbe  écrit  et  du  verbe 
parlé.  Verhum  juxta  très  intention.es  dicitur  ,  et  juxtà  pri- 
muni  quidem  -verhum  intcllectunle  quod  usuahter  vocant 
verhum  in  mente,  et  hoc  non  est  nisi  imago  vel  similitudo  rei 
intcllcctœ  et  cogitatœ,  resultans  in  effectu  in  spécula  mentis 
et  hoc  est  cogitatio  in  ejfectu.  Secunda  intentio  dicitur  ipsa 
designatio  scripta,  sive  descriptio  facta  figura  vel  figuris  visi- 
hilibus ,  et  vocatur  usualiter  verhum  in  scripto.  Tertid  inten- 
tione  ipsa  vox  audihilis  quœ  usualiter  vocatur  verhum  in 
ore ,  et  manifestum  est  tibi  quia  neutra  intentionum  secun- 
daruni  juvat  operantem  artifîcem.  En  réfutant  d'obscures 
erreurs  attribuées  à  Aristote  ou  à  ses  commentateurs  arabes, 
Guillaume  se  demande  si  toutes  choses  ont  été  créées  à  la 
fois  ou  successivement,  et  si  le  Créateur  n'a  pas  pu  les  faire 
meilleures  qu'elles  ne  sont.  Il  répond  que  chaque  chose  a 
dû  être  créée  à  son  tour  et  en  son  lieu,  comme  il  compose 
lui-mèmeson  propre  livre,  en  écrivant  les  chapitres  l'un  après 
l'autre;  que  chaque  créature,  prise  à  part,  [)ouvail  être  plus 
grande  et  plus  parfaite;  mais  que  dans  le  système  universel, 
où  les  choses  devaient  entrer  et  se  tenir  en  rapport  entre 
elles,  aucune  n'était  susceptible  de  plus  de  bonté,  de  gran- 
deur ou  tle  perfection  :  Non  erant  receptibiles  majoris  boni- 
talis ,  aut  meliores  creahiles.  C'était  leur  nature  qui  avait  des 
bornes;  la  puissance  de  leur  créateur  n'en  avait  pas.  Le 
surplus  de  la  1'^^  section  concerne  les  cieux ,  leur  nombre, 
leur  génération,  leur  profoïideur,  et  particulièrement  celui 
d'entre  eux  auquel  on  a  donné  le  nom  d'empyrée  ;  puis  les 
planètes,  spécialement  Saturne,  la  lune,  le  soleil,  et  les  arts 
magicjues  qui  se  rattachaient  à  l'étude  de  ces  astres;  ensuite 
la  terre  et  les  quatre  éléments;  enfin  le  lieu  du  paradis  terres- 
tre, le  purgatoire  et  l'enfer. 
683-754.  La  deuxième  section  s'ouvre  par  des  notions  ou  discus- 

sions sur  l'éternité,  la  perpétuité,  le  temps,  le  siècle,  l'âge, 
les  générations  et  les  jours.  Ces  préliminaires  amènent  de» 


ÉVÈQUE  DE  PARIS.  371 

questions  graves ,  surtout    celle  de  savoir  si  l'univers  est 
éternel.  L'auteur  n'hésite  point  à  déclarer  qu'il  a  commencé, 
et  il  s'arrête  à  le  prouver  par  des  témoignages  historiques  et 
par  des  raisonnements.  De  là  il  passe  à  l'examen  des  opinions 
relatives  h  l'état  primitif  et  aux  transmigrations  des  âmes,  à 
la  grande  année  et  aux  rénovations  cycliques  du  monde.  Mais 
le  principal  sujet  de  ses  méditations  doit  être  l'état  futur  et 
définitif  de  toutes  choses.  Dire  avec  Origène  que  les  corps 
seront  anéantis ,  est  une  hérésie  à  laquelle  il  oppose  le  dogme 
de  leur  résurrection  universelle.  Peu  de  théologiens  ont  re- 
cherché plus  curieusement  que  Guillaume,  quelles  destinées 
attendent,  après  le  jugement  dernier,  les  corps  et  les  âmes 
tant  des  bienheureux  que  des  damnés;  en  quoi  consisteront 
les  jouissjinces  et  la  glorification  des  piemiers,  les  supplices 
des  seconds;  les  habitudes,  les  pensées,  les  sensations  et  le 
langage  même  des  uns  et  des  autres.  Il  exclut  du  paradis 
les  chœurs,  les  danses,  les  orchestres  :  il  substitue  à  cette 
musique  humaine,  instrumentale  et  vocale,  une  harmonie 
spirituelle  et   divine  qui  exprimera  la  beauté,  la  bonté,  la 
sagesse  du  Créateur,  ainsi  que  l'ordre  universel  des  créatu- 
res :  Erit  quœdam   resonantia    Creatoris ,   et   velut  carmen 
pulcherrimum .  .  .  ineffahili arttficio  modulatiim  spiritualitcr , 
lit  ipsis  glorifîcatis  hominihus  anditu  /ocundissimum,  non  fo- 
rinseco  strepitii  ullo  niodorwn  sit  tuniultitosum.  Un  chapitre 
est  destiné  à  fixer,  autant  qu'il  se  peut,  le  lieu  du  jugement 
dernier  dans  la  vallée  de  Josaphat;  le  séjour  des  saints  dans 
le  ciel  empyrée,  et  l'enfer  au  noyau  de  la  terre.  Guillaume 
ne  se  dissimule  pas  les  difficultés  que  ces  croyances  peuvent 
offrir;  il  avoue  qu'elles  assignent  au  petit  nombre  des  élus 
un  espace  incomparablement  plus  vaste  que  celui  où  elles 
resserrent  l'innombrable  multitude  des  damnés;  car  l'enfer 
occupe  moins  de  la  moitié,  moins  du  quart  du  globe  ter- 
restre, qui  dans  sa  totalité  n'est  qu'un  infiniment  petit,  en 
comparaison  du  ciel  des  étoiles  fixes,  bien  moins  grand  lui- 
même  que  l'empyrée.  Sienini  totum  cœluin  illud  (  empyreum) 
quod  mognitudine  sud  excedit  cœluni  stellaruni  fixarum  re- 
pleturi  sunt  glorijîcandi  homines ,   qiialiter  capiet  infernus 
omnes  damnatos?  Jam  enim  alibi  didicisti  totam  terrant  in  ul- 
timitate paivitatis  esse  comparatione  cœli  stellarwn fixarum. 
infernum  auteni  multo  minorem  esse  terra  totd  dubitaii  non 
potest ,  càm  manifestum  sit.  . .  .  ipsum  esse  in  medio  terrœ , 
et  propter  hoc  partem  ipsius  terrœ  non  magnam ,  hoc  est, 

A  aa2 


XIII  SIECLE. 


372  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 


Xin  SIECLE. 


neque  medietatem ,  neque  quartam.  De  multitudine  verb 
damnandorurn  oninis  lex  determinatum  habet  apud  se  qiiod 
multo  major futura sit multitudine  glorificandorum,.  F/auteur 
enseigne  à  résoudre  ces  difficultés,  et  propose  ses  conjectures 
sur  l'état  éternel  et  plus  parfait  réservé,  après  la  consomma- 
tion des  siècles  ou  à  la  fiti  des  temps,  à  la  terre,  aux  quatre 
éléments,  au  monde  sublunaire  et  à  l'univers  entier.  Du  reste, 
il  nous  avertit,  en  terminant  cette  section,  qu'il  n'y  a  de  po- 
sitif sur  ces  matières  que  ce  que  la  Bible  et  l'Eglise  nous  en 
apprennent. 
754-806.  La  section  troisième  est  consacrée  à  la  providence  divine, 

qu'il  faut  distinguer  de  la  prescience,  et  qui  s'étend  à  toutes 
les  choses  de  ce  monde,  grandes  et  petites.  Parmi  les  signes 
qui  la  manifestent,  Guillaume  fait  remarquer  les  industries 
et  l'instinct  ingénieux  des  bêtes.  Il  ne  voit  dans  les  accidents 
que  nous  appelons  maux  et  douleurs,  que  des  désordres  ap- 
parents et  partiels  qui ,  par  les  bons  effets  qu'ils  produisent, 
concourent  à    maintenir   l'ordre  réel  et  général.  L'un  des 
soins  qui  l'occupent  le  plus,  est  de  montrer  que  la  prescience 
de  Dieu  n'entraîne  point  la  nécessité  des  événements,  et  que 
la  liberté  des  résolutions  humaines  se  concilie  avec  la  pro- 
vidence suprême.  Le   fatalisme   est  repoussé  sous  quelque 
aspect  qu'il  se  présente,  soit  qu'il  se  donne  pour  le  résultat 
immédiat  de  l'action  de  Dieu  sur  les  créatures,  soit  qu'il  se 
rattache  à  l'influence  des  astres  sur  nos  penchants  et  nos 
habitudes,  ou  à  cet  enchainement  de  causes  que  les  Grecs 
appelaient  Imarméné  (  Eiiy-apaew;  ) ,  ou  bien  enfin  à  la  puis- 
sance inflexible  qui  porte  le  nom  de  fatum,,  et  que  notre 
auteur  appelle  aussiy^^(2?io.  La  distinction  qu'il  veut  établir 
ici  entre  EîfxapfAsvT)  ut  fatum  montre  qu'il  n'a  pas  une  connais- 
sance très-précise  des  anciens  systèmes  relatifs  au  destin.  Il 
n'ignore  pourtant  pas  tout-à- fait  les  rapports  grammaticaux 
et  philosophiques  qui  peuvent  exister  entre  \ejatum  des 
écoles  antitjues  et  le  verbum  ou  Aoyo;  des  chrétiens;  mais  il 
n'a  point  assez  étudié  ces  doctrines,  pour  les  exposer  avec 
clarté  et  les  apprécier  avec  justesse.  Ce  que  nous  voyons  de 
plus  clair  dans  ce  qu'il  dit  de  l'ame  du  monde,  c'est  qu'il 
condamne  ceux  qui  la  veulent  identifier  avec  le  Saint-Esprit, 
ainsi  que  ceux  qui  admettent  une  force  directrice  de  l'uni- 
vers, distincte  du  Créateur. 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  est,  comme  nous  l'avons 
dit,  destinée  à  expliquer  l'Univers  spirituel;  science  bien 


ÉVÊQUE  DE  PARIS.  373 


XIII  SIECLE. 


plus  noble,  selon  l'auteur,  que  celles  dont  les  créatures  ma- 
térielles viennent  d'être  l'objet.  Comparatio  scientiarum  in 
nohilitate  aliarum  ad  alias,   est  secundàm  comparationem 
scibilium  suorum.  Quapropter  necesse  est  scientiam  de  uni- 
verso  spirituali  tanto   nobiliorem  esse  scientiâ  quœ  est   de 
universo  corporali  sive  corporeo ,  quanto  natura  spiritualis 
qudcumque  corporali  dignoscitur  esse prœstantior.  Il  s'agit,      807-8',/i. 
dans  une  première  section,  des  araes  ou  intelligences.  Les 
anciens  philosophes  en  distinguaient  neuf,  qu'ils  attachaient 
à  autant  de  lieux  dont  elles  étaient  les  puissances  motrices. 
Guillaume  d'Auvergne  n'a  pas  beaucoup  de  peine  à  combattre 
ce  système.  Il  argumente  ensuite  contre  ceux  qui  supposent 
que  les  âmes  séparées  l'une  de  l'autre,  quand  elles  habitent 
les  corps,  n'en  forment  plus  qu'une  seule,  à  mesure  qu'elles 
se  dégagent  de  toute  matière.  Pour  rendre  ces  questions  en- 
core plus  obscures,  on  a  distingué  lame  de  l'intelligence, 
en  les  supposant  unies  et  non  identifiées,  par  l'amour  que 
l'une  porte  à  l'autre.  IVlais  on  a  surtout  recherché  ce  qu'était 
l'intelligence  agente  ou  active  qui,  en  faisant  abstraction  de 
tous  les  accidents  sensibles,  parvenait  à  reconnaître,  à  re- 
trouver l'univers  intelligible.  En  raisonnant  sur  cet  arché- 
type (le  tous  les  êtres,  notre  auteur  se  demande  si  nos  âmes 
individuelles  ont  été  créées  par  l'intelligence  agente  et  uni- 
que ,  si  elles  sont  émanées  d'elle ,  et  si  elles  doivent  retourner 
dans  son  sein ,  en  se  séparant  des  corps.  Il  repousse  ces 
doctrines  comme  incompatibles  avec  Id  foi  chrétienne;  il 
n'attribue  de  force  créatrice  qu'à  Dieu  seul,  et  ne  voit  dans 
le  monde  intelligible  qu'un  ouvrage  divin,  si  ce  n'est  pas 
Dieu  lui-même  ou  son  éternelle  sagesse.  Dicani  quia  niunaus 
archetypus ,   hoc  est  exemplum  omnium  eoruni  quœ  facta 
sunt  vel  creata  à  Créature ,   vel  quœ  fient  aut  etiam  fieri 
possunt ,  propriè  est  sapientia  ah  ipso   Crentore  œternaliter 
genita,  quani  Deifilium  et  Deum  lex  et  doctrina  fidesque 
christianorum  verissimè  nominat. 

La  deuxième  section  est  beaucoup  plus  étendue;  c'est  un  8iA.,oi5 
traité  des  anges  en  34^  colonnes  in-folio.  On  sait  qu'il  n'y  a 
de  positif  en  une  telle  matière  que  ce  qui  est  révélé  par  les 
livres  saints;  mais  Guillaume  s'ouvre  une  bien  plus  vaste 
carrière.  Il  ne  lui  suflQt  pas  d'enseigner  que  les  anges  sont  de 
purs  esprits  :  il  veut  savoir  pourquoi  Dieu  a  discontinué  de 
créer  de  si  nobles  substances;  s'il  existe  un  premier  ange 
supérieur  à  tous  les  autres  en  âcienoe  et  en  vertus  ;  si  leur 
2  7 


XIII  SIECLE. 


374  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

nombre  est  détermine',  s'il  a  pu  être  infini;  s'ils  sont  tous 
d'une  même  espèce,  et  quelles  en  sont  les  variétés;  s'ils 
peuvent  avoir  des  corps  éthérés  ou  aériens  ;  quelle  est  leur 
science,  si  chacun  d'eux  la  possède  tout  entière;  s'il  faut 
admettre  entre  eux  quelque  diversité  de  talents  et  de  con- 
naissances; comment  ils  apparaissent  aux  hommes;  s'il  leur 
arrive  de  s'incarner,  s'ils  font  des  études  et  des  progrès  ,  s'il 
leur  est  fait  des  révélations;  s'ils  ont  des  affections  et  des 
passions;  comment  ils  connaissent  les  choses  sensibles,  et 
comment  ils  reçoivent  ou  conçoivent  les  formes  intelligibles; 
de  quelle  manière  ils  se  meuvent  et  impriment  des  mouve- 
ments aux  corps;  quelles  causes  occasionelles  étendent  leurs 
idées  et  leur  savoir;  si  la  cour  divine  qu'ils  habitent  au  plus 
haut  des  cieux  ,  est  le  séjour  réservé  aux  hommes  sanctifiés  ; 
pourquoi  un  ange  n'est  pas  attaché  à  un  point  de  l'espace, 
et  de  quelle  expansion  il  est  susceptible;  comment  le  ciel 
empyrée,  quoique  non  composé  d'une  ame  et  d'un  corps,  par- 
ticipe néanmoins  ou  confine  aux  deux  natures,  la  matérielle 
et  la  spirituelle;  comment  Dieu  même  est  le  paradis  des  anges 
et  des  bienheureux,  le  véritable  ubi  des  uns  et  des  autres;  s'il 
est  vrai  qu'un  ange  existe  à  la  fois  dans  les  diverses  parties 
d'un  royaume  soumis  à  sa  direction ,  ainsi  que  l'ame  humaine 
est  répandue  dans  toutes  les  parties  du  corps  qui  lui  appar- 
tient ;  si  Dieu  a  créé  les  anges  dans  l'amplitude  de  son  immen- 
sité, avant  la  création  des  corps  et  des  lieux  corporels;  par 
quelles  raisons  il  est  prouvé,  selon  l'auteur,  que  les  étoiles 
et  les  planètes  sont  inhabitées,  et  qu'il  n'y  a  point  d'anges 
préposés  aux  mouvements  des  signes  célestes;  en  quoi  con- 
sistent les  mouvements  des  substances  abstraites  et  indivisi- 
bles; comment  les  anges  se  transportent  d'un  lieu  en  un 
autre  sans  passer  par  les  milieux ,  et  sans  qu'on  puisse  jamais 
leur  attribuer  l'ubiquité  qui  n'appartient  qu'à  Dieu.  Guil- 
laume s'engage  ensuite  dans  l'étude  des  neuf  ordres  et  des 
trois  hiérarchies  angéliques.  Il  explique  les  trois  dénomina- 
tions de  séraphins,  de  chérubins  et  de  thrônes;  les  rangs, 
les  modes  et  les  fonctions  de  ces  dignités;  en  quel  sens  on 
a  pu  donner  des  yeux  et  des  ailes  aux  chérubins ,  aux 
séraphins,  et  à  d'autres  purs  esprits;  en  quoi  les  archanges 
diffèrent  des  simples  anges,  et  quelle  est  leur  prééminence. 
Il  recherche  encore  si  toutes  ces  dignités  angéliques  sont 
naturelles  ou  adventices.  Il  expose  comment  les  3  principaux 
oftices  des  esprits  célestes  sont  d'éclairer ,  de  purifier  et  de 


ÉVÊQUE  DE  PARIS.  376 

perfectionner  ;  comment  ils  remplissent  en  même  temps  ceux 
de  bénir  et  de  louer  Dieu;  quelles  sont  leurs  relations  soit 
entre  eux,  soit  avec  le  Créateur  ou  les  créatures;  comment 
s'opèrent  leurs  allocutions  aux  mortels.  Il  ne  saurait  oublier 
la  i'onction  particulière  des  anges  gardiens  :  elle  est  l'objet 
des  7  derniers  chapitres  de  cette  section,  qui  en  a  173.  L'é- 
noncé seul  de  toutes  les  hautes  questions  que  l'auteur  y 
résout,  aurait  occupé  ici  trop  de  place;  nous  n'avons  pu  in- 
diquer que  les  plus  remarquables  ou  les  plus  accessibles. 

Quoique  cette  seconde  section  soit  essentiellement  desti- 
née aux  calodœmones ,  c'est-à-dire  aux  beaux  ou  bons  anges, 
elle  présente  ç.î  et  là  un  assez  grand  nombre  d'aperçus,  soit 
sur  l'ame  humaine  considérée  dans  son  essence  primitive, 
soit  aussi  sur  les  esprits  infernaux  ou  malins.  Voilà  pourquoi 
la  troisième  et  dernière  section,  qui  traite  des  cacodceinones, 
tient  beaucoup  moins  d'espace,  et  n'a  que  24  chapitres. 
Toutefois  on  peut  encore  trouver  bien  assez  longues  les  dis- 
cussions qui  s'y  entament  sur  les  causes  et  les  effets  de  la 
chute  de  ces  odieux  esprits;  sur  ce  qu'il  leur  reste  de  forces,' 
d'intelligence  et  de  science,  après  les  pertes  et  les  altérations 
qu'ils  ont  subies;  sur  les  plaisirs  et  les  jouissances  dont  ils 
peuvent  être  susceptibles;  sur  la  manière  dont  ils  s'emploient 
a  vexer  ou  tromper  les  hommes,  et  à  torturer  les  damnés; 
sur  les  supplices  qu'ils  endurent  eux-mêmes;  sur  les  hom- 
mages divins  qu'ils  ont  usurpés ,  sur  leurs  noms  propres,  sur 
leur  distribution  en  divers  ordres;  sur  la  correspondance 
de  leur  hiérarchie  avec  celle  des  bons  anges;  sur  l'existence, 
réelle  ou  imaginaire,  d'anti -  séraphins ,  d'anti -chérubins, 
d'anti-thrônes;  sur  la  concorde  et  la  subordination  paisible 
qu'établit  entre  eux,  non  l'affection,  mais  l'intérêt;  sur 
leur  commune  et  constante  obéissance  à  leur  chef  suprême; 
sur  leur  intervention  dans  les  arts  divinatoires,  dans  les  opé- 
rations magiques,  dans  les  prestiges  et  dans  tous  les  désor- 
dres de  la  nature  physique  et  morale.  L'extrême  crédulité 
de  Guillaume  rend  cette  troisième  section  et  la  précédente 
fort  utiles  à  l'histoire  des  croyances  du  xiii«  siècle,  où  le 
monde  surnaturel,  les  visions  diurnes  et  nocturnes,  les  reve- 
nants, les  fées,  les  démons  incubes  et  succubes,  les  influences 
astrales ,  les  puissances  aériennes  et  souterraines ,  occupaient 
tant  de  place  dans  les  esprits  vulgaires ,  dans  les  études 
même  des  clercs,  et  dans  tous  les  genres  de  littérature.  Nous 
devons  remarquer  pourtant  qu'en  exposant  ces  doctrines. 


Xin  SIECLE. 


Xin  SIECLE. 


376  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

mystérieuses,  l'auteur  aborde  quelquefois  des  questions  qui 
peuvent  sembler  plus  philosophiques.  Par  exemple,  il  entre- 
prend de  réfuter  l'opinion  de  Platon  sur  l'origine  des  idées. 
Ce  philosophe  enseif;ne  que  notre  ame  n'acquiert  point  de 
connaissances  nouvelles,  qu'elle  ne  fait  que  retrouver  celles 
dont  elle  a  été  primitivement  imbue,  et  qu'elle  possédait  à 
son  insu  :  Guillaume  d'Auvergne  croit,  au  contraire,  que 
l'ame,  à  mesure  que  les  objets  ou  instruments  sensibles  se 
présentent,  en  prend  connaissance  par  des  irradiations  de  la 
lumière  spirituelle  ou  fiivine.  Dico  igitur  quod scientiœ  hujus- 
modi  SH'e  cognitiones  de  quibus  agilur,  non  siint  in  aniniabus 
humanis  ante  inspectionem  instiumentoruni  hujus  niodi,  sed 
Jiunt  in  eis  et  de  noi'o  ad\'eninnt  durante  inspectione  quant 
dixi ;  quapropter  fiunt  irradiatione  lacis  spiritualis  subli- 
mions. Le  développement  de  ce  système  amène  des  considé- 
rations sur  la  puissance  de  la  musique,  sur  l'harmonie  de 
l'univers,  sur  la  position  de  l'ame  aux  confins  du  monde 
sensible  et  du  monde  intelligible,  embrassés  l'un  et  l'autre 
dans  son  horizon. 
Hist  Philo-  Brucker  et  d'autres  historiens  de  la  philosophie  ont  tenu 
soph.  t.  m,  p.  peu  de  compte  de  cet  ouvrage;  mais  Dupin,  et  dans  ces  der- 
785.  niers  temps  quelques  métaphysiciens,  en  ont  fait  des  éloges 

Bihiioth.nouv.  •  ui       »  -     '  M  »1  •  '  *    I 

I  X  p  6q  70    qui  nous  semblent  exagères;  car  ils  en  ont  loue  jusqu  au  Style 
Bi'ogi.    ùniv.  et  à  la  latinité.  Nous  en  avons  cité  assez  de  lignes  pour  qu'on 
t.  XIX,  p.  i5i,  puisse  immédiatement  juger  si  la  diction  de  Guillaume  est 
^^^'  ^  '■  aussi  élégante,  aussi  pure,  que  ses  panégyristes  le  supposent. 

A  la  vérité,  il  ne  procède  point  par  syllogismes;  il  use  moins 
qu'un  autre  des  formes  schohistiques  si  accréditées  de  son 
temps  :  celles  qu'il  emploie  sont-elles  plus  heureuses,  plus  na- 
turelles, moins  barbares?  nous  oserions  en  douter.  11  se  peut 
que  la  plupart  des  divisions  et  subdivisions  de  son  traité  lui 
appartiennent  ;  mais  il  s'agit  de  savoir  si  elles  sont  moins  arti- 
ficielles, moins  arbitraires  que  celles  qu'il  écarte;  sil  suit  en 
effet  une  méthode  plus  rigoureuse  et  plus  réelle.  Nous  avons 
retracé,  aussi  fidèlement  qu'il  nous  a  été  possible,  dans  l'a- 
nalyse qu'on  vient  de  lire,  la  succession  qu'il  établit  entre  les 
3uestions  qu'il  agite;  et,  s'il  le  faut  avouer,  il  nous  serait 
ifficile  d'y  reconnaître  un  étroit  enchaînement  des  idées, 
et  les  déductions  lumineuses  que  l'on  veut  admirer  chez  lui. 
Quant  au  fonds  de  ses  doctrines,  peut-être  n'y  verrait-on, 
en  les  examinant  de  près ,  qu'un  éclectisme  vague  et  indécis, 
où  s'entremêlent  et  se  heurtent  les  systèmes  de  Platon  et 


XIII  SIECLE. 


ÉVÈQÙE  DE  PARIS.  377 

<rAristole,  la  métaphysique  spéculative  et  les  croyances  re- 
ligieuses. Il  a,  dit- on,  dédaigne  les  théories  oiseuses  ;  c'est 
encore  un  point  sur  lequel  nous  n'aurions  à  répondre  que 
par  le  tableau  des  six  sections  de  son  ouvrage.  Il  nous  semble 
qu'on  pouvait,  même  au  xin*^  siècle,  entreprendre  plus  vé- 
ritablement l'étude  de  l'univers;  les  livres  de  Roger  Bacon 
nous  en  offriront  la  preuve.  Nous  n'en  demeurons  pas  moins 
])ersuadés  que  Guillaume  d'Auvergne,  par  les  caractères  ori- 
fjinaux  de  son  esprit  et  de  son  imagination  féconde,  méritait 
d'uccuper,  dans  l'histoire  de  la  philosophie  du  moyen  âge, 
plus  de  place  ou  d'attention  qu'il  n'en  a  encore  obtenu  ;  il  ne 
ressendjle,  en  effet,  à  aucun  des  docteurs  ses  contemporains; 
et  comme  il  n'a  point  laissé  d'école,  son  traité  De  Univcrso 
est  un  fait  piesque  isolé,  etparcela  même  plus  remarquable 
dans  les  annales  de  la  métaphysique. 

Le  tome  second  do  l'édition  de  ses  OEuvres,  publié  en 
1674»  se  compose  de  34^  sermons,  des  traités  de  la  Trinité 
et  de  lame,  d  un  supplément  au  traité  de  la  pénitence,  et  de 
la  dissertation  sur  les  bénéfices.  Il  n'est  pas  du  tout  certain 

Sue  Guillaume  d'Auvergne,  évêque  de  Paris,  soit  Fauteur 
es  sermons.  ] /opinion  qui  les  attribue  à  Guillaume  Pérault, 
Peraldus,  archevêque  de  Lyon,  est  beaucoup  plus  probable; 
Oudin  l'avait  d'abord  embrassée,  la  croyant  assez  justifiée 
par  le  manuscrit  de  Cuissy,  par  les  premières  éditions,  et 
par  d'anciens  témoignages.  Il  l'a  depuis  abandonnée,  sur  la 
foi  des  manuscrits  d'Angleterre,   et  il  a  incliné  à   penser 
que  le  prélat  lyonnais  n'avait  fait  qu'abréger  les  discours 
originairement  composés  par  l'évêque  de  Paris.  Les  Domini- 
cains, à  l'ordre  desquels  Guillaume  Pérault  avait  appartenu,      Script.  ordin. 
ont  revendiqué  pour  lui  tout  l'honneur  de  ces  prédications.  pr»d'c-  t.  l,  p. 
Ils  ont  invoqué  en  sa  faveur  l'autorité  des  historiens  ou  bio-  •^'"'^^■ 
graphes,  Bernard  Guidonis,  Sahanac,  Laurent  Pignon,  Louis 
de  Valleoleti;  celle  de  dix  éditions  publiées  de  i494  à  i632; 
celle  surtout  des  manuscrits  de  la  Sorbonne ,  du  collège  de 
Navarre,  de  Florence,  de  Venise  et  delà  Belgique.  Ils  ont 
de  plus  fait  observer  à  quel  point  le  style  de  ces  sermons 
diffère  de  celui  des  livres  authentiques  de  Guillaume  d'Au-      cuiiiei    Ar» 
vergne.  Les  discours  dont  il  s'agit  sont  distribués  en  trois  Opera,  1. 11,  p. 
séries  :  cent  onze  sur  les  épîtres  des  messes  dominicales,  de-  '-'^g- 
puis  le  i*^"^  dimanche  après  l'Epiphanie  jusqu'au  24*  après  la 
Trinité;  cent  quarante  sur  les  évangiles  des  mêmes  diman-      '  ^~ 
ches  ;  quatre-vingt-onze  sur  les  fêtes  des  saints.  Il  y  a  souvent      ^^S"*'*- 

Tome  X FUI.  Bbb 


2  7 


XIII  SIECLE. 


ao  |iag. 


P.  14,  i5. 


378  GUILLAUME  D'AUVERGNE. 

2  ou  3 ,  et  quelquefois  4  ou  5  sermons  pour  une  même 
solennité.  Leur  étendue  moyenne  n'est  guère  que  de  trois 
colonnes  in-folio,  dans  l'édition  de  1674,  où  ils  remplissent 
ensemble  ^jS  pages  .j  suivies  de  tables  et  de  sommaires.  Si 
l'on  veut  prendre  une  idée  du  style  et  de  la  science  de  ce 
prédicateur,  quel  qu'il  puisse  être,  voici  comment,  au  4*^  di- 
manche de  l'Avent,  il  explique  ces  mots  de  saint  Paul,  7)10- 
destia  vestra  nota  sit  omnibus  hominibus  :  «  JSotaiiduin  quod 
triplex  est  modestia  ;  scilicet  inodestia  cordis,  oris  et  operis. 
Modestia  in  corde  duplex  est  :  quœdam  restringit  superflui- 
tatem  cogitationuni ,  ad  quani  niodestiani  inducere  nos  débet 
illud  Micheœ  2  :  1  œ  qui cogitatis  inutile!  Alla  quœ  restringit 
superjluitateni  desideriorum ,  ad  quain  moneniur  prima  ad 
Timotheum  6  ubi  dicitur  :  Habentcs  alimenta  et  quibiis  tega- 
mur,  his  contenti  sinius.  Modestia  verb  oris  constringit  super- 
Jluitatem  verborum ,  ad  quant  nionemur  Ecclcsiastici  25  ubi 
dicitur  :  Non  des  aquœ  tiue  exitum  ncc  modicum.  A  quant 
vocat  Spiritus  Sauctus  verba  juxtii  illud  Proverb .  18  :  Aqua 
profunda  verba  ex  ore  ejus.  De  qud  aqud  dicitur  Proverb. 
\n  :  Qui  dimittit  nquam  caput  est jurgiorum.  Modestia  verb 
operis ,  excessum  in  opcribus  restringit.  De  qud  modestia pos- 
sumus  intelligere  illud  Ecclcsiastici  1 1  :  Est  qui  locupletatur 
parce  agendo  ,  quod  de  spirituali  locuplctatione  veruni 
est.  3)  On  voit  que  tout  l'art,  tout  le  soin  de  l'auteur  est 
d'adapter  des  textes  sacrés  aux  divisions  et  à  chaque  article 
du  sujet  qu'il  traite.  Dans  le  second  sermon  sur  l'évangile 

p  24/-i'5  ^^  j^"''  ^^^  Pâques,  il  est  parlé  de  la  dévotion  des  femmes; 
et  ce  n'est  encore  qu'un  tissu  de  passages  qui  nous  les  mon- 
trent assistant  aux  prédications,  à  la  passion ,  à  la  sépulture 
et  à  la  résurrection  de  Jésus-Christ.  Les  discours  sur  les 
saints  ne  contiennent  pjesque aucun  détail  biographique  ;  ils 
ne  consistent  pour  l'ordinaire  qu'en  explications  mystiques 
de  textes  de  la  Bible.  Quelquefois  le  saint  du  jour  n'est  pas 
même  nommé  ;  et  lorsqu'il  est  loué,  c'est  en  fort  peu  de  mots, 
au  commencement  ou  à  la  fin  du  sermon.  C'est  ainsi  qu'il 

p  56/  ^st  dit  de  saint  Nicolas  :  Demonstratur  nobis  tanquàm  vir 

admirabilis ,  imitabilis ,  honorabilis.  Admirabilis propter  mi- 
raculorum  operationem ,  imitabilis  propter  sanctam  conver- 
sationeni ,  honorabilis  propter  adeptam  dignitatem.  In  hdc 
intd  presenti  indutus  fuit  stotd  gloriœ  sacerdotalis ,  nunc 
indutus  est  stold  gloriœ  cœlestis.  Operatio  miraculorum  mr- 
tutem  sii'e  potestatem  nobis  ostendit,  quant  habuit  in  terra 


XIII  SIECLE. 


EVEQUE  DE  PARIS.  379 

existeiis,  ex  quâ  œstimare possumus  quant potestatem  habcat 
nunc  existens  in  cœlis.  Potestas  enim  non  est  diminuta ,  imo 
augmentata.  Nous  ne  croyons  pas  devoir  nous  arrêter  plus 
loiifî-temps  aux  trois  parties  de  ce  recueil,  d'abord  parce 
qu'elles  ne  sont  pas  en  elles-mêmes  d'une  très-haute  valeur, 
et  en  second  lieu,  parce  qu'elles  n'appartiennent  réellement 
pas  à  Guillaume  d'Auvergne.  S'il  y  a  lieu  d'en  rendre  un 
compte  plus  étendu,  ce  sera  plutôt  à  l'article  de  Guillaume 
Pérault,  vers  1260. 

En  imprimant,  d'après  un  manuscrit  de  Chartres,  les  4 
traités  de  la  Trinité,  de  l'ame,  delà  pénitence  et  des  béné- 
fices, Ferron  les  annonce  comme  inédits.  Ils  manquaient  en 
effet  dans  le  recueil  des  OEuvres  de  Guillaume  d'Auvergne, 
publié  par  Trajani,  en  1691,  à  Venise;  maià  le  livre  de  la 
Trinité  avait  paru ,  comme  nous  l'avons  dit,  à  Strasbourg  en 
1 5on.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  l'intitulé  :  Primus  tractatus  di- 
vinalis  niagisterii ,  c'était  une  moitié  de  l'enseignement  que 
l'auteur  appelait  sapienùal  et  divinal ,  et  qu'il  divisait  en 
deux  grandes  parties,  la  seconde  :  De  Vniverso;  la  première: 
De  Trinitate ,  notionihus  et  prœdicamentis  in  divinis.  Toute- 
fois ces  deux  traités  sont  fort  inégaux  en  étendue.  Celui  de 
la  Trinité  n'a  que  46  chapitres.  Les  propositions  établies  Guii.Anr.Op. 
dans  les  i4  premiers  se  traduiraient  littéralement  en  ces  ''  .Ig?""'"' 
termes  :  l'être  (ens)  se  dit  de  quelqu'un  selon  l'essence,  de 
quelque  autre  selon  (  ou  d'après  )  la  participation.  Ce  qui 
existe  d'après  son  essence  n'a  point  de  cause;  c'est  un  être 
tout-à-fait  simple,  qui  n'a  pas  besoin  d'être  revêtu  d'acci- 
dents, à  circumvestione  accidentiiim  alienum  ;  û  est  un  et 
n'admet  point  de  communauté;  il  est  la  cause  de  tous  les 
autres  êtres.  Toute  existence  secondaire  dépend  nécessaire- 
ment de  la  première,  et  a  besoin  d'elle  pour  devenir,  de  po- 
tentielle, actuelle.  La  puissance  est  le  principe  des  effets  et 
des  opérations.  Une  première  puissance  est  par  elle-même 
universelle;  elle  tient  ce  caractère  de  sa  propre  volonté  et  de 
sa  propre  sagesse.  Quoique  cette  sagesse,  cette  volonté  et 
celte  puissance  soient  éternelles,  il  n  a  pas  fallu  qu'elle  pro- 
duisit quelque  effet  de  tonte  éternité.  La  volonté  divine ,  en 
produisant  de  nouvelles  choses,  n'en  demeure  pas  moins 
immuable.  Toutes  les  choses  proviennent  de  l'immense  lar- 
gesse du  bienfaiteur  suprême,  employée  par  lui  selon  son 
plaisir.  Une  dernière  proposition  préliminaire ,  que  nous 
présenterons  dans  la  langoe  de  l'aatear,  toache  immédiate- 

Bbba 


XIII  SIECLE. 


38o  GUirXAUMK  D'AUVKSir.NE, 

tnent  au  dogme  de  la  Trinité  divine  :  Tria  aut  très  diclmus 
communicare  primani  essentiam ,  quorum  unum  hahet  eani 
Jontaliter  et  primitive ,  sccundum,  per  generationem  ah  ipso, 
tertium per processionem.  Guillaume  expose  comment  émaîie 
par  génération,  le  Verbe  est  égal  et  coéternel  à  son  Père, 
Dieu  comme  lui,  un  avec  lui;  et  comment  le  premier  père 
et  le  premier  engendré,  primogenitor  et  primogenitus ,  sont 
unis  par  l'éternel  et  premier  amour,  que  nous  appelons  l'Ks- 
prit  Saint,  troisième  personne  qui  consacre  l'unité  des  deux 
premières  :  Itci  ut  prima  dualitas  ista  sala  non  sit ,  sed  nc- 
cessario  requirat  tcrtiam  unitatem  quœ  conimwus  est  sociclas 
eorum, .  .  primœ  societatis  heatissimum  fœdus ,  primi  amoris 
primus fructus ,  piimi  amoris  complcxus  sive  suai'itas ,  prima- 
pacis  vinculum ,  prima  concordia,  primum  comj)lacitum ,... 
Spiritus  Sanctus.  L'amour  entre  le  Père  et  le  \  erhe  est  avec 
eux  une  même  essence;  c'est  un  seul  et  unique  amour,  unum 
numéro  amorem  inter  primos  amantes  se  invicem.  Dans  les 
développements  de  ces  idées,  nous  ne  remarquons  aucune 
explication  bien  précise  du  terme  Ae procession;  mais  l'auteur 
s'attache  à  trouver  des  images  de  la  Trinité  dans  les  produits 
de  la  nature  et  des  arts,  spécialement  dans  le  triangle  cqui- 
latéral,  et  surtout  dans  l'ame  raisonnable  qui  nous  oftre  les 
trois  phénomènes  de  la  vie,  de  la  pensée  et  du  sentiment, 
vita ,  apprehensio  et  ajfectio.  Il  s'occupe  aussi  de  la  distinc- 
tion des  trois  personnes,  ainsi  que  des  relations  qu'on  peut 
concevoir  entre  elles,  et  qui  nediflèrent  pas  de  ces  personnes 
mêmes.  Les  relations  divines,  appelées  ici  notions ,  s'expri- 
ment par  les  mots  de  paternité, de  filiation  et  de  procession, 
auxquels  certains  théologiens  ajoutaient  Xinnascibilité  du 
père  et  le  souille  commun  du  père  et  du  fils  :  Coniniunem  patri 
et filio  spirationctn  [qiid)  spirant  spiritum  sanctum.  Plu- 
sieurs questions  de  théologie  scholastique  sur  le  sens  et  les 
emplois  de  ces  Aénoxa\\\2X\ons  ou  prédicaments ,  sont  agitées 
dans  les  derniers  chapitres. 

Le  traité  de  l'Ame  est,  après  celui  de  l'Univers,  le  plus  long 

65-128.  ouvrage  de  Guillaume  d'Auvergne.  Il  n'a  que  y  chapitres, 

mais  dont  le  i*^'  contient  7  parties  ou  sections;  le  0.^  17,  le 
3*"  i4,  le  4^  4,  'e  5e  26,  le  6'  4i,  et  le  7^  a4;  en  tout  i33,  oii 
sont  entamées,  et,  aux  yeux  de  l'auteur,  résolues,   pres- 

65--3  que  autant  de  questions  psychologiques.  Les  premières  ne 

concernent  guère  que  la  définition  de  l'ame,  que  sa  sub- 
stance et  sa  puissance  le  plus  abstraitement  considérées. 


i:VKQUR  DE  PARIS.  38 1 


XIII  SIKCLE. 


Les  chapitres  JI  et  III  semblent  n'avoir  qu'un  seul  sujet,  la 
spiritualité  ou  l'immatérialité  de  lame  ;  mais  Guillaume  en-  :3-8(i-ioH 
treprcnd  l'examen  de  toutes  les  opinions  ou  hypothèses  qui 
tendent  à  nier  ou  à  modilier  ce  dogme.  Il  se  récrie  contre 
ceux  qui  |)rétendent  q-ue  le  corps  humain  ne  demeure  pas 
le  ruême  durant  la  vie  entière.  C'est,  dit-il,  sa  forme  seule 
qui  change  ,  l'individu  est  perpétuel.  L'ame  n'est  point 
cette  individualité;  elle  n'est  pas  un  nombre,  ni  une  har- 
monie, ni  un  corps  céleste  ou  aérien  ou  igné;  elle  n'est  au- 
cunement matière,  mais  une  substance  indivisible,  douée 
d'une  volonté  libre.  Ses  facultés,  appelées  ici  ses  puissances, 
ne  sont  pas  flistinctes  d'elle-même.  Entre  ces  facultés,  il  en  est 
une  qui  éclaire  les  autres,  c'est  l'intelligence  ou  la  raison;  et  une 
qui  leur  donne  à  toutes  des  ordres  absolus,  c'est  la  volonté.  La 
première  ne  remplit  <]ue  l'office  de  conseiller  d'état,  la  seconde 
exerce  un  pouvoir  royal.  Cependant  la  volonté  a  des  ccimais- 
sances  en  même  temps  que  des  désirs,  et  l'intelligence  des  ap- 
pétits aussi  bien  (pie  des  conceptions.  L'ame  est  un  tout  et  non 
une  partie  de  l'homme.  Le  chapitre  IV  nous  enseigne  qu'il  104-n.j. 
n'y  a  pas  dans  un  seul  homme  plusieurs  âmes;  que  l'em- 
tryon  ne  vit  point  par  lame  de  sa  mère;  que  les  membres 
s'organisent  avant  l'infusion  de  l'ame;  que  cette  infusion  n'a 
lieu  que  le  4G*=  jour  après  la  conception,  de  même  qu'il  a  fallu 
46  ans  pour  achever  le  temple  de  Jérusalem  xNous  apprenons 
dans  le  chapitre  V,  que  l'ame  du  fds  ne  provient  pas  de  no-ijc 
celles  du  père  et  de  la  mère;  que  Dieu  la  crée  et  l'unit  au 
corps;  qu'elle  n'est  donc  pas  engendrée;  qu'aucun  organe 
matériel  ne  contribue  à  la  former;  qu'elle  n'est  pas  créée 
hors  du  corps  humain,  ni  avant  l'instant  où  elle  commence 
à  l'animer;  que  néanmoins  ses  imperfections  et  ses  vices  sont 
les  effets  du  péché  originel;  que  delle-mcme,  et  par  sa  na- 
ture,  elle  eût  été  disposée  à  préférer  les  biens  spirituels  et 
insensibles  aux  corporels;  qu'elle  n'eût  acquis  les  idées  des 
choses  sensibles,  que  pour  mieux  connaître  et  mieux  aimer 
le  Créateur;  qu'altérée  par  ses  relations  avec  le  corps,  elle 
n'en  demeure  pas  moins  immortelle;  que  sous  la  dépendance 
des  sens,  elle  est  encore  capable  de  |)rogiès  continuels;  qu'elle 
est  indéfiniment  perfectible  :  Manifestum  est  igitur  profec- 
tum  sive  projicere  istius  non  esse  tenninabilem ,  neque  habere 
ultirnum  sui,  [sed)  infinituni  esse.  A  s'en  tenir  à  ces  expres- 
iSions,  on  croirait  trouver  dans  un  livre  du  xiii^  siècle  une 
opinion  qui  semble  glus  nouvelle  ;  mais  au  chapitre  'VI,  cette      i56-2o3. 


XIII  SIECLE. 


382  GUir.LAUME  D'AUVERGNE, 


perfectibilité  n'est  attribuée  qu'à  l'ame  dégagée  du  corps  et 
appelée  à  une  vie  future,  purement  spirituelle.  Plusieurs  ar- 
ticles de  ce  chapitre  sont  employés  à  prouver  l'immortalité  des 
âmes.  Aux  arguments  qui  tendent  à  ce  résultat,  s'entremêlent 
des  propositions  accessoires,  parmi  lesquelles  nous  remar- 
'quons  celle  qui  met  au  nombre  des  effets  du  péché  d'Adam,  le 
sommeil  que  l'ame  est  condamnée  à  partager  ici-bas  avec  les 
sens.  Selon  Guillaume,  il  serait  plus  exact  de  dire  que  le 
corps  est  dans  l'ame ,  que  de  dire  que  l'ame  est  dans  le  corps  ; 
il  admet  pourtant  cette  deuxième  manière  de  parler,  pourvu 
qu'il  soit  bien  entendu  que  lame  est  infuse  dans  tous  les  or- 
ganes, dans  tous  les  membres,  et  même  dans  les  os  et  les 
autres  parties  qui,  privées  de  sentiments,  restent  du  moins 

lo'i  /»>•  vivantes,  in  omni  parte  vivente  corporis  humani.  \,e  Vll^  et 
dernier  chapitre  traite  de  l'intelligence  envisagée  en  Dieu  et 
dans  les  créatures.  L'auteur  y  combat,  comme  en  son  traité 
De  Unwerso ,  l'hypothèse  d'une  intelligence  agente,  inter- 
médiaire entre  les  choses  intelligibles  et  l'instinct.  Le  surplus 
consiste  en  spéculations  qu'il  serait  permis  de  trouver  oiseu- 
ses,  quoiqu'on  ait  assuré  que  Guillaume  d'Auvergne  ne  s'en 
permettait  point  de  telles.  Celles-ci  concernent  la  science, 
la  conscience,  la  connaissance  que  peuvent  avoir  des  choses 
de  ce  bas  monde  les  bienheureux  et  les  damnés.  Le  docteur 
Guillaume  sait  pertinemment  que  les  âmes  des  défunts  font 
à  leurs  amis  vivants  de  fréquentes  visites  :  Dico  imprimis 
quod  niultoties  istudfit ,  videlicet  quud  ipsœ  animœ  defunc- 
toruni  charis  suis  hic  apparent. 

Nous  avons  rencontré,  dans  le  premier  tome  de  ses  Œu- 
vres, deux  traités  de  la  pénitence;  le  second,  moins  étendu, 
n  avait  que  i8  chapitres,  dont  le  dernier  même  n'était  point 

119  14:         achevé.  La  fin  de  ce  livre,  jusqu'au  chapitre  26  inclusive- 
ment, occupe  ig  pages  du  second  volume,  et  contient  de 
.    nouvelles  instructions  adressées  aux  confesseurs. 

L'édition  se  termine  par  un  livre  sur  les  bénéfices.  De 

j',8-260  Collntione  heneficiorum.  Il  y  est  parlé  d'abord  des  devoirs 
que  les  prélats  ont  à  remplir  comme  pères  des  fidèles,  comme 
architectes  de  la  maison  de  Dieu,  comme  chefs  de  la  milice 
chrétienne  armée  contre  les  démons.  Un  évêque  est  de  plus 
le  premier  des  pasteurs,  l'intendant  d'une  église,  le  fermier 
d'un  domaine  divin,  le  conducteur  d'un  char  mystique.  En 
toutes  ces  qualités,  il  doit  apporter  la  plus  sérieuse  attention 
à  la  distribution  des  emplois,  à  la  collation  des  bénéfices  : 


ÉVÈQUE  DE  PARIS.  383 

Guillaume  ne  craint  pas  d'avancer  que  les  nominations  ne 
sont  réelles  qu'autant  qu'elles  s'appliquent  à  des  sujets  capa- 
bles de  bien  remplir  les  fonctions  qu'on  leur  conlie,  et  fer- 
mement décidés  à  n'en  négliger  aucune.  Le  6*  et  dernier 
chapitre  condamne  la  pluralité  des  bénéfices. 

Quelque  nombreux  que  soient  les  articles  rassemblés  dans 
ces  deux  tomes,  on  n'y  retrouve  pas  tous  les  livres  ou  opus- 
cules qui  ont  été  cites  sous  le  nom  de  Guillaume  d'Auvergne. 
Mais,  à  vrai  dire,  il  n'y  manque  qu'un  seul  article  bien  au- 
thentique, savoir  la  censure  de  dix  propositions,  solennelle- 
ment prononcée  par  ce  prélat.  C'est  une  fort  petite  pièce 
qui  n'occupe  qu'une  colonne  et  demie  dans  le  tome  XXV  de 
la  grande  lïibliothèque  des  Pères.  T^es  lo  erreurs ,  dctcstabilcs 
errores ,  condamnées  par  l'évêque  de  Paris,  consistaient  à 
prétendre  r  que  la  divine  essence  n'est  et  ne  sera  vue  en  elle- 
même  ni  par  les  anges  ni  par  les  saints;  a°  que  cette  essence 
est  une  dans  le  Père  et  dans  le  Fils,  mais  non  dans  le  Saint- 
Esprit  ;  3°  qu'en  tant  qu'amour  et  que  lien ,  l'Esprit  Saint  ne 
procède  que  du  Père;  4°  qu'il  y  a  des  vérités  éternelles  qui 
ne  sont  pas  Dieu  même;  5"  que  le  principe  est  distinct  du 
Créateur,  et  la  création  de  la  créature;  6"  que  le  mauvais 
ange  fut  mauvais  dès  le  premier  instant  de   sa  création; 
7°  que  les  âmes  et  les  corps  des  bienheureux  ne  seront  pas 
dans  le  ciel  empyrée  avec  les  anges,  mais  dans  le  ciel  aqueux 
ou  cristallin,  au-dessus  du  firmament;  8"  qu'un  ange  peut, 
quand  il  le  veut,  être  à  la  fois  en  divers  lieux  et  même  par- 
tout, 9°  que  celui  qui  a  reçu  de  meilleurs  dons  naturels, 
obtiendra  une  plus  grande  grâce,  acquerra  une  plus  grande 
gloire;    io°  que  ni  le  Diable  ni  Adam  n'avaient  de  quoi  se 
maintenir  dans  l'état  d'innocence.  Guillaume  énonce  et  dé- 
clare orthodoxes,  par  conséquent  les  seules  admissibles  en 
cette  matière,  les  dix  propositions  qui  contredisent  celles-là. 

Des  écrits  intitulés  :  Summa  virtutum  ,  de  Operibus 
virtutum ,  Summa  vitiorum ,  de  Triginta  remediis  tcntatio- 
num,  de  Animabus  hunianis ,  de  CLaustro  aniinœ ,  de  Pas- 
sione  Domini ,  de  Primo  principio ,  de  Bono  et  malo ,  de 
Dono  scientiœ ,  de  Dœmonibus ,  de  Professione  novitiorum. , 
sont  indiqués  par  Trithème  et  par  quelques  autres  biogra- 
phes,  comme  des  productions  de  Guillaume  d'Auvergne.  Il 
est  aisé  de  reconnaître  que  ces  titres  sont  applicables  à  des 
parties,  plus  ou  moins  étendues,  des  traités  compris  dans 
l'édition  de   1674-  Ce  sont  des  fragments,  des  chapitres ,- 


XIII  .SIECLE. 


XIII  SIKCLE. 


384  GUILLALME  D'AUVERGNE. 

des  livres  dont  on  a  fait  des  copies  ou  des  éditions  parti- 
culières. 

Restent  des  épîtres  à  divers  personnages  :  Epistolœ  ad 
diverses,  dont  Trithèrne  fiiit  aussi  mention;  un  traité  contre 
les  exemptions  des  réguliers,  et  des  commentaires  de  la 
Bible.  Mais  il  n'existe  aucun  manuscrit  des  lettres;  et  l'on  a 
tout  lieu  d'attribuer  le  livre  contre  les  privilèges  des  moines, 
à  Guillaume  de  Saint-Amour,  nommé  quelquefois  Cuillcl- 
nms  Parisicnsis ,  plutôt  qu'à  un  prélat  qui  s'est  toujours 
montré  fort  dévoué  aux  intérêts  des  religieux.  (^)uant  aux 
commentaires  sur  le  Psautier,  sur  les  Proverbes,  sur  l'Ec- 
clésiaste,  sur  le  Cantique  des  cantiques,  sur  saint  Maltliieu, 
sur  les  E[)îtres  et  les  Evangiles,  ils  ont  tous  paru  apocryphes. 
L'auteur  en  est  fort  incertain  :  on  peut  hésiter  entre  saint 
Anselme,  Pierre  Babion  ,  le  dominicain  Guillaume  de  Paris, 
et  le  personnage  moins  connu  appelé  Guillerin  en  plusieurs 
copies  manuscrites  et  imprimées. 

L'omission  de  la  censure  des  lo  propositions,  la  repro- 
duction de  342  sermons  aussi  fastidieux  qu'apocryphes,  et 
quelques  interversions  dans  l'ordre  des  écrits  authentiques, 
tels  sont  les  principaux  reproches  que  l'édition  de  iGn^  peut 
mériter.  A  notre  avis,  elle  ei^it  dû  commencer  par  les  trois 
grands  traités  de  la  Trinité,  de  l'Univers  et  de  l'Ame,  en 
donnant  pour  appendice  à  ce  dernier  l'opuscule  sur  l'Immor- 
talité; contenir  ensuite  dix  traités  tliéologiques  que  nous 
avons  indiqués,  y  compris  celui  Decausis  cur  Deushonio,  et  la 
Rhctorica  divina ;  puis  les  dix  livres  sur  les  sacrements,  en 
rapprochant  les  trois  articles  (|ui  concernent  la  pénitence;  et 
se  terminer  parle  traité  des  bénéfices,  suivi  du  décret  contre 
les  10  erreurs.  Ces  divers  ouvrages  auraient  pu  être  accom- 
pagnés d'un  petit  nombre  de  notes  critiques,  et  précédés 
d'une  notice  historique  sur  l'auteur.  Ce  sont  là  des  soins 
qu'on  ne  manquerait  point  de  prendre  aujourd'hui;  mais  il 
y  a  peu  d'apparence  qu'on  réimprime  Guillaume  d'Auvergne. 
Ses  ouvrages  ne  peuvent  plus  servir  qu'à  l'histoire  des  étu- 
des qui  l'ont  occupé.  Ils  montrent  qu'au  xni^  siècle,  comme 
en  tous  ceux  oii  l'esprit  humain  a  pris  quelque  activité,  on 
a  senti  l'importance,  beaucoup  plus  que  la  difficulté,  des 
questions  relatives  à  la  cause  première  de  toutes  choses,  à 
la  formation  de  l'univers,  aux  éléments  qui  le  constituent, 
à  l'ordre  qui  le  conserve,  à  l'origine  des  idées  qui  le  repré- 
sentent, et  à  la  nature  des  êtres  intelligents  qui  aspirent  à  le 


ROBERT  DE  BETHUNE.  385 

connaître.  Dès  que  le  goût  de  l'instruction  commence  à  se 
ranimer,  ces  épineuses  discussions  se  renouvellent;  toujours 
les  mêmes,  quoique  sous  les  formes  très-fliverses  que  leur 
impriment  les  mœurs,  les  langues,  les  institutions  politiques 
et  les  croyances  religieuses  de  chaque  âge.  S'il  est  vrai  que 
l'observation  et  l'expérience  puissent  y  jeter  parfois  quelque 
notion  véritablement  neuve,  ce  n'était  point  à  l'époque  où 
écrivait  Guillaume  d'Auvergne  qu'on  pouvait  tendre  à  ce 
genre  de  progrès.  D. 


Xni  SlKCt.E. 


ROBERT  DE  BÉTIIUNE, 

A^OUÉ   D'ARRAS.  mort  en  ,,48. 

L/A  famille  de  Béthune  était  illustre  dans  les  fastes  de  la  AndréDuChes- 
noblesse,  dès  avant  l'an  mil  de  notre  ère,  puisque  Robert,  "«".Hist. gén.de 
dit  Faisseus,  seigneur  de  la  ville  de  Béthune  et  avoué  d'Ar-  |^  "'^'^""'•'^b«- 

o  Ihtine    p.   3. 

ras,  vivait  sous  le  règne  de  Hugues  Capet,  chef  de  la  troi- 
sième lignée  des  rois  de  France.  La  ville  de  Béthune  en 
Artois  lui  appartenait,  et  lui  avait  donné  son  nom.  Les 
aînés  de  cette  famille  étaient  barons,  et  joignaient  à  ce 
titre  celui  d'avoués  d'Arras,  c'est-à-dire  de  l'église  et  de 
l'abbaye  de  Saint -Yaast  d'Arras;  car  la  charge  d'avoué, 
en  latin  advocatus ,  qui  avait  été  introduite  pour  main- 
tenir les  droits  et  les  biens  temporels  des  ecclésiastiques 
et  des  serviteurs  de  Dieu,  contre  les  entreprises  et  les  op- 
pressions des  puissances  séculières,  n'était  confiée  qu'à  des 
personnes  de  haut  rang. 

Robert  VIP  et  dernier  du  nom,  dont  nous  avons  à  parler  „ 
ici,  était  titré  de  seigneur  de  Béthune,  de  Tenremonde,  de 
Richebourg  et  de  Warneston,  avoué  d'Arras  et  de  Saint- 
Bavon  de  Gand.  Jl  était  second  fils  de  Guillaume  de  Béthune 
et  de  Mahaut  de  Tenremonde.  En  121 3,  n'étant  encore  que 
chevalier-banneret,  et  ayant  été  envoyé  comme  chef  d'am- 
bassade à  Jean,  roi  d'Angleterre,  par  Ferrant,  comte  de 
Flandre,  qui  venait  de  rompre  sa  paix  avec  Philippe-Auguste, 
il  harangua  ce  roi,  et  le  tit  consentir  à  envoyer  du  secours  à 
son  prince.  Revenu  d'Angleterre  avec  la  troupe  auxiliaire 
que  commandait  le  comte  de  Sarisbéry,  il  combattit  avec 

Tome  XVIU.  G  c  c 


Xlir  SltXLE. 


386  ROBERT  DE  BETHUNE, 

elle  contre  celles  du  roi  de  France.  Peu  de  temps  après,  le 
comte  de  Flandre,  voulant  aller  lui-même  en  Angleterre 
pour  y  obtenir  de  nouveaux  secours,  Ht  repartir  ses  ambas- 
sadeurs pour  devancer  son  arrivée.  Le  roi,  les  recevant  à 
Windsor,  leur  dit  :  «  Seigneurs,  vos  sires  le  comte  de  Flan- 
dres est  arrivez  en  ceste  terre.  »  A  quoi  Robert  de  Béthune, 
p.issionne  pour  l'honneur  de  son  prince,  répondit:  "  Sire, 
(juattendez-vous  que  vous  n'alez  à  l'encontre  ?  »  et  le  roi  dit 
en  souriant  :  «  Oez  de  ce  Flamenc ,  qui  cuide  que  ce  soit  grant 
cose  de  son  seigneur.  »  Robert  repartit.-  »  Par  le  fby  que  je 
(loy  Dieux  ,  si  est-ce.  »  Le  roi  rit  plus  fort  en  entendant  cela, 
eL  cependant  montant  à  cheval,  il  alla  au  devant  du  comte 
jusqu'à  Cantorbéry.  L'an  suivant,  Robert  s'étant  trouvé  avec 
son  suzerain  à  la  bataille  de  Bouvines,  fut  fait  prisonnier 
en  même  temps  que  lui.  Un  courtois  chevalier,  en  la  puis- 
sance duquel  il  tomba,  lui  lendit  sa  liberté  moyennant  une 
rançon;  mais  le  comte  de  Flandre  fut  enfermé  dans  la  tour 
du  Louvre  alors  nouvellement  bâtie. 

A  la  mort  de  Guillaume  de  Béthune,  ses  fils  s'étant  par- 
tagé son  héritage,  Daniel,  l'aîné,  eut  toutes  les  propriétés 
paternelles;  tandis  que  Robert  et  ses  cadets  n'eurent  qu'en 
promesse  celles  de  Alahaut  leur  mère.  En  1222,  il  ratifia  la 
charte  que  son  frère  aîné  avait  octroyée  aux  bourgeois  de 
Béthune.  Ce  dernier  frère  étant  mort  sans  enfants  en  1226, 
Robert  succéda  à  ses  titres  et  à  ceux  de  sa  mère ,  morte  deux 
ans  auparavant,  a  Ensuite  de  quoi  (  dit  Du  Chesne),  n'ayant 
s  point  encore  alors  de  femme,  il  arrêta  ses  pensées  sur 
«  une  dame  de  grande  et  illustre  extraction  ,  appelée  Isabeau 
«  de  Moreaumès.  »  Ce  mariage  se  fit  en  i2'3o.  Trois  ans 
après,  la  veuve  du  comte  de  Flandre  ayant  envoyé  une 
petite  armée  pour  combattre  les  Stadingues,  hérétiques 
allemands,  contre  lesquels  Grégoire  IX  avait  fait  prêcher 
une  croisade,  le  baron  Robert  en  eut  le  commandement,  et 
recueillit  ainsi  le  principal  honneur  de  la  victoire.  Ce  fut  ce 
même  baron  qui  fit  entourer  la  ville  de  Béthune  de  fossés 
et  de  murailles,  et  qui  la  fortifia  de  nouveaux  boulevarts  en 
1237  et  1238.  Le  sire  de  Béthune,  après  avoir  mis  ordre  à 
tous  ses  biens,  et  répandu  ses  largesses  sur  les  églises  de  ses 
terres,  et  surtout  sur  celle  d'Arras,  partit,  comme  c'était 
alors  l'usage,  pour  le  voyage  de  la  Terre-Sainte.  Mais  ayant 
pris  son  themui  par  le  royaume  de  Sardaigne,  il  y  demeura 
malade  dans  le  château  de  Challes,oùil  acheva  le  cours  de 


AVOUE  D'ARRAS.  38; 

sa  vie,  le  deuxième  jour  de  novembre  1248.  Son  corps  fut  

rapporté  en  France,  inhumé  dans  l'église  de  Saint -V^iast 
d'Arras,  contre  la  clôture  du  cliœur,  et  son  tombeau  orné  à 
l'entour  de  trois  écussons  à  la  fasce  de  gueule.  Pnuv.s  du  1. 

André  Du  Chesne.qui  nous  a  fourni  la  vie  de  Robert  de  '",'!'•„'"  """°" 

111  I  r>  1       •  >      PI  lielli    p.  1 

Béthune,  a  aussi  recueilli  dans  les  Preuves  relatives  a  1  his- 
toire de  cette  maison  ,  les  actes  que  fit  ce  seigneur,  et  qui  se 
trouvaient  répandus  dans  les  annales,  les  chroniques  et  les 
cartulaiies  du  temps.  Ces  actes,  au  nondjre  d'environ  qua- 
rante, tant  en  latin  qu'en  français,  Ont  rapport  à  des  ventes, 
à  des  dons,  à  des  éciianges,  à  des  privilèges,  chartes,  legs, 
conventions,  traités, etc.  T.es  deux  suivants,  que  nous  trans- 
crivons, suffiront  pour  donner  une  idée  des  autres.  Prcu*M,p«j;. 

Voici  le  premier:  Ego  liobertus  attrehatensis  nd\'ocatus , 
Bethuniœ  et  Teneretnundœ  dominus ,  Notum  facio  omtdbus 
prœsentibus  et  futuris,  quod carissimiis  lionio  meus  Daniel  de 
Douidet  Mnthildis uxorejus  vendideriint spontaned  voluntate 
Eurardo  Plankele  et  Henrico  dicta  C  astellano ,  burgensi 
Bethuniensi ^  etc. ,  omnesproventastotius  tcrnv  suœ  de  Hiiiger 
clause  et  integj'nliter,  quant  tenent  de  domino  Baldeuino  de 
Obrecicourt  et  de  domino  Guillietmo  de  Gicuenchi  militibus 
et  honiinibus  nieis ,  etc.  Ego  auteni  ad\>ocatus  prœdictus  ad 
petitionem  Danielis  et  ejus  uxoris  istam  coni'entionem  tcneor 
ipsis  burgensibus ,  salvo  meo  sen'icio,  tauquam  dominus  ga- 
randire.  Huic  com'entioni  prœ sentes  fuerunt  Pares  de  ït^ar- 
neston ,  etc. ,  etc.  Et  ut  hoc  ratum  et  stabile  permanent , 
prœsentem  cartulam  sigilli  mei  munimine  roboravi ,  anno 
Domini  MCCXXXI,  mense  junio. 

Voici  le  second  :  «  Sachent  tout  cil  ki  sunt  et  ki  à  venir 
«  .sunt,  que  iou  Robers,  avovez  d'Arras,  sires  de  Béthune 
a  et  de  Tenremonde ,  ay  donné  al  commun  les  canonnes  del 
«  église  Saint-Bertemieu  ,  vingt  liures  de  parisis  cascun  an,  à 
«  prendre  au  toulieu  et  as  rentes  de  le  Halle  de  Béthune, 
«  pour  Diu,  et  en  aumosne,  et  pour  l'ame  de  mi  et  mes  an- 
«  cisseurs,  et  à  prenilre  cascun  an  après  mon  décès.  Et  pour 
«  chou  est  tenue  l'église  deuant  dicte  à  faire  cascun  an  men 
«  anniversaire.  Chou  fut  fait  el  royaume  de  Sardaigne  al 
«  castel  de  Châles.  Et  pour  chou  ke  chou  soit  ferme  chose  et 
«  estaule,  iou  Robers  deuant  dis  ay  ces  lettres  confermées  de 
«  men  scel.  Chou  fut  fait  en  l'an  del  incarnation  nostre  Sei- 
«  gneur  Jésu-Christ  mil  deux  cens  et  quarante-huit  ans,  le  nist.delamais. 
«  jour  des  âmes.  »  deB^ih.  p.  >i5. 

C  cca 


388     ROBERT  DE  BÈTflUNE,  AVOUÉ  D'ARRAS. 

-v vif    CI ^  C* X  \À 

Le  savant  historiographe  a  donné,  à  hi  fin  de  la  vie  de  notre 


baron  ,  la  gravure  de  son  mausolée,  et  dans  les  Preuves,  plu- 
sieurs modèles  de  la  figure  de  son  sceau,  où  il  est  représenté 
sur  un  cheval  richement  caparaçonné,  armé  de  pied  en  cap, 
et  lepée  tirée.  On  y  voit  aussi  celui  d'Isabeau  sa  femme, 
ayant  une  toque  en  tète  et  un  lis  dans  la  main  droite. 

Du  Chesne,  dans  ce  qu'il  a  écrit  de  Robert  de  Béthune, 
n'a  pas  fait  mention  d'un  acte  plus  important  que  tous  ceux 
qu'il  rapporte  de  ce  seigneur;  nous  voulons  parler  de  la 
Coutume  de  Tenremonde,  qu'il  rédigea  en  l'an  i233,  quand 
les  notables  de  cette  ville  tinrent  leurs  étals  généraux,  ré- 
visèrent leurs  coutumes,  et  les  décrets  de  leurs  anciens 
jjrinccs ,  et  que  Robert  ,  leur  seigneur  ,  dressa  ,  de  leur 
consentement,  la  nouvelle  Coutume,  et  lui  donna  sa  sanc- 
tion. Cet  acte  renferme  trente-un  articles,  dont  quelques-uns 
sont  assez  remarquables.  Selon  l'article  II,  tout  citoyen  ac- 
cusé d'un  forfait  doit  être  cité  à  comparaître  pendant  trois 
jours  de  .«uite,  et  s'il  ne  vient  pas  se  disculper,  il  ne  peut  être 
condamné  comme  coupable  qu'après  la  troisième  citation. 
L'article  IJI  porte  que  si  un  banni  traite  avec  le  seigneur  de 
Tenremonde  pour  rentrer  dans  ses  foyers,  il  fie  le  pourra, 
nonobstant  le  consentement  de  ce  dernier,  (ju'après  avoir 
payé  aux  bourgeois  la  somme  de  soixante  sous  pour  l'entre- 
tien de  la  citadelle.  L'art.  XX  veut  que  celui  qui  sera  convaincu 
de  viol  ait  la  tète  tranchée.  Le  XXF  ordonne  la  peine  du 
talion  envers  les  meurtriers.  L'art.  XXVIII  statue  que,  si  le 
seigneur  de  Tenremonde  ou  quelque  autre  veut  diriger  une 
poursuite  contre  un  ou  plusieurs  échevins,  la  cause  ne  peut 
être  plaidée  que  devant  les  échevins  d'Anvers.  Le  suivant 
porte  que  si  le  seigneur  veut  faire  quelque  changement  dans 
les  usages  d'un  bourg,  il  ne  le  pourra  qu'avec  le  consen- 
tement des  échevins  de  ce  bourg.  Enfin  1  art.  XXX  contient 
une  disposition  que  n'ont  vue  chez  eux  que  bien  tard  les 
peuples  qui  se  disent  les  plus  libres  :  «  Nous  voulons,  dit  cet 
<e  article,  que  les  bourgeois  de  Tenremonde  ne  puissent  pas 
«  être  mis  en  prison,  s'ils  ont  des  répondants  suffisants.  » 
Cette  Coutume  a' été  rapportée  par  David  Lindanus  dans 
Lind.paR. r)3.  gon  Histoire  de  Tenremonde,  e't  par  Grararriaye  dans  ses 
Giossar.  ad  ^^f^q^if^^  belîTes ;  Du  Gange  l'appelle  «  la  Charte  des  libertés 
de  la  ville  de  lenremonde.  »  r.  il. 


XIII  SIECLE. 


RAIMOND  VU, 

COMTE  DE  TOUr.OUSE.  «oRxeBUiig. 


J\l 'ayant  parle  du  comte  de  Toulouse,  Raimond  VI,  que 
dans  les  articles  de  Simon  de  Montfort,  d'Arnauld,  abbé  de 
Cîteaux,  et  de  quelques  autres  personnages,  nous  en  use- 
rions de  même  à  l'égard  de  Raimond  VII,  si  nous  avions  eu 
autant  d'occasions  de  faire  mention  de  lui.  Son  nom  ,  comme 
celui  de  son  père,  appartient  à  l'histoire  des  troubles  civils 
et  religieux,  bien  plutôt  qu'à  celle  des  lettres;  et  les  événe- 
ments de  sa  vie ,  racontés  en  divers  livres  du  moyen  âge  et 
des  temps  modernes,  l'ont  été  plus  complètement  qu'ailleurs 
dans  le  tome  III  de  l'Histoire  du  Languedoc,  des  bénédic- 
tins. Nous  n'entreprendrons  pas  de  les  retracer.  Nous  dirons 
seulement  que,  né  en  ii^yet  succédant  à  son  père  Raimond 
VI,  en  1222,  il  eut  aussitôt  à  se  défendre  contre  Amaury  de 
Montfort  et  d'autres  persécuteurs,  qui  le  faisaient  excom- 
munier par  le  pape  et  par  les  conciles,  harceler  et  déposséder 
par  les  rois.  Loin  pourtant  d'être  hérétique  ou  fauteur  de 
l'hérésie,  il  commença  par  adresser  à  Philippe-Auguste  une 
déclaration  formelle  de  catholicité.   «  J'ai  recours  à  vous, 
«  seigneur,  lui  écrivait- il,  comme  à  mon   unique  refuge, 
o  comme  à  mon  seigneur  et  à  mon  maître,  et,  si  je  l'osais 
a  dire,  à  mon  proche  parent,  vous  suppliant  d'avoir  pitié  de 
«  moi,  et  de  me  faire  rentrer,  en  vue  de  Dieu,  dans  l'unité 
tt  de  la  sainte  Eglise,  afin  qu'après  avoir  été  délivré  de  l'op- 
«  probre  d'une  honteuse  exhérédation,  je  reçoive  de  vous 
«  mon  héritage.  Seigneur,  j'atteste  Dieu  et  les  saints  que  je 
«  m'étudierai  à  faire  votre  volonté  et  celle  des  vôtres.  J'au- 
a  rais  été  empressé  de  paraître  en  personne  devant  vous; 
a  mais  ne  le  pouvant  faire  à  présent,  quoique  je  le  souhaite 
«  avec  ardeur,  je  prie  votre  majesté  d'ajouter  foi  à  ce  que  lui 
a  diront  de  ma  part  Gui  de  Cavaillon  et  Isnard  Aldegarius^ 
«  porteurs  des  présentes.  Donné  à  Montpellier  le  i6  de  juin 

«    1222.  s 

2  8 


390      RAIMOND  Vil ,  COMTE  DP]  TOULOLlSE. 

XIII  SIÈCLE.  ^  ,  ,  ,  11,. 

Cette  lettre,  dont  le  texte  latin  et  la  traduction  se  lisent 


T.iii,p.3ai;  Jans  l'Histoire  du  Languedoc,  est  du  très-petit  nombre  de- 
376*^  '^°  "'  '  ^TÏt^s  portant  le  nom  de  Piaimond  VII.  Nous  n'aurions  guère 
à  y  joindre  que  ledit  qu'il  publia  le  18  février  i234,  contre 
les  Albigeois,  après  avoir  permis  à  leurs  ennemis  d'établir 
l'inquisition  à  Toulouse  et  d'investir  les  Dominicains  de  cette 
terrible  puissance.  Cet  édit,  dont  l'original  existe  dans  le 
Hist. des com-  Trésor  des  chartes,  a  été  publié  par  Catel  et  par  Labbe.  Il 
p'*35i^t"'eq"'*  ^^  compose  de  21  articles  trop  longs  pour  être  transcrits  ici. 
Concii.  t.  XI,  Voulant  purger  de  tout  levain  d'hérésie  ses  domaines  et  ceux 
p.  449««s«q-  de  ses  sujets,  Raimond  VII  ordonne  aux  barons,  aux  che- 
valiers, aux  baillis,  à  ses  autres  officiers,  de  rechercher 
scrupuleusement  les  hérétiques  et  de  n'en  épargner  aucun, 
de  confisquer  leurs  biens,  même  au  préjudice  de  leurs  héri- 
tiers légitimes,  de  raser  leurs  maisons,  ainsi  que  celles  où 
ils  auront  prêché  du  consentement  des  propriétaires,  celles 
encore  où  ils  auront  été  saisis  morts  ou  vifs;  de  soumettre 
à  une  amende  d'un  marc  d'argent,  les  habitants  des  villes, 
bourgs  et  villages,  pour  chaque  mécréant  découvert  sur  leur 
territoire,  etc.,  etc.  Une  si  aveugle  et  si  cruelle  intolérance 
affaiblit  extrêmement  l'intérêt  que  pourraient  exciter  les 
persécutions  dont  elle  n'a  pas  préservé  le  prince  qui  la  com- 
mandait. Dès  1235,  il  est  frappé  d'excommunication  par 
l'archevêque  de  Narbonne,  par  les  inquisiteurs  du  pape.  En 
1241,  il  répudie  son  épouse  Sanchie  d'Aragon,  et  l'année 
suivante,  il  se  laisse  engager  dans  une  ligue  contre  Louis  IX  ; 
ce  fut  pour  le  comte  de  Toulouse  une  nouvelle  cause  de 
malheurs  et  d'humiliations.  Il  réussit,  en  I245,  à  faire  casser 
par  le  concile  de  Lyon,  son  second  mariage  avec  Mar- 
guerite de  la  Marche,  mais  non  à  épouser  Béatrix,  héritière 
du  comte  de  Provence.  Après  un  voyage  en  Galice,  il  se 
rendit  à  la  cour  de  France,  promit  de  se  croiser,  et  retarda 
son  départ  jusqu'au  27  septembre  1249,  jour  où  il  mourut, 
âgé  de  62  ans,  à  Milhau  en  Rouergue.  Il  fut  enterré  à 
l'abbaye  de  Fontevrault,  auprès  de  Jeanne  d'Angleterre, 
sa  mère. 
T.lii,  p.  465.  Selon  Dom  Vaissette,  «  Raimond  VII  a  mérité  véritablement 
«  d'être  regretté  de  ses  sujets,  quoiqu'il  ne  fût  pas  sans  dé- 
«  fauts....  Il  était  doux,  affable,  libéral,  magnifique,  et  ne  man- 
te quait  ni  d'esprit  ni  de  jugement;  il  avait  donné  des  preuves 
«  éclatantes  de  sa  valeur.  . .  On  loue  aussi  sa  circonspection; 
o  mais  on  l'accuse  de  légèreté  et  d'imprudence  dans  sa  con- 


GUILLAUME  SHIRVOOD.  391 

«  duite.  . .  »  Nous  souscririons  plus  aisément  à  cette  censure 
qu'aux  éloges  qui  la  précèdent.  Les  récits  de  Vaissette  lui- 
même  serviraient  à  prouver  que  dans  presque  toutes  ses  en- 
treprises, Raimond  VII  adoptait  le  mauvais  parti,  et  que, 
lorsque. par  méprise  il  avait  embrassé  le  meilleur,  il  ne  tardait 
jamais  à  l'abandoniher.  Ce  n'est  guère  que  par  certaines  fon- 
dations pieuses  qu'il  s'est  attiré  les  louanges  de  quelques-uns 
de  ses  contemporains.  Plusieurs  églises  et  monastères  con- 
servaient des  chartes  par  lesquelles  il  leur  avait  donné  des 
marques  de  bienveillance  ou  de  li^jéralité,  mais  que  nous 
nous  abstenons  d'énumérer,  parce  qu'elles  ne  touchent  eu 
aucun. point  à  l'histoire  des  lettres.  Ce  qui  peut  le  mieux, 
justilier  la  mention  que  nous  avons  cru  devoir  faire  de  ce 
prince  ,  c'est  qu'il  est  permis  de  le  considérer  comme  le  véri- 
table fondateur  de  l'université  de  Toulouse.  Il  s'était  engagé 
à  entretenir  pendant  dix  ans  dans  cette  ville  des  profes- 
seurs de  théologie,  de  droit  canon,  de  philosophie  et  de 
grammaire.  Cet  établissement  s'est  maintenu  au-delà  des 
dix  années,  et  s'est  accru  de  chaires  de  droit  civil  et  de  mé- 
ilecine.  D^. 


XIII  SIÈCLE. 


«  «  *  *■%-•. «V^^w 


GUILLAUME  SHIRVOOD. 


MOBTVD  ni 


(joiLLAUMK  Shirvood  OU  ScHiRvooD ,  quelquefois  appelé 
Guillelinus  de  Monte  ou  de  Montibus ,  si  pourtant  c'est  bien 
un  même  personnage,  est  un  théologien  anglais  dont  aucun 
ouvrage  n'a  été  imprimé.  Nous  avons  donc  plus  d'une  raison 
de  ne  parler  que  fort  succinctement  de  sa  vie  et  de  ses  tra- 
vaux. Mais  il  a  étudié  à  Paris,  et  il  est  mort  à  Rouen  :  à  ces 
deux  titres,  il  peut  avoir  droit  à  une  mention  quelconque 
dans  nos  annales  littéraires.  Il  était  né  à  Durham,  on  ne  sait 
en  quelle  armée.  Après  avoir  fait  ses  premières  études  à  Ox- 
ford ,  au  collège  dit  de  l'Université ,  il  vint  les  achever  à  Paris, 
la  ville  des  lettres  en  ce  temps-là.  Henri  III  l'ayant  rappelé 
en  Angleterre ,  Shirvood  devint  archidiacre  de  Durham,  puis 
chanoineet  chancelier  de  l'église  de  Lincoln.  On  raconte  qu'à 
des  jours  et  à  des  heures  commodes,  il  prêchait  l'Evangile- 
au  peuple,  ou  il  adressait  aux  hommes  instruits  des  leçons  qjui 


392  GUILLAl  ME  SHIRVOOD. 

XIII  SIÈCLE.      ,  ,    .  ,  T  •        '    -         1       I'        •  •     ' 

étendaient  leurs  connaissances.  Les  intérêts  de  I  université 

d'Oxford  l'appelèrent  à  Rome  ;  il  y  plaida  la  cause  des  écoliers 
et  des  maîtres.  Son  zèle  charitable,  sa  prudence  et  sa  science 
contribuèrent  à  remettre  en  grâce  les  étudiants,  qu'un  interdit 
avait  frappes.  En  revenant  dans  sa  patrie,  il  mourut  à  Rouen 
en  i-2qi}:  Obiit eodem  anJio inagistcr  fPlll.  deDunelmo,  apud 
Bothomagum ,  rediens  à  Rotnana  caria,  dit  Matthieu  Paris, 


■  Maj.Angl.  e„  ajoutant  que  Shirvood,  pourvu  de  plusieurs  bénéfices, 
'  '"°'  aspirait  à  de  plus  riches  revenus,  ahundans  midtls  reddi- 


Hisl. 
pag.    5i 

tibus ,  amplioribus  inhiabat ;  mais  qu'il  tenait  d'ailleurs  un 
rang  émiiient  parmi  les  hommes  lettrés,  lilteratus  eniinen- 
tissiinc.  Un  hommage  plus  remarquable  lui  a  été  rendu  par 
Roger  Bacon,  dans  le  livre  De  laudibus  matheniaticœ  artls , 
adressé,  en  1266,  à  Clément  IV.  Recommandé  ainsi  par  les 
témoignages  de  ses  contemporains,  Guillaume  Shirvood  n'a 
Collecian.  Tol.  ^^  manquer  d'obtciiir  les  éloges  des  bibliographes  anglais  du 

199.  '       XVI*  siècle,  Leland,  Baie  et  Jean  Pitz. 

Script. iil.Maj.       Soii  principal  ouvrage  est  une  explication  des  quatre  livres 

Britanniae, t. IV,  ^^5  gentenccs ,  disposécj,  dit-on  ,  par  ordre  alphabétique,  et 
De  ili.Anglia  intitulée  :  Distinctiones  tlieologicœ,  ou  bien  aussi  JSumerale, 

Script,  ad  ann.  apparemment  parce  que  les  articles  en  sont  numérotés.  Il 

ia49,  p.  321.     jj'gii  existe  de  manuscrits  qu'en  Angleterre;  mais  ils  y  sont 
nombreux,  surtout  à  Oxiord  et  à  Cambridge.  Oudin  en  in- 
dique vingt-quatre;   l'auteur  y  est  nommé  Guillaume  de 
Comment,  de  Monte ,  plus  souvcTit  de  Moutibus ,  et  quelquefois  Lcycestcr. 

Script,  eccies.  t.  L'mjg  de  CCS  copics  renferme,  avec  le  Numéral,  un  traité 
''^  "'  des  similitudes,  dont  on  a  d'ailleurs  des  copies  particu- 
lières, sous  le  titre  même  de  SimUitudines ,  ou  sous  celui  de 
Siniilitudinariuni ,  su'e  de  cognitione  intellectuali.  Nous  n'a- 
vons pas  les  moyens  de  vérifier  si  ce  livre  est  distinct  de 
ceux  qui  portent  les  titres  de  Tropi  et  de  Summa  de  varia 
■verborum  significatione  per  magistrum  Guillelmurn  de 
Moutibus. 

Un  ou  plusieurs  traités  manuscrits  de  ce  même  Guillaume, 
relatifs  au  sacrement  de  pénitence,  sont  intitulés  dans  les 
manuscrits  :  De  Confessione  liber,  Spéculum  pœnitentiœ ,  de 
Pœnitentid,  Quomodo  religiosi  inovendi  sunt  ad  conjitendum. 
On  conserve  aussi  en  diverses  bibliothèques  de  la  Grande- 
Bretagne  quelques  copies  des  sermons  de  Guillaume  du  Mont 
ou  des  Monts,  chancelier  de  Lincoln,  qualification  qui  tend  à 
l'identifier  avec  Shirvood.  La  même  dignité  lui  est  attribuée 
flans  les  manuscrits  de  son  traité  des  prêtres ,  Tractatus  de 


JEAN  DE  LIMOGES.  SgS 

,  1         r»  1  ^UI  SIÈCLE. 

presbytens ,  et  de  ses  remarques  sur  les  Psaumes,  sur  les   — 

Proverbes ,  sur  d'autres  textes  sacrés.  Mais  les  articles  de  ce 
dernier  genre  ne  sont  que  de  simples  notes  recueillies  par 
les  auditeurs  de  ces  leçons  thëologiques  :  Collecta  ex  auditis 
in  schold  magistri  If^illelmi , .  . .  ad  memoriam  quorumdam 
ulilium  in  sacra  scripturâ.  Le  nombre  de  ces  divers  manu- 
scrits, y  compris  ceux  du  Numérale  ou  des  Distinctiones , 
s'élève  a  près  de  soixante.  D. 


JEAN  DE  LIMOGES.  — so 

iMous  ne  savons  rien  de  la  vie  de  Jean  de  Limoges  ou  de 
Launha,  sinon  qu'il  a  dédié  son  principal  ouvrage  à  Thi- 
bauld,  roi  de  Navarre,  comte  palatin  de  Champagne  et  de 
Brie.  On  suppose  qu'il  s'agit  de  Thibauld  III  qui  avait  épousé 
Blanche  de  Navarre. Dans  cette  hypothèse,  il  semble  difficile 
de  prolonger  jusqu'en  1260  la  carrière  de  l'auteur;  mais  elle 
a  pu  s'étondre  jusque-là,  et  plus  loin  même,  si  c'est  à  Thi- 
bauld IV  qu'il  a  offert  son  livre.  Sander  fait  mention  d'une      Bibhoth.  Beig. 
autre  production  de  Jean  de  Limoges,  restée  manuscrite  et  '*'  ***  ' 
intitulée  :  De  stylo  dictlonario ,  et  dont  il  n'est  guère  possible 
de  déterminer  le  sujet.  Mais  celle  qui  est  dédiée  à  Thibauld 
a  été  mise  au  jour  par  Wagenseil  en  1690,  par  J.  Alb.  Fa-     Adcalcemepis 
bricius  en  17 13  et  1722.  Elle  consiste  en  20  épîtres  écrites  '".*  ^f  ^J^™*" 
sous  les  noms  de  Pharaon,  roi  dLgypte,  et  de  Joseph,  nis  4». 
du  patriarche  Jacob.  Wagenseil  n'avait  connu  ni  la  XX*,  ni     CodeiPseude- 
la  XIX%  ni  les  dernières  lignes  de  la  XVIIP.  Ces  supplé-  P;g"'P»'»*  Ve.e- 
ments  ont  ete  publies  d  après  un  manuscrit  d  Upsai ,  par  Eric  Hainburgii7i3, 
Banzel,  et  depuis  par  Fabricius.  La  première  des  20  lettres  n'est  '■  \  P-  44 1-496- 
que  la  dédicace  même  des  suivantes, adressée  au  comte  de  — Bibiioih.incd. 

J,,  ,,  ,.'.,.  ,  .     ,        et  inf.  lal.  t.  IV, 

Champagne:  elle  annonce  les  sujets  qui  doivent  y  être  traites.  in-4",p- 90-94. 
Dans  la  seconde,  Pharaon  demandera  aux  magiciens  l'expli- 
cation de  son  songe.  Leurs  excuses  pour  se  dispenser  de  la 
donner  seront  exposées  dans  la  3*.  Le  rov  adressera  la  4*  à  ses 
ministres  et  à  ses  conseillers,  et  leur  ordonnera  de  cbercher 
par  toute  la  terre  un  plus  habile  interprète.  Par  la  5%  le  grand- 
échanson  indiquera  Joseph,  à  qui  Pharaon  écrira  la  6*.  Une 
correspondance  entre  Joseph  et  le  roi  remplira  les  10  sui- 
Tome  XV ni.  D  d  d 


2  8    * 


Xtll  SIECLE. 


394  JEAN  DE  LIMOGES. 

vantes,  et  roulera  principalement  sur  les  devoirs  àes  princes, 
La  17^,  écrite  par  les  courtisans  à  Joseph,  laissera  percer  la 
malveillance  à  travers  les  compliments.  Joseph  leur  répondra 
par  la  18'.  Les  deux  dernières,  qui  manquaient  en  iC>go  et 
1713,  étaient  dès  lors  indiquées  dans  la  i"^*  en  ces  termes  : 
m,  Detractorum  ad  Joseph  super  régis reforrfiaùone ;  20,  Jo- 
seph ad  ipsos  super  eorum  consolatione. 

Cet  ouvrage,  qui  remplit  environ  64  pages  in-8',  est  suivi 
des  mots  Explicit morale  somniu m  Pharaonis.  La  conception 
peut  en  paraître  originale,  et  le  distinguer  de  la  foule  des 
productions  du  même  âge.  Le  songe  de  Pharaon  demeure  le 
même  que  dans  la  Genèse:  Enimverb ,  dit  le  roi  d'Egypte 
à  ses  mages,  ut  prolixitalem  somnii  narrative  brcviloquio 
coarctemus ,  terrificâ  visione  videbamur  videre  scpteni  baves 
opulentissimas  à  totideni  ezanguihus ,  et  septeni  sjncas  refer- 
tissimas  a  totidem  inanibus  duplici  contritione  conteri  et  cun- 
sumi.  Mais  les  explications  et  les  discussions  que  ce  songe 
amène  sont  toutes  morales  et  mystiques.  Pharaon  ne  manque 
pas  d'attacher  une  haute  importance  au  nombre  j.  Il  parle 
des  y  planètes,  des  7  parties  de  la  philosophie,  des  7  arts 
libéraux,  distribués  en  trivium  et  quadriviuni ,  comme  les 
étoiles  du  grand  char  céleste;  des  7  branches  du  Nil,  etc. 
Ibi  faniosus  planetaruni  septenarius  septiformis  philosophiœ 
nwnerum  prœcunizat.  Ibiseptem  sidéra  in  unumcoadunata 
collegium  scptem  artes  insinuant  in  idem  studiuni  congre- 
gatas.  Ibi  très  stellœ  stellato  currui  prœcurrentes ,  triviales 
artcs  e/figiant ,  quadriviuni  prœcedentes.  Quand  Pharaon 
enjoint  à  ses  ministres  de  se  mettre  à  la  recherche  d'un  in- 
terprète, il  emprunte  les  formules  des  bulles  ou  lettres  pon. 
tificales.  Quocirca fidelitati  vestrœ,  sub  regalis  indignatiunis 
interminatione ,  prœcipiendo  mandamus ,  quateniis  onini 
tergiversationis ,  excusationis  aut  prorogationis  impedimenta 
sublato ,  circuire  terram  ac  perambulare  curetis,  donec  in- 
venire  mereamini  viruni  tantâ  virtute  prœditum ,  tanto 
luniine  cœlitùs  illustratum ,  oui  datum  sit  tantuni  nosse 
mysterium ,  etc. 

Le  style  de  ces  lettres  est  presque  toujours  périodique,  et 
fort  souvent  nourri  d'expressions  bibliques;  les  antithèses 
y  sont  fréq^uentes,  et  les  souvenirs  de  latinité  classique  ex- 
trêmement rares.  Du  reste  Joseph  n'adresse  guère  à  Pharaon 
que  des  leçons  vagues  et  communes,  qui ,  lorsqu'elles  se 
rattachent  aux  détails  du  songe,  aux  sept  vaches,  aux  sept 


GUILLAUME,  MOLNE  DE  TOURNAI.        SoS 

,    .  ,         j      .  ,        f       ...  /^  .  ,,         XIIISièCLE. 

epis,  nen  deviennent  que  plus  tastidieuses.  Cependant  elles  ■ 

excitent  l'admiration  du  prince,  qui  prend  la  résolution  d'en 
profiler.  Les  courtisans,  dont  le  langage  n'est  parfaitement 
clair  que  lorsqu'il  exprime  leur  servilité,  prient  Joseph  de 
modérer  la  sévérité  de  ses  interprétations,  la  rigueur  de  ses 
conseils.  Il  leur  répond  avec  assez  peu  de  ménagement  :  Jo- 
seph sen'us  justitiœ  (  il  n'est  le  serviteur  que  de  la  justice  ), 
prœpositus  JEgypùœ  regionis,  prudentibus  et  iitinam  prudeiu 
doribus  !  viris  scnioribus ,  domini  régis  cotisiJiariis ,  sapcre, 
intelligere  ac  novissima  providere . .  . .  O  insani  ductores , 
insensati  doctoresf  etc.  A  vrai  dire,  il  n'y  a  dans  ces  vingt 
lettres  que  de  stériles  déclamations.  Nous  n'en  avons  fait 
mention  que  parce  que  l'auteur,  d'ailleurs  peu  connu,  est 
désigné  comme  Français  par  son  surnom  de  Lemoviccnsis. 

D. 


GUILLAUME, 

MOINE  DE  SAINT-MARTIN  DE  TOURNAI.  tebsuSo. 

U  N  moine  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Tournai ,  ordre 
de  Cîteaux,  ne  se  voyant  occupé  d'aucun  travail,  se  mit  à 
parcourir  les  écrits  de  saint  Bernard,  pour  en  extraire  les 
plus  belles  pensées,  les  plus  édifiantes  maximes.  Cum  non 

esseni ,  dit-il,  alicui exercitio  magnoperè  occupatus ,  plaçait  B'Wioth. med. 

mihi  ut  opuscula  viri illustrissimi ,  beati  Beinardi ,  egregii  ab-  !  ',"54", 55     ' 

bâtis  Clarevallensis,  diligenter  inspiciendo  percurrerem,  etc.  Comment,  de 

C'est  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  de  la  vie  de  ce  reli-  Scr.eccles.  t.iii, 

gieux,  sinon  pourtant  qu'il  s'appelait  Guillaume,  qu'il  était  ''ropp. Bibiioth. 

probablement  Belge,  et  qu'il  faisait  cet  usage  de  ses  loisirs  Beig.t.i,p.4a4. 

vers  le  milieu  du  xiii«  siècle.  Fabricius  indique  l'année  1240,  Sander.    bj- 

Oudin  1246,  Foppens  1249.  On  n'a  point  de  document  qui  ^''°^'' "^'^^'b 

fournisse  une  date  précise.  Mais  le  recueil  dont  il  s'agit  a  Mabiilon,Ana- 

paru  remonter  vers  ces  époques  dans  les  manuscrits  qu'en  lecp-îïS.îig- 

possédaient  la  Bibliothèque  des  bénédictins  de  Tournai  et  i7d^au«*°col!' 

celle  de  Colbert.  Les  bibliographes  l'annoncent  sous  les  titres  »o8. 
de  Bemardinum  (  opus  );  Flores  ou  libri  decem  Sententiarum, 
excerpti  ex  openbus  et  scriptis  sancti  Bernardi.  L'an  i48a, 

Ddda 


396  GUILLAUME,  MOINE  DE  TOURNAL 

XTïI  STFCT  K 

'-  Jean  Roelhoff  de  Lubeck  a  imprime'  ces  dix  livres  d'extraiîs, 

Freyiag,  Ap-  en  3oo  pages  in-folio.  Ils  ont  été  reproduits  dans  le  même 

par.  liiter.  t.  II,  format  ct  CH  iSs  feuillcts,  sans  indication  de  lieu  ni  d'an- 

p.  879,880.  j^^g^  mais  selon  toute   apparence  à   Nuremberg,  avant   la 

Paozer,  Ann.  fin  du  XV*  siècle.  Frcytag  dit  que  ce  recueil  est  anonyme, 

'^P;'""'P'*^''  parce  qu'en  effet  le  cistercien  Guillaume  n'est  point  nommé 
n.  326.  ',  T      ,  .,  ,  ...  .  r  1      .   , 

dans  ces  deux  premières  éditions;  mais  son  noui  se  bt  a  la 

tête  de  la  3*,  exécutée  par  Philippe  Pigouchet  et  Durand 

ibid       32-    Gerler,  à  Paris,  en  i499.  in"4°  •  Guilelnii ,  Sancti  Martini 

n.  528.  '    Tornacensis  monachi  henediclini ,  Bernardus  sivc  flores  ex 

sancti  Bcrnardi  operibus.  Les  éditions   suivantes   sont   de 

Paris,  chez  le  même  Pigouchet  en  i5o3,  in-8°;  de  Lyon  en 

i566,  in-8°;  en  1670,  in- 12. 

Les  dix  livres  sont  précédés  d'une  notice  sur  saint  Bernard  : 

Relatio  de  sancto  Bernardo  ahbate ,  terminée  par  ces  deux 

vers  : 

Par  est  in  verbis  id  oiloriferis  opus  herbis; 
Nempe  gerit  flores  Beinardi  nobiliores. 

Le  prologue,  dont  nous  avons  transcrit  les  premières  li- 
gnes :  Cum  non  esscm  ,  etc. ,  est  suivi  de  deux  autres  vers  du 
même  goiît  : 

Flagrat  Bernardus  sacer  in  dictis  quasi  nardus, 
E  quibus  bic  tractus  liber  est  in  scripta  ledactus. 

Les  éditeurs  de  Paris,  en  i499i  ont  mis  à  la  suite  de  cette 
date  un  distique  ainsi  conçu  : 

Florida  melliflui  Bernardi  prata  peragrans, 
Hinc  tibi  nectareas  coUige,  lector,  opes. 

Les  pensées  mémorables  de  l'abbé  de  Clairvaux  sont  dis- 
tribuées comme  il  suit  dans  les  dix  livres  :  le  1*',  qui  com- 
mence par  les  mots  :  Quid  est  Deus?  traite  en  28  chapitres 
des  trois  personnes  de  la  sainte  Trinité;  le  2^,  en  un  même 
nombre  de  chapitres,  de  l'homme  et  de  l'ame;  le  3*,  des 
prélats  et  des  prédicateurs,  en  3o  chapitres;  le  4^,  des  clercs 
et  des  moines,  en  24;  le  5«,  des  vertus;  et  le  6*,  des  vices, 
l'un  en  48  chapitres,  l'autre  en  34-  Les  livres  7,  8,  9  ne 
peuvent  recevoir  que  le  nom  de  mélanges ,  les  questions  qui 
s'y  trouvent  résolues  ou  proposées  étant  fort  diverses.  Cette 
variété  s'étend  sur  une  grande  partie  du  livre  dixième  ou  der- 
nier, mais  il  a  pour  complément  des  éloges  de  la  sainte  Vierge  : 


SIGEll  DE  LILLE,  FllÈRE  PRÊCHEUR.        397 

De  quibtisdani  scnnonibus  veneiabilis  patris  Bcrnardi ,  in 
quibus  continentur  verba  quœdani  mclliflua  de  beatissitiia 
Dei  génitrice  Maria  ;  de  dignitate  et  excellentia  beatœ  Mariœ 
Virginis. 

On  voil  par  ces  détails  qu'une  suite  aussi  considérable 
d'extraits  diffère  essentiellement  de  ceux  qui,  sous  le  litre  de 
Flores  seu  Sententiœ  ex  sancti  Bernardi  operibus  deproniptœ, 
n'occupent  que  six  colonnes  (  i5(»f)-i574)  dans  le  premier 
volume  de  l'édition  de  saint  Bernard  ,  donnée  par  Ma- 
l)Ulon.  D. 


XIII  SlKCI.f. 


SIGER  DE  LILLE, 

OU 

ZEGHER  DE  ELANDRE. 

FRÈRE  PRÊCHEUR. 


VERS I2J0 


JLe  dominicain  Hyacinthe  Choquet,  auteur  de  notices  sur 
les  saints  de  son  ordre  qui  ont  appartenu  à  la  Belgique,  y 
comprend  le  frère  Siger  ou  Zegher  de  Flandre,  dont  il  ce-  ''^''i''  Beigii 
lèbre  la  pieté,  le  savoir  et  le  zèle  ardent  pour  le  salut  des  ""'S  "^  "^  ^ 
âmes.  Le  seul  écrit  de  Siger  qui  nous  soit  connu  est  une  vie 
de  sainte  Marguerite  d'Ypres  qu'il  avait  lui-même  con- 
vertie, consacrée  à  Jésus-Christ,  et  dirigée  dans  les  voies  de 
la  perfection,  jusqu'en  1237,  époque  oii  elle  mourut.  Cet 
opuscule  ne  se  retrouve  que  dans  la  vie  de  cette  même  bien- 
heureuse ,  par  le  frère  prêcheur  Thomas  de  Cantimpré  qui 
déclare  avoir  fliit  usage  de  l'écrit  de  Siger.  Thomas,  en  la 
dédiant  à  son  ami  Siger  de  Lille,  Aniico  et fratri in  Christo 
carissùno  Sigero  et  actione  et  ordine  prœdicatori  in  Insula  , 
dit  qu'un  matin  il  a  reçu  deux  petites  feuilles  de  parchemin, 
où  les  mémorables  actions  de  Marguerite  étaient  racontées 
par  Siger  lui  même,  à  qui  il  avait  demandé  cette  communi- 
«ation  :  Rogante  ergo  me,  uno  mane, . .  .  .  è  diiabus  mem- 
hranis  par\'ulis  memorabilia  vitœ  illius,  te  narrante,  siiscepi. 
Mais  Thomas  a  fait  d'amples  additions  à  ces  deux  feuilles. 
La  vie  de  Marguerite,  composée  par  lui,  a  beaucoup  plus 
d'étendue  dans  l'édition  que  Choquet  en  a  donnée  d'après  ,00'^"'  ''  '^^ 


398       SIGER  DE  LILLE,  FRÈRE  PRÊCHEUR. 

XIIISIÈCLF.  .  .  •.,.., 
plusieurs  manuscn»;s.iNous  reviendrons  sur  ce  sujet  a  I  article 

de  Thomas  de  Cantimprë,  (jui  mourut  probablement  entre 
Voy.Scr.  ord.  les  années  i263  et  1200.  Nous  plaçons  vers  1260  Sigcr  ou 
PnEd.t.i.p.  106  ^egher  de  Flandre,  qui,  selon  les  apparences,  était  un  peu 
plus  ancien,  et  sur  lequel  nous  n'avons  pas  d'autres  rensei- 
gnements positifs;  car  nous  ne  saurions  caractériser  ainsi 
ce  qui  est  rapporté  tie  ses  miracles  dans  le  livre  de  Choquet. 
L'aobé  Montlinot,  auteur  d'une  Histoire  de  Lille,  imprimée 
en  1764,  a  parlé  peu  respectueusement  de  ces  prodiges  et 
de  ceux  qu'opérait  Marguerite  d'Ypres;  et  il  en  a  été  vive- 
ment réprimandé  par  le  frère  prêcheur  Charles  Louis  Ri- 
chard, qui  a  mis  au  jour,  en  1704,  les  Histoires  du  couvent 
des  Dominicains  de  Lille  et  de  celui  des  dames  Dominicaines 
de  la  même  ville.  Ce  nouvel  historien  expose,  d'après  Thomas 
■  '^""*'  de  Cantimpré  et  Choquet,  ce  que  le  P.  Zegher,  que  d'autres 
nomment  Seger,  fit  avec  ses  compagnons  pour  la  gloire  de 
Dieu.  «  Animés  tous  de  cet  esprit  de  zèle  qui  caractérise 
«  l'homme  apostolique,  ils  opéraient  des  conversions  sans 
«  nombre,  non  seulement  dans  Lille,  mais  dans  les  lieux 
«  d'alentour  et  les  villes  voisines,  par  la  force  toute  divine 
«  de  leurs  discours  enflammés  et  soutenus  de  la  sainteté  de 
«  leurs  exemples.  L'une  des  plus  éclatantes  fut  celle  de  la  bien- 
tt  heureuse -Marguerite  d'Ypres.  Assistant  un  jour  au  sermon 
o  du  P.  Zegher,  elle  fut  si  touchée  de  son  discours  qui  roulait 
«  sur  les  vains  amusements  du  siècle,  qu'elle  conçut  dès  l'in- 
«  stant  même  le  désir  de  renoncer  au  monde,  pour  se  consacrer 
a  au  service  de  Dieu,  saisie  de  crainte  à  la  vue  du  danger 
«  qu'elle  avait  couru  par  sa  vanité  et  le  luxe  qu'elle  avait 
«  affecté  jusqu'alors  dans  ses  habits.  On  la  vit,  dès  ce  mo- 
«  ment,  se  livrer  tout  entière  aux  exercices  de  la  piété 
«  chrétienne.  Après  avoir  brisé  les  liens,  quoique  honnêtes, 
a  qui  l'attachaient  à  un  jeune  homme  qu'elle  devait  épouser, 
«  ses  progrès  dans  la  vertu  furent  si  rapides  et  si  soutenus, 
«  qu'elle  devint  bientôt  l'objet  de  l'estime  et  de  la  vénération 
Π des  grands  et  des  petits.  .  .  Combien  d'autres  conversions 
c  les  premiers  religieux  du  couvent  de  Lille  n'opérèrent-ils 
«  pas  dans  la  ville  et  les  lieux  voisins,  par  la  véhémence  de 
«  leurs  discours  et  la  ferveur  de  leur  pénitence?  On  remar- 
a  que  du  père  Zegher,  en  particulier,  qu'il  faisait  fondre  en 
«  larmes  et  éclater  en  gémissements  son  auditoire.  »  Ch.  L. 
Richard  ajoute  que  ce  zélé  prédicateur  mourut  en  odeur  de 
sainteté  vers  l'an  i25o.  D. 


XIII  SIÈCLK. 


JACQUES  DE  TOULOUSE, 

FRÈRE  PRÊCHEUR. 


VFBS  I  1  JO. 


vJn  conservait  chez  les  Dominicains  de  Toulouse  deux  gros 
volumes  intitules  :  Dictionariuni  theologicuin.  La  première 
lettre  de  l'ouvrage  était  ornée  de  la  figure  d'un  frère  prêcheur 
portant  le  plus  ancien  costume  de  cet  ordre.  L'écriture  sem- 
blait être  du  xiii^  siècle,  et  ditférer  assez,  de  celle  du  xiv*', 
pour  qu'il  y  ait  lieu  de  conjecturer  que  l'auteur  achevait  sa 
carrière  vers  l'an  i25o.  Il  se  nomme  au  commencement  de 
l'ouvrage  en  ces  termes  :  Ego  f rater  Tholosanus  Dei  et Domini 
nostriJesu  Chris ti et  ordinisfratrum  Prœdicatorum  servus  nii- 
nimus ,  inutilis  et  indignas.  Il  était  Toulousain  et  frère  prê- 
cheur; voilà  toutce  que  nous  savons  de  lui  ;etson  Dictionnaire 
théologique  n'est  connu  que  par  une  note  adressée  de  Tou- 
louse à  Quétif  en  1715.  L'auteur,  pour  indiquer  et  distinguer  Script,  ordio. 
le  sens  et  les  divers  usages  de  chaque  mot,  transcrit  des  textes  P"^*^'"^-  '•  i .  P- 
de  la  Bible  et  des  saints  Pères,  surtout  de  saint  Augustin,  où  ^''^' 
cemotestemployé.Parexemple  sous  le  mot  Excutere:  Excu- 
teret  atque  purgaret  frumeata  (Judic.  vi,  1 1  )  ;  Omnis  qui  teti- 
gerit  eum  ,  excutiet  maniis  (Eccles.  xxii  ,2);  Excutientur  et 
relinquentur  m'ibus,  —  Excutit  inanus  suas  ab  omni  munere , 
—  Excute  pulverem  et  consurge  (  Isaïe  xviii,  5  et  6,  -  xxxiii , 
i5,  -LU,  2  );  Excutient  comas  veluti  catuli  leonum  (  Jerem. 
Li,  38  ); Excutite  folia  ejus  (  Daniel,  iv,  u  );  Excutite pulve- 
rem de  pedibus  vestris  (  Matth.  x,  i4;  Marc,  vi ,  11;  Luc.  ix, 
5  )  ;  Excuticns  hestiani  in  ignein  (  Act.  Apost.  xxviii ,  5  ),  etc. 
Ces  séries  de  textes  rapprochés  pour  la  plus  grande  commo- 
dité des  professeurs  et  des  prédicateurs,  montrent  qu'on 
sentait  le  besoin  de  faire  un  plus  fréquent  usage  de  la  Bible 
et  des  saints  Pères,  dans  les  chaires  des  écoles  et  des  églises; 
mais  le  xni^  siècle,  auquel  remonte  l'idée  des  concordances 
bibliques,  a  laissé  d'autres  exemples  mieux  connus  et  plus  Voy.  l'article 
importants  de  ce  genre  de  travail.  Quant  aux  définitions  ""6""^''^^=''"'- 
grammaticales  et  aux  distinctions  que  Jacques  de  Toulouse 
joint  aux  textes  qu'il  transcrit,  telles  que  :  Manus  avuritiœ 
et  cupiditatis,  Verba  detractionis  et  vanitatis,  Opéra  iniqui- 
tatis ,  etc.,  elles  sont  si  sommaires  et  si  vagues,  que  nous  ne 


XIII  SIECLE. 


4oo  SIMON  DE  SAIJNT-QUENTIN , 

concevons  pas  de  quelle  utilité  elles  pourraient  jamais  être. 
II  nous  serait  donc  impossible  de  partager  les  vœux  que  for- 
maient les  Dominicains  de  Toulouse  pour  la  publication  de 
ce  dictionnaire.  Toutefois  le  frère  Percin  de  MontgaiiKird  fait 
mention  de  Jacques  Toulousain  ,  dans  le  volume  publie  sous 
le  titre  de  Monurnenta  conventûs  tolosani  Jratruin  Pnvdi- 
catoruni  et  de  Acadeniid  tolosand.  D. 


....„5„       SIMON  DE  SAINT-QUENTIN, 

FRÈRE  PRÊCHEUR. 

Edit.  Daac.  t.    f^^ 

iv,p.  ii86.  V_>i'est  par  Vincent  de  Beauvais  que  le  frère  prêcheur  Simon 
de  Saint-Quentin  est  connu  comme  auteur  d'une  Relation  de 
la  Tartarie.  On  lit  au  chapitre  2  du  livre  XXXI  du  Spéculum 
historiale ,  qu'en  1^45  Innocent  IV  envoya  dans  cette  con- 
trée le  frère  Anselin  (ou  Ascelin)  et  trois  autres  Domini- 
cains, porteurs  de  lettres  apostoliques  où  les  Tartares  étaient 
invités  à  embrasser  !a  religion  chrétienne;  et  c'est,  continue 
Vincent,  de  l'un  de  ces  quatre  religieux ,  de  Simon  de  Saint- 
Quentin,  que  je  tiens  les  détails  que  j'ai  insérés  en  divers 
endroits  de  mon  ouvrage,  sur  l'histoire  et  les  mœurs  de  ces 
^1209-1215.  iniidèles.  On  peut  donc  attribuer  à  Simon  une  très-grande 

I*.  1265.  .  r  1  I        f  -  III 

partie  de  ce  que  contiennent  de  relatif  a  ces  peuples  les  cha- 
pitres 69  à  89  du  livre  XXIX  du  Miroir  historial,  le  chapitre 
95  et  quelques  autres  pages  du  trentième  livre.  Au  trente- 
unième,  Vincent  annonce  qu'il  va  donner  des  extraits  du 
récit  de  Jean  de  Plancarpin  ,  pour  suppléer  à  ce  qui  manque 
dans  celui  de  Simon ,  ad  supplementum  eoruin  quœ  desiint 
in  prœdictà  fratris  Simonis  histond.  En  effet,  le  franciscain 
italien  Carpini,  missionnaire  de  cette  même  époque,  fournit 
les  premiers  matériaux  de  ce  dernier  livre,  depuis  le  chapitre 
troisième  jusqu'au  vingt-cinquième  qui  se  termine  par  ces 
mots  :  Hœc.  .  . .  eoccerpsinius  ex  ejusdem  fratris  Joannis  li- 
bello ,  ea  quœ  in  libro  fratris  Simonis  deerant  adjiciendo  ; 
de  cœtero  autem  ex  utroque  libello.  Vincent,  qui  indique 
p.  lag/i,         volontiers  les  sources  où  il  puise,  inscrit  le  nom  de  Simon 
à  la  tête  du  chapitre  a6,  et  cette  désignation  peut  s'étendre 


FRERE  PRECHEUR.  4oi 


Xlll  SIKCLK 


à  quelques-uns  de  ceux  qui  suivent.  Elle  est  expressément 
appliquée  au  Sa^.  On  lit  au  commencement  du  'i'5^ ^ /rater  p  ^  .^ 
Joannes;  du  Itl^^frater  Simon  ;  du  y^i^^frater  Joannes ;  du 
40*^,  ex  libello  fratris  Simonis.  Ensuite  il  n'y  a  plus  d'in- 
scription semblable;  mais  jusqu'au  5o^,  il  s'agit  encore  des 
Tartares,  et  sans  doute  Vincent  de  Beauvais  continue  d'ex- 
traire ce  qu'il  en  dit,  soit  de  Jean  de  Plancarpin ,  soit  de 
Simon  de  Saint-Quentin.  Il  nous  aj)pre!Kl  que  ce  dernier  a 
séjourné  en  Tartarie  deux  ans  et  six  semaines.  A  la  fin  du 
bi"^  ch.ipitre ,  l'auteur  du  Spéculum  historialc  passe  à  d'autres  p.  ,  ^,,3 
sujets,  et  distingue  par  le  mot  author  ce  qu'il  va  dire  en  son 
propre  nom. 

On  a  quelquefois  supposé  que  Simon  n'avait  rien  écrit, 
mais  seulement  raconté  de  vive  voix  à  Vincent  de  Beauvais 
les  détails  de  ia  mission  des  quatre  dominicains  en  Orient. 
Cette  opinion  nous  paraît  inconciliable  avec  les  termes  dont 
Vincent  vient  de  se  servir  :  Fratris  Simonis  historia,  -In  libro, 
-Ex  libello  fratris  Simonis.  Berereron  ,  qui  en  i634  a  publié      ,, 
une    version    irançaise  de    cette   relation,  dans  un   recueil  i„-H°. 
réimprimé  plus  complètement  en    i735,  Bergeron  dit  que     13113310,1735, 
Vincerit,  pour  suppléer  à  ce  qui  pouvait  manquer  dans  les  *  '""'■'"-'< 
récits  de  IMancarpin  ,  y  a  joint  ce  qu  il  avait  appris  de  bouche  sur  Pianrarpin , 
du  frère  Simon.   Nous  venons  de  lire,  au  contraire,  que  lom.  i,  ei  t.  11, 
c'était  le  livre  de   Plancarpin  qui  servait  de  supplément  à  ^""'  **"  Tar- 

^    1     •      I      C  I  -  '    .    r>'  1      ^.       -Il  lares, p. 41. 

celui  de  aimon  lui-même;  et  Bergeron,  en  parlant  ailleurs 
de  ce  dernier  religieux,  dit  qu'il  a  laissé  des  Mémoires  des- 
quels le  Voyage  du  frère  Ascelin  est  tiré.  En  effet,  la  Rela-      t.  1, Traite d« 
tion  connue  sous  le  nom  d'Ascelin  n'est  que  celle  de  Simon,  '»  navigation,  p 
telle  que  Vincent  nous  l'a  transmise.  Mais  ce  fait  d'histoire  ^9 —Voyage  dr 
littéraire,  quoique  bien  facile  a  reconnaître,  est  telieme'nt 
ignoré  ou  négligé,  que  Simon  de  Saint -Quentin  n'est  pas 
même  nommé,  à  l'article  d'Ascelin,  dans  la  Bibliothèque 
des  Voyages,  de  M.  Boucher  de  la  Richarderie.  j.  (^     y^ 

Les  missionnaires  envoyés  en  Tartarie  par  Innocent  IV, 
après  le  concile  de  Lyon,  étaient  au  nombre  de  six;  deux 
frères  mineurs,  Plancarpin  dont  on  a  l'ouvrage,  et  le  Polo- 
nais Benoît;  quatre  frères  prêcheurs,  Ascelin,  Alexandre, 
Albéric  et  Simon  de  Saint- Quentin,  le  i*^*"  Lombard,  les 
deux  suivants  Polonais  peut-être,  et  le  4*  né  sans  doute  dans 
la  ville  de  France  dont  il  porte  le  nom.  Beaucoup  d'histo-  \i,„.  \wu. 
riens,  cités  par  Altamura  aans  .sa  Dibliotheca  dominicana ,  Sp..  i.isi  xixi. 
ont  recueilli  ce  qu'on  peut  .savoir  de  cette  double  mission.  J^j|'^'°'*!,"hoi'à'st 

Tome  Xyill.  Eee 


4oa  SIMON  DE  S.-QUENTIN,  FRÈRE  PRÊCHEUR. 

XllI  SIECLE. 


LXXII  ,    C. 


—  Nous  disons  double,  parce  que  le  frère  Quétif  et  son  conti- 
^  ~  nuateur  Echard  ,  toujours  attentifs  à  bien  distinguer  les  prê- 

S.  Anlonin,  Hist.    „i  i  ■  ■>  -ir-i  "i*^ 

Tit.  XIX  c.  5,  ♦^"^i^rs  des  mineurs  ,xont  soin  de  raire  observer  que  les  uns 
§  3./,,r,.— Paul  et  les  autres  n'ont  pas  fait  route  ensemble,  en  i245;  que 
t^c"i'vn— Ge  '■^"^•'^  ^"^  Plancarpin  et  Benoît  traversaient  la  Bohème,  la 
nebraid.  chion.  Silësie ,  la  Pologne  et  la  Russie,  Ascelin,  Simon  et  leurs 
|..  en.  _Aiii.  deux  confrères  se  rendaient  à  Saint-Jean-d'Acre,  et  se  diri- 
seii.  chron.  (..  geaicnt  ensuite  par  l'Arménie,  la  Géorgie  et  la  Perse.  Voilà 

5o.  —  MaUen-  ,  ^  '  i      i  •        i      o-  • 

da.Ann.  Piœdic.  ^^  surplus  tout  cc  que  nous  savons  de  la  vie  de  Simon  de 
i245,c.3.— Fei-  Saint- Quentin.  Il  n'est  pas  dit  à  quel  âge  il  entreprenait 
Prœd^r'î-**'!!^  ce  long  voyage,  ni  combien  de  temps  il  vécut  après  sa 
Matthias  m-  'entrée  en  France.  Ce  qu'il  a  raconté  ou  ce  qu'il  a  écrit, 
choï.  de  Sarma-  pour  parler  commc  Altamura  et  Quétif  (  scripsit  )  ^  se  lit 
n*'  nV'^i^iiT  P^'"  extraits,  dans  les  chapitres  de  Vincent  de  Beauvais  que 

lier.  Polon.l. III,    '  '.,.,  r  i         ■  r  -^i 

•  44.— Bzov.An-  "ous  uvons  ludiqucs ,  et   dans   la  traduction  française  de 

liai.  ecd.  1245,  Bergeron. 

"  [l'  *""_  Envoyés  vers  le  prince  des  Tartares,  Bajothnoy  (  Bachin 

Allam.  p.   10,  D       u-      \       A  1'^  •  I     • 

ann.  1245.  OU  Dochin),  Ascclin  et  ses  trois  compagnons  ne  lui  appor- 

Scri|,i.  oïdin.  taient  point  de  présents  :  on  leur  en  tit  de  graves  reproches. 

^rs  ic.  I,  i,p  ji^  refusèrent  de  t'adorer,  de  se  prosterner  devant  lui:  on 
s'indigna  de  cette  irrévérence,  et  ils  allaient  être  mis  à  mort, 
quand  une  des  six  femmes  du  prince  demanda  et  obtint  leur 
grâce.  Il  leur  fut  proposé  de  se  rendre  auprès  du  Cham , 
souverain  de  la  Tartarie  et  fils  de  Dieu.  Ils  répondirent  que 
c'était  au  pape  que  Dieu  avait  donné  la  puissance  suprême 
et  le  plus  haut  rang  parmi  les  humains.  Ils  firent  traduire 
en  persan  et  présentèrent  à  Bajothnoy  les  lettres  d'Inno- 
cent IV.  Simon  ne  les  transcrit  pas,  mais  il  donne  la  teneur 
(le  celles  de  Bajothnoy  au  pape,  et  du  Cham  à  Bajothnoy. 
Il  décrit  les  souffrances  des  quatre  missionnaires,  les  priva- 
tions ,  la  misère  et  les  mauvais  traitements  qu'ils  endu- 
raient. Ce  qu'il  dit  de  cette  contrée  et  des  moeurs  de  ses 
habitants  a  paru  moins  instructif  que  le  récit  du  franciscain 
Carpini.  Simon  de  Saint -Quentin  était  trop  superstitieux 
et  trop  crédule  pour  contribuer  aux  progrès  des  véritables 
connaissances  géographiques  et  historiques.  On  n'a  pas 
d'ailleurs  le  texte  tout  entier  de  son  ouvrage,  s'il  est  vrai 
qu'il  ait  laissé  un  ouvrage;  et  peut-être  les  articles  qui  lui 
appartiennent,  dans  les  trois  derniers  livres  du  Spéculum 
hiitoriale ,  n'ont-ils  pas  encore  été  rassemblés  avec  assez 
(l'exactitude.  D. 


Xm  SIKCIE. 


GUILLAUME  DE  RENNES, 

FRÈRE  PRÊCHEUR.  vnvMaS., 

Au  lieu  de  Guillelnnis  Redonensis  oii  a  çjuelqiiefois  écrit 
Celdonensis ,    Cerdonensis  ',    Cvedoncnsis ,   ou    Geldenensis , 
comme  si  Geldenacuni  ou  Judoigne  en  Brabant  avait  été  la 
patrie  du  personnage  dont  il  s'agit.  Vincent  liaiidt'llo  l'appelle     Deuiiiaiecou- 
Metensis  episcopus ,  et  Pierre  de  Alva,  pour  corriger  cette  '«^i"'""''*  Up»';*- 
faute,  substitue  à  Metensis ,  Mimatensis ;  ce  qui  tend  à  con-   ^'"so^ yp||,'",it 
fondre  ce  Guillaume,  assez  obscur,  avec  le  célèbre  Guillaume  vm\.   iGî,  .<iI 
Durand,  évêque  de  Mende.  Fabricius  et  surtout  Quétit"  ont  '^^.^ 
relevé  ces  méprises,  et  fait  distinctement  connaître  Guil-    ,,  :'r"rl'."m 

,  *  _  .  ,,  *«~v-  '-«ll'l.    131,1.    111 

laume  ne  a  Rennes  en  Bretagne,  dominicaui  a  Dinan  vers  le  p.  i4i. 
milieu  du  xni^  siècle  ,  et  auteur  d'un  Apparatus  in  Summom      Scnpt.  orciin 
sancti  Raymundi  de  Pœnitentiâ  et  Matrinionio  ,  plus  d'une   ,';^,  "i^','     '  '* 
fois  imprimé  avec  cette  somme  même  de  Raimond  de  Pcg- 
nafort. 

Cependant  l'une  des  éditions  de  cet  ouvrage,  celle  qui  a 
été  publiée  à  Rome  en  i6()3,  in-folio,  attribue  \ Jpparatus 
au  frère  prêcheur  Jean  de  Fribourj,',  dit  le  Lecteur  ou  le 
Teutonique;  et  pour  s'assurer  qu'il  a|)partient  réellement  à 
Guillaume,  on  a  besoin  de  reconnaître  les  époques  oii  Rai- 
mond et  Jean  le  Lecteur  ont  écrit.  Raimond,  dominicain 
catalan  ,  étant  tout-à-fait  étranger  à  fbi.stoiie  littéraire  de  la 
France,  il  nous  suflira  de  dire  qu'il  était  né  en  1 176  au  châ- 
teau de  Pegnalort;  qu'il  entra  chez  les  frères  prêcheurs  en 
1222;  qu'il  lit,  pour  l'instruction  des  confesseurs,  un  recueil 
de  cas  de  conscience,  intitulé  Somme  de  la  pénitence  et  du 
mariage;  qu'en  i23j,  il  acheva  une  compilation  de  décré- 
tales,  entreprise  par  ordre  de  Grégoire  f\,  et  continuant 
celle  de  Gratien  par  cinq  livres  oii  sont  distribués,  selon  les 
matières,  les  décrets  des  papes  et  des  conciles  postérieurs  à 
l'an  ii5o;  qu'en  i2'38,  il  fut  élu  troisième  général  de  son 
ordre;  qu'il  abdiqua  cette  dignité  en  1240;  qu'il  mourut  ii.ui  p m'i 
centenaire  en  12^5;  et  que  l'inscription  de  son  nom  dans  la  "" 
liste  des  saints  a  contribué  à  donner  de  l'autorité  à  son  re- 
cueil de  décrétales.  Jean  le  Lecteur  est  beaucoup  moins  re- 

K  ee  j. 


4o4  GUILT.AUME  DE  RENNES, 

XIII  SIÈCLE.      -  '     Il  ..   iM     U-»    j        J         •    •      •  I      c       J  e 

.  nomme.  11  prit  I  habit  des  dominicains  vers  la  fan  du  xiii 

ibid.  |>  5î3-  siècle,  et  mourut  eni3i4,  laissant  quelques  écrits,  au  nombre 
^*  '  desquels  on  va  voir  que  \  Apparatus  in  Summani  Raymundi 

ne  doit  pas  être  compté. 

Plusieurs  manuscrits,  dont  quelques-uns  étaient  reconnus 
pour  antérieurs  à  l'an   1260,  appliquaient  expressément  le 
nom  de   Rcdonensis  à  X Apparatus   placé  en    marge  de  la 
Somme  de  Raimond.  Celui  de  la  Sorbonne ,  légué  par  Robert 
Sorbon,  par  conséquent  achevé  avant   1274,  désignait  l'au- 
teur de  la  glose  par  la  lettre  W  initiale  de  ff^ilhelmus.  Vincent 
de  Beauvais,  mort  en  1 264 ,  quand  Jean  le  Lecteur  devait  être 
bien  jeune,  a  inséré  dans  les  titres  IX  et  X  de  son  Spéculum 
doctrinale ,   des  extraits  de  la  Somme  et  de  \' Apparatus , 
extraits  qu'il  annonce  et  qu'il  distingue  par  les  intitulés  : 
Raimundus ,  frater  Guillelmus ,  If^ilhelmus  ou  V ,  en  ajou- 
tant quelquefois  le  mot  Rcdonensis,  reconnaissable  encore 
Spctui.  doc-  dans    les  syllabes    llodon ,  que   les  éditeurs  de    Douai    ont 
irin.  roi.go/i.      inexactement    imprimées.    Un  témoignage    plus  décisif  est 
celui  de  Jean   le  Lecteur  lui-même,   qui  a  fait  pour    son 
propre  compte  une  Somme  des  confesseurs,  dans  laquelle 
il  cite  celle  de  Raimond  et  la  glose  de  Guillaume,  ainsi  qu'il 
le  déclare  par  les  premiers  termes  de  son  prologue  :  C'iim 
noniinatur  hîc  Glossa ,  semper  intclligendum  est  de  Glossd 
ff^illelmi  super  Summani  Raymundi ,  nisi  alia  glossa  spe- 
cificetur,  ut  Glossa  Innocentii,  etc.  Le  seul  travail  qu'il  s'at- 
tribue relativement  à  cette  somme  et  à  cette  glose,  est  d'y  avoir 
ajouté,  outre  une  table  alphabétique,  des  corrections  et  des 
explications  empruntées  des  docteurs  qui  ont  écrit  plus  tard. 
Lyi .  ne  prae-  Prîmo  tam  de  textu  quant  de  glossa  Summœ  venerahilis  P. 
..plis  Decaiogi.    f   Ralmundi ,    registruni  sive   tahulam  secundiim  ordinem 
Il  55  ^°     ^  "     alphabeti  cum  diligentiâ  ordinavi.  Secundo  ea  quœ  ad  emen- 
i-.Pigii.  Calai,  dationem  vel declarationem  tamtextùs  quam  apparatus  ejus- 
fratrum  qui  cia-  dgfji  Suiumcv  à  postcrioribus  approbatis  tradita  doctoribus, 
„^  utilia  videbantur,  ipsi  Summœ  in  spatio  ascnpsi.  L  est  donc 

A.Tosi.Opei.  de  l'dveu  de  Jean  le  Lecteur,  que  Guillaume  de  Rennes  a 
I.  XII,  p.  IÎ2.  (i(g'  reconnu  le  glossateur  de  Raimond  ,  par  Nicolas  de 
suni"na  iLumn  '^^y^  ^"  '^^'^'^  sièclc ;  par  Louis  Valleoicti,  Laurent  Pignon, 
'onsr  Alphonse  Tostat,  Ange  de  Clavasio  au  i5*';  par  le  cardinal 

Ximen.Pasio-  Ximcnès  au  XVI*;  par  Altamura  au  xvii«,  etc.  Si  nous  lisons 
Aiiam.Bibiioth    ^hez  Altamura  Guillelmus  Celdonensis ,  chez  Pignon  Aure- 
Dominic  p.  69.    Uancnsis  au  lieu  de  Rcdonensis ,  ces  fautes  de  copistes  ne 
sauraient  interrompre  la  tradition,  bien  établie  k  l'égard  de 


XIII  SIÈCLE. 


FRÈRE  PRECHEUR.  4o5 

Guillaume  de  Rennes.  Aucun  autre  nom  que  le  sien  n'avait 
ligure  à  la  tête  de  \y4pparatus ,  dans  les  éditions  de  la 
Somme  de  Raimond  de  Pegnafort,  avant  i6o3  où  l'on  s'avisa 
d'introduire  le  nom  de  Jean  le  Lecteur.  Cette  erreur,  repro- 
duite dans  une  autre  édition  publiée  à  Rome  en  1619,  in- 
folio,  a  été  réparée  dans  celle  deLyonen  1718,  et  de  Vérone 
en  1744^  l'une  et  l'autre  in-folio. 

On  demandera  si  ce  travail  de  Guillaume  de  Rennes  vaut 
la  peine  que  nous  venons  de  prendre,  pour  prouver  que 
c'est  bien  à  lui  qu'il  est  dû.  Nous  laisserons  à  ceux  qui  fe- 
raient cette  question ,  le  soin  d'y  répondre  eux-mêmes ,  après 
•  qu'ils  auront  lu  deux  ou  trois  extraits  de  cette  glose. 

Quand  Raimond  décide  que  l'irrégularité  est  encourue  par 
toute  participation  à  l'émission  ou  à  l'exécution  d'une  sen- 
tence de  mort,  le  frère  Guillaume  ajoute  qu'un  clerc  commet 
une  faute  grave,  et  ne  devient  pourtant  pas  irrégulier,  lors- 
qu'il assiste  par  curiosité  à  un  supplice  ou  à  un  duel  judi- 
ciaire, suspeasioni  latronis  vel  ubi  guis  interficitur  duello , 
s'il  n'a  concouru  à  ces  actes  ni  par  conseil,  ni  par  aide,  ni 
par  l'emploi  de  son  autorité,  sinec  consilium,  nec auxilium, 
nec  auctoritatem  prœstiterit. 

En  traitant  de  la  légitime  des  enfants,  Raimond  cite  ces 
trois  vers  : 

Quatuor  aut  infrà  dant  natis  jura  trientem; 
Seniissem  vero  dant  natis  quinque  vel  ultra  : 
Arbitrium  sequitur  substantia  cetera  patris. 

Un  père  peut  disposer  des  deux  tiers  de  son  bien ,  s'il  n'a 
que  quatre  enfants  ou  moins  de  quatre;  de  la  moitié  seule- 
ment ,  s'il  en  a  cinq  ou  un  plus  grand  nombre.  Guillaume  de    G„i)|,çim  /f^/ 
Rennes  avoue  que  telles  sont  les  dispositions  des  lois;  mais  in  .Sp?c   «locrr. 
il  fait  observer  que  les  coutumes,  qui  prévalent  en  France  P-  9'«°- 
sur  le  droit  écrit,  limitent  tout  autrement  la  légitime,  se- 
cundiini  consuetudinem  gallicani  legni,  quœ  ibidem  prœju- 
dicat  juri  scripto ,  alio  modo  limitatur  hœc  legitim.a.  En 
certaines  provinces,  le  père  et  la  mère  ne  peuvent  donnera 
des  étrangers  par  testament  ou  entre  vifs,  que  la  cinquième 
partie  de  leurs  biens  mobiliers;  ailleurs  ils  en  peuvent  don- 
ner jusqu'au  tiers ,  mais  pas  davantage.  Alicubi  in  eodem  regno 
ohtinet,  quod pater  vel  m.ater  non potest  dare  extraneis  ultra 
quintani  partem  hœreditatis  suœ  quœ  consistit  in  m,obilihus, 
nec  in  testa mento ,  nec  causa  mortis ,  nec  inter  vivos.  j4libi 
2  9 


XIII  SIECLE. 


4o6   GUILI.AUME  DE  RENNES,  FR.  PRÊCHEUR. 


non  potest  dare  ultra  tertlam  ,  sed  terdam  potest  dare ,  etc. 
On  voit  que  cette  glose  pourrait  servir  quelquefois  à  l'fiistoire 
du  droit  coutumier  des  Français,  au  moyen  âge,  et  que  le 
commentateur  de  Raimond  en  a  plus  de  connaissance  que 
n'en  aurait  eu  un  dominicain  de  Fribourg,  tel  que  Jean  le 
Lecteur  ou  le  Teutonique. 

Au  milieu  des  discussions  sur  l'usure ,  qui  occupent  ici 
beaucoup  de  place,  nous  lisons  dans  \ Apparatus ,  qu'il  y 
aurait  usure  si  cent  sous  prêtés  en  automne,  quand  le  blé, 
le  vin  et  l'huile  sont  à  très-bon  marché,  devai(;nt  être  resti- 
tués à  Pâques  par  une  quantité  de  ces  denrées  égale  à  celle 
qu'on  aurait  eue  pour  les  cent  sous,  en  octobre;  ou  bien 
encore ,  si  vingt  livres  sterling  empruntées  en  hiver  devaient 
être  rendues,  en  même  monnaie,  en  été,  au  moment  où  les 
voyageurs  et  les  croisés  recherchent  l'or  et  l'argent.  Toute- 
fois Guillaume  veut  bien  ne  pas  traiter  d'usurier  le  prêteur 
qui  aurait  conservé  ces  espèces  parfaitement  intactes  durant 
les  six  mois,  et  laissé  d'ailleurs  à  l'emprunteur  la  faculté 
de  se  libérer  dans  cet  intervalle,  à  un  terme  quelconque.  Ces 
détails  et  beaucoup  d'autres  que  nous  ne  pouvons  rapporter, 
entreraient  dans  les  notices  que  désigne  aujourd'hui  le  nom 
de  statistique.  Ils  tiennent  à  l'histoire  des  relations  commer- 
ciales du  XIII*  siècle,  et  à  des  doctrines,  souvent  peu  saines, 
dont  elles  étaient  l'objet. 

Il  s'en  faut  donc  qu'il  n'y  ait  aucune  instruction  à  puiser 
dans  ce  commentaire.  Il  a,  dès  l'époque  de  son  apparition, 
attiré  l'attention  des  hommes  studieux,  particulièioineiit  de 
Vincent  de  lîeauvais  qui  en  a  transcrit  un  très-grand  nombre 
d'articles.  Si  le  frère  Guillaume  a  laissé,  comme  Valleoleti 
l'assure,  plusieurs  autres  livies  de  jurisprudence  canonique 
et  civile,  tnulta  in  utroque  jure ,  ils  sont  ou  perdus  ou  in- 
l'.iiiiioih.  iBss.  connus.  Seulement  Sander  lait  mention  d'un  manuscrit  inti- 
li.iq. i.i,|i.  107.  tulé  :  Sunima  F.  ff^ilhelnti  lirdensis  de  Articulis;  mais  ce 
pourrait  bien  n'être  que  \ Apparatus  Cuillelmi  Redonensis 
sur  la  Somme  de  Raimond  contenue  dans  le  même  volume. 

D. 


XIU  SIECLE. 


•ROBERT  DE  FRANCE, 

COMTE  D'ARTOIS; 

L*Dlf  MOST  ed 

GUI  DE  MELUN,  '-S^l."-'-^. 


CD. 


CHEVALIER. 

C^ES  deux  personnages,  dont  l'un  était  le  frère  d'un  roi  de 
France ,  et  l'autre  un  simple  chevalier,  nous  ont  paru  mériter 
une  petite  place  dans  notre  Histoire  littéraire.  Tous  deux 
nous  ont  laissé  des  documents  sur  la  première  expédition 
de  saint  Louis  dans  la  Terre-Sainte,  qui  n'ont  point  été  sans 
utilité  pour  les  historiens  des  croisades. 

Qui  ne  connaît  Robert  de  France,  son  caractère  bouil- 
lant, intrépide,  et  aussi  son  esprit  opiniâtre,  irréfléchi?  qui 
ne  sait  qu'ayant  accompagné  saint  Louis  dans  sa  première 
croisade,  il  fut  la  principale  cause  des  désastres  qu'éprouva 
l'armée  des  croisés,  et  périt  par  son  imprudence.'* 

Un  assez  grand  succès  obtenu  dans  cette  expédition  avait 
tellement  exalté  le  présomptueux  Robert,  qu'il  voulut  en 
donner  la  première  nouvelle  à  la  reine  Blanche  sa  mère.  La 
lettre  qu'il  lui  écrivit  à  ce  sujet  a  été  conservée  (  elle  est 
datée  au  mois  de  juin  1249,  lu  veille  de  la  Saint-Jean-Bap- 
tiste ).  Après  lui  avoir  dit  que  son  cher  frère  le  comte  d'Anjou 
a  toujours  la  fièvre  quarte,  mais  moins  forte  qu'auparavant, 
il  lui  apprend  que  le  seigneur  Louis  son  frère,  les  barons 
et  les  pèlerins  ont  passé  l'hiver  dans  l'île  de  Chypre;  mais 
que  s'étant  réunis  sur  leurs  vaisseaux,  le  soir  du  jour  de 
l'Ascension  ,  au  port  de  Limisso ,  ils  décidèrent  de  se  diriger 
contre  les  ennemis  de  la  foi  chrétienne;  que  la  mer  leur  fit 
éprouver  de  grandes  contrariétés  dans  leur  voyage  vers  les 
côtes  d'Afrique.  Il  raconte  ensuite,  mais  sans  de  grands 
détails,  comment,  après  un  combat  contre  les  Turcs,  les 
chrétiens  s'étaient  rendus  maîtres  de  Damiette,  et  l'avaient 
trouvée  remplie  de  provisions  de  toute  espèce  et  de  machines 
de  guerre. 

Il  finit  par  annoncer  à  la  reine  Blanche  que  la  comtesse 


4o8    ROBERT  DE  FRANCE  ET  GUI  DE  MELUN. 

XIII  SIÈCLE,      j,  .      .  .  .  .  1,  1        1       ^, 

d  Anjou  avait  mis  au  jour,  dans  1  île  de   Chypre,  un  fils 

Matib.  Pans,  bien  oonfomié  et  d'une  beauté  remarquable,  et  qu'elle  l'a- 
inAddiiameniis,  yait  donné  à  nouirlr  à  une  femme  de  l'île.  Coniitissa  vei 


vero 


Paris' 1644     '  ^ndegaveiisis  in  Cjpro  peperit  filium  valdè  elegantem  et 
benè  formatuni  ;  quein  ibidem  tradidit  niitrienduni. 

Ce  n'est  là,  comme  on  le  voit,  qu'une  de  ces  lettres  de  parent 
à  parent,  dans  lesquelles  on  s'occupe  de  ses  affaires  particu- 
lières et  de  famille,  autant  pour  le  moins  que  des  affaires 
publiques  les  plus  importantes. 

La  relation  que  fait  le  chevalier  Gui  de  la  prise  de  Da- 
miette,  est  d'un  tout  autre  genre.  Voici  ce  qu'en  dit  jM.  Mi- 
chaud   dans   son    Histoire  des  croisades  :  «  f^e   combat  des 
«  galères  musulmanes  (  contre  la  flotte  des  chrétiens  ,  combat 
Œ  qui  précéda  la  prise  de  Damiette  )  est  très-bien  décrit  dans 
«  une  lettre  de  Gui  de  la  maison  du  comte  de  Melun.  La 
Hist.  des  croi-  «  même  lettre  donne  des  détails  précieux  sur  la  conduite 
sades,  t.  II,  |>.  ((  héroïque  de  Louis  en  cette  circonstance.»  Cet  éloge  du 
'*'  récit  de  Gui  nous  paraît  mérité. 

La  lettre  qui  contient  cette  intéressante  relation ,  est 
adressée  par  le  chevalier  Gui  à  son  cher  frère  utérin,  son 
ami,  qui  faisait  ses  études  à  Paris,  studenti  Parisiis ,  dit  la 
lettre  originale.  Elle  est  assez  longue,  et  en  voici  l'analyse. 

Gui,  prévoyant  l'inquiétude  dans  laquelle  on  devait  être  en 
France  sur  l'état  de  la  Terre-Sainte  et  du  roi,  s'empresse, 
dit-il,  de  donner  des  nouvelles  certaines  sur  les  événements 
dont  il  a  été  témoin ,  et  il  commence  par  annoncer  qu'à  la 
suite  d  un  conseil  tenu  exprès,  on  était  parti  de  Chypre  pour 
l'Afrique.  «Nous  avions  le  projet,  dit-il,  d'attaquer  Alexan- 
«  drie;  mais  au  bout  de  quelques  jours  une  tempête  subite 
«  nous  a  fait  parcourir  une  vaste  étendue  de  mer.  Plusieurs 
M.itih.  Paris,.  «  de  uos  vaisscaux  ont  été  séparés  et  dispersés.  » 
m  Addiiam.  p.  j^^  soudau  du  Caire  ayant  appris  par  des  espions  que  le 
projet  des  chrétiens  était  d'attaquer  Alexandrie  ,  avait  réuni 
dans  cette  place  une  multitude  de  guerriers  qu'il  avait  ap- 

Eelés  tant  du  Caire  que  de  Damielte.  Ce  fut  donc  un  accident 
eureux  pour  les  croisés  que  ta  tempête  qui  les  éloigna  de 
la  côte.  Mais  il  paraît  que  lorsque  la  tempête  eut  cessé,  ils 
restèrent  sans  trop  savoir  où  ils  étaient.  En  effet.  Gui  nous 
apprend  qu'ils  furent  obligés  de  faire  monter  au  haut  d'un 
mât  un  pilote  qui  connaissait  la  côte,  et  qu'ils  regardaient 
comme  un  guide  fidèle  o  Après  qu'il  eut  examiné  tous  les 
«  lieux  environnants,  il  s'écria  :  Dieu  nous  aide!  nous  som- 


ROBERT  DE  FRANCE  ET  GUI  DE  MELUN.  409 

«  mes  eu  présence  de  Damiette.  »  Dès  lors  il  fut  décidé  que 
l'on  commencerait  par  attaquer  cette  place,  en  attendant 
que  l'on  pût  se  présenter  devant  Alexandrie  ou  devant  le 
Caire.  Bien  que  le  Soudan  d'Egypte  eiît  tiré  un  assez  grand 
nombre  de  troupes  de  Damiette,  il  en  restait  encore  assez 
pour  s'opposer  à  la  descente  des  croisés  sur  la  côte.  Mais 
l'aspect  des  ennemis  qui  bordaient  le  rivage  ne  fit  qu'exalter 
le  courage  des  Français.  Gui  de  Melun  met  à  cette  occasion 
dans  la  bouche  de  Louis  IX.,  un  discours  plein  de  belles  et 
nobles  inspirations.  «  Mes  fidèles  amis,  dit-il  à  ses  compa- 
ct gnons  d'armes,  nous  serons  invincibles  si  nous  sommes 
«  inséparables  dans  notre  charité.  Ce  n'est  pas  sans  une  per- 
te mission  divine  que  nous  sommes  transportés  ici,  pour 
«  aborder  dans  un  pays  si  puissamment  occupé.  Je  ne  suis 
«  point  le  roi  de  France,  je  ne  suis  point  la  sainte  Eglise  : 
«  c'est  vous  qui  êtes  l'un  et  l'autre.  Je  ne  suis  qu'un  homme 
«  dont  la  vie  s'éteindra  comme  celle  d'un  autre,  quand 
"  Dieu  voudra.  Tout  est  pour  nous,  quelque  chose  qui  nous 
K  arrive  :  si  nous  sommes  vaincus,  nous  sommes  martyrs; 
«  si  nous  triomphons,  la  gloire  du  Seigneur  en  sera  plus 
«  grande.  C'est  ici  sa  cause,  etc.  »  Dans  ces  dernières  paro- 
les ,  on  voit  la  trace  de' cette  opinion  généralement  répandue 
parmi  les  croisés,  que  le  ciel  était  ouvert  à  quiconque 
périssait  dans  ces  guerres  saintes.  Mais  en  combattant  pour 
la  cause  de  leur  prophète,  les  musulmans  partageaient  aussi 
la  même  opinion  ,  se  livraient  à  la  même  espérance,  ou  plutôt 
à  la  même  certitude  du  salut  de  leurs  âmes.  De  là  ce  mépris 
de  la  mort,  ce  fanatique  courage  qui,  des  deux  côtés,  faisait 
courir  les  combattants  au  devant  des  dangers. 

Les  défenseurs  de  Damiette  avaient  expédié  quatre  galères 
pour  examiner  l'état  de  la  nombreuse  flotte  des  croisés.  On 
s'empressa  d'aller  les  combattre.  Le  passage  suivant  donne 
une  idée  des  combats  sur  mer  de  ces  temps-là.  «  Nous  lan- 
«  çâmes  (  sur  ces  galères  et  ceux  qui  les  montaient  )  des  traits 
«  enflammés  et  des  pierres  au  moyen  de  nos  mangonneaux , 
«  qui  étaient  disposés  de  manière  qu'ils  envoyaient  de  loin 
a  et  à  la  fois,  cinq  ou  six  pierres  et  des  vases  remplis  de 
«  chaux.  Les  traits  perçaient  les  ennemis  et  leurs  vaisseaux, 
«  les  pierres  les  accablaient,  la  chaux  brûlait  tout  ce  qu'elle 
■  touchait.  Aussi  trois  galères  ennemies  furent-elles  tout-à- 
a  coup  submergées.  La  quatrième  galère  s'éloigna  fort  en- 
«  dommagée.  » 

Tome  XFIII.  F  f  f 

2  9  * 


XIII  SIÈCLE. 


/iio    ROBERT  DE  FRANCE  ET  GUI  DE  MELUN. 

XIII  SIK.CLE.  .  ^       r  .  „  ,  .  w 

Le  premier  succès  fut  suivi  d  une  grande  victoire.   Les 

ennemis  couvraient  toute  la  rive,  d'où  les  vaisseaux  ne  pou- 
vaient approcher,  même  les  petits  bâtiments,  tant  la  mer 
sur  cette  plage  était  peu  profonde.  Les  chrétiens  n'hésitèrent 
point  à  se  jeter  à  l'eau  qui,  au  reste,  ne  les  atteignait  que 
jusqu'à  la  ceinture;  et  ils  ne  tardèrent  point  à  débusquer  des 
ennemis  que  les  récits  de  ceux  qui  s'étaient  échappés  de  la 
défaite  des  galères  avaient  remplis  d'effroi.  Après  quelque 
résistance,  tous  se  retirèrent  vers  la  ville,  que  bientôt  même 
ils  abandonnèrent.  «  En  fuyant,  dit  Gui  de  Melun ,  les  Sar- 
«  rasins  lancèrent  contre  nous  beaucoup  de  feu  grégeois  qui 
«  nous  était  très-nuisible,  parce  qu'il  était  poussé  par  un 
«  vent  qui  nous  soufBait  de  la  ville;  mais  le  vent  ayant  tout- 
«  à-coup  changé,  reporta  ce  feu  sur  Damiette,  où  il  brûla 
«  plusieurs  personnes,  et  où  il  aurait  consumé  beaucoup 
«  plus  de  choses,  si  les  esclaves  qui  étaient  restés  dans  la 
<f  ville  ne  fassent  venus  l'éteindre  par  le  procédé  qu'ils  con- 
«  naissaient,  et  aussi  par  la  volonté  de  Dieu.  » 

Voilà  une  circonstance  bien  étonnante,  un  effet  prodigieux 
du  feu  grégeois.  Aussi  Gui  de  Melun  le  présente-t-il  comme 
un  miracle.  Mais  les  historiens  arabes,  d'après  lesquels  a 
écrit  l'historien  des  croisades,  nous  donnent  à  croire  que  si 
le  feu  consuma  plusieurs  édifices  dans  la  ville  de  Damietle, 
c'est  que  ses  défenseurs,  avant  de  fuir,  pillèrent  les  maisons 
Micbaud.Hist.  et  y  mirent  le  feu.  Ils  ne  font  nulle  mention  de  ce  feu  grégeois 

des    croisades ,  repoussé  par  les  vents  sur  ceux  qui  l'avaient  lancé. 

t.  II,  p.  241.  Dans  le  reste  de  sa   relation.  Gui   de   Melun   fait   une 

Rcinaud ,  Ex-  ^  j>  '  /        •  1  1  •    1 

(rails  des  histo-  cspecc  d  enumcratiou  de  toutes  les  richesses  que  contenait 

riens  arabes ,  p.  Damiette,  lorsque  les  chrétiens  y  entrèrent,  de  la  quantité 

*  '  infinie  de  vivres,  d'armes,  de  vêtements  précieux,  de  vases, 

d'ustensiles  d'or  etd'argent,  qu'elle  renfermait.  Il  n'oublie  pas 

l'entrée  triomphale  de  Louis  dans  la  place,  et  l'empressement 

qu'il  mit  à  faire  célébrer  la  messe  dans  une  mosquée  qu'on 

avait  purifiée.  Fecit  celebrare  missam  uhi  quartâ  die  prece- 

Maiiii  Paris    Mérite  (^prout  captivi  nobis  assertivè  asserebant  )  spurcissimus 

iuAddiiam.  p.   Mahometus  cuni   detestabilibus  immolationibus  et  vocibus. 

'"8-  altisonis,  et  tubarum  clangorc  niagnificabatur. 

Ce  passage  prouve  quelle  fausse  idée  les  croisés  se  faisaient 
du  mahoraétisme.  C'était,  à  leurs  yeux,  une  véritable  ido- 
lâtrie, un  culte  qui  admettait  des  sacrifices  sanglants,  des 
detestabiles  immolationes ,  en  l'honneur  de  leur  spurcissimus 
Mahometus.  Et  ce  prophète,  au  contraire,  était  venu  abolir  le 


JUHEL,  4ii 

XIII  SIECLE. 

culte  des  idoles ,  et  le  nora  don  Dieu  unique  et  tout-puissant 

est  sans  cesse  à  la  bouche  des  sectateurs  du  prophète,  et  ja- 
mais le  sangdes  victimes  n'a  souillé  le  sol  de  leurs  temples! 

De  grands  désastres  furent,  comme  on  sait,  la  suite  de 
cette  facile  conquête  d'une  riche  cité.  Après  plusieurs  mois 
passés  dans  les  plaisirs,  ou  plutôt  dans  les  plus  sales  débau- 
ches ,  l'armée  presque  entière  fut  détruite  près  des  murs  de 
Mansourah,  dans  une  bataille  que  Robert  de  France  avait 
imprudemment  engagée,  et  où  il  fut  tué.  Après  une  longue 
et  dure  captivité ,  le  saint  roi  Louis  revint  en  France  ,  rame- 
nant à  peine  quelques  milliers  d'hommes  des  soixante  mille 
qui  l'avaient  suivi  en  Afrique. 

Gui  de  Melun  n'a  pas  dû  être  témoin  de  ces  malheurs.  Il 
périt  sans  doute  dans  l'une  des  défaites  successives  qu'éprouva 
l'armée  des  chrétiens ,  ou  de  l'affreuse  maladie  qui  vint  la 
décimer.  On  ne  trouve  plus  son  nom  cité  dans  aucun  docu- 
ment postérieur  à  la  prise  de  Damictte.  A.  D. 


JUHEL, 

\ 
ARCHEVÊQUE  DE  REIMS. 

JuHEL,  quelquefois  surnommé  de  Saint-Martin,  était  né  au 
sein  de  la  famille  de  Mathefelon,  d'autres  disent  de  Mayenne: 
c'est  un  point  qu'il  nous  serait  également  difBcile  et  inutile 
d'éclaircir.  Tout  ce  que  nous  en  savons,  c'est  qu'une  noble 
extraction  fut  un  des  titres  de  Juhel  aux  honneurs  ecclésias- 
tiques; Après  avoir  été  chanoine,  écolâtre,  doyen  au  Mans, 
il  devint,  en  ;22g,  archevêque  de  Tours,  et  gouverna  cette 
église  jusqu'en  i244  où  il  commença  d'occuper  le  siège  mé- 
tropolitain de  Reims,  qui  était  vacant  depuis  quatre  années. 
Les  chanoines  n'avaient  pu  s'accorder  sur  le  choix  d'un  pré- 
lat :  Innocent  IV  profita  de  leurs  dissensions  et  des  délais 
qu'elles  entraînaient ,  pour  donner,  de  son  autorité  pontificale, 
un*  chef  à  cette  église,  non  pourtant  sans  le  consentement 
du  roi  Louis  IX.  Juhel  visita  son  nouveau  diocèse,  et  fit  divers 
statuts,  dont  les  moins  étrangers  à  l'histoire  des  lettres  sont 
ceux  qui  soumettaient  à  l'écolâtre  les  étudiants  pauvres  ap- 

Fffa 


HonT  CD  dé- 
cembre laSo. 


Xm  SIECXE. 


Gallia  christ. 
velDs. ,  t.  I,  p. 
874. — Gall.chr. 
nova,  I.  IX  ,  p. 
111,112,   I  i3. 

Mari.  T.  II, 
p.  5i8-  541. 

N.  425^. 


(idll   clir.  nov 

t.  IX, p  ii3. 


^^■l  JUHEL, 

pelés  bons  enfants ,  et  leur  prescrivaient  de  rigoureux  de- 
voirs. Il  assista  au  concile  de  Lyon  en  i245;  il  prit  la  croix 
dans  l'assemblée  tenue  à  Paris  en  1248,  et  s'abstint  toutefois 
de  partir  pour  l'Orient,  ou  bien  ne  tarda  point  à  revenir  à 
Reims  ;  car  au  mois  de  juin  i  249,  il  y  souscrivait  une  charte 
en  faveur  d'un  hôpital.  Nous  écartons  ses  autres  chartes, 
ainsi  que  le  détail  de  ses  démêlés  avec  son  chapitre,  avec  ses 
suffragants,  avec  l'évèque  de  Liège.  On  peut  à  l'égard  de  ces 
articles,  qui  ne  nous  concernent  point,  recourir  à  l'une  et  à 
l'autre  Gallia  christiana ,  et  à  Ihistoire  de  la  métropole  de 
Reims  par  Mirlot.  Il  paraît  que  Juhel  essuya  quelques  désa- 
gréments, peut-être  mérités,  et  (jue  la  cour  de  Rome  ne  se 
prononça  point,  autant  qu'il  le  désirait,  en  sa  faveur.  Il  en 
conçut  un  chagrin  qui  abrégea  ses  jours,  si  nous  en  croyons 
un  récit  manuscrit  qui  a  passé  de  la  Bibliothèque  de  Baluze 
dans  celle  du  Roi.  On  y  lit  qu'un  dimanche  d'hiver,  par  un 
temps  froid  et  pluvieux,  l'archevêque  de  Reims  sortit  de  son 
palais,  revêtu  de  ses  ornements  pontificaux,  la  mitre  en  tête, 
le  bâton  pastoral  à  la  main,  mais  le  tenant  par  l'extrémité 
inférieure  et  traînant  la  supérieure  dans  la  boue,  criant  Âaraw 
ou  haro,  et  donnant  ainsi  divers  signes  de  douleur  et  de 
démence.  La  relation  ajoute  qu'après  avoir  parcouru  les  rues 
et  les  j)laces  publiques,  Juhcl  ne  voulut  plus  rentrer  dans  sa 
demeure,  qu'il  s;;  retira  dans  un  hôpital,  qu'il  annonça  la 
résolution  de  se  rendre  à  Rome,  qu  il  partit  en  effet,  mais 
n'alla  que  jusqu'à  l'.iris,  où  il  mourut,  en  i25o,  chargé  d'an- 
nées et  accablé  de  tristesse  :  In  dolore  cordis  et  tristitiâ  fi- 
nivit , .  .  .  jam  in  œtate  décrépi  ta  constitutus  Ace  document, 
qui  peutnepas  mériterunepleinecontiance,  il  convient,  sinon 
d'opposer,  du  moins  de  joindre  quelques  lignes  d'un  manu- 
scrit de  l'église  du  Mans,  à  laquelle,  comme  nous  l'avons  dit , 
Juhel  avait  appartenu  Decinio  quinto  kalendas  januarii 
obiit  piœ  recordationis  JuhcUus  de  Matejelon ,  vir  scientid 
et  nobilitate  prœclarus ,  hujus  ecclesiœ  quondani  niagister 
scholarum ,  postmodum  decanus,  et  inde  vocatus  ad  sedem 
ecclesiœ  Turonensis ,  tandem  archiepiscopus  Reniensis ,  in 
qunrimi  regimine  laudabiliter  se  habuit  quanidiii  vixit. 

Les  écrits  qui  portent  son  nom  ne  sont  ni  nombreux,  ni 
très-importants.  Nous  n'en  avons  que  trois  à  citer.  Le  pre- 
mier, celui  qui  porte  la  date  la  plus  ancienne,  savoir  celle 
de  ia34,  consiste  en  statuts  donnés  par  Juhel,  archevêque 
de  Tours,  à  l'église  de  Saint- Brieuc,  du  consentement  de 


ARCHEVÊQUE  DE  REIMS.  4i3 


KIII  SIECLE. 


révêque  et  du  chapitie  de  cette  ville.  Ils  sont  imprimés  dans 

le  Spicilége  de  Daclieri  et  dans  la  collection  des  conciles  de 

Labljc.  iNous  y  remarquons  les  dispositions  relatives  aux  ré-      Spi.ii    m-,", 

tributions  dues  aux   chanoines  pour  assistance  aux  offices  ^       "P;.,"^" 

divins.  Us  recevront  4  deniers  pour  les  matines,  0  pour  la  m,,,. 61a. 

graiid'niesse,  2  pour  les  vêpres;  et  si  les  revenus  de  l'église      Labbe.tou-. 

ne  sulfisent  point  à  toutes  ces  di.stributions,  il  faudra  s'ar-  '^i;Rardou,n, 

111  >    Il  •  •  I.  MI,  filil.  Ve- 

raiiger  de  telle  sorte  qu  elles  ne  puissent  jamais  manquer  en  net  t.  xiii 
Avent  ni   en  Carême.  On  peut,  en  second  lieu,  attribuera 
Juliel  une  grande  part  aux  1 4  canons  pul)liés  dans  un  concile 


de  Tours  qu'il  piésida  en  la^G.  Maan  les  a  publiés,  et  Fleury      Concilia  pm 

en  a  donné  une  très-bonne  analyse.  «  Le  i"  article  porte  *."'^'*Turonf..- 

«  que  les  croises  arrêtes  pour  crime  par  le  juge  séculier,  se-  meiropoiii.  r>.i. 

«  ront  revendiqués  par  le  juge  ecclésiastique,  qui  n'aura  Turon   1  ii.p 

«  aucun   é<ïard  à   leurs  priviléires,   et  leur  ôtera   même  la  ^''v  ,      ,     , 

«  croix,  s  il  les  trouve  coupables  (1  homicide  ou  a  autre  crime  i,xxx,ii  ôc, 

a  énorme.  I-e  concile  ajoute  :  Nous  défendons  étroitement 

a  aux  croisés  et  aux  autres  chrétiens  de  tuer  ou  battre  les 

«  juifs,  leur  ôter  leurs  biens,  ou  leur  faire  quelque  autre 

a  tort,  puisque  l'Eglise  les  souffre,  ne  voulant  pas  la  mort 

«  du  pécheur,  mais  sa  conversion.  F^es  évêques  auront  soin^ 

«  de  la  subsistance  des  nouveaux  convertis, de  peur  qu'ils  ne 

«  retournent  à  leurs  erreurs  sous  prétexte  de  pauvreté.  Les 

«  avocats  auront  étudié  en  droit  trois  ans,  les  ofliciaux  cinq. 

«  Les  juges  délégués  par  le  saint-siége  dans  la  province  de 

«  Tours,  prendront  les  précautions  nécessaires  contre  les 

a  fraudes  des  parties  qui  obtiennent  des  rescrits  en  cour  de 

a  Rome.  Il  fallait  que  ces  délégations  fussent  bien  fréquentes. 

«  Les  testaments  seront  représentés  à  ré\êque,  ou  à  celui 

u  qui  exerce  sa  juridiction,  dans  dix  jours  après  la  mort  du 

«  testateur,  et  il  aura  soin  qu'ils  soient  fidèlement  exécutés. 

<t  Les  faux  témoins  seront  fustigés,  si   le  juge  ne  trouve  à 

«  propos  de  les  en  dispenser  par  une  amende.  Ceux  qui  ont 

«  deux  femmes  à  la  fois  seront  publiquement  dénoncés  in- 

«  fames,-et  mis  sur  l'échelle  publique,  puis  fustigés,  s'ils  ne 

«  s'en  rachètent  par  une  amende.  On  punira  de  même  ceux 

«  qui  seront  convainc^us  de  sortilège.  » 

Nous  avons  transcrit  ces  détails,  parce  qu'ils  peuvent  con- 
tribuer à  faire  connaître  les  mœurs  et  les  opinions  du  xin* 
siècle,  spécialement  la  paît  que  s'attribuait  le  clergé  dans 
l'exercice  du  pouvoir  judiciaire,  en  matière  tant  civile  que 
criminelle.  Le  troisième  et  dernier  écrit  de  Jubel  n'est  que  le 


XIII  SIÈCLE 


4£4  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

règlement  qui  concernait  les  écoliers  de  Reims,  et  dont  nous 
avons  déjà  fait  mention.  Il  est  de  l'an  i244i  <^t  se  lit  dans 
l'ouvrage  de  Marlot.  L'archevêque  assujettissait  les  étudiants 
à  des  pratiques  claustrales  qui ,  ce  semble ,  devaient  peu  con- 
tribuer à  leurs  progrès.  D. 


BERN/VRD  DIT  LE  TRÉSORIER, 


4PBSS  na8. 


TRADUCTEUR   ET  CONTINUATEUR  DE  GUILLAUME 

DE  TYR. 


Morer 
Bernard. 


verb. 


Trithen 
109. 

Miraeus 
ii)4- 


Ljes  historiens  des  premières  années  du  xiii*'  siècle  font 
mention  de  deux  écrivains  nommés  Bernard ,  qui  furent 
également  qualifiés  du  titre  de  trésorier.  On  n'avait  reconnu 
qu'im  seul  et  même  personnage  littéraire  sous  ces  nom  et 
surnom. Cette  confusion  a  persisté  si  long-temps,  que  Moréri 
paraît  être  le  premier  critique  qui  nous  en  ait  fait  distin- 
guer deux,  en  destinant  à  chacun  un  article  séparé.  L'un, 
paj;  appelé  Bernard  de  Compostelle  ou  le  Trésorier  (  sans  doute 
de  la  cathédrale  de  ce  nom ,  ce  qui  nous  le  déclare  Espagnol  ), 
'^■'^  fut  un  savant  canoniste  de  la  cour  pontificale  d'Innocent  IV, 
Anton  Bibi.  qui  par  Ordre  de  ce  pape  composa  plusieurs  recueils  sur  le 
Hisp.vet.  r  i,p.  droit  canon,  et  dont  on  a  placé  communément  la  mort  vers 
'•''■  l'an  i25o;  l'autre,  également  qualifié  de  Trésorier,  paraissait 

bien  avoir  été  Français;  mais  il  serait  difficile  même  d'en 
commencer  la  preuve,  d'après  la  seule  conjecture  qui  naît 
assez  naturellement  du  titre  de  Trésorier,  lequel  nous  est 
parvenu  sans  être  suivi  du  nom  de  la  ville  épiscopale  où 
notre  compatriote  aura  exercé  ses  fonctions. 

Le  rédacteur  des  analyses  récemment  publiées  sous  le  titre 
de  Bibliothèque  des  croisades,  nous  aurait  levé  toute  diffi- 
culté sur  ce  point ,  s'il  avait  marqué  nommément  dans  quelle 
chronique  italienne  il  aura  lu  que  Bernard  était  trésorier  de 
l'empereur  Frédéric  II;  car  alors  ce  titre  n'aurait  guère  pu 
concerner  qu'une  charge  de  palais  impérial.  Nous  espérions 
rencontrer  là-dessus  un  renseignement  positif  dans  l'analyse 
de  ces  chroniques,  comprise  au  Tome  II  du  même  recueil; 
BibLdesriois.  ^^^j^  ^^  ^  lisant,  au  contraire,  des  détails  qui  prouvent  que 


BKRNARD  dit  LE  TRESORIER.  4i5 


XIII  SIECLE. 


659. 


notre  Bernard  n'était  pas  plus  favoraljle  à  Frédéric  II  que 
ne  le  fut  depuis  Villani  qui  était  un  Guelfe  bien  déclaré,  il 
nous  a  fallu  employer  d'autres  moyens  pour  assurer  l'origine 
française  de  notre  historien;  et  d'après  le  peu  de  ménage- 
ment avec  lequel  Bernard  a  parlé  de  Frédéric,  nous  avons  id.  ibid.  pag. 
cru  devoir  en  conclure  que  ce  ne  fut  pas  de  cet  empereur  6i8. 

3u'il  aurait  pu  tenir  le  titre  de  trésorier,  mais  bien  plutôt 
e  quelque  cathédrale  de  France,  où  il  aura  exercé  les  fonc- 
tions de  cette  dignité  alors  si  communément  cléricale.  En 
effet,  elle  fut  toujours,  en  France,  d'un  usage  tellement 
continuel,  qu'entre  le  second  siècle  et  le  ix*  de  notre  ère,  nous 
comptons  trente  cathédrales  où  la  dignité  de  trésorier  a  dû 
être  établie  bien  avant  le  xiii*^  siècle,  puisqu'il  existait  La  France  ei- 
encore  trente  dignitaires  ainsi  qualifiés  en   1780,  d'après  le  ci^'^s'iiuepou»" 

I         '  C   -^     J        l<  '^    ..         '      '       I    J  1  '      I       '  aooée    1780,  I 

relevé  que   nous  avons  tait  de   l  état  gênerai  du  cierge  de  vol.  in- 18 
cette  année-là. 

Muralori  nous  rapproche  par  degré  du  but  de  notre  en-  Smpt.  remm 
quête,  lorsqu'il  nous  apprend  «  qu'ayant  entrepris  son  Re-  "^'-  '  ^'''  f 
a  cueil  des  écrivains  de  l'Italie,  et  voulant  y  comprendre 
n  l'histoire  la  plus  complète  qu'il  ait  pu  trouver  des  croisades, 
«  il  avait  cru  devoir  préférer,  parmi  tous  les  écrivains  de  ces 
«  événements,  celui  dont  l'ouvrage  n'était  pas  encore  im- 
«  primé,  et  dont  la  bibliothè(|ue  de  la  maison  d'Esté  lui 
«  fournissait  un  manuscrit ,  pour  lors  ancien  de  quatre  cefits 
«  ans.  Il  contenait  la  traduction  latine  de  l'histoire  écrite  en 
«  français  par  Bernard  le  Trésorier,  dont  on  ne  connaissait 
«  jusqu'alors  que  le  nom  et  le  surnom;  mais  (continue  le 
«  savant  critique  que  nous  copions  ici  )  ce  Bernard  devait 
«  appartenir  à  la  nation  française,  puisqu'il  avait  traduit 
«  Guillaume  de  Tyr  en  français,  et  que  sa  traduction  avait 
«  été  reproduite  en  latin  par  un  Italien,  vers  l'an  i320.  » 
Voilà  les  premières  lueurs  qui  ont  éclairé  nos  recherches  sur 
l'historien  français,  que  le  titre  de  Trésorier  d'un  empereur 
allemand  aurait  pu  faire  disputer  à  la  France,  s'il  ne  lui 
avait  été  formellement  rendu  dans  la  page  même  de  la  Bi- 
Dliotneque  des  croisades,  qui  le  représente  comme  attache  1. 1,  p.  555. 
à  la  cour  de  Frédéric  II. 

Le  second  éclaircissement  nous  est  fourni  par  François 
Pipino  de  Bologne,  religieux  dominicain,  et  ce  renseigne- 
ment est  clairement  contenu  dans  sa  traduction  qu'il  intitule 
ainsi  :  Incipit  historia  de  acquisitione  Terrœ  Sanctœ  quam 
auctor  hujus  operis  transtulit  ex  gallico  in  latinum. 


Bibl.  des  crois. 


4i6  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

XIII  SIÈCLE. 

Enfin,  et  pour  montrer, avec  plus  de  certitude,  que  notre 

Bernard  était  Français,  Muratori  rappelle  le  sentiment  que 

Du  Gange  avait  motivé  dans   ses  observations  sur  la  vie  de 

Joinviiie.Hist.  Saint  Louis  par  Joinville,  lorsqu'il  s'exprime  ainsi  qu'il  suit, 

de  $.  Louis,  in-  ç^,  parlant  de  Richard,  roi  d'Angleterre  : 
'    **  '  '  «  Et  demeura  le  roy  Richart  en  la  Terre-Sainte,  et  là  fist 

«  de  très-grans  faiz  d'armes  sur  les  mescréans  et  Sarrazins. 
a  Tant  qu'ilz  le  doublèrent  si  fort,  ainsi  qu'il  est  esrriptau 
«  livre  de  l'histoire  du  veage  de  la  Sainte  Terre,  que  quant 
«  les  petiz  eiifans  des  Siirrazins  crioent,  leurs  mères  leur 
«  disoient:  Taisez-vous,  taisez,  veezci  le  roi  Riehart  qui 
«r  vient  vous  quérir.  Et  tantoust  de  la  paour  que  iceulx  petiz 
«  enfans  sarrazins  avaient  seulement  de  oir  nommer  le  roi 
«  Richart,  ilz  se  taisoient.  Et  semblablement  quant  les  Sar- 
1  razins  et  Turcs  étoient  à  cheval  aux  champs,  et  que  leurs 
a  chevaulx  avoient  paour  de  quelque  umbre  ou  buisson, 
«  et  qu'ils  s'en  effraioient,  ils  disoient  à  leurs  chevaulx  en 
«  les  piquant  de  l'esperon  :  Et  cuides-tu  que  ce  soit  le  roi 
«  Richart?  » 
,    ,  Sur  ces  paroles  de  l'historiendesaintLouis,  Du  Gange  fait  la 

lions,  p.  [,',  réflexion  suivante  relativement  aux  historiens  des  croisades  : 
«  Ils  ont  tous  omis  cette  circonstance  rapportée  par  le  sire 
«  de  Joinville  qui  l'avoit  tirée,  ainsi  qu'il  témoigne  en  cet 
«  endroit,  de  l'histoire  des  guerres  saintes,  écrite  en  langue 
«  vulgaire,  que  j'ai  leûe  manuscrite,  qui  rapporte  la  même 
«  chose  en.  ces  termes  :  ■»  et  ces  termes  sont  littéralement  les 
mêmes  que  ceux  qui  se  lisent  dans  le  numéro  6744  o'J  nous 
copions  ce  qui  suit  : 

a  Pour  celle  prouesse  que  le  roi  Richart  fist  illec  et  ailleurs 
(T  et  au  château  du  Daron  qu'il  print  sur  les  Sarrasins  fut-il 
«  moult  doubte  par  toute  paiennie.  Et  si,  comme  l'en  dit,  il 
«  avenoit  aucune  foiz  que  quant  le  petit  enfant  des  Sarrasins 
«  plouroit,  disoient:  Tais-toy  pour  le  roi  d'Angleterre.  Et 
«  quant  aulcun  Sarrasin  chevaulchoit  et  cheval  veoit  ung 
«  buison  ou  ombre,  et  il  reculoit  en  arrière,  que  le  Sarrasin 
a  hurtoit  des  espérons,  et  lui  disoit  :  Guides-tu  que  le  roi 
«  d'Angleterre  soit  mucie  en  ce  buison  ou  en  celle  ombre, 
«  ou  en  ce  dont  le  cheval  avoit  paour.  » 

Muratori  conclut  judicieusement  du  parallèle  fait  ici  par 
Du  Gange,  qu'il  devait  exister  des  manuscrits  français  de 
l'histoire  dont  il  donnait  en  latin  la  première  édition  connue, 
et  dont  l'auteur  appartenait  nécessairement  à  un  temps  an- 


fcracle».    Mss, 
rcg.  p.  ccccmi 


XIIISII.CLK 


BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER.  417 

térieur  à  celui  de  Joinville.  Il  est  donc  maintenant  certain, 
d'après  les  témoignages  réunis  de  Joinville,  de  l'Italien  tra- 
ducteur Francesco  Pipino,de  Muratori  ,  de  Ducange,  de 
Moréri  enfin,  qu'il  a  dû  exister  une  histoire  des  croisades 
écrite  en  français;  qu'elle  était  antérieure  à  celle  de  Joinville, 
et  que  cette  histoire,  selon  le  dire  de  celui  (jui  l'a  traduite 
en  latin  et  qui  vivait  en  1 3ao  ,  aurait  eu  pour  auteur  un  écri- 
vain nommé  Bernard  le  Trésorier. 

Un  nouveau  témoignage  qui  vient  appuyer  les  précédents      Miiiaioii,,Sci. 
est  celui  de  la  chronique  attribuée  à  Ricobald  de  Fcrrare,  ■"«■■•  '''•'  '  '^  • 
laquelle  commence  au   règne  de  Charlemagne  et  fiîiit  en  P' '^^ 
i;'.94-   Cette  chronique,   dit    Muratori,   qui   parut  dans   le      liiioijaMns, p 
même  siècle  où  Bernard  écrivait  en  français   Thistoire  des  '•'):,'.'<,  4'8 
croisades,  est  aussi  le  premier  monument  littéraire  qui  la 
lui  attribue  nommément.  Son  témoignage  doit  donc  avoir  à 
nos  yeux  d'autant  plus  d'autoiité,  que  le  chroniqueur  était 
plus  voisin  du  temps  où  Bernard  écrivait,  et  que  ce  Bernard 
y  est  souvent  cité;  car  lorsque  Ricobald  ne  fait  qu'indiquer 
les  faits,  il  renvoie  à  l'histoire  écrite  par  son  devancier ,  ceux 
qui  en  désireraient  les  détails;  et  quand  il  les  donne,  il  traduit 
presque  littéralement,  ou  il  imite  librement  le  texte  français 
de  Bernard.  C'est  ainsi ,  par  exemple,  qu'il  agit  en  parlant  du 
Vieux  de  la  Montagne,  et  des  débats  qui  eurent  lieu  entre 
Philippe-Auguste  et  Richard,  roi  d'yVngleterre.  Il  faut  enfin      ^^^^^^  ^^^  ,   ^^ 
ajo^iterà  tous  lesécrivains  que  nous  venons  de  citer,  relative-  ,„(.  lai    1  i,  p 
ment  à  l'enquête  entreprise  dans  cet  article,  les  rédactt  urs  de  '^H;). 
la  Bibliothèque  historique  de  la  France  ,  et  ceux  de  l'Art  de      i.eiong,  t.  u, 
vérifier  les  dates,  qui  font  mention  de  Bernard  et  de  l'histoire  r  '^o 
qu'il  avait  translatée  et  continuée;  IMontfaucon,  enfin,  qui  cite  lesdaies.p.  386, 
l'ouvrage,  sans  en  d/îsigner  l'auteur,  tandis  que  Moréri ,  qui  é<iii.  de  1770. 
ne  le  connaissait  qu'indirectement,  avoue  qu'il  ne  pourrait      '''';'•  ""■**   ^ 

...  ^        .        .  '  '  TOI.  B. 

(lire  SI  cet  ouvrage  existait  encore.  '  Morén,    uhi 

Avant  de  nous  engager  plus  loin  dans  la  question  de  savoir  snpià. 
quel  est  nommément  le  Français  à  qui  l'on  doit  attribuer  la 
traduction  française  et  la  continuation  de  Guillaume  de  Tyr, 
il  faut  donc  avouer  que  Bernard  le  Trésorier  n'a  jamais  été 
unanimement  considéré  comme  en  ayant  été  incontestable- 
ment l'auteur.  FévretdeFontette,  second  éditeur  du  travail  du      Bibl.  Iii>l.  (1. 
P.  Leiong,  attribue  la  traduction  française  à  Hugues  Plagon,  '^  ^>  «  ".  P^s 
que  nous  n'avons  encore  pu  connaître  plus  originairement  '''"■^^^,^^  ^^^p.,^ 
que  dans  la  citation  suivante  de  Du  Gange:  «  Hugues  Pla-  t.iv,p.ixx\iii 
«  gon  en  la  version  de  Guillaume  de  Tyr,  au  tome  V  de  la 

7'orrie  .Vf  ///.  G  g  g 


4i8  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

XIII  SIÈCLE.  .  ,      ,,        , 

«  grande  collection  de  Martene.  »  Dans  notre  Histoire  litte'- 


«1 


Hisi.  liti.  de  raire,  à  l'article  de  Guillaume  de  Tyr,  on  se   déclare  aussi 
laFi.  I.  XIV,  p.  pource  Plagon.  L'auteur  de  la  Bibliothèque  des  croisades , 
'  après  avoir,  en  1817,  dans  la  Biographie  universelle,  attribué 

la  traduction  à  Plagon,  n'hésite  pas,  en  1829,  de  l'attribuer 
à  Bernard  le  Trésorier.  Toutes  ces  vacillations  auraient  donc 
pris  leur  source  dans  la  contradiction  qui  règne  entre  les 
deux  citations  faites  par  Du  Cange. 

Nous   venons  de    rapporter   plus  haut  la   citation  fran- 
Giossai.  Sup    Ç^'*^   ^^  ^^  savant;  voici  ce  qu'il  écrit  en  htin:  Berna /dus 
piem.  I.  IV,  in-  Thesaurarîus ,  de  acquisitione  Terrœ  Sanctœ  ah  anno  ioq5 
•***■  ad  annum  i23o.  Ce  titre,  rédigé  ou  littéralement  copié  par 

Du  Cange,  montre  assez  clairement  que  les  critiques,  ainsi 
que  Muratori,  considéraient  Bernard  le  Trésorier  comme 
1  auteur  de  la  traduction  française  et  de  la  continuation 
de  Guillaume  de  Tyr.  Mais  alors  comment  Du  Cange  a-t-il 
pu  inscrire,  dans  son  catalogue  des  Scriptores  gnllici  ver- 
naculi,  «  Hugues  Plagon  en  la  version  de  Guillaume  de 
Tyr?  ))  Alartenne  et  Durand  avaient  transcrit  la  version 
Bibi.descrois.  française,  sans  en  désigner  l'auteur;  mais  les  sentiments 
I  ii.p  555.  réunis  de  Ricobald  de  Ferrare,  de  Pipino,  de  Muratori, 
suffisent  bien  pour  détruire  l'effet  d'une  allégation  faite 
transitoireinent  par  Du  Cange,  et  qui  ne  peut  infirmer 
des  témoignages  presque  contemporains  au  traducteur 
français  de  Guillaume  de  Tyr.  Ajoutons  à  tout  cela  que 
Du  Cange  n'a  fait  que  soupçonner  l'existence  des  plus  an- 
ciens manuscrits  de  la  traduction  française,  que  l'auteur 
de  la  Bibliothèque  des  croisades  n'a  pas  cités,  et  dont  l'é- 
criture et  les  vignettes  font  remonter  évidemment  l'origine 
à  la  fin  du  xin^  siècle.  Le  manuscrit  6744  de  la  Biblio- 
thèque du  Roi,  qui  est  du  siècle  suivant,  a  pour  titre 
extérieur  :  «  Eracles  ;  de  la  conquête  de  la  Terre-Sainte.  «  Le 
titre  intérieur  en  est  ainsi  conçu  :  k  Cy  commence  le  livre 
«  intitulé  Eracles,  lequel  parle  de  la  conqueste  de  la  Terre- 
'c  Sainte  de  Jherusalem,  contenant  plusieurs  gueri-es  et 
«  haulx  faits  d'armes  faitzen  icelluy  royaume  êtes  pais  voi- 
«  sins.  Ensemble  maintes  merueilleusesbesoingnesaduenues 
"  tant  de  ca  que  oultre  mer  ce  temps  pendant,  et  comment 
«  le  vaillant  Godefroy  de  Buillion  couquist  à  l'espee  ledit 
o  royaume  et  y  fut  roy.  » 

Relativement  à  la  composition  de  cette  histoire,  Muratori 
s'exprime  ainsi  :  «  Je  ne  doute  pas  que  Bernard  le  Trésorier 


XIII  SltClE. 


BERNARD  dit  LE  TRESORIER  419 

<f  n'ait  eu  sous  les  yeux  les  écrivains  précédents  qui  avaient 
«  déjà  écrit  l'histoire  des  guerres  sacrées,  et  surtout  Guil- 
«  laume  de  Tyr,  qu'il  suit  toujours,  même  dans  les  erreurs 
«  qui  lui  échappent.  ..  .  Néanmoins;  continue  le  critique, 
«  ce  n'est  pas  un  motif  qui  doive  déprécier  cet  ouvrage, 
K  qu'on  recevra  avec  plaisir,  soit  parce  qu'il  parait  à  présent 
«  pour  la  première  fois,  soit  parce  qu'il  comprend  la  série 
<f  presque  entière  des  expéditions  orientnles,  et  principale- 
«  ment  des  dernières  que  peu  d'écrivains  ont  racontées.  » 

Pour  compléter  le  jugement  porté  par  le  critique  italien, 
nous  remarquerons  que  la  première  et  la  plus  grande  partie 
du  travail  de  Bernarcf  ne  consiste  pas  en  une  simple  imitation, 
mais  que  c'est  une  traduction  littérale  de  l'Histoire  rédigée 
par   Guillaume  de   Tyr,  et  où  le  traducteur  n'a   fait  que 

Quelques  suppressions,  transpositions  ou  additions  de  peu 
'importance.  La  comparaison  du  texte  français  avec  le  latin 
de  la  traduction  de  Pipino  suffirait  pour  prouver  que  c'est 
au  fond  et  en  réalité  l'ouvrage  de  l'archevêque  de  Tyr,  si  le 
traducteur  ne  disait  pas  d'ailleurs  clnirement  qu'il  n'a  fait, 
pour  cette  partie,  rien  autre  que  traduire  l'histoire  originai- 
rement composée  par  son  illustre  devancier.  Il  serait  inutile 
de  s'occuper  ici  du  mérite  et  des  défauts  de  l'histoire  écrite 
par  Guillaume;  sur  quoi  l'on  peut  recourir  à  l'article  qui  le 
concerne  dans  notre  Histoire  littéraire;  mais  pensant  que  le  1  ^iv 
lecteur  trouvera  par  là  plus  de  facilité  à  comparer  la  compo-  Î87. 
sition  latine  avec  la  française,  nous  transcrirons  ici  le  seul 
commencement  de  la  latine,  que  nous  ferons  suivre  pir  un 
morceau  plus  étendu  de  l'autre,  et  dans  le  dessein  de  mon- 
trer la  parfaite  identité  du  fonds  commun  des  deux  compo- 
sitions : 

Tradunt  ■veteres  historiœ ,  et  idipsum  etiarn  habent  urien-      \\iiiriii,u5rv 
talium  traditiones ,  quod  tenipore   quo  HeracUus  augustu.s   i<m.is,ii;,i  1.  i, 
Homanum  administrabat  imperium ,  Mahumeth  primogeniti  ""■  '•  "f"''  "°" 
Satanœ ,   qui  se  prophetam  à  Domino  missum  inenliendo  ,  '^^"" ''     "■' 
orientaliuni  regiones ,   et  maxime  Arabiam  sediixerat,  ità 
invalaerat  doctrina  pestilens ,   et    disseminalus  languor  ità 
universas  occupaverat  procincias ,  ut  ejus  successoresjam  non 
exhortationibus   vel  prœdicalione ,   sed  gladiis  et  violentid 
in   suuni   errorem  populos  descendere  compellerent  imitas. 
Ciim  enim  prœdictus  Augustus ,  victor  reversas  de  Perside , 
undè  crucem   Domini   cum  glorid  reportaverat ,   adhuc  in 
Syria  moram  faceret ,  etper  Modestum  ,  virum  venerahilem, 


G  i;  i'  2 


XIII  51KCLE. 


M*s,  II.  I 


430  BERNARD  DIT  LE  TRESORIER. 

quem  Hierosolymis  ordinaverat  episcopum ,  ecclesiarum  rui- 
nas, quas  Cosdroe  Persarum  satrapa  nequissimus  hostiliter 
dejecerat ,  in  priorem  statum,  datis  sumptibus  necessariis , 
reformari  prœcepisset ,  etc. 

Nous  ne  prolongerons  pas  davantage  la  citation  d'un  texte 
latin  qu'on  va  lire  traduit  presque  mot  à  mot  par  Bernard 
le  Trésorier,  et  l'étendue  que  nous  donnerons  aux  citations 
françaises  nous  a  paru  assez  utile  sous  plusieurs  points  de  vue; 
surtout  pour  comparer  le  manuscrit  français  du  xiii^  siècle, 
soit  avec  ceux  du  xiv^,  soit  avec  le  texte  de  Guillaume  de 
Tyr,  et  pour  faire  conclure  qu'entreles  années  i35o  et  i4oo, 
la  langue  n'a  presque  pas  cnangé  de  style  et  d'expressions. 
Voici  le  début  de  Bernard  : 

«  I,es  anciennes  ystoires  dient  que  Eracles  en  fut  moult  bon 
«  «.'hpien  (chrétien)  et  gouverneur  de  l'empire  de  Romme.  Mais 
(c  en  son  temps,  Maliommet  auoit  ja  esté  qui  fut  messagier 
«  au  deable.  Et  il  fist  entendant  qu'il  estoit  prophète  enuoye 
«  de  nostre  Seigneur.  Ou  temps  d'Eracles  estoit  ja  la  des- 
a  loiaute  et  la  faulse  loy  qu'il  sema,  espandue  par  toutes 
«  les  parties  d'Orient,  et  nommément  en  Arabe,  telement 
«  que  les  princes  des  terres  ne  se  tenoient  mie  a  ce  que  len 
o  enseignast  et  amonestast  a  croire  celé  malt-  auenture.  Ain- 
«  cois  contregnoient  par  force  et  par  l'espee  tous  leurs 
«  subgiez  obéir  au  commandement  de  IMahommet  et  a  croire 
«  en  sa  loy.  Quant  Eracles  eut  conquise  Perse,  et  occis  Cos- 
<(  droe  qui  estoit  si  puissant  roy ,  il  en  raporta  la  vraie  croix 
«  en  Jherusalem  que  ceulx  en  avoient  portée  en  Perse.  Et 
«  demoura  en  la  terre  de  Surie,  et  fist  ordonner  et  eslire  en 
tt  Jherusalem  un  patriarche  moult  sage  qui  auoit  nom  Modeste. 
n  Par  le  conseil  de  ceilui  il  fist  refaire  les  églises  et  abillier  les 
«  sains  lieux  et  netoier  que  ceilui  desloial  prince  de  Perse 
«  Cosdroë  auoit  despeciezet  destruiz.  Moult  y  metoit  Eracles 
a  grant  entente  et  granz  couz  a  ces  choses  mettre  en  repa- 
«  racion.  Entretant  que  il  entendoit  a  ce,  soiez  certains  que 
«  Homar  le  filz  Catap  qui  estoit  prince  d'Arabe,  tiers  après 
«  Mahommet  roy  et  enseigneur  de  ses  commandemens  vint 
K  en  celle  terre  qui  a  nom  Palestine  a  si  gnmt  plante  de 
«  gens  que  toute  la  terre  en  estoit  couucrte.  Et  auoit  ja  prinse 
«  par  force  une  moult  forte  cite  de  celle  partie  qui  auoit 
<(  nom  Jadre  (  c'est-à-dire  Gaza  ).  De  la  se  tira  vers  Damas 
«  et  asist  la  cite,  et  la  print  a  force.  Car  il  auoit  moult  grant 
<(  nombre  de  gens,  si  que  rien  ne  lui  pouoit  résister.  L'em- 


BERNARD  dit  LE  TRESORIER.  421 


Xm  SIECLE. 


«  pereur  Eraclés  qui  demouroit  encore  en  celle  terre  qui  a 
«  nom  Cilice  oyt  nouuelles  de  ces  gens.  Si  enuoya  bonnes 
«  espies  et  loyaulx  esquelz  il  se  fioit  moult  pour  veoir  et 
«  encerchier  leur  couuine  {desseiru)^  car  il  desiroit  moult 
«  a  scavoir  sil  peust  celé  gent  attendre  en  champ,  ou  ruser 
«  hors-et  chacier  des  terres  et  des  cites  qui  obeissoient  à  la 
«  christiente  et  a  l'empire  de  Romme.  Mais  quant  les  mes- 
«  sagiers  revindrent,  il  sceut  certainement  qu'il  n'auoit  mie 
«  gens  assez  a  les  combattre.  Car  ils  estoient  si  tiers  et  si 
«  orgueilleux  de  la  grant  plante  de  gens  qu'ils  auoient  que 
«  rien  ne  leur  pourroit  résister.  Si  eut  auis  et  conseil  avec- 
«  ques  ses  gens,  et  fut  tel  que  moins  estoit  laide  chose  qu'il 
«  s'en  partist  et  retournas!  en  son  pays  que  il  y  alast  la  des- 
«  truire  le  peuple  et  la  terre  de  l'empire,  et  jamais  ne  se 
«  pouoir  amender.  Ainsi  sen  ala  de  Surie  pour  ce  que  le  roy 
«  d'Arabe  et  ses  gens  montèrent  en  si  grant  orgueil,  et  en 
«  si  grant  pouoir  comme  ceulx  qui  trouuerent  la  terre  toute 
«  abandonnée ,  car  ilz  eurent  en  pou  de  terme  tout  conquis 
«  des  la  liche  de  Surie  jusques  en  Egypte.  Une  chose  qui 
«  estoit  avenue  en  ces  parties  nauoit  guaires  aida  moult  à 
«  ceulx  d'Arabe  a  croistre  leur  pouoir,  car  Cosdroe  le  puis- 
«  sant  roy  de  Perse  dont  jay  parle  devant,  estoit  venu  à 
«  grant  force  en  Surie,  et  auoit  destruites  les  cites  et  les 
«  chasteaulx,  arses  les  villes,  les  églises  fondues,  grant  partie 
«  du  peuple  occis  et  lautre  partie  menée  en  captivité,  la 
«  cite  de  Jherusalem  print  à  force  et  occist  dedans  la  ville 
«  XXXVI  mille  hommes,  la  vraie  croix  ou  notre  Seigneur 
«  Jesus-Christ  soufrit  mort  pour  nous  emporta.  Le  patriarche 
«  de  Jherusalem  nomme  Zacharie  entreina  en  Perse  auecques 
«  les  autres  chetis  {captifs).  » 

Celui  qui  comparera  entièrement  les  deux  morceaux  cor- 
respondants pourra  juger  de  la  conformité  qui  règne  entre 
la  traduction  et  le  texte;  mais  il  acquerra  encore  plus  de 
certitude  à  cet  égard,  en  lisant  les  propres  paroles  de  Guil- 
laume ,  lorsque  rapportant  comment  il  fut  nommé  chancelier 
du  roi  de  Jérusalem,  il  s'exprime  en  ces  termes  : 

Per  idem  tempus ,  quia  prœcedente  œstate  dominus  Ra-  |^"  o"?»", 
dulphus  honœ  memorice ,  Bethlemita  episcopus ,  regni  can- 
cellarius ,  ex  hac  lues  mi.graverat ,  ut  esset  qui  regiarum 
epistolarum  curam  haberet ,  de  consilio  principum  suorum , 
nos  ad  prœdictum  vocavit  officium  et  canceÙarii  nobis  tra- 
didit  dignitatem. 
0 


422  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

un  SIECLE.  ^  •       •  1     •  r,  ,  X 

l^e    passage   est  ainsi  traduit   par   Bernard  :  «  Leueque 

Eracies.Mss.  «  Raoul  de  Bethlecm  auoit  este  mort  en  leste  devant  {Vété 

«LT  '^'^""''  "  précédent')^  le  roy  par  le  conseil  de  ses  barons  fist  chance- 
«  lier  Guillaume  l'archidiacre  de  Sur  qui  mit  en  latin  ceste 
«  ystoire.  »  Il  est  bien  à  remarquer  que  le  traducteur  français 
nomme  ici  positivement  Guillaume  de  Tyr,  pour  traduire  le 
mot  ISos  que  le  chancelier  avait  employé  en  parlant  de  sa 
propre  personne. 

Après  les  préambules  nécessaires  au  développement  des 
causes  qui  amenèrent  les  guerres  des  croisades,  l'histoi  re  écri  te 
par  Guillaume,  qui  commence  en  1095  avec  le  concile  de 
Clermont,  et  finit  en  i  i83,à  la  date  où  Raimond,  comte  de 
Tripoli ,  est  investi  de  la  régence  du  royaume  de  Jérusalem, 
pendant  la  maladie  de  Baudouin  IV,  se  termine  en  ces 
termes  :  Cornes  vero  Joppensis  cognito  quod  ad  ejus  paceni 
rex  animum  suum  noUet  inclinare,  adjecit  pejora  prioribus  et 
asswnens  eam  quam  seciim  hahebat  militiam ,  versus  cas- 
Bongars.pag.  trum ,  cui  notnen   Darum ,  suos  direxit ,   et  in  castra  quo- 

'"''•  rumdam  Arahum,  qui  in  partibus  illis,  gratiâ  pascuorum  , 

tentoria  locavcrant  sua ,  à  rege  habentes  securitatern ,  et 
sub  ejus  fidaciâ  commorantes  securi ,  repentinus  irruit ,  et 
impara  tos  reperiens ,  prœdam  inde  et  manubias  agens ,  re- 
versus  est  Ascaloniam.  Quo  cognito  rex  iterum  revocatis 
principibus ,  Tripolitano  comiti  curam  et  generalem  admi- 
nistrntionem  committit ,  in  ejus  prudentia  siniul  et  magna- 
nimitate  spem  liabens.  In  quo  facto  populi  uni\>ersi  et 
principum,  ex  parte  pluriinâ  videbatur  satisf caisse  desideriis. 
Unica  enim  et  singularis  videbatur  omnibus  salutis  via ,  si 
prœdicto  comiti  regionum  cura  committeretur  negotiorum . 

Voici  comment  Bernard  reproduit  le  morceau  précédent. 

«  Le  comte  de  Japhe  oyt  dire  que  le  roy  ne  vouloit  auoir 

«  nulle  mercy  de  lui,  et  que  pour  amour  ne  pour  prière  ne 

«  pouuoit  avoir  sa  paix.  Des  lors  se  pourpensa  comment  il 

^     ,  .,  «  le  pourroit  courroucer.  Il  print  chevaliers  auecques  lui 

ErJcI.Mss.  .<■£;.  i  .,  ■         r^.  i  i-^  i 

p. cr.r.Lxxiiii.  "  tout  commc  il  en  peut  auoir.  iLt  sen  ala  tout  droit  vers  le 
<(  château  de  Daron;  illecques  sestoient  logies  Turcs  d'Arabe 
((  que  len  appelle  Bedoins  et  gardoient  grant  quantité  de 
«  bestes  par  les  pastures,  car  ils  auoient  tant  donne  du  leur 
«  au  roy  quil  les  ysoutfroit  et  auoit  en  son  conduit,  pour  ce 
«  se  tenoient  tous  seurs,  et  ne  cuidoieiit  rien  doubler,  ne 
«  avoir  garde  de  nul  chreptien,  le  conte  et  les  chevaliers 
n  vindrent  soudainement  et  le  sourprindrent ,  aulcuns  en 


BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER.  .    428 


XUI  SIÈCLE. 


«i  occirent  et  toute  la  proye  emmenèrent  tout  tant  qu'ils 
«  trouuerent  de  robes  et  d'avoir,  emportèrent  tout  à  Esca- 
«  lone.  La  nouuelle  en  vint  au  roy  qui  étoit  tout  plein  d'ayz. 
«  Si  manda  le  conte  de  Triple,  et  pour  ce  qu'il  se  fioit  en 
«  son  sens  et  en  sa  loyauté,  lui  bailla  incontinent  tout  le 
«  pouuoir  et  toute  la  baillie  de  son  royaume.  Trop  en  eurent 
«  grant  joye  tous  les  barons  et  le  menu  pueple  pour  ce  qu'ilz 
«  auoient  par  avant  que  aultrement  ne  pouoit  la  terre  estre 
<(  en  bon  point  pour  leurs  deux  roys  qui  estoientsinon  puis- 
«  sans  se  tout  le  fais  et  le  gouuernement  n'estoit  baille  au 
«c  conte  de  Triple.  » 

Après  avoir  établi  par  les  parallèles  précédents  que  la 
première  partie  du  manuscrit  royal  de  l'Eracles  n'est  abso- 
lument que  la  traduction  de  l'Histoire  écrite  par  Guillaume 
de  Tyr,  il  faut  maintenant  montrer  que  la  continuation  de 
cette  histoire  a  été  composée  en  français  par  Bernard  le 
Trésorier,  qui,  prenant  la  narration  à  l'époque  où  Guillaume 
l'avait  laissée,  l'a  poursuivie  jusqu'à  l'an  auquel  le  roi  de 
Jérusalem,  Jean  de  Brienne,  demandé  par  les  barons  latins, 
passa  à  Constantinople ,  maria  sa  fille  au  jeune  empereur 
Baudouin  II,  et  gouverna  l'empire  pendant  la  minorité  de 
ce  jeune  prince;  ce  qui  eut  lieu  en  1228.  Cette  date  indi- 
querait assez  bien  la  place  que  Bernard,  dont  on  ne  connaît 
pas  plus  précisément  l'année  de  décès  que  l'année  de  nais- 
sance, aiirait  pu  occuper  dans  notre  Histoire  littéraire;  et 
alors  l'équivoque  causée  par  l'homonymie  des  deux  Bernard 
cessant,  on  ne  placerait  plus,  comme  on  l'a  fait,  le  décès  de 
Bernard  à  l'an  i25o,  qui  est  l'année  fixe  de  celui  du  Tré- 
sorier de  Compostelle. 

La  suite  qui  complète  le  contenu  du  manuscrit,  et  dont 
l'étendue  équivaut  environ  au  quart  du  volume  de  Guil- 
laume de  Tyr,  se  trouve  aussi  dans  la  grande  collection  de  Marien.  Am- 
Martène  et  Durand,  mais  avec  une  autre  suite  qui  prolonge  ''''to  "*""  ''  ^' 
les  récits  de  Bernard  jusqu'en  1296.  Les  éditeurs  disent 
l'avoir  tirée  d'un  manuscrit  écrit  à  Rome  dès  cette  année-là 
même ,  et  qui  contenait  l'ouvrage  entier  de  Guillaume  traduit 
par  notre  Bernard.  «  Nous  n'avons  pas  jugé  convenable,  di- 
«  sent  ces  savants  éditeurs,  de  copier  tout  l'ouvrage  traduit; 
«  d'abord  à  cause  de  son  étendue,  ensuite  à  raison  de  l'an- 
«  cienneté  du  langage  dans  lequel  il  est  écrit;  car  il  aurait 
«  nécessité  de  trop  nombreuses  explications;  enfin,  parce  que 
«  la  partie  que  le  traducteur  a  ajoutée  à  l'ouvrage  original , 


4:^4 


BERNARD  dit  LE  TRESORIER. 


XIII  SIECLE. 


Mamiscrit 

(iCCI.VXlVII. 


«  se  trouve  dans  les  auteurs  contemporains.  »  En  conse'- 
quence,  ils  se  sont  bornés  à  publier  la  suite  de  l'histoire, 
sans  dire  à  qui  on  la  devait,  ni  si  cette  suite  était  l'ouvrage 
d'un  ou  de  plusieurs  historiens,  et  sans  même  avoir  nommé 
le  Bernard  traducteur  et  continuateur  français. 

Les  raisons  précédemment  exposées  et  tirées  de  la  chro- 
nique de  Ricobald,  du  traducteur  Pipino  et  de  l'assentiment 
de  iMuratori,  ne  permettent  pas  de  douter  qu'au  moins  la 
première  continuation  ajoutée  au  texte  de  Guillaume  de  Tyr 
ne  soit  de  notre  Bernard. 

Dans  son  ouvrage,  le  continuateur  de  Guillaume  de  Tyr, 
conservant  l'ordre  suivi  par  son  devancier,  conduit  son  lec- 
teur de  Jérusalem  à  Constantinople,  et  de  là  dans  les  autres 
régions  de  l'empire  grec,  puis  en  Europe  oîi  de  nouveaux 
croisés  se  préparaient  à  partir.  Il  montre  en  détail  la  lutte 
tantôt  heureuse  et  tantôt  malheureuse  que  les  chrétiens  sou- 
tiennent contre  le  Soudan  Saladin;  il  développe  les  grandes 
qualités  et  les  hauts  faits  de  ce  soudan  ;  puis  il  passe  en  revue 
les  événements  principaux  qui  surviennent  dans  les  divers 
royaumes  d'Europe.  Les  démêlés  de  Philippe-Auguste  et  de 
Richard  Cœur-de-Lion  ne  perdent,  sous  la  plume  du  conti- 
nuateur, rien  de  l'intérêt  qu'ils  causent  depuis  qu'ils  ont  été 
traités  par  des  plumes  plus  habiles,  aidées  surtout,  comme 
elles  l'ont  été,  des  avantages  que  leur  fournit  une  langue 
aussi  perfectionnée  que  l'est  celle  de  nos  temps.  Les  moeurs 
et  les  coutumes  des  peuples  y  sont  peintes  avec  une  naï- 
veté quelquefois  embarrassante  à  transcrire  littéralement. 
En  un  mot,  les  récits  contenus  dans  la  continuation  que 
nous  devons  à  Bernard  le  Trésorier,  sont  si  remplis  de  faits, 
qu'on  pourrait  presque  les  considéier  comme  une  histoire 
générale  de  l'espace  des  quarante-cinq  ans  qu'elle  comprend. 
Or,  pour  montrer  quel  est  le  mérite  de  sa  composition ,  de 
son  style  et  de  son  langage,  nous  transcrirons  ici  deux  mor- 
ceaux choisis  entre  plusieurs  autres,  que  nous  aurions  pu 
citer  avec  autant  de  raison.  Dans  le  premier,  pour  raconter 
les  dérèglements,  les  cruautés,  la  fin  ignominieuse  d'An- 
dronic  I",  qui  régna  deux  années  à  Constantinople,  Bernard 
le  Trésorier  s'exprime  en  ces  termes  : 

K  Or  vous  dirons  d'Androine  qui  fut  empereur  de  Con- 
te stentinoble.  Il  ne  demouroit  belle  nonne  en  abbaye  ne 
«  fiile  a  cheualier  ne  a  bourgoys  qui  lui  pleust  quil  ne  pre- 
<  nist  et  feist  a  son  plaisir,  par  force.  Si  estoit  tellement  hay 


BERNARD  dit  LE  TRESORIER.  425 

fc  pour  les  mauU  quil  faisoit  quonques  nul  hault  homme  ■ 
«  ne  fut  tant  comme  il  estoit.  Or  avint  ung  iour  que  Lan- 
«  gosses  vint  a  lui  et  lui  dist  :  Sire  il  y  a  ung  cheualier  en 
a  ceste  ville  qui  fut  parent  a  lerapereur  Manuel,  se  vous 
K  men  créez,  vous  le  manderez  et  le  metterez  en  prison,  ou 
«  vous  le  ferez  occire,  car  je  scay  bien  que  se  vous  le  laissiez. 
«  ainsi,  il  vous  guerroyera,  car  il  esx.  fol  et  malicieux\ 
K  Lempereur  lui  manda  que  il  venist  parler  a  lui.  Ce  che- 
«  ualier  auoit  nom  Kyersac  et  auoit  ung  frère  qui  auoit 
«  nom  Alexe.  Quant  Kyersac  sceut  que  lempereur  lauoit 
«  mande,  il  fut  moult  doulent,  et  dist  au  messaigier  quil 
«  sen  allastet  quil  yroit  apreslui.Adoncques  manda  Kyersac 
«  son  frère  hastivement  et  ses  compaignons,  et  leur  dist  com- 
<c  ment  il  lauoit  mandé.  Je  say  bien,  dist-il,  que  je  suy  accusé 
«  a  lempereur  pour  moy  occire,  quel  conseil  me  donrez- 
«  vous?  Son  frère  lui  dist  et  ses  compaignons  :  Nous  louons 
«  bien  que  vous  y  ailliez,  et  nous  yrons  avecques  vous ,  si 
a  scaurons  quil  dira.  Kyersac  dist  :  Puisque  vous  le  me 
«  louez  je  yray  doncques.  Lors  sarma  par  dessoubz  ses  draps 
«  et  mist  son  espee  et  monta  a  cheval  lui  son  frère  et  ses 
(f  compaignons  et  sen  ala  a  Blaquerne  ou  lempereur  estoit. 
«  Blaquerne  est  ung  manoir  de  lempereur  qui  est  a  ung 
«  bout  de  Constentinoble  deuers  terre.  Si  comme  Kyersac 
«  aloit  a  lempereur  et  y  vint  en  une  estroite  rue ,  il  encontra 
<:  Langosse  qui  aloit  diner  a  son  hostel,  et  quant  Kyersac 
"  vist.  que  Langosse  ne  pouoit  euader^  que  il  ne  venist  de 
«  lez  lui,  il  tira  son  espee  et  lui  coupa  la  teste,  si  quil  fut 
«  tout  sanglant  et  son  espee,  lors  tourna  arrière,  et  pic- 
«  qua^  son  cheval  des  espérons,  si  sen  ala  criant  lespee 
«  traite  parmy  la  ville:  Seigneurs  venez  après  moy  que  jay 
«  tue  le  dyable.  Quant  le  cry  leua  en  la  ville  que- Kyersac 
«  auoit  tue  Langosse,  si  alerent  tous*  après  lui  a  Bouche 
«  de  Lyon  ,  si  le  garnit  et  mist  ses  hommes  dedens.  Bouche 
«  de  Lyon  estoit  un  des  manoirs  a  lempereur,  si  est  sur 
«  mer,  et  la  est  le  plus  de  son  trésor.  Lors  vint  Kyersac  et 
«  print  la  couronne  et  le  vestement  de  lempereur,  si  ala  a 
«  saincte  Sophie'  et  se  fist  couronner  en  empereur.  Quant 
«  il  avoit  este  couronne  il  manda  tous  ceulx  de  la  cite  pour 
«  aller  assegier  Blaquerne.  Quant  Androines  oyt  dire  que 
«  Kyersac  avoit  tué  Langosse  et  quil  auoit  prins  Bouche  de 

Variantes.  "Rous   et  deputaire.  'Trastorner.  ^Brocha.  *Tuit.  'Sophise. 

Tome  XFUI.  Hhh 

3  0* 


XIU  SIÈCLE. 


XIII  SllXLE. 


4^6  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

«  Lyon  et  son  trésor  et  quil  auoit  portée  couronne,  si  ne 
«  sceut  que  faire,  il  fist  pourtant  armer  ses  hommes ,  ceulx 
«  quil  auoit  auecques  lui  pour  soy  défendre.  Mais  riens  ne  lui 
«  valut.  Quant  Kyersac  vint  deuant  Blaquerne,  et  ceulx  de 
a  dedens  visrent  que  leur  défense  ne  leur  vauldroient  rien, 
«  si  se  rendirent,  adoncques  vint  Kyersac  et  fist  prendre 
«  Androines  et  le  fist  mettre  en  Bouche  de  Lyon.  Apres 
(c  Kyersac  si  sepourpensa  quil  le  feroit  de  villaine  mort  morir 
«  pour  cause  de  son  seigneur  droiturier  quil  auoit  noyé 
«  en  la  mer  qui  auoit  este  fils  a  lempereur  Manuel,  et  aussi 
«  pour  les  aultres  mauvaisties  quil  auoit  faictes.  Lors  vint 
«  et  fist  ledit  Kyersac  le  despouillier  tout  nu,  et  fist  aporter 
«  une  tresse  daulx',  mais  les  aulx  ny  estoient  pas,  et  le 
«  fist  couronner  de  celle  la,  comme  roy ,  et  fist  amener 
«  une  asnesse,  si  le  fist  monter  sus  ce  deuant  derrière  et 
(c  tenoit  la  queue  en  sa  main  comme  frain ,  et  ainsi  le  fist 
«  mener  par  toutes  les   rues  de  Gonstentinoble,  et  porter 

«  couronne 

<c  Ainsi  porta  Androines  couronne  en  Gonstentinoble 
«  tant  quil  fut  hors  de  la  cite.  Quant  il  fut  hors  de  la 
«  cite,  il  le  livra  aux^  femmes,  et  les  femmes  lui  cou- 
(f  roient  sus  comme  les  chiens  famileux  à  la  charoigne. 
«  Si  le  depecierenl  tout  pièce  a  pièce ,  et  celle  qui  en 
«  pouoit  auoir  aussi  gros  comme  une  feue  le  mengoit 
<(  et  lui  raticoient^  les  os  ou  les  couteaulx et  ostoient  la  char, 
«  si  la  mengoient.  Ne  oncques  mie  demoura  ne  osselet 
<(  ne  joincteure*  quelle  ne  mengassent,  et  disoient  que 
((  toutes  celles  qui  auoient  mangie  de  lui  estoient  sauuees 
«  pour  ce  quelles  auoient  aidie  a  vengier  les  mauvaisties  quil 
«  avoit  faictes.  » 

Le  second  morceau  fait  connaître  une  particularité  hono- 

Miiuusciii  p.  rable  pour  le  soudan  Saladin.  «  Or  vous  diray  une  grant 

«  courtoisie  que  Salahadin  fist  pour  lors.  Les  dames,  les 

«  femmes  et  les  filles  aux  chevaliers  qui  furent  afouies  en 

Jherusalem,  a  <|ui  leurs  seigneurs  avoient  este  prins  et 

mors  en  la  bataille,  incontinent  quelles  furent  rachetées 

et  yssues  de  Jherusahîm,  sen  allèrent  devant  Salahadin  lui 

crier  mercy.  Quant  Salahadin  les  vist,  si  leur  demanda 

qui  elles  estoient,  et  quelles  demandoient,  et  len  lui  dist 

que  cestoient  les  femmes  et  les  filles  aux  chevaliers  qui 

flânantes.  'Rois  .d'aulx.  '  As,  '  Reaient.  *  Ne  jointure. 


i:r.<:rviii 


(f 


XIIl  SIKCLK. 


BERNARD  dit  LK  TRÉSORIER.  ^27 

«  auoit  este  occis  et  prins  en  la  bataille.  Adonc  demanda  il 
((  quelles  vouloient,  et  elles  dirent  en  plourant  tendrement 
«  que  pour  Dieu  il  eut  mercy  délies  qui  auoient  leurs  maris 
«  et  seigneurs  en  prison ,  et  que  leurs  terres  auoient  perdues, 
«  et  que  pour  Dieu  il  y  meist  conseil  et  aide.  Quant  Sala- 
ce hadin  les  vist  plourer,  si  en  eust  grant  pitié,  et  dist  aux 
«  dames  de  qui  les  maris  estoient  vifs  quelles  lui  teissent 
«  ascavoir  silz  estoient  en  sa  prison,  et  que  tous  ceulx  qui 
«  estoient  en  prison  il  feroit  délivrer,  et  furent  délivres 
«  tous  ceulx  que  len  y  trouua.  Apres  commanda  que  len 
«  donnast  aux  dames  et  aux  damoiselles  dont  les  pères  et 
«  les  seigneurs  estoient  mors,  largement  du  sien,  a  lune 
«  plus  a  lautre  moins  selonc  ce  quelles  estoient.  Et  len 
«  leur  en  donna  tant  quelles  sen  louèrent  doulcement  a 
«  Dieu  et  au  siècle  du  bien  et  de  lonneur  que  Saiahadin 
«  leur  auoit  faicte.  » 

Après   avoir  fait   connaître  de  quel  genre  est   la  com- 
position française  de  Bernard  le  Trésorier,  il  a  paru  conve- 
nable de  dire  quelque  chose  de  la  traduction  latine  qui  en 
fut  faite,  vers  l'an    i33o,  par  Pipino  de  Bologne.  On  sait 
que  ce    religieux  s'est  fait  aussi  connaître  par  une  traduc-     Muraiori.Rei. 
tion  latine  de  la  Relation,  en  italien,  que  Marc  Paul  avait  ''«i  Stript.i.vii, 
écrite  de  son  voyage  en  Chine,  et  par  l'Histoire  du  voyage  53g  9;'-ï''^.p- 
<^ue   Pipino   avait    personnellement   fait   en    Palestine,  en 
Egypte,  en    Syrie  et    à  Constantinople;  enfin  parla  chro- 
nique   qui  comprend   le  temps   écoulé  entre  l'an    1176  et 
l'an  i3i4- 

La  traduction  par  Pipino  n'est  en  réah'té  qu'une  imitation 
de  l'original  ;  car  il  fait  de  fréquents  retranchements  au  texte 
français:  et  quand  il  le  trouve  à  propos,  il  y  fait  des  addi-      ,,        .  t,. 

=>..>,,  ^-^  ."^       r        '        y  ,  HeinaidiThe- 

tions  considérables.  On  en  peut  juger,  en  lisant  le  récit  de  samarii,  Ueac- 
la  prise  de  Damiette,  qui  est  copié  littéralement  d'Olivier  de  i'''^-  Ter.  Sanc. 
Cologne,  el  par  d'autres  qui  sont  tirés,  soit  de  Vincent  de  •^^"p- <^'"^" » '•*=• 
Beauvais,  soit  d'autres  écrivains  contemporains.' 

En  général ,  on  voit  que  Pipino  a  voulu  donner  à  son  tra- 
vail une  forme  plus  étudiée ,  employer  un  style  plus  soutenu, 
mieux  lié. que  celui  de  l'original,  dont  il  a  retranché  des 
longueurs.  Mais  s'il  a,  de  ce  côté,  perfectionné  les  récits  de 
son  modèle,  il  a,  d'une  autre-part,  diminué  par  ses  retran- 
chements l'intérêt  qu'inspire  la  narration  continue  de  la 
composition  française.  Pipino  n'a  pas  même  suivi  la  division 
des  chapitres  que  notre  Trésorier  avait  adoptée;  il  s'en  est 

Hhh2 


XIII  SIECLE. 


4i>.8  .       BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

fait  une  autre,  suivant  sa  méthode  particulière  de  classer  les 
matières.  En  un  mot,  l)ien  qu'il  dise  dans  Je  titre  de  son 
travail  qu'il  n'est  que  le  traducteur  de  Bernard,  il  ne  lui  est 
réellement  fidèle  que  dans  la  généralité  des  faits  ;  au  lieu  que 
notre  Trésorier  avait  traduit  presque  littéralement  Guil- 
laume de  Tyr,  et  n'avait  presque  rien  changé  à  la  distri- 
bution des  livres  et  des  chapitres.  En  somme,  la  traduction 
latine  de  la  composition  française  ne  peut  pas  tenir  lieu  de 
l'ouvrage  original.  Voici  deux  passages  qui  pourront  servir 
à  compléter  la  comparaison  que  nous  ne  faisons  ici  qu'indi- 
quer. Nous  les  avons  choisis  entre  ceux  que  le  latin  paraît 
avoir  le  plus  fidèlement  rendus.  Commençons  par  le  mor- 
ceau tiré  du  manuscrit  français,  après  lequel  nous  don- 
nerons un  passage  latin  qui  fera  connaître  de  plus  le  style 
de  Pipino. 

«  Or  vousdiray  que  Saiahadin  fist  quant  il  eut  prins  Jhe- 
Mss.Biiil.reg.  ^  rusalcm  et  il  eut  baillée  la  première  route  des  chréptiens 

**'  ce  a  conduire  aux  Templiers.  Il  ne  se  voultoncques  partir  de 

«  deuant  Jherusalem  jusques  a  quant  que  les  chréptiens  fus- 
«  sent  tous  hors,  et  adonc  y  entra  et  si  ne  voult  de  la  partir 
«  tant  quil  eust  este  dedens  le  temple  et  aoure  ou  temple. 
«  Il  auoit  mande  eaue  rose  asses  pour  le  temple  lauer,  et 
<f  si  comme  len  dist,  il  en  y  eust  encore  de  demourant  IIII 
«  ou  V  chameaulx  tous  chargies.  Auant  quil  feist  le  temple 
«  lauer  de  celle  eaue  rose  ne  auant  quil  y  entrast  fist -il 
«  abatre  une  moult  grande  croix  dorée  et  mettre  a  terre. 
«  Et  comme  elle  fut  a  terre  les  Sarrasins  la  lièrent  a  cordes 
«  el  traînèrent  jusques  a  la  porte  Dauid,  la  la  despecie- 
«  rent  et  grant  huerie  firent  les  Sarrasins  après  la  croix 
«  en  la  trainant.  Je  ne  vous  dis  pas  que  ce  fust  par  le  com- 
«  mandement  de  Saiahadin.  Quant  la  croix  fut  jus  du 
«  temple  Saiahadin  fist  lauer  le  temple  et  entra  dedens  et 
«  rendit  grâces  a  Dieu  de  ce  quil  lui  eut  prestee  seigneurie 
«  sur  sa  maison.  » 

Saladinns  interea  egressis  urbe  Hierusalem ,   ut  dictum 
Murait.  VII,  ^gf^  chnsdanis ,  civitatem  ipsam  ingressus ,  antequam  tem- 

^'   "'  pluin  intraret,  jussit  crucem  Domini  supra  illud  erectam  solo 

dejici ,  quant  Saraceni  non  sine  magno  ludibiio  ligatis  ad 
eam  funibus  usque  ad  turrun  David  per  lutum.  traxerunt , 
et  demum  ad  fapidem  illiserunt.  Quod  autem  de  assensu 
Salddini  hoc  fecerint ,  incognituni  extitit.  Post  luec  Saladi- 
nus jussit parietes  teinpli  aqua  rosea  lavari,  quant  ut  fertur 


BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER.  429 

quatuor  caineli  onusti  eatn  à  Damasco  portaverunt.  Hoc 
facto  teniplum  introivit ,  et  pro  concessa  sibi  potestate  supra 
Domini  tnanslonem  Deo  gratias  egit. 

Le  inanuscrir.  6y44i  fol.  liv,  contient  sur  le  prix  des  vivres 
des  détails  qui  fout  bien  connaître  jusqu'à  quel  point  lut 
portée  la  famine  qui  eut  lieu  dans  l'armée  des  Français, 
durant  le  siège  d'Antioche.  Voici  comment  s'exprime  à  ce 
sujet  le  traducteur  français  :  «  La  clnerté  etcit  moult  grant 
«  en  lost  et  chascun  jour  croissoit  la  famine  telement  que 
<i  ung  homme  mangoit  franchement  pour  deux  soûls  de  pain. 
«  Une  vache  coustoit  quatre  marcs  dargent  que  len  avoitau 
«  commencement  pour  cinq  livres.  Un  aigneau  ou  ung  petit 
«  chevreau  VI  soûls  que  len  avoit  avant  pour  III  deniers  ou 
«  pour  IV.  La  viande  a  ung  cheval  coutoit  la  nuit  VIII  soûls. 
«  Moult  en  y  morut  de  fain  telement  que  les  chevaux 
«  qui  au  commencement  furent  estimes  a  LXX  marcs  nes- 
(i  toient  ore  guaires  plus  de  II  marcs  et  ceulx  estoient  si 
«  poures  et  si  maigres  qua  grant  peine  se  pouvoit  len  aidier 
«  deulx.  »  On  a  recherché  en  vain  dans  les  divers  traités  qui 
ont  été  composés  sur  les  monnaies  de  France,  leo  moyens  de 
donner  quelque  idée  du  rapport  de  ces  valeurs  avec  celles 
qui  ont  cours  de  notre  temps. 

La  Bibliothèque  royale  possède  22  manuscrits  de  Bernard 
le  Trésorier,  dont  plusieurs  sont  de  format  atlantique,  pres- 
que tous  sur  peau  de  vélin,  ornés  de  miniatures,  sur  lesquelles 
on  peut  observer  le  progrès  des  arts  du  dessin,  depuis  le  xni* 
siècle  jusqu'à  la  fin  du  xiv*.  On  y  remarquera  surtout  la  mi- 
niature qui  représente  le  supplice  d'Andronic.  Le  texte  de  ces 
manuscrits  est  plus  ou  moins  complété  par  les  insertions  ou 
les  continuations  dont  Bernard  a  fait  suivre  sa  traduction 
française.  Nous  en  dressons  ici  la  liste,  d'après  le  relevé  et 
les  remarques  de  M.  Paris,  et  après  l'avoir  comparée  nous- 
mêmes  avec  le»  principaux  manuscrits  qu'elle  comprend,  et 
sur  lesquels  ce  jeune  savant  a  fait  des  observations  qui  pour- 
ront être  très-utiles  à  ceux  qui  s'occupent  spécialement  des 
croisades. 

Ce  sont  les  numéros  suivants,  rangés  suivant  l'importance 
des  manuscrits:  N"  6743,  xni*'  s.  —  (^744,  fin  tlu  xiv*.  — 
83i4,xiv*^s.  —  83 1 5 ,  i<3?e/re.  —83 16,  fin  du  xiii^.  —  84o3, 
idem.  — 84o4,  idem.  —  6972,  xiv'. —  7188',  xin*.  —  83i4N 
idem.  —  83i4S  xv^  —  83i4%  xIIl^  —  83i5'  ',  idem.  — 
83 1 5',  idem.   —  84o4^  ',  idem.  —  8409^  S  idem. 


xiiisn:ci.K. 


Xdi  SIECLK. 


43o  BERNARD  dit  LE  TRÉSORIER. 

Supplém.  fr.  jN"  45o,  xin*^  s.  —  io4i  idem.  —  1872,  xiv^. 

Sorbonne.  N-SSS  ,  xm*.  —  887,  xiv^  —  383,  idem. 

Le  n"  83 14  iR  contient  que  la  traduction  du  seul  texte  de 
Guillaume  de  Tyr.  Le  n°  83 16  est  un  de  ceux  qu'on  doit 
prendre  pour  guide  dans  les  recherches  comparées  qu'on 
peut  faire  sur  les  textes  originaux.  Le  n°  <»972  contient  le 
récit  abrégé  dans  toutes  ses  parties,  et  continué  jusqu'au 
retour  de  Louis  I\  en  France.  Le  n°  83 r")'  ne  contient 
pas  précisément  la  traduction  de  Guillaume  de  Tyr,  mais 
un  extrait  abrégé  de  toutes  les  histoires  contemporaines 
des  croisades  jusqu'au  temps  de  Philippe-le-Hardi.  Le  récit 
de  Villehardouin  s'y  trouve  fondu.  Au  Supplément  des 
manuscrits  français,  le  n"  45o  est  précieux  à  consulter,  sur- 
tout en  ce  que  la  continuation  de  Guillaume  de  Tyr  ne 
paraît  pas  être  la  même  traduction  que  celle  des  manuscrits 
8314"  et  8409^^;  ce  qui  décrédite  l'opinion  des  rédacteurs 
de  l'article  inséré  dans  la  Biographie  universelle,  qui  attri- 
buent la  continuation  de  l'Histoire  de  Guillaume  à  Hugues 
Plagon,  et  qui  pensent  qu'elle  a  été  composée  en  français; 
car  s'il  y  a  eu  deux  textes  différents  du  récit  français, 
il  est  bien  naturel  d'en  conclure  que  l'original  est  écrit  en 
latin.  Cette  continuation  ne  va  pas  plus  loin  que  dans  les 
autres  manuscrits  que  l'on  vient  de  citer;  d'ailleurs,  entre 
la  traduction  du  texte  de  Guillaume  et  cette  continuation, 
on  trouve  trois  colonnes  de  texte  qui  ne  sont  ni  dans  l'édi- 
tion de  Martène,  ni  dans  la  version  du  continuateur. 

Le  manuscrit  de  Sorbonne  387,  du  Roi  4^2,  contient  moins 
le  texte  de  Guillaume  de  Tyr  qu'une  compilation  de  tous  les 
écrits  contemporains  sur  les  croisades.  Le  texte  en  est  très- 
précieux.  La  continuation  de  Guillaume  de  Tyr,  surtout, 
comprend  des  pages  du  plus  haut  intérêt,  qui  n'ont  pas 
peut-être  encore  fixé  l'attention.  Le  récit  se  poursuit  jusqu'à 
l'an  1261  ,  et  mérite  d'être  lu  en  entier  pour  faire  le  fidèle 
relevé  des  différences.  Nous  avons  profité  nous-mêmede  ce 
dernier  avertissement  de  M.  Paris,  pour  lire  avec  un  grand 
intérêt  l'énorme  et  riche  manuscrit  de  notre  Trésorier. 

P.  R. 


XI II  SlfcCLE. 


GILLES  DE  LIEGE, 

MOINE  D'ORVAL.  MORrxe>s.25, 


V^E  religieux  natif  de  Liéffe,  ainsi  que  le  fait  «'oniecturer  la     ,  i,    ,  .,.  i; , 
lettre  qui  tient  lieu  de  préambule  a  son  histoire,  entra  dans  Gesia    ponniic. 
l'ordre  de  Cîteaux,  et  choisit  pour  y  faire  sa  profession  le  ^''°''  •  n.  p  ' 
monastère  de  Sainte-Marie  d'Orval,  aureœ  ?'<-////j,  an  diocèse  |j|j„^,h  ,1'^^'  -' 
de  Trêves.  S'étant  proposé  d'écrire  fliistoire  de  l'église  de 
Liège,  il  parcourut  à  ce  dessein  les  Bibliothèques  de  ce  dio- 
cèse, pour  en  compulser  les  manuscrits,  et  il  ajouta  toutes 
les  nouvelles  acquisitions  que  ces  recherches  lui  produisi- 
rent, aux  histoires  antérieurement  écrites  sur  le  même  sujet, 
par  Heriger  et  par  Anselme.  Durant  son  séjour  au  monastère 
d'Orval ,    la    mémoire     du    fondateur ,     le   célèbre    Pierre    ' 
l'Hermite,   ayant  été  renouvelée   par   l'histoire    que  venait 
d'écrire  le  cardinal  Jacques    de  Vitry,    Gilles    obtint   que 
le  corps  de   l'Hermite  fût   exhumé   et   placé  plus  honora- 
blement dans  l'enceinte  même   de    l'église  du  monastère; 
ce  qui   eut  lieu  en   1242,  sous  la  présidence  de  Robert  de 
Torote ,  évêque  de  Liège. 

L'histoire  écrite  par  notre  religieux  commence  au  LIV*^ 
évêque,  en  io48,  et  finit  au  commencement  de  la  prélature 
du  LXX ,  en  I25i.  Elle  a  été  livrée  à  l'impression  e^^  i6i3, 
par  Jean  Chappeauville,  chanoine  de  l'église  cathédrale  de 
Liège,  sous  le  titre  suivant  :  j^gidii  aureœ  vallis  religiosi 
gesta  pontificum  Leodiensium  à  domino  Theoduino  ff^a- 
sonis  successore ,  usque  ad  Henricum  hujus  nominis  tertium. 
L'ouvrage  de  notre  cistercien  occupe  les  ayo  premières  pages 
du  IP  tome  de  ce  Recueil;  mais  un  tiers,  au  moins,  de  cet 
espace  est  rempli  par  les  notes  dont  l'éditeur  a  vraiment  en- 
richi le  texte  de  l'auteur. 

Guillaume  en  dédiant  son  histoire  aux  fidèles  de  l'église 
de  Liège ,  et  nommément  à  Maurice ,  chanoine  du  monastère 
de  Hoyen,  leur  expose  ainsi  les  motifs  qui  l'ont  engagé  dans 
cette  entreprise,  et  dans  quel  esprit  il  s'est  proposé  de  l'exé- 
cuter :  «  Contraint,  dit-il,  par  les  sollicitations  fréquentes  et 


Xm  SIKCLK. 


432  GILLES  DE  LIEGE, 

«  empressées  de  plusieurs  d'entre  vous,  et  non  moins  excité 
«  par  ce  que  nous  impose  le  lien  d'une  affection  mutuelle, 
«  nous  vous  envoyons  donc,  très-cher  frère  Maurice,  cette 
«  troisième  partie  du  volume  des  faits  et  gestes  des  évêques 
«  de  Liège,  vous  suppliant  humblement  et  dévotement  d'em- 
«  ployer  la  lime  de  la  correction,  pour  en  faire  disparaître 
«  tout  ce  que  vous  y  trouverez  de  contraire  à  la  vérité.  » 

Les  faits  rapportés  par  notre  cistercien,  et  qui  n'ont  le 
plus  souvent  qu'une  importance  locale,  ne  doivent  pas  nous 
occuper  dans  cet  article;  mais  nous  ne  pouvons  nous  dis- 
penser de  donner  quelque  idée  de  son  style  et  de  sa  compo- 
sition. Les  histoires  des  seize  prélats  que  le  moine  d'Orval  a 
écrites,  se  rapportent  généralement  à  leur  élection,  à  leurs 
démêlés  avec  l«s  seigneurs  de  leur  voisinage,  aux  actes  admi. 
nistratifs  et  claustraux,  enfin  aux  dates  de  leur  mort.  Une 
des  plus  détaillées,  des  plus  curieuses,  comme  romanesque, 
est  sans  contredit  celle  d'Albert  de  Louvain,  soixante-troi- 
sième évêque  de  Liège,  selon  le  biographe  d'Orval ,  mais  le 
64^  suivant  les  auteurs  du  Gallia  christiana. 

Après  la  mort  de  lladulphe  de  Thuringe,  le  clergé,  le 
peuple  et  la  noblesse  ayant  élu  pour  évêque  Albert  de  Lou- 
vain, archidiacre  de  Liège,  qui  était  frère  de  Henri,  duc  de 
Lorraine,  ce  choix  déplut  à  Henri  VI,  à  raison  de  la  mésin- 
telligence qui  régnait  entre  l'empereur  et  le  duc  père  de  l'élu. 
LiOthaire  de  Bonne  (Bonnensis  ),  frère  du  comte  de  Horstade, 
homme  riche,  puissant  et  ambitieux,  profitant  des  disposi- 
tions contraires  de  l'empereur,  et  sachant  combien  l'or  et 
l'argent  étaient  puissants,  acheta  par  le  don  de  3ooo  marcs 
d'argent  la  promesse  d'être  élevé  à  l'épiscopat  de  Liège.  En 
conséquence,  Henri  ayant  accordé  sa  faveur  à  Lothaire, 
celui-ci  se  rendit  maître  de  la  ville  de  Liège,  y  exerça  les 
droits  de  l'épiscopat ,  après  avoir  garni  de  troupes  la  citadelle 
et  fait  alliance  avec  les  seigneurs  voisins.  Quant  à  l'élu  du 
clergé  et  du  peuple,  pour  faire  connaître  ses  aventures,  nous 
nous  bornerons  à  traduire  naïvement  le  récit  que  nous  en 
fait  le  cistercien  d'Orval  :  récit  qui  ne  déparerait  pas  sans 
doute  la  biographie  du  troubadour  le  plus  célèbre. 
jtgiUius auiea;  Albert  de  Louvain,dit  notre  cistercien,  se  trouva  dans 
vaiiis,  oap.  Lx.  ypg  situation  très-pénible,  lorsque  ses  amis  les  plus  intimes 
l'eurent  abandonné,  et  que  dominés  les  uns  par  la  crainte, 
les  autres  par  les  promesses  de  l'empereur,  tous  attendaient 
l'issue  de  ces  démêlés ,  ou  bien  agisssient  ouvertement  contre 


MOINK  D'ORVAL.  433 

lui.  Son  père  même  (  le  duc  de  Lorraine)  ne  l'aidait  que 
faiblement  de  ses  conseils  et  de  ses  secours,  et  l'abandonnait       tf^iiiius  Au- 


xui  .sn.ci.K. 


rea'  \allis    c.  i  x, 


quelquefois  presque  entièrement.  INlais  plus  Eff-ind  que  ses 

A  11      V         '..I  '11-  1'    Il         ■    n  '    apiKU'.liapi'avill. 

revers,  Albert  prit  la  resolution  daller  a  nome  accompa^^ne  i  ii.,  ù,i 
d'une  suite  peu  nombreuse.  Méprisant  les  périls  (|ui  l'envi- 
ronnaient de  toutes  parts  (  etauxcpiels  il  linit  par  succomber. 
comme  on  le  verra  bientôt),  il  se  mit  en  niaidie  pour  la 
défense  des  libertés  fie  l'Efîlise  et  la  dignité  du  titre  dont  son 
élection  l'avait  légalement  revêtu.  Informé  de  ce  des.sein, 
l'empereur,  par  ses  lettres  et  par  ses  agents ,  lui  avait  fermé 
toutes  les  routes  qui  mènetit  à  Rome,  soit  par  terre,  soit  par 
mer,  oubliant  ainsi  ce  qu'il  devait  à  scn  caractire  impérial, 
et  s'abandonnant  sans  réserve  à  toute  sa  fuieur. 

