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Full text of "Histoire physiologique et chimique d'un flambeau ou bougie de cire. : conference faite devant l'Union catholique de Montreal, le 30 novembre 1890"

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II  BOU&IE  DE  SIRE 


Conréivnc.f  ta. t.   devant  l'Union  catholique  dé  Montréal, 
le  aO  novembre  1S90 
^$tf  te  K  P.  JOS.  C.  CARRIER,  C.S.C 


PHYSIOLOGIQUE  ET  CHIMIQUE 


FLAMBEAU  OU  BOU&IB  DE  SIRE 


Conférence  faite  devant   !  Union  g  tholique  tl<    Montréal, 

le  30  novembre  LS90 

par  |e  II.  P  JOS.   G   CARRIER.  C.S.C 


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The  EDITH  and  LORNE  PIERCE 
COLLECTION  of  CANADI ANA 


Siueens  University  at  Kingston 


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HISTOIRE  PHYSIOLOGIQUE  ET  CHIMIQUE 

d'un 

FLAMBEAU  OU  BOUGIE  DE  CIRE 


•Conférence  faite  devant  l'Union  catholique  de  Montréal,  le  30  novembre  1890,  par  le 
R.  P.  Jos.  C.  Carrier,  C.  S.  C. 


Messieurs, 

Je  vous  ai  fait,  il  y  a  quelques  mois,  l'historique  d'une  "  Bouchée 
de  pain  "  jusqu'à  et  y  compris  son  assimilation  dans  les  divers 
tissus  du  corps  humain  ;  permettez-moi  de  vous  raconter,  cet  après- 
midi,  l'Histoire  physiologique  et  chimique  d'un  Flambeau  ou  Bou- 
gie de  cire,  jusqu'à  sa  complète  combustion.  Pour  la  confection  de 
cette  sorte  de  flambeau,  il  nous  faut  évidemment,  tout  d'abord,  de 
la  cire  ;  car  nous  ne  parlerons  que  de  la  seule  bougie  formée  de 
cette  sécrétion  animale,  et  non  de  ces  sortes  de  bougies  faites  de 
stéarine,  de  cétine,  de  paraffine  ou  des  sucs  d'un  arbre  de  l'extrême 
Orient,  le  croton  sebifemim  de  Linné,  encore  moins  étudierons-nous 
cette  sorte  de  flambeau,  peu  en  usage  aujourd'hui,  fait  du  suif  ou 
graisse  solide  et  blanche  de  ruminants,  et  qui  constitue  la  chandelle 
proprement  dite.  C'est  donc  de  la  cire  qu'il  nous  faut  pour  notre 
Bougie.  D'où  nous  vient  la  cire  ?  se  fait-elle  elle-même,  ou  la  trouvons- 
nous  toute  faite  dans  la  nature?  Non:  c'est, comme  je  viens  de  le  dire, 
une  vraie  sécrétion  animale.  Et  quel  est  l'animal  qui  la  sécrète  ? 
C'est  un  petit  insecte  ailé,  fort  laborieux,  qui  s'appelle  abeille.  Et, 
tout  d'abord,  étudions  ce  petit  insecte  si  utile  à  l'homme.  L'abeille 
commune  à  laquelle,  Linné,  l'inventeur  d  e  la  terminologie  scientifi- 
que moderne  des  êtres  de  la  nature,  a  donné  le  nom  générique  et 
spécifique  d'apis  mellifica,  qui  veut  dire  abeille  faiseuse .  de  miel» 


L'abeille  appartient  à  l'ordre  des  hyménoptères  ou  insectes  à  ailes 
membraneuses,  ainsi  que  le  mot  l'indique  :  hymen,  hyménos,  mem- 
brane, pteron,  aile,     A  cet  ordre  d'insectes  proprement  dits,  qui 
compte  plus  de  25,000  espèces,  appartiennent  les  plus  élevés,  les 
plus  sociaux,  à  l'exception  du   ver-à-soie,  les  plus  utiles  de  tous  les 
insectes  connus.     Voici  les  principaux  caractères  de  cette  ordre: 
La  tête  large,  pourvue,  sur  les  côtés,  d'yeux  composés,  formés  d'un 
très  grand  nombre,  plusieurs  milliers  de   plaques  hexagonales  dont 
chacune  est  pourvue  d'une  cornée,  d'un  iris  et  d'un  filament  nerveux;, 
et,  sur  le  haut,  de  trois  yeux  simples,  appelés  ocellis  ou  stemmates 
disposés  en  triangle.     Le  bouche,  formée  de  deux  mandibules,  est 
organisée  au  moyen  vie  mâchoires,  de  palpes  et  d'une  languette  fort 
longue  en  forme  de  trompe,  pour  la  préhension,  la  mastication  et  la 
succion  ;  six  pattes  constituées  pour  la  locomotion  et  le  support  ; 
quatre  ailes  également  transparentes  qui,  dans  le  vol,  s'enlacent  par 
de  petits  crochets  ;  enfin  les  larves,  dépourvues  de  pieds  et  absolu- 
ment dépendantes,  sont  nourries  dans  des  cellules  ou  nids.  Tels  sont 
les  caractères  généraux  de  tous  les  hyménoptères.  Ce  grand  ordre  se 
divise,  selon  Latreille,  en  deux  sous-ordres  :  les  terebrantia  ou  porte- 
tarière,  qui  se  subdivisent  en  pupivores  et  en  porte-scie  :  tels  sont  les 
ichneumons,  les  cynips,  les  mouches-à-scie.;  et  les  aculeata  ou  porte- 
aiguillons,  qui  se  divisent  en  quatre  familles:  les  hétérogynes,  \esfowis- 
seurs,  les  diploptères  et  les   meUifères:  tels  sont   les  fourmis,  les 
guêpes,  les  frelons  et  les  abeilles.     Les  mellifères  se  subdivisent 
encore  en  andrhies  et  en  apia,vre8'.  à  la  première  subdivision,  tou- 
jours d'après  Latreille,  appartient  Yandrène  des  murs,  qui  sécrète 
un  miel  particulier,  un  peu  narcotique  :  à  la  seconde  subdivision, 
appartiennent  toutes  les  abeilles   proprement  dites.     Linnée  avait 
réuni   sous  le  nom   générique   d'abeilles,  apis,  un  grand  nombre 
d'hyménoptères  dont  la  structure  organique  et  surtout  les  mœurs 
sont  assez  différentes.     C'est  pourquoi  Latreille  les  a  séparés  et  a 
formé  la  famille  des  anthophUes  ou  mellifères,  qui  renferme  le  genre 
apis  dont  le  type  est  l'abeille  mellifique,  qui  va  nous  fournir  la  cire 
dont  nous  avons  besoin  pour  faire  notre   Bougie.     Mais  comment 
cette  abeille-là  sécrète-t-elle  la  cire  ?  Pour  répondre  à  cette  question, 
il  faut  préalablement  connaître  un  peu  l'organisme  spécial   de  cet 
insecte  :  c'est  ce  que  nous  allons  étudier  un  instant. 

Les  insectes  appartenant  au  genre  apis,  qui  ne  contient  en  tout 
que  sept  ou  huit  espèces,  ont  tous  les  antennes  filiformes,  brisées, 
composées  dç  douze  ou  treize  articulations;  13  chez  les  mâles,  12 