Mais  Albert,  en  prenant  des  chemins  détournés,  et  par  de 
longs  ciicuitsqui  ])rotégeaient  le  secret  de  sa  marche,  arriva 
en  Provence  près  de  Montpellier,  où  il  pensait  pouvoir  s'em- 
barquer pour  Rome;  ayant  eu  grand  soin,  lui  et  les  siens,  de  se 
travestiret  de  gardersur  leurs  afiliires  le  ])lus  profond  silence. 

I/historien,  a])rès  avoir  exposé  comment  Albert  avait  été 
averti  d'éviter  la  voie  de  nier,  sur  tous  les  livages  de  laquelle 
sa  persoiuie  était  signalée,  donne  les  détails  de  sa  route  par  les 
sentiers  des  montagnes  de  Gènes,  et  le  fait  enlin  arriver  à 
Rome.  Comme  il  avait  recueilli  dans  les  mémoires  particuliers 
du  temps  toutes  les  aventures  du  nialheurcux  élu,  le  moine 
d'Orval  nous  en  transmet  les  détails  suivants,  que  nous  tra- 
duirons avec  toute  la  naïveté  qu'on  s'est  toujours  j)ermise 
dans  les  récits  des  anecdotes. 

Durant  ce  long  voyage,  dit  le  cistercien,  et  partout  où  il 
s'arrêtait  pour  prendre  sa  nourriture,  le  fils  du  due  de 
Lorraine  se  gardait  bien  de  se  faire  connaître  pour  le  maître 
des  gens  de  sa  suite.  11  affectait,  au  contraire,  de  ne  paraître 
(Jùe  comme  leur  valet  :  c'était  lui  qui  prenait  soin  des  che- 
vaux à  l'écurie,  et  même  qui  faisait  la  cuisine.  Un  des  hô- 
teliers les  plus  grossiers  qu'il  ait  rencontrés ,  lui  ayant 
ordonné  de  graisser  les  bottes,  lui  adressa  ces  propres 
paroles  :  «  Et  toi,  valet  paresseux,  puisque  tu  n'as  rien  à  "'"'  l'  i» 
faire,  prends  ces  chaussures,  fiis-les  sécher,  et  quand  elles 
seront  sèches,  tu  les  frotteras  et  les  giaisseras.  >'  Albert 
ne  voulant  pas  résister  directement  à  l'homme  qui  lui  com- 
mandait avec  u!ie  telle  brutalité,  se  mit  en  devoir  d'obéir; 
mais  pour  n'être  pas  obligé  de  graisser  ces  chaussures,  il 
saisit  le  prétexte  de  l'occupation  plus  urgente  qui  se  présen- 

jTome  XFIIl.  I  i  i 


434  GILLES  DE  LIEGE, 


-Xni  SIKCLE. 


tait  à  l'instant  même,  où  l'on  entendait  les  chevaux  qui  se 
battaient  à  l'écurie;  alors  il  rendit,  en  souriant,  les  bottes 
à  l'hôtelier,  et  courut  gourniander  les  chevaux  pour  s'en 
tenir  à  jouer  le  rôle  de  palefrenier  par  lequ'el  il  avait  com- 
mencé son  service,  qu'ailleurs  il  alternait  en  Taisant  la  cuisine. 

Le  moine  de  Cîteaiix  raconte  une  aventure  d'un  genre  diffé- 
rent, arrivée  au  prince  dans  une  autre  ville  où  l'on  célébrait 
les  noces  d'un  des  principaux  habitants.  Le  marié  avait  in- 
vité les  bourgeois  et  même  les  étrangers  (|ui  se  trouvaient 
là  de  passage,  afin  que  chacun  contribuât  aux  agréments  de 
la  fête.  Albert  et  ses  compagnons  ayant  été  conduits  par 
l'hôtelier  aux  divertissements  qri  se  donnaient,  furent  priés 
d'être  de  la  noce,  et  les  compagnons  d'Albert  présentèrent 
leur  domestique  supposé  comme  très-habile  dans  la  musique. 
Pauvrement  vêtu,  continue  l'historien,  le  visage  noirci  par 
le  soleil,  Albert  n'était  plus,  comme  auparavant,  remar- 
quable par  sa  beauté,  et  n'annonçait  plus  par  ses  traits  la 
noblesse  de  son  sang  et  celle  de  ses  ancêtres.  Le  marié  tout 
joyeux  lui  présenta  un  instrument  de  musique.  «  Albert, 
«  continue  notre  cistercien,  avait  suivi  l'exemple  de  David, 
«  et  pendant  les  années  florissantes  de  son  adolescence,  il 
Eccies.  c.  XI,  ,ç  avait  cultivé  l'art  de  la  musique,  sachant  qu'il  est  écrit  : 
«  Lœlare,  juvenis,  in  adolesccntià  tua.  En  effet,  il  ne  dépassait 
«  pas  alors  encore  de  beaucoup  le  terme  de  l'adolescence; 
«  car  il  n'était  âgé  que  de  25  à  3o  ans,  et  il  entrait  dans  l'état 
«  de  virilité  autant  par  son  Age  que  par  sa  sagesse.  » 

Doclis  ergo  digitis ,  dit  l'historien,  temperans  atque  mO' 
vens  chordcis  concordantes,  musicce  dulcedine,  aures  audien- 
tium,  Orphœo  doctior,  ipse  demalcehat.  Applausitniodulanti 
omnis  solenmitas  nuptialis.  Alhertus  autem  (  quis  esset  aninio 
tristi  in  ipsis  gaudiis^  reminiscens ,  ohlatum  munus  non 
recipiens ,  fingit  incumbere  sibi  scrvitiuni  dominorum  suorum, 
redit  ad  hospitiuni  sicque  qiiietus  latuit  sibi. 

Au  moyen  de  ces  stratagèmes,  l'élu  de  Liège  arriva  sain 
et  sauf  à  Rome,  et  se  présenta  devant  le  pape,  dans  le  même 
accoutrement  qu'il  avait  gardé  pendant  son  voyage  aventu- 
reux, et  que  l'historien  dépeint  ainsi  :  Eratex  ilinere  adustus, 
viiltu  pulveris  ac  sudoris  fnligine  obvoluto ,  cum  lineo  capello, 
nigro  et  effiiso ,  calceis  grandibus ,  duris et  obrosis,  veste  vili 
atque  grossà ,  balteo  duro  et  informi ,  cui  culter  ingens  ap- 
îbiM.  p  \\\.  pendebat ,  cum  vagina  scabra  atque  uncta ,  ut  non  honiinem 
gêner osum  ,  non  pontificein  electum,  scd  servuni  eniptitium, 


XIII  SIECLE. 


MOINE  D'ORVAL.  435 

et  coquinœ  sordibus  inqninatwn  œstimares.  Talis  ergo  statim 
intravit  curiam  et  stetil  ante  siiminiim  pontijîceni. 

Albert  fut  accueilli  avec  joie  par  le  pape,  qui  s'écria  en 
l'embrassant  :  Benedictus  Dcus  qui  fdiwn  de  ore  leonis  insi- 
diantis  libérant.  11  fut  aussitôt  fait  cardinal  et  successivement 
ordonné  diacre  et  prctre.  I^e  pape,  après  l'avoir  comblé  d'hon- 
neurs, écriviten  sa  faveur  aux  évèques,  et  l'envoya  prendre 
possession  de  son  siège;  mais  à  son  départ  de  Rome,  les 
poursuites  de  l'empereur  le  forcèrent  à  employer  de  nouveaux 
stratagèmes  pour  éviter  les  pièges  qui  lui  étaient  tendus. 
Enfin,  après  bien  des  aventures,  il  fut  assassiné  à  Reims 
par  sept  soldats  allemands  apostés  par  Henri  VI.  '  '  P'  ''''■ 

Le  chroniqueur  Gilles  de  Liège  n'omet  pas  dans  ses  récits 
ce  qui  concerne  l'histoire  générale.  C'est  ainsi  qu'après  avoir 
consigné  les  événements  de  l'an  1222,  il  raconte  «  qu'en 
«  1224,  l'été  ayant  été  très-chaud  et  la  terre  très-aride,  le 
«  jour  de  la  fête  de  Saint-Jacques  et  de  Saint-Christophe, 
«  notre  Seigneur  fit  sortir  de  ses  trésors  nn  vent  violent  qui 
«  fit  tomber  le  grain  des  épis  dans  toute  la  Teutonie,  l'Al- 
«  lemagne,  la  France  et  l'Espagne;  ce  qui  causa  une  cherté 
«  si  grande,  que  le  boisseau  de  blé  se  vendait  vingt-six  florins 
«  de  Liège,  et  que  les  loups,  sortant  des  bois,  s'élançaient 
a  sur  les  hommes,  et  venaient  même  arracher  les  enfantsdes 
«  bras  de  leurs  mères,  tant  ils  étaient  poussés  par  la  faim.  » 

P.  R. 


JEAN  DE  WILDESHUSEN, 

DIT  LE  TEUTONIQUE, 

GÉNÉRAL  DES  FRÈRES  PRÊCHEURS. 


MORT  pn    laSî. 


iNous  avons  déjà  eu  occasion  de  distinguer  quatre  écrivains 
du  moyen  âge,  qui  ont  été  appelés /e(7«  le  Tcutonique.  Le 
plus  ancien  est  un  abbé  de  Saiiit-Victor,  qui  était  né  à  Trêves,  ci  dessm, 
et  qui  mourut  à  Paris,  en  1229  :  nous  avons  donné  une  notice  ^i^^^- 
de  sa  vie  et  de  ses  écrits.  Les  trois  autres  sont  des  domini- 
cains ,  et  celui  qui  va  nou.s  occuper  a  été,  après  saint  Domi- 
nique, le  bienheureux  Jordan,  et  l'abdication  de  Raymond  de 

I  ii2 


436  JEAN  DE  VVILDESHUSEN, 

Pennafort,  le  4^  général  de  cet  ordre  religieux.  Les  deux  der- 
niers qui  ont  porté,  avec  le  nom  de  Jean,  le  surnom  de  Teutoni- 
que,  sont  Jean  de  Fribourg,  ou  le  Lecteur,  qui  a  vécu  jusqu'en 
i3i4,  et  Jean  de  Tambaco,  qui  n'est  mort  qu'en  i3^2.  Ces 
quatre  personnages  ont  été  diversement  confondus  par  plu- 
sieurs biographes ,  tels  queTrithème,Turrecremata,Gesner, 
Simler,Possevin,  Eysengrein,LeMire,Altamura, Noël  Alexan- 
dre, DuCange,  Dupin,Cave,  et  même  Oudin;  écrivains  dont 
les  erreurs  ou  inexactitudes  n'ont  été  complètement  rectifiées 
Srr.pl.  oniin  quc par  Quétif et  Jacqucs  Echard.  Il  résulte  des  recherches  de 
Piici.t.l,p.i  1 1-  ces  deux  derniers  auteurs,  des  renseignements  (|ue  leur  four- 
"?:  T  *'"'"'^-  nissent  Saianhac  et. la  chronique  dite  de  Humbert,  que  le  4* 
et  inf.  lat  I.  III,  geiieral  des  rreres  Prêcheurs  serait  mieux  désigne  par  le  sur- 
p.  î  !'i.  nom  de  Wildeshusen  ,  que  par  celui  de  Teutonique  ;  que  né 
à  Wildeshusen,  au  diocèse  d'Osnabruk,  en  Saxe,  proba- 
blement en  1  i8o,  il  était  d'un  âge  mûr  ou  à  peu  près  quadra- 
génaire, lorsque,  renonçant  à  la  profession  d'avocat  qu'il 
avait  commencé  d'exercer,  il  prit  l'habit  des  dominicains  en 
1220;  qu'il  ne  tarda  pointa  remplir  l'office  de  pénitentiaire 
et  d'autres  fonctions  auprès  de  plusieurs  cardinaux  ;  qu'en 
1227  ou  28,  il  fut  fait  provincial  de  Hongrie;  qu'en  1282, 
Grégoire  IX  le  nomma  évèque  de  Bosnie;  qu'il  abdiqua  cette 
prélature  en  1237,  et  rentra  dans  les  cloîtres  des  frères  Prê- 
cheurs; que  l'année  suivante,  il  assista  au  chapitre  de  Bo- 
logne, et  devint  provincial  de  Lombardie;  qu'en  1241  ,à  l'âge 
d'environ  60  ans,  il  fut  élu  à  Paris  supérieur  général  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique;  qu'après  avoir  pendant  onzeans 
accompli  les  devoirs  attachés  à  cette  dignité,  il  mourut  à 
Strasbourg  le  4  novembre  i252.  Cette  dernière  date  est  pré- 
cise, les  autres  sont  approximatives.  On  ajoute  qu'en  i232, 
il  résista  le  plus  qu'il  put  au  décret  pontifical  qui  le  chargeait 
de  gouverner  l'église  de  Bosnie;  que  pourvu  malgré  lui  de 
cet  évèché,  il  en  distribuait  aux  pauvres  tout  le  revenu,  mon- 
tant à  8000  marcs  d'argent;  qu'il  visitait  son  diocèse  à  pied, 
et  sans  autre  équipage  qu'un  âne  qui  portait  ses  livres  et  ses 
ornements  épiscopaux;  qu'il  fallut  aussi,  en  1241  ,  un  ordre 
exprès  du  pape,  pour  le  forcer  à  devenir  général  des  frères 
Prêcheurs;  qu'en  usant  des  pouvoirs  dont  ses  confrères  et  le 
chef  de  l'Église  l'avaient  revêtu,  il  exigea  qu'il  se  tînt  des 
chapitres  et  qu'il  se  fît  des  visites  en  chaque  province,  avec 
plus  de  régularité  qu'auparavant  ;  qu'il  savait  le  grec,  le  latin^ 
le  français,  l'allemand,  le  hongrois,  et  qu'il   prêchait  en 


GÉNÉRAL  DES  FRÈRES  PRÊCHEURS.         487 


XllI  SIECLE. 


plusieurs  de  ces  langues.  Des  récits  de  visions  et  d'appari- 
tions s'entremêlent  à  l'histoire  de  sa  vie,  et  l'on  assure  (juil 
opéra  des  minicles  avant  et  après  sa  mort  :  T  ù'ens  et  moriens 
fertur  et  creditur  miraculis  inclaruisse.  Le  seul  point  qui 
nous  intéresse  est  de  savoir  quels  sont  ses  ouvrages  :  or,  il 
est  aujourd'hui  bien  reconnu  qu'une  clironi(|ue  jusqu'à  l'an 
i26[,  une  Somme  à  l'usage  des  confesseurs,  une  explication 
des  4  livres  des  Sentences,  lui  ont  été  mal  à  propos  attri-  ci-dessu. 
buées  ;  qu'elles  appartiennent  à  Jean  de  Fribourg ,  ou  à  67. 
quelque  autre  Jean  le  Teutonique,  ou  peut-être  à  d'autres 
compilateurs.  Les  seuls  écrits  authentiques  de  Jean  de  Wil- 
deshuseu  seraient  les  onze  ou  douze  lettres  encycliques  qu'il 
a  écrites  de  I24i  à  laôa,  à  l'occasion  de  chaque  chapitre 
général  des  dominicains;  mais  elles  sont  perdues,  à  l'excep- 
tion de  la  quatrième  datée  de  Bologne  en  1244)  et  de  la 
dixième  datée  de  Londres  en  1260  :  encore  cette  dixième 
a-t-elle  été  insérée  par  Bzovius  dans  ses  Annaffes,  sous 
l'année  1220,  comme  étant  de  saint  Dominique.  Elle  est 
réellement  du  4*^  général;  et,  du  reste,  elle  ne  concerne, 
comme  la  quatrième,  que  le  régime  intérieur  et  les  devoirs 
religieux  des  frères  Prêcheurs.  De  tels  opuscules  étant  presque 
étrangers  à  l'histoire  littéraire  proprement  dite,  et  l'auteur 
lui-même  ne  tenant  guère  à  la  France  que  pour  avoir  été 
nommé  général  dans  un  chapitre  tenu  à  Paris,  et  pour  être 
mort  à  Strasbourg,  nous  avons  cru  à  propos  d'abréger  beau- 
coup cet  article.  On  peut  consulter,  sur  la  vie  et  les  travaux^ 
de  Jean  de  Wildeshusen,  son  contemporain  et  son  confrère 
Thomas  de  Cantimpré ,  qui  déclare  l'avoir  fréquenté  avant  DeApïbus.i. 
et  pendant  son  épiscopat  et  son  généralat;  Jacques  de  Susat,  i' '«;■'•'"."•  55 

,r...  .rr.  r>  I  e-<i        et  seqq. 

donnnicaui,  qui  rédigeait,  au  commencement  du.  XV   siècle, 
une  chronique  de  son  ordre;  saint  Antonin  dans  la  3*^  partie      xit.  -am  c. 
de  sa  Somme  historiale;  et  quelques-uns  des  auteurs  plus  n. 
modernes  que  nous  avons  cités.  D. 


ROBERT  GROSSE-TÉTE, 

ÉVÉQUE  DE  LINCOLN. 

rVoBERT  dit  Grosse-Tête,  en  anglais   Grosthead,  en  latin 
Capito,  ne  tenant   à  l'histoire  littéraire  de  la  France  que 


HOBT  ru  la.^^. 


1    1 


438  ROBERT  GROSSE-TÊTE, 

Xm  SIECLE.  ,  ,.  .  ,         ,■   •      .     r.       •  '       J- 

•  par  le  séjour  qu  il  a  lait  a  Pans,  comme  étudiant  et  comme 

professeur,  nous  ne  donnerons  qu'une  notice  fort  abrégée 

de  sa  vie  et  de  ses  ouvrages.  Il  était  né,  on  ne  sait  en  quelle 

Piu.  -  Nie.  année,  à  Strodbrook,  village  du  comté  de  Suftblck.  Ses  pa- 

Harpsfeid,  Hist.  rculs ,  quoiquc  p^uvrcs  et  de  très-basse  condition,  l'envoyë- 

Aiigi.  s. XIII.      j.^j^j.  p{ujiep  à  Oxford.  De  cette  école,  il  passa  dans  celle  de 

uu    Boiilaj  ,  Paris,  où  il  reçut  et  bientôt  donna  des  leçons;  il  apprit  la 

Hist  Univ  Paris  ^  i  >  i     •      "*  i 

t.  lii,  p.  a6o-  langue  française ,  dont  l'usage  s  introduisait  en  Angleterre. 

709.  De  retour  dans  sa  patrie,  il  devint  archidiacre  de  Leicester, 
par   la  protection  du  comte  de  cette  ville,  Simon  de  Mont- 

M. Paris,ann.  fort;  et  en    1235,  il  succéda,  sur   la  chaire  épiscopale  de 

.a35,p^8o.-  jjncoln, à  Hugues  de  Velles  ou  Wallis.  Saint  Edmond  l'ayant 

Prasuiib.  Angi.  sacrc  a  Reding,  les  moines  de Lantorbery  réclamèrent,  pre- 

p.  348.  —  Fieu-  tendant  que  cette  cérémonie  devait  s'accomplir  dans  leur 

Vl^'^  ""^r   ''  église.  L'année  suivante,  le  roi  Henri  IJI  conféra  la  charge 

LXXX,  n.  60.  O  ...  ,    n  ic  I   1    '     1       r»  •      1  -^ 

Monasiiconan-  OC  haut-justicier  H  Hanultc,  abbe  de  Kamesey,  qui  devait 

iiic,t.  i,p.  341.  tenir  les  plaids  avec  3  autres  juges  dans  les  comtés  deBedfort 

et  de  Buckitigham.  Ce  choix  d'un  abbé  pour  de  pareilles 

fonctions  déplut  à  Robert ,  dans  le  diocèse  duquel  l'abbaye 

de  Ramesey  était  située;  il  en  écrivit  à  l'archevêque  de  Can- 

torbéry,  saint  Edmond,  et  menaça  d'excommunier  Ranulfe 

s'il    acceptait   une  charge  qui   l'exposait  à   prononcer  des 

Henr.<ieKnyg-  Condamnations  capitales,  ou  à  y  prendre  quelque  part. 

ibon.Deeveniib.       Mais  un  démêlé  (Ic  l'évêque  de  Lincoln  avec  le  pape  Inno- 

Angi.ann.i553.  ^^pt  IV  cut  infiniment  plus  d'éclat.  Innocent  ayant  donnéà  un 

enfant,  son  petit-neveu,  un  canonicat  de  Lincoln,  Robert  osa 

se  récrier  contre  cet  acte  de  népotisme,  et  déclarer  que  jamais 

il  ne  laisserait  exercer  le  ministère  ecclésiastique  par  des  élèves 

incapables  encore  de   se  régir  eux-mêmes.  JL'épître   qu'il 

adressa  aux  prélats,  à  ce  sujet,  passe  pour  l'un  de  ses  meil- 

p. 58i,583.    leurs  écrits.  Matthieu  Paris   qui  l'a  transcrite,  et  François 

DePrsesui.An-  Qodwin  quï  la  préconiso ,  tracent  à  cette  occasion  le  tableau 

''t  lannisnon-  de  cc  qu'ils  appellent  la  tyrannie  pontificale.  Innocent  IV, 

rificia.  irrité  d'une  si  audacieuse  résistance,  allait  s'en  venger  avec 

une  extrême  rigueur,  si  les  cardinaux  ne  lui  eussent  remontré 

que  la  plus  saine  partie  du  clergé  d'Angleterre  et  de  France 

épouserait  la  cause  d'un  prélat  universellement  révéré,  qui, 

après  tout,  défendait  celle  de  la  religion  et  des  lois.  Cette 

querelle,  que  Robert  soutint  avec  la  plus  honorable  fermeté, 

éclata  dès  l'an  i25o;  et  c'est  à  tort  que  plusieurs  écrivains  la 

Comment,  de  retardent  de  trois  années.  Oudin  en  a  rétabli  la  véritable  date 

Script,  eccies.  1.  j'ap^j^g  jes  manuscrits,  où  elle  est  positivement  exprimée. 


ÉVÊQUE  DE  LINCOLN.  439 

Levêque  de  Lincoln,  cité,  menacé,  excommunié,  resta  in-    ^'"  sikcle. 
flexible  :  it  était  alors  avancé  en  âge,  octogénaire  peut-être, 
puisque  le  pape  disait  de  lui  :  Quis  est  iste  senex  delirus ,      *•-  Paris,  p. 
surdus  et  absurdus?  Attaqué  d'une  maladie  grave  en  i253,  ^^'"5*^'- 
il  attira  près  de  lui  Jean  de  Saint-Gilles,  qui  passait  pour  très- 
habile  en  médecine  comme  en  théologie,  et  dont  nous  aurons      ci  dessous,  p. 
bientôt  à  parler  un  peu  plus  au  long.  Jean  et  Robert  eurent  444-447- 
ensemble  un  entretien  que  Matthieu  Paris  nous  rapporte,  et 
dans  lequel  le  prélat  se  plaint  si  vivement  de  la  conduite 
du  souverain  pontife,  qu'il  va  jusqu'à  le  déclarer  hérélfque. 
Qu'est-ce,  en  eflet,  dit-il,  que  l'hérésie?  Une  doctrine  que 
l'on  a  choisie  au  mépris  de  celle  de  l'Écriture  sainte  et  de 
l'Eglise,  que  Ton  professe  ouvertement,  et  que  l'on  s'obstine 
à  soutenir.  Or  le  pape,  en  confiant  à  des  adolescents  la  di- 
rection des  âmes,  fait  un  choix  inspiré  par  des  affections' 
humaines,  charnelles  et  terrestres;  il  désobéit  à  la  loi  évan- 
géliquequi  défend  d'établir  des  pasteurs  incapables  de  pré- 
server le  troupeau  de  la  dent  du  loup;  il  publie  ce  système 
en  des  bulles  solennellement  scellées,  et  il  y  persiste  enfin , 
puisqu'il  ne  craint  pas  de  contredire,  de  suspendre,  d'ex- 
communier ceux  dont  la  conscience  y  résiste.  Voilà  donc 
tous  les  caractères  de  l'hérésie  proprement  dite  :  s'y  opposer 
est  le  devoir  de  tout  fidèle,  à  plus  forte  raison  des  frères 
Mineurs  et  Prêcheurs,  qui  deviennent  fauteurs  et  complices 
des  scandales  contre  lesquels  ils  ne  tonnent  pas.  Tels  sont 
les  sentiments  dans  lesquels  mourut  Robert,  le  9  octobre 
ia53,  à  Bugedon  où  il  avait  une  demeure.  Il  léguait,  par      m.  Pari» 
son  testament,  sa  bibliothèque  aux  Franciscains  d'Oxford.  586. 
On  l'enterra  dans  sa  cathédrale,  où  l'on  conserva  ses  restes, 
malgré  Innocent  IV  qui  ordonnait  de  les  en  expulser.  Les 
partisans  de  Robert  n'ont  pas  manqué  d'affirmer  qu'il  s'o- 
pérait des  miracles   sur  son    tombeau.  Ils  nous  racontent 
même  qu'un  an  après  sa  mort,  il  apparut  la  nuit  à  Innocent,      H  de  Knyg- 
et  que  lui  ayant  dit  :  Lève-toi ,  misérable,  comparais  en  ju-  '''°"'  ^*  «vemi- 
geraent,  Surge,  miser,  -veni  ad  judicium,  il  le  frappa  du  col*  ja!« ''' '' 
bâton  pastoral  au  côté  gauche  et  jusqu'au  cœur;  si  bien  que 
le  lendemain  matin,  7  décembre  1264,  on  trouva  le  pontife 
mort  et  son  lit  ensanglanté.  Malgré  tant  de  prodiges,  l'évêque 
de  Lincoln  n'a  point  été  canonisé;  et.Fleury,  en  rendant 
hommage  à  sa  science,  à  la  pureté  de  sa  doctrine,  à  ses 
mœurs  irréprochables,  blâme  l'excessive  amertume  de  son 
zèle.  De' plus  anciens  auteurs  l'avaient  dépeint  comme  un 


44o  IlOBEllT  GROSSE-TÊTE, 


iiii  sik<:le. 


très-honnête  honimi-,  dont  la  grosse  tête  était  quelqiiefois 

mauvaise:  In  iionriullis ,  quibusdain    visas  est  capito  fuisse 

suonue  nomini  respondcre,  quieuni  ut  hoininem  nonnunquam 

HaipsfcicUiisi.  durœ,  piœfracliv  et  prœcipitis  sententiœ  iiotaruiit. 

ecdis.  nnsii».  s.        j),.  jjpg  nonibreux  ouvrages,  celui  qui  semble  avoir  eon- 

^'"  serve  le  plus  d'im[)ortance,  est  la  version  latine  qu'il  lit,  en 

(Irai..-,  PittI.    \-i[^Q.^  (Iu  Testament  des  ii».  patriarches.  Robert  de  Lincoln 

ad  Testai»,    il  savait  Ihébreti;  mais  il  n'a   traduit  ce  livre  apocryplii;  que 

pairiaici  ^^^^  ^^  versiou  grccque ,  attribuée  quelquefois  à  saint  Cluy- 

sostôme.  La  version  latine  a  eu  plusieurs  éditions:  on  en  cite 

Faillir.  Biiii.   uiic  d'Augsbourg  en  i4S3;  Panzer  n'en  indique  point  d'aiité- 

iiicci.it  inf.  lai.   i-jeurt;  ;',  celle  de    lÔSa,  à  Haguenau ,  in-8".  Il  en  existe  une 

'   p'aiirAn'n  tï-  ^^  Paris ,  cu  i5/|f),  in-i2.  (]e  livre  a  été  ensuite  inséré  dans 

|)os.  vu  ,  K»)!     quelcjues  recueils,  particulièrement  dans  celui  que  Grabe  a 

liiMioropirs-  pujjlié  ,n   i6f)8,  in-8",  à  ().\lord  ;  enfin  dans  le  C'ode.v pscu- 

bjiico.  — iiiOi-  fi^,jji,r,.^ii,]mg'y(,fpf[s  Testa  menti  de  5  Alb.  Fabricius.  Dans  ces 

th«iloxo;ia|)liis.     "   /  'r       /        .,  n  •  i  i  ■  i       • 

_in  ijii.iioliii-  deux  dernières  collections,  la  traduction  latine  est  accom- 
lisPatnim  pa'^iiée  dc  la  grecque.  On  doit  savoir  gré  à  Robert  d'avoir 

Vod^'" 'sc'uîi'  eontriluié  à  faire  coiinaitre  ui\  livre  qui,  sans  doute,  n'a 
Hainb.  cl  Lips.  aucuiie  autori té ,  luais  qui  retrace  d'anciennes  traditions.  Il 
1713,  -j  vol.  in-  g^.  .),.,, i  qu'il  ait  été  composé  par  un  juif,  avant  1  ère  vulgaire, 
*  '~ ^[^,^ ,^*  et  (pi'uiâ  cliietirn  y  ait  lait  depuis  un  certain  nombre  d'ad- 
^<''  '  ditions.  Ge  prétendu  Testament  des  12  eidants  de  Jacob  a 

été  connu  dOrigène,  comme  de  saint  Jean  Ghrysostôme. 
I/évèque  de  Lincoln  en  le  traduisant  était  aidé  par  un  Grec, 
nomme  Nicolas,  clerc  de  l'abbé  de  Saint-Alban.  Le  texte 
hébreu  ne  se  retrouve  pas;  mais  on  rencontre  des  copies 
mi'nusc  ites  de  l'une  et  de  l'autre  version  dans  les  biblio- 
thèques de  France  et  d'Angleterre. 

Entre  les  écrits  qui  appartiennent  en  propre  à  Robert 
Grosse-Tête,  les  plus  remarquables,  à  notre  avis,  sont  c(!ux 
qui  concernent  ses  relations  ou  ses  démêlés  avec  Innocent  IV. 
l!  proiioiiça  d'  vaut  ce  pontife,  au  mois  de  mars  1260,  dans 
une  assemblée  ou  un  consistoire  tenu  à  Lyon,  un  (îiscours 
Aiil!.  sana.i.  (juJ ,,  pour.sujet  Ics  abusrpii  s'introduisaient  dans  ri"'glise: /)e 
"\.'''  ^'"'  corriii)teUs  llcclesiœ,  et  (ini  a  été  publié  par  Warton  et  par 

lason-,  leiiiin       ,  /  '  1  ,,.'..  •       .  ,,  ,     \ 

i-ipit.ctiusicnd.   Edouard  lirown.  JNous  avons  deja  tait  mention  dune  epitre 

Appeiut  plus  célèbre,  transcrite  |Kir  Matthieu  Paris.  Du  Boulay,  Oudin 

IV^'^i*"     .'  et  d'autres  écrivains  l'ont  reproduite,  ou  en  ont  représenté  la 

Ilist.  Uiiiv.    I.  t  ~        1  '    1     '      I        I       T  I 

Ili,p.  2C0.        substance,   il  y  est  dit  quapies  le  pèche  de  Lucifer  et  de 

CoiiinKiii.  lie  l'Antéchrist,  il  n'y  en  a  [)as  de  plus  énorme  que  de  compro- 

Scripi.  ecc .  co     jjjgjjj.g  |g  galut  (ics  amcs  i)ar  le  choix  de  pasteurs  indignes  , 

i4a,  i4i,  «44-  t  •  o  ' 


ÉVÊQUE  DE  LINCOLN.  441    xiii siècle. 


dont  l'unique  soin  sera  de  faire  leur  profit  du  lait  et  (ie  la 
laine  des  troupeaux  ;  que  des  provisions  qui  tendent  à  la 
ruine  de  l'Église,  ne  sauraient  être  l'ouvrage  du  siège  apos- 
tolique, établi  pour  édifier  et  non  pour  détruire;  que  la  résis- 
tance à  de  paieils  commandements  est  la  meilleure  manière 
d'obéir  à  l'autorité  sainte  dont  ils  usurpent  le  nom. 

Robert  a  commenté  les  deux  livres  des  Secondes  Analy- 
tiques  d'Aristote,   les    huit   livres    de    Physique   du   même 
philosophe,  et  la  Théologie  mystique  de  Denis  l'Aréopagite. 
Ce  dernier  commentaire  accompagne  les  œuvres  de  Denis, 
imprimées  à  Strasbourg  en  i5o3  ou  i5o4,  in-folio.  Les  gloses      Panzer  Ano 
du  même  commentateur  sur  Aristote  sont  moins  connues;  lypog'- «■  vi,p. 
on  en  désigne  pourtant  quelques-unes  comme  ayant  paru  à  ^°'  ..     _.., 
Venise  à   la  tiïi  du  xv*  siècle  et  au  commencement  du  xvi*.  ,ped.  et  inf,  Ut. 
Un  in-folio  imprimé  aussi  à  Venise,  en  i5i8,  renferme  plu-  »■  vi,  p.  io3, 
sieurs  traités  abrégés  de  la  Sphère,  dont  l'un  est  de  l'évêque  '°p 


Panzer ,  Ann. 


de  Lincoln,  et  a  reparu  dans  un  recueil  tout  semblable,  chez  typ.  t.  vîn,  p. 
Luc  Antoine  Junte,  eti  i53i.ljn  autre  volume,  publié  dans  ^51,  aSa  ,  n. 
la  même  ville  en   i5i4-,  est  intitulé:  Ruberti  Lincolniensis ,   ^^?;.j 

,  ...  ?#•-.  Ibid.  p.  5ai  , 

bonarutn  artiuin  optirni  interpretis,  ojmsculadignissima  mine  522,0.  i58i. 
priniiwi  in  luceni  édita.  Ce  sont  là  ,  nous  devons  l'avouer,  des 
productions  qui  ont  perdu  depuis  long-temps  tout  intérêt      Fabric.  t.  vi, 
et  toute  utilité.  Nous  en  dirions  volontiers  autant  du  traité  P  J"4— ^odin. 
De  cessatione  legaliuni,    dont  on  a  donné  deux  éditions,  > «=0.140. 

l'une  en  ifiSa,  in-12,  l'autre  en  i658,  in-tS",  toutes  deux 
incomplètes,  contenant  à  peine  le  tiers  de  f ouvrage,  à  ce 
qu'assure  Edouard  Brown.  Fascic.  remm 

On  doit  à  Brown  lui-même  la  publication  de  plusieurs  "''"'^'  "^' 
écrits  de  l'évêque  de  Lincoln,   qu'il  a   placés   dans    le    re- 
cueil intitulé  :  Fasciculus  reriini  expelendarum  et  J'uqienda-     Tom.il,inAp- 
r«m.  Là  se  lisent,  outre  le  di.scours  prononcé  à  Lyon  et  la  lettre  '"'"''■  *^"'"  **'*" 

.■•.',  .ITT  .  -     ^  cerlaliuncala  de 

qui  a  tant  irrite  Innocent  IV,  100  autres  epitres,  10  sermons  fide  et  dociHoa 
ou  discours,  la  plupart  adressés  au  clergé;  89  constitutions  R»b- L'ocoln. 
ou  statuts  ecclésiastiques;  et  p  courts  traités  qui  portent  le 
nom  de  Dicta,  et  qui  concernent  les  vrais  et  faux  pro- 
phètes, la  foi,  la  grâce,  la  prière,  l'orgueil,  l'humilité,  la 
médisance  et  la  calomnie,  la  patience,  la  justice  et  la  misé- 
ricorde divine.  Ces  opuscules  peuvent  fournir  d'utiles  ren- 
seignements sur  les  mœurs  cléricales  et  les  pratiques  reli- 
gieuses du  xiii*^  siècle  ;  mais  Brown  déclare  qu'ils  ne 
forment  pas  la  cinquantième  partie  des  œuvres  de  Robert 
.Grosse-Tête,  qui  allaient  être  rassemblées  par  Jean  Wil- 
Tome  XFIII.  Kkk 


3  1 


442  ROBERT  GROSSE-TÊTE, 

XIII  SIECLE.     ,.  ,  •      r   1-  •   1  •    -i  - 

hams,  en  trois  gros  volumes  in-iolio,si  les  guerres  civiles  n  y 

avaient  mis  obstacle. 
Kabric.  t.  VI,       Des  copies  manuscrites  s'en  conservent  à  Westminster,  à 
r  m  "^is"'  Lambeth,  à  Oxford,  à  Cambridge;  et  les  articles  inédits  y 
i4o,  i'4i,  i/ig'  sont   en   effet  en  très-grand  nombre.  Trithème  indiquait 
i5o,  i5i.  seulement  une  Somme   thëologique,  une  Somme  appelée 

^1  ''«^^"'P'-  «c-  numérale,  un  traité  du  comput  ecclésiastique,  un  calendrier 
(  Calendariiim pulchruni).  On  a  de  plus  loo  sermons,  pro- 
positions ou  arguments  (^Sermones, proposidones,  themata); 
72  petits  discours  ou  Dicta,  sur  des  objets  très-divers, 
tels  que  l'œuvre  des  six  jours,  les  actions  et  les  paroles  de 
"saint  Anselme,  le  libre  arbitre,  les  intelligences,  les  six  dif- 
férences, la  vérité  des  futurs  contingents,  les  impressions 
de  l'air,  l'iris,  la  lumière  et  les  couleurs,  le  mouvement 
circulaire,  la  figure  de  la  machine  du  monde,  etc.,  etc.  ;  21 
épitres,  y  compris  celle  qui  est  adressée  au  couvent  de  Mis- 
senden,  sur  l'élection  de  l'abbé;  les  constitutions  données 
au  prieur  et  à  la  communauté  de  Neuvenlinm  ;  ensuite, 
une  Surntna  fustitiœ ,  annoncée  comme  un  grand  ouvrage; 
des  traités  du  décalogue,  des  7  sacrements,  de  la  pénitence 
en  particulier,  de  la  confession,  des  peines  du  purgatoire; 
et  des  livres  intitulés  Teniplum  Domini,  de  Vcritate  Chrisii, 
de  Curd  pastorali ,  de  Conjugio,  Scala  voluptatis ,  de  Pro- 
gnosticatione  aeris  ;  puis  des  moralités  sur  l'œil,  la  langue,  le 
cœur  et  les  poisons  ;  des  moralités  encore  sur  les  4  Évangiles, 
un  commentaire  de  l'épître  aux  (lalates,  un  commentaire 
des  distiques  de  Caton,  et  enfin  une  Somme  de  philosophie. 
Tous  ces  livres  sont  en  latin  ;  mais  un  manuscrit  de  Cam- 
biiilge  contient  plusieurs  traités  et  sermons  de  Robert,  en 
langue  anglaise.  Son  livre  des  articles  de  foi  existe  en  français 
à  Lambeth;  et  c'est  dans  cette  dernière  langue  que  se  conserve, 
sous  son  nom,  à  Westminster,  un  manuel  des  règles  de 
l'agriculture,  distribuées  dans  les  12  mois  de  l'année. 

Leyser  lui  attribue  un  poème  latin  ayant  pour  titre  .•  Dis- 
Jiiis.  BiiLinn.  putatio  ùiter  corpus  et  aniinam.  Ce  n'est   peut-être  qu'une 

inSS.   20  B.  XIV.    '1  •  11  ^  c  ■  I  ■> 

liiiiiioih  Hari.n.  t '  .idiu  tioti,  moius  ancienne,  d  un  poème  français  sur  le  même 
1121.— Leiand,  sujct.  Mais  Robcrt  parait  être  véritablement  l'auteur  de  1748 
<.  tXiv, —  lîiogr.  y^., j^  français  où  il  s'agit  du  i)éclié  d'Adam  et  de  la  rédemp- 

iiiiiï.      xxxviii  ,  1  ■^  1  -Il  •    ^       I  •        •       1  '  Il 

51'    21 5.  i\(i\\  du  genre   tmmaui.  L  n  copiste  les  a  intitules  :  Roman 

Essais  hisior.  des  Ilûiiiuns,  ct  M.  De  la  Rue  en  a  extrait  quelques  supplica- 

siir  les  Baiiies,  »i(,,|^  qm;  [;,  iMisericoide ,  plaidant  contre  la  Justice,  adresse 

...  les  TrouMTes,    .    .^  r  i       l'i 

,,,   .„_  .,,       a  Dieu  en  faveur  de  1  homme  : 


ÉVÊQUE  DE  LTNCOLN.  443 

XIII  siEcij;. 

Entenusa  inei,bel  douls  pere.  Sur  tûtes  tes  ovres  nomee,  ...  

Et  te  rends  a  ma  prière,  Ne  direiz  quêta  fille  t'eusse 

Pol  cel  dolent  chetif  prison  Si  tu  de  lui  pitié  ne  eusse.  .  .  . 

Que  venir  poet  a  rançon.  .  .  .  Por  lui  merci  ades  crierai 

Et  jo  ta  fille  sui  ainsnee,  Tant  que  merci  lui  obtiendrai. 

La  sainte  Vierge  au  sein  de  laquelle  s'incarne  le  rédemp- 
teur, est  appelée  par  le  poète  le  Chastel  d'amour,  et  ce  nom 
a  été  donné  à  l'ouvrage  même,  par  Robert  de  Brune  qui  l'a 
traduit  en  anglais  au  commencement  du  xiv*' siècle.  L'évêque 
de  Lincoln  l'avait  composé  en  français,  afin  qu'il  eiit  plus  de 
lecteurs.  Un  Traité  des  péchés  et  des  vertus ,  en  7000  autres 
vers  français,  attribués  aussi  à  ce  prélat,  avait  semblé  n'être 
que  le  Manuel  du  péché,  production  un  peu  plus  longue  de 
Guillaume  de  Wadington  ,  rimée  pareillement  dans  notre  m.  De  la  Rue, 
langue;  mais  M.  De  la  Rue  croit  avoir  reconim  que  ce  sont  ibid.p.2a5-a33. 
deux  compositions  distinctes.  Celle  de  Robert  Grosse-Tête 
commence  par  ces  lignes: 

Que  dites  vous  de  la  riche  gant       Mes  de  ceo  kil  deussent  Dieu  servir 
Ki  unt  el  siècle  tut  a  talent  Ne  leur  vient  ja  droit  a  talent 

Ke  assez  lor  sert  a  lor  plaisir.'         Fors  que  sen  détendent  sovent. 

Robert  de  Lincoln,  quand  on  ne  lui  tiendrait  pas  compte 
de  ces  poésies,  serait  encore  un  des  plus  féconds  écrivains 
de  son  temps,  quoique  aujourd'hui  les  hommes  de  lettres 
n'aient  guère  connaissance  que  de  sa  version  du  Testa- 
ment des  12  patriarches,  des  pièces  relatives  à  son  démêlé 
avec  Innocent  IV,  et  de  celles  qu'Edouard  Brown  a  recueil- 
lies. Sa  laborieuse  carrière  justifie  les  éloges  qu'il  a  reçus 
de  ses  contemporains  et  de  la  postérité.  Sa  vie,  écrite 
en  vers  latins,  probablement  dès  le  xiii*  siècle,  par  un 
moine  de  son  diocèse,  Richardus  Burderiensis ,  est  insérée 
en  partie  au  Tome  II  de  \ Anglia  sacra.  Ses  vertus  et  ses  3^5'  3^,  '  345' 
talents  sont  célébrés-dans  une  èpître  de  Giraud  de  Cambrie,  —  Gir.  cambr. 
et  dans  le  grand  ouvrage  historique  de  Matthieu  Paris.  Roger  anni^îS-nSS. 

Tj  1       j-    .•  A  \  \  II  U  »    1>    r  '     R.  B.1C.  ad  Clem 

Bacon  le  distujgue  du  vulgaire  des  philosophes,  et  l  eleve  a  Panam.  c.  27  — 
un  rang  éminent  avec  Salomon  et  Aristote:  Vulgus  philoso-  Tnv.  an.  1253. 
phorum  semper  est  imperfeclum  et pauci  sapientissimifuerunt  — Ki"ygtti.i253, 
in  perfectione  philosophiœ ,  ut  Salomon  et  deinde  yfristoteles  n.3o3— Leiand 
pro  tempore  siui ,  et  indiebus  nostris  Robertus  nuper episcopus  c.  269  —Baie, 
Lincolniensis.  Trivet  et  Henri  de  Knygthon  rendent  hommage  lY'  *"■— P"*.  <^- 
à  l'étendue  de  sa  science:  In  cunctis  liberalibus  artibus  erat  i, /,._Harpsf.  s. 
eruditus.  Trithème  dit  de  lui  :  Calculator  insignis ,  theologo-  Xiu.  —  Camd. 
runi  sui  temporis  facile  princeps.  Il -est  superflu  de  dire  que  p"V  *'^^"'^'■~" 

Kkk2 


444  JEAN  DE  SAINT  GILI.ES, 

'- '-  les  biographes  anglais  Leland  ,  Baie  et  Pitz  ont  tenu  le  même 

Angi.  p.  34s.—  lanoranre;  mais  Sixte  de  Sienne,  qui  pouvait  être  plus  impar- 
of  Kni^iami.  —  ti»! ,  enchérit  sur  leurs  louanges  lorsqu  il  dit  :  Inter pluloso- 
Uu  liouiay,  nr,  phoset  theologos  sui  secali primum  locum  adeptus  est,  ingénu 
260  et  709  —  acumine  subtilissimm ,  eloquio  brcvissimus ,  et  sententiarum 
Oudin,'  t!^ii^  pondère  copiosissimiis.  Au  xvii^  siècle,  Harpsfeld  ,  Camden  , 
col.  \\-^  -  laS.  François  Godwin  ,  Thomas  Fullcr,  continuent  en  Angleterre 
_  Fieiiry  ,  liv.  |^  chaîne  des  panégvristes  de  Robert.  Il  avait ,  selon  Godwin  , 

LXXX,  II.  (>o  ;  I.  '     1  I       j  •  u  •  j.    » 

Lxxxni,ii.43.  parcouru  tout  le  cercle  des  connaissances  humaines,  totam 

—Lcyser.  1.996-  encjclopedicp.  circulum  emensus ,  et  acquis  une  si  prodigieuse 

998.  —  labric.  h.j|ji|ej^qHeses  grossiers  contemporains  l'accusaient  de  magie 

Mosh!xii'l°5  _  et  de  commerce  avec  le  diable,  artis magicœ  et execrcindi  cuni 

Biuik  in,;86,  cacodœmone consortii.  En  France,  Du  Boulay  revendique  pour 

7**"  ITlniversitéde  Paris  l'honneur  d'avoir  formé  et  possédé  un  si 

grand  maître.  Les  Anglais  Warton  et  Cave  prennent  soin  de 

recueillir  ou  de  rappeler  tous  ces  hommages;  et  si  dans  le 

cours  du  dernier  siècle,  Oudin  ,  Flcury,  Ley.ser,  Fabricius, 

Mosheim,  Brucker,  n'y  souscrivent  qu'avec  plus  ou  moins  de 

réserve ,  ils  sont  loin  de  méconnaître  les  titres  de  celui  qui  les 

a  mérités  autant  qu'ils  pouvaient  l'être  au  sein  des  erreurs  et 

de  la  barbarie  du  moyen  âge.  D. 


JEAN  DE  SAINT-GILLES, 

«""     -^i"**  MÉDECIN  ET  THÉOLOGIEN. 

1/5"?. 

,Iea>'  de  SAiNT-GriXES,  quelquefois  appelé  de  Saint-.AIban 

li<,i.i  iiiv  Pa    Q^  jg  Saint-Quentin  ,  est  inscrit  par  Du  Boulay  dans  la  liste 

'96a   6*3^  ^^"'  (l*^s  professeurs  célèbres  de  l'Université  de  Paris.  Le  surnom 

de  Saint-Alban  le  désigne  comme  Anglais  de  naissance,  et 

il  passe  pour  avoir  professé  les  arts  libéraux  à  Oxford  ,  avant 

de  remplir  la  même  fonction  dans  l'école  parisienne.  Ses 

leçons  attirèrent  un   grand  concours  d'auditeurs.  Renommé 

comme  humaniste,  il  avait  aussi  étudié  et  pratiqué  avec  tant 

de  succès  l'art  de  guérir,  qu'il  devint  médecin  ordinaire  ou 

même  premier  médecin  de  Philippe-Auguste,  apparemment 

après  Rigord,  de  i30()  à  iQ.i'6.  On  ajoute  qu'il  enseigna  quel- 

Méa..     pour  que  tcmps  cet  art  à  Paris  et  à  Montpellier.  Attiré  par  la  répu- 

l'Hisi.  de  la  Fac.  tatioii  de  cctte  dernière  école ,  il  y  suivit  si  studieusement  les 

deméd.deMoni-  jj^cons  dcs  maîtres ,  que  bientôt  il  se  trouva,  dit  .Astruc ,  en 

pollier.  > 


JEAN  DE  SAINT-GILLES,  MEDECIN.  445 

état  d  être  maître  lui-même,  et  cl  y  prolesser  avec  éclat  les  . 

sciences  médicales.  Cependant,  ayant  de  plus  acquis  le  titre 
de   docteur    en   théologie,   il    hrilla    pareillement  dans    les 
chaires  ecclésiastiques,  et  contracta  des  liaisons  intimes  avec 
les  hommes  qui  s'étaient  distiiii^ues  dans  cette  carrière,  sur- 
tout avec  les  religieux  du  nouvel  ordre  de  Saint-Dominique. 
On  dit  que  sa  profession  de  clerc  physicien  l'avait  tellement      |,„    |j„„|^. 
enrichi  ,  qu'il  eut  le  moyen   d'acheter  dans  Paris  l'hospice  Cievici  ,  i;io\  , 
de  Saint-Jacques  qui  tomljait  en  ruine;  qu'il  rebâtit  celte  ''"  >  ("'^'»  "'■" 
maison  et  la  donna  aux  Irères  Prêcheurs,  à  qui  elle  a  valu 
en  France  le  nom  vulgaire  de  Jacobins.  Il  ne  tarda  point  à 
s'attacher  à  eux  par  des  liens  encore  plus  étroits.  Lin  jour,  au 
milieu  d'une  leçon  ou  d'un  sermon  qui  traitait  de  la  pauvreté 
évangélique,  il  s'interrompit  tout-à-coup  pour  prendre  lui- 
même   l'habit  des  Dominicains,  descendit  de  sa  chaire,  et       >icoi.  invei 
revint  achever  son  discours  en  ce  nouvel  appareil.  Ce  fait  <•'"""" ;;An;,i 

^  '  <    1.  rv      D        I  '  ù  11    I  1      in  Spicil.  l.\  m. 

est  rapporte  a  1  an  laaa,  par  Du  Boulay ;  a  1220,  par  Exhard,  ,,  r,,^  —c,,.^ 
qui  met  beaucoup  d'importance  à  cette  date:  elle  ne  nous  Mti.Hisi.cieii - 
semblerait  pas  aussi  certaine.  Quoi  qu'il  en  soit,  Jean  de  Saint-  '"*;  '  ''  ''  ^'^"• 
Gilles,  entré  chez  les  frères  Prêcheurs,  professa  la  théologie  ^Scipi  o,du< 
dans  leur  couvent  de  Paris,  puis  dans  celui  de  Toulouse,  Pia;tiic.  t.  i,|, 
jusqu'en  i2'35  C'était  sans  doute  avant  ces  époques  qu'il  avait  '"""'"'' 
été  doyen  de  l'église  de  Saint-Quentin,  titre  qui  expliciue 
l'un  de  ses  surnoms.  La  chronologie  des  détails  biographi- 
ques cjui  le  concernent  n'est  pas  très-facile  à  établir,  quoique 
Echard  se  soit  efforcé  de  la  débrouiller,  en  recueillant  les 
témoignages  de  Salanhac,  de  Guillaume  Pelhisson  ,  de  Mat-      '•''"'    i  "'^^■ 
thieu  Pans,  de  Nicolas  Trivet.  Ce  qu'on  sait  le  mieux,  c'est  "'-^f;';'"";""  "'- 
que  Jean  quitta  la  rrance,  et  passa  les  dernières  années  de      Tiaci.  (m^s. 
sa  vie  dans  la  Grande-Bretagne,  sa  patrie.  Il  assista,  comme  "''"  '';'""  "'^'*"'- 
médecin  du  corps  et  de  l'ame,  l'évëque  de  Lincoln,  Robert  l'iT/ualV"'?.'''' 
Grosse-Tête,  pendant  la  maladie  qui  termina  les  jours  de      m  p  a.i  .mm> 
ce  prélat,  en  1253.  Robert,  qui  estimait  sa  science  et  son   '^''^p- J«' 
habileté,  avait  voulu  recevoir  de   lui   les  derniers  secours: 
Vocavit  ad  se  Joannem  de  Sancto  Mt^idio ,  in  arte  peritum 
medicinali  et  in  thcologia  lectorem ,   eleganter  erudituni  et 
erudientem ,  ut  ab  eo  corporis  et  animœ  rcciperet  consolalio- 
nem.  Ces  paroles  sont  de  Matthieu  Paris,  qui  raconte  ensuite 
un  colloque  entre  l'évëque  et  le  Dominicain  médecin.  Robert 
reprochait  à  Jean  et  aux  autres  frères  Prêcheurs  de  ne  pas 
reprendre,  de  ne  point  dévoiler  avec  assez  de  courage  les 
fautes  et  les  crimes  des  grands  de  la  terre  :  Tu/rater  Joannes^ 


446  JEAN  DE  SAINT-GILLES,  etc. 

XIII  SIÈCLE. 

et  alii  Prœdicatores ,  peccata  magnatuni  audacter  non  re- 

darguitls ,  et facinora  non  detunicatis.  Nous  avons  dit  dans 
l'article  de  Robert  Grosse-Tête,  sur  quel  autre  sujet  roula 
cet  entretien;  il  nous  suffira  de  remarquer  ici,  qu'il  est  un 
peu   étonnant   qu'un  savant   théologien,   tel   que  Jean   de 
Saint-Gilles,  ait  hésité  à  définir  l'hérésie,  et  qu'il  ait  laissé 
au  malade  le  soin  de  recourir  à  l'étymologie  cle  ce  mot,  et 
d'expliquer  le  sens  qu'il  a  pris  dans  le  langage  de  l'Eglise  : 
Et  cuni  hœsitasset  f rater  Joannes  non  recolens  authenticam 
ipsius  rei  rationem  ac  definitionem ,  subjunxit  episcopus .  .  . 
L'évêque  de  Lincoln  ayant  vécu  jusqu'au  f)  octobre  i253, 
la  mort  de  Jean  de  Saint  Gilles  ne  doit  être  placée  qu'après 
ce  terme  :  on  n'en  connaît  pas  la  date  précise,  non  plus  que 
celle  de  sa  naissance.  Il  a  laissé  plusieurs  écrits ,  tous  inédits, 
dont  la  liste  se  compose  de  6  articles  principaux,  dans  la 
notice  qu'en  donne  Echard:  i"  Des  commentaires  sur  les  4 
livres  des  Sentences;  2°  des  opuscules  concernant  la  sagesse 
divine,  la  production  des  choses,  la  connaissance  et  la  me- 
sure des  anges,  de  cognitione  et  mensurd  angelorum ,   la 
prédestination  et  la  prescience,  le  paradis  et  l'enfer,  la  résur- 
rection tles  morts,  et  diverses  matières  scolastiques;  3°  des 
homélies  et  différentes  interprétations  morales  de  l'Ecriture 
sainte;  4°  des  commentaires  sur  des  livres  d'Aristote,  avec 
des  traités  sur  la  matière  du  ci^l ,  sur  l'être  et  l'essence; 
5"  des  expériences  de  médecine;  6"  un  livre  sur  la  formation 
du  corps,  avec  des  pronostics  et  des  pratiques  médicali^s  Cette 
liste  est  à  peu  près  la  même  dans  Leiand,  dans  Fabricius, 
Bil)l.  med.  et  dans  Eloy  ;  mais  on  y  a  quelquefois  ajouté  un  traité  du  péché 
iiif.  lat.  I.  I,p.  ong\ne\;  un  Breviloqieium  super  libres  sententiarum,  qui  peut- 
Dict.  hist.  des  être  uc  diffère  pas  des  commentaires  sur  le  maître  des  senten- 
méd.  1. 1,  |>.  58-  ces,  ci-dessus  indiqués;  enfin  des  poèmes  sur  les  urines  et  sur 
6o(  Alban^.        |e  pouls.  Ces  (leux  derniers  articles  appartiennent  à  Gilles  de 
Corbeil,  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  notre  tome  XVI  ;  mais  le  maim- 
Hist.iiii.de la  ^çj.\^  yyj  [es  Contient  se  termine  i)ar  un  traité  en  vers  latins, 

tr.    I.    \VI,    p.  ,T  ,    .  ,  'il-  »ï        r     w  — <         I 

50JJ  sur   la  guerison  de  certanies  maladies  :  Lfe  Lethargia ,  de 

Trenwre.  de  Guttà  oculi ,  traité  à  la  fin  duquel  on  lit  :  Ex- 
plicit  liber  de  Sancto  vEgidio.  Ces  mots  semblent  désigner 
un  auteur  portant  le  surnom  de  Saint-Gilles,  plutôt  que  le 
nom  de  (iiiles.  Cependant  nous  avons  peine  à  croire  qu'il 
s'agisse  du  personnage  qui  vient  de  nous  occuper,  et  qui 
ne  paraît  pas  avoir  jamais  écrit  en  vers.  Le  livre  du  Péché 
originel  qu'on  lui   voudrait  attribuer  est  de  Gilles  de  Ce- 


ANDRE  DE  LONGJUMEAU.  447 

lumna ,  cvèque  de  Bourges,  dont  nous  n'aurons  à  parler  que 
sous  l'année  1  3 16,  et  pour  lequel  il  y  aura  lieu  peut-être  de 
revendiquer  quelques  autres  articles  inscrits  dans  la  liste  des 
productions  du  médecin  Jean  de  Saint-Gilles.  D: 


XIII  SIKCLE. 


ANDRÉ  DE  LOIN  G  JUMEAU, 

FRÈRE  PRÊCHEUR.  hobt     apr.s 

ia53. 

A.NDRÉ  DE  LoNGjiiMEAU  tenait  ce  surnom  du  bourg  où  il 
était  né,  à   cinq   lieues  de  Paris.  Ceux  qui  écrivent  André 
Lonciumel ,  Lontumel,  de  Losimer,  défigurent  le  nom  de  sa 
patrie.  On  ignore  la  date  de  sa  naissance  et  celle  de  son  en- 
trée chez  les  dominicains  de  la  rue  Saint-Jacques;  il  n'est 
connu  que  par  les  missions  qu'il  a  remplies  en  Orient.  La      scripi.  oïdin. 
première  eut  lieu  en    i238.  Il  s'agissait  daller  chercher  à  P'a-d.  1.  i ,  p. 
Constantinople  la  sainte  Couronne  d'épines  que  Louis  IX  '^o,  «4i- 
avait  rachetée.  André  et  son  conlrère  Jacques  la  transportè- 
rent à  Venise,  puis  à  Sens,  où  le  roi  accourut  à  sa  rencontre; 
enfin  à  Paris,  où  elle  fut  déposée  dans  la  Sainte-Chapelle, 
qui  venait  d'être  magnifiquement  reconstruite.  Ces  services      caheri    Cor- 
de Jacques  et  d'André  expliquent  pourquoi  chaque  année,  nuii,  senon.  ep. 
le  II  août,  jour  anniversaire  de  ce  dépôt,  les  religieux  de  ^'■la''"  Je  s.  co- 
leur  couvent  venaient  officier  solennellement  dans  la  Sainte-  cepilonè"^Ducr 
Chapelle,  et  y  entendre  un  sermon  débité  par  un  des  leurs.  Sciipi.  rer.  gaii. 
En  1245,  .André  de  Longjumeau  fut  adjoint,  probablement  '-^.p- 4o7-4n- 
par  saint  Louis,  aux  deux  frères  Mineurs  et  aux  quatre  Domi- 
nicains qu'Innocent  IV,  après  le  concile  de  Lyon,  envoyait 
au  prince  tartare  Bajothnoy  (  Bachin  ou  Bochin),  pour  le 
réconcilier  avec  les  chrétiens  :  on  sait  que  cette  entreprise 
n'eut  aucun  succès. 

Bzovius  suppose  qu'en  1247,  André  de  Longjumeau  se  *""•'  '^At- 
rendit,  par  ordre  d'Innocent  IV,  auprès  des  primats  orien- 
taux qui  gouvernaient  les  églises  schismatiques  des  Jacobites 
et  des  Nestoriens,  et  qu'il  rapporta  au  pape  cinq  épîtres 
contenant  la  profession  de  foi  de  ces  prélats.  Il  est  certain 
que  cette  mission  a  été  remplie  par  un  religieux  nommé 
André,  et  fort  probable  qu'il  était  frère  Prêcheur;  car  Wad- 

di      r   ■  p  ^        »«•  -i  A  >    I  Annal, Min.  I. 

mg  ne  le  tait  pas  trere  Mineur,  et  il  parait  qu  alors  ces  mis-  i,  ann.  1247,  "■ 

sionnaires  ne  se  prenaient  guère  que  dans  l'un  de  ces  deux   10. 

ordres.  Mais  qu'André  de  Longjumeau  ait  trouvé  le  temps  de 


i4«  ANDRE  DE  LONGJUMEAU. 

\nisiK.(.i.r. 
faire  ce  voyage,  entre  son  séjour  auprès  de  Bajothnoy  et  les 

missions  dont  nous  allons  parler,  on  a  peine  à  le  concevoir. 

!>i<.Mi  (ju'à  toute  iorc*-  cela  soit  possible. 

Quoi  (ju'il  en  soit,  on  le  trouve,  vers  la  fin  de  l'année 
12.(8  ,  dans  l'ile  de  Chypre  oîi  passait  le  roi  Louis  IX,  allant 
à  la  Tirre-Sainte,  et  où  arrivait  aussi  le  nommé  David  qui  se 
disait  nonce  du  chef  des  Tartares,  Ercalthay  ou  Elche-tay 
\ven.  André  reconnut  David  pour  l'avoir  vu  dans  l'armée 
des  Tartares,  et  traduisit  au  roi ,  en  iarigue  latine  ,  les  paroles 
de  cet  envoyé  ainsi  que  les  lettres  dont  il  était  porteur. 
Comme  David  annonçait  (pi'Ercalthay  et  le  grand  Cham  se 
montraient  dévoués  au  christianisme,  qu'ils  étaient  même 
déjà  baptisés,  saint  Louis  chargea  André  de  Longjumeau  et 
six  autres  envoyés,  dont  deux  appartenaient  aussi  à  l'ordre 
de  Saint-Dominique ,  de  se  rendre  en  toute  hâte  auprès  du 
souveraiîi  de  la  Tartarie,  auquel  ils  avaient  à  olfrir  de  ma- 
gnifi(|ues  présents.  lis  jiartircnt  le  zo  janvier  I24g;  mais 
lorsqu  ils  arrivèrent  au  terme  de  leur  long  voyage,  le  grand 
Cham,  (juils  nommaient  Ken-Can  ou  Kuine,  venait  de  mou- 
rir, et  s.i  veuve  Chauiis,  cpii  le  remplaçait,  n'était  nullement 
disposée  à  favoriser  les  chrétiens.  André  eut  avec  cette  reine 
un  entretien  (pai  ne  lui  laissa  aucun  espoir  de  réussir  auprès 
d'elle.  Jl  prit  le  parti  d'aller  rejoindre  Louis  IX  à  Saint- Jean- 
d'Acre  ou  Ptolémaïs.  Il  y  était  avec  ce  prince  en  laS'i,  quand 
le  cordelier  Guillaume  de  Rubruquis  se  disposait  à  remplir 
une  mission  nouvelle  en  Tartarie.  Guillaume,  avant  son 
départ,  reçut  d'André  des  renseignements  dont  il  profita, 
sans  cependatit  néanmoins  obtenir  plus  de  succès  à  la  cour 
de  Tartarie.  Le  nouveau  Cham,  appelé  I\Lingu,  renvoya  Ru- 
bruquis, en  le  chargeant  de  remettre  à  Louis  IX  des  lettres 
hautaines  où  D.ivid  était  traité  d'imposteur  et  de  vaurien. 
Peut-être  ce  David  n'avait-il  été  qu'un  espion. 

Nous  ne  savons  rien  de  ce  que  devint  André  de  Longju- 
meau après  I2Ô3  II  peut  I>ien  avoir  écrit  des  relations  de* 
ses  voyages  et  de  ses  légations;  cependant  il  ne  reste  de  lui 
,■,1,*^'"  '  ''  '  qu'une  lettre  à  saint  Louis,  transmise  par  ce  monarque  à  la 
Duiii.  Scrip.  t.  reine  Blanche,  et  la  tratluction  latine  de  l'épître  vraie  ou  sup- 
y,  /10I-4II,  Il  posée  d'Ercalthay,  épître  dont  Bergeron  a  inséré  une  version 

M,-. — Spec.  lus-    ÎT  .  ,  -^         11         ■  1'  ■  »     •        T«i 

loi.  I.  XXXI,  c.  française  dans  sa  collection  d  anciens  voyages  en  Asie.  Plu- 
xc  etseqq.  sicurs  autcurs  du  XIII*  siècle,  Gautier  Cornut,  Vincent  de  Beau- 

„.  vais,  Rubruquis,  Guillaume  de  Nangis,  Bernard  Guidonis,  ont 

,J4'8.  fait  mention  d'André  de  Longjumeau.  D. 


Xl'Il  SIECLl 


V[NCENT  DEBEAUVAIS, 

AUTEUR  DU  SPECULLM  MA  JUS  TERMINE  EN    ii56. 

l^/uoiQUE  Vincent  de  Be-niivais  soit  l'auteur  de  l'un  des  plus  ^,  ,,j 
volumineux  et  des  plus  célèbres  ouvrages  du  xiii*^  siècl<%  il 
s'en  faut  que  l'on  connaisse  parfaitement  l'histoire  entière 
de  sa  vie.  Nous  manquons  surtout  de  renseignements  positifs 
sur  la  date  de  sa  naissance.  S'il  a  vécu  80  ans  ou  au  moins 
ro,  comme  on  a  lieu  de  le  présumer,  à  cause  de  l'étendue 
de  ses  travaux,  il  a  dû  nnître  dans  l'une  des  20  premières 
années  du  règne  de  Pliilippe-Augusle  ,  et  plus  probablement 
entre  1 184  et  i  ic)4- 

I  ,a  qualification  de  Belhwacensis  ou  Hclvaccnsis  constam- 
ment  attachée  à  son  nom  de  Vincent,  autorise  ou   même 
entraîne  à  croire  cju'i!  était  natif  de  lieauvais.  Cependant  d 
est  aussi  appelé  Bourguigtion  ,  /  incentius  Burgundiis ,  dans 
un  grand   nombre  des  notices   f|ui  le  concernent.  Le   |)lus 
ancien  auteur  qui  lui  ait  ainsi  donné  pour  patrie  la   Bour- 
gogne est  saint  Antonin,  qui  écrivait  vers  l'an  \^\o.  (>'es'i  là       n,,,, ,     nm 
seulement  que  commence  cette  tradition  suivie  depuis  ]iar  "i-  '''     j^m'i 
beaucoup    de   biogra[ihes    et   bibliographes,   tels  (pie   Tri-  ['''"',""'.'' 
thème,  Jacques- Philippe  (  Foresti  )  de  Bergame,  Schedel ,       1  ,  \,,i|.i  .m- 
J.  Gér.  Vossius,  r^abbe,  DuBoulay,  Noël-Alexandre,  Dupin,  >''-  "    'i»; 
Cave,  .Morhof  et  Brucker.  Oudin  laisse  iiulécise  la  question     ^■^■'ii''"""'"' ' 
fie  savoir  si  liurgundiis  indique  le  p<i}s  ou  Vincent  est  ne,       sIh.i  (  i,,nii. 
ou  si  ce  n'est  cpi'un  surnom    provenant   de   (juelqiie  autre  '"'   '||^'l>" 
circonstance:  Burmmdus  nndone  i^elcoiriiODiinc.  Mais  Lcbeuf  ,    "  ~-^"' ';'^"" 
veut    qu'un    Vincent,  écolàtre   de   l'f-glise  d'Auxeire,    fon-       i)....ii     i,is 
dateur  d'une  rliapelle  au  xiii*^  siècle,  et  ensuite  engagé  (Jans  ii"  <i'^'ii|>i  <,- 
Tordre  des  frères  Prêcheurs,  soit    celui   ciui  est  surnommé  '''?,'  "'''''•' 

in  •  •  '     •    I    '       I  -Il  1         r>-  1  (Il    lui       Ulliv. 

de  Beauvais  pour  avoir  réside  dans  cette  ville  de  Picardie,  p^mv  m,  ;i:v 
ou  bien  pour  être  né  en  quelque  lieu  appelé  Beauvais,  en  sdena  iiisioi. 
Nivernais  ou  en  Bouiiroirne.  Alin  d'offrir  au  moins  (luelque  ';':'  '"où '"'" V^r"^ 
indice  de  cette  identité,  liebeui  lait  olrserver  cjue  i  ecolatre  nupin.r.ihiioiii 
a  com])osé  vers  i2'3o  une  collection  de  légendes  qui  subsiste  *"'  ^'"'^^ 
manuscrite  ,  et  il  rapproche  ce  recueil  des  articles  du  Miroir  ^o,,"  '  '  ''■'^' 
historial  de  Vincent,  où  sont  célébrés  dans  les  mêmes  ter-  I^.l^l.  1,^,1 
TnmcMlIl.  \A\ 


dAu 
P 


45o  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

XIIISIECLK.  ...  ,  . 

.  mes,  et  avec  un  som  particulier,  presque  tous  le.s  saints 

Hisi.    |>hiios.  auxerrois.  Bullet  explique  l'ëpitliète  Behacensis ,  en  faisant 

Oiidin  V  m  "'•'^''6  Vincent  à  Bellevoie  ou  Belvoir,  village  de  Franche- 

<oi.  45i-'45-;.   '  Comté;  et  Grappin  adopte  cette  hypothèse. 

yéiii.sui  ihisi.  Parmi  les  auteurs  modernes  qui  refusent  de  le  reconnaître 

L^^"Jù\^^'  pour  Bourguignon ,  quelques-uns  disent  que  Burgundus  on 

Buiirt.uis.s.sin  Burguiidio  était,  au  xiii*^  siècle,  le  nom  propre  d'une  famille 

i:ist.dtFniiKc.  (leBeauvais,  au  sein  de  laquelle  il  sera  né.  C'est  encore  une 

ciap|iin,Hist.  sup[)osition  dénuée   de   preuves  et  même  d'indices;   nous 

de  BoiiPb'ognc.  navons,  en  etret,  sur  les  j)arents  qui  lui  ont  donne  le  jour 

M.l'ol  ciiion.  aucune  sorte  de  documents.  Mais  si  nous  recourons  à  ses 

Annal.  Hisioi.  çg^its,  nous  voyo'is  qu'il  y  prend  le  titre  de  Bellovacensis , 

ouid.ciii.  qu'il  n'y  substitue  et  n'y  ajoute  nulle  part  celui  de  Burgun- 

(  iir.oid.riiPii.  dus.  La  première  de  ces  qualifications  est  la  seule  que  lui 

—Calai  fmtinm  appliquent  SCS  coiitemporains  ou  ses  successeurs,  les  chro- 

qui       claïucrnnt       '.  '        *  .  e      ..     i  e      ■'     I        n«       i-        J      r>     i  t    1 

doctiinà,  inss       uiqucuTs  du  XIII    et  du  XIV    siècle,  Martin  de  Pologne,  lolo- 

Tabuia   quo-  méc  de  Lucques,  Bernard  Guidonis,  et  même  encore  au  xv*, 

rumdanidodoi.  LauTcnt  Pignou  ct  f.ouis  de  Valleoleti.  Saint  Antonin  vient 

ord.  Pi-œd.  ms-..  ^j-^ii  i  •]•  i 

un  peu  tard  introduire  la  seconde,  sans  indiquer  ni  la  source 
ou  il  la  puise,  ni  le  motif  qui  la  lui  suggère.  On  est  fondé  à 
croire  que  cet  auteur  italien  n'avait  qu'une  notion  vague  et 
confuse  de  la  géographie  de  la  France,  et  que  vivant  à  une 
époque  où  le  duc  de  Bourgogne  possédait  la  Belgique  et  ad- 
ministrait la  Picardie,  il  ne  savait  pas  assez  distinguer  ces 
provinces.  L ordre  qu'il  donne,  en  parlant  de  Vincent,  aux 
trois  dénominations  Behacensis ,  Burgundus ,  Gallicus ,  per- 
met de  supposer  qu'il  prenait  le  Beauvaisis  pour  l'un  des 
districts  compris  dans  la  région  bourguignone,   l'une  des 
parties  de  la  France.  Il  n'est  donc  pas  bien  certain  qu'il  ait 
réellement  attaché  Vincent  à  la  Bourgogne  proprement  dite. 
Dans  tous  les  cas,  cet  énoncé ,  soit  inexact ,  soit  erroné ,  res- 
terait aujourd'hui  sans  autorité,  quoique  si  souvent  repro- 
duit, ainsi  que  bien  d'autres  du  même  genre  ,  dans  les  livres 
Bihiioih.  do-  des   âges   suivants.   Plusieurs   écrivains  des   deux   derniers 
niinic.p.  2', 21    siècles  ont  su  se  préserver  de  cette  méprise;  les  dominicains 
Pr  1, 212-2,0.  Altamura,   Quetii   et  Jacques  hchard  ,  i  historien   Meury, 
Hist. eccie^.  1.  Loiscl,   Fabricius  n'hésitent  pointa  déclarer  que  Vincent 
Lxxx(?,  n  5       n'appartenait  aucunement  à  la  Bourgogne.  A  nos  yeux,  l'o- 
vaisis,  p.  2o3.  '  pi'i'on  la  plus  plausible,  sinon   la  seule  soutenable,  est  qu'il 
Bihi  ined  eiinf   naquit  daiis  la  ville  ou  dans  le  territoire  de  Beauvais. 
i^"  vi,298,2.j.j.       Ya  tradition  qui  l'en  faisait  évêque  remontait  aussi  au  xv' 
siècle,  et  elle  n'a  été  com()létement  abandonnée  que  dans  le 


VINCKNT  DE  BEAUVAIS  45i 

,  en-  J  ■   I      j    r        1    ■  -^I"  SIECLE. 

cours  du  XVII i  .  LJremond,  qui  la  détendait  encore  en  1729,  a  ■ 

publié  une  très-longue  liste  des  auteurs  qui  l'avaient  adoptée     B"|'"i  "ici.Pr 
avant  lui.  Il  y  a  inscrit  saint  Antotiin,  Trithème,  Philippe  de     '  ^^^/.'^' 
Bergame,  AiberJ:  Léandre,  Raphaël  de  Volterra  ,  Sixte  de  „r<i.Vi;i?i.' 
Sienne,  Antoine   de  Sienne,  Possevin,  Vossius,  Aubert  le      c.inmmt.  ur 
Mire,    Bzovius,    Altamiira    et    d'autres    biographes    moins  'î'"'  '..  ^^'' P 
connus.  Il  serait  possible  de  distinguer  dans  cette  liste  quel-    '^Bii,i,^,îh.sanc- 
ques   noms  qui   n'y  devaient  pas  figurer;  mais  pour  bien  ta,  1.  iv.p.  309- 
reconnaître  la  véritable  opinion  de  chacun  de  ces  écrivains,  '^W 
sur  le  prétendu  épiscopat  de  Vincent,  il  faudrait  s'engager  prin.'i'pirs."oid'^ 
en  de  minutieuses  discussions  qui  nous  semjjlent  tout-à-tait  s.  Uoniinici. 
superflues;  car,  d'une  part,  nous  ne  contestons   point  la      Apparat.  Sac 
longue  durée  de  cette  tradition;  et  de  l'autre,  on  sait  bien     sd'inl.adHenr 
que  beaucoup  d  erreurs  de  fait  ont  été,  comme  celle-là,  gé-  GanHav    n.  l,^. 
néralement  admises  et  répétées  de  livre  en  livre,  sans  exa-      Annal  eccies. 
men  ,  pendant  deux  ou  trois  siècles.  Les  bénédictins,  qui  ont  >  •   1 

fait  imprimer  à  Douai,  en  i6a4,  le  grand  ouvrage  de  Vincent, 
donnaient  encore  à  cet  auteur  les  deux  qualifications  de 
Burgundus  et  àe  prœsul  Bello^'acensis.  Mais  la  première  de- 
vint fort  suspecte  avant  1700;  et  Casimir  Oudin  a  vivement 
réclamé  en  1722  contre  la  deuxième,  qu'avaient  rejetée,  dès 
1720,  les  dominicains  Echard  et  Quétif  Fabricius  et  Fieury 
se  sont  gardés  de  la  reproduire  ;  et  la  Galliachrlstiana  nova      ^    ,„ 

•       1     •        '  1  >    ir-  1  1  II  1  I  T.     IX  ,     col. 

na  laisse  aucune  place  a  Vincent  dans  le  taincau  chronolo-  732-7/19. 
gique  des  évèques  de  Beauvais ,  depuis  1 1 76  jusqu'en  1 3 1  2  ; 
^bleau  dont  les  éléments  sont  fournis  par  des  monuments 
authentiques.  Là  se  succèdent  Philippe  de  Dreux,  Milon  de 
Châtillon-Nanteuil ,  Geoffroy  de  Clermont,  Robert  de  Cres- 
sonsart,  Guillaume  de  Grez,  Regnauld  de  Nanteuil,  Thi- 
bauld  de  Nanteuil  et  Simon  de  Clermont-Nelle,  sans  qu'il 
reste  la  plus  légère  trace  d'un  prélat  nommé  Vincent.  Il  est 
vrai  qu'entre  Geoffroy  de  Clermont  et  Robert  de  Cresson- 
sart,  il  y  a  une  vacance  d'un  peu  plus  de  deux  ans,  du  24 
août    1236  à   123^;   mais  on   voit,  par  un  registre    de  la 
Chambre  des  Comptes,  que  ilurant  la  première  de  ces  deux      Oiii  ciuibid, 
années,  l'évèché  de  Beauvais  était  en  régale;  et  nulle  part  il  ''"'  "'  ' 
n'est  fait  mention  d'un   prélat  installé  dans  cet  intervalle. 
Jamais  Vincent  ne  s'attribue  cette  dignité,  et  lors(ju'il  parle 
de  ses  titres  personnels,  c'est  en  des  termes  cpii  ne  pei  met- 
tent pas  de  supposer  qu'il  l'ait  jamais   |)ossedée.  11  ne  se 
donne  que  pour  un  frère  Prêcheur,  que  pour  un  simple  lec-      i"  |)"'>I'>ô'>  '' 
leur,  tector  qualiscumque ,  et  déclare  quil  a  toujours  vécu,  ne  gUor 'rcJiôT 

L  1 1 2 


i52  VINCENT  DE  BEALVAIS. 


xiii  sikclî: 


étudié,  travaillé  sons  les  ordres  du  supérieur  général  de  son 
ordre.  Les  écrivains  qui,  de  son  temps  ou  peu  après  lui,  ont 
iuimediatcmeiit  recueilli  les  souvenirs  qui  le  concernent ,  ne 
songent  pas  plus  que  lui-même  à  le  placer  à  la  tète  d'un  dio- 
r)<- sriipi.  ,•..;!.  cJ'se.  Henri  de  (iaïul,  Toloméede  Lucques,  Bernard  Guidonis 
"■  'i^-  ne  le  eoiinaisserit  (lue  comme  un  savant  et  laborieux  Domi- 

Annal.    Iltsioi  ,  / 1^       *  \i     i  i        i»  i  •  •       •        .  i      ii  - 

^,.,,ipj  rncaui.  L  est  Molanus  ou  Le  iVnrequi  ajoute  au  texte  de  Henri 

Annal  poiiiif.  dc  Gaiid  uiie  note  où  il  est  parlé  d'é[)iscopat.  Nous  devons 
Liiiroî.ii. des.  avoïKT  que  ccttc  étraiii^c  indication  se  rencontre  dans  la 
clironique  de  Martin  de  Pologne;  mais  ce  n  est  la  qu  une 
des  nombreuses  interpolations  (jue  l'ouvrage  de  cet  auteur 
a  hubies  apiès  1:278,  année  où  il  est  mort.  On  a  lieu  de  croire 
(jue  l'article  dont  il  s'agit  n'existait  pas  dans  la  coj)ie  (jue 
Bernard  (niidonis,  continuateur  de  Martin,  avait  sous  les 
yeux.  Car  Bernard,  cjui  ne  compte  pas  Vincent  au  nombre 
des  évèques  jjîis  dans  l'ordre  de  Saint-Dominique,  nous 
assure  qu  il  n'a  omis  que  ceux  dont  la  promotion  lui  est 
restée  inconnue,  faute  de  documents  et  de  témoignages.  Or 
il  n'aurait  pu  ignorer  celle  de  Vincent,  si  elle  avait  été  con- 
signée dans  une  chroriique  dont  il  faisait,  pour  l'intérêt  de 
son  propre  travail,  une  étude  toute  particulière.  Quelques 
modernes,  renonçant  à  faire  de  l'auteur  du  Spéculum  niajus 
un  [)rélat  titulaire,  léclament  pour  lui  la  qualité  de  suffra- 
gant  ou  plutôt  de  coadjuteur,  et  il  est  emore  impossible  de 
la  lui  accorder,  dans  l'absence  de  tout  indice  de  la  consécra- 
tion (pi'il  aurait  du  recevoir,  et  de  tout  vestige  d'une  telle 
adjonction  à  l'un  des  évêques  de  Beauvais,  entre  les  années 
1 200  et  I  3oo. 

Ce  qu'on  sait  le  mieux  de  son  histoire,  c'est  qu'il  a  été 
frère  Prêcheur.  Cet  ordre,  fondé  en  lUi  "j,  eut  à  Paris,  en 
12 £8,  une  maison  professe  qui,  à  raison  du  quartier  où  elle 
était  située,  reçut  le  nom  de  Saint- Jacques,  et  valut  aux 
religieux  institués  par  saint  Dominitpje  le  nom  vulgaire  de 
Jacobins.  Il  est  probable  (jue  Vincent  était  avant  1:220  un  des 
Hisior.  Univ.   Hioincs  de  ce  couvent.  DuBoulay  dit  qu'il  y  vint  étudier,  et, 

l'élis  III,  71',.   si  nous  n'en  avons  pas  de  preuves  positives,  rien   non  plus 

n'autorise  à  rejeter  cette  conjecture.  On  attachait  d'avance 

les  élèves  delà  maison  de  Saint-Jacques  aux  couvents  fondés 

ou  à  fonder  dans  les  villes  ou  les  diocèses  au  sein  desquels 

Sci  oiiiPrs.i.  ''î»  étaient  nés.  Cet  usage  est  attesté  par  plusieurs  exemples, 

J,  >.i2,  »i{.         notamment  par  ceux  de  Hugues  de  Saint-Clier  et  de  Hum- 
beit  de  Romans.  Voilà  sans  doute  comment  Vincent  appar- 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  453 


XIII  S!K(JJ-L 


Hisl  de  Beau- 
ais,  pari.  1,  r. 


tint  au  monastère  fondé  à  Beauvais  en  1228  et  1229;  et  il  se 
peut  qu'il  ait  élé  employé,  dès  122^,  à  préparer  cet  établis- 
sement. Est-il  le  frère  Vincent,  sous-prieur  des  Dominicains 
de  Beauvais,  qui,  en  I236  ou  1246,  devint  visiteur  et  pré- 
posé, cognitor  et  prœfectus?  Quétif  et  Jacques  Echard   le 
supposent;   mais  il   nous  paraît  vraisemblable  que  s'étant 
voué  tout  entier  à  de  longues  et  profondes  études,  il  ne  s'en 
est  laissé  distraire  par  aucune  fonction   claustrale;  jamais 
il  ne  se  leprésente  que  comme  un  simple  religieux.  Nous 
voyons  seulement  que  le  légat  Odon  ou  Eudes  de  Château- 
roux  le  chargea  d'opérer,  avec  rarchidiacre  Guariu,  quelque 
réforme  dans  l'hôpital  de  Beauvais.  Ces  deux  commissaires  s'V.  sïa 
soumirent  en  i-j./\o  les  frères  et  les  sœurs  qui  desservaient 
cet  hospice,  à  un  règlement  que  Louvet  et  Dachery  ont  fait  6^-^'|'*^" 
connaître.  Salanhac  et  Bernard  Guidonis  n'ayant  pas  inscrit      De     glorioso 
Vincent  au  nombre  des  docteurs  de  cet  âge,  on  a  lieu  de  "<>">'"«  Pradic 
'penser  qu'il  n'avait  point  reçu  ce  titre.  Toutefois  il  est  bien  ™'**' 
possible  que  ses  supérieurs  l'aient  obligé  à  donner  à  des 
novices  quelques  leçons  de  théologie;  et  c'est  ainsi  que  s'ex- 
pliquerait ce  qu'il  dit  des  occupations   pénibles  qui  inter- 
rompaient son  travail  d'écrivain,  et  le  forçaient  à  employer 
des  copistes.  C'était  apparemment  par  des  succès  dans  l'en- 
seignement et  dans   la  prédication,   qu'il  avait  commencé 
d'acquérir  assez  de  célébrité  pour  attirer  l'attention  et  mériter 
la  confiance  du  monarque. 

En  1228,  saint  Louis  fonda  l'abbaye  de  Royaumont,  et  y 
établit  des  religieux  de  l'ordre,  de  Cîteaux;  il  avait  près  de      caiiia  christ 
ce  monastère  une  demeure  où  il  se  retirait  souvent  avec  sa  ix,  84a,  843. 
famille.   Le  dominicain  Vincent  de  Beauvais  fut  appelé  à 
Royaumont,  pour  y  remplir  la   fonction  de  Lecteur.  Quel 
était  cet  emploi  .-*  S'agissait-il  d'enseigner  la  théologie  aux 
jeunes  moines  de  la  nouvelle  abbaye  "^  Oudin  n'en  doute  pas;      commeni  de 
il  le  fait  professeur  de  théologie  scolastique  en  1260,  et  en  Scripi.  ecd. m, 
conclut  qu'il  netait  point  alors  très-âgé;  qu'il  n'avait  pas  ''  ''^"■ 
encore  composé  son  grand  ouvrage.  Fleury  se  borne  à  dire      Hist.  eccléi.  l. 
que  Vincent  a  peut-être  exercé  cette  fonction ,  et  Touron  ""'"'."•  ?• 

',  I         .  ■   V    cil  /-i  I  I-  j  •  Hist. des hom- 

n  ose  le -nier  ni  I  athrmer.  Cependant  on  a  lieu  de  croire  que  ^^^  iiiasir.  de 

s'il  y  avait  eu  dès  lors,  ce  qui  n'est  pas  très-probable,  un  l'ordre  de Saîm- 

cours   d'études   réglées    dans    le    couvent  de  Royaumont,  t»<»'"">'qn«- «■ 'i 

l'enseignement   y  aurait  été    confié   par   les    Cisterciens  à  "'''** 
des  maîtres  qu'ils  pouvaient  trouver  au  sein  de  leur  ordre; 
saint  Louis  ne  les  eût  pas  forcés  d'en  prendre  un  chez  les 

^  2 


454  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

Xill  SIECLE.  ^  ...  X       ,. 

frères  Prêcheurs.  Les  écrits  mêmes  ou  Vincent  fait  mention 

de  son  séjour  à  lloyauinont.  ne  le  représentent  pas  comme 
Epist. consolât,  Qyant  eu  de  pareilles  relations  avec  les  moines  de  l'abljaye. 
On  y  voit,  au  contraire,  qu'il  n'habitait  point  leur  monas- 
tère; il  dit  qu'après  l'inhumation  du  jeune  prince  l/ouis 
dans  leur  église,  il  revint  dans  sa  maison  ,  sans  doute  voisine 
du  palais  de  saint  Louis;  il  ne  dit  j)as  dans  sa  cellule  ou  sa 
chambre.  Néanmoins  il  se  sert  ailleurs  d'expressions   qui 

stitu*!"  moraU.  "'  Semblent  lui  <lonner  pour  demeure  le  monastère  même  :  Olim 
dàm  in  monasterio  Hegalis-Montis  morani  J'acereni. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  a  conclu  de  ces  diverses  observa- 
tions, que  son  principal  emploi  à  Royaumont  était  proba- 
blement celui  de  Lecteur  du  roi,  titre  qui  se  rencontre  à  bien 
d'autres  époques,  et  qui  embrassait  alors  plus  de  fonctions 
qu'il  ne  semble  en  indiquer.  Le  Lecteur  devait  expliquer  les 
textes,  développer  l'instruction  qu'ils  pouvaient  renfermer, 
répondre  aux  questions  que  ses  auditeurs  lui  adressaient 
sur  les  faits  et  sur  les  doctrines,  sur  les  sciences  sacrées  et 
profanes.  Vincent  s'attribue  expressément  cette  qualité  de 
Lecteur,  et  s'en  glorifie  d'autant  plus,  qu'il  en  remplit,  à  ce 
qu'il  dit,  les  devoirs  sous  le  bon  plaisir  et  la  direction  du 
roi  lui-même.  C'est  une  raison  de  plus  de  penser  qu'il  ne 
s'agit  point  là  d'un  enseignement  scolastique  et  claustral; 
car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  le  monarque  eût  voulu  se 
réserver  le  soin  de  le  diriger.  Au  besoin,  l'office  de  Lecteur 
s'étendait  à  quelques  prédications  domestiques.  Vincent 
nous  apprend  que  le  roi  et  la  famille  royale  l'écoutaient 
lisant,  instruisant  et  prêchant,  qu'ils  lui  prêtaient  une  atten- 
tion profonde  et  même  respectueuse.  Il  ajoute  que  le  roi  lisait 
ses  ouvrages,  et  fournissait  aux  dépenses  de  ses  travaux 
littéraires;  que  la  reine  Marguerite,  le  prince  Philippe  et 
Thibaut,  roi  de  Navarre,  l'excitaient  à  composer  des  livres; 

3ue  sa  principale  occupation  était  de  rédiger  des  extraits  et 
es  abrégés  pour  l'instruction  des  princes,  des  princesses,  de 
leurs  courtisans  et  de  leurs  conseillers;  de  tenir  enfin  à  leur 
disposition  soit  ses  propres  écrits,  soit  aussi  les  livres  qu'il 
avait  été  chargé  de  choisir  et  d'acheter  pour  leur  usage  et 
De  ord.  Pi-s-  ^^^^  ^^  ^j^j^.  g,,  g^^j^.  ^y^.  y^^y^^  pourrious  lui  attribuer  encore 

'"'AddTt.  ad  Sa-  l'emploi  de  bibliothécaire.  IJ  était,  à  tous  ces  titres,  attaché 
ianh.ic.ini  à  la  maisou  royale:  doniesticus, /(tmiliaris ,  disent  Salanhac 

";'ni  'l"'j    et  Bernard  Guidonis. 
""*■      '  ''  Des  auteurs  modernes,  particulièrement  Du   Boul^y   et 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  455 

,     r  ■  1      1      r         M  I  IIIl  SIÈCLE. 

Oudin,  le  font  instituteur,  mystagogus ,  de  la  lamille  royale,  

précepteur  des  enfants  de  France.  Mais  nous  apprenons  de      comment,  de 
iui-mètne  qu'ils  avaient  des  maîtres,  didascalos ,  au  nombre  in'''corT5*3  ' 
desquels  il  ne  se  compte  point;  il  désigne  comme  le  pré-     ploiog.deEru- 
cepteur,  eruditor,  du  prince  aîné,  le  clerc  Simon ,  dont  il  fait  d'tionepueror. 
l'éloge.  C'est  ce  Simon  qui  présente  à  la  reine  Marguerite, 
de  la  part  de  Vincent,  l'ouvrage  que  celui-ci  a  composé,  par 
ordre  de  cette  princesse,  sur  l'éducation  des  jeunes  princes, 
et  dans  lequel  il  a  inséré  divers  matériaux  pour  leur  édu- 
cation  littéraire,  des  sujets  de  composition  en  vers  et  en 
prose;  soit  que  ce  travail  fût  com[)ris  dans  ses  devoirs  de 
lecteur  on  de  bibliothécaire,  soit  qu'il  l'eût  entrepris  seule- 
ment comme  homme  de  lettres.  Fleury  lui  accorde  le  titre      Hist.  ecdés.  i. 
d'inspecteur  des  études  des  enfants  de  Louis  IX;  et  c'est  en  i-»"iv,  n.  5. 
effet  la  seule  part  qu'il  puisse,  à  ce  qu'il  nous  semble,  avoir 
eue  à  leur  éducation. 

Ses  propres  éludes  et  ses  travaux  littéraires  sont  les  prin- 
cipaux faits  de  sa  vie,  et  les  seuls  qui  nous  soient  parfaite- 
ment connus.  Avide  et  insatiable  de  lectures,  iibrorum 
helliio ,  comme  disent  plusieurs  de  ses  biographes,  il  avait 
recherché ,  compulsé  tous  les  ouvrages  anciens  et  modernes, 
dont  il  pouvait  comprendre  les  textes  ou  se  procurer  des 
versions.  Il  en  avait  recueilli  des  extraits  innombrables.  L'im- 
mensité de  ses  lectures  serait  assez  attestée  par  ses  contem- 
porains, si  elle  n'était  plus  immédiatement  prouvée,  ainsi 
que  nous  le  verrons  bientôt,  par  sa  volumineuse  compilation. 
Encore  nous  apprend-il  qu'il  l'a  réduite  au  tiers,  par  le  Proiog. gêner, 
conseil  de  ses  amis  :  il  avait  amassé  et  d'abord  employé  trois  "^^  *^'>  P-  '^• 
fois  plus  de  matériaux.  Elle  se  compose,  dans  les  éditions 
qui  en  ont  été  publiées,  de  4  grandes  parties,  y  compris 
celle  dont  l'authenticité  pourra  nous  sembler  fort  douteuse. 
Il  est  incontestablement  le  rédacteur  des  trois  autres  qui 
comprennent  ensemble  82  livres  (  9906  chapitres ),  dont  on 
ferait  aujourd'hui  5o  à  Go  volumes  in-8°  ou  in-12.  C'est  véri- 
tablement l'encyclopédie  dusui^  siècle:  elle  embrasse,  dans 
presque  tous  les  genres,  le  système  entier  des  connaissances 

3ue  l'on  croyait  alors  acquises.  Nous  aurons  à  y  joindre 
ivers  opuscules  de  Vincent,  qui  auraient  sdTG  à  la  renom- 
mée d'un  autre  écrivain  du  même  temps,  et  qui ,  s'ils  étaient 
ses  seuls  titres,  lui  donneraient  encore  une  place  assez  dis- 
tinguée dans  l'histoire  littéraire  de  cet  âge.  Tant  de  travaux 
ont  occupé  toutes  ses  journées, -toutes  ses  veilles;  il  n'a 


156  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 


Xni  SIECLE. 


même  achevé  sa  vaste  entreprise  qu'avec  le  secours  de  quel- 
ques-uns   de   ses   confrères,  qui    transcrivaient    les   textes 
dont  il  voulait  faire  usage,  et  quelquefois  les  articles  qu'il 
avait  hâtivement  rédigés.  Il   n'a  pas   été  moins  secondé  par 
le  roi   Ijouis  IX,  qui  mettait  à  sa  disposition   une  ])remière 
Bibliothè(fue   royale,  déjà    riche  pour    une   le'le    époque, 
la  fi'ntùotb  X  *^^  ^'^'    P^y^'t  les  frais  de  copie  et    l'acquisition  de  beau- 
Roi, p.  3-5.  -     coup  de  livres.  Sixte  de  Sienne   s'est  avisé  d'attribuer  ces 
Bibiioih.sam-  libéralités   à    Philippe    de    Valois  ;    et    cet   anachronisme  , 
cni'/^'"'^"'^'  quoique  si   grossier,    a    passé    en   d'autres    notices.  Quel- 
Aliamui-a.Bi-  qucs  biographes  n'ont  substitué  ici  à  saint  l^ouis  que  son 
blioih.   domini-  fj[.;  Philippe  -  le- Hardi  ;  ce  qui  est  encore  une  erreur  peu 
caDa,p. ai.  excusablc,  car   nous    ne    tarderons    pas  à  reconnaître  que 

Vincent  de  Beauvais  était  mort  avant  l'avènement  de  Phi- 
lippe III. 
De  Script,  er-       'rritlièmc  rapportc  à  l'année  isi4oi  sous  l'empire  de  Fré- 
cies.n.ASy.ed,!.  ^j^^.j^,  jj    |^  célébrité  de  Vincent,  et  Bell.irmin  a  suivi  cette 

i-abric.  p.  m.       .,..,..        -1  r  i      ii  •  •  i 

BeiLDcScripi.   indication.   Mais  il  est  tort  probable  qu  aucune  partie  du 
<"<"<:'es.  Speciduin  majus  n'était  achevée  en  \:>J\vt.  Vj  historique  ne  l'a 

été  qu'en  I244i  ou  même  qu'en  ii>.54;  celle  qui  porte  le  nom 
(le  naturelle ,  que  vers  i25o;  la  doctrinale  qu'im  peu  plus 
tard  ;  et  la  partie;  morale  est  considérée  comme  la  dernière 
en  (.late,  tant  par  ceux  qui  la  déclarent  apocryphe,  que 
par  plusieurs  de  ceux  qui  la  tiennent  pour  authentique.  Ce 
n  est  donc  pas  sans  raison  que  bc.iucoup  d'écrivains  mo- 
dernes prennent  l'anuf'e  laSd  pour  l'époque  où  ce  grand 
ouvrage  a  obtenu  la  renommée  qu'il  méritait.  En  retarder 
la  publication  ju.squ'en  126'j,  ainsi  qu'on  le  fait  quelquefois, 
est  une  opinion  inconciliable  avec  celle  que  nous  allons 
ado|)ter  relativement  à  la  date  de  la  mort  de  Vincent. 

Ce  dernier  article  de  son  histoire  personnelle  n'a  pas  été 
le  moins  controversé.  On  a  propc^sé  environ  quinze  dates 
différentes  prises  dans  l'espace  d'un  siècle  presque  entier, 
savoir,  de  i24o  à  1  j3j  H  n'est  guère  possible  de  s'arrêter 
Fir.rii'i  ni  II  ^ivcc  Garciasau  premier  de  ces  deux  points  extrêmes,  puis- 
que les  récits  s'étendent  au  m(>ins  jusqu'en  i'>.44  dans  le 
Spéculum  historialc.  (^)iieiques-uns  ont  cru  que  c'était  là  aussi 
le  terlne  final  de  la  vie  de  fauteur;  mais  outre  qu'il  se  montre 
instruit  de  certains  laits  qui  appartiennent  aux  années  sui- 
vantes, nous  l'avons  vu  occuj)c,  en  1  246,  d'une  réibrme  dans 
,     ,        l'hôpital  de  Beauvais.  Henri  deSr)onde  le  fait  donc  vivre  ius- 

A.nn.il.   ail  au.  1  .,  '      ,  ,       .  ,  ^,.* 

,,^s  quen   n^Oi  t,'t  sa  carrière  est  [)roIongee  jusqn  en    1200  p,ir 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  467 

.  ,  ,.  111.  •  ^'"  SIÈCLE. 

an  assez  grand  nombre  de  ceux  qui  ont  parle  de  lui  :  Antoine  

de  Sienne,  Bellarmin,  Du  Bouhy,  Du  Gange,  Dupin,  et  la  pp^j''3°"',"56 
Moiinoye    dans    le  Menagiana.  Belleforest  indique  l'année      Beii.  oe  Scr! 
1269:  «  En  cest  an,  dit-il,  mourut  Vincent  de  Beauvais  qui  *«"'• 
«  a  écrit  de  si  belles  et  doctes  oeuvres,  et  entre  autres  son  „  **'*'?I^;  ^"'l' 

,,.-•.  .,  ,,  .,  ,  ...  Pans.  IH,  713. 

c  Miroir  nistorial,  moral,  doctrinal  et  naturel,  esquels  livres  Du<:ange,in- 
c  il  montre  la  gentillesse  de  son  esprit,  et  la  variété  de  son  ''^  aucior.  c. 
c  savoir,  et  sa  errande  diligence  à  faire  tant  de  recherches   »  "î^'' .      _.., 

/^  I  11  >    n  y,  l>upiD,    Bibl. 

Cependant  nous  venons  de  le  trouver  a  noyaumont  en  1260;  des  auteurs  ecci. 
il  y  assistait  le  i5  janvier  iiSç),  c'est-à-dire  1260  avant  Pâ-  xiirsiède. 
ques,  aux  funérailles  de  Louis,  fils  aîné  du  roi ,  et  composait   385^°"^'*"*'  '' 
un  livre  pour  consoler  les  parents  de  ce  jeune  prince.  En      Bdlef.Ann.de 
considération  de  cet  opuscule,  on  a  lai.ssé  Vincent  dans  le  ^'"-  '""■  '*^9' 
monde  jusqu'en  1261,  puis  jusqu'en  i263,afin  de  lui  donner  ].e^o^**^"'' ^^^ 
le  temps  d'extraire  de  son  grand  ouvrage  un  traité  sur  l'in- 
struction morale  des  princes,  travail  qui  lui  était  demandé  par 
Thibaut,  roi  de  Navarre,  et  commandé  par  le  supérieur  gé- 
néral des  dominicains,  Humbert  de  Romans,  qui  en    1263 
abdiqua  cette  dignité.  L'opinion  qui  a  prévalu  est  que  Vin- 
cent mourut  en  1264.  Elle  remonte  au  dominicain  Louis  de 
Valleoleti,  qui  écrivait  en  i4i3,  et  qui  ajoutait  que  Thomas      t.  .  , 

II  «  '•  '  !•  «Il  I       <r-i     *      ■  '»'°-'        Tabula    quo- 

d  Aquin  avait  survécu  dix  ans,  et  Albert-le-(jrarid  seize,  à  lumdam     doct. 

l'auti'ur  du  Spéculum  majus.  C'était  là,  selon  toute  appa-  orJi'radic.niss. 

rence,  une  tradition  conservée  depuis  le  xiii*  siècle  ju.squ'au 

IV*,  dans  le  couvent  de  Saint-Jacques;  elle  s'est  transmise 

de  Valleolefi  à  plusieurs  écrivains  de  son  ordre,  tels  que  Hisioria  geue- 

Ferdinand  de  Castille,  Fernandez,  Altamura,  Quétifet  Jac-  rai  de  sanio  Do- 

ques  Echard.  T^bbe,  Gave,  Simon,  dans  un  suptîlément  à  ""l"^"  ^  **^  '" 

isi   ■  ■  I        T»  •    ■  C        •  !•  I  '        ..  ordeii. 

I  histoire  du  Beauvaisis,  baxius  ennii  et  beaucoup  d  autres      Xiatadodeia 
l'ont  adoptée.  11  en  est  qui  l'ont  modifiée,  en  substituant  ordende  Predi- 
1 265  à  1 2(34.  Ils  ont  supposé  que  Sixte  de  Sienne,  en  écrivant  *^"^"-b^o,|,   j 
1256,  avait  par  mégarde  dérangé  l'ordre  des  deux  derniers  minic.  n. 
chiffres;  et  qu'ainsi  la  date  I256,  si  long-temps  accréditée,      Sirord.Prad. 
n'était  qu'une  altération  fortuite  de  la  véritable,  1265.  Nous  '' l^'*' *'.*., 

1  •  •*•'  «  .1  I  <  11  .  „        .  Uiss.    de  Scr. 

croyons  devoir  préférera  cette  hypothèse,  celle  qui  se  fonde  EciI.  li,  478, 
sur  des  renseignements  plus  anciens  et  plus  positifs;  et  la  ^79- 
date  1264,  quoique  l'exactitude  n'en  soit  pas  démontrée,    _^"e.ii.*99. 
nous  paraît  de  beaucoup  Ja  plus  probable.  Onomasiic. lit- 

Cependant  Tolomée  de  Lucques,  qui  a  précédé  de  près  ter-'-U.p- 3o5. 
d'un  siècle  Valleoleti,  cite  comme  étant  de  Vincent  de  Beau-       j'**'"  *'  '  '^' 
vais,  un  passage  où  il  s'agit  de  la  vacance  du  saint -siège 
penflant  trois  ans  après  la  raprt  de  Clément  IV,  ce  qui  ferait 

Tome  AFIII.  M  nj  m 

3  2  « 


458  VINCENT  DE  BEAU  VAIS. 

XllI  SIÈCLE.  ,  .   .  I-         I       AI-       •      1  ■ 

descendre  a  i2ji  la  composition  complète  du  Miroir  histo- 
rique. Mais  ce  texte  ne  s'y  rencontre  nullement;  il  est  de 
chion.    «nu.  Martin  de  Pologne;  et  la  date  de  127T  n'a  pu  être  introduite 

'27"-  ici  que  par  une  inadvertance  de  Tolomée.  De  tout  autres 

motifs  ont  entraîné   les  éditeurs  du  Spéculum  quadruplex , 

en  i6a4,à  soutenir  que  l'auteur  n'était  mort  qu'en  1274  i  ^t 

Comineni.  de  après  cux ,  Oudin  a  prétendu  que  son  décès  ne  devait  être 

*"  iS**^'  '  '"'  P'^*^^  qu'entre  1280  et  i9.go,  peut-être  même  qu'entre 
i334  et  i34o.  Ces  systèmes  ,  aujourd'hui  abandonnés  , 
tenaient  à  une  controverse  dont  nous  aurons  à  rendre 
compte  ,  et  qu'avait  excitée  l'extrême  ressemblance ,  la 
presque  identité  du  Spéculum  morale  avec  une  partie  de 
la  Somme  de  saint  Thomas.  C'était  pour  rechercher  lequel 
de  ces  deux  théologiens  pouvait  être  soupçonné  de  plagiat, 
ou  pour  les  en  disculper  l'un  et  l'autre  ,  qu'on  croyait 
avoir  besoin  de  retarder  ou  d'allonger  à  ce  point  la  carrière 
de  Vincent  de  Beauvais.  Nous  verrons  que  la  critique  sévère 
du  dernier  siècle  a  donné  de  moins  étranges  solutions  de 
ces  questions. 

Ainsi  la  tradition  la  mieux  établie  est  que  Vincent  mourut 
en  1264  à  Beauvais,  dans  le  couvent  des  Dominicains;  qu'il 
fut  d'abord  inhumé  dans  leur  cloître,  puis  transféré  dans 
leur  église,  près  du  maître-autel,  du  côté  de  l'évangile, 
comme  l'indiquaient  deux  peintures  long- temps  visibles 
sur  le  mur  voisin.  Une  épitaphe,  destinée  apparemment  à 

Scr.ord.Pia-d.  couvnr  SCS  ccndres ,  a  été  découverte  à  Valenciennes.  Elle 

t.i,p.  II/,.        consiste  en  vers  léonins  ou  rimes: 

Noscat  qui  nesclt ,  Vinccntius  hîc  requiescit', 
Qui  libros  egit  et  in  uniim  multa  redegit; 
Frater  famosus,  humilis,  pius  ac  studiosus, 
Corpore  formosus,  sapiens  ac  religiosus,  etc. 
Pertulit  ille  neceni  posl  annos  mille  ducentos 
Sexaginta  deceni,  sex  habe,sex  niihi  retentos. 

Ces  vers  ne  sont  assurément  pas  élégants  :  le  dernier  sur- 
tout n'est  ni  correct  ni  assez  clair.  On  suppose  qu'il  signifie 
que  de  1270  il  faut  retrancher  six,  et  ce  serait  un  docu- 
ment de  plus  à  l'appui  de  la  date  1264  ,  a.ssignée  au  décès  de 
Vincent. 

Ses  contemporains  et  la  postérité  s'accordent  à  louer 
ses  vertus  cénobitiques  ,  sa  fervente  piété  ,  ses  bonne» 
mœurs;  Valleoleti  lui  décerne  la  qualification  de  saint.  Il 
sera  temps  d'apprécier  ses  talents  et  sa  science,  quand  nous 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  459 

,.  .  .     1       '     .  ■  i        -^111  SIÈCLE. 

aurons  parcouru  ses  livres.  Auparavant  il  n  est  pas  inutile 

d'observer  qu'il  a  existé  un  autre  Vincent,  frère  Prêcheur, 
lecteur  et  Français  de.  nation,  comme  celui  de  Beauvais,      ibid.  p.  goS. 
mais  moins  ancien  d'environ  deux  siècles,  et  connu  seule- 
ment comme  auteur  d'une  Gnomologia  arithmetica ,  qui  se 
conserve  manuscrite  à  Padoue,  et  dont  Tomasini  fait  une      Bibiioih.  Pa- 
mention  trop  succincte  pour  qu'il  soit  possible  de  se  former  nv.p.  95. 
une  idée  du  caractère  ni  même  du  sujet  fie  cet  ouvrage. 
N'est-ce  qu'une  copie,  qu'un  extrait  de  l'un  des  livres  du  Do- 
minicain de  Beauvais.'' est-ce  une  production  tout-à-fait  dis- 
tincte des  siennes  ?  Ce  sont  là  des  questions  que  nous  n'avons 
pas  le  moyen  de  résoudre,  et  qui  au  surplus  ne  sont  point 
d'une  très-haute  importance. 

Le  Spéculum  quadruplex  ou  triplex  de  Vincent  est  une 
composition,  ou,  si  l'on  veut,  une  compilation  d'une  si 
vaste  étendue  et  d'une  telle  célébrité,  qu'on  a  tenu  peu  de 
compte  de  sos  autres  écrits,  qui  seraient  cependant  nom- 
breux, s'ils  étaient  tous  authentiques  Nous  en  compterons 
une  vingtaine,  mais  en  distinguant  ceux  qu'on  peut  regarder 
comme  apocryphes  ou  comme  nuls  ,  ceux  qui  sont  restés 
inédits  ou  épars,  ceux  dont  il  a  été  publié  un  recueil,  enfin 
ceux  que  l'on  a  joints,  quoique  fort  mal  à  propos ,  au  grand 
ouvrage  de  ce  laborieux  auteur. 

Oudin   lui  attribue  des  sermons  qui  portent  le  pur  et      comment,  de 
simple  nom  de  Vincent,  dans  un  manuscrit  d'Angleterre,  et  Sci-  ecd.  t.  m, 

3ui  ne  sont  pas  autrement  connus.  Rien  n'atteste  qu'ils  soient  "^"^ i,.' ',     , 
,.,  ,  t.         ■     •       •        j       11  •        Cl  .  '  Biblioth.   Ja- 

u  célèbre  Dominicain  de  Beauvais.  î>  il   est  expressément  lobeae.cod.  319. 

nommé  dans  un  manuscrit  de  Dublin,  ayant  pour  titre:     caui.mss.An- 
Tertia  pars  de  confessione  verœfidei,  ce  n'est  probablement  gliae,  pan.  v,  o. 
que  la  troisième  partie  de  la  XIV^  distinction  ou  section  du  ^^'• 
livre  j>remier  du  Miroir  moral;  partie  qui  traite  de  la  foi,  la 
première  des  vertus   théologales.  En  ce  cas,   le  manuscrit 
dont  il  s'agit  n'offrirait  plus  un  opuscule  particulier,  mais 
seulement  une  portion  d'un  long  traité;  et  il  resterait  d'ail- 
leurs à  examiner,  comme  nous  le  ferons  dans  la  suite,  si  le 
Spéculum  morale  appartient  en  effet  à  Vincent.  Il  y  a  pareil- 
lement toute  apparence  qu'un  traité  manuscrit  d'Alchimie, 
Vincentii  hellovacensls  utriusque  Alchiniiœ  libellas,  indiqué 
par  Oudin  comme  déposé  à  la  Bibliothèque  de  Leyde ,  ne 
consiste  qu'en  extraits  des  chapitres   loS,  106,  107  et  i3a 
du  livre  XI  du  Spéculum  doctrinale.  Ce.s  chapitres  concer- 
nent la  chimie  ou  l'alchimie;  et  l'on  a  déjà  dii  reconnaître 

M  m  m  a 


46o  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

XIII  SIÈCLE.  ,  ,  ,,•••,  .  I- 

que  Vincent  n  a  guère  eu  le  loisir  ni  les  moyens  de  se  livrer 

plus  spécialement  à  une  telle  étude. 

lia  parlé  en  divers  endroits  de  l'Antéchrist,  et  l'on  a  pu 
bien  aisément  composer  de  ces  textes  la  pièce  manuscrite 
Lii.  A. CO.1. 7.  intitulée,  selon  le  catalogue  de  la. Bibliothèque  Bociléienne  : 
"■  5-  Fratrls  linccntii  epistola  de  Antechristo ,  missa  papœ  Bene- 

dicto.  Comme  il  n'y  a  point  eu  de  pape  Benoît  au  xiii^  siècle, 
ceux  qui  prolongent  dans  le  xiv^  la  carrière  de  Vincent  de 
Bcauvais,  auraient  un  grand  parti  à  tirer  d'une  lettre  par  lui 
adressée  à  un  pontife  de  ce  nom.  Mais  cet  écrit  est  d'un  autre 
frère  Vincent,  ou  bien  il   est  faussement  annoncé  comme 
Bibl.bibl.ms5.  une  épître.  En  effet,  Montfaucon  indique  un  manusciit  du 
t.u,p.  1402..4.    roi  de  Sardaigne,  qui  contient  un  livre  et  non  une  lettre  de 
Vincent  sur  l'Antéchrist  et  la  fin  du  monde;  et  ce  livre  n'est 
qu'une  copie  de  certains  chapitres  que  nous  aurons  occasion 
de    r<;marquer   dans    le   Spéculum   majus.   Le   même   dom 
p  1101.  i)      Montfaucon  cite  un  manuscrit  de  Coislin,  sous  le  titre  de 
Spéculum  vel  imago  mundi ;  mots  qui  autoriseraient  à  sup- 
poser qu'Image  du  monde,  et  ailleurs  Bibliothèque  du  monde, 
n'étaient  que  des  variantes  du  titre  ordinaire  de  .Miroir.  Mais 
Hist.  ecti.  liv.  Fleury  et  quelques  autres  pensent,  non  sans  raison,  que 
\ Imago  mundi  est  un  Spéculum  minus ,  un  premier  essai 
de  celui  que  la  qualification  de  majui  distingue.  Cette  idée 
nous  parait  fort  admissible;  le  manuscrit  de  Coislin  la  peut 
suggérer;  et  ce  double  travail  de  Vincent,  qu'à  la  vérité  ses 
plus  anciens  biographes  n'ont  point  indiqué,  nous  le  sera 
bientôt  par  lui-même.  Du  reste,  ce  Spéculum  minus  n'est  à 
cap'z"''  "     '    confondre  ni  avec  les  livres  qui  se  rencontrent  sous  le  titre 
Gci beron ,  in  d'ImHgc  du  moiidc ,  dans  les  oeuvres  de  saint  Anselme  et 
rionicOptiuinS.  j'fionoré  d'Autun,  ni  avec  un  abrégé  intitulé,  en  certaines 
liiiéi-.  (le  la  Fr.  copics  maiiuscrites  :  rlores  nistoriarum.  Cet  abrège  ne  saurait 
'ariic.  d'Honoré  être  pris  pour  un  ouvrage  particulier  de  Vincent  de  Beau- 
.1  Auiun),  t.  XII,  y.,ig.  car  il  commence  dans  quatre  manuscrits  par  ces  lignes: 
Mss.'     Coib.  Incipiunt  Flores  historiorum  ex  historiali  Spécula  venerabilis 
aiof),54iG, <to.  'viri  fratris   Vincentd  de  ordine  Prœdicatorum ,   excerpti  à 
iiss.Navari —  nias^istro  Adam,  clerico  domini  episcopi  Claromontensis.  Ce 

hcclesiael'ans. —  «^     ,  ,   ,.      ,  '  /    ,  ,  1      i'  -     a 

Coiberiini  duo.  sout  cics  cxtraits  rcdigcs  en  1 270,  par  Adam,  clerc  de  1  eveque 
-V.  Scr.  ord.  de  Clcrmout.  L'abréviateur  dédie  son  travail  au  pape  Gré- 

Pia-d.  1,  240.  goiie  X,  et  déclare  que  s'il  s'est  principalement  servi  du 
Spéculum  historiale  de  Vincent  de  Beauvais,  il  a  fait  aussi 
usage  des  livres  d'Eusèbe,  de  Bède,  de  saint  Jérôme  et  de 
Sigebert.  Nous  devons  encore  faire  ici  mention  du  manuscrit 


i.ixxiT,  n. 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  4r., 


XllI  SIECLE. 


3909  de  la  Bihliotlièque  royale,  annoncé  dans  le  catalogue 
sous  le  titre  de  Flores  omnium  scripturariim  ;  il  contient  des 
fragments  ou  fies  parties  diverses  du  Spccitlum  naturalc  et 
du  Spéculum  historiale.  Quelques  livres  s'y  retrouvent  en 
entier;  d'autres  sont  tout-à  l'ait  omis;  plusieurs  sont  mutilés, 
et  l'on  remarque,  en  certaines  pages,  des  additions  faites 
sous  le  règne  de  Philippe-le-Hardi ,  après  la  mort  de  l'auteur 
Voilà  donc  sept  articles  que  nous  écarterons  de  la  liste  de 
ses  productions,  les  uns  comme  ne  lui  a[)partenant  point, 
les  autres  comme  n'étant  que  des  extraits  de  son  principal 
ouvrage.  Ces  articles  sont  les  Sermons,  la  Confession  de  la 
vraie  foi,  le  'Craité  d'alchimie,  l'Epître  sur  l'Antéchrist, 
l'Image  du  monde,  les  Fleurs  des  histoires,  et  les  Fleurs  de 
toutes  les  écritures. 

Nous  allons  en  indiquer  sept  qui  paraissent  plus  réels, 
mais  qui  sont  inédits,  ou  qui  n'ont  été  publiés  qu'avec  des 
opuscules  de  quelques  autres  écrivains.  Le  premier  est  un 
livre  sur  la  Sainte  Trinité,  duquel  Vincent  se  dit  lui-même 
l'auteur,  au  commencement  de  son  Spéculum  naturale:  De      L.  i,c.  i. 
mundo  quippe  Archetypo  sufjicientcr,  ut  œstimo ,  aliàs  dis- 
seruimus ,  in  lihro  videlicet  qucnt  de  Sancta  Trinitate  com- 
muniter  ex  dictis  siinctorum  et  catholicorum  doctorum  nuper 
compeginius.   Sander   indique  un    manuscrit  de  ce  traité, 
déposé  dans  la  Bibliothèque  de  Saint-Martin  de  Tournay;      Ribiioiii  m,., 
et  il  en  cite  les  premiers  mots  :  Cwn  attestante  prophetd ,   ^'i;.  \w\.  i,i> 
justus  ex  fide  vi\'at ,  etc.  "^" 

Le  second  article  est  une  explication  de  l'oraison  domini- 
cale. L'auteur  dit  dans  son  prologue,  que  puisque  l'Evangile 
nous  ordonne  de  prier,  et  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  meilleure 
prière  que  celle  qui  nous  a  été  dictée  par  Jésus-Christ  même, 
il  lui  a  semblé  fort  à  propos,  à  lui  le  dernier  des  frères  Prê- 
cheurs,  d'étudier  et  d'exposer  le  sens  de  toutes  les  paroles 
de  cette  divine  oraison.  Il  se  met  donc  à  recueillir,  selon  sa 
méthode  ordinaire,  ce  qu'ont  écrit  sur  ce  sujet  les  auteurs 
qui  l'ont  traité  avant  lui  :  son  livre  se  compose  d'extraits  des 
leurs;  il  choisit,  entre  leurs  réflexions,  les  plus  justes  ou  les 
plus  pieuses.  Ce  traité  n'a  point  été  imprimé;  il  était  resté  ma-  n.  gao -_str. 
nuscrit  dans  la  Bibliothèque  de  Saint-Victor  de  Paris,  ainsi  ""'  '*'•  '''5''- 
que  celui  qui  concerne  la  Salutation  angélique,  et  qui  est 
puisé  aux  mêmes  sources.  Ces  deux  opuscules  ont  un  titre 
commun  :  Incipit  expositio  Orationis  dominicœ  et  Saluta- 
tionis  beatœ  Mariœ ,  per  Fincentiuni   qui  Jecit  Spéculum, 


46a  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 


XllI  SIKCIE. 


historiale;  et  le  prologue  du  second  t'ait  mention  du  premier 

en  ces  termes  :  Post  (lilucidatani  à  nobis  utcumque ,  juxta 

humilitatis  et  possibilitatis  nostnv  modiduni ,  Orationem  do- 

Bibiioiii.  R.n.  minicam ,  plaçait  eliain  styluin  vertere  circà  Salutationcm 

'\i\^.  Catai.  —  ffg(if(j,  f-'ii-prinis  aiifrellcani. 

niss.    leg.   Ut.  t.  ,-.  .   ^  i>  I  •     •     ■     1  1  •  •      »  1- 

III,  p.  387.  ^'^  voit  que  lautlienticite  de  ces  productions  médites  est 

incontestable,  et  nous  devons  en  dire  autant  d'une  4*  qui, 
dans  un  manuscrit  du  lloi ,  n"  2067  du  fonds  de  Col- 
bert,  est  intitulée  :  Liber  f rat  ris  Vincentii  de  Pœnitentid , 
totus  ex  dictis  sanctorum  doctoruin  collectas.  A  la  vérité,  le 
Mss.  MonaM.  nom  de  Vincent  n'est  ici  suivi  d'aucune  qualification;  mais 

Pis5iac.Scr.ord.  ^^  Hvic  lîrécède  immédiatement,  dans  une  autre  copie,  la 
Consolation  adressée  à  saint  Louis  par  le  Dominicain  de 
Beauvais,  dont  il  est  d'ailleurs  troj)  aisé  de  reconnaître  la 
méthode  et  le  style.  Le  prologue  annonce  que  ce  traité  de 
la  Pénitence  comprendra  icj'j  chapitres  :  AJiki  qaidein  pec- 
catori  satis  utile  visam  est  ex  sanctorum  patruni  sententiis, 
qui  de  hdc  materid  scripserant  ante  nos plarima ,  flores  pau- 
calos  colligendo ,  pœnitentiœ  nioduni  ordinemqae  describere, 
et  hoc  ipsuni  ovusculum  pcr  centuni  nonaginta  quinque  ca^ 
pitala  sabjecta  describere.  Ces  196  chapitres,  dont  nous  n'en- 
treprenons pas  rénumération,  se  trouvent  distribués  sous 
i5  titres  plus  étendus  :  I.  de  la  Pénitence  en  général;  II.  de 
la  connaissance  du  péché  (ou  de  la  contrition);  III.  de  la 
confession  ;  IV  et  V.  de  la  satisfaction  et  de  ses  parties;  VI.  de 
l'aumône;  VII.  de  la  prière  à  voix  basse;  VIII.  de  la  prière 
à  voix  haute;  IX.  de  l'oraison  mentale;  X.  de  la  méditation 
des  choses  divines;  XI.  de  la  méditation  des  choses  humai- 
nes; XII.  des  peines  à  subir  après  la  mort;  XIII.  des  récom- 
penses et  de  la  gloire  à  obtenir  dans  la  vie  future;  XIV.  des 
moyens  de  salut;  XV.  des  veilles  et  du  travail  manuel.  Nous 
avons  abrégé  plusieurs  de  ces  titres,  surtout  le  \f\^  qui  est 
ainsi  conçu  :  De  arrhà  animœ  in  prcsenti  et  qaoïnodo  in 
creaturis  et  moribus  et  scripturis  débet  aliquis  meditari.  Cet 
ouvrage  se  retrouve,  pareillement  divisé  en  i5  parties  et  en 
195  ch.ipitres,  avec  des  changements,  des  omissions  et  des 
additions,  sans  nom  d'auteur,  et  sous  un  autre  titre,  dans  le 
sir  ..ni  Pra?.i.  Mianusc^it  4524  du  fouds  (le  Colhert,  à  la  fin  duquel  on  lit: 

i.î'.j.  Explicit  liber  de  Fractibas  P(vnitenliœ,  éditas  et  compilatus 

per  qucnidani  fratreni  de  ordine  Prœdicatoruni  in  provinctd 
Lonibardiœ.  L'anonyme  écrit  dans  un  temps  où  il  n'y  avait 
qu'une  seule  province  dominicaine  en   Lombardie,  et  par 


XIII  SIECLE. 


VINCENT  DE  BEAU  VAIS.  463 

conséquent  avant  l'année  i3o3  où  cette  province  fut  partagée 
en  deux,  l'inférieure  et  la  supérieure.  Pour  prendre  une  idée 
del'usagequ'il  a  faitdu  livrede  Vinrent,  et  des  légères  varian- 
tes par  lesquelles  il  a  cru  se  l'approprier,  il  suffira  de  comparer 
aux  lignes  que  nous  avons  transcrites  :  Mihi  quidern  pec- 
catori  satis  utile,  etc.,  ces  dernières  lignes  du  prologue  de 
l'anonyme  :  Mihi  satis  utile  visiim  est  ex  sanctorum  sententiis 
patruni ,  qui  de  hàc  materiâ  multis  in  opusculis  ante  nos 
dijfuse  tractiwerunt ,  flores  aliquos  coUigendo,  rnoduni  pœ- 
nitentiœ  ordincnique  describere ,  et  hoc  ipsum  opnsculuni  in 
quindeciin  portionibus  dividere.  L'auteur,  ou,  pour  mieux 
dire,  le  plagiaire  lombard,  en  use  partout  de  même.  Il 
al)rège,  il  allonge,  il  intervertit  l'ordre  des  textes;  mais  il  ne 
fait  le  plus  souvent  qu'une  véritable  copie,  et  il  n'y  a  là  rien 
qui  lui  appartienne,  sinon  un  petit  nombre  de  citations  et 
d'observations  que  Vincent  avait  omises. 

L'institution  ou  instruction  morale  du  prince  est  le  sujet     Caial.mss.An- 
d'un  cinquième  traité  qui  se  conserve  manuscrit  en  Angle-  f^'  '  i'P="^'  "• 

J-    \  \  \    ^T-  .  •  '  I  I  n.  577;parl.  m 

terre,  et  tlans  lequel  Vincent  a  consigne  quelques-uns  des  „.  ,3^5.  ,11 
détails  de  sa  propre  vie.  Il  y  parle  du  séjour  qu'il  a  fait  autre-  pan.  i,  n.  i5. 
fois,  olini,  a  Royaumont;  ce  qui  montre  qu  il  n'a  composé 
cet  opuscule  qu'après  1260,  quoiqu'il  lui  eût  été  dès  lors 
demandé  par  le  roi  de  France  Louis  IX,  et  par  Thibaut,  roi 
de  Navarre,  auxquels  il  l'adresse.  Malgré  leurs  ordres  et  ceux 
de  son  général  Humbert,  plusieurs  autres  occupations  l'ont 
obligé  de  retarder  ce  travail,  dont  il  ne  peut  présenter  encore 
qu'un  premier  essai:  Quia  pluribus  aliis  occupatus  negotiis, 
opus  illud  incœplum ,  prout  vellem ,  accéléra re  commode 
non  possuin ,  primum  ejus  libelluni  jani  editum  intérim  su- 
blimitati  vestrœ  transtnitto  per  subjecta  capitula  distinctum. 
Les  chapitres  sont  au  nombre  de  28,  et  contiennent  des 
leçons  de  morale  et  de  politique,  à  l'usage  des  princes,  des 
chevaliers,  des  conseillers,  des  ministres,  des  baillis,  des 
hommes  de  cour  ou  d'état.  Ce  sont  en  général  des  règles  de 
f:onduite  fort  communes,  empruntées  de  divers  auteurs,  et 
souvent  même  du  j'"  livre  du  Spéculum  doctrinale,  où  nous 
retrouverons  les  plus  importantes. 

En  sixième  lieu,  on  est  fondé  à  croire  que  Vincent  de     (iir.oid.Prar.i. 
Beauvais  avait  laissé  un   livre  de  lettres  :  Enistolarum   ad  "*-""''  (""ss.) 

j.  ,  _..  m    •    1    •  1        1  •  '  hall  uni  iiiii   <  la- 

ai4^er.îo.s.  Laurent  Pignon  et  1  ritheme  le  disent  expressément,  lupiuui  doctri- 
et  il  est  presque  impossible  qu'un  homme  si  savant  et  si  re-  l'à  —  Srr.  ord. 
nommé  n'ait  pas  entretenu  quelques  correspondances.  Mais  'T.!*.  î' ^''"; 


ini  SIECLE. 


464  VINCENT  DR  BEAUVAIS 

on  ne  cite  aucun  manuscrit  de  ces  epîtres,  et  il  y  a  trop 
d'apparence  cju'ellcs  sont  perdues.  On  n'a  pas  de  lui  d'autres 
épîtres  que  les  dédicaces  qui  se  lisent  à  la  tète  de  .ses  opus- 
cules. S'il  a  été  consulté 'par  plusieurs  de  ses  contemporains, 
et  s'il  a  répondu  :'i.  leurs  questions,  comme  il  est  assez  pré- 
sumable,  il  ne  nous  en  est  rien  parvenu. 

Nous  compterons  pour  septième  article  le  statut  de  ré- 
forme des  frères  et  sœurs  de  l'hôpital  de  Beauvais,  en    12/^6. 
Il  a  été  imprimé  par  Darliery,  et  il  occupe  cinq  pages  fin 
p.  6S-7I.—  tome   XII,  in-4",  du  Spioilégt',  y  <>ompris  rordonnanre  du 
i^uvet  ,   Beau-  légat  qui  jirovoquait  la  rédaction  de  ce  règlement,  et  la  lettre 
»ais,n,5i 7-545.  pontificale  qui  l'a  confirmé.  A  vrai  dire,  on  ne  sait  trop  s'il 
convient  de  le  considérer  comme  une  production  de  Vincent; 
car  d'un  côté,  l'archidiacre  Garin  y  a  eu  autant  et  peut-être 
dIus  de  part  (lue  lui;  de  l'autre,  ce  n'est  guère  qu'une  copie 
',,_ft,_    ■  de  la  règle  inqiosee  en  i'>Jj,  par  Geoffroy,  eveque  d  Amiens, 

aux  hospitaliers  et  hospitalières  de  cette  ville.  I^e  statut  de 
Beauvais  n'en  diffère  que  [)ar  un  petit  nond)re  de  disposi- 
tions, dont  les  unes  prescrivent  la  récitation  de  certaines 
prières  ,  et  les  autres  concernent  le  costume  des  frères  et  des 
sœurs:  Nullus  tincta  haheat  vcslimenta ,  exceptis  cappis  de 
choro  et  alniuchiis  de  sagio  qidbus  in  ecclesid  sacerdotes 
iitnntur.  Nullus  quoqiie  fraler  aut  soror  pelUbus  siU'estiibus 
indiiatnr.  Fratrcs  haheant  scapularia  loriga ,  tunicds  clausas 
ante  et  rétro;  sorores  aiitem  vêla  nigra  grossa  :  poterunt 
etinm  hahere  siiccanias  talares  oliqiiantulùin  hirgas  ad  mi- 
nistratiduin  pauperibus.  Quicumque  nova  vestiinenta  vel 
calceanienta  accipere  voluerit,  reddnt  vetera. 

Voilà  sept  articles  dont,  à  notre  avis,  on  ne  doit  pas  ré- 
voquer en  doute  l'authenticité,  non  |)lus  que  celle  de  cinq 
traités  compris  dans  un  volume  in-foliO  imprimé  à  Bàle,  chez 
Jean  d'Amerbach,  en  i4Hi.  \je  premier  de  ces  traités,  intitulé 
L  [  ^  ,         de  la  Grâce ,  est  annoncé  par  Vnicent  lui-même ,  au  commen- 
Sander   ,M  ^    ccmcnt  (lu  Speculuni  naturale ,  en  ces  termes:  Et  in  alio 
Beig.  paît    II  ,  quodam  opusculo  quod  de  ipso Dei  Filio,  mundi  redeniptore, 
"     '  sinoulariter  edidimus ,  quem  etiam  Ubruin  Gratiœ  prœnota- 

vimus.  Il  s'en  conservait  un  manuscrit  en  Belgique.  T/ou- 
vrage  est,  dans  l'édition,  divisé  en  4  livres.  Le  i*''  traite, 
en  1  i(i  chapitres,  de  la  double  génération  du  Réilempteur, 
l'éternelle  et  la  temporelle;  le  2«,  en  i4u  chapitres,  de  son 
incarnation,  de  sa  naissance  et  de  sa  vie  au  mdieu  des  hom- 
mes; le  3^,  en  82  chapitres,  de  sa   passion;  le  4*»  *""   120 


p 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  465 

...                 ,                 .            ,                                           11-         ^"I  SIECLE, 
chapitres,  de  sa   résurrection,  de  son  ascension,  de  la  mis- 

sion  du  Saint-Esprit  et  de  l'aveuglement  des  Juifs.  C'est, 
€omme  on  voit ,  une  œuvre  purement  théologique  ;  elle 
n'offre  guère  qu'un  tissu  de  citations ,  que  des  séries 
d'anciens  textes. 

Le  deuxième  article  a  les  mêmes  caractères.  C'est  un  pa- 
négyrique de  la  Vierge  Marie,  en  i/p  chapitres.  Le  prologue 
en  indique  le  plan  en  des  termes  que  Touron  traduit  ainsi  :      Horamesiiius- 
«  Le  saint  Evanijile  ne  rapportant  que  très-peu  de  chose  des  ""deiordrede 

1       1        ">        I  \T-  ^  I         rk'  I      HT-"     !•  s.  Dominique,  t. 

«  actions  de  la  tres-neureuse  Vierge;  et  les  Feres  de  1  Eglise  n^  „  ,8q, 
«  ayant  rejeté  comme  apocryphes  quelques  anciens  écrits  qui 
«  semblaient  contenir  l'histoire  de  sa  naissance,  de  sa  vie, 
«  de  son  assomption  et  de  quelques  miracles  qu'on  lui  attri- 
«  buait,  j'ai  cru  que  je  pourrai  contribuer  en  quelque  ma- 
«  nière  à  la  gloire  de  la  sainte  mère  de  Dieu,  ou  à  son  culte 
«  et  à  l'édilication  des  fidèles,  en  recueillant  avec  soin,  et 
«  selon  la  portée  de  mon  esprit,  ce  qui  se  trouve  sur  ce  sujet 
«  dans  les  livres  des  saints  docteurs,  dans  leurs  traités  ou 
«  dans  leurs  sermons.  »  Ce  panégyrique  se  lit  dans  le  ma-     scr.ord.Prad. 
nuscrit  de  Colbert,  numéro    io'36;  il  s'en   rencontrait  des  i.  i,p.  238. 
copies  du  même  genre   dans  les  Bibliothèques  de  la  Sor- 
bonne,  du  collège  de  Navarre,  de  l'abbaye  de  Saint- Victor 
et  de  la  Belgique.  Il  est  vrai  que  Vincent  de  Beauvais  n'est 
pas  désigné  dans  toutes  ces  copies  comme  l'auteur  du  livre,      Mss.  .Soibon. 
et  qu'il  ne  lui  est  attribué  ni  par  Henri  de  Gand,  ni  par  Sixte  Navarr.  s.-viti. 
de  Sienne.  En  conséquence,  on  a  prétendu  que  c'était  une  ^^^^p  /  pis" 
production  de  saint  Jean  Damascène,  ou  de  Pierre  Comestor,  n.  h,  eu. 
ou  d'un  victorin  nommé  Nicolas  Grenier,  qui,  en  effet,  a     p.deAiva(siib 
publié  à  Paris,  en  ib'ig,  un  in-S"  intitulé.  Thésaurus prœ-  nomineRodeiici 
coniorum    Deiparœ   Virginis   Mariœ ,  ex  dictis  authenticis  ««''"g  )  p'*"», 
contextus.  Mais  il  y  avait  alors  58  ans  que  le  livre  de  Vincent  ,v,cr.  ord'^PrJ7 
était  connu  par  l'édition  de  Bàle.  Pierre  le  Mangeur  et  saint  1. 1,  p.  ^36  iîs. 
Jean  Damascène  ont  travaillé  sur  le  même  sujet,  ils  ont  puisé 
dans  les  mêmes  sources  ,  employé  presque  les  mêmes  formes  ; 
maisVincent  de  Beauvais,  plus  exercé  que  personne  à  rassem- 
bler des  extraits,  a  fait  prendre  à  ce  recueil  une  disposition 
particulière  qui  lui  appartient,  ainsi  que  l'a  prouvé,  peut- 
être  un  peu  trop  longuement,  Jacques  Échard.  Il  faut  noter 
aue  Grenier  ne  se  donnait  que  pour  l'éditeur  de  ce  tissu 
'éloges  de  Marie.  Il  en  faisait  honneur  à   un  plus  ancien 
yictorin  qu'il  ne  nommait  pas. 

On  a  aussi ,  et  non  moins  injustement,  contesté  à  Vincent 

Tome  XV m.  N  n  n 


XIII  SII'.Cl.E. 


466  VINCENT  DE  BEAIJVAIS. 

de  Beauvais  un  panégyrique  tie  saint  Jean  l'évangéliste ,  3* 
ibui.  article    de    l'édition    (le    i48i.    11    était   contenu    dans    les 

mêmes  manuscrits  que  le  précédent,  dont  il  est  la  suite  ou 
ra|)pendice,  ainsi  que  l'ainioncent  ces  mots  du  prologue  : 
Completo  diligenter  vx  dictis  sanctoiuni  patruni ,  pro  nio- 
didu  viiiiiin  nostrciruni,  auxdiante  Domino,  tractatn  diffu- 
sion de  heatissinid  P  irgine  Dei  génitrice,  pUicuit  et  de 
becito  ei'angelistd  Jocinne  tractatum  brcveni  sub  eddeni 
forma  adjtcere. 

Le  volume  publié  en  i48i  ,  par  J.  d'Amerbach,  nous  pré- 
sente, en  [\^  lieu,  un  traité  De  cruditione  seu  modo  instrnendo- 
nmi filion^m  regaliiim.  (^e  titre  n'est  |)as  uniformément  rédigé 
dans  toutes  les  copies  manuscrites.  On  lit  en  (juelques-unes  : 
Tractatus  de  nobilitate  et  eruditione  prineipmn  in  très  libros 
diiisus ;  ou  De  Eriiddione piieroriim  nobilium ;  ou  De  infor- 
matione  prineipum  ;  ou  De  Institutione  regularium  (  regio- 
rum  )  pueroruni  et  in  qiiibus  libris  sint  potissiniiim  instituendi. 
On  a  indiqué  7  mainiscrits  de  ce  livre,  savoir  le  n°  loSG  de 
Colberl,  le  n"  1383  de  la  reine  de  Suède,  au  Vaticati  ;  ceux 
MontfMicon,  j^  \^  SorbouHe  et  de  Saint- Martin  de  Tournai,  et  trois  qui 
Bii)i.  bibi   niss.  ^^  conservent  en  Angleteiie.   Mais   il  se   pourrait  que  ces 
San'tl.  Mss.  liciK,  derniers  ne  continssent  que  1  opuscule  sur  l'instruction  mo- 
I.  i,p.  ii(j,  i(/5,  raie  du  prince,  f/d  morali  priiicipis  institutione ,  dont  nous 
ïïS' ett  — ci-  '»vo"'»    '^^j'''   parlé,    et   qu'on    ne  doit  pas    confondre    avec 
lal.  'mss.  Aiigi.  cclui  qui  iious  occiipe  en  ce  moment,  il  suffirait,  pour  les 
part.  Il, n. 577,  distinguer,  de  lire  les  prologues  de  l'un  et  de  l'.mtre.  Une 
copie  des  premières  lignes  du  livre  de  Institutione  mornli  a 
été  envoyée  d'Angleterre  par  le  P.  I>e  Quien  à  son  confrère 
Ecliard  .  qui    les   a   publiées  en   ces    termes:  Carissimis   et 
re/igiosissimis  in    C  hristo    viris  , .  .  .  .  Ludovico  ,   Dei  gratiâ 
régi  Franciœ ,  ac  Theobaldo ,  régi  Navarrœ  et  comiti  Cam- 
pa niœ ,  F.  f  incentius  Belvacensis  de  ordine  Prœdicatorum, 
siiluteni  in  omnium  Salvatore.  Olim  duni  in  monasterio  Re- 
galis  Montis  ad  exercenduni   Lectoris  ofjiciuni ....  moram 
Jacerem, .  .  .  mihi  cjuideni  utHe  visum  est  aliqua  de  multis 
libris    quûs    aliquando    legeram  ,    ad   mores   prineipum    et 
curialium  pertinentia ,   summatim  in    unum   volumen  ,  per 
diversa  capitula  distinguendo,  colligere .  .  .  .   Quod  ergo  tune 
temporis .  .  .   incepi ,  aliis  prœpeditus    negotiis  ernergenttbus 
intermisi,   nune  tandem,  accedente  vestrà petitione ,  domine 
mi,  rcx  Navarrœ,    non  immeritb  vicein  jussionis  apud  nos 
obtinente,  quia  videlicet postulatio  vestra  per  vcncrabdem  .  .  . 


etc. 

Scr.  orJ.    Pi 
I.  I,  p.  tV). 


3 


VINCENT  DE  BE AUVAIS.  467 

lit  *»■  J-     ■  /..  ^  •  XIII  SIÈCLE. 

Lnibeituin ,  totius  oraims  iiostri  rectorem  atque  inngistrum, 

jnihi  itmotuit ,  opitulnnte  domino ,  placuit  consummare.  Ve- 
riim  quia  pluribus  (iliis  occupotus  negotiis ,  opus  illiid  in- 
ceptitm ,  prout  vellcm  ,  accelernre  commode  non  possum  , 
prinnim  ejus  libetluui  ,  jam  editum ,  intérim,  sublimitati 
vestrœ  tninsmitto  per  sub]ecta  capitula  distinctum.  On  voit 
u'il  s'agit  du  i'^'^  livre  d'un  traité  gênerai  sur  les  devoirs 
[es  princes  et  de  leurs  ministres  ou  agents;  au  lieu  que  le 
livre  De  Eruditione  rcgiotum  pueronim  est  seulement  destine 
à  l'instruction  des  entants  de  la  maison  royale  :  le  prologue, 
imprimé  en  il\^\  ,  transcrit  par  Oudin,  et  cité  en  i8iq  dans 
un  ouvrage  de  M.  Petit-Radel,  est  adnssé,  non  plus  au  roi 
de  Eraiice  ni  au  comte  de  Champagtie,  mais  seyiement  à  la  T,fy^\  ""  '" 
reine  Marguerite  :  Serenissimœ  oc  reverendissimre  dominœ  lia."  '  '^  '  ' 
suœ ,  Francorum  ,  Dei  gratid ,  reginœ ,  Margaretœ ,  /rater 
.Vincentius  Belvacensis .  .  .  Vt  vestrœ  petitioni  quœ  apud 
nos  metitb  prœcepti  rigorem  ohtinet ,  citiiis  satisfacerem  ; .  .  . 
partent  illam .  .  .  qua-  ad  puerorum  regalium  instructionem. 
pertinet ,  cùmponere  festinnvi ,  eamquc  dignationi  vestrce , 
per  manum  Simonis  clerici ,  videlicet  eruditoris  Phiiippi , 
boncE  indolis  jilii  vestri ,  qui  etiani  in  hoc  ipso  valdè  sollicitas 
fuit  apud  me,  ut  opusculum  istud  explerem  ,  citiiis  destinavi. 
Ainsi,  pour  ohéir  aux  ordres  de  Marguerite,  et  satisfaireaux 
demandes  du  jeune  Philippe,  Vincent  fait  présenter  à  la 
reine  par  Simon,  précepteur  de  ce  prince,  un  traité  où  il  a 
recueilli  des  textes  sacrés  et  profanes,  et  où  il  a  indiqué  les 
livres  qui,  selon  lui,  peuvent  le  mieux  servir  à  l'éducation 
des  enfants  de  France.  Vincent  ne  veut  pas  qu'on  leur 
fasse  lire  les  poètes  païens,  mais  seulement  les  chrétiens, 
tels  que  Juvencus,  Sedulius,  et,  j)armi  les  modernes,  l'é- 
légie de  Matthieu  de  Saint-Denis  ,  sur  l'histoire  de  Tobie, 
et  les  poésies  bibliques  de  Pierre  de  liiga.  Il  cite  aussi, 
comme   l'a   remarque  Eebenf,  la  Poctria  ncva  de  (jeoffroi 

d„  ï7„'    „.  (■  Uisserlal.  sm 

e  Vinisaui.  ,,„  .    ,   „ 

,    .  ,  I  Hi5l    de  Pans, 

Lest  évidemment  par  erreur  qu  un  catalogue  des  manu-  t.  11,  p.  63. 
scrits  de  la  Belgique  attribue  à  Pierre  des  Vignes  le  livre      Sander,  Bd)i. 
de  Eruditione  puerorum  ;  le  prologue  ne  laisse  aucun  doute  î"'p  353"  '"'"' 
sur  le    véritable  auteur.  Une  traduction    française,  restée 
manuscrite,   de  cette    production,  est  comprise  dans  l'in- 
ventaire  des  livres  de  Charles  V   :   De  informatione  prin- 
cipum  ,    translaté   en  francoys   par   Jehan    Goulein.    Ce      LeUeuf,  Re- 
traducteur, appelé  ailleurs  Goulain ,  était   Carme:  mais  un  ''""''•  ^*"'"  '" 

'  '  '  Irad.     1      part. 

N  nn  2 


468  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

XIII  SIECLE.  ■      j       n  1  '    • 

manuscrit  de  Besançon  désigne  un  Cordelier  nomme  Jean 

dans  le  t.  XVII  OU  Jacques. 

des Mem , (le l'A-  On  ne  Sait  pas  le  nom  de  celui  qui,  en  i3y4,  ^  mis  en 
'  *  tri?  Coi^bm  f''3nçais  la  Consolation  adressée  à  Louis  IX,  en  1260,  par 
^061.  Vincent  de  Beauvais;  cinquième  et   dernier  article  de  ses 

Œuvres  diverses.  Dans  une  ëpître  dédicatoire,  dont  le  com- 
mencement ne  subsiste  plus,  le  traducteur  dit  à  Charles  V  : 
a  ....  Et  pour  ce  afin  qu'aucune  portion  de  tristesse  ne  se 
a  puisse  embattre  en  votre  prudence  très-excellente,  vostre 
«  haulte  majesté  a  commande  et  enjoint  a  moi,  vostre  humble 
(t  et  petit  servant,  que  je  translatasse  de  latin  en  François  un 
«  œuvre  consolatoire.  »  La  dédicace  est  suivie  de  cet  intitulé  : 
«  Cy  cpmmence  l'épistre  consolatoire  faite  parfaite  par  Fr. 
«  Vincent  de  Beauvais  de  l'ordre  des  frères  Prêcheurs,  et 
«  envoyée  a  très-glorieux  saint  Monseigneur  saint  Louis,  jadi 
fc  roi  de  France,  a  lui  envoyée  par  ledit  F.  Vincent,  princi- 
«  paiement  pour  le  consoler  de  la  tristesse  qu'il  avoit  pour 
«  la  mort  de  son  ainsné  fils ,  qui  avoit  trépasse  en  sa  jeunesse, 
«  laquelle  épistre  fut  translatée  de  latin  en  françois  selon  la 
«  fourme  qui  s'ensuit,  l'an  de  grâce  de  l'incarnation  nostre 
«  Seigneur  MCCC  soixante  et  quatorze.  »  Le  texte  latin  a  été 
joint  à  celui  du  livre  précédent  par  la  plupart  des  copistes. 
11  en  est  ainsi  tlans  les  manuscrits  que  nous  avons  désignés; 
„    .,  on  en  a  cité  d'autres  qui  se  conservaient  à  Jumiècre  et  à  Flo- 

MoDl  faucon  ,  .  ,  T,  ^     r         •      iv  •        i  i- 

Bibl.  Bibi.  mss.  rence.  Le  titre  de  cette  lettre  a  Louis  IX  varie  dans  ces  di- 
t.  i,p.  291  ;  t.  verses  copies  :  Epistola  consolatoria ,  Liber  ou  Tractatus 
II,  p.  1210.  consolatnrius pro  morte  amici ;  De  specialibiis  generaUbusque 
consolationis  prœceptis  liber  unus  ;  Epistola  consolatoria  ad 
Ludovicuni  Francorum  regem  super  morte filii  ejus ,  capitibus 
trcdecim,.  L'édition  de  i48i  porte  :  Consolatio  pro  morte 
amici.  Quel  que  soit  l'intérêt  du  sujet,  l'auteur  ne  le  traite 
encore  qu'en  rassemblant  des  extraits  de  ses  lectures.  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  instructif  pour  nous  dans  cette  épître,  ce 
sont  quelques  détails  de  l'histoire  personnelle  de  Vincent. 
Nous  les  avons  déjà  recueillis. 

Jean  d'Amerbach  s'est  abstenu  d'insérer  dans  le  volume 
que  nous  venons  de  parcourir,  des  vers  latins  et  un  opuscule 
sur  l'élection  des  empereurs  ;  productions  de  fabrique 
allemande,  postérieures  de  plus  de  deux  siècles  à  la  mort 
de  Vincent,  et  qu'on  a  jointes  cependant  aux  éditions  du 
Spéculum  majus.  Echard  ne  les  a  jugées  dignes  d'aucun 
examen. 


VINCENT  DE  BEAU  VAIS.  469 

S.III  SIECLF 

Tous  les  écrits  supposés  ou  authentiques  dont  l'énumé-  — .' 

ration  vient  de  se  terminer!  n'ont  conservé,  il  en  faut  con-      Scr.  ord.  Pr. 

•  •  il.  'X'X 

venir,  qu'une  bien  faible  importance,  à  côté  de  l'immense    '  'P'^^'- 
ouvrage  appelé  Bibliotheca  mundi,  Spéculum  majus,  Spé- 
culum quadruplex  ou  triplex.  L'attention   générale  qu'il  a 
excitée,  et  le  fréquent  usage  qui  en  a  été  fait  à  toutes  les 
époques  depuis  ia64,  excepté  peut-être  aux  plus  récentes.» 
sont  assez  attestés  par  le  très-grand  nombre  de  copies,  soit 
manuscrites,  soit  imprimées,  que  les  Bibliothèques  en  pos- 
sèdent. Les  éditions  ayant  laissé  peu  de  valeur  aux  manu, 
scrits,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'engager  dans  les  longs  détails 
qu'ils  exigeraient,   s'il   les  fallait  décrire  ou  indiquer  tous 
avec   une  parfaite  exactitude.  On  n'en   a  point  publié  de 
notice  générale;  mais  on   en  a  désigné  d'une  manière  plus 
ou  moins  précise  près  de  quatre-vingts.  Ils  seraient  à  dis- 
tribuer en   plusieurs  classes ,  selon   qu'ils  contiennent  ou 
l'ouvrage  entier,  ou  l'un  des  quatre  Miroirs,  ou  seulement      caialog  mss 
des  parties,  des  livres,  des  extraits  de  ce  grand  recueil;  et  Bibi.  r.  Ui.  rv, 
encore  selon  qu'ils  en  présentent  ou  le  texte  latin,  ou  des  '5,i6;a<a. 
versions  françaises,  ou  de  simples  abrégés,  en  l'une  ou  en  ,_  x  _  As'™'*' 
l'autre  langue.  ii-],  291  ;  t.  ii' 

Ce  travail,  pour  être  complet,  demanderait  beaucoup  «••  782,  1102, 
de  recherches,  dont  les  difficultés  minutieuses  ne  seraient  "Bibi'.  'fiâiuï 
compensées  ni  par  l'utilité,  ni  quelquefois  par  l'exactitude  part,  m,  p.  7, 
des  résultats.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  les  numé-  "  3a —Caiai.de 
ros  4897-4902,  4909,  6427,  6428  A,  B,  C,  D,  etc.,  des  "Lr.'orftî: 
manuscrits  latins  de  la  Bibliothèque  du  Roi.  Montfaucon  t.  i,p.  a34. 
en  fait  connaître  qui  ont  appartenu  à  Colbert,  au  monastère  Sander,  t.  i, 
du  Mont  Cassin ,  et  à  d'autres  dépôts.  Baluze  et  Rothelin  ,  Içs  ^^^^  's'ia^'Ls' 
abbayes  de  Saint-Germain,  de  Jumièges,  de  Saint-Victor,  339;t.  11' p.  g^ 
le  couvent  des  Augustins  et  le  collège  de  Navarre,  en  ont  ^48,256. 
possédé.  On  en  a  remarqué  dans  les  Bibliothèques  de  Venise  KnB\.^°\  ""' 
et  de  Padoue;  il  .s'en  rencontre  dans  les  catalogues  des  ma-  i,p.i4,33';part. 
nuscrits  de  la  Belgique  et  de  l'Angleterre.  Gérard  Jean  ".P-^ao,  i3ia, 
Vossius  en  cite  un  du  collège  de  la  Trinité  à  Cambridge,  et  '  Ve'iTj^leto' 
il  s'en  est  trouvé  un  assez  précieux  parmi  les  livres  de  son' 2226,  ubS;  t! 
fils  Isaac.  lI.paf">,P-597, 

On  a  compté  sept  éditions  de  tout  l'ouvrage;  mais  il  n'y  ^  vo'ss  oeHist 
en  a  que  six  dont  l'existence  nous  paraisse  bien  vérifiée.  La  laiinis.  1.  u.c. 
1*^*  est  de  Strasbourg,  en  10  parties  ou  tomes  in-folio,  savoir  :  % 
2  pour  le  Spéculum,  naturale,  1  pour  le  doctrinale,  2  pour  ,.  i*^p  ^33'    '" 
le  morale ,  et  4  pour  Xhistoriale.  Cette  dernière  partie  se 

1  3 


[qo  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

XIII  SIÈCLE.  .  ^  ,.  ,  1       ,,. 

termine  par  une  souscription  ou  se  lisent  le  nom  do  I  im- 

Dav.     cif'm.   primcur  Jean  Mentellin  ,  et    la   date  du  4  décembre    \l\Vj'i. 

Bil>lioth.  rur.  t.     t  .  -'l.  ^  «.j^'ii  ■        ^ 

m  n  -7  —  '^^•''  9  tomes  précédents  ne  sont  point  dates,  ils  avaient 
Fouinitr,  Orig  exigé  un  long  travail,  commencé  probablement  dès  \f\^V). 
cieiiraiir. p  7i,  Cette  édition  est    célèbre  dans    l'histoire    de    l'imprimerie 

8',,    8q.  __Pal-  ..   »»        I         I  •  •       -^     '..  '        ^ 

mei,  p  i8'  —  comme  pouvant  être  la  plus  ancienne  qui  ait  ete  entreprise 
Weslinger.  Ai-  à  Stiasbourg.  FiC  déci'et  de  Gratien  et  les  Clémentines 
main,  caiiioi.  p.  i,'ont  été   imprimés  dans  cette  ville  par  Eggesteyn  que  de 

ALrUypOKr.'ù     '470à    \\']1. 

I,  p.  19,  «i  i4r>;       Nous  écartons  une  j)rétendue  .seconde  édition  du  Specu- 
i.v,  p.  445,4^6.  im^^  majus ,  publiée,  dit-on,  à   Bâle  par  Jean  d'Amerbach 
en  1473.  Panzer  n'a  pas  jugé  à  propos  d'en  faire  mention; 
et   jusqu'ici   l'on    n'a   pu    en    indiquer   d'une  manière   po- 
sitive aucun  exemplaire  complet.  Ce  n'est   qu'à   partir  de 
i48i    qu'il   existe  des   produits  bien  connus  de  l'industrie 
typographique  de  Jean  d'Amerbach.  On  peut  donc  consi- 
dérer comme   deuxième   édition  celle  de  Nuremberg  chez 
Pan/Cl.  t.  II,  Koburgcr,  exécutée,  non  comme  on  le  suppose  quelquefois, 
i>    «95,  197,  jj^^   1473,  mais   dix  ans  plus  tard.  Le  Spéculum  historiale 

198,200,101;  ,  '  7  1  '     '       I  /0'>  1  '  7  1  /O-  1 

I.  m,  p.  aiM,  et  le  naturale  sont  dates  de  i4oj,  le  morale  de  il\o'y^  le 
335,352,353.  doctrinale  de  i486,  et  ils  sont  compris  tous  en  4  grands 

—  Lipen.  Bibl.  i 

..    ,  '.    ,         volumes. 

ihtol.    t.     I  ,    p.  .        ,j.    .  .  I       xr        •  /o/ 

473.  Bii.i.  phi-  Les  trois  éditions  suivantes  sont  de  Venise  en  1404,  en 
los.  p.  .',36.—  ,^(j3  et  94i  en  iDgi.  Elles  ont  été  signalées  par  Mariana  et 
Konig,  Bi  >  .vet.  j|,j,jg  [^  Scaligeiaiia ,  comme  très-fautives  ;  le  texte  y  est  altéré 

•tn.  p.  840,847.  p  '  1         1     "^ 

Mariana,  De  par  uii  grand  nombrc  de  retranchements  et  de  changements. 

adveritu  s.  jaco-  Les  dcux  premières  demeurent  donc  les  plus  précieuses, 

1  m    ispaii.  c.  p^gp^g  depuis  1624  où  la  sixième  et  dernière  a  paru  à  Douai, 

g. —  Sraligciana       ir>ii  ••  ii 

lecunda !  Colon,  clicz  Bellcr,  CI)  quatre  tomes,  ainsi  que  chacune  des  quatre 
i6'i7i,  p.  26',.  précédentes.  On  pouvait  attendre  des  éditeurs,  Bénédictins 
de  Saint- Vaast  d'Arras,des  soins  mieux  entendus,  des  re- 
cherches plus  savantes,  une  critique  plus  éclairée;  l'ouvrage 
valait  la  peine  qu'on  y  joignît  des  préliminaires  et  des  éclair- 
cissements dont  il  a  quelquefois  besoin.  Ils  n'ont  rien  vérifié, 
rien  examiné;  ils  ont  pris  l'auteur  pour  un  Bourguignon, 
peut-être  évêque  ou  coadjuteur  de  l'évèque  de  Bcauvais;  ils 
n'ont  joint  à  son  texte  qu'un  petit  nombre  d'annotations 
vulgaires,  presque  toutes  erronées  ou  superflues.  Vincent 
transcrit,  comme  nous  le  verrons  bientôt ,  une  multitude  véri- 
tablement innombrable  d'anciens  textes;  et  il  peut  importer 
de  savoir  comment  il  les  lisait  dans  les  manuscrits  qu'il  avait 
entre  les  mains.  Qu'ont  fait  les  éditeurs  de  1624?  "s  ont 


XHI  SIÈCLE. 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  4^1 

écarté  les  leçons  établies  ou  introduites  de  son  temps,  et  y 
ont  substitué  celles  qui  prévalaient  du  leur,  et  qui  n'étaient 
pas  toujours  plus  heureuses.  Il  s'ensuit  que  pour  prendre 
une  connaissance  exacte  de  cette  œuvre  mémorable,  el  pour 
y  puiser  toute  l'instruction  historique  ou  littéraire  qu'elle 
renferme,  il  faut  encore  aujourd'hui  recourir  aux  deux  pre- 
mières éditions,  surtout  à  celle  de  Mentellin,  qui  est  devenue 
trop  rare  et  trop  chère  pour  être  à  la  disposition  de  la  plu[)art 
des  hommes  de  lettres. 

Il  y  a  bien  quelques  éditions  particulières  de  chacun  des 
trois  recueils;  maisellt-s  ne  sont  pas  aussi  nombreuses  qu'on 
le  croirait,  à  n'en  juger  que  par  les  catalogues  de  livres.  Si, 
en  effet,  on  ne  tient  pas  compte  des  volumes  détachés  des 
éditions  complètes,  il  n'en  restera  guère  qu'une  seule  du 
Spéculum  natiirale ,  deux  du  morale ,  deux  ou  trois  de  Vhis- 
toriale.  Les   Sa   livres  du    i*""  remplissent  un  volume  sans 
date  et  sans  indication  de  lieu ,  qui  pourrait  avoir  été  im-      volume   cité 
primé  chez  Jean  d'Amerbach,  à  Bàle,  dans  le  cours  des  20  i'*''    Beughem, 
dernières  années  du  xv«siècle.On  a  desexemplairesdumora/e  ""'""  '   ^"^  ' 
datés  de  1476,  à  Strasbourg  chez  Mentellin;  c'est  apparem-  panènrmTuQe 
ment  une  réimpression  de  l'une  des  parties  de  l'édition  de  édii.  complète. 
1473.  Si  cet  imprimeur  a  reproduit  les  trois  autres  Miroirs,      Panier,  i.i, 
s'il  a  donné  ainsi  en  1476  une  deuxième  édition  complète,  **    "' "  '^' 
les  volumes  n'en  ont  pu  encore  être  retrouvés  et  rassemblés 
nulle  part.  Un  Spéculum  morale  sans  date  et  sans  nom  de 
ville,  peut  sembler  sorti  des  presses  d'Ulric  Zell ,  à  Cologne, 
vers  1493  ou  94-  i^historiale  a  été  imprimé  en  i474i  ;*  Paris,     Laire,  ind.  t. 
et  à  Augsbourg  dans   le  monastère  de  Saint- LUric  et  de  i'>p  22 — Pan- 
Sainte-Afra  ;  il  l'a  été  aussi  sans  date,  on  ne  sait  en  quel  lieu,  ""^j'os  L^l  ** 
Il  est   presque  superflu  d'ajouter  que  toutes  ces  éditions, 
partielles  ou  totales,  sont  in-folio. 

Nous  croyons  (]ue  le   Miroir  historial  est  le  seul  qui  ait 
été    traduit   dans    notre  langue;  encore   n'en   connaissons- 
nous  bien  qu'une  seule  version  française,  celle  de  Jean  de 
Vignay,  ou  du  Vignay,  maître  de  l'hôpital  de  Saint- Jacques-      Leb*uf,Acad. 
du-Haut-Pas  II  l'entreprit  à  la  demande  de  Jeanne  de  Bour-  desinscrxxvii, 
gogne ,  reine  de  France,  épouse  de  Philippe  de  Valois,  ou,  dé^parisTiîi 
selon  La   Monnoie,  de  Philippe-le-Long.  Toujours  était-ce  p.  347. 
au  xiv«  siècle  et  avant  i35o.  Lebeuf  dit  que  du  Vignay,  qui      i^"""  '«•■La 
a  traduit  aussi  la   légende  dorée  de  Jacques  de  Vorages,  ne  ^T,\^''^T'' 
se  piquait  pas  dune  critique  jort  severe  ;  observation  qui  6o5,6o6. 
peut  sembler  superflue,  quand  il  .s'agit  d'une  telle  époque. 


472  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

Xm  SIÈCLE.    _,     ,    ,.  ,,   .  .„  „•       . 
Rolnelin  possédait  un  m.igninque  manuscrit  sur  velin  de 

Catai.  de  Ro-  Cette  version  de  l'IIistorial:  elle  a  été  imprimée  en  i^gb  et 

iheiin  p.  3o4 ,   i^gG,fi  Pans,  chez  Antoine  Vérard  ,  en  cinq  volumes,  dont 

la  Bibliothèque  de  Sainte-Geneviève  conserve  l'un  des  plus 

Edit.duxv^s.  beaux  exemplaires.  L'édition  est  dédiée  au  roi  Charles  VIII, 

"  '"'  et  quoiqu'elle  paraisse  annoncer  une  version  nouvelle,  elle 

n'offre  en  effet  que  celle  de  Jean  du  Vignay,  avec  quelques 

changements.  Un  volume  in-4°  imprimé  à  Lyon,  chez  Bar- 

Panier.t.i.p.  tholomieu  Buycr ,   en    i479'!   sous  le  titre  de  Mirouer  his- 

'"•  torial ,    n'est   qu'une  tniduction    du    Fasciculus  temporum 

de  Werner  Rollewinck.   C'est,  au  contraire,  l'ouvrage  de 

Vincent  qui  se  lit  en  français  dans  les  5  in-folio  que  Nicolas 

Catai.deCba-  Coutcau  a  puljHés  à  Paris  en  i53i  ,  et  la  version  est  encore 

r°V;  îî'.'^^'.îî^  celle  du   xiv®  siècle.   L'existence  de   deux  autres  éditions 

LaValUerp,t.llI,  ,  t-ne  r  r 

p./i3.Dav.ciéra.  anuoncecs  comme  ayant  paru  en  looo  et  io4i  est  au  moins 

t.IlI.p.Sg.Pan-    doUtCUSe.  ' 

"/è'   ^"/'  ^        Jacques  Van  Maerlant  entreprit,  dès  i483,  de  traduire  en 
vers  flamands  le  Spéculum  historiale,  et  même  de  le  conti- 
nuer jusqu'au  temps  de  l'empereur  Rodolphe  de  Habsbourg, 
couronné  en  X'i'^'i.  Les  deux   premières  parties  de  ce  long 
travail  ont  été  publiées  à  Leyde,  en  1784  et  1785,  par  les 
soins  deJVlM.  J.   A.   Clignett  et  J.  Steen  Winkel  ;  et  la  3«  à 
Amsterdam,  en  181a,  parla  seconde  classe  de  l'Institut  hol- 
landais, avec  une  préface  et  des  remarques  de  M.  Bilderdyk. 
1/3  version  de  Maerlant,  même  en  y  comprenant  une  4*  partie 
qui  paraît  n'avoir  pas  encore  été  imprimée,  ne  s'était  d'abord 
étendue  que  jusqu'au  2()^  livre  de  Vincent,  et  à  l'année  1 126  ; 
mais  M.  Hoffmann  de  Falleroleiben  a  trouvé  dans  la  Biblio- 
thèque de  Breslaw  un  fragment  de  cette  même  traduction 
flamande,  correspondant  à  la  fin  du  28*  livre  et  au  commen- 
cement du  29e. 
Fabric.  Bibi.       Dcs  abrégés  du  Miroir  historique  ont  été  rédigés  vers  la 
med.et  inf.iat.t.  fin  du  xiii*  siècIc ,  par  Adam  ,  clerc  de  l'évêque  de  Clermont, 
!l!'scr^ord''p''    ^tp^'"  J^^"  'i^  Columna,  Romain.  Quatre  copies  manuscrites 
I.  I,p!4i9._  fie  ce  travail  d'Adam  subsistent  à  la  Bibliothèque  du  Roi. 
Oudin,  t.  m,  p.  Celui  de  Jean  de  Columna  n'est  pas  aussi  bien  connu,  à  moins 
'  ■*  que  ce  ne  soit  la  compilation  intitulée  Mare  historiarum  ^ 

par  l'auteur  de  ce  nom,  qui  a  été  frère  prêcheur,  puis  évêque 
de  Messine.  Peut-être  y  a-t-il  eu  un  autre  Dominicain  de  ce 
même  nom.  Ce  qu'on  sait  mieux,  c'est  que  saint  Antonin , 
au  xv«  siècle,  a  fondu  \e  Spéculum  historiale  dans  sa  Sumina 
historialis.  Au  siècle  précédent,  un  prêtre  pommé  Jeaq  de 


VINCKNT  DE  BEAUVAIS.  478 

Hautfuney   avait    fait  une  table    de  ce  Spéculum^  qui  se   — 

conserve  manuscrite  à  la  Bibliothèque  royale  de  Paris.  N. 4903,4904, 

On  a  imprimé  sous  diverses  formes  et  en  différentes  lan-  49o5,  4906.  Ca- 

gues,  des  extraits  ou  des  traductions  partielles  du  Spéculum  t.iv,p^  ,6.    '^' 

niajus,  surtout  de  la  partie  historique.  Nous  citerons  comme 

exemple,  le  volume  publié  par  Pierre  Desrey,  de  Troyes, 

sous  ce  titre  :  «  Les  faits  et  gestes  du  preux  Geoffroy  de 

«  Bouillon  et  de  ses  chevalereux  frères  Baudoin  et  Eustace, 

a  yssus  et  descendus  de  noble  lignée  du  chevalier  au  Cigne, 

«  avec  leur  généalogie.»  Paris,  i449,  in  folio  ;  i5po,  in-4*';      Leiong  r  11 

i5i  I ,  in-folio;  Lyon,  1689,  in- 12.  Ce  sont  des  chapitres  de  p.  132,0.16595! 

Vincent,  que  Desrev  déclare,  dans  sa  préface,  avoir  translatés      '^'''-  ^^^'  •^■ 
j    1  »•  '         r  •  q6,  etc. 

de  latin  en  irançais.  ^ 

Ces  détails  bibliographiques,  trop  longs  peut-être,  quoi- 
que nous  les  ayons  fort  abrégés,  n'ont  d'intérêt  qu'à  raison 
de  l'étendue  et  de  la  renommée  de  l'ouvrage  auquel  ils  se 
rattachent,  et  dont  le  fond  même  doit  maintenant  attirer 
seul  nos  regards.  La  préface  générale  mérite  une  attention 
particulière,  tant  parce  que  l'auteur  y  expose  le  sujet  et  le 
plan  de  son  travail ,  que  parce  qu'on  peut  y  puiser  des  ren- 
seignements sur  le  nombre  réel  des  parties  dont  le  Spéculum 
majus  se  compose.  Ce  titre  de  Spéculum  convenait,  dit  Vin- 
cent, à  un  vaste  recueil  où  il  s'agissait  de  rassembler  tout 
ce  qui  est  digne  d'être  contemplé,  admiré,  imité  dans  le 
monde,  soit  vi.sible,  soit  invisible;  et  la  qualification  de 
maJus  devait  servir  à  le  distinguer  d'un  abrégé,  déjà  rédigé 
dans  le  même  esprit  :  Spéculum  quidem  eo  quod  quidquid      „   , 

^,  ,.  '.,  ',.i  j.  •'  .■•  •',  Prolos.  gêner. 

jerc  speculationc ,  id  est,  admiratione  dignum.  . .  in  mundo  ^  3 
visibili et  invisibili ,  .  .  .  ex  innumerahilibus  fere  libris colligere 
potui,  in  uno  hoc  breviter  continetur  ;  majus  autem  addiffe- 
rentiam  parvi  libelli  jamdudàm  editi,  cujus  titulus  est  Spé- 
culum vel  Imago  mundi.  L'auteur  offre  donc  à  ses  frères  le 
fruit  de  ses  lectures,  et  il  ne  dissimule  point  qu'il  ne  rem- 
plira fort  souvent  que  l'office  de  copiste.  Si  l'on  se  plaint  de 
ce  qu'ilentremêlebeaucoup  de  textes  purement  profanes,  à  de 
plus  respectables  leçons,  il  répond  par  l'exemple  des  Pères 
de  l'Eglise  et  des  apôtres  même,  qui  ont   cité  Ménandre, 
Epiménide  ,   Aratus.    Si   cette  entreprise   encyclopédique,      iwa. c.  a. 
Universilas  scientuzrum ,  est  taxée  de  présomption ,  de  teme-  ,5  33  AdTit.i 
rite,  il  prie  de  considérer  qu'il  n'a  fait  que  suivre  les  traces  la.  Act.  Ap«st. 
d'Isidore  de  Séville  et  de  quelques  autres  théologiens,  qui   »7.  >» 
ont  aspiré  aussi  à  réunir  et  enchaîner  toutes   les  sciences 

Tome  XF III.  Ooo 

3  3» 


474  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

XIU   SIÈCLE.      ...  '  V  j  j  •  ,  . 

divines  et  humaines  :  Adlwc  ipsuin  nostrorum  stuaiis  provo- 

Proi.  c.  7.  catus  sum,  Isidori  vidclicet  Hispalensis,  etc.  Il  recommande 
spécialement  les  études  historiques,  dont  il  parait  que  la 
plupart  de  ses  contemporains  méconnaissaient  l'utilité;  mais 
lorsqu'il  indique  les  sources  où  il  puisera  ce  genre  il'instruc- 
tion,  c'est  Turpin  qu'il  désigne  comme  le  principal  historien 

ii.iii.  c.  17.  de  Charlemagne.  Cette  préface  a  20  chapitres  dans  l'édition 
de  Douai,  ainsi  qu'en  plusieurs  manuscrits;  et  le  16*,  le  17*, 
le  19^,  le  20*  disent  formellement  que  le  Spéculum  majus 
a  4  parties  :  Opus  universum  in  quatuor  parles  principales 
tanquam  in  quatuor  'volumina  perfecta  et  à  se  inviceni  sepa- 
rata  distinxi;  quaruni  una  continet  totam  historiam  natu- 

iiikI.  i.  16.  raient,  alla  verb  totam  seriem.  doctrinalem ,  tertia  verb  totam 
eruditionem  moralem,  quarta  totam  historiam  temporalem... 
[.'auteur  regrette  de  n'avoir  point  assez  ressefré  la  4^  qui , 
de  son  aveu ,  contient  un  peu  trop  de  miracles  opérés  par 
les  saints  :  In  quarta  parte. .  .  .  vellem  ,  si  fieri posset ,  de 
sanctorum  miraculis  rescidissc  nonnulla. 

ii.id.  r.  19.  Des  déclarations  si  positives  ne  laisseraient  aucun  doute 

sur  la  division  en  4  parties;  mais  il  s'en  faut  que  cette  pré- 
face se  lise  dans  les  manuscrits  antérieurs  à  l'an  i320, 
comme  dans  ceux  des  âges  suivants  et  dans  les  imprimés. 
Echard  met  au  rang  des  plus  anciens  manuscrits,  a'abord 
celui  de  la  Sorbonne,   légué  par  Pierre  de  Limoges,  con- 

.Siimitias.ih.  [^^.fj^porain    de    Ilobert   Sorbon   ou    même   de   Vincent    de 

Mndicala  — .Scr.     r.        '         .  .  i     •       i  »  •  i     •  •  '     i 

ord.  Pr.  1. 1,  p.  Beauvais;  puis   celui   des   Augustins,   celui  qui  a  passe  de 
.ï'5.  la  Bibliothèque  de    Colbert    dans    celle   du  Roi,  et  celui 

que  possédait  le  collège  dit  de  maître  Gervais.  Or,  eti 
comparant  ces  copies  primitives  aux  éditions  ,  voici  les 
«lifférences  que  l'on  remarque  dans  le  prologue  de  tout 
l'ouvrage. 

Les  copistes  du  xiv*  siècle,  après   i3io  ou   iSao,   ceux 
du  xv«,  et,  à  leur  exemple,  les  éditeurs  ont  retranché  de  ce 
prologue  un  morceau  du  chapitre  X,  et  le  chapitre  XI  tout 
entier.  Vincent  y  répondait  aux  censeurs  qui  lui   repro- 
chaient, les  uns  une  insupportable  prolixité,  les  autres  une 
brièveté  excessive.  Il  commençait  par  s'excuser  sur  l'immense 
..obreperesoin-  étcnduc  dc  son  travail  :  Veriim  operi  longofas  est  ignoscere 
num.  A.  poei.  V.  gQ^mo ,  Icur  disait-il,  en  altérant  un  vers  d'Horace  pour  le 
^^'  faire  léonin.  Il   leur   présentait  ensuite  des  considérations 

plus  spéciales  sur  l'ordre  qu'il  avait  établi  entre  les  matières; 
il  parlait  du  livre  consacré  par  lui  à  la  morale,  de  Ethicd , 


VINCENT  DE  BEAUVAIS. 


475 


id  est  Morali,  où  les  maximes  des  philosophes  et  des  poètes 
s'entremêlaient  aux  préceptes  de  la  thëolofi;ie  chrétienne  : 
Dicta  philosophorum  et  poetarum , .  .  .  in  cddcm  parie , .  .  . 
de  scientid  théologie  a  flores  sacrorum  doctoruni  insérai.  Il 
annonçait  le  traité  des  Vices  et  des  Vertus,  de  Vitiis  et  Vir- 
tutibus,  comme  l'un  des  livres  du  S/^cu/um  doctrinale,  et 
le  rapprochait  des  livres  qui  concernaient  l'économie  do- 
mestique et  la  politique.  D'un  Spéculum  morale,  il  n'en 
faisait  mention  nulle  part. 

Bienaucontrairq,  le  chapitre  XVII  du  prologue,  devenu  le 
XV/^  par  la  suppression  du  XP,  avait  pour  titre:  De  trifariâ 
divisions  totius  operis ,  et  non  pas,  comme  aujourd'hui,  qua- 
drifarid.  On  lisait  dans  ce  chapitre  :  Opus  univcrsum  in  très 
partes, .  .  .  in  tria  volumina .  .  .  distinxi.  .  .  Prima  si  quidem 
jirosequitur naturani  et proprietatem  omnium  rerum,  secunda 
materiam  et  ordineni  omnium  artium,  tertia  verb  seriem  om- 
nium temporuni.  Au  chapitre  XVIII  (depuis  XVII  )  il  n'était 
encore  (juestion  que  de  3  parties  :  l'Hi.storiaie  était  toujours 
appelée  la  3*  :  In  tertid  parte.  .  .  vellem.  .  .  de  sanctorum 
miraculis  rescidisse  nonnulta.  Les  copistes  ont  changé  par- 
tout tertia  en  quarta ,  et  interpolé  çà  et  là  les  lignes  qui 
supposent  un  Spéculum  morale,  devant  occuper  la  troi- 
sième place. 

Des  altérations  si  graves  ayant  passé  dans  les  imprimés, 
il  n'est  point  étonnant  que  la  plupart  des  auteurs  modernes 

3ui  ont  parlé  du  Spéculum  majus ,  tels  que  Raphaël  Maffei 
e  Volterra,  J.  Gér.  Vossius,  Belleforêt,  Labbe,  Altamura , 
Fabricius,  Morhof,  l'aient  tenu  pour  composé  de, 4  grandes 
parties.  Toutefois,  Henri  de  Gand ,  à  la  Hn  du  xin^  siècle, 
n'en  avait  connu. que  trois  :  Triplex  Spéculum ,  historiale , 
allegoricum  et  morale.  Ces  dénominations  étaietit  assez  peu 
justes:  elles  ne  supposent  pas  une  connaissance  bien  précise 
de  l'ouvrage;  mais  elles  peuvent  contribuer  à  montrer  qu'a- 
vant i3oo,on  ne  le  divisait  qu'en  trois  parties  princip;des. 
l'Ieury,  toujours  si  judicieux  quand  il  ne  se  met  point  à 
recueillir,  comme  Vincent  de  Beauvais,  dçs  légendes  mira- 
culeuses, Fleury  n'admet  que  trois  Miroirs:  le  ijaturel,  le 
doctrinal  et  l'hiittori^tl.  Les  dominicains  Échard.et  Touron 
embrassent  la  même  opinion,  et  en  exposent  fort  au  long 
les  preuves.  D'autres,  comme  Bellarmin,  n'ont  exprimé  sur 
1  c  sujet  (jue  des  doutes  et  des  conjectures  :  la  supposition 
(Iq  Miroir  moral  leur  paraissait,  sinon  prouvée,  du  moins 

O  00  2 


XIII  SIECLE. 


domm.  urban. 
I.XXXI.p.628. 

De  Histor.  la- 
tinis.  I.  II,  c.  Sg. 

Ann.  de  Fr. 
ami.  I  259,  t.  1, 
fol.  689. 

Dissert.  Hist. 
de  script,  eccles. 
t.  II,  p.  481. 

Bibl.  domiDÏc, 
p.  aa. 

Bibl.  roed.  et 
inf.  lat.  I.  VI,  p. 
ay8. 

Polyb.  I.  I, 
XII,  aa.  T.  I,  p. 
a4i. 

H.  Gand.  De 
Scr.  eccl.  D.  4a. 

FI.  Hist.  eccl. 
I.  Lxzxiv,  n.  5. 

StiDima  s. Th. 

viiid Scr.  ord. 

Praedic.  I.  I,  p. 
ai5-a3a. 


476  VINCENT  DE  BEALVAIS. 

XIII  SïFr*!  F 

fort  possible.  Naudé  fait  mention  de  cette  idée  de  Bellarmin, 


Vie  de  s.  Tho-  <-'■  i>      1  -i     >    1        •  1      i 

mas  d'Aq.  I.  VI,  *^^  S  il  06  i  adopte  pas  expressément,  il  s  abstient  de  la  contre 

C.8,  p.6'i3  67/,.  dire.  Noël  Alexandre  croit  que  Vincent  avait  réellement  com- 

Beii.  De  Scr.  p^^^i  yf|  Speculum  THorale ;  mais  que  cette  3^  partie  de  son 

Naudé,  Bibi    rccueil  est  perdue,  et  que  le  tome  qui  la  remplace  n'est  pas 

polit,  p.  19.       de  lui.  Ce  volume  est  traité  de  rapsodie  par  Dupin,  et  attri- 

Sel.Hist.eccl.  |)uë  oar  Vindiugius  à  un  autre  Vincent,  moins  ancien  que 

sect.  XIII,  I.  IV,  1     .'     1       r»  •         /^'       ..       •        •  J  I  i  i 

art.  "î  n  5  T  *^t^'ui  de  Beauvais.  Lest  amsi  que  dans  le  cours  des  deux 
XX,  'in-8",  p.  derniers  siècles,  il  a  perdu  par  degrés  le  crédit  que  lui 
536-538.  donnaient  les  six  éditions  complètes  du  Spéculum  mains, 

Biblioth.    des  ■    1.  •  I       •  I       f   •      1  '  -^  .       •  - 

auteurs eccies  S  T^'  I  avaient  admis  sur  la  toi  des  manuscrits  postérieurs  a 
XIII, p.  5.  iSao  ou  i3to. 

Epist.de SCI ip-  L3  première  raison  de  ne  plus  le  croire  authentique,  est 
cale  ^D^c'ke'ii^  ccUe  quc  nous  avons  déjà  exposée:  le  texte  primitif  de  la 
p.  354.  '  préface  générale,  altéré  dans  les  copies  de  lage  suivant.  11 

faut  noter  que  cette  préface,  qui  n'annonçait  que  3  parties, 
devait  se  reproduire  tout  entière  à  la  tête  de  chacune  d'elles. 
Hune  prologum ,  disait  Vincent ,  quia  pari  jure  correspondet 
unicuique  parti ,  totum  in  cujuslibct  capite  iiiserendum  judi- 
Prol.  genei.  cavi.  Les  copistcs  du  Speculum  naturalc,  du  doctrinale ,  de 
*■•  '9-  Xhistoriale ,  s'étaient  conformés  à  une  intention  si  expressé- 

ment déclarée;  mais  ce  prologue  de  tout  l'ouvrage  ne  ligure 
au  commencement  d'aucun  manuscrit  de  la  prétendue  partie 
morale.  On  peut  remarquer  de  plus  qu'il  n'est  fait  mention 
que  des  trois  autres  ,  dans  les  •premiers  catalogues  des  livres 
de  la  Sorbonne,  non  plus  que  dans  la  table  rédigée  par 
Hautfuney,  avant  i32o;  si  cette  table  donne  à  la  2«  partie  le 
nom  de  morale,  les  détails  montrent  assez  que  c'est  de  la 
doctrinale  qu'il  s'agit. 

L'examen  intrinsèque  du  Speculum  morale  a  fourni  d'au- 
tres preuves  de  sa  supposition.  En  parlant  de  certains  actes 
d'humilité,  l'auteur  dit  :  Hoc  idem  faciehatheatissimus  Ludo- 
vicus.  C'est  le  langage  d'un  homme  qui  écrit  après  la  mort  de 
L.  m,  part,  saint  Louis,  arrivée  en  1270,  et  même  après  sa  canoni.sation 
111,  disi  I,  edit.  g[j  1207.  AilIcurs,  il  fait  allusion  à  la  bulle  Adfructus  uberes 
Duac.  col.  992.  ^^  Martin  IV,  publiée  en   1282;  ailleurs,  une  mention  ex- 
dist.  a,  d''e*man'-  prcssc  du  désastie  dcs  croisés,  de  la  prise  de  Ptolémaïs  ou 
di  consumm.      Saint-Jean-d'Acre  par  les  infidèles,  événements  qui  appar- 
tiennent à   l'an    1291  :  or,  nous  avons  vu  (pie  Vincent  de 
Beauvais  était  mort  depuis  12G4.  Nous  verrons  bientôt  qu'il 
divise  son  Miroir  naturel  en  Sa  livres,  le  doctrinal  en   17, 
l'historial  en  3i  ,  et  chacun  de  ces  livres  eu  un  grand  nombre 


XIII  SIÈCLE. 


VÎNCEN  r  DE  BEAUVAIS.  477 

de  chapitres;  tandis  que  le  Miroir  moral  est  immédiatement 
divisé  en  3  livres,  dont  le  i*"^  comprend  4  parties,  le  u«  4 
encore,  le  3^  dix,  er)  tout  18  parties,  entre  lesquelles  se  distri- 
buent 347  portions  élémentaires  appelées  Distinctions.  Ce  ne 
sont  plus  du  tout  les  mêmes  formes,  les  mêmes  procédés;  le 
changement  de  méthode  est  par  trop  sensible,  s'il  reste  là 
véritablement  quelque  méthode.  Les  arguments  d'école  sont 
beaucoup  plus  prodigués,  les  citations  moins  fréquentes  et 
moins  régulières.  Ce  n'est  pas  que  les  emprunts  de  textes 
soient  ici  moins  nombreux  que  dans  les  trois  parties  de  l'ou- 
vrage de  Vincent;  mais  la  plupart  sont  dissimulés,  et  pren- 
nent ainsi  le  caractère  de  plagiats.  Tout  le  Spéculum  morale 
n'est  qu'un  informe  tissu,  qu'un  amas  indigeste  d'articles 
tournis,  à  linsçudu  lecteur,  par  divers  écrivains,  spéciale- 
ment par  l'auteur  anonyme  d'un  livre  De  consideratione 
no^'issiinorum  ;  par  Etienne  de  Bourbon  ou  de  Belleville, 
mort  vers  1262,  ayant  composé  un  traité  des  n  dons  du 
Saint-Esprit;  par  Pierre  de  Tarentaise,  commentateur  des  4 
livres  des  Sentences,  depuis  [)ape  sous  le  nom  d'Innocent  V, 
élu  et  décédé  en  layO;  par  Richard  de  ï\bddleton,  dont  les 
travaux,  dans  le  même  genre,  se  prolongèrent  jusque  vers 
l'an  i3oo;  mais  surtout  par  Thomas  d'Aquin.  Le  P.  Echard 
a  pris  la  peine  de  vérifier  ces  innombrables  plagiats,  et  d'en 
citer  beaucoup  d'exemples;  il  a  compté  près  de  [\oo  pages 
tirées  du  seul  Etienne  de  Belleville,  dont  le  livre  est  inédit.  Snmma  vin- 
Quand  Etienne  (\\\,  j'ai  vu,  j'étais  présent ,  le  compilateur  di<  Sn.  ord. Pi. 
écrit  :  un  certain  coidesseur,  ou  inquisiteur,  ou  frère  pré-  '  i'^^'^"*^^ 
cheura  vu,  a  été  témoin.  Quelquefois  il  lui  arrive  de  ren- 
voyer à  des  articles  qu'on  doit,  selon  lui,  trouver  dans  son 
recueil,  mais  qu'il  a  oublié  d'y  transcrire  Lorsqu'il  entremêle 
dans  une  même  section  ou  distinction  des  passages  de  plu- 
sieurs écrivains,  non  seulement  il  ne  s'inquiète  pas  de  la 
différence  des  styles,  mais  encore  il  ne  s'aperçoit  point  des 
contradictions  entre  les  doctrines.  Après  avoir  enseigné  avec  i..  l,i>aiMii, 
saint  Thoma.*,  que  tous  les  anges  et  le  premier  homme  avaient  '*'*'  '^'  "  ^ 
été  créés  en  état  de  grâce,  ayant  la  foi,  l'espérance  et  la 
charité,  par  conséquent  un  commencement  de  béatitude,  il 
déclare,  avec  un  autre  docteur,  que  les  démons  n'avaient  ni  ihid.  n.  4. 
la  loi  ni  la  grâce  avant  leur  chute  :  An^eli  non  habuerunt 
fidem  ante  lapsum ,  quia  non  infunditur  fides  sine  gratiâ 
quant  illi  nunquam  habuerunt. 

Il  est  certain  que  ce  plagiaire  a  mis  particulièrement  à 


XIII  SIKCLK. 


478  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

contribution  le  dorteiir  angélique;  cependant  lorsqu'on  re- 
piésentele  Spéculum  morale  comme  un  extrait,  ou,  peu  s'en 
faut,  comme  une  co|)ie  île  la  Somme  de  saint  Tliomas,  on 
donne  beaucoup  trop  de  généralité  à  une  observation  qui  a 
besoin  d'être  restreinte  pour  demeurer  exacte.  Nous  devrons 
entreprendre  un  jour  l'analyse  de  cette  célèbre  Somme:  en 
ce  moment,  il  nous  suftit  d'en  comparer  le  canevas  à  celui 
du  Miroir  moral. 

Thomas,  dans  la  première  partie  de  son  ouvrage,  traite 
d'abord  de  la  doctrine  sacrée,  ou  des  sources  de  la  science 
théologique  .  puis  de  Dieu  ,  des  anges  et  de  l'homme.  Il  divise 
la  seconde  partie  en  deux  :  la  fin  dernière  de  l'homme,  le 
bonheur,  la  volonté,  les  actes  humains,  les  passions,  les 
habitudes,  les  vertus,  les  dons  et  les  béatitudes;  le  pèche 
originel;  le  sujet,  la  cause  et  l'effet  du  péché  actuel;  le  péché 
véniel;  les  lois  naturelles  et  positives,  divines  et  humaines, 
la  loi  ancienne  et  la  nouvelle  :  telles  sont  les  matières  épui- 
sées dans  la  Prima  secundœ.  La  seconde  seconde,  princi- 
palement consacrée  aux  trois  veitus  théologales  :  la  toi, 
l'espérance  et  la  charité;  et  aux  quatre  vertus  cardinales  : 
la  prudence,  la  justice,  la  force  et  la  tempérance,  embrasse 
aussi,  peut-être  ]jar  l'effet  de  quelque  déplacement,  des 
enseignements  relatifs  aux  sept  pèches  capitaux.  La  3"  et 
dernière  partie  de  la  Somme  a  moins  de  rapports  avec  le 
Spéculum,  morale,  sinon  pourtant  en.  ce  qui  concerne  la 
pénitence. 

Ce  Spéculum  est  partagé,  comme  nous  l'avons  dit,  en  3 
livres.  Le  i*"^  a  \  parties  qui  traitent  :  1°  des  actes  humains 
et  des  passions  de  l'ame;  2°  des  lois;  3"  des  vertus;  4"  des 
dons  et  des  fruits  spirituels.  Ces  4  parties  contiennent  en- 
semble lyb  distinctions  ou  sections.  On  y  peut  remarquer 
un  assez  long  dénombrement  des  passions;  et  à  la  suite  du 
traité  des  dons  célestes  et  de  leurs  fruits,  plusieurs  considé- 
rations sur  l'incarnation  de  Jésus-Christ,  sur  sa  passion^ 
sur  la  miséricorde  divine.  La  matière  du  livre  second  est  in- 
diquée parle  titre  de  ({uatiiar  novissiniis ;  les  parties  sont  au 
nombre  de  quatre  :  1  "  la  mort  et  le  purgatoire;  2°  le  jugement 
dernier,  la  fin  du  monde  et  la  résurrection  des  corps;  3* 
l'enfer,  les  supplices  des  damnés;  4"  It^  paradis,  les  félicités 
spirituelles  et  corporelles  des  saints;  le  tout  distribué  en  34 
distinctions.il  s'en  trouve  171  dans  le  3^  et  dernier  livre,  qui 
se  compose  de  dix  parties  :  1°  les  moyens  de  se   préserver 


VINCENT  DE  BFAUVAIS.  479 

,.,,,,.  ,  ,  1        I       x^.  XIII  SIÈCI.K. 

(lu  pèche,  I  innocence,  les  tentations,  la  parole  de  Uieu  ;  

2°  les  péchés  :  l'originel  ;  l'actuel,  mc.itel  ou  véniel;  3°  les  7  vices 
capitaux,  et  d'abord  l'orgueil;  4° — 9° 'es  six  autres;  10"  la 
pénitence,  et,  sous  ce  titre,  la  contrition,  la  confession,  la 
satisfaction  ,  le  jeûne.  On  voit  que  ces  3  livres  correspondent 
souvent  à  des  articles  de  la  piiiua  secundœ,  de  la  seconde 
seconde,  et  aussi  de  la  3*  partie  de  la  Somme  de  Thomas 
d'Aquin. 

Des  ii4  questions  élevées  et  résolues  dans  la  prima  se- 
cundœ ,  le  compilateur  du  Miroir  moral  en  a  omis  3^  et 
emprunté  77;  et  sur  les  i8q  comprises  dans  la  seconde  se- 
conde, il  s'en  est  approprié  i55,  et  a  négligé  les  34  autres. 
Voilà  23a  articles  transportés  de  la  Somme  dans  le  Spécu- 
lum; mais  il  n'y  en  a  que  6  qui  soient  littéralement  transcrits. 
Les  autres  sont  mutilés,  déplacés  et  plus  ou  moins  altérés. 
La  rédaction  en  est  diversement  modifiée,  et  pour  l'ordinaire 
plus  vicieuse.  La  méthode  de  saint  Thomas  est  de  diviser 
chaque  question  en  plusieurs  points,  qu'en  effet  il  traite 
successivement.  Son  plagiaire,  aj)rès  avoir  copié  ses  divisions 
et  promis  de  les  suivre  avec  exactitude,  en  perd  quelquefois 
ja  mémoire,  et  trouble  à  l'aventure  l'ordre  qu'il  avait  lui- 
même  annoncé. 

Contre  tant  de  preuves  de  supposition  ,  il  ne  restait  qu'une 
seule  objection  tant  spit  peu  sérieuse,  celle  qui  se  tirait 
d'un   livre  écrit,  vers    1278,  par  Etienne  de  Salanhac  ,  qui      Deoid.Pisd. 
mourut  deux  ans  plus  tard.  Il  y  est  dit  que  Vincent  de  Beau-  i"ss.— SciOrd. 
vais  a  composé  les  quatre  Miroirs  qui  existent  aujourd'hui  ^ '  '• '•  P^^***- 
sous  son  nom.  Mais  Echard  a  montré  cjue  ce  n'était  là  qu'une 
des  additions  très-nombreuses  faites  au  livre  de  Salanhac, 
après  i3i  I ,  ])eut-être  après  i32o,  par  Bernard  Guidonis,  qui 
a  vécu  jusqu'en  i33i. 

Le  Spéculum  m.orale  n'est  donc  qu'une  compilation  déplo- 
rable, fabriquée  on  ne  sait  à  quelle  époque  précise,  mais 
après  i3io,  par  un  inconnu  qui,  en  y  attachant  le  nom  de 
Vincent  de  Beauvais,  l'a  remplie  d'articles  dérobés  à  des  au- 
teurs du  xiii«  siècle,  et  principalement  à  Thomas  d'Aquin. 
Long-temps  on  a  persisté  à  l'attribuer  à  Vincent,  et  l'on 
agitait  seulement  la  question  de  savoir  lequel  de  Vincent  ou 
de  Thomas  était  le  plagiaire;  car  on  voulait  que  ce  fût  l'un 
ou  l'autre.  Ceux  qui  soutenaient,  comme  Launoi,  nue  ce  ne      ,,         ^   , 

A  T7-  I-       •  '  '  ^        r-  ,        ,         Vener.    Eccl. 

pouvait  être   Vincent,  disaient  quêtant  mort  en   1264,  d  rom.     tradiiio. 
n'avait  eu  connaissance  ni  de  la  Somme  entreprise  en  1266,  Observ  vm. 


Xin  SIECLE. 


48o  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 


achevée  fort  [)eu  de  temps  avant  le  décès  du  saint  docteur  en 
12-4,-  ni  du  commentaire  sur  les  Sentences,  rédigé  vers  ces 
mêmes  temps  par  Pierre  de  Tarentaise;  ni  de  ceux  que  Ri- 
chard de  Middleton  n'a  pas  commencés  avant   1282;  ni   du 
livre  anonyme  <^e  Consideratione  quatuor  novissimoruin  ,  où 
^^      ^  „         il  est  parlé  de  la  prise  de  Ptolémaïs,  en  laqi.  Des  cinq  ou- 
opéra,  I.  II,  ]>.   ^ragcs  qui  ont  tourni  pres(|ue  tous  les  articles  du  recueil 
:îo2,  3o3.  dont  il   s'agit,   le  traité    des  y  dons  du  Saint-Esprit,   par 

Disseri.desci.  Etienne  <le  Belleville,  est  le  seul  dont  Vincent  aurait  iiu,  à 

cccles.  t.    II     n  >  ' 

/i79-48i.     '      toute  force,  faire  quelque  usage. 

Comment,  de       Cependant  il  convenait  encore  moins  d'accuser  de  plagiat 

scr.  ecti.  i.  III,  l'ange  de  l'école.  Aucun  de  ses  contemporains  ne  l'en  a  soup- 
p.   2S4  ,  358,  °  •      1  I-        1     -  ,.',..  ,  r 

365, 451 ,  ,',i''.  Çonne;  il  en  est  disculpe  par  [)lusieurs  écrivains  modernes, 

— Th.dePUgio,  Rainaldi,  Labbe,  Oudin,  Thomasius,  surtout  par  les  doini- 

562,  57:^.  nicains  Noël  Alexandre,  J^chard  et  Touron.  Ceux  qui  pren- 

.Suinnia    vin-  ,  ,  i  -c  i-  tv 

dicata.— Sel.  H.  'i^'it  le  plus  vivemciit  sa  detense  disent  que  Vincent  avait 
ecci.  XIII,  s.  bien  plus  que  lui  l'habitude  désemparer  des  pensées  et  des 
nisseriaiio  VI     ppoductiotis  d'aulruï.  C'est  trop  peu  tenir  compte  du  soin 

1.   Wl  ,  in-8  ,    '  ^j-.  ,  .  !     '  ,.  '  I  . 

p.  783-87K  ^ue  Vincent  prend  toujours,  dans  ses  livres  authentiques, 
.Scr.  ord.  Pijeii.  d'avertir  des  emprunts  qu'il  se  permet.  Nul  auteur  de  son 
I.  l.p.  289  323.  siècle  n'a  fait  plus  de  citations  et  moins  de  plagiats.  On  a 

Vie  de  s.  rh.      ,        ,   .  ...r  i       o 

d'Aciiiin,  I.  VI     'le  bien   meilleurs  moyens  de  prouver  que  la  homme  est 
Hin.ecciés.  I.  incontestablement  l'ouvrage  de  'fhomas  d'Aquin,  puisqu'on 

XXII,  0.  39  peut  invoquer  la  foi  des  plus  anciens  manuscrits,  les  témoi- 
gnages des  théologiens  et  des  historiens  de  son  temps  ; 
Tolomée  de  Lucques ,  Jean  de  Columna,  etc.;  la  tradition 
des  âges  suivants,  si  constante  et  si  unanime  en  Italie,  en 
France,  spécialement  dans  lUniversité  de  Paris;  enfin,  l'auto- 
rité du  concile  de  Trente,  et  pour  ainsi  dire,  le  jugement  de 
l'Eglise  même.  Si  tant  d'arguments  ne  suffisaient  pa.s,,  il  serait 
possible  d'en  puiser  d'autres  dans  le  caractère,  la  méthode 
et  le  style  de  cette  Somme,  dans  ses  rapports  avec  la  plus 
grande  partie  des  œuvres  du  docteur  angélique.  Toutefois, 
au  milieu  du  xvii«  siècle,  lorsqu'on  croyait  encore  que  de 
Thomas  ou  de  Vincent,  l'un  avait  usurpé  le  travail  de  l'autre, 

Paris  t   111,  p    If»  question  entre  eux  paraissait  indécise  a  Uu  Roulay  :  Quant 

713  litem  aliis  diriniendani  relinquo. 

L'opinion  généralement  établie  depuis  1708,  époque  de 
la  publication  du  livre  d'Echard,  iSt/mw^z  vindicata,  est  que 
saint  Thomas  a  seul  composé  sa  Somme,  et  que  jamais 
Vincent  n'a  songé  à  faire  le  Spéculum  morale  introduit  dans 
sa  grande  collection.   Dire   qu'il   avait   recueilli  les   leçons 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  48i 


Mil  SIKCIK. 


orales  de  Tfiomas,  ou  pris  connaissance  d'une  esquisse  de  l;i 
Somme,  ce  sont  des  hypothèses  inconcihahles  avec  la  chro- 
nologie et  l'histoire  des  travaux  de  ces  deux  personnages 
Vouloir  que  la  Somme  ou  quelques-unes  de  ses  parties  aient 
été  puisées  dans  le  Miroir  moral,  c'est  oublier  qu'elle  était 
connue  et  citée  bien  avant  les  années  où  commencent  à  pa- 
raître les  manuscrits  de  ce  Miroir.  Il  n'y  en  a  point  d'anté- 
rieur à  i3io;et,  au  contraire,  il  existe  des  manuscrits  de 
i320  où  le  prologue  du  Spéculum  majus  n'annonce  encore 
que  les  trois  parties,  naturelle,  doctrinale,  historique.  Ce 
prologue  n'a  été  falsifié  qu'entre  les  années  i3io  et  iSaô  :  il 
ne  l'est  dans  toutes  les  nouvelles  copies  qu'à  partir  de  i348. 
Ainsi  pas  d'autre  coupable  qu'un  faux  Vincent,  que  le  P'in- 
centiaster,  comme  dit  Echard,  le  faussaire  qui  s'est  avisé 
d'attaciier  à  un  assez  mauvais  recueil   un  nom  recomman- 
dable.  Quel  pouvait  être  le  motif,  le  but  d'une  telle  fraude.'' 
Nous  n'en  connaissons  bien  que  les  elltts.  Elle  a  nui  long- 
temps à  la  réputation  de  \incent  de  Beauvais  et  de  saint 
Thomas,  en   les  exposant  l'un  et  l'autre  à  l'accusation  de 
plagiat;  plus  encore  au  premier,  en  lui  attribuant  une  com- 
pilation misérable  qui,  à  côté  de  la  Somme  du  second,  ne 
peut  conserver,  quoi  qu'en  ait  dit  Echard ,  aucune  sorte  de      si-.  oi<i.  Pr 
valeur.  On  croit  qu'elle  nous  vient  d'un  moine  qui  sans  i.  i.p.aBi.ïTv!. 
doute  n'était  pas  Dominicain ,  puisqu'elle  devait  compro- 
mettre  l'honneur  de  deux  des  plus  illustres  membres  de 
cette  corporation  religieuse.  Echard  ajoute  que  le  faussaire 
était  probablement  un  Franciscain;  il  le  conclut  de  certains 
détails  du  Spéculum  m,orale,  qui  semblent  tendre  à  élever 
les  frères  Mineurs  au-dessus  des  Prêcheurs.  Il  eût  été  peut-      ,,  ,        , 
être  plus  sage  de  ne  poml  mêler  des  intérêts  ou  des  rivalités  iSi. 
de  corps  à  cette  discussion.  Peut-être  aussi  ce  moine,  quel 
qu'il  fût,  n'a-t-il  cru  commettre  qu'un  de  ces  innocents  ou 
pieux  mensonges  qui,  de  son  temps,  n'étaient  pas  si  rigou- 
reusement condamnés.  Il  se  sera  figuré  (|ue,  circonscrit  dans 
les  limites  de  ses  trois  parties  authentiques,  le  Spéculum, 
m,ajus  allait  demeurer  incomplet,  et  qu  on  ferait  une  très- 
bonne  œuvre  en  y  introduisant  une  partie  purement  théo- 
logique. Il  lui  aura  paru  tout  simple  de  la  composer  d'extraits 
des  cinq  ouvrages  que  nous  avons  désignés.,  et  qui  obte- 
naient beaucoup- de  crédit  au  commencement  du  xiv*  siècle. 
Pouvait-il  mieux  faire,  et  surtout  avoir  plus  tôt  fait.''  Après 
tout ,  la  plupart  des  livres  du  moyen  âge  ne  sont  que  des 

Tome  XVII L  Ppp 


XIII  si^.ci  r.. 


482  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

recueils  de  cette  espèce;  et  quand  loriffinalité  qui  constitue 
la  pleine  et  entière  propriété  des  compositions  littéraires, 
devenait  de  plus  en  plus  rare,  les  suppositions  de  noms 
d'auteurs  pouvaient  bien  ne  pas  sembler  de  très-graves  in- 
fidélités. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  n'aurons  plus  à  considérer  dans 
le  Spéculum  ma/us  que  ses  trois  parties  indiquées  par  |p 
véritable  prologue.  L'idée  générale  qu'on  peut  prendre  rie 
l'ouvrage,  c'est  que  sous  les  divisions  et  sous-divisions  d'un 
cours  d'études,  embrassant,  1°  le  spectacle  de  la  nature; 
2"  les  doctrines  humaines,  grammaticales  et  littéraires,  mo- 
rales et  politiques,  y  compris  la  jurisprudence,  mathéma- 
tiques et  physiques,  y  compris  la  médecine;  3"  l'histoire 
ancienne  sacrée  et  profane;  puis  l'histoire  moderne,  civile, 
littéraire  et  surtout  ecclésiastique,  Vincent  a  recueilli,  dis- 
posé, classé  une  multitude  presque  innombrable  d'extraits 
d'auteurs  orientaux,  grecs  et  latins,  en  y  entremêlant  quel- 

auefois  des  idées  ou  des  expressions  qui  lui  appartiennent, 
transcrit  les  textes  latins,  tels  qu'il  les  lit  ;  il  n  emploie  que 
des  versions  latines  des  textes  grecs  et  orientaux. 

Fabricius  a  inséré  dans  sa  Bibliothèque  grecque,  au  tome 
XIV de  l'édition  de  1718a  1728,  une  liste  complètedes  livres 
deïoutgenre  cités  dans  le  seul  Spéculum  naturalc.  Elle  com- 
prend environ  35o  noms  d'auteurs  ou  titres  d'ouvrages;  et 
il  y  aurait  lieu  d'en  ajouter  près  de  cent  autres  qui,  non  cités 
dans  ce  premier  Spéculum,,  le  sont  dans  le  doctrinale  et 
dans  Xhistoriale.  On  ferait  même  beaucoup  plus  d'additions 
à  ce  catalogue,  si  l'on  tenait  compte  des  textes  anonymes 
transcrits  ou  abrégés  par  Vincent,  et  des  articles  qu'il  em- 
prunte aux  actes  des  maityrs,  aux  légendes  hagiographi- 
ques, aux  actes  des  conciles,  aux  recueils  de  décrétales;  et 
cependant  on  serait  encore  loin  d'avoir  indiqué  d'une  ma- 
nière assez  précise  toutes  les  sources  où  il  a  puisé;  car  il  y 
en  a- plusieurs  que  l'insuffisance  ou  l'inexactitude  des  do- 
cuments, les  homonymies,  les  pseudonymies  et  d'autres  ■ 
ambiguïtés  rendent  aujourd'hui  fort  difficiles  à  reconnaître. 
C'était  à  ses  éditeurs  qu'il  appartenait  d'entreprendre  sur 
ce  sujet  un  travail  général ,  l'un  de  ceux  qui  pourraient  le 
mieux  servir  à  l'histoire  littéraire  du  xiii^  siècle,  et  même 
aussi  des  précédents.  On  y  prendrait  une  idée,  non  seule- 
ment de  l'étendue  et  de  la  variété  des  lectures  de  Vincent 
de  Beau  vais,  mais  encore  des  ressources  qu'un  homme  stu- 


VINCENT  DE  BEAUVATS.  483 

dieux  pouvait  trouver  dans  les  bibiiotlieques  de  ce  temps,   

particulièrement  dans  celle  de  saint  Louis,  probablement 
la  plus  riche  qui  ait  été  mise  à  la  disposition  du  laborieux 
Dominicain.  Un  relevé  bien  exact  de  tous  les  ouvrages  et 
opuscules  qu'il  a  cités  pourrait  tenir  lieu,  comme  l'a  remar- 
qué M.  Petit  lladel,  d'un  catalogue  des  livres  que  le  saint  roi 
avait  fait  rassembler.il  est  à  regretter  que  ce  prince  ait,  par  i),ij||^^,h  ,"'  '^ 
son  testament,  partagé  une  collection  si  précieuse  entre  les  i3o. 
frères  Prêcheurs  de  Compiègne,  ceux  de  Paris,  les  frères 
Mineurs  de  Paris  et  les  Bénédictins  de  Royaumont;  et 
qu'elle  ne  soit  pas  restée  entière,  comme  premier  fonds  de 
la  Bibliothèque  royale  :  elle  y  serait  un  très-utile  monument 
de  l'état  des  plus  hautes  études  et  des  richesses  littéraires  de 
la  France  sous  ce  mémorable  règne. 

Le  tableau  sommaire  que  nous  joigiuub  ici  des  principaux 
écrivains  orientaux,  grecs  et  latins  (i),  mis  à  contribution 

(i)  Lwres  composés  en  langues  orientales.  (  Outre  la  Bible,  le  Talmud, 
les  livres  des  Ilabhins  ,  etc.)  — auteurs  niabes  :  WfrA'^nn,  Alljuinasar, 
Ilasi,  AUarabe,  Alchabitius,  Johannitius,  Hali,  Avicenne,  Algazel ,  Alcendi, 
Averrhoes 

Auteurs  grecs.  (Livres  attribués  à  Mercure  Trismégiste,  à  Esculape,  à 
Musée,  etc..)  Hésiode,  Homère,  Alcman ,  Esope,  Thaïes,  Anaxi- 
inandre,  Pythagore,  Alcmœon,  Heraclite,  Parménide,  Anaxiniène,  Eni- 
pédocle  ,  OccUus  Lucanus,  Eschyle  ,  Anaxagoras,  Protagoras,  Gorgias  , 
Archytas  de  Tarente,  Hérodote,  Sophocle  ,  Euripide  ,  Socrate  ,  Démocrite, 
Hippocrate,  Xénophon  ,  Clésias,  Platon,  Speusippe,  Eudoxe,  Pythéas , 
Aristote  ,  Démosthène,  Xénocrate  ,  Ménandre  ,  Théophraste,  Métrodore, 
Epicure  ,  Zenon,  Dioclès,  Praxagoras,  Erasistrate ,  Héraclitle  ,  Euclide, 
Ara  tus  ,  Eratosthène  ,  Hipparqiie,  Polybe  ,  Panaetius  ,  Nicandre  ,  Po- 
sidonius 

(Après  l'ouverture  de  l'ère  vulgaire.  )  Androniachus,  Dioscoride ,  l'his- 
torien Josèphe,  Ptolémée ,  Secundus,  saint  Polycarpe ,  saint  Justin, 
Hégésippe,  Galien,  saint  Irénée,  Clément  d'Alexandrie,  Origène,  Alexandre 
d'Aphrodisée,  Plotin ,  Porphyre,  Eusèbe,  saint  Athanase,  saint  Ephrem, 
saint  Basile,  Grégoire  de  Nazianze,  Evagre,  Grégoire  de  Nysse,  Themistius, 
Jean  Clirysostôine ,  les  historiens  Socrate  et  Sozomène,  Théodoret ,  Hé- 
sychiiis,  Jean  Damascène,  les  médecins  Théophile  et  Sérapion.  ... 

Auteurs  latins.  (  Avant  l'ère  vulg.  )  Plaute,  Ennius,  Caecilius,  Accius, 
Térence  ,  Caton  l'Ancien,  Jules-César,  Cicéron  ,  Nigidius  ,  Cornelius- 
Népos ,  Varron ,  Gallus ,  Tibulle  ,  Virgile,  Horace,  Ovide,  Manilius, 
Vitruve.  .  .  . 

(Ere  vulg.)  Columelle,  Valère-Maxirae,  Phèdre  (sans  le  nommer),  Lucain, 
i'erse,  Sénèque,  Pline  l'Ancien,  Mucianus,  Denys  l'Aréopagite,  Stace,  saint 
Clément  pape,  Pline  le  Jeune,  Juvénaj,  Quintilieii,  Quinle-Curce,.  .  .  saint 
Ignace  ,  le  jurisconsulte  Caius,  le  grammairien  Scaurus,  Suétone,  Justin, 
Aulugelle,  Apulée.  .  .  .  l'hérésiarque  Montan.  .  .  . 

P  pp  a 


XIIISIÈCLK. 


484  VINCENT  DE  BEAUVAIS 


par  Vincent,  offrira  un  grand  nombre  des  noms  restés  cé- 
lèbres dans  ces  trois  littératures,  surtout  dans  la  troisième. 
Toutefois  on  y  remarquera  l'absence  de  quelques  auteurs 
renommés  par  le  caractère  de  leurs  talents,  par  l'importance 
ou  l'étendue  de  leurs  œuvres;  chez  les  Grecs  :  Anacréon , 
Thucydide,  Denys  d'Halicarnasse,  Diodore  de  Sicile,  Stra- 
bon,  Lucien,  Pausanias,  Athénée,  Dion  Cassius,  Procope 
et  les  autres  historiens  byzantins;....  dans  la  littérature 
latine:  liUcrèce,  Catulle,  Tite-Live,  Tacite,  Mêla,  Silius 
Italicus;.  ...  au  moyen  âge:  Hincmar,  Luitprand ,  Fréde- 
gaire  ,  Glaber,  Jean  de  Sarisbéry,  Pierre  le' Vénérable, 
Othon  de  Frisingue,  Guillaume  de  Tyr,  Alain  de  Lille, 
Rigord ,  Guillaume  le  Breton,  Guillaume  d'Auvergne,  etc. 
II  est,  au  contraire,  d'anciens  ouvrages  qui  paraissent  avoir 
été  cités  pour  la  première  fois  dans  le  Spéculum  ninjus. 
iiiid.  !>:  iî5,  M.  Petit  Radel  désigne  comme  tel,  le  traité  d'architecture 
'^''-  de  Vitruve,  et  croit  pouvoir  y  joindre  les  lettres  de  Pline  le 

jeune  et  de  Symmaque,  les  poésies  de  Caipurnius  et  d'Avie- 

Les  jurisconsultes  Jules  Paul,  Papinien,  Ulpien,  Modestin  ;  — Solin,  Cai- 
purnius, Gargilius-Maitialis,  Tertullien,  saint  Cyprien,.  .  .  Clialciilius.  .  . 

Firmicus  Maternus,  saint  Hilaire,  le  pape  Ûaniase,  Maraire,  saint 
Amhroise,  Prudence,  saint  Paulin,  Rufus,  Vëgèoe,  Avienus,  Claudien. 

Macrobe,  Orose,  Palladius,  Symmaque,  Sulpice-Sévère  ,  saint  Jérôme, 
saint  Augustin,  Cassien,  saint  Léon  pape,  saint  Prosper,  Sedulius,  Sidoine- 
Apollinaire,  Martianus-Capella,  lepapeGélase,  Gennade,  le  prophète  Merlm.. 

Ennodius  ,  Doèce  ,  saint  Fulgence  ,  Fulgence-Planciadés  ,  Uenys-le-Petit, 
Cësaire  d'Arles  ,  Cassiodore  ,  Justinien  (  le  Digeste ,  le  Code  ) ,  saint  Maxime, 
Arator,  Grégoire  de  Tours,  Maximieu.  . .  . 

Saint  Grégoire  pape,  Isidore  de  Séville,....  Béda.  .  .  .  Turpin .  .  . . 
Alcuin.  .  .  .  Walafridus-Strabus,  Rhaban-Maur,  le  pape  Nicolas  l*""^,  Jean 
Scot-Erigène,  Haimon  ,  Anastase  le  Bibliothécaire. 

Gerbert  ou  le  pape  Silvestre  II ...  .  Pierre  Damien,  Papias,  Pierre  Hélie, 
Grégoire  VII,  Lanfranc,  Constantin  l'Africain, Platearius,  l'Ecole  de  Salerne.. 

Serlon,  Anselme  de  Cantorbéry,  Hugues  de  Cluny,  Sigebert,  Yves  de 
Chartres,  Hugues  de  Fleury,  Hildebert  du  Mans,  Hugues  de  Saint-Victor,^ 
Guillaume  de  Malmesbury,  Gratien  ,  Bernard  le  Chartreux,  saint  Bernard 
de  Clairvaux,  Guillaume  de  Conches,  Florin  ou  Thibauld ,  auteur  du 
Physiologus  ,  Pierre  Lombard ,  Thomas  Becket ,  Richard  de  Saint- 
Victor.  .  .  .  Pierre  le  Mangeur,  Bernard  de  Chartres;  Gauthier  de  Chà- 
tillon ,  auteur  de  l'Alexandréide;  les  papes  Alexandre  III,  Lucius  III, 
Célestin  III ,  le  jurisconsulte  Aizo.  .  .  . 

Pierre  de  Riga,  Geof'froi  d'Auxerre ,  Innocent  HI ,  Hélinand  ,  Jacques 
de  Vitry,  Grégoire  IX,  saint  Thomas  d'Aquin,  Raimond  de  Pennafort, 
Guillaume  de  Rennes,  Jean  de  la  Rochelle,  Michel  Scot.  .  . .  Total  254- 
Une  liste  complète,  comprenant  les  livres  anonym£s,ou  apocryphes,  ou 
mal  connus,  serait  presque  double. 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  485 

nus,  les  commentaires  de  Clialcidius  sur  Platon,  l«-s  écrits '_ 

(les  jurisconsultes  Caius,  Papinien ,  Ulpien,   Marcien,  He- 
)  ennius,  Modestin  ,  et  le  livre  De  siniplici  Medicind  de  Pla- 
tearius ,  médecin  de  l'ëcole  de  Saierne.  Gilles  de  Corbeil  aviiit      j)e  vinuiibn» 
fait  mention  de  ce  traité;  mais  Vincent  en  a  donné  de  longs  mediraminum  , 
extraits  qui  ont  servi  à  en  compléter  les  éditions.  C'est  lui-  ^P'^'','-«'.Y'>pr.  p. 
même   qui   nous  a   conservé,  entre   autres   opuscules   du 
moyen  âge,  la  relation  du  voyage  d'Ascelin  et  de  Simon  de 
Saint-Quentin  en  Tartarie;  la  Vie  de  Marie  d'Oignies,  par      Geit.eion    r 
Jacques  de  Vitry,  et  des  notices  sur  plusieurs  saintes  femmes  i,  p.  l^^■,  i.  ii, 
(lu  pays  de  Liège.  On  ne  connaîtrait  pas  sans  lui  un  très-  P- Ai,  <>:,  *» 

J  U         J      I  '  J  '1  -1  •  I      ^  Hisl.liller.de 

grand  nombre  de  légendes  qu  ]i  a  pris  la  peine  de  transcrire,  i^  f,.  ci-jessus 
<'t  qui  ont  passé  de  son  recueil  dans  celui  des  Bollandistes.  p.  222-224. 
Les  productions  de  ce  genre  ou  des  genres  les  plus  voisins 
(le  celui-là ,  sont,  à  vrai  dire,  à  peu  près  les  seules  dont  la 
conservation  soit  due  à  ses  soins.  Il  ne  nous  a  transmis 
en  entier  aucun  opuscule  classique  grec  ou  latin.  Il  a  du 
moins  donné  des  extraits  de  plusieurs  livres  perdus;  et 
l'on  doit  reconnaître  que,  par  les  citations  considéral)Ies 
qu'il  a  faites  des  versions  ou  des  textes,  il  a  contribué  plus  que 
personne  au  moyen  âge,  à  inspirer  le  goût  de  rechercher  et 
d'étudier  les  monuments  de  ces  deux  littératures.  Mais  pour 
mieux  apprécier  les  services  qu'il  a  rendus,  pour  mieux  dis- 
cerner les  sources  diverses  de  l'instruction  si  vaste  qu'il  avait 
acquise,  et  qu'il  a  entrepris  de  répandre,  il  faut  examiner 
dU  j)arcourir  au  moins  ses  trois  recueils. 

Le   premier  est  intitulé  en   certaines  copies  :  Spéculum 
m  Hexenieron  libris  32,  ex  dictis  innumerabiliiim  tam  chris- 
tianorum  quam  gentilium.  Il  se  compose  en  effet  de  Sa  livres, 
et  les  œuvres  des  six  jours  de  la  création  en  déterminent  le 
plan  général  que  Touron  retrace  en  ces  termes  :  «  Après      yj^,  d^hom- 
«  avoir  traité  cle  l'existence  et  de  l'unité  de  Dieu,  de  la  tri-  mes  iii.dei'ord. 
<(  nité  des  personnes  divines,  de  la  génération  ineffable  du  ^^  '•  Do^'oiq- 
«  Verbe,  de  la  procession  du  Saint-Esprit,  des  attributs  et  '"  '    "'P'^'*- 
«  des  noms  divins,  l'auteur  parle  du  ciel  empyrée  et  des 
(c  anges.  Il  considère  ensuite  la  matière  informe  et  la  création 
«  de  ce  monde  visible;  et  en  expliquant  fouvrage  des  six 
(c  jours,  il  examine  par  ordre  la  nature  et  les  propriétés  de 
«  tous  les  êtres  que  la  volonté  souveraine  du  Créateur  a  tirés 
«  du  néant.  Il  parle  des  forces  et  des  puissances  de  l'ame , 
a  des  sens,  des  parties,  de  toutes  les  facultés  du  corps  hu- 
it main  ;  du  travail  et  du  repos  que  l'vEcriture  attribue  à  Dieu, 

1   4 


Paris,   1821,  iu- 


486  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

Xill  SIECLE.  I      I      T'i-    ■    '     I  ■■  Il  I-    ■  I 

«  de  la  lelicite  du  paradis  terrestre,  de  la  condition  de  nos 

«  premiers  parents  dans  l'état  d'innocence,  de  leur  chute  et 
<f  de  la  peine  qui  suivit  leur  dësobéissani  e.  A  cette  occasion, 
tt  il  traite  assez  au  long  delà  corruption  du  genre  humain, 
n  de  la  nature  du  péché,  de  sa  malice  et  de  ses  différentes 
«  espèces.  Venant  ensuite  à  la  réparation  de  Ihomme  par 
«  les  mérites  du  Rédempteur,  il  ne  laisse  rien  de  ce  atie  la 
«  théologie  nous  enseigne  touchant  la  grâce,  la  vertu,  les 
«  dons  du  Saint-Esprit  et  les  béatitudes.  » 

Cet  exposé  ne  montre  guère  que  la  partie  théologique  de 

l'ouvrage,  il  annonce  à  peine  les  longs  détails  d'histoire  na- 

P»n    172-174  turelle  qui  en  remplissent  plus  des  deux  tiers.  M.  de  Foitia, 

<lii    Ncmv.  bvslo-  ,      1         .  •       !•  I     •  I        '      '    1  I 

mu  de  BibiioRi.  pour  les  mieux  indiquer,  a  traduit  ou  alirege  tes  titres  des 
ai|>ii;iiiéii.i.i''eci.  32  Uvres,  et  n'v  a  joint  que  le  nombre  des  chapitres  que 
chaque  livre  contient.  Une  indication  détaillée  de  ces  chapi- 
tres eût  été  interminable;  car  on  en  compte  dans  le  volume 
entier  3718,  et  leurs  titres,  réduits  à  la  plus  simple  expres- 
sion dans  l'une  des  tables  de  l'édition  de  Douai ,  y  occupent 
60  colonnes  in-folio. 

La  Bible,  les  Pères  de  l'Eglise  et  les  théologiens  fourni:;seiit 
les  matériaux  du  livre  1*"^,  qui  traite  du  Créateur,  des  trois 
personnes  divines,  des  anges  bons  et  mauvais,  de  leur  hié- 
rarchie et  de  leurs  ordres.  La  théologie  peut  revendiquer 
aussi  les  47  derniers  chapitres  du  second  livre,  lesquels  110 
concernent  que  les  démons  et  l'origine  du  mal  moral.  Mais 
les  87  premiers  offrent  une  sorte  de  physique  générale  ou 
génésique.  Ils  ont  pour  sujets,  la  création,  les  atomes,  le 
chaos,  la  lumière,  les  couleurs  et  les  ténèbres,  l'œuvre  du 
1*"^  jour.  On  a  remarqué  dans  le  chajntre  yS  les  lignes  où 
il  est  dit  que  les  meilleurs  miroirs  .sont  ceux  de  verre  et  de 
plomb.  Intel-  omnia  nielius  est  spéculum  ex  vitro  et  plumho, 
quia  vitruTïi  propter  Ironsparentiam  nieliits  lecipit  radios , 
plunibum  non  habet  humidwn  soluhile  ab  ipso ,  unde  quandb 
superfunditur plumbwn  vitro  calido,  siccitas  vitri  calidiabs- 
trahit  ipsum ,  et  efjicitur  in  altéra  parte  terminatuni  valdè 
radiosum.  Ces  mots  ,  qui  sans  doute  sont  de  Vincent  lui- 
même,  puisqu'il  ne  dit  pas  qu'il  les  emprunte,  ont  donné 
lieu  de  croire  qu'il  existait  au  xiii'  siècle  quelques  miroirs 
semblables  aux  nôtres. 

Les  livres  III  et  IV  correspondent  à  la  seconde  journée. 
Création  du  firmament,  du  ciel  aqueux  ou  cristallin,  des 
sphères  célestes;  notions  d'astronomie  et  d'ontologie  rela- 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  487 

XIU  SIÈCLE. 

tives  au  mouvement,  au  temps  et  à  réternité,  au  lieu  et  à   • 

lespnce.  On  y  peut  discerner,  surtout  en  ce, qui  concerne 
le  temps,  quelques  tentatives  d'analyse  philosophique.  Il 
s'ai^it  ensuite  du  feu ,  de  1  ether  et  de  l'air,  du  son  et  de  l'echo, 
fies  vents  et  des  tempêtes;  des  pluies,  de  la  neige,  de  la  gelée 
et  de  la  glace,  de  l'éclair  et  du  tonnerre,  des  étoiles  tom- 
bantes, de  l'arc-en-ciel ,  de  la  rosée  et  de  la  manne,  du 
brouillard,  de  la  fumée,  des  vapeurs,  des  odeurs  et  de  la 
température.  C'est  un  traité  assez  méthodique  de  météoro- 
logie, emprunté  le  plus  souvent  d'Aristote  et  des  Questions 
naturelles  de  Sénèque,  mais  qui  finit  par  des  considérations 
sur  l'atmDsphère  caligineuse  que  les  démons  habitent,  en 
attendant  qu'ils  soient  précipités  dans  le  barathrum,  en 
exécution  du  jugement  dernier. 

Le  y  jour  où  Dieu  créa  les  eaux  et  la  terre,  fournit  seul 
la  matière  de  dix  livres,  savoir  du  5"^  et  des  9  suivants.  Après 
avoir  recueilli  dans  le  livre  V  ce  qu'avaient  enseigné  les 
philosophes  et  les  théologiens  sur  la  nature  et  les  propriétés 
des  eaux,  sur  l'amertume  de  celles  des  mers,  sur  le  flux  et 
reflux  de  l'Océan ,  sur  les  rapports  de  ces  phénomènes  avec 
les  lunaisons;  ce  qu'ils  disaient  des  déluges,  des  fontaines, 
des  fleuves,  des  débordements  du  Nil,  des  lacs,  des  puits, 
des  citernes  et  des  bains,  l'auteur  entreprend  une  plus 
longue  description  de  la  terre,  l'énuraération  de  ses  richesses 
minérales  et  de  ses  productions  végétales.  Il  la  représente 
comme  un  globe  placé  au  centre  du  monde,  et  devant  avoir 
25o,ooo  stades  de  circuit,  selon  Eratosthène  et  Macrobe.  Spei.  nai.roi. 
Le  soleil  qui  tourne  autour  d'elle,  à  une  distance  exprimée  ^''^■ 
ici  par  les  mots  quadragies  octies  centena  millia  stadio- 
rum  (i),  parcourt  dans  les  cieux ,  en  une  heure,  un  espace 
qui  correspond  à  10,000  stades  du  circuit  terrestre,  et  qui 
serait  de  plusieurs  milliers  de  lieues  dans  l'orbite  solaire. 
Vincent  distingue  les  5  zones  ,  les  5  cercles  qui  les  séparent , 
et  les  climats  qu'elles  comprennent.  Bientôt.,  n'envisageant 
plus  que  la  construction  physique  du  globe  terrestre,  il  parl^ 
des  monts,  des  vallées,  des  îles,  des  tremblenjenfcs.  de  terxe 
et  des  pestes  qu'ils  amènent,  ainsi  que  l'a  expliqué  Sénèque. 
Les  notions  qu'il  continue  de  rassembler  appartiennent  aux 
genres   d'études   que  désignant   aujourd'hui  les  noms  de 

(i)   4«Soo,uoo  stades ,  ou  3a,ooo,ooo,  selon  qu'on  additionne  quadra^ie» 
et  oclies ,  ou  qu'on  les  multiplie  l'un  par  l'autre  :  4o+8  ou  4o  X  8. 


488  VINCENT  DE  BEAUVAIS 

XlJl  SiÈCLE. 

géologie,  d'agriculture,  d'horticulture,  de  minéralogie,  de 

ibid. col /28.  chimie  ou  d'alchimie.  La  transmutation  des  minéraux  est, 
à  ses  yeux,  un  art  [jresque  aussi  positif  que  l'agricul- 
ture :  PoTTO per  artem  alchirniœ ,  dit-il,  transmutantxir  cor- 
pora  niineralia  à  propriis  speciebus  ad  alius ,  prœcipue 
metalla.  Hœc  auteni  scientia  oritur  ah  illâ  parte  naturalis 
philosophiœ  quœ  est  de  mineris ,  sicut  agricultura  ab  illà 
qiiœ  est  de  plantis.W  admet  un  5^  élément,  savoir,  la  v.ipeur 
terrestre,  intermédiaire  entre  lair  et  l'eau.  Quant  aux  opi- 
nions qu'il  embrasse  ou  qu'il  rapporte,  en  parlant  de  l'or, 
de  l'argent,  du  cuivre,  du  fer  et  de  bien  d'autres  substances 
métalliques,  ce  sont  là  des  détails  dans  lesquels  nous  ne 
pouvons  nous  engager  avec  lui.  Nous  ferons  seulement  re- 
marquer un  chapitre  sur  les  monnaies,  où,  après  avoir  rapi- 
dement tracé  l'histoire  de  celles  des  Romains,  il  regrelte  les 
temps  où  les  échanges  se  faisaient  en  nature:  MuUb  felicius 
Ibidcoi.  ,62.  œvunijuit  cuni  res  ipsce  permutabantur  inter  se.  Ce  qu'il  dit 
des  p'erres,  des  carrières ,  du  sable  et  de  la  chaux ,  cîu  por- 
phyre et  du  marbre,  de  l'aimant  et  du  diamant ,  du  1 11x0  des 
pierreries,  etc. ,  est  emprunté  de  Pline,  d'Isidore  de  Séville, 
et  surtout  d'un  poëme  latin  du  moyen  âge,  intitulé  le  Lapi- 
daire. Il  en  transcrit  plus  de  3oo  vers,  et  ne  les  attribue 
point,  comme  on  l'a  fait  depuis,  sans  trop  de  raison,  à 
i'évêque  de  Rennes,  Marbode.  Suit,  dans  les  livres  IX-XIV, 
un  traité  des  plantes  qui  se  compose  de  quelques  notions 
de  physiologie  végétale,  ou  de  considérations  sur  la  géné- 
ration des  plantes,  sur  leurs  sexes  ,  sur  les  feuilles,  les  fleurs 
et  les  fruits;  puis  de  8  dictionnaires,  plus  ou  moins  étendus, 
de  botanique.  Il  vaudrait  mieux  qu'il  n'y  en  eîit  qu'un  seul, 
il  y  aurait  moins  de  confusion  et  moins  de  redites.  Mais 
l'auteur  a  voulu  en  faire  un  pour  les  végétaux  incultes ,  un 
pour  ceux  qui  naissent  dans  les  jardins  et  les  champs  cul- 
tivés, un  pour  les  arbres  des  forêts,  un  pour  les  arbres 
fruitiers,  etc.  Il  a  recocnmencé  l'ordre  alphabétique  des  no- 
menclatures et  des  descriptions,  autant  de  fois  qu'il  a  distin- 
gué ou  imaginé  de  classes  particulières.  Un  des  ouvrages  le 
plus  fréquemment  cités  dans  cette  partie  àw  Spéculum  natu- 
rale ,  est  le  poème  de  Viribus  Herbarum ,  qui  porte  le  nom 
de  Macer,  mais  qui  assurément  ne  saurait  être  le  livre 
qu'avait  composé,  sur  ce  même  sujet,  ALmihus  Macer, 
contemporain  de  Virgile  et  d'Ovide. 

Créés  le  4*  jour,  le  soleil  et  la  lune  sont  les  objets  immé- 


VINCENT  DE  BEAU  VAIS.  489 

<liatstlu  XV*  livre  de  Vincent,  ou  il  est  question  plus  gêné 

ralemeiit  des  astres,  des  étoiles,  de  celle  qui  conduisit  les 
trois  rois  mages,  i\es  comètes,  des  planètes,  des  éclipses,  du 
zodiaque,  des  saisons,  et  des  divisions  du  temps  en  heures, 
jours,  semaines,  mois,  années  et  cycles.  Ce  livre  est  un 
abrégé  d'astronomie  apparente,  et  de  chronologie  technique 
ou  de  la  science  cultivée,  au  moyeu  âge,  sous  le  nom  de 
coin  pu  t. 

Ees  oiseaux  et  les  poissons,  œuvres  du  5*  jour,  compa- 
raissent dans  les  livres  XVI  et  XVII,  où  des  observations 
générales  sur  l'organisation  de  chacune  de  ces  deux  classes 
d'animaux,  sur  leurs  sexes,  Irurs  œufs,  leurs  reproductions, 
sont  accompagnées  des  dictionnaires  de  leurs  difierentes 
espèces;  d'une  part,  depuis  l'épervier,  ^"fccipiter,  jusqu'au 
vautour,  Tiiltur;  de  l'autre,  depuis  le  hareng,  Halex  ou 
Alex,  G\.\'An'i\x\\\^.  .4n8:uilla,  jusqu'au  veau  marin.  Vincent 

,.  ,  ^.  'Il  II  Al.      aiiguslo 

indique   la  saison  ou  les   harengs    paraissent,  et  parle   de  a.i  .lecembiem. 

l'usage  où  l'on  était  déjà  de  son  temps,  de  les  saler  et  de  les 

envoyer  au  loin.  L'article  de  chaque  animal  comprend  des 

avis  sur  les  usages  qu'on  en  peut  faire  en  médecine;  et  il  en  a 

été  de  même,  dans  les  livres  précédents, à  l'égard  de  beaucoup 

d'espèces  végétales.  Les  notices  de  Vincent  sont,  ainsi  que  l'a      „i^,  jesPois- 

remarqué  Cuvier,  plus  précises  et  plus  correctes  que  celles  sons,  t. i,j.. 35. 

d'Alberl-le-Grand  II  a  de  meilleures  copies  de  Pline;  il  sait 

mieux  tirer  parti  des  Origines  d'Isidore  de  Séville.  Il  emploie 

surtout  un  traité  anonyme  de  la  Nature  des  choses,  qui  n'est 

connu  que   par  ses  citations,  et  dont  l'auteur  paraît  avoir 

observé- immédiatement  plusieurs  faits. 

Les  œuvres  du  6*  et  dernier  jour  furent  les  animaux  ter- 
restres et  l'homme.  Les  quadrupèdes  domestiques,  auxquels 
s'applique  la  dénomination  de  Pecora ,  sont  décrits  par 
Vincent  dans  son  XVIII*  livre,  et  rangés  aussi  par  ordre 
alphabétique,  à  commencer  par  l'agneau  et  à  finir  par  la 
vache  et  le  veau.  Ceux  qu'il  a  réservés  pour  le  livre  XIX,  il 
les  appelle  Bestiœ  ou  Ferœ,  en  expliquantà  sa  manière  l'ori-  •'^i'""  "»••  ™'- 
gineet  le  sens  de  ces  termes  :  Bestiarum  vocabulum propriè  '^**^" 
convenit  leonibus ,  parais ,  tigribus ,  lupis ,  vulpibus ,  canibus 
ac  simiis ,  ac  cœteris  quœ  vel  ore  vel  unguibus  sœviunt ,  ex- 
ceptis  serpentibus.  Bestiœ  autem  dictœ  sunt  à  viquâ  sœviunt; 
férse  vero  sunt  appellatœ ,  eo  quod  desiderio  suo  ferantur, 
naturali  utentes  libertate  :  libéré  enim  hùc  Uliic  vagantur, 
et  quo  animus  duxerit ,  ebferuntur.  On  voit  que  les  chiens 

Tome  Xr  [II.  Q  (|  q 

1  t,  ♦ 


49<i  VINCE.NT  DE  BEAU  VAIS 

Xlll   SIKCI.E 


sont  rangés  dans  cette  classe,  où  se  trouvent  aussi  les  castors, 
les  éléphants,  les  ours,  et,  sous  le  titre  particulier  de  minuta 
bestiœ ,  les  rats,  les  belettes  et  les  taupes.  Peut-être  le  livre 
XX,  qui  traite  des  reptiles  et  des  insectes,  a-t-il  été  rédigé, 
recommencé  à  diverses  reprises;  car  les  deux  séries  alpha- 
bétiques qu'il  doit  présenter,  sont  fort  irrégulières.  Mais  on 
y  peut  remarquer  ça  et  là  quelcpies  aperçus  d'anatomie  com- 
l!<i<i.<.  I  ',62.  parée  :  Serpentiuin  intestina  et  interiora  siinilia  sunt  quadru- 
pedum   ovantiuni ,  etc.. 

Trente-cinq  chapitres  sont  employés  à  la  description  et  à 
l'histoire  naturelle  des  abedies.  Maio  c'est  Aristote  qui  fournit 
les  meilleurs  articles  de  ce  livre  XX  et  des  quatre  précé- 
dents, ainsi  que  du  XXI*^et  du  XX [F,  consacrés  aux  géné- 
ralités de  la  science  zoologique.  Membres  et  organes  des 
animaux  ;  la  tète,  le  cerveau,  les  yeux,  les  narines,  les 
oreilles,  la  bouche,  les  dents,  le  gosier,  la  poitrine,  le 
cœur,  les  poumons,  l'estomac,  les  intestins,  les  pieds,  les 
parties  génitales,  la  queue,  les  téguments,  les  os,  le 
sang,  etc.  Fonctions  et  affections  animales  :  la  nourriture 
et  la  digestion,  les  sensations,  la  voix,  le  sommeil,  les 
appétits,  les  amours  e(  les  haines,  les  sexes,  la  génération, 
les  sécrétions,  le  lait,  les  accroissements,  les  décroissements 
et  la  mort. 

Le  traité  de  l'homme  embrasse  son  ame  et  son  corps,  et 
par  conséquent  se  divise  en  deux  parties:  la  psychologie, 
qui  occupe  les  livres  XXIII  à  XXVII,  et  l'anatomie,  qui  est 
contenue  avec  la  physiologie  dans  le  XXVIIP.  Mais  il  con- 
vient d'observer  que  plusieurs  articles  qui  auraient  pu  appar- 
tenir à  la  deuxième  partie  se  sont  rattachées  à  la  première. 
En  effet,  après  avoir  exposé  les  doctrines  philosophiques  et 
théologiques  relatives  à  l'origine  de  l'ame,  à  sa  nature,  à  son 
union  avec  le  corps  et  a  son  immortalité,  l'auteur  envisage 
les  forces  vitales  dont  elle  est  douée;  il  la  représente  comme 
le  principe  de  la  vie   corporelle,  et  lui  attribue  ainsi  une 
influence  directe  et  constante  sur  la  digestion  et  la  nutrition, 
sur  les  develo|>pements  des  organes  et  sur  la  reproduction 
de  l'espèce  humaine.  Le  livre  XXV  est  un   méthodique  et 
même  instructif  traité  des  cinq  sens,  et  du  sens  commun  où 
aboutissent  et  se  concentrent  les  impressions  qu'ils  reçoivent. 
Des  questions  plus  difficiles,  celles  qui  concernent  la  veille, 
le  sommeil  et  les  songes,  les  visions  angéliques  et  démonia- 
ques, l'extase,  le  ravissement,  l'esprit  prophétique,  sont  trai- 


XIU  SIf.CI.K. 


VINCENT  DE  BEAU  VAIS.  49' 

tées  ou  aboidéfs dans  le  livre  XXVI  ;  et  le  suivant  est  destiné 
à  rendre  compte  des  forces  ou  facultés  intellectuelles,  que 
les  philosophes  ont  appelées  mémoire,  raison  et  conscience; 
puis  des  facultés  ou  affections  morales  qui  se  nomment 
concupiscence,  irascibilité,  volonté,  libre  arbitre  et  pas- 
sions. \  incent  n'omet  point  les  discussions  relatives  aux 
espèces  intelligibles  et  à  l'intellect  agent  ou  universel,  que 
certains  métaphysiciens  distinguaient  de  l'ame  humaine,  et 
dont  ils  faisaient  une  substance  angélique  ou  même  divine. 
Ce  qu'il  a  recueilli  sur  ces  matières  obscures  est  principale- 
ment tiré  d'Albert-le-Grand  et  de  Jean  de  la  Rochelle:  il 
])arait  n'avoir  aucune  connaissance  des  écrits  de  Guillaume      ^""^l*^'"''**" 

',1  .  .       ,  ,      .  (.  f     r-.>       .  sus  p.  i  17-  i85. 

d  Auvergne,  qui  s  en  était  pourtant  tort  occupe.  IJ  autres 
auteurs,  Isidore  de  Séville  et  les  médecins  Dioscoride  , 
Constantin  l'Africain  ,  Rasi ,  Avicenne,  iburnissent  au  livre 
XXVIII  une  description  détaillée  du  corps  humain,  à  peu 
près  en  cet  ordre  :  les  membres,  les  os,  les  ligaments,  les 
muscles,  la  chair,  le  sang,  la  peau,  les  poils,  les  cheveux 
et  la  barbe;  le  cerveau,  les  yeux  et  les  oreilles;  la  bouche, 
les  lèvres  et  la  langue;  le  cœur  et  le  diaphragme;  l'appareil 
digestif,  estomac,  intestins,  foie,  fiel  et  rate;  les  organes 
prolifiques  et  génitaux;  puis  la  tête,  le  cou  ,  les  épaules  ,  le 
dos  ;  les  bras,  les  mains  et  les  doigts  ;  les  genoux  et  les  pieds; 
les  joues  el  la  physionomie.  Voilà  bien  des  titres  de  chapitres; 
mais  nous  en  omettons  davantage. 

Toutes  les  œuvres  des  six  jours  ayant,  été  ainsi  étudiées 
ou  expliquées,  le  Spéculum  naturale  semble  fini  ;  mais  le  7* 
jour,  le  jour  du  repos,  est  le  sujet  d'un  XXIX^  livre,  où  l'au- 
teur se  demande  en  quel  sens  et  de  quelle  manière  tout  était 
bien,  si  rien  ne  pouvait  être  mieux,  pourquoi  il  avait  fallu 
six  journées  pour  créer  le  monde,  pourquoi  Dieu  s'est  reposé 
le  7*;  comment  les  miracles  s'accordent  avec  l'ordre  constant 
de  la  nature,  le  libre  arbitre  avec  les  prédestinations  et  les 
volontés  divines;  quelles  ont  été  les  causes  du  péché  originel 
et  de  la  chute  des  anges  ;  pourquoi  tant  de  réprouvés  et  si 
peu  d'élus.  Les  réponses  à  ces  questions  sont  empruntées 
des  théologiens  les  plus  célèbres,  saint  Augustin  ,  saint  Jean 
Damascène,  saint  Bernard,  Pierre  I^ombard ,  Hugues  de 
Fleury  :  ce  n'est  qu'une  série  d'extraits. 

On  croirait  encore  l'ouvrage  terminé,  et,  à  vrai  dire,  les 
trois  derniers  livres  ne  peuvent  être  considérés  que  comme 
des  appendices.  Il  s'agit  dans  le  XXX*  de  la  nature  des  êtres 

Qqq2 


4^2  VINCENT  DE  BEzMJVAIS. 

^ et  surtout  de  celle  de  l'homme,  de  la  formation  d'Adam  et 

d'Eve,  du  paradis  terrestre,  du  mariiige,  de  la  jjolyf^amie,  de 
la  virginité,  des  tentations  et  des  suites  du  péclie  originel; 
dans  le  XXXI*',  de  la  génération,  de  l'influence  des  astres  sur  la 
conception,  du  fœtus,  de  l'infusion  de  lame,  de  l'avortement 
et  des  monstres,  de  l'accouchement,  de  fallaitement ,  duse- 
vrage,  des  quatre  tempéraments,  des  âges,  de  la  santé,  îles 
maladies  et  de  la  mort.  C'est  une  sorte  d'histoire  naturelle 
de  la  vie  humaine,  qui,  ce  semble,  aurait  pu  trouver  sa  place 
dans  le  traité  de  Ihomme,  sous  le  sixième  jour  de  la  créa- 
tion. Le  XXXU^  livre  erdin  traite  des  lieux  et  des  temj)s.  Il 
contient,  d'une  part,  une  notice  des  trois  parties  de  la  terre, 
l'Asie  ,  l'Europe  et  l'Afrique  ;  des  mers  et  des  îles  qui  les  envi- 
ronnent; de  l'autre,  un  tableau  des  quatre  âges  de  l'ancien 
monde,  un  précis  de  l'histoire  universelle  jusqu'à  l'an  laSo; 
et  l'ouvrage  se  termine  par  des  considérations  sur  le  futur 
avènement  de  l'antechrist ,  sur  la  fin  et  le  renouvellement  de 
l'univers;  sujet  que  l'auteur  traitera  de  nouveau,  et  plus  au 
long,  à  la  lin  de  son  Spéculum  historiale. 

Nous  venons  de  voir  qu'il  achevait  \e  naturelle  en   12Ô0, 

environ  cent  ans  après  la  mort  du  cordelier  Guillaume  de 

Conciles,    fun    des  auteurs   qu'on    y   trouve    le    plus    fré- 

Aupaïai.sacer.  (jucmmeut  cités.  Posseviu  attribue  à  ce  fière  Mineur  une 

1. 1, Wadd. Scr.  explicatiou   de    l'œuvre  des  six  jours    en  33  livres,   dit-il, 

ora.Min.p.  i5i.  ^^  iip^  jg  3^   Sauf  Cette  inexactitude,  ce  serait  le  recueil 

— Scr.  ord.Prac-  ,  ■      •  1  ai     ■       n  • 

<iie.  t.  i.p.  a35.  même  qui  vient  de  passer  sous  nos  yeux.  Mais  Possevin  en 
a  jugé  par  des  textes  qui  sont  transcrits  dans  quelques-uns 
de  ces  32  livres,  et  qui  appartiennent  en  effet  à  Guillaume 
de  Couches,  dont  les  véritables  ouvrages  ont  été  indiqués 
Hisi.iiiier.de  daiis  l'uH  de  nos  volumes  précédents.  Le  Miroir  naturel  n'a 
laFr. I.  xn,p.  '3^i^  livres  qu'en  comptant  pour  un  le  prologue  authentique 
où  Vincent  de  Beauvais  s'en  déclare  expressément  l'auteur; 
fait  d'ailleurs  établi  par  tant  de  témoignages  et  de  docu- 
ments, que  l'erreur  de  Possevin  ne  mérite  pas  une  réfutation 
sérieuse. 

Nous  avons  maintenant  à  ouvrir  le  Spéculum  doctrinale, 

Tilresdes  17  qui  u'cst  guère  égal  en  étendue  qu'aux  deux  tiers  du  natu- 

livres,  ei  nom-  raie,  ct  qui   n'a  que   17  livres,  comprenant   en  tout  2374 

bredeschapiires  chaijitres.  Après  avoir  exposé  comment  l'ignorance  et   la 

lie  chaiMie    livre  I  r  rn  ^       j  -l'j'Ai  •.  'Il 

dans  la  Bibiiogr.  concupisceoce ,  cttets  du  pèche  d  Adam,  ont  amené  le  besoin 
aifab.de  M.  d«  d'uuc  iustruction  réparatrice  de  tant  de  dommages  et  de 

Koriia,  p.  175,    jj^sordres,  l'auteur  retrace  quelques-unes  des  définitions  et 

176,177  '  T      ^ 


Mil    SlKCl.F.. 


VINCENT  DE  UEALVAIS.  4^3 

flivisioiis  de  la  philosophie  ou  des  sciences  soit  théoriques 
soit  pratiques.  II  n'en  fait  hii-même  aucune  classilication 
précise.  C'est  aussi  d'une  manière  assez  vague  qu'il  parle  des 
sectes  ou  écoles  philosophiques  :  toutefois  il  nomme  les  py- 
thagoriciens, les  stoïciens  ,  les  académiciens,  les  platoniciens, 
les  péripateticiens.  Ses  réflexions  sur  les  métliddes  à  suivre 
dans  l'enseignement  et  dans  les  études  sont  fort  vulgaires, 
c|uand  elles  ne  sont  point  empruntées.  Cependant  il  arrive  à  la 
grammaire,  la  plus  élémentaire  des  sciences,  et  l'inteipiète 
de  toutes  les  autres.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  rcmanjuable  dans 
ce  F""  livre,  c'est  un  dictiotniaire  qui  remplit  -x-^.  chapitres, 
depuis  le  4'^^'^  jusqu'au  (ij'^  et  dernier,  et  qui  présente  de 
courtes  interprétations  d'environ  3î>.oo  mots  :  Ahavus,  pater 
avi.  .  .  Accola,  vicinus ,  vel  noi'us  cultor,  z^el  alieniis ; iinde 
quidam  :  Accola  non  propriam ,  propriam  colit  incola  ter- 
rain.  .  .  Zoa ,  vita  ;  zodia  grœcc  signa  ,  inde  zodiacus.  '>ijerui..iocii. 
Le  deuxième  livre  est  une  grammaire  très-détailiee ,  tirée  "'''  '^"•^c  'H. 
en  grande  partie  de  Priscien  ,  d'Isidore  de  Séville  et  de  Pierre  '"'■  ^7-»" 
Héiie.  Elle  commence  par  des  notions  relatives  aux  lettres 
hébraïques,  grecques  et  latines,  et  à  l'emploi  de  ces  lettres 
pour  exprimer  des  nombres.  Les  chapitres  suivants  concer- 
nent les  éléments  physiques  du  langage,  les  voix  et  les  arti- 
culations, les  syllabes  que  les  unes  et  les  autres  concourent 
à  former;  l'aspiration,  l'accent,  la  quantité,  et  les  autres 
accidents  compris  sous  le  nom  de  prosodie.  En  expliquant 
les  éléments  du  discours  ou  les  parties  d'oraison,  l'auteur  les 
présente  dans  cet  ordre:  noms  substantifs,  noms  adjectifs, 
verbes,  pronoms,  prépositions,  adverbes  et  conjonctions.  Il 
distingue  entre  les  substantifs,  les  noms  propres  et  les  noms 
communs;  dans  les  adjectifs,  les  degrés  de  comparaison; 
dans  tous,  les  genres,  les  nombres,  les  cas  ou  déclinaisons; 
et  parmi  les  nominatifs,  ceux  qui  se  terminent  soit  par  l'une 
des  5  voyelles  ,  soit  par  une  consonne.  L'analyse  du  verbe 
occupe 45  chapitres  où  sont  exposées  sa  nature,  ses  espèces, 
ses  conjugaisons,  les  formes  diverses  par  lesquelles  on  joint 
à  l'expression  d'tm  état  ou  d  un  acte,  celle  de  la  personne 
ou  des  personnes,  du  temps  absolu  ou  relatif,  et  même 
des  rapports  à  établir  entre  les  éiionciations.  Vincent  et  les 
grammairiens  qu'il  cite,  s'appliquent  aussi  à  caractériser  le 
pronom,  à  reconnaître  ses  véiitables  espèces  ,  à  le  distinguer 
des  articles  de  la  langue  grecque  et  de  quelques  adjectifs 
latins  auxquels  la  dënomiuation  de  pronoms  a  été  souvent 


4o4  VINTRNT  DE  BEAU  VUS. 

VlIlSlt.CLE.      ,' 

ëteiirlue.  A|)rès  des  observations  du  même  genre  sur  les  pré- 
positions, les  adverbes  et  les  conjonctions ,  ce  livre  se  termine 
par  une  syntaxe  beaucoup  trop  succincte,  et  pourtant  un 
peu  confuse,  oii  il  est  parle  de  l'analogie,  de  la  construction, 
de  l'orthographe,  (le  l'écriture,  de  la  prononciation  ,  du  bar- 
barisme et  du  solécisme,  des  figures  de  mots  et  d(î  jjensées, 
des  tropes  et  de  l'allégorie.  A  propos  de  l'écriture,  \  incent 
fait  observer  que  le  bec  de  la  plume  doit  être  fendu  en  deux  ; 
division  qui,  st^loti  lai,  est  une  image  de  celle  de  l'ancien  et 
du  nouveau  Testament  :  Penna  m'is  ciijus  ncunien  in  duo 
dwiditur; .  .  .  ci-edo  propter  Diy.stci-iiini,  ut  in  duobus  apicihus, 
l().,i  (.  ao;      velus  et  novitni  Tcstainentiim  sii^naretur. 

Le  livre  llf  est  une  logi(pie  divisée  en  3  parties,  la  dialec- 
tique, la  rhétorique  et  la  poétique;  ou  les  arts  de  raisonner, 
de  parler  vt  il'écrire  en  prose  et  en  vers.  On  n'a  que  trop 
sépare  dans  les  temps  modernes  ces  arts  intellectuels  qu'A- 
ristote  avait  rapprochés.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  dialectique  de 
Vinrent  est  toute  scolastique;  elle  traite  en  ()8  chapitres 
des  univcrsaux  ,  des  catégories,  îles  propositions,  des  argu- 
ments à  chercher  ilans  les  lieux  comtnuns,  intrinsèques  et 
extrinsèques;  des  syllogismes,  des  définitions  ,  des  divisions 
et  des  sophismes.  La  rhétorique  n'a  que  dix  chapitres,  et  ne 
consiste  qu'en  not'ons  vulgaires  jjuisées  dans  Boèce  et  Isidore 
de  Séville,  plus  que  dans  Cicéron  et  Quintilien.  Si  la  poé- 
tique a  un  peu  plus  d'étendue,  c'est  parce  que  1  auteur  y 
insère  2<)  fables  ([u'il  attribue  à  Esope,  et  dont  quelques- 
"■'•'   '    ^'»"-  unes,  onze  au  moins  (i),  se  retrouvent  dans  le  recueil  publié 

'^  ■  sous  le  nom  de  Phèdre,  Vincent  ne  nomme  point  ce  fabuliste, 

et  ne  le  copie  pas  littéralement;  mais  des  variantes,  plus  ou 
moins  noudjreuses,  n'empêchent  pas  de  reconnaître  beau- 
coup d'expressions  oiiginales  d'un  même   texte  (2).  Nous 

(i)  Lupus  et  Agniis.  —  Léo  et  Socii.  ^  Lupus  et  Grus.  —  Cervus  ad 
Fontein.  —  (^orvus  et  Vulpes.  —  Mons  parturiens.  —  Graculus  siiper- 
bus.  —  Formica  et  Musca.  —  Rana  rupta.  —  Vulpes  et  Uva.  —  Canis 
et  Lupus. 

(2)  Longèque  inferior  Agnus.  —  Turbasti  niihi  aquam  bibenti.  —  A  te 
ad  me  decunit.  —  F.ictis  partibus  Léo  :  ego  piimus  {^sic  )  tollo  quia  Léo,  etc. 
Sicque  totaiii  illaiu  prsdaiii  sola  iniprobitas  abstulit.  —  Ingrata  est  illa  Grus 
quœ  caput  imohmiis  exiulit  et  nieneilem  sibi  postulat.  —  Cum  de  fenestra 
Corvus  occasioiie  caseuiii  r.iperet...  O  Corve  ,  pennaruiu  tuarum  quàm 
niagnus  est  nitor!  Si  vocem  clarani  liabuisses,  nulla  prii>r  avis  fuisset.  .  . 
Dolosa  Vulpes  ,  avidiiis  i.ipuit.  Tuuc  stupcns  Corvus  iiigenuiit  ac  deceptus 
pd'iiituit.  —  Graiidus  peiinas  pavonum  quae  ceciderant  sustulitet  indè  se 


VINCi:.NT  DE  Bi:  Ali  VAIS.  49D 

rencontrerons  à  peu  près  le  même  nombre  rrapologucs  dans 
le  Specu/um  historiale.  Ceux  qui  se  lisent  iei  simt  suivis  de 
notices  peu  instructives,  qui  ont  pour  objets  la  mytiiologie, 
les  compositions  liistoriques,  et  de  nouveau  les  iigures  de 
mots  et  de  pensées. 

A  ces  enseignements  littéraires,  succèdent  immédiatement 
des  doctrines  morales  qui  se  divisent  en  trois  sections  :  la 
monastitpie,  l'économique,  la  politique.  Le  nom  de  irionas- 
tique  désigne  la  science  des  mœurs  personnelles  de  chaque 
liomme,  considéré  comme  chargé  de  sa   propre  conduite, 
il  s'agit  de  lui  apprendre  à  maîtriser  ses  passions,  à  se  pré- 
server des  vices  ou   à  s'en  guérir.  On    lui   recommande  la 
pratique  des  quatre  vertus  caidinales,  cpioique  l'une,  savoir 
la  justice,  suppose  des  rapjiorts entre  un  homme  et  ses  sem- 
blables. Mais  la  monastique  n'exclut  que  les  règles  qu'il  peut 
avoir  à   suivie   comme   chef  ou  administrateur  soit  d'une 
maison  soit  d'une  cité.  Aussi  est-il  ici  (piestion  de  la  conduite 
privée  et  des  habitudes  individuelles  fies  princes  mêmes, 
aussi   bien   que  des  sujets,  des   serviteurs  et   des  esclaves. 
D'autres  préceptes  ou  conseils  spéciaux  sont  adressés  aux 
enfants,  aux  jeunes  gens,  aux  vieillards.  Ce  traité  renferme 
des  articles  sur  divei  s  rapports  sociaux  ,  particulièrement  sur 
l'amitié,   puis  sur  la  bonne  et  la   mauvaise  fortune,  enh'n 
sur  la  mort  et  la  vie  future.  Cette  monastique  est  donc  une 
partie  considérable  de  la  morale.  Elle  est    la  matière  des 
livres  IV  et  ^    où  les  détails,  Ibrt  variés  sans  doute,  sont 
trop  souvent  incohérents  et  un   peu  confus.  Du  reste,  les 
citations  de  textes  en  prose  et  encore  plus  en  vers,  rem- 
plissent presque  entièrement  ces  deux  livies.  Platon,  Xéno- 
phon ,  Cicéron ,   saint  Augustin,   Hoèce,   cinquante  autres 
écrivains,  y  compris  vingt  ])oètes,  nous  y  donnent  tour  à 
tour  de  sages  leçons.  Il  n'y  a  guère  que  la  distribution  des 
détails,  que  les  titres,  et  parfois  quehpies  lignes  des  chapi- 
tres, qui  appartiennent  au  Dominicainde  Beauvais. 

L'économique,  c'est-à-dire  1  économie  domestique  et  rurale, 
est  le  sujet  du  VP  livre.  Le  père  de  fatniHe  y  apprend  quels 
sont  ses  droits,  ses  intérêts,  ses  devoirs;  quelles  obligations 
lui  imposent  ses  qualités  d'époux,  de  père  et  de  maître;  quels 

oniavit ,  suosque  contemnere  cœpit  t-t  grcgi  pavommi  se  iiiiscuit.  At  illi 
ignoto  et  iiiipudenti  pcnnas  eripiunt.  ...  Ad  propriiim  genus  redire 
timuit,  etc. 


Mil  Ml(  IT. 


vin  sif.ci.K 


496  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

soins  il  doit  prendre  de  son  habitation  et  de  ses  propriétés; 
comment  il  convient  de  régir  une  maison  de  ville,  une 
maison  des  ehamps.  Des  leçons  d'agriculture  et  d'horticul- 
ture se  reproduisent  ici  avec  plus  de  développement  et  de 
méthode  que  dans  les  livres  VI  et  X  du  Spéculum  nntnrale. 
Elles  embrassent  les  praticpies  à  observera  l'égard  des  grains, 
des  arbres,  des  fruits,  des  vignes,  des  eaux,  des  bestiaux, 
des  abeilles  ,  et  s'appliquent  successivement,  comme  chez 
Palladius,  à  chaque  mois  de  l'année. 

Les  livres  Vil,  VIII,  l\  et  X  du  Spcculuni  doctrinale 
appartiennent  à  la  politique;  mais  c'est  en  comprenant  sous 
ce  nom  la  iuiisj)ru(len(e,qui  en  occupe  la  plus  grande  partie. 
Un  exposé  fort  incomplet  de  la  théorie  des  gouvernements, 
des  pouvoirs  et  des  devoirs  du  prince,  du  magistr.it,  de 
l'honune  d'état,  est  principalement  puisé  dans  le  r»'gime 
civil  et  militaire  des  Romains.  Il  se  termine  par  la  distinc- 
tion (les  deux  puissances,  la  séculière,  et  la  pontificale  dont 
Vincent  n'hésite  point  a  proclamer  la  supériorité.  Sicut  crgb 
r  I  5-  potestati  seculari  prœcelht  potestas  ecclcsiaslica, ....  patet 

quod  et  prœcepta  canonuin  sU'e  decretoruni  pontijicaliuin 
prafevetida  sunt  cdictis  et  legibus  irnperatoruin ,  ut  innuit 
Grdtianus.  Il  s'engage  aussitôt,  et  dès  le  chapitre  34  du  livre 
VII,  dans  l'étude  des  lois.  Il  distingue  trois  espèces  de  droit: 
le  naturel,  le  coutumier  et  le  positif;  et  après  avoir  jeté 
quelques  regards  sur  les  lois  de  la  Grèce  et  de  Rome,  sur 
celles  de  l'Eglise,  sur  les  codes  civils  et  religieux,  il  traite 
du  régime  judiciaire,  des  fonctions  qu'ont  à  rem[)lii-  les 
juges,  les  avocats,  les  procureurs;  puis  de  l'état  des  per- 
sonnes appelées  en  jugement;  ensuite  des  choses,  de  la 
possession  des  biens,  des  contrats,  des  testaments,  des 
échanges.  Au  livre  Vlll,  il  s'agit  des  causes,  des  actions  ,  des 
procédures  et  des  sentences  en  matière  civile  et  criminelle. 
Les  détails  sont  très-multipliés;  et,  quoique  pris  dans  les 
livres  et  les  lois  des  âges  précédents,  ils  peuvent  servir  à 
l'histoire  de  l'administration  de  la  justice  au  xiu*  siècle. 

La  simonie,  l'hérésie,  le  parjure,  les  sortilèges,  les  sacrilèges, 
les  infidélités  et  les  exactions  dans  le  paiement  des  dîmes, 
l'inobservation  des  jours  de  fête  et  des  jours  de  jeûne;  en  un 
mot,  les  offenses  à  Dieu  ou  à  la  religion,  et  les  peines  qu'elles 
encourent,  sont  la  matière  du  livre  IX,  essentiellement  com- 
posé dextîaits  des  décrétales  et  des  sommes  juridiques  de 
Raimond  de  Pennafort  et  de  Guillaume  de  Rennes.  C'^st  en 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  4f)7 

MIISIKCI-K. 

puisaii!:  aux  mêmes  sources  et  a  quelqties  autres,  que  Vincent 

a  recueilli  dans  le  X*  livre  les  règles  à  suivre  pour  juger  et 
punir  les  attentats  à  l'ordre  social,  ou,  ainsi  qu'il  l'annonce, 
les  crimes  commis  contre  le  prochain  :  Diclo  de  crirninihus 
qiiœ  coiiiiiiittuiitiif  priiicipalUcr  in  Deiiin,  restât  de  his  quœ  i'"'  ">i.,s,<î^ 
specialitev  in  proxiniuni.  Ces  crimes  sont  l'Iiomicide,  ses 
diffiériMites  espèces,  y  compris  les  duels;  le  rapt,  l'inceste, 
l'adullèn',  le  viol  et  la  fornication,  le  vol,  l'incendie,  le  pillage, 
les  extorsions  et  concussions,  l'usure,  la  fraude,  le  faux  té- 
moignage, les  injures  et  les  autres  actes  nuisibles  à  autrui. 

J^a    monastique,   l'econotniquc   et    la    politicjue   sont  des 
sciences  prati(]ues  qui  enseignent  à  vivre  avec  sagesse,  etsans 
lesquelles  l'ordre  social  ne  se  maintiendrait  pas.  Àlais  Vincent 
reconnaît   ce  même  caractère  pratique  en  des  sciences  ou 
des  aits  d'un  tout  autre  genre,  qui  contrihuetit  a  l'entretien, 
au  boidieur  ou  aux   douceurs  de   la  vie  humaine.  Il  en  va 
parler  dans  le  Xl^   livre,  où   il  considère  d'abord   les  arts 
auxquels  l'homme  doit  ses  vêtements  et  ses  parures.  Il  nous 
entretient,  en  second  lieu,  des  édifices  privés  ou  publics, 
profanes  ou  sacrés,  civils  ou  militaires.  I/exposé  fies  princi- 
j)aux  procédés  de  ces  diverses  architectures  est  suivi  de  la 
description   des  meubles   les  plus    usuels,  et  de    plusieurs 
espèces  d'armes   offensives  et    défensives.   Il  arrive  ainsi  à 
l'art  de  la  guerre,  qui  doit  l'ariêter  plus  long-lenqjs;  car  il 
veut  extraire  des  anciens  auteurs,  spécialement  de  \  égèce , 
ce  qu'ils  ont  dit  de  plus  remarquable  sur  l'organisation  et 
la  discipline  des  armées,  sur  les  marches,  les  campements, 
les   batailles,   les  sièges  et  les    machines.  La  mention  qu'il 
fait  de    la    milice   navale,    le   conduit   à    Cie^   notions    plus 
générales  concernant  l'art  nautique.  11  appelle   Theatrica , 
théatri(|ue,    l'art    de    bâtir  et  d'orner  les  théâtres,  les  cir- 
(|ues,  les  arènes,  et  de  les  employer  à  des  représentations 
scénirjues,  à  des  exercices  gymnastique».  Après  avoir  em- 
prunté d'Isidore  île  Séville  queltjues  notions  sur  la  chasse 
et  la  |)êche,il  revient  encore  à  l'agriculture,  et  indique,  plus 
qu'il  ne  décrit,  certains  instruments  aratoires.  Les  arts  chi- 
miques, réunis  sous  le  nom  d'Alchin)ie,  occupent  les  29 
derniers  chapitres  du  livre  XL  L'auteur  y  fait  une  nouvelle 
énumération  des  métaux  et  de  plusieurs  autres  substances 
ou  produits,  comme  le  verre  ,  l'alun  ,  les  sels,  les  huiles,  etc. 
Ce  sont  des  sujets  qu'il  a  déjà  traités  au  livre  VI  de  son  Spé- 
culum naturale. 

Tome  XV 111.  Rrr 


MIISIKCI  F,. 


.\c)S  VINCKNT  DE  BKAU\  AÏS. 

lin  abrégé  des  sciences  métlicales  commence  avec  le  XII'' 
livre  du  Miroir  doctrinal,  et  i^e  linit  cju'avec  le  XV.  Après 
avoir  donné  une  idée  générale  de  l'art  du  médecin,  l'auteur 
s'applique  à  recueillir  des  jnéeeptcs  d'hygiène,  il  dit  (piels 
soins  exige  la  conservation  de  la  santé  en  chacune  des  quatre 
saisons  de  l'année;  (|uels  sont  Us  moyens  d'entretenir  la 
force  ou  l'état  normal  'decha(|ue  organe;  tpiel  régime  spécial 
convient  à  <  ha(|ue  âge,  à  charpie  profession.  Cette  hygiène 
est  suivie  d'une  sorte  de  medeiine  domtsticpie  ,  guérissant 
les  indispositions  communes  parties  rernèiles  simples,  dont 
\  inceiit  de  Beauvais  enseigne  l'usage,  et  cpi'il  t-iiumère  briè- 
vement par  oiilie  alphabétique.  De  là  il  passe  à  la  chirurgie, 

iIimI  .  i2",)  qu'il  divise  en  trois  parties  :  Prima  in  vcnis,  secunda  in  carne, 
tertia  in  ossibus ;  c'est-à-dire,  premièrement  la  saignée;  en 
deuxième  lieu,  les  ventouses,  les  cautères,  et  le  pansement 
des  |jlaies;  tioisièmement ,  la  réduction  d«'s  fr.ictures.  11  a 
laisse  peut-être  un  peu  de  eonfusion  flans  ce  qu  il  nomme, 
au  livre  XIII.  la  metlecine  théorique.  Après  y  avoir  parle 
des  4  éléments,  des  4  tempéiaineiits,  des  4  humeurs  et  de 
la  génération,  il  compile  des  notions  datiatomie,  de  phy- 
siologie et  de  pathologie,  oii  les  préceptes  hygiéniques  et  les 
pratupies  médicales  s'entremêlent  fort  souvent  à  la  sim[)l(? 
théorie.  Mais  le  livre  Xl\  présente,  d'après  les  inéde(  ins 
arabes,  une  nosologie  as^ez  méthodi(jue,  bien  que  fort  in- 
complète. Les  fièvres  de  tout  genre,  les  maladies  de  la  tête 
et  de  chacune  de  ses  parties,  les  maladies  de  la  poitrine  et 
relies  des  organes  digestifs,  1  hydropisie,  la  jaunisse  et  beau- 
coup d'autres  souffrances  humaines  y  sont  énum<*rées  ou 
décrites  avec  indication  de  leurs  causes,  de  leujs  symp- 
tômes et  de  leurs  progrès.  Là  se  terminerait  la  doctrine 
médicale  de  Vincent  ,  s'il  n'avait  étendu  ce  titre  sur  le 
XV<^  livre,  qu'il  a  consacré  à  la  physique  ou  à  la  philosophie 
naturelle  considérée  comme  une  branche  de  la  médecine 
théoricjiie.    La  physique  est  définie  par   lui    la  science  qui 

Ibkir  1371  révèle  les  causes  invisibles  des  choses  visibles.  Il  y  a  des 
corps  naturels  et  des  corps  artificiels  :  c'est  des  premiers 
qu'elle  fait  ^on  étude;  elle  recherche  leurs  propriétés.  Pour 
les  reconnaître  toutes,  et  surtout  les  médicales,  l'auteur  re- 
vient à  l'examen  descjuatreeléments  ;  il  se  rengage  mêmedans 
les  discussions  relatives  au  lieu,  au  temps  et  au  mouvement; 
il  recommence  une  esquisse  de  la  figure  de  la  terre  qui , 
selon  lui,  avait  été  créée  plane  et  ronde,  sans  montagnes  ni 


VINCENT  DE  BEAm  Aïs.  49,^ 

,,,-,,.,.                     ,                                                   "  '      Mil  sikci  1 . 
valiees.  Voulant  taire  usHj:,e  des  nouveaux  renseignements 

qu'il  a  |)uises,  soit  dans  les  récits  de  Jacques  (le\  itry,  soit  en 
u  autres  livres  tomlies  depuis  peu  entie  ses  mains,  il  reparle 
des  pierrrs  prériinses,  et  en  redii^e  un  (iictioiuiiui'e  depuis 
le  diam.int,  yt damas,  jusqu'à  la  topaze.  Suivent  des  obser- 
vations concernant  les  eaux  ,  l'air,  le  leu  ,  le  soleil  et  les  pla- 
nètes. Il  fait  remanjuer  dans  la  luiu;  dix  propriétés  (lui, 
selon  lui  ,  conviernient  |)artaitement  à  la  sainte  \ieri;eii): 
Liinœ  dcceni pioprictates .  .  .  specialitercoiweniiintbcntissiDKc 

I  ircrini.  Apiès  avoir  repi'oduit  ce  (lu'ii  a  dit  ailh-irsdu  cin-       ,,    , 
quieme  élément,  vapeur  intermédiaire  entre  I  an  et  I  eau,  il    iv,", 
décrit  aussi  dereclief  les  météores,  les  métaux,  les  [)lantes. 

les  esi)èees  animales,  il  réappelle  par  ordie  alpliabetKjue  les 
quadrupèdes,  puis  les  reptiles,  puis  les  i:isectes,  ensuite  les 
poissons,  enfin  les  oiseaux;  mais  en  uoiinant  a  ces  divers 
détails  moins  d'étendue  que  dans  le  Miroir  naturel.  Les  sept 
derniers  chapitres  du  livre  XV  du  Doctrii  al  font  également 
reparaître  l'Iionimt;  envisaj^é  dans  ses  dillerents  âges,  dans 
l'état  de  veille  et  de  sommeil  ,  dans  les  vicissitudes  de  la  vie 
qui  ahoutissent  à  la  mort. 

Le  livre  XVI  traite  des  mathématiques  et  de  la  métapriy- 
sique;  rapprochement  remarquable,  auquel  le  second  de  ces 
genres  d'études  aurait  eu  beaucoup  plus  à  gagner  que  le 
premier.  Alfarabe  distingue  huit  sciences  mathémati(jues  ; 
l'arithmétique,  l'algèbre,  la  géométrie,  la  perspective,  l'as- 
tronomie, la  musique,  la  métrique  ou  la  science  des  poids 
et  mesures,  et  la  science  des  esprits,  c'est-à-dire  la  métaphy- 
sique. \  inceut  de  lîeauvais  suit  cet  ordre,  mais  en  omettant 
l'algèbre,  et  en  plaçant  la  nmsique  après  l'arithmétique.  Il 
expose  la  théorie  des  nond)res,  et  indique  les  opérations 
dont  ils  sont  les  objets,  y  compris  l'extraction  des  racines. 

II  a  une  ;  onnaissance  précise  des  chiffres  arabes  et  du  calcul 
décimal  :  liwentœ  siinl  lun'ern  Jtgunv  talcs  :  1,2,  'i,  /|,  j,  6, 

y,  8,  9.  Quœlibet  in  primo  loco  ad  dcxtrarn  posita  signi-       ii,,,i  ,   ,  ,,„, 
fîcat  uiiitatcni  vel  unitates ;  in  secundo,   denariuni  vel  de- 

l^i)  Ces  dix  propriétés  sont  exprimées  par  ces  six  vers  : 

Huinoruin  mater  soiisque  réfrigérât  x>stum. 
Eeclipsim  patitur,  Phœl)0  faciente  retessum. 
Unie  sol  dut  lumen,  teiiebras  de  nocte  relidit. 
Illustrât  mundum,  sol  pristina  quando  revisit. 
Inter  planetas  inagis  hase  terrae  propiavit. 
Crescit,  decrescit,  candet,  tempus  média  vit. 


Xlli   ^IKCI.F. 


5oo  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 

narios  ;  in  tertio  ,  centenariuni  vcl  centenanos  ;  in  qufirto , 
rnillenartutn  vel  miltennrios ;  et  ut  hre^dis  (oqunr,   quœlibet 
figura  posita  in  secundo  loco  sif^nificat  .decies  magis  quant  si 
esset  in  primo ,  et  decies  ningis  in  tertio  quant  in  secundo,  et 
sic  in  infinituni.   Cependant   il   fiiit  observer   que   ees   iieiii 
caractères  ne  serviraient  pas  à  exprimer  le  iiomlire  dix,  et 
il  en-eif;ne  l'usafife  d'une  dixième  fii^ure,  savoir  <lu  zéro.  In- 
venta est  if>itur  décima  figura  talis ,  se.  o.  iSihilque  repré- 
sentât, sedj'acit  aliani  figurant .  .  .  decupiiint  significare,  etc. 
Plusieurs  occidentaux  avaient  connu  et  eni|)loye  les  cliillres 
aiabes  avant  le  milieu  du  xui*" siècle;  mais  en  voilà  le  système 
nettement  exposé,  ])oui'  la  première  (ois  |)eut-être,  dans  un 
livre  écrit  en  l'rance.  (Je  chapitre  tlu  moins  n'est  emprunté 
d'aucun  autre  ouvraj;;e;  il  est  précédé  du  mot  auctor.  Les  ad 
qui   le  suivent,   concernent  la  musique,   sa   puissance,  ses 
effets,  ses  espèces;  les  sons,  les  tons,  les  mesures,  Iharmo- 
nie  et  la  mélodie,  la  voix  humaiîie  et  les  instruments.  La  {géo- 
métrie n'occu[)e  que  sept  chapitres,  (|ui  renferment  toutefois 
les  axiomes  sur  les(piels  cette  scieiict!  repose;  les  définitions 
du  point ,  de  la  ligne,  de  la  surface  et  des  solides,  de  l'angle, 
du  triangle,  du  cercle,  du  quadrilatère,  et  particulièrement 
du  curé;  puis  du  cube,  de  la  sphère,  du  cylindre,  du  cône 
et  de  la  pyramide,  avec  quelques-uns  des  théorèmes  qui  s  y 
rattachent,  et  quelques  notions,  pareillement  élémentaires, 
sur  la  mesure  des  distances,  des  aires  et  des  capacités.  La  pers- 
pective tient  encore  moins  de  place,  même  en  y  comprenant 
ce  que  l'auteur  cfit  des  rayons  visuels  directs,  refléchis  ou 
réfractés.  Ces  derniers  aperçus  appartiennent  à   l'optique, 
science  qui  n'est  point  nommée  dans  ce  livre,  et  qui   n'y 
figure    pas    autrement,    non    plus    que    la    mécani(|ue,  au 
rang  des    mathématiques    appliquées.    L'astronomie   arrête 
un  peu  plus  long-temps   les   regards  de  Vincent.  Il  ne  la 
confond  point  avec  l'astrologie,  dont  il  ne  paraît  pas  faire  un 
très-grand   cas,  et  qu'il   n'efface  pourtant  pas  absolument 
du   tableau  des  connaissances  humaines.  Seulement  il  lui 
laisse  assez  peu  de  consistance ,  lorsqu'il  refuse  à   chaque 
planète,  prise  à  part,  toute  influence  sur  la  géfiération  et 
les  destinées  des  hommes  et  des  choses,  pour  n'accorder 
d'efficacité  qu'à  l'actiou  commune  de  tous  ces  grands  corps. 
Il  réduit  la  métrique  à   un  petit  nombre  de  définitions 
vagues  des  poids,  des  mesures  et  des  monnaies;  il  n'établit  pas 
d'unité  fondamentale,  et  ne  s'applique  point  à  déterminer 


XllI  SIKCLE. 


VIjNCExNT  de  13KAUVAIS.  5oi 

rxactement  les  rapports.  La  métaphysique  avait  bien  plus 
d'attraits  pour  les  (locU-urs  dont  il  était  le  contemporain  et 
le  disciple  ou  l'émule;  et  l'on  doit  leur  savoir  ^ré  desellorts 
qu'ils  se  sont  commandés  pour  éclaircir  les  idées  les  plus 
abstraites  de  l'entendement  humain,  pour  démêler  et  fixer 
le  sens  des  expressions  les  plus  générales  du  langaji^e  :  être, 
substance,  principe,  élément,  nature,  puissance,  acci- 
dent, etc.  Tel  est  le  sujet  des  ai  chapitres  par  lesfjuels  se 
termine  le  livre  XVI  du  Doctrinal.  Il  n'y  est  point  question 
de  Dieu  ni  de  l'ame;  le  nom  de  métaphysique  n'y  corres- 
pond (ju'à  la  science  appelée  ailleurs  ontologie,  qui  serait 
l'une  (les  plus  utiles  études,  si  elle  obtenait  les  résultats 
aux()uels  elle  aspire,  ou  même  si  elle  y  tendait  par  une  mé- 
thode rigoureuse. 

I.e  dix-se[>ti(me  et  dernier  livre  est  purement  tliéolo-  n.i.i  ^.  ,5/ 
gique  :  J'ost  metaphysicam  ac  cœteras  injcriores  scientias , 
tani  practicas  quant  theoricas ,  quœ  à  gentilihus  et  paganîs 
ini'entcr  siint ,  ad  ultirnitni  de  theologid  latiùs  dicendum 
restât.  iM.dgré  la  promesse  ou  la  menace  que  le  mot  latiits 
semble  expi  imer,  ce  livre  est  le  plus  court  de  tous.  Il  a  deux 
parties  :  la  première  est  destinée  à  montrer  la  vanité  de  trois 
théologies  antiques,  jadis  distinguées  par  Varron,  et  depuis 
léprouvées  par  saint  Augustin;  l'une  fabuleuse  ou  poétique, 
l'autre  naturelle  ou  philosophi(|ue,  la  3^  politique  ou  (  ivile. 
La  secoixle  partie  du  livre  a  pour  objet  Ki  religion  véritable, 
celle  des  juil's  et  des  chrétiens.  Vincent  n'entreprend  point 
d'en  exposer  et  d'en  prouver  les  dogmes;  il  lui  suffit  d'en 
montrer  les  sources,  qui  sont,  d'une  part,  les  saintes  Écri- 
tures; (le  l'autre,  les  docteurs  de  l'Eglise  qui  les  ont  expli- 
quées. Il  se  met  donc  à  rédiger  des  notices  de  tous  les  livres  de 
1  ancien  et  du  nouveau  Testament;  et  à  l'égard  de  l'ancien,  il 
ne  riîanque  pas  de  faire  mention  de  la  version  grecque  des 
Septante,  miraculeusement  composée:  Singuli  in  singulis 
celluUs  separati,  ita  omnia  per  Spiritum  Snnctuni  interpre-  ibij.,-  ,5,6 
lati  sunl ,  ut  nihil  in  alicujus  eorum  codice  inventum  esset, 
quod  à  cœteris  vel  in  verborum  ordiiie  discreparet.  Les  dé- 
tails où  il  entre  ensuite  sur  38  écrivains  ecclésiastiques, 
depuis  le  pape  saint  Cléraejit  jusqu'à  Hugues  et  Richard  de 
Saint- Victor,  peuvent  servir  à  l'histoire  littéraire;  car  il 
joint  à  des  notes  sommaires  sur  l'époque  et  la  vie  de  chacun 
d'eux,  les  listes  des  ouvrages  qu'ils  ont  laissés,  ou  qui  leur 
sont  attribués;  et  à  la  suite  de  ces  auteurs,  il  en  place  4(> 
autres  dont  il  ne  cite  que  les  noms. 


r,o2  VINCENT  DE  BE\UVAIS. 

XIII  siÉci-t  Q,i  ^  pyi  remarquer  dans  le  Spéculum  doctrinale  plusieurs 
articles  déjà  traités  dans  le  naturale.  Il  s'en  faut  que  les  ma- 
tières de  l'un  et  de  l'autre  soient  aussi  distinctes  que  l'an- 
nonce le  prologue  qui  leur  est  commun.  Le  Miroir  naturel 
ne  devait  réfléchir  que  la  nature,  ne  divait  retracer  que  les 
connaissances  (ju'elle  nous  offre  im^nédiatement  :  (elles  que 
nous  acquérons  par  l'étude,  et  qui  portent  la  qualilicjitioii 
de  scieiitiHques,  étaient  réservées  au  Miroir  doctrinal.  Mais 
sans  parler  des  dogines  surnaturelletnent  révélés,  des  sys- 
tèmes philosophiques,  des  détails  techniques  et  historicpies, 
dont  le  Spéculum  n  .tiirale  se  trouve  parsemé,  le  tableau 
même  de  la  nature,  tel  qu'il  le  présente,  dépasse  de  beau- 
coup la  mesure  dune  instruction  purement  naturelle,  ob- 
teruie  sans  étude  et  sans  enseignement.  Il  est  bien  vrai  qu'on 
peut  distinguer  trois  ordres  de  connaissances  humaines,  et 
que  le  premier  consiste  dans  les  faits  qui  frappent  nos  sens, 
et  se  font  en  quelque  sorte  apercevoir  d'eux-mêmes;  mais 
ce  genre  de  notions  directes  et  communes  demeyre  toujours 
beaucoup  plus  resserré  qu'on  ne  pense.  Il  ne  se  développe 

aue  par  des  observations  attentives,  des  rapprochements, 
es  recherches  ou  analyses;  deuxième  ordre  d'instruction 
qui  suppose  l'emploi  des  facultés  intellectuelles  les  plus 
actives,  et  qui  prend  le  caractère  de  science,  ou,  pour 
parler  comme  Vincent,  de  doctrine.  Le  troisième,  carac- 
térisé par  le  nom  d'art,  applique  la  science  aux  besoins 
et  aux  plaisirs  de  la  vie;  il  fait  aboutir  les  théories  à  des 
pratiques  nécessaires  ou  utiles  ou  commodes,  qui  bientôt 
contribuent  à  rectitier  ou  à  étendre  ces  théories  elles-mêmes. 
Il  V  a  ainsi  dans  presque  toutes  les  branches  de  nos  connais- 
sances, soit  physiques,  soit  morales,  trois  séries  distinctes 
de  notions,  de  pensées  ou  de  concv^ptions,  mais  qui,  par 
leur  nature  même,  tendent  à  s'unir  et  à  se  confondre.  Il 
n'est  presque  aucun  livre,  ancien  ou  moderne,  où  elles  ne 
s'entremêlent;  et  l'on  ne  doit  pas  s'étonner  que  Vincent 
n'ait  pas  réussi,  autant  qu'il  se  le  promettait,  à  les  séparer 
dans  les  siens,  composés  presque  toujours  d'extraits  de 
tant  d'autres.  C'est  ainsi  qu'il  a  dû  être  plus  d'une  fois 
ramené,  dans  son  second  recueil,  aux  sujets  qu'il  avait 
entaniés  ou  traités  dans  le  premier. 

Celui  dont  il  nous  reste  à  parler  semble  avoir  une  matière 
plus  spéciale,  puisqu'il  s'agit  de  l'histoire  positive  des  temps 
anciens  et  modernes,  jusqu'au  siècle  où  vivait  l'auteur.  Cepen- 


VLNCExNT  DE  BEAU  VAIS.  5o3. 

(lant,  si  nous  en  ouvrons  le  I"  livre,  de  quoi  Vincent  va-t-il  ^"'  ^'^^^cle. 
nous  entretenir?  de  l'unité  de  Dieu,  de  la  trinité  des  per- 
sonnes divines,  du  ministère  des  anges  et  de  toutes  les  œuvres 
(les  six  jouis,  de  l'ame  immortelle,  du  libre  arbitre  et  de  la 
I  onscience,  des  vertus  théologales  et  cardinales,  des  7  dons 
(lu  Saint-Esprit  et  des  n  béatitudes,  de  la  classification  des 
arts  et  des  sciences.  Ce  résumé  du  Spéculum  naturale  et 
d'une  partie  du  doctrinale  remplit  les  55  premiers  chapitres 
de  Xhistoriale.  Les  76  suivants  racontent  l'histoire  sainte, 
depuis  ,1e  péché  d'Adam  jusqu'à  la  mort  de  Joseph.  Ils  cor- 
lespondent  au  livre  de  la  Genèse,  mais  en  y  entremêlant  des 
détails  de  géographie  biblique,  des  notices  sur  les  origines 
de  l'idolâtrie,  sur  les  dieux  Apis  et  Sérapis,  sur  certains 
personnages  fameux,  tels  que  Ninus  et  Zoroastre;  sur  les 
Scythes,  les  Egyptiens  ,  les  Assyriens,  les  Sicyoniens,  le  tout 
avec  force  citations  de  livres  profanes  et  religieux,  au  nom- 
bre desquels  figurent  les  testaments  des  douze  patriarches. 
Telle  est  la  matière  du  I*""  des  3i  livres  dont  le  Miroir 
historial  se  compose,  et  qui  comprennent  en  tout3,7g3  cha- 
pitres. «  Ij'ouvrage  entier  contient,  selon  l'ordre  des  temps, 
«  dit  le  P.  Touron,  l'histoire  abrégée  de  tout  ce  qui  s'est      „      ■    ■ 

,    ,  ,  111  •      I  '       •  ■  1      ^  Hisl.  dcsnoin- 

«  passe  de  mémorable  depuis  la  création  du  monde  jusqu  au  mcsiii.  deioni. 

«  pontificat  d'Innocent  IV,   Vincent   y  décrit   d'abord   les  *''=*•  Domin.  1. 

«  commencements  de  l'Église  du  temps  d'Abel,  et  ses  pro-  ''  **  '^^'  "■''■ 

«  grès  ensuite  sous  les  patriarches,  les  prophètes,  les  juges, 

<f  les  rois  et  les  conducteurs  du  peuple  de  Dieu,  jusqu'à  la 

«  naissance  de  Jésus-Christ.  Il  suit  le  texte  sacré  et  les  écrits 

«  des  anciens  Pères,  pour  faire  l'histoire  des  apôtres  et  des 

«  premiers  disciples  du  Sauveur.  Les  belles  actions  et  les 

a  paioles  célèbres  des  grands  hommes  de  l'antiquité  païenne 

«  trouvent  leurs  places  dans  son   traité  historique.  Il   n'a 

«  point  oublié  de  marquer  les  commencements  des  empires, 

a  des  royautnes,  des  autres  grands  états,  leur  gloire,  leur 

«  décadence,  leur  ruine,  les  successions  des  souverains,  et 

«  ce  qui  les  a  rendus  illustres,  soit  dans  la  paix,  soit  dans 

(c  la  guerre.  Mais,  en  historien" chrétien,  Vincent  de  Beauvais 

«  s'étend  davantage  sur  ce  qui  appartient  plus  particuliè- 

«  rement  et  plus  directement  à   l'état  de  l'Église  sous   les 

«  empereurs  romains  ^  depuis  Auguste  jusqu'à  Frédéric  II, 

'{  Sa  grande  attention  est  de  nous  faire  admirer  la  sagesse 

«  de  la  Providence  et  la  vertu  de  la  grâce  de  Jésus-Christ, 

«  dans  les  victoires  que  l'Église,  de  siècle  en  siècle,  a  rem- 


\U}  SIK(:i.K. 


5o4  VINCENT  DE  BKAUV  AIS. 

«  portées  sur  tous  ses  ennemis.  .  .  C'est  à  re  sujet  que  notre 
«  écrivain  rapporte  les  actes  qui  |)ar!ent  des  coinl);its,  ries 
«  souifr.inces  et  des  victoires  des  ni;irtyrs,et  qu'il  met  sous 
«  les  yeux  du  lecteur  ce  qu'il  a  trouvé  de  plus  rem;u(|u;i|jle 
«  dans  les  ouvniges  des  docteurs.  Il  n'a  eu  j^iirde  d Oiiu-ttre 
«  ni  les  canons  des  anciens  conciles  on  les  décrets  des  sou- 
«  verains  pontifes  (pii  ont  foudroyé  les  hérésies  ef  les  auties 
«  sectes  scliismatiques,  ni  les  vertus  et  les  exemples  des  plus 
«  célèbres  anachorètes,  les  refiles  et  les  instituts- des  siinls 
«  Pères,  les  commencements  des  divers  ordres  religieux  et 
a  leurs  progrès.  Tout  ce  grand  corps  d'histoire  est  terminé 
«  par  les  réflexions  de  l'auteur  sm-  le  mélange  présent  des 
«  bons  et  des  méchants,  sur  l'état  des  âmes  sépaiées  de 
«  leurs  corps,  sur  le  siècle  à  venir,  sur  le  tem|)S  et  les  a(  lions 
«  de  l'antechrist.  fl  y  est  enfin  parlé  du  dernier  jugement, 
<f  de  la  résurrection  des  morts,  de  la  gloire  des  saints  et  du 
«  supplice  des  réprouvés.» 

Ainsi,  selon  Touron ,  le  Miroir  historique  est  une  œuvre 
conçue  et  accomplie  dans  u:i  esprit  essentiellemenl  théolo- 
gique.  Ce  caractère,  qu'en  etïet  nous  avons  déjà  reconnu  dans 
le  livre  P*^,  n'est  pas  moins  manifeste  dans  le  Ih',  qui  conduit 
les  annales  du  peu|>le  juif  jusqu'à  la  secotule  captivité  à  Ba- 
bylone,  vers  l'an  600  avant  notie  ère.  C'est  la  lin  du  4*^  des 
six  âges  du  monde  qui,  ayant  été  créé  en  six  jouis,  devait, 
selon  Vincent,  passer  par  six  âges.  Le  i*""^  a  fini  au  déluge, 
le  ■2'^  à  Abraham  ,  le  3*  à  David ,  le  4*  à  la  prise  de  Jérusalem  ; 
le  5*"  s'étendra  jusqu'à  l'avènement  de  Jésus  Christ,  et  le  (J^, 
ouvert  avec  fère  vulgaire,  ne  doit  finir  qu'avec  le  monde. 
L'histoire  profane  se  réduit  dans  le  second  livre  à  un  petit 
nombre  d'articles  concernant  les  orii^ines  des  Cretois  et  des 
xAthéniens,  de  Lacédémone  et  de  Corinthe,  des  Macédoniens 
et  des  Lydiens,  la  guerre  de  Troie  et  Homère  <jui  l'a  chantée; 
Lycurgue,  Roniulus,  Numa,  les  rois  de  Babylone ,  les  sept 
sages  de  la  Grèce,  et  la  fondation  de  Marseille.  A  propos  des 
Troyens,  Vincent  ne  manque  pas  de  rapporter  comme  un 
fait  non  contesté,  que  les  Français  et  les 'Turcs  doivent  leurs 
noms  et  leurs  établissements  primitifs  à  deux  petits-fils  de 
Pria  m,  Francon  et  Turcus. 

Le  III*  livre,  si  l'auteur  y  suivait  une  chronologie  exacte, 
correspondrait  à  peu  près  à  deux  siècles  et  demi  ,  aux  années 
boo  à  35o  avant  notre;  ère,  qui  fournissent  moins  de  faits 
aux    annales   sainte^  qu'aux  profanes.  Celles-ci   dominent 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  5o5 

.                                                                         xmsiKci.r. 
tlonc  en  cette  partie  de  l ouvrage.  JNous  y  rencontrons  ua — 

bord  ,  à  propos  d'Esope ,  29  apologues ,  les  mêmes  que 
nous  avons  déjà  remarques  dans  le  livre  III  du  Doctrinal;  ci  dessus,  p 
ils  étaient  là  moins  dë|)lacés ,  puisqu'il  s'agissait  d'études  'i!>'i,')9'>- 
litteraires.  On  a  peine  à  concevoir  comment  Vincent  se  per- 
met de  les  reproduire  presque  littéralement  dans  un  cours 
fl'histoire  ancienne.  Ici  encore,  on  en  peut  distinguer  onze 
visiblement  empruntes  à  quelque  recueil  tout  semblable  à 
celui  qui  porte  le  nom  de  Phèdre;  car,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  ce  sont  souvent  les  mêmes  expressions,  les  mêmes  tours 
de  phrase;  et  c  est  un  des  indices  qui  autorisent  à  croire 
qu'un  texte  quelconque  de  ces  fables  latines,  en  vers  ou  en 
prose,  existait  au  moyen  âge.  A  ces  citations,  succèdent  assez 
<  onfusément  les  récits  ou  les  notices  sommaires  qui  se  peu- 
vent attacher  aux  noms  de  Cyrus,  de  Craesus,  de  Darius  et 
de  Xerxès,  d'Artaxerxe  et  de  Cyrus-lc  Jeune,  de  Judith, 
d'Esdras  et  de  Néhèmie,  de  Pisistrale  et  des  Pisistratides, 
de  Miltiade ,  Thémistocle,  Aristide,  Périclès  et  Alcibiade; 
des  Tarquins  et  des  Décemvirs.  Quelques  chapitres  descen- 
dent jusqu'à  la  première  guerre  punique,  dont  l'époque  est 
pourtant  postérieure  de  près  tl'un  siècle  à  celles  qui  sont  ici 
retracées.  Mais  ce  livre  renferme  plusieurs  articles  d'histoire 
littéraire.  On  y  voit  paraître  les  poètes  Pindare,  Sophocle  et 
Euripide,  les  orateurs  Eschine  et  Démosthène,  l'historien 
Xénophon,  le  médecin  Hippocrate,  et  une  longue  série  de 
philosophes  :  Pythagore,  Heraclite,  Démocrite,  Anaxagore, 
Empédocle,  Parménides,  Protagoras,  Socrate,  Platon,  Dio- 
gène  et  d'autres  cyniques,  Aristote  enfin  ,  avec  un  tableau  et 
des  extraits  de  ses  ouvrages.  Voilà  encore  bien  des  matériaux 
pour  un  seul  livre;  nous  sommes  loin  cependant  d'avoir 
indiqué  tous  ceux  qu'il  rassemble. 

Le  quatrième  a  pour  principal  sujet  le  règne  d'Alexandre, 
mais  en  remontant  à  celui  de  son  père  Philippe,  et  en  re- 
venant sur  les  doctrines  de  Platon.  Il  est  même  question 
des  disciples  ou  interprètes  que  ce  philosophe  a  trouvés 
bien  plus  tard  dans  Apulée  et  dans  Plotin.  Les  regards  de 
Vincent  se  portent  aussi  sur  Xénocrate,  sur  Anaximène,  sur 
Epicure;  mais  ils  se  fixent  plus  long-temps  sur  les  entre- 
prises et  les  victoires  du  conquérant  macédonien.  Les  plus 
brillantes  sont  retracées  sommairement,  d'après  Justin  et 
Quinle-Curce.  On  voit  que  l'histoire  générale  avance  à  peine 
<le  4o  années  dans  ce  livre,  tandis  que  le  III*  a  embrassé 

Tonie  XV m.  S  5  s 

3  5  * 


5o6  VINCENT  DE  UEAUVAIS. 


XIII  SIKCIK. 


deux  siècles  et  demi,  et  que  le  V^  va  parcourir  environ  260 
ans.  Il  sera  trop  facile  de  remarquer  entre  les  livres  suivants 
(le  pareilles  inégalités,  qui  n'auront  pas  toujours  pour  cause 
ou  pour  excuse  l'importance  des  matières.  I/autcur  étend  ou 
resseire  les  diverses  parties  de  son  recueil,  selon  qu'il  lui  pi;iit 
d'y  employer  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'extraits  (juel- 
conques  de  ses  lectures,  et  cette  marche,  véritablement  (a- 
pricieuse ,  peut  sembler  un  des  plus  notables  dét'aufs  de 
l'ouvrage;  elle  en  défigure  le  plan,  elle  en  altère  ou  même 
en  détruit  l'unité. 

L'idée  sommaire  qu'on  peut  prendre  du  livre  V  est  qu'il 
contient  l'histoire  des  successeurs  d  Alexandre,  des  Ptolé- 
mées  en  Egypte,  d'Antiochus  Epiphane  et  d'Antiochus 
Eupator  en  Syrie,  d'un  grand  nombre  d'autres  princes, 
depuis  l'an  oaS  jusque  vers  l'an  63  avant  Jésus-Christ.  Re- 
|)renant  les  annales  du  peuple  juif,  Vincent  parle  d'Eléazar, 
d'Onias,  des  Machabées,  sans  oublier  le  travail  des  traduc- 
teurs nommés  les  Septante,  quoiqu'ils  fussent,  dit-il,  72. 
Il  répète  ce  qu'il  nous  a  raconté  ailleurs  de  cette  version 
Ci-dessus    p    mifaculcuse ,  et  y  ajoute  de  nouvelles  circonstances:  Aec 

5oi.  sufficiebat  rex  admirari  chartarwn  tciiuitateni  et  conpagi- 

Spct  iii.ior.  jiationeni  qiUB  oculis  deprehendi  non  posset ,  qunnquatn 
littera'  aureœ  in  caadore  charlanim  adeb  legibdes  apparerent. 
Les  guerres  et  les  triomphes  des  Romains,  vainqueurs  des 
Samnites,  des  Carthaginois,  de  Jugurtha,  des  Cimbres,  de 
iMithridate;  les  personnages  célèbres  de  ces  époques  ,  Eabius, 
Annibal,  les  Scipions,  Marias,  Sylla,  Pompée,  tiennent  ici 
beaucoup  de  place.  Il  en  reste  néanmoins  pour  les  j)roduc- 
tions  poétiques  de  Ménandre,  pour  celles  de  Plante,  d'Ennius, 
de  Pacuvius,de  Térence,  d'Accius,  entre  lesquels  s'intro- 
duit, confondu  avec  Caecilius-Statius,  l'auteur  de  laTliébaide 
et  de  l'Achilléide,  Papinius-Statius,  qui  n'a  vécu  que  plus  de 
deux  siècles  après  eux.  Le  compilateur  transcrit  des  vers  de 
tous  ces  poètes  latins;  mais  il  s'applique  surtout  à  continuer 
le  tableau  historique  de  la  philosophie, depuis  Théophraste 
jusqu'à  Panaetius.  11  fait  connaître  particulièrement  les  deux 
sectes  des  Académiciens  et  des  Stoïciens.  Rarthius  l'a  cru 

xxw,  c.  7,  (..  auteur  d'un  traité  spécial  :  De  vitis  philosophorwn  ;  mais  ce 
^9*-  livre  ne  consisterait  qu'en  extraits  des  trois  Miroirs,  et  prin- 

cipalement de  l'historial. 

IjC  dernier  siècle.  Ou  plutôt  les  60  dernières  années  avant 
l'ère  chrétienne,  et  les  i4  premières  de  cette  ère,  forment  la 


tA.  nuac.  I.   IV 
p.  141 


AdllTb 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  607 


Xlir  SIECI  K. 


matière  da  livre  VI,  qu'on  pourrait  diviser  en  trois  parties  : 
histoire  civile,  où  figurent  Catilina,  Jules-César,  Octave, 
Herode;  histoire  sacrée,  qui  comprend  l'annonciation,  l'in- 
carnation  ,  la  naissance  de  Jésus-Christ,  les  actions  et  les 
miracles  de  la  Vierge  i\larie,  les  faits  relatifs  à  saint  Joseph, 
à  sainte  Elisabeth,  à  saint  Jean -Baptiste,  aux  trois  rois 
mages,  etc.;  histoire  littéraire,  ou  notices  sur  huit  auteurs 
latins  ,  avec  des  extraits  plus  ou  moins  étendus  de  leurs  ou- 
vrages. Ces  huit  écrivains  sont  Cicéron,  Sâlluste,  Varron, 
Gallus,  Virgile,  Horace,  Ovide,  et  Valère- Maxime,  qui  d'ail- 
leurs est  cite  dans  l'exposé  des  événements  politiques  de  ce 
temps,  ainsi  qu'Orose,  Suétone  et  Julius-Celsus  ou  plutôt 
Jules -César.  Cette  erreur  de  nom  est  expliquée  dans  le 
iMtiuigiana  :  «  Un  grammairien  nonnné  Julius-Celsus-Con-  y  m  ^j  j^ 
«  stantiiius,  réviseur  des  Commentaires  de  César,  y  avait,  1715,  p.  i58, 
«  pour  certificat  de  sa  révision ,  écrit  <  es  mots  :  Juliiis  Celsus  '^i'- 
«  Conslantinus  V.  C.  legi  ou  recensai.  Les  copies.  .  .  .  faites 
«  d'après  cette  révision  étaient  tenues  les  plus  correctes;  et 
«  pour  les  rendre  plus  authentiques,  les  copistes  y  mettaient 
«  ce  titre  qu'on  lit  encore  à  la  tète  de  quelques  manuscrits  : 
«  C.  Juin  Cœsaris per  Juliiun  Celsurn  commentarii.  C'est  sur 
«  la  foi  de  ce  titre  mal  entendu  que  Gaultier  Burley,... 
«  Vincent  de  Beauvais,...  Jacques-le-Grand,.  .  .  Albert 
«  d'Eyb, ...  et  plusieurs  autres,  citent  toujours,  sous  le  nom 
«  de  Julius  Celsus,  les  propres  paroles  des  Commentaires 
«  de  César.  »  Vincent  termine  ici  le  5^  âge  du  monde,  et  ■' 

croit  avoir  atteint  l'an  690  depuis  la  seconde  captivité  à 
Babylone,  io65  depuis  David,  i5oi  depuis  la  sortie  d'Egypte, 
i^Si  depuis  la  vocation  d'Abraham,  2298  depuis  le  déluge, 
3g53  depuis  la  création. 

Le  sixième  âge,  ou  douze  siècles  et  demi  de  l'ère  vulgaire, 
occupent  les  25  livres  suivants  du  Spéculum  historiale.  Le 
VIP  ne  correspond  qu'aux  deux  règnes  de  Tibère  et  de  Cali- 
gula;  mais  il  achève  l'histoire  évangélique  et  apostolique;  il 
décrit  les  travaux  de  saint  Pierre,  de  saint  Etienne,  de  saint 
Paul  ;  il  abonde  en  nouveaux  détails  sur  les  vertus,  l'assomp- 
tion  et  les  miracles  de  la  sainte  Vierge.  Ces  prodiges,  que  la 
critique  moderne  a  discutés,  avaient  été  racontés  par  Pierre 
Damien,  par  Hugues  de  Cluny,  par  Pierre  de  Tarantaise, 
par  Etienne  de  Bourbon  ;  ils  ont  été  recueillis  dans  le  Mariale 
ou  Marionale  magnum  ;  et  des  juges,  d'ailleurs  sévères,  ont 
pu  savoir  gré  à  Vincent  d'avoir  contribué  à  propager  ces 

S  s  s  a 


oo8  VINCENT  DE  BEAUVAIS. 


XIII  SIKCLK. 


traditions  précieuses  pour  les  uns,  curieuses  du  moins  ans 
yeux  des  autres.  Au  livre  VIII,  qui  ne  répond  qu'fiux  i/\  ans 
de  l'empire  de  (^laude,  il  transcrit  des  vers  de  Perse  et  de 
Juvéïiiîl  ;  il  donne  de  longs  extraits  des  œuvres  de  Sénèque  , 
y  com|)ris  les  tragédies.  D'une  autre  part,  il  continue  de 
retracer  les  actes  des  apôtres;  il  rapproche  de  ces  récils 
l'exposé  de  l'institution,  des  effets  et  des  cérémonies  du  bap- 
tême et  des  autres  sacrements;  il  raconte  des  conversions 
mémorables;  il  nous  présente  de  plus  une  liste  chronologique 
des  p;q)es,avec  le  nombre  des  années  de  chaque  pontificat, 
depuis  saint  Pierre  jusqu'à  Innocent  IV  qui,  dit-il,  a  déjà 
siégé  deux  ans  :  Porro  Innocentius  qunrtus  adhiic  sedet  in 

S|»ec.  iiist  p.  cathedra ,  quijarn  sedit  annis  duohiis ;  ce  qui  fixe  à  l'année 
307.  1245  la  rédaction  de  ce  huitième  livre.  Le  IX*^  met  en  scène 

les  empereurs  Néron,  Galba,  Othon ,  Vitellius,  et  poursuit 
avec  plus  de  détails  l'histoire  du  christianisme,  c'est-à-dire 
celle  des  apôtres  et  de  leurs  miracles,  des  évangélistes  saint 
Marc  et  saint  Luc,  de  la  Madeleine,  de  Simon  le  magicien  et  de 
plusieurs  martyrs.  Cinq  des  derniers  chapitres  ci'nliennent 
des  préceptes  et  des  maximes  de  Quintilien.  Ce  livre  et  les  deux 
précédents  ne  conipiennent  ensemble  que  69  années;  on  en 
parcourt  dans  le  suivant  124,  qui  sont  les  3i  dernières  du 
premier  siècle  chrétien  et  Cj'i  du  .second,  remplies  les  unes 
et  les  autres  par  les  règnes  de  dix  empereurs:  Vespasien, 
Titus,  Domitien,  Nerva,  Tiajan ,  Adrien,  Antonin,  Marc- 
Aurèle,  Cotnmode  et  Pertinax.  Les  écrivains  [profanes  dont 
il  est  ici  fait  mention,  avec  quelques  citations  de  leurs  doc- 
trines et  de  leurs  paroles,  sont  les  philosophes  Secundus  et 
Taurus  ,  le  médecin  Galien  ,  et  avant  eux  Pline-le-Jeune  que 
Vincent  conlond  avec  l'ancien  :  Hic  scripsit ,  dit-il,  de  his- 
toria  naturali  libres  3y, .  .  .  de  cjuo  ingenti  ejus  opère  excerpla 

ibiii  II  ioi  ^^  Speculo  naturali  congruis  locis  ifiserui ;  ejusdem  epistolas 
ad  diverses  circiter  centum  reperi.  D'autres  notices  concer- 
nent l'historien  Josèphe,  Denis  l'Aréopagite ,  saint  Ignace, 
saint  Polycarpe,  Papias,  saint  Justin,  Hégésippe,  saint  Iré- 
née,  Clément  d'Alexandrie.  Mais  ce  sont  les  supplices  des 
martyrs,  à  corpmencer  [)ar  saint  Jean  l'évangéliste,  qui  occu- 
pent le  plus  grand  nombre  des  chapitres,  et  il  en  sera  de 
même  dans  les  livres  qui  vont  suivre.  L'auteur  se  reprochait, 
comme  nous  l'avons  vu,  d'avoir  laissé  prendre  trop  d'étendue 
à  ce  genre  de  récits,  dont  une  partie  est  empruntée  de  la 
Chronique  d'Hélinand.  Ils  sont,  en  effet,  si  nombreux  et  si 


Mil    >!!(:]  !■,. 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  boy 

longs,  que  Baillet  a  dit  qu'on  aurait  lieu  de  placer  le  Miroir 

liistorial  |);irmi  les  recueils  d'actes  des  saints.  ''"'    ^"'   '''* 

Si  nous  écartons  les  articles  liaj;iogia[)liic|ues ,  nous  n'au-  „  i,  ^  v,"  ' 
ror.s  à  remarquer  dans  le  livre  XI  (jue  la  succession  des 
emperenis,  depuis  l'avènement  de  Septime-Sevèie  jusqu'à 
celui  de  Dioelétien,  années  i()3  à  28.Î ,  avec  un  aperçu  des 
écrits  d'Orifjène  et  des  extraits  de  ceux  de  saint  Cyprien; 
dans  le  Xlh  livre,  que  le  règne  de  Dioelétien  terminé  en 
3o5  ,  et  resté  l'un  des  plus  odieux  aux  ehietiens;  dans  le 
Xlir,  que  celui  de  Constantin,  de  3cG  à  3'5'j  ;  les  relations 
de  ce  |)rinee  avec  le  pape  Silvestre,  la  fameuse  donation  à 
l'Eglise  romaine,  la  transi. ition  du  siège  de  l'empire  à  Con- 
stantinople,  l'hérésie  des  Ariens,  le  concile  de  Aicée,  et  de 
très-courtes  notices  des  ouvrages  de  Lactance  et  d'Eusèbe. 

Le  livre  XIV  va  de  33^  à  3y5,  espace  qui  renferme  les  rè- 
gnes de  Constantin  II,  Constance,  Constant,  (-onstance  II, 
Julien  et  Jovien,^alen tin ien  et^  alens.  C'est  le  temps  des  papes 
Libère  et  D.niiase,  et  de  plusieurs  écrivains  ecclésiastiques 
dont  ce  livre  fait  connaître  les  travaux  :  Atlianase,  Ililane 
de  Poitiers,  Didyme  d'Alexandrie,  llyagre,  Grégoire  de  Na- 
zianze,  Grégoire  de  Nysse,  Basile,  Eplirem.  La  série  chro- 
nologique s'interrompt  au  X\^  livre,  on  l'auteur  consigne 
des  récits  auxquels  il  ne  |ieut  apj)liquer  de  dates,  et  qui  en 
effet  n'en  ont  point.  Il  s'agit  tin  |)ienx  roman  dont  les  prin- 
cipaux personnages  sont  l'ermite  Barlaam  et  Josaphat,  fils 
du  roi  des  Indes  Abenner.  Huet  place  cette  histoire  fabuleuse 
à  la  suite  des  amours  de  Clitoplion  et  de  Leucip|ie,  et  la  croit  oiij;.iie*r,om. 
néanmoins  composée  par  saint  Jean  Damascène  que  cite  ici  le  P  " 
Dominicain  de  Beauvais.  Elle  est  aujourd'hui  reléguée  parmi 
les  productions  apocryphes;  Le(|uien  ne  la  point  admise 
dans  le  recueil  des  écrits  authentiques  de  Jean  de  Damas. 
Celui-ci  a  plus  probablement  rédige  un  parallèle  des  maxi- 
mes mor.des  des  saints  Pères  avec  celles  de  la  Bible  :  en  pro- 
fitant de  ce  travail,  Vincent  i emplit  les  -.ii).  dernieis  chapitres 
du  livre  XV,  de  préceptes  et  de  conseils  sur  la  manière  de 
bien  vivre. 

Au  XW,  il  reprend  l'ordre  des  temps,  de  3^5  à  383, 
époque  de  la  mort  de  l'empereur  Gratien.  Mais  il  emploie 
71  chapitres  sur  97,  en  extraits  des  œuvres  de  saint  Jérôme, 
après  en  avoir  consacré  i5  premiers  aux  origines  de  neuf  peu- 
ples f[u'il  range  comme  il  suit:  Les  Romains,  les  Perses,  les 
Francs,  les  Anglais,  les  Vandales,  les  Lombards,  les  Visi- 


XIII  SIKCLE. 


5io  VINCENT  DE  BEAliVAlS. 

goths,  les  Ostrogolhs  et  les  Huns.  Il  doikne  des  catalogues  de 
leurs  rois.  A  l'égard  des  Francs,  il  rappelle  ce  (pi'il  a  dit  de 
leur  fondateur  troyen ,  Francioii,  l'un  des  iils  tlHector.  De 
ce  Francion  descendait  le  Priain  (pii  régnait  en  l'année  38i, 
quand  se  tenait  à  Constantinople  le  second  concile  œcumé- 
niijue.  A  ce  premier  roi  de  France  succéda  Marcomir,  puis 
Pliaramond  ;  et  la  liste  est  continuée  jusqu'à  saint  Louis, 
compté  pour  le  4^''-  L'histoire  générale  n'avance  que  de  onze 
ou  douze  ans,  savoir  justju'à  la  mort  de  Théodose  dit  le 
(irand,  en  Sf)."),  dans  le  livre  X\  II,  parsemé  aussi  de  frag- 
ments (louvrages,  particulièrement  de  saint  Ainhroise  et 
de  saint  Chrvsostôme,  de  Claudien  et  de  Prudence.  Saint 
Augustin  en  fouriut  beaucoup  plus  au  livre  WIII,  qui  se 
rapporte  aux  règnes  d'Arcade  à  ConstautinO|)le,  et  d'Hono- 
rius  à  Rome.  Entamées  dans  ce  livre  ,  les  annales  du  v'  siècle 
se  poursuivent  jusque  vers  l'an  4^3,  dans  le  suivant,  où  les 
extraits  des  conférences  de  Cassien  occupent  i  i G  chapitres, 
et  laissent  par  conséquent  fort  peu  de  place  à  d'autres  articles, 
même  aux  actes  de  Théodose-le-Jeune  Le  vingtième  livre 
s'étend  sur  68  années,  qui  comprennent,  avec  une  partie  du 
régne  de  ce  même  Théodose  à  Byzance,  avec  tout  le  règne 
de  Valentinien  III  à  Rome,  ceux  de  leurs  successeurs  jusqu'à 
Augustule ,  dernier  empereur  d'Occident ,  détrôné  en  47^  ;  et 
en  Orient  jusqu'à  la  mort  de  Zenon  en  491-  On  s'attendrait 
à  trouver  là  un  abrégé  des  annales  de  presque  tout  le  cin- 
quième siècle;  mais  l'attention  de  l'auteur  ne  se  porte  ou 
ne  se  fixe  encore  que  sur  des  détails  ecclésiasticjues  ou  litté- 
raires :  les  vies  de  saint  Germain  -  t'Auxerrois ,  de  sainte 
Geneviève,  de  saint  Loup,  de  saint  Rémi,  de  saint  Pétrone 
de  Bologne;  les  écrits  des  papes  Léon  P"^  et  Gélase,  île  saint 
Prosper,  de  Théodoret,  de  saint  Fulgence,  et  la  prophétie 
de  Merlin  :  Merliniis  autem  milita  obscura  revelavit,  multa 
prœdixit  futiira  ;  (iperuit  enim  sub  fiindaniento  lacuni ,  sub 
lacu  duos  latere  dracones  quorum  unus  rubens  populum,  Bri- 
tonum  ,  aller  verb  albus  gentein  Saxonum  designaret ,  et 
•  guis  in  conflictu  suo  prœvaleret .  .  .  .  Prophetav'it  eliam  qiihd 
sub  Normannorum  domino  (  sic)  redigenda  esset  ^nglia,  et 
alia  plurima ....  Solet  enim  spiritus  Dei  per  quos  voluerit 
mysteria  sua  loqui ,  sicut  per  sibyllam ,  sicut  per  Balaam 
Spct.iiist.  éd.  cceterosque  hujusmodi. 
bnat  I.  IV,  p  Cinq  empereurs  byzantins,  Anastase,  Justin  ,  Justinien , 
'^'  Justin  II,  Tibère-Constantin,  ont  régné  en  tout  environ  91 


VINCENT  Dl<:  Ci'AUVAIS.  Su 

;iiis,  de  491  ^  582  Le  livre  XXI  correspond  à  leurs  règnes; 
mais  il  paile  bien  moins  d'eux  que  de  saint  \  a;ist,de  sainte 
Brigitte,  de  saint  Benoît,  de  sainte  Radegonde,  de  saint 
lîrendan  et  saint  (]olumban.  Il  contient  d'ailUurs  des  arti- 
(  les  sur  les  papes  Symina(|ue  et  \'igile;  de;»  citations  d'En- 
nodius  ,  de  Cassiodore,  d'Arator,  de  Sidoine  Apollinaire.  Ce 
dernier  avait  disposé  ses  noms  ou  prénoms  eu  cet  ordre  : 
Sollius  AjwUinaris  Sidonius :  on  croit  qu'IIélinand  et  Vin- 
cent de  Beauvais  sont  les  preinif^rs  qui  aieni  écrit  Sidonius 
yi poil  in  a  ris.  \  incent  extrait  aussi  de  Grégoire  <Je  Tours 
quelques  textes  relatifs  aux  premiers  temps  des  annales  de 
!a  France,  à  Clovis  etàClotilde,  à  Clotaire,  à  Cliildcher  t,  à 
Chilpéiic.  Ces  notions  se  prolongent  dans  le  livre  XXIl  ;  il 
y  est  question  de  Gontran  ,  de  Frédegonde,  de  la  reine 
Bruneliault;  mais  une  grande  partie  de  ce. livre  ne  consiste 
(ju'en  morceaux  des  œuvres  du  pape  saint  Grégoire.  Ce 
pontife  était  contem|)orain  des  empereins  Maurice  et  Pliinas, 
dont  les  deux  règnes,  de  l'an  j82  à  610,  fixent  les  limites 
entre  lesquelles  cette  partie  du  Miroir  historique  est  ou 
devait  être  renfermée. 

En  lisant  le  XX!!!'  livre,  nous  parcourons  l'histoire  de 
quatorze  empereurs,  à  partir  d'Héraclius,  et  nous  atteignons 
1  année  802  où  Xicé[)hore  succède  à  Constantin  V.  Entre  les 
personnages  que  \  incent  de  Beauvais  nous  montre  dans  cet 
espace  d'environ  deux  siècles  (  le  viT  et  le  vmT  île  l'ère  vul- 
gaire), on  remarque  Mahomet,  Pépin- le-Bref,  le  pape 
Etienne,  et  trois  écrivains  recomm;indables  :  Isidore  de  Sé- 
ville,  Béda  et  Alcuin.  A  l'entrée  du  ix'  siècle,  Charlemagne 
rétablit  l'empire  d'Occident  :  son  règne  impérial,  ceux  de 
Louis-le-Débonnaire,  de  Lothaire,  de  Louis  II,  île  Charles- 
le-Chauve,  de  Charles-le-Gros ,  de  Louis  III,  d'Otton-le- 
Grand,  dOlton  II  et  d'Otton  III  mort  en  1002,  ont  aussi 
ensemble  une  durée  de  200  ans,  matière  du  livre  XXIV. 
L'histoire  de  Charlemagne  est  puisée  dans  les  chroniques  de 
Turpin,  de  Sigebert  et  d'Hélinand  ;  Rohind  et  Ferragus  y 
figurent.  Pour  retracer  les  actions  d'Alfred  ,  de  Hastings  et 
de  Rollon  ,  de  Dunstan  et  d'Edgar,  l'auteur  a  souvent  recours 
aux  récits  de  Guillaume  de  Malniesbury,  ainsi  cjue  l'a  re- 
marqué Vossius.  En  d'autres  chapitres,  il  transcrit  des  textes 
de  Rhaban  Maur,et  il  admire  la  profonde  science  du  pape 
Gerbert  ou  Silvestre  IL  Le  livre  vingt-cinquième  offre  une 
image,  mais  bien  imparfaite,   du   onzième   siècle,  durant 


XIII  SIF.CLE. 


381 


\n\  SiKCLF. 


^^12  VINCENT  DK  BEA II VAIS. 

lequel  régnèrent  les  empereurs  Henri  II,  Coiirad-le-Sali- 
r|ue,  Henri  III  et  Henri  IV,  jusqu'en  nofS.  C'était  dans  le 
cours  He  cet  âge  que  Pierre  Damicn  ,  Anselme  de  Cantor- 
héry,  Hildehert  du  Mans,  avaient  achevé  ou  commencé  les 
ouvrages  dont  Vincent  nous  fait  lire  ici  plusieurs  pages.  Les 
événements  quil  retrace  ou  qu'il  indique  sont  la  conquête 
de  Guillaume  de  Normandie,  la  condamnation  de  l'hérésie 
de  Hérenger,  les  entreprises  du  pape  Hildebrand  ou  Gré- 
goire VII,  et  la  première  croisade.  A  ces  récits  fort  alnrégés 
se  joint  un  assez  long  examen  des  erreurs  théologiques  des 
Juifs  et  des  Sarrasins. 

Des  six  livres  dont  il  nous  reste  à  rendre  compte,  quatre 
se  rapportent  au  xiT  siècle,  et  deux  à  la  première  moitié 
du  xiii'^.  Ees  règnes  des  empereurs  Henri  V,  I.othaire  II, 
Conrad  III,  et  Frédéric  Barbeiousse  ;  l'empire  disputé  entre 
Philippe  de  Souahe,  Othon  dç  Brunswick  et  Frédéric  II; 
dix  pontificats,  dont  les  plus  mémoraMes  sont  ceux  de  Pas- 
cal II,  d'Innocent  H  ,  d'Eugène  III,  d'Adrien  IV,  d'Alexan- 
dre m  ;  les  progrès  de  la  France  sous  les  rois  Loui.s-le-Gros, 
Louis-le-Jeune,  Philippe-Auguste;  en  Angleterre,  les  démêlés 
de  Henri  II  avec  l'archevêque  de  Cantorbéry  Thomas  Becket; 
les  expéditions  à  la  Terre-Sainte;  les  écrits  de  Hugues  du 
Fouilloi,  de  Hugues  de  Saint-Victor,  de  Bichard  de  Saint- 
Victor,  et  de  saint  Bernard  :  tels  sont  les  matériaux  des  livres 
XXM,  WVII,  XKVIII  et  d'une  partie  du  X\IX^  On  peut 
observer  qu'il  n'y  est  rien  dit  cle  Jean  de  Sarisbéry,  qu'il 
n'est  fait  (|u'une  mention  extrêmement  succincte  d'Abélard, 
et  même  du  maître  des  sentences;  tandis  que  le  livre  XXVIII 
tout  entier  n'est  composé  que  d'extraits  des  œuvres  de  saint 
Bernard. 

L'histoire  du  xiu''  siècle  commence  au  chapitre  64  du 
livre  XXIX,  se  continue  dans  le  XXX%  et  atteint  dans  le 
XXXP  les  années  i244i  ia5o,  1254-  Excepté  une  longue 
série  de  textes  d'Hélinand,  Vincent  de  Beauvais  ne  nous 
offre  plus  que  des  notices  historiques ,  et  ne  cite  que  les  écrits 
d'où  il  les  tire.  Elles  ont  pour  objets  la  prise  de  Gonstanti- 
nople  par  les  croisés;  les  actions  et  aventures  des  empereurs 
francs,  Baudouin  et  Henri;  après  la  mort  du  premier,  l'ap- 
parition d'un  faux  Baudouin;  les  guerres  entre  le  roi  de 
France  et  les  rois  de  la  Grande-Bretagne,  Richard  et  Jean- 
sans-Terre;  la  victoire  de  Philippe-Auguste  à  Bouvines;  les 
revers  du  comte  de  Boulogne,  Regnauld ,  et  de  Ferrand , 


VINCFAT  DE  BEAUVAIS.  5i3 


XIII  SiteLE. 


comte  deFlandie;  la  con(!ainn;ition  d'Amaury  de  Chartres; 
la  croisade  contre  les  Albigeois;  les  vies  et  les  miracles  de 
saint  nomiiiH|ue  et  de  saint  François;  les  deux  ordres  mo- 
nasti(jne>  (jm'iIs  ont  tondes;  la  lepudiaîion  et  le  rétablisse- 
ment de  la  reine  Ingehiirge;  l'entieprise  infructueuse  du 
prince  Louis,  appelé  jiar  les  Anglais  à  rt'gner  sur  eux;  les 
démêlés  de  Frédeiie  11  avec  les  papes  Innocent  111 ,  Hono- 
rius  m,  Giegoire  1\;  les  travaux  apostoli(|ues  et  les  écrits 
de  Jacques  de  Vitry,  spécialement  ce  (pi'il  a  raconté  de  la 
bicidienreuse  IMarie  d'Oignies;  l'histoire  édifiante  de  quel- 
ques autres  Liég(,'oises ;  ctlle  de  saint  Edmond,  archevêque 
de  Cantorbery;  celle  de  saint  Pierre  de  Vérone  ou  de  Milan; 
le  siège  d'Avignon  et  divers  détails  de  l'expédition  de  Louis 
Vlll  en  Languedoc;  la  mort  de  ce  j)rince;  les  troubles  de 
l'Université  de  Paris,  les  mouvements  et  les  mœurs  des 
Tartares,  d'après  les  réiits  des  missionnaires  Ascelin ,  Simon 
de  Saint-Quentin,  Jean  de  Plancarpin;  la  première  croisade 
de  saint  Louis;  les  succès  et  les  revers  des  chrétiens  en 
Orient  jusqu'en  i-2Jo. 

On  a  |ju  remarquer,  presque  en  chaque  livre,  des  articles 
qui  apjjartienrient  à  l'histoire  de  France.  Un  volume  où  ils 
sont  réunis  est  indiqué  dans  la  Bibliothèque  historique  du      Bibi.  hut.  de 
P.  Leiong,  sous  ce  titre  :  Fraismenta   rerum  Francicariim  '*'''■ 'kcVc  **' 
au  origine  nionarcluœ  ad  anniiin  laoo,  excerptd  e  C)pecuio 
historiali  Vincentii  Bclloi'acènsis.  Si  ce  volume  est  imprimé, 
l'édition  n'en  est  in(li(|uée  nulle  part;  si  c'est  un  manuscrit,  on 
ne  dit  pas  où  il  se  trouve;  et  dans  les  deux  cas,  il  ne  nous  est 
pas  autrement  connu  Nous  ignorons  s'il  renferme  un  certain 
chapitre  dont  nous  n'avons  point  parlé,  parce  qu'il  manque 
dans  les  meilleurs  manuscrits,  et  que  l'authenticité  en  peut 
sembler  douteuse.  Il  y  est  question  du  retour  de  la  couronne 
de  France  à  la  race  car  lovingienne  :  De  reditu  regni  Fran- 
coruni  ad  stirpeni  Caroli.  Nous  y  apprenons  que  ce  retour      spec.  hiMm 
s'est  opéré  dans  la  personne  de  Louis  Vlll,  fils  de  Philinjie-  i  «i", c.  26,  c d 

\  l'T       i      II      J       II     •  I       r  11  >         IJ  Uuac.    t.    IV,   i>. 

Auguste  et  d  Isabelle  de  Ilainault,  laquelle  |)ar  son  père  Bau-  ^^.g   ^^^^\ 
douin  ,  descendait  d'Ermengarde ,  Hlle  de  Charles-Ie-Simple. 

Le  très-court  chapitre  qui  termine  le  livre  XXXI  mérite 
plus  d'attention,  à  raison  des  notes  chronologiques  dont  il 
se  compose.  L'auteur  a  sommairement  décrit ,  dit-il ,  le  cours 
du  sixième  âge  du  monde  jusqu'à  l'année  alors  courante,  la 
iS^du  règne  de  Louis  IX,  la  •1'^  du  pontificat  d'Innocent  IV, 
la  1244'  depuis  l'incarnation  de  Jesus-Christ;  la  5io5*,  ou, 

TomeXVlîl.  T  tt 


xin  sik  i.b; 


5i4  VINCENT  DE  BEAUVAiS. 


suivant  un  autre  calcul,  la  S'i/^i^  depuis  la  création.  Il  n'er» 
faut  pas  moins  retarder  la  <oinposiiioii  ou  lachèvement  du 
Spéculum  historinle ,  jusqu'à  l'an  inôo,  si  l'on  tient  compte 
de  l'un  des  tierniers  récits,  expressément  daté  de  cette  année- 
là  :  ^cta  eniin  sunt  hœc  anrio  Doniini  1260,  regni  veto 
ibid.p.  1^13.  J^udo^-ici  2/|;  et  jusqu'à  i254i  si  l'on  a  égard  à  ce  rjui  est  dit 
ensuite  d'une  canonisation  proclamée  par  Innocent  IV  en 
l'an  lo  de  son  pontificat:  Petrus  Mvdiolaiiensis  quein  et  papa 
Innocentius ,  hujus  noniinis  quartus ,  anno  ponlijicatûs  sui 
deciino  canonisavit .  .  .  tertio  calendas  Mali. 

Après  ces  dates,  le  Miroir  historial  ne  contient  plus  que 
l'épilogue  dont  nous  avons  déjà  indiqué  le  sujet  :  Epilogus 
Speculi  histotialis  continens  tractatuni  de  ultimis  teniporibus. 
1533  "^  '  ^^  La  mort  des  iiomrnes,  la  lin  du  monde,  catastrophe  (jtii,  selon 
sainte  Hddegarde,  doit  arriver  avant  l'an  237(1  de  I  ère  vul- 
gaire; l'avènement  de  l'an tfclirist,  (pi i  naîtra  dans  la  Bahvlonie, 
au  sein  de  la  trdju  de  Dan,  qui  régneia  i2<jo  jours,  ({ui  persé- 
cutera les  prophètes  H<*noeh  et  Elle,  mais  qui  périra  lui-même 
exterminépar  saint  .Michel;  la  conversion  des  Juifs,  dont  i44 
mille  souffi  iront  le  martyre  |)our  la  foi  chrétienne;  la  résur- 
rectiondes  corps,  le  jugement  dernier  et  général;  l'extinction 
et  le  rét.ihlissement  (les  lumières  du  soleil  et  de  la  lune;  le  sort 
des  réprouvés,  celui  d(S  élus,  et  le  renouvellement  de  luni 
vers,  telles  sont  les  matières  des  ^4  chapitres  dont  se  com- 
pose cet  appendice. 

Nous  venons  de  parcourir   toutes  les  parties  d'un  vaste 
recueil  qui,  depuis  la  lin  du  xui^  siècle  jusqu'au  milieu  du 
xviu«,  a  été  fort  loué  et  fort  critiqué.  Henri  de  Gand  y  a 
trouve  çà  et  là  beaucoup  d'articl<^s  utiles  aux  lecteurs  stu- 
dieux :  Milita  hinc  indeinserens  studiosis  lectoribus profiitura. 
Dr  Scr.  ecci.  {jp  Italien  qui  écrivait,  en   i38i  ,  un  traité  de  la  hiérarchie 
Bongars, Gesta  sous-célcste,  Comptait  Vincent  au  nombre  des  plus  illustres 
DeipeiFi. prsef.  liistorjens  tiaii(_ais,  avec   Grégoire  de    Tours  et  Turpin  de 
°-  ^-  Reims.  Cent  ans  plus  tard  ,  IVithèine  lui  décernait  le  premier 

rang  entre  les  auteurs  :  f  if  in  divinis  scrlpturis  studiosus  et 
excrcitatus  ac  veterum  Icctione  dives ,  inaenio  s'ihtUis  et  ser- 
mone  compositus ,  tantum  litteris  studiiun  adhibuit  ut  nullis 
unquaru  lahoribus ,  vigiliis  vel  occupationibus  ab  earum 
culturâ  poliierit  evocari ,  quin  semper  aut  iegeret ,  scriberet 
vel prœdicorct.  Tantus  itaque  fuit  ut post  se  necdian  habuerit 
parent,  si  ardua  qitœ  scripsit  opuscula  ex  niidtis  laboriosè 
collecta,  œqud  lance  cuni  cœteris  ponderentus. 


l'rilli.  UeSci 
fcti.  n.  .'ifiT. 


XII  [  SiffCLE. 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  5i5 

C'est  dans  l'ordre  même  auquel  il  avait  appartenu  que 
Vincent  a  trouvé  le  premier  censeur  sévère  de  son  faraud 
travail  :  nous  voulons  parler  du  Dominicain  espagnol  Mel- 
clnorCaiio,  qui  mourut  en  i5(')0  ,  laissant  entre  autres  écrits 

.     ,     T\      I       ■        I        /        •    •  '1  '      •         •  l*e  locis  Ineo- 

un  traite  De  locis  theologicis ,  ou  il  se  recrie  vivement  contre  i^g.  |  xi,  c  4, 
les   histoires  miraculeuses  semées   avec  tant  de   profusion   p.  f)V  ,  541. 
dans   le  Spcculiini   inajns ,   surtout   dans   Vhistoria/e  ;  il  se 
j)laint  particulièrement  de  la  multitude  de  contes  puériles 
qu'on   y  débite   sur  la   sainte  Vierge;   il   pense,  non  sans 
quelque  f.iison,  que  ces  tables  pieuses  affaiblissent  la  véné- 
ration   et  la  foi   dues   aux  récits  authentif|ues  auxquels  on 
les  associe.  Cette  critique  n'est  point  restée  sans  iniluence, 
tant  parce  qu'elle  n'était  pas   dénuée  de   fondement,  que 
jiarce  qu'elle  se  lisait  dans  un  livre  qui  a  eu  long-temps  du 
renom  et  même  de  l'autorité.  Cependant  l'ouvrage  de  Vincent 
conservait  sa  célébrité  au  temps  desVossius  et  des  Scaliger.  Il 
continuait  d'être  recherché  comme  renfermant  beaucoup  de    .  l^«Hisioi  la- 
choses  qui   ne  se  rencontr.iient  point  ailleurs.  Il  se  reim-  '""*'  '    '"^    ^ 
primait,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  à  Venise  et  à  Douai. 
Quoiqu'il  y  ait,  selon  Labbe,  de  l'exagération  à  tlire  avec 
Tritlième  (jue  l'auteur  du  Spéculum  n'avait  point  d'égal ,  le      Scaiigerana 
cardinal  Bona   reproduit  les  éloges  donnés  à  son  érudition,  ^^  '' 
à    sa    science  universelle  :   Fir  omniscius  ne  phirimœ  lec- 
tionis.  Quelques-uns   ne  voulaient  voir  en  lui   qu'un   pla-     Dissert. de Scr. 
giaire  :  pour  écarter  oa  atténuer  ce  reproche,  l'iiomasius,   !"'"'  '' "'  ^ 
dans  son  traité  du  Plagiat,  fait  observer  que  Vincent  lui- 
même  présente  son  propre  ouvrage,  non  comme  une  com- 
position originale,  mais  comme  un  recueil  d'extraits;  et  il 
juge  admissible  l'excuse  tirée  d'un  aveu  si  formel  :  Plagii  r,?^V^i' 
enim  culpa  solei  ex  eo  depelli  qui  ipse  in  opeiis  totius  prologo 
apertè  se  profiteatur  non  tractatoreni  sed  excerptorem ,  et 
nos  utcunque  ndniittimus.  Quensted    ne    met  aucune  res- 
triction à  l'hommage  qu'il  rend  au  hiborieux  écrivain  qui,       De  vi.is  iiu.»- 
|)ar  un  si  va.^te   ouvrage  ,  s'est  acquis  une  renommée    non  tiib.  p.  389. 
moins   étendue  :  Qui  longé  latèquc  nomen    suum  dijfudit 
vasto  illo  et  laborioso  opère.   Morhof  est  loin  de  professer 
pour  lui  tant  d'admiration;  il  lui  applique  pour  tout  éloge 
le  vers  tl'Horace  :  Cum  flueret  hitulenius ,  crat  quod  tollere 
velles.  Il  avoue  qu'il  y  a  dans  ce  fumier  des  parcelles  d'or, 
des  textes  et  des  documents  qui  ne  nous  seraient  point  par-      ''°'^''  '  ''  ! 
venus,  sans  le  travail  assidu  et  les  longues  recherches  du  "Va"! ;  i.  il ,  1! 
<ompilateur,  et  dont  on  a  profité  depuis  en  rédigeant  des  ii,p-''-4 

T  tta 


DePlacio.sctI. 


5i6  VINCENT  DR  BEAUVAIS. 


XIII  SIECLE. 


livres  du  même  f^enre;  mais  il  y  retrouve  l'ignoranre  gros- 
sière et,  en  fait  d  histoire,  toute  la  créduUté,  sinon  la  mau- 
vaise foi,  des  moines  du  nioven  Age.  Boeder  se  horne  à  dire 
Deuiiiitaie        ^"^  '*^  Miioir  liistorial  fourmille  de  futilités.  Le  juge  qui   a 
l'itndii  ex  hisio-  pour  Vincent  1(>  moins  dimlulgence,  est  celui  i|ui  peut-être 
'''^-  en  aurait  le  jilus  besoin  jjour  lui-méfne,  Adrien  Baillet,  qui 

Disc. sur riiisi.  '^  déclare  en  |)ro[)res  tet  mes  un  j/itoyaldc  historien,  «  destitué 
«le  la  \ie<ies  .S.S.  «  de  lexaclitudc  et  du  (lisceriicrnent  nécessaires  pour  une  si 
"  ~'^"  «  importante  eommis-^ion,  etijui  a  mal  ré|)ondu  an  choix  eth 

«  l'intention  de  saint  Louis.»  Flciuv  se  g  ude  bien  d'em[)loyer 
ces  ex])ressions   injurieuses.  Sil   fiit  remarcpier  les  défauts 
du  Spéculum  niajus ,  c'est  pour  montrer  combien  les  études 
et  surtout  la  critique  liistori(pje  étaient   imparfaites  en  ces 
temps-là.  Briicker  croit  y  trouver  de  plus  un  exemple  mé- 
Hist.  etcles.  I.   morable,une  preuve  sen>ible  de  la  stérilité  intellectuelle  qui, 
ixxxiv,  n.  5r      suivant  lui,  réduisait  alors  les  meilleurs  esprits  à  l'industrie 
de  compilateurs,  opinion  qui,  dans  cette  gétu-ralile,  nous 
Tii  '*'■  o-^ot''  semblerait  fort  contestable,  mais  fine  nous  n'avons  point  à 

ni,  p.  783-785;      ,.  ■     ■    ,^         ■  r  I-  ■   '  1-  •    T7-  I  I- 

t.  VI,  p.  592-  discuter  ICI.  (Quoique  tort  dispose  a  refusera  Vnicent  laquali- 
593.  '       fication  d'o/n/iiscius  que  Bona  lui  a  si  libéralement  décernée, 

Bru(  ker  lui  sait  gré  d'avoir  resserré  la  ])l)iloso|}hie  scclas- 
tique  en  d'étroites  limites,  et  i!  reconnaît  dans  son  ouvrage 
U1K3  collection  encyclopédique,  utile  au  moins  par  les  mor- 
ceaux précieux  qu'elle  nous  a  conservés. 

Les  premiers  rangs  dans  l'empire  des  lettres  appartiennent 
sans  contredit  aux  écrivains  originaux  qui  étendent  les 
connaissances  humaines,  qui  agiandi.ssent  une  science,  qui 
enrichissent  un  art,  qui  conçoivent  ou  expriment  des  idées 
nouvelles.  Il  serait  ptrmis,  (puii  rpi'en  ait  dit  Biucker,  d'at- 
tribuer cette  gloire,  jusqu'à  certains  degrés  du  moins,  à 
quelques  auteurs  du  xui*^  siècle;  jiar  exemple,  à  Guillaume 
le  Bieton  ,il.nis  un  genre  purement  littéraire;  à  saint  l'homas 
d'Aquin,  dans  les  études  théologiques;  surtout  à  Roger 
Bacon,  en  de  plus  vastes  et  jdus  ddlieiles  carrières.  Quant  à 
Vincent  (ie  Beauvais,  cet  éuunent  hoinieur  ne  lui  est  pas  dû 
sans  doute;  il  n'y  a  point  aspire.  Mais  si  queUpie  estime 
est  réservée  aux  hommes  laborieux  qui  consacrent  leur  vie 
entière  à  recueillir  et  à  lépanJre  les  coiuiaissances  acquises 
jusqu'à  réj)0(jue  de  leurs  propres  travaux,  il  nous  paraît 
l'avoir  méritée,  j)lus  peut-être  (piaueun  de  ses  contempo- 
rains. Nous  n'avons  plus  à  le  di-sculper  de  l'accusation  de 
plagiat  :  quand  on  nomme  ,  comme  il  le  lait ,  tous  les  auteurs 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  5i7 

dont  on  va  transcrire  ou  abréger  les  discours  ;  quand  on  rend 
si  tidèleincnt  à  chacun  tout  ce  qu'on  lui  a  emprunté,  on  ne 
dérobe  rien  à  personne.  Ce  n'était  là  qu'un  lecueil,  qu'une 
compilation,  si  l'on  veut,  mais  qui  coordonnait  et  rendait 
immédiatement  accessibles  à  tous  les  hommes  studieux  de  ce 
tem|)s,  d'innombrables  notions  éparses  dans  une  multitude 
de  livres.  Vincent  leur  épargnait  tout  le  travail  qu'il  s'était 
imposé  à  lui-même;  il  leur  offrait  tous  les  résultats  de  ses 
longues  recherches. 

La  classification  de  tant  de  matériaux  lui  appartient.  Il  a 
cru  pouvoir  les  comprendre  tous  sous  les  trois  titres  géné- 
raux de  Nature,  de  Science  et  d'Histoire.  En  suivant  l'ordre 
des  six  jours  de  la  création,  il  a  successivement  étudié  le 
Créateur  même,  les  purs  esprits,  les  cieux,  les  astres,  les 
éléments,  la  terre,  les  minéraux,  les  végétaux,  les  animaux; 
l'homme  enhn,  son  ame  et  son  corps.  I>es  sciences  ont  été 
distribuées  par  lui  en  six  classes  :  i°  Les  doctrines  littéraires, 
c'est-à-dire  la  grammaire  et  la  logique  sous-di  visée  en  dialec- 
tique, iliétorique  et  poétique;  2°  les  doctiines  morales,  qu'il 
nomme  la  monastique,  l'économique  et  la  politique,  en  éten- 
dant ce  dernier  titre  sur  lajuri.=prudence;  3"  les  arts  mécani- 
ques; V  lt"s  sciences  physiques,  rattachées  à  la  médecine;  5°  les 
siiences  mathématiques,  sous  lesquelles  la  métaphysique 
est  comprise;  et  en  ù^  lieu,  la  théologie.  Il  a  trouvé  et  laissé 
!'hi^toire  divisée  eu  six  âges  du  monde,  dont  le  ilernier  cor- 
respondait à  l'ère  vulgaire.  Ce  plan  n'est  assurément  point 
à  l'abri  de  la  critique;  mais  après  tout,  c'était  un  plan, 
et  le  moins  imparfait,  ce  semble,  qu'on  eût  jusqu'alors  pro- 
posé. Il  restait,  il  reste  peut-être  encore  aux  connaissances 
humaines  bien  des  progrès  à  faire,  pour  devenir  susceptibles 
d'une  classilication  exacte  et  com|)iète.  Il  est  vrai  aussi  que 
beaucoup  d'articles  sont  omis  oudclèctueux  dans  la  collection 
qui  vient  de  passersousiiosyeux  :  il  s'en  faut  qu'elle  embrasse 
toutes  les  sciences.  Entre  les  omissions  plus  ou  moins  graves, 
nous  n  indiquerons  ici  que  celle  des  productions  litt('raires 
dans  les  deux  langues  d'Oc  etd'Oil,  productions  déjà  pourtant 
bien  nombreuses,  en  vers  et  en  prose,  avant  i  aSo.  Vincent  qui 
a  connu  et  fréquenté  Hélinand,  qui  cite  ses  écrits,  qui  copie 
souvent  sa  chronique,  paraît  n'avoir  aucune  connaissance 
de  ses  stances  sur  la  mort.  11  ne  nomme  aucun  trouvère, 
aucun  troubadour,  pas  d'autre  romancier  que  le  prétendu 
Turpin  qu'il  prend  pour  un  historien.  Les  littératures  en 

1   6 


XUI  SIECLE. 


5i8  VINCENT  DE  BEAU  VAIS. 

XIII  SIKCLE.     ,  ,       .  ...  ,.  ,, 

langue  vulgaire  ne  semblaient  pas  encore  dignes  d  entrer 

dans  le  cours  général  des  études. 

Que  Vincent  ait  partagé  les  opinions  accréditées  parmi 
ses  contemporains,  y  compris  celles  qui  depuis  ont  été  ju- 
gées superstitieuses,  on  ne  saurait  le  lui  reprocher  sérieuse- 
ment, sans  méconnaître  l'empire  qu'exercent  toujours  sur 
les  esprits  les  plus  cultivés,  les  habitudes  et  les  traditions  de 
leur  pays  et  de  leur  siècle.  Mais  lorsqu'il  grossit  ses  livres  de 
tant  de  relations  fabuleuses  ou  mensongères,  déjà  incroya- 
bles de  son  temps,  il  altère  sans  nécessité  l'utile  instruction 
qu'il  s'est  chargé  de  pro|)ager  ;  et  sur  ce  point,  ni  les -excuses 
qu'il  allègue,  ni  celles  qu'y  ajoute  son  apologiste  Echard,  ne 
Scr.ord.Prad.  nous  paraissent  admissibles.  Il  n'entend,  dit-il ,  ni  affirmer 

i.I,p.235,a  .  jjj  lejeter  ces  prodiges;  et,  selon  lui,  on  les  peut  croire  sans 
péril,  pui-sque  après  tout.  Dieu  a  pu  les  opérer.  11  attribue 
cette  dernière  maxime  à  saint  Jérôme,  qui  n'est  point  l'auteur 
du  livre  apocryphe  où  elle  se  rencontre.  Toute  altération  de 
la  vérité  estun  dommage,  tout  abus  de  la  confiance  des  lecteurs 
est  une  infidélité;  et  l'histoire  n'est  plus  une  science,  elle 
n'est  plus  une  étude  raisonnable,  quand  des  récits  merved- 
leux,  qui  ne  sont  aucunement  attestés,  usurpent  la  place  des 
faits  positifs,  rigoureusement  vérifiés.  Nous  croyons  donc 
qu'à  cet  égard  les  remarques  de  Melchior  Cano  subsistent, 
et  (lue  Vincent  avait  raison  de  regretter  le  temps  et  l'esp  icc 
employés  à  recueillir  tant  de  fables. 

Les  écrits  et  les  documents  qu'on  doit  lui  savoir  gré  de 
nous  avoir  conservés,  sont  ceux  qui  tiennent  à  de  véritables 
études,  à  des  doctrines,  à  des  traditions,  à  des  erreurs  même 
qui  ont  obtenu  quelque  crédit  ou  exercé  quelque  influence 
dans  le  cours  des  âges.  Ses  livres  nous  olfrent  en  effet  un 
tableau,  ou,  pour  conserver  leur  titre,  un  Miroir  des  travaux, 
des  progrès,  des  écarts  de  l'esprit  humain.  C'est  par  là  qu'ils 
se  recommandent;  il  n'y  a  plus  guère  d'autre  instruction 
immédiate  à  y  chercher  aujourdhui.  Us  n'ont  presque  plus 
rien  à  nous  enseigner,  mais  beaucoup  à  raconter.  Toutes  les 
fois  qu'on  voudra  savoir  quelles  étaient  en  France,  vers  laôo, 
la  direction  et  les  matières  des  plus  hautes  études,  quelles 
scieiicis  on  cultivait,  quels  livres,  soit  anciens,  soit  alors 
modernes,  étaient  lus  ou  pouvaient  l'être;  quels  auteurs 
étaient  connus  ou  ignorés,  admirés  ou  négligés;  quelles 
questions  s'agitaient,  quelles  controverses  se  perpétuaient; 

quelles   opinions,   quelles   doctrines    prévalaient    dans   les 


VINCENT  DE  BEAUVAIS.  Sig 

,       ,           ,          ,                        ,             1          1        '    I-             .          I                 .         ""  SIÈCLK. 
écoles,  dans  les  monastères, dans  les  églises,  dans  le  monde;  

ce  sera  surtout  à  Vincent  de  Beauvais  qu'il  faudra  le  de- 
mander. De  tous  les  ouvrages  du  xin«  siècle,  le  sien  est 
celui  qui  peut  jeter  le  plus  de  jour  sur  l'ensemble  et  sur 
plusieurs  détails  de  l'histoire  littéraire  de  cet  âge.  Nous  dé- 
sirons que  cette  considération  puisse  servir  d'excuse  à  la 
longueur  de  l'article  dont  il  vient  d'être  le  sujet.  D. 


NOTICES 


SUR  DES  AUTEURS  DONT  LES  OUVRAGES  ONT  PEU  D  IMPORTANCE, 
OU  APPARTIENNENT  PEU  A  l'hISTOIRE  LITTERAIRE  DE  LA 
FRANCE. 

I.  JEAN  DE  LOUVAIN,  dit  le  Précurseur,  moine  cister-      „ 

,,  o    1  I  1  ■  I      TTii  Mart.     Thés. 

cien  ,  mort  vers  1  an    1190.  beion  la  chronique  de  Villers,  aoecd.  t.  m ,  p. 

moniistt're  cistercien  au  diocèse  de  Namur,  ce  moine,  d'abord   »367. 

sacristain  de  l'église  de  son  couvent,  en  devint  ensuite  le 

celléiier,  ay.nit  le  gouvernement  des  irères  convers  :  Conver- 

soruni   modevator ;  et   enfin,  dans  ses  vieux  jours,  il   fut 

maître  des  novices:  Càni  jnni  veteranus ,  dit  la  chronique, 

et  cnieiitœ   mititiœ  senex  esset ,  inslituendoruin  novilioriim 

officiinn  strenuè  adinrplehat  ;  et  ex  lus  quœ  Ion  go  usu  didi- 

cerat,  riidei  adliuc  mentes  contra  tripliceni  funiculum  carnis, 

niunni  ac  diaholi,  qui  difficile  rumpitur,  exempUs  tcim  ve- 

terihus ,  qiiàni  recentionbus  cou  tiares  adversiis  vitia  reddehat. 

Il  s'occupait  en  outre  à  écrire  les  actions   mémorables  des 

saints.  La  chronique  citée    ci-dessus  lui  attribue  quelques 

ouvrages  (pie  la  Bibliothèque  ci.stercieniie  dit  être  restés  dans      Bibiioih.  cii- 

l'nbbaye  de  Villers,  et  dont  voici  les  titres:  \°  Liber  de  vitis  •^'"''  P-  '7*- 

Chris ti  salvatoris  et  B.  Virgin is  Mariœ  ;  1°  Vitœ  plurimonim 

religiosornm  sanctitate  iUustiium  illiiis  doniûs  ;  3"  Liber  de  vitd 

boni  monachi ;  [\°  Alii phires.  — Ce  moine  transcrivit  encore, 

pour  l'usage  de  son  monastère  ,  un  recueil  ayant  pour  titre  : 

Opus  pium  ,   renfermant  le   psautier,  des  oraisons  et  des      vai      Andr 

litanies,  pour  être  récitées  auprès  des  agonisants.  Valère  Bibi.  belg.  591. 

André   et  Ilenri(juez  parlent  à  peu  près   de  même  de  ce  Menoiog. p.iga. 

religieux. 


520  NOTICES 


XIII  SIÈCLK. 


On  ne  peut  spécifier  aucune  date  ni  de  sa  vie,  ni  de  sa 
mort;  mais  la  chronique  de   Voiliers  citant  dans  le  chapitre 
qui  suit  cehii  de  ce  moine,  le  nom  d'Ulric  qui  fut  abbé  vers 
Gaii. christ. p.  l^i  fiu  du  xii^  siècle,  on  peut  conclure  de  Va  que  Jean  de 
3-585.  Louvain  mourut  avant  ou  pendant  la  prélaturp  d  Ubic.  Si  ,  à 

cette  considération  ,  on  ajoute  ce  que  la  chronique  rapporte 
au  même  endroit ,  en  disant  qu'un  ancien  sacristain ,  nommé 
Jean,  apparut  après  sa  mort  à  l'abbé  Ubic,  on  en  déduira 

a  lie  ce  sacristain  était  probablement  celui  qui  fdit  le  sujet 
e  cet  article,  et  qu'il  mourut  un  peu  avant  cet  abbé,  qui 
mourut  lui-même  en  1190.  P.  R. 


Theod  Pcti.  II.  MARTIN  DE  LAON  ,  né  dans  la  ville  de  ce  nom, 
Bibiioih.  Car-  était  pricur  de  la  Chartreuse  du  Val  Saint-Pierre,  entre  les 
ihu». p. 238. _  années  1170  et  1 180.  On  ne  sait  pas  la  date  de  sa  mort.  Il 

Possevin-Appar.  .         '  .  i.     i.  i  e      ••     i  ^  ^ 

s.  t.  II.  —Du  a  pu  vivre  jusqu  a  louverture  du  xiii  siècle,  et  même  jus- 
Cangc,  ind.  au-  qu'à  l'an  I  ii26.  Du  restc,  il  n'est  connu  que  par  une  épître 
thor  col  i3o._  ^  ^^  novice  qui  sonjreait  à  quitter  ce  monastère,  pour  entrer 

F»br.  Bibl.  med.      ,  \  ".  .•  »i»-i-  -iil 

et  inf.  lat.v.  40.  daus  uu  Ordre  moins  rigoureux.  iMartin  lui  conseille  de 
— Oudin.Coni.  persévércr  dans  sa  première  vocation;  et  ce  qu'il  y  a  de  plus 
''*^tr''ccV"'  remarquable  dans  la  pieuse  exhortation  qu'il  lui  adresse, 
c'est  qu'elle  est  toute  composée  d'expressions  bibliques,  de 
pensées  et  de  paroles  empruntées  aux  livres  sacrés.  Un  ano- 
nyme a  fait  en  20  vers  latins  un  pompeux  éloge  de  cette 
composition.  Nul  auteur,  dit-il,  n'a  mieux  connu  les  di- 
vines écritures,  et  saint  Bernard  lui-même  n'en  a  pas  autant 
profité. 

Nota  magis  nulli  doinus  est  sua  qiiam  venerando 

lllius  authori  pagina  sacra  fuit. 
Nulluni  etenim  sensuin  aut  dictum,  vis  denique  verhum  , 

Quod  non  conlineant  Biblia  sacra,  tenet.  .  . 
Multa  quidein  divus  Iternardus  dogniata  fudit 

Codice  divino  canonicisque  libris. . . . 
At  nulluni  legi  qui  sensa  tôt  accumulavit 

E  sacris  verbis,  ut  author  iste,  etc.  .  . 

Cette  épître  a  été  mise  au  jour  par  Théodore  Petreius, 
en  iGoy,  à  Cologne,  et  réimprimée  à  Lyon  dans  le  tome 
XXVII  de  la  grande  Bibliothèque  des  Pères.  C'est,  sous  le 
titre  A'Epistola  sacra,  un  véritable  traité  ascétique,  divisé 
en  19  chapitres.  P 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  Sai 

TiT     inv  >  lU  l'A  I  .  r      XmSlÈCLE. 

111.  IDA,  première  ahbesse  d  Argensoles,  morte  en  1220. 


Le  monastère  d'Argeiisoles  ("ut  fondé,  en  1-222,  par  Blanche,      oaii.  cir.    1. 
comtesse  de  Cliainpagne  et  de  Brie.  Elle  y  appela  pour  ab-  IX,  p.  478. 
besse  Ida,  religieuse   de  Saint-Léonard  près  de  Leyde,  et 
ce   nouveau   monastère    lut  soumis  à    la  règle  de   Cîteaux. 
L'abbcsse  Ida  avait  acquis  une  certaine  célébrité,  et  un  re- 
.  ligieux  du  même  ordre  qu'elle,  Philippe,  moine  de  la  Char- 
moye  au    diocèse  de  Cliàlons,  avait   écrit  sa  vie,  t|ui  est 
restée  manuscrite,  et  inconnue  à  l'auteur  de  la  Bibiiothèciue  ,S"^  ''  *^*"^'   '' 
cistercienne.    1  iiomas  de  Lantimpie  lui  consacre  deux  arti- 
cles tiaiis  son  livre  des  Abeilles.  Dans  le  premier,  il  dit  que      Bibl.  cisierc. 
cette   abbesse,  qui    n'avait    jamais    lait    d'étude  littéraire,  p- 220. 
était  parvenue  à  comprendre  non  seulement  les  livres  de  ..    """    •=  Can- 

,         ,  '     .  ,  111-11  tim|).de.4pibus, 

théologie,  et  a  se  rendre  habile  dans  cette  science,  mais  p.  ^îo. 
encore  à  saisir  parfaitement  les  livres  de  saint  Augustin  sur 
la  Trinité,  au  point  qu'elle  en  exposait  clairement  la  doctrine, 
et  qu'elle  en  résolvait  les  (juestions  les  plus  difficiles.  Dans 
le  second,  il  laconte  comment  elle  demanda  à  Dieu  de 
mourir  en  rem|)Iacement  de  la  comtesse  Blanche,  et  qu'elle 
oljtint  cette  grâce.  On  ne  sait  rien  de  plus  des  faits  qui 
concernent  sa  vie,  si  ce  n'est  qu'après  avoir  administré  son 
abbave  durant  l'espace  de  quatre  ans,  elle  mourut  le   i3 

."  ,.  '  '  T.     r»  U3\\.    chr.     t. 

janvier  1226.  P.  R.  ix,p.478. 

IV.  ALEXANDRE  NECHAMUSouNeckamestun  Anglais    Baieus, m, 86. 
né  à    Hartford,   peut-être   vers    ii5o.  Ses   contemj)orains 
changèrent  i)ar  plaisanterie  son  nom  en  Nequain;  depuis  il 

•.  '  1  C    ■  I  '    I      IVT  l'i  I  Brompton,  vfl 

a  ete,  par  erreur,  quelquetois  appelé  de  iNuques.  Elevé  dans  auctor  chronici 
le  monastère  de  Saint-Alban,  il  se  distingua  par  de  rapides  Joievaliensis. 
progrès.  On  lui  confia  l'école  de  Dunestable;  mais  il  brilla      Bi>'cker,Hist. 
bientôt  sur  un    plus  grand   théâtre,  l'iolesseur  a  Pans  en  iii,p. ^^85. 
1180,  il  attira  une  foule  nombreuse  d'auditeurs,  qui  admi-      Eg.    Bniaei  , 
raient  en  lui  un  théologien  profond,  un  habile  philosophe,  ""''■  ^""'-  ***" 
un  rhéteur  disert  et  un  fécond  poète.  Cependant  il  voulut  él^^jj.  ''''   '' 
revenir  dans  sa  patrie  :  en  1  18G,  il  redemanda  son  école  de      Cave,  Hisior. 
Dunestable,  qu'il  reprit  en  effet  en  i  187.  Après  l'avoir  tenue  ''"';'■•  Scnpt.  ec- 
durant  une  année,   il    désira  de  passer  a  celle  de  Saint-  laiS,  p.  ^07. 
Alban,  et  en  fit  la  demande  à  l'abbé  Guarin  qui,  dit-on,    DuCange,  ind. 
lui  répondit  :  Si  bonus  es ,  ■vcnias ,  si  nequam  ,  nequaquam.  '^°';,^*:     

rv-  '  ,.  ,,      .      |,,      ,  .  '.  .1-1  Fabric.   Bibl. 

U  autres  disent  que  c  était  I  habit  monastique  qu  il  avait  de-  ^gj  e,  inf  |a, 
m,andé,  et  que  l'abbé  ne  lui  accorda  point.  Neckam  se  1. 1, p.  66,67. 
consola  de  ces  refus,  quels  qu'ils  fussent;  il  s'en  moqua      ^^-  Hearne, 

Tome  XV m.  V  v  v 

?  6    * 


532  NOTICES 


XIII  SIECLE. 


même,  se  fit  chanoine  régulier  de  l'ordre  de  Saint-Augustin, 
colieri.  i.iil.p.  et  devint  en  laaS  ;i!)bé  d'Exeester.  Il  mourut  eu  isa--,  et 
'  Lcland  c  218    ^'^^  inscrivit  sur  sa  tombe  les  quatre  vers  suivants  : 

Lejser,    Hist. 

puera,  mrd.  xvi,  Edipsim  patitiir  .sapieiitia  ,  sol  scpelitiir  ; 

yy2 ,  gfj'î.  Cul  sl  par  uiiiis,  iiiinus  csset  llel)ile  l'umis: 

Oudin,  Coiii-  Vir  belle  tlisertiis  et  in  onini  more  facctiis; 

ment.  Scr.  eccl.  Dictus  erat  Aequain ,  vitaiii  diixit  tanu-n  aeqiiam. 
I    III,  p.  4-8. 

uanirT  32'   ^        ^^  liste  de  ses  écrits  est  fort  longue;  mais  ils  ont  si   peu 
.SaxiiOi.oinast.   d'impoftance  qu'il  n'en  a  été  rien  imprimé,  siuon  le.s  courts 

t.11,288.  extraitsqu'en  ontdonnés  Lelind,  Thomas  Hearne,  Bromp- 

ton,  Du  Boulay,  Cave  et  Leyser.  Les  poèmes  de  Neckam 
avaient  pour  titres:  De  laudc  snpientlœ ;  De  ojficio  iiiona- 
choruin  ;  yid  viros  religiosos  ;  De  convcrsionc  Mcip^dalenœ  ; 
Cornniendationes  vini;  (arminci  dwersa.  \\  a  veisifié  aussi 
des  fables,  un  nouvel  E.sope,  et,  dit-on,  un  nouvel  Anien; 
c'est  sans  doute  Avien  qu'on  veut  dire.  Le  premier  de  ces 
apologues  conTmence  par  ce  \ers  :  Ini^luvie  cogente  lupus 
duni  dei'otnt  agnum.  Neckam  entremêle  des  vers  à  ses  pro- 
ductions en  prose,  suitout  à  la  plus  consiilérable  de  toutes, 
à  ce  qu  il  semble,  celle  qui  traite  de  la  nature  des  choses  : 
De  Naturis  ou  Laudes  dà'inœ  Sapientiœ ,  en  sept  livres.  Il  y 
est  dit  que  la  culture  des  lettres  assure  la  puis.sauce  et  la 
prospérité  des  cités;  ce  que  l'auteur  croit  assez  prouvé  par 
les  exemples  d'Athènes,  de  Rome  et  de  Paris  :  Lt  patet  de 
Grœcià  qiiando  florucrunt  studia  Athcnis ,  de  Roinâ ,  de 
regno  Francorum  ex  quo  floruerunt  studia  in  illo.  l  ictoria 
enim  militiœ  et  gloria  philosophiœ  quasi  siinul  concuvrerunt 
et  hoc  merito ,  quia  philosophia  vera  docet  juste,  etc.  Plu- 
sieurs de  ses  autres  ouvrages  consistent  en  explications 
de  l'Ecriture  sainte,  soit  qu'ils  concernent  particulièrement 
certains  livres  de  l'ancien  ou  du  nouveau  Testament,  tels 
que  les  Psaumes,  les  Proverbes,  le  Cantique  des  cantiques, 
Ezécliiel,  les  Evangiles;  soit  qu'ils  embrassent  la  Bible  en- 
tière: J  ocabidariuni  bihlicum,  Lectionesscripturarum,  Con- 
cordant iœ  hibliorum  ,  Correctiones  biblicœ,  Super  utrumque 
Testanientum.  C'est  à  cette  même  classe  qu'appartient  le 
livre  de  Neckam,  intitulé  :  Eiucidatonum  bibliothecœ ;  car 
il  ne  fait  qu'y  ëclaircir  des  passages  difficiles  de  la  Bible; 
et  ce  n'est  pas ,  au  moyen  âge  ,  le  seul  exemple  de 
l'application  spéciale  du  mot  Bibliotheca  à  la  littérature  sa- 
crée. On  a  du  même  auteur  un  grand  nombre  de  traités 


XllI  SrECLE. 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  533 

théologiques,  savoir:  un  sur  les  règles  de  cette  étude;  4  sur 
les  vertus,  la  foi,  l'espérance,  la  chaiité,  les  degrés  de  l'hu- 
milité, les  préceptes  du  décalogue;  4  concernant  le  symbole, 
les  causes  de  l'incarnation,  1  avènement  de  Jésus-Christ 
l'exorcisme  ou  le  baptême;  six  sur  les  mérites  de  la  Vierge 
Marie,  sa  nativité,  sa  pureté,  son  alliance  avec  Joseph,  son 
annonciation,  son  assomption;  un  manuel  de  la  vie  et  de  la 
mort;  et  18  sermons.  Alexandre  Neckam  a  commenté  les 
livres  dAristote  sur  l'ame  et  sur  les  météores,  les  métamor- 
phoses d'Ovide,  une  partie  de  l'ouvrage  de  Martianus  Capella- 
et  composé  un  abrégé  de  mythologie.  Il  a  de  plus  laissé  des 
traites  élémentaires  de  grammaire  :  hngogicumde  gramnia- 
ticd  ,  Corrogntiones  de  tropis  et  figinis ,  Repertorium  voca- 
bulorum,  Distùictiones  verbonim ,  De  accentu  in  mediis 
syllahis  ,  De  nominibus  utensilium  ;  enfin  des  mélanges  : 
Quœsdones  variœ ,  Speculwn  speculationum  en  quatre 
livres,  etc.  Toutes  ces  compositions  ou  compilations  de- 
meurent inédites;  et  l'on  n'en  trouve  des  manuscrits  qu'en 
Angleterre,  à  l'exception  toutefois  du  traité  de  la  nature  des 
choses,  dont  il  y  avait  des  copies  à  Tours  et  à  Saint-Gerraain- 
des-Prés.  D. 

V.  EUDES  DE  SORCY  ou  Sorcey  ,  évêque  de  Toul.  — Il 
ne  faut  pas  confondre  ce  prélat  avec  un  autre  Eudes,  aussi 
évêque  de  Toul,  auteur  de  statuts  contre  les  ravis.seurs,  les 
hérétiques  elles  apostats.  Celui-ci  était  mort  depuis  vingt-un 
ans,  lorsque  l'autre  parvint  au  siège  épiscopal.  Eudes  de  Sorcv      ,.     ^  . 

^  •     >   1-  •  f        -111  11^  •  .       ■^,        D.      Calmet  , 

appartenait  a  1  ancienne  mmnWd&cenoxQ^deCiorcejoantiqud  Hist.  de  Lorrai- 
propagine  natus.  En  iai8,  il  fut  élu  évêque  de  Toul,  et  »":,t.  i,  c.  180. 
couverna  ce  diocèse  pendant  dix  ans,  et  non  sans  avoir  de   .  ?,*""T*'' **!*'■ 

y.    ,  1  •      '  A  I  1     T.  deToul,  p.  i3o. 

fréquentes  altercations,  tantôt  avec  le  comte  de  Bar,  et  tantôt 

avec  le  comte  de  Champagne.  Les  motifs  de  ces  altercations 

et  les  événements  qui  en  furent  la  suite,  sont  racontés  en  détail 

dans  l'histoire  de  Lorraine,  mais  ne  peuvent  nous  intéresser      d     Calmei 

aujourd'hui.  Illudesde  Sorcy  mourut  en  ia28,et  il  fut  enterré  Hisi.  de  Lorrai- 

diins  sa  cathédrale,  à  laquelle  il  avait  fait  plusieurs  legs     •>«,  t.ii.p.  286 

comme  on  le  voit  par  ce  passage  tiré  des  Preuves  de  l'histoire  '^^  *  ' 

de  Lorraine  :  Acquiswit  medietatcm  pugneti  {^une  poignée  de 

grains  )  hujus  c'witads ,  et  huic  ecclesiœ  devotus  contulit;  item      t.i.c.clxix. 

oleum  nuceiim  sufficiens  uni  lampadi  nocte  et  die  lucenti  in 

hâc  ecclesiâ  ;  item  acquisivit  duos  cereos  ad  missam  heatœ 

Mariœ  Virginis  in  perpetuum  accensos ,  etc.  Nous  ne  con- 

V  VV2 


XIII  SIECLE. 


524  NOTICES 

naissons  de  ce  prélat  qu'une  lettre  ou  charte  en  faveur  du 
prieuré  de  Mervaville.  Ce  titre  n'a  rien  d  important ,  et 
n'aurait  pas  sutH  pour  que  son  nom  eût  place  dans  notre 
galerie  littéraire,  si  les  cliroiiiqucs  n'eussent  f.iit  1  éloge  de 
son  érudition  et  de  ses  qualités  apostolicjues,  et  si  des  bio- 
graplîes  ne  l'eussent  rangé  parmi  les  savants  de  son  siècle. 

A.  D. 

lîiUioth.  Bi-  VI.  PIERRE  DEROISSY.  — MontHuicon  cite  deux  ma- 
biioih.  mss.  1. 1,  miscrits  du  Vatican,  dans  lesquels  se  trouve  un  IManuel 
l^g  '•'  ■  ' ''  [  Manudle)  de  Pierre  de  Roissy,  chancelier  de  l'éj^lise  de 
Chartres.  Comme  ces  manuscrits  contiennent  en  même 
temps  le  Pénitentiel  de  Richard  de  Saint-Victor,  le  traité  de 
Jean  Beleth  :  De  officiis  ecclcsiasticis,  le  IJbvrclericalis  disci- 
plinœ  de  Pierre  Alphonse,  on  a  lieu  de  croire  cjue  le  Manuel 
de  Pierre  de  Rnissy  concerne  aussi  l'orfice  divin,  les  devoirs 
ou  fonctions  des  clercs ,  l'administration  des  sacrements;  et 
qu'il  n'a  pas  été  rédigé  très-long-temps  aj)rês  ceux  auxquels 
il  est  joint.  C'est  le  seul  renseignement  cpie  nous  ayons  sur 
l'auteur,  qui  apparemment  était  né  à  lioissy,  prè.sde  Gonesse, 
et  c'est  aussi  runi(|ue  indice  cjui  nous  autorise  à  supposer  que 
sa  carrière  ne  s^'est  pas  prolongée  au-delà  de  iy.3o.  D. 

\  11.  GERARD,  né  à  Iloraigny,  village  voisin  de  Gisors, 
s'engagea  dans  l'ordre  de  Saint-Renoît,  et  devint,  en  1212, 
abbé  de  Saint-(jermer,  au  bourg  de  Flaix  dans  le  diocèse  de 
Beauvais.  Il  abdiqua  cette  fonction  dès  l'année  même  où  il 
Gaii.    christ,  l'avait  acceptée  ;  mais  il  la  reprit  en    121 5.  Les  chartes  ou 
nova,  t.  IX,  p.  transactions  qu'il  a  souscrites  sont  tout-à-fait  étrangères  à 
79^-7^4  l'histoire  des  lettres;  et  le  seul  écrit  qu'on  lui  attribue  con- 

siste en  statuts  concernant  la  célébration  des  principales  fêtes 
des  saints  et  le  rétablissement  de  quelques  antiques  usages. 
Il  mourut  en  i23(">.  On  l'enterra  dans  son  monast^^re ,  et  l'on 
inscrivit  sur  son  tombeau  celte  épitaphe  : 

Quid  f;icitiiiis  cum  negligimus  peccata  cnvere? 

Qui  jacet  liîc  semper  stiuluit  bene  cuncta  t'overe. 

Cum  nioritur,  non  deseritur  Gerardus  in  inio, 

Sed  cœlo  infertur,  dono  ditatus  opinio.  D. 


„     ,  VIII.  GUILLAUME  BURELL,  à  qui  la  chronique  de  Sa- 

Gall.    chr.    l.       .  .     ,       ,  i        1^     ?/•  i  î* 

XI,  p.  484.        Vigny,   citée  a   ce  sujet  par  la    Gallia ,  donne  le   surnom 
d  Oslilly,  succéda  en  121 1  à  Guillaume  Tollermen  sur  le 


XIII  SIECLK. 


SUR  DIVERS  AUTF.URS.  525 

siège  d'Avranclies.  La  même  chronique  dit  que  sa  probité 
grandit  avec  sa  nouvelle  dignité,  et  elle  rapporte  qu'il  dé- 
clara, dès  le  commencement  de  sa  prélature,  que  ni  lui  ni 
.^es  successeurs  n  avaient  le  droit  d'intervenir  dans  l'élection 
de  l'abbé  du  Mont-Saint-Michel,  célèbre  abbaye  de  l'ordre 
des  Bénédictins,  fondée,  dans  le  huitième  siècle,  sur  un  roc 
avancé  dans  la  mer,  aux  confins  de  la  Bretagne  et  de  la 
Normandie,  et  surnommée  in  ou  de periculo  maris.  Ce  prélat 
fut  du  nombre  de  ceux  qui  assistèrent  aux  obsèques  du  roi 
Pliilip[)e-Auguste ,  en  I2>'i.  Il  fit  construire  un  hôpital  dans 
le  voisinage  de  sa  ville  episcopale,  au  bourg  de  Mcadone ; 
et  en  mémoire  de  ce  fait,  on  gra\a  sur  le  mur  de  cet  hospice 
ces  deux  vers  qui  s'y  lisaient  encore  long-temps  après  : 

Huic  (Idimii  pi  iiiium  Gnillclmus  prjvliuit  ortiuii, 
Quem  Doiuinus  faciat  cœli  coiiscoiulori'  porliim. 

Guillaume  mourut  en    laSO,  le   jour  de  Saint-Simon   et 
Saint-Judc,  selon  la  chronique  tie  Savigny,  c'est-ii-dire  le  2(S 
octobre.  Les  titres  littéraires  du  prélat  consistent  en  deux      Mart.  Anec.i 
lettres  et  un  a(  te  qui  nous  sont  restés  de  lui,  plus  un  acte  •  i,p  9^' 
que  saint  Louis  donna  en  sa  faveur.  La  première  lettre,  datée 
de  1225  et  adressée  à  Radulphe  de  Villedieu,  abbé  <iu  Mont- 
Saint-Michel   ///  j)ericiilo  maris,  a  pour  but  d'informer  cet 
abbé  que,  selon  l'ordre  du  légat,  le  prélat  excommunie  toutes 
les  personnes  qui   porteraient  quelque  dommage,  soit  au 
royaume  ,  soit  au  roi  de  France  qui  s  était  croisé  contre  les 
Albigeois  :  elle  ordonne  de  recueillir  les  dîmes   qui  seront 
levées  en  faveur  de  ce  monarque,  pendant  la  durée  de  cette 
guerre.  Cette  lettre  assez  étendue  ne  présente  rien  de  remar- 
quable, si  ce  n'est  l'emploi  de  ces  mo\f<  :  g uerra ,  guerrca- 
tores ,  glurreare,  employés  pour  guerre  ,  cumbattants,  faire 
la  guerre.  1  -a  seconde,  citée,  comme  la  première,  par  Martène,      '''  i'  'J'*'^ 
d'après  un  manuscrit  du  Mont-Saint-Micliel ,  était  probable- 
ment adressée  au  même  abbé.  Elle  est  datée  de  122^,  et  le 
prélat  y  prononce  les  peines  de  l'excommunication  contre  les 
ennemis  des  biens  1 1  des  personnes  ecclésiastiiiues.  En  i  aS  i ,     !?"'''"  ^^^^ 

I  -ni  -  »nlie<l.    t.    I.    |) 

le  roi  Louis  I\  donna  un  acte  que  cite  encore  iMartene,  ,if,i, 
d'après  un  manuscrit  de  Colbert,  et  par  lequel  on  voit  que  ce 
monarque,  voulant  réparer  les  dommages  qui  avaient  été 
faits  au  jardin  de  l'évêque  par  la  construction  des  fortifica- 
tions de  la  ville  d'Avranches ,  assigne  à  ce  prélat  douze  livres 
de  monnaie  de  Tours  ou  Tournois,  à  recevoir  chaque  année 


526  NOTICES 

XIII  SIF.CLF        .  .  ,  ,    ,  ,      „  , 

des  mains  du  prevot  royal  d  Avranches    Dans  les  Preuves 

Gaii.  chiist.  I.  de  l'Histoire  de  TJ^glise  d'Avranclies ,  se  trouve  un  acte  de 

Xl^,  iMfir  p.  l'jj,,  i23(;^  fait  entre  l'évêque  et  le  chapitre  de  cette  ville, 
d'une  part;  l'abbé  et  le  chapitre  du  Mont-Saint-Mirhel  de 
periculo  maris,  de  l'autre,  relativement  à  l'administration 
de  leurs  districts  respectifs.  P.  R. 

IX.  PIERRE  DE  REIMS,  reiif^ieux  dominicain,  ëvèque 
d'Agen,  mort  en    ia'|2.  —  Ce  religieux  narpiit  à  Reims  en 
Champagne  dans  le  douzième  siècle,  et  reçut  son  surnom 
de  sa  ville  natale,  usage  assez  commun  en  ce  tetn[)s-ià.  Saint 
Dominique  ayant  envoyé  à  Paris,  en  laiy,  quehjues-uns  de 
ses  religieux,  sous  la  conduite  du  frère  Matthieu,  j)Our  y 
fonder  une  maison  de  son  ordre,  Pierre  fut  un  des  premiers 
de  cette  capitale  qui  s'agrégèrent  à  son  institut.  I!  avait  acquis 
de  la  célébrité  dans  les  écoles  de  Paris,  surtout  parmi  les 
prédicateurs  de  cette  ville;  il  n'avait  cependant  pas  encore 
pris  le  degré  de  maître  dans  la  faculté  de  théologie,  mais 
seulement  celui  d'interprète  de  la  sainte  Ecriture.  Saint  Do- 
minique ayant  remarqué  en  lui  une  grande  piété,  un  grand 
zèle  pour  le  salut  des  âmes,  et  de  grands  talents  pour  an- 
noncer la  parole  de  Dieu,  le  fit  élire  premier  prieur  de  la 
province  de  France,  dans  le  chapitre  général  de  l'ordre  qui 
se  tint  à  Bologne  en  1221  ,  et  dans  lequel  on  fit  la  division 
des   provinces   de   Tordre   naissant.   Il   exerçait   encore   les 
mêmes  fonctions  en  i2a4i  anné-e  en  laquelle  il  envoya  quel- 
ques religieux  à  Lille  en  Flandre,  pour  y  établir  une  com- 
munauté, à  la  demande  des  chanoines  et  du  curé  de  cette 
ville.  Frère  Matthieu,  prieur  de  la  communauté  de  Saint- 
Jacques  à  Paris,  étant  mort  en  laay,  Pierre  lui  succéda  après 
avoir  résigné  ses  fonctions  de  provincial.  Vers  i23o,  il  fut 
fait  de  nouveau  prieur  provincial  de  France,  dignité  qu'il 
occupait  encore  en  i233;  car  il  confirma  en  cette  année  les 
conventions  faites  entre  les  chanoines  et  le  curé  de  \  alen- 
ciennes  pour  l'ét.iblissement  d'une  communauté  de  son  ordre 
dans    cette  ville.  Il  continuait   d'en   remplir   les   fonctions, 
selon  les  uns,  ou  il  s'en  était  démis,  selon  les  autres ,  lorsqu'il 
fut  élevé  à  l'évèchéd'Agen.  Les  rédacteurs  de  l'ancien  ne  G  allia 
christiana  ne  parlent  pas  de  cet  évêque,  et   laissent  le  siège 
vacant  depuis  1282  jusqu'en  I245;  omettant  aussi  un  autre 
évêque  qui  l'occupa  jusqu'en  1240.  Cet  ouvrage  paraît  fautif 
en  cet  endroit.  Les  rédacteurs  du  tiouveau  recueil  de  Go.llia 


XIII  SIECLE. 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  627 

christiana  ontrcparé  cette  omission,  en  plaçant  Rodulphe 
de  i2v.8à  1235,  et  Arnaud  A  jusqu'après  i24o  ;  car  en  cette 
année,  cet  évêque  reçoit  les  frères  prêcheurs  à  Agen ,  et  la 
date  de  sa  mort,  (|ui  arriva  peu  après,  n'est  pas  fixée.  Ils 
composent  cnsuiLe  un  article  sur  Pierre  de  Reims  avec  des 
preuves  tirées  des  auteurs  contemporains,  et  placent  sa  mort 
en  1^42.  P.  R. 

X.  BERTRAND  DE  PONTir.NY,  religieux  de  l'ordre  de 
Cîteaux ,  a  écrit  par  ordre  de  son  abbé,  une  relation  de  la 
vie  et  des  miracles  de  saint  Edme,  archevêque  de  Cantor- 
béry,  mort  en  1241.  H  a  composé  de  plus  des  antiennes  et 
d'autres  parties  de  l'oriice  qui  se  célèbre  en  l'honneur  de 
ce  bienheureux,  le  i(i  novembre.  Voyez  l'article  de  saint 
Edmond  de  Cantorbéry,  ci-dessus  ,  p.  253-'2G9;  De  Viscli , 
Biblioth.  cisterc,  p.  54;  Matthieu  de  Westminster,  p.  33o;  et 
l'y^nglia  sacra,  tome  f ,  p.  11 5.  D. 

XI.  ODON  CLÉMENT,  ou  fds  de  Clément,  était  Anglais 
ou  d'origine  anglaise.  Il  est  quelquefois  appelé  Coutier,  nom 
d'une  ancienne  famille  de  ce  pays.  Engagé  dans  l'ordre  des 
Bénédictins,  il  devint  abbé  de  Saint-Denis  en  122g.  Deux  '^""'^  '^^'^'" 
ans  après,  à  la  sollicitation  de  la  reine  Blanche  et  du  jeune  -îs-  388  ^8° 
roi  Louis  IX,  il  entreprit  le  rétablissement  de  l'église  de  ce 
monastère.  En  i234,  il  assista  au  couronnement  de  la  reine 
Marguerite,  à  Sens.  Une  maladie  régnante  en  laSy  lui  en- 
leva 44  de  ses  religieux.  Il  figure,  à  la  tète  de  sa  com- 
munauté, dans  les  cérémonies  qui  eurent  lieu,  en  I23r),  à 

l'arrivée  de  la  sainte  couronne  d'épines.  Il  fut  parrain  d'un 
fils  du  roi  en   1241,  année  oii  la  maladie  du  monarque  fit 
déplacer,  exposer,  invoquer  les  corps  des  saints  martyrs. 
Les  autres  actes  de  l'abbé  Odon  Clément  sont  des  statuts 
monastiques  ou   liturgiques,  des  concessions   particulières 
qui  tiennent  fort  peu  à  l'histoire,  et  encore  moins  à  la  litté- 
rature. Nommé  archevêque  de  Rouen  au  mois  de  mars  124'\ 
il  assista  en  la  même  année  au  concile  de  Lyon.  Son  épiscopat 
n'a  duré  que  23  mois;  il  mourut  le  5  mai  1247,  <^'t  fut  pour  ,  xi"  r  61-66 
successeur  Odon  Rigaud  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
lui.  IMatthieu  Paris  accuse  Odon  Clément  d'ambition,  d'or-      j,,,,,,,     , 
gueil,  de  simonie,  d'usurpation;  et  veut  que  la  mort  subite  Hi-m.  m  ,  ann. 
de  ce  prélat  ait  été  le  châtiment  de  ses  vices  et  de  ses  mé-  '*''7'  ''  ''y- 
faits   Sa  mémoire  est,  au  contraire,  recommandée  dans  le 


528  NOTICES 

xni  SIKCI.F  ,  1     o    ■        TA  ■•         < 
necrologe  île  Sa;nt-Denis ,  comme  celle  cl  un  abbe  vigihiiit, 

que  sa  science  et  ses  bonnes   mœurs  ont  eleve  sur  un  siéi>;e 

DcviiisilluMi.  métropolitain.  Tritlièiiie  l'a  (omptéau  nombre  des  lionunes 

ord.  s.  INiicd    I       II       .  1      p        1  I      l:    •     ..  I)  ^..       -i        i         -  •         i-    • 

,v  ,.  ,„c  illustres  tle  1  orthe  de  Saintljenoit  :  il  a  loue  son  érudition, 

son  aptitude  aux  atfaires  et  ses  vertus  religieuses  ;  /  //■  doctus 
et  entditus ,  in  disporiendis  ecclesiœ  negotiis  peridoneus  ,  non 
minus  relif^ionc  qnatn  dignitatc  vencrabilis.  Mais  i'ritlièine, 
qui  a  rédige  un  long  catalogue  des  écrivains  e(clé->iasti(|ues, 
n'y  a  point  inséie  le  nom  d  Odon  Clément  qui  ,  n'ayant 
laisse  en  effet  aucune  production  littt'raire,  mérite  à  peine 
la  mention  succincte  que  nous  venons  de  faire  de  si-s  deux 
dignités.  D. 

XII.  Si   AI»\C)L  L  ou   Arnold,   élu    ('vè(jue  d'Amiens  en 

1236,  avait  dioit  à  inie  mention  dans  1  histoire  des  lettres, 

ce  serait  pour  avoir  pris  paît,   en  1227,  à  la  dispute  sur  la 

pluralité  des  bénélices.   Il  était  alors  docteur  en  théologie:  il 

Ci-dessus   p.   s'associa,   comme  nous  l'avons  dit,  au   chancelier  Phili[>pe 

187,  188.  de  Grève,  qui  soutenait  (pie  cette  cumulatiori  des  honneurs 

ou  profits  ecclésiastiques  n'était  ni  ne  devait  être  interdite. 

Aucun  des   actes    souscrits    par    Arnoul  ,  durant   les    onze 

années  de  son  é|)iscopat,  n'a  offert  assez  d'intérêt  pour  être 

Gaii  chr  n  t    "iséré  parmi  les  pièces  justititatives  de  la  Gallia  cliristiana. 

X-  pa^'.  uH',  ,   Ils  sont  trop  étrangers  à  la  littérature,  pour  qu'il  nous  soit 

tiSj,  1186.        permis  d'en  indifjuer  ici  les  objets,  il  mourut  avant  le  mois 

de  juin  1247,  et  fut  enterré,  à  ce  qu'on  croit,  dans  son  église 

cathédrale,  dont  il  avait  fait  aihever  la  construction.        D. 


Allamina,  Ri 
bliotli.  Domin 
p.    I  \.  —  Sri  ip 


Xltl.  RAINIER  DISORliLI.A,  dit  le  Lombard,  était  né 
dans  !e  territoire  de  Biescia,  au  sein  d'une  famille  qui  tenait 
un  rai;g  distingué.  Il  entra  ,  on  ne  sait  en  quelle  année,  dans 
ord, Piaedic. 1. 1,   l'orilie  dcs  frcrcs  prêcheurs,  et  ac(piit  par  sa  piété,  par  sa 
p.  >2i,  122 —  science,  par  son  habileté  dans  la  conduite  des  affaires,  une 

Ciac.  Vitae  pont.        ,  ?  r  /-•      •        •         ix^   t        !•  i 

et  Cardin,  t.  II ,   réputation  SI   honoiable  que   tiiegoire  l.v  le   ht  vice-clian- 

col.  9.',.  —  Ga-  ceiier  de    l'Église   romaine  en    1237.   Il  avait  rem|)li    cette 

"^/'m'^^T ''!^  fonction  pendant  dix  ans,  lorsque  Jean  de  Montlor,  évèque 

Gaii.  christ,  n.  I.  de  Magucloue ,  iHourut  à  Lyon  oii  se  trouvait  liinOL-ent  IV. 

VI, c.  767,768.  Ce  pape,  usant  du  droit  que  ses  prédécesseurs  s'(  taieiit  arrogé 

de  nommer  aux  évêchés  vacants  en  cour  de  Rome,  conféra 

celui  de  IMaguelone  à  Rainier  le  Lombard.  Le  nouveau  prélat 

pièt.i  s  rnuiif  au  roi  Lmius  î\  ,  et  entra  en  fonctions  vers  le 

milieu  de  ju.llct  1247.  Au  mois  de  dccembrc  de  cette  année, 


SlTi  DIVERS  AUTEURS.  520 

.,     ,   .  1    '      r         1'    rr  i  ■        •  •       ■  ^"I  SIÈfLE. 

il  érigea  en  l)ei)etu'e   1  oliice  du  sacristain  ou  vestiarius ,  et  — 


signa  une  transaction  avec  l'abbé  de  Franquevanx.  Au  mois 
de  mars  suivant,  il  régla  une  permutation  de  biens  ecclé- 
siastiques. Il  ])ublia  (le  plus  des  statuts  synodaux  qui  ten- 
daient à  rétablir  l'ancieinie  discipline,  pro  cJeri  populùiue 
sui  recto  jvgimine ;  il  exigeait,  ta  ce  cjuil  semble,  des  réfor- 
mes ligouieuses  qui  jirovocpièrent  dos  réclamations,  et  lui 
suscitèrent  des  ennemis.  \ oi\l\  tous  les  actes  de  son  é[iiscopat, 
à  moins  (ju'il  ne  soit  le  prélat  qu'liniocent  IV  avait  chargé , 
par  un  rescrit  date  des  noues  de  juillet  1  -2  471  (l'cnijxVlier  les 
juifs  de  porter  ties  habillements  pareils  à  ceux  des  clercs  et 
des  piètres,  cnpjxis  lotuiidas  et  largasad  instar  clcricorum 
et  sciccidotiim.  De  tels  actes  ne  lui  dontieraient  p;:s  une  place 
dans  l'histoire  (les  lettres;  mais  on  le  dit  auteur  de  deux 
ouvrages  dont  on  ne  cite  d'ailleurs  aucun  maïuiscrit,  et  qui 
étaient  intitulés,  l'un  :  Sj)eciilnni  cuh'crsusJiœrcscs ,  l'autre  : 
Dictionariuni  vcuicc  crudltionis.  Une  hostie  empoisonnée 
causa  sa  mort  le  l'i  janvier  i24f):  s'il  est  dit  ailleurs  1^48, 
c'est  parce  cju'on  ne  recommeiK^ût  l'année  qu'.à  Pà(|ucs.  C'est 
bien  1249,  puis(pi'il  est  reconnu  que  son  épiscopat,  com- 
mencé au  milieu  de  1247,  a  duré  18  mois.  On  s'abstint  de 
recliei  cher  l'auteur  et  les  complices  du  crime  qui  avait  abrégé 
ses  jours;  mais  on  statua  que,  dans  la  suite,  l'évécpie  célé- 
brant ferait  prendre  au  diacre  et  au  sous-diacre  des  frag- 
ments de  l'hostie  et  des  gouttes  du  vin.  D. 

XIV.  RAOUL  LE  BRETON,   Radulphus  Brito ,    n'est 

connu  ()ue  par  un  traité  scolastitjue  sur  l'ame,  <7e  yi^«//??«, 

dont  un  exemplaire  ,  conservé  dans  la  Bibliothèque  de  Saint- 

Gcrmain-des-Prés,  a   été   indirpié  par  Montfaucon,  et  cité      i^iiihoiii    iii- 

dans  un  des  recueils  bibliograplii(|ucs  de  Fabricius.  C'est   j'j'^g'   ""^'   ''' 

par  pure  conjeclure  que  nous  le  plaçons  au  milieu  du  xui*^      .'iiiiiioiiinKci. 

siècle.  D.  '^^i  '"'•  '■"•  '•  '^  '. 

p.  3i. 

XV.  MICHEL  BLAUNPAYNct  HENRI  D'AVRANCHES. 
— C'étaient  deux  poètes  latins  qui  florissaient  en  iûjo.  L'un 
(  Blaunpayn  ),  Anglais  de  naissance  ,  et  c'est  le  plus  célèbre, 
fit  ses  premières  études  à  Oxford  et  vint  ensuite  les  terminer 

en   France.  Utrobi,  dit  Pits,  nniltà  industrid ,  mirdque  in-      pjtseus  de  ii- 
genii  facditatc ,  variam  coUcgit  iricntiarum  suppellcctileni.  lusnib.    ' k^^^^\. 
Il  s'adonna  surtout  à  là   poésie,  et  acquit,  tant  en  France  Sdipior.p.ia/i. 
qu'en  Angleterre,  la  réputation  de  l'un  des  meilleurs  poètes 
Tome  XV ni.  Xxx 


53o  NOTICES 

XIII  SIÈCLE.  ,     ■  M  .        .         , 

de  son  temps.  On  lui  attribue  une  Histoire  de  Normandie , 

en  un  seul  livre,  et  avec  bien  plus  de  certitude,  des  Recueils 
de  vers  et  de  lettres.  Nous  ne  pouvons  malheureusement 
juger  du  mérite  de  ces  ouvrages  ;  car  c'est  en  vain  que  nous 
en  avons  cherché  des  manuscrits  dans  nos  principales  bi- 
bliothèques. Il  paraît  qu'il  n'en  existe  (|ue  dans  les  biblio- 
thèques d'Angleterre. 

C'est  par  Michel  Blaunpayn  que  nous  apprenons  qu'il  y 
avait  à  Avranches,  vers  ia5o,  un  poète  latin  du  nom  de 
Henri.  Aucun  biographe,  nous  le  croyons  du  moins,  ne  lui 
a  consacré  le  plus  petit  article,  et  nous  n'avons  découvert 
nulle  part  ses  ouvrages.  iMais  le  poète  Ulauiipayn  fit  contre 
lui  un  poème  dont  voici  le  titre,  et  cpie  l'on  possède ,  d'après 

Pits.  r.oc.  cil.   Pits,  dans  la   Bibliothèque  Bodiéieime  :  Contra    llenricum 
Ahrincensem  versus.  I.ih.  unus.  Ktait-ce  une  satire?  on  serait 

Baieus.Scrip-  tenté  de  le  croire.  Baie  en  cite  cette  partie  d'un  vers  qui 

jy  ^   j^  commence  la  pièce  :  Arckipoeta  vide  quod non  sit.  .  .  .  INous 

regrettons  de  n'avoir  pas   le  poème  entier  sous  les  yeux  : 

peut-être  nous  aurait-il  mieu.x  fait  connaître  Henri  d'Avran- 

ches.  A.  D. 

XVI.    Quatre   ouvrages   sont   indicpiés   sous   le  nom    de 
Script,  oïdin.  BYARD.  I.e  premier  est  un  Recueil  de  Distinctions  ou  lieux 
Pr^.l.  I.  I,  pag.  communs  à  l'usage  des  prédicateurs.  Il  se  vendait  en  i'3o3 
113-125.— Du  pj.  auparavant  chez  les  libraires  de   l'Université,  ainsi  que 

Boulav,  Hislor.     ,,  '        ,      i-  i       r>  •  •       i  i       iii   i- 

Univ.  Par.  t.  III    l  atteste  le  livre  du  Kecteur,  qui  se  conservait  dans  la  Biblio- 
p.  6-5.  thèque  de  Sorbonne.  Cette  Bibliothèque  possédait  d'ailleurs 

deux  manuscrits  de  ces  Distinctiones.  11  en  existait  deux 
autres  au  collège  de  Navarre,  un  à  l'abbaye  de  Saint-Victor, 
un  à  Pavie,  et  sans  doute  quelques-uns  ailleurs;  c'était  un 
manuel  fort  répandu.  L'auteur  est  nommé  frère  Nicolas  de 
Bvaril,  de  l'ordre  des  frères  Mineurs,  et  cependant  il  n'a 
jamais  été  revendiqué  par  les  Franciscains.  Waddinjr,  qui 
n'omet  aucun  des  personnages  dont  son  ordre  peut  tant  soit 
peu  s'honorer,  ne  fait  aucune  mention  de  celui-là.  Un  frère 
Maurice,  prédicateur  du  même  temps,  a  été  reconnu  pour 
le  véritable  auteur  d'un  livre  de  Distinctions,  tout-à-fait 
différent  de  celui  dont  nous  venons  de  parler,  et  qui  est  mal 
à  propos  attribué  à  Byard  en  (jnelques  manuscrits. 

Le  second  ouvrage  de  Bvard  consiste  en  sermons  pour  les 
dimainhes  et  les  fêtes  lis  sont  du  nombre  des  articles  qui 
se  vemlaient  chez  les  libraires  de  Paris,  avant  le  commen- 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  53 1 

YTTT    CtF/^T  !•' 

cernent  du  xiv*  siècle  ;  et  la  Sorbonne  en  avait  une  très-belle ' 


copie  manuscrite.  Des  sermons  divers,  Sermoncs  varii ,  3^ 
article  des  œuvres  de  Ryard  ,  se  trouvaient  reunis  à  d'autres 
productions  semblables  du  xiii*  siècle,  dans  un  des  volumes 
manuscrits  de  la  même  Bibliothèque.  En  4*^  et  dernier  lieu, 
cet  auteur  a  laissé  une  compilation,  |)lusieurs  fois  imprimée 
sous  le  titre  de  Dictlonariiim  ou   Dictionarius  pauperuni: 
à  Paris  en   149^-1  in-/j",  et  sans  date,  in- 12;  à  Cologne  en 
i5o4et  i5o5,in-8";à  Paris  en  i5i2,  in-8°  ;  et  dans  le  même 
formata  Strasbourg;  en  i5i(i.  On  lit  au  commencement  de 
ces  éditions  :  Dictionarius  pauperuni ,  omnihus  prœdicato- 
ribus  vcrbi  divini  pernecessarius  in  qno  succincte  continentur 
(  ou  niirahili  artificio  perstringuntur  )  nuiteric  seii  serniunes 
singulis  festi^'itatibus  totins  anni ,  tam  de  tenipore  qu(un  de 
sanctis  accomodande  ;  et  à  la  fin,  a|)rès  le  dernier  article  qui 
est   Vita  œterna  :  Explicit  suniniuUi  omnibus  verbi  divini 
seminatoribus pernecessaria ,  quœ  est  extracta  a  nidgno  dic- 
tionario  ;  hinc  clici  potest  Dictionarius  pauperum.  I/éditeur 
de    i4i8  ajoute:  licet  de  abstincntia    intituletur.  En  effet, 
ce  dictionnaire,  dont  le  premier  mot  est  abstinentia ,  est  in- 
titulé :  Summa  de  Abstinentia ,  dans  les  manuscrits  de  Sor- 
bonne, de  Navarre  et  de  Saint-Victor.  Des  mots  français  y 
sont  entremêlés  au  texte  latin,  ce  qui  indique  assez  le  pays 
de  l'auteur.  D'autres  documents  font  connaître  le  siècle  ou  il 
écrivait.  Les  libraires  de  l'Université  continuaient  en  i3o3 
de  vendre  ce  manuel  avec  les  précédents.  L'exemplaire  de  la 
Sorbonne  avait  été  légué  par  Jean  d'Essone,  qui  vivait  en 
I2y8  ;  et  Bernard  Guidonis,  qui  mourut  en  i33i  ,  fait  men- 
tion de  ce  manuel  dans  une  chronique  terminée  en  i3o4. 
C'est,  il  faut  l'avouer,  par  ce  Bernard  seul  que  nous  savons 
quil  a  été  composé  par  Nicolas  Byard;  car  les  manuscrits  ni 
les  éditions  n'en  nomment  pas  l'auteur;  et  c'est  aussi  sur  la 
foi  du  seul  Bernard  que  Byard  a  pu  être  inscrit  dans  la  liste 
des  écrivains  de  l'ordre  de  Saint-Dominique.  I^es  renseigne- 
ments que  nous  venons  de  recueillir  sur  ce  prédicateur, 
suffisent  pour  assurer  que  Pits  se  trompe ,  quand  il  le  déclare 
Anglais;  et  Altamura,  quand  il  Ife  fait  vivre  en  i4io.  C'était      Bibiioih  Uo- 
un  Français  contemporain  de  saint  Louis;  mais  voilà  tout  minic.  p.  i5a. 
ce  que  nous  pouvons  dire  de  sa  vie.  Il  est  si  peu  connu  que 
son  nom  est  diversement  écrit  ou  défiguré  par  ceux  qui  ont 
parlé  de  lui  :  Byart ,  Biart ,  Biard  ,  Viard ,  Bayard  ,  de  Briacho, 
de  Briatho ,  etc.  D. 

X  xxa 


532  NOTICES 


XIII  SIECLK. 


XVII.  JEAN  DE  AIAILLY.  —Etienne  de  Bourbon, dans 
le  prologue  de  son  traité  manuscrit  des  Sept  dons  du  Saint- 
Sciipt.  onlin.  Esprit,  nomme,  entre  les  livres  dont  il  a   fuit  usaije  pour 
ivcEii.  I.  I,  paf;.  composer  le  sien,  la  chronique  (pie  Jean  de  Mailly,  de  l'ordre 
'*'  des  frères  prèciieurs,  a  rédigée,   et  rpii  s'étend   juscju'aux 

temps  où  a  vécu  ce  religieux  :  /Je  Chronicisfratris  Joannis 
de    Mulliaco    de  ordinc    Prœdicatonim ,    qui  va  j>rott'ndit 
usque  ad  sua  tetnpora.  (les  paroles  donnent  lieu  de  croire 
que  Jean  de  Mailly  était  plus  ancien  (prEticnne  de  Bourbon, 
qui  est  mort  avant  laGo.  On  peut  donc  placer  vers  i:i5o  le 
chroniqueur  dont  il  s'agit,  et  qui  api^aremment  était  né  à 
Mailly-îe-Chàteau ,  à  six  lieues  d'Auxcrre.  C'est  sans  doute 
iiiblinih.  Do-  par  erreur  qu'Altamura  distingue  deux  Jean  de  Alaillv,  tous 
^.uiir.  p.  zi7  et  j^y^  douiiiucains  et  historiens,  lun  veis  itiyj,  lautre  vers 
ii>f)o;  et  l'on  ne  sait  trop  pour((uoi  il  h-ur  attribue  des  talents 
distingués  et  renommés  :  (  clebris poliliofùjitc  littercttuvâ  satis 
iiistrnctus.  —  /  ilœ  jirohitcile  ac  doctiuui  satis   ('o/is/>iri;//s , 
necnori  lilstoriafuni pcrilus.  il  n'y  en  eut  probablement  cpi'un 
seul  dont  l'ouvrage,  inédit  et  ])erdu  ,  ne  nous  est  connu,  et 
ne  l'était  de  Valleoleti ,  (krivain   du  xv''  siècle,  (|ue  ])ar  la 
mention  qu'j-.tienne  de  Bourbon  en  avait  faite  :  /'.  .Joannes 
de  Malliaco  sci Ipsit  chioaicu   ut  patct  in  prologo  lihri  de 
\.iIIlo1.  i.ii).  ^gpiQi^i  donis.  Ee  catalogue  des  écrivains  auxerrois,  |)ublié 
M.'moiiepoiir  P'ii'  l'abbé  Eebcuf,  contii.îit  un  article  conçu  en  ces  termes: 
riiisi.  iiAuvei-   (f  GuUbume   l'Anxerrois,  de  l'ordre  des  Prêcheurs,  à  la  fin 
"■•  '■  ''  ''•  ''9'^-   (c  du  xiii''  siècle.  Plusieurs  des  sermons  qu'il  débita  à  Saint- 
«  Gervais  et  à  Saint-Antoine-des-Cliamps  sont  réunis  dans 
«  un  manuscrit  de  Sorbonne.  On  y  voit  du  langage  français 
<(  mêlé  parmi  le  latin  (j-.ii  domine.  Mallet  tlit  «pi'il  fut  pro- 
«  vincial    en    I2f)!j.    Il   est    plus    communément   appelé   de 
«  Mailliaco ,  et  quehpiefois  par  erreur  de  Montiaco.  Ee  P. 
«  l'xhard  juge  avec  fondement  qu'il  était  natif  de  .Mailly  au 
(c  diocèse  d'Au.\erre.  »  Eebeuf  avertit  dans  uiîe  note,  que 
Mailly  est  à  G  lieues  de  cette  ville,  et  non  à  ,(  comme  iùhard 
l'a  suppose.  Ecliard  et  Ouétif  ont  pu  se  tromper  sur  cette 
distance;  mais  Lebeuf  comuiet  une  erreur  plus  grave,  en 
confondant  deux  personnages  qu'ils  ont  soigneusement  dis- 
tingués, Jean  et  Guillaume  de  iMailly,  le  premier,   auteur 
d'une  chronique  qui  ne  se  retrouve  nulle  part;  le  second, 
Scr.  oui.  Pr.  de  scrmous  dont  trois  subsistent  encore.  Ils  ont  été  prêches 
I  i,p.207.        |g  jour  de  la  Circoncision,  le   i*''  et  le  a*^  dimanche  après 
ri'lpiphanie.  C'est  à  peu  près  tout  ce  que  les  bibliographes 


SUR  DIVEPxS  AUTEURS.  533 

J         •     ■      •        J  _J  /-Il  I'*  •  •  -^     Xm  SIÈCLE. 

dominicains  disent  de  ce  Guillaume  1  Auxerrois ,  qui  vivait 

dans  les  dernières  années  du  xni*  siècle ,  et  sur  lequel  nous 
ne  reviendrons  pas.  D. 

XVIII.  ETIENNE  D'AUXERRE.  Les  Dominicains  de  la 
rue  Saint-Jacques  possédaient  un  manuscrit  du  livre  des 
Proverbes  avec  glose,  sur  les  marges  duquel  se  lisaient  des 
notes  précédées  à  la  première  page  du  nom  de  F.  Stephanus 
Altissiodorensis.  Le  même  nom  est  appliqué  à  quatre  sermons 
entremêlés  à  ceux  de  Hugues  de  Saint-Cher,  de  Geoffroy  de 
Elèves ,  de  Guerric  de  Saint-Quentin,  dans  un  manuscrit 
qui  se  conservait  chez  les  Augustins  voisins  du  Pont-Neuf; 
et  à  l'un  de  ceux  dont  se  composait  un  recueil  du  même 
genre  dans  la  Bibliothèque  de  Sorbonne.  Etienne  d'Auxerre 
se  trouve  ainsi  indiqué  comme  fauteur  de  cinq  sermons  qui 
correspondaient  au  3^  dimanche  et  à  un  jour  du  carême,  au 
\^  dimanche  après  Pâques,  au  21*  après  la  Pentecôte,  et  à 
la  fête  de  saint  Barnabe.  Mais  il  devait  la  célébrité  dont  il  a 
joui  de  son  temps,  et  qui  ne  lui  a  pas  survécu,  bien  moins 
à  ses  prédications  qu'à  ses  leçons  de  théologie  dans  lécole 
de  Saint-Jacques,  oh  il  eut,  dit-on,  pour  disciples  Albert- 
le-Grand  et  saint  Thomas  d'Aquin.  Il  est  un  des  docteurs 

•    qui  ont  condamné  le  Talmud  en  i24o.  Toutefois  Du  Boulay 
ne  le  nomme  nulle  part,  et  nous  manquons  de  tout  docu- 
ment sur  les  époques  de  sa  naissance  et  de  sa  mort.  Son      script.  ordin. 
surnom  de  Varnesia  a  donné  lieu  de  penser  qu'il  était  né  Prad.  t.  i,pag. 
dans  un  village,  ainsi  appelé  près  d'Auxerre.  Mais  l'Auxerrois  ""'  ~  fabric. 

Tifi-,°.'i.  '^'1  '  1'  ....     Bibl.med.et  inf. 

Lebeur  dit  qu  il  n  y  a  dans  ce  diocèse  aucun  endroit  ainsi  ui.t.vLp.  2i3 
appelé,  à  moins  que  ce  ne  soit  le  nom  de  quelques  maisons  Mém.  concer- 
de  la  paroisse  d'Apoigny,  près  d'un  petit  bois  de  Vernes,  qui 
subsiste  encore.  Il  ajoute  que  Varnesia  pourrait  être  une  al-  p.'/joT 
tération  de  Vannosia,  nom  d'un  clos  qui  existait,  soit  dans 
l'enceinte  même  d'Auxerre,  soit  à  Ecoulives  dans  le  lieu 
appelé  Vannoire.  Cette  secondie  hypothèse  est  peu  plausible. 
Il  y  avait  bien  en  i25o  un  chanoine  d'Auxerre  nommé  Ste- 
phanus de  Vannosia  ;  mais  de  l'aveu  de  Lebeuf,  il  n'est  guère 
possible  que  ce  soit  le  frère  prêcheur  qui  avait  enseigné, 
prêché  et  dogmatisé  à  Paris.  D. 

XIX.  On  n'a  point  imprimé  les  notes  de  GEOFFROY      Leiong.Bibi. 
DE  BLEVES  sur  le  psautier  et  sur  les  épîtres  de  saint  Paul,  «cra,  p.  641. 
Les  extraits  qu'en  donnent  Jacques  Quétif  et  Jacques  Échard,      j^*^""'  *"^^'  V- 


nant     l'Histoire 
d'Auxerre,  t.  II, 


534  NOTICES 

Xm  SIÈCLE.      „         ,       ,  •  1       1       o       L  1         1-        11 

d après  les  manuscrits  de  la  ISorbonne  et  des  l^euillants, 

n'ont  aucune  sorte  d'importance.  Si  Geoffroy  de  Blèves,  ou 
Blevex,  ou  Blaviaux,  de  Bievello  ou  Bravello  ou  Blavemo,  a 
quelque  droit  à  une  mention  succincte  dans  l'Histoire  litté- 
raire de  la  France,  c'est  pour  avoir  professé  avec  distinction 
la  théologie  au  couvent  des  frères  prêcheurs  de  la  rue  Saint- 
Jacques,  vers  1236  et  pendant  les  années  suivantes.  Son  nom 
cepenilant  ne  se  rencontre  point  dans  l'histoire  de  l'Univer- 
T.IlI,p.675.  site,  par  du  Boulay ,  où  il  est  p.irlé,  on  ne  sait  trop  pourquoi, 
de  Nicolas  Byart.  Geoffroy  de  Blèves,  en  i238,  était  l'un  des 
dominicains  rassemblés   pour  condamner  la   pluralité   des 
Phii°de  G^ève*^  bénéfices.  On  le  retrouve  en  i24o  a"  nombre  des  docteurs 
ci-dessus  p.  184-  qui  Censurèrent  et  firent  briller  le  Talmud  ;  il  assista  même 
»9«-  à  cette  exécution.  Il  se  rendit  au  concile  de  Lyon  en  i2^5; 

il  se  trouvait  auprès  du  pape  Innocent  IV,  en  1248;  et  l'on 
sait  qu'il  mourut  à  Paris  en  laSo,  par  l'épitaphe  qui  se 
lisait  sur  sa  tombe  dans  la  maison  des  frères  prêcheurs  de 
cette  ville:  yinrio  Domini  MCCL,  xvni  kal.  augasti ,  obiit 
F.  Gaufridus  de  Blavemo.,  qui  rexit  Parisius  in  theologiâ.    D, 

XX.  PIERRE  DE  ALBENATIO,  et  non  de  Alhingano 
comme  ont  écrit  des  auteurs  liguriens,  était  né,  non  à  Al- 
benga,  mais  à  Aubenas  dans  le  Vivarais.  Il  alla  pratiquer  la 
raéAecine^in  physicâ  practicabat ,  à  Gênes,  et  non  à  Ge- 
nève, et  fut  fort  tenté  d'embrasser  les  opinions  des  Vaudois, 
séduit  par  l'austérité  de  leurs  mœurs,  qui  contrastait  avec 
la  dissipation  et  le  luxe  de  leurs  adversaires.  Heureusement  il 
eut  deux  visions  qui  l'affermirent  dans  ses  croyances  ortho- 
doxes, et  l'entraînèrent  même  à  prendre  l'habit  des  domi- 
nicains. Il  repassa  dans  la  France  méridionale, et  y  mourut, 
on  ne  sait  trop  en  quel  couvent,  le  24 septembre  1260.  Ces 
particularités  ne  sont  pas  très -rigoureusement  vérifiées; 
mais  nous  nous  abstenons  de  les  éclaircir,  parce  qu'après 
tout  il  n'existe  aucun  écrit  de  ce  religieux.  Quétif  et  Jacques 
Échard  ne  lui  ont  donné  place  dans  leur  Bibliothèque  des 

Scr. oïd.  Tr.  frèrcs  prêcheurs,  qu'à  raison  de  ses  deux  visions,  insérées, 
1. 1, p.  117,118.  conformément  à  ses  propres  récits,  dans  les  vies  des  pre- 

viijc  fr.  ord.  micrs  saints  personnages  de  cet  ordre ,  par  Gérard  de  Fra- 

Prsed.    part.  IV,    chctO.  D. 

C.    XI,    S    5,    c. 

"''  XXI.  Un  chanoine  et  archidiacre  de  l'église  de  Paris, 

nommé  ADAM,  fut  élu  en  121 3  évêque  de  Térouane,  ou 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  535 

,,      .  7     •        ,^     •  •       T.  '   ,.         Sn  SIÈCLE, 

des  Morins,  ecclesue  Morinensis.  H  gouverna  cette  église 


lusqu  en  i  aaq,  époque  ou,  deia  fort  avance  en  acre,  il  abdiqua     ChromconAn- 

\        b         ,-  •    '    r      '       ,        '        J  ,  v,    F  »•  drense,iD  Spicil. 

les  tonctions  episcopales  pour  embrasser  letat  monastique  ^  ix  An-A") 

à  Clairvaux.  l>a  Gallia  christiana  fait  un  long  exposé  des  6o5-66o. 
actes  qu'il  a  souscrits  ou  confirmés  en  chaque  année  de  son      Gaii.  chris.  h. 

épiscopat.  Ce  sont  des  donations,  des  concessions,  des  con-  5/  sV-etimer 

ventions,  tout-à-fait  étrangères   à   l'histoire  littéraire;  et  instrumenta,  p. 

nous  ne  faisons  ici  mention  de  ce  personnage  que  parce  que  '••^• 
Ferréol  de  Locres  et,  d'après  lui,  Foppens,  disent  qu'il  a      caïai.  Script. 

écrit  une  Histoire  de  l'ordre  de  Çîteaux.  Ce  fait  nous  paraît  Anes. ad calcem 

fort  douteux:  car  cette  histoire  ne  se  retrouve  pas,  et  elle  ^*![.'î'!!*^',^^i^. 

>  .    '  1     m  •  1     •         «         ^i>  ,        Bibliolh.Belg. 

n  a  pas  ete  connue  de  JVlanrique,  auteur  lui-même  d  un  grand  t.  l,p.  3,4. 

corps  d'Annales  cisterciennes,  où  il  parle  de  la  retraite  de 

l'évêque   Adam  à  Clairvaux,  sans  lui  attribuer  aucun  ou-      Annal. cisterc. 

vrage.  Malhrancq,  qui  a  recueilli  ce  qu'on  sait  des  détails  de  '^A^'^-*.  "•  4, 

sa  vie,  et  qui  lui  donne  de  grands  éloges,  ne  dit  pas  qu'il    '  De' ''M^rinis. 

ait  composé  de  livres.  Adam  est  encore  nommé  évêque  des  «  m,  p.  416, 

Morins  dans  une  charte  de  i23o.  On  attendit  qu'il  eiit  fini  459,461,463, 

son  noviciat  à  Clairvaux,  pour  sacrer  et  installer  son  suc-  477*484.       ' 

cesseur  à  Térouane.  Il  mourut  moine  en   1260.  Le  jour  de 

son  décès  est  diversement  indiqué  :  28  juin,  22  juin,  23 

mars;  nous  préférerions  cette  dernière  date,  marquée  dans 

la  chronologie  de  Malbrancq,  d'après  l'obituaire  de  l'église      Chron. t. m, 

des  Morins.  Suivant  Foppens,  il  était  natif  d'Arras,  et  avait  ^""-  '*^°- 

été  chanoine  de  la  collégiale  de  Lillers,  ayant  de  l'être  de  la 

cathédrale  de  Paris.  D. 

XXII.  GAULTIER  ou  WALTER  DE  MARVIS,  né  de  Gaii.  chr.  t. 
parents  pauvres,  fut  enfant  de  chœur  de  l'église  de  Tournay.  ^^^'  p-  *''• 
Ses  talents,  ses  vertus,  l'élévation  de  ses  sentiments  le  firent 
parvenir  par  degrés  à  la  prélature  de  l'église,  à  laquelle  il 
fut  élu  en  1219.  Sa  piété  fut  surtout  relevée  par  le  soin 
personnel  qu'il  avait  pour  les  pauvres,  par  de  bonnes  œu- 
vres continuelles,  et  par  son  intégrité  dans  le  choix  des 
sujets  les  plus  digijes  d'occuper  les  places  et  les  bénéfices. 
Il  établit  dans  son  diocèse  de  nombreux  mona.^tères  tant 
d'hommes  que  de  femmes,  et  il  mourut  en  1261  ,  dans  la 
trente-troisième  année  de  sa  prélature.  Il  a  écrit,  de  concert 
avec  quehjues  autres  prélats,  une  lettre  pastorale  sur  la 
translation  des  reliques  de  saint  Tliéodoric.  L'épitaplie  sui- 
vante se  lisait  sur  son  tombeau  dans  l'église  de  Tournay  : 


XIII  SIECLE. 


536  NOTICES 

Walteri  nieritum  commendant  sobria  vita , 
Mens  immilis,  siniplex  ociilus,  devotio  puia, 
Larga  manus,  doctrina  frequens,  afllictio  jugis, 
Vota  crucis,  pastoris  opus,  legatio  plena. 
Ipse  bonos  pueros,  moniales,  ac  seniores 
Fundat  presbytères,  beguinas  atque  minores, 
Kl  Comminenses  ad  se  vocal  ac  OEnenses. 

En  1G80,  on  trouva  dans  le  chœur  de  l'église  catliédiale 
de  Tournay,  une  feuille  de  plomb  sur  laquelle  était  une 
inscription  où  les  mêmes  choses  étaient  exprimées  en  prose, 
avec  la  date  du  jour  de  la  mort  de  cet  évêque,  le  xiii  des 
calendes  de  mars  1261.  P.  R. 

XXIir.  ANSELME  RIGAUD,  doyen  du  chapitre  de  Lyon, 
a  présenté  des  statuts  ou  constitutions  de  cette  église,  qui 
ont  été  approuvés,  au  mois  de  juin  I25i ,  par  l'archevêque 

P.  71-77.  Philippe, et  que  Dachery  a  insérés  au  tome  I\  du  Spicilége  , 
en  les  divisant  en  ^3  articles.  Nous  y  apprenons  qu'on  dis- 
tinguait dans  ce  chapitre,  de  grands  chanoines ,  de  moindres 
prébendiers  et  de  simples  chapelains.  Les  statuts  déter- 
minent les  rétributions  dues  aux  prêtres  ,  diacres,  sous- 
diacres  et  clercs  de  ces  trois  ordres,  les  fonctions  qu'ils  ont 
à  remplir,  la  manière  dont  ils  doivent  assister  aux  offices, 
et  d'autres  détails  de  discipline  intérieure.  Anselme,  qui  les 

-  „     ,  a  rédigés  ou  recueillis,  vivait  encore  en   1252;  c'est  ce  qui 

IV,  col.  20/1.  resuite  d  un  acte  ou  les  auteurs  de  la  ualua  christiana  ont 
remarqué  son  nom.  Les  statuts  dont  il  vient  d'être  parlé  se- 
raient le  seul  titre  littéraire  de  l'archevêque  Philippe  de 
Savoie,  qui  les  a  seulement  confirmés  et  publiés.  Nous  nous 
abstiendrons  de  faire  une  plus  ample  mention  de  ce  prélat, 
dont  l'histoire  personnelle  présenterait  d'ailleurs  des  diffi- 
cultés chronologiques  tout-à-fait  étrangères  à  notre  travail  : 
il  a  été  sur  le  siège  métropolitain  de  Lyon  le  prédécesseur 

ibid.coi.  i/i4-  immédiat  de  Pierre  de  Tarentaise.  D. 

149 

XXIV.   HERBERT,  Hébert  ou  Aubert,  avait  été,  selon 
»,  Lebeuf,  archidiacre  de  l'église  d'Auxerre  avant  d'en  devenir 

Mémoires  sui-    "-'■-»^^"    i  r-j  .1  •  •  -i 

l'Hist.  d'Auxer-  doyeu.  Eu  1247,  Il  autorisa  des  anniversanes;  il  consentit, 
re,  1. 1,  p.  738,  gji  1249,  à  l'augmentation  du  revenu  de  l'écolàtre;  il  fit  des 
— ^Di"'.mt?oY  l^gs  pieux  en  1262.  Ces  actes,  étrangers  à  l'histoire  des  lettres, 
dansiesM^m.de  ne  scrvcnt  ici  qu'à  marquer  les  temps  où  il  a  vécu;  mais  on 
lirtér.  et  d'bist.  ^  |jeu  jg  croirc  qu'il  est  le  maître  Herbert,  auteur  d'une 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  537 

c  »u  '    I       •  I  ^  •  Xni  SIÈCLE. 

Somme  theologique  sur  ic^  sacrements,  qui  se  conservait  

manuscrite  à  Clairvaux,  en  Sorbonne,  dans  la  Bibliothèque  «leOesmoiets,  t. 
de  Colbert  et  dans  celle  de  Bodley.  La  seconde  de  ces  copies  ^'l|  •*"'•  "'•'■ 
donnait  pour  titre  à  l'ouvrage:  Summa  niagistri  ff^ilhelmi  wM.meà'^y\n(. 
Altissiodorensis  ahhreviata  à  magistro  Heherto ;  et  la  troi-  Iai.t.lil,p.a3/i. 
sième  :  Conimentarius  Herberti  in  Suniniani  Guillelmi  yiltis-      vo    ci-dessus 
siodorensis.  Lebeuf  en  conclut  qu'Herbert  n'a  fait  qu'abréger  p.  nS-iaa. 
ou  commenter  la  Somme  de  Guillaume  d'Auxerre.  Cepen- 
dant d'autres  manuscrits  portent  :  Herberti  Autissiodorensis 
Summa,  libris   iH;  Magistri  Aiiberti  Altiss.  Summa,  libris 
quatuor.  A  vrai  dire,  la  plupart  des  théologiens  du  xiii*  siècle 
n'ont  guère  écrit  que  des  abrégés  ou  des  gloses;  et  rien  n'an- 
nonce que  les  travaux  d'ilerbert  aient  été  d'un  ordre  plus 
distingué.  Il  parait  avoir,  comme  tant  d'autres,  commenté 
les  quatre  évangiles;  car  un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Lyra 
était  intitulé  :  Magistralia  super  4  Evangelistas  ah  O.  priore 
de  Valle  excerpta  secundiim  lectiones  magistri  Pétri  Mandu- 
catoris  et  magistri  Herberti.  On  ne  connaît  aucun  autre  de 
ses  écrits,  sinon  une  lettre  adressée  à  Renaud  de  Vichier 
commandeur  des  chevaliers  du  Temple,  et  conservée  dans  le 
cartulaire  de  l'église  d'Auxerre.  Il  est  fait  mention  d'Herbert 
dans  le  Nécrologe  des  Chartreux  de  Bellary  et  dans  celui  de 
Saint-Laurent  près  de  Cône,  au  aa  juillet;  c'est  sans  doute 
le  jour  de  sa  mort,  arrivée  on  ne  sait  en  quelle  année  après 
1262.  D. 

XXV.  Le  seul  écrit  qui  porte  le  nom  de  PIERRE  DE 
COLMIEU    consiste    en    statuts   synodaux ,   intitulés   Pré- 
ceptes. Dom  Pommeraye  les  a  insérés  dans  son  recueil  des 
Conciles  de  Normandie;  ils  n'y  occupent  qu'assez  peu  d'es- 
pace, et  ne  présentent  que  des  règles  communes  de  dis-      P-ai3,ni, 
cipline  ecclésiastique.  La  patrie  de  ce  personnage  a  été  un  **'■ 
sujet  de  controverse.  La  qualification  de  Campanus  que  lui 
donnent  ses  contemporains,  a  été  traduite  en  France  par 
Champenois;  on  a  supposé  qu'il  était  né  en  Champagne  ou 
en  Brie.  Mais  il  existe  en  Campanie  un  lieu  nommé  CoUis      ^Ui  «celés  1 
médius  :  c'était  un  motif  de  le  déclarer  Italien,  et  cette  opi-  lzxxh,  n.  a,  i. 
nion  a  prévalu;  Fleury  l'a  préférée.  Pierre  de  Colmieu  a  été  xvil, in-n, p. 
sacristain  des  papes  Honorius  III  et  Grégoire  IX.  Il  fut  en-     'i^jj      3,8 
voyé  en  Angleterre  auprès  du  légat  Pandolfe  dont  la  mission  319. 
se  termina  en  1 221,  et  il  fit  ensuite  quelque  séjourà  Paris.  On      t'acon.  vu» 
l'employa  en  Languedoc  contre  les  Albigeois,  en  lui  accor-  n"I."orVi*6*'  ' 

Tome  XVHI.  Yyy 

1  7  « 


538  NOTICES 

XIII  SIÈCLE.       ,  ,  ..,,,,  1.       •  1 

—  dant.,  a  ce  qu  il  semble,  beaucoup  d  estime  el  de  confiance. 

Le  titre  de  lëgat  du  saint -siège  lui  est  donné  dans  deu.x 
Spicii.  t.  m,  lettres  que  Grégoire  IX  lui  adresse.  Après  avoir  rempli  les 

(••  '7», '7  ■       fonctions  d'écolâlre  à  Cambrai,  de  chanoine  à  Térouane,  il 
Gall.  chr.  n.  devint  prévôt  ou  doyen  à  Saint-Omer.  Il  occupait  cette  place 

64  65*^°        'en  1234,  quand  le  pape  le  constitua  médiateur  entre  l'évèque 
'  de  Beauvais  et  le  roi  de  France;  et  en   I236,  lorsque,  avec 

Lxxx,  n.  17,'t!  l'abbé  de  Saint-Denis ,  il  jugea  une  contestation  entre  l'arche- 

xvii,iu-ia,p.  vêque  et  les  bourgeois  de  Reims.  Fatigué  de  tant  d'attaires, 

9*-  ilsefit  chanoine  régulier  au  Mont-Saint-Éloy  près  d'Arras.  Eu 

178.  vain  lui  offrit;on  l'archevêché  de  Tours,  l'évêché  de  Térouane; 

ibid.l.Lixxu,  il  lesrefusa.  Elu  métropolitain  de  Rouen  le  4  avril  I236,  ilré- 

n.  1,  p.  3i8.  sista  vivement,  ne  céda  qu'à  l'ordre  exprès  du  pape,  et  ne  fut 
sacré  que  le  2 1  mars  1 237.  Le  fait  le  plus  mémorable  qui  eut 
lieudurantsonépiscopatest  l'incendie  qui  consuma  une  partie 
delaville  de  Rouen,  l'an  ia38. 1-/es  actes  émanés  de  lui  ne  tien- 
nent qu'à  l'histoire  de  son  église.  Appelé  à  Rome  pour  assister 
à  un  concile,  il  fut  pris  avec  d'autres  prélats  par  les  agents  de 
l'empereur,  et  n'obtint  sa  délivrance  que  par  l'intervention 
du  roi  Louis  IX.  A  Rome,  il  fit  au  pape  un  don  considérable, 
dont  il  ne  s'était  procuré  les  fonds  qu'en  contractant  d'énor- 
ibid.i.Lxxxii,  mes  dettes.  Innocent  IV,  en  I244i  'e  créa  cardinal-évêque 

■-22,  p.  358.  d'Albano.  Il  paraît  que  Pierre  de  Colmieu  ne  retourna  plus 
en  France;  mais  son  ancienne  église  de  Rouen  reçut  encore 
de  lui  plusieurs  bienfaits.  Il  mourut  subitement  en  1253,  et 
non ,  comme  on  l'a  dit  quelquefois ,  en  1 254  î  car  on  voit  par 
une  épître  d'Innocent  IV  que  févêché  d'Albano  était  vacant 
au  mois  de  novembre  i253.  Les  Franciscains,  avec  lesquels 
il  avait  eu  quelques  démêlés,  publièrent  que  sa  mort  était  un 
châtiment  de  son  injustice,  prédit  depuis  plusieurs  mois 
par  l'un  d'eux  :  Wadding  répète  ce  conte  après  Thomas  de 
Cantimpré.  Quoi  qu'il  en  soit,  notre  unique  excuse  pour 
avoir  parlé  de  lui  consiste  dans  ses  statuts  synodaux,  dont 
nous  avons  d'abord  fait  mention,  et  qui  ne  sont  pas,  il  le 

Aiiiiïi.  min.  I.  faut  avouer,  d'une  très-haute  importance.  On  lit  dans  l'église 
If,  ann.  iï54.     dc  Roucu   huit  vcrs  qui   le  concernent,  et  dont  les  deux 

Cm. Lor.  cit.  derniers  rappellent  sa  promotion  au  cardinalat  : 

Mors  rapax  nurdi  tulit  hune;  papa  et  sibi  cardi- 
Nalem  fecit  eum ,  viduae  rapiens  YiÀsœum. 

Le  partage  du  mot  cardinalem  entre  les  deux  vers  léonins 
est  à  remarquer  comme  une  des  pratiques  ou  licences  de  la 
versification  de  ces  temps-là.  D. 


XIII  SIECLE. 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  689 

XXVI.  YVES  BRETON  ou  le  Breton  n'est  tant  soit  peu 
connu  que  par  la  mention  que  les  Pères  Quëtif  et  Jacques 

Echard  ont  faite  de  lui,  et  que  Fabricius  n'a  répétée  qu'en      Scr.  ord.  Pi. 
l'abréeeant.  Yves  a  été  un  des  premiers  frères  prêcheurs.  Un  ••  ^P-  '^*- 

"      •.  ••       ..  I  •        J  I  •  r     •  j  Bibliolh.  med. 

manuscrit  qui  contient  les  vies  des  plus  anciens  religieux  de  gji„f  i^,  ,  y, 

cet  ordre,  loue  son  humilité,  sa  sainteté,  son  habileté  à  p.  33o. 

prêcher  en  diverses  langues.  Il  remplissait  les  fonctions  de 

provincial  à  la  Terre-Sainte,  lorsque  Louis  IX  y  arriva.  Ce 

prince  et  son  épouse  Marguerite  accueillirent  le  frère  Yves 

avec  une  bienveillance  singulière.  Ses  titres  littéraires  sont 

deux  relations  qui  n'ont  jamais  vu  le  jour,  dont  on  ne  cite 

même  aucun  manuscrit,  et  qui  sont,  selon  Fabricius,  d'une 

mince  importance,  exigui  momenti.  L'une  a  pour  sujet  la 

mort  d'un  dominicain ,  et  l'autre  un  miracle  obtenu  à  Tripoli 

par  les  mérites  de  saint  Dominique.  D. 

XXVII.  JEAN  DE  SAINT-ÉVROUL,  chancelier  de  l'église 
de  Paris  en  i252,  mourut  doyen  du  chapitre  de  Lisieux  le 
20  mars  i255.  Les  chartes  qu'il  a  souscrites  en  la  première 
de  ces  deux  qualités,  ne  concernent  point  l'Université  pari- 
sienne, et  ne  tiennent  aucunement  à  l'histoire  des  études 
publiques  ou  privées.  Du  Boulay  et  Crevier  ne  font  nulle 

mention  de  lui;  mais  les  auteurs  de  la  Gallia  christiana  lui  t. xi,p.8o9. 
attribuent  des  sermons  inédits,  de  sanctis  et  de  tempore, 
dont  ils  n'indiquent  aucun  manuscrit.  Il  est  nommé  dans  le 
Nécrolçge  de  Lisieux;  il  n'est  recommandé  dans  celui  de 
Saint-Evroul  que  pour  avoir  donné  aux  moines  une  Bible 
complète  avec  glose,  et  fait  d'autres  largesses  à  leur  maison  : 
xii  calendas  aprilis ohiit magister  Joannes de  Sancto  Ebrulfo, 
decanus  Lexoviensis ,  qui  totum  corpus  Bibliœ  glossdtum 
nohis  contulit  et  de  bonis  suis  domui  nostrœ  largissimè  ero- 
gavil.  D. 

XXVIII.  PIERRE,  fils  de  Milon,  seigneur  de  Cuisy  au  ^.f/"   ^^^ 

d,,,  ^„  ,  '  '»^l■^l      VIII,  p.  i6a3. 

locese  de  Meaux,  et  dune  dame  nommée  Agnes,  dont  la      du    Piessis , 

famille  est  inconnue,  avait  sept  frères  qui ,  selon  le  rang  où  Hist.  de  l'égiue 

les  avait  placés  leur  naissance,  furent  les  uns  .seigneurs ,  les  ^^  Meaux,  1. 1 , 

autres  abbés  ou  évêques.  Pierre  était  archidiacre  de  Meaux 

en  1221 ,  et  deux  ans  après  il  en  fut  élu  évêque.  Sa  longue 

prélature,  qui  se  prolongea  jusqu'en  1 245,  fut  remplie  d'un 

grand  nombre  d'actes  administratifs  qui  sont  racontés  avec 

détail  par  la  Gallia  christiana  et  par  l'historien  de  l'église 

Yyya 


54o  NOTICES 


XI IF  SIECLE. 


de  Meaux.  Des  églises  ou  des  chapelles  fonde'es,  des  reli- 
gieux appelés  dans  le  diocèse  ou  seulement  augmentés  en 
nombre,  des  transactions  faites  avec  les  chefs  des  monas- 
tères ou  avec  des  seigneurs  voisins,  des  débats  sans  cesse 
renaissants  avec  Thibaud  VI,  comte  de  Champagne;  des 
luttes  pour  le  soutien  de  sa  juridiction  contre  les  religieuses 
de  Jouarre,  qui  voulaient  s'y  soustraire;  des  Hôtels-Dieu 
ou  des  léproseries  déjà  établies  dans  plusieurs  endroits  de 
son  diocèse;  des  translations  de  reliques  de  saints;  de  nou- 
velles acquisitions  de  biens  pour  son  évêché  ;  des  démêlés 
sur  le  recouvrement  des  dîmes;  des  excommunications  lan- 
cées à  l'appui  de  ses  règlements:  tel  est  en  somme  l'abrégé 
de  plusieurs  longues  pages.  Ce  prélat  mourut  le  g  de  mai 
1255,  selon  le  JNécrologe  de  son  église;  et  le  chapitre  élut, 
pour  le  remplacer,  Aleaume  de  Cuisy,  son  frère,  qu'il  avait 
fait  chantre  de  l'église  de  Meaux  en  1237.  Aleaume  remplit 
sa  prélature  sans  que  l'histoire  ait  eu  à  rapporter  de  lui  rien 
de  remarquable ,  et  mourut  en  1 267. 
ibiil.  I.  Il,  p.       L'administration  longue  et  active  de  Pierre  de  Cuisy  ayant 

ni-  donné  lieu  à  un  grand  nombre  d'actes,  il  s'en  trouve  cent 

dix  dans  les  pièces  justificatives  de  l'Histoire  de  l'Eglise  de 
Meaux,  depuis  l'an  \ 2.2.3  jusqu'à  l'an  i255;  et  dans  ce  nom- 
bre il  y  en  a  quarante  de  notre  prélat,  la  plupart  en  latin, 
et  quelques-uns  en  français.  Cette  dernière  langue  aurait  été 
écrite  assez  correctement  et  clairement  par  Pierre,  si  l'on  en 
jugeait  d'après  cet  acte  de  l'an  i25o  : 
Ex  cod.  mss        ((  p.  par  la  misération  divine,  humble  menistre  de  l'église 

iciat. Coisiinian.  ^,  j^  Mcaulx ,  à  tous  cculx  qui  ces  présentes  lettres  verront, 
«  salut  en  N.  S.,  sçavoir  faisons  que  nous  par  l'autorité  de 
«  nostre  S.  P.  le  pape  Honoré  tiers,  du  consentement  et.  .  .  . 
«  avons  institué  ou  prioré  d'icelles  de  Noefort  ou  diocèse 
«  de  Meaulx,  pour  la  povreté  d'iceluy  prioré,  certain  nom- 
«  hre  de  nonnains.  C'est  assavoir  XXV,  en  telle  manière 
«  (lue  nulle  nonnain  ne  soit  faite  ilà  mesmes  doresnavant 
«  jusques  à  tans  que  tans  de  normains  soient  trépassées , 
«  que  le  dit  nombre,  c'est  assavoir  de  XXV  nonnains,  ne 
«  excède  point  en  aucune  manière;  sinon  que  les  revenues 
«  du  dit  lieu  soient  tellement  ascrues  par  aucune  espasses 
«  de  temps,  que  plusieurs  y  puissent  proufîtablement  estre 
(i  substantées.  Nous  avons  autrefois  commendé,  et  encore 
«  commendons  estroitement  le  status  dessus  dit  gardé  invio- 
((  lableraent.  Et  affin  que  aucune  chose  ne  soit  faicte  contre 


l'tbi.  p.  I  54. 


XIII  SIECLE. 


SUR  DIVERS  AUTEURS.  54 1 

«  les  dits  statuts,  ou  corrompe  ces  présentes,  ou  aucun 
«  recelé  sur  peine  de  excommunication ,  le  commandons 
«  plus  estroitement.  Donné  l'an  de  grâce  MCCL,  ou  mois 
«  d'aoust.»  Le  style  de  cet  acte  aura  sans  doute  été  rajeuni  par 
le  copiste  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Coislin,  et  l'on 
n'en  peut  douter  pour  peu  qu'on  le  compare  avec  un  autre 
acte  rapporté  à  la  page  i55  dans  la  même  histoire  de  Meaux. 
On  a  aussi  de  ce  prélat  les  Statuts  synodaux  de  l'église  de 
Meaux ,  qu'il  publia  en  i24'J,  et  qui  sont  précédés  de  quel- 
ques règlements  que  fît  Odon ,  évêque  de  Tusculum  et  légat 
en  France,  pour  la  réformation  du  chapitre  de  Meaux.  Les 
statuts  de  Pierre  de  Cuisy  se  trouvent  dans  le  Thésaurus  t  iv  n  801 
anecdotorum  de  Martène,  d'après  un  manuscrit  du  monastère 
de  Saint-Féron  de  Meaux,  et  à  la  suite  du  Pcnitenciel  de 
Saint-Théodore.  Tout  ce  qui  concerne  le  gouvernement  des 
églises,  l'administration  des  sacrements,  la  conduite  des  et»  '*'  ■'''^' 
clercs,  la  célébration  des  offices,  etc.,  y  est  exposé  avec  un 
grand  détail  dans  CXVII  canons,  où  nous  n'avons  rien  re- 
marqué qui  soit  différent  de  toutes  les  oeuvres  de  ce  genre 

P.  R. 


XIII  SIECLE. 


TROUBADOURS. 


jLa  période  que  nous  allons  parcourir  dqns  nos  recherches 
sur  l'histoire  des  troubadours,  renferme  ceux  de  ces  poètes 
qui  moururent  ou  qu'on  peut  supposer  être  morts  de  l'an 
1226,  époque  du  siège  d'Avignon  et  de  la  perte  prématurée 
de  Louis  VIII,  à  l'an  i255  ou  peu  de  temps  après.  Ces  poètes 
durent  naître  par  conséquent  vers  les  années  1 160  ou  1 170. 
La  plupart  d'entre  eux  passèrent  vingt  années  de  leur  vie 
dans  le  trouble  et  dans  le  malheur.  Depuis  l'an  1209  jusqu'à 
l'an  1229,  la  guerre  des  croisés  français  contre  les  Albigeois 
et  contre  Raimond  VI,  guerre  dévastatrice  dont  la  religion 
était  le  prétexte  et  la  spoliation  le  but,  ayant  étendu  ses 
ravages  depuis  Beaucaire  jusque  dans  le  comté  de  Foix  et 
sur  les  confins  de  l'Aragon,  les  exercices  des  troubadours  se 
trouvèrent  presque  entièrement  interrompus  dans  les  états 
de  l'infortuné  Raimond  et  de  ses  vassaux. 

Au  milieu  de  tant  de  ravages,  quelle  eût  été  en  effet  la 
place  des  jeux  d'esprit,  des  cours  d'amour  et  des  ingénieux 
essais  de  l'art  dramatique  ?  Nous  avons  vu  dans  la  vie  de  Gui 
d'Uissel ,  que  déjà  un  peu  avant  1209,  un  des  légats  du  pape 
défendit  à  ce  troubadour  et  à  ses  frères  de  composer  descnan- 
sons  :  c'étaient  sans  doute  les  chansons  satiriques  contre  le 
pape  et  le  clergé,  qui  excitaient  l'animadversion  du  légat; 
mais  le  mot  de  chanson  embrassait  tout.  Autant  d'ailleurs  eût 
valu  défendre  à  des  troubadours  la  galanterie,  que  de  leur 
prohiber  la  satire. 

A  dater  de  cette  époque,  la  plupart  des  poètes  langue- 
dociens de  naissance,  tels  que  Miraval ,  Faidit,  Hugues 
Brunet,  s'exilèrent  de  leur  patrie,  allèrent  mourir  en  Espa- 
gne, en  Provence,  en  Palestine,  ou  terminèrent  leurs  jour» 


TROUBADOURS.  543 

dans  des  monastères.  Il  en  est  de  même  de  ceux  dont  nous 
allons  maintenant  nous  occuper.  Nous  les  rencontrerons 
presque  tous  dans  les  cours  des  seigneurs  provençaux  ,  dans 
l'Italie  supérieure,  dans  l'Auvergne,  le  Limousin,  le  Poitou, 
la  Catalogne.  Quelquefois  on  entendit  le  courageux  sirvente 
d'un  poète  patriote  qui,  au  milieu  de  la  guerre  et  à  côté 
même  des  bûchers,  maudissait  la  ligue  et  ses  chefs,  appe- 
lait les  barons  et  les  peuples  aux  armées ,  déplorait  la 
perte  d'un  seigneur  mort  pour  le  maintien  de  l'indépendance 
nationale  :  tels  furent  les  chants  de  Guillaume  Anelier  et 
de  Guillaume  Figuières  de  Toulouse.  Quelquefois  aussi  un 

f)oète  fanatique  invoquait  les  torches  des  croisés ,  célébrait 
es  excès  du  despotisme  clérical;  mais  ces  exemples  sont 
rares;  nous  ne  manquerons  pas  de  les  signaler.  La  galan- 
terie était  toujours,  en  général,  le  sujet  le  plus  ordinaire  des 
chansons.  E— D. 


XIll  SIECLK, 


DEUX  DAMES  ANONYMES. 


JMous  plaçons  deux  dames  au  commencement  de  la  série 
actuelle  des  troubadours.  Leurs  noms  sont  inconnus,  et  les 
manuscrits  ne  leur  assignent  aucune  époque  ;  mais  la  naïveté 
et  la  grâce  de  leurs  compositions  semblent  nous  autoriser  à 
les  placer  au  temps  de  Raimond  VI ,  comte  de  Toulouse  ;  d'Al- 
phonse II,  et  de  Raimond  Bérenger  IV,  comtes  de  Provence, 
où  florissaient  les  Giraud  de  Borneilh,  les  Miraval,  les  Ca- 
denet,  les  Faidit,  les  Rambaud  de  Vachères  :  ces  dames  appar- 
tiennent assez  évidemment  à  la  même  école.  Nous  trouvons 
en  elles  le  même  esprit  et  la  même  grâce,  relevés  encore  par 
une  ingénuité  particulière. 

Peut-être  est-il  permis  de  supposer  que  des  troubadours 
auront  attribué  ces  jolies  compositions  à  des  femmes  pour 
les  faire  paraître  plus  piquantes  et  plus  originales.  Quoi  qu'il 
en  soit,  il  ne  reste  de  ces  dames  ou  prétendues  dames  poètes 
que  deux  pièces  dont  une  de  chacune  d'elles.  I^a  première 
est  une  yiubade  oh  la  dame,  après  avoir  passé  la  nuit  avec 
son  amant,  se  plaint  de  voir  l'aube  amener  le  moment  de 


544  DEUX  DAMES. 

XIII  SIF.CI.F. 

la  séparation.  Ce  sujet  traité  bien  des  fois  a  pris  ici ,  dans 

la  bouche  d'une  femme,  un  charme  tout  particulier.  Nou.s 
suivons,  sans  y  rien  changer,  la  traduction  littérale  que 
M.  Raynouard  a  donnée  de  cette  pièce: 

En  un  vergier,  sdtz  fuelha  d'albespi , 

'l'enc  la  dompiia  son  nmic  costa  si, 

Tro  la  gayta  crida  que  l'alba  vi. 

Oy  Dieus  !  oy  Dieus!  de  l'alba  tan  tost  ve  ! 

En  un  verger,  sous  feuille  d'aubépine 

Tient  la  dame  son  ami  contre  soi. 

Jusqu'à  ce  que  la  sentinelle  crie  que  l'aube  elle  voit. 

Oh  Dieu  !  oh  Dieu  !  que  l'aube  tant  tôt  vient! 

Plagucs  a  Dieu  ja  la  nueitz  non  falbis, 
Ni  I  niieus  aniicz  lonc  de  mi  no  s  partis , 
Ni  la  gayta  jorn  ni  alba  no  vis! 
Oy  Dieus!  oy  Dieus!  de  l'alba  tan  tost  ve  ! 

Plût  à  Dieu  quejamais  la  nuit  ne  cessât. 
Et  que  le  mien  ami  loin  iJe  moi  ne  se  séparât, 
Et  que  la  sentinelle  jour  ni  aube  ne  vît! 
Oh  Dieu!  oh  Dieu!  etc. 

Bels  dous  aniicz ,  baïzem  nos  ieu  e  vos 
Aval  els  pratz  on  cbanto'ls  auzellos, 
Tôt  o  fassani  en  despieg  del  gilos. 
Oy  Dieus  !  oy  Dieus  !  de  l'alba  tan  tost  ve  ! 

Beau  doux  ami,  baisons-nous  moi  et  vous 
Là  bas  aux  prés  où  chantent  les  oiselets, 
Tout  ce  faisons  en  dcpit  du  jaloux. 
Oh  Dieu  !  oh  Dieu!  etc. 

Bel  dous  amicz,  fassani  un  joc  novel 

Ins  el  jardi  on  chanton  li  auzel , 

Tro  la  gayta  toque  son  caramel. 

Oy  Dieus!  oy  Dieus,  de  l'alba  tan  tostve! 

Beau  doux  ami ,  faisons  un  jeu  nouveau 

Dans  le  jardin  où  chantent  les  oiseaux, 

Jusqu'à  ce  que  la  sentinelle  touche  son  chalumeau. 

Oh  Dieu  !  oh  Dieu!  etc. 

Per  la  doss  'aura  qu'es  venguda  de  lay 
Del  mieu  amie  belh  e  cortes  e  gay, 
Del  sieu  alen  ai  begut  un  dous  ray. 
Oy  Dieus!  oy  Dieus!  de  l'alba  tan  tost  ve! 


DEUX  DAMES.  545 


XIII  SIK.CLE. 


Par  le  doux  soufflf  qui  est  venu  de  là  

Du  mien  ami  beau  et  courtois  et  ijai , 
De  son  lialeine  j'ai  bu  un  doux  rayon. 
Oh  Dieu  !  oh  Dieu  !  etc. 

La  (loinpna  es  agradans  e  plazens;  Msi.dc  lalîibl 

Per  sa  beutat  la  gardon  niantas  cens,  royale,  722G,  f 

Et  a  son  cor  en  aniar  leyalmens.  Toa,- 
Oy  Dieus  !  oy  Dieus  !  de  l'alba  tan  tost  ve  ! 


M.Raynouard, 
Choix,  etc., t.  H, 
p.  236,  237 


La  dame  est  agréable  et  plaisante  ; 

Pour  sa  beauté  la  regardent  maintes  gens, 

Et  elle  a  son  cœur  en  aimer  loyalement. 

Oh  Dieu!  oh  Dieu!  que  l'aube  tant  tôt  vient! 

Dans  la  seconde  pièce,  le  personnage  est  une  jeune  femme 
mariée  contre  son  gré,  qui  craint  d'être  déjà  devenue  amou- 
reuse. Elle  s'avoue  ingénument  à  elle-même  la  peur  qu'elle 
a  d'être  vaincue,  si  l'homme  qu'elle  aime  s'aperçoit  de  sa 
faiblesse;  elle  ne  dissimule  point  le  projet  qu'elle  forme  de 
se  venger  par  un  autre  amour,  si  ce  premier  amant  la  trahit; 
et  finit  par  avouer  l'abandon  qu'elle  va  lui  faire  de  sa  per- 
sonne. Cette  pièce  est  du  genre  de  celles  qu'on  appelait  des 
ballades ,  vraisemblablement  des  rondes  de  danse.  Quatre 
couplets  de  sept  vers,  oiiles  mêmes  rimes  reviennent  dans  le 
même  ordre,  et  ayant  tous  le  même  refrain  ,  sont  précédés 
par  un  couplet  de  neuf  vers  dont  les  deux  premiers  riment 
avec  lavant-dernier  de  chacun  des  couplets  suivants.  Cette 
addition  de  deux  vers  au  commencement  du  premier  couplet 
avait  peut-être  quelque  rapport  avec  \&  figure  de  la  danse. 
M.  Raynouard  a  cité  cette  pièce  comme  un  exemple  des 
compositions  de  ce  genre.  Nous  suivons  encore  sa  traduction, 
en  suppléant  seulement  à  quelques  ellipses  qu'il  a  respectées 
dans  son  fidèle  mot-à-mot.  Nous  avons  eu  déjà  occasion  de 
faire  remarquer  combien  les  troubadours  aimaient  ce  style  xvi'i  p  "i» 
elliptique,  qui  exerçait,  disaient-ils,  la  sagacité  du  le  teur.       /r»!. 

Coindeta  sui ,  si  cum  n'ai  greu  cossire 

Per  mon  marit,  quar  no '1  voill ,  ni'l  désire, 

Qu'ieu  be  us  dirai  per  que  soi  aissi  drusa, 

Coindeta  sui  ; 
Quar  pauca  soi ,  joveneta  e  tosa , 

Coindeta  sui; 
E  degr  'aver  marit  don  fos  joyosa  , 
Ab  cui  tes  temps  pogues  jogar  e  rire  : 

Coindeta  sui. 

Tome  XV m.  Z  z  z 


546  DEUX  DAMES. 

XIII  SltelE 
Gentille  suis,  et  ainsi  .ii-je  grief  chagrin 

Par  mon  mari,  car  je  ne  le  veux  ni  le  ilésire  ; 

Que  bien  vcius  dirai  pour  quoi,  (c'est)  que  je  suis  aiiiauli 

Gentille  suis  ; 

Car  petite  suis  ,  jeunette  et  (illette, 

Gentille  suis  ; 

Et  devrais  avoir  mari  dont  je  fusse  joyeuse, 

Avec  qui  en  tout  temps  je  pusse  jouer  et  rire  , 

Gentille  suis. 

Ja  Deus  mi  sal,  si  ja  siii  amorosa  ,' 

Coiiideta  siii  ; 
De  lui  amar  niia  sui  <  iibito&a  , 

Coindeta  sui  ; 
Ans  quan  lo  vei,  ne  soi  tan  vergoignosa  , 
(^u'en  prec  la  mort  ije'l  venga  tost  aucire; 

Cuinileta  siii. 


Jamais  Dieu  me  sauve  si  jamais  je  suis  amoureuse 

Gentille  suis; 
De  l'aimer  ne  suis  |)omt  convoiteuse. 

Gentille  suis  ; 
Mais  quand  je  le  vois  ,  j'en  suis  tant  honteuse 
Que  j'en  prie  la  mort  qu'elle  le  vienne  tôt  occire; 
Gentille  suis. 


Mais  d  una  ren  m  en  soi  ben  acordada, 

Coindeta  sui, 
Sel  meu  amie  m'a  s'auior  emendada  , 

Coindeta  sui  : 
Ve  1  bel  esper  a  cui  me  soi  donada; 
Plang  e  sospir,  quar  iio  I  vei  ni'l  remiie; 

Coindeta  sui. 


Mais  d'une  chose  j'en  suis  bien  consentante. 

Gentille  suis, 
Si  le  mien  ami  m'a  sou  amour  détournée, 

Gentille  suis  r 
Voyez  le  bel  espeiir  à  qui  je  me  suis  donnée  : 
Je  gémis  et  soupire  ,  parce  que  je  ue  le  vois ,  m  ne  le  (Oiilempli 
Gentille  suis. 


En  aquest  son  fas  coindeta  balada, 

Coindeta  sui  ; 
E  prec  a  tut  que  sia  loiiig  cantada, 

Coindeta  sui , 
E  que  la  chant  tota  domna  enseignada 
Del  meu  amie  q  eu  tant  am  e  désire, 

Coindeta  sui. 


P1I-:RRE  de  BERGERAC.  547 

xm  sikcLt. 


£11  cet  air  je  fais  gentille  bahade, 

fleiitillf  suis; 
Et  je  prie  a  tons  qu'elle  soit  an  loin  chantée, 

Gentille  suis, 
Et  que  la  chante  tonte  dame  enseignée 
Du  mien  ami  que  tant  j'aime  et  désire. 

Gentille  suis. 

E  dirai  vos  de  que  siii  acordada , 

Coindeta  sui  ; 
Q'el  ineu  amie  m'a  longamciit  ainadu, 

Coindeta  sui; 
Ar  11  sera  ni  amor  aljandonada  , 
El  bel  esjier  q'eu  tant  ani  e  désire 

Coindeta  sui. 

Kt  il-  vous  (lirai  de  quoi  je  suis  consentante. 

Gentille  su' s;  _  M.s.de  1,  H,hl 

\  u  que  le  luien  ami  m'a  longuement  année  ,  lucaïUi,  ins-,.     u 

Gentille  suis;  \^tua...u^i2oO. 

Maintenant  lui  sera  mon  amour  abandonnée  llaMi.      loix, 

F.t  le  bel  espoir  que  tant  i'aimc  et  désire,  *    ■'    '       '  '"'''^ 

,.      .11  î/ii   et  sMi\ 

Gentille  suis.  •  ' 

Il  V  a  dans  ce  petit  drame  à  un  seul  personnage,  expo- 
sition, intrigue,  péripétie,  dénouement.  E— D. 


PIERRE  DE  RERGERAC. 


LjRescimbeni  a  soupçonné  que  Pierre  de  Bergerac  pouvait 
être  le  même  personnage  que  Pierre  de  Bargeac.  Nos  prédé-  ncîîTstol^ri'là 
cesseurs  ne  paraissent  pas  en  avoir  porté  le  même  jugement;  voigarpoesia,  t. 
car  Ginguené,  dans  son  article  sur  Pierre  de  Bargeac,  ne  "'i>  '^°^ 
parle  point  de  cette  identité  supposée,  et  quoiqu'il  ne  subsiste  u  Fr 'i.  xv,  p* 
qu'une  seule  pièce  de  Pierre  de  Bergerac,  elle  est  d'une  trop  A '17 
grande  importance,  pour  qu'il  eiàt  omis  d'en  faire  mention 
si  Bargeac  et  Bergerac  lui  eussent  paru  n'être  qu'une  seule 
personne. 

Z  zz  2 


548 


PIERRE  DE  BERGERAC. 


XIII  SIECLE. 


U.  Vaisselle 
Hisl.    du     Lan 


D.    Vuisselte 
Ihid.  p.  aa5. 


Guillaume  VIII,  vicomte  de  Montpellier,  qui  mourut  au 
mois  de  novembre  de  l'an  1202,  institua  pour  son  héritier 
à  la  seigneurie  de  Montpellier,  Guillaume,  fils  aîné  d'Agnès, 
parente  du  roi  d'Aragon  ,  après  avoir  répudié  Eudoxie  Com- 
nène,  sa  première  femme.  Il  paraît  que  ce  testament  reçut 
d'abord  son  exécution.  Le  jeune  Guillaume  était  alors  âgé 
de  quatorze  ans.  Le  pape  Innocent  III,  pressé  par  Guil- 
laume Mil  de  reconnaître  la  légitimité  des  enfants  de  son 
^"l  •  ••  '  P-  second  mariage,  avait  suspendu  sa  décision.  Marie,  fille 
d'Eudoxie,  mariée  à  lîernard ,  comte  de  Cominges,  appa- 
remment ne  réclama  point.  Alais  en  1204,  Pierre  II,  roi 
d'Aragon,  ayant  épousé  Marie,  répudiée  par  le  comte  de 
Cominges,  s'empara  des  états  de  Montpellier,  et  il  en  jouit 
paisiblement  jusqu'en  1212.  A  cette  époque,  Guillaume,  fils 
d'Agnès,  ayant  réclamé  auprès  d'Innocent  III,  ce  pontife 
reconnut  sa  légitimité,  ordonna  aux  habitants  de  Montpel- 
lier (le  lui  restituer  leur  ville,  et  à  la  reine  Marie  de  la  lui 
céder.  Cet  ordre  aurait  pu  amener  une  collision  ;  mais  dès  le 
mois  de  janvier  i2i3,le  roi  d'Aragon,  au  contraire,  donna 
en  fief  à  Guillaume  la  ville  de  Montpellier  et  toutes  les  terres 
qui  dépendaient  de  cette  seigneurie. 

Marie  partit  aussitôt  pour  Rome,  et  obtint  une  décision 
toute  contraire  à  la  précédente.  Guillaume  fut  déclaré  fils 
adultérin.  Marie  mourut  à  Rome  en  1 2  i3 ,  peu  de  jours  après 
avoir  obtenu  ce  jugement.  Alors  la  ville  de  Montpellier  s'é- 
rigea en  république;  et  enfin,  en  1216,  elle  reconnut  pour 
son  seigneur  Jacques  P"",  roi  d'Aragon,  fils  de  Marie  et  de 
Pierre  II. 

C'est  pendant  ces  révolutions  que  Pierre  de  Bergerac 
publia  le  sirventc  qui  nous  reste  de  lui.  A  laquelle  des  crises 
de  la  seigneurie  de  Montpellier  se  rapporte-t-il  ?  C'est  là  tout 
ce  qui  paraîtra  douteux.  Les  deux  princes  contendants  y 
sont  nommés;  ce  sont  Guillaume,  fils  d'Agnès,  qui  est  un 
homme  méchant,  dit  le  poète,  car  es  savais,  et  le  roi  d'Ara- 
gon, connu  par  sa  bonté, e/  bos  reis  d'y^rago.  Par  conséquent 
il  ne  s'agit  pas  de  la  première  prise  de  possession  où  Guil- 
laume n'avait  que  quatorze  ans,  et  ou  Pierre  II  n'éleva 
Miilot.i.iii,  aucune  difficulté.  Millot  suppose  que  le  roi  d'Aragon  est 
p-4»4  .[arques  I*'',  et  que  le  sirvente  se  rapporte  à  l'époque  de  12 13 

où  Guillaume  tut  condamné  par  le  pape.  Cette  opinion  ne 
paraît  pas  admissible,  puisque  Jacques  n'était  alors  qu'un 
enfant  de  cinq^  ans.  D'après  cela,  la  pièce  doit  appartenir  à 


U.   Vaisselle 
Ibiil.  p.  !îoa. 


PIERRE  DE  BERGERAC.  549 

.       ,          xrasiÈcxE. 
l'an   I2I2,  où  Guillaume  rentra  dans  la  possession  de  sa  

seigneurie.  Voici  trois  strophes  de  ce  sirvente  : 

Bel  m'es  cant  aug  lo  resso 
Que  fai  l'ausbercs  ab  l'arso, 
Li  bruit  et  il  crit  e  il  masan 
Que  il  corn  e  las  trombas  fan, 
Et  aug  los  retins  e'is  lais 
Dels  sonails,  atîoncs  m'eslais  , 
E  vei  perpoinz  e  ganbais 
Gitatz  sobre  garnizos, 
E  m  plai  refrims  ilels  penos. . . . 

Il  m'est  beau  quand  j'entends  le  retentissement 

Que  font  le  haubert  et  l'arçon. 

Les  bruits,  le  cri  et  le  tumulte 

Des  cors  et  des  trompettes, 

Quand  j'eutends  les  résonnantes  chansons 

Des  grelots,  alors  je  me  réjouis, 

Et  quand  je  vois  les  pourpoints  et  les  cottes  d'arm. 

Jetés  sur  les  cuirasses; 

Et  me  plaît  le  frémissement  des  panonceaux. 

Oimais  sai  qu'auran  saza 
Ausberc  et  elm  e  blezo , 
Cavaill  e  lansas  e  bran 
E  bon  vassaill  derenan. 
Pois  a  Monpeslier  s'irais 
Lo  reys,  soven  veiretz  mais- 
Torneys ,  cochas  et  essais  • 
Âls  portais,  maintas  sazos 
Feiren  colps,  voidan  arsos. 

Désormais  je  sais  que  seront  de  saisons 

Hauberts,  haumes  et  blisons. 

Chevaux  et  lances  et  épées 

Et  braves  vassaux  dorénavant. 

Bientôt  à  Montpellier  se  courrouce 

Le  roi ,  et  vous  verrez-  encore 

Mêlées,  chocs  et  assauts 

Aux  portes,  et  en  grand  nombre 

Nous  frapperons  des  coups,  et  ferons  vider  des  arçons; 

E  si'l  bos  reis  d'Arago 

Conquer  en  breu  de  sazo, 

Monpeslier,  ni  fai  deman  , 

Eu  non  plain  l'anta  ni'l  dau 

D'en  Guillem ,  car  es  savais ,  • 

Ni  'n  tem  lo  seignor  del  Bais 

Ans  eu  mov  contr'el  tal  ais;  •  Bayn.  Choix, 

Per  la  fe  que  dei  a  vos,  i.  iv.  p.  189. 

No  sai  si  l'er  danz  o  pros. 

'  8 


XIII  SIF.CLK. 


55o  GUILLAUME  DE  BÉZIERS. 

Et  si  le  bon  roi  d'Aragon 

Con<|iiiprt  en  peu  île  temps 

Montpellier  et  en  fait  la  demande. 

Je  ne  plains  ni  la  lionte,  ni  le  dommage 

Du  seigneur  Guillatimc,  car  il  est  méchant. 

Point  ne  crains  le  seigneur  d'Anbais, 

Au  contraire,  je  me  soulève  contre  un  tel  secours, 

A  cause  de  la  foi  (]n'il  doit  à  vous  (roi). 

Et  ne  sais  si  ce  sera  pour  lui  dommage  ou  profit. 

Tout  cela  est  parfaitement  clair;  le  roi  d'Aragon  vientlra 
conquëiir  Montpellier;  on  se  battra;  le  seigneur  Guillaume 
sera  vaincu ,  et  le  poète  s'en  réjouira. 

il  n'en  arriva  pas  ainsi.  On  ne  se  battit  poiiU.  car  les 
historiens  nous  l'auraient  appris.  Mais  nous  voyons  dans 
cette  pièce  que  Guillaume  s'était  préparé  au  combat.  L'affaire 
se  termina  pour  cette  fois  par  la  donation  que  Pierre  11  fit  à 
Guillaume  du  fief  de  Montpellier  et  de  toutes  ses  dépen- 
dances. K — D. 


GUILLAUME  DE  BEZIERS 

I 

Li'histoire  de  ce  poète  est  entièrement  inconnue,  et  nous 
devons  regretter  cette  omission  des  biographes,  attendu  tjue 
sa  carrière  poétique  paraît  se  lier  à  un  fait  d'une  grande 
importance. 

Guillaume  est  connu  par  deux  pièces.  I/unedes  deux  est 
une  déclaration  d'amour,  que  fauteur  se  suppose  faire  à  une 
dame  qu'il  n'a  jamais  vue.  Ce  n'est  point  une  chanson  divisée 
en  strophes  ou  cou|)lets.  11  est  vraisemblable  qu'elle  n'a  point 
été  faite  pour  être  chantée.  Les  rimes  y  sont  placées  sans 
ordre.  C'est  un  jeu  d'esprit  où  le  poète  s'abandoiuie  à  la 
bizarrerie  de  sa  pensée,  et  une  pièce  du  genre  de  celles  que 
\ovez  Rayn    jgs  troubadours  appelaient  un  vers. 


choix  ,  I.  II,  p. 
«7 


Erra  n  sa, 
Pezansa, 
Me  destrenh  e  m  i)alansa  , 
Res  no  sai  on  me  lansa. 
Esniansa , 
Seniblansa, 
Me  tolh  e  m'eiiaiisa; 
E  m  dona  alegransa 


Xlll  SIECLK. 


GUILLAUME  DE  BEZIERS.  55i 

Un  messatgier  que  nie  venc  l'autre  di;i, 
Tôt  en  vellan,  mon  verai  cor  emblar. 
Etant-  pueysas  no  fuy  ses  gelosia, 
E  res  no  sai  vas  on  lo  m  an  cercar.  ... 

Également , 
Chagrin, 
M'oppresse  ot  me  pèse  , 
Point  ne  sais  où  me  lance. 
Pensée, 
Apparence 
M'enlève  et  me  transporte; 
Et  me  donne  joie 
Un  messager  (pii  me  vint  l'autre  hier, 
Klant  bien  éveillé,  mon  tendre  cœur  ravir; 

Et  jamais  depuis  n'ai  été  sans  jalousie,  r 

Et  point  ne  sais  où  j'irai  le  reprendre.  .  .  . 

Per  inerre  us  prec  ,  bella  doiisset'amia, 
Si  r:ini  ie  us  ani ,  vos  me  viilbatz  amar  ; 
Quar  ie  us  ain  mais  que  nulba  res  que  sia , 
lù  .:nc  no  us  vi,  mas  au^it  n'ai  parlai'.  .  .  . 