chez  les  femelles  ;  le  premier    article    des  tarses  postérieurs  fort 
grand  et  en  carré  long  garni  intérieurement,  chez  les  ouvrières,  d'un 
duvet  soyeux  rangé  par  bandes  transversales  ;  les  mandibules  en 
forme  de  cuiller  chez  les  neutres,  tronquées  et  bidentées  chez  les 
mâles  et  chez  les  femelles;  la  mâchoire  et  la  lèvre  inférieures  flé- 
chies en  dessous,  longues  et  étroites  ;  palpes  maxillaires  très  petites  - 
les  labia  en  forme  de  soies  ;  le  corps  plus  ou  moins  velu  ;  un  aiguil- 
lon caché  à  l'extrémité  de  l'abdomen  chez  les  femelles  et  les  ouvriè- 
res ou  neutres.     Tels  sont  les  caractères  génériques  de  toutes  les 
abeilles,    qu'elles    soient   solitaires  ou  sociables,  "villageoises"  ou 
"domestiques,"  c'est-à-dire,  vivant  hors  de  la  dépendance  del'homme, 
ou  bien  cultivées  par  lui,  pour  en  avoir  le  miel  et  la  cire.  Quant  aux 
caractères  spécifiques  de  l'abeille  mellifique  ou  commune,  en  voici 
quelques-uns:  l'abdomen  est  composé   de  six  anneaux  dont  le  der- 
nier recouvre  et  cache  un  aiguillon  piquant  et  barbé,  selon  le  sexe. 
La  bouche  est  munie  d'une  languette  très  extensible  en  forme  de 
trompe  qui,  dans  le  repos,  se  cache  sous  la  tête  et  le  thorax  et  qui 
lui  sert  à  sucer  ou  plutôt  à  laper  le  suc  des  fleurs.     Les  pattes  sont 
velues  et  garnies  de  petites  brosses.     Les  jambes  postérieures  sont 
creusées  chez  les  neutres,  sur  leur   face  interne  en  forme  de  "cr- 
beillettes"  pour  y  recevoir  le  pollen  des  étamines  des  fleurs  rassem- 
blé en  petites  pelotes  par  les  abeilles  ouvrières  en  quête  de  butin. 
Cette  espèce  d'abeille  originaire,  croit-on,  de  la  Grèce,  est  maintenant 
naturalisée  et  cultivée  sur  presque  tous  les  points  dn  globe.     Etant 
éminemment  de  mœurs  sociales,   on  trouve  ces  abeilles  toujours  en 
réunion  très  considérable  appelée  essaim,  soit  dans  des  trous  de  vteux 
arbres,  soit  dans  des  espèces  de  petites  huttes  que  leur  contruisent  les 
apiculteurs,  et  que  l'on  nomme  ruches.  Elles  y  vivent  sous  un  gouverne- 
ment qui  ressemble  à  une  monarchie.    En  effet, on  y  voit  une  reine, une 
seule  reine,  qui  régit  toute  la  colonie.    C'est  l'unique  femelle  qu'il  y 
ait  dans  un  essaim.     Il  y  a  aussi  un  certaiu  nombre  de  mâles  appe- 
lés frelons  :  ce  sont,  les  gros  bourgeois  ou  rentiers  :  ils  ne  travaillent 
pas  ;  ils  vivent  dans  une  complète  oisiveté,    se  nourrissent  du  pro- 
duit du  travail  des  ouvrières,  et  ne  servent  qu'à  la  propagation  de 
leur  espèce  ;  mais  dès  que  leur  rôle  est  achevé  et  que  les  œufs  sont 
pondus,  ils  sont  impitoyablement  tués  jusqu'au  dernier  par  les  ou- 
vrières qui  n'ont  plus  besoin  d'eux  ;  leur  indolence,  à  l'approche 
de  l'arrière  saison  où  les  magasins  doivent  être  remplis,  les  exas- 
père.   Il  s'en  fait  alors  un  vrai  massacre  ;  juste  rétribution  de  l'oisi- 
veté :  car,  qui  ne  travaille  pas,  ne  doit  pas  manger. 


Mais,  me  demanderez -vous,  peut-être,  comment  cette  tuerie  géné- 
rale et  complète  peut-elle  se  faire  ,  puisque  les  frelons  ou  bourdons 
sont  beaucoup  plus  gros  et  d'une  force  musculaire  plus  grande  que 
les  ouvrières  ;  au  moins  comment  les  plus  forts  et  les  plus  alertes 
d'entre  eux  n'échappent-ils  pas  au  carnage  ?  Ne  suecombe-t-il  pas 
plus  d'une  neutre  dans  cette  lutte  acharnée  ?  Non,  pas  un  mâle 
n'échappe  aux  traits  de  ses  adversaires  et  pas  une  seule  ouvrière  ne 
tombe  morte  dans  le  combat.  Le  secret  de  tout  cela,  c'est  que  les 
ouvrières  sont  armées  d'un  dard  ou  aiguillon  empoisonné  avec  lequel 
elles  piquent  ou  percent  leurs  ennemis.  Elles  sont  d'ailleurs  dix, 
quinze  ou  vingt  contre  un.  Quand  le  jour  est  venu,  quand  l'heure 
a  sonné,  quand  le  signal  a  été  donné  par  la  reine  pour  la  destruc- 
tion des  mâles,  une  ou  deux,  et  parfois  trois  ou  quatre  ouvrières, 
armées  de  leur  redoutable  et  meurtier  instrument,  qu'elles  manient 
habilement  et  vivement  à  rétro,  se  précipitent  sur  chacun  d'eux,  et, 
d'un  seul  coup  de  la  pointe  acérée  de  leur  aiguillon  porté  sur  le 
thorax  ou  tout  autre  partie  du  corps  de  leurs  victimes,  les  foudroient 
mortes.  Les  mâles,  étant  dépourvus  d'aiguillon  et  de  toute  autre 
forme  d'armes  défensives  ou  offensives,  attendent  et  reçoivent  la 
mort  presque  sans  résistance  ni  combat,  la  partie  étant  trop  inégale. 

Il  y  a  donc,  comme  on  vient  de  le  dire,  dans  chaque  essaim  des 
abeilles  qui  ne  sont  ni  mâles  ni  femelles  :  ce  sont  les  neutres  ,  autre- 
ment appelées  ouvrières  ou  abeilles  travailleuses,  car  elles  seules 
travaillent,  et  travaillent  incessamment  pendant  toute  la  belle  sai- 
son. Elles  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreuses  :  on  en  compte 
parfois,  jusqu'à  cinquante  mille  dans  un  seul  essaim,  tandis  qu'on 
compte  à  peine  mille  frelons  avant  l'époque  de  leur  massacre. 
Comme  dans  tout  gouvernement  bien  organisé,  la  division  du  travail 
se  fait  d'une  manière  parfaite  par  toutes  ces  travailleuses  industri- 
euses :  ainsi  les  unes  sont  employées  à  aller  au  loin  ramasser  des  vivres 
et  des  matériaux  de  construction,  c'est-à-dire,  le  miel  et  la  cire  :  ce 
sont  les  civières  ;  d'autres  sont  occupées,  dans  l'intérieur,  au  soin  du 
ménage  ;  les  unes  construisent,  avec  la  cire,  des  cellules  hexagonales 
très  régulières  appelées  alvéoles  destinées  à  recevoir  le  miel  et  à 
loger  les  œufs,  ce  sont  les  charpentier  es  ;  les  autres  nourrissent  Les 
larves  issues  de  ces  œufs,  ce  sont  les  nourrices  ;  enfin  d'autres 
encore  montent  la  garde  en  sentinelles  vigilantes  à  Centrée  de  la 
ruche  pour  empêcher  tout  intrus  d'y  pénétrer,  ou  bien  pour  porter 
au  dehors  toute  immondice,  tout  corps  mort,  etc.,  etc.  :  ce  sont,  pour 
ainsi  dire,  les  soldats,  les  fac-totum,  les  nettoyeurs  ou  vidangeurs  et 


les  croque-morts  !  Tout  cela  se  fait  par  la  direction  et  sous  l'œil,.- 
pourrait-on  dire,  de  la  reine  ou  mère-abeille  qui  ne  quitte  jamais  la 
ruche. 

Il  revient,  sans  doute  en  ce  moment,  à  la  mémoire  de  tous- 
ceux  qui  d'entre  vous,  Messieurs,  ont  fait  leur  cours  classique,  ces 
vers  par  lesquels  l'immortel  poète  mantouan  ouvre  le  quatrième- 
ivre  de  ses  Géorgiques. 

'  '  Protinus  œrii  mellis  eœlcstia  dona 
Exequar" ... 

Et  cet  autre  vers  : 

Sic  vos,  non  volris,  mellifîcatis  apes 


Vous  trouverez  peut-être  ces  détails  étrangers  à  mon  sujet.  Cepen- 
dant je  crois  qu'ils  ont  bien  leur  utilité  en  vous  faisant  connaître, . 
entre  tant  d'insectes  différents,  plus  de  deux  cent  mille,  ceux  précisé- 
ment qui  sécrètent  la  cire  dont  on  se  sert  pour  la  confection  des  cierges 
qui  se  voient  sur  nos  autels,  et  qui  (soit  dit  en  passant)  sont  seuls 
permis  pour  les  offices  de  la  liturgie  sacrée.  Les  rubriques  disent 
formellement  que  les  "  cierges  doivent  être  faits  de  cire  d'abeilles, 
debent  esse  ex  eerd  opium,  de  cire  blanche  aux  offices  ordinaires,  de 
cire  commune,  c'est-à-dire,  jaune  aux  offices  funèbres  ;  comme  aussi 
l'huile  de  la  lampe  du  sanctuaire  doit  être  de  l'huile  d'olive,  oleum 
olh'omm. 

Mais  il  est  temps  de  voir  comment  cette  cire  est  formée.  Les* 
abeilles  civière?,  s'en  vont,  en  grand  nombre,  de  très  bon  matin,  tous- 
les  beaux  jours  du  printemps,  de  l'été  et  d'une  partie  de  l'automne, 
visiter  presque  toutes  les  fleurs  qu'elles  rencontrent  sur  leur  chemin 
pour  chercher  et  trouver,  sur  les  étamines  et  les  anthères,  cette  pous- 
sière fine  appelée  pollen  qu'elles  ramassent  pour  en  former,  à  l'aide" 
de  leurs  brosses,  des  pelotes  qu'elles  font  entrer  dans  les  petites 
corbeilles  qui  se  trouvent  dans  leurs  jambes  postérieures  ;  elles 
sucent  et  avalent  aussi,  au  moyen  de  leur  languette,  certains  sucs 
liquides  ou  certaines  liqueurs  sucrées  qu'elles  trouvent  dans  le  nec- 
taire de  certaines  plantes  telles  que  les  polygonées,  les  caryophilli- 
nées,  les  salicariées,  etc.  ;  liqueurs  que,  par  un  procédé  à  elles  connu, 
elles  convertissent  en  miel,  qu'elle  régurgitent,  soit  pour  nourrir  les. 
larves,  soit  pour  remplir  les  alvéoles  destinées  à  ce  nectar,  et  qui  sont 
autant  de  magasins  pour  les  provisions  de  la  colonie  pendant  la  morte 
saison. 