Par  merci  je  vous  prie,  belle  doucette  amie. 

Que  connne  je  vous  aime,  vous  me  vcuiiliez  aimer; 

Car  je  vous  aime  plus  que  chose  qui  soit  au  ntonde;  Rayn.  Choix  , 

Et  ne  vous  ai  vue  jamais,  mais  seulement  ouï  parler  de  vous.  .  .      ••  I"  '  P-  '^^■ 

L:i  seconde  pièce  est  une  complainte   sur  la  mort   d'un 
vicomte  de  Béziers,  assassine,  dit  le  poète,  p?ir  des  renégats 
de  la  race  traîtresse  de  Pilate.  Cette  pièce  porte  dans  un      Mss.ddaBibi. 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  le  nom  de  Guillaume,  |^oy- "y^iS,  i. 
moine  de  Bëziers,  et  dans  le  manuscrit  dit  de  Diuj'c  celui      Mss.ieDurfr 
de  Guillaume  Ogiers  ou  Augier  Niella ,  natif  de  Saint-Donat,  27oi,n..b.8i5. 
bourg  du  Viennois,  poète  qui  demeura  long-temps  dans  la 
Loiubardic.  Nos  prédécesseurs,  ainsi  que  l'abbé  Millot,  l'ont 
attribuée  à  ce  dernier;  et  comme  Augier,  contemporain  de      crestimbeDi . 
l'empereur  Frédéric  1*^%  florissait  vers  le  milieu  du  douzième  Deiiavoigarpoe- 
,  siècle,  il  suit  de  là  que  le  vicomte  de  Bezicrs  à  qui  se  rap-  »", t.  n,p.20ï. 
porte  la  complainte,  serait  Raimond  Tranquavel  F',  tué  par  uFr^t.  xm  i* 
des  bourgeois  de  Béziers,  en  1 167,  pour  avoir  paru  prendre  419 
parti  contre  eux  en  taveur  d'un  noble.  Si,  au  contraire,  la  com-    ,  M'""' •  Hi»i. 
plainte  se  rapporte  à  la  perte  de  Raimond-Roger,  mort  dans  /  [    "  uî"  t 
les  fers,  prisonnier  de  Simon  de  Montfort,  ;ït)/i  ja«j  soupçon  m,  p.  409. 
qu'on  eût  avancé  SCS  jours,  dit  Vaissetle,  et  de  mort  violente,       '^  Vaissetie  , 

'       >  •       1  'f         1      "d  '    •  i  /^  Hisl.    du    Lan- 

apres  avoir  deiendn  Beziers  et  Garcassoune  avec  un  courage  gued.  1.  in,  ■.. 
liéroique,  comme  cet  événement  est  du  10  novembre  i'20{),   17,18. 


552  GUILLAUME  DE  BEZIERS. 

XIII  SIÈCLE.  j      f>     ■„  1      r»      ■ 

la  complainte  peut  être  1  ouvrage  de  Guillaume  de  Ceziers , 

D.  Vaisselle ,  et  cUc  scft   aloTs  elle-même  à  fixer  l'époque  de   sa  vie. 
ibid. p.  i83.       ]yj  Raynouard  l'a  donnée  à  ce  poète;  mais  rien  n'est  assez 
IV  p^'Àé."^      positif  sur  cette  question,  pour  nous  décider  à  combattre 
l'opinion  de  nos  confrères.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  des  frag- 
ments de  cette  pièce  : 

Quascus  plor  e  planb  son  dampnatge, 

Sa  malanansa  e  sa  ilolor, 

Mas  ieu  ,  las  !  n'ai  en  mon  coratge 

Tan  gran  ira  e  tan  gran  tristor 

Que  ja  ,  mos  jorns ,  planh  ni  plorat 

Non  aurai  lo  valen  prezat 

Lo  pros  vescomte ,  que  mortz  es  , 

DeBezers,  l'ardit  e'I  cortes, 

Lo  gai  e'I  mielh  adreg  e'i  bon , 

E'I  nielhor  cavadier  del  mon. 

Chacun  frémit  et  déplore  sa  propre  perte, 

Sou  infortune  et  sa  douleur, 

Mais  moi,  hélas!  j'ai  dans  mon  cœur 

Si  grande  indignation  et  si  grande  tristesse 

Que  jamais  de  mes  jours  assez  regretté  et  pleuré 

Je  n'aurai  le  vaillant,  l'estimé. 

Le  Seigneur  preux  vicomte ,  qui  est  mort , 

De  Bézicrs,  le  hardi ,  le  courtois  , 

Le  gai ,  le  plus  adroit ,  le  bon, 

Le  meilleur  chevalier  du  monde. 

Mort  l'an  ,  e  anc  tan  gran  otratge 
No  vi  boni,  ni  tan  gran  error 
Mais  far,  ni  tan  gran  estranbatge 
■  .  De  Dieu  et  a  nostre  senhor, 

Cum  an  fag  li  can  renégat 
Del  fais  linhatge  de  Pilât 
Que  l'an  mort  ;  e  pus  Dieus  mort  près 
Per  nos  a  salvar,  semblans  es 
De  lui ,  qu'es  passatz  al  sieu  pon 
Per  los  sieus  estorser  laon. 

Tué  ils  l'ont,  et  jamais  si  grande  injure 

Ne  vit  homme,  ni  si  grand  forfait 

Jamais  commettre,  ni  si  grande  barbarie 

Envers  Dieu  et  envers  notre  Seigneur, 

Comme  ont  fait  les  chiens  de  renégats  , 

De  la  traîtresse  race  de  Pilate  , 

Qui  l'ont  tué;  et  puisque  Dieu  a  reçu  la  mort 

Pour  nous  sauver,  il  semble 

De  lui  qu'il  ait  passé  sou  pont 

J*our  les  siens  retirer  en  haut. 


GUILLAUME  ANELIER.  553 

IIII  SIECLE. 

Mil  cavallier  de  gran  linhatge  

E  mil  dampnas  de  grau  valor 

Iran  per  la  sua  mort  a  ratge  ; 

Mil  borzes  e  mil  servidor 

Que  totz  foran  gent  heretat 

Si  'Ih  visquet,  e  rie  e  honrat. . . . 

Ar  es  mortz ,  ai  Dieus ,  quais  dans  es  ! 

Caitieu,  cum  em  tug  a  mal  mes! 

Val  quai  part  tenrem  ,  ni  ves  on 

Penrem  port,  lot  lo  cor  m'en  fon. . . . 

Mille  cavaliers  de  haut  lignage 

Et  mille  dames  de  grand  prix 

Iront  par  sa  mort  à  l'abandon; 

Et  mille  bourgeois,  et  mille  serviteurs. 

Qui  tous  eussent  été  enrichis, 

Puissants  et  honorés,  s'il  eût  vécu.  . . . 

Maintenant  il  est  mort!  ô  Dieu!  quelle  perte! 

Malheureux!  comme  nous  sommes  tous  mis  à  mal! 

De  quel  côté  nous  tournerons-nous ,  et  vers  où 

Prendrons-nous  port?  tout  mon  cœur  en  est  brisé. 

É-D. 


GUILLAUME  ANÉLIER 

Lje  troubadour,  né  à  Toulouse  vers  la  fin  du  douzième 
siècle,  nous  est  connu  par  quatre  sirventes,  où  se  manifes- 
tent avec  énergie  son  amour  pour  son  pays  et  son  aversion 
pour  la  guerre  de  la  ligue  dont  le  résultat  devait  être  de  livrer 
le  Languedoc  à  une  domination  étrangère.  De  semblables 
pièces  de  vers  sont  des  morceaux  d'histoire  où  léchant  d'un 
seul  poète  peint  l'esprit  d'un  peuple  entier. 

La  date  de  ces  pièces  n'est  pas  douteuse;  elles  sont  toutes 
à  peu  près  de  la  même  époque.  Celle  c^ui  commence  par  ce 
vers, 

Vera  merce  e  dreitura  sofranh, 

est  dédiée  au  jeune  roi  d'Aragon  : 

Al  jove  rei  d'Arago  qe  conferma 
Merce  e  dree,  e  malvestat  desferma, 

-,.»''  L  r  lass.  delaBi- 

Vay  sirventes,  quar  trastot  be  reslenna,  bliotk.   Lauren- 

E  nuls  engans  dedins  son  cors  no  s  ferma.  tiana. 

Tome  XV in.  Aaaa 

3   8, 


Mss.  de  la  Bi- 


554  GUILLAUME  ANÉLIER. 

XIII  SIECLK.  „       ,     •  •  j.A 

Vers  le  jeune  roi  d  Aragon  qui  protège 

Miséricorde  et  droit,  et  injustice  repousse, 

Va,  Sirveiite;  car  tout  ce  qui  est  bon  il  le  renferme  en  soi, 

Et  nulle  troDiperie  en  son  cœur  n'habite. 

La  pièce  commençant  par  ce  vers, 

Msf.delaltibl.  £j  „qj^  j^  Dieu  qu'es  paire  oitinipotens , 

roj.  n.  7116,  f.  1  •  X  ' 

Ra»n.  ciioii,  fait  mcntion  du  jeune  roi  d' An gleteTre  ^j'oves  Engles ,  lequel 
I.  V,  p.  1 7«j.  yjj  gg^g  doute  chercher  à  reconquérir  ses  domaines  de  France. 
Or,  pour  rencontrer  une  époque  où  un  roi  d'Aragon  et  un 
roi  d'Angleterre  fussent  jeunes  tous  deux ,  il  faut  se  placer  à 
l'an  1324  011  I22().  Jacques  1*'',  roi  d'Aragon,  né  le  premier 
février  1208,  roi  en  I2i3,  était  alors  âgé  en  effet  de 
17  à  rSans;  et  Henri  III,  fils  de  Jean -Sans -Terre,  né  en 
1207  et  roi  en  1216,  avait  à  peu  près  le  même  âge  :  c'est 
par  conséquent  de  l'an  1224  à  l'an  1226  qu'ont  été  composés 
les  deux  sirventes  dont  nous  parlons;  époque  désastreuse 
pour  le  Languedoc,  où  la  reprise  de  la  guerre  et  la  reddition 
d'Avignon  ouvraient  aux  croisés  la  route  de  Toulouse ,  et 
où  la  couronne  de  llaimond  VII  tendait  visiblement  à  sa 
chute.  Quand  on  considère  ces  circonstances,  les  pièces  de 
vers  d'Anélier  acquièrent  un  grand  intérêt.  Alors  on  ne  dit 
plus  :  a  Ces  pièces  ne  contiennent  que  de  vagues  déclama- 
a  tions  contre  le  clergé,  les  moines  et  les  Français.  »  On 
admire,  au  contraire,  le  courage  et  le  dévouement  du  poète 
qui  défend  autant  qu'il  est  en  lui  son  prince  et  son  pays,  et 
s'oppose,  avec  les  armes  aiguisées  de  la  satire,  au  déborde- 
ment des  mœurs. 

Celui  de  ces  sirventes  qui  commence  par 

Ara  farai  no  m  puesc  tener, 

date  des  premiers  temps  de  la  majorité  de  Jacques  d'Aragon. 

Mas  us  enfans  cobra  poder 
Qu'es  a  paratge  lums  e  ray. 

C'est  en  ce  jeune  prince  que  le  poète  espère;  c'est  pour 
lui  qu'il  demande  les  faveurs  du  ciel  : 

Doue  prec  Jeshu  Crist  que  poder 
Li  don  e  quel  garde ,  si  i  play. 
Que  ciercx  no  '1  puescan  dan  tener 
Ab  fais  preziicx  lotz  pies  d'esglay, 


GUILLAUME  ANÉLIER.  555 

Quar  tant  es  grans  lur  trichamen  XIIISgCIiE. 

Quel  fuecx  infernals  plus  preon 
Ardran  ,  quar  volon  tant  argen 
Qu'hom  peccaire  fan  cast  e  mon. . . . 

Donc  je  prie  Jésus-Christ  que,  pouvoir 

I!  lui  donne,  et  qu'il  le  préserve,  s'il  lui  plaît. 

Que  clercs  ne  puissent  lui  porter  dommage 

Par  leurs  prédications  menteuses,  pleines  de  terreur; 

Car  si  grande  est  leur  fourberie 

Qu'au  feu  d'enfer  le  plus  profond 

Ils  brûleront  (eux)  si  avides  d'argent 

Que  l'homme  pécheur  ils  rendent  innocent  et  pur. 

A.  la  gleisa  falh  son  saber, 

Quar  vol  los  Frances  mètre  lay  Rayn.  Choii, 

On  non  an  dreg  per  nulh  dever,  '•  IV,  p.  271. 

E  gieton  cristiais  a  glay 

Per  lengatge  sens  cauzimen ..... 

A  l'Église  faillit  son  ^voir 
Quand  elle  veut  les  Français  établir  là 
Où  ils  n'ont  droit  par  aucune  obligation  ; 
Et  ils  jettent  les  chrétiens  au  désespoir 
Par  an  langage  sans  ménagement. 

Le  quatrième  sirvente  n'est  pas  moins  remarquable  quant 
au  fond,  et  il  e&t.plus  poétique: 

Ar  faray,  sitôt  no  m  platz 
Chantar  verses  ni  chansos, 
Sirventes  en  son  joyos  , 
E  say  qu'en  seray  blasmatz  ; 
Mas  del  senhor  suy  servira 
Que.  per  nos  suferc  raartir 
Et  en  crotz  deynhet  morir, 
Per  qu'ieu  no  m  tem  de  ver  dire. 

Maintenant  je  ferai,  quoique  ne  .nie  plaise 

Chanter  couplets  ni  chansons, 

Un  sirvente  sur  un  air  vif; 

Et  sais  que  j'en  serai  blâmé  ; 

Mais  de  Dieu  je  suis  serviteur. 

Qui  pour  nous  a  souffert  martyre, 

Et  en  croix  a  daigné  mourir  ; 

C'est  pourquoi  je  ne  me  retiens,  de  la  vérité  dire. 

Quar  yej  qu'el  temps  es  camjatz 
E'is  auzelletz  de  lors  sos; 
E  paratges  que  chai  jos , 
E  vilas  coutz  son  prezatz , 

A  aa  a  a 


556  GUILLAUME  ANELIER. 

XIII  SIECLE.  „,  „ 

. . Clercx  e  irances  cuy  azire, 

Qu'ieu  per  ver  vey  dregz  delir 

E  merces  e  pretz  venzir; 

Dieus  m'en  do  so  qu'ieu  n  dexire. 

Car  je  vois  que  les  temps  sont  changés 
Et  les  oiselets  (même)  dans  leur  chant; 
Et  les  nobles  familles  sont  jetées  à  terre 
Et  les  pins  vils  tenus  à  estime, 
Et  les  clercs  et  Français  que  je  déteste  (i)  ; 
Et  en  vérité  je  vois  les  droits  anéantir, 
La  bienfaisance  et  le  mérite  avilir  : 
Que  Dieu  m'en  donne  ce  que  j'en  désire! 

Tant  es  grans  lur  cobeytatz 
Que  dreytura  n'es  al  jos , 
Et  enjans  et  tracios 
Es  dretz  per  elhs  apellatz , 
Don  pretz ,  dos ,  solatz  et  rire 
Franh ,  e  vezem  car  tenir 
Los  malvatz  que  ges  servir 
Non  podon  Dieu  ni  ver  dire .... 

Tant  est  grande  leur  avidité 

Que  droiture  en  est  par  terre; 

La  ruse  et  la  trahison , 

C'est  là  le  droit  ce  qu'ils  appellent; 

Aussi  le  mérite,  le  savoir,  les  amusements,  le  rire, 

Ils  les  brisent,  et  nous  voyons  estimer 

Les  méchants  qui  servir 

Ne  peuvent  Dieu ,  ni  la  vérité  dire. 

Dans  cette  peinture  passionnée  des  mœurs ,  le  poète  ne 
pouvait  pas  oublier  le  refroidissement  que  la  guerre  avait 
inspiré  pour  les  troubadours. 

Joglars  ben  son  desamatz 
La  flor  dels  valens  baros 
Cuy  cortz,  domneyars  e  dos 
Plazion  joys  et  solatz  ; 
Qu'er,  si  re  als  voletz  dire, 
Vos  pessaran  descarnir, 
Rayn.  Choii ,  Quar  ja  no  Is  pot  abellir, 

t.  IV,  p.  171.  Qu'aver,  aver  lur  tolh  rire. 

(i)  Nous  publions  ce  passage  à  regret;  mais  il  exprime  un  sentiment 
particnlier  à  l'époque  dont  nous  parlons,  et  que  l'histoire  doit  faire 
connaître. 


ARNAUD  DE  COMMINGES.  55; 

Les  troubadours  bien  sont  négligés^  XIII  SlhCI  K. 

Et  la  fleur  des  vaillants  barons 

A  qui  les  cours,  la  galanterie,  le  savoir 

Plaisaient,  et  les  joyeux  ébats  et  les  divertissements; 

Que  maintenant  si  vous  leur  en  voulez  parler 

Ils  penseront  vous  vilipender, 

Car  rien  de  cela  ne  peut  leur  plaire, 

Avoir,  avoir  leur  Ole  le  rire. 

Toutes  ces  pièces  ayant  dû  prtîcéder  de  peu  l'établisse- 
ment définitif  des  Français  dans  le  Languedoc ,  et  la  vie 
d'Anélier  n'étant  d'ailleurs  pas  connue,  nous  plaçons  cet 
auteur  à  la  date  qui  paraît  convenir  à  la  plus  récente  de  ses 
productions,  qui  est  l'année  1228.  E — D. 


ARNAUD  DE  COMMINGES 

Lje  troubadour  que  Mlllot  croit  avoir  été  un  seigneur  de  la  Miiioi,  t.  iji, 

j       „         T   .                     ,                                                    o          .  p.  60. 

maison  de  Lomminges,  n  est  connu  que  par  un  sirvente  Rajn.  cùoiT, 

contre  les  désordres  qui  avaient  lieu  de  son  tempj,  dans  la  «  v,  p.  2 

manière  d'acquérir  et  de  transporter  la  propriété  des  do-  ^ 

maines.  «  La  violence  fait  tout,  dit -il,  les  plus  forts  ont  pi, 


Pièce  coniiiim- 
çant  par   /,V    //; 
'ai  us  ii^acii. 


« 


toujours  raison;  ils  se  font  acheteurs  ou  ravisseurs,  si  on      Mss.  d.-  mo 
ne  veut  leur  vendre 


dt-np 


Enans  se  fan  comprador 
O  toledor  qui  nos  los  ven. 

«  Qui  perd  d'un  côté  va  comme  un  joueur  chercher  profit 
dans  une  autre  affaire  : 


« 


E  puois  ab  pauc  d'argen 

Qu'ill  reman,  vai  jogar  aillor. 


Millot  pense  avec  raison  que  cette  peinture  ne  peut  appar- 
tenir qu'au  temps  de  la  guerre  des  Albigeois  ou  à  l'époque 
qui  suivit  immédiatement.  E — D. 


XIII  SIECLE. 


DEUDES  DE  PRADES. 

Ueudes  ou  Dieu-Donné,  surnomme  de  Prades,  parce  qu'il 
naquit  au  bourg  de  ce  nom ,  dans  le  Rouergue,  à  quelques 
lieues  de  Rhodez,  e'tait  chanoine  à  Maguelone.  Homme  de 
sens  et  lettré,  dit  son  historien,  il  composait  bien  les  vers; 
mais  ses  chansons  n'exprimaient  pas  l'amour  avec  assez  de 
chaleur  ,  e  Jet  cansos  per  sert,  de  trohar,  mas  no  movian  ben 
d'amor;  on  n'y  trouvait  pas  toute  la  vivacité  désirée  dans  les 
productions  de  ce  genre;  aussi,  ajoute  son  historien,  ne 
furent-elles  ni  beaucoup  chantées,  ni  fort  goûtées,  per  que  non 
avian  sabor  entre  la  gen,  ni  no  Joron  cantadas  ni  grazidas. 

Il  peut  y  avoir  quelque  exagération  dans  l'énoncé  de  ce 
dernier  fait;  mais  nous  voyons  en  effet  dans  les  chansons  de 
Deudes  de  Prades  plus  d'esprit  que  de  sentiment,  et  même 
plus  de  cynisme  que  de  galanterie.  Quoique  ce  poète  parle 
quelquefois  de  souffrir  et  de  mourir,  il  ne  meurt  point;  il 
jouit,  ou  du  moins  il  espère,  si  déjà  il  n'a  obtenu.  Le  cha- 
noine de  Maguelone  est  un  sybarite  qui  fait  des  vers  pour 
remercier  ses  maîtresses  ou  pour  lesseduire.  Il  a  de  la  gaîté, 
des  pensées  fines  et  riantes;  mais  ses  tableaux  vont  juaqulà 
la  nudité;  et  si,  comme  il  y  a  apparence,  c'est  ce  qui  em- 
pêcha le  succès  de  ses  chansons  dans  la  bonne  compagnie, 
entre  la  gen,  c'est  une  preuve  de  plus  que  dans  un  siècle  où 
les  mœurs  étaient  très  corrompues ,' on  exigeait  cependant 
encore  à  l'extérieur  de  la  décence  et  de  la  pudeur. 

En  fait  d'amour,  Deudes  veut  deux  choses,  jouir  et  changer 
quelquefois  de  maîtresse. 

Ab  lo  dous  temps  que  renovelha, 
Vuelh  far  ar  novelha  chanso , 
Qu'amors  novelha  m'en  somo 
D'un  novelh  joy  que  mi  capdelha  ; 
E  d'aquest  joy  autre  joy  nais, 
£  s'ieu  non  l'ai  non  poirai  mais  ; 
Mas  ades  azor  e  sopley 
A  lieys  cui  am  de  cor,  e  vey. 

Avec  le  temps  doux  qui  se  renouvelle 

Je  veux  faire  aujourd'hui  chanson  Douvelle, 

Car  nouvelle  amour  m'en  sollicite 

Far  nouvelle  joie  qui  nie  domine; 


DEUDES  DE  PRADES. 

Et  de  cette  joie  naît  autre  joie, 
Que  j'obtiendrai  ou  rien  n'y  pourrai; 
Mais  maintenant  j'adore  et  supplie 
Celle  que  j'aime  de  cœur  et  que  je  vois. 

Tan  mi  par  m'esperanza  belha 

Que  be  ni  \al  una  tenezo  ; 

E  pus  espers  nii  i'ai  tal  pro, 

Ben  serai  riez,  si  ja  ni'apelha, 

Ni  m  dis  :  «  Dels  dous  amie?,  verais, 

Be  vuelli  que  per  nii  sias  gays, 

£  ja  no  s  vir  per  nulli  esfrey 

Vostre  fis  cors,  del  mieu  dompney. . . . 

Tant  mon  espérance  me  paraît  belle, 

Que  bien  me  vaut  une  possession; 

Et  puisque  l'espoir  tant  me  fait  de  plaisir, 

Combien  scrai-je  heureux,  si  jamais  elle  m'appelle, 

Et  me  dit  :  «Beau,  doux  ami,  sincère, 

Bien  je  veux  que  pour  moi  soyez  gai 

Et  qu'il  ne  m'échappe  par  nulle  crainte, 

Votre  gentil  cœur,  de  mon  service.  « 


559 


XIII  SIECIK 


£  qui  ren  sap  de  drudaria 

Leu  pot  conoisser  e  chauzir 

Que  'i  beili  semblant  e'I  dous  sospir 

No  son  messatge  de  fadia  ; 

Mas  talant  a  de  fadeyar 

Qui  so  que  te  vol  demandar; 

Per  qu'ieu  cosseih  als  fins  amans 

Qu'en  prenden  fasson  lur  deraans. 


Uayn.  Clmi», 
»tc.  i.  m,  pag. 
416. 


Et  qui  se  connaît  un  peu  en  galanterie, 

Bientôt  peut  voir  et  juger 

Que  beau  semblant  et  doux  soupir 

Ne  sont  message  d'indifférence. 

Mais  plaisir  il  trouve  à  niaiser 

Qui  ce  qu'il  tient  veut  demander. 

C'est  pourquoi  je  conseille  aux  amants  passionnel 

Qu'en  saisissant  ils  fassent  leur  demande. 

Une  autre  pièce  n'est  pas  moins  expressive  et  moins  gaie. 

En  un  sonet  gai  e  leugier 
Comens  canso  gai  'e  plazen  , 
Qu'estiers  non  aus  dir  mon  talen  , 
Ni  descubrir  mon  dezirier. 
Dezir  ai  que  m  ve  de  plazer, 
E'I  plazer  111014  del  bon  esper, 


M.  Paynouard 
.'«traduit  élégam- 
ment celle  stro- 
phe. Choix  ,  ele. 
t.  II,  p.  33. 


Mss.  de  la  lii- 
blioth,  roy.  u. 
2701  ,  th.  a!»7. 
Parnasse  ocrit. 
p.  86. 


56o  DEUDES  DE  PRADES. 

X1[!MK(  LE.  „,,  ,  ...  , 
h  1  bon  esper  de  joi  novel , 

El  joi  novel  de  tal  castel 

Qu'eu  no  volh  dir,  mas  a  rescos, 

A  cels  cui  amers  ten  joios. 

Sur  un  air  gai  et  léger 

Je  commence  chanson  gaie  et  riante; 

Car  autrement  je  n'ose  déclarer  mon  intention  , 

Ni  découvrir  mon  désir. 

Désir  j'éprouve  qui  me  vient  de  plaisir, 

Et  le  plaisir  naît  de  bon  espoir, 

Et  le  bon  espoir  de  joie  nouvelle, 

Et  la  joie  nouvelle  d'un  tel  caslel 

Que  je  ne  veux  nommer,  sinon  tout  bas 

A  celui  qu'amour  tient  en  joie. 

Il  dit  dans  la  même  pièce  : 

Ja  no  i  man  letre  ni  sagel, 
Ni  mi  don  cordon  ni  anel; 
Mas  dehne  me  dir  :  Amies  dos, 
Aissj  m'avetz  com  ieu  ai  vos. 

Je  ne  lui  envoie  lettre  ni  pli  cacheté, 

Et  ne  me  donne  cordon  ni  anel, 

Pourvu  qu'elle  daigne  me  dire  :  Doux  ami. 

Ainsi  vous  me  possédez  comme  je  vous  possède. 

Cette  chanson  du  chanoine  de  Maguelone  fut  adressée  au 
troubadour  Gui  d'Uissel, chanoine  de  Brioude. 

«  Va,  dit  l'envoi,  va,  ma  chanson,  sans  craindre  aucun 
K  mauvais  augure,  jusqu'à  ce  que  tu  sois  auprès  de  Gui 
«  d'Uissel,  et  dis -lui  :  M'adresse  ici  à  vous  un  mauvais 
«  conseil,  car  il  est  amoureux, 

E  di  l'Aissi  m  trasmet  a  vos 
Fois  cosselhs  ,  quar  es  amoros.  » 

,  Une  des  pièces  les  plus  intéressantes  de  Deudes  de  Prades, 

XVII,  p  56/i.  ^^^  ^^  complainte  sur  la  mort  du  troubadour  Hugues  Brunet, 
dont  nous  avons  parlé  dans  le  volume  précédent.  C'est  là 
qu'il  fait  l'éloge  du  langage  choisi,  lingua  issernida  d'Hugues 
Brunet,  mérite  dont  il  offrait  lui-même  un  excellent  modèle. 
Son  ouvrage  intitulé  :  Dels  Auzels  cassadors  est  d'un 
tout  autre  genre.  C'est  un  poème  de  trois  mille  six  cents  vers 
de  huit  syllabes,  que  le  poète  appelle  un  roman,  sur  l'art 
de  nourrir  et  d'élever  les  oiseaux  de  chasse.  Après  avoir  ex- 
posé son  plan,  l'auteur  traite  des  différentes  classes  d'oiseaux, 
d'abord  de  l'autour,  ensuite  de  l'épervier,  du  faucon  dont  il 


BLACAS.  56 1 

1-      •  V  ,      ,■  .  -Il  11-1,  Xlll  SIF.CLF.. 

tlistingue  sept  espèces,  de  leinenllon;  de  lart  de  dresser  

ces  oiseaux ,  de  s'en  servir,  de  les  guérir  de  leurs  maladies. 
Son  style  est  eénëralement  vif,  poétique,  souvent  animé  par 
des  descriptions  et  des  comparaisons  brillantes.  Le  laucon  ,  \  ,,  ,^{,  ,. 
de  Barbarie,  qu'il  nomme  Sitrpunic,  ressemble,  dit- il,  à  sun 
l'aigle  blanc  par  son  plumage,  au  gerfaut  par  son  œil,  ses 
ailes ,  son  bec ,  son  orgueil  ;  tout  oiseau  tremble  à  son  aspect, 
auzel  quel  ve  de  paor  trembla.  Il  compare  le  faucon  britan- 
nique à  un  roi,  à  un  comte  riclie  et  puissant,  à  un  preux  de 
grand  pouvoir;  c'est  lui ,  dit-il ,  qui  réjouit  le  plus  constam- 
ment le  seigneur;  il  est  1g  |)rinre  des  faucons,  le  maître  des 
oiseaux,  de  totz  aurels  es  lo  maistre. 

Il  est  difficile  de  croire  qu'avec  tant  d'esprit  et  des  talents 
si  variés,  Deudes  de  Pratles,  malgré  le  ton  trop  libre  de  ses 
poésies,  ne  se  fit  pas  ouvrir  plus  d'un  château.  On  voit  en 
effet  qu'il  fut  accueilli  clic/  le  seigneur  d'Anduze,  chez  Guil- 
laume IV,  prince  d'Orange,  et  dans  d'autres  grandes  maisons. 

L'année  de  sa  mort  n'est  pas  connue  ;  mais  ses  liaisons  avec 
Guillaume  IV,  prince  d'Orange,  mort  en  1218,  et  avec  Gui 
d'Uissel ,  mort  de  1222  a  1280,  nous  autorisent  suffisamment 
à  placer  sa  mort  vers  1228  ou  1229.  E — D. 


BLACAS. 

i^E  troubadour  nous  offre  un  brillant  modèle  du  caractère  mort  en  122^ 
des  seigneurs  provençaux,  languedociens  et  catalans  du  xii« 
siècle.  Nous  voyons  en  lui  un  de  ces  hauts  barons,  braves, 
galants,  fastueux,  s'honorant  de  cette  fleur  de  bon  ton  qu'on 
appelait  de  leur  temps  courtoisie,  qui  tenaient  dans  leurs 
châteaux  des  cours  nombreuses,  accueillaient  avec  magnifi- 
cence les  chevaliers,  les  dames,  les  poètes;  leur  faisaient  de 
riches  présents,  et  composaient  eux-mêmes  des  vers  pour 
ne  pas  se  montrer  inférieurs  à  leurs  illustres  hôtes.  Blacas  ne 
fut  pas  sans  talent,  comme  troubadour;  mais  sa  réputation 
paraît  s'être  fondée  bien  plus  encore  sur  la  noblesse  de 
ses  manières,  que  sur  le  mérite  de  ses  poésies.  «Blacas, 
«  dit  l'auteur  de  sa  vie  écrite  en  provençal,  fut  un  barorr 
«  puissant,  généreux,  bien  fait,  adroit,  qui  aimait  les  fem- 

Tome  XVIIL  B  b  b  b 


Xlll  SIKCLK. 


562  BLACAS. 

«  mes,  la  galanterie,   la  guerre,  la  dépense,  les  cours,  la 
u  magnificence,  le  bruit,  léchant,  le  plaisir,  et  tout  ce  qui 
«  donne  du  relief  et  de  la  considération.  Personne  n'eut 
<f  jamais  autant  de  satisfaction  à  recevoir  qu'il  en  avait  à 
«  donner.  Il  fut  le  protecteur  des  faibles  et  le  soutien  des 
<r  délaissés;  e  fo  aquel  que  mantenc  lo  desmantenguts ,  et 
i<  amparcl  lo  clesaniparats.  Plus  il  avança  dans  la  vie,  plus 
u  l'aimèrent  ses  amis  et  le  craignirent  ses  ennemis  :  On  plus 
«  venc  de  temps  e  plus  l'ameren  li  amie ,  e  II  enemic  lo  ten- 
«  sen plus.  Plus  aussi  il  vécut,  plus  s'accrurent  sa  sagesse, 
«  son  savoir,  et  même  son  penchant  à  la  galanterie  :  E  crée 
«  SOS  sens ,   c  sos  snhcrs ,  e  sa  f;adlardia,  e  sa  dnidaria.  » 
Ce  portrait,  tracé  dans  le  style  du  temps,  nous  peint  un 
genre  de  gloire  tout   chevaleresque.  Plusieurs  troubadours 
reproduisirent  successivement  le  même  éloge  comme  à  l'envi. 
L'aïeul  ou  le  bisaïeul  de  Blacas,  originaire  de  la  Catalogne, 
vint  se  fixer  en  Provence,  à  la  suite  de  Raimond  Bérengerl"" 
ou  de  quelqu'un  des  premiers  successeurs  de  ce  prince.  Il 
dut  lui-même  naître  à  Aix ,  où  les  [comtes  de  la  maison  de 
Barcelone  faisaient  leur  résidence  ordinaire,  à  moins  qu'il 
n'ait  vu  le  jour  à  Aulps,  gros  bourg  dont  un  des  premiers 
Bérenger  avait  donné  la  seigneurie  à  sa  famille.  Le  nom  de 
Blacas ,  Dlaccas  ou  Blancatz,  paraît  être  venu  de  Elanças 
(Blanc),  surnom   donné  apparemment  à  quelqu'un  de  ses 
aïeux. 

On  voit,  en  1176,  un  Blacas,  seigneur  d'Aulps,  prêter 
serment  de  fidélité  à  Alphonse  F"",  comte  de  Provence,  fils 
de  Raimond  Bérenger  II.  Ce  Blacas  pouvait  être  le  père  du 
poète,  mais  ce  peut  bien  être  aussi  le  poète  lui-même;  car 
déjà,  à  cette  époque,  celui-ci  était  parvenu  à  l'âge  d'homme. 
Sa  vie  connue  se  renferme  entre  cette  année  1 176  et  l'année 
laaq,  époque  de  sa  mort;  ce  qui  permet  de  placer  sa  nais- 
sance vers  1 160  ou  environ. 

La  ])lus  ancienne  pièce  de  vers  que  nous  connaissions  de 
lui  est  sa  tcnson  avec  Peyrols,  et  cette  pièce  est  antérieure 
à  la  croisade  de  l'an  1 190,  puisque  Peyrols  se  croisa  lors  de 
cette  expédition  ,  et  qu'à  son  retour,  il  alla  vivre  à  Mont- 
])cllicr  et  s'y  maria.  Sa  liaison  avec  Cadenet,  dont  nous  avons 
parlé  à  l'article  de  ce  dernier  poète,  date  du  temps  où  Bo- 
iiifacc.  Tuarquis  d'e  Montferrat,  venait  de  succéder  dans  ce 
inarfjuisnt  à  son  frère  Conrad,  et  par  conséquent  des  années 
1 193  ou  1 194-  I-a  (hanson  où  il  déclare  à  Folquet  de  Romans 


xiiisiK  II; 


BLACAS.  5G3 

qu'il  ne  se  croisera  point,  est  de  i  igS.  Sa  tenson  avec  Pierre 
Vidal  doit  appartenir  aux  années  i  ij)6  ou  i  igy,  époque  où 
Pierre  Vidal  vint  en  Provence  pour  la  seconde  fois ,  au 
retour  de  la  croisade,  car  il  était  déjà  vieux, ya  viels ,  et 
Blacas  lui  reproche  ses  actes  de  démence,  tous  postérieurs  à 
la  croisade. 

La  complainte  de  Sordel  sur  la  mort  de  ce  seigneur,  où  il 
partage  son  cœur  entre  les  princes  qui  lui  paraissent  man- 
quer d'activité  ou  de  courage,  semble  supposer  qu'il  avait 
rempli  un  rôle  éclatant  dans  quelque  guerre  importante. 
C  est  ce  que  l'histoire  ne  nous  apprend  point  :  cependant  il 
faut  admettre  qu'un  éloge  donné  avec  tant  de  pompe  dut 
être  fondé  sur  quelque  fait  réel. 

Il  se  glorifie  lui-même  de  sa  bravoure  et  de  son  illustra- 
tion militaire,  dans  une  pièce  galante  où,  en  mettant  à  dé- 
couvert son  propre  caractère,  il  peint  les  mœurs  de  son 
temps. 

Per  merce  il  prec  c'en  sa  nierce  mi  prenda 

Liei  cui  om  soi,  per  aital  convinen  h.nii.  CIkmx, 

Si  troba  aman  que  m  venza  ni  m  contenda  '   ^'.  I    i"'i 

Ab  tan  cor  (l'armas,  ni  dnrdinien, 

Mi  tan  lare  sia  ab  tan  pauc  de  renda. 

Ni  tan  sotil  en  parlar  avinen, 

A  lui  s'autrei  e  de  mi  se  defenda, 

Que  ben  es  drec  c'il  am.lo  plus  valen 

Aissi  com  il  es  la  gensor  que  port  benda  (i  j. 

Par  merci  je  la  prie  qu'en  sa  merci  me  pienne, 
Celle  de  qui  l'homme  je  suis  sous  cette  condition 
(Que)  si  trouvu  amant  qui  me  surpasse  ou  me  le  dispute 
Avec  tant  de  cœur  en  armi's  et  tant  d'ardeur. 
Aussi  magnifique  avec  si  peu  de  rentes , 
Aussi  élégant  dans  un  gracieux  langage, 
Qu'à  lui  elle  s'octroie  et  de  moi  se  défende. 
Car  bien  est  droit  qu'elle  aime  le  plus  méritant , 
Ainsi  qu'elle  est  la  plus  belle  qui  porte  ceinture. 

On  dirait,  à  lire  ces  vers,  que  Blacas  ait  offert  lui-même 
à  Sordel  le  thème  de  sa  complainte,  par  ce  mot  : 

Ab  tan  (gran)  cor  d'armas  ni  d'ardimen. 

La  générosité  de  ce  seigneur  avec  les  troubadours  a  été 

(i)  Il  y  a  dans  cette  pièce  plusieurs  incorrections,  sans  doute  par  le 
fait  dei  copistes:  nous  les  respectons,  comme  M.  Raynouard  les  a  res- 
pectées. 

B  bbb:2 


XIll  SIKCLE. 


Ahnl 

1     issic  , 

Msi.  tiil 

lie  Diir- 

f«.  Bibl. 

l'OV.   M. 

^701. 

Ravn 

.  Choix  , 

<.  V,p. 

Z!,r>. 

564  BLACAS. 

célébrée  par  Pierre  Vi(Jal,  dans  une  pièce  où,  feignant  de 
donner  des  instructions  à  un  jongleur,  il  prend  de  là  occasion 
de  louer  les  mœurs  des  chevaliers  du  temps  de  sa  jeunesse, 
et  d'illustrer  ceux  dont  il  a  reçu  un  honorable  accueil.  «  De 
«  ce  côté  de  l'Espagne,  lui  dit-il,  vous  visiterez  le  généreux 
«  roi  Alphonse;  en  Lombardie,  le  preux  marquis....  En 
(c  Provence  sont  des  hommes  qui  ne  connaissent  pas  l'ava- 
«  rice  :  n'allez  pas  y  oublier  Blacas.  » 

Et  en  Proensa  homs  non  avars.  .  .  . 
En  Blacas  no  y  fai  a  laissar. 

Elias  de  Barjols  disait  pareillement  : 

D'en  Blacas  no  m  tuelh  ni  m  vire, 
Ni  de  son  pretz  enantir; 
Que  tan  no  piusc  île  ben  dir 
Qu'ades  mais  no  i  truep  a  dire  (i). 

Désire  Blacas  ne  in'ôtc  ni  me  détourne. 
Ni  de  son  prix  cclcljrer, 
Car  tant  ne  puis  de  bien  en  dire, 
Que  toujours  plus  n'en  trouve  à  dire. 

Dans  ses  tensons  avec  Peyrols,  Pierre  Vidal,  Rambaud  de 
Vachères,  Guillaume  de  S.  Grégori ,  Guillaume  Pélissier, 
Bonate  ou  Bonnefoi ,  Blacas  se  peint  comme  plus  avide  du 
physique  de  l'amour  que  du  moral.  Point  ne  le  fâche  que  ses 
amours  fassent  quelque  bruit,  et  s'il  le  fallait,  il  préférerait 
même  une  conquête  qu'on  lui  prêterait  faussement,  mais 
éclatante,  à  des  faveurs  sans  réserve ,  mais  ignorées.  Tels  sont 
du  moins  ses  jeux  desprit.  On  voit  aussi  dans  ses  pièces  un 
assez  vif  penchant  à  la  satire. 

Il  disait  à  Pierre  Vidal  :  «  De  votre  doctrine  je  ne  veux 
«  point  auprès  de  ma  dame,  j'entends  la  servira  toujours. 


al. 


«  mais  en  eg; 

E  d'ela  m  platz  que  m  fassa  guizardon 

Et  a  vos  lais  lo  lonc  atendamen 

Senes  jauiir,  qti'ieu  vuoill  lo  jauzinien  : 

Car  loncs  atens  senes  joi ,  so  sapchatz, 

Es  jois  perdutz,  qu'anc  uns  non  fon  cohratz. 

l'i)  M.  Raynouardxite  ces  vers  comme  un  exemple  de  la  liberté  dont 
usaient  les  troubadours,  de  maintenir  ou  de  supprimer  i'E  à  l'infinitif  des 
verbes  en  ER,  en  RE,  en  IR  et  en  IRE.  Gram.  de  la  lang.  des  Troub. 
p.  195. 


BLACAS.  565 

XIII  SIÈCLE. 


Et  d'elle  il  me  plaît  qu'elle  nie  fasse  don  (  mutuel  ), 

A  vous  je  laisse  la  longue  attente 

Sans  jouissance;  je  veux  jouir. 

Car  longue  attente  sans  jouissance,  sachez-le  bien. 

Ce  sont  joies  perdues,  dont  aucune  ne  se  recouvre. 

Vidal  répondait  : 

Blacatz,  ges  ieu  sui  d'aitnl  faisson 
Cuin  vos  autres ,  a  cui  d'amor  non  cal  j 
Gran  giornctia  vuqill  far  per  bon  ostal , 
E  ionc  servir  per  recebre  gent_  don  ; 
Non  es  fis  drutz  cel  que  s  canja  soven, 
Ni  bona  domna  relia  qui  lo  cossen  ; 
Non  es  amors,  ans  es  engans  proatz 
S'uoi  enquerets ,  e  deman  o  laissatz. 

Blacas,  point  ne  suis  de  cette  façon 

Comme  vous  autres  à  qui  d'amour  ne  chaut  guères; 

Longue  journée  je  veux  faire  en  bon  logis,  Rajrn.  Choix, 

Et  long  servir  pour  obtenir  précielix  don;  I.  IV,  p.  iZ. 

N'est  amant  vrai  qui  souvent  .se  déplace. 

Ni  bonne  dame  celle  qui  le  souffre. 

Point  n'est  amour,  mais  claire  tromperie^ 

Si  demandez  aujourd'hui  et  demain  délaissez. 

Blacas  demande  à  Rambàud  de  Vachères  :  «  Rambaud  , 
«  sans  qu'on  le  sache,  bonne  dame  vous  fera  jouir  d'amour 
«  accomplie,  ou  bien,  pour  vous  donner  àe  la  gloire,  elle 
(c  fera  croire  à  la  gent,  sans  rien  de  plus,  qu'elle  est  votre 
«  amie  :  qu'aimez-vous  mieux?  —  Rarabaua  ,  en  amant  dë- 
«  licat ,  aime  mieux,  dit-il,  jouissance  toute  suave  et  sans 
«  bruit ,  que  vaine  opinion  sans  plaisir  :  » 

Mais  Tueill  aver  jauzimen 
Tôt  suavet  e  ses  bruda , 
De  ma  domna  cui  dezir. 
Que  fol  creire  ses  jauzir. 

Blacas  prétend  que  les  connaisseurs  tiendront  ce  sentiment 
à  folie ,  à  sagesse  les  niais  : 

En  Rairabaud ,  li  connoissen 
Vos  o  tenran  a  follor, 
Et  a  sen  li  sordeior. 

Rambaud  ne  trouve  rien  de  si  charmant  que  de  jouir  en 
secret  de  la  femme  qu'il  adore  : 

1   9 


566  BLAGAS. 

XIII  SIÈCLE.  Blacatz  tan  m'es  avinen 

Quant ,  ab  mi  dons  cui  azor 
Puoscjazer  sotz  cobertor 
Ren  als  no  m'es  tan  plazen. 

Blacas  réplique  par  une  strophe  que  terminent  ces  jolis 

R«yn    Choix,  . 

t.  IV,  y>.  a5.  ^^"  • 

Parnasse    oc- 

"^f  "9  Hon  pretz  honor  escunduda , 

Ni  carboucle  ses  luzir, 
Ni  colp  que  no'l  pot  auzir, 
Ni  oill  cec,  ni  lengua  muda. 

Point  n'estime  honneur  caché, 

Ni  escarboucle  saos  luisant. 

Ni  coup  (  frappe  )  que  je  ne  puis  entendre, 

Ni  œil  aveugle,  ni  langue  muette. 

Dans  sa  tenson  avec  Guillaume  de  S.  Grégori,  il  aime 
mieux  obtenir  d'une  dame  de  haut  parage  toutes  les  faveurs 
hors  une  seule,  que  de  la  plus  belle  suivante  de  cette  dame, 
tous  les  témoignages  d'amour  sans  en  excepter  aucun  : 

„         „,  Que  maint  fruit  pot  penre  laire, 

Rayn.  Choix ,  Jï  i^       '        i 

t  IV   p  2-  ^^^  "**"  ^  *^"  doussa  sabor 

Qui'i  pren  bas  com  aut ,  ni  doussor. 

Car  maint  fruit  peut  prendre  un  larron, 

Qui  n'a  pas  si  agréable  saveur, 

S'il  les  cueille  en  bas,  qu'en  haut,  ni  tant  de  douceur. 

Cependant  dans  une  pièce  erotique ,  la  seule  qu'on  lui 
attribue,  ce  poète  se  montre  passionnément  amoureux,  et 
il  ne  manque  ni  d'élégance  ni  d'harmonie. 

Le  belh  dout  temps  mi  platz 

E  la  gaya  sazos 

E'I  chans  dels  auzellos; 

E  s'ieu  fos  tant  amatz 

Com  sui  enamoratz, 

Fera  gran  cortezia 

Ma  bella  douss'  amia. 

E  pus  nulh  be  no  m  fai, 

^.    .  Las!  e  doncx  que  farai  ? 

,  ,„•'      »,      '  iant  atendrai  aman 

»  III,  p.  337.  ™ 

Iro  morrai  merceyan, 

Pus  ilh  Tol  qu'aissi  sia. 


BLACAS.  567 

Le  doux  et  beau  temps  me  plaît, 

Et  la  gaie  saison 

Et  le  chant  des  oiseaux; 

Et  si  j'étais  autant  aimé 

Que  je  suis  amoureux. 

Me  ferait  grande  courtoisie, 

Ua  belle,  douce  amie. 

Mais  puisque  nul  bien  ne  me  fait. 

Hélas!  eh  donc  que  devicndrai-je? 

Tant  j'attendrai  en  aimant 

Jusqu'à  ce  que  je  meure  en  ■suppliant. 

Puisqu'elle  le  veut  ainsi. 

Cette  pièce  est  composée  de  cinq  strophes  de  douze  vers , 
conservant  toutes  les  mêmes  rimes  disposées  dans  le  même 
ordre;  plus,  d'un  envoi  de  six  vers  sur  les  mêmes  rimes  que 
le  dernier  si2ain  des  strophes. 

Blacas  ne  se  croisa  point.  Le  troubadour  Folquet  de  Ro- 
mans, vraisemblablement  son  hôte  à  cette  époque,  lui  ayant 
demandé  dans  une  chanson  s'il  prendrait  la  croix  dans  le  cas 
où  l'empereur  commanderait  l'armée  (il  s'agissait  de  l'em- 
pereur Henri  VI ,  et  par  conséquent  de  la  croisade  de  1  igS  ), 
il  répondit  qu'il  n'en  ferait  rien. 

En  Folquet,  be  sapchatz 

Q'eu  sui  amatz 

Et  am  ses  cor  vaire 

En  lei  cui  es  (ina  beutatz 

E  gais  solatz  : 


XUl  SIÈCLF. 


En  farai  ma  penedenza  Msi.  du  Vaii- 

Sai  entre  mar  e  durenza,  taii,i).  ï.370, 1 

Apres  del  seu  repaire.  5i. 

Seigneur  Folquet,  bien  sache» 
Que  je  suis  aimé 
Et  «Jue  j'aime  sans  cœur  changeant 
Dame  en  qui  résident  exquise  beauté 
Et  spirituelle  gaieté, 


Et  je  ferai  ma  pénitence 
De  ce  côté,  entre  mer  et  Duraoce, 
Auprès  de  sa  demeure. 


]-.'époque  de  la  mort  de  ce  poète  nous  est  indiquée  d'une 
manière  indubitable  par  la  complainte  de  Sordel.  Quand 
celui-ci,  par  exemple,  donne  une  portion  du  cœur  de  Blacas 
à  Louis  IX,  roi  de  France,  lequel,  dit-il,  en  a  besoin,  car  il 
n'ose  rien  entreprendre  qui  puissç  déplaire  à  sa  mère,  on 


XIII  SIKCLE. 


niifli.ilist.  (le 


568        ARNAUD  D'ENTREVENES.  BONNEFOI. 

voit  par  ces  mots  que  Louis  IX  était  sorti  de  sa  minorité; 
ce  qui  eut  lieu  vers  la  fia  de  l'année  1228;  et  l'on  voit  aussi 
qu'il  en  était  sorti  depuis  peu  de  temps,  car  quelques  années 
plus  tard ,  il  n'eiit  plus  mérité  le  reproche  que  lui  adressait 
Sordel.  Quand  ce  poète  dopne  une  portion  du  cœur  de  Blacas 
à  Jacques  I^"^,  roi  d'Aragon ,  aiiii  qu'il  lave  l'affront  qu'il  a 
reçu  à  Marseille,  il  n'est  pas  moins  visible  que  cet  affront 
prétendu  est  la  cession  faite  par  ce  roi  aux  Marseillais,  de 
trois  cents  maisons,  d'une  mosquée  et  de  quelques  terres 
dans  la  ville  et  le  territoire  de  Maîorque;  cession  à  laquelle 
Jacques  se  trouva  obligé  à  cause  des  secours  que  les  Mar- 
Mai^'oine''*na-*^  scillais  lui  avaient  donnés  lors  de  l'attaque  de  celte  île:  or, 
ii3  '  "la  conquête  de  Maîorque  appartient  à  l'an  i29,g.  Quand 
Sordel  veut  enfin  que  le  comte  de  Toulouse,  Raimond  VII, 
reçoive  une  grancfe  portion  de  ce  cœur,  afin  qu'il  puisse, 
dit-il,  rentrer  dans  ses  domaines,  il  est  également  clair  que 
Sordel  fait  allusion  au  traité  de  paix  qui  dépouilla  Raimond 
du  tiers  au  moins  des  états  de  son  père,  et  ce  traité  est  du 
19.  avril  I9.2().  Il  suit  de  ces  rapprochements  que  la  mort  de 
Blacas  doit  être  placée  au  commencement  de  l'an  1229  ou  à 
la  lin  de  l'année  1228. 

Blacas  laissa  un  fils  nommé  Blacasset  ou  Blacas  le  jeune , 
poète  comme  lui ,  dont  nous  parlerons  quand  il  s'agira  des 
troubadours  qui  fréquentèrent  la  cour  de  Béatrix  de  Savoie, 
femme  de  Raimond  Bérenger  IV,  comte  de  Provence.     E— D. 


ARNAUD  D'ENTREVENES. 
RONNEFOI. 

rSous  plaçons  ces  deux  troubadours  ensemble,  attendu 
qu'ils  ne  sont  connus  l'un  et  l'autre  que  par  des  vers  adressés 
à  Blacas,  ou  par  des  tensons  composées  avec  lui. 

Arnaud  d'Entrevènes,  que  Papon  croit  né  en  Provence  et 

.ir' Provence'"!    ^^   '^   maisou  d'Agout,  charmé  apparemment  de  quelque 

u",  P™vX"       pièce  de  vers  de  Blacas,  lui  adressa  une  épître  en  forme  de 

chanson,  divisée  en  strophes  de  douze  vers,  et  sur  des  rimes 

qui  se  correspondent  d'une  strophe  à  l'autre  ;  seule  pièce  de 


ARNAUD  D'ENTREVÈNES.  BONNEFOI. 


569 


lui  qui  nous  ait  été  conservée.  La  première  strophe  était  ainsi 

conçue  : 


XUl  SIECLE. 


Del  sonet  (I'en  Blaculz 
Siii  tant  fort  envcios 
Que  (lescort?.  e  chansos 
E  letroeiizas  i  t,iz, 
F.  quar  vei  qu'a  lui  platz, 
Sirveutes  i  laria. 
Si  faire  l'i  sabia; 
F.  pos  far  no  l'i  sai , 
Dna  (lanza  i  farai 
(".oiiuleta  e  l)en  estan 
Que  clianto  ill  (in  aman, 
E  niuva  de  coindia. 


M.  Rayn.  a 
donné  trois  stro- 
phes de  cette 
pièce.  Choix,  t. 
V,  p.  40;  t.  II, 
P-  297. 


Du  clinnt  de  Blaratz 

Tint  je  suis  ainoiireux 

Que  lUscors  et  rhamons 

Et  rctroenccs  ']c  lui  fais, 

Kt  CDuinie  je  vols  qu'à  lui  je  plais 

Sinintes  lui  ferais. 

Si  fane  à  lui  savais; 

Et  puisijue  faire  je  ne  sais, 

L'ne  fliinsc  lui  fi'rai 

Gracieuse  et  bien  conçue 

Que  cliaiitent  les  gentils  amans  , 

Et  qui  se  meuve  avec  élégance. 

Le  poêle  ajoute ,  apparemment  pour  tourner  en  ridicule 
plus  d'un  versificateur  de  son  temps,  que  la  chanson  de 
Blacatz  aurait  été  meilleure,  s'il  y  eût  fait  entrer  des  prés  et 
(les  fleurs,  des  vergers  feuilles,  les  longs  jours  du  mois  de 
mai,  Pâques  et  l'herbe  de  la  Saint-Jean,  sorte  de  critique 
dont  il  avait  pu  faire  souvent  l'application. 

Arnaud  d  Etitrevennes  fait  dans  la  même  pièce  une  assez      Mss.  dciaBi- 
loncue  énumération  de  héros  de  romans   connus  de  son  ^''"'J"-  ™y;  "• 

■  ■  Tîi^      CD      DTft 

temps,  tels  «|ue  Floris ,  Raoul  de  Cambrai ,  Perceval.  11  parle  673.  '  ' 

aussi  des  contes  souvent  répétés  par  les  jongleurs,  d'Isingrin 
(  le  loup  ) ,  de  Belin  (  le  mouton  ) ,  etc. 

BoNNEFoi  ou  Bonnafe  n'est  cité  dans  les  manuscrits  que    . 
pour  deux  tensons,  où,  mécontent  apparemment  de  Blacas", 
il  lui  dit  des  injures  grossières,  et  ou  ce  poète  répond  sur 
le  même  ton.  Ces  vers  d'ailleurs  peu  poétiques  ne  valent  pas 
la  peine  qu'on  les  répète.  É — D. 


Tome  XV m. 

1  9  « 


C  ccc 


Xin  SIÈCLE. 


LA  DAME  TI  BERGE. 

i^A  TiBORS,  dame  provençale,  habitait  un  château  apparte- 
nant à  Blaoas  et  nommé  Sarreiiom^  aujourd'hui  Sera/mon. 
C'était,  dit  le  biograplie,  une  personne  courtoise,  instruite, 
aimable,  fort  habile,  et  (jui  composait  des  vers:  Cortesa  Jo 
et  enscignada  y  a\'inens  et  fort  niaistra,  et  saup  trohar.  Elle 
fut  amoureuse,  fort  aimée  d'amour  et  fort  estimée  par  les 
hommes  distingués  de  sa  contrée,  redoutée  et  ménagée  par 
les  grandes  dames  :  E  per  totas  las  valens  dompnas  moût 
tensuda  e  moût  obedida.  Il  ne  reste  d'elle  que  le  fragment 
.     suivant  : 

Mss.  du  Vati-  n  1     I  -,  i 

can   n  SaoT  oous  amies,  l)en  vos  piiesc  en  ver  dir 

Ravn.  Choix  Que  anc  no  t'o  q'eu  estes  ses  dcsir 

t.  V,  p.  447.  Pus  vos  conveiT  e.  .  .  .  per  fin  aman; 

Ni  anc  no  fo  q'eu  non  agues  tahin, 

Bel  (louz  amies,  q  eu  soven  no  us  vezes 

Ni  anc  no  fos  sasons  que  m'en  pentis, 

Ni  anc  no  fos,  si  vos  n'anes  iratz, 

Q'eu  agues  joi  tro  que  fosselz  tornatz  (i). 

Beau  doux  ami,  bien  vous  puis  dire  a\cc  vérité 

Que  jamais  il  n'a  été  que  je  ne  vous  aie  désiré, 

Depuis  que  je  vous  ai  leronnu  pour  sincère  amant; 

iVi  jamais  il  n'a  été  que  je  n'aie  eu  inclination, 

Beau  doux  ami ,  (|ne  je  vous  visse  souvent; 

IVi  jamais  il  n'a  été  un  moment  que  je  m'en  sois  repentie; 

Ni  jamais  il  n'a  été,  si  vous  êtes  parti  chagrin. 

Que  j'aie  eu  joie  jusqu'à  re  que  vous  soyez  revenu. 

É— D. 


(1)  Ce  texte  est  tronqué  et  corrompu;  mais  l'application  que  donnaient 
lesi  dames  de  cette  époque  à  l'art  des  vers,  est  une  particularité  historique 
dont  nous  ne  devons  pas  négliger  de  rapporter  des  exemples. 


w«     Xm  SIECLE. 

HUGUES  DE  MATAPLANA 


pen  ra»9. 


rluGUES  OU  HuGiJET  DE  Mataplana  ëtai't  utî  des  plus  jgrands    hoet« 

seigneurs  de  la  Catalofjne.  Sa  famille  se  faisait  descendre 

d'un  des  barons  que  Charleinagne  envoya  dans  cette  pro-      Bastero  ,  L» 

vince  pour  y  établir  des  colonies,  et  à  qui  la  terre  de  Ma-  """a  proveo- 

taplana  échut  en  partage.  Il  se  plaisait,  conformément  aux  "'^'  '"  *'  ^^' 

mœurs  de  son  temps,  à  rassembler  dans  son  château  des 

chevaliers,  des  dames,  des  troubadours,  à  leur  donner  des 

festins,  à  les'  amuser  de  cha.sses ,  de  poésie,  de   musique, 

et  il  s'était  fait  une  haute  réputation   de  courtoisie  et  de 

galanterie. 

Pierre  Vidal  dépeint  cette  cour,  et  fait  le  portrait  du 
maître  dans  la  pièce  que  nous  avons  déjà  citée  au  sujet  de 
Blacas ,  où  il  raconte  ses  voyages,  en  feignant  de  donner  des 
instructions  à  un  jongleur.  Il  avait  visité  Hugues  avant  que 
le  roi  Richarfl  ])artît  pour  la  croisade,  par  conséquent  avant 
l'an  1190.  «Ensuite,  dit-il ,  j'allai  dioit  à  Mataplana  ;  là  je 
«  trouvai  mon  seigneur  Hugues,  homme  prévenant,  franc,  Kavn.^cw *t! 
«  doux ,  écoutant  avec  connaissance  tout  bon  savoir;  là  je  v,  p.  345. 
«  trouvai  des  dames  qui ,  en  vérité ,  me  rappelèrent  mon 
«  père  et  le  bon  siècle  qu'il  m'a  retracé.  » 

E  trobey    l;iy  donas,   per  ver. 
Que  m   fero  renibrar   mon    paire, 
El  segle  bos  (ju'eii  a   fag  traire. 

Le  seigneur  Mataplana  faisait  aussi  des  vers.  Nous  avons 
dit,  dans  l'article  de  Miraval ,  que  lorsque  celui-ci  fut  en 
même  temps  joué  par  une  coquette  et  abandonné  par  sa  „  iir"  ^  ' 
femme,  Mataplana,  quoique  lié  d'amitié  avec  lui,  se  moqua 
de  son  aventure  dans  une  chanson,  où  il  lui  reprocha  de 
s'être  attiré  son  malheur  par  défaut  de  galanterie.  On  ne 
connaît  pas  cette  chanson  de  Mataplana  avec  certitude, 
attendu  que  celle  qui  commence  par  D'un  sirventes  m'es  près 
talens ,  et  qui  pourrait  être  celle-là,  a  été  aussi  attribuée  à 
Pierre  Durand  (i).  Mais,  quoi  qu'il  en  soit,  la  réponse  de 

(i)  M.  Raynouard  s'est  décidé  pour  cette  opinion  (Choix,  t.  V,  p.  3i2  ). 
Nous  avons  suivi  ceUe  autorité,  dans  le  tome  XVH,  p.  467- 

C  ccca 


Xni  SIECLE. 


572  HUGUES  DE  MATAPLANA 

Miraval  à  Mataplana  ne  laisse  pas  lieu  de  douter  qu'il  n'ait 
existe  en  effet  un  sirveute  quelconque  de  ce  seigneur.  Celui 
de  Miraval  commence  par  ces  vers  : 

Grans  mestiers  m'es  razonamenz, 

Qi'eu  a  Mataplana  envi, 
Mss    de  Mo-  Pois  ^-  u        j  n,^,  ^^^  ei'  cami. 

dene,  fol.  lia. 
Mss.  du  Vati- 
can     n     SaBi  Grand  besoin  jai  d'une  défense 
p   jQg  Qu'à  Matnplnna  j  envoie, 

Puisque  le  scijjneiir  Huguet  ma  mis  sut   la  voie. 

Cette  pièce  est  adressée  à  la  dame  Sancie,  femme  de  Ma- 
taplana, que  Miraval  invite  à  punir  son  mari  du  reproche 
qu'il  lui  a  fait  d'avoir  péchë  contre  la  galanterie,  et  des 
autres  folies  qu'il  lui  a  dites. 

Blacasset,  fils  de  Blacas,  poète  commeson  père,  ayant  in- 
spire de  la  jalousie  à  Mataplana  dans  quelque  liaison  d'amour, 
il  s'ensuivit  un  duel  littéraire; ou  bien  peut-être  Mataplana 
feignit  d'être  jaloux  pour  donner  sujet  à  une  tenson.  Le  cartel 
de  Mataplana  fut  conçu  en  ces  termes  : 

Mss.  de  la  Bi-  17      m  .  ■    1  •. 

...    .      ,  tn  Blacasset,  eu  sui  de  noit 

blioln.    Lauren- 


tiana. 


Vengut  a  vos,  jter  combattre  ades  : 
E  vos  del  tôt  oblularez 
L'amor  et  la  hellat  de  celia 
Che  vostrc  co)  s  encob  cliap  délia, 
E  metterez  la  a  non  m'en  cal. 
L'un  prenez  cli  al  nien  vos  desplai , 
Crcunien,  chien  non  voill  délai; 
Per  que  reiifern  sens  mi  men  val. 
E  voill  sacliaz  clie  soi  el  diable 
Lo  plus  crudel  e  1  plus  penable. 

.Seigneur  Blacasset ,  je  suis  de  nuit 

Venu  à  vous,  pour  combaltre  sur  le  clianip  : 

Ou  bien  entitTinient  vous  oublierez 

L'amour  et  l.i  beauté  de  celle 

Dont  votre  cœur  convoitcux  raffolle  d'elle, 

Et  la  nielliez  à  non  m'en  soucie. 

L'un  prenez  (  des  deux  partis  )  tpii  moins  vous  Jtplalt, 

Promplcment ,  car  je  ne  veux  délai, 

Vu  que  l'enfer  sans  moi  moins  vaut. 

Et  veux  sachiez  (|ue  je  suis  le  diable 

Le  plus  Cl  uel  et  le  plus  impitoyable. 


Mataplana  semble  avoir  choisi    un   thème  difficile    pour 
embarrasser  son  adversaire,  et  ses  vers  n'ont  guère  d'au- 


HUGUES  DE  MATAPLANA.  ^jS 

tre   mérite  que   celui  de    la   difficulté   vaincue.    Blacasset  J : 

répondit  : 

En  Diables,  vos  es  per  dar  e  noit 
As  homes,  an  e  giorn  e  mes; 
E  per  aiso  vengut  vos  es 
A  mi  de  noit  sens  luni  d'cstella. 
Mas  eu  non  tem  nienaza  fella  , 
Ne  ai  paor  d  esput  vénal; 
Per  clie  a  vos  mi  cond)attrai. 
Sil  per  cui  eu  vif,  senes  mai, 
Me  defcnilra  d  ira  e  de  mal  ; 
E  poi  t:ir  il  es  ma  desf'ensable  , 
Eu  vos  desli  sens  dir  plus  fable. 

Seigneur  Diable,  vous  êtes  (fiilt     pour  doiinei-  it  iiuil 

Adx  koniines,  cl  an  et  jour  et  mois; 

Et  pour  cela  venu  vous  êtes 

A  moi  lie  nuit,  sans  la  lumière  des  étoiles. 

Mais  je  ne  crains  point  menace  fclonne 

iN'i  n'ai  peur  de  crachat  vénal. 

C'est  ponrqnoi  contre  vous  je  me  battrai. 


V.    1.3L     IIUKIIIIIV'I     ^Ulllll      viill^     II.    Illl,-    iftllliai. 

Celle  pour  ipii  je  tis,  ïaiis  autre, 

BIc  ilélc mira  de  \otre  colère,  et  de  (tout) 

Kt  puisipielle  est  mon  défenseur, 

Je  vous  délie  sans  plus  de  paroles. 


mal  : 


Mataplana  non  seulement  cultivait  la  poésie,  et  se  livrait  namiond  Vi- 
aux  divers  amusements  des  troubadours,  mais  il  se  plaisait  dai,  inece  tom- 
aussi  à  reproduire  dans  les  réunions  de  son  château,  les  '"'^^'"^'"  p^i  i;« 
cours  d'amour  plus  j)articulières  à  la  Provence  proprement  '^Mis. 'dft  de 
dite.  Le  troubadour  Raimond  Vidal  de  Be'/.audun,  dont  nous  umie,  Bibi.  roy. 
parlerons  plus  tard ,  nous  raconte  une  aventure  réelle  ou  sup-  "  *""'  ■  ^-  '*'• 

'  '  m    ..       1  f    ..         •  •  J'  ;.•  P        col.  3  et  4. 

posée  ,  ou  .Mataplana  tut  pris  pour  juge  d  une  question  d  a- 
mour  élevée,  disait-on,  entre  deux  dames  du  Limousin. 
Qu'il  y  ait  quelque  chose  de  vrai  dans  ce  récit,  ou  que 
tout  soit  imaginaire,  il  ne  nous  montre  pas  moins  les  ha- 
bitudes et  les  goûts  du  seigneur  de  Mataplana. 

«  J'étais  présent,  dit  le  poète;  le  seignetn-  Mi;gues  de 
«  Mataplana  était  paisiblement  dans  sa  maison.  Auprès  de  lui 
«  se  trouvaient  réunis  de  puissants  barons,  (|ui  se  livraient 
«  à  toutes  sortes  déplaisirs,  de  divertissements  et  de  festins; 
«  çà  et  là  ,  dans  la  salle  ,  cette  compagnie  la  plus  noble  qu'on 
«  puisse  voir,  jouait  aux  dames  et  aux  échecs,  sur  des  tapis 
«  et  des  coussins  verts,  rouges,  violets  et  bleus;  là  étaient 
«  aussi  des  dames  douces  et  courtoises.  » 


IIII  SIECLE. 


574 


HUGUES  DE  MATAPLANA. 

E'I  senlier  N'Uc  de  ÎMataplana 
Estei  siiaii  011  sa  niayzo, 
E  car  y  a  niaii  rie  baro, 
Ades  lay  troberatz  luarijan, 
Ab  gang,  ab  ris  el  ab  boban  ; 
Per  la  sala  e  say  e  lay, 
Per  so  car  mot  pus  gen  n'estny, 
DeJDC  (le  taiii.is  e  d  escacx  ., 
Per  tapitz  e  per  aliiiatiaex 
Vcitz  e  veriiullis,  iiidis  e  lilaus, 
E  douas  lay  foro  suaus.  .  .  . 


«  / 


Arrive  un  jongleur  jeune,  svelte,  bien  vêtu,  qui  se  présente 
«  au  seigneur  Hugues,  et  chante  des  chansons  fort  goûtées 
«.  de  toute  l'assemblée;  et  il  dit  au  seigneur  Hugues  :  Ra- 
te cevez  les  nouvelles  que  je  vous  apporte  :  votre  réputation 
«  qui  a  pénétré  au  loin  a  engagé  deux  darnes  à  vous  prendre 
(c  pour  juge  dans  une  question  d'amour.  Il  s'agit  d'un  cava- 
le lier  qu'une  des  dames  accuse  d'avoir  failli  envers  elle,  et 
«  que  l'autre  veut  rete?iir.  11  cont(>  alors  le  différend.  Rcposez- 
<c  vous,  lui  dit  le  seigneur  Hugues,  je  veux  que  vous  obteniez 
<f  un  jugement  mûrement  médité  sur  la  question  qui  m'est 
«  soumise  (1).  » 

Vuilli  (pi'eii  portes  a  la  razos 
Que  m  avelz  dicbas  1110  seniblans. 

Le  lendemain,  à  la  fraîcheur  du  matin,  assis  sur  le  gazon, 
Hugues  prononce  son  jugement.  Le  cavalier,  dit-il ,  doit 
revenir  vers  la  première  dame,  malgré  ses  longues  rigueurs, 
et  renoncer  <à  la  seconde,  malgré  ses  bontés  pour  lui. 

«  Il  est  bien  vrai,  ajoute  Mataplana,  qu'un  cavalier  fort 
«  amoureux  veut  enlin  obtenir  merci.  La  première  dame  a 
«  fait  une  épreuve  indiscrète  de  la  constance  de  son  amant. 
«  Elle  a  failli,  cela  est  vrai,  mais  sa  faute  n'est  point  impar- 
«  donnable. 

Faillie  la  dona,  so  es  vers.  .  .  . 
Mas  no"l  forfetz  per  quel  perdos 
]No  y  ai  loc. 

a.  C'est  pourquoi  je  dis  que  le  cavalier  doit  pardonner, 
«  selon  les  lois  de  l'amour.  » 

(i)  On  peut  voir  le  sujet  du  différend  raconté  plus  au  long  dans  Millet, 
toni,  ill,  p.  277. 


XIII  SIECLE. 


HUGUES  DE  MATAPLANA.  676 

Per  (ju  if  u  vos  die  que  perdonar 
Fay  à  la  dona  son  faillir, 
Segon  amors. 

Tel  fut  le  jugement,  ^lataplana  l'autorisa  par  beaucoup 
de  passages  de  troubadours,  tels  que  fiiraud  de  Borneilh  , 
Faiditz,  Miraval.  Il  semble  que  les  lois  mêmes  de  la  galan- 
terie sanctionnaient  à  cette  époque  le  principe  de  la  fidélité 
sur  lequel  reposait  le  gouvernement  féodal  [".tre  fidèle  à  sa 
dame  et  fidèle  à  son  suzerain,  ces  deux  obligations  étaient 
presque  également  sacrées;  l'une  était  l'appui  de  l'autre  : 
aussi  les  troubadours  disent-ils  souvent  qu'ils  se  sont  donnés 
en  fief  à  leur  dame. 

Au  nombre  des  voisins  de  Hugues  était  un  autre  seigneur, 
poète  comme  lui,  nommé  Guillainne  de  Bergédan  ,  homme 
méchant,  cruel,  avili  par  ses  débauches,  et  de  qui  nous 
allons  palier  tout  à  l'heure.  Bergédan  composa  un  sirvente 
contre  Mata|)lana,  où  il  l'accusait  d'êlre  sans  foi  et  sans 
honneur.  Mais  ce  seigneur  étant  mort  au  siège  deîMaiorque, 
Bergédan  composa  une  complainte  sur  cet  événement,  et 
désavoua  ses  calomnies.  Piececon.m.n- 

rant    par  Costi- 
ros  crint.  Itoclie- 

Marques,  s'ieu  dis  do  vos  foloi  gixle,  Parnasse 

Ni  iTiots  vilens  ni  mal  après,  ocm.  p.  i55. 

De  tôt  ai  mentit  e  nicspies. 

Qii'anc  pos  Dieus  basti  IMataplana 

Ko  i  ac  vassal  que  tant  valgues, 

Ni  que  tan  fos  pros  ni  valens, 

Ni  tan  onraiz  sohr'ls  anssors , 

Ja  fosso  rie  vostr'aneessors  : 

E  non  o  die  ges  per  uiaiia. 

Bergédan  dit  dans  cette  pièce  que  les  païens  ont  tué  Ma- 
taplana ,  Pai;ûns  l'an  mort.  Ce  mot  confirme  la  tradition 
conservée  dans  un  manuscrit  cité  par  Millot,  laquelle  porte 
que  ce  seigneurpérit  au  siège  de  Maïorque,  où  il  avait  accom- 
pagné le  roi  d'Aragon,  Jacques  I*"",  et  de  là  il  siait  qu'il  mourut 
en  1229.  É — D. 


XIII  SIECLE 


GUILLAUME  DE  BERGÉDAN. 

xjiviu.wME  DE  Bergédan  OU  Berguédan  appartenait  à  une 
Bastcio  ,    la  ancienne  famille  de  Goths  (i)  qui  avait  possède  de  vastes 

Ciubca    i>io\     !..  ^    '     *    .  r'    <'  I  II        1       T^ 

I  i,  85.  domaines,  et  qui  notamment  tenait  en  net  la  ville  de  Berga. 

ciescimbtiii ,  C'était  uu  homme  hautain  ,  audacieux,  turbulent,  extrème- 

Uei  \ois.  pocs  t    ment  dangereux  pour  ses  voisins.  En  guerre  avec  un  seigneur 
Miiioi,  t  II,  nommé  Raimond   l'oulques  de  Cardona,  et  moins  puissant 

I'  "'•  que  lui,  il  lattaqua  en  traître,  le  surprit  et  le  tua.  Poursuivi 

et  dépouille  de  ses  fiefs  par  le  roi  d'Aragon  à  cause  de  ce 
crime,  il  fut  d'abord  accueilli  chez  ses  parents,  et  ne  tarda 
pas  à  être  renvoyé  de  partout,  attendu  (ju'il  attentait  à  la 
pudeur  des  femmes  et  des  filles  de  toutes  les  maisons  où  il 
recevait  l'hospitalité.  Dans  un  duel  avec  Mataplana ,  de  r[ui 
nous  venons  de  parler,  il  fut  grièvement  blessé  malgré  ses 
rodomontades;  et  enfin,  dit  son  historien,  après  maintes 
aventures  de  guerres  et  de  femmes,  et  maintes  rencontres 
fâcheuses,  il  fut  tué  par  un  simple  p'xélon  ^  pois  l'aucis  uns 
peons ;  fait  que  ce  biographe  relève,  estimant  apparemment 
qu'un  seigneur  de  cette  importance  ne-  devait  être  tué  que 
dans  un  combat  à  cheval. 

Cet  homme  était  poète,  et  il  ne  manquait  point  d'une 
certaine  verve;  mais  toutes  ses  chansons  portent  l'empreinte 
de  son  caractère  :  il  y  a  autant  d'obscénité  dans  ses  vers  qu'il 
y  avait  d'arrogance  et  de  cynisme  dans  ses  mœurs. 

La  dame  qu'il  a  le  plus  célébrée  est  la  dame  de  Berga,  femme 
de  son  beau-frère  :  c'est  pour  lui  une  grande  joie  d'avoir, 
dit-il,  posé  des  cornes  sur  le  chaperon  du  sire  de  Berga. 

Geii  li  pausei  los  cornz  el  capeirori. 

Il  n'oubliera  jamais,  dit-il  encore,  le  cordon  de  la  jupe  jaune 
que  sa  belle-sœur  lui  a  donné.  Cette  liaison  amena  un  duel 
entre  son  beau-frère  et  lui.  Il  se  van  te  d'à  voir  fait  dans  ce  combat 
maintes  belles  attaques  :  il  n'y  fut  pas  le  plus  heureux;  mais 

(i)  Cette  qualité  ile  Goth  mérite  d'être  remarquée,  quoique  Tauthen- 
ticité  n'en  soit  pas  parfaitement  établie.  On  voit  des  Golhs  en  France 
désignés  par  leur  origine  nationale,  non  seulement  dans  les  rangs  élevés 
de  la  société,  mais  encore  parmi  les  ouvriers  ,  jusqu'au  sixième  et  au 
septième  siècle.  Les  auteurs  citent  des  monnmenls  conslimis  manu  gothica. 


GUILLAUME  DE  BERGËDAN. 


577 


se  chagrine  qui  voudra,  il  réussit  mieux  la  nuit  suivante, 
car  tout  le  profit  fut  pour  lui  : 

Per  quel  marritz  et  en  niesclem  de  guerra, 
Don  eu  n'ai  faitz  man  bons  envazimenz; 
Mieus  fo  1  gazains  la  nueg;  qui  s    vol  s'esnerga. 

Entre  les  pièces  galantes  de  Bergédan ,  nous  citons  celle-ci 
de  préférence  comme  une  des  moins  obscènes. 

La  chanson  de  ce  poète  contre  Mataplana,  cause  ou  suite 
de  leur  duel,  est,  au  contraire,  méchante  et  parfois  ordu- 
rière;  mais  elle  est  gaie  et  spirituelle. 

Cansoneta  leu  e  plana 
Leugereta  ses  afana, 
Faray  e  de  mo  marques, 
Del  traclior  de  Mataplana, 
Qu'es  d'engans  frazitz  e  pies, 
Ah!  marques,  marques,  marques, 
D'engans  etz  i'razilz  e  pies. 

Chansonnette  courte  et  facile, 

Légère  et  sans  apparat, 

Je  ferai  de  mon  marquis. 

Du  fourbe  de  Mataplana  , 

Qui  de  tromperies  est  plein  et  farci. 

Ah!  marquis,  marquis,  marquis, 

De  tromperies  vous  èlcs  plein  et  farci. 

Marques,  qui  en  vos  se  fia, 
N'i  a  amor  ni  paria, 
Gardar  se  deu  totas  ves 
Com  que  s'anc  de  clar  dia; 
De  nueg  ab  vos  non  an  ges. 
Ah!  marques,  etc. 

Toutes  les  strophes  offrent  les  mêmes  rimes  et  répètent  le 
même  refrain. 

Bergédan  se  livre  particulièrement  à  la  satire;  c'est  là  son 
goût.  «  Il  m'a  pris  envie,  dit-il  dans  une  autre  pièce,  de 
<  chansonner  le  marquis,  non  pour  lui  faire  honte,  ni  lui 
c  dire  du  mal,  mais  par  un  désir  naturel  qui  m'en  vient 
e  dans  le  cœur.  Que  si  je  chante  ainsi,  il  serait  dur  pour 
«  moi  qu'on  pensât  que  <;e  soit  très-sérieux,  et  que  je  dise 
«  vilenie,  par  méchanceté  et  félonie.  Mais  qui  sait  faire  des 
«  vers  tous  d'un  égal  mérite  et  d'une  exquise  courtoisie?  Il 

Tome  XVIII,  Dddd 


IIII  SIÈCLE. 

Pièce  commen- 
tant par  Trop  ai 
estât.  Msi.  de  la 
liiblioth.   l'oy,  n. 

:ii5,  f.  19a,  ». 


Pièce  romrocn- 
çant  par  Chan- 
sonela.  Mss.  de 
la  Bibl.  roy.  n. 
7**5,  f.  193  V. 
Rocbegudc  , 
Parnasse  occit. 
p.  i54. 

Voy.  ci.dcf- 
fus,  Mataplana, 
p.  570. 


578  GUILLAUME  DE  BERGED  \N. 

iiu  SIECLE.  ^  ^.^^  ^^^  aucun  en  nulle  terre  qui  ne  chante  d'amour  et  de 
«  euerre.  Je  n'en  ai  pas  (  moi)  assez  appris  pour  n'avoir  pas 
<f  Desoin  de  sel,  etc.,  etc.  > 


Pièce  commen- 
çant par  Talant 
m'es  près.  Mss. 
de  la  Bibl.    roy. 

.ûl.  2. 


Talans  mes  près  d'En  marques  , 

Ko  pt'i-  aiil.i  ni  per  mal , 

Mas  pcr  (Itsir  n,mir;il 

Que  m'en  ven  e  jier  corat^jc. 

Quieu  clian  c  .si  m'es  salvatge 

Qu'on  pes  de  mon  per  cabal; 

Que  ja  diga  vilania 

Per  mal  cor  ni  per  teunia. 

Mas  (jui  sap  far  aitals  motz 

Aissi  eiigals  toti 
Maèstrati  tle  cortezia.'' 
Non  os  hom  en  nulla  terra, 
Pos  chan  d'amor  ni  de  guerra. 


Pero  non  ai  tant  après 
Qu'encar  no  i  agues  obs  sal. 


. ,  etc. 


La  chanson  satirique  est  en  effet  le  vrai  talent  de  Bergë- 
dan.  Celles  de  ce  genre  qu  il  a  composées  contre-  l'évèquc 
d'Urgel  sont  des  plu.s  libres  et  des  plus  sales  qu'on  puisse  ima- 
giner ;  mais  il  y  a  de  la  gaité,  de  la  verve  et  de  l'originalité. 

Il  raconte  dans  unede  ses  chansons  un  différend  élevé  entre 
une  jeune  fille  et  lui;  il  adresse  cette  pièce  à  un  seigneur 
pour  qu'il  juge  la  question  ,  et  celui-ci  donne  sa  décision 
dans  une  clianson  qui  fait  suite  à  la  première.  Ces  dcu.K  nîor- 
ceaux  servent  à  prouver  lusage  si  fréquent  des  troufjadours, 
de  choisir  des  juges  pour  prononcer  sur  les  questions  éroti- 
aues.  M.  Raynouard  a  cité  à  cet  effet  ce  trait  de  la  vie  de 
l'jergédan  dans  ses  recherches  sur  les  cours  d'amour. 

L'époque  de  la  mort  de  Bergédan  n'est  pas  connue  d'une 
manière  précise;  mais  nous  vo\ons  que  lorsqu'il  eut  été  dé- 
pouillé de  ses  liefs  par  le  roi  d'Aragon,  et  que,  chassé  de 
partout,  il  n'eut    d'asile,   suivant  ce  qu'il  dit,  ni  dans   les 
,,801  par  L'ai  ^,r-  plaines  m  dans  les  montagnes,  il  trouva  un  retage  auprès 
ventes  ai  enrar  (jg  Richard-Cœur-dc-Lioii ,  alors  roi  d'Angleterre;  et  d'un 
abastl^.i,Ui.<^<t  .^^^^^  côté,  Sa  Complainte  sur  la  mort  de  Mataplana  nous 


R«yn.  Choii, 
t.  II,  p.  m. 


Piècecommen- 


la  Bibl 
7ii5,   fol 
Terso. 


ro»     n.  ,.,..-  £?•     1  1  "  •  '      ' 

19»  montre  quil  vivait  encore  en  1229.  ai  donc  le  premier  évé- 
nement aate  de  l'an  1 189,  ou  de  l'an  1 19I,  ce  qui  est  vrai- 
semblable, il  suit  de  ces  deux  faits  qu'en  1229  il  pouvait 
être  âgé  d'environ  soixante-dix  ans.  C'est  cette  considération 


PISTOLETTA.  679 

qui  nous  le  fait  placer  immédiatement  après  Mataplana.  Sa 
carrière  poétique  ne  dut  pas  s'étendre  beaucoup  au-delà. 

É-D. 


XIII  SIÈCLE. 


PISTOLETTA. 

C^E  troubadour  naquit  en  Provence;  on  ne  dit  point  dans 
quel  pays  :  e  fo  de  Proensa.  Il  commença  par  accompagner 
Arnaud  de  Mareuil  en  qualité  de  jongleur;  ensuite  il  composa 
lui-même  des  chansons  dont  les  airs  étaient  fort  govités,  mais 
dont  on  estimait  moins  les  paroles.  Il  paraît  que  dans  ses 
voyages,  il  se  porta  à  la  cour  de  Montferrat,  chez  Boni- 
face  II.  C'est  là  qu'il  dut  connaître  le  prince  Thomas,  comte 
de  Savoie,  né  en  1177,  beau-lrère  de  Boniface,  et  qu'on  crut 
prêt  il  se  croiser  avec  ce  seigneur  en  1201.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  prince  Thomas  prit  pour  Pistoletta  beaucoup  d'at- 
tachement; ce  qui  prouve  que  ce  troubadour  demeura 
long-temps  auprès  de  lui  à  Turin,  contribuant  aux  divertis- 
sements d'une  cour  brillante,  où  furent  élevées  notamment 
les  six  jeunes  princesses,  filles  de  Thomas  ,  dont  une,  la  belle 
Béatrix,  épousa  Baimond  Bérenger  IV,  et  vint  faire  l'orne- 
ment de  la  cour  d'Aix. 

Pistoletta  nous  fait  connaître  lui-même  l'affection  que  le 
prince  Thomas  lui  portait,  dans  un  sirvente  commençant 
par  ce  vers  :  Manta  gentfas  maravelhar,  contre  les  moeurs 
des  seigneurs  de  sor»  temps. 

Mas  lo  coms  de  Savoya  m'a 

Per  amie,  e  tos  temps  m'aura,  M^s.drU  Bibl. 

(^uar  el  es  savis  e  membratz,  ,j,. 

Et  ama  pretz  et  es  amatz , 

Et  es  de  totz  Los  ayps  complitz. 

Mais  le  coiptc  de  Savoie  m'a 

Pour  ami,  el  toujours  il  m'aura  , 
Car  il  est  sage  et  plein  de  rnisim, 
Il  aime  le  mérite  et  il  est  aimé; 
En  toutes  bonnes  qualités  il  est  accompli. 

On  ne  peut  douter  qu'après  avoir  été  honorablement  ac- 
cueilli à  la  cour  du  prince  Thomas,  Pistoletta  n'ait  été  admis  . 

Dddda 


58o  PISTOLETTA. 

XIII  SIÈCLE. 

à  celle  de  Raimond  Bérenger,  son  gendre.  Jl  eut  aussi  des 

rapports  avec  Jacques  F"^  ou  Jaymes,  roi  d'Aragon,  jeune 
prince,  dit-il,  qui  renouvelle  la  gaîté  dans  sa  cour.  L'envoi  est 
en  ces  termes  : 

«  En  Aragon  va  sans  délai,  ma  chanson,  là  où  ont  pris 
<c  leur  demeure  toutes  les  nobles  actions  qui  doivent  honorer 
«  un  roi;  et  salue  de  ma  ])art,  de  Perpignan  en  haut,  tous 
"  les  cavaliers  et  toutes  les  dames  qui  ont  du  penchant  pour 
(c  l'amour.  » 

Après  avoir  long-temps  fréquenté  les  cours,  Pistolefta 
s'en  retira,  e  lai^sct  danar pcr corts ;  il  se  maria  à  Marseille, 
ce  qui  peut  taire  croire  qu'il  y  était  né,  et  il  se  livra  au 
commerce. 

Thomas  de  Savoie  mourut  en  i233.  En  j)Iacant  la  mort 
de  Pistoletta  vers  la  même  époque,  nous  ne  croyons  pas  nous 
éloigner  beaucoup  de  la  vérité.  II  reste  quatre  pièces  de  lui; 
M.  Raynouard  en  a  publié  deux  entières  et  des  fragments 
d'une  autre;  la  quatrième  est  celle  qui  est  adressée  au  comte 
de  Savoie.  E — D. 


LA  DAME  CASTELLOZE 

La.  vie  de  cette  clame  n'est  connue  que  par  l'amour  qu'elle 
éprouva  pour  un  seigneur  aujourd'hui  inconnu  lui-même. 
«  La  dame  Castelloze  ,  dit  le  Biographe  provençal ,  fut  d'Au- 
«  vergne,  noble  dame,  femme  de  Truc  de  Rlairona;  elle 
a  aima  le  seigneur  Armand  de  Bréon,  et  composa  ses  chan- 
«  sons  à  son  sujet;  c'était  une  dame  fort  gaie,  bien  enseignée 
«  et  très-belle:  Et  era  una  domna  niout  gaia ,  nicnit  ense- 
«  gnada,  et  mouthella.  «  Nous  avons  eu  déjà  plusieurs  fois 
occasion  de  faire  remarquer  cet  éloge  d'être  bien  enseignée, 
(jue  les  historiens  des  troubadours  se  plaisent  à  accorder 
aux  dames  du  douzième  et  du  treizième  siècle.  Cet  ensei- 
gnement des  dames  ne  consistait  guère  que  dans  la  lecture 
'le  quelques  romans,  dans  l'art  des  vers  et  de  la  musique, 
et  surtout  dans  le  talent  de  la  conversation  et  le  ton  de  la 
bonne  compagnie  :  nous  le  verrons  encore  rappelé  dans  des 
])ièces  composées  avec  l'intention  pariiculière  d'en  donner 
des  leçons;  mais  c'était  déjà  beaucoup  que   l'enseignement 


LA  DAME  CASTELLOZE.  58 1 

des  dames  pour  parvenir  à  polir  les  mœurs  des  chevaliers  eux- 
mêmes,  et  pour  hâter  les  progrès  de  la  civilisation  générale. 
La  dame  Castelloze  paraît  n'avoir  composé  des  vers  que 
pour  exprimer  la  passion  amoureuse  qui  la  dominait.  Trois 
chansons,  ou  plutôt  trois  odes  erotiques,  qui  nous  restent 
d'elle,  peignent  toutes  trois  le  même  sentiment,  et  s'adres- 
sent évidemment  au  même  cavalier.  Toutes  trois  sont  pleines 
de  poésie  .  parce  que  le  coeur  qui  les  a  dictées  était  apparem- 
ment plein  d'amour.  Castelloze  gémit  sur  l'abandon  qu'elle 
tremble  d'éprouver;  elle  prie,  elle  sollicite  son  amant,  et  se 
demande  sans  cesse  à  elle-même  quel  nouveau  sacrifice  elle 
[)ourrait  lui  faire  pour  le  captiver. 

Ja  de  chantar  non  degr'  aver  talan  , 

Car  on  mais  chau 
E  piet/,  ini  vai  d'amor; 

Que  plaing  e  plor 
Fan  eu  mi  lor  estatge. 
Car  en  mala  merce 
Ai  mes  mon  cor  e  me, 
K  s'  en  breu  no  nie  rete, 
Trop  ai  fag  long  badatge. 

Jamais  de  chanter  ne  devrais  avoir  désir, 
Car  plus  je  chante 
Et  pire  me  va  d'amour; 
Que  plaintes  et  pleurs 
Font  eu  moi  leur  demeure  : 
Car  en  méchante  merci 
J'ai  mis  mon  cœur  et  moi . 
Et  si  dans  peu  je  ne  me  reliciis 
Trop  j'aurai  fait  longue  attente. 

Ai  !  bels  amies ,  sivals  un  IjcI  seinblan 

Me  faitz  enan 
Qu'eu  muoira  de  dolor; 

Que  rama<Ior 
Vos  tenon  salvatge 
Qu'a  joia  no  m'ave  , 
De  vos  don  no  m  recre, 
D'aniar  per  bona  fe  , 
Tots  temps,  ses  cor  volatge.  .  .  . 

G  bel  nmi ,  du  moins  un  beau  semblant 
Faites-moi  avant 
Que  je  meure  de  doulfur; 
Car  les  amoureux 

4   0 


XIII  SIECLK. 


582  LA  DAME  CASTELLOZE. 

XIII  SIÈCLE. 

— — ^^— — .  Vous  tiennent  pour  barbare  , 

Qu'à  joie  (  rien  )  ne  m'arrivo 

De  vous  que  je  ne  me  lasse 

D'aimer  de  bonne  foi , 

A  toujours,  sans  cœur  volage. 

Si  pro  i  agues ,  be  us  membri  en  chantan 
Q'aic  vostre  gan 
Qu'enblei  ab  gran  teraor, 

Pueis  aie  paor 
Que  i  aguessetz  clampnatge 
D'aicella  que  us  rete. 
Amies,  per  qu'ieu  tlese, 
Li  torniei ,  ear  ben  cre 
Que  no  i  ai  poderatge. 

Si  j'y  eusse  avantage,  bien  vous  rappelle  en  chantant 
Que  j'i-iis  votre  gant 
Que  je  dérobai  avec  grande  frayeur, 

Puis  j'eus  pfur 
Que  vous  n'en  eussiez  dommage 
De  ccll-!  qui  vous  captive, 
Anii,  c'est  pour<pioi  siir-le-ciiamp 
Je  le  lui  lenvovai,  car  bien  je  crois 
Que  je  n'y  ai  seigneurie. 

On  retrouve  dans  toutes  les  strophes,  avec  l'expression 
de  la  même  passion,  des  sentiments  également  délicats; 
toutes  sont  écrites  avec  la  même  grâce,  versifiées  avec  la 
même  facilité. 

Dans  une  autre  de  ces  pièces,  la  dame  Castelloze  dit  à 
son  ami  : 

Amies ,  s'ie  us  trobes  avinen , 
Humil  e  franc  e  de  bona  nierce, 
Be  U9  amera  ,  quant  era  m'en  sove 
Qu'ie  us  trob  vas  mi  e  mal  e  fel  e  trie  ; 
E  fauc  chansons  per  tal  que  fass'  ausir 
Vostre  bon  pretz ,  don  eu  no  m  puesc  sofrir 
Qu'eu  no  us  fassa  lauzar  a  tota  gen, 
On  plus  mi  faitz  mal  et  asiramen. 

Ami,  si  je  vous  trouvais  gracieux, 

Doux  et  loyal,  et  de  bonne  merci, 

Bien  je  vous  aimerais,  quand  maintenant  je  songe 

Que  je  vous  trouve  envers  moi  dur,  félon  et  traître , 

Et  que  je  fais  des  chansons,  afin  de  célébrer 

Votre  mérite,  dont  je  ne  puis  cesser 

Que  je  vous  fasse  louer  de  tout  le  inonde , 

Tandis  que  vous  me  faites  toujours  plus  de  mal  et  de  tourment. 


ÏIII  SIÈCLF. 


SUIT. 

Parnasse  orr. 


BERNARD.  583 

La  troisième  pièce  qui  commence  par  ces  deux  vers  : 

Moût  avetz  fac  lonc  estatjc. 
Amies,  pos  de  mi  us  partitz,' 

se  termine  par  l'expression  de  ce  sentiment  tendre  ;  «  Si 
«  jamais  vous  avez  fait  envers  moi  quelque  manquement,  je 
<t  consens  à  votre  pardon  de  bonne  foi,  et  je  vous  prie  que 
«  veniez  auprès  de  moi,  dèà  que  vous  aurez  entendu  ma 
<c  chanson,  et  je  vous  fais  assurance  que  vous  y  trouverez 
«  bon  visage.  )> 

De  pois  qu'eus  auretz  auzida  „      ,  ,  ■  ., , 

-,     "          •                     ,.        ,.  Ms9.  (lelaUiLI. 

Ma  chanso;  queus  fatz  hansa  roy.  n.  yaaS,,!,. 

Sai  troLetz  hclla  ^emblansa.  jjg 

Nous  voudrions  donner  ces  trois  pièces  en  entier,  mais  «,,„.  choix, 
elles  occuperaient  trop  de  place.  D'ailleurs  le  texte  de  la  'iii,  p.  368«i 
troisième  est  très-corrompu  en  plusieurs  endroits.  M.  Ray- 
nouard  a  publié  les  deux  premières.  M.  de  Rochegude  les  a  p.  ',45 
données  aussi  dans  son  Parnasse  occitanien. 

On  placera  incontestablement  la  dame  Castelloze  à  côté  de 
la  célèbre  comtesse  de  Die.  Leurs  poésies  sont  sans  contredit 
les  chefs-d'œuvre  des  dames  troubadours.  E — D. 


BERNARD. 

I^E  troubadour  nommé  Bernard  ou  Bernart,  sans  autre 
désignation,  n'est  connu  que  par  deux  tcnsons,  lune  avec 
Faidit,  l'autre  avec  Elias  d'Uissel. 

Dans  sa  tenson  avec  Faidit,  il  défend  les  femmes  en  gé- 
néral contre  les  déclamations  que  son  adversaire  s'était  per- 
mises. 

Gausselm ,  no  m  pucsc  estener 

Qu'ab  vos  iratz  no  ni  contenda,  Rayn.  Choi» 

Que  talan  ay  que  defenda  '•  ''■  P-  '9- 

Las  domnas  a  mon  poder. 

Que  vos  aiig  descaptener; 

Qu'iina  m  rent  cortez'esmenda 

Que  m'avia  fag  doler; 

Per  qu'ieu  en  lor  captener 

Tanh  que  nios  l)els  ditz  dcspénda.  . , . 


^84  BERNARD. 

XIII  SIECLE. 

Gansselm,  je  ne  me  puis  retenir 

Qu'avec  vous,  irrité,  je  ne  dispute; 

Je  me  sens  porté  à  défoiidie 

Les  dames,  selon  mon  pouvoir, 

Que  je  vous  entends  déprécier; 

Car  une  d'elles  me  rend  courtoise  réparation, 

Qui  m'avait  fait  souffrii  ; 

C'est  pourquoi  à  leur  service 

II  convient  que  j'emploie  mes  (plus)  belles  paroles 

Faidit  repond  que  les  femmes  vendent  souvent  leur 
amour;  eussiez-vous,  dit-il  à  Bernard,  mille  marcs  de  rente, 
vous  pourriez  bien  vous  y  ruiner, 

Que  ben  poiratz  dechazer 
S'aviatz  mil  marcx  de  renda. 

Bernard  réplique  : 

Gausselm,  no  us  detz  plus  paor 
De  mi  qu'ieu  eys  ni  teincnsa; 
Qu'en  lai  domn'ay  m'entendensa , 
Cui  ser  e  prec  e  azor, 
Que  sap  vaier  part  valor  : 
Mas  vos  y  faitz  gran  falhensa, 
Quar  descaptenes  amor; 
Qu'amar  melhura  el  melhor, 
Et  l'aut  auss ,  e'I  gensor  gensa. 

Gausselm  ,  ne  vous  donnez  pas  plus  de  crainte 

De  moi,  que  je  n'en  ai  moi-même,  ni  de  peur  ; 

Car  à  telle  dame  j'ai  donné  mon  cœur, 

Que  je  sers,  que  je  prie,  que  j'adore, 

Qui  sait  valoir  plus  que  la  valeur  (ordinaire): 

Mais  vous  y  faites  j;rande  erreur, 

Quand  vous  dépréciez  l'amour; 

L'amour  améliore  les  meilleuis  , 

II  élève  les  parfaits,  il  donne  ans  plus  gracieux  plus  de  grâces. 

Faidit  ajoute  qu'il  a  de  l'expérience,  et  qu'il  connaît  les 
fourberies  des  femmes. 

Fan  lo  for  de!  brezador, 
E  tôrnon  hom  en  folor. 

Elles  font  le  jeu  de  l'oiseleur. 

Et  eatraîncDt  l'bomroe  dans  la  folie. 


BERNARD. 


585 


Bernard  continue 


Xni  SIECLE. 


Gausselm,  e  com'auzatz  dir 
Qu'eiijans  sia  en  amor  fina 
Vas  cui  tôt  lo  nions  aciina? 
Qu'ela  fai  gent  esbaudir 
L'irat ,  e'I  paubr'  enrequir 
AI)  una  cuenda  nietzina  ; 
Que  ja  pueis,  al  mieu  albir, 
Hom  no  pot  dolor  sentir, 
Mas  ela'l  sia  vezina. 

Gausselm,  comment  osez-vous  dire 

Qu'à  pur  amour  s'allie  fourberie, 

(  A  pur  amour)  à  qui  l'univers  est  sonmis? 

C'est  lui  qui  fait  doucement  se  réjouir 

L'affligé,  et  enrichir  le  pauvre 

Par  un  agréable  remède  : 

Que  plus  jamais,  à  mon  avis, 

Homme  douleur  ne  peut  ressentir, 

Que  seulement  ce  remède  approche  de  lui. 


Cette  pièce  est,  comme  on  voit,  également  remarquable 
par  la  délicatesse  des  pensées  et  par  la  grâce  du  langage. 
Nous  relèverons  encore  ici  ce  vers  : 


Tanh  que  mos  bels  ditz  despenda , 
Il  convient  que  j'emploie  mes  (  plus  )  belles  paroles. 

Il  ne  faut  point  y  voir  un  aveu  échappé  à  l'orgueil  du 
poète  :  c'est  bien  plutôt  une  preuve  du  soin  qu'il  apportait 
a  épurer  sa  langue  et  à  élever  son  style.  Ce  mérite  est  celui 
dont  les  troubadours  se  vantent  le  plus  souvent. 

Dans  sa  tenson  avec  Elias  d'Uissel ,  Bernard  demande 

Iiii  ^-i-  J  JI--       PieceeommeD- 

equel  de  deux  amants  aime  le  mieux  sa  dame,  de  celui  qui  ranipariV'.ffûa» 

parle  d'elle  à  tout  le  monde,  ou  de  celui  qui,  au  contraire,  dedosamadon. 

n'en  parle  jamais,  et  resserre  tous  ses  sentiments  dans  son     Mss.deUBibi. 

cœur.  Elias  répond  que  le  plus  amoureux  est  celui  qui  ne 

peut  captiver  son  secret.  Bernard  pense,  au  contraire,  que 

c'est  celui  qui  cache  son  amour  en  lui-même,  et  garde  son 

secret  par  ménagement  et  par  respect  pour  sa  dame. 

Les  historiens  ne  nous  ont  transmis  aucune  notion  sur  la 

vie  du  poète  Bernard  ;  mais  ces  deux  tensons  nous  indiquent  »■  ïv.  p 

suffisamment  l'époque  où  il  florissait.  Faydit  étant  mort  vers 

l'an  1218,  et  Elias  d'Uissel  ayant  promis  au  légat  du  pape, 

Tome  XVUI.  E  eee 

4  0  * 


roj.n.  7316, ch. 
aoa. 


Ra^D. 


Cboii, 
•9 


XHI   SIKCLi:. 
Vov.l.  XVII, 

p.  555. 


586  AZÉMAR  LE  NOIR. 

avant  l'an  1209,  de  ne  |j1us  composer  de  vers,  il  s'ensuit  que 
les  deux  tensons  de  Bernard  datent  à  peu  près  de  ces  époques; 
et  nous  supposons  d'après  cela  que  sa  mort  peut  avoir  eu 
lieu  vers  1227  ou  i23o.  E — D. 


AZÉMAK  LE  NOIR. 

A-ZÉMAR  OU  Azimar  le  Noir  doit  être  distingué  d'avec  Guil- 
T<,iM  \i\    ,    '''unie  Adhémar,  célébré  par  le  moine  de  Monlaudon,  et  dont 
ùth.  il  a  été  question  dans  le   tome  XIV,  du  présent  ouvrage. 

Azémar  dit  le  A'oir  na([nit  à  Chàleau-Vieux-d'Alhin.  Ce  fut, 
dit  son  hio£;iaplie ,  un  homirie  courtois  et  parlant  bien, 
cortex  honi  Jo  e  gcn  parlans.  On  remarquera  combien  cet 
éloge  d'avoir  été  un  homwxe  j)a riant  bien,  parlant  un  lan- 
gai^c  choisi ,  lengua  iswrnida ,  revient  fréquemment  dans  les 
biographies  des  troubadours.  Un  langage  élégant,  des  vers  har- 
monieux, c'était  là  une  (les  principales  parties  de  leur  mérite. 
Azémar  fut  très-estimé  des  gens  de  qualité,  efo  heu  honrat 
entre  la  honas  gens.  Pierre  H,  roi  d'Aragon,  et  le  comte  de 
Toulouse,  Raimond  VI  [aqiiel  que  fon  dczeretatz)^  lui  té- 
moignèrent particulièrement  leur  estime.  Ce  dernier  l'enri- 
rhit,  en  lui  donnant  des  maisons  et  des_  terres  à  Toulouse  et 
dans  les  contrées  environnantes. 

Il  subsiste  quatre  pièces  de  ce  troubadour.  L'une  est  une 
fenson  entre  Perdigon,  un  interlocuteur  nommé  llambaud 
et  lui.  Les  trois  autres  sont  des  chansons  d'amour. 

Dans  la  lenson,  c'est  Rambaud,  vraisemblcment  Rambaud 
I  , ,-,  de  Vachères,  qui  propose  la  question,  et  c'est  par  cette 

raison  qu'elle  est  portée  sur  son  nom  dans  les  maiiusciits. 
Seigneur  Azémar,  dit  ce  poète,  choisissez  entre  trois  barons 
celui  que  vous  estimez  le  plus;  Perdigon  répondra  après 
vous.  L'un  des  trois  barons  est  gai,  généreux,  mais  orgueil- 
leux (  ef  ufaniers).  Le  second  est  adroit,  bon  guerrier,  gé- 
néreux, mais  pas  autant  que  le  premier.  Le  troisième  tient 
grande  table,  manie  bien  la  lance,  et  se  fait  admirer  par  la 
magnilicence  de  ses  habillements.  Azémar  donne  le  prix  au 
second,  Perdigon  au  premier,  Rambaud  au  troisième.  Cette 
pièce  n'aurait  rien  de  remarquable,  si  Rambaud  ne  semblait 


M= 

is.le 

laBil)!. 

rov. 

11.  7 

>l'>.  1. 

IJ9; 

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■:<k)^, 

XII [  SIF.CLK. 


Paillasse    oc- 


AZEMAR  I.E  NOIR.  687 

donner  dans  son  choix  la  préférence  aux  seigneurs  français. 
Perdigon  lui  en  fait  un  reproclie  : 

En  Raimbautz,  niantenga  sels  de  Fransa, 
Car  mas  crei  a  totz  lor  cossiriers. 

Que  le  seigneur  RnmbnucI  di^fcnde  ceux  de  France, 
Car  il  prélcre  en  toute  tliose  li-iii-  sentiinriit. 

Ce  même  Perdigon  changea  ensuite  de  parti. 

Les  trois  autres  pièces  d'Azémar  sont  des  chansons  d'amour. 
Ce  poète  est  du  nombre  de  ceux  qui ,  en  chantant, semblent 
célébrer  ou  du  moins  prévoir  leurs  jouissances.  Il  s'explique 
là -dessus  dans  des  termes  qui  n'ont  rien  d'équivoque; 
c'est  ce  qu'on  peut  voir  dat)s  une  pièce  commençant  par  De 
solatz.  Lhie  de  ses  chansons,  écrite  avec  facilité  et  avec  grâce, 
a  été  traduite  en  entier  en  vers  par  ]\I.  de  Rochegude.  Nous 
nous  bornons  par  cette  raison  a  en  donner  la  première  cit.  p.  35y-3f)i. 
strophe. 

Ja  ogan  pel  temps  florit 

Ni  per  b  sazon  «l'abril,  Mss.de la Bibl. 

No  fera  mon  cant  auzir,  loy.  n.  7325,  f. 

Ma  cella  que  s  fai  grazir  i38  verso. 

A  tôt  lo  mont  et  a  Deu , 

M'a  mes  en  sa  seingnoria 

E  -vol  que  totz  temps  mais  sia 

Totz  mos  afars  en  son  fieu. 

Plus  désormais  au  temps  fleuri 

Et  dans  la  saison  d'avril , 

Ne  ferai  mon  chant  ouir; 

Mais  celle  qui  sait  paraître  aimable 

A  tout  le  monde  et  à  Dieu, 

M'a  mis  en  sa  seigneurie  ; 

Elle  veut  qu'à  toujours  de  plus  en  plus  soit 

Tout  ce  qui  m'appartient  en  son  fief. 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  les  rimes  des  deux  premiers 
yers^  florit ,  abril,  se  trouvent  dans  les  vers  correspondants 
de  chacune  des  strophes  suivantes. 

L'envoi  de  la  chanson  commençant  par  Era  m  vai  est 

,  .  •  •    j      r^      ..•II  Mss.  delaBibl. 

adresse  au  jeune  roi  de  Castilie.  ^oy  n  -aas  f 

.39.  ■  '      [' 

Chansos  l'enfant  me  saluda  Rayn.  Choix, 

De  Castella  qu'eu  enten  '•  ^'  P-  ^7- 

C'om  no'l  val  de  son  joveii., 

E  eee  2 


XIII  SlèCLE. 


MORT  rn  11^1 


588  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

chanson  (va,  ctl  salue-moi  l'infant 

De  Castille,  lc<|ucl  je  maintiens 

Que  nul  homme  ne  le  vaut  des  son  jeune  âge. 

Ce  prince  est  évidemment  Henri  I",  monté  sur  le  trône, 
en  i2i4,  âgé  de  dix  ans,  à  la  mort  d'Alphonse  IX,  son  père, 
et  mort  en  laiy,  à  l'âge  de  treize  ans.  Le  troubadour  Ram- 
haud  est,  comme  nous  l'avons  dit,  Rambaud  de  Vachères, 
(jui  quitta  la  cour  d'Orange  pour  aller  en  Italie  en  1 198  ou. 
1  ig4-  Ce  dernier  poète,  Perdigon  et  Azémar  se  seront  ren- 
contrés chez  Guillaume  IV,  prince  d'Orange;  c'est  là  qu'aura 
eu  lieu  leur  tenson.  La  carrière  poétique  d'Azémar  s'étend 
par  conséquent,  en  ce  qui  nous  est  connu,  de  l'an  i  icjo  ou 
environ  à  l'an  1217.  Ce  poète  est  un  de  ceux  qui  s'illustrèrent 
avant  la  guerre  des  Albigeois,  et  qui  moururent  peu  après 
cette  guerre  ou  pendant  sa  durée.  Toutes  ces  considérations 
nous  permettent  de  placer  sa  mort  vers  l'an  i23o.     E — D. 


FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

J  ANDis  que  des  troubadours  distingués  en  général  par  leur 
talent,  tels  que  Raimond  de  Miraval ,  Bernard  de  la,Barthe, 
Rainols,  Richard  de  Tarascon ,  Sicard  de  Marjevols,  To- 
miers  et  Palazis,  Guillaume  Anélier,  et  d'autres  dont  nous 
ferons  bientôt  mention,  savoir:  IMontagnagout,  Durand  de 
Pernes,  Guillaume  Figuières,  publiaient  d'énergiques  sir- 
ventes  contre  la  guerre  des  Albigeois,  il  y  en  eut  aussi  quel- 
(|ues-uns,  toutefois  en  petit  nombre,  qui  se  jetèrent  dans 
le  parti  contraire.  A  la  tête  de  ces  derniers,  se  signala  par 
ses  excès  le  poète  Folquet,  connu  d'abord  sous  le  nom  de 
Folquet  de  Marseille,  et  ensuite  plus  célèbre  sous  celui  de 
Foulques,  archevêque  deToulouse,  lorsqu'il  eut  étéélevé  aux 
fonctions  épiscopales.  Il  faut  le  supposer  de  bonne  foi  dans 
son  zèle  religieux;  mais  en  ce  cas  on  est  obligé  de  recon- 
naître que  la  hauteur  et  la  violence  de  son  caractère  l'empor- 
tèrent bien  au-delà  des  bornes  où  la  raison  et,  du  moins,  la 
reconnaissance  envers  Raimond  VI,  son  bienfaiteur,  auraient 
dû  le  retenir.  Après  avoir  donné  la  moitié  de  sa  vie  à  la 
galanterie,  il  livra  sans  retenue  l'autre  moitié  à  la  c;iuse  de 


roy.  II.  U7C1. 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  689 

,  .  j  1      I  I-      ■  ti  '^"l  SIKCIF 

la  tyrannie,  du  meurtre  et  de  la  spoliation;  et  malheureu- 

sèment  pour  sa  renommée,  il  en  profita.  Il  faut  ajouter  que  la 
nature  l'avait  doué  d'un  talent  poétique  assez  remarquable. 
Amant  passionné  des  dames,  apôtre  fougueux  de  l'inqui- 
sition ,  il  ne  cessa  de  composer  des  vers  qui  portèrent  l'em- 
preinte (Je  ses  passions  successives. 

Foiquet,  nommé  quelquefois  Foulques,  en  latin  Fulco , 
et  communément ,  surtout  comme  troubadour,  Foiquet  de 
Marseille,  naquit  dans  cette  ville  vers  l'an  1160.  Son  père,     Piite.oinm.n- 
nommé  Amphoux  ou  Alphonse,  négociant,  natif  de  Gênes,  -rampariWror 
mourut  ieune,  et  lui  laissa  une  fortune  suffisante  pour  qu'il  P  "S"''>''^"'v^ 

■      •"       1  1.    •  TA  •      '  I  A         ,  '  T      .,         lîayo    Chou, 

put  vivre  dans  I  aisance.  Domine  par  le  goût  des  vers,  il  t.  m,  p   ibu, 

se  fit  troubadour.  Les  amusements  et  l'éclat  de  la  cour  d'AI-  »^: 

phonse  F',  comte  de  Provence,  la  munificence  de  ce  prince, 

et  son  amour  pour  la  poésie,  attiraient  alors  auprès  de  lui, 

dans  la  ville  d'Aix,  un  grand  nombre  de  ces  poètes  qui  en 

augmentaient  la  célébrité.  «  J'ai  vu,  disait  Pierre  Vidal ,  celte      j,„,,^^  ^  ,j,, 

«  cour  du  roi  Alphonse,  père  du  prince  qui  règne  aujour-      .-thninur. 

«  d'Iiui,  et  iV  ai  reçu  tant  de  bons  exemples,  que  j'en  suis      m<.s.<i,  i.iu,i.i 

<(  devenu  meilleur.  .  .  .   On  voulait  bien  y  écouter  ce  que 

«  je  savais.  Si  vous  y  aviez  été ,  vous  y  auriez  vu  ce  siècle 

«  lieureux  dont  v    is  a  parlé  votre  père,  où  brillaient  les 

«  hommes  généreux  et  amoureux.  Vous  y  auriez  entendu, 

«  comme  moi,  les  troubadours  conter  comment  ils  étaient 

<t  fêtés  et  entretenus  dans  les  cours  qu'ils  visitaient.  Vous  y 

«  auriez  vu  tant  de   brillants  équipages,  tant  de  palefrois 

«  portant  des  brides  dorées  et  tles  selles  ornées  de  flocons, 

«  que  vous  en  auriez  été  dans  l'admiration.  Il  y  venait  des 

;c  seigneurs  d'outre-mer,  il  en  venait  d'Espagne;  le  roi  Al- 

«  phonse  les  recevait  tous  avec  joie  et  les  comblait  de  inar- 

«  (jues  de  sa  générosité.  Vous  y  auriez  trouvé  Diego  dit  le 

n  bon,  Juufi  et  de  Gambérès  dit  le  courtois,  le  comte  Ferrand, 

«  et  son  frère,  qui  savait  plus  de  choses  que  je  ne  pourrais 

«  vous  le  dire,  etc.  »  C'est  dans  cette  cour,  auprès  de  Pierre 

Vidal ,  de  Faidil ,  de  Pierre  d'Auvergne  ,  du  |)remier  Bertrand 

d'Allamanon  et  de  beaucou|)  d'autres  poètes,  que  Foiquet 

dut  faire  les  premiers  essais  de  son  talent; 

Il  reçut  un  accueil  également  bieiiveillant  chez  Barrai 
des  Baux  ,  vicomte  de  IMarseille.  La  femme  de  ce  scigceur, 
Alazais  ou  Adélaïde  de  Iloquemai tine,  de  la  maison  des 
Porcelets,  était  d'une  rare  l)cauté,si  nous  en  croyons  Pierre 
Vidal,  qui  païaît  avoir  été  passionnément  amoureux  d'elle. 


Xril  SIKCLE. 


J90  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

Folquet,  à  qui  elle  inspira  aussi  une  vive  passion,  fit  beau- 
coup de  vers  pour  elle;  et  c)uoiqu'il  fût  très-gèné  dans  l'ex- 
pression de  SCS  sentiments,  attendu  que,  suivant  les  lois  tie 
cette  époque,  c'était  un  acte  de  félonie  que  de  tenter  de 
séduire  la  femme  de  son  seigneur,  il  lui  laissa  voir  jusqu'où 
allaient  ses  prétentions.  Alazais,  femme  vertueuse,  aimait 
sincèrement  son  mari.  Elle  avait  fait  chasser  de  sa  maison 
Pierre  Vidal  qui,  l'ayant  trouvée  endormie,  s  était  mis  à 
genoux  auprès  d'elle,  et  lui  avait  dérobé  un  baiser  sur  la 
bouche.  Folquet  était  bel  homme,  dit  son  historien  proven- 
çal, e  molt  fo  (n'ineiis  de  la  persona  ;  mais  pour  cette  fois 
cet  avantage  lui  fut  inutile.  Il  essaya  d'inspirer  de  la  jalousie 
à  la  vicomtesse.  Deux  sdurs  de  Barrai,  l'une  nommée  Laure 
de  Saint-Julien,  l'autre  iMabile  de  Pontevès,  étant  venues  à 
Marseille,  il  feignit  d'être  amoureux  de  ces  deux  dames,  et 
fit  des  vers  pour  toutes  deux.  Cette  tentative  produisit  un 
mauvais  effet.  Soit  rigidité  de  principes,  soit  dépit  de  voir 
adresser  à  d'autres  1  hommage  poétique  qui  lui  avait  été 
consacré  jusqu'alors  exclusivement,  Alazais  courroucée  fit 
défendre  à  Folquet  sa  présence. 

Il  jura  alors'dans  son  chagrin  qu'il  ne  ferait  plus  de  vers, 
et  cependant  il  se  porta  auprès  de  Guillaume  VIII,  vicomte 
de  iNIontpellier,  dont  la  cour  était  une  des  plus  fréquentées 
des  hommes  de  talent  de  cette  époque.  Eudoxie  Comnène, 
fille  de  l'empereur  Manuel,  première  femme  du  vicomte,  se 
trouvait  encore  auprès  de  lui.  Cette  princesse,  (jue  les  trou- 
I)  V:ii:,scHp,  badoursdisaient  le  chef  de  toute  courtoisie  et  de  tout  enseigne- 
iiut  (In  Langue-  ment ,  n'eut  pas  de  peine  à  le  faire  renoncer  à  son  serment 
de  ne  plus  rimer.  Elle  lui  demanda  des  vers  pour  elle-même, 
et  c'est  alors  qu'il  composa  la  chanson  qui  commence  par 

ces  mots  : 

Tan  mov  de  corteza  razo 
.Mss.delnBibl.  Mon  chan  ,  per  que  no  i  dei  falhir. 

loy.  n.  •x~o  I . 

Tant  se  meut  par  f  oiirloise  raison 
Mon  cliant,  que  raison  n'y  doit  faillir. 

C'est  encore  auprès  d' Eudoxie  qu'il  paraît  avoir  composé 
la  pièce  qui  commence  par  ce  vers  : 

Sitôt  Tne  soi  a  tart  aperceubutz, 

OÙ  il  disait,  au  sujet  de  sa  passion  pour  Alazais  :  «  Quoique 


■.lo, ,  I.  m,  p 
'  '.I 


Parnasse   oc- 

rit    p.  f)i. 


Ilavn     C!hoii, 

I.  m, p.  i53. 


FOLQUET  DE  MARSEILT.E. 


5«)i 


<.  je  sois  trop  tard  devenu  sage,  semblable  à  un  joueur  qui 
u  ayant  tout  ])erdu  jure  de  s'abstenir  du  jeu  ,  je  dois  aujour- 
«  d'Iiui  me  confier  à  ma  bonne  aventure,  car  je  reconnais 
(c  la  tromperie  que  m'a  faite  amour, qui,  avec  de  beaux sem- 
'I  blants,  m'a  tenu  en  espérance  plus  de  dix  ans,  tel  qu'un 
"  méchant  débiteur  qui  maintenant  promet,  et  jamais  rien 
<'  ne  paierait  : 

Ou'al>  bel  scnihlan  m'a  teiiirut  en  fadia 
IMus  (le  (lelz  ans,  a  lei  de  mal  deiitor 
Qii'adcs  promet ,  mas  le  non  pagaria. 

i;  Par  le  beau  semblajit  que  faux  amour  amène,  le  fol 
«  amant  est  entraîné  vers  lui  et  captivé;  comme  le  papillon 
«  de  si  folle  nature,  qu'il  se  précipite  dans  le  feu  par  la 
<i  clarlé  qui  luit  :  c'est  pourquoi  je  m'en  sépare,  et  suivrai 
«  une  autre  route,  mal  payé  (pie  je  suis,  moi  qui  autrement 
«  ne  m'en  serais  jamais  séparé;  j'imiterai  l'iiommc  patient 
"  qui  s'attriste  fort,  autant  que  fort  il  s'iiumilie. 

Al)  l)el  seniblaii  que  fais'  amnis  adutz  " 
S'atrai  ves  leis  fols  amans  <■  satura 
Col  parpaillos  qu'a  tan  l'iilli  natuia 
Que  s  fer  al  foe  per  la  clarùa  (jue  lutz  ; 
l'er  qu  ieu  ni\ii  part,  c  segiai  aiitia  via  ; 
Soi  mal  pagatz.  qu  estieis  no  m'en  partiia, 
T.  scgrai  laip  de  tôt  bon  soliidor 
Oue  s'irais  fort  si  com  fort  s'nmilia, 


XIII  siFcr.r 


C'est  en  parlant  à  Alazais  qu'il  disait  auparavant,  dans  la 
jolie  chanson  qui  comtncnce  par  'Jhn  in'dbcUis  : 

E  s'a  vos  plalz  qu'en  allia  part  me  vire 
Ostatz  de  vos  la  beltat  e'I  gen  rire, 


\'.\  dolz  parlar  que  m'alolis  mon  sen  ; 
J'ois  partir  m'ai  de  vos,  mon  eseien. 


li.iv!!.  (.hoii 

I.  m,  I'.  iV). 


r.t  si  à  vous  plaît  qu'on  nuire  part  me  tourne, 

Otcz  de  vous  la  beauté  et  le  geut  rire, 

Kt  le  doux  parler  <]ui  m'afolic  luoii  sens  : 

l'uis,  sp/xiici  nie  ai  [  Diciiuiui  )  de  vous,  à  limn  eseien l. 

Dans  la  chanson  commençant  par  Taninov  de  cortcza 
Kizo,  il  apj)elle  la  vicomtesse  de  Montpellier,  ïiuipvvatricc , 
à  cause  de  l'usage  de  cette  éj)oque  de  donner  aux  femmes  le 
titre  de  leur  père. 


t'iml  .le  31 
KiiMi.  ('■laiMiii 
luin.iti.  M.  '>i2  ( 


XIII   SIECLE. 


592  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

a  Je  chanterai ,  dit-il ,  puisque  l'impératrice  m'en  requiert, 
«  car  il  ne  convient  point  qu'à  son  ordre  mon  savoir  soit 
rt  paresseux  et  nonchalant. 

Il  se  plaint  dans  cette  pièce  de  ce  que  les  jaloux  prétendent 
Mi»  .le  a  1   .       g  g^  dame  l'a  abandonné,  et  qu'il  a  lui-même  porté  ses 

roy.   Il    3701  ,  I.     T  .',.".,  „  ,     r 

il;  n  -jaiS, cil.  aiioctions  aiileurs ,  ce  qui  est,  dit-il,  une  fausseté. 

A/ 4  ;  n.  761)8,  f. 

I  »erso.  Qunr  an  dig ,  so  que  Ters  no  fo , 

Pjrnasse   oc-  Que'  l  bella  cui  ieu  obedis 

"i  I'  ''»  Me  relinquis, 

E  cuja  qu'alhors  ai  aissis 
Mon  pensamcn. 

Ce  passage  se  rapporte  au  couplet  que  le  moine  de  Mon- 
taudon  avait  fait  contre  lui  dans  sa  satire  sur  des  trou- 
badours de  son  temps,  dont  nous  avons  parlé  au  volume 

Hist.  litiér.  t.  précédent. 
XVII,  p.  566.         Oubliera-t-il  sa  dame?  Non  certes,  quoiqu'en  songeant 
à  elle,  il  se  tourmente  de  plus  en  plus  ; 

Qu'en  pensan  remir  sa  faisso, 
Et  en  remiran  ieu  languis, 

Quar  ela  m  dis 
Que  no  ni  dara  so  qu'ieu  l'ai  quis 

Tan  longamen. 

Il  jure,  au  contraire,  qu'il  ne  cessera  jamais  de  l'aimer, 
quoiqu'il  l'ait  si  long-temps  adorée  sans  voir  s'accomplir  le 
plus  ardent  de  ses  vœux.  Il  l'aimera  comme  un  larron  ;  il  la 
tiendra  en  prison,  cachée  en  lui-même,  qu'elle  le  veuille 
ou  non. 

Il  y  a  dans  l'expression  de  l'amour  de  Folquet  de  la  viva- 
cité ,  de  l'imagination ,  de  la  variété.  La  coupe  de  ses  strophes 
a  du  mouvement  et  de  la  grâce.  Il  est  plus  ou  moins 
amoureux;  mais,  du  moins,  il  donne  à  l'expression  de  son 
amour  des  formes  spirituelles. 

En  chantan  m'aven  a  membrar 
So  qu'ieu  cug  chantan  oblidar; 
E  per  so  chant  qu'oblides  la  dolor 
E'i  mal  d'anior; 
Mas  on  plus  rlian  plus  m'en  sove; 
Qu'a  la  boca  nulha  res  no  m'ave 
Mas  lie  merce  : 
Kaju.  C.hoi».  Per  qu'es  vertaU,  e  sembla  be 

t.  Ill.p   iSg.  Qu'ins  el  cor  port,  domna,  vostra  £ais9Q 

Que  m  chastia  qu'ieu  no  vir  ma  razo. 


FOLQUET  DE  MARSEILLE. 


593 


En  chantant  me  revient  à  l'esprit 

Ce  quVn  chantant  je  crois  oublier; 
El  pour  cela  je  chante  ,  pour  oublier  la  douleur 
Et  le  mal  d'amour; 

Mais  plus  je  cliaiile  plus  il  m'en  souvient , 
Car  à  la  bouche  rien  ne  me  vient 
Sinon  (le  mot)  de  merci  : 

Tant  il  est  vrai  et  me  semble  bien 
Que  je  porte  dans  mon  cœur,  dame,  votre  image 
Qui  me  tourmente  (et  Dieu  veuille!  que  je  n'en  perde  la  raison. 


XIII  SIECLE. 


D.   \'aisi«tle  , 


Les  dix  années  de  l'amour  de  Folquet  pour  Alazaïs  nous 
donnent  très-approximativement  la  chronologie  de  la  pre- 
mière moitié  de  sa  vie  ;  car  Eudoxie,  mariée  à  Guillaume  VIII  , 
en  1  174,  ayant  été  répudiée  en  i  i8y,  époque  où  déjà  Alazaïs  ,og  '''     '  ^' 
était  morte,  il  est  plus  que  vraisemblable  que  la  visite  de  ce      RuIû, Hisi.de 
poète  à  Montpellier  eut  lieu  entre  les  années  i  180  et  1 184;  ce  Marseille,  ^i.  ;(>. 
qui  place  sa  naissance  vers  l'an  ii55,  même  en  admettant 
quelque  exagération  sur  la  durée  de  son  premier  amour. 

Après  son  séjour  à  Montpellier,  Folquet  alla  visiter  le  roi 
Richard  Cœur-de-Lion  ;  Raimond  V,  comte  de  Toulouse; 
Alphonse  II,  roi  d'Aragon,  le  même  prince  qui  régnait  en 
Provence  sous  le  titre  d'Alphonse  V^ ,  et  Alphonse  IX,  roi 
de  Castille. 

Richard  était  déjà  à  cette  époque  roi  d'Angleterre,  ce  qui 
n'eut  lieu  qu'au  mois  de  septembre  de  l'an  1 189,  et  il  n'était 
pas  encore  parti  pour  la  croisade,  puisqu'il  ne  s'embarqua 
qu'en  1 1 90.  C'est  par  conséquent  à  la  fin  de  l'année  1 1 89  ou  au 
commencement  de  1  190  que  Folquet  se  trouvait  à  Poitiers. 
Le  légat  du  pape  avait  excommunié  Richard ,  sur  ce  qu'après 
avoir  prêté  serment  de  partir  pour  la  Terre-Sainte,  il  n'avait 
point  encore  pris  la  croix.  Folquet,  dans  une  chanson  d'amour, 
disculpe  ce  prince ,  et  la  chanson  ,  grâces  à  sa  forme  ,  devient 
un  manifeste  qui  va ,  chez  tous  les  seigneurs  et  même  parmi  le 
peuple,  faire  connaître  les  vrais  sentiments  du  roi  Richard. 
Telle  était  alors  la  puissance  de  la  chanson. 


Mas  qu'el  bon  rey  Richart ,  de  cui  ieu  chan  , 
Blasmet  per  so  quar  non  passet  desse, 
Ar  l'en  defen  ,  si  que  casfus  o  ve 
Qu'areire  s  trais  per  miels  salhir  enan  : 
Qu'el  era  coms ,  ar  es  ricx  reys  ses  fi  , 
Quar  bon  secors  fai  dieus  al  bon  voler; 
E  parec  ben  al  croxar  qu'ieu  die  ver. 
Et  ar  vei  boni  per  qu'adonc  no  menti. 


Mss.  7»»6,  f. 
1  veno.  Pièce 
commençant  pir 
Jh!  quanigeni. 

Raya.   Cboii, 

t.  m,  p.  16., 
16a. 


Tome  XVIII. 


Ffff 


XIII  SIKCLE. 


594  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

«  Et  ce  l)on  roi  Richaril  |)our  qui  je  chante,  quiconque 
«  jamais  l'a  blâmé  de  n'avoir  pas  passé  la  mer  sur-le-champ, 
rt  est  aujourci  liui  son  défenseur,  quand  chacun  voit  quil 
'(  s'est  retiré  en  arrière  pour  se  mieux  lancer  en  avant  :  il 
((  était  comte,  il  est  roi,  jouissant,  et  erniemi  du  repos.  A 
«  bon  vouloir,  Ditu  tlonne  bon  secours.  On  voit  bien  que 
'(  sur  son  embarquement  je  dis  la  vérité,  et  aujourd'hui  tout 
'(  homme  juge  que  lui-même  n'a  jamais  menti.  » 

A  Toulouse  régnait  encoie  Raimond  V,  mort  seulement  en 
1194,  et  (jue  les  troubadours  appelaient  le  hon  Raimond. 
Cepiince  accueillit  Fol(|uet  avec  bienveillance,  et  goiita  son 
talent,  Efoii  fort  grazitz  per  lo  bon  comte  liainion  de  Toloza. 
Une  de  ses  pièces  signale  son  séjour  auprès  du  roi  d'A- 
ragon. C'est  celle  qui  commence  ])ar  Ben  an  mort,  où  il 
remercie  ce  prince,  son  seigneur,  de  l'avoir  retiré  de  son 
affliction. 

Son  séjour  auprès  d'Alphonse  IX,  roi  de  Caslille,  fut 
iQ^rqué  par  un  grand  événement;  ce  fut  la  bataille  d'Alarcos 
QÙ  ce  prince  fut  défait  par  les  Maures,  avec  une  perte  im- 
mense, le  18  juillet  1195.  Celte  fameuse  bataille  sembla 
menacer  la  sûreté  de  toutes  nos  provinces  méridionales. 
Folquet,  alois  auprès  du  roi  Alphonse,  était  devenu  son 
ami:  I^rtf,  niolt  amicx  del  rei  de  Castela.  11  ne  lui  fut  pas 
inutile  dans  cette  pénible  circonstance.  Un  énergique  sir- 
vente.»  tout  à  la  fois  politique  et  religieux,  reprocha  aux 
princes,  aux  barons  et  aux  peuj)!cs  leur  léthargie,  et  les 
soCTcna  de  venir  à  la  iléR-iise  de  la  chrétienté.  L'historien 
provençal  appelle  justement  cette  ])ièce  de  vers  une  prédi- 
cation, ;  si  fes  wifi  prezicansa  /ter  conjortar  los  haros  e  la 
bond  gen  (JUS  dcguessoa  socorre  al  bon  rei  de  Castela. 

a  Désormais,  s'écriait  le  ])oète  en  débutant,  il  n'est  plus 
«  de  prétexte  dont  nous  puissions  nous  couvrir,  si  nous 
«  voulons  enfin  servir  Dieu.  Notre  propre  intérêt  nous  ap- 
(,  pelle  autant  que  le  dommage  que  Dieu  lui-même  peut 
a  souffrir.  Nous  avons  d'abord  perdu  le  saint-sépulcre,  et 
a  maintenant  nous  abandonnons  l'Espagne  qui  va.se  pér- 
it d.int.  Contre  le  voyage  de  par  de  là  ,  on  trouvait  une 
«  excuse;  mais  de  ce  coté,  du  moins,  nous  ne  craignons 
«  mer  ni  orage  :  hélas!  comment  recevrions -nous  plus 
«  forte  semonce,  à  moins  que  Dieu  ne  vienne  mourir  pour 
«  nous  une  seconde  fois! 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  596 


Hueimais  no  y  conosc  razo 
Ab  que  nos  poscam  cobrir, 


XIII  SIFCLE. 


î»i   a  Uieu  volem  servir;  , 

T,  loyale,  n.  i-oi, 

Fos  tant  enquer  nostre  pro  ,1,'     -^ 

Que  son  dam  eu  vole  sufrir;  Rayn    {Jhoii 

Qu'el  sépulcre  (>€rdenn  prenieirainen,  i.  IV,' p.  no. 

Va  ar  suefre  (|u  Espaiiba  s  vai  perdeii  :  l'amasse  occit. 

Per  so  quar  lai  trobavori  ocbaizo,  |>   56. 

]\Iais  sai  sivals  no  teinem  niar  ni  ven. 

Las!  cum  no  s  pot  plus  fort  avcr  somos , 

Si  doncz  no  fos  lornalz  niorir  pet  nos! 

Toutes  les  strophes  respirent  le  même  sentiment  exprimé 
avec  la  même  force.  Cette  énergique  prédication  ne  demeura 
pas  sans  effet.  Déjà  le  roi  à'  kvix^on^  qui  ne  peut  Jaillir,  dit  le 
poète,  avait  promis  des  secours.  11  en  vint  dans  la  suite  de 
plus  considérables.  Mais  ces  guerres  ne  sont  point  de  notre 
sujet. 

Le  sirvente  de  Folquet  forme,  par  l'époque  à  laquelle  il 
appartient,  comme  par  son  caractère,  une  transition  entre  la 
vie  mondaine  de  ce  poète  et  sa  vie  apostolique.  Vers  la  fin 
de  l'année  1 196,  temps  où  nous  sommes  parvenus,  Folquet 
avait  perdu  plusieurs  des  illustres  personnages  auxquels  il 
paraît  avoir  été  le  plus  attaché.  Alazais,  Barrai,  mari  de 
cette  dame,  Raimond  V,  comte  de  Toulouse,  Alphonse,  roi 
d'Aragon  et  comte  de  Provence,  n'existaient  plus.  Son  bio- 
graphe pense  que  c'est  la  douleur  causée  par  ces  pertes  réi- 
térées qui  le  détermina  à  quitter  le  monde,  don  el per  tristeza 
abandunec  lo  mon.  Quoi  qu'il  en  soit,  de  retour  à  Marseille 
vers  cette  époque,  il  obligea  sa  femme  à  se  faire  religieuse, 
dans  l'ordre  de  Cîteaux ,  il  y  entra  lui-même,  et  y  consacra 
ses  deux  fils  avec  lui. 

On  voit  par  là  qu'il  était  marié.  C'est  vraisemblablement 
la  dame  Azimans ,  celle  qui  aime ,  à  laquelle  sont  adressées 
plusieurs  de  ses  chansons,  qui  était  sa  femme.  Ce  fait  di- 
minue beaucoup  l'intérêt  qu'aurait  pu  faire  éprouver  son 
amour  pour  Alazaïs,  et  celui  qu'il  eût  inspiré  lui-même. 

A  cette  époque,  tout  homme  qui  se  vouait  à  l'Église, 
s'il  se  rendait  célèbre  par  quelque  talent  particulier,  soit 
qu'il  fût  poète,  théologien,  peintre,  sculpteur,  architecte, 
manquait  rarement  de  parvenir  à  des  grades  élevés;  on  le 
voyait  évêque,  chanoine,  abbé,  prieur  du  moins  de  son 
couvent.  L'avancement  de  Folquet  ne  se  fit  pas  long-temps    ,  ''"i"'"'  "'" 

.»         I  r>  1-^  •  l.      .*.        J'AI     L  ."i       ''"^    i'i"v«nct,  I. 

attendre.  Papon  dit  avoir  vu  une  charte  dAlphonse  II,  ii,p.  3ys 

Ffffa 


596  FOr.QUET  DE  MARSEILLE. 

xin  SIÈCLE.      ■  ,     ^  ,  ....  ,    . 
comte  de  Provence,  du  mois  de  janvier  1 197,  signée  par  lui 

on  qualité  d'abbé  (lu  Thoronet  (i),  abbaye  de  l'ordre  de  Cî- 

teaux,  située  dans  le  diocèse  de  Fréjiis;  ainsi,  à  peine  entré 

dans  cet  ordre,  il  y  jouissait  déjà  d'un  rang  distingué. 

Peu  de  temps  après,  les  troubles  religieux  qui  amenèrent 
la  guerre  des  Albigeois  ayant  commencé,  il  arriva,  par  une 
circonstance  singulière,  que  les  deux  légats  du  pape  Inno- 
cent IH,  chargés  de  la  direction  des  alVaires  ecclésiastiques 
dans  le  lianguedoc,  étaient  l'un  et  l'autre  moines  de  Cîteaux. 
lui  i2()5,  Raimond  de  Rabastens,  évêque  de  Toulouse,  connu 
pour  son  attatliemeiit  à  Rainioiid  VI,  ayant  été  dé|)Osé  par  ces 
deux  légats,  aussitôt  après  le  chapitre  élut  Fol(|uet  à  sa  place. 
Il  ne  pouvait  faire  un  choix  plus  conforme  aux  vues  de  la 
cour  de  Rome.  Foiquet,  par  son  caractère  passionné,  hautain, 
atrabilaire,  comme  par  ses  talents,  était  un  des  hommes  les 
plus  propres  à  servir  la  cause  à  laquelle  il  allait  se  vouer  : 
aussi,  quand  le  légat  Pierre  de  Castelnau,  près  d'expirer, 
apprit  son  élection,  s'écria-t-il  en  levant  les  mains  au  ciel, 
qu'il  mourait  content. 

Peu  de  temps  après  l'installation  de  ce  nouveau  prélat,  les 
évêquesdes  états  de  Raimond  V'I,  voyant cjue  le  nombre  des 
missionnaires  était  fortdmiinuédans  leur  pays  depuis  la  mort 
de  Castelnau  et  du  trère  Raoul,  légats  du  pape,  et  celle  de 
l'évéquedOima  ,  amené  en  France  par  saint  Dominique,  en- 
voyèrent une  députa tion  au  saint-siége  pour  demander  de  nou- 
veaux secours  spirituels  et  temporels  :  les  députés  furent  Foi- 
quet et  Navarre,  évèque  de  Conserans,  auxquels  s'adjoignirent 
Guillaume  IV,  prime  d'Orange,  et  le  troubadour  Perdigon. 

Dès  ce  moment,  Foiquet  ou  plutôt  Foulques  (c'est  ainsi 
que  nous  l'appellerons  dorénavant,  attendu  qu'il  est  ainsi 
nommé  dans  les  histoires  ecclésiastiques  ),  dès  ce  moment, 
disons-nous,  FouUjues  chassa  de  son  esprit  tous  les  témoi- 
gnages de  bienveillance  et  d'amitié  dont  Raimond  V  et  Al- 
phonse l*"^  l'avaient  honore;  il  ne  vit  dans  Raimond  VI  et 
dans  Pierre  II,  roi  d'Aragon,  leurs  fils,  que  des  princes  qui 
se  refusaient  à  l'extermination  des  hérétifjues ,  que  des  rebel- 
Papoii ,  Hi^i.  jgs  qui  lie  se  soumettaient  pas  implicitement  à  la  domination 

Eenér.    île    Pro-      ,         1  ,  ,  i      i        •     ^    I  1  i  '       i       i 

\eucc   I.  II,  p.  "U    cierge,  et   il  devint  le  plus  acliarne  de  leurs  ennemis. 
395.  '  «  Son  zèle  outré,  dit  Papon,  lui  fit  souvent  oublier  ce  qu'il 

(i)  On  lit  dans  la  Gallia  christicina  qu'il  prit  l'iiabil  de  religieux  en 
1199  (tom.  XIII,  col.  25).  Cette  assertion  n'est  pas  exacte. 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  597 

,         .     ,  'IL  i-  -  •    I  1-    •  ...     XIIISIECLK. 

B  devait  a  son  prince,  a  la  bonne  toi  et  a  la  religion,  qu  il   

a  croyait  servir,   parce  qu'il  n'en    connaissait  pas  le   vëri- 
«  table  esprit  >; 

Raiinoiul  VI  de  son  côté  députa  auprès  du  pape,  Bernard, 
archevêque  d'Aurh,  (pie  nous  avons  |)lacé  dans  la  précédente 
série  de  troubadours,  et  Rabastens,  évêque  dépossédé  du 
siège  de  Toulouse  par  les  légats.  Ces  deux  prélats  ne  purent 
empêcher  le  plein  succès  de  l'ambassade  de  Foulques.  On 
connaît  la  déplorable  scène  <le  Saint-Gilles,  et  la  croisade 
formée  contre  Uaimond.  Tandis  que  l'armée  des  croisés  sac- 
cageait le  Languedoc,  condamnait  aux  flammes  les  personnes 
soupçoiuiees  d'hérésie,  et  dépouillait  peu  à  peu  Raimond  VI 
de  ses  domaines,  Foul(|Hes  organisa  au.ssi  sa  croisade  parti- 
culière, il  établit  à  Toulouse,  sous  la  forme  d'une  confrérie, 

I  •^.•Jl'..  'I..1  Gall.  christ.  I. 

et  SOUS  la  protection  du  légat,  un  corps  arme  dont  les  mera-  xiil  col  li  a. 
bres  se  distinguaient  par  une  croix  blanche  attachée  à  leurs 
vêtements;  il  lit  prêter  serment  à  tous  les  confrères  de 
demeurer  lidèles  à  l'Eglise;  il  leur  donna  des  commandants 
militaires,  et  ceux-ci  établirent  un  tribunal  qui  jugeait  les 
usuriers,  et  punissait  les  contumaces  par  le  pillage  et  \â 
destruction  des  maisons.  Tout  cela  se  passait  sous  les  yeux 
de  Raimond,  impuissant  pour  l'empêcher. 

Les  citoyens  impartiaux  ou  partisans  de  ce  prince  formè- 
rent de  leur  côté  une   ligue   pour  résister  à  celle-là.  Cette 
compagnie  fut  appelée /«  Noire,  par  opposition  avec  celle  Hist.duLTnglif" 
de   l'evèque  qu'on    nommait  la   Blanche.  Ces  deux  corps  doc,  1.  ni,  p. 
se  battaient  fréquemment  dans  les  rue»;  le  sang  des  deux  *°" 
partis  ruisselait  dans  la  ville  natale. 

Eli  1211,  le  nombre  des  croisés  de  l'armée  dite  de  la  foi 
étant  diminué,  l'abbé  de  Cîteaux  envoya  Foulques  en  France, 
solliciter  de  nouveaux  secours,  qu'il  obtint  en  effet.  C'est 
dans  cette  mission  qu'il  se  lia  avec  Jacques  de  Vitry,  liaison 
qui  amena  la  correspondance  dont  nous  parlerons  tout  à 
I  heure. 

Lorsque  les  croisés  assiégeaient  Lavaur,  ce  qui  eut  lieu 
aussi  en  1211,  après  le  retour  de  Foulques,  il  détacha  cinq      u.  Vaisjrcie. 
mille  hommes  de  sa  compagnie  blanche,  les  fit  partir  de  la  Ibîd.  p.  107. 
ville  enseignes  déployées,  malgré  la  défense  de  Raimond,  et 
les  envoya  renforcer  l'armée  des  assiégeants. 

Bientôt  après,  Raimond  voulant  l'éloigner  de  Toulouse, 
il  refusa  d'en  sortir.  «  Ce  n'est  pas  le  comte  qui  m'a  fait  évê- 
«  que,  dit-il  aux  agents  qui  lui  intimaient  l'ordre  du  prince; 

4   1  .        ' 


XIII  SIECLE. 


I>.   Vaisselle, 
t.  III,  p.  108. 


D.  ^'^^ssetle, 
t.  III,  p.  2l3. 


598  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

a  ce  n'est  ni  par  lui  ni  pour  lui  que  je  suis  sur  le  siège  de 
«  Toulouse.  Je  ne  sortirai  point  à  cause  de  lui.  Que  ce  tyran 
«  vienne,  s'il  l'ose,  avec  ses  satellites;  il  me  trouvera  seul  et 
«  sans  armes;  j'attends  ma  récompense,  et  ne  crains  rien  des 
«  hommes.  »  Malgré  cette  fierté  que  soutenaient  une  forte 
atraée  et  toute  la  puissance  du  pape,  le  prélat,  de  son  propre 
mouvement,  sortit  de  la  ville  quelques  jours  après,  et  alla 
8e  réunir  à  l'armée  des  croisés. 

Depuis  ce  moment,  sa  fureur  ne  connut  plus  de  bornes. 
Tous  les  moyens  lui  furent  bons,  même  la  perfidie.  Dans  la 
même  année,  comme  .Montfort  voulait  s'emparer  de  Tou- 
louse, l'évêque  et  les  légats  font  déclarer  aux  habitants  qu'on 
ne  vient  point  assiéger  leur  ville  pour  quelque  faute  qu'ils 
aient  commise,  mais  par  la  raison  seulement  qu'ils  sont 
fidèles  à  Raimond  ,  et  que  s'ils  veulent  renoncer  à  leurs  ser- 
ments, on  les  sauvera.  Ils  se  refusent  à  cette  lâcheté.  Alors 
Foulques  mande  à  tous  les  ecclésiastiques  l'ordre  de  quitter 
la  ville.  Ils  en  sortent  effectivement,  mais  en  procession,  pieds 
nus,  et  portant  le  saint-sacrement. 

Au  concile  de  Lavaur,  Foulques  est  un  de  ceux  qui  s'op- 
posent à  ce  que  Raimond  soit  admis  à  se  purger  du  crime 
d'hérésie  ;  et  aussitôt  après  le  concile ,  il  retourne  en  France 
prêcher  une  nouvelle  croisade  contre  ce  prince. 
„,        c  En  12 13,  au  combat  de  Muret,  pendant  que  les  deux  ar- 

t.  III,p.  aSi.  ,  '  ,.  i*^     r  -^         I  1/ 

Gaiiia  christ,  mees  sont  aux  prises,  remplissant  les  lonctions  de  vice-legat, 
i.  xin,coi.  a3,  il  se  tient  en  prières  avec  d'autres  évêques,  dans  l'église  de 
^  Maret,  invoquant  Dieu  contre  Pierre  II. 

Rentré  dans  Toulouse  ,  il  s'empare  du  château  ,  et  il 
oblige  Raimond,  son-  fils  et  les  deux  princesses  leurs  fem- 
mes,  à  se  retirer  dans  la  maison  d'un  simple  particulier. 
Raimond  n'exerce  plus  aucune  autorité,  c'est  l'évêque  seul 
qui  règne. 

En  121 5,  Montfort  étant  entré  dans  cette  capitale,  déli- 
bère sur  la  manière  dont  il  traitera  les  habitants.  Foui, 
ques  est  d'avis  de  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  de  la  ville. 
Montfort  ,  moins  violent ,  se  contente  de  détruire  les 
fortifications. 

Dans  la  même  année,  Foulques  et  le  comte  de  Foix 
assistent  au  concile  de  Latran.  Le  comte  de  Foiit  accuse 
l'évêqoe  d'avoir  livré  la  ville  épiscopale  au  pillage,  et  d'y 
avoir  fait  périr  plus  de  dix  raille  habitants  ,  de  concert 
arec  le  légat    et  Mont£ort.  Un  cardinal,  un  abbé  vfittlent 


U.  Vaisselle , 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  699 

adssi  défendre  Raimond  :  Foulques  se  lève,  et  pour  toute ^ 

re'ponse  accuse  ce  prince  et  le  comte  de  Foix  de  faire  tuer 
les  croisés. 

L'année  suivante,  Montfort  voulant  se  venger  des  Tou- 
lousains, qu'il  croit  d'intelligence  avec  l'armée  de  Tarascon 
et  de  Beaucaire,  Fçulques  lui  offre  d'aller  persuader  aux 
habitants  de  venir  au  devant  de  lui  :  «  Par  ce  moyen ,  lui 
a  dit-il,  vous  ferez  mettre  en  prison  les  plus  rebelles,  et  les 
«  dépouillerez  de  leurs  biens.»  Ce  projet  s'exécute:  les  ci- 
toyens les  plus  riches  et  les  plus  marquants,  tombés  dans  le 
piège,  sont  arrêtés.  Foulques  fait  mettre  la  ville  au  pillage. 
Le  peuple  en  fureur  se  barricade.  Montfort  met  le  feu  dans 
trois  quartiers  à  la  fois.  Il  est  repoussé.  Alors  Foulques 
et  l'abbé  de  Saint-Sernin  parcourent  les  rues  ,  en  annonçant 
que  Montfort  pardonne,  et  que  si  les  habitants  veulent  re- 
mettre leurs  armes  et  livrer  les  tours  de  leurs  maisons,  les 
biens  enlevés  dans  le  pillage  seront  rendus  et  les  prisonniers 
mis  en  liberté.  La  majorité  des  habitants  accède  à  ces  propo- 
sitions, malgré  les  conseils  d'un  petit  nombre  qui  se  méSent 
de  la  fourberie  de  l'évêque.  Montfort  rentre  alors  dans  la  y„^  j,  y^j^.. 
ville,  il  fait  mettrq  aux  fers  les  principaux  habitants,  les  setie.'i.  ill,  p. 
disperse  au  loin  dans  le  pays,  et  oblige  les  autres  à  se  ra-  ^9*i*9''>  »9<- 
cheter  par  une  somme  énorme;  ce  qui  les  réduit  au  dernier 
désespoir. 

La  carrière  politique  de  Foulques  n'était  point  encore 
terminée.  Raimond  étant  rentré  dans  Toulouse  au  mois  de 
septembre   1217,  et  l'armée  de  Montfort  se  trouvant  consi- 
dérablement aftaiblie,  le   prélat  repartit  pour  la  France,      t).  Vaisseiif, 
accompagné  de  plusieurs  prédicateurs,  alla  prêcher  une  nou-  *'''•••  P^s-  ^oo, 
velle  croisade,  et  revint  au  camp  devant  Toulouse  avec  des      J^'  „■     .  • , 

„  •   1  '      1   1  »«  <■     '  '  7  Gallia  christ. 

renforts  considérables.  Montfort,  pour  recompenser  tant  de  t.  xiii.coi.  24, 
zèle,  lui  fit  alors  donation  du  château  d'Urefeil  et  de  vingt  *• 
villages  qui  en  dépendaient;  donation,  dit  DomVaissette,  qui 
accrut  considérablement  le  domaine  temporel  des  évéques 
de  Toulouse. 

Depuis  cette  époque  jusqu'à  la  paix  définitive ,  qui  eut  lieu 
le  12  avril  1229,  Foulques  vécut  dans  les  camps,  auprès  des 
chefs  de  la  croisade.  L'augmentation  de  sa  fortune  lui  don- 
nait le  moyen  d'y  figurer  avec  éclat.  Le  roi  Louis  VIII  étant 
venu  à  l'armée,  l'évêque,  par  un  faste  difficile  à  comprendre,  d.  Vaissenc , 
le  défraya  et  fournit  à  la  subsistance  de  ses  troupes,  tout  le  II»'»*-  P-  î^»- 
temps  qu'il  séjourna  dans  le  Toulousain,  et,  en  1217,  il 


XIII  SIECLE. 


B 


Ci-<lessus 


600  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 

commandait  lui-même    une   division   dans  les  troupes  du 
connétable  Humhert  de  Beaujeu. 
II.1.1. p. 387.         La  paix  de    1229,  dont  il  fut  un  des  signataires,  io  fit 
rentrer  dans  son  siège  épiscopal,  sans  le  ramener  à  des  sen- 
timents modérés  envers  llaimond  qu'il  ne  cessa  d'inquiéter 
et  de  menacer.  Deux  années  environ  se  passèrent  d;ins  cet 
état   de  rancune   et  d'hostilité.   Sa   vie  enfin   s'éteignit,   il 
r.tUia  ihrisi.  mouTUt  le  jouT  de  Noël  de  l'an  I23i ,  et  fut  inhumé,  conf'or- 
«.  XIII, col.  aS,  mément  à  sa  demande,  dans  le  monastère  de  Grand-Sel ve, 
abbaye  de  l'ordre  de  Cîteaux. 

La  liaison  qu'il  avait  formée  avec  Jacques  de  Vilry,  lors 
de  sa  première  mission  dans  le  nord  de  la  France,  donna 
lieu  à  la  lettre  que  celui-ci  lui  écrivit  en  l'année  I2i3,  pour 
M.Fo'riia dUr-  l"'  Tcndre  compte  de  la  mort  de  Marie  d'Oignies,  décédée 
ban, Not.  sur  les  à  Liège  le  2,3  juitt  (le  la  même  année,  et  que  Foulques  avait 
Annales  de  liai-  yisitée  dans  son  voyage  fait  en  ces  contrées  en  ii>  i  i  ,  et  à  la 
Gu'lse  ^t.*xiv*'  dédicace  qu'il  lui  adressa  delà  Viede  cette  sainte  tille  écrite 
p.  io6et  suiï.  par  lui.  Jacques  de  Vitry  rappelle  à  Foulques  dans  cette  dédi- 
Surius,  Acia  ^^g^g  ^^  mot  quc  cc  prélat  lui  avait  dit  en  arrivant  à  Liège,  où 

.Sanct.   i3     iun.       .       .  ^         A  i       •  •     »  t-    • 

P  63oseqq.        Vivaient  a  cette  époque  plusieurs  samts  personnages.  «  J  ai 

a  laissé  l'Egypte  à  Toulouse,  disait  Foulques;  j'ai  traversé  le 

«  désert  (  la  France),  et  j'ai  trouvé  dans  le  duché  de  Liège  la 

a  terre  promise.  » 

D.  Vaisselle,       Entre  les  actes  de  l'épiscopat  de  Foulques,  un  des  plus 

t.  III,  p.  276.  ,  ,  ,  ,,  '  j       !•       j         1     ^r  '  ¥^    A    I    "^ 

Gaiiia  christ,  mémorables  est  1  institution  de  1  ordre  des  treres  Prêcheurs, 
t.  XIII,  col.  a3,  fondé  à  Toulouse  par  saint  Dominique,  en  i2i5,  sous  la 
protection  et  par  les  soins  de  l'évêque.  C'est  là  que  le  tribunal 
de  l'inquisition  jeta  ses  premières  racines. 

C'est  par  cette  suite  d'événements  que  fut  remplie  la  vie  du 
troul)a<lour  Foiquet,  dit  Folquet  de  ^ia^sellle.  Poète,  homme 
de  cour,  moine,  évèque ,  missionnaire,  guerrier;  toujours 
passionné,  turbulent,  ambitieux,  fanatique,  il  oublia  les 
devoirs  de  l'humanité,  et  il  eut  la  faiblesse  de  s'enrichir,  en 
croyant  accomplir  des  devoirs  qu'il  jugeait  apparemment 
plus  sacrés  que  la  justice  et  la  charité. 

Le  faste  qu'il  déployait  tant  dans  son  palais  que  dans 
son  église  ne  fut  point  inutile  aux  arts.  Catel  cite  parmi  les 

i^aiei  ,    nient.         ..         "     i,  •  .•  '  j  i'-  »     •  i 

pour  servir  à  picccs  d  argenterie  mentionnées  dans  I  inventaire  de  son 
ihisi.  du  Lan-  mobilier,  deux  cuvettes  enrichies  d'émaux  de  Limoges, 
juedoc,  p.  901.  ^^  ^^^^   lemovitico. 

Si  nous  considérons  uniquement  Folquet  sous  des  rap- 
ports littéraires,  il  ne  saurait  être  placé  au  premier  rang 


n. 


Calel  ,    Mém. 


XinsiKCI.K 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  Goi 

parmi  les  troubadours,  dans  aucun  genre  de  poésie.  Les 
Bernard  de  Ventadour,  les  Rambaud  de  Vachères,  Bertrand 
de  Born  ,  Pierre  Vidal,  Faidit.lui  sont  bien  supérieurs. 
On  ne  lui  doit  aucune  de  ces  pastourelles  où  plusieurs 
de  ses  contemporains  offrent  tant  de  grâce  et  de  naïveté; 
mais  il  a  de  la  variété,  des  pensées  heureuses,  de  l'énergie.  Les 
écrivains  italiens  lui  ont  fréquemment  accordé  des  éloges. 
Pétrarque  prétend  qu'en  se  nommant  lui-même  Foiquet  de 
Marseille,  il  a  illustré  cette  ville  et  privé  celle  de  Gênes  d'un 
honneur  qui  lui  était  dû. 

Folchetto,  eh'a  Marsiglia  il  nome  ha  dato,  Pctrarcli.  Del 

E(l  a  Genova  toltoçed  airestrcmo  trionfod'Aniorc, 

Cangiô  per  niiglior  patria  abito  e  stato.  <ap.  IV. 

Le  Dante  l'a  placé  dans  le  Paradis.  Il  le  fait  naître  à  Bugia 
dans  les  états  de  Gênes,  ce  qui  ne  peut  se  rapporter  qu'à 
son  père. 

Buggia.  ...    e  la  terra  ond'io  fui. 

"*■  Dante,  Il  Pa- 

e  Dans  ma  jeunesse,  lui  fait  dire  ce  poète,  j'ai  été  plus  radiso, cant.ix, 
<  amoureux  que  la  fille  de  Bélus,  que  Rhodope  trahie  par  j^j 
€  Démophon  ,  qu'Alcide  quand  il  tenait  lole  renfermée 
«  dans  son  cœur.  Ici  on  ne  pense  plus  à  se  repentir  de  ses 
I  fautes;  elles  ne  reviennent  pas  dans  la  mémoire.  ...  Ici 
e  on  voit  les  effets  admirables  de  la  Providence,  et  l'a- 
e  mour  qui  règne  sur  la  terre  s'épure  et  se  change  en  amour 
«  divin.  » 

Le  Berabo,  cité  par  Crescimbeni,  pense  que  Foiquet  est 
un  poète  non  moins  suave  qu'aucun  autre  troubadour  : 
E  quello  che  dolcissimo  poeta  fu ,  e  forse  non  meno  que      î;,'^**'""''''!"' ' 
alcuno    degli  altri   di  quella  lingua ,  piacevolissimo  Fol-  voiga'r*p^ia%* 
chetto. ...  Le  Varchi ,  le  Tassoni,  François  Redi  l'ont  cité  ii,  parM,p.35. 
avec  éloges.  "  '''''*•  p'«- 

Crescimbeni  a  traduit  plusieurs  fragments  de  ses  poésies  ^  Basicm  ,  \» 
erotiques;  Bastero  un  fragment  de  ses  poésies  religieuses.        crusca   proTen- 

Celles-ci  sont  au  nombre  de  deux  pièces;  l'une  est  une  ^^le,  i.  i,p.  8î. 
confession  oii  il  témoigne  le  repentir  de  sa  conduite  passée, 
commençant  par  ce  vers: 

Senher  Dieus ,  que  fezist  Adam. 

Le  poète  reconnaît  le  devoir  que  lui  impose  la  religion      n^  „  cboii 
d'avouer  ses  fautes  :  i.  iv,  p.  594  «•! 

Tome  XVllI.  Gggg  '""• 

4  1   * 


XIII  SIÈCLF. 


t>oa  FOLQUET  DE  MARSEILLE. 


Hueimais  I>e  s  tanh  qu'ieu  nie  descobra  ; 
Tant  ai  estât  en  mala  obra. 


Après  avoir  avoué  que  ses  péchés  sont  si  énormes  qu'il  ne 
saurait  presque  en  faire  l'aveu ,  il  s'adresse  à  Dieu  : 

Glorios  Dieus,  per  ta  merce, 
Dressa  ta  cara  devan  me , 
£  remii-a  lo  gran  trebulh 
C'aissi  m  tensoiia  e  ni'assalh. 

Le  poète  s'adresse  à  Dieu  à  diverses  reprises,  pour  lui 
demander  successivement  toutes  les  fjraces  qui  peuvent  le 
conduire  à  se  faire  pardonner  ses  péchés.  M.  Raynouard,  qui 
range  cette  pièce  parmi  les  Epîtres  des  troubadours,  a  traduit 
une  de  ces  invocations  : 

Rayn  (  Imli  Veray  Dieu ,  dressa  tas  aiirelhas  , 

I.  II,  u.  s-s.     '  Enten  nios  clams  e  mas  qiierelhas; 

T.IV.p.  398.  Aissi  t  niovrai  tenson  e  guerra 

De  ginolbos  ,  lo  cap  vas  terra  , 
La  mas  juntas  e'I  cap  encii. 
Tan  tro  t  prenda  merce  de  rai ,  etc. 

Vrai  Dieu  ,  diri{;e  tes  oreilles. 

Entends  mes  cris  et  mes  lamentations; 

Ainsi  je  te  ferai  querelle  et  guerre, 

Agenouillé,  le  chef  vers  terre. 

Les  mains  jointes  et  le  chef  incliné , 

Tant  jus(|ii'à  ce  qu'il  te  prenne  merci  de  moi  ; 

Et  je  laverai  souvent  mcm  visage. 

Pour  ainsi  qu'il  soit  frais  et  clair. 

Avec  l'eau  chaude  de  la  fontaine 

Qui  naît  du  coeur  là  sus  au  front. 

Car  larmes  et  plaintes  cl  pleurs 

Ce  sont  à  l'ame  fruits  et  fleurs. 

L'autre  pièce  est  une  hymne  adressée  à  la  Vierge,  au  lever 
de  l'aurore;  petit  ouvrage  plein  de  poésie  et  un  des  meilleurs 
de  Folquet.  Elle  se  compose  de  cinq  strophes,  chacune  de 
quinze  vers,  dont  les  quatre  derniers  forment  un  refrain  qui 
revient  à  chaque  strophe. 

jj         ..;  Vers  Dieus,  el  vostre  nom  e  de  Sancta  Maria 

:5-„  '  M'esvelbarai  hueimais,  pus  l'estela  de!  dia 

Ven  daus  Jberusalem  que  ns  essenha  quec  dia. 
Estatz  sus  e  ievatz, 
Senhors  que  Dieu  amatz, 
Qu'el  jorns  es  apropchatz, 
£  la  nueg  ten  sa  via  ; 
£  sia  Dieus  lauzatz 


FOLQUET  DE  MARSEILLE.  6o3 

Per  nos  e  adoratz  , 
E'I  preguem  que  iis  don  patz 
A  tota  iiostra  via. 
Refrain  :  La  nueg  -vai  e'I  jorns  ve 
Ab  clar  temps  e  sere, 
E  l'alba  no  s  rete, 
Ans  va  belh'  e  coniplia. 

Traduction  italienne  de  Bastero  : 

Vero  Dio,  nel  vosiro  nome  e  di  Santa  Maria 
Mi  svegliei'ô  omai,  poi  la  Stella  del  porno 
Viene  da  Gerusulem  che  ci  mostra  ch'e  giorno. 

Stale  su,  e  veyiiatc, 

Si^nori  che  Iddio  ainate, 

Che'l  di  s'appressa , 

E  la  notte  fa  sua  via, 

£  lodato  ne  sia  Iddio 

Da  noi  e  adoratn; 

Ë  il  pre{;hiamo  che  ci  dia  paca 

A  tutta  nostra  vita. 
Refrain  :  La  notte  va  ,  e  il  giorno  viene 

Con  tempo  chiaro  e  sereno, 

£  l'alba  non  si  ditiene, 

Anzi  viene  bella  e  compila. 

Bastero,  après  avoir  traduit  cette  strophe ,  fait  remarquer 
que  Ptîtrarque  en  a  imité  le  refrain. 

Il  semble  que  Folquet  ait  voulu  composer  dans  cette  pièce 
un  pendant  aux  aubades  des  autres  troubadours,  et  appli. 
quer  à  la  religion  une  forme  poétique  inventée  pour  la  ga- 
lanterie. Cette  hymne  est  de  toutes  les  compositions  de  ce 
poète  celle  qui  paraît  avoir  obtenu  le  plus  de  célébrité.  Catel 
l'a  imprimée. 

Il  subsiste  en  tout  vingt-cinq  pièces  de  Folquet,  dont  quel- 
ques-unes sont  attribuées  à  d'autres  troubadours.  M.  Ray- 
nouard  en  a  publié  onze;  M.dé  Rochegude,  deux,dontune 
est  aussi  dans  le  Choix  de  M.  Raynouard.  On  en  retrouve  deux 
dans  le  recueil  intitulé  :  les  Poètesfrançais  depuis  le  douzième 
siècle  jusqu'à   Malherbe,  publié   par  M.   P.   R.  Auguis. 

E— D. 


XUI  SIECLE. 


Bastero  ,   loc. 
cit.  p.  83. 


Ibid. 


Catel  ,  Mém. 
pour  l'hisl.  du 
Ijng.  p. 


899 


Parnasse  occit. 
1.  62-6/1. 


PERDIGON. 


v_/N  trouvedansla  vie  dece  troubadourun  singuher exemple 
des  revers  qui  peuvent  atteindre  dans  les  temps  de  parti 

Gggga 


Mil  SIKCl  K. 


6o4  PERDIGON. 

l'homme  ambitieux  et  iudifTerentsur  les  devoirs  de  la  recon- 
naissance Il  naquit  dans  un  bourg  du  Gévaudan  nommé 
l'Espért)!!.  Il  paraît  que  son  nom  était  Pierre,  et  que  celui  de 
Perdigon  en  était  un  diminutif.  Fils  d'un  pauvre  pécheur  qui 
ne  put  lui  donner  aucune  instruction  ,  il  se  trouva  heureuse- 
ment doué  par  la  nature,  d'une  voix  aj^réable  et  d'un  talent 
facile  pour  composer  des  airs  de  musique.  A  une  époque  où 
chacun  Taisait  des  vers,  il  en  fit  aussi,  et  parvint  à  jouer  de 
plusieurs  instruments.  Muni  de  ces  talents,  qui  sulfisaietit  alors 
pour  conduire  à  la  fortune,  le  jeune  Perdij^onse  livra  d'abord 
à  la  profession  de  jotif^leur,  et  bientôt  après  sentant  eu  lui- 
même  ({u'it  était  poète,  il  se  plaça  parmi  les  troubadours. 
C'était  alors  la  lin  du  douzième  siècle,  temps  où  florissaient  un 
grand  nombre  de  poètes  du  premier  ordre  en  ce  genre,  et 
il  sut  se  laire  distinguer  au  milieu  de  ses  habiles  concurrents. 
Robert,  dauphin  d'Auvergne,  troubadour  lui-mrme,  et  de 
qui  nous  allons  parler  tout  à  l'heure,  ayant  eu  occasion  de 
connaître  son  mérite,  l'appela  auprès  de  lui,  voulut  se  l'at- 
tacher, et  le  combla  de  biens.  Son  affection  et  sa  prodigalité 
s'étendirent  jusqu'à  lui  donner  des  terres  ,  et  enfin  jusqu'à 
l'armer  chevalier.  Le  poète  demeura  longtemps  à  la  cour  de 
ce  prince,  et  de  là  lui  vint  le  nom  de  Pcrdigon  d\4m'crgne, 

poèsia,  t.  ii.^p    que  lui  ont  quelquefois  donné  les  historiens,  et  qu'on  ren- 

s^-  contre  dans  plusieurs  manuscrits. 

Le  goût  des  voyages  lui  ayant  fait  quitter  son  bienfai- 
teur, il  alla  chez  Guillaume  des  Baux,  prince  d'Orange, 
r.XMi,|..  ,8'..  troubadour  ainsi  que  le  dauphin  d'Auvergne,  et  dont  il  a 
été  question  dans  notre  volume  j)récedent.  On  voir  dans  une 
de  ses  pièces,  (ju'il  se  rendit  ensuite  à  la  cour  d'Alphonse  II, 
comte  de  Provence.  Nostradamus  veut  qu'il  se    soit  marié 

Mo-iIlKlIaiillls,  1  ■       Il  I       I  •  J       o     I 

u<,  Yies  ikr,  I».;-  a  Aix  avec  une  demoiselle  delà  maison  ne  aanran,  nommée 
irs|>ro\.p  19',.  Saura.  (Test  là  un  conte  dénué  de  toute  vraisemblance; 
mais  ce  prétendu  mariage  contribue  à  prouver  le  .sc'iour 
de  Perdigon  à  Aix,  sous  le  règne  d'Alphonse  II,  et  par 
conséquent  avant  l'année  laog,  époque  de  la  mort  de  ce 
prince. 

De  la  cour  d'Aix  ou  de  celle  d'Orange,  Perdigon  se  rendit 
auprès  de  Pierre  II,  roi  d'Aragon.  Pierre,  naturellement 
magnifique,  le  combla  de  présents.  11  ne  lui  donna  pas  seu- 
lement des  armes,  des  chevaux,  de  riches  habillements, 
objets  que  les  grands  offraient  le  plus  communément  aux 
troubadours,  mais  il  paraît  qu'il  lui  fit  des  dons  encore  plus 


(Ji'csciinlu'iii 
Délia      viilirai' 


XIIl  MK  !  r. 


PERDIGON.  6o5 

considérables  :  Lo  quai  lo  vestie ,  (iif  le  biograplie,  cl  dm'a 

SOS  dos.  Tant   de  témoignages  d'intérêt  ne  pijrerit  attacher 

sincèrement  le  poète  à  ce  prince.  «  Parmi  les  troubadours, 

«  dit  Dom  Vaissette,  un  de  ceux  (jui  eurent  le  plus  de  part      d.  v.u^.nr 

«  à  sa  laveur,  lut  un  nommé  Perdigon,  qui  le  paya  d'ingra-  '  "'-i'   '"'i 

«  titudc.  » 

La  croisade  contre  les  Albigeois  étant  survenue,  il  se  lia 
avec  Foiquet,  alors  évèfjue  de  Toulouse  ,  et  se  jeta  avec  lui 
dans  le  parti  des  croises.  Après  la  bataille  de  iMuret  où, 
comme  on  sait,  Pierre  II  (ut  tué,  il  roinposa  un  sirvente 
pour  remercier  Dieu  de  cet  (-vénement  :  En  fctz  lau- 
zors  a  Dieu  ,  car  los  l'yanccs  m-ia/i  mort  e  descojit  lo  rci 
d' Ara^o.  Aussitôt  après  il  alla  à  Rome  avec  FoIquet,  le  prince 
d  Orange  et  l'abbé  de  Cîteaux,  p(>ur  .solliciter  de  nouveaux 
secours,  et  pour  parvetiir,  ajoute  1  historien,  à  la  ruine  en- 
tière (h'  Raimond  :  E per  adordvnar  crozada  ,  e  pcr  deseretar 
lo  Ion  comte  llainion.  lin  même  temps,  dit  encore  le  bio- 
graphe, il  prêchait  en  charitiint  au  sujet  d(;s  événements 
publics,  et  f.iisait  lever  des  croisés  :  i.  a  rotz  aquest  faitz 
J ai  son  Perdigos,  en  fes  picztcansa  en  contan  ,  per  que  se 
crozeron.  Ce  mot  de  pn'clicr  en  chantant  sera  sans  doute 
remarqué.  11  nous  montre  la  chanson  dans  tonte  sa  puissance 
au  milieu  des  troubles  et  des  malheurs  publics;  le  trouba- 
dour devient  par  ses  chants  un  des  apôtres  de  la  guerre  et 
de  la  j)aix. 

Cette  conduite  indigna  les  anciens  amis  de  Perdigon. 
Malgré  les  victoires  de  Moiufort.  l'esprit  général  du  Lan- 
guedoc protégeait  la  mémoiicde  Pierre  il,  et  défendait  les 
intérêts  du  comte  lîainioiid.  Le  trouhadour ,  totalement 
déconsidéré  dans  lOpinion  publique,  jxrdit ,  suivant  l'ex- 
pression tlu  biographe,  ses  amis,  ses  atnies,  sa  réputation, 
son  honneur,  sa  foi  tune  :  Pcrdct  los  amies  e  las  amigas,  e'I 
prcfz ,  e  l'honore  iaver.  Aucune  des  persotmes  éclia[)pées 
aux  massacres  ne  voulut  le  voir  ni  l'ententlre  :  Tug  silh  que 
remuzan  vieu  negus  ndl  vogran  vezer  ni  auzir. 

Le  dauphin  d'Auvergne  lui  retira  toutes  les  terres  qu'il 
lui  avait  apparemment  doruiées  en  liel.  Le  lils  du  pêciieur, 
dépouillé,  redevint  aussi  pauvre  qu'il  l'était  en  commençant 
sa  c;<rrière.  11  n'osait  plus  se  montrer  nulle  [)art  :  I\'on  auzet 
anar  ni  venir.  En  1218,  Montlort  et  Guillaume,  princ(; 
d'Orange,  ayant  été  tués,  il  ne  lui  resta  de  ressource  que 
dans  la  protection  de  Lambert  de  Monteilh  ,  gendre  du  prince 


6o6  PERDIGON. 

XIII  Slf,CI.E.      ,,^  /^  .  ,     ,.  j  1 

d  Orange.    Ce    seigneur  le  ht    entrer   dans    le   couvent    de 

Silvebelle,  abbaye  tie  l'ordre  de  Cîteaux.  Perdigon  y  prit 
l'habit  de  l'ordre  et  il  y  mourut. 

Si  l'on  en  croyait  Nostrailamus,  il  aurait  vécu  jusqu'en 
126g;  mais  cette  assertion  est  peu  vraisemblable,  puisqu'il 
se  serait  écoulé  cinquante  six  ans  entre  la  bataille  de  Muret 
et  sa  mort,  et  que  son  séjour  à  Clermont  et  ses  rapports  avec 
Faidit  sont  bien  antérieurs  à  cet  événement.  Il  en  est  de 
même  de  l'opinion  de  cet  écrivain,  lorsqu'il  veut  que  Per- 
digon ait  composé  une  histoire  des  guerres  du  comte  de 
Provence,  Raimond  Bercnger  IV;  car  il  faudrait  pour  cela 
qu'il  eût  vécu  à  la  cour  de  ce  prince,  à  la  fin  de  son  règne, 
c  est-à-dire  vers  l'an  i-2^5,  tandis  qu'il  dut  entrer  au  monas- 
tère (le  Silvebelle,  déjà  avancé  en  âge,  eti  1219.  Nous  plaçons 
ce  poète  immédiatement  après  Foiquet,  par  la  raison  qu'ils 
paraissent  avoir  été  parfaitement  contemporains. 

Les  sirventes  que  Perdigon  composa  en  faveur  de  la  croisade 
M.Ravnouaid,  coutrc  les  Albigeois,  ne  se  retrouvent  plus.  Ce  sont  seschan- 
(  hoii ,"  t.  ni,  sonsd'amour,  sa  tenson  avec  Faidit,  et  une  hymneà  la  Vierge, 
p.  344  <•>  su'v.  ;  qui  peuvent  nous  iaire  connaître  son  talent.  Ces  pièces  sont 
Parnasse occlt.  ^u  uombre  de  douze  environ.  M.  naynouard  en  a  publie  cinq, 
p.  ii5.  auxquelles  il  a  joint  plusieurs  fragments.  M.  de  Rochegude 

Pièce tomnien-  ^^  ^  douiié  uuc  qui  lie  fait  poiut  partie  de  celles  de  M.  Ray- 
era/ri ^(iuzrf<.  nouard.  «C'est,  dit  ce  poète,  avec  le  chant  des  oiseaux  que 
Mss.  de  la  Bibi.  a  commcuce  uia  chanson;  je  chante  quand  j'entends  le  cri 
my.  n.  »7oi ,  f.  ,  jg  l'aiglc  et  de  la  grue,  quand  je  vois  le  lis  reverdir  dans 
Mss.  dit  de  «  nos  jardins,  le  bluet  reparaître  parmi  les  buissons,  et  les 
MazanguLs ,  ch    <t  clairs  ruisscaux  couler  sur  le  sable,  là  où  sont  répandues 

''^11  "  ^^  blanches  fleurs.  » 

^^^  .  o ,  .  ,p        ji    j^jjj^jj.   (J3JJ5   la  même  pièce   quelques  caractères   de 

l'amour  : 

Ben  pauc  ama  drut  que  non  es  gilos, 
E  pauc  ama  qui  non  es  adziros  , 
E  pauc  ama  qui  non  es  t'olletis, 
E  pauc  ama  qui  non  fay  trassios  ; 
Mais  val  d'auior  cant  liom  es  enveios; 
Un  doh  plorar  no  fan  XIIII  ris. 

Aime  bien  peu  l'amnnt  qui  n'est  jaloux; 
Aime  bien  peu  qui  n'éprouve  pas  la  haine; 
Aime  hiiu  peu  (pii  ne  fait  d  s  folies. 
Aime  bien  peu  qui  ne  commet  des  trahisons; 
Plus  vaut  l'amour  ([unnd  l'amant  est  envieux; 
Un  doux  pleurer  ne  valent  quatone  ris. 


Xin  SlKCl.K. 


ROBERT,  DAUPHIN  D'AUVERGNE.  607 

Perdigon  est  de  ces  troubadours  qui  aiment  les  larmes  et 
qui  comptent  sur  la  puissance  de  (e  moyen.  «Quand  à  genoux 
a  devant  ma  dame,  je  lui  demande  merci,  quand  elle  me  repro-  Mmic  i^or. 
«  che  mes  manqnements,et  qiievoyant  mes  larmes  couler  sur 
«  mon  visage,  elle  me  regarde  tendrement  et  me  pardonne, 
«  c'est  pour  moi  la  joie  du  paradis.»  Peintre  et  poète,  le 
troubadour  s'est  peint  ici  lui-même  dans  son  tableau. 

Qiint  eu  li  quier  merre  en  genoillos, 
Ela  mi  colpa  et  mi  met  («liaisos, 
E  I  aiga  ni  cur  aval  pt-rnust  lo  vis, 
Et  ela  m  fai  un  regard  amoros, 
Et  eu  li  bais  la  liuciia  e'is  ois  anilxios, 
Adonc  me  par  un  joi  de  paradis. 

Sa  prière  à  la  Vierge  est  une  hymne  où,  en  célébrant  les 
louanges  de  Marie,  il  la  supplie  de  lui  faire  obtenir  le  pardon 
de  ses  péchés  :  «  Leur  nombre,  dit  le  poète,  je  ne  le  dis,  ni  ne 
«  lésais;  faites  qu'à  ma  mort  ils  ne  tournent  pas  à  ma  perte. 

Q'i  l'Is  peccatz  iju'ieu  ay 

Falz,  ni  ditz,ni  say ,' 

No  m  puescan  mal  faire , 

Quan  del  segl'irai.  E — D. 


ROBERT, 

DAUPHIN  D'AUVERGNE. 

ROBERT, 

ÉVÊOUE  DE  CLF.RMONT. 


MORTS  \  nu  vu 


OBERT,  dauphin   d'Auvergne,  dit  Robert  F*",  était  fils  de  >a^:',ia.nie  ».■ 

Guillaume  VIII  qui  avait   succédé  en   ii43  à  Robert  III,  '^uâiuzc,  h.m. 

son  père.  Un  frère  de  Robert  III,  nommé  aussi  Guillaume,  de    la    in.iis"ii 

s'étant  emparé  en   1 155  de  la  plus  grande  partie  des  états  de  <i' *"'■«'§"'='  '" 

la  maison  (J'Auvergne,  prit  le  titre  de  Guillaume  IX,  quoique  p.'iss'— ».  6j! 

Guillaume  VIII,   son   neveu,  fût  vivant.   Un  arrangement  C6. 

étant  survenu,  ces  deux  seigneurs  conservèrent  leurs  titres;  u.  Vaissetit, 

mais  Guillaume  VIII  joignit  au  sien  celui  àe  Dauphin,  i::^u'û  25^    •    ■  y   • 


tirait  de  Gui   III,  comte  de  Vienne,  son  beau-père,  et  fut  Andeveritin 

le   premier  seigneur   d'Auvergne  qualilié  de  Dauphin.  Ce  '/o''^'"'^''  '"" 

•                                  ^                  /^                          O              I                          r,      ,           '                nt  0  ,    1818    aprtj 

seigneur,  mort  en  1 1  oq  ,  eut  pour  successeur  Robert ,  son  nis,  j  .^  ,  x ,  pas 

le  troubadour  déjà  majeur,  qui  se  fit  appeler  Robert  F""  en  i/i>->58. 


XlilSlKl.l 


608  ROBKRT.  DAUPHIN  f)  AUVERGNE. 

tant  que  tlaiiplnn  ,  quoiqu'il  fût  petit-fils  de  Robert  III. 
Guillaume  I\,<lit  /."  vk/lv,  grand  oncle  de  Robert  F"",  eut 
pour  sneeessfur  Hobcrt  \\\  (|ui  tut  quatre  fils,  savoir:  Guil- 
laume qui  réiijna  sous  le  titre  de  Guillaume  \  ;  (iui  (lui  suc- 
céda à  ce  Guillaume  en  1  \<)^) .  et  se  Tiomma  (iui  III;  Kobert, 
évêque  de  Glermon'  ,  autre  troubadour  dont  nous  allons 
parler;  et  un  ([u.itrieine  noiiuiié  aussi  Robert. 

Ainsi  Robert,  (laui»lii  1  l"'^,  et  Robert,  évêque  de  Clermont, 
étaient  proches  parents  et  conterrqiorains ,  (juoique  remon- 
tant â  Robert  nia  des  degrés  dillerents.  Leurs  la  md  les  avaient 
partaj:;(' après  bien  des  contestations  le  domaine  de  l'Auvergne 
en  deux  portions  inégales;  la  ville  de  Clermont  appartenait 
|)ar  moitié  au  daupinn  et  au  comte  Guillaume,  ou  ii  son  Irère 
Gui  III,  et  de  |)lus  Robert  en  était  évê(jue.  C'était  là  bien  des 
causes  de  jalousie  ou  de  division  entre  1  evtqucet  le  dauphin.  A 
ces  causes,  il  s  en  joignit  d'autres  :  c'est  que  tousdeux  compo- 
saientdes  vers,  et  (jue  tous  deux  aussi  avaient  l'esprit  vivement 
porté  à  la  satire;  il  taut  ajouter  que  leurs  mo'urs  étaient  fort 
relâchées,  et  que  révè(|ue  [)ariiculièremcnt  était  un  homme 
turbulent,  audacieux,  capable  des  entreprises  les  plus  injustes 
et  les  plus  violentes. 

Le  dauphin  accueillait  les  troubadours  avec  bienveillance, 
et  les  comblait  de  présents.  Il  reçut  successivement  à  sa  cour 
Peyrols,  Pierre  d'Auvergne,  Pierre  Vidal,  Faidit,  Hugues 
Brunet ,  Perdigon,  Hugues  de  Saint-Cyr.  La  présence  de 
tous  ces  poètes  auprès  de  lui  est  attestée  par  des  tensons 
u'il  composa  avec  eux,  et  qui  subsistent  encore.  Plusieurs 
'entre  eux,  tels  (jue  Peyrols,  Pierre  d'Auvergne,  Perdigon, 
ne  recurent  pas  de  lui  seulement,  suivant  l'usage,  des  ha- 
billements, des  armes,  des  chevau.\,  il  leur  donna  encore 
des  rentes  et  même  des  terres.  Cette  munificence,  et  surtout 
son  goût  dans  l'appréciation  des  vers,  lui  ont  valu  de  grands 
éloges.  «  Le  dauphin  était,  dit-on,  un  des  chevaliers  les  plus 
(  courtois,  les  plus  généreux  du  monde;  il  était  un  des  plus 
c  braves,  des  plus  experts  en  fait  de  guerre,  d'amour,  de  ga- 
re lanterie  et  de  tous  genres  de  convenances,  un  des  connais- 
<c  seursles  plus  délicats,  etdes  meilleurs  poètes  pour  composer 
«  des  sirventes,  des  chansons  et  des  tensons,  et  un  des  hoin- 
«  mes  parlant  le  plus  élégamment  qui  fût  jamais,  sur  des 
K  choses  sérieuses  ou  de  pur  agrément  :  E  que  plus  snup 
f^  d'amor  e  de  doinnei ,  e  de  guerra  e  de  totz  faits  avinens.  .  . 
■  E'I  plus  gen  parlans  honi  que  anc  fos  a  sert  et  a  solatz.  » 


a 


xiii  su  (i.K. 


(    l-tl(  sM.  ^  , 


ET  ROBERT,  KVÈQUE  DE  CLI-.RMONT.     609 

Ce  portrait  semble  peindre  plus  fidèlement  le  chevalier  ac- 
compli (lu  siècle  aïKpu'l  il  se  r.ippotte,  (|uc  l'Iiomme  à  qui  il 
appartient;  toutefois  il  donne  uiie  brillante  idc-edu  prince  (pii 
])rolcj^'ea  I\yrols,  I'cr(Hjj;on  et  une  foule  d'autres  trouhadouis. 
Pierre  Vulal  n'oublie  pas  le  dauphin  dans  le  voyage  littè- 
rain-  dont  il  trace  le  plan|  à  un  jongleur,  ouvrage  (jue  nous 
avons  dcja  cite  «  Je  suis  venu  ,  lui  dit-il,  en  Auvergne,  chez 
«  le  dauphin.  Jamais  datne  ni  demoiselle,  page  ni  chevalier, 
«  d'une  grâce  plus  franche,  d'une  éducation  plus  soignée  :  » 

Ps'iiii  y  ;ic  (lona  ni  donzcla 
IVo  lo  pus  (V.iiici  d'iiii  aizflo, 

Ni  cavayer  m  don/rlo  l'inic  \  id.il . 

Coin  ajrues  noirit  en  sa  nian.  .4int  mit .  M 

"  Kayn.    t.    V,  ], 

Ces  progrès  de  l'éducation  n'annonçaient  pas  toujours 
ujie  épuration  réelle  dans  les  mo'urs.  Pour  le  daupliin  , 
comme  pour  un  grand  nombre  de  seigneurs  de  son  siècle, 
la  galanterie  devenait  souvent  un  passe-temps  d'autant  plus 
amusant  (pie  les  aventures  en  étaient  plus  singulières,  n'im- 
porte les  personnes  et  les  moyens.  Une  sd'ur  du  dauphin, 
nom.mée  madame  Assalide  de  Claustre,  femme  de  Réraud 
de  Mercœur,  recevait ,  sous  les  yeux  de  son  frère,  les  hom- 
mages assidus  du  troubadour  Peyrols.  F^e  dauphin  trouva 
plaisant  de  favoriser  lui-même  cette  intrigue;  il  se  décida 
e:.fin  à  renvoyer  Peyrols  de  chez  lui,  mais  <e  fut  seulement 
lorscpi'il  y  eut  été  forcé  par  les  éclats  de  la  jalousie  du  sei- 
gneur de  iMercœur. 

iNous  ne  parlerons  point  de  ses  tensons.  (.rescimbeni  en 
cite  plusieurs  (pii  se  trouvent  dans  les  manuscrits  du  Vatican. 
Celui  du  dauphin  et  de  Perdigon  se  lit  dans  le  manuscrit  H'H 
7225  de  la  Bibliothècjue  royale  de  France.  L'intérêt  de  ces 
pièces  est  bien  faible;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  celui 
que  font  éprouver  les  sirvcntes  de  Richard  Cœur-de-Lion 
contre  le  dau|»liin,  et  de  ce  seigneur  contre  Richard.  C'est 
ici  un  des  exemples  les  plus  singuliers  de  l'usage  de  cette 
é[)0(jue,  de  s'attacjuer  réciproquement  par  des  satires  dans 
les  sujets  les  plus  graves,  de  mettre  en  vers  et  en  chan- 
sons les  (juerelles  de  la  politicpie,  les  droits  de  la  propriété, 
les  disputes  dt;  la  religion.  Tout,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  se  traitait  en  vers,  ou  du  moins  les  vers  se  mêlaient  à       Lu,gi.,|.(i.  .1.1 

tout.  Kiili.thaiil  M»s 

J^e   roi   Richard   et  Philippe- Auguste  s'étant  déclaré   la 
Tome  XVlll.  H  h  h  h 


Cn 

ISi  1 

m  lit  III   . 

DrII., 

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[1.    ' 

;ïOi. 

.le    l;i  liibl.  niv. 
n.  -i•i^,  I     18). 


6io         ROBERT,  DAUPHIN  D'AUVERGNE, 

XIII  SIÈCXE. 

guerre  au  sujel  de  la  suzeraineté  de  l'Auvergne,  Rirhard 

entraîna  dans  son  parti   le  dauphin  et  le  comte  Gui  II  qui 
venait  de  succéder,  en  i  ig5,  à  Guillaume  X  son  frère.  Phi- 
lippe fit  entrer  des  troupes  dans  l'Auvergne,  ravagea  le  pays 
et  s'empara  d'une  partie  des  terres  de  ces  deux  seigneurs. 
Vainement  ceux-ci  recoururent  à  Richard  ,  il  les  abandonna 
et  passa  en  Angleterre.  Les  monarques  firent  la  paix  entre  eux, 
au  moyen  d'un  échange   où  Richard    céda  l'Auvergne ,  et 
Philippe  le  Quercy ,  et  les  deux  comtes  sacrifiés  perdirent 
lesterres  conquises,  notamment  la  ville  ou  le  bourg d'Issoire. 
Peu  de  temps  après,  la  guerre  ayant  recommencé,  Richard 
appela   de  nouveau  les  deux  comtes  à  son  aide;  mais  pour 
cette  fois  ces  seigneurs,  indignés  de  son  manque  de  parole, 
et  liés  avec  Philippe,  lui  refusèrent  tout  secours.  C'est  alors 
que   Richard   publia  contre  eux   son  sirvente  en   mauvais 
français,  commençant  par  ce   vers  :   Daiifia  ieu  voilL  de- 
M     i  I  R  1 1    fn,ander. 
roy.  n.  761/i,  f.       H  leur  rcprochc  dans  cette  pièce  de  lui  avoir  manqué  de 
ii5,ch.  198.     foi,  comme  Isengrin  au  renard  ,  de  lui  avoir  préféré  Philippe, 
Mss.  72ï5,  f.  p.,,.(,ç  qu'ils  le  croient  plus  riche  ou  plus  brave  que  lui  :  d'être 

i85,ch.Hog.        1,  •  n  '         1  1  -  1         1  7  1  • 

devenus  avares;  u  avoir  abandonne  les  dames,  la  galanterie, 
les  cours  et  les  tournois,  pour  employer  leurs  revenus  à 
bâtir  des  forteresses.  «  Vous  me  prenez  apparemment,  leur 
«  dit-il,  pour  un  riche  couart,  e  ie  sui  riche  coart ;  mais  nous 
«  nous  reverrons  :  bon  guerrier  à  l'éteudart,  vous  trouverez 
«  le  roi  Richard  : 

Bon  gerricr  a  l'estendart 
Tiouveretz  le  roi  llichart. 

Cette  pièce  n'étant  point  en  langue  provençale,  ne  saurait 
être  com[)rise  |)armi  les  ouvrages  des  troubadours. 

Le  dauphin  réponflit  par  \\n  siivente  provençal  où,  sans 
blesser  aucune  convenance,  il  dit  à  Richard  avec  autant  de 
dignité  que  de  fermeté,  (pi'il  ne  l'a  abandonné  que  parce 
qu'il  est  lui-même  inconstant,  et  que,  malgré  son  courage, 
il  défend  mal  ses  propriétés  et  ses  amis. 

Reis ,  pus  vos  de  nii  chantatz 

,,.,_.,,  Trolj.itz  avetz  chantador: 

Ms>.  delaBilil.  ,,  ,1 

„<;.,    t  Mas  tan  me  faiz  (le  paor, 

I  r6    ch.  iqg.  »  T  H"^  ""^  U<vn  a  vos  lursatZ, 

Rayn.  Choix  ,  E  plazentiers  vos  en  son  : 

t.  IV,  p.  i56.  Mas  d'aitan  vos  ocliaizun  , 


ET  ROBERT,  ÉVÉQUE  DE  CLERMONT.        6ii 

S'iieymais  laissaiz  vosire  fieus, 
No  m  mandetz  querre  lo  niieus. 

«  Roi,  puisque  vous  chantez  à  mon  sujet,  vous  avez  trouvé 
«  chanteur;  mais  vous  m'inspirez  une  telle  crainte  que  je  ne 
«  me  présente  à  vous  que  forcément.  Je  suis  toujours  votre 
«  serviteur;  de  ceci  cependant  je  vous  donne  avis,  c'est  que 
«  si  jamais  vous  abandonnez  votre  fief ,  vous  n'envoyiez  pas 
ft  quérir  le  mien, 

Qu'ieu  no  soy  reis  coronatz, 
Ni  horn  de  tan  gran  ricor 
Que  piiesc  à  mon  for,  senhor, 
DefVndre  mas   heretalz; 
Mas  vos  ,  que  li  Turc  félon 
Temioii  mais  que  lion  , 
Reis  e  ducs  ,  e  conis  d'Angieus, 
Sufretz  que  Gisors  es  sicus! 

«  Je  ne  suis  point  roi  couronné,  ni  homme  de  si  grande 
«  puissance,  que  je  puisse  à  ma  guise,  seigneur,  défendre 
a  mes  héritages;  mais  vous  que  les  Turcs  félons  redoutaient 
«  plus  que  lion,  vous,  roi,  duc,  comte  d'Anjou,  vous  souf- 
€  frez  que  Gisors  demeure  au  roi  Philippe! 

Be  me  par  que  vos  diziatz 
Qu'ieu  soli  aver  valor, 
Que  m  layssassetz  ses  honor, 
Pueys  que  bon  me  layssavatz; 
Pero  Dieus  m'a  fag  tan  bon 
Qu'entre  el  Puey  et  Aibusson 
Puesc  remaner  entr'els  mieus, 
Qu'ieu  no  soi  sers  nijuzieus. 

«  Bien  me  semble  que  vous  disiez  que  j'avais  coutume 
«  de  montrer  de  la  valeur,  et  que  vous  me  laissiez  sans  fief, 
«  parce  que  heureux  vous  me  laissiez.  Dieu  vraiment  m'a 
a  tant  accordé  de  bonlieur,  que  du  Puy  jusqu'à  Aubusson, 
«  je  puis  habiter  au  milieu  des  miens,  sans  être  ni  serf 

ni  juif. 


Mil  SIECLE 


c 


Senhor  valens  et  honratz, 
Que  m'avetz  donat  alhor. 
Si  no  ni  sendiles  camjador, 
Ves  vos  m'en  fora  tornalz; 
Mas  nostre  reis  de  saison 
Rend  Issoir  e  lais  Usson  ; 

Hhhha 


1111  siKii.r. 


;i2  ROBERT,  nAUPUÎN  D'AUVERGNE, 


Kl  cobiar  t"s  ni<^  mot  liens, 

(  )u  ii'U  Fiai  sai  a-Mil  sos  liricus... 

«  Seip^neur  vailhiiit  et  honort',  qui  m'avez  Hiit  lU'S,  dons 
n  autretois,  si  vous  ne  vous  fussiez  niontK'  eliaiij^eant ,  vers 
«  vous  je  serais  retourne;  mais  notre  roi  d  aupiird  liui  me 
«  ren(l  Issoire  et  me  laisse  Usson;  ii  m  est  tort  aise  du  lesre- 
n  couvrcr,  et  deja  chez  moi  j'en  ai  reçu  ses  lettres. 

K  l\oi  ,  ajoute  le  poète  dans  son  envoi,  à  jamais  vous  me 
'<  trouverez  brave,  car  telle  danu'  m'en  re(|iiieir  à  ([ui  j  ap- 
«  parliens  si  sincèrement  (jue  tous  ses  commandements  me 
«  sont  doux.  » 

On  aime  à  voir  associes  de  cette  manière,  au  sentiment 
(lui  anime  le  porte,  un  ton  noble,  un  laii^aj^e  pui',  une  ha- 
bileté remarrjuable  dans  lait  de  la  versili»  ation,  et  un  sou- 
venir de  galanterie  f|ui  donne  su  chant  du  troul)adour  la 
couleur  de  son  époque.  Eedaupinn  montri-  ici  un  talent  qui 
le  place  à  côté  des  poètes  les  plus  distingués  du  même  âge. 
Cette  pièce  a  six  strophes  et  un  envoi  «le  (juafre  virs. 

La  tenson  de  l'évéque  et  du  dau|)liiu,  et  le  sirvente  du 
daui^hin  contre  l't'vètjue,  sont  d'un  genre  tout  différent.  Le 
dauj)hin  cherche  encore  à  v  manitenir  le  ton  de  dignité 
qu'il  appelle  sa  courtoisie ,  mais  des  sujets  ignobles  l'oljligent 
malgré  lui  à  déchoir. 

Il  avait  pour  maîtresse  à  une  certaine  époque  une  dame, 
sans  doute  ilini  bas  étage,  nonmiée  Maurin,  Maurinn  Cette 
dame  lit  un  jour  demander  a  l  nitendant  du  lard  j)our  cuire 
des  œufs.  L'intendant  crut  se  montrer  niagniti(jue  en  en- 
voyant la  moitié  d'un  jambon.  Lévèque,  instiuit  de  ce  fait, 
trouva  mauvais  (ju'on  n'eût  pas  donné  un  jambon  tout  entier, 
et  sa  poétique  indignation  s'exprima  aussitôt  en  ces  vers  : 

Per  l-iist,  si'l  servens  fos  meus 
Mss.  du  ^  ati-  ,,•  .111  I 

,  U  un  cotfl  II  ilaii    al  coi' 

c»n,  n.  3207.  „        ,.       ,   1  ,  .  1 

„         f,  Can  kz  ilol  bacon  narlula 

Rayn.  Choii:,  t 

,   y  p   jj5  a  lei  que  1  il  qneri  tan  gen. 

Ben  saup  del  daltin  lo  taien, 
Que  s'en  plus  ni  nien  no  i  meses  , 
A  la  ganta  Ii  dera  très  ; 

IVl.is  pose  en  ver  dire 
Petit  ac  laïc  Maurina  als  eus  frire. 

a  Par  le  Christ ,  si  ce  serviteur  fiît  à  moi ,  je  lui  donnerais 
a  d'un  couteau  dans  le  cœur,  comme  il  a  partagé  le  jambon 


Xm  SIKOLF. 


ET  ROBERT,  ÉVÊQUE  DE  CLERMONT.        6i3 

«  à  celle  qui  le  lui  demandait  si  gentiment.  Bien  sais  du 
rt  dauphin  le  caractère ,  nue  si  plus  ou  moins  il  en  eût  donné, 
«  sur  la  joue  il  lui  en  eut  appliqué  trois;  mais  en  vérité  je 
«  puis  dire  que  c'est  bien  peu  de  lard  à  Maurine  pour  des 
«  œufs  frire.  » 

La  réponse  du  dauphin  offrit,  suivant  l'usage,  les  mêmes 
rimeset  la  même  coupe  de  vers.  L'évêquecourlisait  une  belle 
femme  dont  le  mari  se  nommait  Chautar  de  Caiilec ,  et 
habitait  un  lieu  dit  Pescadairas,  lieu  où  l'on  pêche.  De  plus, 
la  réputation  de  la  dame  de  Caulec  avait  souffert  de  l'assi- 
duité de  lévêque;  cette  dame  avait  été  tuée  dans  l'opinion. 
Tout  cela  donna  lieu  à  des  jeux  de  mots  entre  les  choux,- 
caulec ,  la  pèche  et  la  dame  tuée,  qui  purent  être  piquants 
du  vivant  des  personnages,  mais  qui  ont  aujourd'hui  peu 
d'intérêt.  Le  sens  épigrammatique  était  que  le  poisson  était 
frais  et  gentil,  mais  que  mal  lui  en  advenait;  car  il  s'était 
laissé  occire  par  le  prêtre  qui  ne  faisait  qu'en  rire  : 

E'I  peissos  es  gais  e  cortes,  M. Kavn.ilid. 

Mas  d'una  re  l'es  trop  mal  près. 
Car  s'es  laissatz  ausire 
Al  preveire  qne  tio  fais  mas  lo  rire. 

Un  grave  différend  élevé  entre  ce  prélat  et  le  comte  Gui, 
son  frère,  en  i  igy,  donna  lieu  à  un  sirvente  du  dauphin  qui 
se  lie  par  son  sujet  aux  affaires  publiques.  L'évêque  dans 
cette  ()uerelle  excommunia  le  comte,  mit  ses  états  en  inter- 
dit, leva  des  troupes,  entra  sur  ses  terres,  et  les  livra  au 
pillage  et  à  l'incendie.  Gui  finit  par  faire  .son  frère  prisonnier, 
ce  qui  amena  la  paix.  Les  troubles  s'étant  renouvelés  en 
i2ot),  l'évêque  fut  fait  prisonnier  une  seconde  fois.  Alors  le 
pape  Innocent  III  et  Philippe- Augu.ste  interposèrent  leur 
autorité,  et  opérèrent  une  réconciliation.  En  121 1,  nou- 
veaux désordres.  Il  paraît  que  c'est  en  laia  que  le  sirvente 
fut  composé.  Le  dauphin  y  trace  le  tableau  des  excès  commis 
par  l'évêque,  et  rappelle  que  ce  prélat  et  lui  se  sont  déjà 
attaqués  plusieurs  fois  réciproquement  avec  les  mêmes  armes. 
Le  légat  dont  le  dauphin  attend  l'arrivée,  est  l'archevêque 
de  Narbonne,  lo  legatz  de  Narbona ,  sacré  le  2  mai  iai2. 

Vergogna  aura  breument  nostre  evesque  cantaire,  Ravn  rh  ' 

Sol  veigna  lo  legatz  que  non  tarzara  gaire,  t   IV   p'  a58 

£  farem  denan  lui  los  siirentes  retraire. 


4   2 


6i4  ROBERT,  DAUPHIN  D'AUVERGNE, 

XIII  SIÈCLE.  rk       I        •  1  I  J     1-      I 
O  peis  mieiis  o  pels  sieus  lo  ciig  de  I  orilen  traire  ; 

Qu'anc  miels  non  o  conquis  lo  saigner  rie  Helcaire, 

Sol  Dieus  gart  lo  légat  que  per  aver  no  s  vaire. 

Honte  aura  bientôl  notre  évêqiie  poète , 

Seiili-mcnl  vienne  le  \é^al  (jui  ne  tardera  guère, 

Et  ferons  devant  Ini  les  sirventes  exposer, 

Ou  par  les  miens  ou  par  les  siens,  je  le  crois  f;iire  déposer. 

Que  jamais  mieux  je  n'ai  conquis  le  seifjneur  de  Beaucaire; 

Seulement  Dieu  garde  le  légat  que  pour  argent  ne  se  tourne. 

Si  no  s  vaira'l  legatz  e  vol  gardar  dreitura, 
Ades  nos  ostara  sa  falsa  crealura. 
Alverne,  be  ns  garnie  île  gran  mal'aventura , 
Qu'il  fetz  gobernaiior  de  la  sainta  Escriptura. 
Be  s  pot  ineravillar  qui  concis  sa  figura 
Cossi  s'ausa  vestir  de  sainta  vestidura. 

Si  ne  se  tourne  le  légat  et  veut  garder  droiture. 

Bientôt  il  nous  ôtera  sa  fausse  rrealure. 

Auvergne,  bien  te  chargea  de  grande  mésaventure. 

Qui  le  Ct  gouverneur  de  la  sainte  Écriture. 

Bien  se  peut  étonner  qui  connaît  sa  ligure 

Qu'il  s'ose  ainsi  vêtir  de  sainte  vestiture. 

li  vestiment  son  saint,  mas  fais' es  sa  persona,  etc. 

Les  vêtements  sont  saints,  mais  fausse  est  sa  personne,  etc. 

Le  poète  reproche  à  l'ëvêque  les  ravages  qu'il  commet  à 
la  tête  de  ses  soldats,  ses  liaison.s  galantes  avec  la  comtesse 
d'Artona;  il  lui  reproche  de  ne  vouloir  enterrer  personne, 
même  sou  ami,  sans  être  paye. 

Que  nuills  hom  son  amie  ses  aver  non  sosterra. 

«  Ami  de  l'Angleterre,  il  est  félon  envers  son  roi , 

Englaterra  ama  elben  e  fai  gran  fellonia; 

c  Et  c'est  avec  l'argent  des  morts  qu'il  prolonge  au  roi  sa 
«  guerre, 

Et  ab  deniers  dels  mortz  alonga  al  rei  sa  guerra. 

«  Je  pourrais  bien  en  dire  davantage,  ajoute-t-il  enfin, 
1  mais  il  perdrait  son  évêché  et  moi  ma  courtoisie. 


ET  ROBERT,  EVEQUE  DE  CLERMONT.        6i5 

MI  ,  j-  1  •  ^"'  siÈcu-:. 

Mas  s  leu  ilir  en  volgiies  so  qu  leii  air  en  sabia ,  

El  penlria  l'eveseat  et  ieu  ma  cortesia. 

Indépendamment  des  reproches  que  le  dauphin  adresse  à 
l'évêque,  nous  voyons  ici  une  autre  particularité  historique; 
c'est  que  le  dauphin  se  lifjua  contre  les  Albigeois  et  le  comte 
de  Toulouse,  dès  l'entrée  de  Montfort  dans  le  Languedoc. 
Il  suivit  en  cela  l'exemple  du  comte  Gui  II,  qui  s'unit  à  la 
ligue  des  le  mois  d'avril  de  l'an  120Q.  ^  ^*'**5"'"' 

Leveque  tut  translere  a  1  archevêché  de  Lyon  en  I22y,  et  caii  christ.  1. 
mourut  en  laSa.  Le  dauphin  mourut  âgé  de  près  de  90  ans,  11,  <-oi.  i:3, 
le  22  mars  1234-  *'^" 

On  a  (lit  de  lui  qu'en  avançant  en  âge,  il  était  devenu  avare 
et  même  rapace  et  dur  envers  ses  vassaux.  Nous  avons  fait 
sentir  une  des  causes  de  ce  changement  de  son  caractère. 
C'est  ce  reproche  d'avarice  plus  ou  moins  fondé  qui  devint 
le  sujet  (les  tensons  dont  il  va  être  question  à  l'occasion  de 
Pélissieretde  Bertrand  de  la  Tour.  Il  ne  subsiste  de  lui  que 
les  pièces  dont  nous  venons  de  parler  et  les  deux  tensons 
suivantes.  E — D. 


BERTRAND  DE  LA  TOUR. 
PIERRE  PÉLISSIER. 

IJERTRAND  DE  LA  TouR  paraît  avoir  été  un  gentilhomme 
auvergnat,  d'une  fortune  médiocre,  vivant  paisiblement  sur 
ses  terres,  et  s'amusant  quelquefois  à  composer  des  chan- 
sons. Le  dauphin  d'Auvergi:e,  au  service  duquel  on  voit 
qu'il  était  attaché  à  un  titre  quelconque,  lui  adressa  un  cou- 
plet de  huit  vers,  où  il  lui  fit  un  reproche  de  ce  qu'après 
s'être  montré  vaillant  et  magnifique,  il  avait  cessé  de  fré- 
quenter les  cours,  s'était  renfermé  dans  son  château  et  vivait 
seul  avec  ses  faucons  et  .ses  autours;  sitôt,  dit-il,  qu'il  a  chez 
lui  vingt  personnes,  il  croit  fêter  Pâques  ou  Noél  : 

E  sojorna  a  la  Tor, 

E  ten  faucon  et  aiistor, 

E  cre  far  Pasca  o  Nadal,  Rayn.  Choix, 

Quant  son  XX  dinz  son  estai.  ••  ^>  P-  '"i- 

Bertrand  répondit  à  ce  couplet  par  un   autre  sur  les 


XIII  SIECLE. 


6i6  BERTRAND  DE  LA  TOUR, 

mêmes  rimes,  suivant  l'usage,  où  il  adressait  la  parole  à  son 
jongleur  : 

Mauret,  al  dalfin  agrada 

Qu'en  digan  qu'eu  son  malvatz  ; 

E"l  reproiers  es  vertatz, 

Del  cal  seignortal  niainada; 
Que  fui  bon  tant  quant  aie  bon  seignor; 
Que  a  lui  plac  ni  so  tenc  ad  lionor, 
Et  aras,  Mauret,  pos  el  no  val. 
Si  era  bon,  tenria  so  a  mal. 

Maiiret,  au  dniiphin  il  plaît 

Qu'on  dise  que  je  suis  humme  de  peu. 

Le  proverbe  est  donc  vérité, 

De  tel  mnilre  tel  valet. 
Je  fus  bon  tant  que  j'eus  bon  seigneur; 
Plii>(  ne  j  lui  plait  ni  le  tient  à  honneur. 
Maintenant  (  donc)  Mauret,  puisqu'il  est  sans  mérite  , 
Si  j'étais  bon,  il  le  prendrait  à  mal. 

Nous  avons  déjà  rencontré  de  ces  tensons  à  deux  seuls 
couplets,  doiit  l'un  est  la  réponse  à  l'autre.  Ce  ne  sont  là,  à 
proprement  parler,  que  tles  épigrammes,  mais  régularisées 
par  l'unilormitéde  la  rime  et  le  plus  souvent  par  le  nombre 
égal  des  vers.  Le  mérite  de  la  réponse  est  dans  la  concision 
de  l'expression  unie  à  la  vivacité  du  trait. 

Le  poète  Elias  de  Birjols,  pour  être  un  homme  accompli, 

désirait  avoir  entre  autres  qualités  la  droiture  de  Bertrand 

de  la  Tour.  C'est  dire  assez  que  celui-ci  était  né  au  plus  tard 

p«poi,    Misi.  ygj,^  |g  milieu  du  douzième  siècle.  Il  se  trouve  sept  pièces 

,8.).  de  lui  dans  le  manuscrit  0204  du  Vatican. 

L'iiistoire  de  Pélissier  est  associée  à  celle  de  Blacas  et  à 
celle  du  dauphin. 

Ce  tioubailour  naquit  à  Marcel,  bourg  situé  dans  la 
vicomte  de  Turenne.  C'était  un  simple  bourgeois,  mais 
riche,  honorable,. courtois  et  généreux  :  Borges  Jb  valens  e 
pros  e  lares  e  cortes.  Il  se  fit  tellement  estimer,  dit  son  bio- 
graphe, que  le  vicomte  de  Turenne  le  fit  bailli  de  toutes  ses 
terres.  Sa  tenson  avec  Blacas  mérite  peu  de  nous  arrêter; 
mais  il  arriva,  continue  le  biographe,  que  le  dauphin  d'Au- 
vergne comtisa  une  dame,  tille  du  vicomte  de  Turenne,  et 
quand  il  allait  à  Marcel,  Pélissier  lui  faisait  des  politesses,  et 
même  lui  prêtait  de  l'argent.  Nous  avons  dit  précédemment 
que  le  dauphin  d'abord  s'était  montré  généreux  jusqu'à 
entamer  sa  fortune  ,  E per  larguesa  soa  perdet  la  meitat  e 


XIII  SIECLE. 


PELISSIRR.  617 

plus  de  tôt  lo  sieii  comtat ;  et  nous  avons  ajoute  qu'il  devint 
ensuite  avide,  tyratinique,  et  même  sans  foi  relativement  à  ses 
moyens  d'acquérir.  La  diUVrenee  survenue  dans  sa  |)osition 
politique  pouvait  avoir  occasioné  ce  changement  de  mœurs; 
mais,  quoi  qu'il  en  soit,  ce  seigneur  se  montre,  dans  ses  rap- 
ports avec  Pelissier,  sous  un  jour  peu  favorable.  Pêlissier  lui 
ayant  dt-mandé  le  remboursement  des  sommes  qu'il  lui  avait 
prêtées,  il  refusa  de  payer,  discontinua  ses  visites  à  Marcel,  ou 
peut-être  même  abandonna  sa  dame ,  et  aùandonet  la  domna  . 
de  vezer.  Le  bailli  voyant  (c'est  ce  que  dit  le  biographe)  que 
ses  sollicitations  étaient  inutiles,  fit  sa  demande  en  vers;  ce 
qui  lui  donnait  le  moyen  de  la  rendre  publique.  Elle  devint 
le  sujet  dé  la  première  strophe  d'une  tensonoùil  disait: 

Al  dalfin  man  qu'estei  dinz  son  hostal  jj^^  j     Vai'- 

E  ni;mj,'e  pni  e  s  gart  (J'csinagresir,  „„  3jj,^_  f  ^_ 

Cotn  picz  no  sap  a  son  amie  gandir 
Qiian  n'ac  tôt  trait  lo  gasaing  et  capdalj 
Reniansut  son  li  messatg'  e  'i  correu, 
Que  lonc  temps  a  non  vi  carta  ni  breu. 
E  nulls  liom  piechs  so  que  ditz  non  aten  ; 
ftlas  joves  es  e  castiara  s'en. 

Au  dauphin  je  mande  qu'il  demeure  dans  sa  maison, 

Et  manye  bien ,  et  se  garde  de  maigrir. 

Car  pire  ne  sais  (  qu'  )  à  son  ami  échapper 

Quand  on  en  a  retiré  tout  le  capital  et  l'intéréL 

Sont  demeurés  Jsans  réponse)  mes  messages  et  mes  courriers , 

Que  long-tenq>s  y  a  je  n'ai  vu  papier  ni  lettre. 

Nul  homme  |iire  (  que  celui  qui)  ce  qu'il  dit  n'exécute; 

Mais  il  est  jeune,  et  il  s'en  corrigera. 

S'il  y  eut  quelque  hardiesse  dans  cette  attaque,  il  y  eut 
bien  de  la  hauteur  dans  la  réponse.  Lo  dalfins  respondet  a 
Peire  Pelissier  vilananien.  e  cotn  iniquitat  : 

Vilan  cortes  ,  l'avetz  tôt  mes  a  mal 
So  qu'el  paire  vos  laissai  al  morir; 
Cuiilatz  vos  donc  ab  lo  nieu  enrequir, 
Malgrat  de  Dieu  que  us  tetz  fol  natural? 
Ja,  per  ma  te,  non  auretz  ren  del  meu. 

Vilain  courtois,  vous  l'avez  mis  à  mal    | 

Ce  que  votre  père  vous  laissa  en  mourant  ; 

Vous  croyez  donc  avec  le  mien  vous  enrichir 

Malgré  (  la  volonté  )  de  Dieu  qui  vous  a  fait  de  folle  nature? 

Jamais ,  par  ma  foi ,  vous  n'aurez  rien  du  mien. 

Tome  XVni.  I  i  i  i 

<.  2  • 


Xm  SIECLE. 


618  PELISSIER. 

La  chose  est  claire,  le  dauphiii  doit  et  ne  paiera  point, 
parce  qu'il  ne  veut  pas  payer.  Ce  n'est  là  que  l'abus  de  la 
force;  mais  le  mot  de  vilaii  cartes  est  bien  |)lus  dij^ne  dat- 
tenticn.  Le  dauphin  semble  voir  avec  déplaisir  qu'un  vilain 
polisse  ses  manières ,  s'élève  au  ton  delà  haute  compagnie, 
devienne  un  homme  courtois.  T^e  mot  de  vilain  et  ctlui  de 
courtois  lui  semblent  ne  pouvoir  s'allier  l'un  avec  l'autre. 
L'habitant  des  villes  et  le  familier  des  cours  ne  peuvent 
avoir,  suivant  lui,  rien  de  semblable  dans  leurs  habitudes. 
Nous  voyons  ici  pourquoi  ce  seigneur  ennoblit  Pcrdigon  ,  et 
nous  pouvons  remarquer  en  même  temps  combien  la  cour- 
toisie, dont  tant  de  troubadours  offrirent  le  modèle  et  don- 
nèrent même  des  leçons,  fut  utile  à  la  civilisation. 

É— D. 


PIERRE   DE  MAENSAC. 


r  lERRE  DE  Maensac  et  son  frère  Austors  étaient  deux  pau- 
vres chevaliers,  propriétaires  en  commun  d'une  très-petite 
terre  où  se  trouvait  le  château  dit  de  Maensac,  lacjuelle 
formait  leur  unique  héritage.  Tous  deux  faisaient  des  vers 
et  tiraient  profit  de  leur  talent.  Cette  ressource  ficilita  le 
partage  de  leur  mince  fortune.  Par  un  arraiigometit  assez 
singulier,  ils  convinrent  qu'Austor  posséderait  la  terre,  et 
que  le  produit  de  leurs  vers,  donné  tout  entier  à  Pierre, 
formerait  sa  part  dans  les  biens  communs  :  EJoron  anidui 
en  concoidi  que  l'uns  dels  agues  la  castel ,  c  l autre  to  trohar. 
C'était  de  la  part  de  Pierre  compter  beaucoup  sur  son  propre 
talent,  ainsi  que  sur  le  talent  et  surtout  sur  la  loyauté  de 
son  bère. 

Heureusement  leur  petit  domaine  était  situé  dans  les  états 
du  daiipliin  d'Auvergne  f|ui  les  protégea,  et  sans  doute  les  fit 
particij)iraux  bien  faits  qu'il  répandait  sur  beaucoup  de  poètes. 
Pierre  (hantait  dans  ses  vers  la  femme  d'un  seigneur  nommé 
Bernard  de  Tierci.  Ses  chansons  eurent  une  telle  puissance 
.sur  le  cœur  de  cette  dame,  qu'elle  se  laissa  enlever  par  le 
poète,  le([uel  la  conduisit  dans  un  château  appartenant  au 
dauphin.  Vainement  le  mari  demanda  sa  femme,  fit  grand 


XIII  SIECLE. 


PIERRE  DE  MAENSAC.  619 

bruit ,  entra  même  en  campagne  avec  des  hommes  de 
guerre;  la  protection  du  dauphin  mit  le  poète  et  sa  dame 
en  sûreté,  et  Maensac  ne  la  rendit  jamais  :  E'I  daljins  lo 
niantenc  si  que  mais  no  li  la  rendet.  Tel  était  alors  l'abus  de 
la  force. 

On  ne  connaît  de  ce  poète  que  deux  chansons ,  l'une  com- 
menç;nit  par  Estât  aurai  de  cantar,  l'autre,  par  Longa  sazon 
ai  estât  vas  anior.  Par  une  fatalité,  dont  la  transcription 
des  ouvrages   des  troubadours  olfre  de  nombreux  exem- 
ples,  la  première  de  ces  deux  pièces,  insérée  dans  le  manu- 
scrit ^225  de  notre  Ribliothèque  royale,  sous  le  nom   de 
Pierre  de  Maensac,  s'y  trouve  une  seconde  fois  sous  celui 
de  Gui  d'Uissel  ;  et  la  seconde  pièce,  copiée  aussi  dans  le     Biss.dciaBibi. 
manuscrit  7225,  se  lit  dans  le  manuscrit  7226,  sous  le  nom  """y-  "•  7"5,  r. 
de  Cadenet  ;   d'où  il   pourrait  suivre  que  nous  n'aurions  '°7*'9'- 
aucune  production  authentique  d'un  poète  assez  distingué,      jj    ^^g  |.^| 
et  de  qui  le  biogra|)he  dit  (|u'il  montra  autant  de  talent  pour  iSg. 
les  vers  que  pour  la  musique  :  EJez  avinens  cansos  de  sons  e 
de  motz.  Mais  ces  pièces  se  trouvent  l'une  et  l'autre  dans  le 
manuscrit  32o4  du  Vatican,  sous  le  nom  seul  de  Pierre  de 
Maensac  ;  de  sorte  qu'on  peut  les  regarder   avec  conGance      Mss.  duVati- 
comme  des  ouvrages  de  ce  trouijadour.  can,n.  3ao4,f. 

<t  Long-temps,  dit  le  poète  dans  la  première  pièce,  j'ai  ^  ' 
a  demeuré  sans  chanter,  aucun  sujet  ne  m'y  excitait;  mais 
«  aujourd'hui  mon  cœur  me  porte  à  essayer  décomposer  de 
<r  bonnes  paroles  et  un  air  gai  ;  car  il  est  bien  convenable,  si 
«  je  connais  un  peu  l'art  de  parler,  que  je  peigne  gentiment 
«  celle  de  qui  je  suis  le  serviteur. 

Mas  ar  ai  cor  que  m  n'assai 
De  far  bos  molz  ab  son  gai, 
Quar  ben  estai 
Si  saup  ab  pauc  de  dire, 
Gen  razonar  leis  cui  es  obezire. . .. 

Il  finit  en  disant  à  sa  dame  :  «  Depuis  qu'avec  un  doux 
«  regard  lancé  sur  moi  par  votre  œil  conquérant,  vous 
«  m'êtes  venue  ravir  mon  cœur,  jamais  je  ne  vous  ai  fait 
<t  olfense;  et  puisque  vous  tenez  mon  cœur  vers  vous,  j'es- 
«  père  que  vous  ne  le  tuerez  point  désormais;  mais  bien  je 
c  sais  que  si  le  tuer  vous  voulez,  il  ne  saurait  mourir  d'un 
«  si  glorieux  martyre. 

T   •  •  • 


xni  siECi^. 


6-20  PIERRE  DE  MAENSAC. 

E  pos  mon  cor  tenetz  lai , 
No  cug  l'auciatz  oiniai; 
l'ero  he  sai 
Que  ,  si  '1  volerz  aiicire, 
No  pot  iiiorir  ab  tan  honrat  niartiie. 

Ce  n'est  là  que  de  l'esprit,  mais  ce  sont  des  mots  arrangés 
du  moins  avec  grâce. 

D.ins  la  seconde  chanson,  il  dit  qu'il  a  aimé  lon^^-temps 

iov''n.''7J25',''f.'  loyalement  et  en  liane  serviteur  une  dame  de  haut  parafe, 

107,  ch.  4^2.'      qiii  aujourd'hui  le  joue  et  l'ahandonno.  Il  pourrait  se  venger 

d'elle.  «  De  même,  dit-il,  que  j'ai  su  faire  valoir  son  mérite, 

«  je  saurais  bien  opérer  son  dommage: 

Qu'aissi  com  sap  cnantir  sa  valor, 
Li  sauhria  percassar  son  dainnaige; 

«  mais  je  n'en  ferai  rien  ;  toute  ma  vengeance  sera   de  la 

a  quitter.  » 

1!  paraît  qah  l'époque  des  différends  de  l'évèque  de  Cler- 

mont  avec  le  dauphin  d'Auvergne,  Pierre  de  Maensac  prit 
l'iJcecommen-  parti  pour  cc  dernier.  L'évèque  s'en  est  vengé  par  un  sir- 
..ani  par  Pecre  yg,,te    oîi  il  lui  rcprochc  d'être  pauvre,  de  le  devenir  chaque 
Mss.duVa'i-  jour  davantage,  et  de  navoirpas  même  un  cheval  pour  le 
.an,  n.  3207.  r.  scrvicc  militaire.  On   voit  dans  cette  pièce  que  Pierre  de 
^"  !Maens«e  avait  reçu  quelques  bienfaits  du  roi  Philii^pe-Au- 

Vatican.  3ïo', ,  gustc,  cu  sa  quahtc  de  poète.  Leveque  veut  lui  en  oter  le 
loi.  2i.c>erso.'   mérite.  «  Le  roi  ne  serait  pas  aussi  sage  qu'on  le  dit,  s'il 

«  retenait  la  paie  des  cavaliers  à  qui  il  confie  sa  persoime, 

a  pour  salarier  des  jongleurs.  Si  jamais  il  vous  a  tenu  à  son 

«  service,  c'est  par  courtoisie  et  pour  l'amour  de  Dieu,  car 

«  il  vit  que  vous  étiez  dans  le  besoin. 

E  s'anc  jorn  vos  i  tenc ,  felz  o  per  cortosia 
E  per  amor  de  Deu  ,  car  vit  cops  vos  avia. 

Pierre  de  Maensac  se  vantait  aussi  d'avoir  ^-.uivi  le  roi  dans 
riuelqu'une  de  ses  expéditions:  «Cela  ne  se  peut,  lui  dit  à 
a  ce  sujet  l'évèque,  à  moins  que  vous  n'ayez  suivi  le  roi  à 
«  pied.  » 

On  voit  enfin  dans  cette  pièce  que  Philippe-Auguste  pro- 
tégeait le  dauphin  et  ses  adhérents  :  «  Il  y  a,  dit  l'evêque,  je 
a  ne  sais  combien  de  sots,  no  sai  qan  nesci,  qui  tous  les 


XIII  SIECLE. 


•5o.',. 


FOLQUET  DE  ROMANS,  itc  621 

«  jours  disent  des  folies  contre  moi  ;  m;iis  si  le  bon  roi 
«  Philippe  ne  s'en  mêlait ,  tel  chante  aujourd'hui  de  moi  qui 
ft  alors  en  pleurerait. 

Mas  sel  Los  reis  Plielijis  no  s'en  entremotia  ,  Rajii.  C.noii  , 

Tais  chante  er  de  nii ,  q'ailonc  en  pluiai ia,  '  ,  '  ^'    '   . 

'  '  Paru,  on  11  [I 

•). 

Ces  traits  sont  moins  à  remarquer  pour  l'histoire  de  Pierre 
de  Maensac  que  pour  celle  de  PiMli|)pe-Au^uste ,  puisqu'ils 
nous  apprennent  que,  soit  politique  ou  amour  des  lettres, 
ce  prince  versait  ses  hientaits  sur  des  troubadours. 

]\I.  Raynouard  a  publie  le  premier  couplet  de  la  pièce 
commençant  par  Estât  aurai  ;  Al.  de  Rochegude  l'a  donnée 
tout  entière.      ,  E — D. 


FOLQUET  DE  ROMANS 
BAUDOUIN  IX, 

COMTE     DE     FLANDRE. 

r  oi.QUET  dit  DE  PvOMANS  naquit  au  bourj^  de  Romans  ou 
lîotuians  ,  dans  le  Viennois,  vraisemblal)lcmeMt  vers  les 
années  1170  ou  iiyS.  Domii.é  j)ir  l'amour  des  vers,  il  se 
livra  à  la  profession  de  troubadour,  quitta  son  pays,  et  se 
mit  à  visiter  les  cours,  espérant  y  faire  briller  son  talent. 
Apres  avoir  sans  doute  |)orté  ses  hommages  dans  Aix,  à  Al- 
phonse I^*",  comte  de  Provence,  il  se  rendit  chez RIacas.  C'était 
alors  le  moment  où  se  préparait  la  croisade  de  l'an  iig5. 
Ce  fait  nous  est  indiqué  par  la  tenson  dont  nous  avons  parlé 
dans  l'article  de  RIacas,  où  FoUpiet  dem.inde  k  ce  seigneur 
s'il  se  croisera,  en  supposant  que  l'empereur  Henri  VI  com- 
mande l'armée,  et  où  RIacas  ré|)ond  qu'il  est  tendrement 
aimé  d'une  dame  en  qui  est  beauté  accomplie,  et  qu'il  fera 
sa  pénitence /?ar  deçà,  entre  mer  et  Diimncc. 

Du  château  de  Riacas,  Foiquet  se  rendit  chez  le  marquis 
du  Carret,  mari  de  Réatrix  de  Montferrat ,  et  forma  avec  ce 
seigneur  une  liaison  qui  subsista  pendant  toute  la  vie  du 
poète. 


lui  SIECLE. 


riècerommen- 
<;ant  par  Pois 
vczein.  Mss.  du 
Vatican, n. 3207, 
fol.  Si  verso. 


Même  manu- 
scrit,  ibid. 

Rajrn.  Choix , 
(.  V,  p.  I  5a. 


6a2  FOLQUET  DE  ROMANS, 

En  1201  et  i2oa,  on  le  voit  à  la  cour  de  Montferrat.  Bo- 
niface  II  y  régnait,  et  allait  partir  pour  la  croisade  de  l'an 
iao2.  C'est  auprès  de  ce  prince,  ou  chez  quelque  seigneur 
des  environs,  que  Foiquet  fut  connu  du  comte  de  Flandre, 
Baudouin  IX,  qui  pirtit  pour  la  Syrie  avec  Boniface,  et  de- 
vint peu  de  temps  après  empereur  de  Constantinople.  Ce 
prince,  instruit  dans  la  langue  provençale,  mais  apparem- 
ment peu  accoutumé  aux  fan\iiiarités  des  troubadours  avec 
les  grands,  l'attaqua  par  la  première  strophe  d'une  tenson, 
où  il  semblait  lui  faire  un  reproche  de  quelque  somme  d'ar- 
gent qu'il  avait  déjà  amassée,  et  l'invitait  à  suivre  droit  sa 
route,  et  à  ne  pas  prendre  des  tons  au-dessus  de  son  rang. 
«  Je  vois  ici ,  ajoute-t-il ,  les  gens  disant  que  pour  cinq  cents 
o  marcs  d'argent  il  ne  faudrait  vous  mettre  gage.  » 

Pero  conseill  li  darai  gen 
Et  er  fols  s'fl  no  l'enten  , 
C'ades  tegna  son  viatge 

Dreit  lai  vas  son  estatgej 
Que  sai  vei  la  gent  disen 
Que  per  cinq  cent  marcs  d'argen 
No  iii  calria  mètre  gatge. 

Le  poète  répondit  avec  assez  de  noblesse  et  un  peu  de 
causticité  : 

Aissi  com  la  clara  stela 
Guida  las  naus  e  condui, 
Si  guida  Los  preiz  selui 
Q'es  valens,  francs  e  servire, 
E  sel  t'ai  gran  Faillinien 
Que  fo  pros  e  s  en  repen 

Per  Hac  avol  coratge; 
Qu'en  sai  ta!  qu'a  mes  en  gatge 

Prez  e  valor  ejoven, 
Si  que  la  tebres  lo  repren 
Qui  l'enquer,  tan  l'es  salvatge. 

Ainsi  comme  la  brillante  étoile 

Guide  les  nefs  et  les  conduit, 

Se  dirij;e  vers  bon  prix  celui 

Qui  est  homme  d'honneur,  franc  et  serviable,. 

El  celui-  là  fait  grand /aillinie/t 

Qui  fut  preux  et  .s'en  npent 

Par  mollesse  et  n)ani|ue  de  courage. 
Je  connais  tel  qui  a  mis  en  gage 

Mérite,  valeur  et  jeunesse, 
Si  bien  que  la  fièvre  le  reprend 
Qui  (  que  ce  soit  qui  j  l'attaque,  tant  il  lui  est  efCrayant. 


BAUDOUIiN  IX,  COMTE  DE  Ff  ANDRE.        6^3 

IIIISIRCLE. 

Elevé  en  Italie,  et  plus  familier  que  Baudouin  avec  les  

habitudes  des  poètes  provençaux  ,  l'empereur  Frédéric  II 
accueillit  Folquet  avec  plus  d'altabilité.  Placé  d'abord  , 
comme  on  sait,  sur  un  trône  qu'Othon  IV  lui  disputait,  il 
ne  fut  délinitivement  couronné  empereur  qu'en  I2i5.  C'est 
visiblement  à  cette  époque  que  Folquet,  qui  avait  éprouvé 
ses  largesses  auparavant,  lui  adressa  son  sirvente  commen- 
çant par  le  vers 

'  Ms».ilelanil)l 

.,  .  voy.  n.  7698,  p. 

ïar  voill  un  non  sirventes,  ^2^ 

Mss.  n.  79.a5. 

où ,  après  quelques  reproches  contre  les  grands ,  en  général ,  foi.  189  verso, 
qui  ne  se  montrent  pas  aussi  généreux,  que  ceux  des  temps 
précédents,  il  parle  ouvertement  de  Frédéric.  «Que  jamais 
«aucun  de  mes  amis  puissant  ne  devienne,  puisque  le 
«  seigneur  Frédéric,  qui  sur  tous  règne,  était  généreux  avant 
«  qu'il  fût  puissant,  et  que  maintenant  il  lui  plaît  retenir  la 
«  terre  et  l'avoir  :  ceci  m'ont  conté  comme  vrai  tous  ceux  qui 
«  en  viennent. 

Jamais  nucill  de  mos  amies 
No  viioill  licx  (levenha, 
Pos  mon  senher  Fredericx 
Que  sobre  totz  renlia,  etc. 

On  voit  déplus,  dans  une  des  strophes  suivantes  ,  que 
Frédéric  vient  en  effet  d'être  définitivement  reconnu  pour 
empereur. 

E  lau  Dieu  que  sus  l'a  mes 
E  ill  a  dat  corona. 

Le  sirvente  enfin  est  adressé  à  Frédéric  lui-même,  à  qui 
le  poète  ne  craint  pas  de  dire  ouvertement  sa  pensée.  Il  y  a 
dans  cette  pièce  un  assez  lieureu\  mélange  de  respect  et  de 
familiarité.  Tel  était  le  ton  décent  et  libre  auquel  nos  poètes 
méridionaux  avaient  habitué  leurs  souverains.  La  conduite 
compi'.rée  de  Frédéric  et  de  Baudouin  nous  fait  jugir  des 
bons  effets  de  la  manière  de  parler  et  de  se  conduire  avec 
les  grands,  ado|)tée  par  les  troubadours  les  plus  estimables , 
et  des  services  que  leurs  talents  rendaient  à  la  société. 

Un  autre  sirvente  de  Folquet  contre  les  mauvaises  mo'urs 
de  son  siècle  date  de  l'époque  où  Frédéric  venait  de  prendre 


XIIISEECI.E. 


624 


FOLQUET  DE  ROMANS, 


la  croix,  par  conséquent  de  l'an  1228.  Le  poète  s'élève  d'a- 
bord contre  le  clergé  : 


It'iiinl:.  et  , 
>lsi.  (le  la  liilil. 
io\  11.  270  I ,  (  11. 
40J. 

lia  Ml.  Clioi»  , 

I.    IV,    p.    19.6. 

l'.iiiinsse  01,- 
lit.  |).  121. 


Msï.  tlil  de 
Ma/.aiiguesoude 
Picresc   ,     pièce 

i55. 


Tornatz  es  en  pane  de  valor 
Lo  segles  qui  ver  en  vol  ilir, 
El  elergue  son  ja  li  [njor 
Q.it 


clfiTan  los  lies  iiiantenir. 


Une  strophe  de  cette  pièce  mérite  p;irliculièrement  d'être 


citée  : 


Ben  voli^ra  acsem  un  senhor 
Ah  tan  (le  poder  e  d  aihir 
Quais  avols  tolgues  la  ricor 
E  iio'ls  laisses  terra  tenir, 

E  dones  l'eretat^e 
A  tal  (jue  fos  pros  e  pre/alz; 
Quaissi  11»  I  segles  conieusatz, 

E  no  y  •gardes  liidiatge  , 
E  ni'.ides  lotz  los  ii{z  nialvatz, 
Si  <'oni  fan  Lonibartz  poestalz. 

Bien  voudrais  eussions  un  seigneur 
Avec  assez  de  pouvoir  et  de  resolution 
Qu'aux  méchiiuts  il  ravît  leurs  richesses 
Kl  ne  les  laissât  teri es  tenir, 

Et  doiuiàl  les  héritages 
A  tel  (pli  fut  preux  et  estimé; 
Qu'ainsi  fût  le  si(>cle  présent; 

Kt  sans  regarder  aux  descendances  (  des  familles  ) , 
Qu'il  changeât  tous  les  riches  m(^chants. 
Comme  changent  Lonibartz  leurs  podestats. 

Cette  strophe  frappait  contre  la  tyrannie  des  possesseurs 
de  fiefs,  et  attaquait  le  principe  de  l'hérédité. 

Esprit  chagrin  et  un  peu  froid,  F'olquet  de  Romans  ne 
montre  pas  beaucoup  plus  de  chaleur  dans  ses  chansons  d'a- 
mour que  dans  ses  sirventes.  Une  de  ses  meilleures  pièces 
erotiques  est  celle  qui  commence  par  le  couplet  suivant  : 

Ma  bella  dopna  per  vos  dei  esser  gais 
Cal  départir  me  dones  un  dolz  bais, 
Tan  dolzamen  lo  cor  del  cors  me  trais. 
Lo  cor  avez  ,  dopna  ,  que  lo  vos  lais  ; 
Per  tal  eoven  (['eu  no'l  voill  cobrar  mais. 
Que  meill  non  pies  a  Raol  de  Cambrais 
Ne  a  Flori  qan  poget  al  palais 
Corn  fez  a  mi,  cai-soi  fins  e  verais, 
I\la  bella  dopna. 


BAUDOUIN  IX,  COMTE  DE  FLANDRES.      6^5 

Ma  belle  dame,  à  call^c  de  vous  je  dois  è(re  gai,  SIl.CLE. 

Qui  au  départ  («'avez  donné  un  doux  baiser,  — — ^— — — _ 

Et  si  doucement  mon  cœur  avt'z  de  mon  sein  retiré; 
Mon  cœur  vous  le  tenez,  dame,  et  je  vous  le  conlie 
A  telle  condition    que  je  ne  le  reprenne  jamais; 
Car  mieux  n'advint  à  Raoïd  de  Cambrai, 
Ki  à  Floris,  (jiiand  il  monta  au  palais. 
Que  n'avez  lait  pour  moi  qui  suis  loyal  et  vrai, 
Ma  bonne  dame. 

Il  y  a  plus  de  vivacité  dans  la  pièce  qui  commence  par 
ces  vers  : 

Mss.  du  Vat!- 
Auzels  no  truob  chantan,  can,  n.   32o6  , 

Ni  non  vei  flors  novella  ,  pièce  60. 

Mais  ieii  no  m  lais  de  chan 
Ni  de joi 

Oiseaux  je  ne  trouve  chantant, 
Ni  ne  vois  fleur  nouvelle, 
Mais  je  ne  suspends  ni  mon  cliant 
Ni  ma  joie  ,  etc. 

Vers  l'an  1228,  à  IVpoque  sans  doute  du  de'part  de  Fré- 
déric Il  pour  la  Syrie,  un  poète  français,  que  le  mai!us(  rit  du 
Vatican,  Sao-jCt  Crescimbeni  qui  l'a  suivi,  nomment  Hugues 
de  Bersie,  et  que  le  manuscrit  de  Modène  i  179  dit,  par  une 
erreur  évidente,  êtie  Ebles  d'Uissel,  invitait  Fulquet  a  partir      Mss.duVaii- 
pour  la  Palestine  :  n  Conseille-lui,  disait-il  à  Bernard,  son  ^^"' "•  2*07,  f. 
«  jongleur,  de  ne  pas  employer  tout  son  esprit  et)  folies;      mss.  de  Mo- 
«  rrous  avons  lui  et  moi  grande  part  de  notre  âge,  grant part  ^ène.n.  1179. 
a  de  nostre  eage;  il  ferait  bien  d'amender  sa  vie,  car  à  la  lin      Crescimbem  , 
il  est  hors  dt:  jonglerie ,  car  a  la  fin  es  for  de  joglaria. 

Folquet  ne  suivit  pas  ce  conseil.  Il  paraît  avoir  passé  la 
plus  grande  prirtie  de  sa  vie,  tantôt  dans  son  pays  natal, 
tantôt  chez  le  marquis  de  Montlerrat,  le  marquis  du  Carret, 
celui  de  Malespine,  à  Vérone,  chez  les  princes  d'Est,  et  dans 
d'autres  cours  de  la  Haute-Italie.  On  ne  trouve  plus  de  traces 
de  son  histoire  après  les  années  1228  ou  1229. 

On  voit  dans  la  pièce  attribuée  à  Hugues  de  Bersie,  qu'en 
1228  il  était  déjà  avancé  en  âge.  Nous  supposons  sa  mort 
arrivée  entre  i2ioet  1240. 

Nous  avons  de  lui  seize  pièces,  dont  quelques-unes  sont      Pamas  occit 
attribuées  à  d'autres  troubadours.   M.  de  Rochegude  en  a  p.  121. 
publié  une  ;  IVI.  Raynouard  ,  deux  ,  dont  une  est  la  même  que      "^ï"-  ^''"'^  ' 
celle  de  M.  de  Rochegude,  et  un  fragment  d'une  troisième,     jy  p  ''ni  làe 

É— D. 

Tome  XFlir.  Kkkk 


xm  su  CLK 


JEAN  D'AUl'.USSON. 
NI(]OLET   DE    TURIN 

JLii.s  détails   de  la   vie  de  ces  deux   troubadours  sont   peu 

Mjs.tieiaBii.i    c-oiitius;  on  sait  seuleiiieiit  (jue  Jean  d'Aul)ussoii  a  composé 

.lu  Vatican    ii  tcnsoii  avec  Soidcl  ;  Nicolet  de  Turin,  une  avec  Folquet 

3207,  loi.  !)o   il  '  t       c     ■  /  ^  r\<  \ 

54.  de  Romans,   une  autre  avec  Hugues   de  Saint-l^yr.    I)  Au- 

Mss.iieiaiiiiii.  biisson  a  aussi  adressé  à  une  dame  de  Provence  une  chanson 

Laurenliaua,  tli.  ^ 

I  ^.  commençatit  parce  vers: 

Donn;i  de  cliaiitiir  ni  talon. 

Mais,  de  plus,  ils  ont  composé  ensemble  une  tenson  singu- 
lière, oui  appelle  ici  notre  attention. 

OtJ  ne  peut  guère  douter  (|ue  ?^icolet  ou  Nicoictto  di  Tu- 
rino  ne  fût  né  à  Turin,  ou  ijue  du  moins  il  n'eût  habité 
long -temps  cette  ville,  l^e  lieu  de  la  naissance  de  Jean 
d'Aubusson  est  inconnu.  Les  auteurs  italiens  semblent  se 
plaire  à  le  croire  leur  compatriote.  Dans  le  manuscrit  du 
,    ,,   .    Vatican,  n"  8207,  au  titre  de  sa  tenson  avec  Sordel,  il  est 

3l5s.  du  \ali-  .1  'lin-  r-  ■       \         ■    v  W       / - 

cil) ,  :i.  iîo;,  I    nomme  Joanez  dcd  uiicion.  Lrescimueni  [appelle  Uiovani 

''•"  (i  Jlbuzone ,  nom  qu'il  croit  dérivé  de  Gianrùdal  Buscione 

(rescimiirm  ,  ^     G/afinï  dcl  Bosco.  La  chausou  que  nous  venons  de 

Ist'ir.  délia  \ok;.  ni'  !f    -i    i-      i 

pooi.  t.  H.  p.ig    citer  (  Donna  de  cli(intar)  détruit  ou  attaiblit  beaucoup  ces 
'»8.  conjectures,  et  montre  assez  évidemment  qu'il  était  ne  dans 

la  Provence  orientale.  «  Va  chanson,  dit  l'auteur  dans  l'en- 
te voi ,  auprès  des  meilleures  dames  que  je  connaisse,  en 
«  Provence  et  non  ailleurs,  et  là,  salue-moi  de  ma  part  toutes 
(t  les  personnes  les  plus  estimées,  et  surtout  mon  stigneur 
a  Blacas. 

Chanson,  entre  Is  meillors  q'eu  sai, 

E  vas  nulla  autra  part  t'en  vai , 

Mss.  de  la  Bi  £„  Proensa  ,  salu.la  m  lai , 

,  ,  De  ma  part,  toz  los  plus  presaz, 

|jana,cnans.  1  i-.  ,  r        '  .      r  r 

boure  totz  mon  seisnor  ulacaz. 

Mais   quelle   que   puisse   avoir    été   sa    patrie,   ce    poète 


J.  ITAUBUSSON,  NICOLET  DE  TURIN.        Ga; 


Xm  SIECLE. 


éprouva,  ainsi  que  Nicolet  de  Turin,  les  passions  politiques 
qui  aniniaietit  de  son  temps  les  iiabitauts  de  la  T-omljaidie. 
'lousdeux  étaient  (liùeliiis ;  cest  leur  admiration  enthou- 
siaste pour  Frédérie  II  qui  forme  le  sujet  de  leur  tenson. 

Frédéric,  en  i235,  ayant  appris  la  lévolte  de  Henri,  son      Muraiori, ,^/j- 
iils,  roi  des  Romains,  partit  aussitôt  de  ses  états  d(;  Naples  ""''  'i'^'"''",*- 
jjour  l'Allemagne,  aKn  de  le  soumettre, et  il  l'eut  bientôt  fait  '  ' '' 
prisonnier.  Pendant  son  absence,  la  ligue  lombarde  se  re- 
noua. Milan,  Brescia ,  Mantouc,  Bologne,  Plaisance  et  d'au- 
tres villes  relevèrent  leurs  étendarts  contre  le  prince  qu'elles 
appelaient  le  tyran  de    l'Italie;   tandis,  au  contraire,   que 
Oémone,  Bcrgamo  ,  Parme  ,  Reggio,  Alodène  se  déclarèrent 
(le  nouveau  pour  lui.  Au  mois  de  mai  de  l'an  I2'36,  comme      ïi"<'-  p  3G^- 
l'empereur  se  [)résenta  aux  marches  de  l'Italie  avec  son  armée,     '' 
les  villes  guelfes  fermèrent  leurs  |)ortes.  Il  les  assiégea;  les 
succès  furent  difiérents   Vérone   fut  piise,  le  territoire  de 
^■lantoue  ravagé,  Milan  résista  et  garda  la  défensive. 

C'est  dans  ce  moment  que  deux  troubadours  publient  en 
langue  provençale  une  tenson  oii  ils  proclament  la  grandeur 
de  l'empereur,  et  prédisent  ses  victoires;  et  cette  tenson  va 
être  chantée  dans  les  villes  en  armes  de  l'un  et  de  l'autre 
parti. 

C'est  Jean  d'Aubusson  qui  interroge:  «  Seigneur  Nicolet,     Mss.dciaBMii. 
Π dit-il,   d'un  songe  merveilleux  qui  me  frappait  une  nuit  l.aurcni.aiia,.ii. 
«  dans  mon  sommeil ,  je  désire  que  vous  me  donniez  l'expli-   '^'^ 
a  cation  ,  car  il  m'effrayait  beaucoup.  Devant  un  aigle  venant 
«  de  Salerne,  et  volant  de  ce  côté  dans  les  airs,  s'enfuyaient 
K  tous  les  aigles  autant  qu'il  en  paraissait.  Si  bien ,  qu'il  en 
n  eiit  pris  autant  qu'il  eût  voulu,  et  que  devant  lui  nul  nomme 
«  n'aurait  pu  se  défendre. 

En  Nirolt't  ,  d'un  songe  qu'ieu  sognava 
Maravillios,  una  noii  quan  dorniia, 
Voill  m'esplani'z,  quf  niolt  m  rspaventava  ; 
Tôt  los  aigles  d'un  aigla  que  vcriia 
Devers  Salern  sa  per  faire  volan, 
Et  tôt  quant  es  fugia  li  denan .  .  . 

Nicolet  répondait  :  «  Jean  d'Aubusson  ,  l'aigle  re|)résentait 
c  l'empereur  entré  dans  la  Lombardie;  son  vol  si  élevé  était 
a  le  signe  de  sa  grande  valeur,  pour  laquelle  chacun  fuyait 
(  de  ceux  qui  ont  envers  lui  toit  ou  faute;  car  déjà  contre 
€  lui  ne  pourraient  empêcher  ni  terre,  ni  homme,  ni  autre 

Kkkka 


MU  SIÈCLE. 


028        J.  D'AUBUSSON,  NICOLET  DK  TURIN. 

«  chose  (  puissance  )  existante,  qu'il  ne  soit,  ainsi  qu'il  con- 
«  vient,  maître  de  tout. 

Jo.'iii  (lAlhiizon,  l'aii^la  dcmostrava 
L  empci.iilor  (jut-  vcii  per  F.omljjrciia  , 
E  lo  vcilar  tant  haut  si"ni(icava 
Sa  giati  valor  ptr  (jiie  cliasfun  fugia 
De  tôt  aicels  (jik-  toit  ni  colpa  li  an; 
Que  ja  fie   lui  iltfciidie  110  s  poiran 
Tfiia  ni  oms  ni  .iiitre  riii  qne  sia  , 
Qix'aissi  corn  taing  tiel  tôt  seignor  non  sia. 

D'Aubusson  continuait  :  «  Nicolet,  si  grande  tempête  me- 
«  nait  cet  aigle  (|iie  tout  en  retentissait;  et  une  nef  de 
«  Cologne  arrivait  plus  grande  que  le  dire  je  ne  pourrais, 
<t  plein  de  feu,  |)ar  les  terres  naviguant;  et  l'aigU;  par  la  grande 
«  tempête  souillait  le  feu;  et  le  feu  allumait  et  embrasait 
'(  tout  de  toutes  parts  là  où  l'aigle  volait. 

E\  JNicolt't  ,  tan  gran  aura  tncnava 
Afjuest  'aigla  que  tôt  quant  es  brugia  ; 
Et  nna  naii  de  Cologna  arivava 
Maiers  asaz  que  dir  non  o  porria  , 
l'iena  de  foc ,  per  terra  navigan  ; 
E  liuffa  !  foc  l'aigla  ab  aura  gran  , 
Si  (jiie  lo  fors  ardea  et  aluninava 
Vas  lotas  para  lai  on  l'aigla  volava. 

Nicolet  répliquait  :  «  Le  vent  qui  soufflait  si  fort  est  le 
«  grand  trésor  que  l'empereur  conduit  en  T>ombardie,  et  la 
«  nef  qu'il  poussait  est  la  giaiide  armée  des  bans  allemands, 
«  auxquels  il  donnera  du  trésor  si  grande  quantité  que  cette 
«  armée  montrera  partout  sa  bravoure;  et  bien  me  plaît  que 
«  les  ennemis  il  châtie  ,  et  qu'aux  amis  il  soit  meilleur  et  bon. 

Jean,  l'aura  (1)  que  tan  fort  ventava 
Es  gran  tesaur  que  mena  en  Lombardia 
L'eniperaire  ,  e  la  naus  que  portava 
Es  la  grans  ost  dels  Alamans  bandia 
A  cui  dera  de  lo  gran  tesaur  tan 
Que  1  bst  fara  per  toz  loc  son  talan; 
Et  plaz  nii  foi  t  qu'els  enemicx  castia  , 
E  quais  aniicx  meilhor  e  bon  lur  sia. 

(i)  Nous  substituons  le  mot  mira  au  mot  aigla  que  porte  le  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  Laurentienne  de  Florence.  La  signification  donnée  au 
mot  aigla  y  dans  tout  le  cours  de  cette  pièce,  nous  semble  nécessiter  ce 
ihangenient. 


J.  D'AUBUSSON,  NICOLET  DE  TURIN.        629 

, ,  ,  ,  ...  ,    .'       Xm  SIECLE. 

rretleric  qui,  dans  cette  espèce  de  guerre  civile,  voulait 


s'attacher  Boniface  III,  inarf|uis   de  jMontferrat,  comme  il.     Benvenuto  di 
avait   voulu   s'attacher  Guillaume,  son  père,  respecta  ses  ^--^'orgio, Hist. 

,     .     ,.  „  ,  •  .  '    .         '  M.  Ferrali,  apud 

possessions,  et  lui  ht  même  des  concessions  importantes.  Muraiori.Script. 
Frédéric  dans  toute  sa  conduite  favorisa  constamment  les  etc.  t.  xiii,ioi. 
mar(|uis  de  Montferrat.  C'est  apparemment  pour  lui  témoi-  5*"-58»  «eqq. 
gner  la  reconnaissance  de  ce  prince,  que   les  deux  poètes 
ajoutent  les  strophes  suivantes,  où  ils  promettent  à  l'empe- 
reur de  nouvelles  victoires,  et  le  proclament  le  bienfaiteur 
de  l'univers  : 

«  Nicolet,  il  éteignait  tout  ce  feu  sur  le  Montferrat,  cet 
<c  aigle,  et  il  répandait  une  lumière  si  éclatante  que  le  monde 
«  entier  s'en  réjouissait,  et  il  jetait  encore  sa  lumière  sur 
«  tant  d'autres  contrées,  que  tout  allait  s'en  félicitant.  Puis 
«  l'aigle  s'asseyait  au  haut  des  airs,  dans  une  région  si  élevée 
«  qu'il  veillait  de  là  sur  toute  la  terre. 

En  Nicolet,  tôt  lo  foc  amorzava 
Aquest  aigl:i,  et  un  gran  luni  metia 
En  MontVrrat,  que  tan  fort  esclarava 
Que  lo  scgles  per  tôt  s'en  esbaudia; 
E  metia  d'autre  luni  per  locs  tan 
Que  tôt  quant  es  s'en  anava  allegran; 
Pueis  1  aigla  sus  en  l'aire  s'aseilia 
En  tant  ait  loc  que  tôt  lo  mon  vezia. 

Nicolet  répond  que  la  lumière  qui  brillait  sur  le  .^lont- 
ferrat  représentait  les  bienfaits  de  l'empereur  envers  ce  pays 
et  envers  son  prince,  et  que  l'aigle  sasseyant  au  haut  des 
airs,  était  l'image  de  Frédéric  goûtant  enfin  dans  le  repos 
les  fruits  d'une  domination  universelle. 

Les  deux  envois  méritent  aussi  d'être  rapportés.  «  A  notre 
«  empereur,  honoré,  puissant,  plein  de  mérite,  dit  d'Au- 
«  busson;  puisse  Dieu,  seigneur  Nicolet,  lui  donner  la  force 
«  et  la  volonté  nécessaires  pour  qu'il  rétablisse  la  valeur  et 
«  la  courtoisie,  comme  il  accroît  chaque  jour  son  pouvoir! 

«  Jean  d'Aubusson ,  dit  à  son  tour  Nicolet,  les  bienfaits 
«  de  l'empereur  m'empêchent  de  douter  du  bien  qu'il  doit 
a  encore  faire  :  de  même  qu'il  étend  sa  seigneurie  sur  le 
<(  monde,  de  même  il  fera  ressentir  partout  le  prix  de  son 
«  commandement.  » 

L'intention  que  nous  supposons  à  ces  deux  poètes,  d'ac- 
quitter la  dette  de  Boniface  III ,  diminue  sans  doute  le  mérite 

4  3 


XIII  SIKCLE. 


63o  GUILT>AUME  DE  LA  TOUR. 

ou  le  tort  qu'ils  peuvent  avoir  eu  à  tant  exalter  l'empereur 
sur  son  projet  de  dominer  l'Italie;  mais  nous  n'examinons 
point  cette  pièce  dans  ses  rapports  politiques  ou  moraux; 
nous  ne  nous  arrêtons  pas  même  à  son  mérite  poétique,  à 
l'élévation  du  style,  à  la  noblesse  du  langage;  une  autre  idée 
nous  paraît  mériter  encore  plus  d'attention,  c'est  le  choix 
même  de  cette  langue  des  troubadours  dans  un  sujet  qui 
intéressait  si  vivement  la  masse  de  la  nation  italienne.  Une 
grande  querelle  s'est  élevée  entre  des  villes  lombardes  qui 
dcicndcnt  leur  liberté,  et  le  monarque  (\m  prétend  les  asser- 
vir; les  peuples  sont  divisés  d'intérêts  ou  du  moins  d'opi- 
nion; toutes  les  passions  sont  en  mouvement;  la  guerre  est 
partout,  une  guerre  populaire  à  laquelle  tous  les  individus 
preinient  part;  deux  poètes  s'élancent  entre  les  camps  en- 
nemis; ils  célèbrent  la  cause  qu'ils  croient  la  plus  propre  à 
amener  le  bonheur  public  :  qu'ils  soient  Italiens  ou  Proven- 
çaux,  n'importe;  le  fait  à  remarquer  c'est  qu'ils  chantent  en 
langue  romane- provençale;  c'est  dans  cette  langue  qu'ils 
espèrent  être  entendus  de  Frédéric,  de  Roniface,  du  peuple 
de  Milan,  de  celui  de  Mantoue,  de  Rologne,  de  Parme,  de 
Modène!  Tous  ces  peuples  comprennent  donc  cette  langue; 
et  elle  est, 'encore à  cette  époque,  la  plus  propre  à  exprimer 
parmi  eux  des  idées  poétiques.  C'est  là  un  fait  capital  dont 
cette  tenson,  qui  dut  avoir  de  son  temps  une  grande  célébrité, 
nous  donne  une  preuve.  Cette  remarque  est  trop  importante 
pour  ne  pas  mériter  une  place  dans  l'histoire  des  langues  mo- 
dernes. Ajoutons  que  nous  sommes  en  laSG  ou  i^Sy,  et  que 
le  Dante  naquit  seulement  en  12G5.  Du  reste,  l  aigle  de 
d'Aubusson  n'aurait  pas  mal  figuré  parmi  les  créations  du 
génie  d'Aliglneri.  E — ^^D. 


GUILLAUME  DE  LA  TOUR. 
PIERRE  IMBERT. 

r.iesrimi>oni ,  (juiLi.AUME  DE  LA  TouR ,  commc  Jean  d'Aubussou,  habita 
Délia  voij;  pots,  gj  long-tcmps  en  Italie,  qu'il  a  été  pris  comme  lui  pour  un 
'  "'''  '^^       Italien.  Crescimbeni,  qui  le  reconnaît  pour  Français,  cite 


XIII  SIFXLE. 


GUIT.LAUME  DE  LA  TOUR.  63 1 

cependant  les  auteurs  du  journal  De  Litterati  d' Italia ,  qui 
disent  avoir  de  fortes  raisons  de  le  croire  d'origine  italienne, 
s'il  n'était  pas  Italien  de  naissance.  Né  à  un  château  nommé 
la  Tour  dans  le  Périgord-,  vers  l'époque  cm  la  poésie  et  la 
musique  étaient  obligées  de  s'exiler  des  cours  de  ce  pays, 
dont  elles  avaient  tait  si  long-temps  les  plaisirs,  il  alla  en 
Lombardie,  et  s'établit  à  Milan.  Il  avait  assez  de  talent  pour 
obtenir  de  brillants  succès  chez  les  princes:  E  sahia  cansoz 
assatz ,  e  s'enlendia  e.  chantava  e  hen  e  gcn ,  e  trobava.  On 
lui  reprochait  seulement  de  faire  des  préambules  un  peu 
longs,  lorsqu'il  exposait  le  sujet  de  ses  chansons  avant  de 
lès  chanter;  ce  qui  nous  peint  un  usage  des  jongleurs.  Mais 
l'amour  l'enchaîna  de  bonne  heure.  Il  se  passionna  à  Milan 
pour  la  femme  d'un  perruquier,  l'enleva  et  alla  vivre  à  Côme 
avec  elle. 

Peu  de  temps  après ,  cette  femme  étant  morte ,  il  en  conçut 
un  si  violent  chagrin  qu'il  en  perdit  la  raison.  Il  se  persuada 
qu'elle  avait  feint  d'être  morte,  afin  de  se  séparer  de  lui. 
Pendant  dix  jours,  il  la  conserva  au-dessus  du  tombeau  où 
elle  devait  être  renfermée;  chaque  soir,  ouvrant  le  cercueil, 
il  l'en  retirait,  l'embrassait,  l'appelait  par  son  nom ,  lui  de- 
mandait si  elle  était  morte  ou  vivante,  la  conjurait  de  ne  pas 
l'abandonner.  Les  habitants  de  Côme,  instruits  de  sa  folie, 
l'obligèrent  à  quitter  leur  ville.  Alors  il  alla  cherchant  des 
devins  qui  pussent  lui  faire  espérer  que  sa  femme  lui  serait 
rendue.  Il  s'en  trouva  un  qui  lui  promit  qu'elle  revivrait 
dans  un  an  ,  si  chaque  jour  il  récitait  à  jeun  un  grand  nom- 
bre de  prières.  Le  malheureux  troubadour  se  soumit  à  cet 
ordre,  et,  à  la  fin  de  l'année,  voyant  son  attente  déçue,  il  se 
livra  au  désespoir  et  se  laissa  mourir  ;  Ese  desesperet  e  laisset 
se  morir. 

On  voit  dans  une  de  ses  pièces,  qu'à  l'époque  où  il  jouis- 
sait de  sa  raison,  il  fréquentait  la  cour  d'un  marquis  d'Est. 
Ce  marquis,  dit-il,  lui  avait  donné  en  fief  ledroil  de  dire  du 
mal  de  la  gent  méchante  et  perverse. 

Del  marques  d'Est  m'en  c!am  que  m  det  per  feu  Pièce commen- 

Qu'eu  dixes  mal  del  avol  gent  tafura.  '^T^"^^^"'V 

Modène,  f  i88 

Une  autre  de  ses  chansons  est  adressée  à  une  princesse  ^*""- 
Jeanne  d'Est,  à  laquelle  il  dit: 


Xm  SIECLE. 

Pièce  commeo- 
çanl  par  Canson 
ah  gais. 

Mss.de  la  Bibl. 
rojf.  n.  7225,  ch. 
557,  fol.  l3l   V. 


632  GUILLAUME  DE  LA  TOUR. 

El  pretz  bos 
Qu'es  de  vos 
Fai  io  nom  d'Est  cabalos. 

«  Votre  grand  prix  rend  le  nom  <ÏEst  de  plus  en  plus 
«  honorable.  •» 

On  connaît  de  lui  treize  pièces  dont  onze  sont  des  chan- 
sons d'amour,  et  deux  des  tensons  ,  l'une  avec  Sordel ,  l'autre 
avec  un  poète  nommé  Imhert  (vraisemblablement  Pierre 
Imbert),  toutes  deux  sur  (\es  sujets  galants. 

La  chanson  adressée  à  Jeanne  d'Est  se  compose  de  si.x 
strophes  chacune  de  seize  vers,  dont  huit  de  sept  syllabes 
et  huit  de  trois. 


Canson  ,  ah  gais  mbtz  plazens  , 

Aviiiens, 

Entendens, 
Vol  qu'en  retrai  nios  sens; 
En  que  m  plaing  als  fins  amans 

Dels  alfntis 

E  dels  dans 
Que  ni  don'  aniors  trop  pesanzj 
Don  nii  fai  assi  languir 

E  ilelir; 

One  'Miiir 
Nom  vol,  ni  i.iissar  morir. 
Doncs  s'ieu  meii  part,  aissi  fatz, 

Coni  senatz, 

Mai  sapchatz 
Non  si  com  enanioratz. 


Rava.  Choix , 
i.V,p.3i7. 


Rayn.  Cboix  . 
•.V,  p.  212  ;  I 
IV,  p.  33. 


a  Chanson ,  par  des  mots  gais,  agréables,  expressifs,  je 
o  veux  rappeler  ma  raison;  je  me  plains  par  tes  vers  aux 
«  tendres  amants,  des  peines,  des  soûl  Iran  ces  quemedonne 
«  amour  trop  pesant,  qui  me  l'ait  languir  et  perdre  la  raison  ; 
«  car  me  guérir  il  ne  le  veut ,  ni  me  laisser  mourir.  Que  si  je 
«  m'en  sépare,  ce  sera  en  homme  de  sens  ;  mais  sachez  que 
«  ce  ne  sera  point  en  homme  pa.ssionné.  » 

Pierre  Imbert  est  auteur  d'une  chanson  où  il  invoque 
l'amour. 

Nous  venons  de  voir  que  Guillaume  de  la  Tour  était 
contemporain  de  Sordel  ;  mais  il  dut  mourir  avant  lui ,  puis- 
que sa  démence  abrégea  sa  vie. 

M.  Raynouard  a  publié  des  fragments  de  deux  de  ses 
chansons,  et  sa  tenson  entière  avec  Sordel.  E — D, 


, ^_ XIU  SIECLE. 

RAIMOND  VIDAL 

DE  BEZAUDUN. 

Cje  troubadour,  né  à  Bezaudun ,  petite  ville  de  Provence, 
etcomui  sous  la  dénomination  de  Raimond  Vidal  de  Bezau- 
dun ,  fst  auteur  de  quatre  pièces  de  vers.  Deux  sont  des 
chansons  erotiques  d'un  mérite  assez  médiocre.  Dans  l'une 
de  ces  chansons ,  il  célèbre  sa  dame,  à  l'époque  où  la  saison 
nouvelle  ramène  des  jours  plus  doux,  entre  le  .signe  du  P'tiecommao- 
Taureau  et  celui  des   Gémeaux,  et,  en  témoignage  de  sa  T"^  ?V,  fV,'^'' 

.  ...  I       <     nv-  '  "    .  °     ,.   .         "    l'iur  e  Idoblesi- 

tendresse,  u  la  recommande  a  Uieu  créateur,  qui  a  lait   la  gnc.yiK.  de  u 
lumière,  le  mois  de  mai  et  toutes  les  merveilles  de  la  nature.  ^''''-  """y  ^7»^, 

Cl-  poète  est  plus  digne  d'attention  dans  ses  deux  autres  *^°''  '***■ 
pièces,  qui  sont  des  contes  en  vers  de  huit  syllabes,  d'un 
style  naif,  rimes  avec  facilité,  dans  le  genre  des  Nouvelles 
de  Borcace  quanta  la  nature  des  anecdotes.  Ràimond  Vidal 
a  écrit  en  vers  des  contes  .semblables  à  ceux  que  les  jongleurs 
récitaient.  On  peut  le  considérer  comme  un  jongleur  qui  a 
écrit  ses  récits,  et  il  nous  donne  en  cela  une  idée  de  cette 
espèce  de  comédiens  qui,  par  la  forme  de  récits  donnée  à  leurs 
drames,  et  quelquefois  par  leurs  gestes,  représentaient  tour 
à  tour  chacun  des  personnages  qu'ils  mettaient  en  action. 

L'un  de  ces  contes, commençant  par  En  aquel  temps,  est 
celui  qui  ht  naître  la  question  u  amour  que  I  auteur  dit  avoir  roy.  ^701,  fol. 
été  soumise  à  la  décision  de  Hugues  de  IMataplana,  et  dont  laS.chans. 944. 
nous  avons  parlé  à  l'occasion  de  ce  troubadour.  C'est  dans      Supra, p. 573 
ce  conte  que  l'auteur  cite  les  troubadours  Bernard  de  Ven- 
tadour,  Arnaud  de  Mareuil,  Raimond  de  Miraval ,  Faidit, 
Giraudde  Borneilh,  Ramhaud  de  Vachères,  Hugues  Brunet 
Foiquet  (  de  Marseille),  Perdigon;  ce  qui,  d'une  part,  nous 
montre  l'autorité  que  ces  poètes  ava  ent  acquise  par  leurs 
opinions  en  fait  d'amour,  et  de  l'autre  nous  indique  l'époque 
ou  Raimond  Vidal  florissait. 

Le  second  de  ces  contes  commriue  par  ces  vers  : 

Mss.delâBibl. 
Unas  novas  vos  vuelh  contar  tôt.  2701     fol. 

Que  auzit  dir  a  un  joglar  137,  cb.  945. 

En  la  cort  del  pus  savi  rey 
Que  anc  fos  de  neguna  ley, 
Del  rej  de  Castela  n'Amfos. 

Tome  XV m.  LUI 

4  3    , 


XIII  Sl^XI.E. 


634  RAIMOND  VIDAL. 

M.  Raynoiiard  l'a  publié  en  entier.  Millot  en  a  donné  une 

traduction  par  extraits.  On  voit  dans  le  récit  du  poète,  que 

\c  roi  de  Castille,  devant  qui  il  dit  avoir  raconté  sa  nouvelle, 

Choi».  etr.  t.  est  Alphonse  IX,  car  il  est  le  mari  d'Eléonore,  fille  d'Henri  II, 

III,  p.  398.        roi  d'Angleterre;  par  conséquent  ce  conte  a  été  composé 

MiUot,!  m,  avant  l'année  i2i4i  qui  ^'St  celle  de  la  mort  d'Alphonse. 

Le  poète  raconte  qu'un  seigneur  d'Aragon,  nommé  Al- 
phonse de  Bdbastre,  avait  une  femme  nommée  Alvire,  belle 
et  agréable.  Cette  dame  était  aimée  d'un  seigneur  nommé 
Basrol,  fjui  tenait  en  fief  une  terre  donnée  par  Balb;istre.  Elle 
était  fort  affligée  de  cet  amour;  mais  ,  en  femme  très-sage, 
elle  aimait  mieux  le  souffrir  que  d'en  instruire  .son  mari, 
de  crainte  de  le  chagriner: 

Don  ilh  n'avia  al  cor  gi-an  ira; 
PtTO  mais  amava  sofrir 
Sos  nrecx  ,  que  a  son  niarit  dir 
lies  per  que  el  fos  issilhatz. 

Cependant  le  seigneur  Baibasire  ayant  conçu  de  la  jalou- 
sie,  imagina  de  feindre  un  voyage,  et  vint  la  nuit  frappera 
la  porte  de  sa  femme ,  se  donnant  pour  Bascol.  La  dame ,  qui 
le  reconnut  à  sa  voix,  feignant  d'être  persuadée  que  c'était 
Bascol ,  le  repoussa  ,  le  frappa  ,  lui  arracha  Us  cheveux  ,  sortit, 
le  laissa  meurtri  et  l'enferma  dans  la  chambre.  En  même 
temps  elle  courut  à  l'appartement  de  Bascol,  l'appela;  main- 
tenant, mon  ami,  lui  dit-elle,  je  ne  te  refuse  plus  rien. 

Dès  qu'elle  voit  venii  le  jour,  Alvire  sort;  elle  appelle  les 
voisins,  dit  que  Bascol  est  renfermé  chez  elle,  qu'il  faut 
l'assommer;  on  court,  on  s'élance  dans  la  chambre;  le  mari 
■^f  sauve  à  peine  en  se  faisant  leconnaître,  et  il  parvient 
enfin  à  désarmer  sa  femme,  à  force  de  supplii;i lions 

La  moralité  de  ce  conte  est  celle-ci  :  «  Roi  loyal,  dit  le 
a  poète  à  Alphon.'-e,  et  vous,  reine,  dont  la  vertu  et  la  beauté 
«  sont  le  cortège,  défendez  la  jalousie  à  tous  le.s  li.,mmes 
«  mariés  de  vos  états,  car  les  femmes  ont  tant  de  ru.se  et  tant 
'<  de  puissance  que,  dès  quelles  le  veulent,  elles  donnent  au 
«  mensonge  l'apparence  de  la  vérité,  et  à  la  vérité  l'aii  du 
«  mensonge  : 

Elas  an  be  tant  gian  poder 
Que  messonja  fan  scmblar  ver 
E  ver  nirssonja  eissaraen  , 
Can  lor  plai ,  tan  an  soiil  scn. 

Ce  conte,  ajoute  le  poète,  fit  tant  de  plaisir  à  la  ( our  d'Aï- 


ARNAUD  PLAGUÉS.  635 

phon^e ,  qu'il  n'y  eut  personne,  dame  ou  chevalier,  baron 
on  demoiselle,  qui  ne  fût  empressé  de  l'apprendre  par  cœur; 
on  l'appela  le  Châtie  jaloux ,  ou  le  Châtiment  du  jaloux  : 

E  que  cascus  no  fos  cochos 
D'apenre  Castia.  gilos. 

Il  fait  le  sujet  d'une  des  Nouvelles  de  Boccace.        E — D. 


ARNAUD   PLAGUÉS 

CiE  troubadour  n'est  connu  que  par  une  tenson  avec  Hugues 
de  Saint-Cyr,  et  deux  chansons  erotiques,  l'une  dédiée  à  un 
roi  de  Castille,  l'autre  adressée  concurremment  à  une  dame 
Éléonore  et  à  Béatrix  de  Savoie,  femme  de  Raimond  Béren- 
ger  IV,  comte  de  Provence.  La  tenson  d'Arnaud  avec  Hugues 
de  Saint-Cyr  nous  indique  seulement  que  ce  poète  florissait 
dans  la  première  moitié  du  treizième  siècle.  Les  deux  envois 
simultanés  à  Eléonore  et  à  Béatrix  nous  donnent  des  rensei- 
gnements plus  positifs;  car  cette  dernière  princesse  n'ayant 
été  mariée  qu'en  1219,  la  première  ne  peut  être  ni  Eléonore 
d'Aragon  ,  femme  de  Raimond  VI ,  tombée  dans  les  derniers 
malheurs  avant  cette  époque;  ni  Eléonore  d'Angleterre, 
femme  d'Alphonse  IX,  roi  de  Castille,  veuve  en  1214,  et 
descendue  du  trône  en  laiy,  par  la  mort  d'Henri  V^,  son 
fils.  La  dame  à  qui  le  poète  adresse  ses  vers  est  visiblement 
Eléonore  de  Castille,  mariée,  en  1321,  avec  Jacques  I"",  roi 
d'Aragon,  et  sœur  de  Blanche,  reine  de  France,  femme  de 
notre  roi  Louis  VIII.  Ces  deux  princesses,  savoir  Éléonore 
et  Béatrix,  dans  tout  l'éclat  de  la  jeunesse  et  de  la  beauté, 
entre  les  années  1221  et  iaa3,  purent  obtenir  concurrem- 
ment l'encens  du  poète. 

Quant  au  roi  de  Castille,  il  s'agit  assez  évidemment  d'Al- 
phonse IX,  père  de  Blanche  et  d'Eléonore,  mort  en  I2i4, 
protecteur  de  Folquet  de  Marseille  et  de  plusieurs  autres 
troubadours. 

La  chanson  qui  lui  est  dédiée  n'est  guère  qu'un  jeu  d'es- 
prit, à  l'occasion  du  mot  plagues,  qu'il  plût.  «Bien  vou- 
«  drais,  dit  le  poète,  que  madame  connikt  mon  cœur  comme 
«  je  le  connais  moi-même,  et  qu'il  lui  plût  que  je  fusse  là 
«  oii  se  trouve  sa  personne  courtoise  et  gaie  : 

Lin  a 


XIU  SIECLE. 


636  ARNAUD  PLAGUÉS. 


Xm  SIÈCLE.  „  . 

Ben  volgra  nii  dons  saubes 

,  ,   _  , ,  Mon  cor  aissi  com  ieu'l  sai, 

ro,.  n.  7608.  p.  ^-t  I'""   '  /"'«^"«  qi'  'en  f»S  1m 

„,    eoi.  a.  On  es  sos  gais  rois  cortes.... 

a  Chanson,  en  Castille  tiens  ta  route,  vers  le  roi  qui  repare 
«  les  malheurs,  etc. 

Canso  en  (lastella  ten  via, 

Al  rei  qu'ailoba   Is  lieslrics,  etc. 

î.a  pièce  dédiée  à  Eléonore  et  à  Béatrix  est  une  déclaiiitioii 
d'amour,  qu'on  voit  bien  s'adresser  à  une  persoinie  d'un 
rang  élevé.  Elle  commence  par  ces  ver.s  : 

Ben  es  razos  qu'ieu  retraya 
Mén..  mss.  ro«-  Una  chansonela  gaia-, 

«epage,  col.  i  E  Soi  c'a  ma  dona  plaia  , 

De  oui  soi  liom  e  servira  : 
Gen  nii  sera  près 
Car  après  ai  que  res  , 
Si  bon  non  es , 
No'l  platz  ni'l  agensa. 

Bien  if  est  raison  que  je  dise 
Une  chansonnottp  yiiie, 
Et  il  suffit  qu'à  ma  d.iinc  elle  plaise 
De  qui  je  suis  homme  et  serviteur; 

Agréable  nu-  sera  la  récompense. 
Car  j'ai  appris  que  rien, 

.S'il  n'est  bien  , 
Ne  lui  plait  et  ne  lui  convient. 

Après  l'éloge  d'Éléonore  ,  le  poète  dit,  en  parlant  de 
Béatrix  : 

Proensa,  bel  m'es, 
Car  a  mes 
Savoya  en  vos  totz  bas 
Ab  pros  dona  gaia. 

Provence,  cela  est  beau  pour  moi 
Que  a  mis 
La  Savoie  en  lui  tous  les  biens 

Avec  une  dame  honorable  et  gaie. 

Ces  trois  dédicaces  au  roi  de  Castille,  à  la  comtesse  de 
Provence,  à  la  reine  d'Aragon  ,  nous  montrent  Arnaud  Pla- 
gués  comme  connu  et  protégé  dans  ces  trois  souverainetés , 
y  ayant  apparemment   voyagé,  et  ayant  par  consé(|uent 


GUILLAUME  DE  SAINT-GREGORL  63- 

x[[i  sii^ciA 
tliaiitéses  vers  en  langue  provençale  à  Barcelone  et  à  Rurgos,    ^ '■ '- 

tandis  que  d'autres  troubadours  parlaient  la  même  langue  à 

Milan  et  à  Mantôue. 

Dans  le  manuscrit  dit  de  Dudé,  la  dernière  de  ces  chan-  Mss.deOurfe, 
sons  est  transcrite  sous  le  nom  d'Arniaul  (Catalan.  Cette  ^'^^-  '"ï-  '7o». 
confusion  a  pu  venir  de  ce  que  ce  dernier  poète  a  dédié  "'  ''"*  '''' 
plusieurs  de  ses  pièces  à  Béatrix  de  Savoie.  On  peut  le  re- 
j^arder  comme  le  poète  de  cette  illustre  comtesse  de  Provence. 
Mais  la  même  pièce  se  trouve  sous  le  nom  de  Plagnés,  dans  Mss.deiaBii.i 
ie  manuscrit  dit  de  Mazaugites ,  et  dans  celui  de  la  Biblio-  3Y  '**  '"' 
tiièque  loyale,  qui  porte  le  numéro  y.>,2G. 

M.  de  Rochegude  a  publié  en  entier  la  pièce  commencent      „ 
par  Ben  volgrn,  et  adressée  au  roi  de  Castille.  M.  Raynouard  p.  357. 
a  donné  le  couplet  adressé  à  la  reine  lîléonore.  E — D.        choix,  i.  v, 

p.  5o. 


GUI.LLA.UME  DE  S.  GRÉG(3R[ 

i^E  troubadour  est  connu  par  (juatre  pièces  dont  une  est  sa 

tenson  aveeBlacas,  de  lacpielle  nous  avons  parlé  à  l'article      Ci-desms,  p. 

de  ce  dernier.  Deux  antres.sont  des  cliansons  d'amour,  et  la   ^^î.       .,  . 

-,  ,     ' .  RavD.  (.Iioii  , 

quatrième  est  une   satire  eciitic  un  eveque  nomme  Aimar,  t.  iv,  p.  a-, 
accompagnée  de  l'éloge  de  Prebo.^t,  oncle  de  cet  évèque,  où 
l'auteur  joue  par  des  épigrammes  sur  l'intime  union  de  la      pièceconimeu- 
chair  et  de  l'o/z:;/^,  à  propos  de  la  parente  de  l'evêcjue  avec  ï""'    P"'    ^''" 
son    oncle.    M.    Raynouard   a     imprimé    les  deux    premiers  ^"'^■^^^  d^Mo- 
couplets  de  cette  pièce.  dètie.f.  ly». 

Une  cinquième    fêtait   plus  li  honneur   à  son    talent   que       Choix,  t.  v, 
toutes  celles-là  ,  si  ellepouvait  luielre  alti'ibuée  avec  sûreté. 
C'est  celle  qui  commence  par  ce  vers  :  Be  ni  platz  la  gais 
temps  de  pascor. 

Le  retour  du  j)rinteinps  enchante  le  poète;  mais  ce  n'est 
pas  seulement  par  ses  teuilies  et  ses  fleurs,  c'est  par  les 
guerres,  les  sièges,  les  batailles,  dont  cette  saison  annonce 
le  retour  «  Bien  me  plaît  quand  je  vois  par  les  prairies  tentes 
«  et  pavillons  plantés..,,  quand  les  coureurs  font  fuir 
«  devant  eux  gens  et  troupeaux...  Mon  cœur  se  réjouit 
«  quand  je  vois  les  forts  châteaux  assiégés,  les  remparts  en- 
«  foncés  et  renversés,  quand  je  vois  la  troupe  dans  le  camp 


310 


XIII  StkCLE. 


638  (;UILLAUME  DE  SAINT-GRÉGOIU. 

«  garni  tojit  autour  de  barrières  et  de  fosses,  et  la  lisse  Cor  met- 
«  de  gros  pieux  serrés  les  uns  contre  les  autres  ; 

E  plaz  mi  qand  H  corredor 
Fan  las  gens  e  laver  fugir.  .  .  . 
E  plaz  mi  a  mon  coratge 
,  Qand  vei  fortz  chastels  assegali 

E'Is  barris  rotz  et  csfondratz, 
E  vei  l'ost  el  rihaJge 
Q'es  tôt  en  torn  clauz  de  fossatz , 
Ab  lissas  de  fortz  pals  serratz. 

Le  poète  ne  se  plaît  pas  moins  à  voir  le  ciief  commencer  l'at- 
taque ,  les  chevaux  s'élancer,  les  escadrons  se  mêler,  les  ar  mis 
brisées,  les  blessés  et  les  morts  tombant  de  leurs  chevaux, 
traversés  de  lances  sur  lesquelles  flottent  des  banderoles 
Cette  pièce,  pleine  de  poésie  et  d'harmonie,  honore  son 
M»j. -»»6,  f.  auteur  quel  qu'il  soit.  Le  manuscrit  7226  de  notre  Biblid"- 
J45  thèque  royale  la  donne  à  Lanfranc  Cigala,  et  le  manuscrit 

Mss  de  Cau-  jjj.    ^^^   Caumont  à  Bertrand    de  Born  :  mais  celui   de    la 

BlOtit,  loi.    173.  !•  1     -  n        f  \'  ■!  '         /^  Il 

Mss  7614,1'.  Bibliothèque   royale,  n°  7614,   lattribue   a   Gunlaume   de 
^o*»  Saint-Grégori,  et  l'envoi  confirme  cette  tradition,  car  il  est 

adre.->sé  à  la  comtesse  Béatrix,  de  haut  lignage,  la  meilleure 
et  la  plus  belle  dame  du  monde  ;  désignation  qui  se  rapporte 
assez  évidemment  à  Béatrix,  comtesse  de  Provence,  femme 
de  Kaimond  Béranger  IV.  Or  Bertrand  de  Born  mourut  vers 
l'an  1208,  et  difficilement  Lanfranc  Cigala,  qui  était  Italien, 
aurait -il  pu  s'exalter  de  cette  manière  sur  le  mérite  de  Béatrix. 
La  tenson  de  Guillaume  de  Saint-Grégori  avec  Blacas,  et 
réloji;e  de  Béatrix,  indiquent  les  époques  où  ce  poète  vivait. 

E— D. 


DIVEKS  TROUBADOURS 


LjE  nombre  des  troubadours  est  si  considérable,  que  pour 
en  omettre  le  moins  possible,  et  renfermer  cependant  ces 
notices  dans  un  nombre  de  pages  modéré,  nous  sommes 
obligés  de  parler  de  (juelques-uns  de  ces  poètes  d'une  ma- 
nière très-sommaire,  et  d'en  grouper  même  plusieurs  en- 
semble. Ce  sont  veux  donL  il  siibsis'e  le  moins  d'ouvrages, 


Xm  SIECLE. 


DIVERS  TROUBADOURS.  G39 

ou  qui  n'ont  occupé  par  leurs  talents  que  des  rangs  secon- 
daires, et  de  qui  en  même  temps  les  vers  n'ont  aucun  rapport 
avec  les  affaires  i)ubliques  de  leur  époque. 

I.RAIMOND  DE  SALAS  est  du  nombre  de  ces  derniers.  Ce 
troubadour,  que  Crcscimbeni  appelle  Raimondo  (ti Sala,  et 
qu'il  dit  être  nomme  dans  un  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
tlii'que  Lduienziana  de  Florence,  Raymon  de  la  Sala ,  était 
un  bourgeois  de  Marseille,  qui  fit  seulement  de  l'art  des 
vers  son  amusement.  Son  biographe,  qui  a  renfermé  sa  no- 
tice en  tiois  lignes,  dit  qu'il  ne  fut  ni  très-connu,  ni  très- 
estimé  :  IVoJb  moût  conogut ,  ni  nwut  prezatz.  Ce  pass.ige 
pourrait  bien  ne  pas  sigiiifier  autre  chose  sinon  que  Raimond 
de  Salas  ne  voyagea  point,  et  ne  chercha  sa  renommée  (|ue 
dans  le  cercle  de  ses  amis  et  de  ses  concitoyens.  On  voit  dans 
une  de  ses  chansons,  qu'il  offrit  ses  hommages  poétiques  à 
une  dame  Rambaude  (les  Baux,  de  la  fimillc  des  vicomtes 
de  Marseille. 

On  cotinaît  de  lui  quatre  pièces.  Deux  sont  des  phiintes 
contre  l'amour,  qui  le  rend  plus  malheureux  qu'un  .serf  ou 
un  Sarrazin, 

Quez  (1  )  ano  nuls  Sarnzins  Pièce cotiiDim- 

Non  soifri  tan  de  pcna  ni  d'aian,  çam  par  A»  m 

puosc      ftiiilir. 

di  '•!      •  1  '1     Mss.  (le  Moiit'iic, 

e  la   passion  quil  éprouve  pour  une  dami;  qu  li  foi.  h-, 

adore  sans  en  être  aime  :  Edecui  sui  tôt  dezamntz  amans. 

C'est  cette  ])ièce  qui  est  dédiée  à  la  dame  des  Baux.  Piiceconunen 

Une  troisième  chanson  est  un  dialogue  entre  une  dame  V';' pa'^"""'» 

de  haut  parage  et  lui,  ou  il  déclare  a  cette  dame  qu  il  est  z<i.  Ms«    <Ic  la 

amoureux  d'une  personne   d'un  rang  beaucoup  plus  eievé  Hibl.  rov. -aiS, 

que  le  sien,  et  qu'il  meurt  faute  d'oser  déclarer  sa  passion,   ^'  '°^'  ^''  ''  ^ 

et  cil  cette  dame  lui  répond  qu'en  amour  il  faut  de  la  haï-  .J!?"  ''""^r  ' 

diesse,  et  qu'elle  lui  conseille  de  faire  connaître  ses  senti-  '^  ""'^ 

meiits.  Cette  chanson  paraît  être  une  imitation  de  la  scène 

de  Rambaud  de  Vachères  avec  Béatrix  de  Montferrat. 

La  (luatrième  pièce  enfin  est  un  dialogue  où  la , dame  lui       ^' '"  f"^i>"" 

'1.1  .'       /         .  11  ,        ^  ...  ziu.  Même  ni»- 

avoue  qu  il  e.st  aime,  et  quil  ne  peut  y  avoir  de  joie  pour  nuscm  71-25,  i. 
elle  qu'en  l'aimant  :  Car  gaug  entier  no  puosc  ses  vos  ai'e/:   iq8,  ch.  43». 

(i)  La  lettre  Z  est  placée  là  pour  l'euphonie,  et  particulirrenienl  pour 
(ju'on  n  elide  pas  le  avec  l'a.  Celte  observation  trouverait  :ouvent  son 
^ipplication. 


o  iMvi:i;s  TKOUinnouRS. 

rapon  place  ce  poète  a   1  an  1190,  sans  donner  aucune 

l'apoii,  Hisr.  preuve  à  l',ippui  de  son  opinion.  Limitation  qu'il  a  faite  de 

dcProv  I.  H,  p.  l'aventure  de  Rambaud  de  Viichères  le  rapproche  davantage 

*"^  de  nous.  La  dame  des  Baux  n'est  pas  connue. 

Chou.  t.  V,  '     i^L  Raynouard  a  publié  des  Fraginents  de  deux   pièces  de 

p-  ^!)*-  ce  poète. 

ru  n.  fïlIGUES   DE  BRRSIE.  —  Ce  noèr.-  et  le  trouvère 

loc.cit.p.  220.  nomme  Hugues  de  liersil ,  auteur  du  poème  satmcpu-  appelé 
la  Bible  ,  et  dont  il  sera  parle  tout  à  l'heure  à  l'occasion  des 
poètes  français,  ne  sont  très-vraisemblablement  (ju'mi  seul 
personnage.  En  eflet,  le  prétendu  tioubadour  et  le  trouvère 
s'étaient  rendus  tous  deux  dans  le  Montfrrrat,  à  l'époque  du 
départ  pour  la  croisade  de  1202;  l'un,  sur  le  point  de  partir, 
Cl  iiessin,  p.  invita  Folquet  de  Romans  à  l'accompagner;  l'autre  alla  réel- 
*'  lement  en   Syrie,  ainsi  qu'on    le    verra    ci -après,  dans  le 

texte  de  son  propre  ouviage.  Ces  rapprochements  nous  don- 
nent déjà  une  forte  présomption  de  leur  identité.  Mais  ce  qui 
complète  la  conviction,  c  est  le  mauvais  langage,  plus  français 
que  provençal ,  de  la  pièce  de  vers  où  le  poète  veut  engager 
Folquet  de  Romans  à  prendre  la  croix.  Hugues  dit  à  son 


jo 


iigicur  : 


Rernnrt,  di  ma  l'aiiqct  qdm  tint  por  sagr, 
IMss.  lin  V.-iii-  Qe  n'use  pas  lot  son  seii  en  folia  , 

(•an,   ',±n-j  ,  fol.  Qg  j^^j  aveni  gran  paît  de  nostie  atge. 

*  '  E  je  e  el  usiei  en  lecaria, 

E  del  siegle  avein  ja  tant  apiis 

Qe  liieii  s.ivoni  qe  <aqi-  jor  vaut  pis. 

Por(je  Feroit  l)on  esniciuliT  sa  via, 

Qar  a  la  lin  es  for  do  JMglaria. 

Nous  copions  le  manusi  iit  du  Vatican  8207.  Si  nous  sui- 
vions le  raanusciit  de  Modène,  apparemment  plus  conforme 
au  texte  original,  nous  y  trouverions  bien  plus  de  formes 
et  de  mots  français;  tels  setaient  ceux-ci  :  Qe  n  ernpleit pas 
>iss  .le  Mo-  ^^^  ^^^^  ^^^  ^^  folie;  — qe  hen  savons  qe  chascun  ioni  vaut 
pis.  Dans  un  autre  couplet,  \\  dit  que  lorsque  quelqu'un  a 
sa  mason  hen  plena  e  hen  garnie ,  qui  ne  cuide  soit  autre 
paradis;  et  il  ajoute  :  Ne  pensez  pas  ainsi,  Folquet  ;  Non  o 
pensez,  Folqet ,  biaus  dolz  amis,  mas  faites  nos  outramer 
compaignie ,  qe  tôt  se  faut ,  mas  Dieus  no  faudra  mie. 

On  voit  que  le  poète  français,  en  s'appliquant  à  rimer  en 
provençal ,  a  mêlé  malgré  lui  les  deux  langues. 


XIU  SIÈCLE. 


I.  ni,3<.3. 


DIVERS  TROUBADOURS.  64i 

II  est  donc  à  peu  prèa  démontre  que  le  trouvère  Hugues 
de  Bersil   et  le  troubadour  désigne'  par   Crescimljciii  sous      Crescimbeni , 
les  noms  de  Ui^o  de  Dersia ,  detto  N'uc  de  Bersie ,  ne  sont  '"•■••"  '  "-r 
qu'une  seule   personne.  On  parlera   plus  tard  des  poésies 
françaises  de  ce  trouvère. 

III  et  IV.  BERTRAND   DE  GORDON.    PIERRE  RAI- 
MOND.  —  Ces  deux  troubadours  sont  auteurs  d'une  tenson 

où  Gordon  attaque  Raimond  sur  son  esprit,  son  jugement,     Mss.deUBibi. 
son  talent,  son  instruction,  ses  mœuis  ;  et  où  Raimond  accuse  'e^a^a^eng" 
cet  écrivain  satiriquede  lâcheté,  de  dissimulation  etd'avarice. 

Rayn.  Cboii , 
Tolz  tos  afars  es  niens,  ••  Vi  p-  io«- 

Peire  Ilairaon,  e'I  sens  frairis ,  etc. 

M illot  suppose  que  Bertrand  de  Gordon  était  un  seigneur      ,..„ 

1         y-v  •  '      I  n  '         1        »«  r  -   .  1  Millol,  t.  II  , 

du  Querci  servant  dans  I  armée  de  Montiort ,  au  siège  de  p  ^^i. 
Toulouse,  en  121^.  Cette  supposition  n'a  rien  d'impossible,  d.  Vaisseitc , 
Mais  ce  qui  est  plus  curieux  ,  c'est  de  reconnaître  qui  est 
Pierre  Raimond,  afin  de  savoir  si  l'illustre  troubadour  de  ce 
nom,  homme  sage  et  spirituel,  savis  homs  e  subtils,  qui 
passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  auprès  de  Raimond  V, 
comte  de  Toulouse,  mort  en  i  i<)4i  •i'^'p''0"se  H,  roi  d'Ara- 
gon ,  et  (le  Guillaume  VIII,  vicomte  de  Montpellier,  morts, 
le  premier  en  iirjB,  le  second  en  1202,  aurait  pu  être 
accusé,  même  dans  une  mauvaise  satire,  d'être  un  esprit  vil 
et  chétit",  sens  frairis ,  un  homme  sans  consistance  et  dénué 
de  tout. 

Dom  Vaissette  a  soupçonné  l'existence  dedeux  troubadours 
nommés  Pierre  Raimond,  tous  deux  natifs  de  Toulouse.  Notre  ,.  ni,p"96! 
prédécesseur  Ginguené  a  eu  la  même  pensée.  Cette  conjec-  Hisi.  \Mir  1. 
ture  devient  une  certitude,  quand  on  voit  le  biographe  de  ^^' P  ''^" 
Pierre  Raimond ,  du  troubadour  courtisan  de  R.dmond  V 
et  de  Guillaume. VIII,  l'appeler  Pierre  Raimond  le  vieux, 
lo  viells ,  ce  qui  aiuionce  l'existence  d'un  Pierre  Raimond  le 
jeune.  Nostradamus  piouve  lui  même  sans  s'en  apercevoir, 
qu'il  a  existé  deux  poètes  de  ce  nom,  nés  tous  deux  à  Toulouse, 
quand  après  avoir  dit  que  celui  dont  il  écrit  la  vie  mourut  en 
1 225,  il  ajoutequ'il  alla  dans  la  Syrie  avec  l'empereur  Frédéric; 
ce  qui  ne  pourrait  concerner  que  Frédéric  II,  croisé  en  1229. 
Jamais  d'ailleurs  Raimond  le  vieux  ne  se  croisa,  car  un  fait 
aussi  important  n'eût  point  été  omis  par  son  biographe.  C'est 

Tome  XV m.  Mmmm 


D.  Vaisselle  , 


xm  siÈCLi 


6',2  DIVERS  TROUBADOURS. 

le  jeune  qui  fut  appelé  Raimond  le  preux  ;  c'est  lui  qui 
composa,  si  le  récit  de  Nostradamus  est  fidèle,  un  écrit  contre 
les  Albigeois  pour  la  défense  de  la  foi  catholique;  et  c'est 
lui  qui,  de  retour  de  la  croisade,  devint  amoureux  de  la 
dame  de  Codollet.  Mais  tout  cela  suppose  qu'il  vécut  encore 
long-temps  a])rès  l'année  laar).  Le  surnom  de  /?rt'ux  qui 
pouvait  lui  venir  de  la  croisade,  montre  qu'il  ne  méritait 
en  aucune  manière  les  injures  rassemblées  contre  lui  par 
Gordon.  \ous  plaçons  sa  mort  entre  12l\o  et  i25o. 

Ms,.72»5,f.       ^-    l^ALMENZ    BISTOKS,  d'Arles.  —  Ce  troubadour, 

148,  ih.  Ci:',     nommé  Ratnicnz  Bistortz  dans  le  manuscrit  de  notre  Riblio- 

Mss.  (lu  vati-  thè(|ue  royale,  n°  72!i5,  et  dans    celui  du  Vatican,  '):j.o4, 

\"ù    ^"'     "     porte  le  nom  de  Ramonz  Bistortz  d'^lrle,  dans  le  manuscrit 

Mss.iieiaBibi.  dit  de    Ckigl,   de    la   Bil)liotlièque  Ricardi.   C'est  là  qu'on 

Riiariii.ch.  1^7,  voit  qu'il  était  natif  d'Arles.  Il  est  auteur  de  cinq  chansons, 

toutes  h.  la  louange  d'une  dame  Constance  d'Est,  apparem- 

„.  ment  Constance,  fdle  d'Azon  VI.  «  Oui  veut  voir  réunis, 

çantpai  o«/j)o/  ';  dit-d,  une  parfaite  beauté,  une  noble  prestance,  un  air 

vezer.Mss  chigi   „  décent  et  qui  se  fait  respecter,  la  grâce  avec  la  jeunesse, 

^  • '^9-  (t  la  vertu  avec  l'esprit,  vienne  voir   ma  dame,   la    dame 

«  Constance. 

Vegria  vezer  ma  dompna,  Na  Costansa. 

Ce  passage  nous  indique  que  Ramons  ou  Raimons  d'Arles, 
lorsqu  il  composait  ces  vers  à  la  louange  de  la  princesse 
d'Est,  se  trouvait  auprès  d'elle,  en  Italie.  Le  poète  arlésien 
est  par  conséquent  un  des  troubadours  qui  ont  séjourné  en 
Italie  dans  le  treizième  siècle.  «  Que  ne  puis-je,  ma  chère 
c  dame,  dit-il  ailleurs,  posséder  un  seul  jour  votre  beauté, 
a  et  que  ne  pouvez-vous  un  seul  jour  éprouver  ma  passion 
a  et  mes  souffrances!...  Je  recevrais  bientôt  de  vous  le 
a  secours  que  j'ambitionne. 


u-       „ ,„„  Ar  a<jues  eu,  dompna,  vostra  beutatz, 

■  anl   par  Ar  u-  ^  ^O''  aguetz  totas  mas  voluntatz.  .  .. 

"ues  eu.  Même  K  pois  be  sai  que  m  fariatz  secors. 
mss.  ch.  140. 

Crescimhei 
loc.  cil  p.  208. 


Crescimbeni  présume  que  ce  poète  avait  pris  part  à  une 

Crescimheni  ,  (.poisadc,  et  que  SOU   nom  de  Ralmenz  avait  pu  venir  de 

Ramiero ,  titre  quon  donnait  aux  pèlerins  revenant  de  la 

Terre-Sainte,  à  cause  de  la  palme  dont  ils  se  paraient  en 


DIVERS  T110L"BAI)QIJJ;S.  643 

,      ,  ,  /^  ■•.,-,,  X'"  SIKCLE. 

figne  (!<'  leur  heureux  retour.  Lette  opinion  nest  fondée  sur  ' 

rien  de  solide;  mais  elle  peut  nous  faire  supposer  que 
Raimond  florissait  ou  en  1202  ou  en  1229,  et  que  sa  mort 
est  postérieure  à  l'une  ou  à  l'autre  des  croisades  de  ces  deux 
époques. 

VI.  PUJOLS  ou  POJOLS  dans  deux  pièces  de  vers,  les 
seules  qui  restent  de  lui ,  déplore  la  perte  que  le  monde  a 
faite  par  la  retraite  de  deux  sœurs,  princesses  de  la  maison 
des  Baux,  entrées  au  couvent  de  Saint-Pons,  près  de  Gémenos, 
au  diocèse  de  Marseille,  pour  s'y  faire  religieuses.  «  Hélas! 
<t  dit  le  poète,  Blacas  pleure,  et  moi  aussi,  Pujols.  .  .  .  Vous 
«  m'avez  laissé  veuf  de  toutejoie,  belle  Iluguète,  votre  sœur 
a  (  Etiennettc  )  et  vous.  . .  .  Blacas  en  perdra  la  vie  ;  et  si  la 
«  douleur  le  fait  mourir,  ce  sera  pour  Sordel  une  grande 
«  affliction.  »  Le  poète  finit  par  se  représenter  ces  deux  jeu- 
nes filles  montant  au  ciel,  portant  des  couronnes  et  chantant 
des  hymnes  avec  les  anges. 

t?  .  Il  I  Ravn.  Clioix, 

h  montaran  al>  los  anjrels  aiissnrs,  .    ,   '        te 

o  '  I.      V  p.     jO'' 

E  portanin  corona  lesplanilens  ,  ogu  '  '  * 

E  cliaiitaian  un  verset  de  jilazeiisa.  Mss. delaBibl 

roy.    7326,  fol. 

Ces  deux  pièces  sont  pleines  de  grâce  et  d'esprit.  M.  Ray-.  ^55. 
nouard  les  a  publiées  presque  en  entier. 

VII  et  VIII.  EBLES  DE  SIG^E,  N'Fùlcs  de  Saignas. 
GUILLAUME  GASM  AR.  —  Ebles  de  Signe  était  un  seigneur 
du  village  de  ce  nom,  situé  dans  le  diocèse  de  Marseille. 
Il  n'est  connu  que  par  une  tensoii  qu'il  a  composée  avec 
Guillaume  Giismar.  C'est  Guillaume  qui  interroge:  «  Ebles,  >i>^ -i' I'B.1,1 
«  choisissez,  lui  dit-il,  lequel  a  plus  de  souci  et  de  tourments,  Ij/^,  ^  '  '  '"' 
«  ou  celui  qui  doit  payer  une  grosse  somme  et  ne  le  peut, 
«  et  de  (|ui  le  créancier  ne  veut  point  attendre;  ou  celui  qui 
«  a  renfermé  dans  une  dame  son  c<Kur  et  sa  pensée,  et  n'en 
«  peut  rien  obtenir  :  JS'Ebles  cauzctz  la  meil/or.  .  . 

Ebles  répond  que  la  douleur  il'amour  est  le  pire  de  tous 
les  maux  :  «  J'ai  éprouvé,  dit-il,  l'une  et  l'autre  peine;  cela 
«  ne  peut  se  comparer. 

Per  qii'ieu  sai  coin  per  eisaiar, 
Que  non  se  fai  a  comparar 

Dolors  d'amor.  Papou,  Hr»i 

n  f  -^  '        .      •   •^  ''Il        •!!  1      •'•'  Pro"-  I    m  ; 

Fapon  tait  remarquer  quau  treizième  siècle,  le  village  de  p. 4G3. 

M  m  m  m  2 


644  DIVERS  TROUBADOURS. 

XIIISlteLE.  .       ,  ,,,,,., 

higne  appartenait  a  une  l)rancne  cadette  de  la  maison  de 

Marseillt';  ce  qui  peut  l'aire  croire  qu'Ebles  était  un  seigneur 
CrMcimbeni  ,  Je  la  uiaison  des  Baux.  Crescimbeni  présume  (|ue  Gasmar 
'""p  '55-  "^      ^^^  '*^  même  (jue  Ckiillaume  Adhémar,  de  (|ui  il  a  été  ques- 
tion au  tome  XIV  du  présent  ouvrage.    Cette  supposition 
rbo.T,  I.  r,  est  [)urement  gratuite.  M.  Ilaynouard  a  distingué  ces  deux 
p  ':S-«'J9-        poètes. 

IX.   PONS  B.ABBA.  —  Ea  patrie  et  l'histoire  de  ce  trou- 
badour sont  enti''rement  inconnues.  Il  ne  reste  de  lui  cjue 
deux  pièces,  dont  l'une  est  uîi  sirvente  contre  les  rois  qui 
ne  récompensent  pas  dignement  le  mérite;  l'autre  unechan- 
Ms»  (lelaBibl.  so'i  éroti(jue.  «  Un   sirvente  est  déloyal,   dit  le  poète,  s'il 
roy.  7275,  fol.   «  n'ose  dire  également  la  vérité  aux  petits  et  aux  grands.  » 
''^ïi  ''  1*^^,,      Appuyé  sur  ce  principe,   il  se  plaint  de  ce  que  les  grands 
ii.iiL-,  iul.  aOo.     repoussent  l'homme  de  mérite  (pii  les  reprend  de  leurs  fautes, 
et  élèvent  les  flatteurs  qui  les  trompent, 

Car  loingnoii  lus  cliastiailors, 
E  vei  ricx  los  cossoiitidnrs, 
Car  faillir  laissan  lor  si^mirs. 

Appliquant  sa  morale  à  un  roi  Alpiionse,  il  s'écrie:  «  Tout 
«  est  retourné  sens  dessus  dessous  dans  sa  cour;  lui  qui  était 
«  notre  chef  et  la  source  de  tous  les  do;is  ,  nous  voyons  qu'il 
«  est  devenu  (pour  nous)  inutile  et  en  pure  perte. 

Que  vout  es  de  sus  en  jos, 
Qu'en  la  cort  del  rei  N'Anfos, 
Caps  de  nos,  en  fons  de  dos, 
Vezeni  qu'es  vengut  en  peidos. 

«  Roi  d'Aragon,  ajoute-t-il  ,  enfin  nous  revenons  à  vous, 
s  car  vous  êtes  le  chef  de  tout  bien  et  le  nôtre. 

Reis  d'.\ragon  ,  tornem  a  vos, 
Car  etz  capz  de  lies  et  de  nos. 

Mm.  (le  Mo-  La  chaiison  erotique  s'adresse  sans  doute  à  une  haute 
dène,  fol.  160.  jja,|^e^  modèle  de  sagesse  autant  que  de  grâce.  Elle  se  termine 
par  cette  pensée  délicate  :  «  Votre  charme  s'accroît  par  votre 
a  instruction  et  votre  esprit  ;  c'est  par  là  que  vous  récom- 
«  pensez  vos  amants;  vous  obtenez  avec  d'aimables  |)aroIes 
«  et  des  promesses  dillérées,  plus  de  reconnaissance  que 
a  celles  qui  accordent  davantage. 


xmsiKt:LF,. 


DIVERS  TROUBADOURS.  645 

Ar  aisso  us  fai  socors  ,  sahers  e  sens, 
Ab  que  pagatz  aissi  los  entendens, 
Qu'ab  plazens  ditz  et  ah  faits  alongan, 
N'avez  mais  grat  que  cellas  que  plus  dan. 

Il  est  assez  visible  que  ces  vers  appartiennent  à  l'e'poque 
heureuse  des  troubadours,  c'est-à-dire  aux  temps  antérieurs 
à  la  guerre  de  la  ligue.  Mais  il  n'est  pas  nécessaire  de  re- 
monter avec  Millot  jusqu'à  Alphonse  II,  roi  d'Anigon  mort 
en  I  igG.  Cet  écrivain  nous  semble  n'avoir  pas  remarqué  que 
le  roi  Alphonse  qui  était  la  source  des  dons,  era  fons  de 
dos ,  n'est  pas  la  même  personne  que  le  roi  d'Aragon,  auprès 
de  qui  les  poètes  doivent  revenir,  parce  qu'il  est  (  vous  êtes  ) 
le  chef  de  tous  les  biens,  car  etz  capz  de  hes.  Nous  suppo- 
sons que  le  roi  d'Aragon  est  Pierre  II ,  et  le  roi  sur  qui  frappe 
la  critique,  Alphonse  IX,  roi  de  Castille,  de  qui  les  guerres 
ruineuses  modérèrent  la  générosité. 

RI.  Raynouard  a  publié  des  fragments  des  deux  pièces  de  Rayn.  cimi», 
ce  poète.  '•  ^'i'  ^'*'- 

X.  RAMBAUD  DE  BEAUJEU.— Fatigué  de  voir  que  toutes 
les  prospérités  sont  pour  les  méchants,  ce  poète  veut ,  dit-il 
courir  le  monde,  pour  savoir  si  le  mérite  se  maintient  avec 
honneur  quelque  part.  Il  ira  bientôt  chez  les  Lombards  voir 
de  ses  yeux  le  vaillant  roi  des  Allemands  (  Frédéric  II),  afin 
de  juger  s'il  est  dignede  l'éloge  qu'on  fait  de  lui,  et  auquel  le 
poète  est  disposé  à  croire. 

Et  ira  m'en  entr'els  Lombards  breuraen, 

A  l'on  rat  rei  presat,  pros  e  valen , 

Ueis  Alemans  en  cui  crcis  que  pretz  sia. 

Celte  pièce  est  adressée  à  un  seigneur  nommé  Pierre.  C'est      R«yo.  Choi«, 
la  seule  (jui  soit  restée  de  ce  troubadour.  M.  Raynouard  en  t-V,  p.  400. 
a  publié  des  fragments. 

XI.  BERTRAND  DE  PARIS  EN  ROUERGUE.-Ce  trou-  w^deraBiM. 
badour,  vraisemblablement  natif  de  Paris  dansleRoueneue.  ^1'  1'*"'  5*'' 
et  dit  uertrana  de  fans,  ne  nous  a  laisse  quune  seule  pièce; 

c'est  un  sirvente  adressé  à  Gordon ,  où  il  veut  rabaisser  les 
connaissances  et  le  talent  de  ce  poète,  et  où  il  se  place  lui- 
même  fort  au-dessus  de  lui.  «Vous  ne  savez  faire,  lui  dit-il, 
«  ni  chansons, ni  sirventes  ,  ni  discours ,  compositions  auX' 
4  4 


XIIISIÈCXK. 


646  DIVERS  TROUBADOURS. 


«  quelles  cependant  vous  vous  livrez  dans  les  cours;  vous 
«  ne  savez  aussi  bien  que  moi ,  ni  les  histoires  d'Absalon,  de 
«  \abucliodonosor,  du  roi  Priam ,  d'Achille ,  d'Alexandre, 
a  de  Charlemagne,  etc. ,  ni  les  aventures  de  Tristan  ,  du  roi 
«  Marc,  du  géant  que  Dieu  enleva  de  son  château,  de  Gé- 
«  rard,  de  Dariel  le  courtois,  etc.  »  Ce  qu'on  peut  supposer 
de  plus  vraisemblable,  c'est  que  l'auteur  de  cette  pièce  voulut 
tourner  en  ridicule  les  jongleurs  de  son  temps,  qui  tiraient 
encore  vanité  de  posséder  ces  histoires,  à  une  époque  où  la 
poésie  et  les  connaissances  liltéiaires  avaient  déjà  lait  tant 
de  nroerès.  Nous  avons  placé  l'âge  moyen  de  Gordon,  dans 
•^    '^  notre  notice  ci -dessus,  au  temps  ou   Mention  assiégeait 

Clm,.,    ..   V,    Toulouse. 

j.  i....  JM.  Ivaynouard  a  publié  un  long  fragment  de  ce  sirventc. 

\ll.  JEAN  D'AGllILA  ou  D'ANGUILEN est  auteur  d'une 
chanson  erotique  où  il  demande  pardon  à  l'amour  du  mal 
qu'il  a  dit  de  lui. 

S'ieu  .Tnc  per  fol'  eiitt-ndensa 
M-s  <ii>la  Bibl.  FiiV  contra  1  voler  (Ici  seti , 

roy   II.  -2701  ,  f.  Aniois  ,  aras  ni'fii  rcpren.  .  .  . 

i7,i'li    175. 

Cette  chanson  a  deux  envois,  le  premier  au  seigneur  de 
Montpellier,  qui  se  trouvait  alors  dans  cette  ville,  lequel  ne 
peut  être  que  Jacques  V^,  roi  d'Aragon  ;  le  second  ,  au  comte 
de  Toulouse,  seigneur  de  la  terre  d'Argense  : 

Pueys  (clianso)  di  ni  al  conte  prezan 
Ciiy  es  Tolozan  et  ,\rgeii.sa .... 

D.  Vaisselle,  Or,  la  terre  d'Argense,  située  entre  Beaucaire  et  la  mer, 
in,  p  2(18,  le  long  de  la  rive  droite  du  Rhône,  n'ayant  été  rendue  à 
Raimond  VU  qu'en  i24ii  époque  où  Jacques  P'' eut  une 
entrevue  avec  lui  à  Montpellier,  la  chanson  de  Jean  d'An- 
guilen  porte  par  cela  même  sa  date.  Elle  a  été  composée 
très-vraisemblablement  en  Tannée  ia4i,etpar  conséquent 
adressée  à  Raimond  VII,  a[)rès  sa  rentrée  dans  ses  états: 
oette  particularité  peut  lui  donner  quelque  intérêt.  Nous  y 
voyons  que  les  troubadours  avaient  repris  leurs  chants  à 
cette  époque    dans  le  Toulousain. 

Cette  pièce  a  été  attribuée  à  Arnaud  Catalan  ;  mais  le  long 
Choix,  I.  V,  séjour  de  ce  poète  en  Italie   rend  cette  opinion  peu  vrai- 
V  '"^S.  semblable. 

M.  Raynouard  en  a  publié  un  fragment.  E — D. 


IbiH.  p.  /|7.4. 


Mss.  d<!laBII>l. 
roy.  7698 


XIU  SIECLE. 


MONTANT  SARTRE. 

CjE  troubadour,  simple  tailleur,  nous  ramène  vers  les  affaires 
publiques.  Montant ,  surnommé  ty^z-^/e,  ou.  le  tailleur,  est 
différent  dé  Montant  sans  surnom  dont  il  sera  question  dans 
notre  volume  prochain.  Passionné  pour  les  intérêts  de  Rai- 
mond  VI,  voyant  l'invasion  de  la  ligue  faire  de  nouveaux 
progrès,  et  apparemment  vers  les  années  1212  ou  12 [5,  il 
adressa  un  sirvente  à  ce  prince,  où  il  lui  reprocha  la  mol- 
lesse de  sa  défense.  «  Comte  de  Toulouse,  lui  dit  le  poète, 
«  il  n'est  plus  temps  que  je  vous  cache  ma  pensée.  Je  vois  la 
ce  guerre  que  vous  fait  le  roi  des  Français,  prendre  de  nou- 
o  velles  forces.  Si,  dès  ce  moment,  votre  valeur  ne  se  préci- 
o  pite ,  c'est  qu'elle  n'est  ni  franche  ni  impétueuse,  et  je  ne 
«  vous  tiens  plus  pour  homme  de  cœur.  Mss.  <1u  Vaii- 

<an  ,  3794,  fol. 

Coms  de  Tolsan,  ja  non  er  qu'ie  us  o  priva,  Rayn.  Choix, 

Veiaire  m'es  que'l  guerra  recaliva  1.  v,  p.  268. 

Del  rei  franses ,  e  s'ara  no  s'abriva  Piècecoinmen- 

Vostra  Talors,  non  es  veira  ni  viva,  çani  par    Comr 

Ni  us  en  ten  ''«  Tottan. 

De  pi'eï  valen . . . 

Après  une  strophe  contre  les  Français  qui,  dit-il,  sont 
ivres  jour  et  nuit,  le  poète  continue  :  «  Si  vous  ne  déployez 
«  vos  enseignes  contre  les  Français  qui  désolent  vos  états , 
a  personne  n'aura  plus  confiance  en  vous;  puis  ils  se  diront 
«  (  ce  qu'on  disait  des  Sarrasins  )  :  Pire  que  Richard  l'em- 
a  porte  et  plus  honteusement. 

Pueis  diran  s'en 
Pieg  que  Richartz  l'emporta 
Ë  plus  aunidamen. 

Il  finit  par  dire  au  prince  :  «  Ils  attendent  un  autre  Artus, 
a  les  peuples  deBeaucaire;  et  tous,  le  père,  le  fils,  les  frères, 
(c  pleurent  de  ce  que  vous  allez  à  eux  si  lentement. 

Ar  atendon  Artus  cil  de  Belcaire, 
E  ploran  s'en 
Lo  pair'  e'I  fils  e'I  fraire 
Quar  i  anatz  tan  len. 

É— D. 


Xin  SIKCI.K. 


PIERRE  DE  LA  CARAVANE. 


r  lERRE  de  la  Caravane,  ou  Pietro  délia  Caravana ,  était 

vraisemblablement   Italien  ;  mais  Italien  ou   Provençal  ,  il 

était  Guelfe,  et  c'est  en  langue  provençale  qu'il  a  exprimé  le 

sentiment  passionné  qui  l'attachait  à  ce  parti  politique.  Cres- 

loc^ch  Tii'"»*  cin^l'^ni  dit  avoir  vu  plusieurs  sirventes  de  lui  dans  le  manu- 

Ï04.  '      scrit32o4du  Vatican.  La  copie  de  Sainte-Palaye  n'en  renferme 

.Mj.s.  <Iii  Vaii-  qu'un  seul,  mais  c'est  précisément  celui  que  Crescimbeni  cite 

çjn,    204,  o.  çQfjj^^g  l'ayant   particulièrement  observé;  ce  qui  doit  faire 

présumer  qu'il  est  en  effet  le  plus  remarquable. 

L'auteur  veut,  dit-il,  composer  un  sirvente  qu'on  puisse 
réciter  en  peu  d'instants,  par  conséquent  un  sirvente  popu- 
laire. Pour  cela,  il  le  fait  en  vers  de  cinq  syllabes,  et  il 
termine  chaque  strophe  par  un  refrain  de  quatre  vers  sur  les 
mêmes  rimes,  où  est  renfermée  la  pensée  aont  il  veut  péné- 
trer les  peuples.  Il  est  excité,  dit-il,  par  les  nouveaux  arme- 
ments de  l'empereur  qui  rassemble  de  grandes  forces. 

D'un  sirventes  faire 
Es  nios  pessamenz, 
Qu'el  pogues  reiraire 
Vialz  e  breumenz; 
Qu'el  nostr' emperaire 
Ajosta  grans  genz. 
Refrain  :  Lombarl,  he  us  gardatz 
Que  ja  non  siatz 
Peler  que  coiiipralz. 
Si  f'erni  non  estalz. .  . 

Refrain:  «Lombards,  ayez  à  vous  bien  défendre,  que 
«  bientôt  vous  ne  deveniez  pire  que  des  esclaves  (  achetés  ) , 
<  si  fermes  vous  n'êtes. 

n  Ressouvenez-vous  de  la  Pouille  et  des  grands  barons  à 
e  qui  rien  ne  reste  qu'il  leur  puisse  ravir,  si  ce  n'est  leurs 
«  maisons.  Lombards  ,  ayez  à  vous  bien  défendre,  etc. 

a  La  gent  d'Allemagne  gardez -vous  d'aimer,  et  sa  com- 
«  pagnie  n'allez  pas  rechercher.  Le  cœur  me  soulève  quand 
«  j'entends  leur  rauque  jargon.  Lombards,  ayez,  etc. 

Quar  cor  mi'n  fai  laigna 
Ab  lor  sargotar. 
■  LoDibart ,  be  us  gardatz ,  etc. 


XUI  SIECLE. 


GUILLAUME  FIGUIÈRES.  649 

«  Que  Dieu  protège  la  Lombardie,  Bologne,  Milan  ,  Bres- 
<t  cia,  Mantoue  et  leurs  alliés;  qu'aucune  de  ces  villes  ne 
«  devienne  esclave,  ni  aucun  des  bons  marauisats  (de  la 
«  maison  d'Est  ). . . .  » 

On  voit  que  c'est  en  ia36  ou  laSy  que  cette  pièce  toute 
en  faveur  des  Guelfes  dut  être  composée.  Nous  venons  de 
rapporter  lesirvente  de  d'Aubusson  et  de  Nicolet,  fait,  au  '""'P" p- fi»-- 
contraire,  pour  le  parti  des  Gibelins.  Les  poètes  étaient  di- 
visés entre  eux  de  passions  et  d'intérêts  ,  comme  les  peuples. 
Mais  au  milieu  de  cette  contention  des  esprits,  la  littérature 
s'enrichissait  des  productions  des  partis  opposés.  Les  oreilles 
italiennes  goûtaient  de  plus  en  plus  le  rhythme  et  l'harmonie 
desvers  provençaux;  et  la  langue  des  poètes  toscans,  épurée 
par  l'exemple,  perfectionnée  par  l'émulation  ,  allait  bientôt 
acquérir  le  mérite  que  celle  des  troubadours  ne  tarderait 
pas  à  laisser  décliner,  et  qu'elle  devait  perdre  peu  à  peu 
presque  entièrement.  . 

M.  Raynouard  a  publié  en  totalité  le  curieux  sirvente  de  p.  197.  '  "     ' 
la  Caravane.  E — D. 


GUILLAUME  FIGUIÈRES. 
BERTRAND  D'AUREL  LAMBERT 

PAVÉS 

(joiLLADME  FiGDiÈRES  cst  UD  de  CCS  génies  inventifs  et  in- 
dépendants, poètes  par  la  puissance  de  leur  naturel,  qui, 
dominés  par  leurs  penchants,  bravent  l'opinion  dans  leurs 
compositions  comme  dans  leur  conduite  morale,  et  à  qui  l'on 
pardonne  d'autant  moins  de  honteuses  habitudes,  qu'on  se 
sent  plus  disposé  à  reconnaître  leur  talent.  Il  naquit  à  Tou- 
louse vers  la  fin  du  douzième  siècle.  Fils  d'un  tailleur,  et 
attaché  d'abord  à  la  profession  de  son  père,  il  fit  des  vers,  les 
chanta,  en  composa  fa  musique,  tout  en  se  livrant  aux  travaux 
de  son  métier,  et  par  refTetae  la  disposition  innée  qui  l'avait 
fait  poète;  mais,  si  nous  en  croyons  son  biographe,  des  goûts 
ignobles  le  ravalèrent  au-dessous  même  du  rang  oii  il  était 

Tome  XV m.  Nnnn 

4  ^  * 


65o  GUILLAUME  FIGUIÈRES. 

Xlll  SIÈCLE.  ,     _^  .  ,  ,,,,,,  .    , 

ne.  Devenu  jongleur,  et  appelé  a  briller  parmi  les  trouba- 
dours, non  seulement  il  ne  sut  point,  malgré  son  talent, 
prendre  place  et  se  maintenir  dans  la  haute  société,  Nonfo 
hojti  que  saubes caher  entr'ls  baros  nientre  la  bonagen ,  mais 
il  se  fit  en  outre  le  poète  des  tavernes,  des  catins  et  des  ri- 
bauds,  Mas  moût  se  fez  grazir  als  arlots ,  et  als  putans ,  et 
als  hostes  et  als  taverniers . 

Son  génie  le  porta  d'abord  vers  la  poésie  erotique.  Il  nous 
reste  de  lui  une  pastourelle  pleine  de  naïveté  et  de  grâce, 
qui  fut  vraisemblablement  un  ouvrage  de  sa  jeunesse.  C'est 
la  bergère  qui  parle  la  première,  en  se  plaignant  d'un  amant 
ingrat  : 

Pièce coDimen-  L'autr'ier  cavalgava 

.;anl   par   L'au-  g,,^  ^^^^^  palafre, 

/r  (pr  ;  mss.  de  U  »i      i 

D,,  Au  clar  temps  sere, 

Bibl.  roy.  2701,  i-     •    1             *^ 

fol.  .6,  ch.  161.  Evidenanme 

Mss.delaBiLl.  Una  pasloreln  , 

roy.  7ia6,  fol.  Ab  color  fresqu'e  novela 

■i^g.  Que  cliantt't  mot  gcn  , 

Rayn.  Choix  ,  E  dizia  en   pianlien, 

t.  V, p.  198.  Lassa!  mal  vieu  qui  pert  son  jauzimen. 

Le  poète  qui  entend  ce  chant  de  la  bergère,  se  plaint  à 
elle  à  son  tour  d'avoir  aussi  été  abandonné  par  une  amante 
infidèle.  Bientôt  un  heureux  accord  s'établit  entre  eux,  et  la 
jeune  fille  finit  par  avouer  qu'elle  a  totalement  oublié  son 
chagrin. 

Senhcr,  ses  falhida, 
Estorta  m'a  e  garida 

Vostramor  tant  fort 
Que  de  nul  mal  no  m  reçoit, 
Tan  gen  m'avez  tôt  mon  mal  talan  mort. 

Sfigncur,  sans  tromperie 
M'a  sninée  et  guérie 

VoIre  nmoiir  si  bien 
Que  de  mil  mal  ne  me  souvient. 
Si  gentiment  vous  m'en  avez  ôté  la  pensée. 

On  attribue  à  Figuières  deux  autres  pièces  erotiques.  Celle 
des  deux  qui  commence  par, 

Ms9.dc  la  Bibl.  Pel  joy  de  bel  comensamen 

roy.  1701,  f.  35,  D'estieu  comensi  ma  chanso  , 

Msi.  de  Mo-  est  adrcsséc  à  Blacas,  soit  qu'elle  ait  été  composée  lorsque 
dèoe,  fol.  «59.    Figuières  traversa  la  Provence  pour  se  rendre  en  Italie,  soit 


Xin  SIÈCLE. 


GUILLAUME  FIGUIERES.  65 1 

qu'elle  ait  été  écrite  de  l'Italie  même.  L'envoi  est  à  peu  près 
semblable  à  celui  de  la  chanson  de  Jean  d'Aubusson,  que 
nous  avons  rapporté  à  l'article  de  ce  poète.  Voici  cet  envoi  : 

Ci-d«5us ,  i>. 
Chanso ,  entre  la  melhor  gen  6a6. 

Qu'ieu  conosc  e  miels  lay  t'en  vay 
En  Proenza,  e  saluda  m  lay, 
De  nia  part  totz  los  pus  prezatz 
E  part  tutz  mo  senher  Blacatz. 

Il  y  a  en  tout  une  grande  ressemblance  entre  ces  deux 
pièces.  Toutefois  les  premiers  vers  et  beaucoup  d'autres 
sont  différent^,  ainsi  que  le  premier  de  l'envoi  qui,  dans  la 
version  donnée  à  d'Auîausson,  rime  en  ay,  et,  dans  celle  de 
Figuières,  en  en.  S'il  n'existe  pas  dans  cette  confusion  une 
grave  erreur  de  copiste,  il  y  a  du  moins  de  la  part  d'un  des 
deux  poètes  l'intention  bien  évidente  d'employer  des  vers 
de  l'autre. 

Mais  la  renommée  de  Guillaume  Figuières  ne  doit  pas 
dépendre  de  ses  chansons  d'amour.  Ses  dispositions  natu- 
relles le  portaient  vers  la  satire;  c'est  là  que  se  déploie  tout 
son  talent.  Nous  avons  dit  précédemment  qu'en  l'année  121 1,      ci-dessu»,  p. 
Raimond  VII,  obligé  de  se  défendre  contre  les  entreprises  ^9'- 
de  Folquet,  évêque  de  Toulouse,  fut  réduit  à  le  chasser  de 
cette  capitale  de  ses  états.  C'est  vraisemblablement  la  ré- 
bellion de  l'évêque  qui,  excitant  la  verve  de  Figuières,  lui 
inspira  son  premier  sirvente  contre  les  prêtres  ambitieux , 
qu'il  appelle  le  faux  clergé.  «  Je  ne  m'interdirai  point,  dit-il. 
a  par  detaut  de  courage, de  torger  un  sirvente  comme  une  „y  ,6,^^  ^i 
«  arme  contre  le  faux  clergé;  et  quand  il  sera  fabriqué,  le  114, ch.  197. 
o  monde  connaîtra  la  fourberie  et  la  félonie  qu'engendrent      RayD.cboix, 
«  ces  faux  prêtres  qui,  là  où  ils  ont  le  plus  de  pouvoir,  *'     '"*'  °'' 
«  causent  le  plus  de  mal,  et  le  plus  de  douleurs. 

No  m  laisserai  per  paor 

C'un  sirventes  non  labor, 

En  servizi  dels  fais  clergats  ; 

E  quant  sera  laborats, 

Connoisseran  li  plusor 

L'engan  e  la  felonia 

Que  moT  de  falsa  clerzia , 
Che  lai  on  an  mais  de  poder 
Fan  plus  de  mal  e  plus  de  desplazer. 

«  Prédicateurs  hypocrites,  ils  ont  jeté  le  siècle  en  erreur; 

N  nnna 


XIU  SIKCLI-:. 


652  GUILLAUME  FIGUIÈRES. 

<f  ils  prêchent  couverts  de  péohés  mortels;  ensuite  ceux  qui 

«  entendent  leurs  prédications,   font  ce  qu'ils  leur  voient 

«  faire,  et  tous  suivent  fausse  route;  donc  si  un  aveugle  en 

<(  conduit  un  autre,  ne  vont-ils  pas  tous  deux  tomber  dans 

«  la  fosse  ?  C'est  ce  qu'ils  font  :  je  ne  le  sais ,  mais  Dieu  l'a  dit. 

E  tuit  segon  orba  via  ; 
Doncs,  si  l'uns  orbs  l'autre  guia, 
Non  van  amdui  en  la  fossa  cazer? 

«  Il  est  trop  vrai,  continue  le  poète,  que  nos  pasteurs 
«  sont  devenus  des  loups  ravisseurs.  »  Puis  il  ajoute  : 

Pois  fan  autre  desonor 

Al  segle  et  a  Dieu  major; 

Que  s'uns  d'els  al)  femna  jatz , 

Lendeiiian  lotz  orrejatz 

Tenra  '1  cors  nostre  Seignor; 

Et  es  niorials  eretgia, 

Que  nuls  preire  no  denria 
Ab  sa  putan  orrejar  aquel  ser 
Que  lendenian  deia'l  cors  Dieu  tener.  .  .  . 

L'envoi  est  en  ces  termes  :  «  Va,  sirvente,  tiens  ta  route, 
«  et  dis-moi  à  ce  faux  clergé,  que  celui-là  est  mort  qui  se 
«  met  en  son  pouvoir;  à  Toulouse  ils  le  savent  bien  :  Qu'a 
«  Tolosa  en  sa  h  Iwm  ben  lo  ver.  ■» 

Après  une  semblable  levée  de  bouclier,  il  devint  impos- 
sible à  Figuières  de  demeurer  à  Toulouse,  dès  que  cette 
ville  fut  tombée  au  pouvoir  des  croisés.  Il  suivit  alors  la  co- 
lonie des  troubadours  qui  se  réfugiaient  dans  la  Lombardie; 
E  quant  li  Francfs  a^ron  Tolosa ,  dit  le  biographe,  el  s  en 
■venc  en  Lonihardia  Ce  fait  dut  avoir  lieu  au  commencement 
de  l'année  I2i5,  lorsque  l'évêque  Foulques,  rentré  dans 
D.  Vaisseue,  Toulousc,  y  usuppa  l'autorité  du  comte  Kaimoud. 
I.  III,  p.  267.  C'est  apparemment  dans  ce  voyage  que  Figuières  visita 

Blacas;  car  malgré  l'assertion  du  biographe,  il  est  difficile  de 
croire  qu'il  se  soit  toujours  refusé  à  voir  des  seigneurs. 

Arrivé  en  Italie,  et  voulant  y  pourvoira  sa  sûreté,  il  se 
prononça  pour  le  parti  des  Gibelins,  vers  lequel  il  était  porté 
naturellement;  et,  en  1220,  la  ville  de  Milan,  principal  bou- 
levard des  Guelfes,  ayant  fermé  ses  portes  à  l'empereur 
Frédéric  II,  il  publia  son  sirvente  contre  cett^e  ville  répu- 
blicaine. Nourri,  comme  la  généralité  des  Toulousains,  dans 


GUILLAUME  FIGUIÈRES.  653 

l'habitude  d'un  généreux  dévouement  pour  Raimond  VI,    ^"' *>iFf^Lf 

Figuières  avait  peine  à  romprendre  la  conduite  des  Milanais. 

Cet  étonnement  se  manifeste  dès  la  première  strophe.  «  Pour 

«  composer,  dit-il ,  un  nouveau  sirvente  ,  il  ne  me  faut  nul 

«  autre  maître  (que  mon  expérience  ),  car  j'ai  tant  vu  et  tant     m^,  .uiaiiibi 

«  appris,  et  bien  et  mal,  et  raison  et  folie,  que  je  connais  ce  roy.  a7oi,f.  is, 

<t  qui  mérite  le  blâme  ou  la  louange,  la  honte  ou  l'honneur,  '^^  '^^• 

«  et  je  vois  que  mauvaise  action  font  les  Lombards  envers  ,  jy  ■„  ^„^"  " 

n  leur  prince. 

Ja  de  far  un  nou  sirventes 
No  quier  autre  ensenhador, 
Que  ieu  ai  tan  vist  et  après 
Ben  e  mal,  e  sen  e  folhor, 
Qu'ieu  conosc  blasnie  e  lauzor, 
E  conosc  anta  et  lioiior  ; 
E  conosc  que  nialvdt  labor 
Fan  Lonibart  de  l'eniperador. 

L'expression  de  ce  sentiment  se  soutient  dans  les  trois 
strophes  suivantes  :  «  Car  ils  ne  le  tientient  point  pour  sei- 
«  gneur,  dit  le  poète,  ainsi  qu'ils  le  devraient;  et  s'il  ne  rétablit 
«  bientôt  sa  puissance  contre  eux,  pour  venger  ses  affronts; 
«  s'il  laisse  ravir  ou  restreindre  les  droits  qu'il  doit  ratfermir, 
'<  l'empire  se  plaindra  de  lui  et  de  son  commandement. 

Qiiar  no  lo  tenon  per  senhor 
En  aissi  coni  deurian  tar, 
E  si  lli  non  repaira  enves  lor, 
En  breu  per  sas  ;;ntas  vetijar, 
L'eniperi  s'en  poiru  claniar 
Delb  e  di'l  sieu  emperiar, 
Se  laissa  tobe  ni  nierniar 
Lo  dreyt  qu'elb  deu  adreyturar. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  précédemment  sur  l'emploi  de 
la  langue  provençale  dans  les  chants  populaires  de  l'Italie, 
au  treizième  ,siè(lL',  il  est  inutile  de  faire  remarquer  que  ce 
sirvente  en  olIVe  un  nouvel  exemple.  On  s'apercevra  toutefois 
qu'il  est  anterit^ur  à  plusienisdes  pièces  que  nousavotis  déjà 
citées.  La  nécessité  de  classer  les  poètes  suivant  Tordre  de 
leur  mort  nous  oblige  Iréquemment  à  des  renversements  de 
chronologie  entre  leurs  premiers  ouvrages. 

La  piincip  lie  pièce  de  Figuières,  celle  qui  commence  par 
Sirventes  vuelhfar,  porte  des  dates  qui  ne  permettent  pas 
de  douter  de  l'époque  à  laquelle  elle  appartient.  C'est  en 


654  GUILLAUME  FIGUIÈRES. 

XllISI^.CLE.     T     1-  .   11      f  -  . 

Italie  quelle  tut  composée;  cest  par  conséquent  au  sein 

même  de  l'Italie,  mais,  il  faut  aussi  le  dire,  protège  par  les 
Gibelins,  que  Figuières  publia  une  des  diatribes  les  plus  au- 
dacieuses qui  aient  été  faites  contre  Home,  contre  les  vices 
et  les  abus  de  puissance  du  clergé.  Ambition,  despotisme, 
esprit  de  rapine,  corruption  des  mœurs,  abus  des  sacrements, 
rien  de  ce  qui  pouvait  paraître  odieux  ne  fut  supprimé.  Il  faut 
que  l'image  de  la  désolation  de  sa  patrie  fût  bien  profondé- 
ment gravée  dans  l'esprit  du  poète,  pour  qu'il  ait  essayé  de  la 
venger  avec  tant  d'énergie. 

Cette  pièce  se  compose  de  vingt-trois  strophes,  chacune 
de  onze  vers ,  dont  sept  masculins  de  cinq  syllabes,  et  quatre 
féminins  de  sept.  Les  quatre  vers  féminins  de  chaque  strophe 
riment  entre  eux,  et  les  trois  premiers  vers  masculins  ri- 
ment avec  les  quatre  derniers  vers  masculins  de  la  strophe 
précédente.  Ce  croisement  et  ces  répétitions  de  sons  durent 
produire  un  effet  piquant  dans  un  chant  destiné  à  saisir 
l'oreille  d'un  peuple  éminemment  sensible  au  mérite  de 
l'harmonie.  Le  rhythme  poétique  y  servait  de  fondement  à 
la  mélodie;  aussi  le  poète  dit-il  lui-même  qu'il  a  assorti  le 
chant  avec  les  paroles  (i). 

«  Un  sirvente  je  veux  faire  sur  cet  air  qui  me  convient; 
«  plus  ne  veux  attendre,  plus  ne  veux  différer.  Et  je  sais  sans 
a.  en  douter  qu'il  m'en  adviendra  malveillance;  car  je  fais 
«  ce  sirvente  des  faussetés  adroites  de  Rome,  chef  de  la  dé- 
«  cadence  où  se  détruit  tout  bien. 

M^b.delaBibl. 
.  oy.  270 , ,  f.  90,  Sirventes  vuelh  far 

fil.    7QO.  „ 

M      -6   '    f  En  est  son  que  m  agensa, 

.  i  i,"h',9v'  Nol  vuelh  plus  tarzar, 

Urtvn.  Choix,  Ni  far  longu  'atendensa. 

t   I\,p   '>o9.  E  sai ,  ses  duptar, 

Quen  aurai  malvolensa, 
Car  fauc  sirventes 
Deis  fais  d'enjans  pies , 
De  Roma  que  es 
Caps  de  la  dechasensa 
On  dechai  totz  bes. 

«  Rome ,  je  ne  m'étonne  point  que  les  peuples  soient  dans 
«  l'erreur ,  car  vous  avez  jeté  le  siècle  en  fermentation  et  en 

(i)  M.  Villemain,  dans  son  Cours  de  littérature  française,  publié  en 
i83o,  a  rendu  hommage  au  talent  du  troubadour  Guillaume  Figuières. 
Il  a  donné  une  traduction  de  treize  strophes  de  ce  sirTente  contre  Rome. 


GUILLAUME  FIGUIERES.  655 

<■  guerre;  mérite  et  vertu  sont  par  vous  tués  et  mis  sous 
n  terre.  Rome  fallacieuse,  de  tout  mal  le  chef,  le  sommet  et 
'I  la  racine;  le  bon  roi  d'Angleterre  par  vous  fut  trahi. 

No  m  nieravilh  fjes, 
Ronia,  si  la  gens  erra, 

Qu'fl  scgl'  avelz  mes 
En  trebal  et  en  guerra , 

Car  prctz  e  merces 
Mor  piT  vos  e  sosterra. 

HoMia  ensaiiairitz, 
Qii  etz  (le  tôt/,  mais  guitz 

E  sinis  e  razitz; 
Le  bon  reys  d'Anglaierra 

Fon  per  vos  traliitz. 

«  Rome  traîtresse,  votre  avidité  vous  trompe,  car  à  vos 
«  brebis  vous  tondez  trop  la  laine.  .  . 

Roma  tricliairitz, 
Cobeitas  vos  engana.  . . . 

«  Rome,  aux  hommes  stupides  vous  rongez  la  chair  et  les 
«  os.  .  .  Trop  vous  passez  les  bornes  posées  par  le  ciel  ;  car 
c  tant  est  grande  votre  avarice  nue  pour  argent  vous  par- 
ti donnez  les  péchés.  De  trop  fâcheux  fardeau,  Rome,  vous 
«  vous  chargez. 

Quar  vos  penlonatz 
Per  deniers  peccatzj 
De  trop  mala  tradossa, 
Roma ,  vos  cargatz. 

«  Rome,  bien  sachez  que  par  votre  méchante  fraude  et 
«  votre  folie,  vous  avez  fait  perdre  Damiette. 

Roma ,  be  sapcbatz 
Que  vostr'  avols  barata 

E  vostra  foldatz 
Fetz  perdre  Damiata. 

(Allusion  aux  prétentions  du  cardinal  Pelage,  qui  furent 
cause  de  la  reprise  de  Damiette  par  les  Musulmans  en  1218.) 

<c  Rome,  vraiment  nous  savons  sans  doutance  que,  par 
«  l'appât  d'une  fausse  indulgence  vous  avez  livré  à  la  déso- 
«  lation  la  noblesse  de  France  et  la  gent  de  Paris;  et  le  bon 
'(  roi  Louis  a  été  par  vous  occis,  c|uand  par  trompeuse  pré- 
«  dication  vous  l'avez  jeté  hors  de  son  pays. 

El  bon  rey  Loys 

Per  vos  fon  aucis, 

Qu'ab  falsa  prezicansa 

Lo  gitez  del  pays. 


XUl  SIFCI  F.. 


XIII  SIECLE. 


656  GUILLAUME  FIGUIÈRES. 

«  Rome,  aux  Sarrasins  vous  faites  peu  de  dommage  ;  mais 
«  Grecs  et  Latins  vous  menez  au  carnage.  En  bas,  au  fond 
«  de  l'abîme,  Rome,  là  est  votre  place,  dans  la  perdition. 
«  Mais  que  jamais  Dieu  ne  me  donne,  Rome,  une  part  aux 
«  indulgences  ni  au  pèlerinage  que  vous  avez  fait  à  Avignon. 

Roma,  als  Sarra.sis 
Faitz  petit  de  daninatge, 

Mas  Grecx  e  Latis 
Geratz  a  carnatge. 

Ins  el  foc  (I  abis 
Roma,  avetz  vostr'  estatge 

E'n  perdicio. 
Mas  ja  Dieus  no  m  do, 

Roma,  (lel  perdo 
Ni  del  pellerinatge 

Que  fetz  d'Avinho. 

«  Rome,  il  est  visible  que  vous  éprouvez  le  remords  de  la 
«  perfide  prédication  que  vous  avez  faite  contre  Toulouse. 
«  Telle  qu'un  serpent  lurieux  ,  vous  y  rongez  les  propriétés 
«  des  petits  comme  celles  des  grands;  mais  si  notre  comte 
<f  vaillant  vit  encore  deux  ans ,  la  France  gémira  de  vos 
a  machinations. 

Roma,  vers  es  plas 
Que  trop  etz  angoissoza 

Dels  prezicx  trefas 
Que  faitz  sobra  Toloza. 

Lag  rozetz  las  mas 
A  ley  de  cer  rabiosa 

Als  paucs  et  als  grans  : 

Mas  si'l  coms  presans 

Viu  encar  dos  ans, 
Fransa  n'er  doloirosa 

Dels  Tostres  enjans. 

«  Rome,  tant  est  grande  votre  forfaiture,  que  Dieu  et  ses 
«  saints  vous  jetez  à  l'abandon;  votre  règne  est  si  vicieux, 
«  Rome  menteuse  et  perfide,  qu'en  vous  se  rassemble,  s'a- 
«  baisse  et  se  confond  toute  la  fourberie  de  ce  monde,  tant 
'<  vous  faites  grande  injustice  au  comte  Raimond!. . . 


Roma,  tan  es  grans 
La  vostra  forfaitura. 

Que  Dieus  e  sos  sans 
En  gitatz  a  non  cura; 

Tant  etz  mal  renhans, 
Roma  falsa  e  tafura, 


GUILLAUME  FFGUIERES  657 

XIII  SIÈCLE. 
Per  qu'en  vos  s'escon 

E  s  baissa  e  s  cofon 

L'engan  d'aqiiest  mon  , 

Tant  faitz  gran  desniezura 

Al  comte  Raimon  ! .  .  .  . 

On  voit  que  cette  pièce  porte  en  elle-même  sa  date.  Elle 
est  postérieure  à  la  mort  ue  Louis  VIII,  qui  eut  lieu  le  8 
novembre  de  l'an  iq.'a6;  et  elle  précède  le  traité  de  paix 
conclu  entre  Raimond  VII  et  saint  Louis,  le  12  avril  1229: 
elle  appartient  donc  à  un  temps  intermédiaire  entre  ces  deux 
époques;  c'est  par  conséquent  vers  la  première  année  du 
pontificat  de  Grégoire  IX,  au  moment  de  la  plus  grande 
puissance  des  papes,  que  Guillaume  Eiguières  s'élevait  avec 
tant  d'audace  et  de  force  contre  leur  despotisme. 

Après  avoir  reproché  au  gouvernement  romain  d'aspirer 
à  la  seigneurie  du  monde  entier, 

Tan  voletz  aver 
Del  mon  la  senlioria, 

le  poète  lui  dit  encore  :  «  Rome,  tant  vous  serrez  le  grappin 
«  (  la  griffe  ),  que  ce  que  vouS  tenez  vous  échappe  diflici- 
«  lement.  Si  bientôt  votre  pouvoir  ne  s'anéantit,  le  monde 
«  est  tombé,  vaincu,  égorgé,  en  fatale  trappe.  Rome,  de 
«  votre  papauté,  voilà  les  hauts  faits! 

Roma,  tan  tenetz 
Estreg  la  vostra  giapa, 

Que  so  que  potletz 
Tener,  greu  vos  escapa. 

Si'n  breu  non  pertietz 
Poder,  a  mala  tiapa 

Es  lo  mon  cazutz 

E  mort  e  vencutz. 
Roma,  la  vostra  papa 

Fai  aitals  vertutz! 

Une  autre  pièce  que  nous  devons  citer  est  un  sirvente 
en  l'honneur  de  l'empereur  Frédéric  II,  espèce  de  panégy- 
rique composé,  à  ce  qu'il  paraît,  à  la  fin  de  l'année  1229 
ou  au  commencement  de  l'année  1280,  lorsque  ce  prince, 
revenu  de  la  Syrie ,  eut  recommencé  la  guerre  à  l'effet  de 
ressaisir  le  territoire  que  Jean  de  Brienne  lui  avait  enlevé 
pendant  son  absence,  au  nom  du  pontife.  Il  y  eut  peut-être 
autant  de  courage  de  la  part  du  poète  dans  la  publication 
de  cette  pièce,  qu'il  y  en  avait  eu  dans  son  attaque  contre  la 

Tome  XF III.  Oooo 


XIII  sito.E. 


G58  GUirXAUME  FIGUIÈRES. 

cour  de  Rome;  car  Frédéric,  ennemi  delà  moitié  de  l'Italie, 
objet  d'une  guerre  acharnée  de  la  part  de  Grégoire  IX,  et  sous 
le  poids  d'une  excommunication  ,  était  même  regardé  comme 
un  traître  et  un  sacrilège,  dans  presque  toute  l'Europe,  à  cause 
de  la  paix  qu'il  venait  de  conclure  avec  le  sultan  du  Caire. 
Les  actes  qu  on  lui  reprochait  furent  précisément  ceux  que  le 
Mss.ieiaBibi.     ^^jg  élcva  le  dIus  haut.  «  J'ai  dans  le  coeur,  dit-il  en  commen- 

roy.  ^701,1.  '».    •  ^       ,  t^  ..         »  J       1-    J 

th.  18',.  «  çant,  de  composer  un  nouveau  sirvente  et  de  l  adresser  a 

K  l'empereur,  car  je  veux  dès  ce  moment  me  vouer  à  son 
<(  service,  l^a  non  sirventes  ai  en  cor,  etc.  Nul  homme  n'est 
«  plus  généreux  que  lui  ;  il  retire  les  pauvres  de  la  pauvreté,  il 
<■(  améliore  le  sort  des  riches.  »  Après  ce  début,  le  poète  loue 
l'empereur  de  l'énergie  qu'il  a  apportée  au  recouvrement  de 
«  ses  États,  et  notamment  de  la  reprise  de  la  ville  de  Gaéte. 
«  Bien  fou  qui  avec  lui  dispute.  .  .  I!  s'est  glorieusement  vengé 
«  du  faux  clergé.  .  .  et  du  pape,  mieux  que  ne  fit  son  aïeul. 

Fols  qui  ah  luy  tensona 

,  Car  mot  be  ses  venjat  de  la  falsa  clersia 
E  del  papa  miels  que  son  avi  non  fes. 

a  II  force  les  villes  de  la  liombardie  à  lui  restituer  les 
1  droits  de  sa  couronne.  .  .  11  a  fait  outre-mer  mainte  oeuvre 
«  honorable  et  pure;  Jérusalem  et  Ascalon  ont  été  conquis 
«  sans  employer  ni  arc  ni  flèche,  et  avec  le  Soudan  il  a  fait 
«  une  glorieuse  et  bonne  paix. 

Mot  fes  otramar  onrail'  obra  e  neta, 
Que  Jhrlem  conques  et  Ascalona  , 
Que  anc  no  y  près  colp  darc  ni  de  sageta, 
Can  li  fe'l  Soudan  ondrada  patz  e  bona. 

Puis  il  loue  l'empereur  de  ce  qu'étant  allé  à  l'île  de  Chypre, 
il  l'a  rendue  avec  une  noble  courtome ,  per  gentil  cortezia , 
à  la  dame  de  Rarut  qui  seule  avait  droit  d'en  hériter;  car  ce 
prince  ,  ajoute-t-il  ,  est  exempt  et  net  de  tout  sentiment 
sordide,  e  noyt  e  lavât  de  tota  vilenia. 

c  Que  Dieu,  dit  enfin  le  poète,  lui  conserve  toutes  %^& 
"  possessions,  et  à  moi ,  Figuières,  la  joie  que  me  donnent 
«  mes  amis  et  mes  amies  ! 

Lo  sans  Dieu  li  gart  tota  sa  manentia. .  . . 

.  .... 

Et  a  mi  don  Dieus  gaug  d'amie  e  d  amia  ! 

La  pièce  est  adressée  au  bon  ami  Taurel. 


GUILLAUME  FIGUIÈRES.  65g 

T  »  '  U      r  L-     -J  1  »■     .  J  I       i^  '^I"  SIÈCLE. 

Les  avantages  multiplies  que  b  rederic  obtint  dans  les  Ltats 

de  Naples,  à  son  retour  de  Jérusalem  ,  ayant  donne  de  l'in-     MuratoH.aun. 

quiétude  au  pape,  on  commença  à  traiter  de  lapaix.  Les  pour-  '^^  '«'-^'iag,!. 

parlers  durèrent  lonj^-temps,  et  le  traité  fut  enfin  conclu  le      ' 

9  juin  de  l'an  laSo.  Dans  le  temps  employé  aux  préliminaires 

parut  un  nouveau  sirvente  du  troubadour,  par  lequel   il 

voulut  témoijiner  le  vœu  des  peuples  pour  la  cessation  des      i'"**  p  î^s 

malheurs  publics.  Le  ton  de  cette  pièce  n'eut  plus  l'âcretédes 

sirventes  précédents:  le  sujet  était  tout  différent;  il'ailleurs, 

dans  l'intervalle,  la  tranquillité  ayant  été  rendue  à  la  patrie 

du  poèîu,  parle  rétablissement  du  comte  llaimond  dans  ses 

Etats,  son  esprit  n'éprouvait  plus  la  même  irritation  qu'au- 

T  parnvanr   f  Entre  le  soiîverain  pontife  et  l'empereur,  ievou-     „. 

«  (Irais,  ;lil  il,  voir  rctabin' la  paix,  car  ainsi  le  lurc  et  I  Arabe  , -.mii^r Del nre- 

'<  seraient  vaincus.  Mais  avec  trop  d'amertume  chacun  d'eux  'f'><"'n7or..Mss. 

«  d((énd   sa  cause,  et  ils  se  tourmentent  ainsi    l'un  l'autre  ''"  Y'""- ''7!>'i. 

•         1    I  IM  1  .  P     '^'^ 

"  pour  iieii,  car  veiitai)lement  touli<Mjiie  1  iiommc  recherche 
"  n'est  rien,  à  côté  de  ce  que  ravciiir  lui  destine. 

Del  preveire  major 

E  ilfl  crnpenulor 

Volgra  paz  entre  lor, 

Qii'aissi  foian  marrit 

Li  Turc  e  RIarabit  ; 

Mas  trop  amaramen 

Rlena  cliascuns  zo  qe  ten, 

Et  trebailhon  si  tle  nien  , 
Qar  niens  es  tôt  zo  q'oni  pot  cliauzir, 
Segon  aqo  qe  es  a  devenir. 

L'auteur  regrette  de  ne  pouvoir  aller  lui-même  à  l'armée 
des  croisés;  mais  il  est  trop  pauvre  pour  se  transporter  avec 
honneur  au-delà  des  mers,  et  il  demeure  tristement  de 
ce  côté. 

Mas  non  hai  gran  ritlior 
De  passar  al)  lionof; 
Ueinanc  sai  ah  tristor. 

La  pièce  est  adressée  au  comte  de  Toulouse  redevenu 
j)uissant,  et  par  conséquent,  comme  nous  l'avons  dit,  après 
le  traité  du  mois  d'avril  de  l'an  i2v.().  «  \n  chez  le  vaillant  et 
«  honorable  comte  de  Toulouse,  et  dis-lui  que  si  Dieu  a 
i<  voulu  l'élever  au-dessus  des  autres  hommes,  c'est  afin  qu'il 
«  aille  le  servir  aux  lieux  mêmes  où  il  naquit. 

O  oooa 


XIII  SIÈCLE. 


660  GUILLAUME  FIGUIERES. 

Al  pro  comte  valen 

De  Tolosa  digaz  breumen 

Estiers  q'el  sapcha  veramen 
Qe  per  so  I  vol  Dieus  part  totz  enantir 
Qe  lai  on  elh  nascet  l'ane  servir. 

Jusqu'ici  nous  avons  vu  clans  Figuières  un  sujet  fidèle  des 
deu.\  Rainionil,un  partisan  dévoué  de  Frédéric,  un  ardent 
ennemi  des  abus  de  la  puissance  de  la  cour  de  Koine,  et  de 
tous  les  vices  des  mauvais  prêtres,  qu'il  appelle  le  faux 
cleii^é ,  et  nous  avons  eu  peine  à  comprendre  comment  son 
biographe  dit  qu'il  a  été  le  poète  des  catins  et  des  ribaud». 

Mais  il  taut  avouer  que  quelques  pièces  échappées  à  ses 
amis  ou  à  ses  émules  décèlent  en  lui  des  habitudes  peu  élevées, 
dont  il  est  possible  aussi  qu'on  ait  exagéré  le  tableau. 

Aiméric   de    Péguilain ,   troubadour  de  qui  nous  allons 
parler  tout  à  l'heure,  avait,  dans  un  séjour  de  cinquante  ans 
en  Italie,  amassé  quelque  fortune.  Cette  aisance  choquait 
Figuières,  et  il  écrivit  à  son  ami  Bertrand  d'Aurel  :  «  Ber- 
trand d'Aurel,  s'il  mourait  le  seigneur  Aiméric  avant  la 
tar"j'2o''-"/5'2'  "  Toussaint,  dites-moi  à  qui  il  laisserait  les  richesses  qu'il 
Kayn.  Choix,   «  a  acquises  en  Lombardie,  en  supportant  froid  et  langueur. 

t.  V,p.  198 

liertram  d'Aurel,  si  moria 
N'.\imeiics  ,  ans  de  martror, 
Digatz  a  cuy  laissaria 
Son  aver  e  sa  ricor 
C'a  conques  en  Lombardia, 
SuJïretan  freit  e  langer.  ... 

Aiméric  répondit  par  un  autre  couplet  adressé  pareille- 
ment à  Taurel ,  et  sur  les  mêmes  rimes  que  le  précédent,  en 
forme  de  tenson.  «  Bertrand  d'Aurel,  s'il  mourait  Figuières 
l'endetté,  dites-moi  à  qui  il  laisserait  son  cœur  faux  et 
traître,  plein  de  rancune  et  de  folie,  de  honte  et  de  dés- 
honneur; qui  serait  le  chef  des  catins,  et  qui  les  ribauds 
et  les  buveurs  prendraient  pour  roi. 


Mss.  du  Vati- 


Digatz  a  cuy  laissaria 
Le  seu  fais  cor  traidor, 
Pien  d'enjan  e  de  bauzia 
E  de  noiz  e  de  folor. 
D'an  ta  e  de  deshonor; 
Ni  putans  qui  menaria  , 
Ni  arlotz  e  bevedor 
Qi  farian  de  seignor. 


XIII  SIECLE. 

Même  mss.  mê- 
me feuillet. 


GUILLAUME  FIGUIERES.  66 1 

Bertrand  d'Aurel  paraît  avoir  été  un  militaire  servant  dans 
les  armées  de  l'empereur  Frédéric.  Il  était  lié  avec  Figuières 
qui  l'appelait,  ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  son  bel  ami. 
Cependant  il  ne  prit  point  sa  défense,  en  répondant  à  Pégui- 
lain  ;  il  dit,  au  contraire,  à  ce  dernier  :  «  Aiméric,  il  pourrait 
«  laisser  à  Coanet  le  Jeune  la  ruse  et  la  tromperie  ;  car  il 
«  (  celui-là  )  vit  de  tel  labeur  ;  les  querelles  et  la  folie  à  Auzet 
«  le  menteur;  à  Lambert,  ses  liaisons  avec  les  catins. 

N'Aimeric,  laissar  poria 

An  Coanet  lo  nienor 

L'engan  e  la  tricharia  ,  Mêmemss.ibid. 

Car  el  viu  il'aital  labor;  Rayn.  Choix , 

El  noiz  et  la  folia  '•  ^>  P-  "i^- 

A  N  Auzet  lo  f'eignedor. 

Et  a'i<f  Lambert  la  putia.  .  .  . 

Ce  Lambert ,  poète  ou  jongleur,  personnage  aujourd'hui 
inconnu,  ne  prend  point  pour  une  injure  ce  que  Bertrand 
d'Aurel  dit  de  lui;  bien  loin  de  là,  il  répond  :  «  Seigneur, 
«  celui  qui  me  laisse  la  connaissance  des  catins,  s'en  fait 
«  honneur;  quantàmoi  je  tiens  à  jouissance  et  à  richesse  ce 
«  dont  on  me  fait  gloire  et  largesse,  et  jamais  nul  jour  de 
«  ma  vie,  je  ne  veux  faire  autre  labeur. . . 

Mêmemss.ibid. 
Seigner,  sel  qui  la  putia  Rayn.  Choix, 

M'en  laissa  s'en  fai  honor,  t.  Y,  p.  143. 

Qu'eu  ni'o  teing  a  manentia 
Qui  m'en  fai  prez  ni  largor, 
Cane  a  nul  jorn  de  ma  via 
No  voill  far  autre  labor.  .  .  . 

Ces  couplets  réunis  forment  une  tenson  à  quatre  person- 
nages, dont  il  n'existe  peut-être  point  d'autre  exemple. 

Un  autre  rimeur,  nommé  Pavés,  attaqua  Figuières  par  un 
couplet  non  moins  mordant.  Il  prétend  que  jamais  on  n'a 
raconté  de  Roland  ni  d'Olivier  un  plus  beau  coup  d'épée  que 
celui  dont  un  capitaine  a  frappé,  l'autre  jour  à  Florence,     Mêmemss.ibid. 
Guillaume  le  querelleur.  Rayn.  Choix, 


Coni  sels  que  fetz  capitan  l'antr'hier 
A  Florenca  a  NGuillelm'  l'enoios,  . . 


I.  V,  p.  378. 


Aiméric  de  Péguilain  raconte  à  son  tour  que  jamais  plus 
beau  coup  d'épée  que  celui  dont  le  seigneur  Auzers  a  frappé    Mêmemsi.ibid. 
au  visage  GuillaumeyoMe  marquée. 

4  S 


XIII  SIÈCLE. 


662  GUILLAUME  FIGUIÈRES. 

Ane  tan  bella  espasada 
No  cuit  qe  liom  vis  , 
Com  det  nAuzeis  sus  el  vis 
A'îN  Guillelni  Ganta  seignada . . .  . 

Figuières  répond  que  jamais,  au  contraire,  Joconde  n'a 
porte  un  coup  |)lus  brillant  que  celui  dont  Jacobis  a  frappe' 
l'autre  jour  Guillaume  J'eifeyoe/ee. 

Ane  tan  bel  eolp  de  Joconda 

No  cuit  qe  lioni  vis 
Com  det  1  antr'  liier  Jacobis 
A'n  Guillelni  Testa  peladd.  .  . . 

Ces  disputes,  très-rares  heureusement  chez  les  troubadours, 
nous  font  descendre  bien  loin  de  la  hauteur  où  nî)us  avait 
élevé  Figuières,  quand  il  attaquait  le  despotisme  de  Rome. 
Elles  semblent  prouver  qu'en  effet  il  se  mêlait  quelquefois 
avec  les  arlots  et  les  taverniers.  Nous  y  voyons  de  plus  qu'il 
continuait  à  habiter  en  Italie. 

Ce  poète  a  été  soupçonné,  peut-être  à  cause  de  son  éner- 
iï  '  '  "  g'<^î  de  partager  fhérésie  des  Albigeois;  Millot  l'a  vengé  de 
ce  reproche,  en  montrant  dans  ses  vers  plusieurs  opinions 
incompatibles  avec  les  erreurs  de  cette  secte. 

Les  manuscrits  contiennent  onze  pièces  sous  son  nom; 

AIrss.    'lasso-     ut      n  If"..  ..       •        I  •> 

ni  Coiisiiiria-  ^1-  Kiiynouard  a  lait  remarquer  que  trois  de  ces  onze  pièces 
zioni  sopia  le  Ont  été  attribuécs  à  d  autres  troubadours.  Il  en  a  publié 
mue  <ici  Pciiar    quatre  et  des  fragments  de  deux  autres.  M.  de  Rochegiide  a 

ta.  In    A  eiiczia  ,      \  ,      1  °  ,x  v         ■  !  •  .  • 

.-',«  ,n  '"  ..  donne  dans  son  ramasse  occitanien  le  sirvente  qui  com- 
•iiz.  aj8,i77,  mence  par  ISdni  lalssarai  per paor.  Le  Tassoni,  dans  ses 
i»7,  eic.  cominentaires  sur  Pétrarque,  cite  en  plusieurs  endroits  des 

vers  du  sirvente  contre  Rome.  E — D. 


Millol,  I.  II 


LA  DAME  GEKMONDE 

^5[ ,  dans  des  temps  de  parti,  quelque  écrit  publié  par  un 
homme  de  talent  obtient  de  la  célébrité,  une  réponse, 
quelle  qu'elle  soit,  ne  se  fait  pas  long-temps  attendre.  C'est 
ce  qui  arriva  après  la  publication  de  l'énergique  sirvente  de 
Guillaume  Figuières.  \]\\^  dame  de  Montpellier,  nommée, 
dit-on,  Germonde,  personnage  qui  n'est  connu  par  aucune 
autre  production,  entreprit  de  le  réfuter.  On  conçoit  qu'elle 


LA  DAME  GERMONDE.  663 

dut  accuser  l'auteur  d'impiété,  d'hérésie,  de  mauvaise  foi  ;  ce    ^'"  siècle. 
devait  être  là  le  fond  de  la  réponse;  mais  ce  qui  est  remar- 
quable,  et  ce  qui  appartient  essentiellement  à  l'histoire  litté- 
raire des  troul:)adours,  c'est  la  forme  que  le  poète,  homme 
ou  femme,  n'importe,  sut  donner  à  sa  réfutation;  c'est  l'art 
qu'il  dut  posséder  à  un  haut  degré,  de  fabriquer  le  vers;  ce 
sont  les  ressources  que  lui  offrait  une  langue  déjà  façonnée 
par  les  Arnaud  de  Mareuil ,  les  Pierre  Vidal,  les  Bertrand 
de  Born,  les  Faidit,   les  Rarnbaud  de  Vachères,  et  quel- 
ques autres  dignes  de  se  placer  à  leurs  côtés.  Le  sirvente 
de    la    dame    Germonde    est    entièrement  calqué  sur    les 
formes  de  celui  de  Figuières.  Toute  la  différence  consiste 
en  ce  que  la  pièce  de  Figuières  renferme  vingt-trois  stro- 
phes, et  celle  de  Germonde  vingt  seulement.  Mais  chacune 
de  ces  vingt  strophes  est  parfaitement  semblable  à  la  strophe 
de  celle  de  Figuières,  à   laquelle  elle  correspond,  quant  à 
leur  ordre    successif.    Même   nombre  et    même  coupe   de 
vers,  mêmes  rimes  ou  du  moins  mêmes  désinences,  et  par 
conséquent  autant  et  plus  de  difficultés  à  vaincre  que  dans 
la  pièce  originale.  Il   s'en  faut   que   cette   réponse    égale , 
pour  le  mérite  littéraire,  la  composition  de  Figuières;  ce 
n'est  ni  la  même  verve,  ni  la  même  facilité  dans  la  versifi- 
cation; mais  il  faut  tenir  compte  à  l'auteur  de  sa  hardiesse 
et  de  la  différence  des  deux  sujets. 

«  Il  m'est  difficile,  dit  le  poète,  d'endurer  la  mécréance     MssdeiaBibi 
«  que  j'entends  semer  autour  de  moi;  elle  ne  me  plaît  ni  ne  loy.  a7oi,f.  gsj 
(c  me  convient;  car  on  ne  saurait  aimer  l'homme  qui  aban-  =••"•"■  8î«. 
<t  donne  ainsi  la  source  d'où  émanent,  et  par  qui  se  main-   ,  rv^p  5,""' 
«  tiennent  toute  croyance ,  tout  salut  et   tout  bien  ;    c'est 
«  pourquoi  je  manifesterai  ma  pensée,  en  montrant  combien 
«  cela  me  pesé. 

Greu  m'es  a  durar, 
Quar  aug  tal  descrezensa 

Dir  ni  semenar  ; 
£  no  m  platz  ni  m'agensa; 

Qu'om  non  deu  amar 
Qui  fai  desmantenensa 

A  so  don  totz  bes 

Ven  e  nais  et  es 

Salvamens  e  fes  : 
Per  qu'ieu  tarai  parvensa' 

En  semblan  que  m  pes. 

«  Ne  vous  étonnez  si  je  déclare  la  guêtre  à  un  menteur 


XIII  SIECLE. 


664  LA  DAME  GERMONDE. 

«  mal  enseigné  qui ,  autant  qu'il  le  peut,  dérobe,  cache, 
«  dissimule  toute  action  loyale  et  bienfaisante  ;  trop  il 
«  prend  de  hardiesse;  car  de  Rome  il  dit  du  mal,  de 
«  Rome,  le  chef  et  le  guide  de  tous  ceux  qui  sur  la  terre 
«  ont  un  bon  esprit.  .  . 

No  us  meravilhes 
Negiis,  si  eu  muov  guerra 

Ab  fais  mal  après 
Qu'a  son  poder  sosterra 

Totz  Los  f'aitz  cortes, 
E'is  encauss  e'is  enserra  ; 

Trop  se  fenli  ardilz 

Quar  de  Roma  ditz 

Mal ,  qu'es  caps  e  guitz 
De  totz  selhs  qui  en  terra 

An  Los  esperitz.  .  .  . 

<i  Rome  yraiment,  je  sais  et  je  crois  sans  doutance, 
«  qu'à  son  véritable  salut  vous  conduirez  toute  la  France, 
«  oui,  et  les  autres  peuples  qui  vous  prêtent  secours.  Mais 
«  ce  que  Merlin  dit  en  prophétisant  du  bon  roi  Louis,  qu'il 
«  mourra  à  Montpensier,  maintenant  s'éclaircit. 

Roma,  -veranien 
Sai  e  cre  ses  duptansa 

Qu'a  ver  salvanien 
Adurelz  tola  Fransa , 

Oc ,  e  l'autra  gen 
Que  us  vol  far  ajudansa. 

Mas  so  que  Merlis 

Proplietizan  dis 

Del  Iton  rey  Loys 
Que  morira  en  Pansa 

Ara  s'esclarzis.  .  .  . 

• 

(I  Rome,  entreprend  œiivi  e  insensée  celui  (jui  dispute  avec 
o  vous,  et  si  l'empereur  ne  se  soumet,  je  dis  que  grand  dés- 
a  honneur  en  viendra  à  sa  couronne,  et  ce  sera  raison.  Mais 
u  aussi  auprès  de  vous  trouve  bientôt  son  pardon,  qui  avoue 
«  lovalement  ses  fautes,  et  s'en  montre  repentant. 

Roma ,  folh  labor 
Fa  qui  ah  vos  tensona  ; 

De  l'emperador 
Die,  s'ab  vos  no  s'adona. 

Qu'en  gran  deshonor 
Ne  venra  sa  corona, 

E  sera  razos. 


Xn£  SIÈCLE. 


DURAND  DE  PERNES.  665 

Mas  pero  ab  vos 
Leu  troba  perdos 
Qui  geii  SOS  tortz  razona 
Ni  n'es  angoisses.  . . . 

Nous  nous  persuadons  difficilement  que  l'auteur  de  cette 
pièce  soit  une  femme.  Ce  sera  peut-être  quelque  moine ,  tel 
que  le  frère  Izarn ,  de  qui  nous  parlerons  plus  tard  ,  ou 
quelque  autre  partisan  de  la  ligue,  qui  aura  voulu  se  déro- 
ber sous  un  nom  supposé  aux  vengeances  des  Toulousains 
et  des  Avignonnais.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  voit  que  cette 
pièce  est  antérieure  au  rétablissement  de  Raimond  VII 
dans  ses  états,  et  à  la  paix  de  l'empereur  avec  le  pape.  Sa 
publication  suivit  par  conséquent  de  très-près  celle  du  sir- 
vente  de  Figuières.  É — D. 


DURAND  DE  PERNES. 

Lje  troubadour,  natif  de  Pernes,  petite  ville  du  marquisat  de 
Provence,  appelé  aujourd'hui  comtat  Venaissin  ,  exerçait  la 
profession  de  tailleur,  ainsi  que  le  troubadour  Montant, 
ou  du  moins  était  fils  d'un  artisan  exerçant  cet  état.  Le 
manuscrit  du  Vatican ,  ^noâ ,  lui  donne  le  titre  de  tailleur;  il  "'  ,  ^f'I' 
y  est  appelé  Uarantz  sartor  de  faernas.  Le  manuscrit  ren-  ,^3. 
ferme  deux  pièces  inscrites  sous  son  nom.  L'une  est  un  sir- 
vente  commençant  par  Guerra  e  trehals,  où  l'auteur,  après 
avoir  exprimé  sa  passion  pour  la  guerre,  se  félicite  de  voir  la 
trêve  rompue  entre  les  esterlins  et  les  tournois;  mais  M.  Ray- 
nouard  a  attribué  cette  pièce  à  Bertrand  de  Born,et  ce  doit 
être  avec  raison ,  car  elle  convient  parfaitement  à  ce  poète 
énergique,  par  le  style  et  par  le  sujet. 

T  '        ?  •>  »  •  ..  .  I  ir  '       I     .  D     •  Même inss. roè^ 

L  autre  pièce  est  un  sirvente  contre  les  allies  de  Kai-  ^^  ^i 
mond  VII,  à  l'occasion  du  traité  de  paix  conclu  en  1229, 
entre  saint  Louis  et  ce  prince,  où  ce  dernier  perdit  un  tiers 
de  ses  états,  et  notamment  le  marquisat  de  Provence ,  con- 
fisqué au  profit  du  pape  Grégoire  IX.  L'auteur,  sincèrement 
attaché  à  Raimond,  soti  souverain,  reproche  à  Jacques  P*", 
roi  d'Aragon,  et  à  Henri  III,  roi  d'Angleterre,  d'avoir  laissé 
opérer  une  si  criante  spoliation.  Ce  sirvente  est  généralement 
écrit  en  vers  secs  et  rocailleux,  sans  manquer  toutefois  d'i- 
mages poétiques  ;  mais  il  s'y  manifeste  surtout  un  sentiment 

Tome  XV m.  PpPP 

4   5* 


XIII  SIECLE. 


666  DURAND  DE  PERNES. 

de  colère  et  une  audace  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de  remar- 
quer, quoique  les  exemples  n'en  soient  pas  rares  dans  les 
temps  et  chez  \vs  poètes  dont  nous  parlons. 

Cette  chanson  se  compose  de  six  strophes  de  huit  vers, 
chacune  sur  une  seule  rime. 

«  Je  sens  en  moi ,  dit  le  poète,  le  désir  de  forger  un  sirvente 
«  pour  le  lancer  contre  ceux  qui  ont  mis  l'honneur  au  rebut, 
«  et  qui,  après  avoir  dit  hoc  (oui),  disent  no  (non),  manquant 
«  ainsi  à  leur  promesse.  Et  puisque  je  tiens  l'arbalète  et  le 
«  croc,  j'enfoncerai  les  éperons deleur  côté,  pour  ra'éleverau 
K  plus  haut  lieu  ,  jusqu'au  roi  anglais  lui-même,  que  chacun 
«  tient  pour  un  niais ,  de  ce  qu'il  souffre  honteusement 
«  qu'on  le  chasse  de  ses  propres  domaines;  c'est  poiinjuoi 
«  j  ai  dans  le  cœur  de  le  frapper  un  des  premiers. 

Brocarai  lai ,  per  trair  al  major  loc , 
Al  rei  engles  que  hom  ten  per  bailoc 
Qar  sueir'aunitz  q'oni  del  sieu  lo  descoc, 
Per  q'en  cor  ai  que  als  primiers  lo  toc. 

«  A  jamais  je  serai  ennemi  du  roi  Jacnies,  qui  tient  mal 
«  ses  promesses  et  met  ses  serments  au  néant.  Mieux  les 
«  remplit,  à  mon  avis,  le  seigneur  de  Narbonne,  aussi  suis-je 
a  de  ses  amis.  I!  s'est  conduit  comme  un  homme  d'un  vrai 
«  mérite  ,  et  lui ,  au  contraire  (  Jacques  )  ,  comme  les  rois 
«  débiles  de  cœur,  et  me  plaira,  s'il  lui  advient  dommage 
«  et  malheur. 

E  el  aissi  com  reis  de  cor  mendies , 

Per  qe  m  plaira  si'l  ven  danz  e  destrics.  . . 

«  Si  leurs  secours  eussent  été  puissants  et  valeureux,  les 
«  Français  déconfits  seraient  prisonniers  et  tués. 

F.  desconlig  Frances  e  près  e  mort. 

l/auteur  finit  par  se  réjouir  du  mal  qui  arrive  à  la  Erance, 
et  notamment  de  ce  que  par-delà  les  mers,  dans  la  Syrie  et  la 
terre  d'Alep,  les  Turcs  ont  fait  pousser  aux  Français  maints 
cris  et  maints  japements. 

Lur  feron  far  Turc  mant  ont  e  mant  Jap. 

M.  Raynouard  a  publié  un  long  fragment  de  cette  pièce. 
Rayn.  Choix,  C'cst  unc  dcs  plus  singulières  qu'on  puisse  citer,  pour  mon- 
V,  p.  lî?         trer  la  rivalité  obstinée  qui  a  long-temps  divisé  les  habitants 
(lu  nord  de  la  France  et  ceux  du  midi.  E — D. 


XIH  SIKCLE. 


BERNARD  DE  ROVENAC 

Il  ne  subsiste  aucune  tradition  sur  les  événements  de  la 
vie  de  ce  poète.  Nous  le  connaissons  seulement  par  quatre 
sirventes.  L'une  de  ces  pièces  est  adressée  à  un  jongleur 
nommé  Raynier,  de  qui  le  poète  se  moque;  les  trois  autres 
sont  des  satires  singulièrement  hardies  contre  des  princes 
de  son  temps.  Celles-ci  nous  apprennent  qu'il  vivait  sous 
Jacques  l"^  roi  d'Aragon,  fils  de  Pierre  II,  et  qu'il  était  plus 
âgé  que  ce  prince,  né  en  1207  et  mort  en  1276. 

Le  premier  de  ces  trois  sirventes  est  dirigé  contre 
Henri  III,  né  aussi  en  1207,  devenu  roi  d'Angleterre  en 
1 216;  et  contre  Jacques  P"",  roi  d'Aragon.  Le  poète  reproche 
au  roi  d'Angleterre  de  se  laisser  dépouiller  de  ses  provinces 
françaises,  sans  se  défendre,  par  les  rois  de  France  Louis  VIII 
et  Louis  IX.  Il  reproche  à  Jacques  I"  son  inaction  contre  les 
empiétements  de  Louis  IX  ,  qui  s'empare  de  ses  propriétés 
du  Languedoc  pour  en  doter  Alphonse,  son  frère.  On  voit 
qu'à  l'époque  où  cette  pièce  fut  composée,  Jacques  était 
sorti  de  sa  minorité,  mais  qu'il  était  encore  jeune,  puisque 
Bernard  de  Rovenac  l'appelle  F  Enfant.  Cette  pièce  doit  dater 
par  conséquent  de  l'année  1229,  c'est-à-dire  de  l'époque  où 
fut  convenu  le  mariage  du  jeune  Alphonse  avec  Jeanne,  fille 
de  Raimond  VII.  Le  poète  s'exprime  ainsi  : 

<c  Je  ne  veux  ni  bienfaits  ni  reconnaissance  des  grands,  tous      ^j^  deiaBibi 
«  orgueilleux  de  leur  fausse  sage-sse,  car  j'ai  dans  le  cœur  de  roy.  lyoï.f.  34, 
a  leur  reprocher  leur  conduite  vile  et  mal  entendue.  Je  ne  «^h.  319. 
a  demande  point  que  mon  sirvente  soit  agréable  parmi  les  ,  iv'^p  203.'^ 
«  lâches,  les  indolents,  pauvres  de  cœur,  puissants  par  leurs 
«  richesses. 

Ja  no  vuelh  do  ni  esmenda, 
Ni  grat  retener 

Dels  ricx  ab  lur  falz  saber, 

Qu'en  cor  ay  que  los  repreuda 

Dels  vils  fatz  mal  yssemitz; 

K  no  Tuelh  sia  grazitz 
Mos  sirventes  entr'els  flacx  nualhos, 
Paupres  de  cor  et  d'aver  poderos. 

«  Je  prie  le  roi  anglais  de  m'entendre;  car  le  peu  de  prix 

P  ppp  2 


XIII  SIECLE. 


668  BERNARD  DE  ROVENAC. 

«  qu'il  avait,  il  le  fait  déchoir  par  excès  de  timidité,  lui  à 
c  qui  il  ne  plaît  de  défendre  ses  sujets,  et,  au  contraire,  si 
f<  lâche  et  si  vil  qu'on  le  croirait  endormi,  quand  le  roi 
«  français  lui  enlève  impunément  Tours  et  Angers,  et  Nor- 
«  mands  et  Bretons. 

Rey  engles,  prec  que  entenda, 
Quar  fa  dechazer 

Son  pauc  pretz  per  trop  temer, 

Quar  no'l  play  qu'els  sieus  defenda, 

Qu'ans  es  tan  flacz  e  marritz 

Que  par  sia  adurmitz, 
Quel  reys  frances  li  tolh  en  plas  perdes 
Tors  et  Angieus  e  Nomians  e  Bretos. 

rt  Le  roi  d'Aragon  sans  contredit  mérite  bien  son  nom 
«  de  Jacmes  [quijacet,  jacenteni),  tant  il  aime  à  demeurer 
«  couché;  et  qui  que  ce  soit  qui  lui  enlève  sa  terre,  il  est  si 
«  mou  et  si  talonneur,  qu'il  ne  s'en  plaint  seulement  point, 
«  il  se  contente  de  faire  payer  aux  Sarrasins  félons  la 
«  honte  et  le  dommage  qu'il  reçoit  de  ce  côté,  vers  Limous 
«  (  dans  ses  propres  états  ). 

Rey  d'Arago,  ses  contenda 
Deu  ben  nom  aver 

Jacme,  quar  trop  vol  jazer, 

E  qui  que  sa  terra  s  prenda , 

El  es  tan  flacz  e  chauzilz 

Que  sol  res  no  y  contraditz, 
E  car  ven  lay  ais  Sarrazis  feilos 
L'anta  e'I  dan  que  pren  say  vas  Limos. 

«  Jusqu'à  ce  qu'il  ait  chèrement  vengé  son  père,  il  ne 
c  peut  trop  valoir  ;  et  qu'il  ne  croie  pas  que  je  lui  dise  des 
«  choses  agréables,  tant  qu'il  n'aura  pas  embrasé  le  feu,  et 
«  frappé  de  grands  coups.  Ensuite  son  mérite  sera  accompli, 
«  si  du  roi  français  il  restreint  les  domaines,  car  des  siens 
«  propres  Alphonse  veut  hériter. 

Ja  tro  son  payre  car  venda 
No  pot  trop  vaier, 

Ni  s  cug  qu'ieu  li  diga  plazer 

Tro  foc  n'abran  e  n'essenda 

E  'n  sian  grans  colps  feritz  ; 

Pueys  er  de  bon  pretz  complitz 
S'al  rey  frances  merma  sos  tenezos , 
Quar  el  sieu  fieu  vol  heretar  w'Anfos .... 

Le  second  sirvente  s'adresse  d'abord  aux  hommes  puis- 


BERNARD  DE  ROVENAC.  6G9 


XIII  SIECLt. 


sants  et  lâches  en  général,  et  ensuite  d'une  manière  parti- 
culière aux  deux  mêmes  rois,  Henri  III  et  Jacques  F"",  sur 
ce  qu'ils  laissent  en  paix  les  états  de  Louis  IX,  tandis  que  ce 
prince  est  dans  la  Syrie.  «  Grand  désir  m'a  pris,  dit  le  poète,      Ms,..idaBii)i. 
«  de  composer  un  nouveau  sirvente,  hommes  riches  et  sans  !,"^_  ^:*"'  "' 
«  vigueur,  et  je  ne  sais  dans  quels  termes  je  dois  vous  parler,      iuyn.  choix', 
«  car  peu  vaut  le  sirvente  qui  loue,  quand  il  devrait  blâmer;  •  iv,  p.  ao5. 
«  et  j'aime  mieux  vous  reprendre  en  disant  vrai,  que  si,  par 
«  un  mensonge,  je  vous  disais  des  choses  gracieuses. 

D'un  sirventes  m'es  grans  voiontatz  preza, 
Ricx  homes  flacx ,  e  non  sai  que  us  disses.  .  .  . 
A  me  platz  mais  que  us  blasnie  dizen  ver. 
Que  si  menten  vos  dizia  plazer. 

L'ironie  remonte  plus  haut  que  les  barons  dans  les  stro- 
phes suivantes.  «  Tous  deux,  les  rois,  ont  arrêté  une  même 
«  chose, celui  d'Aragon  et  celui  des  Anglais  ;  c'est  que  nulle 
«  terre  par  eux  ne  soit  conquise,  et  que  nul  mal  ne  soit  fait 
«  à  qui  leur  en  fit;  ils  se  conduisent  avec  merci  et  courtoisie, 
«  car  ils  laissent  le  roi  qui  soumet  la  Syrie,  jouir  en  paix  de 
«  leurs  fiefs;  de  quoi  sans  doute  Notre-Seigneur  doit  leur 
«  savoir  gré. 

Amdos  los  reys  an  una  cauz'  empressa 
Selh  d'Arago  et  aisselh  dels  Engles, 
Que  no  sia  per  elhs  terra  defeza 
Ni  faisson  mal  ad  home  quel  lur  fes; 

E  fan  merces  e  cortezia , 

Quar  al  rey  que  conquer  Suria 
Laisson  en  patz  lur  fieus  del  tôt  tener  : 
Nostre  Senher  lur  en  deu  grat  saber. 

a  Honte  me  prend  quand  je  vois  une  nation  conquise  (1) 
«  nous  tenir  ainsi  tous  vaincus  et  conquis;  et  ce  sentiment 
«  devrait  bien  pénétrer  dans  l'ame  du  roi  d'Aragon  et  de 
«  celui  qui  perd  la  Normandie.  .  . . 

Vergonha  m  pren  quant  una  gens  conqueza 
Nos  ten  aissi  totz  vencutz  e  conques; 
E  degr'  esser  aitals  vergonha  prezza 
Quom  a  me  pren  ,  al  rey  aragones 
Et  al  rey  que  pert  Normandia.  ... 

Cette  pièce  se  compose  de  six  strophes,  toutes  sur  leméme 
ton.  L'envoi  est  en  ces  termes  mordants  et  ironiques  : 

(i)  Il  appelle  la  France  une  nation  conquise,  apparemment  à  canse  de 
l'agrandissement  successif  des  possessions  anglaises. 


670  RAIMBAUD  D'HIÈRES. 

XIU  SIÈCLE.  

«  Hommes  puissants  mal  avises,  si  j'avais  sujet  de  vous 

«  donner  des  louanges,  volontiers  je  le  ferais;  mais  ne 
«  croyez  pas  que  je  passe  mon  temps  à  mentir;  je  ne  dè- 
«  mande  de  vous  ni  reconnaissance  ni  presens. 

Ricx  nialastrucx  ,  s  ieii  vos  sabia 

Lauzor,  volontiers  la  lis  tiiria; 
IMas  110  us  possc'tz  iiicntcn  mi  alezer, 
Que  voslie  giat  110  vuelli  ni  vostr  aver. 

C'est  ici  un  exem|)lc  de  plus  du  regret  avec  lequel  les 
]  languedociens  et  les  Provençaux  virent  leur  pays  passer  sous 
la  domination  des  rois  de  France,  leur  nationalités'anéantir. 
Nous  aurons  encore  lieu  de  remarquer  de  vives  expressions 
de  ce  sentiment  partagé  parles  citoyens  de  toutes  les  classes. 

Cette  pièce  étant  postérieure  au  départ  de  saint  Louis 
pour  sa  première  croisade,  doit  dater  à  peu  près  de  l'an 
1260.  Rien  ne  prouve  que  Bertrand  de  Rovenac  ait  vécu 
encore  long-temps  après  cette  dernière  époque.  E — D. 


RAMCAUrj  D'HIÈRES 

Ljorsque  Raimond  Vil  eut  conçu  le  projet  de  faire  casser  son 
mariage  avec  Sancie  d'Aragon,  et  de  se  remarier,  afin  d'échap- 
])er  à  la  clause  du  traité  de  paix  de  l'an  1229,  par  lequel  ses 
États  devaient  appartenir  après  lui  à  Jeanne,  sa  fille  unique, 
s'il  mourait  sans  enfant  mâle,  Sancie  trouva  un  refuge  auprès 
de  Raymond  Bérenger  IV,  comte  de  Provence,  son  neveu. 
Mais  après  que  ces  princes  furent  convenus  entre  eux  que 
Raymond  VII  épouserait  la  troisièmeJille  de  Bérenger,  Sancie 
d'Aragon  dut  être  entièrement  sacrifiée  à  ces  combinaisons 
()olitiques.  Bérenger  consentit  à  s'en  séparer ,  et  son  mari  lui 
assigna  pour  demeure  le  château  de  Pernes  dans  le  Venaissin. 
Les  Provençaux  s'intéressaient  à  cette  princesse;  ils  la  virent 
quitter  la  cour  d'Aix  avec  regret.  «  Le  comte  de  Provence, 
(c  dit  Papon,  qui  s'était  couvert  de  gloire  en  recevant  sa 
(c  tante  dans  ses  états,  se  fit  un  tort  infini  par  ce  traité,  i*  Un 
Papou ,  Uiit.  popj^g  nommé Rambaud,  natif  d'Hières,  exprima  directement 
Siô."^"'  '^  a  Bérenger  le  sentiment  du  public,  avec  autant  de  noblesse 
que  de  naïveté.  «  Comte  de  Provence,  lui  dit-il,  si  la  dame 


SAVARIC  DE  MAULEON.  671 


XllI  SIECLE. 


I.  V,  p    ',1"- 


<(  Sanclie  nous  quitte,  nous  ne  vous  tiendrons  plus  pour 

«  aussi  bon  et  aussi  preux  que  nous  le  ferions  si  elle  de-      .,     ,    ..  . 

«  meurait   ici  avec  nous,  et  abanaonnait  1  Aragon  pour  la  ran  3207, f.  55, 

«  Provence.  Cette  dame  est  belle,  gracieuse  et  franche;  elle      Uayn.  choix, 

ic  embellira  tout  le  pays.  Béni  soit  l'arbre  d'où  naît  si  belle 

«  branche;  qu'il  se  maintienne  tel  qu'il  est,  avec  une  saison 

«  favorable  ! 

Coms  provensals,  si  s'en  vai  dona  Sanza, 
No  vos  tenrem  tan  valen  ni  tan  pro 
Com  fariam  se  sai  ab  nos  s'estanza.  .  . 
Qu'ill  domna  es  bella,  plaizens  e  iranza, 
E  gensara  tota  nostra  reio. 
Ben  aia  arbres  don  nais  tan  bella  brancha! 
Qe  tal's  containg  ad  avinen  saizo!.  .  . 

Cette  pièce  ne  renferme  en  tout  que  huit  vers,  et  elle  est 
la  seule  que  l'on  connaisse  de  Rambaud  d'Hières,  mais  elle 
suffit  pour  montrer  qu'il  n'était  pas  sans  talent. 

Le  fait  auquel  elle  se  rapporte  est  du  mois  de  juin  de  l'an 
124 1  ;  elle  fut  par  conséquent  composée  à  la  même  époque, 
puisque  la  comtesse  Sancie  n'avait  point  encore  quitté  la 
Provence  au  moment  où  le  poète  la  composait. 

Ni  les  détails  de  la  vie  de  l'auteur,  ni  la  date  de  sa  mort 
ne  sont  connus  :  il  suffira  de  sa  pièce  pour  le  classer  chrono- 
logiquement dans  la  nombreuse  suite  des  troubadours. 

E— D. 


SAVARIC    DE  MAULÉON 
PREVOT  DE   LIMOGES. 

OAVARic  DE  Maui.éon,  riche  baron  du  Poitou,  guerrier  et 
poète ,  a  de  plus  grands  droits  à  sa  renommée  a  cause  de 
ses  talents  militaires  et  de  la  part  qu'il  prit  aux  événements 
politiques  de  son  temps,  que  par  le  mérite  de  ses  vers, 
mais  les  historiens  des  troubadours  le  représentent  comme 
un  seigneur  si  courtois,  si  instruit,  si  empressé  d'accueillir 
et  d'honorer  chez  lui  les  hommes  de  talent,  si  généreux 
enfin  et  si  magnifique,  qu'on  ne  saurait  s'étonner  du  rang 


672  SAVARIC  DK  .AlAULEON. 

Xllt  SIF.CLF..      ,...,.,„  ,        .  Il 

distingue  ou  ils  iont  place  parmi  les  hauts  personnages  qui 

s'amusaient  de  poésie  au  commencement  du  treizième  siècle. 
Savaric  était  fils  de  Raoul  de  Mauléon,  vicomte  de  Thoars, 
et  d'Alipse,  fille  d'Hugo  de  Podio-Fagi ,  seigneur  de  la 
maison  de  l/usignan.  D'autres  disent  que  son  père  se  nom- 
mait Ebles.  Son  aicul  paternel  était  Gui,  comte  de  Thoars, 
et  son  aïeule ,  Constance  ,  tille  de  Geoffroi ,  duc  de  Bretagne, 
que  Gui  avait  épousée  après  la  mort  d'IIadellia  ,  sa  première 
femme  (i). 

Sa  carrière  politique,  en  ce  que  nous  en  connaissons, 
commence  à  la  mort  de  Richard  Cœur-de-Lion ,  arrivée  en 
I  iqq.  A  cette  époque,  Jean-sans-Terre  ayant  manifesté  l'in- 
tention de  dépouiller  le  jeune  Arthur,  fils  de  Geoffroi,  son 
frère  aîné,  des  états  a|)partenants  aux  rois  d'Angleterre  sur 
le  sol  français,  les  hauts  barons  de  la  Bretagne,  du  l'oitou, 
de  l'Anjou,  de  la  Touraine,  se  liguèrent  pour  soutenir  les 
droits  de  leur  jeune  souverain.  Les  seigneurs  de  la  maison 
de  Lusignan,  et  avec  eux  Savaric  de  .Mauléon,  se  mirent  à 
la  tète  de  cette  ligue  Savaric,  fait  prisonnier  à  Mirebaud 
en  1202,  avec  le  prince  Arthur,  Hugues  Le  Brun  de  Lusi- 
gnan, le  com'.e  d'Eu  et  tl'auties  seigneurs,  fut  conduit  en 
Normandie  et  de  là  en  Angleterre.  Renfermé  dans  une  for- 
teresse, il  parvint  à  s'en  échapper.  Ce  dernier  fait  eut  lieu 
peu  de  temps  après  la  mort  d'Arthur,  égorgé,  comme  Ion 
sait,  de  la  propre  main  du  roi  son  oncle.  Soit  que  Jean, 
après  avoir  commis  ce  meurtre,  eût  favorisé  l'évasion  de 
Savaric,  afin  de  se  l'attacher;  soit  que  celui-ci,  après  la  perte 
d'Arthur,  jugeât  la  domination  d'un  prince  étranger  moins 
Mss  desiiou-  dangereuse  pour  l'indépendance  de  son  pays  que  celle  de 
i.aii.  lie  la  Bii.i  PhiHppe-Auguste,  il  entra  dans  le  parti  de  Jean,  qui  le  nomma 
lov.  n  7Î1J,  f.  commandant  des  provinces  qu'il  possédait  vers  le  Midi  de  la 

tSj.arl.  de  Bcr-  ,         .r  \        ir  '  1       1    J'     4         ■        ■ 

II.  de  Boro,  !«  Irance,  avec  le  titre  de  CienechaL  a  Aquitaine. 

(il'.  Mais  se  livrant  à  son  indolence  ordinaire  ,  ce  prince  l'aban- 

lîayii.  Choix,  donna  à  ses  propres  forces  dans  ce  poste  difficile.  Bientôt 
Philippe-Auguste  1  attaqua,  seconde  par  une  partie  des  sei- 

jMOme  mss  giicurs   dc   la    Bretagne.   Vainement  Savaric   demanda    des 

Miiili.  Pans,  secours,  Jean  ne  lui  envoya  ni  hommes  ni  argent  :  JSi  non 

liée,  des  hi>i.  ^^,,^^j,^  socors  ni  ai'uda  d'aver  ni  de  een.  Les  conquêtes  de 

d»  rrance,  lotii.  /  •  i  r\  i  i 

xviii,  p.  6H5.  Philippe-Auguste  turent  rapides.  Dans  peu  de  temps,  il  ne 

(i)   Fragiii.  Chronic.  coni.  Pictav.  et  Aquitan.  dite.   Rec.  des  liist.   Jcs 
Gaules,  tom.  XVIII,  pag.  a43. 


XllI  SIECLE. 


Mss.delaliibl. 


SAVARÏC  DE  MALILÉON..  673 

resta  au  roi  d'Angleterre,  de  ses  domaines  de  la  Gascogne 
et  du  Poitou,  que  les  villes  de  La  Rochelle,  Thouars  et 
Niort. 

Il  paraît  que  c'est  dans  ces  circonstances,  et  par  consé- 
quent en  i2o4ou  i2o5,  que  Bertrand  de  Born,  le  hls,  attaché 
à  Philippe-Auguste,  composa  le  sirvente  contre  le  roi  Jean  , 
qu'il  adressa  à  Savaric  pour  l'engager  à  abandonner  la  cause 
d'un  prince  qui  ne  connaissait,  disait-il,  ni  honneur  ni  bonne 
foi.  Il  a  déjà  été  parlé  dé  Bertrand  de  Born,  le  fils,  à  l'oc- 
casion de  son  père;  mais  le  sirvente  dont  il  s'agit  est  trop 
curieux  pour  que  nous  ne  devions  pas  y  revenir. 

«  Quand  je  vois  le  temps  se   renouveler,  dit  le  poète,  ^^     „    r    ^ , 
«  quand  la  feuille  et  la  fleur  reparaissent,  l'amour  me  rend  18/i, ch.  So'v. 
«  l'impatience ,  la  hardiesse  et  l'habileté  de  chanter;  et  donc,      R")"-  f^^oix , 
<t  puisque  le  sujet  ne  me  manque  point ,  je  composerai  un  '  '^'  P'  '■''■^ 
<f  sirvente  cuisant,  que  j'enverrai  publiquement  outre-mer, 
«  au  roi  Jean  afin  qu'il  en  ait  honte. 

Quant  vei  lo  temps  renovellar, 

E  pareis  la  fueill'  e  la  Hors  , 

Mi  dona  ardimen  amors 

E  cor  e  saber  de  chantar; 

E  doncs,  pueis  res  no  m'en  sofraing , 

Farai  unsirventescozen 

Que  trametrai  lai  per  presen 

Al  rei  Joan  que  s  n'a  vergoing. 

«  Et  il  devrait  bien  rougir ,  s'il  se  rappelait  ses  an- 
">c  cêtres,  de  laisser  de  ce  côté  le  Poitou  et  la  Touraine 
<(  au  roi  Philippe,  sans  les  réclamer.  C'est  pourquoi  toute 
«  la  Guienne  regrette  le  roi  Richard ,  qui  employa  à  la  dé- 
«  fendre  maint  et  maint  argent  ;  mais  quant  à  celui-ci,  je  ne 
«  vois  pas  qu'il  en  ait  cure. 

E  deuria  s  ben  vergoignar 
S'il  membres  de  sos  ancessors, 
Com  laissa  sai  Peitieus  e  Tors , 
Al  rei  Felip  ses  demandar; 
Per  que  tota  Guiana  plaing 
Lo  rei  Richart ,  qu'en  deffenden 
En  mes  mantaure  niant  argen  ; 
Mas  acest  no  m  par  n'aia  soing. 

o  Mieux  il  aime  la  pêche,  la  chasse,  braques,  lévriers, 
«  vautours,  mieux  surtout  le  repos,  parce  que  l'honneur  lui 
«  manque,  et  il  se  laisse  dépouiller  tout  vivant. , . 

Tome  XVllL  Q  q  qq 


674  SAVARIC  DE  MAULEON. 

VIII  SIECLE.  ...  ,, ,        ,.      ,, 
Mais  ama  I  hordir  e  1  cassar, 

E  bracs  e  lel)riers  e  austors 

E  sojorn  ,  por  que  il  faill  honors  , 

E  s  laissa  vius  deseretar.  .  .  . 

Après  avoir  ensuite  reproché  leur  aveuglement  et  leur 
folie  aux  seigrieurs  qui  défendent  sa  cause,  sans  craindre  les 
conséquences  d'une  si  imprudente  détermination,  l'aureur 
s'adresse  à  Savaric  de  Mauléon.  «  Savaric ,  lui  dit-il,  roi  à 
«  qui  le  cœur  manque,  difficilement  obtiendra  une  heureuse 
a  conquête,  et  puisqu'il  est  mou  et  lâche,  que  jamais  sur  lui 
0  nul  homme  ne  s'appuie. 

Savarics  ,  reis  oui  cors  sot'raing 
Greu  fara  bon  envasimen  ; 
E  pois  a  flac  cor  recrezen , 
Jamais  nuls  hom  en  el  non  poing. 

Cette  pièce  est  un  monument  historique  d'un  assez  grand 
intérêt.  Si  Bertrand  de  Born  n'y  montre  pas  tout  le  talent  de 
son  père,  on  y  voit  du  moins  qu'il  en  avait  tout  le  courage  et 
toute  l'énergie.  Elle  est,  du  reste,  la  seule  qu'on  puisse  lui 
attribuer  avec  certitude.  Un  sirvente  qui  se  trouve  sous  son 
nom  dans  le  manuscrit  32o8du  Vatican,  p.  96,  commençant 
par  Pos  sai  es  vengutz  Cardaillac ,  est  donné  ailleurs  au 
Rayn.  Choix,  daupliln  d'Auvergne.  On  suppose  que  ce  seigneur  fut  tué  à 
'  v.p  99  la  bataille  de  Bouvines,  où  il  combattait  dans  l'armée  de 

Philippe-Auguste.  ' 

Le  roi  Jean,   venu  en  France  en   1206,  sur  l'invitation 
chionit   an-  ^^^  grand  nombre  de  seigneurs  du  Poitou,  loin  de  travailler 
deg  Recueil  des  avec  vigucur  à  rccouquérir  ses  états,  borna  ses  exploits  à 
hisi.de  France    incendier  la  ville  d'Angers,  et  aussitôt  après,  effrayé  par 
£,^3^7  A *"    *     l'approche  de  Philippe- Auguste,  il  repartit  pour  l'Angle- 
terre, heureux  d'obtenir  une  trêve  de  deux  ans.  Cette  trêve 
étant  expirée,  et  Savaric,  ainsi  que  le  vicomte  de  Thoars , 
tenant  toujours  pout  le  parti  de  ce  prince ,  Philippe-Auguste 
ii.td'l'Tvm     '^s  fit  attaquer  par  le  maréchal  Henri  Clément,  Guillaume 
p.  77^.  '  des  Roches  et  Dreux  de  Mello   Savaric  fut  réduit  à  faire  sa 

.MarièneetDu    pgjx  particulière.  Le  traité  en  fut  signé  à  Paris,  aux  fêtes  de 
amfi'^côik"i'''!    -^<^^^'  ''^  '^"  x-xof).  Il  y  fut  couvcnu  que  Savaric  se  tiendrait 
i.roi  1088        pour  homme  lige  du  roi,  et  que  si  Philippe  prenait  I>a  Ro- 
chelle ou  Coignac,  il  lui  donnerait  ces  villes  en  fief. 

Ce  traité  n'ayant  jîoint  prohibé  à  Savaric  de  combattre 

1).  Vaisselle ,  d'autrcs  ennemis  que  Philippe,  il  conduisit  à  Raimond  VI, 

aifi'eic  ^''^'  ^"  121 1 ,  un  sccours  de  deux  mille  Basques,  et  aidés  de  ce 


SAVARIC  DE  MAULÉON.  676 

renfort,  ils  assiégèrent  ensemble  le  comte  de  Montfort  dans  • 1— 

Castelnaudary.  Cette  entreprise  n'ayant  pas  réussi,  ils  levè- 
rent le  siège,  et  attaquèrent  d'autres  places  du  Languedoc 
avec  des  succès  différents.  Le  courage  et  le  dévouement  de  Sa- 
varic  furent  en  dernier  résultat  peu  utiles  à  llaimond  ,  contre 
des  forces  beaucoup  trop  supérieures.  On  voit  seulement  que 

ce  chef  avait  inspiré  quelque  terreur  aux  croisés:  car  l'histo-  .^*'.'".'.^^' ,'?'"" 

r»-              J      Tr            1'             •    I     •              I-                                                          .  nui,  Hisl.  all)i-. 

rien  Pierre  de  Vaux-Sernai  lui  prodigue  avec  amertume,  a  Kec.  des  hisi.  de 

l'occasion  de  cette  guerre,  les  épitliètes  de  détestable  apostat,  J"""- '■  ^ix,  \>. 

d'opprobre  du  genre  humain,  de  ministre  de  l'antechrist,  de  ^'r 

,^1    '  1         1-    11           '•!      '               I        AI         I'    I   I       I     ■         -                                 .  Leilied  Iniio- 

nls  du  diable,  su  n  est  plutôt  le  diable  lui-même  tout  entier,  ceniiii,  ii,id.|.. 

imb  totiim  diabolum.  75. 

En  I2i4,  il  était  en  Angleterre  auprès  du  roi  Jean,  et  au  i'"_''^'Xviii, 

commencement  de  l'année  121 5,  tandis  qu'il  commandait  ch,'onic.aii..i 

l'armée  que  ce  roi  avait  rassemblée  contre  les  barons,  il  fut  Rec  des  hi^t.  de 

grièvement  blessé  aux  approches  de  [iOndres.  Alais  la  publi-  *'■  '•  ^^i"-  P 

•ji                   11                                      I-           I            I            ^            '/  i"7- 

cation  de  la  grande  charte  ,  qui  eut  lieu  dans  la  même  année,  ibid.  m. 

et  la  mort  de  Jean  ,  arrivée  au  mois  d'octobre  12 16, mirent 

fin  à  cette  guerre,  et  Savaric  demeura  attaché  au  service  du  .      ,    ,., 

rr            •    rTT      >       '              i                        i                  r  Annal.     \Va- 

jeune  Henri  111,  âge  seulement  de  neut  ans.  veri.ibid.p.aoO 
En  121Q,  il  partit  pour  la  Syrie,  en  compagnie  de  plu- 

U          V                    \             *f              •    V>  •►      ..      I            1                 ^      ^  Chion.     AU,. 

sieurs  chevaliers  anglais  et  français.  L  était  alors  le  moment  „.ju,„  (o,,,  ii.jj 

où  les  croisés  assiégeaient  Dainiette.  Le  secours  de  quelques  p-tS^ 
vaisseaux  que  Savaric  et  ses  compagnons  leur  amenèrent, 
produisit  une  grande  joie  dans  le  camp.  Le  pape  Honorius  III 
appelait  à  cette  occasion  Sii varie,  son  cher  fils.  L'historien 

Matthieu  Paris  ajoute  que  les  croisés  élevaient  leurs  mains  j^jg,,,,  p^,,| 

vers  le  ciel,  en  actions  de  grâces,  et  croyaient  n'avoir  plus  Majoi Angi.iiisi! 

rien  à  redouter  depuis  son  arrivée.  ''^j''-  '  ^^  u.  p 

En  I2a4  )  il  exerçait  les  fonctions  de  sénéchal  d' Aquitaine  '^° 
pour  le  roi  d'Angleterre  son  seigneur.  Il  est  même  vraisem- 
blable qu'il  n'avait  pas  cessé  de  remplir  cette  place  depuis  i,  V'in"'^?"! 
bien  (les  années,  car,  en  121  3,  les  Pères  du  concile  de  Lavaur,  t.  xix,  p.  75. 
dans  une  lettre  qu'ils  écrivirent  à  Innocent  III ,  le  désignaient  cinon.  de  .s 
par  cette  qualité.  ^^'^^'  ''';,''^;  ' 

En  cette  année  1224,  Louis  VllI ,  décidé  à  rentrer  dans  cinôn.Tuion. 
tous  les  fiefs  mouvants  de  la  couronne ,  qui  restaient  au  roi  ■''''^  t-  xviji, 
d'Angleterre  sur  le  sol  français,  mit  le  siège  devant  Niort,  ''j";*', 
Savaric  tenta  d'abord  de  défendre  cette  place.  Trop  infé-  Hisi.de  Ha^au? 
lieur  en  forces  ,  il  obtint  quelques  jours  après,  par  une  capi-  Ann.de Hain.mi, 
tulation  ,  la  faculté  d'en  sortir  à  la  tête  de  sa  troupe,  et  avec  P"i>ipa>  m  Foi- 
toutes  ses  armes.  Il  alla  alors  s'enfermer  à  La  Rochelle.  Le  xiv'i,  lo^-" 

Q  q  q  q  2 


XIll  SIFXLE. 


Chron.  PiclJtv. 
Rec.  hist.  Fr.  t. 
XVIII.  ()  2  VV 

D.  Vaisselle  , 
I.  IH,  p.  35o. 


Chron.  Tuion. 
loc.cil.lXVIII, 
|).  3i8. 


Chron.  Tiiron 
ibid.  pag.  3i9  , 
.3ao. 


67G  SAVARIC  DE  MAULÉON. 

roi  l'y  suivit.  Des  machines  furent  aussitôt  dressées;  le  siège 
dura  dix-huit  jours.  Réduit  encore  une  fois  à  capituler,  Sa- 
varic  emmena  ses  soldats  en  Angleterre,  après  avoir  obtenu 
pour  les  bourgeois  la  faculté  de  traiter  de  leur  côté ,  et  le 
maintien  de  leurs  franchises. 

Arrivé  auprès  d'Henri  III,  il  sollicita  de  nouveau  des 
secours;  ce  fut  inutilement;  il  eut  même  la  douleur  de  re- 
connaître que,  malgré  la  glorieuse  défense  par  lacjuelle  il 
venait  de  s  illustrer,  les  Anglais  ne  se  fiaient  point  entière- 
ment à  lui;  il  soupçonna  même  qu'on  voulait  le  faire  arrêter. 
Alors  il  revint  en  France,  traita  avec  Louis  VIII,  et  lui  fit 
hommage  de  tous  ses  fiefs.  Ce  traité  eut  lieu  en  la  même 
année  1 224  ;  et ,  en  1 226 ,' on  le  voit  s'engager  avec  I.-ouis  VIII 
à  faire  la  guerre  aux  Albigeois  :  ce  nouveau  traité  est;  du  28 
janvier. 

Ija  prise  de  La  Rochelle  ayant  facilité  à  Louis  VIII  la 
conquête  de  tous  les  pays  voisins,  un  grand  nombre  de  sei- 
gneurs du  Périgord  ,  de  la  Guyenne  et  du  Poitou,  se  soumi- 
rent. La  mort  de  ce  prince  changea  encore  une  fois  la  face 
des  affaires.  Rien  ne  pouvait  dissuader  les  grands  de  ces 
provinces  de  l'opinion  où  ils  ét.àient,  que  la  suzeraineté  d'un 
roi  séparé  d'eux  par  la  mer,  était  la  forme  de  gouvernement 
la  plus  favorable  à  l'indépendance  de  leurs  fiefs.  Aussitôt 
après  la  mort  de  Louis,  ils  formèrent  entre  eux  une  nouvelle 
ligue  en  faveur  d'Henri  III ,  et  l'invitèrent  à  passer  en  France, 
espérant  que  la  minorité  de  Louis  IX  favoriserait  leur  entre- 
prise. Savaric,  entré  dans  cette  union,  se  rangea  sous  les 
étendards  de  Richard,  frère  du  roi  d'Angleterre,  lorsque 
celui-ci  débarqua  à  Rordeaux.  Mais  bientôt  ce  prince,  battu 
sur  divers  points,  ayant  été  contraint  de  se  rembarquer,  il 
ne  resta  plus  d'autre  parti  au  seigneur  français  que  de  se 
soumettre  définitivement  à  Louis  IX  :  c'est  ce  qu'il  fit  par  un 
acte  du  mois  de  mai  ou  de  juin  de  l'année  1227.  Cet  acte 
est  indiqué  par  les  historiens,  seulement  comme  une  trêve 
qui  devait  durer  jusqu'à  la  Saint-Jean;  mais  il  est  vraisem- 
blable que  la  trêve  fut  convertie  en  un  autre  accommodement 
à  perpétuité.  Après  ce  dernier  fait,  on  ne  découvre  plus  rien 
de  relatif  à  l'histoire  politique  de  Savaric  de  Mauléon.  Si 
nous  admettons  qu'il  fût  âgé  de  trente  ans  environ  à  la  mort 
du  roi  Richard,  il  en  avait  à  peu  près  soixante  à  l'époque  de 
ce  dernier  traité  fiait  avec  le  roi  de  France.  Nous  supposons , 
d'après  cela,  que  sa  mort  ne  doit  pas  s'éloigner  beaucoup  des 


SAVARIC  DE  MAULÉON.  677 


XIII  SIKCLE. 


années  la/foou  i245(i).LetroubadourHuguesdeSaint-Cyra 
écrit  la  notice  historique  où  est  racontée  son  histoire  galante. 
C'est  au  milieu  d'une  carrière  si  agitée  que  Savaric  de 
Mauléon  trouva  des  moments  pour  composer  des  vers.  Nous 
l'avons  vu,  dans  la  vie  d'Hugues  de  la  Bachélerie  ,  amoureux 
de  la  dame  Guillemette  de  Bénagués,  femme  du  seigneur  de 
Langon.  Comme  il  se  trouvait  un  jour  chez  elle,  en  com- 
pagnie d'Elias  Rudel,  seigneur  de  Bergerac,  et  de  Geoffroi 
Rudel,  seigneur  de  Blaye,  et  que  tous  trois  la  priaient  d'a- 
mour, cette  dame  espiègle  et  coquette,  qui  déjà  les  avait 
retenus  tous  pour  ses  chevaliers,  chacun  à  l'insçu  des  deux 
autres,  sut  les  satisfaire  en  les  trompant  tous  trois.  A  Geoffroi 
Rudel ,  assis  en  face,  elle  lança  un  regard  amoureux  ;  prenant 
la  main  de  Bergerac,  elle  la  lui  serra  vivement;  et  de  son 
pied,  elle  pressa  le  pied  de  Savaric,  avec  un  sourire  mêlé 
d'un  soupir.  Et  ela ,  com  la  plus  ardida  dona  c'oni  anc 
vis ,  coinenset  ad  esgardar  En  Jaufre  Rudelh  de  Blaya  amo- 
rozamen,  car  el  sezia  denan  ;  et  a  ji' Elias  Rudelh  de  Bra- 
gairac  prcs  la  mari,  et  estreis  la  fort  amorozamen  ;  et  de  ino- 
senher  E\  Savaric  causiget  lo pe  rizene  sospiran.  Les  deux  Raju.  choix, 
Hudel,  en  sortant,  se  contèrent  mutuellement  leur  bonne  tii.p  44<> 
fortune.  Savaric  n'osait  avouer  la  faveur  qu'il  avait  obtenue, 
attendu  qu'il  se  croyait  le  plus  favorisé;  cependant  il  proposa 
la  question  à  Gauselm  Faidit  et  à  Hugues  de  la  Bachélerie. 
Cette  question  donna  lieu  à  la  tenson  de  trois  interlocuteurs 
(  Torneyamen  ) ,  dont  nous  avons  déjà  cité  des  fragments  à  Snprà.t.xviii, 
l'occasion  de  Hugues  de  la  Bachélerie.  Savaric  compo.sa  le  p^''«- 

_  •  1    .  '  Ravn   Choix , 

premier  couplet:  ..ii,,..  .98 

Gauselnis,  très  jocx  enamoratz 
Partisc  a  vos  et  a  N'Ugo, 
E  quascus  prendetz  lo  plus  bo, 
E  layssatz  nie  quai  que  us  vulhatz: 
Qu'una  domn'a  très  preyadors, 
E  destrenh  la  tan  lor  amors 
Que,  quan  tug  trey  li  son  denan  , 

(i)  Nous  écri-vions  ceci  en  i834,  avant  de  connaître  la  Notice  iiistorique 
publiée  par  M.  l'abbé  de  La  Rue,  sur  Savaric  de  Mauléon ,  dans  ses  Essais 
historiques  sur  les  Bardes,  les  Jongleurs  et  les  Trouvères,  ouvrage  im- 
primé à  Cren  ,  en  i834  (tom.  III ,  pag.  121  et  suiv.).  Ce  savant  écrivain 
prouve  par  des  instructions  qu'il  a  puisées  aux  archives  de  Ja  Tour  de 
Londres,  que  Savaric  mourut  en  i236  (pag.  124).  Il  le  classe  parmi  les 
trouvères,  mais  par  une  pure  présomption.  Du  reste,  le  travail  de  M.  de 
La  Rue  confirme  par  des  dates  les  époques  de  quelques-uns  des  faits  que 
nous  avons  recueillis. 

4  6 


678  SAVARIG  DE  M  AU  LEON. 

Xlll  SlfcCI-B.  ^  quascun  fai  d'amor  semhlan  ; 

L'un  esgard'  amorozamen , 
L'autre  estrenh  la  man  doussanien^ 
Al  terz  caiissiga  lo  pes  rizen  : 
Digatz  al  quai,  pus  aissi  es  , 
Fai  major  amor  de  totz  1res. 

Gausclm,  trois  jeux  amoureux 

Je  propose  à  vous  et  au  seij!;neur  Hugues; 

Et  chacun  prenez  le  meilleur, 

Et  laissez -moi  quel  que  vous  veuilliea. 

Car  une  dame  a  trois  solliciteurs. 

Et  si  bien  elle  resserre  leur  amour 

Que  quand  tous  trois  sont  devant  elle, 

A  chacun  fait  d'amour  semblant. 

L'un  elle  regarde  amoureusement, 

A  l'autre  serre  la  main  doucement. 

Au  troisième  elle  presse  le  pied  en  riant  : 

Dites  auquel,  puisqu'ainsi  est. 

Elle  fait  plus  grande  amour  de  tous  trois. 

Faidit  préfère  l'œillade,  Hugues  le  serrement  de  main. 

Suvaric  reprend  : 

N'Ugo,  pus  lo  mielhs  mi  laissatz, 
Mantenrai  lieu  ses  dir  de  no  : 
Donc  die  qii'el  causigat  que  fo 
Faitz  del  pe  fo  fin  amistatz 
Celada  de  iauzenjadois; 
E  par  ben  ,  pois  aitals  secors 
Près  1  amies  rizen,  jauzian  , 
Que  l'amors  fo  ses  tôt  enjan  : 
E  qui'l  tener  de  la  man  pren 
Per  major  amor,  fai  non  sen. 
E  d'EN  Gauselm  no  m'es  parven 
Que  l'esguart  per  meilhor  prez  es 
Si  tan  com  ditz  d'amor  saubes. 

Seigneur  Hugues,  puisque  le  mieux  vous  me  laissai, 

Je  le  maintiendrai  sans  dire  non  : 

Donc  je  dis  que  le  presser  qui  fut 

Fait  du  pied  fut  line  amitié 

Dérobée  au.\  médisants; 

Va  il  paraît  bien,  puisque  tel  moyen 

Prit  l'amie  riant,  jouissant, 

Que  l'aniour  fut  sans  aucune  tromperie  : 

Et  qui  prend  le  serrement  de  main 

Pour  plus  grande  amour,  fait  non-sens; 

Et  du  seigneur  Gauselm  ne  me  paraît 

Que  l'oeillade  pour  meilleur  il  prisât. 

Si  autant  qu'il  le  dit  en  amour  il  savait. 

Faidit  soutient  que  les  yeux  sont  messagers  d'amour,  et 
que  le  prcssement  de  pied  n'est  souvent  qu'une  moquerie. 


SAVARIC  DE  MAULÉON.  679 

„  •   .  •  1  .  j  •  XIIISIKCLE. 

Hugues  persiste  a  croire  que  le  serrement  de  main  annonce 

plus  de  sincérité. 

Le  nombre  des  six  strophes  voulues  par  l'usage  se  trouvant 
rempli,  Savaric  ne  peut  plus  répliquer;  il  ajoute  seulement 
dans  l'envoi ,  qui  est  une  strophe  de  cinq  vers  : 

Gauselms,  vencutz  etz  el  conten 
Vos  et  EN  Ugo  certamen, 
E  viielh  (Ju'en  t'assa'l  jutjamen 
Mos  Garda-Cors  que  m'a  conques, 
E  NA  Maria  on  bon  pretz  es. 

Gauselin,  vaincu  vous  êtes  dans  la  dispute. 
Vous  et  le  seignegr  Hugues  certainement; 
Et  je  veux  qu'en  fasse  le  jugement 
Mon  Garde-Corps  qui  m'a  conquis, 
Et  la  dame  Marie  où  bon  prix  est. 

Faidit  désigne  pour  troisième  juge  la  dame  de  Bénagués 
elle-même,  et  il  veut  que  la  décision  soit  prononcée  en 
présence  des  trois  amoureux  courtois;  ce  qui  est  faire  en- 
tendre fort  clairement  que  la  question  ne  doit  jamais  être 
jugée. 

Rlalgré  l'espérance  que  le  pressement  de  pied  avait  fait 
concevoir  à  Savaric,  la  dame  de  Bénagués,  qui  l'appelait 
souvent  auprès  d'elle  du  Poitou  en  Gascogne,  par  mer  et 
par  terre,  le  trompait  chaque  fois  par  quelque  invention 
nouvelle  ;  E  mantas  vezfes  lo  venir  de  Peitieus  en,  Gascuenha 
per  mar  e per  terra;  e  cant  era  vengutz  gen  lo  sabia  enga- 
nar  abjalsas  razos,  que  no'lfazia  plazer  d'atnor.  Las  appa- 
remment de  cet  amour  sans  succès,  Savaric  fit  choix  d'une 
autre  dame  jeune,  belle,  aimable  et  désireuse  de  célébrité, 
femme  de  Guiraut,  comte  de  Mansac.  Cette  dame,  charmée 
d'attirer  à  elle  un  amant  de  si  grand  renom,  l'agréa  pour  son 
chevalier ,  et  lui  accorda  bientôt  le  plus  tendre  rendez-vous;     - 
E  la  doua  per  la  gran  valor  que  vi  en  el,  retenc  lo  per  son 
cavayer,  et  det  lijorn  quel  vengues  a  leys per penre  so  que 
demandava.  Il  y  eut  en  ceci  quelque  tromperie ,  ou  bien  il 
fut  commis  de  la  part- de  Savaric  une  grande  indiscrétion;     M»i.d«iaBibi. 
quoi  qu'il  en  soit,  la  dame  de  Bénagués,  informée  du  rendez-  ™b*^°''. 
vous  donné  à  Savaric,  lui  manda  sur-le-champ  de  venir  chez  ,.  vf°p.  366  [ 
elle  en  secret,  lui  faisant  espérer  une  complaisance  sans  44». 
réserve ,  per  aver  d'ela  tôt  son  plazer,  et  cela  pour  le  jour 
même  où  la  comtesse  de  Mansac  l'attendait. 


XIII  SIKCLE. 


680  SAVARIC  DE  MAULEON. 

Le  troubadour  Prévost  de  Limoges ,  ayant  reçu  de  Savaric 
la  confidence  de  l'embarras  où  il  se  trouvait,  lui  demanda 
à  laquelle  de  ces  dames  il  allait  offrir  ses  vœux  ,  ne  doutant 
pas  que  la  préférence  ne  fût  due  à  la  dame  de  Mansac.  Sa 
demande  et  la  réponse  de  Savaric  devinrent  le  sujet  d'une 
tensoii.  «  Seigneur  Savaric,  dites-moi  en  chantant  (  ce  que 
«  vous  pensez)  d'un  brave  chevalier  qui  a  aimé  long-temps 
a  une  dame  d'un  grand  prix,  et  l'a  mise  en  oubli,  puis  il  en 
«  prie  une  autre  qui  devient  son  amie,  et  (celle-ci  )  lui  as- 
(f  signe  un  jour  (  pour  )  qu'il  vienne  vers  elle  et  jouisse  selon 
»  ses  désirs:  et  quand  l'autre  vient  à  le  savoir,  elle  lui  mande 
«  que  le  même  jour  elle  lui  accordera  le  prix  qu'il  deman- 
«  dait  :  d'égal  mérite,  d'égale  beauté  sont  les  deux  dames; 
«  choisissez  suivant  votre  inclination. 

En  Savaric,  ie  us  demaii 

Que  m  diatz  en  chantan  , 

D'un  cavayer  valen 

C  a  amat  lonjanien 

Una  dona  prezan  , 

Et  a'I  mes  en  soan; 

Pueys  preya  n'autra 

Que  en  deven  s'amia  , 

E  mandai  jorn  c'am  leys  vaza 

Per  penre  tôt  son  voler; 

E  can  l'autra  n  sap  lo  ver,  etc. 

«  Seigneur  Prévost,  répond  Savaric,  les  vrais  amants  ne 
«  vont  point  changeant  leurs  affections  ,  et  ils  ne  cessent 
«  point  d'aimer,  quand  bien  même  ils  feignent  d'aller  priant 
«  ailleurs.  Car  nullement,  pour  un  refus,  un  homme  ne  doit 
«  déplacer  son  cœur;  au  contraire,  il  attend  tout  avec  bon 
«  espoir  de  celle  qu'il  aime.  Qu'il  se  tienne  auprès  d'elle  et 
«  garde  sa  route,  elle  ne  le  trompera  point. 

En  Prebot,  li  tin  ayman  . 
No  van  lur  cor  camian  , 
Desaraan  lialmen , 
Sitôt  si  fan  parven 
Canon  alhors  preian.  .  .  . 
Car  ges  per  la  fadia 
Non  deu  hom  son  cor  mover. 
Ans  atend  ab  bon  esper. .  .  . 

Prévost  réplique  que  dans  ce  cas  le  chevalier  reconnaîtra 
bien  mal  les  bontés  de  la  seconde  dame ,  qui  s'est  mise  en 
son  pouvoir  de  si  bonne  grâce. 


SAVARIC  DE  MAULEON.  68 1 

,,  .        .  ,  ,  .     ,   ,        .  XIll  SIECLE 

Savane  ajoute  qu  une  dame  qui  cède  si  promptemerit  ne   . 

sait  pas  bien  aimer,  et  manque  de  prudence  autant  que 
d'amour. 

On  a  peine  à  croire  qu'un  chevalier  aussi  courtois  que 
Savaric  se  soit  expliqué  avec  tant  d  inconvenance  sur  une 
femme  qu'il  avait  lui-même  priée  d'amour,  quelque  galante 
qu'elle  pût  être.  Cette  anecdote  nous  peindrait  des  mœurs 
par  trop  dégradées.  Le  rendez-vous  donné  par  la  dame  de 
Mansac,  et  l'existence  même  de  cette  dame,  étaient  peut- 
être  *des  suppositions,  et  la  coquette  Guillemette  fut  prise 
au  piège. 

La  date  de  cette  tensou  est  indiquée  par  l'envoi.  Prévost 
prend  pour  juges  la  dame  de  Benagués  elle-même,  Marie  t.  xvii,  p 
de  Ventadour,  et  la  dame  de  Montferrat,  savantes  en  amour;  56.. 
Savaric  adhère  à  ce  choix.  Or,  nous  avons  montré  précédem- 
ment, à  l'article  de  Marie  de  Ventadour,  que  cette  dame 
mourut  entre  I2i5  et  1218.  La  pièce  est  par  conséquent 
antéiieure  au  moins  à  cette  dernière  année,  et  elle  peut 
l'avoir  précédée  de  beaucoup. 

Prévost  n'est  connu  que  par  cette  tenson;  on  sait  seule- 
ment qu'il  était  de  Limoges. 

Une  pièce  plus  remarquable  de  Savaric,  mais  dont  il  ne 
subsiste   qu'un    fragment  ,   appartient   évidemment  à    l'an     Pièce comineii- 
1211;   et  elle  est  entièrement  politique,  quoique  sous  la  T"la?\i,"'"dù 
forme  d'une  déclaration  d'amour.   «Désormais,  madame,  Vatican,  3107, 
s  dit  le  guerrier  poète,  il  serait  bien  juste  que  je  parvinsse  '"'  55. 
«  à  vous   conquérir,  puisque  tant   d'autres   vous   ravissent 
((   par  la  violence  et  le  brigandage.  J'ai  si  bien  fait  que  j'ai 
«  rassemblé  Basques  et  Brabançons.  Si  belle  est  ia  récom- 
'c  pense,  que  nous  sommes  cinq  cents  prêts  en  tout  à  exécuter 
«  vos  commandements.  Mandez-nous  votre  volonté;  aussitôt 
"  à  cheval,  car  tous  nous  avons  sellé. 

E  mandatz  ia  vostra  volontat, 

Car  montarem ,  que  lots  avern  selat. 

Le  sens  de  cette  pièce  n'est  pas  difficile  à  reconnaître.  La 
dame  à  qui  Savaric  offre  son  hommage  est  la  malheureuse 
reine  Eléonore,  femme  de  Raimond  VI;  les  brigands  sont 
les  soldats  de  la  ligue;  la  conquête  à  faire  est  celle  du  Lan- 
guedoc. On  aime  à  voir  Savaric  prendre  le  ton  de  la  galan- 
terie en  annonçant  à  une  reine  tombée  dans  l'infortune, 
les  exploits  qu'd  va  tenter  pour  son  service.  Le  treizième 

Tome  XF III.  Rrrr 

4  6    * 


XUI  SIÈCLE. 


682  BERTRAND  DE  SAINT-FÉLIX. 

siècle  se  montre  ici  dans  toute  sa  grandeur  chovalerosque. 
Tel  fut  Savaric  de  Mauléon ,  né  dans  la  plus  haute  noblesse 
de  son  temps,  homme  politique,  guerrier.  Anglais  ou  Fran- 
çais suivant  son  intérêt,  aventureux,  galant,  magnifique, 
poète,  protecteur  des  troubadours,  type  des  héros  de  la 
féodalité.  É — D. 


Mss.  du  Valî 
can  ,    3208  ,    1> 


BERTRAND  DE  SAINT-FÉLIX 

v.iE  poète,  quelle  que  fût  sa  position  sociale,  paraît  avoir 

été  lié  avec  Hugues  de  la  Bachélerie,  de  qui  nous  avons 

T.  XVII,  |.     parlé  précédemment.  Nous  supposons,  d'après  cela,  qu'il 

^74-  fut  admis  comme  lui  à  la  cour  de  Marie.de  Ventadour  et  à 

celle  de  Savaric  de  Mauléon,  ainsi  que  les  troubadours  les 
plus  estimés  de  cet  âge,  du  Limousin  et  du  Poitou  :  c'est  ce 
motif  qui  nous  fait  placer  sa  notice  à  la  suite  de  celle  de 
Savaric.  Il  n'est  connu  que  par  une  seule  pièce;  ce  qui  sem- 
ble annoncer  qu'il  ne  faisait  pas  son  état  de  l'art  des  vers. 
Cette   pièce  est  une  tenson  entre  Hugues  de  la  Bachélerie 

85  et  lui.  Lest  Hugues  qui  propose  la  question. 

Rajn.  Choix,        «   Dïtcs,  Bertrand  de  Saint-Félix,  ce  que  vous  préféreriez 

t.  IV,  p.  3o.  „  éprouver  de  la  part  d'une  dame  de  grand  prix,  franche, 
«  courtoise,  agréable  dans  ses  manières,  qui  jamais  n'aurait 
(c  aimé  personne  à  titre  de  galanterie,  ignorante  de  toute 
«  ruse  et  de  toute  tromperie  ?  Choisissez,  ou  que  vous  l'alliez 
M  priant,  ou  qu'elle  vous  prie  elle-même,  vous  aimant  jus- 
«  qu'à  ce  point. 

Digatz,  lîerlranil  de  san  Félix, 

Ia»  quai  teni'iaz  per  nieillor, 

D'una  doniiia  île  gran  valor, 

Franca  ,  cortcza  ,  ab  bel  senibiau  , 
Qu'anc  non  amet  per  nom  de  drudaria. 
Ni  ren  sap  d'engan  ,  ni  de  Lauzia.'' 
Era  chauzetz,  que  vos  l'anetz  preian  , 
O  qu'ela  us  prêt-,  c  que  us  am  afrctan. 

Bertrand  répond:  «  Seigneur  Hugues,  vous  poseriez  agréa - 
a  blement  les  jeux  partis,  si  vous  eussiez  trouvé  un  bon 
«  choisisseur;  mais  je  vous  procurerai  peu  d'honneur,  car 
«  je  vois  que  vous  faites  le  partage  sans  ruse,  ^'ous  qui  de 


BERTRAND  DE  SAINT-FELIX.  683 

'(  prier  avez  le  talent,  je  veux  que  vous  priiez  ;  quant  à  moi, 
«  il  me  semblerait  folie  de  dédaigner  un  don  si  précieux  et 
«  si  grand,  si  elle  me  connaît  bien  celle  qui  est  empressée 
'c  de  me  plaire. 

N'Ugo,  ben  fazetz  jocs  partitz, 

Si  trobassetz  bon  chauzidor; 

Mas  ieu  non  farai  tan  d'onor. 

Car  vei  que  partetz  ses  engan. 
Vos  ,  que  avetz  de  preiar  maestria, 
Voill/|ue  preietz,  car  foudatz  semblaria 
Qu'ieu  soanes  tan  rie  don  ni  tan  gran, 
Si  be  m  conosc  qu'el  grazirs  a  af'an. 

Hugues  réplique  :  «  Bertrand ,  vous  n'avez  point  choisi 
«  selon  l'esprit  des  amants  délicats;  car,  au  jugement  d'a- 
«  mour,  mieux  vaut  (la  récompense)  quand  on  l'obtient 
«  par  la  prière.  . .  . 

Bertrans ,  ges  aissi  non  chauzilz 

A  guisa  de  fin  ainador, 

Que,  segon  jutjanien  d'anior. 

Val  mais  quan  la  prec  merceian  .... 

Après  une  slrophe  où  Bertrand  soutient  qu'une  dame  est 
loin  de  commettre  une  faute,  si  elle  requiert  un  ami  sans 
tromperie  et  sans  vouloir  s'en  faire  un  serviteur,  il  dit  enfin  : 
«  Seigneur  Hugo,  ma  jouissance  est  accomplie  sans  crainte 
«  des  envieux  ,  et  vous,  vous  demeurez  dans  l'erreur;  car  je 
«  tiens  et  vous  allez  musant  :  ce  que  je  veux,  je  le  possède, 
«  et  ma  dame  a  ce  qu'elle  désirait.  Donc,  je  serais  bien  fou, 
«  si  je  demandais  davantage  au  temps ,  car  jamais  il  n'arriva 
«  mibux  à  nul  fidèle  amant;  je  puis  rire  quand  l'autre  va 
«  pleurant. 

So  qu'ieu  voll  ai,  et  il  so  que  voila; 
Doncs  sui  ben  fols  s'al  segle  ptusquerria, 
Qu'anc  non  anet  miels  a  nuill  fin  aman; 
Qu'ieu  pose  rire  quan  l'autre  va  ploran.    • 

Nous  donnons  de  longs  fragments  de  cette  pièce ,  en  faveur 
de  l'esprit  avec  lequel  Bertrand  de  Saint-Félix  défend  sa 
cause.  M.  Raynouard  l'a  publiée  en  entier.  É — D. 


XIII SIECLB. 


Rr 


r  r  2 


Xm  SIKCLE. 


AIMÉRIC  DE  PÉGUILÂIN. 

MOBTvcisiaii    {^/^  vie  d'Airaëric  de Puyguilan  ou  de  Pëguilain  n'est  qu'une 

'^  ^'  suite  de  plaisirs  et  de  galanteries,  mais  elle  a  été  longue;  ce 

troubadour  Ht  des  vers  pendant  plus  de  cinquante  années;  il 

composa  des  tensons  avec  un  grand  nombre  d'autres  poètes, 

depuis  Faidit  et  Bergédan  jusqu'à  Guillaume  Figuières,  et 

fréquenta  les  cours  les  plus  illustres  du  midi  de  la  France  et  de 

l'Italie  supérieure,  dans  des  temps  féconds  en  grands  événe- 

ments  :  ce  sont  là  des  raisons  pour  que  nous  nous  attachions 

avec  soin  à  la  chronologie  des  faits  auxquels  se  rapportent 

Pa|.i.ii,  voya-  |)lusieurs  de  ses  pièces  de  vers ,  d'autant  que  cet  ordre  chro- 

.i;.-.ie  Pioveiice,  nologiquc  &  été  totalement  bouleversé  par  un  écrivain  re- 

,„j^  '  ""         "^    commandable  (  Papon) ,  qui  s'est  trop  confié  au  romancier 

Nostradamus. 

Aiméric  surnommé  de  Péguilain  naquit  à  Toulouse;  il  était 
fils  d'un  marchand  de  draps.  Son  surnom  de-  Péguilain  a  été 
écrit  de  diverses  manières  ;  mais  comme  il  diffère  essentiel- 
lement de  ceux  des  autres  troubadours  nommés  Aiméric,  il 
est  impossible  de  les  confondre.  Devenu  de  bonne  heure 
amoureux  d'une  dame  de  son  voisinage,  femme  d'un  bour- 
geois, il  renonça  à  la  profession  de  .son  père,  et  se  mit  à 
composer  des  vers.  Il  chantait  mal;  mais,  quoique  ce  fut  là 
un  grand  défaut  relativement  aux  habitudes  de  son  temps, 
il  obtint  de  brillants  succès.  L'amour,  dit  son  biograpiie, 
le  fit  poète  :  Et  aquela  amors  li  mostret  trobar.  Ses  assi- 
duités auprès  de  sa  voisine  ayant  excité  lajalousie  du  mari, 
il  s'ensuivit  un  duel  où  ce  dernier  fut  blessé  d'un  coup 
d'épée  à  la  tête.  Obligé  de  s'expatrier,  le  jeune  troubadour 
se  réfugia  dans  la  Catalogne,  auprès  de  Guillaume  de  Ber- 
gédan, de  qui  nous  avons  parlé  précédemment ,  lequel  goûta 
son  talent,  lui  donna  ,  suivant  l'usage, un  palefroi  et  de  riches 
habillements,  tan  quel  li  donet  son  palafre  et  son  vcstir,  et 
l'introduisit  à  la  cour  du  roi  de  CastiUe  (  Alphonse  IX  ),  qui 
le  combla  de  présents  et  d'honneurs. 

Ceci  se  passait  nécessairement  avant  que  Bergédan  eût 
été  dépouille  de  ses  biens  et  se  fût  réfugié,  en  état  de  ruine 
totale,  chez  Richard  Cœur-de-Lion  ;  or  Richard  partit  pour 


XIII  SIECI.K. 


AIMÉPxIC  DE  PKGUILAIN.  085 

la  Syrie,  le  i4  septembre  1190,  ne  rentra  en  France  qu'en 
iir)4,  t't  mourut  le  6  avril  i  199  ;  il  suit  de  là  que  le  séjour 
d'Aiméric  de  Péguilain  chez  Bergédan  est  antérieur  à  la 
fin  de  l'année  11 90,  ou  du  moins  à  l'année  1 199.  Par  consé- 
quent, s'il  avait  vingt  ou  vingt-cinq  ans  quand  il  quitta  Tou- 
louse, il  était  né  vers  l'an  i  ijS,  et  il  était  âgé  de  soixante- 
dix  ou  soixante-douze  ans,  quand  il  écrivit  sa  complainte 
sur  la  mort  de  Raimond  Bérenger  IV,  arrivée  en  ia45. 

C'est  pendant  son  séjour  dans  la  Catalogne,  ou  auprès  du 
roi  de  Castille,  qu'il  a  dû  composer  sa  tenson  avec  Bergédan,      Mss  .)f  ubin. 
commençant  T^ar  :  Eîi  Berguedan.  '^^.^  ^""'' 

«  Il  s'agit  de  savoir  lequel  vaut  mieux  ,  d'être  aimé  d'une 
«  dame  sans  l'aimer,  ou  cle  l'aimer  sans  obtenir  son  amour. 
C'est  Aiméric  qui  interroge. 

((  Ne  croyez  pas ,  répond  Bergédan ,  que  ce  soit  pour 
«  muzer  que  je  fasse  l'amour;  je  ne  suis  point  un  homme 
«  désœuvré;  avec  les  dames,  comme  au  jeu  des  dés,  il  faut 
«  que  je  gagne. 

C'ang  en  anior  no  vengui  per  niuzar, 
Ni  anc  no  fuy  d'aquels  desfazedatz  ; 
Que  gazenhar  vuelh  de  dona  e  de  datz. 

Aiméric  ayant  soutenu  la  proposition  contraire,  Bergédan 
finit  par  lui  dire  :  «  Ne  cherchez  pas  à  vous  jouer  de  nous; 
«  si  vous  eussiez  aimé  avec  les  sentiments  dont  vous  vous 
«  vantez,  vous  ne  vous  seriez  pas  tant  éloigné  de  Toulouse. 

Bar  N'Aimeric,  ja  no  us  cuidetz  gabar, 
Que  s'amassetz  tan  cant  aysi  eus  vanatz, 
No  us  foratz  tan  de  Tholiiza  lunhatz. 

La  mort  d'Alphonse  II,  roi  d'Aragon,  dit  Alphonse  I**^, 
comme  comte  de  Provence,  arrivée  en  11 96,  devint  pour 
lui  le  sujet  d'une  complainte  qui  n'existe  plus,  mais  qu'il  a 
rappelée  dans  celle  où  il  a  célébré  la  mémoire  de  Raimond 
Bérenger  IV. 

Après  un  séjour  de  plusieurs  années  dans  les  cours  de  Cas- 
tille et  d'Aragon  ,  curieux  de  visiter  celles  de  la  Provence 
proprement  dite,  et  de  l'Italie,  il  se  mit  en  route  pour  ces 
contrées,  où  il  devait  trouver  des  protecteurs  non  moins  géné- 
reux que  ceux  qui  l'avaient  accueilli  auparavant.  Sa  passion 
pour  la  dame  de  Toulouse  n'était  point  éteinte.  Ayant  appris 


XIIISIECIE. 


686  AIMERIC  DE  PEGUILAIN. 

que  le  mari  allaiten  pèlerinage  à  Saint-Jacques  deCumpostelle, 
il  résolut  tle  profitei  de  son  absence,  et  d'arriver  à  Toulouse, 
inconnu,  afin  de  voir  sa  inaitiesse  sans  la  compromettre. 
Le  roi  Alphonse  de  Castilie,  qui  s'était  engage  à  fournir 
à  tous  les  frais  du  voyage  jusqu'à  Montferrat,  s'amusa  de 
cette  intrigue.  Ils  imaginèrent  ensemble  une  mascarade  où 
Peguilain  devait  figurer  comme  un  prince  de  (bastille.  Le  roi 
lui  composa  un  cortège  de  gardes  et  de  chevaliers  suppo- 
sés, qui  durent  l'accompagner  jusqu'à  IMontpellier.  Entré  à 
Toulouse,  la  nuit,  dans  cet  équipage,  Peguilain  se  fit  an- 
noncer chez,  la  dame  comme  un  cousin  du  roi  Alphonse, 
allant  eu  pèlerinage,  et  c|ui  demandait  l'hospitalité.  Cette 
dame  s'empressa  d'offrir  son  plus  bel  appartement.  Le  soi- 
disant  prince  se  fit  coucher  par  ses  gens,  et  le  lendemain 
matin,  en  s'excnsant  auprès  de  la  dame  de  la  maison,  de  ce 
qu'une  indisposition  l'empêchait  de  se  présenter  chez  elle, 
il  la  fit  prier  de  venir  le  voir.  Arrivée  sur-le-cliamp,  elle  le 
reconnut,  et  feignant  de  rajuster  le  drap  de  lit,  elle  s'inclina 
et  lui  donna  un  baiser;  c  la  donna  fes  parven  quel  cabres 
dels  draps ,  e  baizet  lo.  Je  ne  sais  ,  continue  le  naïf  historien, 
ce  qui  put  se  passer  ensuite,  mais  le  seigneur  Aimèric  de- 
meura dix  jours  auprès  de  sa  dame,  sous  le  prétexte  de  sa 
maladie, ^f/'  ochaizo  d'esser  malautes.  Ainsi  se  vérifia  le  mot 
de  Bergedan  :  «  Si  vous  eussiez  agi  comme  vous  vous  en 
<c  vantez,  vous  ne  vous  seriez  pas  tant  éloigné  de  Toulouse.  » 

Après  avoir  quitté  son  cortège  à  Montpellier,  le  poète  se 
rendit  à  Aix ,  où  il  ne  put  manquer  d'être  bien  reçu  du  comte 
de  Provence,  Alphonse  II,  et  de  (iarsende  de  Sabran,sa 
femme,  ne  fut-ce  qu'en  considération  de  sa  pièce  de  vers  à 
la  louange  d'Alphonse  i^'^,  père  du  comte.  Il  se  lia  avec 
Blacas,  soit  à  Aix,  soit  à  Aups,  fait  dont  la  preuve  existe 
dans  les  envois  qu'il  lui  adressa  de  plusieurs  de  ses  pièces 
[)ostérieures. 

C'est  après  ces  différentes  stations  qu'il  arriva  à  Mont- 
lerrat,  chez  Boniface  III.  L'Italie  supérieure  était  alors  oc- 
cupée des  préparatifs  de  la  croisade  de  laoa,  dont  Boniface 
fut  le  chef  Peguilain  s'annonça  sur-le-champ  par  un  sirvente 
dont  rol)jet  était  d'exciter  les  peuples  à  la  conquête  des 
lieux  saints.  D;ins  cette  pièce,  écrite  en  provençal,  comme 
une  foule  d'autres,  quoique  faite  pour  des  Italiens,  il  félici- 
tait le  marquis  Guillaume  de  iMalaspina  de  s'être  croisé  un 
(les    premiers,  et   invitait   le   marquis  de  Montferrat  à   se 


Xni  SiECLli. 


AIMERIC  DE  PEGUILAIN.  G87 

couvrir  de  la  gloire  qui  avait  déjà  illustré  sa  famille  dans  ces 
guéries  sacrées.  11  eut  un  iiioinent  le  projet  de  prendre  lui- 
même  la  croix;  «  le  bon  pape  Innocent,  disait- il,  sera  notre 
gnide^  Nos  guizara  lo  bon  papa  Iniioct'iis  ;  ^y  mais  il  y  renonça. 

Nous  voyons  dans  tout  ceci  qu'il  s'agissait  bien  en  effet 
de  la  croisade  de  1202,  et  que  par  conséquent  le  poète  était 
arrivé  en  Italie  vers  l'an  1201;  car  Innocent  III,  mort  en 
1216,  n'eut  pour  successeur  un  pape  de  son  nom  qu'en 
124^,  et  aucun  des  marquis  de  iMontferrat,  successeurs  de 
Boniface  III,  ne  paraît  s'être  croisé.  Quand  ces  princes 
se  portèrent  dans  l'Orient,  ce  fut  pour  s'occuper  de  leur 
royaume  de  Thessalonique ,  et  non  pour  conquérir  la  Syrie. 

De  la  brillante  cour  de  IMontferrat,  Aiméric  se  rendit 
auprès  des  seigneurs  de  la  maison  d'Est.  Le  chef  de  cette 
famille  était  alors  Azon  V[,  célèbre  Guelfe,  tantôt  podestat 
de  Ferrare,  de  Crémone,  de  Vérone,  de  Modène;  tantôt 
chassé  de  ces  mêmes  pays  par  le  paiti  des  Gibelins.  Aiméric, 
en  suivant  sa  cour,  chantait  ainsi  ses  vers  de  ville  en  ville 
dans  la  Haute-Italie  et  y  faisait  entendre  un  langage  familier 
aux  personnes  instruites,  et  entendu  même  du  peuple. 

Bientôt  ses  liaisons  s'étendirent  de  la  maison  d'Est  à  celle 
de  Malaspina,  qui  en  était  une  brandie.  C'est  surtout  avec 
Guillaume,   neveu    d'Albert  le  troubadour,   de  qui    nous 
avons  parlé  précédemment,  qu'il  se  lia  d'une  manière  par-  xv]'/'  '"5"  ' 
ticulière. 

Parti  de  Toulouse  dans  des  temps  de  tranquillité  et  de 
bonheur,  il  n'y  retourna  point,  du  moins  pour  y  demeurer, 
quand  les  troupes  de  la  ligue  y  eurent  porté  la  dévasta- 
tion. Il  continua  néanmoins  une  honorable  correspondance 
avec  Alphonse  IX,  Pierre  II,  roi  d'Aragon,  llaimond  VI 
et  Eléonore  d'Aragon  sa  femme;  c'est  ce  qu'on  reconnaît, 
notamment  en  ce  qui  concerne  Pierre  II  ,  dans  un  sir- 
vente  sur  le  pervertissement  de  la  noblesse  et  sur  les  mal- 
heurs de  son  temps,  adressé  à  ce  roi  et  à  une  dame  que  le 
poète  nomme  N' Agradwa^  la  à-AVSXQ gracieuse .  Cette  pièce  est 
nécessairement  antérieure  à  l'an  121 3,  époque  de  la  mort 
de  Pierre  II.  Nous  y  reviendrons  tout  à  Iheure. 

A  la  mort  d'Azon  VI,  qui  eut  lieu  à  Vérone  en  12 12,  Aimaioii  diik 
Aiméric  de  Péguilain  composa  une  complainte  ,  commençant  amidi  Ksiensi , 
par  ce  vers  :  Ane  non  cugey  que  m  pogues  oblidar.  Il""  '  >  v-  s?** , 

Le  personnage  qu'il  célèbre  est  Azon  VI,  quoiqu'il  lui     '^ 
doime  seulement  le  titre  de  Marquis  d'Est;  il  ne  saurait  y 


688  AIMERIC  DE  PEGUILAJN. 


Mil  SIK.CLE 


R;i\ii.  Cliiiix  . 


avoir  d'équivoque,  car  les  qualités  qu'il  attribue  à  ce  seigneur 
ne  pourraient  convenir  ni  à  Aldovrandin,  ni  à  Azon  VII, 
ses  deux  fils,  l'un  à  peine  adolescent,  l'autre  encore  enfant 
lors  de  la  mort  de  leur  père,  et  qui  lui  succédèrent  l'un  à 
la  suite  de  l'autre,  dans  l'espace  de  trois  ans. 

Le  jeune  Frédéric  II,  né  en  Italie,  élevé  à  Naplcs,  ayant 
attaqué,  eti  lai-i,  Othon  I\  ,  son  rival,  qui  s'était  fait  cou- 
ronner empereur  à  Rome,  et  l'ayant  chassé  de  l'Italie,  Pé- 
guilain,  charmé  de  la  bravoure  de  ce  prince  à  peine  âgé  de 
dix-sept  ans,  lui  adressa,  dans  le  courant  des  années  sui- 
vantes, un  sii:vente  oîi  il  témoignait  son  admiration  pour 
I.  i",!.'  lo'î "'  '^  grand  caractère  qu'il  lui  voyait  déployer.  Le  poète,  en 
déplorant  la  perle  de  plusieurs  hommes  illustres,  morts 
récemment,  témoigne  l'espoir  de  voir  Frédéric  les  rem- 
placer tous,  rétablir  l'honneur  et  la  vertu  par  son  cou- 
rage, sa  sagesse ,  son  instruction,  son  éloquence,  et  guérir 
le  monde  (  ce  sont  ses  expressions  )  des  blessures  quelui  ont 
faites  tant  de  pertes  réitérées  coup  sur  coup. 

Il  semble  qu'en  I2i4,  la  hiort  d'Alphonse  IX,  le  plus 
ancien  des  protecteurs  du  troubadour,  ait  amené  aussi  l'ex- 
pression de  ses  regrets.  Le  sirvente  dont  il  s'agit  commence 
par  ce  vers  :  Totas  honors  e  tuigfaig  benestan.  Toutefois  on 
ne  saurait  lui  attribuer  cette  pièce  avec  certitude. 

Vers  l'an  i22j,  il  eut  à  déplorer  la  mort  de  Guillaume  de 
Malaspina.  Point  de  doute  sur  ce  personnage,  attendu  qu'il 
paraît  avoir  été,  de  tous  les  nombreux  amis  de  Péguiiain, 
celui  de  qui  l'attachement  pour  ce  poète  fut  le  plus  sincère 
et  le  plus  durable.  D'ailleurs  ce  Guillaume  de  Malaspina, 
préfet  de  Rome,  fils  d'Obizzon,  frère  de  Conrad  et  neveu 
d'.Albert  le  troubadour,  est  le  seul  seigneur  de  la  branche 
régnante  de  cette  maison,  nommé  Guillaume,  pendant  deux 


M-,   .ll-luilll;! 
I  <»\        -  /'2.»  ,     fol 


OU  trois  générations. 


En  1245,  la  mort  de  Raimond  Bérenger  IV,  comte  de 
Provence,  fut  l'occasion  d'une  nouvelle  complainte. 

Enfin,  vers  la  même  année,  ou  peut-être  plus  tard,  la 
mort  d'une  princesse  de  la  maison  d'Est  renouvela  et  aggrava 
les  anciennes  douleurs  de  Péguiiain.  Son  chagrin  se  mani- 
festa dans  une  pièce  de  vers  dont  nous  allons  bicrtùt  parler. 
Rien  n'indique  d'une  manière  positive  qui  était  cette  prin- 
cesse ;  mais  il  est  facile  de  voir  qu'il  s'agit  de  Béatrix,  femme 
de  Guillaume  de  Malaspina ,  honorable  protectrice  que  le 
])oète  api>cllc  dans  ses  envois  Belh  paragon  [beau  modèle). 


aimkhk;  de  pkgijilain.  689 

Il  nous  dit  lui-môme  que  cette  dame  mourut  la  dernière  de 
tous  les  hauts  pcrsonnat^es  qui  lui  avaient  témoigné  un 
véritable  intérêt.  Alais,  dans  tous  les  cas,  la  mort  de  llai- 
niond  Bérenger  donne  une  époque  certaine,  éloignée  de 
cinquante  -  cinq  ans  environ  de  l'arrivée  d'Aiméric  chez 
Bergédan. 

Beaucoup  d'autres  pièces  produites  dans  les  intervalles 
que  laissèrent  entre  elles  ces  com|)iaintes  liistoricjues,  n'illus- 
trèrent pas  moins  la  longue  carrière  de  ce  jioète. 

C'est  par  l'amour,  nous  dit-il  dans  une  de  ses  pièces, 
(ju'il  Se  plaît  à  commencer  sa  chanson,  plutôt  qu.e  par  des 
peintures  de  toute  autre  sciericc;  car,  sans  l'amour,  il  ne 
saurait  rien.  Il  est  vrai  (pie  ce  maître,  avec  de  beaux  sem- 
blants, lui  a  traîtreusement  fait  payer  cher  ses  leçons;  à  la 
bouche  d'aborti  il  lui  sut  adoucir  ce  que  de[)uis  à  son  cœui' 
il  a  rendu  si  amei  ;  mais  il  ne  cesseia  [joint  d'aimer,  car  il 
lui  reste  du  moins  toujours  l'espérance. 


\IHSlEt:i.F.. 


De  fin   aiiior  comenza  ma  cliansos, 
■Plus  que  non  l'ai  île  nul!  'aiitra  scienza, 
Queu  no  sajjria  nient  s'ainfirs  no  fbs  ; 
El  anc  tan  car  no  conipii'i  conoisscn/a 
C'alj  l)el  semblan,  aissi  coni  fais  liaire, 
Me  vai  iloblan  cascun  jorii  lo  niarlire,  etc.  .  .  . 

Cette  pièce  est  adressée  au  roi  d'Aragon. 

Ce  poète  aime  les  comparaisons  :  malheureux  dans  son 
amour,  tantôt  il  se  compaie  au  joueur  qui  croit  d'abord 
pouvoir  jouer  sagement ,  et  qui ,  se  passionnant  peu  à  peu, 
s  engage  tellement,  s'il  vient  à  periire  ,  qu'il  ne  peut  plus  se 
retirer;  c'est  ainsi  qu'il  a  fait  en  amour. 

Atressi  m  pren  coni  fai  al  jiigatlor, 

Qu'ai  coniensar joga  maistiaiiiicn 

Al  petit  jog,  pois  s'esralfa  perden  ,  etc.  .  .  . 

Tantôt  il  se  compare  au  chasseur  (jui  poursuit  un  lièvre,  et 
voit  un  autre  chasseur  l'enlever  devant  lui. 


Pièce  comineii- 
lant  par  Di' fin 
nmor.  Mss.de  la 
liibl.  loy.  71126, 
loi.  ./A. 

iviss.  (lit  (le 
l'circsc  ,  chans. 
97- 


Picrctoninien- 
tant  par  AtressL 
m  picn.  Mss. 
7226,  f.  ()i. 

Mss.   lie  Pei- 
lesc  ,  ili.  ()g. 


Aissi  com  selli  qii'a  la  lebre  cassaila 
E  pois  la  pert ,  e  autre  la  rote; 
Tôt  atressi  es  avengut  a  me.  .  .  . 

11  aime  pour  le  plaisir  d'autrui,  semblable  à  l'oiseau  de 
Tome  XVI II.  Ssss 


Aisiicomsel/i. 
Mss.  7226  ,  fol. 
<jo. 

Mss.  72ï5,  f. 
i'i9- 


690  AIMERIC  DE  PEGUILAfN. 

XIIISIÈCLF..     ,  '  ,  .  Il  •  , 

bon  naturel  qui  gazouille  tristement  (Jans  sa  cage,  sachant 

bien  (|u'il  est  prisonnier  et  c|ue  son  chant  ne  lui  sert  à  rien. 


Per  solatz.  d  autrui  chaut  soven .  . 
Si  cotn  l'auzels  de  bon  aire 


7«i'j,f.oi.Ms5.  ^  1  ■  « 

7614    f  -8  Que  sab  qu  es  près,  e  per  so  no  s  recre, 

C'ades  mon  chant  atretal  es  de  me. 


Il  aime  malgré  lui  tendrement  une  dame  qu'amour  lui  a 
tait  choisir  parmi  les  plus  belles;  il  eût  mieux  fait  de  porter 
son  choix  ailleurs,  car  mieux  vaut  gagner  en  argent  que 
perdre  en  or;  mais  je  fais  en  cela,  dit-il,  comme  un  sincère 
amant,  je  fuis  mon  bien  et  vais  suivant  mon  mal. 

Mas  i«u  o  tatz  a  Icv  de  fin  nnian  , 

(Ju'ieu  t'ug  uioii   pro,  e  \,iui    sfi;uen  uimi  daw. 

Ces  deux  dernières  pièces  sont  adiessèes  par  un  double 
envoi  à  Guillaume  de  Malaspina  et  à  la  comtesse  Béatrix 
d'Est,  sa  femme;  ce  qui  nous  montre  que  le  prétendu  amour 
du  poète  n'est  qu'une  forme  galante  et  convenable  à  l'usage 
du  temps,  pour  dire  des  choses  agréables  aux  deux  époux, 
l'rois  autres  pièces  de  Péguilain  sont  pareillement  adres- 
sées par  de  doubles  envois  à  Guillaume  de  Malaspina  et  à 
Béatrix. 
„     ,  .  „,,        Dans  la  première,  commençant  par  ce  vers  :  En  anior 

Mss.  de  la  Bilil  r  '  o  i  i    •  1 

roy.  7226, 1.  87.  trob  alques  en  que  m  reftaing ,  le  troubadour  se  plaint  de  sa 

Mss.ditili  l'i'i-  dame, qui  refuse  constamment  d'accomplir  ses  promesses;  et 

'•■^C'  '  '  y         cependant  il  ne  peut  lui-même  se  détacher  de  l'amour;  car 

s'il  croit  lui  échapper,  il  suflit  d'un  regard  pour  le  ressaisir 

et  rallumer  ses  feux. 

D'aniar  ni)  ni  puosc  partir,  caniornii  pren , 
(^ue  (jiian  m  en  cuit  1  nd)lar,  plus  nii  repren 
Ab  un  esgard 

Dans  la   seconde,  commençant  par  Lonjanien  m'a  treha- 
Mss.driaRii.i    Ihat ,  il  dit  (|ue  l'amour  l'a  entièrement  soumis ,  que  la  ja- 
lousie le  tue,  et  qu'il  est  réduit  à  ne  pas  oser  se  plaindre,  tant 
il  craint  de  déplaire  à  sa  dame. 

La  troisième  de  ces  pièces  est  celle  où  le  poète  examine 
si,  dans  la  poétique  des  troubadours,  il  y  a  une  différence 
entre  ce  qu'ils  nomment  un  vers ,  et  ce  qu'ils  appellent  une 
chanson. 


lOV.      /"O  I    ,     (  I 


AIMÉRIC  DE  PÉGUILAIN.  691 


Xm  SIECLE. 


Mantas  vetz  sui  enqueritz 

En  rort,  cossi  vers  no  t.itz, 

Per  au'u'U  vuelli  si  anelatz,  ^'^".    ''^^  ' 

c       I       I     1       .  th.  iSa. 

E  sia    urs  lo  tli.mzitz ,  „  ,     , 

(.HAXSo  0  \  Elis  aqiu'st  clian  ;  <(„ 

E  resDon  als  (l'Mnaiidan 

Qu'oni  non  troba  ni  sap  ilevczio 

Mas  sol  lo  non»  entre  Veiis  e  Chanso. 

Maiiilci  fois  je  suis  ciifiuis 

En  coin-,  coiiiilKiil  VKRS  je  iir  f.iis, 

C't'Sl  ixiiiKiiioi  il'  vi'MX  (iiic  soit  appi-le, 

Etsokà  Jxk-clMMx,    '  •'  Trad.    do    M. 

Cl.a.ison  uu  vers  .  .■  <l.a>il;  Rajin.voy.Choii, 

El  je  npoiids  aii\  deinaïuhints ,  ""^  I   II ,  p.  1 77 

Qu'lioininc  ne  Ikiuvc  ni  ne  sait  division 
Extipti-  seuil  Mit  lit  le  nom  eiilie  vers  et  chanson. 

L'auteur  termine  sa  pièce  eu  lui  disant  dans  le  premier 
envoi:  «Va  ,  mon  chant,  vers  le  preux  (iuillaume  de  Malas- 
«  pina  ;  demande-lui  qii  il  apprenne  de  toi  les  paroles  et  l'air, 
a  soit  qu'il  veuille  te  pientire  pour  vers  ou  pour  chanson. 

Qu'el  aprenda  de  te  los  motz  e  I  son, 
Cals  que  s  voiila  per  vers  o  per  chanson. 

Il  dit  dans  le  second  envoi:  «  DameBéatrix,dequiles!ouan- 
«  ges  sont  dans  la  houi  lu^  des  hommes  les  plus  excellents, 
«  avec  vous  (je  dore)  j  orne  mon   vers  du  nom  de  chanson. 

Per  qu'ien  al)  vos  daiiri  mon  vers  chanson. 

Il  semble  suivre  de  ces  derniers  passages,  qu'on  traitait 
indistinctement  dai\s  le  vers  des  sujets  de  divers  genres,  et 
que  le  nom  de  chanson  se  dottnait  plus  particulièrement 
aux  chants  d  amoui. 

Nous  avons  déjà  fait  remarquer  cet  usage  fréquent  des 
poètes,  de  prêter  les  (ormes  d'une  passion  amoureuse  et  sans 
espoir,  aux -sentiments  d'amirié,  de  respect,  de  dévouement, 
que  leur  inspirait  une  d.ime  d'un  haut  rang  ou  d'une  haute 
vertu;  mais  il  est  bon  d'y  revenir  quelquefois,  pour  con- 
naître pleinement  les  mœurs  du  treizième  siètrle,  et  les  divers 
caractères  des  poésies  eroliques  des  troubadours. 

Nous  venons  de  parlei-  de  la  complainte  inspirée  à  Pégui- 
lain  par  la  mort  de  Guillaume  de  Mal.ispina.  Nous  avons 
dit  tju'il   eut  encore,    (juclques  années  après,   la    douleur 
de  voir   mourir  Bt'.itrix  d Mst ,  femme  de  ce  seigiu-ur  Le' 
complainte  qu'il  com[)usa  sur  cet  événement,  nous  prouva 

S  ss:ia 


A[MERIC  DE  Pl.GUILAIN. 


Xin   SIECLE. 


69  a 

qu'il  en  fut  réellement  inconsolable  (i).  Nous  ne  voyons  pas 
dans  ce  clinnt  funèbre  lu  désespoir  de  llambaud  de  \  achères, 
à  \n  mort  de  la  femme  dévouée  à  qui  leucliaîiiait  une  passion 
réciproque;  ce  sont  les  gémissements  de  l'amitié,  c'est  le 
sentiment  déchirant  de  lisolement  d'un  vieillard  qui  perd, 
à  la  fin  de  sa  carrière,  le  dernier  objet  de  ses  plus  chères 
affections. 

K  De  jour  en  jour,  elle  m'a  abandonné,  cette  joie  même 

Dr  >ot  rri  tôt.   «  qui  m'était  restée!  Sivez- vous  bien  pourcjuoi  je  suis  ainsi 

Mis.  de  la  tiM.    „  Jaus  le  dc'sespoir?  Cesl  à  cause  de  la  comtesse  Béatrix,  la 

w>  ■'^'^  '  "■   '    plus  aiinablo  .  la  plus  estimable  <lcs  femmes,  morte  aujour- 

'  r.iyn  riioi\ .   «  d'Iiui.  Dieu!  quelle  cruelle  séparation!  Elle  et  si  dure,  si 

t.  ni,  i>  .47.8.      ,(  intolérable;  j'en  éprouve  une  si  grande  doulcu:,  que  mon 

«  cœur  est  prêt  à  s'ai  r.icher  de  mon  sein  quand  j'y  songe. 

De  tôt  en  tôt  es  :ii  lio  ini  partit/, 

Aijuelh  evs  joys  tjiie  m  er;i  remiiziitz. 

Sal)ctz  ptT  que  suy  aissi  espeidiitz;' 

Per  la  l)ona  conitessa  Deatrix, 

Por  la  gensor  c  per  la  plus  valen 

Qu  es  mort'  uei.  Dieiis!  qiian  estran  partimeii! 

Tan  fer,  tan  dur,  don  ai  tal  dol  al)  nie 

Qu  al)  paue  lo  eor  nu  m  jiart  quan  m  en  sove. 

«  Oîi  est  maintenant  ce  beau  corps,  si  bien  façonné,  si 
a  précieux  ,  si  cher  aux  hommes  les  plus  distingués?.  .  . 

On  es  aras  sos  belhs  cors  gen  noiritz , 
(hic  fos  pels  l)OS  aniatz  e  car  tengulz:'.  .  .  . 


<(  Que  sa  conversation  t-tait  gaie  et  choisie  ,  son  accueil 
t(  gracieux  et  prévenant,  son  langage  pur  et  !>ien  conçu!  Que 
«  ses  réponses  étaient  aimables  et  laites  pour  plaire!  Que 
ff  SCS  regards  étaient  doux  et  sagement  riants,  ses  politesses 
«  élevées  et  di.stinguées!  De  tous  charmants  attraits  et  de 
«  beauté,  elle  possédait  plus  à  elle  seule,  qu'aucune  autre 
«  femme  du  monde ,  j'en  suis  persuadé. 


Quel  siens  solatz  era  gays  e  cliauzitz, 
t  l'aenllurde  ben  siatz  vengiitz, 
E  SOS  parlars  fis  et  apcrceubutz, 
F.  1  respondre  plazeiis  et  abelliitz, 


(i)   Papon  a  été  induit  en  erreur,  (juand  il  a  cru  que  cette  pièce  se  lap- 
Papon  ,   Ilîst.    pQj(;,ji  à  la  niort  de  Béatrix  de  Savoie,  femme  de  Rainiond  Bérenger  IV. 
del  104.  t.  II,  p.    (■ç,j,p  princesse  ne  mourut  que  veis  l'an  iî>.6-. 


« 


« 


AIMÉRIC  DE  PËGUTLAIN.  6g5 

E  SOS  esgars  dous  uil  pauc  en  rizen, 
E  SOS  onrars  plus  oiirats  d'onramen  ! 
De  totz  Los  ayps  avia  mais  ab  se, 
Qu'autra  ciel  mon  e  de  beutat,  so  cre. 