Cependant    durant  l'élaboration  du  miel,  certaines  parties  des; 


sucs  saccharins  récoltés  ne  sont  pas  changés  en  miel,  mais  elles  sont 
sécrétées,  sous  forme  de  petites  plaques  jaunâtres,  solides  et  cassan- 
tes, à  travers  les  anneaux  de  l'abdomen.     Ce  sont  ces  petites  plaques 
qu'on  nomme  cire  et  qui  servent  à  bâtir  les  alvéoles  des  rayons  ou 
gâteaux  apiaires,  et  que,  plus  tard,  on  fera  fondre  pour  en  faire  des 
bougies  ou  des  cierges.     Ici,  il  est  utile  que  je   vous  fasse  observer 
que  cette  sécrétion  est  tout  à  fait  différente,  bien  qu'elle  en  ait  un 
peu  l'apparence,  d'une  autre  substance  appelée  propolis  qui  sert  à 
-clore  hermétiquement  toutes  les  issues  des  ruches,  sauf  l'entrée  qui 
reste  toujours  ouverte.      La  propolis  n'est  pas  une  sécrétion  de 
l'abeille,   mais  une  sécrétion  des  plantes  où  les  abeilles  la  cueillent 
au  moyen  de  leurs  mandibules  et  qu'elles  mettent  dans  leurs  cor- 
beilles ;  quand  elles  sont  arrivées  dans  leurs  ruches,  elles  enlèvent 
ces  sucs  et  en  font,  avec  leur  salive,  une  espèce  de  mastic  dont  elles 
enduisent  tout  l'intérieur  de  la  ruche  et   bouchent  soigneusement 
tous  les  trous.     La  propolis  est  une  substance   séreuse,  rougeâtre, 
odorante  ou  balsamique.     Elle  se  cueille  généralement  sur  les  sau- 
les, les  peupliers  et  certains  congénères.    La  formule  chimique  de  la 
propolis  est  :   C  12  H  22  O  11.      Dans  100  parties,  il  y  a     74.5  de 
carbone,    12  d'hydrogène   et  13.5  d'oxygène.     La  ^repolis? comme 
d'ailleurs  le  sont  toutes  les  résines,  est  soluble   dans   l'alcool,  mais 
pas  du  tout  dans  l'eau  ;  c'est  ce  qui  la  rend  très  propre   à  l'usage 
qu'en  font  les  abeilles  maronnes,  d'est  à-dire  celles  qui  font  et  appli- 
quent les  (induits  de  cette  nature  dans  l'intérieur  de  leur  ruche, 
pour  protéger  la  communauté,  soit  contre  l'humidité  et  le  froid  qui 
leur  sont  très  préjudiciables   et   même  souvent  mortels,  soit  contre 
l'invasion  des  nombreux  ennemis  du  dehors  qu'attire  l'appât  du  miel. 
Cette  utile  distinction  faite,  je  reviens  à  notre  cire,  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  est  une  sécrétion   de  l'abeille  ouvrière  elle-même,  faite 
par  une  organe  spécial  logé  dans  l'abdomen,  et  provenant  d'aliments 
liquides  ou   semi-liquides   portés  à  la  bouche  par  l'appareil   assez 
compliqué  qui  l'entoure,  surtout  par  la  languette   ou  trompe,   puis 
introduits  dans  le  canal  alimentaire. 

On  a  cru  pendant  bien  des  siècles  que  la  cire  n'était  autre  chose 
que  le  pollen  dont  les  ouvrières  se  nourrissent  quelquefois,  et 
qu'elles  mettent  le  plus  souvent  en  magasin  dans  certaines  cellules 
à  ce  destinées.  On  disait  que  ce  pollen  était  élaboré  dans  leur  esto- 
mac et  ensuite  régurgité,  par  la  bouche,  sous  forme  de  bouillie  blan- 
châtre ou  véritable  cire.  Telle  fut  l'opinion  de  tout  le  inonde, 
même  des  savants  sans  exception,  jusque  vers  le  commencement  de 


ce  siècle.  Alors  plusieurs  naturalistes  distingués,  entre  autre  Réau- 
mur,  Bonnet,  Hubert,  Schwammerdam,  firent  de  très  exactes  obser- 
vations à  ce  sujet.  Voici  ce  qu'ils  observèrent  :  La  cire  est  une 
véritable  sécrétion  et  non  une  régurgitation:  elle  n'est  pas  produite 
par  le  pollen,  mais  bien  par  le  miel  :  elle  n'est  pas  sécrétée,  comme 
le  miel,  par  des  glandes  logées  dans  le  premier  estomac,  mais  dans 
le  second  au  delà  du  pylore  :  puis,  elle  est  expulsée  du  corps  entre 
chacun  des  six  anneaux  qui  composent  l'abdomen  des  ouvrières, 
sous  forme  de  petites  lamelles  jaunâtres,  par  une  sorte  de  transsu- 
dation. 

C'est  avec  ces  lamelles  de  cire  ainsi  exsudées  que  ces  mêmes 
abeilles  ouvrières,  dites  charpentier  es,  construisent  leurs  gâteaux  ou 
rayons  composés  de  cellules  ou  alvéoles  hexagones  à  base  pyrami- 
dale, adossés  l'un  à  l'autre  avec  une  précision  étonnante,  et  desti- 
nés à  servir  de  nids  pour  les  larves  et  les  nymphes  et  de  magasins 
pour  la  colonie. 

Pour  faire  notre  Bougie,  on  s'empare  donc  des  gâteaux  ainsi  habi- 
lement construits,  après  avoir  extrait  tout  le  miel  qui  y  est  con- 
tenu et  tous  les  petits *qui  pourraient  y  être  enfermés  :  puis  on  la 
prépare  pour  la  mettre  en  œuvre.  Pour  obtenir  la  cire  brute,  dite 
aussi  cire  vierge  ou  cire  jaune,  on  la  fait  simplement  fondre  dans 
de  l'eau  bouillante,  puis  on  la  coule  dans  des  vases  de  bois  ou  de 
terre.  Cette  cire  jaune  a  un  peu  d'odeur  et  de  saveur,  propriétés 
qui  lui  viennent,  ainsi  que  sa  couleur,  des  matières  étrangères  qu'elle 
contient  d'ailleurs  en  assez  faible  quantité.  Mais  elle  les  perd  par 
le  procédé  chimique  dit  blanchiment. 

Cette  opération  consiste,  soit  à  imprégner  la  cire  de  gaz  oxygène  pur 
ou  de  chlore,  soit  à  l'exposer,  en  forme  de  plaques  minces,  au  soleil 
et  à  la  rosée,  soit  (ce  qui  est  plus  expéditif  et  plus  économique)  à 
verser  une  petite  quantité  d'acide  sulfurique  du  commerce  et  quel- 
ques fragments  de  salpêtre  dans  la  masse  de  cire  en  fusion,  en  agi- 
tant le  tout  avec  une  spatule  de  bois.  Le  poids  spécifique  de  la  cire 
jaune  est  de  0.970,  et  celui  de  la  cire  blanchie  de  0.9G5.  c'est-à-dire, 
un  peu  moins  pesante  que  l'eau.  La  composition  chimique  est  : 
C  55  S  C  52  0  3  +  aqua  ;  et,  sur  100  parties,  il  y  en  a  81  de  carbone, 
12  d'hydrogène  et  7  d'oxygène.  La  cire  jaune  fond  à  142°  et  la 
cire  blanchie  à  155°  Fahrenheit.  La  cire  est  tout  à  fait  insoluble 
dans  l'eau  à  la  température  ordinaire,  mais  elle  se  dissout  facilement 
et  en  toutes  proportions  dans  les  huiles,  les  graisses,  l'éther  et,  en 
partie,  dans  l'alcool.     En  effet,  l'alcool  dissout  un  certain  principe 


8 

chimique  appelé  cérine:  c'est  un  acide  organique  qu'on  nomme  acide 
cérotique,  mais  il  ne  peut  dissoudre  un  autre  principe  chimique 
auquel  on  donne  le  nom  de  myricine,  substance  d'un  blanc  grisâtre 
qui  fond  à  60°  centigrades.  Je  n'en  dirai  pas  davantage  sur  cette 
substance  parce  que  nous  ne  nous  occupons  pas  du  miel.  Nous 
voilà  maintenant  en  possession  de  la  matière  première  du  flambeau 
qu'on  appelle  Bougie.  Voj^ons  comment  on  la  met  en  œuvre,  c'est- 
à-dire  comment  on  confectionne  la  bougie.  Ce  n'est  là  une  opéra- 
tion ni  longue  ni  difficile  :  vous  allez  d'ailleurs  en  juger.  On  la 
fabrique  de  deux  manières,  soit  au  moule,  alors  elle  s'appelle  bougie 
moulée,  soit  à  la  cuiller,  elle  prend,  dans  ce  cas,  le  nom  de  bougie  à 
la  cuiller. 