«  Qui  honorera  et  protégera  comme  elle  l'homme  de 
a  talent?  Qui  appréciera  comme  elle  les  beau\  ouvrages  des 
«  troubadours?  Qui  retirera  plus  noblement  un  indigent  du 
«  malaise?  Qui  goiitera  et  accueillera  comme  elle  de  belles 
«  chansons?  Qui  composera  comme  elle  de  beaux  airs  et  si 
bien  d'accord  avec  les  paroles?  Et  qui  connaîtra  si  bien 
ec  le  véritable  esprit  de  la  galanterie?  Dites-le  moi,  et  dites- 
moi  comment  et  pourquoi  cela  était;  quant  à  moi,  je  ne 
«  le  sais,  et  jamais  mon  cœur  n'a  vu  rien  de  semblable. 

Per  cui  er  hom  mais  onratz  e  servitz? 
Ni  per  cui  er  bos  trobars  entendutz? 
Ni  per  cui  er  hom  tan  gent  ereubutz? 
Ni  per  cui  er  belhs  molz  ris  ni  grazilz? 
Ni,  per  cui  er  belhs  cbans  fagz  d'avinen? 
Ni  per  cui  er  donineys  en  son  enlen? 
Uigatz  per  cui,  ni  cum  si,  ni  per  que? 
Icu  non  o  sai,  ni  mos  cors  non  o  ve. 

En  reconnaissant  ici  la  finesse  des  pensées  et  l'élégance 
du  langage  où  s'est  élevé  notre  troubadour,  le  lecteur  re- 
marquera sans  doute  le  portrait  qu'il  a  tracé  d'une  dame 
accomplie  des  hauts  rangs  de  la  société  du  treizième  siècle. 
Noble  maintien,  grâce  prévenante,  accueil  riant  et  réservé, 
pureté  du  langage,  conversation  spirituelle,  instruction, 
finesse  du  tact,  art  de  juger  les  vers  et  d'y  adapter  une  mu- 
sique expressive,  générosité,  bienfaisance,  sagesse,  vertu, 
voilà  ce  qu'exigeait  le  goût  sévère  d'un  excellent  troubadour. 
Les  modèles  d'une  semblable  réunion  de  qualités  exquises 
durent  être  rares,  comme  le  dit  Péguilain  ,  mais  il  s'en  trou- 
vait, et  il  faut  sans  doute  accorder  aux  poètes  l'honneur 
d'avoir  amené  la  civilisation  jusqu'à  ce  haut  degré,  du  sein 
de  l'ignorance  et  de  la  barbarie  qu'ils  voulaient  dissiper  par 
leurs  chansons. 

Mais  de  toutes  les  pièces  d'Aiméric  de  Péguilain ,  la  plus 
curieuse  pour  l'histoire  de  son  temps,  c'est  sa  complainte 
sur  la  mort  de  Raimond  Bérenger  IV.  La  princesse  Margue- 
rite ,  fille  aînée  de  ce  prince,  ayant  épousé  Louis  IX,  roi  de 
France,  et  Béatrix ,  la  plus  jeune,  ayant  été  unie  à  Charles 
d'Anjou  ,  frère  de  ce  roi ,  ces  deux  mariages  faisaient  passer 

4   7 


XUI  SIKCLE. 


XIII  SIECLE. 


'694 


AIMERIG  DE  PÉGUILAIN. 


Mb  mariineni 
angoissas .  Ms». 
7»»5,  fol.  198, 
ch.  8:6. 


la  Provence  inévitablement  et  pour  toujours  sous  la  puissance 
de  la  maison  de  France  :  c'est  là  ce  qui  excitait  les  regrets, 
pour  ne  pas  dire  la  colère  du  poète.  Il  gémit  à  la  fois  sur  la 
perte  qu'il  éprouve  lui-même,  par  la  mort  de  Raimond  Bé- 
renger,  et  sur  le  malheur  public  qu'il  regarde  comme  une 
suite  infaillible  du  mariage  de  Béatrix.  «  Dans  la  tristesse  et 
tf  dans  les  pleurs ,  dit- il,  je  supporte  malgré  moi  la  vie, 
a  puisque  la  mort  ne  veut  pas  m'en  délivrer.  Désormais  ils 
«  vivront  dans  la  douleur  les  Provençaux;  car,  au  lieu  d'un 
«  bon  seigneur,  ils  vont' avoir  un  sire. 

Oimais  viuran  Provensals  a  dolor, 
Carde  valen  seijjnor  tornen  en  sire, 

rt  Ah,  Provençaux,  en  quelle  grave  désolation  vous  êtes 
«  maintenant  restés,  et  en  quel  déshonneur!  Divertisse- 
«  ments,  jeux,  plaisirs,  joie,  rire,  honneur,  gaîté ,  sent 
«  perdus  pour  vous,  et  vous  êtes  tombés  dans  les  mains  de 
a  ceux  de  France.  Mieux  vous  viendrait  être  tout  à  fait  morts, 
a  Et  celui  par  qui  vous  pourriez  être  relevés,  ne  trouve  en 
«  vous  ni  loyauté  ni  confiance! 

Ai,  Pit)veiiçals,  er  en  grieu  desconori 
Elz  remangut  et  en  quai  desonianza! 
Perdutz  avetz  sulalz,  juec  et  déport. 
Et  elz  vengut  en  ma  de  cel  de  Franza  ! 
Meils  Tos  vengra  que  fossiatz  del  tôt  mort. 
E  cel  per  qui  pogratz  esser  estort 
Non  irob'  en  vos  leulatz  ni  Ëanza  (i). 

o  Hélas!  mal  pourvus  de  seigneur  et  de  fiefs  (de  seigneurs), 
«  qui  jamais  ne  vous  bâtiront  village,  ni  château  fort,  serfs 
«  des  l'Vançais,  ni  par  droit  ni  à  tort,  vous  n'oserez  porter 
«  écu  ni  lance. 

Ai,  mal  astrucs  de  seigner  ed'onranza. 
Qu'us  faran  mais  villa  ni  castel  fort, 
Sers  dels  Frances,  que  per  dreg  ni  per  tort, 
No  auzeretz  portar  escut  ni  lanza. 

Nous  avons  déjà  rencontré  plusieurs  fois  la  preuve  de 
cette  répugnance  poui'  le  gouvernement  des  Français,  qu'é- 
prouvaient, à  l'époque  dont  nous  parlons,  les  habitants  du 
midi  de  la  Loire.  L'idée  de  perdre  leur  n  itioiialité,  leurs 
lois,  leur  régime  politique,  leurs  fêtes,  leur  langue,  leur 

(i)  Apparemment  le  fils  de  Jacques  F',  roi  d'Aragon,  qui  avait  demanda 
la  main  de' Béatrix. 


AIMERIC  DE  PEGUILAIN.  696 

musique,  blessait  des  affections  profondes,  et  portait  quel- 
quefois les  esprits  jusqu'à  l'exagération.  Pour  reconnaître 
la  cause  de  ce  sentiment,  qu'avaient  aggravé  les  persécutions 
exercées  contre  les  Albigeois,  il  faudrait  peut-être  remonter 
jusqu'aux  guerres  des  Francs  contre  les  Goths,  ce  qui  est 
hors  de  notre  sujet. 

Quand  Aiméric  de  Péguilain  célébrait  ainsi  les  hautes 
qualités  de  Raimond  Bérenger  et  de  Béatrix  d'Est,  il  était 
plus  que  septuagénaire,  et  sa  verve,  comme  on  voit,  n'avait 
rien  perdu  du  leu  de  la  jeunesse.  Sa  carrière  avait  été  heu- 
reuse et  brillante.  A  quelques  étourderies  de  jeune  homme, 
avait  succédé  une  conduite  sage  et  réglée,  li  s'était  acquis 
l'estime  des  princes  dont  il  avait  fréquenté  lescours.  On  peut 
dire  qu'Alphonse  IX,  roi  de  Castille,  Pierre,  roi  d'Aragon, 
llaimond  Bérenger  I\ ,  Guillaume  de  Malaspina,  étaient  deve- 
nus ses  amis  ;  il  avait  même  acquis  quelque  fortune,  comme 
nous  l'apprennent  les  épigrammes  de  Figuières;  ce  qui  nous 
montre  <^ue  la  profession  de  troul)adour  pouvait  devenir  lu- 
crative, surtout  lorsqu'elle  était  relevée,  ce  qui  arrivait  fré- 
quemment, par  des  habitudes  honorables.  Si  nous  en  croyons 
Nostradamus,  il  mourutchez  une  dame  de  Malaspina  en  1 260. 
Il  est  vraisemblable  que  cet  écrivain  commet  ici  une  légère 
erreur,  puisque  le  poète  survécut  à  sa  noble  amie  Béatrix  d'Est, 
veuve  du  marquis  Guillaume.  Nous  acceptons  donc  la  tra- 
dition de  Nostradamus,  seulement  comme  approximative,  et 
nous  supposons  la  mort  de  ce  poète  arrivée  vers  l'an  laSj, 
époque  où  il  était  âgé  de  plus  de  quatre-vingts  ans. 

Ce  troubadour  a  joui,  de  son  vivant  et  long-temps  encore 
après  sa  mort,  d'une  grande  célébrité.  Pétrarque  a  fait  men- 
tion de  lui,  dans  des  vers  que  nous  devons  répéter  à  l'oc- 
casion de  chacun  des  troubadours  qu'ils  concernent.  C'est 
dans  le  quatrième  chant  de  son  Triomphe  de  V Amour , 
lorsqu'il  peint,  à  la  suite  du  char  sur  lequel  est  monté  le 
jeune  dieu,  les  poètes  qui  ont  le  plus  dignement  honoré  son 
culte.  Je  vis,  dit- il,  Pindare,  Anacréon,  Virgile,  Ovide, 
Tibulle;  ensuite,  parmi  les  nombreux  troubadours,  je  vis  à 
leur  tête  Arnaud  Daniel ,  grand  maître  en  amour,  Rambaud, 
l'amant  de  Béatrix  de  Montferrat ,  Aiméric  (de  Péguilain), 
Bernard  (  de  Ventadour). .  .  . 

Amerigo ,  Bernardo  ,  Ugo  et  Anseimo, 

Et  mille  uitri  ne  vidi  a  cui  la  lingua 

Lancia  e  spada  tu  sempre ,  et  sriido  et  elino. 


XUl  SlKCLt. 


GgG  AIMERIC  DE  PÉGUrLAIN 

Matfre  Ermeiigaud  de  Béziers,  troubadour  lui-même,  qui 

florissait  au  commencement  du  quatorzième  siècle,  a  inséré 
un  g^rand  nombre  de  fragments  de  ses  poésies,  dans  son 
Recueil  intitulé  :  Z>e  Bréviaire  d'amour  [Breviari  (famor). 
Il  subsiste  dans  divers  manuscrits  cincjuante  pièces  envi- 
ron d'Aiméric  de  Péguilain.  M.  Raynouard  en  a  publié  six; 
plus,  des  fragments  de  huit  autres,  dont  il  a  traduit  plusieurs 
en  français. 

Mais  une  remarque  plus  imj)ortante  doit  nous  occuper, 

au  moment  où  nous  terminons  la  série  actuelle  de  l'histoire 

des  troubadours,  comme  elle  a  frappé  |)lusieurs  auteurs  des 

Histoires  littéraires  de  l'Italie.  La  longue  carrière  d'Aiméric 

de  Péguilain  marque  l'époque  la  plus  brillante  du  règne  de 

la  langue  des  troubadours.  Déjà  avant  son  arrivée  en  Italie, 

fait  qui  eut  lieu  en  1201,  on  y  chantait  les  vers  d'un  grand 

nombre  de  troubadours  languedociens  et  provençaux,  et  ils 

y  étaient  compris  et  goûtés,  comme  nous  l'avons  fait  voir, 

non   seulement  des  personnes  d'un   rang  distingué,  mais 

Danif ,iiPui-  encore  du  peuple.  Ces   poètes  étaient  notamment   Arnaud 

satoiio  ,    cani.  Daniel  ,    «  le  plus  excellent  fahricaleur  dans     sa    langue 

'^^Péiiai  la      "^  maternelle,  dit  le  Dante,  meglior  fabro  ciel  parlar  ma- 

Tiiomf.d'Amoi!   «  temo ;  n   Amaud  Daniel ,  disons- nous,  qui,  suivant  l'ex- 

cap.  IV.  pression  de  Pétrarque,  avait  honoré  son  pays  natal  par  un 

langage  nouveau  et  brillant,  che  alla  sua  terra  ancor  Jd 

onor  col  suo  dir  nuovo  e  bel  la  ;  Arnaud  de  Mareuil,  Pierre 

d'Auvergne  ,    Raml)aud     d'Orange  ,    Giraud    de    Borneil  , 

Augier   et   beaucoup   d'autres   dont    on   avait  recueilli   les 


ouvrages. 


Sous  le  règne  de  Boniface  III,  dans  le  Montférrat;  d'A- 
7,011  VI ,  dans  les  domaines  de  la  maison  d'Esl  ;  d'Albert  et  de 
(juillaume  de  Malaspina,  dans  le  duché  de  Massa,  on  y  vit 
arriver,;»  j)eu  près  en  même  temps  que  Péguilain,  Pierre 
Vidal,  Cadenet,  Guillaume  Faidit,  Rambaud  de  Vachères, 
Albert  de  Sisteron ,  Arnaud  Catalan,  Folquet  de  Romans, 
Jean  d'Aubusson ,  Guillaume  de  la  Tour,  Hugues  de  Saint- 
Cyr,  Aiméric  de  Bellenvei;  et  pendant  la  guerre  des  Albi- 
geois, Guillaume  Figuières,  Bertrand  d'Aurel ,  Lambert, 
Pavés  ,  Pierre  Brémond  de  Ricas  Novas  ,  Ralmentz  Bistors, 
Rambeau  de  Beaujeu ,  et  d'autres  dont  nous  parlerons  plus 
tard. 

La  langue  et  le  chant  des  troubadours  sympatnisaient  trop 
bien  avec  les  dispositions  naturelles  des  peuples  de  l'Italie, 


AlMÉRIC  DE  PÉGUILAIN.  697 


Xm  SIKCLH. 


pour  qu'ils  n'y  trouvassent  pas  des  imitateurs.  Pendant  les 
cinquante  années  du  séjour  de  Péguilain  dans  ces  contrées, 
s'élevèrent  de  tontes  parts  des  poètes  qui,  charmés  des  pro- 
ductions de  leurs  hôtes,  chantèrent  dans  la  même  langue, 
sur  les  mêmes  rhythnies,  et  sur  des  sujets  entièrement  sem- 
blables, soit  galants,  satiriques  ou  politiques.  Ce  furent 
Albert  de  Malaspina,  dans  la  Lunegiana ;  le  marquis  Lanza, 
à  jMilan;  Nicoletto  de  Turin,  de  qui  nous  avons  déjà  parlé; 
Barthélémy  Zorgi ,  natif  de  Venise;  Lantranc  Cigala,  Boni- 
face  Calvo  ,  Simon  Doria ,  Jacques  Grillo,  tous  originaires  de 
Gênes;  la  dame  Guillelma  de'Rosieri,  vraisemblablement 
de  la  même  ville;  Paul  Lanfranc  de  Pistoie,  d'autres  disent 
de  Pise;  Sordel  de  Mantoue,  comptés  tous  parmi  les  trou- 
badours, et  de  qui  nous  [larlerons  dans  le  volume  suivant. 
L'Italie,  qui  commençait  à  peine  à  pressentir  le  génie  de  sa 
langue  nationale  ,  semblait  chercher  à  s'approprier  celle  des 
poètes  aragonais,  languedociens  et  provençaux,  dont  les 
éléments  étaient  les  n^êmes  que  ceux  de  la  tienne  propre. 
Rt  comment  ne  pas  remarquer  quec'est  en  ce  moment  même 
que  se  forme  ce  nouvel  instrum  nt  donné  au  génie,  cette  lan- 
gue douce ,  sonore,  riche  d'images,  si  heureusement  disposée  • 
il  s'unir  avec  la  musique  la  langue  du  Dante  et  de  Pétrarque.^ 
Et  comment  douter  aussi  de  l'influence  qu'ont  exercée  sur 
cette  heureure  création ,  les  prédécesseurs  de  ces  deux  poètes.»* 

Le  Bembo  a  parlé  clairement  de  cette  influence  des  trou-  B.mbo  UPro- 
badours  sur  l'Italie,  et  il  ajoute  :  «  Plus  de  cent  poètes  se,  lib.  i,  p.  20, 
a  provençaux  se  lisent  encore  aujourd'hui  parmi  nous;che  «^Vencu  1675. 
«  piu  di  cento  suol  poeti  ancora  si  leggono.  » 

Le  Varchi  dans  son  traité  sur  les  langues,  en  forme  de      B.Varchi,rEr- 
dialogue,  intitulé  Ercolano.  se  fait  demander  par  son  inter-  '^^'''""-  ^^-  f'' 
locuteur  :  Diteini  di  quante  e  quali  lingue  voi  pensate  che  sia  ^"^  p.'  ^uti  ' 
principalmente  composta  la  Volgar?  Et  il  vé\^o\\à:  Di  due, 
delta  Latina ,  e  délia  Provenzale. 

Le  Tassoni,  qui  avait  fait  une  étude  particulière  des  ouvra-  .  *'"'•  t»sso- 
ges  des  troubadours,  cite  des  passages  recueillis  dans  des  "j'^J,;  ""''ra"*û 
vers  d'environ  trente-six  de  ces  poètes,  comme  des  sources,  rime  di  Kr.  po- 
soit  de  mots,  soit  de  formes  de  la  langue  italienne  (1).  «r«rch«. 

François  Redi ,  dans  ses  notes  sur  son  propre  dithyrambe  Fiam_.  Redi, 
intitulé:  Bacco  in  Toscana,  a  puisé  des  passages  semblables  Bacco  m  Tosca- 

,  ,  j  1        I      "^  ^    •  I      >  1  •  »  .  na ,  t.  I ,  opp.  p. 

dans  plus  de  trente  troubadours,  et  u  sexplique  a  ce  sujet  ,6y,  ed  Milan, 

1809,  '\a-V. 
(i)  Aiméric  de  Péguilain  est  souvent  cité  danj  ce  travail. 

Tome  XVUL  T  ttt 

4  7    « 


698  AIMÉRIC  DE  PÉGUILAIN. 

XIII  SIÈCLE. 

en  ces  termes  :  /  qunh  (  Trovato  riprovenzali  )  ne'  tempi  che 

fiorirono  misero  in  cosi  gran  lustra  e  prcgio  la  loro  lingua, 
che  ella  era  intesa  e  adopernta  quasi  fia  tutti  coloro  che pro- 
fessa^'ano  con  le  lettere  gentilezza  di  cavalleria ,  e  di  carte, 
non  salamente  ne' paesi délia  Francia,  maaltresi  nella  Ger- 
ma nia  ,  neV  Inghitelterra  e  nelV  Jtalia. 

Kniin  lu  langue  italienne  essaya  son   vol  dans  les  poésies 

de  Guiftone  d'Arfzzo,de  Guido  Gninizzelli,  de  Guido  Caval- 

Gin6uené,Hist.  canti.  Bientôt  après,  le  Dante  parut,  et  nul  mieux  que  lui, 

liit.  d'itniie ,  ch.  parmi  les  auteurs  italiens,  si  ce  n'est  Pétrarque,  ne  s  est  plu 

Îd'paris''i8'i  '  ^  reconnaître  l'influence  que  les  troubadours  ont  exercée  sur 

D«Die,Purga-  I»  langue  et  la  poésie  de  son  pays.  On  sait  que  ce  poète  ren- 

ior.c»ni.xxvi,  contraiit  Amaud  Daniel,  dans  sa  fiction  du  Purgatoire ,  écrit 

■   '^*''  lui-même  en  huit  vers  provençaux,  la  prière  que  lui  adresse 

Crescim.  Deir  ce  patriarche  des  Muses  provençales  (1). 

'*'^''''n''"'^        Tous  ces  faits  ont  paru  à  Crescimbeni  si  bien  constatés, 

qu'en  publiant  sa  traduction  des  Fies  des  troubadours ,  de 

Nostradamus,  enrichie  de  ses  notes,  et  faisant  suite  à  son 

Istoria  délia  volgar poesia  ,  il  a  placé  au  frontispice  ces  mots 

relatifs  à  ces  poètes  provençaux ,  chefurano  Padri  délia  detta 

poesia  volgare.  E — D. 

(i)  Une  preuve  que  la  langue  des  troubadours  était  non  seulement 
familière  aux  écrivains  italiens  tiu  treizième  siècle,  mais  encore  à  toutes  le» 
personnes  qui  fréquentaient  les  cours  ,  c'est  que  le  Dante  a  écrit  en  pro- 
vençal très-pur.  I^ics  vers  dont  nous  parlons,  ayant  été  défigurés  jusqu'à 
devenir  presque  inintelligibles ,  par  les  copistes  et  ensuite  par  les  éditeurs 
•  de  la  Divina  Commedia,  dans  des  temps  où  la  langue  provençale  ne  leur 
était  presque  plus  connue,  il  a  suffi  à  M.  Raynouard,  si  profondément 
versé  dans  la  connaissance  de  cette  littérature,  de  rapprocher  les  différents 
manuscrits  pour  rétablir  le  langage  du  Dante  dans  sa  correction  primitive. 
«  J'y  suis  parvenu,  dit-il  à  ce  sujet,  sans  aucun  déplacement  ni  cfîangement 
•  de  mots,  parle  simple  chois  des  variantes.»  On  peut  voir  à  ce  sujet  l'article 
qu'il  a  inséré  dans  le  Journal  des  Savants  (  février  i83o).  M.Artaud,  dans 
sa  précieuse  édition  de  la  Dimna  Commedia,  s'est  conformé  aux  corrections 
de  ce  savant  littérateur  (  Paris ,  i83o,  Purgat.  tom.  III ,  p.  80  ). 


XIU  SIECLE. 


TROUVÈRES. 


Li\  plus  brillante  période  de  la  littérature  française  du  moyen 
Age  commença  vers  le  milieu  du  xii'  siècle,  et  ne  finit  qu'à 
la  (in  du  xiii*.  C'est  ce  que  uous  croyons  avoir  suffisjimnient 
exposé  dans  notre  Discours  préliminaire  (tome  XVI);  ce  que 
nous  avons  prouvé,  ce  que  nous  prouverons  encore  mieux 
dans  ce  tome-ci  et  ceux  qui  le  suivront,  par  nos  notices  sur 
le  nombre,  vraiment  prodij^ieux  ,  d'auteurs  dans  tous  les 
genres,  qui  ont  fleuri  dans  cette  même  période. 

Mais  de  toutes  les  brandies  de  la  littérature  qui  furent  cul- 
tivées en  ce  temps  avec  zèle  et  succès,  aucune  ne  se  montra 
plus  féconde  que  la  poésie.  La  poésie  semblait  être  deverme 
un  besoin  de  la  société.  Il  fallait  Atis  jjoëmes  pour  toutes 
les  classes  de  la  nation  :  des  romans  en  vers,  des  chants 
d'amour  et  de  chevalerie  dans  les  châteaux;  des  légendes  ri- 
mées  dans  les  couvents,  dans  les  villages  et  les  hameaux;  des 
fabliaux,  des  contes  ordurierset  des  chan.sons  de  même  espèce 
dans  les  villes,  pour  les  artisans  et  les  villains.  C'était  en  vers 
qu'on  traitait  de  physique,  d'agriculture,  de  religion,  de  mo- 
rale. Tout  s'écrivait  en  vers:  les  actions  héroïques  comme  les 
événements  les  plus  vulgaires;  les  moralités  conwne  les  anec- 

J^l  I  A    \  ^     \     ■  '•!  I  VoirlcFâbliM: 

dotes  les  plus  scandaleuses;  tout,  jusqu  a  des  observations  sur  ^a  Baiaiiiedet 
le  mérite  des  vins  de  divers  «-rus,  et  des  quolibets  sur  des  W/i.,- le  Fabliau: 
noms  de  rues,  sur  les  crisde  Paris,  etc.,  etc.  Les  mes  de  Pa- 

Ce  fut  le  beau  temps  de  la  menestrellerie  et  de  la  jonglerie,  faùiau»  de  Bar 
I.'art  de  rimer  sur  toutes  sortes  de  sujets,  et  l'art  moins  ho-  baxan.  «dit.- de 
iiorable  de  réciter  ou  de  chanter  ces  compositions  poétiques,  *'«^"- 
en  y  joignant  des  tours  d'adresse  et  des  boulfonneries,  atti- 
rèrent long-temps,  sur  ceux  qui  les  cultivaient,  de  la  consi- 
dération et  des  bienfaits.  Mais  \e^  jongleurs  se  multiplièrent 
à  l'excès,  se  formèrent  en  corporations  nomades  (pii  pai cou- 
raient les  diverses  contrées  de  la  France,  avec  femmes  et  en- 
fants, comme  les  parcourent  encore  aujourd'hui  quelque» 
bandes  de  saltimbanques.  La  licence  de  leurs  mœurs  devint 
telle  qu'il  fallut  tantôt  les  as.sujettir  à  des  règlements,  taniôt 
chercher,  mais  vainement,  à  les  expulser  du  pays.  Ce  fut  alors 
qu'ils  se  dispensèrent  le  plus  souvent  de  recourir  aux  me- 

Tltta 


700  TROUVÈRES. 

XIII  SIKCLE. 

nestrels  pour  se  procurer  des  poèmes;  ils  en  composaient 

eux-mêmes.  Il   paraît  que  dès   le  commencement  du  xiv^ 
sièc\f  ^  ménestrels  el  jongleurs  n'étaient  plus  distingués  les 
uns  des  autres  par  la  diversité  de  leurs  emplois.  La  menes- 
trellerie  et  la  jonglerie  ne  faisaient  plus  qu'un  métier  que 
ménestrels  et  jongleurs  exerçaient  en   commun.   En  etiet, 
nous  voyons   qu'à   Paris  ils  habitaien):  ensemliie  un  même 
quartier,  une  même  lue.  C'est  ce  qui  nous  semble  démontré 
Bii.i.oy.niss.  par  uue  ordonnance  d'un  garde  de  la  prévôté  de  Paris,  pro- 
fouds.ieSorbou-  mulguéc  cu  Septembre  de  l'an  iSai  ;  ordonnance  qui  nous  a 
Be. n.  7,9.  été  conservée,  du   moins  en   partie.  C'était  dans  cette  rue 

même  et  non  ailleurs  que  l'on  devait  se  rendre  pour  engager 
ceux  des  jongleurs  ou  jongleresses  dont  on  voulait  employer 
les  talents  dans  une  fête  quelconque.  JNous  avouons  hundile- 
ment  que  nous  ne  comprenons  pas  bien  les  motifs  de  la  plupart 
des  di.spositions  que  contient  ce  vieux  document  ;  mais  il  est 
du  moins  une  preuve  de  l'état  de  dégradation  dans  lequel  était 
tombée  l'institution  de  la  menestrellerie.  Ce  n'était  plus  le 
temps  où  les  Taillefer  et  les  Berdic  marchaient  avec  les  rois 
à  la  tête  des  armées;  ce  n'étaient  plus  ces  chantres  de  la  gloire 
et  de  l'amour  que  les  princes,  les  châtelains  appelaient,  rete- 
naient près  d'eux,  à  qui  ils  distribuaient  de  l'or,  des  habits  pré- 
cieux, à  (jui  même  ils  donnaient  des  terres  et  des  fit'fs  nobles 
en  récompense.  Mais  il  faut  dire  aussi  qu'à  cette  époque  de 
décadence,  les  mœurs,  l'esprit  général  delà  nation  française 
avaientsubi  une  révolution.  Elleétait  passée  l'époque  héroïque 
des  croisades;  les  âmes  avaient  perdu  beaucoup  de  leur  en- 
thousiasuie,  de  leur  vigueur;  il  ne  leur  était  guère  resté  que 
de  l'ignorance  et  fies  préjugés  religieux.  Rien  d'étonnant  si  la 
poésie,  que  l'on  avait  cultivée  avec  tant  d'affection,  était  alors 
négligée ,  presque  méprisée,  et  si  l'on  s'empressait  de  remettre 
en  prose  les  productions  poétiques  que  naguère  on  avait  le 
plus  admirées. 

Dans  le  document  que  nous  venons  de  citer,  il  est  fait 
mention  de  nienestrelles  et  de  jongleresses.  Ainsi  nul  doute 
qu'au  commencement  du  xiv*  siècle,  des  femmes,  et  en  très- 
grand  nombre,  exerçaient  cette  profession.  Pourquoi  donc 
ne  trouvions-nous  dans  les  deux  siècles  précédents  aucune 
trace  de  jongleresses  ni  de  menestrelles  } 

Une  femme  poète  (Marie de  France),  une  seule  s'était  il- 
lustrée par  des  lais  et  des  fables,  dans  le  xiii^  siècle;  mais 
il  nous  eût  répugné  de  la  ranger  parmi  ces  jongleurs  nomades 


TROUVÈRES. 


JO] 


et  de  mœurs  dissolues,  elle  qui  nous  paraît  avoir  toujours 
vécu  dans  les  cours,  et  dont  les  écrits  sont  remarquables 
par  leur  décence  et  leur  délicatesse. 

C'était  donc  pour  nous  une  question  que  celle  de  l'exis- 
tence de  véritables  jongleress€i\i  dans  les  deux  beaux  siècles 
de  la  jonglerie.  Grâce  aux  recherches  qu'a  bien  voulu  faire, 
sur  notre  invitation,  M.  Paris,  si  bien  connu  par  les  éditions 
qu'il  publie  des  ouvrages  de  nos  plus  anciens  poètes,  nous 
pouvons  prouver  par  un  monument,  par  un  seul  monument, 
il  est  vrai ,  qu'il  y  avait,  au  moyen  âge,  des  jongleresses  qui 
allaient,  comme  les  jongleurs,  de  châteaux  en  châteaux,  de 
villes  en  villes,  chantant  et  récitant  des  fabliaux,  des  lais, 
des  romances  (i). 

Une  question  plus  importante  divise,  en  ce  moment, 
deux  savants  académiciens ,  qui  s'occupent  depuis  long-temps 
de  recherches  actives  sur  la  langue ,  la  poésie  et  les  poètes  au 
moyen  âge. 

(i)  Voici  la  note  qui  nous  a  été  communiquée  par  M.  Paris. 
«  Dans  le  roman  de  Bernées  de  Hanstorie,  qui  semble  avoir  été  composé 
vers  le  milieu  du  xiii'  siècle,  Josiane,  la  première  maîtresse  de  Beuves , 
ayant  appris  que  son  amant,  en  épousant  la  fille  du  roi  de  Séville,  a  pro- 
mis de  ne  jamais  retourner  à  Hanstone,  prend  la  résolution  de  se  rendre 
à  Séville,  déguisée  en  jongleresse.  Quand  elle  est  arrivée,  elle  aperçoit 
Beuves  qui,  monté  sur  son  bon  cheval  Arondel,  allait  chasser  dans  une 
forêt  voisine  : 

Kle  sospire  et  Beuves  chevalca 

Tant  que  li  plot,  e  il  s'en  retorna. 

Et  Josi:ine  bien  {;aiile  s'en  donna 

D'unes  fenestres  hautes  où  ele  esta. 

Quant  ele  voit  que  la  vile  aprocha , 

Prent  sa  viele,  <Je  l'ostel  s'en  torna. 

Vient  as  eslaus  >  où  ele  s'asiéia; 

Tote  la  gent  enlor  lui  aiina. 

Quant  voit  Buevon,  à  canter  comenchii 

Si  faitement  com  je  vos  dirai  jà 

Des  aventures  qui  lor  avient  piechà  : 

«  Oies,  signer,  por  Dieu  qui  ne  menti, 
«  Boine  caiichon  dont  li  vers  suiit  furoi, 
"  C'est  de  Buevon  un  chevalier  ardi; 
0  La  soie  mère  en  qui  flans  il  nasqui 
K  Li  porracha  mortel  plait  et  basti; 
Il  Vendre  le  fist,  che  sa-je  bien  de  fi, 

•  Al  roi  Hermin  que  soèf  le  norri. 
«  Cil  daraoiseus  à  sa  fille  servi, 

•  Si,  li  garda  un  destrier  arabi, 

«  Moult  bien  rcsamble  celui  que  je  voi  cbi, 
«  C'est  Arondel,  onques  millor  ne  vi , 
«  Si  l'appeloient  cil  qui  l'orent  norri.» 


Xni  SIK'l  1 


■  Sm  l> 
publique. 


plïcf 


XIUSIECLK. 


702  TROUVÈRES. 

L'un(M.  Raynouard)  pense  que  la  langue  fies  trouvères  est 
une  émanation,  une  tille  de  la  lanj^ue  des  troubadours^  la- 
quelle était  formée  et  perfectionnée  long-temps  avant  l'autre. 
11  en  induit,  par  une  conséquence  assez  juste,  que  les  pre- 
mières chansons  en  langue  romane  ont  été  composées  par 
des  Provençaux  ,  et  il  fait  entendre  ,  s'il  ne  le  dit  pas  explici- 
tement, que  les  trouvères  n'ont  été  que  des  imitateurs  et 
souvent  des  traducteurs  des  poètes  du  Midi. 

L'autre  savant  (M.  de  la  Rue),  après  avoir  recherché  quelle 
a  été  lorigine  de  la  langue  française,  l;i  fait  naître  directe- 
ment et  sans  intermédiaire  de  la  langue  latine,  altérée  et  cor- 
rotnpue;  il  re|)ousse  toute  idée  de  communauté  primitive 
de  la  langue  des  trouvèies  avec  celle  des  troubadours.  Enfin, 
il  n'accorde  nullement  à  ces  derniers  la  gloire  d'avoir  été  les 
maities  îles  trouvères  dans  la  poésie  tant  lyrique  qu'épique 
ou  héroïque. 

Ces  deux  opinions  si  opposées  ont  été  soutenues  des  deux 
part.-)  avec  chaleur  et  talent.  Chacun  s'est  ;ippnyé  sur  des 
monuments  qu'il  regarde  comme  incontestables  :  tous  deux 
combattent  pour  la  gloire  de  leurs  pays  respectifs  (l'un  est 
provençal,  l'autie  normand),  avec  un  zèle  très-louable.  Avant 
d'exprimer  notre  opinion  particulière,  nous  lais.serons  la 
lutte  durerencore  queU|ue  temps,  lien  ré.sulte  poui  tiousun 
avantage,  c'est  de  profiter  des  recherches  que  font-  les  deux 
athlètes  pour  se  procurer  des  arguments,  ou,  si  l'on  veut, 
des  armes.  Darjs  l'état  actuel  de  bi(juestion,  que  |)ourrions- 
nous  mettre  dans  la  balance  pour  la  faire  pencher  de  l'un  ou 
de  l'autre  côté.-'  des  conjectures.  On  n'en  admet  que  trop 
souvent  dans  les  discussions  littéraires. 

Tout  ce  que  nous  nous  pe>mettrons  d'observer,  c'est  que  si 
l'on  jugeait  du  mente  des  poètesdescontrée.ssituéesaunordde 
la  Loire,  sur  le  nombre,  la  variété,  I  intérêt  de  leurs  produc- 
tions comparées  à  celles  des  poètes  des  autres  pays,  à  la 
même  époque ,  on  ne  pourrait  refuser  aux  premiers  sans 
injustice,  la  palme,  la  prééminence. 

Quelle  fécondité,  et  souvent  que  d'imagination  et  de  ta- 
lent ne  remarque-t  on  pas  dans  les  trouvères  qui  ont  fleuri 
pendant  la  période  séculaire  de  la  poésie  romane!  Il  en  est 
plus  d'un  qui  a  pu  se  vanter,  à  la  fin  de  sa  vie,  d'avoir  composé 
j)lusdecin(^  à  six  cent  mille  vers.  Les  poèmes  cpn  nous  restent 
d'eux  forment  une  partie  notable  des  «olltclions  île  manu- 
scrits du  moyen  âge.  Et  si  l'on  jette  un  coup  d'œil  sur  les 


TROUVERES.  7o3 

catalogues  des  bibliothèques  tant  de  l'Angleterre  que  de 
diverses  contrées  de  TAliemagnc,  sur  ceux  de  la  Suisse,  de 
l'Italie,  surtout  de  Rome,  on  sera  surpris  du  nombre  presque 
incalculable  de  productions  poétiques,  en  langue  romane, 
que  contiennent  ces  vastes  dépôts  littéraires. 

On  doit  sentir  qu'il  nous  serait  impossible  de  faire  connaître 
en  détail  tant  de  poètes  et  tant  d'ouvrages.  Nous  avons  dû 
notis  borner  à  rechercher  ceux  de  ces  poètes  qui  se  sont  le 
plus  distingués,  et  à  examiner,  le  plus  brièvement  possible,  les 
productions  qui  leur  ont  acquis  le  plus  de  célébrité,  et  celles 
surtout  dont  les  auteurs,  inconnus  jusqu'à  présent, méritent 
de  sortir  de  leur  obscurité.  La  tâche  sera  moins  pénible,  mais 
assez  longue  encore;  car  en  considérant  le  nombre  de  ces 
trouvères  et  des  poèmes  sur  lesquels  il  nous  reste  à  publier 
des  notices  ,  nous  prévoyons  que  la  poésie  occupera  une 
place  très-considérable  dans  les  volumes  qui  doivent  com- 
pléter l'histoire  littéraire  du  xiil'  siècle  (i). 

A.  D. 

(i)  En  avouant  ici  qu'il  ne  nous  sera  possible  d'analyser  que  les  ou- 
vrages les  plus  importants  de  nos  anciens  poètes ,  nous  devons  ajouter 
que  nous  n'en  ferons  pas  moins  connaître  ceux  de  ces  poètes  auxquels 
nous  n'aurons  pu  accorder  d'amples  notices. 

Notre  projet  est  de  former  une  liste,  aussi  complète  que  possible,  de 
tous  ceux  dont  il  nous  est  parvenu  quelque  production.  Celte  liste,  déjà 
commencée,  contiendra  le  nom  du  poète,  et,  si  nous  parvenons  à  les 
connaître,  l'époque  et  le  pays  où  il  a  vécu  ;  le  titre  et  le  sujet  de  ses  com- 
positions ;  enfin  l'indication  des  blbliotbèques,  tant  publiques  que  parti- 
culières, qui  possèdent  de  lui  quelque  ouvrage- Nous  espérons  que  les 
bibliothécaires  de  tous  les  pays ,  que  tous  les  possesseurs  d'anciennes 
poésies  françaises  manuscrites ,  voudront  l)ien  nous  donner  des  rensei- 
gnements propres  à  rendre  notre  travail  moins  difficile  et  plus  complet. 

Cette  liste  générale,  ou  ce  tableau  ,  terminera  l'Histoire  littéraire  du 
XIII*  siècle. 


xni  SIECLE 


Mil  SIK(  I.K. 


ANONYME 

AUTEUR    DU    VOYAGE    DE    CHARLEMAGNE  A   JERUSALEM 
ET  A   CONSTANTINOPLE. 

U  NE  notice  sur  cet  ancien  poëme  aurait  précédé  celles  que 
nous  avons  publiées  jusqu'ici  sur  des  romans  en  vers,  d'une 
époque  trés-postericure ,  si  nous  eussions  pu  le  connaître  au- 
trement que  par  le  titre;  mais  il  n'en  existait  de  manuscrits 
que  dans  les  bibliothèques  d'Angleterre,  et  il  ne  nous  en 
était  parvenu  que  d'informes  fragments.  Aujourd'hui ,  on 
l'imprime  à  Londres,  et  même  à  Paris;  et  notre  confrère, 
M.  Ravnouard,  s'en  est  procuré  d'avance  une  copie  qu'il  a 
bien  voulu  nous  communicpier. 

I.e  Faynge  de  Charleinagnc  est  plutôt  un  lai  qu'un  ro- 
man ,  plutôt  une  épopée  comique  qu'un,c/ifl///  héroïque  ou 
de  s:^estes.  Voici  comme  il  est  intitulé  dans  les  manuscrits: 
Cï  commence  te  Uveré  conimerït  Charels  de  France  voiet  in 
Jcrhiisaiern  et  pur  parois  sa  Jenie  a  Constantinolile  pur  vere 
roy  Hugon.  — Ainsi,  d'après  ce  titre,  l'illustre  empereur 
voulait  d'abord  visiter  Jérusalem,  et  voir  ensuite  le  roi  de 
Constintinople.  Mais  il  faut  dire  pourtant  que,  d'après  le 
début  du  poéiue,  on  est  tenté  de  croire  qu'il  n'entreprend  ce 
long  voyagé  que  sur  un  i^ropos  de  sa  femme,  laquelle,  très- 
outrageusement,  avait  osé  lui  dire  qu'elle  connaissait  un 
prince  qui  portait  avec  plus  de  majesté  que  lui  le  sceptre  et 
la  couronne  C'est  par  celte  scène  entre  Charlemagiie  et  sa 
feiumc  (jue  commence  le  poème. 

Kntouré  de  ses  barons  et  chevaliers,  Charlemagne  reve- 
nait de  Saint-Denis,  la  couronne  en  tête,  son  épée  au  côté, 
sou  epee  dont  la  poignée  était  d'or  wt?r  (d'or  pur)  !  Il  regai> 
dait  avec  satisfaction  sa  femme  (le  poëme  ne  la  nomme  point), 
comme  pour  lui  faire  admirer  sa  prestance  fière  et  majes- 
tueuse; mais  croyant  s'apercevoir  qu'elle  n'en  paraissait  pas 


Soiii  un  oir-  émerveillée, 

\  lei .  —  ■  Un  ol 


.    ,  c  .  ,  il  la  piist  par  le  nom  desuz  un  oliver  , 
..erpresarSamI-  ri  r  ...  ' 

^jgjjj^i  n«  >a  pleine  parole  la  piist  a  reisuner  ; 

'A  nui  sircni  •  l^a'''^,  véistes  iinkes  liunie  nul  de  dessuzceil 

iDieux    l'épe'c  ri  •  Tant  bien  seist  espée  ne  la  corone  ei  chef*.'' 


U  couronne. 


VOYAGE  DE  CHARLEMAGNE.  705 

....  Xm  SIÈCLE. 

«  Lncore  cunquerrei  jo  ciiez  ot    mun  espeez.  »  

Celé  ne  fud  pas  sage,  folement  respondeit  :  'Avec. 

"  Einperère,  dist-eîe,  trop  vus  poez  preiser*.  'Tropvouspou- 

«  Uncore  en  sa-jo  un  ki  plus  se  fait  leger^  \e/\ous estimer. 

«  Quant  il  porte  corune  entre  ses  clievalers.  'Alerte,   aisé 

«  Kaunt  ii  la  met  sur  teste,  plus  bêlement  lui  set.  » 


dans  ses  maniè- 
rei. 


Un  tel  propos,  tenu  devant  les  barons  français  dont  il  était 
entouré,  olfensa  extrêmement  le  fier  et  irascil)le  empereur. 
En  vain  cherche-t-elle  à  s'excuser,  en  assurant  qu'elle  n'a 
voulu  faire  qu'une  plaisanterie  ;  il  exige  qu'elle  nomme  le  roi 
qui  porte  mieux  que  lui  la  couroime  et  l'épée.  Il  y  va  de  sa 
tête,  si  elle  refuse  de  parler  : 

«  Emperère ,  dist-ele ,  ne  me  tenez  à  foie. 

«  Del  rei  Hugun  le  fort  ai  mult  oï  parole  : 

«  Emperère  est  de  Grèce  et  de  Gonstantinoble , 

«  Il  tent  tute  l'erse  tresque  en  Capadoce, 

«  N'at  tant  bel  chevaler  de  ci  en  Antioche, 

«  Ne  fut  tel  barnez  cum  le  sun  senz  le  vostre.  » 

Charlemagne ,  à  cet  aveu ,  se  détermine  à  aller  voir  par  lui- 
même  en  quoi  ce  roi  Hugon  l'emporte  sur  lui,  et  n'en  pro- 
met pas  moins  îi  sa  femme  de  lui  faire  trancher  la  tête,  si 
elle  a  trop  évalué  son  rival  en  majesté. 

«  Se  vus  me  avez  mentid,  vus  le  camperez  cher'  :  'Vous  I*  p«ie- 

«  Trencherai  vus  la  teste  od  me  espée  d'acer.  »  ^^^  ^ji^r 

Il  rassemble  aussitôt  les  barons,  les  pairs  (le  poète  les 
nomme  tous)  qui  doivent  l'escorter  dans  le  grand  voyage 
qu'il  a  entrepris.  Mais  dans  le  discours  qu'il  leur  adresse 
avant  le  départ,  il  leur  fait  entendre  que  son  principal  objet 
est  de  visiter  la  Terre-Sainte,  et  d'aller  adorer  le  saint  sé- 
pulcre et  la  croix. 

«Seignors,  dist  l'emperère,  un  petit  m'entendez. 

«En  un  lointain  réaume,  si  Deu  pleist,  en  irrez. 

«Jérusalem  requeire  e  la  mère  Dame-Deu, 

«  La  croix  e  le  sépulcre  voil  aler  aiuer. 

»  Jo'l  ai  trei  feiz  sunged  :  moi  i  covent  aler; 

«  E  irrai  un  rei  requerre  dount  ai  oï  parler.» 

Sur  cette  invitation  de  Charlemagne,  tous  les  pairs  se  dé- 
cident à  partir.  Mais  auparavant,  ils  se  réunissent  à  Saint- 
Denis,  pour  y  prendre  l'écharpe  des  mains  de  l'archevêque 
Turpin,  qui,  lui-même,  doit  les  accompagner.  La  reine,  qui 
se repent  d'avoir  blessé,  à  un  si  haut  point,  l'orgueil  de  son 

Tome  XF III .  Vvvv 


xni  SIF.CLE. 


706  AUTEUR  ANONYME. 

ëpoux,  reste  à  Paris  dans  un  cruel  abandon  :  doloruse  et  plii- 
rant[\). 

En  moins  de  seize  vers  l'auteur  conduit  Charlemagne  et  sa 
nombreuse  escorte  par  vingt  pays  divers,  qui  ne  sont  pas 
placés  sur  la  carte  comme  dans  son  p<iëme  :  et  les  voilà  déjà 
arrives  à  Jérusalem.  Leur  premier  soin  est  de  se  rendre  à 
l'église,  où  ils  voient  treize  chaires  vides,  dans  lesquelles  se 
placent  Charlemagne  et  ses  pairs;  et  ils  restent  là  silencieux, 
admirant  toutes  les  beautés  de  l'église.  Ce  fut  en  ce  moment 
qu'un  juif  y  entra  et  fut  tellement  frappé  de  la  fierté  du 
visage  de  Charlemagne  et  du  spectacle  de  ses  douze  pairs 
assis  à  ses  côtés,  qu'il  crut  voir  en  eux  le  Dieu  des  chrétiens 
et  la  cour  céleste.  Aussitôt  il  s'empresse  d'aller  annoncer  au 
patriarche  qu'il  demande  le  baptême,  et  le  conjure  tie  venir 
préparer  pour  lui  les  fonts  baptismaux  (2). 

Le  patriarche,  à  cette  nouvelle,  rassemble  tout  son  clergé, 
et  se  rend  à  l'église,  en  grande  cérémonie,  à  la  tète  de  la 
procession. 

Charlemagne,  en  le  voyant  entrer,  se  lève,  se  découvre; 
le  patriarche  lui  demande  de  quel  pays  il  vient,  et  comment 
il  a  osé  s'asseoir  dans  un  temple  ou  jamais  homme,  sans  sa 
permission,  n'était  entré.  Voici  la  réponse  de  l'empereur: 

'  Par  mes  ba-  "  Sire,  jo  ai  nun  Karles,  si  sui  tie  France  neez, 

rons,  ma  iiolilev  «  Duze  reis  ai  conquis  par  force  et  par  harnez ', 

sr  n  Le  treiziine  vois  querre'  ilunt  ai  01  parler, 

'Jen<ii-iher-  .  Vinc  en  Jérusalem  par  lamistet  de  ))eu, 

^^"-  „  La  croix  e  le  sépulcre  sui  venuz  aurer^  « 

'Adorei. 

Et  il  lui  demande  presque  aussitôt  des  reliques  pour  en 
enrichir  la  France.  Le  patriarche  n'a  rien  à  lui  refuser;  il  lui 
promet  le  bras  de  saint  Siméon,  la  tête  de  Laz.ire,  du  sang  de 
saint  Etienne,  un  des  clous  qui  perça  les  pieds  de  Jésus,  le 

^i)  A  .Saint-Denis  de  France  li  riis  s'esrrcpe  prent. 
Li  arclievt'Stiiie  Tnrpin  li  seiynat  gontiineni 
E  si  prisl-il  la  suc  e  franens  eiiNcnii'iit, 
E  niiinicnt  as  miil/.  «pi'il  orcnl  forz  e  .irnlWanz; 
De  la  cilC7.  en  isircnt  si  s'en  lnurnent  hroch.mnt. 
Dès  ore  s'en  irrat  raies  à  ilannc-tleii  U-  cnnitiiant. 
La  réinc  remeint  doloruse  e  |)liirant. 

l'a)  •■  Alez,  sire,  al  uinster  pur  les  fiinz  aprester. 
n  Oreindreit  me  frai  baptiser  cl  le\  er. 
«  Diizc  cuntcs  vi  ore  en  cel  niiisler  entrer, 
™  Ovcoc  culs  le  trcizinic.  linc.  ne  vi  si  formct. 
•  Par  le  nicn  cscicntrc!  ro  est  nicinics  Dcus. 
'\  ousMoniicnl.  .  Il  e  11  duze  aposlle  vus  venent'  visiter.  » 


VOYAGE  DE  CHARLHMAGXE.  -q^ 

calice  dans  lequel  il  but ,  le  couteau  dont  il  se  servait  à  table.   - — 

de  la  barbe  et  des  cheveux  de  saint  Pierre  :  et.  ce  qui  était  bien 
plus  précieux  encore,  du  lait  de  la  \  lerge  et  sa  chtrnise. 

•  Del  leTt  sainte  Marie  dont  ele  alertât  Jhesus  , 

•  l^um  fuil  primes  en  terre  entre  nus  dect-ndut, 
«  De  U  sainte  chemise  que  ele  out  reTestut.  » 
Karlemaines  l'en  rend  aniistet  e  saluz. 

[."empereur  ne  se  montra  pas  moins  généreux  que  le  pa- 
triarche. 

Le  reis  fait  faire  une  fertère .  unkes  meldre  ne  fud, 
Del  plus  fin  or  d  Arabie  i  out  mil  mars  fundud. 
Il  la  fait  seiler,  a  force  e  à  vertuz, 
A  grant  bendes  de  argent  U  fait-il  lier  menuz. 

Et  ce  fut  l'archevêque  Turpiii  qu'il  chargea  de  présenter 
cette  superbe  ttrtère    f  au  patriarche. 

Cliarletnagne   et  ses   douze   pairs,   après  avoir  séjourné 

3uatre  mois  à  Jérusalem,  et  après  y  avoir  fait  élever  l'église 
e  Saiiitc-Aîarie .  songent  à  s'en  retourner,  en  passant  tou- 
tefois par  Constantinople.  autre  objet  de  leur  vosage.  C'est 
là  que  les  attendaient  de  merveilleuses  aventures."  Lorsqu'ils 
prirent  ccnge  du  patriarche,  il  leur  recommanda  surtout 
de  combattre  les  Sarrasins  qui  voulaient  détruire  la  sainte 
cristientc. 

•  Volcntères ,  ço  dist  Karles  ;  sa  fâ  si  l'en  plérit  :  '  ^'  "'*  *"" 

•  Je  manderai  mes  liâmes  .  quantque  en  pourrai  arer  urder. 

•  E  irrai  en  Espaine ,  ne  purat  remaner'.  » 

C'est  annoncer  assez  explicitement  l'expédition  de  Char- 
lemagne  en  Espagne,  expédition  qui  a  fourni  le  sujet  d'un 
autre  poème  Ju  bataille  de  Ronce^au-x  .  dont  l'auteur  est  un 
trouvère  anglo-normand,  du  nom  de  Turold.  On  pourrait, 
sans  trop  d'invraisemblance,  attribuer  à  ce  même  "Turold  le 
roman  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment. 

Ce>t  encore  en  quelques  vers  seulement  que  l'auteur  décrit 
le  voyage  vers  Constantinople.  de  Charlemagne  et  de  sa  noble 
escorte.  Mais  U  y  a  quelque  sentiment  de  poésie  dans  cette 
courte  description  : 

(i)  de  mot  ne  se  troure  point  dans  les  glossaires  de  la  langue  romane. 
Dans  Du  Gange,  au  mot  fertonum.  on  voit  que  Ion  appveiaiC  ainsi  une 
chaise  pcrtatiie;  mais  c  est  plutôt  ôttjerrtrum  ,  cercueil,  châsse  ,  que  vient 
le  mot  dey«»-/«rr. 

y  V  \  V  a 


XIH  SIECLE. 


708  AUTEUR  ANONYME. 


Chevalchet  H  einperère  oJ  sa  rumpanie  grant, 
E  passent  monteles  et  les  puis  il'Abilaiit 
La  roche  tlel  Guitunie  et  les  plaines  avant, 
Virent  Constantinoble  une  ritez  vaillant, 
Les  cloches  et  les  egles  e  punz  le  lusant; 
Destre  part  la  citet  de  une  truve  grant 
Trovent  vergers  plantez  de  pins  et  de  lorers  faeaus. 
La  rose  i  est  floiie,  li  alburs  et  li  glazaus. 
Vint-niil  chevalers  i  trovèrent  séant , 
E  sunt  vestuz  de  pailes'  e  de  heremins  blans 
'Deiti.inicaux.  £  jg  granz  peus'  de  martre  jokez  as  pes  '  trainanz, 

'Peaux.  ^^  esches  e  as  tables  se  vunt  esbaneant  * 

iisqu  .uix  -g  portent  iur  falcuns^  e  lur  osturs  asquanz: 

pieds.  _  I     .        .,  Il       -         i-    ■        ^         \. 

ic>  ,  E  treis  mue  pucellcs  a  or  freis  reinsant, 

*3  .imusanl.  '    1  -i  ■ 

^I.cuis faucons  Vestues  sunt  de  pailes  e  ount  les  cors  avenanz 

e:  louis  autours.  E  tenent  lur  amis,  si  se  vunt  déportant. 

A  peine  Charlemagiie  est-il  arrivé  qu'il  demande  oîi  il 
trouvera  le  roi  Hugon.  On  lui  indique  une  tente  dans  la 
plaine,  et  il  vit  en  effet  le  roi  qui  labourait  son  champ  avec 
une  charrue  d'or. 

Truvat  lu  rei  Hugun  à  sa  carue  arant. 
Les  cuningles  en  sunt  à  or  fin  reinsant, 
Li  essues  e  les  roes  e  li  cultres  arant. 

L'entrevue  des  deux  princes  a  lieu  sous  la  tente.  Le  roi 
Hugon  est  frappé  de  la  fière  contenance  de  Charlemagne; 
il  commence  par  lui  demander  s'il  est  connu  de  lui.  L'empe- 
reur  lui  répond  qu'il  se  nomme  Cliarlemagne,  et  que  Roland 
est  son  neveu(i);  que,  revenant  de  Jérusalem,  il  a  désiré  de  le 
voir,  ainsi  que  toute  sa  cour.  Hugon  l'accueille  alors  avec  une 

(i)   Voici  le  discours  de  Charlemagne  à  Hugon,  et  la  réponse  de  ce  roi  : 

,( Jo  sui  de  France  net, 

Il  Jo  ai  à  nuii  Carleinaiiu-s ,  Rolland  si  est  mis  nés; 

«  Venc  de  Jérusalem,  si  m'en  voil  retorner, 

«  Vus  e  vostre  bai  na|,'e  voil  voer  volenters!  >. 

E  dist  Hiigiin  li  forz  :  «  Ben  ad  set  anz  e  melz 

«Qu'en  ai  oir  parler  estrarge  soldeers 

<i  Ke  si  tarant  bariiagts  ait  nul  rei  suz  cel. 

n  Un  .in  vus  rerendrai ,  si  estre  i  volez; 

II  Tant  vus  durrai  avcir,  or  e  argent  tnisset, 

.1  Tant  en  porlerunt  Fianceis  ciiiu  il  en  voderunt  charger  (*) 

'1  Or  déjundrai  mes  beos  |nir  la  vostn  amistet. 

(*)  Ce  vers  parait  êlre  de  1  5  syllabes.  Mais  les  poètes  ne  romptaient  que  les  syllabes 
que  l'on  pronon<;ait,  quand  toutefois  cela  leur  convenait  ainsi.  Ce  vers  de  i5  syllabes 
devait  donc  se  prononcer  de  celte  manière  : 

"  Tant  en  port'rout   Francès,  k'il  en  vod'rODl  charger.  » 


VOYAGE  DE  GHARLEMAGNE.  709 

extrême  politesse  ;  il  fait  dételer  les  bœufs  de  sa  charrue,  et 
il  dit  aux  illustres  voyageurs  que ,  s'ils  veulent  rester  tout 
un  an  dans  ses  états,  ils  en  sont  bien  les  maîtres;  que  rien 
ne  leur  manquera. 

Les  procédés  du  roi  Hugon  envers  ses  hôtes  répondirent 
à  la  bienveillante  réception  qu'il  leur  avait  faite.  Rien  n'é- 
galait la  magnificence  du  palais  où  il  les  invita  à  souper. 

Charles  vit  le  palais  et  la  richesse  grant. 

A  or  fin  sunt  les  tables,  e  chaires  e  li  banc ,  etc. 

Mais  ce  qu'il  y  avait  de  plus  extraordinaire  dans  ce  grand 
édifice,  c'est  qu'il  pouvait  tourner  à  tous  les  vents.  Un  orage 
étant  survenu  ,  les  Français,  à  leur  grande  surprise,  se  sen- 
tirent changer  de  place,  et  né  pouvaient  se  tenir  sur  leurs 
jambes.  Charlemagne  lui-même  se  vit  obligé  de  s'asseoir  sur 
le  plancher.  Le  roi  Hugon  les  rassura,  leur  dit  :  Ne  vus  dé- 
confortez.et  il  leur  expliqua  la  cause  de  cet  apparent  prodige. 
Aussitôt  que  le  vent  cessa  de  souffler,le  palais  resta  immobile, 
et  les  Français  s'étant  remis  sur  pied ,  se  placèrent  à  la  table 
du   roi. 

Tut  fiit  prest  li  supers. 

Caries  s'assist  e  sis  ruiste  barnez  (i), 

Li  rois  Hugun  li  fôrz  e  sa  muiiler  tlelez'. 

Sa  fille  od  le  crin  bloi'  que  ad  le  vis  bel  e  cler 

E  ont  la  char  tan  blanche  comme  flur  en  ested. 

Oliver  l'esgardet ,  si  la  prist  à  amer  : 

«  Plust  al  rei  de  glorie,  de  sancte  majestet, 

■I  Que  la.tenise  en  France- u  à  Dun  la  citet, 

"  Ka  jo  en  freie  pus  tûtes  mes  voluntez!  » 

Entre  ses  denz  le  dist,  que  bon  n'el  pot  esculer. 

Nous  noterons  ici  cet  amour  si  subit  d'Olivier  pour  la  fille 
du  roi  ;  car  ce  n'est  pas,  comme  on  le  verra  dans  la  suite  de  l'his- 
toire, une  circonstance  indifférente.  Rien  ne  manqua  dans 
ce  splendide  festin:  les  mets  les  plus  délicats,  des  vins  de 
toute  espèce  et  en  abondance,  de  la  musique  et  des  jongleurs  : 

E  cantent  e  vicient  e  rotent  cil  juglur. 

Après  le  souper,  dans  lequel  les  Français  n'avaient  pas 

(  I  )  Ses  grossiers  ou ,  si  l'on  veut ,  ses  rustiques  barons.  —  Nous  ne  voyons 
pas  pourquoi  le  poète  donne  cette  épithète  à  la  noblesse  d  un  peuple  qu'il 
avait  d'abord  trouvé  très-civilisé,  couvert  de  riches  manteaux,  jouant  aux 
échecs  et  aux  tables,  etc. 

4   8 


XIII  SIECLE. 


'  Sa  femme  à 
ses  côtés. 

'Aux  cheveux 
blonds. 


mu  SIECLE. 


710 


AUTEUR  ANONYME. 


'.louent  entre 


épargné  le  vin  de  leur  hôte,  le  roi  Hugon  les  conduit  lui- 
même  dans  une  vaste  salle  où  treize  lits  sont  préparés.  L'un 
de  ces  lits,  plus  magnifique  encore  que  les  autres  ,  était  des- 
tiné à  Charlemagne,  les  autres  à  ses  douze  pairs.  Le  bon  roi 
Hugon-le-Fort  retourne  ensuite  vers  sa  femme,  et  les  Français 
se  couchent.  Mais  ce  roi,  que  nous  venons  de  nommer  bon^ 
ne  l'était  pas  autant  qu'on  pourrait  le  croire.  Près  de  la 
chambre  à  coucher  des  Français,  il  avait  fait  cacher  un 
escut  (un  espion)  chargé  d'observer  ce  qu'ils  feraient,  d'é- 
couter ce  qu'ils  diraient  pendant  la  nuit. 

Or  les  Français  ne  crurent  pas  devoir  s'endormir  sans  ga- 
Z^er quelque  temps,  c'est-à-dire  sans  faire  des  contes  plaisants, 
des  railleries.  C'était  alors  l'usage,  et  rien  d'ailleurs  n'était 
plus  dans  le  caractère  des  Français  de  ce  temps-là ,  et  peut- 
être  du  nôtre.  Charlemagne  encouragea  lui-même  ses  douze 
pairs  à  gaber  à  qui  mieux.  Chacun,  à  son  tour,  fit  un  gab  ; 
et  c'était  toujours  une  de  ces  forfanteries  que  n'oseraient  pro- 
noncer aujourd'hui  les  plus  déhontés  fanfarons. 

Presque  tous  les  gabs  des  douze  pairs  étaient  outrageants 
pour  le  roi  Hugon;  celui  d'Olivier  surtout.  Ce  brave  pair  avait 
dit ,  mais  en  d'autres  termes  que  nous  ne  le  répétons ,  que  s'il 
tenait,  une  nuit  seulement,  dans  ses  bras  la  fille  du  roi  Hu- 
gon ,  on  ne  citerait  plus  comme  prodigieuse  l'aventure  d'Her- 
cule avec  les  cinquante  filles  de  Thestius,  qu'il  en  ferait  moitié 
plus  qu'Hercule. 

Ce  gab  et  tous  les  autres  furent  fidèlement  rapportés  par 
l'espion  au  roi  Hugon,  qui  en  fut  cruellement  offensé.  Dans 
sa  colère,  il  fait  les  plus  sanglants  reproches  à  Charlemagne, 
et  jure  que  si  les  douze  pairs  n'exécutent  pas,  dans  le  jour 
même,  ce  dont  ils  se  sont  si  follement  vantés,  il  leur  fera 
couper  la  tête  à  tous.  Le  cas  était  fort  embarrassant;  car,  en 
vérité,  il  n'était  pas  possible  de  penser  qu'une  seule  de  ces 
fanfaronnades,  de  ces  extravagantes  vanteries,  fiit  exécuta- 
ble. C'étaient  des  propos  d'hommes  très-braves,  il  est  vrai, 
mais  de  héros  dans  1  ivresse.  En  vain  Charlemagne  repré- 
senta au  roi  Hugues  que  de  tels  propos  ne  méritaient  pas 


Jouent  entre  ,,  .  •     .  •        t     •     i.    •! 

puv.  se  gaudis-  ^u^  1  OU  S  en  souvmt  ;  en  vam  lui  dit-il 


■cm. 


'Des hâbleries,  "  Er-sair  nus  hebergastes , 

•les  siittlses.  «  De  vin  e  de  el  assez  nus  en  donastes. 

'Des  mois  pi-  «  Si  est  tel  costume  en  France,  à  Paris  e  à  Cartres , 

i|iiaiiu,  des  rail-  „  Quant  Franceis  sunt  culchiez,  que  se  guiunt'  et  gabent 

'*"'""'*■  "  E  si  dient  ambure'  e  saver^  et  folage;  >• 


XIII  SIECLE. 


VOYAGE  DE  CHARLEMAGNE.  711 

l'opiniâtre  Hugon  ne  veut  écouter  aucune  excuse ,  et  jure 
par  sa  barbe  blanche  que  les  Français  ne  gaberont  plus  dé- 
sormais personne  : 

«  Quant  de  mei  partirez,  jà  ne  gaberez  mais  altre.  » 

Chfirlemagne  retourne  vers  ses  pairs,  et  leur  annonce  le 
danger  qui  les  menace  tous;  car  tous  ils  ont  fait  des  gabs 
tout-à-fait  déraisonnables. 

«  Seignurs,  tlist  l'emperère,  mal  nus  est  avenud. 

<■  Del  vin  e  del  claret  tant  eûmes  béud 

'<  E  desinies  tele  chose  que  estre  ne  dust.  » 

Dans  le  danger  imminent  où  ils  se  trouvent  tous,  le  sage 
empereur  ne  voit  point  de  meilleur  parti  à  prendre  que  de 
taire  apporter  devant  lui  les  fameuses  reliques  dont  l'avait 
gralitié  le  patriarche  de  Jérusalem.  Tous  les  chevaliers  se 
prosternent,  se  frappent  la  poitrine,  et  prient  Dieu  avec  fer- 
veur pour  qu'il  les  sauve  de  la  colère  du  roi  Hugon.  O  vertu 
admirable  des  reliques!  un  ange  descend  du  ciel  qui  promet 
à  Charlemagne  que  Jésus  les  protégera,  et  que  les  douze  pairs 
peuvent  avec  assurance  tenter  d'accomplir  tous  leurs  gabs. 

'Vous  dites. 
n  Carlemain,  ne  t'esmaer,  ço  te  mandet  Jhésus.  'Aucunne/ajV- 

«  Des  gas  (gabs)  que  er-sair  désistes  '  grant  folie  fud.  lira. 

«  Ne  gabez  mes  hume  ,  ço  te  cumandet  Christus. 
•  Va  si  fas  comencer  :  jà  n'en  faldrat  uns'.  » 

Bien  sûrs  désormais  de  la  protection  du  ciel ,  les  chevaliers 
gabeurs  se  présentent  avec  conBance  au  roi  pour  subir  les 
épreuves  auxquelles  on  veut  les  soumettre. 

C'est  le  comte  Olivier  qui  doit  d'abord  entreprendre  les 
rudes  travaux  qu'il  s'est  imposés  par  son  gab.  Le  roi  fait  ap- 
peler sa  fille  aux  blonds  cheveux,  et  la  livre  au  présomp- 
tueux Olivier.  JNous  reij[voyons  au  texte  du  poëme  ceux  qui 
voudront  savoir  comment  Olivier  accompHt  son  gab,  et  ce 
qu'en  raconta  la  princesse. 

Le  roi  fort  irrité  n'en  crut  pas  moins  aux  paroles  de  sa 
fille;  et,  en  effet,  quel  autre  témoin  aurait-il  pu  appeler.'' 
Tout  ce  qu'il  pouvait  faire ,  et  ce  qu'il  lit,  ce  fut  d'attribuer  à 
quelque  sorcellerie  cette  espèce  de  prodige;  et  il  se  promit 
bien  de  se  venger  sur  un  autre  des  gabeurs. 

C'était  le  tour  de  Guillaume,  fils  du  comte  Aimery,  de 
remplir  son  gab.  Il  s'était  fait  fort  de  lancer  à  une  grande 


XllI  SlEa.E. 


712  AUTEUR  ANONYME. 

distance  une  énorme  boule  de  métal ,  d'une  pesanteur  ex- 
traordinaire, qui  était  dans  le  palais.  Il  se  présente  à  l'essai, 
lève  la  boule  d'une  seule  main,  et  la  jette  d'une  telle  force 
qu'il  abat  quarante  toises  des  murs  du  palais.  Le  poète  dit 
à  ce  sujet  : 

Ne  fu  mie  par  force,  mais  par  Deu  vertud , 
Par  amur  Carlemain  chi's  i  out  acunduit. 

Ce  pauvre  roi  Hugues,  tout  centriste  de  voir  son  palais 
ainsi  ébranlé  par  des  hôtes  qu'il  prend  pour  des  sorciers , 
n'en  persiste  pas  moins  à  essayer  si  un  autre  gabeur  aura  le 
même  succès. 

Le  comte  Bertrand  s'était  vanté  de  faire  sortir  de  son  lit 
le  torrent  qui  tombait  dans  le  vallon ,  et  d'inonder  de  ses 
eaux  la  contrée  tout  entière.  Il  se  met  aussitôt  à  l'œuvre. 

Deu  i  fist  miracles,  li  glorius  del  cel, 
i  |.-3„_  Que  tute  la  grant  ewe  '  fait  isir  de  sun  bied, 

Aspandre  les  camps,  que  tuz  le  virent  ben  , 
Entrer  en  la  citez  e  remplir  les  celers, 
La  gent  lui  rei  Hugun  et  moiller  e  guacr. 
En  la  plus  halte  tiir  li  reis  s'en  fuid  à  ped. 

Montés  aussi  sur  un  grand  pin,  Gharlemagne  et  ses  com- 
pagnons entendaient  les  doléances  du  roi  Hugon  qui  leur 
criait  merci.  L'empereur  en  a  pitié  ,  et  supplie  Dieu  de  faire 
cesser  un  tel  désastre.  L'eau,  sans  plus  tarder,  sort  de  la 
ville,  et  traversant  la  plaine,  va  retrouver  le  lit  ordinaire  du 
fleuve .  Le  roi  Hugon  reconnaît  enfin  qu'il  a  follement  agi 
en  cherchant  querelle  à  de  tels  favoris  de  Dieu.  Il  offre  à 
Gharlemagne  cle  tenir  de  lui  son  royaume,  de  devenir  son 
vassal.  Gharlemagne  accepte;  et,  content  d'avoir  humilié  ce 
prince,  il  lui  propose  de  célébrer  ce  grand  jour  par  des  fêtes. 
Il  veut  de  plus  qu'il  remette  sur  sa  tête  sa  couronne  d'or  :  lui- 
même  prend  la  sienne,  et  ils  se  promènent  ainsi  dans  la 
plaine  suivis  de  tous  leurs  barons.  Gharlemagne  était  plus 
grand  A' un  pied  trois  pouces ,  dit  le  poète;  et  tous  les  Fran- 
çais, en  regardant  les  deux  princes,  ne  pouvaient  concevoir 
que  la  femme  de  Gharlemagne  eût  pu  même  le  comparer  à 
1  autre.  Ils  se  disaient  : 

Ma  dame  la  reine  dist  folie  e  tord. 

Les  Français  se  préparent  enfin  à  partir  de  Gonstanti- 


VOYAGE  DE  CHARLEMAGNE.  718    xiu siÈa.E. 

nople  pour  retourner  en  Fnince;  et  le  roi  Hugon  leur  offre 
de  puiser  abondamment  dans  ses  trésors.  Non  , 

Dist  le  emperère  .•"  Tut  iço  lasser  estet'.  'Il   me   ron- 

«  Jà  n'en  prendrai  del  vostre  un  tiener  miineed*.  *"'"'   J^   laisser 

"  Jà  unt-il  tant  del  inen'  que  il  ne  puent  porter.  '""•■ 

^  r  r  'Moiinay.'. 

Au  moment  du  départ  des  Fra?içais,  la  Glle  du  roi  Hugon 
court  npiès  son  clier  Olivier,  et  lui  dit  : 

«  A  vus  ai-jo  turnet  ma  amistet  et  ma  amur. 

"  Que  m'en  porterez  en  France,  si  m'en  irrai  od  vus. 

Mais  l'ingrat  Olivier   répond  assez  durement  à  tant  de  ten- 
dresse : 

"  Bêle,  dist  Oliver,  m'amur  vus  abandun. 

«  Je  m  en  irrai  en  France  od  mun  seignur  Carleun.  » 

Ce  fut  ainsi  que  Charlemagne  conquit  tout  un  royaume 
sans  livret-  une  seule  bataille  (1).  il  faut  croire  que  le  trou- 
vère était  las  de  conter,  car  voici  comme  il  termine  brusque- 
ment son  poëme,  sans  décrire  comment  s'cflectua  le  retour 
de  ses  héros  : 

(i)  L'histoire  si  bizarre  des  Gnbs  a  été  reproduite  dans  un  autre  roman 
[^le  Gallicii  resttiute),  postérieur  au  poème  du  Voyage  de  Cliai'leniagne.  Mais, 
comme  il  arrive  toujours,  elle  y  a  elé  alléiée  et  surtout  amplifiée.  Dans  son 
opuscule  sur  /es  Romans  Irancais ,  M.  J.  Lhénier  dit  en  parlant  du  Gallien        ,.,.  , 

,  car  il  ne  pouvait  connaître  alors   notie  roman  du   Voyage  de  Lharle-  jjaiie  j^c   Ché- 
inagne  )  :  «On  y  trouve  l'aventure  des  Gabs.  (Test  une  suite  de  gageures  „jer     |    jv    p 
'<  faites  par  plaisanterie,  dans   la  chaleur  de  l'ivresse,  et  qu'il  faut  tenir    lîo. 
'•ensuite   connue  des   gageures   faites   sérieusement.  Là  surtout,    l'arche- 
'•  vêque  Turpin    est    représenté  coiiiine  un    buveur  intrépide.   Ogier,  Ro- 
lland,  Charlemagne    lui-même  n'y  jouent  guère  des  rôles  plus  sensés. 
"  Le  jeurie  et  tiiiilre  Olivier,  de  la  maiscn  d'Aquitaine,  est  sans  contredit 
"le   mieux   part.igé.  Cette  aventure,  dont  nous  ne   croyons    pas    devoir 
■■tenter   l'analyse ,  est    rapportée    f»)rt   librement  par  La  Mon  noyé,  dans 
•■  la  seconde  partie  du  Meuagiana.  La  Chaussée,  et  non  Grécourt,  l'a  mise        ,.  ,,     , 

r  _  o       _  '  t  I OIIIC      V       l:C8 

«  en  vers  plus  licencieux  que  bien  tournés.  Récemment  elle  a  été  versifiée   OK livres    d<-  1  ji 
"de    noiiv<'au    avec   la   relenue    convenable.  Les   amours   d  Olivier  et    de  (:|,aJssée     Sup- 
'<  Jacqueline,  fille  d'Hugon,  roi  musulman,  n'offrent  pas  la  longueur  re-  iilém.  n.  66--1. 
«  prochée  à   quelques   anciens  romans;   et   la   manière  dont  cette  aimable 
'<  princesse  est  ct>nverlic,  n'est  pas  ce  qu'il   y  a  de  moins  piquant,  ni  de 
•  moins  difficile  à  raconter.  ■■ 

L'auteur  qui,  suivant  Chénier,  a  versifié  l'aventure  avec  une  retenue 
conveiinbU ,  est  Clu-nier  lui-même.  Il  en  a  fait  le  joli  conte  des  Miracles , 
qu'on  peut  lire  dans  le  tome  lil  de  ses  œuvres,  p.  23g-a85. 

Tome  XV m.  X  ^  x  x 

48    . 


7i4  TUROLD. 

XIII  SIÈCLE.  ,,  .11. 
Il  passent  les  p.tis,  les  estrange  régnez  , 

'Rovauraes.  Venus  siint  à  Paris,  à  la  Lone  citet, 

'Seprosteroa.  E  *unt  à  Saint-Denis,  al  nuister  sunt  entrez. 

'Le!»aron(le  Karlemaines  se  culcget'  à  oreisuns,  li  Ler'. 

ii'è^-puissaiit).  Quant  il  ad  Deu  preiet ,  si  s'en  est  relevet, 

'I.'autel.  Le  clou  e  la  corune  si  ad  mis  sur  l'aiitor*, 

Paiiagedans  j7  |gj  altres  reliques  départ  par  soti  regnet' 

son  royaume.  i^^^^  f^^j  ^^  ^-^^^     3,      -^   ,;  ^^^  ^.^j^^o 


'  Est  tombée  à 


Sun  mautalent  li  ad  li  reis  tut  pardunet 


.   .  Sun  mautalent  u  ati  ii  reis  tut  p; 

ses  piecis.  •  ' 

'Adoré  ^"'^  l'amur  del  sépulcre  que  il  ad  aùret'. 

Pour  peu  que  l'on  se  livre  à  la  lecture  de  nos  anciens 
poètes  français,  on  remarquera  que  ce  roman  sur  Charleinagne 
diftèrede  presque  tous  les  romans  sur  le  même  héros,  qui  ont 
été  composés  dans  le  cours  des  xii  et  xiii*  siècles;  on  n'y  re- 
trouve ni  le  même  style,  ni  la  même  orthographe  dans  la 
plupart  des  mots.  Ce  ne  sont  pas  de  véritables  rimes  qui  se 
rencontrent  à  la  fin  des  vers  ,  inais  de  simples  assonances. 
Tout  cela  semblerait  prouver  la  haute  antiquité  de  la  com- 
position. Mais  cette  orthographe,  ces  rimes  par  assonances 
se  retrouvent  aussi  dans  quelques  compositions  qui  datent 
très-certainement  du  xiii*  siècle ,  et  de  la  fin  même  de  ce 
siècle.  Nous  ne  nous  croyons  donc  pas  fondés  à  faire  re- 
monter jusqu'au  xii*",  à  l'exemple  de  <|uelques  écrivains  de 
vies  de  poètes,  l'existence  de  l'auteur  du  Voyage  de  Char- 
lemagne  en  Orient. 

Il  y  a  certes  de  l'imagination  dans  ce  poème;  mais  quel 
étrange  mélange  d'idées  superstitieuses,  chevaleresques,  fan- 
tastiques, grossières  !  Telles  n'étaient  pas  les  conceptions  des 
poètes  grecs  les  plus  anciens.  L'Odyssée  est  au.ssi  le  récit 
du  voyage  d'un  guerrier;  elle  contient  aussi  beaucoup  de 
fables  et  de  prodiges.  Qui  oserait  comparer  entre  eux  les  deux 
poëmes  !  A.  D. 


TUROLD, 

AUTEUR  DU  POEME  DE  lA  BATAILLE  DE  RONCEVAUX. 

I  iv,  poème  dont  le  sujet  est  la  défaite  de  l'arrière-garde  de 
l'armée  de  Charleinagne  à  Roncevaux,  et  la  mort  du  brave 
Roland  qui  commandait  cette  arrière-garde, est  un  des  plus 
anciens  romans  du  cycle  carlovingien  qui  nous  soit  parvenu. 


TlIROLD.  7i5 

XIII  SIÈCLE 

Nous  ne  connaissons  guère  de  composition  en  ce  genre  qui  - 

lui  soit  antérieure,  si  ce  n'est  le  Voyage  de  Charlemagne  à 
Constantinople  et  a  Jérusalem ,  poëme  que  nous  avons  ana- 
lysé dans  la  notice  précédente. 

Les  deux  manuscrits  du  roman  de  Roncevaux,  que  l'on 
possède  à  la  Bibliothèque  royale,  ne  portent  aucun  nom 
d'auteur;  mais  les  derniers  vers  d'un  manuscrit  de  ce  poëme 
qui  se  trouve  dans  la  bibliothèque  d'Oxford,  vers  que  nous 
citerons  plus  tard,  désignent  le  trouvère  Turold  comme  son 
unique  auteur.    • 

M.  De  la  Rue  nous  apprend  qu'un  Turold  figure  sur  la 
tapisserie  de  Baveux,  représentant  la  conquête  de  l'Angle- 

»  »         -1  J-    »•  •       •  »       ■     i;i        '   1„U    *     M  M.  Tabbë  De 

terre,  et  qu  il  se  distingua  ,  ainsi  que  ses  trois  rils ,  a  la  Dataille  ,^  ^^^    ivo\y 
de  Hastings;  mais  pour  nous  convaincre  que  ce  Turold  est  vèrès  normands, 
le  trouvère  qui  a  composé  le  poëme  de  la  Bataille  de  Ronce-  '  "-.p-  **• 
vaux  ou  des  Douze  Pairs  (  car  c'est  aussi  le  litre  que  le  poëme         '  '  **■   '" 
prend  quelquefois  ) ,  il  faudrait  des  preuves  plus  concluantes      j^jj     g, 
que  celles  qu'a  présentées  dans  son  grand  ouvrage,  le  bio- 
graphe des  trouvères  anglo-normands.  Ajoutons  que,  dans 
un  autre  ouvrage,  il  ne  témoigne  pas  beaucoup  de  consi- 
dération pour  le  Turold  qui   accompagnait  Guillaume- le- 
Conquérant  dans  son  expédition  en  Angleterre.  «Je  trouve 
des  chartes  normandes,  dit-il,  qui  donnent  à  Turold  le  titre 
àe  connétable.  lien  remplirait  assez  les  fonctions  sur  la  tapis- 
serie (dite  de  la  reine  Mathilde)',  mais  il  est  habillé  comme 
un  jockei ,  il  a  toute  la  taille  et  la  figure  d'un  nain,  et  je      M.DeiaP.ue, 
crois  qu'il  n'est  pas  autre  chose  :  dans  ces  temps  romanti-  Recherches  sur 
ques,  on  avait  de  la  manie  pour  ces  avortons,  qui  jouaient  '"  '"P"»*^"^  «■« 

T         •  1       -1        I  1     '  Il  i^-       ■'  Baveux.    Caeu  , 

aussi  un  grand  rôle  dans  les  romans  de  chevalerie.»  i8i5,in-;i". 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  nier  que  cette  famille  des 
Turold,  fixée  en  Angleterre  après  la  conquête,  n'y  ait  pos- 
sédé un  grand  nombre  déterres;  ce  qui  est  prouvé  par  diffé- 
rentes chartes  et  pièces  authentiques  du  xii""  siècle.  Que  le 
trouvère  Turold  ait  été  de  celte  famille,  c'est  ce  que  nous 
croyons  sans  peine.  Mais  quand  est-il  né.**  De  quelle  époque 
est  son  poëme.''  Ce  sont  des  questions  auxquelles  nous  nous 
garderons  de  répondre,  quoique  nous  ayons  sous  les  yeux 
le  livre  de  M.  De  la  Rue. 

Nous  avons  toujours  répugné  à  reconnaître  pour  de  véri- 
tables épopées  ces  vastes  compositions  du  moyen  âge,  qui, 
bien  que  demi-historiques  et  demi-fabuleuses,  ne  ressemblent 
aux  épopées  des  anciens  qu'en  ce  qu'elles  sont  en  vers;  mais 

X  X  xxa 


XIII  SIÈCLE. 


roman  >le  (larin 
leT.iilipraiii  pas 
ii'H. 


716  TUROLD. 

s'il  est  un  de  ces  romans,  où  les  règles  et  les  formes  du 
poëine  é|)i(|ue  se  trouvent  assez  exactement  observées,  s'il  en 
est  un  qui  mérite  le  nom  (l'éj)o[)ée,  c'est,  il  faut  en  conve- 
nir ,  le  roman  «le  ta  Bataille  de  IloncevaiiJC, 

On  ne  peut  douter  que  Tnrold  n'ait  pris  le  sujet  de  son 
poëme  dans  quel(|ues-unes  de  <cs  chansons  que,  depuis  la 
mort  de  Cliarlema{(ne,  des  j<m{;leurs  ambulants  allaient 
clianter  dans  tous  les  pays,  sur  des  rôles  ou  sur  des  violes, 
et  dans  lesquelles  ses  exploits  étiient  racontés  avec  des  cir- 
constances le  plus  souvent  fabuleuses.  Notre  opinion  est  que 
tous  les  grands  romans  qui  ont  pour  héros  ou  Charlemagne 
on  Arthur,  tirent  leur  origine  de  ces  chansons  vulgaires;  que 
les  poètes  ne  firent  que  les  étendre,  les  embellir  par  des 
épisodes,  des  descriptions,  par  des  détails  de  toute  espèce. 
Ces  chants  populaires  ne  seraient-ils  point  ces  cliansons  de 
gestes ,  dont  il  est  si  souvent  fait  mention  dans  notre  histoire 
vi  J'auiiiiPa-  <J"  moyen  âge.''  Lfn  jeune  écrivain  qui  s'occupe,  avec  succès, 

lis,  Piéfaui  du  de  recherches  sur  notre  ancienne  poésie  lran(jaise,a  cru  pou- 
voir doiMier  ce  nom  aux  romans  eux-mêmes,  et  pense  qu'on 
chantait  aussi  ces  longues  compositions,  du  moins  par  frag- 
ments. C'est  ce  que  nous  ne  saurions  admettre;  ils  n'étaient 
que  récités  par  les  jofigleurs.  Au  reste,  nous  développerons 
ailleurs  cette  idée.  Quarit  aux  chansons  sur  Charlemagne  et 
ses  pairs,  nous  avons  la  preuve  que,  pendant  plusieurs  siè- 
cles, et  avant  que  cet  empereur  devînt  le  héros  favori  d'une 
foule  de  trouvères  en  France  et  en  Allemagne,  elles  étaient 
continuellenïent  dans  la  boni  he  ûvs,  plus  misérables  jon- 
gleurs, et  conséquemment  dans  celle  du  peu|)le  des  villes  et 
des  campagnes.  C'est  ce  que  nousap|)rend  un  poète  latin  du 
XII'  siècle,  Gilles  de  Paris,  dont  nous  avons  fait  connaître  le 
ii.>i  niici.  t.   Carolinus,  dans  un  précédent  volume.  Voici  comme  il  s'ex- 

^ V"  .  !>  .'l'î-      prime  en  parlant  des  hauts  faits  de  Charlemagne  : 

Décantât  a  per  orbem 

Gesta  soient  mclitis  aures  sopire  viellis. 

Mais  revenons  à  l'auteur  de  la  Bataille  de  lioncevaux. 
Charlemagne  a  conquis  l'Espagne  entière. 

Fors  Saragoce  au  chef  d'une  moniaigne. 
Là  est  Mai-silles,  qui  la  loi  Deo  ne  dagne; 
Mahomet  seit. 

Ce  roi  Marsile,  sentant  bien  qu'il  ne  pourrait  résister  seul 


TUROLD. 


717 


aux  armes  du  conquérant,  se  décide  à  lui  envoyer  une  am- 
bassade cl  m  rj^ée  de  lui  dcmanrier  un  chevalier  entre  les  m;iins 
dui|ucl  il  nincttra  ses  états  C'était  une  proposition  perfide, 
comme  on  le  verra  bientôt  :  cei)endanf  le  maj^nanime  Cliar- 
lemagiie  n'Késite  pas  à  y  acquiescer.  Il  nomme  pour  ambas- 
sadeur près  de  Marsile,  le  M;iyencais  Gauelon  ,  (|ui,  dans 
les  poèmes  du  cycle  carlovingien,  est  aussi  lâche  que  de  mau- 
vaise loi.  G.inelon  part  pour  S;iragosse  avec  l'envové  de 
Marsile;  et  le  trop  contiant  Charlcmaf^ne,  regardant  comme 
entièrement  finies  les  affaires  d'Espiigne,  se  détermine  à 
revenir  avec  son  armée  ou  doux  pays  de  France. 

Le  br.ive  Roland  reste  chargé  de  la  conduite  de  l'arrière- 
garde ,  à  la  tête  de  laquelle  se  trouve  aussi  l'élite  des  guerriers 
de  Cliaricmagne. 

Pendant  le  voyage  de  Ganelon  vers  Saragosse,  l'envoyé  de 
Marsile  le  séduit  sans  peine  parles  plus  brillantes  promesses. 
Ganelon  tieteslait  Roland;  il  travadiait  rle|)uis  long-temps  à 
sa  ruine,  et  à  celle  de  tous  les  chevaliers  qui  l'accompa- 
gnaient. 

L'armée  fie  Charlemagne  a  passé  les  défilés  qui  conduisent 
de  l'Lspagne  en  France;  et  lloland  se  trouve  à  quelque  dis- 
tance des  troupes  avec  vingt  mille  hommes  et  les  plus  braves 
guerrieisde  l'armée,  les  Olivier,  lesTurpin,  les  Garnier,  etc. 
Dans  ce  nombre  étaient  les  douze  pairs  de  Charlemagne. 

Charlemagne,  qui  marche  toujours  en  avant,  est  assailli 
des  plus  tristes  |)ressenliments,  et  troublé  par  des  visii us 
qui  lui  présagent  des  désastres.  Le  vityl  empereur 

Plore  des  oils,  tire  sa  barbe  bliince, 
Sor  son  in.intel  enfuit  sa  connoissanoe. 
De  clerrier  lui  cbevaurhe  li  dus  Nayme; 
Si  (li>tau  roy  :  ■■  De  ciii  avez  pesance?» 
("diarles  respond  :  "Tort  a  qui  le  demande. 
Tel  tlolofai,  ne  puis  muer  ne  planj^e. 
Par  guene  sert  tieserte  tôle  France! 
L'annuit  me  vint  par  la  vision  d'un  angle, 
Entre  mes  poinz  me  debrisait  ma  lance 
Graii  poor  ai  mes  niez'  Reliant  remaigne. 
Dex,  se  jel  pertjja  n'en  aurai  escaigne'.  •■ 


Mil  SIECLE. 


'  <)ut;  mon  w 

Te  II. 

'  Écheveaii  At 
(il  .'  CK  qui  vetil 
fine s»iis  doute: 
Il  ne  me  leslera 


nemarquons,  en    passant,   qu  il   ny  a  ici,  comme  dans  rKni].iiaitquei- 
presque  tout   le  poëme,  que  des    rimes  simplement    asso-  M<'e  valeur   ). 
nantes,  et   que  la  conjonction   que  y  est  presque  partout 
supprimée.  Nous  avons  lait  la  même  observation  en  parlant 


XIII  SIECLE. 


718  TUROLD. 

du  poëme  sur  le  f^^oyage  de  Charlemagne.  Les  deux  compo- 
sitioHS  nous  paraissent  à  peu  près  du  même  temps.  — Nous 
revenons  au  poëme  de  Turold. 

Les  craintes  de  Charlemagne  n'étaient  que  trop  fondées. 
Par  les  conseils  du  traître  Ganelon  j  Marsilc,  le  roi  païen, 
avait  réuni  une  très-forte  armée,  et  s'apprêtait  à  surpren- 
dre l'arrière -garde  de  l'armée  de  l'empereur  à  l'instant 
où  le  principal  corps  aurait  eu  franchi  les  défilés.  Roland 
voit  le  danger.  Il  n'aurait  qu'à  sonner  de  son  fameux 
cor  d'ivoire  pour  être  secouru  par  Charlemagne,  qui  n'est 
éloigné  de  lui  que  de  quelques  lieues;  mais  c'est  ce  qu'il 
regarderait  comme  une  impardonnable  làcl;eté.  En  vain 
Olivier  le  presse,  le  conjure  d'appeler  Cliarletnagne  à  son 
secours  :  le  héros  lui  répond  assez  durement  que  sa  bonne 
épée  Durandal  lui  suffit  pour  dissiper  la  gent  païenne. 

»  Ainsi  ferrai  de  Diirandart  assez, 
Ma  bonne  espee  qui  me  pend  à  mon  lez. 
Touz  en  sera  mes  brans  enseinglantez. 
Mieux  ains  mourir  que  face  tex  viltez.  • 

Mais  Rolaml  avait  trop  compté  sur  son  courage  et  sur  la 
fortune.  La  vaillante  troupe  à  laquelle  il  commande  succombe; 
lui-même  périt,  ainsi  qu'Olivier  et  une  foule  d'autres  braves. 
Rien  de  plus  touchant  que  les  dernières  paroles  du  héios,  et 
que  les  derniers  moments  d'Olivier  et  de  Garnier. 

Là  ne  finit  pas  le  poëme,  et  c'est  dommage.  .Mais  le  poète 
aura  pensé  qu'il  ne  fallait  pas  laissersans  punition  le  traître 
à  qui  l'on  devait  attribuer  la  défaite  d'une  partie  île  l'armée 
des  Français.  Sur  la  tin  du  combat,  Roland  s'était  enfin  dé- 
cidé à  sonner  de  son  oliphant  (son  cor),  et  Charlemagne 
l'ayant  entendu  avait  arrêté  la  marche  de  ses  braves.  L'em- 
pereur se  dirige  aussitôt  contre  l'armée  des  Sarrasins,  tra- 
verse le  chamj)  de  bataille  oîi  gît  Roland  avec  ses  vingt  mille 
compagnons  d'armes.  Il  s'élance  avec  fureur  sur  les  Sarrasins 
vainqueurs,  qui  s'apprêtaient  à  passer  l'Ebre.  Presque  aucun 
n'échappe  au  fer  des  l'^rançais  :  le  roi  .Alarsile  lui-même  perd 
un  bras  dans  la  bataille.  Les  corps  de  Roland  et  des  autres 
pairs  sont  repris  sur  l'ennemi ,  et  on  ordonne,  en  leur  hon- 
neur,  des  cérémonies  funèbres.  —  Quant  à  Ganelon,  il  est 
fait  prisonnier,  et  condamné  à  être  écartelé  ;  ce  qui  s'exécute, 
et  ce  qui  est  décrit  avec  des  détails  repoussants. 

Tel  est  l'aride  extrait  d'un   |ioëme  qui  brille  surtout  par 


TUROLD.  719 

...  ,        '  •  r  r.  XI"  SlÈCLt. 

les  descriptions  et  par  un  style  énergique  et  tranc.   l'our 


en  faire  sentir   le  mérite,  il  aurait  fallu  en  citer  de  plus  ,  L)'*seiiat  sur 

,  Al     •         •     1'  1  A  I''   loman    de  la 

longs  morceaux.  lAhiis  si  ion  veut  mieux  le  connaître,  on  uaudiie de Ron- 
peut  recourir  à  l'opuscule  qui  a  ëtë  publié,  il  y  a  quelques  rfcnur.pai  m 
années,  sous  le  titre  de  Dissertation  sur  le  Roman  de  Hon-  ^'°""'    P'"""  • 

!nï|ninirne  T'Ot. 

cevaux.  .  ,       .  m»",  i83..    ' 

L'auteur  de  cette  dissertation  n'avait  eu  sous  les  yeux , 
comme  nous-même,  que  les  deux  manuscrits  de  la  Bibliothè- 
que royale(n"'  y 222,  et  264),  dont  le  premier  est  bien  réel- 
lement du  xiii*^  siècle,  et  dont  le  second  n'est  qu'une  copie  assez 
moderne  et  même  abrégée  de  quelque  autre  manuscrit  de  la 
bibliothèque  d'Oxford,  qu'il  regarde,  avec  assez  de  vraisem- 
blance, comme  le  manuscrit  original.  Et,  en  effet,  le  style  du 
poëme  dénote  une  plus  grande  ancienneté:  il  a  plus  de  ru- 
desse et  d'énergie  ;  l'orthographe  n'est  pas  la  même  que  celle 
des  manuscrits  français.  Voici  comme  le  poëme  se  termine, 
et  rien  ne  ressemble  moins  aux  vers  de  la  fin  qu'on  lit  dans 
les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Paris  : 

Quand  leniperere  ad  faite  sa  justise',  ' Alailsnppli- 

Cesclargiez'  est  la  sue  grant  ire.  .  .  tier  Gamloii. 
Passet  li  juin,  la  nuit  est  aserie,  'Est  calmép. 

Ciilcez'  se  es  en  sa  eliani])re  vullice.  'Coiuhe. 

Saint  Gabriel  de  part  Deu  li  vient  dire:  *PieMens,«ïer- 

«  Caries  suminunses  les  os'  de  tiin  empir  "      a""»""       ^ 

Pc                            I     .              1     I) -5  '""  eniniip  nue. 

ar  force  iras  en  la  terre  de  liir  .  , ,.    ,',,,     ' 

...  Ue  I  Ilommc- 

A  la  citet  (jue  payen  unt  asise,  U,^,,,,   inlaTfr- 

Le  crestien  te  reclainient  et  crient.»'  le-Sainii). 

Li  einperere  ni  volsist  aller  mie; 

■<  Dens,  dist  li  reis ,  si  penuse  est  ma  vie!  » 

Pluret  des  oilz,  sa  barbe  blanclie  tiret. 

Ci  fait  lo  geste  que  Turoldus  declineL 

Ce  dernier  vers  nous  révèle  le  nom  de  l'auteur;  et  les 
vers  qui  le  précèdent  prouvent  qu'à  l'époque  où  ils  ont  été 
écrits,  l'opinion  générale  était  que  Charlemagne  était  allé  en 
Orient  :  ce  qui  le  [irouve  mieux  encore  ,  c'est  le  très-ancien 
poëme  sur  son  voyai^^e  à  Jérusalem  et  à  Constantinople.    . 

Quant  à  son  expédition  en  Espagne,  en  l'an  77H,  et  à  sa 
défaite  à  Roncevaux,  sujet  du  poëme  de  Turold  ,on  ne  peut 
douter  de  ces  deux  faits.  Les  historiens,  comme  les  poètes, 
n'ont  cessé,  depuis  le  xii' siècle,  de  les  célébrer  dans  leurs 
écrits  comme  dans  leurs  chants;  et  même  aujourd'hui,  la 
tradition  s'en  conserve  encore,  tant  en  Espagne  que  dans 
la  partie  des  Pyrénées  que   coupent  les  fameux  défilés  où 


VIII   SIECLE. 


-M^  TUROLD. 

Cliarlemagne  perdit  une  paitie  de  son  armée.  On  n'appren- 
dra pas  peut-être,  sans  quelque  surprise,  cpie,  dans  ces 
contrées  si  romantiques,  si  riches  en  souvenirs,  les  lialjitants, 
de  simples  paysans  absolument  illettres,  jouent  encore, 
chaque  année,  et  en  plein  air,  des  pièces  dont  Cliarle- 
inajj;ne  et  ses  pairs  sont  les  plus  importants  |)ersonnages.  Le 
style,  quoi(jue  bien  |)lus  moderne  que  le  [)nëme  de  la  bataille 
de  Roncevaux,  est  très  inférieur  en  tnérite;  mais  le  théâtre 
sur  lequel  se  joue  le  drame,  s'élève  sur  les  lieux  mêmes  té- 
moins (les  événements  qui  y  sont  retracés  :  il  a  pour  déco- 
rations les  montagnes  qui  virent  déliter  l'armée  de  Charle- 
ma^ne,  et  le  fameux  rocher  que  fendit  en  deux  ,  d'un  coup 
de  son  épée,  Roland  désespéré  de  sa  défaite  (i).  A.  D. 

^i)  En  i833,  M.  Joninrd  ,  de  l'Académie  des  inscriptions  et  I)elles-Iettres, 
pend.int  son  voyaj,'e  dans  les  Pyrénées,  s  était  arrêté  dans  un  petit  village 
du  département  des  J$asses-Pyrenées,  dont  la  situation  lui  pai. tissait  le- 
mar(|ud)le.  Ce  villaj;e,  dont  le  nom  est  Cas/et,  s'élève  sur  la  rive  droite 
du  Gave  dOssau,  dans  le  canton  d'Arudy,  et  contient  ^i^  liabilanis.  Là, 
certes,  notre  voyageur  ne  devait  pas  s'attendre  à  jouir  des  plaisirs  du 
ihiàlie,  et  pourtant  il  fut  invité,  «lès  le  lendi-inain  de  son  arri\ée,  à  la 
représentation  d'une  espèce  <!e  tragédie  ou  drame  intitule:  Les  Dctize  Pairs 
(le  France.  La  pièce  l'ut  joiiee  par  des  villageois,  à  midi  et  en  plein  air.  La 
scène  était  en  planches,  bordées  de  grandes  draperies  Manches,  et  recou- 
vertes par  d  autres  qui  servaient  à  intercepter  les  rayons  du  soleil  et  les 
regards  des  curieux  du  dehors.  L  orchestre  était  composé  d  un  tambour, 
de  deux  violons,  d  un  galoubet  et  d'un  tambouiin  {  c  est  le  nom  que  Ion 
donne  dans  le  pays  à  une  espèce  de  caisse  longue  à  6  et  7  coides,  que  l'on 
frappe  a  laide  d'une  baguette  en  bois  ).  C'est  au  bruit  de  cette  musique  que 
s'exécutaient  les  marches  (  et  il  y.  avait  mmibre  d'évolutions  militait  es  dans 
la  pièce),  ainsi  que  les  chants  ,  car  on  y  chantait  une  longue  ballade.  Tous 
les  instruments  jouaient  à  I  unisson.  Dans  lesaiis,  qui  11  étaient  pas  sans 
mélodie,  ^L  Jornard  crut  découvrir  des  traces  de  notre  très-ancienne  mu- 
sique. Au  reste,  il  paraît  cjii'a  Castet,  comme  à  Rome,  les  femmes  ne  doivent 
point  monter  sur  le  théâtre  :  c  était  un  c  harpentier  du  pays  (jui  jouait  le  rôle 
d'une  princesse, un  autre  paysan  celui  de  la  suivante.  1  ont  cela  élait  bur- 
lesque, trivial,  et  persoime  n'était  tenté  cle  rire.  —  Mais  il  est  temps  de  nous 
occuper  du  sujet  de  la  pièce.  Nous  y  retrouverons,  à  quelques  modifica- 
tions près,  le  sujet  du  Boinnri  de  Roncevaujc.  Comme  dans  le  romap  ,  la 
pièce  commence  par  une  entrevue  d  un  envoyé  du  roi  maure  avec  l'einpe- 
reur  chrétien  Chailemagne.  jNLiis  ce  n'est  pas  iWarj/Z/c^j  que  s'appelle  le  roi 
maure,  on  le  nomme  Balan  clans  la  pièce,  et  il  a  pour  fils  le  vaillant 
Vier-a-hras.  L  ambassadeur  du  roi  païen  (clans  la  pièce  comme  dans  le 
roman  ,  les  mahométans  sont  des  païens  )  porte  un  défi  à  Cliarlemagne  et 
même  aux  douze  pairs.  Ce  défi  est,  comme  on  le  pense,  accepté  avec 
empressement.  Le  o.mbat  commence.  Fier-à-bras  est  vaincui,  blessé  et 
reste  prisonnier  d'Olivier,  vainciueur.  Mnigié   le  baume  si  renomnié  avec 


XIIISIRCLE. 


HUON  DE  VILLENEUVE. 

1  EUT-ÊTRE  ce  poète,  auteur  d'un  très-grand  nombre  de 
romans  en  vers,  que  l'on  doit  ran}:;;er  dans  la  classe  de  ceux 
que  l'on  appelle  Romans  de  Charlemagne ,  serait  encore  in- 
connu si  Fauchet  n'eût  découvert  son  nom  tians  un  de  ses 
poèmes  qu'il  possédait.  Le  passage  où  se  trouve  ce  nom  est 
d'autant  plus  intéressant  à  citer,  qu'on  y  voit  toutes  les  pré- 
cautions que  prenaient  les  trouvères  pour  cai)tiver,  autant  que    ,  ''«"«''«'. Ot 'g 

.,,',,'  .  ,       ,  ,.        '  '  .  ,        ,      .'  (le  la  poésie  fran- 

f)ossible,  lattention  de  leurs  auditeurs,  et^au^sujuels  étaient  laise.p.  56». 
es  présents  que  faisaient  les  seigneurs,  en  habits  et  en  ar- 
gent, lorsqu'ils  étaient  contents  et  du  poème  et  du  trouvère. 
Que  la  paix  soit  avec  vous!  commence  par  dire  Huon , 
par  la  bouche  de  son  jongleur  (si  toutefois  ce  n'était  pas  Huon 
lui-même  qui  récitait),  au  seigneur  qui  l'avait  appelé,  et  il 
le  prie  ensuite  de  veiller  à  ce  qu'il  ne  s'élève  ni  cri ,  ni  rixe 
parmi  les  autres  auditeurs  : 

lequel  il  croit  guérir  toutes  les  blessures  qu'il  reçoit,  Fier-à-bras  allait 
peut-être  périr,  si  Olivier  ne  lui  ent  conseillé  de  recourir  aux  eaux  plus 
saliilaires  du  baptécue.  Ll  s'y  résigne,  on  l'emporte,  et  il  guérit. 

Balan  apprend  à  la  fois  la  défaite  et  l'api^stasie  de  son  fils.  11  livre,  en 
désespéré,  la  bataille,  et  remporte  à  son  tour  la  victoire.  Olivier  tombe 
aux  mains  des  Maures  avec  deux  chevaliers.  Qui  les  délivrera?  La  fille 
même  <le  Balan  ,  la  ']Knne  Floripes.  Elle  avait  admiré  la  haute  valent  des 
chevaliers  chrétiens,  et  elle  aime  en  secret  l'un  d  entre  eux  ,  Guy  de  Bour- 
gogne. Aussi  se  sent-elle  très-disposée  à  changer  de  religion. 

Arrivons  promptement  au  dénoûment.  Le  malheureux  roi  Balan  ,  trahi 
par  Fier-à-bras  et  par  sa  fille  Floripes,  succombe  enfin,  après  plusieurs 
alternatives  de  succès  et  de  revers.  Rien  n'a  résisté  à  la  terrible  épée  de 
Roland,  le  neveu  de  Charlemagne.  Balan  est  amené  devant  (Jharlemagne, 
qui  le  menace  de  le  faire  brûler  vif,  s'il  ne  consent  à  embrasser  la  religion 
chrétienne.  Balan  préfère  la  mort.  On  voit  que  c'est  lui  qui  joue  le  plus 
beau  rôle,  au  milieu  de  tous  ces  fanatiques  pal.idins.     . 

C'est  d'apiès  une  notice  écrite  pai'  M.  Joniard  ,  le  soir  même  de  la  repré- 
sentation de  <  e  drame,  et  qu'il  a  bien  voulu  nous  communiquer,  que  nous 
avons  pu  faiie  connaître  à  nos  lecteurs,  et  prouver,  du  moins  par  un 
exemple,  que  les  souvenirs  des  hauts  faits  dont  (ut  le  théâtre  cette  partie 
des  Pyrénées,  n'y  sont  point  éteints.  M.  Joinard  C(»njc'cture  que  la  pièce 
des  Douze  Pairs,  écrite  aujourd'hui  en  plats  vers  français,  n'est  qu'une 
traduction  d  une  pièce  très-ancienne  écrite  dans  la  langue  du  pays,  ou  du 
moins  l'imitation  d'un  ancien  Uoman  dialojrué.'il  fait  faire  en  ce  moment 
des  recherches,  pour  découvrir  Cet  original,  qui  serait  un  assez  curieui 
monument. 

Tome  Xr III.  Yyyy 


XIII  SIF.CLK.. 


-j-x-y.  HUON  DE  VILLENEUVE. 


Gardez  qu'il  ni  ait  noise,  ne  tabor,  ne  criée  : 
Il  est  ensiiic  loustunie  en  la  vostre  contrée, 
Quant  un  chanterres  vient  entre  gent  honorée 
Et  il  a  endroit  soi  sa  vielle  atrempée, 
'  l'se«,  cleclii  Ja  tant  n'aura  niantel  ne  cotte  desraniée  ' 

'*•'■  Que  sa  première  laisse'  ne  soit  bien  escoutée; 

Tache  ^dehiil  p^j^  f^j^j  chanter  avant  se  de  riens'  lor  agrée  , 

du  poème).  /-v     .      .  i       ■  .  w       •      .     •     i 

.',       .'        ,  Ou  tost  sans  vilen;e  peut  recoillir  S  estree '. 

l,a  L-nose     Ir  ,..,.'.,  , 

>  Je  vos  en  dirai  duiieuui  niolt  est  henoree, 

1"""""^  ^  TTl  1        1?  '  II  ■    1       • 

•Son   rhfmin  I^'  royaume  de  rrance  na  nulle  si  loee, 

peut  rriirenilre  Huon  de  Villenoeue  l'a  niolt  estroit  gardée, 

sa  loiiie  -.  N'en  vol  prendre  cheval  ne  la  mule  at'eltrée^, 

'  Ihiiiiacht'p.  Peliçon  vair  ne  gris,  niantel,  chape  torée", 

'Fouiréc.  ]\e  de  bueris  paresis  une  grant  henepée'; 

Unvaspiileiii.  Or  en  ait  il  maulgrez  qii'ele  li  est  emblée', 
Une  molt  riche  pièce  vos  en  ai  aportée. 


Sousliaile 
ilérnhec 


Kauchel,  iliid. 


Il  semblerait  que  par  ces  mots  :  maulgrez  qii'ele  li  est  em- 
blée,  le  jongleur  annonce,  comme  le  remarque  Fauchet, 
que  le  roman  qu'il  va  chanter,  avait  été  dérobé  à  son  auteur 
Huon  de  Villeneuve;  aussi  n'en  promet-il  qu'un  morceau, 
mais  une  molt  riche  pièce.  Les  vois  de  poèmes  devaient  sans 
doute  être  assez  communs  dans  un  temps  où  cette  espèce  de 
denrée  avait  une  valeur  réelle,  était  payée,  comme  nous  le 
voyons  dans  les  vers  que  nous  avons  cités,  par  de  bons  pari- 
sis,  des  rnantels ,  des  chapes  fourrées. 

Ces  vers  nous  apprennent  aussi  que  de  ces  énormes 
romans  on  ne  récitait  que  des  fragments,  de  riches  pièces,  ap- 
paremment quelques  épisodes.  C'est  ainsi  que,  dans  la  Grèce 
antique,  les  rhapsodes  ne  récitaient  ou,  si  l'on  veut,  ne  chan- 
taient que  des  fragments  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée. 

Quelques  passages  des  romans  de  Huon  de  Villeneuve, 
faisant  allusion  à  des  événements  qui  se  sont  passés  tant 
à  la  fin  du  xii'  siècle  qu'au  commencement  du  xnT,  on 
en  a  conclu  qu'il  florissait  sous  le  lègne  de  Philippe -Au- 
guste. Mais  voilà  tout  ce  qu'on  sait  de  lui;  et  l'on  remarque, 
non  sans  surprise,  qu'aut  un  poète,  qu'aucun  écrivain  de  cette 
longue  période,  ne  fait  mention  d'un  trouvère  dont  l'extrême 
fécondité  ,  sans  parler  de  son  talent  qui  peut  n'être  pas  géné- 
ralement reconnu,  lui  donnait  droit  à  (|uelque  célébrité. 

Nous  allons  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur  les  romans  qui 
lui  sont  attribués. 

1°  Regnaut  de  ÎMontauban  (  c'est  le  roman  d'où  Fauchet  a 
tiré  les  vers  où  l'on  trouve  le  nom  de  Huon  de  Villeneuve). 
L'auteur  commence  ainsi  : 


HUON  DE  VILLENEUVE.  naS 

Seignor,  or  escoutez,  que  Dieu  vos  soit  amis,  '     ^*-^- 

Jhesus  de  Sainte  Gloire,  li  rois  de  paradis. 

Si  vos  dirai  cliançon  qui  bien  doit  esire  empris. 

Aine  n'oïstes  nieillor,  por  oïr  ce  vos  plevis. 

Dès  le  début,  on  voit  Charlemagne,  qui  a  re'uni  ses  ba- 
rons à  Paris,  le  jour  de  la  Pentecôte ,  leur  déclarer,  du  h;iut 
de  son  trône,  qu'il  va  faire  la  guerre,  en  Gascogne,  à  Re- 
gnaut  de  IMontauban, 

Qui  contre  lui  recelé  ses  mortels  anemis, 
Les  quatre  fils  Ayuion  que  toz-jors  a  liais. 
Et  Maugis  leur  cousin. 

Il  leur  déclare  qu'il  assiégera  Montauban,  et  que  si  quel- 
qu'un peut  prendre  Régnant,  il  lui  fera  un  grant  don.  Doon 
de  Nanteuil  prentl  la  parole  pour  représenter  à  Charlema- 
gne que  ses  barons  sont  fatigués  ties  courses  continuelles 
qu'il  leur  commande;  et  il  lui  signifie,  au  nom  de  tous, 

3u'ils  ne  prendront  aucune  part  à  l'expédition.  Un  tel 
iscours  fait  bien  voir  qu'au  temps  où  vivait  l'auteur,  c'est- 
à-dire  dans  le  xui'  siècle,  les  hauts  barons  et  autres  grands 
seigneurs  tranchaient  déjà  du  souverain;  que  déjà  parmi 
eux  fermentait  ce  germe  d'insurrection  contre  l'autorité 
qu'ils  avaient  jusque-là  respectée,  germe  qui  acquit  son  entier 
développement  au  xv'  siècle,  et  produisit  de  si  funestes  évé- 
nements. 

Nous  nous  dispenserons  d'autant  plus  de  raconter  les  com- 
bats qui  suivent  cette  déclaration  de  guerre ,  que  les  autres 
romans,  dont  nous  allons  nous  occuper,  ramènent  les  mêmes 
événements.  Ce  ne  sont  pour  ainsi  dire  que  des  branches  i\e 
la  même  épopée. 

.  Le  roman  de  Régnant  se  termine  par  ces  vers  : 

Ci  définist  l'estoire  de  Renaut  le  poissant 
Et  de  ses  bons  amis  et  de  Maueis  le  Franc. 
Dex  garisse  tous  cens  par  son  commandement. 
Et  moi  qui  l'ai  cbantée  ne  mi  oblie  noient. 
Et  alons  trestoz  boire,  qar  il  en  est  bien  tamt. 

Presque  tous  ces  romans  finissent  toujours  par  l'invitation 

Sue  le  jongleur  fait  à  ses  auditeurs  de  venir  boire  avec  lui. 
était  une  espèce  de  formule  obligée;  et  nous  pensons  que  le 
plus  souvent  elle  n'était  pas  de  l'auteur  du  poème,  mais  du 
jongleur  qui  le  chantait,  ou  plutôt  le  psalmodiait,  et  qui  de- 

Yyyya 


XUl  Sito.E. 


724  HUON  DE  VILLENEUVE. 

vnit,  en  effet,  avoir  besoin  de  se  rafraîchir  après  un  si  pé- 
nible exercice. 
B«»u  ms:,  d        -2"  Les  quatre  fils  Aymox.  Ce  poëme-ci  est  encore  une 
la  «ibiioih.  roy.  gujte  ,  une  brandie  principale  de  Reenaut  de  Montauban. 

COI f  718a,  orné    i-v      ^  1  |       /->i       '1  1       .  ....•■» 

<ie  vigneiifs  co-  '-'^  '^^^'^  '^"^  romans  de  Cnarlemagne,  il  n  en  est  point  qui  ait 
i»ri«es.  été  plus  répandu  dans  toute  l'Europe.  Le  souvenir  des  quatre 

héros  du  poéine  s'est  toujours  conservé  dans  la  mémoire  du 
peuple,  f.eurs  aventures  ont  fourni  dos  sujets  aux  poètes  , 
comme  aux  peintres  des  siècles  postérieurs  au  temps  où 
parut  le  roman  original.  —  JNous  citerons  d'abord,  comme 
c'est  notre  coutume,  le  prologue  de  ce  poème: 

Seigneurs,  or  faites  pais,  chevaliers  et  barons 
Et  rois  et  dus  et  contes  et  princes  de  renons, 
Et  prélats  et  bourgois,  gens  de  religion, 
Danies  et  demoiselles  et  petits  enfançons, 
Clers  et  lais  toutes  gens  vivans  fois  et  raisons. 
Que  nostre  sire  Diex  qui  souffry  passions 
En  l'arbre  de  la  crois  pour  nous  remissions 
Nous  vuelle  tous  et  toutes  garvler  de  mesprisons, 
Et  si  vivre  en  ce  siècle  que  quant  trespasserons 
Nous  otienne  la  gloire,  et  facile  vray  panions. 
Or  faites  pais,  seigneurs,  ne  faites  cris  ne  sons, 
Et  je  vous  chanteray  une  bonne  chansons, 
•     Car  c'est  des  vaillans  hoirs  du  preux  conte  Doons, 
Cil  qu'on  dist  de  Mayence,  qui  tant  fu  vaillan;  hoDS. 
D'un  de  ses  douze  tils  qu'on  apella  Aymons 
Issy  quatre  biaus  frères  desquels  orres  les  noms  : 
Regriault  fu  le  premier,  Allais  fu  le  seconds, 
Et  Giiichars  e  Richars  aussi  furent  les  noms. 
Richars  fu  le  plus  fier  des  quatre  fils  Aymons, 
Aussi  que  en  l'estoire  tout  partout  le  trouvons. 
Bien  aparut  es  guerres  qu'orent  les  enfançons, 
Aussi  que  si  après  nous  vous  recorderons. 

Il  nous  en  coûte  de  reproduire  ici  d'aussi  plates  lignes 
rimées,qui  nous  rappellent  le  style  des  vieilles  chroniques 
en  vers  des  xiv  et  xv*  siècles.  Et  cependant  nous  continue- 
rons encore,  parce  que,  dans  ce  qui  va  suivre,  nous  trouvons 
l'analyse  exacte  de  tout  le  roman  des  Quatre  6U  Aymon , 
faite  par  l'auteur  lui-même,  et  sans  doute  reproduite  avec 
des  alléralions  par  quelque  copiste  de  l'âge  suivant. 

Des  quatre  fils  Aymon  je  vous  voudray  conter, 
De  leur  commenchement  jusqu'au  definiinent, 
Si  comnie  ils  guerroyèrent  Cbarleniaine  le  bec 
Pour  l'amour  J3ertouler  que  Regnault  voult  tuec, 
Comment  grant  povretéleur  convint  endurée 


HUON  DE  VILLENEUVE.  725 

En  es  forés  d'A.rdenne,  et  voiirray  recorder 
Comme  ils  vinrent  à  Dordonne  à  leur  mère  parler, 
Et  au  lion  duc  Aymon  qui  les  voult  engenrer. 
CoHjmeiit  Maugis  y  vint  pour  eulx  reconforter, 
Puis  se  voulirent  partir  et  en  Gascougne  aler 
Servir  au  roy  Yon  qui  depuis  voult  doner 
Sa  suer  en  mariage  à  Regnault  le  lion  ber, 
Clarice,  ou  au  gré  duc  voult  en  lui  engenrer 
Douze  hoirs  maies  que  Dieux  voult  depuis  honourer. 
C'est  Aymon  et  Yvon  ,  on  les  puest  bien  nomer;- 
Et  puis  recorderay  et  vouray  deviser 
Comment  Karle  les  fist  de  Casgongnie  semer, 
Comment  réurent  leur  païs,  comme  Karle  passa  mer, 
Jherusalem  cunquist,  comment  voult  raporter 
Les  trois  clous,  la  couronne  dont  Dieu  du  trosne  cler 
Fust  ça  jus  coronnés ,  et  ses  membres  fichier 
Pour  tout  humain  lignaige  hors  d'enfer  racheter; 
De  coy  Karle  voult  puis  aimer  et  honourer 
Regnault  de  Montauban  et  le  voult  pardonner 
Sa  yre  et  son  mal-talent,  sans  rien  plus  relever; 
De  quoy  moult  resjoy  furent  duc,  conte  et  per 
Chevaliers  et  bourgois,  escuier  et  bacheler. 
Et  tous  bons  chrestiens  de  la  et  de  ca  mer 
Ainsi  que  vous  pourrés  oïr  et  raconter 
Ens  ou  noble  romant  qui  moult  fait  à  loer. 

Voilà  le  sujet  du  roman  annoncé,  peu  claireinent  peut- 
être  ,  mais  assez  pour  que  l'on  puisse  juger  de  sa  connexité 
avec  Regnaut  de  Montauban,  et  plusieurs  autres  romans 
dont  les  auteurs  ont  pris  leurs  héros  dans  cette  famille. 

Après  l'exposition  que  nous  venons  de  citer,  l'auteur  en- 
tame son  récit  en  commençant  à  la  naissance  de  ses  quatre 
héros,  fils,  comme  on  sait,  duduc  ^ymonetde  sa  femme  au 
corps  gent.  Il  décrit  toutes  leurs  aventures,  et  finit  par  le 
récit  de  la  victoire  que  le  roi  Yvon  ,  Ogier  et  le  duc  de  Mae- 
mond  remportèrent,  à  Mont-Laon,  sur  l'empereur  Charle- 
magne,  qu'ils  vinrent  assiéger  en  France;  victoire  après 
laquelle  le  roi  Yvon  retourna  en  sa  ville  de  Jérusalem. 

Le  roman  se  termine  par  les  vers  suivants  : 

Enssi  li  rois  Yvon  guerroya  roy  Karlon 
Pour  ses  trois  vaillans  oncles  et  chevaliers  de  non, 
Et  pour  son  cousin  Maugis  chieux  d'Aigremont 
Qui  furent  rais  à  mort  par  très  grant  traïson. 
Moult  très  bien  les  venga  le  noble  roy  Yvon  ; 
Ensi  l'avez  oï  en  la  bonne  canchon. 
Chi  fine  la  matera  de  Regnault  le  baron. 
Qui  tout-jour  guerroya  l'empereur  Karlon , 


XIII  S1KCI,E. 


4  9 


XUl  SIKCLE 


Biblinlh. 
mss.  7183. 


Ils  n'en  sa- 
\^'iil  pas  la  valeur 
d'un  lioulon  ^11$ 
nensaventrien^. 


'  Au\  {«-Ile» 
inouslaclies. 

'l'cul-êlie  ce 
mot,  très  claire- 
ment écrit  dans 
le  rasi-  ,  ^eut-il 
dire  ;  tl' accord 
mec  liti? 


726  HUON  DE  VILLENEUVE. 

Oncqiies  plus  vaillant  prinche  ne  viesti  haubregon, 
Que  fu  li  bers  Ilegnault  qui  tant  estoit  preudon. 

Et  le  chanterre  ou  jongleur  a  peut-être  ajouté  les  vers  sui- 
vants; car  nous  ne  saurions  les  attribuer  à  l'auteur  même 
du  poënie  : 

Or  prions  tous  à  Dieu  par  grant  devocion 

Qu'il  nous  ottroit  sa  gloire  par  son  sauitisnie  nom, 

Et  celui  qui  l'a  escript  vieille  Dieu  doner  en  don 

Or  et  argent  assez,  car  il  en  a  bon  beson 

Pour  (louner  aux  filletes  et  maint  bon  conipaignon, 

Car  tout  che  qu'il  ayme  que  vous  celeroit-on  ? 

3°  Maugis  d'Aigremont.  —  Le  jongleur  nous  fait  d'abord 
connaître  (  après  toutefois  le  prélude  d'usage,  ou  l'espèce 
d'invocation  à  Dieu)  que  le  sujet  de  son  roman  est  pris  dans 
l'histoire,  ce  qui  n'a  ni  vérité  ni  vraisemblance. 

Et  je  vous  chanterai  d  une  bonne  chanson 
Faite  est  de  bon  estoire. .  .  . 

Mais  il  paraît  que  d'autres  trouvères  s'étaient  plu  à  peindre 
son  héros,  Maugis,  sous  des  couleurs  défavorables,  et  il 
leur  en  fait  aussi  reproche. 

Cil  jugleor  vous  chantent  de  Maugis  le  larron 
Comment  il  gnerroia  1  empereour  Karlon 
Pour  aider  ses  cousins  les  quatre  fils  Aymon, 
Dont  ils  ne  savent  mie  la  monte  d'un  bouton  '. 

Pour  lui,  il  connaît  mieux  Maugis.  Aussi  commence-t-il 
par  nous  donner  sa  généalogie. 

Il  est  vrai  que  Maugis  fu  assez  gentis  hon  : 

Ses  pères  lu  dus  Bues,  li  sire  d'Aigremont, 

La  Duchoise  sa  mère  à  la  chère  façon. 

Fille  Hernaud  du  Montel  à  le  fleuri "guernon '. 

Cil  fu  aieus  Maugis  qui  ot  cuer  de  lion 

De  police*  ert  ses  oncles  li  riches  rois  Oton 

Et  Doon  de  IVantuel,  Girars  de  Roussillon 

Et  Naimes  de  Dordone  à  le  flori  guernon, 

Si  furent  ses  cousin  li  quatre  fils  Aymon  : 

Miilt  furent  né  et  esirait  de  bonne  nation. 

Il  n'est  pas  un  des  personnages,  nommés  dans  la  généalogie 
de  Maugis ,  qui  n'ait  fourni  matière  à  quelques  romans.  Nous 
possédons  encore  presque  entièrement  ces  productions  poéti- 
ques; mais  on  sent  bien  qu'il  nous  serait  impossible  de  les 
analyser  toutes. 


HUON  DE  VILLENEUVE.  727 

T  J      M  •      C    •.  1  •  J'  XHl  SIÈCLE. 

Le  roman  de  Maugis  nnit  par  la  conversion  d  un  païen , 


ou  plutôt  d'un  mahoraëtan,  Vivien  Xaumaçor  (mot  arabe      M.Roquefort, 
que  i'on  peut   rendre  exactement  par  celui  de  connétable,  p'°*^""*^  ^^  '' 

^  .     7      7\     r"      .   '  «  -l  ^-       ^    J  I  langue     romane 

cornes  stabuli).  Lest  a  peu  près  ce  qu  il  contient  de  plus  vez-^oAumaçor. 
remarquable.  Le  jongleur  finit  par  la  recommandation  or- 
dinaire. 

Seignors  or  aies  hoire,  li  Roman  est  fine. 

4°  A  ce  roman  succède  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothè- 
que 7,188,  celui- de  Bue/ on  Beuvks  d'Aigremont,  père  de 
Maugis.  Il  est  sans  titre,  el  n'est  distingué  du  premier  que 
par  une  lettre  historiée  :  peut-être  aurait  -il  dii  le  précéder, 
si  vraiment  Buef  était  père  de  Maugis. 

Dans  ce  roman ,  comme  dans  presque  tous  les  autres,  on 
voit,  dès  le  début,  l'empereur  Charles  rassembler  ses  sei- 
gneurs ,  le  jour  de  la  Pentecôte,  et  leur  exposer  ses  projets  t 

Ce  fu  à  Pentecoste  à  un  jour  honoré, 
Que  Karles  tint  sa  court  à  Paris  sa  cité. 

Quatre  archevêques,  quatorze  abbés,  Girard  de  Roussillon 
et  un  grand  nombre  de  chevaliers  assistèrent  à  cette  fête. 
Cependant  il  y  en  eut  qui  refusèrent  de  s'y  rendre ,  entre 
autres  : 

Le  dus  Bues  d'Aigremont  qui  le  poil  ot  molle. 

L'empereur  Charlemagne,  assis  surson  trône,  une  baguette 
à  la  main,  harangue  l'assemblée.  Il  s'agit  toujours,  dans  cette 
harangue  et  dans  tout  le  roman,  d'aller  combattre  les  sei- 
gneurs qui  se  révoltaient  contre  l'autorité  de  Charlemagne. 

5°  DooLiN  DE  Mayence.  — C'est  encore  un  roman  du  genre      Biblioih. 
de  ceux  dont  nous  venons  de  rendre  compte.  Il  est  écrit  en  ">»  7635. 
vers,  et  divisé  en  morceaux,   souvent  très-longs,  sur  une 
même  rime. 

L'auteur,  après  avoir  donné  une  idée  succincte  du  sujet,  ne 
cache  point  la  source  oii  il  a  puisé. 

Les  sarges  clers  adont  par  leur  signifiance 
En  firent  les  chronicques  qui  sont  de  grant  vaillance 
Et  sont  en  l'abbaye  de  saint  Denis  en  France, 
Puis  ont  été  estraites  par  moult  belle  ordonnance 
Du  latin  en  romant  pour  donner  congnoissance 
Des  erans  fais  aprouvés  et  parfaicte  créance 
Que  tous  bons  à  l'ouyr  doit  avoir  plaisance. 
Seigneurs  or  faictes  pais,  franche  gent  et  honourée, 


l'oy. 


XIII  SIÈCLE. 


728  HUON  DE  VILLENEUVE. 

Et  vous  orrei  chancon  bien  faicte  et  devisée , 
C'est  du  bon  Doolin  qui  tant  ot  regnoniée, 
Le  seigneur  de  Mayence  qui  tant  feri  d'espée. 
Par  qui  la  gent  payenne  fut  durement  grevée 
Et  la  loi  Jhesu-Christ  exhaultée,  augmentée, 
Mais-hui  pourres  ouir  en  la  chancon  riniée 
De  qui  la  geste  vient  qui  tant  fut  honnourée. 

Ce  héros  paraît  avoir  été  le  père  du  perlide  Ganelon  ou 
Guenelon, archevêque  de  Sens,  connu  par  ses  trahisons  sous 
lerègnedeCharles-le-Chauve,  etdont  les  romanciers  ont  fait 
un  assez  vilain  portrait.  Il  paraîtra  fort  singulier  que  l'au- 
teur ait  choisi  son  paladin,  qui  vivait  pendant  les  premières 
années  du  règne  de  Charlemagtie,  dans  cette  race  si  décriée. 
Au  reste  ce  roman  est  d'un  style  comique  et  nait.  L'auteur 
a  diversifié  les  <Jétails  des  batailles;  et  ces  récits  ne  t,ont  pas 
aussi  ennuyeux  que  dans  la  plupart  des  ouvrages  du  même 
genre.  Mais  on  n'y  trouve  ni  suite,  ni  bon  sens,  111  vraisem- 
blance. L'auteur  fait  intervenir  Dieu  et  ses  anges  dans 
quelques  étranges  événements;  et  Doolin  y  joue  souvent  le 
personnage  d'un  bouffon  plutôt  que  celui  d'un  héros. 

Ce  roman  de  Doolin  a  été  imprimé  plus  d'une  fois  au 
commencement  du  xvi*'  siècle.  Nous  citerons  les  diverses  édi- 
tions qu'on  en  a  faites,  en  rendant  compte,  d.ms  une  note 
à  la  fin  de  cet  article,  de  celles  qu'on  a  publiées  de  la  plupart 
des  autres  romans  dont  nous  venons  de  faire  mentiun. 

6°  CiPERis  DE  ViNEAUX,  OU  plutôt  de  Fignevaux.  Il  est 
très-douteux  que  ce  roman  soit  de  Huon  de  Villeneuve  ,  bien 
que  divers  auteurs  le  lui  attribuent.  Ce  n'est  |)oiiit  un  roman 
de  la  catégorie  de  ceux  qu'on  nomme  carlovingiens ;  les  évé- 
nements qui  en  font  le  sujet  sont  d'une  tout  autre  époque. 
Mais  dans  le  seul  manuscrit  qu'en  possédait  Fau<.het  (et  cest 
probablement  celui  que  l'on  possède  aujourd'hui  à  la  Biblio- 
thèque royale),  il  était  à  lasuite  de  Regnaud  de  Montauban; 
ce  qui  a  pu  faire  croire,  sans  trop  de  raison,  que  tous  les  deux 
étaient  du  même  auteur.  Au  reste,  Cïperis  de  Fiiieaux  n'est 
pas  même  complet  dans  ce  manuscrit,  le  seul  que  nous  ayons 
pu  examiner;  ce  n'est  qu'un  grand  fragment  d'une  longue 
pièce  de  vers,  qui  n'aide  nullement  à  en  faire  reconnaître  le 
véritable  auteur.  On  ne  range  pas  raoins'le  poème  de  Cïperis 
parmi  les  lomatis  carlovingiens,maisc'està  tort, comme  lere- 
marcpicti  es- justement  le  nouvel  éditeur  de  plusieurs  ancieus 
romans  qui  doivent  dans  la  suite  attirer  notre  attention. 


HUON  DE  A'ILLENEUVE. 


7^-9 


Xi  11   SIFCLE. 


lion  (le  Gaiin  le 
Lolteriiiit ,  p.  x. 


PiK'sic    finn- 


]. 


5G:iv. 


«  Le  titre  de  Romans  carlovingicns,  dit-il,  est  très-inexact. 
Les  chansons  de  gestes  comprennent  une  foule  de  poèmes  qui  m.  Pàiis,  Pré- 
ne  se  rapportent  ni  aux  princes  delà  race  de  Charlemagne,  '"'•"  «lesonédi 
ni  aux  barons  français  contemporains  de  ces  princes.  Dans 
re  nombre,  je  citerai  Partlienopex  de  Biais,  Florent  et  Octa- 
\'ien,  Ciperis  de  P  ignei'aux,  dont  les  récits  remontent  aux  rè- 
gnes de  Clovis  et  de  Dagobert;  Hues  Capet,  le  Chevalier  an 
Cygne,  Baudoin  de  Sehourg,  et  le  Bastard  de  Bulliorif,  dont 
les  héros  appartiennent  tous  au  temps  de  la  troisième  race 
royale.  » 

Fauchet  a  remarqué  avec  raison  que  l'auteur  du  roman  de 
Ciperis,  quel  qu'il  soit,  a  dû  ne  vivre  que  dans  lexni'  siècle, 
puisqu'il  est  fait  mention  ,  dans  son  poème,  de  la  clôture  du 
bois  de  Vincennes,  clôture  qui  ne  fut  exécutée,  parles  ordres 
de  Philippe- Auguste,  que  vers  l'an  1200.  Il  cite  ensuite  un 
assez  graîid  nombre  de  vers  de  ce  poème,  qui  sembleraient 
prouver  que  l'auteur  aimait  à  s'exprimer  en  maximes  ou 
proverbes.  En  voici  quelques  exemples  : 

Tel  cuide  bien  avoir  de  sa  cliair  engendré 

Des  enfants  en  sa  femme  qui  ne  lui  sont  un  dé. 

—  Pis  vaut  péché  couvert,  ce  disent  li  lettré, 
Que  ce  que  chacun  sait  et  qu'on  a  mie  celé. 

—  Et  cil  est  bien  bastardz  qui  n'a  cuer  ne  pensé 
Fors  de  mauvaistié,  fere  laidure  et  fauceté. 

—  Car  tielz  est  bien  armez  qui  po  de  povoir  a. 
Et  tielz  est  mal  vestus  qui  a«  corps  bon  cuer  a. 

—  Le  cuer  n'est  mie  es  armes,  mais  est  où  Dieu  mi»  l'a. 

—  On  porte  plus  d'honneur  à  un  baron  meublé 
Chi'on  ne  tait  à  preudhom  vivant  en  pauvreté. 

—  Ce  qui  doit  advenir  on  ne  puet  nullement 
Destourner  qu'il  n'advienne,  ce  dit-on  bien  souvent. 

—  Souvent  fait-on  grant  joye  encontre  son  tourment. 

—  Hardenienl'  ne  vient  mie  de  noble  garnement', 
Aius  vient  de  gentil  cuer  où  proesse  se  prend,  etc. 


'Ei|uipagc. 


Il  nous  reste  à  rechercher  si  les  romans  de  Huon  de  Ville- 
neuve eurent ,  dans  leur  temps ,  le  succès  dont  il  paraît  qu'ils 
ont  joui  à  une  époque  plus  récente.  Ce  n'est  passans  surprise 
que  nous  avons  remarqué  qu'aucun  des  poètes  ses  contempo- 
rains ne  lui  donne  d'éloges,  ne  cite  même  son  nom.  Lui- 
même,  il  est  vrai,  garde  sur  ses  rivaux  en  poésie,  un  sjlencc; 
constant.  Et  pourtant,  il  a  bien  fallu  que  ses  nombreux  ouvra- 
ges aient  eu,  dans  le  xni*  siècle,  une  grande  réputation,  puisque 
lorsque,  dans  le  xiv^  et  le  suivant,  la  mode  ou  la  manie  ayant 

Tome  XFIIl.  Zzzz 

4  9  * 


XIII  SIECLE. 


73o  HUON  DE  VILLENEUVE. 

pris  de  translater  de  rimes  en  prose  presque  tous  les  romans, 
ceuxdeHuon  de  Villeneuve  furent  des  premiers  qui  subirent 
cette  métamorphose;  des  premiers  aussi  que  publièrent  les 
presses  françaises  peu  après  la  découverte  de  l'imprimerie. 
Mais  toutes  ces  traductions  en  prose  diffèrent  considérable- 
ment des  originaux  en  vers  (i).  A.  D. 

(i)  Nous  citerons  ici  au  moins  les  principales  éditions  de  ces  traduc- 
tions en  vulgaire  français,  les  rangeant,  autant  que  possible,  dans  leur 
ordre  chronologique. 

Les  deux  plus  anciennes  éditions  du  Roman  des  Quatre  fils  Âymon 
sont  de  Lyon,  149^  et  i497;  '  ""«^  «î'  l'autre  in-folio. 

Viennent  ensuite:  i.  iLe  livredes  quatre  fils  Aymon,  ducs  àe  Dordonne, 
avec  leur  cousin  Maugis.  Paris,  Alain  Lotrian,  in-4°,  gothique.  Sans  date. 

2.  Histoire  singulière  et  fort  récréative  contenant  les  faits  et  gestes  des 
quatre  fils  Aymon  et  de  leur  cousin  Maugis,  lequel  fut  pape  de  Rome; 
semblaljlement  la  Chronique  du  chevalier  Mabrian,  roy  de  Jherusalem. 
Paris,  Denys  Janot,  in-4'',  gothique.  Sans  date. 

3.  Le^  quatre  fils  Aymon ,  ducs  de  Dordonne ,  c'est  à  savoir,  Regnault, 
Alart,  Guichard  et  Richard,  avec  leur  cousin  Maugis.  Paris,  Jehan  Bon- 
fous,  in-4°,  gothique.  Sans  date. 

4-  La  Chronique  et  Histoire  des  conquêtes  du  chevalier  Mabrian ,  lequel 
par  ses  prouesses  fut  roy  de  Hierusalen;  commençant  à  la  teste  des  faiz 
et  ports  d'armes  des  quatre  fils  Aymon;  avec  la  mort  d'iceulz,  et  de  Maugis, 
lequfl  fut  pape  de  Rome,  etc.,  etc.,  réduite  du  vieil  langaige  en  bon 
vulgaire  français,  par  Guy  Bounay,  licentié  es  loix,  et  Jehan  Lecueur, 
seigneur  de  Mailly.  Paris,  in-fol.,  Jacques  Niverd,  i53o. 

5.  Histoire  des  nobles  et  vaillans  chevaliers  les  quatre  fils  Aymon , 
revue  et  remise  en  bon  langage.  Lyon,  François  Arnoult,  iSjS,  in-4''. 

—  La  même,  à  Lyon,  Rigaud ,  i58i,  n°  4o33  de  La  Vallière. 

6.  Les  prouesses  et  vaillances  des  quatre  fils  Aymon,  etc.  Troyes,  Ni- 
colas Oudot,  1625,  in-4°. 

—  Réimpression  en  1704,  in-4°. 

—  Et  en  1780,  in-4". 

7.  L'Histoire  de  Maugis  d'Aigremont  et  de  Vivian  son  frère.  Paris , 
Pierre  Bonfons,  iii-4°.  Sans  date. 

—  Paris,  Jehan  Treperel,  1527,  in-4". 

—  Rouen  ,  veuve  Coste ,  162 1  ,  in-4°. 

8.  La  fleur  des  batailles,  Doolin  de  Mayence. 

—  Paris,  Ant.  Vérard,  i5oi,  in-fol. 

—  id.,  Nicolas  Donfons,  in-4".  Sans  date. 

—  id.,  Alain  Lotrain,  in-4".  Sans  date. 

Ajoutez  beaucoup  d'autres  éditions  à  Troyes  dans  la  Bibliothèque  bleue. 


XIU  SièCLE. 


ANONYME,  AUTEUR 

DU  ROMAN  OU  LAI  D'HAVELOC  LE  DANOIS. 


JLes  lais  sont,  comme  les  romans,  ou  historiques,  ou  allé- 
goriques, ou  satiriques  ;  il  y  a  des  lais,  comme  il  y  a  des  ro- 
mans, de  chevalerie  et  d'amour.  Mais,  dans  notre  opinion, 
les  lais  historiques  précédèrent  les  romans.  Les  exploits 
d'Arthur  et  des  chevaliers  de  la  Table- Ronde  furent 
chantés  par  les  successeurs  des  bardes  gaulois,  sur  des 
harpes  et  des  rotes,  avant  d'être  retracés  de  nouveau  en 
d'énormes  compositions  romanesques,  par  des  trouvères, 
et  récités  ensuite  en  fragments,  plus  ou  moins  longs,  par 
des  jongleurs. 

Si  les  Inis^dans  la  partie  occidentale  de  la  Gaule,dans  celle 
oùsontsiluees  la  Bretagne  et  la  Normandie,  furent  le  type  ou 
plutôt  legeimedesromansd'ArthuretdeiaTable-Rondf,dans 
la  partie  orientale  (sur  les  bords  du  Rhin),  les  chansons  de 
gestes^  que  l'on  devrait  peut-être  appeler  cantilènes  ou  chants 
historiques  et  populaires,  ont  été  aussi  l'origine  de  ces  grands 
roin;ins  du  cycle  de  Charlemagne,  qui  inondèrent  l'Kurope 
au  xiii*  siècle.  Nous  répéterons  ici  ce  que  nous  avons  ailleurs 
avancé,  que  ces  immenses  romans  carlovingiens  ne  furent 
jamais  chantés,  pas  plus  ces  derniers  que  ceux  de  la 
Table- Ronde  Kn  vain  commencent-ils  presque  tous  [)ar  ces 
mots  :  f-^ous  allez  air  une  chanson.  Homère  aussi  disait  : 
Chante,  Mme ,  la  colère  (Ty^chille:  c'est  qu'avant  Homère, 
il  avait  existé,  dans  la  Grèce,  des  lais  ou  des  chansons  de 
gestes,  qui  avaient  célébré  Agamemnon,  Achille,  Ajax  et  les 
guerrieis  du  long  siège  de  Troie. 

Le  lai  dont  nous  allons  nous  occu|)er  est  du  genre  de  ceux 
que  nous  avons  nommés  historiques;  aussi  le  range-f-on  sou- 
vent parmi  les  romans;  et  il  a  fourni ,  à  un  ancien  poète  an- 
glais, le  sujet  d'un  roman  en  vers. 

L'aiitt'ur  (lu  lai  français  d'Haveloc  est  un  trouvère  a ngio- 
normand  ;  et  le  manuscrit  qui  contient  son  cuiviage  ne  se 
trouve  que  dans  les  bibliothèques  d'Angleterre.  Mais  un  éru- 
dit  anglais  (M.  Madden)  l'a  publié  en  y  joignant  une  préface, 

Z  zzzu 


732  AUTEUR  ANONYME 

xiu  sièclî:. 


UIH 


dans  laquelle  il  parvient  à  prouver  par  des  monuments,  par 
The    an. lent  des  fragments  de  cliToniques  et  des  actes  même  irrécusables, 
Homancc-  o!  Ha-  q^,  \ç  poëme  Hvait  uu  fondement  historique.  Un  savant  fran- 

vilok  Ine  Diine,  -i'  i  i      r   ■  i  iii 

ar.ompanird  b^  Ç^'^1  Charge  par  le  gouvernement  de  laire  des  recherches  dans 
iiii-  french  iex\ ,  les  bibliothèqucs  de  Londres ,  a  donné  récemment  une  nou- 
witiianiiiirodiK-  yellc  édition  de  ce  poëme,  et  une  traduction  de  la  préface  de 
Gins'sa'iy  !)Y  Fi'e^-  ^^-  j^I^iddeu.  EuGn ,  M.  De  la  Rue,  plus  récemment  encore, 
«loiirk  Macidcii.  fait  mention ,  en  trois  endroits  différents  de  son  grand  ou- 
Loiuion, vv. Ni-  vrage  sur  les  twuvcres  anelo-nomiands ^  du  lai   d'Haveloc, 

roi.,  1828,111-4".  P        .    .  rr         1      !•       '^  I'  •  1  •  j      I 

M.  Fi..n(isf|ue  QUI  mente  en  etiet  de  n.xer  1  attention  de  tout  partisan  de  la 
MkiKi,i.aid'Ha-  littérature  du  moyen  âge.  En  voici  l'analyse  exacte. 
veioc  ip  Uanois;       \  ^^  famcu.x  Foi  breton  Arthus  ou  Arthur  a  passé  en  Dane- 
,«•^5  marck  a  la  tête  d  une  armée,  et  y  a  détrône  le  roi  Gunter  : 

Bai'cUsetTrou- 
vèics  aiiglo-nor-  Le  roi  meismes  y  fut  occis  , 

nds,  etc.  Et  plusurs  autres  de!  pais. 

I  cccrur  Hoduif  l'occist  par  trahison 

Qui  tout  jours  out  le  queor'  félon. 

Ce  fut  cet  Hoduif  qu'Arthus  laissa  en  Danemarck  pour  son 
lieutenant,  lorsqu'il  retourna  en  Angleterre  avec  tous  ses 
Bretons.  Et  cette  espèce  de  tyran  persécuta ,  comme  de  rai- 
son, la  famille  du  roi  auquel  il  succédait,  et  tous  ses  partisans, 
^lais  le  feu  roi  avait  prévu  la  fatale  issue  qu'aurait  sa  guerre 
avec  Arthus;  il  avait  confié  sa  femme  et  son  fils,  âgé  de  sept 
ans,  au  fidèle  Grim,  en  lui  recommandant  de  veiller  sur- 
tout à  la  sûreté  de  son  fils  : 

Sur  toutes  riens  ii  commanda 
Son  fils  que  il  forment  ama  ; 
Que  si  de  lui  (Gunter)  mesavenoit 
En  bataille  se  il  morroit 
Q'a  son  poeir  le  garantist 
E  fors  del  pais  le  méist, 
Qu'il  ne  fust  ne  pris ,  ne  trovez 
N'a  ses  eneniis  liverez. 

Grim  s'était  retiré  dans  un  château  lointain  avec  la  fa- 
mille de  son  roi.  Dès  qu'il  eut  appris  sa  mort,  il  ne  son- 
gea  plus  qu'à  s'enfuir  du  pays.  Il  équipa  secrètement  un 
vaisseau,  y  fit  monter  la  reine  et  sa  suite,  et  y  entra  lui- 
même  avec  le  jeune  fils  du  roi. 

Le  vaisseau  quitte  le  rivage,  et,  à  quelque  distance,  est 
assailli  par  des  pirates  qui  pillent  le  bâtiment,  et  tuent  non- 
seulement  la  reine,  mais  tous  ceux  qui  s'y  étaient  réfugiés, 


DU  ROMAV  D'HAVELOC  rS3 

à  l'exception  de  Grim  et  du  royal  entant  qu'il  avait  sous  sa 
garde.  Seuls  dans  le  vaisseau,  ils  le  laissent  vogner  à  l'aven- 
ture. Le  sort  les  jette  sur  une  plage  de  1  Angleterre,  non  loin 
de  Lincoln.  C'était  alors  un  pays  désert,  quoique  fertile.  Grim. 
avec  les  débris  du  vaisseau,  se  construit  une  habitation,  y 
établit  des  relations  avec  les  habitants  de  la  contrée  voisine, 
et  s'allie  bientôt  avec  eux.  La  contrée  se  peuple,  et  c'est  là 
l'origine  du  bourg  de  Grimdy.  qui  est  encore  aujourd'hui 
l'un  des  plus  considérables  du  Lincolnshire. 

Cependant  le  jeune  fils  du  roi  Gunter,  Haveloc,  grandit 
sous  les  yeux  de  son  tuteur  dont  il  se  croyait  le  fils.  Sa  force 
était  extraordinaire;  dés  son  adolescence,  pas  un  habitant 
de  la  contrée  n  osait  lutter  avec  lui. 

Einz  qu  il  enst  gûres  de  éé% 
SI  troTast-il  hom£  bardé, 
S'enconrre  lui  liuter  Tousisl, 
Qe  li  emfes  ne  labatist. 

Mais  le  prudent  Grim  sentit  qu'un  fils  de  roi  devait  savoir 
autre  chose  que  lutter,  et  il  résolut  de  l'envoyer  chercher 
fortune  ailleurs.  11  lui  dit: 

Va-t'-en ,  beau  fils ,  en  Engkterre 

Aprendre  sens  et  avoir  querre; 

Tes  frères    les  fils  de  Grim  ;  meîne  ensemble  od  toi  : 

£o  la  curt  a  an  ricfae  roi 

Te  met ,  beau  fils,  soaz  ks  serganz. 

Ils  partent.  Mais  notre  fils  de  roi,  Haveloc  ne  peut  par- 
Tcnir .  dans  ce  monde  nouveau  pour  lui .  à  aucun  emploi 
plus  brillant  que  celui  de  quùtron  marmiton  dans  les  cui- 
sines d'ALsi ,  roi  du  Lincolnshire.  Il  se  distingua  dans  cet 
emploi  : 

Merrdllous  fès'  poscit  lever, 
Busche  tailler,  ewe'  porter. 
Les  esquielcs  '  recevoit , 
Et  après  manger  les  lavoit  ; 
Et  quant  qa~il  poeit  purcfaa^ser, 
Pièce  de  char  oa  pain  eater, 
Muh  le  donoit  volentïers 
As  valez  et  as  esquiers. 

Ce  qui  n'empêchait  pas  qu'on  n'eût  de  lui  une  très-pauvre 
opinion: 


XIIÎ  SIF.CI.E: 


'iriçc. 


Fard 


XIII  sricLE. 


734  AUTEUR  ANONYME 

Entre  eus  le  tenoient  pur  sot; 
De  lui  fesoient  lur  déduit; 
Cuaran  (i)  Tappelloient  luit. 

Nous  devons  faire  conniulre  le  roi  Alsi,  ce  patron  deCuaran- 
Haveloc.  C'était  un  assez  méchant  personnage,  qui  avait 
épousé  la  sœur  d'un  autre  roi  voisin,  Eltemhrigt.  Ce  der- 
nier roi  avait  légué  en  mourant  à  Alsi  sa  tille  Argentille 
et  tous  ses  biens,  mais  à  cotjdition  que,  lorsqu'elle  serait 
en  âge,  il  lui  donnerait  pour  époux,  en  lui  rendant  toute 
sa  fortune ,  l'homme  le  plus  fort  du  royaume.  Alsi  avait 
juré  que 

Quant  la  pucelle  seit  granz 
Par  le  conseil  de  ser  tenanz, 
Au  plus  fort  homme  la  Jorroit 
Qe  el  reaume  troveroit; 
Que  il  li  buillast  ses  citez, 
Ses  chasteus  et  ses  fermetez. 

A  l'époque  indiquée  par  un  père  si  bienveillant  pour  sa 
fille,  les  b.irons  vassaux  du  feu  roi  Eltembrigt  vinrenr  trou- 
ver Alsi  et  le  sommèrent  d'être  tidèle  à  son  sertnent.  Alsi  ré- 
pugnait à  se  dessaisir  des  bieiis  de  sa  nièce,  et  sachant  bien 
qu'il  allait  irriter  tous  ces  liers  barons,  il  leur  répond  qu'il 
est  tout  prêt  à  donner,  comme  il  l'a  juré,  la  jeune  prin- 
cesse au  plus  fort  de  tous  les  hommes;  qu'il  lui  réserve 
Cuaran,  un  de  ses  marmitons. 

Un  valet  ai  en  ma  quisine 

A  qui  jeo  dorrai  lu  meschine. 

Cuaran   ad  cil  .i  non. 

Li  dis'  plus  fort  (le  ma  maison 

, ,       1  Ne  se  poeiit  à  lui  tenir. 

Les  du.  r 

Les  barons  ne  peuvent  supporter  qu'on  avilisse  à  ce 
point  U  lillo  lie  leur  ancien  roi.  De  là  un  combat  entre 
eux  et  les  g'US  du  roi  Alsi.  Ceux-ci  l'emportetit;  et,  pour 
mieux  Itravi-r  les  barons,  Alsi  fait  venir  sa  niète,  et  la 
remet  à  l'instant  même,  et  sans  cérémonie,  dans  les  bras 
de  Cuaran- Haveloc  : 

())  Ndus  ii^MioiDMi  f,([ue  re  mot  signifie  en  breton.  Ne  semit-re  point 
balourd,  iiiepl'-? —  Le  vii-iix  mot  fiançais  eoMf/«/ est  le  mot  breton  cuaron, 
très-peu  allric. 


DU  ROMAN  D'HAVELOC.  y35 

c  I       f  .  Xm  SIÈCLE, 

aa  niece  lur  tel  amener  _________ 

Et  à  Ciiaran  esposer; 

Pur  lui"  aviler  et  hoiiir  'Elle. 

La  fist  la  nuit  lez  lui  gisir. 

Argentine  fut  d'abord  humiliée,  comme  on  le  pense  bien, 
de  l'hymen  peu  convenable  que  son  oncle  l'avait  forcée  de 
contracter;  mais  pourtant  elle  nu  tarda  pas  à  s'accommoder 
de  son  mari,  dont  elle  reconnut  le  mérite.  Et  encore  ne  dé- 
couvrit-elle pas,  dès  les  premiers  jours,  une  merveilleuse 
faculté  qu'd  devait  sans  doute  à  sa  vigoureuse  organisation, 
et  dont  nous  n'avons  point  fnit  mention  jusqu'ici.  C'est  que 
le  poète  ne  l'avait  indiquée  qu'une  seule  fois,  et  sans  en  pa- 
raître émerveillé, quoiqu'il  ne  soit  pas  très-ordinaire  de  ren- 
contrer des  hommes  qui  jettent  des  flammes  dans  leur  som- 
meil. Quant  à  Haveloc ,  qu'il  ne  faut  plus  appeler  Cuaran  , 

Toutes  les  houres  qu'il  dormoit 
Une  flambe  <le  lui  issuit; 
Par  la  bouche  li  venoit  fors  , 
Si  grant  chaleur  avoit  el  cors. 
tLa  flambe  rendoit  tiel  odour, 
One  ne  sentit  nul  hom  nieillour. 

Voici  comment  Argentille  s'aperçut  de  cette  étrange  qua- 
lité, ne  devrions-nous  pas  dire  de  cette  infirmité  de  son  mari.'' 
Une  nuit,  elleeut  un  rêve  assezextraordinaire.  Il  lui  semblait 
u'elle  était  avec  Haveloc  dans  une  forêt  au  milieu  d'une  foule 

lions,   qui   jetaient   sur    eux  des 
yeux  menaçants.   Haveloc,  pour  la  mettre  à  l'abri  de  leur 


3- 

a< 


fureur,  la  fit  monter  sur  un  arbre  où  lui-même  monta  après 
elle.  Argentille  ne  fut  pas  peu  surprise  de  voir  les  lions 
et  les  autres  bêtes  féroces  s'agenouiller  autour  de  l'arbre, 
se  prosterner  devant  Haveloc.  Pleine  d'admiration,  elle  s'é- 
veille; mais  quel  n'est  pas  son  effroi  en  voyant  des  flammes 
sortir  de  la  bouche  de  son  mari! 

Elle  quidoit  que  tut  son  cors 
Fust  allumé,  pur  ceo  cria. 
Cuaran  la  réconforta. 


De  ma  bouche  soelt  feu  issir 
Quant  jeo  dorme,  no  sais  pur  queî. 

Le  songe  et  le  phénomène  dont  elle  vient  d'être  témoin 


Xni  SIKCI.E 


736  AUTEUR  ANONYME 

troublent  tellement  I  esprit  d'Argentille,  qu'elle  se  tléterinine 
a  se  rendre  auprès  d  un  sage  ermite  dont  la  cellule  n'est  pas 
loin,  pour  lui  demander  l'explication  de  tout  cela.  L'ermite 
lui  repond  : 

Be!e,  ftt-il,  ceo  qc  sungé  as 

De  ton  !),iron,  tu  le  verras. 

Il  est  ne  de  real  lignage, 

OtKore  avéra  grant  héritage, 

flrant  gent  fera  vers  li  encline, 

11  serra  roi  y  tu  rëyne. 

De  retour  près  de  son  mari ,  Argentilie ,  d'après  les 
conseils  de  l'ermite,  demande  à  Haveloc  quel  est  son  père, 
et  Haveloc  lui  répontl  qu'il  n'en  connaît  point  d'autre 
qu'un  pauvre  pêcheur  du  bourg  de  Grimesby.  Elle  forme 
alors  le  projet  d'aller  au  plus  tôt,  avec  lui,  près  de  ce  pé- 
cheur pour  avoir  de  plus  amples  renseignements.  Ils  partent, 
(irim  le  pêcheur  était  mort;  mais  sa  Hlle,  qui  avait  épouse 
un  marchand,  tenait  de  la  bouche  même  de  son  père  que 
Haveloc  était  fils  d'un  roi  de  Danemarck,  dont  HoduU  occu- 
pait le  trône.  Le  marchand,  mari  de  la  hlle  de  Grim,oifre  aus- 
sitôt de  conduire  Haveloc  et  Argentilie  en  Danemarck,  pays 
avec  lequel  il  avait  des  relations  continuelles  de  commerce, 
f.àils  pourront  trouver  des  partisans  du  téu  roi  Gunter  qui 
aideront  Haveloc  à  remonter  sur  le  trône  de  son  père.  L'en- 
treprise lui  paraît  d'autant  plus  facile  que  le  tyran  Hodulf 
est  généralement  détesté. 

Ils  acceptent  avec  joie  la  proposition  du  marchand  ,  passent 
en  Danemarck,  et  descendent  chez  un  vieux  sénéchal  du  pays, 
qui  avait  été  ami  du  feu  roi  Gunter.  Il  reconnaît  le  hls  de  ce 
malheureux  prince,  dès  qu'il  a  appris  de  lui  comment  Grim 
l'avait  sauvé  ;  comment  il  lui  sortait,  en  dormant,  une  flamme 
de  la  bouche.  Mais,  de  plus,  Haveloc  ressemblait  parfaite- 
ment à  son  père,  par  ses  traits  et  sa  force  prodigieuse.  Grâce 
aux  soins  du  sénéchal,  les  principaux  seigneurs  de  l'endroit 
se  réunissent  pour  soutenir  les  prétentions  au  trône  du  nou- 
veau débarqué.  Devant  eux  ,  Haveloc  se  soumetà  une  dernière 
épreuve.  On  apporte  un  cor  dont  nul  ne  pouvait  tirer  de  son  , 
s'il  ne  descendait  du  roi  Gunter.  Le  sénéchal 

De  son  trésor  fait  aporter 
Le  corn  que  nul  ne  poet  soner 
Si  (Ireit  héir  n'est  de  lignage 
Sur  les  Danois  par  héritage. 


XIII  SIECLK 


DU  ROMAN  DHAVELOC.  7:57 

Haveloc  se  lève  et  portant  le  cor  à  sa  bouche, 

Hautement  et  liien  le  sonna. 
A  giant  merveille  le  tenoient 
Tuit  cil  q'en  la  sale  estoient. 

Voilà  bien  Haveloc  reconnu  pour  roi  légitime;  mais  on 
pense  bien  que  Hodulf  ne  se  laissa  pas  dépouiller  impuné- 
ment. II  rassiMïible  une  armée.  Mais  Haveloc  It"  provoque  à  un 
combat  singulier;  et  Hodult  iiepeut  refuser.  L'issue  n'en  était 
pas  douteuse.  Hodulf  est  tué,  et  Haveloc  est  proclamé  héri- 
tier du  trône  de  son  père. 

Après  un  règne  heureux  de  quatre  années,  il  se  souvint 
qu'il  avait  aussi  à  léclamer  l'héritage  de  sa  lèmme  Argentille. 
Il  revient  avec  elle  en  Angleterre  à  la  tète  d'une  asst  z  forte 
armée  de  Danois.  D'abord  il  somme,  par  ambassadeur, 
Aisi  de  rendre  à  Argentille  les  biens  du  feu  roi  Ekembrigt. 
La  réponse  d'Alsi  est  cuiieuse: 

«  Merveille  ,  fet-il,  ai  oi 

De  (>()aran  eel  mien  qnistron, 

Qe  jeo  niirri  en   ma  maison, 

Qi  me  vient  terre  demander. 

Mes  keus'  ferai  à  lui  jn.sler  'Mesiuisîmer» 

0<l  trepez'  et  od  chaudrons,  ' A vtr trépied» 

0(1  paèls  et  od  ploms.  » 

Mais  il  reconnaît  bientôt  la  nécessité  pour  lui  de  réunir 
une  armée  plus  formidable  pour  combattre  celle  des  Danois. 
La  fortune  ne  favorise  pas  d  abord  Haveloc:  il  perd,  tians  un 
premier  combat,  une  paitie  de  ses  défenseurs,  et  la  bataille 
doit  recommencer  le  lendemain.  Sa  femme  lui  conseille  de 
fjcher,  pendant  la  nuit,  sur  des  pieux,  les  corps  de  tousses 
Danois  qui  couvrent  encore  la  terre,  et  de  mettre  entre 
chaque  rang  des  giierrieis  vivants  et  bien  armés.  Quand 
le  jour  renaît,  les  vainqueurs  de  la  veille  sont  épouvantés 
du  grand  iiotnbrede  Danois  qti'ils  vont  avoir  à  combattre  de 
nouveau,  et  ils  refusent  d  aller  les  attaquer  AIsi  se  voit  obligé 
de  demander  la  jiaix,  et  il  consent  à  restituera  Argentille 
tous  ses  biens.  Quinze  jours  aptes,  il  mourut  de  regret,  et  Ha- 
^veloo  fut  choisi  pour  lui  succéder  au  tiône.  Ce  fut  ainsi  que 

De  Hulancle  desq'en  Gloucestre 
Furent  Danois  seignuret  inestre. 

Tous  ces  nombreux  événements,  et  plusieurs  autres  que 
nous  n'avons  pas  cru  nécessaire  de  rapporter,  sont  racontés 

Tome  XV m  A  a  a  a  a 


738  JEHAN  DE  FLAGY. 


1111  SILCLK. 


I'    '  '9 


avec  rapidité  clans  le  roman,  qui  ne  contient  que  1 1 1  î  vers. 
Le  trouvère  GelTroi  (laiinar  les  avait  dc'ja  consignés,  dès  le 
commencement  du  xii*^  siècle,  dans  son  histoire  en  vers  des 
rois  anglo-saxons,  où  ils  forment  un  épisode  intéressant. 
Mais  il  ne  paraît  |)ns  que  ce  soit  là  quo  l'auteur  du  lai  d'Have- 
loc  ait  puisé  son  sujet,  (juoicpie chj  lai  soit  incontestablement 
|)0stérieur  à  l'ouvrage  de  Gellroi  Gaimai.Tant  de  chroniques, 
tant  de  vieilles  traditions  rappelaient  lessinguliers  moyens  par 
lesquels  un  Danois,  du  nom  d'Haveloc,  était  parvenu  au  trône 
dans  le  Danemarck  et  dans  1,1  Grande-Bretagne.  En  fallait-il 
plus  à  un  poète  pour  l'exciter  à  chanter.^  Quel  besoin  pour 
lui  de  répéter  en  d'autres  mots  ce  qu'avait  dit  un  autre  poète 
plus  ancien.'^  Mais  c'est  à  tort  aussi  que  M.  Madden  pense  que 
c'est  dans  le  lai  de  notre  anonyme  que  Gaiinar  est  venu 
prendre  le  sujet  de  l'épisode  (ju'il  a  inséré  dans  son  grand  ou- 
vrage. M.  De  la  Rue  a  très  bien  réfuté  cette  opinion.  Il  suffit 
De  la  Rue  ,  d'observer  que  la  langue  dans  laquelle  a  écrit  l'anonyme  est 
TiouNtrcsangio-  |,ig,j  jy  français  du  xiii*  siècle  ;  tandis  que  le  stylede  Gaimar 
noiman  s,i.l  I,  ^^^  dernières  années  du  xn^.  L'un  et  l'autre  poètes,  au 

reste,  avouent,  comme  le  dit  presque  en  toute  occasion 
Marie  de  France, qu'ils  imitent  ou  même  traduisent  6' anciens 
lais  bretons.  L'anonyme  auteur  du  lai  d'Haveloc,  après  avoir 
prévenu  le  lecteur  de  l'intérêt  que  devait  offrir  l'histoire  du 
héros  qu'il  a  choisi,  ajoute  : 

Pour  ceij  vus  vuil  de  lui  conter 
Et  s'aventure  renienibrer; 
Q'un  lai  en  firent  li  lireton. 
Si  l'appelèrent  «le  son  non 
Et  Haveloc  et  Cuarant. 

AD. 


JEHAN  DE  FLAGY. 

Le  nom  de  l'auteur  d'un  grand  roman  en  vers,  qui  a  pour 
titre  :  Garin  le  Loherens  (  le  Lorrain  ),  a  long-tem|iS  échappé 
aux  recherches  des  bibliographes.  L'ouvrage  était  connu  du 
moins  par  son  titre  et  par  quelques  fragments  publiés  en 
divers  recueils,  mais  l'auteur  était  ignoré.  Et  pourtant  l'au- 
teur Jehan  de  Flagy  y  était  nommé,  mais  seulement  dans 
un  vers  que  voici  : 

«  Ci  faut  li  chant  de  Jehan  de  I  lagy.  • 


JEHAN  DE  FLAGY.  739 

f^  .        ^  ,  1  I     1  •.•  '  J  ••'  XIIISIFXLE. 

Le  vei's,  qui  se  trouve  a  un  peu  plus  de  la  moitié  du  poème, 

ne  permet  pas  d'attribuer  à  Jehan  de  Flagy  l'honneur  de 
l'avoir  composé  tout  entier.  Mais  le  continuateur  ne  se  fait 
point  connaître. 

De  ce  qui  précède  il  résulte  que  D.  Calmet  s'est  trompé 
lorsqu'il  a  avancé,  dans  son  Histoire  de  Lorraine,  que  l'au- 
teur du  poème  de  Garin  le  Lohereiis  était  Hugues  Metel  '  "'H  '^' 
ou  Metetlus ,  chanoine  régulier  de  Saint-Léon-de-Toul ,  qui 
florissait  vers  le  milieu  thi  xii*^  siècle.  On  pourrait  tout  au 
plus  regarder  ce  Metellus  comme  le  continuateur  du  roman; 
et  encore  cette  opinion  manquerait -elle  de  preuves  posi- 
tives. Disons  plus  :  elle  a  été  combattue  avec  avantage  par 
nos  prédécesseurs  (jui,  dans  un  long  artide  sur  Hugues 
Metel  {  voyez  tome  \1I  de  cette  Histoire,  pages  49^  à  5 10), 
ont  cité  deux  vers  du  poème  dans  lesquels  il  est  (ait  mention 
de  la  commune  de  IMetz;  or,  de  l'aveu  même  de  Dom  Cal- 
met (  flistoiie  de  Lorraine,  p.  cclv),  Metz  ne  fut  établit; 
en  commune  qu'en  11791  c'est-à-dire  près  de  trente  ans 
après  la  mort  de  Hugues  Métel.  Au  reste,  puisque  les  au- 
teurs de  la  notice  sur  Hugues  IMetcl  avaient  pris  !a  peine  de 
rendre  compte  des  lettres  et  A^is,  j)oésies  qui  nous  restent  de 
cet  auteur,  et  qui  sont  toutes  empreintes  d'affectation  et  de 
mauvais  goût,  ils  auraient  pu  faire  observer  qu'il  ne  pou- 
vait avoir  écrit  un  poème  d'un  tout  autre  style,  et  qui  pré- 
sente des  défauts  d'un  tout  autre  genre. 

On  pense  bien  que  nous  n'avons  rien  à  dire  de  la  vie  de 
Jehan  de  Flagy  ,d'uti  auteur  dont  le  nom  n'est  pas  cité,  du 
moins  nous  le  croyons,  ailleurs  que  dans  le  poème  qu'il 
avait  entrepris.  Nous  ignorons  quelle  était  sa  profession,  et 
nous  ne  le  voyons  figurer  dans  aucune  chronique  ni  histoire. 
Mais  si  nous  ne  pouvons  prendre  intérêt  à  sa  personne,  il 
n'en  sera  pas  de  même  de  son  ouvrage  (1). 

Le  poème  a  près  de  3o,ooo  vers,  et  l'on  en  possède  un 
assez  grand  nombre  de  manuscrits,  qui  tous  contiennent 
des  variantes  multipliées.  Une  foule  d'auteurs  modernes  en 
ont  cité  des  passages  plus  ou  moins  longs;  et,  entre  autres, 
Dom  Calmet,  Ducange,  Loysel,  Goujet  et  surtout  Sinner 

(i)  C'est  La  Monnoye  qui,  dans  ses  Notes  sur  la  Bibliothèque  de  Du- 
verdier,  a  nommé ,  le  premier,  Jehan  de  Flagy.  Avant  lui  Borel,  dans  son 
Trésor  des  recherches  et  antiquités  gauloises ,  avait  pris  le  nom  du  poème 
pour  celui  de  l'auteur. 

Aaaaaâ 


74o  JEHAN  DE  FLAGY. 

XIII  SIKCLE.      '  .  ,  .    •  ,  e      •■     I        N     rr. 

(Extraits  des  poésies  des  xii,  xiii  et  xiv    siècles  ;.   1  ous  en 

Hist.  lie  Lor-  font  lemoiiter  l;i  composilioii  à  i  i5o,  sous  le  règne  de 
lainc.  t.  I,  )..  j^ouis-le  Jeuiie,  bisaïeul  de  saint  Louis.  En  effet,  si  l'on  en 

f  IX-I,XX1II.  .  .  III  I  I  • 

Voie>,siuAnne  jug^^'t  par  le  Style,  (le  (jueiijues  passaj^es  du  moins,  on 
foiiinène  .dans  pourrait  le  croire  de  la  lin  du  xii^  siècle;  et  d'ailleurs  on  le 
\nie-^nardoii.ii,    ^p^^yg  ,Jar)s  plusieurs  manuscrits  c|ui  paraisseiit  appiocher 

viein.  sur  le  «Je  Cette  epocjue  -  là.  La  plus  grande  partie  vient  d'en  être 
iJeauvaisis,  pa-.  publiée,  pour  la  première  fois,  avec  un  soin  tout  particulier, 
'^*      ,  une  excellente  ptét'aceet  des  notes.  C'est  un  vrai  service  qu'a 

Sii|.|)li-in.     .VI  1        .      1       ,        '  c  ■  I       •  '   I-   ' 

Moif.i,  1. 1,  part  rendu  a  la  littérature  trançaise  le  jeune  et  savant  éditeur 
II,  ,>.  i5.  (IVÎ.  Paris). 

LiUo.nansdf       j^^    Moèmc - roinau   de   Garin    le   Lolierain   contient    une 

«.arin    li    Lohe-  .'1,1  1       i-  i-.-  1/^1         1         m  1  1 

iain,pubiiépoiir  partie  tle  l  histoire  de  l  expédition  de  Lliarles-.Martel  et  de 
1.1  pieinieie  lois  soii  lils  le  Toi  Pcpiii  contre  les  Sarrasins  et  autres  peuples, 
r'  '^i;.!!'""'  Jehan  de  Ela"V  y  retrace  les  hauts  laits  d'armes  de  Hervis, 
.«33',  1  >ai  in-  <iuc  (le  Metz,  lils  du  duc  Pierre  et  peie  de  Garin  le  Loherain, 

aussi  duc  de  Metz  et  de  Brabant;  de  Bègue,  comte  de  Châ- 

teau-de-Belin,  et  d'une  lille  qui 


1)0111  Calinel 
litst.  de  Lor.  p 


Ibid 


..  Devint  mère  du  valet  Malvesiii , 
Qui  tant  aid.i  à  ses  germains  cousins.  ^ 

L'auteur  suppose  cpie  ces  princes  de  Lorraine  vivaient 
sous  les  règnes  de  Pépin  et  de  Charles-Martel,  et  il  raconte 
des  uns  et  tles  autres  maintes  aventures. 

Dam  Calmet  retnarcpie  que  tous  les  historiens,  Sympho- 
rien  Champier,  Edmond  Duboulay,  Meurisse,  Hugues  de 
Toul,  cités  par  Wassebourg  (Antiquités   de  la   Gaule  bel- 
gique  )  ,  liv.    HI,  pag.    157,  donnent  à  ce  roman   rautorité 
Wasschouitc.  d'une   véritable   histoire,  au    moins  quant  au   fond;    car, 
il.f.  ci.j,»^  aioute-t-il,  il  est   impossible  d'ajouter  foi  à  toutes  les  cir- 
constances qui  accompagnent  les  faits  princi[)aux.  Wasse- 
bourg, qui  en  ra|)porte  des  fragments,  ne  doute  nullement 
que  Gueiin  le  Lorrain  n'ait  été  père  de  Gerbert ,  comte  de 
Metz,  lequel  ne  laissa  que  des  filles,  et  qu'alors  le  comté  de 
Metz  ne  soit  retourné  aux  enfants  de  Charlemagne.  Il  ajoute 
que  les  ducs  de  Lorraine  du  siècle  dernier  ne  descendaient 
point,   il  est  vrai,  en  ligne  directe  de  Garin  le  Loherain, 
mais  seulement  en   ligne  collatérale,  et  que  le  duc  Raoul 
fonda  à  S<iint-(jeorges  de  Nancy  quatre  anniversaires,  dont 
l'un  était  pour  Guèrin  le  Lorrain,  qu'il  disait  être  un  des 
chefs  de  son  lignage. 


JEHAN  D"E  FLAGY.  -4i 

xm  siKci  f. 

Ce  même  Wassebourpf,   toujours  cité  par  Dom  Calmet, 

rapporte  encore  qu'Atuelin,  comte  de  Verdun,  tenant  cette  ,  L.ll,p.cxx.\ 

•11  i^  •  /-.i         1  M  1  f.  XVII   verso,  I. 

Ville  sous  une  dure  oppression,  Lnarles-lVIartel  y  envoya  cxxviij. 

Guérin  le  Lorrain,  comte  de  Metz,  qui  réprima  Ancelin,  et 

qui  lit  élire  sans  obstacle  pour  évéque  Rlagdalneus,  parent 

de  Charles-ÎMartel;  mais  qu'ensuite  Ancelin  tua  Garin  ,  par 

trahison,  dans  une  chapelle  assez  près  de  Metz.  Ailleurs  cet 

historien  ci!e  Turpin  qui  nomme  Garin   le  [x>rrain  parmi  „»;•*'        "  '' 

les  guerriers  tle  Cliarlemagne,  à  la  fameuse  bataille  de  Ron- 

cevaux  ;  et  Dom  Calmet,  d'un    autre  côté,  assure   qu'il   a      „  .    ,    , 

trouve  dans  1  ancien  taitulaire  de  I  abbaye  de  baint-Arisou  loc.  cit. 

de  Metz,  que  Hervis,  duc  de  Metz,  était  inhumé  dans  la 

vieille  église  de  ce  monastère.  Voici  le  passage  (pi  il  a  tiré 

du  cartulaire  :  In  veCeri  nionasterio  sancd  yjrnuljl ,  in  loco 

qui  nunc  dicitur  Paivulus,  a  latere  sinislro ,  in  parte  yiqiu- 

lonan,  in  angulo ,  sub  arcu  lapideo ,  scpultus  est  Hervinus , 

du.c  jMctemis. 

On  ne  peut  guère  douter,  d'a|)rès  tant  d'autorités,  cyue 
les  héros  du  poème  de  Jehan  de  Flagy  n'aient  existé;  que  - 
ce  poète  n'ait,  comme  tant  d'autres,  et  l'on  pourrait  dire 
comme  tous  les  poètes,  bâti  sa  fable  sur  des  fondements 
historiques.  Nous  ajouterons  même  que,  sous  le  rapport  de 
renchainement  des  faits,  de  la  vraisemblance  des  détails, 
de  la  rigoureuse  exactitude  des  indications  géographiques, 
Jehan  de  Flagy  est  intiniment  plus  estimable  que  tous  ses 
contemporains  en  poésie  vulgaire.  Malheureusement,  pour 
l'honneur  de  ce  poète  remarquable,  on  a  confondu  son  ou- 
vrage avec  celui  d'un  romancer  postérieur,  qui,  suivant  un 
usage  assez  général,  a,  plus  tard,  pris  pour  sujet  de  ses  in- 
ventions, les  ancêtres  (l'un  héros  que  le  talent  d'un  autre 
poète  plus  habile  avait  auparavant  rendu  célèbre.  Ce  poète 
à  la  suite  a  composé  le  roman  û'//en'iz  de  Metz,  dont  il  nous 
reste  deux  copies,  l'une  à  la  Bibliothèque  du  roi ,  l'autre 
dans  celle  de  l'Arsenal.  Or,  c'est  à  l'auteur  (\e  ce  poème 
*  A' Hervis,  et  non  pas  à  Jean  de  Flagy  qu'appartiennent  les 
citations  données  par  Dom  Calmet,  et  par  conséquent  les 
nombreuses  invraisemblances  qu'on  n'a  pas  manquéd'y  aper- 
cevoir;et  en  effet,  la  fable  du  roman  d'Hervis  portegrandement 
atteinte  aux  vérités  qui  lui  servent  de  base.  Et  nous  pouvons 
avancer  que  le  poète  pèche  à  la  fois  contre  l'histoire  et  les 
généalogies  connues,  contre  la  chronologie  et  la  géographie. 
Il  dit,  par  exemple,  que  Béatrix ,Jépouse  de  Hervis,  père  de 

5   0 


7  «2  JEHAN  DE  ELAGY. 

XIII  SIKCLE. 

Garin.  était  fille  d'Eustache,  roi  de  Tyr  et  de  Constanti- 

nople;  que  de  Metz  ta  Tyr  il  y  avait  trois  journées  de  cheval, 
et  qu'on  y  allait  par  terre:  que  Elore,  frère  de  Béatrix,  fut 
père  de  Berthe  ou  Bertaine,  de  laquelle  naquit  Pépin,  père 
de  Cliarlemagne ,  etc.  Il  appelle  les  Sarrasins,  IVendres 
(  Vaiulales),  etc. ,  etc. 

Quant  à  Jean  de  l' lagy,  il  nous  raconte  simplement  que 
Hervis,  i\nc  do  .Met/,,  après  avoir  aidé  Charles-Martel  contre 
les  Sarrasins,  épousa  la  liîle  d'un  vaillant  baron  français 
nommé  Godiii.  Il  appelle  cette  femme  j4elis,  et  rien  ,  dans 
le  récit  de  son  mariage  et  dans  les  aventures  d'Hervis,  ne 
fîépasse  le  degré  tie  vraisemblance  des  histoires  les  plus 
sérieuses. 

Le  roman  prouve  d'ailleurs  qu'au  temps  où  il  fut  écrit, 
on  ne  doutait  nullement  (jue  les  ducs  de  Lorraine  ne  des- 
cendissent des  anciens  comtes  de  Metz;  qu'ils  n'eussent  été 
autrefois  très-puissants;  que  leur  duché  ne  fût  héréditaire; 
que  les  comtes  de  Bar  ne  fussent  leurs  proches  parents; 
que  leur  cour  ne  fût  composée  tle  ces  comtes  de  Bar  et  de 
ceu.\  d'Aspremont,  de  Mont-Royal,  de  Riste,  de  Beaupré  et 
Hisî.  de  i.oi.  de  Mont-Belliard.  Enfin,  le  roman,  à  l'exemple  de  beaucoup 
I,  l,p  twy  d'autres,  il  est  vrai,  flésigne  les  tournois  comme  les  exercices 
ordinaires  de  la  noblesse  de  ce  temps,  et  les  voyages  d'ou- 
tremer comme  l'acte  de  dévotion  qui  était  le  plus  en  usage 
chez  les  personnages  d'un  haut  rang. 

Ils'agit  maintenant  de  faire  mieux  connaître  l'ouvrage  par 
quelques  citations.  Voici  comme  débute  le  poète  : 

.y^ajp  «Vielle  chancon  voire'  volez  oïr 

M.es  Vaiula-  Rc  l)()iie  estoire  vos  (lirai  sans  mentir 

i-j..  Ce  sont  Ic.-i  Si  com  li  wancire'  par  nierveilleiis  air 

Sarra.siiis  que  le  Viiidrent  en  France  cretiens  envair  ; 

poêle       tlcsignc  Maint  home  i  firent  de  nialc  mort  morir  . 

*'"'"  Il  arlrent  Reins  trestot  à  lor  loisir, 

Puis  alerent  (ieremant  asaillir 

Et  .saint  Niguesse  font  la  vie  tolir, 

Et  Saint  Minus  clecoper  et  laidir, 

Et  Saint  Morise  de  Chamhloy  defenir, 

Et  avec  euls  mille  cretians  morir 

Qui  por  Jliesu  furent  veraï  martir. 

'Aceiieiitiire,  Huiinès^  comance  la  chencon  à  venir, 

raainterant.  Clialle  Martel  ne  les  pot  plus  sofrir 

'Il  y  en   eiii  Qui  pou  ot*  hommes  (jui  le  puissent  servir 

peu  dont  il  put  Poi  en  i  ot  qui  se  piiist  enforcir, 

augmenter      ses  Mort  sont  li  père,  li  fill  sont  a  venir, 
forces. 


JEHAN  DE  FLAGY. 


7Î3 


Dans  cette  pénurie  d'hommes  et  d'argent,  Charles-Mai  ici 
a  recours  au  pape;  et  le  pape  se  rend  à  Lyon,  où  se  tient  une 
assemblée  nombreuse  d'eveques  dont  les  riches  habits  an- 
nonçaient l'opulence,  et  de  seigneurs  dont  les  costumes  et 
même  les  armes  attestaient  la  détresse. 


XIII  SIKCLE. 


Clialles  Marliaz  fut  forment  apovris  : 

A  l'Apostoille  en  avoit  un  jor  pris  : 

Droit  à  Lyons,  où  Uosne  est  asis, 

Vint  l'Apustoille,  comme  clerc  bien  apris, 

Encontre  Karles  qui  moult  iert  ses  amis. 

Clers  les  enirent'  assez,  ce  vos  plevis. 

De  chevaliers  i  ot  plein  le  porpris, 

Tiex  qui  n'avoient  palefrois  ne  roncis, 

Haubert,  n'escus  ,  ne  hiaume  desenstis  ', 

Petit  i  ot  de  vex  hommes  floris 

Qui  le  conseiil  donnassent  au  petis  (i). 

Charles  se  lève,  et,  s'adressant  à  l'assetnblée ,  il  lui  expose 
les  malheurs  et  les  besoins  de  l'état.  F^e  pape,  se  levant  à  soft 
tour,  est  d'avis  que  le  clergé  doit  contribuer  aux  frais  de  la 
guerre  contre  les  Sarrasins.  L'archevêque  de  Reims  (  i\  se 
nommait  Henri)  s'y  oppose  en  objectant  que  si  une  fois  les 
ecclésiastiques  se  soumettent  à  payer  des  impôts,  et  même 
à  accorder  des  dons  gratuits,  le  souverain  pourra  leur  faire 
sans  cesse  de  nouvelles  demandes,  les  pressurer  à  son  gré. 
C'est  alors  que  l'on  voit  se  lever  et  parler  le  duc  de  Lorraine 
Hervis,  l'un  des  personnages  du  poëme. 

A-dont  parole  li  Loherans  Hervis  : 
«Sire  Apostoille  que  est-ce  que  tu  dis.' 
Ci  a  vingt  mil  de  chevaliers  gentis 
Dont  li  clerc  ont  les  bois  et  les  larris  : 
Si  est  bien  droiz  q'aut^e  conseil  soit  pris, 
Ou  se  ce  non  bien  puet  torner  cm  pis.  » 


'LesTàihèieiil, 
les  courroucè- 
rent. 

'Non  niS9é<>. 


(i)  Cette  tirade  et  toutes  les  citations  de  ce  roman  que  nous  ferons  dans 
la  suite  sont  très  ditTérentes ,  mais  pour  le  style  seulement,  du  texte  pu- 
blié par  M.  Paris.  Il  aura  copié  sur  un  autre  manuscrit.  Nouvelle  preuve 
des  notables  altérations  que  subissaient  les  productions  littéraires  de  tout 
genre,  en  passant  par  la  main  des  copistes.  Quand  ils  ne  changeaient  que 
le  style,  peut-être  pouvait-on  leur  pardonner;  mais  souvent  ils  faisaicnten 
outre  des  suppressions  ou  des  additions:  et  c'est  ce  qui  rend  aujourd'hui 
si  difficile  la  rédaction  d'une  histoire  des  ouvrages  en  langue  vulgaire  an- 
térieurs à  la  découverte  de  l'imprimerie. 


\  Ul  SJECLE. 


^ùiii 


744  JEHAN  DE  FLAGY. 

A  ces  vifs  et  justes  reproches  adressés  au  clergé,  l'arche- 
vêque de  Reims  fait  la  curieuse  réponse  que  voici  : 

Dist  l'arcevesque  :  «J'ai  bien  oï  vos  dis; 
Nos  sommes  clerc  et  à  Deu  à  demis, 
Proierons  Deu  por  Irestot  nos  amis 
Qui  les  delfande  des  meins  as  ennemis. 
Chevaliers  estes  de  par  Deu  establis 
Por  ciers  deft.indie  contre  les  Arrabis, 
Et  sainte  Eglyse  leiiser  et  garaiitirs. 
Ou  celeioit  foi  qe  (loi  saint  Félis 
Je  ni  metroi  vaillant  deux  parisis.  » 

I.'abhé  de  Cluny  se  joint  au  duc  Hervis  pour  engager 
i'arciievèque  à  se  départir  de  ses  prétentions.  Il  lui  repré- 
sente que  le  salut  de  l'élat  exige  une  contribution;  qu'il  est 
juste  que  le  clergé,  riche  cor.une  il  l'est,  n'en  soit  pas  exempt; 
enlin  qu  il  vaut  mieux  sacriiier  une  partie  de  ses  biens  que 
de  s'exposer  à  tout  perdie,  etc. 

Et  l'arcevesque  par  ire  reipondi: 
«  Eins  me  leioie  traîner  à  ronci 
Que  ge  i  mesie  la  meit('  d  un  espi.  » 
Et  l'Apostoile  duremant  s'en  marri: 
Envers  Karlon  sa  main  dextre  tendi  : 
«Par  saint  S<-pucre  n  ira  niia  isi  ' 
Challe  Martiau  ,  traez  vous  ça  vers  mi; 
Prenez  lavoir  dont  clerc  sont  revesli; 

«  Je  vous  accorde  l'or  et  l'argent  dont  ils  se  sont  emparés, 
ajoute  le  pape;  vous  recevrez  les  dîmes  du  clergé  pendant 
sept  ans  pour  vous  indemtiiser  des  frais  de  la  guerre.  Allez, 
aj)pehz  vos  chevaliers,  attirez-les  par  l'appât  des  faveurs, 
distribuez- leur  des  récompenses,  et  faites  (|ue  par  leurs 
efforts  et  votre  courage,  les  Sarrasins  soient  chassés  de  vos 
états.  » 

Cette  conférence  entre  le  pape,  Charles-Martel ,  les  évê- 
ques  et  les  chevaliers  français,  nous  a  paru  mériter  quelque 
attention.  EUe  est,  il  en  faut  convenir,  de  l'invention  de 
l'auteur  du  poëme  :  aucune  léiinion  de  ce  genre  n'eut  lieu 
dans  la  ville  de  Lyon,  au  temps  du  moins  où  il  l'a  placée;  mais 
cela  même  nous  semble  indiquer  que,  dès  lépoque  où  écrivait 
Jehan  de  Flagy,  l'opinion  générale  n'était  pas  favorable  au 
clergé;  que  l'oti  s'était  aperçu  de  son  insatiable  avidité,  de 
l'obstination  avec  laquelle  il  se  refusait  à  venir  au  secours 
de  l'Etat,  même  dans  les  plus  urgentes  circonstances. 


XIIISIKCLE 


JEHAN  DE  FLAGY.  ^45 

Au  reste,  il  est  certain,  d'après  l'histoire,  que  Charles- 
Martel  prit  en  effet  les  revenus  des  gens  d'église  pour  payer 
ses  armées;  et  un  passage  de  la  Chronique  de  Saint-Denis, 
passage  cité  par  Sinner,  semble  insinuer  que  les  prélats 
y  consentirent,  ce  qui  motive  suffisamment  l'épisode  de  la 
prétendue  réunion  du  clergé  et  des  grands  dans  la  ville  de 
Lyon.  «Les  Sarrasins,  dit  cette  chronique,  murent  pour 
«  aller  à  la  cité  de  Tours ,  pour  détruire  l'église  Saint- 
K  Martin....  Là,  leur  vint  au  devant  li  glorieux  prince 
<c  Charles.  . .  Pour  la  raison  de  cette  nécessité  prist-il  les 
«  dixmes  des  églises,  pour  donner  aux  chevaliers  qui  défen- 
«  dirent  la  foy  chrétienne  et  le  royaume,  par  le  conseil  et  „  ''''""^''*  ^^ 
«  la  volonté  des  prélats ,  et  promist  que  si  Uieu  h  donnoit  siècles. 
«  vie,  il  les  rétabliroit  aux  églises.  » 

Revenons  au  roman.  Quand  Charles- Martel  eut  ainsi 
trouvé  d'importantes  ressources,  il  se  mit  en  marche  avec 
l'armée  qu'il  était  parvenu  à  réunir. 

(iliarle  Martiau  fet  ses  gens  assembler,  'Mener   con- 

Du  q'à  Paris  a  fet  ses  ost  guier".  duii.:  son  aimée. 

Le  duc  Hervis  se  met  à  leur  tête,  et  fait  lever  le  siège  de  la 
capitale. 

A  saint  Denis  en  vont  li  Vendemer'  'Sarrasins 

Por  le  Mostier  brisier  et  violer; 

Mes  li  abés  fist  le  Mostier  garder  ; 

Por  le  deffandre  fist  ses  moines  armer. 

Un  mes'  s'en  vient  droit  à  l'abé  parler  .„ 

.  ^  '  xfl  cssascr. 

Que  Karle  vient  por  la  terre  agiter. 

Et,  en  effet,  Charles  arrive  avec  ses  troupes  :  alors  com- 
mence une  bataille  terrible;  Hervis  et  ses  Lorrains  y  font 
des  prodiges  de  valeur.  Les  Sarrasins  vaincus  sont  forcés  de 
se  retirer  du  combat  :  ils  se  réfugient 

Au  Pont-Gerbert  si  com  il  est  asis, 
De  là  Langni  si  com  dit  li  escris. 

Là  ils  sont  encore  battus.  Hervis  marche  de  succès  en 
succès ,  et  délivre  toute  la  Champagne  des  Sarrasins. 

Après  tous  ces  exploits  de  Charles  et  de  ses  généraux,  Jehan 
de  Fiagy,  si  ce  n'est  son  continuateur,  raconte  que  Charles, 
blessé  dans  un  combat,  près  de  Soissons,  mourut  bientôt  après 
de  sa  blessure;  qu'il  avait  rendu  les  dîmes  au  clergé  ;  qu'il  fut 
enterré  à  Saint-Denis;  et  il  ajoute  qu'immédiatement  après. 

Tome  A  FI//.  Bbbbb 

5  0* 


XIII  SIECLE. 


746  JEHAN  DE  FLAGY. 

Pépin  fut  couronné.  Ce  genre  de  mort  et  ce  couronnement 
ne  s'accordent  point  avec  les  récits  que  nous  ont  I.iisscs  les 
historiens.  Suivant  eux,  Charles-Martel  jouit  paisiblement, 
dans  ses  dernières  années,  de  sa  puissance  et  de  sa  gloire, et 
mourut  le  22  octobre  741,  à  Cressi-sur-Oise.  Mais  ce  en  quoi 
ils  sont  d'accord  avec  notie  pcète,  c'est  lors(ju'ils  ajoutent 
que,  sous  ce  conquérant,  le  clergé  lut  dépouillé,  au  moins 
pour  un  temps,  de  ses  immenses  richesses. 

On  s'apercevra,  sans  (|ue  nous  le  lassions  plus  longuement 
observer,  qu'à  travers  beaucoup  de  faits  curieux ,  le  poète  a 
semé  un  grand  nombre  de  fables  dans  son  ouvrage.  Il 
conioiid  souvent  les  personnages,  les  temps  et  les  lieux. 
I*ar  exemple,  il  fait  comparaître  dans  l'assemblée  tenue  à 
[^yon,  un  abbé  de  Cluny  ;  et  le  monastère  de  Cluny  ne  fut 
fonde  que  deux  siècles  après  la  mort  de  Charles -ÎMartel; 
il  décrit,  comme  s'étatit  livrées  près  de  Paris  ou  dans  la 
Champagne,  des  batailles  dont  la  Provence  et  le  Poitou  ont 
été  le  vrai  théâtre,  et  fait  combattre  ses  héros  contre  des 
Vandales,  quand  ils  n'ont  pu  avoir  que  des  Sarrasins  pour 
adversiiires. 

Malgré  ces  énormes  fautes  de  l'auteur,  ce  poème,  presque 
inconnu  jusqu'à  nos  jours,  est  un  monument  assez  prérieux 
de  notre  ancienne  littérature.  On  y  voit  comment,  après 
qtielcpies  siècles,  les  faits  historiques  les  plus  importants 
s'îltèrent,  se  transforment  bizarrement  dans  l'esprit  des  peu- 
ples;  comment  le  poète  prolite  de  ces  inexactes  traditions, 
poi.r  y  ajouter  des  fables  souvent  absurdes.  Ainsi  en  ont  usé 
les  poètes  de  la  plus  haute  antiquité,  comme  les  poètes  du 
moyen  âge,  et  l'on  pourrait  dire  comme  en  usent  les  poètes 
même  de  notre  temps.  Cependant  l'histoire,  mieux  connue 
de  nos  jours,  conservée  en  des  livres  que  l'imprimerie  mul- 
tiplie sans  cesse,  qui  se  répandent  en  tout  pays,  et  se  trouvent 
dans  toutes  les  mains,  I  histoire  devrait  être  aujourd'hui  plus 
scrupuleusement  respectée.  Reste  à  savoir  si  l'imagination 
de  l'homme  qui  aime  à  se  repaître  de  fantômes,  d'illusions, 
ne  regretterait  pas  les  fables  <qui  autrefois  Jui  servaient  d'a- 
liment. 

L'auteur  du  poëme  dont  nous  avons  tâché  de  donner  au 
moins  une  idée,  finit  en  rappelant  tous  les  personnages  qu'il 
a  mis  en  scène.  Dans  cette  longue  nomenclature,  parmi  des 
noms  obscurs  <au  inconnus,  on  en  pourra  irou^ver  d'hiêto- 
riques. 


JEHAiN  DE  FI-AGY. 

Ci  faut  l'cstoire  «leu  Lolieranc  Garin 

Et  (le  lîuej^on  qui  fii  liois  fu  occis 

Et  «le  Ui^jiiut,  le  l)on  vassal  >;eiitis. 

Et  (I  Erneis  ,  de  Jelfioi  l'An'jeviii , 

Et  (le  lldoii  (|iii  fu  (le  Caniliroisi, 

Et  (Icii  Ixm  (lue  (jiii  «t  nom  Auheri, 

Et  du  viliiin  (jiii  ot  à  noiii  Hervi , 

De  ses  eiit.mz  Tliion  et  Morantin, 

De  l'Aleniaiit  qui  ot  ù  iioiii  Orri, 

Et  (le  l)()(iu  (jui  en   Ixiis  fu  ocis. 

Et  (le  riautier  et  (Ib.ruaiit  l'orphelin, 

El  (ie  Giiartl  leconvers,  le  haidi, 

Et  (le  Ilei:i()ii  qu'ocislieiit  Sairazins , 

Qi  aidiiit  roi  Gil>eit  le  gentis 

Et  (le  Eroilon  qui  ot  Deu  retanqiii, 

Et  (le  (ludlauine  lOriinelens  de  Moueliiis, 

Et  de  Fidinont  (jiii  fu  en  buis  ucis 

('); ; 

Qui  vost  Gi!)ei  t  le  Lolieranc  niurtrir. 

Allez  vos  en,  li  Itoinans  est  iiniz. 

De  l.cdierans  ne  |)<iez  plus  oïr 

Si  on  ne  les  V(jlt  controvcr  et  mentir. 


7'!i7 


XIII  SIECL». 


Par  ces  mots  nlle:^-voits-en ,  on  pourrait  croire  que  ce 
romnii  ('tait  du  iioinhre  de  ceux  qu'on  lisait,  soit  à  des  fa- 
milles diins  k's  châteaux,  soit  au  peuple  asst-mhle  sur  des 
places.  Mais,  en  vérité,  il  faudrait  su;)poser  une  iiifiligalile 
patience  à  l'aiidifoiie  (|ue  ne  reliuterait  pas  la  lecture  ou  le 
récit  de  3o,ooo  vers  du  };eure  de  ceux  dont  on  a  pu  voir 
quelques  échantillons  dans  cet  extrait.  Ce  qtii  paraît  plus 
vraisemMable,  c'est  qu'on  ne  lisait,  en  psalmodiant,  que  des 
fragments  du  |)()ëme,  qui-hpieepi.sode,  par  exemple,  qtielque 
aventure  d'auiour  ou  t'e  j^ueire,  «-te  C'est  ainsi  que  dans  la 
Grèce  antique,  les  rapsodes  allaient  chantant  des  épisodes 
tirés  de  l'Iliade  ou  de  l'Odyssée. 

La  Bd)li;)llièque  royale  possède  plusieurs  manuscrits  du 
roman  de  Garin  le  Loherain.  Le  plus  ancien  porte  le  n°7533; 
la  preinièie  feuille  en  a  été  refaite  dans  le  xiv*' siècle.  On 
peut  y  joindre  le  iuarui.->crit  n"  ^Go8,  et  celui  du  foruls  de 
La  Vallièie,  sous  le  n°  2^2(S.  —  Dans  l'un  de  ces  manuscrits, 
on  lit  à  la  (in  ,  Pnrignon  m'a  Jet  (  c'est  sans  doute  là  le  nom 
de  celui  Cjui  l'a  co|)ié  ). 

Ducange,  qui  a  cité  dans  son  glossaire,  en  mainte  occasion, 
des  vers  du  roman  de  Garin,  observe,  en  rapportant  deux  ^^  été'' fir." 


Glossaire  ,    l. 


i)  Il  paraît  qu'il  manque  ici  un  vers. 


Bbbbba 


XIII  SIKCI.!:. 


748  AUTEUR  ANONYME 

vers  que  nous  répéterons,  que  les  vaisseaux  remplis  de  ma- 
tières combustibles  que  nous  nommons  aujourd'hui  brûlots, 
s'appelaient  alors  chalans ,  et  que,  si  l'on  en  croit  le  poète, 
on  peut  éteindre  le  feu  grégeois  avec  du  sable ,  du  vin  et  du 
vinaigre. 

Mes  li  sablons,  et  li  vins,  et  l'esil' 
!  <■  \iii.ir^rc  I/eust  esteint  (le  feu  grégeois)  si  s'en  f'ust  entremis. 

Nous  croyons  devoir  dire  encore  quelques  mots  du  ma- 
nuscrit de  ce  poème,  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  royale 
sous  le  n°  7608.  Il  contient  une  addition  qui  ne  se  trouve 
pas  dans  les  autres  manuscrits;  addition  peu  importante, 
puisque  ce  n'est  guère  qu'une  description  des  noces  et  du 
couronnement  de  Girbert,  fils  de  Garin.  Ce  manuscrit, 
d'une  écriture  du  xui"  siècle,  est  terminé  par  ces  mots  de  la 
même  écriture  :  Ci  finist  lai  chanrons  de  Girbert  le  fils 
( Tarin,  et  d'Ernaut  cl  de  Gern  (i).  A.  D. 


ANONYME,    AUTEUR 

DU  ROMAN  DE  BEUVES  DE  HANSTONE. 

l  je  poème  offre  de  l'intérêt  et  contient  des  situations  tou- 
chantes. Le  sujet  principal  a  plus  d'un  rapport  avec  une 
fable  célèbre  de  l'histoire  héroïque  de  l'ancienne  Grèce;  et 
ce  n'est  pas  un  reproche  que  nous  prétendons  faire  à  l'au- 
teur jusqu'à  présent  inconnu.  Est-il  un  seul  fait,  tant  soit 
peu  romanesque,  dont  on  ne  puisse  trouver  le  type  ou  du 
moins  un  exemple  dans  ces  antiques  et  fabuleuses  annales 
de  la  société  européenne? 

Comme  Oreste,  Beuves,  fils  d'un  autre  Agamemnon ,  est 
proscrit  par  sa  mère,  autre  Clytemnestre,  et  trouve  un 
sauveur  dans  celui  qui  devait  le  ÏAne  périr.  Après  de  nom- 
breuses aventures  dans  les  pays  étrangers,  il  revient  venger 
le  meurtre  de  son  père  et  reprendre  ses  états ,  c'est-à-dire 
son  duché  de  Hanstone  (si  c'était  un  duché). 

(i)  Le  récit  de  tous  ces  mariages  aura  sans  doute  inspiré  de  la  gaîté  à 
quelque  lecteur  ou  copiste  du  manuscrit;  car  on  lit  sur  la  dernière  feuille, 
niais  d'une  écriture  bien  moins  ancienne ,  ce  ridicule  vers  latin  : 

Qui  bona  vina  bibit  paradiso  tutius  ibil. 


XIII  Sli.Cl.K. 


DU  nOMAN  DE  BELjVKS  DE  HANSTONE.       7/19 

Ces  événements  sont  annoncés,  du  moins  en  partie,  par 
le  poète,  dès  le  commencement. 

Oïès,  sigiU)!-,  por  Dieu  le  cmitmir , 

Hoirie  canclion;  ainz  n'oïsles  inillor  : 

Ch'est  de  Guyon  à  la  (ière  vii^cnii 

Qui  lie  Aiistone  tient  la  terr«-  et  lonour. 

Vieu/.  fu  li  Dus  :  Si  list  niult  i,'iaiit  folour, 

C.ir  belle  tlame  prist  et  jovenc  à  oiseur';  rinr  «ix.i.,. 

Puis  eu  luouiut  à  deul  et  à  dolour. 

r>euves  ses  fiex  ,  qui  tant  ot  giant  valour, 

Eu  fu  nienc's  en  terc  paieuoi-; 

Car  de  sa  nicre  tu  pris  en  tel  haom 

'Sa  mort  juia,  c'oireut  li  plusor  :  <;>;/c  x.ii- ci; 

F.Ue  Aoluit  prendre  autre  Signour  irmlu. 

Enanic  ot  ini  félon  traitoiu-, 

Oo  de  niaienclie  lui  niavais  hoiseour '.  rioiii|ii ui 


lOlI'îl'' 


\  oici  le  portrait  que  fait  le  ]>oète  de  Beuves,  son  héros  : 

Ains  Daniel-de  '  nul  plus  Lel  ne  forma, 
IVe  plus  cortois  del  jovent  (jue  il  a; 
Larges  et  preus ,  et  volenlicrs  doua; 
Sur  toute  riens  sainte  église  honora. 

La  criminelle  témme  que  ce  jjeau  et  généreux  jeune 
liomme  avait  pour  mère,  jura  sa  |ierte.  Nous  avons  vu  par 
le  dernier  vers  du  fragment  Cjue  nous  avons  d'abord  cité, 
(ju'elle  était  éprise  du  fameux  Doon  de  "Mayence,  person- 
nage qui  joue  presque  toujours  un  rôle  odieux  dans  nos 
anciens  romans  français.  Tous  deux  se  réunirent  pour  se 
débarrasser  de  l'héritier  du  bon  duc  Guyon.  Le  maire  {ma- 
gister)^  gouverneur  du  jeune  homme,  fut  chargé  de  le  tuer; 
mais  il  n'exécuta  point  un  tel  ordre.  Beuves,  par  ses  soins, 
passa  en  Espagne,  où  il  épousa  la  fille  du  roi  de  Séville. 

Une  note  que  Ton  trouvera  dans  notre  présent  volume 
(  page  701  )  apprend  comment  Josiane,  sa  première  mai- 
tresse,  vint  à  Séville,  déguisée  en  jongleresse,  et  se  fit  recon- 
naître de  Beuves.  Il  serait  trop  long  de  raconter  tout  ce  qui 
s'ensuivit,  et  tout  ce  que  Beuves  entreprit  et  exécuta  pour 
faire  expier  aux  coupables  la  mort  de  son  père,  et  se  venger 
des  persécutions  qu'il  avait  éprouvées  dans  sa  jeunesse. 

Il  paraît  que  le  roman  de  Beuves  de  Hanstone  eut  un 
long  succès.  On  en  trouve  des  manuscrits  dans  nombre  de 
bibliothèques,  et  les  Anglais  le  traduisirent  dans  leur  langue, 
mais  en  changeant  le  théâtre  des  événements,  le  lieu  de  la 


llaiii-liii'i 


ill  SIK(  l.E. 


;,-K)  AUTEUR  ANONYME 

stÎMiu,  OU  plntùl  en  s';ij)propriaiit  tout  le  sujet.  Beuves.  dans 
leur  tricluctioii ,  n'est  plus  seignrur  yuzftjun  ùc  Haiistone, 
mais  hien  de  Soutli;inii;t(.n  d.uis  le  Hantsliire. 

l*eul-ètre  on  nous  dematulera  où  nous  pl.içons,  nous,  le 
duclié  de  Hanstone,  ce  duclie  que  le  ;-otJiaii  français  appelle 
/(7  terre,  les  états  de  Beuves.  Mous  répondrons  (juon  peut 
choisir  entre  ^-Jiitonne ,  ilans  le  département  de  l.i  liotdo^ne, 
près  de  Péiigueux,  et  quatre  à  cinq  autres  villes  et  bourgs 
d'un  nom  à  peu  jirès  send>lal>!e  dans  les  anciennes  piovinces 
du  Daupliiné,  du  Perche,  et  nièiue  de  l'Oileanais. 

Comme  la  plupait  des  romans  célèbres  i!u  xiii*^  siècle, 
notre  poëme  (le  Beuves  lut  traduit  en  prose  dans  le  xiv^, 
mais  avec  de  notables  altérations  qu  il  serait  à  peti  près 
inutile  d'indiquer  ici.  Nous  citerons  seulement  les  éditions 
qui  eti  ont  été  données  3()  ans  api  es  rpie  lart  de  l'nnjjri- 
merie  l'ut  cnimu.  Voici  le  titie  du  roiniu  dans  ces  écliticms: 

i"  Le  lii're  de  l>eiij\'es  rie  fldiitnrme  et  de  Id  belle  Josicnne. 
Paris,  Mithel  Eenoir,  i5o>,  in-4°  t'.olhicpie. 

a"  L  histoire  du  che^nilicr  lieii/i'es  de  Ihintnnue  et  de  la 
belle  Josienne.  P.iris,  Jehans  Boutons  >  in-4"  i,'otii!(jue. 

Il  existe  aussi  dans  les  manuscrits  de  la  Bihliothèque 
royale,  n°  y^iVi,  un  Beuves  de  Hanstone,  en  jxose  riançnse, 
«pii  poinrait  bien  être  une  traduction  de  la  traduction  ou 
de  l'imitation  anglaise  en  vers.  C'est  nn  petit  v(jlume  in-tol. 
d'une  écriture  du  xvi^  siècle  II  commence  ainsi  :  «  En  An- 
«  gleterre  (pi'on  souloit  jadis  appeller  Grande-Bretagne, 
«  i)our  le  tem])s  cpie  les  chevaliers  errans  y  (pieircuent  les 
"  adventures,  en  advint  une,  depuis  ledit  temps,  d'un  che- 
a  valier  moult  aagé  «pu  en  si>n  temps  (pie  jeunesse  le  gou- 
«  vernoit ,  esloit  t'oit  liihe,  et  se  nommoit  iceluy  (  hevalier 
<x  Guy  de  Hantonne.  »  On  y  raconte  ensuite  (jue  très-vieux 
il  se  maria  avec  une  jeune  (hmie  dont  il  eut  un  (ils  (pii  tut 
nommé  Beul've.s  de  Hantonne.  La  jeune  dame,  peu  satisfaite 
de  son  vi^il  époux,  labandonna  |iour  un  autre,  etc.  I^e  ro- 
man linit  |)ar  le  récit  de  la  mort  du  vieux  Biulves  de  flan- 
tonne,  lequel  fut  fort  reg.etté  de  Charles-Martel  et  autres 
grands  personnages  Apiès  l'avoir  fait  enterrer  dans  une 
(■glise  (ju'on  nomme  S.iint-Eustache,  «  ils  .s'en  retoutnèrent 
"  à  Londres,  et  |)rindrent  chacun  en  droit  soy  congie  du 
■i  roi  Thierry,  et  s'en  retourna  chacun  en  son  pays.  Des  fayz 
n  du  roi  Cliarles M arfel  en  trouve  l'en  assez  èz  chrcmiques 
-  des  enl'ans  de  lî  ufves  d  Hantonne  et  adleurs,  comme  à 


DU  ROMAN  DE  BEUVES  DE  HANSTONE.     7:)! 

€  Snint-Oinys,  là  où  tout  t-st  clironinné;  mais  n'en  Hiit 
c  rii!>toirf  (le  iH'  i)(  ion.  —  Airu  ois  dt- (luie  lu  vie  du  bon  clie- 
H  vilier  Beiives  de  Hanloinie  dont  l^ieu  veuille  avoir  l'anie 
«  et  de  fois  aiities  bo.is  et  loyaux  citîioliques.  Anun.  » 

D.His  cette  citation,  nous  cioyoris  apercevoir  d'abord  qu'il 
existait  une  liis-toiie  de  Charles-Martel  (ju'on  qualiii(;  Jîoi, 
et  ensu'te  que  le'te  histoire  ou  plutôt  ce  roman  se  trouvait 
avec  be.auoup  d'autres  à  Saint  -  D.'uis  ;  ce  qui  seinblerair. 
indiquer  (ju'a  cette  ép(^que  la  Bibliotliècpie  ilt;  ce  monastère 
était  bien  Iburnie  en  livres  liistoricpies  et  en  romans. 

Au  reste,  c'est,  comme  on  l'a  vu,  l'histoire  de  Guy,  père 
de  lîeuves,  et  non  le  roniati  de  Beuves  de  Hanstone  qui  se 
trouve  en  prose  dans  la  Bibliothèque  royale  de  Paris.  Pour 
bien  (onnaîtie  le  véritable  iciuian  en  vers  de  ce  lils  d'un  mal- 
heinxu\  père,  il  faut  recourir  au  manuscrit  n°  2.^52,  qui  est 
très-certainemeiit  du  xiii'=  siècle.  D'ailleurs  le  style  ne  per- 
met ])is  de  douter  que  le  roman  m;  soit  (h;  cette  époque,  et 
peut-être  des  premteies  aimées  de  ce  siè<  le. 

Ce  manusciil  contient  trois  autres  |)oëmes  : 

1°  Le  roman  de  Julien  de  Saint-Gille  el  de  son  fils  Elye. 
—  j6  teuiilets. 

a°  Le  lom.in  d'Aiol  et  de  Alirabel  sa  femme.  —  q6  fenillet.s. 

3"  Le  rouiaii  de  Robert-le-Diable ,  duc  de  Normandie. 

174  feuillets  (i).  A.  D. 

(i)  Nous  ij^norons  s'il  nous  sera  possible  de  rendre  compte  de  ces 
trois  ri)n;iins,  (|iii  ne  peuvent  ètie  pl.ices  (pien  seconde  lij,'ne  dans  l'im- 
mense c.ilé;<>rie  des  prodiu  lions  de  ce  j^ente.  INlais  ,  en  attendant,  nous 
croyons  devoir  taire  connailie  an  moins  le  style  île  celui  dont  le  héros 
jouit  encore  de  nos  jours  de  lu  plus  grande  célébrité  (  Uoberl-le-Diabie  ). 
Le  puenie  conitnence  ainsi  : 

Or  Piilendés  grani  el  meiior. 
Jailis  al  lains  aiichienor 
Avoit  lin  duc  en  Normandie, 
Dont  bien  est  druls  que  je  vous  die. 

Le  duc,  qui  avait  épousé  une  femme  extrêmement  belle,  n'en  avait  point 
d'enfants.  La  femme  en  gémissait.  Lasse  d'en  demander  vainement  à  Dieu 
elle  s'adressa  un  jour  au  diable. 

Dialile,  fat' elle,  je  le  proi 
Que  lu  enif  nges  ja  v«'i!>  moi. 
Que  lu  me  <lunes  un  enfant: 
Che  te  proi  dès  ure  en  avaut. 

Apres  «es  mots,  elle  tomba  pâmée  sur  son  lit.  C'est  dans  cet  état  que 
la   trouva  le  duc  son  époux  qui   revenait  de  la  chasse.  Elle  lui  parut    S' 


XIII  sltri.i». 


-  IIISIKCIK. 


AUTEUR    ANOiNYME 

DE  [/OPxDKNE  DE  CflEVALERIE  (i). 

Il  faut  entendre  pnr  les  mots  Ordene  de  cJievalerie  le 
règlement  (|ui  prescrivait  les  cérémonies  que  l'on  devait 
exécuter  pour  ia  réception  des  chevaliers  dans  l'ordre.  Et  le 
poème  que  nous  allons  examiner  a  cela  d  intéressant,  (jue 
son  auteur  semble  s'être  l:iit  un  devoir  de  récapituler  et  de 
décrire  ces  cérémonies. 

Il  a  donné  à  son  nuvre  une  forme  dramatique,  en  y  liant 
un  fait  vraisemblable  ,  s'il  n'est  vrai. 

Mais  d'abord  en  quel  temps  vivait  l'auteur?  Rien  dans  le 
poëme  n'aide  à  faire  reconnaître  ni  l'époque  de  sou  exis- 
tence, ni  son  état  dans  le  monde.  Mais  le  fait  qui  sert  de 
base  au  poème  a  dû  être  nécessairement  de  la  fin  du  xci*" 
siècle.  On  peut  donc  supposer  que  l'auteur  écrivait  peu  de 
temps  après;  et  son  style  d'adieurs  ne  permet  pas  qu'on 
l'é'oigne  beaucoup  de  cette  date.  Enfin,  comme  il  cite  quel- 
quefois la  Bible,  on  ne  peut  guère  se  tromper  en  le  mettant 
au  nombre  des  moines  qui,  en  ce  temps,  cherchaient  à  di- 
minuer l'ennui  du  cloître,  en  entassant  des  rimes  sur  des 
rimes,  pour  paraphraser  et  souvent  falsifier  l'écriture  sainte 
ou   l'histoire. 

atti'ayante,  qd  il  ne  put  résister  au  désir  de  tenter  encore  de  la  rendre 
mère.  Cette  fois ,  il  fut  plus  heureux ,  grâces  au  pouvoir  bienveillant  du 
dial)le.  La  ducliesse  devuit  enceinte, 

Et  un  tel  oii'  engendra 
Dont  ja  ben  ne  li  avenJia. 

bien  (|ue  les  aventures  de  ce  méchant  Robert  soient  très-connues,  peut- 
être  n'était-il  pas  indiflérent  de  rappeler  l'aventure  à  laquelle  sans  doute 
il  devait  son  terrible  surnom,  telle  du  moins  que  la  rapportent  les  ro- 
manciers du  XIII*  siècle. 

(l'î  Barbazan,  Méon  et  d'autres  écrivains  ont  nommé  comme  auteur 
(le  rOrdène  de  chevalerie,  un  chevalier  (Hue  de  Tabarie  )  qui  figure 
dans  le  poème  parmi  les  principaux  personnages.  (  Voyez  notre  Discours 
sur  1  état  des  lettres  au  xiii*  siècle,  T.  XVI,  p.  220).  Mais  comme  ce 
n'etait-là  qu'une  conjecture,  et  que  le  chevalier  Hue  n'indique  point  quelle 
p.)rt  il  a  pu  prendre  à  la  composition  du  poème,  nous  n'avons  pas  cru 
devoir  lui  conserver   ici  le  titre  d'auteur. 


AUTEUR  ANONYxME,  etc.  753 

xni  siicu 
Dès  le  (iëbiit,  notre  auteur  fait  preuve  u  ignorance ,  en    — 

appelant  pàicns ,  les  Sarrasins,  sectateurs  de  la  loi  de  Maho- 
met, de  ce  Mahomet,  le  plus  zélé  persécuteur  du  paganisme. 

IMùs  (les-ore  me  convient  retrain- 
A  l'inioier  et  à  conter 
Un  conte  c'ai  oi  conter 
D'un  rois  qu'eu  lerre  paienic 
Fu  jadis  de  grand  sigiiourie 
E  moul  fu  lx)iaus  Sarrazin 
Il  ot  à  non  Salehadins. 

Ce  Saladin ,  que  l'auteur  nous  présente  comme  le  prin- 
cipal personnage  du  poème,  est  ce  grand  homme,  ce  héros 
qui,  n'étant  point  né  pour  occuper  un  trône,  finit  par  de- 
venir sultan  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie.  Les  croisés  n'eurent 
point  dans  l'Orient  il'ennemi  plus  redoutable,  ni  en  même 
temps  |)lus  magnanime.  S'il  se  montra  maintes  fois  cruel, 
implacable,  ce  fut  moins  par  caractère  ou  pai  lanatisme, 
que  par  la  haine  assez  naturelle  tju'il  devait  ressentir  pour 
ces  hordes  d'étrangers  qui,  par  des  motifs  dont  certes  il  ne 
pouvait  comprendre  l'importance,  étaient  venus  envaliir 
des  pays  sur  lesquels  ils  n'avaient  aucun  droit.  Mais,  en 
plusieurs  occasions,  et  au  milieu  de  ses  triomphes,  il  leur 
l)rouva  qu'il  connaissait  les  lois  de  l'humanité,  qu'il  savait 
honorer  les  hautes  vertus  partout  oii  il  en  rencontrait. 

On  serait  tenté  de  croire  que  c'est  pour  fournir  un  témoi- 
gnage de  plus  de  la  générosité,  de  la  grandeur  d'ame  de 
Saladin,  qu'a  été  composé  VOrdène  de  chevalerie.  En  effet, 
le  poète  nous  le  montre  vainqueur  dans  une  des  plus  grandes 
batailles  qui  aient  été  livrées  dans  la  Terre -Sainte.  Il  ne 
désigne  pas  cette  bataille;  mais  c'était  sans  doute  celle  que 
gagna  Saladin ,  le  i*''^  mai  1 187,  où  tant  de  princes  chrétiens, 
qui  s'étaient  formé  des  états  dans  l'Orient,  périrent  ou  fu- 
rent faits  prisonniers;  bataille  dont  un  des  plus  funestes 
résultats  fut  pour  les  chrétiens  la  perte  de  Jérusalem. 

Parmi  les  prisonniers  se  trouvait  le  prince  Hugues  ou 
Hue,  seigneur  de  Galilée  et  prince  de  Tibériade,  ou,  par 
corruption  de  ce  mot,  de  Tabarie.  Saladin  connaissait  sa 
bravoure.  Il  le  fit  appeler  : 

«  Hues,  moût  suis  Ue'  quant  vous  tien  ,, 

Che  dist  li  Rois',  par  Mahoumet.  'Saladin 

Et  une  tcxse  vous  promet, 
Que  il  vous  convenrra  morir, 

Tome  XV m.  C  cccc 


XIII  SIECLE. 


754  AUTEUR  ANONYME 

Ou  à  irrant  raenchon  venir.  ^ 


'Laissé l'altei-  Li  prinches  Hues  respondit  : 

native.  «  Puisque  m'avez  le  giu  parti  ', 

•La  r.mroii.  Je  prenderai  ilonl  le  laienilire* 

Si  j'ai  de  quoi  jcl' puisse  rendre.  » 

La  rançon  que  lui  demandait  Saladin  était  de  cent  mille 
besans(i),  et  Hugues  représenta  que,  même  en  vendant  ses 
terres,  il  ne  pourrait  trouver  une  telle  somme. 

Ha,  sires,  attaindre  ni  porroie. 
Si  toute  ma  terre  vendoie. 

Saladin  lui  réplique  qu'il  n'aura  sans  doute  i)Csoin  de  rien 
vendre;  que  les  chrétiens,  estimant  son  courage ,  s'empres- 
seront siirement  d'acheter  sa  liberté;  qu'il  lui  permet  de 
partir  dès  le  jour  même  pour  aller  recueillir  l'argent  néces- 
saire, pourvu  qu'il  lui  promette  que,  si  dans  deux  ans,  il 
n'a  pu  se  procurer  la  somme  entière,  il  viendra  se  remettre 
entre  les  mains  du  vainqueur.  ïlues  de  Tabarie  s'y  engagea 
par  serment. 

Il  se  disposait  h  partir.  Mais  Saladin  le  conduit  dans  un 
appartement  particulier,  et  là  il  le  prie  de  lui  conférer  la 
dignité  de  chwalier.  Hues  s'en  excuse  comme  il  peut  :  ce 
serait  profaner  le  saint  ordre  que  d'y  introduire  un  infidèle 
qui  n'a  point  reçu  le  baptême. 

Biaussire,  dist-il,non  ferai. 
Porquoi  sire,  jel'  vous  dirai  : 
Saint  ordre  de  chevalerie 
Seroit  en'.vous  mal  emploiie  , 
Car  vous  estes  de  mal  loi  , 
Si  n'avez  haptesme  ne  foi  , 
Kt  grant  folie  entreprendroie 
Se  un  fumier  de  dras  de  soie 
Voloie  vestir  et  couvrir, 
Qu'il  ne  peûst  jamais  puir. 

Un  tel  refus ,  en  termes  si  inconvenants ,  irrite  Saladin 
qui  lui  fait  observer,  qu'étant  en  son  pouvoir,  il  faut  qu'il 
obéisse.  Hues  sent  qu'il  lui  est  impossible  de  résister  plus 
long-temps; 

(i)  Le  besan  était  une  monnaie  qui  valait  8  sous  de  la  monnaie  de 
France.  Mais  ces  sous,  dont  on  ne  taillait  que  cinquante-huit  dans  un  marc 
d  argent,  ne  peuvent  se  comparer  aux  nôtres.  Chaque  besan  ,  qui  contenait 
8  sous,  valait  plus  de  10  francs.  Ainsi  c'était  plus  d'un  million  que  Saladin 
demandait  à  Hues  pour  sa  rançon. 


XIII  SIECLE. 


DE  L'ORDÈNE  DE  CHEVALERIE.  755 

Lors  li  t'ommenclie  à  ensignier 
Tout  chou  que  il  li  coviciit  faire. 

Nous  dirons,  en  suivant  pas  à  pas  le  poëme,  quelles  fu- 
rent les  cérémonies  auxquelles  il  fallut  que  se  soumît  le 
Soudan ,  et  nous  laisserons  l'auteur  expliquer  en  sa  lan- 
gue (i)  quel  est  le  sens  qu'il  attachait  à  chacune. 

Hues,  pour  première  cérémonie,  exigea  que  Saiadin  se 
lavât  le  visage,  se  fit  couper  les  cheveux,  et  raser  la  barbe. 
Ce  ne  fut  sans  doute  pas  sans  quelque  déplaisir  que  le  sultan 
se  vit  privé  de  sa  barbe;  car  les  musulmans,  à  cette  époque, 
tenaient  à  lionneur  de  la  porter  dans  toute  sa  longueur.  Hues 
le  fit  en  outre  mettre  dans  un  bain. 

Lors  li  commenche  à  demander 

Li  soudans,  que  che  senetie? 

Hues  respont  de  Tabarie  : 

•  Sires,  cil  bains  où  vous  baingniez, 

Si  est  à  chou  senefiez, 

Tout  ensenient  comme  l'enfechons 

Nés  de  pechie  ist  '  hors  des  tons  -Soit. 

Quant  de  baptesme  est  aportei, 

Sire,  tout  ensement  devez 

Issir  sanz  nule  vilounie, 

Et  eslre  plain  de  courtoisie 

Baignier  devez  en  honesté, 

En  courtoisie  et  en  bonté. 

Le  Soudan  est  très-content  et  surtout  édifié  de  cette  ex- 
plication. Au  sortir  du  bain,  Hues  le  couche  dans  un  beau  lit 

Qui  estoit  fez  par  gran  délit, 

et  il  lui  explique  ainsi  cette  cérémonie  : 

Sire,  cis  lis  vous  senefie 
C'en  doit  par  sa  chevalerie 
Conquerre  lit  en  paradis, 
Ke  Diez  otroie  à  ses  amis. 

Quand  il  l'eut  laissé  quelque  temps  au  lit,  il  le  revêtit 
d'abord  d'une  robe  blanche,  et  par-dessus  d'une  rouge,  et 
enfin  il  lui  mit  une  chaussure  de  couleur  noire.  Et  voici , 
suivant  notre  chevalier  instructeur,  le  sens  caché  de  ces  em- 

(i)  Le  poëme  dit  en  son  latin.  C'était  d'abord  le  nom  de  notre  langue; 
mais  quand  le  latin  fut  tellement  corrompu  qti'on  put  avec  raison  le  re- 
garder comme  un  idiome  tout  à  fait  distinct  de  celui  d'où  il  émanait,  on 
l'appela  plus  souvent  roman  que  latin. 

C  cccca 


-56  AUTEUR  ANONYME 

_ '- — —  blématiques  vêtements.  D'abord  par  la  robe  blanche  ,  il  faut 

entendre 

Que  chevaliers  doit  adès  tendre 
'Sa  chair.  A  Se  car'  nettement  tenir 

Se  il  à  Diu  velt  pervenir  : 

par  la  robe  rouge, 

Que  ja  ne  soiez  sans  douner 

Pour  Diu  servir  et  hounourer, 

Et  pour  Sainte  dise  deffendre, 

Que  nus  ne  puist  vers  li  mesprendre  , 

Car  tout  chou  doit  chevaliers  faire 

S'il  veut  à  Dieu  de  noient  plaire. 

Chest  entendu  par  le  vermeil. 

Quant  à  la  chaussure  noire , 

11  li  dist  :  Sire  ,  sans  faillanche  , 

Taut  chou  vous  doune  ramenbranche 

Par  cheste  chauchement  noire, 

C'ayez  tout  adès  en  mémoire 

La  mort  et  la  terre  où  girrez 

Dont  venistes,  et  où  irez. 

Saladin,  ainsi  accoutre',  se  leva,  et  Hues  lui  mit  aussitôt 
sur  les  reins  une  ceinture 

Blanche  et  petite  de  feture, 

et  il  lui  dit  : 

Sire,  par  cheste  chainturette, 
■  Voiie  chair.  Est  entendu  que  vo  car'  nete. 

Voire  corps.  Vos  rains,  vos  cors'  entirement 

Devez  tenir  tout  fermement 
Ainsi  com  en  virginité, 
Vos  cors  tenir  en  netéé , 
Luzure  despire  et  blasmer  ; 
Car  chevaliers  doit  moult  amer 
Son  cors  a  netement  tenir 
Qu'il  ne  se  puist  en  chou  hounir  ; 
Car  Diex  het  moul  itel  ordure. 

Hues  lui  attache  ensuite  deux  éperons  : 

Senfient  chist  esperon 

Qui  doré  sont  tout  environ  , 

Que  vous  ayez  bien  en  corage 

De  Diu  servir  tout  vostre  eage  ; 

Car  tuit  li  chevalier  le  font 

Qui  Diu  aiment  de  cuer  parfont. 


\IiI  SIECLE. 


DE  L'ORUÈNE  DE  CHEVALERIE.  757 

Il  lui  ceint  une  épée,  ou  plutôt  un  sabre,  un  branc ,  comme 
on  disait  alors. 

Sire,  fet-il ,  chou  est  garant 

Contre  l'assaut  deranerai; 

Tout  ensenient  com  véés  ci 

Doi  trenchant  ki  vous  font  savoir, 

C'adès  doit  chevaliers  avoir 

Droiture  et  léauté  ensanle, 

Chou  est  à  dire,  che  me  sanle, 

K'il  doit  ja  povre  gent  garder 

Ke  II  riches  nel'  puist  t'oler, 

Et  le  léble  doit  soustenir 

Que  li  fors  ne  le  puist  hounir. 

Enfin  Hues  lui  couvre  la  tête  d'une  coiffe  blanclw ;  il  faut 
entendre  sans  doute  ce  bonnet  ou  calotte  que  les  chevaliers 
j)ortaient  sous  le  casque  et  le  chaperon. 

Sire ,  fait-il ,  or  esgardez  , 

Tout  ensement  com  vous  savez 

Que  cheste  coife  est  sans  ordure. 

Et  blanche  et  bêle,  nete  et  pure,  • 

Et  est  deseur  vo  chief  assise  , 

Ensement  au  jour  dou  juise'  'Jugement. 

Des  grans  péchiez  que  fais  avons, 

Devons  l'anie  rendre,  à  estrons',  , Tout  à  coup, 

Et  pure  et  nete  des  folies  à  l'improtisie. 

Que  li  cors  a  tozjors  basties, 

A  Dieu  pour  avoir  le  mérite 

De  paradis  qui  nous  délite. 

Il  ne  restait  plus  à  exécuter  qu'une  cérémonie;  mais  Hues 
ne  sait  comment  il  proposera  à  Saladin  de  s'y  soumettre. 
a  Qu'est-ce  que  cette  cérémonie.''»  dit  Saladin.  —  x  C'est  la 
colée,  »  lui  répond  Hues,  non  sans  quelque  crainte.  Or,  il  faut 
savoir  que  cette  colée,  que  l'on  a  quelquefois  prise  pour  une 
acolée  (une  embrassade  ),  était  un  soutHet  que  le  chevalier 
en  titre  {le  parrain  d'armes)  appliquait  au  chevalier  qu'il 
admettait  dans  l'ordre.  Le  poète  ne  dit  pas  que  Saladin  reçut 
le  soufflet;  il  se  contenta  de  donner  la  signifiance  d'une  telle 
cérémonie  : 

Sire,  chou  est  li  ramenbranche 

De  chelui  qui  l'a  adoubé"  'Ajusté,  pré- 

A  chevalier,  et  ordené.  p«ré. 

Ainsi  c'était  par  un  soufflet  que  le  parrain  d'armes  im- 
primait au  nouveau  chevalier  le  souvenir  de  son  adoption, 

5  1 


758  .  ADTELIR  ANONYME 

XIU  SIÈCLE.     '  1  I      ,.,,,,•       T^  ,  . 

comme  membre  de  I  ordre  de  chevalerie.  Dans  la  suite,  on 

remplaça  le  soufflet  par  trois  coups  du  plat  de  l'épée  sur  les 
épaules  et  sur  le  cou. 

Il  y  avait  quelques  autres  cérémonies  eu  usage  dans  les 
réceptions  de  chevaliers,  et  dont  ne  parle  imllement  notre 
poète  :  c'étaient  la  veille  d'armes  dans  une  église,  la  confession 
par  laquelle  le  récipiendaire  devait  se  préparer  à  cette  espèce 
de  sacrement ,  et  la  communion  enfin  qu'il  devait  recevoir 
le  jour  même.  ?Mais  on  sent  bien  que  Hues  de  Tabarie  ne 
pouvait  proposer  à  un  prince  infidèle  de  se  soumettre  à  de 
tels  actes  préparatoires. 

Et  pourtant  dans  les  enseipiements  qu'il  lui  donne  à  la 
suite  des  cérémonies,  il  ne  laisse  pas  de  lui  déclarer  que  le 
code  de  la  chevalerie  contient  quatre  préceptes  fondamen- 
taux, dans  lesquels  on  aperçoit  autant  les  traces  du  catho- 
licisme  le  plus  ardent  qu'un  esprit  de  morale  et  de  politique; 
et  c'est  r  de  ne  point  mentir  ni  porter  de  faux  jugement; 
2°  de  ne  point  séduire  les  femmes,  mais  de  les  aider  et 
secourir; 

Car  femes  doit-l'en  hoiiourer 
Et  por  lor  droit  grans  fez  porter; 

3"  de  jeûner  le  vendredi, 

Por  cette  sainte  remenbranche 
Que  Jhesu  fii  de  la  lanche 
Férus  pour  no  redenipcion , 
Nom  de  celui  Et  que  à  Longis'  fist  pardon; 

■  |iii,  romine   on 

le  croyait  alors,  ^^  d'entcndre  la  messe  tous  les  jours,  et  de  faire  à  l'église 
..erraiccùiede  fjgs  offrandes  ; 

lesus-(.lirisl 

Car  meut  est  bien  l'offrande  assise 
Qui  à  la  table  Diu  est  mise. 

Il  est  un  autre  précepte  du  code  de  chevalerie  que  Hues 
ne  cita  pas  à  Saladin,  mais  qui  n'en  existait  pas  moins;  c'é- 
tait celui  qui  exigeait  de  tout  chevalier  qu'il  défendît  les 
saints  mystères,  et  empêchât,  même  par  les  moyens  les  plus 
violents,  les  impies  d'insulter  au  culte  du  Fils  de  Marie. 
Aussi  les  chevaliers  avaient-ils  le  privilège  de  se  présenter 
en  armes  dans  l'église. 

Car  je  vous  dit  par  vérité 
Que  li  chevaliers  a  pooir 
De  toutes  ses  armes  avoir 


DE  L'ORDÈNE  DE  CHEVALERIE.  759 


xm  sitcLÉ. 