C'est  ce  dernier  procédé  que  nos  sacristains  emploient  et  voici 
comment  ils  procèdent.  Ils  font  d'abord  fondre,  dans  une  chaudière, 
une  certaine  quantité  de  cire  jaune  ou  blanche  et  entretiennent  la 
solution  sur  demi-feu  ;  près  de  la  chaudière  est  une  grande  cuve 
ou  baquet,  ils  suspendent  au-dessus  un  plateau  rond  de 
moindre  diamètre  que  le  baquet  sur  le  bor4  duquel  ils  fixent  un 
certain  nombre  de  clous  ou  brochettes  d'où  pendent  autant  de  mè- 
ches de  coton  simplement  tordues.  Ils  prennent  ensuite,  dans  une 
grande  cuiller,  de  la  cire  fondue  qu'ils  versent  sur  chacune  des 
mèches  alternativement.  En  descendant  le  long  des  mèches,  la  cire 
se  solidifie  en  partie  par  l'effet  du  refroidissement  et  adhère,  par 
conséquent,  à  la  tige  dans  toute  sa  longueur,  Le  surplus  du  liquide, 
s'il  y  en  a,  tombe  dans  le  baquet.  On  répète  cette  simple  et  quelque 
peu  primitive  opération  autant  de  fois  qu'il  est  nécessaire  pour 
donner  aux  bougies  la  grosseur  voulue  ;  puis  elles  sont  détachées 
et,  encore  molles,  roulées  sur  une  table  bien  unie  pour  leur  donner 
du  poli  et  de  la  consistance.  Voilà  notre  Bougie  faite  et  prête  à 
être  employée,  comme  flambeau,  à  l'éclairage  de  nos  maisons  et  sur- 
tout de  nos  églises  pour  les  cérémonies  du  culte. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  voir  comment  la  combustion  se  fait  et 
ce  qui  en  résulte.  C'est,  là,  une  longue  série  de  phénomènes  pure- 
ment chimiques,  c'est  aussi  la  partie  la  plus  intéressante  de  notre 
sujet,  au  moins  sous  le  point  de  vue  scientifique. 

Que  nous  faut-il  pour  allumer  notre  Bougie  ?  Vous  me  répondrez 
tous  :  "  Il  faut  une  allumette  chimique  ".  Bien,  dit  :  cependant  je 
vous  ferai  observer  qu'une  allumette  chimique  n'est  pas  absolument 
nécessaire  pour  produire  une  flamme  :  il  y  a  une  foule  de  substan- 


ces  et  de  procédés  divers  qui  produisent  ce  phénomène  d'illumina- 
tion.    Mais,  va  pour  l'allumette  chimique. 

L'allumette  (qui  l'ignore  ?)  est  un  petit  bâtonnet  ou  brin  de  bois 
tendre  et  résineux,  généralement  du  tremble  ou  du  sapin,  enduit,  a 
un  bout  ou  aux  deux  bouts,  d'une  certaine  composition  qui  prend 
feu  par  le  frottement.  C'est  un  vrai  lucifer  ou  porte-lumière.  Elle 
est  dite  chimique  parce  que  cet  enduit  est  une  composition  essen- 
tiellement chimique  :  parlons-en  un  peu.  Disons,  d'abord,  qu'il  y 
a  plusieurs  sortes  d'allumettes  chimiques  :  allumettes  soufrées,  allu- 
mettes oxygénées,  allumettes  stéarines,  allumettes  phosphoriques 
amorphes,  allumettes  simplement  phosphoriques.  C'est  de  ces  der- 
nières que  nous  allons  nous  entretenir  un  instant  ;  ce  sont  d'ailleurs 
les  seules  dont  vous  faites  tous  un  usage  journalier  et,  si  elles  ne 
sont  pas  les  moins  dangereuses,  elles  sont  certainement  les  plus 
commodes  et  les  plus  économiques  de  toutes.  .Les  allumettes  soufrées 
ne  peuvent  être  allumées  qu'à  l'aide  du  briquet  battu  sur  un  silex 
pour  en  faire  jaillir  une  étincelle  ;  les  oxygénées  demandent  un  petit 
flacon  pourvu  de  filaments  d'amiante  imprégnés  d'acide  sulfurique 
concentré  qui  enflamme  l'allumette  dès  qu'elle  est  retirée  du  flacon  ; 
les  phosphoriques  amorphes  veulent,  pour  s'enflammer,  une  suriace 
rugueuse  formée  de  phosphore  rouge,  de  dioxide  de  manganèse  et 
de  sable  lin  :  c'est  pourquoi  on  donne  à  ces  dernières  le  nom  d'allu 
mettes  de  sûreté.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  pour  les  allumettes 
dites  vésnviennes ;  les  stéarines  ont  le  tort  d'être  cher  et  de  grais- 
ser les  doigts.  Les  allumettes  phosphoriques,  communément  appe- 
lées allumettes  chimiques,  les  seules  en  usage  général  à  notre  épo- 
que, consistent,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  en  une  petite  bûchette  de 
bois  tendre  et  léger  dont  on  trempe  l'un  des  bouts  dans  une  espèce 
de  pâte  liquide  où  il  entre  toujours  du  phosphore,  d'où  leur  vient 
le  nom  d'allumettes  phosphoriques  ;  mais  leur  composition  varie 
assez  notablement.  En  général,  outre  le  phosphore,  on  trouve  tou- 
jours dans  cette  pâte  liquide,  du  soufre,  du  mucilage  et  du  chlorater 
de  potassium  en  proportions  variables  au  choix  des  fabricants. 

Le  phosphore  en  est  le  principe  combustible,  tandis  que  les  autres 
substances  ne  servent  qu'à  activer  et  prolonger  la  combustion  en 
dégageant  de  l'oxygène.  Mais  comme  le  chlorate  de  potassium  pro- 
duit, en  outre,  un  effet  détonnant  qui  parfois  est  assez  fort  pour 
projeter  des  parcelles  de  matières  enflammées,  on  a  soin  cVy  joiudre 
généralement  du  nitrate  de  potassium  qui,  tout  en  empêchant  ce- 
danger,  fait  brûler  l'allumette  tranquillemr   '.     fl    est   bon  de  ses 


10 

rappeler  que  le  phosphore  ordinaire  est  un  violent  poison  ;  tandis 
que  le  phosphore  rouge  ou  amorphe  n'est  pas  malfaisant.  C'est 
pourquoi  les  allumettes  phosphoriques  amorphes  peuvent  être  pla- 
cées, sans  aucun  danger,  entre  les  mains  des  enfants,  car  elles  ne 
peuvent  ni  s'enflammer  facilement  ni  produire  d'empoissonnements 
souvent  mortels.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  allumettes  chimiques 
ordinaires  :  la  coloration  rouge,  rose  ou  bleue  qui  se  trouve  au  bout 
de  l'allumette  provient  de  minium  ou  de  bleu  de  Prusse  qu'on  mêle 
à  la  pâte. 

En  frottant  ces  allumettes  ainsi  préparées  sur  un  corps  quelcon- 
que sec,  dur  et  rugueux,  la  matière  phosphorée  prend  feu  en  for- 
mant avec  l'air  atmosphérique  de  l'acide  phosphorique  ;  elle  com- 
munique son  inflammation  au  soufre  et  celui-ci  enflamme  le  bois 
de  l'allumette.  Puisque  le  phosphore  joue  un  rôle  si  essentiel  et  si 
considérable  dans  la  confection  des  allumettes,  étudions-le  pendant 
quelques  instants  pour  que  nous  en  ayons  au  moins  une  idée  suffi- 
sante et  exacte.  Le  phosphore  est  un  corps  simple,  un  des  75  seuls 
éléments  connus  jusqu'à  ce  jour.  Son  poids  spécifique  est  de  1.83, 
c'est-à-dire,  presque  deux  fois  plus  pesant  que  l'eau  distillée  à  son 
maximun  de  densité.  A  l'état  parfaiteinet  pur,  il  est  translucide 
presque  incolore,  c'est-à-dire  faiblement  coloré,  tirant  sur  le  jaune 
tendre. 