Et  en  sainte  glise  aporter 
Quant  il  vient  la  messe  écouter, 
Que  nus  mauves  ne  contreclie 
Le  serviche  le  Fill  de  Rlarie , 
Ne  le  Saint  digne  Sacrement 
Parqoi  nous  avons  sauvement; 
Et  se  nus  le  voloit  desdire 
Il  a  pooir  de  l'occire. 

C'est  cette  autorisation  ou  plutôt  ce  pouvoir  dont  jouis- 
saient   les    chevaliers    d'occire    quiconque    ne    pensait    pas 
comme  eux,  en  matière  de  religion,  qui  explique  comment 
tant  de  milliers  de  Vaudois,  d'Albigeois,  etc.,  furent  exter- 
minés sans  répugnance,  sans  remords,  et  la  facilité   que 
trouva  saint   Dominique  à   instituer  partout   l'inquisition. 
Saint  Louis  paraît  même  avoir  étendu  à  tout  chrétien,  sans 
distinction,  ce  devoir  de  tuer  les  hérétiques,  qui  semblait 
n'être  d'abord  qu'une  attribution  des  chevaliers.  «  Homme     yjgjeg  Louis 
«  lai  (laïc),  disait-il  à  Joinville,  quand  il  entend  médire  de  parJoinviiie,éa. 
«la  loi  chrétienne,  ne  doit  la  défendre  que  de  l'épée;  de  auLouvie,pag 
«  quoi  il  doit  donner  parmi  le  ventre  dedans,  tant  comme  ''pàssj„eciiépar 
«  elle  y  peut  entrer.'))  Cette  maxime,  devenue  précepte  chez  he^rand,  Conter 
tous  les  peuples  catholiques,  ne  reçut  quelque  modification  ei FabUauj.,t.\, 
qu'à  l'époque  où  le  protestantisme  se  montra  redoutable;  et  ^'  ''*^' 
ce  n'est  guère  que  de  nos  jours,  que  les  gouvernements, 
plus  éclairés  sur  leurs  propres  intérêts,  y  ont  substitué  des 
maximes  de  tolérance  et  d'humanité. 

Saladin ,  devenu  chevalier,  de  la  façon  de  Hues  de  Tabarie, 
professa,  si  l'on  en  croit  notre  poème  anonyme,  une  grande 
admiration  pour  l'institution  de  la  chevalerie,  et  fut  on  ne 
peut  plus  satisfait  des  cérémonies  qui  l'avaient  initié  à 
l'ordre.  Pour  témoigner  à  son  parrain  d'armes  toute  sa  re- 
connaissance,  il  lui  accorda  la  liberté  de  dix  chevaliers,  à 
son  choix,  parmi  les  prisonniers  du  soudan.  S'il  ne  lui  fit 
point  remise  de  la  forte  rançon  qu'il  avait  d'abord  exigée  de 
lui,  il  l'acquitta  lui-même  et  de  ses  propres  deniers,  et  en 
y  faisant  contribuer  cinquante  de  ses  amiraux.  Et  quand  la 
somme  fut  complète,  il  la  remit  à  Hues  en  l'autorisant  à 
partir.  ,,    ,         ... 

Les  historiens  orientaux ,  ceux  du  moins  que  nous  con-  p  ^„,^ 
naissons,  ne  disent  rien  de  cette  admission  de  Saladin  dans  -    Gesu  Dei  pu 
l'ordre  de  chevalerie;  mais  on  trouve  dans  nos  historiens  ^"'"^-  ""  ^^-" 

,  rr  1  ,.  r'  I  L  I       •  grand  -il  Aussi, 

quen  eitet  ce  sultan  se  ht  conférer  la  chevalerie,  non  par  comes  et    fa- 
Hues,  mais  par  un  Homfroi  de  Toron  qu'il  avait  fait  pison-  biiam,  t.  i ,  p. 


xril  SIF.CLE. 


7G0  AUTEUR  ANONYME,  etc. 

nier  à  la  bataille  de  Tibériade.  Il  importait  peu  à  notre  poète 
que  le  chevalier  instructeur  portât  le  nom  de  Hue  ou  celui 
lie  Humfroy;  il  ne  voulait  sans  doute  que  trouver  un  cadre 
où  il  piit  faire  entrer  l'éloge  de  la  chevalerie  et  l'explication 
des  cérémonies  qui  précédaient  l'admission  dans  l'ordre. 

Au  reste,  Saladin  n'est  pas  le  seul  des  chefs  musulmans 
qui,  à  cette  époque,  désiraient  vivement  de  devenir  cheva- 
liers. On  trouve  des  émirs  cjui  ont  sollicite  comme  une  fia- 
veur,  leur  admission  dans  l'ordre,  et  l'on  peut  citer  entre 
autres,  ce  chef  musulman  qui  entra  dans  la  tente  de  saint 
Louis,  le  sabre  levé,  et  en  lui  criant  :  «  Fai.s-moi  chevalier 
ou  je  te  tue.  )>  Ce  à  quoi  l'intrépitlc  et  pieux  roi  répondit  : 
«  Fais-toi  chrétien  et  je  te  ferai  chevalier.»  Il  n'est  pas  ex- 
traordinaire que  les  musulmans,  témoins  constants  de  la 
rare  intrépidité ,  et  souvent  de  la  loyauté  des  chefs  de  nos 
armées,  aient  pensé  dans  leur  ignorance,  que  ces  étrangers 
devaient  leurs  vertus  et  toutes  les  hautes  qualités  qui  bril- 
laient en  eux.  à  leur  titre  de  chevaliers;  que  ce  titre  avait 
toute  l'influence  d'un  talisman  magique. 

Il  existe  à  la  Bibliothèque  du  roi  plusieurs  manuscrits 
de  YOrdène  de  chevalerie  en  vers,  mais  qui  n'offrent  pas 
entre  eux  de  notables  différences,  et  un  autre  Ordène  de 
chevalerie  en  prose  (  manuscrit  de  Notre-Dame,  M.  7  ) ,  qui 
n'est  guère  qu'un  extrait  assez  imparfait  de  l'autre.  Tous 
deux  ont  été  publiés  dans  la  nouvelle  édition  des  fabliaux  et 
contes  de  Barbazan.  .  A.  D. 


GIliERT  DE  MONTREUIL. 


KiV.  trouvère,  auteur  de  l'un  des  meilleurs  romans  d'amour 
et  de  chevalerie  qui  nous  soient  parvenus  ,  ne  jouissait 
pas,  à  ce  qu'il  semble,  de  toute  la  célébrité  qu'il  méritait. 
On  chercherait  vainement  son  nom  et  quelques  renseigne- 
ments sur  sa  personne  dans  les  poètes  et  même  dans  les 
chroniqueurs  ses  contemporains.  Heureusement  il  s'est  fait 
connaître  lui-même  à  la  fin  de  l'ouvrage  qui,  après  plus  de 
ciuq  siècles  écoulés,  nous  offre  la  preuve  de  son  mérite  et  de 
ses  talents. 


GIBERT  DE  MONTREUIL.  761 

Gyrbers  de  Mottercel  define 
Ue  la  Violette  son  conte; 
N'en  veit  plus  faire  lono  aconte. 
Tant  a  rimé  k'il  est  arrive. 

C'est  aussi  par  quelques  vers  de  la  dédicace  de  ce  même 
roman  de  la  l  iolette  à  une  Marie,  comtesse  de  Ponthieu, 
rjue  l'on  a  pu  fixer  à  peu  près  l'époque  où  il  fut  écrit.  Cette 
Marie,  fille  utiicjue  de  (luillaume  III,  comte  de  Ponthieu, 
épousa,  en  1208,  Simon  de  Dammartin,  comte  d'Aumale,  et 
depuis,  en  secondes  noces,  un  Matthieu  de  Montmorency, 
sire  d'Atrichy.  On  en  a  conclu  que  le  poëme  ne  pouvait 
guère  être  postérieur  aux  aS  premières  années  du  xni*  siècle; 
mais  on  ne  saurait  lui  assigner  une  date  bien  certaine. 

Par  les  vers  que  nous  avons  cités,  on  voit  que  Gerbert  ou 
Gibert  de  Montreuil  ne  donnait  d'autre  titre  à  son  poëme 
que  celui  de  Za  A^Vo/ef^e;  mais  dans  quelques  manuscrits, 
on  le  trouve  sous  le  titre  de  Gérard  de  Nevers.  Et  le  cheva- 
lier de  ce  nom  en  est,  en  effet,  le  héros. 

Il  n'y  a  rien  d'historique  dans  ce  roman.  Les  noms  mêmes 
des  personnages  qu'y  introduit  le  poète  sont  controuvés  : 
on  ne  connaît  point  de  comtes  du  nom  de  Gérard,  et,  bien 
que  le  nom  de  l'héroïne  (elle  s'appelle  Euriaut  ou  Oriaut, 
nom  qui  pourrait  être  |)lus  sonore)  se  rencontre  dans  quel- 
ques chansons,  il  ne  se  retrouve  point  dans  l'histoire.  Gibert 
ne  nous  dit  même  pas  sous  quel  règne  se  passèrent  les  évé- 
nements extraordinaires  qu'il  raconte  :  c'était  bien ,  s'il  faut 
l'en  croire,  au  temps  oii  régnait  un  roi  de  France  du  nom 
de  Loeys.  M<iis  quel  était  ce  Louis?  Il  y  a  des  rois  de  France 
de  ce  nom,  à  dater  des  premières  années  du  ix'  siècle. 

Il  ot  en  Franche  .j.  roi  jadis 
Qui  molt  fu  biais,  preus  et  hardis, 
Jouenes  hoin  fu  et  entendans , 
Hardis  as  armes  et  aidans; 
Des  sages  Est  ses  consilUers , 
Consel  crei ,  consel  ania 
Aine  consel  ne  mesaesma; 
Bien  estoit  ensai^niés  et  sa^es 
Et  molt  estoit  hoins  ses  usages. 
Dames,  pucieles  tenoit  chières , 
Souvent  lor  faisoit  bieles  chières 
Molt  fu  preus  et  de  grant  renon  : 
Loéys  ot  li  rois  à  non. 

Un  jour  de  Pâques,  suivant  l'usage,  ce  roi  si  accompli 
Tome  XV  II  L  Ddddd 

5  1  . 


XIII  SlECLt. 


lia  SIECLE. 


762  GIBERT  DJ:  MONTREUIL. 

avait  réuni  une  cour  brilhmte.  On  n'y  voyait  que  comtes  et 
ducs,  que  châtelaines  maguitiqueineiit  parées. 


Puis  ce  fli  que  Noes  fist  l'arche 
Ne  fu  cours  ou  tant  eiist  "cns. 
hi  rois,  qui  tan  fu  biais  et  gens, 
Molt  l)ielenient  les  conréa. 
Après  niangier  les  envia 
Tous  ensanihle  île  carojer. 
Qui  ilonc  veist  dames  aler 
En  chambres  por  aparillier. 
Chascune  prent  .j.  thevalier 
Pour  commeneier  l'envoisement. 
Conimenclie  tout  premièrement 
A  chanter  ma  dame  Airole; 
I.mcoln.  Suer  fu  l'evesque  de  Nicole", 

Contesse  estoit  tie  IJesancon; 
Lors  commence  ceste  cbançon  ; 

yàllès  bielement  que  d'amer  me  dueil. 

Nous  ne  voyons  là  que  le  premier  vers  d'une  chanson  qui 
sans  doute  était  alors  en  vogue.  Mais  en  d'autres  occasions, 
l'auteur  cite  un  ou  plusieurs  couplets  de  chansons.  Tout  le 
roman  est  parsemé  de  ces  couplets.  En  diverses  circonstances, 
et  même  dans  les  plus  critiques,  au  milieu  des  plus  grands 
dangers,  les  personnages  se  mettent  à  chanter;  et  ce  sont 
des  chansons  que  l'on  retrouve  encore  presque  toutes  parmi 
celles  des  chansonniers  du  xii*  et  des  premières  années  du 
xm*'  siècle;  ce  qui  peut  fournir  un  indice  de  plus  sur  l'épo- 
que où  fut  composé  l'ouvrage. 

C'était  un  usage  a.ssez  général  chez  les  trouvères  de  par- 
semer leurs  poèmes  de  chansons.  Les  jongleurs  trouvaient 
là  une  occasion  de  soulager  l'attention  de  leurs  auditeurs, 
de  les  distraire  agréablement  du  monotone  récit  de  plusieurs 
milliers  de  vers. 

De  tous  les  chevaliers  réunis  à  la  fête  que  donnait  le  roi 
Louis,  il  n'y  en  avait  aucun  ([ui  égalât  en  beauté  et  en  bon- 
nes manières  le  jeune  comte  Gérard  de  Mevers,  qui,  déplus, 
avait  le  talent  de  chanter  : 

Et  si  vous  di  outreément 
Que  chou  estoit  li  miels  cantans 
Qui  oncques  mais  fust  à  son  tans; 
Grant  terre  avoit  et  biele  amie. 

Cette  amie-là  n'était  pointa  la  cour,  et  il  eut  l'imprudence 


GIBERT  DE  MONTREUIL.  763 

d'en  faire  un  éloge  passionné.  Oui,  dit-il  en  finissant,  j'ose 
dire 

Que  plus  m'aimnie  que  nul  rien 
Celé  de  cui  nie  siii  v.intés 
Qui  tant  a  sens  cl  loiautes. 

Ce  propos  fut  entendu  par  un  chevalier  nommé  Lisiard, 
qui  était  comte  et  sire  de  Forez.  Le  poète  en  fuit  un  très- 
vilain  portrait  : 

Lons  f'u  et  dur  et  ses  et  maigres, 
Et  molt  estoit  ardis  et  aijries. 

Ce  Lisiard  ne  craint  pas  de  proclamer  hautement  que 
c'est  à  tort  que  Gérard  se  croit  tant  aimé  de  sa  mie;  et  il 
offre  de  gager  sa  terre  contre  celle  de  ce  trop  confiant  che- 
valier, qu'avant  huit  jours,  pour  [)eu  qu'il  séjourne  auprès 
de  cette  beauté,  il  en  aura  fait  une  infidèle.  Tout  cela  n'est 
pas  dit  dans  le  roman  en  termes  aussi  pudiques.  Gérard, 
dans  son  indignation ,  accepte  la  gageure.  Le  roi  voudrait 
en  vain  s'y  opposer.  On  le  prend,  au  contraire,  de  part  et 
d'autre,  pour  garant  des  conditions. 

Chascun  requiert  de  plégéure 
Le  roi;  et  il  les  a  plégiés. 

Lisiard  part  aussitôt  pour  le  château  de  la  belle  Euriaut, 
qui  l'accueille  avec  empres.seinent.  Mais  à  peine  lui  tient-il 
des  propos  d'anjour,  à  peine  lui  fait-il  entrevoir  quels  sont 
ses  projets  sur  elle ,  qu'elle  le  rebute  avec  hauteur  : 

•  Ha,  sire,  merchi  pour  pitié 
Se  jou  or  vostre  dit  eniluie 
Et  je  ne  vous  res])onc  laidure. 
Sachiez  c'est  par  me  courtoisie. 

Le  séducteur  ne  tarde  pas  à  se  convaincre  de  la  folie  de 
son  entreprise,  et  frémit  en  pensant  qu'il  risque  de  perdre 
sa  terre. 

Tant  fu  pensis ,  ne  sait  que  faire. 
De  penser  ne  se  puct  retraere. 

Il  y  avait  dans  le  château  d'Euriaut  une  méchante  vieille 
du  nom  de  Gondrée  qui,  sous  le  nom  de  maîtresse,  rem- 
plissait auprès  d'elle  l'office  des  femmes  de  chambre  de  nos 
jours.  Voici  sous  quelles  couleurs  le  poète  nous  la  repré- 

Ddddda 


XIII.  SIÈCLE. 


XIII  SIÈCLE. 


764  GIBERT  DE  MONTREUIL. 

sente  :  fille  d'une  béguine,  elle  avait  eu  d'un  moine  deux 
enfants  qu'elle  avait  tués.  Lisiard  n'eut  pas  de  peine  à  en 
faire  une  complice  de  ses  projets  sur  la  châtelaine.  Par  des 
présents  et  surtout  par  des  promesses,  il  la  Ht  s'engnger,  sinon 
à  le  rendre  possesseur  des  charmes  d'Euriaut,  du  moins  à 
les  lui  faire  si  bien  connaître  (|ue  nul  ne  piit  douter  de  ses 
succès  auprès  d'elle.  Dès  le  lendemain,  ayant  placé  Lisiard 
dans  une  cachette,  Gondrée  lui  fait  voir  par  un  trou  la  belle 
Euriaut  nue  dans  un  bain. 

La  vielle  le  prent,  si  i'adrèce 
Au  partais  qu'elle  fait  avoit. 
Le  prince  y  met  son  oel  et  voit 
Desor  sa  destre  nianielete  (  d'Euriaut) 
■Bleuir,  ou  plu-  Indoier  '  celé  violette, 

loi    ressortir   en 

iluT^ùûieéi^h       Or,  cette  violette,  placée  sur  le  sein  d'Euriaut ,  était  un 
Tioiet.  signe  de  naissance,  qui  n'était  connu  que  de  son  cher  Gé- 

rard; et  Gérard  en  partant  l'avait  menacée  de  l'abandonner 
à  jamais,  si  un  autre  homme  pouvait  se  vanter  d'avoir  vu 
ce  signe. 

Riche  de  la  précieuse  découverte  qu'il  doit  à  la  perfidie 
d'une  suivante,  Lisiard  .s'empresse  de  retourner  vers  le  roi, 
qui  pour  lors  était  à  Melun,  et  qui  devait  prononcer  entre 
Gérard  et  lui.  Le  roi  fit  appeler  Gérard,  qui  arrive  plein  de 
confiance. 

Environné  de  ses  conseillers  et  de  ses  courtisans,  le  roi 
s'assied  sur  son  trône  pour  écouter  les  deux  parties.  Mais 
Lisiard  demande  que  la  belle  Euriaut  soit  présente,  qu'elle 
entende  elle-même  ce  qu'il  va  dire.  Il  n'y  avait  rien  de  plus 
juste  :  on  expédie  à  Nevers  un  messager  qui  emmène  en 
toute  hâte  à  Melun ,  Euriaut  toute  joyeuse  de  venir  retrouver 
l'ami  qu'elle  aime  tant. 

Mais  quelle  est  sa  honte  quand  elle  entend  Lisiard  déclarer 
devant  le  roi  et  toute  sa  cour,  qu'elle  a  trahi  pour  lui  son 
amant,  et  en  donner  pour  preuve  qu'il  connaît  la  violette 
qu'elle  porte  au-dessous  du  sein! 

Par  foi ,  sire ,  dist  li  trichère , 
Desour  sa  destre  mamelete 
A  une  biele  violete; 
'Quand jecou-  Et  si  me  dist,  quant  à  li  gui', 

clui  avec  elle.  5J  qyg  certains  et  fins  en  sui, 

Q'ue  Gérars  li  biau,  ses  amis, 
Ot  ses  convens  envers  li  mis 


GIBERT  DE  MONTREUIL.  765 

Que  se  nus,  fors  il,  le  savoit , 
Que  ses  bons  de  li  fais  aroit. 
Dite  vous  ai  la  vraie  enseigne?» 

Il  n'y  avait  rien  à  répondre  contre  de  pareilles  preuves. 
Gérard  lui-même  reste  confondu,  et  il  confesse  qu'il  a  perdu 
son  enjeu,  c'est-à-dire  son  comté  de  Nevers.  .Mais  il  se  pro- 
mit bien  de  se  venger  sur  son  amie,  du  cruel  affront  qu'elle 
lui  faisait  subir.  Vous  rae  ravissez  mon  comté ,  lui  dit-il  ; 

Mais  tel  loier  com  vous  deves 
Avoir,  aurez  prochainement. 

Et  il  la  force  aussitôt  de  monter  à  cheval  et  de  le  suivre 
jusque  dans  une  forêt  lointaine.  Là  il  se  dispose  à  la  poi- 
gnarder. Ces  détails  sont  racontés  avec  trop  de  précision, 
peut-être,  par  le  poète  : 

Atant  s'en  tornent  sans  déduit 
Gerars  et  Euriaut  ensamble, 
Puis  ont  tant  erré ,  che  me  samble, 
Qu'il  vinrent  en  une  foriest. 
Gérars  li  biaus  sans  nul  arest 
Descend  desous  .j.  feu'  molt  haut, 
Puis  a  mise  jus  Euriaut, 
Chi  à  tort  estoit  encoupée. 
Gérars  trait  dou  fouerre  l'espée, 
Euriaut  prent  à  soi  le  tire. 
Puis  dist  :  «  Vés  ci  vostre  martyre. 
Honni  sui  par  vostre  folie.  ■ 

A  l'instant  OÙ  il  va  la  frapper,  Euriaut  aperçoit  un  énorme 
serpent  qui,  le  feu  dans  les  yeux,  s'apprêtait  à  s'élancer  sur 
Gérard.  Elle  a  la  générosité  de  l'avertir  du  pressant  dangçr 
dans  lequel  il  se  trouve. 

Euriaut  dist  :  «  Sire,  merchi! 
Pour  Diu  ,  fuiés-vous-ent  d'ichi , 
Que  je  vois  venir  .j.  Dyable  ; 
Vérités  est ,  n'est  mie  fable. 
Mors  estes  ,  se  ne  vos  gardés.  » 

Gérard  se  retourne  et  voit  le  monstre.  Il  ne  songe  plus 
qu'à  le  combattre ,  et  le  tue  de  la  même  épée  dont  il  allait 
percer  le  sein  d'Euriaut.  Mais  dès  lors  il  ne  lui  est  plus  pos- 
sible d'ôter  la  vie  à  la  femme  qui  l'a  sauvé  d'un  danger  si 
imminent;  il  se  décide  à  l'abandonner  seule  dans  la  forêt. 


XHI  SIECLE. 


l  11  bètr«. 


XIIISlKf.I.E. 


"66  GIBERT  DE  MONTREUIL. 

Lors  li  a  dit  ;  ■■  ]\\v\f  Euriaut, 
Diez  li  peie  ki  iiiainl  cii  liant 
Vous  (loirist  (II!  ses  liiens!  je  vous  laif.  • 
Ataiit  s'en  tourne  à  j^raiis  eilais 
El  Ëiliiaut  iein:'<int  dolente; 
■Che»fu«.  Sescuviaus'  trait,  ses  mains  detorl-. 

Et  bientôt  elle  tombe  évanouie  au  pied  d'un  arbre. 

C'est  dans  cet  état  f|ue  la  trouva  le  duc  de  Metz  qui ,  reve- 
nant d'un  voyage  à  Saint- Jacques  en  Galice,  accornpaj^né  de 
vingt  chevaliers,  traveisait  la  forêt.  Frappés  de  la  richesse 
de  ses  vêtements  et  surtout  de  sa  beauté  ,  les  voyaj^eurs  s'arrê- 
tent, lui  prodiguent  des  soins  et  la  rappellent  à  la  vie.  En 
vain  elle  leur  demande  de  la  laisser  mourir  dans  ce  désert;  le 
duc,  qui  n'a  jamais  vu  de  femme  si  belle,  la  force  de  monter 
en  eroupe  et  l'tmmène  à  Metz. 

Là  le  poète  abandonne  l'infortunée  Euriaut  pour  conter 
les  aventures  du  beau  (iérard  de  Nevers  tpii,  n'ayant  plus  ni 
terre  ni  amie,  ne  trouve  rien  de  mieux  à  faire  que  de  courir 
le  monde  et  de  clieicher  des  aventures. 

Mais  d',d)ord  il  lui  prend  envie  d'aller  voir,  par  ses  yeux, 
comment:  Lisiard  se  comporte  dans  le  comté  de  Nevers  que 
ce  traître  lui  avait  ravi.  Pour  n'être  point  recoimu,  il  se 
déguise  en  jongleur,  et  chemine  à  pied  vers  le  château,  où 
Lisiard  veut  bien  lui  donner  l'hospitalité.  C'est  là  que,  sans 
êtrf;  aperçu  de  persvMnie,  il  entend  une  conversation  de  la 
vieille  Gondrée  avec  Lisi.u'd;  conversation  de  laquelle  il  ré- 
sulte que  le  perlide  n",i  jamais  possédé  la  belle  Euriaut, 
qu'au  contraire  il  en  avait  été  toujours  rebuté. 

IMein  de  colère  et  <le  rea^ords  ,  Gérard  se  décide  à  cher- 
cher la  malheureu.se  cju'il  a  abandonnée;  et  il  ajourne  sa 
vengean  e  jusqu'à  ce  qu'il  l'ait  retrouvée. 

Il  quitte  furtivement  Nevers,  reprend  ses  habits  de  che- 
valier, et  court  par  monts  et  par  vaux,  s'enquérant  sans  cesse 
de  la  fennue  (ju'i!  a  perdue. 

Ouoiipi  d  ne  se  fisse  reconnaître  nulle  part  pour  ce  qu'il 
est,  notre  chevalier  errant  est  partout  accueilli  et  fêté.  C'est 
que  partout  il  trouve  d^is  châteaux  à  défendre,  des  torts  à 
redresser,  des  méchants  à  punir;  c'est  que  partout,  grâces  à 
la  force  de  son  bras,  et  surtout  à  son  adresse,  il  sort  victo- 
rieux des  plus  rudes  ronibits.  Est-il  blessé  par  hasard  .-'les 
châtelaines,  ics  plii^  ^élites  purfllcs  pansent  ses  blessures, 
se  prennent  d'aT'tur  pour  lui;  m,us  il  ne  répond  jamais  à  la 
passion  qu'il  inspire. 


GIBKRT  DE  MONTREUIL.  767 

Toulos  ces  aventures  épisodiques  lemplissent  plus  de  1 1 
moitié  (lu  roman,  et  lui  donnent  la  couleur  et  la  forme  de 
ces  romans  fie  chevalerie  dont  s'est  si  spirituellement  moqué 
l'auteur  de  Don  Quichotte. 

Quand  Gérard  eut  pourfendu  nombre  de  chevaliers  fé- 
lons,  et  sauvé  les  châteaux  et  l'honneur  de  maintes  dames, 
le  hasard  lui  fait  rencontrer  une  troupe  de  chevaliers  qui  se 
rendaient  à  Metz  pour  assister  à  l'exécution  d'un  jugement 
rendu  contre  une  femme  que  le  due  avait  trouvée  dans  une 
forêt,  il  y  avait  à  peu  près  deux  ans;  qu'il  avait  généreuse- 
ment recueillie,  et  qui,  pour  prix  d'une  telle  génécosité, 
avait  lâchement  assassirié  la  sœur  du  duc.  Gérard  ,  présu- 
mant avec  raison  que  la  coupable  est  son  Kuriaut,  suit  avec 
anxiété  les  chevaliers,  bieii  résolu  de  la  défendre,  de  la 
sauver  s'il  était  possible. 

Il  arrive  à  l'instant  même  où  l'on  se  disposait  à  mettre 
le  feu  au  bûcher  où  elle  devait  être  jetée.  Nue  en  chemise 
près  du  bûcher,  elle  faisait  sa  prière.  Cette  situation  est 
intéressante,  dramatique;  mais  la  prière  est  d'une  énorme 
longueur.  C'est  toute  l'histoire  de  Jésus-Christ,  telle  qu'on 
la  lit  dans  les  évangiles,  et  même  dans  des  évangiles  qui 
sont  rejetés  aujourd'hui  des  livres  canoniques.  Dans  ce  siècle 
guerrier  et  dévot,  il  fallait  qu'un  auteur  de  romans,  tout 
en  racontant  de  hauts  faits  d'armes,  fît  preuve  en  même 
temps  de  sentiments  religieux;  et,  jusque-là,  Gibert  de 
Montreuil  n'avait  point  trouvé  occasion  de  mêler  la  religion 
aux  récits  de  guerre  et  d'amour. 

A  peine  Euriaut  avait  fini  sa  prière,  que  Gérard  se  pré- 
sente devant  le  duc,  et  déclare  qu'il  veut  combattre  quicon- 
que ose  accuser  cette  femme  de  meurtre.  Un  chevalier  sort 
des  rangs  et  accepte  le  défi.  Grand  combat  en  présence  du 
duc  et  des  chevaliers  ses  vassaux.  On  se  doute  bien  que  cette 
fois  encore  le  brave  Gérard  est  vainqueur.  Il  tue  le  cheval 
de  son  adversaire  qui,  renversé  par  terre  et  ne  pouvant  plus 
échapper  au  glaive  de  Gérard,  lui  cric  merci,  et  demande  à 

f>arler  au  duc.  C'est  alors  qu'il  déclare  hautement  que  c'est 
ui  qui  a  tué  la  sœur  du  duc,  comme  elle  dormait  tranquil- 
lement couchée  auprès  d'Euriaut.  Après  avoir  entendu  ce 
tardif  aveu, 

Li  dus  a  juré  saint  Amant, 
Quant  il  ot  ces  mos  entendus, 
Qu'il  ert  trahinés  et  pendus. 


Xlll  .S1KCI>: 


Xlll  SlècLE. 

'  C'est  le  nom 
(lu  meurtrier. 


Aui  norts. 


V.dansleniss. 
lie  la  Bibl.  roy. 
Ir  m^s.  forxis  de 
Siuhoii.  n.  4^'i- 


Journal       Jes 
Savants,    juillet 


'68  GIBERT  DE  MONTREUIL. 

Lors  fait  li  tlus  Gérard  drechier, 
Mëliatir'  fait  attachier 
A  la  keue  d'une  jument  ; 
Trahitier  le  fait  vilement 
Dusch'à  forches,  puis  le  pendirent. 

C'est  ainsi  que  Gérard  de  Nevers  reprend  possession  de 
sa  femme;  il  ne  lui  restait  qu'à  recouvrer  son  comté  de  JNc- 
vers  :  et  c'est  ce  qui  ne  tarda  point.  Il  alla  à  Nevers  combattre 
le  traître  Lisiard,  le  défit  et  le  força,  avant  de  lui  donner  le 
dernier  coup,  d'avouer  sa  trahison  en  présence  du  roi  et  de 
ses  barons.  Quant  à  la  vieille  Gondrée,  sa  complice,  elle  fut 
briilée  vive. 

La  même  semaine,  Gérard  épousa  sa  mie  Euriaut. 

Li  rois  et  li  baron  plus  haut 
Furent  as  nueclies'  clii  tlurerent 
.Viij.  jors  que  onques  ne  finèrent; 
Plus  plenières  ne  vit  jamais  nus. 
.Ains  meuestreus  n'i  fu  venus 
A  pie,  ca  cheval  n'en  alast 
Et  reube  vaire  n'enmalast 
En  sac  ou  en  boge  ou  en  niale, 
Mais  joie  et  solas  et  déduit 
Et  sons  et  notes  et  conduit 
l  furent  canté  maintes  fois; 
IN'i  furent  pas  mis  en  defois 
Les  caroles  ,  les  espringales. 
Onques  li  rois  .\rtus  en  Gales 
A  IVntecouste  n'a  Noël 
Ne  tint  oncques  si  riche  ostel. 

La  fable  de  ce  poéine  est,  comme  on  voit,  développée  et 
suivie  avec  assez  d  art  et  de  talent.  Nous  doutons  que,  de 
nos  jours,  on  pût  tirer  un  meilleur  parti  du  sujet.  Mais 
faut-il  tiiire  honneur  de  l'invention  à  Gibert  de  MontreuiL** 
Il  existe  dans  nos  bibliothèques  deux  autres  poèmes  qui  ne 
différent  du  roman  de  la  Violette  que  par  le  style  et  queUjues 
circonstaiicts  dans  les  événements,  très-peu  importantes: 
l'un  est  le  roman  dou  roi  Flore  et  de  la  biele  Jehane,  qui 
paraît  être  des  premières  années  du  xiii*  siècle;  l'autre,  qui 
est  à  peu  près  du  même  temps,  est  intitulé,  Le  comte  de 
Poitiers.  AI.  Raynouard ,  dans  le  Journal  des  Savants  (  de 
juillet  iS'îi  ),a  donné  un  extrait  intéressant  de  ce  poème 
qui  venait  d'être  publié  par  un  jeune  et  zélé  littérateur 
(^  M.  Francisque  Michel);  et  il  le  regarde  comme  postérieur 
au  roman  de  Gibert  de  Montreuil.  Dans  le  roman  du  comte 


XIII  Sl^.CLT. 


Ibnl. 


3 


OIÊKRT  DE  MONTREUIL.  769 

(le  Poitiers ,  les  évéïietnents  du  moins  ont  une  date.  Ils  se 
passent  sous  le  rè<^ne  de  Pépin.  M.  Paytiouard,  d.ins  cet  ar- 
ticle, remarque  avec  raison  que  si  tel  ou  tel  trouvère  entre- 
prefiait  de  traiter  un  sujet  dont  un  autre  s'était  emparé,  il 
n'y  avait  pas  là  de  véritable  plagiat.  «Quand  je  réfléchis, 
dit-il,  qu'à  une  époque  où  l'imprimerie  n'existait  pas,  les 
ouvrages  n'étant  connus  le  plus  souvent  que  par  les  récita- 
tions qu'en  faisaient  les  jongleurs  devant  des  assemblées 
nombreuses,  on  ne  |)ouvait  giière  en  retenir  les  détails.  C'é- 
tait quehjuefois  d'après  l'indication  d'un  auditeur,  que  le 
trouvère  traitait  un  sujet  qu'il  savait  avoir  intéressé;  et  alors 
il  ne  pouvait  pas  piofiter  de  l'art  que  le  premier  auteur  avait 
mis  à  cond)iiier  son  plan  ou  <à  l'exécuter.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  que  Gibert  de  Montreuil  soit  ou  non 
l'inventeur  de  l'intéressant  sujet   qu'il  a  traité  dans  son  ro- 
man de  la  Violette,  toujours  paraît-il  constant  que  c'est  son 
poème  qui  a  été,  sinon  traduit,  du  moins  imité  dans  pres- 
ue  toutes   les  langues  de  l'Europe.  On  le  retrouve,  sous 
es  titres  différents  et  sous  diverses  formes,  en  Italie,  en 
Angleterre,  en  Allemagne.  Boccace  en  n  fait  une  nouvelle,     bokhc»  De.. 
Sliakspeare   en    a  tiré  sa  pièce  de   Cymbelinr ,  et  madame  miion,  3"jom 
Helmina  de  (]liézy,  un  opéra  allemand  qui  a  été  représenté  "**'• 
à  Vienne  en  i8'.^.3. 

Dans  le  xv«  siècle,  il  fut  traduit  en  prose  française  (  c'était 
alors  l'usage  de  mettre  en  prose  les  ouvrages  en  vers  les 
plus  estimés  des  siècles  précédents);  un  peu  plus  tard,  au 
xvi*^  siècle,  cette  traduction  fut  plusieurs  fois  imprimée.  Au 
xviii%  il  en  parut  dans  la  Bibliothèque  des  Romans  un  extrait 
ou  plutôt  une  imitation  par  le  comte  de  Tressan.  Et  enfin       oKuvrw     u.- 
l'original  en  vers  de  toutes  ces  traductions  et  imitations  vient    Tie»san,i  i\, 
d'être  publié  tout  récemment,  avec  des  notes,  par  M.  Fran-    ''^^    ''^^ 
cisque  Michel,  à  qui  l'on  doit  la  publication  du  roman  Dou 
comte  de  Poitiers ,  et  de  plusieurs  autres  ouvrages  des  xii  et 
xin^  siècles. 

Au  roman  de  la  Violette,  ce  jeune  (crivain  a  ajouté  un 
petit  poème  en  vers  intitulé  :  De  Groignet  et  de  Petit ,  qu'il 
attribue  à  Gibert  de  Montreuil.  C'est  une  assez  plate  satire 
contre  l'avarice  des  grands  qui  ne  récompensaient  plus  les 
trouvères  avec  asset  de  largesse.  Nous  ne  pouvons  croire  que 
l'auteur  de  la  Violette  ait  jamais  produit  cette  pièce  insigni- 
fiante, et  qui  ne  mérite  pas  l'attention  des  lecteurs. 

Dans  le  roman  de  la  Violette,  il  se  troure  un  passage  qu« 

Tome  XV m.  Eeece 


lui  SIÊCI.F 


-^o  GFBERT  DE  MONTREUIL. 


/  / 


nous  ne  devons  point  omettre  de  citer,  parce  qu'il  donne 
nne  idée  et  du  costume  des  jongleurs  à  cette  époque,  et  de 
l'accueil  assez  froid  qu'on  leur  faisait  déjà  dans  quelques 
châteaux. 

Gérard  voulant,  comme  nous  l'avons  dit,  visiter  le  châ- 
teau de  Never.i,  qui  ne  lui  appartenait  plus,  se  déguise 
en  jongleur. 

Lors  vesti  un  viex  garnement 
Et  penil  à  son  col  une  vielle; 
Car  Girars  \u\  el  bien  viéle... 
Il  aloit  à  pic,  sans  cliev:il. 
Tant  a  niarilii»'  plaiii  et  val 
Qu'à  la  cité  de  Nevers  vint. 
Qui  tiisoienl  tout  en  riant  : 
•■  Cist  jongleres  vient  por  noiant. 
Que  toute  jor  porroit  clianter 
Que  nuls  ne  l'alast  escouter.  » 

Il  ne  s'en  présente  pas  moins  à  la  porte  du  château  de 
Nevers,  perte  qu'on  ne  se  hâta  pas  de  lui  ouvrir. 

A  la  porte  tant  attendi 

Qu'iins  chevaliers  ens  l'apela 

Qui  par  la  cour  tr.iiant,  ala. 

En  la  salle  l'enimene  à  mont 

Et  de  vieler  le  semont. 

Lors  commence,  si  com  moi  semble, 

Com  cil  qui  niout  iert  senes  , 

Ces  vers  de  Guillaume  au  cornés  , 

A  clere  vois  et  à  dous  son. 

Msj  de  la  Bi-  Le  passage  que  chante  Gérard  se  retrouve  en  efTet  dans  le 
biioih.  roy, ,  n.  roman  de  Guillaume  nu  court-nès.  Il  contient  aS  vers  endé- 
*  '  "*^'"-  casyllabes  dans  le  roman  de  la  Violette,  tous  sur  une  seule 
rime  en  on.  C'était  là  ce  qu'on  ap])elait  verset,  ou  couplet,  ou 
simplement  un  vers ,  et  Gérard  chanta  ainsi  aux  chevaliers 
qui  l'avaient  admis  près  d'eux  jusqu'à  quatre  de  ces  mor- 
ceaux ou  vers,  comme  dit  Gibert  de  Montreuil. 

Ensi  lor  dist  vers  dusch'à  quatre 
Pour  iaus  solacliier  et  esbattre. 

Par  là  se  trouve  confirmée  cette  observation  que  nous 
avons  déjà  faite  en  diverses  occasions,  que  les  jongleurs  ne 
chantaient  que  des  passages  de  romans,  et,  de  préférence, 
ceux  que  le  poète  avait  mis  en  vers  monorimes;  qu'ils  ne  les 
récitaient  pas,  mais  les  chantaient  en  s'accompagnant   de 


CALENDRE.  771 

.  .  ,  XmSlECLK. 

(|uelque  instinment,  et  enlm  (|ue  dans  une  même  séance,  ils ■ 

en  chantaient  plusieurs  pris  dans  divers  poëmes. 

Nous  ne  connaissoi:s  d'autre  ouvrag<;  de  Gibert  de  Mon-      J'-"^'*  ^istor. 
treuil  que  ce  cliaimatit  poënie  de  la  Violette,  que  nous  avons  ["s'jongieuVs.etV 
cru  devoir  analyser.  IMais  iNI.  l'abbé  De  la  Rue  lui  en  attribue  t  ni,p.  i56 
un  autre  :  Lti  J  ie  de  saint  Eloy,  en  manuscrit,  et  qu'on  ne 
trouve  que  dans  la  bibliothèque  de  M.  Douce  à  Londres. 
Nous  regrettons  qu'il  n'en  ait  cité  aucun  fragment.        A.  D. 


CALENDRE, 

AUTEUR  D'UNE  HISTOIRE   EN    VERS  DES  EMPEREURS 

DE  ROME. 

Aucun  biographe,  nous  le  croyons  du  moins,  n'a  parlé  de 
ce  poète,  et  pourtant  nous  possédons  de  lui  un  poème  de 
plus  de  sept  mille  vers,  dont  il  se  trouve  un  exemplaire 
pai  mi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi  (  fonds  de 
Cangé,  n°  7 '3  ). 

C'est  à  la  lin  de  son  poëme  que  l'auteur  (  Calendre  ou 
Qunlandre  )  se  nomme.  Il  avait  dit  d'abord  qu'il  traduisait 
l'ouvrage  du  latin;  il  le  répète  encore  en  finissant.  Mais  on 
sait  que  la  plupart  des  auteurs  de  ce  temps,  pour  inspirer 
sans  doute  plus  de  conliance  à  leurs  lecteurs,  affirmaient 
que  leurs  livres  étaient  traduits  du  latin.  Calendre  avoue 
assez  explicitement  que  c'est  pour  donner  plus  d'autorité 
aux  événements  dont  il  se  promet  de  faire  le  récit,  qu'il  se 
donne  comme  simple  traducteur. 

Quat.indre  qui  cest  livre  fist 

Et  (le  Litiii  en  romans  mist, 

N'an  piiet  or  plus  rimer  ne  faire 

Car  il  n'a  mes  de  l'essanplaire  ; 

Et  ce  qu'il  en  a  translaté , 

Doit  estre  en  tel  autorité, 

Nel  doit  avoir  sorz  ne  tnuiax'. 

Li  Empereres  Manuiax' 

Qui  cest  livre  ot  en  compaignie,  ■l'eut-<irrM«- 

La  queronique  reongnie'  nuel. 

Clanioit  cest  livre,  et  disoit  tant  ^Chroniquea- 

Nel  doit  avoir  qui  ne  l'antant.  Inégée  '  ^ognée^ 

Eeeeea 


.Sourd 
muet. 


77i  CALENDRË. 

XIII  SifeCLE.  r  L  •  i      •     '       1  1  I 

La  chronique  abre£>eo  dont  il  est  mentien  dans  ce  pas- 
sage est  précisément  V  f lis  taire  des  empereurs  romains,  que 
Galendre  av;iit  entreprise  sur  l'invitation  de  Ferri  \" ^  duc 
de  Lorraine,  son  protecteur,  comme  on  le  voit  par  ces  vers  : 

En  l'eiior  tlel  bon  duc  l'erri 
Qui  tnnt  (lolteiiinut  lue  norpi, 
Vuel  un  rnnian  oiicoiiiancitT 
Et  del  latin  enromancier. 

<ii,i.  x.Htip.  Ce  duc  Ferri  mourut  en  1207;  et  Calendre  travaillait  alors 
^  /('.  ' Doiiî  ^  ^*^"  poëtne;  ce  que  prouvent  les  vers  que  nous  allons  citer, 
caiiiiri,  iiisi  .i<    et  tlans  lesquels  il  déplore  son  malheur. 

f.orraait»,  (.  1  ,  (> 

'  I  <i|.  Dus  Ferris  ,  sarhiez,  sanz  dotance, 

Encore  vos  ploie  en  a.isniance... 
Que  Dex  de  ses  pecliie/.  si  délivre 
Celui  por  cui  je  fa/,  cest  livre; 
Jaiiiés  n'ieit  jois  que  je  nel  plaigne. 
Ausi  fet  Voije  et  .■Meniaij^jne  , 
Ui-'.lioui);.  Si  tet  Marlit,  si  t'et  d  Auboii', 

Htsse  Ausi  (et  Esse'  et  Saleljcus' 

■'^l'l"""S-  Ausi  fet  Auhe  ,  c'est  la  Voire', 

■(.esi  b   \it-  Qj,  ]j,  plorent  clerc  et  provoire 

Et  gcnt  de  religion,  etc. 

Mais  il  paraît  que  notre  poète  n'eut  pas  autant  &  se  louer 
du  fils  qui  succéda  au  duc  Ferri. 

Un  oir  i  a  del  dus  Ferri 
Qui  Lien  le  devroit  aruander, 
Aies  ne  li  os  rien  coiiuindei'. 

Et  il  accuse  cet  /^oZ/duduc  d'être  faible,  sans  courage,  f-t 
surtout  fort  avare.  H  maudit  ceux  qui  ont  été  chargés  de 
l'éducation  d'un  prince  qui ,  ma^gré  sa  jeunesse  et  le  coui  t 
espace  de  temps  cju'il  a  régné, 

Si  a  Loheraine  doniairé. 

On  voit  par  ce  vers,  et  il  est  facile  de  croire  que  ce  ne  fut 
qu'après  la  mort  d'un  prince  qu'il  traitait  si  défavorablement, 
que  Calendre  mit  son  poème  en  lumière.  Or,  ce  Ferri  II 
mourut  à  Nancy,  le   lo  octobre  de  l'an  I2i3. 

IjC  poème  de  Calendre  contient  l'histoire  abrégée  de  Rome 
depuis  sa  fond.ition  jusqu'à  la  prise  de  cette  ville  par  Alaric. 
Ce  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  chronique;  mais  on  y  trouve 
des  passages  où  se  montre  queJ<|iie  génie  poétique.  L'auteur 


M.  n«laRuF, 
Tiouvèrfii    iior- 


tti. 


JEHAN  RENAX  oo  RENAULT.  -73 

se  plaît  surtout  à  faire  des  comparaisons.  Veutril  o^prinjer      "      "   " 
comment  les  soldats  de  Popripée  furent  dissipés  par  l'^rmép 
de  César,  il  dit  : 

Mes  toute  autresi  com  les  pailles 
'  Volent  au  vant  ansus  du  grain, 
Tôt  altresi  le  premerain  (  les  soldât*  de  Pompée  ) 
Foirerit  contre  Juliqs. 

Son  style,  au  reste,  est  partout  clair  et  concis.  II  est  éton- 
nant que  ce  poète  soit  resté  inconnu  jusqu'à  ce  jour.       A.  D. 


JEHAN  RENAX  ou  RENAULT. 

V^E  trouvère  est  Normand,  si  l'on  en  veut  croire  M.  l'abbé 
De  la  Rue  qui  lui  assigne  le  Ressin  pour  patrie,  mais  qui 

onne  aucune  raison  plausible  de  son  opinion.  La  vérité  muncUei  augio 
est  que  l'on  ne  sait  pas  bien  où  notre  trouvère  est  né;  ce  "»'™"  ••  '".k 
qui,  au  reste,  importe  asse^  peu.  Ce  qu'il  serait  plus  intér 
ressaut  de  connaître,  c'est  l'époque  précise  qù  il  florissait. 
Dans  les  derniers  vers  de  l'un  de  ses  lais ,  il  semble  faire  une 
distinction  entre  les  Poitevins  et  les  Français;  ce  qui  porte 
à  supposer,  avec  quelque  vraisemblance,  qu'il  écrivait  lors- 
que le  comté  de  Poitou  n'^v^it  point  encore  été  réuni  à  la 
France,  c'est-à-dire  avant  i;2o5. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Jehan  Renault  parait  avoir  été  un 
pofte  très-fécond.  Il  PjOUS  reste  (de  liji  trois  poëme§,  dont 
I'mP  «3t  un  roman  en  vers  de  plus  de  3o,ooo  vers.  Mais  de 
C€  grand  poëme,  qui  9  pour  litre  Ls  cheva|.ier  au  Cxgjïe, 
il  ne  composa  que  la  première  partie.  Le  reste  (  les  deux 
tiers  au  moins)  est  l'ouvrage  de  Gandor  ou  Graindor  de 
Douay,  auteur  d'un  autre  roman  bien  connu  :  Anseis  de 
Cartilage,  Nous  ne  nous  o/ccuperop.9  du  Chevalier  au  Cygne 
que  lorsqu'il  nous  sera  possible  de  parler  dp  ce  Graindor, 
qui  a  composé  la  plus  grande  parti)?  du  poëme;  qu'il  nous 
suffise  d'annoncer  d'avance,  que  c'e^t  unp  hi;^oire  romanes- 
que de  la  Conquête  de  Jérusalem  par  Godefroy  de  Rouillon, 
et  que  l'on  n'en  connaît  que  deux  manuscrits,  dont  l'un  à 
la  Bibliothèque  royale,  n°  V'Q^;  l'autre  à  la  Bibliothèque  de 
l'Arsenal ,  n"  i65,  M.  De  I9  Bue  qou*  fipprçnd  que  la  pre- 

3  2 


774       JEHAN  RENAX  ou  RENAULT. 

XIII  SIÈCLE 

mière  partie,  qui  n'a  pas  plus  de  6,000  vers,  et  qu'il  faut 

probableraent  attribuer  à  Jean  Renault ,  se  trouve  dans  les 
manuscrits  du  roi  d'Angleterre  (  1 5.  E.  vi  ). 
Laid'ignaurès,       Un  autre  ouvrage  du  trouvère  Renault  est  le  Lai  d'Ignau- 

eic.  Paris,  Sil-  p^g  „^g  j'^^j  vient  tout  récemment  de  publier,  et  qui  déjà 

vesire,  lOJî,  111-      /.     .    *  ,,„  .  ,  .     '    ,  -     w  /^  i 

«o  était   connu   par  I  Extrait   qu  en   avait   donne    I^e   Grand- 

Le    Grand-  d'Aussy;  mieux  encore  par  l'examen  qu'en  avait  fait  M.-J. 

H'Aussy,  Coiiics  Cliénicr  dans  une  Leçon  sur  les  Fabliaux.  Le  premier  de  ces 

et  fabliaux,  t. ni,      ...  <      î'-  \n  ■  j  i 

p.  265.  écrivains,  grâces  a  d  importantes  modifications  et  dans  les 

M.-J.Chcnipi-,  faits  et  dans  le  style,  l'a  métamorphosé,  pour  ainsi  dire,  en 

Œuvres,  t.  IV,  y^^  conte  tout  moderne.  L'autre  critique  le  juge  peut-être 

^^  ■  avec  trop  de  rigueur.  «  Il  est  dilficile  de  concevoir,  dit-il, 

^  «  comment  une  imagination  dépravée  et  l'excès  du  mauvais 

lot-  oil.  |i.  g&  ,  •        •  I  •        i  I  « 

«  gout  ont  pu  parvenir  a  rendre  si  aiisurde,  et  en  même 
«  temps  si  glacial,  un  sujet  dont  la  catastrophe  est  horrible, 
«  mais  qui  intéresse  au  plus  haut  degré  lorsqu'il  n'est  point 
a  travesti;  tant  la  véritable  passion  sait  tout  embellir!  » 

La  catastropheest  horrible,  sans  nul  doute;  on  en  va  juger. 

La  scène  se  passe  en  Bretagne  dans  le  château  d'Ariel 
(  et  aussi  Ouriol  quand  la  rime  le  demande),  château  qui 
devait  être  grand  et  beau,  car  douze  barons  y  demeuraient 
avec  leurs  douze  femmes. 

Pedans  le  chastel  Wriol 
Avoit  xij.  pers  a  estage; 
Chevalier  erent  preu  et  sage, 
Riche  erent  de  terre  et  de  rente; 
Chascuns  ot  femme  biele  et  gente 
De  haut  linage,  de  grant  gent. 

Dans  ce  château  était  admis  (  le  conteur  né  dit  pas  à  quel 
titre)  le  plus  beau,  le  plus  brave  des  chevaliers  bretons, 
Ignaurès  qui  à  tout  son  mérite  unissait  l'art  de  chanter 
à  ravir  : 

SotaignnI.  Femmes  l'apielent  lousignol'. 

Aussi  notre  beau  chevalier  inspira-t-il  de  l'amour  aux  douze 
femmes  des  barons;  et  bientôt  il  eut  douze  maîtresses.  Mais 
aucune  d'elles  ne  se  doutait  qu'elle  cul  une  rivale,  tant  il  se 
comportait  avec  adresse. 

Ignaurès  si  très-biel  s'acointe 

.\  chascune,  quant  il  i  vient. 

Que  de  l'autre  ne  li  souvient, 

Ne  nui  saniblant  k'il  l'ait  envie'. 
l>(»»iie«. 


XIII  SIÈCLE. 


JEHAN  RENAX  ou  RENAULT.      776 

Il  en  fut  une  pourtant  qui  voulut,  pourson  malheur,  savoir 
quels  étaient  les  amis  que  s'étaient  donnés  ses  compagnes, 
fl  faut  croire  qu'elle  était  tourmentée  de  quelques  jaloux 
soupçons.  Un  jour  (|ue  toutes  ensemble  folâtraient  dans  un 
verfrer  voisin  du  château,  elle  leur  propose  de  jouer  au 
confesseur.  L'une  d'elles  sera  le  prêtie,  et  chacune  viendra 
lui  dire  en  confidence  quel  est  l'ami,  le  dru,  qu'elle  a 
choisi. 

Toutes  respondent  :  »  Bien  a  dit , 

'  Nous  l'ôtrions'  sans  contredit.  'Octravotu. 

«  Vous  nieisnies  prestres  serés, 

•'  Les  confiesses  escouterés. 

La  dame  confesseur  va  s'asseoir  aussitôt  à  part  sous  une 
ente' florie ,  et  reçoit  de  chacune  d'elles  une  révélation  qui,  'Al■blYà^lul. 
h  chaque  fois  qu'elle  l'entend,  la  pénètre  de  la  plus  vive  dou- 
leur. C'est  le  nom  à'Ignourès  qui  sort  toujours  de  la  Louche 
de  ses  compagnes,  c'est  toujours  lui  que  chacune  dit  aimer 
avec  la  plus  vive  passion.  Toutes  ont  Ignaurès  pour  amant 
et  pour  amant  favorisé. 

C'est  ce  qu'elles  apprennent  bientôt  avec  douleur  et  rage, 
de  la  bouche  du  confesseur  féminin.  D'un  commun  accord, 
elles  jurent  de  se  venger  cruellement  du  traître  :  l'une  d'elles 
lui  donnera  un  rendez-vous  dans  le  même  verger;  elles  s'y 
seront  cachées  d'avance;  chacune  portera  un  poignard  dans 
son  sein  ,  et  elles  immoleront  le  traître.  (  Le  Grand-d'Aussy 
leur  met  des  rasoirs  dans  les  mains,  et  fait  entendre  que  ce 
n'est  point  le  sein  d'[gnaurès  qu'elles  voulaient  atteindre. 
On  ne  trouve  rien  de  cela  dans  l'original.  L'auteur  qui  a 
changé  les  poignards  en  rasoirs  n'a  pas  fait  preuve  de  goût  ). 

Ignaurès  se  tire  de  ce  mauvais  pas  avec  adresse.  Il  flatte 
toutes  ses  maîtresses  qu'il  voit  le  bras  levé  sur  lui;  il  leur 
jure  qu'il  les  a  toutes  aimées,  les  aime  encore,  sans  pouvoir 
dire  qu'elle  est  celle  qu'il  préfère.  Cet  aveu  les  désarme;  et 
la  seule  punition  qu'on  lui  inflige,  c'est  que  désormais  il  se 
contentera  d'une  seule  amie.  Force  lui  est  de  prendre  l'une 
d'entre  elles:  c'est  la  dame  confesseur  qu'il  choisit. 

C'est  ainsi  qu'Ignaurès  échappa  à  la  fureur  des  femmes; 
mais  il  ne  put  obtenir  la  même  indulgence  des  douze  maris, 
à  qui  un  ijidiscrct,  un  méchant  avait  appris  leur  commune 
mésaventure.  Ils  guettèrent  l'imprudent  Ignaurès,  le  surpri- 
rent dans  les  bras  de  la  dame  aux  faveurs  de  laquelle  il  avait 
bien  voulu  se  réduire.  Leur  vengeance  fut  terrible;  ils  le 


776  lËHAN  RENAX  où  RENAULT. 

*riisif:cLr.      '    .,.  ,,  ,  .         , ,  .     , 
mutilèrent  cruelleinent,  lui  arrachèrent  ensuite  le  cœur,  et, 

du  tout,  firent  phépnrerun  mets  qui  fut  servi  dans  un  ban- 

tiuet  à  leuf-s  douze  tèmmes.  Elles  trouvèrent  à  ce  mets ,  dit 

1  auteur  du  fabliau, 

t)ouche  saveur  et  bonne  et  biele. 

Mais  quand  elles  surent  de  quoi  était  composé  ce  plat  si 
délicieux  (  cette  fois,  Le  Grand-d'Aussy  n'a  fait  entrer  dans 
la  composition  du  mets  que  le  cœur),  elles  se  livrèrent  au 
plus  violent  désespoir,  et' jurèrent  toutes  ensemble  de  ne 
rien  manger  jusqu'à  ce  qu'on  leur  présentât  un  mets  aussi 
précieux. 

A  Diu  fii-ertl  toUtfes  Un  yeu 
K'elles  jamais  ne  mangeroient 
'Ainoiiisquc...  Ne'  si  presieus  mes  n'avoient. 

clle«  n'eussent 

Elles  tinrent  parole.  Toutes  moururent  de  faim,  en  «e 
rappelant  et  proclamant  la  beauté  et  les  ràrfife  mérite»  de 
leur  ami. 

Li  une  plaignoit  sa  biauté. 
Tant  hiembrés  biaus  et  bien  rtidlé 
'lj,i,U_  Que  lait'  frenl  tout  li  plus  biel  : 

Ënsi  (lisent  du  damoisieî. 
Lautre  plaignoit  son  grand  barnage 
Et  son  grant  cors  et  sa  largeche, 
Et  la  quarte  les  iex ,  les  flans, 
K'ii  ot  si  vairs  et  si  rians. 

C'est  en  finissant  ce  triste  récit  que  le  poète  se  nomme. 

Ensi,  comme  tesmoigne  Renaus, 
Morut  l^uisure  li  bons  vassatis. 
Et  celés  qui  lor  drues  furent 
Pour  l'amisté  de  lui  morurent. 

Et  il  nous  fait  aussi  connaître  que  ce  lai ,  qu'il  a  traduit  du 
breton,  était  déjà  célèbre  dans  plusieurs  pays  : 

Franrhois,  Poitevin  et  Breton 
L'apielent  le  La)^  del  Prison. 
Je  n'en  sai  plus  ne  o  ne  noil  : 
Si  fu  por  Ignaure  trouvés 
Ki  por  amours  fu  desmembrés. 

Les  critiques  qui  ont  publié  des  observations  sur  ce 
monument  de  notre  ancienne  littérature,  n'ont  point  oublié 
de  fappelef  Combien  la   catastrophe   qui   termine  le    lai 


JEHAN  RENAX  ou  RENAULT.       777 

<ri};naiiiès  a  de  rapport  avec  relie  qu'on  lit  dans  les  histoires 
de  Cabestaiii^,  de  Raoul  ou  Riiiaud  de  Coucy,  de  Gabrielle 
de  Ver<;y,  etc.  Mais  eî>t-«e  la  lable  bretonne  qui  est  de 
la  date  plus  ancienne,  sont- ce  les  iiistoiies.*'  Nous  som- 
mes bien  tentés  d'accorder  ranfériorilé  à  la  lable  bretonne. 
Au.  reste,  on  ne  trouve  j)eut-êtKe  tant  de  n-sseinblance 
entre  tous  ces  fabuleux  récits,  que  parce  que  l'on  n'a  pas 
osé  répéter  une  eircocstance,  rapportée  dans  le  lai  seideinent, 
^t  que  rappelle  le  dernier  vers  du  poëine  de  Jean  Renault; 
vers  que  nous  venons  de  citer. 

Un  second  lai  de  ce  trouvère,  qui  nous  est  aussi  parvenu,  est 
d'un  genie'touf  différent,  et  ne  send>le  pas  a|)partenir,  du 
moins  par  le  .sujet,  au  siè«-le  où  cept-ndant  il  a  été  produit. 
En  ellet,  ce  n'est  point  dans  les  trouvères  de  cet  âi^e  qu'il 
faut  chercher  des  senriinents  délicats,  une  pdanterie  ralfinée; 
et  c'est  là  i)ourtant  ce  que  l'on  trouve  dans  le  lai  de  I'Ombke 

ET  DE   l'AiNNEAU. 

Nous  en  donnons  une  courte  analyse  : 

Un  chevalier  dont  le  poète  décrit,  un  peu  longuement 
peut-être,  la  bonne  giace  et  vante  la  richesse,  aime  une  belle 
dame,  en  apparence  très  insensible;  car  elle  ne  récompense 
pas  de  la  moindre  faveur  tous  les  soins  qu'il  lui  rend.  Le 
jeune  chevalier  aurait  voulu  obtenir  du  moins  quelque 
chose  qui  lui  eût  appartenu ,  son  anneau,  par  exemple,  et 
elle  le  lui  rrluse.  Mais  il  parvient  par  ruse  à  le  lui  enlever, 
et  met  à  sa  place  un  très  beau  rubis.  Dès  que  la  dame  s'en 
aperçoit,  elle  exige  impérieusement  du  chevalier  qu'il  lui 
restitue  son  anneau,  et  elle  lui  rend  en  même  temps  le 
rubis.  Le  chevalier  le  reçoit,  en  disant  qu'il  va  le  donner  à 
l'objet  qu'après  elle  il  aiinele  plus. La  dame,  un  peu  surprise 
et  ne  voyant  personne  autour  d'eux,  le  questionne.  Mais 
lui  se  dirigeant  aussitôt  vers  nn  puits  peu  profond  et  dont 
l'eau  était  hmpi'de,  I  invite  à  venir  regarder  dedans.  A  peine 
elle  a  avancé  la  tète  sur  le  bord,  que  le  chevalier  jette  le 
rubis  dans  I  eau  ,  en  lui  disant  que  puisqu'elle  ne  voulait 
pas  le  g.irder,  il  en  faisait  pré.seiit  k  son  ombre.  La  dame 
est  si  touchée  de  ce  ti'iaoignage  d'une  sincère  allection  , 
qu'elle  ne  craint  plus  de  laisser  voir  toute  la  passion  qu'il 
lui  inspire,  et  lui  dit  : 

lOnqiies  hom  si  bien  ni  si  bel 
fie  ('(jiiijiiist  aiuur  |)ur  anel, 

Tome  Xrin.  Fffff 

5  2  * 


XIII  SIEClii:. 


'  Ne  feint,  ne 
UiuiiBule  point. 


'  Moins  (vous 
ne  l'aimerez  pas 
fnoinsqitf  le  v6- 
lie  I. 


■  Ils  se  repa- 
rent. 

•Dehors ,  loin 
d'eux. 

"Ounioias. 


Oc  n'avoir 
plua  rien  à  dé- 
sirer. 


.Tous  deux. 


778  JEHAN  RENAX  ou  RENAULT. 

Ne  taiej.  ne  dut  avoir  amie. 
Sachiés  qu"ele  n'enblcca"  mie 
Quant  ele  dist  :  biaus  dous  amis, 
Tout  ont  mon  cuer  el  vostre  mis 
Cist  dous  mot  et  li  plesaut  fet 
A  mon  ombre  en  l'onor  de  moi; 
Or  metez  le  mien  en  vo  doi , 
Tenez,  i  el  vous  doingcome  amie: 
Jà  cuit  vous  ne  l'amerez  mie 
Mains'  del  vostre,  encor  soit-il  pire. 

L'auteur  fait  ensuite  entendre  que  la  dame  donna  au  che- 
valier, outre  son  anneau,  des  preuves  plus  sensibles  de  son 
amour. 

Moult  si  sont  andui  anvoisié 

Sor  le  puix  de  tant  come  ils  peinent 

Des  besiers  dtint  ils  s'enircpeurent' 

Vait  chasriin  la  douçor  au  ciier, 

Lor  bel  œil  ne  gétent  par  puer*, 

Lor  part  ce  est  ore  del  mains  ^ 

De  tel  geu  coni  l'en  fait  des  mains 

Estoit  ele  dame  et  il  meistre 

Fors  de  celui  qui  ne  puet  estre. 

De  celui  lor  cnuvendra  bien 

Ni  covient  mes  baer'  de  rien. 

C'est  alors  que  l'auteur,  qui  se  voit  à  la  fin  de  son  récit, 
se  nomme,  tout  en  continuant  de  parler  des  plaisirs  que 
goûtent  les  deux  amants. 

Jehan  Renard  à  lor  afère, 
S'il  a  nule  autre  chose  à  faire, 
Bien  puet  son  pensse  nietre  aillors  , 
Puisque  lor  sens  et  lor  aniors 
Et  qu'il  ont  mis  lor  cuers  ensamble. 
Del  geu  qui  rmiiaint,  ce  me  samble, 
Vendront  il  bien  à  chief  andui'. 
Il  or  uie  l.iis  a  tant  ineshui. 
Jà  fenist  le  lai  de  l'ombre , 
Contez,  vous  qui  savez  de  nombre. 

Les  idées^  le  style  même  de  l'auteur,  en  plusieurs  en- 
droits, rappellent  une  période  de  la  littérature  italienne, 
postérieure  de  quatre  siècles  au  moins,  période  ou  floris- 
saient  les  Guariiii,  les  AJariniet  leurs  nombreux  imitateurs. 
C'était  le  siècle  de  la  fade  galanterie,  de  l'afféterie,  des  spi- 
rituels, mais  insi[)i(les  concctti ;  goût  qui  envahit  plus  tard 
la  France,  et  que  Molière  frappa  d'un  ridicule  ineffaçable 


xni  siia  E. 


JEHAN  RENAX  ou  RENAULT.  y^^ 

dans  plus  d'une  de  ses  come'dies.  Il  faut  remarquer  pourtant 
que  Jehan  Renault  a  plus  de  naturel  que  ces  poètes  alarabi- 
quës  qui  vinrent  si  long-temps  après  lui.  S'il  semble  avoir 
avec  eux  un  incontestable  rapport,  c'est  par  le  choix  qu'il 
a  fait  d'un  sujet  plus  ingénieux  qu'intéressant. 

Tout  ce  que  nous  avons  voulu  faire  observer  ici ,  c'est  que 
dans  la  littérature  des  xii*'  et  xni*  siècles,  on  ne  rencontre 
pas  seulement  des  exemples  de  poésies  dans  tous  les  genres, 
mais  que  l'on  peut  même  en  citer  de  genres  que  l'on  croyait 
bien  plus  récemment  inventés. 

On  trouve  le  lai  de  l'Ombre  dans  deux  manuscrits  de  la 
Bibliothèque  royale,  n"  7616  et  yai8. 

Le  Grand-d'Aussy  en  a  dit  quelques  mots  dans  le  premier      p.  181 
volume  de  son  Recueil,  et  même  eu  a  donné,  à  sa  manière, 
une  espèce  d'extrait.  ^  A.    D. 


ANONlfME, 

AUTEUR  DU  ROMAN  DE  LA  CHASTELAINE  DE  VERGI. 

V  oici  encore  un  petit  poëme  roman  qui ,  par  la  délicatesse 
des  sentiments,  et  la  décence  du  style,  contraste  singuliè- 
rement avec  ces  productions  poétiques  en  bien  plus  grand 
nombre  où  de  brutales  passions  sont  exprimées  dans  le  plus 
grossier  langage.  Sans  doute  des  compositions  si  diverses 
entre  elles  n'étaient  pas  faites  pour  être  récitées  devant  une 
même  classe  d'auditeurs.  Ceux  qui  pouvaient  entendre  sans 
rougir  les  fabliaux  de  la  Saineresse ,  de  la  Damoiselle  qui 
tonjoit ,  des  Trois  Meschines ,  de  la  Grue,  de  cent  autres, 
dont  on  ne  peut  même  avec  pudeur  répéter  les  titres,  au- 
raient trouvé  fort  insipides  les  romans  ou  plutôt  les  lais  de 
y  Ombre  et  de  cette  Châtelaine  de  Vergi ,  qui  (  comme  le 
porte  le  titre)  mori  por  loialment  amer  son  ami. 

Nous  serions  bien  tentés,  vu  l'analogie  du  style,  d'attri- 
buer cette  dernière  composition  à  ce  Jehan  Renault  qui  s'est 
avoué  auteur  du  lai  de  \ Ombre.  Toutes  deux  sont,  à  ce  qu'il 
nous  semble,  du  même  temps,  c'est-à-dire  des  premières 
années  du  xiii*  siècle;  de  cette  époque  où  la  langue  romane 
saivail  encore^  sans  trop  s'y  astreiudce  pourtant),  les  règles 

Fffffa 


ySo  ANONYME,  AUTKUR  DU  ROMAN 

Xni  SIÈCLE.  .,,,,..  ,,  .'  ,         ^ 

■ grammaticales  qu  elle  s  était  si  nouvellement  imposées.  Ces 

règles  que,  de  i.os  jours,  iM.  Raynoîiaicl  a  le  premier  reeon- 
nues,les  trouvères  ne  paraissent  pas  les  avoir  long-temps 
respectées  ;  car,  avaiit  même  le  milieu  <iii  xiii*'  siècle,  à  peine 
en  voit-on  des  traces  dans  leurs  écrits.  Il  faut  croire  aussi  que 
les  mœurs  générales  s'altérèrent ,  se  corrompirent  comme  la 
langue, et  <jue  les  tabliaux  orduriers  s'introduisirent  alors  dans 
les  châteaux  et  les  cloîtres.  En  edet,  dans  les  manuscrits  qui 
ont  passé  «les  vieilN-s  archives  des  couvents  et  des  châteaux 
dans  nos  hililiothècpies.,  les  contes  les  plus  li<encieux  se  trou- 
vent accolés  à  des  productions  morales,  religieuses,  et  même 
à  des  légendes,  lesquelles,  il  est  vrai,  l'einj^orlent  souvent  en 
indécence  et  en  immoralité  sur  les  contes  auxtpiels  elles  ser- 
vent d'escorte.  Qut^lle  idée  cet  étrange  aniiilgame  doit -il 
donner  des  mœurs  et  de  la  littérature  de  l'épofpie! 

Le  but  de  l'auteur  du  roman  de  la  Châtelaine  de  Vergi 
a  été  de  prouver  par  un  exemple,  combien  il  importe  qu'un 
amant  heureux  soit  discret  et  prudent. 

Qnar  tant  cnm  l'amors  est  plus  grans, 
Sont  pins  iiiarri  II  lin  amans 
Quant  li  uns  <l'<ix  de  l'antre  croit 
(^u'il  ait  tlit  ce  que  celer  doit. 

La  scène  du  roman  se  passe  à  la  cour  d'un  duc  de  Bour- 
gogne. Parmi  tous  les  chevaliers  dont  était  entouré  ce  duc, 
il  en  était  un  qu'il  préférait,  qu'il  aimait  particulièrement, 
et  qui  méritait  bien  celte  laveur,  car  il  était  aussi  brave  que 
beau.  Mais  sa  noble  é|)Ouse ,  la  dijches.se,  avait,  aussi  elle, 
reconnu  tout  le  mérite  du  chevalier.  Laduchoisse  fenama, 
dit  le  poète, 

£t  li  fist  tel  saniblant  d'amors 
Que,  s'il  n'eust  le  cuer  aillurs. 
Bien  se  pouist  aparcevoir 
•Vr«i.  Par  saniblant  qu'ele  l'aniast  por  voir'. 

FjC  chevalier  feignait  de  ne  point  s'apercevoir  des  avances 
que  lui  Taisait  l'amoureu.se  duchesse.  Elle  fut  obligée  d'en 
venir  à  un  aveu  bien  formel  de  ses  sentiments  pour  lui.  Cette 
scène  est  on  ne  peut  mieux  racontée  par  le  trouvère,  et  nous 
douions  que  nos  meilleurs  auteurs  dramatiques  eussent  pu 
la  retracer  avec  plus  d'art  et  d'esprit. 

C'est  en  vain  que  la  duchesse  s'est  si  clairement  exprimée  : 
le  chevalier  lui  fait  enleudre  (  l'auteur  ne  le  nomme  en  au- 


DE  LA  CHATKLAINE  DE  VERGI.  78 t 

cune  occasion)  qu'il  respecte  trop  le  duc,  son  d'oit  sis^nor 
natural,  |)our  jiiiniiis  le  trahir.  \jA  duc  liesse  humiliée,  irritée, 
jure  (le  se  venj^er,  et  elle  se  veni^e  comme  antrelois  la  femme 
de  Putiphar  du  <haste  Joseph.  Elle  l'accuse  auprès  du  duc 
d'avoir  osé  lui  déclarer  toute  la  passion  que  depuis  long- 
temps il  avait  pour  elle.  Mais  il  ne  lui  restait  pas,  comme  à 
l'Ej^yptiemij?,  entre  les  mains  un  fnanteau  accusateur.  Le 
duc,  bien  que  très-irrité  de  l'audace  du  chevalier  dont  il 
avait  fait  son  ami,  veut  avoir  avec  lui  une  explication. 

Dans  cette  autie  scène  où  l'auteur  montre  encore  un  vrai 
talent,  le  duc  apprend,  non  sans  une  secrète  joie,  que  sa 
femme  s'est  étiangtinent  ajjuséesur  les  sentiments  du  che- 
valier pour  elle;  qu'il  a  une  maîtresse.  Après  avoir  long-temps 
résisté  avant  de  la  nommer,  le  chevalier  se  voit  obligé  de 
dire  au  duc  ,  non  sans  verser  un  torrent  de  larmes  : 

Sire,  jou  vous  dirai  ainsi, 
J'aim  vostre  nièce  de  Vergy, 
Et  ele  niui,  tant  cuni  puet  plus. 

Le  duc  ne  se  sent  nullement  blessé  de  cet  aveu  du  cheva- 
lier; et  comme  il  n'était  peut-être  pas  encore  parfaitement 
convaincu  de  sa  véracité ,  il  exige  de  lui  qu'il  explique  com- 
ment ses  amours  avec  sa  nièce  ont  pu  rester  si  long-temps 
inconnues  dans  une  cour  telle  que  la  sienne  :  il  veut  enfin 
que  le  chevalier  entre  dans  les  détails  les  plus  circonstanciés 
sur  une  intrigue  qu  il  ne  désapprouve  nullement;  et  pour 
mieux  le  déterminer  à  lui  (aire  cette  confidence,  il  s'engage 
de  lui-même  et  sous  le  sceau  du  serment,  à  n'en  dire  un 
seul  mot  à  qui  que  ce  soit  : 

Je  me  lairois  avant  sanz  faute 
Traire  les  dtnz  l'un  après  l'autre. 

Le  chevalier,  rassuré  par  les  paroles  du  duc,  lui  apprend 
que  s'il  a  toujours  pris  tant  de  précatitions  pour  cacher  ses 
amours,  c'est  que  sa  dame  lui  avait  fait  jurer  que  s'il  com- 
mettait la  moindre  indiscrétion,  il  devait  renoncer  à  elle 
pour  toujours  :  il  avait  solennellement  promis 

A  l'eure  et  au  jor 

Que  par  lui  seroit  découverte 
Lor  anior,  qu'il  auroit  la  perte 
Et  de  l'amor  et  de  l'otroi 
Qu'ele  li  ot  laite  de  soi. 


XlIlSIKCLi: 


Xm  SIÈCLE 


782  ANONYME,  AUTEUR  DU  ROMAN 

Il  lui  explique  ensuite  comment  il  se  rendait  la  nuit  dans 
le  vergier  (le  parc)  du  château  de  Vergi  ;  qu'il  s'y  tenait 
caché  jusqu'à  ce  qu'un  petit  chien  que  faisait  sortir  sa  daine 
vînt  l'avertir  que  sa  porte  était  ouverte,  et  que  pour  lui 
sonnait  l'heure  du  berger.  «S'il  en  est  ainsi,  dit  le  duc,  je 
vous  demande  de  me  laisser  vous  accompagner  à  votre  pre- 
mier rendez-vous, 

Car  je  Veil  savoir  sans  aloingne 
Se  ainsis  va  vostre  hesoigne  ; 
Si  n'en  saura  ma  nièce  rien.  " 

Le  chevalier  consent  à  tout.  \j&  nuit  venue,  ils  se  rendent 
ensemble  au  jardin. 

Où  li  (lus  ne  fii  pas  grant  pièce 
Kanl  il  vit  le  cliienet  sa  nièce 
Qui  s'en  vitit  ;iu  bout  du  vergier, 
Où  il  trouva  le  chevalier 
Qui  grant  joie  a  fait  au  cliienet. 

Le  duc  reste  caché  sous  un  arbre  épais  d'où  il  peut  voir 
avec  quelle  tendresse  sa  nièce  accueille  l'heureux  chevalier. 
Répétons  ici  ce  que  se  disent  les  deux  amants,  ne  fût-ce  que 

Eour  montrer  quel  était  en  ce  temps  que  l'on  nomme  bar- 
are,  le  langage  de  l'amour  et  de  la  galanterie. 

D'un  arbre  niolt  grant  et  molt  large 

(  Le  duc  )  s'estolt  couvers  com  d'une  targe , 

Et  molt  ententl  à  lui  celer. 

D'ileuc  vit  en  la  chambre  entrer  , 

Le  chevalier,  et  vit  issir 

Sa  nièce  et  contre  li  venir 

Hors  de  la  chuiid)re  en  un  praël, 

Et  vit  et  01  tel  apel. 

Coin  cle  li  fit  p.ii'  solaz, 

De  salus  <le  bouche  et  de  braz; 

C;ir  de  ses  biax  bras  l'accola. 

Et  |)lus  de  cent  l'oiz  le  baisa 

Aiii.s  que  feist  longue  parole. 

Et  cil  la  rebaise  et  accole, 

Et  li  dit  :  '  Ma  dame,  m'amie, 

M'amor,  nson  cuer,  ma  diuerie, 

M'espérance  et  tout  quanques  j'ain  , 

Sachiez  que  j'ai  eu  grant  fain 

Destre  à  vous  si  coiupie  ore  i  sui, 

Despui  l'ore  que  je  n'y  fui.  • 

Elle  responl  :  >  Mon  dous  signor, 

Mun  dous  amis,  ma  douce  araor. 


DE  LA  CHATELAINE  DE  VERGL  783 

Ains  puis  ne  fu  ne  jor  ne  eure  SIRCLK. 

Que  ne  m'anuiast  la  demeure;  ^— — — _ 
Mais  ore  de  riens  ne  me  deul, 
Car  j'ai  o  moi  ce  que  je  veul. 

Le  bon  duc  a  la  patience  de  rester  dans  la  cachette  tant 

Que  la  dame  et  li  chevaliers 
Dedans  la  chambre  en  un  lit  furent 
Et  sans  dormir  ensamble  jurent. 

Il  fut  même  témoin  de  leurs  tenrlres  adieux  quand  vint 
l'heure  du  départ.  Le  chevalier  sVn  retournait;  mais  le  duc 
s'empressa  de  le  rejoindre,  et,  loin  de  lui  montrer  le  moin- 
dre ressentiment,  il  l'embrassa 


'  Ccniftc. 


Et  ii  a  fait  joie  molt  grant 
Puis  li  a  dit  :  -Je  vos  créant' 
Que  toujors  niais  vos  amerai, 
Ne  jamais  ne  vous  mécroirai , 
Car  vous  m'avez  dou  tout  voir  dit, 
Et  la  duchesse  m'a  mentit.  » 

Tout  allait  au  mieux  jusque-là  ;  mais  de  grandes  infortunes 
menacent  nos  amants.  Cette  duchesse,  qui  avait  menti,  fut 
fort  étonnée  de  voir  qu'au  lieu  de  chasser  le  chevalier  qu'elle 
avait  calomnicusement  dénoncé,  son  mari  redoublait  pour 
lui  de  soins  et  d'amitié.  Elle  se  promit  bien  de  découvrir  la 
cause  de  cet  inexplicable  procédé.  Une  nuit  que  son  époux 
lui  témoignait  encore  plus  d'amour  que  de  coutume,  elle 
employa  tant  d'art,  quelle  lui  arracha  le  secret  qu'il  avait 
juré  de  ne  conlier  à  personne.  Il  est  vrai  qu'avant  de  parler, 
le  duc  la  menace  de  la  mort,  si  elle  témoigne  à  qui  que  ce 
soit  au  monde,  qu'elle  sait  les  amours  du  chevalier  et  de  la 
comtesse  de  Vergi.  Il  lui  raconte  ensuite 

De  sa  nièce  trestout  le  conte 

Comment  l'aprint  du  chevalier, 

Et  comment  il  fu  ou  vergier 

En  l'ainglet'  où  il  net  qu'el»  deox,  «liu  , 

Comment  li  chienès  vint  à  eux, 

Et  de  l'issue  et  de  l'entrée 

Li  a  la  vérité  contée. 

Que  nule  rien  ni  a  téu*  j-jH 

Que  il  ait  oï  ne  véu. 

On  juge  du  dépit  de  la  duchesse  en  apprenant  quelle  est 
celle  qu'on  lui  préfère. 


7«4  ANONYME,  AUTKL'R  DU  ROMAN 

x.msiècij;.  m  ■  i  1 1    .    •     «  . 

______^___  Mais  am.sadonc  sainhlant  n  en  nst 

Ains  otria  iiiolt  et  proiiiist 
Au  iluc  celer  si  liieii  eest  œvre 
Que  se  set  qu  ele  le  desijueuvre, 
Que  il  la  penile  à  une  hait. 

Elle  ne  fut  point  fidcle  à  s;i  promesse  ;  et  il  ne  pouvait  guère 
en  être  autrfinent.  Un  j'iur  de  Penteiôte,  le  duc  tenait  une 
cour  pic I lie re ,  à  i;icjut'lle  il  avait  appelé  les  sei^^iieursjet  les 
dames  de  sa  terre  (du  duché  de  Bourgogne  ).  C'était  le  devoir 
de  la  comtessede  Vergi  d'y  venir,  et  elle  y  vint.  La  duchesse 
pâlit  en  la  voyant,  mais  elle  sut  dissimule)-,  et  loin  de  lui  té- 
moigner la  uioitidie  froideur,  elle  l'accahla  d^  caresses. 

Après  le  spiendide  repas  qui  se  donnait  toujours  en  ces 
grandes  fêtes,  la  duchesse  fit  entrer,  suivant  l'usage,  les 
dames  dans  une  salle,  pour  faire  une  nouvelle  toilette  et  se 
préparer  aux  danses  qui  devaient  suivre  le  repas  (i).  Ce  fut 
là  (lue  la  duchesse,  cessant  de  se  contraindre,  adressa  à  sa 
rivale  un  mot  ])i(ju;int,  (pii  ne  lui  permit  pas  de  douter  que 
son  intrigue  avec  le  chevalier  ne  lïït  bien  connue.  Elle  lui 
lit  complimi-nt  de  son  adresse  à  cacher  ses  amours,  et  sur 
le  talent  qu'elle  avait  pour  bien  dresser  Xe^^  petits  chiens. 

Ces  paroles  pénétrèrent  comme  un  coup  de  poignard 
dans  l'amede  la  comtesse.  Elle  resta  muette  et,  en  a|)parence, 
insensible  à  tout  ce  (jui  se  passait  autour  d  elle.  Dès  qu'il 
lui  fut  possible,  elle  se  retira  dans  une  chambre  obscure 
(dans  \ine  garderoi)e,  dit  Ie|)oëme)  où,  dans  son  trouble, 
elle  n'aperçut  mètne  pas  une  servante  qui  y  était  assise.  Elle 
se  jetîe  sur  un  lit,  et  après  bien  des  larmes  et  des  sanglots, 
elle  prononce  dans  le  poème  un  long  discours,  trop  long 
peut- être,  mais  bien  touchant.  Elle  y  accuse  son  ami 
d'indiscrétion,  mais  c'est  avec  douceur  et  sans  colère.  Et 
cependant  l'émotion  qu'elle  éprouve  est  si  forte  qu'elle  se 
pàtne  et  meuit. 

Son  chevalier  qui  ne  la  voit  point  dans  les  salles  de 
danse,  la  cherche  dans  toutes  les  autres  chambres,  et  la 
trouve  enfin  étendue  sur  le  lit  où  elle  vient  de  reiulre  le 
dernier  soupir. 

Tout  maintenant  l'aoole  et  baize, 
Car  bien  en  ot  et  lieu  et  aise; 

fi)  Les  liâmes,  en  Angleterre,  ont  conservé  l'usage  de  se  retirer  dans 
tine  chambre  pariiculièie  ,  aussitôt  après  le  dernier  service. 


XIII  SIÈCl  E. 


DE  LA  CHATELAINE  DE  VERGL  786 

Mais  la  bouche  a  trouvée  froide, 
Et  partout  bien  pâle  et  bien  roide, 
Et  au  samblant  que  H  coi-s  moustre 
Voit  bien  qu'ele  est  morte  tout  outre. 

La  servante  qui,  sans  le  vouloir,  avait  été  témoin  des  der- 
niers moments  de  la  comtesse,  explique  alors  au  chevalier 
que  cette  dame  est  morte  de  la  douleur  que  lui  causait  un 
propos  de  la  duchesse  de  Bourgogne,  qui  l'avait  raillée  au 
sujet  d'un  chiénet , 

Qui  d'un  chienet  la  rampona. 

Il  en  fallait  moins  pour  que  le  chevalier  eût  la  certitude  que 
la  confidence  qu'il  avait  faite  au  duc  était  la  cause  de  la  mort 
de  la  châtelaine  de  Vcrgi.  Et,  dans  son  désespoir,  il  se  perce 
le  cœur  et  va  tomber  sur  le  corps  inanimé  de  son  amie.  A  ce 
spectacle,  la  servante  effrayée  court  dans  la  salle  du  Ijal  où 
était  le  duc,  et  lui  apprend  et  la  mort  des  deux  amants,  et  les 
discours  que  chacun  a  prononcés  avant  de  mourir.  I^e  duc 
court  aussitôt  vers  la  fatale  chambre  où  gisent  sur  le  même 
lit  les  deux  morts;  il  ôte  de  la  jjoitrine  du  chevalier  l'épée 
dont  il  s'est  (rappé,  et  rentre  aussitôt  dans  la  salle  du  bal.  Là, 
sans  mot  dire,  il  s'approche  de  la  duchesse,  et  de  l'épée  encore 
fumante  qu'il  tient  à  la  main,  il  lui  fait  tomber  la  tête  au 
milieu  des  danses.  Ce  n'est  qu'alors  qu'il  explique  aux  spec- 
tateurs effrayés  ,  pourquoi  il  a  puni  si  cruellement  sa  femme. 
Mais  quand  ses  sens  furent  plus  calmes,  il  paraît  qu'il  se  re- 
pentit, car  il  alla  mourir  (;n  Palestine., 

Mais  de  l'aventure  et  tel  ire 
Conques  puis  ne  l'oit-on  rire  : 
Errant  prist  la  croix  d'outre  mer 
Où  il  ala  sans  retorner, 
Si  fu  illeuc  ospiteliers. 

Ainsi  finit  ce  très-ancien  roman,  qui  en  a  produit  beaucoup 
d'autres.  Parmi  ceux  qui  l'ont  les  premiers  imité,  il  faut  sur- 
tout signaler  l'Italien  Bandello.  La  Nouvelle  qu'il  en  a  tirée, 
n'est  pas  une  des  moins  intéressantes  de  son  recueil  :  Bel- 
leforest,  à  son  tour,  l'a  placée  dans  ses  Histoires  tragiques; 
et,  enfin,  on  la  trouve  dans  les  contes  de  la  reine  Marguerite  ^pj^  ,„  '  ''°"' 
de  Navarre  Dans  le  dernier  siècle,  on  fit  sur  le  même  sujet 
un  roman  intitulé  Lacomtesse  de  f^ergy.  L'auteur  y  a  inséré 
des  faits  historiques  du  règne  de  Philippe-Auguste,  ce  qui 
diminue  l'intérêt  du  sujet  principal,  au  lieu  de  l'augmenter. 
Tome  XVllL  Ggggg 


Xm  SIECLK. 


•jSa  PxAOL'L  DE  IIOUDAN. 

Dans  le  précèdent  volume  de  cette  Histoire  littéraire,  nous 

Hist. lidei. lie  avons  dit  (juelques  mots  tle  l'ancien  poëme-roman,  origme 

•  France   loin,  j^  toutes  ces  imitations,  et  nous  avons  cherché  à  expliquer 
XMI,1).  0,6.  '  .^  I     '^    ^     I 

comment  on  avait  pu,  sans  motit  aucun,  donner  le  nom  de 

Châtelaine  de  Vergy  à   li  malheureuse  épouse  du  barbare 

Fayel.  Il  n'y  a  rien  de  commun  entre  les  aventures  de  ces 

deux  femmes;  et  cependant  nous  retrouvons  cette  erreur 

dans  de  récentes  bio:;raphies.  C'est  ainsi  que  très -souvent 

le  roman  devient  de  l'iiistoire.  A.  D. 


Nous  avions  préparé  un  bien  plus  ^rand  nombre  de  no- 
tices sur  une  foule  d'autres  trouvères  qui  ont  composé,  dans 
la  première  période  du  xiii^  siècle ,  des  romans  du  genre  que 
l'on  nomme  historique  ;  mais  nous  sommes  obligés  de  les  ré- 
server pour  le  volume  suivant  Et  comme  il  entre  dans  notre 
plan  de  faire  connaître  les  poètes  qui ,  à  cette  même  époque, 
travaillaient  en  des  genres  différents,  nous  terminerons  no- 
tre xviu^  volume  par  des  notices  sur  des  poètes  dont  il  nous 
reste  soit  des  allégories,  soit  des  satires,  soit  des  pièces  fugi- 
tives telles  que  chansons,  sirventes,  etc.,  etc. 


TROUVÈRES 


AUTEURS   DE  ROMANS    ALLEGORIQUES;   DE 
SATIRES;  DE  POÉSIES  RELIGIEUSES. 


RAOUL  DE  TTOUDAN. 

(_>(£  poète  florissait  dans  les  premières  années  du  xiii*  siècle. 
Contemporain  du  célèbre  Chrestien  de  Troyes,  il  eut  une 
réputation  presque  égale;  mais  il  fut  moins  fécond  :  nous 
devons  le  supposer  du  moins;  car  nous  ne  possédons  de  lui 
que  trois  ouvrages ,  dont  deux  ne  sont  pas  très-volumineux  ; 
et  quant  au  troisième,  nous  ne  le  connaissons  que  par  des 
fragments  qu'en   ont  cités  Fauchet,  qui  l'avait  lu  en  en- 


XIII  siècut. 


RAOUL  DE  HOUDAN.  787 

tier,  et  les  auteurs  des  catalogues  des  bibliothèques  de  Berne 
et  du  Vatican. 

Ce  troisième  ouvrage,  que  nous  avons  en  vain  cherché  dans 
hi  Bibliothèque  royale  de  Paris ,  était  un  roman  dont  le  titre 
est  Merangis  de  Porlesquez.  Je  l'ai  lu,  dit  Fauchet;  il  est  en 
vers  de  huit  syllabes,  et  finit  ainsi  : 

Cist  conte  faut,  si  s'en  délivre  Fauchet     des 

Raoul  (Je  Hoiidanc,  qui  (est  livre  anciens   poètei. 

Commença  île  ceste  niatire.  p.  058. 

Se  nus  i  trove  plus  que  dire 
Qu'il  n'y  a  dit,  si  die  avant, 
Que  Raoul  s'en  taira  atant. 

Ce  roman,  dont  nous  ne  pouvons  connaître  le  sujet,  se 
trouvait  parmi  les  manuscrits  de  la  reine  de  Suède. 

Borel,  dans  son  Trésor  de  Recherches,  dit  que  Raoul  de      Momfaucon  . 

u         ,         ,  1.  1  Bibliolh.  Bihl.  I 

Houdan  le  composa  vers  lan  1200.  i    p  3o   B 

D'après  Borel,   il  comj)osa  aussi  à  la   même  époque,  le      Borel.Tiésor 

poème  des  Aesles  (ailes)  de  (Courtoisie;  et  celui-ci  se  trouve  rfes Recher«hes 

dans  la  Bibliothèque  royale,  n"  7218,  f"  54. 
Il  commence  par  ces  vers  : 

Tant  me  suis  de  dire  tenuz 
Que  je  me  suis  aperceu 
De  trop  parler  et  de  trop  tere 
Ne  porroit  nus  à  bon  chief  trère. 

Suit  une  longue  allégorie,  où,  selon  le  poète, 

on  porroit  prendre 

Example  et  cortoisie  apprendre.  • 

Quelques  traits  satiriques  et  moraux  peuvent  seuls  faire 
supporter  la  lecture  de  ce  poëme  sans  intérêt,  dont  nous  ne 
croyons  pas  devoir  plus  long-temps  nous  occuper. 

Mais  le  même  manuscrit  contient  le  poème  auquel  Raoul  j^,,  jelait  1,1 
de  Houdan  doit  aujourd'hui  sa  réputation  :  c'est  i,a  voye  ou  du  Roi.  0.71.8 
i,E  SONGE  d'enfer.  Il  cst  signalé  par  tous  les  écrivains  qui  ont  M"»*''^".  Dc  hi 
porté  leurs  recherches  sur  notre  ancienne  poésie;  et  Le  Grand  ^3'^^  p""'  ^ 
d'Aussy,  dans  son  recueil  de  fabliaux,  en  a  donné  un  assez       Le     Giand 

long  extrait.  d'Auîsy.Re.nul 

C'est  une  vraie  satire  que  ce  poëme.  L'auteur,  en  racon-  "^  *   i«"*  '  '  • 
tant  un  songe  dans  lequel  il  s  est  cru  transporté  en  enfer, 
trouve  occasion  d'attaquer  et  les  vices  qui  dominaient  de 
son  temps,  et  aussi  quelques  Parisiens  qui  vivaient  alors,  et 
dont  il  avait  à  se  plaindre. 

Ggggga 


!'•  »7- 


788  RAOUL  DE  HOUDAN. 

Xm  SIKCLF  ,r    .   -  ,  M 

Voici  son  début  : 

Un  songe  doit  fables  avoir 
'^''*'-  Et  songe  peut  devenir  voir'. 

Dont  sai-je  bien  que  il  ni'avint 
Qu'en  soiijant  un  sons^e  me  vint. 

Il  raconte  aussitôt  comment  il  s'achemina,  en  songe, 
vers  la  Cité  d'Enfer;  et  il  croit  devoir  dire  d'abord  ce  qu'il 
trouva  sur  la  route. 

Plesant  chemin  et  belle  voie 
Treuve  cil  ijui  va  enfer  guerre. 
Quant  je  sui  paiti  Je  ni.i  terre, 
Por  ce  (jue  li  contes  n'.innuit, 
Je  m'en  vif<.s  la  première  nuit, 
A  Convoitise  !a  cité. 
En  terre  de  Des/oiaasU' 
Est  la  cité  (pic  je  vos  di  ; 
Quand  je  vins  à  un  nierciedi 
Que  me  lieberjai  chez  Envie; 
Plesant  ostel  et  ht  le  vie 
Mesnasnies;  et  sachiez,  sans  guille 
Que  c'est  la  dame  de  la  ville 
Qu'Envie,  et  bien  me  hchreja. 
En  lostel  avoec  nous  nienia 
Tricherie  ,  sa  suer  Rnpiiie  ; 
Et  Avarixe  SA  cousine 
Vint  avoec  li ,  si  coui  moi  sand)le  j 
Por  moi  veoir  toute?  e.isemble  : 
Et  vinrent  et  grant  joie  fiient 
De  ce  qu  en  lor  pais  uie  vireiit. 

Ce  sont,  comme  on  voit,  des  personnages  allégoriques, 
des  vices  persoiniifiesque  le  poète  rencontre  sur  la  route  qui 
conduit  à  l'enter.  Cette  peinture  est,  à  ce  qu'il  nous  semble, 
ingénieuse  et  juste.  Il  continue  sur  le  même  ton  dans  tout 
le  reste  du  poetne.  On  le  voil  tour  à  tour  dans  la  P  ille-7a- 
verne  où  il  trouve  1  tvevjt;  avec  son  (ils  né  en  Angleterre ,  et 
ensuite  chez  Fornication  dont  la  maison  s'appelle  du  nom 
que  nous  donnons  aux  mauvais  lieux  sur  terre.  Quand  il  est 
chez  Filouserie ,   il  trouve  moyen  ,  dans  ses  réponses  à  la 
dame  du  logis,  de  lancer  d'injurieux  sarcasmes  à  nombre 
d'habitants  de  Paris,  qui  duretiten  être  très-offensés.  Parmi 
les  fripons  de  ce  temps-là,  il  place  ini  poète  dont  il  nous 
reste  beaucoup  de  vers,  et   qui  était  connu  dans  le  monde 
sous  le  nom  du  Bossu  d Arras.  C'était  apparemment  un  rival 
en  talent  et  en  gloire. 


XdlMKCIK.. 


RAOUL  DE  HOUDAN.  ^89 

C'est  ainsi  que  Raoul  de  Houdon  arrive  à  la  porte  H( 
l'enfer,  laquelle  est  gardée  par  Meurtre,  Désespoir  eX  Mort- 
Subite.  W  pénètre  dans  l'intérieur,  malgré  la  garde.  Ce  jour- 
là  le  roi  d'enCer  faisait  la  revue  de  tous  ses  vassaux  :  aussi 
le  poète  voit-il  défiler  devant  lui  force  clercs,  évêques  et 
abbés. 

En  enfer,  d'après  notre  poète,  on  mange  aussi  bien  que 
sur  la  terre;  car,  dès  en  entrant,  il  avait  vu  des  tables  toutes 
préparées  et  bien  servies.  Beizébut  fait  asseoir  à  ces  tables 
ses  nombreux  sujets,  et  entre  autres,  notre  poète  Raoul,  à 
qui  il  (ait  servir  de  la  chair  d'usurier  et  de  moine  noir;  très- 
gras  ,  l'un  du  bien  d'autrui ,  l'autre  de  fainéantise.  Au  sujet 
du  moine  noir  que  l'on  sert  en  ragoût.   Le  Grand  d'Aussy        Lc     Grmd 
remarque  (|ue  dans  la  plupart  des  poésies  de  ce  temps,  la  J'Anssy  ,     f». 
classe  des  moines  noirs  (c'étaient  ceux  qui  suivaient  la  règle  ''''^"''''  '.l''9 
de  Saint-Renoît  )  est  beaucoup  plus  souvent   attaquée  que 
les  moines  blancs,  qui  étaient  soumis  à  la  règle  de  Saint- 
Augustin.  Il  ne  peut  expliquer  les  motifs  de  ce  singulier 
acharnement  contre  le  premier  de  ces  deux  ordres. 

Tout  ce  conte  se  termine  d'une  manière  un  peu  brusque, 
mais  assez  piquante.  Vers  la  fin  du  repas,  Beizébut  se  fait 
apporter  son  grand  livre  noir  sur  lequel  sont  écrits  tous  les 
péchés  faits  et  a  faire.  11  le  met  dans  les  mains  du  voyageur  ibid.  p.  n, 
(le  poète  Raoul),  qui  l'ouvre,  et  tombant  sur  le  chapitre  des  "°"'- 
ménétriers,  y  trouve  écrite  la  vie  de  chacun  d'eux.  «  Je  l'ai 
«  retenue  par  cœur,  dit  le  poète,  et  suis  en  état  de  vous 
en  réciter  quelcpies  traits  curieux.  »  Mais  tout  à  coup  il 
s'éveille,  et  ce  conte  finit.  C'est  dommage;  car  le  satirique 
Kaoul  aurait  pu  faire  de  plaisantes  révélations  sur  la  vie  de 
ces  hommes  qui ,  en  effet,  étaient  alors  et  décriés  et  recher- 
chés ;  de  ces  hommes  qu'il  aurait  pu  appeler  ses  confrères. 

Les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  royale  qui  contiennent 
ce  poëme  satiricjue,  offrent  entre  eux  des  différences  remar- 
quables. «  Dans  le  manuscrit  n°  yOio,  dit  Le  Grand  d'Aussy,  ]i,ij.  „  ^^ 
les  démons,  après  s'être  bien  divertis,  montent  à  cheval,  et 
vont  sur  la  terre  chercher  de  nouvelles  proies.  Dans  le  ma- 
nuscrit f!e  Saint-Germain,  tous  les  détails  sont  différents  : 
personne  n'est  nommé;  ce  sont  les  péchés  des  hommes  en 
général  que  le  voyageur  voit  dans  le  livre  noir,  et  il  n'est 
fait  nulle  mention  des  ménétriers.  » 

Quel  est  le  vrai  texte,  le  texte  te!  qu'il  est  sorti  de  la  plume 
de  Raoul  de  Iloudan?  C'est  ce  qu'il  est  aujourd'hui  impos- 

3   3 


yoo  ANONYME,  AUTEUR 

XIII SIKCLE.       .'  ,       . 

sible  de   deviner.   Les  uns  auront  retranché  du  poëme  les 

personnalités  ;  d'autres  y  en  auront  ajouté  de  nouvelles.  Dans 
ce  temps  où  l'imprimerie  n'était  point  encore  connue,  cha- 
que copie  que  l'on  faisait  d'un  ouvrage  s'éloignait  toujours 
plus  ou  moins  de  l'original.  Et  l'on  ne  pouvait  bientôt  plus 
distinguer  quelle  était  l'édition  la  plus  exacte.  Comment^ 
après  six  siècles,  la  reconnaître.** 

Il  ne  nous  paraît  nullement  invraisemblable  que  ce  poëme 
du  Song;e  ou  de  la  f  oie  d'enfer  Ait  fourni  à  Dante  la  première 
idée  de  sa  DU'ine  Comédie ,  de  ce  poëme  dont  l'Italie  s'honore 
à  si  juste  titre.  Aux  xiii  et  xiv*  siècles,  les  Italiens  recher- 
chaient avec  empressement  les  productions  littéraires  de  la 
France.  C'étaient  pour  eux  des  modèles  :  Dante  Alighieri 
devait  s'être  nourri,  comme  tous  ses  compatriotes  lettrés, 
de  la  lecture  de  nos  poètes  tant  provençaux  que  français. 
Dans  la  satire  de  Raoul  de  IJoudan  n'a-t-il  point  aperçu  le 
sujet  de  la  grande,  de  la  sublime  satire  qu'il  devait  bientôt 
présenter  à  ses  ingrats  concitoyens.''  D'un  bloc  informe  il  sut 
tirer  un  superbe  monument.  C'est  là  le  privilège  du  génie; 
et  ce  fut  ainsi  que,  plus  taid,  Milton,  en  voyant  représenter 
en  Italie  un  mystère  ab.surde,  conçut  l'idée  de  son  bizarre, 
mais  imniortei  poëme  an  Paradis  perdu.  A.  D. 


ANONYME, 

AUTEUR  DE  LA  VOYE  DE  PARADIS. 


A_  ce  dernier  poëme  de  Raoul  de  Houdan ,  il  faut  joindre,  à 
ce  qu'il  nous  semble,  la  l  oye  de  Paradis,  autre  poëme  très- 
M*s.  ii.7ai8,  court  qui ,  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale,  suit 
immédiatement  la  f  oye  d'Enfer.  Et,  en  effet,  c'en  est  une 
annexe,  ou  plutôt  une  continuation,  comme  on  le  voit  par 
ces  vers  qui  en  forment  le  début  : 

Or,  escoiitez  un  autre  songe 
Qui  croisl  no  niatere  et  alonge. 
Je  vous  dirai  assez  briefment, 
Si  je  puis  et  je  sai,  cornent 
En  sonjant  fui  en  paradis. 
Je  dorniois  en  mon  lit  jadis 
Et  i  me  prist  talent  que  j'iroie 


DE  LA  VOYE  DE  PARADIS.  791 

En  paradis  la  droite  voie.  >^lll  Sii^.d.E. 

En  sonjant  me  suis  estnicusj 

Mes  ne  fui  mie  decéus. 

Qar  au  niovoir  priai  à  Dieu, 

Le  gluriez,  le  doux,  le  prcu, 

Qu'il  m'eiiseignast  la  voie  droite, 

Et  il  nie  dist  ;  Va  si  œsploitc 

Et  pren  conseil  à  Notre  Dame; 

A  li  servir  met  cors  etame, 

Tout  tiroit  par  li  t'avoieras. 

Et  li  droit  chemin  troveras. 

La  Vierge  l'accueille  très- courtoisement;  mais  il  a  oublié 
de  nous  en  faire  le  portrait;  c'était  pourtant  une  belle  occa- 
sion. Il  se  borne  à  dire  : 

Moult  doucement  me  conseilla  j 

Elle  me  dit  et  enseigna 

Que  si  j'avoie  Dieu  amor', 

Que  je  serois  sans  demor  ■I...inmir   .le 

El  comencement  de  la  voie  uieu. 

Où  je  dis  qu'aler  dévoie. 

Si  dans  le  chemin  de  l'enfer,  on  ne  trouve,  comme  nous 
l'avons  vu,  que  des  vices,  on  ne  rencontre,  comme  cela  de- 
vait être,  que  des  vertus  sur  le  chemin  de  paradis  :  c'est  l'o- 
béissance, la  piété,  etc.,  etc. 

Le  poëme  n'en  est  pas  moins  tant  soit  peu  satirique.  Par 
exemple,  on  demande  au  voyageur  ce  que  font  les  béguines 
dans  l'autre  monde.  Il  fait  d'abord  leur  éloge. 

Je  repondi  qu'elles  servoient 
Nostre  Seigneur  et  moult  étoient 
Plaines  de  très-grand  pacience, 
Et  gardoient  bien  obédience 
A  lor  sens  et  à  lor  pooir, 
Et  sevent  moult  très-bien  voloir 
L'avantage  et  le  sens  d'autrui 
Tout  sans  pesance  et  sans  annui. 

Mais  bientôt  il  ajoute  : 

Teles  i  a  por  lor  folies 

Et  par  lor  laides  vilonies 

Que  les  foies  font  coiement  : 

Ainsi  est-il  tout  vraiment 

Avec  les  sages  sont  les  foies 

Aiisamble  aus  fais  et  aus  pa.roles. .... 


79^     ANONYME,  AUTEUR  DU  POEME  : 

XIII  SIKCLF. 

Elles  sesoillenl  en  l'ortlure 

De  Leclierie  et  de  Luxure 

Et  des  aut;'es  vilains  pécliiés 

Dont  tôt  li  nions  est  entichie's. 

Nous  ne  citons  là  que  le  commencement  île  la  diatribe  qu'il 
lance  contre  les  bej^uiiies.  Ce  n'est  pas  sur  ce  ton  que,  cent 
ans  après,  le  Dante,  qui  visitait  aussi  le  paradis,  faisait  la  sa- 
tire des  mœurs  de  ses  concitoyens. 
Fabliaux  ,  I.        Le  Grand  d'Aussy  a  compris,  dans  son  recueil,  l'extrait 
II, p.  22.  d'un  poème  tpii  porte  également  le  titre  de  (  heiiiin  de  Pa- 

radis, et  qu'il  attribue,  sans  en  fournir  aucune  preuve,  à 
llutebeuf".  Mais,  si  cet  extrait  est  fidèle,  c'est  tout  un  autre 
poc'ine  que  celui  dont  nous  venons  de  rendre  compte.  Dans 
celui-là,  ce  sont  des  vices  que  l'on  trouve  sur  le  chemin  : 
l'orgueil,  l'avarice,  l'envie,  la  paresse  habillée  en  chanoine, 
la  gourmandise  malade  d'une  indigestion,  etc.  Ce  n'est  qu'a- 
près avoir  passé  au  milieu  de  tous  ces  vices  <|ue  le  voyageur 
iirrive  dans  le  séjour  des  vertus.  Et  là  encore  il  trouve  la  li- 
béralité (|ui  se  meurt,  la  franchise  dont  la  maison  est  pres- 
que déseite,  etc.  Eniin,  -il  parvient  chez  la  confessioti,  où  il 
voulait  aller. 

Il  paraît  que  plusieurs  poètes  satiriques  du  même  temps 
s'étaient  approprié  le  cadre  dont  s'était  servi,  le  premier, 
Raoul  de  Huudan,  pour  oftrir  la  censure  des  mœurs.  A.  D. 


ANONYME, 

AUTEUR  DU  POEME  :  lA  COUR  DE  PARADIS. 

Lje  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale,  coté  2718,  con- 
Msj.  n.  2718.  tient  un  poème  de  64^  vers,  qui  a  pour  titre  l.a  cort  de  Pa- 
radis. C'est  le  tableau  naïf  d'une  fête  que  Dieu  le  père  donne 
à  tous  les  saints,  le  jour  même  qu'on  les  fête  aussi  tous  en- 
semble sur  terre  (i). 

(i)  rSarhazan  a  publié  ce  petit  poème,  qui  ne  contient  que  six  à  sept 
cents  vers;  mais  il  avait  copié  sans  doute  un  manuscrit  un  peu  diltérent 
de  celui  que  nous  avons  consulté,  car  nos  citations  ne  sont  pas  toujours 
semblables  aux  siennes.  Voyez  la  nouvelle  édition  de  Barbazan  par  Méon  , 
t.  m,  p.  128-148. 


LA  COUR  BE  PARADIS.  793 

L9  fête  qui  se  célèbre  au  ciel  est  absolument  du  genre  de 
ces  fêtes  |OU  les  rois  réunissaient  autour  d'eux  les  seigneurs 
leurs  vassaux,  et  même  des  étrangers.  A  cette  époque,  les 
rois  n'avaient  point  une  cour;  ils  vivaient  dans  leurs  domai- 
nes, au  sein  de  leurs  familles  :  ce  n'était  que  dans  ces  fêtes 
(ju'ils  paraissaient  avec  quelque  éclat,  qu'ils  tenaient  vrai- 
ment une  Cour;  et  elles  avaient  ordinairement  lieu  aux  trois 
grandes  fêtes  ^Je  l'année. 

Ces  cours  ou  fêtes  étaient  indiquées  long-temps  d'avance; 
les  invitations  se  faisaient  par  des  hérauts;  chacune  durait 
pour  l'ordinaire  trois  jours.  On  y  était  défrayé,  nourri  et 
amusé  pendant  tout  ce  temps;  c'étaient  pour  les  trouvères, 
les  ménestriers,  les  jongleurs  de  toute  espèce,  de  belles  oc- 
casions de  déployer  leurs  talents  et  leur  savoir-faire.  Ils  s'y 
préparaient,  les  uns  en  composant,  les  autres  en  s'essayant  à 
réciter  des  poèmes  ou  gais  ou  héroïques  ou  moraux  ;  et  ils 
choisissaient  le  spectacle  à  donner,  d'après  la  connaissance 
qu'ils  avaient  du  caractère  et  des  goûts  de  celui  qui  donnait 
la  fête,  ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  tenait  la  cour.  Les 
seigneurs  riches,  les  possesseurs  de  grands  fiefs,  à  l'imitatioa 
du  roi,  tenaient  aussi  des  cours  particulières,  dans  lesquel- 
les ménestrels  et  jongleurs  étaient  également  appelés.  Il  en 
résultait  que  leur  muse  était  excessivement  active,  et  que  le 
métier  devait  être  assez  profitable  :  on  ne  doit  donc  plus 
être  étonné  du  grand  nombre  de  noms  d^  trouvères  que 
nous  fournit  cette  période  de  notre  histoire,  ni  de  l'effrayante 
multitude  de  poèmes  de  tout  genre  en  langue  vulgaire  que 
contiennent  nos  bibliothèques  et  surtout  la  Bibliothèque 
royale  de  Paris. 

Le  trouvère  anonyme,  auteur  de  la  Cour  de  Paradis,  nous 
représente  Dieu  agissant  dans  le  ciel,  absolument  comme 
eiît  agi  sur  terre  un  roi  qui  aurait  voulu  tenir  une  cour  plé- 
nière.  Les  convocations  se  font  là-haut  comme  elles  se  fai- 
saient ici-bas  :  les  plaisirs  y  sont  de  même  espèce,  on  y  chante, 
on  y  danse;  et  même,  ce  qu'il  y  a  de  singulier,  les  refrains 
des  chansons  célestes  sont  les  mêmes  que  ceux  de  plusieurs 
chansons  du  temps,  plus  qu'erotiques,  que  nous  possédons 
encore.  On  serait  tenté  de  croire  que  le  poète  a  voulu  tourner 
en  ridicule  les  croyances  de  son  siècle,  si  dans  maint  passage 
de  son  œuvre,  et  surtout  dans  le  début,  on  ne  voyait  qu'il  a 
écrit  très-sérieusement,  et  qu'il  se  figurait  Dieu  et  le  Paradis 
tels  qu'il  les  dépeint. 

Tome  Xrin.  Hhhhh, 

s  3    • 


XIIISIÈCLK. 


Xin  SIECLK. 


794     ANONYME,  AUTEUR  DU  POEME  : 

Après  un  préambule  assez  long,  dans  lequel  il  rappelle 
l'extrême  bonté  de  Dieu  pour  l'homme  dont  il  devint  le 
frère,  lorsqu'il  prit  la  forme  humaine 

Els  flans  de  la  Virge  Marie , 

voici  comment  le  poète  entre  dans  son  sujet  (i):  Un  jour  Dieu 
appela  à  haute  voix  saint  Simon,  et  lui  dit  :  «  Allez,  dans 
les  dortoirs,  dans  les  chambres,  enfin  dans  tout  le  paradis, 
inviter,  de  ma  part,  les  saints  et  saintes,  sans  en  oublier 
aucun,  à  se  rendre  près  de  moi  avec  leur  compagnie.  Je  veux 
tenir  une  cour  plénière  un  mois  après  la  Saint-Remi.  »  Saint 
Simon  répondit  :  «  Seigneur,  j'exécuterai  vos  ordres  dès  sa- 
medi. » 

Saint  Simon  part  aussitôt ,  muni  d'une  escalette  (crécelle), 
et  emmenant  saint  Jude  avec  lui. 

Il  entra  d'abord  dans  la  chambre  des  anges,  qui  jouaient 
ensemble  : 

Si  vont  jouant  par  ces  biaus  lieux. 

Il  les  rassemble  au  bruit  de  sa  crécelle,  et  leur  fait  part 
des  ordres  dont  il  est  chargé  :  tous  répondent  qu'ils  obéiront 
avec  joie.  Delà  il  passa  chez  les  patriarches,  qui  le  recon- 
nurent de  loin,  et  dirent  :  «  Je  crois  que  voilà  saint  Simon  ; 
voyons  ce  qu'il  nous  veut.  »  Ils  l'attendirent,  et  ils  acceptè- 
rent volontiers  sa  proposition.  A  quelques  pas  plus  loin,  il 
aperçut  les  apôtres  ses  camarades  et  leur  cria  de  venir  à  la 
cour  de  Dieu. 

Qu'il  viengnent  à  la  Cort-Jhesu. 

Ils  répondent,  comme  les  autres,  qu'ils  sont  à  ses  ordres. 

Les  martyrs  qu'il  rencontra  lui  firent  la  même  réponse  par 
la  bouche  de  saint  Etienne.  Saint  Simon,  toujours  courant 
pour  obéir  à  son  maître,  se  présente  à  saint  Martin,  qu'il 
trouve  à  la  tête  de  ses  confesseurs.  Il  sonne  trois  fois  de  sa 
crécelle  pour  les  faire  venir  autour  de  lui.  Quand  il  a  expli- 
qué le  sujet  de  son  message. 

Saint  Martin  H  dist  «  Biaus  contpains , 
Sachiez  sans  faille  q'i  irai 
Et  tous  les  confès  i  menrai. 

(i)  M.  le  comte  de  Caylus  avait  trouvé  ce  poéinesiintéressant,  qu'il  en 
avait  fait  un  Extrait  dont  le  manuscrit  est  sous  nos  jeux.  Après  en  avoir 
vérifié  l'exactitude ,  nous  avons  cru  devoir  l'adopter,  du  moins  en  quelques 
endroits. 


LA  COUR  DE  PARADIS.  795 

II  invite  ensuite  les  innocents,  qui,  dans  leur  naïve  sim-  - 
plicité,  assurent  qu'on  ne  pouvait  leur  faire  plus  de  plaisir. 

Saint  Simon  entre  dans  une  salle  magniBque  occupée  par 
les  pucelles.  L'auteur  assure  que  leur  beauté  et  l'éclat  des 
couronnes  qu'elles  portaient  sont  au  -dessus  de  toute  descrip- 
tion. On  pense  bien  qu'elles  acceptèrent  avec  empressement 
l'invitation.  II  en  fut  de  même  des  veuves  (de  celles  seulement 
qui  ne  s'étaient  point  remariées).  Entin,  il  n'y  eut  saints  ni 
saintes  dont  il  éprouvât  un  refus.  Il  vint  ensuite  rendre  compte 
de  sa  mission.  Jésus-Christ,  très-satisfait,  lui  dit:  «  C'est  bien: 
je  verrai  si  quelqu'un  manque  à  la  fête.  » 

Quand  le  jour  fut  arrivé,  le  premier  qui  parut  fut  Gabriel, 
suivi  de  tous  ses  anges,  archanges  et  cnérubins  :  ils  se  pré- 
sentèrent enveloppés  de  leurs  ailes  et  chantant  le  Te  Deum. 
Puis  se  prenant  par  la  main,  ils  montèrent,  comme  de  rai- 
son ,  au  plus  haut  étage  du  paradis.  En  passant  devant  Jésus- 
Christ,  qui  séoit  devant  sa  mère,  ils  ne  manquèrent  point  de 
le  saluer. 

Et  li  clous  Dieu  a  respondu  : 

«  Seignor,  bien  puissiez  vous  venir 

A  ma  feste  que  vueil  tenir 

Où  je  veuil  fère  de  grans  miracles.  • 

L'auteur  a  négligé  de  nous  apprendre  quels  furent  les  mi- 
racles que  Dieu  opéra  :  on  ne  voit  pas  trace  de  miracles  dans 
tout  le  reste  du  poëme.  Vinrent  ensuite  les  patriarches.  Dieu 
embrassa  Moïse,  Abraham  et  le  prophète  saint  Jean,  qui  se 
trouve,  on  ne  sait  pourquoi,  parmi  les  patriarches;  et  tous 
se  mirent  à  chanter  avec  ceux  qui  les  suivaient  : 

Je  vis  d'amors 
ETn  bone  espérance. 

C'est  là  un  de  ces  refrains  de  chansons  d'amour,  qui  se  trou- 
vent, comme  nous  l'avons  dit,  intercalés  dans  ce  poëme  reli- 
gieux. Arrive  saint  Pierre  à  la  tête  des  apôtres,  qui  chantaient 
avec  lui  : 

Ne  vous  repentez  mie 
De  loiaument  amer; 
Car  de  bien  amer  vient  solaz. 

Etleurjoie  fut  si  grande  en  approchant  de  Dieu, que,  se  pre- 
nant parles  mains,  ils  formèrent  une  ronde  et  chantèrent: 

Tout  ainsi  va  qui  d'amors  vit 
Et  qui  bien  ame. 

Hhhhhi 


XIII  SIÈCLB. 


Xm  SIÈCLE. 


796 


ANONYME,  AUTEUR  DU  POEME 


'Gaimeal. 


Saint  Etienne  se  présente  à  la  tête  des  martyrs  en  chantant  : 

« 

Cil  doit  bien  joie  démener 
Qi«  joie  attend 
Des  iÂaux  qu'il  sent. 

Les  confesseurs  dirent  à  leur  tour: 

Je  ne  fiii  oncques  sans  amer, 
Ne  ja  n'ère  en  ma  vie. 

Les  milliers  d'innocents  qui  suivaient  les  martyrs,  disaient, 
dans  leurs  chansons ,  qu'ils  ne  devaient  leur  bonheur  qu'à 
Dieu  seul. 

On  vit  ensuite  paraître  la  Madeleine,  qui  précédait  une 
troupe  de  belles  femmes.  Elle  chantait  que  c'était  toujours 
avec  passion  qu'elle  allait  trouver  son  ami , 

Envoiséement'  i  vois  à  mon  ami. 

Les  veuves  s'avancèrent.  Elles  étaient  exlraordinairement 
parées,  se  tenaient  par  la  main,  et  chantaient  les  unes  haut, 
les  autres  plus  bas  : 

Se  j'ai  amé  folement, 
Sage  sui  si  me  repent. 

Les  femmes  qui  étaient  restées  fidèles  à  leurs  maris  ve- 
naient après  les  veuves;  leurs  robes  étaient  de  la  plus  écla- 
tante blancheur, 

Plus  blanc  que  flor  sur  branche. 

Elles  chantaient  de  cœur  joli,  se  tenant  toutes  par  la  main. 
En  passant  devant  la  sainte  Vierge,  elles  la  saluèrent  d'un 
^i>e  Maria,  et  la  Vierge  leur  donnait  sa  bénédiction.  Ce  fut 
vers  le  haut  du  paradis  qu'elles  allèrent  se  placer;  et  Jésus 
leur  dit  qu'elles  étaient  les  bien-venues.  Elles  se  mirent  à 
genoux ,  pour  lui  exprimer  avec  quel  plaisir  elles  s'étaient 
rendues  à  ses  ordres.  Et  Jésus 

Lors  lor  a  dit  :  «  Or  sus ,  amies , 
Si  soiez  joiaux  et  lies, 
■  El  si  fête  haitie  entière.  • 

Toutes  ces  réceptions  finies,  Dieu  appela  saint  Pierre  et 
lui  recommanda  de  ne  laisser  plus  entrer  personne.  Saint 
Pierre  l'assura  qu'il  pouvait  être  tranquille  ;  et  tout  aussitôt 


Xm  SIECLE. 


LA  COUR  DE  PARADIS.  797 

il  se  mit  à  chanter  :  «  Que  ceux  qui  aiment  soient  de  ce  côté, 
et  ceux  qui  n'aiment  point,  passent  de  l'autre.  » 

Vos  qui  amez,  traïez  ça, 
En  là  qui  n'amez  mie. 

Ici  commence  la  fête.  Jésus-Christ  conseille  à  sa  mère  d'ou- 
blier ses  peines  passées,  et  de  ne  plus  songer  qu'à  se  bien 
divertir.  La  Vierge  répond  qu'elle  est  de  cet  avis;  et  elle  ap- 
pelle aussitôt  la  Madeleine,  qu'elle  prend  par  la  main;  et  toutes 
deux  font  le  tour  de  la  salle  en  chantant  : 

Tuit  cil  qui  sont  enamouraz 
Viengnent  danser,  li  autre  non. 

Les  vierges,  les  dames,  les  veuves  accourent  sur  cette  in- 
vitation, et  sont  suivies  des  martyrs,  des  confesseurs  et  des 
autres  saints  qui  chantent  ensemble  : 

Je  gart  le  bos'  que  nus  n'emport  ,j ,.  j„,j, 

Chapel  de  flors  s'il  n'aime. 

Les  quatre  évangélistes,  qui  avaient  eu  soin  d'apporter  de 
bruyants  instruments  de  musique,  sonnaient  du  cor;  et, 
pendant  ce  temps-là,  les  anges  répandaient  de  l'encens  et  des 
parfums  sur  la  compagnie.  Enfin,  Jésus-Christ,  bien  content 
de  voir  tant  de  joie,  se  leva,  et,  tenant  par  la  main  sa  mère, 
il  chantait  aussi  ce  refrain  : 

Qui  suis-gedont,  regardez  moi 
Et  ne  me  doit-on  bien  amer? 

L'auteur  assure  qu'il  n'y  eut  jamais  une  si  belle  fête;  et 
ce  qui  n'en  fut  pas  un  des  moindres  agréments,  c'est  que  la 
Vierge  elle-même  retroussant  sa  robe  fit  le  tour  du  bal  en 
chantant  :  Embrassez-vous ,  de  par  amour  embrassez. 

Prist  les  pans  de  sa  vesture 

Et  va  chantant  très  tout  entor  : 

«  Agironnez,  de  par  amor  agironnez.  • 

En  voyant  le  Sauveur  qu'elle  avait  tant  aimé  prendre  part 
à  la  fête,  la  Madeleine  sentait  renaître  en  elle  ses  vifs  et  an- 
ciens sentiments,  et  se  met  à  chanter: 

Fins  cuers  amourous  et  joli , 
Je  ne  vous  vueil  mètre  en  oubli. 

Après  quoi,  les  apôtres,  les  martyrs,  les  confesseurs  re- 


XIII  SIKCI-E 


7p8     ANONYME,  AUTEUR  DU  POEME  : 

commencèrent    les  danses  de   plus  belle.    Et  Jésiis-Chi  ist , 
charmé  de  tout  ce  qu'il  voyait, 

Si  prist  sa  mère  par  les  dois, 
La  Mnj^delaiiie,  tl  autre  part, 
A  cui  il  list  le  dous  regart 
Quant  ses  pecliiez  lui  pardonna, 
Tout  doucement  respondu  a  : 
"  Je  tieng  par  les  dois  ma  mie 
J'en  vois  plus  joliment.  » 

Tous  les  saints  et  saintes  crurent  devoir,  à  la  fin  de  la  fête, 
8i;  réunir  pour  chanter  en  chœur  : 

Tos  li  cuers  me  rit  de  joie 
Quant  Dieu  voi. 

Mais  tandis  qu'ils  chantaient  ainsi ,  les  âmes  du  purgatoire 
qui  les  entendaient,  criaient,  pleuraient  et  demandaient 
grâce  avec  de  si  grandes  instances  que  saint  Pierre  en  fut 
louché,  et  vint  exposer  leurs  peines.  Les  vierges  se  joigni- 
rent à  lui  pour  intercéder  en  leur  faveur  ;  la  Vierge  elle-même 
se  leva  en  pied,  et  représenta  que  ces  malheureux  qui  se  la- 
mentaient étaient,  comme  elle  avait  été,  des  mortels  ses 
frères  et  sœurs,  et  elle  finit  par  dire  : 

La  teste  n'est  mie  plenière 

Se  niiez  n'en  est  aus  souffretous , 

Aus  povres  et  aus  disetous. 

Jésus  lui  répondit  qu'il  chérissait  trop  sa  mère  pour  lui 
rien  refuser  : 

Douce  mère,  dist  notre  sire, 
Je  ne  vous  vuei!  mie  desdire 
Que  je  vo  volenté  ne  face. 
A  cest  mot  la  bese  en  la  face , 
Les  iez,  la  bouche  et  la  maissele 
Que  ele  avoit  et  tendre  et  belle 
Plus  que  ne  n'est  rose  espanie. 

Aussitôt  que  Dieu  eut  accédé  à  la  demande  de  sa  mère,  le 
feu  du  purgatoire  devint  plus  doux  que  lait. 

La  pénitence  de  plusieurs  âmes  se  trouvait  finie.  Saint 
Pierre  leur  ouvrit,  a  ver  grand  plaisir,  la  porte  du  paradis. 

Ainsi  se  termina  la  fête,  et  il  ne  faut  pas  douter,  dit  l'au- 
teur, que  le  jour  de  la  Toussaint  et  les  deux  jours  qui  le 
suivent,  les  âmes  du  purgatoire  n'aient  joui  du  repos  et  même 
de  quelque  satisfaction. 


LA  COUR  DE  PARADIS.  -5,9 

Nous  nous  sommes  arrêtés  trop  long-temps  peut-être  sur  '^"'  ''''^•'^^- 
cette  ridicule  production  :  c'est  qu'elle  nous  a  paru  donner 
une  idée  exacte  de  l'esprit  du  siècle  (quelques  critiques  l'ont 
crue  du  xii*",  nous  présumons  qu'elle  est  du  xni*  et  peut-être 
(le  la  fin).  Non  seulement  elle  offre,  comme  nous  l'avons  dit 
au  début ,  un  tableau  des  cours  plénières,  alors  si  fréquentes, 
mais  elle  signale  le  genre,  et,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,' 
la  couleur  des  idées  religieuses  de  l'époque.  Dieu,  comme  on 
se  le  figure  dans  l'enfance  des  sociétés,  et  comme  les  classes 
inférieures  persistent  à  le  croire,  même  lorsque  les  sociétés 
ont  avancé  dans  la  civilisation,  n'est  qu'un  seigneur  un  peu 
plus  puissant  que  les  autres,  mais  qui  a  leurs  besoins,  leurs 
passions  et  souvent  leurs  vices. 

Dans  le  poème  de  la  Cort  de  Paradis,  Dieu  ne  procure  pas 
à  ceux  qui  habitent  le  ciel  et  qu'il  réunit  autour  de  lui ,  d'au- 
tres plaisirs  que  ceux  qu'offraient,  dans  leurs  châteaux,  au 
temps  des  cours  plénières,  les  rois  et  les  hauts  seigneurs.  On 
y  chante,  on  y  danse,  et  voilà  tout.  Nous  remarquons  même 
que  ce  trouvère. ci  n'y  a  pas ,  comme  l'auteur  de  la  Voie  de 
Paradis,  fait  dresser  des  tables  splendides,  couvertes  de 
mets  excellents.  Dieu  et  ses  saints  n  y  mangent,  n'y  boivent 
pas.  Est-ce  oubli,  ou  un  juste  sentiment  de  convenances.' 
Nous  pensons  que  c'est  oubli. 

Au  reste,  on  a  fait,  depuis  long-temps,  une  observation 
qui  nous  paraît  de  toute  justesse  :  c'est  que  s'il  n'a  pas  sem. 
blé  très-difficile  de  décrire  les  peines  de  l'enfer,  on  se  trouve 
assez  embarrassé  lorsqu'on  veut  retracer  les  plaisirs  du  pa- 
radis. Les  hommes,  dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  pays, 
n'ont  jamais  pu  parvenir  qu'à  transporter  dans  le  ciel  leurs 
jouissances  de  la  terre. 

L'Elysée  des  anciens  était  un  lieu  délicieux  oii  les  âmes  des 
sages,  des  hommes  vertueux,  s^entretenaient  sous  de  frais 
ombrages;  Mahomet  fit,  de  cet  Elysée,  un  jardin  de  l'Orient,      ^''""'*'     "^''^ 
qu'il  peupla  de  houris;  les  Scandinaves  placèrent  les  ombres  J„ed,a!'— in-T- 
de  leurs  guerriers  morts  en  combattant,  dans  un  vaste  camp  lad.so 
où  ils  continuaient  de  lutter  entre  eux  et  de  boire  de  l'hy-     M.iieciwieau- 
dromel  ;  nous  avons  vu  ce  qu'était  le  paradis ,  dans  le  moyen  mITÙts,!!»' ii? 
âge;  un  peu  plus  tard,  le  Dante  plaça  les  bienheureux  dans 
les  planètes;  mais  quand  il  arriva  au-delà  de  cette  neuvième 
sphère,  dans  le  séjour  où  réside  la  Divinité,  il  fut  tellement 
éoloui ,  qu'il  avoue  ne  pouvoir  plus  raconter  sa  vision.  Un 
de  nos  célèbres  écrivains  modernes  a  tenté,  aussi  lui,  de 


XIII  SIECLE. 


800  HUON  DE  MERI. 

nous  faire,  à  sa  guise,  un  nouveau  paradis;  mais,  malgré  la 
noblesse,  la  majesté  de  sa  description,  on  sent  qu'il  rentre 
dans  les  idées  des  trouvères  du  xm^  siècle,  lorsqu'il  fait  par- 
ler Dieu  et  chanter  les  anges.  Il  valait  mieux  dire  comme  le 
Dante  :  «  Je  ne  puis  exprimer  ce  que  j'ai  vu  dans  ce  lumineux 
<c  séjour  où  réside  le  Tout-Puissant.  Semblable  à  celui  (jui 
«  conserve  l'impression  d'un  songe  plein  d'intérêt,  sans  pou- 
ce voir  dire  quel  en  était  l'objet  principal ,  il  ne  me  reste  du 
«  spectacle  qu'un  souvenir  vague,  incertain,  mais  plein  de 
«  charme  (i).  » 

Concluons  que  la  Cort  de  Paradis  est  un  assez  mauvais 
poème;  mais  que  l'on  sera  pourtant  porté  à  l'indulgence  si, 
en  le  comparant  à  la  plupart  des  poèmes  sur  le  même  sujet, 
on  ne  les  trouve  guère  plus  satisfaisants  pour  la  raison. 
Toute  la  ditïérence  entre  eux  n'est  que  dans  le  style.  Et  il 
faut  avouer  que  notre  auteur  n'a  pas  fait  preuve  de  goût,  en 
semant  son  récit  d'une  multitude  de  refrains  de  chansons 
vulgaires,  qui  contrastent  singulièrement  avec  la  gravité 
qu'il  affecte  dans  tout  le  reste.  A.  D. 


HUON  DE  MÉRI. 


C, 


.^E  n'était  point  un  de  ces  trouvères  en  titre  qui  ne  pou- 
vaient vivre  que  de  l'art  qu'ils  exerçaient,  cet  Huon  ou  Hu- 
gues de  Méri^  dont  il  nous  reste  un  long  et  bizarre  poème  in- 
titulé/e  Tournoiement  du  Christ.  Il  nous  apprend  lui-même 
qu'il  fut  moine  à  Paris  dans  l'abbaye  de  Saint-Germain-des- 

Prés. 

Religion  proi'  quel  mi  meine 
,jj  p^jp  Qui  m'a  là  mené  par  la  main  , 

Jusqu'à  l'église  saint-Germain 
Des-prez,  lès  les  murs  de  Paris. 

Et  c'est  à  peu  près  là  tout  ce  que  l'on  sait  de  sa  vie.  L'époque 

(i)  Quale  è  colui  che  sonniando  vede  , 
E  dopo  'I  sogno  la  passione  impressa 
Rimane,  e  l'altro  alla  mente  non  riede  : 

Cotai  son  io,  che  quasi  tutta  cessa 
Mia  visione,  ed  ancor  mi  distilla 
Ne!  cuore  il  dolce  che  nacque  di  essa. 

//  ParnJiso,  canto  XXXIII,  v.  58  et  seq. 


HUON  DE  MERI.  8oi 

où  il  floussait  se  trouve  indiquée  dans  le  niêmepoëme,  par  une 
tirade  sur  un  fait  assez  important  de  notre  histoire:  la  guerre 
de  Bretagne  pendant  la  minorité  de  saint  Louis.  De  ce  qu'il 
rapporte  de  cet  événement,  comme  s'il  en  avait  été  témoin, 
on  a  inféré  qu'il  vivait  dans  les  trente  premières  années  du 
xdi^  siècle. 

Dans  son  poème  du  Tournoiement  (Tournoi)  de  l'Anté- 
christ, il  se  présente  comme  le  successeur,  et  non  le  rival  de 
Raoul  de  Houdan,  dans  l'art  de  conter  les  affiiires  de  l'autre 
monde.  Et,  en  effet,  si  déjà  l'un  des  deux  nous  a  conduits 
en  enfer,  en  compagnie  de  tous  les  Vices,  et  nous  y  a  fait 
trouver  quelques-uns  de  ses  contemporains  que  sans  doute 
il  n'aimait  pas,  l'autre  nous  transporte  en  paradis  et  nous 
montre  le  sauveur  des  hommes  luttant  avec  l'Antéchrist,  et 
les  Vertus  se  mesurant  avec  les  Vices,  mais  finissant  par  en 
triompher.  Ce  sont,  comme  on  voit,  deux  jjoëtnes  de  même 
genre,  de  même  couleur,  de  vérita!)les  conceptions  de  moi- 
nes du  xni^  siècle,  bien  qu'il  ne  soit  pas  prouvé  que  Raoul 
de  Houdan  ait  jamais  été  moine. 

Dans  le  début  de  son  poème,  le  moine  de  Saint-dermain- 
des-Prés  semble  avoir  peu  de  confiance  dans  son  talent. 
On  dirait  que  c'est  le  premier  ouvrage  qu'il  entreprend,  et 
qu'il  craint  de  ne  pas  bien  manier  la  langue  dans  iatpielle 
il  se  propose  d'écrire  :  aussi  regrette-t-il  que  Chrestien  de 
Troies  soit  mort,  ce  poète,  ajoute-il,  qui  m'ait  tant  de  prix, 
et  qui,  sans  doute,  aurait  tiré  un  bien  meilleur  parti  du 
merveilleux  sujet  qu'il  avait  choisi. 

Pour  cou  ke  mors  est  Crestiens 
De  Troies  ki  tant  ot  de  pris. 
De  trouver  ai  hardenient  pris. 
De  mot  à  mot  mètre  en  escrit 
Le  Tournoiement  de  Antetrist. 

Or,  voici  quand  et  comment  arriva  le  grand  événement 
qu'il  va  raconter  : 

11  avilit  après  cet  emprise 
Ke  li  François  eurent  emprise 
Contre  le  comte  de  Champaigne, 
Ke  rois  Loeys  en  lîretaigne 

Mena  son  est,  sans  point  daloigne 

Lor  ne  pot  me  tenir  perece 
D'aler  en  l'osl  le  roi  de  France. 

Tome  XF ni.  liiii 


XIII  SIÈCLE. 


)iiu  siÈcr.F. 


802 


HUON  DE  MÉRI. 


L.1  chaise. 

>C.hies(ien  de 
Troyes,  dans  le 
Roman  du  che- 
valier au  Lion. 


A  peine  Huon  de  Méri  etait-il  à  l'armëe  du  roi  I^ouis,  qui, 
comme  le  disent  les  vers  que  l'on  vient  de  citer,  se  trouvait 
en  Bretagne,  qu'il  voulut  proliter  de  son  séjour  en  ce  pays 
pour  en  visiter  le  plus  curieux  monument.  Et  aussitôt  il  se 
met  en  marche  ver.s  la  forêt  de  Breccli.ifide;  cette  forêt  si 
célèbre  dans  les  romans  de  la  Table-Ronde,  par  \a périlleuse 
fontaine  qu'elle  couvre  de  son  ombre.  Il  s'avance ,  armé 
d'une  épée,  vers  la  fontaine. 

Ke  1,1  trouvai  par  aventure. 
La  fontaine  n'ieit  pas  oscure 

Ains  ert  clere  coin  fins  arirens 

Le  bacliin  ,  le  iieiron  île  niaihre 
Et  le  veid  pin  el  la  ciiere' 
Trouvai  en  icelle  manière 
Corne  la  tiescrit  Oestiens'. 


'  I.e  monde. 


'Gobelets. 


A  peine  a-t-il  puisé  de  l'eau  avec  le  hachin  (la  tasse)  que 
s'élève  la  plus  violente  tempête ,  à  1  i  suite  de  laquelle  le  ciel 
s'ouvre,  et  le  poète  peut  voir  le  paradis; 


Et  tout  cil  k'en  paradis  sont 
Porent  bien  veoir  tout  le  mont' 
Sans  couverture  celé  nuit. 

Bientôt  après,  il  aperçoit  tin  chevalier  maure  qui  traver- 
sait en  toute  hâte  la  campagne,  armé  comme  s'il  se  rendait 
à  un  tournoi.  C'était  Bras-de  Fer,  chambellan  de  l'Antéchrist. 
II  parvient  à  l'atteindre,  et  ils  font  route  ensemble.  Ils  ne 
tardent  pas  à  découvrir  un  pays  couvert  de  prairies,  de  ri- 
vières, de  villes,  de  châteaux  à  tours  crénelées. 

C'est  dans  l'un  de  ces  châteaux  que  se  rassemblent  les 
partisans  de  l'Antéchrist.  Avant  d'aller  au  tournoi ,  ils  jugent 
à  propos  de  se  restaurer  par  un  bon  repas. 

Des  napes  ki  ne  sont  pas  sales 
Veissiës  les  tables  couvrir, 
Et  veissiés  coffres  ouvrir; 
De  pos  et  (Je  hanas  '  tl  argent 
Moult  servirent  et  bel  et  gent. 
Antecrist,  quand  il  fu  assis 
Aveiic  un  jongleour  massis 
Qui  trop  savoit  sons  portevin. 
De  divers  mes,  de  divers  vins 
Fumes  pleiiièrement  servi 
Bien  saehies  tout  conques  n'i  yi 
Fèves  ne  pois ,  oès  ne  herens. 


HUON  DE  MÉRI.  8o3 

Tous  les  mes  Raoul  de  Houdain  *'^'  SIÈCLK. 

Eusnies  sans  faire  riot ',  etc  (i). 

Rixe  ,    sank 

Il  est  bon  de  connaître  ceux  qui  composaient  cette  réunion  1"*""* 
de  convives  :  c'étaient  Jupiter,  Saturne,  y4 pullon  le  preux , 
Merciirius ,  enfin  tous  les  dieux  de  la  mythologie,  et  même 
Cerbère  aux  trois  têtes.  Le  poète  leur  applique  à  tous  de 
bizarres  épithètes.  Mais  on  y  voyait  aussi  les  vices  personni- 
liés;  la  Paresse,  la  Gourmandise, 

La  vaine  gloire  et  vantcrie 

Qui  est  dame  de  Aormandie;  etc. 

Nous  croyons  devoir  passer  la  description  beaucoup 
trop  longue  que  fait  le  poète,  non  seulement  des  armures 
de  tous  les  Vices,  ainsi  que  des  figures  caractéristiques  et 
emblématiques  qui  couvraient  ces  armures,  mais  aussi  des 
cortèges  de  divers  genres  dont  les  Vices  étaient  suivis.  Il  est 
temps  d'en  venir  au  tournoi.  Il  y  avait  nécessité  qu'après 
avoir  si  minutieusement  détaillé  toute  l'armée  de  l'Anté- 
christ, le  poète  dît  au  moins  quelque  chose  de  Dieu  son 
adversaire  :  il  le  décrit,  monté  sur  un  cheval  magnifique 
ayant  pour  escorte  des  anges  et  des  Vertus  de  toute  espècel 
Dans  ses  mains  est  une  lance  : 

C'estoit  la  lance  dont  Longijs 

Le  feri  el  coste  jadis  ; 

Si  en  issi  et  eue  et  sanc. 

Moult  sist  hien  sour  le  cheval  blanc 

Qui  nés  estoit  de  la  Surie; 

Nule  Leste  qui  fust  en  vie 

N'estoit  plus  bêle  à  esgarder. 

Il  se  perd  encore  dans  les  descriptions  des  différentes  ar- 
mes que  portaient  les  partisans  du  Christ  :  et  cependant  il 
avait  dit  : 

De  descrire  ne  sui  pas  dignes 

Les  armes  c'orent  ceste  gent: 

Tuit  estoient  d'or  et  d'argent. 

On  pourra  trouver  peu  convenable  que  la  sainte  Vierge 
soit  spectatrice  de  l'espèce  de  combat  qui  se  prépare  ;  ce- 

(i)  Voyez  l'article  sur  Raoul  de  Houdan.  Les  mets  qu'on  lui  servit  en 
enl'er  furent  du  moine-noir ,  etc.  Comment  se  trouvent-ils  être  les  mêmet 
en  paradis  ?  Il  est  vrai  que  nous  sommes  ici  à  la  table  de  J'Antechrist. 

I  iiiîs 


Xlll  SIECLE. 


80  i  HUON  DE  MÉRI. 

pendant  notre  poète  l'introduit  sur  la  scène.  Elle  y  paraît 
avec  une  robe  aussi  éclatante  que  le  soleil,  les  pieds  posés 

sur  la  lune. 

Et  sa  main  tient  en  liii  de  septre 
La  verge  Aaron  bien  flourie; 
Moult  avoit  liele  ci)nipai<^nie 
Devirges,  d'angles  enpenés,  etc. 

Après  quelques  centaines  de  vers  dans  lesquels  le  poète 
décrit  minutieusement  les  Vertus  qui  etitourent  Jésus-Christ, 
et  les  armes  qu'elles  portent,  le  combat  commence  enfin. 
Chaque  Vertu  combat  a  outrance  le  Vice  qui  lui  est  contraire: 
la  Prouesse  la  Coardise,  la  l'einpcrance  la  Gourmandise, 
Largesse  Vilenie,  Courtoisie  Mensonge,  Fir^inite'  Fornica- 
tion, etc.,  etc.  On  devine  d'avance  quelle  fut  l'issue  du  com- 
bat :  les  Vertus  triomphèrent. 

On  ne  devrait  pas  s  attendre  à  trouver  dans  un  poème  de 
ce  genre,  des  peintures  prescjue  aiiacréontiques;  et  cepen- 
dant en  voici  une.  L'auteur  décrit  Vénus  et  l'Amour  qui  font 
succomber  la  virginité. 

Elle  (  la  Virginité  )  fut  prise  et  retenue 

Par  Cupido  sans  reteniif  ; 

Li  a  lanclié  maint  dart  félon 

Maintes  fois  fu  près  du  talon 

A  ma  dame  Virginité, 

Venus  li  a  main  cop  douné; 

La  mère  Fornicalion 

Qui  tint  l'arc  de  temptacion 

C'Amours  encorda  d  une  corde 

Qui  corde  ert  par  grant  descordé 

Od  des  treces  as  damoiseles; 

Venus  qui  virges  et  puceles 

Asauttendi  sans  atendue 

D'arc  amoureux  a  destendue 

Une  saete  barbelée 

Qui  estoit  d'amours  empenée; 

Si  vola  liaut  en  l'air  orrement: 

Virginités  qui  vait  fuiant 

Eust  par  un  le  cors  navrée; 

Mais  la  dame  s'est  destornée, 

Espoentée  et  esbahie, 

Et  se  mist  en  une  abéie 

Pour  son  pucelage  garder. 

Mais  voici  un  aveu  bien  singulier  que  fait  notre  poète 
moine.  La  flèche  que  Vénus  lançait  à  la  virginité,  s'est  dé- 
tournée et  est  venue  le  frapper  au  cœur. 


HUON  DE  MÉRI.  8o5 

T^.  ♦  j     •»                 -      1         1  '                                                          XIH  SIÈCLE, 
lout  droit  vers  moi  a  la  volée  

Et  parmi  les  ex  '  m'est  volée  ,  yeut. 

Dedans  le  cuer  dus  c'al  *  penons.  >  Jusqu'aax 

T  1  I  ri  />  plames    (  de    la 

Le  combat  dure  encore  fort  long-temps.  Mais  enfin  Dieu  flèche). 
fait  voir  sa  toute-puissance. 

Lors  veissiez  Vertus  accoure 

Pour  prendre  Antéchrist  tout  entour, 

Et  il  plus  fiers  que  une  tour 

Ere  si  es  archons  affichiés 

Com  s'il  y  fust  nés  et  fichiés. 

Mais  trop  a  soufTert  longuement; 

Ja  fust  li  rois  du  firmament 

Venus  à  saint  Michiel  aidier; 

Mais  ja  avoit  fait  fianchier 

Michiel  à  Antecrist  prison. 

Nous  avons  déjà  vu,  au  commencement  de  cet  article,  que 
Huon  de  Méri  semblait  se  défier  de  son  talent;  nous  trou- 
vons une  preuve  bien  plus  frappante  de  sa  modestie  dans 
une  courte  tirade  de  son  poëme,  que  nous  citerons  d'autant 
plus  volontiers  qu'il  ne  craint  point  de  placer  bien  au-dessus 
de  lui  deux  autres  poètes,  Chrétien  de  Troie  et  Raoul  de 
Houdan. 

,  1        »  Fragmant  cité 

Y  m'aid  Diex,  Huon  de  Mery,  aussi  parDaVei^ 

Qui  a  grant  peine  a  fait  ce  livre  :  dierà l'article  de 

Il  n'ausa  pas  prendre  à  délivre  Huon  de  Merj. 

Li  bel  François  à  son  talent;  Biblioth.  Fr.t. 

Car  cil  qui  trouvèrent  avant  'V,  p.  274,  a4"- 

Prindrent  avant  tout  à  l'eslite. 
Pour  ce  c'est  œuvre  meins  eslite 
£t  fu  plus  fort  à  achever. 

Moult  mis  grant  peine  à  eschiter"  .E3qai»er,<ti- 

Les  dis  Raoul  et  Christian.  •*''■ 

Onque  bouche  de  Christian 
Ne  dit  si  bien  corne  ils  disoient; 
Mes  quant  qu'ils  dirent  prenoient 
Li  bel  François  trestot  à  plein , 
Si  com  il  leur  venoit  à  main; 

Si  qu'après  eux  n'ont  rien  guerpi'.  1  N'ont    rien 

Si  j'ai  trouvé  aucun  espi  laissé  après  eai. 

Après  la  main  as  metiviers 
Je  l'ai  glané  moult  volontiers. 

Ce  poëme  de  tournoiement  de  l'Antéchrist,  dans  lequel 
t'auchet  ne  trouvait  pas  de  grands  traits  de  poésie  (ce  sont 
Ses  expressions) ,  a  cependant  eu  nombre  de  lecteurs ,  puis-> 

5  <, 


XIH  SIFCLE. 


806  GUIOT  DE  PROVINS 

qu'il  y  a  peu  de  grandes  bibliothèques  qui  ne  le  possèdent 
en  manuscrit.  On  le  voit  orne  de  miniatures,  dans  la  Biblio- 
thèque (lu  roi  de  Sardaigne  (n°G,  i,  i());  dans  la  Bibliothè- 
<|ue  du  Vatican  parmi  les  manuscrits  de  la  reine  de  Suède 
(  n"  1 3()  i  ) ,  etc.  La  Bibliothèque  royale  à  Paris  a  le  manuscrit 
qui  appartenait  à  Fauchet  {11°  'jGi5),  où  il  est  mêlé  à  une 
toule  (ie  contes  orduricrs;  mais  le  manuscrit  218  en  offre  un 
texte  très  exact  et  bien  écrit.  Nombre  d'auteurs,  Pasquier, 
Ducange ,  Fauchet ,  de  Paulmi ,  etc. ,  ont  cite  l'auteur  et  l'ou- 
vrage; mais  Le  Grand-d'Aussi  n'a  pas  jugé  à  propos  de  l'ad- 
mettre dans  son  recueil. 

Nous  concevons  que,  dans  ie  siècle  où  nous  vivons,  on 
doive  éprouver  un  véritable  dégoût,  du  mépris  même  pour 
des  poètes  qui  ont  employé  leurs  veilles  sur  des  sujets  où 
l'absurde  le  dispute  au  ridicule,  qui  nous  représentent  Dieu 
comme  un  seigneur  de  fief  qui  n'a  guère  plus  de  puissance 
et  de  bon  sens  que  les  autres  seigneurs  de  leur  temps.  Mais 
le  spiritualisme,  base  de  la  religion  chrétienne,  n'était  point 
encore  compris.  Cette  religion  avait  succédé  à  celle  qu'y 
avaient  apportée  les  Romains,  à  celle  où  les  dieux  avaient 
les  mêmes  goûts,  les  mêmes  passions  que  les  hommes,  et 
tombaient  dans  les  mêmes  erreurs.  Quelques  siècles  ne  suf- 
fisent pas  toujours  pour  arracher  de  la  tête  de  tout  un  peu- 
ple des  opinions,  des  préjugés  qui  y  sont  fortement  enra- 
cinés. A.  D. 


GUIOT  DE  PROVINS 

ET 

Hl  GUES  DE  BERSIL  00  de  BERZE. 

Il  nous  reste  de  ces  deux  poètes  deux  satires  en  vers,  qui 
portent  lune  et  l'autre  le  titre  de  Bible.  Ce  titre  assez  sin- 
gulier, peut-être  nos  poètes  ne  le  choisirent-ils  que  par 
l'impossibilité  où  ils  se  trouvaient  de  désigner  leurs  produc- 
tions par  le  mot  de  satires,  qui  n'était  point  encore  passé 
du  latin  dans  leur  langue;  bien  qu'à  cette  époque  rien  ne 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  807 

f,  ,  ,   .  .    .  XIII  SIKCI.K. 

lut  moins  rare  que  les  poésies  satiriques,  comme  nous  au-   

rons  à  le  prouver  par  des  exemples  quand  il  faudra  nous 
occuper  de  Rutebeiif  et  d'un  grand  noml)re  d'autres  poètes 
du  même  temps.  Peut-être  aussi  Guiot  de  Provins,  qui  Kt 
paraître  le  premier  sa  Bible,  ce  que  nous  démontrerons 
bientôt,  void;iit-il  seulement  indi(|uer  par  ce  nom  que  son 
livre  ne  contenait  que  des  vérités  En  effet,  il  déclare,  dès 
en  commençant,  que  sa  bible  n'est  en  rien  losengicr-e  (  men- 
songère ),  m»\s>  fine ,  vraie  et  droiturière.  Hugues  de  Bersil, 
3ui  n'écrivit  qu'après,  témoin  du  succès  qu'avait  eu  la  Bible 
e  Guiot,  crut  devoir  sans  doute  donner  le  même  titre  à 
son  ouvraçe,  qui  lui  paraissait  à  peu  près  du  même  genre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  titre,  devenu  commun  à  deux  pro- 
ductions  différentes,  a  donné  lieu  à  beaucoup  d'erreurs. 
Bien  des  savants  et,  entre  autres,  Etienne  Pasquier  et  l'abbé 
Massieu,  n'ont  fait  des  deux  auteurs  qu'un  seul,  auquel  ils 
ont  attribué  la  composition  des  deux  poèmes.  Il  ne  leur  i,  \\."Jè  Ijh 
fallait   pour  cela  que  transformer  le  nom  de  Hugues  en  de  r^Mis.  le;"?. 
celui  de  Cuyot,  métamorphose  qu'ils  trouvaient  toute  natu-  ^  '"' 
relie,  et  que  nous  ne  saurions  approuver;  car  les  deux  mots 
n'ont  pas  la  même  étymologie.  Le  comte  de  Caylus,  dans 
un   mémoire    dont  on  trouve  un  extrait  dans  le  recueil  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  n'a  pas  eu  de 
peine  à  réfuter  une  telle  opinion.  Aux  arguments  qu'il  em- 

'  1     •  .        •       I  •  •        .  11  Mémoires    de 

ploie  pour  soutenir  la  sienne,  nous  en  ajouterons  d  autres  lAcad.  roj.  des 
que  nous  a  suggérés  une  lecture  attentive  des  deux  Bibles,  iiscripi.  1.  xxf. 
Mais  nos  lecteurs  peuvent  dès  à  présent  regarder  comme  cer- 
tain que  nous  les  devons,  l'une  et  l'autre,  à  deux  auteurs 
différents. 

Les  poètes  provençaux  ont  eu  des  biographes;  l'histoire 
s'est  souvent  occupée  d'eux  :   c'est    que  la  plupart  furent 
nobles,  riches,   puissants,    et  qu'ils  remplirent  plus  d'une 
fois  des  rôles  importants   dans    les    affaires    politiques.    Il 
n'en  est  pas  de  même  des  poètes  français,  qui  furent  cepen- 
dant très-nombreux,  plus  féconds,  et  dont  les  productions 
variées,  intéressantes,  substantielles  enfin,  auraient  dû  procu- 
rer à  leurs  auteurs  plus  d'estime  et  de  considération.  Leurs 
actions,  l'époque  même  où  ils  ont  vécu,  sont  ignorées,  omnes 
ignoti  urgentur  longâ  nocte.  A  force  de  patience,  de  soins,      Faudiei    u. 
le  président  F'auchet  parvint  à  recueillir  les  noms  et  à  indi-  la  langue  et  poé- 
quer  quelques  ouvrages  d'un  assez  grand    nombre  de  ces  ^''^  française,!. 
poètes;  mais,  si  l'on  en  excepte  quelques-uns,  qui,  par  ha- 


Xni  SIÈCLE. 


808  GUIOT  DE  PROVINS 

sard ,  se  sont  trouves  pinces  dans  des  circonstances  mémo- 
rables, ou  ont  exercé  des  fonctions  éminentes,  il  n'a  pu  rien 
découvrir  de  leur  vie.  Ce  n'est  donc  (jue  dans  leurs  ouvrages 
que  l'on  rencontre  quelquefois  des  notions  sur  leurs  personnes 
ou  leurs  professions. 

Aussi  ne  chercherons-nous  point  ailleurs  que  dans  les 
Bibles  de  Guiot  et  de  Hugues,  ce  qu'ont  été  ces  deux  poètes. 
Occuj)ons-nous  donc  d'abord  de  celle  qui  nous  parait  la  plus 
ancienne  en  date. 

I.    DE    LA    BIBLE    DE    GOIOT    DE    PROVINS. 

Le  poëme  qui  porte  ce  titre  ne  contient  pas  moins  de  2691 

vers.  On  le  possède  manuscrit  dans  plusieurs  l)ibliothèques, 

Ms.de  Notre-  et  dsux  fois  au  moiiis  dans  la  Bibliothèque  du  roi.  Il  a  paru 

Dam«,a6,et  n.  jj^prinié  cu  entier  dans  la  nouvelle  édition  des. fabliaux  et 

1707   du   Catal.  •  i   i  ■  '  r>       1 

dé  lavallière,      contes  publies  par  Jîarbazan. 

C'est  une  longue  et  véhémente  satire  dans  laquelle  le  poète 

Contes  et  fa-  attaque  vivement,  non  pas  tous  les  états  et  toutes  les  condi- 

biiaux,  édit.  de  lions  de  la  société,  comme  le  dit  l'abbé  !\lassieu,  et  comme 

Meon,  t.  Il,  p.  i'(,„t  répété  tant  d'autres  après  lui,  mais  quelques  princes,  le 

"''  pape  et  le  haut  clergé,  beaucoup  d'ordres  religieux,  et,  enfin, 

les  devins  et  les  médecins, 

11  n'a  placé  son  nom  dans  aucun  de  ses  vers;  mais 
on  le  lit  à  la  tête  de  tous  les  manuscrits  de  son  poëme.  Le 
Grand  d'Aussy  prétend  que  Guyot  de  Provins  fut  d'abord 
Notices  des  ménétrier;  mais  d  ne  le  prouve  par  aucune  autorité.  Il  est 
vrai  qu'on  peut  conjecturer  qu'il  exerçait  en  effet  ce  métier, 
d'après  ce  qu'il  dît  dans  sa  Bible,  des  présents  magnifiques 
qu'il  reçut  de  tous  les  princes  qui  assistaient,  à  Alayence, 
à  la  cérémonie  du  couronnement,  comme  roi  des  Romains, 
de  Henri ,  fils  aîné  de  Frédéric  Barberousse.  Ceci  nous  ser- 
vira du  moins  à  fixer  une  date.  Le  couronnement  se  fît  en 
1181.  Notre  poète  florissait  donc  dans  les  dernières  vingt 
armées  du  XII''  siècle.  D'autres  passages  de  son  poëme,  que 
nous  ferons  remarquer,  semblent  prouver  qu'il  ne  l'écrivit 
que  dans  les  pi  emièrcs  années  du  XIIF. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  fut  moine  à  Clairvau^ 
pendant  quatre  mois  seulement;  lui-même  le  dit  : 

Quatre  mois  fiii-je  à  Clerraux, 
Ce  ne  fu  mie  trop  granz  iiiax  ; 
Je  nien  parti  molt  iranchement , 


manuscrits  de  la 
Bibl.  du  roi,  t. 
V,  p.  279. 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  809 


XIII  SœCLE. 


Travail  i  oi  et  paine  grant , 

I  lessai  trop  et  grande  envie 

E  grant  dùrté  et  félonie,  BibledeGoiot, 

Ypocrisie  et  murmuire.  t.  i3oa-iao8. 

Il  est  à  présumer  qu'en  quittant  Clairvaux,  il  se  rendit  à 
Cluny,  où  il  prit,  sérieusement  cette  fois,  l'habit  de  moine; 
car  il  dit  lui-même  qu'à  l'époque  où  il  écrit,  il  y  a  douze  ans 
passés  qu'il  est  dans  les  noirs  draps. 

Sor  moi  chierra  trestot  li  gas, 
Por  ce  que  je  port  les  nûirs  dras; 

II  a  plus  de  doze  ans  passez 
Qu'en  noirs  dras  fui  envelopez. 

On  a  cru ,  sur  un  passage  de  son  poëme ,  qu'avant  de  se  faire 
moine ,  il  avait  été  de  quelque  croisade;  que  même  il  s'était 
trouvé  à  Jérusalem.  Il  semble  dire,  il  est  vrai,  qu'il  a  vu  dans 
cette  ville  des  chevaliers  de  grand  prix  et  de  grand  sens  (i). 
Mais  n'emploie-t-il  point  là  une  espèce  de  forme  oratoire, 
pour  amener  la  satire  qu'il  veut  faire  de  tous  ces  guerriers 
d'outre-mer?  Nous  aurions  peine  à  reconnaître  un  crowedans 
un  poète  qui,  peu  avant  de  parler  de  croisades,  se  vante  de 
sa  poltronnerie,  qui  assure  que,  s'il  était  de  l'ordre  des  Tem- 
pliers, il  se  garderait  bien  de  combattre  avec  eux. 

S'en  lor  ordre  rendus  estoie ,  «  «      . 

lant  sai-je  bien  que  je  tuiroie; 

Je  n'i  attendroie  les  coux, 

De  ce  ne  suis-je  mie  foux. 

Trop  se  combatent  fièrement, 

Jà  por  pris ,  ne  por  harderaent 

Ne  serai ,  se  Dex  plest,  oeis  : 

Miex  vucil  estre  courz  et  vis, 

Que  mors  li  plus  prisiez  du  mont. 

Et  plus  loin  : 

Et  lor  vie  et  lor  contenance 
Aim-je  molt  et  lor  accroissance. 
Et  lor  hardement  lor  octroi  ; 
Mes  il  se  combatront  sanz  moi. 

(  I  )  Voici  ce  passage  : 

Molt  revi  les  Hospitaliers 
Oullr*  mer  orgoeilloui  et  fen; 
Molt  les  vi  ea  ihernsalem 
Et  dt  graat  pris  et  de  grant  i«a. 

V.  179s  at  suiT. 

Tome  XV m .  Kkkkk 

5  k  « 


auiT. 


Xtll  SIECLE. 


Ibid.  T.  1-17. 


V.  i8-i;>. 


■Tels. 


Ibid.    V 

suiv. 


73  et 


810  GUIOr  DE  PROVINS 

Voilà  tout  ce  que  dans  le  poëme  de  Guyot  de  Provins  nous 
avons  pu  recueillir  de  relatiià  sa  personne  et  à  sa  vie.  Exami- 
nons maintenant  son  ouvrage. 

Son  début  est  vif,  animé  :  le  poète  y  expose  clairement  son 
projet. 

Dou  siècle  puant  et  orrible 
M'estiiet  comniencier  une  Bible 
Por  poindre  et  pour  aguilloner 

Et  por  grant  essaniple  doner 

Ce  que  je  vueil  contet"  et  dire 
Est  sanz  félonie  et  sans  ire, 
Voldrai  le  siècle  molt  reprendre 
Et  assaillir  et  reson  rendre. 
Et  diz  et  essamples  mostrer 
Où  tuit  cil  se  porront  mirer 
Qui  entendue  et  créance  ont. 

il  commence  ensuite  la  revue  qu'il  se  propose  de  faire  de 
tous  les  ordres  qui  sont  et  qui  pourront  se  mirer  àdins  ses  hiaux 
diz  (ce  sont  ses  expressions) ,  par  les  philosophes  anciens,  ce 
qui  n'était  pas  trop  dans  son  sujet;  et,  par  une  singulière 
méprise,  il  place  dans  sa  liste  de  philosophes,  des  poètes  et 
d'autres  personnages  qui  seraient  fort  surpris  de  se  trouver 
dans  cette  catégorie. 

Tiex'  en  fu  lor  généraux  nons  : 
Therades  en  f u  et  Platons , 
.  Et  Seneques  et  Aristotes, 
Virgile  sen  refu  et  Othes, 
Cleo  li  viels  et  Socratès 
Et  Lucans  et  Diogenès , 
Precieus  et  Aristipus 
En  furent  et  Cleobulus  ; 
S'en  furent  Ovides  et  Estaces 
Et  Tulles  li  Granz  et  Oraces, 
Et  Cligers  et  Pitagoras ,  etc. 


Ibid.  V. 
suiv. 


95  et 


Li  philosophe  tel  estoient 
Que  a  nul  rien  n'entendoient 
Fors  qu'à  bien  dire  et  à  reprendre 
Les  malvès  vices  :  qui  entendre 
Voldroit  et  lor  moz  et  lor  diz , 
Il  ne  seroil  jà  desconfiz, 
S'il  les  avoit  en  remembrance; 
Mes  tôt  est  torneiz  à  enfance, 
Les  siècles  est  anoiantiz. 


Des  philosophes,  dont  il  fait,  comme  on  voit,  une  espèce 


ET  HUGUES  DE  BERSIL. 


8ii 


d'éloge,  il  passe  aux  princes,  aux  grands-,  et  ceux-ci,  il  les 
attaque  violemment.  Mais  que  leur  reproche-t-il  en  réalité? 
Qu'ils  ne  sont  pas  généreux  ,  qu'ils  ne  donnent  point  de  bril- 
lantes fêtes.  Et,  pour  cela,  il  est  tenté  de  croire  qu'ils  ne  sont 
pas  les  vrais  descendants  de  leurs  aïeux.  Il  ne  voudrait  pour- 
tant pas  dire  quf  lies  furent  déloyales  les  forges  où  ils  furent 
forgés;  mais,  dit-il, 


Je  ne  me  fierai  jamais 

En  nule  forgo  n'en  nule  hueTre 

Puisque  malvès  ovrier  i  huevre. 

Je  ne  voldroie  estre  blâmez 
Des  dames,  sauves  lor  ennors 
Tout  di,  mes  des  engéreors 
Me  pleing,  ce  ne  pui-je  lessier, 
Que  trop  furent  nialvés  ovrier. 

Il  regrette  amèrement  les  magnifiques  palais  où  les  seigneurs 
tenaient  leurs  cours.  Tout  lui  paraît  mesquin  et  ridicule  dans 
les  fêtes  que  l'on  donne  de  son  temps. 

Bien  sont  perdu  li  biau  repaire 
Li  grant  paies ,  dont  je  sospir, 
Qui  furent  fait  por  Cors  tenir. 
Les  Cors  tinrent  li  ancessor, 
Et  as  festes  firent  honor 
De  biau  despendre  et  de  doner. 
Et  des  chevaliers  anorer. 


Mes  li  roi ,  li  duc  et  li  conte 

As  hautes  festes  font  grant  bonté  : 

Il  n'aiment  pas  paies  ne  sales, 

Mes  en  maisons  ordes  et  sales 

Se  reponent,  et  en  boschages; 

Les  cors'  sont  povres  et  ombrages*. 


Xin  SIECLK. 


Ibid.v.  i3ii. 


Ibid.  V.  iSi. 


Ibid.  V.  149. 


'  Les  court. 
'Obscures  (m  n> 

C'est  alors  qu'il  met  en  opposition  et  exalte  avec  emphase  **'"'•) 
la  magnificence  des  fêtes  dont  il  fut  témoin  au  couronnement 
du  fils  de  l'empereur  Frédéric,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut.  Il  fait  une  longue  énumération  de  tous  les  rois,  princes, 
ducs  et  comtes  qu'il  vit  rassemblés  à  ces  fêtes  ;  et  cette  énu- 
mération pourrait  n'être  pas  à  dédaigner  par  les  historiens. 
Il  joint  les  épithètes  les  plus  flatteuses  aux  noms  de  ces 
cent  grands  personnages  et  plus,  qu'il  met  en  scène;  per- 
sonnages que,  depuis,  la  postérité  n*a  pas  toujours  jugés 
aussi  favorablement.  Mais  ce  qui  ôte  beaucoup  de  prix  aux 

Kkkkka 


XIII  SlF.CLi:. 


Ibid.  V.  4()s. 


V.  5ii. 


812  GUIOT  DE  PROVINS 

éloges  qu'il  en  fait,  c'est  qu'ils  furent  tous,  d'après  son  aveu, 
ses  bienfaiteurs. 

Jà  ne  vos  ai  baron  nommé 

Qui  ne  m'oit  véu  oii  doné; 

Que  ce  furent  li  plus  eslit  {/es  plus  éminents)  : 

Por  ce  sont  en  mon  livre  escrit. 

Aussi  ce  qui  le  chagrine  le  plus,  et  allume  sa  bile,  c'est 
que  li  riche 

Sont  ore  ou  siècle  li  plus  chiche. 

On  voit  que  Guyot  avait  conservé  dans  son  cloître  toute 
l'avidité  et  la  bassesse  des  sentiments  de  sa  profession  de 
ménétrier,  si  toutefois  on  doit  admettre  que  telle  fut  sa 
première  profession. 

Le  morceau  le  plus  piquant,  sans  doute,  de  la  Bible  de 
Guyot,  est  celui  dans  lequel  il  fait  la  censure  de  Rome  et  de 
tout  le  haut  clergé.  Il  n'épargne  pas  même  le  pape;  et, 
peut-être,  que  de  nos  jours  on  n'oserait  écrire  aussi  libre- 
ment en  cette  matière  que  l'a  fait  un  moine  obscur  du  XIIT 
siècle. 

Il  voudrait  que  le  pape  fût  comme  l'étoile  polaire,  autour 
de  laquelle  tournent  toutes  les  autres;  mais  il  n'en  est  pas 
ainsi,  dit-il  : 

Molt  est  l'estoile  et  bêle  et  clere  ; 
Tiex  devroit  estre  nostre  père. 
Clers  devroit-il  estre  et  estables  , 
Que  jà  pooir  n'eust  dëables 
En  lui,  n'en  ses  commanilemenz. 
Quant  li  pere  ocist  ses  enfanz. 
Grand  pechié  fet.  Ha!  Rome!  Rome, 
Tlml.   V.   656  Encor  ociras-tu  maint  home, 

^*  *""'•  Vos  nos  ociez  chascun  jour; 

Grestientez  a  pris  son  tour. 

C'est  dans  ce  morceau  sur  le  pape  que  se  trouvent  les  vers 
si  souvent  cités,  qui  prouvent  que  dès  le  XII*  siècle,  on  fai- 
sait usage  de  la  boussole.  Si  ces  vers  ne  venaient  nous  détrom- 
per invinciblement ,  nous  continuerions,  nous  modernes,  de 
regarder  comme  bien  plus  récente  une  découverte  à  laquelle 
on  doit  le  perfectionnement  de  la  navigation  et  la  connaissance 
du  Nouveau-Monde.  Ces  vers  qui  sont  d'une  grande  impor- 
tance pour  l'histoire  des  inventions,  nous  n'hésiterions  pas  à 


XHISIKCl-E. 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  8i3 

les  transcrire,  si  nous  ne  les  avions  déjà  cités  dans  notre  Dis- 
cours préliminaire ,  tome  XVI.  Nous  y  renvoyons  le  lecteur. 

Nous  observerons  seulement  qu'il  n'est  plus  permis  d'at' 
tribuer  l'importation  de  la  boussole  en  Europe  au  Vénitien 
Marco-Paolo,  qui  ne  voyageait  qu'au  XIIP  siècle,  ni  son  in- 
vention au  Napolitain  Gioia,  qui  ne  naquit  qu'en  i3oo.Sans 
doute,  cette  machine,  telle  que  la  décrit  le  poète  Guiot,  était 
de  son  temps  bien  grossière  et  imparfaite  ;  elle  ne  pouvait 
même  être  employée  que  très-rarement;  car  il  fallait  que  la 
mer  fût  bien  calme,  le  bâtiment  bien  tranquille  pour  qu'une 
aiguille,  soutenue  sur  l'eau  d'un  vase  par  un  brin  de  paille, 
ne  fiît  pas  détournée  de  sa  direction  naturelle  vers  le  pôle. 
Ce  n'était  donc  qu'une  invention  naissante.  Mais  le  plus  grand 
pas  était  fait  :  il  n'était  plus  dès  lors  très-difficile  de  trouver 
un  moyen  de  suspendre  l'aiguille  aimantée  sur  un  pivot  solide, 
et  de  la  renfermer  dans  une  boîte  :  et  c'est  là  tout  au  plus  la 
part  que  peuvent  s'attribuer  dans  cette  grande  découverte, 
les  Italiens  qui  répètent  sans  cesse  que  la  ho\xsso\e  {bossola , 
boîte)  porte  un  nom  qui  a  été  de  leur  langue,  et  qu'elle  leur 
doit  conséquemment  son  origine. 

Après  le  pape,  Guiot  de  Provins  fait  comparaître  devant 
son  tribunal,  les  cardinaux,  les  légats,  les  archevêques,  les 
évêques,  et  il  les  admoneste  sévèrement. 

Tout  est  perdu  et  confundu 

Qant  li  cliardonal  {les  cardinaux)  sont  Tenu; 

Qui  viennent  ça  tuit  alunié 

Et  de  convoitise  embrasé. 

Ça  viennent  plein  de  symonie, 

Et  comble  de  malveise  vie  ; 

Ca  viennent  sanz  nule  reson, 

Sanz  toi  et  sanz  religion 

Rome  nos  suce  et  nos  englot,  V.  CCS. 

Rome  destruit  et  ocist  tôt. 

Rome  est  la  doiz  de  la  malice 

Dont  sordent  tuit  li  malvès  vice; 

C'est  un  viviers  pleins  de  vermine  : 

Contre  l'Escripture  divine 

Et  contre  Deu  sont  tuit  lor  fet. 


Il  serait  fastidieux  peut-être  pournos  lecteurs  de  suivre  le 
poète  dans  ses  continuelles  déclamations  contre  tout  le  haut 
clergé.  Mais  on  ne  sera  peut-être  pas  fâché  de  savoir  com- 
ment il  attaque  les  abbés,  les  moines  et  les  nonnes. 

Aux  premiers,  il  reproche  d'avoir  délaissé  trois  pucelles 


V.770  elsniT, 


XIII  SIECLE. 


8t4  GUIOT  DE  PROVINS 


nettes  et  belles,  qu'ils  avaient  épousées  à  leur  entrée  dans 
les  ordres;  et  ces  pucelles  sont  :  la  charité,  la  vérité,  la 
droiture. 

En  lieu  de  ces  trois  nos  ont  mises 

Trois  vielles  ordes  et  assises; 

Molt  sont  et  laides  et  cruax 

Ces  trois  vielles  et  desloiax. 

Des  trois  vielles  sai  bien  les  nons  : 

La  première  a  non  'Fraisons 

Et  la  seconde  Ypocrisie , 
V.    1144     cl  Et  la  tierce  a  non  Symonie. 


tUIV. 


SUIT. 


V. 

SIIJT. 


Nous  ne  devons  pas  omettre  qu'en  parlant  des  religieux  de 
l'ordre  de  Grand-Mont,  il  leur  reproche,  entre  autres  vices, 
une  coquetterie  assez  singulière  :  c'est  d'avoir  un  soin  tout 
particulier  de  leur  barbe. 

La  nuit  quand  ils  doivent  couchier, 
Se  t'ont  bien  laver  et  pingnier 
.''•    '•'4-*    *■'  Les  barbes  et  envoleper, 

Et  en  trois  parties  bender, 
Por  estre  bêles  et  luisanz. 

Des  moines  des  divers  ordres  qu'il  passe  en  revue  dans 
plusieurs  centaines  de  vers,  ce  sont  les  templiers  qu'il  traite 
avec  le  plus  de  modération.  Il  ne  les  reprend  guère  que  sur 
leur  orgueil  et  leur  avarice. 

Convoitous  sont,  ce  dient  tuit. 

Et  d  orgueil  r'ont-il  molt  grant  bruit  : 

^-  C'est  tous  li  maux  que  g'en  puis  dire, 

'  Lor  afaires  de  plus  n'empire. 


Quant  aux  nonnes,  il  ne  sait  trop  s'il  doit  en  parler  jet  voici 
ses  raisons  : 

Des  converses  et  des  noneins 

Ne  cuit-je  pas  estre  certeins 

Que  j'en  saiche  dire  vertex  : 

Li  plus  sage  en  sont  esgaré 

De  famé  jugier  et  reprendre; 

Por  ce  dout-ge  moût  à  emprendre 
V.  «096.  De  ,lj,.e  l^Jr  vie  et  lor  estre 

Famé  est  lou  jor  de  faut  talens, 

Plus  est  legiere  que  n'est  vens  : 

Molt  mue  souvent  son  coraige, 

Tost  a  decéu  le  plus  saige  : 
'  Le  vieux.  Car  Irtu  vie  '  fait-elle  suer, 

'Lejeuiir  £t  lou  jone'  sens  froit  tiambler, 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  SiS 

Et  lou  cowart  fait-elle  herdi  : 
Il  est  ensi  coin  je  vos  dis.  V 

iui\. 


XIII  srKCLï. 


'/1  32 


Au  reste,  quoiqu'il   dise  en  commençant  le  chapitre  des 
lionnes  : 

Qui  fist  nonain,  qui  fist  converse, 

Molt  fist  ordre  fiere  et  enverse,  ^'-  '^'54. 

il  paraît  qu'il  savait  assez  peu  de  choses  sur  cet  ordre;  car 
il  seborneà  reprocher  aux  nonnes  de  ne  pas  maintenir  la  pro- 
preté dans  leurs  couvents  ,  et  d'imiter  en  cela  les  pigeons. 


Les    coloni  - 
V.  ai66. 


Une  costume  sanz  raison  tes. 

Ont  les  nonains  et  H  colon': 
Ne  tienent  pas  lor  maison  nete. 

Après  les  devins,  dont  il  blâme  l'hypocrisie  et  l'imposture, 
le  poète  s'occupe  des  gens  de  loi,  qu'il  appelle  des  légitres , 

Qui  devienent  fax  plaidëor  \     240 "> 

El  de  bone  huevre  trichéor. 

Les  reproches  qu'il  leur  adresse  sont  ceux  qu'on  leur 
a  faits  de  tout  temps,  sur  leur  cupidité,  leur  mauvaise 
foi,  etc. 

Il  termine  sa  Bible  par  une  diatribe  violente  contre  les  fist- 
ciens  (  médecins  ). 

Maint  oinguement  font  et  maint  baing 

Où  il  n'a  ne  sanz  ne  raison. 

Cil  eschape  d'orde  prison 

Qui  de  lor  mains  puet  eschaper. 

Qui  bien  set  mentir  et  guiler, 

Et  faire  noble  contenance. 

Tout  ont  trové,  fors  la  créance 

Que  les  genz  ont  lor  fet  à  bien. 

Tiez  mil  se  font  fisicien 

Qui  n'en  sevent  voir  ne  que  gié  ; 

Li  plus  mestre  sont  molt  changié 

De  grand  envie,  n'il  n'est  mestiers 

Dont  il  soit  tant  de  mençongiers. 


A-    .. 


En  voilà  bien  assez  pour  que  l'on  puisse  juger  du  mérite 
et  des  défauts  de  cette  grande  production  poétique,  remar- 
quable sous  plus  d'un  rapport  :  et  parce  qu'elle  nous  offre 
quelques  traits  de  la  physionomie  générale  de  la  société  au 
XIII*  siècle,  et  parce  qu'elle  prouve  jusqu'où  avaient  été  por- 
tés dès  lors  les  désordres  du  clergé.  On  ne  verra  pas  non  plus 


XIII  SIECLE. 


8i6  GUIOT  DE  PROVINS 

sans  quelque  surprise,  avec  quelle  liberté  les  écrivains  com- 
battaient les  abus  de  tout  genre,et  surtout  les  éternelles  pré- 
tentions de  la  cour  de  Rome. 

Le  style  de  Guiot  de  Provins  est  vif,  original,  mais  âpre  et 
dur  :  on  s'aperçoit,  en  lisant  sot»  poème,  que  c'est  la  pro- 
duction d'un  moine  irrité  contre  le  monde  au  milieu  duquel 
il  ne  peut  plus  vivre.  Quel  contraste  il  présente  avec  le  style 
et  le  ton  de  l'auteur  dont  nous  allons  nous  occuper! 

II.    DE    LA    BIBLE    AU    SEIGNOR    DE    BERZE. 

Le  seigneur  de  Berze ,  ou  de  Bersil,  porte  de  plus  dans  les 

manuscrits  le  titre  de  cAr7.r/e/rtm;  ce  qui  seul  aurait  dii  le  faire 

distinguer  du  moine  Guiot  de  Provins  :  son  style  le  distingue 

encore  plus.  C'estsansdouteunesatirequ'ila  voulu  composer; 

mais  elle  n'a  rien  d'âpre,  d'austère;  elle  n'offre  aucune  trace 

de  mauvais  goût  ;  elle  n'a  rien  de  monacal  enfin.  En  la  lisant, 

on  croit  s'apercevoir  que  l'auteur  est  un  homme  du  monde. 

Bible  (le  Hii-  ^^  liommc  qui  vivait  clans  la  haute  société  de  son  siècle,  qui 

gu«s  de  Berz»,  n'a  peut-être  pas  l'habitude  d'écrire,  mais  qui  ne  manque 

"• '*^'  point  de  talent.  Lui-même  avoue  qu'il  se  met  en  essai  àe  bien 

dire  et  de  bien  trouver. 

Il  déclare  aussi  qu'avant  de  chercher  à  réprimander  les 
autres  dans  sa  Bible,  il  aurait  bien  mérité  qu'on  le  répri- 
mandât; qu'il  avait  fait  en  sa  vie 

Mainte  oiseuse ,  mainte  folie. 

Sa  conduite,  ses  déportements ,  quels  qu'ils  aient  été,  on  les 
ignore ,  à  moins,  toutefois ,  qu'on  ne  veuille  en  voir  au  moins 
Mi»  deiaB.bi.  quelques  traces  dans  plusieurs  chansons  qui  nous  restent  de 
Cd»-é  inVt  *  ^^''  ^^  que  possède  la  Bibliothèque  du  Roi.  Mais  ces  chansons 
ne  contiennent,  comme  la  plupart  des  pièces  de  ce  genre, 
que  des  plaintes  amoureuses.  Voici  comme  Fauchet  analyse, 
avec  sa  naïveté  ordinaire,  deux  chansons  qu'il  connaissait  de 
lui:  «  Il  (  Hugues  de  Berze)  y  dict  que  ,  quand  il  sera  mort, 
sa  dame  connoistra  quelle  perte  elle  aura  faite;  et  combien 
qu'il  n'accomplist  jamais  son  vouloir  d'elle,  il  est  délibéré 
mourir  sur  l'escu,  plustost  que  se  confesser  vaincu  :  encore 
qu'elle  lui  aye  deux  ou  trois  fois  mentis,  et  qu'il  se  doute  qu'elle 
aye autre  ami,  si  a-t-il  tant  chassé  qu'il  doive  bien  achever. 
Toutefois,  sa  destinée  est  qu'il  n'aura  jamais  bien  d'aimer, 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  817 

,.,  ,  •  ,  .  ,.    I       ^■"  SIECLE. 

uisqu  H  ne  peut  plus  voir  sa  datne ,  ne  trouver  occasion  d  al- 


P 

lerensonpais.  Encore  fera-t-il  une  chanson  perdue,  puisqu'à      Faudiet,  Des 

perdre  sont  tournés  tous  ses  chants.  Mais  possible  que  celle-  "■"■•«•ns    poèip» 
ci  aura  telle  vertu  qu'elle  lui  fera  droiture  des  autres.  »  f^'ançais,  1.  11 

Voilà,  sans  doute,  un  galant  trouvère.  Et  notre  surprise 
est  grande,  en  songeant  qu'on  a  pu  le  confondre  avec  le  har- 
gneux et  peu  délicat  auteur  de  la  satire  Guiot. 

Mais  il  est  temps  de  passer  à  l'examen  de  sa  Bible,  qui, 
d'ailleurs,  nous  apprendra  quelques  autres  particularités  sur 
sa  personne. 

Elle  ne  contient  que  838  vers,  se  trouve  dans  le  manu- 
scrit de  la  Bibliothèque  du  roi  ,  n°  yaiS,  et  a  été  impri-     Mss.delaBibi. 
mée  à  la  suite  de  l'autre  Bible,  dans  la  nouvelle  édition  des  i",'^'',V!î: '*'^' 

/.  1  |.  '  ilela  Valliere. — 

laDliaUX.  Barbazan.Nouv. 

Tout  l'ouvrage  est  un  vrai  sermon.  L'auteur ,  qui  avait  am-  ^'^''  P^""  Méoo, 
plement  usé,  peut-être  abusé,  de  son  heureuse  jjosition  dans  ''  ^''  ''"  '*^' 
le  monde,  se  repent  très-sincèrement,  à  ce  qu'il  semble,  et 
invite  les  autres  à  l'imiter,  à  faire  pénitence.  Il  débute  par 
de  graves  réflexions  sur  la  brièveté  delà  vie,  sur  l'incertitude 
du  moment  oii  il  faudra  en  sortir.  Il  raconte  aussitôt  après 
comment  le  péché  est  vertu  sur  la  terre  par  une  suite  de  la 
désobéissance  de  nos  premiers  parents  aux  ordres  de  Dieu. 
Leur  faute  fit  le  malheur  de  toute  leur  postérité.  C'est  ce  que 
le  poète  raconte  en  nombre  de  vers  d'une  extrême  naïveté,      Voyez  le  pis- 
que  nous  avons  cités  ailleurs.  Dieu,  voyant  le  siècle  perdu ,  des"iettre5"au 
comme  dit  le  poète,  songea  à  réparer  le  mal.  On  sait  quel  xm*  siècle,  1. 
fut  le  moyen  auquel,  dans  son  extrême  bonté,  il  lui  plut  de  ^^^  deiHistoi- 

•  •*  '  re  lilcéraire ,   p. 

recourir:  a, 5  '  ^ 

Li  convint  grand  paine  endurer 
Ainz  que  il  nous  venist  requerre: 
Qar  il  en  vint  du  ciel  en  terre 
En  ma  dame  sainte  Marie, 
Où  il  prist  char  et  sanc  et  vie 
Por  recoivre  la  mort  après. 

Et  quand  Dieu  eut  ainsi  retiré  les  hommes  de  l'abîme, 
voici  les  commandements  qu'il  leur  donna;  commandements 
qu'il  faut  répéter  ici ,  car  c'est  de  leur  inobservance  que  l'au- 
teur prend  Xg\Iq  pour  gourraander  ses  contemporains  : 

Quant  Dieu  nous  ot  d'enfer  rescous, 
S'ordena  trois  ordres  de  nous. 
La  première  fu ,  sanz  mentir, 

Tome  XV m.  Lllll 


V.  160. 


XIII  SIKCLF.. 


•■^V- 


818  GUIOT  DE  PROVINS 

De  prnvoire,  por  Diez  servir, 
Es  clinpelles  et  fs  tiioiistiers  : 
Et  r.iutre  fu  dos  chevaliers 
Por  justifier  les  rolieors  : 
L'autre  lu  des  labeorors. 

Dieu  commanda  aussi  la  cliasteté 

Aux  gens  lais  e'  aux  chevaliers, 

(t  leur  ordonna  de  n'avoir  que  des  enfants  leiritimes. 

iMais  tous  ces  coinni.indements  étaient  transgresses,  sui- 
vant notre  poète  ,  dans  le  siècle  où  il  vivait.  Par  exemple,  les 
chevaliers  qui  devaient 

Deffendre  de  cels  qui  roboient 

Les  nuTiiies  gens  et  les  garder, 

•   AviH«!i.  Sont  or  plusengrant'  de  ruber 

Que  li  autre,  et  plus  angoisseus. 

Et  quant  aux  laboureurs,  il  nous  apprend 

Que  li  uns  conquiert  volentiers 
'  Kn  II ■^  (li-i'i-  Sor  son  con)pagnon  deux  quartiers 

'•ml  De  terre,  s'il  piiet  en  cnibiant', 

'""''"'■•  Et  boute  ades  la  bone'  avant. 

Pour  remédier  à  tous  ces  maux,  les  ordres  monastiques 
furent  établis.  Et  ce  fut  là  où  vinrent  se  réfugier  li  bon  clerc 
et  li  saint  homme.  Tout  serait  allé  au  mieux 

Se  les  ordres  fussent  tenues; 
Mes  eles  sont  si  corrompues. 
Que  petit  en  tient  nului  ores 
Ce  qui  lor  fu  commande  lores. 

De  là,  il  part  pour  entreprendre,  à  l'imitation  de  son  de- 
vancier Guiot,  une  excursion  rapide  en  différentes  commu- 
nautés de  moines;  mais  il  ne  fait  que  glisser,  pourainsidire, 
sur  les  reproches  qu'il  aurait  à  leur  adresser  :  il  veut  moins 
les  outrager  que  leur  donner  des  conseils. 

Et  même,  comme  Guiot  encore,  il  fait  presque  l'éloge 
des  ordres  militaires  du  Temple  tX.\'  Ospital,  dont  les  chevaliers 
livrent  lor  cors  ii  martire , 

Por  deffendre  le  doux  pais 
Ou  Dame  Diez  fu  murs  et  vis. 

Tout  ce  qu'il  trouve  à  reprendre  en  ces  ordres,  c'est  qu'ils 
jouissent  d'un  droit  de  franchise ,    qui  multiplie  les  meur- 


'•9 


M. 


XIII  SIECLE 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  819 

trierset  les  voleurs,  toujours  sûrs  de  trouver  un  asile  inviola- 
ble dans  leurs  maisons.  ISlais  pourquoi  trouve-t-il  tant  à  re- 
dire il  ce  droit  de  franchise?  c  est  uniquement  parce  que  les 
chevaliers,  lorsquils  guerroient  dans  la  Terre  Sainte,  ne 
peuvent  battre  a  leur  i'ise  leurs  sergents  et  leurs  écuyers, 
sans  qu'aussitôt  ceux-ci,  [)ar  l'e>|)oir  de  1  impunité,  ne  les 
menacent  de  les  tuer,  ce  qu'ils  t'ont  souvent. 

Qar  en  la  terre  tl'oiitrenipr 

^i'ose  pas  l)atre  uns  clicvaliers 

Ses  serjaiits  ne  ses  esciiiers, 

Que  ne  (lient  qu  il  loccira, 

Et  qu'en  i  Ospital  s  enfuira  , 

Ou  au  Temple,  s  il  puet  aiiirois  : 

Ainsi  ne  puet-il  estre  mais 

Qci  il  n'en  i  ait  au  mains  ocis 

Ou  trois  ou  quatre  ou  cinq  ou  sis.  ^  •  •^" 

On  voit  que,  dans  tout  ceci,  perce  un  peu  d'humeur  de 
seigneur,  de  chevalier  croi.^é.  Aussi  notre  Hugues  paraît-il 
avoir  été  l'un  et  l'autre,  comme  le  prouvera  bientôt  une  autre 
citation. 

Ouant  aux  religieuses  de  son  temj)s,il  les  traite  peut-être 
avec  plus  de  sévérité  que  sou  devancier  Guiot.  Il  en  dirait, 
déclare-t-il ,  moult  de  bien 

S'eles  tenissent  cliasteée 
Si  cc.mnie  ele  esioit  ordenée; 
Aies  eles  oi;t  mesons  pliisors 
Ou  1  en  parole  et  fet  <l  aiiiors 
Plus  c'on  ne  fet  de  Dieu  servir. 


\\  continue  ainsi  sa  réprimande  contre  divers  abus  qu'il 
croit  apercevoir  dans  les  ordres  religieux.  Mais  à  j)eine  at- 
il  cité  quelques  désordres  dans  ces  communautés,  qu'aussitôt 
il  s'en  excuse  et  dit  que  dans  toutes  il  n'en  est  pas  de  même, 
qu'il  V  en  a  de  sages  et  de  bien  ordonnées.  Certes  ce  n'est 
pas  là  le  ton  de  Guiot  de  Provins. 

Au  reste ,  il  déclare  que  bien  qu'il  ne  soit  ni  clerc ,  ni  lettré, 
il  n'en  a  pas  moins  le  droit  desei-n.oner  le  monde,  parce  que 
ce  monde  il  la  bien  connu,  et  pour  nous  servir  de  ses|jro- 
pres  expressions,  qu'il  a  long-temps  aimé  \es  joies  du  siècle, 
avant  de  se  convaincre  qu'elles  vcdoient  Lien  peu.  Aussi  pré- 
tend-il qu'on  doit  bien  plus  le  croire  que  les  prêtres  ou  les 
Jierniiles ,  (jui  n'ont  point  son  expérience. 

Llllla 


V.  2  fil 


'yj 


X'IIl  SIKCLE. 


820  GUIOT  DE  PROVINS 

Et  si  m'en  devroit  l'en  mies  croire 
C'un  hermite  ne  c'un  provoire; 
Qar  j'ai  le  siècle  plus  parfont 
Cerchié  et  veu  que  il  n'ont. 

Et  c'est  alors,  c'est  lorsqu'il  veut  prouver  combien  il  faut 
mettre  peu  de  prix  à  ce  qu'on  appelle  le  bonheur  dans  le 
monde,  à  la  puissance,  par  exemple,  et  aux  richesses,  qu'il 
parle  de  son  voyage  à  Constantiiiople,  et  des  terribles  événe- 
ments dont  il  tut  témoin.  Nous  citerons  ce  passage  parce 
qu'il  semble  justifier  nos  conjectures  sur  sa  double  qualité  de 
chevalier  et  de  croise'. 

Et  qui  verroit  ce  que  je  vi 
Com  pou  (Jevroit  richece  amer, 
Et  coni  pou  s'i  lievroit  fier! 
Qar  je  vis  en  Constantinoble 
Qui  tant  est  hcle  et  riche  et  noble, 
Que  dedenz  un  an  et  demi 
Quatre  empereres,  puis  les  vi 
Dedens  un  terme  toz  morir 
De  vil  mort;  qar  je  vi  murtrir 
L'un  de  napes  et  estrangler, 
Et  l'autre  saillir  en  la  mer, 
Et  li  tiers  fu  deseritez, 
Qui  valut  pis  que  mort  assez, 
Et  mené  en  chetivoiion  : 
E  cil,  cni  Diex  face  pardon 
Et  amaint  à  port  de  salu, 
V.  /(Oj.  Fu  mort  en  bataille  et  vaincu. 

On  ne  peut  guère  douter,  d'après  ces  vers,  que  notre 
Hugues  de  Berze  ne  fît  partie  de  l'armée  des  croisés  français  et 
vénitiens  qui  prit  Constaiilinople  en  i2o3  (le  18  juillet). 
Quatre  empereurs  se  succédèrent  alors  sur  le  trône  de  Con- 
slantinople  (de  i2o3  à  i2o4)  :  Isaac  Lange,  que  les  croisés 
tirèrent  de  prison;  Alexis  IV,  son  fds;  Ducas  Murtzuphle, 
qui  le  détrôna  et  ne  régna  que  trois  mois  ;  et  enfin  Baudouin, 
comte  de  Flandre,  que  les  Latins  élurent  à  la  place  de  Murt- 
zuphle, et  qui  lui  Ht  crever  les  yeux.  Ces  quatre  empereurs 
périrent  tous  d'une  mort  cruelle  et  tragique  en  un  an  et  demi, 
à  peu  près ,  comme  le  dit  le  poète. 

Ce  fut  probablement  au  retour  de  ses  voyages  à  la  Terre- 
Sainte  que  Hugues  devint  repentant  et  dévot.  Mais,  de  tous 
les  péchés  qu'il  avait  commis,  il  en  était  un  dont  lesouvenir 
même  lui  paraissait  un  autre  péché. 


ET  HUGUES  DE  BERSIL.  821 

D'un  pechié  c'on  apele  amor 
Me  prent  sovent  molt  grant  paor. 
Qar  il  est  péchiez  de  pensser. 
Et  de  l'uevre  et  du  remembrer, 
Qar  puis  c'on  a  du  tout  partie 
S'amor  de  sa  très-l>ele  amie, 
Si  s'en  delite-on  plus  sovent 
En  remembrer  son  biau  cors  gent, 
Quant  l'en  jà  pensser  n'i  devroit. 

Vers  la  fin  de  sa  Bible ,  il  se  nomme;  et  cela  seul  aurait  dû 
empêcher  de  le  confondre  avec  Guiot  de  Provins. 

HnGDEs  DE  Bersil  qui  tant  a 

Cerchié  le  siècle  cà  et  là , 

Qu  il  a  véu  qu  il  ne  vaut  rien  , 

Préesche  ore  de  fere  bien; 

Et  si  sai  bien  que  li  plusor 

Tenront  mes  sermons  à  folor  : 

Qar  il  ont  véu  que  j'avoie 

Plus  que  nus  d'aus  solaz  et  joie, 

Et  que  j'ai  aussi  grand  mestier 

Que  nus  d'aus  de  moi  préeschier. 

Mais  il  s'excuse  par  une  espèce  de  proverbe  : 

Et  tels  ne  set  conseillier  lui 
Qui  donc  bon  conseil  autrui. 

Il  finit  par  adresser  ses  vers  à  un  certain  Jaqiu.  j'il  ap- 
pelle hiaus  frère ,  hiaus  amis,  et  qui  nous  est  parfaitement 
inconnu.  Il  l'invite  à  persévérer  dans  les  bonnes  résolutions 
qu'il  prit  quand  il  séloi-gna  du  siècle.  Ce  qui  semble  annon- 
cer que  ce  Jacques  était  moine. 

La  Bible  de  Hugues  de  Bersil  nous  paraît  être  la  produc- 
tion d'un  esprit  mélancolique  et  tendre,  qui  déplorait,  à  la  fin 
de  sa  carrière,  les  erreurs  de  sa  jeunesse.  On  y  doit  remar- 
quer plus  de  goût  et  de  délicatesse  que  dans  la  plupart  des 
productions  du  même  temps.  Nous  conjecturons  qu'elle  parut 
dans  les  dix  premières  années  du  XIII'  siècle  ,  peu  de  temps 
après  la  Bible  de  Guiot  de  Provins  (i).  A.  D. 

(i)  SI,  comme  nous  le  croyons,  le  trouvère  Hugues  de  Bersil  n'est 
autre  que  le  poète  désigné  par  Crescimbeni  sous  les  noms  de  Ugo  de  Bersia, 
il  faut  ajouter  aux  ouvrages  de  Hugues,  que  nous  avons  indiqués  dans  cet 
article,  une  pièce  en  vers  provençaux  (  ou  à  peu  près  provençaux),  par 
laquelle  il  invite  le  troubadour  Foiquet  de  Romans  à  prendre  la  croix  et 
à  l'accompagner  à  la  Terre-Sainte.  Voyez  ce  que  nous  disons  à  ce  sujet, 
dans  un  article  précédent ,  p.  640  de  ce  volume,  et  par  occaision ,  p.  645. 

S  S 


XIU  SIECLE. 


V.  739. 


.771. 


V.  787. 


Xlll  SIECU,. 


SIMON  DE  l'RESNE. 


y_jE.  poète,  d'origine  normande,  naquit  en  Angleterre  vers  \a 

fin  du  XII*  siècle;  il  fut  chanoine  de  Herefort  dans  le  pays  de 

Galles.  Il  est  bien  connu  comme  poète  latin;  mais  on  ignorait 

qu'il  s'était  aussi  distingué  comme  poète  français:  ce  n'est 

que  depuis  quelques  années  que  M.  l'abbé  de  la  Rue  nous 

a  fait  connaître  un  assez  long  poëme  français,  dont  il  est 

incontestablement  auteur. 

.  ,    .„  „  Leland,  Baie,  Leyser  et  l'évêque  Tanner  ont  fait  mention 

vol.  i,p.  io6.—  t'e  ses  poésies  latmes,  les  uns  en  latinisant,  les  autres  en 

Script. Briian. I.  anglicisaiit  son  nom.  Ici  on  l'appelle  Siino   Fraxinus ,  et  là 

I, p.î'îj — Lpy-  ^(inQn  ^/ish.  Ce  n'est  point  dans  cette  liartie  de  notre  ou- 

ser,  H.poet.  me-  ,  '  ,  '  ,   .        ,      . 

dii  ivi,  p.  760.  vrage  que  nous  devons  nous  arrêter  sur  ses  poésies  latines; 

Tanner,  Bibi.  i|  nous  Suffira  d'en  citer  les  titres.  On  a  de  lui   i^Une  apo- 

Bnian.  biber.  p.  Jq^jç  p^,  yppg  jg  l'historicn  Silvestre  Giiaud ,  sous  ce  titre: 

Pro  Giraldo  adversus  Adamiim  cisterciencis  ordinis  mona- 
chuni  et  abhatem  dorenseni  ;  2°  Super  innocentia  ejusdem , 
lib.  I;  3°  y4d  ma^istrarn  Giralduni,  lib.  I;  4°  Carmina ,  etc. 
On  voit ,  par  leurs  titres  seulement,  que  la  plupart  de  ces 
ouvrages  n'avaient  été  composés  qu'en  faveur  et  pour  la  dé- 
fense  de  Silvestre  Giraud,  il'abord  professeur,  tant   dans 
l'Université  de  Paris  (ju'à  Oxford,  et  qui  ensuite  fut  élu, 
en  I  i(j8,  évêque  de  Saint-David,  dans  le  comté  de  Papem- 
Bio!;iaphie  brock.  Lc  savaut  évêquc  ( i  ),  dout  Simon  de  f'resne  était  l'ami 
iiniv  t.  m,  p.  et  le  défenseur,  mourut  peu  après  1220,  ce  qui  fixe  tiès-ap- 
426-^28, article  ,3, f, j; j ,T,ativcment  l'époque  où  florissait  notre  Simon. 

lîiKBY  l(»irald       1  «   '        1  ,  1  ■•  f  •  1' 

Orcupons-r.ous  a  prcsent  (\\\  seul  poème  traiiçais  que  Ion 
puisse  avec  certitude  attribuer  à  Simon  de  Ficsne.  C'est 
une  imitation,  en  1600  vers,  du  plus  célèbre  ouvrage  de 
Biiéce;  et  l'auteur  se  nomme  dès  en  commençant.  Les  lettres 
initiales  des  vingt  premiers  vers  donnent  cette  [flirase  :  Si- 
mun  de  Freisne  mefisL  «  C'est,  je  crois,  le  plus  ancien  de 

fi)  Eiiti'e  aiitfos  ouvrages  tic  lui,  que  Ion  trouve  dans  \AngUa  sacra  , 
on  cite  sa  Descrijitiou  <lu  pays  de  Galles,  impriuiée  séparément  à  Loti- 
(Iris,  en  i585,  un  vol.  in-S".  Nous  avons  fait  mention  de  ce  poète  latin 
dans  lîotrc  Discours  sur  l'état  des  lettres  au  xiu*  siècle.  — Voir  notre  toiue 
XVI ,  p.  iBî). 


XIII  SIECLE. 


SIMON  DE  FRESNE.  SaS 

nos  poètes,  dit  M.  de  la  Rue,  qui  ait  employé  l'acrostiche 
pour  se  faire  connaître.  » 

Dans  ce  poëme,  l'auteur  retrace  avec  intérêt  toutes  les 
vicissitudes  de  la  fortune.  Ses  principes  sont  d'une  pure 
morale,  d'une  sage  philosophie.  Il  fait  preuve  en  quelques 
endroits,  de  connaissances  peu  communes,  et  dans  un  pas- 
sage entre  autres,  où  il  parle  positivement  et  avec  assez 
d'étendue  de  la  quatrième  partie  du  monde.  D'autres  écri- 
vains du  même  temps  ont  aussi  fait  mention  de  cette  qua-  . 
trième  partie  du  monde,  comme  nous  le  verrons  plus  tard, 
dans  l'analyse  que  nous  ferons  du  célèbre  roman  des  Sept 
Sages  de  Rome  ou  le  Dolopathos. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  le  poëme  de 
Simon,  c'est  son  style  d  une  grande  clarté  et  qui  n'est  point 
dépourvu  d'images  poétiques.  Veut-il  peindre  l'inconstance 
de  la  fortune,  voici  comme  il  s'exprime  : 

Plus  bien  de  li  ne  sai  dire 
For  que  dolor  fet  et  ire. 
Matin  donne  et  toit  le  seir. 
Après  joie  t'et  doleir  ; 
Ki  de  li  prent  un  veel , 
Sur  espine  lèche  le  niel. 
Home  de  guster  est  engrès  , 
Mes  que  chier  l'achate  après  ! 
Prenez  garde  de  la  lune, 
'  Issi  vet  il  de  fortune  : 

Kant  la  lune  est  runde  et  pleine, 
Dune  descret  dedanx  quinzeine, 
Ore  en  avant,  ore  arere, 
Ore  oscure  et  ore  clere. 
De  fortune  est  enseinent. 
Primes  donne  et  puis  reprent, 
Primes  donne  granz  honurs, 
Puis  après  sospirs  et  plours. 

C'est  par  des  images  de  même  genre,  ou  à  peu  près,  qu'il 
cherche  à  prouver  la  vanité  des  choses  d'ici-bas  : 

,_...,.,..  '  I  Salisfailî  , 

fuit  icil  qui  heittes'  sont  joyeux. 

Por  hautene  de  cest  mond, 

Heittés  sont  de  chose  veine 

Et  qui  corte  joie  ameine. 

Ceo  n'est  pas  durable  chose  .  .' 

Que  la  coleur  de  la  rose  :    ^ 

Fresche  et  par  matin  la  fleur 

Et  al  seir  per  sa  coleur  : 


8^4  THIBAUD  DE  MAILLI. 

XIII  SIÈCLE.  „  •      ,      ,    , 
,                              Maint  hault  nom  par  matin 

Tent  le  seir  sa  tente  enclin. 

Haultese  ressemble  bien 

Fumée  plus  que  altre  rien  ; 

Fume  cous  plus  monte  en  haut 

Plus  descret  et  plus  défaut, 

Del  home  est  tout  ensement, 

Plus  est  haut,  plulost  descent. 

Ce  ne  doit  pas  être  sans  quelque  etonnement  que  l'on 
trouve  ce  style  et  ces  ide'es  dans  les  vers  d'un  poète  qui 
appartiendrait  autant  au  xii«  qu'au  xin*  siècle;  mais  puis- 
que M.  l'abbé  de  la  Rue  nous  assure  qu'il  les  a  copiés  sur  le 
manuscrit  original  de  Londres,  nous  devons  l'en  croire;  en 
avouant  plus  que  jamais  combien  il  est  difficile  d'assigner 
une  date  certaine  à  une  production  poétique  du  moyen  âge, 
si  l'on  n'en  juge  que  par  le  style,  que  par  les  formes  du  langage 
employées  par  l'auteur.  A.  D. 


THIBAUD  DE  MAILLI. 

I^E  poète  doit  être  placé  inmédiatement  après  les  trois 
satiriques  sur  lesquels  nous  venons  d'attirer  l'attention  du 
lecteur  (et  peut-être,  en  suivant  l'ordre  chronologique,  au- 
rions-nous dii  le  placer  le  second).  Comme  eux  il  a  fait  ua 
ouvrage  où  il  attaque,  non  les  personnages  de  son  temps, 
mais  les  mœurs  générales.  Peu  de  biographes  ont  cherché 
à  le  tirer  de  l'oubli;  et  il  serait  probablement  inconnu,  si 
dans  un  volume  manuscrit  que  possédait  Fauchet,  il  ne  se 
fût  trouvé  un  assez  long  poëme  satirique  qui  suivait  la  Bible- 
Guiot ,  sous  ce  titre  :  ÏEstoire  de  monseignor  Thiébault  de 

Fauchet,  Des    MudU. 

anciens  poêles  Ainsï  notrc  Doète  était  gentilhomme -et  même,  à  ce  qu'il 
français, I. II, D.  semble,  possédait  un  fief,  la  terre  de  Mailli.  D'après  quel- 
ques vers  de  lui  que  cite  Fauchet,  et  dans  lesquels  sont 
nommés  quelques  personnages  de  la  fin  du  douzième  siècle, 
on  peut  supposer  qu'il  existait  à  cette  époque;  ce  que  son 
style,  an  reste,  indique  assez. 

C'est  sans  doute  parce  que  ces  vers  ont  une  couleur  som- 
bre, que  toutes  les  idées  en  sont  tristes,  effrayantes,  qu'on 


Hélinand. 


THIBAUD  DE  MAILLI.  825 

,    .  ..  ,  ,  ,        ,,  -  XIII  SIÈCLE. 

lui  attribue  dans  quelques  ouvrages  les  Mances  sur  la  mort.  

On  ne  (Joute  guère  aujourd'hui  qu'elles  ne  soient  d'Hélinand,     v. ci-dessus, p. 
auteur  d'un  tout  autre  mérite.  87-103,  lanicie 

Le  poëme  de  Thibaud  de  Mailli  commence  par  des  ré- 
flexions morales  sur  la  création  du  monde,  la  chute  d'Adam, 
l'avénemerit  du  Christ.  Il  y  damne  de  sa  pleine  autorité  les 
Arabes,  les  Persans,  les  Turcs,  et  tous  ceux  qui  ne  veulent 
pas  croire  à  cet  étonnant  mystère  d'un  Dieu  qui  s'est  fait 
homme. 

Et  si  ne  volent  pas  croire  le  sueii  avènement, 

Moult  en  auront  grant  duel  au  jor  del  jugement, 

Qui  iront  en  enfer,  ge'l  sai  certainement. 

C'est  des  mœurs  du  siècle  qu'il  prétend  ensuite  s'occuper; 
du  siècle  auquel  on  se  repentira  bien  un  jour  de  s'être  trop 
attaché. 

Du  siècle  vos  vois  dire  ce  que  j'ai  empensé 

Molt  est  cliascuns  dolenz  qui  tant  l'aura  amé, 

Cil  qui  melt  se  délitent  cil  sont  maiëuré. 

Quelques  professions,  parmi  lesquelles  on  remarqua  celle 
des  avocats,  deviennent  l'objet  de  ses  censures.  Mais  il  se 
borne  toujours  à  menacer  des  peines  de  l'enfer  quiconque 
ne  veut  pas  s'amender.  En  général,  ce  poëme  est  plutôt  un 
sermon  qu'une  satire.  Voici  ce  qu'il  dit  des  ducs  et  des 
comtes  : 

Cil  qui  plus  donne  à  cort  si  a  meillor  valor,, 
Et  qui  miex  sçait  trahir  on  le  tient  à  meillor. 

Pour  effrayer  sans  doute  ceux  qui  mentent  et  se  parjurent, 
il  rapporte  une  anecdote  populaire  et  très  -  probablement 
fabuleuse.  Un  jour  il  prit  fantaisie  au  fils  d'un  certain  Raoul 
de  Crespi  de  faire  déterrer  le  corps  de  son  père.  Simon 
(ainsi  sappelait  le  fils  de  Raoul)  ne  vit  pas  sans  horreur 
qu'un  serpent  (c'est  un  crapaud  dans  un  autre  manuscrit) 
mangeait  la  langue  de  son  père ,  la  langue  dont  jura  et  men- 
tit. Ce  spectacle  convertit  Simon,  qui  abandonna  tous  ses 
biens  et  alla  vivre  dans  un  désert.  Voici  comme  est  racontée 
cette  aventure  fausse  ou  vraie  : 

Ce  que  je  vons  vueil  dire  et  ce  qu'avez  oi 

Sachiez  que  ce  n'est  pas  d'Aulchier  et  de  Landri  (i); 

[i)  Ce  sont  deux  noms  de  héros  de  romans  qui  nous  sont  inconnus. 
Les  aventures  que  contenaient  les  poèmes  où  ils  figuraient  étaient  sans 
doute  tellement  incroyahles,  que,  par  les  titras  seuls  de  ces  poèmes,  on 
exprimait  alors  tout  ce  que  l'on  peut  concevoir  <le  plus  fabuleux,  peiu- 
ètre  même  de  plus  absurde. 

Tome  XVIII.  M  m  m  m  m 

5  5    ♦ 


nu  SIECLE. 

'  Déterra. 
'Un  serpent. 

Détraisil. 


816  THIBAUD  DE  MAILLI. 

Ains  vos  viieil  amentoivre  de  Simon  de  Crespi 
Qui  le  comte  Raoul  son  père  defoui  ' 
Et  trouva  en  sa  bouche  un  froit'  plus  que  demi 
Qui  li  mengoit  la  langue  dont  jura  et  menti. 
Li  cuens  vît  la  merveille,  moult  en  fu  esbaï. 
«  Es-ce  donc  mes  pères  qui  tant  cliastiax  broi'? 
Jà  n'avoit-il  en  France  nuz  prince  si  hardi 
Qui  osast  vers  li  fère  une  guerrre  ne  eslri.  » 

Quant  qu'il  avait  au  siècle  laissa  et  en  haï  : 
Bien  le  lessa  véoir  que  sa  terre  en  guerpi  ; 
Dedans  une  forest  en  essil  s'enfoui  ; 
Là  devint  charbonniers ,  itel  ordre  choisi. 

S'il  faut  en  croire  Fauchet,  ce  Simon  de  Crespi  dont  il  est 
fait  mention  dans  ces  vers,  était  bâtard  de  Raoul ,  comte  de 
Vermiindois,  fils  de  Hugpes-le-Grand ,  frère  de  Philippe  I**", 
roi  de  France.  Et  ce  Simon  vivait  en  ii3o.  Thibaud  de 
Mailli  a-t-il  raconté  un  événement  arrivé  de  son  temps?  Il 
faudrait  alors  reporter  la  composition  de  son  poëme  à  une 
date  plus  ancienne  que  celle  que  nous  lui  avons  assignée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  vers  qui  terminent  le  poëme. 
On  y  voit  que  l'auteur  n'est  préoccupé  que  d'une  seule  idée, 
la  crainte  de  la  mort  et  de  l'enfer. 

Qui  Dei  aura  maudit  n'i  a  que  corrocier  ; 

Deables  le  corront  es  cheaines  lier, 

En  l'engoisseux  enfer  le  feront  trebuchier. 

C'est  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale,  coté 
ySyi ,  que  nous  avons  trouvé  le  poëme  entier  de  Thibaud 
de  Mailli,  dont  Fauchet  n'avait  cité  que  des  fragments. 

A.  D. 


ADAM  DE  SUEL, 
ADAM  DE  GUIENCI, 

ET  QUELQUES  AUTRES   TRADUCTEURS   DES   DISTIQUES 

DE  CATON. 


il  DUS  devons  croire  qu'aux  xii*  et  xiii^  siècles,  les  Distiques 
de  Dionysius  Cato,  faussement  attribués  à  Catou  le  censeur, 


ADAM  DE  SUEL,  etc.  827 

.     .       .    ^  J  »•  J  »       T^  I  Xin  SIÈCLE. 

étaient  fen  grande  estime  dans  notre  France  :  nous  les  trou-  

vous  sans  cesse  traduits,  paraphrasés,  commentés  par  divers 
auteurs;  et  on  était  si  loin  de  penser  qu'ils  fussent  l'ouvrage 
d'un  écrivain  postérieur  d'environ  cinq  siècles  à  Caton  l'An- 
cien, que  parmi  les  poètes  qui  les  ont  mis  en  vers,  il  en  est 
peu  qui  n'aient  placé  en  tête  de  la  traduction  un  prologue 
contenant  un  éloge  pompeux  du  grand  personnage  que  l'on 
en  croyait  l'auteur,  ainsi  que  de  quelques  autres  moralistes 
de  l'ancienne  Rome.  „i„  ,j„^^  , 

Déjà  dans  le  tome  XIII  de  notre  Histoire  littéraire,  nous  xiii.p. 67. 
avons  parlé  d'un  certain  moine  Evrard  qui  donna,  dès  l'an 
1145,  une  traduction  en  vers  de  ces  fameux  Distiques, 
remarquable  en  ce  que  les  rimes  de  ses  vers,  qu'il  a  par- 
tagés en  strophes ,  sont  croisées.  C'est  peut-être  le  premier 
poète  qui  se  soit  astreint  à  la  gêne  du  croisement  des 
rimes  (i). 

Un  autre  traducteur  des  Distiques  aurait  dû  trouver  place 
aussi  dans  l'histoire  des  poètes  français  du  xii*  siècle,  car 
si  l'on  en  juge  par  son  style,  il  est  au  moins  de  cette  époque, 
et  même  du  commencement  du  siècle.  C'est  Adam  de  Suel 
qu'il  s'appelait,  et  il  n'est  connu  que  par  un  passage  de 
Barbazan  que  nous  allons  répéter  ici  :  «  Adam  de  Sue!,  qui  Recueil  de  r 
nous  a  donné,  au  commencement  du  xii*  siècle,  une  traduc-  biiaux,  éAw.  de 
lion  des  distiques  de  Caton  ,  traduit  ainsi  le  trentième  Dis-  Méon,  t.  i,  p. 
tique  du  livre  IV  : 


i5. 


Demissos  animo  et  tacitos  vitare  mémento  : 
Quodjlumen  tacitum  est  forsan  latet  altiiu  unda. 

•Ceux. 

De  tous  chaus'  qui  sont  coi'  et  moistes^  'Tranquilles. 

Te  gaites'  c'on  *  ne  peut  conoitre.  'Tièdes. 

Chi  mos  '  ne  fut  mie  dit  en  bades  :  '  Donne  -  toi 

Pire  est  coie  iaue  que  la  rade  '.  »  g"™^- 

Parce  qu'on 

«     1  •                         ««A                I     •     I  "*  peut  les  con- 

Ce  langage  paraît  bien,  en  effet,  être  celui  du  commen-  naître, 

cément  du  xii^  siècle.  Mais  ne  serait-il  point  possible  que  ce  "^^  """  (** 

fût  aussi  là  l'idiome  ou  plutôt  le  patois  de  quelqu'une  de  p^^Ju^i  ™n°* 

nos  provinces,  et  qu'Adam  de  Suel  ait  écrit  dans  cet  idiome.»*  'Pireest  tran- 

Nous  remarquerons  que  l'on  ignore  absolument  le  pays  où  q"'"e  «u que  u 

■i         ^        '                                                                                                                       ^    "'  rapide.  —  rade, 

d   est  ne.  (rapida)..IIn-est 

pire     eau      que 

(i)  M.  l'abbé  de  la  Rue  a  consacré  aussi  un  article   assez  étendu  à  cet  ^    "  ''"'  ^'  * 

Evrard.  —  V.  ses  Trouvères  anglo-normands ,  tome  ii ,  p.  124-128-  .«j      1^1 

Mmmmma  ^*' 


XIII  SIECLE. 


828  ADAM  DE  SUEL,  etc. 

Mais  a-t-il  même  existé?  il  est  permis  d'avoir  à  cet  ('gard 
quelque  doute. 

Nous  avons  vainement  cherché  dans  la  Bibliothèque 
royale,  parmi  les  très- nombreux  manuscrits  qui  contien- 
nent des  traductions  en  vers  des  Distiques,  celle  du  pré- 
tendu Adam  de  Suel ,  et  nous  n'y  avons  trouvé  qu'un  seul 
poète  du  nom  d'Adam;  mais  il  ne  prend  aucun  titre,  et  il 
est  très-vraisemblable  que  c'est  Adam  de  Guienci ,  auteur 
bien  connu  d'une  traduction  en  vers  des  Distiques.  Voici 
comment  il  a  traduit  ce  même  distique  que  Barbazan  attri- 
bue  à  Adam  de  Suel  : 

De  ceus  qui  coy  suirt  et  seneistre 
Te  gaites  quer  ne  sies  cogneistre. 
Un  fleuve  plesant,  coy  et  herbeus 
A  l'aventure  est  parfont, péreileus. 

On  peut  voir  combien  cette  traduction  diffère  de  l'autre. 
Au  reste,  l'auteur  se  nomme  à  la  fin  : 

Adans  vous  dit,  qui  se  repose, 
En  un  soûl  mot  à  la  parclose  : 
Se  il  parole  folement 
Et  en  maint  lieu  obscurément. 
Il  dit  ne  vous  merveiller  mie.  Etc. 

Le  manuscrit  dont  nous  avons  tiré  ces  citations  est  coté 
aSqS,  et  est  le  plus  vieux,  en  apparence,  de  tous  ceux  qui 
coiitiennent  les  Distiques;  et  cependant  le  style  est  certai- 
nement bien  plus  moderne  que  celui  qu'a  employé  le  tra- 
ducteur cité  par  Barbazan. 

Dans  le  manuscrit  80 14,  on  trouve  une  autre  traduction 
en  vers,  mais  bien  moins  ancienne,  des  Proverbes  àe.  Caton. 
L'auteur  se  nomme  dans  le  prologue: 

Je  suis  Fevre.  Si  say  bien  le  mistère 

Que  Dieu  peut  forgier  d'une  matière , 

Et  ample  met  du  vieux  fer  qu'on  l'en  forge: 

Qui  de  rechief  le  remet  adens  la  forge , 

Il  revient  neuf  au  forgier  sur  l'enclume. 

Prenés  en  gré  le  dit  de  cest  volume.  Etc. 

Il  se  nomine  une  seconde  fois  à  la  fin ,  et  joue  encore  sur 
son  nom  de  Lefèvre. 

Caton  finist  qui  fu  saiges  et  pretis 
Ces  nobles  vers  accomplit  deus  et  deus; 
Mais  si  Fevre  qui  ne  sais  le  fer  batre 
En  ce  ditié  en  ai  fait  de  deus  quatre. 


XllI  SIECLE. 


ADAM  DE  SDEL,  etc.  829 

Ce  sont  en  effet  par  des  quatiains  qu'il  rend  les  distiques. 
Témoin  ce  quatrain-ci  : 

Supplie  à  Dieu;  ton  père  et  mère  ayme; 
Tes  cousins  hante  et  tes  omisses  claime; 
Garde  le  don  que  ton  ami  te  donne 
A  ton  pouoir  le  lui  lenz  et  guerdonne. 

Nous  trouvons  une  autre  traduction  de  ce  même  distique, 
dans  le  manuscrit  632. 

Primes  doiz  à  Deii  soploier 
Et  umblement  merci  proier. 
Aime  ton  p>ère ,  aime  ta  mère  : 
Qui  te  ne  fait  il  lo  compère". 
Tes  parans  hante  et  si  les  aime 
Et  amis  et  coisins  les  claime. 
Garde  la  chose  qu'en  te  donne 
Qex  qu'ele  soit  o  povre  o  bonne  (i). 

Les  biographes  ont  tous  oublié  de  faire  mention  de  ce  est  l'inn^^ ^'" 
Lefièvre.  H  est  pourtant  auteur  de  plusieurs  ouvrages  que 
l'on  possède  dans  la  Bibliothèque  royale,  et  entre  autres 
d'une  traduction  de  la  pièce  De  vetulâ ,  que  l'on  attribuait 
à  Ovide. 

Voici  les  vers  par  lesquels  il  termine  cette  traduction  : 

J'ai  tant  (brgié  que  j'ai  parfait' 
Cest  œuvre  par  dit  et  par  fait. 
Je  en  rens  grâce  au  Créateur 
Qui  de  ce  m'a  fait  translateur. 

Ces  vers  ont  un  air  de  fainille  avec  ceux  qui  terminent 
les  Proverbes  de  Caton.  Il  n'est  guère  possible  de  douter 

(i)  Dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  n"  90,  on  trouve 
au  folio  175,  une  traduction  des  Distiques  de  Caton  qui  paraît  à  peu  près 
la  même  que  celle  du  manuscrit  632  de  la  Bibliothèque  royale.  Mais,  pour 
démontrer  comment  les  copistes  de  manuscrits  altéraient  les  textes  qu'ils 
auraient  dû  fidèlement  copier,  nous  répéterons  ici,  en  les  transcrivant  sur 
le  manuscrit  de  la  BibliothèqUiC  de  l'Arsenal,  les  vers  que  nous  citons 
plus  haut  : 

Premiers  doiz  à  Deu  sosplier 

Et  simplemeot  lo  doiz  prier 

Aime  ton  père,  aime  la  mère 

Qui  ce  ne  fait-il  lo  compère. 

Tes  parans  aide  et  &i  1rs  aime, 

Et  amis  et  cosins  les  claime. 

Garde  la  cbose  q'Ion  te  done 

Quex  qiiale  soil  ou  povre  ou  boMe. 

Ce  manuscrit  nous  paraît  être  d'une  date  moins  ancienne  que  l'autre. 


83o  LE  PRÊTRE  HERMAN. 

Xni  SIÈCLE.  .  •  ,         ,  T^      , 

3ue  ces  deux  traductions  ne  soient  du  même  auteur.  De  plus, 
ans  le  prologue  de  sa  traduction  du  poëme  De  l'etuld ,  i! 
se  fait  bien  mieux  connaître.  Après  avoir  vante  le  mérite  et 
l'utilité  des  traductions,  il  ajoute:  «Je  Jehan  Lefevre  qui  ne 
say  forgier,  néz  en  Bessons-sur-le-Mas  vers  Compiègne, 
procureur  en  parlement  du  roy  notre  sire,  me  suis  entremis 
de  translater  et  rimer  en  françois  cest  livre  du  poète  Ovide.» 
Cet  avertissement  nous  indique  que  Lelèvre  est  un  des 
plus  modernes  translateurs  des  Distiques.  En  effet,  il  n'a 
guère  pu  porter  le  titre  àfi  procureur  en  parlement  que  lors- 
que le  parlement  fut  sédentaire,  c'est-à-dire  en  i3o2,  suivant 
quelques  historiens.  Ce  serait  donc  un  poète  du  xiv^  siècle; 
et  nous  nous  serions  abstenus  d'en  parler  si  tôt ,  si  nous 
n'eussions  voulu  réunir  dans  un  seul  article  les  principaux 
traducteurs  des  Distiques  de  Caton.  A.  D. 


LE  PRÊTRE   HERMAN. 

oi  cet  Herman  a  réellement  composé  tous  les  ouvrages  en 
vers  que  lui  attribuent  divers  auteurs,  il  faut  le  proclamer 
le  trouvère  le  plus  fécond  de  son  temps.  Et  comment  expli- 
quer, après  cela,  louUli  qu'en  ont  fait  tous  les  biographes? 
Son  nom  ne  se  trouve,  à  notre  connaissance,  en  aucun  dic- 
tionnaire historique. 

Dans  quelques  vers  que  nous  citerons  plus  tard ,  il  nous 
M  De  la  Rue   ^'^^  qu'il  était  prêtre  et  chanoine  :  c'est  tout  ce  que  nous 
Destrouvèresan-  avous  pu  découvrir  dc  sa  vie.  Il  nous  y  apprend  de  plus 
glo-norraands, t.  qy'}!  ^^gj^  pg  à  Valencieniies;  et  cependant  M.  de  la  Rue  le 
'  ^'  ^°  range  parmi  ses  trouvères  anglo-normands  :  peut-être  parce 

que  les  personnages  à  qui  Herman  dédie  quelques  poèmes 
oja  à  la  sollicitation  desquels  il  les  composait,  portent  des 
noms  connus  dans  les  fastes  de  la  Grande-Bretagne;  ceux 
de  la  comtesse  Mathilde,  par  exemple,  d'un  roi  Henri,  etc.; 
et  c'est  par  ce  motif  encore  qu'il  en  fait  un  poète  du  xn^ 
siècle.  Nous  ne  le  croyons  pas  si  ancien;  mais  nous  recon- 
naissons qu'd  est  assez  difficile  de  fixer,  dans  le  xiii*  siècle, 
l'époque  où  il  écrivait.  La  lecture  de  ses  principaux  ouvrages 
ne  nous  a  fourni  à  cet  égard  aucune  indication. 

Nous  citerons  ici ,  et  les  ouvrages  dont  M.  de  la  Rue  le  dit 
auteur,  et  ceux  que  M.  de  Sainte-Palaye  lui  attribue;  mais 


LE  PRÊTRE  HERMAN.  83 1 

nous  nous  arrêterons  plus  long-temps  sur  les  ouvrages  dont 
il  s'est  lui-même  avoué  l'auteur. 

Voici  (l'abord  les  titres  des  se[)t  poëmes  d'Herman  que 
mentionne  M.  de  la  Rue  dans  son  article  sur  ce  poète  : 

1°  Une  Vie  de  Tobie ,  en  i4o8  vers.  C'est  en  partie  une 
traduction  du  texte  de  la  Bible;  mais  le  poète  y  a  mêlé  des 
allégories.  —  a°  Les  Joies  de  Notre-Dame,  en  i  i5a  vers.  L'au- 
teur paraît  avoir  puisé  dans  quelques  ouvrages  apocryphes, 
lorsqu'il  raconte  la  naissance  de  Jésus- Glirist.  «  IMais,  dit 
M.  de  la  Rue,  il  y  a  de  l'érudition  dans  les  détails  qu'il  donne 
sur  l'ancienne  Rome,  sur  ses  temples,  ses  théâtres,  ses  pa- 
lais. "  — 3°  Les  trois  mots  de  ïé^'cque  de  Lincoln,  en  844 
vers.  Alexandre,  évêque  de  Lincoln  ,  avait  donné  à  Herman 
pour  sujet  d'un  poème,  ces  trois  Tno\.?>: fumée ,  pluie,  femme. 
De  ces  trois  mots  Herman  tire  d'ingénieuses  et  morales  dé- 
ductions. La  fumée,  c'est  l'orgueil;  la  pluie,  la  convoitise; 
la  femme,  la  luxure.  L'usage  (les  mots  donnés  date,  comme 
on  voit,  d'un  peu  loin.  —  4°  L'Histoire  de  la  Madeleine , 
■en  rxi  vers.  —  5°  La  mort  de  la  sainte  Vierge ,  et  sa  sépul- 
ture dans  la  vallée  de  Josaphat  par  les  douze  apôtres.  Ces 
deux  derniers  ouvrages  contiennent  des  fiaits  très-bizarres, 
tirés  des  fausses  légendes,  et  racontés  avec  une  remarquable 
naïveté.  —  6°  Une  espèce  de  Drame  allégorique ,  dans  lequel 
on  voit  la  Vérité  et  la  Justice  plaidant  contre  le  coupable 
devant  le  trône  de  Dieu,  et  la  INIiséricorde  et  la  Paix  qui 
prennent  sa  défense.  —  y"  L'Histoire  des  sibylles,  en  2496 
vers  de  six  syllabes.  Le  poète,  pour  traiter  ce  grand  sujet,  a 
puisé,  à  ce  qu'il  semble,  dans  les  anciens  auteurs  latins,  et 
surtout  dans  les  Pères  de  l'Église.  Il  y  fait  preuve  de  quelque 
érudition. 

Les  manuscrits  de  ces  deux  derniers  poèmes  ne  se  trou- 
vent que.  dans  les  bibliothèques  d'Angleterre. 

Voici  à  présent  les  titres  des  ouvrages  que  d'autres  auteurs, 
et  surtout  M.  de  Sainte-Palaye,  attribuent  encore  au  prêtre 
Herman: 

r  Le  poème  intitulé  Genesis ,  et  quelques  autres  parties 
de  la  Bible.  2°  L'Assomption  de  Nostre-Dame.  3°  Les  mi- 
racles de  Nostre-Dame ,  d'un  prestre ,  d'un  usurier  et  d'une 
vieille  (ces  deux  poëmes  se  trouvent  l'un  après  l'autre  dans 
le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  n°  7534).  4°  f^ie 
de  saint  Alexis ,  et  Vie  de  sainte  Agnes.  5°  La  Passion  de 
Jésus-Christ ,  l'Histoire  du  précieux  sang ,  la  Vie  de  saint 


XIII  SIÈCLE. 


\'III  SIECLE. 


83a  LE  PRÊTRE  HERMAN. 

Sébastien  (même  manuscrit).  6°  L'Unicorne  ou  la  Licorne, 
espèce  de  fable  en  vers,  dans  le  manuscrit  yôgS.  7"  Lxi  Vie 
de  saint  Jehan  Paulus  (  même  manuscrit  ). 

Des  nombreux  ouvrages  compris  dans  ces  deux  listes,  et 
de  plusieurs  autres  dont  nous  aurions  encore  pu  les  aug- 
menter, il  n'en  est  peut-être  pas  une  moitié  qui  soit  sortie 
de  la  |>lume  d'Herman.  On  sait  que  les  mêmes  productions 
reparaissent  souvent  en  divers  manuscrits,  portant  des  titres 
différents;  quelquefois  aussi  les  copistes  ne  prenaient  d'un 
grand  ouvrage  que  des  morceaux  ,  à  chacun  desquels  ils  at- 
tachaient un  titre  particulier  :  et  c'est  par  là  que  tel  auteur 
d'un  ou  de  deux  poëinesaii  plus,  passe  pour  en  avoir  composé 
un  nombre  prodigieux.  Et,  par  exemple,  que  de  poèmes 
attribués  à  Herman  ont  été  évidemment  détachés  du  poème 
qu'il  a  intitulé  Genesis. 

Cette  Genesis,  le  plus  grand  ouvrage  d'Herman,  se  trouve 
dans  la  Bibliothèque  royale,  manuscrit  n"  'jS'M\.  Et  c'est  là 

f[ue  le  poète,  dès  en  commençant,  se  nomme  et  dit  ses  qua- 
ités.   En  lisant  ce  début,  on  ne  l'accusera  pas  de  vanité, 
car  il  se  proclame  \\xi-mème  pam>re  de  sens. 

Signor,  or  escotés  ,  entendes  iria  r.iison  : 
Je  ne  vos  tli  pas  fable,  ne  ne  vos  tli  cançon  : 
Clers  sui,  povres  de  sens  si  siii,  moult  povres  hon , 
Nés  sui  de  Valencienes,  Herman  m'apiele-on. 
De  persoiie  Dex  cure  ne  prend  s  est  grande  u  non; 
On  a  savent  grant  aise  en  petite  maison; 
De  petite  fontaine  tôt  son  saol  boit-on. 
rPouixrai.  lot  ce  di-je  por  voir',  je  suis  moult  petit  hon, 

Canonts  sui  et  prestre  par  grant  élection. 