Dans  le  commerce,  il  accuse  une  teinte  jaunâtre  assez  prononcée 
et  devient  rouge  lorsqu'on  l'expose  à  la  lumière  solaire.  Le  phos- 
phore se  présente  facilement  sous  les  trois  états,  solide,  liquide  et 
gazeux  ;  il  est  dur  et  cassant  à  0°  C,  c'est-à-dire  à  la  température 
de  la  glace  fondante  ;  il  se  ramollit  vite,  tellement  qu'il  devient  mou 
et  flexible  comme  de  la  cire  à  la  température  ordinaire  de  nos  étés, 
soit  de  25  à  34°  centigrades;  il  fond  à  44  C ,  et  passe  à  L'état  de 
gaz  dans  des  vaisseaux  fermés  à  29°  C,  ce  qui  n'est  pas  une  très 
haute  température.  Le  poids  spécifique  de  sa  vapeur  est  de  4.35 
comparée  à  l'air  atmosphérique.  Il  ne  se  cristal ise  pas  directement 
en  passant  d'un  état  à  un  autre,  vu  que  ce  passage  se  fait  graduel- 
lement et  non  soudainement. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  le  passage  graduel  d'un  liquide  à 
l'état  solide  est  toujours  un  empêchement  à  la  cristallisation.  Cepen- 
dant on  peut  obtenir  des  cristaux  de  phosphore  en  dodécahédrons 
réguliers  d'une  manière  indirecte,  c'est-à-dire  par  voie  de  dissolu- 
tion en  employant  du  bisulfure  de  carbone  comme  dissolvant.  On  ne 
trouve  pas  le  phosphore  (au  contraire  du  soufre)  à  l'état  naturel 


11 

'Ou  natif,  comme  l'on  dit  en  minéralogie,  mais  toujours  en 
composition,  c'est  ainsi  qu'on  le  trouve  dans  les  guanos,  les  copvo- 
lites,  les  apatites,  les  pyromorphites,  les  wagnérites,  et  surtout  dans 
les  os  de  tous  les  animaux.  Comme  cet  élément  se  trouve  en  petite 
quantité  dans  tous  les  sols  ou  terres  arables.,  il  est  absorbé  par  les 
plantes  qui  y  croissent  et  s'emmagasine  dans  leurs  graines.  Les 
animaux,  en  se  nourrissant  de  ces  graines,  s'assimilent  le  phosphore 
qu'elles  contiennent  :  c'est  ainsi  qu'on  le  retrouve  dans  presque  tous 
les  solides  et  les  liquides  des  êtres  organisés,  mais  plus  particuliè- 
rement et  en  bien  plus  grande,  quantité  dans  les  os,  le  cerveau  et 
l'urine.  Certaines  analyses  d'os  de  bœuf,  par  exemple,  ont  donné 
plus  de  58%  de  phosphate  de  chaux,  et  de  1  à  2%  de  phosphate  de 
magnésie.  La  com position  des  os  de  l'homme  à  l'état  adulte  n'est 
pas  différente  de  celle  des  os  du  bœuf. 

Le  phosphore  est  insoluble  dans  l'eau,  mais  il  est  facilement  dis- 
sous par  l'éther,  l'alcool,  certaines  huiles  fixes  et  votatiles,  comme 
l'huile  de  térébenthine,  de  citron,  etc.,  etc.,  et  surtout  par  le  sul- 
phure  de  carbone  et  le  chlorure  de  phosphore.  Exposé  à  l'air  libre, 
le  phosphore  prend  vite  feu  à  cause  de  sa  très  grande  affinité  avec 
l'oxj^gène,  c  est  pourquoi,  dans  les  laboratoires,  on  le  conserve  dans 
des  flacons  remplis  d'eau.  Il  prend  feu  par  le  moindre  frottement 
ou  s'il  est  chauffé  à  la  température  de  60°  C.  même  à  la  tempéra- 
ture ordinaire  de  l'air,  il  subit  une  combustion  lente  mais  constante, 
qui  se  manifeste  sous  forme  d'un  léger  nuage  blanchâtre  et  ondu- 
lant qui  se  renouvelle  incessamment  et  qui  est  lumineux  dans  l'obs- 
curité. 

Si  vous  enflammez  une  allumette  phosphorique  sur  un  mur,  par 
exemple,  par  une  nuit  obscure,  vous  verrez,  sur  les  traces  laissées 
par  l'allumette,  une  lueur  qui  reste  assez  longtemps,  c'est-à-dire 
jusqu'à  ce  que  le  phosphore  adhérant  au  mur  ait  complètement  dis- 
paru, soit  par  combustion,  soit  par  é\  aporation.  C'est  cette  pro- 
priété d'émettre  une  luminosité  qui  a  fait  donner  au  phosphore  le 
nom  qu'il  porte  (phos,  lumière,  phoros,  qui  porte).  Le  phosphore 
ordinaire,  variété  appelée  alpha,{ A)  est  un  poison  très  violent,  et  les 
brûlures  qu'il  occasionne  sont,  comme  celles  de  l'acide  fluorique, 
profondes  et  très  difficiles  à  guérir  :  aussi  faut-il  se  garder,avec  grand 
soin,  de  son  action  délétère  et  ne  le  manier,  à  mains  sèches,  qu'avec 
la  plus  grande  précaution  de  crainte  qu'il  ne  s'enflamme  soudaine- 
ment, et  que  ses  vapeurs  ne  causent  de  graves  désordres  dans  les 
voies  respiratoires  et  surtout  dans  les  mâchoires:  c'est  ce  qui  malheu- 


12 

reusement  arrive  très  fréquemment  aux  ouvriers  employés  dans  les 
fabriques  d'allumettes  phosphoriques  ordinaires.  C'est  pour  éviter 
tous  ces  dangers  que  beaucoup  de  gouvernements  ont  fait  des  lois 
très  sévères  défendant  la  fabrication  d'allumettes  non-amorphes. 
On  obtient  le  phosphore  amorphe  ou  phosphore  rouge,  qui  est  la 
variété  bêta  (B),très  facilement  :  on  n'a,  pour  cela,  qu'à  faire  chauffer, 
pendant  plusieurs  heures,  le  phosphore  ordinaire  à  une  température 
comprise  entre  230  et  250e  C  dans  un  gaz  qui  n'a  pas  d'action 
chimique  sur  lui,  comme,  par  exemple,  dans  le  gaz  oxide  carbonique. 
L'action  de  ce  degré  modéré  de  chaleur  lui  fait  prendre,  petit  à  petit, 
une  couleur  rouge  de  chocolat  et  lui  enlève  en  même  temps  toute 
propriété  toxique  et  toute  odeur.  Dans  cet  état  allotropique,  il  ne 
s'oxide  pas  facilement  à  l'air  et,  par  conséquent,  il  n'est  pas  suscep- 
tible de  s'enflammer  spontanément,  ni  d'empoisonner  le  sang  en  le 
privant  de  son  oxigène,  aussi  peut-o*  le  manier,  l'introduire  dans 
la  bouche  ou  le  porter  dans  la  poche  impunément.  Le  phosphore 
amorphe  ne  peut  pas  être  chauffé  au-dessus  de  250  à  2(30°  C. 
sans  passer  à  l'état  liquide  et,  chose  étrange,  arrivé  à  ce  point,  il 
revient  à  la  condition  non-amorphe,  c'est-à-dire  au  phosphore  ordi- 
naire et  la  garde  à  toute  température  plus  élevée.  Mais  en  voilà 
assez  sur  le  grand  et  le  plus  important  ingrédient  de  nos  allumettes 
chimiques  ordinaires.  Si,  maintenant,  prenant  une  de  ces  allumettes 
chimiques  phosphoriques,  on  la  frotte  légèrement  mais  rapidement 
sur  une  surface  quelconque,  sèche,  dure,  un  peu  rugueuse,  la  matière 
phosphorée  prend  feu  soudainement  accompagné  d'un  petite  déto- 
nation, comme  un  feu  d'artifice  en  miniature.  Le  phosphore,  se 
combinant  instantanément  avec  l'oxigène  de  l'air,  forme  un  composé 
qui  est,  lui  aussi,  toxique:  aussi  est-il  bon  de  ne  pas  se  mettre  sous 
le  nez,  les  allumettes  en  première  ignition.  On  donne  à  ce  composé 
le  nom  d'acide  phosphorique  a  nli  ydre.  La  matière  phosphorée  en 
ignition  activée,  comme  elle  l'est,  par  le  chlorate  de  potassium,  le 
bi-oxide  de  manganèse  et  le  minium  qui  abandonnent  alors  une  par- 
tie notable  de  leur  oxigène,  communique,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  vu,  son  inflammation  au  soufre  et  le  soufre  au  bois  tendre  et 
sec  de  l'allumette,  ce  qui  nous  donne  un  temps  suffisant  pour  allu- 
mer notre  bougie  de  cire.  La  voilà  enflammée  :  mais  comment  cela 
s'est-il  opéré  ?  Il  faut  d'abord  se  rappeler  que  notre  bougie  de  cire 
se  compose  de  deux  parties  très  distinctes  :  une  mèche  en  coton  non 
tressée  simplement  tordue,  la  cire  plus  ou  moins  pure  qui  entoure 
cette  mèche.     Ces  deux  matières  sont  combustibles   à  des   degrés 


13 

-différents,  mais  la  première  est  seule  inflammable  ce  qui   vient  de 
sa  nature  végétale. 

L'allumette  en  vive  ignition,  mise  en  contact  avec  le  bout  supé- 
rieur sec  de  la  mèche  de  la  bougie,  l'enflamme  aussitôt  ;  toute  la 
mèche  serait  bien  vite  consumée,  si  sa  combustion  n'était  ralentie  et 
arrêtée  par  l'amas  de  cire  qui  l'entoure  dans  toute  sa  longueur,  qui 
ne  brûle  pas  par  elle-même  et  qui  ne  se  consume,  à  l'aide  d'un  subs- 
tance végétale,  que  difficilement  et  lentement  vu  sa  nature  animale. 
Ici,  admirez  ce  qui  va  se  produire.  Aussitôt  que  la  mèche*  est  allu- 
mée, la  chaleur  que  la  combustion  dégage  établit  un  courant  d'air 
entre  le  siège  de  la  chaleur  et  les  strates  de  l'atmosphère  environ- 
nante. Ce  courant  d'air,  de  bas  en  haut,  tient  les  bords  de  la  bougie 
refroidis,  tandis  que,  vers  le  centre  où  est  la  mèche  enflammée,  la 
cire,  qui  s'y  trouve,  se  fond  petit  à  petit  et  se  consume  lentement  et 
uniformément,  produisant,  par  le  fait  même,  une  concavité  en  forme 
de  petit  godet  dont  les  rebords  élevés  empêchent  l'excès  de  la  cire  en 
fusion  de  s'écouler  le  long  de  la  bougie.  Pour  cela,  il  faut  que  l'air 
environnant  soit  tranquille  ;  car,  s'il  en  était  autrement,  c'est-à-dire 
si  la  flamme  était  tourmentée,  on  verrait  bien  vite  un  des  rebords 
de  la  bougie  se  fondre  plus  rapidement  que  les  rebords  opposés  ; 
alors  il  s'établirait  une  issue  par  où  s'écoulerait  incessamment  le 
liquide  en  fusion  et,  tout  en  formant  des  dépôts  le  long  de  ce  côté 
de  la  bougie,  il  produirait,  de  l'autre  côté,  des  élévations  en  forme  de 
crête  ou  d'échancrure.  Ce  même  accident  arriverait  aussi  si  la 
mèche  n'occupait  pas  le  vrai  centre  de  la  bougie,  c'est-à-dire 
s'il  y  avait  plus  de  cire  d'un  côté  de  la  mèche  que  de  l'autre,  et 
encore  si  la  bougie  n'était  pas  tenue  dans  une  position  verticale  ; 
car,  la  flamme  elle-même,  dans  l'air  tranquille,  prend  et  garde  tou- 
jours cette  direction.  Plus  la  cause  ou  les  causes  de  cet  effet,  sinon 
désastreux  du  moins  disgracieux,  durent,  plus  le  mal  augmente 
par  l'accumulation  constamment  croissante  de  ciré  fondue  déposée, 
par  le  refroidissement,  le  long  d'un  des  côtés  de  la  bougie.  Cepen- 
dant comme  l'accumulation  d'une  certaine  quantité  de  la  cire  fondue 
dans  le  godet  ou  concavité  de  la  bougie,  limite,  par  degrés  presque 
insensibles,  la  combustion  de  la  mèche  par  mode  d'extinction  de  la 
flamme  à  sa  partie  inférieure,  il  s'ensuit  que,  lorsqu'il  se  fait  un 
déversement  du  liquide  qui  toujours  à  l'état  normal  remplit  pres- 
que le  godet,  la  flamme  se  trouve,  par  là  même,  -  considérablement 
augmentée  en  s'emparant  d'une  plus  grande  étendue  de  la  mèche 
qui  ne  se  trouve  plus,  pour  le  moment,  immergée  dans  la  cire  liquide 


14 

Mais,  d'un  autre  côté,  le  liquide,  en  s'écoulant,  s'est  condensé  par  le* 
refroidissement  et  s'est,  pour  ainsi  dire,  figé  le  long  de  la  bougie. 
Ces  dépôts  formeront  des  colonnettes  lorsque  la  chaleur  de  la 
flamme  les  atteindra,  car  il  est  évident  que  la  chaleur  fondra  plus 
vite  aux  endroits  où  il  y  aura  une  moindre  épaisseur  de  cire  et  où. 
la  distance  du  centre  est  plus  grande..  C'est  ce  qu'il  faut  avoir  soin 
d'éviter  par  motifs  d'économie,  de  propreté,  d'esthétique,  soit  en 
tenant  la  bougie  dans  une  position  verticale,  soit  en  empêchant  des 
courants  d'air  qui  feraient  incliner  la  flamme  plus  d  un  côté  que  de 
l'autre,  et,  pour  cela,  on  n'aurait  qu'à  entourer  la  bougie  d'un  petit 
globe  de  verre  soutenu  par  une  galerie  assujettie  à  la  bougie  et  pou- 
vant s'élever  ou  s'abaisser  à  volonté.  La  chaleur  de  la  mèche 
enflammée,  non-seulement  fait  fondre  la  cire  qui  remplit  constam- 
ment plus  ou  moins  complètement  le  godet  ou  concavité,  mais  aussi 
cause  l'ascension  graduelle,  le  long  de  la  mèche,  d'une  petite  partie 
de  la  cire  liquéfiée  qui  est  brûlée  au  contact  de  la  flamme,  et  qui, 
par  là  même,  entretient  et  régularise  la  combustion  tout  en  produi- 
sant une  notable  augmentation  de  chaleur  et  de  lumière  et  en  empê- 
chant que  la  mèshe  ne  brûle  ou  ne  se  consume  plus  bas  qu'il  ne  faut. 
Admirable  exemple  d'ajustement  ou  d'équilibre  entre  les  parties 
contingentes  qui  se  limitent  et  se  régularisent  l'une  l'autre,  et  n'en- 
vahissent pas  plus  qu'il  ne  faut  le  domaine  de  l'une  et  de  l'autre. 
Mais  si  l'ascension  du  liquide,  le  long  de  la  mèche,  se  faisait  trop 
rapidement  et  en  trop  grande  quantité,  la  flamme  diminuerait  et 
pourrait  même  finir  par  s'éteindre  tout  à  fait.  Il  faut  donc  que  le 
volume  de  la  mèche  soit  proportionne  à  celui  de  la  cire  qui  l'entoure 
pour  produire  l'effet  d'illumination  désirable.  Venons-en,  mainte- 
nant, à  la  combustion  :  c'est  là,  peut-être,  le  plus  important  et  le 
plus  intéressant  de  notre  sujet.  Voyons  ce  que  c'est  que  la  combus- 
tion, comment  elle  se  fait  et  ce  qui  en  résulte.  Nous  allons  faire  un 
peu  de  chimie  pratique.  La  combustion,  dans  le  sens  ordinaire  du 
mot,  est  cette  action  chimique  qui,  dans  les  combinaisons,  dissipe  les 
matières  combustibles  avec  dégagement  de  chaleur,  de  lumière  et 
probablement  d'électricité.  La  combustion,  clans  le  sons. entendu 
par  les  chimistes,  a  un  caractère  plus  général  :  elle  s'entend  de  toute 
action  chimique,  vive  ou  lente  avec  évolution  plus  ou  moins  évi- 
dente et  rapide  de  chaleur  et  de  lumière,  qui  résulte  dans  les  combi- 
naisons avec  un  constituant  ou  tous  les  constituants  de  l'atmosphère 
gazeuse  ambiante,  ou  avec  quelques  autres  éléments  d'une  nature 
comb arante.     Dans  le  premier   sens,  la   combustion   est   toujours 


15 

l'union  directe  et  énergique  d'un  corps  combustible  en  présence  de- 
l'oxigène,  c'est  ce  qui  a  lieu  très  généralement.  Dans  le  second  sens, 
le  support  de  la  combustion  peut  être  tout  autre  que  l'oxigène  ;. 
c'est  ainsi  que  le  phosphore.,  l'arsenic,  l'antimoine,  etc.,  brûlent  dans 
le  chlore  à  la  température  ordinaire  ;  que  l'hydrogène,  le  fer,  le  cui- 
vre, etc.,  se  consument  dans  la  vapeur  de  soufre  fortement  échauffée. 
Pour  le  chimiste,  que  le  bois  brûle  avec  violence  à  l'air  libre  dans 
nos  fournaises,  ou  qu'il  se  décompose  lentement  sans  presque  aucun 
dégagement  sensible  de  chaleur  et  de  lumière,  dans  nos  bois  humi- 
des ou  même  sous  l'eau,  phénomène  appelé  érémacausis  ;  que  le  fer 
brûle  vivement  dans  l'oxigène  pur  ou  qu'il  se  décompose  lentement 
daus  un  atmosphère  humide,  formant  ce  que  l'on  nomme  rouille  en 
langage  vulgaire,  ou  peroxide  de  fer  hydraté  dans  le  langage  des 
chimistes,  tout  cela  est  combustion.  Ajoutons  que  dans  toute  com  • 
bustion,il  y  a  combinaison  entre  les  différents  corps  présents,  c'est- 
à-dire  changement  absolu  et  radical  des  diverses  propriétés  physi- 
ques de  ces  mêmes  corps  en  combustion.  C'est  en  cela  principale- 
ment que  consiste  la  différence  que  l'on  distingue  entre  la  combus- 
tion et  l'ignition  :  car,  dans  cette  dernière  action,  il  ne  s'opère  pas 
de  combinaison  et  il  y  a,  en  outre,  un  dégagement  notable  de  cha- 
leur et  de  lumière  qui  est  toujours  ou  rouge-brun,  ou  rouge-cerise, 
ou  rouo-e-blanc.  La  combustion  se  distingue  aussi  de  l'inflammation 
où  cette  dernière  produit  toujours  une  lumière  très  apparente  et 
considérable  sans  aucun  changement  chimique.  Voilà  des  distinc- 
tions qu'il  était  utile  de  faire  afin  de  ne  pas  confondre  des  termes 
qui  sont  loin,  strictement  parlant,  d'être  synonimes,  ainsi  que  nous 
venons  de  le  voir. 