Dans  ce  grand  poème,  qu'il  n'aurait  pas  dii  intituler  Ge- 
nesis, titre  qui  semble  en  restreindre  le  sujet,  Herman  avait 
pour  but  de  mettre  en  vers  les  principaux  événements  re- 
tracés dans  toute  la  Bible.  Le  premier  chapitre  contient  une 
analyse  de  la  Genèse;  les  trois  suivants,  l'histoire  de  la 
destruction  du  peuple  d'israèl.  Au  cinquième  chapitre,  il 
commence  le  Nouveau-Testament,  et  ce  sujet  s'étend  exces- 
sivement sous  sa  plume.  On  y  trouve,  non  seulement  d'après 
les  évangiles,  mais  d'après  nombre  de  livres  apocryphes, 
l'histoire  du  mariage  de  saint  Joachim  et  de  sainte  Anne, 
la  naissance  de  la  Vierge ,  la  vie  de  sainte  Elisabetli ,  de  saint 
Joseph,  de  saint  Jean,  et  enfin  celle  de  Jésus-Christ,  ses 
voyages,  ses  miracles,  etc. 


LE  PRETRE  HERMAN.  833 

L'auteur  raronte  (et  peut-être  aurions- nous  dû  le  dire 
plus  tôt)  comment  il  entreprit  un  ouvmge  si  considérable. 
Ce  fut  à  la  suite  et  par  l'eUet  d'une  vision.  Un  jour  de  Noël 
qu'un  de  ses  clercs  l'avait  ofierîsé,  son  emportement  contre 
I  offenseur  fut  tel  qu'il  prit  à  la  main  un  tison  ardent  pour 
tomber  sur  lui.  Dans  sa  fureur,  il  ne  sentit  pas  d'abord 
que  le  tison  le  brûlait.  Mais  le  lendemain,  il  éprouva  à 
son  réveil  une  vive  douleur  aux  doigts;  une  douleur  qui 
augmenta  chaque  jour.  Les  médecins  ne  pouvaient  calmer 
le  mal.  Il  fit  venir  son  confesseur  et  sed'sposaà  mourir.  ]Mais 
la  sainte  Vierge  qu'il  invoqua,  lui  apparut  une  nuit  de  la 
Tiphanie  (Epiphanie),  et  lui  promit  une  entière  guérison 
.s'il  translatait  en  Ronuin  ce  ((u'il  trouverait  dans  la  Bible  de 
l'histoire  de  sa  naissance,  de  sa  présentation  au  temple,  de 
la  salutation  angélique  qu'elle  reçut,  de  son  mariage  avec 
saint  Josej)!),  de  l'accoucliement  qu'elle  fit  à  Bethléem  de 
son  fils  Jésus-Christ,  de  la  visite  des  trois  rois,  de  la  mort 
de  son  fils  et  de  sa  propre  mort  à  elle-même.  Il  répondit 
que  jamais  il  ne  s'était  essayé  dans  le  métier  de  poète;  mais 
la  Vierge  lui  promit  de  l'assister  dans  l'entreprise.  Et  peu 
après,  se  sentant  guéri,  il  se  livra  avec  ardeur  au  travail  qui 
lui  était  imposé. 

D'après  cela,  on  ne  doit  plus  être  surpris  des  développe- 
ments, très-souvent  bizarres,  qu'il  a  donnés  aux  histoires 
contenues  dans  le  Nouveau-Testament. 

On  nous  a  communiqué  un  manuscrit  très-curieux  dans 
lequel,  au  milieu  de  la  Bible  en  vers  d'Herman,  se  trouve 
un  étrange  poëme  dont  nous  allons  donner  l'analyse  (i).  Ce 
poëme  manque  dans  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  royale 
de  Paris;  mais  en  lisant  l'article  que  M.  l'abbé  de  la  Rue  a 
consacré  au  prêtre  Herman,  il  nous  a  semblé  que  ce  savant 
l'a  découvert  dans  les  manuscrits  de  Londres,  bien  qu'il  ne 
le  dise  pas  explicitement ,  et  qu'il  n'en  ait  rien  extrait. 

La  Bible  d'Herman  e.st  en  vers  dits  alexandrins;  le  poëme 
qui  la  divise  par  moitié  à  peu  près,  est  en  vers  de  huit  syl- 
labes, et  a  pour  titre  :  De  JSolre-Dame  sainte  Marie.  Son 
auteur  commence,  à  l'exemple  de  tous  les  trouvères,  par 
faire  un  appel  à  l'attention  des  lecteurs. 

(i)  D'après  ce  que  nous  a  dit  l'homnle  de  lettres  possesseur  de  ce  petit 
trésor  littéraire,  le  manuscrit  provient  de  l'ancienne  bibliothèque  de 
Cluny. 

Tome  XVlll.  N  n  n  n  n 


XIII  SIECLE. 


834  LE  PRÊTRE  HERMAN. 


X.1I1  SIKCLK. 


Se  vos  volez  que  je  vos  die 
De  Dieu  et  de  sainte  Marie, 
Or  laites  pais,  si  ni'escotës 
Je  vos  «lirai  se  vos  voles 
Coninieni  noslres  sires  nasqui 
Et  qui  sa  mère  engenui; 
Ainsi  coin  sainte  Anne  fu  née 
Qui  aine  ne  fu  d'omnie  engenree, 
Lefrollemeni,  Mais  par  le  terdre'  d'un  coutel 


le  neuoiemeni  £„  |,,  puisse  saint  Fanouel 

Là  fu  sainte  Anne  engenu 
Qui  fti  mère  sainte  Marie 


Voici  ensuite  ce  que  le  poète  raconte  on  ne  peut  plus 
gravement  : 

Mille  ans  après  la  désobéissance  du  premier  homme, 
Dieu  transporta  l'arbre  de  vie  dans  le  jardin  de  saint  Abra- 
ham; et  un  ange  vint  prévenir  le  patriarche  que  sur  cet 
arbre  le  Fils  de  Dieu  serait  crucifié;  que  la  fleur  de  cet  arbre 
donnerait  le  jour  à  un  chevalier  qui  mettrait  au  monde, 
sans  le  concours  d'aucune  femme,  la  mère  d'une  vierge  que 
Dieu  choisirait  pour  mère.  Malgré  la  difficulté  qu'il  y  avait 
à  rendre  bien  clairement  ces  détails  généalogiques,  notre 
poète  s'en  tire  assez  bien. 

Aniis,  dist-il  (dit  Tange),  enten  à  mi  : 

Tu  as  un  arbre  planté  ci 

Où  Dex  sera  crucefiés. 

Ses  cuers  perciés  et  atachiés. 

Et  si  sera  covers  de  sanc , 

Et  colera  aval  son  flanc; 

Et  de  ceste  flor  naistra 

La  mère  a  icele  pucèle 

Dont  Damel-Dieu  fera  s  ancèle  : 

Mère  sera  nostre  Signor 

Le  roi  del  ciel ,  le  créator. 

Le  grand  prodige  arriva  tel  qu'il  était  annoncé.  Abraham 
avait  une  fille  qui  respira  les  parfums  de  la  fleur  de  l'arbre, 
et  qui  devint  enceinte.  Pour  prouver  son  innocence  devant 
les  juifs  qui  l'accusaient  d'inconduite,  elle  consentit  à  entrer 
dans  le  feu  nue  en  chemise.  Les  flammes,  respectant  la  jeune 
fille,  se  changèrent  en  fleurs. 

Onques  ni  ot  un  sol  tison 
Qui  fust  enpris  de  vif  charbon 
Qui  ne  fust  rose  de  rosier, 
Ou  flors  de  lis  et  d'aiglantier. 


LE  PRÊTRE  HERMAN.  835 

Un  tel  miracle,  on  le  pense  bien,  rétablit  l'honneur  de 
la  jeune  fille  Elle  n'en  donna  pas  moins  le  jour  à  un  enfant 
qui  devint  chevalier,  puis  roi,  puis  empereur,  et  possesseur, 
sans  qu'il  en  connût  toutes  les  propriétés,  de  \ arbre  de  vie. 
Il  fallait  pourtant  qu'il  soupçonnât  quelque  vertu  à  l'arbre; 
car,  pour  guérir  des  malades ,  il  en  coupa  un  fruit  qu'il  divisa 
en  différentes  parties,  et  il  essuya  ensuite  sur  sa  cuisse  le 
couteau  dont  il  s'était  servi.  O  prodige!  le  suc  générateur 
de  l'arbre  s'introduisit  dans  sa  cuisse. 

Quant  il  vit  le  coutel  moillié 
De  son  bon  fruit  qu'il  ot  taillié, 
A  sa  cuisse  le  ressiia. 
Que  la  cuisse  s'en  empraingna 
D'une  niolt  gente  damoisele 
Conques  nus  hons  ne  \it  plus  lièle  : 
Ce  fut  saiticte  Anne  dont  je  chant 
Que  Dainel-Diez  parama  tant. 

La  cuisse  de  l'empereur  Fanoucl  (  c'est  le  nom  qu'il  a  dans 
le  poème)  grossissait  chaque  jour  outre  mesure:  en  vain 
consultait-il  les  médecins  les  plus  célèbres,  et  les  clercs  les 
plus  lettrés ,  nul  ne  pouvait  trouver  remède  à  son  mal. 

Aine  n'i  vint  mires  tant  sénés 
Fisiciens  ,  ne  clers  letrés 
Qui  seust  dire  la  dolor 
De  la  cuisse  l'empereor. 

Il  lui  fallut  attendre  neuf  mois  avant  d'être  délivré;  et 
alors  il  accoucha  par  la  cuisse  d'une  charmante  petite  fille. 
Le  pauvre  Fanouel  n'en  fut  pas  moins  honteux  d'être  de- 
venu ainsi  père,  quoiqu'il  eût  pu  s'appuyer  de  l'exemple  de 
Jupiter  et  de  quelques  autres  dieux.  11  appelle  ^aussitôt  près 
de  lui  un  chevalier  de  confiance,  et  lui  ordonne  de  porter 
au  milieu  des  bois  sa  progéniture,  et  de  la  tuer  sans  misé- 
ricorde. Le  chevalier  obéit;  mais  au  moment  oii  il  allait 
frapper  la  victime,  une  colombe  descend  du  ciel  et  lui  dit  : 

Chevalier,  frère,  or  te  tien  quoi; 
Rctiea  ton  coup,  parole  à  moi. 
tf  occire  pas  cette  mescKinej 
De  li  istra  une  virgine 
Ou  Dex  char  et  sanc  prandera 
Quant  en  terre  descendera. 

Le  chevalier  écoute  avec  soumission  l'ordre  divin ,  il  dé- 

N  nnnna 


Xm  SiLCLt. 


XIII  SIECI.E. 


836  LE  PRETRE  HERMAN. 

pose  la  jeune  fille  dans  un  nid  de  cygnes  qu'il  aperçoit  près  de 
là.  Dieu  se  chargea  de  pourvoir  aux  besoins  de  la  jeune  tille, 
tant  ([u'elle  resterait  dans  ce  nid. 

Puis  fu  Dex  garde  de  l'enfant; 

Par  le  sien  saint  commandement 

Si  li  envoia  sa  piovende 

Par  un  cerf  (jiii  ert  en  la  lande 
'Vif,  alerte.  Qui  midt  esloit  parans  et  biax 

Et  durement  estoit  isniax' 

Cornes  avoit  niult  assises, 
'I.e  nicf  Flors  i  avoit  de  maintes  guises  ; 

Chascun  jor  est  desor  le  ni'; 

Quant  li  eiifesjeloit  un  cri, 

D'un 3  lies  flors  le  repaisoit, 

Tant  que  li  enfes  s'endormoit. 

Ainsi  élevé,  l'enfant  grandit  vite  :  à  l'âge  de  dix  ans,  c'était 
déjà  une  fille  accomplie. 

Un  jour  Fanouel  chassait;  il  rencontre  le  cerf  miraculeux, 
le  poursuit,  le  blesse,  et  le  pauvre  animal  se  réfugie  sous 
le  nid  de  la  jeune  fille  qui  reconnaît  son  père,  et  lui  ordonne 
d'épargner  le  cerf,  sa  nourrice. 

Sains  Fanoiax  voit  son  enfant, 
Si  a  parlé  mult  doucement; 
Courtoisement  le  salua 
Et  bêlement  li  demanda  : 
«  Bêle,  tlist-il,  et  qui  ies-tu?» 
«  Sire,  dist-ele,  ne  ses-tu? 
Je  suis  celé  que  tu  portas, 
Par  ta  cuise  t'en  délivras  : 
Li  chevaliers  ici  me  mist 
Cui  conmianda  que  m'occist.  • 

Fanouel  très-étonné  emmène  sa  fille  et  la  marie  à  Joa- 
chim,  chevalier  de  son  empire.  De  cette  union  naquit  la 
vierge  Marie  mère  de  Dieu. 

Après  cette  légende  viennent  les  aventures  de  la  mère  de 
la  Vierge,  telles  ou  à  peu  près  telles  qu'elles  sont  racontées 
dans  les  livres  apocryphes  ;  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'au- 
cun de  ces  livres  contienne  l'histoire  de  Fanouel,  qui  a 
toute  l'apparence  et  la  couleur  d'un  conte  oriental.  En  quel 
auteur  Herman  (  s'il  faut  lui  attribuer  ce  bizarre  poème  ) 
est-il  allé  puiser  son  sujet  (i).'' 

(i)  Il  ne  faudrait  pas  croire  que  la  légende  en  vers  de  la  Naissance  de 
sainte  Anne ,  par  la  vertu  d'une  fleur,  n'ait  été  l'objet  d'aucune  critique. 


LE  PRÊTRE  HERiMAN.  83- 


X1IIS1F.(XE. 


Le  poète  raconte  encore  la  naissance  du  Christ,  la  fuite 
en  Egypte,  etc.,  etc.;  il  ne  s'arrête  qu'aux  circonstances  apo- 
crypliestlu  massacre  des  Innocents.  Là  recommence  la  Bible 
en  vers  alexandrins  (i). 

Nous  aurions  voulu  parler  encore  de  l'histoire  des  Si- 
bylles,   autre   poëme   dans   lequel  Herman   se  nomme,   et 
qui  serait  du   xii*"  siècle,  si,  comme  l'assure  M.  de  la  Rue, 
1  auteur  y  travaillait  en  11(^7,  quand  mourut  l'impératrice      M.nei.,i!„e, 
MatliiUJe;    mais    n'ayant   point  trouvé    l'ouvrage  parmi  les  Tiouvèresansi... 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi,  nous   ne   pouriions  """"""••^.  ;•  ". 
que  repeter  ce  qu  en  dit  le  savant  historien  des  trouvères 
anglo-normands  (a).  A.  D. 

Dans  le  siècle  même  où  elle  parut,  un  poète  n'hésita  point  à  la  déclarer 
t.ilmleuse.  lîti  nianuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  contient  un  poeuie  J«/- 
la  Conception  où  se  lisent  les  vers  suivants  : 

Anne  de  Bethléem  fu  nëe. 

Vie  /luur  ne  Cu  pas  engenrée. 

Ce  saicliiés  vous  eerlainement, 

Mais  d'omine  conseue  charnellemeat. 

Celles  et  cil  soient  confondu 

Qui  noient  un  riiiiian  qui  fu , 

Qui  disi  que  de  flour  ierl  venue 

Saiute  Anne  et  engenuue. 

Ces  vers  ont  été  copiés  clans  le  manuscrit  jSj^,  qui  est  de  la  fin  du  xiii' 
siècle. —  Deux  autres  manuscrits  du  poème  de  la  Conception,  antérieurs 
à  celui-ci,  et  conservés  dans  la  même  HiLliothèque,  ne  les  contiennent 
point.  C'est  donc  une  interpolation  qu'il  faut  attribuer  au  copiste  du 
manuscrit  jSy^. 

(1)  Le  manuscrit  dont  nous  nous  sommes  servis  est  du  xiii' siècle,  et 
contient  :  i"  \^ Image  du  monde ^  par  Osmont;  2°  une  Chronique  depuis  le 
commencement  du  monde  jusqu'en  1279;  3°  un  poëme  moral  intitulé  : 
Les  Questions  ;  4"  "n  poème  intitulé  Le  livre  de  preuves  (c'est  une  espèce 
de  calendrier  génethliaque  où  l'on  prédit  à  chacun  ce  qui  doit  lui  arriver, 
suivant  le  signe  sous  lequel  il  est  né);  5"  enfin  la  Bible  en  vers  d' Uerniany 
au  milieu  de  laquelle  se  trouve  intercalée,  comme  nous  l'avons  dit,  1  His- 
toire de  l'empereur  Fanouel. 

(2)  Dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  roi  (  fonds  de  l'église  de 
Paris ,  n°  5  ),  il  existe  au  folio  160,  un  poëme  en  vers  de  six  syllabes  dont 
le  titre  est  :  Sybille  hic  incipit  Prologus  Régine.  Peut-être  est-il  le  même 
que  celui  dont  M.  De  la  Rue  fait  mention  dans  son  ouvrage. 


3  6 


XIII  siECu:. 

BÉRENGIERS. 

V  oici  encore  un  traducteur  en  vers  de  la  Bible.  Son  poëme 
ou  plutôt  ses  poëmes  (car  il  est  probable  que  plusieurs 
productions  attribuées  à  Herman  lui  appartiennent  )  se  trou- 
vent presque  toujours  mêlés,  confondus  avec  ceux  de  cet 
Herman.  Au  reste,  ces  deux  poètes  travaillaient  dans  le 
même  genre  et  sur  les  mêmes  sujets  :  même  ffoût,  même 
style  dans  leurs  œuvres.  Vivaient-ils  dans  le  même  temps? 
c'est  ce  que  nous  n'avons  pu  découvrir.  Bérengiers  ,  qui  se 
nomme  souvent  dans  ses  vers,  donne  bien  ,  comme  nous  le 
verrons,  quelques  renseignements  sur  les  lieux,  mais  non 
sur  le  temps  où  il  les  écrivit. 

Dans  ses  traductions  envers  des  livres  saints ,  il  s'écarte 
peut-être  un  peu  moins  qu'Herman  du  texte,  et  y  intercale 
moins  de  fables;  il  a.ssure  même  qu'il  a  fait  tout  son  travail 
sur  le  Nouveau -Testament  d'après  les  évangiles  de  saint 
Matthieu,  dé  saint  Jean,  de  saint  Marc  et  de  saint  Luc. 

Et  tous  les  amis  Dieu  ki  vie  ont  permanant 
Ms.  de  la  Bi-  Trestous  les  en  pri-jou  par  dévotion  ^rant, 

lilioih.   du   loi ,  Quel  roi  de  maîsté  me  soient  tout  aidant, 

n.  ■;534i  f"^-  'il  Que  ces  viers  me  laist  faire  issi  à  son  commant, 

re<io.  roi   -i.  Que  miels  m'en  soit  à  l'ame  et  al  cors  en  avant  ^ 

Et  cliaus  qui  volentiers  i  seront  entendant 
Facile  Deus  qu'il  lor  doist  la  vie  permanant, 
El  deprient  por  moi;  car  mestier  en  ai  grant  : 
Bérengiers  ai  a  non  ,  s'il  est  ki  le  demant. 

Suit  une  longue  histoire  de  la  passion,  de  la  mort  appa- 
rente de  Jésus-Christ.  Après  sa  mort,  le  sauveur  des  hommes 
entre  en  Infer,  et  en  géte  hors  ses  amis;  il  ressuscite,  appa- 
raît aux  trois  Maries,  à  deux  de  ses  disciples,  au  mont  de 
Galilée,  au  mont  de  Sion  à  portes  closes;  et» fin  il  apparaît 
douze  fois  aux  siens.  L'auteur  décrit  de  plus  l'ascension  du 
Christ,  l'avènement  du  Saint-Esprit,  s'occupe  assez  longue- 
ment de  la  prédication  des  apôtres,  de  la  venue  de  l'antechrist, 
des  quinze  signes  avant  le  jugement  dernier,  du  jour  du 
jugement;  et  il  termine  par  ces  vers  : 

,,,,,•  Ici  fait  Bereneiers  fin  d'iceste  raison 

I  Et  prent  autre  raatere  a  taire  son  sermon. 


AUTEURS  DE  CHANSONS,  etc.  83g 

r>^..  .  »^  ^     7-  .,         ,  .V  Mil    SIÈCLE. 

LiCtte  autre  matere  est  u  sermons  au  puile  (  au  peuple  ), - 

qu'il  finit  encore  en  se  nommant.  ibia.f.6i,ï», 

col.    2. 

Or  fine  Berengien  les  vers  de  haute  estanne ',  'Estime. 

Que  frères  Baudicius  H  fist  faire  an  Pulanne',  jm 'T^' 

Qui  jadis  habita  ens  el  tos  de  Melàdhe',  .  „!     ?•  , 

r .  r  •     -  -  ■    i   .  .  *Meine(el(ut 

tt  fu  prive  a  tous  neis'  a  genl  estranne.  j.^^,  „,„^^  j„ 

/~i  •     j-  I  •  élraiigei-s   . 

Les  vers  indiquent  bien  quelques  circonstances  de  la  vie 
du  poète,  mais  ne  suHisent  point  pour  dissiper  l'obscurité 
qui  jusqu'ici  s'est  attachée  à  sa  personne.  A.  D. 


TROUVÈRES, 

AUTEURS  DE  CHANSONS,  SIRVENTES,  ET  AUTRES 

OPUSCULES. 

Lja  fécondité  des  trouvères  n'est  pas  moins  remarquable 
dans  le  genre  de  la  chanson  que  dans  tous  les  autres  genres 
de  poésie.  Il  serait  difficile  de  calculer  le  nombre  des  re- 
cueils de  pièces  légères,  d'opuscules  lyriques  de  toute  espèce, 
que  contiennent  les  manuscrits  des  xii*^  et  xiii*  siècles.  Et 
que  serait-ce,  si  l'on  pouvait  y  joindre  les  chansons,  sir- 
ventes  ,  etc. ,  qui,  depuis  des  siècles  peut-être ,  se  chantaient, 
se  chantent  encore  dans  les  anciennes  provinces  de  la  France, 
et  que  des  amateurs  de  notre  vieille  littérature  prennent 
quelquefois  la  peine  de  recueillir!  Mais  écrites  en  des  idio- 
mes qui  ne  sont  point  la  véritable  langue  romane,  elles  ne 
doivent  nous  occuper  que  par  occasion,  que  lorsqu'elles 
nous  offriront  le  moyen  d'appuyer  une  conjecture  histori- 
que, ou  de  prouver  l'étymologie,  la  vraie  signification  de 
quelques  mots. 

Nous  ne  rangeons  point  parmi  les  chansons  en  langue 
romane,  comme  l'ont  fait  tant  d'autres,  les  lais,  et  surtout 
les  lais  historiques,  intégralement  tirés  ou  seulement  imités 
des  poésies  galliques  ou  bretonnes.  Ces  lais  sont  de  vérita- 
bles romans  abrégés,  ou,  si  on  l'aime  mieux,  les  germes  de 
la  plupart  de  nos  grands  romans  en  vers.  Mais  les  petits- 


84o  TROUVERES, 


XIIISIKCLE. 


poëmes  dans  lesquels  les  trouvères  racontent  en  quelques 
coupitts,  UFie  petite  aventure  d'amour,  de  générosité,  de 
couiage,  une  de  ces  petites  actions  dramati(jues  dont  le 
dénoùment  ne  se  fait  point  attendre,  ces  opuscules  que 
nous  nommons  aujourd'hui  romances,  nous  les  avons  clas- 
sés dans  les  chansons,  et  ce  ne  sont  pas  celles  qui  offriront 
le  moins  d'intérêt. 

Vietnient  ensuite  les  chansons  satiriques,  les  sirventes.  On 
en  possède  dans  les  grandes  bibliothèques,  de  très-mordan- 
tes, d  injurieuses  pour  des  personnages  puissants.  Plusieurs 
sont  des  matériaux  pour  l'histoire;  toutes  prouvent  que, 
dans  tous  les  temps,  notre  nation  a  su  combattre  les  abus, 
la  violation  des  lois,  non  seulement  |)ar  une  résistance  ou- 
verte, mais  eti  s'armant  aussi  de  l'arme  du  ridicule. 

Il  est  assez  extraordinaire  qu'on  ne  trouve  presque  aucune 
chanson  bachique  dans  nos  anciens  recueils.  Et  pourtant 
nos  pères  étaient  intempérants  et  grands  buveurs.  Comment, 
au  milieu  de  leurs  banquets,  de  leurs  fêtes  qui  duraient 
quel(|ut'fois  plusieurs  jours,  ont-ils  pu  négliger  de  célébrer 
le  dieu  des  vendanges?  Nous  ne  croyons  pas  qu'on  puisse 
leur  adresser  un  tel  reproche,  ou  plutôt  leur  faire  honneur 
d'un  tel  oubli.  Ils  auront  chanté  le  vin  et  les  plaisirs  de  la 
table,  plus  souvent  peut-être,  et  non  avec  autatit  d'esprit  et 
de  talent  qu'on  l'a  fait  en  des  temps  plus  rapprochés  de  ceux 
où  nous  vivons;  mais,  dans  les  siècles  antérieurs,  les  pro- 
ductions de  ce  genre  étaient  probablement  improvisées,  les 
auteurs  ne  les  destinaient  pas  à  une  durée  plus  longue  que 
celle  du  festin  oii  ils  les  chantaient.  Elles  n'ont  pas  survécu 
à  l'ivresse  qui  les  avait  inspirées. 

11  n'en  a  pas  été  de  même  des  chansons  d'amour  et  de 
galanterie.  Combien  il  nous  en  est  parvenu  qui  même  au- 
jourd  hui  nous  étonnent ,  soit  par  l'énergie  de  la  passion, 
soit  par  la  délicatesse  des  sentiments  qui  y  sont  exprimés! 
Nous  ne  saurions  donc  approuver  ce  qu'en  a  dit  un  écrivain 
qui  pourtant  s'est  fait  un  nom  par  ses  connaissances  éten- 
dues dans  la  langue  romane.  «  La  plupart  des  anciennes  chan- 
M.  de  r.oquc-  «  SOUS,  obscrvc-til ,  ne  sont  remplies  que  de  lieux  commtms 
fon.Deia  poé-  (c  d'une  fade  galanterie,  de  tristes  supplications  des  auteurs 
siefrançaisetian,  ^^  -^  Umips  maîtresscs  Dour  Ics  attendrir,  de  plaintes  éter- 

les   xir  el  XIII  ,',.  1       I  'I  •     •    1  I 

iiècles.p,  211.  «  nelles  contre  les  médisants;  ledebuten  est  trivial, et  on  le 
«  prendrait  pour  une  formule,  tant  il  est  fréquemment  em- 
«  ployé.  En  voici  quelques  exemples  :  La  verdure  renaît  ; 


AUTEURS  DE  CHANSONS,  etc.  84 1 


XIII  SIECLE. 


<c  le  printemps  revient  ;  le  rossignol  chante ,  je  veux  chanter 
a  aussi;  etc.  •»  Ce  que  l'auteur  dit  là  des  chansons  des  trou- 
vères pourrait  s'appliquer  aux  chansons  d'amour  de  tous  les 
poètes  et  de  tous  les  pays.  Depuis  Tibulle  et  Catulle  jusqu'à 
Pétrarque,  et  depuis  Pétrarque  jusqu'à  Bertin  et  Parriy,  les 
poètes  erotiques  ont  employé  les  mêmes  images,  mais  non 
les  mêmes  couleurs,  ('hez  tous,  le  sentiment  est  le  même  au 
fond  :  il  serait  diilicile  qu'ils  n'usassent  pas,  pour  le  pein- 
dre, des  mêmes  imajjes;  mais  que  de  nuances  différentes, 
pour  qui  sait  les  apercevoir,  dans  les  couleurs  de  leurs 
palettes!  Il  n'est  pas  si  difficile  qu'on  le  pcnse.de  découvrir 
dans  les  chansonniers  du  moyen  âge,  quelle  est  la  manière 
qui  distingue  chacun  d'eux.  Avec  un  peu  d'habitinle  de  les 
lire,  on  ne  confondra  point,  par  exemple,  malgré  leur  ap- 
parente ressemblance,  les  chansons  du  sire  de  Couci  avec 
celles  du  roi  de  Navarre. 

On  a  fait  une  remarque  :  c'est  qu'un  nombre  considérable    ...  ^        Z  ~ 
1  II  1      I        i-  1        ^  1         •  1       aAus»)-  ,    Fa- 

de noljles,   (le  ciievaliers,  de  comtes,  de  pruices,  sont  les  bUauj  ei  cvoies. 

auteurs  de  l.i  plus  grande  partie  des  chansons  qui  nous  sont  '  "^p  ^i"' 

parvenues ,  mais  quey?<7J  un  seul  n'a  composé  de  contes.  Il  y 

a  bien  quelque  chose  à  dire  sur  cette  remarque  :  il  ne  nous 

semble  pas  certain  qu'aucun  de  ces  grands-là  n'ait  composé 

de  cotites.  Dans  la  suite  de  cet  ouvrage  ,  il  se  présentera  plus 

d'une  occasion  de  prouver  qu'il  est  une  foule  de  lais,  de 

fabliaux  même  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  des  nobles,  qu'à 

de  hauts  personnages.  Mais,  au  reste,  dans  aucun   temps, 

dans  aucun  ])ays,  les  vastes  compositions  poétiques  n'ont  été, 

ne  peuvent  être  l'ouvrage  de  ces  hommes  dont  le  teinp.sest 

absorbé  par  des  affaires  et  des  jouissances,  par  des  soins  qui 

leur   paraissent  d'une  tout  autre  importance.  Homère,  pas 

plus  que  Virgile,  n'était  gentilhomme,  et  le  Tasse  et  Milton 

n'ont  jamais  vécu  dans  l'opulence. 

Ce  sofjt  des  seigneurs,  des  nobles  que  nous  allons  d'abord 

appeler  à  la  revue  que  nous  nous  proposons  de  faire  de  nos 

anciens   chansonniers;  et  cela  parce  qu'ils   nous  ont  paru 

devancer  tous  les  autres  par  la  date  soit  de  leur  naissance, 

soit 'de  leur  mort.  D'ailleurs  il  faut  convenir  que,  dans  ce 

genre  de  poésie  légère,  ils  se  sont  distingués,  et  qu'ils  ont 

sur  leurs  rivaux  une  incontestable  sujjériorité. 

LUC   DE  LA   BARRE.  —Ce  poète  anglo-normand  flo- 
rissait  vers  !a  moitié  du  X(i'  siècle;  et  peut-être  nos  prédé- 

Tonie  XFIII.  Ooooo 

5  6    * 


842  TROUVERES, 

Xin  SIKCI-K.  .         .,      ,  ,  c  •  ■  ■  ,,.  .       . 
cesseiirs  aur;i!eiit-il:>  (lu  en  taire  mention  ,  puisque  I  histoire 

n'a  point  neglii^é  de  nous  apprendre  combien  son  talent  lui 

devint  funeste.  Nous  allons  réparer  cette  omission. 

On  (ixe  ordinaiiement  l'orif^irie  du  j-m'fwfe  ou  sin'entois, 

es[>èce  de  chanson  le  plus  souvent  satirique ,  aux  dernières 

années   du    xi<^  siècle;   et,   si    l'on    en    croit    M.   l'abhe    De 

la  Rue,  ce  fut  en   Picardie  que  prit  naissance  ce  genre  de 

poème,  qui  se  propajrea  avec  ra|)i(hié  en  Normandie  et  en 

Airii;io!(.yia  Angleterre.  Mais  quelque  nom  qu'ait  porté  la  salire,  n'at-elle 

iîiit.iii.  \()i.  \n,  pas  dû  paraître  en  même  temps  que  la  poésie  elle-même? 

•'    '""'  ce  fut  en   tous  temps,    et  ce   sera  toujours  l'arme  la  plus 

usuelle  des  poètes. 

Quoi  qu'il  en   soit,  le  chevalier  Eue  de  la  Barre  ne  fit 

que  trop  usat^e,  pour  son  malheur,  de  cet  art,  ancien  ou 

nouveau,  de  poursuivre  un  eniuîni.  C'est  ce  que  nous  a|)- 

,,   ,    oreiid  un  historiiMi ,  son  contemporain,  Orderic  VifaI  qui  le 

iiisioi.  Oans  !.•  f>te  avcc  homieur  en  deux  ou  trois  endroits  de  ses  chroni- 

ii< jcii.leshisto-  ques,   et  lui  donne   aussi   le   titre   de    Miles;  ce  cpii   nous 

ri. n>.:.  No, mail-  ,^m(j,.isg  J,  l'appeler  chevalier.  ¥a  en  effet  il  possédait  le  lief 

ilir,<lrl)ii(liesn<',       ■       ■       r»  i  i  -  •     I   !■ 

p. 8S.>,8.Si         de  la  Barre,  dans  la  vicomte  d  Evreux. 

\iLiiioiics  ici       Ees  seigneurs  normands ,  au  commencement  du  xu*"  siècle, 
■iiiiif|..an^s     .le  j^j^.  sout(i;,j(.|it  p;is  tous  avcc  lésigiiation  le  iou};;  que  leur 

>i)iiiiaii(iif  .     11.     .  -Il  •     ipr  •       !•  i  I  II  •        I    '■  r     ' 

•>f5n  imposait  Henri  1,  roi  d  Angleterre.  Ils  se  révoltaient  fré- 

quemment; mais  presque  toujours  le  puissant  monarque  les 
soumettait  sans  beaucoup  d'efforts,  et  quelquefois,  aprèsleur 
défaite,  exerçait  sur  eux.  comme  on  va  le  voir,  d'atroces 


vengeances 


En  liai,  il  battit  et  lit  prisonr.iei's  nombre  de  seigneurs 
rebelles,  dont  les  principaux  étaient  (j;  ofïroy  de  Tourville, 
Odoard  Dupiii,  et  I^uc  de  la  Banc  cjui,  outre  le  délit  de 
rébellion,  était  accusé  d'avoir  tourné  <n  ridicule  le  monar- 
que dans  plusieurs  sirventcs.  Henri  rtsolut  de  faire  compa- 
raître (levant  lui,  à  Rouen ,  ces  tr(;is  prisonniers,  quelques 
jours  après  la  Pàque  de  l'an  1 124,  et  il  les  condamna  à  perdre 
les  veux.  Hex ,  post  Pascha,  judiciuin  de  reis  qui capti fue- 
runt ,  Ilotoinagi  tentât^  ibique  l'ioijfredum  de  TorvUia,  et 
Odoardum  de  Pino,  pro  perjurii  reatii  oculis privavit.  Lucam 
quoqiie  de  Barra  pro  derisoriis  cantionibus  et  temerariis  ni- 
sibus  orbari  luminibus  imperavit. 

Charles,  marquis  de  Flandre,  qui  assistait  à  ce  juge- 
ment, osa ,  cœteris  audacior,  comme  dit  Orderic  Vital ,  plain- 
dre le  sort  des  condamnés,  et  représenta  au  roi  que  c'était 


AUTEURS  DE  CHANSONS,  etc.  843 

une  chose  monstrueuse,  inusitée,  de  punir  par  la  perte  d'un 
meinl)re,  les  chevaliers  que  "le  sort  de  la  {guerre  avait  remis 
dans  ses  mains,  niililcs  bello  caplos.  lienn  lui  répondit  :  «  Je 
vais  vous  prouver  qu'en  ceci  je  ne  fais  que  justire.  Codefroy 
et  Odoard  étaient  m(\s  hommes,  Aw«f//ejA»eoj.  Ils  ont  rompu 
leur  loi,  violé  leur  serment  de  fidélité  :  et  voilà  pourquoi  ils 
méritent  eu  la  mort  ou  au  moins  d'être  [junis  par  la  perte 
d'un  membre.  Etidcirch  nece  seuprivatione'nicmbrorum  pa- 
niri  mcruevunt.  Quant  à  Lue  de  la  lîarre,  il  ne  m'avait  point, 
:l  est  viai,  laif  hommage;  mais  à  Pont-Audemer,  il  a  com- 
battu contre  moi;  à  la  paix,  j'usai  d'indulgence  envers  lui, 
je  lui  permis  de  s'en  aller  en  liberté,  et  d'emmener  ses  clie- 
vaux  et  tout  ce  qu'il  possédait.  Et  depuis  il  a  pris  parti  pour 
mes  ennemis,  il  a  aigri  les  haines  qu'ils  me  portaient.  Il  a 
fait  plus,  il  a  composé  contre  moi  des  chansons,  joué  d'ou- 
trageantes panloun'mes,  et  a  chanté  publiquement  d'inju- 
rieux sirventes.  (Juinetiani  indécentes  ad  nie  cantinelas , 
facetus  coraula  (i)  coniposuit,  ad  injurlam  mei  palam 
cantavil.  » 

Apres  cette  apologie  de  la  sentence  qu'il  venait  de  rendre, 
Henri  ordonna  qu'on  l'exécutât  dans  toute  sa  rigueur. 

Mais  Luc  de  la  Barre  se  donna  lui-même  la  mort,  avant 
que  les  bourreaux  lui  arrachassent  les  yeux.  Il  se  brisa  la 
tête  contre  les  murs.  Porro  Lucas,  ut  œ ternis  in  hac  vitd 
tenehris  condeinnatuni  se  cognovit,  miser  niori  quant  fus- 
catiis  vivere  maluit  ;  et  lanistis  perurgentibiis  in  quantum 
potuit ,  ad  detrimentum  sut  ohstitit.  Tandem  inter  manus 
eoruni ,  parietiblis  et  saxis ,  ut  amens,  caput  suum  illisit,  et 
sic,  multis  mœrenlibus  qui probitates  ejus  atque  facetias  no- 
verant ,  miserabiliter  animain  extorsit. 

Et  voilà  comme  fut  traité  au  xn^  siècle  un  poète  distingué, 
par  un  roi  qui,  d'après  toutes  les  biographies,  aimait  et 
cultivait  les  lettres,  ce  qui  lui  avait  fait  donner  le  surnom 
de  beau  clerc! 

(i)  Coraula,  et  quelquefois  caraula.  —  Dans  la  traduction  abrégée  qui 
cette  citation,  nous  n'avons  précèilepas  explique,  comme  le  fait  le  glossaire 
(Je  Ducangc,  le  luotcnrnu/a  par  celui  «le  sorti7i'é(rs ,  parce  qu'il  nous  paraît 
signifier  ici  tout  autre  chose.  Cornu/a  ne  sigiiilierait-i!  point  «les  panto- 
mimes ou  danses  dérisoires  dans  lesquelles  on  contrefaisait  les  gesles,  la 
figure  lie  tels  ou  tels  personnages  ,  ce  que  nous  ajipelons  enfin  ,  d'apiès  les 
Italiens,  caricatures?  Peut-être  aussi  les  mots  Juretiis  co'niila  sont-ils 
employés  dans  le  texte  comme  qualification  personnelle  -facétieux  pan- 
tomime y  farceur? 

OoOOO  2 


XUl  SIECLE 


XI U  SIECLE. 


844  TROUVERES 

Nous  ne  connaissons  en  France  aucune  des  poésies  de  Luc 
de  la  Barre;  mais  il  est  viais«mblaljle  qu'on  en  trouverait 
dans  les  bibliothèques  de  l'Anj^leterre. 

Faucliet  remarque  que,  dans  une  de  ses  cliansons,  le 
poète  Richard  de  Fournival  (nous  en  parlerons  plus  tard  ) 
«  introduit  une  vieille  dame  qui  se  vant'e  que  le  li  ci  irais  d 
plorè  pour  elle.»  Ce  Barrois  ne  serait  il  point  notre  Lue 
de  la  Barre,  «  clievalier  fort  estimé  du  t«m|)s  de  Philippe- 
Auguste?  »  ajoute  Fauchet.  Cila  nous  paraît  impossible. 
Hugues  de  la  Barre  n'existait  plus  avant  le  règne  de  l'hilippe- 
Auguste.  A.  D. 

MAURICE  DE  CRAON  et  PIERRE  DE  CUAON,  son  iils. 
—  Ces  deux  .st-igneurs  se  distinguèrent,  l'un  dans  le  xn^, 
l'autre  dans  les  premières  annt'es  du  xni*  siècle,  par  leurs 
grandis  richesses  et  par  leurs  talents  en  poésie. 

Quflques  l)iographes  ont  cru  que  cette  iamille  de  Craon, 
qui  n'est  pas  sans  illustration  dans  notre  histoire,  était  ori- 
ginaire <lu  Maine  ou  de  l'Atijou;  mais  M.  De  la  Rue  a  très- 
M  i'ai>i  ù  lie  ijjen  prouvé  que  si  les  Craon  ont  possédé  des  terres  dans 
,iie,^  inuxt-  ^^^  niovinces,  que  s'ils  y  ont  exercé  de  hautes  fonctions,  ce 
ni..i.<is,  lin,  p.  furent  les  rois  d'Angleterre  qui,  a  dater  de  i'epotjue  même 
'y-  delà  conquête,  en  106G,  les  comblèrent  d'honneurs  et  de 

richesses. 

Dans  un  précédent  article  (  p.  84i  ),  nous  avons  fait  ob- 
server que  la  plupart  des  chansons  du  xni^  siècle  avaient 
été  composées  par  des  seigneurs,  des  chevaliers  qui,  s'ils 
n'entreprenaient  jamais  de  longs  poèmes,  voulaient  bien 
quelquefois  se  doinier  la  peine  de  (hanter  leurs  amours, 
leurs  plaisirs.  Leurs  chansons  nous  sont  parvenues,  tandis 
que  nous  ne  possédons  plus  celles  de  tant  de  chansonniers 
vulgaires.  La  raison  n'en  est  pas  diflicile  à  trouver.  Les  poètes 
de  haut  parage  conservaient  avec  le  plus  grand  soin  les 
productions  de  leur  génie  poétique;  ils  en  multipliaient  les 
copies,  eu  faisaient  probablement  des  dons.  De  là  tous  ces 
élégants  recueils  de  chansons  et  de  poésies  galantes  en  lan- 
gue romane. 

Elle:.sont  toutes  du  genre  erotique,  comme  on  doit  faci- 
lement le  croire,  les  chansons  des  deux  seigneurs  de  Craon, 
Maurice  et  Pierre  son  fils.  Ce  dernier  dit  avec  raison  dans 
l'une  de  ses  pièces,  qu'il  chante  Xamouv  par  droit  d'héritage. 
On  trouve  leurs  très -légères  productions  à  la  Bibliothèque 


AUTEURS  DE  CHA^SONS,  etc.  845 


XHISIKCLE. 


loyale,  mêlées  à  celles  de  plusieurs  autres  seigneurs  d'une 
é[)0(jue  moinsancieiitie.  Ellesofirent  pHifoisdela  délicatesse, 
1 1  quelque  sentiment  tle  l'iiarnionie  poétique;  ce  qui  les  rap- 
proche des  chansons  de  ces  troubadours  grands  seigneurs 
(jui  ,  tout  en  guerroyant  sans  cesse,  s'amusaient  à  chanter 
leurs  amours. 

On  reconnaît  la  manière  des  troubadours  dans  la  chanson  u,,,M'i)j!iaHu!. 
de  Maurice  de  Craon,  qui  commence  par  ce  couplet  :  Tioiuèiesansio- 

nurmaiids,  I.  III, 
Al  enirant  del  doiiz  termine  p.  194. 

Del  temps  nouvel, 
Que  naist  la  flour  en  l'espine, 

El  cist  oisel 

Chantent  parmi  la  traiidine' 

c       j     ,   1    1                                                                                                  'Lesbosciuels 
aen    et  liel ,  ^^  , \ 

Donc  me  lassant'  amours  fine 

D'un  très-doux  ni.il,  etc. 


I.es  autres  chansons  de   ces  seigneurs  de  Craon  sont  de 
ce  genre  et  de  ce  goût.  A.  D. 


'Oaiinent. 

'  .M'.illiK|iieilc 

nouveau    re\iciit 


QIIESNES  ou  COESNE  DE  BJ'THUNE et  HUES  D'OISY. 
—  Nous  croyons  devoir  accoler  ici  ces  deux  clievaliers,  qui 
l'ureiil  l'un  et  l'autre  poètes  distingués  et  liraves  guerriers. 
Hues  d  Oi^y  avait  été  le  maître  de  Quesnes  de  Béthune 
dans  l'art  <l'."s  vers;  mais  si  nous  en  jugeons  par  les  chansons 
(jui  nous  restent  de  l'un  et  de  l'autre,  l'élevé  surpassait  le 
maîtie. 

Qtiesnes  de  Béthune  naquit,  vers  le  milieu  du  xii*"  siècle, 
d'une  l'aînille  déjà  illustre.  Son  frère  aîné,  Guillaume,  fut 
avoue  dé  la.  viile  de  l'ethune,  ville  qui  était  comprise  dans 
les  (lc!nai:ies  de  la  lamille.  Le  titre  d'avoué  était  alors  aussi 
lionorahle  (ju'iinpoilant  :  on  pounait  traduire  aujourd'hui 
ce  mot  ancien  par  celui  de  représent.int ,  de  protecteur  ou 
défenseur  de  la  ville.  Or  ce  titre  appartenait  de  plein  droit 
à  l'aîné  de  la  famille  des  Béthune.  En  1248,  nous  trouvons 
encore  un  Béthune,  du  nom  de  Robert,  avoué  de  la  ville 
d'Arras;  et  ce  Robert  a  mérité  une  place  dans  ce  volume  de 
notre  Histoire  littéraire.  On  peut  voir  ci-dessus,  page  385, 
l'article  que  nous  lui  avons  consacré. 

Un  des  plus  grands  ministres  qu'ait  eus  la  France,  Sully,      .Me,noiii,  ■!', 
se  fait  gloire,  dans  ses  Mémoires,  de  descendre  de  Qucsnes  Sully,  i.l". 
de  Béthune  qui , en  effet,  s'illustra  à  la  fin  du  xu*"  siècle,  par 
son  courage  plus  encore  que  par  ses  vers.  Deux  fois,  il  fit  le 


846  TROUVERES, 

XIII  SIKCLK  j     1      ^'  C    •    .  »  '     I  in  .       .  l 

voyage  de  la   1  erre-aaiiite  ,  et  a  la  prise  de  Lonstantmople, 

en  I;^o'^,  il  fut  des  |)r«Mniers  qui   aihorèrent  sur  It-s  murs 
de  cette  capitale  l'étendard  des  croisés. 

Si  l'on  excepte  ces  deux  épo(|ues  de  sa  vie  où  il  guerroya 
contre  les  Sarrasins,  on  le  trouvera  gaus  cesse  ou  à  la  cour 
de  Philip|)e-Auguste,  ou  à  la  cour  du  comte  de  Champagne. 
Ces  deux  cours,  et  surtout  la  dernière,  étaieîit  alors  le 
rendez-vous  habituel  des  trouvères  et  des  ménestrels.  Là. 
Qucsnes  de  Rethune,  (jui  n'était  ni  trouvère  ni  ménestrel 
de  piolession,  se  livrait  à  tous  les  plaisirs,  faisait  des  chan- 
sons et  (les  maîtresses.  Marie,  comtesse  de  Champagne,  fut 
la  première  à  (jiii  il  adressa  ses  hommages  et  ses  chants 
d'amour,  l^a  veuve  de  Louis  Vi[,  Alix,  voulut  l'entendre, 
et  il  chanta  en  présence  de  cette  reine,  de  Philippe-Auguste 
encore'  très  jeune,  et  de  la  dame  de  ses  pensées,  Marie  de 
(Champagne.  Mais  il  eut  peu  de  succès.  La  reine  Alix  se 
mêlait  elle-même  de  poésie,  et  avait  d'autres  poètes  pour 
protégés  :  elle  trouva  (jue  les  vers  de  Quesnes  se  sentaient 
trop  du  langage  de  l'Artois  son  pays;  qu'ils  péchaient  par  le 
choix  des  expressions  et  le  peu  de  délicatesse  des  idées;  (jue 
rien  enfin  n'y  rappelait  la  politesse  et  la  pureté  du  langage 
Lan  """'■"g'"'  de  l'Ile  de  France. 

lançais,  p  i  Cette  mésaventurc  irrita  grandement  notre  poète,  et  fit 
ëclore  en  lui  un  certain  goût  pour  la  satire,  qui  se  manifesta 
en  plus  d'une  occasion.  Il  se  vengea  surtout  de  la  reine  Alix,- 
par  une  chanson  dont  voici  un  des  couplets. 

,,.  La  roine  ne  fit  pas  fine  courtoise' 

Laiiinu  rpiir-  ,.    •  •  n  i'        i  ■■ 

jiij^p  Qui  nie  reprist ,  elle  et  ses  tiex.  li  rois; 

Encoir  ne  soit  ma  parole  tiançoise, 

Si  la  puet-on  l)ien  entendre  en  trancois. 

j\'e  cil  ne  sont  l)ien  appris  ne  (  oilois 

Qui  mont  reprist,  se  jai  dit  mot  d  Artois. 

Car  je  ne  lus  pas  norriz  à  l'ontoise. 

Ces  vers  nous  apprennent  une  chose  assez  importante  : 
c'est  (jue  dès  L'  xii*^  siècle,  on  ne  reconnaissait  comme  bon 
langage  français  que  celui  des  habitants  de  l'Ile  de  Fiance; 
que  les  autres  dialectes  usités  dans  les  Gaules  étaient  ré- 
putés jargons. 

Ce  fut  en  ce  temps,  en  i  i88,  qu'arrivèrent  de  la  Terre- 
Sainte  les  plus  désastreuses  nouvelles.  Saladin  avait  repris 
à  peu  près  toutes  les  conquêtes  qu'avaient  faites  jusque-là 


Al  TKITIIS  DE  CHANSONS,  etc.  847 

1  •     •       Il  I-  11  1  .1-.,  ,  ^"l  SliCLE. 

It's  croises.  Il  fallut  tjue  les  puissances  de  1  hurope  s  enten-   . 

dissent  de  nouveau  pour  porter  secours  aux   cliretiens  qui 
restaient  encore  en    Syrie.   i\ic!iard    Cceur-de-Lion   et  Phi- 
!ippe-Aut;uste  se  croisèrent  des  premiers.  Mais  combien  il 
fallut  de  temps  et  d'efVorts  pour  former  cette  nouvelle  croi- 
sade; ])()ur  engaf:;er  les  chevaliers  à  entreprendre  encore  le 
pénible  voyaç[e  d'outremer  !  Cependant  Ouesnes  <le  Bethune 
les  encourageait   par  ses  vers  et   par    son  exemple;  car  il 
s'était   croisé,  et  c'était   la   comtesse   Marie  de  Cham|)agne 
qui  l'avait  surtout  décide  à  prendre  la  croix,   il  découvrit 
bientôt  quel  avait  été  en  cela  le  motif  de  la   perlide  :  elle 
lui  était  inlidèle.  Dans  son  dépit,  il  fulmina  contre  toutes 
les    femmes   des   couplets   dith\  rambicpics ,    qui    causèrent 
un    vrai   scandale    dans  cette  cour  où  l'on    professait,    du 
moins  en  appartnce,  un   grand    respect  j)Our  les  dames  en 
généra!,  et  surtout  |)ùur  les  daines  de  haut  par.ige.  Il  chercha 
à  s'excuser  dans   une  chanson,  où  il  avouait  qu'il  avait  eu 
?brt  de  comprendre  toutes  les  (énimes  dans  la  maledicticvn 
qu'une  seule  méritait.  Voici  un  couplet  de  cette  espèce  de 
palinodie,  qui  n'en  est  pas  une  : 

Por  mie  ■qu'en  ai  h;iie, 

Ai  (lit  aux  autres  folie, 

(lonie  irous. 

iM.ii  ait  vos  cuers  '  convoitous  , ,,      ,. 

.       ,  c      ■     I  -Mjii.hl     s.iil 

IJui  III  envola  eu  bui le  1  .,,,,,.,.  ,.,^,„.      ,] 

Faus.se  estes,  voir  plus  que  pie,  Viulrcsscii  i  jmui 

Ne  mais  por  vous  inridi-le'. 

N'aver.ri  j:'i  iex  ploious. 

\  os  estes  de  1  a()l)aie 
.\s  s'offre  à  tous  , 

Si  ne  vos  noiuiiieiai  mie. 

Quesnes  de  Béthune  n'en  partit  pas  moins  avec  la  croisade 
que  conduisaient  deux  jeunes  princes  destinés  à  jouer  de 
grands  rôles  daiis  l'histoire  :  Philippe-Auguste  et  Richard. 
On  sait  combien  fut  de  courte  durée  l'union  de  ces  deux 
princes,  ainsi  que  l'expédition  que  d'accord  ils  avaient  en- 
treprise. Philippe,  malade  de  la  fièvre  et  plus  encore  de  sa 
jalousie  contre  Richard,  s'empressa  de  revenir  en  France 
avec  la  plupart  des  chevaliers  qui  l'avaient  suivi.  Quesnes 
de  Béthune  était  du  nombre.  Partout  en  France,  on  fut 
indigné  de  ce  retour  si  prompt;  on  les  accusa  d'abandonner 
lâchement  la  cause  de  Dieu.  Quesnes  de  Béthune  qui,  |)lus 
qu'aucun  autre,  avait  excité  par  maintes  chansons  les  sei- 


XIII  SIECLE. 


848  TROUVERES, 

gneurs  à  prendre  part  à  l'expédition,  fut  l'objet  des  plus 
oulraj^eants  s;n-casines.  Messire  Hues  d'Oisy  composa  contre 
lui  une  chanson  satirique. 

Tout  ce  que  nous  savons  de  ce  poèfe  Hues  d'Oisy,  c'est 
qu'il  était  chev;dier;  qu'il  avait  été,  comme  nous  l'avons  dit 
ailleurs,  le  maître  de  Quesnes  de  Béthiine  dans  l'art  de 
rnner,  et  (jud  avait  la  réputation  de  bon  poète.  Nous  alloi;s 
citer  le  commencement  de  la  chanson  ou  satire  (|u"il  (\t 
courir  contre  Quesnes,  chanson  dans  laquelle  le  roi  Phi- 
lipjie  n'est  pas  plus  épargné  que  le  chevalier  revenu  trop 
promptement  de  ta  Terre-Sainte. 

Maugré  ions  sains  et  niaiigré  Dieu  aussi, 
Revient  Quenes,  et  ni;il  soit-il  vegnans! 
Honis  soil-i!  et  ses  prééclienients, 
Et  lionnis  soit  qui  de  lui  neditli! 
Q(i:;nt  Diex  verra  que  ses  besoins  est  grans  , 
Il  li  faudia,  quur  il  li  a  failli. 

Ne  chantés  mais  ,  Quenes  ,  je  vous  en  pri , 

Qiiar  vos  chanson  ne  sont  mèsavenans; 

Or  menrcz  vo;  honteuse  vie  ci. 

Ne  volsistes  por  Dieu  niorir  joians. 

Si  vos  conte-on  avoec  les  recréans. 

Et  remanrés,  avoec  vos  roi ,  failli. 

Jà  dame  Diex  qui  seur  tons  est  puissans 

Du  roi  avant  et  de  vous  n'ait  merci. 

On  ne  sait  point  si  Quesnes  souffrit  patiemment  cet  ou 
trage.  Il  est  plus  étonnant  que  Philippe  ,  qui  ne  devait  pas 
se  trouver  moins  insulté,  n'en  ait  pas  tiré  vengeance. 

Quesnes  de  Béthune  prouva  bientôt  après  combien  peu 
il  méritait  les  reproches  que  lui  avait  adressés  Hues  d'Oisv. 
Il  repartit  pour  la  Terre-Sainte ,  et  se  signala  dans  presque 
tous  les  grands  événements  qui  rendirent  si  celèl)re  la  qua- 
trième croisade.  Nous  ignoions  la  date  pirâcise  de  sa  mort, 
mais,  en  laa^i  ''  n'existait  plus;  ce  que  l'on  voit  par  ces 
deux  vers  du  chroniqueur  poète  Philippe  Mouskes  : 

La  terre  fu  pis  en  c'est  an  (  1224); 
Car  li  viens  Quesnes  estoit  mors. 

M.  P.  Paris,  dans  son  Romancero  français ,  a  publié  sept 
ou  huit  des  phts  intéressantes  chansons  de  Que-.nes  de  Bé- 
thune, et  les  a  accompagnées  de  notes  historiques  où  l'on 
remarque  autj.nt  d'érudition  que  de  goiit.  A.  F). 


AUTEl  RS  DE  CHANSONS,  etc.  84f) 

\I1DI<FR()Y  LKRASTARD.- Est-ce  parce  qu'il  n'ct.-iit  _''-'!i-^l^'"— 
pas  ne  (l'iiiio  uiiidii  lcf;;itime  qu'AiulcfVoy  portait  le  nom  de     ^M.P.Paris.Ro- 
Biilarcl?  (Test  ce  (praucun  écrivain  ne  nous  ap|)rencl ,  et  ce  '"■^"'■''"'    ''*•"" 
qu'il  serait  au  reste  peu  important  desavoir.  Fauchet,  qui  ''^"'''' 
nous  a  donné  des   notices   sur  un  si  gr.ind  nombre  de  nos 
anciens  poètes,  ne  le  nomme  pas  :  même  silence  de  la  part 
des  Pasquier,  Lacroix  du  iMaine,  Gouj^et,  etc.  l't  ])ourtant  il 
ne  méritait  pas  cet  oubli.  C'est  incontestablement  le  meilleur 
de  nos  anciens  chansonniers,  le  plus  digne  de  la  palme  du 
talent. 

Si  l'on  ne  sait  cpiel  état  il  exerça  dans  le  monde,  et  s'il  y  fit 
autre  chose  (pie  des  chansons,  on  peut,  du  moins  par  con- 
jecture, dire  en  (piel  temps  il  vivait.  IVl.  J^aris  a  remarqué 
que  plusieurs  chansons  d'Audef'roy  sont  envoyées  par  lui  à 
un  seii^neur  de  ISesle.  Il  suppose  que  c'est  ce  Jean  de  Nesle  ,  , . , 

châtelain  de  Bruges,  qui  se  croisa,  le  2'3  février    1200,  le 
même  jour  et  dans  la  même  assemblée  que  Quesnes  de  Bé- 
thune.  Audefruy  serait  donc  contemporain  de  ce  Quesnes 
dont  nous  avons  parlé  dans  la  notice  précédente, et,  comme      y   f,.,iessus 
lui,  appartiendrait  aux  xii*^  et  xiii'=  siècles.  1..S45-847. 

Il  nous  est  parvenu  d'Audef'roy  le  Bastard  des  chansons 
amoureuses  et  des  romances ,  mot  qui  n'était  pas  connu  du 
temps  d'Audefroy,  mais  tpie  nous  n'avons  pas  l)esoiii  d'ex- 
pliquer, parce  que  personne  n'ignore  ce  qu'il  signifie.  Ces 
romances  ne  sont  point  des  lais ,  comme  l'i  cru  le  (irand-        1,.    c.iaml- 
d  Aussy.  Nous  avons  dit  ailleurs  en  quoi  différaient  ces  deux   'i  An^-sy  Coniei, 
geines  (voyez  ci-dessus,  p.  j'ii  ).  C'est  par   ses  romances  ',|, '"','''',''(^8  '   '' 
surtout  que  notre  poète  mérite  une  distinction  particulière. 
Le  Grand-d'Aussy  a  donné  de  cinq  de  ces  petits  poèmes,  des       ,,^|,|       .(„,_ 
extraits  en  prose;  mais  M.  Paris  a  fait  mieux,  il  en  a  publié   177. 
le  texte  en  y  joignant  des  notes  intéressantes. 

La  première  de  ces  romances  est  intitulée  JJe/e  Isabeaiis,  M.Tiaynoiiai<l. 
et  c'est  une  des  meilleures,  de  l'avis  même  de  M.  Raynouard,  J""'"''  ''"  ^''" 
qui  ne  se  hasarde  pas  fréquemment  à  louer  des  ouvrages  de  "gv^',,'  ,','1,  ' 
trouvères.  En  voici  le  début  : 

'  r.t  lui  elle. 

Hele  Isalu'aus,  pucèle  bien  aprise, 

.  „  ■',  ,•  ,      '    ■  Nous  11  avons 

Ama  Gérait  et  il  h  ,  en  tele  giiise  l,^.,„     ,,,    „,„, 

Qiiainc'  de  folour'  par  11  ne  fu  n^qiiise;  conesuoudanl. 

Ains'  lama  de  si  bonne  amour  M.  l'aris  l'expli- 

Que  mieus  de  H  garda  s'onour'.  qui;   par  amoii- 

Et  joie  atent  Gerars.  reme  merci. 

♦Mais. 
Tome  XI   III.  P  p  p  p  p  ^Sonl.onne.n 


8-30  TROUVKRES, 

XII[  SIÈCLE.  /-..■■  I  •.  .   '         .   1  ^^      n  '  t.. 

Lette  /6)/f  que  le  poète  |)roniet  a  cet  lionnete  Geiars,  kit 

long-temps  retarilee;  car  les  parents  d'Isabeau  racrordéient 
en  mariage,  et  contre  son  gré,  à  un  riche  Vatasseur.  Dans 
une  entrevue  qu'elle  a  avec  son  amant,  la  vertueuse  Isabeau, 
tout  en  lui  laissant  apercevoir  qu'il  est  toujours  aimé  d'elle, 
lui  demande  de  l'abandonner. 

"  Amis  Gernrs ,  faites  iiir»  cominantlise, 
'Vous    mon-  R'alez-voiiseii ,  si  terez  grant  franchise '. 

lierez  de  la  gêné-  Moric  maniiez  s  0(i  '  vous  estoie  prise; 

losité.  Franchi-  JMais  metez-voiis  lost  el  retour  : 

ir,  oiiioi,  con-  Je  vous  comnKiiit  au  créatour.  » 

«•«■isinii.  Et  joie  atout  Gérais. 

Ce  refrain,  qui  revient  à  la  Hn  de  chaque  couplet,  laisse 
toujours  l'espoir  d'un  heureux  dénoùment. 

Kt  (•e|)en(lant  (iérani,  clatisson  désespoir,  s'est  déterminé 
à  se  croiser  pour  la  Terre-Sainte.  Avant  de  partir,  il  fait 
demander  à  Isabeau,  par  son  écuver,  la  faveur  de  la  voir 
encore  une  fois.  Le  rendez-vous  est  accordé,  et  le  lieu  choisi 
est  un  verrier  (  un  parc). 

La  (lame  est  jà  par  la  verJoiir, 
Eu  un  verijier  cueillant  la  llour. 

Laissons  désormais  le  poète  terminer  seul  son  récit.  On 
jugera  mieux  de  la  naïveté,  du  naturel  de  son  style. 

«  Dame  por  Dieu,  fait  Gerars  sans  faintise, 

"  D'outremer  ai  por  vous  la  voie  emprise.  ■ 

,,  ,.  La  dame  l'ot',  mieux  vausist  estre  otise. 

'Lenlfndil.  c-     •      .     i     ■        .  i 

bi  s  entiehaisent  par  «iocoiir, 

Qu'amdui  '  chairent  eu  l'erbour. 
'■ro.-.sle.<leux.  1£(  —^  ^j^j,j  Gérars. 

Ses  maris  voit  la  folour  entreprise; 
Pour  voir'  cuitia  la  dame  morte  gise 
'l'oiir  vrai.  Lès*  son  ami!  Tant  se  het  et  desprise 

'l'iès  de.  (ju  il  pert  sa  force  et  sa  vigour. 

Et  meurt  de  tleul  eu  tel  erreur. 
Et  joie  atent  Gerars. 

De  pamison  lievent,  par  tel  devise 
Qu'il  tirent  faire  ati  mort  tôt  son  servise. 
M.c  iiinps  du  Li  Deus  it'iuaiut",  Gérars  par  sainte  Eglise 

fleiid  ii.isse.  \  lait  de  sa  dame  s'oissour'' 

'■S.iliimnc  DIS-  (jf  témoignent  li  ancissour. 

5uiii,d  uxor.  Et  joie  atent  Gérars. 


AUTEURS  DE  CHANSONS,  etc.  85 1 

Il  faut  convenir  que  les  événements  se  pressent  un  peu 
dans  ce  dernier  couplet.  A  peine  les  amants  sont-ils  revenus 
de  leur  douce  pâmoison  ,  qu'ils  songent  à  enterrer  le  mari 
mort,  puis  vont  se  marier,  et  justifier  ainsi  le  refrain  :  Joie 
attend  Gérard. 

C'est  dans  cette  manière  que  sont  composées  les  autres 
romances  d'Audefroy  le  Bastard  :  La  bêle  Idoine  ;  Argentine; 
Bêle  Emmelos ;  Hcatris ,  etc.  Dans  toutes,  on  trouve  des 
refrains  bien  adaptés  aux  sujets,  de  l'intérêt,  même  du  sen- 
timent, et  rarement  du  mauvais  goût.  Il  en  est  j)lusieurs 
qui,  si  l'on  y  eliangcait  quelques  tournures,  que!{{ues  ex- 
pressions qui  sont  vieillies  et  souvent  inintelligibles,  seraient 
écoutées  avec  plaisir  dans  nos  salons.  Il  est  vrai  quil  fau- 
drait en  renouveler  la  musique.  Nous  ne  croyons  pas  que 
l'on  ait  pu  jus(]u'ici  reconnaître  la  vraie  modulation,  le 
caractère  des  chants  (jue  l'on  trouve  souvent  notés  (iatis  nos 
anci<?ns  maïuiseiits,  et  entre  autres  dans  le  beau  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  du  roi,  n"  E.  (ii. 

Nous  ferons  connaître  dans  le  volume  suivant  une  foule 
d  autres  chansonniers,  la  plupart  princes,  ducs  ou  comtes 
qui  se  distinguèrent  au  commencement  et  dans  le  cours  du 
xiii*^  siècle,  par  leurs  talents  comme  poètes  et  leur  courage 
comme  guerriers.  Tels  furent  le  vidame  de  Chartres,  le 
comte  de  Bretagne,  Jean  de  Brienne,  Hues  de  !a  Ecrié,  le 
fameux  Thibaud,  roi  de  Navarre,  etc.,  etc.  A.  D. 


XIII   SIKCLK. 


Fh\    DU    TO>lli    DIX-lU;iTIEMK. 


TABLE 

DES  AUTEURS 


ET   DES  MATIERES. 


A.cADéMiE  de  Belles-Lettres,  établie  dans  dd 
noiuistère,  page  193. 

Adam  ^  clerc  de  Tévèque  de  Cïerraonl,  ré- 
dige nn  abrégé  do  Miroir  historique  de  Viocent 
de  Beauvais,   \t.  ^7*2. 

ADiM,évê((ne  de  Térouanne,  aDparavant 
doyen  et  archidiacre  de  l'église  de  Paris  ;  ab- 
dique son  é\èchc  en  12^9,  et  embrasse  iViat 
luuna&tique  à  Cbirvauic  II  nieort  en  ir>5u. 
On  ne  retrouve  nulle  part  l'Histoire  de  l'ordre 
de  Cileaux,  qui  lui  a  été  attribuée,  534  ,  535. 

Adam  de  Suel  et  Aham  de  (ioiEKCT  tra- 
duisent en  vers  français  les  Distiques  de  D.  Ca- 
tOD,  826-830. 

Aise  fait  larron  ^  proverbe  cité  dans  nn  re- 
cueil de  slalols  ecclésiastiques  du  commeoce- 
■lent  du  treizième  siècle,    sif. 

ÀiHÉnic  oe  PÉGUiLAiH,  troubadour,  né  à 
Toulouse.  Il  blesse  en  duel  le  mari  d'une  Jarae 
qu'il  courtisait,  685.  Obligé  de  s'expatrier,  il 
est  accueilli  par  le  troubadour  GoilLiuoie  de 
Bergédau.  Sa  lensou  avec  re  troubadour,  6Hfi. 
Sa  complainte  sur  la  mort  d* Alphonse  I  , 
comte  de  Pi"ovence ,  ibid.  Son  séjour  dans  les 
cours  de  Castdie  et  d'Aragon.  Il  rentre  à  Tou- 
louse déguisé,  et  se  rend  à  Mnntferral  aux  frais 
do  roi  de  Casiille,  B87.  Il  habite  en  Italie  de* 
puis  Tan  iioi  jusqu'à  sa  mort,  088.  Sa  com- 
plainte sur  la  mort  de  Guillaume  de  Malaspioa  , 
i^d.  Autre  complainte  sur  la  mort  de  Béalrix 
d'Est,  femme  de  ce  seigneur ,  691  ,  697.  Autre 
sur  la  mort  de  Kaimond  Béreoger  lY,  tromle 
de  Provence.  Sentiments  patriotiques  qn*îl  ma- 
nifeste à  celte  occasion.  Sa  répugnance  pour  le 
gouTememeut  des  Ki-ancais,  694.  Menlîoa  que 
Pétrsfqne  fait  de  lui,  69$.  Sa  mort  ve^  l'an 
1^55,4  l'àge  de  plus  de  80  ans, /(/^. 

Ar.BENic,  moine  de  Trois- Fontaine*,  ordre 
de  Citeiinx,  auteur  d'une  chronique  qui  finit  en 
1 14  *  4  ^79-  I^i'  nîtr.  a,  le  premier,  lait  imprir* 

Tome  XFllL 


mer  cette  cbroDÎqae;  correctioiu  et  interpola- 
tions de  cet  éditeur,  ihid.  Contenu  général  de 
la  chronique,  280.  Elle  est  l'ouvrage  d'un  seul 
auteur,  381.  Citatitms  qui  le  prouvent,  i%i. 
Jusqu'à  l'an  1 2-jo,  elle  nVst  qu'une  compilation 
qui  n'a  rien  de  neuf,  a84-  De  laio  à  ia4i, 
elle  fournit  des  faits  dont  Tauteor  avait  la  con- 
nuissâoce  personnelle,  tbid.  Il  ne  manque  pas  de 
discernement  et  de  critique,  ibid.  Mais  il  est 
d'une  excessive  crédulité  pour  ce  qui  regarde 
l'ustrologie  et  la  magie,  285.  Mérite  et  utilité 
de  cet  ouvrage,  286.  Recherches  sur  la  patrie 
de  l'dutenr,  a88.  Sur  le  temps  on  il  a  vécu,  289. 
Part  qa'Âlbérîc  a  prise  à  l'ouvrage,  391.  Cita- 
tions à  ce  sujet ,  ibid. 

Albert  de  Louvain,  élu  évéqne  de  Liège;  ses 
aventures  romanesques,  43a-435. 

Albigeois,  Passage  d'un  auleor  contemporain 
sur  les  excès  auxquels  ils  se  portaient,  2. 

Atejcand-e  ly  recommande,  ou  même  impose 
aox  écoles  la  somme  théologiqae  d'Alexandre 
de  Haies,  3i6. 

Alexahdke  de  Halês  ,  élevé  dans  le  cou- 
vent de  ce  nom,  an  comté  de  GIncester,  vient 
étudier  et  professer  à  Paris.  Il  se  fait  frère  mi- 
neur; récit  fabulent  de  sa  vocation.  Il  conserve, 
malgré  les  statuts  de  son  ordre ,  le  titre  de  doc- 
teur. Éc)at  de  ses  leçons.  Ses  disciples,  au  nom- 
bre desquels  on  ne  doit  compter  ni  saint  Booa- 
venture,  ni  saint  Thomas  d'Aquiu.  Il  est,  en 
1142,  nn  des  qnntre  commissaîses  chargés  de 
rédiger  une  explication  de  la  n^Ie  de  Saint- 
Krancuis.  Innocent  IV  loi  ordonne  de  recueillir 
ses  leçons  et  d'en  fotmer  un  corps  de  doctrine. 
Ce  travail ,  qui  a  pris  le  nom  de  Somme ,  fut 
soumis  à  rexainen  de  70  docteurs,  approuvé  par 
eux,  et  recommandé  aux  écoles  par  Alexandre  IV. 
En  I  ) 38,  Alexandre  de  Hdlèa  cède  sa  chaire  à 
Jean  de  la  Kochelle,  son  disciple  et  son  confrère. 
Mort  d'Alexandre  en  I2'|5,sa  sépulture  dans  le 
couvrnl  des  Cordeliers  de  Paris,  3ia-3i7.  Ses 
ouvrages  :  1^  Corofueotatrrs  sur  des  livres  sa- 
crés, 3i7,3i8;  »*  «a  Somme  ihéologique  «n 


Qqqqcj 


854 


TABLE  DES  AUTEtRS 


qnatre  parties  :  elle  n'est  pas  distincte  da  cnm- 
iDentaiie  des  quatre  livres  des  SenienoeSf  qui  lui 
est  attribué  :  Kibliogniphie  et  analyse  de  celte 
Somme,  3 1 8-32  1  ;  S'îTrailés  particuliers  uu 
opuscules  de  théologie;  ils  sont  à  écartercoiunie 
n'étant  que  des  parties  oo  fragments  de  la 
Somme,  on  comme  appartenant  à  d'autres  au- 
tenra  indication  de  six  on  sept  autres  articles 
qui  ont  peu  de  vjjear  ou  qai  ne  spnl  pas  trè-S- 
authentiques,  321-326;  4°  Compositions  his- 
toriques: Vies  de  Mahomet,  de  Thomas  llecket, 
du  loi  Richiird  ;  elles  sont  apocryphes.  Juge- 
ments portés  sur  la  Somme,  seul  ouvrage  bien 
authentique  d'Alexandre,  32*i-3'28. 

Alexand'^e  de  Aies  ^  né  à  Édirahonrg,  théo- 
logien du  seizième  siècle  et  de  la  confession 
il'Augsbourg  ,  auteur  d'un  livre  ,  de  Attctoritate 
'verbi  Pri  ^  attribué  par  une  inadvertance  de 
Morhofà  Alexandre  de  Halès,  docteur  du  trei- 
zième siècle,  323  ,  324. 

Alexandre  d' Alessin^  dominicain,  mort  en 
i653,  cttmmentateur  de  la  Genèse,  est  à  dis- 
tinguer au!»si  du  théologien  célèbre  sous  le  nom 
d'Alexandte  de  Halès,  324* 

ALEXANDRE  DE  ViLLEDicu  ,  religicux  frao- 
ciscain  ,  d'autres  disent  dominicain  on  bénédic- 
tin ;  grammairien  contemporain  et  collègue  de 
Rodolphe  et  d'Yson.  Il  met  en  vers  ses  leçons 
graminatirjjes  ,  et  les  înliinle  Doctrinale.  Suc- 
cès de  ce  livre;  usage  qa*on  en  lit  dans  les 
écoles  ;  éditions  qu*on  en  publia  âu  quinzième 
.siècle.  Auties  poèmes  d*Alexandre  :  Abrégé  de 
la  liible;  Trailéji  du  conipnt  ecclésiastique,  dn 
calcul,  de  la  sphère;  traduction  en  vers  des 
actes  des  jpôtres.  Il  est  mort  vers  ii4o,  202- 
aoy. 

AiiAHiEit  on  Amanève  de  Orésinhac,  arche- 
vêque d'Auch  ,  297.  Détails  snr  sa  vie  ;  le  pape 
lui  accorde  le  droit  de  faire  porter  la  croix  de- 
vant lui  ,  ibid.  Le  pape  institue  à  sa  demande 
l'ordri:'  militaire  de  Saint  Jacques,  298  II  meurt 
prisonnier  de  Frédéric  II.  Son  épilaphe,  ibid. 

Amniiry  de  Chartres.  Coodamnation  et  sup- 
plice de  ses  disciples,  34- 

Ame  humaine,  comparée  à  la  lune,  129. 

AitDRÉ  DE  LoivGJL'HEAO  (  près  dc  Paris), frère 
prêcheur.  Ses  missions  en  Orient,  i"  par  ordre 
de  Louis  IX  en  1 238 ,  pour  aller  chercher  la 
saillie  couronne  d'épines;  2°  en  1245,  auprès 
du  prince  tartare  Bajolhnoy.  A-t-il  été  envoyé 
p:r  Innocent  IV,  en  i247fanprès  des  primats 
orientaux,  scbïsmatiqnes  ?  Il  était,  en  124S, 
dans  l'ile  de  Clivpre,  on  passait  saint  Louis  ,  où 
arrivait  David  qui  se  disait  nonce  du  chef  des 
Tartares,  Ercalthay.  Le  roi  de  France  envoie 
André  et  six  antres  religieux  enXarlarie  :  à  leur 
arrivée ,  ils  trouvent  le  gi'and  cham  mort  en 
1249  ,  et  n'obtiennent  rien  de  sa  veuve  (Iharois. 
Renseignements  fournis  par  .André  de  Lnngjn- 
meau  à  Guillaume  de  Ruhruqnis.  Lettre  d'An- 
dréà  Louis  IK,  et  traduction  latine  par  le  même 
dominicain  ,  d'une  épilre  vraie  ou  sopposée 
d'Ercaltbay,  447,  448. 


>^«<//-ort/c,  empereur  de  Constanlinople.  De- 
scription de  son  supplice,  4a4- 

AnÉLtCH  (Guillaume),  troubadonr,  né  à 
Toulouse,  5.îJ.  Ses  sirventes  contre  la  croi- 
sade qui  tendait  à  dépouiller  Riiimond  VII  de 
ses  Etals,  554  *  ^^^-  U  se  plaint  du  refroidisse- 
ment que  la  guerre  faite  par  les  ciuisés  à  Rai- 
niund  VII  inspire  pour  les  troubadours,  55b.  Sa 
haine  c<*»l<e  les  Franc;ws,  ibid. 

Ahohyhls  (  c/r/ix  dantes)^  qui  composaient 
des  poésies  provençale!) ,  iiii  temps  de  Raimoud 
VI ,  comte   de  Toulouse,  543. 

.\sonYME  auteur  d'un  poème  sur  le  voyage 
de  Cbarlemagne  à  Jérusalem  et  à  Coostanti- 
oople.  Notice  de  cet  ancien  poème,  704-714. 

Ano:vyhe,  auteur  du  roman  de  Rcuves  de 
Hanstoue,  748-751. 

Ahuhyme  auteur  du  roman  de  la  Chaste- 
laine  de  Veigy,  779-7S6. 

Anohyme  auteur  du  poème  de  la  cour  de 
Paradis,  792-800. 

Ahohyme  auteur  du  romao  ou  lai  d'Hate- 
loc  le  Danois.  Analyse  de  cepoeiue;  notice  qts 
éditions  qui  en  ont  été  recemmeut  publiées, 
731-738. 

AnoifTHE  aateor  de  FOrdene  de  chevalerie, 
poème  où  S;iladin  est  fait  chevalier  par  Hue  de 
l'abarie,  à  qui  l'ouvrage  uièiue  a  été  attribue. 
Analyse  de  ce  puéiiie  qui  a  servi  à  l'histoire  dei 
instilulioiis  t-be\alereMjues,  752-760. 

Antaredos  ou  Turtosc,  ville  d'Orient  on,  se- 
lon ane  vieille  tradition,  saint  Pierre  ;:vait 
élevé  une  église  en  l'honneur  de  la  sainte 
Vierge,  20. 

Atitoitin  (Saint)  est  le  premier  qui  ait  fait 
Vinrent  de  l'eauvais  Ruiirguignon.  Propagation 
de  celte  erreur, -449,  460. 

Archivrs  de  Funce,  rétablies  par  les  soins 
de  Gautier  de  Vilbbéon  ,  d'Étieune  du  Gaal, 
et  surtout  de  Guérin  ,  evêque  de  Senlis,  38-41, 

Arkaiid  DE  (  oMiflGES,  iToubadour.  Son  sir- 
ventp  contre  la  guerre  dite  des  A/bigtois  ,  et 
contre  les  désordres  qu'elle  avait  introduits 
dans  la  manière  d'acquérir  et  de  transporter  la 
propriété  des  domaines,  557. 

AsHAUD  n'EiTTREvÈifES,  Iroubadour.  Papon 
le  croit  de  la  maison  d'Agout,  568.  Son  épitie 
à  RIacas  en  forme  de  chanson,  669.  Romans 
connus  de  son  temps  ,  ibid. 

Arnaud  Plaguês,  troubadour.  Sa  chanson 
adressée  simultanément  à  Béatrix  de  Savoie, 
femiue  de  Raimoud  Bérenger  IV,  comte  de 
Provence ,  et  à  Éleonore  de  Casiille,  femme  de 
Jacques  I",  roi  d'Aragon,  635. 

AanocL  ou  Arrold,  associé  à  Philippe  de 
Grèves,  ponr  soutenir  la  pluralité  des  bénéfi- 
ces, évêque  d'Amienseu  1*34.  m.  en  1247,  SaS. 

Aspre.*,  bourg  de  rarrondi&sement  dc  Gre- 
noble, où  Olivier  dc  Cologne  aurait  exercé  lea 
fonctions  pastorales,   i5. 

Aaassi/is.  Passage  sur  les  mœuri  de  cette 
Iribn  ,  ao.  Leur  chef,  le  Vieux  de  la  Montagne  ; 
ce  qu'en  dit  Jacque*  de  Vitry,  22S. 


ET  DES  MATIÈRES. 


855 


ÀitembUes  de  Nicée  el  de  Nymphée,  on  les 
Grec»  et  les  Latini  dispuieut  sur  la  rcDoioa  de» 
deux  église»  ,  3oo-3o3  ,  etc. 

Assonances,  teDant  lieu  de  rimes,  dau  les 
poème»  des  troanère»,  714,  717. 

yfiièadcs  ,  pièces  de  Ter»  de»  trnabadoors, 
qu'on  supposait  élre  chaulées  au  lever  de  l'au- 
rore, 543. 

AcDErRoi  LE  BiTiau,  troufère;  sa  romance 
la  Bêle  Isateau,  848. 

AtÉittR  (dit  Li  Non),  ironbadoor.  Soio 
qu'il  prend  de  parler  un  langage  choisi,  586. 
Croisement  de  se»  rime».  Mort  ver»  i»3o,  488. 

B. 

Rajothnoy,  prince  des  Tartares;  U  lettre  qu'il 
reçoit  da  cbain  et  celle  qu'il  écrit  au  pape, 
Iranscriies  par  Simon  de  Sdiot-Qoentio.  403. 
André  de  Longjumeau  envoyé  à  Bajoihnoj,  447. 

Ballades  ou  Rondes  de  danse  des  trooba- 
dotiis;  pièces  de  vers  à  refrain,  propres  à  être 
chantées  eo  dansant,  545. 

Babthéleht,  premier  du  nom,  XX' abbé  de 
Cluny,  n3.  Particularités  sur  l'état  des  mœurs 
des  bénédictins  an  temps  de  cet  abbc,i^r</. 
Recueil  de  sermons  mantucrits  de  Baribclemy , 
134.  Notice  sur  cet  ouvrage,  passages  cités  et 
traduits,  ibid.  et  suiv. 

BaudoihIX  (comte  dk  Flàndkb).  Fait  des 
vers  en  langue  proTencrdle.  Choqué  du  Ion  de 
familidrité  qne  prend  avec  lui  le  troubadour 
Folqoet  de  Romans,  63a. 

Beaumont   (Cbristophe    et   Guillaume    de). 

VOyei  GUILLADME, 

BÉREiTGiERs,  tradactenr  de  la  Bible  en  vers 
français,  83;,  838. 

Beroédas  (GciLLACMK  db)«  tronbadoUf. 
D'une  ancienne  famille  de  Golhs.  Cynisue  de 
ses  mœurs.  Son  duel  avec  MatapUna;  son  duel 
avec  son  beau-frère,  676.  Sa  di^iposition  à  Li 
satire.  Sa  chanson  contre  MatapUna,  577.  Mort 
vers  l'an  H29,  57S. 

Bergerac  (Pierre),  troubadour.  Esl-il  le 
même  qne  Pierre  de  Bar^eac  ?  547.  Son  sir- 
vente  sar  la  guerre  que  Pierre  II,  roi  d'Ara- 
gon, fait  à  GuJlliiume,  fds  de  GnilUume  TIII, 
vicomte  de  Montpellier,  549. 

Berhard  Dorna  ,  archidiacre  de  Bourges,  jo- 
riscoDsnUe,  137.  Il  étudia  le  droit  sons  le  cé- 
lèbre Aion;  courte  notice  sur  ce  dernier  juris- 
consulte, /*/(/.  Bernard  Uorn»  professa  probi- 
bleroeul  à  Bourges;  célebriré  de  l'école  de  cette 
ville  ,  ibid.  Jugement  de  Trilhème  sur  Bernard , 
et  sur  l'ouvrage  manuscrit  qui  est  resté  de  lui , 
t38.  Examen  de  cet  ouvrage  qui  m  intitulé: 
de  hbeUorum  Coficeptiombns  ;  citalions  ^  iéid. 
et  snir. 

Bernard  fe  Pénitent.  Histoire  de  sa  vie,  de 
•es  voyages,  de  ses  miracles,  par  Jean  d'Tpres, 
110,111. 

BcKVARD  DE  RoTF.iVAc,  tfonbadoor.  Sou  sJr- 
vCDle  contre  Henri  III,   roi  d'Angleterre,    et 

5    ?    • 


Jacques  I",  roi  d*Aragon,  qui  se  laissent  dé- 
pouiller de  leurs  propriétés  par  Louis  YIH  et 
Louis  IX,  rois  de  France,  668,  669.  Antre  sîr- 
vente  contre  ces  princes,  sur  le  même  sujet, 
670, 

Bebvaro  de  SDI.1.T,  cvèque  d*Auxerre,  3i$. 
N*a  laissé  que  Aes  actes  relatifs  à  l'ailminislra- 
tion  de  son  diocèse,  ibid.  Son  épitaphe,  329. 

Berhaio  dit  I.R  Taésorier  ,  tratlucfenr  et 
coutinualeur  de  Guillaume  de  Tyr,  414.  Dis- 
tinction des  deux  personnages  appelés  des  mê- 
mes nom  et  surnom,  ibid.  Il  nVsi  pas  probable 
que  Bernard  ait  été  trésorier  de  Frédéric  II , 
comme  l'a  avancé  on  écrivain  moderne,  ibid. 
Passage  de  Muralori  qui  le  déclare  Français  , 
4>5.  Opinions  de  Pipîno  de  Bologne  et  de  Du 
Gange,  qui  appuient  le  sentiment  de  Mura- 
lori, ibtd.  et  suiv.  Témoignage  de  la  chronique 
de  Ricobald  de  Ferrare  en  faveur  de  ce  senti- 
ment, 4>7-  Quelques  savants  attribuent  à  Hu- 
gues Plagon  la  traduction  française  de  Guil- 
laume de  Tjr,  ibtd.  Une  allégation  non  pronvée 
de  Du  Cange  a  causé  celte  tireor,  ^tH,  Juge- 
ment de  Muratori  sur  la  composition  de  l'his- 
toire de  Bernard,  ibid.  et  sniv.  La  plus  grande 
partie  de  cette  bîstttire  est  la  traduction  com- 
plète de  celle  de  Guillaome  de  Tyr;  citations 
de  Tune  et  de  l'autre  qui  le  prouvent,  419  et 
suiv.  Passage  de  Bernard  qui  le  dit  positive- 
ment, 4'*  ■  ^'  suiv.  Citation  do  morcean  qui  ter- 
mine rhîsioire  de  Guillaome,  accompagnée  de 
la  traduction  de  Bernard  ,  \ii.  Ce  dernier  a 
continué  l'hisluîre  écrite  par  son  devancier,  de 
l'an  fi83  à  l'an  iïa8,  4^3.  Les  religieux  bé- 
nédictins Martène  et  Durand ,  en  imprimant 
celte  coulinnalion  ,  n'ont  pas  pu  dire  qui  en 
était  raolenr,t^û/.  Aperçu  sommaire  des  matières 
contenues  dans  cet  ouvrage,  4^4-  Morcean  tex- 
tuel de  rilistoire  de  Bernard,  /a  fin  ignomi- 
nieuse tT  À  ndronic,  ibid.  et  suiv.  Autre  morcean 
relatif  au  sultan  Sa  ladite  ^  436.  Pipino  de  Bo- 
logne a  retraduit  en  latin  l'histoire  que  Bernard 
avait  en  grande  partie  traduite  du  latin  de  Guil- 
lanme  de  Tyr;  Qualités  de  la  nouvelle  traduc- 
tion ,  4^7  <■*  »oIt.  Citation  d'un  passage  de 
Bernard  relatif  an  prix  des  denrées,  419.  Nom- 
breux manuscrits  de  THisloire  de  Blérnard-Le- 
Trésorier,  ibid.' c\  sniv, 

BeRif ARD  ,  troubadour.  Ses  lensons  avec 
Faidit  et  avec  Elias  dTJissel ,  583  ,  884.  Soin 
qu'il  prend  dVpnrer  isa  langue  et  dVIever  son 
sryle,  585.  Mort  Ver»  Xtn  tii')\  586. 

BerThard  de  Goitnoif,  troubadour.  Il  est 
peijt-rire  le  même  qne  Gordon  du  Qnerci,  qni 
servait  dans  Tannée  de  Monlfort  en  i-z  17,  64  i. 

Bbbtrabd  bE  i^  TooR,  gentilhomme  ao- 
vergnat ,  troubadour.  5>a  tenson  avec  Robert, 
dJnphin  d*Anvergne,  espèce  d'épigraimme  on 
les  denx  in  ter  locateurs  s'attaquent  et  se  répoi^ 
dent  chacnn  par  nn  seul  couplet ,  6 1  5. 

Bretkabo  dk  Paris  m  Rottergue  ^  Irouba- 
donK  Son  sirrente  contre  le  Uoobadoor  Gor- 
don,  645. 


Qqqqrja 


856 


TABLE  DES  AUTEURS 


BeEiKA>'0  DE  PosTiGST,  cistercien  ,  mon 
en  124  I  ,  auteur  d'ui:»-  rfl.iïion  de  la  vie  el  des 
miracles  de  iaiol  Eiliuoud  de  Caiitorbéry,  527. 

Bertrasd  de  Sai!it-  l'ÉLix  ,  troubailouf  , 
contemporain  de  Savarit-  Je  Manléon  ,  6KS,  Sa 
teoson  avec  Hugues  de  la  Rachelfrïe,  6S3. 

Bibitothè'ftirs  du  cardinal  Galon ,  3n  ;  de 
Rol>erl  Grosse-lêlc,  e%  rquc  de  I.inculii ,  léguée 
par  lui  aux  franciscains  d'Oxford,  439;  de 
saint  Louis ,  436,  483  ;  de  la  Soibuue  ,  53o, 
53i. 

Bli^cas  ,  trtinliadoiir.  Sa  renommée  ,  56  t. 
Origine  de  sa  famille.  Éivaioloï^ïe-  de  son  nom. 
Né  à  AJx  ou  à  Aolps  Ddies  de  qurlijups-unes 
de  ses  pièces  de  vers,  5^2.  Sa  jjenerusilé  envers 
les  troubadours.  Accueil  qu'il  leur  fail ,  5fi3  , 
564.  Son  caractère,  5fiC.  Ne  se  croise  point, 
567.  Mort  en  1229,  5fîa. 

Blanche,  coinirsse  de  Champagne,  fuuda- 
irice   du    raouaslêre   d'ArgrnsoIrs ,    52 1. 

Bl*.o:ïPath  (JWicAc/;,  poêle  latin  vers  laSo, 
An-^Iaîs  de  naissance;  on  lui  attribue  une  His- 
toire de  Normandie,   529,  53o. 

bonaventme  (Saini  ]  n'a  pu  être  le  disciple 
d'Alexandre  de  Halê»,  3t4*  3i5. 

BussEFOi,  troubadour.  Sa  teoson  avec  Bla- 
cas,  5'Î9. 

Boussole  f   indiquée   par  Jacques   de   Vilry  , 

233. 

Bonvines  (  bataille  de  ).  Part  qu'y  prend 
Gaériu,  élu  é\èi|oe  de  Srnlîs,  35,  36. 

BcRELL  y^GiûHaunie]  dOitilly.  é^è■|ue  d'A- 
vrancbes,  mort  en  isiti.  On  a  de  lui  deux  let- 
tres el  urie  charte,  5^4-526. 

I'tard,  auteur  d'un  recueil  de  lieux  com- 
mons  à  l'usage  des  [>redicaleurs  ;  de  sermons 
puui  les  dimaurbes  ei  fèirs;  de  sermrms  diver>, 
«t  d'un  dictionnaire   des  jiaoviés,  53o,  53  1. 


CALfHDRE,  trou'ere,  noieor  dune  histoire 
en  vers  des  empereurs  eie  Korae,   771-773. 

Cantique  des  canUfiies  ^  inirrpréle  par  Jean 
H.ilgiin  d'Abbeville,  173-176. 

Curlepont  cbâleau  de  ),  bâti  par  Etienne  de 
Nemours  ,    3. 

Castelloze  (  LA  DAïiE  ),  troubadouf.  Née 
dans  l' Auvergne.  Ne  compose  des  veis  queponr 
exprimer  la  passion  que  lui  fait  éprouver  Ar- 
mand de  Breoo,  58o.  Mérite  de  ses  poésies  . 
58i,  582. 

C.ÉSAiRED'HxisTEBBAra.  Etudie  à  Cologne,  Cé- 
rémonies, gHeris«ms  el  visions  qui  deleriiiinent 
sa  vocation  à  l'éiat  iiinnasii(|ne.  Il  pas^e  du  uio- 
nastère  cistercieu  d'Hrislrihach  à  celui  de  Vil- 
liers  ,  où  il  est  prieur  en  i  am.  Rrnlié  à  Hrîster- 
barb,  il  v  est  charge  de  la  direct iim  des  novices 
et  des  frères  convers.  Il  ompuse  des  sermnns, 
des  opn&cules  mysritjues,  douze  livres  intitules 
Dialogues  el  contenant  les  recils  d'enviiun  sept 
cent  trenle-cinq  prodiges;  trois  livres  sur  la  vie , 


la  passion  H  les   miracles   de   saint    Eogribeit. 
Analyse  de  ces  écrite,   194  201. 

Chanceilciie  de  Pmnte.  VoTez  Goérin. 

Chansons  de  gestr  ,716,  732. 

Charltrmagne^  poème  anonyme  sor  son  prc- 
tenilo  voyage  -^  Jerusdlem  et  à  Ct-nslanlinople, 
7o;-7i4.  Poème  de  Torold  sur  la  défaîle  de 
l'arrière-ganle  de  Cbarlemagne  à  Roncevanx, 
7  14-720. 

Ch<:stelaine  de  FergY    ( /«  )  -    779-786. 

Chifp-es  arabes.  Vmceni  de  Htauvais  en  trace 
les  Ggorcs  et  en  expliiine  l'usage  ,  499  «  ^^O. 

Cisterciens.  Accuses  d'êrre  trop  riches;  com- 
meut  ils  se  defendmt  ,3^0,  341. 

Clergé.  Hds^age  qui  iiiuutre  qu'an  treizième 
siècle  le  clergé  séculier  u'.Maïl  point  de  costnmr 
particulier  htif;  des  églises,  2.Î5. 

(.'(inRAn  DE  ZvREsr.EH,  religieux  cistercien , 
caid  nal  évèqne  de  l'tirio  .  6.  Sj  fjnirile  ,  son 
éilucaiiun,  7.  H  est  fait  abbé  de  ViJliers,  pois 
de  (.  îleaax  ,  ihid.  Ses  rappniis  avec  Hono- 
rine m  ,  ibtd.  II  devient  cardinal  en  i  2  19  ,  8. 
Citation  liller.il'-  d'un  fragment  de  sa  lettre  sor 
les  excès  des  Albigeois,  ihid.  Il  convoque  on 
concile,  ibid.  Sa  Irilre  circulaire  aux  evêqne» 
tie  Krance,  ibid.  Mort  do  roi  Philippe -Auguste 
qui  se  midait  à  ce  concilr,  9.  (Àjnr.»d  préside 
aux  funérailles  de  ce  monartpie,  ibid.  Vers  de 
C>iiiilaume  le-l'rrlon  à  ce  siijrl,  ibid,  Conrad 
visiie  les  premier*)  dominicains  établira  Pans, 
el  approuve  leor  ordre,  ibtd.  Il  sijjne  un  diplôme- 
relatif  aux  prémonlies,  10.  Il  rédige  des  consli- 
t  niions  dans  un  contile  tenu  à  Mayence ,  tbid. 
On  apporte  an  mîtieu  de  ce  concile  le  cadavre 
irEugelbert,  archevêque  de  Cologne,  trouve 
.sur  un  grand  chniiîti ,  11.  Pari»l«-s  mémorable» 
de  Conrad  en  favt-ur  îles  fieres  prêcheurs,  ibtd. 
Il  lient  lin  svnode  à  Leytie  p«iur  veriper  le 
meurtre  dTn°elliert  .  \i.  Il  retourne  en  Italie; 
■  léplorable  étal  dans  lequel  il  trimve  la  ville  de 
Porto,   I  3.  11  rpfuse  la  p.ipanie;  il  menrl,  ibid. 

Couronne  d  épines.  Sa  traiisb*iion  de  \  ille- 
neuve-rv\icbevêque  a  Paiis,  277. 

Cnti'ume  de  TenrMmmde,  redtpce  en  1235  . 
par  Robert  de  heibune;  articles  remarquable» 
de  cet  acte,  388. 

Craob  (  Macrice  et  Pierre  de),  irou- 
vèrt-s,  auteurs  t!e  chanst>ns.  844*845. 

Crnisade  contre  /es  y4/bffenis ,  3i.  Prêchee 
par  Jacques  de  Yilry  ,  210,  389-391. 

Croisadrs  en  Orient ,  4S-5o  ;  2  i  4"^  »  7-  Mœurs 
des  croisés  et    des  Sarrasins;   descripiion  delà 
Palestine,  de  la  Syrie  ,  de  1" Egypte,  dans  le  pre- 
mier livre  d'histoire  orientale  de  Jacques  de  Y  i 
iry,  224-2.33  ;  et  d,in5  son  3*   livre,  239-244. 

Croit.Xje  pape  accorde  a  quelques  prélats  le 
droit  de  se  faire  précéder  de  la  croix,  397- 

D. 

Dames  de  qualité  du  treizième  siècle.  Ce  qoî 
constituait  Iror  même  «  soivaot  les  mœon  de 
celle  épcM^ae ,  693. 


ET  DES  MATIERES. 


857 


Oamiene  ,  piis*  par  1^  crois«,  i5  ;  repris 
par  lc5  Sarrasins  ,  afi.  iSg,  i''0.  Sîrye  et  pri>e 
Je  ce tle  \i]lf  en  i  3  i  H,  lacuuira  dans  ]«^  IrCres 
fie  Jacqors  de  ViuT  ,  ïi4-'i7,  et  dans  «on 
trnUième  lÎTre  d*bUioîrrs,  a4o,  241. 

Danlf.  Quelques  ver»  de  ce  poêle  sar  U  ma- 
nière de  prêcber  an  nniT'-n  â^e,   161. 

Dofid  f  preleudo  uome  du  rhef  des  Tartarrs, 
iinpo&leur,  od  rspino  proi-rlrr;  irailé  de  ^au- 
rteo  dans  aoe  Iriire  da  cbam  Manga  ,  rappor- 
tée par  Rubruqais.  ki^- 

ÛECDES  DE  PBAnts,  cluQoioe  de  Magoe- 
lt>ae,  troabadotjr  (  ynisiue  de  ses  cbao>uns. 
Ce  defaot  est  un  ub^r^rlc  â  srs  sacrés,  558.  Pu 
compLainle  sur  la  mort  du  iruubstloor  I/u^nes 
ffruitet  {tojez  tlRt'ritT  HcGcas},  tom.  XVII. 
jiag.  56o). — Son  uu>r.i^r  inlilulê:  Utu  Acze.u 
Ca^sadors,  piieiuc  Je  iniis  mille  six  rcols  vers, 
que  le  poète  appf  II?  an  rvtnan  ,  56o. 

D'Sti^'ies  de  L).  (laïun,  iraduitJ  ro  *er»  fran- 
çais par  Adam  de  Suel,  Adam  de  Goieticj,  etc.. 

Domaines  du  Lnngurdnc.  Désordres  înlro- 
da.ts  dans  la  luaiiiere  J^acquértr  rt  de  traospu;'- 
ter  la  propriété  Je  ces  douuiues,  par  la  gaerre 
dite  des  ^Ibigeuif,  557. 

Domuiicciifu.  L^ur  première  niaisno  à  l'ar:s; 
lears  établissemenis  approu^e^  p^r  lelet^ai  apo»- 
totiqiie,  10.  Ils  Uaur}»erit  les  rniicliuos  do  clrr^e 
séculier,  avec  rjppr<-baliuD  du  Ir^at,  I  1.  Leurs 
écoles  à  P^ris  niniat  ers  rt  eninvérs  par  Phi- 
lippe de  Grève.  Ils  pniiileot  des  troubles  de 
1339  ,  pour  se  créer  drox  chaires  de  ibéologie, 
187. 

Donoîi,  Oblaii.  Ce  que  signifiaient  ces  ap- 
pellatiooft,   10)$. 

D'Orléans  le  P.';.  jësoîte ,  aotear  d^one  bis- 
loîre  des  revoloiioas  u'Ao^leicrre,  accuse  le  car- 
djnal  GaluD  d'exattiuns  et  de  rapacité,  3  1 ,  3a. 

DcBAflo  OE  pLRîiLs,  truubadoar,  né  à  Pemes, 
ville  do  marquîui  <le  Pro^eare,  appelé  aojoar 
d  biii  le  cuailat  Veudi>sia.  lâitlrar.  Son  sir^ruie 
contre  les  aliies  de  Kaiuioad  VII,  à  l'occasion 
da  traité  de  1239,  666. 

E. 

Ebles  ob  Sigïte  ,  troohadoor,  paraît  avoir 
ete  an  seigoear  dr  la  niaixin  des  Baux  ,  de  la 
braocbe  des  vicoiuin  de  Marsrille,  643. 

EcoLâcte  et  »<  bolasiique  ;  distinclioa  entre 
ces  deox  appelUiîi>as,  14. 

Edmosd  ou  Ld"c  [Sa'nt),  arcbevêqoe  de 
f^jDtOfbcrT,  a53.  fnurqnuî  il  est  compris  dans 
j-{jistoire  littéraire  de  Fiance,  i&u/.  .Sa  bœiile; 
^^^  preouères  etoJt-s  a  Ox  01  d  et  à  Paris;  le  suin 
qa'il  pi'ccd  de  5«-s  »œurs.  il»d.  En  L319,  îl  eo- 
•eignait  *^*P°'*  six  jnslrsscimcrkpni&oe»  à  Fa- 
rÏA,  354.  A  qaelle  Occasion  il  ae  lirra  aux  études 
tbeologlqacfl  ,  ibuJ.  H  rrçi'it  les  ordres  sacrés; 
sa  manière  de  se  vêtir,  j55.  Itreioaroeen  An- 
glelerre,  et  enseigne  a  Oxford,  ibuL  II  est  élu 
archevêque  de  Caotorbérj  en  i333;  ses  pard^s 


rçmarnuables  à  celte  occasion,  356.  Sa  tcanîrre 
de  ïAre;  sa  cbarîtc,  25;.  Ce  qu'il  pensait  du 
droit  de  main  roï-rle ,  ib'd.  Son  aversion  pour 
rruxqniachelaiei.t  â  prix  d'argent  les  dignités, 
00  les  sentcocrs  des  jngf*s,  ibd.  Causrs  de  la 
haine  que  cuocurenl  conlrr  loi  les  gn*nds  et  son 
cierge,  a58.  11  sVnfuit  ponr  ne  fias  paraître 
approuver,  par  sa  présence,  le^  désordres  qu'il 
ne  pouvait  pas  coinger,  a5y.  Il  roearl  an  mo- 
iia>>ieie  de  Soîsy.  260.  Opinions  diverses  des  bis- 
Iftrifn»  sur  la  date  de  ^a  muri  ;  elle  doit  être 
Hiee  à  r»n  Iî^o,  tbd.  et  snîv.  Anleurs  qui 
ont  t-crit  sa  vit ,  26  i.  Discuors  adrcai&e  par  Ed- 
njond  ao  roi  Henri  III,  contre  srs  ministres, 
traduit  et  cité,  a6a.  Cunsi  totions  provinciale» 
dTJuiond;  leur  e=prit  ,  3H4.  Fas^a^es  cités, 
365.  11  composa  à  Huniij;ny  son  S^  et  u/nni  ec 
cirsttr  ^  ihtd.  Idée  et  examen  de  ce  pi  lit  livre, 
p<>ssages  cités.  366  et  suiv.  De  tyariif  .%Judis  coti- 
^rm/7//>//i//,  opuscnle  sur  la  ra^in^éie  Je  méditer, 
a6^.  Saint  Ediuoud  sacre  lévrque  de  Lincoln. 
Robert ,  à  Rediug:  ié<.Umaiiun  des  imiines  de 
Caniorbéry,  qui  pretendMit  que  celle  cérrmunie 
duit  se  faire  dans  leur  ej;!i>e,  438.  RrUtiou  dr 
La  vie  et  des  miracles  J*LJuKiiid ,  par  l^rtrand 
de  PonlignT,  537. 

Émos,  né  eu  Frise,  étudie  à  Paris,  à  Or- 
léjn>,  à  Oxford,  devient  curé  de  Hnsflen^a  ,^ 
abandonne  la  direcliun  de  celle  p.ir(>isse,  ponr 
piiihrjsser  l'eut  rcUj;ienx.  Entré  dans  Tordre  de 
Fréiuonlré,  il  fonde  à  Vorms,  Jjn*  Ir  diocèse 
lie  Cronîn;:ue ,  nn  ntonas:ère  d'numturs  et  un 
couvent  de  femmes.  Ses  ftéuiêirs  avec  lirrdric  ; 
son  £ele  poi.r  les  îniérêis  de  sa  cumutnnanté  et 
pour  nnatrudiun  de  ses  jennes  confiéres.  S» 
muri  en  ia37;  sa  chronique  depuis  l'an  1304 
jus'.ju'en  1334,  continuer  par  Alrncon  et  par  on 
anonyme.  EUe comprend fliinéraire d'uncroiAe,- 
177-184. 

Etnprunt  de  cinq  mille  livres  qn'Honorios  III 
retroinmande  à  Tarchevéque  de  Sens  de  fa<re  en 
faveur  des  croisés  qui  coo^ltaient  les  Albi- 
geois,  273. 

Encyclopédie  du  irnzième  siècle ,  composé* 
par  Vincent  de  Heanvais,  469  et  si.i>. 

EngcWerty  né  an  sein  d'une  &m  Ile  noble  et 
Opulente,  rrabrasAc  Teiôt  rcclèsîasique  ,  refuse 
l'évèche  de  Munster,  se  dei-Iare  contre  Olbon  de 
Saxe  ,  pour  Ir  jeune  Fiéderic  II  ;  devient  arcbe- 
vê*-joe  Je  Culo^ne  en  i3  i  5.  En  griprre  avec  le 
comte  de  Cle>es  et  le  doc  de  Limbourg ,  il 
s'arme  des  deux  glaives;  il  favorise  les  deux 
nouveaux  ordres  des  frères  prêcheurs  et  mi- 
neuis.  Trahi  par  les  évêqoes  de  Mun>ter  et 
d'Osuabruck  ,  Engeiberl  tombe  dans  les  em- 
bâches  de  son  cousin,  le  comie  dTs^emboorg  , 
frère  de  ces  deux  prélats;  il  expiie  en  lasS  , 
sous  qnarante-sept  coups  d'épée  et  de  baïon- 
nette. Histoire  de  sa  vie,  de  sa  mort,  de  ses 
miracles,  par  Césaire  d'Hetsietbach  ,  199,  aoo. 
Engeiberl  assassiné  sur  nn  grand  rbemio  ,11. 

ËBCCk-RRABn  m,  dit  le  Grand,  sire  cfe 
Couc^.  Conlome  et  Toor  de  Coaci ,  a^S,  396. 


858 


TABLE  DES  AUTEURS 


Ercaîthay  f  prince  des  Tarijres.  Le  nomme 
David  se  dit  nonce  de  ce  prince,  auprès  doqacl 
André  de  Loagjiirueao  el  d'aotres  moines  sont 
envoyés  par  saint  Louis  :  ils  le  trooTent  mort 
en  1^49.  Lettre  vraie  oa  sopposêe  d'Ercallfaay, 
traduite  en  blin  par  André,  \^%. 

Erkembodon  (  Saint  )  ,  abbé  de  Sitbieo  ,  évc- 
qae  de  Téroiumne  ;  sa  légende  par  Jean  dTpres, 
m. 

Étierhe  d*Auxerse,  antear  d'ane  glose  sar 
le  livre  des  Proverbes,  et  de  plosiears  sermons, 
inédits  comme  la  glose,  533. 

ËTiEifitE  DE  Krahcior,  Xll' abb«  de  Cla- 
ny,  147.  P^D  de  détails  sor  sa  vie,  ibid.  W  reste 
de  lai  vingt-six  sermons manascrits, (£/</.  Titres 
de  ces  sennons  ,  citations ,  148. 

Étierre  de  Nemoues,  évêque  de  PJoyon,  i. 
Sa  famille,  ibid.  Le  premier  acte  qni  le  fait  con- 
naître ,  1.  Mission  qn'il  exécute  en  Danemark 
pour  le  roi  Pbilippe-Augasie;  il  y  va  demander 
en  mariage  pour  ce  prince  la  fille  de  Canot  II , 
ibid.  Il  rédige  des  statuts  municipaux  ,  3.  IJ  écrit 
un  règlement  pour  l'Hôtel-Diea  de  Noyon ,  ibid. 
Ses  longs  démêlés  avec  les  religieux  prémontrés, 
ibid.  Sa  mort ,  4* 

ËcsTACHE  DE  Leks,  abbé  de  Tordre  de  Pré- 
moDtré,  aoreur  d'une  cosmograpbie  d'après 
Moïse,  d'un  lexique  bibUque,  d*Dn  livre  sur  la 
règle  de  Saint- Augustin ,  d'an  traité  snr  la  Tri* 
nilé  ,  etc.,  4  *  5,6. 


F. 


PcU-Dieu.  A  qarlle  occasion  instîtoce,  349. 

FicuiÈRES  (  Guillauiée),  iroobadour,  ne  i 
Toulouse,  6U  d'nn  taiUmr.  Ses  babiludcs  tri- 
viales. Son  génie  indépendant ,  649.  Ses  dispo- 
sitions natarelles  poor  la  satire.  Son  sirvente 
contre  le  clergé  de  Tooloose,  65  i.  Il  va  habi- 
ter en  Italie,  et  embrasse  le  parti  d«  Gibelins, 
fi53.  Son  sirvente  contre  les  Milanais,  ikid. 
Antre  sirvente  contre  le  gonvemement  romain, 
654etsuiv.  Autre  en  l'boDneor  de  l'empereur 
/rédéric  11,657.  Antre  en  fàveor  de  la  paix, 
659.  Sa  tenson  avec  Bertrab»  d'Adskl,  contre 
AïKÉKic  ne  PÉGGiLiiB,  660.  Soupçonné  faus- 
sement de  partager  l'bérésie  desAlbigeois,  S^i. 

Flagt  (  Jean  de  )  ,  auteur  du  roman  de 
Garin   le    Loherain,    738-748. 

FoLQOiT  DE  MAiisEii.i.E,  dit  aussi  Foulques , 
588.  Fils  d'un  négociant  de  Marseille,  natif  de 
Gènes ,  5S9.  Son  amonr  poor  la  dame  Adélaïde 
de  Roqoemartine ,  femme  de  Barrai  des  Baux  , 
vicomte  de  Marseille,  ibid.  (^ssé  de  la  maison 
de  ce  seigneur,  il  va  à  la  conr  de  Giàllaume  y III, 
vicomte  de  Montpellier.  Fait  des  vers  poor  En- 
doxie  Coninène,  femme  de  ce  vicomte,  590, 
59  t.  Son  séjour  anprès  de  Richard  Cœur  de 
lÀon.  Son  sir\enle  en  faveur  de  ce  prince,  593. 
Son  séjour  auprès  d'Alphonse  W  ,  roi  de  Cas- 
tille.  Son  sirvente  pour  appeler  les  seigneors  lan- 
guedociens et  provençaux  ao  secours  de  ce  roi, 
594.11  se  fait   moine   daiu  l'ordre  de  Cileaux, 


en  II 96,  SgS.  —  Nommé  évêque  de  Toulouse 
en  iio5;  il  te  dévoue  à  la  ligne  formée  contra 
Raimond  VI.  Nommé  dépisté  auprès  du  pape  In- 
nocent III.  Ses  liaisons  avec  saint  Dominiqne, 
5g6.  II  organise  une  croisade  partîrtilière  dans 
Toulouse,  contre  Raimond  'VI,  597.  Dépoté 
en  France  pour  appeler  des  secours.  Chassé  de 
Toulouse  par  Raimond  TI,  ibid.— Sa  conduite 
an  combat  de  Muret.  Il  rentre  dans  Toulouse. 
Continnation  de  sa  condniie  avec  Raimond  VI, 
598.  Il  accepte  la  donation  que  lui  fait  Mont- 
fort,  de  vingt  villages  dépendants  du  château 
d  Urefeil,  Spg.  Il  coram.inde  nne  division  dans 
l'armée  de  Humbeit  de  Beanjeu  Sa  liaison  avec 
Jacques  de  Viiry  (  voyez  Jacques  de  Vitry  ). 
II  menrt  en  123 1  ,  fioo.  Mérite  de  ses  poésies. 
Le  Dante  ,Ie  Benibo,  Crescimbeni  font  mention 
de  lui,  601.  Son  hymne  à  la  Vierge,  601,  60Î. 

FoiQuiT  DE  RoMAKs,  Iroubadoor.  Né  à  Ro- 
mans dans  le  Danphiné,  6ï  1.  Il  était  en  noi 
à  la  conr  de  Moniferrat.  Baudoin  IX,  comte 
de  Flandre,  est  choqué  du  ton  de  familiarité 
que  ce  troubadour  prend  avec  lui.  Tensou  où 
Folquet  répond  à  ce  prince,  (ii'i.  —  Sirvente 
qu'il  adresse  à  Frédéric  II  contre  le  peu  de  gé- 
nérosité des  grands.  Affabiliié  de  l'empereur 
envers  lui,  623,  624.  Son  sirvente  contl'e  l'hé- 
rédité des  6efs,  634.  Il  passe  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie  enlt.<lie.  Mort  de  ii3nà  1240. 

Poulyiies  (de  Neuilly  ).  Ses  prédications; 
histoire  abrégée  de  sa  vie,  par  Jacques  de  Vi- 
try. »34,  iJ5. 

Frédéric  II ,  empereur.  Mission  dti  cirdinal 
Galon  auprès  de  ce  prince,  3i.  Lettre  on  la 
conduite  de  Frédéric  en  Orient  est  accusée  , 
lo5.  Innocent  IIÏ  et  l'an'hevêque  de  Cologne, 
Eagelben,  se  déclarent  pour  lui  contre  Othon 
de  Saxe ,    199. 

Frova  (Joseph  ),  anteur  d'une  Vie  du  cardi- 
nal Galon,  3o. 

G. 

Oaimar  (  Geffroi  ) ,  trouvère  dn  treizième 
siècle;  auteur  d'une  histoire  en  vers  des  rois 
anglo-saxons ,  7  3  8 . 

Galoh  ou  Ouala  de  Bicberiii,  né  À  Verceil 
vers  ii5o;  cardinal,  légal  en  France,  en  An- 
gleterre, en  Allemagne;  fondateur  du  monas- 
tère de  Saint-André,  dans  sa  vitle  nalale.  Il  y 
attire  des  professeurs  français,  entre  autres  Tho- 
mas Gallo  ou  Oallus.  Il  lègue  sa  bibliothèque  k 
cette  communauté.  Il  fait  un  règlement  poor 
l'Université  de  Paris.  Il  contribue  au  succès  de 
la  croisade  contre  les  Albigeois,  et  aaxf  revers 
du  prince  français  Louis  en  Angleterre.  Ex- 
communication qu'il  prononce  contre  ce  prince. 
ExécalJoos  et  rigueurs  qo^il  exerce  contre  les 
prélats  qoi  ont  favorisé  l'entreprise  de  Louis. 
Le  P.  d'Orléans  l'accuse  de  rapacité  :  la  cour 
de  Rome  ne  Ten  punit  pas.  Rappelé  de  la 
Orande-Pretagne,  il  est  chargé  d'une  mission 
auprès  de  l'eniperenr  Frédéric  II.  Meut  A^  Ga- 
lon en  1317,  et  sa  sépulture  dans  le  monastère 


ET  DES  MATIERES. 


85.9 


tir  Sdint-André.  Sa  rie  par  Jos.  Frova.  Autres 
personnages  du  nom  de  Galon  ,  2<)'33. 

Garin  le  Loherain  ^  rumao  en  vers,  par  Jean 
de  Flagy,   73«-:4». 

Gasmar  (  Guillaume  )  ,  troubàdoor.  Sa 
tcDiton  avec   Èblcs  de  Signe,  645. 

Gaultier  ou  ^VALTER  de  Marvis,  évoque 
de  Toarnai ,  mort  en  lîSi.  Son  èpitaphe.  II  j 
écrit  une  lettre  pastoule  sur  la  translation  des 
reliques  de  saint  Ibêodorit ,  535  »  536. 

Gauthier  d'Oi  Bits ,  abbé  de  Cil  eaux  ,  et 
auparavant  de  Lonppont ,  auteur  d'un  Récit  de 
la  vie  et  des  miracles  dn  bîenbeureuL  Jean  de 
Moiitmirail  cju'il  iÉvait  rrcu  parmi  les  religieux 
de  son  ordre.  I. étires  que  lui  adresse  et  loni- 
luissions  ijue  lui  confie  llonorius  III.  Embarras 
dans  rbistoire  des  dernières  années  de  son  gé- 
néralat  ,    i34-i36. 

Cauûuer  de  f'ili'eêéortj  grand  cbarubellan 
après  son  pèie,  contribue  à  rétablir  les  ancien- 
iies  archives  royales,  39. 

Gautier  de  Corwut,  archevêque  de  Sens, 
370,  Neveu  par  sa  mère  d'Albéric  Clément  et 
de  Henri  Clément  ,  les  pins  anciens  maréchaux 
de  l-'rance,  271.  Ses  frères  et  son  neveu,  è\è- 
qoes  ,  i6itf.  Il  est  chapeldîn  des  rois  Philippe- 
Auguste  et  Louis  VIII,  ibiJ,  Ilunuiius  III  relusc 
d'approuver  l'élection  de  G;iulier  à  l'éxêché  de 
P.'iris  ;  passage  de  la  lettre  d'Honorius  au  roi, 
372.  <jdutier  e;.!  élu  jiL-hevècjue  de  Sens,  rèid. 
Citation  de  quelques  veis  de  la  Fbilippide  re- 
latifs à  cette  élection,  273.  Le  pape  lui  enjoint 
de  faire  on  emprunt  pour  secourir  Aniaury  de 
Montfort ,  ibîJ.  Gautier  (ait  paitie  de  quelques 
assemblées  d"e\èques  et  de  scij^neuis,  2  7  4  ■  H 
fournit  des  subsides  an  roi  pour  la  gnerre  al- 
bigeoise, 275.  H  signe  avec  les  autres  prélats 
et  comtes  l'acte  qui  déclare  Pierre  Mauclerc 
déchu  de  ses  dioits  au  comté  de  Bretagne, 
376.  Il  reçoit  les  dominicains  et  les  francis- 
cains, ibiJ.  Il  va  clieicher  en  Provence  Mar- 
guerite, fille  de  Raîniond  Bérenger,  fiancée  à 
Louis  IX,  et  il  célèbre  à  Sens  ce  mariage  royal, 
ibtd.  Il  accompagne  le  mi  à  Villeneuve  l'Arche • 
véqoe ,  où  ce  piince  alUit  prendre  la  cobronne 
d'épines  apportée  d'Orient;  il  fait  l'historique 
de  cette  translation,  377-  H  rédige  des  statuts 
pour  son  diocèse,  i&iJ.  Il  défend  aux  clercs- 
n'baads  déporter  la  tonsure,  278.  Quelques 
mots  sur  les  ribaods  ou  truands,  ibi<i.  Date  de 
la  mort  de  saint  Edmond  confirmée  par  un 
voyage  que  fit  Gautier  en  1240,  ibtd.  Sa  mort, 
•on  êpitjpbe ,  ib/d. 

Grofvrot  iiE  Blftes,  commentateur  des 
psaumes,  et  des  épitres  de  saint  Paul;  domini- 
cain, profeuenr  de  théologie  vers  i236,  mort 
ca  i25o,  533, 534. 

Geoffroy  d'Eu  ,  évèqae  d'Amiens,  14 5.  Sa 
famille,  ses  études,  son  élection,  etc.,  ib'd^.  Il 
•'exempte  de  suivre  Louis  IX  à  la  guerre,  en 
payant  cent  livres  parisis,  146.  II  piiursuît  la 
construction  de  la  cathédrale  jcluelle  d'Amiens, 
, selon  les   plans  d«    rarcbitccl«   Robert  de  Lu- 


zarcbes,  ibid.  Il   n'a  laissé  qae  quelques  actes 
ibid. 

Groffrot  de  Vinesauf,  né  probablement 
en  Angleterre,  a  résidé  à  Home,  mais  n'a  point 
accompagné  Richard  Cœor-de-Lion  à  la  Terre- 
Sainte.  Les  ouvrages  de  Geoflrov  sont  la  Poe- 
tna  ^  poétique,  ru  plus  de  2000  vers  latins- 
une  Apologie,  pareillement  \ersifiée,  delà  cour 
de  Rome.  Il  a  écrit  en  prose  un  Traité  snr  tes 
vins.  On  lut  attribue  aussi  un  Itinéraire  histo- 
rique de  Jérnsalem.  II  est  mort  vers  ia45, 
3o5-3 I 2. 

GÉRARD  DE  HoRAiGBT,  abbé  de  SatDt-Ger- 
roer,  mort  en  I236,  auteur  de  statuts  sur  la 
cétébi-alion  des  féles,  52^. 

Gérard  de  Mrvers  ,  héros  dn  roman  (lui  purte 
son  nom  ,  et  qu'on  a  aussi  intitulé  la  À'iulttte  , 
760-77  I.  (  V.  Gibert  de  Montreuil.) 

Gerberl  [  depuis  le  pape  Silvestre  II  ).  Pacte 
qu'il  fait  avec  le  diable  selon  la  chronique  d'Al- 
béric ,  285, 286. 

Germon  DE  (  la  dame  ),  Ironbadonr,  native  da 
Montpellier.  Son  sirvente  contre  Guell^uma 
Ki<;uiiRES  pour  la  défense  du  clergé,  663.  {.€ 
poêle  était-il  bien  une  femme?  606. 

GÉBOLD  ou  G'/ra/J,  abbé  de  Mulesme,  puis 
de  Cluny,  ensuite  évèque  de  Valence,  cn(iu 
patiiaiche  de  Jérusalem,  io3.  Il  est  élu  ubbe 
de  Molesme  en  1208,  et  meurt  à  Jéru%alem  tn 
i23o,  ibid ^  etc.  Lettre  de  ce  prélat  aux  chré- 
tiens d'Occident  contre  l'empereur  Frédéric  II, 
105.  Analyse  de  celle  lettre,  io5. 

Gertais  peCHiriïTER,  al)bé  de  Premontré, 
puis  evèque  de  Seer, ,  assiste  en  1  2  1  5  au  concilt- 
de  Latran.  ('onimîssions  dont  il  est  chargé  par 
Innocent  III  et  par  Honorius  dont  il  devirnl 
le  pénitencier.  Il  meurt  en  1228  ,  il  est  enterré 
à  Silly.  On  lui  attribue  des  commentaires  sur 
la  Bible  et  des  homélies;  il  n'est  conna  que  par 
ses  épitres,  qui  sont  imprimées  nu  nombre  de 
112.  Traduction  de  trois  de  ces  lettres,  adres- 
sées à  Ingelburge,  à  Innocent  III,  à  Honorius 
III;  les  deux  deioièies  lebitives  à  la  croisade 
pour  la  conquête  de  la  Terre-Sainte,  4i-5o. 
Gervai»  écrit  en  faveur  de  Philippe  de  Grève  à 
Honorius  III  et  à  un  cardinal,  i85. 

Gibert  de  Moivtreuil,  auteur  da  roman  en 
vers  de  la  Violette  ou  Gérard  de  Nevers ,  lune 
des  meilleiiies  productions  poétiques  duAlii*^^ 
siècle.  Analyse  de  cet  ouvrage;  notice  des  ma- 
nuscrits et  des  éditions,  760-771. 

Gilles  ue  Lèwes,  prémoniré,  sornommé  le 
Blanc-Gendarme,  i52.  Sa  patrie,  ses  prédica- 
tions ,  ses  connaissances ,  ibid.  Il  prêche  U 
croisade  d'ontre-œer  à  Bruxelles  en  1314,  i53. 
Il  part  pour  l'Orient  en  12  17,  à  la  suite  du  raidi- 
Dal-légat  Pelage,  en  quabté  de  son  pénitencier, 
1 54*  Gilles  de  Lèwes  est  rarement  désigné  Dum- 
mément  dans  les  chroniques;  raison  de  cela, 
i55.  11  convertit  cinq  malfaiteurs;  il  met  fin 
par  ses  prédications  aux  guerres  civiles  des 
Ysengrirns  et  des  l'iaventins,  ibtd.  A  la  léte  d« 
ceax  qu'il   s'était  attachés,  il   combat  pour  la 


8( 


)0 


TABLE  DES  AUTEURS 


piisr  d'uo  pont  de  bâtraus^  i56.  Citations  de 
tes  paroles  en  celte  ori'UMon ,  ibit*.  Couraj;* 
reniar<|iiable  ilii  Blanc  -  GeniLirtiie  et  de  sa 
troupe,  137.  II  es'  piubjîile  que  ce  fut  nille» 
de  Lcwes  'nii  penéltii  h*  juemiei  dans  Ddioittte, 
i5g.  t.ellre  qu'il  écrivit  aux  lideles  du  Hrah^nt 
à  i'occasion  de  la  prise  de  cette  ville;  piissaj;e 
cité  ,  ibtd.  el  suiv.  Conjectures  sur  1rs  actes  de 
Gilles  de  Lewes  jusqu'en  i^-Ji),  161.  Sa  con- 
duite dans  suu  pou*  erneruenl  de  l'abbaye  de 
Vicogne ,  ib'd  Réflexions  sur  son  style  et  iur 
u  |K*rsqnne,   1  t\i. 

Gilles  ut  Liège,  moine  d'Orval,  431.  Soins 
qu'il  prend  pour  ccriic  l'iiisloire  de  I  e^ltse  de 
Liépe»  ibid  Contenu  de  cet  ouvrape  ,  et  molif-» 
qui  le  lui  ont  fait  enheprendie  ,  ibit/.  el  suiv. 
Histoire  singulière  d'Albeil  de  Louvain,  évêque 
de  Liège,  tirée  du  livre  de  Gilles;  passage»  ci- 
tés ,  43-2^1  suiv. 

Goswir»  de  lîossul ,  moine  de  Villiers,  né  en 
Brabaot,  a  éciil  en  2  livres  la  vie  du  hienheu- 
reoi.  Arnulphe  Je  Cornibout ,  et  peut-être  aussi 
celle  de  saiut  Abund,  qui   vivait  en  1219,  68, 

Grande  charte  d'AnpIeterre,  rédigée,  annu- 
lée, renouvelée,  53,  5y,  60. 

Grégoire  /.V,  pape.  (Commission  dont  il 
charge  l'abbé  de  (ateaux,  Guillaume  III,  i5o, 
i5f.  Il  recommande  par  une  bulle  spéciale  les 
prédications  et  le*  leçons  des  doniini<  ains. 
Il  protège  aussi  les  penovefdins  contre  Philippe 
de  Grève,  1H6  Ses  relati'ius  a^ec  Jacques  île 
Vitry  qu'd  fait  cardin.il,  et  qu'il  charge  de 
plusieurs  missions  ,  2  I  t  ,  a  I  3  .  Il  ordonne  à 
Raimond  de  Pegnafort  d'entreprendre  une  com- 
iiilation  de  deirctales,  pi>ur  laiie  suite  à  celle 
de  Gralien,  40  l.  Il  nomme  Jean  de  WîlUes- 
husen ,  èvèque  de  Bosnie,  4  50. 

GuAL  (  Éiieniie  du  nu  de  ),  clerc  de  Guérin, 
évèque  de  Sentis,  employé  par  ce  piélat  à  re- 
cueillir les  re*les  des  aui  iennes  archives  de 
Irauce,  40.  Il  rédige  une  chronique   sooimaire, 

GuÉnis  ou  GiARir*  ,  vice- chancelier  ou 
carde  des  sceaux  en  laoi  ou  1101  ,  contribue 
en  I  loi)  à  la  ciindaninalion  des  disciples  d'A- 
maury  de  Chaities.  lunocenl  III  lui  recom- 
mantle  en  1^12  la  cause  de  la  reine  Ingi-lbui ge. 
En  12 1 3 ,  Gueiin  est  employé  à  reprendre 
Tournai  sur  1rs  l'Lmands.  Élu  e\èque  de  Sen- 
lis  ,  il  assiste  en  1-214  à  la  baïaîlle  de  Houx  i nés» 
et  coopère  à  la  victoire  de  Phli-ppe-Augusle. 
Il  est  membre  de  la  c<»ur  <les  pairs  en  121  fi, 
Charles ,  transacii"ns,  arbiitages  qu'il  souscrit 
comme  é\èqur.  Louis  \III  le  fait  chancelier, 
et  l'un  des  exécDienrs  de  sou  testament.  Moit 
de  Goérin  en  im'»  et  sa  sépulture  à  Chaalls. 
Il  avait  recueilli  les  reste  .  des  anciennes  archi- 
ves rovales,  en  se  servant  du  travail  de  Gautier 
de  Villebéon,  et  en  employant  à  l'acheter  le 
clerc  ou  seciéiaiie  Ktïenne  tin  (\nn\  Hommages 
rendus  à  t'tueiiu  par  divers  écrivains,  depuis  le 
jiiii'sicrlc,    iti-it     Guerin    intrrrède   rn  vain 


pour  n  niveisité  de  Paris,  auprès  de  Philippe 
de  Giéxe  ,   i  85. 

GLiARn  ne  Laos  ,  zélé  réprohatenr  de  U 
jduialiié  d»8  Lénéfices,  chancelier  de  l'église 
et  de  rUniversiie  de  Paris  apiès  Philippe  de 
(irève ,  évéc|ue  de  dmbiai  en  iit8,roort  à 
Afil  ghero  en  1247;  auteur  d'uu  Vratté  drs  offi- 
<es  divins ,' d'un  Dialogue  sur  la  création  du 
monde,  de  deux  snmons  sur  la  passion  d« 
J.  C.   lous  ces  ccriis  sont  inédits,  354-356. 

CuiUanme  f'IU^  vicomte  de  Montpellier. 
mort  au  mois  de  novembre  laoa.  Il  institne 
pour  son  héiilier  à  la  seigneurie  de  Montpel- 
lier, fiiir/Zartritr  ,  aîn('  des  ïils  qu'il  a  eus  d'A- 
gnès. Guéries  que  ce  testament  occasionne , 
548. 

GuiLLAiME  ,  af.bé  n'A  wdres  ,  né  vers  1176. 
Ses  voyages  à  Ron;e  en  1  loO  ,  i-îoH  el  lail. 
Sa  mort  eu  1^34  Sa  chronique,  finissant  à  celte 
époque  el  remontant  à   io«2,  l3i-i34. 

GuiLLATME  d'Aivkrobe  ,  né  à  Aurillac,  étn- 
dle  et  enseigiie  a  Paiis.  Il  passe  pnor  le  pre- 
mier dooipur  qui  ait  fait  usage  des  livres 
attribues  à  Hermès  ou  Meicuie  Tiismégisle. 
Kn  12-28,  il  est  élu  é\è«|iie  de  Paris.  Actes 
(le  son  épiscopat  :  f.md.  tioos  et  iosiilntions 
pieuses;  concessions  à  des  monastèics;  excom- 
iiiiinicatinn  des  m.tiries  el  des  étudiants  de 
I  l'oiversîtè,  poui  seconder  1rs  entieprises  du 
charueliei  Philippe  île  Gieve.  Mission  de  Guil- 
laume CD  Bretiigne;  sa  participation  aux  actes 
qui  iéprou\ent  la  pluralité  des  bénéfices;  sa 
présidence  aux  crieinnnies  du  onze  août  l»38, 
pour  la  léception  de  k  sainte  conionne  d'épi- 
nes. Il  construit  ré:ilise  de  Saint-Nicolas-du- 
(. liai  donne t  ;  il  condamne  dix  proposition» 
tbcologiqnes  ;  il  baptise,  en  1244,  'e  f»'* 
premier  né  de  Louis  IX  ;  il  combat  le  projet 
de  la  croisatle;  il  souscrit  à  la  condamnalîon 
du  lalinud.  Son  eniielien  a^ec  on  théologien, 
raconté  par  saint  Louis  à  Joinville.  Mort  de 
Guillaume  en  1249,  ei  sa  sépiiliuie  à  Saint- 
Vicloi,  357-3651,  IManuscrits  el  éililions  de  sei 
ouvrages,  3fi2-.ifi4.  Anahse  de  ses  Iraités  d« 
la  foi,  des  lois,  des  vertus,  des  moeurs,  de» 
vices  el  du  pèche,  des  tentations  et  des  rèsi»- 
tanccs,  des  mérites,  des  retribnlions  00  récom- 
penses des  saints,  de  l'iminot laliié  de  lame, 
lie  la  prière  (sous  le  litre  de  Rhttnrica  dtvina), 
des  sacremenlH  en  général,  du  baplèrae,  de  It 
coiiHi  niatioD  ,  de  1  eucharistie  ,  de  la  pénitence, 
du  mai  iage,  de  Tordre  el  de  rexirême-onclion  ; 
des  canses  de  l'incarnalion  ;  d'un  second  livre 
sui  la  pénitence,  el  du  grand  traité  (/e  t/w/Ver/o, 
di%isé  en  2  parties,  dont  !■  seconde  ne  concerne 
que  l'univers  spirituel.  Sujets  tialies  spéciale- 
ment dans  les  i  sections  de  la  i*^'  pariîe,  dans 
les  3  sections  de  la  2*'.  ÎC',  3-:7.  Les  sermons 
attribués  à  Guillaume  d'Auvergne  ,  au  nombre 
de  362,  apparliendiaient  plutôt  à  Guillaume 
Péiautd  ,  archevêque  de  Lyon,  3"7-379-  Trai- 
tes lie  rèvèfpie  de  Paiis  sur  la  triniié,  sur  Tame; 
f  encore   un**    fois  )    sur    la    pénitence  ,   sur    les 


ET  DES  MATIÈRES. 


86 


béaéfîc».  Le  Iraité  de  la  Triniir  seinble  èlie  le 
premier  livre  cruii  giHiid  coip!»  (rouMa(;e  (|;m  !.e 
cODlioueidil  p.ir  le  lidiie  dt  Unn-ttsu,  Elnidue 
lia  tiaile  de  l'inue  ;  (|UL:tiiun&  qui  y  .suDl  agi- 
lée»  ,  eic.  ,  371»-  IH  1 . 

GuiLLÂUMk  u'Alxlrhe,  arcbidîâne  de  Ileau- 
vais,  n'»  jjiuji»  eié  c\é>(ue.  Sa  mon  eo  1 2  iu  à 
Rome  ,  tm  il  uvnit  Miivi  l'ev^que  de  he:iu\iii» 
Milun.  Ce  qu'où  idcuiile  de  ac*  it-l.ilîoiiii  twc 
■aiiite  Hilde^di  de  ,  en  i  1  ôS  ,  eai  ia.idmi^biLjle. 
Il  est  uuu-ui  d  iiite  Sutuotc  ibeul(>;;iquc  ,  d'untr 
Somme  de  àivttits  Offuiis  :  oniice  de  l'une  el 
de  Tautre.  On  Va  soin  eut  confondu  avec  (îuil- 
laurae  de  Seigiiela]?,  c%èque  d'Auieiie ,  pui»  de 
Paris,  1 1 5-1  22. 

Guir.LAUMfc  DE  liEAUMOHT,  évêquc  d'Aogers, 
aSo.  lllustiuliuii  de  sa  fjmille  ;  il  e>i  clu  chèque 
a  rage  de  vnij;I-cinq  au;»,  ibid.  Ses  Sitiit.ts  ^  le» 
plus  aueiens  du  diucesc  dAn^t-i<i,  ail.  Sun 
opilaphe.  tJiiisLnplie  de  Ike.tui.iunt,  jnlievèquc 
de  l'aris  ,  sous  Its  n'j:iie'.  de  l.oui»  W  ei  Li-uis 
XVI,é|.iil  delà  même  ijiuillt:  que  ce  prélat, 
i5  I  el  suiv. 

GutLLAUMK  DE  lUziEftS  ,  1 1 uubadoui',  auleui 
d*one  pièce  du  génie  de  cetU-s  que  1rs  tr<jnl>a- 
dours  appelrtienl  «./  Te'*,  5Jo.  Sa  comphiinie 
ftur  la  muit  d  un  \ii-uiule  de  l^czicis  Qui  rl;iit 
ce  vieouilc?  5Jl.  liaj^uieiils  de  celle  pièce, 
55». 

OciLLàUME  ,   ABBÉ    DE  (UtEALI,  le     3'  de    SOD 

iioro ,  élu  en  1227.  Siaïuis  (l.iu^li.^nx  eiu.tues 
des  rhapilies  généraux  piérides  par  luijusqueii 
1236.  liieguÉiclX  le  »  iiaii;f  tii  i  22y  de  it-cou 
cilier  le»  luis  de  l'iancf  rt  irAiigirinie  Amie» 
commissions  qu'd  irccil  de  ce  pwntile  II  abdi- 
uce  eu  1237,  el  se  leriit:  à  *_,|.iii  vaujt  ,  mmi 
premier  uiunasleie.  On  iui  allnbue  des  semions, 
149-152. 

iiutUnume  de  Couches  eilé  dans  le  Spéculum 
naturale  de  Vincent  de  iiean\ais  :  c  eal  pac  ei- 
leur  que  l'oise\iu  diuibue  cel  uuviagc  a  Guil- 
laume ,  4U^- 

GuilUiume  de  Dum/e/bt-ri^ ,  XTabbé  de  Vil- 
liers,  puis  XV m"  al.be  de  Claiivaux,  293  taii 
abbé  de  Vil  leis  en  1  22  f  ,  d  (onde  de  nuuveaux 
uionaslèies  ,  ihiJ.  AUbe  de  Clan  vaux,  il  accui  de 
aa  comte  de  tiaodie  que  les  reb^ifiix  de  ses 
terres  dit»enl  la  messe  avant  d'^llrr  luxaillei 
aux  champs,  tbid.  Il  esl  lait  ptsunuiet  de  I  em- 
pereur l'"redéiie  ,  2y4.  Son  epiiapbe,  290.  On 
lui  attribue  un  npu.scule  qui  est  de  baïul  Kd- 
luond  ,  ibid    el  adtf . 

GuiLLAUMk  i>E  i.A  TouR ,  troubaduUT ,  lié 
dans  le  l'eiipoid.  Il  a  ete  cio  luhen  ,  i»3o.  Suu 
■ejour  en  LuuiUaidie.  ;>apas!tiun  pour  la  ieiniuc 
d'un  peirnquiei  de  iVlilau.  La  iluuirni  que  lui 
cause  la  muit  fit*  cellt*  temiue  lui  tait  peidie  la 
laison,  63  I .  Ses  Unsnus  avfc  Sordel  ,  lijz. 

GoiLLAUMb.  Db  Mu.MAtcu,  X  X II'  abbé  de 
Cîteaux,  i3«.  La  dale  de  sa  mt>il  Jixe,  33y. 
Il  ne  lesle  de  lui  qu'une  (cHic,  ibiii.  Lciiio  du 
pape  Giej;oirr  1\  à  c<  l  abbc^  ibid.  Selon  Man- 
lique,   (Jiiillaume  de   Muiitaigii   ent  a  delrtiuie 

Tome  Xnil. 


fcop  ordie  conir*'  set  envieox  ;  passages  traduits, 
340-  Privilèges  acroidés  aux  Cisteitiens  par  le 
p:>pe  ,  34iGrepoiie  IX  luiéctil  de  faiie  faire 
des  prières  pour  obtenir  la  lin  de  la  guerre  atbi- 
penrse,  345.  11  fait  des  staiiiis  ptini  son  ordre, 
34  \.  Le  pape  le  cliarj;e  d  être  médiateur  île  la 
paix  entre  les  rois  de  l'ianoe  et  d' \nj;leterTe  , 
ibid.  et  suiv.  Il  ordonne  (.1  célébration  de  la 
rèle-Dieu  el  de  la  l^ie  de  la  S.ilniel  1  iiiile  dans 
son  ordre.  345.  Nomeanx  pi  i\  ilé^es  qu'il  ob- 
tient du  pape  pour  les  (ahienïens  ,  .b'd  et  suiv. 
fiuHlai»nte  l'èrnuid y  ait  bevêcpie  de  Ltod  , 
avant  1  a 60,  désigne  conmip  auteur  des  fermons 
qu'on  a  compris  dans  les  Otuvres  de  l'év^jue 
de  Paris  ,  Gn il  hume  d' Anveigne  ,  3-7-379. 

(*uii.i.4LME  PÉTRI,  évèq'ie  d'Albv,  106.  Il 
(iail  un  tiaite  a\er  RaTinond,  eoniie  de  'l'iiu- 
louse,  pnui  la  >ùiele  des  pers»»nne.s  et  des  pro- 
piicies  de  leurs  teires,  ibitl.  Il  accorde  pai  no 
acte,  aux  boui^eois  d'Alby.  la  f<.cn!te  de  dis- 
poseï  de  lenis  biens  par  tesiament,  107.  Il  fait 
des  statuts  pour  les  moines  de  Saini-Salvien  , 
ibid.    O  qu'on  enrendail  par  dnntiti,   loH. 

GiiMAiMk  DK  IWnnes,  fi CI e  pi éclicur ,  vé- 
litable  anieiii  de  V ^jpurnttts  l'i  •^uinirurm  Bny- 
ittuiidi.  Cette  (;lose  a  eié  mal  à  propon  atli  ibnee 
à  Jean  de  l'ribouig  tlit  le  Letttur  ^^\^  le  TeutO' 
nique.    (Jti)ile   de    ce    travail    de   (uiillaunie   de 

Keiiues  sur  la  Somme  jniid  (jiie  de  Kaimond  de 

Pepn^lort,    402 — 406.    1  xtiails  de  l.i  glose  de 
(luillaiime  ilans  \e  Spet  iiliiin  doid  tnaie  de  Vin- 

ceut  de  r>eauvais,  496. 

Gt}ii.L\tJME  nESAiNi-GRFGORi,  troulifldour. 

Sa  lenson  avec  Blacas,  6Î7,    Cbanson  \raisero- 

)>lablen;eiil  de  lui ,  attribuée  à  dillerents  poètes, 

63v 

Guillaume,  moine  de  Sa'nt-iMailio-de-Tonr- 

liai ,  a  enmpilé  dix  livres  d'extraiis  des  onviages 

de    saint    Bernaid  ,  prêt  éd es  d'une  ^lolice  sur 

cet  illustre  abbe  de  Claii\aux.  395 — 397. 

(hiillfiiime  de  Tyr  :  son  bisloiie  des  C^oî^ade8, 

traduite  eu  français  dès  le  xiii^  siècle  par   Ber- 

Daid  le  l'résoiier,    4'io. 

(«L'nrr   oc    Provins,  autenr  du   poëroe    sali- 

rif|ue  appelé  Ittble  (,tiiot^   80R. 

Gtt    de    Meluh  ,     cbe\alier,    auteur    d'une 

KelatiOD  de  la  prise  de  Daiuïette ,   4otf-4iI< 


H. 


HALonia ,  voyez  Jean. 

Hai'Tpuhey,  %oyez  Jsan. 

H'iveUifi  /«■  Duiton;  roman  anonyme,  7  1 1-7  38. 

}|£Lin*nu,  ne  a  Pruner  >t  ou  Pioiit-|r-ioi , 
dans  le  lteau\aiais,  débuta  d.itis  la  carrière  des 
letties  par  des  cbausoiis,  qu'il  cbanlait  quel- 
ifueloitt  de  vaut  Pbt  lippe  Auguste.  iW'iioncant 
aux  exercices  mondains,  il  triitie  dans  l'ordre 
de  1  Jleanx  ,  à  Froidiuonl,  vers  i?oo  II  était 
iiiuine  (|Uaiid  il  composa  ses  quar.iiiie  neol  stan- 
ces sui  la  moit,  le  pius  célèbre  de  ses  itu\  rages. 
Il  ne  icste  fju'iiKc  p.jitie  de  sa  cbronii^ue.  On  a 

î\  I  I  r  r 


86:: 


TABLK  DES  AUTEURS 


de  lui   ^8    ccnaons    et    des  opOHcaIrs  ialifalû 
Fienrs.   Il   vivait  fiimie  eu  l'ii^  ■,   86-iu3. 

Henri  lll,  roi  d'Aiiglelerre,  couroané  par 
Ktienne  l,anf;loii  ,  promet  d'oli.nrrver  la  pmniie 
<  barle  ,  59,60.  Il  coiiféie  des  f<»ncli<»na  judi- 
ciaires en  Biaiièie  iriininelle  à  K.inolphe,  ahbé 
de  KameKcy  :  récluination  de  l'cvè^ue  de  Lio- 
<:olii,  Kobfil-Gio.iNe-lèle,  4^'*- 

Htïvni  i»'A VRAHCHE*,  puètc  lu'in  vers  12^0, 
critiqué  par  Mitlit-l  HlaiiDpityD.    î)3o. 

Hiniti  Di  DRfrx  on  ne  Kkenue,  archevê- 
que de  Reims,  a4**-  ''  ^'''  ^'"  ^"  *2'7i  '*'*^- 
Se»  deim'Iës  aver  le  jrone  roi  Looi*  I\  ;  sujet 
de  U  letlre  que  Heoii  éciivit  au  pape,  ibid.  Le 
ici  dépouille  ré\êque  de  Hoauvais  de  Ions  ses 
biens,  et  le-  fait  sorrir  de  sa  ville  epistupale, 
;t47.  Les  Rémois  se  révollenl  touire  leur  pré- 
lat, el  le  chassent  tle  la  ville,  248-  Causes  de 
ce»  désordres,    2  49- 

HcKBEnT,  doyen  de  l'église  d'AuXerre  ,  au- 
teur d'une  aonnne  de  llié(»togie  ,    536,  537. 

Htrdnc^  pneur  de  Skhilwolil.  excommunié 
a  la  saile  de  ses  déniélés  avec  Euiun,  abbe  de 
Veaim.    178,  181. 

Heuuah,  p(èlre,néà  Valenriennes,  auteur 
de  poèntes  sur  des  sujets  de  l'ancieo  et  ilu  nou- 
veau Testament;  le  piiocipal  est  inlilulé  Gène- 
j,j,  830-837. 

lUuDAK  (Raoul  de),  «oteur  du  Songe  d'En- 
fer^ 786—792. 

Honorins  iH.  Lettre  que  lui  écrit  Gervais 
de  Chicpsler,  48  —  5o.  Mission»  doot  il  charge 
Gauthier  d'(Khies,  i35.  Il  iniervient  dan»  les 
démêlé»  d  ÉiuoM  et  de  Herdric.  et  piumiDce 
contre  re  dernier  une  senience  d'excoinuiuni- 
ralion,  178,  iHi.  Il  irpiime,  en  HI9,  les  en- 
treprise» de  Philippe  de  Grève  contre  1  Uoiver 
aité,  186.  Il  donne  une  tnissioo  en  Palestine  à 
Jicques  de  Vilry,  et  au  prémontré  Hélin,  iio. 

Hue  fie  Tubarie,  personnage  el  peut-étie  au- 
teor  Ue  lOrdene  de  chevjlerie,    760. 

HuB  d'Oisy,    trouvère  ,  aateui' de  cbaoson», 

847,848. 

HDUi't»  DE  Bersii,  placé  parmi  les  trouba- 
dours, est  vraistiublablement  le  même  person- 
nage que  le  trouvère  Hut^ues  de  Btr$il ,  ou  de 
Berze,  auteur  d'une  Bible,  poèiue  satirique  ,  640, 
641  ;  816  8ai. 

HuGï'ES  PE  TroREFFE»,  TOonastère  de  Tordre 
de  Piémontrc,  au  diocèse  de  Ndiuur,  a  écut  les 
vies  de  (rois  recluses,  Ida  de  Nivelle,  Ida  de 
Lcuves,  Ivetra  de  Hiiy,   86,  87. 

Hugues  ue  Miramous,  archidiacre  de  Ma- 
eaelone,  puLs  chartreux,  70.  Comts  détails  sur 
sa  vi«  et  la  date  de- sa  mort,  ibtd.  Trois  mss. 
des  œuvre»  de  ce  religieux,  ihtd.  Le  premier 
sur  le  droit  canon  t  71.  Le  second  sur  Vttnio- 
nomase  et  ie  rtonihre  <f  notre ,  itid  1^  troisième 
sur  les  misères  de  f  homme  »  etc.,  72.  Citations 
littérales,  et  ira<lactiuu  d«  quelques  morceaux 
de  ce  dernier  ouvrage,   73. 

Hvoa  DE  Meri,  trouvère,  aalear  du  Tonr- 
outement  du  Christ,  800-806. 


HuoH  u»  Vii.LBiVECVE  ,  troovèi  e  auqoel  plu- 
sieur»  romans  en  ver»  sont  aliriboés  :  Regnauft 
de  îltintauban,  les  Quaire-l-ils  Aymon,  Maa- 
gis  d'Aigremout,  Heuve»  d'Aigremont,  Doolin 
de  Miiyeuce,  Ctpeiis  de  Viueasx.  Notice»  de 
ces  puemes  ,  lie»  manuscrits,  édition»  et  Irador- 
tioiis  qu'on  en    possède,  721 — t3o. 

I. 

Ida,  première  abbesse  d*Argen»oles,  niuilc 
en  t2-i6,  ihéotogieoiie  célébrée  par  1  humas  de 
Canlimpre,  et  par  Philippe  ,  moJoe  de  la  Char- 
luoye,  qui  a  éciit  sa  vie,    Sit. 

I^iiaiirè.  (Lai  d' ) ,  parRvnax,    773,  779. 

I M  SERT  (  Pieiie^,  troubadour.  Sa  teuson  avec 
Gtullainue  de  la  Tnur,  63a. 

In-^elburi;e y  leine  de  l*'raDce,  répudiée  par 
Philippe* Auguste.  Sa  cause  recommandée  par 
Iimoient  lU  à  Gnérin,  3 'i .  Lettre  de  Gervai» 
de  Cbiceslei   à  celle  piincesse,  44,  45. 

Innocent  lit  recnniiii^nde  à  Guérin  la  reioe 
liigfrlburge,  34.  Letlre  de  Gervai»  de  Chicester 
à  ce  poniife,  45  —  48.  Innocent  attire  à  Rome 
Éiîenne  Langton ,  le  fait  cardinal,  le  sacre  ar- 
chevêque de  CHiilorbéry,  après  avoir  cassé  les 
élections  de  Régînald  ei  de  Jean  de  Gray.  A  ce 
sujet ,  correspoml.inre  et  démêlé  du  pape  avec 
le  roi  Jean  S.Tns-Tene,  5i  —  59.  Innocent  »e 
déclare  pour  Oihon  de  Saxe  contre  Philippe 
de  Souabc  ;  puis  pour  le  jeune  Frédéric  II  contre 
O  hoD,   199. 

Innocent  IV  ordonne  â  Alexandre  de  Halé» 
de  recueillir  ses  leçons  et  d'en  former  un  corp» 
de  doctrine,  3i*i.  Il  donne  à  son  jeune  nevea 
on  caiionical  de  Linci>ln.  Vive  réclamalioo  de 
revè(|ue  Robert-Giosse-Tète.  Violent  courroux 
du  pape  qur  ordonne  eu  vain  ,  npi-ès  la  mort  de 
Robeit,  de  retiier  le  corps  de  ce  prélat  de  la 
cathédrale  de  Lincolu. 'Prétendue  apparition  de 
Robert  à  Innoceiit,  et  mort  de  ce  pontife  en  13  54, 
438,  439,  440. 


Jacques  DE  Touloo^k,  frère  prêcheur,  rédige, 
ver»  le  milieu  du  xiii*  siècle,  un  dictioiuuure 
théologique  en  2  gro»  volumes  qui  se  conser- 
vaient roattuscrits  daa.H  son  couvent,  399,  4oo. 

Ja(  QDEk  DE  VrTRT,  oé  probablement  à  Vitry- 
snr-Seine,  étudiait  à  Pan»  vers  le  commence- 
méat  du  règne  de  Philippe-Auguste.  KoDclioaa 
cléricales  exercées  par  lui  à  Aigenteail.  Sa  re- 
iraiie  en  Belgique,  anprès  de  la  pieuie  Marie 
d'Oignies.  Il  revient  à  Paris  recevoir  l'ordre  de 
la  piêtrisr,  repas.^e  en  Brabant,  devient  caré  de 
Wasier.H  oo  d'Oignies,  309,  210.  De  laio  à 
19 13,  il  prêche  la  croisade  contre  le»  Albi- 
geois, et  suit  en  Languedoc  les  cohortes  année» 
pour  les  exterminer.  Eo  I3i6  ou  1217,  il  est 
élu  évêque  de  Ptoléniais*ou  Saint-Jean-d^Acrt. 
HoQoriu»  111   lui  donne  une  mission  en  Pales- 


ET  DES  MATIÈRES. 


863 


tiiie ,  et  lai  associe  le  prérnoniré  Hclin.  Jacqnes 
de  Viti  y  assiste  en  n  18  au  sicpe  de  Damifiic. 
Son  voya-je  eu  lai;  à  Rornp.  puis  en  Bfl;;'<|ue. 
Ses  rehtinns  avec  Oir^oirr  IX,  (]ui  li'  fait  car- 
d:nal-évê{jiie  dt*  Tuisculum  eu  la^ft  ou  laio. 
Missions  fl  legalîttns  (|u'il  irniplit  en  Prance  et 
ea  Alien)a<;iic- juxju'en  liSy.  H  naecej  te  |ioiut 
le  patriarcat  de  Itius-iUiu.  Sun  te^-lauifiit.  Son 
corps  es!  Iranspuite  el  iiiliuiue  à  Olj-nies  Mis 
toiie  Miei  veillriise  de  >a  vie  par  son  disciple 
Thomas  de  Caoïiinpié,  ïio — 714-  S«^s  leliips, 
dun(  sii  concfinrot  rexpedition  m  Orient,  vt 
parliculièrenirol  le  siège  et  la  prise  de  Oaniiflle, 
ai4— 2i7-  Se»  scnniHis  et  t.i  préface  qu'il  y  a 
jointe  ,  117  — 220  Ses  t  rai  lés  tlieulogiques  cf)n- 
tre  le!t  Sairasins,  sur  Id  cunfrï.sïon ,  la  cuii^tr- 
sion  ,  la  gr.ice,  etc. ,  s-zm,  ji  t.  Ses  livres  d'iils- 
toire,  au  uonibre  desquels  on  peut  ne  pas  com- 
prendre on  recueil  d'exemples,  ni  une  descriji- 
lion  de  réjiliHe  de  Nolre-Dauie  de  Lorelle;  mais 
il  a  écrit  1rs  éloî;es  de  quflipics  pieuses  Lié- 
geoises, et  1h  vie  de  Maiie  troî^ntes,  précédée 
d'une  êpiire  à  l''oulque>,  évèque  de  loulouse  , 
aai — aa4-  Le  principal  ouviajje  de  Jacques  de 
Vitry  se  compose  de  trois  ll\res,  dont  le  pre- 
mier et  le  troisième  sont  intitules  :  Histoire  ont  n^ 
taie,  el  le  .second  ;  Hi'^ioire  occidtnliile.  Itildio- 
graplile  el  analyse  de  cet  tmvrnpe  ,  ^34  —  34^. 
Plusieurs  aritcles  du  hoibieine  livie  sont  eni- 
prunles  d'Olivier,  ecidàire  deO-lo^jue,  3  43.^4  4. 
ExtraitH  tie  la  \ie  de  Maiie  trOïpnies  el  des  au- 
très  livres  de  J.icqne.s  de  Vrtrv  diius  le  Miroir 
bistorial  de  Viocent  d''  Ifeauvais,  4Hi,  5i3. 

Jean  d' \(;uii.a  ou  D*AnGL'ii.ttf ,  troid>adoor, 
cODtemporain  de  J.ic(pies  I**"^.  roi  d'Arajïort. 
Une  de  ses  ehansuns  appai  lient  à  l'au  1  a4  1 ,  646 

Jeaiï  D*AtJBussoi«,  iKiulindour.  Les  histo- 
riens le  disent  ne  en  Italie.  Une  de  sfs  chansons 
semble  prouver  qu'il  nacpiit  clans  l.i  l*to\ence 
orieiitdle,  ^ ly.  Sj  chaleur  pour  le  parti  des 
Gihelinn.  Sa  tensoti  avec  le  troubadiuir  ^  icol<  l 
de  Tarin,  ctmtrc  le  p.irli  des  fiiielfes,  6^7. 
Ces  deux  poêles  sout  proie^és  par  Hontfjce  IM , 
marquis  de  Monlferrai  ,  h-it^  Utilité  de  leurs 
chausons  provei. cales  pour  la  formation  de  la 
langue  italienne,  (>A). 

Jeab  oeSaist-E^boll,  chancelier  de  l'église 
de  Paris  en  12  Si ,  ineuit  doyen  du  chapitie  de 
Lizieuz  en  i355.  On  lui  atliihue  des  sermons 
inédits,   53t|. 

Jehar  d^  l*f,A.<;Y,  auteur  de  r.arin  le  Lohc- 
rain ,  rouian  de  Ju,imio  vers,  m.d  à  propos  «iiri- 
btlé  par  D.  C^ilniet  ao  cliaiioirre  Hugues  de  Toul, 
Notice  de  ce  pleine,  ^ÏS. 

Jran  Je  F'ib'-nt^,  tlii  le  Lecteur  on  le  Teu- 
tomque ^  mor(  en  i  ti4,  n'est  point  l'anicur  de 
V Appnfattts  i/i  iiimmnm  fiai  /nnnilt  ^  une  des 
éditeurs  lui  ont  aitiihué,    40! — 4"^' 

Jean   M&i.i.rih  n'ABBkvii.i.e,    doyen   de   l'é- 
glise  d'Auircns,  puis  arc!»evrqiie  de  Hesancon , 
eobn  cardinal-cvètjuc  >le  Saliirie,  163.   Itiu-tra 
tîon  de  sa  (.ituitle,  ihul.    W  l.iit   ses  études  ;i  Pa- 
ris ;  erreui   de  (>a».  OuJiti  sur  la  d.ile  Je  l'année 


de  soo  doctont,  163.  Il  est  fait  archev^qae 
de  llesancou,  enlîn  cardinal  evéque  en  iinn^ 
ibîd.  Il  est  envoyé  en  légation  ^n  Espagne,  cm 
il  s'a(l;iche  Raimond  de  Eegnafort  ;  puis  en 
Allemagne,  i(>4.  Sa  morl  doit  ètie  p|;»cee  à  l'an 
iai7,  ibtd.  Ouvrages  qu'il  à  laisses,  rHS  el  suiv. 
Ses  Sermons  et  ses  Homé/tis  :  réflexions  sur  ces 
ouvrages,  i()G  et  suiv.  Morceaux  tradints,  169. 
Ejr/>,>si(ioi/iCfintictictin  ÏLomm,  le  seul  de  ses 
ouvrages  qui  ait  ete  imprimé.  (71.  Manière 
remanpiahie  dont  Jean  trAbbevillc  a  intei  prêté 
le  ctiiiiipie,  172.  Tidduction  libre  d'une  partie 
de  son  Eupusiiion,  173  el  suiv.  Notice  sur  les 
nombreux  matiuscriis  qui  ekisient  de  ses  ccu- 
vres  ,17b. 

Jititt  de  Hnutfiiney,  rédacteur  d'une  table  du 
Miroir   hi^lorial  de  Vincent  de  Beauvjii,  4-2 
473. 

Jkah  (IÎ!)  d'Iprfs,  abbé  de  Saint  hertin ,  en 
11S7,  auparavant  moine  de  Lobes.  Son  voy-ige 
a  Rome,  ses  liaiisaclions,  les  concessions  et 
privilèges  qu'il  obticni  pour  son  mon.isiére.  Sa 
imul  en  i  2  io.  Il  pusse  pour  auteur  d'une  Vie 
(le  saiut  Hernard-le-l'enitenl ,  el  d'une  Légende 
de  siiiiit  EikeiiiLodon  ,    108— 11 -a. 

JuN  b£  l.cMOGEs  dédie  à  lliibauld  ,  roi  de 
Navarre,  comte  de  Champagne,  un  recueil 
d'épihes  écrites  sous  les  noms  de  Pluraoo,  roi 
d'Egypte,  et  de  Joseph,  fils  de  Jacob;  expli- 
cation morale  el  mystique  du  songe  de  Tharaon 
37^  —  3-5. 

Jean  ue  Loi;vain,  dit  h  Précurseur,  moine 
cistercien,  mort  vers  1190;  auteur  de  Vies  de 
Jésus-Christ,  de  ].i  sainte  Vierge,  el  de  plusieurs 
religieu\  ,    5  19  ,  52(1. 

JtAH  OE  Mailly,  frère  prêcheur,  chroni- 
queur, distinct  du  prédicateur  Guillaume  de 
Mailly,   53i,  .^32. 

JkAN  Di  MoNTuuR,  évéque  de  Mnguelone, 
mi»rt  à  Lyon  en  1347;  auteur  d'un  règlement 
eu  quatorze  articles  pour  la  faculté  des  arls  de 
Montpellier,    35*i,  3J7. 

Jiati  de  NoNtmirtttl,  cistercien.  Relation  de 
sa  vie  tt  de  ses  miracles,  par  Gauthier  dOchies, 
i35. 

Jtan  de  Nesie,  un  des  dépotés  de  la  conr 
de  Iranee  pour  aller  chercher  eu  Provence  la 
princesse  Marguerite,  ii.tocée  au  jeune  roi 
Louis  IX  ,   î7*i. 

Jkaw  Rewax  ou  RfNAULT,  suteur  du  lai 
(('Ig:ianres  ,  et  autres  poèmes  ,    ^73 — 779. 

Jcfi/i  de  la  Hoc  h  I  lie  f  francisi'ain  ,  disciple 
d'Aiexandre  de  Halès  qui  lui  cède  sa  chaire 
en  I23S,    3i4- 

Je>iii'Sittii-Terre f  rot  d'Angleterre.  Ses  dé- 
niêlt-s  avec  le  pipe  Innocent  III,  avec  le  car- 
dinal Etienne  i.aiigioii,  :ivec  le.s  seigneurs  an- 
gldi.s  :  il  signe,  retiacte  et  léiublil  la  grande 
charte,    5ï — 59. 

Jeah  pe  Sa'R r-Gii.r.es,  ou  de  S^tlnt-Alhao, 
ailleurs  de  Saini  Queniin,  nicili'im  el  théologien, 
piolesse  les  ;ii  ts  l.liei.iux  à  Oxloiil ,  prils  a  Pa- 
ri»;  la  médecine  a  l';u->s  el  à  Montpellier.   Il  a 

V\  rr ira 


86/; 


TABLE  DES  AUTEURS 


été  on  d«a  raéilfcins  de  Philippe-Aupiisic.  Doc 
ïeiir  en  théologie,  il  brillait  iiussî  d.tnn  le»  rhai- 
res  ecclésiastîqties.  Ses  iel:ili«ins  .'ivec  1<-b  domi- 
nicains; il  leur  donne  une  maison  diin*  la  rue 
Sainl-Jacques  ;  il  inlerimnpl  une  de  ses  Ifcnns 
ou  (nédicjfions  pour  se  revêtir  de  leur  baliil.  11 
profes»e  la  ibéolopie  daus  Inir  couvent  de  Fa- 
li»,  puis  dans  celui  de  InnluuM*.  Aiiparavaul. 
il  avait  élé  duyen  de  S.tini-Quentin.  Il  passe 
le»  deiniêies  ;innées  «ie  ,sn  vie  en  Angirierie , 
444  ,  44  T.  Coin  me  mèdeiin  du  corps  et  de  Ta  me, 
il  assiste  Robert-(itus>e-l  êît* .  m.dadr  en  tiM. 
Son  enirelien  i*v<-c  te  pn-lar  sur  Ibcrf-sie  d  Inno- 
cent IV,  43q,  445,  4/(H  Ouvrables  ilouS  iné- 
dits) de  Jean  de  Sdini Cilles  :  ï**  Comuit-nlaire 
sur  les  (|aatre  livres  des  sentences;  -i"  tipuscules 
sur  la  sa^es^  divîue,  sur  la  pindnctiun  des 
choses,  sur  les  anges ,  etc.  ;  J"  MoinelifS  et  In 
terptélat'ons  ntuiales  de  la  lîibic;  4**  I  «uiimen- 
taires  sur  dos  livres  d'Arrslo**",  I  railes  du  ciel, 
de  l'ètie  et  de  l'essence;  5°  Expeiiences  de 
BjédeciDe;  6"  l'oiination  du  corps,  pionnsrirs 
et  pratiques  médicales.  On  a  joint  à  celle  liste 
des  poèmes  sur  les  urines,  sur  le  pouls,  qui  sont 
de  Gilles  de  Corb»  il .  44H,  447. 

Jean,  abbé  de  SHÎnt  Victor  de  Paris,  né  en 
Allemagne,  surnnrame  quelquefois  /e  ltiitot,i- 
qne,  adjoint  aux  exeruteuis  dn  teslameni  de 
LouisVIII,  meurt  en  1^99.  Ses  beimoiis  nia- 
Buscrils ,  fifi,  fiy. 

Jeak  de  W'.i.nFSHr'iEif  ,  dit  }tr  Teutottique , 
né  en  II  80,  à  Wildesbusen,  au  diocèse  d'Osna 
brurk.  Il  renonce  à  la  profession  d'avocat,  et 
prend  l'habit  de  dominicain;  il  rempbl  1  fdlice 
de  pénitentia  re  anpres  de  phiMeors  cardinaux. 
Eq  1127  on  aS,  il  e^t  provincial  de  Hongrie. 
Grégoire  IX  le  nomme ,  en  iî3l,évèque  de 
Bosnie;  il  abdîqne  retie  piélalure  eu  12  t7,  et 
devient  provincial  de  Lombardie.  En  124»,  d 
est  éla  qujlriéme  géneial  de  son  ordre  H  meurt 
à  Strasbourg  en  iî52.  Ses  vettus,  son  sawtir. 
ses  dons  naturels  et  snmatnrels.  Onzeou  douze 
Wtlres  encTcliques  sont  les  seols  écrits  ([ui 
reaient  de  lui  ;  il  n'est  p*Hnl  l'auteur  d'ime 
chronique  et  d'une  somme  qui  lui  ont  été  attri- 
buées,   4  3. S — 437. 

Jérusalem^  prise  par  les  Sarrasins,    -xi. 

JortifUurs  et  /t>rtg/et esses ^  701. 

JouaiiAfif  LE  l'oREsTiER  ,  Jordonus  iVemora- 
hiis,  mathématicien,  auteur  de  dix  libres  dVlé- 
ments  d'aiilhm«-iique,  de  treize  propositions 
sur  les  poids,  etc.  Incertitudes  sur  le  lien  de 
sa  naissance,  et  sur  Tépoque  de  ses  travaux, 
140  —  i4î. 

Juges  d'amour,  voyez  Matapianat  57  3; 
voyez  Baimnnd  Vidal,  633. 

JcHLi.  DE  Saint-Martis,  né  an  «ein  d'une 
famille  noble;  cbanctine,  ecoîàire  -  doy  n  au 
M.tua;  ;irchevcquc  tle  Tours  en  lîig,  de  Ileinis 
en  1  244.  il  assi^le  au  concile  de  Lyon  en  1245, 
ic  croise  en  1  24  H,  et  ne  p;o  1  pas  pour  la  Tei  ic- 
Sainte.  Ses  démêles  avec  son  chapitre ,  avec  ses  1 
sHffr.iganfs,  avec  l'evcque  de  Liège.  Atléialiun 


de  sa  raison  à  Reims,  et  sa  mort  à  Paris  eu 
laôo.  .Ses  écrits  sont  i"  des  statuts  pour  Téglise 
de  Sainl-hrieiix  ;  3"  (|uatoize  canons  du  concile 
qu'il  a  prrside  à  louis  en  I2l*i;  3*  le  règle- 
ment qu'il  imposa  aux  ecobers  de  Keim»  «■ 
i:j44,  4»  1  —  4  i4- 


L. 


Lnts ,  considérés  comme  lu  typ^s  00  les  ger- 
mr»  d»-s  romans  en  vers.  Lai  d'H^velok,  73i  — 

73S;  il'Ipnaurès,  773,  779;  de   YOmhve y  ihid. 

I.nmbert  df  Liriie  y  moine  de  Sainl-Ijureat 
à  Tuy,  auteur  iThymnes,  d'epigrauimes  ,  etc., 
ii3. 

Lambirt.  troubadour.  Sa  tenson  avec  Guil- 
laume Kiguieies  el  Heriruad  d  Aurel ,  661. 

Langtou  (Éiienne),  né  en  Angleteire,  étu- 
die et  professe  à  l'aiis;  y  devient  chanoine  de 
la  c.ilbedral",  et  ihancelicr  de  rnniversilé.  In- 
nocent III  l'attire  a  Kome,  le  nomme  cardinal, 
le  lait  eliic  aicbevèque  de  (^autoibéry,  après 
a^oir  cnsse  l'élection  de  Réginald  et  celle  de 
Jran  de  Cr;iy.  (.uirespoudauce  el  démêlé  à  ce 
sujet  entre  le  p;tpe  et  le  roi  Jean-Sans-lerre, 
qui  refuse  de  reconnaître  Langlon,  et  l'oblig* 
à  suiitr  de  Li  Giande  Hreiague.  Excouimanica- 
lion  du  lunnarque.  Rrii.iiie  i\e  Langlon  a  Ppn- 
tignv  duiant  six  années.  Sa  rentrée  en  Angle- 
tetre,  en  i-ii3,  avec  les  auties  preLits  bannis. 
II  s*associe  à  l'enirepiise  des  seigneurs  angUis 
contre  le  rt>i  ;  il  leur  présente  dans  une  assem- 
blée une  charte  de  llenii  l".  Il  est  nommé 
dans  le  preauibute  de  la  grande  cbai  le  que  Jean 
signe  en  sa  présence.  Cet  acte  est  cassé  pur  le 
pape,  et  Langlon  mandé  à  Home.  Le  retour  à 
Canliuliéi  V ,  d  célèbre  la  translation  du  corp« 
de  1  honias  Uekket;  renouvelle  le  couronnement 
du  jeune  Henri  III;  restauie,  lemetible,  enri- 
chit le  palais  épis<-o|»al  et  Téglise  niétropoli- 
t.iinr;  lient  un  concile  provincial  à  Oxford,  et 
T  publie  des  statuts.  En  tiily  il  reparaît  à  la 
tête  des  giands  du  royaume,  pour  léclamer  U 
roiiLirmation  et  l'exécution  de  la  grande  charte. 
Il  meurt  en  1228  à  Slinduti  ;  son  corps  est  rap- 
poileà  Cantorbeiy.  Notices  de  ses  commen- 
taires sur  la  Bible,  de  ses  scrutons,  des  ver» 
Irancais  ({u  il  y  insérait.  Auties  écrits  (|u'on  lei 
atliibue  :  so^ume  et  traites  de  iheuLugie;  épï- 
tres  ;  histoires  de  Mahomet,  de  Thomas  Bek- 
ket ,  du  roi  Richard  ,  etc. ,    5o  —  66. 

iMugton  (Simon),  fière  d'Éiicnne,  et  arche- 
vêque d'Yoïk,  vécut  just|nVn  134^*  c^  laissa 
un  conimenlaiie  du  Cantique  des  cantiques.  Il 
ava<t,  en  toute  circonstance,  épousé  la  cause 
et  parragc  les  démarthes  d'Éticnoe.  Il  s'était 
aii>si  dcclaié  puur  te  piince  /tançais  Louis  ,  54> 
j3,  5i).  61. 

Lu  Hue  (M  l'aîfbé  de)  place  la  mou  de  S«- 
var:c  de  >iauléi>n  à  l'.m  I2^»6,  (Sq^.  i\\è  dan* 
plusieurs  des  ailicles  qui  concernent  les  troa- 
Tcres. 


ET  DES  MATIERES. 


865 


Ltibniti,  le  praniCT  qa!  ait  fait  imprimer  la 
chronique  d*Alhêric  :  inlcfpolaiiuas  et  correc- 
tion» qu'il  y  a  Faitra,   179. 

Louis,  prince  fraliçais  (depois  LoailVIII), 
entreprend  de  s'établir  snr  je  trône  de  la  Oiande- 
Bretagne,  et  n'y  réuuit  pas  :  exconiiunnië  par 
le  cardinal  Oaluo,  il  repasse  eo  France,   3  1 . 

Louis  IX  Tait  saisir  le  temporel  de  l'arrhe- 
Ȏqae  de  Rouen,  141,  14J;  et  celui  de  l'ar- 
cbevèque  de  Reims,  ^47.  148.  Il  raconte  à 
Joinville  la  conversation  de  l'evèque  de  Paris, 
Gnillaorne  d'Auvergne  ,  avec  un  ibcologien  , 
359 — 36ï.  Missionnaires  qu'il  envoie  en  Tar- 
tarie,  447,44s.  Il  fonde  l'abiiaye  de  Royaa- 
niont,  et  y  allire  Vincent  de  Beanvais  dont  il 
emploie  les  taleali  et  favorise  les  travaux , 
4Sî— 456. 

Loo  DB  La.  BaaaK,  trooTère,  841-844. 

M. 


MiensÀC  (Pierre  de),  tmobadour.  Singulier 
partage  qu'il  fait  a«cc  son  frère  de  la  furluoe 
paternelle.  Il  enlève  b  femine  de  Rernanl  de 
Tierci,  et  ne  la  rend  jamais,  6i9.  On  voit  H;inx 
Ml  vers  qae  l'hilippe  -  Auguste  protégeinit  le 
daopbin  d*AQ\ergiie  ri  sesadhérenls,   duo. 

Matiriqur.  Fin  de  ses  Annales  cisterciennes  à 
Tan  1^36.    Uiiluê  de  cet  ouvragé,  i5i,  i5a. 

Marie d'Oignies.  Jacques  de  Viitr  va  se  sanc- 
tifier anprès  dVIIc;  elle  le  délerni-ne  à  rece- 
voir Tordre  de  la  prêirUe;  quand  il  revient, 
après  l'avoir  reçu,  elle  accuort  à  sa  rencontie, 
baise  les  traces  de  ses  pas.  Mort  de  Mjrie,  en 
Iii3,  310.  Histoire  de  sa  vie,  par  Jacques  de 
Vitry,  aaa — 334-  Dans  le  Miroir  historial  de 
Vincent  de  Beauvais,   4^^*  5i3. 

MiaTiir  DE  Laos,  prieur  de  la  chartreuse 
du  Val-Saint-Hierrey  entre  les  anaées  1170  et 
1 1 80  ;  auteur  d'une  rpîire  à  dq  novice ,  compo- 
sée d*expressions  bibliques,  âao. 

Mataplaha.  (Hngnes,  marquis  de),  tronba- 
door.  Sa  magniâreoce,  571.  Sun  Duel  littéraire 
«vec  Blacasset,  iîls  de  Plaças,  S^s.  Choi»  ponr 
juge  d'amour,  573-  Mort  en  1339,  575. 

Maukicc,  ëvèque  da  Mans ^  pois  archevêque 
de  Rouen,  143.  Il  rédige,  en  1339.  des  statuts 
poar  le  diocèse  du  Mans,  ibid.  Ses  démêlés  a\ec 
le  jeune  roi  Louis  IX;  cinq  lettres  écrites  à  ce 
sujet,  tbid.  Il  rédige  des  statuts  pour  le  diocèse 
de  Rooeo  ;  particularités  de  ces  statuts,  14). 
Traits  particuliers  de  la  vie  de  Maurice,  ibid. 
Notice  détaillée  sur  le  tombeau  de  Maurice  qui 
existe  encore  actuellement  dans  Téglise  wélro- 
polîlaine  de  Rouen,  144. 

Èffchi-Âémel,  soodande  Babylone.  Ses  belles 
qualités,  m>o  humanité,  sa  clémence,  etc.,  dé^ 
criles  par  un  des  cruiftcs,  36,  37,  38. 

Memeon,  abbé  de  Vernm,  continuateur  de  la 
chronique  .d'Émoo  ,    180. 

Ménestrels,  longtemps  distincts  des  jouglears. 
Ménestrellrseï  jonglcresaes,  699 — 701. 


Moines.  Expo&é  de  l'état  des  divers  ordres 
mona-sliques  au  xiii'  siècle ,  par  Jjcqurs  de 
VitrY,   335—338. 

Moines  mendiants.  Leurs  démêlés  avec  Phi- 
lippe de  Crèvo.  Protection  qu'ils  obtieDuent  de 
Grégoire  IX,    186. 

MoHTAHT  Sartre,  troubadour.  Tailleur  de 
profebsion,  partisan  réié  dp  Raimond  VI.  Son 
sîr\ente  coutre  les  Français,  adressé  à  ce  prince, 
64  7- 

Mystère  de  la  sainte  Trinité.  Comment  saint 
Edmond  l'explique,  367. 

N. 

Neck  AM,  Alexander  A^ecA/in»i,  Anglais ,  ptu- 
fesseur  à  Paris, abbé  d*Ex<ester,  mfuri  en  i  22.5, 
lai^ant  beaucoup  d'éci  its ,  des  piienies ,  des 
apologues,  un  traité  dt*  la  nature;  des  commen- 
taires de  la  Bible.  d'Aiistolr,  d'Ovide,  de  Mar- 
lianus  Capella;  des  traités  on  mauufls  théulo- 
giqoes ,  des  sermons,  des  mélanges.  Sun  nom 
tran.sfurraé  salirîquement  en  Nequûm  ,  52^,53  3. 

Nicolas  de  Bbai  ou  de  Braiv,  puèle  liéioi- 
qne,  80.  Discussion  sur  5«*ii  âge  approxiiitalir, 
ibid.  Il  a  fait  un  puëme  eo  vers  alexandrins, 
intitulé  :  Gesta  Lttdavict  flll^  qui  ne  duos  est 
P4S  parvenu  dans  son  entier,  81.  Examen  de  ce 
qui  reste  de  ce  puëme,  et  citations  textuelles, 
ibid  ,  etc.  Ses  treize  vers  en  l'hnnnenr  de  Goïl- 
lauQje  d'Auveifne,  évêque  de  Paris,  .H63. 

Aicolas,  cardinal-é\êqiic  deTas«-uluni,  légat, 
en   Angleterre,  apiès  Pandolfe,  eu  1214,    28. 

NicoLET  UE  Tuaia,  trtmbadour.  Partisan  de 
Temperenr  Frédéric  II,  636.  Sa  tenson  avec 
Jean  d'Aubosson  ,  rn  faveur  des  Gibelins,  com- 
posée vers  Tan  i336,  638 ,  63o. 

O. 

Odon  CLimvT,  Anglais,  abbé  de  Saint- De- 
nis en  1339,  archevêque  de  houeu  en  1346, 
mort  eo  1347,  n'a  écrit  que  des  sl^uis  litur- 
giques et  monastiques,  637,  538. 

Olivics  ou  Olivititus,  écolâtie  de  Cologne,. 
cardinal-évêque  de  Sabine,  i4-  Réflt-xions  sur 
les  noms  éculâlre  et  sculaslique,  ibid.  Ses  élu- 
des et  srs  premières  fonctions,  i5.  I.ellre  du 
pape  Innocent  III  qui  semblerait  prouver  qu'en 
1209,  Olivier  gouvernait  une  petite  paroisse 
aux  environs  de  Grenoble,  iSid,  Olivier  com- 
mence eu  I310  à  prêi-her  I9  croisade  contre  les 
Albigeois,  16.  En  I3i4>  >1  prêche  la  croisade 
pour  la  Terre-Sainte,  dans  la  Flandre  et  le» 
pays  voisins ,  ibid.  Il  s'embarque  en  1317  avec 
les  croisés  qn'il  avait  réunis,  tbid.  Il  revient  CD 
1333,  et  il  est  fait  évêque  de  Paderborn ,  17. 
Cardinal  en  133$,  il  meurt  en  1337,  ibid.  Sa  , 
lettre  à  Engelbert ,  archevêt|ue  de  Ci>logne ,. 
ibid.  Il  a  laissé  deux  ouvrages:  V Histoire  d9 
la   Terre  Sainte  et  Y  Histoire  de  Do  miette ,    18. 


5  8 


866 


TABLE  DES  AliTEURS 


Exaœrn  du  premier  de  ces  onvragfs,  19.  Es- 
prit religieux  el  i;aeriier  de  I  bislotit-n;  son 
instrucliuD  ,  sa  verarilé,  10.  K.xauicn  du  second 
onvrage,  îi.  L'aoleur  y  r.iconle  tuul  ce  di>nt 
il  a  élé  léiuoin  pend;irit  qujire  ans  en  Orient, 
iiid.  Tiadurlion  du  pii^isige  sur  la  prise  i!e  Jé- 
msalem  en  1219,  12.  Cilalinn»  lillérales  de 
morceaux  relalifs  au  siège  de  Daaiielle,  îl. 
Valeur  d'an  jeune  Frison  i|ui  n'esl  pas  nuinnie, 
el  qui  esl  peut  èlre  Cilles  de  Lèwes,  24  et  lS5. 
Prise  de  Daniielte  en  lîift,  lS  Plainli-s  de 
l'bislorien  sur  la  reprise  de  Damlelle  par  le» 
Sarrasins  ,  îbij.  Lellre  d'Olivier  à  Mccbi-kémcl, 
Soudan  de  Baliylone,  26.  Tr.iduclioii  d'un  pas- 
sage où  soni  decriles  les  billes  qualités  de  ce 
•oodan,  27.  Aulre  lellre  d'Olivier  adressée  aux 
prêtres  d'É^ypIe  pour  les  couverlir  au  clnisli.i- 
nisiue,  2S.  Légère  erreur  de  l'auleur  de  l'His- 
toire des  croisades  sur  ces  deux  lellies,  23(). 
Euipranis  que  Jajqnes  de  Vili7  a  faits  à  Oli- 
vier, 243 ,  244. 

VOrdtnc  de   chevalerie,    751-760.   'Voyez 
Anonyme  et  Uue  de  Tatarie. 


Pallitim.  DitiiU  «ur  cet  ornement  de»  pré- 
lats, 145. 

Puiidolfr  ,\rpX  en  Angleterre  après  Galon, 
32,  établit  en  12 13  Etienne  Langton  sur  le 
«iége  de  Catitorbéiy ,  et  obtient  du  loi  Jeaii- 
Sans-Terre  des  actes  de  soumission  à  la  coui  de 
Roiue,  56,  57. 

Pnrad  s  (  Conr  de),  poëme  anonyme,  792- 
800.   t  oie  de  Paridis,  autre  pi.èinc,  790-792. 

Psvfs,    troubadonr.    Sa    tenvon    avec    IUb- 

THA.1D  u'ACRtl-et  OlIlLI.il'MEKtliUlÈBES  colllie 
AlMÏHlC    t>K   PÉGniLil»  ,    601. 

PÉLisslEU  (  Pierre  ).  Le  dauphin  d'Auvergne 
l'appelle  par  mépris  bourgeois  coiiilois,  616. 

PERDlGlis.lmubailonr,  né  à  VEsfiéroii,  bourg 
du  C.evandan.  l-'ils  don  pècbeor.  hobert  ,  dau- 
phin d'Auvergne,  lui  duThne  des  terres  et  l'aiiue 
chevalier.  Pierre  II,  roi  d'Aragon,  le  comble 
de  présents,  fio^.  Sou  ingialilude,  6ci5.  Il 
s'a.ssorie  à  Fulqiiel  pour  prêcher  la  croisade 
contre  Raimond  VI.  Piè<  he  en  chantant  Celle 
conduite  loi  fait  perdie  tous  ses  amis,  iliid  II  se 
fait  moine  à  Silvebrlle,  abbaye  de  Cile:iux, 
ïers  i'an  1219.  Sa  ddinitiun  de  quelques  ca- 
ractères de  l'amour,  606. 

Phèdre.  Ooie  fables  de  lui ,  sans  son  nom, 
dans  le  livre  III  du  Sprculiiin  docliinnle  de 
Vincent  de  Beanvais;  ressemblance  et  presque 
identité  d'expressions  et  de  conslructiony  ,  494, 
495.  Reproduction  de  ce»  apologues  d.ins  le 
livre  IIÏ  du  Speiiifiini  hif teinte ^   5o4  ,  5o5. 

Pliili/>/ic-Jii^iii'e,  roi  de  i'rance  ,  est  excité 
par  Innocri'l  111  à  ir.iiter  Jean  Sans-Tciie  en 
ennemi  déilaré  de  l'Église,  ."ij,  56  II  appelait 
à  •>    ooor    Iléliuand  ,  pour  avoir   le  plaisir  de 


l'entendre   rbnnler,    88.    Dan»   quelles  circou- 
slances  arriva  la  nieii  de  l'h  lippr-AugnsIe,  9. 
Phil  pi'e ,  maint-  de  la  Churmoye  ,  a  é<ril  de 
la  vie    d'Ida  ,  I''  abiiesse  d' Aigcosotrs,  52  1. 

Philippe  db  Grève,  cliaooelier  de  i'eglise 
de  Paris  depuis  1218  j  s  |u'eu  1237,  époque 
de  sa  mort.  Ses  déiiiêlet  avec  l'Université  d« 
Paris,  p<iui- laquelle  lloiiurius  III  se  prononce. 
Quel  elle  plus  violente  entre  Philippe  et  les 
moint'S  mendiauts  que  (iregoire  IX.  protège. 
Troubles  au  seiu  de  i'llni%  el.sile  en  1229;  fuitt 
du  chancelier.  Il  revient  eu  ii'li,  et  persista 
dans  SCS  prétentions  Sou  zèle  à  proscrire  le» 
hérétiques,  et  à  suuieoir  la  pluia'ile  des  bénéli- 
ces.  Il  garde  tous  les  siens  jusqu'à  sa  dernière 
b4-ure,  iiialgié  les  irpréseotatious  de  son  evèqut 
Guill.iume.  .Ses  sennous  el  ses  cuiuiiientaires  sur 
les  livres  saci es  ,  184*191. 

VmLtprt-,  frèie  pietliinr,  l'on  des  premiers 
qui  aieot  lait  prulessiuii  d.itis  cet  oïdie,  l'un  des 
témoins  devant  les  coiumiss.iiieb  du  pape  Gré- 
goire IX,  de  la  vie  et  des  miiaclis  de  saint 
Dominique.  Epitre  qq'il  eciii  de  la  'l'eire-Sainie 
nu  pontife  romain  eu   1237,   191  ,   192, 

Pierre  u'Améli  ,  aicbc\èquede  Narbonne, 
33  i.  Acies  des  pieiuieres  années  de  sa  préla- 
lure,  ibid.  H  ledige  des  st. nuls  syuodaux;  il 
prend  part  aux  pirpaialifs  des  Cloi.sades,  333. 
Il  est  force  de  sortir  de  Natbonue  par  la  révolte 
des  habitants  contre  lui,  333.  ^e  préparant  à 
la  guerre  contre  les  Maures,  il  fatt  sou  testa- 
ment ;  passages  de  cet  .icle,  334-  H  se  fait 
reman|uer  par  sa  vailiauce,  3  3  5.  Démêlés  de 
Pierre  a*ec  son  chapitre  ,  ibid.  el  suiv.  Passage» 
reinar(|Uables  des  leliies  miniiioiies  du  chapitre 
à  l'aicbevêquc,  'i36.  Pieiie  iinniirc  de  nouvean 
sa  va  eur  gtieiriere  à  la  prise  du  château  de 
Munt-Si-gur,  337,  Il  tient  uu  synode  relatifà  la 
Cfiiiduile  des  inquisileuis  envers  les  hérétique», 
(*<</.  Singulier  legs   qu  il   lait   au   pape,  33g. 

Pierre  it'ALBtttAS,  medeciu  a  Gènes  ,  a  écrit 
le  lécit  de  deux  visions  qui  l'ont  déterminé  à 
entrer  dans  l'ordre  de»  lieres  piêi  Leurs.  11  est 
mon  en  1  35o ,  534. 

Pierre  de  la  Cahavane  ,  troubadour,  Italien 
de  naissante.  Guelfe  passuoiur.  .Son  su  vente 
eu  langue  priivenc.de  coiitie  l'eiupeieur  Fré- 
déric II,  compose  vers  l'an   1236,  048. 

Pierre  de  Colhieif  ,  Itaiien  ,  chanoine  de 
Térouane,  doyen  de  Sjiiii-0:iier,  archevêque 
de  Roueu,  cardiiial-éxêque  d'.^lbaiio,  meurt  en 
I  2a  t ,  ne  laissaut  pas  d'aulri-s  écrits,  aujour- 
d'hui connus,  que  des  statuts  syuodaux,  53;, 
538. 

Pierre  de  CoisT,éTêque  de  Meaux,  mort 
en  12S5,  aiiieui  de  staïuts  synodaux,  et  de 
cliiii  tes  dont  quelques-unes  sont  eu  langue  fran- 
ça  »c  ,  539-J4  1 . 

Pierre,  moine  de  Fécainp,  auteur  d'une 
chrouiqne,  35i.Opiuiuu  du  P.  Lahbe  aor  cell* 
chronique  ,  3  j  1  . 

Pierre    de    Reims,    ri-ligieux  dominicain, 
I  évêqnc  d'.Ageu,  ?y5.  Docit  ur  el  picdicaleur  à 


ET  DES  MATIERES. 


867 


PnrU;  à  rarrivèe  des  trtres  prêchenrs ,  il  entre 
des  preniiris  (Uns  lear  ordre.  Inceriitode  sut 
son  épifrcopat  k  Aj;en.  Sesouvrugcs  luaDUScrits 
ÎDdiqoés,  5 a .5,  5-26. 

PifeRBE  DB  RoissY,  chanccIicr  de  1  église  de 
Chiirires,  auteur  d'un  manuel  clcriial,  524. 

Pierre  Darochcs  et  Pierre  de  Rtvalles  ^  lui- 
nistres  de  Henri  III,  roi  d'An^lelerre ,  niîs  en 
accusation  pjv  le  rlergè,  2G  t  ,  idi  ,  26  J. 

PlERKB  DE  SÉu,iiE ,  religieux  domiaicaio, 
399.  Il  est  euvnyé  avpc  d'autres  religieux,  en 
légation  auprès  de  l'empereur  de  Coostanlino 
pie,  ibid.  Mulifs  de  cette  légation,  la  rénoioo 
des  deux  Éj^iise*,  3oo.  DéiMi.s  eolre  les  légats 
et  les  Grec?,  à  Niiée,  ibid.  Débats  plus  solen- 
nelsy  mais  axissx  ÎDDt'Ies,  à  Nyniphee,  3oi.  Ils 
leprsDuent  le  cbeiiiiu  de  Runie,  et  les  Grecs 
l^s  font  pouisuivre,  ibid,  et  suiv.  Relation  his- 
torique de  celle  Je^aiion  exainioée,  3o2.  Tra- 
duction de  pinsieuis  pussages,  tbid.  et  suiv. 
Date  de  la  mon  de  Pierre  de  Sêxane,  iacertaioe, 
3o5. 

Pierre  des  yignes.  On  lui  a  mal  à  propos 
attribué  le  tiaite  de  Vincent  de  Reauvais  sur 
réducatioD  des  princes,  467- 

PiSTOi.ETTA  ,  troubadour.  D'abord  jongleur 
d'Arnaud  de  Marcuil.  Atlacbemenl  qqe  prend 
poor  lui  le  printe  1  borna*  de  Savoie  ,  père  de 
Béalrtx,  femme  *le  Raimond  Bérenger  IV,  comte 
de  Provence ,  579. 

Plitraliiè  dci  bénéfices  soutenue  prr  Philippe 
de  Giève  et  par  Arnolu,  dfpuis  évêque  d'A- 
miens; condamnée  par  une  assemblée  de  doc- 
teurs, par  nu  rhapilre  de  dominicains  et  par 
l'évéque  de  Paris.    1S7,  iSS,  528. 

Poifs  b^ABà,  troubadimr  du  cummeocement 
du  xin*  siècle.  Son  sirvenle  contre  les  rois  qui 
ne  récompenoenl  pas  d^gnemeiil  le  mérite,  644< 
PftÉTOST  DE  Limoges,  troubadour.  Sa  tenson 
avec  Savaiic  de  Mauléon ,  à  l'occasion  d'un 
double  rendez-vous  donné  à  ce  seigneur,  tiSo. 

PujOLs  ou  PuiOLS,  troubadour,  ami  de  Biacas 
et  de  Srf>rdeL,  643. 


Q- 


Quatre  Traité  de  Hugues  de  Miramors  sur 
ce  nombre  ,71. 

QcRsiVEs  DE  BÉTHoifB,  troQvère ,  anteor  de 
«tiausoDS,  845-848. 


R. 


RAiMOBD  TII,  comte  de  Toulouse,  né  en 
1197,  succède  à  son  père  Ra>mond  VI,  en 
laaiy  et  se  défend  le  oiieni  qu'il  peut  contre 
AfDiury  de  Monifort,  que  protègent  le  pape, 
Us  rois,  les  conciles  et  les  croisés.  Déciaraiion 
de  catbolicisute  que  Raimond  VII  adresse  à 
Philippe-Auguste;  édii  qu'il  publie  contre  les 
hérétiques  albigeois.  Malgré  cette  intolérance  , 
i^est  excommunié  eu  ii35.  U  meurt  en    1^49 


à  MiUuu  dans  le  Roaergne.  Il  csteDlerré  à  Fon- 
tevrauld,  3S9  39  1 . 

Raimoho  (  Pierre  ),  troubadour,  dit  le 
Jeune  ^  accusé  d'être  un  esprit  vil  et  cfaétif,  ne 
doit  pas  être  confondu  avec  Raimohd  (Pierre), 
dit  /e  f^tttix  ,  autre  troubadour  regardé  comme 
nu  homme  sage  et  spirituel.  Il  part  pour  la 
Syrie  en  1239,  641.  Tensoa  de  Bertrand  de 
Gordon  confie  lui,  641,  64». 

Raimond  de  Pe^najort  ^  dominicain  catalan, 
né  en  1175,  doit  sa  première  illustration  au 
cardinal  Jean  Haignii  qui,  pas^ot  À  Barce- 
loue  ,  se  l'attacha  en  qualité  de  pénitencier,  et 
remmena  à  Rome,  164.  Raiimnl  a  fait  qn 
recueil  de  cas  de  conscience,  iniiinlé  ;  Somme 
de  la  pénitence  et  du  mariage;  et  une  compi- 
lation de  décrélales  pour  faire  snite  à  celle,  dr 
Giaiien.  Eu  islS,  Raimond  fui  élu  troisième 
général  de  l'ordre  des  frères  pr^heurs.  Il  abdi- 
qua cette  dignité  en  1240,  et  mourut  centenaire 
en  1376.  Sun  nom  a  été  inscrit  dans  la  liste  des 
saints,  4o3-  Extiails  de  sa  Somme  dans  le  Spc- 
i^tihiin  dott/ina/e  àe  Vincent  de  Beauvais,  496. 
Raihoud  de  Salas,  troubadunr,  né  à  Mar- 
seille, ne  voyage  poiut,  BJg. 

Kaikier  i.e  Lombard,  frère  prêcheur,  èvéquc^ 
de  Maguelone,  mnri  eu  1247-  .Vs  statuts ,  son 
livre  contre  les  hérésies,  sou.  dictionnaire,  5a3, 
529. 

RAMtEiTE  Ristors  (d'Aflcs),  troubadour, 
habite  lonf>-lemps  en  Italie  au  cotcmenceineat 
du  xiit^  siècle,  d^i. 

Raubaud  de  Bcaujpu.  tronbadour,  va  visiter 
l'empereur    Frédéric  H,  en  Loiubardie,  ^45. 

Rambaud  d'Hières  ,  troubadour.  Son  sir- 
venle contre  Raimond  Bèreoger  IV,  sur  ce  qn*il 
souffre  que.  Sancie  d'Arzgoo,  femme  de  Rai" 
mond  VII,  soit  reléguée  an  chàtcaa  de  Pemcs, 
dans  le  Vénaissin  ,  671,  673. 

Raool  le  Breton,  autear  d'an  traité  aco- 
liistique  sur  l'ame,  629. 

Raoul  de  Hou  dan,  anienr  de  la  Voye  ou  du 
Songe  d'Enfer,  786-790. 

Reirer  ,  moine  de  Saint-Jacques  de  Liège* 
.né  en  11.55.  Ses  quatre  voyages  à  Rome.  H 
continue  la  chronique  de  Liège  jusqu'en  ii3o, 
I [3 ,  114,  1 15. 

Renax  ou  Renault,  auteur  dn  laî  d'Ignaorès, 
du  lai  de  rOfiibre.  777*780. 

Rf-x  legiim  f  Dominn»  duminantinm  ,  légende 
que  les  croisés  brabançons  portaient  tracée  sor 
leurs  habits,  i54. 

Ribuuds  et  Trnans.  Slatola  foils  contre  enx, 
^78;  pourquoi  on  ne  voulait  pas  qu'ils  por- 
tassent  la  tonsore,  ibid. 

Richard^  roi  d'Angleterre.  Effroi  qu'il  arait 
inspiré  aux  Sarrasins,  416. 

Ricobaid  de  Fvrrare  ^  auteur  d^one  cbroniqlie 
qui  finit  en  l'an  1194  t  K^l- 

Rigaud  (  AnsxLME  ),  doyen  du  cfajipiire  de 
Lyon  ,  rédartear  de  sialuta  appronvés  par  Par- 
cbevèque  Pbil'ppe ,  ^36. 

Rimps  défectueuses  des  troavcrcs,  71 4*7x7. 


868 


TABLE  DES  AUTEURS 


Robert  (  DâHPiinr  d*Autergive  )  ,  tronba- 
doiir,  l'Ai  Rohrrt  /*"',  comme  éltfnt  le  pirioier 
»f  ignenr  H'Auvrrpne  qni  ail  pris  le  lîlre  de  r/a.v- 
phiH ,  ()o-.  Accueil  bieiiveillaot  qn'il  fuir  aux 
truubaduurd.  Allcntion  qa'il  apporle  à  pnrler 
sa  lan;^ue  parement,  fïoft  5iï.  Se*  tliflérends 
avec  Ricbard-Ccenr  dr-LioD.  Son  sirvente  con- 
tre ce  l'oi  f  6  I  11.  Sirveole  de  Richard  contre  lui. 
Moil  en  i23j(,  6i5. 

RoBfeRT  (É^ÊQDE  DC  Clermont),  ttonba- 
dour,  proche  parent  du  précédent,  608.  Sa 
tenson  j\ec  Rubrri ,  dauphin  d'  \nvei:giie,  ^ii. 
Gneivp  entre  lut  et  le  comte  Gai,  .son  frèie. 
Prisonnier  de  Gui,  6i3.  Sirvenle  de  Robert, 
dauphin,  contre  lui,  614  Transféré  à  Tarche- 
yêché  de  Lvon  en  1217.  Mort  en  1 132  ,  6 15 . 

RoHKRT  DE  KFTHOifE,  avoué  d'Arras,  ?85. 
Ancienneté  de  la  rjmille  de  Kt-tlinne,  thid.  Pre- 
mières armes  de  Rolieri ,  l'i/V/.  Il  est  f.iit  pri- 
sonnier à  la  Itataille  de  Boavines,  B^fi.  Après 
plusieui!)  actes  adMiiu'Stratifft  dans  sa  haronnie, 
il  part  pour  la  cmîsade  d*oDlre-nier ,  ibitJ.  Il 
meurt  en  ronte,  ibid.  Un  grand  nombre  d'actes 
de  ce  seif^rienr  ont  élé  recneillts  par  Du  (^liesne, 
337.  Ritbrit  avait  rédigé,  en  mS'J,  la  Coutume 
de  'renieiiionde  *  articles  remarquables  de  cet 
acte,  388. 

Robvft  Oémrnt  .  Inteur  et  gooveroenr  dn 
jeune  roi  l*bilippe-Au^U!>te  ,  est  le  père  d'Al- 
béric  (  léineiii  et  de  Henri  (llemeni,  les  deux 
premiers  marrcbanx  de  Fmnce ,  ^70,  271. 

RoBKRT  Dt  pRAirrE.  couiie  d^Anois  ,  frère  de 
Louis  iX.  Sa  lettre  à  la  reine  Ëlancbe  snr  la 
pri!.e  de  U;imieite,  407,  4*'8' 

RoBEBT-(iriossE-l  fTe,  né  de  pauvres  pnrents, 
à  Sliotibrook,  dans  le  comte  de  Son'olck,  passe 
des  écoles  d'Oxford  dans  celles  de  Paris,  t  ap- 
prend l.i  langue  fran&dse,  y  donne  loi  lu^me 
d'anlies  leçons.  Simon  de  Montfurt  le  fait  nom- 
mer ai  chidiacre  de  Leycester;  en  i235,  .sHÎnt 
Edmond  le  iacre  évèqne  de  Lincoln.  It  réclame 
contre  nn  acte  par  lequel  Henri  III  a  conféië 
des  font  tions  jiiiiîci  lires  en  matière  criminelle 
à  Ranuifé,  abbé  de  Ramesey.  Un  démêlé  plus 
vif  éclate  en  ia5o  entre  ré\èqne  de  Lincoln  et 
Innocfitt  I V  ,  qui  a  donne  on  canon icat  Je  cerie 
église  à  un  tres-jrune  homme,  son  neveu.  Epiiie 
de  Robei  *  aux  piélals,  quM  invite  à  ne  p;4s  >o- 
Icier  ce  népotisme.  Colère  d^lunocent,  qot  cite 
l'évèque,  le  menace,  l'exciHuniDnie.  Robert,  ma- 
lade en  1253,  ap|>eile  près  de  lui  Jean  de  Saint- 
Gilles,  médecin  et  théologien ,  auquel  il  veut 
prouvei  que  le  pape  est  béréiiqne.  (Mort  de  Te- 
Teque  de  Lincoln  dans  sadrmenre  de  Bugedon, 
le  \)  ociotire  de  la  même  année.  5ia  bibliorhèqoe 
léguée  aux  franciscaios  d'Oxford.  Sa  «épnllure 
dans  la  r.ilhedrale  oâ  l'on  conserve  ae«  reste», 
aafis  égard  aux  ordres  da  pontife  romain.  Mi- 
racles au  lombean  de  Robert,  racontés  par  sea 
partisans.  L'un  de  srs  ouvrages  est  la  traduction 
latine  du  testament  de»  12  patriarches,  enfants 
de  Jacob,  livre  apocryphe  de  J^Ancieu-Teata- 
^cnt.  Eutre  &cs  aalrcs  ccrils ,  on  diklingoe  ceux 


qui  tiennent  à  sa  qnerrlle  avec  Innocent  IV.  H 
a  commenté  plusîears  livres  d*Ari>tote  et  In 
thétdogie  mystique  de  Denvs  rArénpagite. 
Opuscules  de  Robert-Orusse  Tête  recueillis  par 
Ed.  Ilrown.  Une  collection  cx>mplète  des  œuvres 
de  ce  prélat  devait  remplir  trois  in-folio.  Co- 
pies manuscrites  qni  en  esistetit  en  Angleterre. 
Poème  latiu  que  lui  altnboe  Leyser.  Poème 
frJncai^,en  1748  vers  .  qu'il  parait  avoir  réelle- 
menl  composé.  Un  traité  dea  pécl-ès,  en  70,000 
vers  de  la  même  langue,  (ni  appartient  anui. 
.Sa  vie  en  vers  latins,  par  un  moîne  du  xiii' 
siècle.  Eloges  de  ses  talents  et  de  ses  f  ertos  , 
par  Giraud  de  Cambrie,  Matthieu  Paris,  Roger 
hacon,  etc.,  etc.  ,  4  17  444 

Rftberi  de  Luzeirchrsj  architecte  qui  an  xiii* 
siècle  éleva  la  cathédrale  d' Amiens  ,   146. 

R-tn*i/i  :  pueme  de  lïeudes  de  Prades  sur 
Teducation  des  oiseaux  de  citasse,  auquel  )« 
poète  donne  ce  nom  de  Roman ,  Sfio. 

Romans.  Quelques  uns  des  romans  connus 
au  comniencemrnl  du  xm*'  siècle,  669.  — 
Romans  de  Rendes  de  Hanslone,  741*751  ;  de  la 
Chastelaine  de  Vergy,  779-786;  de  Gaiio  le 
Lolieiains,  par  Jean  de  Hagy,  -38-748;  d« 
(iérard  de  Nevers ,  on  de  la  Violelre,  par  Gi- 
bert  de  Montieoil,  7GU771;  de  Uavelok  le 
Danois,  731-73S,  etc. 

Roi,cev.4Mx  (  Rat«ille  de).  Sujet  d'on  poème 
compose  par  Toruld,  714-720.  Dissertation 
de  M.  Monin,  719. 

R 'jaumont.  La  première  abbaye  que  saint 
Lonis  lit  bâtir,  344. 

S. 

Saladin.  Sa  conrtoisîe  «itct»  let  damrs  an 
cbrvaliers  croi.sé> ,  4ïfi.  Il  fait  parifirr  l'églis, 
de  Jrrii>alefn,  après  b  pnw  dr  celle  ville,  418. 
Dans  r()ideiie  de  cbevaleiie,  5ialadio  est  fait 
clievalirr  par  Hne  de  Takarie,  7C0. 

Savaric  de  IMacléos,  baruri  do  PoilOD, 
troubdduiir  11  se  ligue,  à  la  luort  de  Ricbard- 
Cœur  de  Lion,  avec  d  jolies  seigoeurs  pour 
si>ulenir  les  ftruils  d*Arlbur  ciinlie  Jeao-Sana- 
Terie,  (jui  veol  dép>uiller  ce  priuce  de  «ei 
doiiiaiDes  de  Krance.  Prisunoier  à  Mirebeaa  eo 
1703.  Cuodoil  eo  Angleterre,  il aVcbappe  de  sa 
priitun.  Il  entre  dans  le  paili  de  Jeao-Sans* 
Terre  contre  les  barons  augUis.  Homme  aéné- 
chA  d'Aquitaine  par  ce  prince  Attaqué  "pat 
PbJlippe-Auguste,  673.  Siriente  de  Bertrand 
de  Hoin,  If  lil»,  pour  l'eng-iger  à  quitter  la 
parti  du  roi  d'Aogleierre,  b- ^  Il  ett  réduit  à 
faire  ^a  paix  parlicaliére  avec  Fbillppe-Augast* 
en  1^09,  ^-jS.  Il  condait  un  secours  de  1000 
Hasques  à  Raimond  VI.  FJeMc  grièvement  pré» 
de  Londres,  en  13  i5,  cumiue  il  conimaudait 
l'arfuèe  du  roi  Jean.  Il  ka  dans  b  Syrie  porter 
des  secouis  aux  croisés  qui  assiégeaient  Da- 
luielte.  Séncrlial  d'Aquitaine  an  service  da 
Heori  lU.  Assiégé  dans  La  Rodielle  par  Louii 


ET  DES  MATIÈRES. 


869 


VIII  ,  ô^fi.  Il  cnndtiil  les  restes  de  son  ariuée 
«n  Angïrlerre.  Il  iraile  avec  Louis  VHl  en 
iaa4.  Hf|)iciid  le»  «iincs  [tour  lleuri  III,  j  la 
iDinuiiié  Je  Louis  IX.  Se  î>ouniel  délinilive- 
meiit  à  ce  prince  en  12^7,  '*77-  ^•'''  ïuorr  en 
ii36,  suivjiii  M.  l'alibé  lie  la  Hue.  Sa  teuson 
avec  Canceiin  Fivdii  eï  Hf^ina  de  la  ttaché- 
ierie j  G78.  .Sa  tensun  avec  Pievdsl  de  Lïmojjes, 
à  Poccasion  d'un  tluublc  iendt-7.  voos  cjui  lui 
av.tit  été  dunnc  par  di-ni  donnes  pour  le  même 
jour,  6S0.  Sa  clijiisnn  adressée  à  Eléonurc  , 
feinnie  de  K.iiniOMd  VI,  |>our  lui  iinnoucer 
qu'il  loaiclie  avec  2000  lt.>sq<jes  au  secours  de 
sou  ui.iri  ,  (iS  1. 

Scorùtrtum.  Ce  qu'un  doiï  entendre  par  ce 
mot,   i44> 

SmnvToun  (  OuilLiume  ),  quelquefois  appelé 
du  M  oui  ou  des  MudK  ,  naquit  à  DniliJiiii  , 
coninieuç^i  »e>  éindt-s  ^  O^foid,  le.sacljesa  à 
Paris»  revint  exercer  en  Angletene  le»  foncliun^ 
d'aichtdiai-ie  de  Unih^in  ,  de  clianoîne  et  de 
chancelier  de  réi;tiHe  de  Lîncoln.  Ses  piédica- 
lions  «  son  voyage  à  Rome  ,  sa  mort  à  Rouen 
en  iï4ç*.  Maimsciit.-ï  dr  sur  !\iiinenih  ,  expli- 
cation lies  4  livres  des  Sentences,  par  article» 
numérote»  et  p.ir  ordre  alph^ibetique.  Il  est 
auteur  de  plu^iruis  éciîtsde  peu  d'importance, 
pareillemeni  intdiis,  391-39'i. 

StBHANi),  ablie  de  Mai  ie-Oarden ,  ip'ï.  No- 
tice sur  le  monastère  de  Marie-Oarden,  ibrd.  Si 
brand  y  ét.iblit  (Mie  [leilte  académie,  ii/l.llaé  rit 
les  vie»  d*-»  deux  abbés  »es  prétlécesseuis ,  ibtd. 
SiGfcH  ne  Lii.i.k,  (Vère  prêcheur,  a  écrit  la 
vie  de  aainte  Marj^nerlle  d'Ipres,  qu'il  avail 
convertie  et  dîii^ee.  Thomas  de  f.anlimpre 
nous  a  iran.sini»  relte  légende,  à  laquelle  îl  a 
fait  de»  additions,  ^gvSiig. 

Sinut'i  ^  précepteur  du  jeune  prince  (  depuis 
le  roi  l»hilip|'e-le-Hardi  ),  présente  à  la  reine 
Margueiite,  épouse  de  loiiîs  IX,  le  li\re  de 
Yinceol  de  B'''<u  vais  .sur  Téducation  des  enfaols 
de  la  maison    royale,  4''7- 

Simon  o»'  I-'rr^re,  Anglais,  chanoine  d'He- 
reford,   auteur    de    poésies  latines  et  françaises, 

823-824- 

SiMoH    DE    Saint  QueHTiif,   fière    prêcheur. 

l*on  des  qu;ilrr  d iniiams  envoyés  en  Tarl.irie 

par  Innocent  IV,  en  ij45.  La  relation  de  Si- 
mon nous  a  été  transmise  par  Vincent  de 
Ceauvais;  elle  renferme  les  lettres  du  (^bam  au 
prince  |\aj»>ihiioy,  et  de  celui-ci  au  pape,  400- 
403  ,  4H5  .  5  I  3. 

SoR«Y  ou  SonrtT  (Eudes  ue  )  ,  évêque  de 
Toul .  élo  en  I  i  I  8  ,  7  I  ans  après  la  mort  d'un 
antre  évêqne  de  T»ml  nomme  Eudes.  Alterca- 
tions de  F.iides  de  Snrcy  avec  le»  comtes  de  Bar 
et  de  (,hini|>agne.  Sa  lettre  ou  chai  le  en  laveur 
d'au  prieuré.  Sa  mort  en  laaS,  523,534* 


TiirmAUT  Di  MAti.t.T  ,aafenr  d*of»  poème  fran- 
cs ÏDlitulé  Esioire  ;  sorte  ile  scruon  rimé.  Les 


stances  sur  la  mort  qui  lui  ont  cle  qoejqueioit 
atlril>uees  ,  apparliennenl  à  Helinand,  824'^^^' 
Thfinat  d'  -4 (fil in  (  Si  )  n"a  pu  être  le  disci- 
ple d  Alexandre  de  liâtes,  3i4,3i5  Articles 
de  sa  Sotnme  empiunlr-s  en  substance  on  tex- 
tuellement par  le  compilateur  qui  a  fabriqué 
le  Spéculum  mnralt-  ailiibue  mal  à  propos  à 
Vincent  de  Iteauvais.  Thoinas  injustement  ac- 
cusé de   plagiai,  477-482. 

Tiiomai  iitkktiy  ai<Ut-vè()ne  de  Cantoibéry. 
Translation  di-  son  corp»  et  histoire  de  sa  vie 
par  Etienne  Langion,   5(),  6j,  6fi. 

T'inrniii  dv  Canttminé  raconte  la  damnation 
éternelle  de  Philippe  de  Grève,  188,  écrit  la 
vie  de  Jacques  de  Viiry  dont  il  a  été  le  disciple, 
el  la  remplit  de  rétits  merveilleux.  212,  2i3. 
AdditioQs  qu'il  fait  a  la  vie  de  .sainte  Marguerite 
d'Ipre».  par  le  dfMuinicain  Sig»-r,  397,  ^98.  Ce 
<|u"il  raconte  de  l'abbesse  d'Argensoles.Ida,  5'>  ï . 
TiBfcRot  (  r,A  nAMfe),  nommée  aussi  Na  Ti- 
bnifiy  troubadour,  balutnit  an  château  de  Sé- 
ratiHvn  en  Pro\ence.  l-'ragnient  de  vers  de  sa 
composition  ,  .S70. 

Totnhi  aux  dans  l'église  raélropolitaine  de 
Rouen,  I 44* 

l'oHork  (Kadulphe  ou  Raoci.  de),  évcqae  de 
Verdun,  ^29-  S.i  faïuilU',  ibid.  Ses  liénièles  avec 
les  habitants  de  Veidun  révollé>,  33o.  Il  a 
lai^se  queiqiifs  actes  ailiinnistralils,  3  W. 

ToROïTt  (  RoBtRT  de),  é\èque  de  Uingres, 
puis  de  Liège  ,  347  1'  **'*'  rlurgé  par  Louis  IX 
de  travailler  à  ramener  la  paix  entre  l'empereur 
et  le  pape,  ibid  Sun  ambition  et  -ou  avarice 
le  font  délester  de  sou  peuple.  34S.  Il  a<-t  ueille 
le»  doniiit'cains  ei  les  ti.tnciscains;  il  institue 
la  fête  du  Saint  Sacrement,  ibid.  (>on'inent  il 
lut  excite  à  iii'titner  celle  fêle  ,  34o-  Lettiepas- 
torale  ipi'il  étrività  ce  sujet ,  tbid.\\  resteaussi 
de    Rdbert  quelques  acte»  administratifs,  3. lU. 

'7'or*/ei  «mr// ,  lenson  à  trois  interlocuteurs 
usitée  chez  te»  lioubatlours,  67H. 

Ton t/ioif 'fient  du  Chrnt ,  poème  bizarre  de 
Huon  de  Méry,  fioo-So'i. 

Tour  sur  le  SSil.  Suatagèine  inventé  par  les 
croises  pour  la  prendre,  2L 

Ttonb'idoiirs.  Soin  qiiMs  prennent  d'épnrer 
leur  langue  el  d'élever  leur  style.  O  im-rile  est 
celui  d(Mil  ils  se  vantent  le  pluss(m%ent,  535, 
5S6.  Leurs  regrets  sur  ce  que  leur  pays  pa»s« 
sous  la  domioatitn  des  rois  de  Kiaiicc,  (J71. 
Leur  usage  de  piêtei  le»  formes  d'une  passion 
amoureose  aux  sentiments  d'amitié  et  de  res- 
pect que  leur  iu.spirent  les  dames  d'un  rang 
élevé,  <"9o  ,  6yi.  Leur  influence  sur  la  tangue 
itabenne,  «9*1,  ^\y. .  F.loges  que  les  auteurs  ila- 
lieus  leui  ont  acciirdes,  ^198. 

Troubadours  itn  uns.  Emploi  qu'ils  font  de 
la  langue  piovencale  ,  ^97. 

Trouvé  H  as,  poètes  fiançais  du  xii*  et  dniili 
siècle.  Leur  langue  est-elle  fille  de  la  langue  des 
troulwdour»?  699703.  —    Irouvèies,    aaieurs 
de  chansons,    sirveutes    et  antres   opuscules, 
838-851. 

Sssss 


870 


TABLE  DES  AUTEURS 


TuROLD,  anfeiir  du  pneme  de  la  P..itiiille  de 
Roncevaux.  Notice  de  cepurnie,  714-7:10. 

U. 

i  nirersicè  t/e  Pnrn.  Rpplpment  qtiVlle  lecnir 
du  caid-iKil  rfainn,  It-j-ji!  ,  3o  Deiiirl^-H  f|tiVlle 
souriri.t  Ci>ntip  Pli  lippe  de  Grève  Itulle  rjuelle 
obtient  d'Ilrinoi  iii^  III.  Tioiiblen  rjiii  érUlent 
dans  son  srîii  en  i22<  •  Di.ij  ei  \tnn  de^  écoliers 
et  des  moitiés.  Elle  se  reconipjse  et  leHcmit  en 
I23l,  ï.ie;;(iiie  IX  la  f.ixortse  piir  i:ne  Imlle  et 
par  de-H  letlrrs  à  Luuis  ]X  et  à  I.i  leinc  hl.in^lic, 
Ï84-I.S7. 

Uinvrrsitès  d'(^rléans,  d'Ançers,  de  Poitiers, 
de  Ueiins  ,  d'Oxford  .  eijUlies  ou  jnrne»  durant 
le»  lruuble<t  et   rnll  de  celle  de  l'aria ,  1S7. 


l  on  Mnrrlnnt  (  Jacq.  df  )  entreprend,  en 
iiTÎ  .  de  traduire  en  \  et~s  fl.im.iiids  le  Miruii 
fai»lr>ri;tl  de  \  inceut  rir  Hejnv.tis.  Pn.'ilîcJiion 
de  pîllsieors  p;Hti#"i  de  celle  M-rsii-n,   .472. 

Vtr^r  (  Lj  *  liàlt-liine  de),  77()-7S(i. 

r'trrs  {  lin  ),  pièce  de  vers  ainsi  Dominée  par 
le»  tronbadoiifi^  55o.  Diflcrerice  entre  la  tA(i/j- 
non  el  le   l'er* ,  fip  i. 

ViuAi.  '  R*imoxd),  tronli.idonr,  né  à  Re- 
zaadun  ,  dit  Hannnnd  l^idiit  de  fitznnji.n  ^  au- 
teur de  rontes  en  v^^!^  df  liiiil  s-\lla]i:s.  Il  dit 
dans  l'un  de  sfs  contes  cutiunct  Hn-^tirs  de 
yttitiiplan'i  ;<  été  choisi  ponr  juge  d^nioiir,  fi3J. 
Bocace  a  imite  nri  île  ses  contes,  634' 

V!i;naY  [Jttin  de  ou  du  ),  au  xi\*  siècle, 
traduit  en  français  le  Miroir  bi^luri^l  de  Vin- 
cent de  Reauvais,  /,7i  ,47a. 

ViHrn«T  ne  Mt\L'v*is,  né  dans  la  ville  ou 
dans  le  duirese  de  ce  nom  ^  et  non  er»  hourj;'i- 
gne  ,  rjuiïifpie  saint  An  1  un  in  Tait  siii  nommé 
IJur^iiiul"S.  Une  autre  et  reui ,  lunp-ienips  ai  cré- 
ditée comme  celle  !a  ,  consi^lait  à  le  faite  e^è- 
(itie  de  Urauxais  :  d  n  a  été  tpruo  simp'e  moine 
dominicain  .  enj^agé  dans  cet  ordre  avant  i  227  . 
mais  n'y  ayant  rempli  aucnne  (onction  clans 
imle,  binon  peut  être  ce  le  de  professeur.  Il 
fut ,  en  I  :j46  ,  1'""  des  deux  counnlssaires 
chargés  d'opérer  une  rd'ornie  dans  riiôpirnl'dc 
Beauxais.  Aliité  par  saint  Louis  près  de  la  nou- 
velle abiiaye  cistercienne  de  Royaumoni ,  il 
exerça  ,  soil  c'ans  ce  monastère,  so>t  dans  la 
maison  du  monarque,  l'oflire  de  lecteur.  Rela- 
tions haliiluelles  de  Vincent  avec  la  famille 
royale.  Ses  liavanx  lltieraiies  :  iminensiié  de 
ses  lectnres,  muliinide  de  ses  extraits,  compo- 
sition lie  Tencyclopédie  du  xiri'  siècle.  Diverses 
dates  donnefs  à  sa  mort  ;  la  plus  probable  est 
I2G4,  à  I  âj;e  d'tn\iion  80  ans,  dans  le  cou- 
vent îles  fièies  pi»^(heriis.  Sa  sepubure  dans  le 
cïoilre,  pnisilans  Teplise  de  ce  monastère.  Son 
épitaplie,  4  4i)-4  5().  Kcrits  qui  Inî  ont  été  mal 
à  propos  attribués  :  des  sermons  ,  on  livre  sur 
la  cuDlessioQ  de  la  Traie  foi,  un  traité  d'alcbi- 


mre,  une  lettre  sur  rantechrîsl,  une  image  du 
monde,  des  lleuis  bistori(|ues,  des  fleurs  de 
toutes  les  écritures  ;  ce  ne  seiaieut  tjne  des 
parties  ou  fia;;meiils  de  son  j^iaml  recneil  ,  4  5y- 
4'»  »  -  Écrits  plus  réels,  niiîis  mediis  ,  de  Vincent 
d*"  Beauxais  :  urt  livre  sur  !,i  saiure  Trinité,  îles 
e\pl!('diions  <le  l'Oraison  dominicale  el  de  la 
Salutation  an;<élr(|ue,  un  ttailé  de  la  Pénitence, 
en  (  y5  cliapitres  ;  une  Iiistitulînn  mr>rale  du 
princf*,  lies  épitrrs,  et  le  statut  de  réforme  de 
I  hôpital  de  l'eauvais,  4'^'-4''i  iUn\  autres 
productions  an I lien li' pies  de  Vin<ent  léunies 
dans  un  in  folio  publié  à  l'a  le  ,  en  i^^i  : 
rr.iitr  de  la  Cii.Tc<*;  Paiiéj;M  iques  de  la  Vierge 
Marie  et  de  saint  Ji  an  l'f  vauj;el-sie;  lustinrliuii 
des  jeunes  piinces  (  disiince  de  TEustitution 
indiquée  plu^  liant);  Cousolation  à  Louis  IX 
apiès  la  mort  de  son  iils  anie,en  i^Tio,  4fi4- 
4OÎI.  Grand  ouvi.i;ie  de  Vincent  intitule  Spe- 
cii/tim  mrijns  ,  ou  B  biioibiMpie  du  monde  :  No- 
lice  biblio^iapliiipie  des  maurrscriis,  éditions, 
Iradnctions.  uliiei;és  ,  t.tble> ,  eic. ,  de  la  totalité 
ou  des  parT-es  de  lelte  vaste  collection,  4*^9- 
473.  Prélace  gêner. le  de  Pauieur;  elle  n'an- 
ùoocait  fine  trois  paitles;  elle  a  été  altérét 
dans  les  copies  posteiiemes  à  l'an  i3io,  afin 
d'inlrodiriie  un  4*  Miii»ir,  le  SpeLti/iim  morale; 
preu\es  de  l.i  supposiiion  de  celte  pallie;  elle 
n'est  (|u*uu  tissu  de  plagi-iis,  de  lexiesempruntés 
à  l'tienne  «le  lïelIfxiUe,  .i  Pierre  de  Tarentaise, 
SU)  tout  à  la  SoMinre  de  >aint  Thomas  d'Atpiin. 
Le  plaf^iaire  n'est  ni  ce  dotteur  ni  V-menl, 
mars  b-  compilateur  rpiî  i»  pris  le  nom  du  second. 
47'î-V'î'2.  lure  |;énirde  des  i  parties  authenti- 
ques du  Spfitihim  innjm  :  livies  anciens  et 
moderues  (  au  xiti'  siècle  )  ,  auteurs  oiîenianx  , 
grecs,  latins,  dont  V.ncent  a  recueilli  bs  textes 
ou  bs  dorirines,  48î-485.  —  Analyse  des  3i 
li\res  (  J7  18  chapitres  )  du  Spcndrun  n  tinaie. 
Les  œuvres  ties  six  jouis  de  la  créatioir  déler 
minent  le  plan  de  ce  recueil,  qurtnibiasse, 
autant  qu'il  se  pouvait  alors,  toutes  les  notions 
lelalives  au  créateur  el  aux  créatures,  aux  élé- 
ments, aux  astres,  aux  trois  règnes  de  la  nature, 
à  l'auie  et  au  corps  de  l'homme,  anatoiuic  . 
physiuïog-e,  cic  ,  f^}i%  492.  —  Analyse  de»  17 
li\res(2  ^74  chapitres]  du  Speciihun  dnttnnaïe. 
Insiroclion  nécessaire  pour  reparer  les  domma- 
ges et  les  ilesi>nlres  causés  par  l'ipnorance  et  la 
cnireupisicnce  ,  efTels  du  péché  il' Adam,  i  En- 
seipnenierrt  litléia-re  corrrpien-nl  un  diclioD- 
iraire,une  grammaire  ,  et  la  logique  di\  rsée  en 
3  sections:  la  dialectique,  la  rhétorique  et  la 
poeiijue  ;  sous  «  e  deir.îei'  titre  ,  îtj  apologues  . 
rioiit  onze  arr  ntoiiis  piéseirten!  des  cxpic-ssioiis 
(|u'on  retiornc  dans  les  fables  qui  portent  le 
nom  de  Phèdre,  4ij2-4()4.  2**  Enseignement 
moral  di>tribr<é  sous  les  tnus  titres  de  ninnas- 
tirjue,  il'et  imoniique  et  de  politique.  C  est  la 
jnriNprndeuce  tpii  lerrqdîl  le  plus  grand  ntuubie 
des  ehaprties  p'a.es  sous  le  V  de  ces  titres, 
^m4  4u7-  3°  Euseignernenl  des  arts  qui  servent 
à  l'entrelicn  ,  au   bonheur,  aux   douccors  de  Ta 


ET  DES  MATIÈRES. 


871 


vie  humaine  :  art  vestiaire,  .irrhiteciurr  ,  art 
de  la  guerre,  milice  na\ale,  ait  nniilique  , 
théàlrir]ue,  aj^iicultuie  ,  art.s  cliiniir|ues  ,  49?- 
/i  Ahrej;é  dt-s  scientt-s  mc<li«  ;i!(s,  y  compris 
la  physique,  4y8  ,  499-  5"  Abir^e  des  sciences 
matbémJtif|Uc.s  ,  y  compris  la  iiulHphysitpir  !  ou 
l'ontologie  ).  En  tiaitaut  de  l'ai  ilhiiK-tiijue , 
Vincent  de  Re;iuvais  liace  les  liyurrs  et  expli- 
que l'nsage  des  chiffies  acalies,  499.  ^*>o,  5oi. 
t)"  Aperçu  des  sciences  théologiques;  notice:» 
sur  les  livres  suinis  et  sur  les  éciivaios  ecclé- 
siastiques, 5oi  ,  5oî.  —  Analyse  des  3  1  livres 
[  3793  chapitres)  du  Sprct.ium  hulonalt ^  qui 
commence  pat  un  icstiiué  du  notun.le  et  du 
doctrinalt.  Alnégé  de  l'hi^ioire  du  monde  jus- 
qu'au Dclu<;e,  jiistju  à  Abraham  ,  jusqu'à  L)a\id, 
jusqu'à  \.\  2*"  caprivitc  de  liabylone;  6^  -aç^v  jus- 
qu'à Jcsus-(Uirisl  ;  Téie  vulgaire  est  letl',  Som- 
niHiic  des  annales  sacrées  cl  proI;jiies,  niililai- 
res  ,  politiques  et  litléranes.  A  pinpos  d'K»-ope, 
reproduction  des  99  apologues,  y  cotnpiis  les 
onze  de  Phèdre.  ISotices  sur  la  plupart  des 
écrivains  clas>i  jues;  nombreux  extraits  de  leurs 
livres,  5o2-5o7.  Sous  les  premiers  siècles  de 
l'ère  cbiétienne,  récils  de  niiiarl?s,  légendes, 
articles  hagiogr.'ipbitjiies  '|ue  Vincent  irgietlait 
d  avoir  l.int  multipliés  Détails  plus  instiuiiiTs 
sur  les  Pèles  du  l'Kglîse ,  <i  talions  de  leurs 
écrits,  etc.,  5n--5ii.  Le  \ii*siee!e  et  les  5 
suivants,  dans  les  livres  XXlII-XWï  :  Iuï;- 
menls  d'éciîls  ecclésiaslu|ue>i,  surionr  de  cenx 
de  sailli  r.ernard,dc  la  chronique  d'Hélïnand, 
des  livres  de  Jacques  de  Viirv  ,  particulièrement 
de  la  vie  de  Marie  "l'Oignies;  extialts  des  rela- 
tions desmissiuniiaiies  Ascelin ,  Siiuitn  de  S.iint- 
Quculin  ,  Jean  de  Piancarpin  ,  etc.  tihutiiologie 
de  Vincent  :  sou  Miroir  liisloi  l(}ne  iiiiit  à  l'an 
1  :x44  I  mais  avec  tirent io  1  de  etnises  atri\  ées  e:i 
laSo  et  12:1 ',  ,  5  i  I  S  14.  Épilngue  sur  l'aiite- 
christ  et  la  fi!i  du  inonde.  Jugeuirois  poi  tés  suc 
Vincent  de  hraiivais  depuis  si>n  siècle  jns(p)'au 
nôtre;  considciatious  générale»  sur  son  grand 
vmrrage,  âi4-5i9. 


Vtiileite  [  La  ,  on  Gérard  de  Nerers,  rouian 
composé  par   (iibeil   de  Montieuil,    760. 

yiston  {/a  )  Jes  be'us,  par  Hugues  de  Miramors, 

76,  ::,  :«. 

'  "."'i'^  ^^  Charlemagne  à  Jérusalem  et  â 
Constaiiiinnple  ,   puenie  anonyme  ,  704-714. 

f  i\ye  d'EnJcr^  poeine  de  Raoul  de  Hitudan, 
7J<^--yo. —  A  ore  de  Paradis  ^  poeiue  anou\rae, 

:  90-79^ - 

X. 

XiMtNÈs  [  UoDLRir  ),  né  dans  le  royaume  de 
Na\arrc,  appelé  Hndertriis  Shnonis  ((ils  de 
Simon  )  ,  liuderiitis  Semeinis  ou  X'tricnius.  Il 
vient  cludierà  Paris.  De  retour  en  Hspagne.  il 
prend  part  aux  aHaires  publiques,  négocie  des 
Irrites,  devient  an  hevèipie  de  1  olede  .  Auule 
l'université  de  Palencîa ,  pièche  une  cioi^'ade 
contre  le.s  Maures  ,  assiste  en  1212  à  la  bataille 
de  las  ISavas ,  nii  iU  sont  \aincus.  Il  .snutrent 
au  coutile  de  I.airan  la  primai ie  de  son  sîépe, 
et  plaide  cette  cause  en  ciriq  langues.  l"n 
re\en;uit  du  comile  de  1  von  ,  il  fait  naufrage 
dans  le  l;hône,  et  périt  en  1247.  Son  corps  est 
lapporte  et  inbtiiné  à  Hueita.  Le  pins  conslde- 
lahle  de  ses  uUMages  est  VHistoria  f^oi/iica  »»u 
llvii:rii  in  Hisfutiia  i:e\(nrnnt  ^  *^^"  9  livres,  aux- 
quels il  a  donné  pour  appendices  des  abrégés 
d'annales  lonialiies  ,  d'avuales  des  Ostiogoths  , 
de»  Huns,  Vandales,  Alains,  Suèves,  Arabes, 
jS2  354. 


Ysetii^rien^  et  filavodtis.  Guerres  civiles  en- 
ire  res  petites  populations  flamandes,  i55, 
l.ïC. 

Yvts  I.E  liftELON,  l'un  des  premiers  frères 
prèrbeurs  ,  auteur  dé  deux  relations,  l'une  de 
l.i  mort  d'un  (himinicaîn,  Paultc  d\in  miracle 
obtenu  [)ar  les  uiéilles  de  saîut  Dominique, 
53y. 


nn   nt  i.a  tabï.k. 


Date  Due 


^miii97z 

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FORM  I09 

?39 


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