Mais  tenons-nous-en  à  la  combustion  telle  qu'on  l'entend  généra- 
lement et  telle  qu'elle  a  lieu,  par  exemple,  dans  notre  bougie  en 
ignition.  Les  corps  les  plus  combustibles  sont,  parmi  les  liquides, 
toutes  les  huiles  soit  végétales,  soit  animales,  soit  minérales,  comme 
celles.de  colza,  d'olive,  de  thérébenthine,  de  lard,  de  baleine,  de  pé- 
trole, etc.,  etc.,  et  parmi  les  solides,  tous  les  bois,  tous  les  sucs  rési- 
neux ou  ciriers,  le  myrica  cerifera  des  botanistes,  la  cire  végétale,  la 
paraffine,  la  stéarine,  et  une  foule  d'autres  substances,  tant  du  règne 
végétal  que  du  règne  animal,  et  même  quelques-unes  du  règne 
minéral,  telles  que  le  soufre,  le  phosphore  et  jusqu'au  diamant  lui- 
même  qui  brûle  et  se  consume  dans  un  flacon  plein  d'oxigène  purr 
après  avoir  été  préalablement  chauffé  au  moyen  du  chalumeau  à 
gaz  oxigène,  jusqu'à  l'incandescence. 


16 

Après  avoir  défini  la  combustion,  voyons  maintenant  comment 
^elle  se  fait  dans  notre  bougie,  comment  d'ailleurs  elle  s'opère  dans 
.tous  les  corps  comburants. 

Pour  produire  la  combustion  et,  partant,  l'inflammation  dans  de 
bonnes  conditions,  il  faut  :  1°  que  notre  bougie  soit  déposée,  soit  sur 
un  chandelier,  soit  sur  tout  autre  appareil  dans  une  position  verti- 
cale ;  2°  que  l'air  environnant  soit  tenu  à  l'état  de  repos  ou  de  calme. 
Cela  fait,  on  approche  de  la  mèche  de  coton  qui  dépasse  en  haut  un 
peu  la  cire  dont  elle  est  enveloppée  comme  d'un  enduit  d'une  épais- 
seur exacte  et  uniforme  dans  toute  sa  longueur,  un  corps  quelconque 
en  ignition,  une  allumette,  par  exemple.  Le  corps  igné  communi- 
que vite  sa  flamme  à  la  mèche  qui  ensuite  brûle  d'elle-même,  ali- 
mentée et  régularisée,  comme  on  a  dit  tout  à  l'heure,  par  la  cire  qui 
l'entoure,  jusqu'à  complète  destruction  de  toute  la  bougie,  qui  alors 
nécessairement  s'éteint  faute  absolue  de  combustible.  Voyons  de  près 
cette  flamme  et  essayons  de  l'analyser.  On  voit,  d'abord,  qu'elle 
nous  présente  la  forme  d'un  cône  plus  ou  moins  allongé  dont  la  base 
arrondie  et  un  peu  déprimée  plonge  par  son  extrémité  inférieure 
dans  la  petite  masse  de  cire  en  fusion  contenue  dans  la  dépression 
qu'elle-même  cause  par  sa  propre  chaleur  et  qui,  tout  en  l'alimen- 
tant d'une  manière  régulière,  économique  et  continue  par  cette 
force  qu'on  appelle  attraction  capillaire,  empêche  la  mèche  enflam- 
mée de  brûler  trop  rapidement  jusqu'au  bas  en  l'éteignant  partielle- 
ment, graduellement  et  continuellement.  C'est  ainsi  que  la  portion 
de  la  mèche  en  ignition  se  consume  lentement  à  son  bout  supérieur, 
et  est  éteinte  constamment  à  sa  partie  inférieure  qui  se  trouve  im- 
mergée dans  la  cire  fondue.  C'est  là  une  opération  merveilleuse 
qui  démontre,  une  fois  de  plus,  que  la  nature,  en  mère  toujours  sage 
et  prévoyante,  sait ,  sans  jamais  se  tromper  parce  qu'elle  a  pour 
auteur  Celui  qui  joint  à  sa  toute-puissance  une  infinie  sagesse,  adap- 
ter les  moyens  convenables  pour  atteindre  des  fins  très  utiles  à  l'éco- 
nomie générale  et  au  bien-être  de  l'homme  en  vue  de  qui  toutes  les 
choses  ds  ce  monde  ont  été  créées. 

Mais  revenons  à  notre  flamme  ;  elle  se  compose,  ainsi  que  vous 
pouvez  facilement  vous  en  convaincre  en  la  regardant  attentivement 
de  près,  d'un  petit  cône  noir  dans  son  centre  :  cette  partie  noire 
n'est  autre  chose  qu'un  gaz  inflammable  composé  d'hydrogène  et  de 
carbone  que  n'atteint  pas  l'oxigène  de  l'air  et  qui,  par  conséquent, 
ne  brûle  pas.  Ce  cône  noir  n'existe  pas  dans  la  flamme  de  la  lampe 
d'Argant,  parce  que  cet  inventeur  ingénieux  a  imaginé  et  fabriqué 


17 

Une  mèche  de  forme  cylindrique  qui  admet  un  courant  d'air  tout 
autour  d'elle  intérieurement  et  extérieurement,  ce  qui  n'a  pas  lieu 
dans  nos  mèches  solides  ordinaires.  Autour  de  ce  cône  noir  qui 
enveloppe  le  bout  de  la  mèche  calciné  et  non  consumé,  il  y  a  un 
autre  cône  d'une  lumière  et  d'une  chaleur  intense.  C'est  là,  propre- 
ment dit,  le  vrai  foyer  de  la  flamme. 

Voyons  un  peu  comment  cela  s'opère.     Je  Vous  ai  déjà  dit  que  la 
cire,  le  combustible  en  question,  est  d'abord  fondue  puis  attirée  et 
enfin  vaporisée  par  l'action  directe  de  la  chaleur  de  la  mèche  enflam- 
mée.    Cette  vapeur  hydro- carbonée   s'amoncelant  autour  du   bout 
de  mèche  calciné,  est  trop  épaisse  pour  être  complètement  atteinte 
par  l'oxigène  de  l'air  qui  constitue,  ici  du  moins,  le  seul  support  de 
la  combustion.     Ce  gaz  ne  peut  atteindre  que  la  couche  extérieure 
de  la  vapeur  condensée  composée  de  carbone  et  d'hydrogène  :   mais 
l'oxygène  n'attaque  pas  le  composé  gazeux  avec  le  même  degré  de 
force,  car  il  a  plus  d'affinité  avec  l'hydrogène  qu'avec  le  carbone.  Il 
s'ensuit  naturellement  que,  saisissant  rapidement  l'hydrogène  de  la 
vapeur  condensée  noire,  il  brûle  avec  elle    produisant  une  chaleur 
très  grande  mais  une  lumière  assez  faible  et  tirant  sur  le  bleu. 
Toutefois,  au  même  moment,  les  participes  fortement  échauffées  de 
carbone  étant  libérées,  s'échappent  et  passent  à  travers  la  flamme 
hydro-oxygénée  et  lui  communiquent  une  intensité  de  lumière  blan- 
che qu'elle  n'aurait  pas  sans  lui;  mais  ces  particules  lumineuses  de 
carbone  ne  font  que  passer  à  travers  la  flamme  oxy-hydrogène  sans 
y  être  consumées  et  arrivent  à  l'extérieur  où  elles  rencontrent  de 
l'oxygène  pur,  l'oxygène  de  l'air  avec  lequel  elles  forment  un  com- 
posé qui  n'est  autre  que  le  dioxide  de  carbone,  vulgairement  appelé 
acide  carbonique,  qui  est  toujours  et  partout  un  des  constituants  de 
l'air  atmosphérique  dans  la  proportion  moyenne  et  normale  de   4 
parties  sur  10,000.     Cela  forme  un  troisième  cône,  appelé  le  "  man- 
teau" d'une  luminosité  et  d'une  chaleur  moindres  que  le  précédent 
On  remarque  que,  vers  la  base  bombée  de  ce  troisième  cône,  la  flamme 
prend  une  teinte   bleuâtre  et  perd  de  son  éclat  :    cela  tient,   sans 
doute,  à  l'abondance,  vers  ce  point,  de  l'oxygène  qui  brûle  simulta- 
nément et  l'hydrogène  et  le  carbone  de  la  vapeur  concentrée  inflam- 
mable du  centre.     Si,  par  un  moyen  mécanique  comme,  par  exem- 
ple, en  promenant  ou  agitant  vivement  la  flamme  d'une  bougie  dans 
l'air  libre,  on  accumule  de  l'oxygène,  on  voit  tout  de  suite  que  la 
flamme  perd  de  sa  puissance  d'illumination  et  devient  bleuâtre  de 
blanche  qu'elle  était  auparavant, tout  en  gagnant  en  force  calorique. 

2 


18 

Voilà  donc  comment  se  fait  la  combustion  dans  notre  bougie  de  cire 
et  quelle  est  la  structure  de  la  flamme  qu'elle  émet. 

Voyons,  en  dernier  lieu,  quels  sorit  les  produits  et  le  résidu  de 
cette  combustion  :  pour  cela,  deux  mots  suffiront.  Ce  serait  une 
erreur  grossière  de  supposer  que  la  combustion,  ou  tout  autre  agent 
soi-disant  destructeur,  pût  anéantir  quoique  ce  soit  dans  la  nature. 
L'indesfcructibilité  de  la  matière  est  tout  aussi  impossible  aux  forces 
de  la  nature  que  sa  formation  du  néant.  L'homme  n'a  jamais  anni- 
hil :  et  n'annihilera  jamais  la  moindre  particule  de  matière.  Il  n'ap- 
partient absolument  qu'à  Dieu  seul,  qui  a  tiré  toutes  choses  du  néant, 
'àe  les  rendre  à  la  condition  de  non-être.  Vous  prenez  une  paille 
légère,  très  sèche,  vous  y  mettez  le  feu  :  en  moins  d'une  seconde 
elle  est  réduite,  semble-t-il,  à  rien.  Détrompez-vous  :  vous  n'avez 
rien  détruit,  absolument  rien,  et  il  y  a  exactement  autant  de  matière 
après  la  combustion  qu'auparavant.  Vous  n'avez  fait  subir  au  brin 
de  paille  qu'une  désorganisation,  ou  une  altération  dans  l'arrange- 
ment de  ses  ingrédients  constitutifs  :  voilà  tout.  Il  y  avait  dans 
cette  festicule  de  chaume  un  nombre  déterminé  d'atomes  d'oxygène, 
d'hydrogène,  de  carbone,  de  fer  et  d'autres  matières  minérales,  le  tout 
sous  une  forme  concrète.  Par  l'effet  de  la  combustion,  l'oxygène  et 
l'hydrogène  ont  été  restitués  à  l'air  sous  la  forme  de  vapeur  blan- 
che, le  carbone,  en  partie,  sous  forme  d'acide  carbonique  à  l'état  de 
•'gaz  et  une  autre  partie,  à  l'état  solide  sous  forme  de  petites  parcel- 
les noires,  s'est  dissipée  dans  l'air  en  légère  fumée  ;  il  n'est  resté 
qu'un  peu  de  cendres  où  se  trouvent  toutes  les  matières  minérales 
que  contenait  le  brin  de  paille  :  fer,  silice  et  bien  d'autre  minéraux 
encore  qui  donnent  à  la  paille'  sa  consistance  et  sa  rigidité,  qui 
même  fait  une  coupure  au  doigt  comme  le  ferait  un  rasoir,  lorsque 
'l'on  essaie  de  la  rompre,  surtout  la  paille  ou  chaume  triangulaire  de 
ces  plantes  marécageuses  appelées  laiches  ;  le  fer  lui  donne  la  con- 
'  sistance  et  le  silice,  sous  forme  de  très  petites  spicules,  cause  la  cou- 
pure.    Je  reviens  à  mon  sujet. 

La  combustion  de  notre  bougie,  tout  en  la  désorganisant  complè- 
tement, n'a  détruit,  cependant,  aucun  de  ses   éléments  constitutifs  : 
on  les  retrouve  très  intégralement,  comme  dans  notre  brin  de  paille, 
en  nombre  et  en  poids  exactement  les  mêmes  sous  une  forme  ou 
•  sous  une  autre,simples  ou  composés.     Absolument  rien  n'a  disparu, 
'  excepté  la  forme  et  les  autres  propriétés  physiques  de  la  bougie  qui, 
'naturellement,  n'existent  plus  ou  n'existent  que  soiis  d'autres  côm- 
1  binaisons  opérées  par  le  fait  de  la  combustion. 


19 

Voyons  ce  que  les  divers  éléments  de  la  cire  et  de  la  mèche  de 
coton  (seules  matières  en  combustion)  sont  devenues.  Le  coton  n'est 
autre  chose  que  de  la  cellulose  dont  la  formule  est  :  C  18  H  30  O  15 
formant  un  poids  atomique  de  486  comparé  au  poids  d'un  atome 
d'hydrogène,  c'est-à-dire  qu'une  molécule  de  cellulose  pèse  486  fois 
plus  qu'un  atome  de  cet  élément  qui  est  pris  pour  terme  de  compa- 
raison pour  tous  les  éléments.  La  cire  contient  les  mêmes  éléments 
que  la  mèche,  mais  en  nombre  d  atomes  différents  :  la  formule  de  la 
cire  étant  ,  comme  nous  l'avons  dit  au  commencement  de  cette  con- 
férence, C  55  H  52  O  3.  Ces  deux  substances  combustibles,  brûlant 
en  présence  et  par  l'action  directe  de  l'oxygène,  doivent  concourir, 
il  est  évident,  à  produire  de  l'eau  sous  la  forme  de  vapeur  et  de 
l'acide  carbonique.  On  démontre  la  production  de  l'eau  en  tenant, 
au-dessus  de  la  flamme,  une  cloche  froide  et  sèche  :  l'on  voit  bien- 
tôt cette  cloche  se  ternir  de  plus  en  plus  par  les  particules  de  vapeur 
d'eau  qui  adhèrent  à  ses  parois  ;  on  démontre  la  présence  de  l'acide 
carbonique,  qui  est  l'autre  produit  de  la  combustion,  en  jetant  dans 
cette  même  cloche  un  peu  d'eau  de  chaux.  Si  on  agite  cette  eau  de 
chaux  qui  est  claire  comme  du  cristal,  on  la  voit  bientôt  se  troubler 
et  prendre  une  apparence  laiteuse.  Cependant  tout  le  carbone 
n'entre  pas  en  combinaison  avec  l'oxygène  pour  produire  ce  dioxyde 
dont  nous  venons  de  parler,  attendu  que  la  combustion  ne  se  fait 
qu'imparfaitement.  Une  portion  de  carbone  plus  au  moins  notable 
reste  à  l'état  naturel,  c'est-à-dire  non-combiné.  Une  partie  de  ce 
carbone,  que  le  manque  d'oxygène  n'a  pu  oxyder  ni  autrement  alté- 
rer, s'échappe  sous  forme  de  petites  lamelles  ou  filets  minces  d'une 
odeur  empyreumatique  de  couleur  noirâtre  et  luisante  et  d'une 
saveur  amère,  et  est  entraînée  dans  le  courant  d'air  que  crée  la  cha- 
leur de  la  combustion,  et  forme  la  portion  la  plus  considérable  de  la 
fumée,  c'est  la  suie  qu'il  est  facile  de  recueillir.  Il  ne  faut  pour  cela 
que  placer,  un  peu  au-dessus  de  la  flamme,  une  plaque  de  verre,  et 
bientôt  elle  noircira  et  formera  une  couche  plus  ou  moins  épaisse 
de  ce  que  l'on  nomme  noir  de  fumée,  qui  est  presque  du  carbone  pur. 
Je  dois,  toutefois,  faire  remarquer  que  la  bougie  de  cire  produit 
beaucoup  moins  de  suie  que  les  huiles  et  les  autres  corps  gras,  tels 
que  le  camphogène,  la  térébenthine,  la  poix,  le  goudron,  etc.  L'autre 
partie  du  carbone  non-combinée,  que  seule  la  mèche  de  coton  fournit, 
se  présente  à  l'état  de  calcination  au  bout  de  la  mèche  en  ignition  : 
c'est  tout  simplement  du  charbon. 

Il  me  resterait  à  traiter  de  la  nature  et  des  propriétés  physiques 


20 

et  chimiques  de  chacun  des  produits  de  la  combustion,  que  je  viens 
d'énumérer  ;  mais  cela  nous  entraînerait  trop  loin,  et  prolongerait 
cette  conférence  outre  mesure.  D'ailleurs,  il  me  semble  que  l'inté- 
rêt qui  s'attachait  à  notre  Bougie  n'a  plus  raison  d'être,  puisque  la 
voilà  maintenant  toute  fondue,  toute  consumée,  toute  disparue  en 
tant  du  moins    que  corps  spécifique  distinct  d[e    tous  les  autres 

corps. 

J.  C.  C. 


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